^ v^^-/' ;■>j^■::^*v^'-:■■
THE LIBRARY
The Ontario Institute
for Studies in Education
Toronto, Canada
^^b-.*" "^ 6
:^
\JÀ A-."'-: . ïk
DICTIONNAIRE
DE PÉDAGOGIE
ET
D'INSTRUCTION PRIMAIRE
iCa=a ^
1. 1
1970
FCn : .
- <
C O R B r. 1 L .
KT STEU. CRETE.
DICTIONNAIRE
DE PÉDAGOGIE
D'INSTRUCTION PRIMAIRE
pcbmf: sous i.a direction de
F. BUISSON
agrégé de l'UniTersité
Inspecteur général de l'enseignement primaire
AVEC LE CONCOURS D L'N GRAND NOMBRE DE COLLABORATEURS
MEMBUKS DE L'iNSTITUT, PUBLICISTES
FONCTIONNAIRES DE l'iNSTRL'CTION PUBLICITE, INSPH;CTEURS, PROFESSEURS
ET INSTITUTEURS DE FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ir PARTIE
TOME PREMIER
DEUXIEME TIRAGE
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET C'
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
18SG
Droits do traduction et de ri-production réservés.
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/dictionnairedep12buis
PRÉFACE
DE LA DEUXIEME PARTIE
ViQ Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire est un recueil des-
tiné à servir de guide théorique et pratique à tous ceux qui s'occupent d'en-
seignement primaire.
Il se compose de deux parties distinctes, formant chacune un ouvrage in-
dépendant.
La PKE.MiÈRE PARTIE Comprend les doctrines, la législation, l'histoire de l'en-
seignement: c'est, à proprement parler, un vaste traité de pédagogie théori-
que disposé sous la forme de recueil d'articles par ordre alphabétique.
La DEUXIÈME PARTIE — Celle que nous présentons au lecteur dans ces deux
volumes — faitl'application des principes pédagogiques aux diverses matières
de l'enseignement et constitue ainsi un cours complet d'instruction primaire,
non pas à l'usage des élèves, mais à l'usage des maîtres.
Cet ouvrage offre une sorte d'encyclopédie pralique des connaissances né-
cessaires ou utiles à l'instituteur et au professeur d'école normale: il est pour
eux ce qu'est pour l'homme du monde le Dictionnaire de la co?iversation, ou
encore ce que sont, pour les professeurs spéciaux d'histoire, de sciences ou de
littérature, les Dictionnaires de Bouillet ou de Yapereau.
Seulement, tandis que ces dictionnaires se composent d'autant d'articles
qu'il y a de noms propres à recueillir, celui-ci divise la matière de chaque
enseignement en un certain nombre de groupes ou de chapitres, formant au-
tant d'articles distincts.
Ce n'est pas à proprement parler un dictionnaire de mots, mais un diction-
naire de leçons. Autant il y a dans chaque science de grands sujets à traiter,
autant on trouvera d'articles fournissant à l'instituteur les éléments de la
leçon ou de la série de leçons qu'il y devra consacrer. Cette disposition a l'a-
vantage d'éviter un grand nombre de répétitions et de permettre une étude
plus approfondie, plus ample et plus personnelle de chaque question. Elle
serait incommode pour l'homme du monde cherchant rapidement une date ou
un fait; elle tromperait l'attente d'un candidat impatient d'obtenir le ren-
seignement précis dont il a besoin et rien de plus : mais ceux, au contraire,
auxquels le Dictionnaire s'adresse, l'homme d'études, le professeur qui pré-
pare sa leçon, l'instituteur qui veut étendre et fortitler son savoir, l'élève
d'école normale qui achève et révise tous ses cours et qui veut digérer les
connaissances dont son esprit s'est chargé, tous ceux-là trouveront dans ce
Dictionnaire le genre de secours qu'ils demandent et la distribution de ma-
tières qui peut le mieux, croyons-nous, seconder leurs studieux efforts.
— II —
Veulent-ils en effet entreprendre tout d'une haleine la révision d'un ordre
quelconque d'enseignement, de l'arithmétique par exemple? Ils se repor-
tent à l'article Arithmétique ; cet article contient un programme ou un
f)lan du cours, qui leur indiquera la succession méthodique des leçons et
e mot auquel ils trouveront chacune d'elles : d'abord Numération, puis
Addition, Soustraction, etc., et ainsi de suite jusqu'aux Logarithmes, aux
Amortissements, et aux questions de Banque. Veulent-ils au contraire revoir
non plus tout le cours, mais une question spéciale en vue de l'enseignement ?
Ils recourront, cette fois encore, au mot général Arithmétique, chercheront
dans le programme, qui est en même temps la table des articles spéciaux,
à quel mot est traitée la question dont il s'agit, et trouveront, dans l'article
spécial indiqué, non pas une définition isolée ou un renseignement de détail,
mais l'ensemble du sujet exposé avec les développements d'un enseignement
complet, élevé et méthodique. Le Dictionnaire leur donnera ordinairement
plus qu'ils n'auront eux-mêmes à enseigner ; mais c'est l'esprit même des
réformes scolaires contemporaines de ne pas proportionner la culture du
maître aux nécessités étroites de son enseignement journalier, mais à ce
qu'il doit savoir lui-même pour être en état de choisir, parmi les connais-
sances et parmi les méthodes, celles qui répondent aux besoins et aux facultés
de ses élèves.
Nous avons donné en outre un certain nombre de modèles d'exercices pra-
tiques, de lectures et de dictées, et un choix de questions et de sujets em-
pruntés aux examens du brevet de capacité, du certificat d'études, et des
concours cantonaux ; mais, pour ne pas dépasser les limites qui s'imposaient
à nous, il a fallu nous borner, et nous contenter de quelques spécimens qui
suffiront à indiquer aux maîtres la voie à suivre.
Une entreprise aussi considérable que la rédaction de cette espèce d'ency-
clopédie de l'instruction primaire exigeait, pour être menée à bonne fin, le
concours d'un grand nombre de collaborateurs. Nous avons été assez heu-
reux pour pouvoir associer à cette œuvre des hommes d'une compétence
incontestée, et parmi lesquels figurent plusieurs des maîtres de la science ;
nous leur adressons ici nos plus chaleureux remercîments pour l'appui qu'ils
nous ont prêté : c'est grâce à leur bienveillante coopération que nous pou-
vons offrir au personnel de l'enseignement primaire un instrument de travail
qui, nous osons l'espérer, ne lui sera pas inutile.
LISTE DES COLLABORATEURS
DE LA DEUXIEME PARTIE
Alcert (Paul), professeur au Collège de France.
AsTuuc (E.-A.), grand-rabbin honoraire de Belgique.
Ayer (Cyprien), professeur à l'Académie de Neu-
cliâlel.
Banaré (A.), capitaine de frégate.
BAnRAL(J. -A.), directeur du Journal d'agriculture.
BÉNÉDiTE iL.), publiciste.
Berger (B. ), inspecteur général, directeur du
Musée pédagogique.
Bert (Paul), professeur à la Faculté des sciences
de Paris.
Bertillon (Jacques), publiciste.
Bertin (V.), aide-naturaliste au Muséum.
Bertrand (G.-E.), professeur à la Faculté des
sciences de Lille.
Bigot (Ch.), publiciste.
Blanchet (Désiré), professeur au lycée Charle-
magne.
Borel (Eugène), directeur du bureau iniernational
de l'Union postale, à Berne.
Bos (H.), inspecteur d'académie.
Bougueret (A.), agrégé de l'enseignement spécial,
professeur au lycée Saint-Louis.
BouLART (R.), préparateur au Muséum.
Bousquet (J.), préfet des études à l'Ecole nor-
male d'instituteurs de la Seine.
BouTAN (A.), inspecteur général de l'enseignement
secondaire.
Bovier-La pierre (G.), ancien professeur à l'Ecole
de Cluny.
Bréal (Michel), membre de l'Institut.
Buisson (B.), examinateur à l'Université de Londres.
Burat (E.), professeur au lycée Louis-le-Grand.
Burnouf (Emile), ancien directeur de l'Ecole fran-
çaise d'Athènes.
Cadet (F.), inspecteur général.
CANO.\viLLE(Thomas),professeurau lycée de Rouen.
Carrau (Ludovic), professeur de philosophie à la
î'aculté des lettres de Besançon, maître de con-
férences à la Faculté des lettres de Paris.
Carrive (Pierre), avocat.
Clerc (H.), inspecteur primaire à Paris.
CocHERis (M™'' P.-W.1, membre de la commission
d'examen pour l'enseignement de la coupe et de
l'assemblage.
CoMPAYRÉ (G.), professeur de philosophie à la
Faculté des lettres de Toulouse.
Cougny (A.), inspecteur du dessina Paris.
CucuEVAL (Victor), professeur à la Faculté des
lettres de Paris.
CuissART (E.), inspecteur primaire à Paris.
Dacosta (E.), professeur libre.
Dalséme (J.), professeur à l'Ecole normale d'in-
stituteurs de la Seine.
Danhauser (A.), inspecteur principal du chant
dans les écoles de la ville de Paris.
Dastre (A.), professeur suppléant à la Faculté des
sciences de Paris et maître de conférences à
l'École normale supérieure.
Debidour (a.), professeur h la Faculté des lettres
de Nancy.
Defodox (Ch.), rédacteur en chef du Manuel gé-
7iéral de Vinstruclion publique.
Dei-acourtie (E.), avocat.
Delon (Ch.), professeur libre.
Desor (K.), professeur honoraire de l'Académie de
Neuchâtel.
Desprez 'Adrien), publiciste.
Du Breiil, professeur d'arboriculture.
Ducoudray (G.), bibliothécaire du ministère de
l'instruction publique.
Dupaigne (A.), inspecteur primaire à Paris.
Durand (C.-F.), homme de lettres.
DuRUY (Victor), mem'ore de l'Institut.
Dussouchet (J.), professeur au lycée -de Vanves.
Feuilleret (P.), professeur au lycée de Bordeaux.
Flammarion (Camille), astronome.
Foncin (P.), inspecteur général de l'enseignement
secondaire.
Frary (Raoul), publiciste.
Gasztowtt (V.), professeur libre.
Georges (H.), ancien chef d'institution.
Géraxdo (A. de), publiciste.
Gérardin (Alfred), inspecteur général.
Gervais (H.), membre de l'Institut, professeur au
Muséum.
Girard (Maurice), professeur agrégé de l'Univer-
sité.
Gourraigne (L.-G.), professeur au Ij'cée Fon-
tanes.
Guillaume (J.), secrétaire de la rédaction du Die
tiomidire de pédagogie .
Guillemin (A.), astronome.
Hallberg (E.), professeur à la Faculté des lettres
de Toulouse.
Haraucourt, professeur au lycée de Rouen.
Hément (Félix), inspecteur primaire à Paris.
HiRscH (Al.-Aug.), inspecteur de l'enseignement
du dessin à l'administration des Beaux-Arts.
Jacquemart (A.), inspecteur primaire à Paris.
Jalliffier (B.), professeur au lycée For.tanes.
Jannettaz (E.), aide-naturaliste au Muséum.
Juglar (Clément), économiste.
Lacombe (Paul), publiciste.
Lafenestre (Georges), inspecteur de s beaux-arts.
Laffo.nt (M.), docteur en médecine.
L ARRIVÉ, publiciste.
Lataste (Fernand), licencié es sciences naturelles.
LÉGER (L.), professeur à l'École des langues orien-
tales.
Legrand (J.), professeur au lycée de Reims.
Lehlgeur <■?.), professeur au lycée Charlemagne.
Lenient (A.), directeur de l'Ecole normale d'insti-
tuteurs de la Seine.
Levasseur (E."), membre de l'Institut.
Lindenlaub (Th.), publiciste.
Loiret (Ch.), inspecteur d'académie.
Lostalot fC. de), inspecteur d'académie.
— IV —
M ABiLLE (Alfred/, chef de bureau de l'instruction
publique à l'Hôtel de ville, Bruxelles.
Magnabal (J.-G.), ancien chef de division au mi-
nistère de l'instruction publique.
Malauce (A. de), publiciste, secrétaire perpétuel
de la Société des institutions de prévoyance de
Franco.
Manuel (Eugène), inspecteur général de l'ensei-
gnement secondaire.
Marié-Davy, directeur de l'Observatoire météoro-
logique de Montsouris.
MARIO^J (H.), professeur au lycée Henri IV.
Martine (P.), professeur au lycée Fontanes.
ÛIarty-Laveaux (Ch.), archiviste-paléographe, pro-
fesseur d'histoire littéraire aux cours de l'Hôtel
de ville.
Maspéro (G.), professeur au Collège de France,
directeur au musée de Boulaq.
Meiss4,s (G,), géographe.
MELotîZAYiQ^>ç.rofesseur au lycée Fontanes.
Merlet ({y.^profusseur au lycée Louis- le-Grand.
Meunier (StaniajKL aide-naturaliste au Muséum.
MopTiiLET (G. dte^ous-directeur du Musée ar-
^h^l(S^î^U|eijd^*3illjit-Germain en Laye.
MuLLER (Luge'fre)';^|Èliotliécaire à T Arsenal.
Oger 4"^.), professeur à Sainte-Barbe.
Ous'AiftiErifpi^iS'aideJiaturaliste au Muséum.
Parvii.lée (L.'Et'M/, céramistes.
P^ssY (Frédéric)*?'/fiembre de l'Institut.
PÉCAUT l^ye), (J^cteur en médecine.
Peruens' (F. -T.), inspecteur d'académie.
Perrier (Edmond), professeur au Muséum.
Philippon (G.) , professeur au lycée Louis-Ie-
Grand.
Pigeonneau (H.), professeur suppléante la Faculté
des lettres de Paris.
Poirier (J.), aide-naturaliste au Muséum.
Polouere (Ch.), correcteur-typographe.
Pr.ESSARD (A.), professeur au lycée Louis-le-
Grand.
PuiSEux (Léon), inspecteur généra honoraire.
Rambaud (Alfred), professeur à la Faculté des let-
tres de Nancy, chargé de cours à la Faculté dos
lettres de Paris, ancien chef du cabinet du mi-
nistre de l'instruction publique.
Raulin (V.), professeur à la Faculté des sciences
de Bordeaux.
Ravaisson (FéUx), membre de l'Institut.
Reclus (Elle), publiciste.
Reclus (Elisée), géographe.
Resbecq (comte E. de Fontaine de), ancien sous-
directeur au ministère de l'instruction publique.
Réville ( Albert ) , professeur au Collège de
France.
Risleb (E.), directeur de l'Institut agronomique.
Robin (Paul), inspecteur primaire, directeur de
l'orphelinat de Cempuis.
RoDBY (Ed.), chef d'escadron d'état-major.
Roussei.et (L.), ancien secrétaire de la Société
d'anthropologie.
RoussELOï (P.), ancien inspecteur d'académie.
Rouzé (G.), professeur au lycée Louis-le-Grand.
Saffray (Ch.), docteur en médecine.
Sagnier (H,), secrétaire de la rédaction du Journal
d'agriculture.
Sauvage (E.), aide-naturaliste au ÎMuséum.
ScH.EFER (Paul), professeur au lycée Saint-Louis.
Schrader (Franz), géographe.
Sonnet (H.), inspecteur d'académie honoraire.
Steeg (Jules), publiciste.
Steenstuup (Johannes), professeur â l'Université
de Copenhague.
TopiN (Marius), inspecteur général des biblio-
thèques populaires.
Van Hamel (A.-G.";, publiciste.
Vapereau (G.)v inspecteur général.
ViLLiERS (A.), docteur es sciences.
Vincent (P.), inspecteur primaire à Paris.
ViNOT fJosepli), astronome.
Vtollet-le-Duc (E.), architecte.
Wahl (Maurice), professeur au lycée d'Alger.
Zevoht (Edgar), inspecteur d'académie.
Les articles non sianés doivent être attribués à la direction du Dictionnaire.
DICTIONNAIRE
DE PÉDAGOGIE
ET D'INSTRUCTION PRIMAIRE
(DEUXIÈME PARTIE)
KnL^ô^?^^*^
:j^,Q\>^^"' */
SJE^
ABDICATIONS. — Histoire générale, XXXIX. —
On appelle abdication l'acte volontaire par lequel
un personnage en possession du pouvoir suprême
consent à s'en dépouiller.
Les abdications volontaires, c'est-à-dire entière-
ment spontanées, sont assez peu fréquentes. L'iiis-
toire ancienne en compte deux qui sont demeurées
célèbres, celle de Sylla et celle de Dioclétien.
Ce qu'on remarqua le plus dans celle de Sylla,
ce fut que l'auteur des proscriptions, qui avait
mis à mort des milliers de citoyens romains, pris
un jour du dégoût du pouvoir, ait pu mourir en
paix dans la retraite qu'il s'était choisie sans que
nul tentât de venger sur lui ses innombrables vic-
times et de lui demander compte de tant de sang
versé (78 av. J.-C).
L'empereur Dioclétien, après un règne d'environ
20 ans, où il avait organisé la défense du monde ro-
main contre les barbares et la nouvelle constitution
de l'Empire, abdiqua (en 305 après Jésus-Christ). Il
passa les dernières années de sa vie dans ses jar-
f?ins de Salone sur les bords de l'Adriatique. « Je
n'ai commencé à vivre, disait-il, que du jour de mon
abdication ; » et comme un ami s'étonnait de sa dé-
cision : « Tu n'entreprendrais pas, lui écrivait-il, de
me faire regretter Rome, si tu voyais les belles lai-
tues que je cultive, »
Au moyen âge, la plus célèbre abdication est
celle de Louis le Débonnaire dans l'église Saint-
Médard de Soissons (83-J). Mais ce ne fut qu'une
humiliante cérémonie, imposée à ce prince faible
par des fils révoltés.
Au XYi' siècle se place une abdication qui frappa
d'étonnement tous les contemporains. Charles-
Quint, empereur d'Allemagne, roi d'Espagne, do-
minateur de l'Italie, maître des Pays-Bas, souverain
de presque toute l'Amérique alors connue, après
avoir pendant trente ans agité ou combattu l'Eu-
rope, abdiqua en 1556 et se retira dans le monas-
tère de Yuste au fond de l'Estramadure. Les mé-
comptes de la politique, le chagrin de voir les
protestants d'Allemagne qu'il avait crus domptés et
la France qu'il avait crue abattue, s'unir contre lui
dans un effort victorieux, furent pour beaucoup
2' Partie
dans cette détermination. Le Saxon Maurice avait
failli l'enlever dans Inspruck et l'avait obligé à fuir
à demi nu à travers les monts et les torrents du
Tyrol ; les Français lui avaient pris Metz, et il avait usé
inutilement, pour reprendre cette ville, une armée de
60 OOO hommes. Une certaine bizarrerie qu'il avait
dans l'esprit, et qu'il tenait de sa mère Jeanne la
Folle, lui faisait aimer ce contraste de la toute-puis-
sance et de la retraite ; il voulait &e donner à lui-
même comme un avant-goût du tombeau. Il déposa
donc, après avoir signé avec les protestants la paix
d'Augsbourg et avec Henri II la trêve de Vaucelles,
tous ses pouvoirs et toutes ses couronnes. Il laissa
l'Empire à son frère Ferdinand, le reste de ses
Etats à son fils Philippe II. Il continua néanmoins
du fond de son monastère à conduire les afi'aires
et prit jjusqu'à sa mort (1558) une part active au
gouvernement de la monarchie espagnole.
Un siècle après, en 1654, une autre abdication
eut presque autant de retentissement. La reine
Christine, à qui son père Gustave-Adolphe avait
laissé en 1632 la couronne de Suède, abandonna
volontairement le pouvoir, se convertit au catholi-
cisme et parcourut l'Europe. En France on s'é-
tonna des étrangetés de son caractère, de ce mé-
lange curieux des goûts les plus nobles et les plus
relevés avec les passions les plus violentes. La
même femme qui avait appelé en Suède le philoso-
phe Descartes et qui assistait aux séances de l'Aca-
démie, faisait décapiter pour une légère ofifenseson
écuyer Monaldeschi. En quittant la France, elle
alla se fixer à Rome, où elle resta jusqu'à sa mort.
Le XIX* siècle a vu beaucoup d'abdications, mais
bien peu qui fussent volontaires. En 1808, Charles IV,
roi d'Espagne, et son fils qui fut depuis Ferdi-
nand VII, abdiquèrent en faveur de Joseph Bona-
parte. Tous deux étaient alors sous la main de Na-
poléon, qui s'était immiscé dans leurs querelles,
avait introduit des troupes en Espagne et avait
attiré le père et le fils à Bayonne sous prétexte
d'exercer entre eux une sorte d'arbitrage. Charles IV,
qui n'avait plus guère dans l'âme d'autre passion
que la haine de son fils, abdiqua sans trop de résis-
tance. Ferdinand ne céda pas aussi facilement, et il
1
ABEILLE
— 2 —
ABEILLE
fallut une véritable contrainte pour l'y déterminer.
Six années après, Napoléon abdiquait à son tour.
Après les inutiles efforts tentés par lui dans la
campagne de France, voyant Paris occupé par les
alliés, il résigna ses pouvoirs le 6 avril 1814 en fa-
veur de son fils le roi de Rome. On ne tint aucun
compte de cette condition suprême, et le trône des
Bourbons fut restauré. Après le retour de l'île
d'Elbe et la bataille de Waterloo, une seconde abdi-
cation, conçue à peu près dans les mêmes termes,
eut les mêmes résultats. Cette fois encore Napoléon
fut remplacé par Louis XVIII.
Napoléon avait abdiqué devant l'invasion. Char-
les X, le 2 août 183ii, Louis-Philippe, le 23 février
1848, abdiquèrent devant la révolution victorieuse.
Tous deux désignèrent inutilement leur succes-
seur : Charles X son petit-fils le duc de Bordeaux,
Louis-Philippe son petit-fils le comte de Paris. Ni
l'un ni l'autre de ces princes ne fut reconnu roi.
Deux autres souverains européens furent plus
heureux dans des circonstances analogues. Le 2 dé-
cembre 1848 l'empereur d'Autriche, Ferdinand I",
se sentant incapable de résister au mouvement ré-
volutionnaire qui soulevait alors ses Etats, abdiqua
,en faveur de son neveu, François-Joseph, qui règne
encore aujourd'hui. Le 23 mars 1849, le roi de Pié-
mont, Charles-Albert, battu à Custozza, puis à No-
vare par les Autrichiens qu'il voulait chasser d'Ita-
lie, abdiqua en faveur de son fils Victor-Emmanuel.
IMaur.Wahl.]
ABEILLE.- Zoologie,XXIV.— Les abeilles appar-
tiennent à la famille des Apididés, à laquelle elles
ont donné leur nom [Apis], famille qui elle-même
fait partie de l'ordre des Hyménoptères (sous-ordre
des Aiguillonnés) : elles sont originaires des ré-
gions chaudes et tempérées de l'Ancien Continent.
Trois classes d'abeilles dans chaque espèce. — Ces
insectes constituent plusieurs espèces distinctes,
Fig. 3.
qui comprennent chacune trois sortes d'individus :
les mâles, appelés aussi faux bourdons (fig. 1), les
femelles fécondes, nommées
reines (fig. 2) et les neu-
tres, désignées sous le nom
d'ouvrières (fig. 3) ; ce sont
des femelles dont les organes
reproducteurs ont avorté.
Caractères communs à
tous les individus. — Les
abeilles ont quatre ailes, par-
courues par un petit nom-
bre de nervures ; les ailes constituant la paire
postérieure sont les plus petites. Leur tête, bien
distincte du thorax et réunie au corselet par un
cou très-petit, porte de chaque côté un œil compose
nssez grand ; on remarque, en outre, trois petits
yeux simples, disposés en triangle et placés sur la
région antérieure et supérieure du front. Les an-
tennes sont filiformes et coudées. Les palpes maxil-
laires sont formées d'un seul article ; les mâchoires
et la lèvre constituent une sorte de petite trompe
se repliant au-dessous de la tête. Le corselet porte
trois paires de pattes, dont la postérieure, chez les
ouvrières, présente à la face externe de l'article
appelé jambe une petite dépression lisse qu'on
nomme corbeille, et dans laquelle est déposé le
pollen de» fleurs rassemblé par l'animal au moyen
du duvet fin et soyeux placé sur la face externe du
premier article des tarses de la même paire de
pattes, organe que l'on désigne sous le nom de
brosse. L'abdomen, bien distinct du corselet, est
très-mobile et porte, chez les femelles et les neu-
tres, un aiguillon redoutable, formé de deux stylets
à l'aide desquels l'animal introduit dans la plaie
qu'il produit le venin sécrété par deux glandes en
tube situées à la partie postérieure du corps.
Caractères spéciaux à chaque sorte d'individus.
— Les mâles sont généralement plus gros que les
ouvrières, ils ont le corps velu, manquent d'aiguil-
lon et n'ont ni brosses ni corbeilles.
Les reines sont plus petites que les mâles, mais
elles possèdent un aiguillon plus long et plus fort
que celui des ouvrières.
Enfin les ouvrières se reconnaissent à la confor-
mation des pattes de la paire postérieure, qui leur
permet de recueillir le pollen et le nectar des
fleurs, ainsi que le propolis, sorte de substance
résineuse (de couleur très-variable) qui se trouve
sur les arbres verts, les peupliers, les marronniers,
etc., et avec laquelle elles mastiquent les fentes de
leur habitation.
Travail des abeilles. — Les abeilles ouvrières,
après avoir recueilli le suc des plantes, le soumet-
tent dans leur jabot à une élaboration particulière
et le dégorgent ensuite sous forme de miel, qu'elles
déposent dans les alvéoles de leur ruche pour ser-
vir plus tard soit à leur nourriture, soit à celle de
leurs larves. Quant à la cire, elle suinte du corps de
ces insectes par un certain nombre de pores glan-
duleux situés entre les articles de l'abdomen ; l'ani-
mal l'emploie à la construction des loges de sa ru-
che, dans lesquelles la reine doit déposer ses œufs.
Structure du rayon. — Ces loges forment des
amas de cellules hexagonales, serrées les unes
contre les autres, et opposées base à base sur deux
rangs ; l'ensemble figure une sorte de gâteau.
11 y a des alvéoles pour les œufs destinés à fournir
des femelles, d'autres pour ceux qui donneront de
simples ouvrières. Les œufs qui produiront des
reines sont les plus gros. Une seule reine peut
pondre, au printemps et dans l'espace de vingt
jours seulement, près de douze mille œufs ; elle fait
plusieurs pontes par an. Le nombre d'alvéoles
d'une ruche est considérable ; la reine ne dépose
qu'un seul œuf dans chaque loge. Au bout de trois
ou quatre jours les œufs éclosent et la nymphe qui
en sort deviendra ouvrière, mâle ou reine, suivant
la nourriture qu'on lui fournira. Les larves qui
doivent donner des reines reçoivent une pâtée par-
ticulière, que les naturalistes nomment jarf/ee royale,
mais dont la composition est inconnue. Si la larve
de reine vient à mourir, les ouvrières choisissent
une larve de neutre, dont elles agrandissent la
cellule, lui donnent de la pâtée royale, et la rendent
ainsi féconde.
Mœurs et organisation en société. — Lorsque de
nouvelles femelles, c'est-à-dire des reines, naissent
dans une ruche, une grande agitation ne tarde pas
à se produire ; celle qui avait précédemment l'auto-
rité s'éloigne, suivie de faux bourdons et d'un nom-
bre considérable d'ouvrières. Cette colonie va s'é-
tablir ailleurs ; elle constitue ce qu'on nomme un
es5ai??i, réunion d'environ 25 000 ouvrières et 700
bourdons. Les jeunes abeilles s'emparent alors de
la ruche. Il peut se produire de la sorte trois ou
quatre émigrations par an.
Les abeilles, à l'état sauvage, confectionnent leur
ruche dans les fentes dos rochers ou les cavités
des vieux troncs d'arbre, mais elles s'établissent
sans difficulté dans les ruches artificielles préparées
par les soins des apiculteurs.
Espèces principales. — On connaît une douzaine
d'espèces d'abeilles, que l'on distingue aux couleurs
de leur écusson et de leur corselet. L'abeille com-
ABRAHAM —
mune, Apis mellifica, a été acclimatée sur diffé-
rents points du globe*
L'espèce qui se rapproche le plus de notre abeille
domestique est l'abeille italienne, Apis Ligurica,
dont le miel était autrefois très-recherché.
Avant l'introduction de nos abeilles de l'Ancien
Continent, le Nouveau Monde possédait déjà des
animaux d'un genre voisin, les Mélipones, dont les
nombreuses espèces produisent, comme nos abeilles
d'Europe, un miel de très-bonne qualité. Ces insectes
se distinguent principalement des abeilles de l'An-
cien Continent par une taille inférieure et par l'ab-
sence d'aiguillon chez les ouvrières.
Ces espèces sont donc inoffensives, mais Auguste
de Saint-Hilaire a signalé un Mélipone qui laisse
échapper par l'anus une liqueur brûlante.
Produits de la ruche : cire et miel. — Les pro-
duits de la ruche (outre le propolis, quelquefois
employé en médecine comme vésicant) sont : 1° la
cire, dont tout le monde connaît les usages variés
et la composition ; 2° le miel, dont la qualité et la
couleur dépendent des végétaux sur lesquels il a
été recueilli ; ces derniers lui communiquent quel-
quefois des propriétés vénéneuses. — V. Apiculture.
[H. Gervais.]
Lectures et dictées ; Manuel général, 1853, p. 401 et
409. — Science pour tous, 1877, p. 94 et t878, p. 39. —
Achille Comte, article Abeilles dans l'Encyclopédie mo-
derne. — Frarière, Les abeilles et l'apiculture, 1855. —
Blanchard, Métamorphoses des insectes, 1868. — Rendu,
Les abeilles, 1873. — P. Gervais, Éléments de zoologie,
p. 532, 1877. 3" édition —M. Girard, Les Abeilles, 1878.
ABRÉVIATIONS. — Connaissances usuelles, I.
— Les exercices auxquels les abréviations donne-
ront lieu dans l'école primaire, tantôt à l'occasion
d'une lecture, tantôt dans le cours d'une causerie,
tantôt en réponse à une question faite par l'élève
ou provoquée par le maître, oeuvent se grouper
comme suit.
Mais il est bien entendu qu'il ne s'agit pas d'en
faire tout exprès l'objet d'une ou de plusieurs le-
çons. Ce sont des explications incidentes que les
circonstances feront naître, dont l'à-propos fera le
charme et par conséquent le succès.
1. Abréviations d'un usage général. — Inscrip-
tions, écriteaux, affiches : par exemple les mots
C'« pour compagnie ; succ^, successeur ; 52icc»'«, suc-
cursale ; — les plaques des compagnies d'assuran-
ces : A. M. (Assurances Mutuelles); M. A. C. L. (Mai-
son assurée contre l'incendie) ; A«* G'" (Compagnie
d'assurances générales), etc. ; — les initiales des che-
mins de fer (quel instituteur voudrait laisser dire
que ses élèves voient passer tous les jours des wa-
gons de la ligne de Paris-Lyon-Méditerranée sans
pouvoir déchiffrer les majuscules P.-L.-M ?) ; celles
des grandes sociétés industrielles, commerciales,
agricoles, maritimes dont les noms se rencontrent
dans la région.
Points cardinaux et collatéraux. — N. nord ; S.
sud; E. est; O. ouest (il est bon de noter que O
dans les documents allemands signifie précisément
le contraire, l'est se nommant Ôst en allemand et
YocçXAQniWest) ; N.-E. nord-est; S.-O. sud-ouest, etc.,
S.-S.-E. sud-sud-est ; O.- N.-O. ouest-nord-ouest, etc.
13° 25' lat. N. ou long.-O. se lira : 13 degrés
25 minutes de latitude nord, ou longitude ouest.
Titres. — On peut avoir à expliquer les titres
princiers ou nobles, comme S. M., ou LL. MM. (Sa
Majesté, Leurs Majestés); S. A. R. ouL.Son Al-
tesse Royale ou Impériale ; S. M. B. ou C, Sa Ma-
jesté Britannique (roi ou reine d'Angleterre) ou
Catholique (d'Espagne) ; S. H.. Sa Hautesse (l'empe-
reur de Turquie); S. E. (Son Excellence), titre qu'on
donne encore quelquefois aux ministres; S. S. (Sa
Sainteté le Pape); S. Em. (Son Eminence, un cardi-
nal), Mgr (Monseigneur), etc. ; B»" pour baron , C" pour
t — ABRÉVIATIONS
comte, Mi« pour marquis, etc. ; d'autres titres plus
modestes, mais aussi plus nécessaires à connaître :
D"' (docteur), M« (maître) qu'il ne faut pas confon-
dre avec M°" (madame), V^e pour veuve, etc.
Noms de baptême. — Quelques-uns seulement
doivent se déchiffrer par les seules initiales : il ne
faut pas qu'un de nos élèves reste bouche béante
devant le nom de J.-J. Rousseau ou de J .-B. Rous-
seau, ni même devant les initiales P-P, Pierre-Paul.
Il y a aussi des prénoms de personnages histori-
ques qu'il faut savoir lire couramment sans qu'ils
soient écrits tout au long : P (aul)- L (ouis) Cou-
rier; B (enjamin) Constant ; V (ictor) Hugo ; A (dol-
phe) 'J'hiers, etc. Les lettres L ou H ou N sur les
monuments publics doivent l'aider à retrouver le
nom de Louis XIV, de Henri IV ou de Napoléon.
On peut aussi avoir occasion d'expliquer quel-
ques-unes des abréviations chères aux Anglais : Tom
(pour Thomas), Bob (Robert), Ben (Benjamin), Dick
(Richard), Kûte (Catherine), etc.
Monnaies. — Une des surprises qui amusent le
plus les enfants est de leur faire découvrir que
toutes les pièces de monnaie portent une lettre
qu'ils n'ont presque jamais remarquée d'eux-mê-
mes. Cette lettre est la marque de l'hôtel des mon-
nies qui a fabriqué la pièce. En voici la clef (en
se bornant aux sept hôtels des monnaies qui sub-
sistaient en 1852) :A Paris; B Rouen; BB. Stras-
bourg ; D Lyon : K Bordeaux ; W Lille ; AM. Mar-
seille (M avec un A figuré entre les branches).
Correspondance et langage courant. — Au bas
d'une page, T. S. V. P., tournez, s'il vous plaît (ra-
conter aux élèves l'embarras de ces deux conscrits
qui, lisant à l'entrée des bureaux de l'intendance :
Fermez l'i porte, s. v.p., se disputent sur le sens,
l'un traduisant : Fermez la porte si vous pouvez, l'au-
tre : sans vous presser). — N. B., Nota benè, notez
bien; etc., et caetera, et ainsi de suite; — P.-S.»
Post-scriptum (écrit après la signature) ; — c.-à.fj.
pour c'est-à-dire ; — n» pour numéro; — 7'>"'. 8br«,
gbre^ Xhre pour los quatrc derniers mois de l'année.
Eglise. — Tout enfant doit savoir lire couram-
ment verset, quand il voit %■ ; répons quand il trouve
Ri ; Notre-Seigneur ou Notre-Dame s'il rencontre
N.-S. ou N.-D. ; et s'il passe devant un calvaire, il
doit savoir que INRI signifie : Jésus de Nazareth Roi
des Juifs (lesus Nazarœnus Rex ludasorum).
2. Abréviations techniques. — On se bornera à
celles que les élèves peuvent avoir à rencontrer :
Mathématiques. — C. Q. F. D. ou Q. E. D., ce
qu'il fallait démontrer ou quod erat demonstrandum ;
— log., logarithme; — m. q., mètres carrés;
771. c. mètres cubes ; ./ racine de ; p. g. c. d., plus
grand commun diviseur ;/). p. c. d., plus petit com-
mun diviseur, etc.
Comptabilité. — B. P. F. ; bon pour francs. —
C. 0.; compte ouvert ; — S/C ou V/C, son compte
ou votre compte.
Médecine. — Sans avoir besoin de déchiffrer une
ordonnance, chacun peut être bien aise, une fois
où l'autre, de savoir traduire les abréviations les
plus ordinaires : BM pour bain-marie ; F. S. A. (fac
secundum arteml, faites selon l'art : R. prenez
(en latin recipe, d'où le mot recette); P. E. parties
égales; Q. S. quantité suffisante, etc.
Chimie. — Ag. argent; — Al, aluminium; — As.
arsenic ; —Au 'du latin aurum) , or ; — Az ou N, azote ;
— Bi, bismuth ; — C, carbone ; — Ca, calcium ; —
Cl, chlore; — Cu, cuivre; — Fe, fer; — FI, fluor :
— H, hydrogène ; — Hg {hydrargyrum, vif-ar-
gent), mercure; — lo, iode; — K (kalium), potas-
sium;— Mg, magnésium; — Mn, Manganèse; —
Na (natron), sodium ; — Ni, nickel ; — O, oxygène ;
— Pb, plomb. — Ph. phosphate; — Pt, platine;
— S. soufre ; — Si, silicium ; — Sn, étain ; — Zn,
zinc, etc.
Musique. — Arp., arpeggio; — B, basso; —
ABSORPTION —
Cresc, crescendo ; — F, forte ; — FF, fortissimo. —
DG, da capo ; — Dim., diminuendo ; — P, piano. —
PP, pianissimo ; — Rinf., rinforzando. etc.
ABSOKfTlON. — Physique, Vil;Cliiraie,I; Zoolo-
gie, XXXII et Botanique.V et VllL— Dans le langage
usuel on se sert du mot absorption pour indiquer la
pénétration d'une substance liquide ou gazeuze dans
la masse d'une autre substance solide, gazeuse ou
liquide. C'est ainsi que l'on dit communément : le
fer absorbe l'oxygène, le plâtre absorbe l'eau, le
charbon absorbe les gaz, etc., etc. Le langage scien-
tifique exige plus de précision : chaque science,
tout en gardant le même mot usuel, lui donne une
définition spéciale qui en délimite l'emploi.
Ainsi, en phi/sique, lorsqu'on dit que le charbon
récemment éteint, la pierre ponce calcinée, l'éponge
de platine, etc., absorbent les gaz, on entend que
les gaz pénètrent dans les interstices, dans les pores
de ces substances. D'autre part, ce que l'on exprime
en disant que la craie absorbe l'eau, c'estqu'en vertu
de la capillarilé * l'eau qui se trouve en contact
avec un morceau de craie y chemine dans toutes
les directions, y monte en dépit de la pesanteur,
jusqu'à ce qu'elle en ait comblé tous les pores.
En chimie le mot absorption implique le plus
souvent pénétration intime, accompagnée de véri-
table combinaison : si nous disons que du fer, en
s'oxydant, a absorbé de l'oxygène, nous entendons
que les molécules du gaz et du métal se sont com-
binées pour former de l'oxyde de fer, de la rouille.
• Enfin la physiologie ne s'occupant que des phé-
nomènes qui s'accomplissent dans les êtres vivants,
nomme absorption un mode de pénétration des li-
quides et des gaz à l'intérieur des tissus vivants,
que les définitions de l'absorption physique ou chi-
mique ne suffiraient pas à expliquer.
1. Absorption dans les corps inorganiques. —
Absorption simple ou absorption physique. — 1° Ab-
so}'ption d'un gaz ou d'un liquide par un so-
lide. — Le charbon absorbe les gaz, surtout ceux
qui sont les plus solubles dans l'eau, avec une
énergie d'autant plus grande qu'il est plus poreux.
On s'en assure facilement en agitant, avec du char-
bon de bois en poudre, une eau de mare qui dé-
gage une forte odeur d'œufs pourris ; si on filtre
après quelques instants de contact, on obtient
un liquide incolore et dépourvu de toute odeur.
Cette propriété décolorante et désinfectante du
charbon explique son emploi dans les filtres pour
les eaux bourbeuses ou pour les eaux de citerne,
elle rend compte de l'emploi des tonneaux carbo-
nisés intérieurement pour la conservation de l'eau
dans les longs voyages. C'est le charbon de bois de
sapin qui absorbe le mieux les gaz, notamment la
vapeur d'eau de l'atmosphère ; aussi augmente-t-il
rapidement de poids à l'humidité. Le charbon d'os
ou noir d'ivoire, en grains, possède une grande
puissance d'absorption pour les matière colorantes,
sans doute parce qu'il est très-poreux. Qu'on agite
du vin avec ce charbon et qu'on filtre, le liquide
passe incolore. Cette propriété est utilisée dans les
sucreries pour débarrasser les jus sucrés des prin-
cipes colorés qui les souillent.
L'absorption d'un liquide par un solide est un
phénomène aussi commun. Tout le monde sait que
la terre argileuse, dite terre forte, arrête l'eau et
s'en imprègne ; et il y a bien longtemps que l'on
utilise cette propriété absorbante pour débarrasser
presque sans frais les tissus de laine, notamment
les draps, de l'huile dont on les a imprégnés pen-
dant leur fabrication.
2° Absorption d'un gaz par un liquide. — Les
phénomènes naturels nous en offrent beaucoup
d'exemples. L'eau de pluie, dont l'origine est la
vapeur qui s'élève des mers, contient de l'air
quana elle arrive sur le sol ; elle a pris ce gaz à
l'atmosphère qu'elle a traversée ; elle lui doit de
pouvoir servir à l'alimentation et de n'être pas fade
i — ABSORPTION
et lourde comme l'eau distillée de nos laboratoires.
La pression augmente beaucoup cette puissance
d'absorption : témoin la manière dont nous faisons
sur nos tables l'eau de Seltz artificielle.
Absorption- AVEC combinaison ou absorption chi-
mique. — Quand le gaz peut se combiner avec le
liquide qu'on lui offre (V. Comémawon), l'absorption
est immcdiaie et complète. Ainsi, l'eau limpide de
chaux, qu'on expose à l'air sur une soucoupe, ab-
sorbe l'acide carbonique que l'air contient et en
accuse nettement la présence en le fixant à la
chaux sous la forme d'une pellicule blanche qui
tombe au fond du vase. [C. Haraucourt. '
2. Absorption dans les corps organiques et dans
les organismes vivants. — L Car actèris G ÉxÉR A ux DE
l'absorption physiologique. — L'absorption dans les
tissus vivants ne saurait se ramener ni à l'absorption
physique, ni à l'absorption chimique. Si je dis : l'in-
testin absorbe l'eau, la peau absorbe l'hydrogène
sulfuré, les radicelles des plantes absorbent l'hu-
midité du sol, faudra-t-il entendre par là que l'eau
passe au travers de l'intestin comme elle traverse-
rait un morceau de craie ? que l'hydrogène sulfuré
trouve dans la peau des interstices analogues à
ceux du charbon ? que l'humidité du sol passe dans
les radicelles comme eile s'infiltrerait dans de
l'amidon? — La preuve qu'il se produit ici plus
qu'une absorption physique, c'est que, dans les tis-
sus vivants, l'absorption a lieu au travers de mem-
branes qui ne sont pas poreuses; et la preuve que
ce n'est pas non plus l'absorption chimique ordi-
naire, c'est qu'elle n'est pas accompagnée de com-
binaison chimique changeant la composition ou des
corps absorbés ou des corps absorbants.
Imbibitio?i. — Si nous laissons séjourner dans
de l'eau pendant quelque temps une membrane
desséchée, comme un morceau de vessie de porc,
nous constatons qu'elle s'imprègne de liquide, se
gonfle et s'assouplit. L'eau à l'état de vapeur pénè-
tre également dans la substance des membranes
c'est sur cette propriété qu'est fondée la constru-
tion de Vhygt'omètre*. Or l'intestin de mouton, qui
sert à fabriquer les cordes des hygromètres com-
muns, pas plus que la vessie de porc, ne laisse
apercevoir au microscope les plus petits pores par
lesquels puisse s'infiltrer un liquide ou un gaz. Ce
n'est donc point par une action capillaire que l'eau
entre dans la membrane. Ce qui l'y attire et
l'y fait pénétrer, c'est une affinité de la matière
môme du tissu. Aussi, après son imprégnation, le
liquide ne se distingue plus du solide : c'est la
substance des fibres, des cellules qui se l'est ap-
proprié de proche en proche jusqu'à ce que toute
la masse en eût reçu sa part ; il n'y a pas eu com-
binaison chimique, mais combiiiaison physiologique,
bien moins stable, puisqu'elle n'est entretenue,
dans les tissus morts, que par des moyens artificiels.
Mais dans les organismes vivants, plantes ou ani-
maux, les tissus n'accomplissent leurs fonctions
qu'autant qu'ils retiennent une certaine quantité
d'eau à l'état de combinaison physiologique, qu'ils
en sont imprégnés, imbibés : le mot J»i6t/jJ</o« dé-
signe la pénétration d'un liquide dans la matière
môme d'un tissu organique non poreux. Ce n'est
point encore l'absorption, mais c'est une condition
indispensable à son accomplissement.
Diffusion, osmose. — . Au lieu d'une imbibition
directe par contact immédiat, il se produit un phé-
nomène plus complexe si l'on place, par exemple,
entre deux liquides ou entre deux gaz différents
une membrane organique, telle qu'un morceau de
vessie de porc; bien que cette membrane semble
imperméable, les deux fluides qu'elle sépare se mê-
lent plus ou moins vite par une sorte de transfu-
sion réciproque ou de diffusion qu'on appelle os-
mose * et que nous étudions à ce mot.
L'absorption physiologique est une forme parti-
culière de l'osmose, une sorte d'osmose continuelle
ABSORPTION
— 5 —
ABSORPTION
et naturelle, qui est la propriété distinctive la plus
générale des tissus vivants.
il. Absohption dans les végétaux. Botanique, V,
VIII. — Dans les végétaux que nous observons le plus
Bouvent, l'absorption se fait principalement par les
feuilles et par les racines. Les feuilles absorbent
surtout les gaz, tandis que les racines sont l'agent
spécial d'absorption des liquides. Cependant les
feuilles peuvent absorber des quantités considé-
rables d'eau à l'état de liquide ou de vapeur, et sup-
pléer ainsi à l'absorption insuffisante d'humidité par
les racines. Prenez une branche d'arbre divisée en
plusieurs petits rameaux et plongez l'un d'eux dans
un vase plein d'eau, laissant au dehors le reste de
la branche. L'eau absorbée par les feuilles immer-
gées se répandra dans les rameaux voisins et en-
tretiendra leur fraîcheur. — Pour le mécanisme de
l'opération, pour le rôle des divers organes qui y
concourent, V. les articles Feuilles et Racines. —
D'autres parties de la plante peuvent absorber les
liquides : tels sont les grains de pollen pendant la
floraison et les graines lors de la germination. La
quantité d'eau qui pénètre dans un grain poUinique
est assez grande pour remplir les longs tubes qu'il
développe et en déterminer la rupture ; et le volume
de ces tubes est énorme, si on le compare à celui
du grain qui les produit. De même, les semences
qui vont germer absorbent assez d'eau pour se gon-
fler et faire éclater les enveloppes, parfois très-ré-
sistantes, qui les contiennent.
Essayons maintenant d'expliquer un des phéno-
mènes les plus merveilleux de l'absorption dans
les végétaux, le choix que semblent faire les tissus
végétaux, les racines par exemple, parmi les sub-
stances absorbables qui leur sont offertes.
En vertu des lois de l'osmose, si deux liquides
semblables tenant le même sel en dissolution sont
séparés par une membrane, il n'y aura diffusion que
si l'une des solutions est plus concentrée que l'au-
tre : la diffusion cessera lorsque l'équilibre de disso-
lution sera établi. Mais si l'on ajoute à l'une des so-
lutions un nouveau sel, celui-ci diffusera à son tour.
Supposons que deux solutions séparées par une
membrane contiennent de la silice, de la soude et
de la potasse, et que, l'équilibre de diffusion étant
établi, il n'y ait plus absorption d'un côté ni de
l'autre. Si nous plongeons d'un côté une substance
capable de s'approprier la silice par exemple et
non les deux autres corps, il est évident que cette
substance introduite dans un des deux récipients
va déterminer un nouveau courant d'osmose et at-
tirer en quelque sorte une certaine quantité de
silice sans que le même courant entraîne ni soude
ni potasse.
Or, voici ce qui a lieu dans les plantes. La ma-
tière qui compose le squelette de leurs tissus, la
cellulose, tout en offrant toujours la même compo-
sition chimique, offre des variétés nombreuses dans
les différents végétaux quant à la disposition molé-
culaire et aux affinités. Ainsi la cellulose du blé pos-
sède la propriété de fixer la silice, de sorte que la
sève, graduellement épuisée de ce minéral, peut en
recevoir de nouvelles quantités par absorption os-
motique. De même, la pomme de terre fixe et s'as-
simile la potasse en la combinant avec sa cellulose
qui, différente de celle du blé, a de l'affinité pour
la potasse et non pour la silice. C'est donc grâce à
une légère variété dans les affinités chimiques de
leur cellulose que des végétaux de composition très-
diverse prospèrent dans un terrain qui baigne toutes
les racines d'une solution identique. Les racines
absorbent d'abord cette solution minérale telle
qu'elle se présente, puis chaque espèce de cellu-
lose fixant l'élément capable de s'y incorporer en
appelle, pourainsidire,unequantiténouvelle, à me-
sure que l'équilibre de dissolution se trouve rompu
entre la sève et le liquide qui baigne les racines.
III. Absorption chez les animaux. Zoologie, XXXIl.
— Chez quelques animalcules auxquels une orga-
nisation rudimentaire a fait donner le nom d'à
nimaux inférieurs, l'absorption est peu compliquée :
une fois qu'un gaz ou un liquide a franchi leur en-
veloppe, il avance dans toute la masse, de proche en
proche, sans que sa marche semble modifiée par
la fonction d'organes spéciaux. Mais chez les ani-
maux que nous observons communément, l'absorp-
tion s'effectue par des organes distincts.
Absorption des gaz. — L'absorption des gaz se
fait principalement par les organes respiratoires
(sujet traité en détail au mot Respiration). Elle peut
aussi avoir lieu par la peau, surtout chez les batra-
ciens. Si l'on enferme un lapin, un pigeon, dans une
boite bien close, munie seulement d'un orifice pour
laisser passer au dehors la tête de l'animal, et si l'on
dégage dans la boite un gaz délétère, par exemple
de l'hydrogène sulfuré, le sujet en expérience meurt
bientôt empoisonné, bien qu'il ait constamment res-
piré, par les poumons, un air pur: il y a donc eu
absorption de gaz par la peau. Chez l'homme la peau
est le siège d'une respiration rudimentaire qui re-
présente environ un 38' de la respiration pulmo-
naire : soumis à l'expérience précédente, il suc-
comberait comme le lapin.
Absorption des liquides. — 'L'épiderme forme sur
notre peau un vernis protecteur qui s'oppose en
grande partie à l'absorption des liquides ; mais le
derme qui est au-dessous jouit d'une propriété ab-
sorbante très-développée, que l'on utilise en méde-
cine: pour cela on enlève une portion d'épiderme
au moyen d'un vésicatoirc, et l'on applique un re-
mède soluble sur la partie dénudée, qui l'absorbe
rapidement. Cependant la peau intacte est preméa-
ble aux liquides. Dans un bain prolongé l'épiderme
s'imbibe, se gonfle, se ramollit et devient capable
d'absorption ; c'est pourquoi l'on emploie quelque-
fois des bains médicamenteux. Sous l'action très-
prolongée d'un liquide chaud, l'absorption peut de-
venir très-active : ainsi l'on a vu des. cataplasmes
trop fortement laudanisés ou imprégnés de décoc-
tion de tabac causer des accidents mortels.
Absorption dans l'appareil digestif. — Après la
respiration, l'absorption la plus importante chez les
animaux est celle qui a pour siège l'appareil diges-
tif, et qui ouvre la série de phénomènes constituant
la nutrition *. Elle s'accomplit à travers une mem-
brane muqueuse d'une délicatesse extrême, toujours
imbibée àe liquide et par conséquent dans les condi-
tions favorables à l'absorption, et a pour organes les
vaisseaux chylifères (V. Chyle) et les veines.
Modificateurs de l'absorption. — Des expériences
directes ont démontré que l'osmose et l'absorption
sont favorisées par une chaleur de \h à 40 degrés
et par l'action de l'électricité sur les fluides en pré-
sence. Chez les animaux l'action des nerfs agit sou-
vent de la même manière que l'électricité pour pré-
cipiter l'absorption.
Ainsi qu'on devait le prévoir, la pression exercée
sur un fluide accélère son passage à travers les
membranes. Ainsi, dans les végétaux, l'évaporation
qui a lieu à la surface des feuilles tend à faire le
vide dans l'intérieur, de sorte que la pression at-
mosphérique qui s'exerce autour des racines et dans
l'intérieur des tissus tend à faire monter la sève et
coopère à son ascension en rendant l'absorption plus
active.
Lorsque la quantité de liquide contenue dans les
veines d'un animal a considérablement diminué par
suite d'hcmorrhagie, de sueurs ou d'évacuations
abondantes, la pression se trouve diminuée dans
l'intérieur de ces vaisseaux, tandis qu'elle reste la
même à l'extérieur; on remarque alors une notable
aptitude à l'absorption, et la médecine emploie sou-
vent ce moyen physiologique pour débarrasser une
cavité naturelle, comme la plèvre, d'un liquide qui
s'y était accumulé pendant une maladie et en ob-
tenir la résorption, [D' SafiVay.J
ABSTRACTION
— 6 —
ABSTRACTION
3. Applications ; expériences à faire en classe.
— Absorption des gaz par les solides. — Expé-
riences aussi faciles que nombreuses sur le
charbon et l'argile ; déjà indiquées dans notre
§ 1«'.
Absorption des gaz par les liquides. — Faites
brûler du soufre dans un grand verre ; quand le
verre est bien rempli de gaz sulfureux ainsi formé,
bouchez-le avec la main et retournez-lc sur Tcau;
ôtez la main, vous verrez l'eau monter peu à peu
dans le verre, c'est-à-dire absorber une grande par-
tie du gaz sulfureux.
Prouvez de même que l'eau absorbe l'air, en
montrant les bulles d'air emprisonnées dans un
morceau de glace. Montrez encore des bulles d'air
dans une boisson gazeuse, dans l'eau de Seltz, la
limonade, le cidre, la bière.
Imbibition des solides. — L'éponge, le papier bu-
vard, le morceau de pain qu'on met tremper, etc.
— V. Hygromètre.
Osmose. — V. ce mot.
Absorption des liquides par les végétaux. — Met-
tre sous les yeux des élèves deux plantes sembla-
bles, égalementvigoureuses, plantées dans des vases
d'égale dimension, remplis de terre de même qua-
lité. L'une des deux sera régulièrement arrosée
tous les jours, l'autre non ; on leur fera remarquer
le dépérissement rapide de celle qui n'a pas d'eau
à absorber. Faire germer, dans une chambre à tem-
pérature modérée, des grains de blé humides, posés
sur une soucoupe, en renouvelant l'eau tous les
jours.
A bsorption des gaz par les végétaux. — Répéter
l'expérience de Cloëz. On remplit d'eau un grand
bocal de plusieurs litres ; on y place une plante
aquatique, la petite lentille d'eau par exemple ; on
le renverse sur une terrine d"eau de manière à le
conserver plein, et on le porte au soleil. On voit
aussitôt les feuilles de la plante immergée se re-
couvrir de bulles de gaz, et si l'on attend deux ou
trois heures, le gaz a gagné le haut du flacon, où il
occupe un certain espace. On peut le transvaser
dans un petit tube et montrer que ce gaz est de
l'oxygène, puisqu'il a la propriété caractéristique
de rallumer un corps presque éteint.
Montrer qu'un dégagement de gaz d'éclairage par
exemple au pied d'un arbuste ou sous les racines
d'une plante la tue rapidement.
Absorption chez les animaux. — A défaut d'ex-
périences directes, raconter celles de Flourens,
notamment le canard nourri d'aliments où entrait
de la garance un mois sur deux ; après sept ou huit
mois de ce régime, les os de l'animal présentaient
des couches concentriques alternativement blan-
ches et rouges : celles-ci correspondaient aux pé-
riodes de nourriture à la garance.
Autres exemples à citer et à expliquer : l'absor-
ption du venin, qu'on tâche d'empêcher par la
succion ou la cautérisation ; la vaccine, qui consiste
à déposer dans une petite piqûre faite au bras une
goutte du liquide appelé vaccin : ce liquide est tel-
lement absorbé par les tissus et porté par le sang
dans tout le corps, qu'il suffit à préserver de la
petite vérole. fC. Haraucourt.]
ABSTRACTION.— Psychologie, XI.— De/!«i<!o?2.
— Ce mot peut désigner soit une de nos facultés
intellectuelles, soit l'opération de cette faculté.
Abstraire, c'est considérer isolément dans un ob-
jet un de ses caractères; c'est concevoir une qua-
lité sans la substance à laquelle elle appartient ou
une substance sans ses qualités, comme si l'une
pouvait exister sans l'autre. Par exemple, je puis,
en examinant un lis, ne remarquer que sa blan-
cheur, sans songer à sa forme, à son parfum, à sa
grandeur, etc. La blancheur, ainsi prise à part, est
une idée abstraite.
L'abstraction comme l'analyse (V. I'"^ Partie) dé-
compose l'objet ; mais, tandis que l'analyse divise
cet objet s'il est réel en parties réelles aussi,
l'abstraction en détache non des parties effec-
tivement séparables, mais des qwdités qui ne
peuvent en être isolées que mentalement et ficti-
vement.
Son rôle et son usage. — Cette définition même
fait comprendre le rôle de l'abstraction dans la vie
intellectuelle. Elle y représente un certain travail
mental, qui suit celui de la simple observation
sensible, une opération plus délicate où l'esprit
doit déployer une certaine activité propre. Sans
l'abstraction, il n'y aurait pas de généralisation
possible, et partant pas de science.
Mais de ce qu'on ne débute pas par l'abstrac-
tion, de ce qu'elle se manifeste après la percep-
tion *, il ne s'ensuit pas que l'abstraction soit moins
naturelle à l'esprit humain que l'observation par
les sens. Pour venir en second lieu, elle n'en vient
pas moins aisément, moins spontanément. Loin
d'être un procédé artificiel d'un emploi rare et
difficile, c'est un besoin de l'esprit dès qu'il com-
mence à penser, un besoin de la parole dès qu'elle
nait sur les lèvres. Tout homme fait sans cesse
des abstractions, sans y prendre garde. Un philo-
sophe français du commencement de ce siècle,
Laromiguière, disait spirituellement : les cinq sens
sont des machines à abstraire. En effet, chaque
sens ne nous fait percevoir qu'une seule qualité à
la fois ; nous percevons ainsi les qualités séparées
les unes des autres, distinctes entre elles et dis-
tinctes de l'objet en qui elles résident, abstraites
enfin par le seul fait de cette division du travail
qu'opèrent nos cinq sens. Ecouter, c'est abstraire
(ies qualités sonores ; regarder, c'est abstraire des
qualités lumineuses, et ainsi du reste.
Parler c'est aussi abstraire ; car le langage con-
siste dans le fait môme de créer des mots dont
chacun représente et fixe non pas un groupe con-
fus d'idées, mais une idée prise à part. A l'excep-
tion des noms propres qui désignent une seule
personne ou une seule chose sans énoncer aucun de
ses divers attributs, tous les mots sont le résultat
d'une abstraction.
Mais il importe (surtout pour les besoins ulté-
rieurs de la pédagogie) de faire voir les diverses
manières dont s'accomplit l'abstraction.
Double série d'opérations parallèles résultant de
l'abstraction. — Par cela même qu'elle consiste à
séparer les qualités des substances, l'abstraction
fait naître dans notre esprit deux ordres d'idées qui
se complètent mutuellement et qui désignent ,
d'une part, lessu6sfa?2cesdépouillées de leurs qua-
lités, ce .qui n'existe pas dans la réalité ; d'autre
part, les qualités isolées de leurs substances, ce
qui n'existe pas davantage.
A la première série correspondent les noms ou
substantifs, à la seconde les qualificatifs de toute
sorte.
La première série constitue l'ordre du concret,
la seconde l'ordre de Vabstrait.
Trois degrés de cette double série. — Dans ces deux
séries l'abstraction passe par trois degrés, qu'on pour-
rait par analogie 3Lppe\cr positif, comparidif et super-
latif, et qui correspondent aux trois grandes notions
logiques : indicidu, espèce, gem^e. L'esprit considère
d'abord ce qu'il y a de plus particulier et de plus
complexe, l'individu; puis il lait des individus
semblables un premier groupement, qui est l'es-
pèce; puis de plusieurs espèces rapprochées il
constitue une collection plus vaste, une classe tout
à fait générale, un genre.
Ces trois degrés se retrouvent aussi bien dans
l'abstrait que dans le concret. Sans entrer plus
avant dans le détail do cette double et parallèle
formation des idées concrètes et abstraites, nous
résumons les deux séries, en regard l'une do
l'autre, aux trois degrés , dans le tableau sui-
vant :
ACADEMIE
L'esprit, considérant la snasT^ncs sans ses attributs,
a des idées couckètbs à trois degrés :
1" degré. — Il crée les nomx propres (désignant l'individu
sans ses qualités) et le verbe substantif (affirmant l'exis-
tence sans les manières d'être).
2* degré. — Il crée les 7ioms communs (convenant à plu-
sieurs individus considérés comme semblables).
3' degré. — Il crée les noms collectifs (réunissant en une
seule classe plusieurs êtres réels et résumant en un seul
mot plusieurs noms communs).
7 — ACADÉMIE
L'esprit, considérant I'attbibut sans sa substaocc,
a des idées abstraites à trois degrés :
1" degré. — Il crée les adjectifs (désignant des qualités
sans l'être qui les possède) et les verbes attributifs (dési-
gnant l'acte ou l'état sans l'être qui en est le sujet).
2« degré. — Il crée les noms abstraits (désignant des qua-
lités considérées comme si elles étaient des substances).
3" degré. — Il crée les termes généraux (noms et détermi-
natifs de toute sorte groupant en une seule abstraction
plusieurs idées abstraites et résumant en un seul terme
générique plusieurs noms abstraits).
EXEMPLES :
î» DEGHB.
Ordre du Concret (scbstances),
Noms propres.
M. Dupont, M"= Blanchard, Paul, Pauline.
Azor, Minet, Jacquot.
Seine, Khin, Oise, Loiret.
Hoche, Marceau, etc.
Pierre. Jean. Louise, Marie.
N..„ N..., >'..., etc.
Noms communs.
hommes, femmes, enfants,
chiens, chats, perroquets,
fleuves, rivières, ruisseaux,
soldats, capitaines, colonels, etc.
enfants, élevés, garçons, filles,
laboureurs, marchands, citoyens.
Ordre de l'Abstrait (qualités)
A djectifs et verbes.
blanc, rouge, pâle, éclatant,
rond, large, long, épais,
solide, dur, mou, fragile,
bon, charitable, courageux, pieux, sincère.
courir, marcher, sauter, danser,
labourer, semer, moissonner,
échanger, vendre, acheter, gagner, perdre,
aimer, haïr, désirer, admirer, espérer,
craindre,
toucher, regarder, écouter, travailler, lire,
frapper, crier, parler, partir, arriver.
Noms abstraits.
blancheur, rougeur, pâleur, éclat,
rotondité, longueur, largeur, épaisseur,
solidité, dureté, mollesse, fragilité.
bonté, charité, courage, piété, sincérité.
course, marche, saut, danse.
labourage, semailles, moisson.
échange, achat, vente, gain, perle.
amour, amitié, haine, désir, admiration,
espérance, crainte,
tact, regard, ouïe, travail, lecture, coup,
cri, parole, départ, arrivée.
3° DEGaÉ.
Noms coUectifi-
humanité,
règne animal,
réseau fluvial,
régiment, armée,
classe, école.
peuple.
Termes généraux.
couleur
surface, volume, étendue,
consistance,
vertu.
mouvement.
agriculture.
commerce.
sentiment, émotion, passion.
action.
Comme il est facile de le voir par cet aperçu,
de même que tous les substantifs n'ont pas la même
extension, toutes les idées abstraites ne sont pas
également abstraites. Avoir l'idée d'une chose
blanche ou rouge, c'est un commencement d'ab-
straction ; concevoir l'idée de blancheur ou de rou-
geur, c'est une abstraction plus forte, déjà plus
éloignée de ce qui tombe immédiatement sous les
sens ; concevoir enfin l'idée tout à fait générale de
couleur, c'est l'abstraction consommée : l'idée gé-
nérale est, dans l'ordre des qualités, l'équivalent
du nom collectif dans l'ordre des substances.
C'est à cette marche progressive dans l'abstrac-
tion que correspond exactement, en pédagogie, la
marche progressive que nous indiquons pour l'é-
ducation intellectuelle (V. Abstraction dans la
I" Partie).
ACADE."»IIE FRANÇAISE. — Littérature fran-
çaise, IX ; Histoire de France, XXIV. — « Les Acadé-
mies, dit Voltaire da.is son I nclionnaire philoso-
phique, sont aux anciennes universités ce que lâge
mûr est à l'enfance, ce que l'art de bien parler est à
la grammaire, ce que la politesse est aux premières
leçons de civilité... Telle esiV Académie française.»
Il avait existé chez nous, à diverses reprises et
sous diverses formes, des sociétés littéraires, dont
quelques-unes avaient porté le nom déjà ancien
^académie (V. I" Partie). La plus célèbre avait
été la Pléiade, fondée par Ronsard et Baîf.
Origine de l'Académie française. — En 1630, un
conseiller secrétaire du roi, Valentin Conrart, réu-
nit chez lui un petit groupe d'hommes instruits
et amis des lettres, parmi lesquels l'abbé de Bois-
robert. Celui-ci eut l'occasion de parler des tra-
vaux de la société au cardinal de Riclielieu. Frappé
immédiatement des services que pourraient rendre
aux lettres françaises ces études en commun pour-
suivies par de bons esprits, le cardinal fit offrir par
Boisrubert à la société naissante sa protection. Le
13 mars 1634, la docte compagnie rédigea 'ses sta-
tuts, que Richelieu et approuva; le 2.janvier 1635,
elle fut constituée sous le nom à'Acidémie fra?içaise
par lettres patentes du roi ; elle réunit bientôt les
■iO membres dont elle devait se composer.
Critique du Cid. — L'Académie dut reconnaître
presque aussitôt après sa fondation que la protec-
tion d'un maître aussi absolu que le cardinal ne lui
laissait pas toute son indépendance. Richelieu, qui
avait la faiblesse d'être jaloux de Corneille, demanda
à l'Académie de se prononcer contre le Cid.
Les académiciens ne partageaient pas, semble-t-il,
les préventions du cardinal; ils mirent plusieurs
mois à le satisfaire ; un d'entre eux, poète alors
célèbre et dont Boileau s'est souvent moqué, Cha-
pelain, auteur de la Pucelle, fut chargé de rédiger
les Sentiynents de r Académie sur le Cid [l&^t^^.C cta.[t
une critique minutieuse de ce chef-d'œu\Te ; Riche-
lieu la trouva trop indulgente, le public infiniment
trop .sévère.
Travaux de l'Académie; Dictionnaire. — Malgré
ce début malheureux, l'Académie ne tarda pas à
faire reconnaître l'utilité et l'importance de ses tra-
vaux. Dès 1638, elle s'occupait, sur le plan projeté
par Chapelain, du Dictio?maire de la langue fran-
çaise. C'est Vaugelas qui fut chargé de sa rédaction,
travail pour lequel Richelieu lui avait assigné une
pension de 20o0 livres. La 1'= édition parut en
Iti94. L'Académie avait, on le voit, travaillé assez
lentement, et l'on excuse les épigrammes que cette
lenteur lui valut.
On sait qu'un des membres de l'Académie, Fure-
tière, entreprit de faire à lui seul un Dictionnaire.
L'assemblée indignée raya de la liste de ses mem-
bres un collègue qu'elle accusait d'indélicatesse.
L'œuvre de Furetière, qui n'est pas sans mérite,
ne parut que deux ans après la mort de son auteur,
on 1G90, mais quatre ans avant le Dictionnaire do
l'Académie, qui ne l'effaça pas complètement.
ACADEMIE
8
La deuxième édition du Dictionnaire de l'Acadé-
mie parut en 1717, latroisièmeen 1740; laquatrième,
« la seule importante pour l'iiistoire de notre lan-
gue, » dit Villemain, publiée sous la direction de
Duclos, parut en I7l'6, la cinquième en 1798, la
sixième, précédée d'un discours de Villemain, en
1835. Une septième édition, confiée à M. Sylvestre
de Sacy, a paru en 1877. ^ i
Outre ce dictionnaire qui, remanié, corrigé, rendu
plus parfait à chaque nouvelle édition, fait aujour-
d'hui autorité, l'Académie s'était proposé de pu-
blier une grammaire, une rhétorique et une poéti-
que.
Le Traité de la grammaire française fut seul
publié (1707) ; la rédaction en avait été confiée à
Régnier-Desmarais.
L'Académie a depuis 1858 entrepris un Diction-
naire historique de (a langue française^ dont deux
fascicules ont paru.
Discours de réceotion. — C'est de 1 660 que date
l'usage des discours de réception. Pendant long-
temps il fut de règle de faire entrer dans ces discours
l'éloge de Richelieu, fondateur de l'Académie, du
chancelier Seguier. son second protecteur, et de
Louis XIV, ce qui imposait à l'orateur un cadre et
des développements de convention. Voltaire contri-
bua par ses justes railleries à faire abandonner cette
étiquette ; aujourd'hui le discours du récipiendaire
se borne h. l'éloge de son prédécesseur et à une sorte
d'étude littéraire sur le genre où il a excellé.
Concours et prix. — Un des principaux services
que rend l'Académie française à notre littérature na-
tionale est de récompenser et en quelque mesure de
diriger les efforts des écrivains qu'elle juge dignes
d'encouragement et qu'elle croit devoir recomman-
der à l'opinion publique.
C'est à l'un de nos premiers écrivains du xvii* siè-
cle, Jean-Louis de Balzac, que revient l'idée, blâmée
par les uns, approuvée par les autres, de couronner
les meilleurs ouvrages littéraires. Il fonda en 1654
un prix d'éloquence religieuse. Pellisson créa plus
tard un prix biennal de poésie ; d'autres suivirent.
Mais le plus généreux des donateurs fut Montyon *,
qui légua à l'Académie une somme de 600 000 francs
dont le revenu devait être partagé chaque année en-
tre l'auteur d'un a ouvrage dont il pourrait résul-
ter un plus grand bien pour la société » et « un
Français pauvre qui se serait fait remarquer par un
acte de vertu ». C'est le plus populaire des prix que
l'Académie décerne dans la séance annuelle du
25 août.
Aujourd'hui et grâce à de nouvelles et nombreu-
ses libéralités, l'Académie décerne une vingtaine
de prix dont voici la liste :
PRIX AKNCELS.
1» Prix d'éloquence sur un sujet donné;
i* k. un ouvrage utile aui mœurs (prix Montyon);
3« Prix de Tertu, lOOO fr. (prix Montyon);
A' Prix de vertu, de dévouement, etc. (prix Souriau);
5» Prix devertu, 6 médailles de 600 fr. (prix Marie Lasne] ;
_ 6» Actes de courage ou de dévouement, 1000 fr. . i fonda-
tion Gemond) ;
7° Au morceau le plus éloquent sur l'histoire de France
(prix Gobert);
8» Pour le meilleur ouvrage historique publié dans l'an-
née précédente (prix Thérouane);
9° Prix Marcelin Guerin (5000 fr.), ouvrage propre à
élever les idées, les mœurs, les caractères;
10» Prix Archon-Dospérouses (4000 fr.), affecté aux ou-
vrage de philologie française;
11" Prix Maillé-Latour-Landry pour encourager un écri-
vain à suivre la carrière des lettres.
12« Prix de vertu, 350 fr. (prix Laussat).
PRIX BIENNAUX.
1" Prix de Jouy (1500 fr.). ouvrage ayant pour objet l'é-
tude des mœurs actuelles de la France;
2° Prix .Morabine (SnOÙ fr.), récompense d'un acte de pro-
bité, ou pour venir en aide à des personnes ayant suivi la
carrière des lettres ou de l'enseiiinemcnt.
ACCENTUATION
PRIX TRIENItÀl'X.
t" Plusieurs prix de vertu (foudalion Honoré de Sussy,
legs de ïOO 000 fr.) j
i" Prix Thiers pour l'encouragement de la littérature et
des travaux historiques (3o(/û fr.) ;
3° Prix Guizot (3000 fr.), un ouvrage historique publié
dans les trois anuées précédentes;
4" Prix Jules Janin (3o00 fr.), traduction d'un ouvrage
latin.
PRIX QClNQtlKWniL.
Prix Botta (revenu), ouvrage publié dans les cinq »nnécs
précédentes sur la condition des femmes.
Organisation de l'Académie. — L'Académie pro-
cède au remplacement de ses membres par un scru-
tin secret. Elle a un secrétaire élu à vie qui porte
le nom de secrétaire perpétuel (cette fonction a
été remplie au xyiii» siècle par Duclos, D'Alembert,
Marmontel ; dans celui-ci par Suard, Raynouard,
Auger, Andrieux, Arnault, Villemain, Patin ; elle
l'est depuis 1877 par M. Camille Doucet).
Un moment supprimée sous la Révolution, l'Aca-
démie française fait partie depuis 1803 de l'Institut-
Le dernier acte d'intervention et de pression de la
part du gouvernement qu'elle ait eu à subir fut
une ordonnance du 21 mars 1816 qui, en lui ren-
dant son ancien nom, éliminait quinze de ses mem-
bres et lui imposait neuf académiciens choisis par
le roi. Depuis lors, l'illustre assemblée a conservé
sans atteinte ses privilèges et son indépendance du
pouvoir, condition de son prestige littéraire.
Influence de l'Académie. — Quelques critiques
qu'elle se soit attirées, nul ne peut méconnaître la
haute influence qu'a exercée l'Académie sur l'es-
prit français, le grand nombre d'illustrations diver-
ses qu'elle a contenues dans son sein, les heureux
effets de la tradition qu'elle s'est efforcée de créer
et de maintenir dans la langue et dans la littéra-
ture, les utiles encouragements qu'elle a prodigués
aux ouvrages sérieux.
On a néanmoins répété souvent avec amertume
que si l'on faisait la liste dos écrivains de premier
mérite qui n'ont pas fait partie de l'Académie, l'his-
toire de ce 41* fauteuil éclipserait sans peine l'é-
clat de la plupart des 40.
Au XVII* siècle. Descartes, Pascal et Molière, pour
ne citer que les plus grands ; au xviii*, J.-J. Rous-
seau, Diderot, Beaumarchais ; au xix», Paul-Louis
Courier, Balzac, Lamennais, Béranger, Michelet
ne furent pas de l'Académie.
Voici à titre de curio.sité la liste des 40 acadé-
miciens qui siégeaient en 1877 sous la coupohî
du palais Mazarin, dans l'ordre et avec la date de
leur élection :
Thiers (18.33) ; — Mignet (1836} ; — Victor Hugo
(1841) ; — Noailles (ls49) ; — Désiré Nisard (1850);
— Dupanloup (1854) ; — Sylvestre de Sacy (1854j ; —
Legouvé (18a5) ; — Falloux (1856) ; — Emile Augier
'1857) ; — Laprade (1858); — Sandeauf 1858); —duc
de Broglie (1862); — Feuillet (1862 ; — Dufaure
1863) ; —Doucet (1865) ;— Cuvillier-Fleury(l866) ;
-JulesFavreil867);—Autrann868);— Claude Ber-
nard (1868) ; — Haussonvlllo (1869) ; — Champagny
(1869) ; — Barbier (1869) ; — Ollivier (1870) ; — Mar-
mier (1870) ; — Duvergier de Hauranne (1870) ; —
duc d'Aumale (1871); — Littré (1871;; — Camille
Rousset ,1871); — Loménie (1871); — Saint-René
Taillandier (1873) ; — Viel-Castel (1873 : — Mézières
(1874); — Alexandre Dumas fils (1874) ; — Caro
(1874) ; — John Lemoinne ( 1875) ; — J. B. Dumas
'1875); — Jules Simon (1875); — Charles Blanc
(1876) ; — Boissier (1876) ; — V. Sardou (i 877).
[Ch. F. Durand.]
Pour les autres Académies, V. dans la I^^ Partie
le mot Institut et l'article relatif à ['Académie des
sciences morales et politiques.
ACCENTUATION. — Grammaire, VL — L'ac-
centuation est la manière d'employer les accents.
L'accent (du latin accentus, intonation) est pro-
prement l'élévation de la voix sur une syllabe ou
ACCENTUATION
— 9 —
ACCENTUATION
sur un mot. Par une confusion regrettable, nous
appelons aussi accents quelques signes orthogra-
phiques qui chez les Grecs sen'aient bien à mar-
quer l'élévation de la voix sur une syllabe, mais
qui chez nous ne servent qu'à modifier le son des
voyelles.
Il y a trois sortes d'accents : l'accent tonique,
l'accent grammatical, l'accent oratoire. Nous allons
les passer en revue, et nous ajouterons quelques
mots sur Y dLCzenX provincial, qui n'est pas une qua-
trième sorte d'accent, mais une modification le plus
souvent incorrecte apportée aux trois autres par
des particularités de prononciation et d'intonation
propres à chaque contrée.
ACCENT TONIQUE.
Règles générales de l'accent tonique. — Défi-
nition. — On ne prononce pas avec la même force
toutes les syllabes d'un mot ; ainsi, quand nous
disons : aimez, cha.ntons, nous prononçons la der-
nière syllabe plus fortement que la première,
tandis que, dans aime, chante, nous appuyons
sur la première. Cette élévation de la voix sur
une syllabe particulière dans chaque mot s'ap-
pelle accent tonique, et la syllabe ainsi prononcée
s'appelle syllabe accentuée ou tonique. Les autres
sont dites inaccentuées ou atones; ainsi dans ai-
mable, ma est la syllabe accentuée ; ai et ble sont
atones.
Place de l'accent tonique. — En latin, l'accent se
trouvait, ou sur l'avant-dernière syllabe, la pénul-
tième (amare, fi?n're), ou sur celle qui la précédait,
Y antépénultième (amabilis, senstbilis).
Comme l'accent latin, l'accent français n'a que
deux places, mais ce ne sont pas les mêmes : il
porte sur la dernière syllable toutes les fois que
c'est une syllabe pleine, qui se prononce entière-
ment : aimer, &nir ; — sur Y avant-dernière quand
la dernière a un e muet : aimable, sensible.
Persistance caractéristique de l'accent sur la
même syllabe qu'en latin dans les mots d'origine
populaire. — L'accent reste en français sur la
même syllabe qu'il occupait en latin : telle est la
loi générale pour les mots formés par le peuple et
dont l'existence est antérieure au douzième siè-
cle ; de jîorticus, on a fait porche ; de wiobilis,
meuble ; de grammatica, gramrwaire.
Plus tard les érudits ont formé de ces mêmes mots
latins des mots français qui en ont conservé plus
exactement la forme extérieure, mais qui ont changé
la place de l'accent : por^que, moôfle, grammatical.
Les mots populaires (qui sont, on le voit, plus
contractés que les mots savants) s'en distinguent :
1* par cette persistance de l'accent sur la même
syllable qu'en latin ; 2* par la suppression de la
voyelle brève qui précède la tonique : 3° par la chute
de la consonne médiane, c'est-à-dire de la consonne
placée entre deux voyel'es dont la seconde appar-
tient à la syllabe tonique.
Exemples : Suppression de la voyelle brève :
bon(i)tateiti, bonté. sepfalrare, sevrer.
clar(i)tatetn, clarté. popfu)lus, peuplier.
pos(i)tura, posture. pop(ujlatus, peuplé.
Chute de la consonne médiane :
Au(K)ustus, août.
confi(d)entia, conliance.
do(t)are, douer.
deli(c)tatus, délié.
Influence de l'accent tonique sur l'orthographe. —
Quand l'accent tonique est sur la dernière syllabe,
l'avant-dernière peut être muette : élever ; mais
lorsque la dernière est muette, l'avant-dernière.
qui est alors la syllabe tonique, doit être néces-
sairement sonore : élève. On pressent toutes les
conséquences de cette règle pour l'orthographe.
D'une façon générale et comme principe détor-
minant soit la formation des mots, soit leur ortho-
graphe, il faut reconnaître, comme le fait M. Ayer
dans sa Phonologie de la langue française, que la
voi-^elle accentuée tend toujours à prendre un son
plein, à se renforcer en quelque sorte par la pro-
nonciation, avec ou sans modification orthographi-
que apparente. Ainsi on écrit de même un parent
et ils garent, un couvent et elles couvent, on pres-
se/?^ et ils pressent ; la prononciation suffit à mar-
quer la place différente de l'accent tonique. Mais
le plus souvent, pour figurer ce renforcement de la
syllabe accentuée, l'orthographe fait subir à cette
syllabe une légère modification : la recherche de
ces différentes modifications est l'objet des règles
particulières de l'accent tonique, elles dérivent
toutes du principe général que nous venons d'in-
diquer. [B. Berger.]
Règles particulières de l'accent tonique. — Le
grand principe qui a présidé à la formation de notre
langue au moyen âge est que la syllabe accentuée
est toujours renforcée : X" ou par une diphthong ai-
son de la voi/elle; 2° ou par un redoublement de
consonnes ; 3" ou par un accent grammatical.
Bien des règles de notre orthographe, qui sem-
blent incohérentes ou bizarres, tirent de ce seul
principe leur explication.
r Diphthongaison. — Le latin famés devient
faim ; vocem devient \'oix ; mobilis, meichle ; mori,
mourir; absolvere, absoudre, lepus, lièvre, etc.
IMais la dérivation ramène ordinairement la voyelle
simple et primitive en déplaçant l'accent tonique ;
ainsi ai redevient a : f/im, affamé. — eu rede-
vient o: meuble, mobilier; cœur, cordial; — oi re-
devient 0 : voix, vocal ; — ou redevient o ou u :
absoudre, absolution ; m» urir, mortel ; sourd, sur-
dité ; — ie redevient e : lièvre, levrette, etc.
La dérivation aide en ce cas à découvrir quelle
doit être l'orthographe de la voyelle accentuée ;
ainsi les trois sons ai}i, ein, in dans pain, serein,
fin se ressemblent pour l'oreille et peuvent em-
barrasser un écolier ; le doute cessera pour lui s'il
peut se rappeler les dérivés de chacun de ces mots ;
pain s'écrira par ai, puisqu'il a pour dérivé pane-
tier ; serein par ei, puisqu'il a pour dérivé sérénité
et fî}i par i, puisqu'il a pour dérivé finesse.
'1" Redoublement de cojisoune. — Souvent la syl-
labe accentuée est renforcée par un redoublement
de sa consonne : le cas est surtout fréquent pour
les lettres l, n, t. Chien, chienne ; fol, fo/le ; sujet,
sujette. Cette loi avait déjà été entrevne, il y a près
de 200 ans, par Régnier Desmarais, qui disait : « C(!
redoublement a lieu d'ordinaire immédiatement
après la voyelle sur laquelle esi le siège de l'acceni ;
mais il n'a plus lieu si l'accent passe de la pénul-
tième à la dernière. On écrit chape//e et chape/ain.»
Le redoublement disparaît ordinairement dans
les dérivés : chandeWe, chande/ier ; éche//e, éche-
lon. Mais il reparaît quand la dernière syllabe de-
vient muette, c'est-à-dire inaccentuée : appeler,
j'appe//e ; je^er, je iette. On voit qu'il 7i'y a jamais
deux syllabes muettes de suite dans un mot français.
Cette loi trouve d'innombrables applications dans la
dérivation des mots, dans la formation du féminin des
noms et des adjectifs, et dans les apparentes irrégu-
larités d'orthographe des verbes de la première con-
jugaison. Les noms terminés par ien, en, redoublent
le n final pour conserver à la voyelle sa sonorité :
chie« ne, Europée» ne. Il en est de même de la plu-
part des adjectifs terminés pare/, icn, et, comme :
paterne/, ancie??, net, qui par la même raison font
au féminin : paterne//e, ancienne, nette. Ce redou-
blement persiste dans le corps du mot, quand la
voyelle qui suit la syllabe primitivement accen-
tuée est muette : ne/, ne//e, ne//ement, etc.
Contrairement à cette loi, suivie d'une manière
inconsciente mais uniforme parle peuple, on trouve
quelques mots, comme prunelle, cannelle, nou-
velle, etc., qui font prune//ier, canne//ier, nouve/-
/iste avec deux / ; mais ce sont des mots relativement
récents dans la langue, où ils ont été importés par
les savants. Enfin, il ne faut pas ramener à cette
ACCENTUATION
10 —
ACCENTUATION
règle des motscomme rébellion, flagellation, etc.,
dérivés de primitifs latins où se trouvaient déjà
les deux / ; rebe/Zionem, flage/Zationcm.
Les verbes de la première conjugaison terminés
en eler, eter, ont l'accent sur i'avant-dernière syl-
labe à l'indicatif présent, puisque la dernière devient
muette ; ils redoublent alors le / ou le ^ ; appeler,
j'appelle ; jeter, ia ]ette. Mais le redoublement dis-
parait quand l'accent passe sur la dernière ; de là
cette irrégularité apparente dans la conjugaison des
diverses personnes : je iette, tu jettes, nous je^ns,
vous jetez, ils je^^ent ; j'appe//e, tu appe//es, nous
appe/ons, vous appe/ez, ils appe//ent ; ce redouble-
ment persiste même dans le corps du verbe quand
la voyelle qui suit est muette : je jetterai, j'appe/-
/erai, bien que l'accent tonique soit alors sur la
finale oi, toujours d'après la loi qui interdit deux
syllabes muettes de suite.
3° Acce>it grave ou aigu. — La troisième manière
de renforcer la tonique est de placer un accent
grave sur lavant-dernière syllabe quand elle est ac-
centuée ; on le supprime quand elle est atone. Le
français a fréf^uemment recours à ce signe ortho-
graphique pour renforcer la syllabe accentuée où
entre la voyelle e; c'est pourquoi l'on écrit : tiède,
remède, nègre, avec un accent grave, et tiédir, re-
médier, négresse, avec un accent aigu. On en trouve
de nombreux exemples dans la formation du fémi-
nin des substantifs et des adjectifs ; ainsi ouvrier,
é:olier, jardinier, etc., prennent un accent grave
au féminin pour conserver sa sonorité à la voyello
accentuée : ouvrière, écolière, jardinière. Il en est
de même des adjectifs léger, étranger, passa-
ger, etc., qui font légère, étrangère, passagère, avec
iin accent grave. Il faut ajouter à ces adjectifs en er,
les six adjectifs : complet, concret, discret, secret,
inquiet et replet, qui au féminin prennent un accent
grave sur la syllabe tonique au lieu de redoubler la
consonne. Ces mots, introduits en français par les
savants, ne se sont point plies aux règles du re-
doublement qu'obsers'e notre langue pour les mots
d'origine populaire.
Les verbes de la première conjugaison qui ont
un accent aigu sur I'avant-dernière syllabe, quand
la dernière est accentuée, comme céder, posséder,
exagérer, régner, changent l'aigu en grave quand
la dernière est atone, c'est-à-dire quand l'accent
tonique passe de la dernière à I'avant-dernière syl-
labe ; ex. : céder, je cède ; posséder, je possède, etc.;
l'accent grave persiste même dans le corps du mot
quand la syllabe suivante est muette : je céderai,
tu posséderas, etc. Il n'y a d'exception à cette règle
que pour les verbes en é^r, qui prennenttoujours un
accent aigu: créer,crée; agréer.agrée. Cette exception
s'explique par la raison que ée ne forme qu'une
syllabe, Ve muet ne comptant pas à la fin du mot.
Dans les verbes en éger, comme siéger, alléger,
on écrivait autrefois il siège, j'allège avec l'accent
aigu; mais, comme le dit M. Littré, cette irrégu-
larité orthographique n'étaic pas d'accord avec la
prononciation, qui donne à celte désinence le son
de l'è ouvert et non celui de l'é fermé. Aussi
aujourd'hui l'Académie a-t-elle fait rentrer ces
verbes dans la règle générale : on écrit donc il siège,
j'allège avec l'accent grave, de même qu'il laut
écrire collège, cortèg", et non plus collège, cor-
tège. On peut rapprocher de l'ancienne ortho-
graphe de l'indicatif présent des verbes en ègcr,
la première personne des verbes en er, quand ils
sont conjugués interrogalivement : chanté-je?
ainié-je? Le pronom fait alors réellement partie
du mot, et, en vertu du principe que nous avons
énoncé plus haut, la syllabe finale, qui était muette
et atone dans : je chant'?, j'aime, devient sonore
et accentuée dans : chanté-je, aimé-je. Ici le ren-
forcement de la syllabe tonique se marque, comme
autrefois dans l'indicatif présent des verbes en
é^e>-,parun accent aigu et non par un accent grave.
Les verbes de la première conjugaison qui ont
un e muet à lavant-dernière syllabe de l'infinitif,
comme lever, mener, changent cet e muet en è ou-
vert quand la dernière syllabe devient muette,
parce que l'accent tonique passe alors sur I'avant-
dernière : je lève, je mène. Il en est de même de
quelques verbes en eler, eter, qui, au lieu de redou-
bler / ou t, prennent un accent grave sur la syl-
labe tonique : peler, je pèle ; acheter, j'achète. Nous
regrettons, avec M. Littré et la plupart des gram-
mairiens, que ces verbes fassent exception à la règle
du redoublement exposée dans le paragraphe pré-
cédent ; à part modeler, celer, geler, haleter, dont
l'irrégularité peut s'expliquer par l'étymologie (mo-
àèle, ce/are, ge/are, hali^are) , les autres verbes
n'ont rien qui justifie cette anomalie.
L'emploi de l'accent grave et le redoublement de
la consonne sont deux procédés graphiques ten-
dant au même but : le renforcement de la voyelle
accentuée. On se bornait au moyen âge à le mar-
quer par la prononciation ; aujourd'hui qu'il est
nécessaire de l'indiquer par un signe extérieur, il
conviendrait de s'arrêter à l'un de ces deuxmoyeus
orthographiques, au lieu d'hésiter entre l'un et
l'autre, et il serait à souhaiter que l'Académie
française, choisissant ou le redoublement de la con-
sonne, ou l'accent grave, l'appliquât uniformément
à tous les verbes en eler, eter.
Exercices.
Sur les règles générales. — 1. Prendre nne
phrase quelconque du livre de lecture et demander
pour chaque mot quelle est la syllabe accentuée.
2. Faire remarquer la différence de prononcia-
tion correspondant à la différence d'accent tonique
entre les suivants et d'autres analogues :
un afQuenf, ils af/7uent. aiguë, aigue-marine.
un pareî!<, elles se parent, un expédioi/, ils expédient,
le président, qui président. pij'îlre, je piquerai.
3. Montrer que l'accent tonique change de syl-
labe en passant du primitif aux dérivés :
riche, ricAesse, richement foile, fo/ie, follement.
fin, fini, défini, définie/. règle, régie, régulière, rè-
ancie», ancienne, ancienneté', glemeni, régularisé, régu-
anciennemenf. WtTtment.
solde, solder, soldai solda- peuple, peuple', population,
iesque. popuiaire, popularise.
4. Souligner les syllabes atones dans :
crime, criminel, criminalilé, force, /"orçat, /bWeresse, ren-
incrimiaée. forcée.
4 bis. Pourquoi peut-on faire rimer souvent avec :
un couvent et non avec : elles couvent? — avec
auvent et non avec : ils se sauvent ?
Pourquoi : on pressent, on ressent, ne riment-ils
pas avec ilspressent, ils caressent, quoiqu'ils s'écri-
vent de même?
Peut-on faire rimer l'une avec l'autre deux syl-
labes atones?
Sur ladiphthoxgaisox. — 5. Donner des mots de
la même famille que les suivants et montrer le
changement qu'a subi la syllabe accentuée du mot
primitif.
Ex. : de lièvre, sont dérivés : lévrier, levraut,
levrette; de meule, moulin, moulinet, etc.
I. ie devient e :
lièvre, lévrier, iBvraut, matière, matériaux.
levrette. pied, pédestre, pédestre-
cliâlaignier, c/iàa^'jrneraie. ment, pédale.
chevalier, chevalerie, che- pierre, perron, perré,
valeresque. pemère.
iièwre, fébrile, fébrifuge, bien, bénir.
II. ai devient a :
panier. solidaire, solidarité.
pain,
vain, vanité'.
étain, et amer.
vulgaire, vulgariser.
germain, germaniime.
ACCENTUATION
11 —
ACCENTUATION
clair, clarté. grammaire, grammatical.
fairo, famine. sain, santé.
notaire. notariat. salaire, salarié.
Tolontaire, volontariat. séminaire, séminariste.
naître, natal. contraire, contrarier.
braise, brasier. commissaire, commissariat.
humain, humanité. gain, gagner,
caisse, cassette. littéraire, littérature.
III. e devient a :
sel, salin, saler, salure, frère, fraternel, fraternité.
mer, marin, marée. 7iei, nasal, naseau, nasiller.
mère, maternelle, maternité, nef, naval,
f ère, paternel, paternité, clef, clavier.
IV. eu, œu, œ deviennent o ou ou :
seul, solitude, solitaire, couleur, coloris, colorer.
œuvre, ouvrier, ouvrage, cœur, cordial, cordialité.
vœu, votif. neuf, »i ou «eau, 7i ou yeautf.
peuple, population. bœuf, bouvier.
meilleur, améliorer. preuve, prouver.
ÛGMT, fl oraison, fl o rissant.
V. ou devient o on u :
absoudre, absolution. pouls, pvilsation.
résoudre, résolution. sourd, surdité.
VI. e devient ie ou i :
■venir, je viens, viendrai, lettre, littéraire, littérature.
bref, brièvement, brièveté, cercle, circulaire.
VII. ai devient e :
vilain, vilenie. graine, grenier.
VIII. Changements divers dans la syllabe accentuée :
doigt, digital. ministèro, ministériel.
veiller, teiVZeur. voix, voeu/,
fleuve, fluvial. raie, rayoH.
pouvoir, pourra. cuir, ro;'iace.
6. Faire sur un certain nombre des exemples pré-
cédents une courte phrase où entreront le mot
simple et l'un de ses dérivés. Ex. : Un chaiidelier
sert à porter la chandelle; — étamer, c'est re-
couvrir d'une couche à'étain la surface d'un mé-
tal, etc.
Sur le redoublement de consonne. — 7. Faire
une liste de dérivés de chacun des mots suivants,
et dire pourquoi chaque dérivé n'a qu'une con-
sonne là où le primitif en avait deux.
chandeHe , — chandelier, cerve/le, — cervelas, écervelé.
Chandeleur. semeHe, — (res)semeler.
étince/le, — étinceler. chapelle, — chapelain,
dentelle, — dentelé, dente- charrette, — charreter, char-
lure. retée, charrelier.
éche/le, — échelon.
8. Former ie féminin des mots suivants :
chien, essentiel,
gardien, ofQciel,
comédien, usuel,
prussien, net,
réel, poulet.
européen, ministériel,
citoyen, solennel,
magicien, paternel,
formel, brunet,
naturel, rondelet.
9. Dans les mots ci-dessous, pourquoi la con-
sonne l est-elle quelquefois redoublée ? (Elle l'est
chaque fois que la voyeile suivante est atone.)
muselons, musellent. muselleront,
ruisselant, ruissellent, ruisselleront,
denteler, dentelles, dentellera,
chancelèrent, chancellent, chancelleraient,
attelage, attelle, attellerons,
nivelâmes, nivelle, nivellement.
10. Dans les mots ci-dessous, montrer que la
consonne t se redouble quand la voyelle suivante
est atone.
je tèrent, caque taient, feuille t terez,
Jjstant, empaquetterons, feuilleter,
je/tent, empaqueter, cacheter,
caque t teras, feuille t te, cache t tent.
Sur l'accent gr.we ou aigu. — 11. Former le
féminin des mots suivants et dire pourquoi il porte
un accent grave.
vacher, dernier, boucher, régulier,
berger, complet, boulanger, guerrier,
léger, discret, écolier, concret,
hospitalier, inquiet, passager, secret.
12. Dans les mots ci-dessous, quand faut-il l'ac-
cent grave, quand faut il l'accent aigu ? (Le premier
quand la syllabe qui suit est atone, le second dans
le cas contraire.)
empi è te, ce dassent, toi e'rance,
empi é tons, obs è dent, Tén é rous,
empi è tement, obs é dèrent, \éu è re,
complétant, différassent, lacérer,
complète, ditîèreras, libérera,
interpréteras, espérant, libérateur,
interprétâmes, espèrent, modériez,
s é chant, ait é ra, mod é re,
s é ches, ait é res, accél é ré,
c é deront, toi é reraient, accél è re.
13. Dans les mots ci-dessous, que deviendra Te
du radical verbal, quand la voyelle suivante sera
atone ? (Il prend l'accent grave.)
ach e ter, ach è terons. g e 1er, g è le.
mart e lions, mart é le. s e mons, s é me.
mod e 1er, mod é le. cr e vaient, cr é ve.
menions, mèneraient. levâmes, lèvera.
14. Souligner d'un trait la syllabe ent atone et de
deux traits la syllabe eut quand elle peut rimer
avec ant (c.-à-d. est accentuée) dans ces vers :
Mais qui peut dans sa course arrêter ce torrent.'
Achille va combattre et triomphe en courant.
[Racine.]
On entendait le bruit de cent mille soldats,
Les roulements des chars, les coursiers qui hen-
[nissew',
Les ordres répétés qui dans l'air retentissent.
Ou le bi'uit des drapeaux soulevés par les vents.
Qui, dans les camps rivaux, flottaient à plis mou-
[vants.
Je sens en moi certain agent;
Tout obéit dans ma machine
A ce principe intelligent :
Il est distinct du corps, se conçoit nettement.
I^La Fontaine.]
Mais pourquoi pour ces gens un intérêt si grand.
Vous qui condamneriez ce qu'en eux on reprend!
[Molière.]
Au moins dix ans, mon père, accordez-moi dix ans,
Et je vous comblerai d'honneurs et de présents.
[C. Delavigne.]
ACCENT GRAMMATICAL.
L'accent grammatical sert à modifier le son des
voyelles.
Le français emploie trois sortes d'accents : l'ac-
cent aigu ( '), l'accent grave ( '' ) et l'accent cir-
conflexe ( '^ ).
Il ne faut pas confondre l'accent grammatical et
l'accent tonique ; le premier se marque dans l'é-
criture, le second se fait seulement sentir dans la
prononciation, (-es deux accents se trouvent quel-
quefois sur la môme syllabe, comme dans bon^é,
succès, /"ete, mais c'est une coïncidence toute for-
tuite.'Ainsi, l'accent tonique dans féie, est sur la
syllabe surmontée d'un accent, et dans fête»' sur
la syllabe qui suit.
1° Accent aigu. — L'accent aigu se place seule-
ment sur les é fermés : né, aimé; excepté dans
les mots terminés en et, ez et e?' lorsque »• y est
muet : eïïef, nez, aimer. Cet accent sert à marquer
la suppression de Vs initial dans les mots tels
que : état (statum), épi (spica), épice (.species),
échelle (scala), écrin (scrinium), étable (stabulum),
étude (studium), etc. (A. Brachet, Dictiomiaire
étymologique, p. 216.)
2° Accent grave. — L'accent grave se place sur
les voyelles a, e, ou. Il se met sur les è ouverts :
prophète, succès ; sauf quand l'e est suivi de deux
consonnes, comme dans : pes^e, terre, trompette ;
ou qu'il termine le mot et est suivi d'un r sonore,
comme dans : fer, hive?'. On excepte aussi les mo-
nosyllabes les, }nes, tes, ses, est, es. Il sert à dis-
tinguer (les article de dès préposition, où adverbe
ACCENTUATION
— 12 —
de on conjonction; à préposition de a verbe; là
adverbe de la article ou pronom. On le place aussi
sur les mots çà, déjà, et sur les composés de la :
holà, delà, voilà.
L'accent grave sert à marquer la suppression de
Vs dans quelques mots : centième (centesimus),
huitième (octeiimus), comme nèfle (mespilum), etc.
Les mots terminés en ége : collège, cortège, etc.,
gardaient autrefois l'accent aigu ; l'Académie les
écrit aujourd'hui avec l'accent grave, co//è^e,cor^è^e.
Enfin, comme on Ta vu plus haut, l'accent grave
se met sur l'e de l'avant-dernière syllabe d'un mot
quand ce mot est terminé par une syllabe muette :
lève, mène, fièvre, tiède, cède ; mais il est supprimé
ou remplacé par un accent aigu quand la syllabe
suivante devient sonore : lever, mener, fiévreux,
tiédir, céder.
3° Accent circonflexe. — L'accent circonflexe se
place sur toutes les voyelles a, e, i, o, u, eu, ou,
quand ces voyelles sont longues et qu'il y a con-
traction ou suppression de lettres.
Il indique la contraction de deux voyelles dans
les mots suivants : âge (que l'on écrivait autrefois
aage), bâiller (baailler), câble (caable), soûl (saoul),
vêler (veeler), flûte {ûaùie), piqûre (piquure), mûr
(mewr), sûr (seur), crû (crew), dû (àeu), jeûne
(jewne) ; ou la suppression d'un e muet après une
voyelle dans : dévoî/ment, abo?'ment, goîté, remer-
cJment, etc., mots que l'on écrit aussi avece; dé-
vouement, aboiement, etc. (Ayer, Grammaire com-
parée, p. 24.)
Mais l'accent circonflexe sert le plus souvent à
marquer la suppression d'un s ; «pre, bâton, arrêt,
be'te, fe'te, abîme, épitre, apdtre, côte, brî<ler. hù-
che, gOMt, croûte, etc., que l'on écrivait autrefois :
aspre, bavton, arrest, be^te, fe^te, abisme, epi^tre,
apostre, coste, brusler, busche, gou.ft, crou^te.
« Cet s fut prononcé jusqu'au treizième siècle, puis
il disparut, mais en allongeant la voyelle qui le
précédait, et on eut alors la prononciation en ê :
bête, fête, tête. Cependant, bien qu'il ne se pro-
nonçât plus, cet s persista plusieurs siècles encore
dans l'écriture ; toutes les éditions du Dictionnaire
de l'Académie française jusqu'en 174i> écrivent
encore beste. fexte. teste, et Bossuet, Racine, Boi-
ieau, etc., n'écrivaient pas autrement. » (Brachet,
Nouvelle grammaire, p. 19.) Cet s étymologique
reparaît souvent dans les dérivés : aspérité, bas-
tonnade, bestial, festin, etc.
C'est cette suppression de la lettre s qui amène
l'accent circonflexe à certaines personnes des ver-
bes : fûtes (latin fuistis), fût (fuisset), eûtes
(ha(b)uistis). eût (ha(b)uisset), aimâtes (amastis), etc.
Dans fûmes, eûmes (luimus, ha(b"iuimus), qui n'a-
vaient point de s, l'accent circonflexe est une er-
reur du seizième siècle et une faute contre l'éty-
mologie.
Cet accent sert enfin à distinguer l'un de l'autre
deux mots qui s'écrivent de même, bien qu'ayant
des acceptions difi"érentes : mrftin et matin, fore't et
foret, niîir et raur, iû et tw, nôtre et notre, etc. :
différences d'orthographe qui s'expliquent par l'é-
tymologie de chacun de ces mots, sauf pour jiotre
et 7iôtre, votre et vôtre, dont l'orthographe est
difi"érente bien qu'ils aient la même origine. « Le
latin nostrum donna le vieux français nostre, qui
remplaça régulièrement s par un accent circonflexe
marquant l'allongement de la voyelle, d'où nôtre,
comme teste, beste sont devenus tête, bête. — Nôtre,
vôtre (dans le nôtre, le vôtre) sont donc les vraies
formes ; mais ces mots se sont allégés et abrégés
quand nôtre, vôtre précédaient immédiatement un
nom, sur lequel se portait naturellement tout l'ef-
fort de l'accent tonique. Au lieu de dire ndtre
âme, qui eût été réguUer, mais sans relief, on allé-
gea l'adjectif pour reporter tout l'efl'ort de la voix
sur le substantif, d'où : 7ioti'e âme. » (Brachet,
Nouvelle grammaire, p. 96.)
ACCENTUATION
Exercices.
15. Indiquer quel est le sens des mots suivants,
selon que la voyelle est longue ou brève.
malin, gros chien de garde. matin, première partie du
jour.
forét, ieiTain plante' de tois. (orei, instrument pour percer,
pêcheur, celui qui pêche, pécheur, qui commet des pé*
chés.
mur, parvenu à maturité', mur, ouvrage de maçonnerie.
bât, espèce de selle. bat, verbe battre.
châsse, coffre contenant des chasse, poursuite des ani-
reliques. maux sauvages.
fût, tonneau pour mettre le fut, verbe être.
vin.
tâche, travail à faire. tache, marque qui salit,
acre, qui est piquant au goût, acre, mesure agraire,
td^he, sommet d'un édifice. l»\\.e, chose formée, exécutée.
crû, verbe croitre. cru, verbe croire.
dû, verbe devoir. du, article mis pour de le.
jeûne, privation de nourri- jeune, peu avancé en âge.
ture.
sûr, certain, digne de con- sur, qui a vn goût acide.
fiance.
16. Donner des mots de même famille que les
mots suivants qui gardent ïs et qui par conséquent
n'ont pas l'accent ciixonflexe.
arrêt, arrestation. Pâques, pascal.
apôtre, apostolique. -vêpres, vespéral.
épitre, épistolaire. rêtir, veste.
bâtonncr, bastonnade. é-rèque, épiscopal, épiscopat.
hôpital, hospitalier. pâtre, //auteur, pastoral.
côte, costal, accoster. intérêt, intéresser.
iéle, teston [monnaie qui re- protêt, prolester.
présentait la tête du roi.) bête, bestial, bestiaire.
fête, festival, festin. prêtre, presbylère.
forêt, forestier. blâme, blasptiéme.
baptême, baptismal, goût, déguster,
ACCENT ORATOIRE.
Tandis que l'accent tonique s'exerce sur les
syllabes d'un mot, l'accent oratoire s'applique aux
mots composant la phrase. Par diverses inflexions
de voix, par un ton plus ou moins élevé, il ex-
prime les affections diverses dont celui qui lit
ou qui parle est agité, et les communique à ceux
qui l'écoutent. Le discours est en effet une
espèce de chant, a dit Cicéron, et comme la musi-
que, il a sa tonalité, son diapason, ses modulations.
Qu'il s'agisse de prose ou vers, l'accent [oratoire
ou prosodique) est l'art d'approprier pour ainsi
dire les nuances de la voix à celles de la pensée
ou du sentiment. « On interroge, on répond, on
raconte, on fait un reproche, on querelle, on se
plaint; il y a pour tout cela des tons- différents ; et
la voix humaine est si flexible qu'elle prend natu-
rellement, et sans eff'ort, toutes les formes propres
^ caractériser la pensée ou le sentiment. Elle s'é-
lève ou s'abaisse, elle se fortifie ou s'afl'aiblit. Tou-
tes les passions, en un mot, ont leur accent : et les
degrés de chaque passion pouvant être subdivisés
à l'infini , de là il s'ensuit que l'accent oratoire est
susceptible d'une infinité de nuances, qui ne coû-
tent rien à la nature et que l'oreille saisit, mais
que l'art ne saurait démêler. » (Abbé d'Olivet,
Traité de la prosodie française.)
ACCENT PROVINCIAL.
On désigne sous ce nom l'intonation propre à
chaque province et difi'érente de l'intonation
du bon parler de Paris, prise pour règle. C'est
dans ce sens qu'on dit que, pour bien parler, il
ne faut pas avoir d'accent , c'est-à-dire qu'il ne
faut avoir aucun de ces accents propres à
la province ; car, dans un sens général, il faut bien
avoir un accent, puisqu'il est impossible de parler
sans accentuer ce qu'on dit. 11 y a autant d'accents
en France que nous avons de provinces ; on peut
môme soutenir que la prononciation varie d'une
ACCIDENTS
— 13 —
ACCIDENTS
ville à l'autre. Aucune, du reste, ne peut se vanter
de parler d'une manière absolument pure ; à Paris
môme, les sons mouillés gn et ill sont souvent dé-
naturés par le peuple, qui prononce i'ifoble pour
ignoble, td/ieur pour tailleur, pdye pour paj71e, etc.
Les principaux accents que l'on peut signaler en
France sont : l'accent normand, l'accent picard,
l'accent gascon, l'accent provençal, l'accent bour-
guignon, qui correspondent à autant de dialectes.
L'un allonge les syllabes, l'autre donne partout
au c un son dur et aspiré, l'autre traîne sur les
voyelles ou prononce tous les e comme des « fer-
més ; défauts qu'il faut éviter ou du moins corriger
par la fréquentation assidue des gens qui parlent
correctement. [J. Dussouchet.]
ACCIDENTS-— Hygiène, XIIL— Les enfants sont
sujets aux accidents de toute sorte, par suite de
leur impétuosité et de leur inexpérience. Parmi les
accidents il en est un grand nombre qui font partie,
pour ainsi dire, de la vie de l'enfant, contre lesquels
il doit s'aguerrir, qu'il n'apprend à éviter que par
sa propre expérience, et au prix de petites douleurs
qui lui valent d'utiles leçons : telles sont les chu-
tes, contusions, égratignures, piqûres, coupures,
brûlures légères. Une sollicitude exagérée, inintel-
ligente, porte souvent les parents à priver l'enfant
de toute activité, de toute initiative, pour le mettre
à l'abri de ces petits malheurs ; mais l'enfant élevé,
comme l'on dit, dans du coton, est exposé, dans la
suite, à de plus rudes expériences, contre lesquelles
il se trouve sans défense comme sans courage.
Une foule d'accidents légers sont inévitables ; le
mieux est donc d'en prendre son parti, et d'obliger
les enfants à la philosophie en feignant, au besoin,
la plus grande indifférence pour les petites odyssées
dont ils viennent, tout en pleurs, raconter les pé-
ripéties.
Mais la vigilance des parents, des maîtres, doit
ôtre sans cesse en éveil pour éviter des accidents
graves, et s'ils n'ont pu les prévenir, il importe qu'ils
sachent en apprécier la nature et l'importance, y
remédier eux-mêmes dans les cas les plus simples,
donner avec intelligence les premiers soins en at-
tendant l'arrivée du médecin.
Nous allons passer en revue, par ordre alphabé-
tique, les accidents les plus fréquents, ceux qu'il
importe le plus de bien connaître, en indiquant
la médication à suivre. Un article spécial sera con-
sacré à l'Asphyxie. On trouvera aussi quelques
indications aux mots Alcooliques {Boissons), Poi-
sons, Tabac.
BRULURE. — Qu'elles soient causées par la proxi-
mité d'un brasier ardent, par la flamme, un char-
bon en ignition, un métal chauffé ou un liquide
caustique, les brûlures peuvent se diviser en trois
degrés, qui comprennent la rubéfaction, la vésica-
tion et Y escarrification. Dans le premier degré il
y a seulement rubéfaction ou rougeur de la peau
comme dans l'application d'un sinapisme, mais la
douleur est vive et l'épiderme tombe au bout de
quelques jours. Dans le deuxième degré l'effet est
comparable k celui d'un vésicatoire : il se forme des
ampoules pleines de liquide ; la partie supérieure
de la peau, en se reformant, laisse voir quelque-
fois une cicatrice froncée peu apparente. Dans le
troisième degré toute l'épaisseur de la peau et sou-
vent les tissus qu'elle recouvre sont frappés de
mort ; la partie ainsi détruite se nomme escan-e.
Un cautère produit une brûlure de ce genre.
La gravité d'une brûlure dépend moins, dans bien
des cas, de sa profondeur que de son étendue. Chez
les enfants surtout, la rubéfaction d'une portion
considérable du corps peut amener la mort. La
suppuration qui succède à la chute des escarres
affaiblit souvent le malade au point de le faire suc-
comber.
Le traitement est toujours très-simple. Pour le
premier degré, eau fraîche en bain ou en lotions,
puis application de coton cardé. Pour le deuxième
degré il faut piquer et vider les ampoules et ap-
pliquer sur la peau l'épiderme décollé, puis recou-
vrir d'un linge mouillé que l'on rafraîchit souvent.
Lorsque la douleur est calmée, on recouvre de coton
qu'on laisse en place jusqu'à guérison, c'est-à-dire
pendant dix à douze jours ; lorsqu'il s'imbibe de
sérosités, on le couvre de couches nouvelles. A dé-
faut de coton, on peut, au moins provisoirement,
employer de la farine de blé. Quant aux brûlures
du troisième degré, elles réclament les soins d'un
médecin ; on ne peut, en l'attendant, qu'employer
les lotions d'eau fraîche et soutenir les forces par
des boissons toniques chaudes, ne contenant pas
d'alcool.
Rappelez-vous surtout qu'il n'y a pas de remède
contre la brûlure, que l'on doit se borner à rafraî-
chir et à empêcher le contact de l'air : la nature
fait le reste. Le liniment oléo-calcaire, composé
d'eau de chaux et d'huile d'olives, la gelée de gro-
seilles, la pulpe de pomme de terre, ne possèdent
aucune vertu propre, mais agissent, en se dessé-
chant, comme la farine et le coton; ils s'opposent
au contact de l'air: de là vient leur réputation.
CHARBON. — Le cfiarbon ou anthrax malin se
confond souvent avec la pustule maligne ; on le
distingue cependant de cette dernière en ce qu'il
peut se développer spontanément, tandis que la pus-
tule maligne résulte toujours de la contagion occa-
sionnée par les animaux atteints du charbon ou par
leurs dépouilles.
La pustule maligjte est une inflammation gan-
greneuse de la peau causée par le contact ou l'ino-
culation du sang ou des humeurs d'animaux sur-
menés ou atteints du charbon : elle est souvent
produite par la piqûre d'une mouche qui trans-
porte avec elle le venin. A une petite vésicule suc-
cède une plaque grisâtre autour de laquelle la peau
s'enflamme et forme bourrelet : ce centre gangre-
neux s'élargit rapidement, et l'inflammation s'étend
à mesure ; bientôt se manifestent les symptômes
d'une maladie grave, abattement, peau et langue
sèches, pouls petit et fréquent, syncopes et mort,
dans un délai de deux à huit jours. Quelquefois,
mais rarement, la gangrène se limite d'elle-même
et le malade guérit. Ce qui distingue surtout le
charbon de la pustule maligne, c'est que la maladie
commence par du malaise, de l'abattement, des
douleurs au creux de l'estomac, une tendance à la
syncope. Il se forme une petite tumeur bleuâtre au
milieu, rouge à sa circonférence, recouverte de vé-
sicules qui se rompent et laissent voir la peau mor-
tifiée. La gangrène gagne rapidement du terrain, la
fièvre devient intense, la langue est sèche et noire
et le malade meurt dans la torpeur ou le délire.
Pour le charbon plus encore que pour la pustule
maligne, il faut agir dès le début et appeler immé-
diatement un médecin. En son absence, dès que la
maladie est reconnue par la formation de la plaque
dure entourée d'une auréole rouge et vésiculeuse,
il faut, sans hésiter, pratiquer, en croix, sur la pla-
que, deux incisions longues de deux à trois centi-
mètres, profondes de quatre à cinq millimètres,
faire saigner les plaies et les cautériser deux ou
trois fois avec une forte lame de couteau rougie au
feu. De la charpie imbibée de vitriol (acide sulfu-
rique) ou d'ammoniaque pure remplacerait, à la
rigueur, la cautérisation par le fer rouge. Le point
le plus important, c'est d'inciser en proportion des
progrès du mal, et de cautériser jusqu'aux parties
saines.
CONGÉLATION. — Le froid produit sur nos tissus
des efl"ets analogues à ceux de la chaleur, la peau
se rubéfie, se couvre d'ampoules, il peut même se
former des escarres. Dans la congélation ou gelure
à tous degrés, on doit éviter de réchauffer rapide-
ment la partie atteinte: il faut la baigner ou la lo-
tionner avec de l'eau à cinq ou six degrés qu'on
ACCIDENTS
— 1/1
ACCIDENTS
élève graduellement jusqu'à 18 à 20 degrés. On ad-
ministre, en même temps, des boissons aromatiques
chaudes.
Pour les engelures, le moyen préservatif consiste
à se frotter les pieds et les mains dès le commen-
cement de riiiver avec de la neige ou de l'eau très-
froido, et à, ne s'approcher du feu qu'avec précau-
tion, lentement, quand les extrémités ont été sou-
mises au froid. Lorsqu'il y a des crevasses ou des
ulcérations, la glycérine réussit souvent à les gué-
rir; si elles résistent, on les cautérise avec un
crayon de nitrate d'argent.
CONTUSION. — La contusion est produite par le
choc ou la pression. Dans les cas les plus simples
il y a seulement rupture de petits vaisseaux au-
dessous de la peau, et le sang qui en sort produit
Vecchymose, tache bleuâtre qui passe par le verdâ-
tre et le jaune à mesure que le sang extravasé est
résorbé. Quelquefois il se forme une tumeur molle
remplie de sang épanché.
Le traitement de la contusion consiste à favoriser
la résorption du sang et à éviter l'inflammation.
Pour les simples ecchymoses les compresses d'eau
froide suffisent d'ordinaire, mais dans les cas un
peu graves il vaut mieux employer les cataplasmes
de farine de graine de lin ou de mie de pain. Lors-
qu'il y a une bosse sanguine, le mieux est d'ouvrir,
par la ponction, une issue au sang extravasé dont
la présence pourrait produire un abcès. Quant aux
résolutifs populaires, infusion de boule de Nancy,
eau blanche, eau salée, arnica, s'ils sont inutiles,
ils sont au moins inoffensifs. En stimulant la cir-
culation, ils peuvent même activer la résorption.
CONVULSIONS. — Les jeunes enfants sont très-
sujets aux convulsions. Chez eux ce n'est pas tou-
jours un symptôme alarmant, puisqu'elles résultent
fréquemment d'une colique, d'une piqûre d'épingle,
d'une frayeur, d'un accès de colère et du travail de
la dentition. Mais comme elles peuvent avoir pour
cause un désordre grave du cerveau ou de la moelle
épinière, annoncer une maladie, comme la petite
vérole, il est prudent de prendre, à leur sujet,
l'avis du médecin.
Les convulsions qui sont dues à un dérangement
passager disparaissent souvent lorsque l'on débar-
rasse l'estomac ou l'intestin en faisant vomir ou
en purgeant légèrement ; dans beaucoup de cas il
suffit d'appliquer sur le ventre et l'estomac des
flanelles chaudes ou de placer l'enfant dans un bain
chaud.
Pour les adultes, les convulsions exigent d'ordi-
naire un traitement médical. Tout ce que l'on peut
faire, en attendant, c'est de desserrer les vêtements
et de placer le malade dans des conditions où il ne
puisse se blesser. On pourra essayer aussi l'appli-
cation de flanelles chaudes et donner quelques tas-
ses de boisson aromatique chaude, sans alcool,
pourvu que la personne puisse boire sans efTort. Il
est inutile ou imprudent d'aller plus loin.
CORPS ÉTRANGERS. — Nous ne nous occuperons
que des corps étrangers qui pénètrent accidentel-
lement dans l'œil, dans le nez ou dans l'oreille.
»i Lorsqu'un corps étranger, cil, grain de poussière,
moucheron, s'est introduit entre l'œil et la pau-
pière, faites incliner fortement la tête, de sorte que
les larmes ne puissent plus s'écouler par le nez,
puis, comprimant légèrement les paupières, faites-
les glisser latéralement sur l'œil en même temps
qu'elles exécutent un mouvement de clignotement
rapide : les larmes entraîneront d'ordinaire le corps
étranger. S'il résiste, le plus simple est de rouler
entre les doigts im fragment de papier, de l'humec-
ter de salive, et de s'en servir pour faire glisser le
corps étranger entre l'œil et la paupière. Si un
fragment de verre ou de métal de forme anguleuse
avait pénétré dans les tissus, on essayerait d'abord
do le dégager par une pression douce autour du
point de pénétration, des mouvements oscillatoires
légers, et enfin, s'il y a lieu, au moyen d'une petite
pince.
S'il s'agit d'un caustique solide ou liquide, em-
ployez immédiatement l'eau, en abondance, car le
temps manque pour préparer une eau acidulée con-
tre les alcalis, une eau alcaline contre les acides. II
faut, dans ces cas, ouvrir de force l'œil et y faire
tomber un filet d'eau continu. Surtout, pour peu
que le cas présente de gravité, n'hésitez pas à appe-
ler le médecin, et, en l'attendant, n'employez que
l'eau fraîche en lotions ou en compresses.
COUP DE SOLEIL. — C'est la forme la plus légère et
la plus ordinaire de Vinsolation ; il consiste en une
simple brûlure de la peau et ne réclame pas d'autre
traitement. Mais s'il se déclare de la fièvre et des
signes de congestion cérébrale, en attendant le mé-
decin, appelé sans retard, un bain de pieds très-
chaud, des boissons acidulées, non alcooliques, des
applications d'eau froide sur la tête, voilà tout ce
que vous devez considérer comme de votre com-
pétence.
COUP DE SANG. — On désigne ainsi une congestion
du cerveau distincte de Vapoplexie en ce qu'elle
n'est jamais compliquée par la rupture de petits
vaisseaux sanguins, mais dans le langage usuel on
confond sous le nom de coup de sang la congestion
cérébrale et l'apoplexie. Notons cependant qu'il y a
une espèce d'apoplexie causée par le manque de
circulation dans le cerveau et que le médecin peut
seul la reconnaître. Le traitement étant difl"érent, on
voit qu'il importe d'avoir promptement un aviséclairé.
Les émotions vives, la chaleur, les vêtements trop
serrés, les excès peuvent occasionner le coup de
sang. On éprouve d'abord des maux de tête, des
troubles de la vue, des bourdonnements d'oreilles ;
mais souvent l'attaque commence brusquement, le
malade tombe sans connaissance, le pouls est plein
et dur, la face rouge et comme gonflée.
Les secours provisoires sont les suivants : bain de
pieds jD?'is debout, s'il se peut, dans un vase profond,
purgation, boissons acidulées, compresses d'eau
froide sur la tête, position assise dans le lit.sinapis-
mes aux jambes et aux cuisses. — Ne jamais faire
respirer de l'ammoniaque, de l'éther, etc.; maintenir
la chambre fraîche et la venUler régulièrement.
ENTORSE. — Ce mot appelle immédiatement à l'es-
prit, surtout dans les campagnes, l'idée de re-
noueur ou rebouteur auquel on se plaît à reconnaî-
tre une compétence spéciale pour ces sortes d'acci-
dents. Parmi les rebouteurs il y en a qui sont de
simples charlatans, dont les soins entraînent des
dangers sérieux ; il y a en a d'autres qui ont appris
la bonne méthode de traiter une entorse et qui
réussissent souvent, mais qui sont incapables d'un
diagnostic sans lequel on s'expose à confondre avec
la simple foulure une luxation ou une fracture.
En supposant qu'il y ait entorse simple, c'est-à-
dire distorsion violente d'une articulation quelcon-
que, — celle du cou-de-pied étant d'ailleurs la plus
fréquente — voici ce qu'il faut faire s'il s'agit
du pied. Avec les deux mains légèrement huilées,
pressez méthodiquement, lentement, les tissus
des orteils vers la jambe, comme si vous vouliez
en exprimer et faire remonter tout le sang et aug-
mentez graduellement la pression sans arriver à
causer une vive douleur. L'engorgement fondra
pour ainsi dire sous les doigts. Roulez alors une
longue bande un peu serrée qui embrasse le pied et
l'articulation ; exigez un repos complet dans la po-
sition horizontale ; arrosez de temps à autre la bande
avec de l'eau fraîche, s'il y a inflammation, et cessez
dès qu'elle disparaît, sous peine de causer un rhu-
matisme. Quand il n'y a plus trace d'engorgement,
cessez le massage, mais continuez l'application d'un
bandage. Surtout que le repos soit prolongé au delà
do la guérison apparente et suivi d'un exercice gra-
dué que l'on suspendra au premier symptôme de
fatigue ou de douleur.
ACCIDENTS
IS
ACCIDENTS
FBACTURE. — Le chirurgien est seul compétent
pour reconnaître une fracture et poser l'appareil
convenable. Tout ce que l'on peut faire en attendant
sa venue, c'est de maintenir le mieux possible les
parties atteintes dans leur position naturelle et de
combattre l'inflammation par des compresses d'eau
fraîche.
FURONCLE. — C'est une petite tumeur inflamma-
toire qui se forme dans l'épaisseur de la peau et que
l'on nomme vulgairement clou. Au bout de huit à
dix jours le sommet bleuit, le sang décomposé forme
du pus qui se fait jour en désorganisant la peau. 11
faut alors presser autour de la base du furoncle pour
faire sortir le bourbillon formé de pus durci mêlé
aux tissus désorganisés. On appelle anthrax bénin,
pour le différencier de l'anthrax charbonneux, une
tumeur formée par la réunion de plusieurs fu-
roncles.
Un coup de lancette ou de canif ouvrant le furon-
cle dès qu'il est bien formé arrête son développe-
ment, permet une guérison plus prompte, suivie
d'une cicatrice moins apparente que si elle succède
à une perte de substance de la peau. Si Ton ne veut
pas y recourir, on doit éviter l'emploi des onguents
et user seulement de cataplasmes émollients. Une
moitié de citron, appliquée dès le début, peut faire
avorter le furoncle et en tout cas en restreint consi-
dérablement l'étendue. Sous peine de récidives
l'apparition d'un furoncle indique le besoin d'un
purgatif répété à deux ou trois jours d'intervalle.
HÉMORRHAGIE. — L'abondance et la richesse du
sang, comme sa rareté et sa fluidité trop grandes,
produisent des hémorrhagies, actives dans le pre-
mier cas, passives dans le second. Quelle que soit
la cause de l'écoulement sanguin, on s'occupera d'a-
bord de l'arrêter par les applications froides, as-
tringentes, les boissons acides froides, les sinapis-
mes destinés à appeler le sang vers d'autres régions.
Mais le traitement sera tonique après une hémor-
rhagie passive et débilitant dans le cas contraire.
Le saignement de nez est fréquent dans la jeu-
nesse et même dans l'âge mûr. C'est souvent un
dérivatif naturel qui préserve d'une congestion céré-
brale, et dans ce cas on doit laisser couler le sang
assez longtemps. Chez les sujets faibles il convient,
au contraire, de l'arrêter le plus tôt possible. 'Voici
les moyens les plus simples et les plus efficaces :
situation assise, la tête droite, les bras élevés ; un
bain de pied chaud ; compresses d'eau froide sur la
base du nez ; application froide entre les épaules,
comme une clef, un morceau de marbre, une com-
presse d'eau fraîche ; renifler de l'eau froide dans
laquelle on a dissous un peu d'alun, ou simplement
de l'eau vinaigrée ; respirer lentement et vigoureu-
sement par la narùie d'où le sang s'écoule, ou par
les deux s'il y a double hemorrhagie et laisser
échapper l'air par la bouche. Le médecin seul peut
employer convenablement le tamponnement des
narines.
Lorsque l'hémorrhagie provient d'une plaie pro-
duite par une piqûre, une coupure ou une déchirure,
si le sujet est robuste, l'écoulement peu abondant,
continu et de couleur foncée, il est bon d'attendre
qu'il cesse naturellement. Dans le cas contraire il
importe de l'arrêter sans retard, surtout si un jet
intermittent, d'un rouge vif, indique que le sang
sort d'une artère. Pour arrêter le sang on cherche
à réunir, en les comprimant, les bords de la plaie et
les tissus atteints, ou bien on tamponne avec de la
charpie, tout en exerçant une pression constante.
La syncope qui survient souvent pendant une
hemorrhagie abondante fait cesser l'écoulement, et
dans ce cas on ne doit pas chercher à exciter le
blessé pour lui faire reprendre ses sens.
Si la charpie sèche, l'amidon, les compresses bien
froides n'arrêtent pas l'écoulement, on aura re-
cours aux astringents en poudre, comme l'alun ou
le sulfate de fer. Pour peu qu'une blessure soit
grave, surtout si une artère est ouverte, on appel-
lera immédiatement le chirurgien, qui dispose de
moyens plus énergiques.
INDIGESTION. — Il est souvent facile d'arrêter une
indigestion dès qu'on en éprouve les premiers
symptômes : pesanteur, rapports désagréables, nau-
sées, mal de tête. Les boissons chaudes, aromati-
ques, surtout le tilleul, remplissent bien ce but.
S'il y a tendance à vomir, le mieux est de débarras-
ser promptement l'estomac, et l'on facilitera le
vomissement en chatouillant la gorge avec une
plume ou avec le doigt : le résultat est souvent plus
complet si l'on commence par boire quelques verres
d'eau chaude sans sucre. Les coliques cèdent à des
lavements d'eauun peu chaude et à des applications
chaudes sur le ventre, flanelles ou cataplasmes. On
se privera d'un ou deux repas après l'indigestion
pour éviter une récidive. L'alcool en excès est une
cause fréquente d'indigestion, et même en faible
quantité il ne peut prévenir ni guérir le mal.
LUXATION. — Lorsque, après une chute, un coup,
un effort, on suppose qu'une articulation est luxée,
c'est-à-dire que les os ont été disjoints et ne se
trouvent plus dans leur rapport normal, on doit se
. hâter d'appeler un chirurgien. En l'attendant, le re-
pos et l'eau froide sont les seuls moyens à employer,
Surtout n'appelez pas un rebouteur, car la moindre
imprudence peut compromettre la guérison.
MORSURES. — V. ci-dessous Plaies envenimées.
PANARIS. — Lorsqu'il s'agit d'un panaris superfi-
ciel nommé vulgairement tourniole ou mal d aven-
ture, rejetez tous les onguents préconisés autour de
vous, calmez l'inflammation par des cataplasmes de
mie de pain, portez le l/ras en écharpe, et dès qu'un
point blanchâtre indique le siège de la suppuration,
percez avec un canif, videz bien le petit abcès et
renouvelez au besoin cette opération à peine dou-
loureuse. Dans le panaris profond les tissus en-
flammés se trouvent étranglés entre des parties ré-
sistantes ; de là une douleur très-vive. L'abcès livré
à lui-même ou traité par les onguents se développe
lentement, ronge les tissus et peut causer la gan-
grène. On réussit quelquefois à faire avorter le pa-
naris par des compresses d'eau glacée et en main-
tenant la main aussi élevée que possible pour
empêcher l'afflux du sang. Mais aussitôt le mal bien
déclaré il n'y a qu'un remède, l'incision. Plus tôt
elle sera pratiquée, plus vite on sera soulagé et
guéri. Il est prudent de ne confier qu'au médecin
cette opération qui exige une main sûre et des con ■
naissances anatomiques.
PIQURES. — V. ci-dessous Plaies envenimées.
■PLAIES. — Toute solution de continuité, pi-
qûre, coupure, déchirure , constitue une plaie.
Nous ne nous occuperons que des cas très-
simples qui ne réclament pas les soins d'un
chirurgien. Si la plaie ne saigne pas, ce qui arrive
surtout pour les piqûres, il est bon d'exciter l'é-
coulement d'un peu de sang par des compresses
d'eau chaude et une pression très-modérée des tis-
sus. Dans les cas de coupure, de déchirure, on la-
vera la plaie et l'on retirera tous les corps étran-
gers qui ont pu y pénétrer, puis on la sécliera, on
emploiera au besoin, pour arrêter le sang, l'alun ou
le sulfate de fer en poudre, puis on rapprochera
les parties aussi exactement que possible. Dans les
cas les plus simples, il y aura réunion immédiate,
soudure des tissus ; autrement, il s'établira une
suppuration et une formation de tissu nouveau qui
constituera une cîCG^rzce. Pendant la suppuration, le
raeillcurpansementconsisteàlaverà l'eau tiède. puis
à recouvrir de coton cardé. S'il y a inflammation,
on la combattra par des applications d'eau froide.
Si la plaie ne cicatrise pas promptement, si elle se
couvre de végétations molles, bleuâtres, on l'avi-
vera lors du pansement avec de la poudre d'alun,
et mieux on la cautérisera légèrement avec un crayon
de nitrate d'argent.
ACGIDEiNTS
— 16 —
ACCLIMATATION.
PLAIES EXVENIMÉES. — Les piqûres de guê-
pes ou d'abeilles, lorsqu'elles sont isolées, ne ré-
clament d'autres soins que des lotions d'eau pure
ou vinaigrée. Si le dard est dans la plaie, ce dont
il faut toujours s'assurer, on le retire en le soule-
vant au moyen d'une aiguille ; on évite ainsi de
presser le réservoir et de faire pénétrer plus de
venin dans la plaie. Si les piqûres sont nombreu-
ses, elles peuvent causer des troubles nerveux
graves et un véritable empoisonnement. On a re-
cours à des compresses d'eau vinaigrée très-froide,
et mieux à un mélange composé de 100 parties
d'eau pour 5 d'ammoniaque, que l'on emploie en
lotions, en bains ou pour mouiller des compresses.
La piqûre des sc"rpions cause très-rarement la
mort, même dans les pays les plus chauds. Elle
produit une vive douleur accompagnée de gonfle-
ment, de fièvre, de frissons, de nausées. Le traite-
ment consiste à ouvrir la plaie avec un canif et
à la cautériser avec un fer rouge ou de l'ammo-
niaque.
La morsure de la vipère produit une douleur
aiguë, accompagnée d'inflammation de la peau,
qui se couvre d'ampoules. A ces premiers accidents
succèdent de l'engourdissement avec sensation de
froid, des taches bleuâtres, des nausées, des vo-
missements, des selles bilieuses, des maux de
tête, de la fièvre, des évanouissements, du délire,
quelquefois, mais rarement suivi de mort. D'ordi-
naire, les symptômes alarmants se calment au bout
de quelques heures, ou de quelques jours au
plus.
Aussitôt après la morsure, efforcez-vous d'empê-
cher l'absorption du venin. Pour cela, placez une
ligature entre le point blessé et le cœur, s'il s'agit
d'un membre, ou, dans d'autres régions, exercez
une pression circulaire avec les mains, avec un
verre, ou un bol. En brûlant un peu de papier, de
coton, de paille, dans le verre ou le bol et en l'ap-
pliquant immédiatement sur la partie on forme une
ventouse sèche très-utile. Mais cela ne suffit pas.
Il faut, le plus tôt possi'Ae, ouvrir la plaie, la com-
primer pour la faire saigner ou la couvrir immé-
diatement d'une ventouse, puis la cautériser soit
avec un gros clou ou un couteau rougi au feu, soit
avec un liquide caustique : ammoniaque, eau forte
ou huile de vitriol (acide sulfurique), dont on im-
bibe des brins de charpie. On traite ensuite la
plaie comme une brûlure, et l'on administre des
boissons chaudes légèrement alcooliques.
Les plaies les plus redoutables sont celles que
produit la morsure à' animaux enrag es, cYàen?,, chats,
loups ou renards. — V. Rage.
La rage se déclare chez le chien entre la
sixième et la douzième semaine après la morsure :
chez l'homme, entre la quatrième et la quinzième se-
maine. Les cas d'incubation de la maladie pen-
dant plusieurs années se rapportent à une maladie
nerveuse différente de la rage communiquée par le
chien.
On ne connaît pas encore de remède contre la
rage, et cependant les paysans de tous les pays
prétendent posséder quelques secrets pour guérir
cette terrible maladie. Mais il y a un préservatif
assuré, infaillible, c'est la cautérisation immédiate
et complète de la plaie. Après une morsure tant
soit peu suspecte, sans perdre une minute, posez
s'il se peut une ligature entre la partie mordue et
le cœur pour retarder la circulation, ou du moins
comprimez circulairement les tissus et faites-les
saigner le plus possible.
Pendant ce temps, vous faites chauffer à blanc un
fer quelconque de forme étroite et allongée, fer à
pUsser, tringle, gros clou ; quand il est prêt, vous
l'enfoncez jusqu'au fond de la plaie et le laissez
s'y éteindre. Le fer rouge est préférable aux caus-
tiques liquides et cause moins de souffrances. La
cautérisation immédiate et complète détruit le
virus et fait disparaître tout danger : il ne reste
plus qu'à soigner la brûlure. [D' Saffray.]
ACCLIMATATION — ACCLIMATEMENT. —
Zoologie, V; botanique, XXX. — De ces
deux mots, qui sont synonymes l'un de l'autre, celui
d'acclimatement est le plus ancien ; on l'emploie
plus spécialement aujourd'hui pour désigner l'en-
semble des modifications qui s'opèrent dans l'or-
ganisme de l'homme, lorsque ce dernier, changeant
de climat, est obligé de se plier à de nouvelles
conditions physiologiques. On distingue deux
sortes d'acclimatement : l'un, appelé petit accli-
matement, signifie que l'individu s'est mis en har-
monie avec les nouvelles conditions qui lui sont
imposées ; l'autre, désigné sous le nom de grand
acclimatement, veut dire que non-seulement l'in-
dividu s'est fait au chmat du nouveau pays qu'il
habite, mais encore qu'il y a fait souche, c'est-à-
dire que sa race s'y est reproduite pendant plu-
sieurs générations.
Le mot acclimatation, au contraire, est particu-
lièrement employé depuis quelques années pour
indiquer l'intervention de l'homme dans l'acte
d'acclimater, intervention qu'il a exerc<^e tout à la
la fois sur les animaux et les végétaux et qui, dans
beaucoup de cas, a été couronnée d'un plein succès.
Avant d'énumérer les principaux résultats ob-
tenus par l'homme dans l'art d'acclimater, il nous
paraît utile d'indiquer quelques-unes des condi-
tions les plus propres à assurer le succès d'une
acclimatation. Des lois naturelles, et non le
simple hasard, ont présidé à la distribution des
corps vivants sur la surface du globe, et si nous
voyons des animaux, comme le chien et le chat,
être aujourd'hui pour ainsi dire cosmopolites, et
des plantes, comme le blé, le seigle, etc., croître
à la fois en Afrique et en Laponie, il ne faudrait
pas en tirer cette conclusion qu'elles y ont existé
de tout temps et que tous les climats sont favo-
rables à l'existence et à la propagation des diffé-
rentes espèces. Tous les animaux et tous les végé-
taux subissent, en effet, à des degrés différents,
l'influence des climats, et l'homme lui-même, mal-
gré les nombreuses ressources dont il dispose, ne
peut s'y soustraire complètement. Des conditions
climatiques données sont donc nécessaires à
la multiplication des animaux et des végétaux, et
cette multiplication ne peut s'effectuer d'une ma-
nière régulière qu'autant que les êtres trouvent
dans les nouvelles régions où ils sont appelés à
vivre, un climat à peu près identique à celui de
leur lieu d'origine. On peut donc se faire une
idée des nombreuses précautions que l'homme est
obligé de prendre pour lui-même lorsqu'il
change de contrée, et les soins qu'il est contraint
de prodiguer aussi bien aux animaux qu'aux végé-
taux, lorsqu'il veut tenter de les acclimater, sont
encore plus variés.
Toute transition brusque de climat entraine
presque toujours avec elle des perturbations orga-
niques telles, que l'être qui les subit ne tarde pas
à dépérir, quelquefois même à succomber. Ou si
par hasard il résiste, on ne tarde pas à constater
en lui ou dans sa lignée des modifications souvent
profondes, modifications qui se traduisent tantôt
par une augmentation, tantôt par une diminution
de la taille, ou bien encore par l'atrophie ou
l'excès de développement d'un certain nombre de
ses organes.
Il semble donc que le meilleur moyen d'arriver
à des résultats heureux, lorsque les espèces à
introduire dans un pays proviendront d'un lieu où
le climat sera très-différent de celui dans lequel
elles seront appelées à vivre et à se reproduire, se-
rait de les habituer progressivement à leurs nou-
velles conditions d'existence en créant des sta-
tions intermédiaires, dans lesquelles un séjour plus
ou moins prolongé permettra à ces espèces de four-
ACCLIMATATION
— 17 —
ACCLIMATATIOxN
nir de nouveaux sujets, qui eux-mêmes étant de-
venus assez forts, et pour ainsi dire préparés,
pourront être expédiés dans une station plus rap-
prochée de celle qui deviendra leur demeure dé-
finitive .
Il ne faut pas non plus négliger de tenir compte
des mœurs, des habitudes, de l'âge et de l'état de
santé des animaux sur lesquels on veut expérimen-
ter; il faut en essayer autant que possible la do-
mestication préalable. Lorsqu'on a aflCaire à des
végétaux, on étudiera la nature du sol où ils vi-
vaient, puis on recherchera quelles sont les meil-
leures conditions que doit remplir le terrain sur
lequel on les place, pour en assurer l'entretien,
la propagation et le perfectionnement.
Le croisement des différentes races exotiques
avec celles de notre pays pourra aussi, dans cer-
tains cas, être un puissant auxiliaire de l'acclima-
tation, et l'on pourra obtenir de la sorte des métis
présentant des caractères de supériorité incontes-
tables sur les sujets qui leur auront donné nais-
sance.
Acclimatement de l'homme. — L'homme, ainsi
que nous l'avons déjà vu, est soumis aux mêmes
lois que celles qui régissent tous les êtres qui peu-
plent le globe. Bien qu'à première vue il semble pou-
voir passer presque impunément et sans transition,
grâce à la rapidité des moyens de locomotion dont
il dispose aujourd'hui, des régions les plus froides
aux contréesles plus chaudes, il n'en subit pas moins
l'influence des climats. C'est ainsi que li's Euro-
péens qui émigrent aux Antilles, au Sénégal, dans
l'Inde, et même plus près de nous en Egypte et
en Algérie, sont habituellement décimés sous ces
différents climats par toutes sortes de maladies,
tandis qu'ils vivent et se propagent aux Etats-Unis,
par cela seul que ce pays et celui qu'ils ont quitté
font partie d'une zone dont les ditïérents points
sont sensiblement isothermes, c'est-à-dire d'une
température moyenne à peu près identique. Les
Circassiens et les Nègres transportés en Égj-pte
n'ont jamais pu faire souche dans cette con-
trée.
L'histoire nous apprend aussi que les différents
peuples qui habitent actuellement l'Europe sont
d'origine asiatique, probablement du plateau cen-
tral de ce continent, et que ce n'est que graduelle-
ment et par une longue suite de siècles qu'ils ont
acquis les différents caractères distinctifs qu'ils
présentent de nos jours.
Acclimatation des mammifères. — Beaucoup
d'espèces de mammifères, répandues sur tous les
points du globe, y ont été apportées par l'homme :
d'autres, mais en plus petit nombre, s'y sont accli-
matées spontanément, comme le rat noir et le
surmulot : le premier de ces animaux, originaire
de l'Asie Mineure, s'est répandu en Europe au re-
tour des croisades, d'où il a envahi ensuite, ainsi
que quelques autres de nos espèces parasites,
presque tous les points du globe.
Au nombre des espèces les plus répandues par
les soins de l'homme se rangent nos animaux do-
mestiques, qui, amenés d'Asie par les Aryas, ont
été transportés ensuite jusqu'aux points les plus
reculés de la terre.
Le cheval, qui semble avoir eu pour premier ha-
bitat l'Asie centrale, mais dont les ossements se
retrouvent à l'état fossile sur beaucoup de points
de l'Europe, s'est étendu de cette première contrée
dans tout l'ancien continent. II a été importé en
Amérique par les premiers Espagnols qui ont foulé
le solde ce continent, et il s'y est si bien acclimaté,
que son espèce y forme de nos jours d'innombra-
bles troupeaux errant à l'état sauvage dans les vastes
plaines du Brésil, du Chili, de la Plata, etc.
Le bœuf, la cUèvre, se sont également répandus
dans les deux Amériques, et le mouton que
l'Australie ne possédait pas. s'y est multiplié à un |
2» P\nTTF.
tel point, que cette contrée fournit aujourd'hui de
la laine à tous les marchés du monde.
Le chien est aussi un des mammifères cosmopo-
lites, et l'acclimatation en a beaucoup modifié
les caractères. Citons encore, parmi les animaux
que l'on retrouve sur presque toute la surface du
globe, le 'porc, le chat, le lainn, le cochon d'Inde
ou cobaie, etc., toutes espèces ayant pour
l'homme une utilité incontestable, et parmi ceux
introduits en France, Vi/ack, originaire des mon-
tagnes du Thibet, dont les métis obtenus par le
croisement d(; cet animal avec différents sujets
de nos races bovines deviendront, lorsqu'ils seront
plus répandus, d'une très-grande utilité pour la
culture de nos régions montagneuses; Yhémione
enfin, qui se reproduit très-facilement dans nos
parcs, mais dont la domestication laisse encore à
désirer.
Mammifères qu'il serait utile d'acclimater. —
Au nombre des mammifères dont on a essayé l'ac-
climatation dans notre pays, nous avons à citer :
parmi les Jumentés, le zèbre et le daw, que l'on est
quelquefois parvenu à dompter et à atteler; tous
deux sont originaires de l'Afrique. Parmi les Ru-
minants, signalons le6w/]^e au pelage dur et épais,
déjà très-abondant dans toute l'Italie, après lui,
les nombreuses espèces de la tribu des antilopes,
tels que le bubale du nord de l'Afrique, le canna
ou àlan du Cap, le caama de la même contrée, le
nyl-yau, de nombreuses gazelles, etc., etc., anisi
que les différents Cervidés, entre autres le renne,
originaire de l'Europe et de l'Asie septentrionale;
enfin les Camélidés, que tout le monde connaît : le
chameau et le dromadaire de l'Asie Mineure,
répandus aujourd'hui dans toute l'Afrique, où ils
rendent de si grands services aux peuplades no-
mades, enfin le Lama, au poil fin et soyeux, si
abondant dans les Cordillères, depuis la S'onvelle-
Grenade jusqu'au Chili, animal dont l'acclimata-
tion dans nos régions montagneuses rendrait les
plus grands services. Seul le pécari de tous les
Porcins pourrait présenter quelque utilité.
Les Marsupiaux de l'Australie ne doivent pas
être omis : au premier rang est le kanguroo
^prononc. kam/ourou), dont le pelage fin, serré et
soyeux est aujourd'liui recherché en pelleterie ; sa
chair passe pour délicate. Le phascolome ne serait
pas moins précieux.
Acclimatation des oiseaux. — La classe des oi-
seaux est une de celles qui nous offrent le plus
grand nombre de cas d'acclimatation. Presque
toutes nos espèces domestiques, le coq, le paon,
diverses sortes de faisans qui se font toutes re-
marquer par la beauté de leur plumage, le ca-
nard, etc., etc., sont, en effet, originaires de l'Asie
Mineure ou de la Cliine. L'Afrique septentrionale
nous a fourni la pintade, la Californie nous a dotés
du cbllin, et nous avons emprunté à l'Amérique
\oie et le dindon.
Beaucoup d'autres espèces qui nous viennent
des différents points du globe se reproduisent
également dans nos volières et dans nos parcs,
mais leur domestication ne peut être encore con-
sidérée comme complète ;tels sont : l'autruche, ori-
ginaire de l'Afrique centrale et si recherchée pour
ses plumes, et le ca-^oar qui nous vient d'Australie.
On doit également citer le trngopan de l'Asie mé-
ridionale, le féléf/alle d'Australie, Yargus de la
Chine, Yoie d'Egypte, le canard mandarin de l'Asie
orientale, le camo^d de la Caroline et un certain
nombre d'autres oiseaux utiles ou de simple
ornement.
Acrli>nafatio7i des poissons. — Nous n'avons que
peu do chose à dire sur la classe des poissons.
Le transport de ces animaux présente, en effet,
des difficultés telles, qu'on n'a pu importerjusquici
en Europe, ou inversement exporter d'Europe sur
les différents points du globe, qu'un petit nombre
2
ACCLIMATATION
— 18 —
ACETIQUE
d'espèces, qui pour la plupart n'ont pas répondu
aux espérances qu'on avait fondées sur elles.
Il faut cependant mentionner parmi les espèces
acclimatées: 1° lepoisson rouge on cypr m de ' hhie,
qui fut apporté pour la première fois en France
sous le règne de Louis XV ; 2" le silure, qui, d'abord
localisé dans le nord de l'Europe, se trouve au-
jourd'hui dans le Rhin; 3" la perche, que l'on a
acclimatée dans les eaux de l'Amérique du Nord
et jusqu'en Australie. Diverses sortes de truites
ou de saumons ont été aussi importées en Europe
ou exportées d'Europe.
La carpe elle-même, ce précieux poisson, si
abondant dans nos eaux douces, n'y a pas existé de
tout temps : ce n'est que sous le règne de Fran-
çois I" qu'elle a été introduite en France.
Acclimatation des invertébrés. — La grande di-
vision des invertébrés nous offre aussi quelques
cas d'acclimatation. Le bombyx du mûrier, dont le
cocon fournit la soie employée dans l'industrie, est
originaire de la Chine. Il en est de même du bom-
byx du ricin, de celui du chêne et de ce papillon
aux nuances délicates qu'on voit maintenant volti-
ger au printemps sur nos promenades et dans nos
jardins : le botnbyx de l'ailante, dont le cocon, assez
volumineux, fournit une soie quil serait possible
d'utiliser. — Les abeilles d'Europe ont été portées j
sur tous les points du monde et ont réussi à s'ac-
climater dans beaucoup d'endroits. On cherche
également à introduire sur notre continent les
mélipones qui vivent dans l'Amérique et qui ont
l'avantage d'être dépourvues d'aiguillon.
Ces utiles espèces ont été importées ou multi-
pliées par l'homme en Europe, mais il est d'autres
insectes, comme les blattes et les tei^mites, qui se
sont acclimatés pour ainsi dire contre sa volonté.
Parmi les Annélides, nous citerons la sangsue
médicinale, dont la thérapeutique fait un usage
continuel et qu'il est si utile d'introduire partout
où pénètre l'homme.
Enfin, parmi les Mollusques, V/mi/re, dont la cul-
ture a fait de si grands progrès .
Acclimatation des végétaux. — Les flores comme
les faunes tendent h s'appauvrir à mesure qu'on
avance vers les pôles ; les végétaux au contraire
comme les animaux devieiuient d'autant plus nom-
breux qu'on approche davantage de l'équateur. Les
continents étant séparés les uns des autres par de
grands espaces comblés par les mers, on conçoit
qu'il est très-difficile, sinon impossible, aux diffé-
rents animaux terrestres de franchir ces obstacles;
il en est de même pour les chaînes de montagnes ou
les fleuves qui limitent les différentes régions de
ces vastes territoires. De là une distribution géogra-
phique en général bien tranchée pour les différents
groupes d'animaux ; mais il n'en est pas de même
pour les plantes dont les graines sont emportées
au loin par les vents, par les flots, et dont les
oiseaux eux-mêmes, ainsi que les insectes, se char-
gent de favoriser le transport.
L'homme a lui aussi exercé son influence dans
les changements apportés aux lois naturelles de
la distribution géographique des végétaux. Dans
beaucoup d'endroits il a détruit les espèces nui-
sibles, partout il a essayé d'y substituer celles
qu'il a jugées capables de pouvoir contribuer à son
bien-être. Les végétaux utiles de l'Amérique inter-
tropicale, dont le développement exige une cIki-
leur élevée, ont été portes dans l'Inde, en Afrique,
dans le nord de la Nouvelle-Hollande, etc., etc. ;
Inversement, ceux de ce dernier continent ont été
introduits soit en Américjue, soit en Afrique, soit
en Asie ouenEurope; malheureusement, danscetle
dernière contrée, on est obligé de les confiner dans
des serres, où on leur fournit artificiellement la cha-
leur et l'humidité nécessaires pour prolonger leur
existence. Nous avons emprunté à l'Amérique le
maïs, la pomme de terre, la patate encore peu ré-
pandue, ainsi que le tabac dont l'usage tend à se
propager de plus en plus. La partie septentrionale
de ce continent nous a fourni aussi le magiiolia, un
de nos plus beaux arbres d'ornement, le robinier,
introduit enFrance en IGOn par Jean Robin, le
séquoia de Californie , aujourd'hui acclimaté en
Alsace. Le Paulownia vient du Japon ; d'autres ar-
bres ou arbustes sont originaires de la Chine, tels
que les bambous et différents pa/wn'ers; le marron-
nier vient de l'Inde ; Yarbre de Judée, de l'Asie
Mineure. Les deux espèces de gigantesque pla-
tane communes chez nous sont originaires l'une
du Levant, l'autre de la Pensylvanie, etc.
Si l'on comparait la flore actuelle de notre pays
avec ce qu'elle était à l'époque des Gaulois avant
la conquête romaine, ou même à une époque plus
rapprochée de nous, vers la fin du moyen âge, par
exemple, on serait frappé des acquisitions innom-
brables faites dans cet intervalle de quelques siè-
cles. Pour apprécier les conquêtes faites successi-
vement par les hommes qui ont habité notre pays,
il faut se reporter à l'époque glaciaire et songer
qu'alors le sol qui est aujourd'hui la France était
presque complètement dépourvu de végétaux.
[H. Gervais et R. Boulart.]
Dictée. — « C'est l'Asie qui nous a fourni les
meilleures espèces de pois, les haricots, les len-
tilles, les melons. C'est de l'Asie que nous vient
la luzerne.
« L'Amérique nous a donné la pomme de terre,
riche présent, dont nous ne connaissons pas encore
assez le prix.
'( C'est de l'Asie et de l'Afrique que nous avons
tiré une grande partie de nos arbres fruitiers, tels
que le cerisier, l'abricotier, le pêcher, le figuier,
l'amandier, l'oranger, le grenadier, le mûrier, l'oli-
vier, etc.
« A peine le sol de la France fournissait-il pri-
mitivement quatre-vingts espèces d'arbres, et nous
en comptons aujourd'hui plus de 2-50 espèces dif-
férentes, dont un grand nombre est assez accli-
maté pour meubler nos campagnes, border nos
grandes routes, décorer nos jardins et occuper
utilement des terrains abandonnés depuis long-
temps comme stériles.
« Si des arbres nous passons, aux fleurs, nous en
trouverons une multitude qui n'appartient pas à
notre climat. Les jacinthes, les anémones, les re-
noncules, les semi-doubles, les tubéreuses, les li-
las, les roses et une multitude d'autres qui sont
l'ornement de nos jardins, sont autant de présents
que nous avons reçus des différentes parties du
monde : la culture et le perfectionnement les a
rendues propres à notre sol. »
(Rapport du députéBoisset à la Convention (11 dS)
sur l'établissement de jardins des plantes dans
les départements.)
ACETiyUE (Acide). ~ Chimie XXIII. — (Etym.
du latin acetu)?i, vinaigre.)
Nature et propriétés de l'acide acétique. — On
nomme ainsi le principe actif du vinaigre, la sub-
stance qui donne au vinaigre sa saveur et son mor-
dant.
L'acide acétique (C'H^O*) se produit soit par la
calcination, en vase clos, de matières organiques,
soit par la fermentation acide des liqueurs alcoo-
liques. (V. Vinaigre et Fermentutitin.) Il est solide
au-dessous de 17° : cristallisable en grandes lames.
Il bout à 120". Sa densité est 1,08. Son odeur est
piquante et acide.
Lorsqu'on le fait bouillir dans une petite capsule
et qu'on approche de ses vapeurs un corps en-
flammé, celles-ci s'enflamment elles-mêmes et
brûlent avec une flamme pâle.
L'acide acétique est corrosif ; mis en contact avec
la peau, il détruit l'épiderme, et produit une vive
rougeur et une vésicule. Il entre dans diverses
ACIDE
— 19 —
ACIDE
préparations médicinales. On le fait respirer en
cas de sjncope pour ranimer les sens. Pour le con-
server et le porter sur soi, on l'introduit dans de
très-petits flacons de verre, que l'on a préalable-
ment remplis de cristaux de sulfate de potasse.
On l'emploie, dans quelques industries, notam-
ment dans la photographie.
Acétates. — Les sels formés parla combinaison de
l'acide acétique avec une base sont tous solubles
dans l'eau, tous aussi décomposés par l'acide sul-
furique ou par la chaleur rouge. Les principaux
sont : l'acétate d'alumine, mordant très-employé
dans la teinture et l'impression sur toile ; —
l'acétate neutre de cuivre ou verdet (teinture en
noir sur laine) ; — le sous-acétate de cuivre,
vert-de-gris ou verdet de MojitpeUier. qu'on pré-
pare en grand dans le département de l'Hérault
en abandonnant à l'air des lames de cuivre alter-
nativement empilées avec des couches de marc de
raisin ; au bout de quelques semaines le métal se
recou\Te de croûtes d'un bleu verdàtrc qu'on racle
et qu'on pétrit en boules ; on se sert de ce vert de
gris pour la fabrication de la couleur dite vert de
Schweinfurt ; c'est, ainsi que le précédent, un poi-
son dangereux ; — plusieurs acétates de plomb,
tous vénéneux, mais dont l'un, sous le nom A'ex-
trait de Saturne ou eau blanche, est très-employé
comme médicament externe.
Éther acétique. — En distillant un mélange
d'acide sulfurique et d'alcool sur un acétate, on
obtient un liquide incolore, doué d'une odeur
éthérée très-agréable, bouillant à 74° C'est ce qu'on
a appelé Yét/ier acétique. On le rencontre en petite
quantité dans certains vins, ainsi que dans le vi-
naigre , [A. Jacquemart.]
ACIDE. — Chimie II. — [Etym. du latin aci-
dus, qui a la saveur du vinaigre.)
Défiiiitio?i. — On nomme ainsi tout composé qui
agit d'une façon comparable à celle du vinaigre.
Mais cette analogie avec la saveur piquante du vi-
naigre n'est pas un caractère constant et univer-
sel de ces corps. Au moment où se constitua la
nomenclature chimique, on croyait que tout acide
était le résultat de la combinaison d'un métal-
loïde avec l'oxygène, d'où ce nom même d'oxygène
(générateur des acidesj. Depuis lors on a reconnu
qu'il existe des acides sans oxygène et on doit se
borner à la définition expérimentale des acides
d'après les trois caractères suivants.
Caractères distinctifs. — 1. Mettons dans un
verre quelques gouttos d'huile de vitriol (acide
sulfurique) ; plongeons-y du papier bleu de tour-
nesol, il rougit immédiatement ; lavons ensuite ce
papier avec une dissolution de potasse, ou avec de
l'eau de chaux, ou avec de l'alcali volatil (ammo-
niaque), il redevient bleu. La première substance
est un acide, les autres des bases.
2. Versons goutte à goutte de l'acide sulfurique
dans de la potasse (qui est une base), il se pro-
duira entre ces deux corps une combinaison ; il ne
restera plus dans le vase ni acide sulfurique ni
potasse, mais une liqueur sans action sur la cou-
leur du tournesol, et qui donnera par l'évaporation
un sel cristallisé : ce sera du sulfate de potasse.
•3. Décomposons ce sel, le sulfate de potasse, en
y plongeant pendant qu'il est à l'état liquide les
deux pôles d'une pile voltaîque ; ses deux éléments
se sépareront: la potasse se portera au pôle néga-
tif (pôle zinc) et l'acide sulfurique au pôle positif.
Ainsi, un acide est un corps qui rougit le tourne-
sol, — qui se combine aux oxydes métalliques
pour former des sels, — et qui, quand ceux-ci sont dé ■
composés par l'électricité, se porte au pôle positif.
Classification des acides. — 1. Au point de vue
de leur composition, les acides se divisent en
ACIDES MINÉRAUX et en ACIDES ORGANIQUES.
Les ACIDES MINÉRAUX sout lormés par la combi-
naison d'un corps simple soit avec l'oxygène (oxa-
cides), soit avec l'hydrogène (/lydracides). Les acides
ORGANIQUES Contiennent tous de l'hydrogène, du
carbone et de l'oxygène ; quelques-uns, en outre,
de l'azote.
Les oxacides peuvent être plus ou moins oxygé-
nés: celui qui l'est le plus se désigne parle nom
du corps simple suivi de la désinence ique, celui
qui l'est le moins se termine en eux. On indique
les degrés intermédiaires à 1 aide des préfixes
hypo (au-dessous; et hyper ou per (au-dessus). Ainsi :
Acide hypochloreux Cl 0
— chloreux Cl 0^
— hypochlorique. ....... CIO*
— chlorique Cl O^
— perchlorique. . Cl O''
Combinés en proportion définie avec l'eau, les
oxacides se nomment acides hydratés ; dans le cas
contraire, acides anhydres (sans eau) ou anhydrides.
Les ht/dracides prennent le nom du corps simp le
combiné à l'hydrogène en y ajoutant la terminai-
son hydrique: le chlore et l'hydrogène donnent
l'acide chlorliydi ique.
Les acides organiques, bien que se distinguant
des acides minéraux parce qu'ils se produise nt na-
turellement dans des matières organiques, ne
s'en séparent pourtant pas d'une façon absolue,
puisque l'on est parvenu à en produire un certain
nombre artificiellement.
On appelle acides coiijugués ou copules ceux dans
lesquels à un ou plusieurs atomes d'hydrogène
on a pu substituer même nombre d'atomes d'un
autre corps. Ainsi dans l'acide acétique, sans chan-
ger les propriétés de l'acide simple (C^H^O^). on
peut par substitution remplacer 3 des 4 atomes
d'hydrogène par 3 de chlore et on obtient un
acide trichloracétique (C^HCPO^).
Etat. — Les acides peuvent se présenter sous les
trois états : la plupart sont liquides à la tempé-
rature ordinaire (acides sulfurique, azotique, acé-
tique, etc.) ; les acides carbonique, chlorhydrique,
sulfureux, sulfhydrique, fluorhydrique, etc.. sont
gazeux; l'acide tannique, l'acide siliciquc, l'acide
oxalique, etc. sont solides.
Pour le rôle des acides dans la nature, V. notam-
ment les articles Char'ion, Silice; pour leur rôle
dans l'industrie, V. surtout les articles Soufre,
Azote, Chlore, Acétique [Acide), Fluor, Tartre,
Ci/anogèae.
Expériences à faire en classe. — 1° Montrer
l'action des acides minéraux ou organiques les plus
usuels sur la teinture de tournesol : vinaigre,
j-us de citron, liquide sécrété par les fourmis
rouges, jus d'oseille ou d'alleluia.
2° Montrer l'action des acides les plus forts sur
les métaux: plaque de cuivre rongée par l'eau
forte, Qu mieux tournure de cuivre attaquée par le
même acide et donnant naissance à une liqueur
bleue (azotate de cuivre), limaille de fer attaquée
par l'acide sulfurique donnant naissance au vitriol
vert.
3" Montrer l'action des acides sur les matières
organiques : peaH, barbes de plume jaunies par
l'acide azotique, morceau de bois plongé dans l'a-
cide sulfurique et tout noirci quand on l'en retire .
4" Montrer l'avidité de quelques acides pour
l'eau: fumées blanches de l'acide chlorhydrique,
augmentation de température d'un vase d'eau dans
lequel on verse de l'acide sulfurique. [N.B. ne pas
opérer en sens contraire, ne jamais verser l'eau
dans l'acide sulfurique.]
5" Montrer leur affinité pour les bases, verser
quelques gouttes d'acide oxalique ou citrique
dans de l'eau où se trouve la plus faible quantité
de chaux : il se précipite une petite poussière
blanche (oxalate ou citrate de chaux).
6° Montrer que des acides incolores forment
souvent des combinaisons colorées (quelques
ACOTYLÉDONES
— 20
ACOTYLEDONES
gouttes de tannin dans une dissolution étendue
de vitriol vert donnent au liquide une couleur vio-
lette ; — acide carbonique se combinant avec la
chaux, la soude, l'oxyde de cuivre, etc.)
[A. Jacquemart.]
ACOTYLÉDONES, S. f. pi., ou Acotylédoné, ée,
adj. — Botanique XXVII et XXVIII. — {Eiym.
j)lantes sans cotylédon.)
Les plantes qui se reproduisent par des spores,
germes dépourvus de cotylédons, forment dans la
méthode de lussieu la troisième grande division
du règne végétal.
Ce groupe renferme les plantes les plus simples,
les unes réduites à une seule cellule, d'autres
filamenteuses et formées de cellules placées bout
à bout : d'autres aussi, plus perfectionnées, sont
pourvues d'un support et d'expansions foliacées,
et enfin les plus élevées en organisation sont
de consistance ligneuse et renferment des élé-
ments vasculaires et fibreux localisés dans cer-
taines régions de leur axe. Les derniers représen-
tants de ce groupe sont si semblables aux der-
niers êtres du règne animal, qu'il est impossible
de les en distinguer et que, d'après tel ou tel na-
turaliste, un même individu est décrit comme ani-
mal ou comme végétal ; les vibrions par exemple,
filaments droits ou spirales qui se meuvent dans
certains liquides organiques, comme la salive et
le lait teinté de bleu, sont ou des algues ou des
infusoires.
Les acotylédones sont asexuées ou sexuées :
celles qui sont unicellulées se multiplient par la
scission de la cellule qui les constitue, c'est-à-dire
que cette cellule s'étrangle par sa partie moyenne
et que bientôt les deux parties ainsi distinctes se
séparent et deviennent chacune un être nouveau :
celles qui sont plus élevées d'organisation se re-
produisent au moyen de sjsores* naissant dans des
cavités comparables aux ovaires des plantes sup-
périeures. mais qu'on nomme spormii/cs : les spores
subissent l'action de corpuscules appelés anthéro-
zoïdes, qui remplissent par conséquent la fonc-
tion du pollen des dicotylédones et des monoco-
tylédones ; et les organes dans lesquels se for-
ment les anthérozoïdes appelés aniliéridies corres-
pondent aux anthères des étamines. Les anthéro-
zoïdes sont le plus souvent microscopiques, glo-
buleux, pourvus d'un ou deux filaments mobiles
à l'aide desquels ils se soutiennent et nagent
dans l'eau. Quand les anthérozoïdes ont agi par
contact sur la spore, celle-ci s'entoure d'une paroi,
et donne naissance en se développant à une
plante semblable à celle dont elle est issue.
On observe chez les acotylédones des généra-
tions alternantes : c'est le cas des mousses et dos
fougères, c'est-à-dire que la spore fécondée ne re-
produira pas en germant un végétal ayant la forme
de la plante mère, mais un être tout différent dont
les germes, après développement, auront cliacun
les formes primitives. Dans aucun cas chez les
acotylédones. les organes de la reproduction ne
sont comparables aux fleurs ; ils sont toujours pe-
tits et souvent cachés dans la profondeur des
tissus : d'où le nom de cryptogames, signifiant
reproduction cachée, par lequel Linné désignait ces
plantes (embranchement de la cryptogamie).
L'embranchement des acotylédones comprend
les classes suivantes : algtics, champignons, li-
chens, hépatiques, mousses, fotigcres, lycopo-
diacées, équisétacées, etc., dont nous allons étu-
dier les principales seulement avec quelques
détails.
Classe des algues. — Les algues commencent par
les formes les plus petites et les plus simples du
règne végétal, mais elles atteignent en se perfec-
tionnant un haut degré d'organisation et fréquem-
ment des dimensions et une masse si consi-
dérables, qu'il nous faudra, pour les retrouver
ensuite, arriver jusqu'aux classes supérieures du
règne végétal. Toutes les plantes de cette classe
sont aquatiques : elles se montrent dans les eaux
douces ou marines sous forme de lames décou-
pées sur leurs bords, de tubes, de filaments simples
ou rameux, aux couleurs verdâtres, brunes ou
rouges, ne consistant quelquefois qu'en une
masse gélatiniforme, se fixant souvent aux rochers
par leur base élargie ou divisée en griffes Quel-
ques-unes présentent des formes élégantes et les
teintes plus vives, quelles conservent quand elles
sont hors de l'eau et collées sur les feuillets de
l'herbier ; leurs organes de reproduction sont si-
tués soit à l'intérieur, soit à l'extérieur de la plante.
Principaux genres : 1° les conferves ou algues des
i eaux douces sont des plantes gélatineuses ou fila
menteuses dont quelques-unes ressemblent à de
] gros crins de cheval ; — 2" les ulves, remarquables
parce que l'ulve intestinale, par exemple, coït
aussi bien dans les ruisseaux que dans la mer, sont
' des algues herbacées, vertes, rameuses ; 3° les
varechs ou fucus, communs sur nos côtes, sont
des lanières coriaces, de couleur vert olive, pourpre
dans leur jeune âge ; ils vivent attachés sur les ro-
chers Un grand nombre d'algues très-simples,
comme les navicules, les diatomées, les bncillaires
microscopiques, les unes vivantes, les autres fos-
siles, sont remarquables par la forme extrêmement
j élégante et régulière qu'afl'ecte leur carapace sili-
I ceuse. Quelques algues présentent enfin de l'inté-
rêt à cause de leur utilité : les varechs contiennent
de l'iode qu'on peut extraire et qui sert en méde-
cine, et la mousse de Corse, vermifuge, très-effi-
cace pour les enfants, est également un varech de
j la Méditerranée.
I Classe des champignojis. — Vu l'importance de
I cette classe, un article spécial lui est consacré au
mot Champigiion.
Classe des lichens. — Les lichens sont des plan-
tes sèches et coriaces vivant sur les rochers, sur les
] écorces d'arbres et sur la terre humide. Elles se
! présentent sous la forme de croîites membraneuses,
j foliacées, et quelquefois de simple poussière. Ces
I plantes fournissent des espèces employées en tein-
turerie. Quelques-unes servent d'aliments aux peu-
ples septentrionaux ; les Islandais, par exemple, les
mêlent à leur farine après les avoir lavées, séchécs
et pulvérisées, et les rennes se nourrissent pres-
que exclusivement de ces végétaux. — Le liclten
d'Island'^ et le lichen pulmonaire, qui croit sur le
chêne, sont employés en médecineà cause de leurs
propriétés pectorales. — V. Lichens.
Classe des 7/iousses. — Qui ne connaît ces élé-
gants végétaux qui forment le tapis moelleux et vert
des bois, qui poussent sur les rochers, sur l'ccorce
des arbres et parfois même au fond des eaux lim-
pides. Examinée de près, on reconnaît dans une
mousse une vér'tnble tiçe simple ou rameuse,
sur laquelle s'insèrent de peiites fcLiilles .«es-
siles, pointues, entièrement cellulaires, mais au
milieu desquelles des cellules plus allongées
ébauchent des nervures. La coloration verte des
mousses est, comme dans les végétaux supérieurs,
due à la présence de la chloroiihylle. Les or-
ganes mâles des mousses sont contenus dans des
anthéridies situées à l'aisselle des feuilles et
mêlées de filaments stériles, tandis que le? or-
ganes femelles ou sporanges sont des urnes coif-
fées d'un véritable capuchon et supportées par
de longs pédoncules à l'extrémité des tiges. —
V. Mousses.
Classe des Fougèi'cs. — Les fougères sont de
belles plantes herbacées dans nos climats, mais
souvent arborescentes dans les tropiques, où elles
s'élèvent à la manière des palmiers. Leur tige,
aérienne dans les pays chauds, est souterraine dans
les contrées tempérées. Les expansions foliacées
qu« porte l'axe aérien se nomment des frondes ;
ACOUSTIQUE — 21
elles sont alternes et profondément découpées,
pliées et roulées en crosse quand elles sont jeunes ;
elles portent sui* leur face inférieure des spores
nues ou préservées sous une écaille nommée sore:
ces spores en tombant sur le sol germent et don-
nent naissance, non pas à un individu reproduisant
la fougère telle que nous la connaissons à l'ombre
de nos forêts, mais à un végétal rampant, enfon-
çant des crampons dans le sol, et laissant tomber
entre sa face inférieure et la terre des anthérozoïdes
et des corpuscules femelles qui se rejoignent. C'est
de l'organe femelle ainsi fécondé que naîtra de
nouveau une fougère ; nous avons donc encore en
ces végétaux un exemple de génération alternante.
— Ces acotylédones ne présentent plus seulement
un tissu cellulaire, et il existe à la périphérie de
l'ase une région où abondent les vaisseaux et les
fibres.
Principales espèces. — I" La fougère commune,
dont la tige, coupée transversalement, présente
vaguement l'image d'un aigle à deux tètes. — 2" Le
l-olypode commun ou de chêne croît en touffes sur
les troncs d'arbres surtout. — 3° La scolopendre
offici?iale ou langue de cerf végète dans les puits,
les fentes de rochers, dans les lieux humides et
couverts. — 4° Le capillaire noir se voit dans les
haies et sur les vieilles murailles.
Les feuilles de fougère sont employées comme
litières pour les bestiaux, les parties souterraines
contiennent un principe amer astringent.
La tige souterraine sert d'aliment aux habitants
de quelques contrées: k la Nouvelle-Hollande, à la
Nouvelle-Zélande, à la Tasmanie et autres îles de
cette partie du monde, dans certaines provinces
de la Russie; mais ces végétaux ne fournissent
qu'un aliment féculent grossier et peu substantiel,
ce qui contribue à la chétive constitution des ha-
bitants de rOcéanie. — Il n'y a pas de fougère vé-
néneuse.
Autres classes d'acoti/lédonées. — Les lycopodia-
cées tiennent des fougères et des mousses ; la pous-
sière de leur sporange formée de spores est jaune
et se nomme soufre végétal, à cause de la propriété
qu'elle a de s'enflammer ; elle est emploj^ée dans
les feux d'artifice. Les équisétucées ou prèles sont
dos plantes marécageuses nommées vulgairement
queues de cheval, imprégnées de silice, ce qui les
rend propres à polir le bois et même les métaux.
— Les fougères, les lycopodiacées et les prèles ont
joué un rôle important parmi les végétaux dont les
débris ont formé la houille.
Avis aux maîtres. — C'est dans les promenades
qu'on peut attirer l'attention des enfants sur ces vé-
gétaux, leur montrer les algues qui croissent dans
les cours d eau, dans les mares, sur les rochers,
aux bords de la mer ; les lichens qui tapissent les
pierres les plus arides; les mousses dont les or-
ganes reproducteurs très-éléganls sont faciles à
voir à la fin du printemps; les fougères des mu-
railles ou des bois. Quant à l'étude des champi-
gnons, il ne faut la pratiquer qu'avec prudence,
ef n'affirmer qu'en parfaite connaissance de cause.
Il n'y a guère d'ouvrages élémentaires sur les
acotylédones ; toutefois, on peut consulter \' Histoire
des jilantes de Figuier, les Éléments de Botanique,
rédigés conformément aux progi-ammes pour l'en-
seignement secondaire spécial par le docteur Mar-
chand, etc. [G. Philippon.]
ACOUSTIQUE. — Physique XXVIII. — {Ëtym.
du grec acousticos, qui peut être entendu.)
^ Cette partie de la physique étudie les sons,
c'est-à-dire les causes des impressions que nous
percevons par l'organe de l'ouie. Elle examine
leur mode de production, la manière dont ils se
propagent ou se transmettent, leurs différentes qua-
lités et les principaux appareils qui les donnent.
1. Production du son. _ Le son est toujours
produit par une série de mouvements de va-et-
ACOUSTIQUE
vient très-rapides, exécutés par un corps sonore-
On donne le nom de vihratio'is k ces mouvement?
alternatifs, et on prouve par l'expérience que tout
corps qui produit un son accomplit des vibrations.
Quand une corde de violon résonne, elle paraît
renflée en son milieu; ce sont les rapides excur-
sions qu'elle accomplit à droite et ;\ gauche de sa
première position, en un mot les vibrations, qui
lui donnent cet aspect ; elle le perd d'ailleurs à
mesure que le son s'éteint. Si on frappe une clo-
che ou un timbre, ils produisent un son ; on rend
visibles leurs mouvements vibratoires en appro-
chant d'eux une bille d'ivoire suspendue par un fil ;
la bille est lancée par le corps vibrant et le frappe
h coups répétés en retombant sur lui. louche-t-
on la cloche ou le timbre avec la main, on arrête le
mouvement vibratoire, et le son cesse ; mais quand
le corps est doué d'une certaine puissance, que le
contact de la main n'est plus suffisant pour étouffer
le mouvement, on éprouve un vif trémoussement
tant que dure le son. Il résulte de cette remar-
que que les corps élastiques seuls, surtout les gaz
et les solides, seront sonores.
2. Propagation du son. — Pour parvenir à l'or-
gane de l'ouïe et l'impressionner, les vibrations
du corps sonore ont besoin d'un milieu qui les
transmette et fasse participer l'oreille à cet
état de trépidation du corps qui est le point de
départ du son. C'est le plus souvent l'air atmos-
phérique qui est ce milieu propagateur; s'il man-
que, si le corps vibre dans un espace privé d'air
ou de tout autre milieu pondérable, les vibrations
existent, mais elles sont silencieuses, sans effet sur
l'oreille. C'est ce que l'expérience confirme. Dans
un grand ballon est suspendue une clochette par
des filaments de coton non tordus ; on entend la
cloche tinter quand on agite l'appareil ; mais si on a
enlevé l'air du ballon, on voit le battant frapper la
clochette par l'agitation, mais on n'entend plus
rien ; on peut laisser rentrer l'air : alors le son
renaît d'abord faible, puis plus fort à mesure que
le ballon se remplit.
Le son est donc d'autant plus faible que l'air est
plus raréfié; il doit être plus faible au sommet des
montagnes que dans les vallées, aux hautes ré-
gions de l'atmosphère que sur le sol. Saussure a
constaté en effet qu'au sommet du mont Blanc la
décharge d'un pistolet ne produit pas plus de bruit
qu'un pétard dans la plaine, et Gay-Lussac avait
remarqué l'extrême faiblesse de sa voix quand il
était à "OOu mètres de hauteur dans sa célèbre as-
cension aérostatique.
fo L'air est lui-même en vibration quand il trans-
met un son. Le tremblement des vitres pendant
les violents coups de tonnerre, qui ont déterminé
dans l'air de puissantes vibrations, en est une
preuve frappante. Si on tient une membrane ten-
due, saupoudrée de sable, dans le voisinage d'un
corps sonore qui rend un son fort, le sable sautille,
se rassemble suivant certaines configurations, accu-
sant ainsi les vibrations qui le frappent.
Les liquides et les solides transmettent aussi le
son, même mieux encore que les corps gazeux. Un
plongeur entend sous l'eau les bruits du rivage. On
perçoit nettement hors de l'eau le bruit qu'on pro-
duit en frappant l'un contre l'autre deux cailloux
plongés. Dans une chambre fermée, les bruits du
dehors sont sensibles. On applique l'oreille à terre
pour entendre les décharges lointaines de l'artille
rie que l'air n'apporte pas, ou le roulement d'une
voiture éloignée. On se fait entendre des sourds
quand on leur parle dans un tuyau dont ils pres-
sent le bord entre leurs dents. Mais si les corps so-
lides élastiques transmettent bien le son, les corps
mous, pulvérulents, en filaments, l'étoupe, la sciure
de bois, la mousse, les étoffes ne le transmet-
tent pas.
Ainsi, deux conditions sont nécessaires, indis-
ACOUSTIQUE
— 22 —
ACOUSTIQUE
pensables pour que nous entendions un son, d'une
part un corps matériel en vibration, d"une part un
aiilieu élastique entre le corps sonore et noire
oreille.
2° Vitesse du son. — L'observation journalière ap-
prend que le son ne se propage pas instantané-
ment, qu'il met un temps appréciable pour deve-
nir sensible en un point éloigné du lieu où il s'est
produit. Le chasseur que l'on voit de loin dans la
plaine court déjà ramasser son gibier quand on en-
tend le coup de fusil qu'il a tiré. Mais tous les
sons, si différents qu'ils soient les uns des autres,
se propagent avec la même rapidité, puisque le
morceau d'ensemble d'un orchestre a le même
caractère de loin que de près ; tous les sons ont
donc la môme vitesse.
La vitesse d'un son est l'espace qu'il parcourt
en une seconde. Pour la trouver, on produit, en
un lieu éloigné et visible dont on connaît exacte-
ment la distance, simultanément un son et ime
lumière ; on note exactement le temps qui s'écoule
entre l'apparition de la lumière et la perception du
son, et on divise l'espace connu par le nombre de
secondes observé. Des expériences précises faites
par les savants de l'Académie des sciences, il ré-
sulte que le son parcourt dans l'air ,340 mètres par
seconde. Dans l'eau, la vitesse est plus de quatre
fois plus grande : le son y parcourt 14-35 mètres par
seconde. La vitesse est bien plus considérable en-
core dans les solides : on l'estime à près de 4000
mètres.
3° Transmission du mouvemem sonore. — Le
mouvement sonore se transmet à la fois dans tous
les sens, tout autour du centre d'ébranlement qui
l'a produit. Mais, pour comprendre son mode de
transmission, il convient de l'étudier d'abord dans
un long cylindre à l'entrée duquel est placée une
lame vibrante, qui se déplace rapidement d'avant
en arrière et de la sorte rend un son. Dans la
première moitié de sa vibration, la lame exerce
sur l'air du cylindre une série de compressions qui
vont d'abord en augmentant pour diminuer ensuite
et qui se communiquent d'une tranche à l'autre
comme se transmet, par une série de billes d'i-
voire, le choc imprimé à la première. C'est la mo-
dification de l'air qui se déplace et s'avance, mais
non pas l'air lui-même. Chaque tranche du canal
acquiert sur place les états de condensation de la
colonne modifiée : celle-ci prend le nom d'onde
condensée. Quand la lame vibrante revient à
son point de départ, accomplit la seconde partie
de sa vibration, la couche d'air en contact avec
elle se dilate ainsi que les couches suivantes,
et il en résulte une 07ide dilatée, qui chemine à
la suite de l'onde condensée ; lune et l'autre se
trouvent h 340 mètres de leur point de départ
une seconde après l'instant où elles ont pris nais-
sance. Dans un milieu indéfini, les choses se pas-
sent de la même manière ; seulement les ondes,
au lieu de cheminer d'un bout à l'autre du cylin-
dre, se développent sur des sphères concentri-
ques. Rien ne donne mieux une idée de ce double
mouvement que les ondulations qui se forment sur
une nappe d'eau tranqtiille autour du point où est
tombée une pierre. Les cercles s'étendent en for-
mant chacun un bourrelet et un sillon ; mais en
chaque point les molécules de l'eau ne font que
monter et descendre, et ce n'est que l'ondulation
qui se transmet ; un corps flottant révèle les agi-
tations verticales, mais il ne change pas de place.
On comprend que l'impulsion sonore aille s'affai-
blissant à mesure quelle s'éloigne de son point
d'origine ; elle se distribue en efi'et dans une masse
d'air de plus on plus grande. Mais si on la force
à transmettre son mouvement à des couches d'air
d'égal volume, à parcourir un cylindre, elle s'affai-
blira infiniment moins et pourra dès lors rester
sensible à de grandes distances. C'est la raison de
l'emploi du porte-voix et des tuyaux que l'on éta-
blit d'un étape à l'autre d'une grande habitation
pour transmettre les ordres.
4° Réflexion du son. — Les ondes sonores chan-
gent de marche, quand elles rencontrent un
obstacle; elles reviennent sur elles-mêmes quand
elles étaient perpendiculaires à la surface fixe
qu'elles ont frappée, ou bien, et c'est le plus sou-
vent, elles suivent une direction angulaire avec la
première. C'est le phénomène de la réflexion, au-
quel obéit tout corps élastique envoyé contre un
obstacle. Quand le son est réfléchi, on entend d'a-
bord le son direct, puis, après un intervalle de
temps plus oti moins long, les ondes réfléchies ap-
portent une seconde fois le son. h'éc/io est cette
répétition d'un son plus ou moins afi'aibli, qui pa-
raît venir de derrière l'obstacle où s'est faite la
réflexion.
Quand l'observateur fait lui-même parler l'écho,
c'est-à-dire quand il émet les sons que l'écho doit
répéter, il faut qu'on puisse mener du point où il
est une perpendiculaire à l'obstacle, et que la dis-
tance soit assez grande pour séparer le son de re-
tour du son direct. Si les ondes directes et les on-
des réfléchies se superposent en partie, parce que
la différence de leurs trajets n'est pas suffisante,
le son est unique, mais confus : il y a résonnance,
phénomène fréquent dans les longs corridors, les
grandes salles nues, les églises.
Les conditions de sonorité des salles de concert
ou de classe dépendent de la manière dont leurs
parois réfléchissent les sons.
3. Qualités du son. — Quand l'ébranlement du
corps sonore est instantané ou irrégulier, le son
est simple, non continu, confus ; c'est un bruit, ou
une explosion s'il est fort et subit; Mais quand le
mouvement est continu, que les vibrations sont
nombreuses et régulières, d'égale durée et persis-
tantes, le son est agréable à l'oreille : c'est un son
musical. Il a alors trois qualités : la hauteur, l'in-
tensité et le timbre.
La hauteur est la qualité qui fait dire un son
aigu ou grave ; elle dépend du nombre des vibra-
tions ; c'est le caractère fondamental des sons mu-
sicaux.
L'tntennté est le degré de puissance ou de force
du son ; elle tient à l'amplitude des vibrations.
Le timbre, c'est la qualité qui fait qu'un même
son, de même force et de même hauteur, nous im-
pressionne difi'éremment, suivant la nature de
l'instrument qui l'a prorîuit.
4. Principaux corps producteurs des sons. —Dans
les instruments de musique, on utilise les vibra-
tions de l'air dans les tuyaux et les instruments à
vent, et celles de quelques corps solides, comme
les cordes, les verges, les plaques et les membranes.
Les verges ou lames sont employées pour le dia-
pason à branches et les boîtes à musique ; les
membranes dans le tambour et la grosse caisse ;
les plaques dans le tam-tam et les cj'mbales.
Vibrations des cordes. — Les cordes sont ten-
dues par leurs extrémités, dans un cadre comme
dans la harpe, ou sur une caisse sonore qui ren-
force le son comme dans le violon, la guitare, le
piano. On les pince ou on les frotte avec l'archet,
pour leur faire rendre les vibrations transversales
qui produisent les sons.
Le nombre des vibrations, et avec lui la hauteur
du son, dépend de la longueur, de la grosseur, de
la nature de la corde et de la force avec laquelle
elle est tendue. Dans le piano, chaque corde ne
peut donner qu'un son ; mais dans le violon l'ar-
tiste modifie à son gré et multiplie les sons en di-
minuant convenablement la longueur des portions
de corde que le coup d'archet fait vibrer.
Tuijaux sonores et instruments à vent. — Dans
les tuyaux, c'est une colonne d'air qui vibre
par les chocs répétés que le gaz subit à l'entrée.
ACTIONS
— 23 —
ACTIONS
On les dit à embouchure de flûte, quand le courant
d'air se brise contre un biseau; à anche, quand la
cause des vibrations est une peiite iamele que le
courant d'air agite vivement. C'est surtout la lon-
gueur et la manière dont le tube est ouvert sur sa
paroi latérole (jui modifient le son dans les tuyaux
et dans les instruments à vent si nombreux; ces
derniers prcsenîent nombre de trous et de clefs qui
servent à obtenir les différents sons ; un seul, le
cor de chasse, n'en porte pas; aussi ne peut-il don-
ner que quelques sons déterminés.
5. Exercices et expériences. — I. Constater le
mouvement vibratoire : l» par une lame serrée dans
un étau et écartée brusquement de sa première po-
sition ; 2° en promenant un diapason, armé d'un
stylet et rendant un son, au-dessus d'une plaque
de verre noircie ; 3° en frottant avec un archet le
bord d'un grand verre à demi plein d'eau et appro-
chant une épingle de sa paroi : on voit les rides de
l'eau et on entend les chocs répétés contre l'épingle.
II. Produire un son fort devant un piano dé-
couvert,l'instrument le continue.
Suspendre une montre dans une cloche qu'on
enfonce sous l'eau; on entend le son.
Transmettre un son à distance à l'aide d'un fil tendu.
S'assurer qu'à la sortie d'un long tuyau de
fonte on entend deux fois un son produit à l'entrée.
Estimer la distance à laquelle se trouve un chas-
seur en comptant les secondes écoulées entre l'ap-
parition de la lumière et l'audition du coup de fusil.
— Même calcul pour un orage.
Observer un ébranlement produit dans une eau
Banque prélève sur ses b-^néfices 6 p. 100 du capi-
tal nominal des actions, et y ajoute les | du
reste ; le troisième tiers étant destiné à former en
réserve. Ce dividende <(; paie par semestre.
Les actions du Comptoir d'escompte sont au
nombre de 40,000; leur valeurnominale estdeSOOfr.
Pour former le dividend.^, le comptoir prélève sur
ses bénéfices 4 p. 100 de la valeur nominale des
actions, et y ajoute les |durfste ; le quatiièm'i quart
forme su réserve. Le dividende se paie annuellement.
Los actions' du Crédit foncier sont au nombre
de GOOOU, dont la valeur nominale est de 500 fr.
Pour former le dividende annuel, la Compagnie
prélève sur ses bénéfices 5 p. 100 de la valeur no-
minale des actions, et y ajoute les | du reste ;
le dernier cinquième forme la réserve.
Les actions du Crédit mobilier sont au nombre
de 120000; leur valeur nominale est de 500 fr.
Pour former le dividende annuel, la Société prélève
sur ses bénéfices 5 p. 100 du capital nominal des
actions, et y ajoute les ^ du reste, diminué lui-
même préalablemoni de 5 p. 100.
Beaucoup d'entreprises industrielles sont fondées
sur des combinaisons analogues.
2. Les actions peuvent donner lieu à divers
types de problèmes.
En premier lieu : Connaissant le bénéfice annuel
de la Compagnie, on peut demander de calculer le
dividende par action.
Supposons, par exemple, que le bénéfice annuel
de la Banque de France ait été de 24 000000 fr. On
tranquille et suivTe attentivement sa propagation calculera d'abord le bénéfice par action en divisant
et même son retour. — En faire un second avant
l'extinction du premier et constater qu'ils coexistent
sans se troubler dans leur marche.
Appuyer un diapason sur une table ou une boîte
pour renforcer le son.
Calculer la distance à laquelle il faut se trou-
ver d'un obstacle pour que l'écho répète une ou
plusieurs syllabes.
III. Faire frapper les dents d'une roue sur une
plaque fixée par son extrémité ; compter les bruits,
quand le mouvement est lent ; constater un son
musical quand le mouvement est rapide et la pos-
sibilité de connaître le nombre des vibrations.
Faire vibrer une corde et constater la diminution
de l'amplitude à mesure que le son s'affaiblit.
IV. Vérifier ce fait que la longueur d'une corde
tendue ou d'un tuyau est plus petite pour les sons
plus aigus. [Haraucourt. I
ACTIONS. — Arithmétique XL VI. — On nomme
atioii une part dans le fonds social et dans les
intérêts d'une Compagnie. Tout propriétaire d'une
ou plusieurs actions prend le nom A^actiomiaire :
et la part annuelle de bénéfice distribuée à chaque
actionnaire pour chacune des actions qu'il possède
est ce que l'on appelle le dividende. Ce dividende se
paie le plus souvent par semestre.
Les actions peuvent être ?iominatives ou an por-
teur; dans le premier cas, elles changent de pro-
priétaire par voie de transfert comme les rentes
(V. ce mot) ; dans le second, elles passent de maii^
en main, comme le billet de banque, par la simple
remise du titre. Les actions sont dites libéréfs
lorsque leur valeur d'émission a été intégralement
versée dans la caisse de la Compagnie. Les actions
ont presque toujours une valeur commerciale su-
périeure à leur valeur nominale ; cette valeur
commerciale, qu'on appelle \& cours des actions, est
cotée chaque jour à la Bourse, et le revenu qu'elles
produisent est inscrit dans une colonne spéciale du
bulletin. Quelques exemples feront comprendre la
nature de ce genre d'opérations et les principaux pro-
blèmes d'arithmétique auxquels il peut donner lieu.
1. Les actions de la Banque de France sont au
nombre de 91 250, dont la valeur nominale est de
1000 fr. Pour former le dividende annuel, la
24 000 000 fr. par 91250, nombre des actions, ce qui
donne 263'',01. On prendra donc les 6 p. 100 de la
valeur nominale 1 000 fr., c'est-à-dire 60 fr. ; on re-
tranchera ce nombre de 263"',01, ce qui donne
203'^01 dont on prendra les \. soit 135'%34 ; le
dividende par action sera donc 60 fr. -|- 135'',^4, soit
195'%34.
Supposons de même que le bénéfice annuel du
Crédit foncier ait été de 2 000 000 fr. On aura le
bénéfice par action en divisant 2 000 000 fr. par
60 000, ce qui donne SS'^SS. La valeur nomi-
nale d'une action étant 500 fr., on en prendra les
0 p. 100, soit 25 fr. ; retranchant ces 25 fr. de
33'',33, on obtient pour reste 8'%33, dont les | font
6'",66. Le dividende cherché est donc 25 fr., -|- 6'',66
ou31'S66.
3. On peut, au contraire, se proposer le problème
inverse : Coiviaissant le dividende, calculer le bé-
néfice total de la Cnmpagiie.
' Supposons, par exemple, que le dividende du
Comptoir d'escompte ait été de 41 fr. La valeur
nominale d'une action étant de 500 fr., les 4 p. 100
de cette valeur donnent 20 fr. Si l'on retranche ces
20 fr. .du dividende 41 fr., le reste 21 fr. représen-
tera les T du bénéfice par action ; ce bénéfice est
donc le quotient de 21 fr. par ?, c'est-à-dire 28 fr. ;
et le bénéfice total est le produit de 28 fr. par 40 000,
noiubre des actions. On trouve ainsi 1 120 000 fr.
Stipposons de même que le dividende du Crédit
mobilier ait été de " 2 fr. La valeur nominale d'une
action étant de 500 fi-., les 5 p. 100 de cette valeur
donnent 25 fr. Si l'on retranche ces 25 fr. du divi-
dende 72 fr., le reste 47 fr. représentera les ~
du bénéfice par action, préalablement diminué des
5 p. 100 ou du 20" de sa valeur, c'est-à-dire que
47 fr. représentera les ^ des i|, ou les i^ du
bénéfice par action. On obtiendra donc ce dernier
en divisant 47 fr. par |^, ce qui donne 54'',9707
ou 54"', 97 environ. Le bénéfice total s'obtiendrait
en multipliant ce résultat par 60 000, nombre des
actions : ce qui donne 3 298 242 fr.
4. Un problème que l'on a fréquemment à ré-
soudre est cfdui qui consiste à trouver à quel taux
ACTIVITE
— 24
ACTIVITE
on a placé son argent en achetant des actions à un
cours donné, connaissant le dividende unraiel.
C'est une simple règle de trois (V. ce mot).
Si, par exemple, on a acheté des actions du Comptoir
d'escompte au cours de 809 fr , et que le dividende
ait été de 4l'',à0, on aura à résoudre cette question :
Si 80!) fr. ont rapporté 'il^'iGO, que rapporteiaient
100 fr. ? Multipliant 41'', 50 par 100, et divisant le
produit par 8i)'.), on trouve pour le taux demandé
5^129... ou à peu près 5^13.
Pareillement, si l'on a acheté des actions du che-
min de fer du Nord au cours de 1007''',50 et que
le dividende ait été 62 fr., on dira :
Si 1007'''.50 ont rapporté 62 fr., que rapporte-
raient 100 fr. ? Multipliant 6-2 par 100, et divisant le
produit par I00T^50, on obtient pour le taux du
placement, e'^l.'JS... ou à peu près ()'%15.
h. Enfin on peut avoir à résoudre un problème
dans lequel figurent à la fois des actions et des
rentes. Tel est le suivant: Au 9 octobre 1777. In
rente ;5 p. 100 était au cours de 69, et les actions du
Crédit foncier étaient cotées 64l",25.0n demande
quel devrait être le dividende, et par suite le béné-
fice de la Compagnie, pour qu'il y ait avantage à
choisir le second placement / Il faut d'abord cher-
cher quel devrait être le dividende pour que les
deux placements fussent également avantageux :
c'est une simple règle de trois.
Si 00 fr. rapportent :> fr., que rapporteront
641''',25 au même taux ? Multipliant G4l''^,2.5 par 3
et divisant le produit par 69 (ce qui revient à divi-
ser 641'^25 par 23), on trouve 27'', 88. Tel devrait
être le dividende. Il faut en déduire le bénéfice de
la Compagnie. La valeur nominale dune action
étant 500 fr., les 5 p. 100 de cette valeur donnent
25 fr. ; si l'on retranche ces 25 fr. du dividende
27'',88, le reste 2''',88 représentera les | du bénéfice
par action ; on aura donc celui-ci en divisant 2'"', 88
par |, ce qui donne ;i''^,60. Par suàte, le bénéfice
total sera le produit de 3'%60 par GO 000, nombre
des actions, ce qui donne 2 160 000 fr. Il faudrait
donc, en définitive, que le bénéfice de la Compagnie
dépassât cette somme pour qu'il y eût avantage à
acheter plutôt des actions que des rentes.
[H. Sonnet].
ACTIVITÉ. — Psychologie XVI. — {Etym. puis-
sance ou faculté d'agir.)
D'après certains systèmes philosophiques, l'ac-
tivité serait le caractère universel des êtres. Agir
serait synonyme d'exister. Telle est, par exemple,
la doctrinede Leibniz, qui jusque dans la matière
la plus inerte prétend voir des forces agissantes.
Écartons ces hypothèses métaphysiques et con-
tentons-nous de reconnaître avec le sens commun,
que l'activité appartient à un grand nombre d'êtres,
sinon à tous.
L'activité se présente donc sous un grand nombre
d'aspects, selon la nature des êtres où elle se ma-
nifeste. Mais, avant d'indiquer ces différentes for-
mes, il est possible de donner une définition gé-
nérale de l'activité, c'est-à-dire d'analyser les élé-
ments communs que renferme toute activité,
quelle qu'elle soit.
Définition générale de Vactivité. — Le premier
fait qui nous frappe dans un être doué d'activité,
c'est qu'il change. Les changements d'état, la
feuille ou la fleur qui se déploie sur une tige vé-
gétale, les mouvements qui s'accomplissent dans
les membres d'un animal, la succession des senti-
ments et des pensées qui se suivent dans la con-
science humaine, toutes ces modifications trahissent
l'activité. Mais ces changements seraient inexpli-
cables, s'ils n'étaient pas les résultats des mouve-
ments d'une force intérieure, force physique dans
les corps en général, force vitale dans la plante,
force motrice chez les animaux, force intelligente
chez l'homme. Le second élément compris dans
l'idée d'activité, c'est donc la conception d'une
puissance cachée qui se développe, et qui en se
développant détermine un changement. Enfin, on
ne comprendrait pas que cette force obéit ainsi à
la loi du mouvement, du changement incessant, si
l'on n'admettait pas, en troisième lieu, que néces-
sairement ou librement , aveuglément ou avec
conscience d'elle-même, elle tend à un but ' et à
une fin. La plante fleurit pour se reproduire, l'a-
nimal se meut pour satisfaire son appétit et ses di-
vers besoins physiques : l'homme agit pour atteindre
le but qu'il désire et qu'il conçoit. Là inconsciente,
ici réfléchie, l'activité peut toujours être définie :
/" développement d'une force qui tfud à une fiu.
Différentes formes de l'activité. — Le végétal
qui naît, croît et meurt, agit en un sens ; mais
cette activité est sourde et obscure, elle ne se rend
nullement compte d'elle-même. Déjà chez l'ani-
mal nous rencontrons une activité plus haute,
plus complète : l'animal qui se meut, qui a des
désirs et qui le sent, qui possède une certaine
conscience de lui-même, l'animal souffre et jouit ;
son activité est déjà consciente à quelque degré ;
mais enfermée dans un cercle infranchissable, elle
est uniforme, aveugle, elle se répète dans des
actes toujours les mêmes : c'est cette activité
qu'on appelle Vinstinct.
L'homme résume en lui toutes les formes infé-
rieures de l'activité et y en ajoute d'autres. A
l'activité végétative de la plante, à l'activité ins-
tinctive de l'animal, il joint une activité qui lui est
propre, activité réfléchie, pleinement consciente
d'elle-même, qui sait où elle va, qui connaît le but
qu'elle poursuit, qui délibère avant de le poursuivre,
qui calcule les moyens les plus sûrs de l'atteindre,
qui enfin se détermine librement par sa propre ini-
tiative : c'est Vactivité volontaire ou la volojité.
Les instincts jouent un grand rôle dans la vie
humaine, chez l'enfant surtout, alors que la raison
n'est pas encore éveillée. L'action de téter, le
mouvement des yeux qui cherchent la lumière, tous
les premiers actes de l'enfant sont les manifesta-
tions de ces forces irréfléchies, dont l'ensemble
constitue Vactivité spontanée ou Vinstinct.
Chez l'homme mûr, l'instinct s'eff'ace sans dispa-
raître tout à fait, pour faire place, soit aux déter-
minations réfléchies de la volonté, soit aux mouve-
ments involontaires de V habitude : troisième mode
de l'activité humaine. Elle est irréfléchie, machi-
nale, aveugle, comme l'instinct, elle en a tous
les caractères apparents. Aussi l'a-t-on appelée la
seconde 7iature de l'homme. Et d'autre part, cer-
tains philosophes modernes tendent à croire que
les instincts ne sont que les habitudes acquises
par nos ancêtres et transmises selon les lois de
l'hérédité psychologique. Quoi qu'il en soit, l'habi-
tude ne diffère do l'instinct que par son origine.
Tandis que l'instinct naît avec nous, l'habitude
s'acquiert. Elle est le résultat d'une action plu-
sieurs fois répétée. L'instinct est comme le ber-
ceau, le premier éveil de la volonté : l'habitude,
au contraire, c'est la volonté endormie.
Considérée dans ses caractères intrinsèques, l'ac-
tivité humaine afi"ecle donc trois formes : l'instinct,
la volonté, l'habitude. Mais, si nous l'envisageons
dans les objets auxquels elle s'applique, le corps,
l'intelligence, le caractère, nous aurons une autre
division : Vactivité physique, Vactivité intellectuelle,
Vactivité morale. De ces trois domaines, le pre-
mier est celui où se développe surtout l'instinct.
C'est, au contraire, la volonté qui domine dans les
deux autres, puisqu'elle est le principe de l'atten-
tion de l'esprit et de l'énergie du caractère.
Sous ses difl'érentes formes, l'activité est le fond
de la nature humaine : nous ne vivons physique-
ment et moralement que parce que nous agissons
de manière ou d'autre. Et, lorsqu'elle s'exerce
dans le sens de nos énergies naturelles, elle est une
ADDITION — i
source de plaisir. La douleur n'est qu'une activité
contrariée. Aussi les philosoplies modernes s'ac-
cordent-ils à dire, avec Voltaire, que le bonheur est
dans l'action. L'activité est notre nature et notre
bien. [Gabriel Compayré.l
ADDITION. — Arithmétique IV. — {Étym. du
latin, addere, ajouter.)
Addition des aombues extiers. — Opération qui
a pour but de réunir en un seul nombre toutes les
unités contenues dans deux ou plusieurs nombres
donnés. On ne peut additionner que des unités de
même espèce ; le résultat de l'opération se nomme
la somme ou le total.
(Dans le Cou7's élémentaire, — sur lequel nous
n'avons pas à insister ici — on pourra, on devra
même introduire l'idée d'addition par quelques
problèmes enfantins, tels que ceux-ci :
Auguste a obtenu 2 bons points le lundi, .3 le
mardi, 1 le mercredi, 2 le vendredi et 2 le sa-
medi; combien a-t-il eu de bons points dans
la semaine? — Réponse : 10 bons points.
Ou bien :
Henri a 8 billes, Charles 5 billes, Louis 6 billes,
et Jacques 3 billes; si on les mettait toutes
ensemble combien cela ferait-il de billes ? —
Réponse : 22 billes.)
1. Pour pouvoir faire une addition, il est néces-
saire de savoir par cœur la somme de deux nombres
quelconques d'un seul chiffre. Ces résultats sont
contenus dans le tableau ci-dessous, auquel on
donne le nom de table d'addition.
012 345G789
123456789 10
234 5G7 8910 11
3 4 5 G 7 8 9 10 11 12
4 h G 7 8 9 10 11 12 13
5 G 7 8 9 10 11 12 13 14
6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
7 8 9 10 11 12 13 14 15 10
8 1) 10 11 12 13 14 15 16 17
0 10 11 12 13 14 15 IG 17 18
Pour le former, on écrit sur une première ligne
horizontale les caractères 0, 1, ;>, etc., jusqu'à 9.
On forme une seconde ligne horizontale en ajou-
tant une unité à chacun des nombres écrits dans la
première. On forme une troisième ligne en ajou-
tant une unité à chacun des nombres de la seconde,
et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on ait écrit la der-
nière ligne horizontale commençant par 9.
11 est très-facile de trouver, à l'aide de cette table,
la somme de deux nombres d'un seul chiffre : on
cherche dans la première colonne verticale le pre-
mier des deux nombres donnés, et l'on suit la ligne
Horizontale commençant par ce nombre jusqu'à ce
qu'on soit arrivé à la colonne verticale commençant
par le second nombre donné ; le nombre placé à la
rencontre de ces deux lignes est la somme que l'on
cherche.
Soit, par exemple, à trouver la somme des nom-
bres 7 et 8. On part du nombre 7 inscrit dans la
première colonne verticale ; on suit la ligne horizon-
tale commençant par s, jusqu'à ce qu'on soit arrivé
à la colonne verticale commençant par 7 ; le nombre
15 placé à la rencontre de ces deux lignes est
la somme des nombres 7 et 8.
Cette table devient inutile dès que les commen-
çants sont suffisamment exercés.
2. 11 faut ensuite exercer les élèves à faire l'ad-
dition de plusieurs nombres d'un seul chiffre, ce
1 — ADDITION
qu'ils peuvent faire dès qu'ils savent la numéra-
tion ; car, s'il s'agit, par exemple, d'ajouter les
nombres 7, 8, 6, 5, la somme des deux premiers
étant 15, on y ajoutera G en comptant jusqu'au
Çf nombre après 15, ce qui doinie 21 ; et l'on ajou-
tera 5 à ce dernier en comptant jusqu'au 5'^ nombre
après 21, ce qui donne 20. On exprime rapidement
l'opération en disant : 7 et S. 15 ; et G, 21 ; et 5, 2G.
3. Soit maintenant à faire la somme de plusieurs
nombres entiers quelconques, par exemple des
nombres 4572, 1863, 8731, 5120 et 7022. La méthode
consiste à faire successivement la somme des uni-
tés, la somme des dizaines, la somme dos cen-
taines, etc. Pour cela écrivons les nombres don-
nés les uns au-dessous des autres, de manière que
les unités de même ordre se correspondent :
4572
1863
8731
5120
7022
27308
Faisons d'abord la somme des unités, en disant :
2 et 3, 5; et 1, G; et 2. 8. Cette somme étant in-
férieure à 10, nous l'écrirons telle que nous l'avons
trouvée, au-dessous de la colonne des unités. Fai-
sons de même la somme des dizaines, en disant :
7 et G, 13 : et 3, IG ; et 2. 18 ; et 2, 20. Cette
somme équivaut à 2 centaines ; nous écrirons
donc 0 sous la colonne des dizaines, pour en tenir
la place, et nous retiendrons les 2 centaines pour
les joindre à la colonne des centaines, en disant :
2 de retenue, et 5, 7 ; et 8, 15; et 7, 22 ; et 1,23.
Cette somme se composant de 3 centaines et de
2 mille, nous poserons 3 au-dessous de la colonne
des centaines, et nous retiendrons les 2 mille pour
les joindre à la colonne des mille en disant : 2 de
retenue, et 4, 6; et 1, 7; et 8, 15; et 5, 20; et
7, 27. \ous poserons les 7 mille sous la colonne
des mille, et nous écrirons les 2 dizaines de mille
à la gauche du chiÔ're 7 : ce qu'on exprime quelque-
fois en disant que l'on avance 2, parce que, l'opéra
tion se poursuivant de droite à gauche, on avarice
réellement en écrivant le chiffre 2 à la gauche du 7.
On suivrait la même marche pour additionner
des nombres entiers quelconques ; de là cette règle :
Pour adcUtioJiner des nombres entiers, on les
écrit les uns au dessoîis des autres de manière que
les unités de même ordre soient dans une mêiue
colonne verticale; on lire un trait au-dessous du
dernier nombre pour le séparer du résultat; et l'on
fait successivement la somme des unités contenues
dans chaque colonne, en commençard par la droite;
si la somme obtenue ne dépasse pas 9, on l'écrit,
telle qu'on l'a trouvée, au-dessous de la colonne
additionnée ; si la somme dépasse^ unités de l'ordre
co7isidéré, elle contient des unités de cet ordre, et
des dizaines; on p'.se les unités au-dessous de la
colonne, et l'on retient les dizaines pour les reporter
à la cblo?inc suivante; et l'on continue ainsi jusqu à
ce qu'on ait additiomié la dernière colonne à gau-
che, dont on écrit la somme au-dessous de cette
colonne, telle qu'on l'n trouvée.
4. On nomme preuve de l'addition une seconde
opération que l'on exécute pour vérifier l'exactitude
de la première. La méthode la plus simple consiste
à recommencer l'opération, en ayant soin d'addi-
tionner chaque coloiuio de bas en haut, si l'on a
d'abord additionné de haut en bas ; on ne coiu't
pas ainsi le risque de retomber coiistamment dans
les mêmes fautes. Si l'on obtient la même somme,
il y a présomption que l'opération a été bien faite.
Cette seconde opération est, en effet, plutôt une
épreuve qu'une preuve.
On peut encore, surtout lorsqu'on a beaucoup
de nombres à additionner, les partager en plusieurs
groupes; additionner séparément chaque groupe,
ADJECTIF
26 —
ADJECTIF
et additionner ensuite les sommes partielles obte-
nues ; on doit retrouver ainsi le même total : cette
méthode est surtout employée par les comptables
ot dans le commerce.
Si l'on considère, par exemple, le dernier des
exemples numériques proposés ci-dessus, on voit
que la somme des quatre premiers nombres est
10 80-3, et que la somme des trois derniers est
2 776; en additionnant ces deux sommes partielles,
on retrouve bien la somme totale 13 579.
On pourra proposer aux élèves les exemples
suivants en faisant additionner tour à tour de haut
en bas et de bas en haut :
1683
678
1197
354-2
156
846
871
339
1973
3903
01
:!0:.
U099
123-i
i321
1568
136
8354
1579 745
4631 791
246 1483
3544 o02
10000 13579
Problèmes. — I. Charlemagne est né en 742, et
a vécu 72 ans ; en quelle année est-il mort ?
Réponse : en 814.
II. En 1872, la population du département de
Seine-et-Oise était répartie ainsi qu'il suit dans
ses six arrondissements :
Arrondissementde Versailles.. . . 237671 lK;b.
— Corbeil 71217 —
Étampes... 39761 —
— Mantes 56122 —
— Pontoise 108432 —
— Rambouillet. 60977 —
Quelle était la population totale du départe-
ment?
Réponse : 580180 habitants.
III. II a été consommé à Paris, dans une année,
les quantités de boissons suivantes :
Vins en cercles 3 694500 hectol.
— en bouteilles 20182 —
Alcools et liqueurs 132407 —
Cidres, poirés et hydromels. 98718 —
Quelle a été la consommation totale?
Réponse : 3945 807 hectolitres.
IV. La population des colonies françaises est ré-
partie approximativement de la manière sui-
vante :
Algérie 3455000 h ab.
Sénégal 243000 —
Réunion 183000 —
Iles voisines de Madagascar.. . 26000 —
Colonies de l'Inde 2{)0 000 —
Cochinchine 1 156000 —
Nouvelle-Calédonie et dépen-
dances 59200 —
Saint-Pierre et Miquelon 4000 —
Guadeloupe 140000 —
Martinique 155000 —
Guyane 20000 —
Quelle est la population totale de ces colonies?
Réponse : 4 701 200 habitants. [H. Sonnet.]
ADJECTIF. — Grammaire, XI. — Éty^n. du la-
tin adjectivus, qui ajoute à. Ce mot n'était jamais
employé seul chez les grammairiens latins; ils
disaient : numen adjectivum {nom adjectif), c'est-
à-dire nom additionnel, nom qui s'aioute au nom
substaiitif .
LEÇON ET DÉVELOPPEMENTS
A l/USAGE DU MAITRE
Définition. — L'adjectif est un mot que l'on
ajoute au nom : 1' soit pour exprimer la qualité
d'une personne ou d'une chose ; 2" soit pour res-
treindre, préciser et déterminer le sens d'un nom ;
par exemple, quand on dit : un cheval noir, le mot
noir indique comment est le cheval : noir est un
adjectif. Dans mon cheval, le mot mon indique spé-
cialement l'animal qui m'appartient, et restreint
ainsi le sens du mot cheval en le déterminant : c'est
aussi un adjectif.
Trois dosées d'adjectifs. — On distingue trois
sortes d'adjectifs: les Sidiectik qualificatifs, les ad-
jectifs détertnt/iati/s et les adjectifs indéfinis.
Les ADJECTIFS QUALIFICATIFS expriment Seulement la
qualité ou manière d'être. Ex. : table ronde, plume
légère, grand chêne. Les mots rf'nde, légère, grand,
sont des adjectifs qualificatifs, ils marquent une
qualité des substantifs table, plume, chêne.
Les ADJECTIFS DÉTERMINATIFS précisent l'objet dé-
signé par le nom auquel ils se rapportent :
Ex. : mon livre, cette maison. Los mots mon, cette
sont des adjectifs déterminatifs, puisqu'ils servent
h. indiquer d"une manière précise le livre, la niai-
non dont on parle.
Les ADJECTIFS INDÉFINIS marquent que le nom
est employé d'une manière vague et générale.
Ex. : chaque pays, plusieurs hommes, certain au-
teur. Les mots chaque, plusieurs, certain, qui
restreignent le sens général des substantifs pays,
hommes, aideur, mais sans les déterminer d'une
manière bien précise, sont des adjectifs indéfinis.
Un illustre grammairien de la fin du xviii' siècle.
Beauzée, a établi entre les différentes sortes d'ad-
jectifs une distinction aussi nette et aussi pra-
tique qu'elle est vraie philosophiquement. « Les
adjectifs, dit-il, sont destinés à être joints aux noms
pour en modifier la signification. Or il n'y a que deux
choses qui puissent être modifiées dans cette signi-
fication, savoir : l'eïenf/Me et\dco)»préhe77.sioji. De
là deux sortes d'adjectifs : les uns. destinés à modi-
fier l'étendue des noms, sans rien ajouter à la
compréhension, indiquent positivement l'applica-
tion du nom aux individus auxquels il peut conve-
nir dans les circonstances actuelles : mo7i, ton, ce,
cet, deux, chaque, etc. (adjectifs déterminatifs et
adjectifs indéfinis) ; les autres, destinés à modifier
la compréhension des noms sans rien déterminer
sur l'étendue ajoutent à cette compréhension une
idée accessoire : blanc, rouge, can^é, rond (adjec-
tifs qualificatifs). »
I. ADJECTIFS QUALIFICATIFS.
Du genre dans les adjectifs. — Règle générale.
— Pour former le féminin dans les adjectifs, on
ajoute un e muet au masculin : méchant, mé-
chante ; saint, sainte.
Quand le masculin est déjà terminé par e, comme
dans sage, maigre, large, l'adjectif ne change pas
au féminin : enfant sa^e, fille sage.
Origine de cette règle. — L'e muet, signe du
féminin en français, vient de Va, signe du fémi-
nin en latin pour une classe nombreuse de noms
et d'adjectifs: {divijivs, divin; divin a, (/irmE). Mais
les Romains avaient deux classes d'adjectifs, les
uns avec une terminaison en t^s pour le masculin
[bonvs) et en a pour le féminin {bonx'; les autres
[gardant la même terminaison pour les deux
genres (ex. : grand/s, fortw au masculin et au fé-
minin'. A l'origine, le français se conforma exacte-
ment à cette distinction : il ne donnait la lermi-
ADJECTIF
97
ADJECTIF
raison e qu'aux féminins latins en « (bona, bonne) ;
il laissait les autres semblables aux deux genres,
un grand homme, une grand femme, de même
qu'en latin : grand/.s homo, grand;? fcmina. C'était
là la règle générale au onzième siècle ; on disait
une mère grand, une âme immortel, une roche
^ort, parce qu'en latin grandis, immortalis, f'or-
tis, etc., n'avaient qu'une terminaison pour les
deux genres.
Le xiii* siècle, ne comprenant plus le motif
de cette distinction, commença à adjoindre à ces
adjectifs Ve au féminin et écrivit gronde, mor-
te/ie. forte, comme il écrivait bonne, hlaiiche. etc.
L'ancien usage persista cependant dans quelques
expressions usuelles, telles que grand route,
qrand mère, etc. : les grammairiens du seizième
siècle, croyant qu'ici grand était une abréviation
de gran<le. introduisirent à tort une apostrophe
(d'où l'orthographe grand'mère) pour marquer la
suppression de cet e, qui en réalité n'avait jamais
existé. (Brachet, Nouvelle grammaire).
On retrouve encore quelques traces de cet usage
dans les mots : lettres loi/aur, fonts baptismaux
{fonts pour fontaines était féminin), et dans ces
noms de ^ille : Hochefort, Granville (pour Grand-
ville), Grandcombe. etc.
Évidemment il faut se conformer à l'usage qui
veut qu'on écrive aujourd'hui grand'mère, grand'
tante, grand'rue, grand" chose, mais il n'est pas
inutile de se rendre compte de cette anomalie.
RÈGLES PABTiccLiÈRES. — 1. Redoublement de la
consonne. — Les adjectifs en el, eil, H, en, on, et,
otet les adjectifs terminés par s doublent en général
au féminin la consonne finale /, ?i, t, s, avant de
prendre l'e muet : cruel, cruelle; — pareil, pa-
reille; — gentil, gentille; — ancieji, ancienne;
bon, bonne; — muet, muette; — sot, sotte; —
gras, grasse; — épais, épaisse, — profés, professe.
Ce redoublement des consonnes a été amené,
tantôt par les exigences de la prononciation, tan-
tôt par la simple imitation des féminins en elle et
en ette. Pour les adjectifs en el, en. et, le redou-
blement sert à renforcer la voyelle accentuée
(Voir Accentuation) et à conserver à l'e sa sonorité.
Les féminins de tous les adjectifs en on et de
quelques adjectifs en ot a été calqué sur celui des
adjectifs en el, e?i, et. Plusieurs adjectifs, tels que
dévot, idiot, manchot, font leur féminin sans re-
doubler la consonne : dévote, idiote, manchote.
Les Sidiecûîs gras, gj'os, épais, etc., redoublent
la consonne finale ; sans cela, le s se trouvant entre
deux voyelles prendrait le son du z : il le prend,
par exemple, et toujours à l'imitation du latin,
dans le féminin do ras, clos, etc., parce qu'on dit
en latin rasa, clausa, d'où rase, close, tandis qu'on
dit crassa, spissa, d'où grasse, épaisse, etc.
Les adjectifs bemi, jumeau, nouveau, fou, mou
et vieux font au féminin belle, jumelle, nouvelle,
folle, molle et vieille. Ces adjectifs s'écrivaient au-
trefois au masculin bel, jumel, nouvel, fol, mol,
vieil. Ces formes s'emploient encore aujourd'hui
devant les noms qui commencent par une voyelle
ou une h muette : bel homme, nouvel an, fol or-
gueil, mol édredon, vieil ami.
2. Féminin marqué par l'accent grave. — Les
adjectifs en ier, tr, et les six adjectifs complet,
concret, discret, inquiet, replet, secret, né re-
doublent pas la consonne finale, mais prennent un
accent grave sur l'e qui précède le r ou le t : alticr,
altiére; — étranger, étrangère; — complet, com-
plète iV. Accentuation).
3. Féminin des adjectifs terminés par x. — Les
adjectifs terminés par x changent x en se au fémi-
nin : heureux, heureuse : — jaloux, jalouse. Faux,
roux, doux, font au féminin fausse, rousse, douce.
X à la fin des mots [dix, six) et même au milieu
des mots (soixante) a le son de s ; de là l'ortho-
graphe ancienne dous, faus, rous, dont le féminin
était régulièrement fausse, rousse. Dans doux,
le double s (ss) a été remplacé par son équivalent
c doux qui se trouvait déjà du reste en latin
(dulcem) .
-4. Féminin des adjectifs terminés par f. — Les
adjectifs termines par f, comme vif, bref, naïf,
forment leur féminin en changeant /"en ve : crain-
tive, brève, neuve.
Ces adjectifs viennent en général de primitifs
latins qui avaient un v au radical : vivum, brevem,
novum ; la finale sourde U'H, em étant tombée, v
est devenu f en français, aucun mot de notre lan-
gue n'étant terminé par un v. Mais le t- reparaît
quand on ajoute une voyelle à l'adjectif : neuf,
neuve — ère/, brève. Il en est de même pour les
substantifs : nerf, nerveux — bceuf, bouvier, etc.
5. Féminiii des adjectifs tei^minés par c. —
Blanc, franc, sec, frais font au féminin blanche,
franche, sèche, fraîche.
Turc, public, caduc changent c en que au fémi-
nin : turque, publique, caduque. — Grec fait
grecque. — Long fait longue.
Si le c final donne au féminin les deux termi-
naisons che et qne. c'est que la terminaison latine
ca devient en français tantôt che, tantôt que. Pré-
cédée d'une consonne en latin, comme dans arca,
furca, elle devient che : arche, fourche; de là le
féminin sèche, du latin sicc i. Les mots d'origine
germanique, blanch, franco, fresc, latinisés en
blanco. franco, fres^a, ont suivi la même règle
(frcsca a d'abord donné fresche, puis fraîche). Pré-
cédée d'une voyelle en latin, comme dans veridica,
juridica, la terminaison ca devient que : véri-
dique, juridique; de là les féminins publique, ca-
duque, de puolica, caduca. Si l'on n'avait ajouté
que l'e muetà^w6/îc, caduc, on aurait eu en fran-
çais publiée, caduce, qui auraient perdu le son dur
du c; pour le consen'er, on a remplacé c par son
équivalent qu. C'est par la même raison que lo7ig
fait longue et non longe. Turc et grec ont suivi la
môme règle, mais grec a gardé le c pour conserver
à l'e un son ouvert.
6. Féminin des adjectifs terminés par éur. —
Les adjectifs en eur forment leur féminin de qua-
tre manières. 1° Les uns suivent la règle géné-
rale et ajoutent un e au masculin : majeur, ma-
jeure, — antérieur, antérieure ; 2° d'autres, et ce
sont les plus nombreux, changent eur en euse :
voleur, voleuse, — trompeur, trompeuse ; 3° d'au-
tres changent eur en eresse : vengeur, vengeresse —
chasseur, chasseresse; 4° d'autres enfin changent
teur en trice.
Les adjectifs qui forment leur féminin par un e
muet sont au nombre de douze et viennent tous de
comparatifs latins : majeur {major, plus grand),
mineur {minor, plus petit), inférieur {inferior,
plus au-dessous), etc. Quant au suffixe eu^c, il
Cist assez récent dans l'histoire de la langue et ne
remonte guère qu'au quatorzième siècle ; à l'origine
de la langue, le véritable féminin des mots en eur
était eresse : pécheur, pécheresse; vengeur, veyige-
resse; devineresse, défenderesse, demanderesse.
Plus tard, ce suffixe fut remplacé par la forme
euse, mais il a persisté dans cinq ou six mots ; et
tandis qu'on dit chanteur, chanteuse, on a gardé
la vieille forme dans : enchanteur, enchanteresse.
Quant à la forme euse. elle est calquée sur le
latin féminin osa, qui devient régulièrement euse
en français, comme or est devenu eur : épineuse
{spinosa).
Le latin avait en outre pour marquer le féminin
une forme en trix, qui a donné trice en français
dans les mots savants : accusatrice {accusatricem),
impératrice {imper atricem), et sur ce modèle notre
langue a créé bienfaitrice de bienfaite>(r, protec-
trice de protecteur, etc. (Brachet, Nouvelle gram-
maire.)
Féminin des adjectifs en gu. — Les adjectifs
ADJECTIF
— 28
ADJECTIF
terminés en gu forment leur féminin en guë : aigu,
aiguë; nmlngu. ambiguë; c'est-à dire qu'on place
un tréma sur Ve muet.
Ce tréma sur Ye indique qu'il faut ici prononcer
uë et ne point confondre aiguë, ambiguë, etc., avec
!es motstels que bague, aigue-marine, etc., dans
lesquels ne est tout à fait muet.
Fiirnininx reprenant la consonne étymologique. —
Les adjectifs bénin, malin, favori, coi, font au
féminin béjiigne. maligrie, favorite, coite.
Bénin ei malin viennent du latin benignum,
malignum. et le gn latin qui, dans ces mots, s'é-
tait réduit à la finale n, redevient gn en français
dans bénigne, maligne (de benignn. maligna), parce
qu'il est suivi dans ce cas d'une voyelle qui occupe
la dernière place du mot. Favorite et coite repren-
nent au féminin le t qui est tombé au masculin,
et qu'on retrouve dans l'italien favorito et le latin
quiet um.
Tiers fait tierce. Le mot latin tertius (troisième)
a perdu sa terminaison en français et est devenu
fiers; mais le féminin tertia a été remplacé par
e muet, et a donné tierce, comme prudentia, gra-
tia, etc., ont ûonné prudence, grâce, etc.
Du nomtire dans les adjectifs. — Règle géxé-
RALE. — Le pluriel des adjectifs se forme comme
celui des noms, c'est-à-dire en ajoutant un s au
singulier : grand, grands; sainte, saintes; pru-
dent, prudents.
Quand ^'adjectif est déjà terminé au singulier
par s ou X, i'. ne change pas au pluriel : des arbres
gros, des hommes lieureux.
Exceptions. — 1° Les adjectifs en eau prennent
X au pluriel : beau, beaux, — nmiveau, nouveaux.
2° Les adjectifs en ou et en eu prennent .<; au
pluriel : fou. fous, — mou, mous, — bleu, bleus.
Cependant Hébreu fait Hébreux avec un x.
-3° L'adjectif totit perd le t au pluriel : tous.
4° Les adjectifs terminés en al ont le pluriel en
aux : loyal, loyaux, — légal, légaux, — égal,
égaux.
Les adjectifs arbitral, austral, automnal, bancal,
boréal, colossal^ conjectural, diamétral, doctoral,
ducal, expérimental, fatal, frugal, glacial, immé-
morial, instrum-nt'il, jovial, ma'/istral, naval,
pastoral, pénal, sentimental, théâtral, original, et
un petit nombre d'autres d'un usage peu fréquent,
forment leur pluriel en ajoutant un s : arbitrais,
australs, etc.
(Voir pour la formation du pluriel dans les ad-
jectifs ce que nous avons dit à la formation du
pluriel dans les noms*}.
Degrés de signification dans les adjectifs. —
Il y a trois degrés de signification dans les adjec-
tifs : le positif, le comparatif et le superlatif.
Le positif est l'adjectif même : Moji chtval est
noir; noir, qui annonce simplement une qualité,
est au positif.
L'adjectif est au comparatif quand il exprime la
qualité avec une idée de comparaison. Le compa-
ratif se forme en ajoutant plus à l'adjectif quand
on veut marquer la supériorité : Mon cheval est
vlus noir que le vôtre : — moins, quand on veut
marquer l'infériorité: J/c<?j c/(-yo/ est moiris noir
que le vôtre ; — aussi, quand on veut marquer
l'égalité : Mon cheval est aussi noir que le vôtre.
De là trois sortes de comparatifs : le comparatif
de supériorité, le comparatif d'infériorité et le
comparatif d'égalité.
L'adjectif est au superlatif quand il exprime la
qualité au plus haut degré : Mo7i cheval est très-
noir; — voici le plus noir de vos chevaux.
Le premier superlatif [très-noir] est dit superla-
tif absolu, parce qu'il n'y a pas comparaison avec
d'autres chevaux. Le second {le plus noir) est dit
superlatif relatif, parce qu'il y a comparaison, re-
lation avec d'autres chevaux.
On l'arme le superlatif absolu en ajoutant à l'ad-
jectif </■?.?, /"or^, bien, extrêmement, et le superla-
tif relatif en ajoutant le plus, le moins.
Les degrés de comparaison sont un pur lati-
nisme qui ne devrait à aucun titre figurer dans une
grammaire de la langue française. Nous n'avons en
réalité que trois comparatifs, qui nous sont venus
tous formés du latin : meilleur (de melior), qui sert
de comparatif à //o«;;5fre (de joe/or), comparatif de
mauvais; moindre (de minor). comparatif de /jeh'/*.
Ajoutons encore deux comparatifs latins : major
plus grand ) eX senior {plus vieux) , qui sont restés
en français comme substantifs dans maire et sei-
uneur, mais ils ont perdu leur sens originaire.
Nous avons encore en français quelques compa-
ratifs latins qui ont à peu près perdu chez nous le
sens du comparatif, mais qui ne peuvent être pré-
cédés de plus; ce sont : majeur, mineur, anté-
■ rieur, i-itérieur, citérieur, inférieur, postérieur,
! ultérieur, extérieur, supérieur. La langue français'?
I a aussi formé quelques superlatifs en issime. à
' l'imitation des Latins : séréyiissime, richissime, ra-
rissime, illustrissime, etc. Telle est l'origine du
! substantif ^e;2era/w5t/ne.
I Formation des adjectifs. — Avec les adjectifs
qu'il avait reçus du latin, le français en a formé
d'autres par les mêmes procédés qu'il emploie pour
former les noms, c'est-à-dire par compositioyi et
I par dérivatio7i.
i 1" Par composition. — Soit en réunissant deux
adjectifs simples, comme aigre-doux, soit en pla-
çant devant les adjectifs simples un préfixe (V. Ety-
I mologie; qui leur donne un sens nouveau ; ainsi
I bienheureux, mallionnête sont composés des ad-
I jectifs heureux . honnête, et des préfixes bien.
I mal. Les préfixes les plus usuels sont : arctii, anti,
bien, demi, in, mal. sous, sur, ultra. Ai^chifou,
fl??^ireligieux, èfenfaisant, demi-noir, fwconstant.
I mailieuvenx, sous-ma.Tin, surhumain, ultra-roja-
I liste.
2° Par dérivation. — En ajoutant un suffixe soit
à l'adjectif, soit au substantif, soit au verbe. Ex. :
I bleuâtre, de bleu, — courageux, de courage. —
pensif, dépenser. On ajoute surtout aux adjectifs
déjà existants les suffixes àtre, asse, et, elet, aud,
ot. Ex. : gris, grisâtre, — bo7i, bonasse, — lo7ig,
longuef, — maigre, ma.igTelet, — lourd, loui-daMcr.
vieil, vieillot.
Aux substantifs, les suffixes eux, ain, in, é, er,
u. Ainsi, de courage on forme courageux, de
monde monda/«, à'enfant enfantai, à'àge âgé. de
mensonge mensonger, de fourche fourchu.
Aux verbes, les suffixes able. ible., ard. if. .\insi
de comparer on forme compara6/e, de corriger
conigiole, de piller pilla?'rf, de penser pensi/".
II. ADJECTIFS DÉTERMINATIPS.
On distingue trois sortes d'adjectifs détermina-
tifs : les adjectifs numéraux, les adjectifs démons-
tratifs, les adjectifs possessifs.
1» Adjectifs numéraux ou noms de nombre.
Les adjectifs numéraux sont ceux qui marquent le
nombre, l'ordre ou le rang. Il y a deux sortes d'ad-
jectifs numéraux : les adjectifs numéraux cardi-
naux et les adjectifs numéraux ordinaux.
I. Les ADJECTIFS MMÉRAUX CAP.DI.XAIX SOnt CCUX
qui expriment le nombre ou la quantité, comme
un, deux, trois, quatre, dix, quarante, cent, mille,
million, milliard, etc.
Le mot numéral est dérivé du latin numerus.
nombre : les adjectifs numéraux sont donc des ad-
jectifs de nombre, ou comme disaient les anciens
grammairiens : des noms adjectifs de nombre : du
là, par abréviation, noms de nombre. La division
en adjectifs cardinaux ei adjectifs ordinaux nous
vient des Latins qui donnaient le nom de nutneri
cardinalrs aux nombres fondamentaux, les nom-
bres cardinaux étant en efl'et les gonds {cardines).
ADJECTIF
— 59 —
ADJKCTÎP
la base de toute numération ; et le nom de Jiii-
meri ordinales aux nombres ordinaux qui mar-
quent le rang, Vordre [ordinem.)
Excepté zéro qui nous vient des Arabes, tous les
autres adjectifs numéraux sont empruntés au la-
tin, puisque c'est aux Romains que nous devons
notre sj'Stème de numération. On disait autrefois,
et l'on dit encore dans la Suisse romande et dans
quelques-unes de nos provinces du Midi, septante
pour soixante-dix, huitayite pour quatre-viiigts,
nouante pour quatre-vingt-dix . Quatre-vingts si-
gnilii! quatre fois vingt, et nos pères disaient de
même, t7'ois vingts pour 60, six vi7igts pour 120,
etc. Cette manière de compter par vi?igt a laissé
des traces dans quelques locutions, telles que :
l'hôpital des Quijize-Vijigts (c'est-à-dire 15 fois
20 ou 300 , cette maison ayant été fondée par
saint Louis pour recueillir 300 chevaliers aveugles
au retour de la croisade.)
Les noms de nombre cardinaux sont invariables ;
le valet des onze ; la commission des trente. Il
faut en excepter un, viyigf et cent.
Un fait au féminin une : deux coffres et une
boite.
Remarque. — Il ne faut pas confondre un article
indéfini avec un adjectif numéral.
Vingt et cent ne varient point comme genre,
mais ils peuvent, dans certains cas, varier comme
nombre.
\ ingt et cent prennent un s lorsqu'ils sont pré-
cédés d'un autre nombre qui les multiplie : quatre-
vingts hommes, deux cents soldats.
Mais ils sont invariables quand ils sont eux-
mêmes suivis d'un autre nom de nombre : quatre-
\mgt-trois, deux cent trente.
Ils sont encore invariables lorsqu'ils sont em-
ployés comme adjectifs numéraux ordinaux : page
quatre-\\ugt, Ya7i huit cent (c'est-à-dire J^age
quatre-vingtième, l'an hidt-centième.
Nous avons vu plus haut que nos pères comp-
taient par vingtaines , comme on compte encore
aujourd'hui par centaines ; c'est cette habitude de
regarder vingt et cent comme des unités particu-
lières et non comme des nombres pluriels parleur
propre nature qui a amené cette addition de Vs
dans quatre-vingts, quinze-vingts, et deux centî.
trois cents, etc. Suivis d'un autre nom de nombre,
ces mots ne sont plus considérés comme des unités
et suivent la règle générale ; de là leur invaria-
bilité.
Mille est invariable : la retraite des Dix-mille.
Mais il change de forme quand il exprime la date
de l'année, le millésime ; on l'écrit alors mil : L'un
mil huit cent soixante-quinze.
On écrit mille en parlant des années qui ont
précédé l'ère chrétienne : Saûl mourut l'an mille
quarante avant Jésus-C.'irist.
Mille, mesure de chemin, est substantif et prend
la marque du pluriel : lieux milles d'Angleterre
font un jjeuplus de t?^ois kilomètres.
Mille ne vient pas du latin mille qui a donné
mil (Comme ille a donné il), mais du pluriel millia.
De même qu'en latin, mille s'emploie pour un seul
millier d'objets, et 7nillia pour plusieurs milliers.
le vieux français disait mil hommes et deux mille
chevaux ; cette distinction de mil comme singulier
et de mille comme pluriel s'est plus tard éteinte
eu français, non sans laisser de trace dans les
expressions où l'on n'indique qu'un seul millier,
telles que mil huit cent soixante, etc.
Million, milliard, et les unités supérieures sont
regardés comme substantifs- et prennent la marq\ic
du pluriel : deux millions, cinq milliards.
II. Les ADJECTIFS NL.MÉR.41X ORDINAUX SOUt CeUX
qui marquent l'ordre, le rang, comme premier, se-
cond ou deuxième, troisième, quatrième, dixième,
centième, etc.
Ces adjectifs se forment en ajoutant ième aux
adjectifs cardinaux; ainsi ^ro/s, troisième; sept,
septième; vingt, vingtième, etc. Quand l'adjectif
cardinal est terminé par e muet, cet e s'élide :
quat7'e, i{na.trième ; onze, onzième. Neuf change f
en V : neuî;ième. Ci7\q prend un u avant ième :
cinquième, parce que le q est toujours accompa-
gné de Vu dans le corps d'un mot.
Ce suffixe ième {iesf7ie dans le vieux français)
vient du suffixe latin esimus. Centesimus a donné
centes7nus, d'où ce7itiesme. puis centiè7ne.
Le français adopta à l'origine les adjectifs ordi-
naux latins : de primus (premier) , secundus
(deuxième), tertius (troisième) , quartus (qua-
trième), çî/i/i^îw (cinquième), sexius (sixième), etc.,
il tira priine ou pre7nicr, second, tiers, quart,
quint, sixte, etc. On retrouve encore ces anciennes
formes dans quelques rares locutions : de prime
abord, le tiers élat, fièvre tierce, Charles-C^mnt,
Szs/e-Quint. La Fontaine a dit : un quart voleur
survint, c'est-à-dire un quatrième voleur. — Plus
lard, notre langue, au lieu d'employer des adjectifs
ordinaux empruntés au latin, en tira de son propre
fonds en ajoutant ième aux adjectifs cardinaux :
d'où le système actuel {deuxième, troisiè77ie, qua-
trième, etc.). qui supplanta l'ancien vers la fin du
moyen âge ; sauf pour pre7nier et pour scco7id, qui
persistèrent parallèlement à unième et k deuxième.
Unième ne s'emploie que dans les nombres com-
posés : vingt et unième. Seco7id se dit générale-
ment quand on ne parle que de deux personnes
ou de deux choses ; deuxièi7ie quand on parle de
plusieurs.
No7ns de 7i07nb7'e collectifs et partitifs. — Aux
adjectifs numéraux il faut rattacher : 1° les noms
de nombre qui marquent une certaine quantité,
tels que dizaine, ce7itai7ie, douzaine, etc. ;
2° les mots qui servent à multiplier, tels que : le
double, le t7'iple, le décuple, le centuple ;■ Z" les
mots qui marquent les parties d'un tout : lequai't,
le tiers, la de7nie, etc.
Les adjectifs collectifs diza;7îe, ce7itaine, etc.,
se forment en ajoutant aine aux adjectifs cardi-
naux : /mit, huitflme, douze, douzaine ; nous ver-
rons plus loin (article Nom) que .x, s, z avaient
autrefois à peu près la même valeur à la fin des
mots : de là dizai7}e. pour dixaine.
Emploi des adjectifs cardinaux au lieu des o?'-
dinaux. — Pour la plus grande rapidité du dis-
cours, et dans certains cas où ce n'est pas l'idée
d'ordre ou de rang, mais le chifi're, le numéro lui-
même qui préoccupe l'esprit, on emploie les adjec-
tifs cardinaux à la place des ordinaux : 1° pour dési-
gner une heure, une date : il est une heure, le
deux novembre ; 2° pour désigner le rang d'un
souverain dans une dynastie : Charles douze, Louis
quatorze ; 3" pour désigner la page, le chapitre, le
livre d'un ouvrage : page trois, chapit/'e quatre,
livre deux.
L'adjectif premier fait exception dans les deu^
premiers cas ; on dit le premier juillet, François
premier, et non le wn juillet, François un.
Adjectifs démonstratifs.
Les adjectifs démonstratifs sont ceux qui servent
à montrer la personne ou la chose dont on parle :
ce château, ce héros.
Les adjectifs démonstratifs sont :
Ce pour le masculin : ce livre ;
Cette pour le féminin : cette table ;
Ces pour le pluriel des deux genres : ces livres.
ce* tables.
On met cet au lieu de ce devant les mots qui
commencent par une voyelle ou une h muette : cet
enfant, cet homme.
Démonstratif déi-ive de demo7\slrare qui veut
dire désigner, mo7itrer. Ces adjectifs servent donc
à montrer des objets présents ou à rappeler ceux
dont on a parlé. — Ce vient du pronom latin eccis-
ADJECTIF
tum qui donna d'abord en français icest, puis cest,
d'où cet, sur lequel on a formé le féminin cette,
comme nette de net. Ce est un affaiblissement de
cet devant un mot commençant par une consonne.
Adjectifs possessifs.
Les adjectifs possessifs sont ceux que l'on met
devant le nom pour indiquer à qui appartient l'ob-
jet désigné par ce nom : mon ciieval, to7i livre
(c'est-à-dire le cheval qui est à moi, le livre qui est
à toi).
Les adjectifs possessifs sont :
1° Quand l'objet appartient h, une seule per-
sonne :
c; T„ ( masculin : mon, ton, son.
Singulier., j ^.^.^^^^^ . ^^' ^^ ' ^^
Pluriel des deux genres : mes, tes, ses.
2° Quand l'objet appartient à plusieurs personnes
en même temps :
Singulier fdes deux genres) : notre, votre, leur.
Pluriel (des deux genres) : nos, vos, leurs.
Possessif signifie qui marque la possession : ces
adjectifs déterminent donc le substantif en y ajou-
tant une idée de possession. Ils correspondent aux
pronoms personnels tnoi, toi, soi ou lui, etc. iMon
désigne un possesseur de la première personne du
singulier ; ton, un possesseur do la seconde per-
sonne; son, un possesseur de la troisième ; notre,
un possesseur de la première personne du pluriel,
etc.
Votre s'emploie par respect au lieu de ton, ta,
en parlant à une seule personne.
Remarque. — Mon, ton, son, s'emploient au fé-
minin au lieu de mu, tu, sa, devant un mot qui
commence par une voyelle ou une h muette : mon
âme, ton épée, son humeur.
On emploie dans ce cas mon,to?i, so7i, pour éviter
le choc que produirait la rencontre des deux voyel-
les, si l'on disait ?na dme, mu épée, etc. Le
français du temps de saint Louis réservait, au con-
traire,»io?2 pour le masculin et ?«o pour le féminin,
mais traitait ma, ta, sa, comme nous traitons In,
c'est-à-dire qu"il élidait Va et disait m'âme, t'épée,
s'a?nie, comme nous disons l'ài/ie, l'épée, l'amie.
C'est vers le xiv' siècle que cet usage de l'élision
fut remplacé par l'usage moderne qui substitua
mo7i, (on, son, h ma, ta, sa. — Mais une trace du
vieux français persiste encore dans l'expression
m'amie (pour ma amie), qui s'est plus tard cor-
rompue en tna mie, d'où ta mie, sa mie, etc.
Tous ces adjectifs sont tirés dos adjectifs latins
correspondants :
meum, lyieam — mon, ma.
tuum, tuam — ton, ta.
suum, iutan — son, sa.
nostrum, nostram — notre,
vostrum, vostram — votre.
Leur \ient du génitif pluriel illorum (deux) :
aussi était-il invariable autrefois.
ni. ADJI CTIFS INDÉFINIS.
Les adjectifs indéfinis sont ceux qui marquent
que le nom est employé d'une manière vague et
générale. Ex. : aucune lettre n'est arrivée; quelque
malheur nous menace.
Ces adjectifs sont : aucun., autre, certain, cha-
que, maint, même, nul, plusieurs, quelconque,
quelque, ici, tout.
Les adjectifs indéfinis, comme leur nom l'in-
dique, ajoutent au nom une idée vague, indéfinie,
et ne peuvent par conséquent être rangés dans la
classe des adjectifs déterminatifs, dont le but est
justement de préciser le sens du nom auquel ils
sont joints.
La plupart de ces adjectifs ont une origine
.atine. Aucun s'écrivait autrefois alqun et alcun.
m
ADJECTIF
nieos, nieas — -mes.
tuas, tuas — tes.
suos, suas — ses.
nosiros, 7iost7-as— nos.
voslros, vostras — vos.
C'est un composé de niques, comme chacune est
un composé de chaque et quelqu'un de quelque. —
Alque (venu du latin aliquis) signifiait quelque;
alcun est donc l'équivalent de quelqu'un. Ce mot
avait un sens tout à fait affirmatif et l'on en trouve
de nombreux exemples : Avez-vous entendu aucun
discours qui vous le fit croire ? — La Fontaine a
dit : Phèdre était si succinct qxHaucuns l'en ont
blâmé.
Autre, en vieux français altre, vient du latin aller,
qu'on retrouve dans le verbe altérer. Il a formé
le mot autrui, qui était un cas régime et qui veut
dire proprement: de l'autre. On disait autrefois :
l'autrui cheval, pour le ckevd dun autre. Encore
aujourd'hui, c'est un pronom qui ne s'emploie que
comme complément : le bien d'autrui (le bien d'un
autre) .
Chaque, au treizième siècle chasque et plus
anciennement chesque, est le latin quisque qui se
réunit à unus ; quisque unus a donné chacun.
Même a passé successivement par les formes
medisme, medesme, mesme, même et vient du bas-
latin metipsimum, forme contractée elle-même de
metipsissimum (tout à fait moi-même).
Maint vient de l'allemand mancli, qui signifie
nombreux.
MODELES D'EXERCICE S-
Adjectifs qualificatifs.
FORMATION DU FÉMIMN.
1° Le maître, suivant le degré d'instruction de sa
classe, lira ou fera lire, écrira au tableau noir ou
dictera le morceau suivant ; puis il y fera rechercher
les adjectifs qualificatifs.
« Le paresseux. — Autant la nature nous a paru
vive, agissante, exaltée dans les singes, autant elle
est lente, contrainte et resserrée dans ces pares-
seux ; et c'est moins paresse que misère : c'est dé-
faut, c'est dénùment, c'est vice dans la conforma-
tion : les yeux obscurs et couverts, la mâchoire
aussi lourde qu'épaisse, le poil plat et semblable
à de l'herbe sèche, les cuisses mal emboîtées et
presque hors des hanches, les jambes trop courtes,
mal tournées et encore plus mal terminées; point
de pieds, point de pouces, point de doigts séparé-
ment mobiles ; mais deux ou trois ongles excessi-
vement longs, recourbés en dessous, qui ne peu-
vent se mouvoir qu'ensemble, et nuisent plus à
marcher qu'ils no servent ù grimper ; la lenteur,
la stupidité, l'abandon de son être, et même la
douleur habituelle, résultant de cette conformation
bizarre et négligée ; point d'armes offensives, ou
défensives, nul moyen de sécurité, pas môme en
grattant la terre ; nulle ressource de salut dans la
fuite ; confinés, je ne dis pas au pays, mais à la
motte de terre, à l'arbre sous lequel ils sont nés ;
une voix plaintive et par accents entrecoupés qu'ils
n'osent élever que la nuit : tout annonce leur mi-
sère. — BUFFON. »
Les élèves pourront soit désigner oralement, soit
souligner les adjectifs qualificatifs, soit les relever
et les inscrire sur le cahier, sur l'ardoise ou au ta-
bleau noir en les disposant en deux colonnes, le
féminin en regard du masculin. Ex. : vif — vive-,
agissant — agissajite, etc.
2" Faire composer de petites phrases dans cha-
cune desquelles un des adjectifs suivants qualifiera
un nom féminin.
Ancien. — Bon. — Complet. — Cruel — Discret.
— Épais. — Fol. — Gentil — Gras. — Gros.
— Inquiet. — Muet. — Ras. — Secret. —
Sot. — Violet.
Antérieur. ~ Boudour. - Corrupteur. — Créa-
teur. — Enchanteur. — Étranger. — Exté-
rieur. — Flatteur. — Grossier. — Léger. —
Majeur. — Meilleur. — Menteur. — Moqueur.
ADJECTIF
_ ?.! —
ADJECTIF
Vendeur. —
— Producteur. — Trompeu
Voleur.
Blanc. — Caduc. — Captif. — Doux. — Envieux.
— Faux. — Fugitif. — Grec. — Jaloux. —
Long. — Malin. — Neuf. — Public. — Roux.
— Sec. — Turc. — Vieux.
Exemple : Les élèves désireux de s'instruire étu-
dient l'histoire ancienne. — J'aime ma bo?ine
mère, etc.
2" Faire composer de petites phrases dans cha-
cune desquelles entreront au moins deux adjectifs
choisis dans la liste qui précède.
Exemple : ancien, bon. — Les bons vins sont
toujours fort anciens.
3° Dicter le morceau suivant avec les tirets qui
remplacent les adjectifs, puis la liste des adjectifs
placée au-dessous. Les élèves devront remplacer
chaque tiret par l'adjectif correspondant en le
faisant accorder avec le nom.
« Descuiption de la Bétique [note pour le maitre:
c'est aujourd'hui l'Andalousie, province d'Espagne
arrosée par le Guadalquivir, autrefois nommé BétisJ :
« Le fleuve Bétis coule dans un pays —, et sous
un ciel — , qui est toujours — : les hivers y sont
— , et les — aquilons n'y soufflent jamais. L'ardeur
de l'été y est toujours tempérée par des zéphyrs — ,
qui viennent adoucir l'air vers le milieu du jour.
Ainsi toute l'année n'est qu'un — hymen du prin-
temps et de l'automne, qui semblent se donner la
main. La terre, dans les vallons et dans les campa-
gnes — , porte chaque année une — moisson. Les
chemins y sont bordés de lauriers, de grenadiers,
de jasmins, etd' — arbustes toujours — et toujours
— . Les montagnes sont couvertes de troupeaux,
qui fournissent des laines — , recherchées de toutes
les nations. H y a plusieurs mines d'or et d'argent
dans ce — pays ; mais les habitants, — et — dans
leur simplicité, ne daignent pas seulement compter
l'or et l'argent parmi leurs richesses. — Fénelon. »
Adjectifs à placer :
fertile, rigoureux, double, fines,
doux, rafraîchissants, autres, beau,
serein, heureux, verts, simples,
tièdes, unies, fleuris, heureux.
4° Donner, comme devoir, à dresser une liste
de vingt adjectifs formant leur féminin par le re-
doublement de la consonne qui précède Ye muet.
5" Demander quels sont les adjectifs en et qui
n'ont pas le féminin en ette.
G" Combien y a-t-il d'adjectifs terminés en x qui
ne fassent pas leur féminin en se ?
7° Faire composer deux phrases sur chacun des
quatre modes de fonnation du féminin des adjectifs
en eur.
S" Quel est le masculin des mots vengeresse —
chasseresse — traîtresse — impératrice — favorite
— enchanteresse — sorcière — lectrice — folle —
dévote — s^mte — vase. 1
FORMATION DU PLURIEL.
1° Écrire au tableau ou dicter les phrases sui-
vantes en commençant par l'adjectif; l'élève rem-
placera le tiret par l'adjectif indiqué et le fera
accorder en genre et en nombre avec le nom.
fr;-2î;iaZ).ll faut toujours éviter avec soin les mots
(jU-h et — .
(Glacial). Les vents du nord sont — ; ceux de
l'ouest sont pluvieux.
{Commercial). Les Anglais ont des agents — dans
toutes les parties du monde.
{Brutal). La valeur seule ne fait que des — ;
la raison fait les braves.
(Austral). Lisez tout ce que les voyageurs ont
écrit sur les terres — .
(Ba?ial. Vassal).On appelait fours — des fours
construits pai- les seigneurs, et auxquels tous
les — étaient forcés de venir cuire leur pain.
{Glacial). L'ours blanc des mers — transporte
dans les climats tempérés meurt de nostalgie
au bout de quelques mois.
(Naval). Les derniers grands combats — que la
France ait livrés sont ceux d'Abouklr et de
Trafalgar.
(Septentrional. Boréal). C'est dans les contrées
— que les phénomènes lumineux appelés au-
rores — sont le plus fréquents.
2° Dicter d'abord les adjectifs ci-dessous, puis
le morceau suivant avec les tirets ; les élèves de-
vront remplacer chaque tiret par l'adjectif corres-
pondant, en le faisant accorder avec le nom
premier, lent, petit, mignon,
élégant, pénible, large, petit,
grand, nombreux, maigre, blanc,
nuisible, aride, court, brillant,
inutile, méridional, semblable, court,
long, tigré, petit, noir,
incertain, long, droit, souple.
« La girafe. — La girafe est l'un des — , des plus
— et des plus — animaux, et sans être — , elle est en
même temps l'un des plus — . Ses jambes de devant
sont une fois plus — que celles de derrière ; aussi sa
démarche est — , ses mouvements sont — et — .
L'espèce en est peu — et a toujours été confinée
dans les déserts — de l'Afrique — . Sa peau est —
comme celle de la panthère, et son encolure est —
comme celle des chameaux. Elle a la tète et les
oreilles — , les pieds — , les jambes — ; celles de
derrière sont fort — . Sur la tête, près des oreilles,
olle a deux éminences — à deux — cornes — . Elle a,
comme le cerf, la bouche — , les dents — et — , les
yeux — , la queue — et garnie de poils — et — à
son extrémité. — Buffon. »
DEGRÉS DE SIGNIFICATION DANS LES ADJECTIFS
r Ecrire au tableau OU dicter le morceau suivant.
Les élèves souligneront d'un trait les comparatifs,
de deux traits les superlatifs.
« l'a.\e. — L'âne n'est point un cheval dégénéré ;
il n'est ni étranger, ni intrus ; et quoique sa no-
blesse soit moins illustre, elle est tout aussi bonne,
tout aussi ancienne que celle du cheval : pourquoi
donc tant de mépris pour cet animal plus patient,
plus sobre et plus utile que bien d'autres ? L'âne
abandonné à la grossièreté du dernier des valets
ou à la malice des enfants, bien loin d'acquérir,
ne peut que perdre par son éducation ; il est le
jouet, le plastron des rustres qui le conduisent le
bâton à la main, qui le frappent, qui le surchar-
gent, sans ménagement : on ne fait pas attention
que l'âne serait le plus beau, le mieux fait, le plus
distingué des animaux, si dans le monde il n'y
avait point de cheval. Cependant il est de son na-
turel aussi humble, aussi patient, aussi tranquille,
que le cheval est fier, ardent, impétueux ; il souffre
avec constance, et peut-être avec courage, les châti-
ments les plus injustes ; il est très-sobre et sur la
quantité et sur la qualité de la nourriture ; il se
contente des herbes les plus dures, les plus désa-
gréables. Mais il est très-délicat sur l'eau : il ne
veut boire que de la plus claire et aux ruisseaux
qui lui sont connus. — Buffox. »
2" Dicter les phrases suivantes, en indiquant le
comparatif de supériorité par l'abréviation sup.,
d'égalité par ég., d'infériorité par inf. Les élèves
devront former les divers comparatifs.
La vertu est (sup.) précieuse que l'or.
L'Asie est (ég.) grande que l'Europe et l'Afrique
réunies.
Le remède est [sup.) mauvais que le mal.
Ce n'est pas être bon que d'être (sup.) bon qu'un
méchant.
Le dégât fut (sup.) petit qu'on ne l'avait dit.
La Belgique est (ég.) grande que la Hollande.
ADJECTIF
— 32 —
ADJECTIF
Le naufrage et la mort sont (m/.) funestes que
les plaisirs qui attaquent la vertu.
L'Europe est à peine [ég.) vaste que l'Australie.
S" Dicter les phrases suivantes, en indiquant le
superlatif relatif par l'abréviation rel. Et le super-
latif absolu par ahs. Les élèves devront former
les superlatifs.
La durée du temps pendant lequel les eaux ont
couvert nos continents a été {uhs.) longue.
La Russie est [rel.) grande des seize contrées de
l'Europe, la Grèce est à peu près [rel.) petite,
l'Angleterre est peut-être [rel.) riche.
La Suisse est certainement [rel.) beau pays de
l'Europe ; la Russie est [rel.) triste à habiter
dans les contrées du nord.
Les Lapons sont les hommes [rel.) petits de l'Eu-
rope.
L'homme est [rel.) bon et [rel.) méchant des
animaux.
Le département de la Seine est [rel.) petit, mais
[rel.) populeux de la France.
La fourmi n'est pas prêteuse : c'est là son [rel.)
petit défaut.
Le [rel.) bon maître est celui qui étend ses soins
jusqu'à [rel.) petit de ses domestiques.
Adjectifs déterminatifs,
1° ADJECTIFS KrjIÉRAUX.
1° Dicter OU écrire au tableau le morceau suivant,
en indiquant les nombres en chiffres ; l'élève les
écrira en lettres.
« Ce QCE COUTE LE SIÈGE d'UNE GRANDE VILLE. —
La ville de Turin était assiégée en 170C par 46
escadrons et 100 bataillons commandés par le duc
de La Feuillade, qui attendait pour récompense le
bâton de maréchal de France. L'imagination est
eflrayée du détail des préparatifs de ce siège.
« On avait fait venir 140 pièces de canon ; et il est
à remarquer que chaque gros canon monté revient
à environ 2000 écus. Il y avait 110 000 boulets,
lOG 000 cartouches d'une façon et 300 OOo d'une
autre, 21 000 bombes, 27 500 grenades, 15 000 sacs
à terre, 30 000 instruments pour la mine, 1 200 000
livres de poudre. Ajoutez à ces munitions le plomb,
le fer et le fer-blanc, les cordages, tout ce qui sert
aux mineurs, le soufre, le salpêa-e, les outils de
toute espèce. ï\ est certain que les frais de tous ces
préparatifs de d(;struction suffiraient pour fonder
et pour faire fleurir la plus nombreuse colonie.
Tout siège de grande ville exige ces frais im-
menses ; et quand il faut réparer un village ruiné,
on le néglige. — Voltaire. »
2° Dicter ou écrire au tableau le morceau suivant,
en indiquant les nombres en chiffres. L'élève les
écrira en toutes lettres.
« Les vagues. —La surface de la mer est rarement
calme. D'ordinaire, les vents soulèvent l'eau ma-
l'ine en vagues plus ou moins hautes, qui parfois
se déroulent l'égulièrement et souvent aussi se
heurtent et se croisent. C'est un spectacle gran-
diose que ces plissements de l'onde par un temps
paisible, alors que pas un soufile n'agite les voiles :
hautes, bleues, sans écume, les masses liquides
se succèdent à 200 ou 300 mètres d'intervalle,
passent en silence sous le navire, et, pourchassées
par d'autres ondes, vont se perdre au loin dans
l'espace. La hauteur des vagues n'est point la
même dans toutes les mers ; elle est d'autant plus
considérable que le bassin est plus profond et que
la surface est plus liDrement parcourue par les
vents. D'après quelques navigateurs, on rencontre-
rait parfois, à quelques milles au sud du cap de
Bonne-Espérance, des vapucs de 30 et 33 mètres de
hauteur, au fond desquelles les navires descendent
comme dans une vallée. Au milieu de l'Atlantique
du nord, les vagues de tempête sont de 6 à 9
mètres, et dans la Méditerranée de 3 à 5 mètres et
demi. Mais lorsqiie le vent souffle avec violence et
marche au taux formidable de 100 milles à l'heure,
c'est-à-dire quatre fois la marche de nos locomo-
tives, les vagues atteignent une hauteuretune puis-
sance incroyables. On a vu des trombes d'eau s'é-
lever jusqu'à 25 mètres au-dessus du phare d'Ed-
dystone ; la masse qui se soulève ainsi autour de
l'édifice ne peut être moindre de 2000 à 3000
mètres cubes, Pt pèse autant qu'un navire à trois
ponts. Avec une pareille force, le déplacement de
blocs qui nous semblent énormes n'est qu'un jeu
pour les vagues de tempêtes. A Cherbourg, des
canons ont été déplacés; à Biarritz, des blocs de
36 OnO kilogrammes ont été rejetés sur la plage.
En 1699, lors du tremblement qui agita la Ja-
maïque et les mers voisines, les vagues se précipi-
tèrent à l'assaut de la ville de Port-Royal, et, dans
l'espace de trois minutes, recouvrirent plus do
2 500 maisons d'une couche de 10 mètres d'eau; les
navires furent jetés çà et là dans les campagnes, et
la frégate le Cygne vint échouer sur un toit à plu-
sieurs milles du rivage. — D'après E. Reclus. »
2" ADJECTIFS DÉMONSTRATIFS.
Dicter ou écrire au tableau le morceau sui-
vant; les élèves devront remplacer les tirets par
l'adjectif démonstratif.
« La PRIÈRE DU MATix. — Quaud nous étions ré-
veillés dans nos petits lits, que le soleil si gai du
matin étincelait sur nos fenêtres, que les pas des
serviteurs résonnaient depuis longtemps dons la
maison et que nous attendions impatiemment notre
mère pour nous lever, elle montait, elle entrait, le
visage toujours rayonnant de — bonté, de — ten-
dresse qu'elle nous a toujours témoignée ; elle
nous embrassait dans nos lits ; elle nous aidait à
nous habiller ; elle écoutait — joyeux petit ra-
mage d'enfants dont l'imagination rafraîchie ga-
zouille au réveil, comme un nid d'hirondelle ga-
zouille sur le toit quand la mère approche, puis
elle nous disait : « A qui devons-nous — bonheur
dont nous allons jouir ensemble? C'est à Dieu.
c'est à notre Père céleste. Sans lui, — beau soleil
ne serait pas levé ; — arbres auraient perdu leurs
feuilles ; — gais oiseaux seraient morts df^ faim et
de froid sur la terre nue, et vous, mes pauvres en-
fants, vous n'auriez ni lit, ni maison, ni Jardin
pour vous abriter et vous nourrir, vous réjouir
toute votre saison ! Il est bien juste de le remer-
cier pour tout ce qu'il nous donne avec — jour,
de le prier de nous donner beaucoup d'autres jours
pareils. » Alors elle se mettait .à genoux devant
notre lit, elle joignait nos petites mains, et sou-
vent, en les baisant dans les siennes, elle faisait
lentement et à demi-voix la courte prière du ma-
tin, que nous répétions avec ses inflexions et ses
paroles. — Lamartine. »
3° adjectifs possessifs.
1° Lire ou dicter le morceau suivant et faire en-
suite souligner ou analyser verbalement les adjec-
tifs possessifs.
« Le PAON". — Si l'empire appartenait à la beauté
et non à la force, le paon serait, sans contredit, le
roi des oiseaux ; il n'en est point sur qui la nature
ait versé ses trésors avec plus de profusion : la
taille grande, le port imposant, la démarche fière,
la figure noble, les proportions du corps élégantes
et sveltes, tout ce qui annonce un ùire de distinc-
tion lui a été donné ;une aigrette mobile et légère,
peinte des plus riches couleurs, orne sa tête, et
l'élève sans la charger ; son incomparable plumage
semble réunir fout ce qui flatte nos yeux dans le
coloris tendre et frais des plus belles fleurs, tout
ce qui les éblouit dans les reflets pétillants des
pierreries, tout ce qui les étonne dans l'éclat ma-
jestueux de l'arc-en-ciel : non-seulement la nature
a réuni sur le plumage du paon toutes les cou-
leurs du ciel et de la terre pour en faire le chef-
ADJECTIF
33 —
ADVERBE
d' œuvre de sa magnificence, elle les a encore mê-
lées, assorties, nuancées, fondues de son inimitable
pinceau, et en a fait un tableau unique, où elles
tirent de leur mélange avec des nuances plus som-
bres ctde leurs oppositions entre elles un nouveau
lustre et des effets de lumière si suoumes que
notre art ne peut ni les imiter ni les décrire.
« Tel paraît à nos yeux le plumage du paon lors-
qu'il se promène pasible et seul dans un beau
jour de printemps ; mais si quelque vive passion
l'agite, alors toutes ses beautés se multiplient, ses
yeux s'animent et prennent de l'expression, son
•aigrette s'aaite sur sa tête et annonce l'émotion
intérieure; les longues plumes de sa queue dé-
ploient, en se relevant, leurs richesses éblouis-
santes ; sa tête et son cou, se renversant noble-
ment en arrière, se dessinent avec grâce sur ce
fond radieux, où la lumière du soleil se joue en
mille manières, se perd et se reproduit sans cesse,
€t semble prendre un nouvel éclat plus doux et
plus moelleux, de nouvelles couleurs plus variées
et plus harmonieuses. Buffox. »
2° Dicter ou écrire au tableau le morceau sui-
vant. Les élèves devront remplacer chaque tiret
par un adjectif possessif-
« Lk pince.\u uu Titien. Mon père tr.ivqiHait à
un grand tableau, et il était au haut de l'échelle
qui lui servait à peindre, lorsque les liallebardiers,
— pique à la main, ouvrirent — porto et se ran-
gèrent contre le mur. Un page entra et cria h haute
voix : « César ! » Quelques minutes après, l'empe-
reur parut roide dans — pourpoint, et souriant
dans — barbe rousse.
« — père, surpris et (;harmé de cette visite inat-
tendue, descendit aussi vite qu'il pouvait de —
échelle ; il était vieux; en s' appuyant h, la rampe,
il laissa tomber — pinceau.
«Tout le monde restait immob'le,car la présence
de l'empereur nous avait changés en statues. —
père était confus de — maladresse et de — len-
teur ; mais il craignait, en se hâtant, de se blesser.
Charles Quint fit quelques pas en avant, se courba
lentement et ramassa le pinceau. « Le Titien, dit-
il, mérite bien d'être servi par César. » Et avecune
majesté NTaiment sans égale, il rendit le pinceau à
— père, qui mit un genou en terre pour le rece-
voir. A. DE Mdsset. »
ADJECTIFS INDÉFINIS.
1" Lire aux élèves, phrase à phrase, le morceau
suivant, et faire chercher les adjectifs indéfinis.
« La PÈCHE DES PERLES. — Les huîtres perlières
sont très-abondantes sur toutes les côtes de l'île de
Ceylan ; on en fait la pèche dans les mois de fé-
"Viier, mars et avril. Chaque plongeur, ayant à la
main une petite corde, dont l'autre extrémité est
tenue par plusieurs rameurs de la barque ù laquelle
il appartient, et un sac où il met les huîtres, des-
cend au fond de la mer, grâce à une pierre qui lui
sert de lest et qui est attachée à une corde que
tienaent aussi les hommes delà barque. Ilramasse
alors rapidement les quelques huîtres qui sont à
sa portée, puis, après être reste trois ou quatre
minutes sous l'eau, il agite la petite corde : à ce
signal on le remonte. Cette opération, que chaque
homme répète jusqu'à cinquante et soixante fois
par jour, est, comme on le conçoit facilement, des
plus pénibles, et il n'est pas rare de voir certains
plongeurs, au moment où ils sortent de l'eau, rendre
le sang par le nez et les oreilles. On rejette à la
mer les huîtres qui ne contiennent point de perles;
les autres sont rassemblées dans des fosses où
elles ne tardent pas à mourir; on les ouvre alors
et on en retire li!s perles.
a On fabri(iue dans le commerce de fausses perles
avec les écailles ae l'ablette, que l'on dissout dans
l'alcali ; on obtieiit ainsi une pâte nacrée que l'on
moule en petites boules. Boutet de Mo.nvel. »
2c Pabtie
2" Faire composer des phrases où certain soit
adjectif qualificatif et d'autres où il soit adjectif
indéfini.
3° Questions comme celles-ci : Lequel est le plus
employé aujourd'hui maint ou plusieurs? — Est-ce
que le mot aucun signifie iiul'.' Quand et comment
cmploie-t-on aut7-e et autrui? — V. Pronom indé-
fini et Syntaxe. [J. Dussouchet.l
ADULTES (Certificat d'études primaires des
cours d'). — Sujets donnés aux examens. V. Cer-
tificat d'études.
ADVKRBE. — Grammaire, XV. — {Etym. du la-
tin adcerbium, qui signifie auprès du verbe, parce
que ce mot se place d'ordinaire auprès du verbe).
L'adverbe est un mot qui sert à modifier la signi-
fication du verbe, de l'adjectif ou d'un autread-
verbe. Ex. : Le cheval court l'/^e; cette rose est <;'é5-
belle; cet enfant marche très-lentement.
On distingue sept espèces d'adveibes : ce sont
les adverbes de lieu, de temps, de manière, de
quantité, d'affirmation, àe négaiion, de doute.
l" Les principaux adverbes de lieu sont: ici, là,
y, où, en, loin, ailleurs, deçà, delà, partout, çà,
dessus, dedans, dehors, etc.
Ex. : Je partirai d'ici pour aller partout oie tu
voudras ; restez là ; allons ailleurs.
Les adverbes de lieu sont composés d'un seul
mot, comme là, y, oie, en, ou de deux mots, comme
dedans de de et de dans:, partout [de par et de
tout, dessous (de de et de sous).
2° Les principaux adverbes de temps sont : quand,
depuis, souvent, toujours, maintenant, jamais, dé-
sormais, dorénavan', aujourd'hui, demain, hier,
jadis, alors, longtemps, enfin, plutôt etc.
Ex-, : J'irai demain; illit toujours.
Ces adverbes sont composés : ou d'un seul mot,
comme liier,lovs, quand, puis;— ou de deux mots,
comme longtemps (de long et de temps), aussitôt
(de aussi et de tôt , ensuite {de en et de suite).
Les adverbes formés d'un seul mot viennent :
1° tantôt dun seul mot latin, comme hier de hei'i
(hier), quand de quando {quand), puis de post
(après; ; — 2° tantôt de deux mots latins, comme
encore de l^anc horam (à cette heure), jadis dejam
diu il Y a déjà longtemps), etc.
Remarque. — 1" Jamais et désormais «ont for-
més de mais, venu de magis, qui signifiait plus,
comme dans la locution populaire n'en pouvoir
mais. Jamais \ent donc dire n'éjà plus. Désormais
(mot-à-mot dès cette heure en plus) et dorénavant
fmot-à-mot de cette heure en avant) signifient pro-
prement : à d'iter de cette heure.
■ 2° Dans aujourd'hui, hui est le latin hodie {au-
jourd'hui); ce mot est donc un pléonasme, puis-
qu'il signifie liiiéralemeiit au jour d' aujourd'hui.
Le vieux français est resté dans le terme de palais :
d'Imi en un an.
Z" Plutôt n'est pas synonyme déplus tôt. En deux
mots il signifie avant, exprime une idée de temps et
est l'opposé déplus tard : Il est parti plus tôt que
vous. Plutôt en un seul mot exprime une idée de
pi éférence : Plutôt la mort que le déshonneur.
Ces deux mots n'étaient à l'origine qu'un seul
mot (plutôt), que l'orthographe a postérieurement
séparé en doux locutions.
•i" Les ADVEiiBPS DE MANIÈRE so forment à l'aide
d'un adjectif féminin auquil on joint la terminaison
ment : il mourut courageusement {c'est-h-dive d'une
manière courageuse^ ; il vécut sagement (c'est-à-
dire d'une manière sage).
Pour créer des adverbes, la langue française a
adopté l'ablatif du mot latin me7îs, qui signifie
esprit, mais qui avait pris chez les écrivains de
l'empire le sens de manière, de façon. Cet ablatif
)nente joint à un adjectif au féminin donna l'ad-
verbe français en ment : Bonn mente, cara-mente,
dovota-mente, — Bonne-ment, chère ment, di'note-
nicnt.
3
ADVERBE
— 34 —
ADVERBE
Les adjectifs terminés en ent, anf, font leurs
adverbes en emment, nmmen^ : prudetit, Tprudem-
ment, — obligfn«/, ohWgpamynent.
Le français forme encore des adverbes de ma-
nière en employant dans certains cas Vadjectif
simple : chaniev juste, voir clair, parler bas, etc.
Les adverbes de mnniève en ment ont. comme
les adjectifs dont ils dérivent, les trois degrés de
signification : claii-ement, plus clairement, très-
cluirement.
Les adjectifs employés comme adverbes ont éga-
lement les trois degi'és de signification : chanter
juste, plus juste, très-juste.
Les adverbes bien et mal forment leurs degrés
de signification irrégulièrement : bien fait au com-
paratif mieux, au superlatif le mieux ; — mal fait
pis, ou plus mal, — le pis, ou le plus mal.
b" Les principaux adverbes de quantité sont :
assez, trop, peu, beaucoup, très, tant, guère, etc.
Ex. : Il parle peu ; — il récite trop vite. Beau-
coup est composé de beau et de coup et a le sens
de l'adverbe latin multnm, qui avait donné moult
(boaucoupi à notre vieille langue. Guère, qui si-
gnifie beaucoup, a servi à former la locution v'a
guère (c'est-à-dire: il n'y a pas longtemps), qu'on
écrit aujourd'hui en un seul mot, naguè)e.
6° Les principaux adverbes d'affirmatiox sont
oui, certes, vraiment, etc. Ex. : Viendrez-vous ?
Oui. — Cette pensée est vraiment belle.
Oui était oïl dans le vieux français. On sait que
ce mot oïl a servi à désigner au moyen âge la lan-
gue qui se parlait au nord de la Loire, comme oc
désignait celle qui se parlait dans le midi. Oïl avait
pour correspondant Kert/iz/(non), devenu en français
moderne 7ienni, comme oïl est devenu oui.
'" Les principaux adverbes de négation sont
non, ne, pas. point, rien. Ex. : Non, je ne \euxpa-s.
Non vient du latin non (non), qui a donné le vieux
français nen, abrégé en ne dans le français mo-
derne.
Nous n'avons réellement que deux adverbes de
négation, non et «e; les autres mots, tels que pas,
point, goutte, etc., ne sont que des substantifs
un pas, un point, une goutte, employés adverbia-
lement, comme termes de comparaison.
Chacun sait que, pour donner plus de force à l'ex-
pression de nos jugements, nous les accompagnons
volontiers d'une comparaison {pauvre comme Job.
/or/ comme un lion, etc.), ou d'une estimation (cet
objet ne vaut pas un SQu).Dcmtmepa9, point, mie,
goutte, etc., furent employés à l'origine d'une ma-
nière sensible, c'est-à-dire placés dans une com-
paraison où ils avaient une valeur propre : Je ne
marche pas (c'est-à-dire je ne fais pas un pas], —
je ne vois point, (je ne vois pas môme un potnt\ —
je ne mange mie, — je ne bois goutte (je ne bois
pas une goutte).
Rien, du latin rewz, était un substantif dans l'an-
cien français et gardait le sens originaire de chose :
une heUe riens (res . Il a perdu son sens étymolo-
gique par l'habitude que l'on avait de construire
ce substantif avec 7ie pour former une expression
négative.
8° Les principaux adverbes de doute sont peut-
être, probaljlement. Ex. : Il sera probablement ici
demain.
Peut-être est une ellipse pour cela peut-être, ce
qui nous explique pourquoi l'on peut mettre que
après cetadvnrbc. [Peut-être que /e viendrai, c'est-
à-dire celn peut être que je..., eic)
9° On apijolle locution adverbiale une réunion
de mots équivalant à un adverbe :tels sont : à l'envi,
au delà, en deçà, tout à fait, point du tout, etc.
A l'envi signifie proprement à qui mieux mieux,
du latin inviiwm, (jui s'oppose à, d'où le sens de
concurrence, de rivatilé. On voit que ce mot a
perdu un t et non un e et ne doit point Ctre rat-
uché au substantif e/ii/-i'«.
Modèles d'exercices.
lo Dicter le morceau suivant et faire ensuite
dresser la liste des adverbes avec l'indication : adv,
de temps, de lieu, etc. Ex. : guère, adv. de quan-
tité ; jamais, adv. de temps, etc.
n PoMPÉi. —A Rome, l'on ne trouve guère que les
débris des monuments publics ; mais à Pompéï
c'est la vie privée des anciens qui s'offre à vous
telle qu'elle était ; le volcan qui a couvert cette
ville de cendres, la préservée des outrages du
temps ; jamais des édifices exposés à l'air ne se
seraient ainsi maintenus, et ce souvenir enfin s'est
retrouvé tout entier. Les peintures, les bronzes,
étaient encore dans leur beauté première, et tout
ce qui peut servir aux usages domesliques est con-
servé d'une manière effrayante. Les ampliores sont
encore préparées pour le festin du jour suivant,
la farine qui allait être pétrie est encore là. Les
restes d'une femme sont encore ornés de parures
qu'elle portait dans le jour de fête que le volcan
a troublé, et ses bras desséchés ne remplissent
plus le bracelet de pierreries qui les entoure
encore.
« On ne peut voir nulle part une image aussi frap-
pante de l'interruption subite de la vie. Le sillon
des roues est visiblement marqué sur les pavés
dans les rues, et les pierres qui bordent les puits
portent la trace des cordes qui les ont creusées
peu à peu. On voit encore sur les murs d'un corps
de garde les caractères mal formés, les figures
grossièrement esquissées que les soldats traçaient
pour passer le temps, tandis que ce temps avan-
çait pour les engloutir. Quand on se place au mi-
lieu du carrefour des rues, d'où l'on voit de tous
les côtés la ville qui subsiste encore presque en
entier, il semble qu'on attende quelqu'un, que le
maître soit prêt à venir ; et l'apparence même de
vie qu'ofi're ce séjour fait sentir plus tristement
son éternel silence. M°" de Staël. »
2° Dicter ou écrire au tableau les phrases sui-
vantes, en faisant souligner aux élèves les adjectifs
employés adverbialement.
Depuis tantôt deux ans je vis en cet endroit.
Mal couché, mal vêtu, buvant chaud, mangeant
froid.
Je veux qu'on me distingue, et, pour le trancher
net,
L'ami du genre humain n'est point du tout mon
fait.
L'arbre tient bon, le roseau plie.
On paye bien cher le soir les folies du matin.
Légère et court vêtue, elle allait à grands pas.
Rire trop haut est un ridicule et une sottise.
L'empereur romain Vitellius a dit cette odieuse
parole : le cadavre d'un ennemi sent toujours
bon.
Qui pense et raisonne toujours juste devrait agir
toujours bien.
Vous vous récriez bien fort, si l'on vous accuse
d'ingratitude envers les hommes, et vous ne vous
souciez nullement d'être ingrats envers Dieu.
Oui, vous m'ouvrez les yeux.
Je commence à voir clair dans cet avis des
cicux.
3° Dans les phrases suivantes, faire remplacer
les mots en italique par un adverbe.
Saint Louis a gouverné avec sagesse.
Jugez avec prudence si vous voulez juger avec
justice.
Si vous voulez vivre longtemps, vivez de la ma-
nière la plus sobre que vous pourrez.
La tortue qui marche ayec lenteur arrive parfois
plus vue que le lièvre.
Cette jeune fille répondit avec finesse.
La pluie est tombée avec abondance.
Le vont soufflait avec violence.
Les Français soutinrent d'une manière intrépide
le choc des ennemis.
ADVERBE —
Il vaut mieux gagner peu d'une manière hon-
nête que de devenir riche d'une manière mal-
honnête.
4" Dicter aux élèves ou écrire au tableau le mor-
ceau suivant, en leur faisant souligner d'un trait les
adverbes , de deux traits les locutions adver-
biales.
« Description d'Orléans. — La Loire est près
de trois fois aussi large à Orléans que la Seine
l'est à Paris : l'horizon est très-beau de tous les
côtés. De chaque côté du pont on voit conti-
nuellement des barques qui vont à voiles ; les
unes montent, les autres descendent. Rien n'em-
pêche qu'on ne les distingue toutes : on les
compte, on remarque à quelle distance elles sont
les une? des autres ; c'est ce qui fait une des
beautés du fleuve : en effet, ce serait dommage
qu'une eau si pure fût entièrement couverte par
des bateaux. Les voiles de ceux-ci sont fort amples :
cela leur donne une majesté de navires, et je m'i-
maginai voir le port de Constantinople en petit.
D'ailleurs Orléans, à le regarder de laSologne, est
d'un bel aspect. Comme la ville va en montant, on
• la découvre presque tout entière. Le Mail, et les
autres arbres qu'on a plantés en beaucoup d'en-
droits le long du rempart, font qu'elle paraît à
demi fermée de murailles vertes ; et à mon avis
cela lui sied bien. Vous saurez pourtant que le
quartier par où nous descendîmes au port est fort
laid, le reste assez beau; des rues spacieuses,
nettes, agréables, et qui sentent leur bonne ville.
Je n'eus pas assez de temps pour voir le rempart,
mais je m'en suis laissé dire beaucoup de bien,
ainsi que de l'église Sainte-Croix. Enfin notre
compagnie, qui s'était dispersée de tous les côtés,
revint satisfaite. — Lafontai.ne. »
5° Faire relever aux élèves, soit sur cahier, soit
au tableau, les adverbes en italique du morceau
suivant, en indiquant les adjectifs d'où ils sunt tirés.
Ex. également, de égal, etc.
« Le hérov. — Le bonheur n'est pas également dé-
parti à tous les êtres sensibles ; et la nature elle-
même paraît avoir négligé certains animaux qui.
par imperfection d'organes, sont fatalement con-
damnés à endurer la souffrance. Enfants disgraciés,
nés dans le dénùment pour vivre dans la priva-
tion, leurs jours pénibles se consument dans les
inquiétudes d'un besoin toujours renaissant. Souf-
rir et patienter sont évidemment leurs seules res-
sources, et cette peine intérieure trace tristement
son empreinte jusque sur la figure.
« Le héron nous présente limage d'une vie de
souffrance, d'anxiété, d'indigence. Ayant seulement
l'embuscade pour tout moyen d'industrie, il passe
des heures, des jours entiers à la môme place, im-
mobile, au point de laisser douter si c'est un être
animé. Lorsqu'on l'observe attentivement di\ a z une
lunette, car Ù se laisse rarement approcher, il pa-
raît comme endormi, posé sur une pierre , le
corps presque droit et sur un seul pied, le cou or-
dinairement replié le long de la poitrine et du
ventre ; et, s'il change d'attitude, c'est pour en
prendre une encore plus contrainte en se mettant
en mouvement. Il entre dans l'eau jusqu'au-des-
sous du genou, la tête entre les jambes, pour
guetter au passage une grenouille, un poisson :
mais, réduit à attendre que sa proie vienne s'of-
frir à lui, et n'ayant qu'un instant pour la saisir.
il doit nécessairement subir de longs jeûnes, et fré-
quemment périr d'inanition ; car il n'a pas l'instincc,
lorsque l'eau est couverte de glace, d'aller pru-
demment chercher à vivre dans des climats plus
tempérés. Lorsqu'on prend un liéron, on peut le
garder quinze jours sans lui voir chercher ni
prendre aucune nourriture ; il rejette même cons-
tamment celle qu'on tente de lui faire avaler : sa
mélancolie naturelle, augmentée sans doute par la
captivité, l'emporte apparemment sur l'instinct de
3 — AEROLITHES
sa conservation. L'apathique héron semble se con-
sumer sans languir ; il périt sans se plaindre et
sans apparence de regret. D'après Blffox. »
6° Exercer les élèves à former des adverbes de
mmiière avec les adjectifs suivants :
l'inviolable, autre, furieux, héroïque,
absurde. brave, fin, honorable,
abusif, brutal, fier, rapide,
actuel, candide, fertile, sincère,
admirable, cavalier, ferme, sobre,
adroit, certain. intérieur, soigneux,
agile, charitable, intime, solide,
aigre, chaste, intrépide, prompt,
ambitieux, chiche, invincible, sage,
amer, clair, ironique, sain,
ample, lionnète, habile, saint,
ancien, honteux, grand, secret,
âpre, froid, doux, plat,
arbitraire, frais, direct, petit,
"2° abondant, différent, fréquent, évident,
ardent, imprudent, innocent, constant,
brillant, prudent, insolent, méchant,
pesant, obligent, arrogant, apparent,
concurrent, conséquent, violent, suffisant.
7° Faire composer de courtes phrases où l'élève
aura à choisir entre plus tôt ou plutôt.
[J. Dussouchet.J
AEROLITHES. — Météorologie, XIII. — (Etym.
du grec lifhos, pierre, et aéros, de l'air, c'est-à-dire
pierres qui tombent de l'air.) On les a primitive-
ment désignées du nom de pierres météoriques ou
de météorites, parce que l'on croyait qu'elles se for-
maient dans l'atmosphère.
Les aérolithes. les bolides et les étoiles filantes
ont une commune origine. Ce sont de très-petits
corps célestes qui circulent, comme la terre, autour
du soleil, ou qui voyagent dans les espaces à la
manière des comètes, et que leur extrême peti-
tesse rend invisibles dans les conditions ordi-
naires. Mais s'ils passent assez près de la terre
pour traverser notre atmosphère, ils s'y échauf-
fent par l'effet de leur énorme vitesse et devien-
nent lumineux.
Tant qu'ils restent dans les hautes régions de
l'atmospiicre, ils nous apparaissent comme un
point lumineux semblable à une étoile qui se dé-
tacherait du ciel pour le traverser rapidement etdis-
paraitre bientôt : d'où le nom d'étoile filante'.
S'ils pénètrent plus avant dans l'air, ou si leur
volume est plus considérable, leur diamètre appa-
rent est sensible à l'œil : l'étoile filante devient
un bolide. On a vu des bolides éclairer le ciel
d'une lumière assez vive pour être perçue en plein
jour. Souvent ils sont accompagnés d'une traînée
lumineuse qui persiste après leur passage; sou-
vent aussi ils éclatent avec un bruit qui peut être
entendu sur de grandes régions de la surface ter-
restre. Leurs éclats en tombant sur le sol consti-
tuent les aérolithes.
Les pierres météoriques ont été connues de
toute antiquité. Les plus vieilles légendes en font
mention. Les auteurs grecs, latins et autres ont
enregistré avec soin de nombreuses chutes de mé-
téorites, et plusieurs de ces pierres ont été mises
au rang des divinités, dont on les considérait comme
des ém:inations
Malgré ces nombreux témoignages, les savants
du siècle dernier révoquaient en doute les chutes
de pierres météoriques, lorsque, le 'ifi avril 180-3,
une pluie de pierrf'S eut lieu en plein jour, près
de l'Aigle, dans le département de l'Orne. M. Biot
fut chargé de faire une enquête, il fut cons-
taté que sur un terrain d'environ 10 kilomètres de
long sur 4 kilomètres de large il était tombé deux
à trois mille pierres, dont la plus grosse pesait i"
livres. Depuis cette époque décisive, on a dressé
AEROSTATS
3G —
AÉROSTATS
le catalogue de toutes les chutes de météorites
consignées par les auteurs anciens et modernes :
on recueille avec soin toutes les observations con-
temporaines; on réunit dans les collections pu-
bliques des échantillons des pierres météoriques
qui sonV analysées et classées d'après leur com-
position Le Muséum de Paris et lÉcole des Mines
sont très-riches en produits de cette origine.
Les météorites ont toutes Taspect d'un fragment
recouvert d'une sorte de vernis mince dû à la fu-
sion superficielle du corps produite par la haute
température et la pression résultant de son énorme
vitesse. Cette vitesse peut aller, en effet, jusqu'à
30 et môme 60 kilomètres par seconde, du moins à
l'origine ; elle se ralentit énormément à mesure
que le corps ou ses fragments pénètrent plus avant
dans l'atmosphère, et cela d'autant plus que les
''agments sont plus petits.
Les météorites sont quelquefois composées de
fer métallique compacte et presque pur : il est
extrêmement rare qu'elles n'en contiennent pas
des traces sensibles; entre ces deux ternies
extrêmes, la décroissance dans la proportion de fer
passe par tous les degrés.
Les météorites exclusivement composées de fer
associé à une petite proportion de nickel sont re-
lativement très-rares ; on a pu les travailler direc-
tement pour en faire des armes : fers de flèches,
haches, épées. D'autres fois, la proportion de nic-
kel et autres corps est assez forte pour rendre le
fer cassant sous le marteau. Plus souvent, le fer
forme une masse dans laquelle sont englobés des
grains pierreux, ou, inversement, la pierre forme
une gangue parsemée de grenailles de fer plus ou
moins volumineuses et abondantes.
Parmi les météorites dépourvues de fer, il s'en
trouve qui renferment, outre du charbon liljre, des
composés de carbone, d'hydrogène et d'oxygène,
analogues à ceux de la chimie organique, sans
qu'on soit aucunement en droit d'en conclure que
ces composés aient eu pour origine la vie sous
l'une quelconque de ses formes. Mais on comprend
qu'avec une pareille composition les météorites
portées à l'incandescence puissent laisser après
elles une traînée lumineuse persistante. Au reste,
le fer à lui seul peut déjà produire un semblable
effet, et il est rare que le microscope ne décèle
pas dans les poussières de l'air quelques grains
arrondis de fer météorique provenant des bolides
ou des étoiles filantes. On peut, il est vrai, objecter
aux observations faites dans l'air de Paris que ces
granules ont pour origine les usines où on tra-
vaille le fer; mais on en trouve dans l'air des ré-
gions les plus éloignées de ces usines, et M. Tis-
sandier en a rencontré dans des terrains géolo-
giques bien antérieurs à la présence de l'homme
sur la terre. [Marié-Davy.]
AÉROSTATS. — Physique, XIII. — Les aéros-
tats ou brillons sont les appareils qui peuvent s'é-
lever dans l'air, lis se composent toujours d'une
enveloppe légère, mais suffisamment résistante,
remplie d'un gaz moins lourd que l'air atmosphé-
rique. On leur fait souvent supporter une na-
celle où s'installent les aéronautes avec les divers
accessoires nécessaires à leur manœuvre.
Il faut que le poids du gaz qu'ils contiennent,
augmenté du poids de l'enveloppe et des acces-
soires, soit inférieur au poids do l'air qu'ils dé-
placent. Alors un ballon gonflé et retenu sur le sol
est, par rapport à l'atmosphère, comme un mor-
ceau de liège retenu au fond d'un vase plein d'eau.
Le ballon comme le liège ont un poids moindre
que la poussée qu'ils subissent (V. Arcininéda);
ils tendent à s'élever avec une force égale à la dif-
férence de ces deux quantités On donne le nom
de force osceiision ^elle h cette différence.
C'est le .'i juin 17S3, à Annonay. que fut lancé
le premier ballon, par les frères Montgolfier. Ce
ballon, fait en toile recouverte de papier, était une
sphère d'environ 12 mètres de diamètre, présentant
à sa base une large ouverture ; on alluma au-des-
sous un feu de paille, et quand il fut plein d'air
chaud, plus léger que l'air ordinaire, il s'éleva à
une hauteur de plus de lOOiJ mètres aux acclamations
de la foule rassemblée pour cette curieuse expé-
rience. L'appareil pesait 215 kilogr. et emportait
avec lui une charge de 200 kilogr. Le nom de
mo7itgolfières est resté depuis aux ballons gonflés
avec de l'air chaud.
Cette découverte des frères Montgolfier excita
partout un grand enthousiasme, et quand le pro-
fesseur Charles eut donné l'idée de substituer à
l'air chaud le gaz hydrogène (14 fois et demie
plus léger que l'air), les ascensions en ballon de-
vinrent plus faciles et plus nombreuses.
Il est facile de se rendre compte de la force as-
censionnelle d'un ballon. S'il est gonflé avec l'hy-
drogène, un mètre cube de ce gaz pesant seule-
ment 90 grammes et tenant la place d'un mètre
cube d'air qui pèse 1293 grammes, c'est par mètre
cube une difi'érence ou une poussée de l,2iio
grammes; quand le ballon présente un volume de
lOO mètres cubes, que son enveloppe et ses acces-
soires pèsent 50 kilogr. , c'est donc encore avec une
force de 70 kilogr. qu'il est poussé dans les airs. Gon-
flé avec l'air chaud ou avec le gaz d'éclairage, il a,
pour le même volume, une force moins grande ;
on augmente alors sa grosseur pour augmenter sa
force ascensionnelle. Aujourd'hui on ne gonfle
plus à l'hydrogène que les petits ballons en bau-
druche ou en caoutchouc qui servent de jouets
aux enfants; ce gaz passe trop facilement au tra-
vers des parois qui le contiennent. On a renoncé
aussi aux montgolfières et à l'air chaud, excepté
pour quelques ballons lancés dans les fêtes pu-
bliques. C'est le gaz d'éclairage qui est toujours
employé.
Le ballon que l'on veut remplir est ordinaire-
mont en taffetas rendu imperméable par une lame
de caoutchouc interposée ; il est terminé par un
boyau qui sert à y amener le gaz. Il porte sa
nacelle suspendue à un filet qui le recouvre. On
le retient solidement sur le sol pendant le gonfle-
ment, et on ne le gonfle pas entièrement, car, à
mesure qu'il s'élève, la pression de l'air diminuant,
le volume du gaz intérieur s'accroît et il pourrait
faire éclater l'enveloppe. On met dans la nacelle
où montera l'aéronaute des sacs de sable qui
constituent le lest; ils sont utiles d'abord pour
diminuer la vitesse au départ et ensuite pour les
manœuvres de l'appareil. Le ballon gonflé s'élève
sitôt qu'il est débarrassé de ses liens, jusqu'à ce
(|u'il arrive à une couche d'air telle que le poids
de l'air déplacé soit ép;al au poids de la machine.
Si l'aéronaute veut s'élever plus haut, il jette du
lest et allège ainsi son appareil. Pour descendre,
il ouvre une soupape qui laisse sortir du gaz et
rentrer de l'air plus lourd. Il juge de la hauteur à
laquelle il est parvenu et du sens de son mouve-
ment vertical par un baromètre qui baisse à me-
sure que le ballon monte.
Parmi les ascensions aérostatiques les plus cé-
lèbres, il faut citer celle que Gay-Lussac exécuta
en 18ii4 et dans laquelle il parvint à une hauteur
de 7000 mètres. Depuis, on en a fait beaucoup
d'autres en vue d'étudier les différentes couches
de l'atmosphère et la décroissance de la tempé-
rature à mesure qu'on s'élève dans les airs. Une
des dernières et des plus célèbres ascensions
scientifi(iues est celle du Zénith ,\'. la dictée 3 ci-
dessous]. On s'est maintes fois servi des ballons
captifs pour faire des observations sur les posi-
tions du l'ennemi en temps de guerre. Déjà sous
linspiralion de Guyton do Morveau, IrL convention
avait créé une compagnie d'aérosticrs, commandés
par Coutelle, qui rendit des services notamment it la
AEROSTATS
37
AEROSTATS
bataille de Fleurus, le 26 juin 170». On a utilisé
les ballons pour sortir d'une ville investie, notam-
ment pendant» le siège de Paris en 1870.
Les voyages aérostatiques appliqués aux obser-
vations atmosphériques sont nombreux et les expé-
riences répétées ; des chercheurs tenaces appliquent
leurs efforts à la découverte des moyens de diriger
les ballons ; le succès n'a pas jusqu'ici répondu à
leurs espér3Lnces: h 7iavigation aé}'ie7me est encore
b. l'état de problème sans solution. [Haraucourt]
LECTURES ET DICTÉES.
1. Le premier ballon à gaz. — « Le 1" décembre
1783, la moitié de Paris se pressait aux environs
du château des Tuileries. Un physicien très-habile,
le professeur Charles, devait faire une ascension,
non plus en montgolfière, mais avec un globe de
soie gonflé à l'aide du plus léger des gaz connus,
le gaz hydrogène. Charles avait créé, pour ainsi
dire tout d'une pièce, l'art de l'acrostation. C'est,
en effet, à cette occasion, qu'il imagina la sou-
pape, la nacelle, le filet qui supporte et soutient la
nacelle, le lest, l'enduit de caoutchouc, le tissu du
ballon, enfin l'usage du baromètre; c'est le talent
dont il fit preuve alors qui a préservé sa mémoire
de l'oubli, car on n"a rien changé et on n'a presque
rien ajouté depuis cette époque aux combinaisons
ingénieuses de ce savant physicien.
« Le programme de cette ascension, qui devait
avoir lieu dans le jardin des Tuileries, avait été
annoncé par la voie des journaux, et une sous-
cription de 10000 francs avait été ouverte et
presque immédiatement remplie. — A midi, les
corps académiques et les souscripteurs, qui
avaient payé leur place quatre louis, furent intro-
duits dans une enceinte particulière construite tout
exprès autour du bassin. Les simples souscripteurs
à trois francs le billet se placèrent où ils purent,
dans tout le reste du jardin. A l'extérieur, les fe-
nêtres, les combles et les toits de toutes les maisons
voisines étaient garnis de monde ; les quais qui
longent les Tuileries, le pont Royal et la place
Louis XV étaient également couverts d'une foule
immense. Une garde nombreuse environnait la
superbe machine, maintenait l'ordre et facilitait les
manoeuvres. Le ballon, gonflé de gaz et déjà prêt
à partir, se balançait mollement dans l'air. C'était
un globe de taffetas à bandes alternativement
jaunes et rouges. Le char placé au-dessous était
bleu et or ; il était suspendu à environ vingt pieds
au-dessous du ballon par un filet qui embrassait le
globe depuis son pôle supérieur jusqu'à l'équateur.
On avait mis en évidence des pièces d'artillerie
sur la principale terrasse, et un grand pavillon
arboré sur la coupole du palais des Tuileries devait
servir de signal aux savants chargés de faire des
observations exactes et d'appliquer le calcul à cette
brillante expérience.
« Enfin le premier coup de canon retentit. Tout
est prêt pour le voyage, la nacelle est lestée, on
la charge des approvisionnements et des instru-
ments nécessaires. Pour connaître la direction
du vent, on croit devoir lancer un petit ballon de
soie verte, de deux mètres de diamètre. Charles,
qui tient ce petit ballon à l'aide d'une corde,
s'avance vers Etienne Montgolfier et le prie de
vouloir bien le lancer lui-même. — C'est à vous,
monsieur, répondit le modeste inventeur des
aérostats, qu'il appartient de nous ouvrir la route
des cieux. Le public saisissant toute la délicatesse
de cette allusion s'empressa d'applaudir. Le petit
aérostat d'essai, qui ressemblait à une émeraude.
s'envola vers le nord-est, faisant reluire au soleil
ses brillantes couleurs. Le canon se fait entendre
une seconde /ois ; on brûle de fortes amorces de
poudre, et l'on met en évidence les signaux sur
le dôme des Tuileries. Les deux braves acronautes,
Charles et son compagnon Robert, prennent place.
la dernière corde est coupée et le ballon s'élève
majestueusement dans les airs. L'admiration et
l'enthousiasme éclatent de toutes parts en applau-
dissements immenses, les soldats ranges autour de
l'enceinte présentent les armes, les officiers saluent
de leurs épécs, et la machine continue de s'élever
au milieu des acclamations de trois cent mille spec
tateurs.
« Arrivé à la hauteur du parc de Monceau, le
ballon resta un moment stationnaire ; il vira
en quoique sorte de bord, se retourna sur lui-
même, et suivit ensuite la direction du vent. — Il
traversa une première fois la Seine entre Saint-
Ouen et Asnières ; la passa une seconde fois non
loin d'Avgenteuil et plana successivement sur
Sunnois, Franc onville, Eau-Bonne, Saint-Leu-Ta-
verny, Villiers et l'Ile-Adam. Après un trajet d'en-
viron trente-six kilomètres, en s'abaissant ou en
s'élevant à volonté au moyen du lest qu'ils jetaient,
les voyageurs s'arrêtèrent à trois heures et demie
dans la prairie de Nesle, non loin de la maison
d'un gentilhomme anglais qui survint peu de temps
après avec le duc de Chartres et le duc de Fitz-
James, partis de Paris sur d'excellents chevaux, et
qui avaient suivi le ballon sans le perdre de vue.
En passant, à Sannois les aéronautes s'étaient abais-
sés jusqu'au niveau du sol pour demander aux
paysans quel était le lieu où ils se trouvaient. Plus
loin, au-dessus de l'Ile-Adam, ils avaient engagé
une conversation, à l'aide de leur porte-voix, avec
les gens du prince de Conti, dont l'Ile-Adam était
la propriété. Dans l'air, quand ils se virent hors
de la portée des observateurs de Paris, ils avaient
mangé et bu avec délices. A leur descente dans
la prairie de Nesle, Robert quitta la nacelle, et
Charles repartit seul dans l'atmosphère, et parvint,
en moins de dix minutes, à une élévation de près
de 4000 mètres. Là il se livra à de rapides obser-
vations de physique Une demi-heure après, le bal-
lon redescendait doucement, à environ huit ki-
lomètres de son second point de départ. « Je vous
confisque, lui cria alors le gentilhomme anglais
qui l'avait intrépidement suivi de Paris à Nesle ;
vous êtes sur ma terre, vous m'appartenez. » Et, à
peine la nacelle avait-elle touché la terre, qu'il
s'empara de Charles et le conduisit à son château,
où il passa la nuit. Le lendemain, le roi accorda
une pension de deux mille livres au savant et
intrépide aéronaute. — (Bescherelle, Histoire des
ballons.) »
2. Le premier aéronaute. — Le 19 septembre
! 78-3, un des frères Montgolfier, fabricants de papier
d'Annonay (province de Vivarais), était admis à ré-
péter à Versailles, devant le roi Louis XVI, l'expé-
rience aérostatique qu'il avait faite, pour la première
fois, trois mois auparavant dans sa ville natale. Une
mojitgolfière fut lancée aux acclamations d'une
foule immense.
Les préparatifs de l'ascension avaient pour té-
moin anxieux un jeune physicien qui, lorsque l'aé-
rostat s'enleva, sauta sur un cheval qu'on lui avait
tenu tout prêt, et se lança au galop dans la direc-
tion que suivait le globe aérien. Un intérêt très-
grand s'attachait pour lui à certain détail de l'ex-
périence. On avait suspendu au-dessous de la
montgolfière une grande cage dans laquelle un
mouton était enfermé, avec un coq et un canard.
Le jeune phjsicien était curieux de savoir com-
ment le mouton supporterait le voyage. Quand il
se fut assuré que le séjour dans les hautes régions
n'avait pas laissé à cet innocent quadrupède la
moindre marque d'incommodité, il n'eut plus ni
paix ni repos avant d'avoir accompli lui-même un
trajet aérien.
Il monta d'abord dans un ballon captif, qui fut
un jour gonflé au faubourg Saint-Antoine.
Un mois plus tard, le 2l avril I78i, s'élevait du
château de la Muette, au bois de Boulogne, une
AÉROSTATS
38 —
AEROSTATS
colossalo mongolfière, dans la nacelle de laquelle
avait pris place notre enthousiaste; il s'appelaii
François Pilatre des Rosiers ; il avait avec lui un
de ses amis, le marquis d'Arlandes.
Le ballon vint passer sur Paris, en émerveillant
la population, et alla s'abattre sur la liutte-aux-
Cailles.
Dès lors, Pilatre des Rosiers (on de Rozier) de-
vint le héros à la mode : il fut applaudi, fêté, célé-
bré en prose et en vers ; les faiseurs d'anagrammes,
à. force de remuer les lettres de son nom, et à l'aide
de quelques légers suppléments, y trouvèrent cette
légende : T. es le pr. roi des airs (tu es le premier
roi des airs).
Or, pendant que Pilatre se bornait à renouve-
ler ses ascensions, il arriva qu'un rival non moins
audacieux, Blanchard, fit en ballon la traversée du
bras de mer qui sépare la France de l'Angleterre,
entre Douvres et Calais. A la première nouvelle
de cet événement, Pilatre, comme si sa gloire (^n
eût été diminuée, annonça qu'il ferait, lui, la tra-
versée beaucoup plus longue et par conséquent
plus dangereuse de Boulogne à Londres. On eut
beau lui démontrer qu'il s'exposait gratuitement à
la plus funeste aventure : rien ne put le dissua
der. Il prétendait, du reste, avoir inventé un nou-
veau système d'aérostation qui consistait à accou-
pler deux ballons, l'un à gaz hydrogène, l'autre à
air chaud, La montgolfière avec son réchaud était
placée juste au-dossous du ballon h hydrogène. Le
physicien Charles lui dit que c'était placer une
mèche allumée sous un baril de poudre.
Les préparatifs furent très-longs; les vents
étaient toujours contraires ; l'enveloppe, conservée
dans un endroit humide, commençait à s'endomma-
ger. Puis les rats se mirent à la dévorer, il fallut
toute une armée de chiens et de chats pour les
écarter on dut môme faire venir des hommes qui
battaient du tambour pendant toute la nuit pour
écarter les rats. Au dernier moment un ouragan
furieux éclate et les magistrats de la ville s'op-
posent au départ. Enfin le ili juin KS.^, à septheures
du matin, Pilatre et un jeune savant de la ville
qui s'appelait Romain montent dans la machine.
Un officier supérieur, le marquis de la Maisonfort,
s'élance vers le ballon, jette un rouleau de 200
louis dans le chapeau de Pilatre, met le pied dans
la nacelle en le suppliant de le laisser partir avec
eux. L'aéronaute le repousse en lui disant : Nous
ne sommes sûrs ni du temps ni de la machine ; je
ne puis vous accepter. Et Vaéromontgolfière, —
c'était le nom de ce double ballon, — s'éleva dans
les airs et prit bientôt la direction de la mer.
Elle était à peine à quatre ou cinq cents mètres
d'altitude que la foule vit avec effroi le ballon à gaz
se dégonfler et retomber sur la montgolfière et
toute la machine descendre avec une épouvan-
table rapidité. Les uns prétendirent avoir vu une co-
lonne de flamme, d'autres assurèrent que le bal-
lon avait éprouvé une violente secousse après
s'être approché d'un petit nuage blanchâtre sans
doute chargé d'électricité. Ce qui se passa en
réalité, nul ne peut le dire. On courut à l'endroit
où cette masse d'étoffe venait de s'abattre, et l'on
trouva sur la côte, h cinq quarts de lieue de Bou-
logne, parmi les débris de la nacelle, Pilatre
mort, Romain rendant le dernier soupir. — (D'après
la Mos'i'ique.)
3 La dernière et la plus haute ascension en
ballon, — « Le jeudi l.î avril I8'5, à 11 h. ;i5 dn
matin, l'aérostat le Zénith s'élevait de terre, à l'u-
sine à gaz de la Villctte.
« Crocé-Spinelli, Sivel et moi avions pris place
dans la nacelle Trois ballonnets remplis d'un mé-
lange d'air à ~o p. 100 d'oxygène, d'après les pro-
portions indiquées par un "savant physiologiste,
M, Paul Bert, étaient attaché? au cercle. Cet appa-
reil, dans les hautes régions de l'atmosphère, devait
fournir aux voyageurs l'oxygène nécessaire à l'en-
tretien de la vie,... Plusieurs baromètres, plu-
sieurs thermomètres, un spectroscope, des ju-
melles, des boussoles complétaient le matériel
scientifique de l'expédition, JVous avions plusieurs
sacs de lest,. , .
« L'ascension s'exécute d'abord avec une vitesse
de 2 mètres environ à la seconde; elle se ralentit
légèrement à ;iôO:t mètres, pour augmenter à 5000
mètres A 4 00 mètres, nous commençons à
respirer de l'oxygène, non pas que nous sentions
encore le besoin d'avoir recours au mélange
gazeux, mais uniquement pour nous convaincre
que nos appareils fonctionnent bien, . . .
« A l'altitude de 7000 mètres, à 1 h. 20, j'ai
respiré le mélange, et j'ai senti, en elTet, tout mon
être, déjà oppressé, se ranimer sous l'action de ce
cordial; j'avais encore la force de l'inscrire sur mon
carnet. A cette hauteur, Sivel, qui était d'une force
physique peu commune, commençait à fermer les
yeux par moments, à s'assoupir même et à devenir
pâle. Mais cette âme vaillante ne s'abandonnait
pas ; il se redressait avec l'expression de la fermeté,
et il jetait le lest pardessus bord pour atteindre des
régions plus élevées. Sivel était monté, l'an der-
nier, à ".300 mètres. Il voulait, cette année, monter
à 8000 mètres. Crocé-Spinelli continuait ses obser-
vations au spectroscope avec une grande ardeur ;
il paraissait rayonnant de joie.
a J'arrive à l'heure fatale où nous allions être
saisis par la terrible influence de la rareté de l'air.
A 7000 mètres, nous sommes tous debout dans la
nacelle. Sivel, un moment engourdi, s'est ranimé.
« 'Voyez, me dit Crocé-Spinelli, comme ces nuages
sont beaux! » C'était, en efi"et, un spectacle sublime
qui s'ofi"rait à nos yeux. En se penchant en dehors
de la nacelle, on apercevait, comme au fond d'un
puits, la surface terrestre qui apparaissait dans les
abîmes de l'atmosphère. Le ciel était d'un bleu
limpide. Cependant le froid commençait à nous
saisir. Nous avions mis nos couvertures sur nos
épaules. J'avais les mains glacées ; je voulus mettre
mes gants de fourrure, mais, pour les prendre
dans ma poche, il fallait un efl'ort dont je n'étais
déjà plus capable. Sivel, qui était resté un instant
comme pensif et immobile, nous demande à tous
deux s'il faut jeter du lest. Je lui réponds : Comme
vous voudrez; Crocé lui dit: Oui, Sivel saisit son
couteau et coupe successivement trois cordes qui
fermaient trois de nos cinq sacs de lest ; les sacs
se vident, et nous montons rapidement.
M Vers 7500 mètres, l'état d'engourdissement où
l'on se trouve est extraordinaire. Le corps et l'es-
prit s'affaiblissent insensiblement sans qu'on en
ait conscience On ne soufi're en aucune façon ; au
contraire, on éprouve une joie intérieure, on de-
vient indiff'érent, on ne pense plus au danger, on
monte et on est heureux de monter. Le vertige des
hautes régions n'est pas un vain mot ; mais, autant
que j'en puis juger par mes impressions person-
nelles, ce vertige apparaît au dernier moment ; il
précède immédiatement l'anéantissement subit,
inattendu, irrésistible.
« Appuyé dans l'angle de la nacelle, je ne tardai
pas à me sentir si faible que je no pouvais même
tourner la tête pour regarder mes compagnons.
Bientôt, je veux saisir le tube à oxygène, mais il
m'est impossible de lever le bras. Cependant, je
puis ouvrir les yeux et regarder le baromètre ; je
vois l'aiguille dépasser la pression 380 ; je veux
m'écrier: « Nous sommes à 8,ii(i0 mètres! » mais
ma langue est comme paralysée. Tout à coup, je
ferme les yeux et tombe absolument inerte. Il était
environ i h. et demie.
« A 2 h 8, je me réveille ; je m'aperçois que le
ballon descend avec une grande rapidité. J'ai pu
couper un sac de lest pour ralentir la descente et
écrire sur mon carnet : « Température — S" ; près-
AFRIQUE
— 39 —
AFRIQUE
«ion, 315. Nous descendons. Sivel et Crocé encore
évanouis au fond de la nacelle. Descendons très-
fort. »
« A peine ai-je écrit ces lignes, qu'un tremble-
ment me saisit, je retombe anéanti. Quelques mo-
ments après, je me sens secoué par le bras, et je
reconnais Crocé qui s'est ranimé : « Jetez du lest,
me dit-il, nous descendons. » Mais c'est à peine si
je puis ouvrir les yeux ; je me rappelle seulement
que Crocé a jeté du lest, des couvertures et l'aspi-
rateur (appareil destiné à des expériences chi-
miques sur l'air; il pesait 17 kilogrammes) ; mais
aussitôt je retombe dans une inertie plus complète
■qu'auparavant ; il me semble que je m'endors du
sommeil éternel.
« Que s'est-il passé ? Il est certain que le ballon
délesté et très-chaud, par conséquent rendu très-
léger, est remonté encore une fois dans les hautes
régions.
« A 3 h. et demie environ, je rouvre les yeux,
je me sens affaissé, mais mon esprit se ranime. Le
ballon, cette fois, descend avec une vitesse ef-
frayante ; la nacelle est balancée fortement. Je me
traîne sur les genoux et je tire Sivel par le bras
ainsi que Crocé.
« Sivel, Crocé, réveillez-vous ! » Point de ré-
ponse. Mes deux compagnons étaient accroupis
dans la nacelle, la tête cachée sous leurs couver-
tures. Je rassemble mes forces et j'essaye de les
relever. Sivel avait la figure noire, les yeux ternes ;
Crocé, la bouche ensanglantée.
« Nous étions encore à (lUi^O mètres d'altitude.
Il restait dans la nacelle deux sacs de lest que j'ai
jetés. Bientôt la terre se rapproche ; je veux saisir
mon couteau pour couper la cordelette de l'ancre :
impossible de le trouver. J'étais comme fou ; je
continuais à appeler : » Sivel ! Sivel 1 »
«' Enfin, j'ai pu mettre la main sur un couteau et
détacher l'ancre au moment voulu. Le choc à terre
fct d'une violence extrême. Le ballon sembla s'a-
platir, mais le vent l'entraîna. L'ancre ne mordait
pas, et la nacelle glissait à travers champs. Los
corps de mes malheureux amis étaient cahotés çà
et là, et je croyais à tout moment qu'ils allaient
tomber de l'esquif. Enfin, j'ai pu saisir la corde de
la soupape; le ballon se vide et s'accroche à un
-arbre. 11 était quatre heures. En mettant pied à
terre, je me suis affaissé ; j'ai cru que j'allais re-
joindre mes amis dans l'autre monde.
« La descente du Zénith a eu lieu dans les
plaines de Ciron (Indre), à 250 kilomètres de Paris,
à vol d'oiseau. . . .
« .... J'ai la persuasion que Crocé-Spinelli et
Sivel vivraient encore s'ils avaient pu respirer
l'oxygène, ils auront comme moi perdu subite-
ment la faculté de se mouvoir. Les tubes à oxygène
-auront échappé de leurs mains. Mais ces nobles
victimes, ces soldats de la science ont, en mou-
rant, montré les périls de la route, afin qu'on sache,
^près eux, les prévoir et les éviter. — Gaston Tis-
sandicr. » — (Extrait de la Kature, n" du l^' mai
1815.)
AFIUQUE. —Géographie générale, III.— Cette
partie du monde doit son nom à celui d'une peu-
plade Berbère (les Afri), qui habitait le territoire de
Carihage : son nom fut étendu par les Romains
non-seulement à la partie du liaoral qu'ils avaient
•conquise, mais à tout le continent. (Les Grecs ap-
pelaient l'Afrique Libye, du nom d'une autre peu-
plade Berbère).
1. Situation. Limites. Forme. Superficie et po-
pulation. — L'Afrique forme une vaste presqu'île
triangulaire rattachée à l'Asie par l'isthme de
Suez.
boimes. — Au nord, la Méditerranée la sépare
de l'Europe, qu'elle louche presque en face de Gi-
braltar; à l'ouest, ses côtes sont baignées pai-
l'océan Atlantique; et à l'est, par la mer des
Indes et la mer Rouge qu'un canal maritime rat-
tache depuis 18G9 à la Méditerranée, à travers
l'isthme de Suez
Situation. — Le cap Blanc, au nord-est de la
Tunisie, est situé par 37" 20' de lat. nord, et le
cap des Aiguilles, au sud de la colonie du Cap, est
voisin du .'iô" de lat. Sud. A l'ouest, le cap Vert
s'avance au milieu de l'Atlantique jusque près du
20° de long. Ouest, tandis qu'à l'est le cap Gar-
dufui, au nord-est du pays des Somaulis, atteint
presque le 4"j'' de long. Est
Distances extri^mes. — H y a 8000 kilom. pour
traverser le continent africain du nord au sud et
un peu moins, 7800 environ, pour le parcourir
de l'ouest à l'est entre ses limites extrêmes.
Superficie et popul'itioa — La superficie du
continent africain est de 300()UO;iO de kilom.
carres, trois fois celle de l'Europe, 56 fois celle de
la Franco, et sa population est vaguement estimée
à ','00 millions d'individus.
Forme du c ntiaent. — 11 suffit de jeter un coup
d'œil sur la carte d'Afrique pour remarquer com-
bien sa masse est compacte, au lieu d'être décou-
pée comme l'Europe par des golfes qui viennent
faire pénétrer partout l'heureuse influence du
voisinage de la mer.
Côtes. — Le golfe de Guinée sur l'océan Atlan-
tique et les deux Syrtcs sur la Méditerranée sont les
seuls golfes remarquables de l'Afrique. Aussi le
développement des côtes de l'Afrique tout entière
ne dépasse pas 2700 i kilom , tandis que l'Europe,
qui est trois fois plus petite, a :^3000 kilom. de
limites maritimes, sans compter les îles Britanni-
ques.
2. Climat. Orographie, hydrographie. — L'équa-
teur traversant par le milieu le continent afri-
cain, l'hiver règne au cap do Bonne-Espérance
pendant l'été de l'Algérie, et réciproquement.
Zone des pluies. — Au centre, une bande large
d'une quinzaine de degrés en latitude reçoit pen-
dant dix mois de l'année des pluies très-abondantes
qui y versent une masse énorme d'eau.
Zones tropicales. — De part et d'autre de cette
bande régnent les zones tropicales, où il pleut
pendant six mois d'été, et qui s'étendent jusque
vers le 17' degré de latitude. En dehors des tro-
piques, au contraire, c'est pendant l'hiver que la
terre reçoit un peu de pluie.
Les deux grands déserts. — Mais entre les zrnes
tropicales et les pays à pluies hivernales, le Snlc ra,
dans l'hémisphère septentrional, et le Kalohari,
dans l'hémisphère austral, ne reçoivent que des
vents qui ont perdu toute leur humidité avant
d'arriver jusqu'à eux et ces deux pays sont voués
par leur sécheresse aune irréparable stérilité.
Mais ce n'est pas seulement d'après sa latitude
01 les pluies ou les vents qu'il reçoit qu'on pont
Juger du climat d'un pays. Il faut encore tenir
compte de l'altitude.
.]:ontagnes. — Au nord, V Atlas forme un puiS;
sant massif de montagnes dont les chaînes courei'
parallèlement à la Méditerranée depuis le Marof
jusqu'à la Tunisie. Quelques-unes de leurs cimes
atteignent, dit-on, iOOO mètres dans le Maroc; mais
la plupart ne dépassent pas '-000 mètres.
A l'ouest, les montagnes de Kong se dressent
entre la Guinée et le Soudan dans des régions
à peu près inconnues. A l'est, les monts d'A/jys-
sinie ressemblent à nos Alpes d'Europe et ren-
ferment en outre de nombreux volcans, dont les
cratères éteints forment aujourd'hui de charmants
lacs.
C'est presque sous l'cquateur que les monts Lu-
puta (on nonmie ainsi la chaîne qui borde la mer
des Indes) dressent les cimes bs plus gigantesques
de l'Afrique le Kénid et le Kdimand/aro), \o\sincs
de COOO mètres. De l'autre côté du continent, à
l'ouest, les monts Caméron s'élèvent auprès du
AFRIQUE
— /iO —
AFRIQUE
gnlfe de Guinée et dominent l'Océan dune hauteur
de 4000 mètres.
Plateau de l'Afrique australe. — Dans l'Afrique
australe, on s'élève de la côte jusqu'aux plateaux
de l'intérieur par une succession de terrasses qui
bordent la mer d'assez près. Au pied de ces ter-
rasses le littoral est chaud, humide, malsain. Mais
quand on a franchi cette zone néfaste, on arrive
sur un plateau d'une altitude moyenne de 1000
mètres environ qui est parfaitement salubre, grâce
à cette élévation.
Ce plateau do l'Afrique australe reçoit près de
l'équateur, comme nous l'avons dit, des masses énor-
mes d'eau qui s'accumulent dans des lacs immen-
ses, tout récemment découverts par les Européens,
et de ces réservoirs sortent des fleuves qui sont
rangés parmi les plus considérables du monde.
Lacs et fleuves. — Ainsi les fleuves d'Afrique
doivent leur origine à l'abondance des pluies tro-
picales plutôt qu'aux glaces accumulées sur les
montagnes, comme c'est au contraire le cas pour le
Rhône ou le Rhin. Mais, de même que ces derniers,
ils traversent au début de leur cours des lacs qui
servent à régulariser leur débit, et pour francliir
les montagnes qui forment les rebords du plateau
central, ils traversent des cataractes, ainsi que le
Rhin le fait à Schaflfhouse.
Jmcs des trois versants. — Le Nil blanc traverse
successivement les deux grands lacs que les An-
glais ont nommés lacs Victoria et Albert. Né au
midi de l'équateur, il ne finit que dans la Médi-
terranée. Le lac 'Tanganyika, et ses voisins les
lacs Bangouéolo et Moéro, se déversent dans
l'océan Atlantique par le Zaïre ou fleuve du Congo.
Le lac Nyassi ou Maravi s'écoule par le Shiré
dans le Zambèze, grand affluent de la mer des
Indes.
Au centre de l'Afrique septentrionale s'étend
un bassin fermé, celui du lac Tchad. Le lac
Tchad reçoit son principal affluent., le Schari, du
sud-est. On n'en connaît pas encore l'origine.
Fleuves des trois versants. — r Versant de hi
Méditerranée. — Les monts de l'Atlas ne donnent
naissance qu'à des torrents ; le seul grand fleuve
méditerranéen est le Nil (nous parlons plus loin de
son cours supérieur).
2° Versant de l'Atlantique. — Les monts Kong
reçoivent une masse plus considérable d'eau. De
là descendent le Sénégal, la Gambie et d'autres
cours d'eau moins importants qui courent à l'ouest
vers l'océan Atlantique, tandis que, né près de
leurs sources, le Niger décrit un vaste demi-cercle
avant de finir dans le golfe de Guinée. Le Niger
reçoit de l'orient, dans la partie inférieure de son
cours, un affluent considérahle, la Binoiié ou
Tc/iadda, dont l'origine est inconnue. On ne connaît
pas non plus la source de ÏOgououai, fleuve con-
sidérable qui finit dans l'Atlantique au sud de
notre établissement du Gabon, presque sous
l'équateur. Les derniers voyages de Caméron et
de Stanley ont identifié le puissant fleuve du
Congo avec \c fleuve sorti des lacs Tanganyika et
Bangouéolo. Pour achever la nomenclature des
grands fleuves de ce versant, nommons le fleuve
Orange, dont le lit est trop souvent h sec. Le
fleuve Orange, né dans les monts Drakenberg, au
nord-est de la colonie du Cap, sépare celle-ci du
pays des Holtcntots.
;r Versant de la Mer des Indes. — Les seuls
fleuves à nommer sont : le Zambèze, qui tombe
dans la mer des Indes, en face de l'île de Mada-
gascar, et le Limpopo, un peu plus au sud.
3. Contrées et peuples de l'Airique. — I- lîi>
GioN MÉDiTiiP.UANKENNE. — Burljurie. — Lc littoral
méditerranéen, entre l'Atlanticiue et la Grande
Syrtc, porte le nom de Barbarie ou Berbéric, ;i
cause des Bcrbcrs qui forment le fonds le plus
ancien de sa population. Partagée aujourd'hui
entre l'empire du Maroc, T^/^eHe *, colonie fran-
çaise et le beylik de Tunis, qui relève de la Tur-
quie, cette contrée, qui a servi de grenier aux Ro-
mains, est susceptible d'une grande prospérité.
D'un bout à l'autre, elle offre trois régions distinctes
parallèles à la Méditerranée : au nord, le Tell, le
pays des céréales, d'autant plus fertile qu'il est
plus arrosé ; au milieu, las hauts plateaux couverts
de pâturages, pouvant en grande partie être défri-
chés, jouissant au surplus, grâce à leur altitude,
d'un climat moins énervant que le Tell ; au sud,
enfin, le Sahara (algérien), brûlé par l'ardeur du
soleil, mais couvert de la plus belle végétation
dès que la sonde y fait jaillir de l'eau. C'est le pays
des dattes par excellence, dans les oasis.
Tripolitnine. Egypte. - La Tripolitaine, l'Egypte
et la Nubie, qui ont été habitées, dès l'antiquité la
plus reculée à laquelle remontent nos souvenirs,
par des nations civilisées et prospères ne sont guère
favorisées aujourd'hui par leur climat. C'est la véri-
table continuation du Sahara; il ne pleut presque
jamais dans ce pays, et le Nil n'y reçoit aucun
affluent. En dehors de sa vallée et du delta formé
par ses bouches que, chaque année, le fleuve fé-
conde de son limon, on ne rencontre en Egypte que
déserts pierreux et montagnes pelées.
Cependant l'Egypte possède les deux villes les
plus considérables de toute l'Afrique : le Caire,
sa capitale, est une des plus belles villes de
l'Orient, et Alexandrie, son principal port sur la
Méditerranée, est une des rares métropoles de
l'antiquité qui aient conservé jusqu'à nos jours un
rang considérable par l'importance de son com-
merce.
Depuis le percement de l'isthme (/^ Swez, l'Egypte
se trouve sur le grand chemin de l'Europe vers les
Indes et l'extrême Orient. Par le Nil, elle com-
mande la route la plus sûre pour arriver aux
grands lacs de l'Afrique australe Le vice-roi
d'Egypte, qui dépend nominalement du sultan de
Constantinople, a étendu depuis peu ses domaines
le long de la mer Rouge, dans le Soudan et 1p pays
des grands lacs, laissant à son suzerain l'aride
Tripolitaine.
Le voyageur qui remonte le Nil est frappé par
la grandeur des ruines qui l'arrêtent à chaque
pas. Là s'élevaient Thèbes et Memphis, et tant
d'autres villes aux palais et aux nécropoles im-
menses, dont les nombreuses inscriptions ingé-
nieusement déchiffrées nous racontent l'histoire
d'il y a 3 ou. 4 mille ans (V. Hiéroglyphi's). Là
s'élèvent encore les gigantesques pyramides, té-
moins du succès des armes françaises. A droite et
à gauche, jusqu'aux limites atteintes par l'inonda-
tion, tout est en culture. Les fellahs ne se lassent
point de travailler, le fleuve de féconder, le sol
de produire des céréales, du sucre et du coton, q\ii
font la fortune du pays. (Pour l'histoire, V. l'ar-
ticle Egypte.)
II. Le Sahar\. — Au midi de notre Sahara algé
rien commence le vrai Sa/inra, ou grand désert,
qui s'étend jusque vers le lf>« degré de latitude.
11 ne pleut jamais dans le Sahara. Le sol n'y offre
de végétation que dans quelques oasis. Les puits
y sont rares, et l'eau en est souvent fétide. Les
caravanes ont en outre à redouter dans cette tra-
versée les surprises des Touaregs pillards, qui
parcourent ces solitudes sur leurs rapides et in-
fatigables méharis (sorte do chameaux).
Cependant le Sahara n'ofTre pas partout l'aspect
d'un sol uni et sablonneux comme le serait le fond
d'une mer desséchée. On y rencontre des dunes
dont les vents désagrègent et réunissent tour à tour
les éléments. Et môme il s'y trouve une région
montagneuse, VAho'/gnr, assez élevée pour con-
denser les nuages en pluies et même en neige. Ce
pays offre des vallées fertiles, des pâturages et
,dcs eaux courantes. Là commence i'iyhargar.
AFRIQUE
— 41 —
AFRIQUE
grand fleuve aujourd'lmi ensablé, mais dont on suit
distinctement la vallée sur une longueur do
IdOO kilomètres, jusqu'à la dépression de l'Oued
Rir, près de Tougourt, en Algérie.
III. Le Soudan. — Au midi du Sahara, on entre
dans le Soudrai ou pai/s des nègres. Le sol y re-
devient très-fertile; aussi la population en est-elle
considérable. Elle forme plusieurs États prospères,
dont le plus puissant est celui des Foulahs ou
Fellatalis, à l'ouest du lac Tchad. Au sud-est, le
vice roi d'Egypte a récemment annexé à ses do-
maines le Kofdofan et le Darfour. Au sud-ouest
les vapeurs anglais sillonnent déjà le Niger pour
ouvrir ces parages au commerce britannique.
IV. Région dk l'Atlantique. — Sénégambie. —
A l'ouest du Soudan, de nombreux cours d'eau
descendent de cascade en cascade vers les établis-
sements que les Français, les Anglais et les Por-
tugais ont formés le long du Sénégal et de la Gam-
bie. Ces colonies sont réputées par l'insalubrité de
leur climat chaud et humide. Les blancs et les
mulâtres même y meurent sous les rayons d'un
soleil trop ardent ou frappés par la fièvre qu'y
engendrent les pluies diluviennes suivies d'un
retrait trop rapide des eaux après les inondations.
Côte de Guinée. — Toute la côte de Guinée
n'offre pas de conditions plus favorables aux
Européens. Pas de ports pour les navires,
une côte basse, sablonneuse, assaillie par des
lames gigantesques, que les naturels seuls ont
l'habileté de franchir sur leurs légères embarca-
tions ; et derrière cette côie, des lagunes, qui
forment un rempart de plus aux pays de l'inté-
rieur. Mais ce pays renferme trop de riches pro-
duits pour échapper à l'activité des trafiquants
anglais, français, portugais, allemands. Pendant
longtemps les négriers y ont exercé leur honteux
trafic. Aujourd'hui, on y va chercher de la poudre
d'or, et surtout des arachides {graines oléagi-
neuses). Les Européens ont donné au littoral le
nom de côte d'or, côte d'ivoire, côte des graines,
suivant les principaux produits qu'ils y vont de-
mander. Là des Américains philanthropes ont
fondé la colonie de Libéria pour y établir les
nègres affranchis aux États-Unis. Par contre, il est
impossible de trouver rien de plus cruel que les
peuples du Da/iomry, les Acha7îfis à qui les Anglais
ont infligé récemment une répression terrible,
et les autres peuples noirs qui habitent cette con-
trée. Adonnés aux superstitions du fétichisme le
plus grossier, ils sont gouvernés par. des chefs
sanguinaires qui célèbrent chaque événement im-
portant de leur vie par des hécatombes horribles.
Les Frai.çais, et surtout les Anglais, possèdent
quelques établissements sur la côie septentrionale
du golfe de Guinée. Au sud de l'Equateur, dans la
Guinée méridionale, les Portugais possèdent les
pays de Congo, d'Angola, de Benguéla et de Mos-
samédès qui occupent sur le littoral une étendue
d'une douzaine de degrés en latitude depuis l'em-
bouchure du Zaïre.
y. Bassin du Nil : Le Nil Bleu, Abyssinie. —
Au sud de la Nubie, le littoral de l'Abyssinie, sur
la mer Rouge, est brûle par une chaleur torride.
Le_ contraste n'en est que plus grand entre ces
points et les hauts sommets des Alpes abyssi-
niennes. Aussi voit-on se succéder dans ce pays
les productions les plus diverses suivant les alti-
tudes qui leur conviennent. Les pluies tropicales
et la fonte des neiges y gonflent les torrents qui
roulent^ jusqu'au Nil Bleu leurs eaux impétueuses
au fon'' de gorges profondes et découpent ainsi
le pays en terrasses distinctes, de manière à en
former autant de forteresses naturelles, favorables
aux luttes intestines qui déchirent la contrée. Sou-
vent en lutte avec les Egyptiens, les Abyssins ou
Ethiopiens, suivant l'antique appellation du pays,
ont réussi jusqu'à présent à maintenir leur indé-
pendance, et à conserver le christianisme qu'ils ont
fort anciennement reçu et singulièrement altéré,
au milieu de l'invasion croissante des populations
musulmanes.
Le Nil Blanc. — C'est à Khartoum, entre 15° et
16° de latitude, que le Nil Bleu, descendu d'Abyssi-
nie, se réunit au Nil Blanc, venu des pays équato-
riaux, au sud-ouest. Le Nil Blanc, est bordé, en
amont de Khartoum, par des populations fort
denses, malgré les ravages qu'y a faits la chasse aux
esclaves, et qui s'adonnent à l'agriculture ou à
l'élevage des troupeaux.
A mesure qu'on se rapproche de l'équateur, la
végétation devient plus vigoureuse. Le fleuve se
couvre d'une épaisse végétation flottante, où l'on
perd la trace de son courant et qui forme aux ba-
teaux un obstacle insurmontable, où il faut s'ou-
vrir un passage comme dans une forêt vierge.
L'hippopotame pullule dans ces eaux, les cro-
codiles se cachent dans la vase, d'où s'échappent
des myriades de moustiques, l'éléphant et le rhi-
nocéros se frayent un chemin au travers des hautes
herbes qui les dérobent aux regards des chasseurs.
Nulle part les arbres des forêts n'atteignent de
plus belles dimensions. Au lieu de cette disette
d'affluents, qui caractérise le Nil dans son cours
inférieur, un grand nombre de rivières considé-
rables viennent converger ensemble vers le 10* de-
gré de latitude. A l'est, le Sobat, dont la source
nous est inconnue ; au sud la branche principale
du Nil Blanc, qui vient des grands lacs; au sud-
ouest et à l'ouest enfin, plusieurs cours d'eau im-
portants, nés dans des pays inconnus, ou venant
des pays des Niam-Niam et des Mombouttous. Ces
pays ne sont encore fréquentés que par les mar-
chands d'ivoire, traitants qui joignent malheureu-
sement presque toujours à leur commerce celui
des esclaves. La fertilité en est admirable. Au midi
de cette région coule l'Ouellé, rivière considérable,
qui, venue du sud-est, ne nous a encore laissé
voir ni sa source, ni son embouchure. De ce côté
vivent les Akkas, remarquables par leur taille de
nains.
VI. RÉGION DES GRANDS LACS. — En amont des ma-
récages, le Nil Blanc coule dans une admirable
vallée, au pied de hautes montagnes qui brisent
plusieurs fois son cours par des rapides, et d'où
l'on aperçoit au sud la belle nappe du lac Luta-
Nzigué (ou Albert), qui s'étend jusqu'à l'équateur.
Le Lutanzigué ou Albert. — Son orientation
générale est du nord-est au sud-ouest. Il a près
de 200 kilom. de longueur sur 60 ou 80 de largeur.
A l'ouest, il est bordé de hautes montagnes inex-
plorées, à l'est, il reçoit le Nil Somerset qui lui
apporte les eaux du lac L'kerewé. Entre les deux
lacs, les eaux franchissent successivement les
chutes du Ripon, le petit lac Ibrahim et la belle
cascade de Murchison.
Lac Ukeréwé ou Victoria-Nynnza. — Il est
alimenté par deux affluents principaux : au sud, le
Schimiyou descendu du massif du Kilimandjaro, et
à l'ouest, le Kadjera, sorti aussi d'une région al-
pestre, où le mont Gambaragara n'aurait pas moins
de 4 à 5000 mètres. Le lac L'kerewé est lui-même
à une altitude de 1120 mètres. Aussi, bien que sous
l'équateur, on y jouit d'un climat parfaitement
salubre pour les Européens Cette mer intérieure,
large d'une cinquantaine de lieues dans chaque-
sens, renferme de nombreuses îles.
Il suffit de moins de doux mois pour se rendre
maintenant du Caire aux grands lacs, tandis que les
premiers Européens qui en ont entrevu les eaux
avaient mis une année entière à y parvenir depuis la
côte de l'océan Indien, en traversant d'abord une
zone littorale des plus dangereuses par son cli-
mat, puis une belle région bien boisée comme un
parc anglais, une fois qu'ils étaient parvenus sur
le plateau.
AFRIQUE
— 42 —
AFRIQUE
Lac Tanqanyika. — Le premier des grands lacs, : végétation la plus luxuriante et y versent de nom-
qiù ait été vu par les Européens dans cette région breux affluents. A l'ouest, il se déverse par le
est le Tanganyika, découvert par l'Anglais Burton j Loukouga dans le Loualaba, qui est la tête du Zaïre
en 185S. Depuis qu'on l'a mieux exploré, on a re- VII. Ba-si\ du Congo. — Le Zaïre on Con^o —
connu qu'il n'avait pas moins de :'7ôOO kilom. carr. | Ce Loualaba draine les eaux de plusieurs lacs le
de superficie, l'équivalent de 4 ou 5 départements Bangouéolo, le Moéro et bien d'autres encore qui
français. La profondeur de ses eaux descend jus- ' nous sont inconnus ou dont les Européens n'ont
qu'à 400 mètres. Les tempêtes y soulèvent des ! appris que le nom. Toute cette contrée à l'époque
vagues énormes. Très-étroit par rapport à sa Ion- | des pluies n'est qu'une vaste éponge. Aussi à Nyan-
gueur, il s'étend du nord au sud-est entre de hautes goué, à plusieurs centaines de lieues de l'Océan
murailles de montagnes, qui sont revêtues de la le fleuve forme d-jà un cours d'eau considérable'
AFRIQUE MERIDIONALE
-de 1000 mètres de large et de 2 mètres de profon-
deur à répoque des basses eaux de la saison
sèche.
Ce n'est que dans l'année 1877 qu'au prix
des plus grands dangers, l'Américain Stanley en a
suivi le long détour au nord de l'cquateur pour le
voir se confondre à l'ouest avec ce vaste estuaire
du Zaïre ou fleuve du Congo dont les eaux im-
pétueuses refoulent au loin les eaux salées de
l'Océan avant de s'y mélanger. Au lieu des noms
différents que ce long fleuve prend successive-
ment dans les divers pays qu'il traverse, Stanley
propose d'adopter le nom unique de fleuve Living-
stone, en mémoire de l'illustre voyageur qui s'est
immortalisé par ses découvertes dans ces régions.
-'VIIL Région de la mer des Lndfs. — Le long do
la mer des Indes, depuis le détroit de Bab el Man-
deb jusqu'au tropique du Capricorne, on trouve
succoss vement le pays dos Somaiilis, celui dos
Souahélis ou Zanguebur, et la capitainerie portu-
gaise de Mozambique.
Somaulis el Grillas. — Les Somaulis sont des
peuplades agricoles dont le pays produit de la
gomme, du café, et nourrit des bestiaux. Mais,
musulmans fanatiques, ils sont encore assez bar-
bares pour dépouiller les naufragés qui échouent
sur leurs côtes et assassiner les voyageurs qui
s'aventurent au milieu d'eux. A l'ouest, ils con-
finent aux peuplades Gallas, qui gagnent de plus
en plus du côcé de l'Abyssinie et qui sont aussi
féroeos.
Cale de Zanguebar. — La petite île de Zanzilmr
et plusieurs points importants de la côte appar-
tiennent à un sultan arabe, aujourd'hui sous le
AFRIQUE
— 43 —
AFRIQUE
protectorat britannique, qui est le plus puissa-n
souverain de ces parages. D'origine arabe, il s'est
affranchi de la suzeraineté de l'iman de Mascate, o.;
Arabie, dont il relevait autrefois ; il possède ! iie
de Pemba et plusieurs points importants sur le
littoral au nord du Mozambique. Le Zanguebar se
nomme aussi pays des Souahélis du nom des Arabes
qui le peuplent.
Mozamhiqiie. — Les colonies des Portugais dans
le Mozambique (colonies où ils exercent une auto-
rité plus nominale que réelle' sont, avec leurs
établissements de l'Atlantique, les derniers restes
de leur puissance sur ce continent, qu'ils ont les
premiers suivi et contourné en découvrant la route
des Indes. Les Portugais ont du moins sur les
autres Européens l'avantage de s'accommoder in-
liniment mieux du climat chaud et humide de ces
régions littorales.
Le Znmhèze — Aucune élévation importante ne
sépare le bassin du Congo de celui du Zambèze.
On peut donc entrevoir le moment où. grâce à la
colonisation de ce pays par les Européens, un
canal navigable pourrait conduire des eaux de
l'Atlantique dans celles de la mer des Indes.
Le Zambèze prend sa source vers le 20^ de la-
titude, dans le petit lac Dilolo, beaucoup plus
près de l'océan Atlantique que de l'océan Indien.
il s'appelle d'abord Liambaie. Vers le milieu de son
cours, il s'abîme tout entier de 106 mètres de hau-
teur dans un gouffre profond formé par des falaises
basaltiques. Cette chute, que les naturels nomment
dans leur langage la fumée tonnante, a reçu des
Anglais le nom de Cataracte de Victoria. La lar-
geur du fleuve, qui n'est pas là de moins de 2 ki-
lomètres, les colonnes de vapeur formée par les
flots broyés, qui s'élèvent en tourbillons au-dessus
de la cascade, le bruit de tonnerre qu'elle fait en-
tendre au loin, justifient parfaitement son nom
local et la place qu'on lui a faite parmi les grandes
merveilles du monde. Plus bas, le Zambèze forme
des cataractes moins imposantes pour sortir du
plateau, puis reçoit par le Shiré les eaux sorties
du lac Njassi ou Maravi. C'est encore un beau lac
de .^00 kilomètres de longueur, sur les bords du-
quel les missions anglaises ont récemment fondé
un établissement pour arrêter les convois d'esclaves
qui traversaient en grande quantité le lac pour
itre vendus sur la côte.
IX. Afrique Acstrale. — Le Kala'iari. — Du
Zambèze au fleuve Orange s'étend un pays en
grande partie occupé par le désert de Kalahari.
C'est un vaste espace sans eaux courantes, portant
à peine quelques buissons de broussailles isolés,
et dont le sable siliceux, les ravins au lit dessé-
ché rappellent singulièrement le Sahara. Au nord
de cette région, le lac Ngami traverse, comme tous
les pays environnants, unepériode de dessiccation.
A l'est, la mouche /5e/5^ exerce ses ravages. Le ve-
nin en est mortel pour les chevaux, les bœufs et
les chiens, c'est-à-diro pour les animaux les plus
utiles à l'homme, qui, lui du moins, échappe à ce
fléau.
Réjtubliques des Boers et possessio7îs britanniques.
— Au sud du tropique du Capricorne, les eaux
s'écoulent dans l'océan Indien par le Limpopo, et
dans l'Aiiantique par le fleuve Orange. C'est entre
ces deux fleuves et vers le haut de leurs cours
v|u habitent les iioers. Ce sont d'anciens colons
hollandais de la colonie du Cap qui se sont retirés
de ce pays depuis que le gouvernement anglais s'y
est substitué à l'ancien gouvernement hollandais.
Les dcu\répuhliques du Transval et de l'Orange,
qu'ils avaient ainsi fondées, jouissaient d'une si-
tuation prospère, grâce h l'élevage des troupeaux.
Mais les mines d'or qu'on y a découvertes, les
champs diamantifères trouvés chez les peuplades
cafres voisines ont tenté l'ambition des Anglais, et
ils ont brutalement annexé la république du Trans-
; vaal à leurs possessions de l'Afrique australe.
I Celles-ci comprennent déjà l'ancienne colonie
I hollandaise du Cnp de Bonne- Espérance, l'ancienne
1 colonie anglaise de Na'a', le Transvaal et s'étendent
i de plus en plus sur le pays des Hoientots au
nord-ouest et sur celui des divers peuples cafres
au nord et au nord-est.
Au sud du fleuve Orange, le pays est accidenté
et forme une suite de plateaux herbeux qu'on ap-
pelle les Karrous et qui offrent, à la suite des pluies,
un riche pâturage aux immenses troupeaux de
moutons qui les parcourent. Ce pays est, avec
l'Australie et la Plata, la grande source d'appro-
visionnement en laine du monde industriel.
De terrasse en terrasse, on descend aux rives
de l'Océan, dont les flots viennent battre le
pied de la montagne de la Table, qui abrite le
port du Cap.
X. Iles africaines. — On rattache à l'Afrique
plusieurs groupes d'îles dans l'un et l'autre Océan.
Iles de l'Océan A lanlique. — Elles sont pour la
plupart d'origine ignée. Fertilisées par les cendres
de leurs volcans et aussi par celles de leurs an-
ciennes forêts imprudemment brûlées, les A'^ores
et Madère, qui appartiennent aux Portugais, les
Canaries, qui sont espagnoles, produisent en abon-
dance des vins et des oranges. Et le climat doux
et égal qu'elles doivent à leur latitude et à leur
situation maritime convient aux poitrinaires qui
vont y retrouver la santé Plus au sud, les iles du
Cap Vert, qui sont portugaises, souffrent souvent
de sécheresses rigoureuses. Dans le golfe de Gui-
née, les îles espagnoles de Fernu?ido-Po et à'Anno-
' on et l'île portugaise du Prince sont recouvertes
de la plus belle végétation tropicale, mais le séjour
en est pernicieux. Les rochers de V Ascension et de
^^ainte-Hélène jalonnaient pour les vaisseaux anglais
la route de l'Inde par le cap de Bonne-Espérance.
Iles de la mer des Indes. — Le plus beau joyau
des possessions britanniques de ce côté, c'est 1 île
Miiurice, l'ancienne île de France, perdue par
nous pendant les guerres de l'Empire. Avec l'île
restée française de In Réunion et le petit îlot de
Rodrigue, elle forme le groupe des Mascareignes,
riches en café et en canne à sucre. La France
qui possède dans l'archipel Malgache, les petites
îles de Miyoite, Saint- -.Uarie et SoSM-Bé, a plu-
sieurs fois, mais en vain, cherché à prendre pied
sur la grande île de Ma^lagascar; c'est une des plus
vastes de l'ancien continent; elle a une superficie de
près de COOOOO kilom. carrés: ce que serait la
France avec le Rhin pour limites. Mais l'île Mal-
gache est protégée par les lagunes malsaines qui
s'étendent sur ses rivages. Elle participe du reste,
grâce à sa latitude, aux bienfaits du soleil et des
pluies tropicales. En pénétrant dans l'intérieur, on
arrive sur de hauts plateaux, où les Ovas, d'origine
malaise, ont acquis une grande puissance et une
civilisation relative, qui leur assure la prééminence
sur les autres races de l'île.
A'u nord de Madagascar, les Seychelks sont
couvertes de cocotiers ; le long du rivage du con-
tinent, Zanzibar et les îles voisines appartiennent
au sultan dont nous avons déjà parlé.
\ la pointe nord-est du pays des Somaulis,
l'île de Socotora, habitée par des Arabes, est connue
par la spécialité qu'elle a de fournir l'aloès.
4. Races de l'Afrique. — A quelles races appar-
tiennent les diverses populations qui occupent
l'Afrique ?
Races indigènes. — Berfers. — Deux races sem-
blent y avoir existé de tout temps, les Herher^ et les
Sègres. Les premiers occupent la Berbcrie, ou
Barbarie, où ils sont mélangés aux Arabes et aux
Européens, mais où les Kabyles ont conservé dans
leurs montagnes la pureté primitive du sang,
comme ils y ont aussi longtemps conservé leur in-
dépendance politique.
AFRIQUE
hh —
AFRIQUE
Dans le Sahara, les Bcrbors dominent sous lo
nom de Maures et do Touinegs^ et s'étendent jus-
qu'au Sénégal et au Niger, qui les séparent du pays
des noirs.
D'un autre côté, ils ont formé une partie impor-
tante de la population primitive de l'Egypte et de
l'Etliiopie : les Gai as, comme les Somaults, ap-
partiennent à cette souche primordiale.
Nègres. — Les Nègres s'étendent d'un tropique
à l'autre, sauf sur les rives de l'océan Indien. De
ce côté, la fréquence des relations avec les Arabes a
modifié le type noir et donné naissance à des races
mixtes qu'on désigne sous le nom de Négroïdes.
Les Souahélis, les Gafres, aussi nommés mécréants
ou infidèles par les Musulmans, dont ils refusaient
d'adopter les croyances, sont des négroïdes, comme
les Tibbous de la partie orientale du Sahara, et les
Foulahs qui ont fondé un puissant empire dans
l'ouest du Soudan.
Hotientols. — Entre le tropique du Capricorne et
le fleuve Orange, on remarque les Hottentots, qui
se distinguent des nègres par la couleur brun-
olivâtre de leur peau, par leurs traits presque chi-
nois, par la singularité de leur conformation phy-
sique, enfin par leur langage.
Races venues du dfhors. — Arabes. — Les Arabes
et diverses autres races blanches de l'Asie ont eu
de temps immémorial des rapports avec la côte
orientale d'Afrique. C'est dans le Sofala, au sud
du Mozambique, qu'on a cru retrouver le pays
d'Ophir de Salomon. Ces i apports ont été conti-
nués par les Arabes, qui ont fondé l'État de Zanzibar.
Mutais. — Les Malais ont contribué en grande
partie à peupler Madagascar, et on trouve aussi
dans tous ces parages un grand nombre de Ba-
nyans hindous, qui y font du commerce ou de la
culture.
^ Européens. — Les Européens ne forment des
groupes un peu importants qu'en Algérie ou dans
l'Afrique australe, qui seules offrent des climats
convenant à leur tempérament, avec le plateau de
l'intérieur, où ils n'ont pas encore fondé d'éta-
blissements.
Préitoniférance des Arabes. — Mais de tous, ce
sont les Arabes qui ont étendu le plus loin leur
influence; longtemps avant les Européens, ils
connaissaient les routes des grands lacs, où ils pos-
sèdent de nombreux comptoirs pour faire la traite
des esclaves et le commerce de l'ivoire.
Au nord, la conquête militaire Arabe a ab-
sorbé l'Egypte et tout le littoral méditerranéen,
d'où la double influence politique et religieuse des
Musulmans a rayonné vers le sud. Les royaumes
du Soudan, qui constituent seuls des l'tats à demi-
policés à l'intérieur de l'Afrique, ont embrassé
l'islamisme.
Ces populations nègres, au naturel craintif, à
l'esprit si inerte qu'ils n'ont rien su créer par eux-
mêmes, ni se soustraire au despotisme sanguinaire
et abrutissant do leurs ch^'s, ni aux superstitions
grossières du fétichisme, ont cédé nécessairement
à la domination de cette race relativement supé-
lieure, qui n'a reculé devant aucun moyen pour
s'assurer l'empire de ce riche pays.
lirpressi'm ne la traite. — Aujourd'hui les croi-
sières européennes surveillent rigoureusement les
navires qui portent encore des esclaves aux mar-
chés de l'Asie. Autrefois un négrier pouvail
acheter une cargaison humaine pour quelques
bouteilles de rlium, et on emportait alors chaqtii'
année des centaines de mille de prisonniers (pii
étaient vendus sur les marchés de l'Orient, on
dans les colonies européennes, au Brésil et aux
États-Unis. Et combien ne périssait-il pas de victimes
accablées par les privations et les mauvais traiti'-
ments avant d'arriver à la côte ! combien en mnii-
rait-ii dans les cales des navires où on les en-
tassait comme des marchandises !
5. Conclusion: Avenir de l'Afuique. — Dans le
désir do détruire entièrement l'esclavage et d'ou-
vrir à l'exploitation européenne les riches pays de
l'Afrique australe, dont le climat salubre peut
convenir à notre tempérament et le sol nous four-
nir une foule de produits utiles, le roi des Belges
a récemment fondé une société internationale pour
l'exploration de l'Afrique. Un vaste champ est
encore ouvert aux découvertes européennes. Entre
le Nil et le pays des Somaulis à l'est, entre le lac
Tchad, le Zaïre et le Nil, s'étendent des pays en-
tièrement inconnus, et combien de lacunes à com-
bler dans le reste du continent, malgré les voyages
qui enrichissent chaque jour nos cartes !
Les peuplades africaines n'ont qu'à gagner, en
échappant au despotisme barbare de leurs poten-
tats, à être initiées à la morale chrétienne, délivrées
de cette chasse aux esclaves qui menace constam-
ment leur liberté, et leur met sans cesse les armes
à la main les unes contre les autres, utilisées enfin
dans des exploitations intelligentes qui met-
traient en valeur leur sol merveilleux. Combien
de richesses gisent encore inexploitées dans ce
beau pays. Une grande partie en est sans doute
encore ignorée. Mais rappelons que le coton, l'iiï-
digo, les céréales y réussissent parfaitement. Le
café en est originaire. Le monde entier s'y fournit
d'ivoire. La laine de l'Afrique australe, la poudre
d'or, les arachides, les huiles de palme et de coco-
tier, et les gommes constituent les principaux
objets d'échange avec les navigateurs européens.
Les forets des zones tropicales sont remplies d'oi-
seaux à la parure éclatante, et pour ne pas détruire
entièrement les autruches que l'on était menacé
de voir disparaître en les chassant trop dans les
déserts, on s'est mis h les domestiquer et les élever
dans la colonie du Cap. On a trouvé du charbon
de terre le long du Zambèze. Le fer et le cuivre
sont assez répandus pour que les indigènes eux-
mêmes sachent les fondre et les travailler pour
s'en fabriquer des armes et des ornements. On peut
dire que si l'Afrique est la dernière partie du monde
initiée aux bienfaits de la civilisation, elle est ap-
pelée néanmoins à en être une des plus prospères.
[G. Meissas.]
Ou-vrages à consulter : l" Pour le bassin du Nil.
Ismaïlia, par Baker. Tour du Monde, 1873, 1", volume,
pages 33-96.
Au cœur de l'Afrique, par Schweinfurt. Tour du Monde,
1874, 1" volume, pages 273-368; 2» volume, pages 209-2S8.
2» Pour la région des grands lacs. Comment j'ai
retrouvé LivingsUme, par Stanley. Tour du Monde, 1S73,
1=^ volume, pages 1-96.
Dernier journal de Livingstone. Tour du Monde, 1875,
2" semestre, pages l-9.'>.
Traversée du continent africain, par Cameron. Tour du
Monde, 1877, lof volume, pages 1-80 ; t" volume, pages 65-liiO.
3° Pour la région de l'Atlantique. Croisières a la
côte d'Afrique, par l'amiral Fleuriot de Lang'e. Tour du
A/onde. i873, 2« volume, pages 353-400. 1876, !•' volume,
pages 241-304.
MODÈLES D'EXERCICES GÉOGRAPHIQUES
Dessin de la carte au tableau noir. — Voy. Car-
/of/raphie dans la I'* Partie, et Cai'tei dans la II'.
Questions géographiques. — 1" Sur la coftfi-
ijurutio7i. — On met sous les yeux des élèves
une carte d'Afrique (murale, ou dessinée au ta-
bleau noir, ou dans l'atlas), et on leur demande à.
quoi elle ressemble. — Faire un accueil encoura-
geant à des réponses diverses qui prouvent que
l'enfant a saisi par lui-même une ressemblance
même grossière. Les uns parleront de poire, d'au-
tres de cerf-volant. Pour plus do précision, io
maître peut envelopper les contours de l'Afrique
.sur la carte par un triangle renversé ayant pour
sommet le cap des Aiguilles et pour base la Mé-
diterranée ; il atteindra plus d'exactitude en tra-
çant un heptagone dont le côté S.-E., partant du
cap des Aiguilles, s'étend le long de la mer des
AFRIQUE — '
Indes jusqu'au cap Gardafui ; le côte suivant va du
cap Gardafui au déiroit de Bab el Mandeb ; le troi-
sième borde la mer Rouge jusqu'au canal de Suez :
le quatrième va du canal de Suez à Gibraltar; les
côtés de l'Ouest vont respectivement de Gibraltar
au cap Vert ; du cap Vert au fond du golfe de
Guinée, et le dernier du fond de ce golfe au cap
des Aiguilles.
2° Sur la position. — Fixer les idées des élèves
par des questions qui les obligent à regarder et à
réfléchir : — L'Afrique est-elle dans riiëmisphèrc
boréal ou dans l'hémisphère austral ? — Dans le-
quel des deux est la majeure partie de sa superfi-
cie? — L'équateur la traverse-t-il dans l'endroit où
elle atteint sa plus grande largeur de l'est à
l'ouest? — Quels sont les grands lacs et les fleuves
principaux qu'il coupe ? — Sous quel degré de la-
titude. l'Afrique atteint-elle sa plus grande largeur
de l'est à l'ouest (sous le 11' degré de latitude. N.; ?
— Est-ce le tropique du Cancer ou celui du Capri-
corne qui traverse l'Afrique dans sa plus grande
étendue ? — Quels sont les deux déserts situés
précisément sous les deux tropiques? — Lequel est
le plus grand?
3° Sur les côtes. — Faire faire aux élèves, d'a-
bord avec la carte, plus tard sans la. carte, un
voyage de circumnavigation de l'Afrique, en indi-
quant l'embouchure des fleuves qu'on rencontre,
les caps, les principaux établissements européens.
4° S«?' l'Iiydrographie et l'orographie. — En com-
bien de versants se partagent les eaux de l'Afrique
et lesquels ? — Quels sont les plus grands bassins
fluviaux? — Quelles sont les parties les plus
basses, quels sont les points élevés de toute l'A-
frique ?
b" Sur les produits. — On charge un vaisseau à
Marseille, un autre à Liverpool, un troisième à
Brème pour aller faire échange de marchandises
sur différents points de la côte d'Afrique. Qu'em-
porteront-ils et que rapporteront-ils ?
Réponse. — Le premier portera de Marseille en
Algérie des machines, des fers à construction, du
sucre raffiné, des étoffes, des meubles, et rappor-
tera au retour des fruits, des primeurs, du bétail,
des grains, du minerai de fer, des marbres, des
peaux. Il ira porter à la côte de Guinée des coton-
nades, des verroteries, des perles, de petits mi-
roirs, des couteaux, de la quincaillerie, des armes
de rebut, des liqueurs pour les ^'ègres, des cos-
tumes de parade pour flatter l'amour-propre des
chefs, et il en rapportera des arachides et de l'huile
de palme pour approvisionner les savonneries de
Marseille, de la poudre d'or qui se vend partout.
Au Cap il chargera du vin. A la Réunion, il pourra
porter des articles de modes françaises, des meu-
bles, des machines et charger des sacs de sucre et
de café. A Zanzibar, il prendra de l'ivoire ; en
Egypte, du coton, du sucre, des grains.
Le navire anglais de Liverpool aura sur les au-
tres navires l'avantage de pouvoir emporter la co-
tonnade de Manchester, qui est la moins chère de
toutes, et qui aura partout son écoulement, comme
les liqueurs, les armes et la poudre. Au Maroc, il
prendra des peaux, à la cùte de Guinée des ara-
chides, de l'huile de palme ; au Cap, des laines; à
Maurice, du sucre ; à Zanzibar, de l'ivoire ;àSoco-
tora, delaloès ; en Algérie, de l'alfa, des minerais:
à -Madère et aux Açores, des oranges.
Le navire allemand emportera des cotonnades,
de la bimbeloterie à bon marché, et ira chercher
des graines oléagineuses, du riz, de l'indigo, à la
côte de Guinée et au Gabon ; des laines, au Cap, etc.
fi" Sur les distaiices comparées. — La ville du
Cap est-Plie plus loin de Calcutta que de Liverpool?
— (/?. ; De Liverpool).
En partant du cap de Bonne-Espérance et allant
toujours à l'ouest, en resUnt à peu près à la même
latitude, où irait-on ? — A Buenos- Ayres. — Et à
3 — AGRICULTURE
l'est? — A Adélaïde, dans l'Australie méridionale,
et à Melbourne.
De deux navires suivant ces deux routes, lequel
arrivera le premier? — Celui de Buenos- Ajres.
L'île de Sainte-Hélène est à 1*50 kilom. de la
côte d'Afrique. Indiquez une distance équivalente
dans la mer Méditerranée. — [R- : De Gibraltar
à Messine, ou de Messine à la côte de Syrie, au
fond de la Méditerranée;.
Problèmes géographiques. — La France aune su-
perficie de 629 UOU kilom. carrés, l'Afrique de
yO 200 000. Combien de fois la France est-elle con-
tenue dans la superficie de l'Afrique? — {R.: ôefoisK
L'Europe a une superficie de cent mille myriamè-
tres carrés. Combien de fois est-elle plus petite
que l'Afrique? — {R. : -3 fois'.
L'Europe, pour une superficie de lOOOOOno ki-
lom. carrés, nourrit environ 325 700 00) habitants.
Si la population de l'Afrique avait la même densité,
combien entretiendrait-elle d'habitants? — R . :
98.3 614 000 hab.) — Elle n'en a que 207 000 000 en-
viron. Quelle est la densité moyenne de la popu-
lation par kilom. carré. — 'R.:6,9.)
Les cinq parties du monde comptent ensemble
1 439 000 000 d'habitants environ, quelle part oc-
cupe l'Afrique dans cette population totale ? —
{R. : 14 p. 100, ou environ le septième.)
Le Nil a environ 6500 kilom. de longueur. Com-
bien de fois est-il plus long que la Seine, qui a
776(10 mètres? — \R. : plus de 8 foisi?
Pour aller de Gibraltar à Calcutta en faisant le
tour de l'Afrique, un vaisseau faisant 500 kilom.
par jour mettait 42 jours; par le canal de Suez,
le même vaisseau n'a que 12 000 kil. de route ; en
combien de temps le fait-il? — ^R. : 24 jours) —
Si la dépense moyenne de combustible est de
2500 fr. par jour de vingt-quatre heures, quelle sera
l'économie réalisée ? ;/i. ; 4 000 fr.) ■«
On évalue la population de Madagascar à 4 0ii0r00
d'habitants, et sa superficie à 592 000 kilom. carrés.
Si cette île était relativement aussi peuplée que
l'Angleterre, qui renferme 150 habitants au kilom.
carré (sans compter l'Ecosse et l'Irlande), quelle
serait sa population ? — [R. : 8SSO0O0U hab.)
Le cap de Bonne-Espérance étant sous le 37» de
lat. S. et le cap Horn sous le 57°, quelle est la dis-
tance de l'un et de l'autre au pôle sud? {R.: .^830
kilom. pour le cap de Bonne-Espérance et 36-iO
pour le cap Horn, le degré valant environ 1 lO kilom.
AGRICULTURE. — (r^ti/mologie : cuhure des
champs, du latin, ager, ogri, champ qui se retrouve
dans les adjectifs agraire et agreste.)
I. — PLAN DU COURS
Notions préliminaires. — L'enseignement de l'a
griculture a eu autrefois de nombreux détracteurs ;
il n'en a plus aujourd'hui. On comprend partout
que l'agriculture est une industrie semblable aux
autres, et que pour elle, comme pour toutes les in-
dustries, la science professionnelle, obtenue par
un bon enseignement, est la condition indispensa-
ble du succès. Aujourd'hui que chaque pays est
un marché ouvert aux produits de toutes les na-
tions, que les besoins de la consommation vont sans
cesse en grandissant, la néces-ité de produire da-
vantage se fait de plus en plus vivement sentir.
Ce résultat ne peut être obtenu que par la diffu-
sion des notions positives sur les conditions de la
production animale et de la production végétale.
Pour être bon agriculteur, il faut beaucoup savoir :
c'est parce que les exploitants du sol savent encore
bien peu de chose, et ne comprennent pas toujours
la nécessité de s'instruire, qu'il n'y en a qu'un
petit nombre sachant s'affranchir de la routine.
La science de l'agriculture est une science com-
plexe. Elle emprunte aux sciences naturelles, aux
sciences physiques, et niêiue aux sciences mathé-
aiatiqucs, les bases sur lesquelles elle s'appuie.
AGRICULTURE
4G —
AGRICULTURE
Elle met en œuvre leurs découvertes, elle les ap-
plique aux faits pratiques de la production. Son
enseignement doit supposer acquis par les élè-
ves les principes fondamentaux de ces sciences.
Il en est l'application dans la vie rurale. L'ensei-
gnement de l'agriculture, soit dans les écoles nor-
males, soit dans les écoles primaires, doit donc être
d'abord subordonné à l'enseignement des principes
généraux de ces sciences, le suivre ou au moins
l'accompagner.
D'un autre côté, dans un pays aussi vaste que la
France, où les régions extrêmes se distinguent par
des cultures très-différentes, l'enseignement de
l'agriculture doit, en dehors des principes généraux,
s'appliquer surtout aux circonstances locales. C'est
ainsi que dans le Nord et dans l'Ouest on donnera
plus d'extension à l'étude du bétail et des cultures
industrielles, dans le Midi on parlera surtout de la
vigne et des autres cultures spéciales à cette ré-
gion. C'est l'habileté du maître que de savoir ap-
proprier son enseignementauxbesoins de sesélèves.
L'enseignement pratique doit ici avoir une large
place. Dans ce but, un jardin doit être annexé à
l'école, et le maître doit y donner des exemples de
culture faite sur une laible étendue, mais se rap-
prochant autant que possible des conditions de la
production ordinaire. En outre, par des prome-
nades spéciales faites au point de vue agricole, il
expliquera à ses élèves, soit dans les champs ou les
prairies, soit dans les bâtiments de fermes, au be-
soin avec l'aide des agriculteurs, les causes du
succès ou de l'insuccès de telle récolte, les moyens
de se débarrasser de tel ennemi des plantes ou des
animaux, etc Mais ici l'instituteur doit procéder
avec beaucoup de tact ne s'appuyer que sur des
faits et des exemples bien choisis, pour ne pas éveil-
ler l'esprit de déliance si prompt à naître dans les
campagnes, soit contre des innovations qui parais-
sent facilement trop hardies, soit contre des théo-
ries que l'on comprend difficilement.
Enfin, un excellent moyen de répandre dans
l'esprit des élèves de saines notions sur les choses
agricoles, c'est de diriger l'enseignement général
dans ce sens au moyen de dictées, de lectures,
de problèmes appropriés. Les véritables principes
de l'agriculture s'introduisent ainsi sans fatigue
dans l'esprit des élèves. L'enseignement qui réussit
le mieux est souvent celui qui prend ainsi la forme
la plus simple. L'instituteur peut, sans efforts di-
dactiques apparents, faire de cette manière une
grande partie de l'éducation agricole de ses élèves.
Programme détaillé du Cours. — Après ces
aperçus généraux, il faut donner le programme du
cours d'agriculture, tel qu'il doit être fait aux élè-
ves des écoles normales. Un très-bon programme a
été publié en IsGT par le ministère de l'instruction
publique. C'est celui qui sera adopté ici, avec
quelques modifications.
Ce programme est divisé en un certain nombre
de leçons. Chacune de ces leçons forme, en quoi-
que sorte, une unité, à laquelle se rattacheront
beaucoup de détails qui trouvei-ont leur place dans
le développement du cours, mais qui ne peuvent
être indiquées dans un programme sommaire. Ce-
lui-ci doit, avant tout, indiquer l'idée générale de
l'enseignement.
Voici ce programme :
re Ipço,. — Sol. — Définition et propriétés
des ti'rrcs arables. — Classification des terrains.
— Notions sur la fertilité.
2c Ipço >. — Chimie agricole. — Développement
des végétaux.
3<= /cçcm. — Engrais et amendements. — Engrais
animaux, végétaux et minéraux. — Fumiers. —
Causi'S de l'efficacité des engrais.
4c / ço?i. — Préparation du sol. — Défoncemonis.
— Labours. — Dessèchements. — Drainage. — Irri-
gations.
5« leçon. — Instruments de culture.
6« leço}i. — Culture des céréales. — Blé. —
.\voine. — Orge. — Seigle. — Sarrasin. — Se-
mailles. — Entretien des récoltes. — Moisson. —
Uattagc. — Conservation des récoltes.
Te /eçon. — Plantes légumineuses de grande cul-
turc .
se leçon. — Plantes industrielles. — Pommes de
terre. — Betteraves. — Lin. — Colza. — Hou-
blon, etc.
9c leço?i. — Culture des plantes arbustives. —
Vignes. — Mûriers. — Oliviers, etc.
iQe leçon. — Fourrages. — Prairies permanentes
et artificielles.
lie leçon. — Assolements.
120 leçon. — Systèmes d'exploitation. — Fer-
mage. — Métayage.
liJe leçon — Le bétail. — Conditions générales
de la production animale. — Hygiène des animaux
domestiques.
14*^ leçon. — Principales races d'animaux domes-
tiques. — Espèce bovine. — Espèce chevaline.
lôe leço7i. — Espèces ovine et caprine. — Ani-
maux de basse-cour.
10° leçon. — Vers à soie. — Abeilles.
ne leçon. — Comptabilité agricole.
18e leçon. — Constructions rurales.
19e leçon. — Jardin potager. — Jardin d'agré-
ment.
20e leçon. — Notions élémentaires sur l'exploita-
tion des forêts.
2le leçon. — Ennemis de l'agriculture. — Ani-
maux et végétaux.
22e leçon. — Mesures agraires. — Comparaison
des anciennes mesures et des mesures métriques.
— Vente des denrées agricoles.
Ce programme suppose que l'enseignement des
sciences dont les principes servent de base à l'a-
gronomie, a précédé l'enseignement agricole. S'il
n'en était pas ainsi, quelques leçons prélimi-
naires devraient être consacrées à cette étude. Tou-
tefois il est un point sur lequel il sera néces-
saire que le maître insiste. Un fait fondamental que
l'on tend parfois à oublier, c'est que l'agriculture
est une industrie. Comme toute industrie, elle a
pour but de produire le plus de valeurs avec le
moins de dépenses qu'il est possible ; en d'autres
lormcs, elle doit chercher à tirer du capital engagé
dans l'exploitation du sol, soit en argent, soit en
travail, l'intérêt le plus élevé. Toute spéculation
qui n'est pas conçue et exécutée dans cet ordre
d'idées est une spéculation fausse, qui ne peut
amener que la décopàon. La conséquence naturelle
à tirer de ce principe, c'est que l'agriculteur, soit
dans le choix de ses cultures, soit dans l'exten-
sion à donner à telle ou telle opération, doit sur-
tout s'inspirer des circonstances du milieu dans le-
quel il agit. Si les lois de la production demeurent
les mêmes, et doivent être enseignées, de la même
manière, au nord comme au midi, à l'est comme à
l'ouest, leur application est subordonnée aux mille
circonstances de localités, de débouchés, de voies
de communication, qui indiquent à l'agriculteur,
dans chaque département, dans chaque canton,
dans quelle voie il doit marcher. L'enseignement
n'a pas à intervenir ici ; il ne peut ni provoquer,
ni modifier ces circonstances: il doit, au contraire,
se guider sur leur étude attentive.
Les cinq premières leçons du cours d'agriculture
sont les leçons fondamentales. Elles embrassent
1 étude du sol, les lois du développement des vé-
gétaux, des amendements et des engrais, celle du
travail agricole, dans ce qu'il y a de plus général.
Elles doivent être enseignées partout de la même
manièrts avec le plus grand soin, parce qu'elles
sont la base même de la vie agricole. On peut en
dire autant de la onzième leçon qui se rapporte
aux assolements, de la douzième qui est consacrée
AGRICULTURE — 47
aux systèmes d'exploitation du sol, et de celles qui
ont le bétail pour objet.
-Quant aux leçons qui se rapportent d'une ma-
nière spéciale à des cultures déterminées, c'est au
maître à choisir, parmi ces cultures, celles qui sont
plus spécialement répandues dans le département
où il enseigne. C'est par l'observation des faits qui
Tentourent qu'il apprendra quelles sont les parties
de cet enseignement qui conviennent le mieux h
ses élèves.
Livres à consulter. — Quels sont les livres qui
seront le plus appropriés pour renseignement
de l'Agriculture? Il existe un grand nombre de
livres agricoles ; comme dans toutes les sciences,
il en est de bons, il en est de médiocres, il en est
de mauvais. Pour chacune des leçons, on indi-
quera les ouvrages spéciaux ayant pour objet le
sujet traité. Ici il doit suffire de désigner les trai-
tés généraux qui sont unanimement reconnus
comme faisant autorité. C'est d'abord le Cnurs
d'agriculture de M. le comte de Gasparin (6 volu-
mes in-8") , le Traité élémentaire d'agriculture
do MM. Girardin et du Breuil (2 volumes), le Bon
Frmier, par Barrai, le Livre de la ferme et des mai-
sons (le campagne, par Joigneaux (2 volumes;, Y En-
cyclopédie de l Agriculteur, par Moll et Gayot ( 1 3 vo-
lumes in-8). Dans un grand nombre de départements,
il a été publié des traités d'agriculture spécialement
appropriés aux conditions locales ; quelques-uns
sont bons, mais beaucoup sont incomplets et surtout
ontété faits à un point de vue trop empirique.
En dehors de ces livres, il faut étudier, pour bien
comprendre le mouvement agricole, pour s'initier
aux conditions de la production, VÉconumie rurale
de la France, de M. Léonce de Lavergne, véritable
tableau de l'agriculture française au xi.x' siècle.
Que l'on ne s'étonne pas de nous voir recommander
ici des ouvrages de longue haleine qui paraîtraient
au-dessus de l'enseignement élémentaire de l'école.
Pour bien enseigner, il faut beaucoup apprendre,
et si l'instituteur n'approfondissait pas les princi-
pes qu'il doit donner à ses élèves, il courrait ris-
que de ne leur inculquer que des notions vagues, et
trop vite effacées. [J. A. Barrai.]
II.— PROGRAMMES OFFICIELS DE PAYS ÉTRANGERS
AUTRICHE. Écoles normales d'instituteurs. —
L'agriculture ne s'enseigne que dans les 2 classes
supérieures de l'École normale.
3* c^fl55e (2 heures). Notions générales d'écono-
mie sociale et considérations plus spéciales relati-
ves à la production agricole et sylvicole. Élève
du bétail : le bœuf, le cheval, le petit bétail ; prin-
cipes de physiologie. Notions générales de pisci-
culture, de sériciculture et d'apiculture, avec exer-
cices pratiques en dehors des heures de leçons.
4' clasfie (2 heures). Connaissance du sol ; étude
des conditions du sol dans la monarchie austro-hon-
groise ; climatologie ; théorie des engrais et de leurs
rapports avec la structure des plantes ; ustensiles
agricoles ; culture des céréales, des plantes fourra-
gères et tuberculeuses, culture des arbres fruitiers.
Exercice pratique dans le jardin de l'école en de-
hors des heures de leçons. (Ordonnance minist. 19
juillet 1871I.J
PORTUGAL. Écoles normales. I. — L'agriculture
et ses divisions Petite et grande culture.
II. — Atmosphère et instruments qui en font
connaître l'état. Influence des climats sur les cul-
tures. Expositions et abris
III. — Eaux et leur origine. Modes d'irrigation.
Assèchement et drainage.
IV. — Organes principaux des plantes. Plantes
alimentaires industrielles, annuelles, bisannuelles
et vivaces.
V. — Terrains : leur nature et leurs différentes
propriétés physiques, en relation avec les princi-
paux genres de culture.
AGRICULTURE
VI. — Engrais minéraux, végétaux, animaux.
Leur emploi selon la nature du terrain et des cul-
tures. Moyen d'obtenir et de préparer les engrais.
Travaux et instruments agricoles. Principales diffé-
rences ; usage et avantages de ces instruments.
VII. — Prairies naturelles et artificielles.
VIII. — Animaux domestiques utiles à l'agricul-
ture. Espèces bovine, chevaline, ovine et porcine.
Volailles, vers à soie, abeilles.
IX. — Culture de la vigne. Arbres fruitiers, et
arbres dont le bois est propre aux constructions
ou utile comme combustible.
X. — Organisation des services agricoles.
XI. — Notions élémentaires d'horticulture.
XII. — Industries agricoles. Fabrication du vi-
naigre, du vin, du pain, du fromage et du beurre.
XIII. — Constructions rurales.
XIV. — Comptabilité agricole.
(Programme de 1874.)
SUISSE. — École d'agriculture de la Ruti, canton
de Berne.
1. Eléments de l' agriculture (2* semestre, 2 heu-
res . — Exposé succinct des différentes branches de
l'agriculture.
2. Culture des plantes (chaque semestre, 2 heures
par semaine). — Partie générale : conditions
physiques pour la réussite et le développement des
plantes ; exposition, climat, sol, engrais ; les se-
mailles, les soins à donner pendant la croissance ;
la moisson. — Partie spéciale : céréales, légumi-
neuses, tubercules, plantes du commerce et ser-
vant à l'industrie, fourrages, culture des prairies^
viticulture, arboriculture, horticulture.
3. Exploitation agricole (3' semestre, 1 heure ;
4* semestre, 3 heures). — Le domaine : bâtiments,
immeubles, champs, prés, pâturages, vignes, fo-
rêts, etc. Droits réels, servitudes, etc. — L'exploi-
tation proprement dite : Force de production du
sol, assolement, fumure, amendements. Le travail :
le travail manuel, le travail au moyen d'attelages
ou de machines. Le capital : capital foncier et ca-
pital d'exploitation, crédit, produit net. L'entrepre-
neur considéré comme propriétaire, fermier ou in-
tendant.
4. Economie domestique (?• et 4' semestre,
2 heures). — Nourriture, habillement, mobilier,
éclairage et chauffage Le maître et la maîtresse de
maison, les domestiques, les journaliers,
5. Amélioration et amendements du sol {%* se-
mestre, 1 heure ; 4" semestre, 3 heures). — La-
bour avec la charrue, la herse, le rouleau, etc. ;
dessèchements, drainage, irrigations ; mélanges de
terres.
6. Ustensiles et constructions (2' et 4" semestre,
2 heures). — Ustensiles et machines agricoles,
Distr bution des bâtiments d'exploitation agricole,
des différents matériaux. Calcul et comparaison des
frais de bâtisse d'après la nature des matériaux
employés ; devis des frais de construction.
, 7. Tenue des livres (2° et 4' semestre, 2 heures).
— La comptabilité en général et son utilité. La
tenue des livres en partie simple et en partie dou-
ble ; méthode à suivre pour tenir on bon ordre le&
comptes d'une exploitation agricole. — En outre,
chaque élève tient un double des livres de l'exploi-
tation agricole de la Ruti. — Formuluircs ; règles
à suivre pour les marchés écrits, les baux, les con-
trats d'engagement des domestiques et les accords
pour des travaux.
8. Elève du bétail (chaque semestre, 2 heures
par semaine). — Partie générale : Importance, ori-
gine et histoire des animaux domestiques ; produc-
tion, nutrition et soins généraux. — Partie spéciale:
(•lève des chevaux ; races et sous-races ; leur uti-
lité au point de vue de l'exploitation agricole ; re-
production, amélioration, affouragement et soins à
donner. Élève des bêtes à cornes : races et sous-
races ; la manière de les utiliser pour eu obtenir
AIMANT
48
AIMANT
•du lait, pour la boucherie, pour le labour, pour
l'élevage; reproduction et soins à donner. Élève
des races porcine et ovine et des chèvres. Élève
-des espèces volatiles; pisciculture et sériciculture,
exposées en abrégé ; apiculture.
9. Art vétérinaire (chaque semestre, 2 heures
par semaine). — Parties essentielles de l'anatomie
avec démonstrations. Connaissance extérieure du
■cheval et des bètes à cornes, principalement quant
aux maladies externes des différentes parties et au
mode de traitement ; maladies des sabots et des
pieds fourches; principes de marcchalerie. Patholo-
gie générale et spéciale des animaux domestiques,
accompagnée de l'indication des remèdes à em-
ployer; signes de la gestation chez les animaux do-
mestiques, éducation des petits.
10. Botanique agricole (6^ semestre, 2 heures).
— Notions sur les plantes cultivées, les fourrages,
les arbres forestiers, et sur les mauvaises herbes
et les plantes vénéneuses,
WURTEMBERG, Plaii d'étudcs complet de l'École
de Hûhenheim. — On le trouve dans le Rapport
sur la loi du 3 octobre 1848.
AGROiVOSllE (É ymologie, agros, champ, et no-
nios, loi), science de l'agriculture. « L'agronomie,
dit M. Chevrcul, est la partie scientifique de
l'agriculture, la théorie de l'art d'exploiter la
terre au moyen de la multiplication et du dévelop-
pement des plantes et des animaux utiles, en fai-
sant le minimum de dépenses et le maximum de
recettes. » L'agronomie n'est pas une science d'un
caractère spécilique propre, car elle emprunte aux
sciences physiques et naturelles, de même qu'aux
sciences mathématiques, les principes qui lui ser-
vent de base. — On donne le nom d'agronome à
celui qui s'adonne à l'étude de la science de l'a-
griculture (V. Agriculture). [U. Sagnier.]
AIMANT.— Minéralogie, VllI; Physique, XXV. —
\Etymologie controversée, soit du verbe aimer, par
une sorte d'analogie entre l'attraction physique et
l'attraction morale, soit plutôt du grec adamanta,
diamant, à cause de la dureté de ces deux corps.)
(MiNÉRALOGit). — Pierre d'aimant. — La pierre
d'aimant, magnétite, fer oxydulé naturel, est le
meilleur minerai de fer; lun parties contiennent
7;!, 41 de fer, et 27,59 d'oxygène : la formule chi-
mique correspondant à cette composition s'écrit
FeO.Fe^Qî, Ce minerai se trouve cristallisé en
octaèdres réguliers, en dodécaèdres rhomboidaux,
dont les faces sont ordinairement marquées de
stries profondes, parallèles à leurs grandes diago-
nales. La poussière, la rayure, en sont d'un beau
noir. Toutes les variétés agissent avec énergie sur
l'aiguille aimantée ; certains morceaux possèdent le
magnétisme polaire, c'est-à-dire présentent une
région qui attire un des pôles de l'aiguille et re-
pousse l'autre, une région opposée, qui repousse
le pôle que la première attirait, et vice Vinâ. Le
fer oxydulé naturel est assez abondant pour former
des montagnes dans certaines contrées. Ces énor-
mes amas fournissent à la Suède ses fers si esti-
més {Taberg, Dannemora). On les retrouve dans
lOural, en Lapouie. En France, on exploite ceux
de Combenègre, dans les gneiss de l'Aveyron.
[E. Jannettaz.J
(Physique). — Aimants naturels et artificiels.
— On appelle ai^nants des corps qui attirent le fer,
l'acier et quelques antres substances. Le généra-
teur de la plupart des aimants est une pierre d'un
brun foncé que l'on trouve dans les mmes de fer
et qui est elle-même un bon minerai de fer, designé
par les chimistes sous le nom d'oxyde ntagnéùquc
à cause de sa propriété ; c'est la p;erre d'aimant
dite cni/umt naturel. Les aimants ([u'elle a contri-
bué à former sont appelés amiunts artificiels. La
seconde cause génératrice des aimants est l'élec-
tricité avec laquelle on produit les éitciro-aimun\<
(V. Aimantali'ju).
La physique étudie les curieuses propriétés de
ces corps; elle constate les phénomènes qui en
dépemlcnt; elle cherche à découvrir la cause de
leurs effets; elle indique les meilleures formes à
leur donner pour l'usage et les différentes maniè-
res de les produire.
I. Propriétés dls aimants. — 1° La propriété la
plus anciennement connue des aimants, c'est l'at-
traction qu'ils exercent sur le fer; on la constate
en présentant un morceau de fil de fer à une pierre
d'aimant ; il y est attiré et y reste fixé, ou mieux
encore en roulant la pierre dans de la limaille de
fer; on voit celle-ci s'y attacher en houppes plus
ou moins longues. Si on prend un aimant artificiel
allongé, ce n'est qu'aux extrémités que la limaille
se fixe en fortes liouppes; iln'y en a pas au milieu.
Tous les points ne jouissent donc pas de la force
d'attraction; les deux qui attirent plus fortement
que les autres sont appelés les potes de l'aimant.
Cette attraction s'exerce à travers toutes les sub-
stances, le bois, le verre, le cuivre, sans s'affaiblir
notablement. On fait en effet mouvoir un fil de fer
placé sur une table avec un aimant que l'on pro-
mène au-dessous.
Le fer doux, c'est-à-dire le fer ordinaire, qui,
rougi au feu et plongé dans l'eau froide, ne devient
ni plus dur ni plus élastique, est un aimant ayant
ses deux pôles, capable dattirer d'autres mor-
ceaux moius lourds que lui, quand il touche un
aimant naturel ou artificiel ; mais il perd cette
propriété sitôt que le contact cesse. On constate le
fait en le saupoudrant de limaille pendant et après
son contact avt c un aimant. L'acier a une propriété
de plus, il s'aimante moins vite et moins fort
d'abord ; mais il conserve après le contact l'aiman-
tation qu'il avait: il devient un aimant permanent;
l'acier seul pourra donc servir à constituer les
aimants durables.
2° Les actions des aimants les uns sur les autres
ne sont pas moins curieuses que leurs effets sur
les corps qu'ils attirent et qui sont appelés corps
magnétiques. Elles consistent en attractions et en
1 épuisions. On les met en évidence en employant
un aimant suspendu, mobile autour de son milieu,
dans un plan horizontal : c'est une aiguille repo-
sant sur un pivot, ou un fil d'acier posé sur un
étrier de papier suspendu par des fils de soie, ou
même un barreau aimanté llottant sur un morceau
de liège. Tout aimant libre prend toujours la môme
direction, avec le même pôle du même côté; il y
revient si on l'en écarte, et même si on le retourne
bout à bout ; il s'arrête à peu près suivant la ligne
nord-sud. Les deux pôles, qui attirent tous d^ux
également la limaille de fer, ne sont donc pas
identiques; on les différencie en appelant 1 un
pôle nord et l'autre pôle sud, des deux directions
qu'ils prennent d'eux-mêmes.
L'expérience prouve que deux pôles analogues
ou de même nom se repoussent, et que deux pôles
de noms contraires s'attirent.
Quand au-dessous d'un aimant mobile on place
d'une manière quelconque un aimant fixe plus fort
que lui, le premiervient seplacer parai. èlemeniau
second et de manière que les pôles contraires soient
en regard. On a tiré de ce fait un moyen d'expli-
quer la cause qui fait prendre une direction déter-
minée aux aimants suspendus, et ou a atti-ibué au
globe terrestre les propriétés d'un vaste aima:u
iiyaiit ses deux pôles magnétiques et agissant sur
tous les aimants placés à sa surface.
La différence caractéristique des pôles et leurs
propriétés particulières pernutient de les distin-
t;uer facilement dans les aimants. On laisse d'iia-
iiitude, au pôle nord des aiguills aimantées, la
couleur bleue que le recuit a donne à l'acier, tan-
dis qu'on bla ichit la moiiié (pii se dirige au sud,
;>" L'aiguille aimantée, libre sur son pivot, ne se
* dii-ige pas exactement vers le nord; le plan qui
AIMANTATION
— 49 —
AIMANTATION
passe par son axe fait avec le méridien géographi-
que un angle auquel on a donné le nom de décli-
naison. En ce moment, pour notre pays, cet angle
est de 18 degrés, c'est-à-dire que la pointe de l'ai-
guille se dirige de ce nombre de degrés à gauche
de la ligne qui va au pôle nord de la terre. La con-
naissance de la déclinaison d'un lieu permet de
tracer la méridienne exacte de ce lieu ; on la me-
sure à l'aide de la boussole (V. Boussole).
Quand l'aiguille, au lieu d'être libre dans un plan
horizontal, l'est au contraire dans un plan vertical,
elle s'incline, la pointe nord vers la terre dans no-
tre hémisphère ; l'angle qu'elle fait avec l'horizon
s'appelle angle di'inclmaison. La connaissance de
cet angle est loin d'avoir le même intérêt pratique
que celle de la déclinaison.
IL Formes des aimants. — Les aimants naturels
présentent les formes les plus diverses et sont gé-
néralement faibles. On les rend plus forts et plus
commodes en les taillant. On y cherche, à l'aide
de la limaille de fer, la position des deux pôles;
on polit deux faces parallèles perpendiculaires à la
ligne des pôles; on applique sur chacune une plaque
de fer doux à tête taillée dépassant la pierre, et on
relie les deux plaques à l'aimant par un cercle de
laiton. Les deux morceaux de fer doux deviennent
les deux pôles d'un aimant beaucoup plus fort que
ne l'était la pierre.
Les aimants artificiels sont ou des aiguilles,
petites ou grandes, destinées aux boussoles, ou des
barreaux petits ou gros, droits ou recourbés, isolés
ou en faisceaux. L'expérience a montré que les
petits aimants sont proportionnellement plus puis-
sants que les gros. On réunit donc les petits bar-
reaux pour former des faisceaux. Comme tous les
pôles de même nom sont voisins, on leur applique
un morceau de fer doux qu'on nomme une arma-
ture, qui en fait un seul pôle et empêche leurs
actions réciproques. La forme en fer à cheval a
l'avantage de rapprocher les deux pôles qui agis-
sent alors mutellement l'un sur l'autre pour se
renforcer et peuvent supporter, par un contact à
anneau, un poids plus que double de celui que
porterait chacun d'eux.
Exercices et applications. — 1° Placer un ai-
mant droit ou recourbé sous une feuille de carton,
projeter de la limaille de fer sur la feuille ; on vé-
rifie les pôles et on constate la disposition des
grains de limaille, qui se sont attirés les uns les
autres.— Prouver que l'aimantation s'exerce au tra-
vers des substances quelconques, notamment en
présentant un aimant à de la limaille de fer placée
sous l'eau dans un vase. — Fixer à un aimant un fil
de fer doux, un second fil à ce premier et ainsi de
plusieurs autres ; arracher le premier fil, tous les
autres tombent, montrant ainsi que le fer doux n'est
aimanté que pendant son contact avec un aimant.
"2° Suspendre une aiguille d'acier aimantée et s'en
servir pour reconnaître les pôles d'un autre aimant.
— Faire tomber un morceau de fer retenu à l'un
des pôles d'un aimant en approchant le pôle con-
traire d'un second aimant qui neutralise l'action du
premier. — Briser une aiguille dacier aimantée et
s'assurer que chacun des morceaux est un aimant
possédant ses deux pôles.
30 Déterminer le méridien d'un lieu, quand on
connaît la déclinaison. [Haraucourt.]
^ AIMANTATK»'. — Physique,XXV.— On aimante
l'acier d'une manière permanente, le fer d'une
manière temporaire, 1° par l'action des aimants au
contact ; 2° par leur action à distance ; 3° et surtout
par l'emploi de l'électricité.
l" Le simpkî contact de petits morceaux de fer
ou d'acier avec l'un des pôles d'un aimant suffit à y
développer l'aimantation temporaire ou permanente;
mais on ne produit ainsi, même dans les petites
aiguilles, qu'une très-faible force magnétique sou-
vent irrégulière. Les résultat» sont meilleurs par
2» Partie.
la friction de l'aimant sur le barreau d'acier à ai-
manter. Le contact est dit par siynple touche quand
on fait glisser plusieurs fois le pôle d'un aimant sur
le barreau, en ayant soin de marcher toujours
dans le même sens. Il suffit pour les petites aiguil-
les des boussoles breloques.
La double touche, que l'on applique aux grandes
aiguilles, a lieu quand onpromène sur le barreau,
vers chacune de ses extrémités, les deux pôles con-
traires de deux aimants que l'on tient inclinés et
l'un contre l'autre ; la force magnétique développée
est plus grande.
2° L'aimantation h distance n'a guère qu'un in-
térêt de curiosité. On peut, il est vrai, faire d'un
fil d'acier un aimant rien qu'en le plaçant vertica-
lement ; mais il ne conserve ses pôles que si on le
tord pendant qu'il est dans cette position. On attri-
bue cette action à la terre ou à l'aimant qu'on y
suppose exister; mais cette action est si faible,
qu'on ne peut songer à l'utiliser ; elle explique l'ai-
mantation que l'on remarque parfois dans les outils
d'acier trempé suspendus dans les ateliers.
30 C'est par l'emploi de l'électricité qu'on produit
les aimants les plus forts. Veut-on aimanter une
aiguille à tricoter, on la place dans un tube de
verre sur lequel est régulièrement enroulé, par
spires séparées, un fil de cuivre recouvert de soie ;
on met les extrémités du fil en communication avec
une pile, et l'aimantation de l'aiguille se produit
instantanément sous l'influence du courant électri-
que. C'est Arago qui découvrit en \S10 cette re-
marquable action de l'électricité et c'est à Ampère
qu'on doit l'expérience que nous venons de décrire.
Si on enroule le fll autour d'un morceau de tir
doux, celui-ci devient un aimant tout le temps que
le courant passe dans le fil; on lui donne le nom
d' électro-aimant ;sd^ force magnétique cesse immé-
diatement quand le courant électrique cesse do
passer. Rien ne s'oppose à ce qu'on donne la forme
de fer à cheval au barreau qui devient ainsi un ai-
mant temporaire ; et puisqu'une hélice de fil de
cuivre enroulée autour de lui a produit une certaine
force magnétique, on devra augmenter cette force
en multipliant les hélices. On a donc été conduit ;i
enrouler autour des deux extrémités d'un barreau
droit ou courbe des bobines de fil, et on obtient
des aimants très-puissants quand on fait traverser
ces bobines par un courant électrique.
Les électro-aimants ont sur les aimants ordinaires
deux avantages : ils sont plus puissants, et on peut
h volonté leur faire perdre ou leur rendre instan-
tanément leur force. Leurs usages sont très-nom-
breux ; le plus important est sans contredit de
servir aux Télégraphes *. La forme qu'on leur donne
le plus habituellement est celle de deux bobines
dont les noyaux de fer sont réunis l'un à l'autre
par une barre de fer à une de leurs extrémités,
tandis que l'autre est libre pour recevoir le contact
ou l'appareil qu'elle doit faire mouvoir.
Les spirales régulières formées d'un fil de cuivre
acquièrent donc la propriété des aimants d'attirer
le fer et l'acier quand elles sont traversées par
l'électricité, puisqu'elles deviennent capables,
comme eux, de développer l'aimantation. Elles en
ont aussi toutes les autres propriétés. Quand elles
sont libres sur un pivot, elles dirigent leur axe du
nord au sud ; et toutes les portions de courant qui
les traversent vont de l'est à l'ouest, comme s'ils
étaient appelés dans cette direction par un fort
courant électrique placé au-dessous d'eux. Ces
spirales mobiles s'attirent et se repoussent comme
les aimants : elles ont comme eux la possibiliti'
d'agir à distance, c'est-à-dire de développer des
phénomènes d'induction. L'électricité est la cause
apparente de leurs effets; c'est ce qui a conduit.
Ampère à voir dans cet agent physique la source
de tous les aimants (V. Électricité).
Exercices et applications. — 1" S'assurer qu'une
i
AIU
50 —
AIR
lame tranchante, ordinairement d'acier, s'aimante
rien que par son contact avec un aimant naturel
ou artificiel. — Produire un aimant par la touche
régulière ou par une friction quelconque ; le trem-
per dans la limaille de fer et s'assurer que dans le
second cas les pôles sont irréguliers et la force ma-
gnétique bien moindre.
2o S'assurer que les outils d'acier suspendus
vertica'ement attirent la limaille de fer et agissent
sur l'aiguille d'une boussole. — Faire un aimant en
tordant des fils d'acier placés presque verticale-
ment, leur extrémité inférieure vers le nord.
3° Constater la déviation qu'un courant électrique
fait subir à une aiguille aimantée ; l'instantanéité
de l'aimantation et de la désaimantation du fer
doux. — Faire un aimant en enroulant lo fil d'une
pile autour d'une aiguille dacior, chercher les pô-
les et remarquer qu'ils sont toujours dans le même
rapport avec le sens de l'enroulement.
[Haraucourt.]
AIR. — Physique, IX. Chimie, I. — [Étym. : du
grec et du latin aer, d'où aération, aérien, et tous
les mots composés).
1. L'air et ses propriétés physiques. — V air est
un gaz. — C'est le gaz par excellence, celui qui
enveloppe la terre, qui sert à la respiration des
animaux et des végétaux, et dont la masse s'ap-
pelle Yatmosphère.
L'air est pesant. — Cette propriété de l'air,
comme de tous les gaz, était inconnue des anciens.
Il faut venir jusqu'au xvii"^ siècle pour trouver la
preuve de la pesanteur de l'air. C'est à Jean Rey,
médecin du Périgord, et à Galilée, qu'on doit les
premières expériences établissant la preuve de la
pesanteur de l'air. On trouve dans l'œuvre du sa-
vant français ces lignes caractéristiques qui éta-
blissent sa découverte à la date de 1630 : « Rem-
plissez d'air à grande force un ballon avec un
soufflet, vous trouverez plus de poids à ce ballon
qu'à lui-même étant vide. »
Galilée, amené à soupçonner la pesanteur de
lair pour donner la raison de l'élévation limitée
de l'eau dans les pompes, fit bouillir dans une
bouteille une petite quantité d'eau, boucha la bou-
teille et la pesa ; puis, la débouchant, il permit à
l'air de rentrer ; il vit alors augmenter le poids de
la bouteille.
Aujourd'hui, poui' montrer que l'air est pesant
et même pour déterminer son poids, on fait le vide
dans un grand ballon de 10 litres et on le tare sur
une balance ; puis on y laisse rentrer l'air et on
voit que le ballon augmente de poids. Le dixième
de cette augmentation représente approximative-
ment le poids du litre d'air. Ce poids est d'envi-
ron Ig^3, à la surface de la terre.
Pression atmosphérique. — Puisque l'air est pe-
sant, il en résulte nécessairement que les couches
supérieures pressent en vertu de leur poids surles
couches inférieures, et celles-ci sur le sol ou les
objets qui les supportent ; de là l'existence de la
pression atmosphérique, la nécessité de la con-
stater et d'en évaluer les efi'ets (\ .Baromètre).
L'air est transparent et incolore. — En petite
quantité l'air n'a pas de couleur, il est par suite invisi-
ble: d'où vient donc que, pris en grande masse, il oftre
cette belle teinte bleue qui fait croire à une n voûte
azurée », double illusion d'optique"? C'est que l'air
n'est ni absolument transparent ni absolument in-
colore. Il intercepte une partie des rayons lumi-
neux qui le traversent ; la teinte bleue des objets
est d'autant plus foncée que les objets sont plus
éloignés (V. Atmosphère).
Autres propriétés de l'air; élasticité, compres-
sibilité, loi de Mariotte. — V. Gaz. [Haraucourt.]
2. L'air et ses propriétés chimiques. — Bien
que les alchimistes eussent depuis longtemps étu-
dié le rôle de l'air dans la combustion des mé-
taux et dans d'autres phénomène-, la véritable
explication n'en fut trouvée que par Lavoisier en
Fance et Priestley en Angleterre, à la fin du siècle
denier.
Lavoisier avait chauffé, dans un vase clos, du
mercure en présence d'un volume d'air préalable-
ment déterminé, et cela pendant plusieurs jours,
puis il l'avait laissé refroidir. Le volume d'air avait
diminué, celui du mercure avait augmenté, ou plu-
tôt le mercure s'était recouvert d'une pellicule
{ rouge semblable à ce qu'on appelait ia terre ou la
chaux de mercure. C'était précisément de cette
substance que l'illustre chimiste anglais Prietsley
avait extrait quelque temps auparavant un gaz
nouveau ayant des propriétés semblables à celles
de l'air, mais plus énergiques.
Lavoisier, ayant fortement chauffé la substance
I rouge et ayant recueilli le gaz qui s'en dégageait,
vit le mercure redevenir brillant et pur.
I L'analyse de l'air était faite, et le rôle de l'air
I dans la calcination des métaux allait être déterminé
' pour la première fois avec précision et certitude.
Le gaz que le métal n'avait point absorbé était im-
' propre à la combustion et à la respiration ; dos
animaux qu'on y plongeait mouraient immédiate-
ment ; Lavoisier le nomma et on le nomme encore
Yazote.
L'autre élément de l'air, celui que le mercure
s'était d'abord approprié pour former avec lui la pel-
licule rouge, et qu'il avait ensuite remis en li-
berté, à une température plus élevée, c'était l'air
vital, \'oxijgè7ie. Les animaux y respiraient avec
activité, une allumette y brûlait énergiquement.
ainsi que le charbon, le soufre, le phosphore, et la
combustion de ces corps donnait comme résultat
les mêmes substances que quand ils brûlent dans
l'air. Après ces expériences, Lavoisier pouvait donc
dire que l'air contient deux éléments gazeux :
l'oxygène et l'azote, le premier étant l'agent de la
combustion et de la formation de la rouille à la
surface de métaux.
Recueillant le gaz qui sort de la bouche pendant
la respiration, Lavoisier le trouva plus riche en
acide carbonique et plus pauvre en oxygène que
l'air aspiré ; il découvrait aussi le rôle chimique de
l'air dans ce phénomène universel de la vie ani-
male, la respiration.
Ainsi, d'après cet illustre chimiste, «la respiration
est une combustion lente d'une portion du carbone
contenu dans le sang, et la chaleur animale est
entretenue par la portion du calorique qui se dé-
gage au moment de la conversion do l'oxygène en
acide carbonique, comme il arrive dans toute com-
bustion de charbon ».
Les travaux accumulés des savants sur cet impor-
I tant sujet ont complété la découverte de Lavoisier
, sans jamais en contredire le principe. Les nom-
\ breuses analyses de l'air, et principalement celle
qui a été faite Dumas et Boussingault avec une
précision extrême, ont seulement rectifié les nom-
bres trouvés par Lavoisier. Toutes les analyses de
l'air reviennent à mesurer exactement un volume
d'air en notant la température et la pression au
moment de l'expérience, puis à faire absorber l'o-
xygène par un corps très-oxydable quelconque : par
le soufre, comme l'a fait à l'époque de Lavoisier le
grand chimiste suédois Scheele, ou par le phos-
phore comme tout le monde peut le faii-e avec un
simple tube gradué, ou par le mercure, comme
Lavoisier, ou enfin par le cuivre chauffé au rouge,
comme l'ont fait Dumas et Boussingault ; on n'a
plus ensuite qu'à mesurer le volume de gaz res-
tant, qui est l'azote; l'oxygène est mesuré en poids
ou en volume. Les chiffres suivants ont été trouvés
par les deux savants chimistes français et paraissent
aujourd'hui représenter le plus exactement possi-
ble la composition de l'air : 23«%l3 d'oxygène et
76«',8; d'azote pour 100 grammes d'air, ou en litres
20, "J3 d'oxygène et 7y,07 d'azote pour 100 litres
AIRES — SI
L'acide carbonique de l'air. — Quand on laisse
exposé à Tair un vase rempli d'eau de cliaux, il so
forme à sa surface une pellicule opaque de carbo-
nate de chaux ; en effet, si on la ramasse et qu'on
la traite par un acide, on observe un dégagement
avec efifervescence d'acide carbonique. Ce gaz ne
peut provenir que de l'air. En faisant passer un
courant d'air de plusieurs centaines de litres dans
des tubes contenant de la potasse ou de la chaux,
bases qui retiennent l'acide carbonique en formant
avec lui un carbonate, on peut déterminer la quan-
tité de ce gaz contenue dans l'air.
D'après de Saussure, l'air contiendrait de 4 à G
litres d'acide carbonique pour 10 000 litres d'air.
Cette quantité augmente dans les endroits habi-
tés ; elle est un peu plus forte la nuit que le
jour. Elle est moindre au-dessus des grands lacs.
(V. Atmosp>ière.) [A. Jacquemart.]
Exercices et applications. — Matérialité de l'air.
— 1° Enfoncer verticalement dans l'eau une cloche
ou an verre renversé ; on constate que l'eau n'y pénè-
tre pas ou presque pas, empêchée qu'elle est par
l'air dont le vase est rempli.
Si on incline le vase, l'air s'échappe en bulles
visibles, et l'eau prend sa place.
'2» Attacher une poire de caoutchouc à un tube
de verre coudé à angle droit et dont l'autre ex-
trémité plonge dans l'eau et presser la boule : l'air
qui en est chassé se dégage en bulles dans le li-
quide.
3'^ Quand on verse un liquide dans une bou-
teille à l'aide d'un entonnoir, l'écoulement s'arrête
(|aand l'air ne peut pas sortir et qu'il ne reste pas
d'espace entre l'entonnoir et le col de la bou-
teille.
Compressibilité et élaslicité de l'air. — On en-
fonce un piston dans un cylindre fermé par un bout;
on éprouve de plus en plus de difficulté à mesure
que le piston approche du fond. Et si on l'abandonne,
1 air comprimé le repousse peu à peu.
Transmissio7i des pressions par l'air. — On
prend un flacon à deux tubulures supérieures et
une latérale: cette dernière et l'une des autres
sont coiffées d'une lame de caoutchouc fixée à leur
bord; la troisième porte un tube dans lequel peut
se mouvoir un piston. Si on enfonce le piston, on
voit les deux lames de caoutchouc se bosseler vers
le dehors, comme par une pression venue de l'in-
térieur ; la pression du piston s'est transmise en
tous sens par l'air du flacon.
4° On réunit par un long tube deux poires de
caoutchouc, l'une appuyée contre un ressort de
timbre, l'autre libre; si on presse cette dernière,
la pression se transmet à l'autre qui appuie contre
le timbre. C'est le principe des sonneries h air.
Poids ifiégal de l'air chaud et du l'air fioid. —
On entr'ouvre la porte de deux appartements, l'un
plus chaud que l'autre ; l'air s'y trouve comme
deux liquides inégalement lourds dans les deux
branches d'un même vase ; l'air froid, plus lourd
que l'air chaud, se précipite pour rétablir l'équili-
bre; on constate ce courant par une bougie allu-
mée placée sur le pas de la porte de communica-
tion : la flamme s'incline vers la chambre chaude.
[Haraucourt-l
AIRES (Mesure des). — Géométrie, XVl/XVII.
— [Etym. du latin area, même sens).
On nomme aire d'une figure son étendue super-
ficielle. Sa mesure est le nombre d'unités de sur-
face qu'elle contient. On prend pour unité de sur-
face la surface du carré qui a pour côté l'unité de
longueur; en France c'est le mètre carré, ou l'une
de ses subdivisions. Dans les mesures agraires
l'unité est Vare, etc. (V. Système métrique.)
Pour mesurer les aires, on n'a jamais à effectuer
que des mesures de longueurs.
1. Mesure du recta.\gle.— Soit à mesurer l'aire
du rectangle ABCD (fîg. 1); et supposons, pour plus
AIRES
de simplicité, que sa base AB contienne 5 fois
l'unité de longueur, et que sa hauteur AD con-
tienne 3 fois cette même unité.
Divisons AB en 5 parties égales, et par tous les
Fig. 1.
pouits de division menons des parallèles à AD ;
divisons de même AD en 3 parties égales, et par
tous les points de division menons des parallèles
à AB. La figure se trouvera divisée en figures par-
tielles qui seront des carrés ; car tous les angles
de la figure sont droits, et tous les côtés de ces
figures partielles sont égaux à l'unité de longueur,
comme parallèles comprises entre parallèles : ce
sont donc des unités de surface ; et, pour avoir la
mesure du rectangle, il n'y a qu'à, les compter. Or
le long de la base AB on compte autant de ces
carrés qu'il y a d'unités de longueur, c'est-à-dire
5 ; ces 5 carrés forment une bande horizontale ; et
l'on compte autant de ces bandes horizontales qu'il
y a d'unités de longueur dans AD, c'est-à-dire 3.
Le nombre total des carrés est donc le produit de
5 par 3, c'est-à-dire 15 ; en d'autres termes, le rec-
tangles renferme 15 unités de surface, et son aire
est exprimée par le nombre 15. ,>
Comme le raisonnement qu'on vient de faire est
indépendant des nombres 5 et 3, on voit que le
nombre d'unités de surface contenues dans un
rectangle est égal au nombre d'unités de longueur
contenues dans sa base, multiplié par le nombre
d'unités de longueur contenues dans sa hauiour ;
ce qu'on énonce d'une manière abrégée en disant :
L'aire dCun rectangle a pour mesure le produit de
sa base par sa hauteur.
Supposons, par exemple, que la base ait 121" et
la hauteur 34" , l'aire du rectangle sera de 34 fois 121
ou 4114 mètres carrés.
Si la base a 1",25 et la hauteur 0",83 ou 120"'" et
83""", l'aire du rectangle sera de 83 fois 125 ou
10 375 centimètres carrés ou l™<i,3'*i75"'i.
Remarque. — Si la base et la hauteur sont éga-
les, le rectangle devient un carré ; et, en appli-
quant la règle ci-dessus, on voit que, pour obtenir
l'aire d'un carré, il faut multiplier son côté par
lui-même. C'est ce qui a fait donner le nom de
carré au produit d'un nombre par lui-même.
2. Mesure du parallélogr.4mme. — Soit ABCD
(fig. 2) un parallélogramme quelconque. Par les
Fig. 2.
points A et B élevons AH et BI perpendiculaires
aux deux bases. Les triangles rectangles AHD et
BIC seront égaux, car leurs hypoténuses AD et BC
sont égales comme côtés opposés d'un parallélo-
gramme ABCD, et les côtés AH et BI sont égaux
comme cotés opposés du rectangle ABIH. Or, si
de la figure totale HABG on retranche le triangle
AHD, il reste le parallélogramme ABCD ; et si, de
la même figure totale HABC, on retranche le
triangle BIC, il reste le rectangle ABIH.
AIRES
AIRES
Le parallélogramme équivaut donc au rectangle.
Or celui-ci a pour mesure le produit de sa base
AB par sa hauteur AH ; le parallélogramme a donc
la même mesure, c'est-à-dire le produit de sa base
AB par AH , qui est sa hauteur (V. Polygones,
p. 1660).
Si, par exemple, sa Dase a 234"" et sa hauteur
97", son aire aura pour expression 2-34 X 9" ou
22698 mètres carrés. Celte superficie, exprimée
en mesures agraires, serait 2 hectares 26 ares et
98 centiares.
3. Mesure du triangle. — Soit ABC (fig. 3) un
Fig. 3.
triangle quelconque. Menons CD parallèle à AB.
et BÎ) parallèle à AC. La figure ABDG sera un
parallélogramme. Le triangle ABC en est la moitié .
car les tricmgles ABC et BDC sont égaux comme
ayant leurs trois côtés égaux chacun à chacun
(VJ'olygones). Or le parallélogramme a pour me-
sure le produit de sa base par sa hauteur; la
mesure du triangle est donc la moitié de ce pro-
duit, ou, ce qui revient au même, le produit de sa
buse AB par la moitié de sa hauteur CH, qui est
la perpendiculaire abaissée du sommet G sur la
base.
Si, par exemple, la base AB a 4"°, 96, et la hau-
teur S^jSS, l'expression de l'aire sera
1 . 4'°,96 X S-DjêS, ou A^,d& X l",9i
ou 9m<j 6i<îq 24':?.
Remarque. — On pourrait prendre la moitié de
la base et la multiplier par la hauteur; le produit
serait évidemment le même.
4. Mesure du trapèze. — Soit ABCD (fig. 4) un-
trapèze. Si l'on tire la diagonale AC, on le divise
en deux triangles. Or, si l'on désigne par h la dis-
tance des deux bases AB et CD, ce sera la hauteur
-ommune des deux triangles. On aura donc, d'après
théorème précédent.
ABC = AB X ^ A
et ACD
CD Xj^.
ABC -h ACD = ABCD = J A (AB 4- CD)
_ AB -f- CD
h,
.est-à-dtre que l'ave du trapèze a pour mesure la
demi-S'Hime de ses bases multipliée par sa hau-
teur (y .Polygones, p. 1G60).
On sait que cette demi-somme des bases équi-
vaut à la droite qui joint les milieux des côtés non
parallèles.
Si l'on a, par exemple,
AB
128'°, CD = 94" et ^ = Sô"
la somme des bases étant 222°", la demi-somme
sera 111", et l'aire du trapèze aura pour expres-
sion
lll^X^S" ou 943i"q.
En mesures agraires, ce nombre équivaudrait à
94 ares 35 centiares.
Remarque. — Quand le trapèze est rectangulaire,
sa hauteur est la longueur du côté perpendiculaire
aux deux bases.
5. Mesube d'ux polygone quelconque. — Pour
mesurer l'aire d'un polygone quelconque, on peut
le diviser en triangles, par des diagonales issues
d'un même sommet, ou par des droites menées
d'un point intérieur à tous les sommets. La somme
des aires de ces triangles est l'aire du polygone.
Mais il est plus commode dans la pratique (et
c'est le procédé qu'emploient les arpenteurs) de
diviser le polygone en trapèzes rectangulaires et en
triangles rectangles. Pour cela on joint les som-
mets les plus éloignés A et E (fig. 5), et de tous
les autres sommets on abaisse sur AE les perpei-
diculaires B??i, Cw, Dp, Yq, Gr. On mesure ces per-
pendiculaires, ainsi que toutes les parties de AE, et
l'on a tous les éléments nécessaires pour évaluer
l'aire des iriangles rectangles et des trapèzes rectan-
gulaires dans lesquels le polygone est décomposé
y. Arpentage ,p. 191),
6. JIesure d'un polygone régulier. — Si l'on
Fig. 6.
joint le centre 0 (fig. 6) d'un polygone régulier
ABCDEFG de n côtés à tous les sommets, on le
divise en n triangles isocèles égaux AOB, BOC,^ etc.
Pour évaluer l'aire du polygone, il suffit donc d'éva-
luer celle de l'un de ces triangles, et de la répéter
n fois. Le triangle BOG, par exemple, a pour mesure
BG X 5 01, la droite 01 étant l'apothème CV. Poly-
gones réguliers); l'aire du polygone sera donc ex-
primée par BG X :; 01 X n, ou par BG X « X :; 01.
Or BG X n représente le périmètre du polygone ;
on voit donc que l'aire a'un p'iygone régulier a
pour mesure le produit de son périmètre par la
moitié de son apothème.
Prenons pour exemple l'hexagone régulier. Si W
désigne le rayon du cercle circonscrit, R représen-
tera aussi le côté du polygone, et OR sera son péri-
mètre. Pour obtenir soii apothème, on remarquera
qu'il est l'un des côtés d'un triangle rectangle (ana-
AIRES
— 53 —
AIRES
logue à BIO) dont l'hypoténuse est R et l'autre côté
de l'angle droit -R; en appelante l'apothème, on a
Aî = R. _1r2=^R2, d'où h = '^-
4 4 -i
L'aire de rhexagone_a donc pour expression
- . 6R . ou '- , ce qui revient à peu près
à 2,598 R2.
7. Aire nu cercle. — Un cercle peut être con-
sidéré comme un polygone régulier dont les côtés
sont infiniment petits et en nombre infiniment
grand; son aire peut donc être mesurée comme
celle d'un polj'gone régulier. Mais le périmètre
devient ici la circonférence du cercle, et l'apothème
se confond avec le rayon ; on peut donc dire que
l'ai7-e d'un cercle a pour mesure le produit de sa
circonféi'ence par la moitié de son rayon.
Si le rayon est R, le diamètre est 2R, et la cir-
conférence est 2R X TT, en désignant par n le rap-
port de la circonférence au diamètre, ou 3,1415926...
ou à peu près 3,1416. L'aire du cercle a donc pour
expression 2R X 7t X ^R ou "R*- C'est-à-dire qu'on
obtient l'aire du cercle en mvltipliant le carré de
S071 rayon par le rapport de la circonférence au
diamètre.
Soit, par exemple, R = 4", on aura pour l'ex-
pression de l'aire :
le-nqX 3,1416 ou 50'°'î26'î'!56ci.
7. Mesure d'une aire terminée par un contour
crnviLiGXE QUELCOXQUE. — On peut toujours, par un
procédé analogue à celui que représente la figure 5,
diviser la figure en triangles rectangles ei en tra-
pèzes rectangulaires dont un seul côté est curvili-
gne. Et comme le cas du trapèze comprend celui du
triangle, puisque c'est celui où l'une des bases
du trapèze s'annule, tout revient à savoir évaluer
l'aire d'un trapèze curviligne tel que celui qui est
représenté par la figure 7.
Fig. 7.
Pour y parvenir, on divise la droite al en parties
égales assez petites pour que, en élevant par les
points de division des perpendiculaires à al, on
obtienne des arcs AB, BG, etc., que l'on puisse
regarder comme sensiblement rectilignes ; on n'a à
évaluer alors qu'une somme de trapèzes rectan-
gulaires. Soit e leur hauteur commune, et dési-
gnons par ho, hi, h^, . . . , hn leurs bases. Ces tra-
pèzes auront successivement pour mesure
\e.{K + K), \e{hi + h^), \e{hi + h)....
|e(/jn-l -f hn),
dont la somme peut s'écrire
c'cst-à-dirc qu'i/ faut prendre la demi-somme des
bases extrêmes, y ajouter la somme de toutes les
autres bases, et multiplier le total par la distance
de deux bases consécutives.
8. On nomme aussi aire la superficie des surfaces
courbes (V. Corps ronds). [H. Sonnet.^
AIRES (Comparaison des). — Géométrie, XVII ,
— Les relations que cette comparaison peut mettre
en évidence sont en nombre indéfini; mais en
n'insiste que sur celles qui sont d'une application
continuelle.
1. Le rapport de deux rectangles est égal au rap-
port de leurs bases midtiplié par le rapport de leurs
hauteurs.
Soient, en effet. A, B, H, l'aire, la base et la
hauteur d'un rectangle, A', B', H' les quantités ana-
logues pour un second rectangle ; on aura (V. Aires
[Mesure des])
A = B X H et A' = B' X H',
d'où, en divisant membre à membre,
A
A'
B X H _ B ^^ H
B' X H' B"^ H' '
Corollaires. — I. Si les hauteurs sont égales, les
rectangles sont entre eux comme leurs bases ; si les
bases sont égales, les rectangles sont entre eux
comme leurs haideurs.
2. Le rapport de deux parallélogrammes est égal
au rapport de leurs bases multiplié par le rapport
de leurs hauteurs.
Même démonstration et mêmes corollaires qu'au
n" 1.
3. Le rapport de deux t)'i angles est égal au rap-
port de leurs bases multiplié par le rapport de leurs
hauteurs.
Même démonstration et mêmes corollaires qu'au
n" 1.
4. Deux triangles qui ont un angle commun sont
entre eux comme les produits des côtés gui com-
prennent l'angle commim.
Soient, en effet, ABC et \mn (fig. 1) deux triangles
qui ont un angle commun A. Tirons mC Les deux
Fig. 1.
triangles Amn et AmC, ayant le sommet m commun
et leurs bases An et AC sur une même hgne droite,
ont même hauteur, et sont par conséquent entre
eux comme leurs bases. On a donc
Amn Aw
KmC " AG*
Par une raison semblable, les triangles AmC et
ABC, qui ont le sommet C commun, sont entre eux
comme leurs bases Am et AB. On a donc
AmC __ Am
ABC " AB'
Si l'on multiplie membre à, membre les deux
relations ainsi obtenues, et que l'on supprime le
facteur AmC devenu commun aux deux termes du
premier membre, il reste
Amn _ Am X An
ABC "" AB X AC*
Remarque. — La même proposition s'applique à
deux triangles séparés qui auraient un angle égal;
car on le rendrait commun en superposant les deux
triangles comme dans la figure 1.
5. Deux triangles semtAables sont entre eux
comme les carrés de deux côtés homologues.
AIRES
54 —
AIRES
Soient A et A' les aires de deux triangles, o, b, c
les côtés du premier, a', b', c' les côiés homologues
du second. Les angles opposés aux côtés homolo-
gues a et a' étant égaux, on a, en vertu de la pro-
position du n" 4 :
A 6 X c
A''
0" T7 = â;X-;.
b' X</ " A'~ b' "^ d
Mais les triangles étant semblables ont leurs côtés
homologues proportionnels (V. Po/î/5ro?ie5, p. 1G62);
, c
on peut donc remplacer le rapport - par son
peut
4.
et il vient
A
A'
-X-
ou —, =
Ce qu'il s'agissait de démontrer.
On aurait de même
A c2 A «2
Remarque. — On peut, au rapport de deux côtés
homologues, substituer le rapport de deux hau-
teurs homologues.
G. Théorème de Pythagore. — Dans un triaiigle
rectangle ABC (fig. 2) le carré de l'hypoténuse
équivaut à la somme des carrés des deux côtés de
l'angle droit.
Fig. 2.
Abaissons, en effet, du sommet C de l'angle droit
la perpendiculaire CD sur l'hypoténuse AB.
Le triangle ACD, rectangle en D, a l'angle en A
commun avec le triangle total; ces triangles sont
donc semblables; et l'on a, en comparant leurs
cotes homologues,
AD
AG
Ig = Â5' '^'"^ AC^ = ADXAB. (1)
Par une raison analogue, le triangle BCD est aussi
semblable au triangle total, et l'on a de même
DB
CB
CB = ÂB' *^'°^ ^^* = DE X AB. (2)
Ajoutant membre à membre ces deux égalités, on
obtient
ÏC*-fBC* = ADX AB+DB X AB = ( AD+DB)X AB
__ _ _= AB X AB = ÂbI
Or AC , BG , AB mesurent respectivement l'aire
des carres construits sur les trois côtés du trian-
gle ; le carré construit sur l'hypoténuse équivaut
donc à la somme des deux autres.
(V. une autre démonstration de ce théorème, p. 1 061)
Corollaires. — I. Les deux premières relations
démontrent en même temps que chnque côté de
l'angle droit est moyen proportionnel entre sa pro-
jection sur l'injpoténuse et iliypoténuse entière.
n. Des deux relations ci-dessus on déduit
IC^ AD X AB _ AD
BG" ~ BB X AB ~ BD '
c'est-à-dire que les carrés des deux côtés AC et BC
de l'hypoténuse sont entre eux comme les segments
AD et BD de l'hypoténuse.
111. Les deux triangles partiels, semblables au
triangle total, sont semblables entre eux; et, en
comparant leurs côtés homologues, on obtient
êïï = i - CD^ = ADXDB
c'est-à-dire que la perpendiculaire CD est moyenne
proportionnelle entre les deux segments de l'hypo-
ténuse.
1. Deux polygones semblables sont entre eux
comme les carrés de deux côtés homologues.
On a vu (V. Polygones, p. 16G3) que doux
polygones semblables peuvent toujours se décom-
poser en un môme nombre de triangles semblables
chacun à chacun. Soit P l'aire du premier poly-
gone, T, T', T", etc., les aires des triangles dans
lesquels il est décomposé, A, B, C, etc., des côtés
appartenant respectivement à ces triangles ; et
soient p, t, t', t", etc., a, b, c, etc., les grandeurs
homologues dans le second polygone. En vertu de
la proposition démontrée au n" 6, on aura
T _ A2 T' _ B2 'T
1 "■ ■^' 7 ~ "P' t" ~ c2'
et ainsi de suite.
Mais les seconds rapports étant tous égaux,
puisque les polygones sont semblables, il en est de
même des premiers, et l'on peut écrire
rp rrrf rp//
1 ^ T ^ T ^ ' "
ou, en vertu d'une propriété connue des propor-
tions (V. Proportions),
_— èl
= —
T + T + T' -h ...
T
t + t' +1" + ...
t
ou, ce qui revient au même,
P _ Af^
p a^
Ce qu'il s'agissait de démontrer.
Remarques. — L Si les côtés homologues étaient
dans le rapport de 1 à 2, les surfaces des polygo-
nes semblables seraient dans le rapport de 1 à -4.
Si les côtés étaient dans le rapport de 1 à 3, les
surfaces seraient dans le rapport de 1 à 9. Si les
côtés étaient dans le rapport de 1 à 10, les surfa-
ces seraient dans le rapport de I à lOO. Et ainsi de
suite.
Si, au contraire, on voulait que les surfaces
fussent dans le rapport de 1 à 2, il faudrait que
les côtés homologues fussent dans le rapport de
1 à \ 2. Pour que le rapport des surfaces fût celui
de I à 3, il faudrait que le ragport des côtés ho-
mologues fût celui de 1 à y 3. Pour que le rap-
port des surfaces fût celui de 1 à 10, le rapport
des côtés devrait être celui de 1 à V'iO. Et ainsi
de suite.
IL Au lieu des côtés homologues on pourrait
AIRES — 3Î
considérer les diagonales homologues, car elles j
sont proportionnelles aux côtés homologues.
8. Deux pol'igones réguliers d'un même nombre
de côtés sont entre eux comme les carrés de leurs '
rayons ou comme les carrés de leurs apothèmes. \
Deux polygones réguliers d'un même nombre de ;
côtés sont des figures semblables (V. Pob/gones ■
réguliers ; et si Ton mène des raj'ons à tous les .
sommets, les triangles ainsi obtenus dans les deux
polygones sont des triangles semblables, dont les
hauteurs sont les apothèmes ; ainsi les côtés, les
rayons et les apothèmes sont proportionnels.
Si donc P représente l'aire du premier polygone,
c son côté, R son rayon, /i son apothème, etP', c',R',/i'
les quantités ana'logues pour le second polygone,
on aura d'abord, en vertu de la proposition du
n" 7,
L _ 2.
P' "■ c'-'
) — AIRES
Une seconde construction semblable réduira le
quadrilatère AIDE à un triangle ; la moyenne pro-
portionnelle entre la base et la moitié de la hau-
teur de ce triangle sera le côté du carré demandé.
Mais, puisqu'on a
on peut écrire
L _ 51 — ^
P' "" R'2 ~~ h'* '
Ce qu'il s'agissait de démontrer.
9. Deux cercles so7ît entre eux comme les carrés
de leurs rayons, ou comme les carrés de le rs dU/-
metres.
Car, si A et A' désignent les aires de deux cer-
cles, R et R' leurs rayons, on a
A = •âRî et A' = -R-s,
d'où
A _ 7^_ R2
A' ~ 7:R'2 ~ R's"
Les diamètres, étant le double des rayons, sont
dans le même rapport ; en les désignant par D et D',
on peut donc écrire aussi
A _ D2
A' ~ D'2 *
10. La comparaison des aires donne lieu à divers
problèmes, dont les plus usités doivent être traités
ici.
Construire un carré équivalent à un rectangle
donné.
Soient B et H la base et la hauteur du rectangle,
et X le côté du carré demandé. On devra avoir
x2 = B X H,
c'est-à-dire que le côté cherché est la moyerine
proportionnelle entre la base et la hauteur du rec-
tangle (V. Lignes proportionnelle-').
11. Construire un carré équivalent à un triangle
donné.
Construisez la moyenne proportionnelle entre la
base et la moitié de la hauteur; ce sera le côté du
carré demandé (V. n° 10).
12. Co7istruire un carré équivalent à un poly-
gone donné.
La méthode consiste à transformer d'abord le
polygone donné en un polygone équivalent ayant
un côté de moins. En répétant cette transforma-
tion un nombre suffisant de fois, on obtiendra un
triangle équivalent au polygone donné ; et l'on
sait (11) construire un carré équivalent à ce trian-
gle.
Soit ABCDE (fig. 3) le polygone donné. Tirez la
diagonale DB, et par le sommet C menez CI parallèle
à DB, et joignez DI. Les triangles BCD et BID seront
équivalents comme ayant même base BD, et aussi
même hauteur, puisque leurs sommets C et I sont
sur une même parallèle à la base. Si donc on rem-
place le triangle BCD par le triangle BID, on aura,
au lieu du polygone ABCDE, le polygone équiva-
lent AIDE, qui aura un côté de moins.
Fig. 3.
13. Calculer le côté du carré équivalent à un
cercle donné.
Soit R le rayon du cercle donné, et x le côté du
carré demandé, on devra avoir
a;2 = 77R2,
d'où, en extrayant la racine carrée,
Or on trouve
\fk = v/3,l4l592... = 1,77-245;
par conséquent, on aura
a; = R X 1,77245.
Si, par exemple, le cercle avait lOC" de rayon,
le côté du carré de même superficie serait
100" X 1,77245 ou 177'",245.
14. Coîîsfruire un carré qui 'Oit à un car?'é
do7i7ié comme le nombre p est au nombre q.
Sur une droite indéfinie portez une longueur AB
(fig. 4) égale àjs unités arbitraires, et à la suite une
longueur BC égale à 5 de ces mêmes unités. Sur AC
Fig. 4.
comme diamètre décrivez une demi-circonférence,
et élevez au point B la perpendiculaire BD terminée
à cette circonférence ; joignez AD et CD. Sur DG
portez DE égal au côté du carré donné ; et, par le
point E, menez EF parallèle à CA. La longueur DF
sera le côté du carré demandé.
En efTet, le triangle ACD est rectangle en D; et,
la droite DB étant perpendiculaire sur l'hypoté-
nuse, on a (6, CoroU. II)
AD- _ AB
DG' "BC
Mais les droites DA et DC étant coupées propor-
tionnellement par la droite EF, on a aussi
DF'
DF _ AD ,, , ££J _ ALT _ p
DE - DG' ° DË"^ ~ hU ~ 9'
La longueur DE étant le côté du carré donne, DF
sera donc le côté du carré demandé.
15. Construire un polygone semblable à un poly-
AIRES
— 36 —
AIRES
gone donné et qui soit avec lui dans le rapport des
nombres p et q.
Soit P l'aire du polygone donné ; X celle du po-
lygone demandé. On devra avoir
P ~q'
Mais si a est un des côtés du polygone donné et
X son homologue dans le polygone demandé, on
devra avoir
X _ £2
P ~ «2*
En comparant ces deux égalités, on en déduit
La question est donc ramenée à construire le
côté X d'un carré, qui soit à un carré donné dans
le rapport du nombre p au nombre q. C'est le pro-
blème ci-dessus.
Une fois le côté x obtenu, on construira sur ce
côté, comme homologue de a, un polygone sem-
blable au polygone donné.
16. Construire un carré équivalent à la somme de
deux carrés donnés.
Construisez un triangle rectangle dans lequel les
côtés de l'angle droit soient les côtés des deux
carrés donnés ; l'hj'poténuse de ce triangle sera le
côté du carré demandé.
17. Étrint donnés deux polygones semblables, en
construire un troisième qui leur soit semblable et
qui soit équivalent à leur somme.
Soient a et a' deux côtés homologues dos deux
polygones donnés et x le côté homologue du poly-
gone demandé. Les aires des polygones sembla-
bles étant proportionnelles aux carrés de leurs
côtés homologues, si l'on désigne par P et P' les
deux polygones donnés et par P" le polygone de-
mandé, on aura
2!
p
P'
X-
d'où
a"' -\- a'2
P-i- P'
P"
Mais dans cette dernière égalité les dénominateurs
sont égaux; il doit donc en être de même des nu-
mérateurs. Ainsi le problème est ramené à con-
struire le côté X d'un carré équivalent à la somme de
deux carrés donnés; c'est le problème du n" 16. Une
fois le côté X obtenu, on construira sur ce côté,
comme homologue de a, un polygone semblable
à P.
18. Tracer un cercle équivalent à la somme de
deux cercles donnés.
Soient R et R' les rayons des deux cercles don-
nés, et X le rayon du cercle demandé. On devra
avoir
nx* = nRî + itR'S d'où a;2 = R^ + R'^.
Le rayon demandé est donc l'hypoténuse d'un
triangle rectangle dans lequel R et R' sont les
deux côtés de l'angle droit.
19. On pourrait demander de construire un carré
équivaleni à la différence de deux carrés donnés.
En appelant a et a' les côtés des deux carrés
donnés, et x le côté du carré demandé, on devrait
aToir
a;' ^ a* — a'*,
ce qui suppose
a- = a'* + a;'.
La question revient donc à construire un trian-
gle rectangle connaissant l'hypoténuse a et l'un
des côtés de l'angle droit a', ce que l'on sait faire.
Le 3* côté serait le côté du carré demandé.
Ceci permettrait de résoudre des problèmes ana-
logues à ceux des n"' 16, 17 et 18, dans lesquels
la somme serait remplacée par une différence.
[H. Sonnet.]
Essai de simplification, à l'usage de l'enseigne-
ment primaire. — En considérant un mètre carré divi-
sé en 100 décimètres carrés, on voit que le rapport en-
tre les surfaces du décimètre carré et du mètre carré
est j-*Q, pendant que le rapport de leurs côtés est seu-
lement j^. La fraction jj^ étant le carré de la
fraction ^, on peut dire que le rapport des aires
des deux carrés est exprimé par le carré du rapport
des longueurs de leurs côtés. Cette relation s'appli-
que à deux polygones semblables quelconques ; de
là ce théorème : le rapport de deux polygones sem-
blables est égal au carré du rapport de leurs côtés
homologues, ou, ce qui est lamême chose, au rap-
port des carrés de deux côtés homologue?,.
Nous le démontrerons : 1° pour deux triangles;
2° pour deux polygones semblables d'un Inombre
quelconque de côtés.
1'' Soient deux triangles semblables T' et T, les
côtés du plus petit T' étant par exemple les | des
côtés homologues du plus grand T, ou comme on
dit pour abréger, leur rapport de similitude étant | .
Désignons par b' et b deux côtés homologues pris
pour bases dans les deux triangles et par k' et li
les hauteurs. Le rapport ^ des hauteurs est égal
à |, comme le rapport |- des bases.
On a pour les aires des deux triangles :
r,., b'yc^h' ^ bX h
1 _ ^ et 1 _ 2
Divisant membre à membre la V égalité par la
2', on trouve
T.
ï
b' X h' _ b' a;
bXh b '^ h'
Ou, en remplaçant le rapport ^' par le rapport
égalf^
è'2 T' /b'Y-
2° Soient maintenant deux polygones semblables
P' et P, ayant un rapport de similitude égal, par
exemple, à | ; imaginons qu'on mène les diagona-
les de deux sommets homologues. Le polygone P'
sera décomposé en triangles a', b', c'.,.. et le poly-
gone P en autant de triangles a,b,c... respective-
ment semblables à ceux de P'. D'après le cas pré-
cédent chacun des triangles a' b' c',... sera les |des
triangles a, b, c... On aura donc
4
«Xg,
puis
t = b>:-
etc.
Si l'on additionne ces égalités membre h. membre,
on trouve, en mettant * en facteur commun :
a' 4- è' + c'... = (a + é -f c) X -
4 P' 4
ou P' = P X g ; ou encore p = g '
ce qui démontre le théorème.
Corollaires. — 1° Deux polygones réguliers ayant
le même nombre de côtés sont semblables. Le rap-
port de leurs rajons et celui de leurs apothèmes
sont égaux au rapport de leurs côtés ; donc le rap-
port de leurs aires est égal au carré du rapport des
rayons ou du rapport des apothèmes.
2° Deux cercles étant deux figures semblables, le
rapport de leurs aires est aussi égal au rapport des
carrés des rayons ou des carrés des diamètres. —
On peut le prouver directement. Soient deux cer-
cles C et C, leurs rayons ;• et r' ; les aires seront :
C r-
C = itrî et C = T.r «, d ou ç-, = pi-
ALBIGEOIS — o
Applications. — 1° Si pour faire le dallage d'uni
vestibule on emploie des carreaux hexagones régu-
liers dont le côté est la moitié de celui de carreaux 1
de même forme qu'on avait d'abord adoptés, le
nombre des petits carreaux à employer sera qua-
druple du nombre des plus grands.
2° Un propriétaire qui a le plan de son domaine
veut en faire une copie qui n'occupe sur le papier
que la moitié de l'espace couvert par le plan ; com-
ment doit-il opérer?
Soit a un côté quelconque du plan et x le côté
homologue inconnu de la copie. Le rapport entre la
surface de la copie et celle du plan doit être égal au
rapport des cari'és de ces côtés, et par conséquent
il est exprimé par ^. D'un autre côté, il doit aussi
être égal à *.
On a donc
- = -, dou x^- = j-{l)
On peut maintement résoudre la question de deux
manières : numériquement ou graphiquement.
Numériqueinent. — Pour éviter d'avoir un radi-
cal au dénominateur, prenons
œ' = — - au heu de a;- = -^ ;
ce qui donne, en extrayant la racine carrée,
œ = f X V2. j
Ainsi chaque côté de la copie doit être égal à la
moitié du côté correspondant du plan, multiplié par
V^, c'est-à-dire par 1,414, ou, ce qui revient au
môme, doit être égal à 28 fois la 10* partie du côté
du plan, si l'on se borne aux dixièmes.
Graphiquement. — En mettant l'expression (1)
sous la forme
on voit que chaque côté de la copie doit être une
droite moyenne proportionnelle entre le côté homo-
logue du plan et la moitié de ce côté. Cette con-
struction est très-facile à effectuer. Sur une droite
AB égale au côté a et prise pour diamètre on dé-
crit une demi-circonférence ; au centre on élève à
ce diamètre un rayon perpendiculaire OC, et la
corde AC est le côté cherché.
En suivant cette marche, il faudrait construire
autant de demi-circonférences qu'il y aurait de côtés.
Mais si on observe que le côté cherché AG est l'hy-
poténuse d'un triangle rectangle isocèle dont les
côtés de l'angle droit sont égaux à la moitié du côté
du plan, on pourra simplifier la construction. Pour
cela, on prolongera les côtés OC et OA de l'angle
droit AOC ; puis, pour trouver le côté de la copie
homologue du 2« côté 6 du plan, on portera la lon-
gueur b avec le compas sur les côtés de l'angle
droit à partir du sommet O. Soient OA' et OC ces
longueurs ; la distance A'C sera le 2'= côté.
ALBIGEOIS (Croisade des). — Histoire de
' — ALBIGEOIS
France X. — Vers la fin du douzième siècle, cette
région de la France qu'on appelait avant la révo-
lution le Languedoc, et qui avait Toulouse pour ca-
pitale, présentait un spectacle étonnant pour le reste
de la chrétienté. On n'y pratiquait presque plus le
catholicisme, surtout dans les hautes classes ; les
églises restaient désertes, les monastères ne rece-
vaient plus aucun don ; les prêtres étaient mépri-
sés, au point qu'on les insultait souvent et qu'ils
n'osaient pas se montrer en public. Il ne se voyait
rien de semblable ni même d'approchant dans les
autres pays de l'Europe qui croyaient fermement
en la religion catholique, respectaient ses prêtres,
et les enrichissaient. Quant aux causes de cet état
particulier au Languedoc, nous ne pouvons, dans
l'état actuel de la science, qu'essayer des conjec-
tures.
Il est certain que cette région était à cette épo-
que la plus civilisée de l'Europe. Les troubadours
y florissaient. Nulle part on ne faisait aussi bien les
vers, et, ce qui vaut sans doute mieux encore, nulle
part il n'y avait autant de liberté politique, au
moins dans les villes, et autant d'égalité entre les
classes. Un grand nombre de cités, érigées en com-
munes, étaient de petites républiques, fort peu dé-
pendantes de leurs seigneurs. On y exerçait tous
les arts de luxe, on y commerçait activement, on
s'y amusait aussi, et même les mœurs étaient à
quelques égards trop libres ; enfin la bourgeoisie,
riche, cultivée, y traitait presque de pair avec la
noblesse.
Parmi ces mœurs élégantes et parfois dissolues,
des idées nouvelles au sujet de la religion s'étaient
manifestées; des sectes avaient pris naissance.
L'une d'elles professait des doctrines qui ont
beaucoup de rapports avec le protestantisme de
l'Ecosse : elle prétendait à faire revivre les mœurs
des premiers chrétiens, rejetait l'autorité du pape, la
hiérarchie ecclésiastique, et considérait les dogmes
comme peu importants comparés à la morale. Les
partisans de cette secte portent dans l'histoire le
nom de vaudois. Une autre secte s'éloignait bien
davantage des doctrines orthodoxes. Selon celle-ci,
le monde physique n'était pas l'œuvre de Dieu,
mais celle d un mauvais ange. Dieu avait créé les
hommes esprits purs, mais le mauvais ange les
séduisit et enferma ces esprits dans des corps ma-
tériels ; de là le mal, sous ses formes diverses. La
terre où les hommes vivent dans la souffrance et
dans le péché est le véritable enfer. Cependant le
règne du mal n'est pas éternel ; les hommes ne sont
pas condamnés à vivre indéfiniment damnés : lis
remonteront tous auprès de Dieu, les uns plus tôt,
les autres plus tard. Pour mériter le salut, il n'y a
qu'un moyen : c'est de mépriser le monde et la vie,
de renier la nature humaine, de vivre autant que
possible comme un esprit pur. On peut par là ob-
tenir à sa mort d'être enlevé de sur cette terre
maudite et ravi au ciel. Sinon, on revivra encore
dans un corps d'homme, peut-être même dans un
corps d'animal, jusqu'à ce que l'expiation soit suf-
fisante aux yeux de Dieu.
Remarquons que la doctrine de cette secte la
rattachait au Manichéisme (deux principes, l'un bon,
l'autre mauvais), mais que sa morale aboutissait
à la mortification, à l'ascétisme, comme la morale
catholique elle-même. Les partisans de cette secte
s'appelaient eux-mêmes les cathares (du mot
grec, qui signifie pur) ; les Français du nord les ap-
pelèrent Albigeois, bien qu'ils ne fussent pas plus
nombreux dans le pays albigeois que dans le reste
du Languedoc : c'est le nom impropre qui leur est
demeuré dans l'histoire.
Il ne paraît pas que la masse de la population
languedocienne fût vaudoise ou albigeoise ; les
partisans décidés des deux sectes formaient partout
la minorité; mais ils étaient bien vus du reste des
habitants, qui étaient dégoûtés du catholicisme, ou
ALBIGEOIS
- 58 -
ALBUMINE
pour mieux dire du clergé catholuiue, surtout les
seigneurs. Ceux-ci, et à leur tôte le comte do Tou-
louse, seigneur suzerain du Languedoc, favorisaient
ouvertement les hérétiques.
Il n'était pas possible, avec les idées de l'époque,
que les pays catholiques souffrissent patiemment
de voir le Midi sortir du giron de l'Église ; mais il
fallait un promoteur. Ce fut le pape Innocent III.
Traitant les Languedociens comme des musulmans,
il provoqua, en 1208, une croisade, c'est-à-dire une
guerre sainte, où les soldats étaient assurés de
gagner la rémission de leurs péchés, en sus du
butin qu'ils pourraient faire. Les Français du nord
se croisèrent en foule, les uns par un zèle aveugle
mais respectable encore pour la religion, les autres
par des motifs beaucoup moins purs. Notons bien
qu'à ce premier moment leur suzerain à tous, le
roi de France, ne remua pas.
Innocent III, habile quoique violent, sut diviser
ceux qu'il menaçait : il persuada au comte de
Toulouse, Raymond VI, suzerain des pays héréti-
ques, qu'on le recevrait en grâce, moyennant une
cérémonie humiliante. Raymond VI, trompé, laissa
écraser son vassal le plus puissant, Roger VI, comte
de Béziers et de Carcassonne. La ville de Béziers
fut emportée d'assaut, et tout son peuple massacré
sans distinction d'hérétiques ni de catholiques ;
c'est un des événements atroces de l'histoire ; Car-
cassonne se rendit. Les prélats qui formaient le
conseil de l'armée élurent alors pour chef de l'expé-
dition un homme dévot, ambitieux et habile, Simon
de Montfort ; et ils l'investirent des États de Roger.
Après quoi, la plupart des croisés retournèrent chez
eux (1209). L'année suivante, au printemps, ils re-
vinrent. Il faut savoir cette habitude pour compren-
dre la longue impuissance de la croisade contre le
Midi, d'ailleurs divisé. Cette fois, on attaqua le
comte de Toulouse. Les campagnes de 1210 à 1215,
pendant lesquelles il n'y eut qu'une grande bataille
livrée à Moret, et gagnée par les croisés, mais force
châteaux assiégés, pris et repris, aboutirent à la
dépossession du comte de Toulouse, au profit de
Simon de Montfort. L'Église, par son concile de
Latran (en 1215), consacra ce que la force avait fait.
Pour les hommes du Midi cette guerre avait tou-
jours été plus patriotique que religieuse. Raymond VI
avaitun fils maintenant en âge d'homme et qui était,
ce semble, très-aimé des peuples. Ils ne purent
souffrir de le voir dépouillé de l'héritage de son
père. De toutes parts les villes se révoltèrent ;
les bourgeois, les artisans reprirent, pour ainsi dire,
la guerre à leur compte et la menèrent très-éner-
giquement. Simon, chassé de Toulouse, fut tué
«n 121,s devant ses murs, durant un siège héroïque;
lefils de Simon, Amaury, succéda à son père, mais
il vit bientôt qu'il n'était pas de force à soumettre
ses prétendus sujets, surtout quand le populaire
Raymond VII eut succédé de son côté, en 1222, à
son père Raymond VI. Amaury céda ses droits très-
contestables au roi de France Louis VIII, en 1225.
Le Midi était déjà bien épuisé par ces invasions
annuelles du Nord qui se renouvelaient depuis
17 ans, quand la cession d' Amaury le mit en de-
meure de se défendre contre un ennemi nouveau,
bien plus redoutable, contre le roi de France, sou-
tenu par l'Église, appuyé de son titre de suzerain.
Raymond VII résista quelques années, puis entra
en composition. Par le traité de Meaux, conclu
en 1229, Raymond maria sa fille à Alphonse,
frère du roi de France, qui était alors saint Louis.
Il donna tous ses États en deçà du Rhône à cette
fille, partie sur-le-champ, partie après sa mort.
Au cas où elle n'aurait pas d'enfant, ces biens de-
vaient revenir au roi de France. Effectivement ce
mariage fut stérile, et le roi de France hérita du
Languedoc en 1271.
Le traité de Meaux finit la guerre (sauf une courte
reprise d'hostilités en I2il) ; mais il ne finit pas la
I persécution ; au contraire : il livra le Midi au despo-
tisme de Viiiquisilion. 11 y eut dans toutes les villes
[ importantes un tribunal de prêtres acharné à la
poursuite des hérétiques. On les brûlait solennel-
lement; et leurs biens confisqués allaient enrichir
des hommes dévoués à l'Église. A la longue, la
classe des personnes riches et des seigneurs fut
ainsi renouvelée :il ne resta peut-être pas moitié de
l'ancienne noblesse. Cependant, tant que Rayniùi.d
VII vécut, les hérétiques espérèrent ; les seigneurs,
dans les campagnes, résistèrent à l'inquisition. Ils
exerçaient même des représailles, massacrant les
prêtres, brûlant les couvents, forçant les inquisi-
teurs à se retrancher dans les villes. Mais, après la
mort de Raymond VII, le Midi perdit l'espoir de
former une nation, et les hérétiques perdirent,
ce semble, l'espoir de donner à cette nation une r >-
ligion nouvelle ; les chefs des deux sectes vaudoi-
se et albigeoise émigrèrent alors en Italie, et jusque
dans les provinces danubiennes. Toutefois l'Église
trouvait encore des gens à brûler dans le Languedoc
vers le milieu du quatorzième siècle.
On voit que l'hérésie vaudoise et albigeoise n'a
pas duré moins de deux cents ans, à divers degrés
de ferveur ; elle n'a été extirpée qu'au prix de beau-
coup de sang, de tortures et même de crimes. Pour
la bien juger, il faut la considérer, quoiqu'elle n';;it
pas réussi, comme le premier acte de ce grand drame
de la Réforme qui a brisé l'unité de l'Église, séparé
en deux le monde chrétien, et préparé des consé-
quences qui sont loin d'être cpuisees.il est extrême-
ment remarquable que la France, chez qui la réforme
a finalement échoué, en ait fourni le premier essai
et le dessein original. |Paul Lacombe.]
ALBU3IINE. — Chimie, XXVÎI. — lEfijm. .•'du
latin albumen, blanc d'œuf). — L'albumine est une
substance organique que le blanc d'œuf nous offre
presque à l'état de pureté complète.
1. Albumine proprement dite. — Albumine ani-
male. — On la trouve dans le sang, le chyle, la
lymphe, les sérosités. C'est un des principes consti-
tuants de la substance cérébrale et des nerfs.
AViumine végétale. — Les tissus et les liquides
végétaux en contiennent aussi des quantités très-
variables. On la rencontre principalement dans les
haricots, les fèves et dans un bon nombre de
plantes oléagineuses.
Coagulation par la chaleur. — L'albumine se
présente à l'état liquide dans le blanc d'œuf, et à
l'état de dissolution dans le sang.
L'albumine liquide a une réaction alcaline. Très-
rapidement putréfiable, elle donne par sa putréfac-
tion un nombre considérable d'animalcules et
répand une odeur nauséabonde (œufs pourris, sang
gâté ; dans ce dernier liquide, elle paraît être en
combinaison avec la soude).
Tout le monde saitqu'ellepeutêtrecoaguléepar la
chaleur et par les acides ; elle est ou n'est pas so-
luble, selon le procédé par lequel elle a été coagulée.
Quand on évapore le blanc d'œuf ou le sérum du
sang à une température qui ne dépasse pas 50"
centigrades , l'albumine desséchée forme une cou-
che mince, solide, transparente, et elle est alors
soluble dans l'eau. L'albumine coagulée à une tem-
pérature plus élevée ou par l'alcool ou les acides
est au contraire insoluble dans l'eau.
Le sérum du sang humain se coagule entre
69 et 72° centigrades ; le blanc d'œuf vers 00" ; entre
30 et Sô" pour l'albumine de lécrevisse et pour
celle des poissons.
L'albumine dissoute est coagulée par les sels de
zinc, de plomb, d'argent, de mercure, par le chlore,
l'infusion de noix de galle. L'acide acétique est sans
action sur l'albumine.
Le sublimé corrosif (bichlorure de mercure)
trouble un liquide qui ne contient que deux mil-
lièmes d'albumine en dissolution. C'est en parlant
de ce fait qu'Orfila a recommandé l'administration
ALBUMINE
— 59 —
ALCALI
du blanc d'œuf dans les empoisonnements par les
sels mercuriels.
Composiùon cJiimiqiie de l'albumine. — Les
analyses des plus habiles chimistes, Schérer, Du-
mas, Cahours, Boussingault, n'ont pas fait décou-
vrir la plus petite différence entre la composition
de l'albumine animale et celle de-l'albumine végétale.
Toutes deux sont formées d'une combinaison de
carbane, d'hydrogène, d'oxygène et d'azote. L'une
et l'autre contiennent en outre du phosphore et
du soufre*, c'est ce dernier corps qui sulfure et
noircit les ustensiles et les couverts d'argent qui
séjournent au contact du blanc d'œuf.
2. Albumine ïdes. — Fibrine. — Caséine. — On
rencontre dans le sang une substance liquéfiée qui
se prend en filaments blancs élastiques lorsqu'on
fouette ce liquide avec une baguette, et qui a ab-
solument la même composition que l'albumine ; on
y trouve les mêmes proportions d'azote, de phos-
phore, de soufre : c'est la fibrine. Cette substance se
retrouve à l'état solide dans la fibre musculaire,
dont elle est l'élément constituant principal. La
fibrine est insoluble dans l'eau froide ou chaude ;
elle a des propriétés analogues à l'albumine coa-
gulée et à la CHseine. Ces trois substances azotées
constituent principalement ce qu'on appelle les élé-
ments quaternaires ou albumiaoïdes . ,
La fibrine du sang se gonfle sans se dissoudre
dans l'eau acidulée par 1/10 d'acide chlorhydri-
que ; au contraire , la fibrine des muscles s'y
dissout immédiatement; pour les distinguer, on
a appelé celle-ci mu<cutine.
Les substances albumiiioïJes dans l'alimenta-
tion. — Les chairs rouges ou noires, telles que
celles de mouton, de bœuf, de lièvre, de chevreuil,
d'oiseaux sauvages, sont plus riches en muscu-
line et plus nutritives que les chaires blanches de
veaux, d'agneaux ou d'oiseaux domestiques.
Le bouillon ou pot-au-feu renferme de l'albu-
mine, de la gélatine, des substances grasses qui
en forment les yeux, mais point de fibrine. Celle-ci,
modifiée par l'eau bouillante et accompagnée de
matières gélatineuses et albumineuses non dis-
soutes, constitue le bouilUi, qui, quelque dur
qu'il puisse être, est par conséquent toujours en-
core nutritif, mais beaucoup moins que la viande
fraîche.
La caséine se rencontre principalement dans le lait,
dont elle constitue l'élémontazotéet par conséquent
nutritif; le fromage blanc est presque exclusive-
ment formé de caséine ; les fromages forts doivent
leurs propriétés nutritives et excitantes à de la ca-
séine dans un état plus ou moins avancé de fer-
mentation. Pour produire la coagulation de la ca
seine on se sert de présure, substance grise en
fermentation provenant de la membrane interne de
Testomac de veau. L'acide lactique qui se déve-
loppe dans le lait aigri peut aussi coaguler la ca-
séine. Pendant les chaleurs orageuses, le sucre de
lait se transforme facilement en acide lactique ; ce-
lui-ci coagule la caséine qui se précipitera lorsqu'on
fera bouillir le lait; on dit alors qu'il a tourné.
Osséinii et gélatine. — A côté de ces substances
azotées neutres se placent ordinairement Vosséine
et la gélatine.
L'osséine constitue avec le périoste la partie or-
ganisée des os. Quand on les calcine, il ne reste
que les sels calcaires qui en constituaient la partie
minérale. Quand, au contraire, on met un os dans
de l'acide chlorhj-drique, les sels calcaires se dis-
solvent en grande partie, la substance devient molle,
flexible : c'est l'osséine ; si on la fait bouillir dans
l'eau, elle se transforme et devient de la gélalatine.
La gélatine pure est incolore, sans odeur et
sans saveur, cassante si elle est sèche. Elle se gon-
fle dans l'eau, s'y dissout à chaud et par le refroi-
dissement elle se prend en gelée. La peau, les
tendons, les cartilages des animaux sont riches en
gélatine. C'est en faisant bouillir dans l'eau les dé-
bris de ces substances qu'on fabrique la colle forto
ou colle de Givet. La colle de poisson ou colle blan-
che et qui provient de la vessie natatoire de cer-
tains esturgeons du Volga, est presque exclusive-
ment formée de gélatine.
Htmoyi.biili .e. — Enfin aux matières albumi-
noides on doit ajouter la matière colorante du sang
ou hémoglobuline ; elle n'en a ni la composition ni
les propriétés, mais elle doit être considérée comme
un de leurs dérivés ; en effet, elle se dédouble
très-facilement en une substance albuminoide, la
globuline, et en une matière colorée, l'hématine.
L'hémoglobuline n'est point amorphe : elle cris-
tallise suivant des formes différentes, selon l'ori-
gine du sang dont elle provient; le sang d'homme
donne des prismes, celui d'écureuil des plaques
hexagonales ; elle contient du carbone, de l'hydro-
gène, de l'azote dans les mêmes proportions que
substances albuminoïdes mais elle possède en
plus 1/2 pour cent de fer.
Il est démontré aujourd'hui que les substances
albuminoïdes ne sont point, comme on l'a cru long-
temps, formées dans l'organisme animal au moj^en
de substances végétales absorbées, mais qu'elles
se trouvent toutes formées dans les substances vé-
gétales ; les herbivores par leur digestion ne font
pour ainsi dire que les condenser.
[A. Jacquemart.]
ALCALI. — Chimie, X\l. — (E/yn. Ce nom,
d'origine arabe, s'apphquait autrefois à une plante
marine dont on extrait la soude du commerce. I^e
résidu provenant de sa combustion portait auss' le
nom d'alcali.)
Définition. — Aujourd'hui les chimistes dési-
gnent sous ce nom toutes les substances (solides,
liquides ou gazeuses) qui offrent plus ou moins
complètement les mêmes caractères que la potasse
ou la soude, c'est-à-dire qui présentent des pro-
priétés absolument opposées à celles des acides,
qui ramènent au bleu le tournesol rougi par les
acides, qui ont une grande facilité à se combiner
avec les acides pour former avec eux des sels neu-
tres n'ayant ni les propriétés de l'acide ni celles
de la base.
Di/fé''enls alcalis. — La potasse (jadis nommée
(demi yni'iérat), la soude (autrefois alcali végétal),
et l'ammoniaque Udcali votatd), sont les trois al-
calis proprement dits : ils se caractérisent : r par
leur saveur acre et caustique ; 2"^ parce qu'ils sont,
ainsi que tous leurs sulfates et carbonates, com-
plètement solubles dans l'eau. On appelle terrts
iilcaliues la cliaux, la baryte, lastrontiane et la ma-
gnésie, qui sont aussi notablement solubles, mais
ont des sulfates et des carbonates peu ou point
solubles. Enfin, on appelle alcalis végétaux ou
ulcaloï les des substances organiques azotées qui,
sans être, comme la potasse et la soude, des oxydes
métalliques, ont cependant quelques-unes de leurs
propriétés (V. Alcaloïdes).
Iiécuuverte de la comtosition des alcalin. — Les
alcalis, connus depuis très-longtemps, étaient en-
core considérés à la fin du siècle dernier comme
des corps simples. Lavoisier, en I77G, avait soup-
çonné qu'ils devaient être des oxydes métalliques;
mais ce fut Davy qui, en 1807, parvint le premier
à les décomposer en les soumettant à l'action de la
pile voltaïque ; c'est ainsi que furent découverts
cinq nouveaux métaux, le potassium, le sodium,
le calcium, le baryum, le magnésium, qui, combi-
nés avec l'oxygène, forment les divers alcalis. C'é-
tait le plus grand progrès accompli par la chimie
depuis la décomposition de l'air et de l'eau.
Potnsse et souie ciusliques, c'est-à- lire à l'état
pur. — La potasse et la soude se trouvent dans
les laboratoires sous forme de plaques blanches,
opaques, à cassure cristalline, fondant au rouge
sombre et ayant pour formule : la potasse KO, HO,
ALCALI
— 60
alcaloïdes
la soude NaO, HO (K représentant un atome du
métal, le potassium, et Na un atome de sodium).
On voit que l'une et l'autre sont hydratées, c'est-à-
dire contiennent de l'eau.
Leurs propriétés. — \'' déliquescence. — Ces deux
bases attirent l'humidité de l'air avec tant d'éner-
gie, qu'exposées à l'air libre elles s'imprècrnent
d'eau et tombent rapidement en déliquescence.
2° Cnv^tirifé. — C'est une conséquence de leurs
propriétés déliquescentes : ces deux substances
brûlent les tissus organisés, parce qu'elles enlèvent
entièrement l'eau que ces tissus contiennent. Aussi
ce sont des poisons corrosifs énergiques. On em-
ploie surtout la potasse en chirurgie, comme pierre
à cautères. Introduit dans la bouche, un fragment
de potasse, ou une goutte de la dissolution de
potasse, de soude ou d'ammoniaque, détruit in-
stantanément l'épithélium et met à vif la mu-
queuse, la fait rougir et, au bout de quelques ins-
tants de contact, y produit des perforations et des
ulcérations. Introduit dans l'estomac, l'alcali le per-
fore rapidement. Le contre-poison, autant qu'il est
possible, doit être dans des boissons acidulées.
Sels de pofnsse et de soude, — Ces deux bases
forment avec les acides de nombreux sels, dont la
thérapeutique et l'industrie savent tirer parti. Les
plus importantes sont les carbonates de potasse et
de soude.
Potasse du commerce. — Ce que dans le com-
merce on appelle vulgairement potasse est un
carbonate de potasse, impur parce qu'il est fabri-
qué en grand et non avec la perfection des procé-
dés chimiques de laboratoire. Les végétaux terres-
tres contiennent une grande quantité de sels de
potasse, qui par la calcination se changent pour la
plupart en carbonates. Par conséquent les cendres
de bois sont la source naturelle la plus abondante
de carbonate de potasse. Comme ce sel est parfai-
tement soluble dans l'eau, on voit qu'il suffira de
passer les cendres à l'eau bouillante pour en extraire
une forte proportion de carbonate de potasse. Telle
est la raison chimique de la lesswe.
Sun rôle dans la lessive — Mais en quoi la po-
tasse aide-t-elle à laver le linge? Comment enlève-
t-elle les taches de graisse ? C'est que tous les corps
gras contiennent deux éléments, dont l'un est un
corps neutre, la glycérine, et l'autre un acide
çiras, véritable acide pour lequel les alcalis ont
la même affinité que pour tous les acides mi-
néraux. La potasse des cendres, dans la lessive,
décompose les corps gras, se combine avec eux et
entraîne dans l'eau toutes les matières grasses qui
peu à peu, avec l'aide du battoir de la blanchisseuse,
se détachent du linge (V. Savon).
Outre cette propriété qui les rend précieux pour
la fabrication des savons, les sels alcalins, les car-
bonates surtout, entrent dans diverses industries,
notamment dans la fabrication des verres et des
cristaux. Il était donc naturel qu'on cherchât à les
produire en grandes quantités et à bon marché.
1° Potasses extriiiies des cendres de bois. — Dans
les pays où le hois n'est pas cher, dans ceux où les
difficultés de communication ne permettent pas
d'en tirer grand parti, on brûle du bois dans des
fosses d'un mètre de profondeur, puis on en re-
cueille les cendres; on passe ensuite à l'eau bouil-
lante ; on laisse évaporer l'eau de cette lessive:
le résidu s'appelle le salin; on le fait recuire dans
des fours particuliers. Ce qui en sort est la potasse
brute ou potuss' perlase, qu'on appelle, suivant les
lieux d'où elle vient, potasse des Vosges, de Tos-
cane, de Russie, de Dantzig, d'Amérique, etc.
2° Potassfs extraites de îne/asses de lietlerave.
— Depuis quelques années en France, notamment
dans les départements du Nord, de l'Aisne, on ex-
trait beaucoup de potasse (environ ;500U tonnes
par an), des résidus de la fabrication du sucre et de
î'eau-de-vie de betteraves : on calcine à cet effet le
résidu des mélasses fermentées, et on obtient un
solid de betteraves qu'on transforme, comme celui
de bois, en potasse perlasse.
3° Potasses extraites d''S eaux de lavage des lai-
ws. — A Elbeuf et à Reims , où se lavent de
grandes quantités de laines brutes, on utili>e les
eaux de saint, qui, concentrées, forment une sorte
de sirop qu'on fait évaporer, puis calciner : on en
tire un carbonate de potasse de bonne qualité.
4° Potasses extraites de la Hf de vin. — On a
aussi obtenu de la potasse presque pure par la
calcination des tartres renfermés dans les lies de
vin, mais aujourd'hui presque tout ce tartre est
réservé à la fabrication de l'acide tartrique.
Carbonates de soude. — La soude du commerce
s'obtenait autrefois par le lavage des cendres pro-
venant de la combustion de divers végétaux ma-
rins, et notamment du genre Salsola. C'était la soude
des varechs. L'Espaorne en livrait la plus grande
quantité (soude d'Alicante). A la fin du dernier
siècle, sous la Convention, à un moment où la
France, en guerre avec l'Espagne, ne savait com-
ment se procurer les provisions nécessaires de
soude, un chimiste français, Leblanc, répondit le
premier à l'appel de la Convention, découvrit et li-
vra généreusement à la publicité un procédé de fa-
brication artificielle qui opéra une véritaDle révo-
lution dans cette industrie. Il était parvenu à
fabriquer le carbonate de soude par l'action do
sulfate de soude et de la craie pulvérisée et mé-
langée à du charbon. Le malheureux inventeur
mourut dans la misère en iHOa, mais aujourd'hui
le procédé Leblanc (facilité par les fours spéciaui
de d'Arcet) est le seul qu'on emploie en grand
pour cette fabrication.
Le carbonate de soude entre dans la composi-
tion des savons durs ; le carbonate de potasse
dans celle du savon gras.
Bicarbonate de soude. — Ce sel, qui contient
deux fois plus d'acide carbonique que le carbo
nate, se rencontre dans quelques eaux naturelles.
et principalement dans les eaux de Vichy : aussi
portet-il le nom de sel de Vichy. Il est d'un usage
très-fréquent en médecine et est l'agent de ce
qu'on nomme la médication alcaline : on le re-
commande comme facilitant la digestion et surtout
comme combattant les sécrétions calcaires. En effet
il se décompose très-aisément en présence de la
chaux ; son acide carbonique absorbe la chaux qu'il
trouve dans les sécrétions et donne lieu à du car-
bonate de soude qui est très-soluble, tandis que
le carbonate de chaux ne l'est point: il s'accumule
dans certains organes, y produit des dépôts calcaires
très dangereux.
Alcalimétrie. — Les potasses et les soudes du
commerce sont toujours impures, et leur valeur
vénale tient surtout aux quantités de potasse ou
de soude pure qu'elles contiennent; l'industrie a
donc tout intérêt à apprécier très-exactement les
quantités qu'elles en contiennent. Les procédés
employés pour arriver à cette évaluation consti-
tuent l'alcalimétrie. On détermine la quantité d'al-
cali pur qu'il faudrait pour neutraliser complète-
ment une quantité déterminée d'acide sulfurique
pur. Si, pour neutraliser ensuite la même quantité
d'acide sulfurique, il faut une quantité trois ou
quatre fois plus grande de l'alcali du commerce,
c'est que celui-ci ne contient que le 1/3 ou le 1/4
de son poids d'alcali véritable. Tel est le principe
très-simple de l'alcalimétrie, imaginée par Gay-
Lussac.
Pour les métaux alcalins, V. Métaux. — V.
aussi Ammoniaque. [A. Jacquemart. j
ALC.4LoinES. — C/»'w2fe,XXV.— {Elym.: ana-
logue aux alcalis.)
Découverte des alcaloïdes naturels. — En 1820,
Pelletier et Caventou, pharmaciens à Paris, par-
vinrent à extraire, de l'écorce do quinquina, deux
ALCOOL
— Gl —
ALCOOL
principes actifs, auxquels le précieux végétai doit
ses propriétés fébrifuges : ce sont la quinine et la
cinchonine, substances blanches, solides, amères,
solubles dans l'alcool, formées de carbone, d'oxy-
gène, d'hydrogène et d'azote.
. C'est toujours une importante découverte que
celle d'un principe médical qu'on parvient à isoler,
car la thérapeutique peut mieux en varier remploi ;
mais la découverte faite par les deux savants fran-
çais était encore plus importante, à cause de ses
conséquences pour la chimie organique.
Ils constataic/.t, en effet, que ces deux produits
nouveaux bleuissaient le tournesol rougi, et se
combinaient aux acides comme les alcalis métal-
liques : la potasse, la soude et l'ammoniaque
(V. l'ariicle précédent); de là le nom d'alcaloïdes
qui leur fut donné pour rappeler leur principal
caractère chimique.
En 18 4, Sertuerner avait déjà constaté dans l'o-
pium un principe possédant les propriétés chi-
miques des bases métalliques ; on peut donc le
considérer comme ayant trouvé le premier alca-
loïde, quoiqu'il ne lui ait pas donné ce nom.
Depuis Pelletier et Caventou, le nombre des
alcaloïdes découverts dans des sucs végétaux s'ac-
crut rapidement; on les appela alcaloïdes naturels,
par opposition aux alcaloïdes artificiels qu'on par-
vint plus tard à fabriquer.
Ces derniers sont extrêmement nombreux : on
les nomme quelquefois ammoniaques composées,
parce qu'on les considère comme de l'ammoniaque
dans laquelle 1, 2, 3 équivalents d'hydrogène sont
remplacés par d'autres substances.
-".Toutes les espèces d'alcaloïdes naturels et arti-
ficiels contiennent de l'azote et donnent de l'am-
moniaque en se décomposant. La thérapeutique a
tiré un grand parti de l'action énergique que la
plupart exercent sur l'économie.
Exemples d'alcaloïdes. — L'opium, qui est du suc
de pavot épaissi et qu'on extrait des capsules de
pavot par une simple incision, contient plusieurs
alcaloïdes, entre autres la morphine et la narco-
tine, substances qui, prises en très-petite quantité,
provoquent la somnolence, et, à doses plus fortes,
l'insensibiiiLé, quelquefois des convulsions et le té-
tanos. Le laudanum est une liqueur pharmaceu-
tique dont l'élément principal est l'opium.
La nicotine est l'alcaloïde du tabac ; la caféine,
celui du café. ISaniline, aujourd'hui très-employée
en teiniurerie. est l'alcaloïde du goudron de houille.
Modes d'extraction. — Deux méthodes sont em-
ployées pour l'extraction de ces produits impor-
tants : ceux qui sont liquides et volatils sont extraits
par distillation, sur de la chaux ou de la potasse, de
la partie du végétal qui les contient; les autres
s'obtiennent par des lavages avec de l'eau acidulée,
de l'alcool ou de l'éther. [A. Jacquemart.]
ALCOOL. — Chimie, XXIIL— (Étijm. : de l'arabe
al colio , le subtil.) — L'Académie écrivait 'dioliul
jusqu'à sa G' édition, où 1'/; étymologique a été
supprimé.
1. Alcool proprement dit, alcool vinique ou
esprit-de-vin. — C'est le liquide obtenu par la
distillation du vin.
L'dlc'iol lesulte de la fermentulion. — L'alcool
est la base de toutes les liqueurs lermentées : le
vin, le cidre, la bière. Dans une cuve où fermente
du jus de raisin ou de pommes, le sucre se change
en acide carbonique et en alcool sous l'action des
ferments (V. Fermentidioi,). Gay-Lussac ayant hi-
trcduit quelques grains de raisin dans une éprou-
vette pleine de mercure et y ayant laissé pénétrer
un peu d'air nécessaire à la fermentation, vit le
mercure chassé de l'éprouvette par la pression de
l'acide curboniciuc naissant, et il put constater que,
la fermentation terminée, il ne restait plus aucune
trace de sucre, tandis que le jus aqueux contenait
de l'alcool.
Alcool pur et alcools du conimerce. — La formule
de l'alcool absolu est C^H^O^, mais les hqueurs
fermentées ne sont que de l'alcool très-étendu
d'eau. Pour l'obtenir pur, on distille plusieurs fois
de suite sur du carbonate de potasse fondu, corps
très-avide d'eau, l'alcool du commerce dont la ri-
chesse est indiquée par l'alcoomètre (V. Aréo-
mètre). Dans l'alcool absolu cet instrument marque
11)0° à 10° de température. Tous les alcools du
commerce, les esprits, les eaux-de-vie, sont des mé-
langes d'alcool pur et d'eau. — V. ci-dessous At-
cooliquej (boissons).
Découverte de l'alcool. — On attribue la décou-
verte de l'alcool à Arnauld de Villeneuve, alchi-
miste, qui vivait à Montpellier vers l;i(lO.
Raymond LuUe, autre alchimiste célèbre, a dé-
crit la rectification de l'esprit-de-vin par la distilla-
tion sur le carbonate de potasse fondu.
Fabrication de l'alcool. — On obtient l'alcool
en grand par la distillation des liquides fermen-
tes, tels que le vin, le jus de betteraves fermenté,
le moût obtenu par la saccharification de la fécule
et du grain et soumis ensuite à la fermentation
(eau-de-vie de grains). L'opération se fait aujour-
d'hui dans des appareils très-perfectionnés.
On obtient du premier coup, par une seule
distillation, de l'alcool bon goût à !)..° centésimaux
(voyez Aréonièire) ; bon goût, c'est-à-dire débarrassé
de l'alcool amylique (huile de pommes de terre,
huile de betteraves), qui se forme en même temps
que lui et en petite quantité dans la fermentation
des liquides sucrés.
Distillation et concentration. — L'alcool est plus
volatil que l'eau; par conséquent un mélange
de ces deux liquides soumis à la distillation don-
nera d'abord un liquide plus riclie que celui dont
il provient ; il en sera de même d'une deuxième,
d'une troisième distillation : tel est le principe de
la concentration des alcools ou esprits par distilla-
tion.
Aujourd'hui ces distillations successives se font
pour ainsi dire en môme temps au moyen des ap-
pareils perfectionnés de Derosno et Cail et de Lau-
gier. Les vapeurs mêlées d'alcool et d'eau sont
forcées de s'clever dans une sorte de haute co-
lonne où les vapeurs d'eau se liquéfient, celles de
l'alcool «ontinuant à monter; à mesure qu'elles
montent, elles atteignent une région plus froide et
se condensent à leur tour.
Propriétés. — L'alcool est un liquide incolore,
volatil, doué d'une odeur spiritueuse agréable. Sa
densité est 0,79 à 15° centigrades. Il bout à 78°, 4
sous la pression barométrique normale, 760°"°.
On n'a pas encore pu le congeler ; à 100° de froid
il a la consistance oléagineuse. L'alcool se mêle à
l'eau en toutes proportions. Le mélange produit de
la chaleur, il en résulte une contraction après le
refroidissement. Ainsi 1 lilre d'eau mélangé à
1 litre d'alcool ne donne point 2 litres de mélange.
La plus grande contraction se produit quand on
mélange les deux liquides dans la proportion de
52,3 volumes d'alcool pour 47,7 d'eau. L'alcool
attire l'humidité de l'air. Il déshydrate les sels
contenant de l'eau.
L'alcool comme dissolvant. — L'oxygène, le
cyanogène, l'acide carbonique se dissolvent dans
l'alcool. 11 en est de même des résines, des corps
gras, des bases organiques. La plupart des gaz y
sont plus solubles que dans l'eau.
Les teintures alcooliques des pharmaciens, telles
que la teinture d'iode, ne sont autre chose que di-
verses substances en dissolution dans l'alcool. La
potasse, la soude, un grand nombre d'acides mi-
néraux s'y dissolvent. Quelques parcelles d'acide
borique donnent une coloration verte à la flamme
de l'alcool.
Combustion vive et combustion lente de l'aicool.
— L'alcool prend feu à l'air au contact d'une allu-
ALCOOL
— 62 —
ALCOOL
mette enflammée et brûle avec une flamme bleuâtre
peu éclairante.
Si on fait passer un courant de vapeurs d'alcool
dans un tube de porcelaine chauffé au rouge, elles
sont complètement décomposées, on reçoit par
l'autre extrémité du tube un mélunge de vapeur
d'eau, d'oxyde de carbone, d'hydrogène, de gaz
des marais 'hydrogène protocarboné) et d'hydro-
gène bicarboné. Le tube est en outre recouvert
d'une couche de charbon noir et quelquefois on
constate la présence de benzine et d'hydrate de
phényle. On le voit, la décomposition par la cha-
leur seule de ce corps, dont la formule est assez
simple, C^H^O^, peut donner naissance à un très-
grand nombre de produits, dont la nature peut en-
core varier avec la température à laquelle la dé-
composition s'opère. C'est qu'en effet, comme nous
l'avons souvent constaté (V. Chimie organique),
les produits organiques ou leurs dérivés formés
de carbone ou d'hydrogène sont extrêmement
nombreux.
Quand l'alcool subit une combustion lente, c'est-
à-dire une oxydation incomplète (V. Oxygène), il
se forme de l'acide acétique: c'est le principe de la
fabrication du vinaigre.
Pour produire la combustion lente de l'alcool, on
fait tomber le liquide goutte à goutte sur du noir
do platine : il se forme d'abord un produit d'oxyda-
tion intermédiaire et qu'on appelle aldéhyde ; ce
corps manifeste sa présence par une odeur parti-
culière, puis, l'oxydation se continuant, l'aldéhyde se
transforme en acide acétique, suivant cette for-
mule :
CiI1602 + 02 = C*H402 -f 2H0.
Alcool Oxygène Aldéhyde Eau
C4Hi02 + 02 = C4H40*.
Aldéhyde Oxygène Acide acétique
On peut encore réaliser la combustion lente de
l'alcool au moyen de la lampe sans flamme de Dœ-
bereiner. C'est une lampe à alcool ordinaire, dont
la mèche est surmontée d'un fil de platine en spirale.
Quand la lampe est allumée, la spirale est portée
à l'incandescence. Qu'on éteigne alors la flamme, les
vapeurs d'alcool viennent au contact de la spirale
encore chaude et éprouvent alors la combustion
lente, ce qui donne assez de chaleur pour reporter
rapidement la spirale à l'incandescence.
2. Conibinaisons de l'alcool avec divers corps.
— L'alcool peut s'oxyder vivement au contact des
corps riches en oxygène, comme l'acide chlorique ;
lexpérience est même dangereuse.
L'alcool absolu est très-énergiquement attaqué
par le chlore ; sous l'influence des rayons solaires
chaque bulle de chlore peut déterminer une in-
flammation. En modérant la réaction il se forme
de l'aldéhyde d'abord, ensuite de l'éther acétique
et de l'accial, puis enfin du chloral : C^HCl'O^.
Ce produit est aujourd'hui très-employé en théra-
peutique.
Distillé avec du chlorure de chaux, l'alcool donne
du chloroforme.
Chauffé avec une solution d'argent ou de mer-
cure dans l'acide azotique concentré, il se manifeste
une vive ébuUition et au bout de quelque temps
on obtient un dépôt de fubninate d'argent ou de
mercure, poudre explosive.
Actio7i de l'acide sulfurique sur l'alcool. For-
mation de l'éther. — Si on verse de l'acide sulfu-
rique dans de l'alcool, et qu'on agite doucement,
la masse s'échauffe ; il se forme une véritable com-
binaison entre les deux corps : c'est l'acide sulfovi-
nique. Si on chauffe ce mélange à 140°, on obtient
en condensant les vapeurs un liquide incolore : c'est
l'éther ordinaire, appelé encore éther normal. Sa
formule est C^H'^iO ; elle ne diffère de celle de l'al-
cool que par les éléments de l'eau.
Si l'acide sulfurique est en grand excès et qu'on
' chauffe au-dessus de HO", on obtient du gaz olé-
I fiant, c'est-à-dire de l'hydrogène bicarboné, C*H*,
j l'un des gaz principaux du gaz d'éclairage.
3 Autres alcools ou alcools homologues. — Les
I chimistes ont trouvé un assez grand nombre de
, corps, tous liquides, ayant des formules sembla-
I blés à celle de l'alcool, et donnant lieu à des
I réactions analogues en présence des mêmes sub-
stances. Tel est, par exemple, l'esprit de bois ou
I alcool de 6o/s, découvert en 1812, par Taylor, dans
les produits de la distillation du bois et étudié par
Dumas et Péligot. Les chimistes l'appellent alcool
méth'jlique (C^H^O-;. M. Berthelot a pu le fabri-
quer artificiellement. A l'état de pureté, c'est un
liquide incolore volatil, d'une odeur spiritueuse.
L'odeur empyreumatique de l'esprit de bois du
commerce est due à des impuretés.
Quand on distille le marc de raisin, on obtient
encore un alcool, que les chimistes ont appelé alcool
pi'opylique.
En 1852, M. Wûrtz put extraire de l'alcool de
betterave un alcool, particulier qu'on a appelé buiy-
lique.
Dans Ihuile de marc de raisins, dans l'huile de
pommes de terre, dans l'huile de betteraves qui
constituent les résidus de la distillation des alcools
de marc, de fécule, de betteraves, M. Dumas a
trouvé d'autres produits, que ses travaux, ainsi que
ceux de Stas, Cahours, Balard, ont fait considérer
comme des corps analogues à l'alcool, aussi bien
par leur formule que par les réactions et les pro-
duits auxquels ils donnent naissance. On connaît
aujourd'hui un grand nombre de corps semblables,
qui constituent en chimie organique la classe si
importante des alcools. Voici le tableau des cinq
premiers, extrait de la chimie de M. Wurtz.
S
c
AETECaS
nosis.
D
E
s- —
z —
de la '.
2
66,0
découverte.
.\Icool méthjlique ou
C2Hi02
Tavlor, 1812.
esprit de bois.
Alcool proprement dit.
CtH602
78,4
Arnauld
alcool éthvlique, ou
de Villeneuve,
esprit-de-vin.
13U0.
.\.lcooI propvlique (ex-
C6H802
96°
Chancel, 1833.
trait des eaux-de-vie
de marc).
Alcool butvlique (extrait
CSHiOQS
109
WurU, I85i.
des alcools de bette-
rave).
Alcool amvlique (huile
C12H10Û2
130 .
Scheele, 1783.
de pomme de terre).
Et la série se continue ainsi, l'hydrogène (H)
ayant toujours 2 équivalents de plus que le car-
bone (C) et les proportions d'oxj'gène restant 0*.
Les produits dérivés de ces dili'érents alcools ne
sont pas moins rigoureusement homologues- Cha-
cun d'eux, en perdant 2 molécules d'eau, devient
un hydrogène carboné dont la formule dérive
simplement de la sienne. C*IF02 devient C^H*
(puisqu'il a perdu 2H0), C^H^O^ devient C«H6, et
ainsi do suite ; 2° chacun d'eux, sous l'influence des
oxydants, se convertit d'abord en un aldéhyde, puis
en un acide analogue à l'acide acétique ; 3° enfin
chacun d'eux, en se combinant avec les acides,
forme un éther composé lorsque l'acide est oxygéné
(et alors il y a toujours élimination d'eau), un éther
simple lorsque l'acide est hydrogéné; c'est le ca-
ractère le plus constant des alcools.
Pour se rendre compte de toutes ces réactions,
ainsi que de leur remarquable parallélisme, les
chimistes ont considéré toutes ces substances, al-
cools, éthers, etc., comme contenant une molécule
typique jouant le rôle dun corps simple et carac-
ALCOOLIQUES
— 63 —
ALCOOLIQUES
térîsant la série alcoolique ; c'est cette molécule
qu'on prend comme point de départ, comme élé-
ment fixe, se retrouvant dans tous les corps de la
série, mais combiné dans chacun d'eux à des pro-
portions différentes des autres corps. On l'appelle
le radical de la série : dans la série des alcools, le
radical est l'hydrogène carboné du gaz d'éclairage
qui se retrouve dans tous les alcools. Cette manière
d'envisager la théorie des innombrables réactions
auxquelles ils donnent lieu n'est pas seulement
un précieux fil conducteur pour les chimistes dans
ce dédale de faits si compliqués ; elle a reçu la
plus éclatante confirmation par les résultats aux-
quels elle a conduit, notamment par les fameuses
synthèses de M. Berthelot. Cet illustre cliimiste,
p.irtant du radical C^H* (gaz d'éclairage onéthylcne),
a pu fabriquer de toutes pièces :
1» En y ajoutant 1 équivalent d'hydrogène,
Yéthyle ou hydrure d'éthylène, C*H5.
2° En ajoutant au précédent 1 équivalent d'oxy-
gène, ïéther ou oxj'de d'éthyle C^H^O.
30 Enfin en y ajoutant 1 équivalent d'eau (HO),
r alcool ordinaire ou hydrate d'oxyde d'étliyle
C'H^O, HO ou, ce qui revient au même, C*H^O^.
(V. Synthèse).
Tout ce que nous venons de dire s'applique à
tous les autres alcools, en remplaçant le mot
cthyle par les noms : méthyle, propyle, butyle,
amyle, etc., qui représentent les radicaux des dif-
férentes séries, ou plus exactement leurs hydrures.
iNous avons insisté sur cet exemple des alcools,
•parce que c'est un de ceux qui permettent le mieux
de donner une idée générale des méthodes de la
chimie organique, de ses principes de classifica-
tion, enfin des lois, des analogies merveilleuses
qui président aux combinaisons en apparence les
plus compliquées. [A. Jacquemart.]
ALCOOLIQUES. (Boissons). — Chimie, XXIH ;
Hj-giène, XII. — V. l'article Boissons.
1. (Chimie) : Composition des boissons alcooli-
ques. — Nous croyons utile de donner une idée
sommaire des proportions d'alcool pur contenues :
1" dans les eaux-de-vie ; 2° dans les vins; -j" dans
d'autres boissons fermentées.
Eaux-de-vie. — On appelle ainsi des mélanges
d"alcool et d'eau dans lesquels la proportion de
Talcool pur ne dépasse pas 55 ou 6" degrés, c'est-
à-dire environ la moitié de leur volume. Les eaux-de-
vie de Cognac sont renommées par leur finesse de
poùt. On les fabrique avec des vins blancs qui ont
fermenté sans la peau du raisin et par conséquent
n'ont pu se charger des sucs peu agréables au
goût que contient cette enveloppe. Elles ont de 49 à
60 degrés.
Les troix-six sont des alcools qui marquent
85" centésimaux ; on les nomme ainsi parce que
trois parties mélangées à poids égal avec de
l'eau produisent six parties d'eaux-de-vie potables
de la force de 50°.
Les eaux-de-vie de marc, qui se fabriquent sur-
tout en Languedoc et aussi en Bourgogne et en
Champagne, sont le produit de la fermentation du
marc de raisin avec un peu d'eau.
Depuis que la fermentation du sucre de bette-
rave a pris en France une grande extension, on
fabrique beaucoup d'eau-de-vie de betterave dans
le Nord, le Pas-de-Calais, l'Aisne et l'Oise, en
distillant des mélasses fermentées.
Le r/ium, produit de la fermentation des résidus
ou mélasses du sucre de canne, s'obtient aussi par
distillation.
Le sch?wps (ou péquet), dont on fait une grande
consommation en Belgique, en Angleterre et dans
le nord de la France, est le résultat de la distilla-
tion des liquides sucrés obtenus par la fermenta-
tion des grains de céréales, et principalement du
seigle.
Le genièvre de Hollande et le violent gin anglais
sont de l'eau-de-vie de grain parfumée par le fruit
du genévrier.
L'alcool de pomme de terre a une origine toute
semblable : la fécule de pomme de terre "est trans-
formée en sucre par l'action des acides (V. Sucre),
puis fermentée et distillée.
Tous ces alcools et eaux-de-vie contiennent tou-
jours des principes étrangers qui en font des al-
cools dits mauvais goût. On les purifie par des dis-
tillations répétées et bien dirigées ou par l'emploi
de certains désinfectants.
Le kirsch (abréviation de l'allemand kirsch-
loasser, eau de cerises) est un alcool contenant des
traces d'acide prussique et provenant de la distilla-
tion des cerises fermentées ; on en fait surtout
dans les environs de la Forêt- Noire; dans les
Vosges, et particulièrement aux environs de Plom-
bière; en Lorraine, dans les Ardennes, en Suisse
et dans d'autres pays. On peut obtenir ainsi deux
liqueurs tout à fait différentes, en distillant soit
le produit des noyaux concassés et fermentes, soit
la chair même du fruit.
Enfin ïabsiîithe, qui est une distillation de l'eau-
de-vie sur des têtes d'absinthe (plante commune
dans le Jura), est riche en alcool : elle peut en con-
tenir jusqu'à, 70 p. Il 0. C'est la plus redoutable des
liqueurs alcooliques, puisque aux effets de l'alcool
elle ajoute ceux de la plante elle-même qui ne sont
pas moins pernicieux.
Vins et autrus boissons fermentées. — Les
vins les plus alcooliques sont les vins secs d'Espa-
gne. Mais certains vins sucrés d'Espagne dégui-
sent sous cette douceur apparentp sans la rendre
inoffensive, leur puissance alcoofiqu''
Voici le tableau indiquant les proportions en vo-
lume d'alcool pur contenues dans 100 parties des
diff'érentes boissons fermentées. Vins (d'après
M. Chevallier):
Porto 19 à 24 p. 100 d'alcool pur.
Madère 20 —
Constance.... 18 —
Xérès 17 —
Malaga 15 —
Chypre 15 —
Frontignan.. . 11 —
Champagne non mousseux 12,77
Grave 12,30
Beaune blanc 12,20
Angers 12,90
Champagne mousseux 11,77
Cahors. 1 1 ,36
Màcon blanc 1 1 ,00
Volnav 11,00
Orléans 1 0,66
Bordeaux rouge 10,10
Côte-Uôtie 11, oO
Pouilly blanc 9,00
Léoville 9,10
Vins vendus au détail à Paris 8,80
Château-Margaux ^',75
Chàteau-Laffitte 8,73
Chablis blanc 7,80
Les vins du Nord et des environs
de Paris 7,00
Cidres :
Premier cidre jusqu'à 9,87 p. 100.
Cidre ordinaire jusqu'à. ... 6,o0
Poiré (cidre de poires) 12 à 16
Bières (d'après Payen) :
Aie de Burton 8,2
— d'Edimbourg 5,7
Porter do Londres, de 3,9 à 4 ,5
Petite bière de Londres i,2
Bière de Strasbourg et bièi'os
d'Allemagne 2,5 à 5,0
ALCOOLIQUES
— Ci —
ALCOOLIQUES
Bière de Lille 2,9 3,5
— de Paris, double 2,5 3,0
— — petite 1,0 1,1
— des Ardennes 1,0 2,0
2. Hygiène; : Usage et abua des boissons alcoo-
liques. — ^lontaigne a dit que chez nous « tout
mal vient d'ànerie » : l'ignorance est certainement
pour beaucoup dans l'abus de l'alcool ; bien des
gens lui attribuent, de bonne foi, des vertus imagi-
naires. Les détromper est d'autant plus difficile, que
certains symptômes semblent leur donner raison.
Erreurs et préjugés. — Véritables effets physio-
logiques de l'alcool. — On dit: l'alcool combat le
froid, — aide à supporter la chaleur, — donne de
la force, — excite l'activité. Ce sont là autant d'il-
lusions qui résultent d'une observation superficielle
des premiers effets apparents des liqueurs fortes.
Voici ce que la science constate par ses expé-
riences précises :
r Au premier moment, sous l'influence de la
boisson alcoolique on éprouve une surexcitation de
la sensibilité, de la force musculaire ; la circula-
tion devient plus active ; la latigue diminue, il se
déclare un véritable accès de fièvre éphémère.
2° ilais cette surexcitation de vitalité entraîne
naturellement une certaine dépense de forces que
ne compense pas le carbone fourni par la décom-
position de l'alcool, en sorte que le résultat défi-
nitif consiste en une perte qu'il faut réparer par
des aliments. On pourra, sous l'influence de l'al-
cool, accomplir à un moment donné une tâche ex-
ceptionnelle : il produit l'effet d'un coup de fouet,
mais il ne nourrit pas plus nos muscles que le
fouet ne nourrit ceux du cheval. Plus a été vive
cette excitation factice et passagère, plus est mar-
quée la dépression d'énergie qui lui succède.
4 3° L'expérience prouve en outre que, dans les pays
froids, l'alcool, s'il réchauffe momentanément, a
pour résultat final un abaissement de la tempéra-
ture' ; dans les pays chauds on supporte mieux la
marche, la soif et le travail si l'on s'abstient de
boire de l'alcool.
■i° Pour ce qui est du travail, voici les résultats:
130 grammes d'eau-de-vie administrés à un homme
robuste occupé à une tâche pénible ne produisent
aucun résultat appréciable. Une seconde dose,
quatre heures après, diminue notablement les
forces ; une troisième dose le rend incapable de
tout travail.
5" Quant au travail intellectuel, ralcool ne peut
jamais lui être utile. S'il surexcite l'imagination
pendant son action fébrile, il trouble le jugement
et la mémoire, et son usage prolongé ne peut
qu'hébéter l'intelligence.
C° Enfin, et c'est le pire danger de l'alcool, comme
il provoque toujours et ne satisfait jamais la soif,
comme d'ailleurs le palais, à mesure qu'il s'habi-
tue à sa forte saveur, a besoin, pour y rester sen-
sible, d'une quantité toujours plus grande, c'est
une nécessité inévitable que le buveur d'cau-de-
"vie aille en buvant toujours davantage ; de telle
sorte que l'habitude contractée devient presque
latalemeni, en un temps plus ou moins long, une
irrésistible passion et engendre l'alcoolisme*.
Il ne faudrait pourtant pas par excès de zèle aller
jusqu'à affirmer que l'alcool à n'importe quelle
quantité est toujours absolument un poison. On a
bien fait l'expérience que si l'on empoisonne un
chien par exemple avec de l'alcool, on retrouve
plusieurs heures après dans son cerveau de l'al-
cool non décomposé qui s'allume au contact
d'une flamme ; mais il ne faudrait pas en déduire
que l'alcool ne subit dans nos organes aucune dé-
composition. Des analyses délicates ont prouvé, au
contraire, qu'absorbé en petite quantité il est dé-
composé et utilisé par l'organisme à la façon du
sucre et des corps gras. Chez l'homme adulte on
ne retrouve de traces appréciables de l'alcool dans
les urines que s'il en a été absorbé quelques cen-
timètres cubes.
Entre les mains du médecin l'alcool est un re-
mède précieux, par ses propriétés énergiques d'un
effet immédiat et certain. Jadis c'était un produit
de pharmacie que l'on ne pouvait acheter sans or-
donnance. Le remède, hélas ! est devenu trop po-
pulaire ; le liquide qui tombait goutte à goutte de
l'alambic du pharmacien forme chez nous, chaque
année, un fleuve de deux millions d'hectolitres!
Chacun se l'administre à propos de tout et à propos
de rien : il en résulte un empoisonnement public.
[D' Saffray.]
3. Statistique. — Consommation des boissons al-
cooliques. — Aux détails que donnent les articles
Vins et Boissons, il n'est peut-être pas sans intérêt
d'ajouter ici pour les instituteurs le résumé d'un ré-
cent et très-remarquable travail publié par M. le D'^
Lunier. Nous empruntons les chiffres ci-dessous à un
extrait de ce savant ouvrage publié dans le Journal
de la Société de statistique de Paris, société dont le
D"^ Lunier est président (n° de février 1878).
Coîisommation d'alcool en France et à f étran-
ger. — Pour comparer les quantités de spiritueux
consommés dans les divers pays, on les évalue par
rapport aux quantités d'alcool pur ou absolu qu'elles
contiennent, et on fait lamoyenne par tète d'habitant.
Cette moyenne n'a donc qu'une valeur de comparai-
son et n'exprime qu'une approximation grossière.
Parmi les pays sur lesquels la statistique croit
avoir des renseignements suffisants, on remarquera
que les uns présentent une consommation crois-
sante, les autres une diminution graduelle.
Consommation en litres d'a.cool pur.
Russie S0,65(180), 10,00(l8-;0)
Suède 20,00(1840), 10,34(1870).
Hanemark 16,50 (1845), ?
États-Unis 12,00^18231, 11,00 f1R401, 3,50(1870), 7,35 (187t).
Allemagne 5,00(1860), 7.00(1870).
Belgique 4,42(1873), 8.:.6 (1870)
Hollande 4.00(1870), 4,10(1872), 4,78(1873).
Grande Bretagne. 4,12;!82.i, 4,30(1850), 4,75(1858), 6,08(1875).
Autriclie I,40(187.ï)
Moyennes pour la France. — 'Voici 'les quantités
soumises aux droits, mises en regard de la popula-
tion d'après le recensement.
Population. Hectolitres Moyenne
^ d alcool. par'.ete.
.851 3.5 783 059 622 hOO 1,74
1856 36 039 -304 768 400 2,13
1861 37 382 225 882 900 2,23
1866 38 067 094 96*200 2,53
1869 38 067 094 1008 750 2,62
1870 .38 007 094 882790 2,29
18';2 36102 921 755 463 2,09
1873 36102 921 934 950 2,58
1874 36102921 970 550 2,66
1875 36102 921 1010 050 2,76
1S76 36 905 788 1 OOî 300 2,71
D'après la Statistique de la France, la consom-
mation moyenne est depuis 1873 de 4 litres par ha-
bitant pour les communes à octroi, c'est-à-dire pour
celles qui ont en plus de leur population normale
la population flottante des jours de fête et de mar-
ché, et celle-ci, on le sait, consomme souvent en
un jour autant d'alcool que la population fixe en
une semaine.
Moyennes par département. — Nous donnons ci-
dessous d'abord le tableau de la consommation des
alcools en i873, ensuite les observations aussi nettes
qu'importantes qu'y ajoute le D' Lunier.
Nous n'avons pas besoin d'expliquer que ce ta-
bleau est destiné à un double usage : d'une part, il
fournit les éléments d'exercices et de problèmes
arithmétiques, d'autant plus intéressants pour cha-
que département qu'ils le concernent directement ;
d'autre part, il donne des renseignements positifs,
comme il en faut à l'instituteur dans les nombreuses
ALCOOLIQUES
65
ALCOOLIQUES
occasions où il peut être appelé à éclairer non-seu-
lement des élèves, mais les populations sur cette
question d'intérêt national.
Consommation des alcools par département .
DEPAATEMENTS.
POPULATION.
en 1872.
COSSOJIMATIOX
par départem'. par habit
habitants. hectol.
l" Région : Nord-Ouest.
Finistère
Côtes-du-Nord. .
Morbihan
Ille-et-Vilaine..
Manche
Calvados
Orne
Mayenne
Sarthe
Total et moyenne.
64-2.963
622.295
490.352
589.532
544.776
454.012
39 S. 250
350 637
446.603
4.539.420
30.086
18.622
11.495
20.499
28.087
30.792
18 916
24.083
14.731
197.311
Nord
Pas-de-Calais
Somme
Seiue-Inl'érieure. . .
Oise
Aisne
Eure
Eure-et-Loir
Seine-et-Oise
Seine
Seine-et-Marne
Région
1.447.764
761. 15S
557.015
790.022
396.804
552.439
377.874
282.622
oSO.180
2.220.060
341.490
Nord.
8.307.428
67.370
48.253
44.227
79 323
24.039
40.180
25.702
12.472
29.296
117.468
12.4nl
Total et moyenne
3» Région : Nord-Est.
500.731
Ardennes
Marne
Aube
Haute-Marne
Meuse
Meurthe-et-Moselle. .
Vosges
Haut-Khin
Total et moyenne.
320.217
12.680
380.157
22.050
255.687
6.270
251.196
3.942
284.725
7.438
365.137
8.962
392.988
13.565
56.781
1.468
2.312.888
76.375
Loire-lnféricure
Maine-et-Loire
Indre-et-Loire
Vendée
Charente-Inl'érieure.
Deux-Sèvres
Charente
Vienne
Haute- Vienne
Total et moyenne.
Région : Ouest.
602.206
518.471
317.027
401.446
405.653
331.243
367.520
320.598
322.447
3.046.611
6.380
9.519
3.147
2.147
4.950
3.286
3.346
2.805
4 281
39.861
5« Région : Centre.
Loir<t-Chcr. .
Loiret
Yonne
Indre
Cher
Nièvre
Creuse
Allier
Puy-de-Dome.
Total et moyenne.
268.801
3.995
353.021
7.449
363.608
6.239
277.693
3.980
335.392
4.219
339.917
5.900
274.663
2.363
390.812
4.895
566 463
4.841
3. 170.370
43.SS1
6« Région : Est.
Cote-d'Or
Haute-Saonc . .
Doubs
Jura
Saone-et-Loire
Rhône
Ain ,
Haute-Savoie. .
Savoie
Isère
Loire
Total et moyenne.
3<= P.mvt:; .
374.510
303.088
291.251
287.634
598.344
670.247
363 290
273.027
267.958
575.784
550.611
7.700
3.650
6.854
4.550
8.291
13.409
4.016
1 023
2.128
6.975
8.381
06.977
4.68
2 99
2.34
3.48
5.14
6 80
4.75
6.87
3.30
4.35
4.65
6.34
7.74
10.04
6.05
7.27
6.78
4.42
5.05
5.29
3.63
6.03
DEPARTEMENTS.
POPULATION.
en 1872.
CONSOMMATION
par départem'. par habit
habitants
7» Région : Sud-Ouesl.
Gironde
Landes
Dordogne
Lot-et-Garonne
Gers
Basses-Pyrénées. . . .
Hautes-Pyrénées. . . .
Haute-Garonne
Ariége
Total et moyenne.
705.
300.
480,
319.
284.
426
235,
479.
246.
210
493
200
.232
,976
203
,4H
,818
339
3.477.340
8° Région : Sud.
1.30
1.16
0.67
1 01
1.05
0.99
0.03
0.80
0.54
Corrèze
Cantal
Lot
.\^veyron
Lozère
Tarn-et-Garonne.. .
Tarn
Hérault
.\ude
Pyrénées-Orientales
Total et moyenne
9» et 10
Haute-Loire
,\rdeohe
Drôme
Gard
Vaucluse
Basses- Alpes
Hautes-Alpes
Bouches-du-Rhône . ,
Var
Alpes-Maritimes., . ,
Corse
302.746
i 987
231.867
1.703
281.404
1.683
402.474
2.620
135 190
606
221 610
1.319
352.718
2 629
429.878
4.456
285.927
2.586
191.856
3.217
2.835.670
22.806
0.95
0.66
0.73
0.60
0.65
0.45
0 59
0.73
1 04
0.90
1.6S
0.81
Régions : Sud-Est.
308.732
3.972
1 29
380.277
5 288
1.39
320.417
2.068
0.64
420.131
5.800
1.3S
263.451
2.833
1.08
139.332
1.899
1.37
118.898
1.073
0.90
554.911
6.374
1.15
293 757
6.509
2.22
199.037
1.073
0.54
258 507
5.307
2 05
3.237.450
42.196
1.29
BECAPITVLATION.
' région,
région,
région,
région,
région,
région,
région. — S-0...
région. — S
etlOerég. — S.-E.
Total et moyenne
-N.-O.
N....
■ X.-E.
■ 0...
C. . . .
E....
4.S39.420
8.307.428
2.312.888
3.646 611
3.170.370
4.535.744
3.477 340
2 835 670
3.257.450
36.102.921
197.311
500.731
76.373
39.861
43.881
66.977
32.y37
22.806
42.196
4.35
6,03
3 31
1 09
1.38
1.47
0.95
0.81
1.29
2.66
Observations. — « Les départements qui consom-
ment le plus d'alcool sont ceux qui consomment le
moins de vin : la Seine-Inférieure, la Somme,
l'Aisne, la Mayenne, le Calvados et l'Eure. La con-
sommation par habitant y atteint les chifiFres de
6 litres 80 à 10 litres d'alcool pur, ce qui repré-
sente un peu plus de IG à 2:5 litres d'eau-de-vie à
H 2°, et nous avons compris dans le calcul les
femmes et les enfants I
« On ne boit pas ou l'on boit relativement peu d'al-
cool, au contraire, dans les départements essen-
tiellement vinicoles : l'Hérault, le Gard, l'Aude,
les deux Charentes, le Gers, les Pyrénées-Orien-
tales, Tarn-et-Garonne.
« On consomme même relativement peu d'alcool
dans ceux de nos départements qui produisent les
plus grandes quantités d'eau-de-vie de vin : l'Hé-
rault, les deux Charentes, le Gers, l'Aude, le Gard,
les Bouches-du-Rliône, les Deux-Sèvres, la Gironde
et la Dordogne.
« Les départements où le cidre domine comme
boisson courante — l'Ille-et- Vilaine, le Calvados, la
Manche, l'Orne, la Mayenne, la Seine-Inférieure,
l'Eure — sont, au contraire, les plus forts consom-
6
ALCOOLISME
— 66 —
ALCOOLISME
mateurs d'alcool ; ce qui lient à ce que le cidre que
l'on boit presque partout aujourd'hui, en Bretagne
et en Normandie, est fade et indigeste et que les
Duveurs de cidre, sous prétexte de le faire passer,
— c'est leur propre expression — absorbent pour
ainsi dire autant de verres d'eau-de-vie que de pots
de cidre. Aussi, contrairement à ce qui a lieu pour
le vin, plus la récolte du cidre est abondante, plus
on boit d'eau-de-vie.
« Depuis l>-39, la consommation de l'alcool a aug-
menté, pour la France entière, de 38 p. 100 ; elle
n'a diminué que dans la région du Nord, où elle
était déjà très-forte en I>-39; elle est restée sta-
tionnaire dans l'Est et a augmenté dans toutes les
autres régions.
« Dans la plupart des départements où la consom-
mation de l'alcool a diminué ou est restée station-
naire, il y a lieu de l'attribuer surtout à l'augmen-
tation de la consommation du vin, la seule boisson
qui paraisse, avec la bière, pouvoir lutter contre
l'envahissement des alcools d'industrie.
« Quand on étudie avec une certaine attention, en
effet, à ce point de vue spécial, les départements
où la culture de la vigne est toujours restée dans
des limites fort restreintes, — le Morbihan, l'IUe-
et-Vilaine, la Mayenne, la Sarthe, l'Eure-et-Loir, la
Seine-et-Oise, l'Oise, l'Aisne, les Ardennes, — et qui
forment une ligne non interrompue de l'ouest à
l'est, on est frappé de ce fait que dans tous ces dé-
partements les superficies plantées en vigne ont
diminué depuis 184'i et que c'est surtout dans ces
départements que la consommation de l'alcool a
augmenté. » ,D'' Lunier.)
Lectures recommandées. — L'aJu5 des liqueurs
fortes par le D' Bouchardat, dans les Eiitretiens
populaires de l'Association polytechnique, 2' série.
De l'alcoolisme, des diverses for^ies du délire
alcoolique et de leur traitement, par le D"" Ma-
gnan.
ALCOOLISME. — Hygiène, XII. ^ — {Étym.
Mot de création récente désignant l'ensemble des
maladies et des vices qui résultent de l'excès des
boissons alcooliques.)
Effets physiolociques de l'alcooltsme. — Le
docteur Magnan, dont le nom est attaché à l'étude
scientifique de l'alcoolisme, a rendu sensibles par
suite d'expériences sur les animaux les ravages
qu'exerce l'alcoolisme dans le corps humain. {V. ci-
dessous une saisissante description de l'état du
chien empoisonné graduellement par l'alcool.)
Chez l'homme, les phénomènes sont plus com-
plexes et plus graves encore. L'ivresse débute
d'abord par une période de surexcitation factice,
qui fait oublier les chagrins, qui semble stimuler
les facultés intellectuelles, mais qui est bientôt suivie
au contraire d'une perturbation mentale. Les idées
deviennent confuses ; l'ouïe et la vue sont sujettes
à des illusions nombreuses ; l'odorat et le goût sont
pervertis, et la sensibilité générale tellement
cmoussée que les mutilations les plus graves ne
sont pas senties. Les individus en état d'ivresse
se font les blessures les plus graves, dont ils ne
s'aperçoivent que lorsqu'ils sont dégrisés. C'est une
grande erreur de croire que les liqueurs alcooliques
réchauffent ; elles abaissent au contraire la tempéra-
ture du corps, qui dès lors ne peut plus lutter contre
le froid extérieur: de là les fluxions de poitrine
auxquelles les ivrognes sont sujets.
Quand, au lieu d'être une exception, l'ivresse de-
vient une habitude, à ces accidents passagers suc-
cèdent des symptômes persistants : l'ivrogne de-
vient irritable et inquiet, il perd le sommeil et
l'appétit, il devient le jouet d'hallucinations, qui le
poursuivent d'abord la nuit, puis jour et nuit;
il assiste à sa propre ruine, il sent son intelli-
gence décroître, sa mémoire disparaître, sa volonté
s'affaisser, il n'a plus la force de résister à la pas-
sion qui le tue ; le spectacle môme de sa honte, de
la misère et du désespoir où il plonge sa famille
n'a plus le pouvoir de l'arrêter; finalement il tombe
dans le délire, de là dans la démence, et aboutit à
la paralysie générale, digne fin de celte misérable
existence.
Il est douloureux, mais malheureusement né-
cessaire d'ajouter que l'ivrogne ne s'empoisonne
pas seulement lui-même : il lègue à ses enfants le
triste héritage : le fils d'un invétéré buveur est
souvent un buveur plus acharné encore, un idiot
ou un épileptique.
Progrès de l'alcoolisme. — De nos jours l'alcoo-
lisme est, pour de nombreux motifs, plus redoutable
qu'il ne l'a jamais été. Les anciens aussi s'eni
vraient sans doute ; mais d'abord ils ne s'enivraient
que de vin, puisqu'ils ne connaissaient pas l'eau-
de-vie ; et de plus ils se livraient une partie de la
journée à des exercices violents, la lutte, la course,
la palestre et d'autres jeux gymnastiques, ce qui
leur permettait d'absorber impunément une quan-
tité de boissons qui serait fatale de nos jours à des
gens enfermés dans un atelier, un magasin ou un
bureau. L'eau-de-vie même fut pendant longtemps
inoffensive en comparaison de ce qu'elle est aujour-
d'hui. Il est 'tTai qu'elle a du xV au xviii^ siècle,
mille fois plus que les armes, contribué à détruire
les races indigènes des deux Amériques et de l'O-
ccanie ; mais, du moins en Europe, elle n'exerçait
pas de ravages aussi considérables. Aujourd'hui, pai-
un double et fatal mouvement en sens inverse, la
consommation s'accroît autant que la qualité dimi-
nue. Plus s'aggravent les impôts qui pèsent sur l'al-
cool, plus la fabrication s'ingénie à produire à bas
prix des alcools malsains : l'eau-de-vie de blé,
d'orge, de betterave, de cidre, de pomme de terre,
et en un mot les alcools d'industrie et les liqueurs
frelatées de toute sorte, remplacent peu à peu
l'oau-de-vie saine qui devient d'un prix trop éle-
vé. Il est facile de comprendre que les effets en
soient infiniment plus pernicieux pour la santé
publique.
Et il n'est pas étonnant que ces progrès effrayants
de l'alcoolisme soient une des questions qui pré-
occupent le plus les hygiénistes et les économistes.
La loi pour la répression de l'ivresse publique
votée le 3 février 1873, et due surtout aux efforts de
MM. Desjardins, Laboulaye et D' Roussel, est une
des premières mesures prises pour arrêter le déve-
loppement du mal. Une autre mesure salutaire
serait de diminuer le plus possible les impôts sur
le vin: les populations boivent d'autant moins de
mauvais alcools qu'elles peuvent boire plus de vin
naturel.
Enfin, les économistes et les philanthropes s'ac-
cordent à conclure que le plus lent peut-être, mais
le plus efficace de tous les moyens pour arrêter le
fléau de l'alcoolisme, c'est la diffusion de l'instruc-
tion élémentaire, de l'éducation morale; pour dé-
fendre l'homme contre lui-môme, il n'y a rien de
mieux que sa conscience et sa raison.
fAdr. Desprez.]
Dictées. — Effets de l'f.ai-de-vie siii lrs ani-
maux. — « Pour constater les effets de l'alcool sur
l'organisme, j'entrepris de mêler aux aliments d'un
chien une petite quantité d'alcool et d'observer les
phénomènes qui se produisaient. Cette expérience,
répétée un grand nombre de fois sur des sujets
d'âge, de taille et d'espèce différentes, donnent loti-
jours les mêmes résultats. Le premier jour, l'ani-
mal, légèrement excité, saute, jappe, caresse, court,
va et vient en tous sens ; puis assez rapidement il
se montre comme hébété, il tombe dans un état de
demi-torpeur ; son corps se refroidit, la circulation
diminue d'activité; bientôt la paralysie s'empare
du train postérieur et va pou à peu en envanissant
tous les membres. Dès le quinzième jour de cet
empoisonnement à petite dose, il survient une sus-
ceptibilité nerveuse, une impressionabilité remarqua-
ALEXANDRE
— 67 —
ALEXANDRE
bles. L'animal estinquict, triste ; il écoute, il se tient
aux aguets, le moindre bruit le fait tressaillir ; il ne
répond plus aux caresses, s'éloigne, se cache, cher-
che à mordre dès qu'on veut le saisir. Vers la fin
du premier mois arrivent les illusions et les hallu-
cinations, qui se transforment en véritable délire.
Avec le délire, on voit apparaître dès le second
mois un tremblement, qui, d'abord localisé dans les
pattes, se généralise peu à peu, gagne les muscles
du tronc et de la tête, et l'on crée ainsi à volonté
ce terrible accès de delirium tremens que l'homme,
bêlas ! ne craint pas de donner à lui-même. Ce sont
là les troubles de l'intelligence et du mouvement ;
mais avec eux se produisent des lésions graves des
centres nerveux, des organes digestifs, des appa-
reils circulatoires et respiratoires : le poison s'est
répandu partout, et partout il a laissé des traces de
son passage.
« La même expérience, faite avec l'absinthe au lieu
d'alcool, donne des résultats plus elTrayants en-
core et plus rapides. Au bout de très-peu de jours,
l'animal est saisi de secousses musculaires et de
■vertiges épileptiques. Vingt centigrammes d'es-
sence d'absinthe injectés dans les veines d'un chien
produisent instantanément de véritables accès d'é-
pilepsie. » (D' Magnan.)
ALKXANHRE— Histoire générale, IX. — Né à
Pella (Macédoine) en 356 avant J.-C, mort à Ba-
bylone en 323.
Le nom d'Alexandre est un de ceux qui ont tra-
versé les âges avec le plus d'éclat, un de ceux qui
ont laissé une trace ineffaçable dans l'imagination
des peuples. Aussi est-ce un des plus rares cha-
pitres d'histoire ancienne qui aient leur place mar-
quée dans le cadre des études primaires. Nous
nous efforçons d'en tracer ci-dessous l'esquisse mé-
thodique.
1. Enfance d'Alexandre. — L'enfance d'Alexan-
dre, comme celle de tous les grands hommes de
l'antiquité, a été entourée de légendes : c'est la
forme naturelle de l'admiration populaire pour les
personnages qui passent la mesure commune. Il
était né la même nuit où un fou vaniteux, nommé
Erostrate, briila le temple de Diane à Ephèse, une
des merveilles de l'art antique, uniquement pour
faire parler de lui.
Bucéphale. — Il n'y a rien d'invraisemblable à
admettre que, tout enfant, il donna des marques de
ce caractère ardent, de cette vive intelligence, de
«e courage impétueux et tenace tout ensemble, qui
devaient le mener si loin. La légende nous le mon-
tre tout jeune, domptant un jour, à la stupéfac
tion de tous, un magnifique cheval sauvage que nul
n'avait pu monter: son père lui en fit cadeau; c'est,
dit-on, ce même cheval, nommé Bucéphale, quilo
porta plus tard de victoire en victoire jusqu'aux
extrémités du monde.
Education d'Alexandre. — Ce qui est plus au-
thentique, c'est que son père Philippe, roi de Ma-
cédoine, ne négligea rien pour lui faire donner
l'éducation convenable à un prince qu'on veut pré-
parer aux plus grandes destinées. Il lui donna pour
précepteur non pas seulement le plus savant des
maîtres, mais un homme de génie, le premier pen-
seur du monde antique, Aristote. (Sur cette éduca-
tion , V. l'article Aristote dans la P* Partie du
Dictionnaire.)
Vingt anecdotes ont trait à l'insatiable soif de
gloire que la nature, aidée peut-être par cette édu-
cation, lui inspira ^ès l'enfance (V. Anecdotes dans
la I" Partie.)
2. Premières années de son règne. — Alexandre
succéda, en 3;56 avant J.-C, à son père Philippe. Il
avait l'O ans quand il devint roi, 33 ans quand il
mourut. Son règne n'a donc duré que 13 années;
mais ces 13 années sont pleines de grands événe-
ments.
Etat de la Macédoine à la mort de Philippe. —
Philippe avait fait de ia Macédoine, naguère bar-
bare, un Etat puissant. 11 lui avait donné une organi-
sation militaire incomparable, des revenus réguliers,
des frontières sûres, enfin une double suprématie,
d'une part sur les barbares de la Thrace et du Da-
nube qu'il avait asservis par la force, de l'autre
sur la Grèce, que, malgré l'éloquence de Démos-
thènes, il avait réduite à l'obéissance par son habile
politique.
Cependantcette conquête,toute fraîche encore. n'é-
tait pas affermie. A la mort de Philippe, Grecs et Bar-
bares se soulevèrent à la fois. Si le prince de vingt ans
qui lui succédait eût été faible ou médiocre, l'œu-
vre de Philippe périssait. Alexandre fit face à tout.
En moins de deux années, les peuples barbares,
Triballes au nord, Illyriens à l'ouest, avaient été
domptés ; au sud, Thèbes avait été enlevée d'as-
saut, et la Grèce, deux fois parcourue par les
armes victorieuses d'Alexandre acceptait sa domi-
nation. La promptitude merveilleuse avec laquelle
il s'était transporté du centre de la Grèce jusqu'au
nord de la Thrace pour revenir ensuite devant
Thèbes révoltée, son apparition subite partout où
était le danger, la vigueur et la précision des mou-
vements qu'exécutait la masse imposante de la Îsl-
mevise phalange macédonienne, véritable forteresse
vivante formée de 16 000 hommes et appuyée de
corps spéciaux, d'archers et de cavaliers, le succès
d'opérations militaires surprenantes pour le temps,
comme le passage du Danube, préparé avec une
prudence minutieuse, et accompli sous les yeux
d'une armée barbare impuissante à l'empêcher: il
n'en fallait pas davantage pour frapper les esprits
d'étonnement. Les défauts mêmes du jeune vain-
queur tournaient au profit de son ambition. Violent
et emporté, il assouvit sur Thèbes toutes ses colè-
res. La malheureuse cité fut rasée, ses habitants
furent vendus à l'encan. Il terrifiait la Grèce par
cet exemple effrayant. Avide de gloire, affamé de
louanges, il ménagea au contraire Athènes, la ville
des lettres et des arts, la grande dispensatrice de
la renommée. Il se donnait ainsi, après les béné-
fices de la rigueur, le mérite de la clémence.
3. Expédition d'Alexandre contre la Perse. —
Projets de Philiupe et ses motifs politiques. — Au
moment où la mort l'avait frappé, Philippe médi-
tait un grand projet, la guerre contre la Perse.
Rien n'était mieux conçu pour établir la domina-
tion macédonienne en Grèce, pour détourner les
esprits du regret de l'indépendance perdue. En ré-
veillant le souvenir des guerres médiqucs, on déve-
loppait une sorte de patriotisme hellénique qui im-
posait silence, au nom de l'intérêt général, aux
ressentiments et aux intérêts particuliers des cités.
On légitimait les empiétements de la Macédoine,
on répondait par des services éclatants aux imputa-
tions de Démosthènes et de ses amis, qui repro-
chaient à Philippe et à Alexandre d'être des étran-
gers et non des Grecs ; on faisait oublier l'asservis-
sement à force de gloire.
Alexandre reprend ce projet. — Alexandre sem-
ble avoir pris au sérieux le rôle de vengeur de la
cause grecque qu'il s'était attribué. Par une sorte
d'illusion littéraire, il s'exaltait au souvenir de la
guerre de Troie, relisait les exploits des héros
d'Homère, célébrait des jeux guerriers sur l'empla-
cement présumé de leur tombeau.
Difficultés et chances de succès de l'entreprise. —
Au premier abord, on devait trouver téméraire
l'idée d'une agression contre le colossal empire
perse. Quelle disproportion entre ce petit Etat de
la Macédoine, même traînant après elle la Grèce à
peine soumise, et l'immense royaume qui compre-
nait tous les pays formant aujourd'hui la Turquie
d'Asie, la Perse, le Turkestan, l'Afghanistan et le
Béloutcliistan (les montrer sur la carte d'Asie ou
sur la Mappemonde).
Mais cette grandeur de la Perse était plus appa-
ALEXANDRE
— G8 —
ALEXANDRE
rente que réelle. L'expédition des Dix-Mille (V.
Grèce) avait déjà révélé les faiblesses de la Perse :
la plupart des provinces à peine soumises, les sa-
trapes ou gouverneurs toujours prêts à se révolter,
la cour du grand roi énervée par la dépravation et
la discorde. Depuis Xerxès jusqu'au souverain qui
régnait alors, le jeune Darius Codomcm, presque
tous les rois de Perse étaient morts assassinés. L'ar-
mée perse était innombrable ; mais, si ion excepte
les mercenaires grecs qui y prenaient du service,
elle comptait peu de bonnes troupes; c'était moins
une armée qu'une multitude confuse et incohé-
rente.
Si la Perse avait pour elle sa masse énorme, la
Macédoine avait l'unité de son gouvernement, l'ex-
cellente organisation de ses forces niilitairiA. La
partie était à peu près égale. Le génie d'Alexandre
devait décider les résultats.
Départ d'Alexandre. — Laissant en Europe son
lieutenant Antipater, chargé, avec 1500 cavaliers
et 12 000 fantassins, de garder la Macédoine et de
contenir la Grèce, Alexandre franchit l'Hellespont.
L'armée qu'il passa en revue sur le rivage asia-
tique montait à environ 3.'» 000 hommes, dont 30 000
pour l'infanterie et 600 ) pour la cavalerie.
Plans de défense du Rhodien Memnon. — Los
Perses n'avaient qu'un général capable de tenir tète
à Alexandre, et ils ne l'écoutèrent pas. C'était
Memnon le Rhodien. Il proposa de défendre le pas-
sage du détroit, les satrapes ne le voulurent pas.
11 proposa ensuite d'éviter la bataille et de reculer
sans cesse devant les Macédoniens en ravageant le
pays pour faire le vide autour d'eux. Les satrapes
aimèrent mieux livrer bataille.
Première victoire: bataille du Granique (3.34). —
Les satrapes rangèrent leur armée sur la rive
droite du Granique, petite rivière qui se jette di-
rectement dans la Propontide (mer de Marmara).
Alexandre les attaqua résolument, défit leur cava-
lerie qui lui disputait le passage et tomba sur leur
infanterie avant qu'elle eût pu se mettre en mou-
vement. Le combat avait été très-vif sur quelques
points, Alexandre y courut de graves dangers et
dut la vie à son lieutenant Clitus.
La victoire du Granique livrait aux Macédoniens
l'Asie Mineure : Sardes, Ephèse, et d'autres grandes
villes ouvrirent leurs portes. Celle de Milet fut
prise d'assaut; pour Ualicarnasse, défendue par
Memnon et par l'exilé athénien Ephialtès, il fallut
un siège en règle.
Pjxtjets et mort de Memnon le Rhodien. — Au
milieu même de ce succès, la fortune d'Alexandre
courut le plus grave danger. Memnon le Rhodien
avait conçu et fait adopter un projet aussi habile
que hardi. Il voulait laisser Alexandre s'enfoncer
dans l'Asie, couper toutes ses communications avec
l'Europe, profiter de son absence pour aller soule-
ver la Grèce et porter la guerre en Macédoine. Les
Perses possédaient une Hotte nombreuse, les Ma-
cédoniens n'avaient qu'un petit nombre de vais-
seaux, qu'il était facile de leur enlever. Il n'était
pas moins facile de soulever la Grèce en y envoyant
une armée composée des mercenaires grecs d'Asie
Mineure. ÎMemnon avait déjà, conmiencé cette con-
tre-expédition, quand il mourut devant l'île de
Lesbos, dont il attaquait la capitale, Milylène. Ses
successeurs incapables n'osèrent continuer l'entre-
prise ; ils débarquèrent sur le continent les soldats
que Memnon voulait mener en Grèce. Alexandre
était sauvé.
Mais la tentative de Memnon lui servit d'avertis-
ment. Il ccmiprit qu'avant de s'aventurer dans les
profondeurs de l'empire perse, il lui fallait tout
d'abord s'assurer des côtes ; il n'avancera plus
qu'après avoir assuré ses communications par la
conquête des provinces maritimes, la Cilicie, la
Syrie, la Palestine, surtout la Phénicie et ll',-
Seconde victoire: bataille d'Issus (333). — Ce-
pendant Darius s'apprêtait à tenter en personne
les chances d'une bataille. Des levées avaient été
faites J<^-i» tnut l'empire, une armée que les histo-
riens évaluent à 600 000 hommes avait été rassem-
blée. C'était une immense agglomération d'hom-
mes, dans le genre de celle que Xerxès avait
autrefois jetée sur la Grèce.
Pour aller de la Cilicie où était Alexandre dans-
la Syrie où était Darius, il faut suivre l'étroit es-
pace que resserrent d'un côté le golfe d'Issus, de
l'autre le mont Amanus. Ce passage, qu'on appelle
les Portes de Syrie, aurait pu être facilement dé-
fendu. Darius aima mieux attendre son adversaire
dans la plaine, Alexandre fut retenu quelque temps
à terre par une maladie qui le mit en danger, IL
s'était jeté tout en sueur dans un fleuve aux eaux
très-froides, le Cydnus.
Dès qu'il fut rétabli, il attaqua l'armée perse,
rangée dans la plaine d'Issus au delà d'une petite
rivière. L'étroit espace où l'on allait combattre en-
levait aux troupes de Darius l'avantage que leur
donnait leur grand nombre et faisait de leur multi-
tude même une cause d'embarras et de confia sion.
Alexandre attaqua vivement, selon son habitude.
Il enfonça l'aile gauche de l'ennemi, Darius, qui
se trouvait un peu en arrière de sa première ligne,
fut saisi d'une terreur panique, se jeta à bas de son
char et prit la fuite, entraînant après lui la plus
grande partie de ses soldats, laissant les autres
sans commandement. Cependant le centre, où
étaient les mercenaires grecs, et la droite, où était
le gros de la cavalerie perse, résistaient avec éner-
gie, Alexandre se rabattit sur les mercenaires grecs,
les chargea en flanc et les écrasa, La cavalerie
perse, qui avait franchi la rivière et qui dut la re-
passer sous les yeux de l'ennemi, fut presque dé-
truite. La poursuite fut vivement menée : elle coûta
à l'armée plus de monde que la bataille même. Un
butin immense trouvé dans le camp de Darius, sa
mère, sa sœur, sa femme et ses enfants, qu'il avait
amenés avec lui pour être témoins de son triomphe,
restèrent aux mains d'Alexandre,
Conséquences de la victoire d'Issus ; soumission
de la Pnénicie ; siège de Tijr. — Cette victoire
donnait aux Macédoniens un prestige qui doublait
leur force. L'immense armée perse n'existait plus.
Rien n'arrêtait la marche du conquérant. Il pénéti'a
immédiatement en Phénicie. La possession de la Phé-
nicie avait une grande importance C'était dans ses
chantiers que se construisait le matériel, dans sa po-
pulation que se recrutaient les équipages de la flotte
perse. Les Phéniciens passèrent presque tous sans
résistance sous la domination d'Alexandre. Seule la
grande ville de Tjr résista. Située sur un îlot entouré
de tous côtés par la mer qui lui faisait un vaste
fossé, protégée par de hautes murailles, défendue
par une population énergique et nombreuse, elle
crut pouvoir braver le vainqueur d'Issus. Alexandre
l'attaqua. Les Tyriens se défendirent avec la plus
grande énergie et pendant sept mois retinrent de-
vant leurs remparts l'armée macédonienne. A la fin
la place bloquée, du côté de la terre au moyen
d'une digue immense dont Alexandre avait dirigé
la construction, du côté de la mer au moyen des
vaisseaux qu'avaient fournis au conquérant les ci-
lés phénicieimes et les rois de Cypre, fut enfin enle-
vée d'assaut. Presque tous les citoyens périrent on
combattant; les femmes et les enfants furent ven
dus comme esclaves.
Conquête de la Palestine. -»- Rejetant les pro-
positions de Darius qui lui ofl'rait, avec 10 000 ta-
lents comme rançon des siens, la main de sa fille
et la cession de tout le pays compris entre la mer
Egée et l'Euphraie, Alexandre reprit sa marche
vers le sud de ïyr jusqu'à la frontière d'Egypte ; la
ville de Gaza fut la seule qui résista. Les Juifs en-
voyèrent des proseuts à Ale.\andre ; suivant une
ALEXANDRE
— 69 —
ALEXANDRE
légende, le héros macédonien serait allé faire une
visite au temple de Jérusalem. Il était dans le ca-
ractère d'Alexandre de ménager les mœurs et les
croyances des peuples soumis ou vaincus, et il est
possible quil soit allé au temple de Jérusalem,
comme il alla plus tard au temple d'Ammon.
Conquê:p. de V Egypte ; fondation d'Alexandrie.
— L'Egypte encore frémissante de ses révoltes
contre les Perses , n'était pas disposée à se bat-
tre en leur faveur. Elle accepta sans résistance la
conquête macédonienne. Alexandre passa cinq mois
en Egypte. Il y fonda la ville qui porte son nom. Sans
doute. Alexajidrie n'eut pas dès lors 1 importance
considérable qu'elle acquit plus tard. Mais sa posi-
tion, admirablement choisie, la destinait à un grand
avenir. La petite île de Pharos lui permettait d'éta-
blir deux ports excellents et d'attirer le commerce
maritime ; le lac Maréotis et les canaux du Nil fa-
cilitaient les relations avec l'intérieur de l'Egypte.
Los historiens s'accordent à louer la fondation
■d'Alexandrie, mais beaucoup désapprouvera la vi-
site d'Alexandre au temple d'Ammon et surtout
l'orgueil insensé avec lequel, prenant à la lettre
les réponses complaisantes de l'oracle, il se pro-
clama le fils de Jupiter.
Alexandre senr/age dans l'intérieur da l'Asie. —
Du plan qu'avait formé Alexandre la première
partie était réalisée. Depuis le Pont-Euxin jus-
qu'aux bouches du Nil, l'ancien littoral de l'empire
perse était conquis. On pouvait dès lors s'engiger
■dans l'intérieur de l'Asie (33 1). L'armée macédo-
nienne se mit en marche, franchit l'Euphrate au
gué de Thapsaque, puis le Tigre près de l'empla-
cement de l'ancienne Ninive.
Troisième victoire ; batailles d'Arbelles (331). —
Darius, voyant ses propositions repoussées, avait
travaillé li se refaire une armée. Une foule énorme
de soldats , ramassés dans les provinces orien-
tales de l'empire, fut dirigée vers les plaines du
Tigre. D'après des évaluations sans doute exagé-
rées, l'armée perse comptait 1000 000 de fantas-
sins et 40 OUO cavaliers. Darius devait pourtant sa-
voir par expérience ce que valaient ces immenses
multitudes. Il déploya ses troupes dans la vaste
plaine de Gaugamela, située entre le Tigre et la
ville d'Arbelles, quia donné son nom à la bataille.
Alexandre avait 40 000 fantassins et 7000 che-
vaux; comme à l'ordinaire, il plaça au centre la pha-
lange, la cavalerie et les troupes légères sur les
ailes. Mais il eut soin, en raison du grand nombre
des ennemis, de disposer en arrière un corps de
réserve. Pendant qu'à la droite, Alexandre, après
avoir battu la cavalerie bactrienne et scythe, met-
tait en déroute les corps d'élite serrés autour de
Darius, au centre un parti de cavalerie ennemi
profitait d'un vide qwi s'était produit dans la ligne
macédonienne. La réserve accourut et chargea ces
assaillants, qui furent défaits. A l'aile gauche,
Parménion fut aussi vainqueur. Tous les corps de
l'armée perse se confondirent, comme après Issus,
dans une immense déroute. C'était la dernière fois
que Darius pouvait affronter , dans une bataille
rangée, son formidable adversaire (331).
Suite de lu marche d'Alexandre, conquête de la
Perse et de la Médie. — Alexandre entre sans ré-
sistance dans Babylone, puis dans Suse, les deux
plus grandes villes de l'Empire Perse ; puis dans
la capitale Persépolis, qu'il incendie, en repré-
sailles des dévastations du même genre autrefois
commises par Xorxès en Grèce. Darius s'était re-
tiré dans la Médie, à Ecbatane. A l'approche des
Macédoniens, il reprit sa fuite vers l'est. Alexan-
dre le suivit à marches forcées ; mais il ne put
l'atteindre. A Rhagas (ville située en Médie) il apprit
<[\x& Bessus, satrape de la Bactriane, et les autres
généraux avaient enlevé le commandement à Da-
rius et le traînaient avec eux, chargé de chaînes,
moins comme un roi que comme une victime. I
Quelques jours après, l'avant-garde macédonienne
trouvait le grand roi mourant sur la route, où l'a-
vaient abandonné , après l'avoir percé de coups, ses
lieutenants révoltés (330.)
Poursuite de Bessus. — Alexandre poursuivit
Bessus avec plus d'acharnement peut-être qu'il n'en
avait mis à atteindre Darius. Ce rôle de vengeur
d'un ancien ennemi avait un air de grandeur qui
flattait son orgueil. Il importait d'ailleurs de ne
pas laisser aux satrapes le temps de se refaire et
d'organiser la résistance dans les provinces de
l'empire.
Laissant à peine respirer ses soldats, il reprit sa
course vers l'est, soumit en passant toutes les
provinces qui correspondent au Hérat et à l'Afgha-
nistan actuels, entre autres la Bactriane, et atteignit
enfin Bessus au fond de la Sogdiane (grande Bou-
kharie). Alexandre le livra aux parents de Darius,
qui le firent périr dans les supplices.
Crimes d'Alexandre. — Cette partie de l'histoire
d'Alexandre est illustrée par des actions d'éclat :
marches hardies à travers des pays inconnus, en-
lèvement de positions considérées comme impre-
nables ; on regrette d'y trouver des supplices et
des assassinats. Philotas, fils de Parménion et chef
lui-môme de la cavalerie d'élite des Compagnons,
fut accusé de conspiration contre la vie du roi,
torturé et mis à mort. Parménion lui-même, sans
défiance dans son commandement d'Ectabane, fut
poignardé par tm messager d'Alexandre. Quelque
temps après, à Maracanda (Samarcande), un autre
vétéran de Pliilippe, Clitus, qui avait au Granique
sauvé la vie à Alexandre, fut tué dans un banquet
de la main môme du roi. Enfin un des rhéteurs
grecs qui suivaient l'armée, Callisthène, connu
pour la liberté quelquefois agressive de ses pro-
pos, fut impliqué dans ime conspiration, torturé
r-t pendu.
Ces actes révèlent une violence de caractère im-
possible à réfréner, un orgueil que les moindres
atteintes faisaient tourner en cruauté. Sans les
excuser, il faut remarquer cependant qu'Alexandre
frappa surtout des adversaires de sa politique.
Parménion, Philotas et Clitus représentaient l'an-
cienne armée de Philippe, Callisthène la tradition
de l'esprit grec, railleur et indiscipliné. Tous cri
tiquaient hautement les innovations de leur jeune
chef. Alexandre pensait par exemple iqu'il fallait
imposer aux populations orientales par le déploie-
ment d'un luxe inouï et par le prestige d'une ori-
gine surnaturelle. Il pensait aussi que. pour donner
quoique solidité à sa conquête, il était nécessaire
d'opérer entre les Grecs et les Asiatiques un rap-
prochement et même une fusion. On le voyait re-
vêtir le costume et déployer la pompe des anciens
rois de Perse; des troupes du pays étaient enrôlées
dans son armée et chargées même de veiller sur sa
personne, il engageait ses officiers et ses soldats à
épouser des femmes indigènes et lui-même leur
donnait l'exemple. C'étaient donc à la fois ses
passions personnelles et ses combinaisons poli-
tiques qui le poussaient à ces violences.
Conquête de l'Inde. — L'armée macédonienne
était allée jusqu'aux extrêmes limites de l'empire
perse. On était parvenu aux confins de l'Inde. Ale-
xandre n'hésita pas à pousser encore en avant sa
marche. Il passa l'Indus, reçut la soumission d'un
des rois du pays, Taxile. Sur les bords de l'Hydaspe
(Jelum actuel) il trouva rangée en bataille l'armée
d'un roi moins accommodant, nommé Porus. Malgré
leurs éléphants et la bravoure personnelle de leur
chef, les Indiens furent complètement battus. Porus
ne dut la vie qu'à la capricieuse clémence de son
vainqueur.
Alexandre s'apprêtait à franchir l'Hyphase (Su-
tledge)pour marcher vers le Gange. Mais ses sol-
dats, épuisés de fatigue, effrayés par la per-
spective d'une expédition dont le terme reculait
ALEXANDRE
— 70 —
ALGEBRE
toujours devant eux, refusèrent d'aller plus loin.
Alexandre se décida à céder et donna l'ordre du
retour (32G).
Retour d'Alexandre. — Il voulut au moins profi-
ter de cette retraite qu'on lui imposait pour s'af-
fermir dans ses conquêtes et en préparer de nou-
Telles. Il choisit une route absolument différente
de celle par où il était venu. Une flotte de 2 000
nadres ou bateaux fut réunie sur IHydaspe. Ale-
xandre lui-même s'y embarqua, pendant que ses
lieutenants longeaient les rives avec deux divisions
de l'armée.
La flotte arriva ainsi à l'Indus, dont elle suivit le
cours jusqu'à son embouchure. Ce vojage dura neuf
mois, pendant lesquels on s'arrêta à chaque instant
pour combattre les riverains non encore soumis.
Deux de ces peuples firent une résistance très-vive. '
Alexandre fut grièvement blessé en donnant l'as-
saut à un fort des Malliens. A l'embouchure de i
rindus la flotte et l'armée se divisèrent : la flotte,
sous les ordres de Néarque, dut aller par le golfe
Persique de l'embouchure de l'Indus à celle du
Tigre, révélant ainsi aux navigateurs grecs des mers
jusqu'alors inconnues. C'était une véritable explo-
ration. Alexandre lui-même, avec l'armée, traversa
au prix de souffrances inouïes les déserts de la Gé-
dosie (Beloutchistan), se refit un peu en Carmanie
et arriva enfin à Persépolis, puis à Suse. i
De retour dans la Perse proprement dite. Aie- ;
xandre reprit l'exécution de ses plans politiques. Il
avait déjà épousé une princesse bactriane. Roxane;
il épousa encore la fille de Darius et celle d'un
autre roi. En un seul jour 80 de ses officiers du- ,
rent contracter de gré ou de force des mariages ana-
logues. En même temps il incorporait dans son |
armée des contingents indigènes , notamment ^
30 000 soldats levés dans les provinces orientales,
qu'il ùdmit au même titre que les Jlacédoniens. Le ]
corps d'élite des Compagnons dut ouvrir ses rangs
à des jeunes gens des familles nobles de la Perse. ;
Les vétérans de l'armée, irrités de ces mesures '<
qui blessaient leur amour-propre national, mena- I
ces d'être renvoyés dans leurs foyers comme im-
propres au service, faillirent se mutiner. Alexan-
dre leur tint tête , fit mettre à mort les plus
bruyants, et, malgré une réconciliation solennelle-
ment célébrée, en désigna 10 000 pour retourner
en Europe.
Il voulait se faire ainsi une armée nouvelle et plus
docile, prête à le suivre partout; car son ambition
n'était point encore satisfaite, et il rêvait des con-
quêtes nouvelles. Il avait fait sur l'Euphrate et en
Phénicie de grands préparatifs pour une expédition
contre l'Arabie. Dans sa marche sur Babylone il
recevait des ambassadeurs venus du fond de l'Eu-
rope, de l'Italie, de la Gaule même, des bords du
Danube. C'en était assez pour éveiller sa pensée
inquiète et reculer les bornes de son ambition.
Ce fut alors que la mort vint le surprendre. Au
milieu des fêtes et des orgies par lesquelles il
avait voulu célébrer les funérailles de son ami
Ephestion, il fut saisi d'une fièvre qui l'emporta en
quelques jours. Suivant certaines versions il aurait
été victime d'un empoisonnement. La violence de
son propre caractère, les passions qui s'agitaient
autour de lui donnent quelque vraisemblance à
cette opinion. Cependant elle n'est appuyée d'au-
cune preuve, et, d'autre part, le genre de vie mené
par Alexandre, les excès auxquels il venait de se
livrer, suffisent à expliquer sa mort par des causes
naturelles. Il laissait après lui le souvenir d'ex-
ploits héroïques, des entreprises immenses com-
mencées, mais une œuvre encore incomplète. Il
réussit à faciliter l'expansion du commerce et des
idées helléniques dans toute l'Asie, il prépara une
sorte de lusion entre ces deux mondes jusqu'alors si
étrangers l'un à l'autre. Mais, s'il avait rêvé de consti-
tuer un vaste et durable empire, cette espérance fut
cruellement déçue. Selon le mot qu on lui prête, ses
lieutenants allaient, en s'arrachant les lambeaux de
son héritage, « lui faire de sanglantes funérailles. »
Dictée. — Bossuet, Discours sur l'histobe uni-
verselle. Partie III, fin du chap. v : Alexandre fit son
entrée à Babylone, etc. (p. 460-461 de l'éd Olleris).
[Maur. Wahl.]
ALGÈBRE. — Branche des mathématiques qui
a pour but de résoudre d'une manière générale les
questions relatives aux nombres ; c'est-à-dire que,
dans cette partie de la science, on ne se borne pas
à chercher la solution particulière d'un problème,
mais on recherche la solution générale de tous les
problèmes de même genre. Lorsque en effet on ré-
sout par les procédés de l'arithmétique un pro-
blème dont les données sont des nombres, le
résultat qu'on obtient n'offre aucune trace des opé-
rations qu'il a fallu faire pour l'obtenir. On a donc
été conduit à chercher une solution générale indi-
quant, indépendamment des données particulières,
les calculs à effectuer, dans toutes les questions
analogues, pour arriver au résultat cherché. Pour
y parvenir, on représente par des lettres les gran-
deurs connues et inconnues que l'on a à considérer,
et, à l'aide de signes abréviatifs, déjà usités pour
la plupart en arithmétique, on écrit les relations
que l'énoncé du problème établit entre ces gran-
deurs; l'algèbre donne ensuite des règles pour
déduire de ces relations la valeur des inconnues.
L'expression de chacune d'elles est une formule
algébrique, qui indique les opérations à effectuer
sur les données ; et, dans chaque cas particulier,
on n'a plus qu'à remplacer les lettres par les va-
leurs particulières que 1 énoncé leur attribue.
Quelques exemples sont nécessaires pour éclair-
cir ces généralités ; et ils formeront la matière de
la PREMIÈRE LEÇON du COUrS.
1 . Soit proposé ce problème de mélange : On
a 60 hectolitres de blé à 25' riiectolitre ; combien,
faut-il y ajouter de blé à I8f, pour faire un mé-
lange valant 22',20 l'hectolitre? On sait comment
on raisonne en arithmétique pour obtenir la solu-
tion. Sur chaque hectolitre à 25f que l'on vendra
2.;', 20 on perdra 2f,80; pour les 6U hoctolitres, la
perte sera donc de 60 fois 2^,80, c'est-à-dire de
16s'. Mais sur chaque hectolitre à isf que l'on ven-
dra 22',20 on gagnera 4', 20; pour que le gain com-
pense la perte, il faut donc prendre un nombre
d'hectolitres à 18' tel, qu'en multipliant 4',20 par ce
nombre on obtienne 168'. Ce nombre est donc le
quotient de 16^' par 'i',20, c'est-à-dire 40; ce qu'il
est facile de vérifier.
Mais, dans ce résultat 40, on ne voit aucune trace
des opérations qui l'ont fourni. Traitons donc le
même problème d'une manière générale. Soit n
le nombre primitif d'hectolitres à a francs, et x le
nombre d'hectolitres à b francs qu'il faut y ajouter
pour obtenir un mélange à c francs l'hectolitre. En
raisonnant comme ci-dessus, on voit que sur
chaque hectolitre à a francs que l'on vendra c
francs, on perdra a — c francs, et pour n hectolitres
la perte sera le produit de a — c par n, que l'on peut
écrire [a — c).n. Mais sur chaque hectolitre à b
francs que l'on vendra c francs, on gagnera c — 6
francs, et pour x hectolitres le gain sera le pro-
duit de c — èparx, que l'on peut écrire (c — b).x.
Pour que le gain compense la perte il faut donc
que l'on ait
{c — b) .X = \^a — c) .n.
Il en résulte qu'on aura le nombre cherché x en
di visant (a — c).n parc — b; ce qui peut s'écrire
(a — c).n
X = ' 5
C — b
Toile est la forinule générale qui résout tous les pro-
blèmes du môme genre. Si l'on demande, par
exemple, combien à 80 hectolitres à 24 francs il faut
ALGEBRE
— 71 —
ALGEBRE
ajouter d'hectolitres à 19 francs pour obtenir un
mélange valant 21 francs l'hectolitre, il faudra dans
cette formule remplacera par 80, a par 24, b par j9,
et c par 21 : ce qui donne
21 — 19 2
Ce qu'on vérifiera facilement.
2. Traitons encore le problème suivant : La
somme de deux nombre est 47, et leur différence
est 15; quels sont ces deux nombres? On reconnaît
que, si Ton ajoute 47 et 15, la somme 62 se com-
posera du plus grand nombre augmenté du plus
petit, et du plus grand nombre diminué du plus
petit, c'est-à-dire qu'elle sera le double du plus
grand. Ce plus grand nombre est donc la moitié de
02, ou -M. Par suite, le plus petit nombre est
47 — 31, ou 16.
Mais les nombres 31 et 16 n'offrent aucune trace
des opérations qui les ont fournis. Soient généra-
lement X &\, y deux nombres dont la- somme est a
et la dififérence 6.
On yerri, comme ci-dessus, que si l'on ajoute a
et b, la somme sera le double du plus grand
nombre x. On aura donc
a + b
x = — : — ou
a b
Dès lors on aura y en retranchant x de a, ce qui
donne
a b a b
^="-2-2=2-V
Ces deux formules générales nous apprennent
que le plus grand des deux nombres demandés est
égal à la demi-somme des nombres donnés, aug-
meiitée de leur demi-dififérence ; et que le plus
petit des deux nombres cherchés est égal à la
demi-somme des nombres donnés diminuée de leur
demi-différence.
Si, par exemple, la somme donnée est 113 et la
différence 51, on aura
113 , 51 164
:82
et y-
113 51_ 62 _
1. T~ T -^^'
Les règles d'intérêt simple, d'escompte, d'alliage,
de partage proportionnel peuvent également four-
nir des exemples de formules générales propres à
faire comprendre aux élèves le but de l'algèbre et
la généralité de ses procédés.
3. Deuxième leçon. — La seconde leçon du
cours sera consacrée à passer en revue les signes
abréviatifs, et en général les notations de l'algèbre,
ainsi qu'à distinguer les diverses espèces d'expres-
sions algébriques.
Le signe -+- s'énonce plus ; placé entre deux quan-
tités, il indique qu'on en fait la somme. Ainsi a -(- 7
signifie la somme des quantités a et 7 ; de même
a -|- 6 -|- 7 exprime la somme des quantités a, b
et 7.
Le signe — s'énonce moins; placé entre deux
quantités, il indique qu'on en fait la différence.
Ainsi a — " exprime ce qui reste de a quand on en
retranche 7. De même a — 6 — 7 indique ce qui
reste de a quand on en a retranché successive-
ment b ei '.
Le signe X s'énonce multiplié par; placé entre
deux quantités, il indique qu'on en fait le produit.
Ainsi a X " indique le produit de a par 7. De môme
a X 6 X " exprime le produit des trois facteurs
a, b et 7. On remplace souvent le signe X par un
simple point. Ainsi aXè peut s'écrire a.b Plus
souvent encore on indique la multiplication en
écrivant simplement les facteurs à la suite les uns
des autres, sans aucune interposition de signes.
-Mais cette notation ne s'étend pas aux facteur.? nu-
mériques, à moins qu'il n'y en ait qu'un seul, qui
prend alors le nom de coefficient, et se place le
premier. Ainsi a X ô X T s'écrira 'ab. Le produit
oX5XaX6Xa; s'écrira .3X5. abx.
Quand un produit renferme plusieurs facteurs
égaux, on se contente d'écrire l'un d'eux, et l'on
place à la droite, et un peu au-dessus, le nombre
([ui indique combien il y a de ces facteurs égaux.
Ainsi au lieu de 7 X 7 on écrira "2; au lieu de
a X a X a on écrira a^. Ce nombre, qui indique
combien il y a de facteurs égaux à celui qu'on
écrit, porte le nom d'exposant; et le produit des
facteurs égaux s'appelle puissance de l'un de ces
facteurs. Ainsi 5^ est la seconde puissance de 5 ;
a^ est la troisième puissance de a. Une expression
telle que 7 a^b-x indiquerait le produit du fac-
teur 7 par la troisième puissance de a, par la se-
conde puissance de b, et par le facteur x, ou le
produit lXaXay<aXbXbXx.
Le signe ; s'énonce divisé par; placé entre deux
quantités, il indique que la première est divisée
par la seconde. Ainsi a : 7 indique le quotient de
a par 7. On indique encore la division en écrivant
le quotient comme une fraction qui aurait pour
numérateur le dividende et pour dénominateur le
diviseur. Par exemple
, , . a
a : 7 peut s écrire -•
Le signe V indique la racine carrée de la quan-
tité placée au-dessous, c'est-à-dire une quantité
qui, multipliée par elle-même, reproduirait la quan-
tité placée sous le signe. Ainsi v'^y exprime la ra-
cine carrée de 49, c'est-à-dire 7. Le signe V indique
la racine cubique de la quantité placée au-dessous,
c'est-à-dire une quantité qui, prise trois fois comme
facteur, donnerait pour produit la quantité placée
sous le signe. Ainsi \ ^-^"^ exprime la racine_cubique
de 125, c'est-à-dire 5. Les signes \ , )/ , etc.,
indiqueraient de même la racine quatrième, la ra-
cine cinquième, etc., de la quantité placée au-des-
sous, c'est-à-dire une quantité qui, prise 4 fois,
5 fois, etc., comme facteur,' donnerait pour produit
la quantité placée sous le signe. Ce signe porte en
général le nom de radical, et le nombre placé au-
dessus, dans son ouverture, est l'indice du radical.
Ainsi dans V , 3 est l'indice du radical.
Les parenthèses ( ) expriment le résultat des
opérations indiquées sur les quantités qu'elles en-
veloppent: les signes qui affectent les parenthèses
indiquent les opérations à effectuer sur ce résultat.
Ainsi
a-[b-1)
indique que de la quantité a on retranche le résul-
tat obtenu en retranchant 7 de b.
(rt+IJX^ ou simplement (c -1-7)6
indique que la somme des quantités a et 7 est mul-
> , 0^ — ^
(a — 5) : 6 ou — -, —
tipliée par 6.
indique que l'on divise par 6 la différence des
quantités a et 5. De même
(a + 7p:(6-f3)(6-3) ou -~^^)
exprime que la troisième puissance de la somme de
a et de 7, est divisée par le produit obtenu en
muliipliant la somme des quantités 6 et 3 par leur
différence.
Le signe = s'énonce égale; placé entre deux
ALGEBRE — '
quantités, il indique que leurs valeurs sont égales.
Ainsi a -|- ô = 7 signifie que la somme des quan-
tités a et 6 est égale à 7.
Le signe > s'énonce p/ws grand que; placé entre
deux quantités, il indique que la première est plus
grande que la seconde. Ainsi a>-7 signifie que la
quantité représentée par a est plus grande que 7.
Le signe <. s'énonce plus petit que; placé entre
deux quantités, il exprime que la première est plus
petite que la seconde. Ainsi a<.7 exprime que a
est plus petit que 7.
4. Les expressions algébriques les plus simples
sont les lettres mêmes de l'alphabet, destinées à
représenter des quantités connues ou inconnues.
On emploie ordinairement les premières lettres de
l'alphabet, a, b, c, d, etc., pour représenter des
quantités supposées connues, mais dont on ne
particularise pas la valeur numérique. Les dernières
lettres de l'alphabet, x, y, z, etc., désignent, au
contraire, des quantités inconnues.
On représente parfois des quantités analogues
par une même lettre chargée de plusieurs accents.
Ainsi les notations a, a, a" a'", qui s'énoncent
a prime, a seconde, a tierce, serviraient à repré-
senter des quantités analogues.
Tout ensemble de lettres, ou de lettres et de
nombres, réunis par quelques-uns des signes énu-
mércs plus haut, constitue ce que l'on appelle une
expression algébrique. Ainsi
12a'-b{x—l)
v'a- + x^
est une expression abgébrique.
Une expression algébrique est dite rationnelle,
quand elle ne contient point de signe radical. Elle
est irrationnelle, dans le cas contraire. Une expres-
sion algébrique est dite entière lorsque aucune lettre
n'y figure en dénominateur. Elle est fractionnaire,
dans le cas contraire. On s'occupe d'abord des
quantités rationnelles et entières.
Une quantité rationnelle et entière peut être
monôme ou polynôme. Elle est monôme lorsqu'il
n'y a pas d'autres opérations indiquées que des
multiplications. Ainsi 7 a-b^x est un monôme. Dans
un monôme, il y a quatre éléments à distinguer :
1° Le signe dont il est précédé, et qui peut être +
ou — ; le monôme est dit positif dans le premier
cas, et 7iégat if dans le second. Tout monôme qui
n'est précédé d'aucun signe est supposé précédé
du signe -{-. 2" Le facteur numérique, s'il y en a
un ; ce facteur, appelé coefficient, comme nous l'a-
vons vu, se place toujours le premier. Un monôme
qui n'a pas de coefficient est censé avoir pour
coefficieni Tunité. 3° Les lettres, qui composent les
autres facteurs. 4° Les exposants de ces lettres, ou
les nombres écrits au-dessus ou un peu à droite, et
qui indiquent combien de fois la quantité repré-
sentée par la lettre que chacun d'eux affecte, entre
de fois comme facteur dans le produit. Toute lettre
qui n'a pas d'exposant est censée avoir l'expo-
sant 1. Ainsi dans — ôa^à'^j: le signe est — , le coef-
ficient est 5, les lettres sont a, b, x; et leurs expo-
sants respectifs sont 2, 3 et 1. Dans iab-x^y le
signe est -[-, le coefficient est 4, les lettres sont
a, b,x,y; et leurs exposants sont 1, 2,3, 1.
Quand on attribue des valeurs numériques aux
lettres qui entrent dans un monôme, ce monôme
se réduit lui-même à une valeur numérique, en-
tière ou fractionnaire, précédée du signe -\- ou du
signe — , selon que le monôme est positif ou né-
gatif. Si, par exemple, on suppose
2
G = 5, ft = 3, a; = 2, y = T.->
le monôme — Sa-è^x deviendra
— 5.25.27.2 ou
6950
2 — ALGEBRE
et le monôme \ab^x^y deviendra
+ 4.5.9.8.^ ou +900.
C'est surtout sous cette forme numérique, précé-
dée d'un signe + ou — , qu'il faut se représenter
les monômes.
On nomme degré d'un monôme le nombre de
facteurs littéraux qu'il renferme, ou la somme des
oxposants des lettres qui y entrent. Ainsi le mo-
nôme — ba-b^x est d'un degré marqué par
2-1-3+1 ou 0; et le monôme + iab^x^y est du
degré 1 + 2-1-3 + 1 ou 7.
5. Une expression algébrique est dite poly-
nôme lorsqu'elle se compose de plusieurs monô-
mes, séparés par les signes -f- ou — . Ainsi
l'expression
ax3 + 2a2x2 — 5a'x + 3a*
est un pol}'nôme. Les différents monômes dont un
polynôme se compose sont les termes de ce poly-
nôme. Un polynôme qui n'a que deux termes prend
le nom de binôme ; s'il a trois termes, il prend le
nom de trinôme.
Un polynôme est dit homogène quand tous ses
termes sont du même degré. C'est ce qui a lieu
pour le polynôme écrit ci-dessus, dont tous les
termes sont du 4« degré.
Un polynôme est dit ordonné par rapport aux
puissances d'une même lettre, lorsque les expo-
sants de cette lettre vont constamment en dimi-
nuant ou constamment en augmentant d'un terme
h l'autre. Ainsi, le polynôme écrit plus haut est
ordonné par rapport aux puissances décroissantes
de la lettre x, ou par rapport aux puissances crois-
santes de la lettre a. La lettre par rapport à laquelle
le polynôme est ordonné prend le nom de lettre
ordonnatrice.
On peut toujours ordonner un polynôme par
rapport à l'une quelconque des lettres qui y en-
trent, car l'ordre dans lequel les termes se succè-
dent est évidemment arbitraire et n'altère en rien
la valeur numérique du polynôme, qui équivaut
toujours à la somme des valeurs numériques des
termes positifs, diminuée de la somme des valeurs
numériques des termes soustractifs.
On appelle termes semblables, dans un polynôme,
les termes qui contiennent les mêmes lettres affec-
tées des mêmes exposants, et qui ne diffèrent par
conséquent que par le coefficient ou par le signe.
Ainsi, dans le polynôme
2a'-b - 3a6s + Sab^ — Sab^ + 2a6s
les quatre derniers termes sont semblables.
On peut toujours réduire les termes semblables
en un seul. Dans l'exemple ci-dessus, quelle que
soit la valeur numérique de ab', on voit qu'on aura
h ajouter 8 fois cette valeur, plus 2 fois cette va-
leur, soit 10 fols cette même valeur, et à en re-
trancher d'abord 3 fois, plus 5 fois, soit en tout
8 fois cette valeur, ce qui revient en définitive à
ajouter à 2a^b deux fois la valeur de ab-, et
donne
2a2è+2aA2.
Pour opérer la réduction des termes semblables,
on fait la soriime de tous les coefficients de ces termes
qui ont le signe +, et la somme de tous les coeffi-
cients qui ont le signe —, on retranche In plus pe-
tite somme de la plus grande, on donne à la ili/fé-
rcnce le signe de la plus grande, et on écrit à la suite
la partie littérale commune. D'après cette iJgle,
l'ensemble des termes semblables
4a''.r — 10«'x — Sa'x + hd^x — a'x
se réduit à
9a'x — Wa^x or. en définitive à — 5a'x.
ALGEBRE
— 73 —
ALGÈBRE
6. Troisième leçon. — Addition algébrique. —
On suppose dabord que les expressions^ algé-
briques à additionner sont positives, soit qu'il s'a-
gisse de deux monômes isolés, soit que, s'il s'agit
de polynômes, la partie additive l'emporte en valeur
absolue sur la partie soustractive. Avec cette res-
triction on peut dire qn'additiomier deux expres-
siofis algéhriques, c'est en former une troisième
dont la valeur absolue soit la somme de^ valeurs
absolues des deux autres, i-i'iépendamment des va-
leurs particulières attribuées aux lettres qui y
entrent.
S'il s'agit de deux monômes, on indiquera l'o-
pération en écrivant le second à la suite du
premier et les séparant par le signe +. Si les
deux monômes additionnés sont dissemblables, le
résultat ne sera susceptible d'aucune simplifica-
tion ; ainsi la somme des monômes ba^b et 'ab-
est simplement ha^b + 'ab-. Mais si les deux mo-
nômes sont semblables, ils se réduiront à un seul :
ainsi
ha^b + 7fl2i= i2a2è.
Supposons maintenant qu'il s'agisse de deux
polynômes ; et, pour simplifier, considérons les
binômes a — è et c — d. Si à a — b nous ajoutons
d'abord le terme c, et que nous écrivions a — 6 + c,
ce résultat sera trop grand de la quantité d dont
il aurait fallu préalablement diminuer c; pour lui
rendre sa valeur, il faudra donc en retrancher <l
et écrire a — 6 + c — d. On voit dans ce résultat
que le terme c, qui était censé avoir le signe -|-
puisqu'il n'était précédé d'aucun signe, se retrouve
au total avec le signe +; et que le terme d, qui
était précédé du signe — , se retrouve au total
avec le signe — . Le même raisonnement s'appli-
querait à des polynômes quelconques.; d'où l'on
déduit cette règle :
Pour addinoTiner deux polynômes, il suffit
d'écrire le second à la suite du premier, en con-
servant à ' haque terme son signe.
Soit, par exemple, à additionner
ox^ — 2a^x + 4a3 et bax'^ 4- 2a^x — Sa^.
La somme sera
aj;^ — 2a2j: -f. 4a3 _|_ 50^2 -j- 2a^-x — 3a^,
ou. en opérant la réduction des termes sembla-
bles
Cax2 -{- a3.
On pourra proposer aux élèves les exemples
suivants :
«36 _ 5a2^,2 4- 7a63 — 86^
3«36 — -Ifi^b^ — 7a63 -{- 361
Somme, ia^b — la^b^ — 56*
Gax^ — 8r/2j;2 4- 10«3x — 7a*
Sax» -f- Sf2x2 — Qa^x -f- 60*
Somme, llax^ -h a'^x — a*
qS _ 5a*6 -4- 1 0a362 — 1 Qa^-b^ + bab'» — b^
«5 + 5a*6 + lOaSôi! 4- 1 Oa^b^ -f- bab'» + 65
Somme . 2a^ -<- 2Ud^b^ + I0a6*
x' — 3ax^ -{- da^-x
2x3 — ax^ + a-x
Somme. . . . 3a-3 — iax^ -\- Wa^x
La restriction admise en commençant peut être
écartée ; et la règle de l'addition, telle qu'elle a
été donnée ci-dessus, peut être éiendue à. des
expressions algébriques négatives, en vertu de la
tendance qu'a l'algèbre à généraliser ses procédés
ainsi que nous le verrons par la suite.
7. Soustraction algébrique. — Avecla restriction
indiquée pour l'addition, on peut dire que soustraire
deux expressions algébriques c'est en former une
troisième dont la valeur numérique soit la différence
entre les valeurs numériques des deux premières,
indépendamment des valeurs particulières attribuées
aux lettres qui y entrent.
S'il s'agit de deux monômes, on indiquera l'opé-
ration en écrivant le second à la suite du premier et
les séparant par le signe — . Si les deux monômes
donnés sont dissemblables, le résultat ne sera sus-
ceptible d'aucune simplification : ainsi la différence
des deux monômes M^b et 'iab- est 8a-6 — Mb\
Mais si les deux monômes sont semblables, ils se
réduiront à un seul ; ainsi
8a-6 — Zd^b = ba''b.
Supposons maintenant qu'il s'agisse de deux po-
lynômes ; et soit à soustraire c — d de a — 6. Si
l'on soustrait d'abord c et qu'on écrive a — b — c,
ce résultat sera trop petit ; car ce n'était pas c qu'il
fallait soustraire, mais c préalablement diminué de
d. Le résultat est donc trop petit de d; et, pour
lui donner sa véritable valeur, il faut y ajouter d et
écrire a — 6 — c-\-d. On voit dans ce résultat que
le terme c, qui était censé avoir le signe +, a main-
tenant le signe — ; et que le terme d, qui était
précédé du signe — , a maintenant le signe -|-. Le
même raisonnement pouvant s'appliquer à des po-
lynômes quelconques, on en déduit cette règle :
Pour soustraire un polynôme d'un autre, il faut
l'écrire à la suite de cet autre en changeant le signe
de chacun de ses termes.
Supposons, par exemple, que du polynôme
» o.r- -f- «3 on veuille soustraire le polynôme
hax--'r'2a^x — 3fl3.0n aura, en appliquant la règle,
6ax2 -I- «3 — 5ax* — 2a^x + Sa»
ou, en opérant la réduction des termes semblables,
et ordonnant
ax- — 2a-x-\-^a^.
On pourra proposer aux élèves les exemples sui-
vants :
5X3 — 6qx2 + 9o2x
2x3 _ ^ax^ — a-x.
De
soustraire
Différence..
De
soustraire
Différence..
3x3 — ax2 + 10a2x.
4g* -f 5a36 — €«262 _ 7a63
a* — a^b — ka-b"' + «63.
3a* -f 6a3é — 2a26i _ 8a63.
De a2-f 2a6 +6*
soustraire a^ — 2o6 -\- 6*.
Différence.... iab.
De 4a36 — 7a262_56*
soustraire 3a36 — 5a262'4- 7a63 — 86*.
Di'fiférence.... a36 — la^b^— 7a63+ 36*.
Nous verrons plus loin que la restriction admise
au commencement peut être écartée.
8. Quatrième leçon. — Multiplication algé-
brique. — Avec la restriction déjà indiquée pour
l'addition et la soustraction, on peut dire que
multiplier l'une par l'autre detcx expressions algé-
briques, c'est en former une troisième dont la va-
leur numérique soit le produit des valeurs numé-
riques des deux autres, indépendamme/it des va-
leurs particulières attribuées aux lettres qui y
entrent.
Soit d'abord à multiplier deux monômes positifs,
par exemple 3'7-x3 et 26x2. Ces monômes peuvent
s'écrire 3XflXaXxXxXa;ct 2X6x^Xx.
Or on a vu en arithmétique que, pour multiplier
une quantité par un produit de plusieurs facteurs,
on peut multiplier successivement par chacun des
ALGEBRE — '
facteurs de ce produit. L'opération qu'on a en vue
donnera donc pour résultat
Mais on sait aussi qu'on peut . sans changer un
produit, intervertir l'ordre des facteurs ; on pourra
donc écrire \
SX^XaXaXàXxXxXxXxXx.
Enfin, au lieu de multiplier successivement par
plusieurs facteurs, on a vu qu'on pouvait multi-
plier par le produit effectué de ces facteurs, on
écrira donc le résultat
qui sera le produit des deux monômes proposés.
On voit que ce produit s'obtient en multipliant les
coefficients 3 et 2, en écrivant tels qu'ils étaient
les facteurs a ■ et b qui n'entraient chacun que dans
l'un des monômes, et en écrivant le facteur x qui
entrait dans tous les deux, avec un exposant égal
à la somme de ceux qu'il avait dans ces deux mo-
nômes.
On verrait de même que
Sabx^ X ia-x = 20a^bx''y,
ia^ô^xXlax^ ==-2 a''bix\
Uab^x^-ij^ X ha}b'-x = ijOa'>b'>x'^y^,
et ainsi de suite. La règle de la multiplication des
monômes positifs est donc la suivante : Multiplier
les coefficients, écrire à la suite toutes les lettres
qui entrent dans les deux monômes, et affecter cha- j
cune d'un exposant égal à la somme de ceux qu'elle
a dans les deux facteurs. j
9. Soit maintenant à multiplier un polynône I
par un monôme positif, par exemple a — b par m. j
Pour fixer les idées, supposons que m ait pour !
valeur-' Le but de l'opération sera de prendre les
o
5 5 5
5 de a — i. Si l'on prend les - de o^ ou aX::' Ce
o 8 8
résultat sera trop fort, puisqu'on avait à prendre
5
les - de a préalablement diminué de 6; et il sera
o
5 5
trop fort des - de b, ou de i X z' La vraie valeur
o 8
5 5
de ce résultat sera donc a X ô — ^ X -> ou
8 6
am — bm; et l'on arrivera au même résultat algé-
brique quelle que soit la valeur numérique attri-
buée à m. On voit donc que, pour multiplier un
polynôme par un monôme positif, il faut multi-
plier c/iaque terme du polynôme par ce monôme,
en conservant les signes.
On trouverait ainsi que
(ox* — b^x+a^) Xax = à^x^ — ab^x' -f a'>x.
10. Soit enfin à multiplier un polynôme par un
polynôme, par exemple a — b par c — d. Si l'on
multiplie d'abord a — b par c, on trouve, d'après la
règle ci-dessus, ac — bc. Mais comme ce n'était
pas par c qu'il fallait multiplier, mais par c préala-
blement diminué de d, le résultat obtenu est trop
fort du produit de a — b par d, c'est-à-dire de
ad — bd. Pour lui rendre sa véritable valeur, il
faudra donc de ac — bc retrancher ad — bd, ce qui
donne, d'après la règle de la soustraction,
ac — bc — ad+ bd.
En examinant ce résultat, on voit : 1° qu'il con-
tient les produits partiels de chaque terme du
multiplicande par chaque terme du multiplica-
teur ; 2" que les termes a et c, qui avaient le même
signe +, ont donné un produit positif; que les
termes a et d, qui avaient des signes contraires,
ont donné un produit négatif; que les termes b et
4 — ALGEBRE
c, qui avaient des signes contraires, ont aussi
donné un produit négatif; enfin que les termes 6
et d, qui avaient le signe — , ont donné un produit
positif. On énonce ces remarques en disant que
deux termes de même signe donnent un produit
positif, et que deux termes de signe contraire don-
nent un produit négatif. C'est en cela que consiste
ce que 1 on appelle la règle des signes.
11. Comme les mêmes raisonnements seraient
applicables à deux polynômes quelconques, on en
conclut que, pour multiplier deux polynômes l'un
par l'autre, il faut multiplier chaque terme du
polynôme multiplicande par chaque terme du po-
lynôme multiplicateur, en ayant égard à la régie
des signes. Il ne reste plus qu'à opérer, s'il y a
lieu, la réduction des termes semblaoles.
Soit, par exemple, à multiplier
0x3 — 2a-x^ + 3o3x + où*
par ax^ -t- 2ax^ — 4a3
a^x^ — 2a3j;* -H 3a*x» -f- ôa^x*
-f 2a"X^ — 4a'x3 -f- 6a^x'>-{- 10a«x
— 4atx8 -I- Sa'^x* — I2a«x — Wa^
on trouve pour produit
a'^x^—ba'*x^-{- lOa'^x-
2a^x — 20a''.
Il faut avoir soin d'ordonner les deux polynômes
par rapport aux puissances d'une même lettre, et
d'écrire les produits partiels de manière que les
termes semblables se correspondent, ce qui en fa-
cilite la réduction.
On peut remarquer qu'il y a toujours au moins
deux termes qui ne se réduisent pas avec d'autres ;
ce sont ceux qui proviennent de la multiplication
du premier terme du multiplicande par le premier
terme du multiplicateur, ou du dernier terme du
multiplicande par le dernier terme du multiplica-
teur, attendu que l'un contient la lettre ordonna-
trice à une puissance plus élevée qu'aucun autre
terme, et que l'autre contient au contraire cette
lettre à la plus petite puissance. Cette observa-
tion est importante, car on verra tout à l'heure
qu'elle sert de base à la division.
On pourra proposer aux élèves les exemples sui-
vants :
Multiplicande., a^ -\- <7-6 -f aô* -h b^
Multiplicateur .a — b
Produit a^» — 6*
Multiplicande., x^-j-îox -|- a*
Multiplicateur, x^ — lax -f- a-
Produit x^ — 2a^x^ -+- a*
Il y a trois produits qu'il est bon de retenir par
cœur, parce qu'on en fait un fréquent usage ; ce
sont les suivants :
(a + b)(a-^b) = ai + lab + 6» ;
{a - 6) (a — 6) = a2 — 2ab + 6^ ;
(a -i- 6) (a — 6) = a» — b^.
12. Cinquième leçox. — Division algébrique. —
Cette opération a pour but, étant dotiné le produit
de deux quantités algébriques, et l'une d'elles, de
retrouver l'autre.
Soit d'abord à diviser un monôme positif 6a*6x5
par un autre monôme positif Za-x^. Le quotient
sera nécessairement un monôme, car un polynôme
multiplié par un monôme donnerait un polynôme.
Dès lors il résulte de la règle de la multiplication
des monômes que le coefficient i; du dividende
est le produit du coefficient 3 du diviseur par le
coefficient inconnu du quotient; on obtiendra donc
ce coefficient inconnu en divisant (i par ;<, ce qui
donne 2. La lettre a, entrant au dividende et au
diviseur avec le même exposant, ne doit pas entrer
au quotient. La lettre b, n'entrant qu'au dividende,
doit se retrouver au quotient. Enfin la lettre x
ALGÈBRE — 75
ALGEBRE
entrant au dividende et au diviseur, son exposant
6 au dividende est la somme de son exposant 3 au
diviseur et de son exposant au quotient; cet expo-
sant est donc l'excès de 6 sur ■'., c'est-à-dire 2. Le
quotient cherché est donc Ibx'^. On tire de là
cette règle : Pour diviser deux monômes positifs
l'un par l'autre, divisez le coefficient du dividende
par le coefficient du diviseur, écrivez à la suite du
quotient les lettres qui entrent à la fois au dividende
et au diviseur, en affectant chacune d'un exposant
égal à l'excès de son exposant au dividende sur
son exposant au diviseur; s'il y a des lettres qui
n'entrent qu'au dividende, écrivez-les au quotient
avec leur exposant; si une lettre entre avec le même
exposant au dividende et au diviseur, elle ne doit
pas entrer au quotient.
On trouvera ainsi
que le quotient de.. 28a'6x* par 'ax^ est éa^ô'x
— .. Ibab-x^ par bbx^ est Zabx
— .. 2ia'^bx^ par Qa^x^ est iabx^.
13. Telle est la règle de la division des mo-
nômes positifs. Mais, de même que, dans la mul-
tiplication des polynômes, on peut avoir à multi-
plier entre eux des termes qui ne soient pas tous
deux positifs, de même on verra que, dans la divi-
sion des polj'nomes, on peut avoir à diviser l'un
par l'autre deux monômes n'ayant pas tous deux le
signe 4-. La règle des signes de la division se dé-
duit de celle de la multiplication. Si le dividende
a le signe -f-, le quotient doit être de même signe
que le diviseur; si le dividende a le signe — , le
quotient doit être de signe contraire au diviseur.
Cette règle s'énonce parfois sous cette forme abré-
gée, qui s'applique également à la multiplication :
-h par + donne -f-
-j- par — donne —
— par 4- donne —
— par — donne -\-
14. Passons à la division d'un polynôme par un
polynôme. Soit, par exemple, à diviser
I a^x^ — 5a4j,3 -[- i9a5j;2 _ 2aH — 20a''
j par ax^ — ^a^-x^ + Za^x -f 5a*.
Les deux polynômes étant ordonnes par rapport
I aux puissances d'une même lettre, il résulte de ce
qui a été dit à propos de la multiplication que le
premier terme du dividende est le produit exact
du premier terme du diviseur par le premier terme
du quotient; on obtiendra donc celui-ci en divi-
sant a^x= par ax^, ce qui donne ax^. Le dividende,
contient tous les produits partiels des termes du
diviseur par ceux du quotient; si l'on multiplie le
diviseur par ax- et qu'on retranche le produit du
dividende, on obtient pour reste
-\- 2a3x* — 8a*x3 + 14a5x* — 2a«a; — 20a''.
Ce reste, qui forme un second dividende partiel,
est le produit exact du diviseur par l'ensemble des
termes inconnus du quotient. Comme il est ordon-
né par rapport à la même lettre que le diviseur,
son premier terme est le produit exact du premier
terme du diviseur par le premier des termes in-
connus du quotient. On aura donc ce second terme
du quotient en divisant -|- 'la^x'' par ax^, ce qui
donne -4- la^x. Multiplions le diviseur par ce se-
cond terme, et retranchons le produit du second
dividende partiel, nous obtiendrons pour reste
— 4a*x3 -f Sa«x^ — \2a^x — 20a^
Ce troisième dividende partiel étant oidonné
comme les polynômes précédents, son premier
terme est le produit exact du premier terme du
diviseur par le premier des termes inconnus du
quotient; on obtiendra donc ce troisiènie terme du
quotient en divisant — ia'*x^ par -+■ ax^, ce qui
donne — 4a3. Multipliant le diviseur par ce troi-
sième terme et retranchant le produit du troisième
dividende partiel, on obtient pour reste zéro ; le
quotient est donc ax^ -j- Sa^x — i x^.
On dispose l'opération come il est indiqué ci-
dessous
a^-x^ — ba^x^ + Wa^x^ — '2a^x — 20a'' [ ax^ — la^x^- -4- M'^x + Sa*
— a-j° — la^x'» — 3g'>j2 — ha^x^ ^xi '2d"X 4a3
2* div. part, -h 'la'^x'' — 8a*j;2 -|- 14a^a;2 — -za^x — 2Ûa''
3' div. part.
, , „w x'^ + 14a^a;2 — -za^x
— Sa^jt -f- 4a4x2 — Ga^xs — XOa^x
— 4a*a;i -f- M^x^ — Xla^x — 20a''
+ 4a* j2 — M^x'i 4- Via^x -4- 20a''
0
en ayant soin de changer le signe des produits du
diviseur par les termes du quotient, lorsqu'on les
écrit sous le dividende partiel qui leur correspond.
On pourra proposer aux élèves les exemples sui-
vants :
Dividende a^ — b'^ ; diviseur a — 6 ; quotient
ai-\-ab+ 62 ;
Dividende a^ -\- b^ ; diviseur a + 6 ; quotient
a^ — ab + b^-;
Dividendeo:* — Sa^x-^-f «V; diviseur x2-|-2ax 4- o^;
quotient x- — 2ax -\- a- ;
Dividende x» — 5x 4- 6 ; diviseur x — 2; quo-
tient X — 3.
15. La division d'un polynôme par un poly-
nôme n'est pas toujours possible; on le reconnaît
aux signes suivants: 1° quand le diviseur contient
une lettre qui n'entre pas au dividende ; 2» quand,
les deux polynômes étant ordonnés par rapport
aux puissances d'une môme lettre, le premier terme
du dividende n'est pas divisible par le premier
terme du diviseur; 3° quand cette circonstance se
présente pour un quelconque des dividendes par-
tiels.
16. Sixième leçon. — Fractions algébriques.
— Les fractions algébriques ont la même forme
que les fractions ordinaires en arithmétique; ainsi
a a -\- h c
sont des fractions algébriques. Elles diffèrent des
fractions ordinaires en ce que leurs termes peuvent
I être eux-mêmes des quantités fractionnaires ; elles
ne représentent donc en réalité que le quotient
de leur numérateur par leur dénominateur. Mais
I elles jouissent des mêmes propriétés que les frac-
tions ordinaires et se prêtent aux mêmes règles de
[ calcul.
En efifet, la propriété fondamentale des fractions
ordinaires consiste en ce qu'elles conservent leur
valeur quand on multiplie les deux termes par un
même nombre. Les fractions algébriques jouissent
de la même propriété ; et le nombre par lequel on
multiplie les deux termes peut être lui-même un
nombre fractionnaire.
Supposons, par exemple, que le numérateur ait
la valeur - et le dénominateur la valeur -; on sait
4 ■;
3X7
que le quotient du premier par le second sera 7— :■•
4X<>
ALGEBRE
— 76
ALGEBRE
Multiplions les deux termes par un même nombre
^ : le numérateur deviendra '; — — — , et le dénomi-
la' 4 X 1-3
nateur — - — ; le quotient de ces deux nouveaux
7 X 13'
3X11X7X13
termes sera donc , > ^ •■ v^ 1 1 ' °"' *^" suppn-
mant les facteurs li et 13, communs au dividende
3X7
et au diviseur, . ^ -, qui est la valeur de la frac-
* X 5 , ,.
tion primitive. Le même raisonnement s applique-
rait h des nombres quelconques.
On peut donc écrire d'une manière générale
^=:"—, a, b et m étant des quantités quelcon-
0 bm
•ques, entières ou fractionnaires.
17. C'est sur cette propriété que repose tout
le calcul des fractions algébriques.
Soit à mettre la quantité a sous la forme d'une
, . . ab
fraction ayant pour dénominateur b, on écrira -r--
Soit à réduire la quantité a et la fraction - en
une seule expression fractionnaire. On remplacera
ac , . , ac-j-b
a par — , et en faisant la somme on aura
c c
a c .
Soit à déduire deux fractions -j et -, au même
b a
dénominateur. En multipliant les deux termes de
chacune par le dénominateur de l'autre, on aura
ad cb
ïd ^* bd'
On verrait de même que, pour réduire au même
dénominateur un nombre quelconque de fractions
algébriques, il faut multiplier les deux termes de
chacune par le produit des dénominateurs de
toutes les autres.
liCS quatre opérations sur les fractions algébri-
ques se font conséquemment d'après les mêmes
règles que pour les fractions ordinaires. Lorsque,
dans le résultat, on aperçoit un facteur commun
au numérateur et au dénominateur, on peut évi-
demment le supprimer.
T j f .• a e ad + cfj ,
La somme des fractions r et -, est — r-, — î la
b d bd ^
somme des fractions
a a-i- h «2 — ab -\- ah -\-b^ a--\-b-
1 a — b ~ b{a — b) ~ h (a ~ b)'
I , . ~. . , „ . a c ad — bc ,
La différence des fractions -r et -, est — r-, — î la
b d bd '
différence des fractions
a+b a — b (a -j- b)^ — (a — by^ iab
a — b a + 6 ia — b) [a
Le produit des fractions
à)
a c ac
1 et-, est T-/
b d bd
Le quotient de ces mêmes fractions est
a^ — bi
ad
bc
On exercera les élèves à vérifier ces résultats en
remplaçant les lettres par des nombres entiers ou
fractionnaires. (Voir à l'art. Ëquatir,n$ la fin des
leçons d'algèbre. V. aussi Calcul algébrique, p, 321.)
[H. Sonnet. 1
Préparation aux examens. — Vsagt de l'al-
gètjre pour certains j')roblèrnes. — Ceux même
qui s'opposent encore à l'introduction de l'algèbre
dans l'instruction primaire nous fournissr'nt
chaque jour des preuves de son utilité, ne fût-ce
que par les inextricables difficultés auxquelles vient
6C heurter dans certains cas l'arithmétique même
élémentaire. Qu'on parcoure chaque année la liste
des sujets proposes aux examens des instituteurs
et même dos institutrices : on se convaincra que
nombre d'échecs sont dus non à l'ignorance des |
candidats en matière d'arithmétique, mais à l'ab-
sence de ces procédés rapides et clairs, de cette
notation commode, de ces signes abréviatifs et gé-
néralisateurs, en un mot de tous ces petits moyens
algébriques qui soulagent l'esprit et l'empêchent
de s'égarer dans une suite d'opérations plutôt
longues que difficiles. Rien ici ne peut être aussi
clair que l'exemple. Nous en prenons deux, au
hasard.
L'année dernière tous les journaux ont parlé
d'une session d'examen du département de l'Ariége
où, sur 36 aspirantes, 3G avaient échoué, faute
d'avoir pu résoudre le problème que voici :
Deux personnes, e'"ployées dans un établisse-
ment, ont des salaires différents, dont la somme
s'élève annuel emen' à 4400 francs. La première
ne dépense chaque année que les | de so7i sa/aire,
et la seconde les f ; le m'miant d". leurs économies
s'élève chaque année à 1310 francs. On demande
b' salaire de chacune d'elles.
Assurément il n'y a ici rien qui dépasse le niveau
de l'instruction primaire. La seule difficulté qui a
mis les aspirantes dans l'embarras, c'est que ce
problème ne rentrait pour elles dans aucune dos
catégories qui sont énumérées et expliquées dans
tous les auteurs sous le nom de règles de trois,
"'intérêt, de mélan.e. de so iété, etc. et pour cha-
cune desquelles ils donnent une règle qu'il no
s'agit plus que d'appliquer, presque machinalement.
Dans cette question elles n'ont plus trouvé de
chemin tracé d'avance ; il fallait s'en frayer un, à
l'aide de la réflexion et du jugement. Elles y
seraient parvenues sans doute, si elles avaient eu
le secours, nous ne disons pas de l'algèbre, mais
seulement de la notation algébrique.
Résolvons d'abord le problème en suivant la
marche ordinaire do l'arithmétique.
La première personne, dépensant les | tiers de
son salaire, en économise seulement | ; la deuxième
dépassant les | du sien, en économise J. Réduites
au même dénominateur pour plus d'uniformité,
les deux fractions | et i deviennent -^ et ^^.
Ainsi les -^ du premier salaire plus les p, du
second valent 1310 francs; par conséquent 4 fois le
premier salaire, plus 3 fois le second valent 12 fois
1310 francs ou 1.=. -ÎO fr.
Or la somme des deux salaires étant 4400 francs,
4 fois le premier plus 4 fois le deuxième vaudront
4 fois 4400 francs ou 17 600 francs.
L'excès de 17 600 sur 15 720 est donc l'excès de
4 fois le premier salaire, plus 4 fois le deuxième, plus
4 fois le premier, plus 3 fois le deuxième, c'est-à-
dire est égal au deuxième salaire. Ainsi la seconde
personne recevait ls80 francs. Le salaire de la
première personne est par suite le total 4400 di-
minué de 1880, c'est-à-dire 2520 francs.
Employons maintenant le langage et l'écriture
algébriques, et désignons par x le premier salaire
et par y le second. La somme des deux salaires
étant 4400, nous écrivons
x + y = 4400. (1)
Le tiers du premier, plus le quart du deuxième
valant ensemble 1310 francs, on écrit
3 +
= 1310.
(2)
Réduisant au même dénominateur 12 les trois
termes de cette dernière équation, et supprimant
ce dénominateur 12, ce qui n'altère pas l'égalité
des deux membres, on a
Ax + Sy = 15 720. (3)
Multipliant par 4 les deux membres de l'équa-
tion [l], on trouve
4x-j-4y = 17 000. (4).
ALGEBRE
— 77 —
ALGERIE
d'où
Retranchant membre à membre l'équation (3) de
l'équation (4), on trouve
xj = 1880,
27 = 4400 — 1880 = 2520.
Il est bon d'observer qu'il n'y a entre les deux
méthodes qu'une différence de forme. Dans la
seconde on a répété le même raisonnement que
dans la première, en l'exprimant d'une manière
très-concise, sous la forme d'équations, où chaque
idée ressort avec la plus grande clarté, où l'œil
saisit dans leur ensemble les diverses transforma-
tions opérées à partir de l'énoncé du problème
jusqu'au résultat définitif.
Voici un second exemple : c'est la marche même
du raisonnement que l'algèbre permet de modifier
au grand profit de la clarté et de la rapidité du tra-
vail. C'est un problème donné dans le dépar-
tement de la Seine aux aspirantes dans l'examen du
brevet de premier ordre.
On veut faire de l'urgent au titre de 0,'^35 en
fondant ensemble de l'argent au titre de 0,900 et
du cuivre. Combien faudra-t-il prendre a'arqent
au titre de 0,900 et de cuivre pour obtenir 1 kilo-
gramme d'argent au titre de 0,S35 ?
Si l'on met dans le mélange 1 gramme de l'ar-
gent donné, il y a de trop 05 milligrammes d'argent
pur, et si l'on en met 8-35 grammes, il y a de trop
835 fois 65 milligrammes d'argent pur.
Si l'on met 65 grammes de cuivre, il manque au
mélange 65 fois 835 milhgrammes d'argent pur.
Or 835 fois 65 milligrammes font le même poids
que 65 fois 835 milligrammes ; la compensation se
trouve donc ainsi établie.
Par conséquent, le mélange doit être fait dans la
proportion de 8(5 grammes de l'argent donné pour
65 grammes de cuivre.
T)e plus, 835 grammes d'argent alliés à 65 grammes
de cuivre font un poids de 900 grammes. Pour un
mélange de 900 grammes, on devra employer 835
grammes d'argent et 65 grammes de cuivre.
Pour un mélange de 1 gramme, il faudrait
835S' ,, ^ ^ 655'
d argent et - —
9 0 * 900
de cuivre
donc pour un mélange de 1 kilogramme, on pren-
dra do l'argent :
du cuivre
835
yoo
X loOO = 927'i'-,77
900
X 1000 = 72^,22.
Employons maintenant la méthode algébrique
et désignons par x le nombre de grammes qui)
faut prendre de l'argent donné ; le poids d'argent
pur qu'il renferme est a:X0,9.
D'un autre côté, le poids total de l'alliage de-
mandé doit être lOoû gr.-'mmes.
Le rapport entre le premier de ces deux poids
et le deuxième devant être 0,835, on a l'équation
xX",9
lOOU
= 0,835.
En multipliant les deux membres par 10 000, on
trouve
9x = 8350,
d'où
8350
= 927,77.
Ces deux exemples suffisent pour montrer tout
l'avantage nu'on peut tirer des procédés algébriques
les plus élémentaires Qu'on ne tasse pas à ces
procédés le reproche de réduire la résolution dos
problèmes à une suite d'opérations mécaniques.
1^0 serait ne voir que les caractères matériels dans
l'écriture algébrique sans y apercevoir les idées .
L'algèbre est une véritable langue, admirable de
concision et de clarté, et de la première équation qui
est la traduction du problème jusqu'à la dernière
qui en donne la réponse, il n'y a qu'une suite de-
déductions logiques dans lesquelles sans doute les
yeux viennent en aide à l'esprit, mais où l'esprit
lui-même trouve une puissante impulsion : c'est
une méthode à la fois excitatrice et directrice de
l'intelligence. [G. Bovier-Lapierre].
.4LGUKIE. — Géographie générale, III; géogra-
phie de la France, VIII.— (Ei!/??!. ; pays d'Alger.)
hnportance de cette colonie. — Parmi toutes nos-
colonies, l'Algérie occupe le premier rang, non seule-
ment à cause de la proximité où elle se trouve de
la France, et du grand nombre d'Européens qui s'y
établissent et s'y multiplient de plus en plus, mais
aussi à cause de l'importance des ressources qu'offre
ce pays, et du trafic qu'il entretient avec la métro-
pole et plusieurs des pays voisins. Le souvenir si
récent des luttes qui ont signalé notre conquête
répand un intérêt de plus sur cette terre, arrosée
du sang de nos soldats avant d'être fécondée par la
sueur de nos colons.
Trajet de France en Alqérie. — Trente-six heu-
res suffisent maintenant aux bateaux à vapeur par-
tant presque journellement de Marseille pour
franchir les 750 kilomètres qui séparent ce port de
celui d'Alger. Le trajet serait encore plus court si
l'on prenait pour point de départ Port-Vcndres, à
l'extrémité méridionale des Pyrénées-Orientales. Il
n'est pas beaucoup plus long lorsqu'on a pour des-
tination Oran, Philippeville ou Bône, qui sont avec
Alger les principaux ports du littoral africain. Une
nuit suffit pour aller de Sardaigne à Bône ou de
Carthagène à Oran. De Marseille à Alger, la route
est jalonnée par les îles Baléares, qui offrent dans
Port-Malion un utile point de relâche.
Climat de l'Algérie en général. — Ce n'est
donc pas sans raison que l'on appelle souvent
l'Algérie une Nouvelle-France. Le climat ne diffère
pas beaucoup d'un boi'd à l'autre de la Méditerra-
née, sauf que le mistral n'étend pas sa néfaste
influence au delà du golfe du Lion, où il cause
souvent de fortes tempêtes. Le séjour d'Alger est
particulièrement recommandé aux phthisiques et
n'a d'égal, pour leur guérison, que celui de Madère.
La température y est en moyenne de 17 à i8" cen-
tigrades. L'Algérie tout entière est située dans la
zone tempérée, et si le début de la colonisation a
été signalé par une grande mortalité, cela tenait à
des installations défectueuses sur des points du
littoral chauds, marécageux et malsains pendant
les défrichements. Mais depuis que les progrès de
la conquête ont fait avancer le drapeau français
d'Alger jusqu'en El Goléa, à xOO kilom. plus au sud,
les colons ont à leur disposition un territoire aussi
grand que le serait la France si elle avait pour
frontière le Rhin jusqu'à son embouchure. Cette
vaste contrée largement soulevée par les rameaux
de l'Atlas, jusqu'à une hauteur de 2i00 mètres dans
le Djurjura de la Kabylie (département d'Alger), et
dans les monts Aurès, au sud du département de
Constantine, offre une variété d'expositions et d'al-
titudes qui peut satisfaire tous les tempéraments.
Les surprises de la nation vaincue ne sont plus à
redouter; la mortalité est dorénavant enrayée; la
population s'accroît rapidement d'une part, grâce à
i'inmiigration, de l'autre, par l'excédant bien mar-
qué des naissances sur les décès.
Limites et grandes régions de l'Algérie. Aspect du
littoral. Le Tell. — Comprise entre le Maroc à
l'ouest, la régence de Tunis à l'est, des limites in-
déterminées du côté du Sahara au sud, l'Algérie
offre, au nord, sur la Méditerranée un littoral long
de 1000 à IIUO kilomètres, qui dépasse à peu près
ALGERIE
78 —
ALGERIE
également à chacune de ses extrémités le méri-
dien de Bayonne et celui de Nice. Cette côte mon-
tagneuse, battue par les flots d'une mer souvent
furieuse, manque malheureusement de bons ports
naturels. C'est à grands frais qu'on a créé ceux
d'Alger, d'Oran, de Philippeville. Mais la mer
offre l'avantage d'amener des pluies, au moins
pendant l'hiver, et de modérer l'ardeur de la tem-
pérature pendant l'été. Le climat de cette côte est
donc des plus bienfaisants, en mémo temps que
l'aspect des promontoires escarpés plongeant dans
la mer, des villes s'élevant en amphithéâtre avec
leurs minarets et leurs maisons dont la blancheur
tranche sur la verdure environnante, forme un ta-
bleau enchanteur, éclairé par les rayons d'un so-
leil magnifique et reflété dans les eaux de la Mé-
diterranée d'un bleu si intense.
Là s'étendent les fertiles terres du Tell, comprises
entre la mer et les escarpements de l'Atlas, et
qui, grâce à l'irrigation, se couvrent d'une végéta-
tion superbe.
Ces campagnes, — parmi lesquelles la plaine de
..G Métidja, au sud d'Alger, celle de la Macta,
autour de Saint-Denis du Sig (département d'O-
ran), sont les plus renommées, — produisent des
céréales, des primeurs, qu'elles expédient sur nos
marchés pendant tout l'hiver, des oranges et des
figues, du lin, du coton et du tabac. Les montagnes
qui les dominent sont couvertes d'oliviers, de mû-
riers pour les vers à soie, et de vignes dont l'éten-
due s'accroît rapidement depuis les terribles rava-
ges du phylloxéra en France.
Les hauts plateaux. — Au sud du Tell s'étend
la région des hauts plateaux. Leur altitude, de 800
à lli 0 mètres, et leur éloignement de la mer en
rendent le climat plus variable que celui du Tell.
La neige tombe sur ces plateaux et il y gèle en
hiver; par contre, la chaleur de l'été y est exces-
sive. Les plateaux sont un terrain de pâture par-
couru par des troupeaux de moutons, de chèvres,
de bœufs, qui s'y nourrissent des herbes aromati-
ques que fait naître la pluie et que grille le soleil.
D'immenses espaces, surtout à l'ouest (dépar-
tement d'Oran), y sont couverts par Val/a, plante
textile qui pousse spontanément et qui est assez
recherchée par les fabricants de sparterie ou de
papiers pour qu'on ouvre, en ce moment, dans
cette direction, plusieurs voies ferrées destinées à
faciliter l'exportation de ce produit. Le gibier
abonde dans cette région, et les chasseurs qui ne
ne trouvent pas dans le sanglier un adversaire assez
redoutable, peuvent afl'ronter les hyènes, les pan-
thères et les lions qui attaquent les troupeaux.
Comme pour le Tell, comme pour le Sahara,
.'eau est la condition nécessaire à la végétation sur
les plateaux. Et le sol est de qualité suffisante
pour qu'en ramenant à la surface une partie des
eaux tombées pendant l'hiver, qui s'engouffrent
dans des cavités souterraines, on puisse transfor-
mer une grande partie des plateaux en terres labou-
rables comme celles du Tell. Dans le département de
Constantine, où les pluies sont plus abondantes
que dans les deux autres, la transformation est en
partie faite, et c'est de ce côté (|ue se portent le
plus volontiers les émigrantsdunordou de l'est de la
France, qui y trouvent un sol fécond sous un cli-
mat approprié à leur tempérament.
Régime des eaux. — Rivières du l'Algérie et
choits. — Une bonne partie des eaux tombées sur
les hauts plateaux traversent les montagnes qui en
forment le rebord septentrional et vont arroser le
Tell, avant de finir dans la Méditerranée. Aucun
de CCS cours d'eau n'est considérable, et tous ont
l'allure torrentielle. Gonflés subitement à la suite
des pluies et des orages, ils disparaissent pres-
que aussi vite dans les sables de leur lit. Le Ché-
lifl", le plus long de tous, puisque son cours atteint
près de 700 kilomètres, ne roule en moyenne.
' dans la partie inférieure de son cours, que 30 mè-
1 lies cubes d'eau par seconde, la dixième partie de
I la Seine à Paris. Mais si aucune de ces rivières ne
peut servir à la navigation, toutes sont précieuses
I par l'eau qu'elles fournissent à l'irrigation. Chaque
I année on établit de nouveaux barrages à travers
les vallées, pour emmagasiner en amont une réserve
d'eau qui transforme en terre fertile un sol calciné
par la sécheresse.
i Les eaux des steppes, qui ne descendent pas au
I Tell, se réunissent dans les chotts, lacs souvent
salés, qui sont orientés du S. 0. au N. E. en un
I long chapelet comme s'ils avaient été autrefois
réunis. Les chotts constituent un des caractères
• importants de cette région moyenne de l'Algérie,
1 les plateaux ou steppes qui couvrent 10 millions
i d'hectares, tandis que le Tell en occupe 15 mil-
\ lions et que 40 millions font partie du Sahara.
Le Sahara. — Le sol s'abaisse de ce côté du
I N. au S. mais les eaux qui y descendent ne tar-
dent pas à être bues par les sables de ce pays de la
soif. 11 ne pleut presque jamais dans le Sahara, le
ciel y est toujours pur, et à la température torride
; du jour qu'on a vue atteindre jusqu'à 56° à l'ombre
, (à Tougourt), succède un rayonnement nocturne
très-fort qui fait descendre le thermomètre au-des-
sous de 0°. Ces variations si brusques amènent des
maladies et surtout des maux d'yeux. Mais partout
i où il y a des sources naturelles, et là où la sonde
I fait jaillir l'eau des puits artésiens, le sable devient
' fertile; à l'ombre du palmier couvert de dattes, mû-
I rissent les abricots, les pêches et autres fruits de
nos climats, tandis qu'au pied de ces derniers ar-
' bres, le sol est encore assez généreux pour pro-
j duire de l'orge et des légumes.
j Aussi les indigènes, qui, depuis longtemps du
i reste, creusaient des puits, accueillent-ils avec
: une extrême reconnaissance les équipes de nos
; ouvriers plus habiles qui sont constamment à
I l'œuvre dans le sud du département de Cons-
i tantine. L'Oued Rir et l'Oued Souf forment là de
1 fertiles vallées, où les eaux courantes reparaîtront
i peut-être un jour à la surface du sol où elles ont
' coulé autrefois, comme pourrait le faire croire la
I longue vallée sèche aujourd'hui de l'Ighargar dont
j on suit la trace pendant plusieurs centaines de kilo-
mètres, du Nord au Sud, depuis Tougourt jusqu'au
pied de l'Ahaggar, d'où cette rivière sort. Ses eaux
j descendaient dans cette vaste dépression du chott
i Melrir, qui s'étend au sud de Biskra, et dont le ni-
veau, inférieur à celui de la Méditerranée, ainsi que
l'a constaté récemment un nivellement de haute
précision, permettrait d'y ramener les eaux de la mer
et de transformer probablement la région avoisi-
nante en en rendant le climat plus humide.
Forêts de l'Algérie. — Un autre moyen de ra-
mener de l'humidité, c'est le reboisement.
L'Algérie possède encore de superbes forêts, des
chênes-liéges dans le département de Constantine,
des bois d'ébénisterie, comme le cèdre et le thuya,
ou de construction, comme le pin d'Alep, dans la
province d'Alger. Mais l'incurie et la malveillance en
ont détruit de grandes étendues, et c'est un des
grands soucis de l'administration française que de
porter remède à ce fléau, dont les conséquences,
semblables des deux côtés de la Méditerranée,
lont ébouler les flancs de l'Atlas comme ceux des
Alpes ou des Gévennes. Les plantations d'eucalyp-
tus ont un autre but, depuis qu'on a découvert
qu'indépendamment de sa croissance rapide et de
l'excellent bois qu'il fournit, cet arbre a l'heureuse
propriété d'assainir les terrains fiévreux. C'est ainsi
qu'aux environs de Bône on combat avec succès
l'influence du lac de Fetzara.
Richesses minérales. — A côté des forêts les
montagnes d'Algérie ofl"rent de précieuses riches-
ses minérales. Si les mines de fer de Mokhta-el-
Hadid, près de Bône, occupent .^« premier rang
ALGERIE
80
ALGERIE
par leur réputation, il ne manque pas de gisements
importants de divers minerais de ce métal. Le cui-
vre, le plomb argentifère, le zinc, l'antimoine, et le
manganèse sont également répandus. Les marbres
onyx de la province d'Oran, et les marbres blancs
statuaires de la province de Constantine sont
très-employés dans les arts décoratifs. Enfin le sel
des chotts et les mines de sel gemme du Sahara
algérien offriront de grandes ressources le jour où l'on
pourra transporter facilement de grandes quantités
de leurs produits jusqu'au Soudan, qui manque
absolument de cette denrée indispensable.
Industrie. — L'industrie est peu développée en
Algérie. Les bras n'étant pas assez nombreux pour
tirer du sol toutes les matières premières qu'il peut
aisément fournir, les Algériens ne peuvent avoir
encore la prétention de les transformer eux-mêmes.
Il y a quelques minoteries importantes. Tous les
indigènes fabriquent quelques tissus à leur usage,
des articles de sellerie ou d'orfèvrerie et des ar-
mes.
Commerce extérieur, importations et exporta-
tioiis. — Le commerce extérieur se fait principa-
lement avec la France, dont la part est des 4/5,
puis avec l'Angleterre, l'Espagne et l'Italie. En 1875,
les importations se sont élevées à une valeur de
192 000 000 de francs et les exportations à 144 000 OdO.
Les premières comprennent surtout des tissus, des
denrées coloniales, des matériaux de construction ;
les secondes, des céréales, des légumes, des fruits,
des métaux, des bestiaux (surtout des moutons),
des laines, des peaux, de l'alfa, de la cire. (Le port
de Bougie a donné son nom aux chandelles de cire
qu'il a longtemps fournies.) Chacun connaît les
qualités des chevaux arabes sous le rapport de la
résistance à la fatigue, de la sobriété, de la finesse
des membres. L'Algérie en fournit un nombre im-
portant à la remonte de l'armée. Les pêcheurs napo-
litains viennent chercher de beau corail sur les
côtes de la Galle, à re.\trémité orientale de notre
colonie.
Races peuplant l Algérie. — Si l'Algérie a sou-
vent changé de maîtres, puisque l'histoire nous
rapporte que les Romains, et sans doute avant eux
les Carthaginois, puis les Vandales, les Arabes, les
Turcs, les Français en ont successivement fait la
conquête, la race berbère a néanmoins conservé
toujours sa pureté. Les descendants de ces Numi-
des, qui résistaient aux armées romaines sous
Jugurtha et Massinissa, ont bien pu embrasser
rislamisme des Arabes; ils n'en ont pris ni la lan-
gue ni les mœurs.
Fietranchés dans les montagnes de la Kabylie, à
lest d'Alger, du Dahra, entre le Chéliff et la Mé-
diterranée, de l'Aurès, au sud de Constantine, ils
ont su y maintenir longtemps leur indépendance.
La grande Kabylie n'a été soumise à nos armes
qu'en 1S57. Ces Kabyles sont des cultivateurs la-
borieux, attachés à leur sol natal et à la propriété
individuelle, ne partageant pas le fanatisme orien-
tal des Arabes et plus susceptibles que ces der-
niers de profiter des bienfaits de notre civilisation
et de nos arts.
Il y a un million de Kabyles environ et presque
autant de Berbères croisés de sang arabe. Quant
aux Arabes purs, le nombre en va toujours dimi-
nuant. Ils ne sont plus que 500 000. Avec leur ca-
ractère indolent, rêveur et imprévoyant, avec
leur vie nomade qui exige de grands espaces pour
nourrir leurs troupeaux, ils ne peuvent soutenir la
lutte contre les progrès de la colonisation, ni con-
tre les Berbèi'os, du moment qu'ils ne sont plus les
maîtres du pays. Les famines, les épidémies les
font périr par milliers.
Les Juifs descendant principalemont de ceux que
l'inquisition a fait sortir d'Espagne, sont de 30 à
40 000. Bien qu'ils soient méprisés par les Musul-
man*, la souplesse de caractère que leur donne
l'amour du lucre, et la connaissance des diverses
langues parlées dans le pays en font d'utiles inter-
médiaires, qui détiennent dans_ leurs mains un
grand commerce.
Dans les oasis du Sud, les caravanes du Soudan
ont amené quelques nègres, en trop petit nombre
pour qu'on puisse encore juger s'il serait bon ou
mauvais de développer l'introduction dans la colo-
nie de ce nouvel élément de population.
Les Européens sont 300 000, en grande partie
français ou franco-africains, c'est-à-dire nés en Al-
gérie de parents français. Quant aux étrangers, ce
sont naturellement les races latines, les Espagnols
et les Italiens, qui en forment le plus gros con-
tingent.
Colonisation. — Chaque année avec les ressour-
ces du budget ou des dons volontaires, comme pour
les Alsaciens-Lorrains, l'administration crée de
nouveaux villages, où elle appelle des cultivateurs
européens ou des Africains établis sur d'autres
points plus peuplés, en leur concédant des terres,
et en leur faisant les avances nécessaires pour les
mettre en valeur, après avoir élevé, près d'une
source suffisante, les bâtiments rudimentaircs de
toute commune et ceux qui devront abriter provi-
soirement les nouveaux arrivants.
Chemins de fer. — L'Algérie commence à se sil-
lonner de chemins de fer. D'Alger, à Oran, la ligne
qui a actuellement le plus long parcours dessert
la plaine de la Métidja, puis la vallée du Chéliff.
Constantine est relié à son port, Philippeville, et
le chemin de Bône à Guelma parcourt la fertile
vallée de la Seybouse. D'autres lignes, en construc-
tion, iront bientôt chercher l'alfa sur les plateaux,
relieront Alger à Constantine et aux lignes de la
Tunisie, puis atteindront le Sahara. En attendant
leur réalisation, les transports se font généralement
sur des charrettes traînées par des mulets dans le
nord de l'Algérie, où l'on a tracé les premières
routes carrossables. Dans le sud, ce sont les cha-
meaux des indigènes qui parcourent le Sahara, et
on cherche en ce moment à ramener sur des foires
ouvertes vers les extrémités de nos possessions une
partie des marchandises du Soudan et du Sahara,
que les caravanes vont porter au Maroc ou à Tunis
depuis que la conquête française les a éloignées
de leur ancienne route. Les chemins de fer du
Sahara pourront aider au rétablissement de ce trafic
et servir à diminuer le chiffre de notre armée d'oc-
cupation qui s'élève encore à 50 ou 60 000 hommes.
Admijiistration. — L'Algérie est divisée admi-
nistrativement en trois départements (qui jusqu'en
1870 s'appelaient provinces)) : Oran, Alger, Gons-
lantine. Chacun d'eux comprend un territoire civil
administré par un préfet, des sous-préfets et des
juges de paix, comme en France, et un territoire
de commandement soumis à l'autorité militaire et
administré par les bureaux arabes qui relèvent des
commandants militaires. Il y a au chef-lieu de
chaque département un général de division, qui
est leur supérieur hiérarchique et qui commande
les troupes. L'Algérie tout entière est sous la di-
rection d'un gouverneur général civil.
Les diverses communes sont appelées petit à pe-
tit à passer du territoire de commandement dans le
territoire civil au fur et à mesure que la colonisation
y est suffisamment établie et les indigènes à l'état
de soumission.
Le département d'Alger comprend quatre arron-
dissements, dont les chefs-lieux sont : .\lger, Mi-
liana, Orléansville et Tizi-Ouzou, et cinq subdivi-
sions militaires, dont les commandants résident à
Alger, Fort-National, Aumale, Médéa et Miliana.
Le départemcntd'Oran comprend cinq arrondisse-
ments : Oran, Mascara, Mostaganem, Sidi-bel-Abbès,
TIemcen, et trois subdivisions militaires : Oran,
Mascara et TIemcen.
Le département de Constantine comprend six arron-
ALGERIE
dissements : Constantine, Bôie. .'Bougie, Caolma,
Philippeville, Sétif et quatre subdivisions militaires,
Constantine, Batna, Bône et Sétif. [G. Meissas.]
Ouvrages à consulter :
Tlemcen, par Lordal. Tour du Monde, 1875,11, p. 303-368;
— Le Palais de Constantine, par Féraud. Tour du Monde,
1877, II, p. 223-256; — l'Algérie, par J.-J. Clamageran.
2. Histoire de l'Algérie. — L'iiistoire de l'Algérie
peut être divisée en trois grandes périodes : r la
période ancienne; 2° la période musulmane; 3° la
période française. La période ancienne s'étend des
temps les plus reculés jusqu'à l'invasion des Ara-
bes, au septième siècle de l'ère chrétienne. La pé-
riode musulmane embrasse les différentes domina-
tions qui s'y succèdent depuis lors, jusqu'à la
conquête française. En 1830, laprised Alger inaugure
la conquête du pays par la France et ouvre la pé-
riode française.
I. PÉRIODE ANCIENNE. — 1° Avaîit la couquête
carthaginnise. — Les populations primitives de
toute 1 Afrique du nord, auxquelles on donna dans
l'antiquité les différents noms de Libyens, de Nu-
mides, de Gélules et de Maures, paraissent avoir
appartenu à une même race, la race berbère, et
avoir été sujettes à des migrations nombreuses et
à de fréquents mélanges.
2» Domination curthagiîioise. — Les Phéni-
ciens fondèrent, près de l'emplacement actuel de
Tunis, la ville de Carthage, qui devint bientôt
par le commerce et par l'industrie la métropole de
l'Afrique du nord. Les pays qu'on nomme aujour-
d'hui Tunisie, Algérie, Maroc, passèrent sous sa
domination. Mais un des chefs devenus ses tribu-
taires profita des guerres de Carthage avec Rome
pour s'affranchir en s'alliant aux Romains, qui le
firent roi de Numidie
3° Domination romaine. — Après la prise et la
destruction de Carthage, tout le nord de l'Afrique
obéit aux Romains. Cependant le petit-fils de
Massinissa, Jugurtha, fut pour eux un rude adver-
saire. Pour rester seul maître du royaume de Nu-
midie, il avait assassiné ses deux cousins. Rome
essayant de le punir, il se défendit contre elle. Avec
ses cavaliers légers, il attaquait par surprise les trou-
pes romaines, et quand il se trouvait le plus faible,
fuyait à travers les solitudes du désert. Malgré les
défaites répétées, malgré la perte de sa capitale
Cirta (aujourd'hui Constantine), il résista long-
temps, jusqu'au jour où un roi voisin, son allié, le
livra à ses ennemis.
Après Jugurtha, et malgré quelques révoltes, la
domination romaine s'établit sur tout le pays et y
dura plus de quatre cents ans. L'Algérie actuelle
était comprise dans les provinces de Numidie et de
Mauritanie. L'époque romaine fut prospère : la po-
pulation était nombreuse, partout s'élevaient des
villes florissantes, dont il nous est donné d'admirer
les ruines grandioses, particulièrement à Cherchell
(départ. d'Alger), à Lambèse (départ, de Constan-
tine).
4° Domination des Vandales, puis de l'Empire
romain de Constantinople. — Au v' siècle de l'ère
chrétienne, lors de l'invasion des Barbares, l'Afri-
que fut envahie par les Vandales, originaires de la
Germanie qui avaient traversé la Gaule et l'Espagne,
mais ils y dominèrent à peine un siècle. Bélisaire,
envoyé par l'empereur de Constantinople, Justinien
les défit complètement, emmena prisonnier leur roi
Gélimer et détruisit leur empire. Mais leur séjour
avait tout désorganisé, les populations civilisées
avaient en partie disparu et les populations indi
cènes étaient revenues à leur état presque sau-
vage.
IL PÉRIODE MUSULMANE (700-1830). — 1° Invosïon
arabe. — Dès la fin du vu' siècle, les Arabes, qui
Ti-naient de conquérir l'Egypte, se répandirent à
l'iiuest, et leur chef Okba courut jusqu'à l'Atlan-
fuiue. Mais il fut tué au retour par les Berbères sou-
2^ Partie.
— 81 — ALGERIE
levés, et son successeur Hassan ne triompha qu'à
grande peine des montagnards de l'Aurès, encou-
ragés et dirigés dans leur résistance par une femme,
la Knhina ou prophétesse. Cette région fut divisée
en trois provinces, dont une, le Mai/reb ceiitral,
correspondait à peu près à notre Algérie.
2° Colonisatio7i arabe. — Les Arabes qui vinrent
à ce moment en Afrique furent en petit nombre.
Ce ne fut que longtemps après, de 1050 à IlOO,
que des tribus nomades, celles de Hilal et de So-
léim, s'établirent définitivement dans le pays et
firent prendre aux Berbères, déjà convertis à leur
religion, leurs moeurs, leurs usages et souvent leur
langue. De ces deux tribus descendent les Arabes
qui sont aujourd'hui en Algérie.
3° Dynasties musulmanes du wW au xvi^ siècle.
— De 700 à 1500 environ, de nombreuses dynasties-
musulmanes se succédèrent en Afrique. Les prin-
cipales furent celles des Fatemides, des Almohades,
des Almoravides, des Merinides. Les villes de
Kaïroan (Tunisie), de Tlemcen dans le Mag'reb cen-
tral, de Fez dans le Mag'reb occidental, furent suc-
cessivement ou simultanément des capitales de
royaumes.
-i" L'Algérie sous la domination turc^ue. Les
frères Barberousse. — Vers l'an 1500 les États mu-
sulmans de l'Afrique du Nord étaient en pleine
décadence : les Portugais s'emparaient des ports
de l'Océan ; les Espagnols, sur la côte de la Médi-
terranée, occupaient Oran et Bougie et construi-
saient un fort dans le port mC-mo d'Alger. Ce fut
alors que les deux frères Aroudj et Khaïr-Eddin,
qui portèrent tous deux le surnom de Barberousse,
se rendirent maîtres d'Alger. Pour être soutenus
contre leurs voisins et surtout contre les Espagnols,
eux et leurs successeurs se reconnurent sujets du
sultan de Constantinople. Tunis et Tripoli recon-
nurent aussi l'autorité des Turcs.
Al'jer, repaire des pirates. — A Alger résidait
un dey ayant sous ses ordres les beys ou gouver-
neurs de Constantine, de Titeri et de l'Ouest. Le
dey et les beys. assistés d'une armée turque, exer-
çaient sur le pays une domination très-dure. Nulle
paix, nulle sécurité ; à chaque instant le dey ou les
beys étaient renversés et massacrés par leurs tur-
bulents soldats ; les séditions et les désordres se
reproduisaient tous les jours. Alger était un véri-
table repaire de brigands. Do son port,, comme de
tous les ports voisins, des pirates partaient pour
aller attaquer les navires de commerce. Ils égor-
geaient tout ce qui résistait ; ceux (jui s'étaient ren-
dus étaient mis en vente, en même temps que le
bâtiment et les marchandises.
Expéditions contre les pirates d'Alger. — Les
puissances européennes, pour qui ces brigandages
.étaient à la fois une ruine et une honte, essayèrent
à plusieurs reprises de les réprimer. En 1511, Charles-
Quint, roi d'Espagne et empereur d'Allemagne,
échoua devant Alger. Sous Louis XIV, les amiraux
français Duquesne et d'Estrécs bombardèrent inutile-
ment Cette même ville. L'expédition espagnole, con-
duite en 1775 par O'Reilly, eut le sort de celle de
Charles-Quint. Le bombardement exécuté en 1816 par
l'Anglais Exmouth ne fut pas plus efficace que
celui de Duquesne.
Ce fut seulement en 1810 qu'une armée fran-
çaise, s'emparant d'Alger, mit fin et à la domination
du dey et aux brigandages qui désolaient depuis
trois siècles la Méditerranée.
m. Période fra.nçaise. — Depuis longtemps déjà
des rapports de guerres, de traitésou de commerce
s'étaient établis entre la France et la régence. Des
difficultés survinrent, à propos dune créance de
négociants algériens, entre le gouvernement de
Charles X et le dey Hussein. Hussein s'oublia jus-
qu'à insulter le consul français. Le blocus du port
d'Alger n'ayant pu le décider à donner satisfaction,
une expédition fut résolue.
ALGERIE
8-> —
ALGERIE
Pnse cTAlger (ISZO). — La flotte était commandée
par l'amiral Duperré, larmée par le maréchal de
Bourmont. Le débarquement s'effectua dans la baie
de Sidi-Ferruet, située à l'ouest d'Alger ; après le
combat de Siaouéli et la destruction du fort l'Em-
pereur, que ses défenseurs firent sauter, la ville
ouvrit ses portes et, le 5 juillet 1830, les troupes
françaises y firent leur entrée.
Soumission du littoral. — Presque en même
temps qu'Alger, les Français occupaient deux
points importants du littoral : Oran à l'ouest et
Bône à l'est. Mais, pour rester maîtres de la côte, il
leur fallait faire la conquête de l'intérieur. Cette
conquête présentait des difficultés sérieuses : en
France on n'était pas toujours décidé à maintenir
l'occupation ou à la pousser plus avant ; la nature
'du pays, l'ardeur belliqueuse et le fanatisme reli-
gieux des populations imposaient à l'armée d'Afri-
que de rudes et longs efforts. Aux environs même
d'Alger il fallut des années de combats pour assu-
rer la tranquillité de la plaine de la Mitidja.
Conquête de l'Ouest; Abd-d-Kader. — Dans
l'ouest, les progrès des Français furent longtemps
arrêtés par l'émir Abd-el-Kader, descendant d'une
famille de marabouts, fanatique, ambitieux, rempli
de bravoure et d'habileté. Un imprudent traité
conclu avec lui par le général Desmicbels lui per-
mit d'étendre son influence et son autorité ; un
succès remporté sur le général Clausel à la Macta
augmenta son prestige. Mais le général Bugeaud le
défit à la Sikkak. 11 signa volontiers le traité de la
Tafna (l'^ST), par lequel on lui reconnaissait une
souveraineté indépendante sur presque toute l'Al-
gérie.
Il reprit cependant les armes deux ans après. La
défaite qu'il essuya au col de Mouzaîa, la perte suc-
cessive de toutes ses places, Médéa, Miliana, Boghar,
Saida, enfin la prise de sa Smala enlevée par le
duc d'Aumale (mai 1843) l'obligèrent à chercher un
refuge au Maroc. L'empereur du Maroc Abder-
Rhaman se laissa entraîner par lui à attaquer les
Français. Le maréchal Bugeaud défit complètement
les Marocains sur la rivière d'Isly 1844 . Abd-el-Ka-
der fut abandonné par son allié. Mais il n'était
point encore dompté. Profitant du soulèvement de
Bou-Masa, il reprend les armes et anéantit le dé-
tachement du colonel Montagnac. Vivement pour-
suivi par les Français, chassé du Maroc par Abder-
Rhaman qu'il a voulu renverser, il finit par se
rendre au général Lamoricière. Dès lors la soumis-
sion de l'ouest était assurée.
CoTiquête de l'Est; Ahmed. — Dans l'est, on avait
songé dès 1836 à attaquer dans sa ville de Constan-
tine le bey Ahmed, ennemi aussi acharné qu' Abd-
el-Kader. Une première expédition fut entreprise
par le maréchal Clausel. Mais les forces dont il
disposait étaient insuffisantes, le froid et la pluie
éprouvèrent rudement les troupes, et la ville de
Constantine, dont on espérait la reddition, se dé-
fendit avec vigueur. Il fallut reculer et exécuter une
retraite qui aurait tourné en désastre sans la fer-
meté du maréchal.
L'année suivante l'armée française prit sa revan-
che. Après un assaut terrible où périt le général
Damrémont et que le général Valée acheva, la ville
de Constantine fut enlevée et occupée définitive-
ment.
Expéditions centre le Sahara et la Kahylie. —
Pour achever la conquête, il restait encore une
double tâche à accomplir. Il fallait, dune part,
assurer la sécurité de la partie nord de 1 Algérie ou
Tell, en soumettant les habitants du Sahara. Il fal-
lait, d'autre part, dans le Tell même, imposer la
domination française aux montagnards de la
Kabylie.
La soumission au Sahara n'offrait guère que les
difficultés résultant de l'éloignement et du climat.
Sur quelques points seulement il y eut une résis-
tance sérieuse. A Zaatcha, une des oasis de l'est,
les habitants, fanatisés par l'agitateur Bou-Zian, se
défendirent pendant 52 jours contre les colonnes
françaises (1840;. Ils furent presque tous massacrés.
A Laghouat, la plus importante des positions au
sud de la province d'Alger, le siège fut moins long,
mais l'assaut aussi furieux et aussi sanglant
(1852). Après ces terribles exemples il n'y eut plus
dans le Sahara que des révoltes partielles, aisément
réprimées.
En Kabylie on avait affaire à une population
nombreuse, serrée dans une étendue restreinte, et
dont la belliqueuse énergie était singulièrement
favorisée par la nature du pays. Dès le débarque-
ment les troupes françaises avaient eu affaire aux
Kabyles. En 1844, 1845, 1847 le maréchal Bugeaud
donna à ces montagnards quelques rudes leçons.
En 1857, le maréchal Randon entreprit contre
eux une grande expédition. Attaqués de tous côtés
par une armée de 35 000 hommes, consternés
par la défaite des Beni-Raten, les plus puissants
d'entre eux, les Kabyles firent leur soumission.
On leur laissa cependant une sorte d'indépendance,
qui ne leur a été enlevée qu'après l'insurrection
de 1871.
Dernières insurrectioiis. — A partir de ce moment
se termine la période purement militaire. Non
qu'il n'ait fallu encore combattre, soit pour com-
pléter sur quelques points la ligne d'occupation
du sud, soit pour réprimer des insurrections quel-
quefois formidables, comme en 1864 et en 1871.
Mais ce sont là des faits exceptionnels. L'Algérie
appartient bien définitivement à la France, l'œuvre
de la conquête est achevée : ce sont désormais les
pacifiques travaux de la colonisation qui ont la
principale importance.
Oryanisaiioti civile de la colonie. — Cette co-
lonisation est en bonne voie. L'Algérie compte
aujourd'hui près de 400 000 habitants européens.
Elle est administrée par un gouverneur général,
assisté d'un directeur général des affaires civiles,
d'un conseil supérieur et d'un conseil de gouverne-
ment. Achacun des trois départements, administrés
par un préfet et des sous-préfets et soumis au ré-
gime du droit commun, répond un territoire mili-
taire administré par le général de division, les gé-
néraux de brigade, les commandants de cercles et
les officiers de bureaux arabes.
Malgré les imperfections de son organisation,
l'Algérie est en pleine voie de prospérité et déve-
loppe largement ses richesses naturelles. Des vil-
lages nouveaux sont créés chaque année, des routes
sillonnent de tous côtés le pays, des chemins de fer
rendent les communications plus faciles, plus sûres
et plus rapides. [Maur. Wahl.]
LECTURES ET DICTÉES
1. Mazagran. — Mazagran est un bourg d'Algé-
rie, dont les Français prirent possession en 1839.
Au commencement de l'année 1840, il n'y restait
pour toute garnison que cent vingt-trois hommes
formant la 10° compagnie du 1" bataillon d'infan-
terie d'.\frique. Leur chef était le capitaine Le-
lièvre. Tout à coup le 3 février au matin, ils voient
arriver devant Mazagran une troupe de 12 000 Arabes
avec 2 pièces de canon : c'était une partie de l'ar-
mée d'Abd-el-Kadcr. Trois cents Arabes se postèrent
d'abord dans le bas de la ville, crénelèrent les
maisons et ouvrirent le feu; du côté de la plaine,
la cavalerie tentait en même temps l'assaut du
petit fort où s'étaient enfermés les Français. Ce
fort, qu'on nommait la Casbah de Mazagran, était
un faible réduit en pierre sèche qui n'avait d'autre
avantage que d'être placé au haut de la ville et
par conséquent de dominer la situation. La garni-
son française possédait une pièce de canon, mais
n'avait qu'un baril de poudre etéOOjO cartouches.
ALGÉRIE
83 —
ALIMENTS
Dès le soir du 3, la moitié des munitions fut épui-
sée. Le capitaine Lelièvre donna l'ordre de ménager
la^- poudre et de ne plus repousser l'ennemi qu'à
la~baïonnette. Toute la nuit on se battit encore.
Le 4 au matin, nouvel assaut général des Arabes,
qui sont rejetés en désordre; ils reviennent immé-
diatement à la charge, les Français tiennent tou-
jours. Ils recommencent l'attaque la nuit suivante,
même insuccès. Pendant quatre jours de suite et
presque quatre nuits entières, ce ne furent qu'as-
sauts successifs ; enfin le 6 les Arabes tentent un
eôbrt inouï en s'aidant de perches à crochets et de
poutres ; ils sont repoussés à la baïonnette et écra-
sés sous le feu des dernières cartouches prudem-
ment réservées pour la lutte suprême. Et le 7 fé-
vrier, quand le jour parut, les assiégés virent
avec un étonnement joyeux que la plaine était
déserte ; les Arabes avaient battu en retraite pen-
dant la nuit.
Quelques heures après, le commandant en chef
du corps d'armée dont faisait partie la petite garni-
son, arrivait en toute hâte et emmenait en triomphe
au milieu de ses hommes le capitaine Lelièvre et
ses héroïques soldats. La petite troupe n'avait eu
que 3 hommes morts et 16 blessés. Depuis ce jour, la
10* compagnie obtint le privilège de porter dans
«es rangs le drapeau déchiré, troué par les balles
et roussi par le feu, qu'on avait vu flotter pendant
ces quatre jours sur les murs de la Casbah.
2. La casquette. — « C'était en Afrique. Une
nuit, le camp français est surpris par les Arabes.
Une fusillade terrible jette un moment l'indécision
parmi nos soldats à moitié endormis. Le maréchal
Bugeaud s'élance hors de sa tente; sa présence ra-
nime les Français. L'ennemi est repoussé. La lutte
finie, le maréchal s'aperçoit que ses soldats chu-
chotent et sourient en le regardant. Il porte la main
à sa tète et reconnaît que dans sa précipitation il
est resté coiffé de son bonnet de nuit. Le len-
demain, lorsque les clairons sonnèrent la marche,
les zouaves entonnèrent en chœur :
As-tu vu — la casquette, — la casquette,
As-tu vu — la casquette du père Bugeaud?
Le maréchal ne s'en fâcha nullement. Deux ou
trois jours plus tard, au moment de donner l'ordre
du départ, il s'écria en s'adressant aux clairons :
« Clairons, sonnez la casquette ; » ce nom est
resté à la marche et a conduit plus d'une fois les
zouaves à la victoire ». — {Journal des instituteurs t,
1878, n» 9.
3. Prise de Constantine. — « L'armée française,
sous la conduite du duc de Nemours, assiégeait
Constantine. Le bombardement durait depuis plu-
sieurs jours. Une brèche avait été ouverte dans
les remparts. A un parlementaire envoyé pour de-
mander la reddition de la ville, les Arabes répon-
dirent : '< Si vous demandez de la poudre, nous
vous en donnerons; si vous demandez du pain, en
voici ; mais la ville, vous ne l'aurez pas tant que
nous serons debout. >> Il fallut donc commander
l'assaut. On désigna pour former la première co-
lonne d'attaque un bataillon de zouaves et une
partie du génie sous le commandement du colonel
Lamoricière Les zouaves, couchés dans une tran-
chée, s'étaient approchés de la brèche jusqu'à une
distance de soixante pas ; ils y avaient séjourné
pendant vingt-quatre heures en attendant le signal
de l'assaut, qui devait être donné par huit coups
de canon tirés à la fois. Les boulets devaient sou-
lever un nuage de poussière près de la bièche pour
empêcher les assiégés de tirer sur les premiers
assaillants. A 8 heures du matin, les huits coups
de canon retentirent, les fanfares et la musique
les accompagnèrent. Le colonel Lamoricière sauta
de la tranchée et s'élança le premier, le sabre à la
main sur la brèche; ses soldats le suivirent au pas
de charge. Une demi-heure après les Français
étaient maîtres de la brèche, fout à coup on entend
une formidable explosion de poudre : plus de cin-
quante de nos soldats sont tués, un plus grand
nombre blessés. On n'a jamais su les véritables
causes de cette explosion. Les Arabes continuèrent
quelque temps leur résistance dans les rues, mais
vers neuf heures le drapeau tricolore avait remplacé
sur le rocher de la citadelle le drapeau rouge. Offi-
ciers, sous-officiers et soldats avaient rivalisé d'in-
trépidité. La seconde colonne d'attaque avait vigou-
reusement soutenu la première ; le colonel Combes
qui la commandait fut atteint de deux coups de
fusil en arrivant sur la muraille ; cependant il con-
tinua de commander ses soldats jusque dans la
ville. Ce ne fut qu'alors qu'il se rendit auprès du
duc de Nemours, lui fit son rapport et ajouta enfin
avec le plus grand sang-froid : « Monseigneur,
permettez maintenant que je me retire, je suis
blessé mortellement, je vous recommande ma
malheureuse famille. » Il avait su tellement se
contenir, que le prince ne s'était pas aperçu de son
état. Il expira quelques heures après. (13 oc-
tobre 1837 j — (D'après 'R.xvix, Lectures d'histoire
contemporaine.)
ALIMENTS. — Hygiène, IX. — {Étym. : du
latin alere, nourrir.) — On pourrait nommer
alimejiis toutes les substances qui, introduites
dans l'appareil digestif, contribuent à réparer
les perles de l'économie. Cependant, pour nous
conformer à l'usage, nous adopterons la division
assez arbitraire d'aliments et de boisso7is, réservant
ce dernier nom aux liquides employés à délayer les
aliments solides ou à satisfaire la soif.
1 . Notions générales sur l'alimentation. — Notre
corps est soumis à une usure continuelle, la vie exige
une combustion constante pour entretenir la cha-
leur et produire de la force ; il faut donc que les tis-
sus qui composent nos organes se renouvellent sans
cesse en s'assimilant les matériaux que leur four-
nissent les aliments. Parmi ces matériaux, les uns
ne contiennent que du carbone, de l'oxygène et
de Vhydrogè/ie, ils sont, par conséquent, éminem-
ment combustibles; d'autres contiennent en outre
de Vazote et par là ressemblent aux tissus de nos
organes, qu'ils régénèrent en se transformant en
leur substance ; de là deux grandes classes d'ali-
ments : les combustibles ou lespiratoires c les
réparateurs ou plastiques. On a soulevé, il est /ai,
des objections à cette division un peu. trop rigou-
reuse ; mais, comme on n'a rien proposé pour la
remplacer et qu'elle a le mérite d'être fort simple,
il n'y a nul inconvénient à l'employer encore.
Il existe, dans toutes les classes, une foule de
préjugés sur la valeur nutritive des aliments et sur
les besoins de notre corps. Un des plus dangereux
consiste à prendre la faim pour mesure de ces
besoins. Pendant la maladie, après de longues pri-
vations, sous lïnfluence de l'alcool, le sentiment
de la faim peut s'émousser, puis disparaître, bien
que la machine humaine, continuant à épuiser sa
propre substance, exige une constante réparation.
Mais dans l'état de santé il ne suffit pas de " man-
ger à sa faim » pour satisfaire aux besoins réels du
corps. L'alimentation est soumise par notre nature
à des règles que l'hygiène a étudiées pour en tirer
des conséquences pratiques du plus haut intérêt
au point de vue de la santé et du travail.
Ration alimentaire. — Un homme adulte, de
poids moyen, soit Gô kilogrammes, qui se livre à
un travail modéré, perd chaque jour par la respi-
ration, la transpiration, l'usure et les résidus de
ses aliments environ 1000 grammes d'eau, 30 ' gram-
mes de carbone et2ii grammes d'azote. Telles sont
les substances que doivent remplacer les boissons
et les aliments. Voyons comment on peut y arri-
ver de la manière la plus avantageuse.
L'analyse du pain ordinaire nous indique qu'il
contient en moyenne, par iOO grammes, 1 gram-
ALIMENTS
— 84 —
ALIMENTS
m© d'azote. Pour arriver h compléter avec du pain
seul la quantité voulue de cette substance, il fau-
dra donc 2i 00 grammes de pain. D'un autre côté,
nous n'avons besoin que de 1000 grammes de pain
pour obtenir 30'i grammes de carbone : cela nous
donne un excédant de pain de 1000 grammes con-
sommé exclusivement pour utiliser l'azote qu'il
contient, mais dont le carbone est inutile.
Appliquons à la viande le même calcul. La viande
de bœuf sans os ni graisse contient environ 3 p. 100
d'azote ; donc 70i» grammes de viande fourniraient
l'azote d'une ration normale; mais pour arriver à
la dose de carbone nécessaire il faudrait 3000 gram-
mes de viande, soit 2 3U0 grammes consommés
uniquement en vue de leur carbone et dont
l'azote non-seulement serait inutile, mais devien-
drait pour l'économie une cause d'embarras et de
danger.
Puisque ces deux rations pèchent par défauts
contraires, nous pouvons les combiner de manière
à former un aliment qui satisfasse aux besoins de
la Nutrition sans employer de matières inutiles.
On obtient ce résultat avec 1000 grammes de pain
contenant ;-00 grammes de carbone et 10 grammes
d'azote; 330 grammes de viande (parée), qui re-
présentent 32 grammes de carbone et 10 grammes
d'azote. Si le prix des 330 grammes de viande n'ex-
cède pas (en moyenne) celui des li'OO grammes de
pain retranchés, on a tout avantage à combiner la
ration de cette manière ; on bénéficie, en outre, du
carbone de la viande.
Malheureusement notre agriculture n'est pas as-
sez avancée pour permettre une telle consomma-
tion de viande. Paris seul en est suffisamment
pourvu ; la moyenne par habitant est de 72 kilo-
grammes par année, ce qui fait par jour 197 gram-
mes, auxquels il faut ajouter la volaille, le poisson,
les œufs, le lait, le fromage, etc. qui complètent la
ration. Dans les villes de province la moyenne
est de 64 kilogrammes; elle tombe à 20 kilogram-
mes dans les campagnes. Il faut donc reconnaître
que l'azote, sous sa forme la plus convenable pour
l'alimentation de l'homme, est rare et cher, et les
efforts de l'agriculture doivent tendre à en produire
des quantités toujours croissantes.
Prenons maintenant deux exemples dans le rè-
gne végétal : supposons que l'on consomme seule-
ment du riz ou des fèves. Celles-ci renferment, pour
100 parties environ, 40 parties de carbone et 4,5
d'azote. Pour fournir la quantité nécessaire de car-
bone, il faudrait Ttb grammes de fèves sèches, ce
qui donne un fort excédant d'azote. La ration de
riz fournissant '20 grammes d'azote serait de iOOO
grammes, contenant un fort excès de carbone. De
plus, pour cuire convenablement ce riz il faudrait
employer environ 8 litres d'eau, de sorte que la ra-
tion journalière d'un homme formerait un volume
énorme. En pareil cas il peut arriver que, l'esto-
mac étant surchargé, l'appétit fasse défaut avant
que l'on ait ingéré une quantité d'aUments suffisante
pour la nutrition.
Mais en associant le riz et les fèves de manière
à compenser leurs qualités et leurs défauts, on ob-
tiendra une ration alimentaire sans excès de car-
bone ni d'azote. Pour cela on prendra 350 grammes
de fèves contenant 140 grammes de carbone et
15,15 grammes d'azote; 4'25 grammes de riz conte-
nant 170 grammes de carbone et 4,25 grammes
d'azote.
Lorsque l'on varie, par hygiène ou par nécessité,
les éléments de la nourriture, si l'on veut éviter
une dépense inutile et même nuisible aussi bien
qu'une alimentaiion insuffisante, il est indispensa-
ble de 80 rendre compte de la valeur comparative
des diverses substances, de connaître leur compo-
sition.
■Voici, d'après Payen, l'analyse des substances les
plus importantes.
iN 0 .M
des
SUBSTANCES.
Bœuf rôti
Rognons de mouton
Raie
Morue salée
Maquereau
Sole
Brochet
Anguille
OEufs de poule
Huîtres
Fèves
Fromage de Brie
— de Gruyère ....
— à la pie
Haricots
Lentilles
Pois secs
Blé dur du Midi
Blé tendre
Farine blanche de Paris.
Orge d'hiver
Mais
Sarrasin
Riz
Pain blanc de Paris. . . . .
Pain de munition. ......
Pommes de terre
Champignons de couches
Châtaignes
Figues sèches
Noix fraîches
Lard.
Beurre '. . . .
3,5
2,G
0,8
5,2
3,7
1,9
3,2
2,0
1,9
2,1
4,5
2,9
5,0
2,4
3,9
3,9
3,9
3,0
1,8
1,6
1,9
1,7
2,2
1,0
1,0
1,2
0,3
0,7
0,6
0,9
1,4
1,2
0,2
5,0
2,0
n,5
0,4
7,0
0,3
0,6
•24,0
7,0
1,5
2,5
26,0
24,0
10,0
2,8
■2,6
2,0
2,0
1,8
l,s
•2,0
8,8
2,8
0,8
1,2
1,5
0,1
0,4
4,0
1,5
4,0
71,0
82,0
Nous venons de voir que notre corps demande
pour sa réfection journalière un certain poids d'a-
zote et de carbone. Cela ne veut pas dire qu'il suf-
firait, pour se nourrir, d'avaler une certaine quan-
tité d'azotate de potasse (salpêtre) riche en azote et
du noir de fumée ou du charbon pulvérisé. L'azote
et le carbone ne peuvent servir à la nourriture
des animaux qu'après avoir vécu dans les végétaux.
Il faut, de plus, que ces substances se trouvent
combinées de manière à se dissoudre à se trans-
former pendant la digestion, sans quoi elles ne sont
pas assimi ables, elles ne peuvent devenir partie
intégrante de nous-mêmes.
Les matières azotées assimilables les plus im-
portantes senties suivantes : Valbumine*, dont le
blanc d'œuf représente le type le plus pur et qui
existe aussi dans les plantes ; la musculine, partie
solide des muscles, de la chair; la caséine, portion
coagulable du lait qui forme le fromage blanc, très-
abondante aussi dans les pois, les haricots, les
fèves (légumine ou caséine végétale) ; le gluten, qui
se sépare de l'amidon lorsqu'on malaxe de la farine
sous un filet d'eau ; la gélatine produite par la
peau, les os ; la cho7idrine, extraite des cartilages.
Parmi les aliments non azotés signalons les corps
gras, beurre, huile, saindoux ; l'amidon, le sucre,
les gommes. Quelques-uns, les corps gras surtout,
ne sont pas assimilés à nos tissus avant d'être oxydés,
mais sont soumis à une combustion directe.
Tels sont les éléments principaux des aliments
tirés des règnes animal et végétal. Avons nous
besoin de tant de ressources? D'après la théorie
que nous venons d'expliquer, ne suffirait-il pas à
cliaque homme de disposer d'une substance azotée
et d'une substance carbonée? Ne pourrait-on pas
ALIMENTS
— 85 —
ALIMENTS
se nourrir, par exemple, avec de la musculine et de
la gomme, ou bien avec de la gélatine et du sucre,
du gluten et de l'huile? L'expérience prouve que ce
serait impossible. Il nous faut une nourriture dans
laquelle se trouvent unies plusieurs des substan-
ces élémentaires carbonées et azotées, comme l'al-
bumine, la musculine et la graisse, la caséine, le glu-
ten, le sucre. La chimie de notre corps est beaucoup
plus compliquée que la chimie des laboratoires et
beaucoup des phénomènes auxquels elle donne lieu
sont encore inexpliqués. Aussi l'on constate que
chaque substance alimentaire joue un rôle différent
dans la digestion et la nutrition.
L'expérience individuelle indique souvent la né-
cessité de choisir entre les substances du xiême
genre dont la composition élémentaire est à peu
près équivalente : ainsi telle personne qui supporte
mal les laitages digère fort bien les œufs. Dans le
^it, le principe azoté dominant est la caséine; dans
les œufs, c'est l'albumine. Pendant la maladie et la
convalescence on trouvera mainte occasion de re-
courir utilement à des substitutions d'aliments de
la même espèce. Des œufs battus dans six à huit
fois leur poids d'eau légèrement sucrée formeront
un liquide alimentaire qui contiendra, comme le
lait, des principes azotés, gras, sucrés et salins,
et qui pourra suffire à l'alimentation d'un malade
incapable de digérer le pain, la viande, le lait.
2. Notions particulières sur les principaux ali-
ments. — Pour compléter les notions les plus
indispensables sur les aliments, nous allons passer
en revue ceux qui sont d'un usage presque général
et qui peuvent servir de types.
Farine. — On peut fabriquer de la farine avec
les graines de toutes les céréales, avec celles du
sarrasin, avec les châtaignes, etc. Occupons-nous
seulement de la farine de blé. La bonne farine est
blanche ou jaunâtre, sans odeur ni saveur acide ;
elle forme avec l'eau une pâte filante. Lorsqu'elle
est altérée par l'humidité, il s'y développe des cham-
pignons microscopiques, des vibrions et de petits in-
sectes {acai'us). La valeur alimentaire de la farine dé-
pend de l'espèce de blé qui la produit ; en effet les
blés tendres contiennent 10 à 12 p. 100 de gluten,
et les blés durs 1 7 à 20 p. 100. On sépare le son de
la farine au moyen du blutage et dans les villes
on tient trop à obtenir une farine très-blanche, ce
qui fait éliminer tout le son, riche cependant en
azote, en matières grasses et en sels minéraux.
La farine délayée dans de l'eau ou du lait et cuite
forme la bouillie, qui joue un si déplorable rôle
dans l'alimentation des jeunes enfants. On rend
cet aliment plus digestible en torréfiant la farine au
four ; mais on n'évite guère, malgré cette précau-
tion, les désordres de la digestion que produisent l'u-
sage prématuré et l'abus de cette préparation meur-
trière lorsqu'on la substitue au lait, seul aliment,
normal de la première enfance.
Pain. — Lorsqu'on ajoute du levain à la pâte
préparée pour faire le pain, il se produit, aux dé-
pens d'un peu d'amidon transformé en sucre, une
certaine quantité d'acide carbonique et d'alcool.
L'acide carbonique se dégageant dans toute la masse
la divise, la soulève et donne au pain son appa-
rence spongieuse La pâte déposée dans un four
chauffé à •j50 ou 260 degrés se recouvre d'une
croûte dans laquelle l'amidon est en partie changé
en sucre, et ce sucre se caramélise légèrement à la
surface. Dans l'intérieur du pain la température
ne dépasse guère lOu". Le pain de bonne qualité
contient de ;iO à 41 p. 100 d'eau: mais, tandis que
la mie en retient de 40 à 48 p. 100, la croûte n'en
présente que 17 à 27 p. lOi'.
• Le pain brunâtre et acide nommé pain bis tend
de plus en plus à disparaître. On a découvert en
effet que ses défauts provenaient non pas d'un
excès de son, comme on l'a cru longtemps, mais
de la présence d'une substance nommée céréaline
qui agit comme un ferment, transforme beaucoup
d'amidon en sucre, fait prédominer la fermentation
acide sur la fermentation alcoolique et, décomposant
aussi le gluten, produit de l'ammoniaque et une
matière brune qui colore le pain. Aujourd'hui
on réussit à éliminer des gruaux grix la plus
grande partie de la pellicule qui contient la céréa-
line, et l'on ajoute les gruaux ainsi épurés à la
pâte peu de temps avant d'enfourner. On obtient
de la sorte un rendement plus considérable en
pain plus agréable et plus nourrissant.
La quantité d'azote variant de 10 à ÎO p. 100
dans les farines, selon qu'elles proviennent de blés
tendres ou de blés durs, il est indispensable de te-
nir compte de cette différence dans la composition
des rations alimentaires.
VIA^DE. — Pour apprécier la nature et la valeur
de cet aliment, nous avons besoin d'en connaître,
avant tout, la composition. Berzélius l'indique
comme suit, pour la viande de bœuf supposée es»
tièrement privée de graisse.
Eau 77,17
Fibres charnues, vaisseaux et nerfs. 15,80
Parties gélatineuses solubles dans
l'eau 1,90
Albumine coagulable 2,20
Substances diverses solubles dans
l'eau 1,05
Substances solubles dans l'alcool... 1,80
Phosphate de chaux 0,03
100,00
Parmi les substances solubles figurent des sels
de potasse et de fer qui jouent un rôle important
dans la nutrition.
La viande est presque exclusivement formée
d'eau, de matières azotées et de sels. Sous un
faible volume, elle constitue un aliment éminem-
ment réparateur, facilement digéré et prompte-
ment assimilé.
Lorsque l'on fait rôtir la viande, la partie exté-
rieur, soumise à une température de 120° à 130*,
durcit et forme croûte par suite de la coagulation
de l'albumine et de la dessiccation des fibres ; les sucs
demeurent emprisonnés dans la masse. Celle-ci
ne s'échauffe guère au delà de S"" à 55°, de sorte
que, si la viande contient des triclnnes ou d'autres
parasites, ils échappent à la coction, sont mangés
vivants et continuent leur existence dans le corps
de l'homme. La viande longtemps bouillie, moins
agréable au goût, n'offre pas ce danger.
Un préjugé très-répandu, très-tenace, consiste à
croire que la partie la plus nutritive de la viande,
c'est le jus qui s'en échappe ou qu'on en exprime.
L'aliment véritable, ce sont les fibres charnues, la
musculine, qui constitue la masse des muscles. Or
la musculine est insoluble, elle ne cède rien au jus
de viande ni au bouillon. Le bouillon n'est pas un
aliment, dans le sens ordinaire du mot, car il nour-
rit moins que la bière: c'est une excellente boisson
tonique, qui excite d'une manière très-favorable les
organes digestifs et dès lors est fort utile au com-
mencement du repas. En effet, 1 kilogramme de
viande fraîche (supposée sans graisse) ne cède pen-
dant une ébulition prolongée que 21 grammes de
matières solides, dont plus de la moitié consiste en
sels et le reste en matières gélatineuses, c'est-à-dire
très-peu nutritives. Un pot-au-feu se préparant d'or-
dinaire avec 2500 grammes d'eau par kilogramme
de viande (les os non compris), un demi-litre de
bouillon contient environ 2^%5 de substance azotée.
Les prétendus extraits de viande — même ceux
qui sont réellement fabriqués avec du mouton ou
du bœuf — ne représentent donc en aucune façon
les éléments nutritifs de la chair ; en doPiier à des
malades, des convalescents, c'est s'expjser à les
faire mourir de faim, sous prétexte de leur admi-
nistrer un aliment concentré.
ALIMENTS
Œufs. — L'œuf de poule est formé d'albu-
mine, de matières grasses et de substances mi-
nérales parmi lesquelles prédominent les sels
calcaires. En tenant compte des proportions de
carbone, d'azote et de graisse, on trouve qu'un
œuf moyen équivaut à environ 100 grammes de
lait de vache.
Lait. — La composition du lait naturel est si va-
riable que l'on est obligé de comparer un grand
nombre d'analyses pour arriver à une moyenne
exacte. On peut, en pratique, adopter l'analyse
suivante :
Eau 87,00
Beurre 3,80
Sucre 4,30
Sels 0.70
Caséine 3,00
Albumine 1 , 20
100,00
Remarquons d'abord que la viande contient seu-
lement 10 p. 100. d'eau en moins que le lait et il
gagnera tout de suite en importance comme ali-
ment malgré sa forme liquide. C'est un aliment
complet par excellence, parce qu'il réunit les ma-
tières carbonées et azotées dans de justes propor-
tions pour fournir les éléments de combustion et
do nutrition. Il est plus facilement digéré au mo-
ment de la traite qu'après avoir été réchauffé. Le
lait froid détermine quelquefois la diarrhée chez les
jiorsonnes délicates; un peu de sucre ou de sel
peuvent empêcher cet accident.
La coagulation du lait a lieu moins vite dans un
vase en fer-blanc que dans un vase en verre ou en
porcelaine. Lorsqu'on est obligé de le conserver
quelque temps, il n'y a pas d'inconvénients, — s'il
est destiné à des adultes — à y dissoudre un demi-
gramme de carbonate de soude par litre.
Fromage. — Au point de vue purement ali-
mentaire, le fromage est une conserve d'azote
formée par le caséum du lait avec ou sans la
partie butyreuse, c'est-à-dire fabriquée avec du lait
pur ou écrémé. Les fromages les plus communs,
ceux pour lesquels on emploie le lait écrémé,
sont les plus riches en principes azotés. Le Par-
mesan en contient 44 p. 100. puis viennent les
fromages de Gruyère, de Hollande, de Roquefort.
de Chester, le Camembert, le Brie, le fromage
blanc, le Neufchâtel frais ; ce dernier contient
seulement 8 p. lOi) de matières azotées, mais il est
le premier pour les matières grasses, dont il ren-
ferme 16 p. 100, tandis que le Gruyère n'en con-
tient que 1,5 p. 100.
Lorsque le fromage commence à subir la dé-
composition putride et à dégager de l'ammo-
niaque, c'est moins un aliment qu'un condiment
dont Berchoux disait « qu'il doit tout son mérite
aux outrages du temps ». Dans ces conditions il
pourrait être dangereux d'en manger de grandes
quantités.
Beurre. — La matière grasse du lait, retirée de
la crème par le battage, est composée de margarine
et d'oléi7te, qui résultent de la combinaison de la
glycérine avec les acides margarique et oléique.
Comme toutes les matières grasses, le beurre riche
on carbone constitue un aliment respiratoire ou
combustible. Les peuples des régions polaires con-
somment des quantités considérables dhuile de
poisson pour combattre le froid; de même chez
nous, en hiver, nous consommons instinctivement
plus de beurre, de graisse, ou d'huile que pen-
dant la saison chaude.
Haricots. — Pour nous faire une idée de la va-
leur nutritive des graines de légumi7ieuses, hari-
cots, fèves, pois, lentilles, prenons pour type le
haricot dit flageolet, qui est la variété la plus esti-
mée de cette espèce. Voici sa composition ;
86 — ALIMENTS
Amidon et sucre 60,0
Substances azotées 27,0
Matières grasses ,
Fibre inerte (cellulose) ,
Sels minéraux
Eau ,
2,6
2,0
3,3
5,1
100,0
Ce qui caractérise ces graines, c'est l'abondance
des matières azotées. Nulle part on ne trouve l'azote
à si bon marché. On leur reproche, il est vrai, d'être
flatulents, c'est-à-dire de causer le développement
de gaz dans les intestins; mais on pallie ou pré-
vient ce résultat par une cuisson prolongée, un
assaisonnement un peu relevé et une mastication
parfaite.
Pomme de terre. — De même que l'on n'estime
pas d'ordinaire à leur juste valeur les haricots, les
pois, les lentilles, on est porté à exagérer l'impor-
tance de la pomme de terre. 'Voici la composition
d'une espèce de grande culture, nommée patraque
jaune :
Eau 74,00
Fécule. 20,00
Substances azotées.
Matières grasses
Matière sucrée ou gommeuse..
Fibres inertes
Sels divers
2,50
0,11
1,09
1,04
1,?6
100,00
Ainsi la pomme de terre de qualité moyenne con-
tient trois fois moins d'amidon que les graines de
céréales et dix fois moins de substances azotées que
les blés durs les plus riches. Comparée aux graines
de légumineuses, elle se montre inférieure à peu
près dans les mêmes proportions. Elle constitue par
conséquent un médiocre aliment combustible et
n'apporte presque rien à la nutrition des tissus.
LÉGUMES HERRACÉs. — On désigne ainsi ceux qui
ne contiennent pas d'amidon ou n'en présentent
que des traces. Tels sont les choux, les choux-
fleurs, l'oignon, les poireaux, les artichauds, les
asperges, les épinards, l'oseille, la chicorée, la lai-
tue. Bien que ces légumes contiennent un peu d'a-
zote, leur utilité dans l'alimentation consiste sur-
tout à fournir des sels minéraux, à permettre de
varier la forme et la saveur des mets, à augmenter
la masse de nourriture dans une juste proportion.
Fruits. — Les fruits fournissent à Talimenta-
tion des acides, du sucre, des corps gras, de l'ami-
don, du tannin, des arômes et une très-faible
quantité de principes azotés, lis sont précieux
surtout pour apporter au régime alimentaire la
variété désirable.
Alimentation et travail. — Si nous nous repor-
tons au tableau comparatif des substances alimen-
taires, nous voyons que ce ne sont pas les aliments
les plus chers et les plus délicats qui sont les plus
utiles. Ainsi, la substance la plus riche en azote est
la morue sèche; les fèves occupent le second rang ;
le troisième est disputé par les haricots, les len-
tilles, les pois secs ; le bœuf rùti prend place der-
rière ces bonnes graines, souvent méconnues ou
calomniées. Nous constatons qu'une ration compo-
sée de maïs, de morue et de saindoux serait bien
plus réparatrice que les mêmes quantités de pain
blanc, de sole et de beurre.
Remarquons d'ailleurs qu'il faut i, ceux qui se
livrent à des travaux fatigants des aliments qui
(( tiennent au corps », comme ils disent. Les sub-
st;inc^s délicates, facilomont digérées, ne leur four-
nissent pas une sustentation assez prolongée.
Nous avons dit que la ration alimentaire d'un
homme qui se livre à un travail modéré devait lui
fournir par jour environ 300 grammes de carbone
et 20 grammes d'azote. Un homme complètement
ALLEMAGNE
— 87 —
ALLEMAGNE
inactif n'aurait besoin que de 2G5 grammes de
carbone et I2°%.t d'azote : il serait ainsi réduit à la
ration d entretien ; pour qu'il répare les pertes
causées par l'exercice musculaire, il y faut ajouter
la ration de travail. Or il est à noter que l'indo-
lence ou l'énergie, l'immobilité ou la production
de force n'exercent qu'une faible influence sur la
proportion de carbone ; celle-ci, en effet, n'aug-
mente que d'un septième d'un extrême à l'autre,
tandis que la proportion d'azote est presque tri-
plée. On peut donc dire que, dans les circonstan-
ces normales, pour obtenir du travail de la machine
humaine, il faut lui fournir de l'azote, et que le
travail obtenu peut varier du simple au double en
graduant les doses de matières azotées dans la ra-
tion alimentaire quotidienne.
Si les aliments respiratoires ou plastiques man-
quent à un moment donné, le corps y supplée en
consumant, en usant sa propre substance ; il respire
aux dépens de sa graisse et travaille aux dépens de ses
muscles, il détruit la machine pour en obtenir du
travail. Dans un corps mal nourri, épuisé par le
travail, l'esprit recevant le contre-coup du malaise
physique, se trouve ballotté entre la fièvre et la
stupeur : le corps demande un remède passager à
l'eau-devie ; l'esprit le cherche dans des passions
vicieuses. C'est ainsi que la question d'alimentation
exerce une sérieuse influence sur les questions de
morale et de civilisation.
Exercices pratiques. — Composer avec de la
morue salée, du saindoux, des fèves, des pommes
do terre et du fromage à la pie une ration alimen-
taire d'entretien, puis une ration alimentaire de
travail moyen en y ajoutant du fromage de Gruyère.
Composer une ration alimentaire d"entretien et
de travail avec du pain de munition, du beurre, des
œufs et des figues sèches.
Composer une ration alimentaire d'entretien avec
du pain blanc, du bœuf rôti, du beurre et du fro-
mage de Brie. — Y ajouter comme ration de travail
les aliments les moins coûteux.
Composer avec les ressources d'une exploitation
agricole, — dans une région indiquée, — des rations
alimentaires d'entretien et de travail.
Voir les mots Nutrition, Boissons, Condiments,
Café, Alcool. [D' Safi'ray.]
ALLEMAGNE. — Géographie générale XI. — His-
toire générale XXVII. — Éti/m. : suivantles uns, du
nom desAle>7ia7i7ii,\ino des tribus germaniques éta-
blies sur le Rhin; suivant d'autres, et c'est l'opinion
adoptée par M. Littré, des mots ail et mann, lit-
téralement tous les hommes, nom donné à la réu-
nion de toutes les tribus germaniques.)
I. GÉOGRAPHIE
1. Géographie physique. — Cet État, le plus puis-
sant de l'Europe centrale, s'étend de la frontière
orientale de la France jusqu'à la Russie et dé la
mer Baltique jusqu'au pied des Alpes.
Limites. — A l'ouest, l'Allemagne touche aux
Pays-Bas, à la Belgique, au grand-duché de
Luxembourg, et à la France. Au sud, elle est sé-
parée de la Suisse par le Rhin, depuis Bâle jus-
qu'au lac de Constance ; de l'Autriche par des ra-
meaux des Alpes et le cours de l'Inn. A l'est, elle
touche aux montagnes qui enveloppent la Bohême
de toutes parts, puis à la Russie, dont la sépare une
ligne de convention tracée au milieu de l'ancien
royaume de Pologne. Au nord, de la Baltique à la
mer du Nord, c'est aussi une ligne conventionnelle
qui a fixé les limites entre le Slesvig devenu alle-
mand, et le Jutland resté danois dans l'ancienne
Chersonèse Cimbrique.
Superficie. — L'étendue de l'empire ainsi déli-
mité est un peu plus grande que celle de la France
(540,00!) kilom. carrés, au lieu de 628,000), mais sa
population est plus considérable d'une façon absolue,
et plus dense relativement au pays quelle couvre.
Population ; sn densité. — L'empire d'Allemagne
compte 42 700 000 habitants; la population moyenne
y est donc de 79 habitants par kilom. carré. Elle est
environ de 70 en France. Seules en Europe, la
Belgique, la Hollande, les Iles Britanniques et
l'Italie ont une population plus dense que celle
de l'Allemagne.
Climat. — L'Allemagne jouit d'un climat moins
beau que celui de la France. Sa latitude est plus
septentrionale, les vallées qui la traversent sont
tournées vers le nord, au lieu de s'ouvrir, comme
celles de notre pays, vers la Méditerranée ou
l'Océan dont les flots sont réchauffés par le cou-
rant chaud du golfe, le Gulfstream.
Entre le pied des Alpes et le cours du Main,
l'Allemagne méridionale occupe un plateau élevé
de 500 à COO mètres, où l'altitude augmente la
rigueur des hivers, tandis qu'au nord, l'Allemagne
septentrionale forme une vaste plaine, presque
aussi basse que les flots qui viennent battre ses
rivages. On ne trouve donc pas grande différence
entre la température moyenne qui règne sur les
bords de l'Inn, au sud, et celle de Hambourg, près
de la mer du Nord ; mais si l'on s'avance au con-
traire de France en Russie en marchant de l'ouest
à l'est, on rencontre de plus en plus un climat
continental aux chaleurs extrêmes en été, aux
froids plus rigoureux et plus longs en hiver. Le
Rhin n'est embarrassé par les glaces que pendant
moins d'un mois chaque année, tandis que l'Oder
est pris pendant 70 jours.
Orographif. et Hydrographie. — Relief du sol.
— La plaine de l'Allemagne du nord est monotone
et généralement infertile. Les sables, les bruyères,
les marais, les lacs en couvrent une grande éten-
due. Les bois de pins augmentent la tristesse du
pajsage tantôt enseveli dans la brume, tantôt re-
couvert d'un épais manteau de neige. Au centre,
au contraire, les montagnes de la Saxe, de la Thu-
ringe, de la Hesse, du Nassau, de la Franconie, sans
offrir les spectacles grandioses des Alpes, sont re-
nommées pour leurs vertes vallées, leurs fraîches
cascades, leurs forêts ombreuses, leurs cimes va-
riées par leurs formes comme par la nature de
leurs roches, et d'où l'on jouit de splendides pa-
noramas. Ni là, ni dans la Forêt-Noire, qui fait, sur
la rive droite du Rhin, le digne pendant de nos
Vosges, on ne trouve de sommet dépassant lôOO
mètres. La Bavière ne renferme encore aucune de?
hautes cimes des Alpes, mais on y rencontre déj
des lacs charmants gracieusement encadrés de
forêts de sapins, de pâturages et de rochers qui
annoncent la région alpestre.
Grands bassins. — L'Allemagne partage ses eaux
entre le Danube, affluent de la mer Noire ; le Rhin,
l'Ems, le Wéser, et l'Elbe, tributaires de la mer
du Nord ; l'Oder, la Vistule et le Niémen, qui
tombent dans la mer Baltique.
Le Danube. — Le Danube, qui est le plus long
fleuve de l'Europe après le Volga, n'est d'abord
qu'un ruisseau capricieux à sa naissance dans la
Forêt-Noire. A Ulm,il devient navigable, puis passe
par la forteresse d'Ingolstadt et Ratisbonne avant
d'entrer en Autriche, à Passau. Sa rive gauche est
escarpée et recouverte par les hauteurs du Jura
souabe. II ne reçoit de ce côté comme affluent
important que YAltmuhl, d'où un canal navigable,
qui traverse Nuremberg, va joindre la Regnitz,
affluent du Main, et établit ainsi une communica-
tion navigable entre les bassins du Rhin et du
Danube. Par sa rive droite, au contraire, le Danube
reçoit de nombreux affluents : Vlller, qui sé-
pare le Wurtemberg de la Bavière, le Lech, qui
passe à Augsbourg, et Ylsar, qui arrose Munich, la
capitale du royaume de Bavière.
Le Danube est le grand chemin d'Occident en
Orient, suivi par les croisés et toutes les expédi-
tions militaires qui ont eu Vienne pour objectif.
ALLEMAGNE
-- 88 —
ALLEMAGNE
Le Rhin. — Dans la partie moyenne de son cours,
3e Rhin servait de frontière franco-allemande jus-
qu'à la funeste guerre de 1870. C'est un des
grands fleuves de l'Europe, au cours rapide comme
le Rhône, bien qu'il verse chaque année dans la
mer une moindre masse d'eau.
De Bàle à Mayence, il parcourt une large vallée
dont le territoire fertile en fait un des plus riches
pays du monde, mais dont la possession si souvent
disputée a fait couler le sang dans de nombreux
combats. De Mayence à Bingen, les flancs du Tau-
nus, qui dominent sa rive droite, portent des vi-
gnobles exposés au midi, dont Ips produits, fa-
meux sous le nom de vins du Rhin, atteignent
des prix fabuleux. Resserre entre ces montagnes,
et celles du Ilunsruck et de l'Eifel, où abondent
les anciens volcans, le Rhin parcourt jusqu'à Bonn
une gorge étroite ; les touristes y admirent des
sites pittoresques et variés ; de nombreux châteaux,
la plupart en ruines, y évoquent mille souvenirs
historiques. Le Rhin entre ensuite dans la plaine
basse qui se continue sans interruption jusqu'à la
mer du Nord. Grand chemin de la Suisse à la Hol-
lande, le Rhin a toujours été suivi par une naviga-
tion active. De nombreuses cités s'élèvent sur ses
deux rives ; les unes sont importantes par leur
commerce, comme Bâle, Mannheim, Cologne, Dus-
seldorf; d'autres sont des forteresses imposantes
commandant le passage du fleuve, comme Stras-
bourg, Mayence, Coblentz et Cologne. Constance
et Bâle ont vu des conciles se réunir dans leurs
murs. Spire et Worms des diètes où se sont agités
les premiers débats de la Réforme.
Sur sa rive droite, le Rhin reçoit le gracieux
Neckar, qui parcourt le Wurtemberg et le grand-
duché de Bade, en arrosant Stuttgart et Mannheim,
la cité la plus populeuse du grand-duché. Un peu
plus haut, h quelques kilomètres de Mannheim le
château de Heidelberg dresse, au-dessus delà vallée
du Neckar, son imposante façade en ruines, dont
les Allemands nous reprochent l'incendie depuis
deux siècles. A Mayence tombe le Mai7i qui, né
aux confins de la Boliême et de la Saxe, décrit une
foule de sinuosités entre les montagnes qui s'élèvent
sur ses deux rives, et forme la limite la plus natu-
relle entre l'Allemagne du nord et l'Allemagne du
sud. Sur ses rives s'élève Francfort, l'ancienne ville
libre, siège de la Confédération Germanique jus-
qu'en 18('.t), aujourd'hui prussienne, mais toujours
peuplée d'opulents banquiers et de nombreuxJuifs.
Plus bas le Rhin reçoit la Sieg et la Lahn,
gracieuses rivières aux bords verdoyants, et la
Hvhr, qui parcourt un riche bassin houiller,
grâce auquel l'industrie de la Prusse Rhénane a
atteint un très-grand développement.
Sur sa rive gauche, le Rhin reçoit sur le terri-
toire de l'empire d'Allemagne VIll, qui passe à
Strasbourg, après avoir parcouru l'Alsace ; la Lauter,
qui formait jusqu'en IsTO la limite entre l'Alsace
et la Bavière Rhénane ; et enfin la Moselle, le plus
important de tous ses affluents. Née au ballon d'Al-
sace, la Moselle est française par la première partie
de son cours; elle traverse Metz, qui nous rappelle
de si cruels souvenirs ; Trêves, l'ancienne ville ro-
maine, et parcourt, avant d'arriver à Coblentz, une
vallée sinueuse et pittoresque, presque aussi van-
tée que celle du Rhin.
UEms et le Wéser. — L'Ems, qui parcourt la
■Westphalie et le Hanovre, traverse un pays maré-
cageux et tellement plat, qu'on a été obligé de
l'endiguer sur une assez grande étendue. Il finit
dans la mer duNord, sur la frontière des Pays-Bas.
Le Wéser se forme de deux branches : à l'est,
la Werra, qui naît sur le revers méridional des
montagnes de Thuringe, sur les confins de la Ba-
vière et des duchés de Saxe; à l'ouest, la Fulda,
qui prend sa source, au midi de la Hesse, dans
un groupe de montagnes granitiques, le Rhôn, et
arrose Cassel, l'ancienne capitale du royaume
éphémère de Westphalie, puis de l'électorat de
Hcsse-Cassel, annexé aux États prussiens en 1866.
Avant de se réunir, la Fulda et la Werra parcou-
rent un pays pittoresque, accidenté, d'où le Wéser
s'échappe auprès de Minden par un défilé qui porte
le nom de porte Wesphalienne, pour déboucher
dans la plaine du Hanovre. Il arrose ensuite Brème,
le second port de l'Allemagne par l'importance de
son commerce, où des milliers d'émigrants s'em-
barquent chaque année pour l'Amérique. Les na-
vires qui ne peuvent remonter jusque-là s'arrêtent
à l'embouchure du fleuve, à Bremerhafen, qui sert
d'avant-port.
L'Elbe. — L'Elbe, né en Bohême sur le revers
méridional des monts des Géants, entre en Saxe
par des défilés pittoresques, qui ont valu à cette
région le nom de Suisse saxonne; puis il passe
à Dresde, la capitale du royaume. Il est dès
lors navigable et peu rapide. Il traverse la grande
forteresse de Magdebourg, puis arrive à Ham-
bourg, la seconde ville de l'Allemagne par sa po-
pulation, la première par son commerce maritime.
Ancienne ville libre, comme Lubeck, Brème et
Francfort, Hambourg est aujourd'hui un des
plus grands ports de la terre. De nombreuses
lignes régulières de paquebots partent de ses
quais pour les différents pays du monde et ses
riches armateurs monopolisent le commerce de
quelques réglons de l'Océanie. A côté de Ham-
bourg, Altona, qui en est presque le faubourg, fait
aussi un grand commerce maritime.
C'est un peu en amont de Magdebourg que
l'Elbe reçoit sur sa rive gauche la Saale, grossie
de VElster, deux rivières dont les flots ont été plus
d'une fois teints de sang: après avoir traversé léna,
la Saale passe entre les champs de bataille de
Rossbach et de Lutîen, et c'est sur les bords de
l'Elster que s'est livrée la funeste bataille de
Leipzig.
Par sa rive droite, l'Elbe reçoit le Havel, grossi de
la Sprée. Celle-ci prend sa source sur les confins
de la Silésie, de la Bohême et de la Saxe; traverse
d'abord le joli pays boisé de la Lusace, puis dé-
bouche dans les sables du Brandebourg ; traverse
Berlin, la capitale moderne de l'empire d'Alle-
magne, où ses eaux se ternissent d'une boue in-
fecte, et tombe dans le Havel, au pied de la forte-
resse de Spandau.
L'Oder. — L'Oder prend sa source dans la
Silésie autrichienne, sur le revers méridional des
monts Sudètes; bientôt sorti des forets de sapins,
il coule entre des rives basses et marécageuses :
traverse Breslau, capitale de la Silésie ; reçoit
Custrin la Wariha qui a traversé la' plaine de Po-
sen; passe à Stettin, la capitale de la Poméranio,
et finit dans le Haff. On nomme ainsi un golfe
séparé de la mer par une étroite bande de sable,
et que les alluvions du fleuve vont comblant
peu à peu. Cette bande sablonneuse est percée
par plusieurs canaux qui joignent le Haflf à la
Baltique.
La Vistule. — La Vistule, qui est presque exclu-
sivement un fleuve polonais, est déjà imposante
quand elle entre à Thorn, sur le territoire alle-
mand. Comme l'Oder, elle finit dans un Haff,
situé au fond du golfe de Danzig, et détache une de
ses branches à l'ouest vers ce dernier port.
Le Niémen. — Enfin le Niémen, sorti de Russie,
passe àTilsitt et finit dans le KurischeHaff, le plus
septentrional de la mer Baltique.
CÔTKS ET poaxs. — On a remarqué que sur la
Baltique le rivage va en empiétant sur les flots,
tandis que sur la mer du Nord les vagues étendent
constamment leur domaine à la place de la terre
ferme. Ni l'une ni l'autre n'offrent une grande
quantité de ports. Le principal sur la mer Baltique
est Stettin, la capitale de la Poméranie, qui »
ALLEMAGNE
0'\
ALLEMAGNE
l'avantage de se trouver à l'embouchv ^^ de TOder.
Mémel, à rextrémilé septentrionale do la Prusse ;
Kœnigsberg , à, l'embouchure du Prégol ; / anzig,
à Vembouclmre de la Visiule ; Sti-'lsund, en face
de l'île de Rugen ; Waniemunde, près de Rostock,
la ville la plus peuplée du Mecklembourg ; Lu-
beck, la célèbre ancienne ville hanséatique ; Ko l,
récemment arraché au roi de Danemark, se par-
tagent le reste du commerce de l'Allemagne avec
la Russie, la Suède et le Danemark. Hambourg et
Brème possèdent presque le monopole du com-
merce allemand avec lej autres pays étrangers.
C'est à l'ouest de l'embouchure du Wéser, au
fond du golfe de Jade, que l'on a fondé depuis les
agrandissements prodigieux du royaume de Prusse
le port militaire de Wilhemshafai, où sont réunis
les principaux arsenaux de la marine militaire
naissante de l'empire d'Allemagne.
2. Géographie agricole et industrielle. — Agj'i-
culture. — L'Allemagne est beaucoup moins iTer-
tile que la France. La vigne n'y mûrit ses fruits
que sur les coteaux bien exposés des bords du
Rhin, de la Moselle, du Main et du Xeckar. La
bière est la principale boisson des Allemands et le
houblon est une de leurs cultures importantes. C'est
la Bavière qui tient le premier rang pour la fabri-
cation de la bière : ses brasseries exportent au loin
leurs produits. En fait d'eaux-de-vie, on ne distille
guère que des grains. Le froment est aussi plus
rare qu'en France et est remplacé par le seigle,
l'orge, l'avoine, le sarrasin, qui conviennent mieux
aux terrains maigres. La pomme de terre joue
également un grand rôle dans l'alimentation.
On doit rendre cette justice aux Allemands
qu'ils mettent tous leurs soins à tirer de leur
siil ingrat le meilleur parti possible. Nulle part
ailleurs les forêts ne sont aussi bien aménagées;
les vallées sont généralement couvertes de belles
prairie s. Les races de bétail sont bien entretenues;
on cherche à en améliorer les qualités, et on
y réussit. Les chevaux du Mecklembourg et du
Holstein sont renommés, ainsi que les porcs de
VV'estphalie; les moutons de la Saxe et de la Si-
lé sie fournissent des laines particulièrement re-
cherchées pour leur finesse. La pèche des lacs
et des rivières, la chasse des forêts, les ruches
d'abeilles, les fruits même les plus communs,
tout est mis à profit pour augmenter le bien-être
ou diminuer la misère des habitants. Les Alle-
mands du nord parviennent, à force d'économie, à
exporter, en dehors de leur consommation, des
grains et du bétail.
Comme plantes industrielles, on cultive : le tabac
dans les vallées fertiles du Weser, de l'Elbe et de
l'Oder, et en Bavière, autour de Nuremberg et de
Munich; — la betterave, qui occupe une assez
grande étendue de terres dans la vallée du Rhin, en
Saxe et en Silésie ; — le lin et le chanvre, qui ser-
vent à la fabrication du linge de Saxe, fort estimé à
l'étranger.
Mines. — L'Allemagne a l'avantage de posséder
de grandes ressources minérales. Les montagnes
qui séparent le royaume de Saxe de la Bohême ont
reçu à juste titre le nom de Erzgti/irge (mon-
tagnes des mines), à cause des métaux très-divers
qui s'y rencontrent. La Saxe, la haute Silésie, la
Thuringe renferment du fer, du plomb, de l'argent,
du zinc, de l'étain, de l'arsenic, etc. Le Harz, sur
les confins de la Saxe, du Brunswick et du Ha-
novre, renferme du plomb, du cuivre, de l'argent,
du fer. Ces deux régions sont devenues classsiques
par la variété des travaux d'exploitation qu'on y
exécute.
Bassins houillers. — Après l'Angleterre et la
Belgique, l'Allemagne tient en Europe le pre-
mier rang pour sa richesse en houille. La Prusse
Rhénane possède deux bassins de premier ordre.
Celui de la Ruhr, sur la rive droite du Rhin, auprès
de Dusseldorf, alimente les usines de cette région
éminemment industrielle, et entre autres les cé-
lèbres forges dEssen, d'où sortent aujourd'hui les
canons de la plupart des armées du monde. Le
bassin de la Sarre, entre Jleiz et Mayence, de dé-
couverte relativement récente, avait contribué à
donner un développement considérable aux établis-
sements métallurgiques de la Lorraine française,
si riche en minerais de fer. On trouve aussi de la
houille auprès d'Aix-la-Chapelle, sur le prolonge-
ment du bassin de Liège, dans la Silésie, la Saxe
et la Thuringe.
Eaux minérales. — Dans un pays aussi riche en
minéraux et en montagnes d'origine volcanique, les
eaux minérales abondent. Les plus célèbres sont
celles de Wieshaden et d'^wîs dans le Nassau; de
liade (Baden-Baden >, dans le grand-duché de Bade ;
de Wildbad (Wurtemberg) ; d' 4 zx-/n-CA"pe//e.
Les sources salées et les mines de sel gemme
sont également fort répandues, et la plus riche
mine de la Lorraine, celle de Dieuze, s'est trouvée
comprise dans l'annexion allemande.
Pierres lithographiques. — Ambre. — La Bavière
a le privilège de posséder les plus belles carrières
de pierres lithographiques de l'Europe, et dès l'an-
tiquité la plus reculée on allait recueillir l'ambre
sur les bords de la Baltique, dans les pays qui sont
aujourd'hui devenus la Prusse et la Poméranie.
Manufactures. — La population très-dense sur
certains points de l'Allemagne trouve dans l'indus-
trie seule d(^ quoi subvenir à ses besoins. La Saxe,
la Haute-Silésie, les environs de Dusseldorf, l'Al-
sace sont les grands centres de fabrication. Les
industriels alsaciens ne craignent aucune concur-
rence pour la filature, le tissage et l'impression
des étoffes élégantes en coton. Chemnitz, en Saxe,
est le grand centre de la filature et du tissage de
la laine et du coton
Elberfeld, dans le district de Dusseldorf, fabrique
une énorme quantité de cotonnades. De l'autre
côté du Rhin, Crefeld (ou Crevelt) fait une concur-
rence redoutable à nos soieries. Aix-la-Chapelle fa-
brique des draps ; les toiles de lin et de chanvre
viennent principalement de la Haute-Silésie.
L'Allemagne possède encore de nombreuses
verreries, des fabriques de porcelaine renommées
en Saxe, des fabriques de produits chimiques, des
raffineries de sucre. Les papeteries sont assez ré-
pandues et alimentent un grand nombre d'im-
primeries. Leipzig est le grand centre du com-
merce de la librairie. Nuremberg a conservé la
spécialité des jouets, de la bimbeloterie, et les
objets en bois grossièrement sculptés de la Forêt-
Noire sont exportés dans le monde entier.
3. Ethnographie. — Les Allemands ne forment
pas un peuple homogène au point de vue de la race.
Races. — Sans doute l'élément germain domine
dans l'ensemble de l'empire; mais les Slaves con-
stituent un noyau considérable dans le duché de
Posen, qui provient du démembrement de la
Pologne et dans quelques parties de la Silésie. Sur
les bords de l'Elbe et de l'Oder, où ils ont été
autrefois dominants, ils ont été peu à peu absorbes
dans l'élément germanique Les l'anois du Sles-
vig, annexés depuis 1866, appartiennent à la race
Scandinave, et les habitants de Metz, par leur sang,
leur langue et leurs sympathies ont toujours été
Français.
Langues. — La langue allemande, qui est parlée
dans tout l'empire, l'est en outre dans plusieurs
pays étrangers: dans le nord et le centre de la Suisse,
dans la plus grande partie de l'empire d'Autriche,
dans les provinces dites Baltiques de l'empire de
Russie. Et avant d'aller en foule peupler la fertile
vallée de l'Ohio et d'autres parties des États-Unis,
les Allemands ont été appelés à différentes reprises
au dehors, dans la Russie méridionale notamment,
ou dans la Hongrie, pour mettre en culture des
ALLEMAGNE
— UO —
ALLEMAGNE
pays stériles ou dépeuplés par quelque guerre.
4. Géographie politique. — Longtemps divisée
en une foule de petits Etats qui dittéraient par les
institutions, les mœurs, les intérêts, les conditions
locales, l'Allemagne, sans être encore arrivée à
une centralisation aussi grande que la France, s'en
rapproche de plus en plus, à tous égards.
Religion. — Aujourd'hui le protestantisme do-
mine dans l'Allemagne du Nord, le catholicisme
dans l'Allemagne du Sud. On compte sur une popu-
lation de ^kl 70(! 000 habitants : environ :'6 Oi 0 000 de
protestants, 16 000 000 de catholiques, 500 000 juifs
Unité politique. — Depuis que le roi de Prusse
s'est fait proclamer empereur d'Allemagne en 1871,
l'unité politique est à peu près complète. Depuis
longtemps déjà, le Zollverein, ou union douanière,
avait fondé l'unité commerciale, en supprimant les
douanes intérieures.
Attributions du gouvernement impérial. — Au-
jourd'hui l'empereur commande à toutes les ar-
mées, est seul charge des relations diplomatiques
avec les pays étrangers. Le gouvernement impérial
tient entre ses mains presque toutes les lignes de
chemins de fer, les postes et les télégraphes. Peu à
peu les différentes législations locales iront en se
fondant les unes dans les autres, et les souverains
jaloux de leur autorité n'auront plus qu'à abdiquer
des trônes sur lesquels ils ne sont plus que les
grands officiers de l'empereur.
Le régime militaire qui a amené le triomphe de
la Prusse est aujourd'hui appliqué à toute l'Alle-
magne : chacun est soldat, chacun fait l'exercice
à la prussienne. L'instruction, partout obligatoire
et donnée avec le plus grand soin (V. Allemugiie
dans la V Partie du Dictionnaire), fait partout
aussi pénétrer le même sentiment, celui de la
prééminence germanique, sentiment que les con-
quêtes de 1871 ont naturellement exalté, et qui est
porté aujourd'hui aussi loin qu'a pu l'être aux jours de
notre plus grand enivrement le chauvinisme français.
Universités. — Les universités, qui ont fait la
gloire et la -grandeur de l'Allemagne, y sont encore
des centres intellectuels très-importants et presque
les seuls organes de la vie et de l'indépendance
locales. L'université de Berlin est la plus fréquen-
tée de l'Allemagne ; mais le Hanovre possède
encore celle de Gœttingue ; le duché de Bade, celle
de Heidelberg; le Wurtemberg, Tubingue; la Ba-
vière, Munich; la Saxe (prussienne ou ducale), Hal/e
et léna; le royaume de Saxe, Leipzig. Ces villes, qui
offrent à tous les genres d'études d'incomparables
ressources, sont les foyers de pensée, d'action où
la jeunesse libérale du pays se porte en grand
nombre avec enthousiasme. La plus récente et la
plus magnifiquement dotée des universités alle-
mandes est celle de Strasbourg, libéralité dont le
but est facile à comprendre. 11 est juste d'ajouter
que pour les encouragements donnés à l'instruction
en général, les souverains des États secondaires
ont devancé les rois de Prusse.
Musées. — Presque toutes les grandes villes ont
de remarquables galeries de tableaux; mais Dresdf
et Munich possèdent des collections artistiques qui
n'ont d'égale en richesse et en variété que celles de
Paris, de Rome et de Londres.
Etats composant l'empire. — L'empire d'Alle-
magne renfei-nie aujourd'hui : quatre royaumes,
ceux de Prusse, cap. Berlin; de Bavière, cap. Mu-
nich ; de Saxe, cap. Dresde ; de Wurtemberg, cap.
Stuttgart; — six grands-duchés, ceux de Bade,
cap. Carlsruhe ; de Hesse-Darmstadt, cap. Darm-
stadf, de Mecklembourg-Schwérin, de Mecklem-
bourg-Strélitz ; de Saxe-Weimar et d'Oldenbourg;
cinq duchés, ceux de Brunswick, de Saxe-Moiniiigen,
de Saxe-Altenbourg, Saxe-C.obourg et Gotlia et
d'Anhalt; — sept principautés, celles de Scliwaiv,-
bourg-Rudolstadt et Schwarzbourg-Sonderslinuson ;
do Waldcck; les deux nrincipsutcs de Reuss,
celles de Lippe-Detmold et de Schaumbourg-Lippe ;
— trois villes libres, celles de Brome, Hambourg
et Lubeck; — enfin l'Alsace-Lorraine, traitée de
pays d'empire. Ces divers pays nomment les dé-
putés du Heichstag, analogue à notre Chambre des
députés, et leurs souverains envoient des plénipo-
tentiaires au Conseil fédéral, dans lequel chaque
État a un certain nombre de voix déterminé par la
constitution de l'empire.
Gouvernement. — Indépendamment de ces cham-
bres impériales dont les attributions sont fort
étendues, chaque État a conservé son gouvernement
intérieur avec le système représentatif dont il
jouissait. La Prusse, la Bavière, le royaume de
Saxe, le Wurtemberg, les grands-duchés de Bade
et de Hesse ont deux chambres ; les autres États en
ont une ; les villes libres ont une sorte de sénat.
Grandes villes. — Berlin, qui s'accroît avec une
rapidité effrayante, a aujourd'hui près d'un million
d'habitants; Hambourg près de 275 dOO; Brcslau,
240 000; Dresde et Munich près de 200 000; Co-
logne, Leipzig, Kœnigsberg, Stuttgart, Hanovre,
Francfort-sur-le-Mein et Brème, plus de 100 000,
chiffre qu'atteignent presque Danzig et Strasbourg.
Questionnaire géographique. — l . ^ w la géogra-
phie physique. — De quel côté l'empire d'Allemagne
a-t-il des frontières naturelles? — Énumérer en
partant du nord ouest les États qui l'entourent. —
Est-il plus ou moins peuplé, plus grand ou plus
petit que la France? — Climat.
En combien de versants se partagent les eaux de
l'Allemagne? — Quels sont les principaux bassins
de chaque versant? — Quelles sont les principales
villes d'Allemagne situées sur le Danube? — sur
le Rhin? — l'Elbe, etc.? — Quels sont les princi-
paux affluents coulant en Allemagne, du Danube,
du Rhin, de l'Elbe?
Quels sont les principaux ports de l'Allemagne?
2. Sur la géographie agricole et industriehe. —
Quels sont les principaux produits de l'agricul-
ture? — Les plantes cultivées pour l'industrie?
Où sont situés les principaux bassins houillers,
les principales mines métalliques? — Les eaux mi-
nérales les plus fréquentées?
Quels sont les principaux centres manufactu-
riers? — Qu'y fabrique-t-on?
3. Sur l'ethnographie. — Quelles sont les di-
verses races formant la population de l'empire
d'Allemagne?— Dans quelles contrées étrangères
la langue allemande est-elle parlée?
4. Sur la géographie politique.— Quelles sont les
religions suivies en Allemagne? — les attribu-
tions du gouvemementimpérial? — les principales
universités allemande»? — les villes les plus consi-
dérables? — De quels Etats se compose I empire"/
Problèmes géographiques. — La population et
la superficie de la France sont de 36 900 000 habi-
tants et de 5.8 600 kilom. carrés; celles de l'empire
d'Allemagne, de 42 700 (JOO habitants et de 540 000
kilom. carrés.
r Quelle serait la population de la France, com-
prise dans ses limites actuelles, si elle était aussi
dense que celle de l'Allemagne? (Rép. : 41 760 000.)
— Quelle serait la population de la France, si elle
était aussi étendue que l'Allemagne, sans que la
densité de sa population eût augmenté? [Rép. :
37 800(:00.)
2" Il y a en Allemagne 29150 kilom. de chemins
de fer en exploitation, et en France 22670.
Combien y a-t-il de kilom. de chemins de fer par
lOfiOO kilom. carrés de superficie en Allemagne?
— en France? (Rép. : 540 en Allemagne; 429 en
France.)
Combien y a-t-il de kilom. de chemins de fer par
1 0 000 habitants en Allemagn e ? — en France ? ( Rép. :
G'', 8 en Allemagne; C,! on France.)
Combien la France devrait-elle construire de ki-
lom. do chemins de fer pour en avoir autant que
ALLEMAGNE
— 9i —
ALLEMAGNE
l'Allemagne? 1° Relativement à sa superficie? 2" Re-
lativement à sa population? (Rép. : 1° 5680 kilom. ;
2° 2495 kilom.;
V II y a en Allemagne 8366 bureaux de postes dis-
tribuant 596 OOU UGO de lettres et en France ôl7" bu-
reaux distribuant 350 000 000 de lettres. Combien de
ixiiom. carrés de superficie et combien d'habitants un
bureau de poste doit-il dessenir en Allemagne? —
en France? — (Rép. : 63 kilom. carrés en Allemagne;
102 kilom. carrés en France.)
GomDien s expeûie-t-u ae lettres par tête en Al-
lemagne? en France? (Rép. : 13,9 en Allemagne;
9,5 en France.)
II. HISTOIRE
Pour la révision de l'histoire d'Allemagne (dans
lu cours d'histoire générale des écoles normales),
nous nous attachons à deux questions essentielles :
1° Revue rapide des faits principaiix, classés par
grandes périodes;
2" Étude spéciale de la formation territoriale de
l'Allemagne.
A ces deux résumés nous joignons quelques Dic-
tées historiques comme type de développements à
l'usage de l'enseignement primaire.
1. Mémento des faits principaiix de l'histoire
d'Allemagne. — (V. aussi les mots de révision
Gue}^es, Traités, Réforme, ainsi que ceux qui sont
mentionnés dans le cours de cet article.)
r* PÉRIODE. — La Germanie jusqu'à la chute de
l'empire romain (476). — Y. Germains.
II' PÉRIODE. — De la chute de l'empire romain ait
démembrement de l'empire de Cliarlemagne (476-8 i 3)
— Les fais décisifs sont :
1° La victoire de C/ovis* à Tolbiac sur les Ala-
mans (493), qui marque la fin de l'invasion germa-
nique en Gaule.
2° L'introduction tardive et difficile du christia-
nisme en Allemagne, les missions de saint Bonïface
' Winfrid), l'apôtTe de la Germanie, qui convertit une
l);u-tie des Frisons, des Saxons, des Bavarois et fut
massacré en 755 près d'Utrecht.
3° La soumission des Saxons et des Bavarois par
Cliarlemagne*.
4° La Germanie constituée en royaume distinct
pour un petit-fils de Charlemagne, Louis dit le Ger-
manique, en 843 par le traité de Verdun (V. ci-des-
sous et l'article Traités).
llI'PÉRiODK. — Le royaume d'Allemagne, du traité
lie Verdun à la création du Saint-Empire (843-962).
(«La dynastie carlovingienne s'éteint en 9il. —
l'ivalité des nombreux feudataires qui aspirent à la
t'iuronne royale.
2° Le duc de Saxe Henri I" l'Oiseleur, élu roi de
(iermanie, est le chef de la 1^* dynastie allemande, la
i)iaisondeSaxe{9ld).
3" Invasions de peuplades Scandinaves, slaves et
b.oiigroises. Défaite des Magyars par Henri I" à
Jlersebourg (933).
4° Son fils Othon I" dit le Grand fait deux expé-
ditions en France {V.Louis /F), d'autres en Italie. 11
si> fait nommer empereur et rétablit en 962 le titre
d'Empire romain d'Occident, qui ne sortira plus de
la « nation allemande ».
IV* Période. — Le Saint-Empire du x' au xiv^
siècle. Lutte du Sacerdoce et de l'Empire (962-1250).
Après l'extinction de la maison de Saxe en 1024,
deux grandes dynasties se succèdent : la maison de
Franconie (1024-1125), puis la maison de Souabe ou
de Hohenstau/én.
1" Dans la maison de Franconie, la figure mar-
quante est celle de He7iri IV (1056-1106), dont le
règne presque entier est rempli par sa lutte avec
les souverains pontifes. C'est la querelle dite des
investitures (V. Henri IV). L'empereur prétendait
nommer les évoques, le pape se réservait ce droit
et n'accordait à l'empereur que celui d'investiture
après l'élecUon ecclésiastique régulière. Cité à
comparaître devant le pape Grégoire VU, Henri IV
répond en le faisant déposer par un prétendu con-
cile à Worms. Grégoire VU lance l'excommunication
contre l'empereur ; beaucoup de ses sujets n'atten-
daient que ce prétexte pour se révolter. Henri se
soumit. Il vint humblement demander son pardon
et subir l'humiliation de Canossa (V. ci-dessous
dictée 3); mais il reprit la lutte presque aussitôt,
alla combattre les Saxons révoltés, revint soumettre
l'Italie, prit Rome et déposa le pape qui mourut
à Salerne. Henri IV se croit un moment tout-puis-
sant. Mais ses propres fils se soulèvent contre lui ; l'un
d'eux, Henri le Jeune, se met à la tête des ennemis,
le fait prisonnier et lui impose la plus humiliante
abdication. Le vieil empereur s'échappe du couvent
dingelheim et se réfugie à Liège, où il meurt dans
l'indigence (V. dictée 2).
Henri le Jeune reprend bientôt la lutte contre le
saint siège; après de longues années de guerre, la
querelle des investitures se termine par le concor-
dat de Worms : le pape donne l'investiture spirituelle
par la crosse et Vanneau ; l'empereur, l'investiture
temporelle par le sceptre (1122).
2° Avec la maison de Souabe commence une autre
lutte, qui devait durer plusieurs siècles, celle des
Gibelins et des Guelfes. Les Gibelins (par corrup-
tion de Wiblijigen, nom d'un château des Hohen-
staufen) étaient les partisans de la maison de
Souabe ; les Guelfes (de Wtlf, nom d'une famille
princière de Bavière), les adversaires de la maison
de Souabe.
En Allemagne cette lutte commence lorsque Con-
rad, duc de Hohenstaufen, est élu empereur et que
le Guelfe Henri le Superbe lui dispute la cou-
ronne ; mais elle se termine en moins de vingt an-
nées par la soumission des Guelfes, dont le dernier
descendant, réintégré dans une partie de leur héri-
tage, devint le chef de la maison de Brunswick. En
Italie, au contraire, la plupart des villes de la Lom-
bardie se déclarèrent guelfes avec l'appui des papes ;
elles résistèrent pendant un siècle aux difl'érents
empereurs gibelins (V. Italie . p. 1075.)
Les deux noms marquants de la maison de Souabe
sont ceux des empereurs Frédéric I^"' et Frédéric II.
Frédéric /"■ Barberousse (1152-1190), après une
lutte acharnée contre les villes lombardes et le pape
Alexandre III, fut vaincu à Legnano ai7G) par les
)\Iilanais dont il avait rasé la ville et obligé de venir
baiser la pantoufle du pape. Il partit ensuite pour
la 3' croisade et, moins heureux qu'Alexandre, il
périt à Tarse pour s'être baigné dans les eaux gla-
cées du Sélif.
Frédéric II (1197-1250) reprit la même lutte avec
des succès divers ; c'est déjà presque un souverain
moderne que Frédéric II. Très-savant pour l'épo-
que, ami des lettres et des arts, administrateur in-
telligent, il semble à certains égards au-dessus de ses
contemporains ; mais le malheur finit par aigrir son
caractère et lui inspira des actes de violence et de
cruauté. Il fit à contre-cœur, et parce qu'il était
forcé par ses promesses, une croisade qui ressembla
peu aux précédentes : il négocia plus qu'il ne se
battit avec les musulmans, et l'on vit ce spectacle .
étrange de deux chefs, l'un chrétien, l'autre musul-
man, Malek-Kamel, qui, poussés par un esprit de
tolérance réciproque, voulaient éviter la guerre, tan-
dis qu'autour d'eux tout respirait la haine religieuse
et la barbarie. Frédéric était excommunié, le pape
avait envoyé deux moines pour prêcher la révolte à
ses soldats ; chrétiens et musulmans furent égale-
ment mécontents de voir leurs chefs conclure un
traité de dix ans (V. Croisades). A son retour il trouva
l'Italie soulevée contre lui par le pape, fut de nouveau
excommunié et passa ses dernières années à faire
la guerre aux villes lombardes, qui lui enlevèrent
son fils dans une bataille. Accablé de fatigue et de
chaiïrin, il alla mourir àFirenzuola, dans le royaume
de Naples.
ALLEMAGNE
— 92 —
ALLEMAGNE
Le flls de Frédéric II, Conrad IV, ne put se
faire reconnaître que d'une partie de rAllemaL'ne.
Il mourut en 1254, laissant un fils en bas âge,
l'infortuné Conradin.
Un autre fils de Frédéric, M;infred, qui régnait
àNaples, fut dépouillé de la couronne par Charlis
d'Anjou. Le jeune Conradin, ayant tenté une expé-
dition contre l'usurpateur, fut fait prisonnier et
misa mort en 1268 (V. dictée 3).
V PÉiuoDE. — Le Saint-Empire depuis le grand
interrègjie jusqu'à l'avènement définitif de la mai-
son d'Autriche (1250-1438). — Pendant que la mai-
son de Souabe s'éteignait avec Conradin, l'Allema-
gne tombait dans l'anarchie. Le grand interrègne
(1250-1273), période de troubles et de guerres entre
des prétendants, se termine par l'élection de Ro-
dolphe de Habsbourg (ainsi nommé d'un château
situé en Suisse près d'Aarau). L'Autriche, la Styrie,
et la Carniole conquise par Rodolphe sur un de ses
compétiteurs furent données par lui à son fils Albert
(Ï282); c'est ainsi que la maison de Halisbourg de-
vint maison d'Autriche. Rodolphe de Habsbourg
employa les dix-huit ans de son règne à combattre
l'anarchie, à détruire les châteaux d'où les seigneurs
exerçaient toute sorte de brigandages
Son fils, Albert d'Autriche, lutta pendant plusieurs
années contre son concurrent Adolphe de Nassau,
qu'il vainquit et tua. Ce fut sous son règne que les
Suisses se rendirent indépendants (V. Suisse). Il
périt en 1308, assassiné par des conjurés dont le
chef était son neveu.
Tout le XIV* siècle est rempli par une succession
d'empereurs obscurs. Le seul grand fait d'intérêt gé-
néral est la publication, sous Charles IV de Bohême,
de la Bulle d'Or (1336). C'était une constitution qui
fixait le droit et le rang des sept seig;ieurs qui
étaient parvenus à se faire reconnaître comme les
sept électeurs de l'Empire, savoir les archevêques
de Mayence, de Trêves, de Cologne, le comte du
Palatinat ou comte palatin, le duc de Saxe, le roi de
Bohême et le margrave de Brandebourg.
Au commencement du xv* siècle, le concile de
Constance (14 1 4) met fin au grand schisme d'Occi-
dent (V.Sc/n'swies) et fait brûler vifs les précurseurs
de la Rélomie, Jean Huss et Jérôme de Prague.
VI* PÉRIODE. — L'empire d'Allemagne sous la
maiso7i d\\utr che jusqu'au traité de WestphaUe
(1438-J648). — nppnisAibertlldeHabsbourg(14 8),
la maison d'Autriche est en possession de la cou-
ronne impériale (V. Autriche). — Les principaux
faits de cette période sont l'objet d'articles dis-
tincts, en raison de leur importance générale: au
XVI* siècle, la Réforme ', la monarchie presque
universelle de Charles-Quint" ; au xvii«, la Guerre*
de Trente Ans, le Traité de WestphaUe.
VII* PÉRIODE. — L'empire d'Allemagne depuis le
traité de WestphaUe jusqu'à la dissolution de
l'empire germanique (^1648-18(16). — Faits princi-
paux : les règnes de Léopold I*"" et Joseph l^^ sont
remplis par de longues guerres contre Lo^^es XIV' ;
sous celui de Charles VI, le traité de Rastarit (l714)
consacre l'abandon des prétentions de l'empereur
sur l'Espagne (pour ses autres guerres, V. Guerre
de la succession dePologtie et, Turquie, p. 2253).
A la mort de Charles VI, malgré tous les efforts
qu'il avait faits pour assurer sa succession à sa
fille Marie-Thérèse pa'ï une Pnigmatique sanction,
s'ouvre la guerre de la succession d'Autriche, qui
se termine par le traité d'Aix-la-Chapelle (1748) et
par l'avènement à l'empire (1745) de la nouvelle
maison d'Autriche-Lorraine, en la personne de
François I't, époux de Marie-Thérèse. La guerre de
Sept Ans modifie notablement la situation intérieure
de l'empire en donnant à la Prusse un rôle qu'elle
n'avait pas jusque-là. en Allemagne. Le règne de
Joseph II (17G5- 790) appartient plus à l'Autriche
qu'à l'Allemagne ; son frère Léopold II meurt au
milieu de ses préparatifs de guerre contre la Ré-
volution française (1792). Enfin, François II, fils de
Léopold, fait pendant quatorze ans la guerre à la
République française, puis à Napoléon, est battu
partout et renonce en 1806 au titre d'empereur
d'Allemagne.
VHP PÉRIODE. — L'Allemagne jusqu'au rétablis-
sement de l'empire (ISOC-lsTl) ; et IX* période
ou période contemporaine : l'empire allemand. —
(V. ci-dessous. Formation territoriale . — V. aussi
l'article Prusse )
Il resterait à esquisser ici l'histoire de l'esprit
allemand ou de la civilisation en Allemagne. Bor-
nons-nous à rappeler que c'est vers le milieu
du xviii* siècle que commence pour l'Allemagne ce
qu'on peut appeler l'âge classique : littérature,
sciences, arts et philosophie naissent, grandissent
presque parallèlement, depuis l'époque où Klop-
stock publie les premiers chants de la Messiade
(17 '(8) jusqu'au moment où Goethe achèveson Faust,
et Schiller sQn (iuiHavme 'fU. — V. ausupplément
l'article Allemagnet\\X,iéra.\.VLre,), et dans la I^ Partie
les articles Gœtlie, Herder, Lessing. Schiller, Fichte^
Kant, etc. V. aussi PZ/i/oiop/iie (Histoire de la).
2. Formation territoriale de l'Allemagne. -~
Quelles sont les frontières naturelles de l'Alle-
magne? Elles s'étendent d'après un chant national
« aussi loin que résonne la langue allemande ».
Les géographes d'Outre-Rhin ne s'en tiennent pas
à ces limites. Leur patriotisme envahissant les re-
cule de toutes parts, au nord aux dépens des peu-
ples Scandinaves et slaves; au sud jusqu'aux Alpes
et à l'Adriatique; à l'est jusqu'aux petits Karpathes;
à l'ouest jusqu'au Jura, à l'Argonne et aux collines
de l'Artois. Quoi qu'il en soit de ces prétentions,
les frontières politiques de l'Allemagne ont souvent
changé. Essayons de résumer les principaux faits
de cette longue et difficile histoire.
I. L'Allemagne avant le saint-empire. — Sous
Charlemagne. — Après avoir été livrée, du iv* au
ix" siècle, aux fluctuations des races pendant la
grande migration des peuples qu'on appelle l'inva-
sion des Barbares, elle reçut de Charlemagne une
première organisation et fit partie du nouvel em-
pire d'Occident, qui avait pour limites au nord la
mer du Nord et l'Eider, à l'est l'Elbe, la Saale,
les montagnes de la Bohême, la Theiss, jusqu'à
son confluent avec le Danube, la Save, la Bosna et
la Narenta jusqu'à l'Adriatique.
Hoyaume d'AUemagiie (843-962). — Après le
traite de Verdun (84:!), qui consacra une première
fois, et la déposition de Charles le Gros (88«), qui
consomma le démembrement de l'empire de Char-
lemagne, l'Allemagne forma un royaume distinct,
héréditaire jusqu'à l'extinction des Carlovin-
giens (9llj, puis électif, qui eut à, subir, jusque
vers le milieu du x* siècle, les invasions des
Northmans, des Hongrois et des Slaves. En 962,
Othon le Grand, après s'être fait couronner roi
d'Italie en 95 1, alla prendre à Rome, des mains du
pape Jean XII, la couronne impériale. Ainsi com-
mença le saint empire romain, qui subsista jus-
qu'en 1806.
II. Saint-empire ROMAIN (962- 1806).— Ses accrois-
sements successifs. — Le nouvel empire d'Occi-
dent avait pour centre l'Allemagne, composée des
duchés de Franconie, de Saxe, de Bavière, de
Souabe et de Lorraine. Au dehors sa suzeraineté
s'étendait sur les États slaves de Bohème et de
Pologne et sur les royaumes de Hongrie et de Da
nemark. En 1033, l'acquisition du royaume d'Arles
Bourgogne cisjurane et transjurane) porta sa fron-
tière occidentale jusqu'au Rhône et au golfe du
Lion. Enfin les souverains d'Allemagne qui, depuis
le milieu du x» siècle, allaient prendre li Pavie la
couronne de fer des anciens rois lombards, exer-
cèrent sur l'Italie une domination toujours contes-
tée jusqu'à l'extinction de la maison de Hohenstau-
fen vers le milieu du xiu* siècle.
ALLEMAGNE
93 —
ALLEMAGNE
Commencements de lamaison de Haisbourg (Au-
triche). — Après la fin des Hohenstaufen, l'Alle-
magne se divise en une foule de petits États
laïques et ecclésiastiques, duchés, comtés, margra-
viats, évêchés souverains, à la tête desquels se
place Toligarchie des sept électeurs. Mais ils élèvent
à l'empire Rodolphe de Habsbourg (1273), et depuis
lors la maison de Habsbourg ou d'Autriche ne
cesse de grandir. L'acquisition des duchés d'Au-
triche, de Styrie, de Carinihie et de Carniole, des
comtés de Tyrol et de Ferrette, du landgraviat
d'Alsace et du Brisgau fonde sa prépondérance
territoriale en Allemagne. Elle échoue dans ses
prétentions sur les cantons suisses, mais elle hérite,
vers le milieu du xv« siècle, des vastes domaines
de lamaison de Luxembourg, c'est-à-dire des cou-
ronnes de Hongrie (Hongrie, Croatie, Esclavonie)
et de Bohême (Bohême, Moravie, Silésie, Lusace).
Depuis 1438, elle est définitivement en possession
de la couronne impériale, qui ne cessait pas toute-
fois de rester élective en principe. Enfin, en 1477,
le mariage de Maximilien avec Marie de Bourgogne
ajouta à ses domaines une partie de la Bour-
gogne et les Pays-Bas. L'avènement de Charles-
Quint y joignit l'Espagne et ses immenses posses-
sions dans les deux mondes.
La Réforme. — C'est au moment où l'extension
du saint-empire sous la direction de la maison
d'Autriche atteignait son apogée que la Réforme y
introduisit un puissant élément de division. Elle
la partagea en Allemagne catholique et Allemagne
protestante, donna une nouvelle force au principe
fcdératif et porta une première et grave atteinte au
saint-empire par la sécularisation d'un grand nom-
bre de principautés ecclésiastiques.
Cette révolution religieuse et la guerre de
Trente Ans qu'elle suscita (1618-1648) amenèrent
d'importants changements dans la constitution ter-
ritoriale et politique du corps germanique :
10 elles consacrèrent, par la paix de Westphalie,
qui termina cette guerre, le triomphe de la fédéra-
tion des États sur la monarchie impériale, en attri-
buant la souveraineté à la diète, composée des trois
collèges des électeurs, des princes et des villes
libres, et en assurant l'autonomie des États confé-
dérés, qui étaient encore au nombre de 34:5 ;
'2° elles contribuèrent puissamment à élever à côté
de la maison d'Autriche, désormais déchue de sa
toute-puissance en Allemagne et de sa prépondé-
rance en Europe, la maison de HohenzoUern
(Brandebourg-Prusse), destinée à devenir sa rivale.
Commencements de la maison de HohenzoUern
l'russe). — C^ette maison, qui ne possédait d'abord
i|ue le Brandebourg, acquit successivement : 1° ea
1614, le diic'ié de Clèves; 2° en I6i8, le duché de
l'russe, sécularisé en 15"25 par Albert de Brande-
bourg, dernier grand-maître de l'ordre teuionique
et qui fut érigé en royaume au commencement du
xviiie siècle (nOi-nui); 3° en \iiiV,,\z. Puméranie
oHentale,\' archevêché de Magdebourg et les évêchéi
de Minden, de Halberstadt et de Camin séculari-
sés; 4" en nul, le titre û& royaume et de 1703 à
1707 quelques principautés nouvelles, notamment
celle de KeuchùLel; 6° en 1 7 13, par le traité d'U-
trecht, une partie des Gueldres; 6° en 1719, la
Poméranie suédoise ; 1° en 11 iS, la. Siléiie, conquise
par Frédéric le Grand.
De son côté, la maison d'Autriche avait gagné au
traite d'Utrecht une partie de la succession d'Es-
pagne (Belgique, Lombardie, etc.).
Complices ensuite de la Russie dans le démem-
brement de la Pologne, les deux maisons rivales
d'Autriche et de Prusse s'unirent encore pour com-
battre la Révolution française.
Cette révolution et les guerres dont elle fut le
point de départ, achevèrent l'œuvre de la Réfor-
mation et de la guerre de Trente Ans : elles por-
tèrent les derniers coups au saint-empire romain.
L'annexion à la France de la rive gauclie du Rhin,
conquise en 1794 et cédée parles traités de Campo-
Formio et de Lunéville, fit disparaître Ips deux
électorats ecclésiastiques de Trêves et de Cologne,
qui furent remplacés, en 1803, par quatre nouveaux
électorats, ceux de Salzbourg (plus tard Wurtz-
bourg), Wurtemberg, Bade et Hesse-Cassel.
En 1803, les dernières principautés ecclésias-
tiques, dont le territoire formait encore la sixième
partie de l'Allemagne, furent sécularisées, une cin-
quantaine de villes libres ou immédiates, c'est-à-
dire relevant immédiatement de l'empereur, furent
médiatisé s et données en indemnité à des princes
dépossédés ; l'Autriche ne gardait donc plus que le
titre de la dignité impériale. Ce titre même allait
disparaître.
Fi7i de l'empire germanique. — La bataille
d'Austerlitz fut le coup de grâce du vieil empire
germanique. Par le traité de Presbourg (déc. lS''ô),
la Bavière, le 'W^urtemberg et le duché de Bade,
agrandis aux dépens de l'Autriche, furent érigés
les deux premiers en royaumes, le troisième "en
grand-duché.
Le IV juillet 1806, les trois nouveaux États et tous
ceux de l'Allemagne du sud formèrent, sous la
protection de Napoléon, la Co7î fédération du Rhin.
qui se déclara à jamais séparée de l'empire et
s'unit étroitement à la France par une alliance of-
fensive et défensive. Le G août de la même année,
François II abdiqua la couronne impériale d'Alle-
magne pour ne porter désormais que le titre d'em-
pereur d'Autriche.
ni. L'Allemagne de 1800 a 1870. — 1» Confédé-
ration du Rhin (1806-1813). — Après léna,
Friedland et la paix de Tilsitt (1 806-1 807), la con-
fédération du Rhin fut étendue à la Saxe érigée en
royaume, au royaume de Westphalie créé en faveur
de Jérôme Bonaparte avec les territoires enlevés
à la Prusse et avec ceux de Brunswick, de Hanovre
et de Hesse-Cassel, dont les souverains furent dé-
clarés déchus, enfin à tous les États situés au nord
du Mein. Elle comprenait alors toute l'Allemagne,
à l'exception de la Prusse et de l'Autriche, resser-
rées, l'une entre l'Elbe et la Vistule, l'autre entre
les montagnes de la Bohême, les Karpathes, l'Inn, le
Danube et la Save, limites dans lesquelles la paix
de Vienne, en 1809, allait lui enlever encore le pays
de Salzbourg, la Carinthie, la Carniole et la
Croatie.
2° Confédération germanique (1815-1866). —
Avec les traités de 1815 s'ouvre pour la constitution
de l'Allemagne une phase nouvelle. L'empire ne
fut pas rétabli. La confédération du Rhin, dissoute
en l«l3, fut remplacée par la Confédération ger-
manique, composée de 3S États souverains, aj'ant
un centre commun dans la diète de Francfort-sur-
Main. C'étaient : l'Autriche et la Prusse, qui en fai-
saient partie pour leurs possessions allemandes
Basse et Haute-Autriche, Styrie, Salzbourg,
Bohême, Moravie, Haute-Silésie, Carinthie, Car-
niole, Gorice, Istrie et Trieste, pour l'Autriche ;
Brandebourg, Poméranie, Silésie, Saxe, Westpha-
lie, Clèves-Berg et Bas-Rhin pour la Prusse ; le
royaume de Bavière remis en possession du Pala-
tinat (Bavière rhénane ; les royaumes de Saxe, de
Wurtemberg et de Hanovre, ce dernier aux rois
d'Angleterre jusqu'en 1837; le grand-duché de Bade,
la Hesse Électorale, le grand-duché de Hesse-
Darmstadt ; les duchés de Holstein et deLauenbourg,
au roi de Danemark ; le grand-duché de Luxem-
bourg et le duché de Limbourg au roi des Pays-
Bas ; les grunds-duchés de Saxe Weimar-Eisenach.dc
Mecklembourg-Schwerin, do Mecklembourg-Strelitz
et d'Oldenbourg; les duchés de Brunswick, de
Nassau, de Saxe-Gotha, de Saxe-Cobourg, de Saxe-
Meiningcn, de Saxe-Altenbourg, d'Anhalt-Dessau,
d'Anhak-Bernbourg et d'Anhalt-Cœtlien ; les prin-
cipautés de Schwarzbourg - Sondershausen , de-
ALLEMAGNE
— 94 —
ALLEMAGNE
Schwarzbourg-Rudolstadt, de HohenzoUern-He-
chingen, de Hoîienzollern-Si2;maringen, de Liech-
tenstein, de Waldeck, de Reuss branche aînée.
de Reuss branche cadette, de Schaumbourg-Lippe
et de Lippe-Detmold ; enfin les quatre villes libres
de Hambourg, Brème, Lubeck et Francfort.
L'Allemagne nouvelle, avec ses 38 États, au lieu
de 300 qui la divisaient encore à l'époque de la
Révolution, avait fait un pas considérable vers
l'unité. Mais elle était encore trop morcelée au gré
du sentiment national, qui aspirait à une plus
complète union de toutes les parties de la « patrie
allemande ». D'autre part, la diète, représentation
des gouvernements et non des peuples, et instru-
ment de l'absolutisme des deux principales puis-
sances, fut toujours impopulaire.
3° Confédération des Elats du nord (IS6G-1870).
— Aussi le nouvel ordre de choses fut-il forte-
ment ébranlé par la Révolution de )848, et ne
put il résister au choc de la guerre qui éclata en
18GC entre l'Autriche et la Prusse, par suite de
leur intervention dans le Sleswig-Holstein, et qui
se termina par la bataille de Sadowa, suivie du
traité de Prague. L'Allemagne fit alors un nouveau
progrès vers l'unité politique. L'Autriche en fut
expulsée. La Confédération germanique avec sa
diète fut dissoute et remplacée par une Confédé-
ration des États du No)'d (États situés au nord
du Main) sous l'hégémonie de la Prusse, qui s'a-
grandit du Slesvig-Holstein et du Lauenbourg con-
quis sur le Danemark, du Hanovre, de la Hesse
électorale, du duché de Nassau et de la ville de
Francfort, annexés à son territoire.
Quant aux Etats du sud (Bavière, "Wurtemberg,
Bade, Hesse-Darmstadt et Liechtenstein), libres
de former une Confédération analogue, ils n'usèrent
pas de cette faculté et s'unirent secrètement à la
Confédération du nord par des conventions mili-
taires qui placèrent dès lors toutes les forces de
l'Allemagne dans les mains de la Prusse.
IV. Empire d" Allemagne (1871). — L'unité alle-
mande, constituée virtuellement, fut consommée
et cimentée par la guerre de 1870-1871. L'Allemagne
tout entière se leva à l'appel et sous la conduite
de la Prusse. Au mois de novembre ls70, les États
du sud déclarèrent leur union avec ceux du nord,
«t le 18 janvier suivant le roi Guillaume fut pro-
clamé empereur d'Allemagne.
Le nouvel empire, agrandi de l'Alsace-Lorraine
par le traité de Francfort (lO mai l87l), se com-
pose, indépendamment de cette province annexée,
de 25 États confédérés, avec une superficie de
539 797 kilomètres carrés et une population de
42 727 360 habitants [Almanach de Gotha de 18*8).
[F. Oger.]
III. RÉCITS ET DICTÉES HISTORIQUES.
1. « Un épisode de la lutte du Sacerdoce et de
l'Empire. — Le pape Grégoire VII avait lancé l'ex-
communication contre l'empereur d'Allemagne,
Henri IV, qui avait osé y répondre en faisant dé|)0-
ser le pape. Mais ses vassaux révoltés lui signifiè-
rent qu'ils ne lui obéiraient plus s'il n'obtenait
immédiatement son absolution.
u Henri IV résolut d'aller la demander ; quelques
jours avant Noël il partit de Spire avec un mince
cortège. Grégoire VII, incertain des véritables in-
tentions de l'empereur, alla l'attendre ;\ Canossa,
château inexpugnable situé dans le duché de Mo-
dène et appartenant à la comtessse Maihilde, qu'il
appelait la fille de Saint-Pierre.
V. D'abord arrivèrent les excommuniés, qui avaient
franchi les Alpes avec mille dangers. C'étaient les
seigneurs et les évoques qui, pour complaire à
l'empereur, avaient déposé le pape au prétendu
concile de Worms. Grégoire les reçut sévèrement,
puis il sépara les évoques, leur donna à chacun
une cellule, leur interdit tout colloque et les con-
damna au jeûne.
« Après tous les autres, Henri se présenta à son
tour, demandant grâce par l'intercession de Mathilde.
Le pape se montra d'abord inflexible : il ne consen-
tait ni à l'absoudre ni même à le recevoir avant qu'il
eût déposé ses ornements roj^aux. Enfin il lui permit
d'entrer à Canossa. Mais quand l'empereur, laissant
dehors toute sa suite, eut pénétré dans la forteresse,
qui avait trois enceintes de murailles, on le fit de-
meurer dans la seconde, sans aucune marque de
dignité, nu-pieds, vêtu de laine sur la chair, et il
passa tout le jour sans manger jusqu'au soir; il
resta de même le second et le troisième jour en
attendant l'ordre du pape. Les assistants mêmes
étaient émus en voyant un si grand prince pleurer
et gémir pendant ses longues et froides nuits de
janvier. Quelques-uns s'écriaient que ce n'était plus
là une sévérité apostolique, mais la dureté d'un
tyran sans miséricorde. La porte s'ouvrit enfin, le
pape donna audience au pénitent, mais il ne le
réconcilia avec l'Église qu'à la condition qu'il se
soumettrait absolument au pape et exécuterait tous
ses ordres. L'acte fut dressé. Henri s'engagea par
serment, et à ce prix l'excommunication fut levée
(1077).
« Le lendemain, il sortit de Canossa absous, mais
déjà parjure. Avant même de rentrer en Allemagne,
il avait de nouveau déclaré la guerre au pape. » —
(D'après Ruelle et H. Bréholles, Histoire du moyen
âge).
2. « Dernières années de l'empereur Henri IV
d'Allemagne, — Jamais prince ne fut plus cruelle-
ment puni de son orgueil et de ses fautes que l'em-
pereur d'Allemagne Henri IV. Excommunié par le
pape, abandonné de la plupart de ses sujets, il eut
encore la douleur de voir son propre fils, son en-
fant de prédilection, Henri le Jeune, se mettre à la
tête des révoltés et lui faire la guerre.
« Trahi par tous, errant de ville en ville, l'empe-
reur se soumet enfin au jugement delà diète convo-
quée à Mayence pour le jour de Noël. Mais son fils
ne veut pas qu'il y paraisse, craignant que sa vue
ne ranime les sentiments d'une fidélité mal éteinte.
Il obtient une entrevue de son père, le trompe par
des larmes hypocrites et offre de le conduire lui-
même à la diète. En chemin, il décide son père à
s'arrêter dans un château, où il le retient prisonnier.
Là il l'oblige à déposer tous les insignes de la
royauté, la croix, la couronne, la lance, le sceptre
et le globe. Mais ce n'était pas assez. On transféra
le malheureux empereur au couvent d'Ingelheim et
il comparut devant une assemblée d'où se trou-
vaient exclus tous ceux dont la pitié était suspecte.
« Comme on l'avait déjà plusieurs fois menacé de
la mort s'il n'exécutait promptement tout ce qu'on
voulait, il fit en cette occasion ce qu'on exigeait de
lui, il assura que c'était de son plein gré qu'il ab-
diquait, se sentant désormais incapable de gouver-
ner l'empire. Il recommanda son fils à l'assemblée;
il demanda pardon à tous ceux qu'il pouvait avoir
offensés ; il se prosterna même aux pieds du car-
dinal et lui demanda humblement l'absolution;
mais celui-ci refusa, disant qu'au pape seul appar-
tenait le droit de l'absoudre ; enfin il vit son fils
couronné par les légats du pape et proclamé solen-
nellement. Cela fait, on le laissa presque seul, en
lui défendant de sortir.
u Mais le vieil empereur réussit bientôt à s'é-
chapper; il se rendit à Cologne, où il fut reçu,
non comme un exilé, mais comme un roi. Il se
réfugia ensuite à Liège, sous la protection de l'évê-
que de cette ville et du duc de Basse-Lorraine,
Henri de Limbourg. De là il écrivit à tous les prin-
ces, et en particulier au roi de France, des lettres
touchantes où il racontait ses malheurs. Philippe 1''
n'osa prendre la défense d'un excommunie.
« Réduit à quelques vassaux fidèles, et vaillam-
ALLEMAGNE
— 95 —
ALLEMAGNE
ment défendu par Henri de Limbourg, il tenta un
dernier effort pour obtenir justice et obliger «on
fils à cesser les hostilités. Il écrivit aux seigneui-s
pour les supplier au nom de Dieu et de l'Église de
ne pas prêter secours à ce fils rebelle. Mais cet
appel ne fut point entendu, et Henri le Jeune ne
répondit que par un manifeste insolent. Le parri-
cide était consommé. L'empereur, après avoir mis
ses bottes en vente pour se procurer du pain, après
avoir supplié l'évêque de Spire de le recevoir com-
me clerc dans son église (ce qui lui fut refusé^,
mourut de douleur el presque de faim (" août l lOB);
avant d'expirer, il envoya son épée à son fils avec
ces mots : « Voilà tout ce que vous m'avez laissé. »
Ce fut son seul reproche. Ce fils dénaturé ne fut point
ému. Comme le chapitre de Lié^e avait fait célé-
brer magnifiquement les funérailles du défunt, il
exigea que le cercueil fût déterré et déposé hors
d'un lieu saint jusqu'à ce que l'excommunication
eût été levée. Le corps de Henri IV demeura cinq
ans à la porte de l'église de Spire avant d'obtenir
une place dans le tombeau de ses aïeux. » — (D'a-
près Ruelle et BréhoUes, Histoire du moyen âge.)
3. « Le dernier des Hohenstaufen. — L'empe-
reur d'Allemagne Frédéric II était mort (12.50). Ses
fils étaient morts aussi ; il ne restait de la maison
de Souabe que le petit-fils de Frédéric, le jeune
Conradin. Il avait quinze ans. Il entreprit de dis-
puter le royaume de Naples au conquérant fran-
çais qui s'en était emparé, le terrible Charles
d'Anjou. Il marcha résolument à sa rencontre. A
Rome, il fut conduit au Capitule par une foule
immense, harangua le peuple romain et l'institua
son héritier s'il succombait dans sa périlleuse
entreprise. Charles l'attendit auprès dupetitbourg
de Tagliacozzo, dans le royaume de Naples. La ba-
taille fut livrée le 23 août 126S. L'armée gibeline
fut entièrement défaite. Conradin parvint à s'échap-
per avec son cousin Frédéric d'Autriche ; il vou-
lait gagner la mer et s'embarquer pour la Sicile.
Mais il offrit aux mariniers une bague d'un grand
prix pour avoir une barque. Cette imprudence fit
reconnaître les fugitifs. Un seigneur à qui ils
demandèrent l'hospitalité, se voyant assiégé par les
amis de Charles d'Anjou, livra les proscrits pour
échapper à la ruine.
« L'implacable vainqueur fit comparaître le
jeune prince devant un tribunal choisi par lui.
Charles lui-même prit le rôle d'accusateur. Toute-
fois un jurisconsulte ne craignit pas de présenter
la défense de Conradin. Quand on recueillit les
avis, un seul juge. Provençal de nation, vota la
mort; les autres se turent. Le roi confirma la
sentence, et fixa l'exécution au lendemain.
« Les deux cousins jouaient aux échecs lors-
qu'on vint leur annoncer l'arrêt qui les frappait.
Le lundi -.9 octobre au matin, ils firent leur testa-
ment et furent conduits avec dix autres seigneurs,
leurs compagnons de captivité, sur la place du
Marché à Naples. Ils entendirent la messe dans
une petite chapelle desservie par des frères du
Mont-Carmel. L'échafaud était dressé à l'angle de
la place, en vue de cette baie enchantée où le
malheureux enfant avait espéré régner comme ses
pères. Charles, entouré de toute sa cour, voulut
être présent à l'exécution.
« Après avoir entendu lire sa sentence, Conra-
din détacha son manteau, se mit à genoux pour
prier, et se relevant, il dit : « Ah ! ma mère ! quelle
déplorable nouvelle vous recevrez de moi. w Se
tournant ensuite vers le peuple, il jeta son gant
dans la foule comme pour appeler un champion
et tendit son cou au bourreau.
• • Quand il vit tomber cette tête si chère, Fré-
déric d'Autriche « poussa un rugissement terrible
et mourut sans demander pardon à Dieu », dit
un vieux chroniqueur. Ce fut ensuite le tour des
Jiunes nobles.
a Cette sanglante, tragédie frappa vivement
l'esprit dos hommes. On prétendit qu'au moment
de l'exécution de Conradin, un aigle était descendu
du haut des cieux jusqu'à terre, qu'aux yeux de
tout le peuple il avait trempé son aile droite dans
ce sang généreux et était aussitôt remonté dans
les airs. C'était l'aigle de Souabe qui disparaissait
pour toujours. En efl'etles destinées de cette illustre
maison étaient accomplies. » — (D'après Ruelle
et Huillard-BréhoUes, Jïis<oirec/w moyen âge.)
4. « La ligue hansêatique. — Les villes de Ham-
bourg et de Lubeck avaient conclu en 124 1 un
traité pour leur défense commune contie les pi-
rates de la Baltique et contre les princes voisins ;
d'autres villes de commerce entrèrent bientôt dans
cette alliance, qui s'appela la ligue hanséaiique ou
la hanse, d'un mot allemand qui signifie associa-
tion.
c( Au XIV* et au xv* siècle, la ligue hansêatique,
composée de quatre-vingts villes, occupait tous les
rivages septentrionaaux de l'Allemagne et s'éten-
dait sur ceux des Pays-Bas. Elle fut jusqu'au xvi*
siècle la puissance dominante du nord. La salle
immense de Lubeck, où se tenaient ces assemblées
générales de la Hanse, atteste encore la puissance
de ses souverains. Ils avaient uni par d'innombra-
bles canaux l'Océan, la Baltique et la plupart des
fleuves du nord de l'Allemagne. Mais leur principal
commerce était maritime. Les comptoirs hansêati-
que de Londres, de Bruges, de Bergen, de Novogorod
étaient analogues sous plusieurs rapports aux facto-
reries des Vénitiens et des Génois dans le Levant;
c'étaient des espèces de forts. Les commis ne pou-
vaient s'y marier, de peur qu'ils n'enseignassent le
commerce et les arts aux indigènes. Ils n'étaient
reçus dans certains comptoirs qu'après des épreu-
ves cruelles qui garantissaient leur courage. Le
commerce se faisait encore presque partout les
armes à la main. Si les gens de la Hanse appor-
taient à Novogorod ou à Londres du drap de Flan-
dre trop grossier, trop étroit ou trop cher, le peu-
ple se soulevait et en assommait quelques-uns.
Alors les marchands menaçaient de quitter la ville,
et le peuple alarmé en passait par où ils voulaient.
Les habitants de Bruges ayant tué quelques hom-
mes de la Hanse, elle exigea, pour rétablir son
comptoir dans cette ville, que plusieurs bourgeois
fissent une amende honorable, et que d'autres al-
lassent en pèlerinage à Saint-Jacques de Compos-
telle et à Jérusalem. En effet, la punition la plus
terrible que les Hanséatiques pussent infliger à
un pays, c'était de n'y plus revenir. Lorsqu'ils n'al-
laient pas en Suèda, les habitants manquaient de
de drap, de houblon, de sel et de hareng; dans les
révolutions, le paysan suédois était toujours pour
ceux qui lui fournissaient le hareng et le sel. Aussi
la Hanse exigeait-elle des privilèges excessifs ; la
plupart des villes maritimes de Suède laissaient
occuper au moins la moitié de leurs magistratures
par des Hanséatiques. » (Michelet. Précis d'Histoire
moderne.)
6. L'Allemagne jugée par Edgar Quinet eu
1831. - Edgar Quinet écrivait, dès i8:il. ces pa-
roles en quelque sorte prophétiques : « Il est un
pays qui nous a toujours trompés dans nos juge-
ments. Toujours nous l'avons cherché à un demi-
siècle de la distance où il était réellement, tant
son génie est peu conforme au nôtre et nous
donne peu de prise pour le saisir. Son mouvement
sourd et tout intérieur se dérobe incessamment à
nous et ne se laisse apercevoir que longtemps
après qu'il est fini. Je parle du mouvement des
nations germaniques.
« Nous nous représentons encore l'Allemagne
telle que la dépeignait madame de Stacl, un pays
d'extase, un rêve continuel, un enivrement de
théorie : voilà pour les classes éclairées; puis des
sympathies romanesques, un enthousiasme ton-
ALLIAGE
— 96
ALLIAGES
jours prêt, voilà pour les générations nouvelles ;
puis une vie de patriarche, des destinées qui
coulent sans bruit comme les flots du Rhin et du
Danube, mais point de centre nulle part, point de
lien, point d'esprit, point de force nationale.
« Par malheur, tout cela est change?.
« L'Allemagne est guérie de ses rêves cosmo-
polites... Les faits l'ont trop rudement meurtrie
dans ses chimères ; il ne lui en reste plus, à vrai
dire, qu'une amertume sans bornes.
«... En Prusse surtout l'ancienne impartialité a
fait place à une nationalité irritable et colère. Le
gouvernement de la Prusse donne à l'Allemagne
ce dont elle est aujourd hui le plus avide, l'action.
la vie réelle, l'initiative sociale ; il satisfait outre
mesure son engouement subit pour la puissance
et la force matérielle... Les libertés locales elles-
mêmes ne sont plus en première ligne dans les
besoins du pays. Elles ne peuvent logiquement
exister et se développer qu'à la condition d'avoir
pour fondement l'unité politique de l'Alle-
magne.
« Oui, l'unité, voilà la pensée profonde, conti-
nue, nécessaire, qui travaille ce pa3^s et le pénètre
en tous sens. Religion, droit, commerce, liberté,
despotisme, tout ce qui vit de l'autre côté du Rliin
pousse à sa manière à ce dénoûment.
o... Napoléon acheva de rallier l'Allemagne. En
l'écrasant, il a ranimé chez elle la nationalité as-
soupie. Incertaine et poétique, marchant à l'aven-
ture dans un cercle enchanté, l'Allemagne n'est
venue à se connaître et à sortir de son sommeil
pour ouvrir les yeux au monde réel que depuis
qu'elle s'est heurtée contre le vainqueur d'Iéna et
de 'Wagram. Alors elle a commencé à comprendre
ce qu'elle pouvait valoir.
«... La forme illusoire de la diète germanique
tend à s'absorber un matin, sans bruit, dans une
représentation constitutionnelle de toutes les
souverainetés locales... Déjà les assemblées poli-
tiques sont occupées à un contrat d'union pour
l'abolition des frontières de douane ; déjà l'une
d'elles a voté ce contrat, dont la conséquence
immédiate est de conférer à la Prusse le protec-
torat matériel de tout le reste des nations germa-
niq,ues.
a Ainsi, voilà l'unité du monde germanique que
tout sert à relever. Cette unité n'est point un
accord de passion que le temps détruit chaque
jour : c'est le développement nécessaire de la ci-
vilisation du nord. Jusqu'ici nous n'avions guère
compté que la Russie et les peuples slaves; nous
avions omis cette race germanique qui commence,
elle aussi, à entrer à grands flots dans l'histoire
contemporaine. Nous n'avions pas songé que tous
ces systèmes d'idées, cette intelligence depuis
longtemps en ferment, et toute cette philosophie
du nord qui travaille ces peuples, aspireraient
aussi à se traduire en événements dans la vie po-
litique, qu'ils frapperaient sitôt à coups redoublés
pour entrer dans les faits et régner à leur tour
sur l'Europe actuelle.
« Nous admirions naïvement le mouvement des
idées allemandes.., et voilà que ces idées se sou-
lèvent en face de nous comme le génie même d'une
race d'hommes ; et cette race elle-même se range
sous la dictature d'un peuple, non pas plus éclairé
qu'elle, mais plus avide, plus ardent, plus exi-
geant, plus dressé aux affaires. Elle se charge de
son ambition, de ses rancunes, de ses rapines, de
ses ruses, de sa diplomatie, de sa violence, de sa
gloire, de sa force au dehors... Oui, l'Allemagne
fait de la Prusse son instrument, et si on la laissait
faire, elle la pousserait lentement et par derrière
au meurtre du vieux royaume de France. » —
(Edgar Quinet, Allemagne et Italie, 18:51.)
ALLIAGE (Règle d'). — Arithmétique, XLV.—
Type du calcul à effectuer pour résoudre un des
problèmes suivants : I ° Étant donnés le poids et
le thre de deux lingots d'un métal fin (or ou argent),
trouver le titre de l'alliage résultant de laréunion
de ces deux lingots. 2" Étant donnés les titres des
deux lingots, trouver la quantité qu'il faut prendre
de chacun d'eux pour former un alliage dont le
titre et le poids sont donnés.
I. Supposons, par exemple , gu'o7i allie 2500
grammes d'or hollandais, an titre de 0,983, avec
3000 grammes d'or des île>: es),agnoles, au titre de
0,8" 5; quel sera le titre de l'alliage?
Chaque gramme du premier lingot contient
06'',983 d'or pur, les 250j grammes en contien-
nent donc Os',983 X 25n0, c'est-à-dire 24o7s%50.
Chaque gramme du second lingot contient 0^,87»
d'or pur; les 300' grammes en contiennent donc
0°',875 X 3000, c'est-à-dire 262 .grammes. La quan-
tité d'or pur contenue dans l'alliage sera la somme
de ces deux nombres, ou bW2^',h. D'ailleurs le
poids de l'alliage sera 2500s'' -t- 30,)0 grammes, ou
55nO grammes ; on aura donc le titre de cet alliage
en divisant le poids d'or pur par le poids total,
c'est-à-dire 5082°',5 par 55'JO grammes, ce qui
donne 0,024.
On déduit de cet exemple que. dans les pro-
blèmes de ce genre, qui sont des problèmes directs,
il faut niuttipl er le /oids de chaque lingot par son
titre, faire fa s mme des produit^, et diviser cette
somme par le poids total des lingots.
La règle serait la même, quel que fût le nombre
des lingots.
II. On a de l'argent au titre de 0,800 et
de l'argent au titre de 0,900; combien faut-il
prendre de l'un et de l'antre pour former 600
grammes d'argent au titre 0,835?
Cherchons dans quel rapport les 600 grammes
devront être partagés. Sur chaque gramme, au
titre 0,nOÛ, il manquera 0s^035 pour atteindre le
litre demandé. Sur chaque gramme au titre de
O.ildO, il y aura au contraire 0^', 065 de trop. On com-
pensera ce qui est en moins et ce qui est en trop
en prenant des quantités des deux métaux en raison
inverse des nombres 0,035 et 0,065, c'est-à-dire en
raison inverse des nombres 7 et 13. Il faut donc par-
tager 600 dans le rapport de 7 à 13, ce qui donne
600^. I et 600^'. ^,
ou 210 grammes et 390 grammes. On devra donc
prendre 390 grammes du premier métal et 210
grammes du second.
On voit que, pour résoudre les problèmes de ce
genre, il [smX pre idre l'excès du taux le plus élevé
sur le taux mogen, et C excès du taux moyen sur le
taux le moins élevé, puis pai tager le poids donné
de Valliage en raisoii inverse de ces deux diffé-
rences.
III. On peut encore avoir à résoudre un problème
tel que le suivant : On a \ 200 grammes d'ai'gent
au titre de (',900 ; combien faut-il y ajouter de
cuivre pour former un alliage au titre de 0,835 ?
Chaque gramme d'argent à 0,900 contient 0»',065de
trop; les 1200 grammes contiennent donc en trop
I ",065 X 1200, c'est-à-dire 78 grammes. Quant au
cuivre, il est considéré comme sans valeur; chaque
gramme de cuivre contiendra donc 0*',835 de moins.
II faut donc répéter 05',83S un nombre de fois tel
que le résultat soit 78 grammes, c'est-à-dire qu'il
faut diviser 78 par 0,fs35, ce qui donne 93«f,413
pour le poids du cuivre à ajouter.
Dans tous les problèmes où le litre des métaux
fins n'entre pas, la règle d'alliage se confond avec
la règle de mélange. — V. Mélanges {liègle de).
[H. Sonnet.J
ALLIAGES MÉTALLIOIES. — Chimie XX
[Etym. : Dérivé du verbe allier, comme alliance,
mais dans le sens exclusivement de l'union des
métaux par la fusion en commun.)
ALLIAGES
~ 97 —
ALLUVIONS
Les alliages sont des substances métalliques ré-
sultant de la fusion de deux ou plusieurs métaux
ensemble. Les alliages qui contiennent du mercure
s'appellent des ainalgames.
Le plus souvent les alliages ne présentent rien
de précis quant aux proportions des métaux qui
les constituent, de sorte que ceux-ci paraissent pou-
voir s'unir en toutes proportions ; mais ce n'est là
qu'une apparence : chaque fois que deux métaux
s'allient, c'est toujours suivant des proportions dé-
terminées et fixes; seulement il arrive presque tou-
jours que l'alliage formé reste mélangé dans des
proportions diverses à l'un des métaux en excès.
Lorsque la masse fondue se solidifiera, il pourra
arriver que ces divers produits se séparent, chacun
d'eux se solidifiant à la température qui lui con-
vient et présentant le phénomène connu sous le
nom de liqwitioji; on l'utilise dans la métallurgie
pour séparer l'argent du cuivre, et dans la fonte
des canons on cherche à l'éviter.
Propriétés des alliages. — En général, l'alliage
participe aux propriétés des métaux qui le consti-
tuent ; mais tantôt il a ces propriétés à un plus haut
degré, tantôt à un degré moindre.
Ductilité. — Les alliages des métaux cassants
sont toujours cassants, à moins qu'ils ne renfer-
ment une très grande proportion d'un métal ductile ;
et encore, si celui-ci est de l'or, l'alliage sera tou-
jours cassant. L'or est rendu cassant par 1/1900' de
plomb ou d'antimoine.
La ductilité d'un alliage peut changer avec la
température. Le laiton, qui est formé de zinc et de
cuivre, et qui est si ductile à froid, est cassant à chaud.
Densité. — La densité d'un alliage est tantôt
moindre, tantôt plus grande que la moyenne de
ses métaux; par la comparaison de leurs densités,
on peut approximativement déterminer les propor-
tions des métaux constituants.
Fusibilité. — Les alliages sont toujours plus fu-
sibles que le moins fusible des métaux combinés et
souvent plus fusibles que chacun d'eux; tel est. par
exemple, V alliage fusible de Darcet, formé de plomb,
de bismuth et d'étain et qui fond dans l'eau bouil-
lante.
Dureté, élasticité. — Ils sont souvent plus durs et
moins tenaces que les métaux qui y entrent. Enfin,
d'après JI. Wertheim, l'élasticité d'un alliage serait
en général moyenne entre celles de ses métaux.
Oxydation. — Les alliages sont moins oxydables
que leurs métaux. Cependant, si l'un de ceux-ci en
s'oxydant peut passer à l'état d'acide et l'autre à
l'état de base, l'oxydation de l'alliage est plus rapide
que celle des métaux isolés. Quand on chaufl'e à
l'air un alliage formé de deux métaux très inégale-
ment oxydables, l'un s'oxyde, l'autre reste pur, et
on arrive ainsi à les séparer complètement. C'est là
le principe de la méthode d'analyse chimique
connue sous le nom de coupellation et par laquelle
on sépare l'argent du plomb.
Utilité des alliages. — Ce que nous venons de
dire des propriétés dos alliages suffit pour en faire
apprécier l'importance pratique, puisque ces corps
forment de véritables métaux que l'on peut pour
ainsi dire créer à volonté. Un grand nombre de mé-
taux ne peuvent être employés purs, soit parce
qu'ils sont trop durs, trop cassants, trop mous,
soit parce qu'étant trop oxydables ils ne peuvent
être conservés à l'air. En les alliant dans des pro-
portions convenables, on modifie utilement leurs pro-
priétés. Ainsi l'or et l'argent ne pourraient être
employés dans la bijouterie et dans la fabrication
des monnaies s'ils n étaient unis à une petite quan-
tité de cuivre, qui leur donne une dureté indispen-
sable. Pour la fabrication des canons, il faut un
métal non cassant, dur, résistant, pouvant être
moulé et travaillé au tour. Aucun métal pur ne
réunit ces qualités à un degré convenable.
Mais si on unit 10 p. 100 d'étain à 90 de cuivre, on
2e Partie.
obtient le bronze, qui sert avantageusement à la
fabrication des canons jaunes de notre artillerie
moderne. Ce même bronze sert à faire des statues,
des candélabres, etc.
L'imprimerie, pour la fonte de ses caractères, a
besoin d'un métal assez dur, non cassant, facilement
fusible, qu'on obtient en fondant 20 parties d'anti-
moine avec 80 de plomb.
Préparation des alliages. — La plupart du temps
les alliages s'obtiennent tout simplement en fon-
dant ensemble les métaux que l'on veut unir, quel-
quefois en ajoutant l'un d'eux au premier déjà fondu;
enfin on les prépare en mélangeant les oxydes
des métaux à allier et en les désoxydant ensuite par
le charbon. Avant de couler un alliage il faut toujours
avoir soin de brasser le bain, afin de lui conserver
la plus grande homogénéité possible ; sans cela la
partie inférieure de la pièce obtenue serait plus
chargée du métal le plus pesant. Le meilleur
moyen d'empêcher la séparation partielle des mé-
taux pendant le refroidissement, c'est de l'accélérer
au point que l'alliage se solidifie presque aussitôt
qu'il est coulé.
composition de quelques alliages et données
POUR des problèmes.
( Or
Monnaies.
Bijouterie d'or
Monnaies d'argent. . . .
(pièces de .j', J, 1^).
Monnaies d'argent....
(pièces de 0f,50,0f,20.
'Vaisselle et médailles
d'argent
Bijouterie d'argent. . . .
Bronze des monnaies
et des médailles. . . .
Bronze des canons. . . .
Bronze des cloclies
CuivTe . . . ,
Or
Cuivre . . . ,
Argent. . . ,
Cuivre . . . .
^ Argent.. . .
\ Cuivre ...
Argent. . .
Cuivre ...
Argent.. .
Cuivre . . .
Cuivre ...
Étain ....
Zinc .....
Cuivre . . .
900
lOD
750
2o0
900
100
835
1-35
950
50
800
200
95
4
1
90
Étain 10
Chrysocale.
Laiton ou cuivre jaune .
Mdillechort.
Métal anglais
Caractères d'imprime-
rie
Mesures d'étain
Cuivre . .
) Étain . . .
i Cuivre . .
( Zinc
Cuivre . .
Zinc . . ...
Cuivre . .
Zinc ....
Nickel...
Éiain 100
Antimoine. 8
Bismuth. . . 1
Plomb 80
Antimoine. 20
Étain 82
Soudure des plombiers.
Alliage de Darcet, fusi-
ble à 90"
Plomb . . ,
Étain
Plomb . .
Bismuth.
Plomb...
Étain . . . ,
18
67
33
8
5
3
[A. Jacquemart.]
ALLUVIO?fS .—Géologie, IX — On donne le nom
d'aliuvions aux dépôts sédimentaires qui reposent
sur les couches les plus récentes du terrain ter-
tiaire.
Leur compositioîi. — Ces dépôts sont formés de
sables, de cailloux roulés, de galets et de limon va-
seux, de toutes les matières arrachées au sol par les
eaux courantes, variant par conséquent avec la na-
ture minérale des contrées qui les fournissent et
transportées par ces eaux à des distances plus ou
moins considérables.
Deux couches d'aliuvions. — Ces couches allu-
7
ALLUVIONS
— 98 —
ALPES
vîales ne présentent aucune règle de superposition
constante, mais on a pu néanmoins établir qu'elles
appartiennent à deux époques bien distinctes : les
unes, déposées pendant l'époque quaternaire —
V. Quaternaire {Terrain) — ont été désignées par
les anciens géologues sous le nom de terrain di-
luvien ou de diluvium, parce qu'on attribuait leur
production à de violents cataclysmes qu'on ratta-
chait à la tradition d'un déluge universel ; les au-
tres, plus récentes, ont reçu le nom de terrai7i
posti/iluvien, ou terrain de transport de l'époque
actuelle.
I. Terrain diluvien. — Les couches diluviennes,
composées de fragments de roches de toute espèce
mêlées à des sables, des argiles et des marnes,
sont caractérisées par les énormes fragments de
roches qui les accompagnent presque toujours, et
qu'on nomme hlocs erratiques *. Les géologues qui
attribuaient la formation des dépôts quaternaires
à un déluge, avaient essayé d'expliquer le trans-
port de ces blocs à la hauteur considérable où on
les trouve par l'action de courants extrêmement
rapides. Mais cette hypothèse a dû être abandon-
née ; la plupart des blocs erratiques ont conservé
des arêtes vives qui prouvent qu'ils n'ont pas été
charriés par les eaux, il est. aujourd'hui reconnu
que le transport des blocs erratiques, ainsi que le
creusement de certaines vallées et le dépôt de la
plupart des limons appelés iœ.^s sont dus à l'action
des glaciers qui, durant l'époque quaternaire, ont
couvert une gramie partie de l'Europe (V. Illocs
erratiques et Glaciers). On a également renoncé à
l'hypothèse d'un cataclysme pour expliquer les au-
tres phénomènes de cette époque : la science mo-
derne admet que les mêmes causes qui agissent
encore aujourd'hui sous nos yeux pour modifier le
relief de la surface terrestre ont sufli pour produire
tous ces résultats. — V. Quateriiaire (Terrain).
C'est au terrain diluvien qu'on rapporte les gîtes
stannil'ères du Cornouailles (minerai d'étain), les dé-
pôts auro-platinifères exploités sur le versant occi-
dental des monts Oural, et tous les dépôts gemmi-
fères formés de cailloux roulés, dans lesquels on
rencontre divers métaux précieux qu'accompagnent
l'émeraude, la topaze, le corindon et le diamant.
Les alluvions anciennes renferment un grand
nombre d'ossements fossiles appartenant à des es-
pèces dont certaines ont disparu, tandis que
d'autres sont encore représentées de nos jours, soit
dans les mêmes contrées qu'elles habitaient p i-
mitivement, soit dans des régions différentes.
En Europe vivaient des mastodontes, des élé-
phants, parmi eux le mammouth ou Elephas primi-
genius, animal remarquable par sa taille, la lon-
gueur de ses défenses et la toison dont il était re-
couvert; ce continent était également peuplé de rhi-
nocéros,d'hippopotames et de nombreux carnassiers.
En Amérique, on a trouvé des ossements de
grands édentés, le mégathérium, 'e mylodon, le
mégalonyx et des tatous gigantesques.
Enfin, l'Australie a fourni des débris de marsu-
piaux bien supérieurs par la taille à ceux qui y
vivent de nos jours. C'est encore aux alluvions an-
ciennes qu'on rapporte une partie des dépôts ossi-
fères que renferment certaines cavernes et cer-
taines brèches, soit que ces ossements y aient été
abandonnés par les eaux qui traversaient ces ca-
vernes ou se précipitaient dans les brèches, soit
que les cavernes aient été habitées par les ani-
maux dont on retrouve les restes.
2. Terrain PosTDiLuvitN. — Le deuxième étage
des couches alluviales, ou terrain postdiluvien,
a pour origine, ainsi que le diluvium proprement
dit, des actions érosives analogues à celles (|ue
l'on constate de nos jours; il présente des pro-
duits très variés résultant, en général, de la désa-
grégation de toutes sortes de ruches.
L'atmosphère, la pluie, la gelée jouent le princi-
pal rôle dans cet incessant travail de désagréga-
tion. C'est à l'action de ces agents que sont dus les
éboulis qu'on remarque au pied des escarpements
des montagnes et des falaises que bat la mer.
D'un autre côté, nous voyons les cours d'eau char-
rier et déposer des sédiments, soit sur le fond des
vallées traversées par eux, soit à l'embouchure de
ces cours d'eau, soit enfin dans la mer; c est ainsi
que s'expliquent les deltas plus ou moins consi-
dérables et les îles nouvelles qui se forment.
Les mers,en déversant sur les plages basses qui
les encadrent les sables qu'elles tiennent en sus-
pension, ou en abandonnant sur certains points
les amas de galets qu'elles roulent, donnent nais-
sance aux dunes et aux écueils.
Parmi les dépôts marins, les plus remarquables
sont ceux que I on désigne sous le nom de récifs,
et qui sont le résultat des sécrétions calcaires de
certains mollusques qui vivent en famille, et sur-
tout de polypiers .
C'est encore à ce deuxième étage qu'on rap-
porte les dépôts de tufs calcaires ou travertins, les
sécrétions calcaires ou siliceuses que déposent
certaines sources minérales, ou celles qui se
forment par suintement dans les grottes et ca-
vernes et qu'on appelle stalactites. Enfin, c'est
dans les eaux marécageuses et stagnantes de ce
deuxième étage que nous voyons se former la.tuurlie.
Les cavernes de cet étage renferment souvent,
comme celles du premier, des ossements de mam-
mifères; beaucoup d'entre eux appartiennent h des
des espèces aujourd'hui domestiquées, au nombre
desquelles se place, en première ligne, le renne,
qui habitait à cette époque l'Europe centrale.
La présence de l'homme, déjà indiquée dans le
diluvium par les découvertes d'ossements humains
trouves dans les couches de cet étage, se manifeste
dans les alluvions récentes par de nombreux dé-
bris, soit de son squelette, soit de son industrie. -Jf-,
On a trouvé dans différentes stations des quan-
tités prodigieuses de silex taillé, des pointes de
flèches, des haches, des objets faits en os et des
bois de renne, sur lesquels l'homme a gravé
l'image des animaux au milieu desquels il vivait.
En remontant la série des couches, on trouve non
plus des silex taillés à facettes, mais des pierres
polies, et plus haut encore des instruments en
bronze et en fer. — V. Pré/tistorujiic>\ {Popula-
tions). [R. Boulart.]
ALPES. — Géographie générale, VII et XV;
Géographie de la France, I. — 'Étym. : du celtique
alp, roche escarpée, d'après Littré.)
1. Coup d'oeil général. — Aspect des Alpes. —
Les Alpes sont les plus hautes montagnes de l'Eu-
rope centrale, et la limite de sépai-ation entre l'I-
talie d'une part, la France, la Suisse et l'Autriche
de l'autre. Leurs massifs puissants ne couvrent
pas moins de 250 000 kilomètres carrés (c'est-à-
dire une surface égale à la moitié de la France),
entre la Méditerranée et le Danube. Des centaines
de cimes s'y dressent majestueusement à 3 et
4000 mètres d'altitude, et les nuages qui s'y
précipitent y donnent naissance aux fleuves
les plus importants et les plus grands de l'Eu-
rope, après ceux de la Russie. Leurs eaux, trou-
blées par les débris qu'elles emportent au début
de leur course torrentielle, s'épurent ensuite dans
de magnifiques lacs, assez profonds pour ne rien
perdre de leur limpidité par ces apports, et assez
étendus pour constituer des réservoirs capables de
régulariser en aval ces cours d'eaux jusque-là si
capricieux. Et si les pluies et les neiges venaient à
cesser, si les lacs qui baignent le pied des Alpes
venaient à se vider, les glaciers suspendus à leurs
flancs contiennent encore assez d'eau congelée
pour alimenter pendant plusieurs années par leur
fusion le débit de toutes ces rivières.
Les Alpes ne sont pas seulement un des plus
ALPES
— 99
ALPES
grands réservoirs d'eau du moide ; c'est une li-
mite entre deux climats bien opposés. Lorque.
quittant les chaudes plaines de la Lombardie, où
les vignes, pendues en festons aux arbres, se cou-
vrent de fruits délicieux, où fleurissent les plantes
les plus délicates, où les oranges même mûrissent
dans quelques coins bien abrités du lac do Cûme ou du
lac Majeur, on s'élève successivement à travers les
vignes, les noyers, les châtaigniers qui garnissent
les pentes de la montagne, on traverse une région
qui n'a pas sa pareille sur le versant suisse. Aux
châtaigniers succèdent les sapins et les hêtres,
puis les ai'bres se rabougrissent sous un climat
plus rigoureux et finissent par disparaître. Le sol
porte encore des pâturages, grâce aux nuages qui.
suivant les parois de la montagne, s'y condensent
en mille ruisseaux. Plus haut on ne trouve que des
mousses et des lichens pareils à ceux du Spitz-
berg ou du Groenland, puis tout s'efface sous un
blanc linceul de neige qui ne disparaît jamais.
La vie renaît au fur et à mesure qu'on redes-
cend la pente opposée. On revoit des pâturages,
des sapins, puis des noyers. Mais la vigne ne mûrit
au nord des Alpes que sur quelques coteaux par-
ticulièrement favorisés par leur exposition et, au
lieu des riches guérets de la vallée du Pô, la Suisse
ne produit même pas assez de céréales pour sa
consommation.
Mais si les Alpes ont dans tous les temps formé
une frontière entre des peuples différents par le
climat où ils vivaient, par leurs races, leurs mœurs
et leurs aptitudes, — autrefois les Romains, les Gau-
lois et les Germains ; aujourd'hui les Italiens, les
Suisses, les Allemands, les Slaves de l'Autriche
méridionale, — leurs cimes offrent des panoramas
si merveilleux, leurs fraîches vallées, leurs lacs en-
chanteurs ont tant de charmes, que l'on s'y donne au-
jourd'hui rendez-vous de tous les points du monde :
et nulle part ailleurs on ne saurait rencontrer au-
tant de nationalités différentes réunies sous le
môme toit.
Les trois zones des Alpes relativement à leur
altitude. — Sur le versant méridional, la limite des
Alpes est bien déterminée : elles se dressent sur
la plaine du Piémont et de la Lombardie en escarpe-
ments assez raides pour que l'indécision soit impos-
sible. Du côté suisse, au contraire, les pentes rela-
lativement douces se prolongent de telle sorte qu'il
n'y a pour ainsi dire aucun coin du pays qui soit
plat.
La région inférieure. — En général, on fait com-
mencer la montagne au point où cesse la culture
de la vigne. Naturellement cette plante s'étend plus
haut sur le versant méridional (7 ou 800 mètres) que
sur le versant septentrional (5 ou 600 mètres). La
montagne inférieure s'étend à partir de là sur toute
la région susceptible de produire des céréales. Si-
la culture du sol ne suffit pas à y nourrir les habi-
tants, ceux-ci trouvent d'importantes ressources
dans l'hospitalité qu'ils ont à fournir aux étrangers
■et dans les établissements d'industrie à qui les
chutes d'eau fournissent un moteur économique
pour animer leurs machines.
La région moyenne. — Les « alpes. » — Au-dessus
de la montagne inférieure, c'est-à-dire entre 1300
et 1500 mètres, commence la région moyenne,
couverte de forêts de sapins et de pâturages natu-
rels. Ce sont ces pâturages, auxquels les monta-
gnards donnent le nom d'alpes, qui ont servi à
designer toute la chaîne, dont elles sont un des
caractères principaux. Sitôt que le soleil a fait re-
verdir l'alpe, avant même que la dernière couche
de neige en ait partout disparu, les troupeaux
quittent les étables de la plaine, et grimpent dans
1 herbage, où ils passeront tout l'été. En tête de la
bande, les vieilles vaches font résonner fièrement
les clochettes qui servent à les retrouver partout
et qui entretiennent leur gaieté. Le berger se loge
dans une cabane formée de troncs de sapins gros-
sièrement équarris et que de lourdes pierres ser-
vent à consolider contre les ouragans. C'est le cAo/e?,
où les vaches viennent d'elles-mêmes se faire traire
et où le fruitier fabrique ces fromages fameux sous
le nom de gruyères, et qui doivent leur qualité
aux herbes aromatiques dont se nourrit le bétail
qui les produit. Les chèvres et les moutons seuls
trouvent à paître au-dessus de la zone des forêts,
tant l'herbe devient courte, à mesure que l'on s'é-
lève dans une région plus froide ; puis entre 2500 et
3000 mètres, on entre dans une région sauvage,
où l'agile chamois cherche à se dérober à l'atteinte
du chasseur sur des rochers inaccessibles, et où
l'aigle établit l'aire, d'où il plane sur les troupeaux
pour y saisir sa proie.
La région supérieure. — Les neiges. — En pas-
sant sur les hautes montagnes, les vents chargés
d'humidité la déposent sous forme de flocons de
neige qui se réunissent sur les plateaux et daii^ les
hautes vallées, dès que l'inclinaison est assez fa:ble
pour les retenir. C'est ainsi que les plus hauts
sommets sont souvent dépouillés de neige quand
tout autour d'eux reste glacé .
Les diverses transformations que subit cette neige
donnent naissance aux névés et aux glaciers*. Nous
expliquons à ce mot quelques-uns des merveilleux
phénomènes auxquels donnent lieu les glaciers.
Bornons -nous à rappeler ici qu'ils couvrent dans
la chaîne des Alpes une surface de plus de 3000
kilomètres carrés, c'est-à-dire une étendue com-
parable à celle de la moitié de l'un de nos dé-
partements moyens. Le glacier d'Aletsch, qui des-
cend des Alpes Bernoises, sur la rive droite du
Rhône et en face du Simplon, a '^4 kilomètres de
longueur. Celui de Gorner, qui descend du Mont-
Rose, en a 15. Les divers glaciers groupés autour
du Mont-Blanc couvrent près de 3u0 kilomètres car-
rés et on a récemment évalué leur masse à 14 mil-
liards de mètres cubes de glace, de quoi alimenter
à eux seuls la Seine pendant neuf années.
2. Géographie de la chaîne des Alpes. — A l'in-
verse des Pyrénées, qui ofl'rei^ une chaîne dune
régularité parfaite, ou du Jura, qui se develippe
en chaînes parallèles, les Alpes n'offrent d'abord
que l'aspect confus d'une masse de cimes, de cliaî-
nes, de chaînons et de contre-forts enchevêtrés les
uns dans les autres, sans qu'il soit possible d'y dé
mêler au premier examen une disposition régulière.
C'est qu'en réalité les Alpes forment une séri>j de
massifs distincts, d'où divergent les rameaux secon-
daires comme les rayons d'une étoile. Sans cnu-
mérer toutes les cimes, tous les cols qui les sépa-
rent, et les torrents qui y naissent, essayons de
décrire les traits principaux de la grande chaîne
qui commence sur les côtes de la Ligurie pour linir
sur les bords du Danube, offrant ainsi un déve-
loppement de 1000 kilomètres.
Elle change plusieurs fois de nom, et l'usage a
consacré les désignations d'Alpes Maritimes, Cot-
tiennes, Grées, Pennines, Lépontiennes, Rhétiques,
Noriques, Carniques et Juliennes, bien que les
géologues adoptent aujourd'hui un groupement
plus rationnel, mais aijssi trop compliqué pour que
nous puissions en exposer les détails.
Alpes Maritimes. — Elles forment la continuation
occidentale des Apennins. On place la séparation
entre les deux chaînes, tantôt au col d'Altare
(500 mètres), sur la route de Savone à Turin, lan-
tôt à celui de San Bemardo (lOOii mètres), d'où
descend le Tanaro et où passe la route d'Albenga
à Turin, tantôt enfin plus à l'ouest, au col de Tende
(1800 mètres i. sur la route de Nice à Turin. De-
puis le col de San Bernardo jusqu'au mont Vi<o
(3840 mètres), à la source du fd, les Alpes Mari-
times forment un arc de cercle long de 190 kilo-
mètres environ, et atteignent luie altitude dt- pi us
en plus grande.
ALPES
— ICO
ALPES
C'est de cette chaîne que se détachent au nœud
de l'Enchastraye (2970 mètres), situe à rextrcmitc
nord du département des Alpes-Maritimes, les Al-
pes de Provence, qui délimitent les bassins des
principaux affluents de la Durauce, le Verdon qui
arrose Gastellane, la Bléoiine qui passe à Digne, et
YUhaye qui traverse Barcelonnette. Ces montagnes
offrent le triste aspect de montagnes déboisées
couvertes de talus d'éboulement; mais en appro-
chant de la Méditerranée, les vallons ouverts au
midi sont embellis, partout où s'étend l'irrigation,
par une végétation vigoureuse, où l'on distingue
les plantes parfumées qui ont fait la réputation de
Grasse. C'est à partir du Pic de l'Enchastraye que
la chaîne principale des Alpes sert de limite entre
le Piémont et la France ; elle garde ce rôle jusqu'au
col Ferret, à l'est du Mont-Blanc, entre cette haute
montagne et le passage bien connu du grand Saint-
Bernard.
Avec les rivières déjà citées, les principaux cours
d'eau qui naissent dans la chaîne des Alpes Ma-
ritimes sont s>ir le versant sud : la Roya qui mar-
que aujourd'hui la frontière entre la France et l'I-
talie, et le Var qui l'a marquée longtemps ; et sur
le versant nord, le Tanaro, la Stura et la Maira,
affluents du Pô.
Alpes Cottiennes. — Elles s'étendent sur une
longueur de 160 kilomètres entre le mont Viso et
le mont Cenis. C'est dans cette section que se
trouve le col du mont Ge?ièore, où Napoléon I" a
fait ouvrir, à 1860 mètres de hauteur, la route de
Briançon à. Turin. C'est également sous son règne
que l'on fit entre Saint-Jean de Maurienne et Suse
la )'Oute du mont Cenis, qui franchit la chaîne à
2100 mètres. Depuis 1871, on passe de Savoie en
Piémont en chemin de fer par le tunnel percé sous
le col de Fréjus et que l'on a improprement
nommé tunnel du mont Cenis, à cause de la route
située à, quelques kilomètres plus à l'ouest qu'il
est destiné à remplacer.
Le mont Tabor (3200 mètres), situé un peu à
l'ouest du tunnel, offre le centre de rayonnement
le plus important des Alpes Cottiennes. C'est de là
que partent les ^4//jes de Maurienne, où les Grandes
Rousses atteignent 3600 mètres, et qui couvrent
tout l'espace compris entre le cours de l'Arc au
nord-est et celui de la Romanche au sud. Du Tabor
partent aussi les Alpes du Dauphiné, où se distin-
guent plusieurs massifs importants.
Le groupe du Pelvoux, qui renfermait les cimes
les plus hautes de France avant l'annexion de la
Savoie, s'étend entre la Durance à l'est, la Ro-
manche au nord, le Drac au sud et à l'ouest. Là
s'élève, au centre de superbes glaciers, le pic des
Ecrins (4l()0 mètres) et la Meije, gravie pour la
première fois en 1877. A l'ouest du Drac, le mont
Aurouze (2700 mètres) remplit les tristes vallées
du Dévolu}' de ses débris croulants, et à l'extré-
mité des Alpes, presque sur les bords du Rhône,
le mo?it Ventoux domine de près de 3000 mètres
les riches campagnes du comtat Venaissin.
Les Alpes Cottiennes donnent naissance à d'im-
portants cours d'eau. Du mont Genèvre descend la
Durance, si terrible par les. caprices de ses crues,
et du massif du Pelvoux le Drac non moins dévas-
tateur, qui se joint à l'Isère à quelques kilomètres
en aval de Grenoble, mais qui, à plusieurs reprises,
a ravagé cette ville par ses inondations. La Roman-
che, qui arrose le Bourg d'O isans et Vizille, un peu
au-dessus de son confluent avec le Drac, puise
aussi ses eaux d'un bleu intense dans les glaciers
du Pelvoux. Les orages qui éclatent sur le Dévo-
luy alimentent le Buech, le principal affluent de
droite de la Durance, qu'il rejoint au pied du rocher
de Sisteron. Et des montagnes plus à l'ouest dans
le département de la Drôme sortent la rivière de
ce nom, et l'Aygues qui, avant de se jeter dans
le Rhône près d'Orange, arrose Nyons, renommée
pour la douceur de son climat. Enfin sur le veraant
italien, c'est un peu au nord du mont Viso que
naît la Doire Ripai/e, qui baigne les murs de Turin
au moment d'atteindre le Pô.
Les Alpes Grées. — Elles ont environ 100 kilo-
mètres de longueur entre le mont Cenis et le Mont-
Blanc (48 10 mètres). Leur centre de rayonnement
ost au mont Levanna (3700 mètres;, voisin de la
source do l'Isère, où l'on a longtemps place par
erreur un mont Iséran, qu'il faut rayer de la no-
menclature géographique. A l'est, le massif dominé
par le grand Paradis (4000 mètres) couvre de ses
rameaux l'espace compris entre la Doire Baltes et
l'Orco (la Doire Baltée descend du val d'Aoste, et
rOrco se jette dans le Pô à Chivasso). A l'ouest, les
mo)2tagnes de la Tarentaise dressent entre l'Arc et
l'Isère plusieurs cimes hautes de 3500 à 4000 mè-
tres. Au nord, les montagnes de Savoie couvrent
tout le pays entre l'Isère, le Rhône et l'Arve. Nous
avons nommé les principaux cours d'eau nés dans
cette région des Alpes : la Doire Baltée, VArc, qui
arrose la Maurienne et dont le chemin de fer et la
route du mont Cenis remontent la vallée ; VIsère,
dont il est tributaire. Aucune route carrossable ne
traverse cette partie de la chaîne. Le col principal,
celui du petit Saint-Bernard '2175 mètres), conduit
de la vallée de l'Isère dans le val d'Aoste.
Alpes Pennines ou Valaisanes. — Elles s'éten-
dent sur un espace de 160 kilomètres entre le
Mont-Blanc et le Saint-Gothard. Le Mont-Blanc
forme à lui seul un massif circonscrit au sud-est
par le petit Saint-Bernard, au nord-est par le col du
grand Saint-Bernard (2475 mètres), au nord-ouest
par le col de Balme qui conduit de Martigny (au
grand ccude de la vallée du Rhône) à Chamonix,
puis par la vallée de l'Arve jusqu'à Sallanches, et
enfin par la vallée de Mégève entre Sallanches et
Albertville. C'est du Mont-Blanc que descend
YArve, née au col de Balme et qui finit, à quelques
kilomètres en aval de Genève, dans le Rhône, dont
elle trouble au loin les belles eaux bleues. Elle
commence par arroser Chamonix, ce séjour cosmo-
polite d'où les grimpeurs intrépides parlent pour
une foule d'ascensions intéressantes, tandis que-
les gens plus tranquilles et plus délicats, placés
devant le plus beau panorama qu'on puisse rè
ver, y respirent l'air pur des hautes montagnes
embaumé par le parfum des mélèzes et des sapins,
où les abeilles cueillent un miel délicieux.
Au nord-ouest du Mont-Blanc, les Alpes du Châ-
tiais se ramifient entre l'Arve, le Rhône et le lac
de Genève. Elles ont leur point culminant dans
la Dent du Midi (3i80 mètres), dont les cimes den-
telées s'élèvent sur la rive gauche du Rhône au-
dessus de Saint-Maurice. Entre la-Dent du Midi et
Chamonix, le Biiet (3100 mètres) est le point d'où
l'on contemple le mieux l'ensemble du Mont-Blanc
et des monts qui lui font cortège. A l'est du grand
Saint-Bernard, ce passage célèbre qui conduit les
piétons de Martigny à Aoste, et où l'hospitalité des
pères s'exerce sous la forme la plus charitable, les
Alpes Pennines prennent la direction de l'est nord-
est. Là se trouve le massif du Mont-Rose, qui porte
la plus grande étendue de glaciers et le plus grand
nombre de cimes élevées des Alpes, le mont Cervin
(4iS0 mètres) qui dresse au fond de fa vallée de
Zermatt sa fière pyramide si longtemps inaccessi-
ble, et le Mont-Rose (4630 mètres), pour ne citer que
les plus célèbres. Les Alpes Pennines forment la
linîite entre la Suisse et l'Italie depuis le grand
Saint-Bernard jusqu'au col de Gries , un peu à
l'ouest du passage du Saint-Gothard.
Le Simplo'i. — La route du Simplon, que fit ou-
vrir Napoléon P', franchit le col du même nom à
une hauteur de 2000 mètres et off're la voie la plus
directe de Paris à Milan. On y a pas encore fait
passer de chemin de fer comme au mont Cenis, ou
plus à l'est, sur le Brenner ; mais on se propose
ALPES
— «01 —
ALPES
de percer la montagne h une hauteur de 6 ou
700 mètres seulement, de sorte que le pr,s=;age se-
rait plus aisémont abordable en toute saison, et le
Simplon reprendrait ainsi l'importance que lui va-
lait sa position géographique sur la route directe
de Calais à Brindisi, la grande route de Londres à
i'isthme de Suez.
Des Alpes Pennines descendent la Dranse, qui
qui tombe dans le Rhône à Martigny, au pied du
passage du grand Saint-Bernard ; la Viége, qui sort
des glaciers du Mont-Rose : et sur le versant méri-
dional la Sésia. qui baigne Verceil, avant de s'unir
au Pô; enfin la Toce, qui arrose le val d'Ossola et
tombe dans le golfe nord-ouest du lac Majeur, a sa
source au col de Gries, qui mène de Domo d'Ossola
au Saint-Gothard.
Le Saint-Gothard. — Les Alpes Lêpontiennes.
— Ce massif forme le véritable centre de toutes les
Alpes, car si on n'y rencontre plus les sommets les
plus élevés, le socle sur lequel il repose est la
masse montagneuse la plus considérable de toute
l'Europe. De là descendent à la fois le Rhôrw et
le Rhin, le Tessin et l'fnn, qui sont les branches
principales du Pô et du Danube. Si l'on pouvait
s'élever à quelques centaines de mètres au-des-
sus du col du Saint-Gothard (2000 mètres) sur
la route de Milan à Lucerne, on verrait en face
de soi au nord une vallée étroite et sauvage
par où la Reuss, tombant de cascade en cascade,
s'écoule dans le lac des Quatre-Cantons ; sur
sa gauche, la vaste mer de glace d'où sort VAor,
qui va arroser la verte et riante vallée de Hasli,
avant de traverser les lacs de Brienz et de Tliun
si aimés des touristes ; en avant des glaciers de
l'Aar, le col du Grimsel, qui mène de la vallée
de Hasli au pied du beau glacier du Rhône.
La vallée de ce fleuve forme un énorme sillon
dirigé à l'est-sud-est et semble le prolongement
de celle du Rhin antérieur qui descend du Saint-
Gothard en sens opposé. En se tournant du côté
du sud, on verrait le val d'Airolo parcouru par le
haut Tessin, et à l'est le massif glacé de l'Adula
(3300 mètres) où naissent les principales branches
du Rhin, et enfin à quelques lieues plus loin le
commencement de la longue vallée de VEngadine,
où coule l'Inn.
Les neiges qui tombent dans la région du Saint-
Gothard se dispersent donc du côté de la mer du
JNord, de la Méditerranée, de l'Adriatique et de la
mer Noire, et ce point appartient, par excellence,
à la ligne de partage des eaux de l'Eui-ope, qui
suit la haute chaîne depuis le mont Furca à la
naissance du Rhône jusqu'à la Maloia à la nais-
sance de rinn.
C'est aussi comme point de rencontre des cols et
des routes fréquentées que le Saint-Gothard a une
grande importance. La vallée de la Reuss et celle
du Tessin sont parcourues par la route du Saint-
Gothard, de Lucerne ii Bi'llinzona, ou d'Allemagne
en Italie; elles sont maintenant réunies par le
tunnel qui livre passage à la voie ferrée^^, de
Côschenen à Airolo. La grande route de Genève à
Coire remonte la vallée du Rhône, gravit en lacets-
les flancs du beau glacier qui lui donne naissance,
redescend du col de la Furka (2440 mètres) à An-
dermattdans la vallée de la Reuss, où elle croise la
route du Saint-Gothard ; puis, franchissant le col
de VOberalp, atteint à son origine la vallée du
Rhin antérieur qu'elle suit désormais. Nous avons
déjà nommé les passages du Grimsel et du Giies qui
ne sont accessibles qu'aux piétons. Dans les Gri-
sons, le col duLukmanier [V.)00 mètres,, où l'on a
souvent parlé de construire un chemin de fer,
à cause de sa faible altitude relative, réunit la
vallée du Rhin à celle du Tessin. Plus à l'est, à
quelques lieues en amont de Coire. on trouve à
Reiclicnau la réunion des deux branches princi-
pales du Rhin, le RhiJi antérieur venudd'Ober-
alp et le Rhin postérieur descendu du mont Adula,
Le long de ce dernier la route de Coire en Lom
hardie remonte les imposants défilés de la Via
Mala jusqu'au village de Splûgen, où elle se bi-
furque pour descendre d'un côté sur le lac Majeur
par le passage du San Bernardino (20G0 mètres),
et de l'autre sur le lac de Côme par le col du
Splûgen (2100 mètres).
Le nom général d'Alpes Lêpontiennes s'applique
au groupe de montagnes comprises entre la route
du Simplon et celle du Splûgen.
Les Alpes Bernoises. — Au nord du Rhône et du
Rhin se dressent encore de superbes cimes. Entre les
vallées de l'Aar et du Rhône, les Alpes Bernoises por-
tent une immense mer de glace que domine l^Finster-
aarhorn (4275 mètres) et où la Jungfrau, presque
aussi élevée, se distingue au loin par le dôme d'un
blanc immaculé qui lui a valu son nom. Du côté du
Rhône, les Alpes Bernoises s'abaissent en pentes
escarpées, d'où l'on descend par l'escalier vertigi-
neux de la Gemmi à Louèche, entre Sion et le Sim-
plon. Du côté du nord au contraire, elles olTrent
une foule de vallées délicieuses qui ont fait la ré-
putation de VOberland bernois. La Lûtschine, la
Kander et la Simme les parcourent et portent à
l'Aar le tribut de leurs glaciers et de cascades
qui jouissent d'une réputation universelle. Pen-
dant l'été, des milliers de touristes de toutes lan-
gues et de toutes nations se plaisent à contempler
le saut hardi du Staubaeh qui tonibe au-dessus
de Lauterbrunnen en une blanche nappe poudreuse
de 300 mètres de haut, ou les chutes brisées, mais
non moins imposantes, du Gicsshach dans le lac de
Brienz, ou du Reichenbach, dans la vallée de Hasli,
non loin du point où l'Aar forme de sa masse en-
tière la belle cascade de la H(mdeck. Lacs char-
mants de Thun et de Brienz, frais ombrages d'/w-
terlaken, panoramas splendides de la Jungfrau avec
ses avalanches inoffensives, et ses glaciers facile-
ment accessibles, tout se trouve réuni dans ce
coin privilégié.
Au nord-est des Alpes Bernoises, entre l'Aar et
la Reussj le pays des foi-êts d'Underwald est do-
minéparl'Lri-Rothstock (2930 mètres) et le mont
Titlis ;22j0 mètres) principal nœud des Alpes d'Uri.
Au delà de la Reuss, le massif du Tôdi 3620 mè-
tres) s'élève sur les confins des Grisons, de Claris
et d'Uri. Mais, en avant de ces hautes montagnes,
des chaînes secondaires couvrent la plus grande
partie de la Suisse jusqu'à l'Aar et au Rhin.
Entre le Rhin, le lac de Constance et celui de
Wallenstadt,les Alpes de Saint-Gall sont dominées
par le Sunfis et la montagne des Sept-Electeurs
qui plonge à pic dans la nappe du gracieux petit
lac de Wallenstadt, formé par un ancien sillon qui
livrait passage au Rhin entre Ragatz et le lac de
Zurich , avant que le fleuve eût pris la route du
lac de Constance. C'est du Santis que descend la
Thur, affluent du Rhin au-dessous de Schaff'house
et qui met en mouvement les usines de l'industrieux
pays d'e Saint-Gall .
De même la Linth, descenaue du Tôdi, fait tour-
ner les roues des manufactures de Claris avant de
tomber dans le lac de Zurich.
Les Alpes de Schwytz, entre la Linth, les lacs
de Zurich et des Quatre-Cantons, sont renommées
pour la belle race de bétail qui s'y nourrit ; et
celles de l'Emmenthal, entre la Reuss, au-dessous
de Lucerne, l'Aar et les lacs de Thun et de Brienz,
])ar la qualité des fromages que l'on y fabrique,
(^(•ux-ci ne sont pas moins recherchés que ceux
(|ui viennent de Gruyères, dans le canton de Fri-
bourg. C'est aux Alpes de Schwytz qu'appartient le
Rigi, si fameux par le panorama dont on y jouit. Les
lacs de Lucerne et de Zug en baignent les pieds,
et un chemin de fer conduit maintenant au sommet
de la montagne les touristes curieux de contempler
de là le lever du soleil sur les plus beaux glacier»
ALPES
— 102 —
ALPES
d'^s Alpes ou son coucher derrière la ligne bleue
du Jura. L'Emme, qui parcourt la vallée du même
nrm, se jette dans l'Aar à Soleure, et la Sorhie.
la pittoresque rivière de Fribourg, rejoint l'Aar à
quelques lieues en aval de Berne.
Du côté du midi, les Alpes Lépontiennes ont
pour contre-fort les Alpes de Ltigano, qui envelop-
p- nt le lac du même nom et plongent dans le lac
Majeur et le lac de Côme par les pentes déjà cou-
vertes de la chaude végétation méridionale.
A partir du col de la Maloin (ls:O0 mètres) que
fi'anchit la route de Chiavenna (Cliiavenna est en
amont du lac de Côme, au pied du col du Spliigen
au nord et de la Maloia à l'est) à Saint-Maurice de
l'Engadine. la ligne de partage des eaux quitte la
grande chaîne des Alpes pour décrire un grand
demi-cercle qui enveloppe le coude du Rhin à Coire.
Au pic Linard. la chaîne se bifurque : à l'ouest,
If's Ahes Rhétiennes séparent le canton suisse
des Gi'isons du Voralberg autrichien, avant de finir
ïur la rive droite du Rliin, en face du lac de Wal-
l^Mistadt, tandis qu'au nord-est une haute chaîne
continue à suivre la rive gauche de l'Inn, en pro-
jetant au nord des rameaux qui couvrent tout le
Vorarlberg et la Bavière méridionale. C'est de ces
montagnes, connues sous le nom A' Alpes d'Allgau,
que sortent Vlller, qui sert de limite politique entre
le Wurtemberg et la Bavière, le Lech qui arrose
Augsbourg. Ylsar qui passe à Munich, rivières qui
forment toutes au débouché des montagnes des
lacs charmants.
Alpes Rhétiqiies. — Elles s'étendent sur une
longueur de a30 kilomètres, depuis la source de
rinn jusqu'à celles de la Drave et de l'Adige. Leur
crête forme d'abord la limite entre les Grisons
suisses et la ValtcUne italienne, que parcourt
VAclda, puis entre les deux parties du Tyrol, où
l'on parle italien du côté du sud, et allemand sur
le versant nord. Le premier massif important est
celui du Bcniina (4000 mètres), à l'est duqu I une
route de même nom (2300 mètres) fait commu-
niquer l'Engadine et la Valteline.
Au fond "de la 'Valteline, la route du Stelvio
^5800 mètres) conduit dans la haute vallée de
l'Adige, d'où une route ramène dans l'Engadine
par le laas col de Rechen (14.50 mètres). La route
du Stelvio, conduisant de Milan àinnsbruck et à
"Vienne, avait la plus grande importance pour les
Autrichiens, quand ils étaient maîtres de la Lom-
bardie. Au delà du col de Rechen commence le
haut massif de VŒtzthal, d'où VAdige s'écoule au
sud et d'où d'autres torrents moins importants
vont grossir l'Inn, au nord. Entre la Valteline et
la rive droite de l'Adige, trois hauts massifs s'étagent
du nord au sud-ouest. IJOrtles, couvert de gla-
ciers, dresse sa magnifique pyramide (.3500 mètres)
immédiatement au sud du passage du Stelvio; puis
au delà du passage du Tonal (2ûi!0 mètres) que
suit la route de Milan à Trente, le beau massif de
VAdamello (3ôôC mètres) donne naissance à VOglio,
qui forme le lac d'Iseo, et à la Chièse, qui ali-
mente le lac d'Idro, avant de s'unir au Pô. Enfin,
à l'ouest, entre l'Oglio et la Valteline, la Redorta
couvre de ramifications nombreuses tout le pays
de Bergame.
Si l'on quitte la vallée de l'Adige, à Botzen,
pour remonter directement au nord, on trouve le
passage du Brenner (1420 mètres), où passent à la
fois la route et le chemin de fer de Vérone àinns-
bruck. Enfin, au pic des Trois-Seigneiirs (3i)8ô
mètres), qui se trouve au milieu de la chaîne dos
Hohe Touern, sur le méridien de Venise, finissent
les Alpes Rhétiques et commencent trois autres
chaînes principales.
Alpes Noriques et voisines. — Au nord, les Alpes
de Salzloiirg couvrent le pays, entre l'Inn et
l'Enns, de gracieuses montagnes boisées, où les
oaux se réunissent dans des lacs pittoresques, et
dont les principales rivières sont la Salzach et la
Ti-aun. La première arrose Salzbourg et forme la
limite entre la Bavière et l'Autriche. La seconde
tombe dans hi Danube à Lintz.
Au centre, les Alpes Noriques (ainsi nommées
du nom ancien de la contrée qu'elles occupent)
dressent entre l'Enns et la Drave naissante l'énorme
massif des Tauern, on l'on distingue le Grand
Sonneur [Gross Glockner), la plus haute cime de
l'Autriche (3800 mètres). La chaîne se continue
entre la Mur, la plus importante rivière de la
Styrie, qui arrose Grœtz, et VEnns ; puis, s'abais-
sant au col du Semmering pour laisser passer le
chemin de for de Vienne à Trieste, elle vient finir
sur les bords du lac Neusiedel, tandis qu'au nord
ses ramifications couvrent toute la Basse-Autriche
et forcent le Danube à faire mille détours entre
Lintz et Vienne par les obstacles qu'elles opposent
à son cours.
Alpes Carniques. — Du pic des Trois-Seigneurs
se détachent encore vers le sud les Alpes Car-
niques, qui enveloppent la Vénétie d'un vaste
demi-cercle. Presque à leur point d'origine, elles
olTrent un col assez bas, celui de Toblach (1225
mètres), où passe la route de Trente à Vienne. A
l'ouest et à l'est du col, les vallées, qui descendent
d'un côté vers l'Adige et de l'autre vers la Drave,
sont assez peu rapides pour qu'on ait donné à
leur ensemble un nom unique , le Pusterthal,
comme si leurs eaux coulant en sens inverse ne
formaient qu'une seule et môme rivière.
Les Alpes Carniques descendent au sud jusqu'à
Vérone, le long de l'Adige, qu'elles empêchent
ainsi pendant longtemps de prendre sa course dé-
finitive à l'est, vers la mer Adriatique. Du côté du
sud, elles donnent naissance à la Brenta, qui arrose
Padoue, avant de finir dans les lagunes de Venise,
à la Piave, qui arrose Bellune, au Tagliamento, fa-
meux par le passage de Bonaparte avant le traité
de Campo Formio, et à ïlsonzo, qui arrose Goritz.
Au nord et près de la source de ce dernier fleuve,
les Alpes Carniques donnent passage, au col de
Trirvis (800 mètres j, à l'importante route de Trieste
à Vienne, puis elles viennent finir sur les confins
du Frloul, de la Carinthie et de la Carniole, au
mont Terglou (2SG0 mètres), limite commune des
trois nationalités distinctes, italienne, allemande et
slavonne.
D'un développement total de 180 kiUm'f très, les
Alpes Carniques ont leurs cimes les plus élevées
dans la section plus spécialement nommée Alpes
Cadoriques, entre l'Adige, la Piave et la Brenta,
ou la Marmolata atteint 3500 mètres.
Alpes Juliennes et voisines. — A l'est du mont
Terglou, les Alpes d'Esclavonie "ou Karawanka sé-
parent la Carniole au sud de la Carinthie au nord,
et s'étalent entre la Drave et la Save. Au sud du
Terglou, les Alpes Juliennes dressent au nord-est
de Trieste, entre la péninsule d'Istrie et la Carniole,
le plateau dénudé du Carst, dont le sol calcaire
laisse échapper l'eau par mille fissures, puis finissent
au mont Bittoray, à l'est du golfe de Quarnero,
près de la route de Fiume à Agram.
Là s'arrête la vraie chaîne des Alpes, bien qu'on
appelle encore Alpes Dinar iques des montagnes
qui se prolongent à travers la Croatie dans la pé-
ninsule des Balkans. [G. Meissas.J
OiivragoN il consulter. — De Saussure, Voyage dam
les Alpes. — Tscluuli, Le monde des Alpes. Bàle, 1870. —
Whymper, Escalades dans les Alpes. Traduction d'Ad.
Joaniie. — Dup.iignc, Les montagnes. — Tœppfer, Voyages
en zigzag ou Excursions d'un pensionnat en vacances en
Suisse et sur le revers méridional des Alpes. — Zurcher et
MarjçoUé, Les ascensions célèbres. — Rambcrt, Les Alpes
suisses. — Durier, Le Mont-Blanc. — Annuaire du Club
alpin français. — Lev.isseur, La France, p. 18-46. On trou-
veiM ilo ti-cs-uonibreux sujets de lectures et de diclcrs infé-
r('?«:intcs dans tous ces ouvrages, notamment dans Tschudi,
Ttrppfor et Kumbert.
AMÉRIQUE
— 103 —
AMERIQUE
AMERIQUE. — Géographie générale, m et IV.
— (Etym. : du nom du navigateur Florentin Amé-
ric Vespuce, dont les relations furent les premières
à populariser en Europe la découverte du nouveau-
monde). — V. Découvertes.
I. GÉOGRAPHIE PHYSIQUE, COUP D'ŒIL GÉNÉRAL.
Situation et configuration. — I. Forme géné-
rale. — L'Amérique forme à elle seule un conti-
nent, qui baigne à l'ouest dans l'océan Pacifique ou
grand Océan, et à l'est dans l'océan Atlantique.
Le continent américain forme deux grandes îles
triangulaires, réunies entre elles par un isthme
montueux. L'île du nord porte naturellement le
nom à! Amérique septentrionale et celle du sud
celui A' Amérique méridionale; l'isthme qui les
joint, c'est VAmérique centrale. Dans les deux
triangles, la base est tournée vers le nord et le
sommet vers le sud.
Dimensions et populations. — L'Amérique sep-
tentrionale est un peu plus grande que l'Amérique
méridionale et surtout beaucoup plus peuplée. Les
habitants y sont environ deux fois aussi nombreux
que dans l'Amérique du sud. A elles deux elles ont
de 75 à 80 millions d'habitants.
Au nord-ouest, l'Amérique se termine par le
cap du Prince de Galles, qui n'est séparé de l'Asie
que par le détroit de Behring. Au sud, elle aboutit
au cap Horn, d'où l'on domine l'immensité de
l'Océan austral. Il y a ISOOO kilomètres de l'un h
l'autre en suivant l'axe de l'Amérique, autant que
pour traverser l'ancien continent depuis Gibraltar
jusqu'au détroit de Behring. Cependant l'Amérique
est plus petite que l'Asie ; elle équivaut environ à
quatre fois l'Europe.
Limites extrêmes. — Le cap Horn est par 55° de
latitude sud environ. L'Amérique septentrionale
s'approche beaucoup plus du pôle. Les' naviga-
teurs se sont avancés de ce côté au delà de 82° de
latitude, en voyant des terres s'étendre à l'ouest et
à l'est de la route qu'ils avaient parcourue. A l'ouest.
l'Amérique septentrionale s'étend jusqu'au 170° de
longitude, et l'Amérique méridionale dépasse h l'est
le A0° de longitude ouest de Paris.
Distance de l'Europe et de l'Asie. — Dix jours
suffisent maintenant à un bateau h vapeur pour
parcourir les 60u0 kilomètres qui séparent la France
ou l'Angleterre des États-Unis. La distance serait
moitié moindre du cap Vert d'Afrique à la côte du
Brésil. Quant à la traversée du Pacifique, elle est
beaucoup plus longue, et il faut bien 20 jours pour
aller de Californie au Japon.
II. Côtes, golfes et îles. — En suivant les côtes de
l'Amérique, on remarque : au nord, la baie d'Hud-
son qui entaille profondément l'Amérique septen-
trionale, puis les nombreuses îles qui s'étendent
entre cette baie et le Groenland: à l'est, Vile de
Ten'e-Neuve, en face du golfe de Saint-Laurent,
puis les presqu'îles de la Floride et du Yucatan
qui enveloppent le golfe du Mexique.
Entre l'Amérique centrale, la côte nord de l'Amé-
rique méridionale et les Antilles s'étend la mer à
laquelle ces belles îles ont donné leur nom.
Les côtes sont plus découpées dans l'Amérique
septentrionale que dans l'Amérique méridionale. Il
faut cependant citer dans cette dernière les estuaires
du fleuve des Amazones et de la Plata sur l'océan
Atlantique; les groupes d'îles qui avoisinent le cap
ilorn, puis la côte du Chili, sur l'océan Pacifique.
L'Amérique septentrionale forme sur cette mer la
longue presqu'île de Vieille-Californie, qui est sé-
l>arée du continent parle golfe de Californie, qu'on
appelle quelquefois mer Vermeille. Plus au nord,
\in remarque la longue île de Vancouver, et les ar-
chipels voisins que d'étroits canaux séparent de la
terre ferme, et enfin la presqu'île à' Alaska, c\\x\
unit le continent américain aux îles Aléoutiennex
au sud de la mer de Behring.
Relief du sol, aspect intérieur du continent. ^
I. Ohographie. — La chaîne littorale du Pacifique. —
Une longue chaîne de montagnes qui suit de près le
littoral du Pacifique sépare le bassin de cette mer
de ceux de l'Atlantique et de l'océan Glacial du
nord. Dans l'Amérique méridionale, elle porte le
nom de Cordillères des Andes, et renferme plu-
sieurs pics hauts de (! à 7000 mètres. Les volcans,
nombreux dans l'Equateur, le Pérou, la Bolivie et
le Chili, n'ont pas tous perdu leur funeste activité,
et ces régions sont souvent bouleversées par leurs
éruptions et les commotions souterraines.
Dans l'Amérique centrale, la chaîne est brisée
à plusieurs reprises et offre plusieurs passages fa-
ciles pour aller d'une mer à l'autre. Les volcans y
sont encore fort nombreux. Au Mexique, le sou-
lèvement s'élargit en un large plateau de 2000 mè-
tres d'altitude moyenne que dominent des cimes
plus élevées. Aux États-Unis, entre la Sierra Ne-
vada qui suit la côte et les montagnes Rocheuses
qui dominent la prairie américaine, s'étendent
plusieurs bassins fermés dont les eaux s'amassent
dans des lacs sans écoulement ou s'échappent au
dehors par des canons, défilés d'une sauvage
grandeur. Les montagnes Rocheuses offrent encore
des canons dans la Nouvelle-Bretagne, puis vont en
s'abaisssant vers l'Océan glacial.
Autres chaînes de montagnes. — Du côté de
l'Atlantique, les montagnes sont beaucoup moins
importantes. Dans l'Amérique septentrionale, les
Alleg/ianys, qui .réparent les États bordant l'Atlan-
tique de ceux qui versent leurs eaux dans le Mis-
sissipi, sont des montagnes moyennes n'atteignant
nulle part 2000 mètres.
Dans l'Amérique méridionale, on remarque la
curieuse Sierra de Sainte-Marthe, qui se dresse à
4000 mètres sur le bord de la mer des Antilles
entre l'embouchure de la Madeleine et le golfe de
Maracaybo, puis les Sierras qui s'élèvent autour de
Rio-de-Janeiro, au Brésil. Dans l'intérieur de ce
pays et dans le Venezuela ou la Guyane, se trouvent
de hauts plateaux plutôt que des chaînes caracté-
risées. Les rivières qui coulent vers des bassins
différents n'y sont point nettement séparées près
de leurs sources, mais s'échappent généralement
par des cataractes des plateaux où elles se sont
formées vers la mer qui doit les absorber.
Plaines. — L'Amérique renferme beaucoup plus
de plaines que l'Europe occidentale et surtout de
plus vastes. La Nouvelle-Bretagne et le bassin du
Mississipi n'offrent presque aucune ondulation sur
leur immense étendue. Il en est de même des
llanos du Venezuela et de la Guyane et des pampas
de la Plata.
IL Climat. — A latitude égale, l'Amérique septen-
trionale est soumise à un climat beaucoup plus
froid que celui de l'Europe pendant l'hiver. Les
vents froids du pôle soufflent sans obstacle jusqu'au
golfe du Mexique, et du côté de l'Atlantique, un
courant, qui vient aussi du nord, charrie des mon-
tagnes de glace, dont la fonte amène des brumes
glaciales. Pendant l'hiver les ports restent bloqués
par les glaces jusque vers le 50' de latitude. Du
côté du Pacifique, les montagnes arrêtent au pas-
sage les vents du pôle, et le littoral est baigné
par un courant chaud venu du Japon. Aussi le
climat de la Californie est-il fort doux, même pen-
dant l'hiver. Quant h. l'été, il est partout très-chaud.
Dans l'Amérique méridionale, le climat est géné-
ralement fort beau. La plus grande partie en est
comprise entre les tropiques et reçoit des pluies
très-abondantes, qui donnent aux plantes un su-
perbe développement. Le sol, abrité par d'épaisses
forêts, arrosé par de nombreux et puissants cours
d'eau, n'est pas brûlé par le soleil comme les dé-
serts de l'Arabie ou du Sahara. Par un contraste
singulier, le littoral du Pacifique, au midi du Pé-
rou, ne reçoit jamais une goutte d'eau et est horri-
AMÉRIQUE
— lOi —
AMERIQUE
Dlement aride partout où il n'est pas rafraîchi par
des torrents venus des Andes.
Les Antilles sont soumises h de violents oura-
gans qui y causent de fréquents désastres.
III. Bassins et fleuves principaux. — Amérique
septentrionale. — L'Amérique du nord partage ses
eaux entre la mer de Behring, l'océan Glacial du
nord, la baie d'IIudson, l'Atlantique, le golfe du
Mexique, le Pacifique.
Le Jotikon porte à la mer de Behring les eaux
de l'Alaska, l'ancienne Amérique russe. La Nou-
velle-Bretagne envoie le Mackcnzie à l'océan Gla
cial, et le Nelson à la baie d'Hudson. Cette contrée
renferme de nombreux lacs, dont plusieurs sont
immenses et dont les plus célèbres, le Supérieur,
le Michigon, VHuron, VÉrié et \Ontario se déver-
sent ensemble par le Saint-Laurent dans l'Atlan-
tique. On remarque sur le littoral atlantique des
États-Unis : YHudson, sur lequel est située New-
York, la ville la plus peuplée et le port le plus
commerçant du Nouveau Monde, et la Delaware,
qui forme le port de Philadelphie, la seconde ville
des États-Unis. Le golfe du Mexique reçoit le Mis-
sissipi, l'un des plus grands fleuves du monde par
la longueur de son cours et l'abondance de ses
eaux, et le Rio del Norte, qui sépare les États-
Unis du Mexique. Du côté du Pacifique, citons le
Colorado, qui débouche dans le golfe de Califor-
nie, la Colombia ou Orégon, tous deux appartenant
aux États-Unis, et le Fraser, qui débouche de la
Colombie anglaise en face de Vancouver.
Amérique méridionale. — Dans l'Amérique mé-
ridionale, la Madeleine porte à la mer des Antilles
les eaux de la Colombie. Dans l'Atlantique débou-
chent VOrénoque, qui lui apporte les eaux du Ve-
nezuela, puis ïAmazoîie, le plus srrand fleuve du
monde, le Tocantins, le San-Fra7icisco, qui renfer-
ment dans leurs bassins l'empire du Brésil presque
tout entier, et enfin le fleuve considérable de la
Plata.
Portages. — Plusieurs de ces cours d'eau sont
navigables à une grande distance de leur embou-
chure. Ainsi on peut remonter sur le Missouri
jusqu'à 7000 kilom. de l'embouchure du Mis-
sissipi. Souvent même, sur la limite de deux bas-
sins différents, les eaux se confondent les unes
avec les autres. Ainsi le Cassiquiaré met en com-
munication les eaux de rOrénoque avec celles du
Rio Negro qui coule au sud vers l'Amazone. Les
sources du Paraguay sont alimentées par les ma-
rais de Xerayès, qui se déversent également au
nord vers l'Amazone. Ailleurs ces rivières sont sé-
parées par de faibles intervalles, appelés portages,
parce qu'on y transporte les colis et les embarca-
tions d'un cours d'eau à l'autre. La Nouvelle-Bre-
tagne en présente un très-grand nombre d'exem-
ples. Et dans nul pays au monde les voyages par
eau ne sont aussi longs qu'en Amérique.
il. AiVIÉRIQUE DU NORD.
Groenland. — Le Groenland ne mérite plus au-
jourd'hui ce nom de Terre-Verte que les premiers
navigateurs qui l'aperçurent lui donnèrent, sans
doute avec raison, à en juger par les restes fossiles
d'arbres et de plantes qu'on y retrouve enfouis
jusque sous une latitude élevée. A la côte orien-
tale est attachée, presque toute l'année, une han-
quise de glaçons qui s'étend au nord de l'Islande
et vers le Spitzberg; la côte occidentale est seule
habitée dans quelques fiords abrités du froid. Le
sol s'élève rapidement à l'intérieur, pour former un
plateau de plusieurs centaines de mètres d'altitude,
d'où descendent les plus grands glaciers du monde.
Aussi le pays est-il fort peu peuplé et sans grandes
relations avec le reste du monde.
Chaque année, le gouvernement danois, dont dé-
pend ce pays , envoie un navire ravitailler les
postes échelonnés depuis le cap Farcwell. qui
termine le Groenland au sud. jusqu'au delà du
70' de latitude. Quelques milliers d'Esquimaux,
convertis au christianisme par les frères moravcs,
entretiennent seuls quelque commerce. D'autres,
restés païens, vivent jusque sous le SO^ de latitude.
C'est une race de petite taille, dont on trouve des
représentants sur toutes les côtes de l'océan Gla-
cial et dont la pêche et la chasse aux phoques font
la principale occupation. Canotiers intrépides, ils
ont souvent fourni des auxiliaires fort utiles aux
navires qui s'aventurent dans les mers arctiques.
On ignore si le Groenland est une île, ou se rat-
tache, au nord, à quelque continent encore in-
connu.
Terres arctiques. — A l'ouest, un canal qui pro-
longe vers le nord la mer de Baffin, et par où les
Américains Hayes et Hall et l'Anglais Nares ont en
vain tâché d'atteindre le pôle, sépare le Groenland
des archipels illustrés par les voyages de Mackenzie,
de Parry, des deux Ross, de Franklin et de Mac-
Clure. qui y découvrit, en 1850, le passage si re-
cherché du nord-ouest, c'est-à-dire une voie navi-
gable contournant au nord le continent américain.
Toutes ces terres et les bras de mer qui les sé-
parent sont recouverts de glace d'une manière
presque continue.
Amérique anglaise ou Nouvelle-Bretagne. —
Au sud de ces archipels, l'empire britannique pos-
sède la Nouvelle-Bretagne, terre immense de neuf
millions de kilom. carres, dont la partie septentrio-
nale est frappée de stérilité. Cette contrée ren-
ferme les territoires de la baie d'Hudson, la Co-
lombie (sur le Pacifique), le Canada, le Labrador,
la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-Brun swick, les îles
du golfe Saint-Laurent et Terre-Neuve, pays qui
appartiennent tous, sauf Terre-Neuve, au gouverne-
ment qui porte le nom de Dominion ou Puissance
du Canada.
Territoire de la baie d'Hudson. — La baie
d'Hudson est prise par les glaces pendant neuf mois
de l'année, puis le dégel est si actif, qu'il engendre
une masse énorme de vapeurs qui la recouvrent d'un
brouillard impénétrable. Ce pays est par excellence
le terrain de la chasse aux fourrures, et pendant
longtemps une compagnie anglaise particulière a
joui du monopole de ce commerce. Avant elle, les
Français, maîtres du Canada, avaient répandu au
loin leur religion, leur langue et aussi leur descen-
dance. Les noms des rivières, des lacs, des
cascades, des stations rappellent partout leur sou-
venir. Le pays est parcouru par quelques dizaines
de milliers d'Indiens ou de métis ayant souvent du
sang français dans les veines et restés fidèles au
catholicisme.
Lacs et rivières. — Des lacs immenses, des rivières
« aux eaux cristallines » sillonnent en grand
nombre cette contrée. Le Mackenzie n'a pas moins
de 4000 kilom. depuis la naissance de l'Athabasca
au mont Brown, qui dresse sa cime de 5000 mètres
dans les montagnes Rocheuses sous le 51' de lati-
tude, jusqu'à l'emboiichure du fleuve dans l'océan
Glacial, sous le G9<> de latitude. Le Mackenzie sert
de déversoir au lac Athabasca, à celui des Esclaves,
et au lac Grand-Ours , qui couvrent ensemble
100 000 kilom. carrés, la cinquième partie de la
France, et il est grossi par les rivières de la Paix
et aux Liards qui, nées à l'ouest des montagnes
Rocheuses, les traversent par des canons d'une
sauvage grandeur.
Le Nelson porte de son côté à la baie d'Hudson
une masse énorme d'eaux qui s'est rassemblée dans
le grand lac Winnipeg, où se réunissent le Sas-
katchouan venu des montagnes Rocheuses, la ri-
vière Rouge du nord venue des prairies du Minne-
sota, au nord des États-Unis, et les eaux que la
rivière Winnipeg ramasse dans une foule de petits
lacs répandus entre le lac Supérieur et le lac
Winnipeg.
AMERIQUE
— 105
AMÉRIQUE
Le long de ces rivières on rencontre de distance
en distance les anciens postes de la Compagnie. Ce
sont des magasins où les agents de la Compagnie
déposaient leurs marchandises et opéraient leurs
échanges. Des palissades les entourent pour les
mettre à l'abri des pillards. D'immenses intervalles
séparent souvent les postes les uns des autres.
Mais les portages rendent les transports par eau
assez faciles, et les Indiens ne craignent point les
rapides. Pendant l'hiver, quand tous les lacs et les
cours d'eau sont gelés, et la terre couverte de neige,
ces mêmes Indiens, chaussés de légères raquettes,
parcourent à pied d'un pas rapide des distances
considérables. Et leurs chiens, dévoués et infati-
gables, attelés aux traîneaux, traversent d'un bout
à l'autre ce pays grand comme l'Europe. Ces longs
voyages ne sont pas dépourvus de ciiarmes. Si le
soleil n'apparaît plus qu'un instant chaque jour, on
est dédommagé de la longueur des nuits par la
pureté de l'atmosphère qui laisse voir dans tout
son éclat la voûte céleste toute scintillante d'étoiles
ou illuminée par la lueur des aurores boréales.
Plus on descend vers le sud, plus le pays de-
vient susceptible de culture. Deux colonies ont
déjà été fondées depuis quelques années sur le
territoire de la baie dHudson. La plus importante,
■celle de ^ianitoba. est sur les bords de la rivière
Rouge du Nord, affluent du fleuve Xelson, non loin de
la frontière des Etats-Unis. La colonie de Kewatin .
qui ne fait que naître, est plus au nord, le long de
la Saskatchouan, du lac Winnipeg et du fleuve
Nelson.
Le C.\xada. — La faible élévation qui porte le
nom de Hauteur des Terres, sépare le bassin de la
baie d'Hudson de celui du Saint-Laurent. Néan-
moins il s'en écoule des masses d'eau considérables
qui se réunissent en lacs dans des cuvettes de
granit, au sein de forêts que n'a pas encore enta-
mées la hache du bûcheron. De \h sortent l'Ottav^a.
le Saint-Maurice, le Saguenay, dont les chutes met-
tent en mouvement une foule d'usines et de
scieries. Le pays qu'ils arrosent, c'est le Canada,
que la France a eu le malheur de perdre en 1763,
mais où sa race et sa langue sont encore domi-
nantes sur plusieurs points.
Hatit et Bas-Canada, les Canadiens anglais et
les Franco-Canadiens. — Le Canada comprend
deux provinces, celle de Québec ou Bas-Canada, et
celle d'Ontario ou Haut-Canada. Les Franco-Cana-
diens, fidèles à la langue française, sont en majo-
rité dans le Bas-Canada, qui occupe le bassin in-
férieur du Saint-Laurent et la rive gauche de
l'Ottawa, tandis que la race anglo-saxonne et la
langue anglaise l'emportent dans la province d'On-
tario, limitée au nord par l'Ottawa, et au sud par
le Saint-Laurent et les grands lacs. Ceux-ci mo-
dèrent les écarts de température tout autour d'eux,,
et le Haut-Canada jouit aussi d'un climat plus égal
que le Bas-Canada. jMais, dans ce dernier, la ri-
gueur des hivers fortifie le tempérament des habi-
tants, et la race franco-canadienne, beaucoup plus
vigoureuse que l'anglo-saxonne, est en progrès et
défriche de plus en plus la forêt pour s'y tailler
des terres de labour. Cette province renferme les
deux villes les plus populeuses du Canada, Mont-
réal et Québec, dont la première compte déjà plus
de cent mille habitants. La capitale du Dominion,
Ottawa, s'élève sur la limite des deux provinces. Pays
de culture et de forêts, le Canada n'a guère d'autres
industries que celles qui ont trait à l'exploitation
des forêts, à la construction des navires et à la
pêche. Sa population n'atteint pas encore 3 mil-
lions d'habitants.
Le Saint-Laurent. — Le Saint-Laurent se forme
d'abord des torrents qui alimentent le lac Supé-
rieur, la plus grande masse d'eau douce qui existe
à la surface de la terre. La superficie en équivaut à
celle de 15 ou 16 départements français, sa pro-
fondeur va jusqu à 200 mètres, et sa surface est
agitée par les vagues comme celle de l'Océan. Par
le sault Sainte-Marie, les eaux du lac Supérieur
s'écoulent dans le lac Huron, qui couvre encore
plus de 5 millions d'hectares et qui communique
au nord-ouest par un canal resserré avec le lac
Michigan, vaste nappe sur les rives de laquelle s'é-
lèvent deux grandes villes des États-Unis, Chicago
et Milwaiikee. Du kic Huron, les eaux s'échappent
par la rivière et le lac Saint-Clair, puis par la rivière
Détroit, qui tombe dans un quatrième grand lac,
le lac Érié. C'est entre celui-ci et le lac Ontario
que les eaux forment la fameuse cataracte du Nia-
gara, qui est la plus célèbre de tout l'univers, si
elle n'en est pas la plus imposante. Le flot, d'un
débit de 7ôOit mètres cubes par seconde, apiès
avoir traversé de nombreux rapides, se précii)ite
dune hauteur verticale de ôO mètres sur une lar-
geur de près de OiU) mètres qu'une île partage on
deux bras inégaux. En aval du lac Ontario, le fleuve
prend le nom de Saint-Laurent. Tantôt élargi en
lac, tantôt resserré entre des rives escarpées, se
brisant plusieurs fois sur des rapides, et se gros-
sissant de plus en plus par les affluents qu'il re-
çoit au nord et au midi, le Saint Laurent est un
des plus beaux fleuves du monde à son embou-
chure : là il est à 4000 kilom. de sa source, et il y
déverse en moj'enne 12 î 00 mètres cubes d'eau par
seconde dans l'Océan. De grands navires en sil-
lonnent les eaux, quand il n'est pas obstrué par les
glaces, et tournant à laide de canaux les r;ipides
qu'ils ne pourraient pas remonter, ou les descen-
dant sous la conduite d'intrépides pilotes, ils
viennent charger à Québec et à Montréal les bois
du Canada, ou au fond du lac Michigan les blés et
les viandes salées de Chicago.
Laùrador. — Au nord-est du Canada, le Labra-
dor n'est pas une terre favorable aux laboureurs,
comme son nom semble le faire croire. Le climat
en est trop rude et les roches trop nues pour que
les rares habitants y puissent subsister autrement
qu'avec les ressources de la pêche.
Terre-Neuve. — En franchissant le détroit de,
Belle-Ile, on passe du Labrador sur l'île de Terre-
Neuve, dont les rivages sont fréquentés chaque
année par les pêcheurs anglais, américains, fran-
çais qui viennent y chercher la morue. C'est un
rude métier où s'aguerrissent les marins au milieu
des brouillards et des tempêtes. Les petites îles de
Saiyit-Pierre et Miquelon, au sud de Terre-Neuve,
sont les derniers restes des possessions françaises
dans ces parages. A l'est s'étend le banc sur lequel
se fait la pèche. La formation en est due à la ren-
contre du courant polaire froid et du courant
chaud du Gulfstreani qui a lieu dans ces parages.
En fondant, les montagnes de glace laissent tom-
ber, au fond de la mer, les blocs et les graviers
qu'elles tenaient emprisonnés dans leur masse et
comblent ainsi de plus en plus les abîmes.
Iles du golfe Saint-Laurent. — La France a
perdu au siècle dernier Vile du Prince-Edouard, et
celle du cap Breton, qui possède de riches mines
de houille, mais où les murailles de Louisbourg,
élevées autrefois par nous à grands frais, ne ren-
ferment plus maintenant qu'un village. Dans toutes
ces îles, la population clairsemée s'adonne à la
pêche et à l'élevage du bétail plutôt qu'à la culture.
NouvELLE-ÉcossE OU AcADiE. — Sur le continent,
la presqu'île de la Nouvelle-Ecosse rappelle la
terre européenne dont elle porte le nom par son
aspect et son climat. A l'ouest, la baie de Fundy,
qui la sépare du Nouveau-Brunswick, est agitée
par des marées très-violentes. A l'est, sur la côte
de l'Atlantique, l'excellent port d'Halifax s'ouvre le
premier aux navires arrivant d'Europe. Quand elle
nous appartenait, la Nouvelle-Ecosse s'appelait
Acadie, et Longfellow a poétisé les malheurs des
infortunés Canadiens français que les Anglais
AMERIQUE
lOG —
AMERIQUE
chassèrent violemment de leurs foyers, quand la
paix d'Utrecht les rendit maîlres de ce territoire.
Nouveau-Brunswick. — Le JNouveau-Brunswick
ressemble au Bas-Canada par ses bois, ses lacs,
ses cascades et ses rivières, dont la plus con-
sidérable, le Saint-Jean^ vient finir dans la baie de
Fundy.
A eux deux, la Nouvelle-Ecosse et le Nouveau-
Brunswick ne renferment que 700 000 habitants.
La population clairsemée ne dépasse pas 5 à 6 ha-
bitants par kilomètre. La race française en consti-
tue une notable proportion.
Colombie. — A l'ouest des monta2;nes Rocheuses,
la Colombie, abritée des vents froids du pôle, jouit
d'un beau climat. Mais elle est trop couverte de
montagnes pour offrir beaucoup de champs à dé-
frichci". Les bois et les prairies y dominent.
Ce sont les riches mines d'or du Caribou, dans le
bassin du Fraser, qui ont fait la fortune de la Co-
lombie. A cette colonie se rattache l'île de Vancou-
ver, riche en mines de houille, en belles forêts,
en pêcheries fructueuses. Victoria, sa capitale,
s'élève sur le détroit de Juan de Fuca, qui sépare
l'île du territoire de Washington, appartenant aux
États-Unis.
États-IJnis. — Voir l'article spécial États-Unis.
Mexique. — Climat. Aspect général — Le long
du golfe du Mexique, les Terres chaudes sont inon-
dées par des orages diluviens, brûlées par un soleil
ardent, mortelles pour les Européens à cause des
ravages qu'y fait la fièvre jaune. A Fe?"a-C;'MZ,située
sur le littoral, où viennent atterrir les paquebots
transatlantiques, et où débarquaient les transports
de l'expédition française, on avait été obligé, à l'épo-
que de la guerre du Mexique, de former la garnison
avec un bataillon do nègres du Darfour pour sous-
traire les soldats français à ce dangereux séjour.
Du côté du Pacifique, le climat est meilleur,
surtout dans la Vieille-Californie ; cependant Aca-
pulco, le port le plus important du Mexique sur le
Pacifique, est un des points les plus chauds de la
terre. Entre les deux mers, le sol s'élève pour
former un plateau de 2000 mètres, dominé par le
Popocatepetl. et autres volcans de 4 à 5000 mètres
d'élévation. Depuis le littoral jusqu'à ces hautes
cimes, on passe par tous les climats et par toutes
les cultures, depuis la végétation des tropiques
jusqu'aux sapins de nos Alpes. Le plateau s'abaisse
dans Visthme de Téhuaiitépec, qui forme la limite
physique entre rAmérique septentrionale et
l'Amérique centrale. Mais la république mexi-
caine renferme encore les Etats de Yucatan et de
Chiapas de l'autre côté de cet isthme.
Les anciens Mexicains. — Lorsque Cortez et ses
Espagnols firent la conquête du Mexique, il y a
de cela trois siècles et demi, ils y trouvèrent
une race parvenue à un haut degré de civilisation.
Les Aztèques, c'était leur nom, avaient succédé à
d'autres peuples venus comme eux de l'Amérique
du nord, de la Floride, dit-on, et dont l'origine
commune était sans doute l'Asie. Ils avaient élevé
des monuments, dont les ruines, retrouvées au
Yucatan et ailleurs, nous frappent encore aujour-
d'hui d'étonnement. Ils avaient bâti des villes de
plusieurs centaines de mille âmes, Mexico et
d'autres sur les bords des lacs voisins. Le pays
était mieux cultivé, mieux policé et beaucoup plus
peuplé qu'il ne l'est aujourd'hui. Malheureuse-
ment la religion des Aztèques était souillée par de
hideux sacrifices humains.
Etat actuel. — Par la richesse de ses mines d'or,
d'argent, de mercure, et autres métaux plus usuels
tels que fer, plomb, étain, le Mexique a fourni de
grandes richesses à l'Espagne, sa métropole. De-
puis 1821, il s'est affranchi et forme une répu-
blique dont la situation est loin d'être prospère.
On n'y compte que 9 millions d'habitants sur une
surface de 2 millions de kilomètres carrés.
Les États-Unis lui ont enlevé ses plus belles pro-
vinces sur la côte du Pacifique. De fréquentes
guerres civiles, entretenues par les rivalités de
races et de partis, y sont une cause perpétuelle
d'agitation. Blancs, Indiens et métis forment trois
éléments jaloux les uns des autres et toujours
prêts à en venir aux mains On estime à 5 millions
environ le nombre des Indiens, à I million celui
des blancs purs de mélange. Le reste est formé de
métis et de nègres. Depuis leur soumission aux
Espagnols, les Indiens ont embrassé le catholi-
cisme, et portent sur leurs traits cet air de gravité
et de résignation qui convient aux races déchues
sans espoir. D'autres mènent la vie errante ; cava-
liers infatigables, ce sont de dangereux ennemis
pour les maisons isolées qu'ils attaquent par sur-
prise et dont ils emportent au loin les objets volés.
Les travaux publics sont nuls au Mexique, les
routes y sont en moins bon état que sous les
Aztèques, il n'y a pas une seule industrie im-
portante en dehors de l'exploitation des mines, et
Mexico est la seule ville dont la population dépasse
cent mille âmes.
Amérique centrale. — L'Amérique centrale, qui
continue le Mexique au sud, est encore un pays de
terrasses élevées, arrosées par des pluies dilu-
viennes et dominées par de nombreux volcans,
dont les commotions ébranlent le sol et renversent
les villes, quand les éruptions ne les ensevelissent
pas sous la lave et les cendres. Le sol fertile y pro-
duit de l'indigo, du cacao et des bois précieux pour
la teinture ou l'ébénisterie.
Divisions politiques. — Politiquement, l'Amé-
rique centrale est partagée en cinq républiques
indépendantes : le Guatemala, le Honduras, le San
Salvador, le Nicaragua et le Costa Rica. Mais au
point de vae géographique l'Amérique centrale
s'étend jusqu'à Yisthme de Darien. sur le CO'' de
longitude Est de Paris et comprend quelques pro-
vinces de la Colombie, au sud, de même qu'elle
renferme deux États mexicains au nord.
La population d'origine indienne domine dans
l'Amérique centrale, qui renferme en tout 2 mil-
lions et demi d'habitants, et les commotions poli-
tiques y sont fréquentes.
Isthmes de l'Amérique centrale. — Ce pays, situé
entre deux mers voisines, jouit de cette heureuse
fortune que les chaînes de montagnes, qui le par-
courent d'une extrémité à 1 autre, sont brisées en
face des isthmes les plus étroits de manière à offrir
des sillons naturels qui ouvrent une voie facile
entre la mer des Antilles et le Pacifique. Ainsi le
fond du golfe de Honduras, au sud du Yuca-
tan, sur la mer des Antilles, n'est pas éloigné de
la baie de Fonséca, qui s'ouvre sur le Pacifique,
entre les trois Etats de San Salvador, de Honduras
et de Nicaragua. Plus au sud, les lacs de Managua
et de Nicaragua tonchent de très-près le Pacifique
et se déversent par le San-Juan dans la mer des
Antilles. Le Costa Rica et l'état colombien de
Panama ne forment qu'une étroite bande de terre
entre les deux mers. C'est là que passe le chemin
de fer de Panama, sur le Pacifique, à Colon ou
Aspinwall, sur la mer des Antilles, qui a jusqu'à
présent le monopole du trafic do transbordement.
Aujourd'hui on projette d'ouvrir à la navigation
maritime un canal comme celui de Suez. Et c'est
dans le golfe de Darien qu'on le ferait probablement
déboucher sur la mer des Antilles. Ce golfe reçoit
le fleuve Atrato, dont les eaux sont fort abondantes,
malgré la brièveté de son cours. Malheureusement
on ne peut faire passer les navires de son bassin
dans celui du Pacifique sans ouvrir un tunnel.
Visthme de Nicaragua, de son côté, ne pourrait
être traversé que par un canal à écluses.
Antilles. — Situation. — Les grandes Antilles
s'étendent de l'ouest à l'est, au nord de la mer de
même nom ; les petites Antilles sont au contraire
AMERIQUE
— 107 —
AMERIQUE
orientées du nord au sud à l'est de cette mer. Cuba,
la plus occidentale des grandes Antilles, est séparée
du Yucatan par le canal de Yucatan, et de la Floride
par le canal de Bahama. C'est par ce dernier que
les eaux,écliauffées dans la chaudière que forme
le golfe du Mexique, s'échappent dans l'Atlantique
en formant le Gulf stream, ce fleuve aux eaux
chaudes et abondantes, qui vient réchauffer les
côtes de la France et des Iles Britanniques, et dont
l'influence se fait sentir jusqu'au nord de la Nor-
vège.
Climat. — Le climat des Antilles est généralement
fort chaud comme le littoral qui leur fait face sur
le continent. Les pluies j' sont très-abondantes et
donnent à la végétation une vigueur incomparable ;
mais en revanche le tempérament des hommes
blancs en souffre considérablement, et la fièvre jaune
y fait de cruels ravages. Le sol est généralement
accidenté, car ces îles sont pour la plupart dues à
des soulèvements volcaniques, et elles offrent à l'in-
térieur des plateaux élevés, qu'on appelle mornes,
où les blancs affaiblis vont reprendre un peu de
vigueur. Tant que l'esclavage a subsisté, c'étaient
les nègres qui travaillaient dans les plantations de
sucre, de café, de coton, de cacao, de vanille, de
tabac. Aujourd'hui on supplée à l'insuffisance de
leur travail, depuis qu'ils ont recouvré la liberté,
en amenant des coolies chinois ou hindous.
Lorsque Colomb découvrit les Antilles, il crut
être arrivé aux Lides ; de là l'usage d'appeler sou-
vent les Antilles les Indes Occidentales, par oppo-
sition aux Indes Orientales, qui sont en Asie.
Géographie politique. Populations. Langues. —
Les Antilles appartiennent pour la plupart aux
Européens, Espagnols, Français, Anglais, Danois,
Hollandais. Mais l'île d'Haïfi. qui appartenait au-
trefois à la France et à l'Espagne, forme aujour-
d'hui deux républiques indépendantes ; à l'est, l'an-
cienne colonie espagnole forme la république de
Saint-Domingue; à l'ouest, la république d"Haïti
comprend l'ancienne colonie française. L'Espagne
a été menacée de perdre Cuba, la perle des An-
tilles, comme on l'appelle, où une terrible insur-
rection Aient de durer plusieurs années, et qui
est un objet de convoitise continuel pour les Etats-
Unis. Z,a Havane, capitale de cette île^ célèbre par
ses cigares, est une ville de plus de 200 OuO âmes.
L'Espagne possède en outre Porto-Rico; l'Angle-
terre, la Jamaïque et la plupart des petites Antilles ;
les Danois, l'île de Snint-Thomas, où se croisent
les paquebots transatlantiques. La France a con-
servé la Martinique, la Guadeloupe et quelques
autres petites îles. Plusieurs de ses anciennes
possessions, telles que la Dominique, Sainte-Lucie,
Saint-Vincent, ont gardé leur nom français, et
notre race y est encore dominante. Après l'espa-
gnol, le français est la langue qu'on parle le plus
aux Antilles. La population de tous ces archipels
réunis est de 4 millions d'habitants.
m. AMÉRIQUE DU SUD.
Colombie. — Divisions politiques. — Au point de
vue politique, cette contrée, qui s'étend entre la
mer des Antilles, les Guyanes, le Brésil et le Pérou,
a plusieurs fois changé d'organisation depuis le
commencement du siècle. Elle formait d'abord une
capitainerie générale espagnole, puis s'insurgea
contre sa métropole et forma une république qui
se partagea en 1830 en trois républiques distinctes :
celle du Venezuela à l'est, celle de la Nouvelle-
Grenade au centre, et celle de l'Equateur au sud.
Dans les deux premières, on a oscillé entre la
forme unitaire et la forme fédérative, et actuelle-
ment elles sont composées chacune d'un certain
nombre d'Etats indépendants qui ont un gouver-
nement distinct, mais sont réunis entre eux par le
lien de la fédération, comme les Etats-Unis de
l'Amérique septentrionale ou les cantons suisses.
Nouvelle-Grenade, Colombie proprement dite.
— Aspect phy>:ique. — L'isthme de Panama est
recouvert d'une superbe végétation, dont les pro-
grès sont si rapides, qu'il faut sans cesse défendre
la voie ferrée contre les plantes qui menacent de la
faire disparaître. Du côté do l'est, le terrain se relève
rapidement, et on rencontre bientôt les Andes, dont
les chaînes parallèles courent au nord-nord-est. On
voit se découper sur l'azur du ciel leurs cimes
hautes de 3 et quelquefois de 6000 mètres, ou
bien la fumée des volcans qui y brûlent encore. La
zone littorale est étroite, ce qui est heureux, vu son
insalubrité. C'est par milliers que sont morts les
malheureux ouvriers chinois qui construisaient le
chemin de fer. Sur les plateaux, au contraire, les
blancs s'accommodent aisément du climat et ils
peuvent y cultiver des céréales. Il pleut dans ce
pays autant que sur les flancs de l'Himalaya ;
aussi les rivières y roulent-elles des flots abon-
dants. La Madeleine et son affluent le Cauca se
dirigent au nord vers la mer des Antilles. Le
Meta et le Guaviare se déversent à l'est dans
rOrénoque, tandis qu'au sud naissent le Yapure
et le Rio-Negro, deux des grands affluents septen-
trionaux de l'Amazone. Le tabac, le café, le quin-
quina, le coton, l'indigo, le caoutchouc y poussent
avec vigueur et forment les principaux objets du
commerce d'exportation. On trouve dans la Nou-
velle-Grenade de superbes émeraudes.
La Nouvelle-Grenade, qui porte aujourd'hui le
nom officiel d'Etats-Unis de Colombie, comprend
actuellement neuf Etats, dont celui de Panama.
Populatio7i. — On évalue leur superficie totale à
800 dOO kilomètres carrés environ, une fois et demie
la France, et leur population à 3 000 000 d'habi-
tants. Les Indiens y sont dominants, et appar-
tiennent à l'ancienne race des Chibchas, qui étaient
contemporains des Aztèques du Mexique'. C'est
un fait qui distingue l'Amérique méridionale de
l'Amérique septentrionale, que les races indigènes
s'y maintiennent, au lieu de disparaître comme les
Peaux-Rouges des Etats-Unis. Dans la Colon bi ■.
ils forment la moitié de la population. Les blancs
ne sont guère que 600 000. Le reste se compose
dp nègres, de mulâtres, ou de métis de nègres et
d'Indiens, qu'on nomme des Zambos.
La capitale fédérale, Bogota, située à 2600
mètres d'altitude, au pied de montagnes encore
plus élevées, a 50 000 habitants. Panama en a une
vingtaine de mille.
Équateih. — La république de l'Equateur est
un peu plus étendue que la France et ne renferme
qu'un million d'habitants, dont la moitié d'Indiens.
Les Andes dressent là des volcans et des sommets
fameux qui ont longtemps passé pour les plus
élevés de la terre. Du côté du Pacifique, on ne
rencontre que des torrents et d'étroites vallées.
Sur le versant opposé, au contraire, le sol s'abaisse
graduellement et les cours d'eau forment de larges
nappes navigables qui s'en vont à l'Amazone. La
capitale, Quito, est située presque sous l'équateur.
Mais, grâce à son altitude de 3000 mètres, on y
jouit d'un bon climat et d'un panorama splendide
sur les montagnes qui l'entourent de tous côtés.
Au sud-ouest, on aperçoit le Chimborazo, haut de
plus de 6000 mètres, et au nord, le Pichincha,
haut de 4800 mètres, comme notre Mont-Blanc,
et dont le cratère descend à 750 mètres de pro-
fondeur. Sur la chaîne orientale, le Cotopaxi,
haut de près de 6000 mètres, est le plus imposant
des volcans en activité, et plus au sud, sur les
flancs de l'Antisana, on visite à 4000 mètres une
des maisons habitées les plus élevées du globe.
L'Equateur ne renferme pas d'autre villo-impor-
tartc que Quito, qui a 80 000 habitants.' Guej/a-
quil est le principal port de commerce sur le Pa-
AMERIQUE
108 —
AMÉRIQUE
cifique. Avec le cacao, la gomme et le café, le
principal objet d'exportation est fourni par les
forêts de quinquinas.
VENEZUELA. — Le Venezuela forme actuellement
\ingt Etats, dont la superficie totale est double de
•celle de la France, et la population de 1 800 000
liabitants. Sur la mer des Antilles, il offre une
étroite bande de terres chaudes, dominée par une
chaîne côtière qui est la partie la plus salubre et
aussi la plus peuplée de toute la république. Là
se trouve la capitale, Cai-ncas, que dominent des
cimes de 3000 mètres, bien qu'elle ne soit qu'à
25 kilomètres de la Guayra, son port sur la mer
<3es Antilles.
Les Uanos. — Au sud de la Sierra de Caracas
s'étendent les Uanos, vastes plaines qu'inondent
les pluies tropicales, et que les rayons du soleil
équatorial dessèchent ensuite en les recouvrant
d'une somptueuse végétation. Là pullulent malheu-
reusement les crocodiles, les jaguars, les reptiles,
les moustiques et les plantes vénéneuses; en outre,
les miasmes paludéens et fiévreux s'opposent à la
prospérité de l'homme dans cette région.
L'Orénoque. — Les Uanos du Venezuela dé-
versent leurs eaux dans Y Orénoque. dont la rive
droite baigne le pied des hautes sierras qui bordent
les épaisses forêts de la Guyane et dont la source
<?ncore inconnue doit se trouver sur les confins do
la Guyane et du Brésil. L'Orénoque est un su-
perbe cours d'eau, le plus grand tleuve de l'Amé-
rique méridionale, après l'Amazone et le Rio de la
Plata. La longueur de son cours dépasse 2000 ki-
lomètres, et à 300 kilomètres de son embouchure,
il commence à former un delta, où une dizaine de
branches offrent un passage assez profond pour
les grands navires. Dans le haut de son cours, le
Cassiquiaré le fait communiquer avec le Rio Negro
et le fleuve des Amazones, en offrant une des com-
munications fluviales les plus curieuses du monde.
Comme les deux républiques voisines, le Vene-
zuela est petiplé principalement dlndiens et de
«ang-mêlé. Cependant sa situation maritime y
attire depuis quelques années des immigrants
européens, principalement des Allemands. La ca-
pitale Caracas, dont un tremblement de terre a fait
périr ou disparaître la moitié de la population
Tors le commencement de ce siècle, renferme au-
jourd'hui 50 000 habitants, ou à peu près. La Guayra
et Puerto-Cabello, sur la mer des Antilles, et
Ciudad Bolivar, sur l'Orénoque, senties principaux
ports de commerce, qui exportent du café, du
cacao, du coton, du sucre, de l'indigo, du tabac,
des bois de teinture et des peaux.
Guyane. — Situation. Aspect général. — On
donne géographiquement ce nom à tout l'espace
insulab'e compris entre l'Orénoque, le Cassiquiaré.
le Rio-Negro. l'Amazone et l'océan Atlantique. Des
montagnes inexplorées, mais dont les plus élevées
n'atteignent pas la moitié de l'altitude des grands
sommets des Andes, y renferment de nombr- nso*
sources; celles-ci, bientôt grossies parles pluies di-
luviennes, apportent à la mer des fleuves qui, malpré
Ju brièveté ae leur cours et le peu de place qu'ils
occupent sur la carte, roulent autant d'eau que le
Rhône ou le Rhin. Des forêts vierges remplies de
bois précieux, des cataractes qtii sont rangées
parmi les plus imposantes du monde, le prestige
d un eldorado introuvable, dont les fleuves entrai
lient les paillettes qu'elles lui ont arrachées mysté-
rieusement, auraient depuis Joriiîtemps fait fa ri-
chesse de ce pays, s'il n'offrait 'pas le climat le
plus meurtrier sur ses rives où abordent les Euro-
péens. Des bancs de vase apportée par les cours
d'eau, des marais pestilentiels peuplés de serpents,
de crapauds et autres bêtes repoussantes, sont pro-
pres à se couvrir des plus riches cultures, mais
rendent le séjour meurtrier pour les nègres cux-
Qicmcs.
Étahlissemenis européens. — Trois peuples euro-
péens possèdent des établissements en Guyane,
dont le reste appartient au Venezuela et au Brésil.
De l'ouest à l'est, la Guyane anglaise occupe 220 000
kilom. carrés, peuplés de 2i.^ 000 habitants, la
Guyane hollandaise, 120 000 kilom. carrés, peuplés
de 70 000 habitants, et la Guyane française \ 20 000
kilom. carrés, peuplés de 25 000 habitants. On ne
peut évidemment pas comprendre dans ces recen-
sements les nègres marrons qui vivent au fond des
forêts.
Des nègres, des Hindous, des Chinois, cultivent
les plantations de sucre, de café, de cacao, de poi-
vre, de coton, etc. Mais ce sont encore les Portu-
îrais, originaires de Madère ou des îles du Cap-
Vert qui, parmi les Européens, s'accommodent le
mieux du climat et qui s'adonnent au commerce.
Georgetown, la capitale anglaise, sur le fleuve
Domérary, et Paramaribo, la capitale hollandaise,
sur le fleuve Surinam, sont des villes de 20 à
2ô 000 habitants, entourées de belles plantations.
Cayenne, !a capitale française, est moins peuplée
et sert de lieu de déportation. C'est non loin
de là. à Sinnamary, qu'ont péri bien des victimes
des discordes politiques à la fin du siècle dernier.
Depuis, on transportait à Cayenne les condamnés
aux travaux forcés. Aujourd'hui ce séjour est affecté
uniquement aux condamnés arabes ou de couleur.
Brésil. — Situation, superficie, population. —
Dépassant l'équaieur au nord, et s'étendant au sud
presque jusqu'à l'embouchure de la Plata, le Brésil
forme après les empires britannique, russe, chi-
nois et l'L'nion Américaine le plus vaste État du
monde. Avec ses 8 millions de kilomètres carrés, il
couvre près de la moitié de l'Amérique méridio-
nale, 15 fois la superficie de la France, les quatre
cinquièmes de celle de l'Europe, la seizième partie
des terres émergées du globe. Sa population n'at-
teint que lO millions d'habitants, mais, avec la fer-
tilité du sol, elle pourrait être presque centuplée.
Littoral et plateaux. — Situé presque en entier
entre l'éqiiateur et le tropique du Capricorne, le
Brésil reçoit des masses énormes de pluie, qui
développent le long du littoral de l'Atlantique une
végétation luxuriante. Le sol se relève rapidement
en hautes sierras qui dominent la magnifique rade
de Rio-de-Janeiro et forment le rebord du haut
plateau qui occupe la plus grande partie de l'em-
pire. Trop peu élevées pour que la neige y séjourne
sous cette faible latitude, ces montagnes ont au
moins l'avantage de fournir aux Européens des de-
meures salubres au lieu du séjour amollissant du
littoral. On trouve dans la province de Minas-
Geraes des mines de diamants et de métaux pré-
cieux, qui ont fait la réputation de richesse de cet
empire, avant qu'on ne sût mettre à profit ses res-
sources agricoles.
Les nuages qui dépassant la baie de Rio vont
s'abattre on pluie quelques heures plus tard sur
les sommets voisins, donnent naissance à des cours
d'eau qui, au lieu de revenir directement à l'A-
tlantique, s'écoulent en formant un grand détour au
<ua, par le Parana, l'un des grands affluents do la
Plata, ou au nord par le San Francisco, dont les
eaux s'abîment en cataractes bruyantes comme le
tonnerre avant de s'unir aux flots de l'Océan.
A l'ouest delà province de Minas-Gcraes, au sein
des forêts épaisses du Jlatto-Grosso, le Paraguay,
affluent de la Plata. le Guapore, affluent de 1«
Madeira, et divers affluents de l'.Amazone entre-
mêlent leurs sources sur les hauteurs des Campos
Parexis, qui se transforment par moments en un
immense marais spongieux. Sans les rapides de la
^ladeira. le long desquels on a projeté la construc-
tion d'un chemin de fer, les bateaux pourraient
naviguer ainsi presque sans interruption depuis
l'embouchure de la Plata jusqu'à celle de l'Amazone.
L'Amazone. —Par la longueur de son cours, qui
AMERIQUE
— 109 —
AMERIQUE
atteint près de 6000 kilomètres, par la largeur de
son lit qui est telle que souvent on n'aperçoit pas
d'une rive la rive opposée, par sa profondeur qui
le rend accessible aux plus granas navires jusqu'à
mille lieues de son embouchure, l'Amazone est le
premier fleuve du monde. La marée y remonte
jusqu'à 750 kilomètres de l'Océan, les tempêtes y
soulèvent des vagues énormes. Le flot qu'il déverse
à son embouchure est de 100 millions de mètres
cubes par seconde, et atteint quelquefois le double
de ce volume. Et comme la pente est insensible
depuis le pied des Andes jusqu'à l'Atlantique, c'est
sa masse qui entraîne ce déluge, plutôt que l'in-
clinaison de son lit. Ses affluents sont eux-mêmes
d'énormes fleuves, et venant les uns du nord, les
autres du sud de l'équateur, ils passent à des épo-
ques différentes par leurs moments de crue, ce qui
contribue à régulariser le débit de l'artère princi-
cipale qui les reçoit. Changeant trois fois de nom,
s'appelant Maranon dans le Pérou, Solimoes en
amont de son confluent avec le Rio-Xegro, et Ama-
zone près de son embouchure, ce fleuve se grossit
de rivières plus puissantes que le Danube ou le
Volga, dont les eaux sont bleues, laiteuses, vertes,
noires, suivant les roches dont elles entraînent les
débris, ou les végétaux dont la décomposition les
altère.
Les Andes de l'Equateur envoient à l'Amazone
le Xapo, le Putumayo et le Japure ; ce fleuve reçoit
encore sur sa gauche le RioS'égro, qui s'alimente
sur les Uanos de la Colombie, du Venezuela et des
Guyanes. Sur sa rive droite, il reçoit l'Ucayalé, des-
cendu des Andes de Cuzco, au Pérou ; le Yavari,
qui forme la limite entre le Pérou et le Brésil, le
Jutay, le Purus, le Madeira, le Tapajos et ie Xingu,
qui parcourent du sud au nord les plateaux de ce
grand empire.
Avec leurs branches principales et les mille ra-
mifications qu'elles ont formées dans des moments
d'inondation, ces rivières forment le plus vaste
réseau de navigation du globe qui s'étend aux di-
verses extrémités d'un bassin grand douze fois
comme la France. Des forêts superbes, dont les ar-
bres se relient les uns aux autres par des lianes
enchevêtrées dans leurs rameaux, y étendent par-
tout leur ombrage et mettent le sol humide à l'abri
du soleil desséchant de l'équateur. Des mjTÎades de
poissons, d'espèces plus variées que dans l'Océan
même, pullulent dans ces eaux, dénormes tortues
enfouissent leurs œufs dans les grèves de l'Ama-
zone. L'homme seul manque pour animer ces pa-
rages. Les villages qui bordent l'Amazone sont dis-
tants les uns des autres de 200 kilomètres ; les In-
diens, qui les habitent, vivent indolents et tran-
quilles sous ce climat, qui fournit abondamment à
leurs besoins, mais dont l'influence amollissante
n'éveille chez eux aucune activité. Les vapeurs,
qui sillonnent les eaux du fleuve en remomant
jusqu'au Pérou, depuis que le grand fleuve a été
ouvert au commerce de tous les pavillons, sont
presque les seuls représentants de la civilisation
dans ces parages.
Autj-es fleuves du Brésil. — Avec l'Amazone et le
San Francisco, le plus puissant fleuve du Brésil est
le Tocantins, qui descend des PjTénées de la pro-
rince de Goyaz en chutes imposantes, se grossit à
l'ouest de la grande rivière d'Araguay et roule dans
l'Océan des flots assez forts pour soulever de gros
navires. Son embouchure, voisine de celle de l'Ama-
zone, est balayée comme elle par les courants cùtiers
qui vont grossir les rivages de la Guyane des allu-
mions qu'ils entraînent.
Rnces. — On évalue la population du Brésil à
11 millions d'habiunts. Les blancs issus des Portu-
gais ou récemment arrivés des pays d'Europe, de
l'Allemagne en particulier, ne sont pas 4 millions.
Les noirs, importés d'Afrique par les vaisseaux
négriers ou nés au Brésil de parents esclaves, sont
au nombre de 2 millions, dont les trois quart»
environ n'ont pas encore recouvré la liberté. Les-
mulâtres sont de 3 à 4 millions. On a recensé 4 ou
ôOO 000 Indiens soumis, et on évalue à 1 million
ceux qui vivent indépendants dans les forêts de
l'intérieur. Tant que l'esclavage subsistait au Brésil,
les Indiens et les nègres étaient chargés du péni-
ble travail des mines et des plantations. Maintenant
tout enfant naît libre, et d'ici à quelques années-
l'esclavage aura entièrement disparu de l'empire.
Aussi le gouvernement du pays fait-il les plus grands
efl'orts pour y attirer une population européenne
de travailleurs.
Productions. — Pour le moment les principaux
objets du commerce d'exportation sont : le café, le
coton, le sucre, le cacao, le tabac, les peaux, les
gommes, les diamants, les métaux précieux. Mais
le sol est apte à produire toutes les céréales culti-
vées dans les pays tempérés : ses forêts, dont est
sorti le bois de teinture, couleur de braise, qui a
donné son nom au pays, renferment des richesses
inépuisables.
Divisions et grandes villes. — L'empire qui s'est
séparé du Portugal, dont il était une colonie, dans le
premier quart de ce siècle, est divisé administrative-
ment en 21 provinces. Sa capitale, Hio-de-Janeiro,
qui est une des plus belles villes du monde, ren-
ferme près de 300 000 habitants; Bahia et Pernam-
houc, rehées l'une et l'autre par une voie ferrée au
Rio San Francisco, qui débouche sur le littoral à
distance égale de ces deux villes, renferment cha-
cune plus de cent mille âmes.
Pérou. — A l'ouest du Brésil et au sud de la ré-
publique de l'Equateur se dressent les hauts pla-
teaux du Pérou et de la Bolivie, que dominent en-
core des pics gigantesques des Andes.
Littoral du Pacifique. — Entre le Pacifique et ces
montagnes, le littoral est étroit, refroidi, malgré la
latitude, par un courant froid qui vient du pôle sud,
et désolé par une sécheresse perpétuelle. On cite
tel point sur cette côte qui deptiis trente ans n'a
pas reçu une goutte de pluie ; l'atmosphère est
tellement desséchée que les Andes elles-mêmes ne
s'y couvrent pas de neiges, ne donnent naissance à
aucune source, et que les rares habitants de ces
parages, atiirés aux environs du tropique du Ca-
pricorne par des mines d'argent d'une richesse
incroyable, ou par des dépôts de salpêtre ou de sels
minéraux propres à porter la fertilité sur un sol
moins desséché, sont obligés de distiller l'eau de
mer pour se désaltérer. De terribles tremblements
de terre apportent en outre trop souvent la déso-
lation dans ces parages et viennent presque pério-
diquement renverser les villes qui essaient de s'y
fonder. En s'élevant sur les plateaux des Andes,
on trouve un climat moins énervant, des vallées
fertiles, des forets où l'on récolte le précieux quin-
quina, des villes qui avaient atteint avant l'arrivée
des Européens un haut degré de prospérité.
Les Incas. — Sous l'empire des Incas, la nation
des Quitchouas avait élevé des temples et des mo-
nuriients magnifiques couverts de l'or de leurs mi-
nes et malheureusement trop propres à exciter l'en-
vie des Espagnols pillards. Des routes magnifiques
raj-onnaient autour de Cv.zco. leur capitale. Letu*s
mœurs étaient douces, et aucun sacrifice humain ne
ternissait les cérémonies de leur culte, comme chez
les Aztèques du Mexique.
Versant de r Atlantique. — Après avoir franchi
des cols hauts comme notre Mont-Blanc, on atteint
les sources de 1 Amazone, que 200 kilomètres à peine
séparent des rivages du Pacifique, tandis qu'en ligne
droite il y a 15 fois plus de chemin pour atteindre
l'Atlantique. Ce versant est couvert de forêts, les
torrents y roulent de cascade en cascade, dont le
nom d'Apurimac, le principal affluent du Maranon
par rUcayalé. rappelle le tapage bruyant, et devien-
nent bientôt accessibles à la navigation. Les vapeurs-
AMERIQUE
— MO —
AMERIQUE
de l'Amazone remontent ses affluents jusqu'à une
petite distance du Pacifique, et donneront bientôt
la main aux chemins de fer qui francliissent les
Andes, grâce aux t)-avaux d'art les plus hardis qu'on
ait encore vus en ce genre.
Volcans et lac Titicaca. — Ce n'est qu'au sud-est
du Pérou qu'on retrouve des volcans en activité, au
voisinage du lac Titicaca, vaste nappe d'eau de
800 OUO hectares, qui n'est pas à moins de 3500 mè-
tres d'altitude, mais que dominent des pics de '; à
7000 mètres, parmi lesquels le volcan d'Aréquipa
est le plus fameux, mais le Sahama le plus élevé.
Malgré la masse de ses eaux, le Titicaca ne donne
naissance qu'à une rivière, le Dés;iguadéro, qui est
absorbée par une lagune de la Bolivie, sans attein-
dre l'Océan.
Supei'ficie du Pérou. Population. — La républi-
»iue du Pérou a une étendue de 1 300 000 kilomè-
tres carrés, un peu plus de 2 fois la France, et moins
de 3 millions d'habitants. Les blancs forment la
dixième partie de la population environ. Les noirs
sont encore moins nombreux, tout le reste est
■composé de métis et d'Indiens Quitchouas ou
Aymaras, dont la langue est encore vivante, bien
que l'espagnol soit la langue administrative, et
dont les mœurs ont conservé beaucoup des an-
ciennes traditions, malgré leur conversion au ca-
tholicisme.
Villes principales et productions. — Le Pérou
n'a qu'une seule ville de cent mille âmes, sa capi-
tale Lima, que quelques kilomètres séparent de
Callao, son port sur le Pacifique. Pendant longtemps
les métaux précieux ont fait la réputation du Pérou
«t la fortune des aventuriers qui les exploitaient.
Aujourd'hui le grand article d'exportation, celui
dont le produit doit garantir les emprunts faits pour
solder des dépenses hors de proportion avec la po-
pulation du pays, c'est le guano des îles Chinchas,
que des Chinois embarquent non loi de Callao. Le
nitrate de soude, les métaux précieux, le sucre, la
laine des vigognes et des alpacas qui paissent sur
les hauts plateaux des Andes et i'écorce de quin-
quina alimentent aussi un commerce de quelque
importance.
Bolivie. — Aspect général. — Cette contrée,
dont le nom rappelle le général Bolivar, fameux
dans la lutte que les colonies espagnoles soutin-
rent contre la métropole pour conquérir leur indé-
pendance, s'appelle aussi haut Pérou, et, de fait, il
renferme des cimes gigantesques, l'IUimani et le
"Sorata, hauts de 6 à 7000 mètres, des plateaux trop
élevés pour que l'homme ne souffre pas en y respi-
rant, des villes comme Potosi qui sont à plus de
4000 mètres d'altitude, mais dont les métaux pré-
cieux ont fait l'origine et la fortune. C'est là que
naît le Pilcomayo, un des grands affluents du Para-
guay, tandis qu'au nord le Béni, le Manioré et le
Guaporé qui forme actuellement la frontière entre
la Bolivie et le Brésil, portent au Madeira une masse
d'eau cinq fois aussi considérable que celle du
Rhône. Ces rivières arrivent bientôt à des vallées
fertiles et chaudes, amollissantes pour les tempé-
raments, quoique couvertes de forêts et hantées
par des jaguars et autres bètes féroces. Mais, entre
elles et les plateaux glacés où la neige tourbillonne
et où plane le condor prôt à fondre sur sa proie, les
terres d'élévation moyenne, de 1500 à 2500 ou 30(iO
mètres, sont propres à produire du blé et du maïs,
€t à nourrir des troupeaux sous un climat convenant
aux Européens.
Littoral du Pacifique. — La Bolivie est presque
exclusivement continentale ; cependant elle possède
sur le Pacifique une petite étendue de côtes, désolée
par la sécheresse, mais renfermant les riches mines
d'argent de Caracoles. Situées au milieu du désert
d'Atacoma, non loin de la région que caractérise
suffisamment son nom local de Despoblado (Dé-
peuplée), elles ont longtemps échappé aux avides
mineurs. Et il faut leur richesse quasi fabuleuse
pour décider ceux-ci à affronter les horreurs de
solitudes où tout homme égaré ne tarde pas à pé
rir de faim et de soif.
Villes. — C'est, au contraire, dans le haut pays
que se trouvent les villes principales, la Paz, la
capitale actuelle, peuplée de 75 000 habitants sur
le haut Béni, et Cochabamba, peuplée de 50 000
habitants, sur le haut Mamoré.
Superficie. Populatio7i. Races. — La république
de Bolivie a une superficie de 1 300 000 kilomètres
carrés environ, peuplés de 1 800 000 habitants,
appartenant pour la plus grande part aux races
indiennes des Quitchouas et des Aymaras, comme
au Pérou, et des Guaranis que nous retrouverons
au Paraguay.
Chili. — Situation el climats. — Cette contrée
occupe à l'ouest des Andes une étroite bande de
terres qui s'étend le long du Pacifique, depuis les
environs du tropique du Capricorne jusqu'au
42e degré de latitude méridionale, et une série
d'îles qui y fait suite à l'ouest du littoral de la
Patagonie. Les pluies abondantes qui l'arrosent et
sa latitude moyenne rendent le climat de ce pays
fort doux, et le courant froid venu du pôle, qui suit
ses rivages, en abaisse la température, tout comme
les neiges qui couronnent les sommets des Andes
et y forment des glaciers dont le pied vient plonger
jusque dans l'Océan.
Montag7ies. — C'est au sud du Chili que la Cor-
dillère des Andes prend naissance, mais elle atteint
bien vite une grande altitude, et l'Aconcagua, qui
se dresse sur la frontière du Chili et de la répu-
bhque Argentine, entre 32° et 33° de latitude sud,
atteint presque 7000 mètres. Les volcans ne sont
pas aussi nombreux dans cette région qu'en Bolivie
et dans l'Equateur, cependant les tremblements
de terre agitent fréquemment le Chili et y causent
de terribles désastres.
Productions et villes. — Entre la grande chaîne
des Andes et la côte s'élèvent des montagnes et des
collines moins élevées qui accidentent le terrain,
y diversifient les altitudes et les expositions et le
rendent propre à une plus grande variété de pro-
ductions. Valparaiso, le port le plus important et la
seconde ville comme population ("5 000 habitants),
a reçu un nom prétentieux qui le fait comparer au
paradis. On trouve des palmiers autour de Santiago,
la capitale (115 000 habitants). Le pays produit aussi
beaucoup de céréales qui s'écoulent jusqu'en Eu-
rope. Au-dessus de ces champs se dressent des
monts revêtus de belles forêts de hêtres, puis les
glaciers et les pics impropres à toute végétation.
Mines. — La grande richesse du Chili lui vient
surtout de ses mines. C'est un des plus grands mar-
chés du monde pour la production du cuivre.
L'argent y est aussi répandu. Cet État offre un
contraste frappant, sous le rapport de la tran-
quillité politique, avec les autres républiques de
l'Amérique du Sud, d'origine espagnole, que trou-
blent des conflits continuels.
Population. — La population, dans les veines de
laquelle coulent à la fois du sang indien et du
sang espagnol, dépasse 2 millions d'habitants, pour
un territoire un peu plus grand que la moitié
de la France. Ce pays est trop éloigné des rivages
européens, et la perspective de doubler le cap
Horn effraie trop de caractères timides pour que
l'immigration se porte en grande masse au Chili.
Mais les naissances y sont nombreuses, et la popu-
lation s'y accroîtrait très-rapidement, si un grand
nombre de Chiliens ne s'expatriaient chaque année
pour les contrées voisines, où ils vont porter le
renfort de leurs bras vigoureux et de leurs carac-
tères laborieux.
Araucans. — Au sud du Chili, 70 000 Araticans
représentent les restes d'une nation qui a résisté
250 ans aux Espagnols sans se soumettre, comme
AMERIQUE
111 —
AMÉRIQUE
les Aztèques du Mexique ou les Quitchouas du
Pérou, mais qui s'usent aujourd'hui par leurs luttes
intestines et par les progrès de la civilisation qui
gagne tous les jours sur leur territoire, sans qu'ils
puissent s'y plier.
Le Chili élève la prétention de posséder la Pata-
gonie jusqu'au cap Horn, qui termine l'Amérique
méridionale du côté de l'Océan austral. Le seul
point où il ait fait acte de souveraineté est la petite
colonie de Punta-Arenas, sur le détroit de Magel-
lan, canal sinueux qui conduit les navires de 10-
céan Atlantique dans le Pacifique, entre le rivage
Patagonion et celui de la Terre de Feu. Sa position
maritime donne seule quelque importance à cet
établissement, autour duquel on exploite quelques
mines de houille, sous un ciel froid et inhospi-
talier.
République ou Confédération Argentine. — St-
tuatio?i, le fleuve de In Plata. — Cet Etat occupe
entre les Andes chiliennes à l'ouest, la Bolivie au
nord, les fleuves Paraguay et Uruguay, l'océan
Atlantique à l'est, et leRio-Negro au sud, une su-
perficie de 1600 000 kilomètres carrés, qui est
presque doublée en y joignant le territoire de la
Patagonie, dont il dispute la possession au Chili.
Il est formé par la réunion de 14 Etats confédérés
entre eux comme ceux de l'Union-Américaine dans
l'Amérique septentrionale.
Le fleuve de la Plata, qui donne souvent son nom
à cette contrée, en constitue le principal caractère
géographique. Les montagnes du Brésil méridional
y versent l'Uruguay et le Parana, le plus considé-
rable de tous ses affluents, qui voient tous deux
leur cours brisé par des cataractes infranchissables
au-dessous de leur sortie du Brésil. LeMattoJSrosso
voit naître le Paraguay, dont les flots portent au
contraire des bateaux à vapeur jusqu'à plus de
mille lieues de l'océan Atlantique. Tous ces cours
d'eau, qui méritent le nom de grands fleuves, re-
çoivent un tribut abondant des pays fréquemment
.arrosés par les pluies qu'ils traversent. Des Andes,
au contraire, viennent le Pilcomayo, le Verméjo, le
Salado, qui traversent des pays brûlés par un soleil
ardent, dont les rayons boivent une partie de ce
que fournissent les neiges des Andes.
Montagnes. — Dans la partie méridionale, les
-Andes sont traversées par des cols relativement
bas, que fj-anchira sans doute bientôt un chemin de
fer reliant Buenos-Ayres au Chili. Plus au nord,
les Andes s'étalent au contraire en de puissants
massifs. Avec les montagnes isolées de Cordova, ce
sont les seules hautes terres de toute la Confédéra-
tion.
Plaines, pampas. — Les plaines en occupent
presque toute l'étendue. Elles sont très-fertiles sur
les bords des grands fleuves, et particulièremeni
dans la péninsule comprise entre le Parana et l'U-
ruguay, dans la Mésopotamie argentine, qui peut
être comparée à la Mésopotamie babylonienne pour
les qualités de son sol comme pour sa situation
géographique. Les plaines les plus élevées de l'in-
térieur, qui portent le nom de pampas, se recou-
vrent, dans tous les endroits humides, d'herbes
épaisses où vivent les plus grands troupeaux du
monde ; ces plaines offrent au contraire, dans les
régions desséchées du sud-ouest, un aspect mono-
tone et aride , dont la laideur s'accroît encore à
mesure qu'on approche du climat plus froid de la
Patagonie.
De ce côté errent de nombreuses bandes d'In-
diens insoumis, dont les chevaux rapides servent
admirablement les expéditions de pillage. La Con-
fédération a fait élever une série de forts pour les
surveiller et mettre les fermes isolées à l'abri de
leurs surprises.
Population, immigration européenne. — L'im-
migration européenne apporte chaque année un
contingent considérable à la population argentine.
qui atteint aujourd'hui 1 800 000 âmes. Les Ita-
liens, les Espagnols, les Français y arrivent en plus
grand nombre que les Anglais ou les Allemands.
Les terres s'offrent à eux en abondance. Le climat
est assez doux pour qu'on n'ait jamais éprouvé le
besoin d'introduire de noirs dans cette ancienne
colonie espagnole.
Productions. — Les troupeaux de bœufs et de
moutons trouvent dans les pampas de vastes espa-
ces qui ne sont pas encore tous occupés, et leurs
laines, leurs peaux, leur suif, leur viande même
forment les principaux aliments du commères
d'exportation.
Ville principale. — Buénos-Ayres, la capitale,
est une superbe ville de près de iOO 000 âmes,
active, commerçante, bien située sur l'estuaire de
la Plata et jouissant, comme son nom l'indique,
d'un climat fort sain.
Uruguay. — De l'autre côté de la Plata, l'Uru-
guay forme un bien petit Etat, de 200 000 kilomè-
tres carrés et de 400 000 habitants, entre le vaste
empire du Brésil et la Confédération Argentine. Le
premier en convoite la possession, qui étendraitses
frontières jusqu'au grand fleuve. Mais par sa po-
pulation, composée d'Espagnols ou de nouveaux
immigrants européens, l'Uruguay se rapproche
beaucoup plus de la Confédération Argentine.
Comme dans cet Etat, c'est l'exploitation des trou-
peaux qui y forme la principale industrie. Le pays
est du reste bien arrosé, accidenté et fertile, et la
population est appelée à s'y accroître rapidement,
comme elle le fait déjà dans sa capitale, Montevideo,
qui dépasse 100 000 habitants.
Paraguay. — Seul de tous les États d'Amérique
qui ne touche nulle part à l'Océan, le Paraguay a
au moins deux grands fleuves navigables, qui le
mettent en communication facile avec la mer, mais
n'ont pas réussi à le mettre à l'abri des armées de
ses puissants voisins. Sa population était com-
posée presque exclusivement de Guara7iis. Cette
race douce, facile à plier à la discipline, était ar-
rivée sous la direction des Jésuites à jouir pendant
le siècle dernier d'une grande prospérité dans les
établissements qu'ils avaient fondés entre le Pa-
rana et rUruguay. Depuis , la jalousie des peu-
ples voisins a détruit ces utiles fondations. La
population paraguéenne, soumise à un dictateur
ambitieux, qui, après avoir soulevé contre lui les
forces réunies du Brésil, de la Confédération Ar-
gentine et de l'Uruguay, a voulu tout anéantir
dans sa ruine, a été réduite au quart de ce qu'elle
était avant cette guerre terrible. On n'y trouve plus
que 230 oOO habitants, en grande partie composés
de femmes ou d'enfants. Le territoire a été réduit
à moins de 150 000 kilomètres carrés. La capitale,
Asuncion, ne renferme plus que 20 000 habitants.
Le pays est heureusement doué par la nature. Le
climat en est chaud, le sol fertile produit du maté,
espèce particulière de thé, des fruits, des céréales,
du tabac. Avec quelques années de tranquillité, il
pourrait redevenir peuplé et prospère.
IV. MODÈLES D'EXERCICES GÉOGRAPHIQUES.
1. Questionnaire. — 1. Sur la situation et la
forme de l'Amérique. — Où l'Amérique est-elle
située par rapport à l'Europe "? — Quelle est sa
forme? — Quelles mers la baignent à l'est? — à
l'ouest? — au nord? — Par quels caps est-elle ter-
minée au nord-ouest? — au sud? — De quel pôle
l'Amérique approche-t-elle le plus? — L'Amérique
scptvîntrionale est-elle plus ou moins étendue que
l'Amérique méridionale? — Quelle est la plus
peuplée?
2. Sur les côtes et les lies, les montagnes, les
fleuves, et le climat. — Quels sont les groupes
d'îles les plus remarquables de l'Amérique ? les
golfes principaux? — Où se trouve la principale
chaîne de montagnes de l'Amérique? — Quels
AMÉRIQUE
— H2 —
AMIDON
sont les principaux plateaux, les principales plai-
nes? — Quels sont les fleuves les plus considéra-
bles? — A quels versants appartiennent-ils? —
Quel est le versant le plus étendu en Amérique,
celui du Pacifique, ou celui de l'Atlantique? —
Quelles sont les régions les plus froides de l'A-
mérique, les plus chaudes, les plus arrosées, les
plus riches? — Le climat est-il partout salubre pour
les Européens?
3. Sur les diverses contrées de l'Amérique. —
Qu'est-ce que le passage du nord-ouest? Jusqu'à
quelle distance du pôle les derniers navigateurs se
sont-ils avancés?— Quelles sont les ressources du
Groenland?
Quels sont les principaux pays de la Nouvelle-
Bretagne? — Quel nom officiel porte leur réunion
politique? — Fleuves et lacs principaux de cette
contrée? — Qu'est-ce que les portages?— Quels
sont les produits du Canada? du pays de la baie
d'Hudson? — Quelles races peuplent ces pays? —
Principales villes du Canada?
Le Mexique offre-t-il partout le même aspect, le
même climat? — Qu'étaient-ce que les Aztèques?
— Quelles sont les populations actuelles du Mexi-
que, leurs races, leur religion? — Quels sont les
produits les plus remarquables? — Principaux
isthmes de l'Amérique centrale ? — Quelle route
le Nicaragua offre-t-il au commerce ?
Quel est le climat dos Antilles? Quelles sont
leurs productions? — De quelles puissances relè-
vent-elles ? — Quelle en est la ville la plus consi-
dérable? — Quelle est l'influence de la tempéra-
ture du golfe du Mexique sur le climat de l'Europe ?
Quelles sont les principales cimes de la républi-
que de l'Equateur? — Qu'est-ce que les llanos ? —
Quelles sont les productions de la Colombie, du Ve-
nezuela, de l'Equateur? — Qu'appellc-t-on Guyane?
— Quelles sont les puissances européennes qui s'y
sont établies? — Quel en est le climat?
Entre quels bassins se partage l'empire du Bré-
sil? — Affluents les plus considérables de l'Ama-
zone? — Quelles sont les principales villes du
Brésil ?
Comment le Pérou se divise-t-il physiquement?
— Quel est le climat du littoral du Pacifique ? des
Andes? du bassin de l'Amazone? — Par quelles
voies peut-on se rendre d'Europe au Pérou? Quel-
les en sont les principales ressources du pays? —
Qu'étaient-ce que les Incas? — Quelles mines pos-
sède la Bolivie? — Qu'est-ce que le désert d'Ata-
cama?
Quel est le climat du Chili ? — A quoi doit-il sa
prospérité ? — Quelles en sont les principales villes ?
Qu'est-ce que les Araucans?
Qu'est-ce que les pampas? — Quels troupeaux
nourrissent-elles? — Couvrent-elles toute la Confé-
dération Argentine ? — Quelles en sont les autres
régions? — Quelles sont les principales artères du
réseau navigable de la confédération ?
Quelle est la situation actuelle de l'Uruguay? du
Paraguay?
Nommer les principaux ports que rencontre un
navire faisant le tour de l'Amérique méridionale,
et les produits qu'il y peut charger.
Le cap Horn est par 56° de lat. S. environ, et
l'Amérique méridionale finit par 10» de lat. N. C'est
vers cette latitude que l'Amérique centrale sera
percée par un canal maritime. Quels seront alors
les ports du Pacifique qui auront avantage à se
servir du canal au lieu de la voie du cap Horn pour
communiquer avec l\io-de-Janeiro et avec l'embou-
chure de l'Amazone'.'' — Quels seront les ports de
l'Atlantique que le canal rapprochera de Callao?
2. Pi'oblèmes géographiques. —L'empire du Bré-
sil a S 'è'V, 000 kil. carrés, quelle serait sa popula-
tion si elle était aussi dense que celle de la France
(70 hab. par kil. carré) (R. 583 600 000 hab.) ?
Quelles sont les mers, les contrées, les fleuves
que traverse le parallèle de Rio-de-Janeiro? — celui
de la Havane? celui de Québec? celui de Mexico?
dans les diverses parties du monde?
La chute du Niagara verse en moyenne 7500 mè-
tres cubes d'eau par seconde, d'une hauteur de 50
mètres. Calculer en chevaux-vapeur la force mo-
trice qu'elle pourrait engendrer. — (R. 6 000 000
chev.-vap.)
Avec les superficies et les populations données
ci-dessus, calculer combien il y a de kilom. de
chemins de fer par 100 000 kil. carrés et par lO 000
habitants au Brésil qui possède 2290 kil. de voies
ferrées; en Bolivie qui en possède 130, au Pérou
qui en possède 1582 (R. Brésil, 27 kil. et 2" 29 ;
Bolivie, l(i kil. et 0* 7 ; Pérou, 120 kil. et 5^ 2).
Dans le désert d'Atacama, une seule nitrière
couvre 600 hectares de superficie, où il existe une
couche de l mètre de salpêtre. Celui-ci perdant, par
le raffinage, la moitié de son poids, et la densité du
salpêtre raffiné étant le double de celle de l'eau,
combien faudrait-il de navires de 500 tonneaux
pour emporter tout ce salpêtre raffiné (R. 12 000
nav.). En expédiant un de ces navires par semaine,
pendant combien d'années pourrait-on continuer les
expéditions (R. 23 ans 9 mois) ? [G. Meissas.]
Ouvragen h conaulter. — Onésime Reclus, La terre
à vol d oiseau, t. II.
Sur le Canada. Excursion au Canada et à la rivière
rouge, par M. de Lamothe {Tour du Monde. 187,t, 2" se-
mestre, pages 97-144; 1878, 1" semestre, p. 223 et suivantes')-
Sur la Colombie. L'Amérique équinoxiale, par M. Ed.
André [Tour du Monde, 2« semestre, 1877, p. 164; 1878,
le' semestre).
Sïir l'Amazone. Voyage d'Agassi: et voyage d'explo-
ration sur l'Amazone et la Madeira, par Fr. Keller Leuzin-
ger (Tour du Monde, 1874, 2« semestre, pages 369-416).
Sur les Andes et le Pérou. Voyages de M. Paul
Marcoy ; Les grandes scènes de la nature, pai- de Lanoye ;
Les phénomènes terrestres, par El. Reclus.
Sur la Bolivie. Le désert d'Atacama et Caracoles, par
l'ingénieur firesson {Tour du Monde, 1875, 1" semestre,
pages 321-352).
Sur la République Argentine. Le Paraguay, par
Fongues [Tour du Monde, 1874, 1" semestre, pages 369-
416) ; A travers la Pampa et la Cordillère, par M. Diisiré
Charnay {Tour du Monde, 1877, 2« semestre, pages 385-416);
La République argentine, par Beck-Bernard, 1865; Id., par
Rie. Napp, 1876.
I^ectures et dictées. — La baie de Baffin, dans Zur-
cheretMargollé, Les glaciers, p. 282.
Les Pêcheries du Groenland, dans Hayes , La terre de
désolation, p. 297; Godhaven, id., p. 332; La maison de
charbon flottante, dans les Voyages au pôle nord, par
J. Gourdiult, p. 90. „, ,
Les Antilles, dans J. Duval, Notre Planète, p. 346.
L'Amazone, son cours et son embouchure, dans Agassu,
Voyage au Brésil, p. 91-96-98-187.
Le tremblement de terre de Mendoza, dans le Tour du
Monde, 1877, II, p. 399; Le saut du • Téguendama, par
Edouard André {Tour du Monde, 1878, I, 173).
La Cordillère des Andes, dans Lanoye, Les grandes
scè7ies de la nature, p. 157, et E. Reclus, Les phénomènes
terrestres, p. 69.
AMIDON ET MATIÈRES AMYLACÉES. — Chi-
mie, XXII. — {Etijm. : de l'italien ou de l'espagnol
qui dérivent eux-mêmes d'un mot grec, signifiant
fait sa7is la meule).
Farine : gluten et amidon. — Quand on pétrit
une poignée de farine de blé ou de seigle dans-
un tamis sous un filet d'eau, il reste dans la main
une pâte grise, élastique, collante, composée en
grande partie de gluten, principe azoté, essentiel-
lement nutritif; et l'eau qui a passé à travers le
tamis laisse déposer une substance pulvérulente,
irès-blanthe : c'est de Yamidon.
Celte séparation facile est ïahalyse immédiate
de la farine. Le gluten et l'amidon en constituent
les principes itnmédiats.
Composition chimique; fécule. — L'amidon ne
contient point d'azote ; c'est un principe ternaire,
c'est-à-dire composé de trois corps simples, savoir:
AMIDON
— H3 —
AMIDON
le carbone, rhydrogèiie et l'oxygène. Considéré
comme aliment, on le nomme fécule*'^ amidon est
le nom générique employé en cliimie.
Substances végétales riches en amidon. — L'ami-
don se rencontre en abondance dans les graines
des légumineuses : fèves, pois, haricots, lentilles ;
ainsi que dans celles des céréales : blé, orge, seigle,
avoine, maïs, millet, riz. On le trouve aussi en
grande quantité dans les tubercules de pommes de
terre (fécule de pommes de terre), de patates,
d'ignames, de soucliets ; dans les tiges souter-
raines ou rhizomes de masette, d'iris, de canna, etc.
L'amidon abonde dans les fruits du chêne, du
châtaignier, du marronnier d'Inde, du sarrazin, etc.
Extraction en grand de l^mddon ou de la fécule.
— « Dans les arts, dit M. Wurtz, cette opération
s'exécute dans une auge allongée, demi-cylindrique,
nommée amidoîiniére, où la pâte est pétrie par un
cylindre de bois cannelé, tournant autour de son
axe. Un arrosage continu et qu'on peut régler à
volonté opère la séparation de l'amidon, qui est
entraîné avec l'eau dans des réservoirs. Le gluten
vert ou humide restedansl'amidonnière. L'amidon
ainsi obtenu renferme encore quelques particules
de gluten dont il faut le débarrasser. Pour cela on
fait fermenter le produit dans des cuves, en y
ajoutant quelques centièmes d'eau sure, c'est-à-dire
d'une eau provenant d'une fermentation précé-
dente.
« Au bout de quelques jours, 4e gluten est dé-
truit, et l'amidon, convenablement lavé à l'eau
pure, est mis à égoutter dans des paniers d'osier.
Les blocs sont renversés sur l'aire en plâtre d'un
grenier, où ils se raffermissent. On les rompt ensuite,
on entoure les fragments de papier, et on les fait
sécher rapidement dans une étuve. La masse se
divise alors en prismes irréguliers ou baguettes,
par suite des retraits inégaux qu'elle éprouve.
« Un autre procédé, qui tend à être abandonné
aujourd'hui, parce qu'il est très insalubre, consiste
à faire subir au grain grossièrement moulu une
véritable putréfaction qui détruit le gluten ; la
plus grande partie de ce dernier éprouve ime dé-
composition putride ; il se dégage de l'ammo-
niaque, de l'hydrogène sulfuré et d'autres pro-
duits infects, de telle sorte qu'tme odeur intolé-
rable se répand dans le voisinage des ateliers.
Quant à l'amidon, il résiste à la décomposition ; on
le purifie comme nous l'avons indiqué plus haut. »
Propriétés de iamido7i. — Constitution du
grain d'amidon. — L'amidon s'écrase sous la pres-
sion des doigts, en une sorte de poudre très-
blanche et douce au toucher.
Si on examine cette poudre au microscope, on
voit qu'elle est formée, non de grains quelconques
et irréguliers, mais au contraire de petites masses
organisées, constituées par des couches concen-
triques dont la densité diminue de la circonfé-
rence au centre. On peut se rendre compte de
cette structure en chauffant l'amidon dans l'eau.
Les grains se gonflent et crèvent; on peut voir
alors sous le microscope leurs couches déchirées
ot séparées.
Les grains d'amidon sont le plus souvent ovoïdes ;
l'amidon de blé forme des grains irrégulièrement
sphériques. Ceux de fécule sont généralement
allongés. Le diamètre des globules est toujours à
peu près le même pour les grains de même ori-
gine, et il diffère beaucoup d une espèce à l'autre,
ce qui permet de reconnaître par l'examen mi-
croscopique l'introduction frauduleuse dune farine
quelconque dans une autre, dans celle de blé par
exemple. Ce caractère distinctif a un degré de cer-
titude assez grand pour avoir été souvent admis
devant les tribunaux comme suffisant à démontrer
la fr.iude.
Voici, d'après M. Payen, la longueur de quelques
grains amylacés d'origine différente : pomme de
2* Partie.
terre, de 140 à 185 miUièmes de millimètre ; fèves,
75 ; — lentilles, G7 ; — blé, 50 ; — haricots, 30; —
mais, 30; —millet, 10; — graines de betterave, 4.
Caractères chimiques; empois. — L'amidon est
hygroscopique, c'est-à-dire qu'exposé à l'air il
en attire rapidement l'humidité. La recule dite
sèche du commerce contient encore doux équi-
valents d'eau, qu'elle perd quand on l'abandonne
dans le vide. Elle ne contient plus alors que
10 équivalents d'hydrogène et autant d'oxygène
combinés àl2 de carbone. On peut donc représen-
ter sa composition par la formule C'^H'^'O'''.
On a pu dire qu'au point de vue des classifi-
cations théoriques l'amidon est un hydrate de
carbone.
L'amidon . est insoluble dans l'alcool, dans
l'éther et dans l'eau froide. Chauffé dans l'eau à
70°, il forme un empois ou bouillie épaisse, pro-
venant de ce que chaque globule s'est dilate de
manière à occuper 2û à 30 fois son volume primi-
tif. L'empois d'amidon est gélatineux et demi-
transparent. C'est à cet état qu'il est employé
pour coller, et surtout pour empeser le linge.
lodure d'amidon. — En filtrant de l'amidon
bouilli dans une grande quantité d'eau, on obtient
une solution d'amidon, liqueur trouble qui con-
tient sous forme de légers flocons quelques traces
d'amidon en suspension, mais non en dissolution.
Cette liqueur, mise en contact avec des traces
d'iode, soit en y versant une ou detix gouttes de
solution aqueuse ou de teinture alcoolique d'iode,
soit même en y jetant quelques parcelles d'iode,
prend immédiatement une magnifique coloration
bleu foncé tout à fait caractéristique, de sorte
que l'amidon et l'iode sont le réactif l'un de
l'autre. Les plus faibles traces d'amidon sont révé-
lées par l'iode, et réciproquement. L'amidon à
l'état solide possède la même propriété, mais :\ la
condition que son grain ait été trituré, écrasé ; il
semble donc que c'est à l'intérieur du globule que
se trouve la substance susceptible de donner la
coloration bleue par l'iode. On a considéré la subs-
tance bleue ainsi formée comme une véritable com-
binaison chimique et on l'appelle Yiodure d'amidon.
Sa plus curieuse propriété est de se décolorer
quand on la chauffe vers 00°, puis de se colorer
de nouveau par le refroidissement.
L'expérience très curieuse peut être répétée
plusieurs fois de suite, à condition' qu'on ne
fasse pas bouillir la liqueur, car alors le refroi-
dissement ne ramènerait pas la coloration bleue.
Transformations de l'amidon. Dextrine. —
Chauffé fortement, il abandonne beaucoup de va-
peur d'eau, d'hydrogène carboné et laisse, comme
tous les corps organiques de composition sem-
blable, un résidu noir de charbon presque pur.
Chauffé doucement et longtemps sans qu'on dé-
passe 100°, l'amidon se torréfie, devient de la dex-
trine, c'est-à-dire de l'amidon soluble dans l'eau
(ce nom lui vient de ce qu'elle dévie à droite le
plan de polariscdion * de la lumière).
La dextrine contient autant de carbone, d'hydro-
gène, d'oxygène que l'amidon, autrement dit elle a
la même composition centésimale.
Diuer<es circonstances dans lesquelles l'amidon
se transforme en d xtrine et en glucose. — L'ami-
don se transforme en dextrine dans plusieurs cas :
rlorsqu'onlechauft'e à 2 10": 2" lorsqu'on le soumet
à une longue ébulliiion avec l'eau ; ;■(" lorsqu on le
chauffe dans de l'eau alcalisée par de la potasse;
4" lorsqu'on le soumet à l'action des acides étendus;
si l'action de l'acide se prolonge, l'amincjn sera
transformé en glmuse fV. Svcre et Fécub).
Lorsqu'on cliautTe de l'amidon avec beaucoup
d'eau vers 7(»" et qu'on y ajoute une infusion d'orge
germée. il se forme de la dextrine et du glucose, et
finalement, quand tout l'amidon a disparu, la dex-
trine elle-même se iransi'onne en glucose Cette
AMIDON
114 —
AMMONIAQUE
transformation s'est accomplie sous l'action d'une
substance qui existe dans l'orge gcrmce et qu'on
nomme diastase. C'est là le principe de la fabri-
cation de la bière. Le ferment de la levure de
bièi-e (V. Fermentation], la salive, et même le
gluten peuvent aussi produire la transformation de,
l'amidon en dextrine et en glucose. Pendant la
germination des graines de céréales, la diastase
transforme l'amidon du grain en glucose soluble et
capable d'être absorbé par le jeune végétal qui
s'en nourrit.
Traité par l'acide azotique étendu, l'amidon se
transforme en acide oxalique (acide des oseilles ,
et il se dégage en même temps des quantités con-
sidérables de vapeurs rutilantes.
Rôle de l'amidon et des substances amylacées
comme aliments respiratoires . — On trouve dans
le conniierce un grand nombre de fécules alimen-
taires très-employées dans léconomie domestique;
tout le monde connaît les usages du blé, du seigle,
de l'avoine, des pommes de terre, etc., sans parler
du tapioca, fabriqué avec la fécule de manioc (V.
Eup/ioràiacées, p. 740 1, ni des pâtes féculentes con-
nues sous le nom générique de pâtes d'Italie.
L'amidon est un aliment, puisqu'il entre comme
élément important dans toutes les farines et par
conséquent dans le pain ; mais il s'y trouve associé
à d'autres principes, tels que le gluten, principe
quaternaire, c'est-à-direformé de carbone, d'hydro-
gène, d'oxygène et d'azote; l'amidon, ne contenant
point d'azote, ne peut point à lui seul ou avec
de l'eau constituer un aliment nutritif proprement
dit. La plupart des tissus organiques, sinon tous,
sont formés dt principes azotés, et par conséquent
ne peuvent point trouver dans l'amidon >^eul,ou
dans les principes ternaires semblables, les élé-
ments nécessaires à leur réparation ou à leur ac-
croissement.
A quoi sert donc l'amidon dans l'alimentation ?
à quoi servent en général les aliments non azotés
dont il est le type, tels que la dextrine, l'alcool, le
sucre? Ces substances, dites amylacées, sont, avec
les graisses, ce qu on appelle des aliments respira-
toires (V, Aliments).
Sous l'action de la salive qui contient une espèce
de ferment appelé ptyaline ("V. Digestion, p. 592),
l'amidon devient soluble, et pouvant alors être
absorbé, il passe dans l'organisme, où il est brùlu.
c'est-à-dire transformé en acide carbonique et en
eau dans le phénomène général de la respiration
■ (V. Oxygène et Respiration] ; or c'est précisément
ce phénomène général d'oxydation qui produit la
chaleur animale indispensable à la vie. Ainsi les
aliments amylacés, et en particulier l'amidon qui
en est le type, ont pour effet d'entretenir dans
l'organisme la chaleur, et par conséquent la vie.
aussi bien que les aliments azotés réparateurs des
différents tissus.
Préparation industrielle et usages de la dextrine.
— C'est en 1833 que la dextrine a été isolée, pré-
parée à part par M. Dubrunfaut ; rappelons ici que
si elle a la même composition chimique que l'ami-
don, elle en diffère par de nombreuses propriétés
qui rendent aujourd'hui ses usages assez nombreux.
La dextrine ressemble assez à la gomme arabi(|UR ;
elle n'a comme elle ni saveur ni odeur, et comme
elle coûte beaucoup moins cher, elle la remplace
dans un irrand nombre de circonstances.
Dans l'industrie, on fabrique en grand la dextrine,
soit par voie humide en chauffant de la fécule à
75° dans de l'eau où on a mis du malt; soit par
voie 5éc/ie, en chauffant à 180° des plaques sur les-
quelles on a étendu de la fécule en couches minces ;
soit par le procédé dû à M. Payen, en chauffant la
fécule après l'avoir imbibée d'eau étendue d'acide
azotique.
On s'assure aisément que la transformation de la
fécule en dextrine est complète, car l'iode, qui co-
lorait en bleu la solution d'amidon, colore en
pourpre la dextrine.
Usages. — La dextrine sert à édulcorer et
gommer les tisanes, à fabriquer des pains de luxe,
û\x& pains de dextrine. On s'en sert dans plusieurs
industries, notamment pour la fabrication de la
bière, de l'alcool, l'apprêt des indiennes, l'encol-
lage des tissus en général, l'application des mor-
dants en teinturerie, l'impression des papiers
peints, etc. L'une des applications les plus utiles
de la dextrine est la fabi-ication des bandes agglu-
tiiiatives dont on enveloppe les membres fracturés.
On délaye 100 grammes de dextrine dansGi grammes
d'eau-de-vie camphrée, on ajoute 4o grammes d'eau
et avec ce mélange on enduit les bandelettes desti-
nées au pansement. A mesure qu'elles sèchent,
elles durcissent, en se modelant sur le membre
qu'elles doivent protéger. Pour les enlever, il
suffit ensuite de les mouiller avec de l'eau tiède.
[A. Jacquemart.]
AMMOIAQUE. — Chimie, V. — (Étym. du non>
de Jupiter Ammon, en Libye, parce que le sel
ammoniac fut préparé pour la première fois dans
les environs du temple d Ammon).
L'ammoniaque est un composé d'hydrogène et
d'azote qui a pour formule AzH^ et dont l'impor-
tance est de premier ordre, quel que soit le point
de vue auquel on se place. Le corps dont la com-
position est représentée par la formule ci-dessus est
le gaz ammoniac, et sa dissolution aqueuse, qui
n'est pas moins importante, s'appelle l'ammoniaque
ou Valcali volatil.
Circonstances dans lesquelles se produit le gaz^
ammoJiiac. — En faisant brûler un mélange gazeux
d'azote, d'oxygène et d'hydrogène, on obtient uns
combinaison d'acide azotique et d'ammoniaque.
On trouve toujours du carbonate d'ammoniaque
dans la rouille de fer [\. F>^r, p. 76G). Il se forme
aussi de 1 ammoniaque quand le fer, le zinc, l'étain
s'oxydent en présence de l'acide azotique ; en pré-
sence de l'éponge de platine, les vapeurs azotiques
mélangées à de l'hydrogène donnent de l'ammo-
niaque ; la plupart des matières organiques azotées
donnent du carbonate d'ammoniaque par la distil-
lation sèche et de l'ammoniaque reconnaissable à
son odeur, si on les chauffe avec de la potasse ou
de la soude caustique ; c'est même là le moj'cn
qu'on emploie pour reconnaître si une substance
organique est azotée. Les matières organiques
azotées donnent tuujours naissance à des produits
ammoniacaux quand elles se décomposent; ainsi
dans les lieux d'aisance il se dégage continuelle-
ment, mais surtout en été, du carbonate et du
sulfhydrate d'ammoniaque ; dans les écuries de
chevaux principalement, l'odeur ammoniacale est
souvent très sensible, et les propriétés irritantes
de ce saz se font sentir sur les muqueuses des pau-
pières ; il suffit de jeter de la chaux vive sur du
fumier ou dans des eaux d'écurie qui commencent
à se putréfier pour que l'odeur caractéristique ap-
paraisse. On peut donc dire, conformément à
l'expérience et à l'observation de tous les jours,,
que les produits organiques azotés donnent tou-
jours de l'ammoniaque lorsque leurs éléments re-
viennent à l'état minéral, soit sous l'influence de
la chaleur, soit par la putréfaction. Le composé
Az h' est gazeux dans les conditions ordinaires,
mais il a pu être liquéfié, et c'est par l'évaporation
en grand du liquide ainsi obtenu que M. Carré,
ingénieur physicien, a pu produire un froid consi-
dérable, utilisé aujourd'hui au moyen de ses ap-
pareils pour la fabrication artificielle de la glace
iV. Evaporation).
Propriétés. — Ce gaz est incolore, très difficile-
ment combustible, décomposé en azote et en
hydrogène sous l'action d'une série d'étincelles
électriques ; une allumette qu'on y plonge s'éteint
immédiatement. Il est surtout caractérisé par son
AMMONIAQUE
— Mo
AMMONIAQUE
odeur, qui est extrêmement pénétrante et provo-
que le larmoiement; c'est le seul gaz ramenant au
bleu le papier rouge de tournesol (V. Bases). Le
gaz ammoniac est extrêmement soluble dans i eau :
un litre d'eau saturé à la température de 10° con-
tient plus de ôOi) litres de gaz. Vammo7iiaque se
combine aux acides comme les bases ou oxydes mé-
lalliques les plus puissants. C'est du reste presque
toujours à i'élat de se) que l'ammoniaque prend
naissance. .
Tous les sels d'ammoniaque à acides oxygénés
contiennent une molécule d'eau qu'on ne peut leur
enlever sans détruire le sel. Ainsi l'azotate et le
sulfate d'ammoniaque contiennent toujours une
molécule d'eau : Az03,HO,AzH3; S03,HO,AzH3; au
contraire, les iiydracides, tels que l'acide chlor-
iiydrique, l'acide suU'nydrique, etc., forment avec
l'ammoniaque des sels sans molécule d'eau, ana-
logues au chlorure et au sulfure de potassium.
Pour expliquer ces analogies entre les sels am-
iuoniacaux et les sels de même espèce contenant
1106 base métallique. Ampère, l'illustre physicien
français, a imaginé une théorie célèbre, qu'a
ensuite développée Berzélius, le grand chimiste
suédois. Ampère suppose qu'il existe dans tous
les composes ammoniacaux une molécule complexe
y jouant le même rôle que la molécule métallique
joue dans les sels ordinaires ; cette molécule com-
posée, appelée radical, àoii, d'après Ampère, être
considérée, chimiquement du moins, comme une
molécule métallique,, et ce métal il l'a appelé am-
monium.
Le tableau comparatif suivant fera comprendre
comment cette hypothèse fait rentrer les sels am-
moniacaux dans la classe des sels à base métallique.
Sels ammoniacaux. Sels ci'ammonium. Sels coirespond'*
de potassium.
Az3H,Hr.l. Cl,AzH4. CIK.
Cliloilivdrated'am- Chlorure d'ammo- Chlorure de potas-
moniaque. nium. sium.
AzH3, hS. s, AzHi. SK.
Sulfhydrate d'am- Sulfure d'ammo- Sulfure de potas-
mouiaque nium sium
AzHî, HO, Az03. AzHiO, AzO». KO, AzQS.
Azotate d'ammo- Azotate d'oxyde Azotate d'o\yde de
Iliaque. d'ammonium. potassium.
Une très-curieuse expérience faite par Berzélius
tend à mettre plus en évidence l'existence de l'am-
monium. En versant une dissolution saturée de
chlorhydrate d'ammoniaque sur un amalgame de
sodium, on obtient instantanément une masse
butyreuse d'aspect métallique ayant un volume
10 ou lôfois égal au volume de l'amalgame de so-
dium. Cette substance peut être regardée comme
un amalgame d'ammonium; mais on n'a pas pu en
extraire le métal : elle se décompose tout do suite en
donnant une forte odeur ammoniacale. En admet-
tant qu'on ne parvienne jamais à isoler ce métal
composé, il ne serait pas encore absurde d'ad-
mettre l'existence distincte de ce groupe dans les
molécules plus complexes des sels ammoniacaux.
En 1814, Gay-Lussac découvrit un composé
gazeux d'azote et de carbone, C^Az, qu'il dut
considérer comme étant de la famille des corps
simples, rliloro, iode. etc. C'est le ci^aiiugèn- *.
Les combinaisons qu'il forme avec les métaux ont
de nombreuses analogies avec les chlorures des
mêmes métaux; le cyanogène est donc un radical
métalloïde jouant le rôle de corps simple. Dans
la suite le nombre de ces radicaux composés s'ac-
crut considérablement et bientôt fui constituée la
théorie des radicaux, qui rendit tant de services aux
chimistes pour l'explication des nombreux faits
observés dans l'étude des composés organiques
(V. Cliiniie organique).
Préparation du gaz ammoniac. — On chauffe
doucement un mélange de sel a-imoniac (chlorhy-
drate d'ammoniaque) avec de la chaux ; il se forme
du chlorhydrate de chaux ; le gaz ammoniac qui se
dégage est reçu dans des éprouvettes pleines de
mercure ; la réaction se fait même à froid. Si on
veut préparer la dissolution aqueuse du gaz, on le
fait arriver dans des flacons à moitié pleins d'eau
distillée.
Le sel ammoniac était autrefois importé d'Egypte :
on l'extrayait de la suie provenant de la combustion
des fientes de chameau; on le purifiait par distil-
lation, car il est très-volatil. Aujourd'hui on le
fabrique en grand, en chauffant un mélange de
sulfate d'ammoniaque et de sel marin ou chlorure
de sodium ; les deux bases échangent leurs acides :
il se forme du chlorhydrate d'ammoniaque qui
distille et du sulfate de soude qui reste. Le sul-
fate et la plu|)art des sels ammoniacaux se pré-
parent aujourd'hui au moyen des eaux de lavage
du gaz d'éclairage, qui sont chargées de carbonate
d'ammoniaque.
Le chlorhydrate d'ammoniaque se forme instan-
tanément sous forme de fumées blanches très-épais-
ses quand on met l'ammoniaque en présence du
chlore ou de l'acide chlorhydrique. Si l'on fait arri-
ver un courant d'ammoniac gazeux dans un flacon
plein de chlore bien sec, le gaz s'enflamme en don-
nant d'épaisses fumées.
Usages. — L'ammoniaque est employée comme
caustique contre les piqûres d'insectes, contre l'i-
vresse, et enfin, en l'étendant d'eau, car, concen-
trée, elle constitue un poison caustique éner-
gique, on l'administre aux ruminants atteints de
cette maladie foudroyante appelée méUorisation,
qu'ils contractent facilement en mangeant de
jeunes herbes tendres. L'ammoniaque agit dans ce
cas en neutralisant l'acide carbonique que la di-
gestion a développé en grande quantité dans les
organes digestifs et qui a ainsi provoqué une véri-
table asphyxie en même temps qu'un fort gon-
flement.
La plupart des sels ammoniacaux sont utilisés
soit dans l'industrie, soit dans les laboratoires ou
dans la thérapeutique.
Les végétaux sont les véritables laboratoires
où l'azote, en s'associant au carbone, à l'hydro-
gène et à l'oxygène, s'organise pour former les
principes immédiats azotés (V. Chimie organique).
C'est surtout dans le sol et non dans l'air que les
végétaux puisent l'azote dont ils ont besoin à cet
effet, et c'est principalement à l'état de sels d'am-
moniaque solubles que ce gaz doit pénétrer dans les
tissus pour s'y assimiler. Le fumier et la plupart
des engrais contiennent des sels ammoniacaux ; on
peut même affirmer que leur richesse comme en-
grais est presque proportionnelle à ce qu'ils en
renferment; de là l'introduction des sels ammo-
niacaux en proportions diverses dans les engrais
artificiels. Ainsi on livre à la végétation l'azote à
l'état d'ammoniaque . la plante, sous l'influence des
liénomènes vitaux, fabrique les principes néces-
saires à la vie des animaux : fibrine, caséine, albu-
mine,' etc.; et après la mort, ou lorsqu'elles ne sont
plus sous l'influence de l'organisme, ces substan-
ces rejettent l'azote à l'état d'ammoniaque en sti-
bissant les transformations complexes de la dé-
composition putride. C'est ce cycle parcouru par
la substance minérale pénétrant dans le règne
organique que l'illustre chimiste Dumas a décrit
dans les lignes qui suivent :
« Les animaux défont peu à peu les matières or-
ganiques créées lentement par les plantes. Ils les
ramènent peu à peu vers l'état d'acide carbonique,
d'eau, d'azote, d'ammoniaque qui leur permet de
les restituer à l'air.
» En brûlant ou en détruisant ces matières or-
ganiques, les animaux produisent tou^jOurs de la
chaleur, qui, rayonnant de leur corps dans l'espace,
va remplacer celle que les végétaux avaient ab-
sorbée.
AMORTISSEMENT
— M6 —
AMORTISSEMENT
1) Ainsi tout ce que l'air donne aux plantes, les
plantes le codent aux animaux, les animaux le
rendent à l'air : cercle éternel dans lenucl la vie
s'agite et se manifeste, mais où la matière ne fait
■ jtie passer sans changer.
» La matière brute de l'air, organisée peu à peu
dans les plantes, vient donc fonctionner sans alté-
ration dans les animaux et servir d'instrument à la
pensée ; puis, vaincue par cet effort et comme bri-
sée, elle retourne, matière brute, au grand réser-
voir d'où elle était sortie. » [A. Jacquemart].
AMORTISSEaiK^T. — Arithmétique^ LVI. —
Remboursement d'un emprunt par le paiement
d'une somme annuelle à laquelle on donne le nom
d'amjuité *.
1. Lorsque l'on contracte un emprunt et que
l'on ne peut s'acquitter qu'au bout d'un certain
temps, on doit non-seulement la somme avancée,
mais les intérêts de cette somme, et les intérêts
des intérêts ; on doit, en d'autres termes, le ca-
pital définitif que la somme empruntée aurait
produit si elle eût été placée à intérêts composés
depuis le jour de l'emprunt jusqu'à l'époque du
remboursement intégral. Si A désigne la somme
empruntée, r l'intérêt de 1', et n le nombre des
annuités qu'il faudra payer pour éteindre la dette,
le capital définitif dont on vient de parler sera
exprimé (V. Intérêts composés) par
A(lH-r)i.
D'un autre côté, si a désigne l'annuité, les
sommes successivement payées pouvant être con-
sidérées comme placées à intérêts composés entre
les mains du prêteur, produiront à son profit un
capital définitif exprimé (V. Annuités) par
a[fl-f?-)«— 1]
la dernière annuité versée ne portant point intérêt.
Les deux sommes ainsi calculées devant être égales,
on aura
°i"+f-"~A(l+.).; (1)
c'est la formule de l'amortissement.
2. Si c'est l'annuité qui est inconnue, ce qui
est le cas le plus ordinaire, on tire de cette for-
mule
(l-l-r)i — 1 ^ ^
Pour effectuer les calculs indiqués, on posera
d'abord
x={l-Jrr)n,
d'où log.x—nlog.{l-\-r); (3)
la quantité x ainsi déterminée, la formule (2) de-
viendra
d'où
log. a = log. A + log. r + log. a; — log. ( j; — 1 ;•
Supposons, par exemple, qu'une compagnie em-
prunte 1 000 000' pour une entreprise industrielle,
et qu'elle veuille amortir sa dette en 20 ans, les
intérêts étant calculés à 5 pour 100. On aura d'a-
bord 1 + ?•= 1,05. On aura ensuite
log. X = 20. log. (1,05) = 0,4237800
d'où X = 2,05329, et a; — 1 = 1 ,65329.
Par suite
1000 000'. 0,05. 2,05-329 „„,,„, „
"= Î;Ô5329-' =80242',72.
3. Il arrive assez fréquemment que c'est le
nombre d'années qui est inconnu. Dans ce cas, on
tire de l'équation (4)
(5)
a — Ar'
la formule (3) donne ensuite
log. x
"^î^(lT^*
Si, par exemple, dans la question ci-dessus on
fixe l'annuité à 80 000', on a d'abord
80 000 8
(6)
puis
80 000 — 1 000 000. 0,05 3
log.
0,42.59087
'log. 1,05 ~ 0,021 1893
^ 20,09*
4. Le nombre n d'années se trouvant ainsi
compris entre 20 et 21 , on voit qu'on pourrait
opérer l'amortissement au moyen de 20 annuités
de 8o 000', et d'une dernière annuité moindre
C'est ce que l'on fait quelquefois. Pour trouver,
dans l'exemple actuel, cette dernière annuité, on
calculera la valeur du capital définitif produit par
les 20 premières annuités, c'est-à-dire
80000'. [(1,05)20— 1] .^ „„,.„..r„«
~r^ ) ce qui donne 2 645 275f,20-
0,05
On calculera de môme la valeur de la dette au
bout de la 20' année, c'est-à-dire
lOOOOuO'. (1,05)20, ce qui donne 2 653 297'.
Si l'on en retranche la somme 2 645 275',20, trouvée
ci-dessus, le reste 8021',80, placé à 5 p. 100 pen-
dant une année, soit 8422^,90, sera le montant de
la dernière annuité à payer au bout de la 21* an-
née.
5. Si l'inconnue était la somme empruntée,
on tirerait facilement A de la formule (1) ; mais
ce cas ne se rencontre que rarement dans la pra-
tique.
Il arrive encore moins que le taux r soit l'in-
connue du problème ; dans ces sortes de ques-
tions, le taux de l'intérêt est toujours fixé à l'a-
vance.
6. L'amortissement peut être différé, c'est-à-
dire que l'emprunteur peut s'engager à s'acquitter
en n annuités, dont la première ne sera payable
que p années après la date de l'emprunt. Dans ce
cas la formule (1) subit une modification. Le capi-
tal définitif produit par n annuités est toujours
g[(l+r)n-l]^
mais la dette s'élève, au bout de p -[- n années, à
K{\-\-r)P + y^\
on doit donc avoir
^M±^!lll3^.^^X^r),^n. (7)
En posant toujours
a; = (1 4- r)" , d'où log. x^=n log. (1 -f ;•),
-'^''■'''' ,^s
on aura a= • (8)
X — 1
Si, par exemple, on suppose
A == 300 000', r = 0,05, ?2 = 10 et p = 5,
on trouvera ainsi
a = 49 5S5f,34.
7. Dans la plupart des États Eui'opcèns qui
AMORTISSEMENT
— H7 —
AMPHIBIE
ont recours à l'emprunt, le gouvernement affecte
chaque année à l'amortissement de la dette pu-
blique une fraction du capital nominal de cette
dette. Les sommes affectées à ce service sont dé-
posées dans une caisse particulière, appelée caisse
d'amortissement, où elles produisent, au bout d'un
certain temps, en s'augmentant de leurs intérêts
composés, la somme nécessaire à l'extinction de la
dette. La somme affectée chaque année à l'amor-
tissement s'appelle la dotation de la caisse d'a-
mortissement. Cette dotation est le plus souvent
le centième du capital nominal de la dette.
On peut demander le temps nécessaire à l'extinc-
tion de la dette. Ce problème ne diffère de celui
du n" 3 qu'en ce que l'État, servant les intérêts de
la dette, n'est débiteur que du capital emprunté.
La formule à employer est donc
On en tire
o[fl-h?')« — 1]
(l + ,.)n=.^+l
(8)
(0)
On calculera donc le second nombre ; et si B est
sa valeur, on aura
(l-f.)n = B, d'oùn^j^^^i^. (10)
Si, par exemple, on suppose
a= — • A, et j' = 0,045,
ce qui répond au taux de 4 ^ pour 100, on trou-
vera
B= 100?-+ 1=5,5
log. 5,5 0,7403627
et n =
log. (1,045) 0,UiyilG3
valeur comprise entre 38 et 39 ans.
8. On pourra proposer aux élèves les exemples
suivants :
L Quelle annuité fant-il payer pendant 29 ans
vour éteindre une dette de 450 000', le taïuu de
l'intérêt étant de 5 pour 100?
Réponse : 29720',48.
IL Une personne s'est acquittée d'une dette au
moyen de 10 annuités de 421',50 chacune; les inté-
rêts étant calculés à 4 | pour lOO, on demande quel
était le moîitant de la dette?
Réponse : 3335',20.
IIL Si l'on a amorti une dette de 10 000' au
moyen de G annuités de 11)07' G2 chacune, quelle
anJîuité faudrait-il payer pefidant le même temps
pour amortir ime dette de 84 '00^, le taux de
l'intérêt étant supposé le même ?
Réponse : ltJl38',47.
IV. Une personne a emprunté 6000', et veut
s'acquitter par 8 annuités, le taux de l'intérêt
étant de 6 pour 100; quel sei'a le montant de
chique ajinuité?
Réponse : i)6Gf,21.
V. Quelle dette pourrait-on amortir en 20 an-
nuités de lOOQf chacune, le taux de l'intérêt étaiit
de i pour luO;
Réponse : 13590',31.
VI. Dans quelques Etats, le gouveryieinent
n'affecte h l'amortissement que \ pour 100 du ca-
pital nominal de la dette publique; si les intérêts
sont calcules à 5 pour lOO combien d'années fau-
dra-t-il pour amortir entièrement cette dette?
Réponse : de 49 à 50 ans.
[H. Sonnet.]
AMPHIBIE ET AMI'HIBIEIV. — Zoologie, Il et
IX. — {Etym. : de deux mots grecs signifiant deux
vies, c'est-à-dire être quia deux modes d'existence) .
Il y a des plantes et des animaux amphibies; les
plantes amphibies sont celles qui croissent indiffé-
remment dans l'air ou dans l'eau. — Les animaux
amphibies sont ceux qui fréquentent l'eau pour s'y
nourrir ou pour tout autre motif, comme l'hippopo-
tame, ou bien qui vivent dans des lieux humides
comme beaucoup de reptiles, ou bien encore peuvent
plonger et se tenir sur l'eau ou dans l'eau tout en
respirant aux dépens de l'air ainsi que les phoques.
Ce mot a donc un sens très-général, mais il dési-
gne aussi en zoologie un groupe bien déterminé
de mammifères organisés pour la nage et dont nous
présentons rapidement l'histoire ci-après. Enfin, le
nom à'amphibie7i est donné par certains zoologistes
à la classe des Batraciens *.
Les Amphibies représentaient dans la classifica-
tion de Cuvier une famille seulement de l'ordre des
Carnassiers, entièrement disparu des classifications
modernes comme groupe naturel.
Pour Cuvier, ce groupe ou ordre des carnassiers-
comprenait tous les mammifères ayant la dentition
complète et mangeant de la chair ; mais il renfer-
mait la chauve-souris, qui vole comme l'oiseau, et le
phoque, qui nage comme le poisson : dans les clas-
sifications nouvelles, les différentes /'fl/n/Z/es créées
par Cuvier sont devenues des ordres, et l'on peut
facilement définir chacun de ces nouveaux groupes-
par leur mode d'existence et la conformation de
leurs organes locomoteurs qui y sont parfaitement
adaptés. Ont-ils les membres adaptes au vol, ils
appartiennent à l'ordre des C/teiroptères (chauve -
souris). — Sont-ils, au contraire, fouisseurs, comme
la taupe qui mène une existence souterraine, ils
sont classés dans l'ordre des Insectivores. — Sont-
ils marcheurs comme le chien ou l'ours, ils se rat-
tachent à l'ordre des Carnivores. — Enfin nagent-
ils comme le phoque sans pouvoir vraiment mar-
cher sur le sol, ce sont des Ampliibies.
Les amphibies lont bien partie des carnassiers:
leur deniition est complète ; ils ont les incisives
petites ; les canines, coniques et très-longues, peu-
vent se transformer parfois en défenses, les molaires
présentent des espèces de crêtes ou de saillies
aiguës. Leurs organes du mouvement sont accom-
modés à leur mode d'existence aquatique ; leurs
membres sont en effet courts, cachés en partie
sous la peau, et leurs doigts sont réunis par une
membrane lâche les convertissant en véritables
rames. Aussi ces animaux, qui jouissent d'une
"grande agilité dans l'eau, rampent-ils plutôt qu'ils
ne marchent quand ils sont sur le sol. Leur corps
est couvert de poils courts et très-serrés. Ils se
nourrissent de poissons marins. On reconnaît dans
cet ordre trois familles: 1° celle des Phoques;
2" celle des Otaries; 3° celle des Morses.
1° Les Phoques ont le corps allongé ; leur tête car-
rée, leur museau tronqué, hérissé, de chaque côté
des narines, de soies raides et longues, leurs yeux
arrondis et intelligents, l'absence de pavillon aux
oreilles, les font ressembler de physionomie à ces
chiens dogues auxquels on coupe les oreilles. Leurs
membres sont engaînés par la peau jusqu'à la région
correspondante à la main ; leurs pattes postérieures
sont situées tout à fait en arrière et ne servent qu'à
la nage ; à terre, ils peuvent se soulever sur leurs
pattes antérieures, en traînant le reste de leur
corps avec une certaine agilité. Ces animaux sont
très-doux, assez intelligents, et faciles à apprivoi-
ser ; ils vivent dans la mer et se nourrissent seu-
lement de poissons. Le Phoque commun ou veau
marin vit par grandes troupes sur nos côtes ; mais
c'est dans les régions polaires qu'habitent les
grandes espèces du Phoque à capuchon, du Phoque
à trompe ou E é/'hant marin.
2" Les Otaries du détroit de Behring sont un peu
AMYOT
— 118 —
ANALYSE
plus grands que les phoques communs : ils ont des
oreilles externes, d'où leur nom. Lo Jardin d'Accli-
matation de Paris possède plusieurs écliantilions
d'otaries, qui vivent parfattement dans notre pays
presque à l'état domestique.
-J" Les Morses ont la lormo des phoques, mais se
reconnaissent immédiatement par la présence de
deux énormes défenses occupant la place des ca-
nines à la mâchoire supérieure et dirigées ver-
ticalement ; ces dents peuvent atteindre lO à
70 centimètres de longueur. Nous citerons, comme
représentant des morses, la Vnche mamie ou Che-
val marin, animal dangereux habitant les mers po-
laires et pouvant atteindre jusqu'à 7 mètres de long.
Les liyperboréens utilisent le cuir du phoque
pour se faire des vêtements ou des chaussures, et
sa graisse pour la fabrication d'une huile à briilor
de très-mauvaise (jualité. Toutes les dépouilles de
l'animal servent à faire des instruments de pèche.
Les dents du morse fournissent un ivoire moins
estimé que celui des éléphants. Dans nos pays la
peau du phoque est recherchée pour la confection
des objets de carrosserie qui doivent être en cuir
solide. [G. Philippon.]
AMYOT (Jacques). — Littérature française , VII .
— Né à Melun en 1.S13, mort à Auxerre en 1593.
Fils de pauvres artisans, il reçut une petite
instruction primaire. Poussé par le désir d'appren-
dre, il vint à Paris avec seize sous dans sa poche :
sa mère lui envoyait chaque semaine un pain par
les bateliers de Melun. Pour vivre, il se lit le do-
mestique d'étudiants riches au collège de Navarre,
où il put enfin satisfaire sa passion pour l'étude.
Le jour, il suivait les cours ; la nuit, il travaillait,
et, à force de privations et de persévérance, il se
fit recevoir maître es arts à 19 ans.
L'abbé de Saint-Ambroise le chargea de l'édu-
cation de ses neveux, et, par le crédit de Mar-
guerite de Valois, le fit nommer professeur de
grec (lecteur public) à l'université de Bourges ; il
occupa cette chaire pendant dix ans, tout entier à
ses élèves et à ses études favorites. Après s'être
essayé dans des traductions d'Héliodore, de Diodore
de Sicile, de Longus, il commença l'œuvre capitale
de sa vie et fit paraître en 155!) deux volumes des Vies
des hommes illustres grecs et romains, comparées
l'une avec l'autre, traiislatées du <jrec en français.
Tel fut le succès de cette traduction de Plutarque,
que François I", à qui l'auteur l'avait dédiée, pour
lui donner les loisirs de l'achever, lui fit présent
de l'abbaye de Bellozane, dans le diocèse de Rouen.
Désireux de consulter les manuscrits du Vatican,
Amyot suivit bientôt à Rome le cardinal de Tour-
non, qui l'envoya au concile de Trente défendre les
prérogatives du roi contre les empiétements du
pape. Déjà célèbre, le savant traducteur fut choisi
par Henri II pour faire l'éducation de ses fils Char-
les d'Orléans et Henri d'Anjou. Ses élèves le pri-
rent en grande affection. Charles IX, devenu roi en
1560, le nomma grand aumônier de France, puis
évêque d'Auxerre en 1570. Eclairé et tolérant, Amyot
fut suspect d'hérésie et n'échappa à la Saint-Bar-
thélémy que par la protection du roi. Henri III ne
lut pas moins reconnaissant envers son précepteur;
et, quand il fonda l'ordre du Saint-Esprit, il voulut
prêter serment entre les mains du grand aumônier
et attacha à ce titre la dignité de commandeur de
l'ordre. Amyot termina la traduction des Vies
des hommes illustres, chef-d'œuvre de vérité, de
naturel et de simplicité. Il publia encore les
Œuvres morales de Plutarque (1674), ei obtint du
roi la formation d'une bibliothèque d'ouvrages grecs
et latins, qui rendit un grand service aux lettres.
Il traduisit aussi quelques tragédies grecques et
composa pour Henri III un l^rojet de l'éloquence
royale, qui n'a été publié qu'en l.sO.S.
Après l'assassinat des Guise aux États de Blois,
Amyot, accusé d'avoir approuvé ce crime et d'en
avoir donné l'absolution au roi, fut en butte aux
persécutions des Ligueurs: des révoltes suscitées
contre lui dans son diocèse attristèrent sa vieil-
lesse, partagée entre ses travaux littéraires et la
direction de son troupeau spirituel. En 1589 il re-
nonça à sa charge de grand aumôniei, quitta la
cour et se retira à Auxerre, où il fonda un collège
qu'il dota de ses deniers. Il mourut âgé de nO ans.
Amyot est un des écrivains qui contribuèrent à
fixer la prose française : l'aimable naïveté et la
grâce de son langage sont encore goûtées aujour-
d'hui. L'exactitude de sa traduction a quelquefois
été contestée, mais tous reconnaissent qu'il a su
rester original en traduisant son modèle : Plutar-
que toutefois est plus raffiné et moins bonhomme
que le fait son traducteur. Dans un siècle cor-
rompu, Amyot sut conserver la dignité de la vertu
dans ses écrits comme dans sa vie. « L'histoire,
dit-il, a bien sa manière de chastier les méchants
par la note d'infamie perpétuelle dont elle marque
leur mémoire, qui fait un grand moyen de retirer
des vices ceux qui aultrement auraient mauvaise et
lasche volonté, comme aussy est-ce un bien vif et
poignant aiguillon aux hommes de gentil cueur et
de nature généreuse, pour les inciter à entrepren-
dre toutes hautes et grandes choses, que la louange
et la gloire immortelle dont elle rémunère les bien
faisans. » Amyot inspirait de l'enthousiasme à
Montaigne : « Je donne la palme à Jacques Amyot,
disait-il... Nous autres, ignorants, étions perdus,
si ce livre ne nous avait relevés du bourbier. »
[A. Pressard.]
ANALYSE BOTAMQUE, PHYSIOLOGIQUE,
AXATOMIQLE, MÉTÉOUOLOGIQUE. — V. Bo-
tanique, Anatomie, Physiologie, Minéralogie.
ANALYSE CHIMIQUE.— Chimie, I. — La chimie
est, de toutes les sciences expérimentales, celle
qui donne les exemples les plus nombreux et les
plus frappants à'ajialyse réelle (V. Ajudy.ie dans
la P' Partie), comme aussi de si/7ithése réelle
(V. Synthèse chimique). Ces deux mots ont pour
le chimiste un sens parfaitement détermmé.
M. Chevreul les définit par un exemple qui ré-
sume, à peu près, tous les cas possibles :
« Le peroxyde de mercure est-il chauffé conve-
nablement ; l'eau est-elle soumise à un courant
électrique de manière qu'on puisse recueillir sans
perte les corps qui se séparent l'un de l'autre :
on fait alors ïanulyse du peroxyde de mercure et
l'analyse de l'eau.
« Unit-on l'oxygène avec le mercure, l'oxygène
avec l'hydrogène : on fait alors des synthèses.
« Enfin chauffe-t-on du sulfate de mercure avec
du fer dans une cornue, on expulse le mercure,
et le soufre, qui lui était uni, se porte sur le fer,
de sorte qu'on a fait tout à la fois une analyse et
une synthèse, en unissant le soufre avec le fer.
« Dans les deux premiers exemples, pour con-
naître la composition des corps, on les avait dé-
composés par l'analyse ; dans les deux suivants, on
a confirmé les résultais de l'analyse par la syn-
thèse. Dans le dernier, on a fait concourir l'ana-
lyse et la synthèse simultanément. »
Il ressort de cotte définition que l'analyse chi-
mique est, pour ainsi dire, toute la chimie : la
synthèse en est la contre-épreuve perpétuelle. On
écrirait l'histoire même de la chimie en racon-
tant les essais et les perfectionnements successifs
de l'analj'^se depuis les alchimistes jusqu'à Lavoi-
sier, et depuis Lavoisier jusqu'à nos jours. (V.
Chimie).
Bornons-nous à indiquer ici les différentes es-
pèces d'analyses chimiques. Leur caractère com-
mun est celui-ci : Toute analyse chimique consiste
à réduire un corps composé à ses éléments simples,
c'est-à-dire « à isoler les uns des autres ses diffé-
rents principes constituants, de manière qu'ils re-
ANALYSE
— 119
ANALYSE
paraissent avec les propriétés qui les caractérisent
dans leur état primitif. » (Girardin.) Mais d'abord,
suivant la nature des corps auxquels elle s'ap-
plique, suivant le but qu'elle se propose, enfin,
suivant les modes d'investiaation qu'elle emploie,
l'analyse chimique prend divers noms et diverses
formes.
D'après son objet, l'analyse chimique peut être
minérale ou organique.
D'après le but qu'on poursuit, elle peut être
qualitative ou quantitative.
D'après le mode d'opération qu'on emploie, elle
«st dite analyse par voie sèche ou par voie /lu-
mide.
I. Analyse dans la chimie inorganique ou
J4NALYSE chimique PROPREMENT DITE. — l" cleqié
d'analyse : Détermination de la nature d'tai
corps à l'aide de réactifs. — La première opéra-
tion, quand il s'agit d'analyser un corps dont on
ignore la composition, c'est de chercher à détermi-
ii^er les caractères distinctifs de ce corps, d'une
manière de plus en plus précise. Pour y parvenir,
l'analj^se emploie d'abord les réactifs.
Ce sont les substances chimiques qui ont la
propriété de provoquer, au contact d'un autre
corps, certains phénomènes ou réactions caracté-
ristiques. Ils révèlent, en quelque sorte, la pré-
sence de tel ou tel corps.
Une première indication permet de dire déjà à
quelle grande classe appartient le corps en ques-
tion ; circonscrivant de plus en plus l'examen, on
t^mploie d'autres réactifs pour déterminer la sub-
<^livision de cette classe à laquelle il se rattache, et
ainsi, progressivement, on arrive à en déterminer
les éléments constitutifs eux-mêmes.
Ainsi, on me présente un liquide : je saurai
immédiatement si c'est un acide, une base ou un
forps neutre : dans le premier cas, il rougira la
teinture bleue de tournesol ; dans le second, il la
ramènera au bleu après qu'elle aura été rougie par
un acide ; dans le troisième, son action sera nulle.
Voilà un commencement d'analyse ; la teinture de
tournesol est un réactif suffisant pour cette pre-
mière détermination.
Je suppose que cette première expérience m'ait
appris que j'ai sous les yeux un acide : je veux
savoir en outre quel est cet acide ; pour y parve-
nir, il faudra employer un réactif spécial qui mette
en évidence une propriété caractéristique, propre
à me faire reconnaître un acide à l'exclusion de
tout autre. Si cet acide attaque vivement le cuivre,
on saura aussitôt que c'est de l'eau-forte (acide
azotique! ; s'il dissout l'or, c'est l'eau-rcgale (mé-
lange d'acides azotique et chlorhydrique) ; s'il at-
taque le verre, c'est de l'acide fluorhydrique, etc.
Quand il a ainsi découvert, à l'aide d'un réactif,
la nature d'un corps, le chimiste cherche un agent
capable d'en faire la décomposition effective. Le
réactif a fait apparaître un ou plusieurs des élé-
ments dont il se compose ; l'agent d'analyse va les
séparer.
Voici deux exemples qui expliquent avec préci-
sion cette différence des réactifs et des agents
(Girardin , Chimie gé7iérale, pour l'enseignement
spécial et professionnel, notions préliminaires) :
« Si je veux m'assurer qu'un liquide renferme
de Vargent, j'y verse quelques gouttes d'eau salée,
parce que la science m'apprend que l'un des ca-
ractères distinctifs de l'argent est de former
avec cette eau des grumeaux blancs, abondants,
que '['alcali volatil fait ensuite complètement dis-
paraître. Comme il n'y a que l'argent qui présente
un pareil phénomène, et que celui-ci est mis en
évidence par l'eau salée et l'alcali volatil, je dis
que CCS deux substances sont des réactifs de l'ar-
gent. Si, au lieu d eau salée, je plongeais dans le
composé liquide d'argent une lame de cuivre, j'o-
pérerais la séparation complète de l'argent, qui se
déposerait alors sur la lame, sous la lorme de
petits cristaux pulvérulents, blancs et brillants.
Dans ce cas, la lame de cuivre n'est plus un réac-
tifs mais un agent d'analyse
» De même encore, lorsque je veux savoir si un
liquide renferme du cuivre en dissolution, j'ai re-
cours h. une matière que le commerce nous fournit
sous le nom de prussiate de potasse, parce que la
science a découvert que, de tous les métaux, le
cuivre est le seul qui, avec cette matière dissoute
dans l'eau, donne lieu à la production d'une
poudre floconneuse d'un louge cramoisi. — Le
prussiate de potasse est donc le réactif du cuivre.
— Et si maintenant, après avoir mis en évidence
la présence du cuivre dans une liqueur quelcon-
que, je veux isoler complètement le métal et l'a-
voir avec ses caractères propres, je plonge et je
maintiens, pendant un temps suffisant, une lame
de fer bien polie dans cette liqueur, parce que,
sous l'influence de cet agent, tout le cuivre se dé-
pose en paillettes rouges et brillantes sur le fer;
il n'en reste plus un atome dans la liqueur après
quelque temps. »
Ainsi encore, la chaleur, qui est un des princi-
paux agents d'analyse, n'est pas un réactif.h'clcc-
tricité est un autre puissant agent d'analyse et de
synthèse : témoin les merveilleux résultats de
l'eudiomètre.
Tous les corps ont ainsi leurs réactifs propres.
Nous indiquons les principaux d'entre eux dans les
articles spéciatix consacrés à chaque corps ; nous
n'avons ici qu'à montrer leur rôle au début de
laaalyse chimique.
2« degré : Analyse qualitative. — C'est celle qui
fait seulement reconnaître la qualité, c'cst-à dire
la nature des éléments qui constituent un corps,
sans évaluation des proportions. On ne demande
aux réactifs et aux agents employés dans ce cas
que d'accuser les plus légères traces do chacun des
corps simples qui peuvent entrer dans le composé
qu'on étudie. Ainsi le ferrocyanure de potassium
permettra de voir à l'instant même si une liqueur
contient du fer ou du cuivre, en si faible propor-
tion qu'ils s'y trouvent, mais il ne permettrait
pas de dire quelle est cette proportion.
3"^ degré : Analyse quantitative. — Celle-ci au
contraire a pour but de doser, de mesurer la quan-
tité de chaque corps simple que contient un corps
composé. 11 est évident qu'elle est infiniment plus
délicate et demande des procédés très-complexes,
très-précis, des opérations tout à fait techniques et
dont l'exposé dépasserait le cadre de* l'enseigne-
ment élémentaire.
L'analyse quantitative peut porter sur les volume?
ou sur les poids. Ainsi la composition de l'air peut
être énoncée ainsi :
(ex poids) (en volitjib)
Oxygène 2-3,13 30,93
Azote TG,8T 79,07
100,00
100,00
Analyse par voie sèche et par voie humide. —
L'analyse par voie humide est celle qui emploie
principalement les réactifs liquides, les dissolu-
tions alcalines, acides et salines. L'analyse par
voie sèche emploie les réactifs à l'état sec (solide
ou gazeux); elle nécessite ordinairement l'action
de la chaleur.
D'une manière générale, c'est un procédé essen-
tiel de l'analyse de séparer les divers cléments
d'un corps on les faisant passer à deux états diffé-
rents, l'un liquide, par exemple, l'autre solide ou
gazeux. L'art du chimiste consiste à trouver un
réactif qui, agissant différemment sur les différents
élcmtMits, solidifie ou vaporise l'un, tandis qu'il lais-
sera l'autre liquide ou vice versa.
II. Analyse organique. — L'analyse organique
ANALYSE
— 120 —
ANALYSE
est celle qui s'applique aux substances organiques,
s'égétales ou animales. Elle offre un problème de
plus que l'analyse des minéraux. Dans celle-ci, en
3ffet,on remontait directement du corps composé à
ses éléments. Ici, au contraire, il faut distinguer deux
opérations qui n'ont rien de commun : Van'dijse
immédiate et Vanalyse élémentaire ; en d'autres
termes, la recherche des principes immédiits ou
organiques et celle des trois ou quatre corjjs
simples dont sont composés ces principes immé-
diats eux-mêmes.
Analyse immédiate. — Elle se fait presque tou-
jours à l'aide de dissolvants dont les principaux
sont : l'eau, l'alcool et l'éther. Le plus souvent
c'est l'emploi successif des divers dissolvants qui
permet d'isoler les différents principes immédiats :
l'eau fera fondre par exemple les matières su-
crées, amylacées , gommeusos ; l'alcool dissou-
dra certaines matières grasses; l'éther, l'essence
de térébenthine ou le sulfure de carbone dissou-
dront des résines, des huiles, des matières cam-
phrées, etc.
Analyse élémentaire. — Tous les corps orga-
niques sont formés de quatre éléments qui sont :
l'hydrogène, l'oxygène, le carbone et l'azote.
Ce petit nombre de corps simples suffit à con-
stituer d'innombrables combinaisons organiques
d'une variété infinie. Pour rechercher la propor-
tion de chacun de ces éléments dans un corps or-
ganique, on le brûle en présence d'oxydes aisément
dccomposables, tels que le bioxyde de cuivre. Le
résultat est que : 1° le carbone s'unit :\ l'oxygène
qu'il prend au bioxyde décomposé et forme de
Vacide carbonique ; '1° l'hydrogène s'unit à l'oxy-
gène soit du bioxyde, soit du corps organique
pour former de Yeau;Z° l'fl^off? reste libre ou
4° se combinant avec l'hydrogène, produit de
l'ammoniaque.
Ainsi on ne pèse pas directement l'oxygène,
l'hydrogène, l'azote, le carbone : on les retrouve
dans ces corps composés, acide carbonique, eau,
ammoniaque, où l'on sait exactement pour quelle
proportion entre chacun d'eux.
Analyse spectrale. — Une nouvelle méthode
d'analyse physico-chimique a été découverte en
1861 par deux professeurs de Heidelberg,
MM. Kirchhoff et Bunsen : c'est l'analyse spectrale,
qui permet de déterminer la composition chimique
d'un corps d'après les raies spéciales que l'on
constate dans le spectre lumineux produit par ce
corps. La précision de cette méthode dépasse tout
ce qu'on peut rêver.
« Que l'on partage par exemple, dit M. Dumas,
un kilogr. de sel marin (chlorure de sodium)
en un million de parties, et (.iiacune de celles-ci en
trois millions d'autres plus petites, une seule de
■ ces dernières traces de sel marin si insaisissables
suffira pour communiquer à la flamme les pro-
[U'iétés caractéristiques qui révèlent la présence
du sodium. »
Cette découverte, une des plus merveilleuses de
notre siècle, se rattache à l'étude de la lumière.
(V. Lumière, p. 1224.)
ANALYSi: GIIAMMATICALE ET LOGîQl'f:
— Grammaire, XXVL — Il no faut point oublier
que les trois espèces d'analyse que nous avons
distinguées dans notre article Analyse de la I" Partie
(p. 78) — anali/se ynnmnaticale, logique, étymolo-
gique, — n'ont d'autre objet, dans l'école primaire,
que de conduire les élèves à se rendre exactement
compte du sens et du rùlc des mots et, par suite,
des idées qu'ils représentent; que toute recherche
de curiosité ou d'érudition doit être rigoureusement
bannie de l'enseignement élémentaire. C'est en
jiartant de ce principe que nous allons chercher à
expliquer :
10 Quelle marche pratique et quelle suite d'exer-
cices métliodiqucs il convient d'..ùjpicr dans
l'analyse en général, dans chaque genre d'analyse
en particulier ;
2" Quels procédés et quels modes d'exécution
graphique ont été proposés et semblent répondre
le mieux aux besoins de l'école primaire. Sur ce
dernier point, nous doinierons la parole, autant
que possible, aux auteurs mêmes des principaux
sj-stèmes en usage.
LEÇON ET DÉVELOPPEMENTS A L'USAGE DES MAITRES,
Analyse grammaticale. — L'analyse grammati-
cale proprement dite suppose d'abord une bonne
classification des parties du discours (V. l'exposé
de cette question à l'article Parties du discou)-s).
Les instituteurs peuvent à cet égard s'en rapporter
aux manuels de grammaire qu'ils ont entre les
mains, sans attacher une bien grande importance
aux différences de détail qui les séparent sur
quelques points.
Dans le cours élémentaire^ les exercices d'ana-
lyse grammaticale seront exclusivement des exer-
cices oraux; dans le cours moyen, on en écrira
les données principales pour servir d'exercices au
tableau iioir : on habituera peu à peu les élèves à>
les reproduire, d'abord séance tenante sur l'ar-
doise, puis sur leurs cahiers, et enfin ils pourront,,
dans le cours sujiérieur surtout, les rédiger par
eux-mêmes, comme exercices de révision accom-
pagnant le cours de grammaire. (V. Analyse, dans
la I"= Partie.)
Nous avons déjà dit ailleurs, mais nous ne sau-
rions trop redire que, si l'on ne peut proscrire
absolument les exercices écrits, il faut les res-
treindre le plus possible, les réserver presque
exclusivement pour les exercices de concours ou
de récapitulation, et, quand on y a recours dans les.
classes ordinaires, les animer, les varier sans cesse
en y joignant de nombreux exercices oraux et des
questions ayant trait à l'analyse grammaticale, lo-
gique, étymologique, littéraire même.
Suivant la force des élèves, et suivant l'objet
spécial que se proposera le maître, ces exercices
prendront des formes très -diverses. Au début,
l'analyse sera presque toujours une anal>ise jmr-
tielle, c est-à dire qu'elle ne s'appliquera qu'à dis-
tinguer dans une phrase ou un ensemble de phrases
tel ou tel élément, telle ou telle espèce de mots :
nom, adjectif, verbe, adverbe, etc., soit que l'on se
borne à la simple indication de l'espèce, soit qu'on
y ajoute, pour les mots variables, celle des cir-
constances qui les font varier; soit encore qu'on
veuille faire apercevoir aux élèves plusieurs mots
de différentes espèces avec le rapport qui les unit,
les noms avec lettrs qualificatifs, les verbes avec
leurs compléments, les prépositions et les termes
qu'elles rattachent, etc. Plus tard, l'analyse de-
viendra générale , et l'on prendra successive-
ment, pour s'en rendre compte, tous les termes
d'une phrase, soit dans l'ordre où la phrase les
donne, soit en rétablissant, s'il y a lieu, l'ordre lo-
gique.
Dans tous les cas, remarquons-le bien, un exer-
cice d'analyse grammaticale n'est véritablement
complet que lorsqu'il joint à l'étude de l'espèce
des mots celle de leur fonction dans la phrase où
ils sont placés. Si j'ai à analyser : J'aime mo7i père,
qu'importe que je sache que je est un pronom ;
aime, un verbe ; mon, un déterminatif, etpèi'e, un
nom, si je ne sais qu'il y a des rapports entre tous
ces mots et quels sont ces rapports ; que Je est le
sujet de aime et lui fait la loi tant au point de vue
du sens qu'au point de vue de l'orthographe; que
père complète l'idée exprimée par le verbe aime et
la complète directement, c'est-à-dire sans l'addition
d'aucun rapport intermédiaire ; que c'est le nom
père que détermine le possessif }n07i ? Ainsi l'ana-
lyse grammaticale, pour ctro complète et rai-
ANALYSE
— i-2[ —
ANALYSh
Bonnée, réclame le secours des premiers éléments
de l'analyse logique, c'est-à-dire la connaissance
sommaire des termes constitutifs de la proposition
simple.
Aussi trouvons-nous aussi judicieux que simple
le programme spécial pour létude de l'analyse dans
les écoles primaires qu'a publié récemment le Dé-
partement d'éducation en Angleterre. C'est un ta-
bleau indiquant le niveau des connaissances exi-
gées dans chaque branche aux examens de fin
d année de l'école primaire. Chaque degré ou stan-
dard donne lieu à un certificat correspondant :
1" Standard. L'analyse ne figure pas encore.
2*. Indiquer les substantifs dans un passage lu
par l'élève.
3'. indiquer les substantifs, les verbes et les
adjectifs.
4*. Faire l'analyse grammaticale d'une proposi-
tion simple.
5'. Faire l'analyse grammaticale et logique d'une
pi'oposition simple.
6". Faire l'analyse grammaticale et logique d'une
proposition complexe.
Analyse logique. — L'analyse logique, soit qu'on
la considère comme le comi)lément de l'analyse
grammaticale, soit, ce qui est plus juste, qu'on y
voie le principe même et le fondement de cette
analyse, repose f^ut entière sur une étude de la
proposition * et uc l'union des propositions. {Pour
les éléments de cette étude, V. l'article Syn-
taxe.)
Ici les questions de théorie et de nomenclature
sont plus importantes et plus controversées que
pour l'analyse grammaticale. Nous ne saurions t.op
insister auprès des maîtres pour leur recommander
la recherche de la plus grande simplicité possible.
Moins ils emploieront de termes techniques et de
subdivisions délicates , plus ils seront près du
but.
S'il s'agit d'une proposition isolée, qu'on nomme
en général absolue, ou d'une proposition que l'on
considère momentanément comme isolée, on s'atta-
chera surtout à faire reconnaître et distinguer, dans
la variété des constructions, les termes essentiels
et les termes accessoires : sujet, verbe, attribut
d'une part, et de l'autre, compléments. Au lieu de
dire qu'un sujet est multiple, par exemple, dites
que la proposition a deux, trois sujets ; de même
pour les attributs. Si le sujet ou l'attribut sont
simples^ c'est-à-dire s'ils n'ont point de complé-
ments, n'en parlez pas et passez. Au lieu de dire
que le sujet, que l'attribut est complexe, énoncez
de suite, après le terme, ses compléments, et, s'il
y en a de plusieurs sortes, distinguez-les. Si le
sujet, si l'attribue n'ont point de compléments, à
quoi bon me dire qu'ils sont incomplexes? ne le
voit-on pas bien sans ce mot? Si vous avez affaire à
un verbe attributif, c'est-à-dire si l'attribut est
contenu dans le verbe, qu'il vous suffise d'avoir fait
comprendre une fois pour toutes ce que c'est
qu'un verbe attributif: ne décomposez plus, ne
diies pas : Je vous aime, c'est-à-dire : je iuis ai-
mant vous, clconlocution inutile et même fausse,
tournure barbare tout ou moins, que jamais oreille
française n'a supportée. Ne compliquez pas non
plus votre classification des compléments : c'est
bien assez de distinguer ceux qui sont indispensa-
bles : complément direct, complément indirect,
complément circonstancud, suivant les cas, pour
les verbes attributifs; complément déterminatif
et complément explicatif ponr les mots qui, n'étant
pas des verbes, peuvent avoir des compléments
(noms, adjectifs, adverbes).
La distinction des diverses espèces de proposi-
tions et de leurs rapports doit aussi rester dans les
limites d'un examen sommaire. Il suffit, la plupart j
du temps, de faire voir si les propositions sont dé-
pendantes ou non les unes des autres. Si elles sont
indéperidantes, ce sont des propositions coordon-
nées (elles ne sont pas rattachées par un terme
impliquant la subordination) ; si l'une de ces pro-
positions domine les autres, qui n'existeraient pas
ou ne se comprendraient pas sans elle, celle-ci est
la prijicipole, les autres sont les subordonnées, que
l'on nomme incidentes ou relatives quand elles
commencent par un pronom relatif ou un adverbe
conjonctif. {\. Syntaxe.)
Quanta la marche pratique des exercices, mêmes
recommandations que pour l'analyse grammaticale.
C'est de vive voix et devant le tableau noir que
devront se faire la plupart des exercices d'analyse
logique, qui seront gradués au fur et à mesure que-
le développement des leçons de grammaire appor-
tera des notions et aussi des difficultés nouvelles ►
L'exercice syntaxique sera, en quelque sorte^
l'exemple à l'appui, le thème d'application de
chaque partie ou au moins des parties principales
de ce développement. Le livre de grammaii-e, le
maître, mieux encore les élèves eux-mêmes, en
fourniront les éléments ; et les exercices écrits
donnés comme devoirs pourront se réduire à un
assez petit nombre , môme dans le cours supé-
rieur des écoles primaires, même dans l'école nor-
male.
Analyse étymologique. — Nous n'avons que peu
à (lire sur ce dernier point, qui sera traité ailleurs
d'une façon plus développée. (V. l'article Êtynio-
loyie.) Les exercices d'analyse étymologique n'ont
pas, à la rigueur, besoin d'une place spéciale
dans les exercices de l'école. C'est la lecture, c'est
la dictée qui y donnera lieu, le maître ayant soin
de graduer ces exercices d'après la force des élèves :
par exemple, de ne proposer aux plus jeunes élèves
que l'étude dé radicaux simples, sans permuta-
tions, ou dont les permutations soient faciles à
saisir, de suffixes et de préfixes dont le sens soit
bien clair. Ainsi, la famille du radical mojit est une
de celles dont l'enfant apercevra lacilemenv les
membres, parceque le radical 77i07itsy trouve tou-
jours dans toute son intégrité : monter, promon-
toire, monticule, montagnard, etc. Il comprendrait,
à coup sûr, moins aisément, comment suspicion et
inspecteur appartiennent à une même famille. C'est
par degrés seulement que l'analjse étymologique
pourra se compléter, sans jamais être poussée trop
loin : le maître lui-même risquerait souvent de
s'égarer.
Dans le cours supérieur, une étude succincte des
su/fixes et des préfixes classés analogiquement ne
serait pas inutile. Dans les écoles normales, l'ana-
lyse étymologique ira jusqu'à rechercher les prin-
cipaux mots-racines venant du grec et du latin, et
formant dans notre langue, les uns des familles de
mots usuels, les autres des termes techniques et
scientifiques. Mai^ tous ces exercices ne doivent
être pratiqués qu'avec réserve et sous la direc-
tion de maîtres dont le savoir soit sûr et l'expérience
consommée. [Ch. Defodon.]
Analyse grammaticale complétée par des
exercices de synthèse. — A cliaquo exercice
d'analyse gi'amniaticale, logique, étymologique, soit
partielle soit générale, doit correspondre, dans une
classi! bien dirigée, un exercice en sens inverse,
c'est-à-dire une synthèse faisant faire à l'esprit un
travail de recomposition qui est à la fois le com-
plément et le correctif de celui qu'il a accompli
pour décomposer la phrase. Ainsi marchent de
front les deux opérations parallèles. Exemple :
Analyse.
Analyser les adjectifs dans un
morceau dicté.
Dire à quel genre et quel nom-
bre sont tels mots donnés.
Synthèse.
Faire une phrase où entrent
ces adjectifs.
Mettre à tel genre et tel nom-
bre )es mots donnés.
ANALYSE
122
ANALYSE
Analyse.
Dire à quoi mot se rapporte
tel autre, comme feii.jet ,
comme attribut , comme
complément.
Incliquer d'où dérivent tels
mots.
Décomposer telle phrase en
propositions.
Dire quelle est la nature de
telle proposition, etc.
Synthèse.
Inventer un s\ijot, un attribut,
un complément convenable
pour terminer une phrase
commencée.
Chercher des mots dérivés de
tel primitif.
Lier en une seule phrase plu-
sieurs propositions données.
Faire d'invention, avec «les
éléments donnés, une pro-
position dételle nature, etc.
Cette question, très-importante dans la pratique
scolaire, du parallélisme constant des exercices ana-
IjlfÀilues et des exercic s synthétiques, est traitée,
■avec les exemples à l'appui, au mot Exercices gram-
maticaux. — V. aussi Construction grammati-
cale.
Ouvrages à consulter pour ces exercices. —
"Traité d'analyse loyique et grammaticale, de B. Jullien.
— Exercices d'analyse, par Bonneau.
Les principales étymologies de la langue française, par
B. Jnllicn. — • Lexicologie française, par Sardou.
Analyse grammaticale raisonnée, par Bonneau ; — L'Ana-
lyse logique dégagée de ses entraves, par Bonneau et Lucan.
DIVERS PROCÉDÉS GRAPHIQUES EMPLOYÉS
POUR L'ANALYSE
Essayons de donner un aperçu des procédés en
tisage dans divers pays et h diverses époques.
§ 1. Procédés usités en France. — Pour les trois
sortes d'analyse, et surtout pour la plus employée
des trois, l'analyse grammaticale, la première ques-
tion qui se pose relativement aux procédés d'exécu-
tion est celle des abréviations. Il n'y a point à cet
■égard de règle absolue : chaque maître peut se faire
ses procédés, que l'habitude rendra vite familiers
aux élèves. Les meilleurs seront toujours les plus
simples, ceux qui rappellent le riiieux à l'œil do
l'enfant le terme qu'ils abrègent.
Analyse grammaticale. — Analyse partielle. —
On peut se borner : 1° à écrire au-dessus ou au-
dessous des mots analysés une indication abréj^ée,
signe ou initiale ; 2° à extraire d'un morceau au
courant de la lecture les mots de l'espèce que
l'on veut étudier et à les écrire au-dessous du
morceau on un certain nombre de colonnes.
Analyse générale et complète. — Voici la disposi-
tion la plus usitée.
Soit à analyser grammaticalement cotte phrase :
Dans tous les âges de la vie, l'amour de l'étude
fortifie l'esprit.
Je remarque d'aboro que l'ordre logique des ter-
mes est celui-ci :
Vamour de l'étude fortifie l'esprit dans tous les
âges de In vie.
delà fait, je dispose, dans cet ordre, les termes
de la phrase l'un sous l'autre dans une rangée ver-
ticale, faisant suivre chacun de toutes les expli-
cations qui le concernent:
L' art. déf. élidé mis pr le, maso. sg. détorm. amour.
amour n. c. masc. sg. suj. de est.
de prép. marq. le rapp. de amour et de étude.
.V art. déf. élidé mis pr la f. sg., déterra, étude,
étude n. c. f. sg., compl. dét. de anima'.
fortijle\ 3» pers. sg. du pvés. de l'indic. de fortifier, v.
trans., 1" conj.
art. déf. élidé mis pr le, m. s., déterm. esprit.
n. 0. m. s., compl. dip. de fortifie.
prép. marq. le rapp. de fortifie et de âges.
adj. indér. ni. pi., déterm. âges.
art. déf. m. pL, déterm. Ages.
n. c. m. pi., compl. cire, de fortifie.
prép. marq. le rapp. de âges et de vie.
art. déf. f. sg., dctcrm. vie.
n. c. f. sg., compl. dét. de âges.
Cet exemple montre combien ce genre d'exercices
est nécessairement long, quelles répétitions inu-
tiles il entraîne fortement. Ainsi l'élève qui sait
analyser /' de l'expression l'amour saura aussi bien
esprit
dans
tous
les
âges
•de
la
vie.
analysrr /' de l'expression l'étude, les dans les
''"/es, la dans vie ; s'il a su analyser de l'étude,
il saura aussi bien analyser de la vie, etc^ C'est
cet inconvénient, qui a fait substituer aux exer-
cices écrits des exercices oraux, et qui, même
dans l'analyse écrite, a fait chercher des procé-
dés autres la que disposition par colonnes (V. ci-
dessous).
Analyse logique. — Le plus souvent, après
avoir écrit la phrase que l'on veut analyser lo-
giquement, on écrira, en abrégeant autant que
possible, en regard de chaque proposition ou
de chaque partie de proposition qu'on aura préa-
lablement détachée , les indications correspon-
dantes.
Dans le cas où l'ordre des mots, dans la phrase
donnée, s'écarterait trop de l'ordre logique, il
sera bon, avant d'analyser chaque partie de phrase,
de rétablir l'ordre logique pour la phrase entière.
De même, on rétablira les ellipses, s'il y en a.
11 n'est pas inutile de séparer par des traits ver-
ticaux, ou par des crochets, les membres de phrase
qui font partie de propositions différentes ; on
pourra mettre aussi entre crochets les mots qui
restent en dehors de la proposition , interjec-
tions, mots compellatifs, etc. Quelquefois, pour
mieux parler aux yeux des enfants, on soulignera
de traits différents les parties différentes de cha-
que proposition, et, pour montrer les parties sem-
blables de plusieurs propositions, on les soulignera
de la même manière dans toutes les propositions
où elles se trouvent. De même, dans une phrase
composée de plusieurs propositions, on les fera ap-
paraître sensiblement, en soulignant, par exemple,
les mots de la proposition principale par un trait
simple, ceux des propositions incidentes par un
trait double, ceux des propositions subordonnées
par une ligne ondulée ou pointillée, etc
1° propositions coordonnées. — « L'homme s'agite
et Dieu le mène. » Cette phrase contient deux pro-
positions rattachées par la conjugaison de coordi-
nation e^; 1° L'homme s'agite, 1° Dieu le mène. Ces
deux proposit. sont composées des mômes parties,
un sujet et un verbe attrib. transit, accompagné
d'un compl. dir. Je les figure ainsi.
L'homme s'agite, et Dieu le mène
2° Proposition x>ri7icipale et proposition inci-
dente.
« Celui qui met un frein à la fureur des flots
Sait aussi des méchants arrêter les complots. »
2 propos. 1° propos, princ. : ce/jij (celui-là) sait
aussi arrêter les complets des méchants; 2° propos,
incid. déterm. : qui met un frein à la fureur des
flots.
l" Celui, sujet; sait, verbe transitif direct ; ar-
rêter, coxwpX. dir. de sait; les complots, compl. dir.
de arrêter; lics méchants, compl. déterm. de com-
plots; fi?wsi, compl. cire, àe sait.
2" Qui. suj. de met ; 7net,\(}vhe transit, dir. ; un
frein, compl. dir. de met ; à la fureur, compl.
ind. de met; des flots, compl. dét. de fureur.
Je pourrais figurer ainsi cette phrase :
Celui qui met un froin à lu fureur des flots
Sait aussi des méchants arrêter les complots.
Il va sans dire qu'on pourrait pousser plus loin
les détails de l'analyse : indiquer, par exemple,
pourquoi la proposition gai met un frein à la
fureur des flots est incidente ^parce qu'elle tombe
sur un seul terme de la proposition principale, le
sujet celui, auquel elle est rattachée par le relatif
qui) et pourquoi elle est incidente déterminative
(parce ([u'clle ne peut se retrancher sans que sa
suppression nuise au sens général de la phrase).
ANALYSE
123 —
ANALYSE
Il appartient au maître, d'après les élèves k qui
il a affaire et selon Tobjet qu'il se propose, d'éten-
dre Ou de raccourcir les explications.
3° Phrase composée de plusieurs propositions de
diverse nature. — « Si j'avais pensé, mon cher élève,
que vous ne dussiez pas tirer un meilleur parti des
leçons que je vous ai données, je les aurais ré-
servées pour d'autres, que je me reproche mainte-
nant d'avoir négligés pour vous. »
Je figure cette phrase ainsi, en rétablissant
Tordre logique de la construction des mots :
[Mon cher élève,] je les aurais réservées (les pour les leçons)
pour d'autres, que je me reproche maintenant d'uToir négligés
pour TOUS, si j'a\ais pensé que ^ous no dussiez pas tirer un
meilleur parti des leçons que je tous ai données.
Mots compellatifs (ou placés en apostrophe) et
5 propositions :
r Mon cher élève : mots compellatifs, en dehors
des propositions.
'20 Je les aurais réservées pour d'autres: propo-
sition principale.
3° Que je me reproche maintenant d'avoir né-
glif/és pour vous : proposit. incid. explic.
4" Si J'avais pensé : prop. subord. circonst.
S° Que voustie dussiez pas tirer nn meilleur parti
dei leçons : prop. subord. complétive vComplém.
dir. du verbe avais pensé).
6° Que je vous ai données : propos, inc. déterm.
La seule de ces propositions qui présente
quelque difficulté est la troisième ; je l'expliquerai
en détail : (yjie.pron. relat. , compl. dir. de avoir
négligés ; je, pron., suj. de jne reproche; me
reproche, verbe réfl. contenant son compl. ind.
le pron. me; d'avoir négligés ,\QvhQ au pass. de
l'inf., compl. dir. de je me reproche ; maintenant,
adv. compl. cire, (de temps) de je me reproche;
pour vous, prép. et son compl., compl. cire, (de
cause) de avoir négligés.
Enfin, on n'oubliera pas ce que nous avons dit
dans la l" Partie (V. Analyse) sur l'inconvé-
nient de vouloir anal3ser rigoureusement les gal-
licismes *. Les constater et en expliquer le sens,
sans prétendre en expliquer le mécanisme, c'est
le plus souvent tout ce que peut faire un bon en-
seignement primaire. Rencontrez-vous , par exem-
ple, des constructions comme celle-ci :
C'est U7i fort méchant plat que za sotte personne
(Molière, Le Misanthrope);
Faites remarquer le gallicisme c'est... que. Expli-
quez qu'il a pour objet de donner plus de vivacité
à l'idée en mettant l'attribut à la place du sujet :
sa sotte personne est un fort méchant plat, et
n'allez pas plus loin.
Même observation s'il s'agit de phrases ellip-
tiques un peu compliquées. Le but de l'analyse
logique, dans l'enseignement populaire au moins,
c'est surtout d'amener l'enfant à l'intelligence com-
plète du sens des phrases ; quand il s'y est suffi-
samment exercé sur des phrases simples, il com-
prend de reste et comme d'instinct d'autres phrases
logiquement plus difficiles. Voyez, par exemple, cette
phrase de Mascaron : Turemie revenait de ses cam-
pagnes triomphantes avec la même tranquillité
que s'il fût revenu d'une promenade. Le sens en
est certainement très-clair ; mais si vous voulez
vous rendre compte logiquement du rôle de la
conjonctioD que et expliquer la présence de la
conjonction si après la conjonction que, il faut que
vous ayez recours à une circonlocution qui serait
à peu près celle-ci : Turenne revenait de ses cam-
pagnes ti'i'imphantes avec une tranquUlité aussi
grande (au lieu de la même) que celle avec laquelle
il fût revenu, s'il fut revenu d'une promenade,
aurait été grande. Franchement, la construction
d'une pareille phrase n'estellepas un véritable
casse-tête chinois, et ne vaut-il pas mieux s'en
tenir tout bonnement à la propre phrase de Mas-
caron ?
Il nous reste à compléter cette revue des procé-
dés scolaires d'analyse employés dans nos écoles,
en signalant quelques-uns de ceux qui ont eu ou
qui ont encore le plus de succès. C'est l'objet des
paragraphes qui suivent. [Ch. Defodon.]
Analyse a doible coloxxe. — Un procédé com-
mode en ce qu'il évite de transcrire deux fois la
phrase à analyser consiste à placer l'analyse lo-
gique à gauche, l'analyse grammaticale à droite du
texte.
Exemple : Celui qui n'aime pas sa patrie est
indigne de vivre.
sujet. I
verbe. I
attribut. |
complém. indir. J
Proposition prijicipale.
I Celui I pron. déni. m. s.
I est 3« p. s. pr. ind. être,
indigne 'adj. m. s.
de I prép.
vivre linf. prés., î!îyre4«.
sujet.
Proposition incidente,
qui pron. rel., m.
\n' [ne)...pas ■xAv. nég.
Terbe et attribut.! aime 3= p. s. pr. indic, aimer l".
complém. direct.] f. •"'^'J' Pf ^^ ^- ^-
■^ ( patrie. n. c, f. s.
On pourrait ajouter dans une troisième colonne,
à droite, ranal3-se étymologique sommaire.
Procédés de Sicard. _ — Dans le remarquable
Recueil des séances des Écoles normales (de l'an m),
notre premier cours national de pédagogie (V. École
normale dans la P' Partie), Sicard, chargé d'exposer
les méthodes d'enseignement de la grammaire (art
de la parole), recommande un sj^stème d'analyse
d'accord avec la grammaire générale de son
temps, c'est-à-dire ramenant toutes les propositions
à un même verbe, le verbe être. Il figurait ainsi
l'analyse logique : le chill're 1 désigne le sujet et
l'attribut; 21e verbe e^?-ç ou le «mot lien y>; 3 le com-
plément direct ou l'objet de l'action ; 4 la manière
dont l'action se fait, le but vers lequel elle tend ;
5 toutes les circonstances. Exemple :
Quel est cet être qui, plus agile que l'aigle,
s'élève dans son vol hardi jusqu'au plus haut
des deux, en mesure la vaste étendue, etc. ?
l" proposition : Cet être
1
quel
est
1 1. 2 3
2« proposition : qui élève se
(cet être) (est élevant) (soi)
plus agile que l'aigle
4 5
jusqu'au plus haut des cieux dans son vol hardi
1 I. 2 3
3« proposition : mesure la vaste étendue — en
(qui) est mesurant (des cieux)
Procédés de l'abbé Gaultier. — « Pour faire l'ana-
lyse grammaticale », dit \a.Grammaire française
de l'fdjbé Gaultier (refondue par ses élèves de
Blignières et Demoyencourt, , il faut avoir une
feuille de papier, une ardoise ou un tableau noir
partagé en dix colonnes. Dans une marge à gauche,
on écrira les mois de la phrase à analyser les uns
au-dessous des autres. Dans la première colonne,
on indiquera à laquelle des trois parties primitives
du discours, et dans la seconde à laquelle des dix
parties secondaires du discours chaque mot appar-
tient; dans la troisième, la quatrième et la cin-
quième, on marquera le genre, le nombre et le cas
des noms ; dans la sixième, la septième, la hui-
tième et la neuvième, on indiquera le nombre, la
personne, le temps en général et le mode du verbe
personnel. Dans la dixième, on indiquera toutes
les divisions et les subdivisions des dix parties du
discours. On pourra n'écrire que les lettres initiales
de clia(iue mot. Exemple :
ANALYSE
— 124
ANALYSE
j
i
1
-
3
4
^
6
7
8
9
10
Paul
ne
vient
pas
te
voir.
nom
part.
verbe
part.
nom
verb e
subst.
adv.
pors.
adv.
pron.
inf.
m.
S.
nom. de vient.
. . .
. . .
. . .
prop.
nég.
2« c. T. S. N.
nég.
pers. 2* p.
S. 3* c. ac.
S.
3' p.
prés.
ind.
m.
S.
ace. de voir.
. . .
• • •
• • •
Dans l'enseignement simultané, le maître, au lieu
de faire lui-même toutes les questions auxquelles
donne lieu cette analyse, doit exercer les élèves à
se proposer les questions entre eux ; cette marche
est d'autant plus utile à leur instruction, que dans
cet exercice celui qui fait la demande est obligé
de songer à la question et à la réponse en même
temps. Lorsque l'élève a répondu, le maître doit
lui demander ou lui faire demander par un autre
élève la raison de sa réponse, raison qu'il trouve
toujours dans la définition : par ce moyen on s'as-
sure que Tenfant a raisonné et qu'il ne doit pas sa
réponse au hasard. Exemple : Analyser le mot
Paul.
« Quelle espèce de mot? Nom. — Pourquoi?
Parce qu'il exprime une personne. — Quelle es-
pèce de nom? Substcmtif. — Pourquoi? Parce qu'il
exprime une personne. — Quel genre? Masculin.
— Pourquoi? Parce qu'il exprime un mâle. — Quel
nombre? Singulier. — Pourquoi? Parce qu'il
exprime une seule personne. — Quel cas? Nomi-
natif. — Pourquoi ? Parce qa'il exprime la personne
qui fait l'action de venir. — Quelle espèce de
substantif? Propre, — Pourquoi? Parce qu'il ne
convient pas à tous les individus de la môme es-
pèce.
« Chaque élève fait à son tour sur le tableau l'ana-
lyse d'un mot de la phrase ; lorsqu'il se trompe,
il est sur-le-champ remplacé au tableau par l'élève
qui l'a corrigé. Pour exercer les élèves à l'analyse
grammaticale, il ne faut point attendre qu'ils aient
vu toute la première partie de la grammaire, il
suffit qu'ils sachent ce qu il faut pour remplir les
deux premières colonnes ; ils remplissent succes-
sivement les autres à mesure qu'ils avancent dans
la grammaire. »
Cette disposition rappelle d'anciens usages trop
oubliés. Voici comment un grammairien fiançais.
du xviii" siècle, Carpentier, expose dans une Dis-
sertation sur l'étwle des langues (1774), un procédé
d'analyse logique qu'il appliquait au latin et au
français et dont il se servait en même temps pour
apprendre à traduire : « Une proposition ne pou-
vant être composée de plus de 5 parties, je fais di-
viser en 5 colonnes une feuille de papier, j'intitule
chaque colonne du nom de case de la partie de la
proposition qu'elle est destinée à recevoir, selon
l'ordre qui suit : case des conjonctions (mots et in-
cidents qui réunissent les propositions), — casedu
sujet, — case du verbe. — case du régime, — case
des incidents (circonstanciels). »
Procédés de M"" Pape-Carpa\tier. — Le mode
de notation emploj^é par M"' Pape-Carpantier dans
son Cours d'éducation et d'instruction primaire et
usité dans un grand nombre d'écoles permet do
faire rapidement l'analyse grammaticale sommaire,
celle qui convient surtout aux classes de commen-
çants. L'élève n'a qu'à souligner les mots à l'aide
de différents traits dont voici la signification con-
venue :
tîom
_; nom masc. sing. >" | ' ; nom f. pi.
_iJLL_, etc.
Adjectif — j — ; adjectif masc. sing. -'"T — ; etc.
Adjectif employé substantivement
Pronom personiiel j ; de la l'« pers. sing. i^ls ; etc.
Pronom relatif A ; du fém. sing. rV' ; etc.
Pronom interrogatif A ; du masc. plur. ?|"''; etc.
Article (; du masc. sing. ml •.
Verbe — ; le mode se marque par des lettres
placées au-dessus du trait à droite, le temps
par des lettres placées à gauche; la personne
et le nombre par les chiffres 1, 2, 3 et les let-
tres s o\x p placées au-dessous. Les modes sont
designés comme suit : indicatif (positif; par le
signe p; impératif, i; conditionnel, c; subjonctif,
s; infinitif (nom verbal), n. Les temps se mar-
quent, le présent par un point, tous les passés
par un p, le futur par un f.
Participe
participe présent ou actif '
Préposition JJ_ ; participe passé ou passif j
Adverbe "^^ Conjonction \ |; Interjection 0.
Exemple :
Hclas ! qui pourrait décrire les maux que
nous
?!'" 1.
c
h
3i
cause à
tout
devoirs?
âge
m I s
m\p
r oubli de
Procédés de la méthode Grosselin. — Dans la
méthode dite phonomimique, ■ pour accélérer
l'exercice d'analyse, on adopte un certain nombre
de signes de convention. Les uns se placent au-
dessus, les autres au-dessous du mot, ce qui per-
met, si l'on s'en tenait aux distinctions les plus
élémentaires, de faire tout ensemble et très-rapi-
dement l'analyse grammaticale et l'analyse logique
de la même phrase. Voici les principaux, emprun-
tés au Manuel de la méthode phononiimique.
Les signes pour l'analyse grammaticale sont :
— — iNom ou substanlif.
/^s Pronom
- Verbe.
— Préposition.
~ Conjonclion.
^ Article.
\.y^ Ailjectif.
v_^^-^ Participe.
v::!^^ Adverbe.
O Interjection.
Si, pour quelques élèves , du cours supérieur
par exemple, l'on veut aller au delà et entrer
dans plus de détails, on leur fait compléter la
même notation par un système de signes plus
compliqué, marquant par un trait ou par deux le
ANALYSE
— 125 —
ANALYSE
singulier ou le pluriel, et autres abréviations,
telles que:
Nom propre.
l_
Nom comm., mas. sing.
— 1
~- fém.sing.
u
— mas.plur.
u
— fém. plur.
y^
Pronom personnel, Irepersonne.
^^
— rclalif.
y'p^
— possessif.
/^
— démonslralif.
^îs
— indéflni.
1^
Article simple, m. s,
— élidé, f. s.
\P
— contracté, m. p
Pour l'analyse logique, on peut, pour la pro-
position simple , se borner aux indications sui-
vantes :
1 I Sujet.
1 Attribut.
— Veibe.
-1- ^'erbe attributif.
/^ Complément modificatif.
r^ — circonstanciel
/^ — direct.
f^ — indirect.
On indique la nature des propositions par les
signes :
["••"l Proposition principale absolue.
principale relative ou coordonnée.
déterramative.
explicative.
H -
§ 2. Procédés usités à l'étranger. — I. Procédés
suisses. — Analyse syntaxique [grammaticale et
logique). — Nous réunissons sous le nom d'anal'/se
^yntacique les différents exercices tendant à dé-
composer la proposition simple ou composée dans
ses éléments [mots ou propositions), en indiquant :
1° la nature, 2° la forme, à" la fonction de cha-
cun de ces éléments.
1. Ari'ilyse de la proposition simple. — La no-
menclature des parties du dis' ours ayant été préa-
lablement foée, le premier soin du maître est
de faire reconnaître par l'élève celle à laquelle
appartient chacun des mots de la phrase ; puis il
aura à déterminer les membres de la proposition,
en distinguant ceux qui sont essentiels (le sujet et
l'attribut, ou prédicat} et ceux qui ne sont qu'acces-
soires et servent à particulariser l'idée exprimée par
le sujet ou l'attribut; ces membres accessoires sont :
le complément, le circonstanciel et le détermi-
nât if.
Chaque membre de la proposition a une forme
d'expression qui lui est propre : ainsi l'attribut est
essentiellement exprimé par le verbe, mais aussi
par l'adjectif ou le substantif précédé du verbe être
comme copule; le sujet et le complément, par le
substantif Gt aussi par le pronom substantif (/>, ce,
qui, etc.) ou l'infinitif; le circonstanciel, par Vad-
verbe ou un substantif précédé d'une préposition ;
et le déterminatif, par l'adjectif et aussi par le
nom de nombre ou le pronom adjectif [mon, cet,
que(, etc.). Ex. Un homiuf (sujet) sincère (déter-
minatif) dit (attribut) toujours (circonstanciel; la
vérité (complément).
Ces principes posés, voici les diverses manières de
procéder que nous employons pour l'analyse écrite :
1" Analyse abrégée. — On indique la nature de
cliaque mot par les abréviations suivantes, placées
au-dessowi :
s. = substantif,
a. = article,
adj. = adjectif,
n. = nom de nombre.
p. = pronom.
On désigne les membres de la proposition par
les abréviations suivantes, placées au-dessus :
V. = verbe,
adv. = adverbe,
pr. = préposition.
G. = conjonction.
i. = interjection.
s. = sujet.
a. = attribut.
d. = déterminatif.
cp. = complément,
c. = circonstanciel.
1. Sujet : frère.
Exemple :
s. cp. a. c. cp. d.
Je lui enverrai par la poste une lettre de félicitât ion.
p. p. T. pr. a. s. a. s. pr. s.
On peut figurer de la manière suivante la su-
bordination des divers membres d'une proposition.
Ex. Ton jeune frère nous a cueilli des noisettes
dans le grand coudrier du taillis.
S ton
j jeune
( des noisettes
2. Attribut : a cueilli nous = à nous
(danslecûudrierjj;;^;;'|jljg
Ce procédé a l'avantage de bien montrer la fonc-
tion de cliaque mot, et en particulier des préposi-
tions, par exemple dans, qui unit le complément le
coudrier au verbe a cueilli.
1" Analyse nétaillée. — Pour être complète, l'a-
nalyse de la proposition simple doit indiquer :
l» la nature des mots ; 2° leur formes grammatica-
les (pour les mots variables seulement), savoir:
les modifications de genre et de nombre, de per-
sonne, de mode et de temps, selon la nature des
mots ; 3° leurs fonctions grammaticales, c'est-à-
dire ks relations des mots entre eux dans la pro-
position.
Soit cette proposition simple à analyser : Obéis
à Dieu, c'est-à-dire : Tu (sous-entendu) obéis à
Dieu. On place dans la première colonne tous
les mots de la phrase, et pour chaque partie de
l'analyse il y aura une colonne spéciale, comme
suit :
MOTS. KATURE. FORME. FOXCTION.
1. (r«) pron, pers. 2*pcrs. sing. sujet sous-en
tendu de 2
2. obéis verbe intrans. impératif, attribut de 1
2e p. sing.
3. à préposition invariable lie 4 à 2
4. Dieu nom propre, masc. sing. compl. indir.
de 2
On peut aussi n'employer que deux colonnes,
ANALYSE
126 —
ANALYSE
placer dans la ])reniièro les mots à analyser,
et dans la seconde les trois parties de l'ana-
lyse, comme dans le modèle suivant, que nous
empruntons à notre Cours gradué de langue fran-
çaise :
Aux petits des oiseaux Dieu domine la pâture.
1. Aux = à prép., marque le rapport entre 3
et 8 {petits et donne).
2. les art. déf., maso, plur., annonce que 3
est déterminé.
3. petits subst. -adjectif, maso, pi., cp. ind.
de 8.
4. des =■ de prép., marque le rapport entre 6
et 3.
5. les art. déf., masc. pi. annonce que G
est déterminé.
6. oiseaux nom commun, m. pi., déterminatif
de 3.
7. Dieu nom propre, masc. sing., sujet
de 8.
8. donne v. transitif, ind. prés., 3'î pers. s.,
attribut.
9. la art. déf., fém. s., annonce que 10 est
déterminé.
10. pâture. nom abstrait, fém. s., cp. direct de 8.
2. Anahjse de la proposition composée. — Ana-
lyser la proposition ou phrase composée, c'est
la décomposer dans ses éléments, qui ne sont
plus les mots, mais les pi'oposilioyi-, en indi-
quant IvLTiature, la forme et la fonction de chacune
d'elles.
1" Analyse abrégée. — On désigne les proposi-
tions j9rt«c/;jfl/e5 par les majuscules A, B, C, etc.,
et les propositions accessoires par les minuscules
s, a, c, selon qu'elles sont subdantives, adjectives
ou circonstancielles (adverbiales), c'est-à-dire
qu'elles ont la valeur et remplissent la fonction
d'un substantif d'un adjectif ou d'un adverbe. —
Si la proposition accessoire est abrégée au moyen
de l'infinitif ou du participe, on souligne la lettre
qui en indique la nature : 5, a, c. — On souligne
aussi les pronoms relatifs et les conjonctions qui
lient les propositions tant principales qu'acces-
soires.
Pour la phrase de coordination, quand elle ne
renferme que des propositions principales, les
signes suffisent. Ex. Lu patierice est amère (A..,
jiAis son fruit est doux iB.). Il n'en est pas de même
de la phrase de subordination, pour laquelle nous
employons plus d'un procédé.
Le moyen le plus simple et plus commode d'ana-
lyser la phrase de subordination est le suivant :
Je crois ik)
que mon cousin viendra me voir (s)
si son père.
qui est en voyage (a)
est de retour (cj,
après avoir terminé l'affaire (c)
pour laquelle il a dû s'absenter (a).
Cette disposition montre, d'une manière sensi-
ble, le rang que chaque proposition accessoire
occupe dans la phrase de subordination.
Quand les propositions ne sont pas trop longues,
on peut indiquer leur rang de la manière sui-
vante :
1*^' exemple : Socrate demanda à ses amis s'ils
connaissaieiit un pays où l'on ne mourût pas.
Princ. Socrate demanda
à ses amis
Ace. i." rang «'ils connaissaient
un pays
» 2« rang où l'on ne mou-
rùt pas.
2« exemple : Le navigateur préfère la tem-
pête qui le pousse au calme plat qui l'enchaîne.
Princ. Le navigateur pré- au calme
fère la tempête plat
Ace. i o' rang gui le pousse gui l'en-
cbaine.
3" exemple : Lorsqu'il revint, il apprit que son
ami était mort.
Princ il apprit
Ace. !•' rang. Lorsqu'il revint, que soa- ami était
mort.
La phrase de subordination n'étant que le déve-
loppement de la proposition simple, on peut
figurer le subordination de ses diverses parties de
la manière que nous avons indiquée plus haut pour
la proposition simple. Exemple : Cet ami, qui vous
veut tant de bien, vous prêtera de l'argent dès que
vous lui en demanderez.
1. Sujet : ami.
■( qui veut* *'»"t'l''¥«°
^ ^ ( vous =: a vous
i de l'argent
2. Attribut: prêtera) vous =. a vous
( dès que vous demanderez . . . . .
2° Analyse détaillée. Exemple : Je désire qu'il
achève ses études avant qu'il soit arrivé à l'âge
où on le fera entrer dcms la vie pratique.
Cette pin-ase de subordination renferme les pro-
positions suivantes :
1. Je désire. Proposition principale. Je, sujet;
désire, attribut exprimé par un verbe à l'indicatif,
parce qu'il marque un fait.
2. Qîi'il ac'iève ses études. Proposition substan-
tive exprimant le complément direct du verbe dé-
sire, auquel elle est liée par la conjonction que.
Il, sujet ; achève, attribut verbal, au, subjonctif,
parce qu'il dépend du verbe de volonté désire;
études, complément direct déterminé par ses.
3. Avant qu'il s it arrivé à /"d,/)'?. Proposition ad-
verbiale de temps liée au verhe achève par la con-
jonction composée avant que. Il, sujet ; soit arrivé,
attribut verbal, au subjonctif, à cause de avant que ;
à l'âge, complément indirect.
4. Où on le fera entrer dans la vie pratique.
Proposition adjeciive déterminative, liée au sub-
stantif âge par le pronom relatif où. On, sujet ;
fera entrer, attribut exprimé par une locution
verbale, à l'indicatif, parce qu'il s'agit d'un fait;
le, complément direct; dans In vie pratique, cir-
constanciel de lieu; ow=: à l'âge, circonstanciel de
temps.
Évidemment, ce genre d'analyse "détaillée ne doit
être fait dans la règle que de vive voix ; il peut ce-
pendant être employé quelquefois pour des con-
cours et des examens.
Analyse étymologique. — L'analyse étymologi-
que, qui considère les mots isolément quant à leur
formation, doit indiquer : 1° la manière dont les
mots dérivés sont tirés des mots primitifs; 2° la
manière dont les mots composés sont tirés des
mots simples.
En voici quelques exemples : le premier est tiré
de notre Cours gradué de langue française. Ma-
nuel du maitre (p. 199), où ce genre d'analyse a
été exposé pour la première fois fois en 1870.
A. Lu lion vint à lui la gueule béante.
Lion, nom d'animal d'où dérive lionceau, au
moyen du diminutif masc. eau.
Gueule, nom de chose qui a formé l'adjectif ^o!</«/,
au moyen du suflixc u, qui a le môme sens que le
suffixe eux et signifie plein de ou qui a de, comme
dans barbu, qui a de la barbe.
Béant, part, présent de l'ancien verbe béer, qui
est le même que bay^r (par ex. bayer aux cor-
neilles) et bâiller, ouvrir la bouche. Dérives : ba-
ANALYSE
— 1-27 —
ANALYSE
daud, badin. Composé : bégueule, c'est-à-dire
bée-queide, littcralcmeni : qui ouvre la bouche.
B. La rivière déborda et inonda lo vallée.
}]iviére, nom de chose, formé de rive, au moyen
du suffixe féminin ière, comme dans houdliete..
théière, etc.
Déborder, verbe formé du substantif bord et du
préfixe dé, qui signifie éloignement, et par suite,
au figuré, cessation, privation -.déborder, c'est pas-
ser les bords.
Inonder, verbe formé du substantif onde et du
préfixe latin in, qui signifie dans et dont la forme
française est en : encaver.
Vallée, nom de chose tiré de val, au moyen du
suffixe ée, qui exprime une idée de capacité, quel-
que chose d'entier, de plein, comme charretée,
plein une charrette, soirée, plein un soir, c'est-à-
dire tout un soir, etc.
C. Un travail modéré affermit la santé.
Travail, substantif verbal formé de travailler,
d'où, au moyen du suffixe eur, travailleur. Le
synonyme de travailler est labourer, qui a donné
labour, laboureur et laboumge, et qui s'est res-
treint au travail de retourner la terre ; le sens ori-
ginel s'est maintenu dans l'beur, synonyme poé-
tique de travail, et dans laborieux.
Modéré, participe passé du verbe modérer, d'où
modérateur, modération.
Affermir, verbe composé de ferme et du préfixe
ad dont le d s'assimile à /,• affermir, c'est rendre
ferme. De ferme ont aussi été formés les verbes
affirmer et affermer.
Santé, nom abstrait, est dérivé d'un mot latin
{sanitateni) dans lequel nous trouvons l'adjectif
sain et le suffixe fém. té qui marque la qualité.
[C. Ayer.]
II. Procédés américains. — L'enseignement pri-
maire aux Étais-Unis fait un grand usage des dia-
g)-ammes ponr l'analyse grammaticale et même logi-
que. Le système le plus ordinairement suivi sous
des formes graphiques assez différentes consiste à
marquer la coordination des termes en les juxtapo-
sant, leur subordination en les superposant. Les
deux membres essentiels de la proposition, sujet
et attribut (le verbe n'est jamais figuré à part),
sont placés à côté l'un de l'autre et à chacun
d'eux se rattachent les compléments, mots ou
propositions qui en dépendent. Voici quelques
spécimens des cas les plus élémentaires, qu'on
pourrait peut-ère imiter quelquefois chez nous,
mais seulement pour des exercices oraux au ta-
bleau noir.
]■' Proposition simple, attribut simple. — Ex.:
^\ ashington était brave.
(Sujet.)
fAtlribut.)
Washington
était brave.
2° Proposition simple, attribut complexe. —
Ex. : V/ashington était le premier dans la guerre,
le premier dans la paix.
^Va^hin':ton
était le premier
et I le premier
_ 30 Proposition simple, compléments direct et
indirect. — \V..shington,lepère de la patrie, nous a
laissé les plus beaux exemples de courage civique
et militaire — (le signe V indique le complémeni
direct, \ le complément indirect, 4^ la préposition).
AVashincrtoii a laissé
V
le
|iéi'e
exemples
la
patrie
les
beaui
plus
&
1
courage
et
'courage)
civique
militaire.
4° Propositions coordonnées et subordonnées . —
Dès qu'il eut chassé les Anglais d'Amérique
A\"ashington licencia ses troupes et rentra dans la
vie privée.
Washington
licencia
Dès que
(il)
Amérique
ANALYSE LITTÉUAIRE. — Littérature et style^
VL — Voir les recommandations générales, dans la
I" Partie, même mot.
RÈGLES DE L'ANALYSE LITTÉRAIRE
L'analyse littéraire est un des exercices les plu?
difficiles de l'école normale; c'est cependant un
de ceux qu'il importe le plus de conserver, en le
dirigeant convenablement.
Ce qui embarrasse avant tout les jeunes gens,
c'est qu'ils ne savent par où commencer, comment
ordonner leur travail, et c'est précisément de la ma
nière dont cet exercice est conduit que dépendent
absolument sa valeur et son utilité. Faite au hasard
ou laissée aux inspirations de chacun, l'analyse
ANALYSE
— 128 —
ANALYSE
îittéraire, dans les écoles normales plus que par-
tout ailleurs, est un travail stérile. Dirigée métho-
diquement, dans lin esprit qui réponde aux be-
soins de l'enseignement primaire, elle peut avoir
une réelle efticacité pour former le jugement, au
moins autant que pour former le goût.
Deux éléments constitutifs de L'analyse litté-
raire. — L'analyse littéraire, à quelque ouvrage
qu'elle s'appli(iue, doit toujours comprendre deux
parties, qui répondent à son double objet. D'une
part, V analyse proprement dite ouïe compte-rendu;
d'auire part, l'analyse critique ou Yapp7-éciatio7i.
Tantôt ces deux parties sont distinctes : on com-
mence par faire le résumé consciencieux de l'ou-
vï'age avant d'en examiner les mérites. Tantôt, au
contraire, on mène de front l'analyse et l'apprécia-
tion, par un double et parallèle examen du fond
«t de la forme.
Dans aucun cas, l'analyse littéraire n'est com-
plète si elle ne répond à ce double besoin de l'es-
prit : savoir ce que contient un ouvrage et savoir
ce qu'il vaut. Une analyse sans appréciation ne
donne que le cadavre de la composition littéraire;
des appréciations, sans une suffisante analyse,
peuvent faire connaître l'impression qu'a reçue le
lecteur, mais ne font pas connaître l'œuvre elle-
même.
Dans les examens, oraux ou écrits, à tous les
degrés, ce qu'on a en vue par l'analyse littéraire,
c'est tout ensemble de s'assurer que le candidat a
lu et relu un ouvrage classique et qu'il en a com-
pris, apprécié, senti les beautés. S'il est embar-
rassé, soit pour rendre compte de la marche et des
divisions de l'ouvrage, soit pour exprimer son sen-
timent et son jugement sur les qualités qu'il y a
remarquées, son analyse littéraire est défectueuse
et prouve qu'il n'est pas suffisamment familiarisé
avec l'auteur dont il avait à parler.
Plan et divisions noiinales d'ime analyse litté-
raire complète. — A ce double point de vtie de
l'analyse et de l'appréciation, une analyse litté-
raire comporte, en règle générale, trois grandes
questions, trois points essentiels; ce sont ceux
que l'ancienne rhétorique * avait très-judicieuse-
ment distingués, mais qu'elle appelait dé noms
latins aujourd'hui peu compréhensibles. Ces trois
objets, à considérer dans toute œuvre de littéra-
ture, sont :
Vinvention, c'est-à-dire le sujet;
La disposition, — le plan ;
Vélocution, — le style.
Sans répéter ici ce que nous disons ailleurs
^V. Composition) sur cette distinction fondamen-
tale des trois grandes conditions de l'art d'écrire,
nous ne saurions trop recommander d'y insister
longtemps et d'astreindre rigoureusement les
jeunes gens à s'enfermer dans ce cadre. On leur
donne à étudier un chef-d'œuvre en prose ou en
vers; ils ont à l'examiner sous trois points de vue.
1° Sujet. — Avant de se perdre dans les détails, il
faut se rendre bien compte des idées ou des faits
qui constituent le fond de l'ouvrage ; jeter un coup
d'œil d'ensemble sur le sujet à traiter, en apprécier
même, s'il y a lieu, la convenance, l'exactitude, la
portée historique ou morale, les inconvénients, les
difficultés ; il faut enfin se mettre à la place de
l'auteur au moment où il a choisi son sujet, et se
demander si son choix a été heureux, hardi, ori-
ginal, etc.
2° Plan. — Une fois le sujet adopté, comment
l'auteur l'a-t-il disposé? Il ne suffit pas que la don-
née soit belle, vraie, grande, il faut maintenant en
distinguer les parties, en ordonner la marche, en
graduer l'effet. Quel plan l'auteur s'est-il proposé?
Quelle division, quel ordre, ((uelle gradation pré-
sente son ouvrage? C'est là la seconde question que
l'analyse littéraire doit résoudre, le second crité-
rium auquel elle doit recourir pour juger le mérite
de l'œuvre : l'édifico vaut autant par l'agencement
que par le bon choix des matériaux.
H" Sf!/le. — Enfin il reste à voir la mise en
œuvre de ces matériaux, dans tout le détail de
l'exécution : c'est ici tiu'apparaîtra l'art du style
dans le sens restreint de ce mot. Comment l'auteur
a-t-il exprimé ce qu'il avait conçu d'abord, ordon-
né ensuite? c'est le dernier des trois termes de
son travail. A-t-il su animer, colorer, peindre à
l'imagination ce qu'il avait à raconter? Sa langue
est-elle correcte et pure, élégante sans affectation,
originale sans bizarrerie, concise sans obscurité,
brève sans sécheresse, abondante sans prolixité ?
L'analyse littéraire le dira et le prouvera par
quelques exemples caractéristiques.
Les trois parties que nous venons de distinguer
et qui théoriquement doivent exister dans toute
analyse littéraire n'y sont presque jamais d'égale
importance. S'agit-il.' par exemple, d'une œuvre
dramatique, d'un poème de longue haleine : la
1"^ partie, l'appréciation du sujet (qu'on nomme
aussi parfois Cintrigue ou la fnble), exige un soin
et un développement qui seraient supeiflus s'il
s'agit d'un court morceau de poésie, d'une lettre
ou d'une narration. Dans ce dernier cas il con-
viendra d'insister sur la fine analyse des détails
du style, de relever une foule de petits traits,
d'artifices et de beautés de diction qu'on ne son-
gerait pas à prendre â part dans un plus grand
ouvrage.
Des trois parties de l'analyse, celle qui ne fera
jamais défaut, celle qui donnera toujours lieu à un
sérieux développement, c'est la seconde, la re-
cherche et l'appréciation Anplan : c'est aussi l'exer-
cice le plus profitable à nos jeunes maîtres. Il les
force à examiner de près la pensée, à en suivre les
péripéties, à Voir de quels éléments logiques elle
se compose, à refaire en quelcjue sorte la trame
du discours et à juger si l'enchaînement en est
solide, si les proportions en sont convenables, s'il
y a un fond d'idées suffisant sous l'élégance ou
sous la richesse apparente du langage. Buffon
avait raison de dire que le style est surtout l'ordre
et le mouvement qu'on met dans l'expression des
pensées.
Recammandatioiu particulières. — Nul conseil
ne peut suppléer à l'expérience et à la sagacité du
professeur de littérature. C'est à lui qu'il appar-
tient : 1° de bien choisir les sujets d'analyse; ,:" de
les bien graduer; 3° de les bien traiter. Ce sont là
des qualités qui ne s'enseignent guères, pas plus
que le bon sens et le bon goût ne se communiquent
sous la forme de règles et de préceptes.
Marquons seulement quelques-uns des écueils où
des maîtres encore peu expérimentés risquent le
plus de se heurter.
1° Choix des sujets d'analyse. — Il faut se gar-
der de commencer parles sujets les plus complexes
et les plus riches ; dans une première année d'école
normale par exemple, on fera bien de débuter par
des exercices sommaires destinés en quelque
sorte à mettre en évidence la charpente d'une
narration, d'un sermon, d'un discours, d'une fable,
d'une description en prose ou en vers. Il faut que
les élèves soient bien exercés à décomposer un
nmrceau quelconque, à le ramener à ses idées
j)rincipales, avant de passer à l'examen de tout un
ouvrage, d'un chef-d'œuvre surtout.
11 n'y a nul inconvénient à choisir de temps à
autre des morceaux de second ordre ; les élèves y
découvriront souvent mieux qvie dans un ouvrage
irréprochable les artifices et les procédés du style,
et ils en apprécieront d'auiant mieux l'inimitable
simplicité des grands maîtres.
Toutes les fois qu'on peut à l'analyse joindre la
comparaison, il n'y faut pas manquer : on y trou-
vera double profit.
ANALYSE
— 129 —
ANALYSE
Enfin — et c'est l'observation capitale — il faut
que l'analyse littéraire, comme tous les exercices
de l'école normale, ait franchement le ton et l'al-
lure de l'enseignement populaire : que les sujets
soient simples, accessibles à l'intelligence et à
l'imagination la moins façonnée autour des études
classiques; que l'on se contente de ce que peut
comprendre, aimer, sentir un esprit jeune, droit et
sain, sans trop regretter pour lui tout ce que lui fait
perdre l'ignorance du grec et du latin, sans vouloir
surtout combler cette lacune en lui donnint sur les
langues et sur les littératures anciennes des juge-
ments tout faits et une science d'emprunt : ce
serait le moyen d'en faire à tous jamais un pédant
ridicule et incorrigible.
2° Mode de rédaction des aoahjses littéraires. —
Les sujets doivent être traités dans le même esprit
où ils ont été choisis : de la simplicité, de la vé-
rité, de la sincérité avant tout. Ici encore soyons
peuple, comme la Bruyère se vantait de l'être : ne
copions pas les lettrés, les érudits, l'enseignement
secondaire ou supérieur.
Ne forçons poiot notre talent,
Nous ne ferions rien avec grâce.
L'analyse littéraire doit surtout façonner le goût
des élèves : le meilleur moyen d'y réussir est de for-
mer leur jugement, c'est-h-dire qu'il faut faire une
guerre sans relâche aux phrases de convention, aux
éoitbètes banales, aux admirations de commande,
à tout ce bavardage qui, tour à tour plat ou am-
poulé, prouve simplement que l'élève n'a rien
senti. On peut appliquer à l'analyse littéraire et
dans l'intérêt du goût, le mâle langage de Mo-
lière :
Je yeux qu'on soit sincère et qu'on homme d'honneur
On ne lâ<:he aucun mot qui ne pai-te du cœur.
« On doit aussi prendre garde, dit très-judicieu-
sement M apereau, de vouloir trouver des beautés
partout, de s'exalter à froid, de s'extasier sur les
moindres mots, de prêter à un auteur des inten-
tions qu'il n'a pas eues, des malices et des finesses
auxquelles il n'a pas songé. » Cette recommanda-
tion est d'autant plus précieuse, que c'est bien
là le danger le pins fréquent de ce genre d'exer-
cices. On ne l'évitera qu'en habituant les jeu-
nes gens à une certaine liberté de jugement et
d'expression, en leur laissant quelque spontanéité,
en encourageant dans une sage mesure ce franc
parler qui donne aux appréciations, sinon une
justesse parfaite, du moins une saveur de naturel.
Enfin, sans vouloir autoriser les jeunes gens à
s'ériger en juges prétentieux et pédants, nous ne
croyons pas qu'il y ait aucun inconvéïyent à leur
signaler ou à leur laisser signaler, le cas échéant,
telle tache dans un morceau, telle expression in-
correcte, tel passage obscur pour eux, ou long, ou
inutile à leur sens.
3° Syjithèse, complément de l'analyse. — Dans
toutes les formes de l'enseignement, l'analyse
appelle comme complément logique et indispen-
sable un exercice ei sens contraire, une synthèse.
Apres que l'analyse littéraire a fait décomposer un
morceau, un exercice de composition sur un sujet
et sur un plan analogue en sera en quelque sorte
la contre-partie naturelle et l'utile application.
M. Michel, dans son Cours de compositio7i, a souvent
très-heuieusement indiqué ce procédé. Nous n'a-
vons pas à y insister ici i,V. Composition'.
MODÈLES DE LEÇONS ET D'EXERCICES
Sujet donné : L'orage, par Saint-Lambert.
L'orage.
On voit à l'horizon, de deux points opposés,
Des nuages monter dans les airs embrasés ;
On les voit s'épaissir, s'élever et s'étendre.
D'un tonnerre éloigné le bruit s'est fait L-ntcudre ;
5. Les fluts en ont fromi, l'air en est ébranlé,
Et le long du vallon le feuillage a tremblé.
2* Partie.
Les monts ont prolongé le lugubre murmure
Dont le son lent et sourd attriste la nature.
Il succède à ce bruit un calme plein d'horreur,
10. Et la terre, en silonce, atlond dans la terreur.
Des monts et des rochers le vaste amphithéâtre
Disparait tout à coup sous un voile grisâtre ;
Le nuage élargi le couvre de ses flancs ;
Il pèse sur les airs tranquilles et brûlants.
15. Mais des traits embrasés ont sillonné la nue,
Et lafoudre.en grondant, roule dans l'étendue •.
Elle redouble, vole, éclate dans les airs;
Leur nuit est plus profonde, et de vastes éclairs
En font sortir sans cesse un jour pâle et livide,
20. Du couchant enflammé s'élance un veut npde ;
Il tourne sur la plaine, et, rasant les sillons.
Enlevé un sable noir qu'il tourne en tourbillon.
Ce nuage nouveau, ce torrent de lumière.
Dérobe à la campagne un reste de lumiire.
25. La peur, l'airain sonnant, dans les temples sacres
Font entrer à grands flots les peuijles égarés.
Grand Dieu! vois à tes pieds leur foule consternée
Te «lemanderle pris des travaux de l'année.
Hélas ! du ciel en feu les globules glacés
30. Eciasant, en tombant, les épis renversés.
Le tonnerre et les vents déchirent les nuages.
Le fermier de ses champs contemple les ravages
Et presse dans ses bras ses enfants effrasés.
La foudre é,clate, tombe; et des monts foudroyés
33. Descendeut à grand bruit les graviers et les ondes,
Qui courent en torrents sur les plaines fécondes.
0 récolte '. ô moissons ! tout périt sans retour :
L'ouvrage de l'année est détruit en un jour.
« Si, après avoir lu ce morceau avec attention,
nous cherchons à nous rendre compte de la marche
qu'a suivie l'auteur, nous découvrons que le cadre
embrasse trois parties principales.
D'abord les phénomènes précurseurs de l'orage :
direction des nuages (vers 1-3) ; — tonnerre
lointain (v. 4-8J ; — calme et silence effrayant
(v. 9-10).
La phrase qui suit montre le développement
successif de l'orage : cpaississement des nuages ;
— chaleur de l'atmosphère (v. 11-14) ; — éclairs
et coups de tonnerre (v. 15-19); — vent et tour
billons de poussière (v. 20-24).
Après cette peinture de l'orage, l'auteur décrit
les effets qu'il a produit.-^ sur les êtres animés et
dans la nature : — attitude des hommes (v. i5-28) ;
— ravage des campagnes (v. 29-31) ; — perte des
récoltes (v. 32-38).
Ainsi l'analyse attentive de ce tableau permet de
le réduire à l'esquisse suivante, qui en donne à la
fois le plan et le cadre :
1» Phénomènes précurseurs de l'orage ;
2° Phases successives de son développement;
3° Ses effets.
L'observation du phénomène indiquait naturelle-
ment la place de cîiacune de ses parties. Mais re-
marciuons l'harmonie et la proportion que l'auteur
a mise entre elles, et par leur étendue relative, et
par le choix des images, et par le ton du style.
L'aspect du ciel, indiqué dans les deux premiers
vers, est complètement dépeint dans le troisième
par cette gradation d'une vérité saisissante :
On les voit s'épaissir, s'élever et s'étendre.
Parmi les vers qui suivent il n'en est presque
aucun qui n'offre, môme à l'oreille la moins exer-
cée, quelque admirable effet d'harmonie imitative.
Comme le roulement sourd du tonnerre qui
gronde dans le lointain est bien rendu dans ce
vers :
D'un tonnerre éloigné le bruit s'est fait entendre,
et plus loin :
Et la foudre en grondant roule dans l'étendue.
Avec quel bonheur le peintre reproduit l'image
et le fréir.issement du feuillage à l'approche de la
tempête :
Et le long du vallon le feuillage a tremblé.
Par quelle grande et terrible image il termine
9
ANALYSE
— lao —
ANALYSE
le tableau des signes précurseurs de l'orage dans
ces deux vers d'une harmonie si vigoureuse :
11 succède à ce bruit un calme plein d'horreur;
• Et la terre en silence attend dans la terreur.
Cet heureux mélange d'images et d'effets d'har-
monie se fait remarquer dans toute la suite du
morceau. Bornons-nous à appeler l'attention sur le
mouvement plein de force et de sentiment produit
par l'apostrophe :
Grand Dieu ! vois à tes pieds leur foule consternée
Te demander le prix des travaux de l'année.
et sur l'émotion profonde qu'éveille dans l'âme
rexclamation si naturelle et si vive :
0 récolte ! ô moissons ! tout périt sans retour :
L'ouvrage de l'année est détruit en un jour.
Exercice complémentaire [synthétique). — S'ap-
puyer sur les observations et les exemples qui pré-
cèdent pour tracer l'esquisse et trouver les détails
d'un autre tableau : une pluie de printemps après
une lo7igiie sécheresse.
Nous allons montrer, aussi brièvement que pos-
sible, comment on peut tirer parti de l'examen
analytique d'un modèle pour trouvei* soi-même le
plan et les détails d'un sujet à traiter.
Si nous nous rappelons encore le plan du tableau
que nous venons d'étudier, il nous est facile de
saisir les analogies naturelles entre ce morceau et
le sujet d'une pluie de printemps après une longue
sécheresse. En étudiant la manière et les procédés
de Saint-Lambert, nous sommes amenés naturel-
lement à tracer pour la seconde description l'es-
quisse suivante que nous mettons en regard de la
première.
1° Phénomènes précurseurs de l'orage :
— Phénomènes antérieurs à la pluie : prairies
desséchées.... ruisseaux taris.... végétation lan-
guissante.... espérances compromises.... inquié-
tude des cultivateurs,
2° Phases successives de l'orage :
— Commencement et progrès de la pluie : chan-
gements dans l'atmosphère,... état du ciel,... chute
des premières gouttes,... progression lente et con-
tinue de la pluie,... ses effets sur la végétation et
les plantes,... sur les animaux,... sur les hommes.
3° Effets de l'orage :
— Effets de la pluie : aspect de la campagne,...
pureté du ciel,... vie et fécondité rendues k la
terre,... joie des êtres animés,... sécurité et abon-
dance rendues aux hommes,... témoignage de re-
connaissance envers la Providence divine. »
[Michel, Cours de Composition, Impartie,
p. 108-112.]
Autre modèle extrait du Recueil d'an.vlyses
LITTÉRAIRES par M. B. van HoUebeke, professeur de
rhétorique française à l'Athénée royal de Liège.
Sujet donné : la fable de la Fontaine : Le chat,
la belette et le jeune lapin :
l. Du palais d'un jeune lapin
Dame belette, un beau matin,
S'empara :
Sans nous arrêter à l'expression familière et iro-
nique un beau matin, remarquons la manière dont
le poète isole et met en lumière l'idée principale,
s'empara ; la Fontaine plie sa phrase à l'idée. Son
rhythme aussi varie, pour être en harmonie avec
la pensée : quand celle-ci est légère et badine, l'u-
niformité du mètre ne pourrait lui convenir.
A ce petit récit vient se joindre une de ces ré-
flexions qui n'appartiennent qu'au bonhomme :
c'est une rusée! Elle tient de la naïveté de l'enfant
qui raconte et qui mêle à son récit ses réflexions
ingénues. « Nous rions, dit Marmontel, mais de la
naïveté du poète, et c'est à ce piège si délicat que
se prend notre vanité. »
Croirait-on que des commentateurs aient jugé
mauvais ce que le lecteur trouve délicieux, et se
soient autorisés du vers suivant pour blâmer lo
mot rusée :
Le maître étant absent, ce lui fut chose aisée ?
« Quelle adresse, ont-ils dit, peut-il y avoir à
s'emparer d'un trou vide ? » Nous leur répondrons
avec Charles Nodier : « Aucune assurément ; aussi
la Fontaine dit-il rusée, et non adroite. »
Elle porta chez lui ses pénates
Allusion comique ; le poète donne à son person-
nase un plaisant air d'antiquité
...un jour
Qu'il était allé faire à l'Aurore sa cour,
Parmi le thym et la rosée.
Voyez comme d'une idée vulgaire, aller brouter
dès le matin, la gracieuse imagination de la Fon-
taine a su faire un tableau plein de fraîcheur. L'Au-
rore personnifiée n'est assurément pas d'invention
nouvelle ; mais ce qui est nouveau sans doute,
c'est le lapin qui lui fait sa cour. Voilà imiter et kla
fois être original. Cette peinture délicieuse, la
Fontaine osa la refaire ailleurs (liv. X, fab. 15) et
peut-être le fit-ii avec succès ; qu'on en juge :
Des lapins qui. sur la bruyère,
L'œil éveillé, l'oreille au puet,
S'égayaient, et de thym parfumaient leur banquet.
Tout ce début est plein de charmants détails.
M. Villemain y fait allusion dans ce passage : « De
tous les écrivains du siècle de Louis XIV, la Fon-
taine semble presque le seul qui ait regardé la
nature ailleurs que dans les poèmes des anciens,
et qui ait joint à l'étude une observation minu-
tieuse et naïve. Les beautés du spectacle de la na-
ture qu'il a décrites étaient simples et vulgaires,
comme il pouvait les rencontrer dans ses promena-
des... La Fontaine décrivant un printemps de
France, un printemps ordinaire, loin du ciel de la
Grèce ou de l'Italie, la Fontaine montrant le lapin
qui trotte à travers le thym et la rosée, est aussi
poète que les anciens le furent jamais. »
En nous montrant notre jeune héros au milieu
de ses délices, le poète a un dessein : c'est d'éta-
blir un contraste entre le bonheur du moment et
le malheur qui se prépare :
Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
joyeux, et sans aucun pressentiment de la mésa-
venture qui l'attend,
Jeannot Lapin retourne aux souterrains séjours.
Les détails qui vont suivre ne permettent plus
d'appeler le itrrier un p'dais. Il n'est vraiment
plus qu'ui^lieu sombre, un souterrain, rendu si-
nistre même par la perfidie dont il, est devenu le
théâtre. La périphrase de la Fontaine est toujours
heureuse. \Quant à la dénomination de Jeannot
Lapin, elle nous rappelle celle de Robin Mouton,
de Gent trotte-menu et cent autres, qui toutes ont
de la grâce et du naturel, et non de la recherche et
de l'affectation^ comme celles de Lamotte : DomJu-
gement. Dame Mémoire, Demoiselle Imagination.)
II. Le retour du jeune propriétaire marque la tran-
sition à la seconde partie, la dispute.
Toute l'introduction peut se résumer en un seul
I mot, usurpation. Vusurpation engendre la dispute.
Nous connaissons déjà le lieu de la scène, le temps
et deux des personnages avec leur caractère dis-
tinctif, l'un rusé et perfide, l'autre insouciant et
inoffensif.
La belette avait mis le nez à la fenêtre.
L'image est pittoresque et le détail n'est pas su-
perflu. La perfide belette veut jouir de la mystifi-
cation du jeune propriétaire.
0 dlcui ho«j)italiers! que vois-je ici paraître?
Dit ranimai chassé <Ju paternel log'*.
Surprise rendue avec art. Un sentiment subit et
ANALYSE
— 131 —
ANALYSE
vif est toujours vague : Que (et non pas Qui) vois-
je ici paraître ? Ce premier moment passé, les sens
reviennent, et l'ironie, mêlée à un ton de supério-
rité, sied bien au maître qui, fort de ses droits, ne
veut voir dans l'usurpation de son bien qu'une
mauvaise plaisanterie :
Holà ! madame la belette !
Que l'on déloge sans trompette.
Mais la trouvant un peu lente à quitter son do-
maine, il prend le ton de la menace :
Ou je -vais avertir tous les rats du pays.
Si la belette ne craint pas ses ennemis naturels
■chacun isolément, le nombre doit l'épouvanter ;
<jue pourra-t-elle contre une bande si formidable?
Trop maligne pour vouloir vider la question par
la force, elle aime mieux user de raisonnement.
Comme pour mettre en relief son caractère mali-
cieux, la Fontaine la dépeint au physique par un
seul trait frappant d'à-propos : la dame au nez
pointu.
Écoutons ses arguments :
La dame au nez pointu répondit que la terre
Était au premier occupant.
Nous voilà, dans une sphère nouvelle : un système
^e droit 1 J'occupe votre terrier : donc il m'appar-
tient. Puis vient l'ironie : d'ailleurs
C'était un beau sujet de guerre
Qu'un logis où lui-même il n'entrait qu'en rampant!
Et quand ce serait un royaume,
Je Toudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
En a pour toujours fait l'octroi
A Jean, fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
Plutôt qu'à Paul, plutôt qu'à moi.
Le conteur avait pris un instant le style indirect ;
il quitte bientôt cette forme inerte. S'il se faisait
toujours l'interprète de ses personnages, il ôterait
à leur langage le mouvement et la vérité.
Mais revenons au terrier, à la belette. Elle mé-
connaît le droit de succession, qu'elle appelle un
octroi, une faveur, un privilège, inadmissible en
ligne directe comme en ligne collatérale. Que ce
soit d'un père ou d'un oncle que Jean Lapin ait
hérité son terrier, peu importe à l'usurpatrice ; elle
ne s'inquiète pas plus de sa généalogie que de ses
prétentions.
« 'Voilà, litChamfort, la question de la propriété
parfaitement posée à propos d'un trou de lapin. »
Et Aimé Martin, dans son excellente édition des
fables de la Fontaine : « Certes, dit-il, la belette qui
met l'hérédité en question, est une terrible révo-
lutionnaire, et Uousseau n'a trouvé ni pis ni mieux
dans son discours sur l'inégalité. »
Somme toute, la dame au nez pointu manie bien
le sophisme. Que répondra son adversaire?
Jean Lapin allégua la coutume et l'usage :
Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis
Rendu maître et seigneur, et qui, de père en Cls,
L'ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
Le premier occupaut, est-ce une loi plus sage?
Le nom de Jean Lapin, qui revient au milieu de
ces débats sérieux, ne manque pas de sel. Toutefois
le ton du jeune propriétaire est plein de fierté : il
G?Xmaitre et seigneur. Lésé dans ses droits, il tient
un langage énergique. Le danger, son intérêt me-
nacé lui donnent de l'esprit pour défendre sa cause.
La dame au nez pointu parle avec ironie et arro-
gance. Elle méprise les lois et se joue des raisons
les mieux fondées. C'est une querelleuse faite au
métier.
Comme ce dialogue a déjà attiré l'attention de
judicieux commentateurs, on nous saura gré de
transcrire leur jugement. 'Voici comme s'exprime
La Harpe : « Est-il possible de mieux discuter une
cause? Tout y est mis en usage : coutume, autorité,
-droit naturel, généalogie. »
Ev Chamfort : « Ce n'est pas une plaisanterie
d'affirmer que la dispute du lapin et de la belette
qui s'est emparée d'un terrier dans l'absence du
maître, l'une faisant valoir la raison du premier oc-
cupant et se moquant des prétendus droits de
Jean Lapin, l'autre réclamant les droits de suc-
cession transmis au susdit Jean, par Pierre et Si-
mon ses aïeux, nous offre précisément le résultat
de tant de gros ouvrages sur la propriété. «
IIL La dispute, objet de la seconde partie, nous
conduit au dénoûment, par une proposition que
fait la belette :
Or bien, sans crier davantage,
Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis.
Raminagrobis !... Comment expliquer ce choix ? II
fallait qu'il eût les dehors bien propres à imposer
la confiance. En effet.
C'était un chat vivant comme un dévot ermite.
Un chat faisant la chattemite.
Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
Arbitre expert sur tous les cas.
Tel est le portrait de l'honnête homme que la
belette propose comme juge. « 'Vrai Cerbère », mais
plus adroit que celui « qui se fait craindre une
lieue à la la ronde, » et « se fait passer pour un
diable » (liv. III, fab. IS), il trouve plus sage de
se faire passer pour un saint. Il a pris les dehors de
l'homme probe et austère, il a revêtu le cilice, il
est allé cacher ses vices à l'ombre de la retraite.
Ses dehors hypocrites lui ont valu mainte bonne
aubaine: il est bien fourré, gros et gras; comme
Tartufe, qui, lui aussi, avait le teint fleuri et l'o-
reille rouge. Tous deux avaient profité au métier.
Et qu'on n'aille pas, comme de maladroits inter-
prètes, voir dans ce portrait la satire des sentiments
religieux. La Fontaine n'en veut qu'aux abus. Or,
comme on ne fabrique la fausse monnaie qu'à
l'imitation de la bonne, toute vertu a sa contrefaçon.
Outre sa réputation de probité, de sainteté,
notre nouveau Tartufe a encore celle d'arbitre
expert sur tous les cas: à ce caractère d'universalité
je reconnais l'adroit et subtil charlatan.
En un mot, tout ce portrait concourt à justifier
le choix de nos deux contestants. Quant à nous
nous avons compris le scélérat, et nous tremblons
quand on annonce que
Jean Lapin pour juge l'agrée.
Car le jeune lapin seul a droit à notre intérêt.
Les voilà tous deux arrivés
Devant sa majesté fouirée.
Grippeminaud leur dit :
Ce nom de Grippemijiaud nous fait pressentir
que le rôle du saint homme va changer; il contraste
singulièrement avec son langage doucereux :
Mes enfants, approchez,
Approchez ; je suis sourd, les ans en sont la cause.
Mes enfants ! C'est le langage d'un bon vieillard,
d'un père. L'invitation éveillerait les soupçons, si
la répodtion, l'instance, le ton grave et plein d'onc-
tion, I • venaient aussitôt rassurer nos deux impru-
dents lest sourd; or il faut bien qu'il puisse les
enter .e : il pousse la précaution jusqu'à dire l'ori-
gine -xi sa surdité : les ans en sont la cause.
L'un et l'autre approcha, ne craignant nulle chose.
■Va-t-il s'amuser à écouter leurs débats, à peser
leurs raisons? Les laissera-t-il « contester, répli-
quer, crier, tempêter (liv. II, fab. 2.) ? » JN'on, il
use mieux de son temps :
Aussitôt qu'à portée il vit les contestants,
Grippeminaud le bon apôtre.
Jetant des deux cotés la grille en même temps,
"Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre.
Tableau vif et rapide; c'est un mélangc-Se tra-
gique et de comique. L'hypocrite se démasque et
reprend son naturel, quand il est. sûr que la scène
ANATOMIE
132 —
ANATOMIE
qui se passe chez lui, à huis-clos, sans témoins, ne
portera nulle atteinte à sa réputation. Aussitôt
après, il reprendra son air patelin et dévot pour
faire de nouvelles dupes.
Remarquez l'ironie du dernier vers :
Mit les phiideurs d'accord en croquant l'un et l'autre.
IV. De l'analyse procédons à la sj'nthèse.
Tout le récit peut se réduire à la phrase suivante:
U7ie belette s'empare du terrier d'un jeune lapin
absent; — au retour de celui-ci une dispute s'élève.
— et ils finissent par prendre pour Juge 1 71 chat,
qui, C^^ manqe tous deux.
Où esx, io b,T- dj'ûit? où est l'injustice ?
La belette usurpe le bien d'autrui ; sa conduite
est injuste et blâmable, sa perfidie mérite un châ-
timent : elle le subit.
Le jeune lapin, propriétaire légitime de son ter-
rier, réclame un droit d'héritage incontestable. Il
est innocent, frustré dans ses droits, et pourtant on
en lait une victime.
Le chat; hypocrite raffiné, le personnage le plus
criminel, vit et prospère aux dépens des méchants
et des bons.
La fable est-elle donc morale? A quelle conclu-
sion nous aniène-t-elle? Que pour être heureux, il
faut être hypocrite et criminel; que pour vivre ho-
noré Lt content, on doit se faire fripon?... Croirait-
on que des écrivains distingués ^J.-J. Rousseau.
— Voltaire. — Lamartine. — Lessing) aient trouvé
de semblables conclusions dans les fables de la
Fontaine ? comme si l'apologue, pour être moral,
avait besoin d'aboutir toujours au couronnement
de la vertu : comme s'il ne lui suffisait pas de ren-
dre odieuxle vice, même dans son triomphe.
Le fabuliste n'est pas astreint à énoncer un pré-
cepte ; il peut se borner à constater une de ces
vérités affligeantes dont la société offre malheureu-
sement la triste application. Les petits drames de
la Fontaine sont souvent la représentation du
monde tel qu'il est, non tel qu'il devrait être : la
fable a de la parenté avec la satire.
Tel est ici le caractère de la conclusion :
Ceci ressemble fort aux débats qu'ont parfois
Les petits souverains se rapportant aux rois.
Au lecteur le soin d'en déduire la leçon positive,
déjà formulée au livre VI, fab. 4 :
Petits princes, videz vos débats entre vous.
En résumé, l'introduction et le dénoiiment sont
admirables comme tableaux, et la deuxième partie est
un chef-d'œuvre de dialogue.
Après la lecture de cette belle composition, on
comprend la justesse d'une réflexion ingénieuse
de M. Taine, dans son étude sur le Beau appliqué
aux fables de la Fontaine : « La Fable, le plus hum-
ble des genres poétiques, ressemble aux petites
plantes perdues dans une grande forêt. Les yeux
fixés sur les arbres immenses qui croissent autour
d'elle, on l'oublie, ou, si on baisse les yeux, elle ne
semble qu'un point. Mais si on l'ouvre jour exa-
miner l'arrangement intérieur de ses or: les, on
y trouve un ordre aussi compliqué et auf vivant
que dans les vastes chênes qui la couvren '.e leur
ombre, et on juge que la beauté de la p^iitesse
égale la beauté de la grandeur. »
fVan Holleboke.l
.ANATOMIE. — Botanique. I; Zoologie, XXXI. —
{Etym. : d'un mot grec signifiant couper, di-séquer.)
1. Idée générale de l'anatomie. — L. anatomie est
une science qui a pour objet la structure des corps
organisés et pour but la connaissance de leur
constitution. C'est l'étude des formes, de la situa-
tion, de la composition, des caractères apparents que
présentent les différentes parties des êtres vivants,
étude faite à l'aide de la dissection ou de tout
autre moyen d'investigation et de recherche.
Elle peut s'appliquer aux végétaux et aux ani-
maux; aussi distingue-t-on V anatomie végétale, qui
traite de la structure des plantes, et V anatomie ani-
male, qui scrute l'organisation des animaux et en
particulier celle de l'homme.
Quand on examine la plante la plus commune
des jardins ou des champs, on y distingue diverses
parties, différentes de forme, de composition et de
but : la racine, la tige, les feuilles, les fleurs, les
fruits, les graines ; ce sont les organes, les instru
menls de la vie. Pour comprendre le rôle et la
fonction de chacun de ces organes, il faut en étudier
la structure, examiner les parties qui le compo-
sent, en observer la forme exacte, voir comment il
se rattache aux autres pièces de ce mécanisme
vivant. Il faut encore aller plus loin si l'on
veut se rendre compte du développement de
chaque organe : il faut voir de quels matériaux il
so compose, examiner au microscope les éléments
qui en constituent la substance, se rendre compte
de leur structure interne, de leur mode de grou-
pement. En un mot, après avoir distingué et étudié
les organes, il faut étudier les tissus ou la masse
même des éléments qui constituent l'organisme.
Tel est le double rôle de l'anatomie végétale.
Le corps des animaux est plus complexe que la
plante ; mais il a comme elle 1" des parties exté-
rieures ou membres dont il importe de noter les
formes, la position, la structure; 2° des parties
internes ou organes; 3° et enfin des tissus dont
l'analyse s'applique à séparer les éléments pour les
suivre dans leurdéveloppement.L'anatomieanimale
étudie donc, comme l'anatomie végétale, des organes
et des tissus, et elle cherche dans les rapports des
éléments qui forment ces derniers le secret des
oi'ganismes les plus complexes.
L'anatomie a comme science une haute impor-
tance ; elle sert de base à la physiologie, car les
fonctions d'un organe résultent presque nécessai-
rement de la structure de cet organe, et on com-
prend facilement que le jeu d'une machine compli-
quée, comme le sont les diverses parties du corps
humain, s'éclaire de la description et de l'agence-
ment de tous ses rouages. Elle est indispensable au
médecin et au chirurgien. Elle révèle au premier
le siège des maladies par les changements de forme,
de volume, de rapports et de texture qu'ont subis
les organes atteints, et elle guide la main de l'autre
dans les délicates opérations qu'il exécute ; elle
seule peut lui faire trouver sûrement, à travers
des parties dont la lésion serait dangereuse ou
mortelle, la tumeur qu'il cherche à extirper et le
meilleur chemin à suivre pour l'atteindre, comme
elle lui a servi à, établir son existence et son état
sur des symptômes sûrs. Elle est utile aussi à tous
les hommes, puisqu'elle nous révèle la merveilleuse
organisation de notre corps et excite au plus haut
point notre curiosité, notre admiration.
Lorsque l'anatomie se circonscrit dans l'étude de
la conformation extérieure des organes et de toutes
les propriétés qu'on peut observer sans entamer
leur tissu, elle porte le nom d'anatomie descriptive.
Elle nous apprend la forme, la couleur, la consis-
tance, le volume, le poids, le nom, les rapports et
la région des organes; elle trace, en un mot, la to-
pographie du corps humain. On y peut rattacher
Vanatomie des peintres et des sculpteurs, que l'on
définit la connaissance de la surface extérieure du
corps, soit dans les diverses attitudes du repos, soit
dans les divers mouvements.
Mais si, au lieu de s'arrêter à la surface, elle pé-
nètre par l'analyse, en s'aidant du microscope,
jusqu'aux tissus et à leurs éléments pour y décou-
vrir le secret de leur organisation et de leur déve-
loppement, les lois qui président à leur formation
et t\ leur arrangement, elle porte le nom d'histo-
logie (science des tissus).
On lui donne le nom à'anatomie coniparéè quand
elle étudie les mômes organes dans les diverses
ANATOMIE
— 133 —
ANATOMIE
classes d'animaux ou de végétaux, pour établir les
ressemblances ou les modifications de leur struc-
ture et en tirer les caractères des classifications
naturelles.
Enfin, elle porte le nom A'anatomie pathologique
quand elle s'occupe des altérations que peuvent
«prouver les organes ; à'anatomie chinirqicale ou
médicale, quand toutes les régions du corps sont
considérées les unes après les autres dans leur
ordre de superposition, afin de faire découvrir les
causes et les sj'mptômes des maladies.
L'anatomie comparée est d'un grand secours dans
l'étude des deux règnes, puisqu'elle sert de base
aux classifications. C'est d'ailleurs une étude pleine
d'intérêt, car elle permet de remonter l'échelle
complète de la série des êtres, au sujet de chacun
des principaux organes, depuis les algues cellu-
laires jusqu'aux grands végétaux dicotj'lédonés,
depuis la monade et le vibrion jusqu'aux animaux
supérieurs et à l'homme.
L'histologie a pris dans ces dernières années un
grand essor. Les observations microscopiques mul-
tipliées non-seulement sur les tissus, mais sur les
éléments cellulaires les plus simples, sur le sang et
ses globules, sur tous les liquides de l'économie,
ont ouvert un jour nouveau à l'anatomie et à la
physiologie générale. La perfection des instruments
grossissants a reculé les bornes de l'observation et
rendu possible l'étude de l'œuf et de ses développe-
ments; l'emploi de nouvt-aux moyens chimiques de
séparation et d'isolement des tissus a permis de
distinguer les dilïérentes cellules animales élé
montaires et de suivre leur agencement dans les
os, dans le cerveau, dans les muscles, dans les
nerfs.
Dans un cours élémentaire d'histoire naturelle,
l'anatomie n'est pas une partie distincte et isolée,
avec son programme et ses méthodes ; elle accom-
pagne partout la ph^'siologie, qu'elle éclaire et
qu'elle guide et qui lui sert d'indispensable com-
plément. Quand on étudie un organe d'un animal
ou d'une plante, après avoir décrit sa forme et sa
structure, on indique ses fonctions et son rôle, et
même si l'on passe en revue les modifications qu'il
offre dans la série des êtres, on y joint de suite les
dilférences d'objet et d'utilité organique qui en sont
la conséquence. Examine-t on l'étamine dans la
fleur, la description détaillée de l'anthère et de son
support, de la forme et de la dimension des grains
de pollen ne satisfait pas entièrement l'esprit; il
faut suivre le développement de cette poussière
fécondante, la manière dont elle s'échappe de la
bourse qui la retenait et le chemin qu'elle prend,
si l'on veut connaître l'acte reproducteur dont elle
€st l'un des agents.
Étudie-t-on le cœur et les poumons, on en fait
d'abord la description détaillée, on en indique la
forme, le volume, la structure: voilà pour l'anato-
mie ; mais on y joint immédiatement les mouve-
ments de ces organes, leur rôle dans la marche et
la régénération du sang, pour présenter un en-
semble de ces deux grandes fonctions de la nutri-
tion, la respiration et la circulation.
Ainsi on mêle constamment l'anatomie et la phy-
siologie, et l'enseignement y gagne incontestable-
ment en intérêt et en clarté.
Dans cet ouvrage, qui comporte un cours étendu,
bien que très élémentaire, d'histoire naturelle, il
en sera de même; c'est donc aux articles traitant
des grandes fonctions, tels que Nutrition, Digestion,
Circulation, Respiration, etc., ou des organes im-
portants et complexes, comme Squelette, Tissus,
Système nerveux, Tact, Odorat, Ouïe, Vue, etc.,
que nous renverrons pour l'anatomie et l'hisio-
logie animale; aux mots Feuill-, Fleur, Fruit,
Graine, Spore, Tige, Tissus vJgé'taur, Racine, Ab-
sorption, Nxdriiion, Respiration, Germination, etc.,
pour l'anatomie et l'histologie végétale*
Enfin au mot Classifications on trouvera expo-
sées l'importance et l'utilité des données que
fournit l'anatomie comparée.
A7iatomie élastique. — On désigne sous ce nom
des pièces anatoniiques artificielles, faites de cire
ou d'alliages résistants, qui peuvent se démonter
pour permettre de voir la configuration et la posi-
tion des parties profondes qu'elles représentent.
Les plus répandues sont celles du docteur Auzoux,
en liège fortement comprimé et durci, coloriées sx-
térieurement de manière à figurer l'aspect exact des
organes. Ces pièces, dont la formation et le montage
ont exigé des connaissances anatomiques précises,
rendent de très-grands services dans l'enseignement
élémentaire ; elles donnent à tout un auditoire
l'aspect réel des parties profondes des organes ou
du corps qu'elles figurent ; elles marquent très-net-
tement la place de chaque partie et permettent de
suivre les muscles, les vaisseaux ou les nerfs dans
leur marche à travers les tissus Les portions d'or-
ganes ou les fleurs, qu'il faudrait examiner au
microscope à cause de leur petitesse, sont re-
présentées très-agrandies, tout en conservant le
même rapport entre leurs éléments. Elles ont sur
les figures l'avantage de présenter les choses avec
leur couleur et leur aspect réel. Les fleurs, fruits et
graines ; les pièces détachées représentant le cœur,
les poumons, l'œil, l'oreille, et le mannequin d'un
modèle moyen, favoriseraient beaucoup l'enseigne-
ment de l'histoire naturelle dans les écoles norma-
les et dans les écoles primaires supérieures.
[C. Haraucourt.]
2. Histoire de l'anatomie. — X-'OansVantiquifé.
— Le culte que les anciens rendaient à leurs morts
et les peines qu'ils infligeaient à quiconque profa-
nait leurs sépultures, furent pendant longtemps
un obstacle à l'étude du corps humain; aussi les
premières notions que l'antiquité nous ait léguées
sur cette science, notions parfois ion cxaCt's, se
ruttachent-elles à l'anatomie des animaux.
Démocrite, qui vivait dans la seconde moitié du
V'' siècle av. J.-C, connaissait déjà le trajet que
suit la bile venant du foie et le rôle que ce liquide
joue dans l'acte de la digestion. Avant lui, Anaxa-
gore, maître de Péiiclès et de Socrate, avait étudié
aussi l'anatomie des animaux. Mais il faut arriver
jusqu'à Aristote pour avoir des notions à peu près
exactes sur la structure du corps de certains ani-
maux, et quoique les écrits de ce grand naturaliste
aient été souvent dénaturés par les copistes ou
mal interprétés par les traducteurs, ils excitent
encore de nos jours l'admiration de quiconque les
étudie et ils sont restés un des plus beaux chapitres
de l'histoire de l'esprit humain. On trouve déjà
dans les descriptions d'Aristote quelques notions
sur la structure de notre corps, notions que le
petit-fils de ce grand philosophe rendra bientôt
plus exactes, surtout en ce qui concerne le cerveau
envisagé soit chez l'homme, soit chez quelques
mammifères rares déjà connus àce'te époque.
Mais parmi les savants de l'antiquité, celui qui a
traité dans ses écrits d'une manière toute spéciale
de l'anatomie est Galien, qui, après avoir étudié à
Alexandrie, alla ensuite se fixer à Rome, oii il devint
le médecin des empereurs Marc-Aurèle, Verus et
Commode. Ses ouvrages sont riches en considéra-
tions élevées et en observations délicates; pendant
longtemps les descriptions qu'ils renferment ont
passé pour avoir été faites sur l'homme, et il a fallu
les étudier avec le plus grand soin pour se con-
vaincre que c'était surtout sur certaines espèces de
singes que Galien avait opéré.
1° Au moyen âge et à la Renaissance. — Peitdant
plus de dix siècles, l'anatomie de l'homme et des
animaux ne fit aucun progrès. Les Arabes qu-i pra-
tiquaient la médecine utilisaient seuls les notions
de cette science telles que les avait exposées
Galien dans ses écrits, et c'est par eux que les peu-
ANATOMIE
— 134 —
ANATOMIE
pies "de l'Occident, d'abord l'Espagne, pnis la
France par l'école de Montpellier, purent trans-
mettre aux nations germaniques et Scandinaves les
faits principaux de cette science, auxquels Albert
le Grand joignit ceux que les Scandinaves eux-
mêmes avaient recueillis dans les régions septen-
trionales.
" L'Europe était en pleine Renaissance, lorsque
Vésale fit prendre un nouvel essor à la science qui
nous occupe. Ce grand anatomiste, après avoir
étudié à Bruxelles, puis à Montpellier et enfin à
Venise où il publia les premières planches qui ac-
compagnent ses œuvres, fut nommé professeur à
Padouè, en remplacement de son maître Fabrice
d'Acquapendente. La dissection sur les sujets hu-
mains était alors permise. Il révisa les écrits de
Galien, en contrôla avec soin les descriptions et éta-
blit le premier d'une manière irréfutable, malgré
les luttes parfois très-vives qu'il eut à soutenir
c-ytitre Fallope et Eustache, que c'était sur les
singes et non pas sur l'homme, comme on l'avait
prétendu jusqu'alors, que l'anatomiste du deuxième
siècle avait porté ses recherches. Accusé bientôt
par ses ennemis d'avoir ouvert le corps d'un gen-
tilhomme dont le cœur battait encore, il fut exilé
et condamné par l'Inquisition à aller expier sa
faute en Terre-Sainte. C'est en revenant de cet exil
qu'il mourut de faim dans l'île de Zante (lû6i).
L'impulsion qu'il avait donnée aux études anato-
miques était considérable, et les applications de
cette science h l'art do guérir firent après lui de
très rapides progrès. Nous voyons apparaître quel-
ques années après des chirurgiens illustres, parmi
lesquels nous citerons seulement Ambroise Paré,
Dulaurens de Montpellier, Vidius qui professa au
Collège de France, etc.etc; des physiologistes
éminents, comme Michel Servet qui découvre la
circulation pulmonaire, Harvey qui démontre la
circulation générale, Azelli, Rudbeck, Pecquetqui
étudient surtout la circulation du chyle et de la
lymphe, etc., etc.
Non contents d'étudier l'organisme de l'homme
et des animaux arrivés à leur état parfait, les ana-
tomistes cherchent à connaître les formes succes-
sives que ces êtres prennent depuis les premiers
temps de leur développement jusqu'au terme assi-
gné à leur existence. Harvey lui-même étudia le
développement des animaux et jeta les bases d"une
nouvelle science. Plus tard Malpighi et Wolfif et
d'autres savants firent faire à cette nouvelle partie
de l'anatomic de rapides progrès, tout en préparant
les voies à la philosophie anatomique.
3° Depuis le XVI I" siède. — Les observateurs,
qui n'avaient jusqu'alors fait que de l'anatomie des-
criptive, virent bientôt le champ de leurs découver-
tes s'agrandir par une invention des plus impor-
tantes, celle du microscope. Cet appareil, bien
que fort simple alors et ne permettant pas d'aper-
cevoir la structure intime des tissus, servit cepen-
dant à attirer l'attention des observateurs sur les
différentes parties constituantes des organes soit de
l'homme, soit des animaux ou des plantes, ce qui
était un acheminement vers des progrès plus
sérieux; l'étude des tissus devait se perfectionner
à mesure que le microscope acquerrait une plus
grande puissance. Les Hollandais Ruysch et Swam-
merdam (celui-ci dans l'anatomie des insectes) arri-
vèrent dès cette époque à des résultats dignes
d'être signalés.
■ÎN Sauf quelques rares exceptions, les anatomistes
qui suivirent Vésale et Harvey s'occupèrent pres-
que exclusivement d'anatomie humaine. Ce fut
seulcm.ent vers la fin du xvii^ siècle et le commen-
cement du xviii'= que les études zootomiques fu-
rent de nouveau reprises.
Dès le commencement du xvii' siècle, Riolan, qui
était le médecin de Marie de Mcdicis, avait essayé en
vain d'obtenir du roi, par rinlernicdiaire de la reine
mère, la création d'une ménagerie à Versailles. Cet
établissement, qui devait être transféré plus tard au
Jardin des Plantes de Paris, fut pourtant créé quel-
ques années après par Richelieu, et l'étude de l'or-
ganisation des animaux reçut une nouvelle impul-
sion. La création d'une chaire d'anatomie devenait
nécessaire: elle fut instituée en 1679 au Jardin des
Plantes et confiée à Duverney, qui enseigna pour
la première fois officiellement l'anatomie des ani-
maux.
Duverney, aidé de Claude Perrault, le célèbre ar-
chitecte de la colonnade du Louvre, fut chargé de
disséquer les animaux exotiques ou rares qui
moururent à la ménagerie de Versailles et d'en re-
présenter les particularités anatomiques.
Les successeurs de Duverney furent Hunauld,
Winslow, Ant. Petit et Vicq d'Azyr, tous hommes
illustres et dont les travaux occupent un rang im-
portant dans la science. Ils s'adonnèrent surtout à
l'étude de l'homme ; seul Vicq d'Azyr dans ses ou-
vrages ne négligea pas l'examen des animaux et
donna à la science une tendance philosophique
que suivirent plus tard Geoffroy Saint-Hilaire, de
Blainville, Serres et beaucoup d'autres anato-
mistes.
Nous voyons à la même époque apparaître les
travaux de Monro en Ecosse, ceux de Spallanzani
et de Malpighi en Italie, de Danbenton, le colla-
borateur de Buffon, du Hollandais Camper, disciple
de Boerhaave ; de Réaumur, de Mertrude, profes-
seur au Jardin des Plantes.
La Révolution française venait d'éclater: les ré-
formes portées dans toutes les institutions natio-
nales s'étendirent à l'enseignement donné au Jardin
des Plantes, qui fut réorganisé en 1793 de la ma-
nière la plus libérale sous le nom de Muséum
d'liidoi7'e natwelle. De nouvelles chaires furent
fondées, et il y en eut une spéciale pour l'anatomie
de l'homme ; celle qu'avait occupée Duverney de-
vint la chaire d'anatomie comparée, et Mertrude,
qui avait été le collaborateur de Daubenton, en fut
le premier titulaire. Mais, fatigué par l'âge, il
choisit pour suppléant Georges Cuvier, qui s'était
fait déjà connaître par dos travaux importants sur
les animaux inférieurs.
G. Cuvier s'efforça de réunir dans cet établisse-
ment les matériaux d'une grande collection dont
il se servit dans ses démonstrations publiques, qui
furent publiées sous le titre de Leçons d'anatomie
comparée. La science anatomique prit dès lors une
extension considérable, et toutes les branches de
la zoologie profitèrent bientôt de ses découvertes.
Dans une direction plus spécialement médicale,
Bichat rendit aussi de grands services à la science,
et son Anatomie générale, ouvrage dans lequel il
envisage les tissus élémentaires principaux de l'or-
ganisme, non-seulement au point de vue de la
morphologie, mais aussi au point de vue des fonc-
tions qu'ils accomplissent, jouit encore d'une in-
contestable autorité.
L'anatomie s'est dès lors transformée en s'élevant
au-dessus du rôle purement descriptif auquel elle
s'était bornée jusqu'alors. Les études relatives à la
structure des organes, à leur apparilion successive,
à leur comparaison dans l'homme et les animaux,
à l'examen des modifications que l'organisme a
éprouvées depuis que la vie a commencé à se mani-
fester sur le globe, ont pris des développements qui
ont permis à l'anatomie d'aborder un ordre nouveau
de considérations et d'acquérir une très grande
portée philosophique, surtout dans les conclusion*
de l'anatomie comparée.
3. Divisions principales de l'anatomie. — On
divise l'anatomie en dittércnics branches, qui sont:
I. L'anatomie humaine, appelée aussi Âiittiropo-
tomie.
II. L'anatomie des animaux ou Zootomie, mot
qui signifie dissection des animaux.
ANATOMIE
— 135 —
ANATOMIE
Ces deux sortes d'anatomie, lorsqu'il ne s'agit
que de riiomme et des autres vertébrés , se divi-
sent en plusieurs chapitres, consacrés chacun à
l'étude d'un appareil spécial et dont voici l'énu-
mération :
\° L'appareil locomoteur, qui est composé de
deux sortes d'organes, les uns passifs, les os, les
autres actifs, les tyiuscles.V ensemble des os forme
le squelette, c'est-à-dire la charpente solide qui
soutient les différentes parties du corps; leur étude
constitue ce que l'on appelle Vostéologie (du grec
osteon, os). Mais le squelette n'est pas toujours
osseux dans la série des vertébrés ; d'abord fibreux
dans l'embryon, il devient ensuite cartilagineux,
et il peut même conserver l'un de ces deux der-
niers états pendant toute la durée de l'existence de
l'animal, comme cela se voit chez les derniers de
tous les poissons.
2° h'appareil digestif, plus ou moins compliqué
dans la série des vertébrés, mais dans lequel on
distingue le plus souvent un orifice antérieur pré-
cédant une cavité munie presque toujours d'organes
destinés à triturer les aliments, les dents, cavité
bientôt suivie d'un tube membraneux servant à
conduire les substances ingérées dans l'estomac,
d'où ils passent ensuite dans l'intestin grêle, puis
dans le gros intestin, pour être enfin rejetés au
dehors par un orifice situé à la partie postérieure
du corps.
A ces différentes parties du tube digestif qui
constituent autant d'organes ou de réunions d'or-
ganes, s'en trouvent annexés d'autres, les uns très-
volumineux, les autres infiniment petits, que l'on
nomme glandes; ils sont destinés à agir par leurs
sécrétions sur les principes susceptibles d'être
assimilés; les plus importants de ces organes sont
les glandes salivaires, le foie, le pancréas, etc.
Cet appareil digestif, très-compliqué chez les
animaux vertébrés, se dégrade à mesure que nous
descendons les différents degrés de l'animalité et
finit dans les derniers termes de la série par n'être
plus représenté que par une rentrée de la peau,
sorte de poche revêtue d'épithélium, comme cela se
voit chez les hydres ou chez d'autres animaux en-
core moins élevés en organisation.
3° h'appareil circulatoire. Cet appareil se com-
pose chez les animaux vertébrés d'un organe cen-
tral, Xecœur, destiné à mettre le sang en mouvement.
Il est en communication avec deux ordres de vais-
seaux : \°\es artères, destinées à conduire le sang
chassé par lui vers les différents points de l'écono-
mie; 2° les veines, qui doivent reprendre ce sang
dans les divers organes pour le ramener ensuite
au cœur. Ces deux sortes de vaisseaux sont reliés
entre eux par d'autres vaisseaux d'un calibre in-
finiment petit, les capillaires, qui ne sont à pro-
prement parler que leurs parties les plus ex-
trêmes.
A côté de ce sj'stème de vaisseaux destinés à la
circulation du sang, se trouve le système des vair-
seanx li/mphntiqiies et chylifèves où circulent le
chyle et la lymplie.
4° L'appareil respiratoire. Cet appareil se com-
pose chez l'homme et les autres vertébrés des
trois premières classes, c'est-à-dire chez les mammi-
fères, les oiseaux et les reptiles, de deux organes
plus ou moins symétriques appelés J50î/»20«s, qui
communiquent avec l'air extérieur par la trachée-
artère. Chez les batraciens, les poumons existent
aussi, mais il peut y avoir, en outre, chez ces ani-
maux un autre système d'organes, les branchies,
qui sont placées de chaque côté de la gorge, or-
ganes que l'on retrouve encore avec certaines mo-
difications de formes chez les poissons, qui peuvent
aussi avoir, mais par exception seulement, une
sorte de poumon .
Chez les animaux invertébrés, l'appareil de la
respiration subit de grandes modifications : nous le
voyons consister tantôt en trachées, sortes de tubes
portant lair dans tous les points du corps, comme
cela se voit chez les insectes, tantôt en faux pou-
mons, par exemple chez les mollusques et cer-
taines arachnides. Plus bas dans l'échelle ani-
male, nous trouvons encore des branchies, comme
chez les mollusques et les crustacés, mais elles
ne rappellent en rien celles des batraciens et
des poissons; enfin nous ne voyons plus d'ap-
pareil spécial de la respiration chez les ani-
maux tout à fait inférieurs, où cette fonction ne
sexécute que par la muqueuse qui recouvre le
corps.
5° L'appareil urinaire. Cet appareil a pour or-
gane essentiel le rein.
L'étude des quatre appareils digestif, circu-
latoire, respiratoire et urinaire, constitue ce que
l'on appelle la splanchnologie, c'est-à-dire l'histoire
des viscères.
6" L'appareil nerveux est constitué par deux
sortes de systèmes ayant ensemble de fréquentes
anastomoses, l'un appelé système de la vie de re-
lation, l'autre dit de la vie de nutrition. Ces deux
systèmes sont en rapport avec un organe central,
le cerveau; ils sont tous deux composés de masses
nerveuses, appelées ganglions, et de nerf?, sortes de
cordons conducteurs mettant les organes en rap-
port avec ces ganglions, ces ganglions en rapport
entre eux, puis avec le cerveau, qui centralise et in-
terprète toutes les sensations, qu'elles soient gé-
nérales ou spéciales.
Le système nerveux de la vie de nutrition a
reçu le nom de système nerveux sympathique.
L'étude de l'ensemble de l'appareil nerveux a
reçu le nom de névrologie.
Citons encore les appareils sensoriaux de l'ol-
faction, de la vue, de l'ouïe, du goût, du toucher,
que l'on désigne souvent sous le nom d'organes des
sens et qui seront décrits dans des articles spé-
ciaux.
III. L'anatomie comparée, qui étudie les modifi-
cations de forme, de structure, etc., que chaque
appareil subit dans la série animale suivant l'âge
de ces êtres, leur sexe et les espèces auxquelles ils
appartiennent.
Vicq d'Azyr a vu qu'il y avait deux manières de
faire cette anatomie : 1° en recherchant dans les
différentes espèces animales les organes correspon-
dants, ce qui constitue la recherche des analogues
qui a si longtemps préoccupé Geoffroy Saint-Hilaire ;
'■." en établissant pour un même animal les différentes
sortes d'organes dont il est constitué, de manière
à ramener ces derniers à un petit nombre de types
homologues dont les modifications sont une des
principales causes de la diversité des organismes :
c'est la recherche des homologues.
L'anatomie comparée embrasse donc non-seule-
ment l'étude des animaux arrivés à l'état adulte, mais
encore celle de la formation et du développement
de leurs organes à partir de l'état embryonnaire,
c'est-à-dire leur embryogénie.
L'étude de la structure de ces organes s'appelle
histologie, histoire des tissus, science qui a fait en
quelques années de très-rapides progrès.
Elle comprend aussi la paléontologie, qui est la
détermination des espèces aujourd'hui éteintes qui
ont peuplé le globe avant la période géologique
actuelle; la tératologie, ou l'histoire des mon-
struosités; enfin Vanntomie philosophique, qui
résume les différentes branches que nous venons
d'énumèrer, cherche à expliquer les lois qui régissent
l'organisme de l'homme et des animaux, leur va-
riabilité, leur origine, leur durée, et indique les
principales conditions de leur existence.
Nous n'insisterons pas davantage sur les liens
qui rattachent les unes aux autres ces différentes
parties de l'anatomie; les remarques précédentes
nous montrent assez combien l'étude de cette
ANE
136 —
ANE
science est intimement unie à toutes celles dont
l'ensemble constitue ce que l'on appelle la biolo-
gie, c'est-à-dire de la science de la vie ou l'étude
des êtres vivants.
Nous sortirions aussi des limites que nous nous
sommes imposées, si nous voulions rappeler les
services importants que les études anatomiqucs
rendent tous les jours à la chirurgie, à la médicine
pratique, à la médecine légale, à l'art vétérinaire,
aux beaux-arts, etc. [H. Gervais.]
ANE. — Agriculture, XIV. — {Èlym. : du vieux
français as7ie, du latin asinut ; en grec onos.) —
L'âne appartient à l'ordre des Jinnentés *, mam-
mifères ongulés, caractérisés par un rcgiino herbi-
vore, non ruminants, pourvus de dents de trois
sortes (incisives, canines et molaires). Il se rat-
tache, avec \p zèbre, le daw, l'unagre, etc., à la
famille des Égaillés, ayant pour type le clieval;
famille qui se distingue, en outre du po7''t général,
h la forme du pied, terminé par un sabot ou ongle
unique. Le genre Ane forme un groupe important
de cette famille, et contient plusieurs espaces,
sous-espèces et variétés.
L'âne nous est venu d'Orient. Les naturalistes
rattachent son origine à deux sous-espèces distinc-
tes, dont l'une vit encore à l'état sauvage en Asie ;
l'autre a l'Afrique pour patrie ; des sous-espèces
ou variétés voisines se sont aussi mêlées par des
croisements multipliés. L'une des souches princi-
pales, Vonagre, ou âne sauvage(du grec o?zos, âne,
agrios,sa.u\a.ge), habite depuis des temps immémo-
riaux l'Asie Mineure, la Perse, la Syrie et l'Arabie.
Les onagres vont par troupes de quinze ou vingt,
femelles et jeunes, sous la conduite d'un mâle
adulte. Parfois des bandes distinctes se réunissent,
pour former des multitudes innombrables, émigrant
à travers les grands steppes. — Un peu plus grand
que notre type vulgaire, l'âne sauvage asiatique
a le port plus élégant, les membres plus fins,
l'encolure plus souple et plus fière ; sa tête est
osseuse, ses oreilles plus courtes. Sa robe, d'un
gris Isabelle, blanche sous le ventre, est variée
d'une double raie blanche le long de l'épine dor-
sale, croisée d'une raie transversale, blanche aussi,
descendant sur les flancs. En somme, c'est un assez
joli animal, plein de vivacité, léger, d'une rapidité
à la course incroyable, d'un naturel craintif, dé-
fiant, capricieux et farouche, non sans malice,
très difficile à dompter. La part faite aux différen-
ces ci-dessus indiquées, il répond au type de l'âne
domestique : mais il ne porte pas sur le dos la croix
légendaire; et, notez ceci, il fait fi des char
dons !
L'autre variété est plus rustique, et je lui accor-
derais volontiers la prépondérance dans la constitu-
tion de nos races domestiques. L'âne sauvage afri-
cain a le pelage plus grossier que son frère d'Asie ;
il porte très prononcée la croix dorsale caractéris-
tique, ses pattes sont marquées de raies plus ou
moins nettes, rappelant la rayure du zèb7'e et du
daw. A l'état sauvage, il habite à l'orient du Nil,
vers la mer Rouge ; ses mœurs sont celles de l'o-
nagre.
A côté de ceux-ci il faut citer enfin Yhémione,
espèce bien distincte, de taille plus grande, plus
fine de tête et plus élégante de membrure, se rap-
prochant davantage des formes du cheval, h'hé-
mione (du grec hémi-onos, demi-âne) vit à l'état
de liberté dans l'Inde et en Mongolie ; ses habitu-
des sont les mêmes que celles des autres espèces
du genre; plus sauvage encore et plus rétif s'il est
possible, on l'apprivoise à grand'pcine, et surtout
il est très difficile de le dresser au travail. Ces
obstacles disparaissent après une ou deux généra-
tions de domesticité.
La domestication de l'âne en Orient remonte à
la plus haute antiquité. Les livres sacrés des vieux
Hindous, les inscriptions hiéroglyphiques des an-
ciens Égyptiens, nous transmettent ses chartes de
servitude ; la Bible aussi fait mention de cet
animal. La race domestique eut pour origine,
en Asie, des onagres apprivoisés, plus ou moins
croisés d'hémiones; et depuis les temps histori-
ques, l'habitude s'est conservée dans l'Inde et dans
la Perse de capturer et de dompter des ânes sau-
vages appartenant à ces deux espèces, pour les
soumettre au travail, et surtout pour les réser-
ver au rôle de reproducteurs, dans le but de rele-
ver sans cesse, par ces croisements, la race do-
mestique, qui tend à déchoir. Ainsi agirent les
Égyptiens à l'égard de l'âne sauvage africain.
L'âne fut toujours tenu en haute estime chez les
Orientaux, chez les peuples sémitiques notam-
ment. Le fringant, le belliqueux et coûteux cheval
convenait au guerrier ; sobre, tranquille et de petite
dépense, l'âne, nullement méprisé ni vil, était la
modeste monture des hommes pacifiques. Tout le
monde connaît cette belle légende de l'entrée de
Jésus à Jérusalem sur une ânesse « comme un
roi pacifique, » dit le texte ; et la naïve imagi-
nation populaire a rattaché à cette circonstance
la croix dorsale que notre âne d'Europe porte sur
ses épaules, signe de sa descendance africaine.
Aujourd'hui encore, dans tout l'Orient, grâce aux
croisements avec les individus pris à l'état sauvage,
qui infusent un nouveau sang à la race, grâce aux
bons soins, à l'importance qu'on attache au choix
des reproducteurs, grâce surtout au climat qui
est son climat natal, l'âne domestique a conservé
beaucoup de ses qualités originelles. On ne dirait
pas que ce fût le même animal que nous voyons
chez nous, abêti et dégradé. En Perse notamment,
les beaux échantillons de la race sont fort recher-
chés, et se vendent très-cher. « Anes d'Arabie, dit
le voyageur Chardin, jolies bêtes, poil fin et lui-
sant, tête haute, pied léger. » Les ânes du Caire
sont renommés pour leur vigueur et leur agilité.
On sait avec quels soins les Orientaux élèvent
leurs bêtes ; ils en sont récompensés, ainsi qu'il est
juste : ils ont les premiers chevaux et les plus
beaux ânes du monde.
L'âne a dû passer en Europe à une époque
extrêmement reculée, et se répandre, à demi-sau-
vage, dans les contrées méditerranéennes. D'autre
part, les ânes domestiques ont été introduits en
Grèce, et propagés dans tout TOccident. Mais en
Europe, la race a déchu profondément. Faute de
croisements renouvelés avec les races libres, à force
de négligence aussi et de mauvais traitements, le
pauvre serviteur du paysan est tombé dans la dé-
générescence et l'abjection. Mauvaise nourriture,
abri insuffisant, surcharge, coups, absence de tout
soin hygiénique, c'était assez pour abâtardir l'es-
pèce ; mais la part, la grande part est à faire au
climat dans les causes de décadence . Ces beaux ânes
du Caire, dont nous parlions tout à l'heure, il ne
faudrait pas croire que l'ânier leur épargne le bâ-
ton ; pourtant la race se soutient. Dans le midi
de l'Europe, en Grèce, en Sicile, en Espagne, dans
nos départements méridionaux où ils ne sont pas
mieux traités qu'ailleurs, ils ont beaucoup moins
dégénéré que dans le Nord. Originaire des régions
chaudes et sèches, cet animal supporte mal le froid
et l'humidité ; dans nos climats brumeux sa vitalité
se déprime ; il perd tout feu, toute ardeur. On pour-
rait cependant relever la race et la maintenir à un
bon niveau par des soins intelligents et un choix
convenable de reproducteurs.
Faisons maintenant le portrait de notre moderne
Aliboron.
Anatomiquement, l'âne difi"ère très-peu du che-
val, type supérieur de la famille des Equidés.
Les mêmes mots sont consacrés à désigner les
parties correspondantes du corps chez l'un et
l'autre animal. Mais les formes de l'âne n'ont ni
la même grâce, ni la même noblesse. L'âne est
ANE
— 1J7
ANE
de taille plus petite; il a la tête plus grosse à
proportion, osseuse du front; les naseaux plus
camus, la bouche plus molle, les lèvres un peu
pendantes. L'espèce est caractérisée par une queue
plus longue que celle du cheval, fournie de longs
crins ve'rs l'extrémité, mais ne formant pas le
beau panache toufifu et flottant qui ajoute à la
beauté du cheval. Sa crinière, formée de poils plus
cours et plus roides, au lieu de retomber on-
doyante, se dresse hérissée, en bronssaille, sur le
sommet de la tête, et l'encolure se prolonge sur
le dos par une raie de poils, croisée d'une raie
semblable transversale sur les épaules : c'est ce
qu'on appelle la croix dorsale, plus ou moins
marquée suivant les variétés, ordinairement plus
apparente chez les mâles.
L'espèce se distingue surtout par ses oreilles
longues, très mobiles, qui se portent tantôt en
avant, tantôt en arrière, dressées ou humblement
pendantes, —ces fameuses «longues oreilles», point
de mire d'interminables quolibets. L'oreille ex-
terne, très développée et mobile, est un caractère
qui appartient en général à des animaux timides
et déliants ; c'est un signe de vigilance inquiète
et non pas de stupidité, bien au contraire. Aussi
l'âne, médiocrement doué sous le rapport du goût
€t du tact, a-t-il l'ouie très fine, — je ne dis pas
très musicale. L'âne a le poil plus long générale-
mont, et moins lustré que celui du cheval ; ainsi
qu'il arrive d'ordinaire aux espèces réduites en
domesticité, les teintes de sa robe, sous la domi-
nation de l'homme, sont plus variées que chez les
races sauvages : le gris, le gris fauve, le gris brun
sont les couleurs dominantes ; mais il y a des
ânes blancs, brun foncé, d'autres brun-rouge, —
ces ânes rouges qui ont la réputation, — méritée,
je ne sais, — d'être plus têtus que les autres.
Cet humble animal a de rustiques et solides
qualités, dont on devrait lui tenir meilleur
compte. Au point de -vTie de l'utilité, des services
rendus, il ^e le cède à aucun autre serviteur de
l'homme^ pas même au noble cheval. Si le rôle
brillant est pour le premier, lui, il a en partage
les travaux obscurs, pour lesquels il semble fait.
Élevé avec quelques soins, non abruti par les
coups ni brisé par des charges exorbitantes, l'âne
a le jarret souple, le pied sûr et ferme ; il tire
avec rapidité une légère voiture, il porte assez
lestement un cavalier qui paraît lourd pour la
taille de la monture. Si, déprimé par les mauvais
traitements, accablé de travail, mal pansé, mal
nourri, il devient lent et lourd et stupide, est-ce
donc sa faute ? Même alors il lui reste d'être rude
à la peine, patient, résigné, de peu d'entretien,
par-dessus tout sobre. Il accepte un maigre four-
rage que le cheval dédaignerait ; il aime les herbes
amères ; au besoin il se contente de simple paille ;
les rudes chardons épineux sont pour lui un régal.
Comment fait-il pour ne pas se piquer la langue ?
vous êtes-vous demandé cent fois. — Je n'en sais
pas plus long que vous. Difficile seulement pour la
boisson, il veut l'eau fraîche et pure ; il n'aime
même pas à boire au ruisseau qui lui est inconnu ;
il flaire, il goûte du bout des lèvres, il fait des
façons ; plutôt que de toucher à une eau trouble
<?t vaseuse, il souffrirait de la soif. Maltraité, il
baisse l'oreille ; il ne songe pas à se venger, il
n'est pas rancunier comme le cheval.
Mais à côté de ses bonnes qualités, l'âne a ses
défauts que je ne puis taire. Il est têtu, capri-
cieux, obstiné sans raison ni mesure. S'il est pa-
tient, il n'est pas bon : ce n'est pas la même chose ;
et la résignation chez lui n'est pas douceur ; s'il
est soumis, ce n'est pas qu'il mette en quoi que
soit de la bonne volonté ; il sent la nécessité et il
plie. Il montre plus d'attachement pour les lieux
que pour les personnes ; il aime son étable, et
reste ordinairement fort indifférent à l'égard de son
maître, même s'il en estpour traité. Pour être peu
intelligent, il n'est pas bien cela sans malice. Le
spirituel écrivain Toussenel, dans un parallèle
fantaisiste, se plaît à comparer l'âne au pa5'san...
soit ; mais alors disons à certain paysan, nor-
mand, rustaud et finassier, ignorant, âne s'il en
fut jamais, routinier, borné, et avec cela rusé, à qui
vous ne ferez pas comprendre telle chose des
plus simples, et qui, en aft'aires, nous roulera tous,
vous et moi. et bien d'autres plus retors que vous
et moi. Le cheval est capable d'obéir par affection,
par une sorte de raison ; il comprend ce qu'on
demande de lui, accorde sa volonté à celle de son
cavalier ; il s'attache fortement à un maître qui le
soigne bien, le caresse, ne le corrige qu'avec des
ménagements : maltraite, il s'indigne, il ne se
rendra que de guerre lasse. L'âne, voilîi ce que je
lui reproche, est soumis à qui le rudoie. A-t-il
aô'aire à un maître qu'il sait, par expérience, dis-
posé à souligner ses ordres avec un coup de bâton,
il ira droit, soyez tranquille ; il baissera l'oreille et
fera tout ce qu'on voudra sans essaj'er de résis-
tance. A-t-il sur son dos un cavalier qu'il sait
novice, ou faible, ou débonnaire, craignant de sé-
vir, c'est à celui-là qu'il réserve mille farces pen-
dables. C'est alors qu'il trouvera avec une per-
spicacité remarquable tout ce qui pourra mieux
vous faire damner. C'est alors qu'il lui prendra
fantaisie de s'arrêter tout court, et de rester là
planté indéfiniment; — tant pis si vous êtes pressé;
ou bien il refusera de tourner au coin du chemin ;
ou bien il décidera de suivre un autre âne de sa
connaissance, et bon gré mal gré vous mènera là
où vous ne voulez pas aller : ou bien, sans souci
de la personne ni de la charge, il se roulera vo-
luptueusement dans la poussière de la route, tant
que cela lui fera plaisir, et derechef, si bon lui
semble. Une autre fois, suivant un chemin creux,
sans l'ombre d'un prétexte et sans rien qui puisse
le faire prévoir, il choisira l'endroit le plus
boueux: et là, baissant la tête entre les jambes, à
coups d'épaules il se débarrassera de son cavalier
en le jettant en plein dans la mare... Paraît le
garçon de ferme avec sa trique, et tout rentre
dans l'ordre ; pas d'animal plus correct et plus
bénévole. Ceci est l'ombre au tableau. Nous ne
ferons pas raillerie de sa voix peu harmonieuse
pour nos oreilles ; pour les oreilles de l'âne, pa-
raît-il, cette note a son agrément ; c'est sa façon à
lui de témoigner sa belle humeur, d'exprimer ses
sentiments de sociabilité et de bienveillance à
l'égard de ses semblables, surtout de ses semblables
desexe différent. Volontiers il accueillera une an-
cienne connaissance par ces démonstrations bruyan-
tes, auxquelles on manquera rarement de répondre :
politesses rendues. Ces manifestations ont une vertu
très communicative ; dans un lieu où plusieurs
ânes sont rassemblés, si l'un d'entre eux, si sur-
tout une ânesse entonne sa chanson, presque tou-
jours les autres répondront en chœur ; c'est une
explosion d'allégresse.
Le baudet entier se montre très ardent. L'ânesse
porte onze mois, et met bas un seul petit, rarement
deux ; elle est fort attachée à son petit, le lèche,
le caresse, et au besoin le défendrait avec fu-
reur. Uànon doit être sevré vers le cinquième
mois ; longtemps après encore il suit sa mère
et s'attache à ses pas. Le petit animal est gai,
folâtre, il gambade avec une légèreté capricieuse,
non sans grâce ; avec cela un certain air d'inno-
cence confiante... Pauvre bête ! il ne sait pas ce
qui l'attend ! Il se familiarise aisément avec les
hommes, il se laisse dompter et dresser au travail
sans difficulté. A deux ans l'âne est adulte ; à
trois, il est dans toute sa force. La nature lui
accorde quarante ou cinquante ans de vie ; mais
les maux de l'esclavage et la rudesse du climat
abrègent son existence ; en Europe, il dépasse rare-
ANGLETERRE
138 —
ANGLETERRE
ment douze ou quinze ans. Son âge marque, comme
pour le cheval, à sa dentition. — Dans nos pays
où les routes sont empierrées de durs cailloux,
il devient de plus en plus indispensable de ferrer
l'âne de même que le cheval, pour éviter l'u-
sure trop rapide du sabot. L'âne, comme le che-
val, peut prendre des allures diverses ; son pas
est un peu lent, mais très doux; son trot sec et
heurté ; il pourrait tenir assez longtemps le galop
moyennement allongé, si le poids du cavalier était
dans la proportion de ses forces. Il prend assez
facilement cotte allure artificielle qu'on nomme
ïamble, et qui est très douce pour le cavalier.
L'âne est susceptible de certains vices correspon-
dant à ceux du cheval ; il est surtout assez dis-
posé à se montrer ombrageux ; il est sujet à des
maladies analogues aussi à celles du cheval, mais
il est d'un tempérament plus résistant ; il a, comme
on dit, la vie dure.
En outre du travail obtenu, on tire encore
parti de i'âns de diverses manières. Le lait
de l'ânesse, celui qui par sa composition chi-
mique s'éloigne le moins du lait de la femme,
et se fait tolérer même par les estomacs délabrés,
convient d'une manière toute spéciale auxjeunes
enfants, aux personnes épuisées. Il coûte toujours
assez cher, parce que l'animal en fournit relative-
ment peu. La chair de l'une est agréable et saine ;
on en consomme une certaine quantité en France,
sous forme de saucissons. Il est vrai qu'on se ré-
signera difficilement, en temps ordinaire, à abattre
un animal précieux pour Te travail, dans le seul
but de manger sa chair; aussi ne livrera-t-on à
la consommation que des individus de peu de
valeur — condition fâcheuse au point de vue du
produit — ou des animaux qu'un accident irré-
médiable aurait mis hors de service. La peau de
l'âne, livrée au tanneur,fournit un cuir plus mince
que celui du cheval, mais très convenable pour
certains usages. [C. Delon.]
AniGLETKnnE. — Géographie générale, X; His-
toire générale. XX VIII.
I. GÉoon APHTE PHYSIQUE. — Lcs Iles Britan-
niques. — Situation. — Trente kilomètres à
peine séparent la côte française de Calais de la
côte anglaise de Douvres qui lui fait "■ faire de
l'autre côté du détroit. L'Angleterre forme, avec
l'Ecosse qui la borne au nord, une île qui porte
le nom de Grande-Bretagne en souvenir du peu-
ple celte qui le premier y a dominé, et qu'y trouva
Jules César. Avec l'île voisine d'Irlande, et quel-
ques autres archipels, les Shetland, les Orcades,
les Hébrides, les îles de la mer d'Irlande, dont
l'ensemble est connu sous le nom d'Iles Britan-
niques, la Grande-Bretagne forme le royaume-
uni de Grande-Bmtagne et d'Irlande. C'est là le
nom officiel de l'État; mais comme l'Angleterre
est le plus vaste, le plus peuplé, le plus riche des
trois royaumes unis, et a successivement imposé
sa domination aux deux autres, on applique sou-
vent ce nom seul à l'ensemble du Royaume-
Uni.
Superficie. — La Grande-Bretagne, qui est la
plus grande île de l'Europe, couvre une super-
ficie de 230 000 kil. carrés environ. Le cap Lizard,
qui en forme la pointe la plus méridionale au
S.-O., et qui marque l'entrée de la Manche du
côté de l'océan Atlantique, est situé par 50° de
lat N. environ, et la pointe la plus septentrionale
de l'Ecosse, en face des Orcades, atteint h^° 40'.
C'est aussi en Ecosse, en face des Hébrides, que
se trouve, par 8° 20 environ de longit. 0, le
point le plus occidental de la Grande-Bretagne,
tandis que le point le plus à l'Est est Yarmouth,
situé à 0° 40' de longit. Est de Paris, sur la mer
du Nord.
Lq canal Saint-Georges, la mer d'Irlande et le
canal du Nord séparent la Grande-Bretagne de
l'Irlande, et si ce dernier bras de mer n'est guèro
plus large que le Pas de Calais, ses eaux sont du
moins singulièrement plus profondes.
L'Irlande, plus petite que sa voisine, a encore
plus de 84 000 kilom. carrés, et de son extrémité
occidentale, qui atteint 12° .30' environ de longit.
ouest, part le câble télégraphique qui le premier a
réuni l'Europe à l'Amérique.
Climat. —Par leur latitude, les Iles Britanniques
jouissent d'un climat moins chaud que la France
en été ; mais comme l'influence maritime s'y fait
partout sentir, que leurs côtes sont baignées par
le courant chaud nommé Gulf-Stream, qu'il ne s'y
élève aucune montagne plus haute que le Ben-Ne-
vis d'Ecosse, qui n'atteint pas 1400 mètres, les
hivers n'y sont jamais rigoureux, et l'on voit même
dans la presqu'île de Cornouailles, qui s'avance
entre la Manche et le canal de Bristol, des plantes
délicates, comme les lauriers, les myrtes, les oran-
gers, rester toute l'année en pleine terre. Mais
les rayons du soleil ne sont pas assez chauds
pour y faire mûrir les raisins et les fruits savou-
reux oe notre France; les brouillards y sont fort
épais et presque constants, les pluies très fréquen-
tes. Aussi les Iles Britanniques reçoivent une telle
masse d'eau, que nulle part ailleurs on ne sau-
rait trouver une telle quantité* de prairies ver-
doyantes, et des rivières qui roulent une aussi
grande masse d'eaux relativement à la petitesse
de leur bassin.
Grâce à 1 absence de hautes montagnes, qui a
permis de relier iacilement ces rivières entre elles
par des canaux, à la marée qui par son flot fait re-
monter les navires loin de la pleine mer, à la forme
des côtes qui sont partout découpées en golfes pro-
fonds, il n'est aucun point des Iles Britanniques qui
ne soit à proximité d'un port de mer, ou d'une voie
navigable qui y transporte économiquement ses
produits.
Orographie et hydrographie. — Montagnes. —
Le pays de Galles. — L'Angleterre n'off"re guère de
montagnes à l'est du 4' degré de longit. O. Entre
la Tamise et la Manche s'étendent des collines qui
accidentent agréablement la campagne et viennent
finir sur la mer en falaises semblables à celles de
notre Normandie. A l'ouest de la Severn, qui
tombe dans le canal de Bristol, le pays de Galles
est tout couvert de montagnes. On n'y trouve point
de cimes élevées (le Snowdon n'a guère que lOOO
mètres d'altitude), ni de cascades imposantes, ni de
ces belles forêts qu'on admire dans les Alpes, les
Vosges ou le Jura. Mais par la nature sombre de
leurs roches, l'aspect sauvage de leurs landes
couvertes de bruyères, la tristesse de leur ciel
brumeux, les ruines antiques et les dolmens qui
rappellent un culte et des mœurs aujourd'hui
oubliés, ces montagnes otTrent encore quelque
charme.
Depuis les sources de la Severn jusqu'à celles
de la Tyne, la séparation entre le bassin de la mer
du Nord et celui de la mer d'Irlande est formée
par la chaîne Pennine, haute de quelques centai-
nes de mètres seulement. A l'ouest de celle-ci, les
monts du Cumberland offrent une série de lacs
charmants, très-visités par les touristes.
Ecosse. — L'Ecosse est un pays montagneux où
de nombreux et beaux lacs remplissent le creux
des vallons. Au sud, les monts Cheviots forment
la limite entre les deux ro}'aumes d'Angleterre et
d'Ecosse, réunis depuis l'avènement au trône d'An-
gleterre de Jacques I", roi d'Ecosse, en 1603. Au
centre de l'Ecosse, les monts Grampians' couvrent
le pays de leurs ramifications. C'est là que se trou-
vent le Ben-Nevis, la plus haute des cimes britanni-
ques," le lac Lomond, le plus vaste et le plus beau
des lacs d'Ecosse, et la source de la Tay, qui roule
des eaux plus abondantes que la Tamise et la Severn.
Entre les Cheviots et les Grampians s'étendent les
ANGLETERRE
— 139 —
ANGLETERRE
loxjûlands, ou basses terres de l'Ecosse, par oppo-
sition aux highianc/s, ou pays de montagnes, dont
on nomme souvent les habitants hirildanders. A
l'ouest du Ben-Nevis, l'île est traversée par une
vallée profonde qui va de l'océan Atlantique à la
mer du Nord. Là passe le canal Calédonien, ouvert
aux marins de toutes les nations et dont le nom
rappelle les antiques habitants de l'Ecosse. De
l'autre côté du canal Calédonien, les montagnes de
l'Ecosse septentrionale appartiennent à une chaîne
capricieuse, dont le prolongement se relève au loin
dans l'Océan, dans les archipels dos Orcades et des
Shetland. A l'ouest et au sud, cette région de
l'Ecosse est découpée en nombreux fjords, golfes
profonds et étroits aux bords escarpés. Les Hébri-
des et un grand nombre d autres îles accompagnent
cette côte, bordée d'abîmes profonds et à laquelle de
superbes colonnes de basalte donnent un aspect
des plus grandioses. On a souvent célébré dans
les poèmes anciens et les écrits des littérateurs les
beautés de la grotte de Fingal, et la chaussée des
Géants, qui lui fait pendant en Irlande, sur la
rive opposée du canal du Nord.
Mande. — L'Irlande n'offre de montagnes que
sur quelques points isolés de son territoire. Le
point culminant, voisin de 1000 mètres, est dans le
pays de Killarney, près de l'extrémité S.-O. de l'île.
Néanmoins l'Irlande, qui reçoit encore plus d'eau
que la Grande-Bretagne, renferme de nombreux
lacs, dont plusieurs de grande étendue, et surtout
de grandes régions marécageuses et tourbeuses.
Mais tout y est si vert, que c'est à, juste titre
qu'on l'appelle la verte Érin ou encore l'île de lÉ-
meraude.
Autres îles. — L'île de Man et celle d'Anglesey,
dans la mer d'Irlande, offrent des montagnes de
quelques centaines de mètres d'élévation, ce qui
est beaucoup, relativement à leur petite surface.
La dernière est séparée du pays de Galles par le
détroit de Menay, bras de mer assez étroit pour
que deux ponts le franchissent, et que les trains de
chemins de fer y passent, sans l'ébranler, dans un
pont tubulaire, sous lequel les navires voguent à
pleine voile.
Rivières et ports. — Bassin de la mer du Nord.
— La Tamise n'est qu'une faible rivière courant au
milieu des prairies jusqu'à Londres, où, gonflée par
la marée, elle devient assez forte pour former le
port le plus fréquenté du monde.
L'Humber, qui débouche à HuU dans le golfe du
Waslî, la Tyne sur laquelle se trouve Newcastle, le
plus grand marché de houille de la terre, la Tweed,
qui forme la frontière de l'Ecosse, sont, avec la Ta-
mise, les principales rivières d'Angleterre qui dé-
bouchent dans la mer du Nord.
En Ecosse, le Forth, qui débouche dans le golfe
d'Edimbourg, la Tay, qui passe à Dundee, la Dee,
qui passe à Aberdeen, la Spey, qui tombe dans le
golie de Moray, sont les rivières les plus remarqua-
bles.
Bassin de la mer d'Irlande et de l'Atlantique. —
Du côté de la mer d'Irlande, la Clyde forme le
port très-important de Glasgow, la première ville
d'Ecosse par sa population, son industrie et son
commerce. En Angleterre, la Mersey forme le port
de Liverpool, le premier de ce royaume pour
l'importance de ses exportations, le plus grand
marché de coton du monde, et le port d'Europe
qui reçoit d'Amérique et y expédie le plus grand
nombre de passagers. Enfin dans le canal de Bris-
tol débouche la Severn. Sur la rive septentrionale
de son estuaire, Cardiff charge des milliers de na-
vires de son charbon, tandis qu'au sud débouche
l'Avon, qui forme le grand port de Biistol.
Bassin de la Manche. — Pour achever de passer
en revue les grands ports de l'Angleterre, nous
n'aurions plus à citer que Douvres, à cause de l'im-
portance de ses relations journalières avec le con-
tinent, et en continuant à suivre à l'ouest la côte
de la Manche : Brighton, plus connu encore comme
séjour de bains de mer; Portsmouth, le grand
arsenal de la marine militaire anglaise, qui a pour
rôle de protéger sur toutes les mers du globe la
marine marchande la plus nombreuse et la plus
active du monde; Southampton, voisin de Ports-
mouth, une des grandes têtes de lignes des pa-
quebots de voyageurs. En face de Southampton
et de Portsmoutli s'élève la blanche lie de Wight,
remplie de cottages charmants et très-lréquentée
comme séjour de bains de mer. Dans la péninsule
de Cornouailles, Plymouth et Falmouth sont encore
des points de départ de paquebots pour l'Afrique,
les Indes et l'Australie.
Irlande. — De toutes les rivières des Hes Bri-
tanniques, c'est le Shannon qui porte à l'océan
Atlantique le tribut le plus considérable. Il draine
l'eau des lacs et des marais du centre de l'Irlande ;
mais comme il franchit des rapides en aval de
Limerick, à quelques kilomètres de son estuaire,
il ne peut être remonté bien loin par les navires.
Du côté opposé de l'île, Dublin entretient spé-
cialement les relations de commerce avec la Grande-
Bretagne, et Cork, ou son avant-port de Queenstown,
sert de relâche aux navires d'Amérique qui se diri-
gent vers Liverpool.
Canaux. — La Tamise, la Severn, la Mersey et
l'Humber sont reliés ensemble par un vaste sys-
tème de canaux dont l'ensemble atteint 3000 kilomè-
tres de développement et qui sont parcourus par de
nombreux bateaux desservant le commerce intérieur,
qui dispose en outre d'un réseau de 27 000 kilom.
de lignes de chemins de fer. L'Angleterre n'est
dépassée que par la Belgique et le grand-duché de
Luxembourg sous le rapport de la longueur des
voies ferrées comparée à la superficie du pays
qu'elles desservent. A cet égard, elle est deux fois
aussi avancée que la France.
2. Géographie agricole et industrielle. —
Population. — Peuplées aujourd'hui de 33 mil-
lions d'habitants, c'est-à-dire de plus de 100 habi-
tants par kil. carré, proportion qui ne se trouve
dépassée qu'en Belgique, dans les Pays-Bas et le
Luxembourg, les Iles Britanniques ne peuvent tirer
de leur sol de quoi nourrir cette population surabon-
dante. Et cependant elle va toujours en s'accrois-
sant, malgré les saignées qu'y lait une émigration
considérable.
Agriculture. — Mais si les Anglais sont obligés-
de tirer du dehors une grande partie des denrées
qu'ils consomment, leur pays est du moins un de
ceux où la culture est le mieux entendue.
Grâce à l'humidité du climat, les prairies occupent
la moitié du sol, et les races de bétail sont perfec-
tionnées et modifiées pour donner le maximum de
produit utile. Les bœufs de la race de Durham, les
porcs du Yorkshire, les moutons Dishley du comté
de Leicester et les southdowns de l'Angleterre méri-
dionale sont partout recherchés à cause de la masse
de viande qu'ils produisent. Qui n'a entendu vanter
l'élégance et la rapidité des chevaux anglais, dont
les luttes agitent tant l'amour-propre national?
Grâce à l'assolement employé et à l'abondance
des engrais, le rendement des terres cultivées en
céréales est énorme : 30 hectolitres par hectare,
et davantage. Le froment, l'avoine et l'orge sont
les grains les plus répandus. La pomme de terre
joue un grand rôle dans l'alimentation, surtout eii
Irlande, "dont la population misérable n'a trouvé
d'autre ressource que d'émigrcr en masse quand
est venue la maladie de ce tubercule. La bière est
la boisson principale des Anglais. Aussi plante-
t-on do grandes houblonnières, dont les produits
alimentent les énormes brasseries de Londres.
Dans le sud de l'Angleterre, comme en Normandie,
les vergers produisent aussi beaucoup de cidre.
En fait de plantes industrielles, on ne peut guèro
ANGLETERRE
— liO —
ANGLETERRE
citer que le lin d'Irlande. Mais on distille beaucoup
de grains et de pommes de terre pour fournir l'al-
cool nécessaire dans l'industrie ou consommé en
boi-son. Le gin et le whisky sont des eaux-devie de
grains.
Forêts. — Bien que l'Angleterre soit un pays de
g-randes propriétés par suite de la loi anglaise de
succession qui aitribue toute la fortune au fils aîné,
les forêts sont presque une rareté en Angleterre
Maison cite toujours l'élégance des parcs anglais qni
entourent les manoirs des riches propriétaires, et
où ceux-ci passent la plus grande partie de leur
existence, jouant un grand rôle dans l'administra-
tion du pays et employant leurs loisirs aux exercices
violents, comme la chasse au renard, seul fauve
qui subsiste dans leur île.
Pêche. — La pêche est abondante en Angleterre
et forme une des grandes ressources du pays. Les
rivières d'Ecosse sont peuplées d'une si grande
quantité de saumons, que ce poisson constitue une
partie de l'alimentation des pauvres gens et est en
outre exporté en grande quantité, soit frais et em-
ballé dans de la glace, soit salé ou mis en boîtes de
conserves. Partout les côtes sont habitées par des
pécheurs qui poursuivent le hareng, le maquereau,
le turbot et acquièrent dans la navigation pénible
et dangereuse de leurs rivages de solides qualités
de marins.
Industrie. — Mines de houille. — C'est l'indus-
trie qui occupe le plus grand nombre de bras eu
Angleterre et fait la fortune de ce pays. Et c'est
l'existence et la richesse des bassins houillers an-
glais qui en a permis le prodigieux développement.
Il y a peu d'années, 300000 ouvriers y exploitaient
3000 mines, d'où ils retiraient annuellement lOô
millions de tonnes. !Mais ces chiffres vont en s'ac-
croissant jusqu'à présent avec une rapidité surpre-
nante. Le bassin de l'Ecosse entre Edimbourg et
Glasgow donnait à lui seul 15 millions de tonnes :
celui de Newcastle, 35 millions, deux fois autant
que toutes les mines françaises réunies. Les bas-
sins des comtés de Lancaster et d'York, de Stafford
et du p-ïys de Galles ne sont pas moins riches que
le bassin écossais.
Tout autour de ces bassins houillers s'élèvent
des hauts fourneaux, des forges, des verreries, des
usines de mille sortes qui vivent en s'approvision-
nant sur place de ce pain de l'industrie. Le surplus
sert à la consommation domestique et à la naviga-
tion à vapeur, ou est emporté dans toutes les par-
ties du monde par les navires qui. après s'être dé-
chargés dans les docks de Londres ou de Liverpool,
trouvent dans la houille un lest avantageux. Dans
tous les ports charbonniers, comme Newcastle ou
ses voisins Sunderland et Hartlepool, on a élevé
les engins les plus ingénieux pour charger en
quelques heures la cale d'un navire de plusieurs
centaines de tonneaux.
Mines de fer et forges. — Grâce à l'abondance de
la houille et du minerai de fer et à la facilité de
faire venir de l'étranger les minerais de qualité su-
périeure, l'Angleterre est le pays du monde qui
produit le plus de fer, trois fois autant que la
France ou les Etats-Unis. Glasgow en Ecosse,
Sheffield et Birmingham au centre de l'Angleterre,
Merthyr Tydvil dans le pays de Galles, non loin de
Cardiff, sont, avec divers autres lieux, les principaux
centres du travail du fer. Là se trouvent rassem-
blés les hauts fourneaux d'où coule la fonte, les la-
minoirs et les marteaux-pilons qui travaillent le
fer, les filières qui retirent, les ateliers de con-
struction où on le transforme en machines de toutes
sortes: en éléments de navires, en armes, en ob-
jets de coutellerie, en clous, en plumes, en ai-
guilles, en épingles.
Autres métaux. — La presqu'île de Cornouailles
a l'avantage de posséder les seules mines d'étaia do
l'Europe qui soient exploitées, et on a souvent
pensé que les îles Scillj', qui en sont le prolonge-
ment, séparées seulement par une faible distance,
étaient les fameuses Cassitérides où les anciens
Phéniciens venaient s'approvisionner de ce métal.
On trouve aussi dans le Cornouailles beaucoup de
ruivre, et c'est à Swansea, au nord du canal de
Bristol, qu'on grille ce minerai, ainsi que celui
qui arrive de Suède ou du Chili. Swansea est
la plus grande usine à enivre du monde.
Les Anglais fabiiquont aussi beaucoup de pote-
ries, faïences et creusets de toutes sortes. Le grand
centre de cette industrie est à Stoke sur le Trent,
entre Birmingh:ira et Manchester, à proximité des
bassins houillers du centre et de riches dépôts
d'argile plastique.
Mrnmfactxires. — Travail du coton et de la laine.
— Mais cf%i surtout la filature et le tissage du coton
et de la laine qui ont en Angleterre une impor-
tance considérable. Nulle part la population n'est
aussi agglomérée que dans le Lancashire, entre Liver-
pool, Manchester, Sheffield, Leeds, Bradford. Cha-
cune de ces villes renferme plusieurs centaines de
mille habitants, et de l'une à l'autre les villes, les
villages, les usines se suivent sans interruption.
Liverpool est le grand port d'importation du coton
Manchester le met en œuvre, le file et le tisse. On
a calculé que l'Angleterre fabriquait annuellement
assez de mètres de cotonnades pour faire cent fois
le tour du globe terrestre. Aussi de combien de
bras cette industrie n'a-t-elle pas besoin ? Manches-
u.r avec ses annexes renferme plus de 500 000 ha-
bitants, tout comme Liverpool. En revanche, que de
misères quand des crises commerciales ou des
grèves viennent entraver la production, ou que la
matière première lui fait défaut, ainsi qu'on l'a vu
à l'époque de la guerre de sécession aux Etats-
Unis. Bradfoi'd et Leeds sont les grands centres du
travail de la laine. La première est une ville de
•200 000 habitants, et la deuxième de -300 000.
Mais ce n'est pas seulement dans le Lancashire
que tournent les broches des filatures et que battent
les métiers des tisserands. Glasgow, la troisième
ville des Iles Britanniques par sa population, est
aussi un grand centre d'industrie, non-seulement à
cause de ses chantiers de constructions navales,
qui expédient de magnifiques navires aux pays
étrangers, mais encore pour ses usines de toutes
sortes, et Paisley, dans le voisinage, est renommé
pour ses châles et ses mousselines.
En Irlande, c'est Belfast qui est le grand centre
du travail du lin. C'est une ville de près de 200 000
habitants.
Commerce. — Le commerce forme avec l'indus-
trie la grande source de fortune des Anglais. Non-
seulement ils ont à exporter au dehors des masses
énormes de houille, de fers, de cotonnades, et à
importer des grains, de la viande, des vins, des
fruits, du thé, etc., dont ils ont besoin pour se
nourrir, le coton, la laine que réclament leurs fila-
tures ; mais ils ont soin de faire eux-mêmes tous
ces transports. Leur marine est la plus nombreuse du
globe ; leur pavillon flottant sur 25 000 navires montés
par 1 ou 300 OnO marins, se montre dans toutes les
mers, et leurs puissantes colonies ont de leur côté
une marine fort nombreuse. C'est à leur situation
insulaire, au développement de leurs côtes, à la
sûreté de leurs ports que les Iles Britanniques doi-
vent l'origine de cette marine. Et les institutions
politiques et économiques ont tout fait pour la déve-
lopper et assurer à l'Angleterre l'empire des mers,
au point de vue militaire comme au point de vue
I ommorcial. Par leurs nombreuses et vastes colo-
nies, par la protection effective qu'ils accordent au
moindre de leurs sujets sur n'importe quel point
du globe, les Anglais ouvrent partout des débou-
chés à leurs manufactures et répandent de plus en
plus l'influence et la langue de leur patrie. En ou-
tre, l'Angleterre est devenue le grand entrepôt du
ANGLETERRE
— 141 —
ANGLETERRE
monde. Grâce aux acheteurs qu'ils sont sûrs de
trouver et au fret de retour qui leur est assuré,
les navires étrangers aussi bien que les vaisseaux
anglais portent à Londres et aux autres grands entre-
pôts de ce pays la plus grande partie des produits
d"outi'e-mer qui sera consommée sur le continent.
C'est à Liverpool que les filatures de Normandie,
de Flandre ou d'Alsace s'approvisionnent d'une
partie de leur coton. Londres est le grand entre-
pôt des laines d'Australie ou du Cap de Bonne-
Espérance, des épices et de l'indigo des Indes, de
l'ivoire de l'Afrique et du thé de la Chine, dont une
partie a traversé la France.
Grmides villes. — C'est ce qui explique l'accrois-
sement continuel et prodigieux de cette capitale, qui
empiète sans cesse sur les campagnes voisines, en
absorbant les champs et les villages qu'elle couvre
de rues, d'usines, d'iiabitations. Londres est au-
jourd'hui quatre ou cinq fois aussi vaste que Paris
et sa population est de près de 4 millions d'habi-
tants. Dix-huit autres villes des Iles Britanniques
dépassent 100 000 habitants. JNous les avons nom-
mées parmi les ports ou les villes d'industrie.
3. Géographie politique. — Races et religio?is. —
La population bretonne que Jules César rencontra
dans l'Angleterre était de même race que les Bas-
Bretons français. Aujourd'hui elle est refoulée dans
le pays de Galles, l'Ecosse et l'Irlande. Ses mœurs
et sa langue se fondent de plus eu plus avec ceux
des Anglais. Ceux-ci sont le produit des inva-
sions saxonne et Scandinave qui se sont super-
posées aux anciens Bretons, et des Français de la
France occidentale qui accompagnaient Guillaume
1 e Conquérant ou qu'y ont appelés ses successeurs
pendant qu'ils étaient maîtres d'une grande partie
de notre pays. Ces familles françaises, dotées au
détriment des Saxons vaincus, ont été la souche
de l'aristocratie anglaise, dont les cadets sortent
naturellement par le rang de leur naissance, tandis
que le souverain y fait constamment entrer les
hommes qui se sont illustrés dans les carrières
politique, militaire ou scientifique.
L'aristocratie anglaise est maîtresse à elle seule
de presque tout le territoire anglais et de celui de
l'Irlande. Là leur domhiaiion est particulièrement
odieuse, puisque à l'antagonisme de races s'ajoute
celui de religion. Les Irlandais sont restés catho-
liques romains, tandis qu'en Angleterre la reli-
gion anglicane, qui a conservé la hiérarchie ro-
maine des évêques, s'est séparée entièrement du
pape. Depuis plusieurs années, du reste, la religion
catholique fait de nombreux adhérents en Angle-
terre. Les Ecossais suivent pour la plupart la reli-
gion presbytérienne, organisée par paroisses et di-
rigée par des comités appelés conseil des anciens de
"Eglise, et se rapprochant beaucoup du calvinisme.
Acbiiinisiration, gouvenieiuent. — L'Angleterre
est divisée en 40 comtés, y compris l'île de Wight
et les Sorlingues ou Scilly ; le pays de Galles en 12,
y compris l'ile d'Anglesey ; l'Ecosse en 53. y com-
pris les Shetland, les ôrcados et les Hébrides ;
l'Irlande en 32 comtés. L'île de Man et les îles de
Jersey, Guernesey, Aurigny, derniers restes des
possessions des rois d'Anf;leierre sur la côte de
Normandie, ont une administration particuhère.
Le comté. — Dans chacun de ces comtés, il y
a un lord-licutenant gouverneur du comté, nommé
par la couronne à tiire surtout honorifique. Le
shériff, nommé annuellement par la couronne, est
chargé de maintenir la paix publique. Les attribu-
tions dos juges de paix sont fort étendues. Ce sont
ordinairement de riches propriétaires qui rem-
plissent ces fonctions.
le souverain. — Le gouvernement est monar-
chique, et la souveraineté peut être exercée par
une femme. Mais les Anglais sont très attacliés au
régime parlementaire, qui donne aux Chambres la
véritable autorité.
Le Parlement. — La Chambre basse ou des Com-
munes comprend des députés de diverses prove-
nances : députés des comtés, des bourgs, des cités
ou des universités, qui ne sont pas élus par le
sufl'rage universel. Il arrive aussi, contrairement à
ce qui se passe dans notre pays, qu'un même élec-
teur peut concourir à diverses élections s'il remplit
les conditions voulues dans plusieurs collèges
électoraux. Quant à la Chambre haute, elle com-
prend les lords d'Angleterre au titre héréditaire,
un certain nombre de dignitaires ecclésiastiques,
des pairs d'Irlande nommés à vie par la pairie
d'Irlande, et des pairs d'Ecosse nommés à chaque
législature par la pairie d'Ecosse. Ce n'est que
depuis le commencement de ce siècle que le par-
lement d'Irlande a été fusionné dans les parlements
d'Angleterre et d'Ecosse, réunis cent années plus
tôt.
Armée, marijie. — Depuis la guerre de Crimée,
l'Angleterre n'a pris aucune part aux guerres du
continent. Son armée, composée de volontaires et
renforcée par les milices, est plutôt faite pour un
rôle défensif. C'est sur mer que l'Angleterre tend
à étendre sa puissance, et il ne s'écoule guère
plusieurs années consécutives sans que son pa-
villon flotte sur quelque nouveau point stratégique
destiné à assurer partout la libre circulation de sa
flotte.
Possessions extérieures — En Europe, elle sur-
veille l'embouchure de l'Elbe sur le rocher d'Hel-
goland. A Gibraltar, elle commande l'entrée de la
Méditerranée ; à Malte, à Aden et à Singapore, la
route de l'Orient. Par Hong-Kong, elle a pris pied
en Chine ; par ses établissements du golfe de Gui-
née, elle est maîtresse du commerce du Niger, et
par le protectorat qu'elle exerce sur le sultan de
Zanzibar, elle domine sur la côte africaine de la
mer des Indes.
Ses immenses possessions du Canada et des An-
tilles en Amérique, du cap de Bonne-Espérance en
Afrique, des Indes et de la Birmanie en Asie, de
l'Australie, de la Nouvelle-Zélande en Océanie, lui
assurent de grandes sources d'approvisionnements-
en matières premières, de grands débouchés pour
SCS manufactures, des terres à défricher pour ses
émigrants, des carrières de toutes sortes pour ses
cadets déshérités qui ont à faire fortune.
La reine d'Angleterre régnant aujourd'hui sur
le plus bel empire du monde et le plus riche, s'il
n'en est pas le plus étendu, ayant sous sa dépen-
dance les puissants radjahs de l'Inde, s'est fait
proclamer à juste titre impératrice des Indes. Si
cette appellation n'ajoute rien à sa puissance ma-
lérielie, elle est plus en rapport avec les besoins
des populations orientales, toujours amoureuses
de faste, qui forment le plus grand nombre des
sujets de l'empire britannique.
Questionnaire géographique. — 1° Sur la gé'gra-
phie physique. — Ouest située l'Angleterre? —
Quels sont les principaux groupes des lies Britanni-
ques?-— Gomment appelle-t-on officiellement l'État
qu'ils forment? — Quels sont les bras de mer qui
les séparent? — La Grande-Bretagne est-elle plus
petite ou plus grande que la France? — Quel est
son climat? — Où sont situés les principaux grou-
pes de montagnes des Iles Britanniques? — Où est
la cime la plus élevée? — Quels sont les princi-
paux fleuves? — Les principaux ports qu'ils for-
ment? — Quels sont les moyens de transport dont
dispose le commerce?
2° Sur la géographie agvic<<le et industrielle. —
Les Iles Britanniques sont-elles plus ou .moins
peuplées que la France relativement à leur super-
ficie? — Quels sont les principaux produits de l'a-
griculture? les principales races de bétail? la
principale boisson des habitants? les principales
cultures industrielles? — Quelles ressources ofl're
la pèche fluviale? — maritime? — Quels sont les
ANGLETERRE
— 142 —
ANGLETERRE
principaux bassins houillers ? — Quelle est l'impor-
tance actuelle de leur production? — Quelles mi-
nes métalliques possèdent les lies Britanniques?
— Quels sont les principaux centres qui utilisent
leurs produits? — Quelles sont les principales ma-
nufactures? — Quel est le grand marché du coton
brut ? — Quelle est la ville qui en fait la plus
grande consommation? — Où sont les principales
manufactures d'étoffe de laine? — Quelle est l'im-
portance de la marine marchande anglaise? des
entrepôts de Londres? — Quelles sont les grandes
villes des Iles Britanniques et pour chacune d'elles
quelle est la raison de son accroissement ?
3° Sur la géographie politique. — Quelles sont
les races qui ont contribué à la formation de la
nation anglaise actuelle? — Quel est le gouver-
nement de l'Angleterre ? le rôle du souverain ? du \
parlement? — Comment sont administrés les com-
tés? — Quelles sont les principales possessions
extérieures de la Grande-Bretagne? — Quel est le
nouveau titre de la reine d'Angleterre. ]
Problèmes géographiques. — La population des ;
lies Britanniques est de 33 800 000 habitants, leur
superficie de 314 9ôO kil. carrés. Celles de la France
«ont 3g 900 000 habitants et 5-28 600 kil. carrés. |
1° Quelle serait la population de la France si elle
était aussi peuplée que les Iles Britanniques relali- ,
vement à sa superficie ?
2° L'Angleterre possède des colonies couvrant |
une superficie de 21 000 000 de kil. carrés et habi-
tées par 204 000 000 d'habitants. Les possessions
françaises couvrent 965 000 kil. carrés, peuplés de
6 100 000 habitants.
Quelle est l'étendue des colonies anglaises re-
lativement a celle des lies Britanniques ? — Combien
y a-t-il d'habit<ints des colonies anglaises pour un
habitant des Iles Britanniques?
30 Poser les mêmes problèmes qu'à l'article Alle-
magne sur les chemins de fer, les bureaux de poste,
les lettres, étant donné que les Iles Britanniques
possèdent 27 li2kil.de chemins de fer, et 1344': bu-
reaux de poste distribuant 1 019 000 000 lettres.
4° Le commerce général des Iles Britanniques
est de 15 000 000 000 de francs, celui de la France
de 9 270 000 000. — Quelle est la proportion du com-
merce par tête d'iudividu en Angleterre? — en
France?
Quelle serait l'importance du commerce de la
France, si chacun, en moyenne, y faisait autant d'af-
faires qu'en Angleterre, etc., etc. [G. Meissas.]
11. HISTOIRE
L'histoire d'Angleterre se partage en quatre pé-
riodes bien marquées :
r Jusqu'en 1086, quatre invasions successives
forment le peuple anglais.
2° 1086-1455. La puissance des rois normands
amène la rivalité avec la France, et la fusion des
Anglo-Normands la conquête des libertés pu-
bliques.
3" 1455-1638. — La guerre des Deux-Roses affaiblit
la noblesse au profit de la royauté absolue qui com-
mence la Réforme ; mais le peuple anglais ne se
laisse pas dépouiller : il poui'suit en même temps
la Réforme et la Révolution, et établit la monar-
chie tempérée.
4" l0fi8-18S0. Forte de ses libertés, l'Angleterre
constitue sa grandeur par la domination des mers.
Première période. — Invasions (55 av. Jésus-
Clirist-1086). — Les Bretons. — L'an ôô avant Jé-
sus-Christ, la Grande-Bretagne était l'île sacrée de
la Celtique. Anglesey était un sanctuaire plus
révéré que la forêt des Garnutes. a Les Celtes bre-
tons portaient de longs cheveux flottants et de
longues moustaches ; ils se tatouaient le corps avec
une substance verte extraite des feuilles du pas-
tel... A ce degré de civilisation, les formes de
gouvernement devaient être simples et grossières...
Tous les membres, proches ou éloignés, de la
même famille vivaient dans la plus étroite inti-
mité: chasse, butin, propriété, tout était commun. »
(A. Thierry). Venus de la Gaule, les tireions
avaient 'chassé vers le nord les Calédoniens de
race gallique et se partageaient le territoire, les
Logricns à l'est et les Cambriens à l'ouest.
1" Expéditions romaines. — Les Romains ne con-
naissaient que vaguement la grande île de Breta-
gne. Pour y être descendu deux fois. César eut
« le même prestige que A'apoléon après ses victoires
d'Egypte ». Depuis, Agricola soumit ces tribus éner-
giques, mais isolées. La frontière romaine atteignit
la Clyde et s'arrêta devant les Calédoniens. Mais
soumise en partie, convertie même au christia-
nisme, la Bretagne ne fut jamais domptée, et le pas-
sage des Romains (78-4(iOy n'y laissa pas de traces.
A leur départ se releva l'autorité des anciens chefs.
2° Invasions des Saxons et des Angles. —Libres
de la domination romaine, les Bretons ne surent
pas se défendre contre les pirates saxons, dont les
bandes toujours renouvelées accouraient à cette
proie facile. En 547, la population des Angles (peu-
ple qui habitait originairement le Schleswig actuel)
s'embarqua tout entière pour la Bretagne septen-
trionale. En 5b0 , sept royaumes anglo-saxons
étaient constitués. Ils furent réunis un instant
sous Egbert, en 827-836.
Les Bretons dépouillés étaient esclaves ou chassés
en exil dans les monts de Cambrie. Là ils luttaient.
« Jamais les Kimris ne paieront le tribut, disent
leurs vieux poèmes... Tu as beau faire, ni ta puis-
sance, ni aucune autre, si ce n'est celle de Dieu,
ne détruira notre nom, ni notre langue. » En effet,
ce nom et cette langue subsistent, sur ce sol cou-
vert de rocs et de grèves, comme un étrange et
poétique monument d'énergie et de patriotisme.
(Aug. Thierry.)
Introduction du christianisme. — Encouragé
par les succès de l'Eglise en Gaule , Grégoire le
Grand avait envoyé 40 moines évangéliser la Bre-
tagne. « Vous êtes venus de loin pour me commu-
niquer ce que vous jugez utile et vrai, leur dit le
roi de Kent ; je vous laisserai libres de publier
votre doctrine. » Ils eurent bientôt des prosélytes.
Dans le Northumberland, l'assemblée des Sages
fut réunie. « O roi, dit un guerrier, dans nos fes-
tins d'hiver, souvent vient un oiseau qui traverse
la salle à tire d'ailes ; l'instant de ce trajet est pour
lui plein de douceur ; il ne sent plus l'orage. iVlais
, l'instant est rapide et de l'hiver l'oiseau repasse
' dans l'hiver. Telle me semble la vie des hommes
comparée à la longueur du temps qui la précède et
qui la .«uit. Ce temps est ténébreux. Si donc la
nouvelle doctrine peut nous en apprendre quelque
chose de plus certain, elle mérite que nous la sui-
vions. » L'assemblée vota l'établissement du chris-
tianisme et bientôt les Angles se convertirent tous.
3° Invasion des Daîiois. — Depuis 150 ans, la Bre-
tagne était devenue la terre des Anglo-Saxons, quand
trois vaisseaux d'hommes inconnus abordèrent à
l'orient. C'étaient les premiers Danois. Ils venaient
chanter aux Saxons la « messe des lances » . —
a Nous avons frappé de nos épées le jour où j'ai
vu des centaines d'hommes couchés sur le sable,
près d'un promontoire d'Angleterre ; une rosée de
I sang dégouttait des épées. » Tel était le chant
de mort d'un de ces rois de mer, Lodbrog, prison-
nier et accablé de tortures (865 . L'année suivante,
ses fils accoururent le venger. Ce fut le troisième
pillage de l'Angleterre envaiiie. Eu i3 ans, elle était
conquise.
Alfred le Grand. —La valeur d'Alfred le Grand
(871-901), qui, caché dans les marais de Cornouail-
les, souleva les Saxons exaspérés parla servitude,
ses lois mêmes qui organisaient la résistance et
constituaient le royaume (V. Alfred le Grand dans
la 1"= PARTXiij, suspendirent seulement les progrès
ANGLETERRE
143 —
ANGLETERRE
des Danois. En 1013,Suénonsoumettaitles Anglo-
Saxons ot son fils Kanut le Grand (1017-1036) était
maître de la Scandinavie et de l'Angleterre.
40 Invasion des Normarids. — Mais les événements
semblaient conspirer pour une quatrième invasion,
la dernière, celle des Normands. Leur duc Guillaume
«était très-sage à la manière du temps, c'est-à-dire
brave et horriblement perfide . «En vertu d'un serment
qu'il lui avait surpris, il attaqua Harold, que les
Saxons venaient de proclamer. Ceux-ci n'avaient
pas de forteresses ; vaincus, ils étaient perdus.
Guillaume convoqua tous les aventuriers de l'Oc-
cident; l'Angleterre était la proie commune. Ha-
rold et les Anglais tombèrent à Haslings, au pied
de leur étendard (l066\ Près de la côte est une
terre marécageuse et presque mouvante, l'imprati-
cable île d'Eiy, coupée de rivières. Ce fut le camp
du Refuge, au milieu des joncs et des saules ; de
là les Saxons pillaient les pillards. Forcés en 1073,
les Outlaw (bandits) se dispersèrent dans les bois,
errants , mais libres et pleins de l'âme nationale.
Souvent les flèches de Kobin Uood s'égaraient sur
le seigneur normand.
Cependant les vainqueurs avaient partagé la
conquête. Guillaume, proclamé roi d'Angleterre,
distribuait les maisons, les abbayes, les terres.
Tout titre de propriété antérieur à l'invasion était
annulé, tout acte de pillage accompli par un Nor-
mand était sanctionné par le roi. Le livre du der-
nier jugement {dooynesday book) forma le registre
et le cadastre de la nouvelle féodalité (108G) ; et des
lois atroces maintinrent la soumission.
Deuxième période (1086-1455). — A la mort de
Guillaume (lus7), l'Angleterre est constituée et son
histoire propre commence. Deux grands faits qui
se développent à travers les siècles la dominent tout
fintière ; au dedans la lutte de l'aristocratie et des
villes co7itre la royauté, au dehors la rivalité
aoec la Fra?ice.
E-XTÉRfEUR : Guerres avec la France — Le roi
d'Angleterre, en tant que duc de Normandie, était
vassal du roi de France, et il était plus puissant
que lui : de là une longue suite de guerres. En
lOsO, Philippe P'^ possédait à peine l'Ile de France;
Guillaume avait l'Angleterre et la Normandie.
Mais bien des causes paralysèrent la puissance
du roi d'Angleterre et de ses successeurs. D'abord,
Guillaume II et He7iri I-' {lOU't-ll^b) ne firent rien,
par peur des insurrections saxonnes. Sous Etienne
des discordes cruelles (1135-1154) ne permirent pas
de songer à des luttes étrangères. Mais l'avéne-
ment à'Henri II Plantagenet (1154-1189), héritier
du Maine, de l'Anjou et de la Touraine, puis le
mariage de ce prince avec Eléonore, héritière de la
Gascogne, du Poitou, de l'Aunis et Saintonge, An-
goumois, Marche et Périgord, vinrent porter à son
comble la puissance des rois d'Angleterre. Henri II
gouvernait encore la Bretagne comme tuteur de
son fils, fiancé à l'héritière de ce duché. Enfin il
conquit l'Irlande (11*0) et imposa sa suzeraineté à
l'Ecosse. Heureusement les troubles intérieurs
excités par Thomas Becket, archevêque de Cantor-
béry, et les révoltes de ses fils, l'arrêtèrent plusieurs
fois dans la lutte contre les rois de France. Son fils
Ric'^ard /" Cœur de Lion ( 1189-99, porta dans la troi-
sième croisade son ardeur militaire (1190). D'un
seul coup, il avait abattu la tête, l'épaule et le bras
droit d'un émir qui l'avait défié. C'est lui qui prit
Ptolémais. Deux ans captif de l'empereur Henri VI,
il venait de vaincre son rival Philippe-Auguste quand
il périt d'une flèche en 1199 au siège de Chalus en
Limousin. Son frère Jerm sans Tewe, assassin d'Ar-
thur de Bretagne son neveu, excommunié pour
désobéissance au pape, en butte aux révoltes de
ses sujets, ne sut pas défendre ses possessions
continentales saisies par Philippe-Auguste. Battu
à Bouvines (I214j, il vit son royaume envahi par
les Français alliés aux Anglais rèvoliés. Un instant
la France faillit conquérir l'Angleterre comme la
Normandie; mais la mort de Jean ramenales Anglais
à son fils He7iri III. Le nouveau roi fut battu à Tail-
lebourg (1242). Mais il garda sur le continent l'A-
quitaine, le Quercy, la moitié de la Saintonge et
Agen, par le traité d'Abbeville.
11. Intérieur. — Lutte de l'aristocratie et des
villes contre la royauté. Le roi et ses barons
tenaient leurs biens de la conquête. Liés entre eux
par la crainte des Anglais, les Normands étaient
sous le roi comme une armée héréditaire, écrasant
et contenant les vaincus du haut de leurs forte-
resses. Anglais et Normands formaient deux nations
ennemies, superposées, l'une maîtresse, l'autre
asservie et méprisée. Mais, après deux siècles de vie
commune, la nationalité saxonne disparut; alors
il ne resta qu'un peuple foulé, comme les barons
eux-mêmes, par une royauté avide et sans frein.
Le faisceau des conquérants était brisé. Le péril
d'une insurrection passé, la noblesse voulut re-
prendre sa liberté ; les barons disputèrent au roi
son pouvoir. Ayant besoin d'appui, ils réclamèrent
en môme temps pour eux-mêmes, pour le peuple
et le clergé. Sous le roi Jean, les revers extérieurs,
la faveur de courtisans étrangers, l'excommunica-
tion, puis la soumission du roi devenu vassal du
pape, enfin un despotisme honteux et avide soule-
vèrent toutes les classes, peuple, noblesse et
clergé ! Formés en « armée de Dieu et de l'Eglise »,
les révoltés entrèrent à Londres. Réduit à sept
chevaliers pour tout cortège, Jean, malgré sa fu-
reur, dutsigner la Grande Charte (l2Iô) : un con-
seil de vingt-cinq barons surveillerait la royauté et
consentirait les impôts ; la libre élection des prélats,
les franchises des villes étaient garanties, et le
jury institué dans les comtés.
Les résistances de Jean vaincues par l'interven-
tion de Philippe-Auguste, puis celles d Henri HI
eurent pour résultat les statuts d'Oxford, qui con-
fiaient le pouvoir aux barons et à leur chef Simon
de Montfort, comte de Leicester (1258). Quoique
l'ambition de Leicester fût sans bornes, elle paraît
n'avoir été au delà ni de son courage, ni de son
génie. Vaincu à Evesham (1205), au cri de « point
de quartier aux traîtres », il tomba mort près da
son fils. Mais la Grande Charte subsistait.
Cependant la haute et la basse noblesse s'étaient
séparées. Le chevalier, moins riche que le baron,
perdait sans cesse de son importance par le mor-
cellement des héritages. Il se rapprochait ainsi dii
peuple. Pour contrebalancer les barons, la royauté
favorisa la gentry dos chevaliers. Et, comme ceux-
ci, trop pauvres, ne venaient pas aux parlements,
Edouard /<^f les autorisa à y envoyer des députés
chargés de les représenter.
En même temps les bourgeois des villes ga-
gnaient chaque jour en force et en richesse. Assem-
blés pour consentir les impôts, leurs délégués s'uni-
rent aux députés de la gentry. Ainsi fut formée la
Chambre des Communes. Les nobles apportaient
leur .droit de siéger, les bourgeois l'influence que
donnent le nombre et la richesse. A la faveu des
troubles sous Edouard II, et des guerres sous
Edouard 1 11, les Communes virent grandir leurs privi-
lèges. Elles sanctionnèrent la déposition de deux
rois (1327 et 1399) ; sous la maison de Lancastre leur
droit de voter l'impôt ne fut plus contesté.
III. Guerre de Cent Ans. — Cependant l'activité
des princes anglais s'était détournée de la guerre
française pour combattre des ennemis plus proches.
Edouard pr soumit les Gallois (1283J, et vainquit
les Ecossais à Falkirk. En 132^, la victoire d'E-
douard 111 à Halidon-Hill rendit le trône à Baliol,
son vassal.
Puis commença la sn^rrc de Cent Ans. Edouard HI
réclamait le trône de France. En dix ans, les vic-
toires de Crécy et de Poitiers livraient notre pays
en proie aux bandes anglaises, et le traité de
ANGLETERRE
— 144 —
AiNGLETERRE
Brétigny (I3C0) donnait à Edouard III la moitié
du royaume. Après les règnes de Richard II et
de Henri JV de Lancastre, Henri V ramena ses
troupe? à la victoire (Azincourt, 14 lô) et au pil-
lage. Cette fois le traité de Troyes (1420) lui don-
nait la couronne. Mais elle tomba pre-que aussitôt
sur la lête de l'enfant Henri II, qui ne sut pas
conserver 1rs conquêtes de son père. En 1429
parut Jeanne Darc , et dès lors les Anglais ne
connurent plus que les revers. Calais seul leur
restait en l-iôJ.
Troisième période 1455-1688). — Guerre
des Deux-Roses. Absolutisme. Réforme et révolu-
tioti. — Irrités de leurs défaites, privés du pillage
de riches provinces, le peuple et les barons s'en
prirent au malheureux Henri VI, faible d'esprit
comme son grand-père Charles VI. Richard d'York
prétendit au trône : ce fut la guerre des Deux-
Roses, blanche pour York, rouge pour Lancastre.
Marguerite d'Anjou conduisait les Lancastriens ;
Warwick, le « faiseur de rois », qui commandait à
30 Oi 0 vassaux, la vainquit àTowton et mit£'(/ow">Y//t^
fils de Richard, sur le trône (l4(il).La reine fuyait
avec son tils, livrée à la merci des brigands dans
les bois du Nord ; ses partisans étaient en proie
aux vainqueurs.
Mais Warwick, irrité contre Edouard, cherche à ré-
tablirles Lancastre. Il meurt à Barnet (1471). Margue-
riteest prisonnière àTewkesbury (l4';i) et voit poi-
gnarder son jeune fils dans la tente même du vain-
queur. Cette alternative de succès et de revers
avait livré tour à tour les seigneurs de chaque
paru aux meurtres et aux confiscations des vain-
queurs. ; a noblesse, décimée, affaiblie, ne pouvait
plus résister au despotisme. Après la mort d'E-
douard IV, son frère Richard HI assassina pour ré-
gner ses deux ne\e\ix,\es eu fants d'Edouard ^1483).
Henri VII Tudor, vainqueur du tyran usurpateur
à Bosworth î48.i), mit fin aux troubles, mais établit
le pouvoir absolu.
Royauté absolue. Les Tudors (1 485-! 603), —
Henri 17// (i 509-1547) fut l'arbitre de l'Europe,
entre François l" et Charles-Quint. A l'intérieur
son pouvoir fut sans bornes, comme ses passions
sans frein. Le pape lui refusait de consacrer son
divorce : il rompit avec la papauté, et constitua
l'Église anglaise sous la suprématie royale ; le
chancelier Morus et bien d'autres périrent pour
n'avoir pas voulu accepter cette révolution reli-
gieuse.
La Réforme s'établit en Angleterre, malgré la
passagère persécution àe Marie la Sanglante (1553-
58) ; elle triompha sous ie règne à' Elisabeth (155S-
1603). Cotte reine, qui fut pour les protestants en
Europe ce qu'était Philippe II d'Espagne pour les
catholiques, n'eut plus d'adversaires à redouter
quand elle eut envoyé à l'échafaud Marie Stuart,
reine d'Ecosse (15S7), et quand le désastre de la
grande Armada eut anéanti tous les projets du
monarque espagnol (1588).
Souveraine maîtresse du pouvoir, elle excitait
l'enthousiasme de ses sujets par l'éclat d'un règne
pendant lequel l'Angleterre fondait sa marine et
couvrait les mers de douze cents vaisseaux. A cette
gloire extérieure l'Angleterre ajoutait celle des
lettres : c'est sous Elisabeth que parut l'immortel
Shakespeare, suivi bientôt par Bacon, l'im des pères
delà philosophie moderne.
RÉVOLUTION (1 603-1688) .— Au début du xvu« siècle,
la roj-auté absolue s'établissait dans presque toute
l'Europe. Seuls les peuples protestants évitèrent
ce danger, par la guerre de Trente Ans et la ré-
volution anglaise de 1048.
En Angleterre, la réforme d'Henri VIII était in-
complète. La révolution fut donc à la fois religieust-
et poliiique; elle attaqua l'Église anglicane en
même temns (jue la royauté.
Les traditions du passé et l'absence d'armée
permanente facilitaient la résistance du peuple
aux prétentions absolutistes des Stuarts, héritiers
des Tudors (1603). « Los rois, disait Jacques VI d'E-
cosse devenu Jacques /'='■ en Angleterre, sont
appelés par Dieu mCme des dieux, comme étant
ses lieutenants et représentants sur la terre. »
Mais la timidité de ce roi qui tremblait devant
une épée, la faveur d'insolents courtisans, et
l'abandon de la glorieuse politique dElisabeth
rendirent bientôt impopulaire ce gouvernement
arrogant et faible. En IG'Jô, les Communes n'ac-
cordaient que quelques subsides, et levés par elles-
mêmes.
Charles I" (1625-48) était, comme son père, imbu
des maximes du pouvoir absolu. Mais l'amour des
libertés publiques, ranimé sous Jacques !"■, et le
progrès des sectes protestantes lui opposaient
d'insurmontables obstacles. Le Parlement, énergique
défenseur des droits de la nation , présenta la
f'étition des droits qui interdisait les arrestations
illégales et la levée d'impôts non consentis. Irrite,
Charles résolut de gouverner sans parlement avec
le ministère de Wentworth, ancien chef de l'oppo-
sition, qu'il fit comte de Strafford.
Ministère de Strafford jl032-i0). — Orateur élo-
quent et ministre habile, Strafford gouverna
onze années arbitrairement. « Sa tyrannie fut
la plus inique et la plus abusive qu'ait soutf'.ne
l'Angleterre,» (Guizot.) Ainsi un lord était con-
damné à mort pour insulte au premier ministre.
Mais les impôts arbitraires, la vénalité de l'admi-
nistration et surtout la persécution des sectes
populaires exaspéraient lentement le peuple an-
glais. « Chrétiens, s'écriait un condamné à la pri-
son perpétuelle, c'est pour votre liberté que nous
perdons la nôtre ; poui* vous, pour vos enfants,
restez fidèles à la cause de Dieu et de la patrie, »
Beaucoup émigraient et allaient fonder des co-
lonies sur les côtes encore désertes de l'Amérique.
En mai 1637, huit vaisseaux d'émigrants étaient
en partance ; sur l'un d'eux, raconte la tradition,
étaient trois membres des derniers parlements,
Hampden, Pym et Cromwell, — ils allaient partir.
— Un ordre du roi empêcha le départ et retint
ainsi sur le sol anglais ses trois plus redoutables
ennemis.
Forcés à rester, les opposants luttèrent. Hamp-
den en refusant l'impôt souleva l'opinion et com-
mença la révolution. Le :23 juillet i637 les protes-
tants d'Ecosse révoltés signaient un covenant ou
pacte d'union pour la défense de leur religion.
Bientôt deux échecs en Ecosse réduisaient Straf-
ford à convoquer un parlement ( 1640 , qui futpresque
aussitôt disssous. Mais la situation devenant de plus
en plus menaçante pour la royauté, Charles se vit
contraint, la même année, 5 convoquer de nouveau
les représentants de la nation. Alors se réunit l'as-
semblée qui s'est immortalisée sous le nom de
Long Parlement.
Le Long Parlement (1640-53). — Celui-ci prit
aussitôt le pouvoir : les subsides votés furent
confiés à des commissaires élus ; Stralïord arrêté
fut déclaré hors la loi, et Charles abandonna celui
qui s était perdu pour lui.
Mais la mort de Strafford n'arrêta point les Com-
munes ; Charles quitta Londres, et le i3 août 164-'
commença la guerre civile à Nottingham, La lutte
dura plusieiu"s années. Vaincu enfin par les park»
mentaires, Charles dut se rendre (I6j7) et devint
prisonnier du Parlement.
Celui-ci gouvernait depuis quatre ans. D'abord
dominé par les presbytériens, modérés en politique et
en religion, il subissait alors l'influence des indé-
pendants, qui niaient toute autorité religieuse et
voulaient la république. Leur force était i'armce,
formée de cinquante mille volontaires fanatiques,
habitués à délibérer et à décider sur les afi'aircs
publiques. Leur général était Cromwell, le vain-
ANGLETERRE
143 —
ANGLETERRE
qucur de Naseby, politique ambitieux, fanatique
«t fourbe. Le parlement négociait avec Charles ;
les indépendants enlevèrent le roi, et un officier
de Cromwell, avec deux régiments, interdit l'entrée
des communes à 143 membres, qui furent ensuite
exclus. Les indépendants dominaient, mais à quel
prix !
La Chambre nomma des juges pour le procès du
roi, qui fut condamné. Sur l'écliafaud, il parla
longtemps avec un calme singulier. Le discours
fini : « Mes cheveux sont-ils bien ainsi ?» — Oui,
sire, répondit le bourreau masqué. — « Quand
j'étendrai les bras, alors..., » et il s'agenouilla.
Un peu après, il étendit les bras (30 janvier 1649).
Le roi mort, il fallait détruire les royalistes.
Le parlement envoya Cromwell en Irlande. Celui-ci,
dit Villemain, versa le sang comme l'eau sur cette
terre déjà toute sanglante et pacifia par la terreur
(1650^. Charles II, héritier de son père, était des-
cendu en Ecosse ; Cromwell le vainquit à Danbar.
Le ciel était sombre et la bataille indécise. Tout à
coup, un rayon de soleil : « C'est Dieu qui se
jlève » s'écria Cromwell ; « et l'ennemi ne fut plus
quedu chaume devant nos épées. » Le prince dut
fuir l'Angleterre à travers mille dangers.
Cromwell (1653-58). — Par ses victoires, Crom-
well était maître : il chassa le parlement réduit au
cinquième de ses membres et gouverna sous le
titre de Protecteur (1653). La gloire du dehors
semblait compenser la servitude du dedans. Allié
de Mazarin, Cromwell vainquit la Hollande, prit
Dunkerque et la Jamaïque à l'Espagne. « Je ren-
drai, disait-il, le nom d'Anglais aussi grand que le
fut jadis celui de Romain. » Cependant il vivait au
milieu de complots et d'alarmes continuels, occupé
à contenir les éléments de troubles qui menaçaient
sa dictature. Il mourut enfin en 1668.
Restauration (1660-88). — Peu ambitieux, son
fils Richard fut bientôt renversé ; le général Monk
entrant dans Londres avec une armée convoqua un
parlement et fit appeler Charles II. Les régicides
furent proscrits et le covenant brûlé par le bourreau.
Reçu avec enthousiasme, le nouveau roi mécon-
tenta bientôt son peuple par la corruption et la
vénalité de son gouvernement, par sa tolérance
envers les catholiques. Mais surtout, il vendait
Dunkerque, conquête de Cromwell, et recevait de
Louis XIV, chef du catholicisme européen, une
pension qui lui permettait d'éluder le contrôle du
parlement (l'.70). Celui-ci manifesta sa colère par
des bills qui excluaient les catholiques de toute
fonction publique (1673) et qui garantissaient la
liberté individuelle (1679). Les Communes voulurent
même exclure du trône le catholique duc d'York,
mais, grâce au refus des loràs, Jacques II put suc-
céder à son frère (1085). Une persécution sangui-
naire dirigée par le chancelier Jeffryes contre les
ennemis du roi porta l'irritation à son comble.
Les complots éclatèrent ; enfin en 1688 Guillaume
d'Orange, stathouder de Hollande et gendre de
Jacques II, débarqua à Torbay avec une armée ;
sur ses étendards, il avait écrit : « Je maintiendrai
les libertés de l'Angleterre. » Jacques abandonné
de tous s'enfuit en France, pendant qu'un parle-
ment proclamait son rival sous le nom de Guil-
laume m, et rédigeait une nouvelle Déclaration
des droits (1689;. La « royauté consentie » succé-
dait à la monarchie de droit divin : les préroga-
tives du parlement étaient définitivement assu-
rées; la révolution était terminée.
Cinquième période. — Liberté et grandeiir de
l'Angleterre (1603-1877). — Guillaui/w III (168S-
17u2j, s'il était roi en Hollande, disait-on, ne fut
que stathouder à Londres ; le parlement voulut
roter chaque année la liste civile et coiicédia In
garde hollandaise, comme menaçante pour la li-
berté.
« Au paraissant pai amier, vigoureux génie sans
2« Partie.
éclat, fier caractère sans attrait, grand homme sans
séduction, » ce prince « était un homme de bronze
étranger à tout sentiment de nature ; il n'eut
qu'une passion, mais atroce, la haine de la
France. i> Et son avènement fut le signal de nos
revers. La victoire de la Boyne (1590) lui hm
l'Irlande que domptèrent des lois cruelles; notra
glorieux désastre de la Hougue (1692) laissa la su-
prématie des mers aux Anglais qiu venaient de
créer leur compagnie des Indes. A Ryswick, Guil-
laume triomphait, mais il mourut (1702) quand la
guerre de la succession d'Espagne commençait.
Marlborough, favori qui avait trahi Jacques II, do-
minait la reine Anfie, par sa femme, et les whigs. Ce
personnage méprisablts Ltaii un grand général. Avec
Eugène de Savoie, il nous battit à Hochstedt (1704),
à Ramillies (1706), à Oudenarde (l7o8), à Malpla-
quet (1709), pendant que sir John Methuen assurait
l'influence anglaise en Portugal (1 703) et que Rooke
prenait Gibraltar (1704). Disgracié pour les hau-
teurs de sa femme, il laissa le pouvoir au chef des
torys, Bolingbroke, qui traita à Utrecht (1713). L'An
gleterre gagnait Terre-Neuve, l'Acadie, Gibraltar,
la ruine de Dunkerque et la domination des mers.
L'unité du pays s'était encore achevée par la réu-
nion définitive de l'Ecosse (1704).
Georges I^^ (1714-27) de Hanovre ne parlait pas
anglais, il était méprisable mais protestant ; il fut
préféré, malgré les torys, au chevalier de Saint-
Georges, fils de Jacques H. Pendant treize ans le
ministre Walpole gouverna son maître par la flat-
terie, les légitimistes jacobites par la terreur et les
parlements par la corruption. Il fut le « maqui-
gnon des consciences ». Partisan de la paix, il s'al-
lia un instant à la France pour maintenir les traités
de 1714 contre la fragile ambition d'Albéroni. Sous
Georges //(1727-60), l'opposition réveillée l'engagea
dans une guerre malheureuse avec l'Espagne, puis
dans la guerre de la succession d'Autriche. Victo-
rieux à Dettingen (I7i3), Cumberland fut vaincu à
Fontenoy (17i5) et à Lawfeld (1747). Mais la vic-
toire de Cnlloden (1746) avait ruiné la tentative de
Charles-Edouard, petit-fils de Jacques II, et amené
la soumission des montagnards écossais.
Walpole avait réussi par la laveur et l'intrigue ;
'William Pitt arriva au pouvoir par la droiture et le
talent. La dignité de son caractère et la force de
son génie furent les seuls appuis du « grand député
des Communes ; » serviteur passionné de son pays,
il fut l'auteur de la guerre de Sept Ans. Vainqueurs
en Europe à Crevelt et à Minden, au Canada, aux
Antilles et aux Indes, les Anglais acquirent par la
paix de Paris (1763) le bassin du Saint-Laurent,
Tabago, Saint-Vincent, le Sénégal et la Floride.
Guerre d Amérique. — Ces traités mettaient l'A-
mérique dans la main des Anglais. Depuis deux
siècles, tous les proscrits, protestants ou jacobites,
s'étaient réfugiés tour à tour sur la côte améri-
caine pour y fonder des établissements bientôt
prospères, grâce à l'énergie du travail. Ces treize
colonies formaient le plus beau fleuron de la cou-
ronne anglaise. Mais un ministère tory prétendit
faire peser sur les colons des impôts exorbitants ;
en vain Pitt et les wliigs les défendirent : ce sont
« les fils et non les bâtards de l'Angleterre ».
A ces prétentions, le congrès américain répon-
dit par la Déclaration des droits ^1774) : « Nos an-
cêtres, disaient-ils, possédaient tous les droits des
Anglais et ne les ont pas perdus par l'émigration. »
Un combat eut lieu et deux ans plus tard (4 juillot
1776) les Américains proclamaient leur indépen-
dance. Le succès de Sarat0j?a (1777) et la prise
d'Yorktown (iT.sl) par Washington assurée par
l'alliance de la France, — dont les iioctes, bat
tues aux Antilles, étaient victorieuses aux Inde»
(1782), — amenèrent la paix de Versailles (1783).
Les États-Unis étaient libres ; on nous rendait la
Sénégal, Tabago et Pondicliéry.
10
ANGLETERRE
— 146 — ANIMAUX DOMESTIQUES
Conquête des Indes. — Au moment où l'Angle-
terre perdait un empire, elle en conquérait un
autre dans les Indes. Le départ de Dupleix et les
traités de Paris (1763j avaient livré l'Hindoustan à
la Compagnie anglaise. Fondée en 1599 par quel-
ques marchands, la Compagnie — grâce à l'habUcté
sans scrupules de Clive, qui soumit le Bengale, et
de Warren Hastings qui vainquit les Mahrattes et
le rajah de Mysore, Hayder-Ali — avait fondé le
plus vaste empire et commandait à cent millions
d'hommes. Depuis, le gouvernement s'est substi-
tué à la Compagnie; il a donné l'Indus et le dé-
troit de Malacca pour frontière à l'empire indien,
qui est en même temps le grand marché de l'in-
dustrie anglaise.
Pitt et Napoléon. — Cependant, en 17S3, le se-
cond Pitt, déjà député depuis trois années, était pre-
mier ministre à 24 ans. Uurke, en entendant son
premier discours, s'était écrié : « Ce n'est pas un
rejeton du vieil arbre. C'est le vieil arbre lui-
même. » Chef des torys, il était au pouvoir quand
éclata la révolution française. A la haine d'un An-
glais contre la France, que son père lui avait lé-
guée, Pitt ajouta la haine du tory contre les prin-
cipes nouveaux. Il fut l'âme des coalitions
européennes qu'il soutenait de ses subsides. Vaincu
à Toulon, en Hollande, à Quiberon, il vit l'Irlande
exaspérée de servitude se soulever un instant,
puis l'Egypte envahie par Bonaparte. Mais rien
ne le fléchit. D'ailleurs Nelson détruisait notre flotte
à Aboukir (1798; et bombardait Copenhague (1801).
Au plus fort du danger, rappelé en arrière par l'a-
miral Pai'ker, Nelson avait saisi sa lunette, et la
plaçant sur l'œil dont il était borgne : « Je ne vois
pas les signaux de Parker » ; et il avait continué le
combat.
En 1802, Pitt s'était retiré pour ne pas signer la
paix d'Amiens. Mais, en 1804, il reprit le ministère
et la guerre contre la France. Nelson vainquit en-
core et périt à Ti-afalgar (1805). Sur la colonne qui
lui est élevée, on a gravé ces mots, qu'il jeta pour
dernier mot d'ordre à ses marins : « L'Angleterre
attend que chacun fasse son devoir. » Pitt, malade,
ne lui survécut pas longtemps : l'indomptable mi-
nistre fut tué par la nouvelle d'Austerlitz (1805);
sa vie entière avait été consacrée à son pays : il
lui a donné Malte, le Cap et Geylan.
« Je n'ai pas besoin de nouveaux territoires, disait
Kapoléon aux Autrichiens après Ulm ; c'est du com-
merce et des vaisseaux que je veux. » Contraint à y
renoncer, après Trafalgar, il data de Berlin le dé-
cret sur le blocus continental. L'Angleterre y ré-
pondit par le bombardement de Copenhague et la
capture de la flotte danoise (1807), et par l'envoi
de Wellington en Portugal (1808). Général froid,
sans élan, mais sans faiblesse, rarement vainqueur,
jamais vaincu complètement, le duc de fer illustra
par sa résistance les lignes de Torrès Védras(1811),
vainquit aux Arapiles (1812) et livra la dernière ba-
taille delà guerre àToulouse (1814). Le 18 juin 1815,
11 commandait à Waterloo. « Quel est votre plan ?
lui demandait un officier. — Je n'en ai pas d'autre
que de tenir ici tant que je pourrai. » L'Angleterre
avait vaincu Napoléon.
Mais, le lendemràn de 'Waterloo, la dette publi-
que était de 21 milliards, les fabriques encombrées
de produits, le continent fermé par des droits pro-
tecteurs. Le peuple s'agitait pour des réformes.
En 1822 le whig Canning succéda au tory Castle-
Teagh ; il proclama le principe de non-intervention
contraire à la Sainte-Alliance et prit part à l'afl'ran-
chissement des Grecs. Après lui, l'émancipation de
l'Irlande fut votée en 18;'9, la réforme électorale
qui fixait un cens assez modéré en 1832, l'aboli-
tion des droits sur les denrées alimentaires en
1846, grâce à la loyauté du ministre Robert Peel
qui sacrifia ses idées personnelles au bien public.
De nos jours, la loi électorale a encore été ren-
due plus libérale par la diminution du cens et le
secret garanti au vote.
A l'extérieur, la politique anglaise depuis ISIS
a poursuivi un double but : étendre les débou-
chés commerciaux du pays et conserver la pré-
pondérance en Orient en maintenant le statu
que,"
l" Création de débouchés commerciaux. — L'em-
pire indien a été étendu par la conquête du Sind et
du Pendjab, par l'annexion du littoral compris
entre les bouches du Gange et le détroit de Ma-
lacca; Singapour est une sentinelle anglaise qui
garde le passage. En même temps cet empire a été
afi"ermi par la défaite des cipayes, soldats indi-
gènes armés à l'européenne, qui s'étaient révoltés
en 1857-1858, et par la substitution du gouver-
nement à l'ancienne Compagnie des Indes. En 1877.
la reine Victoria a même reçu le titre d'impéra-
trice des Indes. — En outre, l'émigration a ouvert
un monde nouveau à l'activité commerciale du
peuple. Le continent australien n'est qu'une vaste
colonie anglaise. Enfin la guerre de l'opium (1840)
et l'expédition anglo-française de 1860 ont con-
traint la Chine à ouvrir ses ports aux hommes et
aux produits de l'Occident. Le Japon a dû imiter
cet exemple (1858) et les navires anglais sont
les plus nombreux dans les mers de l'Extrême
Orient.
2" Question d'Orient. — Le seul but de la poli-
tique anglaise a été de maintenir le 5<a<u quo, contre
l'ambition de la Russie, dans la péninsule des Bal-
kans et dans l'Asie centrale.
Victorieuse malgré elle, à Navarin (1827), l'An-
gleterre a resserré le nouveau royaume de Grèce
dans d'étroites frontières (1830). D'accord avec la
Russie, elle a, sur l'initiative de Palmerston et
contre le vœu de la France, réduit Méhémct-Ali à
l'Egypte héréditaire (1840). En iSôi, l'alliance fran-
çaise lui a permis d'arrêter les progrès de la Rus-
sie ; après la prise de Sébastopol , les traités de
Paris (1856) ont garanti l'intégrité de la Turquie et
la libre navigation du Danube, neutralisé la mer
Noire et supprimé la course. Après avoir fait mo-
difier une première fois ces conventions à la con-
férence de Londres (1871), la Russie victorieuse des
Turcs à Plevna et dans les Balkans (1877-78), a
imposé aux vaincus le traité de San-Siefano, con-
firmé dans ses clauses cssendelles par la confé-
rence de Berlin. Depuis, l'Angleterre a cherché à
prendre sa revanche en occupant Chypre et lÉ-
gypte. [Paul Schâfer.]
AMMAUX DOMESTIQUES. — Zoologie, V;
Géologie, IX; Agriculture, XIII. — I. Historique.
— L'homme, en taat qu'eVe organisé, est soumis
à la loi commune des êtres organisés, qui est de
vivre « aux dépens du milieu », c'est-à-dire en
empruntant aux choses et aux êtres qui les en-
vironnent les éléments nécessaires à l'entretien
de leur existence. Il ne peut vivre qu'à la condi-
tion de consommer, pour son alimentation, les dé-
bris ou les produits d'autres ét)'es vivants, ani-
maux ou végétaux. Mais, de la supériorité de son
espèce, de la délicatesse de son organisation e*
bien plus encore, du développement, du perfec
tionnement pour ainsi dire indéfini qui le mettent
si loin des autres êtres animés, il résulte pour lu'
des conditions d'existence toutes spéciales. Tandif
que l'animal vit en prenant dans la nature le.'
choses nécessaires à sa vie, telles qu'il les trouve
l'homme est dans la nécessité de tout changer au
tour de lui, de « transformer le milieu » pour l'a-
dapter à ses besoins à lui, à s6s besoins sans cesse
croissants, de plus en plus diversifiés. Le cerf des
forêts, le bison des savanes, l'oiseau libre, pren-
nent là où ils les trouvent le feuillage des arbres,
l'herbe des prairies, les fruits sauvages aux buis-
sons, choisissant seulement ce qui convient à leur
organisation ; le loup, le tigre font leur proie d'ani-
ANIMAUX DOMESTIQUES — 147 — ANIMAUX DOMESTIQUES
maux plus faibles, vivant dans la partie de la forêt
ou de la jungle qu'ils habitent : si le gibier vient
à leur manquer, ils meurent de faim. L'homme
lui-même, à l'état de sauvagerie primitif, l'homme
tel que nous le montrent encore certaines races
arriérées en des contrées lointaines, peut subsister,
par les seules ressources de la chasse, de la pêche,
de la récolte des fruits et des racines sauvages.
Mais l'homme déjà entré dans les voies qui condui-
sent à la civilisation, s'essayant à la vie sociale, ne
pouvait se résigner à une situation aussi précaire :
son œuvre alors est de multiplier autour de lui
les êtres, animaux et plantes, aux dépens desquels
il entretient son existence; de là, dune part la cul-
ture ; de l'autre l'élevage des troupeaux, les deux
grandes industries nourricières, bases, dès l'ori-
gine, de l'organisation sociale.
Et voyez l'enchaînement : l'homme, par son intel-
ligence qu'aiguillonnait la nécessité, a transformé
autour de lui la nature sauvage ; il a fait sienne la
terre avec ses fruits, avec les animaux qu'elle
nourrit ; par contre-coup, ces conditions d'existence
modifiées le modifient lui-même, lui imposent
d'autres mœurs; il subit à son tour, et d'une façon
heureuse, la réaction d'un état de choses qu'il a
créé lui-même. Le champ fait la vie agricole; le
troupeau fait la vie pastorale : double courant que
les races antiques ont suivi, inclinant d'un côté ou
de l'autre, suivant leur génie propre, suivant les
nécessités géographiques. L'industrie pastorale
exercée exclusivement, avec la condition de dépla-
cement incessant que la multiplication des trou-
peaux impose, conduit à la vie nomade, à la vie de
la tente; elle retient longtemps l'homme dans un
étal demi-barbare, avec une organisation sociale ru-
dimentaire, par petites tribus errantes: d'un autre
côté, cette mobilité passée dans les mœurs favo-
rise les échanges, et la civilisation qui procède
d'une telle origine a souvent un caractère com-
mercial, mercantile. La culture, qui fixe l'homme,
l'attache au sol, le groupe en des demeures stables,
adoucit mieux les mœurs, conduit plus vite vers
la civilisation, et vers une civilisation meilleure,
mieux organisée en vue de la production et de l'in-
dustrie. C'est chez les peuples agricoles que se
forme la cité, que naît l'idée de patrie. Mais n'oublions
pas que l'agriculture a toujours eu pour auxiliaire
l'élevage; à l'origine, comme aujourd'hui et plus
également qu'aujourd'hui, la vie des races séden-
taires se partageait entre le travail de la terre et
le soin du bétail ; leur subsistance avait ce double
point d'appui : le champ, le troupeau. D'ailleurs le
rude labeur de la terre dut bientôt appeler le se-
cours des forces soumises du bœuf, du cheval. Il
est donc rigoureux de dire que les sociétés humaines
ne se sont formées et n'ont subsisté que grâce à
l'animal domestique, par lui. — Ceci n'est pas un
échafaudage plus ou moins ingénieux de conjec-
tures ; c'est la conclusion forcée des faits scienti-
fiques et historiques.
Reportons-nous, par la pensée, aux plus loin-
taines périodes de la vie de l'humanité, au primitif
âge de pierre, lorsque notre ancêtre, contempo-
rain des espèces perdues, de l'ours des cavernes,
du rhinocéros à narines cloisonnées et du mam-
mouth, vivait, sur ce sol même que nous foulons,
de la vie du dernier des sauvages, ayant pour tout
abri des cavernes, des trous de rocher, pour
toute arme, pour tout outil, un éclat aigu détaché
par le choc d'un bloc de silex. A cet âge de la
pierre éclatée, l'homme n'avait essayé aucune
culture, soumis aucun animal. Il subsistait de
chasse, de fruits sauvages recueillis dans la forêt.
Plus tard, l'homme a vécu avec le renne, — alors
que le climat de la région que nous habitons était
celui de la Norvège et de la Sibérie Cpériode gla-
ciaire), alors que les glaciers des Alpes descen-
daient jusqu'au Rhône. Il en faisait sa proie : rien
n'indique qu'il l'ait domestiqué. L'homme alors vi-
vait en guerre ouverte avec toute la nature ; il
n'avait rallié nul être à sa cause.
Mais de cette période à la suivante, Yâge de le
pierre polie, un grand progrès s'est accompli. Le
premier animal soumis à l'homme fut très-pro-
bablement le chien. C'était une sorte de compro-
mis, une association : l'un apportait son intelli-
gence, l'autre son instinct, son flair de bêle carnas-
sière; ils chassaient de pair, et puis partageaient
la proie. A l'époque où l'on bâtissait ces curieuses
constructions sur pilotis, ces cités lacustres, pla-
cées comme des villages Oe castors au bord des
lacs de la France, de la Suisse, de l'Itahe, c'est-à-
dire vers la fin de Vàge de la pierre polie, nous
trouvons l'homme déjà en possession de six espèces
domestiques, y compris le chien : une chèvre, un
mouton, un porc, deux variétés distinctes de
bœufs, — mais ces animaux dififéraient de nos races
actuelles. Tout d'abord ce n'avait été sans doute
qu'une simple réserve alimentaire ; puis c'était
devenu une industrie permanente, source de pro-
duits multiples et précieux. Le troupeau existait,
dès lors, contemporain des premières cultures.
A ïàge de bronze, qui suivit, nous ne voyons
qu'une conquête nouvelle à ajouter au domaine de
l'homme : mais c'est la plus noble, sinon la plus
précieuse ; le cheval, qui fut une proie au temps
de \'àge de piene, est devenu le compagnon des
labeurs et des dangers de l'homme.
On avait cru longtemps que tous nos animaux
domestiques nous étaient venus de l'Orient, ber-
ceau des premières civilisations. Vous voyez par 'ce
qui précède que cette opinion, grâce aux décou-
vertes contemporaines, ne peut plus être acceptée,
du moins sans restriction. Il était bien naturel, du
reste, que l'homme, arrivé à un certain degrâ de
développement, tirât, en chaque lieu, parti de ce
qu'il avait sous la main. Si, comme tout porte à le
croire, les races asiatiques ont devancé, en cela
comme en toute chose, les peuples occidentaux,
elles ont soumis plus tôt des espèces d'animaux
différentes, mais analogues, appartenant à leur ré-
gion. Lorsque plus tard l'immense courant d'émi-
gration déversa vers l'Occident les races supérieures
et plus avancées de l'Asie, ces populations, se mou-
vant en grandes masses, amenèrent avec elles leurs
animaux domestiques, ceux du moins qui purent
supporter la changement de climat. Ces races d'a-
nimaux importés se substituèrent en partie aux
animaux indigènes, en partie s'y mêlèrent par des
croisements et en modifièrent le type : résultat
tout semblable à celui que produisit la fusion des
populations immigrantes elles-mêmes avec les an-
ciens habitants. Depuis lors, les relations avec
l'Orient n'ont pas cessé, et l'Europe a fait par cette
voie de nouvelles acquisitions.
Les premières traditions historiques nous mon-
trent les peuples orientaux déjà en possession du
plus grand nombre de nos animaux domestiques.
A l'époque à laquelle nous permettent de remonter
les plus anciens monuments, l'antique Egypte a ses
troupeaux; elle a le chien, gardien du bétail, le
chat, défenseur du grenier, fort honoré. Le re-
cueil des poèmes religieux hindous, le Véda, — dont
certains hymnes remontent jusqu'à l'époque pro-
digieusement reculée de l'entrée des Aryas dans
l'Inde, et sont rempLisd'allusions à une époque an-
térieure encore, — nous dépeint, à cette aurore de
la brillante civilisation hindoue et persane, les
mœurs à la fois agricoles et pastorales de cette
race si merveilleusement active et féconde. Ces
peuples vivent par la vache, — ils le savent et le
disent. Toutes leurs poésies sont remplies de méta-
phores pastorale*, tirées de leurs animaux domes-
tiques: la rapidité du cheval, la vigueur du tau-
reau ; la vache, révérée, — non pas adorée, —
comme symbole vivant de a fécondité de la nature.
ANIMAUX DOMESTIQUES
148
ANIMAUX DOMESTIQUES
Les nttages sont à chaque ligne comparés à des
troupeaux de vaclies errantes par les champs
bleus du ciel, et laissant couler sur la terre leur
lait précieux, — qui est la pluie. A plus forte rai-
son encore, l'ancien Sémite, race plus purement
pastorale, fait-il du troupeau le pivot de toute son
existence individuelle et sociale : chez lui, richesse
est synonyme de bétail. — Dès les premiers temps
historiques, au témoignage du Pentateuque, du
Veda et des Lois de Manou (livres sacrés des
Indous), du Zend-Avesta (livre sacré des Perses),
et des Kings (recueil des traditions chinoises), le
chameau appartient à la Bactriane : le dromadaire,
l'âne, à l'Arabie ; la chèvre, loie à l'Egypte, l'Inde
et la Perse ; le porc, à llnde et à la Chine ; le
chat, le coq, à la Perse ; diverses races de bœufs,
le chien, le mouton, à tout l'Orient.
II. Espèces domestiques. — I! importe tout d'abord
de s'entendre sur la valeur de ces expressions :
domestique, domesticité, domestication i^du latin
domesticîis, dérivé de domus, maison). Dans leur
signification la plus large, ces mots s'appliquent
non pas à tout animal exploité par l'homme, non
plus qu'à l'animal individuellement apprivoisé,
mais seulement aux espèces qui se reproduisent
sous la domination de l'homme. En un mot,
apprivoisé s'entend de l'individu ; domestiqué, de
la race . Ainsi l'éléphant, si parfaitement apprivoi-
sé, n'est pas rigoureusement un animal domes-
tique, car, d'une manière générale, il ne se repro-
duit pas en captivité; en sorte que si l'individu
nous appartient, la race nous échappe. D'autre
part, en prenant le mot dans toute la rigueur de
la définition, on a pu admettre dans la liste des
animaux domestiques des poissons, des insectes :
l'abeille, par exemple, le ver à soie. Dans notre
commun langage cependant, nous donnons au mot
domestique un sens plus restreint : nous entendons
par ce mot que l'homme s'est emparé d'un animal
par l'intermédiaire de ses instincts modifiés, en
exerçant sur lui un certain empire pour ainsi dire
moral, plus ou moins accepté. Nous admettons dif-
ficilement que le mot domestique rende bien notre
idée, appliqué, par exemple, à un poisson que
nous nourrissons et que nous faisons se repro-
duire dans nos réservoirs ; ou bien à l'abeille qui
vit, il est vrai, près de nos demeures, et qui adopte
un abri préparé par nos soins, mais ne modifie
aucunement ses mœurs, et à qui, un beau jour,
nous dérobons son produit. Avec la nuance de si-
gnification plus étroite qui correspond le mieux
au sentiment général, la qualification de domestique
ne saurait être appliquée qu'à des espèces apparte-
nant aux deux classes supérieures des vertébrés :
mammifères et oiseaux ; les autres étant simple-
ment exploitées, non pas soumises. Réunissant les
unes et les autres dans une expression plus géné-
rale, disons qu'il y a en tout 47 espèces annexées
au domaine de l'homme, dont 34 vivent en Europe.
De ce dernier nombre, 30 nous ont été fournies par
l'Europe, l'Asie, l'Afrique septentrionale; 4 seule-
ment par toutes les autres régions. Cette liste, que
nous donnons ici telle qu'elle a été dressée par
Geoffroy Saint-Hilaire, ne s'est enrichie d'aucune
espèce nouvelle depuis plus de trois siècles. Nous
ajoutons à cette nomenclature quelques indications
d'origine ; pour les détails relatifs à chaque espèce,
il faut se reporter au nom de l'animal. Nous marquons
d'un astérisque les espèces qui ne sont pas acclima-
tées en Europe.
Mammifères
Cahrivoees :
Chien. } (Époque préhistorique. — Tout
j l'ancien monde.)
^*^'; (Perse.)
Furet
ROMGEDRS :
Lapin
Cobaye ou cochon dinde.
(Époqu: romaine.)
FoHcms
Cochon ,
JlMEKTLS
Cheval
Ane
* Chameau. . .
' Dromadaire.
* Lama
* Alpaca
Benne
Chèvre
Mouton
Bcmf (bas taurus)
Buffle
* Zébu (bos Indicus). . .
* Yack \bos gruniens).
* Gayal (^bos gavœus)..
* Arni {bos Amee)
(Époque préhistorique. — As e.)
l (Europe de l'âge de bronze. —
I Asip.)
(Arabie, Egypte.)
(Bactriane.)
(Arabie.)
(Amérique méridionale.)
(Idem.)
l (Régions septentrionales de l'an-
i cien monde.)
\ (Europe préhistorique. — Asie,
( Egypte.)
{Idem.)
(Epoque préhistorique.-Orient )
(Asie.)
(Inde, Asie.^
(Asie orientale. — Demi-saunage,)
(Asie. — Demi-sauTaee.)
(Asie.) ^ '
Oiseaux
F^ssEaEAcx :
Introduits Ters le
o . ) (Canaries. —
'^^'•"» I XVI- siècle.)
Gallinacés et Colohbidés :
Coq et Poule (Inde.Perse et régions ■voisines.)
r,- j „ * (Amérique. — Introduit vers
'C""^o« i 1330)
!(Asie Mineure. — Importé en
Grèce lors de l'oxpédition des
Argonautes, suivit la tradi-
tion.)
Faisan à collier (Asie moyenne.)
Faisan doré (Chine.)
Faisan argenté [L^em.)
Paon (Inde. — Expédition d'Alexandre)
Pintade (Antiquité grecque.)
Pigeon
Tourterelle
Palmipèdes :
/^,^, ../,«,«„„.., i (Inde. — Domestication, en
Oie commune | ^ ^^^^^^ ^^ j^^ Romains.)
Oie de Guinée (Afrique.)
Oie du Canada
Canard commun (Epoque romaine.^
Canard musqué (Amérique méridionale.)
( (Peut-être domestiqué chez les
Romains. — Leur faveur date
I chez nous du xvi' siècle.)
Cygne [Cygnus olor-).
Poissons
Carpe
Cyprin doré de la Chine.
Insectes
Abeille ordinaire..
Abeille ligurienne.
Abeille à bandes..
Ver à soie
(Espèces très-Toisines. — Grecs
et Romains.)
» (CJiine. — Haute antiquité. Im-
l porté parla Grèce et Con-
stantinople. i" siècle.)
Bombyx du ricin
Bombyx de l'ailante
Cochenille du nopal
Dans l'ordre d'idées qu'indiquent les derniers
noms de cette série, il conviendrait d'y rattacher
deux mollusques : Y huître, cultivée dès le temps
des Romains ; la moule, cultivée de môme depuis
1600 (Ostréiculture et Mytiliculture); peut-être
quelques autres espèces encore ; mais insister se-
rait s'écarter singulièrement de notre sujet, aussi
bien que de l'acception première du mot domestique.
Un coup d'œil jeté sur ce catalogue montre que
nos animaux domestiques proprement dits sont
très-inégalement empruntés aux divers ordres des
deux classes supérieures ; l'ordre des Ruminarits,
par le groupe des ruminants à cornes,no\is fournit
les plus nombr'^ux et les plus précieux : le bœuf et
la vache, le mouton, la chèvre. Ces hon?iêtes bêtes,
comme disait Toussenel, ce sont par excellence
« nos bêtes », à nous. On dirait qu'elles ont été
faites tout exprès pour être exploitées par nous,
ANIMAUX DOMESTIQUES — 149 — ANIMAUX DOMESTIQUES
tant elles abdiquent volontiers leur personnalité.
C'est ce que le paysan appelle « ses bestiaux ».
Au second rang viennent les ordres des Jumentcs
et des Carnivores. De même les ordres des Galli-
nacés et des Palmipèdes nous fournissent presque
exclusivement nos oiseaux domestiques, et nous en
fourniraient encore de nouveaux, si nous y tenions.
m. BCT ET PROCÉDÉS DE Lk DOMESTICATION. — En
prenant le soin de soumettre, d'entretenir et de
perpétuer sous sa domination des espèces aussi
différentes, l'homme s'est proposé des buts égale-
ment divers.
1° L'animal lui-même est considéré comme une
réserve alimentaire (animaux de boucherie). Ce fut
là sans doute, avons-nous dit, le but immédiat et
premier de la domestication. Observons à cette
occasion qu'en outre des animaux que nous élevons
en vue de la consommation, d'autres espèces en-
core pourraient être utilisées par nous dans ce
sens : le cheval, et l'âne, notamment, dont la
viande forme une nourriture agréable, et plus
saine certainement que celle du porc. D'un autre
côté, nous voyons aussi tirer parti pour l'ahmenta-
tion, suivant les temps, les lieux, les états sociaux
divers, d'espèces domestiques qui pour une raison
ou une autre n'entrent pas chez nous dans la
consommation. En Orient, en outre du cheval, de
l'âne, on mange le chameau et le dromadaire ; dans
l'Amérique du sud, le lama et l'alpaca ; dans la
régions septentrionales, le renne : tous animaux
utilisés d'ailleurs comme bêtes de somme. Chez les
insulaires des mers du Sud, comme chez nos aïeux
de l'âge de pierre, le chien domestique est un
animal de boucherie.
2» En seconde ligne il faut mettre les produits
empruntés à l'animal domestique et utilisés pour
l'alimentation : le laitage, la grande ressource des
peuples pasteurs. En France, la vache, la chèvre,
en certaines localités la brebis et accidentelle-
ment l'ànesse nous fournissent du lait. Les Arabes
traient, en outre, les juments et les chamelles ; le
lait du lama, de l'alpaca, du renne est aussi uti-
lisé. Les œufs des oiseaux domestiques, objet de
consommation d'une grande importance, peuvent
être assimilés à ce point de vue au lait des mam-
mifères.
3° Les produits non alimentaires, utilisés pour le
vêtement et pour diverses industries : le poil, la
peau, la corne, l'os, la plume et le duvet. Dès l'o-
rigine certains de ces produits ont pour l'homme
une importance majeure; le troupeau qui le nour-
rit, vêt aussi le pasteur. Le poil, surtout dans les
espèces à laine, doit être considéré comme pro-
duit principal, la consommation de la viande ne
venant qu'en seconde ligne. Ainsi le mouton est
élevé autant au moins pour sa laine que pour sa
viande. Le poil de notre chèvre vulgaire ne peut
être utilisé que pour la fabrication d'étoffes très-
grossières ; mais c'est la chèvre du Tibet, aux oreilles
pendantes, au poil fin et doux, qui fournit les laines
précieuses dont sont fabriqués les splendides cache-
mires des Indes ; la chèvre d'Angora fournit une
laine supérieure aux plus beaux mérinos. Les Ara-
bes tissent le poil du chameau; le poil du lama et
de l'alpaca, animaux appartenant au même groupe
que le chameau, entrent depuis longtemps dans
notre fabrication européenne, mélangés avec nos
laines de moutons. Nous rappellerons seulement
en passant l'importance industrielle de la soie, en
Chine depuis des temps immémoriaux, en Occi-
dent depuis le xv" siècle.
4°En d'autres circonstances, c'est surtout le sr>cours
de sa force musculaire que l'homme, trop faible, em-
prunte à l'animal : de là la bête de labour, la bête de
somme et de trait, la monture. En outre du bu?uf,
du buffle, du cheval, de l'âne, du chameau et du
dromadaire, il faut citer encore le lama et l'alpaca,
le renne, le chien, utilisés comme bêtes de somme
et do trait en diverses régions; l'éléphant, avons-
nous dit, n'est pas à proprement parler une espèce
domestique. Ce n'est pas de la force mécanique
pure, de la force aveugle et brutale, telle que peut
la fournir une simple machine, que nous deman-
dons à l'animal; c'est le concours d'une force diri-
gée par une certaine somme d'intelligence et par
un instinct soumis. Le cheval, par exemple, doit
comprendre l'intention de son cavalier, s'y con-
former, l'accomplir par un acte volontaire de son
intelligence et avec une part d'initiative propor-
tionnée. C'est donc par l'instinct et l'intelligence
que nous avons prise sur la force de l'animal ; et
c'est justement par la somme d'intelligence et
d'instinct qui s'y associe que cette force nous de-
vient précieuse, supérieure en valeur à la force
motrice pure et simple de la machine, et applicable
à des fonctions auxquelles celle-ci ne suffirait pas.
5° D'autres fois c'est l'intervention de cette intel-
ligence même et de cet instinct que nous appelons à
notre secours, bien plus que la force musculaire : il
suffira de rappeler ici le rôle du chieti de chasse et
du diien de berger pour faire comprendre de
quelles sortes de services il s'agit ici. Mais le
chien n'est pas le seul animal qui puisse nous en
rendre de tels. Chez nous, à notre époque de civi-
lisation avancée où la chasse est un simple exer-
cice de luxe, la fauconnerie est un art perdu ; et
la cynégétique (éducation et emploi du chien de
chassej est en voie de décadence. Etant donnés
notre temps, nos mœurs, cela nest pas à regret-
ter ; mais il fut un temps, il est encore des pays
où l'emploi du chien comme auxiliaire du chas-
seur était et est chose réellement importante.
Dans l'ordre d'idées auquel nous ramène le chieji de
berger, il faut citer, ne serait-ce que pour le pitto-
resque, les services rendus par Yagami, oiseau
cchassier de la taille d'une cigogne. En Guyane on
confie à l'instinct de cet animal la garde non-seule-
ment d'une troupe d'oies nombreuse, mais celle
d'un troupeau de mouton. Ce singulier berger ac-
complit sa fonction avec un zèle et Qn sérieux
étonnants : il conduit « ses bêtes » aux champs, les
fait paître au lieu désigné, les empêche de s'écar-
ter, les mène à l'abreuvoir, et le soir venu, les ra-
mène à retable ; dans la basse-cour, il fait la police,
mettant le bon ordre parmi la gent querelleuse, sé-
parant les combattants, et distribuant la nourriture
avec impartialité.
6° Un certain nombre d'animaux domestiques
sont élevés en vue du simple agrément, à titre
d'ornement de nos demeures, pour la satisfaction
de ce besoin du beau qui est en nous (le cygne, le
paon). Quant aux oiseaux chanteurs dont la voix
nous égaie, une seule espèce, avons-nous dit (le
serin), est réellement domestique chez nous, et se
reproduit régulièrement en captivité. Enfin il n'est
pas jusqu'aux besoins moraux qui ne trouvent
quelque satisfaction dans nos rapports avec les ani-
maux qui vivent près de nous ; le chien surtout est
plus souvent chez nous un ami, un compagnon
qu'an serviteur : c'est une distraction, presque une
conversation.
Observons encore, pour conclure, qiie la plupart
des espèces domestiques, et des plus importantes,
réunissent divers ordres d'utilité ; ainsi le bœuf est
élevé concurremment pour le travail et pour l'ali-
mentation, le mouton pour la viande, le lait et la
laine ; exemples qu'il serait inutile de multiplier.
Quant aux voies et procédés de domestication,
ils sont peu variés en principe. On cherche à s'em-
parer de l'individu, à l'apprivoiser, à l'habituer à
son existence nouvelle par une combinaison ha-
bile de moyens de contrainte et de douceur. Nous
n'avons pas à exposer ici en détail les procédés de
l'art du dompteur et du dresseur ; en somme, il
s'agit de produire l'habitude par une gradation plus
ou moins ménagée, d'imposer à l'animal l'empire de
ANIMAUX DOMESTIQUES
130 — ANIMAUX DOMESTIQUES
notre volonté par une certaine crainte, surtout de
tourner au profit de l'œuvre qu'on se propose ses
instincts et la satisfaction donnée à ses besoins.
Un Jouple de l'espèce étant apprivoisé, on tente
d'obtenir la reproduction. 11 faut souvent plusieurs
générations successives avant que les instincts
sauvages de l'espèce soient assez modifiés pour
qu'on puisse regarder la conquête comme achevée.
Quant à la première capture, on peut s'emparer
de l'animal adulte, en vue de le dompter et de
l'apprivoiser, chose toujours plus difficile ; ou, ce qui
vaut beaucoup mieux, prendre des jeunes et les
élever. Pour les oiseaux, on peut encore faire cou-
ver des œufs de l'espèce qu'on veut domestiquer
par une espèce déjà domestique ; ce procédé très-
simple nous fournira, quand nous le voudrons, de
nouvelles volailles. Dans tous les cas il convient
de nuancer la transition de la condition sauvage à
l'état domestique, en imitant d'abord autant que
possible le régime naturel, ne le modifiant que
graduellement ; enfin de se conformer, dans les
fonctions réservées à l'animal et dans toute son
éducation, à la pente naturelle de ses instincts,
afin de les avoir non pour ennemis, mais pour
alliés, non pour obstacles, mais pour moyens.
IV. Conditions de la domestication en général.
— On considère comme favorables à la domestica-
tion d'une espèce trois conditions :
1* Le régime herbivore ou frugivore ;
2" La précocité des jeunes ;
3° La sociabilité à l'état sauvage.
Les deux premières conditions constituent sur-
tout des facilités pour l'homme h l'égard de 1 en-
tretien de l'individu et de l'espèce. Remarquons à
ce propos que les deux espèces carnivores, le
«hien et le chat, sont devenues, sous la domination
de l'homme plus ou moins oinnivores : et ce seul
fait les a rapprochés de nous, en leur permettant
de partager plus complètement notre régime, notre
existence domestique.
Quant à la sociabilité, les espèces qui vivent par
troupes à l'état de nature transforment volon-
tiers, en les tournant vers l'homme, ces instincts
affectueux qui taisaient le lien de leurs sociétés
entre égaux ; il est plus facile de modifier de tels
sentiments que d'en faire naître d'analogues chez
les espèces qui vivent à l'état isolé. Ainsi est-il
remarquable que le chien est une des rares es-
pèces carnivores qui vivent par troupes à l'état
de liberté. Quant au degré (ïintclUgcnce, on peut
dire que Vintelligence générale, ombre de celle de
l'homme chez l'animal, nous donne prise sur celui-ci,
et constitue une circonstance favorable ; tandis
que les instincts très spéciaux, tels par exemple
que l'instinct de construction du castor, nous
créeraient des difficultés.
Effets de la domestication sur les races sou-
mises A l'homme. — Une espèce animale étant
donnée, vivant dans un milieu déterminé et d'un
certain genre de vie, si les conditions de son exis-
tence viennent à changer, il arrivera de deux
choses l'une : ou bien l'espèce, par un travail or-
ganique lent et inconscient, se modifiera dans une
certaine mesure, pour s'adapter à, ces nouvelles
conditions d'existence ; ou bien, si son organisation
manque d'une certaine flexibilité qui lui permet-
trait cette évolution, elle périra. La domestication
est un cas particulier dans la loi générale. Pour
une race réduite en domesticité, tout est changé
dans les conditions de vie : le milieu, les habi-
tudes, le régime ; il en résulte des modifications
d'ordres très divers, et qu'il est fort intéressant
d'observer. Tout d'abord c'est l'instinct qui est
atteint par les changemenis imposés aux habi-
tudes ; et par l'intermédiaire de l'instinct, les
mœurs se modifient; enfin l'organisme par suite
des mœurs. L'animal domestiqué se sent protégé
sistance, il perd les instincts de recherche inquiète
des aliments, avec tout ce qui s'y rattache : la
disposition hagarde et hostile chez la bète de
proie, la férocité, effets de la sollicitation sans
cesse renouvelée des besoins : c'est la faim qui
fait la bête féroce. Soustrait au péril, il perd
plus ou moins ses instincts de défense, de
vigilance, que les hasards de la vie sauvage su-
rexcitaient et tenaient en éveil ; et avec cela cer-
taine tendance rusée et défiante, naturelle au
faible menacé. Par les mêmes raisons s'oblitèrent
chez l'animal domestiqué les instincts particuliers
à chaque espèce, et qui ne sont en réalité que des
formes diversifiées de ces instincts généraux : pré-
voyance, réserve alimentaire, ruses spéciales d'at-
taque ou de défense, habitudes nocturnes. L'en-
semble du caractère de l'animal se modifie donc,
plus ou moins suivant les espèces, et dans le sens
de mœurs plus douces, et d'une existence plus
paisible et plus régulière. Et comme l'organisme
doit toujours s'adapter aux habitudes et aux be-
soins, il en résulte secondairement des transfor-
mations organiques plus ou moins profondes.
Ainsi par le seul fait de la domesticité, abstrac-
tion faite de toute autre cause, on remarque chez
les mammifères l'alourdissement des formes, l'a-
doucissement du poil, la perte ou la diminution
des armes naturelles, telles que les cornes ; les
oreilles pendantes sont aussi un caractère des
races très modifiées par la domesticité : consé-
quence de l'oblitération des instincts de défiance
qui font dresser l'oreille à l'animal timide toujours
prêt à la fuite. Chez les oiseaux, c'est l'alourdisse-
ment du vol, avec la mollesse des muscles moteurs
des ailes. Chez presque tous les animaux la pé-
riodicité dans les fonctions reproductives et dans
l'éveil donné aux instincts divers qui s'y rattachent,
est plus ou moins dérangée, parfo's totalement
abolie sous l'influence de la domesticité. La fécon-
dité est parfois diminuée, souvent augmentée :
la production du lait est considérablement prolon-
gée, chez certaines femelles, par le fait de la traite,
et devient non plus une fonction périodique, en
relation avec les besoins du petit, mais une fonc-
tion pour ainsi dire permanente. — En outre de ces
conséquences du changement des conditions géné-
rales de l'existence, il y a les modifications plus
spécialement voulues, imposées par l'homme. C'est
tout d'abord le développement et la spécialisation
de certains instincts ou de certaines facultés par
lesquelles tel animal nous est plus particulièrement
utile (dressage, éducation du chien de chasse, etc.\
ce sont les modifications des formes de l'animal
suivant nos besoins ou nos caprices : le dévelop-
pement musculaire, par exemple, chez l'animal
auxihaire du travail : tendances acquises, modifi-
cations subies par l'individu, et qui sont suscepti-
bles de se transmettre, dans certaines limites,
par voie de génération, de manière à affecter la race
même. Mais un moyen plus puissant que la simple
éducation est à notre portée. A la sélection 7iatu-
relle, au choix instinctif dans l'association repro-
ductive de la race se substitue un choix artificiel
des reproducteurs; par cette voie de sélection
systématique et de croisements, l'homme peut
modifier très-profondément — sans toutefois fran-
chir les limites tenant aux caractères mêmes de
l'espèce — et pour ainsi dire à son gré tout ce qui
constitue l'animal : instincts, intelligence, aptitudes
à tel mode d'éducation ou à telle fonction donnée ;
forme, proportions, taille, qualité du poil, couleurs
de la robe, armes naturelles. Les éleveurs le savent
fort bien, et en tirent grand parti ; ils moident
pour ainsi dire à leur gré une race de bétail. Le
caractère le plus frappant des races asservies par
l'homme est justement cette grande variabilité.
En ce qui touche la taille, la couleur de la robe ou
et nourri par l'homme : avec le souci de sa sub- J du plumage, la qualité du poil, cette variabilité
ANIMAUX DOMESTIQUES — loi — ANIMAUX NUISIBLES.
est extrême. Le savant Darwin a pu obtenir des
variétés indéfiniment multipliées de pigeons, s'éloi-
gnant en sens diveygents du type premier, et qui
finissaiert par devenir tellement différentes entre
elles qu'à l'œil on eût cru voir des oiseaux d'es-
pèces tout à fait distinctes. — Mais quoi ? vous avez
sous les yeux l'exemple extrôme de la variabilité
des races domestiques. Tout le monde reconnaît
un chien, n'est-ce pas ? personne ne le confond
avec un loup ou un renard, espèces voisines.
Eh bien, voulez-vous me faire la description d'un
chien, dire ce qui caractérise et distingue l'espèce?
Cherchez bien. — Tout à coup, vous pensez au
dogue énorme et au minuscule carlin, au mince
et haut lévrier à poil ras, au massif bouledogue,
au terrier bas sur pattes, au caniche laineux...
Apercevez-vous un caractère qui soit commun à
tous, et n'appartienne pas aux espèces voisines du
loup et du renard ?
Les naturalistes ne sont pas moins embarrassés
que vous ; et savez-vous ce qu'ils ont trouvé? J'ose
à peine vous le dire, de peur d'avoir l'air de man-
quer de sérieux... la queue portée en trompette ! —
Mais trouvez donc autre chose, je vous prie! — Je
sais bien que l'origine de nos chiens domestiques
doit être attribuée à plusieurs variétés sauvages
distinctes ; mais la part faite à cette cause, il reste
encore énormément à rapporter à l'influence de la
domestication. Remarquons enfin que dans beau-
coup de cas la domestication s'est compliquée des
difficultés de V acclimatation *, cause spéciale de
modificaiion et de dégénérescence, iy . Ane, Che-
val.)
Il y a des degrés dans la domesticité. Ainsi
certaines races de bestiaux qui vivent par grands
troupeaux errants dans les steppes touraniennes
sont réellement à demi-sauvages ; ou peut citer
dans le même ordre d'idées les buffles à demi
domptés utilisés en Italie, les chevaux errants de
la Camargue. Abandonnées à elles-mêmes, rendues
à la liberté, les races domestiques retournent h la
vie sauvage : les animaux qui subissent cette
évolution régressive, ce retour plus ou moins com-
plet à l'état primitif, sont dits marrons. Tels sont
les chevaux libres des plaines de l'Amérique du
Sud, importés domestiques de l'Europe, sur un
continent où l'espèce n'existait pas, abandonnés,
revenus à la vie errante des prairies, et désormais
naturalisés à l'état sauvage; tels sont les c'dtns
marrons qui vivent par troupes en certaines ré-
gions du même continent et de l'Afrique. A l'au-
tre extrémité de la série nous voyons des espèces
tellement modifiées par l'esclavage qu'elles ne
semblent plus capables de subsister sans la pro-
tection humaine : tels nos moutons, bonnes bêtes
douces et stupides, incapables de se défendre, et
qui ont maintenant plus besoin de nous que nous
n'avons besoin d'eux. Plus transformés encore sont
le chat et le chien, qui vivant dans nos demeures
urbaines, tout près de nous, partageant notre ré-
gime et se pliant à nos habitudes, reflètent je ne
sais comment en leurs mœurs et leur physioromie
quelque chose des mœurs et du caractère même de
leurs maîtres, et nous offrant le curieux spectacle
d' « animaux civilisés. »
'V. Progrès a faire dans la domestication. — Il
nous reste d'importants progrès à accomplir dans
l'œuvre de la domesticaiion : conquérir de nou-
velles espèces, améliorer celles que nous possédons
déjà. Les espèces nouvelles que la science propose
d'acquérir sont surtout des espèces étrangères,
encore sauvages ou déjà domestiquées en d'autres
régions : quoi qu'il en soit, la question d'acclimata-
tion prime et domine ici la question de domestica-
tion. Les plus importantes acquisitions seraient
celles de la chèvre du Tibet, du lama, de la vigogne,
du tapir (animal de boucherie); peut-être, poiir le
midi de la France, du cAawieau;' pour l'Algérie du
casoar ou du nandou, sinon de l'autruche, à demi
domestiquée déjà vers le Cap. Parmi les espèces
indigènes deux surtout mériteraient notre atten-
tion : la loutre, qui, quand nous le voudrons, nous
donnera, comme dit Toussenel, l'équivalent pré-
cieux d'un chie7i de pêche qui nous manque; la
cigogne, à laquelle on pourrait sans doute deman-
der quelque chose de semblable aux services que
rend l'agami.
Au point de vue de la production de la force
motrice, il est une importante remarque sur
laquelle nous devons revenir et insister. En
domestiquant le bœuf, le cheval, l'âne, l'homme a
surtout eu pour but de se décharger sur un être
inférieur d'un travail pénible ; quand le cheval,
l'âne, tournèrent la meule à la place de la femme
ou de l'esclave, puisèrent l'eau d'arrosement à
l'aide d'une noria, etc., ce fut un grand progrès.
Puis le génie humain s'adressa aux forces brutes
de la nature, et ce fut l'eau, ce fut le vent, enfin le
feu, qui fournirent la dépense de force nécessaire
à la mise en mouvement des outils du travail, et
l'animal, à son tour, fut déchargé d'autant. De plus
en plus celui-ci perd de son importance en tant que
simple moteur: de plus en plus il doit être réservé
pour les travaux dans lesquels l'intervention de
son intelligence et de son instinct sont une néces-
sité et par conséquent constituent tme valeur. En
somme, avec le progrès (Je l'industrie, l'avenir de-
mandera de moins en moins à l'animal sous le
rapport matériel (la question de l'alimentation et
des produits secondaires étantréservée),de plus en
plus elle devra demander sous le rapport de l'in
telligence et de l'instinct ; le serviteur de l'homme
sera de moins en moins sa machine, de plus en
plus son compagnon. La conclusion est donc que
nous devons tenter de perfectionner l'animal auxi-
liaire surtout au point de vue de l'instinct et de
l'intelligence, afin de pouvoir lui confier certaines
fonctions inférieures du travail qui pèsent encore
sur l'homme, tandis que ses fonctions inférieures
actuelles, à lui animal, ses fonctions purement
mécaniques tomberont dans le domaine de la ma-
chine. Or, sous ce rapport, nous sommes bien loin
de ce qui pourrait être obtenu. Nous savons tout ce
qu'on parvient à faire exécuter, par exemple, à
des chiens savaids, qui jouent aux cartes, au da-
mier, etc. Quoiqu'une telle éducation, anormale
en ce qu'elle procède sans tenir aucun compte des
tendances naturelles de l'être ou plutôt justement
en opposition avec elles, soit une véritable dévia-
tion, quelque vains que soient de pareils résultats,
ces faits du moins etd'autressemblables ont pour
avantage de nous faire pressentir ce qu'il serait
possible d'obtenir de l'intelligence de l'animal au
moyen d'un système rationnel d'éducation dirigé
vers un but utile. Qui sait, pour finir par une visée
lointaine qui n'est peut-être pas une utopie, qui
sait quels services l'homme pourrait attendre, dans
l'avenir, d'un animal supérieur tel qu'un singe an-
thropomorphe, que je suppose rendu domestique,
très-développé dans son intelligence et profondé-
ment modifié dans ses instincts par une éducation
et une sélection scientifiquement conduites pen-
dant une assez longue série de générations suc-
cessives ? I C. Delon.]
AM.UAUX NUISIBLES. — Zoologie, V; Agri-
culture, XXI. — Il n'y a rien d'absolu dans la
définition de ces mots animaux nuisibles, ani-
maux utiles, qui ne doivent être pris que dans le
sens d'une plus grande somme ou de méfaits ou
de scr\'iccs et qui ont souvent une signification
locale. Les exemples vulgaires, pris dans tous les
groupes d'animaux, expliqueront parfaitement cetts
pensée. Certains gibiers nous offrent des ospèces
utiles pour l'alimentation, comme les antilopes,
si abondantes dans l'Afrique australe, les cerfs et
les chevreuils de nos bois, les lapins de garenne,
ANIMAUX NUISIBLES
152
ANIMAUX UTILES
les faisans, les perdrix, etc., et ces mêmes espè-
ces peuvent devenir nuisibles aux cultures de
céréales et de fourrages artificiels, aussi bien
qu'aux forêts ; leurs dégâts doinient assez fré-
quemment lieu à des procès en indemnité. Le
crapaud, ce batracien si utile pour détruire les
insectes et qu'il est bon d'introduire dans les
jardins, est un ennemi des ruches en dévorant le soir
les abeilles qui reviennent au logis gorgées de nec-
tar ou chargées de pollen. Les oiseaux rapaces de
grande taille, destructeurs acharnés de gibier et
de jeunes volailles, nous rendent des services en
dévorant des mulots et autres rongeurs funestes. Les
cantharides, insectes que recherche la pharmacie
pour leurs propriétés vésicantes, peuvent dépouiller
de leur feuilles les cimes des frênes et les lilas.
C'est aux circonstances spéciales dans lesquelles
on se trouve placé qu'il faut demander conseil
pour diminuer l'expansion de certaines espèces,
ou, au contraire, les entourer de la protection la
plus efficace.
Une revue rapide nous permettra d'indiquer les
groupes zoologiques où se trouvent nos ennemis les
plus habituels ; c'est dans les articles consacrés
à ces groupes qu'il faudra chercher les renseigne-
ments qui ne peuvent trouver place dans un ar-
ticle général.
Parmi les mammifères il faut citer les carni-
vores * (fouine, loup, renard, etc. ', les rongeurs *
(écureuil, rats, mulots, etc.) ; le sanglier parmi les
porcins *. Les oiseaux, si utiles en général, ont
pour nous quelques ennemis, parmi les rapaces *
de grande taille et presque exclusivement les diur-
nes, les colombidés dans les gallinacés *, les pal-
mipèdes * piscivores. Parmi les reptiles * nous ne de-
vons détruire que les serpents venimeux (ophidiens).
C'est dans la classe des insectes * que se rangent
nos plus terribles adversaires, et les ravages de
certains d'entre eux, qualifiés de fléaux par la Bible,
prennent rang au nombre des calamités publiques.
L'ordre des coléoptères * nous offre les dermestes,
destructeurs des matières animales sèches préparées
par l'industrie humaine, les vrillettes qui rongent
nos bois ouvrés, certains lamellicornes, comme
les hannetons, les charansons (calandre du blé),
les longicornes et leschrysoméliens^dor3fphore des
pommes de terre, eumolpe de la vigne, colaspe des
luzernes, etc.), ces quatre groupes attaquant dans
tous leurs organes les végétaux vivants. Les or-
thoptères, ces gros mangeurs de la création ento-
mologique, ont les funestes blattes qui infestent
les maisons, la courtilière si nuisible aux jardins, et
ces terribles criquets voyageurs, improprement
nommés sauterelles, dont les dévastations ont
souvent amené à leur suite la famine et la peste.
Les termites appartiennent aux névroptères-pseu-
dorthoptères. Parmi les hyinénojjtères nous avons
à redouter les guêpes, certaines fourmis, et beau-
coup d'espèces de tenthrèdes. L'ordre aux riches
couleurs des lépidoptères ou papilloiis * contient
de nombreux ennemis de nos cultures dans le pre-
mier état, celui de chenilles. Ce sont surtout les hé-
térocères (vulgairement et à tort nommes papillons
de nuit) qui nous sont nuisibles par certains bom-
bj'ces et noctuelles, et principalement par ces petites
espèces nommées microlépidoptères, les pyrales
et les teignes (pyrale de la vigne, alucite du blé,
galléries de la cire, teignes des maisons^ Dans les
hémiptères hétéroptères, nous trouvons la punaise
des lits et certaines punaises (pentatomes, tin gis)
fort nuisibles à divers végétaux. Les hémiptères
homoptères nous offrent des ennemis bien plus
sérieux dans leurs groupes dégradés, les psylles,
les-/i)ucerons, le phylloxéra, les cochenilles (sens
général) ou cocciens. Puis vient le groupe funeste
des thrips. Parmi les diptères, ou mouches à deux
ailos, les uns tourmentent beanroup l'homme et
ses animaux dômes; iques: tels sont les cousins, les
moustiques, les taons, les œstres, certaines mou-
ches proprement dites; d'autres sont fort nuisibles-
aux céréales et aux cultures potagères, ainsi le»
tipulcs, les cécidomyies, les chlorops, les an-
thomyies, etc. Les articulés épizoïques, vivant sur
les animaux, comprennent des insectes dégradés,
les puces, 1 s poux, les ricins et, en partie, l'ordre
des acariens, de la classe des arachnides, ordre qui
compte aussi des espèces hostiles aux jardins, les
tétranyques ou acariens tisserands.
Dans le sous-embranchement des vers *, le»
helminthes ou entozoaires nous intéressent à un
haut degré par les graves affections dont ils peu-
vent être la cause pour l'homme et ses animaux
domestiques.
Aux mollusques * se rapportent les espèces-
phytophages, souvent si nuisibles, des gastéropo-
des pulmonés, connus sous les noms vulgaires de
limaces et d'escargots ou colimaçons, et, parmi les-
mollusques acéphales, les tarets se rangent au
nombre des redoutables ennemis des vaisseaux et
des digues. [Maurice Girard.]
AISIMAUX UTILES. — Zoologie, V. — IVous
pouvons diviser les animaux qui nous rendent des^
services en auxiliaires, alimentaires et industriels.
1° Animaux auxiliaires. — Ce sont ceux qui aident
directement ou indirectement l'homme dans cette
lutte continuelle pour l'existence à laquelle le roi de
la création est condamné, et dont il ne sort vainqueur
que par un travail incessant. Les uns nous offrent
le concours de leur force musculaire et de leur in-
telligence; tels sont les animaux domestiques* et
certains animaux apprivoisés comme l'éléphant
dans les Indes Orientales, les rapaces nobles (fau-
connerie), le guépard, félin servant en Perse à la
chasse. D'autres sont des protecteurs de nos ctil-
tures, de nos industries, des agents de conserva-
tion de nos animaux domestiques ou de nos gibiers;
ce sont les destructeurs des espèces nuisibles.
Ainsi les chauves-souris et les insectivores dans les
mammifères et un nomb-re considérable d'oiseaux.
Dans cette classe on peut dire que tout l'ordre des
passereaux, qui comprend avec les grimpeurs la
grande majorité des oiseaux, nous est utile au prin-
temps, alors que les nichées sont alimentées d'in-
sectes, nouri'iture azotée nécessaire au rapide dé-
veloppement des petits ; on ne doit h. cette époque
détruire aucun de ces oiseaux, il faut interdire sé-
vèrement le dénichage; en automne, certaines es-
pèces causent des dégâts en dévorant les fruits et Ica
graines, et leur chasse au fusil ou par divers en-
gins, peut alors être autorisée selon les localités.
Joignons à ces auxiliaires les petits rapaces diurnes
et presque tous les rapaces nocturnes. Tous les
reptiles sont utiles, ;\ l'exception des serpents veni-
meux, des tortues et des serpents non venimeux,
ces deux derniers groupes étant, en grande partie,
au nombre des animaux indifférents, dont la con-
servation s'impose toxitefois à tous les hommes
d'intelligence à raison des harmonies naturelles que
nous devons respecter. Tous les batraciens sont
d'utiles insectivores.
Les insectes nous offrent de nombreux auxiliaires,
carnassiers d'insectes nuisibles. Tels sont, dans les
coléoptères, les tribus des carabiens et des sil-
phiens, les staphylins, les lampjres ou vers-lui-
sants, les téléphores, les malachics, les coccinelles,
qui dévorent les pucerons. Aux orthoptères appar-
tiennent les mantes, carnassiers d'insectes vivants,
aux névroptères-pseudorthoptères les libellules, aux
névroptères propres les panorpes, les fourmilions,
les chrysopes et les hémérobes, mangeurs de puce-
rons et de cochenilles. Parmi les hyménoptères les
gu;"pcs solitaires et les fouisseurs nous rendent des
services en enfouissant dans leurs nids des espèces
qui serviront de proie à leurs larves; certains hé-
miptères sont des carnassiers d'insectes, ainsi que
divers groupes de diptères (asiles, volucelles,
ANNEE
— ib'à —
ANNÉE
syrphes), et d'autres diptères (mouches des cada-
vres, mouches stercoraires) contribuent puissam-
ment à la salubrité atmosphérique. Quelques
myriapodes et les arachnides, sauf les acariens,
comptent parmi les carnassiers auxiliaires.
2° Anhyiaiix alimentaires. — Une grande partie
de nos animaux domestiques, les gibiers à poils et
à plumes, enfin un très grand nombre des poissons
de mer et des eaux douces servent h notre alimen-
tation. Parmi les articulés il faut compter certains
crustacés décapodes (écrevisse, homard, langoustp,
crevette), les escargots dans les mollusques gasté-
ropodes, les huîtres et les moules et quelques
autres espèces moins importantes dans les mollus-
ques acéphales, enfin quelques rayonnes (holothu-
ries, oursins).
3° Animaux industriels. — On peut réunir sous
ce nom tous ceux dont nous retirons des produits
variés, provenant de diverses sécrétions ou de la
peau, des poils, des plumes, des cornes, des sa-
bots, des viscères internes, etc. Tels sont tous les
animaux domestiques, certains animaux apprivoisés
ou captifs, comme la civette pour son musc, des gi-
biers ou des animaux sauvages, souvent nuisibles,
recherchés pour leurs fourrures ou leurs pluma-
ges, etc. Parmi les insectes se rangent, à ce point
de vue, les abeilles, les mélipones et trigones et
les vers à soie de divers pays, appartenant tous aux
bombyces (lépidoptères), les insectes vésicants
(coléoptères des genres cantharide, mylabre, mé-
loé), les insectes tinctoriaux qui sont les cynips de
la noix de galle (hyménoptères), la cochenille du
nopal et la cochenille silvestre et divers kermès
européens, peu employés maintenant, des insectes
à sécrétions cireuses blanches, utilisées en Chine
et dans l'Amérique du Sud, ou à gomme-laque des
Indes-Orientales, tous ces insectes appartenant aux
hémiptères-homoptères.
Les annélides nous présentent une espèce utilisée
en thérapeutique, la sangsue officinale; l'embran-
chement des mollusques, diverses espèces recher-
chées pour leurs coquilles élégantes ou nacrées
(nautiles, ormées, volutes, cones' ou leurs perles
(huîtres et moules perlières) ; celui des ra}'onnés
les polj'pes du corail; celui des spongiaires, lesépon-
ges usuelles, pèchées principalement dans l'Adriati-
que et dans la Méditerranée, sur les côtes de la Tuni-
sie et de la Syrie. [Maurice Girard.]
A»'ÉE. — Cosmographie, 111. — Donner à des
enfants une définition bien claire et en même
temps bien précise de cette période, qui, comme le
jour, forme une division naturelle du temps, est
chose plus difficile qu'on ne pense. Comme toutes
les questions qui touchent au calendrier*, celle-ci,
pour être traitée complètement et à fond, exigerait
des connaissances astronomiques très-étendues, et
une érudition assez rare. Mais en procédant métho-
diquement par une série d'explications graduées,
on peut arriver à faire comprendre aux jeunes
intelligences de nos écoles primaires la matière
de ce chapitre intéressant d'un cours de cosmo-
graphie. Voici comment.
^'ous partirions d'abord des notions \'ulgaires, et
des phénomènes apparents dont la succession, la
périodicité est déjà parfaitement connue d'un enfant
de dix à douze ou quinze ans. Les diverses saisons,
printemps, été, automne et hiver se distinguent
dans les divers climats par certains changements
dans la longueur des journées et des nuits, dans
le degré de la chaleur et du froid et dans la végé-
tation. Le retour de ces changements successifs,
plus ou moins réguliers et plus ou moins tranchés,
marque l'achèvement de la période d'une année,
que l'expérience apprend d'ailleurs avoir une durée
de 305 jours, quelquefois de 300.
Maintenant deux faits corrélatifs que chacun peut
observer vont préciser cotte première nution. Le
premier est l'inégalité de durée du jour et de la
nuit dans les saisons successives pour un même
lieu de la terre. Au début du printemps, le soleil
reste levé pendant environ 12 heures et reste cou-
clié le même temps ; et la même chose arrive au
début de l'automne ; le jour est égal à la nuit â cha-
cune de ces deux époques : c'est le moment des
c/iiinoxes. Entre l'cquinoxe du printemps et celui
d'automne, le soleil (dans tout Ihémisphère nord)
est plus longtemps au-dessus de l'horizon qu'au-
dessous ; il se lève plus au nord, se couche plus
au nord aussi ; il décrit un plus grand cercle, ou, si
l'on veut, monte à midi à une plus grande hauteur
sur l'horizon ; le contraire arrive, de l'équinoxc
d'automne à l'équinoxe du printemps. Le solstice
d'été correspond au plus long jour et à la nuit la
plus courte, à la plus grande hauteur méridienne-
du soleil ; le solstice dhiver au jour le plus court,
à la nuit la plus longue ou au plus grand abaisse-
ment du soleil à midi. Ces deux faits d'observation,
qu'on peut rendre sensibles aux enfants, précisent
la durée de l'année ; elle se mesure par le nombre
de jours écoulés, soit entre deux équinoxes, soit
entre deux solstices de même nom.
On peut encore prendre pour point de départ le
mouvement apparent qui, dans le cours des saisons,
fait défiler successivement toutes les constellations
devant nos yeux. Considérant, par exemple, à un
jour et à une heure donnée, la position d'une étoile
au méridien, d'Arcturus je suppose, il est aisé de
constater qu'à la même heure les jours suivants
elle sera de plus en plus occidentale, et que des
étoiles plus orientales auront pris sa place. Le ciel
change ainsi d'aspect de jour en jour, ou de nuit
en nuit ; et, pour se retrouver semblable à la
même heure et au même lieu, il faut qu'une année,
environ 365 jours, se soit écoulée.
Jusque-là, il est vrai, la notion de l'année, si elle
se lie à des faits bien définis, reste encore vague
dans sa propre définition ; et, d'ailleurs, l'élève qui
les aura bien saisis, n'en comprendra point encore
la raison, c'est-à-dire le rapport qui lie ces phéno-
mènes à la période de l'année même, la cause de
cette période même. N'ayant eu égard qu'aux ap-
parences, il serait porté à attribuer aux mouvements
du soleil ou du ciel ce qui est le fait du mouvement
de la terre. Arrive donc maintenant le moment de
donner l'explication des phénomènes énumérés, par
la translation ou la circulation annuelle de la terre
autour du soleil.
Pour un premier degré d'initiation à ces notions,
on se contentera de faire voir que la terre est un
astre, une étoile ou plutôt une planète ; qu'elle est
douée d'un double mouvement, d'une part tournant
ou pivotant sur elle-même autour d'un de ses dia-
mètres (de son axe ou ligne des pôles) en un jour;
d'autre part décrivant en un an, autour du soleil,
une courbe de forme elliptique, dont le plan forme
avec le plan de l'équateur de la terre un angle
constant, angle auquel on donne le nom d'obliquité
de l'écliptique.
Alors viendra naturellement l'explication de la
différence entre la durée du jour sidéral, qui est
celle de la rotation du globe sur son axe, et la du-
rée du jour solaire, intervalle qui s'écoule entre
deux passages consécutifs du soleil au méridien.
Les jours solaires étant inégaux, on a dû prendre
une moyenne entre les plus longs et les plus courts
dans la suite d'une année ; de là le jour moyen.
Enfin, viendront les définitions :
1° De Vannée «zV/eVo/e ; supposons une ligne
droite ou rayon vecteur, joignant le centre de" la
terre au centre du soleil, prolongée d'un côté ou
d'autre jusqu'à la voûte céloste, et rencontrant, à
ua instant donné, une étoile. La terre îirculant
autour du soleil, le rayon vecteur parcourra suc-
cessivement tous les points d'un grand cercle dont
le plan est celui de l'écliptique. Quand ce rayon
aura fait le tour entier du ciel et sera revenu coin-
ANNELES
154 —
ANNELIDES
cider avec l'étoile du point de départ, il se sera
écoulé une année, une ajinée sidérale, dont la
durée est de 365 jours moyens 6 heures 9 minutes
10 secondes'.
2° De Y année tropique ; sxi'pxiO^oriz que notre
point de départ soit celui de l'équinoxe, qui a lieu
quand le plan de l'équateur terrestre passe préci-
sément par le centre du soleil. Après une révolution
qui ramènera cette coïncidence, il se sera écoulé
une année, mais une année tropique, dont la durée
est de 365 jours moyens 5 heures 48 minutes 47 se-
condes 52. L'année tropique est donc moins longue
que l'année sidérale de 20 minutes 23 secondes
«nviron, c'est à-dire que le retour de la terre, ou
de son rayon vecteur à la même étoile est un peu
plus long que son retour au même équinoxe. C'est
le phénomène connu depuis 2,000 ans (Hipparque)
«eus le nom de précession des équinoxes.
3° De Vanjiée anomalistiqiie . qui s'entend du
retour de la terre au même point de son orbite,
par exemple de l'intervalle compris entre deux
passages consécutifs de notre planète à son péri-
hélie.La durée de cette période est, en moyenne,
de 365 jours moyens, 6 heures 13 minutes 33 sec. 74,
plus grande de 24 minutes 45 sec. environ que
l'année tropique.
C'est l'année tropique qui correspond exactement
à la succession des saisons astronomiques, et c'est
la raison qui l'a fait prendre pour base de la me-
sure du temps civil ; dès lors, le professeur pourra
se borner à, la définir, au moins dans un premier
exposé. L'année civile est formée, comme on sait,
de 365 jours entiers, et l'excédant négligé forme,
tous les quatre ans, une année bissextile. Ici se
placera donc l'explication des réformes du calen-
drier, s'il y a lieu, c'est-à-dire si les connaissances
•de l'élève permettent au maître d'entrer dans les
•détails convenables.
Il est bien évident pour nous que les diverses
définitions de l'année que nous venons de donner,
ne pourront être utilement présentées ni claire-
ment expliquées à la majorité des élèves ; en tout
cas il importe que le maître fasse pour lui-même ces
distinctions, afin de ne leur inculquer que des no-
tions justes. Il lui suffira de définir l'année tropi-
que, le retour de la terre aux équinoxes, d'expli-
■quer la succession des saisons et les durées iné-
gales des jours et des nuits par les mouvements
combinés de rotation et de translation du globe,
par l'inclinaison et le parallélisme constant de son
axe dans le cours d'une révolution.
Ces trois notions du jour sidéral, du jour solaire
et de l'année tropique, convenablement développées,
forment, en définitive, la substance de presque
tout le cours de cosmographie en ce qui concerne
le système planétaire.
Nous avons cru devoir insister sur la gradation
h suivre dans la série des notions qui amènent les
enfants à comprendre ce qu'est l'année, ce que
sont les saisons et quelle est la cause de ces phé-
nomènes ; il importe surtout de les faire observer
«ux-mêmes, de les pi'ovoquer à réfléchir sur les
faits dont on peut les rendre témoins chaque jour.
Mais il sera bon aussi de s'aider du secours des
expériences très simples qu'on peut faire avec un
globe, avec une simple boule, qui représentera la
terre, et qu'on fera tourner sur son axe en face
d^une lampe, qu'on fera circuler ensuite autour
d'une table ronde pour simuler la translation an-
nuelle. Rien n'est propre comme ces simples et
faciles expériences à graver dans la mémoire des
enfants le rapport des faits et de leurs causes.
[A. Guillemin.]
A>'IvnLES. — Zoologie, XXIII. - {Etym. : formé
d'anneaux.) — Dans les classifications zoologiques
les plus usitées en France, on donne ce nom au
second embranchement du règne animal. 11 se
compose d'animaux formés d'une succession d'an-
neaux ou zoonites, et dont le type idéal serait une
série d'anneaux soudés longitudinalement, tous pa-
reils et pourvus chacun des organes de nutrition,
de reproduction, de locomotion et de relation. En
réalité, les anneaux se différencient les uns des
autres, et d'autant plus que l'Annelé est plus élevé.
Le plus généralement le système nerveux princi-
pal, situé de part et d'autre du tube digestif, se
compose, du côté dorsal, d'un cerveau formé de
deux ganglions plus ou moins soudés, d'où part un
collier nerveux entourant l'œsophage et rejoignant
en dessous, du côté ventral, une double chaîne
nerveuse ganghonnée, à deux ganglions par
anneau, ceux-ci présentant des soudures variables
dans le sens longitudinal et dans le sens trans-
versal.
Les Annelés ont été divisés en deux sous-embran-
chements, celui des articulés * ou arthropodc.ires
(chez lesquels les appendices sont articulés) et les
vers * (offrant des appendices non articulés quand
ils existent), subdivisés en annélides * et helmin-
thes *. Nous n'avons pas à examiner le mérite de
cette classification, qui a l'avantage d'être simple
et commode dans la pratique, et nous ferons re-
marquer que toutes les classifications possibles
sont approximatives et que leur discussion n'a rien
d'élémentaire, partant rien d'essentiel. Il faut les
prendre comme moyen de grouper les êtres à dé-
crire et négliger les difficultés de détail.
[Maurice Girard.]
AN>-EL1DES. — Zoologie, XXVIL -- {Étym.:
comme Annelés.)
1. Caractères généraux des Annélides. — Ces
animaux, presque tous à vie aquatique et dont
la plupart habitent les côtes maritimes, forment
la première classe du sous-embranchement des
vers*.
Ils n'ont jamais de membres articulés. Cuvier
les a séparés des vers proprement dits ou helmin-
thes, sous le nom de vers à sang rouge, ce qui
est en effet la couleur fréquente de leur plasma
nourricier, comme on le voit bien dans les sang-
sues et dans les lombrics; on distingue tout de
suite, au moyen du microscope, ce sang de celui
des vertébrés, par l'absence des corpuscules en
disques circulaires ou elliptiques , dits héma-
ties.
La forme de leur corps est celle d'une série
d'anneaux, presque toujours bien distincts et se
ressemblant beaucoup entre eux; ceux des extré-
mités, surtout de la tête, offrent seuls quelques
différences.
La locomotion s'opère par reptation, ou à la na^e
par ondulations. Elle a lieu chez certains anné-
lides au moyen de tubercules charnus situés sur
les côtés du corps, souvent sur deux rangs, parfois
réunis, une paire à l'arceau dorsal, l'autre à
l'arceau ventral; chacun porte un cirrhe ou filet
rétractile, entouré d'un faisceau do soies raides,
ce qui a fait donner à l'organe le nom de rame ou
de pied sétifère. D'autres annéUdes n'offrent comme
organes de locomotion que des poils raides im-
plantés dans la peau (lombrics), ou au contraire
que deux ventouses contractiles aux deux extrémi-
tés du corps dont la peau est nue (sangsue).
La respiration s'opère par des branchies ou replis
mous de la peau, presque toujours externes,
tantôt en houppes sur les côtés du corps, tantôt
en panaches à la région antérieure, et parfois
semble se faire par toute la surface de la peau
(lombrics).
Le tube digestif est continu, de la bouche à l'a-
nus ; il est le plus souvent droit, quelquefois garni
d'un nombre plus ou moins considérable de cae-
cums placés de chaque côté. Le régime des anné-
lides esi le plus souvent carnassier; ils vivent par-
fois de détritus animalisés ou azotés.
La circulation du sang se fait dans un appareil
ANNELIDES
— ISo
ANNELIDES
fort complexe, constitué en entier par des vaisseaux
clos, dont la plupart remplissent les fonctions
d'artères et de veines, quelques-uns étant con-
tractiles et tenant lieu de cœurs. Cette organisa-
tion élevée du système circulatoire avait trompé
Cuvier sur la véritable place des annélides, qu'il
classait en tête des articulés. On a dû abandonner
cette manière de voir, et ramener les annélides à
un rang inférieur, d'après leurs affinités plus réelles
avec les helminthes dont la plupart sont des vers
entozoaires, c'est-à-dire parasites internes des ani-
maux.
2. Principales divicions de la classe des Anné-
lides. — On les subdivise en Sétigères ou Chéto-
podes, c'est-à-dire munis de soies servant à la
locomotion, et en Apodes, pi'ivés de ces organes
locomoteurs.
I. Annélides chétopodes : — 1° Ord7'e des An-
nélides errants. — Les Chétopodes les plus élevés
constituent l'ordre des Annélides errants ou dor-
sibranches, c'est-à-dire à branchies portées sur
toute la face supérieure du corps ou sur sa région
moyenne ( fig l,c). La tète est presque toujours
Fig. 1. — B. Serpule retirée de son tube. — C. Arénicolu
des pêi'.heurs.
bien distincte et garnie à la nuque de plusieurs
paires de filets ou tentacules, nommés souvent an-
tennes ; il y a aussi des points noirs ou colorés qui
sont des yeux. La bouche est munie d'une trompe
.protractile, c'est-à-dire rentrant dans le corps à la
volonté de l'animal ou en sortant ; sa longueur est
parfois considérable et son extrémité est souvent
munie de dents en pointes ou en crochets.
Cette trompe est l'organe de préhension des ali-
ments.
C'est aussi l'instrument qui sert à ces Annélides
errants pour creuser des galeries où ils s'en-
foncent avec une grande rapidité dans le sable
humide. Certaines espèces consolident leur gale-
rie, en la tapissant d'un léger fourreau, formant
une sorte d'habitation passagère, que l'animal peut
quitter à volonté. Nous citerons, dans les Anné-
lides errants : les Aphrodites, souvent rejetées
sur le rivage à la marée montante .après les grob
temps, et ûont le corps ovalaire est bordé de lon-
gues soies qui brillent au soleil des plus riches
teintes métalliques; les Néréides, souvent em-
ployées comme amorces de pêche, très communes
sur nos côtes, à corps grêle, très allongé, avec une
trompe armée de deux mâchoires très fortes ; les
Eunices, analogues de forme aux Néréides, enfin
les Arénicoles (V. ci-dessous).
2° Ordre des Annélides tuhicoles. — Cet ordre
comprend les Annélides habitant un tube ou four-
reau. Ces animaux sont fixés dans la majeure par-
tie de leur existence, ils n'ont ni tête distincte, ni
mâchoires, ni yeux, ni antennes. La région anté-
rieure de leur corps, celle qui reste toujours en
partie hors du fourreau de protection, offre un
panache ou couronne d'appendices, dont les uns
constituent des branchies de respiration, d'autres
servant à la préhension des aliments ou à la loco-
motion, pour ceux de ces Annélides qui peuvent
se traîner sur le sol avec leurs fourreaux. La plu-
part de ces animaux ne peuvent ni nager ni mar-
cher, et leurs pieds peu saillants ne leur servent
guère que pour s'élever ou pour descendre dans
le tube, où ils résident à poste fixe.
Les tubes de ces annélides sont produits par des
exsudations de la peau de l'animal. Tantôt ils sont
durs et calcaires, droits ou flexueux, souvent col-
lés aux rochers ou aux coquilles, comme des
incrustations ; c'est ce qui a lieu pour les Serpides
iV. fig. 2 et fig.l,6)que la solidité de leurs tubes
permet de retrouver à l'état fossile. Ils ont la ré-
gion antérieure du corps ornée d'une couronne de
superbes panaches disposés en entonnoir. Les Am-
Fig. 2. — Serpules.
phitrites sont faciles à reconnaître aux grosses
soies dorées, qu'on voit rangées, comme les dents
d'un peigne, à leur région antérieure. Certains
annélides tubicoles, tels que les Sabelles et les
Térébelles, laissent sortir du sable la partie anté-
rieure de leur fourreau ; ils s'enfoncent avec lui,
en partie, en cas de danger, dans une courte
galerie, qui s'approfondit, à mesure que l'animal
grandit, et cela à l'aide des mouvements de la
queue ou extrémité terminale du corps. Ce four-
reau reste toujours au fond, et présente dans sa
partie antérieure la consistance du parchemin
mouillé ; en arrière, il n'est souvent ni plus ferme,
ni plus épais qu'une pelure d'oignon.
3° Ordre des Aniélides terricoles, — C'est l'ordre
inférieur des Chétopodes ; on les nomme Terricoles
ANNELIDES
— 136 —
ANNELIDES
parce qu'ils vivent dans la terre ou dans le vase,
ou encore Ahrmiches oligochèles, c'est-à-dire dé-
pourvus do branchies extérieures et munies d'un
petit nombre de soies, le plus souvent sans tête
ni yeux, ni appendices bien distincts. Le corps ost
cylindrique, aminci aux deux bouts, garni de plu-
sieurs rangées de soies raides qui leur servent à
se hisser hors des trous où ils demeurent le plus
souvent. Tels sont les Lombrics qui vivent dans
la terre végétale, et les Nais habitant les eaux
douces, dans des trous de la vase des étangs et
des ruisseaux, ayant le corps plus allongé et
moins distinctement annelé que celui des Lom-
brics.
Les naturalistes modernes font avec raison des
Lombrics non pas une subdivision des Annélides,
mais une classe à part, les Lombriciens ,èzà\(i en
importance à celle des Annélides. Cette distinction
est motivée par la différence profonde des carac-
tères qui lesséparentdes Annélides proprement
dits, leur séjour non dans leau, mais dans la terre
végétale ou dans la vase, l'absence chez eux de
métamorphoses, la disposition tout autre de l'ap-
pareil locomoteur, l'absence complète de bran-
chies externes, Thermaphroditisme à peu près
général de toutes les espèces. Il ne reste de com-
mun entre les Lombrics et les Annélides qu'une
sorte de similitude trompeuse dans la forme exté-
rieur. Si nous conservons l'ancienne classilication
qui fait rentrer les Lombrics dans la classe des
Annélides, c'est au point de vue seulement de la
simplicité qui est d'une importance capitale dans
l'enseignement élémentaire.
IL Annélides apodes. — Les Apodes consti-
tuent l'ordre des Annélides suceurs ou Ahranches
sans soies de Cuvier. Presque tous vivent dans les
eaux douces, s'attachant en général à divers ani-
maux dont ils sucent les fluides nourriciers. Ils
nagent par ondulations ou rampent au moyen de
deux ventouses placées aux deux extrémités du
corps, et permettant une forte adhérence aux ob-
jets. La bouche, ordinairement armée de petites
mâchoires, est placée au fond de la ventouse anté-
rieure, et l'anus est situé à la base de la ventouse
postérieure. Telles sont les Sangsues ou Hirudi-
nces.
3. Espèces communes à étudier comme types.
— On pourra fixer particulièrement l'attention
des élèves et diriger les exercices d'observation
expérimentale sur les trois espèces suivantes con-
sidérées comme types des annélides :
1° Vers de sable ou aré7iicoles (V. fig. 1). —
L'espèce intéressante de ce groupe est Varénicole
des pêcheurs, que Linné confondait avec les lom-
brics sous le nom de lombric marin. Cet annélide
a le corps partagé en trois régions distinctes :
1" région antérieure : tête peu distincte, sans
appendices, portion thoracique très atténuée en
avant, puis renflée en fuseau avec des étrangle-
ments variables plus ou moins marqués ; elle
prend l'aspect d'une sorte de massue quand l'ani-
mal se contracte ; elle comprend sept anneaux
sans branchies, mais dont les six postérieurs ont
des pieds ; 2° région abdominale comprenant
13 anneaux et portant des branchioî en forme de
petites houppes ; 3" région caudale nue, sans
branchies; ayant à peu près le tiers de la longueur
du corps entier cylindrique, finement plissée
transversalement, sans pieds ni soies et se termi-
nant par un anus capable de s'ouvrir très-large-
ment. Le ver de sable atteint parfois 20 à i'.') cen-
tim.de longueur; il a dss teintes très variables
suivant l'influence des fonds sur lesquels il vit. de
couleur claire sur les sables purs, d'un noir pro-
fond et velouté avec de magnifiques reflets irisés
sur les plages vaseuses riches en dctriius orga-
niques.
L'arénicole, très commune sur toutes les côtes
occidentales d'Europe, est employée comme appât
par les pêcheurs pour les lignes de fond.
On la prend sur la plage à marée basse en
fouillant le sable humide aux endroits où l'on voit
déposes de petits tortillons de sable ou de vase :
ce sont les excréments de l'arénicole, qui, comme
le ver de terre, avale la terre ou la vase pour en
extraire les matières azotées. La galerie où l'aré-
nicole s'enfonce avec une extrême promptitude au
premier ébranlement du sol est recourbée en forme
de siphon : il faut donner le coup de pioche
entre les deux orifices de ce siphon pour saisir le
ver. Quand on le touche, il secrète en abondance
un liquide qui tache fortement les mains en jaune
orangé, parfois un peu verdâtre ; on voit fréquem-
ment ces taches aux mains des femmes et des en-
fants de nos populations côtières.
2° Ver de terre ou lombric. — Le lumbricus ter-
restris de Linné ou ver de terre ordinaire est trop
connu pour que nous a}'ons besoin d'en donner ici
la figure. Le seul organe qu'on y puisse faire re-
marquer à l'œil nu, c'est une sorte de bourrelet ou
de ceinture, appelé le clitellum,(\\i\ se trouve chez
presque tous les lombriciens dans la région
moyenne du corps, ceinture qui se gonfle et ne
devient bien visible qu'à l'époque du rut.
La génération chez les lombrics présente des
faits importants, dont le détail anatomique ne peut
trouver place ici. L'animal est monoïque, c'est-à-
dire qu'un même sujet porte les organes des deux
sexes, mais la reproduction n'a lieu que par un ac-
couplement réciproque, comme chez les limaces e
colimaçons : au printemps on voit souvent deux vers
de terre collés l'un à l'autre par le clitellum et en-
veloppés d'une sorte de gaine mucilagineuse tem-
poraire sécrétée à cette région et durcie par
l'air.
Les œufs du lombric terrestre sont enfermés
dans une coque en forme de boule jaune, avec une
pointe mousse à chaque pôle, chaque coque conte-
nant de trois à cinq œufs.
Les vers de terre demeurent presque toujours
dans des tuyaux qu'ils creusent dans la terre végé-
tale. Ils s'enfoncent très profondément lors des sé-
cheresses, et sortent au contraire après les averses
prolongées, alors que l'eau qui inonde leurs tubes
terreux les noierait. Ils se hissent au dehors au
moyen de leurs soies. Ils ne peuvent manger que
des matières complètement décomposées et vivent
uniquement de l'humus, le recherchant d'autant
plus avidement qu'il est plus azoté ; aussi, comme
le savent bien les pêcheurs à la ligne, les lombrics
abondent dans la terre sous les amas de fumier.
Ce sont en général des animaux indifi'érents pour
nous au point de vue agricole. Ils nous rendent
plutôt service dans les fortes terres argileuses, que
leurs trous criblent de tuyaux naturels de drainage
aérien ; par contre ils sont parfois nuisibles dans
les jardins en bouleversant les semis. Accidentel-
lement, quand le sol n'a pas d'humus, ils entraî-
nent dans leurs trous des débris de feuilles ou de
paille ; mais ce n'est que quand ces débris sont bien
pourris qu'ils peuvent servir de nourriture aux
lombrics. C'est ce qui a fait supposer à quelque»
personnes qu'ils vivaient de végétaux, ce qui est
inexact, car leurs excréments, rejetés hors dos
trous en forme de tortillons terreux, ne contien-
nent que do la terre sans débris végétaux. Quand
la terre est bien fumée, ils n'ont besoin d'en-
traîner aucune parcelle de plante, ce qui permet
d'assurer qu'ils ne nuisent pas aux cultures en-
général.
Les Lumbricus sont de l'Europe, de l'Egypte, de
l'Amérique du Nord et de l'Australie. Los autres
genres sont étrangers à l'Europe.
■',° Sangsues. — Les sangsues sont rangées par
MM. Paul Gervais et Van Bcnéden (zoologie médi-
cale) parmi les vers proorement dits ou helminthes,
ANNÉLIDES
157 —
ANNUITES
dans la classe des Cotylidcs, la plupart des vers de
cette classe étant des parasites internes danimaux,
tandis que les sangsues ou hirudinées vivent bien
du sang de divers animaux, mais d'une manière
passagère. Sans discuter ce rapprocliement, nous
continuerons, pour motif de simplification, à laisser
ces animaux dans les Annélides.
Le genre le plus important pour nous est le
genre sangsue (Hirudo, Linné, ou Sanguisuga,
Savigny), présentant un corps allongé, subdéprimé,
rétréci graduellement en avant, obtus en arrière,
mollasse, des anneaux égaux, au nombre de 9.i,
très-distincts, saillants sur les côtés et quinés,
c'est-à-dire disposés cinq par cinq (V. fig. 3).
Comme les limaces et les lombrics, les sangsues
sont monoïques, chacune offrant sur des anneaux
distincts les orifices sexuels, les uns mâles, les
autres femelles ; mais un
sujet ne peut néanmoins se
féconder lui-même, il faut
le concours de deux indivi-
dus. Le corps offre en avant
une ventouse orale peu con-
cave , à lèvre supérieure
très-avancée et presque lan-
céolée. La bouche, grande
relativement à la ventouse
orale, est munie de trois mâ-
choires égales, grandes, de-
mi-ovales, très-comprimées,
à denticules nombreuses et
très-pointuos, produisant la
petite blessure étoilée qu'on
voit sur la peau après la
succion d'une sangsue. Il
y a dix points oculiformes
en ligne courbe autour de
la ventouse orale. La ven-
touse anale , plus grande
que l'orale et au moyen de
laquelle on voit si souvent
les sangsues se suspendre
la tête en bas, est moyenne
Fig. 3. — Sangsue mé- 6* obliquement terminale,
dicinale! et l'anus très-petit, arrondi,
à peine visible.
L'espèce principale est la sangsue médicinale
(Hirudo medicinalis, Linné) qui habite les eaux
douces, fossés, mares, étangs et petites rivières de
l'Europe, de certaines localités de l'Afrique sep-
tentrionale et de l'Asie Mineure. Le dos est géné-
ralement d'un grjs olivâtre, avec des bandes plus
ou moins distinctes, le bord olivâtre clair, les
bandes marginales du ventre droites. Le commerce
distingue plusieurs variétés de sangsues, surtout
d'après les couleurs : verte, noire, rouge, jaune,
fauve ou grise. Une seconde espèce est la sangsue-
truite {Hirudo troctitia, Johnson), dite dans le com-
merce dragon d'Alger, avec rangées de taches
claires sur le dos, d'Algérie et du Maroc, mêlée
chez les marchands à la vraie sangsue médicinale
et aussi bonne. La sangsue bordée {H. marginata,
Risso), à bords d'un rouge de safran vif, est des
environs de Nice. On trouve dans les lacs du Sé-
négal une petite sangsue {H. mysomelas, Henry.
SéruUas et Virey) usitée dans le commerce, mais
d'un prix moins élevé que la sangsue médicinale,
car elle suce moitié moins de sang. Enfin on se
sert aux Indes, notamment dans notre colonie de
Pondichéry, d'une sangsue plus grosse que la nôtre,
la sangsue granuleuse [H. gramdosa, Savigny), et
qui cause parfois de vraies hémorrhagies auxquelles
il faut porter remède.
Les sangsues se blottissent dans la vase solidifiée
lorsque les sécheresses ont tari les mares où elles
vivent. Elles s'accouplent au printemps et surtout
en été ; après cette opération, dont la durée très-
variable est de trois à quinze heures, elles pondent
des embryophores (porte-embryons) en forme de
cocons ovalaires, spongieux, à surface villeuse,
d'un jaunâtre translucide, chacun contenant de
trois à trente germes avec leur vitellus. Il en sort
de petites sangsues en façon de fils, dites filets,
qui ne subissent pas de métarmophoses. Les co-
cons sont toujours pondus hors de l'eau, sur le ri-
vage, dans les creux des murailles qui baignent
dans les fossés, dans le limon déposé par l'eau,
parfois dans les galeries de taupes ou de rats
où s'amassent un grand nombre de sangsues,
contre les joncs, etc. Il y a des paysans qui
connaissent très bien ces cocons et vont les
porter dans de petits viviers pour obtenir les
sangsues.
L'emploi des sangsues en médecine, quoique
moindre qu'il y a une trentaine d'années, est en-
core considérable. Elles servent à pratiquer des
saignées locales, soit lors des contusions ou des
congestions sanguines en certains points, soit afin
de modifier un état général dangereux. Il faut
élever artificiellement les sangsues afin d'en avoir
des provisions suffisantes, soit pour la France, soit
pour beaucoup de pays où elles n'existent pas et
où on les exporte. Cette éducation [hirudiculiure),
se fait dans des bassins ou marais à sangsues,
nommés barrails , notamment dans la Gironde.
On peuple ces marais à sangsues au moyen d'em-
bryophores recueillis dans des paniers et prove-
nant de la vase des marais voisins qu'on fouille
à la bêche; mais comme ce moyen est insuffi-
sant, on fait venir des sangsues adultes de Hon-
grie, des Princioautés danubiennes, de Turquie,
de Grèce, etc. On les fait voyager dans la sai-
son froide, à la fin de l'automne, jamais en été.
Elles sont emballées dans de la mousse humide ou
dans de la terre glaise mouillée et divisée en
grumeaux. On les nettoie et on les laisse se repo-
ser quelques jours dans de l'eau claire et calme
avant de les mettre dans le barrail.
On emploie divers moyens pour nourrir les
sangsues dans le marais d'élevage. On place sur
des planchettes flottantes du sang de veau pour les
filets, du sang de bœuf pour les adultes. Comme
il est reconnu qu'une alimentation par le sang des
animaux vivants rend les sangsues mieux portan-
tes, des éleveurs mettent dans le barrail des gre-
nouilles à cuisses brisées, sur lesquelles se jettent
les sangsues. Plus habituellement on fait entrer à
mi-jambes dans le barrail des ânes, des mulets, des
chevaux, des vaches (ces dernières sont moins
traitables), et les sangsues s'attachent en grand
nombre aux parties immergées. On ne laisse les
animaux que peu de temps dans l'eau et on a soin
de les refaire au moyen de bons pâturages placés
à côté. — Cf. : Monojraphie dts sangsues médici-
nales, par Ch. Fermond ; 1 vol. in-b", Paris, Ger-
mer-Baillière, 1854.
Les Hsmopis sont des Sangsues à mâchoires
non dentelées, ne pouvant percer la peau externe
de l'homme ou des animaux vertébrés. Une es-
pèce très-commune dans les mares de l'Euiope
centrale et surtout méridionale est la Sangsue
chevaline {H. sanguisuga), très-mollasse et parais-
sant morte quand on la saisit. Elle est parfois in-
commode parce qu'elle peut piquer les muqueuses
de la bouche, du nez, du larynx et du pharynx
des animaux domestiques ou de l'homme, venant
boire ou se baigner dans les eaux douces. Nos
soldats ont été cruellement tourmentés par cette
Sangsue en Egypte, en Algérie et surtout eu
Espagne et en Portugal, où elle est très-commune.
[Maui'ice Girard.]
A»'UITÉS. — Arithmétique, IV. — {Ltym. du
latin annuus, annuel.)
On nomme annuité une somme payée annuelle-
ment, soit pour éteindre une dette (V. Amortisse-
menl), soit pour constituer un certain capital à une
ANNUITES
— i58 —
ANNUITES
époque déterminée. C'est à ce dernier point de vue
que la question sera traitée dans cet article.
1. Supposons, par exemple, que l'on place
annuellement 120Ùf pendant 7 ans, les intérêts
étant calculés à 5 p. 0/0. Il y a deux cas à distinguer,
suivant que l'annuité est payée au commencement
ou à la fin de chaque année. Examinons d'abord le
premier cas.
Les 1200'
— 12110' 1
— 1200'
— 1200')
— 12004
— 1200'
— 1200' ,
pijés
eommfiire-
mciit d: U
1"JI
l2' -
3« -
'4« -
5« — 1 -8 =
7 ans
1200
6 —
1200
5 —
1200
4 —
12u0
3 —
1200
2 —
1200'
1 —
1200
.(1,05)7
,(1,05)6
,1,05 5
■(1.05*
.1,05)2
.(1,05)2
.(1,05)
Et la somme de tous ces capitaux définitifs partiels
sera le capital définitif total. Or, si l'on écrit ces
capitaux partiels dans un ordre inverse, on recon-
Pour en obtenir la somme, il faut multiplier le
dernier terme par la raison, retrancher de ce pro-
duit le premier terme, et diviser la différence par
la raison moins 1, ou par 0,05. En appelant A la
somme cherchée, on aura donc*.
1200'.(I,05)S— 1200f.(l,05)
A =
0,05
1200'.[(1.05)7 — 1]1,05
0,05
(1)
2. Dans le second cas, où chaque annuité
n'est payée qu'à la fin de chaque année, les verse-
ments successifs produisent des capitaux partiels
qui ne diffèrent de ceux écrits ci-dessus que parce
qu'ils sont divisés par 1,05; le capital définitif total
est donc égal lui-même à celui qu'exprime la for-
mule (1), divisé par 1,05; on a donc
, 1200'.f(l,05)-'-l] ,„,
0,05 ' '
3. Pour se servir de ces formules, on calcule
d'abord (1,05)''.
Si l'on pose œ=(],05)",
on en tire
log a; = 7 log (1,05) = 7.0,0211893=0,1483251
et les tables de logarithmes donnent
x= 1,4071.
S'il s'agit alors de la première formule, on
trouve
^ 1200'.[1,4071 — 1]1,05
et, s'il s'agit de la seconde,
120of.[l,4071 — 1]
A:
0,05
1200f. 0,4071
0,05
= 9770f,40-
4. Il est facile de généraliser. Soit a l'annuité,
r l'intérêt d'un franc, n le nombre d'années, ei
A le capital définitif total. Dans le premier cas, les
capitaux partiels successivement produits seront :
a(H-r)», a(l-+-r)n- i, a(l-f 7-)"-2, etc., jus-
qu'à a[\-\-r).
Si l'on renverse les termes de la progression et
qu'on fasse la somme, on devra multiplier le der-
nier terme a (1 -f-r)» par la raison (l + r), retran-
cher du produit le premier terme a{\-\-r]y et
diviser la différence par la raison moins 1 , ou par r.
On aura donc
A =
cn-i-r)" + i — a(l-4-r)
r
alfl + r)" — l](l+r)
(•3)
Dans le second cas, le capital définitif total sera
celui de la formule (3) divisé par 1 + r :
A =
_a[(l + >-)n-i]
(4)
5. Pour calculer A par ces formules, on pose
a; = (l-|-î')'», d'où log x = n log (1 4-r);
et, une fois x connu, la formule (3) devient
^_«(x-l)(l+r) ^,^
et la foi'mule (4) donne
A =
a{x — 1)
(6)
valeurs que l'on peut aussi calculer par loga-
rithmes.
G. Il arrive le plus souvent que c'est l'an-
nuité a qui est inconnue.
Dans ce cas, on calcule toujours x comme ci-
dessus ; alors la formule (3) donne
kr
et la formule (6) donne
kr
a = -•
X — 1
0)
(8)
Supposons, par exemple, que l'on demande:
Quelle ajinuité faut-il servir pendant 20 ans pour
constituer un capital définitif de 100000', les inté-
rêts étant calculés à 4 ^ p. 0/0 ?
On aura d'abord
log X = 20.log 1,045 = 20.0,01911629 = 0,3823258
et les tables donneront a; = 2, 12973. Laformule(7)
donnera ensuite
100000.0.045 o^.tr^o
a = - — ^ . . , — - = 3811f,72
I,l2ii73. 1,045
et la formule (8)
a = 3811f,72 X 1,045 = 3983f,25.
7. Il arrive souvent aussi que l'inconnue est le
nombre 7i d'années. Dans ce cas, on tire de la for-
mule (3)
(^+'')"=r(rF7) + ^* (^^
Si b désigne la valeur du second membre, facile
à calculer, on a, en prenant les logarithmes,
log b
7ilog.{l + r)=\osb, d'où n
log (!+?•)
S'il s'agissait de la formule (4), on en tirerait de
même
ANNUITÉS
— 159 —
ANTHROPOLOGIE
et, en appelant b' ce second membre, on trouverait
log. //
log.(H->')
Supposons, par exemple, que l'on demande :
Pendant combien d'années il faudra servir une
annuiié de 4000f pour constituer un capital de
90 000f, les intérêts étant calculés à A p. 0/0, et les
annuités étant payées à la fin de chaque année?
On est ici dans le cas de la formule (4), et l'on a
a = 4000f,"'A = 90000'", î- = 0,04.
On aura donc d'abord
(1,04)"
et par suite
n =
900n0.0,04
+ 1 = 1,9
4000
log 1,9 _ 0,^787536,
log 1,04 ~ 0,0170333
En effectuant la division, on reconnaît que n est
compris entre IG et 17.
8. Si l'inconnue était le taux, on aurait à ré-
soudre une équation de degré supérieur, et l'on
ne pourrait opérer que par tâtonnements. Mais
cette circonstance ne se rencontre jamais dans
les applications pratiques ; le taux de l'intérêt est
toujours con^ju.
9. Nous avons supposé jusqu'ici que les in-
térêts se capitalisaient par année : mais il peut
arriver, et cette circonstance se présente particu-
lièrement dans les questions relatives au Crédit
fojicier (V. ce mot), que les intérêts se capitalisent
par semestre. Dans ce cas, a désignant toujours
l'annuité, jtt sera la somme payée à chaque se-
mestre, et \r sera le centième de l'intérêt semes-
triel de lOQf. Si N désigne alors le nombre total
des semestres formant la durée totale du place-
ment, il faudra, dans la formule (4), par exemple
qui est ordinairement celle qui s'applique au
cas considéré, parce que les versements se font
à la fin de chaque semestre , remplacer a par
\a, r par fr, et ?i par N, ce qui doane
A =
iO![fl + l.?-)N — 1]
A=^Iii±M!^ (11)
(12)
ou, si c'est a qui est l'inconnue
A?-
«-(l+i,.)N_l'
Supposons, par exemple, que l'on demande :
Quelle annuité faudrait-il payer penda?it 30 a7is
pour constituer un capital de lOOOOOf, le taux de
l'intérêt étant rfe 4 | p. 0/0 , et les intérêts se ca-
pitalisant par semestre? Il faudra, dans la formule
(12), faire A = 100 000f, r = 0,045, et N==60, ce
qui donne
_ 100 OOOf .0.045
Pour effectuer les opérations indiquées, on cal-
culera d'abord (l.OîaSje". Si l'on appelle x cette
quantité, on aura
log X = 60 log (1,0225) = GO . 0,00960332 = 0,5797992
Les tables,donnent x=:3,S0U14. On a par suite
4500
2,80014"
=1606f,99.
10. On pourra proposer aux élèves les exer-
cices suivants :
I. Quel sera le capital définitif vroduit au
{ont de \' ans par des annuités de 1 500', payées
'i la fin de chaque année, les intérêts étant cal-
culés à 6 p. 0/0 ?
Réponse : 67 050'.
II. Quel serait ce capital si les annuités étaient
payées au comme7iceme7it de chaque année ?
Réponse : 47 549f,90.
III. Quelle annuité faut- il payer, à la fin de
chaque année, pendant 19 ans, pour produire un
capital définitif de I20 000f, les intérêts étant cal-
culés à A p. 010?
Réponse : 433..'',63.
IV. Pendant combien d'années faudra-t-il payer
une annuité de 1 200f, « la fin de chaque année,
pour coiistituer un capital définitif de 25 000f, les
iyitérèts éta?it évalués à b p. 0/0?
Réponse : entre 14 à 15 ans.
V. Quelle annuité faut-il payer pendant 35 ans
pour constituer un capital définitif de SOOOOf, les
intérêts étant calculés à 't ~ p. 0/0, et se capita-
lisant par semestre?
Réponse : 1826f,42.
VI. Quelle cmnuité faut-il pai/er pendant 50 ans
pour proituire un capital définitif de 100 000', les
intérêts étant calculés à 3,70 p. 0/0, et se capitali-
sant par semestre?
Réponse : 704',33 [H. Sonnet.]
ANTHROPOLOGIE. — Zoologie, V. — [Etym. :
du grec, « étude de l'homme ».) — L'anthropologie
est la branche de l'histoire naturelle qui traite de
l'homme et des races humaines. Il ne faut pas la.
confondre avec l'ethnologie et l'ethnographie qui
étudient l'homme au point de vue de son déve-
loppement purement social (V. Ethnologie, ethno-
graphie).
Définition. — Afin de bien préciser les limites
de la science anthropologique, nous citerons les
définitions qu'en ont données les fondateurs mêmes
de l'étude scientifique de l'homme. « L'anthropolo-
gie, dit M. Broca, est la science qui a pour objet
l'étude du groupe humain, considéré dans son en-
semble, dans ses détails et dans ses rapports avec
le , teste de la nature. » — « L'anthropologie, dit
M. de Quatrefages, c'est l'histoire naturelle de
l'homme faite monographiquement, comme l'enten-
drait un zoologiste étudiant un animal. » —
« L'homme, dans son entier, appartient à l'anthro-
pologie, dit M. P. Topinard. Personne ne songerait
en zoologie à scinder l'étude d'un animal en deux
parties, et à les confier à des savants d'ordres diffé-
rents, les uns se bornant aux caractères ana-
tomiques et physiologiques ordinaires, les autres
s'attachant aux instincts et autres manifestations
nerveuses. L'anthropologie ne saurait donc être
mutilée et divisée en deux sections, l'une pour les
hommes de science, l'autre pour les philosophes...
Son domaine propre, c'est la morphologie et l'a-
natomie comparée de l'homme. » (Par morphologie,
il faut entendre l'étude des formes extérieures.)
Historique. — L'anthropologie est une science
toute jnoderne. Ignorée jusqu'à la fin du siècle der-
nier, elle n'a pris son élan que ver.s la seconde
moitié du xix* siècle. Ses premiers éléments sont
dispersés çà et là dans les écrits des médecins et
des naturalistes ; les premiers en effet en obser-
vant l'homme sous tous les climats, et les seconds
e:i le posant comme le type de l'organisme corne
v^^^ faisaient de l'anthropologie... de même qu-
M. Jourdain faisait de la prose. Tels furent Hip-
pocrate, décrivant dans son livre Des Eaux, des
airs et des lieux les caractères physiques des
« Scythes et autres nomades » et les déformations
crâniennes des macrocéphales, au delà du Palus
Méotide ; Aristote comparant les singes à l'homme
et parlant des métis humains et des Ethiopiens ;
Pline, dont les récits souvent fantaisistes ont été
justement critiqués par Geoffroy Saint-Hilaire ;
Galien qui en disséquant les singes préparait la
ANTHROPOLOGIE — 160 —
APICULTURE
voie à l'anatomie humaine fondée par les Mondini
et les Vesale (1514).
En 1655, un certain Belon se risqua, le premier, à
mettre en parallèle le squelette de Thomme avec
celui dun autre animal, un oiseau. Jusqu'au xviir
siècle, le chef-d'œuvre de la création, pour se servir
■du mot classique, ne fut étudié que par les méde-
cins. Linné, en 1755, en le faisant rentrer dans sa
classificatior» e' lui appliquant sa nomenclature bi-
naire sous le titre d'Homo sapiens, obligea les natu-
ralistes à l'accepter comme de leur domaine. A la
même époque, ButTon consacrait deux volumes
« aux variétés humaines. » La voie était ouverte
et presque simultanément Daubenton, Blumen-
bacli, Sœmmering, Camper publiaient leurs travaux
sur l'espèce humaine. Puis vinrent Lamarck,
Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire, Richard, Bory-
Saint-\ incent, etc. Les antliropologistcs se divi-
sèrent dès l'abord en deux écoles qui se combat-
tirent avec une animosité qui est encore loin de
s'éteindre. L'école classique ou orthodoxe, désignée
sous le nom de m<-'7iogéniste, plaide en faveur de
l'unité de l'espèce humaine et de la variabilité des
races sous l'influence des milieux et des croise-
ments. L'école adverse ou jiolygéniste soutient au
contraire la pluralité des races primitives et la non-
influence des milieux. A ces deux écoles, il faut
en ajouter une troisième, dite transformiste, qui
adopte les théories de Lamarck, de Darwin, de
Huxley, de Hâckel, rattachant l'espèce humaine
aux espèces animales par voie d'évolution.
En 1800, une société fut fondée à Paris sous le
titre de Société des observateurs de L'homme, mais
elle n'eut que peu de durée. Ce ne fut qu'en 18 i9
qu'un groupe de savants à la tête desquels il faut
citer P. Broca, Isidore Geoff'roy Saint- Hilaire, de
Quatrefages, Gratiolet, fonda à Paris la première
société d'anthropologie. A l'imitation de Paris de
nombreuses sociétés de même nom se fondèrent
successivement à Londres en 1863, à New-York,
Saint-Pétersbourg et Moscou en 1865, à Florenco
en 1868, à Berlin en 1869, à Vienne en 1870, à
Stockholm et Madrid en 1874, etc. En dehors des
bulletins, des mémoires que publient ces sociétés,
l'anthropologie a de nombreux organes consacrés à
sa diffusion.
Enseignement. — Outre les cours publics pro-
fessés périodiquement au Muséum, l'anthropologie
«'enseigne à Paris dans un Institut spécial, Vlnsti-
tut anthropologique, dépendant de la faculté de mé-
decine et comprenant des cours publics d'anthro-
pologie anatomiijue, d'anthropologie biologique,
d'ethnologie, d'anthropologie préhistorique, d'an-
thropologie linguistique, de démographie et de
géographie médicale.
Dictée. — « L'homme habite toutes les régions
du globe et se plie à tous les climats, à toutes les
conditions de la vie. Les pôles et l'équateur, les
hautes montagnes et les profondes vallées, les dé-
serts arides et les marécages insalubres, rien
ne le rebute. Les Esquimaux se rencontrent jusqu'au
80= degré de latitude ; des populations vivent et
prospèrent à 4000 mètres d'altitude et au delà dans
les Andes et les Cordillères ; on s'étonne de trouver
■des tribus indigènes sur ces vastes espaces où
Livingstone voyageait avec de l'eau jusqu'à la cein-
ture ; 47 degrés de chaleur à l'ombre au Sénégal,
et 56 degrés de froid constatés aux pôles sont les
extrêmes de température qu'il supporte.
Ce privilège de l'homme de s'acclimater plus ou
moins facilement partout s'explique par deux rai-
sons : il est omnivore, — et il sait se fabriquer
des vêtements, des armes et des ustensiles. L'Es-
quimau boit de l'huile et se nourrit de phoques ;
les Todas des Nilghiris se contentent de lait et de
légumes; quelques tribus ne vivent que de pêche
et de coquillages, et boivent à l'occasion de l'eau de
■oer, d'autres mangent de l'argile; les peuples ci-
f vilisés puisent à toutes les sources. L'homme fait
; cuire ses aliments, mais ne dédaigne pas la chair
crue des mollusques et parfois des poissons su des
mammifères ; il élève des bestiaux, se livre à l'agri-
culture , ce que ne lait aucun animal. 11 asservit ou
! s'attache de nombreuses espèces, comme le chien,
le chat, le chameau, le renne. Son semblable
môme, le nègre ou le blanc, ne trouve pas grâce
devant lui. En cela quelques animaux l'imitent,
; comme les fourmis rouges à l'égard des fourmis
noires.
La plupart des animaux ont des moyens natu-
rels de protection et de défenses. Le gorille lui-
même a une certaine fourrure, des canines puis-
santes et un système musculaire d'une vigueur
extraordinaire. D'autres mammifères ont l'agilité
et une rapidité à la course qui les sauve de leurs
ennemis. L'homme n'a rien de tout cela. « Nu et
sans armes, » tels sont les caractères que lui
donne Linné. Tous ses moyens d'action il les doit
à son industrie. Dès l'époque tertiaire il a fait du
feu et pris des cailloux pour les façonner en us-
tensiles. Jamais un singe n'a su se servir d'un bâ-
ton, ni utiliser un pieu, ni faire du feu, ni se con-
struire un abri qui soit autre qu'un nid. Les sau-
vages les plus inférieurs que l'on connaisse ont
quelques notions de dessin ; ils savent faire pour le
moins une croix ou un rond en imitation des objets
qu'ils ont sous les yeux.
Dans toutes les races humaines esiste le senti-
ment de la coquetterie ou de la parure. Plus dé-
veloppé chez la femme dans les pays civilisés, il
l'est davantage chez l'homme dans les tribus bar-
bares. Les uns se tatouent ou se suspendent des
objets aux oreilles ou à la cloison du nez, d'autres
se teignent les cheveux ou s'aiguisent les dents de
devant.
L'homme vit en société, parce que, doué du lan-
gage, il a besoin d'exercer cette faculté, et qu'il
aime à être écouté, adulé, mais aussi en vue de la
satisfaction des besoins communs et de la réalisa-
tion d'une plus grande somme de bien-être. L'ému-
lation qui en résulte est la cause la plus puissante
des progrès accomplis à travers les siècles dans
l'ordre physique, dans l'ordre moral, comme dans
l'ordre intellectuel. Plus l'agglomération est consi-
i dérable, ou plus il se présente d'agglomérations
rivales, et plus la lutte est vive et le progrès ra-
pide. » — P. ToPiNARD. L anthropologie,
\ ' [Louis Rousselet.l
( APICULTURE. — Agriculture, XVI. — {Étym.-
Culture des abeilles, du latin apis, abeille)
Il ne devrait pas y avoir une seule exploitation
rurale qui n'ait pas de ruches ; c'est, en efiTet, une
source de profits faciles et certams.
L'histoire des abeilles a été donnée dans l'article
consacré à l'histoire naturelle de ce précieux in-
secte ; ce qui rentre dans le cadre de l'enseigne-
ment agricole, c'est l'exploitation du rucher, l'art
d'en tirer le produit le plus élevé.
Le rucher, c'est-à-dire l'endroit où doivent être
réunies les ruches ou habitations des abeilles, doit
être établi à proximité des vergers. Il faut éviter
les endroits humides, ceux qui sont exposés aux
vents violents, ne pas s'éloigner des prairies qui
produisent des fleurs abondantes, prendre enfin
des mesures pour que le rucher ne demeure pas,
pendant l'été, trop exposé aux rayons du soleil.
La tranquillité doit régner autour des abeilles ; il
ne faut donc pas les placer sur un chemin fré-
quenté, surtout par les animaux de la terme ; mais
aussi il faut éviter de les placer trop loin des habi-
tations, ce qui tendrait à rendre les abeilles sau-
vages et pourrait occasionner des dangers. Vue
autre condition à remplir, c'est de disposer les
ruchers de manière que l'on puisse circuler tout
autour sans difficulté, soit pour les soins d entre-
tien, soit pour la récolte du miel.
APICULTURE
— IGI —
APICULTURE
Afin de procéder avec ordre, nous indiquerons
successivement les soins à donner à. la ruche, à
partir du moment où l'essaim a été récolté.
L'emplacement du rucher étant choisi autant que
possible d'après les règles indiquées plus haut,
on y place g;énéralement les ruches en plein vent,
sur des tables dont les pieds ont de 50 à 60 centi-
mètres de hauteur
Pour recueillir l'essaim sorti de la ruche-mère,
on se revêt d'un costume spécial qui couvre toutes
les parties du corps ordinairement non abritées, de
manière à éviter les piqûres des abeilles. On trans-
porte, au-dessous de l'arbre où l'essaim s'est atta-
ché, une ruche qu'on renverse, et on y fait tomber
l'essaim. Lorsque les abeilles sont entrées, on
ferme l'ouverture au moyen d'une planche, on re-
tourne la ruche et on la porte au rucher. Si
l'essaim ne paraît pas assez nombreux pour peupler
la ruche, on peut marier ensemble, c'est-à-dire
réunir dans une même ruche, deux ou trois es-
saims.
L'essaimage peut être provoqué artificiellement.
C'est le moyen d'empêcher l'essaimage naturel, et
par suite la perte possible de l'essaim. On opère
par transvasement pour les ruches ordinaires, au
milieu de la journée, moment où les ruches
comptent peu d'abeilles, la plupart étant sorties
pour aller faire leurs provisions. Avec les ruches à
cadres ou h rayons mobiles, on enlève quelques
cadres renfermant des œufs, et on les place dans une
ruche nouvelle, après avoir eu le soin de remplacer
les cadres enlevés par des cadres ou des rayons
vides. Pour faire plus facilement l'opération du
transvasement, on emploie la fumée qui chasse
les abeilles de leur ancienne habitation. Les in-
jections de fumée se font soit au moyen d'un souf-
flet spécial dont on fait entrer l'orifice dans une
ouverture pratiquée à la partie supérieure de la
ruche, soit en brûlant quelques chiffons autour de
la ruche.
Quelle est la ruche qui doit être adoptée ? Il existe
aujourd'hui beaucoup de modèles de ruches per-
fectionnées ; en outre, chaque contrée présente
un type spécial de ruche. Ici, elles sont faites en
osier et en paille ; ailleurs, en bois, etc. Pour l'a-
griculteur qui veut tirer profit de son rucher, et
qui ne peut faire des essais souvent coûteux, le
mieux est de s'en tenir à la ruche du pays, en en
modifiant les parties que l'expérience lui aura ap-
prises être défectueuses. Mais il est quelques mo-
dèles de ruches, toiles que celles de M. Hamet,
qui se recommandent à la fois par leur simplicité
et leur bon fonctionnement.
Une fois la ruche en place, elle doit être l'objet
de soins suivis. « Le possesseur de ruches, dit
M, Hamet, doit souvent visiter ses abeilles, afin
qu'elles s'accoutument à le voir, afin aussi qu'il
puisse constater l'état de leur approvisionnement
et de leur santé. Dans ses visites, il doit éviter de
marcher vite, de faire des mouvements brusques,
de gesticuler et de crier. Il fera donc le moins de
bruit possible, et si une abeille annonce par ses
mouvements et par un bourdonnement particulier
qu'elle se prépare à l'attaque, il se baissera et res-
tera dans cette position jusqu'à ce qu'elle soit
éloignée.
« On ne doit pas troubler les abeilles dans leurs
travaux, ni soulever ou ouvrir les ruches que lors-
qu'il y a nécessité, et jamais brusquement. On ne
le fait que pour s'assurer de l'état de leurs appro-
visionnements ou de l'époque de l'essaimage, ou
lorsqu'on s'aperçoit que les abeilles sont sans acti-
vité, que les fourmis ou les guêpes entrent dans
la ruche, ou enfin qu'on remarque les excréments
des fausses teignes sur le plateau, ou qu'on en sent
l'odeur. On détruit la fausse teigne en enlevant les
gâteaux où elle s'est fixée ; on éloigne aussi les
araignées et leurs toiles, les limaçons, les guêoes
2o Partie.
et les autres animaux ennemis des abeilles, en les
chassant assidûment. »
La récolte du miel se fait en juillet et en août.
Il y a plusieurs méthodes pour faire cette récolte ;
mais, dans tous les cas, on doit préalablement chas-
ser les abeilles.
La méthode la plus simple est de fermer un soir
toutes les ruches, à l'exception de celle qu'on veut
récolter le lendemain. Au milieu de la journée,
lorsque la plupart des abeilles sont sorties, on en-
lève la ruche et on la remplace par une autre. On
la transporte dans une cave ou un lieu sombre
pour la vider. Les abeilles, en rentrant, prennent
possession de la ruche nouvelle ; car elles ne peu-
vent entrer dans les autres qui sont fermées, et où
d'ailleurs elles seraient massacrées. On recouvre
pendant toute la journée les ruches fermées d'un
linge mouillé, pour les préserver des ardeurs du
soleil.
Une deuxième méthode consiste à enfumer les
abeilles : ce qui les oblige à se réfugier dans une
autre ruche qu'on fait communiquer avec la pre-
mière.
Un apiculteur distingué, M. Debeauvoys, a indi-
qué un moyen de faire la récolte du miel dans les
ruches à cadres mobiles, sans interrompre le travail
des abeilles. L'opérateur, revêtu de l'affublement
qui lui sert pour la récolte des essaims, prend les
cadres de deux en deux, ou ceux qui sont le plus
remplis de miel. Il en chasse les abeilles avec une
plume légère, et il pose les cadres sur un casier,
porté à l'ombre quand il est garni. Là il coupe les
rayons avec un couteau, en rattachant le couvain
aux liteaux. 11 remet les cadres à leur place, en
ayant soin de ne jamais laisser un demi-cadre vide
au-dessus d'un demi-cadre plein. La ruche est en-
suite refermée.
Un écucil à éviter, c'est d'enlever des ruches
une trop grande proportion de miel. Il importe, en
effet, de laisser aux abeilles une quantité suffisante
pour leur permettre de passer la mauvaise saison
sans danger. Quand on n'a pas eu soin de prendre
cette précaution ou que l' arrière-saison est peu fa-
vorable, on est obligé de donner aux abeilles, du-
rant l'automne, une certaine quantité de miel. « On
met, dit M. Hamet, du bon miel quelque peu
chauffé dans un rayon ou dans un vase que l'on
couvre d'un canevas ou de brins de paille, et que
l'on place le soir sous la ruche à nourrir. Les
sirops, que les anciens auteurs ont recommandés
pour nourrir les abeilles, ne valent pas le miel,
môme le miel inférieur. »
Pour protéger les ruches pendant l'hiver, on les
recouvre d'un chapiteau de paille suffisamment bien
tressée pour arrêter la pluie et la neige ; mais il
faut avoir soin de ne pas boucher toutes les
ouvertures, afin de ne pas empêcher la circulation
de l'air dans la ruche.
Les rayons une fois retirés de la ruche, pour en
extraire le miel, sont pressés au-dessus de terrines
dans lesquelles coule le miel. Le premier liquide
qui sort est du miel de première qualité. Pour
achever l'extraction, on a recours à des presses ; le
miel qu'elles donnent est de qualité inférieure. Les
résidus sont mis dans une chaudière où on les fait
fondre pour en extraire la cire.
Le produit d'une ruche bien peuplée, dans les'
années ordinaires, est de 1 kilogr. 500 grammes à
i kilogrammes de miel, et de 200 à 300 grammes
de cire.
Le commerce des miels se fait en France sur
une assez grande échelle. Dans le commerce, on
distingue cinq provenances principales, qui sont,
en commençant par celles qui sont le plus répu-
tées: 1" miel de Narbonne ; 2" miel du Gàtinais ;
'i' miel de Saintonge ; 4" miel de Bourgogne;
5° miel de Bretagne. Dans chacune de ces catégo-
ries on distingue plusieurs qualités , désignéej
11
ARABES
lG-> —
ARACHNIDES
sous les noms de miels sia-fins, miels firis et miels
ordinaires.
Les abeilles sont parfois atteintes par des mala-
dies, qui font des dégâts considérables. La plus re-
doutable est la dyssenterie. Les abeilles en sont
atteintes généralement à la fin de l'hiver; elles ré-
pandent leurs excréments sur leurs rayons et em-
pestent la ruche. C'est en aérant celle-ci et en
donnant du bon miel en nourriture que l'on peut
prévenir l'extension de cette maladie.
L'apiculteur doit aussi veiller sur le pillage des
ruche? qui se fait quelquefois par les abeilles d'une
ruche voisine. Le remède, ici, est de rétrécir l'ou-
verture de la ruche attaquée, de prendre des me-
sures pour remplacer la mère si elle est morte, et
au besoin de fermer la ruche et de l'emporter.
[H. Sagnier.]
Ouvrages à consulter. — Traité d'apiculture.
par Hamet ; Guide de l'apiculteur, par Debeauvoys;
le Manuel de l'apiculteur de M. de Ribaucourt;
le Livre de la ferme et des maisons de campag7ie,
par Joigneaux.
AR.iBES. — Histoire générale,X"VIL — Pour la
géographie de l'Arabie, V. Asie.
X" Avant Mahomet. — « Je pars le matin, chan-
tait le Bédouin, affamé comme un loup maigre,
qu'une solitude conduit à une solitude ; sous mes
pas rapides se touchent les deux bouts de la plaine,
nue comme le dos d'un bouclier. » Telle était, de-
puis des siècles, la vie des Arabes. Ces Sémites
pasteurs et nomades parcouraient obscurément
leurs déserts. Ils étaient unis par la langue, la
communauté de vie, d'origine et de tradition, mais
il leur manquait une religion pour les former en
faisceau ; Mahomet * vint la leur donner {G22 ans
après Jésus-Christ).
2° Conquêtes ((i32-"32). — Dès lors, « mus par le
double besoin de s'étendre et de convertir, ayant
l'avidité de la conquête et l'entliousiasme de la
foi, l'organisation qui vient de l'armée et l'obéis-
sance qui vient de Dieu, ils marchèrent à l'occu-
pation du monde. » iMignet.) En vingt ans |632-
652}, dans une course merveilleuse, ils avaient sou-
mis la Syrie, la Perse, l'Arménie, Chypre, Rhodes,
l'Egypte, la Cyrénaîque. Leur empire s'étendait du
Tigre au golfe de Gabès. — V. Khalifat.
Mais déjà l'esprit militaire l'emportait sur la
religion. Un général, Moaviah, descendant des
Koreischites adversaires de Mahomet, mettait fin au
khalil'at purement religieux en renversant Ali,
gendre du prophète ; il fondait à Damas la dynas-
tie des Ommiades (G60-750). L'élan de la conquête
reprend alors son cours. Samarkande et Cordoue,
la Géorgie et le Maroc sont envahis à leur tour.
Constantinople est deux fois assiégée. Mais les
Sémites viennent se briser contre les Aryas à
Poitiers (732) et dans l'Inde. L'Islam s'arrête de-
vant l(>s Brahmanistes et les Chrétiens.
3° Civilisatio7i. — Déshonorés par les revers,
les Ommiades sont victimes des révolutions dont
ils ont donné l'exemple. Les Abbassides forment
à Bagdad une seconde dynastie (750). L'empire et
la gloire des Arabes atteignent alors leur apogée,
sous de grands princes, comme Almanzor etHa-
roun al Raschid. Chefs politiques et religieux, ces
khalifes s'appliquent à développer la civilisation.
Pendant que la chrétienté est encore enveloppée
dans le moyen âge, le luxe des arts produit des
merveilles, l'éclat des lettres et des sciences
éclaire l'Orient. « En communication avec les
Grecs, les Hindous, les Chinois, les Arabes
créèrent cette civilisation mélangée, sans ori-
ginalité et sans profondeur, mais non sans utilité,
qui rattache les unes aux autres les trois civili-
sations isolées. » (Mignet.) Sur les traces d'Aris-
tote, qu'ils introduisent en Europe, ils cultivent
la philosophie et surtout les sciences naturelles.
Ils se signalent par l'emploi du papier pour écrire.
de la boussole pour naviguer, de la poudre pour
combattre. Ils ont donc défriché le champ scienti-
fique que nous cultivons aujourd'hui.
4° Dissolution et décadence (7âfi-1055). — Mais
cette domination, de Gibraltar à l'Indus, était trop
étendue pour être durable ; la nature divisait ce
que la force avait uni un instant. L'affaiblisse-
ment de l'enthousiasme religieux, la décadence de
l'esprit militaire qui amène la création de la garde
turque, accélèrent la dissolution et la ruine. Déjà de-
puis 756 l'Espagne vit séparée sous les khalifes de
Cordoue. L'Afrique entière s'affranchit bientôt, grâce
aux Fathimites d'Egypte (908} puis l'Orient sous
les Ghaznévides ,'980;. Enfin le Seldjoukide Togrul
Beg, chef des Turcomans, enferme les derniers kha-
lifes dans leur harem de Bagdad ;105.'>). Mais bientôt
dissous à son tour, l'empire seldjoukide se dé-
compose en sultanies. Et les chrétiens profitent
de ces divisions pour accomplir les Croisades *.
La direction de l'Islamisme allait passer aux
Ottomans, originaires du Turkestan. V. Turcs.
[Paul Schàfer.]
ARACHNIDES. — Zoologie, XXV. — {Étyrn.
semblable aux araignées.)
Notions générales. — On donne ce nomàuneclasse
d'animaux articulés dont le caractère fondamental
est d'offrir, chez les adultes, huit pattes en quatre
paires, articulées, avec hanche, cuisse, jambe et
tarse propres à la locomotion (exception pour la
première paire chez les Phrynes). La tête et le
thorax sont confondus en un seul organe nommé
céphalothorax, portant en avant les pièces de la
bouche et des antennes modifiées dans leur fonc-
tion et leur configuration, nommées chélicères, dis
yeux placés en dessus, toujours simples, variant de
nombre et de disposition; enfin une paire de pattes
spéciales, dites pattes-mâchoires, servant non à la
marche , mais à la préhension des aliments et à d'au-
tres usages. Puis viennent les huit pattes locomo-
trices attachées sous le céphalothorax. Celui-ci n'offre
jamais d'ailes en dessus comme chez les insectes.
L'abdomen, qui vient après le céphalothorax, n'a
pas d'appendices locomoteurs et sa segmentation en
anneaux est plus ou moins distincte. La bouche of-
fre des pièces très-réduites et se trouve conformée
exclusivement pour la succion des liquides des
animaux vivants , à l'exception dea Tétranyques
ou Acariens tisserands, qui attaquent le paren-
chyme des feuilles. Les Arachnides ne mangent
pas de parties dures ni de chair, et vivent pres-
que exclusivement à l'air libre. Parfois des glandes
particulières, de position diverse, servent à sé-
créter un liquide venimeux qui tue ou engour-
dit la victime ; sans cette précaution, la bouche,
très réduite, ne pourrait exercer la succion. Une
autre sécrétion qui peut se rencontrer encore est
celle d'une liqueur visqueuse, qui s'étire et se so-
lidifie à l'air en fils soyeux. Les sexes sont toujours
séparés sur deux individus distincts, et les petits
naissent à l'état d'œufs pondus par la femelle,
éclosant généralement au dehors, sans métamor-
phoses (sauf chez les Acariens}, l'évolution se bor-
nant à un accroissement de taille, à des mues ou
changements de peau et au développement des or-
ganes reproducteurs. La plupart des Arachnides
ont une vie libre et indép"ndante; au contraire,
dans l'ordre dégradé des Acariens, un grand nom-
bre des espèces sont épizoïques, c'est-à-dire vivent
fixées à la peau des animaux, dans laquelle elles
enfoncent un rostre de succion formé par les pièces
buccales allongées.
Nous ne dirons que très-peu de chose sur l'a-
natomie interne des Arachnides. Le sang est in-
colore, légèrement blanchâtre, coagulable par so-
lidification de sa fibrine, et tenant en suspension
des corpuscules ou organiteshématiques. Un coeur,
situé à la région dorsale de l'Arachnide, pousse ce
sang d'arrière en avant.
ARACHNIDES
— 163 —
ARACHNIDES
En laissant de côté toute anatomie interne, pour
ne parler que de ce qui se voit au deliors à la vue
simple, ou avec une loupe seulement si l'animal
est très petit, nous sommes pourtant oblicés de
dire que les Arachnides respirent l'air en nature
ou gazeux, tantôt par des trachées, c'est-à-dire
des tubes faisant circuler l'air dans tout le corps,
ainsi que chez les insectes et les mille-pieds,
tantôt par des organes qui ont été appelés poii-
mo7is. Ce sont des poches placées sous l'abdomen
et contenant des séries de lamelles aplaties et empi-
lées dans lesquelles l'air entre et sort ; ce sont réel-
lement des trachées localisées et modifiées, de sorte
qu'au fond il n'y a qu'un seul tjpe respiratoire.
Division des Arachnides. — Les Arachnides se
partagent en plusieurs ordres. Les deux ordres
supérieurs en organisation ont des poumons, parfois
avec des trachées : ce sont les Aranéides ou Arai-
^nées*, auxquels nous consacrons un article ci-après,
et les Pédipalpes.
LesPédipalpes ont le bouclier du céphalothorax
d'une seule pièce, avec deux yeux sur la ligne
médiane et d'autres plus petits en nombre varia-
ble sur les côtés. Les chélicères sont petits et en
forme de pince, sans issue pour le passage d'au-
cune sécrétion. L'abdomen est plus ou moins
oblong ou ovale et ne se termine jamais par des fi-
lières h soie. Les organes respiratoires consistent
en poches pulmonaires. Il y a trois familles dans
cet ordre.
Nous ne dirons rien de deux d'entre elles qui
sont exotiques, les Phrynes et les Télyphones. La
troisième famille, plus intéressante pour nous, est
celle des Scorpions. Leur abdomen, uni au thorax
dans toute sa largeur,
est ensuite rétréci en
arrière en queue assez
large et formée de six
anneaux, dont le der-
nier se termine par
un crochet aigu ou
dard à venin. Les pat-
tes mâchoires sont
très grandes et se ter-
minent par une ro-
buste main à deux
doigts formant pince,
comme chez l'écre-
visse ; elles servent à
saisir les victimes
tuées par le venin et
à les approcher de la
bouche qui suce leur
sang.
Il y a sous la région
antérieure du ventre
quatre paires de po-
ches pulmonaires.
Les scorpions vi-
vent à terre sous les
pierres, sous les ar-
bres renversés, dans
les lieux sombres et
humides Ils sont
principalement des ré-
gions tropicales et un
peu des pays tempé-
rés-chauds des deux
mondes, atteignant
une grande taille et
„«. , , , un aspect vraiment
effrayant dans les contrées trèschaudrs. On les
voit courir très vite sur le sol, en tenant leur queue
relevée au-dessus du dos, soit pour attaquer la proie
soit pour se défendre. Ils la lancent en la redressant
par des saccades brusques et précipitées, et l'aiguil-
lon qui perce la peau présente au-dessous de la
pointe plusieurs ouvertures qui communiquent avec
'Scoppion.
une glande venimeuse. Les grands scorpions des
pays chauds tuent des animaux de la taille d'un
chien et passent pour redoutables à l'homme, bien
qu'il y ait beaucoup d'exagération à ce sujet. 11 est
toutefois certain que leur piqûre cause une inflam-
mation locale, pouvant être très vive, accompagnée
d'engourdissement et de fièvre et parfois de vo-
missements, de tremblements et de douleurs dans
tout le corps. Des cataplasmes émoUients sur la
plaie et surtout la cautérisation à l'ammoniaque,
qui neutralise le venin acide, sont recommandés
pour combattre ces accidents. Les scorpions sont
ovovivipares, c'est-à-dire que les œufs éclosent
dans l'oviducte de la femelle, de sorte que les pe-
tits scorpions viennent au monde vivants. Dans les
premiers temps de leur existence, ils se rassem-
: blent sur le dos de leur mère, ainsi qu'on le voit
1 aussi chez beaucoup de genres d'araignées, et la
I famille veille avec soin sur cette progéniture ,
'. qu'elle ne connaîtra plus par la suite et qui pourra
j devenir sa proie si elle est afl'amée.
Nous avons en France deux espèces de scorpions,
! qu'il faut recommander aux enfants de ne pas
écraser, car ce sont d'utiles chasseurs d'insectes,
au service par conséquent de l'agriculture. L'une,
indigène et répandue dans tous les lieux pierreux
du Midi, est le Scorpion d'Europe IScorpio Euro-
pœiis, Linné). Il remonte jusqu'àla latitude de 44°.
et devient très commun en Espagne et en Italie. II
a de 25 à 30 millimètres de longueur, est brun,
avec six yeux et une queue plus courte que le corps.
Sa piqûre n'est pas plus dangereuse que celle
d'une guêpe ou d'une abeille. Une seconde espèce,
confinée dans la bordure méditerranéenne (Tou-
lon, Fréjus, etc.) et importée de l'Afrique du nord
où elle est commune, est le scorpion roussâtre ou
occitanique, d'un jaune roux un peu enfumé, bien
plus grand que le précédent et à piqûre plus
cruelle. Il appartient à un autre genre, a la queue
plus longue que le reste du corps et porte huit
yeux sur le devant du céphalothorax. C'est le Bu-
t/ius occitanus, Amoroux.
Les autres ordres des Arachnides respirent par
des trachées disséminées, comme les insectes et
les myriapodes ou mille-pieds.
Nous ne ferons que mentionner : l'ordre des
Tétracères (4 antennes), représenté seulement par
les Galcodes ou So/puges, dont une espèce se ren-
contre dans l'extrême midi de la France ; — l'ordre
des Holètres, comprenant: 1° les Chc/ifères, aussi
nommés Pinces des livres. Pinces des bibliot'ièques,
qui se trouvent ordinairement dans les vieux
papiers, les plantes sèches, etc., auxiliaires malheu-
reusement trop rares, car ils font la chasse aux
insectes, notamment aux rongeurs de bois ; "2° les
Phalangiens ou Faucheurs, dont le principal genre
est bien connu de tout le monde par ses pattes
d'une longueur démesurée et très fines, que les
enfants s'amusent souvent à arracher pour voir
les mouvements de leurs articles, qui persistent
quelque temps après leur séparation du corps.
On voit souvent les Faucheurs courir par les che-
mins ou se chauffer au soleil sur le tronc des ar-
bres, après la pluie, pendant des heures entières.
Ce sont des Arachnides tout à fait inoirensives,
suçant des insectes morts, des fruits tombés, des
détritus divers ; — enfin l'ordre le plus dégradé,
celui des Acariens, dont le caractère physiologique
le plus important est celui des métamorphoses, qui
manquent aux autres Arachnides. Les acariens en
sortant de l'œuf n'ont que trois paires de pattes, et
ce caractère, larvaire chez eux, est au contraire celui
des adultes chez les insectes. Plus tard, quand les
acariens deviennent propres à la reproduction , ils
acquièrent une quatrième paire de pattes, la posté-
rieure, ce qui assigne leur place définitive parmi
les Arachnides.
L'étude complète de cet ordre à espèces très
ARACHNIDES
— 164 —
ARACHNIDES
petites, presque iiiicroscopiques parfois, n'est pas
encore faite. Voici quelques notions sur les Aca-
riens utiles à connaître.
Les Trombidions nous rendent service en détrui-
sant de petits articulés très nuisibles aux cultures,
comme les thrips (insectes) et les acariens tisse-
rands dont nous allons parler. Cependant des au-
teurs admettent au contraire que ces trombidions
adultes ne sucent que des végétaux. A l'état de
larves à six pattes, les trombidions sont désagréa-
bles par leur mode d'existence. Dispersés sur les
plantes, ils s'accrochent aux animaux qui passent
et vivent ensuite fixés à la peau de beaucoup d'a-
nimaux et même de l'homme, causant des déman-
geaisons parfois assez douloureuses. On les nomme
alors rougets, aoiltans, leptes d'autonme ; on les
voit souvent, comme des points rouges, attachés
au corselet de papillons, de mouches, autour des
yeux et des oreilles des chiens ou des lapins, etc.
Les Tétranyques ou Acariens tisserands, ont
pour espèce principale le Tetranychus lintearius,
Linn. ou telarius , Hermann , épithètes qui se
rapportent aux toiles que ces acariens tissent in-
cessamment sur les végétaux, où ils vivent en
innombrables légions. Ces fils sont si fins qu'ils
ne se voient même pas à la loupe, mais leur
ensemble, dû à l'action commune de milliers
d'acariens, finit par former un réseau apparent qui
enveloppe les feuilles, les tiges et les fleurs, et
dont les bouts, déchirés par les vents, flottent par-
fois au hasard. Sous ces abris, les tétranyques en-
tament les feuilles et les jeunes tiges par leur su-
çoir buccal, muni de deux petites lancettes. La sève
est aspirée par une multitude d'imperceptibles ori-
fices, les feuilles épuisées se flétrissent, leurs bords
se contournant en dessous, la face inférieure deve-
nant blanchâtre et un peu luisante, la face supé-
rieure jaunâtre ou grisâtre, avec des parties plus
claires formant des marbrures. En même temps, le
réseau soyeux, qui arrête l'air nécessaire à la res-
piration du végétal et qui était d'abord blanchâtre,
retient l'eau et la poussière et forme à la plante
une sorte d'enveloppe d'aspect sale et répugnant.
L'action de ces toiles et les multiples piqûres des
tétranyques font périr beaucoup de plantes, par la
maladie que les jardiniers appellent la grise. Les
toiles, qui empêchentle mouillage, rendent peu ef-
ficaces les injections de fleur de soufre ou de jus
de tabac. Il faut couper et brûler les parties at-
teintes ou faire des lotions de polysulfure de cal-
cium dissous ou de sulfocarbonate de potasse
étendu, ces substances dégageant lentement des
gaz délétères.
Puis vient la famille des Ixodes, dont l'espèce la
plus commune est V Ixodes ricijius, auct. ou /dum-
beus, Dugès, nommé Tique ou Tique/. C'est un dos
plus gros Acariens, de 5 millim. de long, s'attachant
parfois à l'homme, très-fréquemment aux chiens,
aux lapins, aux hèvres, etc. Ce sont les femelles
qui se fixent ainsi et se gorgent de sang par une
succion continuelle, prenant un volume énorme,
ressemblant à une graine de ricin (d'où le nom de
Ricins donné par certains auteurs à ces animaux)
ou à une petite fève lisse, luisante, d'un gris
plombé. Les oreilles des chiens do chasse sont
souvent garnies de ces dégoûtantes vésicules, qui
crèvent entre les doigts et les imprègnent de
sang. Il ne faut pas arracher les Ixodes, car
leur bec se rompt et reste dans la plaie et n'en
sort qu'après un travail de suppuration faisant plus
de mal que si l'Acarien était demeuré tout entier
attaché à sa proie. Si l'on touche le parasite avec
une goutte d'essence de térébenthine, il tombe de
lui-même. Ces tiques pondent des milliers d'œufs,
d'où sortent des larves qui se dispersent et grim-
fient partout. Les chenils en sont souvent infestés.
1 faut les échauder à l'eau bouillante, surtout aux
plafonds et parois supérieures, car les larves ont
Tyroglyphe des fromage»
secs.
tendance à s'élever le plus qu'elles peuvent. Le»
Ixodes et les genres voisins se trouvent sur beau-
coup d'animaux différents, même sur des tortues,
des serpents, etc. Une espèce nuit beaucoup aux
bœufs et aux moutons, si on la laisse se multiplier,
et elle peut rendre ces animaux très maigres et afl'ai-
blis. Les bergers doivent visiter leur bétail avec
soin et détruire leurs tiques, comme nous l'avons
dit pour celles des chiens.
Les Acarides ont les pat-
tes-mâchoires adhérentes
et les pattes égales. Cer-
tains d'entre eux, les tyro-
glyphes, de l'ancien genre
Acainis, sont ces petits ani-
maux que les auteurs du
dernier siècle nommaient
les Cirons, les Mites, les
regardant comme le der-
nier terme de la petitesse
animale. C'est un Tyro-
glyphe, Tyrogljjpltus siro,
Latreilie, qui pullule avec
ses œufs et ses larves à
six pattes dans les vieilles
croûtes des fromages secs
(Gruyère, Roquefort, etc.);
d'autres Tyroglyphes vi-
vent dans la farine, les provisions de bouche, les
viandes desséchées, attaquent les collections d'in-
sectes, etc.
Enfin les Sarcoptides. L'espèce Sarcopte de la gale
(Sarcoptes scabiei, Latr., Acarus humaniis subcuta-
neiis,h\nn., Sarco})tesho77ii7iis,Raspa\\, etc.) vitdans
les galeries qu'elle se creuse sous la peau, non-seu-
lement chez l'homme, mais chez le porc, le cheval,
le renard, le loup, le chien, la chèvre, le chameau,
le mouton, le lion, la hyène, l'ours, etc., avec des
variations de taille qui ont souvent fait croire à des
espèces difi'érentcs. Parfois on a vu les sarcoptes
passer de ces animaux à l'homme. Le bouton de
gale est causé par la piqûre du rostre de succion ;
ce n'est pas dans ce bouton que réside l'animalcule,
mais dans un petit sillon à côté, ce qui faii que
beaucoup de médecins l'ont nié, n'ayant pas su le
découvrir. Il est pourtant bien constaté chez
l'homme depuis longtemps. Les sirons ou cirons
des doigts étaient connus dès le onzième siècle, et
des vieilles femmes savaient guérir la gale en dé-
terrant l'animalcule dans son sillon cutané avec
la pointe d'une fine aiguille. En Italie, Bonomo(1623)
voyait les forçats et les esclaves du port de Livourne
se rendre mutuellement ce service. Geoff'roy {His-
toire abrégée des Insectes des environs de Paris,
1762) décrit cette petite opération, ainsi que le ci-
ron de la gale, et le distinguo de celui du fromage,
et, :\ la fin du dix-huitième siècle, l'entomologiste
Fabricius trouvait généralement répandu chez les
indigènes du Groenland, entassés en hiver dans
leurs huttes infectes, l'usage de l'extraction des
sarcoptes avec une aiguille.
Cependant les médecins n'avaient pas la vraie
notion de la nature exacte do l'aff'ection psorique.
C'était pour eux un exanthème pustuleux, résultant
d'une altération générale des humeurs. Outre les
lotions locales, on prescrivait souvent des traite-
ments généraux; on se demandait même parfois s'il
était prudent de guérir la gale, qui devenait comme
un cxutoire propice. On trouve encore dans le»
campagnes ces idées absurdes relativement aux
poux des enfants. Il y avait chez les médecins une
erreur analogue à colle qui a fait regarder si
longtemps le Phylloxéra comme n'étant pas la cause
de la maladie de la vigne. Beaucoup de personnes
ne se rendent pas compte des effets immenses des
petites forces simultanées, et, en présence des gra-
ves lésions de la peau résultant des gales invété-
rées, on ne consentait pas îi admettre comme leur
ARACHNIDES
— IGo —
ARACHNIDES
auteur un chétif animalcule dont les gros sujets ont
2 à 3 dixièmes de millimètre de longueur.
En 1812, un étudiant en pharmacie, Gales, eut
l'impudence de montrer à ses examinateurs de pré-
tendus Acares de la gale extraits, disait-il, des
pustules et qui n'étaient qucle Tyroglyplic du fro-
mage ; Raspail fit justice en 1829 de cette mystifi-
cation trop accentuée. Dans sa thèse, en 1834, un
étudiant en médecine de la Corse, Rcnucci, se sou-
venant des procédés des matrones de son pa3's,
indiqua le moyen de découvrir à coup sûr l'ani-
malcule. La même année, Raspail fit paraître une
étude de grande valeur sur cet Acarien, et la com-
pléta par celles de diverses autres espèces sur des
animaux domestiques. On peut dire que depuis 1851
(Bourguignon et Delafond^ les afi"cctions psoriqucs
sont démontrées avoir pour cause unique des Aca-
riens.
Les boutons de gale ne tardent pas à s'excorier,
surtout à la suite des démangeaisons qui les ac-
compagnent, et les parties atteintes se couvrent de
croûtes empêchant les fonctions de la peau On a
longtemps employé pour guérir cette affection des
fumigations d'acide sulfureux, le sujet étant placé
dans une boîte d'où sort seulement la tête ; d'au-
tres médechis se servaient de lotions alcooliques
plus ou moins corrosives de mélisse, de menthe, etc.,
ou bien des pommades mercuricUcs. On peut dire
que tous ces moyens curatifs étaient plus graves
que le mal et altéraient profondément la peau. 11
faut simplement surveiller l'apparition des pre-
miers boutons, qui se fait d'ordinaire entre les
doigts et aux poignets. En y maintenant pendant
quelques heures des linges imprégnés de benzine,
ou simplement de jus de tabac ou d'une pommade
soufrée, les Acariens sont détruits, et tout dispa-
raît bientôt. 11 importe d'appeler l'attention des
instituteurs sur ce répugnant objet, car la gale est
encore trop répandue dans les campagnes reculées,
et leurs conseils auront une grande utilité. C'est
pendant la nuit que les Sarcoptes sortent de leurs
clapiers cutanés, se promènent sur la peau, s'at-
tachent aux vêtements, aux draps de lit, aux cous-
sins des voitures, etc. La promiscuité qui règne
aux époques des foins, des moissons, des vendan-
ges, alors qu'une foule d'ouvriers dorment entassés
dans des granges, propage activement la contagion
psorique. La connaissance de ce qui précède peut
amener rapidement une grande amélioration à cet
égard.
Le plus précieux de nos animaux domestiques, le
cheval, est attaqué avec une intensité variée par
des Sarcoptides de trois genres dilTérents; l'un, le
moins dangereux, n'attaque que les membres, et
encore très lentement ; un autre, le Psoropte du
clieval {Vsoroptes equi, P. Gervais), détermine
l'affection connue des vétérinaires sous le nom de
roiLv vieux ou de gale liumide, se manifestant par
des boutons hémisphériques, d'abord au bord supé-
rieur de l'encolure et à la queue. En cinq ou six
mois, si on n'y porte pas remède, la peau tout en-
tière du cheval sera envahie et la mort certaine par
la suppression de la transpiration. Il est une
troisième maladie psorique du cheval, la gale sèche
ou épizootique, dont la vraie nature n'a été re-
connue que dans ces dernières années. A la suite de
la guerre désastreuse de 1870-1871, une épizootie
envahit les chevaux de l'armée française, avec des
symptômes qu'on regardait jusqu'alors comme
causés exclusivement par le manque d'abri et de
soins, les marches forcées, les mauvais four-
rages, etc. La cause véritable était une variété du
Sarcopte de la gale humaine {Sar-coptes scabiei,
Latreille, var. equi, Gcrlach) très dangereux par
sa fécondité effrayante et pouvant en un mois seu-
lement se répandre sur toute la peau d'un cheval
et le faire périr. Cet Acarien du cheval, à contagion
facile et rapide, pout se transmettre à l'homme: ce
qui indique tout de suite les précautions à prendre
quand on soigne les chevaux qui en sont atteints.
Le traitement des diverses affections psoriquesdu
Psoropfe de la gale du cheval.
cheval est le même. Si l'invasion est un peu
étendue, il faut s'interdire les lotions au pétrole ou
à la benzine, qui causent, pendant plusieurs se-
maines, une irritation de la peau et provoquent
l'apparition d'une affection artificielle qui a autant
d'inconvénient au point de vue du travail du cheval
que la gale elle-même. On frictionnera aux parties
atteintes et aux alentours l'animal avec le soufre
mêlé ou non au goudron, ou bien le jus de tabac,
ces acaricides étant incorporés dans des excipients
doux, comme des corps gras, de la glycérine, des
' huiles non siccatives. Au bout de quelques jours
' on lave le cheval à l'eau do savon. Une précaution
importante est d'isoler les chevaux galeux, et de
désinfecter toutes les pièces du harnachement, les
effets de pansage, les parois de la stalle d'écurie.
C'est l'eau bouillante qui réussit le mieux à cet
égard, car elle tue les Acariens errants cachés dans
tous les recoins, et leurs œufs dont la vitalité per-
sisterait sans cela pendant plusieurs mois.
Les chiens sont fréquemment atteints d'une gale
particulière, la gale folliculaire, causée par un
Acarien encore plus dégradé que les Sarcoptes,
le Demodex folliculovum ou Démodex des folli-
cales, vivant dans les follicules pileux de toute la
surface du corps, de forme allongée comme un
Helminthe, avec huit pattes extrêmement courtes
à la région antérieure. Cette maladie, que beau-
coup de vétérinaires déclarent incurable, exige de
la persévérance et du zèle dans le traitement. On en
vient sûrement à bout par des bains de Barèges
administrés avec persistance, soigneusement et
chaque jour, pendant un mois au moins, puis de
huit jours en huit jours pendant deux ou trois au-
tres mois. Heureusement cette gale folliculaire ne
se communique pas à l'homme.
Toutefois l'espèce humaine est attaquée par un
Démodex, variété du précédent ou plutôt espèce
très voisine ; mais il se loge seulement dans les
follicules des poils follets du visage et les glandes
sébacées de la même région, particulièrement des
ailes du nez et du front. On voit ces parties chez
beaucoup de personnes, surtout celles h teint grais-
ARAIGNÉES
— im —
ARAIGNEEG
seux et jaunâtre, couvertes de petits points noi-
râtres. Ce sont des loges de Dcmodex, qu'il est
facile de faire sortir par la pression. On se débar-
rasse aisément de ces parasites de la peau par un
lavage à l'eau de savon un peu caustique, comme
celle du savon noir, ou mieux par des lotions avec
des alcoolats de toilette, comme l'eau de Cologne
ou l'eau de Botot. [Maurice Girard.]
AIlAIGMii;s ou scientifiquement Aranéides (Or-
dre des). — Zoologie, XXV. — Sous ce nom se
trouve compris l'ordre le plus élevé de la classe des
Arachnides, non pas seulement par son organisa-
tion, mais par ses instincts, nous dirons presque
ses lueurs d'intelligence, ses ruses de chasse et
les pièges soyeux si variés qui servent aux arai-
gnées il capturer leurs victimes, et qui leur ont
valu leur nom tiré du grec etconsacrépar lalégende
mythologique. Arachné avait surpassé Minerve dans
l'art de tisser à la navette les plus riches dessins.
Outragée et frappée par l'irascible déesse, la jeune
artiste se pendit de désespoir ; Jupiter la ht re-
vivre sous la forme de l'araignée, afin qu'elle pût
continuer éternellement à filer et à tisser;
Nous ne répéterons pas les caractères des Arach-
nides ; nous indiquerons seulement les modifica-
tions spéciales h la classe des Aranéides. Le cé-
phalothorax présente en dessus une plaque coriace
nommée bouclier, large h sa partie moyenne et
rétrécie en avant, où elle se recourbe pour for-
mer un rebord frontal sur lequel sont placés les
yeux, généralement au nombre de huit, parfois
seulement au nombre de six, et dont les grandeurs
et la disposition relative varient suivant les genres
et sont en rapport avec les habitudes et le mode
de vie de l'araignée ; en arrière le bouclier est dé-
primé et plus ou moins échancré au-dessus de
l'insertion de l'abdomen. En dessous du céphalo-
thorax se trouve le plastron, offrant des échan-
crures latérales pour l'insertion des pattes. En
avant du bouclier céphalothoracique sont les
chélicères. Ce sont les analogues des antennes,
mais d'un usage tout différent, car elles sont mu-
nies d'un crochet à venin pour tuer les victimes.
Puis viennent les premiers appendices du thorax,
les pattes-mùdioires, servant à saisir et à déchirer
la proie. Leur tarse ou article terminal porte
seulement chez la femelle deux petits crochets
simples et rétractiles. Chez le mâle cet article se
renfle en une large cupule renfermant un crochet
considérable. Ces deux cupules renflées des bouts
des pattes-mâchoires font tout de suite reconnaître
les mâles des araignées, qui sont beaucoup plus
rares que les femelles; ils sont aussi en général bien
plus petits et semblent avoir une existence assez
malheureuse, car les araignées, qui sont des mères
tendres et dévouées, sont d'ordinaire des épouses
très cruelles, rendant fréquemment les mâles
victimes de leur voracité féroce.
L'abdomen est attaché au thorax par un pédi-
cule cylindrique. Sans annulations, il est le plus
souvent ovale, renflé, variablcmont allongé, plus
ou moins arrondi, plus gros en avant qu'en
arrière, tout à fait globuleux dans quelques gen-
res, triangulaire dans d'autres, enfin ofl'rant parfois
la partie postérieure la plus large et la plus
grosse. La face ventrale de cet abdomen est le
plus souvent plane ; sa partie antérieure porte
une ou deux paires d'opercules ou plaques larges
qui recouvrent les orifices respiratoires ou pou-
mons (trachées aplaties et groupées en lames
multiples dans des cavités spéciales) ; entre ces
opercules et au milieu de l'espace qui les sépare
se voit une ouverture arrondie, orifice des or-
ganes reproducteurs et par où sortent les œufs.
La partie postérieure du dessous de l'abdomen
présente l'ouverture anale placée au milieu d'un
petit chaperon et entourée d'appendices destinés
à donner passage à la soie et pour cette raison
nommes filières. Il sera très facile de voir, môme
îi l'œil nu, tous les organes que nous venons de
décrire, en prenant une araignée des maisons à
toute sa taille (tégénaire) ; ou mieux encore une
grosse araignée de jardin (épeire) ; pour se sous-
traire aux morsures des chélicères, au reste à peu
près inofi'ensives pour l'homme, et surtout pour
paralyser les mouvements qui rendent l'observa-
tion difficile, il faudra tuer ou engourdir l'araignée
par l'alcool ou le chloroforme.
Les filières sont de petits mamelons articulés,
disposés en couronne et par paires autour du cha-
peron anal. Ils semblent tronqués à leur extré-
mité, et, si on soumet celle-ci au grossissement du
microscope, on reconnaît que c'est une membrane
molle et percée, comme un crible, d'une infinité
de petits trous. La matière soyeuse sort de ces
trous sous forme d'une petite gouttelette qui ne
peut toucher un objet sans s'y fixer et y produire
un fil que l'araignée tend en s'éloignant de ce
point. Ainsi le fil de l'araignée, dont on admire la
finesse, est formé par la réunion de centaines de
filaments invisibles, simples d'abord et accolés en-
semble après leur sortie de l'organe. Les filières
sont au nombre de six ou de quatre et inégales
de grandeur. Les unes sont destinées à filer les
pièges de chasse, tandis que les autres donnent
une soie difTérente, plus douce, servant à faire de
moelleux cocons blancs, jaunes, verts, etc., dans
lesquels reposeront les œufs de l'araignée. Beau-
coup d'espèces cachent ces cocons dans des refuges
propices et les surveillent avec vigilance; certaines
les emportent dans leurs courses attachées sous
le corps, et alors les petites araignées qui éclnsent
grimpent souvent sur le dos de leur mère.
Les toiles de chasse sont dos plus variées. Il y a
des araignées toujours errantes, sautant sur la
proie qui passe (saltiques,lycoses, etc.) et chez les-
quelles la soie né sert qu'à faire les cocons ; d'autres
se cachent en embuscade dans des cellules ta-
pissées de soie (mygales, atj'pes, scgestries, clu-
biones) et tendent seulement au dehors quelques
fils isolés. La plupart des araignées font de véri-
tables tissus continus et très variés, destinés à
retenir les insectes au passage. Les uns sont ir-
réguliers, à mailles lâches et entrecroisées (phol-
ques) ; les autres se présentent sous la forme de
larges nappes horizontales, ressemblant à des ha-
macs et artistement travaillées (tégénaires) ; les
autres enfin, suspendus verticalement à travers les
allées de nos jardins, sont formés de rayons et de
cercles concentriques, dont la régularité et la pré-
cision de tr.-ivail sont toujours un sujet d'étonne-
ment (épeire). Les filières servent à fournir la
matière des tissus ; mais elle est assemblée par
les bouts des pattes ou tarses, qui sont munis de
poils raides, de peignes, de cardes, ustensiles
de filature d'autant plus compliqués que les toiles
sont plus parfaites.
L'examen dos tarses à de fortes loupes permet de
reconnaître si les araignées sont des tisserands plus
ou moins industrieux et ont fait donner aux pattes
des espèces à réseaux bien travaillés le nom de pieds-
tisseurs; on voit les araignées occupées îi ajuster
les uns aux autres avec leurs tarses les fils qui sor-
tent des filières. On peut dire que la sécrétion de
la soie joue un rôle continuel dans la vie des arai-
gnées; son usage intervient îi tous les instants de
leur existence. La soie sert aux araignées îi mar-
cher sans se heurter sur les corps les plus âpres,
à se maintenir sur les plus lisses, à se précipiter
à terre sans secousse sur le sol pour échapper aux
ennemis, à tendre de longs fils au bout desquels
elles se balancent pour atteindre un point éloigné,
souvent avec l'aide du vent, à bâtir les coques
d'abri, ;\ tisser les toiles et les pièges sans lesquels
elles périraient de faim. Dans le combat, c'est en-
core avec des fils que l'araignée enbce et garrotte
ARAIGNEES
— 167 —
ARAIGNEES
son adversaire, et ce sont enfin des fils qui, au
moment de la ponte, servent à fabriquer soit des
sacs feutrés et imperméables à l'eau où reposent
les œufs, soit de moelleux édredons qui les enve-
loppent et les protègent contre le refroidissement
nocturne.
Les œufs, en sortant des ovaires, ont la forme
de petites sphères très polies et lisses; quand il
n'y a pas de cocons, comme chez les pholques, ils
sont couverts d'une matière visqueuse qui les
fait adhérer ensemble en un petit paquet que la
mère tient sous le plastron, entre ses pattes-mâ-
choires. La plupart des araignées font des pontes
successives, de huit jours en huit jours, et entourent
chaque ponte d'un cocon spécial, tissé pour elle.
Au bout d'un mois environ, selon la température,
les jeunes araignées brisent la coque de l'œuf.
Elles sont alors entièrement blanches et ont les
pattes réunies et accolées sous le ventre: au bout
d'une huitaine de jours environ a lieu une pre-
mière mue qui rend libres tous les appendices ; alors
les petites araignées se hâtent de sortir du cocon.
Dans beaucoup d'espèces, elles se dispersent, et
chacune choisit la place de sa demeure future;
dans certaines espèces elles restent encore ensem-
ble quelque temps, soit sur le dos de la mère, soit
formant ces pelotons de petites araignées si com-
munes dans les jardins. C'est en automne que se
fait l'éclosion du plus grand nombre des arai-
gnées. Lors de la dispersion des jeunes, toutes ces
petites araignées laissent des fils sur leur passage,
couvrant le terrain et les troncs d'arbres de leurs
filaments innombrables et tellement fins qu'ils ne
sont visibles que lorsqu'ils réfléchissent la lumière
du soleil. C'est aussi à cette époque que le vent
promène de toutes parts des filaments accolés et des
flocons de ces fils, blanchis par la rosée, et qui for-
ment ces fils de la Vierge si abondants dans les
campagnes.
Les araignées sont ornées à la région dorsale de
pigments de couleurs variées et elles ont d'habi-
tude des teintes en rapport avec celles des objets
sur lesquels elles doivent passer leur existence ;
c'est là une harmonie d'imitation fréquente chez
les animaux et qui sert à dérober l'araignée à la
vue des insectes dont elle fait sa proie, comme
aussi à celle des pompiles et des pélopées (Hymé-
noptères fouisseurs), qui emportent les araignées
dans leurs terriers comme provision pour leurs
larves, et de divers Hyménoptères entomophages
qui viennent pondre dans leurs corps et surtout
dans leurs cocons à œufs ; ce sont les vengeurs
de la race des insectes. Les araignées qui vivent
dans la corolle des fleurs (thomises) sont parées de
couleurs rouges, jaunes ou violettes ; celles des
vergers et des jardins (épeires, tliéridions, attes)
ont des couleurs et des dessins variés; les spa-
rasses, qui chassent au printemps sur les gazons,
sont d'un vert émeraude. Les espèces établissant
leurs toiles dans des endroits obscurs, les grottes,
les caves, les celliers, les écuries, les granges, etc.,
ont des teintes foncées et uniformes (tégénaires,
ségestries, drasses) ; celles qui se cachent sous l'é-
corce des arbres ou dans des trous en terre, comme
les clubioncs, les mygales, les atypes, sont brunes,
plus ou moins rougeâtres ou verdàtres ; les lycoses,
les philodromes, les dolomèdes, qui courent à
terre, ont la couleur du sable ou des feuilles
sèches.
Les araignées ne peuvent pas absorber de ma-
tières solides et ne vivent que de sang et de sucs
animaux; elles rejettent les parties dures et des-
séchées de leurs victimes et sont capables de sup-
porter des jeûnes de plusieurs mois, même en été,
surtout chez les espèces sédentaires, obligées d'at-
tendre une provende qui ne vient parfois qu'à de
longs intervalles ; souvent l'araignée est obligée,
par la faim, de quitter une place mal choisie et de
tenter la fortune en des lieux plus propices. C'est
dans ces moments de famine que les femelles dé-
vorent leurs mâles ou se mangent entre elles ; c'est
ce qui empêche de faire travailler, en société, les
araignées, comme on en a eu la pensée, afin d'u-
tiliser les toiles et surtout les cocons à œufs de
certaines espèces. Si l'on rapporte chez soi des
araignées, pour l'étude ou la collection, il faut
placer chacune dans un tube de verre séparé ou
dans un cornet de fort papier, sous peine d'un
prompt carnage dans lequel les plus faibles suc-
combent.
Les araignées, en raison de leurs mœurs carnas-
sières, sont des Articulés éminemment utiles et
dont on doit protéger l'existence, en recommandant
de ne pas les écraser et de respecter leurs pièges
de chasse ; il n'y a d'exception que pour les grosses
espèces qui se trouveraient dans le voisinage des
ruches, car elles détruisent des abeilles capturées
dans leurs toiles.
Espèces d'Araignées dont l'étude est à recomman-
der en raison de leur utilité ou de leurs mœurs
curieuses :
1° Araignées des maisons. — Les araignées qui
habitent nos demeures d'une manière exclusive ou
accidentelle, et qui nous délivrent d'un grand
nombre d'insectes nuisibles de divers ordres, ap-
partiennent à des genres difi'érents.
Les Tégénaires construisent dans les angles des
murs et entre les solives des plafonds de larges
toiles enfoncées dans leur milieu et en forme de
hamacs, s'étendant parfois sur toute la largeur
d'une fenêtre, qui sont d'abord d'un blanc éclatant,
mais ne tardent pas à se couvrir de poussière. La
vie des tégénaires est sédentaire et se passe dans
un tube soyeux placé à l'un des angles de la toile,
d'où elles guettent les insectes qui y tombent et les
entraînent dans leur tube pour les sucer. Pour la
ponte de leurs œufs ronds et d'un blanc mat, la-
quelle se fait en été, les tégénaires de nos maisons
filent d'abord un flocon de soie d'un beau blanc
et l'entourent d'un sac de fils bruns et lâches lesté
avec des graviers et des débris d'insectes et attaché
avec de nombreux fils dont certains communiquent
à la toile. Les œufs sont alors pondus et enveloppés
d'un cocon de soie fine et transparente que l'arai-
gnée transporte au centre du flocon. Elle en ferme
l'ouverture, et, abandonnant sa grande toile et son
tube, se pose sur le sac aux œufs, qu'elle surveille
constamment jusqu'après la sortie de sa progéni-
ture. Deux tégénaires vivent ainsi dans nos mai-
sons. Lune atteint dans sa grande vieillesse, qui
peut, dit-on, dépasser sept ans, une longueur de
•,; centimètres et est la plus grande araignée des
environs de Paris. C'est l'Araignée domestique {Te-
genaria doinestica, Linn.), à pattes longues et
grêles, à couleur grise et obscure. Une autre
espèce, de plus petite taille et d'une couleur brune
plus vive, l'Araignée civile Tegenaria civilis, 'Walc-
kenaër), a les mêmes habitudes. J'ai vu des tégé-
naires venant sucer des gouttes de sang humain
sur les parquets ou dans une cuvette. Il faut,
autant que possible, ne pas enlever les toiles des
légénaires dans les celliers, les granges, les écu-
ries, les étables, les bergeries, etc., car elles dé-
truisent les mouches domestiques, les mouches
nuisibles aux grains [Chlorops, OsciJiis), celles qui
tourmentent le bétail, les œstres, les hypodermes,
les céphalémyies.
On voit souvent pendre aux plafonds et aux
corniches des chambres des fils très-gluants fixés
aux deux bouts, entrecroisés en tous sens et sur
plusieurs plans. Se tiennent au milieu de ces fils
des araignées à pattes extrêmement longues ,
ténues comme des fils, ressemblant à celles des
faucheurs, à petit corselet circulaire, à long abdo-
men tronqué en arrière, à mouvements lents et
d'une couleur blanc-grisâire. Ce sont les Phol-
ARAIGNEES
168 —
ARAIGNEES
ques {Pholcus phnlnnqoides, Walk.), se secouant
par fortes saccades dès qu'un insecte se prend
dans la toile, ou dès qu'on y touche. Dès qu'une
mouclie s'est collée aux fils gluants, le pliol-
que s'avance lentement au-dessus d'elle, puis,
se soutenant au moyen de ses six grandes pattes
antérieures, l'enlace de fils nombreux comme d'un
maillot, fils que ses pattes postérieures portent
avec régularité des filières de l'araignée à la
mouche. Puis le pholque fait monter la mouche
jusqu'à sa bouche au moyen de la troisième paire
de pattes, l'applique sous son corps, la suce pen-
dant plusieurs heures, détache ensuite le cadavre
qu'il laisse tomber, de sorte que ses fils ne sont
jamais souillés par les dépouilles des victimes. Les
pholques femelles collent sous leur plastron leur
paquet d'œufs agglutinés entre eux et sans cocon,
le maintenant ainsi pendant tout le temps que
mettent les jeunes à éclore et à se développer; la
mère ne sort pas de sa toile, ne fait aucun mou-
vement, négligeant même de prendre de la nourri-
ture jusqu'à ce que le sort de sa postérité soit
assuré.
On trouve encore dans les maisons, aux angles
des murs, aux corniches, dans les armoires aban-
données, entre les interstices des poutres, des
toiles très-lâches et à fils isolés pendants, tissées
par un Théridiondit Xx\a.r)g\x\iîkve [Theridion trimi-
guliferum, Walck.), petite araignée à abdomen
renflé et luisant comme s'il était verni, d'un brun
violacé, orné de trois lignes blanches formées par
de petits triangles à la suite les uns des autres.
Lourde et lente, elle se laisse prendre sans ré-
sistance en simulant la mort. Elle pond au prin-
temps et en été, à divers intervalles, garnissant un
coin de sa toile d'une série de cocons d'un tissu
transparent et pleins d'œufs ovales, et reste auprès
de ces précieux dépôts, qu'elle surveille avec atten-
tion.
Un autre Théridionide, la Dictyne civique
{Dictyna civica, H. Lucas), à céphalothorax noir,
à abdomen gris avec une ligne de triangles noirs
au milieu, établit des toiles en fils rayonnants et
au milieu desquelles elle se tient sur les murs ru-
gueux et non badigeonnés des maisons. Bientôt ces
toiles, couvertes de poussière, ressemblent à des
taches de boue desséchée de la grandeur d'une
pièce d'argent de cinq francs. Les murs en moellons
ou en pierre de taille des maisons de Paris sont
parsemés de ces toiles maculées.
'1" Araignées des céréales, des prairies, des vi-
gnobles, des vergers et des jardins. — On trouve en
grande abondance dans tous les jardins deux Clu-
biones. L'une a le corselet et les pattes d'un blanc
jaunâtre et l'abdomen d'un gris bleuâtre velouté
et argenté : c'est la Clubione soyeuse [Clubione
holosericca, Latreille) ; l'autre, avec l'abdomen rou-
geâtre, est la Clubione amarante [Clubione ania-
ranta, Latr.'. Ces espèces vivent sur les feuilles
des arbustes et des plantes basses des jardins,
entre les pétales des fleurs, sous les pierres et
sous les plâtras des vieux murs, aussi bien que
sous l'écorce à moitié détachée des arbres ; parfois,
mais rarement, à l'intérieur des maisons champêtres
peu habitées, particulièrement au haut des rideaux
ou dans les armoires abandonnées. Ciiaque clu-
bione se file une coque en forme de cellule
oblongue ou de tube allongé d'une soie très fine et
très blanclie, toujours fort propre. L'habitation a
une ouverture par où sort l'araignée, soit pour la
chasse, soit pour fuir si on attaque sa demeure.
Elle se laisse alors tomber à terre sans se pendre
à un fil, reste immobile quelques instants, puis se
sauve avec rapidité pour aller construire ailleurs
une autre co(|ue d'abri. En automne, on ne peut
pas agiter une branche de lilas dans un jardin sans
voir tomber plusieurs clubiones de ces deux
espèces, ordinairement gîtées entre les feuilles et
les fruits de cet arbuste. (;hez les clubiones, les
mâles et les femelles sont de même taille, et par
suite font bon ménage. Au mois de juin, chaque
coque renferme à côté l'un de l'autre un mâle et
une femelle sépares par une cloison de soie. En
juillet, la femelle restée seule enferme ses œufs
dans un cocon aplati d'une soie lâche, déposé dans
la coque, et devient alors hardie et courageuse pour
défendre sa progéniture ; alors, au lieu de fuir
si on déchire sa coque, elle mord violemment son
ennemi.
On trouve au printemps et en été une autre
clubione, dite nourrice [Cheiracanthium nutrix,
Walck.), dans les champs d'avoine, dans les prai-
ries, etc.. à corselet d'un jaune orangé chez la fe-
melle, d'un riche vert rougeâtre chez le mâle. Ils
vivent côte à côte dans une coque blanche, balancée
par le vent et exposée à la pleine lumière du so-
leil, placée au haut des épis maintenus courbés en
demi-cercle par des fils de soie. Cette retraite, d'où
les clubiones sortent pour attaquer avec courage
les insectes les plus vigoureux, ressemble au nid
du mulot des moissons ou à celui de certaines che-
nilles sociales. Le cocon à œu.fs est placé dans le
nid où les œufs éclosent en automne, la mère dé-
fendant ses petits comme elle protégeait les œufs.
Un certain nombre de Théridionides nous rendent
de grands services en raison de leur abondance.
Du printemps à la fin de l'automne on rencontre
dans les endroits abrités, sur les murs à l'ombre,
sous le rebord des toits, à l'intérieur des buissons,
le Théridion sisj'phe (Theridioîi sisyphiis, Walck.),
dont la femelle, à abdomen énormément renflé, est
variée de noir, de rouge et de blanc; le mâle, fort
difi'érent et beaucoup plus petit, est entièrement
noir. Ce théridion reste à l'affût, les pattes repliées
sous le ventre, au milieu d'une toile assez lâche.
Au moment de la ponte, la femelle fabrique en ce
milieu une coque de soie jaune, qu'elle solidifie
avec des feuilles sèches, du gravier, des grains
de plâtre, destinés à la cacher, et elle dépose à
l'intérieur ses œufs enveloppés d'une soie rou-
geâtre très serrée ; la mère, couchée sur cette
coque, la garde avec vigilance et déchire avec ses
chélicères l'enveloppe de soie serrée au moiuent
où les petites araignées sortent des œufs. Une autre
espèce, le Théridion à nervures ('/'. nervosum,
Walck.), dont l'abdomen est rayé de fines lignes
noires, établit sa toile en longs fils brillants, non
plus dans les lieux abrités, mais à découvert dans
les bois et dans les champs, se plaisant à l'extré-
mité des hautes herbes, sur les genêts, les
bruyères, etc. Au sommet de la toile le théridion
se construit un petit dôme d'abri, d'une soie forte
et blanche, recouvert de débris de feuilles et do
pétales desséchés. Il y pond ses œufs dans un
petit cocon sphérique et verdâtre, l'entoure de ses
pattes dès que l'on touche à la toile, et l'emporte
si on le poursuit.
Un véritable protecteur de nos vignobles, détrui-
sant beaucoup de pyralcs de la vigne et de la
grappe (autre espèce très nuisible), est le théridion
bienfaisant {Dicti/na benigna, Walck.'. C'est une
petite araignée très commune, de couleur sombre,
le gros abdomen de la femelle offrant au milieu
une partie foncée qui se détache sur un fond gris.
D'un courage excessif, elle attaque tous les insec-
tes destructeurs qui viennent sur les feuilles et les
fruits pour les dévorer ou pour pondre des œufs
d'où sortiront des larves funestes. La femelle est
lente et sédentaire ; le mâle, tout noir et à longues
pattes, ressemble à une fourmi. Il est toujours er-
rant et saisit les insectes à la course. Au mois de
juillet il se place sur la toile lâche de la femelle à
côté d'elle dans une coque de soie très fine; peu
après, la femelle, dont l'abdomen gonfle d'œufs est
devenu énorme, pond cinq ou six paquets d'œufs,
dans des cocons jaunes au dehors, très plats et
ARAIGNEES
— IGO —
ARAIGNEES
collés sur les feuilles. Il faut bien se garder de dé-
truire les toiles et les œufs de ces précieux auxi-
liaires. En effet ils choississent pour faire leur
toile les feuilles des plantes peu élevées, les fleurs
de rosier, de sureau, de lilas, etc., la surface des
poires et des pêches, les tapissant de fils lâches et
irréguliers croisés en tous sens, au milieu des-
quels se tient la femelle, les pattes relevées et re-
gardant en haut. Il n'est personne qui, en mangeant
du raisin, n'ait remarqué, et peut-être même avalé
quelques-unes de ces petites araignées, car sou-
vent chaque grappe en loge plusieurs individus,
avec leurs toiles et leurs cocons.
Les araignées des jardins et des vergers par ex-
cellence sont les Épeires. La plus importante est
lEpeire diadème (Epeira ou Neopora diadema,
Walck.), d'une couleur jaune, plus ou moins rou-
Epeires diadènies mâle et femelle
geâtre ou noirâtre, selon les variétés, et dont l'ab-
domen est orné de petites tâches blanches dispo-
sées en croix, qui la font nommer par les jardiniers
porte-ci'oix ou croix de Saint-Denis. L'espèce at-
teint tout son développement au mois de septembre;
l'abdomen gonflé des femelles est énorme, et elles
construisent ces grandes toiles en cercles concen-
triques, qui pullulent partout entre les branches
des arbres fruitiers ou d'un arbuste à l'autre au
milieu des jardins. L'épeire diadème se tient à
côté de sa toile, dans un abri formé par plusieurs
feuilles réunies par des fils de soie et d'oùpart un
gros fil, sorte de câble se rendant au centre de la
toile, et sur lequel l'araignée glisse, comme un
trait, dès qu'un insecte qui vole s'est empêtré dans
la toile. Si l'insecte est petit, elle l'entraîne dans
sa retraite pour le sucer; s'il est gros, elle le suce
sur place après l'avoir enroulé dans ses fils en le
faisant tourner entre ses pattes, à la façon d'un
rôti à la broche. En octobre les épeires pondent de
gros œufs ronds et jaunâtres, enveloppés d'une
épaisse bourre de soie d'un jaune doré, ces cocons
étant mis à l'abri pour l'hiver sous les pierres, sous
les toits, dans les trous de mur au midi, etc.. Les
astronomes utilisent les fins fils de ces cocons, afin
de former par leur croisement le réticule des lunet-
tes astronomiques, donnant un point sensiblement
géométrique pour relever la position des étoiles.
La plupart des épeires adultes meurent aux pre-
miers froids. Certaines passent l'hiver dans quel-
que creux abrité, et s entourent alors d'une coque
de soie blanche sans ouverture, d'un tissu très
serré. Les œufs des cocons éclosent à la fin du prin-
temps ; avant de se disperser, les petites épeires,
qui sont alors d'un jaune uniforme avec une tache
noire au-dessus de l'anus, forment comme un gros
flocon de leurs fils do soie associés et fourmillant
d'araignées ; dès qu'on y touche, le flocon s'agite,
grossit par l'écart de ses fils, et de petites épeires
se sauvent detoutesparts.il faut recommander aux
enfants de ne pas détruire " ces petites sociétés
soyeuses, si communes dans les jardins.
3° Araignées maçonnes. — Nous avons dans l'ex-
trême midi de la France deux représentants de la
famille des Mygalides fort curieux par leurs mœurs
et de grande taille, bien moindre toutefois que celle
des Mygales tropicales. Ce sont en Provence et dans
le midi du Languedoc la Mygale maçonne (Mygale
cementaria, Walck.), en Corse et en Sicile la My-
gale pionnière {Mygale fodiens, Walck.). Ces deux
espèces, avec quelques autres, forment, pour
M. Eugène Simon, le genre Mygalodonte, avec de
•Mygale pionnière.
très longues pattes-mâchoires concourant à la mar-
che avec les autres pattes, et des chélicères por-
tant à leur extrémité une série de pointes cornées,
formant un râteau au moyen duquel ces araignées
creusent la terre. En effet leur industrie consiste
à creuser des puits, sur les coteaux arides et ex-
posés au soleil, dont les parois sont maçonnées de
grains de terre agglutinés. Le dedans de ce tube
cylindrique est tapissé d'une fine soie blanche et
il est fermé en dessus par un couvercle circulaire,
également en terre maçonnée, et garnie en dessous
d'un épais tapis de soie blanche. La mygale se tient
dans son tube, le couvercle légèrement soulevé,
prête à s élancer sur la proie qui passe. Si on
cherche à la saisir, elle ferme l'opercule, et, si on
veut le soulever, on éprouve une véritable résis-
tance, car la mygale accroche ses griffes de devant
dans une série de petits trous percés en cercle
dans le tapis de soie du couvercle, et retient avec
force l'opercule protecteur.
Les Atypes sont des araignées maçonnes, à in-
dustrie dégradée. Elles vivent dans des tubes
creusés en terre et à parois gi-ossièrement maçon-
nées ; mais ces tubes n'ont pas de couvercle. Ils
sont d'abord horizontaux, puis inclinés; tapissés
de soie blanche , ils se prolongent au dehors en
tuyaux de terre et de débris de branches, de
mousse et de brins d'herbe, ayant parfois un déci-
mètre. L'atype se tient immobile au fond de ce
terrier, et y pond ses œufs en masse ovoïde, en-
tourée d'une toile blanche et reposant sur un
coussinet d'herbes sèches. L'espèce de France, ha-
bitant surtout les parties montagneuses du centre
et de l'est, accidentelle près de Paris, est Vatype
de Sultzer (Atypa Sultzeri, Latreille)^ d'une teinte
noire, parfois bleuâtre ou rougeâtre.
4° Araignées d'eau. — Bien peu de personnes se
doutent que des araignées peuvent vivre dans
l'eau, et partageraient l'étonnement , et même
peut-êti-e l'effroi, dont fut saisi l'abbé de Lignac,
au milieu du siècle dernier, lorsque, en se baignant
près du Mans, il se vit tout à coup entouré dune
ARBITRAGE
— 170 —
ARBITRAGE
multitude d'araignées. Il venait de découvrir ri4r-
gyronète [Argyroneta 07Ma^c«, VValck. ), qui se
trouve dans les eaux froides des mares et des cours
deau calmes de l'Europe septentrionale et moyenne,
ne paraissant pas
s'étendre chez
nous au sud de
la Loire, et deve-
nant rare parce
(|ueles eaux sont
trop fréquentées
l't troublées.
( /est une arai-
1,'née d'un brun
terne uniforme,
revêtue d'un du-
vet qui retient
une forte couche
d'air, de sorte
qu'elle séjourne
et nage au sein
de l'eau comme
entourée d'une
épaisse robe
d'argent (d'où
lui vient son
nom), ce qui lui
permet de res-
pirer l'air en na-
ture comme tou-
tes les autres
araignées et non
pas l'air dissous
dansreau,àla fa-
çon des crustacés
et des poissons.
Elle donne la
chasse aux in-
sectes aquati-
ques qu'elle en-
traîne dans sa demeure, suce les insectes tombés
par accident à la surface de l'eau, et même court
sur le bord des mares en quête des insectes ter-
restres, mais a soin pour les manger de les en-
traîner toujours au fond de l'eau. Elle se file une
très élégante cloche ovale, d'une belle soie blan-
che, une vraie cloche à plongeur, dont le dôme su-
périeur est plein d'air; des fils amarrent la cloche
aux plantes aquatiques pour qu'elle ne monte pas
au-dessus d'un certain niveau. Les oeufs, entourés
d'un cocon clair comme une pelure d'oignon, sont
conservés sous la cloche. Entre les grandes cloches
des femelles sont, çà et là, des cloches plus pe-
tites appartenant aux mâles, dont la taille est
moindre. Ceux-ci établissent des tunnels ou corri-
dors soyeux par où ils se rendent aux cloches des
femelles, ces tunnels étant trop étroits pour laisser
passer la femelle, dont ils ont fort à craindre la
férocité. On peut élever les argyronètes dans des
aquariums de salon ; mais elles se mangent en-
tre elles.
On consultera : Eugène Simon, Histoire natu-
relle fies Araignées; 1 vol. in-8". Paris, Roret,
1864. [Maurice Girard.]
ARBITRAGE INTERNATIONAL. — Histoire
générale, XL. — {Etijm. : du latin arbiter, arbitre,
juge.) — L'arbitrage est le mandat conféré à des
tiers (nommés arbitres) par la volonté des parties
pour juger sans appel un différend.
Nous n'avons pas à parler ici de l'arbitrage en
matière de droit privé, mais seulement de l'arbi-
trage en matière de droit international.
C'est une idée bien simple que celle d'établir en
cas de différend entre deux nations les mômes
règles qu'on appliquerait entre de simples parti-
culiers, c'est-à-dire de substituer le jugement
d'un tiers éclairé et impartial à la lutte brutale et
au droit du plus fort. Cette idée cependant n'a
Argyronètes sur une feuille de néniipliûr
et sous l'eau dans la cloche.
prévalu que très rarement, et l'on ne connaît
qu'un petit nombre de sentences arbitrales ayant
réussi à prévenir ou à arrêter la guerre. Il est bon
de signaler les plus importantes : cette histoire
mallieureusoment trop courte de l'arbitrage in-
ternational est une des pages significatives de
l'histoire de la civilisation.
Arbitrages de Saint Louis. — Il faut remonter au
règne de saint Louis pour trouver les premiers
exemples d'arbitrage public. Louis IX avait acquis
la confiance et le respect non-seulement de son
peuple, mais du monde entier, par cet esprit
d'équité, de droiture et de conciliation qui le
mettait au-dessus de son siècle. La légende qui
nous le représente jugeant sous le chêne de Vin-
cennes les débats mômes des particuliers rend
bien le sentiment public et l'opinion des contem-
porains, puisque, à maintes reprises, des seigneurs
français et étrangers, des princes, des rois vou-
lurent lui déférer leurs querelles et demandèrent
à comparaître devant lui comme de simples plai-
deurs de Vinconnes.
C'est ainsi qu'il sut mettre un terme aux diffé-
rends survenus entre les comtes de Chàlons et de
Bourgogne, entre ceux-ci et Thibault V, comte de
Champagne, entre les comtes de Bar et de Luxem-
bourg. C'est ainsi qu'en l2G3il fut choisi pour ar-
bitre entre Henri III d'Angleterre et ses barons ré-
voltés à l'occasion de diverses chartes de liberté
accordées, puis révoquées par le roi.
On peut même dire, — c'est ce qui frappa d'admi-
ration ce monde habitué à la violence et à l'in ■
justice, — que Louis IX sut être arbitre dans sa
propre cause, par exemple quand il se réconcilia
avec le roi d'Angleterre en lui abandonnant une
partie des provinces du Midi, avec le roi d'Aragon
en lui rendant la Cerdagne et le Roussillon.
Arbitrages du pape. — Plusieurs fois pendant
le moyen âge les papes jouèrent le rôle d'arbitres
entre des princes ou des rois; quelquefois ils leur
imposèrent ou la paix ou une trêve de longue du-
rée ; souvent ils écliouèrent dans leur médiation.
Un r298, Philippe le Bel et Edouard I" roi
d'Angleterre s'en remettent à l'arbitrage de Boni-
face VIII. Mais la bulle conciliatoire du pape fut
tellement contraire aux intérêts de la couronne de
France que Philippe le Bel, après l'avoir déchirée et
jetée au feu en présence de l'envoyé de Boniface,
la fit condamner par le parlement.
En 1319, le pape Jean XXII, choisi pour arbitre
entre les Flamands et Philippe le Bel, parvint à
arrêter une guerre qui durait depuis déjà vingt ans.
Arbitrages par des laïques. — En 1380, à la
mort de Charles V, les trois oncles paternels du
nouveau roi, Louis d'Anjou, Jean de Berri et Phi-
lippe de Valois prétendent, le premier à lautoritc
sans partage, les deux autres à une part dans le
gouvernement de l'État. La guerre civile est sur
le point d'éclater, lorsque Jean Desmarets, avocat
général au parlement de Paris, la prévint par une
sentence arbitrale que les princes avaientdemandée
et qu'ils respectèrent.
En 1570, le roi d'Espagne et les Suisses prennent
des arbitres pour terminer leurs différends au
sujet des limites de la Franche-Comté.
En 1613, l'archiduc d'Autriche et le duc de
Wurtemberg soumirent à l'arbitrage du parlement
de Grenoble leurs prétentions sur le comté de
Montbéliard.
Projets de l'abbé de Saint-Pierre. — A la fin du
xvni' siècle, un homme de bien, celui h qui l'on
doit d'avoir introduit le mot bienfaisance dans
notre langue, l'abbé de Saint-Pierre, développant
jusqu'à l'utopie un beau rêve dont Henri IV paraît
avoir eu la première idée, proposait d'établir un
tribunal suprême des nations qui servirait d'ar-
bitre permanent entre tous les peuples de l'Eu-
rope et assurerait la paix perpétuelle.
ARBITRAGE
— 171
ARBORICULTURE
Si ce rêve ne s'est pas réalisé, du moins quel-
ques grands événements de nos jours semblent
montrer que cette solution n'est pas toujours chi-
mérique.
Sans nous arrêter à quelques arbitrages inter-
nationaux soumis au roi des Belges Léopold, sans
insister non plus sur le conflit qui s'était élevé
entre le Portugal et l'Angleterre relativement aux
limites de leurs possessions réciproques en Afrique
et qui fut réglé par M. Thiers en qualité de pré-
sident de la République française, nous arrivons h
celui qui en ces dernières années a le plus vivement
préoccupé l'opinion publique.
Arbitrage international dans l'afj'aire de l'Ahi-
barna. — Pendant la guerre de sécession (c'est-à-
dire la guerre civile entre les États-Unis du Nord et
du Sud), les confédérés du Sud avaient armé des
vaisseaux qui portaient la terreur dans tous les
parages de l'Atlantique, brûlant et coulant bas tous
le; bâtiments de commerce appartenant aux États
du Xord qu'ils rencontraient. Entre tous ces écu-
meurs de mer, un surtout, YAlabama, se distinguait
par ses tristes exploits. Dans l'espace de deux mois
il n'avait pas capturé moins de 22 navires américains,
sur lesquels 19, représentant une valeur de plu-
sieurs raillions de dollars, avaient été livrés aux
flammes.
La conséquence de cette œuvre de destruction
était double ; car si d'un côté elle ruinait le com-
merce de transport américain, de l'autre elle en-
richissait ce même commerce en Angleterre. Or
c'est l'Angleterre qui équipait et armait les cor-
saires confédérés; des matelots anglais s'embar-
quaient sur ces vaisseaux du Sud avec la conni-
vence des officiers du gouvernement anglais et
au mépris de la proclamation royale de neutra-
lité.
Une circonstance survint qui montra combien
était réelle, bien qu'inavouée, cette connivence de
l'Angleterre. Le 14 juin 1864, VAlabama, cerne
dans le port de Cherbourg par le Keursage envojé
à sa poursuite, est obligé, pour sortir, de passer
devant la corvette ennemie. Une bataille s'engage,
VAlabama vaincu abaisse son pavillon et ne tarde
pas à couler. Or un yacht de plaisance anglais se
trouva précisément là pour recueillir les pirates et
les enlèvera la juridiction fédérale.
Si le gouvernement de Washin2;ton ne voulut pas
voir dans cet acte une violation de la neutralité
promise, un casus belli, ce fut à cause de la lutte
terrible dans laquelle il se trouvait engagé.
Mais quand, après la bataille de cinq jours qui
livra Richmond aux troupes fédérales <3 avril 1865/
et entraîna la capitulation du général Lee, la
guerre civile eut pris fin, alors les États-Unis se
souvinrent des dommages causés à leur commerce
et demandèrent satisfaction à l'Angleterre.
Des négociations s'engagèrent entre les deux
gouvernements. Nous n'avons pas à suivre ici les
diverses phases do ce débat que vint compliquer
encore l'insurrection des Fenians protégés contre
l'Angleterre par le gouvernement fédéral. Notons
seulement le point en discussion. Les États-Unis
prétendaient à des dommages « directs et indirects "
et à la reconnaissance du principe de ces dora-
mages; l'Angleterre ne voulait accorder qu'une in-
demnité pécuniaire réparant les pertes causées au
commerce des États-Unis par la « négligence » de
son ministre do la marine et dont le consentement
ne porte en aucune façon atteuUe à son honneur.
La discussion, tantôt maintenue dans les termes
du droit pur, tantôt prenant un caractère de gra-
vité tel que l'on voyait la guerre près d'éclater,
menaçait de s'éterniser, lorsque les deux parties
résolurent par un traité signé à Washington (1871)
de s'en remettre à la décision d'un tribunal arbi-
tral compose par le roi d'Italie, l'empereur du
Brésil et le gouvernement suisse.
Après bien des ajournements, causés par les
exigences des États-Unis et les hésitations de
l'Angleterre, les arbitres, réunis à Genève sous
la présidence du comte Sclopis, représentant le
roi d'Italie, en finirent avec la question de VAla-
bama. Ils décidèrent qu'une indemnité de 15 rail-
lions et demi de dollars était due aux États-Unis
par l'Angleterre ^loùt IST-.'). En donnant ainsi une
part de satisfaction à chacune des deux parties,
ils les mécontentèrent peut-être toutes deux, mais'
ils empêchèrent deux peuples d'en venir aux
mains et montrèrent par un éclatant exemple
qu'entre peuples civilisés l'arbitrage est destiné à
remplacer la guerre. [C.-F. Durand.]
, AIIBORICULTURK. — Agriculture, IX et XX. —
[Etym. : du latin, culture des arbres.) — Ce mot
indique tout ce qui se rattache à la culture des
plantes ligneuses, arbres et arbrisseaux. Les arbres
sont les végétaux dont la tige ou tronc s'élève î»
une certaine hauteur sans se ramifier, vit pendant
de longues années et acquiert un diamètre souvent
considérable. Les arbrisseaux présentent une tige
moins volumineuse, ramifiée dès sa base. Ils vivent,
en général, moins longtemps que les arbres.
LEÇON ET DÉVELOPPEMENT A L'USAGE DES MAITRES
Abandonnées à elles-mêmes, les plantes li-
gneuses donneraient une partie des produits qui
les font rechercher; mais ceux-ci ne seraient ni
aussi abondants, ni d'aussi bonne C|ualité que ceux
des individus auxquels on applique certaines
opérations qui, en modifiant leur développement
normal, augmentent la quantité et la qualité de
ces produits. Ce sont ces diverses opérations qui
constituent la culture des plantes ligneuses, l'ar-
boricultiire .
Les espèces ligneuses soumises à la culture sont
assez nombreuses et difi'èrent entre elles quant à
la nature de leurs produits. On les a réparties,
sous ce rapport, entre les quatre groupes suivants,
que nous adoptons pour présenter un tableau aussi
sommaire que possible de l'arboriculture :
1° Les arbres et arbrisseaux fruitiers ;
2° Les arbres et arbrisseaux économiques ;
3° Les arbres et arbrisseaux d'ornement ;
4° Les arbres et arbrisseaux forestiers.
1° ARBBES et -ARBRISSEAIX FRUITIERS. — Co SOUt
ceux dont les fruits servent à notre alimentation,
sous quelque forme que ce soit. On peut les clas-
ser ainsi :
Arbres et arbris'seaux à fruits de table. — Pour
les divers climats de notre territoire ces espèces
sont les suivantes :
Poiriers.
i'ommiers.
Fruits à pépins ' ' iognassiers.
Orangers.
Grenadiers.
Pêchers.
Pruniers.
Cerisiers.
Fruits à noyau -' Abricotiers .
(Amandiers.
Jujubiers.
Pistachiers.
/ Vignes.
„ ., , . ' Groseillcrs.
Fruits en baie ' Framboisiers.
( Figuiers.
Fruits nuculaires j ^"oyers.
' Noisetiers.
Fruits à osselet V Néfliers.
' Azeroliers.
Fruits en capsule 1 Châtaignier.
ARBORICULTURE
- 172 —
ARBORICULTURE
Espèces ù fruits propres aux boissons fermenlces :
Vigne.
Pommier.
Poirier.
Cormier.
Arbres à fruits oléagineux :
Olivier.
Noyer.
Pépiiiières. — Pour toutes ces espèces, de même
que pour celles qui composent les trois autres
groupes que nous étudions plus loin, il faut,
lorsqu'on veut les soumettre à la culture, com-
mencer à élever les jeunes sujets et ne les planter
à demeure qu'alors qu'ils ont pris un certain dé-
veloppement. Le lieu où ces jeunes arbres sont
ainsi élevés prend le nom de pé/Ànière. On choisit
pour cette culture un sol riche, abrité et peu
exposé à la sécheresse. Les principales opérations
pratiquées dans les pépinières sont d'abord la
multiplication, qui comprend les se/nis, le iftarcot-
tage, le bouturage et le gre/fage. Le semis n'est
employé que pour les espèces proprement dites,
c'est-à dire pour les plantes qui se reproduisent
ainsi avec les qualités qui les font rechercher. Les
autres modes, et surtout le greflage, ne sont
usités que pour les variétés, lesquelles ne con-
servent pas par le semis les caractères qui les
distinguent. On pratique en outre dans les pépi-
nières le repiquage, qui consiste à enlever les
jeunes plants du carré des semis et à les replanter
à plus grande distance, puis la formation de la
tige des jeunes arbres de haut jet.
Les arbres et arbrisseaux fruitiers sont soumis
h. trois systèmes de culture : les vergers, le jardin
et les vignobles. Dans tous les cas, mais surtout
pour le jardin fruitier et le vignoble, la culture a
pour but de favoriser le plus possible la fructifica-
tion.
Vergers. — Ce sont des surfaces assez étendues,
consacrées à la fois aux arbres fruitiers et aux
plantes agricoles, telles que fourrages, céréales, etc.
On donne à ces surfaces le nom de vergers agrestes
lorsque les arbres sont associés sur les terres la-
Taourées aux céréales, aux fourrages artificiels, etc
"Si ces arbres sont plantés sur des prés naturels,
cette culture prend le nom de prés vergt rs. Dans
l'un et l'autre cas, ces arbres sont placés à grande
distance les uns des autres. Ils se composent d'un
tronc plus ou moins élevé supportant une tête
volumineuse. Les soins qu'on leur applique con-
sistent surtout en quelques élagages destinés à
placer sous l'action directe du soleil la plus
grande étendue possible de leurs ramifications pour
augmenter leur fructification. Les vergers peuvent
recevoir toutes les espèces indiquées ci-dessus, sauf
les arbrisseaux. Les frais de création et d'entretien
des vergers sont peu élevés, mais leur produit
maximum se fait longtemps attendre ; les fruits ont
peu de valeur, s'il s'agit d'espèces à fruits de table,
et leur produit abondant n'a lieu en général que
tous les deux ans.
Jardin fruitier. — C'est un espace plus restreint
que pour les vergers. Il est clos de murs, l'inté-
rieur en est souvent divisé par dos murs de refond,
•et il est uniquement destiné à la production des
fruits de table. Là, les arbres, presque toujours
très rapprochés les uns des autres, sont soumis à
une taille annuelle, et les espèces délicates, palis-
sées contre les murs, sont pourvues d'abris qui les
■détendent contre les intempéries du printemps.
La destination du jardin fruitier varie un peu
suivant qu'il s'agit de celui qui cultive pour con-
sommer ses produits, ou de l'industriel qui destine
ses récoltes à la vente. Dans le premier cas, le
jardin est organisé de façon à produire, pendant
chacun des mois de f aimée, la plus grande quan-
tité possible des meilleurs fruits, de façon à ce que
la consommation puisse en être continue. Pour l'in-
dustriel, il devra s'efforcer d'obtenir la plus grande
quantité des fruits qui ont le plus de valeur sur le
marché.
Dans le jardin, les arbres fruitiers sont soumis
à une série d'opérations qui ont d'abord pour but
d'imposer Ji leur charpente une forme telle que ces
arbres occupent régulièrement tout l'espace réservé
:i chacun d'eux, soit contre les murs ou en espa-
lier, soit en plein air, et qui permettent aussi d'en
obtenir le produit maximum dans le laps de temps
le plus court. Ces opérations concourent aussi
puissamment à augmenter le nombre des fruits et
à augmenter leur volume. On donne le nom de
taille à l'ensemble de ces opérations. Il y a la
taille d'hiver pratiquée pendant le repos de la vé-
gétation, puis la taille d'été exécutée aux diverse.*
époques de la pousse des arbres.
Les frais de création et d'entretien du jardin
fruitier sont, à surface de terrain égale, beaucoup
plus élevés que pour les vergers. Mais aussi, par suite
des soins donnés à ces arbres, leurs produits sont
beaucoup plus beaux, ont plus de valeur et sont
plus abondants. On peut comparer le mode de
culture du jardin fruitier à ce qu'en agriculture on
appelle culture intensive, c'est-à-dire une certaine
somme de travail et un certain capital appliques
à une surface restreinte. Les vergers peuvent être
assimilés à la culture extensive ; la même
somme de travail et le même capital étant dé-
pensés sur une surface beaucoup plus étendue. Les
résultats donnés en agriculture par ces deux
systèmes sont les mêmes pour la production frui-
tière, à savoir que le capital emplcj'é donne un
intérêt d'autant plus élevé, qu'on l'applique à une
surface plus restreinte.
Vignobles. — C'est à la vigne que s'applique ce
mode de culture auquel on a idonné le nom de viti-
culture et qui a pour but la production du vin.
Notre climat permet d'établir des vignobles sur
toute l'étendue de notre territoire, sauf dans les
départements du nord, du nord-ouest et de la Bre-
tagne. Là, les vignes ou ceps sont assez rappro-
chés les uns des autres. Le plus souvent on les
maintient près de la surface du sol. Presque tou-
jours, excepté dans le midi, ils sont pourvus de
supports. On applique d'abord un mode de taille
destiné à former convenablement la charpente des
ceps, puis ensuite on les soumet à une taille an-
nuelle, pratiquée sur les jeunes rameaux ou sar-
ments et qui a pour but d'assurer l'abondance et
la qualité des produits, et de faire que cette pro-
duction se renouvelle pendant le plus grand
nombre d'années possible. — V. Vigne.
2° AltBRES ET ARBRISSEAUX ÉCONOMinrES. — Ce
sont les espèces dont les produits diffèrent de
ceux des trois autres groupes. Ces espèces sont par-
ticulièrement les suivantes :
Le mûrier blanc, cultivé pour la production des
feuilles qui servent à nourrir les chenilles du
bombyx qui nous donne la soie. La feuille étant
le produit qu'on demande à cet arbre, on le sou-
met tous les ans ou tous les deux ans à une taille
rigoureuse, de façon à en obtenir un grand
nombre de rameaux vigoureux qui donnent une
grande quantité de feuilles amples et faciles à
récolter.
Les chènes-liéges. — Ce sont de grands arbres
dont l'écorce épaisse et spongieuse nous fournit le
liégc employé à des usages si divers. Ces arbres,
groupés en grands massifs dans le midi et le sud-
ouest, sont cultivés de façon à leur faire développer
un tronc le plus gros et le plus élevé possible. La
première récolte du liège ne peut avoir lieu que
sur les arbres âgés d'environ 30 ans ; et l'on
ne peut faire une nouvelle récolte sur les mêmes
points du tronc de l'arbre que tous les 12 ans,
ARBORICULTURE
— 173 —
ARBORICULTURE
afin de donner le temps au nouveau liège d'acqué-
rir une épaisseur suffisante.
Le sumac des corroyeurs. — Cette espèce est
un grand arbrisseau à racines Iraçantes qu'on
cultive en massif serré dans le midi. On coupe la
tige tout près du sol. De nombreux et vigoureux
bourgeons se développent alors. Vers le milieu do
l'été on les coupe rez terre. Bourgeons et feuilles
sont séchés au soleil, puis pulvérisés par un pro-
cédé mécanique. Cette poudre, très riche en tannin,
est livrée au commerce pour faire de la teinture
noire et surtout pour le tannage des cuirs.
Le cùprier. — Petit arbrisseau de la Provence,
cultivé pour la récolte de ses jeunes boutons à
fleur qui, confits dans le vinaigre, sont employés
comme condiment sous le nom de câpres. Les
seules opérations annuelles, appliquées à cette
plante, consistent à la receper pour obtenir de
nombreux et vigoureux bourgeons sur lesquels
naissent les boutons à fleurs.
Les saules à osier. — C'est une série d'espèces
dont les jeunes rameaux longs et flexibles four-
nissent la matière première à la vannerie. Ils sont
aussi très employés sous forme de liens par un
grand nombre d'industries et notamment par les
tonneliers. Chaque année, on coupe sur la souche,
placée tout près du sol, les osiers développés
pendant l'été précédent. 11 en résulte que, dès le
printemps suivant, de nombreux et vigoureux
bourgeons apparaissent et fournissent une nou-
velle récolte. Ces souches d'osier sont placées près
les unes des autres sur un sol un peu frais, mais
non marécageux.
Les arbres et arbrisseaux à parfums. — Ces es-
pèces sont particulièrement les suivantes qui toutes
sont cultivées dans les parties les plus chaudes de
la Provence. On extrait de leurs fleurs des huiles
essentielles qui forment une partie des parfums
employés dans l'industrie.
h'oranger. — Cet arbre est à la fois un arbre frui-
tier et un arbre à parfums. Chaque année on lui
enlève une partie de ses fleurs à l'aide desquelles
on fait l'eau de fleur d'oranger.
Le rosier. — Les fleurs de cet arbrisseau four-
nissent par la distillation l'essence de rose. On
soumet les rosiers à une taille annuelle des-
tinée à augmenter le nombre et le volume des
Qeurs.
Le jubmin d'Espagne et la cassie , cultivés
dans le même but, sont soumis au même traite-
ment. — V. en outre Plantes arbustives.
3° Arbres et arbrisseaux n'or.xEMtxT. —
Ces plantes comprennent toutes les espèces
ligneuses qui peuvent concourir à l'ornement de
nos parcs et de nos jardins par l'éclat de leurs
fleurs, la beauté de leur feuillage ou l'élégance de
leur port.
Pour faire un emploi judicieux de ces diverses
espèces , on a dû les partager en plusieurs grou-
pes : les espèces résineuses ou non résiiieusis; celles
à feuilles persistantes, puis celles à feuilles cadu-
ques. Enfin chacun de ces groupes présente lui-
même des subdivisions caractérisées par les di-
mensions qu'acquiert habituellement chacune de
ces espèces.
On tient compte, lors de la répartition de ces
plantes dans les jardins, dos besoins do chacune
d'elles à l'égard du climat, du sol et de l'exposition
qu'elles préfèrent ; on les dispose aussi de façon à
en tirer le meilleur parti possible pour l'ornement
des parcs on jardins symétriques, des jardins pit-
toresques, enfin des boulevards créés dans le voisi-
nage ou dans l'intérieur des villes, puis dos avenues
qui accompagnent souvent les grandes habitations
rurales.
4° Arbres et arbrisseaux forestiers. — Ces ar-
bres sont cultivés en vue de l'obtention de produits
ligneux et les opérations qu'on leur applique ont
pour but d'augmenter le plus possible cette pro-
duction. On donne à cette culture spéciale le nom
de sylviculture et celui do bois et forêts aux sur-
faces qui y sont consacrées. — V. Forêts.
Pour obtenir les produits que nous venons d'in-
diquer, les arbres et arbrisseaux forestiers sont
soumis à des modes de culture difl'érents.
Les fidaies. — Ce sont de grandes surfaces sur
lesquelles on élève les arbres forestiers de façon h
leur faire développer un tronc à la fois le plus
long et le plus gros possible et susceptible d'être
employé comme bois de construction. La culture
de ces futaies se borne à la suppression des arbris-
seaux qui pourraient nuire au premier développe-
ment des jeunes plants, puis à des éclaircies suc-
cessives, conduites de telle sorte que les arbres
puissent acquérir leur plus grand développement.
— Après chaque exploitation les futaies se régé-
nèrent au moyen d'ensemencements naturels.
Les taillis ou bois-taillis difl'èrent des futaies
en ce que les arbres sont exploités dans un âge
beaucoup moins avancé, lorsqu'ils n'ont que 9 à
30 ans. Le produit de cette culture fournit surtout
du combustible. Lors de l'exploitation, les arbres
ne sont pas arrachés, comme dans les futaies : on
les coupe rez terre, et les souches fournissent de
nouveaux produits qui sont périodiquement exploi-
tés pendant une longue suite d'années.
Les taillis sous futaies. — C'est une association
de la futaie avec le taillis, de façon à récolter à la
fois du bois de construction et du combustible. Les
arbres de futaie sont beaucoup moins serrés que
dans la futaie proprement dite, afin qu'ils ne nui-
sent pas trop au développement du taillis.
PUndations de lignes forestières. — Dans ce cas
ces mêmes arbres forestiers sont disposés en lignes,
isolés et plantés à des distances qui leur permet-
tent d'acquérir leur plus grand développement et
de fournir ainsi du bois de service. Ces plantations
sont établies le long des routes, des canaux ou sur
les grands domaines. On soumet ces arbres à des
élagages périodiques pour favoriser l'accroissement
dutronc en grosseur et en longueur. Après l'exploi-
tation, ces arbres sont renouvelés par de nouvelles
plantations.
Les haies vives. — C'est par extension qu'on a
compris les haies vives dans la sylviculture, puis-
que ces haies vives servent uniquement de clôtu-
res rurales.
Importance de l'arboriccltire e\ France. — Le
produit des plantes ligneuses cultivées en France
a une très grande valeur. Les chiffres que nous
donnons ci après ont été puisés à diverses sources
et particulièrement à la statistique officielle de
l'agriculture.
Production.
Nature des produits. Valeur en argent.
Fruits de table 540 000 000 fr.
Fruits propres aux boissons fer-
nientées (vins, cidres) 3 130 800 00
Fruits oléagineux 500 430 86
Produits Iigneu\ ^bois et forêts). 257 000 000
Produits économiques (nous n'a-
vons de renseignements que
pour les feuilles de mûrier). . . 29 470 777
Produits des pépinières (pas de
renseignements) >•
Total 4 457 721640
Les produits de notre agriculture étant évalues
environ dix millards, on voit que l'arboriculture
joue un rôle ti'ès important dans cette production.
Si nous considérons cette branche de l'agriculture
au point de vue de l'exportation, nous trouvons, par
les chiffres suivants, empruntés à l'administration
des douanes, que l'arboriculture contribue aussi puis-
samment à augmenter la fortune publique :
ARBORICULTURE
Exportatio7i.
Fruits de table 50 100 000 fr.
Boissons femientées (vins et ci-
tlrcsi 261 373 000
Fruits oléagineux 3 416 000
Produits ligneux 37 500 000
Produits économiques 9 081 000
Produit des pépinières (pas de
renseignements) »
174 —
ARGHIMÈDE
Total.
361,081,000
Il est vrai que nous importons des produits simi-
laires,surtout des bois do construction(l 86,838,000 f.)
pour une valeur totale de •J61,';2G, 000 fr. lien ré-
sulte néanmoins que ce compte se balance large-
ment à notre avantage.
Bibliographie arboricole. — Si l'enseignement
officiel de l'arboriculture est récent, il n'en est pas
ainsi des publications qui traitent de cette matière.
Nous indiquons ici les plus importants de ces ou-
vrages dans l'ordre chronologique.
Au commencement du dix-septième siècle, on voit
paraître l'ouvrage si remarquable d'Olivier de Ser-
res, le Théâtre de V agriculture, Asins lequel l'auteur
a fait une large part aux diverses parties de l'ar-
boriculture.
Sous Louis XIV, de La Quintinie publie son li-
vre sur les jardins fruitiers et potagers. Puis on vit
paraître les ouvrages de Descombes, de la Breton-
nerie sur la culture du pêcher.
Après la Révolution, l'arboriculture prit un nou-
vel essor et l'on vit augmenter aussi le nombre
des traités sur cette matière ; tels sont surtout :
La Taille raisoiinée des arbres fruitiers du baron
de Butret; le Traité des arbres fruitiers de Duha-
mel du Monceau ; la Pomone française du comte
Lelieur; le Cours de culture d'André Thouin ; la
Culture des bois de Parade, directeur de l'école
forestière de Nancy; les Vignobles français par le
docteur Jules Guyot; enfin le Cours d'arboriculture
du professeur Du Breuil, reproduction des leçons
faites par l'auteur à l'Institut national agi-onomique
(5 volumes, 9e édition). TDu Breuil.]
PROGRAMMES DE QUELQUES PAYS
FR.\NCE.
Extrait du programme des écoles normales d'insti-
tuteurs du 3 août 1881 :
« Agriculture. — ... Troisième année. — ... 2°
Cultures spéciales arborescentes. — Vigne, pécher,
cerisier, prunier, poirier, pommier, rosier, etc. »
» De la grefi'e. »
Extrait du programme des écoles primaires du
27 juillet 1882:
« Agriculture et horticulture. — ... .Cours supé-
rieur. — ... Notions d'arboriculture : greffes les
plus importantes. »
PAYS ÉTRA.XGERS.
1. Belgique. — Programmes des Conférences
faites aux instituteurs de la province de Luxem-
bourg (1872).
A. — Leçons théoriques
a. Considérations générales sur la taille des
arbres fruitiers ;
b. Effet des gelées de décembre 1871 sur les
arbres fruitiers ;
c. But de la taille, son utilité et ses inconvé-
nients ;
d. Exposé des principes généraux de la taille ;
e. Etude des meilleures formes :\ donner aux
arbres fruitiers.
B. — Exercices pratiques au jardin.
/". Revue des meilleurs instruments de taille ;
•coupe du bois.
g- Végétation naturelle des principaux arbres
fruitiers, de l'esprit d'observation et des consé-
quences qu'on doit en déduire pour pratiquer les
opérations de la taille ;
h Treillage des contre-espaliers, palissage ;
i. Exécution des formes d'arbres ;
j. Taille des rameaux à fruits et des rameaux à
bois.
k. Mise à fruit ;
/. Élagage des arbres dans les vergers, entretien,
restauration, chaulage.
C. — Maladies des arbres fruitiers.
m. Insectes et animaux nuisibles ;
n. Insectes et animaux utiles.
2 . Saxe-Weiuar. — Ecoles normales d'instituteurs.
— Exercices pratiques dans la culture des arbres
fruitiers ; greffe ; connaissance des espèces les plus
importantes. Enseignement théorique nécessaire
pour la culture d'un verger: choix de l'emplace-
ment, nature du terrain, engrais et entretien.
Excursions.
ARGHIMÈDE (Principe d"). — Physique, VII. —
Archimède vécut à Syracuse de l'an 287 à l'an 212
avant Jésus-Christ. Les mathématiciens de tous les
temps l'ont considéré comme le plus grand savant de
l'antiquité, l'un des plus grands géomètres qui aient
existé. C'est à lui qu'on doit la première méthode
de la mesure du cercle, le premier rapport approché
de la la circonférence au diamètre, la mesure des
corps ronds, du cylindre et de la sphère, et nom-
bre d'autres propositions dont le calcul moderne a
vérifié l'exactitude.
Ses découvertes dans la mécanique ne sont pas
moins remarquables : on lui attribue l'invention de
la poulie, des moufles, des roues dentées, de la vis
sans fin et de la vis creuse qui porte encore son
nom et qu'on employait de son temps à dessécher
les marais. Il trouva la théorie du levier et caracté-
risa la puissance de cet instrument si simple par
cette phrase bien connue : « Donnez-moi un point
d'appui, et je soulèverai le monde. »
Son vaste génie s'appliquait à tout; l'histoire ra-
conte qu'il inventa des machines de guerre pour
détruire les vaisseaux romains au siège de Sjra-
cuse, qu'il imagina des assemblages de miroirs
peur les briller à distance.
Il créa l'hydrostatique, en fixant les lois de l'é-
quilibre des corps plongés. C'est cette découverte
importante qui est restée la plus légendaire. Hiéron,
le roi de Syracuse, s'était fait faire une couronne
d'or, et il soupçonnait l'orfèvre d'avoir gardé une
partie de l'or et d'y avoir substitué de l'argent. 11
demanda à Archimède un moyen do constater la
fraude sans endommager la couronne. Archimède
songea longtemps à ce problème, et quand il l'eut
trouvé, un jour qu'il était au bain, il s'élança dans
la rue et parcourut une partie de Syracuse en
criant : « J'ai trouvé, j'ai trouvé [Eurêka). »
Voici sa solution (d'après M. Babinet, htudes sur
les sciences, IV) : « La couronne pesait i2 livres.
11 prend un vase exactement plein d'eau et y plonge
12 livres d'or; il voit de combien ces 12 livres d'or
font déborder l'eau du vase. Si la couronne contient
12 livres d'or pur, elle doit faire déborder le vase
exactement de la même quantité. L'épreuve faite
montre que la couronne chasse du vase un plus
grand poids d'eau que les 12 livres d'or. Elle n'est
donc pas toute en or. » Un poids d'argent déplace
en effet plus d'eau que le même poids d'or. C'est
do cette expérience qu'est sortie la loi des corps
plongés, autrement dit le principe d'Arch'imède,
qu'on formule de la manière suivante :
T'ont corps plongé daiis un liquide perd une par-
tie de S071 poids égale au poids du liquide qu'il
déplace.
On démontre ce principe par une expérience
due à Galilée. On suspend â l'un des plateaux
d'une balance un cylindre creux qui porte un cy-
lindre plein pouvant le remplir exactement. On
leur fait équilibre en chargeant le second plateau.
ARCHITECTURE
— 175 —
ARCHITECTURE
On plonge alors le cylindre plein dans un vase
d'eau; immédiatement la balance penche de l'autre
côte ; le corps plonge a donc perdu de son poids.
Pour rétablir l'équilibre, il suffit de remplir d'eau
le cylindre creux. La perte de poids du corps
plongé est donc représentée par le poids de l'eau
dont il tient la place.
Les nombreuses et importantes conséquences de
ce principe sont développées, avec leurs- applica-
tions, à l'article Équilibre des corps plongés et des
corps flottants CV. Equilibre).
Expériences. — 1 ."Constater qu'un corps plongé
dans un liquide perd de son poids en le suspendant
au plateau d'une balance lui faisant équilibre et
en plaçant au-dessous de lui un vase plein d'eau.
Se servir de cette expérience pour expliquer que
les corps sont moins lourds dans l'eau que dans
l'air.
2. Prendre un corps lourd d'un volume connu,
40 centimètres cubes par exemple, et s'assurer
qu'il perd 40 grammes de son poids dans l'eau et
qu'en le soumettant à l'expérience précédente, il
faut ajouter 40 grammes au plateau où est suspendu
le corps pour rétablir l'équilibre (c'est une dé-
monstration du principe que tout le monde peut
réaliser).
3. Équilibrer au-dessous des deux plateaux d'une
balance deux corps également lourds, mais très-
différents de volume ; les plonger dans l'eau, la
perte de l'une est plus grande que celle de l'autre,
et la balance penche du côté de celui qui perd le
moins.
4. Répéter le problème d'Archimède sur un objet
d'alliage métallique dont on connaît la co i posi-
tion. [Haraucourt.^
ARCHITECTURE. — V. le même mot dans la
I" Partie. — Nous essaj-ons ici de tracer l'esquisse
très sommaire de ce que pourrait être un petit
cours d'histoire populaire de l'architecture dans
les écoles normales et dans les écoles primaires
supérieures.
1. Origines de l'architecture- — De tout temps
l'homme a éprouvé le besoin do se garantir contre
les intempéries, de mettre sa famille ;\ l'abri dos
attaques des animaux et de l'entourer des objets
nécessaires k l'existence. Aussi le voyons-nous par-
tout, Ji l'origine des civilisations, ou chercher un
refuge dans une caverne naturelle ou se bâtir une
cabane. Tonte architecture dérive de ces doux mo-
des d'abri : Vahri construit de main d'homme ou
Vabri naturel.
\. Abri constrcit. — Premier mode de cabane :
la hidte. — Déjà l'arbre, le plus grand des végé-
taux, compose un abri; qu'on l'entoure de troncs
menus, disposés en cercle et s'appuyant sur lui à
leur sommet ; qu'on couvre ce cône de branches et
de feuilles, l'abri est complet, et un homme seul
peut entreprendre et terminer ce travail en un
court espace de temps.
Second mode de cabane : la constniction par
empilage. — C'est seulement quand l'homme
possède des outils qui lui permettent de couper
le bois qu'il peut facilement construire. Deux
procédés sont possibles : 1° l'empilage ; 2° l'as-
semblage. De ces deux modes de construction,
l'empilage est évidemment le plus ancien, il ne de-
mande qu'une main-d'œuvre et des outils très
élémentaires.
En effet, rien n'est plus simple si l'on possède
un outil tranchant, fùt-il de silex, que de couper
des troncs d'arbre d'égale longueur et de les réu-
nir horizontalement à leurs extrémités au moyen
d'encoches, de telle sorte que ces troncs ainsi joints
aient l'apparence de longues assises ( lig. 1).
Ayant atteint une certaine hauteur, l'empilage
peut être successivement retraité de manière à
former un comble à double pente, que l'on couvre
de joncs, de chaume ou de feuillages. Ce système
de construction, qui remonte aux époques les plus
reculées de l'histoire humaine, est encore usité
sur les plateaux de l'Himalaya, et dans certaines
parties de la Russie, de la Norvège, du Tyrol, de
la Suisse, du Canada et des États-Unis.
Mais, pour élever une cabane de cette sorte, il
faut que l'homme possède des arbres droits ; aussi
est-ce dans les contrées où pousse le sapin que
cette structure a été adoptée. Quand les hommes
n'ont eu à leur disposition que de grands végétaux
à troncs plus ou moins tortueux et d'une essence
plus dure, ils ont dû procéder autrement.
Troisième mode de cabane : la construction par
assemblage. — Ce système exigeait certains outils
de métal déjà perfectionnés et des combinaisons
plus savantes, en ce qu'elles dérivent d'une obser-
vation exacte des qualités propres au bois.
Le tronc d'arbre, posé debout, c'est-à-dire ver-
ticalement, présente une résistance considérable
aux pressions ; il faudrait un poids énorme pour
le faire fléchir, tandis que le même tronc posé
horizontalement et ne portant qu'à ses deux extré-
mités, fléchit sous l'action seule de son propre
poids et à plus forte raison s'il est chargé vers son
milieu.
Tenant compte de ces propriétés du bois, les
premiers hommes qui voulurent les utiliser imagi-
nèrent de placer d'abord des troncs d'arbre debout
pour servir de supports verticaux et de poser sur
la tète de ces troncs d'autres pièces de bois placées
horizontalement. Ces traverses horizontales ou
linteaux soutenaient à leur tour la couverture.
Pour éviter la flexion des linteaux, il suffisait
d'avoir des supports assez rapprochés les uns des
autres (fig. 2). Telle est l'origine, d'une part, de la
ARCHITECTURE
— 176 —
ARCHITECTURE
colonne et de son entablement, d'aulra part de la
jfenne, qui est une des plus anciennes combinai-
sons de la charpente assemblée et l'une de celles
qui devaient avoir les résultats les plus importants.
La ferme et les élément.^ de la charpente primi-
iivg, — La ferme primitive (fig. 3j est tracée
Kii:. 3 bis.
en A. Elle se compose d'une pièce horizontale BC
appelée entrait et de deux pièces plus ou moins
inclinées DB, DG (arbalétriers), assemblées à leur
pied dans l'entrait pour éviter le glissement et
réunies au sommet au moyen d'entailles à mi-bois.
Sur l'enfourchement E on posait une pièce hori-
zontale, d'une ferme à l'autre, appelée faitage, et
de ce faîtage à la tète des deux murs, d'autres
bois inclinés appelés chevrons et destinés à sup-
porter la couverture. Plus on appuyait sur la
fourche E, plus on roidissait l'entrait.
Mais il arriva que, par l'effet de la dessiccation
des bois, l'assemblage du sommet devenait gai,
c'est-à-dire qu'il n'était plus exactement serré ;
alors les arbalétriers perdaient de leur roideur et
risquaient de se déranger sous l'effort du vent ou
d'une charge inégale ; on ajouta donc à la ferme
primitive, une pièce verticale GH (fig. 3 bis) appe-
lée poinçon et au sommet de laquelle s'assem-
blaient les arbalétriers. Cette pièce verticale con-
solide toute la ferme.
Tels furent les premiers éléments de toute la
charpente assemblée, dans laquelle le bois fut
employé non plus comme une matière homogène
inerte, mais en raison de ses qualités de résis-
tance et d'élasticité.
La colonne primitive. — Le système de poteaux
J'isf. i'
OU de troncs placés verticalement pour supporter
les poutres horizontales avait des avantages évi-
dents ; mais il faut bien penser que les construc-
teurs primitifs possédaient des outils très impar-
faits, qu'ils ne connaissaient point encore la scie
et cherchaient tous les moyens propres à éviter les
difficultés de main-d'œuvre. Tantôt, profitant de la
disposition fourchue de certains troncs d'arbre, ils se
servirent de ces poteaux à tête fourchue pour leur
faire porter les poutres horizontales du comble
(fig. 4) .Tantôt, h défaut de ces bois en fourche, ils
placèrent sur le haut du poteau un chapeau, c'est-à-
dire une pièce de bois dépassant un peu le poteau
à droite et à gauche, afin de diminuer la longueur
des linteaux et de prévenir ainsi la flexion (fig. 5).
Fis
Avaient-ils à ménager une baie, porte ou
fenêtre, ils avaient le soin d'incliner l'un vers
l'autre les deux jambages, afin de diminuer le plus
possible la portée du linteau, tout en laissant à la
base de la baie une largeur suffisante.
Tous ces procédés primitifs, qui avaient leur
raison d'être dans la nature et dans les propriétés
des matériaux employés, dans la qualité des outils
connus, en un mot dans les ressources dont or»
disposait, ont laissé leur trace longtemps après
dans des constructions beaucoup plus parfaites ;
ils y reparaissent sous la forme d'ornements d'ar-
chitecture. Le chapiteau de telle colonne de
marbre, qui aujourd'hui ne semble être qu'un
ornement an à la fantaisie, rappelle cette pièce de
bois placée dans la construction primitive au-dessus
des supports verticaux pour soulager le linteau
vfig. 6).
Le souvenir même du tronc terminé en fourche
se retrouve dans certains monuments construits
pourtant en pierre ; en voici par exemple un cu-
rieux spécimen emprunté à un temple de Persé-
polis (fig. 7). On pourrait donner mille exemples
de ces procédés primitifs se perpétuant et s'al-
térant de plus en plus comme ornements d'archi-
tecture après avoir été longtemps des nécessités de
construction. N'en citons qu'un.
Tout le monde a remarqué que certaines colonnes
grecques ont le fût non pas absolument lisse, mais
cannelé. Est-ce un caprice d'artiste '? Non. En effet,
quand on veut donner soit à un tronc d'arbre,
soit à un morceau de pierre calcaire, une forme
régulière se rapprochant du cylindre, on commence
par équarrir la pièce, c'est-à-dire à lui donner une
section carrée régulière, puis, traçant un cercle
inscrit dans le carré, on abat les angles pour arri-
ver à la section octogonale, puis on abat encore les
angles do l'octogone pour obtenir un polygone à
seize côtés. On peut s'arrêter là ou continuer à
abattre les angles jusqu'à ce qu'on atteigne le
cercle et qu'on ait obtenu ainsi un cylindre. Non-
seulement les Grecs, dont le sens artistique était
très délicat, ne poussèrent pas la taille jusqu'au
cylindre, mais ils s'aperçurent que ces facette»
ARCHITECTURE
— -117 —
ARCHITECTURE
donnaient à un corps placé verticalement une ap-
parence plus ferme, plus solide que ne le faisait
ia surface cylindrique; ils conservèrent donc ces
Fi g. 6.
facettes et, pour mieux faire apparaître leurs angles
mousses, ils creusèrent légèrement les parties
planes qui portaient des ombres. Ainsi naquit la
Fig. 7.
cannelure, qui est sans doute un ingénieux procédé
décoratif, mais qui n'en est pas moins la consé-
quence d'un procédé d'exécution originel. C'est une
des lois les plus constantes que présente l'iiistoire
de l'architecture.
Construction en pisé. — Dans certains pays, à
défaut de bois et de pierre on a dû avoir recours au
pisé, mélange de limon ou d'argile déti-empé avec
du sable : il suffit de pièces de bois très légères
pour encaisser et soutenir cette sorte de moi-ticr.
En séchant, il devient très solide et pourrait durer
pendant des siècles dans les pays exempts d'humi-
dité. C'est de la sorte qu'ont été construits, dans la
2e Partie.
plus haute antiquité, les premiers édifices des
Egyptiens. Plus tard, à l'époque encore bien anté-
rieure à la construction des pyramides et des grands
temples, les Egyptiens avaient appris à employer
la pierre et le mortier. Mais, nouvel et saisissant
exemple du phénomène que nous citions tout îi
l'heure, ils conservent le souvenir des formes pri-
mitives de la cabane bâtie avec de la boue et des
roseaux. Les murs de ces immenses édifices rap-
pellent les cloisonnages de pisé, ils présentent
comme eux une surface uniforme couverte d'un
enduit sur lequel s'appliquent des sculptures lé-
gèrement entaillées ou des peintures. Les colonnes,
au lieu d'avoir la forme du tronc d'arbre, repré-
sentent un faisceau de tiges de roseaux réunies par
des bandelettes. On remarque même quelquefois,
non sans surprise, que ces colonnes ont à leur
partie inférieure, à l'endroit où le fût commence,
exactement la forme étranglée de la tige de roseau
h. sa naissance dans le limon.
Comme il ne pleut pas en Egypte, il était inutile
de prévoir des toits sur les édifices; on les couvre
par des terrasses épaisses composées originaire-
ment de limon battu soutenu par des clayonnages
de roseaux formant plafonds ; plus tard, par de
larges morceaux de pierre. Pour porter ces pla-
fonds lourds et épais, il fallait multiplier les points
d'appui; car, soit que ces couvertures fussent faites
en limon, soit qu'elles fussent faites en pierre, les
portées ne pouvaient avoir beaucoup de longueur.
De sorte que les grandes salles, dans les construc-
tions égyptiennes, se composent d'un quinconce de
colonnes relativement rapprochées, ou bien ne sont
que des galeries longues et étroites (Cf. Histoire
(Ir riinhitation humaine par VioUet-le-Duc, Paris,
Hetzel).
II. Abri naturel : la caverne; Vorigine de la voûte.
— Les Egyptiens avaient aussi reçu la tradition de
l'habitation dans des cavernes, dans des grottes na-
turelles, et il en fut de même dans beaucoup de
pays. Le souvenir de la grotte ne s'est pas moins
perpétué en architecture que celui de la cabane
en bois. On le retrouve encore dans la structure
en encorôelleme?it. Il consiste à superposer par
assises horizontales des pierres de taille placées de
telle sorte que chacune dépassant celle qui la porte,
surplombe un peu, mais sans pouvoir basculer à
cause de 1-a charge qui pèse sur les queues de
chaque pierre. Peu à peu, à mesure qu'elles s'élè-
vent, les deux parois dont les pierres forment en
quelque sorte deux escaliers renversés tournés l'un
vers l'autre, finissent par se rejoindre (fig. S).
Un autre mode do structure primitive qui dérive
de la grotte consiste h incliner de longues pierres,
de telle sorte qu'à leur sommet elles s'appuient l'une
contre l'autre ou toutes deux sur une autre pierre
leur servant de plafond ; le tout étant chargé de
lourdes masses de pierres brutes forme une galerie
solide. Les monuments dits ci/clopéens de la Grèce
primitive et de l'Étrurie sont construits de cette
manière (fig. 9).
Mais le type le plus parfait d'architecture repro-
duisant la forme de la grotte ou crypte naturelle,
c'est la voûte. Qu'elle ait été inventée en Assyrie ou
qu'elle vienne de contrées plusorientales, c'est sur les
bords de l'Euphrate et du Tigre que nous la voyons
apparaître à une époque très ancienne. L'ancien
empire assyrien, qui ne possédait en quantité suf-
fisante ni bois ni pierre à bâtir, avait trouvé ung
ressource précieuse dans un limon argileux qui se
prêtait à la fabrication des briques. C'est à l'aide
do constructions de briques crues, ordinairement re-
vêtues de briques cuites, que furent élevés les pa-
lais de Ninive et de Babylone. C'est la brique qui
permit la construction en voûte ; et la voûte, cette
grotte factice, convenait merveilleusement à ce cli-
mat extrêmement chaud et sec pendant une partie
de l'année, mais humide pendant trois mois et
VI
ARCHITECTLllE
— 178 —
ARCHITECTURE
où les bois eussent ctc très proniptement pourris
et brûlés.
Comment les Assyriens ont-ils pu inventer et
construire la voûte? On peut le voir encore aujour-
d'hui dans les mêmes contrées, car les usages
changent peu en Orient : aujourd'hui encore les
Fii^-. 8.
habitants de Mossoul élèvent les voûtes de leurs
édifices sans l'aide de cintres en charpente graco
à la facilité avec laquelle la brique crue adhère a
sa voisine au moyen d'une légère couche d argile
détrempée. D'ailleurs dans l'architecture assyrienne
les portées de ces voûtes en berceau ou heimsphc-
Fisr. 9.
riques ne sont jamais grandes, et les salles ont
plus ou moins de longueur, mais une largeur à peu
près égale et très-médiocre. Point de colonnes,
point de portiques, rien qui rappelle l'emploi du
bois : c'est bien une architecture dérivant de la
grotte.
2. Histoire de l'architecture en Europe. — Après
avoir reclierclié dans cette haute antiquité la trace
des origines de l'architecture, suivons rapidement
le développement de cet art, d'abord chez les deux
grands peuples du monde ancien dont notre civili-
sation est issue, ensuite dans notre propre pays
depuis le moyen âge.
AllCHITECÏLRE GUECQUE ET ARCHITECTlllE ROMAINE.
— Les Dorions s'établissent dans des contrées d'un
climat tempéré, plutôt chaud que froid, mais où ils
ont à se protéger, suivant les saisons, et contre la
pluie et contre le soleil. Ils y trouvent du bois de
charpente, mais non pas assez pour bâtir en bois :
ils le réservent pour les combles et les plafonds et
construisent en pierre. Telles sont les conditions
que la nature imposait aux Grecs. La manière dont
ils ont su les remplir, le sens exquis avec lequel ils
ont donné à leur architetcure des formes en môme
temps logiques et belles, la perfection de leurs
œuvres est encore et sera toujours un sujet d'admi-
ration.
Mais les Grecs n'adoptèrent jamais ni la voûte ni
en général le mode de structure que nous appelons
maromierie, c'est-à-dire l'agglutination des maté-
riaux à l'aide du mortier ou de matières plastiques.
Ils bâtirent toujours en employant la pierre d'ap-
parcii à joints secs. A coup sûr ils entretenaient des
relations trop fréquentes avec les Mèdes, les Assy-
riens et les Etrusques pour ne pas connaître
la voûte, avec les Egyptiens pour ne pas connaître
l'emploi des mortiers. Pourquoi se refusèrent-ils,
jusqu'il la domination romaine, à faire emploi de la
voûte et des mortiers? Ainsi que nous l'avons dit
ailleurs [Histoire d" l'habitation liumnine) : « A cela
il y a deux raisons principales : la première, c'est
que les Grecs n'aimaient point h prendre les usages
des hartjares, ou, s'ils les adoptaient, c'était en
leur faisant subir des transformations profondes.
La seconde, c'est que les artisans grecs tenaient à
se faire honneur de leur travail, et que les voûtes
exigent un travail grossier qui ne leur plaisent
point. Que les voûtes soient construites en brique
ou en pierre, il faut appeler, pour les élever, un
grand concours de manœuvres, une masse d'ou-
vriers, faire des murs épais, bander des berceaux
et remplir les reins. »
Des esclaves peuvent être assujettis à ces travaux
qui demandent plus de sueurs que l'intelligence ;
mais les ouvriers grecs étaient organisés en corpo-
rations jalouses qui n'auraient pas volontiers vu les
barbares travailler aux œuvres qu'eux-mêmes façon-
naient avec orgueil. Les cités grecques, républiques
rivales ou fédératives, ne possédaient ni les trésors,
ni les bras dont disposaient les rois d'Egypte et de
Perse ; elles n'avaient pas des armées d'esclaves
ou une plèbe asservie à leurs ordres : il leur était
impossible d'égaler ou de dépasser en étendue
et en richesse les monuments de ces contrées. Les
Grecs ont donc cherclié dans la beauté et le choix
de la forme cette supériorité qu'on leur accorde
dans les œuvres d'art.
Jlais par cela même on voit combien il serait
abusif de considérer comme l'ordinaire ou l'unique
expression de l'art une architecture qui s'est pro-
duite dans des conditions aussi étroites et limitées.
Les programmes des Romains sont tout autres.
Le Romain de la république, et à plus forte raison
celui de l'empire, n'est pas le sujet d'un petit Etat
composé de négociants, de philosophes, de lettres
et d'artistes. Il ne tend à rien de moins qu'à la domi-
nation du monde, il n'est pas attaché îi cet esprit
exclusif du Grec, considérant tous les peuples qui
ne sont point de sa race comme des barbares : au
contraire, le Romain veut que tous les peuples
soient Romains, et sa grande alTaire est d'adminis-
trer la terre sous la loi romaine. Si l'art grec
plaisait à quelques délicats, comme Atticus et Cicé-
ron, l'art romain a bien autre chose à faire que de
ARCHITECTURE
— 179
ARCHITECTURE
se préoccuper du choix et de l'exquise sobriété de la
forme. Ce qu'on lui demande, c'est de satisfaire à
des programmes d'un ordre nouveau, lesquels con-
cernent l'établissement de grands édifices publics,
thermes, théâtres, cirques, amphithéâtres, basili-
ques, prétoires, marchés, portiques pour la foule,
aqueducs, casernes, palais.
L'architecture, avec les Romains, entre dans
la voie moderne, l'édifice public devient la chose
importante et domine le temple ou l'habitation
souveraine.
Aussi les Romains n'ont-ils pas trop de toutes les
traditions qui les entourent pour satisfaire aux
programmes imposés par eux au monde connu.
Aux Asiatiques et aux Égyptiens ils prennent leur
structure concrète, la voûte et tous ses dérivés ;
ils leur prennent leurs grandes dispositions de
plans, la hardiesse de leur structure de pierre ;
à la Grèce, ils demandent des artistes et des dé-
corateurs pour vêtir les corps romains ; à la Gaule,
les produits de ses forêts, des charpentiers et for-
gerons. La Rome impériale, de cette réquisition
colossale, compose son art ou, plutôt, à tous ces
procédés, à tous ces matériaux elle donne un em-
ploi, à la seule condition que ses programmes
soient scrupuleusement suivis.
Comme les Asiatiques et les Égyptiens, elle em-
ploie des armées de manœuvres," qui n'ont besoin
que d'une direction et peuvent être pris partout,
et fait mettre en œuvre des matériaux énormes à
l'aide des bras dont elle dispose ; comme les Grecs,
quoique ce soit là une préoccupation secondaire,
elle prétend vêtir ces édifices d'une forme d'art
choisie.
La réglementation l'emporte sur le goût : par-
tout où Rome construit, la pierre est employée et
taillée de la même manière, les briques sont
façonnées et cuites par les mêmes procédés, la
chaux est faite avec les mêmes matériaux et mé-
langée avec le sable, suivant certaines formules in-
variables pour composer le mortier. Les maîtres
des œuvres romaines emploient partout, pour faire
les voûtes, le même système. Les plans présentent
des dispositions identiques.
En résumé, on peut dire que l'architectur
grecque et l'architecture romaine partent de deux
Fig. 10.
principes diamétralement opposés. Aussi l'alliance
entre ces deux arts ne se fait-elle jamais, et d'un
édifice romain on peut enlever l'apport grec,
comme on enlève un vêtement sans toucher en
rien à l'organisme du corps. Ce qui constitue
essentiellement l'architecture romaine, c'est la
structure ; et parmi les formes qui lui sont pro-
pres, la plus remarquable est sans contredit la
voûte, non plus dans les diiTiensions restreintes des
édifices asiatiques, mais avec les proportions les
plus imposantes et les plus hardies, telles que nous
la présente, par exemple, la rotonde d' A grippa.
Panthéon de Rome.
Architecture byzantine, architecture romane,
ARCHITECTURE GOTHIQUE. — Quand Tempire romain
fut transféré à Byzance, le voisinage de l'Asie et de
la Grèce modifia notablement la tradition romaine.
Le style byzantin admit la voûte et les principaux
procédés des architectes romains, mais il y mêla
les formes les plus diverses et parfois les plus ca-
pricieuses, sans caractère architectural très défini,
mais avec une magnifique profusion d'ornements :
Sainte-Sophie àConstantinople est le chef-d'œuvre
de cet art et le modèle des monuments à coupole.
Puis vint la période de ténèbres et d'anarchie
intellectuelle qui suivit l'invasion des barbares.
Quand la première lueur reparut avec Cliarlema-
gne, ce fut à Byzance que l'Occident alla chercher
tous ses modèles, en architecture comme pour
tous les arts. En Italie le style byzantin pénétra un
moment : Saint-Marc de Venise fut son triomphe.
ÎMais dans le reste de l'Europe, en France surtout,
l'influence byzantine s'exerça sans s'imposer d'une
façon aussi exclusive. L'architecture romane fut
le produit de ce mélange entre les traditions gallo-
romaines et l'imitation byzantine.
Les croisades et les établissements des chrétiens
en Syrie contribuèrent à propager en Occident les
procédés de l'art oriental ; ce fut le beau moment
de l'architecture romane. Mais immédiatement
après les premières croisades se manifeste un des
mouvements les plus remarquables que présente
l'histoire de l'art dans le monde moderne. Réagis-
sant contre l'influence exagérée des monastères, les
évoques de France se liguèrent avec les villes,
sièges épiscopaux,pour résister aux empiétements
du pouvoir monastique : les cathédrales bâties de
1160 à 1250 sont le signe visible de cette alliance.
ARCHITECTURE
180
ARCHITECTURE
La direction des bâtiments religieux est enlevée
aux moines, et c'est alors que prend naissance une
architecture dont les principes, aussi nouveaux que
féconds, sont absolument établis sur le raisonne-
ment et la science. C'est ce qu'on appelle le xtyle
gothique, probablement parce qu'il n'a rien de
commun avec les Goths et qu'il appartient à la po-
pulation laïque française du xii' siècle.
Comment cette architecture avait-elle pu naî-
tre ainsi au sein des populations urbaines ? c-r
il faut du temps à un art pour se constituer.
C'était par le travail des corporations laïques qui,
se servant des cléments romains recueillis et dé-
veloppés par les couvents, surent en déduire des
conséquences nouvelles. La voûte n'est plus, comme
dans l'architecture romaine, une croûte homogène
que le moindre mouvement peut briser, c'est en
quelque sorte une structure élastique.
Au lieu de renfermer les nerfs de la structure
de la voûte, comme les Romains l'avaient fait, dans
l'épaisseur même de cette voiite, les maîtres fran-
çais du xii' siècle font de ces nerfs une armature
indépendante, flexible, sur laquelle ils n'ont plus
qu'à poser des remplissages en briques ou moellons
ARCHITECTURE
— 181 —
ARÉOMÈTRES
(figure 10, extraite du Dictionnaire raisonné de l'ar-
chitecture française de E. Viollet-le-Duc, au mot
Constructio7i). 'Ces nerfs faits de pierre tenaient
ainsi lieu de cintres permanents et permettaient à
la construction de faire des mouvements sans se
briser ou se déformer. Ils poussèrent plus loin les
conséquences de ce principe, qui domine toute cette
architecture. Puisque les nerfs des voûtes étaient
indépendants, ils devaient posséder chacun leur
support spécial, ce qui permettait d'élever ou
d'abaisser chacun de ces arcs indépendamment des
autres, suivant le besoin. Ainsi ces maîtres furent
amenés à composer les piliers de faisceaux de co-
lonnes, chacune d'elles ayant son chapiteau à la
hauteur de la naissance de l'arc qu'elle devait porter.
Tenant à diminuer, autant que possible, Ji l'inté-
rieur des grands vaisseaux, l'épaisseur des piles,
afin de laisser plus de place à la foule, ils eurent
l'idée de reporter toutes les poussées des voûtes
à l'extérieur, en ne se servar.t plus des piles que
comme de supports chargés par des forces équi-
librées.
C'est ce qu'indique très-clairement la figure 11
(extraite du même ouvrage, au mot Architecture),
qui présente une coupe perspective de la nef de
la cathédrale d'Amiens. On voit ici que les pous-
sées de la grande voûte sont équilibrées par la
buttée des doubles arcs-boutants extérieurs et que
les piles verticales qui portent les voûtes peuvent
ainsi être réduites îi la plus faible section possible.
Ce système de voûtes permettait d'ouvrir sous
leurs arcs formerets (arcs tracés le long des murs'
des jours aussi grands que possible et de faire con-
sister toute la construction en des points d'appui
isolés que l'on pouvait réunir par des clôtures
pleinesou à claire-voie suivant le besoin. Telle est,
dans son principe, l'architecture ogivale : on ap-
pelle ogive la courbe donnée par deux segments de
cercle se rencontrant suivant un angle plus ou
moins aigu.
Ce rationalisme apporté dans l'art de l'architec-
ture ne se borna pas à inaugurer tout un système
de structure entièrement nouveau, il s'étendit jus-
qu'à la décoration. Ainsi les maîtres, abandonnant
les reproductions mille fois répétées des orne-
monts romains ou byzantins' que l'on retrouve
dans l'architecture romane, allèrent demander
leurs modèles à la modeste flore des champs, aux
herbacés, aux feuillages des forêts. 11 semblait
qu'ils voulussent rompre avec un passé suranné, et
en effet ils trouvèrent un art réellement neuf
qui ne tient à ses devanciers que par des liens
à peine visibles et qui bientôt fut imité dans
toute l'Europe occidentale.
Dans l'architecture civile, comme dans l'archi-
tecture militaire, ces maîtres apportèrent le même
sons droit, la même observation des principes
établis sur l'observation des phénomènes de sta-
tique, sur les qualités des matériaux, sur l'impé-
rieuse nécessité de satisfaire avant tout aux pro-
grammes imposés. Leurs habitations privées, leurs
maisons, sont des modèles de bon sens, do structure
économique et bien entendue. (Voyez, entre autres
exemples, cette petite habitation faite pour deux
ménages de très-modestes particuliers du xni'= siècle
dont le Dictionnaire niisonné de l'architecture
française a donné les plans et la façade, au mot
Maison, fig. 21 et 22.)
Nos pères, ces hommes simples, h peine
connus de nous aujourd'hui, qui trouvèrent cette
architecture, laquelle nous appartient et est une des
gloires les moins discutables delà Franco, ne sépa-
rèrent jamais la forme d'art de la structure. C'était
la structure, li^ besoin h satisfaire, la nature dos
matériaux employés qui commandaient cette forme.
De l'Ile-do-France où elle était née, l'architec-
ture ogivale se répandit d'abord dans les autres
provinces françaises, puis dans les contrées voi-
sines. Introduite en Espagne, elle s'y modifia sous
l'influence des Arabes, qui régnaient alors dans ce
pays. L'architecture arabe se distingue surtout parla
délicatesse et la profusion des ornements qui dé-
rivent essentiellement de combinaisons géométri-
ques. Elle avait au début pour forme caractéristique
l'arc en forme de fer à cheval, ou cintre outre-
passé, mais elle sut également appliquer l'ogive,
tout en employant la voûte byzantine.
Renaissance. — Les caractères généraux de cette
révolution qui se fit dans les lettres et dans les arts
du milieu du xv* au milieu du xvi« siècle sont
étudiés ailleurs (V. Renaissa?ice). Notons seule-
ment ici que l'architecture participe au mouve*
ment commun. Les Cambiche, les Philibert de
l'Orme, les Jean Bullant, les Pierre Lescot ont
laissé en France, parmi les grands monuments de la
Renaissance, le Louvre, les châteaux d'Anet, de
Blois, de Chambord, d'Écouen, etc.
Toutefois la Renaissance française eut long-
temps le bon esprit de ne prendre à l'Italie ou
à l'antiquité romaine qu'un vêtement, sans mo-
difier sensiblement les principes constitutifs de son
architecture, et ce ne fut qu'au xvn° siècle que les
écoles prétendues classiques, en France, abandon-
nèrent ces principes pour se jeter hors de toute
critique dans l'imitation des formes de l'antiquité
sans en comprendre la raison d'être.
Les siècles qui suivirent la Renaissance n'éta-
blirent pas, à proprement parler, de principes
nouveaux en architecture. En France, comme sur
toute la surface de l'Europe, on essaya de conci-
lier les traditions locales, les nécessités imposées
par les mœurs, avec le désir de plus en plus pro-
noncé d'en revenir à l'architecture de l'empire
romain. Il y eut bien chez nous, au commence-
ment du xvii^ siècle, une tendance à chercher une
architecture qui pût constituer tin art ayant son
caractère propre, mais ces tentatives furent étouf-
fées sous le règne de Louis XIV, pendant lequel
on inaugura une sorte d'architecture officielle qui
prétendait ne relever que de l'antiquité romaine,
et qui se distingue surtout par son faste et son
désir de paraître majestueuse.
De fait, depuis l'époque de la Renaissance,
l'architecture cherche sa voie, penchant vers l'i-
mitation irraisonnée tantôt d'un style , tantôt
d'un autre. Aujourd'hui les progrès immenses
accomplis par l'industrie contraindront cet art à
s'allier intimement avec la science et à se sou-
mettre aux lois imposées par le bon sens, la rai-
son et les nécessités d'une civilisation établie sur
des bases nouvelles. Mais le travail n'est pas ac-
compli. [E. Viollet-le-Duc].
cf. L'architecture et l'archéolooie nationales, études à
l'usage lies instituteurs, par <l'Heai'iet, dans le Manuel
général, années iS68 et 1S69. — Cours rationnel de dessin à
l'usage des écoles élémentaires, par d'Henriet : Dessin
d'o^-nement, gr. in-8. Paris, Hachette, 1878.
AUÉOMÈTRE. — Physique, VIII.— {Ètym. : du
grec mélron, mesure, aréos, ténu, léger, c'est-à-
dire. mesure des poids des corps peu denses.)
Les aréomètres sont des appareils flotteurs des-
tinés à déterminer la densité des liquides et des
solides ou à faire connaître rapidement la richesse
de certains liquides, comme les acides, les alcools,
et la concentration des dissolutions salines. Ils
sont construits d'après ce principe qu'un corps
flottant déplace un volume do liquide dont le poids
est toujours égal au sien et qu'il s'enfonce, par
suite, d'autant plus dans un liquide que celui-ci
est moins lourd. Ce sont toujours des cylindres, en
métal ou en verre, portant à leur partie inférieure
un corps lourd ou lesteur, destiné h les faire tenir
verticalement dans les liquides où on les plonge.
On emploie deux classes d'aréomètres :
T'Ceux que l'on fait plonger toujours jusqu'au
même point, en les chargeant de poids d'autant
AREOMETRES
— IS'2
ARITHMETIQUE
plus forts que les liquides sont plus lourds ; on
les dit à volume coristant. Ils ne servent que pour
la recherche de la densité des solides et des li-
quides; tels sont le flotteur-balance de Nicholson
et l'aréomètre de Fahrenheit (V. Densité).
2° Ceux que l'on ne charge d'aucun poids, qui
s'enfoncent d'autant plus que le liquide est plus
léger; on les appelle aréomètres h poids constant;
le volume immergé change, et ce sont ses varia-
tions, constatées sur la tige de l'appareil, qui
donnent, sur le liquide essayé, les indications qu'on
désire avoir.
Le corps de l'appareil est ordinairement un cy-
lindre de verre terminé par une ampoule soutenant
le lest et surmonté d'un petit tube formant la tige
et contenant une feuille qui porto la graduation.
Les aréomètres à poids coJistant sont nombreux;
on en fait qui servent exclusivement pour certains
liquides, comme le lait, les moûts de fermenta-
tion, etc., et que l'on appelle pèse-lait, pèse-moût,
pèse-vin. etc. Les trois plus communs sont : le
Baume pour les liquides plus lourds que l'eau
(acides et sels dissousy et que l'on appelle souvent
pèse-acides ou pèse-sels; le Cartier, pour les li-
quides plus légers que l'eau, appelé encore pèse-
esprits ou pèse-liqueurs, et Valcoomètre centésimal
de Gaj'-Lussac, exclusivement réserve aux mé-
langes d'alcool et d'eau.
Aucun de ces appareils ne donne directement la
densité du liquide où on l'a plongé ; mais on peut
l'obtenir au moyen d'une table où se trouvent
consignées les différentes densités correspondant
aux degrés de l'instrument.
Le pèse-acide de Baume est lesté de manière îi
enfoncer dans l'eau pure presque jusqu'au haut
de la tige. C'est 1;\ qu'est le point zéro. On com-
prend en effet que l'instrument enfoncera moins
dans les différents liquides où il sera plongé, puis-
qu'ils sont tous plus lourds que l'eau; la gradua-
tion va donc en descendant sur la tige. Elle est
telle que l'appareil s'arrête au degré GG dans l'acide
sulfurique concentré. Il marque 3G" dans l'eau-forte
du commerce, 2"2° dans l'acide chlorhydrique.
Dans les dissolutions salines, il donne, suivant le
degré de concentration du liquide, des indications
diverses, qui n'indiquent pas. il est vrai, le poids
du sel dissous, mais dont l'industrie tire parti
par comparaison.
Le pèse-liqueurs, destiné au contraire à des li-
quides plus légers que l'eau, n'enfonce dans ce der-
nier qu'à la naissance de sa tige, il est lesté en
conséquence et sa graduation est ascendante. Il
marque 10" dans l'eau, 40° dans l'esprit-de-vin, G3"
dans l'éther rectifié. On a cessé de l'employer
pour les mélanges alcooliques, mais on continue de
s'en servir notamment pour les eaux ammonia-
cales.
Valcoomètre centésimal de Gay-Lussac est seul
adopté en France parla régie pour connaître la ri-
chesse des différents liquides qui contiennent de
l'alcool et de l'eau sans autre substance capable
d'agir sur la densité du mélange. Sa forme est la
même que celle des autres aréomètres; il est en
verre et lesté de manière à enfoncer jusqu'à, la
partie supérieure de sa tige dans l'alcool pur; on
marque 100 à ce point et 0" au point où il s'arrête
dans l'eau ; les nombres intermédiaires ont été
trouvés en faisant des mélanges convenables d'al-
cool pur et d'eau. Il indique en centièmes du vo-
lume la quantité d'alcool pur contenue dans un
liquide. Ainsi quand il marque dans une eau-de-
vic du commerce G0°, c'est qu'il y a par 100 litres
60 litres d'alcool dans cet esprit. Comme les eaux-
de-vie et les autres liquides alcooliques tirent
presque tous leur valeur de l'alcool qu'ils con-
tiennent, on comprend l'importance des indications
de cet instrument. Il n'y a qu'une seule réserve à
faire: c'est que, quand la température est différente
de 15° au moment de l'essai , le nombre lu sur l'ap-
pareil doit être corrigé d'après des tables à double
entrée que l'on vend avec l'aréomètre.
Expériences. — 1. On prouve la nécessite du
lest d'abord pour obtenir l'équilibre stable et en-
suite pour élever ou abaisser le point d'affleure-
ment dans l'eau, en faisant flotter sur l'eau un tube
de verre fermé par un bout et en y ajoutant
quelques grains do plomb pour lo faire tenir verti-
calement et le faire enfoncer plus ou moins.
2. On prend cet appareil lesté et on le fait
flotter dans une eau sucrée, salée, ammoniacale; il
enfonce moins dans les deux premiers liquides que
dans l'eau et plus dans le troisième.
:{. On vérifie facilement l'influence de la chaleur
et la nécessité dos tables de correction en plon-
geant le même alcoomètre dans la même eau-de-
vie un jour d'hiver et un jour d'été : les indica-
tions ne sont pas concordantes, et la table permet
de les rectifier. [Haraucourt.1
ARITH3IETIQUE. — (Élym.:à\i grec, science des
nombres.) — Tout le monde sait ce que c'est que
compter; et il n'est point nécessaire de cher-
cher ;\ définir cette opération. On ne compte que
des objets semblables et de même nom. L'un
des objets que l'on compte est ce que l'on appelle
une unité, et la réunion de plusieurs unités est ce
que l'on appelle un nombre; mais cette réunion
peut se réduire à une seule unité, en sorte que
Yunité est un 7iomljre, et le plus simple de tous.
Supposons que l'on ait compté trente pommes,
trente mètres, trente chevaux; voilà des groupes
d'objets fort différents ; il }' a cependant entre
eux quelque chose de commun : c'est le nom-
bre trente, qui exprime combien il y a d'objets dans
chaque groupe. Un nombre considéré ainsi, abstrac-
tion faite de l'espèce des unités dont il se compose,
est ce qu'on nomme un nombre abstrait; si l'es-
pèce des unités était exprimée, on aurait un nom-
bre concret. Ainsi trente est un nombre abstrait ;
trente pommes, trente mètres, etc., sont des nom-
bres concrets.
L'arithmétique est la partie des mathématiques
qui traite des nombres ; elle étudie la manière dont
ils se forment, et la manière dont ils se combinent,
particulièrement dans les questions d'une applica-
tion pratique.
Nous donnons ci-dessous le programme d'un
cours d'arithmétique, en désignant par les let-
tres C. S, les parties qui n'intéressent que le cours
supérieur, et par les lettres E. N. celles qui ne sont
étudiées que dans les écoles normales. Les ma-
tières qui ne portent aucune indication constituent
le cours nioyen. Quant au cours élémentaire, qui
ne comprend que la numération jusqu'à mille, les
quatre opérations sur les nombres entiers, et les
premières notions du système métrique, on verra à
l'art. Arithmétique de la l'e Partie dans quel
esprit, dans quelle mesure et d'après quelles mé-
thodes ce premier enseignement doit être donné.
Pour le développement des leçons, nous ren-
voyons aux articles correspondants de ce Diction-
naire.
PROGRAMME D'ARITHMÉTIQUE.
XLMÉn.\TI0N" ET OPKR.iTIONS SCH LES NOMBRES ENTIERS.
I. Unité, nombres ; nombres abstraits, nombres
concrets. Nîimératio)i parlée : noms des nombres
de un h mille. Dizaines, centaines. Décomposition
des nombres en leurs divers ordres d'unités. —
Énoncer un nombre connaissant les unités des di-
vers ordres dont il se compose. — V. les art. Arith-
métique, Calcul etNumération.
II. Suite de la numération parlée. Unités princi-
pales : unités, mille, millions, billions ou milliards.
Décomposition d'un nombre en ses divers ordres
d'unités. Énoncer un nombre connaissant les divers
ordres d'unités qu'il renferme. — V. Numération.
ARITHMETIQUE
183 —
ARITHMETIQUE
• III. Numération écrite. — Chiffres : valeur ab-
solue, valeur relative ou de position. Zéro. Tranches
de trois chiflres. — Écrire un nombre énoncé.
Énoncer un nombre écrit. Exercices sur la numé-
ration. — V. Numération.
IV. Addition. — Addition de deux nombres d'un
seul chiffre. Table d"addition. Additions de plusieurs
nombi-es d'un seul chiffre. Addition de plusieurs
nombres entiers quelconques. Preuve. — V. Addi-
tion.
V. Soustraction. — Cas où, le plus petit nombre
n'ayant qu'un chiffre, le plus grand ne le surpasse
pas de plus de 9. Soustraction de deux nombres de
plusieurs chiffres, dans le cas où chaque chiffre du
nombre inférieur est plus petit que le chiffre cor-
respondant du nombre supérieur. Soustraction dans
le cas général ; méliiode dite de compensation.
Preuve. — V. Soustractioji.
VI. Multiplication. — C'estune addition abrégée.
Multiplication de deux nombres d'un seul chiffre.
Table de multiplication. Multiplication par 10, 100,
1000, etc. — V. Midtiplication.
VII. Multiplication par un nombre d'un seul
chiffre. Multiplication par un nombre de plusieurs
chiffres. On peut intervertir l'ordre des deux fac-
teurs. Preuve de la multiplication. — V. Multipli-
cation.
VIII. Principes de la midtiplication. — Multiples
d'un nombre. Multiplications successives, C. S. On
peut intervertir l'ordre de deux facteurs consécu-
tifs. On peut faire les multiplications dans un ordre
quelconque. Au lieu de multiplier par un produit
effectué, on peut multiplier successivement par
chacun de ses facteurs. Puissances d'un nombre.
— V. Multiplication.
IX. Division. — Divers points de vue sous lesquels
on peut envisager l'opération ; on pourrait la rem-
placer par des soustractions répétées. Cas où le
diviseur n'ayant qu'un chiffre, le dividende ne sur--
passe pas 9 fois le diviseur. Reste, dans le cas où
la division ne peut s'opérer exactement. Division
par un nombre d'un seul chiffre. — V. Division.
X. Division par un nombre de plusieurs chiffres.
Preuve. — V. Division.
XI. Principes de la division. — Diviseurs d'un
nombre. Tout nombre qui en divise deux autres
divise leur somme et leur différence. Tout diviseur
d'un nombre divise ses multiples. Caractères de
divisibilité des nombres par '2, 3, 4, 5, 9, il. Preuve
par 9 de la multiplication et de la division. — V. Divi-
seurs.
XII. C. S. Nombres premiers. — Décomposition
d'un nombre en ses facteurs premiers. — V. Diviseurs.
Xlir. C. S. Diviseurs communs à plusieurs nom-
bres. Plus grand commun diviseur. Nombres pre-
miers entre eux. Tout nombre qui divise un pro-
duit de deux facteurs, et qui est premier avec l'un
d'eux, divise l'autre. Tout nombre premier qui
divise un produit divise l'un de ses facteurs. Plus
petit multiple commun de plusieurs nombres. — V.
Diviseurs.
XIV. Procédés particuliers usités dans le calcul
mental. — V. Calcul mental.
NOMBRES DÉCIMAUX.
XV. Numération des nombres décimaux. — Dépla-
cement de la virgule. Zéros placés à droite. Frac-
tions décimales. Valeur approchée par défaut ou
par excès. — V. Nombres décimaux et Calcul.
XVI. Addition ou soustraction des. nombres déci-
maux. — V. Nombres décimaux.
XVII. Mi'ltiplication des nombres décimaux. —
Sens qu'il faut attacher à l'opération quand le mul-
tiplicateur est une fraction décimale ou un nombre
décimal. Nombre des décimales du produit. — V.
nombres décimaux.
XVIII. Division des nombres décimaux. — Cas où
«e diviseur est entier ; cas où le diviseur est un
nombre décimal. Valeurs approchées du quotient.
— V. Nombres décimaux.
FKACTIO.NS ORDINAIRES.
XIX. Définition des fractions ordinaires. Varia-
tions qu'une fraction éprouve quand on fait varier
ses termes. Réduction d'un nombre entier à la
forme fractionnaire. Expressions fractionnaires.
Extraction des entiers contenus dans une pareille
expression. — V. Fractions.
XX. Réduction d'une fraction à une expression
plus simple ; C. S à la plus simple expression. Ré-
duction des fractions au même dénominateur ; C.
S. au plus petit dénominateur commun. — Y. Frac-
tions.
XXI. Addition des fractions. — Cas où elles sont
accompagnées de nombres entiers. — V. Fractions.
XXII. Soustraction des fractions. — Cas où elles
sont accompagnées de nombres entiers. Cas où la
fraction qui accompagne le plus petit nombre est
la plus grande. — V. Fractions.
XXIII. Multiplication des fractions. — Sens qu'il
faut attribuer à l'opération quand le multiplicateur
est une fraction. Fractions de fractions. — V. Frac-
tions.
XXIV. Division des fractions. — Cas où le diviseur
est entier; cas où le diviseur est une fraction. —
V. Fractions.
XXV. Réduction d'une fraction décimale en frac-
tion ordinaire. Réduction d'une fraction ordinaire
en fraction décimale. C. S. Quotient périodique. —
V. Fractions.
SYSTÈME MÉTRIQUE.
XXVI. Notions générales sur les mesures. No-
menclature des unités principales du système
légal des poids et mesures. Historique. — V. Sijs-
tème métrique.
XXVII. Mètre. — Multiples et sous-multiples.
Exercices. — V. Système métrique.
XXVIII. Mètre carré. — Multiples et sous-multi-
ples. Exercices. — V. Système métrique.
XXIX. Mètre cube. — Multiples et sous-multiples.
Exercices. — V. Système métrique.
XXX. Stère. — Multiples et sous-multiples. Exer-
cices. — V. Système métrique.
XXXI. Litre. — Multiples et sous-multiples. Exer-
cices. — V. Système métrique.
XXXII. Gramme. — Multiples et sous-multiples.
Quintal métrique. Tonne. Exercices.- — V. Système
métrique.
XXXIII. C. S. Relation entre les poids et les vo-
lumes d'eau correspondants. Exercices. — V. Sys-
tème métrique.
XXXIV. Franc. — Décime. Centime. Monnaies
d'or, d'argent, de bronze adoptées en France. Exer-
cices. — V. Système métrique.
XXXV. C. S. Titre des monnaies. Exercices sur
le poids, le titre et la valeur des monnaies d'or et
d'argent. — V. Système métrique.
XXXVI. Mesure du temps. — Année, mois, jour,
heure, minute, seconde. Opérations et exercices sur
ces mesures. — V. Temps {Mesure du).
XXXVII. C. S. Conversion des anciennes mesu-
res en mesures nouvelles, et réciproquement. Ta-
bleaux de conversion. — V. Mesures anciennes
{Conversion des).
RAPPORTS ET PROPORTIONS.
XXXVIII. /?ff;ji;jo?-^; antécédent, conséquent. Deux
de ces trois quantités étant connues, calculer la
troisième. Exemples pris dans le système métrique;
C. S. dans les mesures anciennes. — V. Rapports.
XXXIX. C. S. Égalité de deux rapports ou pro-
pnrtion. Le produit des extrêmes est égal au pro-
duit des moyens. Calcul d'un terme connaissant les
trois autres. Suite de rapports égaux. Rapport en
ARITHMETIQUE
— 184 —
ARITHMETIQUE
tre la somme des antécédents et la somme des
conséquents. — V. Proportions.
XL. Règle de trois, simple, directe, inverse. So-
lution des problèmes de ce genre : 1" par la mé-
thode de l'unité : 2° C. S. par l'emploi dune pro-
portion. — V. Règle de trois.
XLI. Règle de trois composée. Solution des pro-
blèmes de ce genre : 1" par la méthode de l'unité ;
2° G. S. par l'emploi des proportions. — V. Règle
de trois.
XLII. Règle d'intérêt simple. — Divers cas suivant
que l'inconnue est l'intérêt, le capital, le temps, ou
le taux. Problème de l'échéance commune. — V.
Intérêt simple {Règle de).
XLIII. Règle d'escompte. Escompte commercial;
cas divers suivant que l'inconnue est l'escompte,
le capital primitif, le capital escompté, le temps ou
le taux. C. S. Escompte en dedans. — '\ . Escompte
{Règle d').
XLIV. Règle de société, ou de partage propor-
tionnel. Problèmes. — V. Société (liègle de).
XLV. Règle de mélange, ou d'/dliage. — Cas di-
rect. C. S. Cas inverse. — V. Mélcinge [Règle de),
et Alliage (Règle d').
XL VI. C. S. Rentes, Actioiis industrielles, Obli-
gations, Caisse d'épargne. — V. ces mots.
E. N. RACINES CARRÉES OU CUBIQUES.
XLVII. Carré d'un nombre ; carres des dix pre-
miers nombres. Carré d'un nombre composé de
dizaines et d'unités. Racine carrée d'un nombre en-
tier moindre que 100. But de l'opération quand le
nombre donné n'est pas un carré exact. — V. Car-
rés pXCuhes. Racine carrée.
XL VIII. Racine carrée d'un nombre entier quel-
conque. Racine carrée d'un nombre décimal. Racine
carrée d'une fraction. Racine carrée d'un nombre
quelconque à une approximation donnée. — V.
Racine carrée.
XLIX. Cube d'un nombre ; cubes des dix premiers
nombres. Cube d'un nombre composé de dizaines
et d'unités. Racine cubique d'un nombre entier
moindre que 1000. But de l'opération quand le
nombre donné n'est pas un cube exact. — V. Car-
rés et CuOes. Racine cubique.
L. Racine cubique d'un nombre entier ou déci-
mal. Racine cubique approchée à moins, d'un
dixième, d'un centième, d'un millième, etc. — V.
Racine cubique.
E. X. PROGRESSIONS ET I.OG.\RITHMES.
Ll. Progressiotis arithmétiques. — Calcul d'un ter-
me de rang déterminé. Insérer des moyens arithmé-
tiques entre deux termes consécutifs. Calcul de la
somme des termes. Exercices. — V. Progressions .
LU. Progressions géométriques. — Calcul d'un
terme d'un rangdéterminé. Insérer des moyens géo-
métriques entre deux termes consécutifs. Calcul de
la somme des termes. Limite vers laquelle tend la
somme des termes d'une progression géométrique
décroissante. — ■ V. Progression.
LUI. Logarithmes. — Leur définition parles pro-
gressions. Leur propriété fondamentale. Xotions
sur la construction des tables de logarithmes. Rè-
gles du calcul par logarithmes. — V. LognrifJimes.
LIV. Usage des tables de logarithmes à 7 déci-
males. Caractéristique. Étant donné un nombre,
trouver son logarithme. Étant donné un logarithme,
trouver le nombre correspondant. — V. Loga-
rithmes.
LV. Intérêts composés. Annuités. Banque. —
V. ces mots,
LVI. Amortissement. Crédit foncier. — V. ces
mots.
Il est entendu qu'au point de vue de la distribu-
tion des matières en 50 leçons ce programme
n'a rien d'absolu. Suivant la force des élèves, sui-
vant les hasards mêmes de l'enseignement, le
professeur demeurera maître d'insister davantage
sur certains points, de passer plus promptement
sur d'autres, de scinder une leçon en deux, ou d'en
réunir deux en une seule. Nous n'avons voulu
tracer qu'un spécimen du cours, qui pourra servir
de point de départ, mais qui pourra aussi recevoir
toutes les modifications jugées utiles dans l'intérêt
des élèves. [H. Sonnet.]
PROGRAMMES FRANÇAIS.
A côté de ce programme, — qui est celui de c&
dictionnaire, — il n'est pas inutile de mettre sous les
yeux des instituteurs un choix de programmes
français et étrangers, les uns absolument officiels,
les autres représentant la tradition et les usages
consacrés par la pratique des examens.
I. Programme du brevet complet, 1" série fFrance).
Ce pro^r.nmme n'a pas tliî caractère officiel, mais il peut
èfrc considéré comme donnant bien la physionomie ordinaire
d(« examens. Nous l'empruntons au Gvl'le des aspirants et
aspirantes aux divers , brevets de capacité, par 31. A. Lenient,
directeur de l'École normale de la Seine.
ARITHMÉTIQUE.
. Définitions préliminaii^es . — Ce qu'on appelle
grandeur ou quantité, unité, nombre. — Diverses
espèces de nombres.
Numération. — Objet de la numération. — For-
mation des nombres. — Numération parlée. — Nu-
mération écrite. — Règle à suivre pour écrire en
chiffres un nombre énoncé. — Traduire en langage
ordinaire un nombre écrit en chiffres.
Addition. — Objet de cette opération. — Règle
à suivre pour additionner plusieurs nombres. —
Preuve de l'addition.
Soustraction. — Théorie de celte opération. —
Sa preuve par l'addition.
■ Multiplication. — Définition de la multiplication.
— Ce qu'on appelle multiplicande, multiplicateur,
produit, facteurs du produit. — La multiplication
lî'est qu'une addition abrégée. — Nature des uni-
tés du produit. — Multiplication d'un nombre
quelconque par l'unité suivie de plusieurs zéros.
Différents cas qui peuvent se présenter dans la
multiplication : 1" multiplier l'un par l'autre deux
nombres d'un seul chiffre: table de Pj^thagore;
2" multiplier un nombre de plusieurs chiffres par
un nombre d'un seul chiffre ; -S» multiplier un nom-
bre de plusieurs chiffres par un nombre de plu-
sieurs chiffres. — Ce que l'on doit faire quand il
y a un ou plusieurs zéros à la droite du multipli-
cande, ou à la droite du multiplicateur, ou bien à
la droite des deux facteurs.
Principes relatifs h la multiplication. — Nombre
de chiffres dont peut se composer le produit de
deux facteurs. — Le produit de plusieurs nombres
ne change pas quand on intervertit l'ordre des
facteurs. — Multiplication d'un nombre par le pro-
duit de plusieurs facteurs d'un certain nombre.
Ce qu'on appelle multiples et puissances d'un
nombre. — Usages de la multiplication. — Preuve
de la multiplication.
Division. — Définition de cette opération. — Ce
qu'on appelle dividende, diviseur, quotient. — La
division n'est qu'une soustraction abrégée.
Différents cas que peut présenter la division :
1° lorsque le diviseur est un nombre exprimé par
tin seul chifl're et que le dividende est moindre
que dix fois le diviseur; 2" lorsqtie. le dividende et
le diviseur étant quelconques, le quotient n'a
qu'un seul chiffre ; îl» lorsque, les deux termes étant
dos nombres quelconques, le quotient a plusieurs
ciiifl'res. — Comment on reconnaît qu'un chiffre
placé au quotient est trop fort ou trop faible. —
Procédés à suivre pour effectuer sans tâtonnements
la division d'un dividende partiel par le diviseur.
Principes relatifs à la division. — Division d'un
ARITHMETIQUE
185
ARITHMETIQUE
produit de plusieurs facteurs par un certain nom-
bre. — Division d'un nombre par un produit de
plusieurs facteurs. — Cas où le dividende et le di-
viseur sont termines par des zéros. — Lorsqu'on
multiplie ou qu'on divise le dividende et le divi-
seur par un même nombre, la division des résultats
obtenus donne le même quotient; mais le reste,
s'il y en a un, est multiplié ou divisé par ce nom-
bre.
Usages de la division. — Preuve de la division.
Divhi'jilitê des nombres. — Définitions et princi-
pes généraux. — Lorsqu'un nombre en divise plu-
sieurs, il divise leur somme. — Tout nombre qui
en divise un autre divise ses multiples. — Lors-
qu'un nombre en divise deux autres, il divise leur
difrérence.
Tout nombre qui divise une somme de deux
parties et l'une de ces deux parties, divise l'autre.
— Un nombre étant composé de deux parties, tout
nombre qui divise l'une de ces parties sans diviser
l'autre ne divise pas la somme. — La division du
nombre donné et celle de la partie non divisible
par le diviseur donnent alors le même reste.
Caractères de divisibilité par "2 et par 5, par 4
et 2.^, par 8 et 125. — Divisibilité par 9 et par 3.
— Caractère de divisibilité par 1 1 .
Preuves par 9 de la multiplication et de la divi-
sion. — Théorie et pratique.
Ce qu'on appelle plus grand commun diviseur
de plusieurs nombres. — Théorie de la recherche
du plus grand commun diviseur de deux nombres.
— Tout nombre qui en divise deux autres divise
leur plus grand commun diviseur. — Recherche
du plus graud commun diviseur de plusieurs nom-
bres.
Sombres premiers. — Définition. — La suite des
nombres premiers est illimitée. — Méthode suivie
pour trouver quels sont, dans la suite naturelle
des nombres, ceux qui sont premiers. — Marche à
suivre pour décomposer un nombre en ses facteurs
premiers.
Théorèmes relatifs aux nombres premiers. Tout
nombre qui divise un produit de plusieurs facteurs
et qui est premier avec l'un d'eux divise nécessai-
rement l'autre. — Tout nombre premier qui divise
un produit divise en même temps un des facteurs
de ce produit. — Lorsqu'un nombre est divisible
par plusieurs nombres premiers entre eux deux à
deux, il l'est aussi parleur produit. — Former tous
les diviseurs d'un nombre.
Conditions nécessaires pour qu'un nombre en
divise un autre et pour qu'un nombre soit divisible
par un autre. — Détermination du plus grand com-
mun diviseur de plusieurs nombres au moyen des
facteurs premiers de ces nombres. Trouver le plus
petit nombre divisible à la fois par plusieurs nom-
bres donnés.
Fractions ordinau'es. — Définition et origine
des fractions. — Ce qu'on appelle numérateur, dé-
nominateur. — Manière d'écrire et de lire une
fraction. — Expressions fractionnaires et nombres
fractionnaires.
Propriétés fondamentales des fractions. — Com-
ment on rend une fraction un certain nombre de
fois plus grande ou plus j^etite. — Une fraction ne
change pas de valeur quand on multiplie ou qu'on
divise ses deux termes par un même nombre.
Ce qu'il arrive lorsqu'on augmente ou qu'on di-
minue dun même nombre les deux termes d'une
fraction ou d'une expression fractionnaire.
Simpli/iCiitiun des fractions. — Une fraction ir-
réductible est celle qui ne peut pas être écrite en
termes plus simples. — Règle à suivre pour ré-
duire une fraction à sa plus simple expression.
lli^'/ucfion des fractions au même dénominateur.
— Théorie et pratique. — Réduction des fractions
à leur plus petit dénominateur commun.
Addition des fractionu — Règle à suivre pour
additionner des fractions ayant le même dénomina-
teur ou des dénominateurs différents. — Addition
des nombres fractionnaires.
Soustraction det fractions. — Différents cas que
peut présenter la soustraction des fractions ou des-
nombres fractionnaires.
Midtiplication des fractions. — Multiplication
d'une fraction par un nombre entier. — Multipli-
cation d'un nombre entier par une fraction. —
Multiplication d'une fraction par une fraction. —
Cas où les facteurs sont des nombres fractionnai-
res. — Ce que l'on appelle fraction de fraction. —
Trouver une fraction ordinaire équivalente à une
fraction de fraction.
Division des fractions. — Division d'une fraction
par un nombre entier. — Division d'un nombre
entier par une fraction. — Division d'une fraction
par une fraction. — Cas où le dividende et le divi-
seur sont des nombres fractionnaires.
Extension aux fractions des propriétés relatives
aux facteurs et aux diviseurs, étudiées dans la mul-
tiplication et la division des nombres entiers.
Fractions décimales. — Numération des frac-
tions décimales. — Manière d'écrire en chilïres un
nombre décimal énoncé ou une fraction décimale.
— Traduire en langage ordinaire un nombre dé-
cimal.
On ne change pas la valeur d'une fraction déci-
male en écrivant ou en supprimant sur sa droite
un ou plusieurs zéros. — Ce qu'il arrive lorsqu'on
avance la virgule de plusieurs rangs vers la droite
ou vers la gauche d'un nombre décimal.
Addition. — Soustraction. — Multiplication des^
nombres décim<iux.
Divisio?i des nombres décimaux. — Division
d'un nombre décimal par un nombre entier. —
Division d'un nombre décimal par un nombre déci-
mal. — Division d'un nombre entier par un nombre
décimal. — Quand le diviseur est un nombre en-
tier, le quotient est exact à moins d'une unité de
l'ordre dont est le dernier chiffre du dividende.
Manière d'obtenir le quotient de deux nombres à.
moins d'une unité décimale d'un ordre donné.
Conversion des fractions ordinaires en fractions
décimales. — Exposé de la méthode générale de
réduction. — Définition des fractions décimales pé-
riodiques. — Conditions nécessaires et suffisantes
pour qu'une fraction ordinaire soit exactement ré-
ductible en décimales. — Nombre do chifi'res déci-
maux que devra contenir alors l'expression déci-
male de la fraction proposée.
Caractères auxquels on peut reconnaître que la
fraction décimale résultante sera périodique. —
Nombre maximum de chiffres que pourra contenir
la période.
Conversion de^ fractions décimales en fractions
ordinaire^. — Règle générale. — Étant donnée
itne fraction décimale périodique simple ou mixte,
trouver la fraction ordinaire génératrice.
Caractères auxquels on reconnaît qu'une fraction
ordinaire irréductible est équivalente à une frac-
tion périodique pure ou à une fraction périodique
mixte. — Nombre de chiffres irrcguliers que,
dans ce dernier cas, la fraction décimale devra
contenir.
Approcher de la valeur d'un nombre décimal à
moins d'une demi-unité d'un ordre décimal donné.
Système métrique. — Ce qu'on appelle mesu-
rer une quantité. — Diverses espèces de mesures.
Mesures de lonr/ueur. — Mètre ; ses divisions,
ses multiples. — Rapports de l'ancienne toise de
six pieds au mètre.
M f sures de surface ou de superficie. — Mètre
carré ; ses multiples et ses sous-multiples. — Re-
lations qui existent entre ces diverses mesures.
Mesures agraires ; are, hectare, centiare. —
Rapport de ces mesures au mètre carré. — Me-
sures topographiquos.
ARITHMETIQUE
18G —
ARITHMETIQUE
Mesures de volume. — Mètre cube. — Ses sous-
multiples. — Démontrer que chacune des unités
de volume est mille fois plus grande que l'unité
immédiatement inférieure. — Stère.
Mesures fie capacité. — Litre ; ses multiples et
ses sous-multiples. — Rapport de ces mesures
avec le mètre cube. — Formes et dimensions des
diverses mesures employées.
Mesures de povls. — Gramme ; subdivisions et
multiples usités.
Monn<ties. — Franc. — Subdivisions en usage.
— Diamètre et poids des monnaies de France. —
Rapport, à poids égal, de la valeur de l'or à la va-
leur de l'argent.
Titre des monnaies et de l'orfèvrerie.
Calcul di; grandeurs rapportées aux unités du
système métrique. — Numération des mesures mé-
triques. Opérations sur ces mesures. — Convertir
un nombre quelconque d'unités métriques en uni-
tés de l'ordre immédiatement supérieur ou infé-
rieur. — Usage des tables de conversion des an-
ciennes mesures légales.
Calcul des nombres complexes tirés de la divi-
sion de la circonférence et du temps.
Racine carrée. — Définition du carré et de la
racine carrée d'un nombre. — Composition du
carré de la somme de deux nombres. — Extrac-
tion de la racine carrée d'un nombre plus petit
que 100.
Extraction de la racine carrée d'un nombre
plus grand que 100. — ïliéorie et pratique.
Caractères auxquels on reconnaît qu'un chiffre
mis à la racine est exact. — Dire si une racine est
erronée de plus ou de moins d'une demi-unité. —
Extraction de la racine carrée d'un nombre entier
à moins d'une unité décimale donnée.
Extraction de la racijie carrée n'iin nombre dé-
cimal.
Extraction de la racine carrée /l'une fraction.
— Règle à suivre : 1» lorsque les deux termes de
la fraction proposée sont dos carrés parfaits ;
2" lorsque, des deux termes de la fraction, le
dénominateur seul est un carré parfait ; 3o lorsque
le dénominateur n'est pas un carré parfait.
Trouver la racine carrée d'une fraction ordinaire
à moins d'une unité décimale donnée. — Extrac-
tion d'une racine dont l'indice est une puissance
parfaite de 2.
Racine cubique. — Définition du cube et de la
racine cubique d'un nombre. — Composition du
cube d'un nombre renfermant dos dizaines et des
unités. — Extraction de la racine cubique d'un
nombre plus petit que lOdO.
Extraction de la racijie cubique d'un nombre
plus grand que 1000. — Théorie et pratique.
IMoyen de s'assurer de l'exactitude d'un chiffre
écrit à la racine.
Trouver la racine cubique d'un nombre entier à
moins dune unité décimale donnée.
Extraction de la racine cubique d'un jiom'.rc
de'cimal.
Extraction de la racine cubique 'l'une fraction.
— Règle à suivre : 1° les deux termes étant des
cubes parfaits ; 2° des deux termes de la fraction
le dénominateur seul étant un cube parfait :
3° le dénominateur de la fraction proposée n'étant
pas un cube parfait.
Trouver la racine cubique d'une fraction à
moins d'une unité décimale donnée. — E.xtraction
d'une racine dont l'indice est une puissance par-
faite de 3.
Rapport des grandeurs concrètes. — Défini-
tions préliminaires. — Rapport ou raison. — Pro-
portion. — Application aux rapports des propriétés
principales des quotients ou fractions.
Dans une suite de rapports égaux la somme dos
numérateurs et celle des dénominateurs forment
un rapport égal aux rapports proposés.
l^otiofis générales sur les grandeurs qui varient
dans le même rapport ou dans un rapport inverse.
Problèmes anciennement connus sous le nom
de règles de trois simples ou composées. — Mé-
thode de réduction à l'unité. — Mettre en évi-
dence les rapports des quantités de même nature
qui entrent dans le résultat final, et en conclure
la règle générale h suivre pour écrire immédiate-
ment la solution demandée.
Intérêts simples. — Formule générale qui four-
nit la solution de toutes les questions relatives
aux intérêts simples.
Escompte en dehors ou commercial. — ^léthode
des diviseurs fixes pour un nombre donné de
jours. — Solution de toutes les questions rela-
tives à l'escompte. — Escompte en dedans. —
Analogie de la règle d'escompte en dedans avec
la règle d'intérêt quand le capital primitif et l'in-
térêt sont réunis. — De l'échéance commune.
Partages proportionnels . — Partager une somme
en des parties proportionnelles à des nombres
donnés. — Règles de société.
Arithmétique appliquée. — Principales simpli-
fications apportées aux calculs d'intérêts et des-
compte dans les maisons de banque et de com-
merce. — Méthode des nombres et des diviseurs.
Voiiiptes courants.
Échéance moyenne.
Hentes sur l'Etat. — Du pair. — Achat de rentes,
connaissant la cote. — Droit de commission de
l'agent de change. — Taux d'une rente. — Des
comptes courants portant intérêt. — Modes d'em-
prunts publics.
Clianges. — Cours des changes. — Solution des
principales questions auxquelles les changes
peuvent donner lieu.
Arbitrage. — Règle conjointe.
Application des partages proportionnels au par-
tage de l'actif dans une faillite, à la répartition des
dividendes dans les compagnies d'actionnaires, etc.
Mélanges et alliages. — Valeur des objets d'or
ou d'argent d'après leur titre.
Moyennes arithmétiques. — Prix moyen.
Progressions arithmétiques. — Principales pro-
priétés des progressions arithmétiques ou par dif-
férence. — A'alour d'un terme quelconque d'une
progression arithmétique. — Insérer un nombre
quelconque de moj-ens arithmétiques entre deux
nombres donnés. — Calculer la somme des termes
dune progression arithmétique.
Progressions géométriques. — Principales pro-
priétés des progressions géométriques ou par quo-
tient. — Valeur d'un terme quelconque d'une pro-
gression géométrique. Insérer un nombre quel-
conque de moyens géométriques ou proportionnels
donnés. — Calculer la somme des termes d'une
progression par quotient.
Logarithmes. — Théorie des logarithmes dé-
duite des progressions. — P.'-incipales propriétés
des logarithmes. — Le logarithme d'un produit est
égal à la somme des logarithmes de ses facteurs.
— Corollaires relatifs à la division, à l'élévation
des puissances, à l'extraction des racines.
Construction d'une table de logarithmes.
Usage des tables de logarithmes. — Caractéris-
tique. — Un nombre étant donné, trouver son lo-
garithme. — Logarithme d'un nombre entier quel-
conque. — Logarithme d'un nombre décimal —
Logarithme d'une fraction décimale. — Loga-
rithme d'une fraction ordinaire. — Usage des ca-
ractéristiques négatives.
Étant donné le logarithme d'un nombre, trouver
ce nombre. — Cas où la caractéristique du lo-
garithme est négative. — Cas où le logarithme est
entièrement négatif.
Applii-ati'iJi des logarithmes aux questions d'in-
térêts composés. — Temps au bout duquel un ca-
pital est double, triplé, etc.
ARITHMETIQUE
187 —
ARITHMETIQUE
Application des logarithmes aux aniiuités. -
Placements par annuités.
Amortissement. — Déterminer l'annuité néces-
saire pour amortir en un temps donné une dette
contractée à un certain taux annuel. — Chercher
au bout de combien de temps sera libéré un par-
ticulier qui consacre, chaque année, une certaine
somme au payement de l'intérêt et à l'amortisse-
ment d'une dette.
Caisses d'épargne et de retraites.
Résolution des principales questions auxquelles
peuvent donner lieu les assurances sur la vie, les
rentes viagères et les tontines.
Notions élémentaires siir l'emploi des lettres et
des signes dans les calculs, comme moyen d'abré-
viation et de généralisation.
Définition et principes généraux sur les équa-
tions du \" degré. — Application ù la résolution
dos problèmes.
II. Programme du coins supérieur des écoles pri-
maires DE LA SEINE, SERVANT AUSSI DE PROGR-UIME
POUR l'examen DU BREVET OBLIGATOIRE OU DE
2° ORDRE.
Ce programme est extrait de V Organisation pédagogique
des écoles publiques de la Seine. — Les noms des mois entre
parenthèses indiquent la division mensuelle des matières
dans ces écoles.
Aritlimétique (Progr. du cours moyen).
/Oct.). — Théorie de la numération.
Nombres entiers : explication raisonnée des
quatre opérations fondamentales sur les nombres
entiers.
(Xov.). — Divisibilité des nombres. — Caractères
de divisibilité par 2. 3, 5, G, 9. — Preuves par 9
de la multiplication et de la division.
(Dec). — Nombres premiers. — Recherche du
plus grand commun diviseur de deux nombres. —
Décomposition d'un nombre en ses facteurs pre-
miers. — Recherche du plus petit multiple et du
plus grand commun diviseur de plusieurs nombres.
(Janv.). — Fractions ordinaires. — Fraction
proprement dite, expression fractionnaire. — Prin-
cipes sur les fractions. — Simplification des
fractions. — Réduction des fractions au même dé-
nominateur.
(Fév.). — Opérations snr les fractions ordi-
naires. — Addition et soustraction. — Multiplica-
tion. — Division.
(Mars). — Nombres décimaux. — Explication
raisonnée des règles du calcul des nombres déci-
maux. — Analogie des nombres décimaux, d'une
part avec les fractions ordinaires, d'autre part
avec les nombres entiers.
Conversion des fractions ordinaires en décimales,
et réciproquement.
Carré et cube d'un nombre. — Règle pratique
pour l'extraction de la racine cnrj'ée et de la ra-
cine cubique. (Indication très-élémentaire en vue
des applications au système métrique.)
(Avril). — Ce qu'on appelle rfljapor^ de deux nom-
bres : Proportio7i.
Notions générales sur les grandeurs (jui varient
dans le même rapport et dans un rapport inverse.
(Mai-Août,. Applications aux opérations pra-
tiques. — Problèmes connus sous le nom de règles
de trois, d'intérêt et d'escompte. — Méthode de ré-
duction à l'unité.
Exercices empruntés k des questions usuelles,
telles que les rentes sur l'Etat, les actions et les
ijbligations industrielles, les caisses d'épargne, la
répartition des impôts, etc.
Problèmes de société, de mélange et ^'alliage.
Problèmes divers.
Système métrique (Progr. du cours moyen).
(Oct.). — Notions générales. — Le système mé-
trique est décimal : avantages qui en résultent. —
Ce qu'on entend pariuesurer. — Diverses espèces
de mesures; leur emploi. — Définitions des unités
de mesures ; de leur rapport avec le mètre.
Multiples et sous-multiples décimaux des unités
métriques ; comment on les exprime et ce qu'ils
sont par rapport à l'unité. — Mesures effectives :
unités, multiples et sous-multiples, doubles et
moitiés de ces mesures.
(\ov.). — Mesures de longueur. — Le mètre:
ses multiples et ses sous-multiples. — Une lon-
gueur étant exprimée en mètres, en décimètres,
en centimètres, etc., la rapporter ù une autre
unité de longueur. — Valeur en mètres d'un
degré du méridien, de la lieue de poste et de
la lieue commune ou de 25 au degré.
(Dec). — Mesures de superficie. — Définition du
carré. — Mètre carré; ses multiples et ses sous-
multiples. — Are ; son multiple et son sous-mul-
tiple. — Rapports entre les mesures de superficie
proprement dites et les mesures agraires. Une
surface étant exprimée au moyen d'une unité su-
perficielle, la rapporter à une autre unité.
(Janv.). — Mesures de volume. — Définition du
cube. — Mètre cube; ses sous-multiples. — Stère,
décastèrc et décistère. — Rapports entre les me-
sures de volume proprement dites et les mesures
pour les bois de chauffage et de construction.
^Fév.) — .Mesures de capacité. — Le litre ; ses mul-
tiples et ses sous-multiples. — Mesures effectives
et fictives.
Rapports entre les mesures de capacité et les
mesures de volume.
(Mars). Mesures de poids. — Le gramme; ses
multiples et ses sous-multiples. — Mesures efi'ectives
et mesures fictives. — Quintal et tonne métriques.
Correspondance entre les mesures de poids et
les mesures de volume et de capacité ; poids d'un
litre d'eau, d'un mètre cube d'eau, etc.
(Avr.). — Mo>i7iaies. — Le franc et ses sous-
multiples. — Pièces de monnaie etfoctives. —
Poids des pièces d'or, d'argent et de bronze. —
Valeur relative des monnaies d'or, d'argent et de
bronze, à poids égal; poids relatif do ces mon-
naies à valeur égale.
Valeur du kilogramme d'argent pur et du kilo-
gramme d'argent monnayé ; du kilogramme d'or
pur et du kilogramme d'or monnayé.
Titre des alliages d'or ou d'argent. — Connais-
sant le poids et le titre d'une pièce d'or ou d'ar
gent, en trouver la valeur.
^Mai;. — Notions si^r la mesure du temps. —
Jour, heure, minute, seconde. — Convertir en se-
condes un no'mbre composé de jours, d'heures, de
minutes et de secondes ; réciproquement, un
nombre étant donné, trouver combien il contient
de minutes, d'heures et de jours.
(Juil.-Aoiit;. — Révision générale et exercices
pratiques.
Application du système métrique à la mesure
des surfacesetdes volumes (Cours supérieur^.
■(Oct.). — NotiO'S élémentaires de géométrie.
— Révision générale du système métrique. — Dé-
finition des angles, de la circonférence ; mesure
des angles en degrés, minutes, secondes. — Angles
droits; — perpendiculaires, oblitiues. — Définition
des parallèles. — Définition dos polygones, du
triangle, du parallélogramme, du rectangle, du
carré, du losange, du trapèze, etc.
(]Vov.). — Règle pratique pour l'extraction de
la racine carrée.
.Mesure des aires. — Aire du rectangle, du
carré. — Aire du parallélogramme, du triangle, du
trapèze.
Exercices d'application.
(Dec. . — Mesurer l'aire d'un polygone quel-
conque en le décomposant, soit en triangles, soit
ARITHMETIQUE
— 188
ARITHMETIQUE
en trapèzes et en triangles rectangles ; en le
transformant en un triangle équivalent.
Aire d'un polj-gone régulier. — Mesure du
cercle. — Mesure dune aire plane limitée par une
ligne courbe.
Exercices d'application.
(Janv.). — Dea polyèdres. — Définition de la
perpendiculaire à un plan, des plans parallèles.
— Prismes, parallélipipèdes, pyramides.
(Fév.). — Règle pratique pour l'extraction de la
racine cubique.
Mesure des volumes. — Énoncer sans démons-
tration les théorèmes relatifs à la mesure du
parallélipipèdo, du prisme et de la pyramide.
Exercices d'application.
(IMars). — SuiTace latérale et volume du cy-
lindre, du cône, du tronc de cône.
Exercices d'application.
Mesure de la surface et du volume de la sphère.
Exercices d'ajjplication.
(Avr.). — Cubage d'un massif de maçonnerie,
d'un tas de sable ou de gravier, d'un fossé ; jau-
geage d'un vase cylindrique, d'un seau ayant la
forme d'un cûne tronqué, d'un tonneau ; cubage
d'un tronc d'arbre, etc.
(Mai.). —Ce qu'on appelle densité. — Usage des
densités.
Exercices d'application.
Calcul des nonihres comple.res tirés de la divi-
sion de la circonférence et du temps.
Usage de tables drs cr.nversion des anciennes
mesures en mesures légales.
'Juin-Aoiît). — Révision générale. — Comme
pour le calcul, les exercices et les problèmes
d'application, bien gradués, doivent accompagner
chaque leçon.
B, PROGRAMMES ÉTRANGERS,
III. PROGnAMME OFFICIEL DES ÉCOLES KOIiMALES
(Autriche).
(Ord. min. 19 juillet 1S70.)
l'* classe, 2 heures. — La numération et le
système décimal. Les quatre règles, avec les nom-
bres entiers, les tractions décimales et les fractions
ordinaires. Éléments du sj'stème dos poids, me-
sures et monnaies, avec étude spéciale du système
métrique.
2' classe, 2 heures. — Théorie des proportions,
ses applications aux opérations les plus impor-
tantes de l'arithmctiqtie ordinaire et commerciale.
Puissances, racines, logarithmes.
3' classe, 2 heures. — Equations du l^'' degré à
une et plusieurs inconnues ; équations du 2* degré
à une inconnue; progressions arithmétiques et
géométriques ; calcul des intérêts composés.
4° classe, 1 heure. — Élémr-nts de la tenue de
livres commerciale et industrielle en partie simple,
avec exercices pratiques. Répétition des études des
années précédentes. Méthodologie de l'enseigne-
ment arithmétique.
Dans les écoles normales d'institutrices, la 2"^
classe porte : 1" semestre, proportions: 2' semestre,
séries, règles d'intérêts, cas les plus faciles du
calcul d'intérêts composés. — La 3' classe : !"■ se-
rnestre, règles de société simples et composées
(partages, moyennes et mélanges); 2' semestre,
comptabilité commerciale en partie simple, avec
exercices pratiques. — i"= classe : récapitulation.
IV. PROGRAMME OFFICIEL DES ÉCOLES PRIMAIRES
supÉRiEruES {B(()'f/erschule?i) a 3 classes.
(Autriche).
(Oril. miii. 20 août 1S70. — Mcme programme po;ir
les deux sexes.)
1" classe, 3 heures. — Le système décimal, le
calcul avec les nombres entiers et avec les fractions
décimales; indication des avantages usuels de ce
calcul, multiplication et division simplifiées. Pro-
priétés des nombres ; calcul avec les Iractions or-
dinaires et les expressions fractionnaires. Le
système métrique. La pratique italienne.
2" classe, 3 heures. — Equations en chiffres.
Carrés et cubes. Extraction des racines carrées et
cubiques. Théorie des proportions. Règle de trois
simple et composée, règles d'intérêts simples,
règles d'escomi)te, règles de partage
3<= classe, 3 heures. — Règles d intérêts et leur
application au calcul du prix des marchandises.
Cas faciles do calcul d'intérêts composés. Calcul
do monnaies et de change, avec notions sur les
lettres de change. Calcul des valeurs industrielles
et d'État. Arithmétique commerciale; cléments de
la tenue des livres en partie simple.
V. Programme des écoles primaires sipérieures,
DITES écoles secondaires OU MOYENNES IMUtelSCllU-
leJi) EN Prusse.
iPrognimme du la octobre 1S72.)
6* classe (5 heures). — I" semestre : les quatre
règles sur les nombres de 1 à 20; 2' semestre, sur
les nombres de 1 à 100. Etude de la table de mul-
tiplication.
h^ classe ih heures). — Les quatre règles avec
des nombres abstraits (calcul écrit). Emploi do la
machine à. calculer, ainsi que dans la classe précé-
dente.
é** ckf^se (5 heures), — Les quatre règles avec
des nombres concrets. Calcul de réduction de
temps, règle de trois simple.
3' classe (3 heures). — Les quatre règles avec les
fractions décimales et ordinaires.
2" classe (3 heures). — Règle de trois simple et
composée. Règle d'intérêts.
l"-' classe (3 heures). — Règles usuelles. Extrac-
tion de racines carrées et cubiques. Notions élé-
mentaires de calcul littéral et d algèbre.
Si l'école a plus de six classes, on continue l'al-
gèbre par les équations, et l'arithmétique par des
règles usuelles plus difliciles, entre autres par les
calculs de change et de cours.
VI. Programmes officiels des diverses écoles
(Italie).
(10 oelobre 1367.)
1" Écoles élémentaires. — 1^' année. — Exercices
de calcul mental : addition et soustraction. Lecture
et écriture des chiffres arabes.
2*= omiée. — Lecture et écriture des nombres k
plusieurs chiffres. Addition et soustraction avec des
nombres entiers. Multiplication avec des nombres
entiers.
3° année. — Division des nombres entiers. Les
quatre règles avec des fractions décimales. Défi-
nition et dessin à la main libre des figures géomé-
triques les plus importantes. Système métrique.
Solution de problèmes simples avec des nombi-es
concrets.
4" année. — Définition des fractions. Fractions
simples, expressions fractionnaires, expressions
mixtes. Transformation d'une fraction en une autre
équivalente. Extraction des entiers contenus dans
une expression fractionnaire. Réduction d'une quan-
tité composée d'un nombre entier et d'une fraction
en une expression fractionnaire. Conversion des
fractions ordinaires en fractions décimales. Règle
de trois, résolue par la méthode de réduction à
l'unité; applications.
2' Écoles primaires supérieures ou profession-
nelles (Scuole tccniche . — Première année. — Les
((uatre règles avec des nombres entiers et déci-
maux. Fractions ordinaires simples, expressions
fractionnaires, expressions mixtes. Réduction d'une
ARITHMETIQUE
180
ARMEE
expression mixte en une expression fractionnaire,
et réciproquement. Transformation d'une fraction
en une autre équivalente. Réduction de plusieurs
fractions au même dénominateur. Les quatre règles
avec des expressions fractionnaires, et avec des
nombres mixtes k réduire d'abord en expressions
fractionnaires.
Ancien système des poids et mesures. Système
métrique. Conversion des unités d'un système en
unités de l'autre système. Emploi des tables de
réduction des anciennes mesures, dans leurs ap-
plications usuelles.
Rapports de proportionnalité directe et inverse.
Règle de trois simple et composée, par la méthode
de réduction à l'unité. Application aux règles de
change et de société.
Deuxième anme. — Consacrée exclusivement à
la géométrie.
Troisième aiinée. — Puissances, calcul des expo-
sants. Nombres premiers ; formation d'une table de
nombres premiers. Caractères de divisibilité des
nombres entiers. Décomposition d'un nombre en-
tier en ses facteurs premiers. Recherche de tous
les diviseurs d'un nombre. Recherche du plus
petit multiple commun et du plus grand commun
diviseur de nombres donnés. Application à la ré-
duction des fractions au plus petit commun déno-
minateur. Recherche du plus petit commun déno-
minateur par la méthode des résidus.
Conversion d'une fraction ordinaire en une frac-
tion décimale. Cas où celle-ci est finie, cas où elle
est périodique. Conversion d'une fraction décimale
finie ou périodique en fraction ordinaire.
Racine carrée et cubique des nombres entiers et
décimaux avec une approximation donnée.
Les quatre premières opérations du calcul litté-
ral. Réduction des formules algébriques en nombres.
Résolution des équations de premier et de second
degré à une inconnue.
3° Écoles normales. — 1" année. — Numération
décimale parlée et écrite. Les quatre règles avec
des nombres entiers, des fractions, des nombres
fractionnaires, des nombres décimaux. Rapports
de proportionnalité directe et inverse. Règle de
trois simple et composée, par la méthode de ré-
duction à l'unité; applications.
2' année. — Géométrie, système métrique, et
comptabilité.
3e année. — Puissances, calcul des exposants.
Divisibilité des nombres. Décomposition d'un nom-
bre en ses facteurs premiers. Moyen de trouver
tous les diviseurs d'un nombre. Plus grand commun
diviseur et plus petit multiple commun de nombres
donnés. Racines carrées et cubiques des nombres
entiers et décimaux, avec une approximation
donnée.
VIL Programme officiel des écoles normales pour
LES DEUX SEXES (Angleterre).
(New Code, 1876.)
Examend'admission. — Ecrire sous dictée et cal-
culer correctement les quatre règles, simples et
composées, y compris le calcul des poids etmesures.
Fin de la 1" année. — (Aspirants): Proportion
abrégée par la méthode italienne [practice) ; pro-
portion simple et composée. — (Aspirantes) :
Proportion abrégée par la méthode italienne
(practice) ; factures.
Fin de la 2' année. — (Aspirants) : Fractions
ordinaires et décimales. — (Aspirantes) : Propor-
tion simple et composée.
Fin de la :-' année. — (Aspirants) : Règles d'in-
térêts et d'escompte. — (Aspirantes) : Fractions or-
dinaires.
Fin de la 4* année. — (Aspirants) : Algèbre,
équation du l" degré. — (Aspirantes) : Fractions
décimales.
Fia ae la 5' année. — (Aspirants) : Calcul de
surfaces planes, et équations du 2' degré. — (Aspi-
rantes) : Règles d'intérêts et récapitulation des
règles précédentes.
Vin. Programme officiel de l'école primaire
ÉLÉMENTAIRE (Bavière) .
(Instructions et programmes du 7 novembre 1S70, pour la
province de Basse-Franconie.)
Classe préparatoire. — Etude des nombres de
1 à 20 (ou au moins de 1 à lOi; connaissance des
nombres jusqu'à 100, si possible jusqu'à 1000. On
ne peut donner aux élèves une connaissance appro-
fondie des nombres qu'en les leur faisant consi-
dérer isolément l'un après l'autre ; on ne doit pas
passer à un nombre plus élevé avant d'avoir fait
avec le précédent les opérations les plus variées.
On doit rendre sensible chaque nombre en le re-
présentant par des objets visibles et uniformes; le
meilleur moyen pour cela est une bonne machine
à calculer, qui ne doit manquer dans aucune école.
On doit aussi mettre sous les yeux des élèves les
nouvelles unités de poids et de mesures, mètre,
litre, livre et kilogramme, de manière que leur
nom et leur valeur se gravent dans la mémoire par
un fréquent usage.
Première classe. — Les quatre règles avec des
nombres abstraits, et aussi avec des quantités
concrètes relatives aux nouveaux poids et mesures,
jusqu'à lOOii et au-dessus. Explication du système
décimal, d'une façon intuitive, au moyen du bou-
lier, en allant de dizaine en dizaine, puis de cen-
taine en centaine. Dès que les rapports numériques
ont été compris, il faut les appliquer aux choses
de la vie pratique : en conséquence, on expliquera
aux élèves la subdivision décimale du mètre, la
division de l'hectolitre en iOO litres, du quintal en
100 livres, etc. Autant que possible, on indiquera
déjà la relation existante entre les diverses unités
de mesure, de longueur, de capacité, de poids.
Exercices faciles de réduction, petits problèmes.
Etude approfondie de la table de multiplication.
Deuxième d'isse. — Courte répétition des quatre
règles avec des quantités de toute grandeur. Frac-
tions décimales et ordinaires, transformation des
fractions ordinaires en fractions décimales. Exer-
cices sur des quantités concrètes empruntées au
nouveau système des poids et mesures. La relation
entre les diverses unités de longueur, de capacité
et de poids doit être expliquée à fond. Exercices
de réduction de mesures de longueur, de poids,
de monnaies.
Troisième classe. — Problèmes de calcul em-
pruntés aux besoins de la vie domestique, de l'a-
griculture ou du commerce, à résoudre au moyen
de la règle de deux, et, lorsque le temps et les
circonstances le permettent, au moyen de la règle
de trois. Exercices de calcul des surfaces et des
volumes. Avant de passer à la mesure et au calcul
des surfaces, on expliquera à l'élève comment le
mètre a été tiré du rayon terrestre; on lui fera
répéter le système des mesures de longueur, en
l'étendant au décamètre et au kilomètre. A l'occa-
sion du calcul des volumes, l'élève étudiera encore
une fois la relation des nouvelles unités de poids
et de capacité, tant entre elles qu'avec les divers
corps, et se familiarisera par des exemples avec
leur emploi. Enfin, on répétera encore les exer-
cices de réduction de quantités exprimées selon les
unhés de l'ancien système, en quantités du nou-
veau système.
AIV.MÉt:. — Histoire de Franco, XLV ; Connais-
sances usuelles, VI. — (Etym. : armée, par ellipse,
pour troupe année, force armée.) — Ce nom dé-
signe l'ensemble des forces militaires d'une nation.
Les armées, chez la plupart des peuples anciens
et dans les premiers siècles de l'histoire modernet
ARMEE
ICO
ARPENTAGE
étaient purement temporaires et se dispersaient le
plus souvent après une campagne ; les soldats re-
tournaient à leurs travaux. Au xii'' siècle, Pliilippe-
Auguslc tenta de se créer une force armée perma-
nente : les communes lui envoyèrent des milices
(du mot latin miles, d'où est venu militaire; on dit
encore tirer à la milice), qui contribuèrent beau-
coup à lui faire gagner sur les Allemands la fameuse
bataille do Bouvines. Mais ce ne fut que sous
Charles VII que par l'établissement des compagnies
n'ordonnance (l4^5) la royauté remplaça par un
corps de troupes régulières les contingents indis-
ciplinés fournis par les seigneurs. Quand l'armée
fut permanente, il fallut la payer, lui donner une
solde. De là le nom de soldats donné aux hommes
qui la composaient.
Les armées permanentes ont pris de nos jours en
Europe de grandes et elTrayantes proportions. C'est
à qui aura les plus nombreuses armées. La France
a en temps de paix 450 fioo hommes, l'Allematîne
4-20 000, l'Autriche 270 000, l'Italie 3G0 000, la Rus-
sie 7 ou 8ti0 01)0 hommes, etc.
En France l'armée est actuellement régie par la
loi du 27 juillet 1872. Tous les citoyens sont sol-
dats de 20 à 40 ans. Ils passent cinq années dans
l'armée active et le reste du temps dans la réserve
de Y armée active, puis dans Y armée territoriale.
Pour le mode de recrutement, V. Service mili-
taire.
Chez nous Y armée active comprend 18 corps
d'armée, plus un pour l'Algérie. Elle se compose
d'infanterie, de cavalerie, d'artillerie et de troupes
du génie. Elle se fractionne en divisio7is, brigad''S,
régiments. Les régiments se subdivisent eux-mêmes
en bataillons, puis en C077ipag7iies iponv l'infanterie,
en escadrons pour la cavalerie et en bcitte7nes pour
l'artillerie.
L'infanterie comprend toutes les troupes à pied
(ce mot dérive de l'italien fantaccino, fantassin.)
Nous avons 144 régiments à'infa/iterie de lig7ie,
30 bataillons de chasseio's à pied, 4 régiments de
zouaves, 3 régiments de tirailleurs algé7'ie7is,
1 légion étrangère, 5 C077ipagjiies de discipli7ie.
La cavalerie se compose de toutes les troupes à
cheval : 12 régiments de cuirassiers, 26 de dragons,
20 de chasseurs, 12 de hussards, 4 de chasseu7-s
d'Afrique, 3 de spahi<, 19 escadrons A'éclaireurs
volo77taires, 8 compagnies de cnvalerie de re77ionte.
En campagne la cavalerie sert à éclairer la marche
et les opérations d'une armée, à assurer les com-
munications, à escorter les convois. Dans une ba-
taille, elle sert à déborder l'ennemi, à le poursui-
vre, ou à protéger la retraite de l'armée.
Le mot artillerie vient de l'italien et voudrait
dire art de tirer. Les artilleurs manœuvrent les
canons. Nous avons 38 ré'ji7ne7its d'aiHiUerie, de 13
batteries chacun, 2 régiments de po7ito77Jiiers,
10 compagnies (l'ouv7'iers d'a7'tillerie et 3 d'artifi-
ciers, plus 57 C0777pag?iies de train d'artille7ne. Il
y a en outre 20 escadrons de t7-ai7i. C'est h leur
artillerie puissamment développée et perfectionnée
que les Prussiens ont dû une grande partie de
leurs succès dans la néfaste guerre de 1870-
1871.
Le mot gé7iie appliqué à l'art militaire désigne
un art dont les attributions principales sont la
construction, l'attaque et la défense des places
fortes.
A l'armée proprement dite il faut ajouter la gen-
darmerie, qui est un corps de soldats d'élite chargé
du maintien de l'ordre dans le pays. Les gendarmes
protègent le faible contre le fort. Plusieurs fois
par mois, ils visitent toutes les communes du can-
ton et font viser leur passage par le maire. Ils
veillent à l'exécution de la loi et des arrêts rendus
par les tribunaux. Ils sont divisés en légions et
compagnies. La gendarmerie a pour devise, comme
toute l'armée française :î;fl/e!«', discipline, patrio-
tisnie, car l'armée, c'est la nation, c'est la patrie,
c'est la France.
V. l'article Service militaire. [E. Cuissart.]
ARPE>TAGE. — L'objet principal de l'arpen-
tage est la mesure des terres. Mais, à moins que
le sol ne soit parfaitement horizontal, ce n'est pas
l'étendue superficielle du terrain lui-même que
Ion mesure, mais celui de sa projection horizon-
tale ; c'est-à-dire que, si l'on imagine que de tous
les points de son contour on ait abaissé des per-
pendiculaires sur un même plan horizontal, d'ail-
leurs arbitraire, les pieds de ces perpendiculaires
circonscriront une étendue qui sera la projection
liorizontale du terrain ; et c'est cette projection
que l'on a réellement à mesurer. Laraison en estque,
les végétaux croissant verticalement, la valeur
d'un terrain n'est point proportionnelle à son éten-
due elle-même, mais à celle de sa projection, que
pour cette raison l'on nomme aussi sa base produc-
tive. Le lever des plans, ou du moins sa partie
élémentaire, entre dans l'étude de l'arpentage,
parce que le plan des propriétés est un document
qui figure dans la plupart des transactions. Dans
les pays accidentés il est nécessaire de tenir
compte des hauteurs relatives des principaux
points du plan, ce qui exige quelques notions élé-
mentaires de nivelle77ient. Enfin, c'est ordinaire-
ment l'arpenteur qui est chargé de la délicate opé-
ration à laquelle on donne le nom de division des
hé7itages ou de partage des ter7^es. — Nous don-
nons ci-dessous le programme détaillé du cours.
Pour le développement des leçons on consultera
les articles de ce dictionnaire auxquels le programme
renvoie.
I. Objet de l'arpentage. Base productive.
I7ist7-U77ients de mesure.
Mesure des lo7îg7ieu7's. — Jalons. Chaîne d'ar-
penteur. Mesure d'une distance jalonnée. Sta-
dia ; son réglage, son emploi. — V. Ai^pentage
{Instru77ienfs d').
II. Mesure des angles. — Équerre d'arpenteur.
.Alidade. Graphomètre ; vérification et mise en
station. Vernier. — V. Arpentage {I/istniments d').
III. Planchette. Boussole. Vérification et mise
en station de ces instruments. — V. Arpentage
{I?lSt7-U77ie?îfs d').
IV. Mesiwe des différences de niveau. — Niveau
à bulle d'air. Niveau d'eau. Mire : mire parlante.
Xiveau d'Égault. Vérification et mise en station de
ces instruments. V. Arpe7itage [l/istru77ie7ds d').
Lever des 2}la7is.
V. Notions générales sur le lever des plans.
Base. Polyi^one topographique. Lever à la chaîne
seule. Lever à la chaîne et à l'équerre. — V. Le-
ver des pla/is.
VI. Lever à la planchette. Méthode par rayonne-
ment, méthode par cheminement. — V. Lever des
pla/is.
VII. Lever au graphomètre. Lever à la boussole.
V. Lever des plans.
Nivelle7ncnt.
VIII. Notions générales. Nivellement simple.
Nivellement composé. Registre de nivellement. —
V. Nivellc/ne'd.
IX. Notions sur le figu7^é du relief. Courbes
horizontales. Profils. — V. Nivelle/Jient.
T/'acé des plans.
X. Mise au net de la minute. Signes conven-
tionnels. Teintes conventionnelles. — V. Lever des
plans.
XI. Réduction des plans. Méthode des carreaux.
Pantographe. — V. Lever dcsplans.
ARPENTAGE
191 —
ARPENTAGE
Arpentage proprement dit.
XII. Mesure d'un terrain dont la forme est un
triangle, un parallélogramme, un trapèze, un poly-
gone, une figure en partie curviligne ; méthode des
emprunts. — V. Arpentage proprement dit.
XIII. Cas où l'intérieur du terrain est inacces-
sible. Mesurage des forêts, des étangs. Cas où l'on
opère dans un pays de montagne. — V. Arpen-
tage proprement dit.
Problèmes d'arpentage et de nivellement.
XIV. Mesure des distances de points inacces-
sibles. Mesure de la hauteur d'un édifice, d'une
montagne. — V. Problèmes d'arpentage.
Division des héritages.
XV. Cas où le terrain considéré a partout la
même valeur. Cas où le terrain se compose de
parcelles de valeurs différentes. Rectification des
limites. Bornage. — V. Partage des terres.
ARl'ENTAGE PROPREMEiNT DIT. — La uiesurc ef-
fective des surfaces dont on a levé le plan est une
question de pure géométrie, et rentre dans la
mesure des aires. (V. Aires).
1. Si la forme du terrain est un triangle, on choi-
sira pour base l'un des côtés, le plus grand par
exemple ; on abaissera du sommet opposé sur
cette base une perpendiculaire qui sera la hau-
teur; on mesurera la base et la hauteur; on en
fera le produit, et l'on prendra la moitié de ce
produit. Supposons, par exemple, que la base ait
été trouvée de 2 18'", 50 et la hauteur de 197™, GO ;
le produit de ces deux nombres étant 43i75i"q,GO,
la moitié de ce produit, ou 2l587n'q,SO, c'est-à-dire
2 hectares 15 ares et environ 88 centiares, sera la
surface du terrain.
2. Si le terrain a la forme d'un parallélogramme,
on mesurera le plus grand côté, et la distance de
ce côté à celui qui lui est parallèle ; le procTuit des
deux nombres obtenus exprimera l'aire du paral-
lélogramme.
Supposons, par exemple, que le côté mesuré ait
été trouvé de .322™, et la distance de ce côté à son
opposé de 10G™,4; la surface du terrain sera expri-
mée par le produit de ces deux nombres, c'est-à-dire
par 34260ii<!,80 ou 3 hectares 42 ares et environ
Gl centiares.
3. Si le terrain a la forme d'un trapèze, on me-
surera les deux bases parallèles, ainsi que la per-
pendiculaire qui exprime la distance des bases, ou
la hauteur du trapèze ; on fera la somme des bases,
on la multipliera par la hauteur, et l'on prendra la
moitié du produit.
Soient, par exemple, MI^jGO et 95™, 2 les deux
bases et 109"", 7 la hauteur; la somme des nombres
141"», 60 et 9.^"", 2 est 23G'°,80; le produit de cette
somme par 100™, 7 est 2597C""!,9C; la surface de-
mandée est la moitié de ce nombre, c'est-à-dire
12988'"q,48 ou 1 hectare 29 ares et environ 88 cen-
tiares et demie.
Pig. 1.
4. Supposons maintenant que le terrain ait une
forme polygonale et qu'on puisse opérer dans son
intérieur. - Soit ABCDEFGHIA (fig. 1) le polygone
considéré; on joint par une droite AF, appelée
directrice, les deux sommets les plus éloignés; et
de tous les autres sommets on abaisse des perpendi-
culaires sur cette directrice ; on mesure toutes ces
perpendiculaires, B6, C-, Dd, Ee, Gg, Eh, li, ainsi
que la distance des points A, b, i, li, c, g, d, e,F h
un même point 0 pris sur la directrice, d'où l'on
déduit les longueurs Ab, Ai, ih, bc. hg, cd, de, eF,
gF. La figure se trouvera décomposée en triangles
rectangles et en trapèzes rectangulaires, dont on
sait évaluer l'aire, la somme de toutes les aires par-
tielles donnera l'aire totale. Si S désigne cette aire
totale, on aura
S^l^Ab.Iib + l{Bb + Cc).bc-\-^- (Ce + Dd) . cd
H- l (D(Z +Ee) . de + 1 eF . Ee +lgF . Gg
+ l {Gg + Eh) .gh+^ [Eh + li) . hi -+- \ Ai . \i.
Supposons, par exemple, que l'on ait obtenu les
mesures suivantes :
Bè = 47'»,5: Ce = 64"; T)d = 40"; Ee = 50",5;
G7 = 76"" : Éh = \i = 51°',5 ; A/j = 41'".5 ; bc= lO-S"";
cd = 45'°,5 : de = 40°',50 ; eF = 34'",50 ; F^ = 76°;
gh = 65"" ; hi = 49°" ; Ad = 75".
En effectuant les calculs indiqués par la formule
ci-dessus, on obtiendra, à moins d'un mètre carré,
23542'nq, ou 2 hectares 35 ares et 42 centiares.
5. Le terrain h mesurer peut être terminé, en
tout ou en partie, par des lignes courbes. Si les
sinuosités sont peu considérables, comme dans la
fig. 2, par exemple, on substitue aux diverses par-
ties du contour des droites qui s'en éloignent peu ;
ainsi le contour de la fig. 2 pourrait être remplacé
par le quadrilatère ABGD. Ce procédé n'est point
rigoureux; il conduit
cependant à des ré-
sultats suffisamment
approchés quand l'ar-
penteur en a l'habi-
tude. On l'appelle la
méthode des em-
prunts, parce qu'elle
consiste à emprunter
fictivement sur les
propriétés voisines
des portions de ter-
rain, et à leur en restituer d'autres, de manière à
établir autant que possible une exacte compensa-
tion.
Il existe une autre méthode, plus exacte, mais
plus longue, qui consiste à prendre sur le contour
du terrain des points assez rapprochés pour que les
arcs de courbe qui les joignent puissent être re-
gardés comme sensiblement rectilignes ; le contour
curviligne réel se trouve alors remplacé par un
contour polygonal qui a ces points pour som-
mets, et l'on rentre dans la cas du n° 4.
G. Quand on ne peut pas opérer dans l'intérieur
du polygone, on lui circonscrit une figure que Ton
sache mesurer, ordinairement un rectangle, tel
i /'
/
^
1
r
F-—-
\
^
F/
■^ 1
1
1
f 1
Fiç. 3.
que MNOP (fig. 3). Des sommets C, E, F, H qui ne
sont pas situés sur le contour de ce rectangle, on
ARPENTAGE
— 102 —
ARPENTAGE
abaisse sur les eûtes les plus voisins les perpeudi-
culaires Ce, Ee, Ff, Wi. L'espace compris entre le
polygone à mesurer et le rectangle circonscrit se
trouve ainsi partagé en triangles rectangles, tels que
AIM, BCe, F/G, Gllh, et en trapèzes rectangulaires,
tels que CcND, DOeE, eEFf. AilIP. On peut donc
mesurer aisément cet espace, et en le retranchant
du rectangle, préalablement mesuré aussi, on ob-
tient Taire du polygone.
Supposons, par exemple, qu'on ait trouvé
MX = UO"; MP = 36°': AM = li'": Bo = S.-.-":
cN= 12""; XD = 21°', d'où DO = li"": Oe= 14'°:
«/■=10"';/lG = 28'°; 0^ = 20'": par suite ÂP= 18'":
etPI = 2-.i'"; d'où MI= 14-"; puis Cc=8'";Ee = 1-3'":
F/'=G°; HA = :•".
On trouvera successivement :
PourIciectangleMXOP 90"> x 3C°" ou :i240"iq
Pour le triangle BCc. - . 23'» . S-» 10Û°>q
Pour le trapèze C.DXc. -(S-^ + 21) . 12°' 174"q
Pour le trapèze ODEe. - (lo» + 13°>) . 14" lOG-q
Pour le trapèze EefF.. - (13" + G-") . lO" OS-^q
r
Pour le triangle GFf.. - . 2S"> . 6
ï
Pour le triangle GHA. . - . 20"» . 7™
2
Pour le trapèze PIH/i.. i (T-" + 22°=) . 18 £61
Pour le triantrlc AMI.
14
La somme des parties comprises entre le poly-
gone est donc 1078°"i ; en retranchant ce nombre
de 3240""!, on trouve pour la surface du polygone
2162""! ou 21 ares 62 centiares.
7. On pourrait combiner ce procédé avec la mé-
thode de l'emprunt si le polygone, dans l'intérieur
\,
\
\
v^
r
^.^y-"
Fis. 1.
duquel on ne peut opérer, avait un contour curvi-
ligne. C'est ce qu'indique la figure 4. Ce procédé
trouve son ap-
plication dans
l'évaluation de
la surface des
étangs, des
lacs, des sim-
ples mares. On
assimile leur
contour à celui
■d'un polygone, que l'on inscrit dans une figure
qu'on sache évaluer; on mesure les parties compri-
ses entre la
pièce d'eau
et cette figu-
re; et, en les
retranchant
de l'aire de
cette figure
môme , on
obtient celle
de la pièce
d'eau,
8. La méthode précédente s'applique aussi à la
mesure de l'aire des pays boisés^ dans l'intérieur
desquels 1(!S opérations d'arpentage seraient im-
[jossiblos. Elle s'applique encore, dans les pays de
montagnes, aux portions de terrain dont la décli-
vité est trop rapide pour qu'il soit possible d'y exé-
cuter des opérations directes. Après avoir déter-
miné les limites de ces terrains en pente, on les
entoure d'un poljgone dont on puisse mesurer
directement l'aire ; on mesure les portions de
terrain comprises entre ces limites et le con-
tour du polygone, et, en les retranchant de l'aire
de ce polygone, on obtient celle des parties dé-
clives, qui ne pourraient être déterminées directe-
mont.
Le coup d'oeil et surtout l'expérience sont les
véritables guides de l'arpenteur dans ces circon-
stances plus ou moins délicates. C'est par une
constante pratique qu'il arrive à trouver, dans
chaque cas, les procédés les plus avantageux.
[H. Sonnet.]
ARPENTAGE (Instruments d'I.—Prer/z/ère^on.
Les instruments employés dans l'arpentage peuvent
être divisés en trois catégories, en j' comprenant ceux
qui se rapportent au nivellement : les instruments
destinés à la mesure des distances, les instruments
destinés à la mesure des angles, et enfin les in-
struments destinés plus particulièrement à la me-
sure des diff'érences de niveau. Nous les décrirons
dans cet ordre.
MESIFIE DES DISTANCES.
1° Pour mesurer une droite sur le terrain, il faut
d'abord en assurer la direction, en fixant les points
extrêmes et un certain nombre de points intermé-
diaires : ce qui se fait à l'aide de jalons. Un jalon
est un piquet de bois de chêne, de 2 mètres de haut,
ferré par un bout, et que l'on peut planter vertica-
lement.' Son extrémité supérieure est fendue lon-
gitudinalement pour recevoir un carré de papier,
ou un voyant peint de deux couleurs, blanc et rouge,
qui, vu de loin, se détache toujours soit sur le ciel,
soit sur les bois ou sur le terrain lui-même. Suppo-
sons que les deux extrémités de la droite à mesu-
rer soient ainsi marquées par des jalons A et G
(fig. 1). Pour planter un jalon B entre A et C, on se
place derrière le jalon A, et. par des signes de la
main, on fait déplacer, soit à gauche, soit à droite,
l'aide qui porte le jalon B, jusqu'à ce que, en visant
dans la direction des jalons A et C, le jalon C paraisse
caché par les jalons A et B. Par le même procédé on
multiplie les jalons intermédiaires autant qu'il le
faut pour que leurs distances consécutives ne dé-
passent pas 20
^ à 25 mètres.
C'est ce que
l'on appelle
jalonner une
distance.
Pour mesu-
rer une dis-
tance jalon-
C^-
née, on Qra\)\oiQ la. chaîne d'arpetitcw
2° La chaîne d'arpenteur a un décamètre de long.
Elle se com-
pose de 50
chaînons en
gros fil de
i'er, de 2 dé-
c i m è t r e s
chacun, réu-
nis par dos
anneaux en
fer. qui sont
remplacés
de cinq en cinq par des anneaux en cuivre. Le
milieu de la chaîne est marqué par une petite
ARPENTAGE
— 193 —
ARPENTAGE
tige en cuivre; la chaîne se termine par des poi-
gnées en fer dont la longueur est prise sur les
chaînons extrêmes. On donne quelquefois à la
chaîne 4 ou 5 millimètres de plus que le décamè-
tre pour compenser le défaut de tension absolue
qui est inévitable. L'instrument est représenté
ci-contre (fig. 2).
Pour mesurer à la chaîne une ligne horizontale
jalonnée, l'opérateur et son aide tendent la chaîne
en la tenant chacun par une poignée, et en la main-
tenant le plus horizontalement possible. L'opéra-
teur appuie la poignée qu'il tient contre le premier
jalon, et l'aide tend la chaîne dans la direction du
second jalon. Il est muni de 10 fiches en fer de
40 centimètres de long, terminées d'un côté par
une pointe et de l'autre par un anneau. Quand la
chaîne est dans la direction de la droite à mesurer,
l'aide plante une fiche contre sa poignée, en dedans
de cette poignée. L'opérateur et son aide transpor-
tent alors la chaîne dans la direction des jalons, en
la maintenant tendue et horizontale. Arrivé à la
fiche, l'opérateur appuie sa poignée contre cette
fiche, extérieurement, et l'aide plante une seconde
fiche en dedans de sa poignée. L'opérateur ramasse
la première fiche, et continue à s'avancer avec son
aide dans la direction des jalons. Quand les neuf
premières fiches ont passé ainsi des mains de l'aide
dans celles de l'opérateur, l'aide place la dixième
fiche, qui est plus longue, et qui marque une dis-
tance de 100 mètres, appelée ;jor/ee; l'opérateur re-
met les premières fiches à son aide, et l'opération
continue.
Quand on a dépassé le dernier jalon, on compte
les portées, le nombre des longueurs de chaîne
formant une fraction de portée, le nombre de
chaînons dépassant la dernière chaîne, depuis son
extrémité jusqu'au dernier jalon, enfin la frac-
tion de chaînon, s'il y en a une, que l'on évalue à
l'aide de divisions tracées sur le dernier chaînon.
La somme de ces diverses longueurs forme la dis-
tance mesurée. Si, par exemple, elle se compose de
quatre portées, de trois longueurs de chaîne, de
sept chaînons, et d'une longueur de 12 centimètres,
elle équivaut à 400"! -l-3um-M"',4 -HO"», 12, c'est-à-
dire 431'»,52.
3° On vérifie la chaîne d'arpenteur en la compa-
rant avec une longueur de 10 mètres tracée avec
soin sur un sol bien horizontal.
Mais, en général, le mesurage à la chaîne d'une
longueur horizontale peut donner lieu à une erreur
relative de j^L_, ce qui tient non-seulement au dé-
faut d'horizontalité ou de tension de la chaîne, mais
aussi à l'erreur presque inévitable que l'on commet
à chaque déplacement de la chaîne sur la pose de
la fiche et son contact avec la poignée.
On remplace quelquefois la chaîne par un ruban
en acier, enroulé autour d'une bobine renfermée dans
une boîte ronde, et que l'on désigne sous le nom de
roulette. Cet instrument, très-portatif, est analogue à
la roulette dont se servent les couturières. Les di-
visions y sont marquées par des clous en cuivre.
Ce ruban se tend plus exactement que la chaîne et
donne de bons résultats.
4* Nous avons supposé implicitement que l'on
opérait sur un terrain horizontal. S'il y a une fai-
ble pente, comme on ne tient compte dans l'arpen-
tage que de la projection horizontale des distances,
on peut encore opérer comme il a été expliqué ci-
dessus, en ayant soin de tenir la chaîne horizonta-
lement.
Si la pente est un peu considérable , on
peut l'évaluer à l'aide de la boussole -éclimètre,
instrument dont nous parlons à la fin de cet
article (V. p. 199). On multiplie alors la dis-
tance parallèlement au sol par un facteur qui
varie avec la pente, conformément au tableau sui-
vant :
2"= PARTtF.
eales
Multiplicateurs.
Pentes.
Multiplicateurs
1
0,9998
16
0,9613
2
0,9994
17
0.9563
3
0,9980
18
0,9511
4
0.9976
19
0.9455
5
0,9962
20
0,9397
G
0,9945
21
0,9336
7
0.9925
22
0,9272
8
0,9903
23
0,9205
9
0,9S77
24
0,9135
10
0,9848
25
0,9063
11
0,9816
26
0,8988
12
0,9781
27
0,8910
13
0,9744
28
0,8829
14
0,9703
29
0,8746
15
0,9059
30
0,8060
Si, par exemple, la distance mesurée parallèle-
lement au sol a été trouvée de 375", 62 et que la
pente observée ait été trouvée de 19 degrés, la pro-
jection horizontale de la distance considérée sera
375'n,62 X 0,9455 ou 355", 15.
5° On peut encorej, quand le terrain est forte-
ment incliné, se servir de fiches pesantes qui s'im-
plantent d'elles-mêmes dans le sol quand on les laisse
tomber de l'extrémité de la chaîne horizontalemeni
tendue. Mais cette opération est toujours difficile ;
et l'erreur relative du résultat peut s'élever jus-
qu'à-ji^ ou même^, selon la pente.
e*- Quand le terrain est très-tourmenté, les me-
sures à la chaîne peuvent devenir tout à fait im-
possibles ; on peut recourir dans ce cas à l'emploi
de la lunette Stadia.
La partie principale de cet instrument est une
lunette portée sur un pied et pouvant prendre toute;?
les inclinaisons possibles. Au foyer de son objectif
sont disposés deux fils horizontaux dont on peut
faire varier la distance à l'aide d'une vis micromé-
trique. On règle cette distance de manière qu'en
plaçant, à 100 mètres en avant de l'instrument,
une mire, ou règle divisée placée verticalement, les
images des deux fils interceptent sur cette mire
une distance de 1 mètre. Si l'on transporte la mire
à une distance quelconque, l'intervalle intercepté
par les images des fils reste sensiblement propor-
tionnel à cette distance ; en sorte que, pour obtenir
cette distance, il suffit de multiplier par 100 l'in-
tervalle observé sur la mire. Si, par exemple, on
place la mire à une distance telle que l'intervalle
intercepté par les images des fils sort de 1™,375,
on en conclura immédiatement que la mire est à
137"', 50 du centre de l'objectif. Les distances peu-
vent être obtenues ainsi aussi exactement qu'avec
la chaîne, quand elles ne dépassent pas 500 mètres.
L'emploi de la stadia est surtout utile dans les pays
de montagnes, où la mesure directe des distances
est souvent impossible.
MESURE DES ANGLES.
Deuxième leçon. — Il est nécessaire d'expli-
quer avant tout comment on détermine la di-
Fig. 3
rection d'un rayon visuel , ou celle du plan
vertical qui le contient. C'est à cela que sert
Validode. Cet instrument se compose d'une règle
13
ARPENTAGE
— 194 —
ARPENTAGE
(fig. 3), ordinairement en cuivre, aux extrémités
de laquelle s'élèvent deux branches percées cha-
cune d'une fente verticale, et que l'on appelle
des pinnules. Vers le haut de l'une et vers le
bas de l'autre la fente s'élargit de manière à for-
mer une sorte de fenêtre rectangulaire, traversée
verticalement en son milieu par un fil de crin. Pour
viser un signal avec l'alidade, on la pose sur un
plan horizontal, et on la dirige de telle sorte qu'en
regardant par la fente de la pinnule P, on aperçoive
le signal coupé dans le sens vertical par le fil qui
traverse la fenêtre de la pinnule P', ou vice versa.
Le bord AB de la règle, auquel on donne le nom de
ligne de foi, est alors parallèle à la projection hori-
zontale du rayon visuel, et peut être regardé comme
se confondant, sans erreur sensible, avec cette pro-
jection même, parce que si elle n'est pas dans le
plan vertical des deux fils, elle n'en est qu'à une
distance négligable par rapport à la distance du
signal.
On vérifie une alidade en la retournant bout à
bout ; il faut qu'en visant par la fente de la pinnule
P' on aperçoive le signal coupé verticalement par le
fil qui traverse la pinnule P, sans que la ligne de
foi ait changé de direction.
Quelquefois la pinnule P' est percée d'une fente
verticale traversée par un fil, mais la pinnule P n'est
percée que de trois œilletons, ou petits trous circu-
laires placés sur une même verticale ; on vise par
l'un de ces œilletons suivant la hauteur du signal.
On peut, sans inconvénient, viser un signal plus
haut ou plus bas que l'œil, pourvoi que la différence
de hauteur ne soit pas trop grande.
On verra plus loin que l'usage de la planchette
exige l'emploi d'une alidade indépendante ; mais,
dans plusieurs autres instruments, l'alidade entre
comme élément essentiel, soit fixe, soit mobile.
8. — Il y a encore un autre élément des instru-
ments servant à mesurer les angles dont il est né-
cessaire de parler avant d'aller plus loin. La cir-
conférence ou limbe des instruments dont il s'agit
n'étant souvent divisée qu'en degrés, l'angle mesuré
ne pourrait être obtenu qu'à un quart de degré
près environ. Pour rendre la lecture plus précise,
on fait usage d'un vernier circulaire (fig. 4). C'est
un arc de cercle, de même rayon que le limbe, qui
est porté par l'extrémité du bras mobile qui porte
également l'alidade. Voici le principe de ce petit
appareil. Soit ab un arc compté sur le bras mobile,
dans le même sens que la graduation du limbe, et
embrassant 9 divisions de ce limbe. On a divisé
cet arc en 10 parties égales. Dès lors, si un trait
de ce petit arc, qui constitue le vernier, coïncide
avec un trait du limbe, les deux traits précédents
du côté du zéro ne coïncident pas ; et le trait du
vernier est en avant du trait correspondant du
limbe d'une quantité égale à ^ de division. Si
l'on considère les deux traits qui précèdent ceux-
là (toujours du côté du zéro), on voit que le trait
du vernier est en avance de ^q de division sur le
trait correspondant du limbe ; l'avance est de ^
pour le trait précédent; et ainsi de suite. Il en ré-
sulte que si le trait du vernier qui est en coïnci-
dence avec un trait du limbe occupe le rang 7i par
rapport au zéro, ce zéro lui-même est en avance
de ^ de division sur le trait correspondant du
limbe. Si donc on veut mesurer l'arc compris en-
tre le zéro du limbe et le zéro du vernier, après
avoir compté le nombre entier de divisions com-
prises, on évaluera la fraction, s'il y en aune, en
cherchant le trait du vernier qui est en coïncidence
avec un trait du limbe ; le rang de ce trait par
rapport au zéro du vernier donnera le nombre de
dixièmes qu'il faut ajouter au nombre entier de
divisions. Si, par exemple, le nombre entier de
divisions comprises entre les deux zéros est 27, et
que le trait du vernier en coïncidence avec un trait
du limbe occupe le sixième rang à partir du zéro,
on en conclura que la fraction à ajouter à 27
est j^Q ; ce qui donne 27o,6 à Jg de degré près.
Dans les instruments précis, où le limbe est di-
visé en demi-degrés, le vernier embrasse quelque-
fois 29 divisions du limbe, et est divisé en 30 par-
ties égales ; dans ce cas les arcs peuvent être lus à ^^^
près d'une division, c'est-à-dire à moins de -^ de
demi-degré, ou à moins d'une minute. Mais une
pareille précision est rarement nécessaire dans
l'arpentage.
9. — Le plus précis des instruments employés
dans l'arpentage pour la mesure des angles est le
graplK'inètre (fig. 5) ; c'est un grand rapporteur
porté sur pieds. Un demi-cercle ALB, établi sur
trois pieds auxquels il s'articule au moyen d'un ge-
nou à coquilles, peut prendre toutes les inclinai-
sons par rapport au plan horizontal. Le diamètre
AB est formé d'une alidade fixe, dont la ligne de foi
ARPENTAGE
— 195 —
ARPENTAGE
passe par le centre O du demi-cercle. Autour du
même centre peut tourner une alidade mobile CD,
dont les extrémités, munies de verniers, parcourent
la circonférence, ou limbe, du demi-cercle. Le dia-
mètre du graphomètre est le plus souvent deO^jlG
ou de 0",12; son limbe est divisé de droite à
gauche.
Pour mesurer avec cet instrument un angle dont
les côtés sont horizontaux, ou pour réduire à l'ho-
rizon l>ngle de deux rayons visuels dirigés vers
deux signaux, après avoir installé l'instrument au
sommet de l'angle, de manière que le centre du
Jimbe soit dans la verticale de ce sommet, ce dont
on s'assure à l'aide d'un fil à plomb, on commence
par rendre horizontal le plan du limbe, en se ser-
vant pour cela du niveau à bulle d'air dont il sera
parlé plus loin.
Fi g. 5.
On fait tourner le demi-cercle autour de son
«entre de manière à viser le signal de droite à
l'aide de l'alidade fixe ; on fait alors tourner l'a-
lidade mobile CD de manière à viser le signal de
gauche; l'angle BOD, que l'on peut lire sur le
limbe et évaluer à l'aide du vernier, est l'angle
qu'il s'agissait de mesurer.
10. — On peut avec un graphomètre mesurer un
angle dans son plan, ce qui est utile dans diverses
circonstances. On amène pour cela le plan du
limbe dans la direction du plan déterminé par les
deux rayons visuels ; on reconnaît que cette con-
dition est remplie, lorsque, en faisant tourner l'ali-
lade mobile, on peut viser successivement les
deux signaux. On fait alors tourner le plan du limbe
•amour de son centre, de manière à viser le signal
de droite avec l'alidade fixe; on vise le signal de
gauche avec l'alidade mobile, et l'angle se mesure
comme ci-dessus.
11. —Il y a plusieurs vérifications à faire subir
au graphomètre. Pour vérifier la graduation, on
porte sur le limbe une ouverture de compas em-
brassant, par exemple, 7, 11 ou 1-3 divisions; il
faut qu'en promenant cette ouverture de compas
sur la circonférence, elle embrasse toujours le
même nombre de divisions. Il faut, en second lieu,
qu'en amenant l'alidade mobile sur l'alidade fixe
les fils des quatre pinnules soient bien dans un
même plan. Pour s'assurer que l'appareil est bien
centré, on commence par rendre le limbe horizon-
tal, et l'on dirige l'alidade fixe sur une droite jalon-
née; on vise avec l'alidade mobile un point P éloigné,
et l'on mesure l'angle aigu que fait le rayon visuel
avec la droite Jalonnée. On fait tourner alors le
limbe de manière à amener l'alidade fixe dans la
direction du point P, et l'on amène l'alidade mobile
dans la direction de la droite jalonnée, mais en
sens contraire ; on mesure l'angle obtus adjacent à
celui qui a été mesuré d'abord; il faut que la somme
des deux angles ainsi mesurés ne diffère de 1 80° que
d'un dixième ou d'un vingtième de degré, suivant
que le limbe est divisé en degrés ou en demi-
degrés.
12. Troisième leçon. — Après le graphomètre,
l'instrument le plus fréquemment employé dans
l'arpentage pour la mesure des angles est la bous-
sole. Cet instrument est fondé sur la propriété
qu'a l'aiguille aimantée , librement suspendue par
son centre sur un pivot vertical, de se diriger con-
stamment, non pas vers le nord comme on le dit
souvent, mais vers un point de l'horizon qui, en
ce moment, et à Paris, est situé à environ 17" 1/2
ouest du point nord. On sait qu'on donne ordi-
nairement à l'aiguille la forme d'un losange allongé ;
le plan vertical qui passe par la plus grande dia-
gonale indique la direction du méridien magnéti-
que. L'angle qu'une direction quelconque fait avec
ce méridien est l'azimut magnétique de cette di-
rection. Pour éviter toute ambiguïté, on compte
les azimuts depuis zéro jusqu'à 360°, toujours dans
le même sens à partir du nord, savoir : Nord,
Ouest, Sud, Est, Nord. La pointe de l'aiguille qui
se dirige constamment vers le pôle magnétique est
ordinairement colorée en bleu.
1.3. — La partie principale de la boussole est
une aiguille aimantée AB (fig. 6), placée au fond
d'une boite carrée et reposant par une chape d'a-
gate sur un pivot vertical en acier. Ses extrémités
parcourent un limbe divisé en degrés dans le sens
N., E., S., 0., N., c'est-à-dire dans un sens in-
verse de celui dans lequel se comptent les azimuts
magnétiques ; on verra bientôt pourquoi. Les dia-
mètres du limbe qui sont parallèles aux côtés de la
boîte répondent: l'un aux divisions 0 et iSO», c'est
la ligne N.-S. ; l'autre aux divisions 90° et 270°,
c'est la ligne O.-E. La boîte est recouverte d'une
glace placée très près de l'aiguille, de sorte que,
lorsqu'on retourne la boîte sens dessus dessous,
l'aiguille ne tombe pas de son pivot, Un levier l,
que l'on manœuvre à l'aide d'un bouton V, sert à,
appliquer l'aiguille contre la glace, quand on veut
arrêter ses oscillations. Un couvercle à coulisse
recouvre la glace quand on ne se sert pas de l'in-
strument.
La boîte repose par son centre sur un pied à trois
branches au moyen d'un genou à coquilles, en
sorte que le limbe peut être rendu parfaitement
horizontal, ce dont on s'assure à l'aide des deux
niveaux à bulle d'air nn et n'n' placés rectangulai-
rement dans la boîte ; le limbe est horizontal
quand la bulle de chacun des niveaux est exac-
tement placée entre ses repères. La boîte peut
en outre tourner librement autour d'un axe
vertical passant par son centre. Sur le côté de la
boîte est établie une lunette LL', mobile autour
d'un axe horizontal perpendiculaire à la paroi, et
dont l'axe optique se meut par conséquent dans un
plan vertical parallèle à cette paroi et à la ligne
0 — 180° ou N.-S., que l'on appelle la ligne de foi.
Quand on ne doit opérer que sur de petites dis-
tances, la lunette est souvent remplacée par un
ARPENTAGE
— 196 —
ARPENTAGE
simple tube en bois, h section carrée, dont les
bouts sont percés de fenêtres comme les pinnules
d'une alidade.
Quand le limbe est hori^ontal, le plan vertical
dans lequel se meut l'axe optique de la lunette,
et le plan vertical de la ligne de foi, qui sont
parallèles, font avec le plan vertical mené par la
grande diagonale de l'aiguille un angle qui est
précisément l'azimut magaiétique de la direction
dans laquelle on vise ; et cet angle a pour mesure
l'arc compris sur le limbe entre la pointe bleue de
l'aiguille et le point zéro ou N. — Ainsi, dans la
figure 1, si le point B est l'extrémité de la pointe
bleue de l'aiguille, l'azimut de la direction visée
par la lunette LL' a pour mesure l'arc BEiV.
14. — Il est facile de comprendre, d'après ce qui
précède, comment on peut mesurer un angle avec
la boussole, par exemple l'angle formé par les
rayons visuels menés d'un même point du terrain
vers deux jalons ou deux signaux quelconques. On
établit l'instrument au sommet de l'angle à mesu-
rer, de manière que le centre du limbe soit à peu
près sur la verticale de ce sommet, et que le limbe
soit horizontal. On fait tourner la boîte autour de
son axe vertical jusqu'à ce que, ayant la lunette à
sa droite, on puisse avec cette lunette viser le si-
gnal de droite ; et on lit sur le limbe l'arc com-
pris entre la pointe bleue de l'aiguille et le point
N. On fait de nouveau tourner la boîte jusqu'à ce
que, ayant toujours la lunette à droite, on puisse
avec cette lunette viser le signal de gauche ; et on lit de
nouveau sur le limbe l'arc compris entre la pointe
bleue de l'aiguille et le point N. La différence des
deux lectures est l'expression de l'angle qu'il s'a-
gissait de mesurer. — Il faut bien remarquer que
ce n'est pas l'angle des deux rayons visuels eux-
mêmes que l'on mesure ainsi, mais l'angle de
leurs projections horizontales, ou, suivant l'ex-
pression consacrée, cet angle réduit à l'horizon;
or c'est précisément cet angle ainsi réduit dont
on a besoin dans le lever des plans. — Les angles
mesurés à la boussole ne peuvent jamais être
obtenus avec une grande approximation ; avec le
plus grand soin possible on ne peut pas répon-
dre de ne pas commettre une erreur de | ou
même { de degré. Cela tient d'une part aux oscil-
lations continuelles de l'aiguille ; on peut bien en
diminuer peu à peu l'amplitude en agissant sur
le levier / pour arrêter l'aiguille un instant ; mais,
à moins de perdre un temps considérable, on est
toujours forcé on définitive de juger de la position
finale de l'aiguille par la moyenne de ses excur-
sions à droite et à gauche, ce qui laisse toujours
quelque incertitude. De plus, la déclinaison de l'ai-
guille aimantée est sujette à des variations diurnes
qui peuvent aller jusqu'à | de degré dans la belle
saison, ce qui constitue une seconde cause d'incer-
titude. Aussi la boussole n'est-elle employée que
dans les opérations de détail qui n'exigent pas une
précision rigoureuse ; encore faut-il avoir soin, dans
ces opérations, d'éviter la proximité des masses
de fer ou de fonte qui pourraient dévier l'aiguille
et introduire une nouvelle cause d'erreur.
15. — Avant de se servir dune boussole il est
nécessaire de la vérifier.
1° La première chose à faire est de voir si l'axe
de figure de l'aiguille, c'est-à-dire la grande diago-
nale du losange, coïncide avec l'axe magnétique.
Pour s'en assurer, après avoir rendu le limbe ho-
rizontal, on vise un point éloigné, et on lit sur le
limbe l'azimut de la direction du rayon visuel ainsi
mené. On enlève la glace qui recouvre le limbe et
l'on retourne l'aiguille sur elle-même, de manière
qu'elle repose sur son pivot par l'autre côté de sa
chape; on vise de nouveau le point déjà visé, et
l'on fait une seconde lecture. Si les deux arcs obte-
nus sont égaux, l'axe de figure et l'axe magnétique
coïncident. S'il y a une différence, elle exprime le
double d'une erreur de pointé qui se repro-
duira à chaque opération. On pourrait en tenir
compte; mais il sera préférable de faire corriger le
défaut de l'aiguille.
2° Il faut s'assurer ensuite que l'axe optique de
la lunette, quand elle est horizontale-, est bien pa-
rallèle à la ligne de foi NS. Pour cela, on vise ua
•r
objet éloigné X (fig. 7) ; on fait faire à la boUc u:v
demi-tour complet autour de son axe vertical, et en
même temps on fait faire également un demi-tour
ARPENTAGE
— 197 —
ARPENTAGIS
à la lunette autour de son axe horizontal ; puis on
Nise de nouveau le même point X'(fig. 8); les deux
azimuts obtenus devront différer exactement de
180», car les droites LX et LX' dans les deux
figures peuvent être regardées comme parallèles, à
cause de l'éloignement du point visé.
3° Il faut s'assurer que le centre de rotation de
laiguille coïncide avec le centre du limbe. Il suffit
pour cela de mesurer deux angles adjacents ; leur
somme doit donner exactement 180° ; ce qui n'au-
rait pas lieu si le iimbe était mal centré.
4" Il faut encore vérifier si le mouvement de ro-
tation de la boite s'exécute bien autour d'un axe
perpendiculaire au limbe. Il suffit pour cela, après
avoir rendu le limbe horizontal, de faire tourner
la boite; il faut que, dans ce mouvement, les
bulles des deux niveaux ne quittent point leurs re
pères.
ô" Enfin il faut vérifier la graduation du limbe.
Il suffit, pour cela, do prendre avec une ouverture
de compas l'intervalle de deux divisions éloignées
de 7, 13 degrés, ou en général d'un nombre premier
de divisions; il faut qu'en promenant cette ouver-
ture de compas sur le bord du limbe, elle embrasse
toujours le même nombre de degrés.
IG. — La planchette (fig. 9), dont nous avons
maintenant à nous occuper, ne sert pas. à propre-
ment parler, à mesurer les angles que forment les
rayons visuels menés à divers signaux, mais bien
à faire des angles égaux à ceux-ci. Sa partie princi-
pale est une planchette bien dressée PP, et soli-
dement encadrée comme une planche à dessin.
Fit:. 10
Elle a 60 centim. de long sur 50 à 55 de large.
Ses plus longs côtés sont munis de rouleaux r,r,
pouvant tourner dans des collets fixés à la plan-
chette; ils servent à tendre la feuille sur laquelle
on doit opérer.
La planchette porte er. dessous deux traverses
longitudinales TT le long desquels peut glisser une
tablette carrée AA qui tient au pied de l'appareil :
on peut ainsi enlever et remettre à volonté la plan-
chette en la faisant glisser parallèlement aux tra-
verses.
La pièce carrée AA est liée au plateau MM, qui
termine le support à trois branches, à l'aide dune
articulation qui porte le nom de genou à la Cu-
gnot. Elle se compose de deux cylindres égaux C et
C, dont les axes se coupent à angle droit. Le
système de la planchette peut tourner autour
de l'axe du cylindre C, et ce cylindre lui-même
peut tourner autour de l'axe du cylindre C ; la
planchette peut prendre auisi toutes les directions ;
les écrous V et V servent à la fixer dans celle
qu'on veut lui donner, c'est-à-dire dans la position
horizontale. On vérifie celle-ci à l'aide du niveau h
bulle d'air, dont il sera question plus loin.
17. — La planchette étant ctabhe horizontale-
ment au-dessus du sommet de l'angle à observer,
on marque sur la feuille, en s'aidant d'un fil à
plomb, le point situé dans la verticale de son
sommet, ou très près de cette verticale. On plante
en ce point une aiguille. On se sert alors d'une
alidade, dont on appuie l'arête contre l'aiguille, on
vise l'un des deux signaux qui déterminent l'angle
à mesurer, et l'on se sert de l'arête de l'alidade
comme règle pour tracer sur la feuille la projection
horizontale de ce premier rayon visuel. On opère
de même pour le second; et l'on a, sur la feuille,
l'angle des deux rayons visuels réduit à l'horizon.
On peut alors ou mesurer cet angle au rapporteur,
ou faire un angle égal sur une autre feuille à l'aide
des procédés géométriques connus.
On verra à l'article Lever des plans l'usage de
la planchette dans les opérations de ce genra.
ARPENTAGE
198
ARPENTAGE
18. — L'instrument le plus fréquemment em-
ployé dans l'arpentage est ïéquerre d'arpenteur,
qui sert à faire des angles droits, c'est-à-dire à
déterminer une direction perpendiculaire à une
droite déjà tracée sur le terrain. Cet instru-
ment (fig. 10) se compose d'une boite cylindrique
de 8 à 1 0 centimètres de haut sur 5 à 6 de dia-
mètre, percée de 4 fenêtres verticales répondant à
deux plans perpendiculaires passant par son axe.
La disposition de ces fenêtres est celle des pinnules
d'une alidade : deux fenêtres opposées détermi-
nent une direction, et les deux autres une direction
perpendiculaire à la première. — Indépendamment
de ces 4 fenêtres, il y en a 4 autres qui répondent
aux plans bissecteurs des angles formés par les
plans des premières; on a ainsi deux nouvelles
lignes de visée perpendiculaires entre elles, et fai-
sant avec les premières des angles de 45°. Elles se
distinguent des premières par la forme des fe-
nêtres, qui ne présentent qu'une fente verticale
terminée en haut et en bas par un œilleton.
La boîte se termine intérieurement par une
douille qui peut s'adapter à un bâton ferré, qu'on
appelle le bâton d'équerre, et que l'on plante ver-
ticalement dans le sol quand on veut se servir de
l'appareil.
19. — Pour élever en un point A d'une droite
jalonnée AB une perpendiculaire à cette droite,
on plante le bâton d'équerre au point A, on fait
tourner l'équerre autour de son axe jusqu'à ce
que, en regardant derrière le point A par deux fe-
nêtres opposées, on aperçoive le point B coupé par
les fils réunis des pinnules. Si l'on regarde alors
par les deux autres fenêtres opposées, qui déter-
minent une ligne de visée perpendiculaire, on
pourra faire planter un jalon C dans cette direc-
tion, et l'angle BAC sera droit.
Pour abaisser, au contraire, d'un point donné M
une perpendiculaire sur une droite jalonnée AB,
on place l'équerre sur cette ligne, de manière
qu'en regardant par deux fenêtres opposées, dans
un sens ou dans l'autre, on aperçoive un des jalons
qui déterminent la droite ; en transportant alors
l'équerre sur cette droite, sans changer sa direc-
tion, on arrivera à une position dans laquelle, en
regardant par les deux fenêtres qui déterminent
la direction perpendiculaire, onaperçoivele point M.
Le point où se trouvera alors l'équerre sera le
pied de la perpendiculaire demandée.
1Q. — Pour vérifier l'équerre, on détermine avec
son aide, sur le terrain, deux directions perpendi-
culaires AB, AC, le pied de l'équerre étant au
point A. Il faut alors qu'en faisant tourner l'équerre
jusqu'à ce que l'une des directions à 45" vienne
passer par le point B, l'autre vienne passer par le
point C.
MESURE DES DIFFÉRENCES DE NIVEAU.
21. Quatrième leçon. — Nous avons à décrire en
premier lieu le niveau à bulle d'air (fig. Il), dont
Fig. 11.
nous avons eu déjà plusieurs fois l'occasion de pro-
noncer le nom, et qui sert à vérifier l'horizontalité
des droites ou des plans. Il se compose d'un tube
de verre légèrement convexe vers le haut, enchâssé
dans une monture métallique, et reposant sur une
platine en métal. Le tube est rempli d'eau, ou
mieux d'alcool, sauf la place dune bulle d'air qui,
lorsque la platine est horizontale, vient se placer
d'elle-même vers le haut de la courbure du tube,
entre deux traits marqués sur le verre et que l'on
appelle ses repères.
Pour vérifier avec cet instrument l'horizontalité
d'une droite, il suffit de placer la platine sur cette
droite, et de s'assurer que la bulle d'air est entre
ses repères. Pour vérifier l'horizontalité d'un
plan, on vérifie celle de deux droites à peu près
rectangulaires tracées dans ce plan. C'est ainsi
que l'on s'assure de l'horizontalité de la plan-
chette, du limbe de la boussole, etc.
Pour vérifier l'instrument lui-môme, on le pose
sur une droite peu inclinée, et l'on marque sur le
tube, à l'aide d'un pinceau fin légèrement chargé
de couleur, les extrémités de la bulle. On retourne
alors le niveau bout pour bout, et l'on marque de
nouveau les extrémités de la bulle. Si le niveau est
bien réglé, les traits ainsi marqués sur le tube
doivent être symétriquement placés par rapport au
milieu de la distance des repères.
22. — Le niveau d'eau (fig. 12) sert à mener dans
Fig. \-i
la campagne un rayon visuel horizontal, et, par
suite, à comparer la hauteur de deux points. Il est
fondé sur le principe des vases communiquants. Il
se compose d'un tube en fer-blanc ou mieux en
cuivre, d'environ 1°',40 de long et 0'",0.3 de dia-
mètre, dont les extrémités se relèvent à angle
droit pour recevoir des fioles de verre d'égal dia-
mètre. Le tube porte en son milieu une douille à
l'aide de laquelle on le pose sur un pied à trois
branches comme celui du graphomètre; le tube
peut tourner en même temps autour de l'axe de
la douille, c'est-à-dire autour d'un axe vertical.
On le remplit d'eau jusqu'aux deux tiers à peu
près de la hauteur des fioles. Les surfaces supé-
rieures de l'eau dans les deux fioles sont alors dans
un même plan horizontal, et l'on obtient un rayon
visuel horizontal en visant dans le plan de ces
deux surfaces. Pour cela, on se place à 1"',50 en-
viron en arrière de l'axe des fioles ; et l'on mène
un rayon visuel formant une tangente intérieure
aux deux cercles suivant lesquels les fioles sont
coupées par la surface de l'eau. En opérant ainsi,
on évite qu'une des fioles ne cache l'autre. En
faisant tourner l'instrument autour de son axe ver-
tical on peut viser ainsi dans une direction hori-
zontale quelconque.
23. — Mais l'emploi du niveau d'eau exige celui
d'un instrument complémentaire que l'on appelle
une mire. On en distingue de plusieurs espèces.
Une mire simple (fig. 13) est une règle de
2 mètres de haut et do .3 à 4 centimètres de large,
que l'on dresse verticalement; elle se termine à la
partie inférieure par un talon en fer T que l'on
pose sur le sol ; il porte, perpendiculairement à la
règle, une pédale sur laquelle l'aide qui porte la
mire appuie le pied pour la maintenir droite. La
règle est divisée on décimètres et centimètres sur
l'une des arêtes de la face postérieure. Le long de
ARPENTAGE
— 199 —
ARTICLE
la règle peut glisser un collier portant une plaque
rectangulaire V peinte de deux couleurs, blanc et
rouge, que l'on appelle un voyant. Le collier ou
coulant qui porte ce voyant peut être fixe en un
point quelconque de la règle au moyen dune vis
de pression; et l'on peut lire sur les divisions de
la règle la hauteur du centre du voyant au-dessus
du sol. , X 1 j
Une mire à coulisse (fig. 14) est une règle de
2 mètres, qui peut se
développer jusqu'à 4
mètres, à l'aide d'une
seconde règle glissant
dans une rainure pra-
tiquée le long de la
première. Le voyant
Fig. 14.
est alors placé au bout de la seconde règle. Une
vis de pression sert à fixer la seconde règle ou
allonr/e dans une position quelconque, et les divi-
sions de la règle pern.ettent de lire la hauteur du
centre du voyant au-dessus du sol.
24. — Avec le niveau d'eau on ne peut guère
viser plus loin que 40 ou 50 mètres. Si la distance
était plus considérable, il faudrait faire usage du
niveau d'Egault. La partie principale de cet instru-
ment est un niveau à bulle d'air posé sur une pla-
tine faisant corps elle-même avec un plateau cir-
culaire que l'on peut rendre horizontal. Sur des
collets liés à la platine repose une lunette parallèle
au niveau à bulle d'air, et dont l'axe est par consé-
quent horizontal quand la bulle est entre ses re-
pères. En regardant par cette lunette on peut donc
se procurer un rayon visuel horizontal.
En même temps on fait ordinairement usage de
ce qu'on appelle une mire parlante ; c'est une mire,
soit simple, soit k coulisse, dont le voyant est
supprimé ; mais elle a de 10 à 12 centimètres de
large et est partagée en trois colonnes dans le sens
longitudinal : deux de ces colonnes sont divisées
en bandes de 2 centimètres d'épaisseur peintes al-
ternativement blanc et rouge ; la troisième colonne
porte des chiffres qui indiquent des intervalles de
10 centimètres. Avec une pareille mire l'opérateur
peut lire lui-même la division à laquelle correspond
son rayon visuel.
Enfin, dans quelques circonstances, on peut avoir
besoin de mesurer la pente d'une droite, c'est-à-
dire son inclinaison par rapport à l'horizon, il faut
dans ce cas faire usage d'un éclimètre. Le plus
simple est la boussole-éclimètre. C'est une bousetle
ordinaire, dans laquelle la lunette, ou plutôt une
règle munie de verniers et solidaire avec elle, par-
court une portion d'arc de cercle, embrassant une
quarantaine de degrés au-dessus et au-dessous de
son diamètre. Ce diamètre est horizontal quand le
limbe de la boussole l'est lui-même ; et l'on peut
apprécier ainsi la pente du rayon visuel.
Mais il est rare que les opérations qui sont du
ressort de l'arpenteur exigent l'emploi des instru-
ments dont nous venons de parler, et qui se rap-
portent plutôt à la topographie qu'à l'arpentage.
[H. Sonnet.].
ARTICLE. — Grammaire, X. — {Etym.:d\i latin
articulus, jointure, articulation).
« Quand on a désigné par le mot cheval un cer-
tain animal, il reste à dire de quel cheval on veut
parler; dans ce but on place devant le nom un mot
dit article, qui s'appelle article défini quand il s'ap-
plique à un objet déterminé, comme le cheval (dans
cette phrase : le cheval de mon père est noir),
et article indéfini quand il désigne un objet indé-
terminé, comme un cheval en général; par exemple :
itn cheval est toujours un animal utile « (Brachet,
Souvelle grammaire).
Cet exemple suffit à distinguer les deux sortes
d'articles : l'article défini, le, la, les, l'article indé-
fini, un, une, des.
Article défini. — So7i origine. — Il dérive de
l'adjectif démonstratif latin : ille, illa, illos ou illas
ont donné naissance aux mots le, la, les. C'est bien
en efi"et une sorte d'adjectif démonstratif que ce
mot qui sert à montrer quel est entre plusieurs
objets celui dont on veut parler.
Son emploi. — Il s'emploie par conséquent de-
vant tous les noms communs qui ont besoin de ce
signe distinctif ; les noms propres de personnes au
contraire n'en ont pas besoin, puisqu'ils sont par-
faitement déterminés par eux-mêmes : Pierre, Paul,
Bossuet, etc. Cependant quelques noms venus de
langues étrangères, de l'italien surtout, le Tasse,
le Dante, l'Arioste, etc., gardent l'article qu'ils ont
dans cette langue.
Sa forme. — L'article le, la, les offre deux parti-
cularités de forme avec lesquelles il faut familia-
riser les enfants et les étrangers.
1° Quand le, la précèdent un mut commençant
par une voyelle ou un h muet, l'article perd sa
voyelle, qui est remplacée par une apostrophe.
Exemple : /'enfant, /'envie, /'honneur, /'humeur.
On dit alors que l'article est élidé.
{Elider vient du latin elidere, qui veut dire écra-
ser : la voyelle élidée est en effet écrasée et rem-
placée par l'apostrophe.)
2° Devant un nom masculin singulier commen-
çant par une consonne ou un h aspiré, on met au
pour à le; du pour de le. Exemple : au père, au
licros; du père, du héros.
Au pluriel, devant tous les noms, de les se change
en des; à les se change en aux. Exemple : des
pères, aux pères. On dit alors que l'article est
contracté.
[Contracté vient du latin contractum, resserré.)
A le est d'abord devenu al dans le vieux fran
ARTICULÉS
2U0 —
ASIE
çais, de même que du k est devenu ciel. Vers le
XII* siècle, / s'assourdit en u (comme dans auha
au lieu de alha. ; autve. de a/ter) et al devint au. De
même dd est devenu deu, comme chevel, resté dans
chevi?/ure, est devenu cheveu. Plus tard deu s'est
contracté en du, par le changement de eu en u,
comme dans les vieilles formes 7?ieu, beuvant, au-
jourd'hui mû, buvant.
De même que a le est devenu successivement al,
puis an, le pluriel a les donna le vieux français
als et enfin ans, aux. De les, contracté en dels à
l'origine, s'est réduit au xii" siècle à des.
Article indéfini. — Notre article indéfini un,
une, vient du latin uniis, iina, qui avait déjà pris
chez les Romains le sens de un cei^tain.
Il ne faut pas confondre un article indéfini avec
un adjectif numéral. Le premier ne marque qu'une
indication vague, sans aucune idée d'unité ou de
pluralité : ?m"roi doit être le père de son peuple,
c'est-à-dire to -t roi doit être., etc. Le second sert
à marquer la quantité : il y en a im ou deux.
L'emploi de un comme article indéfiiii n'est pas
plus étrange que l'emploi de le comme article
dépii. Etymologiquement, un est adjectif numéral,
comme le est adjectif démonstratif. Tous deux
viennent du latin qui n'avait pas d'article, et n'a
pu par conséquent nous léguer sur ce sujet aucune
tradition grammaticale. Le dictionnaire de Fure-
tière, les grammairiens de Port-Royal, Buffier,
Restaut, la plupart des grammairiens modernes,
Jullien, Lemaire, etc., regardent un, une comme
ai^ticle indéfyii. D'autres ont essayé de le rattacher
aux adjectifs indéfinis, ce qui nous parait moins
logique. Le pluriel naturel de ce mot, un homme,
des hommes, est une preuve de plus de sa parenté
grammaticale avec l'article.
Exercices. — Les exercices sur l'article apparte-
nant presque exclusivement au cours élémentaire,
nous ne croyons pas nécessaire d'en donner les
modèles détaillés. On fera lire aux enfants un
morceau dans lequel ils signaleront de vive voix
les articles. On leur fera souligner dans une dictée
les articles définis ou indéfinis, élidés ou contractés,
masculins ou féminins, etc. On leur fera chercher
dans des phrases choisies à cet effet (par exemple
dans celles que nous avons données pages 31 et 32)
les noms propres qui prennent l'article (Russie,
Suisse, Seine, etc.) et ceux qui ne le prennent pas
(Turin, Cherbourg. Voltaire, etc.).
[J. Dussouchet.]
ARTICULÉS. — Zoologie, XXin. — Dans la
classification zoologique la plus usitée en France,
on donne ce nom au premier sous-embranchement
des Annelés, caractérisé par des membres articulés,
c'est-à-dire formés de pièces en série, repliables
plus ou moins l'une contre l'autre. Le sang des
Articulés est incolore, poussé d'arrière en avant
par un cœur divisé en chambres. Le fait essentiel
de leur circulation, c'est que les artères et les
veines ne sont pas complètes, quoique la circula-
tion soit régulière et entière. Elle devient toujours
plus ou moins lacunaire, le fluide nourricier
l'épanchant entre les viscères internes.
Lq^ Articulés comprennent la classe des Insectes,
d'une organisation très élevée par la perfection des
organes de locomotion et de relation, et la seule
qui présente souvent des ailes. Puis les Myria-
podes, vulgairement millepieds, qui ont de fortes
analogies avec certaines larves ou états premiers
d'insectes. Ensuite, moins rapprochée et ofi'rant cer-
taines analogies avec les Crustacés, vient la classe
des Arachnides. Dans ces trois premières classes,
les animaux respirent l'air à l'état gazeux, circulant
dans leur corps par des tubes plus ou moins ren-
flés nommés trachées, parfois modifies et localisés
(poumons des A rac/midcs,. La dernière classe,
formée presque exclusivement d'animaux aquati-
ques, est celle des Crustacés, rcsph-ant l'air dissous
dans l'eau, au moyen de brayic/iies ; ces organes
peuvent aussi, comme chez les poissons, absorber
l'air libre, quand ils sont maintenus à un état suf-
fisant d'humidité. Dans toutes les classes des Arti-
culés, beaucoup d'espèces subissent des métamor-
vhoses, c'est-à-dire accomplissent, hors de l'oeul,
une partie de leur évolution, passant par des états
transitoires avant d'arriver à la fnrme adulte ou do
reproduction. IMaurice Girard. j
ASii;. — Géographie générale. 11.
1. Situation. — Limites. — Étendue. — Popu-
lation. — Géographie physique.
Situation. — Limites. — L'Asie est contiguë à
l'Europe, dont elle est séparée à l'ouest par les
monts Durais, le fleuve de même nom, la mer Cas-
pienne, le Caucase, la mer Noire, le détroit de
Constant inople, la mer de Marmara, les Darda-
nelles et l'Archipel. Au sud-ouest, elle est rattachée
à l'Afrique par Vistlime de Sues; au sud elle est
voisine des îles de la Malaisie, dont elle n'est sé-
parée que par le détroit de Malacca, de même
qu'au nord-est le détroit de Behring forme un
étroit intervalle entre elle et l'Amérique. De tous
les autres côtes, l'Asie est environnée de mers; au
nord, la 7ner Glaciale ;h. l'est, le Grand Océan Pa-
cifique; au sud, la mer des Indes; à l'ouest, la
Méditerra?iée.
Superficie et populatio7i. — L'Asie est donc le
centre des cinq parties du monde, puisque les
quatre autres se groupent autour d'elle. C'est
aussi de toutes la plus vaste et la plus peuplée.
Elle a quatre fois et demie la superficie de l'Europe,
qui ne forme, à vrai dire, sur le globe, qu'un ap-
pendice, une presqu'île de l'Asie; et sa population
de 800 millions d'individus comprend presque les
deux tiers des hommes existant sur la terre.
Côtes et îles. — Les presqu'îles de la mer des
Indes. — Les rivages de l'Asie sont très décou-
pés sur la mer des Indes, où ils forment trois
grandes presqu'îles: Y Arabie, séparée de l'Afrique
par l'étroite mer Rouge , nommée quelquefois
golfe Arabique , et de la Perse par le golfe Per-
sique ; VHindoustan, terminé au sud par le cap
Coniorin, et dont le golfe d'Oman, à l'ouest, le
golfe du Bengale, à l'est, baignent le littoral; et
enfin V Indo-Chine, entre le goife du Bengale et la
mer de Chine. Cette dernière péninsule se termine
elle-même, au sud, par une presqu'île plus petite,
celle de Malacca, dont l'extrémité sud, le cap Re-
mania, est le point de l'Asie le plus rapproché
de l'équateur: il en est à 160 kilomètres.
Les mers secondaires dépendant du Grand Océanm
— Du côté du Grand Océan, les côtes asiatiques
baignent généralement dans des mers intérieures sé-
parées du. Pacifique par une série d'archipels. La
mer de la Chine, entre llndo-Ghine et la Chine,
sur le contUient, et les îles Bornéo, Philippines et
Formose ; la mer Jaune, entre la Chine et la pres-
qu'île de Corée ; la mer du Japon, entre la Corée et
les îles du Japon ; la mer d'Okhotsk, entre la Sibé-
rie, les îles Kouriles et la presqu'île de Kamtchatka ;
et enfin la mer de Behring, entre la Sibérie, les
îles Aléoutiennes, et le territoire d'Alaska, en
Amérique.
Autres îles de l'Asie. — Outre les îles déjà
nommées, il faut encore citer l'île de Cei/lan, sé-
parée de l'Hindoustan par le détroit de Palk, l'île
d'Hainan dans la mer de Chine, et celle de Sakha-
licn, entre la mer du Japon et la mer d'Okhotsk,
île séparée de la Sibérie par la Manche de Tar-
tario.
Côtes de la Méditerranée. — Du côté de la
Méditerranée, on rattache à l'Asie l'île de Chypre
et quelques-unes des îles turques de l'Archipel,
telles que Rhodes. Samoset Chio.qui sont groupées
autour de la presc|u"îlc remarquable <|ue l'Anatolie,
ou ancienne Asie ^lineurc, forme entre la mer Noire,
l'Archipel et la Méditerranée.
ASIE
— 201 —
ASIE
Climat. — Depuis le cap Romania jusqu'à Tex-
trémité septentrionale de la Sibérie, qui atteint
presque le 78' degré de latitude, l'Asie n'a pas
moins de 8 500 kilomètres de longueur, et est sou-
mise h des climats bien différents.
Les rives de l'Océan ç/lacial. — Au nord, l'Océan
reste glacé pendant plusieurs mois chaque année,
et aucun navire n'a pu jusqu'à présent se rendre
de la NouTelle-Zemble au détroit de Behring.
Les moussons de la mer des Indes. — Au sud,
au contraire, la mer des Indes est sillonnée par les
vaisseaux qui desservent les contrées les plus fer-
tiles et les plus peuplées du globe. Et avant que la
vapeur eût permis aux navires de se passer des
vents favorables , la régularité des vents mous-
sons, qui soufflent alternativement du sud-ouest
pendant six mois et du nord-est pendant le reste
de l'année, permettait aux navigateurs d'opérer ré-
gulièrement leurs vo}'ages d'aller et de retour, à
la condition de choisir la saison propice.
Les ci/clones delà mer des Indes. — Par contre, ces
parages sont souvent désolés par des cyclones dont
les ravages sont terribles. Malheur au navire qui
se laisse atteindre ! 11 est infailliblement coulé à
fond sans qu'aucune épave laisse deviner l'endroit
où il a disparu. Malheur au littoral peu élevé sur
lequel la vague énorme soulevée par l'ouragan vient
s'abattre avec furie, renverser tout sur son pas-
sage, arbres et maisons, noyer hommes et ani-
maux, et changer en quelques minutes le pays
le plus prospère en une solitude désolée !
La sécheresse du plateau central. — Le centre de
l'Asie est trop éloigné du rivage de la mer pour en
ressentir riiumidité. Du reste, les hautes monta-
gnes qui entourent de tous côtés le plateau du
centre de l'Asie, suffiraient à l'isoler de toute in-
fluence extérieure. C'est le pays le plus sec de la
terre; aussi bien pendant l'été, quand il est brûlé
par l'ardeur du soleil, que durant l'hiver, où souffle
un vent glacial. Les rares cours d'eau qui y pren-
nent naissance, ou qui descendent des montagnes
du pourtour, sont absorbés par les sables ou se
perdent dans des lacs sans écoulement.
Orographie et hydroguaphie. — Les monts Altaï
et Tian-Chan ou monts Célestes, au nord, et VHi-
malai/a, au sud, forment la limite de ce grand pla-
teau de l'Asie. L'Himalaya renferme les pics les
plus élevés de la terre , qui atteignent à plus de
8000 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Le Tibet. — Au nord de cette chaîne, est le
Tibet, pays excessivement élevé, de 3 à 4 000 mè-
tres, où surgissent des montagnes gigantesques, cou-
vertes d'immenses glaciers, d'où s'écoulent des
fleuves considérables, le Sind ou Indus, le Brahma-
poutre, le Méikong ou fleuve du Cambodge, le
Yang-Tsé-Kiang ou fleuve Bleu.
La Mongolie. — Le rebord septentrional du Ti-
bet est formé par les monts Kouenlun, d'où l'on
redescend, au nord, sur le Turkestan oriental et là
Mongolie qui n'ont plus guère que 1 000 ou 1 200
mètres d'élévation moyenne.
Le Pamir. — L'Himalaya, les Kouenlun, l'Altaï,
se réunissent à l'ouest en un nœud énorme, qu'on
nomme le Pamir, ou toit du monde, que dominent
des pics de GOOO mètres et où des torrents roulent au
fond de gorges d'une profondeur eff'rayante. C'est de
ce nœud que se détache encore à l'ouest la haute
chaîne de l'Indou-Kouch, qui couvre l'Afghanistan
et le nord de la Perse.
Les frontières de la Chine et du Tibet. — Du côté
de l'est, les limites du plateau sont moins tran-
chées, mais à l'angle sud-est il y a encore d'é-
normes montagnes, au travers desquelles les grands
fleuves de la Chine et de l'Indo-Chine se sont ou-
vert des passages très-rapprochés les uns des au-
tres pour s'échapper du bassin fermé où ils ont
pris naissance.
Autres plateaux de l'Asie. — Les plateaux élevés
au-dessus du niveau de l'Océan constituent un
des principaux traits orographiques de l'Asie. V Ar-
ménie, au sud du Caucase, VAnatolie, la Perse, le
Deccan, qui forme la partie méridionale de l'Hin-
doustan, sont autant de pays élevés de 1 000 mè-
tres, quelquefois de 2 000 mètres au-dessus du ni-
veau de la mer.
Dépressions de la vier Morte et de la Caspienne.
— Par contre, une partie des steppes qui s'étendent
sur les bords de la mer Caspienne et les rivages
de la mer Morte sont au-dessous du niveau de la
Méditerranée et des océans.
Volcans. — Du côté du Pacifique, au Kamtchatka
et au Japon, on rencontre des volcans, dont quel-
ques-uns en activité, qui forment autour de cet
Océan une ceinture de cratères continue avec ceux
de l'Alaska, du Mexique, de l'Amérique centrale,
de l'Amérique méridionale, des îles de la Sonde.
Bassins principaux. —Bassin de l'océan Arctique.
— Au pourtour du plateau central de l'Asie, les eaux
s'écoulent en quatre versants principaux. Au nord,
l'océan Glacial reçoit r06i,puisr/f7u'je2, dont le prin-
cipal affluent, l'Angara, vient du lac Baikal, l'une
des plus grandes masses d'eaux douces de la terre,
dont on n'a pas encore exactement sondé l'immense
profondeur; et enfin la Lena, pour ne compter que
les fleuves les plus considérables par l'abondance
de leurs eaux et la longueur de leur cours. Tout
ce versant s'incline en pente douce vers l'océan
Arctique et l'on cherche en ce moment à établir sur
les fleuves que nous venons de nommer des servi-
ces réguliers de navigation qui amèneraient par
mer en Europe les produits de la Sibérie.
Absence de frontières tranchées erilre la Sibérie
et la Russie cFEurope. — Les monts Ourals ne
forment du reste du côté de l'Europe qu'une sorte
de limite conventionnelle. La chaîne n'est nulle
part escarpée, et les routes qui relient l'Europe à
l'Asie, entre 50° et t;0° de lat. nord, la franchissent
par des pentes très-douces. Plus au sud, la sépa-
ration est encore moins distincte. La steppe que
parcourent les Kirghiz au nord du lac d'Aral, est
la continuation ininterrompue des steppes de la
Russie méridionale. C'est par là qu'ont passé pres-
que toutes les invasions de barbares qui se sont
précipitées d'Asie en l'Europe.
Versant du Grand Océan Pacifique. — L'Amour.
— Au sud des montagnes qui forment le prolonge-
ment des monts Altaï dans la direction du détroit
de Behring, la Sibérie est arrosée par un grand
fleuve qui traverse une partie des^ pays de la
Mandchourie conquis sur l'empire chinois par les
Russes depuis un" quart de siècle. C'est V-lnioiir,
qui va de l'ouest à l'est se jeter dans la Manche de
Tartarie, en face de l'île Sakhalien.
Affluents (te la mer Jaune. — Plus au sud, le
golfe de Petchili, au fond de la mer Jaune, reçoit le
Peï-ho, qui passe à Péking, et le grand fleuve du
Hoancj-lto, ou fleuve Jaune, venu du pays de Kou-
kounor, à l'angle nord-est du Tibet. Naguère, ce
fleuve tombait plus au sud dans la mer Jaune,
lorsqu'il s'ouvrit brusquement un passage à On ou
80 heues en amont de son embouchure, pour se
diriger au nord-est vers le golfe de Petchili, où il
aboutit aujourd'hui. Le Tibet envoie encore à la mer
Jaune le Yang-tsé-Kian;/. l'un des plus imposants
fleuves du monde, que les navires remontent au
loin jusque près des rapides qu'il forme en s'échap-
pant des montagnes où sa source reste encore
cachée.
Mer de la Chine. — La mer de la Chine re-
çoit la rivière de Canton, et dans le golfe de Ton-
kin (que cette mer forme entre l'île d'Hainan et la
côte orientale de l'Indo-Chine) débouche le fleuve
Rouge, sur lequel flottent maintenant des navires
français et qui semble la voie la plus favorable pour
atteindre la riche province du Yunnan, au sud-
ouest ^e la Chine, sur les confins du Tibet.
ASIE
202
ASIE
En passant sur le versant méridional de l'Asie,
le premier fleuve qu'on rencontre est le Meï-
Kong, ou fleuve du Cambodge, qui se dirige vers la
mer de Chine en traversant notre colonie française
de Cochinchine. Le cours en est obstrué par des
rapides infranchissables aux embarcations, et la
source, encore inconnue, doit se trouver au Tibet,
près de celle du Yang-tsé-Kiang.
Le golfe de Siam, entre la Cochinchine française
et la presqu'île de Malacca, reçoit le Meî-Nam,
sur lequel se trouve Bankok, la capitale du royaume
de Siam.
Versant de la mer des hides. — Golfe du Ben-
gale. — Dans le golfe du Bengale tombent la Sa-
ïouen, venue d'une source inconnue dans le Tibet,
et riraouaddy, sorti des monts de l'Assam, qui ar-
rosent tous deux la Birmanie, puis le Brahma-
poutre et le Gange, qiii mélangent leurs eaux dans
un delta ou réseau de canaux inextricable. Le
Brahmapoutre semble avoir sa source au nord de
l'Himalaya, dont il percerait le rempart. Le Gange,
au contraire, naît au sud de l'Himalaya, mais vers
l'extrémité de la chaîne opposée à celle par où
débouche le Brahmapoutre. Sur son cours dirigé
de l'ouest à l'est, il recueille toutes les eaux des-
cendues de l'Himalaya, et reçoit sur sa rive droite
la Djemna, née comme lui dans l'flimalaj^a.
Le Deccan envoie à l'est dans le golfe du Bengale
le Godavery et la Krichna.
Golfe d'Oman. — A l'ouest, dans le golfe d'O-
man, le Deccan verse la Nerbuddah. Là débouche
aussi le Sind ou Indus, grand fleuve venu du Tibet,
sur le versant nord de l'Himalaya. Dans le golfe
Persique se jette le Cbat-el-Arab, form.é par la
réunion du Tigre et de l'Euphrate, qui naissent
tous deux sur les hauts plateaux de l'Arménie et
du Kourdistan.
Bassin intérieur de l'Aral. — Enfin sur le versant
occidental du grand plateau central asiatique, les
deux principaux fleuves sont le Syr-Daria et
l'Amou-Daria, que les écrivains arabes nomment
Sihoun et Djihoun, et que les anciens nommaient
laxartes et Oxus. Le premier naît au nord des monts
Tian-Chan, et finit dans le lac d'Aral. Le deuxième
se forme sur le Pamir, et se dirigeait autrefois à
l'ouest, vers la mer Caspienne. Maintenant il s'est
retourné au nord, et finit au sud du lac d'Aral.
Comme la mer Caspienne, ce lac forme une sorte
de mer intérieure.
Autres basdns intérieurs. — Les lacs analogues
sont nombreux en Asie. Ainsi la mer Morte ou lac
Asphaltite, qui reçoit le Jourdain, si célèbre dans
l'histoire des Hébreux, les lacs Van et Sévanga dans
l'Arménie, le lac Ourmia, dans la Perse; les lacs
Balkachi et Issik-Koul, dans le Turkestan russe ;
puis sur le plateau central : le Lob-Nor, où abou-
tit le Tarim, qui draine toutes les eaux du Tur-
kestan oriental, le Koukou-Nor, et beaucoup
d'autres.
2. Ethnographie. — Races sifjériennes. — L'A-
sie est habitée par des races bien différentes. Au
nord de la Sibérie vivent de malheureuses tribus
sauvages qui sont les frères des Samoyèdes et des
Finnois du nord de l'Europe. Ils tirent de la chasse
et de la pêche toute leur subsistance et se grou-
pent de préférence sur le bord des rivières. Au
midi de la Sibérie, où le climat devient moins ri-
goureux, où le sol se recouvre de belles forets sus-
ceptibles de fournir par le défrichement des terres
fertiles, au lieu des toundras man^cageuses et
presque toujours gelées qui bordent la mer Gla-
ciale, les Russes, qui sont maîtres du paj's, envoient
des colons et de nombreux condamnés politiques
ou criminels, qui ne paraissent clairsemés qu'à
cause de l'étendue du pays qu'ils sont appelés à
peupler. Les défrichements et le travail des mines
constituent leurs principales occupations. Sous ce
rapport, l'Oural et l'Altai renferment des richesses
inépuisables en or, argent, cuivre, platine, pierres
précieuses, charbon et métaux divers.
Haces jaunes, pastoi^ales et guerrières. — Au sud
de l'Altaï, les Asiatiques mènent la vie pastorale.
C'est de leurs troupeaux qu'ils tirent leur nourri-
ture, leur boisson, leurs vêtem.ents, le feutre des
tentes qui les abritent, et la fiente qui leur sert de
combustible dans un pays où l'on ne rencontre pas
un seul arbre. C'est de là que sont sortis les Huns,
les Mongols, les Turcs et tant d'autres envahis-
seurs qui ont fait trembler l'Europe à bien des re-
prises difl'érentes, et qui ont fait à diverses épo-
ques la conquête de la Chine, de l'Inde et de l'Asie
occidentale. De l'est à l'ouest, les Mandchoux, les
Mongols, les Kalmouks, les Turcs du Turkestan,
mènent dans les pays auxquels ils ont donné leur
nom la vie barbare. Il en est de même des Kir-
ghiz, au nord du lac d'Aral, que les Russes ont
soumis à leur empire, et surtout des Turcoman»
qui exercent leurs pillages sur les frontières do la
Perse, de l'État de Khiva, et des possessions russes
à l'est de la Caspienne. Tous les peuples dont
nous avons parlé jusqu'ici, à l'exception des Eu-
ropéens, appartiennent à la race jaune ou mongo
lique dite aussi ouralo-altdique, à cause des lieux
où l'on pense qu'elle a pris naissance.
Races jowics sédentaires. — Les Chinois, les Ja-
ponais. — C'est à cette race jaune qu'appartiennent
aussi les Chinois, qui ne vivent plus ni à l'état
sauvage, ni à l'état barbare, mais sont parvenus,
depuis une haute antiquité, à un état de civilisation
relative fort avancé.
La race jaune domine encore au Tibet, au Japon
et dans rindo-Chine, où vivaient autrefois d aunes
races inférieures, aujourd'hui réfugiées dans les
montagnes, où elles traînent une existence vérita-
blement sauvage.
Race bkmche indu-eu)-opéenne. — Dans l'Inde, au
contraire, c'est la race blanche qui domine. Nulle
part elle n'offre un type plus beau, et c'est dans
les montagnes du nord de l'Inde qu'on se plaît
à placer le berceau des Aryas nos ancêtres.
Les Parias. — Mais il existe aussi dans l'Inde
des races provenant du mélange des blancs et des
jaunes, et d'autres races primitives comme dans
l'Indo-Chine. Ce sont celles-ci que rejettent les
fiers Indous. en les nommant parias.
Autres races aryennes. — Races sémitiques. — Les
Afghans, les Béloutchis, les Persans, les Arméniens
de l'Asie Mineure appartiennent encore à la race
blanche aryenne ou indo-européenne, tandis que les
Arabes et les Juifs senties représentants d'une autre
race blanche, la race sémitique, aujourd'hui déchue,
mais qui dans l'antiquité a fondé les empires assy-
rien et phénicien et les royaumes juifs.
Iraniens et Touraiiiens. — On donne souvent le
nom d'Iraniens aux Persans et autres peuples de
même race qui habitaient l'Iran ou pays de l'Ouest
par rapport au Touran ou paj s de l'Est, qui est
formé par le Turkestan. Les Touraniens et les
Iraniens ont soutenu les uns contre les autres de
longues et fréquentes luttes, amenées naturellement
par le voisinage de deux peuples de races diffé-
rentes, menant les uns, les Touraniens, la vie
nomade et guerrière, et les autres, les Iraniens,
plus disposés aux arts, la vie sédentaire. Les
uns et les autres sont mélangés dans le Turkestan
actuel, où les Touraniens, maîtres du pays, ont
adopté en partie les mœurs de la race qu'ils
avaient vaincue,
Religions. — C'est en Asie qu'ont pris naissance
le judaïsme, le christianisme et \'isla77iisme, trois
religions qui se partagent l'Europe.
Le bouddhisme. — Mais la plupart des hommes
de race jaune suivent la religion bouddhiste, dont
le dalai-lama ou grand pontife réside au 'l'ibet. con-
trée où se trouvent de très nombreux couvents de
bonzes (prêtres bouddhistes). En Chine on suit
ASIE
— 203 —
ASIE
aussi la religion de Confucius, et au Japon le culte
particulier de Sinto.
Le brahmanisme. — Dans l'Inde règne surtout
le brahmanisme, religion plus ancienne que le
bouddhisme et qui consiste en un polythéisme di-
vinisant les forces de la nature.
Les Parsis. — On y trouve aussi des Guèbres ou
Parsis qui ont conservé l'ancienne religion de Zo-
roastre pratiquée autrefois en Perse, le culte du feu.
Pour eux les environs de Bakou, sur la mer Cas-
pienne au sud du Caucase, sont un lieu sacre, à
cause des sources de naphte qui s'y enflamment
spontanément.
L'islamisme. — L'islamisme a fait de grands
progrès en Asie. A part quelques chrétiens dans
la Syrie et l'Arménie, il comprend toutes les po-
pulations de la Turquie d'Asie, de l'Arabie, de la
Pe/se, du Turkestan, de l'Afghanistan, du Bélout-
chistan. Dans l'Inde, ses représentants sont aussi
très nombreux; sur plusieurs points de la Chine,
ils sont devenus assez puissants pour fonder des
États indépendants.
Mais les Musulmans se divisent en deux grandes
sectes, mortellement ennemies, les Sunnites et les
Chiites. Les premiers reconnaissent trois califes
entre Mahomet et Ali. Les seconds ne reconnais-
sent qu'AU. Aujourd'hui les Turcs, les Égyptiens,
les Arabes sont Sunnites, les Persans sont Chiites.
Le Chamanisme. — Enfin les populations sau-
yages de la Sibérie sont adonnées aux pratiques
idolâtres du chamanisme. .
3. Géograpliie politique de l'Asie. — Trois
grandes puissances, la Russie au nord, la Chine
à l'est, l'Empire Britannique au sud, occupent la
plus grande partie de l'Asie et comprennent
la grande majorité de ses habitants.
Possessions russes. — Sibérie. — C'est à la fin
du seizième siècle que les Russes ont commencé
la conquête de la Sibérie, d'où étaient sortis les
Mongols qui les avaient tenus sous leur domination.
Depuis, leurs progrès ont été constants et, en der-
nier lieu, leur frontière a changé presque dannée
en année.
Limites actuelles. — Aujourd'hui, elle part de
l'angle sud est de la mer Caspienne sur les limites
de la Perse, remonte au nord-est vers le lac
d'Aral, suit la rive droite de l'Amou-Daria, depuis
son embouchure jusqu'au sud de Khiva, passe
entre Boukhara et Samarcand, où les troupes du
tzar sont entrées en l8G8 et qui a été définitivement
annexée depuis 1874; gagne le plateau de Pamir,
puis les monts Tian-Chan, laissant à l'ouest sur le
territoire russe tout le Khokand.le lac Issik-Koul, la
vallée de l'Ili, affluent du lac Balkachi, qui avait
été colonisée par les Chinois. La frontière se dirige
ensuite vers le lac Baïkal, suit l'Argoun, une des
deux grandes rivières dont se forme Je fleuve
Amour, puis ce fleuve jusqu'au confluent de l'Ous-
souri, qu'elle remonte au sud, pour venir finir sur
la mer du Japon, vers le 42' degré de latitude.
Superficie et population. — Dans ces limites la
superficie des possessions russes est de là millions
et demi de kilomècres carrés, et la population n'en
dépasse pas 8 millions d'individus. C'est surtout
au sud-ouest, dans les pays de VAsie centrale, qui
faisaient récemment partie des Khanats indépen-
dants du Turkestan, que cette population se trouve
concentrée.
Population indiqène. — Nous avons dit plus haut
que le nord de la Sibérie est habité par des hommes
presque sauvages. Les chiens et les rennes sont
les seuls animaux qu'ils aient à leur service, les
fourrures la principale marchandise qu'ils puissent
fournir. Toutefois on retrouve dans le nord de la
Sibérie les restes d'éléphants ou d'autres animaux
qui y ont vécu autrefois sous un climat sans doute i
plus clément que de nos jours, et qui ont été con-
servés intacts dans la glace qui les a emprisonnés. !
Leur ivoire, sans valoir celui des éléphants vivants,
mérite cependant d'être exploité.
Colons russes. — Au sud de la Sibérie vivent
les colons russes, principalement occupés du tra-
vail des mines et des défrichements.
Locnlités principales. — Toute autre industrie
est nulle, et la ville la plus considérable de la Si-
bérie proprement dite, Irkoutsk, près du lac Baïkal,
n'a que 30 000 habitants. Kiakhta, sur la rive
droite de la Sélenga, affluent méridional du lac
Baïkal, et sur la frontière chinoise, tire quelque
importance des caravanes qui y arrivent du nord
de la Chine à travers la Mongolie. Vladivostok,
sur la mer du Japon, tout près de la frontière de
la Corée, est l'arsenal de la Russie du côté du Paci-
fique.
Asie centrale. Pays de-- Kirgkiz. — Les Kir-
ghiz occupent entre la mer Caspienne et l'Altaï,
un vaste pays qui semble être le fond d'une an-
cienne mer. Les eaux s'y réunissent en lacs sans
écoulement, dont plusieurs sont saumâtres. Le
terrain est plat, l'air y est glacé pendant l'hiver»
brûlant pendant l'été. Les chevaux sont la princi-
pale richesse des Kirghiz, qui possèdent aussi des
troupeaux de moutons et de chèvres.
Le Turkestan. — Les provinces russes du Tur-
kestan renferment de nombreuses steppes arides
mais au pied des montagnes, et partout où les ri-
vières portent les bienfaits de l'irrigation, le sol se
revêt de riches cultures. Ce pays produit des
grains, des fruits, du coton, de la soie. 11 a l'avan-
tage de se trouver au croisement des routes que
suivent les caravanes pour aller de Russie dans
l'Inde, ou de Perse en Chine. C'est là ce qui ex-
plique l'importance actuelle de Tachkend, la capi-
tale des possessions russes, qui renferme plus de
80 000 habitans. C'est aussi ce qui a fait la grandeur
de Sa?»ar/ca«d, l'ancienne capitale de Tamerlan au
xiv^ siècle, qui conserve encore aujourd'hui de su-
perbes mosquées Pour éviter la pénible et dan-
gereuse traversée des steppes des Kirghiz et du
nord du Turkestan, les Russes projettent un chemin
de fer qui relierait Tachkend à Orenbourg sur la
frontière de la Russie d'Europe. M. de Lesseps
voudrait le prolonger jusqu'aux Indes.
Des anciens souverains du Turkestan, l'émir de
la Boukharie et le khan de Khiva ont seuls con-
servé leur indépendance, et encore ont-ils été at-
teints assez fortement par les armes russes pour
être sous la suprématie du izar. Boukliara est une
ville sainte de l'islamisme, très renommée pour ses
écoles et ses docteurs, longtemps fermée aux re-
gards impurs des infidèles chrétiens qui ne pou-
vaient y pénétrer qu'au prix de mille dangers. Pour
ces petits princes musulmans, la vie humaine
n'est du reste nullement respectable, et au moindre
caprice ils ordonnent de sanglantes hécatombes.
Po/iulation du Turkestan. — Comme les Kir-
ghiz, les Ouzbegs, qui dominent en Boukharie et à
Khiva, sont de race turque. La population séden-
taire qui s'adonne à l'agriculture ou aux métiers
des artisans, est composée de Tadjiks ou Sartes,
qui sont Persans de race et souvent même d'ori-
gine. Khiva a longtemps été un grand marché
d'esclaves, approvisionné surtout de captifs enlevés
en Perse. Les pillards turcomans des bords de la
Caspienne étaient les principaux auteurs de ces
razzias ; c'est pour y mettre un terme que les
Russes les ont récemment soumis à leur domina-
tion.
Transcaucasie russe. — Sur la rive occidentale
de la mer Caspienne, les Russes possèdent encore
en Asie plusieurs provinces au sud du Caucase
qu'ils nomment Transcaucasie. Ces pays jouissent
d'un heureux climat et abondent en productions
diverses. C'est là que les Argonautes allaient cher-
cher la toison d'or, autrement dit, des métaux
précieux.
ASIE
— 204 —
ASIE
La Géorgie et V Arménie. — C'est là que prospé-
rèrent les royaumes de Géorgie et d'Arménie.
Tiftis, la capitale du premier, est aujourd'hui le
■chef-lieu des possessions russes du Caucase et ne
renferme pas moins de 70 000 habitants. Quant à
l'Arménie, elle occupe en grande partie un plateau
fort élevé, où l'on distingue le mont Ararat, haut
•de 4 à 5000 mètres. Elle est partagée aujourd'hui
«ntre la Russie et la Turquie. Le sort de la der-
nière guerre a fait passer entre les mains des
Russes -Kars, la principale citadelle, que les Otto-
mans avaient victorieusement défondue en 18ôi.
On rencontre des Arméniens dans tout l'Orient
•et dans plusieurs contrées de l'Europe, où ils
s'adonnent principalement au commerce et à la
banque, comme les Juifs. Ils suivent la religion
catholique, mais ont un patriarche particulier ; les
Géorgiens sont plutôt ralliés à la religion chré-
lienne grecque. Les deux peuples appartiennent
du reste au plus beau type de la race blanche ou
caucasique. Mais à côté d'eux on trouve dans le
•Caucase les types les plus divers de l'humanité.
Empire chinois. — Superficie et population —
En comprenant dans les possessions chinoises la
■Corée, le Tiôet, le Turkestan oriental, la Mongolie,
la Mandchonrie, l'empereur de la Chine domine
sur un territoire aussi étendu en Asie que le tzar
de Russie. C'est, en tout cas, le souverain auquel
obéissent le plus grand nombre de sujets, puisqu'on
pense que la Chine proprement dite renferme plus
■de 400 millions d'habitants, et les pays annexes ou
tributaires une vingtaine. La Chine proprement dite,
qui occupe l'angle sud-est de ce vaste empire, est
'extraordinairement peuplée : elle renferme plus de
100 habitants par kilomètre carré en moyenne.
Cités populeuse-;. — On y rencontre un grand
nombre de villes renfermant plusieurs centaines
de mille âmes, des campagnes très populeuses, et
en outre beaucoup de Chinois vivent sur les ri-
vières en en tirant toute leur subsistance. Il leur
■suffit d'un radeau en bambou, sur lequel ils
étendent de la terre ou de la vase retirée du fleuve
pour s'y créer un jardin.
Climat. — Les productions de la Chine sont
très variées, suivant la latitude où l'on se trouve.
Au midi, sur le 20' degré, on voit des cultures
tropicales, puis le climat va en se refroidissant
assez vite vers le nord. A Peking, sous la lati-
tude de Naples, les étés sont fort chauds, mais
Jes hivers très rigoureux, et la mer voisine reste
prise par les glaces pendant plusieurs mois.
Mœurs des Chinois. — Les Chinois se nour-
rissent principalement de riz, et consomment beau-
coup de poissons. Leur boisson habituelle est le
thé, dont ils fournissent tout l'univers. Ils vendent
aussi une très grande quantité de soie. Le com-
merce est très actif en Cliine, les rivières et les
canaux qui les réunissent sont sillonnés par de
nombreuses jonques, de même que les mers voi-
sines où les marins chinois font le cabotage et
malheureusement aussi la piraterie. Cependant
les Chinois sont généralement doux, patients, per-
sévérants, sobres, économes. Ce sont les plus ha-
biles commerçants du monde.
L'émigration chinoise. — Partout où ils s'éta-
blissent, ils ruinent les autres nations par la con-
currence. Leur esprit n'est pas Inventif, mais iis
sont doués d'une remarquable faculté d'imitation,
et arrivent rapidement à s'approprier les arts des
autres peuples. Chaque année, des milliers de
Chinois émigrent pour s'en aller en Amérique, en
Australie, aux îles de la Sonde, aux Antilles, par-
tout ou il y a un métier pénible à exercer, ou
quelque miette à glaner. Ce sont eux qui rem-
placent les nègres dans les plantations euro-
péennes, qui chargent les navires de guano aux
îles Cliinchas, qui ont construit le chemin de fer
•de Panama sous un climat où le sol remue exhalait
la fièvre et la mort à chaque pas. En Californie, ils
reprennent les placers abandonnés comme trop
pauvres par les mineurs américains ; ils sont
d'excellents domestiques, font tous les métiers des
femmes et ceux qui exigent l'adresse la plus déli-
cate. Au dehors, les Chinois font généralement for-
tune, et il j' en a de colossalement riches.
Le culte du .^ol Jiatalct des ancêtres. — Mais, si
pauvres qu'ils soient, ils tiennent à ce que leurs
restes soient rapportés sur la terre qui les a vus naître,
et imposent généralement à la compagnie d'émigi'a-
tion qui les emmène la condition de rapporter leurs
cendres, s'ils meurent au dehors. En Chine, le culte
des ancêtres joue un grand rôle, les cimetières
occupent une place énorme, et Ton tient durant sa
vie à se ménager une belle demeure pour le mo-
ment où l'on sera mort. On remarque dans les villes
de nombreux marchands de cercueils, et c'est à
qui choisira d'avance le plus beau.
Le jeu et Vopium. — A côté de ce respect pour
les morts, il y a deux vices fort répandus en Chine :
le goût du jeu et celui de fumer l'opmm. C'est de
l'Inde qu'on tire généralement ce narcotique, et si
les négociants anglais gagnent dans ce commerce
un assez grand nombre de centaines de raillions
chaque année pour expliquer que l'Angleterre leur
ait ouvert ce débouché à coups de canon par la
guerre dite de l'opium, en 1842, on ne saurait
trop déplorer, pour l'humanité, un vice qui plonge
dans l'abrutissement les malheureux qui s'y
adonnent et les conduit promptement à une mort
certaine.
Degré de la civilisation. — Les Chinois ont at-
teint depuis longtemps un degré de civilisation
qu'ils ne semblent point dépasser. Ils connais-
saient la boussole et la poudre à canon bien avant
les Européens, ils fabriquaient depuis longtemps
des porcelaines très recherchées pour la finesse de
leur pâte et l'éclat de leurs peintures. Mais ils
possèdent de grandes richesses minérales mal ex-
ploitées ou inutilisées. Le Yunnan, province au
sud-ouest de la Chine, est extraordinairement riche
en métaux, et le terrain houiller occupe en Chine
une étendue considérable, sans qu'on ait encore
tiré un parti avantageux de ces diverses ressources.
Relations avec les étrangers. — Remplis de mé-
fiance pour tout ce qui vient de l'étranger, les
Chinois sont restés longtemps sans vouloir laisser
entrer les commerçants européens ou américains
dans leurs ports. Aujourd'hui h Canton et à Chang-
haî, les Chinois ont abandonné des concessions aux
Européens et aux Américains, qui y sont à peu près
indépendants, et ces négociants sont également
reçus avec leurs navires dans une vingtaine de ports
différents, sur les mers qui baignent la Chine ou le
grand fleuve Yang-tsé-Kiang, Mais les inventions
de l'Occident inspirent encore tant d'horreur aux fa-
natiques habitants du Céleste-Empire, comme ilsap-
pellent eux-mêmes leur pays, qu'ils n'ont pas voulu
laisser construire de chemins de fer et v ennent de
démolir quelques kilomètres de railway établis aux
environs de Chang-hai par des Anglais. Ils n'ont
accepté que les arts de la guerre, où leurs défaites
les ont obligés à reconnaître leur infériorité. Cha-
cun se rappelle qu'il y a une vingtaine d'années,
les troupes françaises et anglaises alliées sont en-
trées à Péking, sans que cet immense empire put
avoir une armée en état do résister h ces quelques
milliers d'Européens. Les Chinois se sont donc
adressés aux Français et aux Anglais pour monter
leurs arsenaux de construction et aussi pour or-
ganiser les douanes dont ils tirent leurs revenus.
C'est qu'en Chine les fonctionnaires ou manda-
rins sont gradés d'après les examens qu'ils ont
passés sur les vieilles connaissances qui composent
le bagage littéraire des lettrés chinois depuis des
siècles, et nullement formés à satisfaire les besoins
pratiques du gouvernement et du peuple.
ASIE
— 203 —
ASIE
Le chHstianisme enChine. — Il y a déjà longtemps
que la religion clirétienne a été prêchée en Chine,
et il y a 200 ans les Jésuites étaient fort en fa-
veur à la cour de Péking. Ils avaient dressé une
carte de l'empire, qui est encoi'e la meilleure base
de nos cartes actuelles, établi un observatoire à
Péking et enseigné beaucoup d'arts utiles. Aujour-
d'hui, malgré la protection réclamée et promise
dans tous les traités entre Européens et Chinois,
les chrétiens sont souvent persécutés et d'horribles
massacres amènent périodiquement de nouvelles
nterventions.
Le commerce extérieur. — Le commerce de l'Eu-
rope avec la Chine va en s'accroissant beaucoup.
Les Anglais en ont la plus forte part. Ce sont eux
qui importent l'opium et qui sont les plus forts
consommateurs de thé. Les Français envoient deux
fois par mois un grand steamer des messageries
nationales de Marseille à Chang-hai, par Naples,
Suez, Pointe do Galles (dans l'île de Ceylan),
Singapore, Saigon et Hong-kong. Ces navires rap-
portent principalement du thé et de la soie. Les
États-Unis et l'Allemagne ont aussi des relations
très importantes avec les Chinois.
Gra7ides villes. — On a estimé de manières très
différentes la population de Péking. Elle renferme
pour le moins un million d'habitants ; elle est for-
mée de deux villes distinctes, la ville chinoise et la
ville tartare. La dynastie actuellement régnante
est d'origine mandchoue, et c'est au centre de la
ville tartare que se trouve le palais de l'empereur.
Mais quel contraste entre la richesse etia splen-
deur de ces édifices et les quartiers pauvres où
grouille une population sordide I Aucune de nos
villes d'Europe ne peut nous donner une idée des
misères qu'on trouve à Péking ou à. Canton, la
grande ville du sud. Les abandons d'enfants, jetés
quelquefois, dit-on, en pâture aux pourceaux, les
supplices infligés aux prisonniers, les excréments
et les ordures avec lesquels les malheureux cher-
chent à tromper leur faim, forment un tableau hi-
deux qui ne se répète que trop souvent.
Les insurrections. — La Chine est soumise à un
autre genre de fléau, celui d'insurrections teri'ibles.
Entre 1850 et ISGi', les Taï-jmigs ont exercé leurs
ravages au-cœur de l'empire, à Nanking, l'ancienne
capitale du sud (en chinois pé veut dire nord, etnmi,
sud; Péking, c'est la capitale du nord; Nanking,
la capitale du sud; Pé-ling, les montagnes du nord;
Nan-ling, les montagnes du sud). JVanking, qui était
une ville de plusieurs centaines de mille âmes, est
tombée en leur pouvoir, et a été entièrement rui-
née par eux. Des millions de personnes ont péri,
des campagnes prospères ont été entièrement dé-
peuplées par ces barbares qui rappellent les Huns
ou les Mongols. Et ce n'est qu'avec l'aide des Eu-
ropéens que l'empereur de la Chine est parvenu
à maîtriser ces hordes inhumaines.
Autres gra7ides villes. Établissemejits européens.
Ports ouverts aux étrmigers. — La Chhie ren-
ferme encore beaucoup d'autres grandes villes.
Canton, au sud, est une ville d'un milhon d'habi-
tants qui fait un immense commerce de thé.
A l'embouchure de la rivière qui lui sert de port,
les Portugais occupent Macao, et les Anglais l'île
de Hong-kong. Macao a longtemps servi de point
de départ à des navires qui emportaient des
cargaisons de Chinois, décorés du nom de coolies
libres, mais traités trop souvent avec une inhu-
maine barbarie. Par la possession de Hong-kong,
les Anglais ont à la fois un poste d'observation
et de relâche pour leur marine dans ces parages, et
«n entrepôt où ils peuvent emmagasiner leurs
marchandises plus sûrement qu'au milieu d'une
grande ville chinoise, toujours exposée h des dé-
sordres imprévus. Au centre de la Chine, Ilan-
kao , sur le fleuve Bleu, est comme Canton,
Chang-haï et une douzaine d'autres villes, un port
ouvert aux navires étrangers, et le centre de deux
ou trois cités populeuses qui renferment encore
une énorme agglomération d'habitants, peut-être
plusieurs millions. Sur le détroit de Fo-kien, en
face de l'île de Formose, Fou-tclieou, autre port
ouvert aux étrangers, est le plus grand marché
d'approvisionnement pour les thés. C'est de Ih
que partent chaque année à la suite de la récolte
ces fameux clippers anglais qui luttent de vitesse-
pour arriver les premiers dans les docks de Lon
dres.
Grande muraille. — La Chine est enveloppée-
au nord-ouest par une grande muraille de 3 OOO ki-
lomètres d'étendue que les empereurs firent éle-
ver, deux ou trois siècles avant notre ère, pour se
mettre à l'abri des invasions des Mongols et de&
Mandchoux. Franchissant sans interruption les
montagnes et les vallées, la grande muraille est
une œuvre gigantesque. Tantôt bâtie en briques et
tantôt simple rempart de terre, elle est défendue
de distance en distance par des tours qui se re-
gardent l'une l'autre, et offre partout une largeur
suffisante pour que plusieurs cavaliers y puissent
galoper de front.
Corée.^ — A l'est de la Chine, la Corée reconnaît
nominativement la souveraineté de l'empereur de
Péking, mais forme, en réalité, un royaume entière-
ment indépendant. Encore plus isolée que la Chine
et le Japon, elle est fort peu connue des Euro-
péens, bien qu'une expédition française ait remonté
jusqu'à sa capitale, il y a quelques années. C'est un
pays peuplé de plusieurs millions d'habitants, et
fort accidenté.
Japon. — État ancien. — Le Japon est resté plus
longtemps fermé aux Européens que la Chine. Les
Hollandais seuls étaient reçus à Nangasaki, port
de l'île de Kiousiou, la plus méridionale des îles
dont se compose l'archipel. Il était défendu aux
Japonais sous peine de mort de quitter leur pays.
Aujourd'hui la situation est bien changée. Une
révolution qui a eu lieu au .Tapon en 1867 a ren-
versé l'antique système et mis à l'ordre du jour
l'imitation des moeurs et des institutions de l'Eu-
rope et de l'Amérique. Il y a au Japon un empe-
reur nommé le mikado; cet empereur était jadis
une sorte de dieu, invisible pour ses sujets et re-
vêtu de la puissance spirituelle et temporelle. Mais
il n'exerçait point cette dernière , dont s'était
emparé depuis des siècle un de ses vassaux por-
tant le titre de shogoun. Tandis que le mikado
restait enfermé au fond de son palais à Mia-ko ou
Kioto (au sud-ouest de la grande île de Niphon),
le shogoun résidait à Yédo, la ville la plus peuplée,
et obligeait à y résider, pendant une partie de
l'année, les daïmios ou grands feudataires de l'em-
pire. Ceux-ci, jouissant d'une situation analogue
aux puissants seigneurs de l'Europe féodale,
avaient des provinces et des troupes à eux. Mais
ils ne pouvaient s'éloigner de Yédo sans y laisser
des otages qui répondissent de leur fidélité au
shogoun.
Etat nouveau du Japon. — Depuis la nouvelle
révolution, qui a renversé l'institution dushogou-
nat, le mikado a ressaisi la puissance temporelle et
est redevenu le seul souverain. Il se montre non-
seulement à ses sujets, mais encore quelquefois à
des Européens. Les daïmios ont dû renoncer à
leurs préi-ogatives pour redevenir de simples offi-
ciers de l'empereur. Le nouveau gouvernement a
fait venir des étrangers, et notamment des pro-
fesseurs et des officiers français, pour fonder des
écoles et des arsenaux au Japon et y organiser des
troupes à l'européenne. De jeunes Japonais fré-
quentent maintenant les écoles d'Amérique, de
France, d'Angleterre ou d'Allemagne pour s'initier
à nos sciences et à nos institutions. Plusieurs
ports sont ouverts à nos nationaux, qui y commer-
cent librement. Toutefois le nouvel ordre de choses
ASIE
— 206 —
ASIE
est trop récent et soulève encore de trop nem-
breuses oppositions pour pouvoir être considéré
comme définitif.
Caractère des Japonais. — Le caractère des
Japonais est plus noble que celui des Chinois.
Ils sont faits pour la guerre plus que pour le né-
goce. Leur courage leur fait mépriser la mort. Le
port des armes entre dans leur costume national
et les nobles ont toujours suspendus à leurs côtés
ces énormes sabres aux tranchants redoutables
dont ils frappent leurs ennemis ou dont ils
s'ouvrent le ventre sitôt qu'ils se croient désho-
norés. Les Chinois n'envoient au dehors que des
prolétaires que la misère chasse de chez eux ou
des négociants que stimule l'amour du lucre.
Les Japonais, au contraire, choisissent leurs sujets
les plus capables pour aller étudier au dehors une
civilisation qu'ils apprécient et désirent s'appro-
prier.
Arts et produciio7is principales. — Les arts sont
aussi plus développés au Japon qu'en Chine.
Les porcelaines, les bronzes, les laques du Japon
sont admirables. Les artistes excellent à peindre
sur un éventail ou un paravent des sujets
charmants de naïveté, ou à tailler dans le bois
«u l'ivoire mille petits objets qui exigent une dex-
térité merveilleuse. Les étoffes de soie brodées sont
éblouissantes de couleur et de richesse. Le papier
qui sert, entre autres usages, à faire les cloisons
intérieures des appartements, est d'une souplesse
et d'une solidité remarquables.
Dans les campagnes, les Japonais s'appliquent
à bien cultiver leur sol. Les plantes parasites, et
même les animaux qui, comme les moutons, sont
à certains égards nuisibles à l'agriculture, sont
soigneusement écartés. Le pays renferme aussi
■des mines précieuses de cuivre et d'autres métaux
soigneusement exploitées. Grâce à l'étendue du Ja-
pon en latitude, l'archipel produit une foule de
plantes diverses. L'Europe en tire du thé, de la
«oie, des œuvres d'art et des cartons garnis de
graines de vers à soie pour renouveler dans nos
contrées séricicoles les races que les épidémies
ont détruites.
Superficie et population. Villes remarquables.
— La population du Japon est aujourd'hui de
33 millions d'habitants pour une superficie de
393 OnO kilom. carrés, c'est-à-dire de 85 habitants par
kilomètre. La France n'en renferme que 70. La
population de plusieurs villes dépasse cent mille
habitants. Les plus remarquables sont Yédo ou
Tokio, avec I 500 000 hab., Aliaco ou Kioto, 375 000,
Osaka avec la même population et Yokohama, port
voisin de Yedo, où résident 3 00ii étrangers.
Indo-Chine. — Les Anglais en Indo-Chine. —
L'Indo-Chine participe des deux contrées dont elle
tire son nom et auxquelles elle sert de trait
d'union. A l'ouest, les Anglais se sont emparés de
toutes les côtes qui bordent le golfe du Bengale
jusqu'à la presqu'île de Malacca et les ont annexées
à leurs colonies de l'Hindoustan. Ils possèdent en
•outre les établissements des détroits et l'île de
Singapore à l'ouest et au sud de la presqu'île de
Malacca, où régnent plusieurs petits princes malais
alliés aux Anglais et tributaires du royaume de
Siam.
A l'est, l'empire d'Annam, qui s'étend le long de
la côte de la mer de la Chine, était plus ou moins
tributaire de l'empire chinois.
Les Français en Indo-Chine. — Au siècle dernier
la France fit alliance avec l'empereur à'Annam, et
les ingénieurs français élevèrent dans ses États des
fortifications qui subsistent encore. Depuis une
vingtaine d'années, nous sommes devenus maîtres
de la basse Cochinchine, qui occupe les bouches
du Meî-kong, et protecteurs du royaume de Cam-
bodge, qui borne au nord les provinces françaises.
/Puis, par un nouveau traité avec l'empereur de Hué
la capitale de l'empire d'Annam), nous avons été
confirmés dans nos possessions et sommes devenus
les protecteurs de l'empereur d'Annam pour le
soustraire à toute influence étrangère, chinoise ou
autre. Ce dernier traité a ouvert au commerce
français plusieurs ports du Tonkin, qui forme au
nord de l'Annam la partie la plus riche et la plus
peuplée de cet empire. Par le fleuve du Tonkin, on
espère faire passer les riches produits miniers de
la province chinoise du Yunnan, à laquelle ce fleuve
conduit.
Sia)n et Birmaîiie. — Entre l'Annam et les
possessions britanniques, le royaume de Siam
occupe le bassin du Meî-nam, au fond du golfe de
Siam ; et l'empire des Birmans couvre le haut bassin
de riraouaddy et celui de la Salouen.
Populations diverses. — Il s'en faut de beaucoup
du reste que tous ces souverains, qui sont cepen-
dant des monarques absolus, puissent exercer par-
tout leur autorité. Les Laotiens, qui habitent sur
les bords du Mei-kong, sont réclamés comme sujets
à la fois par l'Annam et le royaume de Siam. Ils
mènent une vie à peu près sauvage ; cependant les
Mois, qui vivent dans les forêts, sont encore plus
barbares et semblent appartenir à une race abori-
gène occupant le pays avant sa conquête par la race
chinoise.
Les peuples de l'Indo-Chine sont très peu avan-
cés sous le rapport de la civilisation. Comme les
Chinois, ils suivent la doctrine de Confucius, ou le
bouddhisme, ou des cultes moins élevés. Le com-
merce est entre les mains des Chinois, ou des Ma-
lais, Ceux-ci, qui appartiennent à une race inter-
médiaire entre la race blanche et la race jaune,
sont des navigateurs hardis qui ont fondé des États
prospères dans les riches îles de l'archipel auquel
ils ont donné leur nom et où l'on parle leur langue.
Productions de l'Indo-Chine. — L'Indo-Chine
est entièrement comprise dans la zone tropicale
et excessivement fertile. Elle produit en grande
abondance le riz, qui forme la principale nourriture
des habitants et dont on exporte en outre d'énormes
quantités en Chine ou dans l'Inde. Les forêts sont
remplies de bois précieux, et on y exploite entre
autres le tek, remarquable par sa dureté et son
incorruptibilité. La presqu'île de Malacca est un
des rares pays du monde riches en étain. Ailleurs
on trouve de l'or, dont les temples de Bankok,
la capitale de Siam, sont surabondamment ornés,
et des pierres précieuses. Si les forêts sont peu-
plées de bêtes féroces, on y capture du moins
des éléphants sauvages, qui, une fois domestiqués,
rendent les plus grands services dans les forêts
et les marécages, où ils sont les seules bêtes de
somme utilisées.
Superficie. Population. — Villes principales. —
On estime à 37 millions environ le nombre des
habitants qui occupent l'Indo-Chine, dont la su-
perficie est de 2300 000 kilom. carrés, environ
4 fois et demie la France. La ville la plus peu-
plée est la capitale du royaume de Siam, Bankok,
dont on évalue la population à 500 000 habitants.
Une foule de gens y vivent sur des bateaux sta-
tionnés sur la rivière, comme dans les grandes
villes chinoises, et son port est animé par un grand
nombre de jonques chinoises ou malaises. Hué,
la capitale de l'Annam, Hanoi ou Kécho, la capitale
du Tonkin, Mandalay, la capitale des Birmans, sur
riraouaddy, un peu en amont des anciennes capi-
tales Ava et Oumérapoura, sont des villes d'une
centaine de mille âmes.
Il en est de môme de Rangoun, la capitale des
possessions anglaises ou Birmanie britannique,
pays dont la population totale approche de 3 mil-
lions d'habitants.
La Cochinchine française a pour chef-lieu Sai-
gon, qui devient une belle ville bien bâtie, ani-
mée par le commerce, la garnison et les adminis-
ASTF
— 207 —
ASIE
trations dont elle est le siège. Mais son port n est pas
aussi fréquenté que celui de Singapore, qui com-
mande le détroit de Malacca et qui est un des princi-
paux points de relâche sur la route de l'Extrême-
Orient. Singapore est située dans une île séparée du
continent par un détroit assez peu large pour que les
tigres, le traversant à la nage, viennent exercer leurs
ravages jusque dans la ville. Depuis que les Anglais y
ont otabli un nort franc, la population y a très rapide-
ment augmenté. Aujourd'hui on y compte 100 000
habitants, en grande partie Chinois, et tous occupés
de négoce, car l'île ne produit rien par elle-même.
Mais elle est située au point le plus favorable pour
y opérer les échanges entre l'Inde, la Chine, les
îles de la Sonde et l'Australie.
Exploratio7is françaises. — Vart cambodgien.
— Depuis que les Français sont devenus maîtres
de la Cochinchine, ils ont exploré le Meï-kong,
qui y débouche. Les rapides qui entravent son
cours le rendent malheureusement impropre à la
navigation. Plusieurs de ses grands affluents sont
encore inconnus. L'un d'eux, qui vient du Cam-
bodge,le met en communication avec le lac Bien-ho
ou Tonlé-sap. Ce lac reçoit le trop-plein du fleuve
pendant l'époque des hautes eaux, puis les lui
rend au moment de la baisse du niveau dans le
Mei-kong. C'est sur les bords de ce lac et aux en-
virons que l'on a récemment découvert les ruines
des monuments magnifiques qu'y avaient élevés
les Khmers, au moment de la splendeur de leur
empire. Les plus beaux spécimens qu'on en ait rap-
portés forment aujourd'hui le musée cambodgien
de Compiègne.
HiNDOUSTAN. — Limites. — L'Hindoustan forme
une grande péninsule limitée au nord par les
monts Himalaya, à l'ouest par le golfe d'Oman, à
Test par le golfe du Bengale, tous deux dépendan-
ces de la mer des Indes. Entre la mer et les mon-
tagnes, la frontière géographique est marquée par
rindus au nord-ouest, et par le Brahmapoutre au
nord-est.
Possessions anglaises. — Mais depuis quelques
années les Anglais, maîtres de la plus grande par-
tie de l'Inde, ont étendu les Umites de leurs pos-
sessions au delà de ces frontières naturelles en
occupant à l'est du Brahmapoutre, dans la pénin-
sule de rindo-Chine, les provinces montagneuses
de YAssam et tout le littoral oriental du golfe du
Bengale, auquel on donne maintenant le nom de
Birmanie anglaise. De même à l'ouest de l'Indus,
les possessions britanniques s'étendent jusqu'au
pied des monts Suleiman, qui servent de contre-
fort aux plateaux de l'Afghanistan et du Bélout-
chistan.
L'Himalaya, le Gange, rindoustan. — L'Hima-
laya reçoit sur son versant sud des masses énor-
mes d'eaux, en condensant sur ses flancs les nuages
pompés par le soleil sur la nier des Indes, et aux-
quels il oppose une barrière trop élevée et infran-
chissable. Ces eaux forment au pied des monts une
lisière marécageuse et malsaine, hantée seulement
par les tigres et autres bêtes fauves, et qu'on
nomme le Térai ;md,is au sud du Téraï,le Gange et
ses principaux affluents, qui suivent comme l'Hima-
laya la direction du nord-ouest au sud-est, par-
courent un bassin d'une fécondité merveilleuse.
Là poussent le riz qui forme la principale nourri-
ture des habitants, le pavot à opium, et l'indigo
qui alimentent le commerce d'exportation. Là se
presse une population très dense ; de nombreuses
villes comptent plusieurs centaines de mille âmes :
Delhi, où les descendants et successeurs de Tamer-
lan régnèrent sous le nom de Grands-Mogols, depuis
le xiv" siècle jusqu'au commencement du xix',
et Agra, situé, comme Delhi, sur la Djemna ;
Laknau, la principale ville de l'ancien royaume
d'Oude; Bénarès, la ville sacrée dos Hindous,
€t Patna, sur le Gange; Calcutta enfin, la capi-
tale du Bengale, située sur l'Hougli, une des
branches du delta du Gange, qui donne accès aux
plus grands navires jusqu'aux quais de cette mé-
tropole britannique. Cette résidence du vice-roi et
des principales autorités anglaises renferme près
d'un million d'habitants.
Le littoral. — La population se presse encore
sur la côte de Coromandel, qui s'étend à l'est de la
péninsule, et sur celle de Malabar, à l'ouest. C'est là
que s'élèvent Madras avec 400 000 habitants sur la
côte de Coromandel, et Bow6ay avec 6.Î0 000 habi-
tants sur le golfe d'Oman. Ce sont les contrées
chaudes, dont le climat énervant épuise les Euro-
péens et les force à aller se refaire dans les sani-
lariums que les Anglais ont élevés dans l'Himalaya
ou sur les plateaux du Deccan.
Le Deccan. — Celui-ci occupe toute la partie mé-
ridionale de la péninsule entre Bombay, Calcutta
et le cap Comorin ; les Gates, qui s'étendent le long
des côtes de^la Péninsule à l'ouest et à l'est, et les
monts Vindhyas, au nord de laNerbuddah, forment
les bords de ce plateau, dont l'altitude moyenne
au-dessus du niveaxK de l'océan est d'un millier de
mètres. Sur le Deccan, l'abondance des récoltes est
subordonnée à la régularité des pluies, et si celles-ci
viennent à manquer, on voit alors sévir d'horribles
famines, dont le gouvernement anglais cherche à
diminuer la fréquence en construisant de nom-
breuses voies ferrées qui permettent d'apporter
partout les denrées qui font défaut, et d'immen-
ses réservoirs qui accumulent pendant la saison
des pluies des eaux destinées à l'irrigation.
Le Pendjab. — Le Pendjab, ou pays des cinq
rivières, est parcouru par l'Indus et ses affluents, et
sa métropole, Lahore, ancienne capitale du pays
des Seiks, le dernier peuple soumis parles Anglais,
est une ville de 100 000 âmes.
Histoire. — L'Inde a de tout temps été convoitée
par ses voisins, ou par les divers conquérants du
monde. Les nombreuses races difl"érentes que
l'on y retrouve sont les preuves des invasions
anciennes dont l'histoire n'a pas gardé le sou-
venir. Ce pays a été le terme de la brillante car-
rière d'Alexandre. Après lui, les Afghans et les
Mongols en ont fait la conquête, et c'est un
mélange de persan avec l'ancien sanscrit qui forme
la langue la plus répandue aujourd'hui dans la
péninsule, l'hindoustani. Pendant longtemps les
Européens n'ont connu d'autre route que celle
des caravanes traversant l'Asie Mineure et la Perse
pour aller chercher dans l'Inde les épices et les
riches étoff'es que ce pays avait le privilège de re-
celer. Quand les Portugais eurent découvert la
route du cap de Bonne-Espérance, plus courte
comme temps et plus sûre, malgi'é les hasards de
la navigation, que la route de terre traversant des
pays semi-barbares, ils devinrent les maîtres du
commerce de ces régions. Les Hollandais, puis les
Français au siècle dernier, prirent successivement
la place des Portugais. Maintenant ce sont les An-
glais qui y dominent à leur lour. Petit à petit, la
Compagnie anglaise des Indes, société de marchands,
tfst devenue maîtresse des divers Etats indigènes
de la péninsule et de la plupart des possessions
européennes. Les négociations, la force, la ruse,
ont été mises en œuvre pour constituer le plus bel
empire colonial qui soit au monde et qui aujour-
d'hui est devenu propriété immédiate de la cou-
ronne d'Angleterre.
Etats tributaires; Et(ds indépendants. — On ne
considère pas l'Inde entière comme possession bri-
tannique. On y distingue encore des Etats réputés
tributaires des Anglais, mais dont les souverains
sont surveillés dans tous leurs actes par les rési-
dents britanniques que le gouvernement de la
Grande-Bretagne place auprès d'eux. Ces Etats tri-
butaires renferment un cinquantaine de millions
d'habitants, et les possessions britanniques près de
ASIE
— 208 —
ASIE
quatre fois autant. Quant aux Etats vraiment indé-
pendants, on ne les trouve plus que dans les monta-
gnes de l'Himalaya, là où la supériorité des armes
anglaises no servirait de rien et où le sol est trop
pauvre pour alimenter un commerce avantageux.
Là, aussi les populations natives ont gardé la
force physique, jointe à l'amour de l'indépendance.
Partout ailleurs, la chaleur du climat a ôté toute
vigueur aux caractères, et c'est ce (jui explique
comment 100000 Européens commandent seuls à
des centaines de millions d'Hindous. La résignation
et l'esprit fataliste constituent un côté de leur na-
ture. Tls meurent de faim sans proférer une plainte
dans les grandes famines, et ils expirent sous la
griffe du tigre ou la piqûre mortelle du serpent
avec la même indifférence. Les Anglais ont eu
grand'peine à détruire l'usage suivant lequel les
veuves se faisaient brûler sur le bûcher où l'on
incinérait le cadavre de leur époux. Et h la proces-
sion de l'idole de Djaggernaut, les fanatiques dé-
vots se faisaient écraser sous les roues du char
divin.
On n'a pas oublié la révolte d'il y a vingt ans qui
a été signalée par de si horribles massacres. Bien
qu'elle fût fomentée par les régiments de cipayes,
naturels enrôlés dans l'armée de la Compagnie, et
que les régiments européens fussent réduits à
leurs propres forces, l'Angleterre est sortie victo-
rieuse de cette épreuve redoutable. Aujourd'hui
les radjahs, princes indigènes dont plusieurs pos-
sèdent des fortunes considérables, et qui éclipsent,
par la magnificence de leur luxe oriental les sou-
verains les plus puissants de l'Europe, sont les
sujets obéissants de l'Impératrice des Indes qui
lcs> gouverne de Londres. 150 millions d'Hindous,
40 millions de Mahométans, des Bouddhistes, des
Guèbres ou adorateurs du feu composent la po-
pulation mélangée et exubérante de ce vaste
pays.
Productions priîicipales. — Le commerce tire
de l'Inde une grande quantité de plantes textiles.
Pendant la guerre de sécession aux Etats-Unis,
qui avait fait négliger la culture du coton dans
son principal centre de production, Bombay était
devenu le plus grand marché d'approvisionne-
ment des manufactures anglaises. Avec le coton,
l'Inde produit du jute, de la soie, de la laine.
L'opiuin forme ensuite le principal objet d'ex-
portation. Les forêts sont riches en bois pré-
cieux pour leur dureté et leur incorruptibilité. On
s'est mis à cultiver dans l'Inde depuis quelques
années le thé et le quinquina, et on en a tiré dans
tous les temps du riz à la suite des récoltes abon-
dantes, des épices, de Viyidigo.
Sans offrir le même caractère de civilisation
que les Européens, les Hindous ont le goût des
arts. Leurs temples et les palais de leurs rad-
jahs sont souvent des œuvres merveilleuses par
l'élégance de leurs formes, la délicatesse de l'exé-
cution, la richesse de l'ornementation. Les mous-
selines de l'Inde, les foulards, les châles fabri-
ques dans le Cachemyr avec du poil de chèvre
d'une espèce particulière sont toujours recherchés
pour la finesse de leur tissu, et l'harmonie de
leurs couleurs. C'est une ville du Malabar, Caiicut,
qui a donné son nom au cahcot-N'oublions pas non
plus que c'est de l'Inde qu'on tirait les diamants
de l'eau la plus pure et des plus grosses dimensions
avant la découverte récente des gisements de dia-
mants de l'Afrique australe-
Mais malgré les ressources de l'Inde, la popula-
tion y est si nombreuse, que beaucoup d'Hindous
s'en vont travailler comme coolies aux Antilles ou
en Afrique.
Possessio7is européennes. — Les Portugais et les
Français ont seuls conservé des possessions dans
l'Inde. Les premiers ne possèdent plus que Diu,
Damao et Goa, sur la côte occidentale, qui sont de
simples comptoirs de commerce avec un peu plus
de 400,000 habitants.
La France possède Mahé sur la côte occiden-
tale, Kavikal, l'ondicliéry, et Yanaon, sur la côte
de Coromandel , Chandernaç/or sur l'Hougli, à
quelque distance au nord de Calcutta, en tout
un territoire qui est environ la millième partie de
la Franco et qui est peuplée de 270,000 habitants.
Pondichéry est la capitale administrative.
Quant aux provinces anglaises, il serait trop
long d'énumérer leurs divisions. Les principales
sont les présidences de Calcutta, Bombay et Ma-
dras, dont les chefs-lieux sont en même temps les
villes les plus peuplées et les ports les plus com-
merçants. Dans l'île de Ceylan, Pointe de Galles, à
la pointe sud-ouest de l'île, sert de port de relâche
aux navires qui vont d'Europe en Chine entre
Aden et Singapore.
BÉLOUTCHISTAN ET AFGHANISTAN. — Au UOrd-OUeSt
de l'Inde, le Béloutchistan et l'Afghanistan sont
peuplés par des hommes presque barbares, dont
un grand nombre mènent la vie nomade sur les
plateaux élevés qu'ils habitent. Les noms qui dési-
gnent ces contrées répondent plutôt à des différen-
ces de races qu'à des empires politiques nettement
définis. Les khans qui prétendent à la souveraineté
sont nombreux et toujours en lutte les uns avec
les autres. Les Anglais, maîtres de l'Inde, et les
Russes, maîtres du Turkestan, les favorisent tour à
tour pour se ménager des intelligences dans leur
pays. En ce moment l'influence britannique est do-
minante.
Kélat est la seule ville importante du Bélou-
tchistan, Candahar, la principale ville du sud de
l'Afghanistan ; au nord-est de celle-ci , dans les
montagnes de l'Hindou-Kouch, Hérat est une place
forte considérée comme la clef de l'Inde pour les
conquérants venant du Nord. Elle est évidemment
le point de mire des Anglais et des Russes. Enfin,
la dernière ville importante de ces régions est Ca-
boul, à l'est de l'Afghanistan, dans une région en-
tourée de montagnes et sur une rivière qui porte
ses eaux jusqu'à l'Indus. Partout ailleurs, sur le
plateau, les cours d'eau, pour la plupart intermit-
tents, vont se perdre dans des lacs sans écoulement
vers la mer.
Au nord de l'Inde, on trouve encore, dans l'en-
tassement des montagnes qui servent de contrefort
au plateau de Pamir du côté du midi, une foule
de peuplades barbares qui y maintiennent leur
indépendance et sont probablement les frères
d'origine des Européens et des Hindous, restés
fidèles au pays où la race entière semble avoir
pris naissance.
Turkestan. — Voir ci-dessus les possessions
RUSSES.
Perse. — Limites. — La Perse s'étend depuis la
mer Caspienne au nord, jusqu'àla mer des Indes au
sud, ou plutôt jusqu'aux golfes Persique et d'Oman
qui. appartiennent à l'océan Indien. A l'ouest, elle
touche à la Turquie d'Asie, depuis l'embouchure
du Chat-el-Arab, jusqu'au montArarat dont la haute
pyramide de 5000 mètres sert de limite commune
à la Turquie d'Asie, à la Perse et à la Transcau-
casie russe. C'est le point culminant de l'Arménie,
aujourd'hui partagée entre ces trois contrées. A
l'est de la Caspienne, la Perse touche aux nouveaux
établissements russes du pays des Turcomans,
puis aux possessions du khan de Khiva,et est sé-
parée de l'Afghanistan et du Béloutchistan par une
ligne qui suit à peu près le 60° de longitude à
Test de Paris, Ainsi délimitée, la Perse forme un
vaste empire grand comme trois fois la France,
mais singulièrement déchu du degré de puissance
où il était parvenu dans l'antiquité, avant d'être
détruit par Alexandre le Grand.
Climat. Orographie et hydrographie. — La Perse
forme un plateau élevé au-dessus de la mer et
ASIE
— 209 —
ASIE
•soustrait à l'iafluence de son voisinage par les mon-
tagnes qui l'en séparent. Au nord, la chaîne de
1 Èlbourz ne laisse, le long de la Caspienne, qu'un
rivage étroit occupé par les provinces de Ghilan et
de Mazendéran. Le pic neigeux du Démavend,haut
de 5600 mètres, les domine de sa masse imposante.
Au sud, le golfe Persique est également bordé de
liautes et épaisses rangées de montagnes. A l'ouest,
elles se rattachent aux monts du Kourdistan, dont
le mont Ehvend (entre Téhéran et Bagdad) forme
le point culminant. Les rivières qui naissent sur
le versant sud de ces montagnes vont seules gagner
la mer ou le Chat-el-Arab, en parcourant des val-
lées où elles répandent la fraîcheur et la fertilité.
Sur le versant nord, au contraire, les eaux sont
bientôt absorbées par les sables altérés qui cou-
vrent la plus grande partie de la Perse orientale.
L'étendue de ces déserts souvent salés, les séche-
resses qui y régnent trop souvent, l'absence abso-
lue de voies de communication économiques,
suffisent à expliquer les terribles famines qui sé-
vissent trop souvent en Perse. On évalue à
1 ôOO 000 ou à 2 millions le nombre des victimes
de la famine de 1873 sur une population aujour-
•d'hui réduite à 6 ou 7 millions d'habitants.
Villes principales. — Téhéran, la capitale de la
Perse, est situé sur le plateau central, à plus de
1100 mètres d'altitude. En été, la chaleur y devient
si intolérable, que la cour et tous les riches habi-
tants quittent la ville et vont vivre dans les mon-
tagnes. L'hiver est au contraire très froid. L'Ader-
baidjan, au nord-ouest, jouit d'un plus doux climat.
Les eaux s'y rassemblent dans le grand lac
Ourmia, et c'est près de là que s'élève Tauris, la
ville la plus peuplée de toute la Perse (120 OdO hab.)
grâce à l'importance de son commerce avec l'Eu-
rope par l'Arménie turque et avec la Russie par
la Transcaucasie. Au sud de Téhéran, au centre de
la contrée, on trouve Ispahan, l'ancienne capitale
du grand Abbas (fin du xvi' siècle), pleine encore
<le mosquées, de palais, de monuments superbes
tombant en ruines, et réduite à une population de
50 à 60 000 habitants après en avoir renfermé
<iix fois autant. C'est encore au sud d'Ispahan, à
moitié chemin du golfe Persique, qu'on trouve
Chiraz, réputé comme le paradis de l'Orient pour
ses jardins embaumés de roses. A l'extrémité op-
posée, sur les frontières de l'Afghanistan et du
pays de Khiva, Méchehed, la métropole du Khora-
zan persan, est un des lieux de pèlerinage les plus
fréquentés par les Musulmans. Toutes ces villes
sont bâties à une grande altitude. On ne trouve
sur le littoral qu'Aboucher sur le golfe Persique,
Recht et Balfrouch près de la mer Caspienne, qui
soient de quelque importance.
Productions principales. — Les Persans ne man-
quent pas d'industrie. Ils fabriquent des châles et
des tapis qui sont partout recherchés pour l'har-
monie de leurs couleurs, des cafetières et divers
objets en métal qui se font remarquer par les
formes les plus élégantes et les dessins qui les
ornent. On trouve aussi en Perse de la soie, des
parfums, des chevaux de belle race, des métaux et
des pierres précieuses. C'est de la Perse et de
l'Asie centrale que sont originaires plusieurs es-
pèces de fruits très estimés, comme les pêches,
les abricots, etc., et qu'on a importé en France la
garance qui a fait la fortune du Comtat-Venaissin
avant la concurrence des nouvelles matières tincto-
riales extraites de la houille.
Arabie. — Aspect général et climat. — La Pé-
ninsule arabique est grande comme six fois la
France. Des déserts immenses de sable s'étendent
entre elle et la Syrie : la mer l'entoure de tous les
autres côtés. L'Arabie est, bien plus encore que la
Perse, le pays de la sécheresse et de la soif. De
toutes parts, le littoral étroit est dominé par des
montagnes dénudées et arides qui enveloppent le
2' Paiitib.
plateau intérieur. Pendant neuf mois de l'année,
le ciel ne se voile d'aucun nuage ; pendant le reste
du temps, on voit quelquefois se former des orages.
Aussi la température est-elle accablante. A Aden,
où les Anglais ont planté leur drapeau au pas-
sage de la mer Rouge dans l'Océan Indien, on a
souvent vu des matelots européens foudroyés
par une insolation pour avoir traversé une place au
milieu du jour. On ne pourrait parcourir les im-
menses espaces qui séparent les oasis habitées au
milieu de cette vaste mer de sables sans les cha-
meaux, qui supportent la faim, la soif et la fatigue
de marches forcées de 200 kilomètres par jour
pendant une semaine.
Divisions de l'Arabie. — LeNedjed. — Au centre
de l'Arabie, le \edjed n'offre pas une région tout
entière fertile et arrosée, mais riche en oasis, où
sourdent quelques sources au pied de montagnes
pelées. C'est là qu'on trouve les chevaux de la
plus belle race arabe. Mais c'est aussi le pays mu-
sulman le plus fermé aux chrétiens par le fana-
tisme des Ouahabites, qui se prétendent appelés à
régénérer l'islamisme.
L'Hedjaz. — Du côté de la mer Rouge, les Turcs
ottomans dominent sur l'Hedjaz, la terre sainte de
leurs coreligionnaires. Là se trouve la Mecque,
où les Musulmans doivent venir en pèlerinage,
une fois dans leur vie, faire leurs dévotions dans le
temple de la Kaaba, qui perpétue le souvenir
d'Abraham, l'un des pères des Arabes, et celui de
Mahomet. Tous les ans on voit arriver à la ^lecque
des représentants de toutes les nations où s'est
répandue la religion du prophète. Les uns viennent
d'Afrique par les grands navires ou les barques
qui les descendent à Djeddah, le port de la Mecque;
d'autres, partis de l'Asie centrale, traversent en
caravanes la Perse et l'Arabie. Cette agglomération
énorme d'individus et d'animaux est un foyer
d'épidémies et l'un des points de naissance du
choléra. A cent lieues au nord de la Mecque, les
dévots vont visiter Médine, la seconde ville sainte,
qui renferme le tombeau de Mahomet.
Le Sinaï. — Au nord de l'Hedjaz, le vice-roi
d'Egypte est maintenant maître de la presqu'île
du Sinaï, si célèbre dans la Bible.
L'Yémen. — Comme l'Hedjaz, l'Yemen, qui le
touche au sud, est une possession du sultan de
Constantinople. On donne le nom de Téhama à la
zone côtière embrasée qui règne le long de la mer
Rouge, ce long golfe étroit où les rayons du soleil
ont "assez d'ardeur pour pomper chaque année
sept mètres d'eau. C'est le pays du café qui a fait
la célébrité du port de Mok'ia, à quelque distancB
au nord du détroit de Bab-el-Mandeb.
Etablisseme7it anglais d'Aden. — C'est à l'est
de ce détroit que l'on rencontre le port d'Aden,
dont les Anglais ont pris possession depuis 1840
et qui est aujourd'hui une des grandes étapes sur
la route des Indes.
Hadramaout . Oman. — Au nord-est d'Aden, la
côte de l'Océan Indien s'appelle l'Hadramaout, et
le littoral qui fait face à la côte persane au sud du
golfe d'Oman, s'appelle l'Oman. C'est là que s'é-
lèvent les plus hautes montagnes de la Péninsule
au voisinage de Mascate, le port le plus important
de cette région, dont l'ancien iman avait fondé
un puissant empire sur la côte orientale d'Afrique,
et qui était maître de Zanzibar. Plus au nord, sur
le golfe Persique, le Lahsa comprend les îles
Bahrein, où l'on pêche les plus belles perles du
monde.
Population et commerce. — Dans sa vaste éten-
due, l'Arabie ne renferme que quelques millions
d'habitants. Comment en savoir le nombre précis
dans un pays où l'on trouve si peu d'hommes
attacliés au sol, et au contraire beaucoup de no-
mades vivant sous la tente et cherchant à piller
les caravanes trop faibles pour leur résister. La vie
H
ASIE
— 210
ASIE
errantes, ils la menaient déjà aux temps légen-
daires d'Abraham, qui comme eux était fils de Scm.
et l'on sait avec quelle ardeur guerrière ils ont
suivi Mahomet pour conquérir un vaste empire aussi
rapidement détruit que forme.
Le commerce tire d'Arabie du café, de la gomme,
des dattes, des chevaux, des perles.
Turquie d'Asie. — liaces diverses. — La contrée
qui s'étend au nord de l'Arabie et à l'ouest de la
Perse jusqu'à la mer Xoire et la Méditerranée,
porte le nom de Turquie d'Asie, à cause de ses
maîtres actuels, qui ny forment guère que la
moitié de la population. Les Arméniens et les
Kourdes à l'est, les Grecs sur les côtes de
l'Archipel à l'ouest, sont de race aryenne. Les
Arabes, les Syriaques et les Juifs sont de race
sémitique. Géographiquement. on partage la Tur-
quie d'Asie en cinq parties, l'Anatolie, l'Arménie, le
Kourdistan, la Mésopotamie et la Syrie, sur cha-
cune desquelles nous allons successivement jeter
un coup d'œil. Elles renferment en tout 12 millions
d'habitants sur lâOOnOO kilomètres carrés.
Anatolie. — La grande presqu'île que limitent
la mer Noire au nord et la Méditerranée au sud,
et dont la mer de Marmara, les détroits de Con-
stantinople et des Dardanelles, et l'Archipel
baignent les côtes occidentales, porte le nom d'A-
natolie. La plus grande partie en est occupée par
un plateau fort élevé, de 1500 à 200;) mètres, qui
s'appuie au sud à la chaîne du Tauriis, à l'est
à l'anti-Taurus et aux montagnes de l'Arménie, et
dont les eaux s'amassent en lacs sans écoulement,
ou s'en vont à la mer par des torrents dont le cours
est singulièrement tourmenté par les montagnes
au travers desquelles ils ont à s'ouvrir un passage.
Les côtes de l'Archipel. — Dans l'antiquité, l'A-
natolie s'appela l'Asie par excellence, et comme
les plateaux de l'intérieur, glacés en hiver, brûlants
en été, conviennent mieux à la vie pastorale qu'à
un grand développement de la civilisation, c'est
au pourtour du plateau, sur les rivages tempérés de
l'Archipel ou de la Méditerranée, que l'on ren-
contre le plus de souvenirs historiques et les villes
les plus importantes dans les temps modernes.
Sur la presqu'île qui . touche immédiatement au
sud des Dardanelles, s'élevait la célèbre ville de
Troie, si fameuse par le siège qu'elle soutint dix
ans durant contre les Grecs. Au sud de la Troade,
les côtes de l'Archipel étaient couvertes de colonies
grecques Hérissantes, celèbfos par leurs richesses,
l'importance de leur commerce, la science de leurs
docteurs, tin peu au nord de Sniyrne, sur le rivage
qui regarde l'ancienne île de Lesbos (aujourd'hui
Mételin), s'élevait Phocée, la fondatrice de Mar-
seille et d'autres colonies du sud de la Gaule.
Smyrne est aujourd'hui la ville la plus populeuse
(150 000 hab.) de la Turquie d'Asie, la plus
riche et la plus commerçante. A la sortie du golfe
sur lequel Smyrne est assise dans un site char-
mant, ontrouve l'île de Chio, habitée par des Grecs,
qui possédaient, au moment de la guerre de l'indé-
pendance de la Grèce, une marine puissante et de
hardis matelots. Les Turcs se vengèrent par de
cruels massacres des désastres que leur avaient
fait éprouver les Chiotes. Au sud de Chio, on ren-
contre les ruines à-'Ephèse, célèbre par le temple
de Diane, qui passait pour l'une des sept mer-
veilles du monde, et par les conciles qu'y tinrent
les premiers chrétiens. Puis c'est Milct, la reine
des villes ioniennes, la rivale en puissance mari-
time deTyr et de Carthage, dont la marine comptait
à elle seule cent vaisseaux de guerre et dont les
habitants soulevés c. .itre Darius, roi de Perse,
provoquèrent les guerres médiquos. Entre Milet
et Ephèse, on voit l'île de Samos, la patrie de Py-
thagore. A l'angle sud-ouest de l'Anatolie, sur la
limite de l'Archipel et de la Méditerranée, voici
l'île de Rhodes, si célèbre dans l'antiquité par son
commerce et par le colosse qui s'élevait à l'entrée
de son port, bien plus illustre à nos yeux par le
séjour des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem
et leur défense héroïque contre les Turcs. Le»
tremblements de terre qui se répètent fréquem-
ment dans cette région n'ont pas encore renversé
toutes les maisons qui portent encore les armes de
leurs fiers défenseurs. A l'est de Rhodes, Chijpre
est encore célèbre par ses vins, mais ne nourrit
plus la dixième partie des habitants qu'elle renfer-
mait dans l'antiquité. Toute cette terre, si riche
en souvenirs, est habitée par des Grecs, commer-
çants comme ils le sont tous ; elle jouit du climat
riant et des productions précieuses des bords de
la Méditerranée. La soie, les huiles, les fruits en
forment les principales productions et alimentent
le commerce avec les laines, les tapis, les métaux
apportés de l'intérieur.
Chypre a récemment acquis une grande impor-
tance politique. En vertu d'une convention con-
clue (juillet 1878) entre la Porte ottomane et l'An-
gleterre, cette dernière puissance a le droit de
tenir garnison à Chypre et s'est chargée du pro-
tectorat de l'Asie Mineure pour arTèter de ce côté
les progrès des conquêtes russes.
Les liuids plateaux et le littoral de In mer Noire.
— Au centre de l'Anatolie, Angora est célèbre par
ses chèvres au tissu soyeux, Tokat parles cafetières
qu'elle fabrique. Sur le littoral de la mer Noire,
trébizon de est le port le plus actif parce qu'il sert
de débouché sur cette mer à l'Arménie. Si7iope,
qui occupe l'extrémité septentrionale de l'Anatolie,
rappelle le souvenir de Diogène le cynique, et
pendant la guerre de Crimée son port a vu brûler
la flotte ottomane incendiée par les Russes.
Sur le Bosphore, Scidari est un grand faubourg
de Constantinople, célèbre par ses frais ombrages
de cyprès, où les Turcs aiment à placer leurs
tombes. Plus au Sud, à quelque distance. Brousse,
malgré les tremblem.ents de terre, est une grande
ville de près de 100,000 habitants, qui a été la
résidence des sultans ottomans avant qu'ils trans-
férassent le siège de leur empire à Andrinople et
de là à Constantinople.
Arménie turque. — A l'est de l'Anatolie, l'Ar-
ménie turque, qui touche au mont Ararat, est un
pays montagneux fort élevé. Sa capitale Erzeioum
est à près de 2000 mètres. Aussi y voit- on quel-
quefois de la gelée au mois de juin, bien que sous
une latitude plus méridionale que Naples. C'est
dans l'Arménie turque que se trouve le lac de Van
grand de 365,000 hectares et tout entouré de hautes
montagnes souvent couvertes de neige.
Kourdistan. — L'Euphrate prend sa source près
d'Erzeroum. Il coule d'abord à l'ouest comme s'il
devait finir dans la Méditerranée, puis se retourne
au sud en traversant le Kourdistan. Comme les
Arméniens, les Kourdes sont de race aryenne,
mais ils ont embrassé l'islamisme, tandis que les
Arméniens forment une secte particulière du ca-
tholicisme romain. C'est dans les montagnes du
Kourdistan que le Tigre prend naissance,et les deux
fleuves, qui semblent un instant prêts à se réunir
au voisinage de Diarbékir, se séparent de nouveau
pour envelopper l'antique Mésopotamie.
Mésopotamie. — Que de souvenirs se pressent
sur ces bords! Bahylone, sur l'Euphrate, et Ninive
sur le Tigre, n'ont laissé que des ruines difficile-
ment retrouvées, après avoir atteint un développe-
ment que ne connaissent peut-être pas encore nos
capitales modernes. B igdad, le chef-lieu actuel de
l'Eldschézireh, n'est plus que l'ombre de la bril-
lante résidence d'Haroun-al-Raschid et des puissants
califes, ses successeurs.
Grâce à son climat, grâce aux eaux abondantes
que l'Euphrate et surtout le Tigre puisent dans les
neiges de l'Arménie et du Kourdistan, la Mésopo-
tamie pourrait être un des plus riches pays du
ASIE
— 211 —
ASIE
monde. C'est l'excès de leur fortune qui a perdu
les empires assyrien et babylonien. A cette époque,
du moins, on avait tout fait pour aménager les eaux
fertilisantes. Les digues, les canaux n'étaient pas
moins merveilleux que les palais superbes de Ba-
bylone. Aujourd'hui les Arabes qui occupent cette
région travaillent péniblement pour verser des
tributs énormes dans les trésors des pachas turcs
qui n'ont d'autre souci que de s'enrichir sans rien
faire d'utile. Un seul exemple suffira à montrer
l'incurie du gouvernement ottoman. Depuis 40 ans
que l'Euphrate a crevé ses digues en amont de son
confluent avec le Tigre, ce désastre n'a pas été ré-
paré. Le pays s'est transformé peu à peu en un ma-
récage pcsulentiel, et la ville de Bassorah sur le
Chat-el-Arab, qui était un port commerçant, peuplé
de 60,000 âmes, est tombée peu à peu au rang de
bourgade malsaine et déserte.
Syrie. — Le désert, qui gagne de plus en plus
sur les terres cultivables à mesure que la barbarie
ou l'incurie l'emportent sur la civilisation et les
travaux qu'elle amène, s'étend à l'ouest de la Mé-
sopotamie jusqu'au pied des chahies parallèles du
Liban et de l' Anti-Liban. Au pied de ce dernier et
du mont Hermon qui le domine, Damas forme une
oasis verdoyante, où a vécu de tout temps une po-
pulation nombreuse et industrieuse ; Damas passe
pour un des paradis de 1 Orient. On y fabrique de
belles étoffes de soie, et les lames qu'on y trempait
jouissaient autrefois de beaucoup de réputation. C'est
encore aujourd'hui la ville la plus peuplée de la
Syrie. Elle renferme 150 ou "^00 000 habitants. A
moitié chemin entre Damas et l'Euphrate, Palmyre
atteignit un instant un haut degré de prospérité sous
la reine Zénobie, alors qu'elle étaitle centre du com-
merce entre la Méditerranée et l'Euphrate, entre
Rome et l'Inde. Il n'en reste plus aujourd'hui au
milieu du désert que des ruines qui attestent son
antique splendeur.
C'est plus au nord, au point où l'Euphrate se
rapproche le plus de la Méditerranée, que passent
aujourd'hui les marchands qui vont de la Méditer-
ranée à l'Euphrate. Alep occupe le nœud des routes
de cette région, et c'est ce qui en fait l'importance.
Elle renferme 80 000 habitants. Si l'Euphrate était
plus régulièrement navigable, un chemin de fer tra-
versant Alep irait du golfe d'Alexandrette au fond
de la Méditerranée, à quelque port de l'Euphrate,
et ce serait encore \k une des grandes voies de
trafic entre l'Europe et les Indes et celle que suivait
le commerce avant que les Portugais n'eussent dou-
blé le cap de Bonne-Espérance, et les Français
percé l'isthme de Suez.
Entre Alep et la mer, on rencontre l'Oronte, qui
né entre le Liban et l'Anti-liban coule d'abord au
Nord en traversant Emèse et Epiphanie, célèbres
dans l'histoire de l'Église, puis se recourbe au S.-O.
pour finir dans la mer entre le Taurus, au nord, ef
le Liban au sud. C'est dans cette dernière partie
de son cours qu'il traverse Ajitioche, une des trois
grandes métropoles du monde ancien avec Rome et
Alexandrie.
La côte MéditeiTanéenne. — Sur la côte étroite
qui s'éiend au pied du Liban, en partie couvert de
cèdres au feuillage sombre, les ports se pressent et
aussi les souvenirs. Ce sont du N. au S. Latakieh,
Tripo'i, Beïrout, qui de nos jours est le premier
port de la Syrie, grâce surtout au commerce de la
soie, et dont la population atteint bientôt 100,000
habitants. Puis voici Sù/ow et Tyr, les deux métro-
po/esde tant d'États maritimes delà Méditerranée,
le ôerceau d'une civilisation si antique et pourtant
si développée. Ensuite on rencontre Saint-Jean
û'Ac}-e, où vint échouer la fortune de Bonaparte,
le promontoire du mont CaTme\,Jaffa dont le nom
rappelle lapeste sévissant sur l'armée d'Egypte, puis
Gaza qui touche presqu'aux frontières d'Egypte.
Non loin de la source de l'Oronte, dans cette
même vallée creuse qui sépare le Liban de l'Antî-
Liban, et qu'on appelait la Célésyrie, le Léontes
prend sa source, un peu au sud de l'antique Bal-
bek, pour venir finir dans la Méditerranéo entre
TyV et Sidon.
Le Jourdain. — Enfin près du noint où le Léon-
tes tourne à l'ouest vers la mer, commence le Jour-
dain, si célèbre dans l'histoire du peuple Israélite.
Il traverse le lac Mérom, puis celui de Tibériade,
et vient finir dans la mer Morte à 400 mètres au-
dessous de la Méditerranée. La stérilité des rochers
qui entourent la mer Morte, la solitude qui y règne,
l'infécondité de ses eaux chargées de principes mi-
néraux et d'asphalte qui lui ont valu le nom de lac
asphaliite, sont en harmonie avec ce que rap-
porte la tradition sur les villes maudites situées
jadis sur ses bords et qu'aurait détruites le feu du
ciel.
LaPalestine. — C'est dans les montagnes à l'ouest
du Jourdain que se sont passés les principaux
événements rapportés dans la Bible. Au N.-O. de
la mer Morte voici Bethléem, puis Jérusatejn, la cité
de David et de Salomon, la ville sainte des chré-
tiens et aussi une de celles des Musulmans qui y
possèdent la mosquée d'Omar, un de leurs plus
célèbres califes. Plus au nord, on rencontre Sichem,
puis Samarie, la capitale du royaume d'Israël, et
enfin Nazareth entre le Carmel et le lac de Tibériade.
Les Juifs etles Chrétiens qui ont fait la célébrité de
ce pays n'y sont plus ni les maîtres ni les habitants
les plus nombreux. De l'effort gigantesqup aéployé
pendant les croisades, il ne reste plus aujourd'iiui
que des souvenirs illustres. Les chrétiens maroni-
tes, qui sont quelques centaines de mille, vivent
dans les montagnes où les poursuit souvent la
haine des Druses. Les puissances chrétiennes et la
France en particulier ont fondé en divers points des
maisons religieuses qui veillent sur quelque lieu
saint, et secourent leurs coreligionnaires. En Asie,
du moins, la croix n'a pas encore reconquis la pré-
pondérance sur le croissant. [G. Meissas. '
1. Questionnaire géographique. — Spécimen de
questio7is. — 1° Sur la géographie physique. — Dé-
crivez la forme de l'Asie ? — Donnez une idée de sa
superficie et de sa population comparées à celles de
l'Europe. — Faites un voyage de circumnavigation
de l'Asie en partant de la mer Noire: quelles mers,
quels détroits, quels golfes, quelles presqu'îles,
quels caps rencontrez-vous ? — Quels sont les
grands fleuves dont vous verriez l'embouchure en
suivant la côte de Suez à Péking ? — L'Asie
a-t-elle de grands fleuves qui ne se jettent dans
aucun des océans qui l'entourent? — Comment
vous figurez-îous un paysage de Sibérie? — Un
paysage dans les Indes ? — L'Asie est-elle sé-
parée par de grandes distances des autres parties
du monde ? — Est-elle tout entière dans l'hémis-
phère boréal? — Quelle idée vous faites-vous du
massif central de l'Asie? — de l'Himalaya? etc.
— Distinguer les grands versants et les princi-
paux bassins de l'Asie, etc.
2°. Sur l'ethnographie. — Quelles sont les prin-
cipales races de l'Asie? — Où habitent-elles? —
Quelles religions suivent-elles? — Quel genre de
vie mènent-elles?
.3° Sur la yéographie politique. — Passer en
revue les principaux États, en indiquant leur si-
tuation, leur capitale, leurs principales produc-
tions, les établissements européens, etc.
Où sont situés en Asie, les principales co-
lonies européennes ? — Quels sont les ports ou-
verts aux Européens dans l'océan Pacifique ? —
Quels sont les grands ports de relâche entra
l'isthme de Suez et le Japon ?
Supposez un vaisseau partant de Liverpool po\ir
aller faire le commerce en Asie : où pensez-vous
qu'il peut aller, qu'emoorte-t-il et que rapportera-
t-il ?
ASPHYXIE
— :>I2 —
ASPHYXIE
Comparez la Chine et le Japon, quant à la situa-
tion et à 1 étendue de leur empire, quant à leur
civilisation, quant à leur rapports avec l'Europe?
Oii placez-vous Palmyre, Ninive, Babylone,
Antioche ?.... etc.
Expliquez les mots cacherniv, calicot, nankin,
(linge) damassé, et l'origine de ces noms.
Si vous alliez par terre de Jérusalem à Téhéran,
de là à Boukhara, de là à Caboul et de Caboul à
Bombay, quels États traverseriez-vous ? Dans
quelles parties de ce voyage seriez-vous exposé
aux plus grands dangers ?
Quelles sont les mers qui baignent la Perse ?
2. Problèmes géographiques . — 1. La Chine,
proprement dite, a une superllcie de 4,025,000 kil.
cari-és et une population de 405,000,000 d'habitants ;
la Sibérie, 12,500,00(1 kil. carrés et 3,400,000 d'ha-
bitants; l'Inde, 3,800,000 kil. carrés et 238,000,00(1
d'habitants. Quelle serait la population de la Si-
bérie, si elle était aussi peuplée que l'Inde et
aussi peuplée que la Chine? R. 1" 787,000,000.
2" 1,262,500,000 hab.
3. Quelles contrées parcourrait un voyageur par-
tant de Péking, et marchant toujours à l'O. en res-
tant à la même latitude, en Asie d'abord, puis en
Europe ? — Quelles mers devrait-il traverser ? —
Quelles chaînes de montagnes aurait-il à franchir?
Quels fleuves traverserait-il? — Près de quelles
grandes villes passerait-il ?
4. La distance par mer de Suez à Aden est d'en-
viron 2,500 kilom. ; celle d'Aden à Bombay de 2,G.'>0
kil. ; de Bombay à Pointe-de-Galles, 1,750 kil. ; de
Pointe de Galles à Calcutta, 2,100 kil.; d'Aden à
Pointe de Galles, 3,300 kilom. ; de Pointe de Galles
à Singapore, v,650 kilom. ; de Singc'?pore à Saigon,
1,100 kilom.; de Saigon à, Hong-Kong, Macao et
Canton, 1,500 kilom; de Hong-kong à Chang-hai,
1,350 kilom. ; de Chang-hai à Pékin, 1,400 kilom. ;
de Chang-hai k Yokohama, 1,900 kilom.
Combien un navire faisant 600 kilom. par jour
mettra-t-il à aller de Suez à Pékin, par la route
d'Aden, Pointe de Galles, Singapore, Saigon, Hong-
kong, et Chang-hai, en relâchant 12 heures au
moins dans chacun de ces ports, mais moins de
24 heures? — R. De 26 à 29 jours
Quelle économie de temps réalisera un voyageur
allant de Suez à Calcutta, si au lieu de suivre la
route maritime d'Aden, Pointe de Galles, Calcutta,
il va par mer d'Aden h Bombay et par chemin de
fer de Bombay à Calcutta, sachant que la longueur
de la voie ferrée entre ces deux villes est de
2,000 kilom. environ et en supposant que les trains
y fassent 40 kilom. par heure. — R. 2 jours, et
12 heures.
Ouvrages à consulter. — Livres admis dans les bi-
bliothèques po|iulaires, qui fournissent les plus nombreux
suji'ts lie lectures sur L'Asie : Duval ; Noire Planète.
De Lanoye ; La Sibérie. — Poussielgue, Voyage en Chine.
— Roy, La Chine et la Cochinchitie . — Leniire, Cochin-
chine Française et Cambodge. — Mouhot, Royaume de
Siam. — Deville, Excursions dans l'Inde. — Burtou
Voyage à la Mecque, etc., abrégé par Belin de Launay.
-;- Hall y. Lectures géographiques ; enfin et surtout la collec-
tion du Tour du monde.
ASPHYXIE. — Zoologie, XXXV; Hygiène, XVL
— On appelle asphyxie un état de mort apparente
produit par la suspension de la respiration. Dans
ia syncope, la mort apparente résulte de l'arrêt
subit du cœur.
La respiration normale consistant à inspirer l'air
atmosphérique qui contient vingt et uu centièmes
d'oxygène, tout ce qui diminue la proportion de ce
gaz dans l'air respiré tend à produire l'asphyxie.
Elle résulte également de tout obstacle à l'intro-
duction dans les poumons d'une quantité d'air suf-
jîsante.
Nous nous bornerons à indiquer les causes acci-
dentelles de ces deux modes d'asphyxie et les soins
à donner en attendant l'arrivée du médecin.
Asphyxie j)ar action cliimique. — V Air confiné.
— Aspliyxie résultant de l'air vicié soit par la
respiration, soit par les miasmes, souvent aussi par
les émanations de fleurs d'autant plus dangereuses
que l'on est moins porté à les suspecter. Cette
viciation de l'air se manifeste par les symptômes
suivants : maux de tête, étourdissements, nausées,
oppression et perte de connaissance.
Les soins à donner sont ceux-ci : porter la per-
sonne en plein air, maintenir la tête haute, enlever
tout ce qui peut gêner les mouvements de la poi-
trine et de l'abdomen, asperger d'eau fraîche la
face et le cou. Il importe peu de faire respirer du
vinaigre, mais quelques gouttes d'éthcr dans de
l'eau sucrée calment, s'il y a lieu, les accidents
nerveux.
2» Vapeur de charbon — acide car honlque, — gaz
d'éclairage, etc. — Le gaz oxyde de carbone qui se
dégage du charbon en combustion cause un véri-
table empoisonnement du sang; le gaz d'éclairage
agit également par ses propriétés délétères ; mais
l'acide carbonique pur, tel qu'il se dégage des
cuves en fermentation est simplement irrespirable
et ne cause pas des accidents aussi rapides.
Pour essayer de rappeler l'asphyxié à la vie, on
le porte à l'air libre, sans craindre le froid, ayant
soin de maintenir élevées la poitrine et la icte.
Une personne comprime la poitrine, tandis qu'une
autre comprime le ventre en le refoulant en haut,
puis on laisse subitement les organes reprendre
leur position. On répète cette manœuvre qui imite
les mouvements naturels de la respiration pour dé-
barrasser les poumons de l'air vicié et y faire pé-
nétrer de l'air pur. En même temps on asperge le
visage et la poitrine avec de l'eau très froide que
l'on essuie, pour recommencer au bout de quelques
minutes. On fera brûler une allumette sous le nez,
ou l'on y tiendra ouvert pendant quelques secondes
un flacon d'ammoniaque. En même temps on fric-
tionnera les membres et le corps. Il faut revenir
aux mêmes moyens à de courts intervalles et sur-
tout ne pas se décourager avant que lu mort ne soit
prouvés par la rigidité cadavérique ou constatée
par un médecin.
Pour rétablir la respiration il serait utile de
joindre aux mouvements que nous venons d'indi-
quer, l'insufflation par laquelle on fait arriver de
l'air dans le poumon au moment où la poitrine se
dilate, par son élasticité après la compression.
Pour cela, tandis qu'une personne tient fermées les
riarines du malade, une autre lui souffle dans la
bouche directement ou avec un tube, eii prenant
soin de fermer à l'air l'accès en en repoussant
doucement le larynx (la pomme d'Adam) maintenu
entre deux doigts. Lorsqu'un peu d'air a pénétré
dons les poumons on le chasse par la compression
simultanée du ventre et de la poitrine, et l'on re-
commence l'insufflation. On peut aussi insuffler de
l'air, avec précaution, au moyen d'un soufflet dont
le tuyau est introduit dans une narine, tandis que
l'autre narine et la bouche sont soigneusement for-
mées.
Aussitôt que le malade donne quelques signes de
vie, on le place dans un lit chaud et l'on maintient
autour do son corps une température élevée au
moyen de bouteilles d'eau ou de briques chauffées.
Lorsqu'il n'y a pas d'indices de congestion céi'ébrale,
on administre un peu de vin chaud sucré; dans le
cas contraire on fait boire de la limonade et l'on
applique des sinapismcs aux pieds et aux jambes.
Si le visage est rouge violacé, les yeux saillants, il
sera bon, en attendant lo médecin, d'appliquer der-
rière chaque oreille six sangsues, ou de pratiquer
sur la nuque deux ventouses scarifiées.
Sulnnersion. — La submersion simple produit
l'asphyxie sans empoisonnement du sang. Dans un
ASSIMILATION
— 213 —
ASSIMILATION
assez grand nombre de cas le noyé tombe en sjm-
cope au premier contact de l'eau, de sorte qu'il ne
pénètre point de liquide dans les voies respira-
toires. Si l'eau nest pas très froide, le sujet peut y
demeurer assez longtemps sans que la mort appa-
rente se change en mort réelle.
Lorsqu'il n'y pas eu syncope immédiate, l'eau
pénètre dans l'estomac et un peu dans les bronches.
11 est donc utile d'incliner modérément la tête du
sujet pendant quelques secondes pour faciliter
l'écoulement du liquide, après quoi l'on procédera,
comme nous venons de l'expliquer, ayant soin
seulement de débarrasser immédiatement le noyé
de ses vêtements et de le maintenir à une tempé-
rature élevée au moyen de bouteilles d'eau chaude,
de briques, de flanelles, etc. Avant de commencer
l'insufflation, on aspirera au moyen d'un soufflet,
ou d'une seringue privée de sa cannelle, les mu-
cosités écumeuses qui remplissent la bouche et
obstruent l'entrée des bronches.
Strangulation. — Un lien fortement serré autour
du cou empêclie l'air de pénétrer dans les pou-
mons et s'oppose à la circulation du sang dans le
cerN'eau, causant ainsi asphyxie et congestion céré-
brale. Dans le cas de pendaison il peut y avoir, en
outre, une lésion de la moelle épinière qui cause
immédiatement la mort; mais cette lésion n'étant
pas visible, on doit traiter les pendus comme les
autres asphyxiés.
ran> les cas d'asphyxie par strangulation, qu'il
3' ait ou non pendaison, la première chose à faire
est de détacher ou mieux do couper les liens,
sans attendre l'arrivée de l'autorité', on enlève
la cravate, la ceinture, le corset, les jarretières,
en un mot tout ce qui pourrait gêner la respira-
tion et la circulation, et l'on procède comme pour
les autres cas d'asphyxie.
Les personnes appelées à secourir un asphyxié
doivent procéder avec méthode et sang-froid.
Qu'elles soient bien persuadées surtout qu'un
noyé peut avoir séjourné plus d'une heure sous
l'eau et être ramené à la vie ; que l'on peut aussi
faire revivre après longtemps les victimes d'as-
phyxie par les gaz irrespirables, ou ensevelies sous
des décombres. Souvent ce n'est qu'au bout de
six ou huit heures d'efforts intelligents que l'on
rappelle quelque signe de vie chez les sujets
frappés de mort apparente. Il faut donc, même
dans les circonstances qui paraissent le plus dé-
courageantes, continuer les soins préliminaires en
attendant la venue du médecin qui seul pourra
apprécier l'opportunité de quelques moyens éner-
giques que nous n'avons pas mentionnés. — V. les
mots Hespiration, Accidents. [H' SalTray.]
ASSIMILATIOiy. — Zoologie, XXXII ; Botani-
que, V, Vlir. — (Étym. : dulatin, rendre semblable].
On doit entendre par as>:imilation l'ensemble
des actes par lesquels l'organisme vivant em-
prunte au milieu extérieur les éléments qui lui
sont nécessaires et les incorpore à sa propre sub-
stance.
La substance de l'être vivant n'est jamais, à au-
cun moment de l'existence, dans un état station-
naire, ou de repos. Elle est, tout au contraire,
entraînée, depuis le premier instant de la vie jus-
qu'au dernier, dans un tourbillon incessant, dans
un mouvement perpétuel de rénovation. Elle s'use
et se renouvelle à mesure qu'elle s'use; elle se
détruit, et se reconstruit au fur et à mesure,
comme la toile de Pénélope. Elle est le siège d'un
double mouvement, l'un de composition perpé-
tuelle, par lequel l'animal régénère son propre
organisme, l'autre de décomposition, qui désa-
grège les matériaux vivants et les élimine.
Ces actes contraires, les premiers d'assimila-
tion, les seconds de défassiniilation , constituent
la nutrition, telle du moins qu'elle existe chez les
animaux d'ordre supérieur.
On le voit, l'assimilation est une des deux
faces, une des deux moitiés de la nutrition. Elle
constitue l'une des principales différences entre
l'animal et l'objet appartenant au monde inor-
ganisé.
La force assimilatrice, qui soutient et entre-
tient la vie, va en décroissant de la naissance à la
mort.
Dans les premiers temps de la vie, elle est d'une
extrême énergie :1e jeune animal assimile avec une
intensité énorme, et dépense relativement peu,
en sorte que le budget vital se solde par un grand
excédent des recettes. Ou bien, pour quitter la
métaphore, l'organisme emprunte au milieu exté-
rieur beaucoup plus de matériaux qu'il ne lui en
restitue. Le résultat est l'accroissement rapide
du volume de l'animal.
Mais bientôt cet excédent cesse d'être si consi-
dérable : la force assimilatrice perd chaque jour
un peu de son activité première. Il vient enfin un
moment où elle est juste suffisante pour compen-
ser les dépenses vitales. Cet état stationnaire, où
l'animal recouvre exactement ce qu'il perd, cor-
respond au plein de la vie : la croissance est ter-
minée, les forces sont à leur maximum. Cet équi-
libre parfait dure plus ou moins longtemps, selon
que la vie subit ou non des accidents qui entra-
vent, dévient ou brisent son cours régulier.
Enfin la diminution de la puissance rénovatrice
fait de nouveaux progrès, et l'équilibre se rompt.
Les phénomènes d'acquisition se ralentissent peu
à peu, tandis que l'usure des organes reste la
même ou augmente encore. Le résultat est la di-
minution graduelle de l'organisme, son dépérisse-
ment. La somme des actions chimiques accomplies
au sein des tissus va diminuant tous les jours,
mettant ainsi l'animal à la merci du plus léger
choc; elle finit par n'être plus suffisante pour en-
tretenir la vie, qui s'éteint alors à la façon d'un
foyer auquel le combustible vient à manquer.
Ainsi, il semble que la cellule originelle de la-
quelle procède tout être vivant soit douée d'une
quantité donnée de force créatrice, laquelle va di-
minuant toujours, et s'épuise enfin, amenant
ainsi la mort de l'animal.
Remarquons que ces termes que nous employons
« force créatrice, puissance d'assimilation, vertu
rénovatrice », ne sont et ne peuvent être que de
pures métaphores. Ils expriment l'ignorance où
nous sommes de la manière dont sont causés et
dirigés les phénomènes de la vie. Le comment de
ces phénomènes, leur mode, leur nature, nous
sont aujourd'hui parfaitement connus. Tandis que
nos prédécesseurs, moins bien outillés que nous
pour l'étude de ces actes intimes et d'ailleurs
privés de bien des lumières qui nous éclairent
aujourd'hui, ne pouvaient s'expliquer les phéno-
mènes de la vie et les attribuaient à un ordre tout
spécial, l'ordre vital, tandis qu'ils y voyaient les
manifestations de lois particulières, différentes dei
lois physico-chimiques et spéciales à l'animal,
nous, au contraire, nous avons reconnu que ces
phénomènes sont de l'ordre jjhysique; que les
lois de la nature inorganisée les régissent tous
sans réserve ; qu'en un mot il n'y a pas deux mon-
des, ici celui de la vie, là celui de la non-vie, cha-
cun soumis à ses principes particuliers, mais que
la nature est la même partout, et que les actes
par lesquels l'animal vit, sent, se meut, pense, ne
difl'èrent nullement de ceux quH le chimiste ob-
serve dans son laboratoire. Mais, en revanche,
nous constatons l'impossibilité d'expliquer le
pourquoi de ces phénomènes ; si le corps, a dit
Paul Bert, est la cornue du chimii le, la vie est ce
c/timiste même, qui prépare les '•.ondition» des
piiénomèncs et les force ainsi à s'exécuter. Tout
se passe comme si l'animal vivant était doué d'une
force particulière, qui provoque et règle les actes
ASSIMILATION
— 214 —
ASSOLEMENTS
physico-chimiques de sa vie. Au fond, ce n'est pas
à la vie seule qu'appartient ce mystère, c'est à
tout phénomène naturel : quand la combinaison
chimique se fait selon des nombres, c'est-à-dire
selon une loi spirituelle, quand un cristal réalise
un type idéal prédéterminé, nous sommes bien
forcés d'invoquer ici aussi cette direction cachée,
cette « idée directrice », comme disait notre grand
Claude Bernard. De sorte que ce mystère sous-
jacent aux actes vitaax, loin d'en faire des actes
d'une nature spéciale, les rapproche au contraire
des actes physico-cliimiques, les identifie à eux.
La nature est partout d'accord avec elle-même,
et SCS lois sont partout identiques.
Quels sont les matériaux que l'organisme em-
prunte au dehors pour se les assimiler? Ils sont
très nombreux, et sont naturellement ceux dont
est formé l'organisme lui-même ; pour ne citer
que les principaux, ce sont l'oxygène, le carbone,
l'azote, l'hydrogène, le soufre, le phosphore, le
fer, le calcium, le sodium, le chlore.
A l'exception de l'oxygène, que l'animal em-
prunte pour la plus grande partie au milieu
aérien, par la respiration, tous les autres maté-
riaux sont puisés uniquement dans le règne vé-
gétal, soit directement si l'animal est herbivore,
soit indirectement par l'intermédiaire de l'alimen-
tation animale, s'il est Carnivore ou omnivore
(à l'exception bien entendu d'un très petit nombre
de matières minérales, le sel par exemple, que
certains animaux supérieurs consomment direc-
tement). Tout animal se régénère donc exclusi-
vement à l'aide de la matière végétale, soit qu'il
se nourrisse de végétaux, soit qu'il ingère des
animaux nourris eux-mêmes de végétaux.
Or, il importe de remarquer que les déchets de
la vie, que la substance vivante usée et détruite
disparaît toujours sous la forme minérale. L'ani-
mal, en effet, élimine sa substance sous trois
grandes formes minérales : de l'acide carbonique,
de l'eau et des composés azotés dont le principal
est l'urée.
Ainsi, d'une part, l'animal puise les éléments de
sa vie dans le monde des plantes, et d'autre part
il restitue ces éléments au monde inorganique.
Tant que dure sa vie, il est en quelque sorte le
centre d'un tourbillon de matière qui vient du
monde végétal et qui aboutit au monde minéral.
L'animal est l'intermédiaire par lequel les végé-
taux restituent au monde inorganique les élé-
ments qu'ils lui empruntent sans cesse.
Par quel mécanisme l'animal réussit-il à s'in-
corporer les matières qu'il puise au dehors par
1 alimentation?
Ce mécanisme consiste à les réduire en parti-
cules assez ténues pour qu'elles puissent filtrer
a'i travers des membranes digeslives, faire effrac-
tijii à travers les parois des vaisseaux sanguins
0 1 lymphatiques, et entrer ainsi dans le torrent
c rculatoire qui les charrie et les distribue aux
t ssus. Les modilications chimiques que la dige.s-
tiun fait subir aux trois grandes classes d'aliments,
féculents, graisses et albuminoïdes, ne . sont
pas en effet des modifications profondes, des
tr.insforiiiaiions totales : elles consistent scule-
m.iut à donner à l'aliment une consistance infini-
m;iit moindre, à l'amener à un état de division
exirême. C'est ainsi que les fécules se changent
en glucoses solubles; que les graisses s'é»iu/s/"n-
«e.'if, c'est-à-dire se réduisent en gouiteleiics d'une
ex: renie finesse; et enfin que les albuniinoides
se transformeni graduellement en prpionea, mo-
di.ication de l'albumine qui la rend soluble.
On le voit, l'animal est pourvu d un appareil
co.iipliquc, l'appareil digestif, dont l'action est
tros simple : elle consiste à exercer sur les ma-
téiiaux venus du dehors une série d'influences
qui les amènent à pouvoir passer dans la circu-
lation. Les glucoses, les graisses émulsionnées
et les peptones sont en effet parfaitement propres
à ce passage, qui s'effectue en vertu d'une loi de
physique bien connue, la loi des ichanijes exosmo-
endosmatiques. Voici cette loi : lorsqu'une mem-
brane vivante sépare deux liquides différents, il s'o-
père entre ces deux liquides une série d'échan;:e8
d'où résulte finalement leur mélange intime (V. Os-
inose). Or, dans l'animal une membrane vivanio,
celle du tube digestif et des vaisseaux, sépare
deux liquides, le sang d'une part et le liquide
digestif de l'autre. Les substances digestibles
étant, comme on dit, cristalloîdes, aptes à filtrer
à travers les membranes organisées, traversent la
membrane et vont se mêler au sang, tandis que
le sang, ne contenant presque aucun élément
cristallolde, ne prend point de part à l'échange
et reste presque en entier dans les vaisseaux.
Une fois les substances alimentaires mêlées au
tourbillon circulatoire, elles sont réparties à tout
l'organisme; elles sont présentées aux éléments
anatomiques qui y puisent au passage tout ce
dont ils ont besoin. Elles deviennent partie con-
stitutive de l'être; elles vivent, mais un instant
seulement; l'instant d'après leur rôle est joué;
elles meurent, elles forment des combinaisons
minérales, et le sang qui les avait apportées les
emporte, les dépose à la surface extérieure do
l'être, ou bien à l'intérieur des cavités d'évacua-
tion, et elles quittent l'organisme pour ne lui
revenir ensuite qu'après avoir traversé le monde
végétal. Ainsi la mort est une coiidition de la vie.
Vivre, c'est se détruire pour se reconstruire. Sous
l'apparente immobilité du type, sous la constance
de la forme, se cache l'éternel tourbillon de la
matière qui entre, vit un instant, meurt et dispa-
raît pour revenir ensuite. Ce qui fut jadis le cer-
veau d'un Homère ou d'un Alexandre le Grand
constitue peut-être aujourd'hui celui d'un nègre
de l'Afrique centrale, après avoir été le fruit d'un
bananier ou la chair d'une antilope.
Les composés que l'animal puise dans l'alimen-
tation ne contiennent qu'une très petite quantité
d'oxygène. Au contraire, les composés qu'il éli-
mine en renferment une énorme quantité. C'est
dans l'organisme, c'est à l'intérieur des tissus que
ces composés alimentaires se sont oxydés si for-
tement, aux dépens de l'oxygène aspiré par les pou-
mons. Ces oxydations énergiques, intenses, qui
s'exercent sur les substances assimilées, sont
proprement la source unique de la force de l'être
vivant. Toute force manifestée soit par la chaleur
de l'organisme, soit par ses mouvements de loco-
motion, soit encore par les mouvements molécu-
laires de ses tissus, dérive d'une origine unique:
l'oxydation des substances que l'alimentation a
incorporées à l'animal. La somme de ces actions
chimiques équivaut exactement à la somme de
force dépensée par l'être vivant (chaleur ou tra-
vail), exactement comme la somme de charbon
oxydé sur la grille de la locomotive équivaut au
travail qu'elle exécute ou à la chaleur qu'elle
génère.
Cette chaleur, cette force, qui est le ressort de
la vie animale, nous avons dit que l'animal l'em-
prunte aux végétaux. Mais ces végétaux eux-
mêmes ne l'ont acquise qu'en emmagasinant dans
leurs tissus la chaleur et la lumière solaires.
C'est la force solaire qui subvient à l'organisa-
tion des molécules végétales et qui l'entretient :
c'est elle ensuite qui est mise en liberté quand
l'oxygène attaque dans l'animal les éléments de
ces tissus ; c'est elle qui devient alors la force de
l'animal et fournit à toutes les manifestations de
sa vie. [Ijr Elle Pécaut.]
ASSOLE.MENTS. —Agriculture, XI.— Dans toute
exploitation agricole, il y a une plante qui s'adapte
mieux que toutes les autres aux circonstances lo-
ASSOLEMENTS
— 215 —
ASSOLEMENTS
cales, à la nature du sol, et qui donne le plus
grand bénéfice. Il semble donc naturel, au premier
abord, que l'agriculteur doive s'attaclier exclusive-
ment à la culture de cette plante, la faire revenir
chaque année sur ses champs. Pourquoi n'en est-
il pas ainsi? C'est qu'à cette succession ininter-
rompue d'une seule culture s'opposent des diffi-
cultés nombreuses, dont les principales sont les
suivantes : « Insuffisance d'engrais pour alimenter
une végétation dont les produits sont exportés et
ne restituent pas au sol les éléments nutritifs
qu'ils consomment ; propagation croissante de
plantes adventices, inutiles ou nuisibles, mêlées
aux cultures des bonnes plantes dont la maturité
devance la leur et qui souillent de plus en plus
le terrain par la dissémination de leurs graines ;
difficulté économique ou matérielle d'obtenir le
nettoiement du sol dans les conditions de certaines
cultures ; époque de la récolte de la plante choisie
trop rapprochée de celle de l'ensemencement qui
doit suivre et ne permettant pas d'ameublir et de
nettoyer complètement la terre. » (De Gasparin,
Cours d'agi-iculture].
Toutes ces raisons indiquent la nécessité de faire
varier les récoltes demandées à un champ. De là
!e problème de trouver l'ordre à adopter. Le meil-
kur système de culture est celui qui dispose
cette succession de la manière la plus heureuse à
la fois au point de vue du produit en argent, et à
celui de l'accroissement ou au moins du maintien
de la fertilité du sol.
M. de Gasparin a donné le nom de cours de cul-
ture à la succession des plantes qui se suivent sur
le même terrain pendant une période d'années, au
bout de laquelle on reprend la même succession
de plantes dans le même ordre. Ainsi un cours de
culture triennal ou de trois ans serait :
\'^ année. . . . Jachère.
2« — .... Blé.
3* — .... Avoine ou blé de mars.
V assolement est la division d'un domaine en
parties égales entre elles et au nombre des années
deculture, de manière que durant la première année,
dans l'exemple précédent, la première partie sera
en jachère, la deuxième en blé, la troisième en
avoine. On donne le nom de sole à chaque partie
du domaine ainsi divisé. La rotation comprend la
succession des récoltes que l'on obtient sur cha-
que sole. Ainsi, dans l'exemple choisi, le cours de
culture combiné avec l'assolement donnera les ré-
sultats suivants :
s G L K s .
N° 1. '" .\»^2. "" N» ^jT
r* année Jiichère. Blé. Avoine.
2' — ... Blé. Avoine. Jachère.
•3'' — . . Avoine. Jachère. Blé.
Dans la deuxième rotation, les mêmes récoltes
«e succéderont, dans le même ordre, dans chacune
des soles.
La nécessité des assolements a été reconnue de
tous temps. Les Grecs et les Romains savaient que
la terre a l)esoin de repos ; ils avaient môme posé
les principes de l'alternance des céréales et des lé-
gumineuses. Le moyen âge a continué les mêmes
err.ments. Mais ce sont les agronomes du xviii^
siècle auxquels revient l'honneur d'avoir vulgarisé
les principes rationnels de la succession des cul-
turcs, appliqués pour la première fois dans les
Flandres, et qui de là se sont répandus dans les
autres pays. Enfin au xix' siècle appartient la
théorie complète des assolements mise en lumière
par les savants modernes et principalement par les
recherches de M. Boussingault, à sa célèbre ferme
de Bechelbroiin.
I.caucoup d'hypothèses ont été présentées en vue
d expliquer la nécessite des assolomonts. On a
voulu d'abord en trouver la cause dans l'antipathie
que les plantes possèdent pour elles-mêmes ou
pour certaines autres plantes. D'autres ont supposé
que chaque végétal puisait dans le sol un suc par-
ticulier nécessaire à sa nourriture propre, qu'il en
épuisait ainsi la terre sans enlever les sucs néces-
saires à d'autres végétaux. On a voulu aussi que
les plantes excrètent dans le sol des principes
nuisibles à la végétation des unes des autres.
Quelques-uns ont vu enfin dans l'identité de forme
et de dimensions des racines la cause qui rend
difficile le retour non interrompu des mêmes
plantes sur le même sol. Toutes ces hypothèses
ont été successivement détruites par les progrès
de la science agricole ; aucune d'elles ne peut
plus être admise aujourd'hui.
Les véritables lois des assolements reposent à la
fois sur les besoins des plantes et sur les nécessi-
tés de l'entreprise agricole. On peut donc les di-
viser en doux catégories : lois physiologiques et
loisculturales.
La première loi des assolements dérive de la
nécessité de préparer le sol. On comprendra, sans
qu'il soit besoin d'autre explication, que les plan-
tes doivent se succéder dételle manière qu'entre la
récolte qui précède et la semaille qui la suit, il y
ait un espace de temps suffisant pour que les tra-
vaux de culture, labours, épandage d'engrais, etc.,
puissent être exécutés d'une manière convenable.
Dans les terres même les mieux cultivées, il
arrive chaque année qu'une certaine quantité de
graines de plantes adventices est apportée soit par
les vents, soit par d'autres causes, et que ces
graines germent et se développent au milieu de la
récolte. Parmi les plantes cultivées, les unes,
comme les céréales semées à la volée, n'opposent
aucun obstacle au développement de cette végéta-
tion parasite ; elles sont dites plantes salissantes.
D'auti-es, au contraire, sont dites nettoyantes : ce
sont ou bien des racines semées en lignes entre
lesquelles on peut efl'ectuer de fréquents binages,
ou bien certaines plantes légumineuses, telles que
les vesces, les pois, etc.^ qui, sous le développe-
ment de leur végétation, étouffent les plantes ad-
ventices et en arrêtent la multiplication. Au point
de vue de la propreté du sol, il est donc nécessaire
de faire succéder une récolte nettoyante à une ré-
colte salissante.
Troisième loi physiologique : les diverses plantes
cultivées n'enlèvent pas au sol les mômes quan-
tités de principes fertilisants ; les unes sont plus
épuisantes que les autres. D'un autre côté, les
récoltes faites en vue de la vente, telles que les
céréales, les plantes industrielles, sont en grande
partie exportées du domaine, et les éléments
qu'elles ont enlevés au sol ne peuvent plus y re-
venir. Au contraire, les plantes fourragères,' con-
sommées sur la ferme, ne sont qu'en partie expor-
tées sous forme de viande, de lait, de laine, etc. ;
une partie imoortante, au contraire, de leurs prin-
ci[)es, non assmiilée par le bétail, revient aux
champs sous forme de fumier. Il en résulte que,
pour compenser la perte provenant de la vente des
produits exportés, il faut combiner l'assolement
de manière que la production des engrais sur la
ferme soit, autant que possible, égale à leur con-
sommation. Cette condition est impossible à rem-
plir d'une manière absolue. On supplée à l'insuffi-
sance du résultat par l'achat d'engrais complémen-
taires venant du dehors. L'agriculteur qui n'achète
pas d'engrais épuise fatalement sa terre ; c'est une
question de temps plus ou moins long, mais le
résultat final est inévitable. — Pour ces engrais
comme pour ceux produits dans la ferme, ils doi-
vent toujours être appliqués, dans l'assolement,
aux plantes les plus épuisantes. En règle générale,
l'application des fumures doit être faite de telle
manière que le sol ait le degré maximum de ferti-
ASSOLEMEiNTS
— 216 —
ASSOLEMENTS
lîtc qui convient à chaque plante, mais sans le
dépasser.
Comme conséquence de cette loi, on peut ajouter
qu'il convient de faire succéder h une culture avide
principalement de certains éléments nutritifs, une
autre culture moins avide des mêmes principes.
Telles sont les lois physiologiques des assole-
ments. On en tirera la conséquence suivante pour
Ja culture des céréales, qui est la principale parmi
celles auxquelles s'adonne l'agriculture française,
Les cultures de céréales ne peuvent être entre-
prises sans risques sur un terrain qui présente un
état de fertilité considérable, parce qu'elles sont
alors exposées à verser. Elles doivent donc être
précédées par des cultures épuisantes, qui réduisent
la terre à l'état de richesse que les céréales peu-
vent supporter. Mais les céréales peuvent venir sur
le sol immédiatement après les fourrages légumi-
neux, quoique larichesse de laterre soit plus grande
que celle qu'elles exigent, parce que celle-ci
consiste surtout en débris végétaux, lents à se dé-
composer et qui ne fournissent que graduellement
les principes qu'ils contiennent.
Il faut maintenant indiquer les lois culturales
des assolements,
La première loi est celle qui résulte des forces
disponibles pour les besoins de la culture. Les di-
verses récoltes exigent des travaux d'une grande
inégalité ; les unes demandent h certaines époques
des attelages nombreux; les autres, au contraire,
n'exigent que des attelages restreints à d'autres
moments. Les époques des semailles, celles de
l'enlèvement des récoltes, varient également beau-
coup. Dans l'établissement de son assolement, le
cultivateur devra combiner ses soles, de manière
que ses travaux soient répartis d'une manière à peu
près égale entre les divers mois de Tannée, s'il
conserve toujours ses animaux de trait ; dans le
cas où il achète à certains moments des animaux
qu'il doit revendre quelques mois plus tard, les
travaux doivent être échelonnés, de manière qu'il
ne soit pas obligé de faire dos achats trop nom-
breux ne correspondant pas avec la nourriture
dont il peut disposer.
Il faut également tenir compte de la nature des
produits des diverses récoltes, et de leur destina-
tion, suivant qu'ils doivent être portés sur le mar-
ché ou consommés dans la ferme. Il est, en cfl'et,
de la plus haute importance pour l'agriculteur,
sauf dans quelques cas exceptionnels, le voisinage
des villes par exemple, de toujours produire sur
l'exploitation les denrées qui sont nécessaires à la
consommation de celle-ci, soit pour le bétail de
trait, soit pour le bétail de rente. Le prix de ces
denrées, quand elles sont achetées, est toujours
beaucoup trop élevé, et parfois on éprouve les plus
grandes difficultés à se les procurer. D'un autre côté,
les cultures industrielles, telles que la betterave, le
lin, le chanvre, etc., ne doivent être entreprises que
lorsqu'on s'est assuré do débouches pour la vente
et que les frais de transport, de préparation, ou
autres accessoires, ont été supputés avec soin.
La dernière loi culturale des assolements se
rapporte aux avances exigées par chaque nature
de récoltes ; c'est la question du capital d'exploita-
tion. Quelque avantageuse que paraisse une cul-
ture, si l'agriculteur ne peut pas faire les avances
nécessaires, il doit y renoncer. C'est, en effet, une
loi économique générale dans toutes les industries
que les opérations doivent toujours être propor-
tionnelles au capital dont on dispose. L'agriculture
n'y échappe pas plus qu'aucune autre industrie.
A la question des assolements se rattache celle
des cultures dérobées. On entend par cultures dé-
robées une ou plusieurs plantes, que l'on intro-
duit,en dehors do l'assolement, sur une sole, de
manière à avoir sur une même surface, dans une
année, deux ou trois récoltes. C'est surtout pour
avoir des fourrages que l'on a recours aux cultures-
dérobées. — Les lois qui régissent ces culture*
ont été résumées par M. de Gasparin dans la for-
mule suivante. Il faut : 1° que la durée de la pé-
riode végétative soit assez grande pour embrasser
la durée de la production de ces récoltes; 2° que
l'état de la terre après la première récolte soit tel
qu'il soit possible de faire immédiatement les cul-
tures pour la récolte qui doit suivre ; 3° que l'on
puisse disposer d'engrais suffisants pour obtenir la
production de ces récoltes successives. En effet,
si l'on veut demander davantage à la terre, il faut
lui donner des engrais en proportion. La question
des matières fertilisantes est celle qui domine-
toute agriculture productive.
Les préceptes qui viennent d'être donnés doi-
vent être complétés pardes exemples d'assolements»
Leur histoire est le tableau des progrès successifs
de l'agriculture.
L'assolement rudimentaire est l'assolement bien-
nal, jachère et céréales, l'assolement des temps
anciens, celui qui est malheureusement encore
pratiqué sur de trop grandes surfaces. En deuxième
ligne, vient l'assolement triennal avec jachère,
celui qui a été déjà indiqué plus haut : jachère,
blé, avoine. Ce sont les assolements dans lesquels-
la terre reste une année sans produire et par con-
séquent sans rapporter.
La suppression de ces assolements a toujours été
considérée comme un progrès par les agriculteurs
progressifs, qui les ont remplacés par la culture
alterne, dans laquelle chaque année la terre porte
une récolte diftërente de celle qu'elle avait portée
l'année précédente. L'alternance des récoltes four-
ragères avec les récoltes épuisantes permet de
nourrir un bétail plus nombreux, de produire plus
de fumier, d'accroître par conséquent la production
et le profit. L'assolement le plus simple est bien-
nal ; il se compose ainsi : l" plantes sarclées; 2° cé-
réales. C'est à cette catégorie que se rapporte en-
core l'ancien et célèbre assolement flamand, qui
est triennal :
1" Plantes sarclées, fumées, ou cultures oléagi-
neuses fumées;
2° Céréales ;
3" Trèfle, ou autres plantes fourragères.
Il y a de très nombreuses variantes de la culture
alterne. Les assolements sont plus ou moins longs;
de trois ans, ils passent à cinq, à sept, h neuf ans.
Voici l'exemple d'un assolement de sept ans :
1" Racines, avec fumure;
2° Céréales;
3" Trèfle;
4" Céréales;
5° Fourrages verts, avec demi-fumure ;
6" Plantes oléagineuses, colza, navette;
7° Céréales.
C'est à cette catégorie qu'appartient l'ancien as-
solement deGrignoii, qui était de huit ans, comme
il suit :
1° Pommes de terre ;
2° Froment de mars ;
• 3" Trèfle ;
4" Froment ;
5" Fèves ;
G" Colza;
7" lîlé ;
S" Sole de fourrages divers.
Dans les régions où la culture industrielle a pris
une grande extension, là où la betterave occupe
une grande partie du sol, pour donner des racines
à travailler, soit aux sucreries, soit aux distilleries,
les anciens principes de la nécessité de produire
sur une notable partie de la surface de l'exploita-
tion des fourrages, pour nourrir le bétail et accroî-
tre le fumier, ont été profondément modifiés. Les
résidus de ces usines donnent, en elïet, sous forme
de drèches ou de pulpes, une abondante et excel-
ASSURANCES
ASSYRIE
!cnte nourriture qui remplace avantageusemet de
grandes quantités de fourrages. Ici l'assolement de-
vient souvent libre; il est dominé par les besoins
de l'industrie. Il n'admet plus, en général, que
cette loi fondamentale qu'il faut éviter la répétition
des mômes récoltes sur les mêmes terres à des in-
tervalles trop rapprochés. Avec la culture de la
betterave, qui exige d'abondantes importations d'en-
grais du dehors, "le sol prend rapidement un état
avance de fécondité, et, suivant les circonstances
locales, le cultivateur cherche, en dehors des lois
ordinaires, à en tirer le plus grand parti possible.
Pour terminer ce qui est relatif aux assolements,
il faut parler de la méthode à suivre pour passer
d'un assolement à un autre. C'est ici que l'agri-
culteur a plus que jamais besoin de prudence. Il
doit peser avec maturité et sage lenteur les avan-
tages du nouveau système qu'il veut adopter, en
calculer les frais, en faire la balance, et quand il
aura pris un parti, ne pas marcher avec une trop
grande hâte. La symétrie des soles ne doit pas être
son unique préoccupation, et il doit ne pas lui sa-
crifier les produits immédiats de la culture. Il y a,
eu outre, toute une étude à faire sur la nature de
son sol, s'il est pauvre ou s'il est riche, sur le
nombre et la valeur des débouchés, sur la facilité
de vendre avec profit telles ou telles denrées. C'est
parfois parce que l'étude de toutes ces circonstances,
dont une partie est indépendante de la volonté de
l'exploitant, a été négligée ou faite superficiel-
lement que la ruine a suivi des entreprises qui
paraissaient d'abord devoir être couronnées d'un
complet succès. [H. Sagnier. J
ASSURANCES. — On appelle contrat d'assu-
rances une convention par laquelle une personne
dite assureur s'engage, moyejinant une somme
nommée prime, à garantir une autre personne dite
assurée, contre les dommages qu'elle peut éprou-
ver dans sa personne ou dans ses biens par suite
d'un accident ou d'un sinistre déterminé.
11 y a deux manières de s'assurer : 1° par prime
fixe ; 2° par assurance mutuelle. Dans le premier
cas. la somme à payer, chaque année, est fixe et
proportionnée aux risques à courir; dans le second,
cette somme est variable, les pertes étant annuelle-
ment; et proportionnellement réparties entro tous
les adhérents, suivant des conventions prévues par
les statuts de la société.
La première société d'assurances, en France, fut
fondée, en 1788, avec l'autorisation du roi. Mais les
circonstances l'obligèrent bientôt à liquider. Ce
n'est qu'à dater de IK18 que l'institution a com-
mencé h fonctionner dans notre pays.
Les assurances se divisent en deux grandes ca-
tégories : assurances maritimes, assurances ter-
restres,qui se subdivisent elles-mêmes en plusieurs
branches, tout ce qui court un risque pouvant faire
l'objet d'une assurance.
Les opérations d'assurance terrestre les plus'
ordinairement pratiquées sont les assurances
contre l'incendie et sur la vie.
Il n'est plus besoin d'insister, auprès de tout
homme éclairé, sur l'utilité des Assurances contre
l'incendie. Il est rare de trouver une p;rsonne in-
telligente ci- instruite dont les immeubles et le mo-
bilier ne soient pas assurés. Les instituteurs doivent
s'efforcer de dissiper les préjugés qu'ils pourraient
rencontrer à cet égard auprès des habitants des
campagnes.
Les Assurnnrci sur la vie sont une des plus in-
génieuses applications de la science économique.
Elles ont pour but de recueillir les épargnes, de
les mettre en siiretc, de les faire fructifier par
l'accumulation de leurs produits et par leur com-
binaison avec les chances de la mortalité. Aussi s(!
recommandent-elles à l'attention des hommes sé-
rieux, des pères de famille, de tous ceux, en un
mot, qui, guidés par la prévoyance, jettent leurs
regards au delà du présent, et veulent affranchir
l'avenir de toute incertitude.
Les assurances sur la vie se divisent en deux
grandes classes : les unes, notamment l'assurance
sur la vie entière, ont pour objet des capitaux exi-
gibles au décès de l'assuré ; les autres, assurances-
différées, se rapportent à des capitaux exigibles
pendant la vie de l'assuré. Une troisième catégorie-
d'assurances appelées mixtes ont ce double ca-
ractère, le capital étant exigible par l'assuré s'il
est en vie à une époque fixe, et par ses héritiers
s'il est mort avant le jour indique.
Tandis que, dans notre pays, les Assurances sur
la vie sont encore dans leur enfance, elles sont en-
trées, en Angleterre, si profondément dans les-
mœurs, que les sommes assurées atteignent la
somme énorme de tiuit milliards sept cents millions
produisant en primes annuelles environ trois cents
millions. Elles sont aussi très répandues en Amé-
rique.
Vingt-six milliards de capitaux sont assurés sur
la vie humaine chez les différents peuples du monde
civilisé. [E. de Resbecq.]
Dictée. — « rVous disons que l'assurance sur la
vie est en parfait accord avec les tendances les
plus respectables de notre temps. En efiet, elle est
avantageuse à toutes les classes de la société, sans-
exception, mais elle favorise surtout l'individu sans-
fortune acquise qui est pourvu de talents et riche-
de probité et d'amour du travail, et qui veut que
ses talents, sa probité, son application à de rudes
labeurs soient convertis en une ressource certaine
pour les objets de son affection. Elle est l'appui de
cet homme, elle sert sa sollicitude pour les siens,
et sa légitime ambition d'élever sa famille et de la
placer au-dessus du besoin. Voilà ce qu'est l'assu-
rance sur la vie, et ce qui en fait le succès dans
l'Europe moderne et aux Etats-Unis. Elle est pour
l'esprit d'égalité un admirable auxiliaire. Elle con-
vertit le savoir et l'activité en un capital sonnant,
en un patrimoine effectif qui se transmet infailli-
blement et qui devient réalisable à point nommé.
Il ne serait pas facile de citer des institutions qui-
donnent mieux satisfaction à l'esprit d'ordre et à l'es-
prit de progrès tout à la fois. » — siichel chevalier.
Cr. Histoire des classes ouvrières, par Levasseur, t. I,
p. 156, 205 ; — Faut-il s'assurer? par Fr. Sarccy, broc: —
Qu'est-ce que l'assurance sur la vie? causeries familieres-
par Berfforon ; — Assurance et religion, par l'abbé Quéant;
— Les Questions d'argent : l'Assurance, par E. .A.bout, etc.
ASSYRIE. — Histoire générale, H. — {Etym.
de As>!Our, nom que les .\ssvriens donnaient au dieu
qu'ils adoraient).
Le pays d'Assour occupait la partie moyenne du-
bassin du Tigre, depuis le confluent du fleuve avec
le Kournib jusque vers l'endroit où il débouche
dans les plaines de la Chaldée. k l'est le cours
moyen du grand Zab et quelques contreforts du
Zagi-os le séparaient de la Médie. Au nord, le mont
Masios, au sud-est la rivière Adhem, lui servaient
de limites- A l'ouest et au sud-ouest, il s'étendait
dans la direction du Kliabour et de l'Euphrate. La-
partie orientale, arrosée de nombreuses rivières,
sillonnée de collines boisées, était riche en mé-
taux et en minéraux, fertile en blés et en fruits de-
toute sorte. On y trouvait beaucoup de villes ri-
ches et populeuses, dont les ruines parsèment en-
core le sol, sans qu'il soit toujours possible d'en
donner le nom ancien avec certitude, Arbil, JNi-
nive, Kalakh et bien d'autres- A l'ouest, c'était un
vaste plateau légèrement ondulé et à peine inter-
rompu par quelques grouj)es de collines crayeuses.
Là, dans un canton maigre et mal arrosé, s'éle-
vaient Sin^ar et El-Assour, la plus ancienne des
villes royales de l'Assyrie.
l"^"-" .PÉiiioDE. — L' Assyrie vassale de la Cnaldée et
de l'Egypte (xx'^-xv'-" siècles). — La légende clas-
sique contait qu'au début de l'histoire, Ninos avait-
ASSYRIE
— 218
ASSYRIE
fondé Ninive, et conquis la Chaldéc, rArmonii!, I.i
Mcdie, toute los contrées situées entre la Médi-
terranée et rindos ; que sa femme Sémiramis, fill<'
de la déesse Derkùtô d'Ascalon, lui avaiv succcdi' et
avait trouvé moyen d'agrandir encore son enipir;; :
enfin, que leur fils Ninyas avait conspiré contre
sa mère, l'avait remplacée, et, monté sur le trône,
était devenu le premier d'une longue lignée de
rois fainéants. Ce sont là des fables empruntées
à l'épopée babylonienne. Les Assyriens étaient
d'origine et de langue sémitique, cousins des Hé-
breux, des Araméens et des Arabes. Ils étaient ve-
nus de la Chaldée vers le vingtième siècle avant
notre ère, et avaient été gouvernés au début par des
rois prêtres, d'abord vassaux des rois de Babylone,
bientôt indépendants et hostiles h leurs anciens
maîtres. — Vers le milieu du xvii' siècle avant notre
ère, les grands conquérants égyptiens Thoutmôs I et
Thoutmôs III envahirent la Mésopotamie et la sou-
mirent au tribut. Amenhotep II pénétra jusqu'à
Ninive et la prit. Ses successeurs maintinrent près
de cinquante ans leur empire sur ces régions loin-
taines ; puis, les guerres de religion, au milieu des-
quelles périt la XVIIP dynastie, éclatèrent et l'As-
syrie ne revit plus jamais les Egyptiens. Ses rois
en profitèrent pour s'agrandirent au détriment de
leurs voisins.
2' PÉRIODE. — Premier empire (1270-1020;. —
Vers 1270, Touklat-Adar I" entra dans Babylone
en conquérant et soumit tout le pays. Ce fut dé-
sormais entre l'Assyrie suzeraine et la Chaldée vas-
sale une série de guerres, où la Chaldée eut pres-
que toujours le dessous. 'Vers 1130, un conquérant
heureux, Touklat-habal-asar (Tiglathphalazar) I",
porta ses armes au nord jusqu'au cœur do l'Armé-
nie, à l'ouest dans la Syrie et jusqu'aux bords de
ia Méditerranée. Les Assyriens montraient déjà
les qualités qui devaient plus tard leur assurer
l'empire de l'Asie. Ils possédaient au plus haut
degré les vertus militaires, la force physique, l'ac-
tivité, l'adresse, la sang- froid, la bravoure imper-
turbable : ils cherchaient le taureau sauvage ou le
lion qui abondait dans leur contrée et l'abordaient
face à face. D'autre part, c'était un peuple de sang,
plein de violence et de mensonge, sensuel, or-
gueilleux à l'excès, fourbe et traître par mépris des
■ennemis. Peu de nations ont abusé plus insolem-
ment des droits du plus fort. Ils démolissaient, ils
brûlaient les villes sur leur passage, ils empalaient
ou écorchaient vifs les chefs rebelles : malgré l'é-
■clat et le raffinement de leur civilisation exté-
rieure, ils demeurèrent toujours bai-bares.
3° PÉniODE. — Second empire (1020-74.S). —
Leur premier empire dura peu. Assour-rab-amar,
petit-fils de Touklat-liabal-asar 1", battu près de
Karkémish par les Syriens confédérés, perdittoutes
les conquêtes de ses prédécesseurs (vers 1060,, et
la vieille dynastie ne survécut pas longtemps à son
•désastre. Vers 1020 une famille nouvelle monta sur
le trône. Il lui fallut près d'un siècle et demi pour
relever la grandeur de la monarchie. Enfin, Tou-
klat-Adar II (889-882) reprit l'œuvre de conquête :
désormais, pendant deux cents ans, la vie des rois
assyriens ne fut qu'une guerre perpétuelle. Ados-
sés au plateau de Médie, bornés par les massifs de
l'Arménie, ils ne s'étendirent guère vers le nord et
vers l'est : ils auraient trouvé dans ces régions
beaucoup de peine et peu de profit. S'ils s'y aven-
turèrent parfois, ce fut pour entreprendre quel-
ques razzias vers la mur Noire et la mer Caspienne,
ou pour pousser des pointes hardies vers la Médie
et jusque sur l'Indos. Leurs grands champs de ba-
taille se trouvaient au sud à Babylony et dans l'E-
lam, à l'ouest et au sud-ouest en Syrie. Le suc-
cesseur de Touklat-Adar II , Assour-nazir-habal
(882-857) commença les expéditions lointaines. En
8S2, gueri-e contre l'Arménie ; en 881, guerre contre
les peuples situés dans la région du Zagros ; en
Sso, nouvelle guerre en Arménie; en 878, guerre en
Mésopotamie; on 877 enfin, guerre contre la Syrie
et soumission des princes qui occupaient la partie
septentrionale de ce pays. Salnianasar III (857-822)
alla i)lus loin vers le sud. De 854 à 843 il ne cessa
lutter contre les rois de Damas, Benhadar III et
Khazaël, et réussit à les battre. En 843, Damas
l'ut prise ainsi que plusieurs autres places fortes,
et les Assyriens pénétrèrent jusque dans les mon-
tagnes du Hauran : les rois des l'héniciens et des
Hébreux se soumirent au tribut. La suprématie mi-
litaire de l'Assyrie se maintint encore sous ses pre-
oiiers successeurs; mais Salnianasar IV usa son rè-
gne (780-710) à lutter sans succès contre l'Arménie
et la Mcdie; après une seule expédition contre Da-
mas (772) il fut contraint d'abandonner la Syrie.
Apres lui, la décadence fut complète. Les traditions
classiques plaçaient vers cette époque une première
destruction de Ninive. Un Sardanapale, le dernier
des rois fainéants descendants de Ninyas, vaincu par
Arbakès le Mède et Belésys de Babylone, assiégé
dans Ninive pendant trois ans et prêt à succomber,
se serait brîilé dans son palais avec ses femmes
et ses trésors. Les monuments nous ont prouvé
que le récit de cette guerre était un simple roman
historique.
4"" PÉRIODE. — Les Sargonides (745-025?). —
Un usurpateur d'origine inconnue, Touklat-habal-
asar (Tiglath-Phalazar, Phoul) II, releva la royauté.
La Chaldée était en révolte, il la réduisit (745).
La Syrie refusait de payer le tribut : il prit Ar-
pad et Hamath et la manière dont il les traita dé-
cida les rcfractaires à se soumetire (744, 742-
739). Les quatre années qui suivirent (738-735)
furent employées au nord et à l'est contre l'Armé-
nie et la Médie : en 73(i même, le roi. quittant
les sentiers battus, se dirigea droit vers l'Orient et
poussa une pointe hardie jusqu'à l'Indos. appelé
on Palestine par le roi de Juda, il ravagea le
royaume d'Israël (734), puis se retourna contre Da-
mas qu'il prit après deux ans de lutte (733-';32).
Toute la Syrie était conquise ou tributaire: la bar-
rière de petits Etats qui avait séparé l'Assyrie de
l'Egypte était abaissée, et les deux grands empires
du monde oriental se trouvaient face à face. La lutte
n'éclata pas tout d'abord : l'Ethiopien Sliabak (Saba-
con, Suaj, avant de s'engager dans cette guerre, es-
saya de se ménager des alliés, Israël, Juda, Moab, la
Phénicie. Salnianasar V (72(i-721) le prévint, bloqua
Tyr et Samarie et allait les prendre quand il mourut
sans laisser d'enfants. Un général nommé Saryoukin
(Sargon) lui succéda et fonda une nouvelle dynas-
tie, la plus active et la plus puissante de celles qui
régnèrent sur l'Assyrie. Samarie fut détruite (721),
l'Elam battu (721), Shabak vaincu à Raphia (720),
l'Arménie conquise (719-709). Sin-akhé-irib II (Sen-
nachérib) qui lui succéda (704-681), malgré un
échec en Judée, maintint glorieuseiiient et agran-
dit aux dépens de Thlam le royaume de son père.
Babylone fut prise et réduite au rang de vassale.
Assour-akhé-idin (Esarhaddon) II, après des cam-
pagnes heureuses contre les Arabes, pénétra dans
le Delta, battit l'éthiopien Taharqa et réduisit TL-
gypte en province assyrienne (672). Sous son fils
Assour-ban-habal (0U6-6?) la puissance de Ninive
atteignit l'apogée : maître de l'Egypte (<iii6-GG5) et
de Babylone, il détruisit le royaume d'Elam après
vingt ans de lutte, reçut la soumission de la Cili-
cie et de la Lydie. Presque le dernier de sa race,
il fut celui dont la domination s'étendit le plus, et
dépassa ses prédécesseurs en activité, en courage,
en énergie, en cruauté, comme si l'Assyrie, se
sentant près de sa ruine, avait voulu réunir en un
seul homme toutes les qualités qui avaient fait sa
grandeur et tous les les défauts qui ont souillé sa
gloire.
La fondation d'un grand empire Mode, et l'inva-
sion des Kimmériens (634-627) ruina l'Assyrie. Le
ASTRONOMIE
— 219 —
ASTRONOMIE
mède Ouvaklishâtrà (Kyaxarês), allié au gouverneur
révolté de Babyloue, Nàbou-bal-oussour (Nabopolas-
sar) attaquèrent le second successeur d' Assour-ban-
habal, Assour-akhé-ldin III (Saracos), et le forcèrent
à se tuer pour ne pas tomber vivant entre les mains
de l'ennemi (625?). Ninive détruite, l'empire d As-
syrie tomba. Au bout de quelques années, il était
passé à l'état de légende; moins de deux siècles
après, on ne connaissait plus d'une manière cer-
taine le site de sa capitale. Certes les autres na-
tions de l'Orient n'avaient pas aux jours de leur
gloire épargné les vaincus : mais du moins, à côté
do leur œuvre de colère, elles avaient accompli une
œuvre de civilisation. L'Assyrie prit ses sciences,
ses lettres, ses arts, son écriture, sa religion aux
Chaldéens (V. l'article Chaldéej : la seule chose qui
lui appartienne en propre, c'est la férocité de ses
généraux et la bravoure de ses soldats. Du jour
qu'elle apparut dans l'histoire, elle ne vécut que
pour la guerre et pour la conquête ; le jour où sa
population épuisée ne lui permit plus les succès
du champ de bataille, elle n'eut plus sa raison de
vivre et disparut. [G. Maspero.]
ASTRONOMIE. — L'astronomie est la première
des sciences non seulement par la grandeur de son
objet, qui embrasse l'univers tout entier, mais aussi
par son antiquité séculaire, car son origine se con-
fond avec celle de l'histoire, avec celle de l'huma-
nité.
I . H'.storique sommaire'ae l'astronomie. — Ses
eriijmes en Orient. — Avant même d avoir inventé
l'écriture et commencé l'histoire, les hommes obser-
vaient déjà le ciel ; cherchaient à y surprendre les
causes des événements, des saisons, des variations
de la nature terrestre ; jetaient les bases d'une
mesure élémentaire du temps, d un calendrier pri-
mordial ; s'ingéniaient à fixer par le retour des
phénomènes célestes les dates des travaux, des
fûtes, des actes principaux de la vie ; suivaient le
cours du soleil, de la lune et des étoiles ; remar-
quaient les planètes brillantes qui se déplacent
dans l'armée des fixes ; cherchaient des points de
repère parmi les étoiles pour se guider sur mer
et dans les voyages d'émigration; traçaient les
premières cartes célestes; formaient les constella-
tions, et y inscrivaient comme sur des tablettes
impérissables les faits qu'ils voulaient graver dans
leur mémoire et conserver aux siècles futurs.
C'est sous le beau ciel de l'Orient que l'astrono-
mie a pris naissance, pour se répandre de là en
Chine, en Chaldée, en Phénicie, en Egypte, en
Grèce, en Italie et dans toutes les parties du monde
successivement conquises par l'esprit humain. Les
premiers astronomes ont été l^s pasteurs de l'Hi-
lualaya. La multitude des étoiles, leur cours uni-
forme et majestueux, l'éclat splendide des plus
brillantes, la douce blancheur de la voie lé-ctée,
l'étoile filante qui semble se détacher des deux, le
profond silence de la nature recueillie, puis l'Orient
qui pâlit, l'Aurore qui s'annonce, Vénus, l'étoile du
berger, qui reste la dernière, et la symphonie gran-
diose du lever du soleil, qui éclate dans sa gloire et
dans sa splendeur, formaient un enchaînement de
tableaux, une succession de scènes dignes d'en-
tourer le berceau de la plus belle et de la plus
vaste des sciences.
11 est impossible de fixer, même approximative-
ment, la date des titres de noblesse de l'astrono-
mie : leur antiquité se dénombrerait par milliers
d'années. L'une des plus anciennes reliques de
l'astronomie primitive qui nous reste encore intacte
aujourd'hui est la dénomination des sept jours de
la semaine par les noms des sept astres principaux
des anciens : le Soleil, la Lune, Mars, Mercure,
Jupiter, Vénus et Saturne, consécration qui était
déjà en usage en Babylonie il y a quatre ou cinq
mille ans, car les fouilles faites à Ninive dans les
ruines du palais de Sardanapale ont mis au jour des
tablettes écrites en langue accadicnne (antérieure
aux Babyloniens) conservant ces dénominations
ainsi que certaines observations astronomiques
faites dès cette lointaine époque. Il y avait déjà alors
des observatoires nationaux, des cours d'astronomie.
Il en était de même en Chine à la même époque.
Les annales du Céleste Empire nous représentent
le législateur Fou-hi établissant l'enseignement de
l'astronomie sur la plus large base. 2850 ans avant
notre ère, et l'empereur Hoang-Ti fondant son
magnifique observatoire en 2608, régularisant le
calendrier et observant l'étoile polaire, qui était
alors l'étoile alpha de la constellation du Dragon;
nous avons une observation d'une éclipse totale de
soleil, observée en Chine également, l'an 2169 avant
notre ère, sans qu'elle eût été prédite, et qui coûta
*la vie au directeur de l'Observatoire, parce que
l'astrologie était alors intimement liée à la poli-
tique.
En Egypte, nous trouvons vers l'an 2S87 une pre-
mière réforme du calendrier, par 5 jours supplé-
mentaires ajoutés aux 360 ; plusieurs siècles après,
l'observation de Sirius, la plus brillante étoile du
ciel, à laquelle nous avons conservé son nom
égyptien, montra aux astronomes d'Egypte que
l'année n'est pas exactement de 365 jours, mais de
3'>5 jours un quart, — les inondations du Nil,
soigneusement notées, avançant insensiblement
sur le lever héliaque de cette étoile et cessant de
pouvoir être prédites par elle.
L'étoile polaire, alors alpha du Dragon, paraît
aussi avoir joué un rôle dans la construction dos py-
ramides, car sur les neuf pyramides d'Egypte, six ont
des galeries droites ouvertes au nord et creuséesi
en descendant dans l'intérieur suivant une incli-
naison variant de 3G à 28 degrés, dans le plan
méridien, de telle sorte qu'un observateur, placé
au fond de ces galeries, devait voir précisément
l'étoile polaire à son passage inférieur au méridien.
Nous possédons des observations d'éclipsés faites
en Egypte depuis l'an 2720 avant notre ère et des
observations de l'étoile alpha de l'Hydre datant
de l'an 230(j. D'autre part, le zodiaque paraît avoir
été fixé à l'époque où l'équinoxe du printemps arri-
vait dans les derniers degrés de la constellation du
Taureau, vers Aldébaran, car le Taureau est indiqué
dans tous les anciens chants astrognostiques comme
K. ouvrant l'année avec ses cornes d'or. » Or l'équi-
noxe n'a pu répondre aux derniers degrés du Tau-
reau (en vertu du mouvement séculaire de préces-
sion) que vers l'an 4000 à 4:)00 avant notre ère, et
cette date coïncide avec la forme et la position des
anciens zodiaques. La formation primitive de la
sphère céleste, sans noms, par simples alignements,
la reconnaissance de la route de la lune, du soleil
et des planètes à travers le ciel et le premier dessin
du zodiaque ont été certainement de beaucoup
antérieurs aux observations précises des retours
planétaires, aux dénominations des astres et aux
calculs des éclipses, qui datent déjà de plus de
cinq mille ans. La fondation de notre zodiaque
actuel, six mille ans au moins avant l'époque
contemporaine, nous indique donc en quelque
sorte la date la plus modeste que nous puissions
décerner à l'antiquité de la science dont nous nous
occupons.
Longtemps après, il y a trois mille ans environ,
les Phéniciens, alors à l'apogée de leur puissance,
avaient organisé l'astronomie, ou pour mieux dire
l'astrologie, en culte. Héliopolis (Balbek) était de
toute antiquité célèbre par le culte du Soleil, qui
lui avait donné son nom. Le culte de la Lune en
était inséparable, et les nouvelles lunes (néomé-
nies) étaient l'occasion de fêtes solennelles. Les
Phéniciens se guidaient en mer d'après la petite
Ourse, qu'ils appelaient Queue du Chien (en grec
Cynosure], tandis que les Grecs se guidaient d'a-
près la grande Ourse, nommée par eux Hélice.
ASTRONOMIE
2i0 —
ASTRONOMIE
Les ll('l)reux nomment dans la Bible : la grande
Ourse, Asch (tournant) ; les Pléiades, Kimah (désir
fdu printemps qu'elles annonçaientil y a 3,500 ans] ;
Ovion, Kcsil (la constellation [par excellence]); le
Dragon, Nak/iosch, dont l'étoile la plus brillante
marquait le pôle nord ; et les demeures du Soleil
dans le zodiaque, les Mnsaroth Les Hébreux avaient
tiré leur science élémentaire des Égyptiens.
Les anciennes observations astronomiques pa-
raissent avoir été écrites sur des briques que Ton
cuisait ensuite pour les conserver. Sénèque en parle
{Questions naturelles, IV, 3) et on en a trouvé
récemment. Malheureusement les révolutions des
empires, les guerres et les émigrations jetèrent des
troubles et souvent de longues lacunes dans l'étude
pacifique des sciences, et nous trouvons de temps
à autre des destructions complètes de monuments,
de livres, de bibliothèques, ordonnées par de bar-
bares soldats. Ainsi, lorsque Ptolémée écrivit son
Almageste, au commencement de notre ère, il ne
trouva d'observations conservées que celles des
Chaldéens postérieurs à l'établissement de l'ère de
Nabonassar, qui commence le 26 février do l'an 747
avant lère actuelle. La plus ancienne observation
dont il se servit est une éclipse de lune arrivée la
vingt-sixième année de cette ère, le 19 mars 721
avant Jésus Christ. Ils avaient inventé à cette épo-
que le calcul du Saros, période de 18 ans et 1 1 jours,
après laquelle les éclipses de soleil et de lune
reviennent dans le même ordre.
La première école scientifique grecque a été
fondée par Thaïes, né àMilet vers l'an 640avantnotre
ère. Les divisions actuelles de la sphère en cinq
zones étaient déjà enseignées dans cette école.
Hérodote rapporte que les éclipses y étaient obser-
vées et calculées, et que Thaïes avait notamment
prédit celle du 30 septembre Gl(),quiarriva juste au
moment d'une bataille entre les Mèdes et les
Perses, et mit fin à la guerre par la frayeur qu'elle
occasionna aux deux armées. Pythagore paraît avoir
été disciple de Thaïes.
La fameuse école d'Alexandrie a fourni à l'astro-
nomie une précieuse série d'observations, depuis
celles d'Aristillus et de Timocharis, en l'an 29.)
avant notre ère, jusqu'à celles d'Hipparque, qui,
en l'an 130 avant notre ère, publia le premier cata-
logue d'étoiles qui nous ait été conservé et fonda
l'astronomie mathématique, et jusqu'aux travaux
de Ptolémée, qui publia, vers l'an 150 de notre ère,
son Almageste, ouvrage important dans lequel il
expose l'état de l'astronomie à son époque et les
diverses hypothèses émises sur la construction de
l'univers, en se rangeant malheureusement du côté
du système des apparences (quoiqu'il y discute fort
longuement la théorie du mouvement de la terre) ;
— opinion qui fit donner définitivement son nom à
" système.
Les invasions des Barbares, le bouleversement
des peuples et la nuit tliéologique du moyen âge
arrivèrent, interrompant les travaux de l'esprit hu-
main et l'étude de la nature. Cependant dans les
])ays non chrétiens, notamment chez les Arabes, à
liagdad et au Caire, l'astronomie continua de fleu-
rir, depuis le calife Haroun-al-Raschid iSOOi jusqu'à
llugli Beigh, roi astronome (1400), petit-fils du
monstre Tamerlan, mais aussi excellent que son
aïeul avait été horribh'.
Au milieu du seizième siècle de notre ère, en
l'an 154:], Copernic mourant légua à l'humanité la
bible de l'astronomie moderne, qui prouve que la
terre où nous sommes n'est pas au centre du monde,
mais n'est qu'une simple planète tournant comme
les autres autour du Soleil. Depuis cette époque,
c'est-à-dire dejjuis plus de trois cents ans, les tra-
vaux progressifs des illustres génies qui consa-
crèrent leur vie à chercher la vérité, des Galilée,
des Kepler, des Newton, les immortels fondateurs
de l'astronomie moderne, ceux de Cassini. Ilœmcr,
Halley, Flamsteed, Bradley, Lalande, Herschel,
Laplace, Bessel, ceux des astronomes modernes de
toutes les nations, ont constamment prouvé, vérifié,
démontré la réalité du système de Copernic.
C'est ainsi qu'à travers la longue série des siècles,
la plus ancienne des sciences est arrivée jusqu'à
nous, se développant, se .perfectionnant, se corri-
geant sans cesse, élevant lentement les assises des
plus beaux monuments que l'esprit humain ait
édifiés.
2. Esquisse générale d'un cours très-élémen-
taire d'astronomie. — La première vérité ensei-
gnée par l'astronomie et dont il importe d'être
absolument convaincu si l'on tient à comprendre la
réalité des choses, c'est que la Terre est isolée dans
l'espace, sans soutien ni point d'appui d'aucun
genre, et qu'il n'y a ni haut ni bas, ni gauche ni
droite, ni direction d'aucune sorte, dans l'univers.
Si l'on ne fait pas l'effort d'esprit nécessaire pour
se rendre compte de ce fait et pour savoir une fois
pour toutes que notre globe est un astre du ciel,
isolé, mobile, voguant dans le vide des espaces
comme les autres astres, ni plus ni moins; si l'on
garde en soi quelque arrière-pensée du sentiment
provenant des apparences, il est inutile d'aller plus
loin : on n'a pas l'esprit ouvert pour la vérité. Il ne
suffit pas de se dire et de se répéter que la terre
est ronde, qu'elle tourne sur elle-même et autour
du soleil : il faut le sentir; j'ai vu mille personnes
qui s'imaginaient comprendre ces éléments de
l'astronomie, mais qui les concevaient tout de
travers parce qu'elles n'avaient pas fait dès le
principe l'effort d'esprit dont je viens de parler.
Il y a un moyen très simple d'y parvenir. Il suffit
pour cela que l'on sache (et chacun peut vérifier ce
calcul s'il en a le temps) que la distance d'ici au
soleil a été exactement calculée, et qu'elle est de
148 millions de kilomètres, ou de 37 millions de
lieues, et que la terre tourne autour du soleil en
365 jours 6 heures. Ce sont là deux vérités aujour-
d'hui élémentaires, qui sont si surabondamment
démontrées et prouvées, que le premier venu peut
lui-même faire facilement dans son esprit l'expé-
rience de la démonstration. (Cf. par exemple les
preuves tangibles et élémentaires données dans
notre Vie de Copernic et dans nos Merveilles cé-
lestes.) Or l'orbite terrestre mesurant 37 millions
de lieues de rayon ou 74 millions de lieues de
diamètre, mesure par conséquent 235 millions de
lieues de longueur, et comme cette longueur est
parcourue en 365 jours et 6 heures, notre globe
court dans l'espace avec une vitesse de 043,395
lieues par jour. Tous les ans, il revient à même
date au môme point de son orbite : elle est tou-
jours entièrement parcourue chaque année. Ces
6 i 3, 395 lieues par jour font 26,808 lieues par heure
ou 28,78[j mètres par seconde.
Comment concevoir une telle vitesse? Elle est
plus de mille fois plus rapide que celle d'un train
express!
Nous ne la sentons pas, parce que notre globe,
comme tous ceux qui peuplent l'immensité sans
bornes des cieux, glisse sans bruit, sans frottement,
sans secousse, à travers le vide des espaces. Son
mouvement est plus doux que celui de la barque
sur le fleuve limpide, plus doux que celui de la
gondole sur les lagunes de Venise, plus doux que
celui du ballon dans les plaines azurées de l'air
silencieux. Dans cette perfection de transport, il est
matériellement impossible de sentir le mouvement
de la Terre. Nous ne pouvons même pas le voir:
tout ce qui nous environne est emporté avec nous
ut immobile par rapport à nous. L'atmosplière, les
nuages, tout marche d'un commun accord avec
nous. Nous ne pouvons donc avoir aucune sensation
du mouvement. L'observation du ciel étoile, qui ne
participe pas à notre déplacement, le calcul, la rai-
son, sont les moyens aux(iuels nous pouvons recourir
ASTRONOMIE — 221
pour nous rendre compte de la réalité et l'expli-
quer.
Pour voir le mouvement de la Terre, pour en
sentir la grandeur, il faudrait nous supposer placés
en dehors d'elle, dans l'espace absolu, non loin de
l'orbite sur laquelle elle se meut. Alors nous la ver-
rions venir de loin sous la forme d'une étoile gran-
dissante. Bientôt elle approcherait de nous et
paraîtrait semblable à la Lune, en augmentant gra-
duellement de grosseur. Elle arriverait à grande
vitesse pour passer devant nous à la façon d'un train
de chemin de fer. Mais à peine aurions-nous eu le
temps de la reconnaître, de distinguer les conti-
nents et les mers autour de cette boule tournante,
que passant devant nos regards stupéfaits avec une
rapidité impossible à décrire, elle continuerait son
cours en s'enfuyant, se rapetissant et se perdant
dans l'espace. Sa vitesse est 1100 fois plus rapide
que celle d'un train express. Comme la vitesse d'un
train express est 1100 fois plus rapide que celle
d'une tortue, si l'on envoyait un train courir après
la Terre dans l'espace, c'est exactement comme si
l'on envoyait une tortue courir après un train
express...
C'est sur ce boulet que nous sommes, boulet de
trois mille lieues de diamètre, dans la même situa-
tion que les grains de poussière adhérents à un
boulet de canon lancé dans l'espace.
Ce globe terrestre tourne sur lui-même en
24 heures : cette rotation fuit passer successive-
ment tous les pays dans la lumière solaire et pro-
duit la succession des jours et des nuits. L'axe idéal
autour duquel s'effectue ce mouvement diurne
n'est pas vertical, perpendiculaire sur le plan dans
lequel la terre se meut annuellement autour du
Soleil, mais incliné de :'3 degrés. Ainsi la Terre
court et tourne non pas droite, mais penchée.
Mais, pense-t-on certainement, il y a pourtant
une différence entre la Terre et les astres. La Terre
est en bas (toujours?), les astres sont en haut; la
Terre n'est pas brillante, les astres le sont; la Terre
est grande, les astres sont petits ; la Terre est
lourde, les astres paraissent légers, etc. Autant
d'objections, autant d'erreurs.
La Terre n'est pas en bas, nous l'avons déjà vu.
Il n'y a ni haut ni bas dans l'univers, notre globe
est habité tout autour, nos antipodes ont les pieds
opposés aux nôtres, le bas, pour nous, c'est l'inté-
rieur du globe, et il en est de même pour tous les
habitants qui marchent autour de ce globe; le haut,
pour tous aussi, c'est l'extérieur du glolje, c'est
l'espace qui nous environne; de plus, la Terre
tourne sur elle-même, et ce qui est juste au-dessus
de nos tètes, dans le ciel, à une certaine heure,
est juste sous nos pieds, et toujours dans le ciel,
douze heures après. Nous tournons avec le globe,
puisque nous avons toujours les pieds à sa surface
et qu'il nous attire comme le ferait une boule d'ai-
mant sur de petits êtres en fer.
La Terre paraît obscure, grande et lourde, tandis
que les astres paraissent brillants, petits et légers.
Ce sont là autant d'apparences. La Terre brille de
loin comme une étoile : elle renvoie dans l'espace
toute la lumière qu'elle reçoit du Soleil. Vue de la
Lune, elle offre une surface quatorze fois plus vaste
que celle de la pleine lune, et une lumière quatorze
fois plus intense, dont nous recevons nous-mêmes
le reflet pendant la nuit, dans la lumière cendrée
de la Lune, laquelle est produite, comme tout le
monde le sait ou doit le savoir, par le clair de terre.
Vue de Mars, la Terre est une brillante étoile du
matin et du soir offrant exactement l'effet que Vénus
nous présente. Vue de Vénus et de Mercure, elle
brille dans le ciel à minuit comme Jupiter le fait
pour nous. Vu à cette distance, le globe terrestre
plane dans le ciel etprésente des phases comme la
Lune, Vénus, Mercure nous en présentent. D'un
autre côté, ces planètes, qui brillent dans notre
ASTRONOMIE
ciel comme des étoiles et plus encore, ne sont
pourtant, pas plus que la Terre, lumineuses par
elles-mêmes, et nous ne les voyons que parce que
le Soleil les éclaire. La lumière du Soleil traverse
l'espace sans l'éclairer, et elle le traverse aussi bien
à minuit qu'à midi. Les corps planétaires, tels que
la Terre, la Lune, Mars, Vénus, etc., arrêtent cette
lumière qui les frappe, et c'est pour cela qu'ils sont
brillants. En réalité, ni la Lune, ni Mercure, ni
Vénus, ni Mars, ni Jupiter, ni Saturne, ni Uranus,
ni Neptune ne sont plus brillants que la Terre. Le
calcul prouve d'autre part que ces globes sont aussi
grands que la Terre et aussi lourds qu'elle. Les
uns, comme la Lune, Mercure, Mars le sont moins ;
les autres, comme Uranus, Neptune, Saturne, Ju-
piter le sont davantage. Jupiter, par exemple, est
1,234 fois plus gros à lui seul que la Terre entière :
il faudrait l,23i globes terrestres réunis en un seul
pour former un globe de la grosseur de Jupiter. 11
est 310 fois plus lourd que notre monde, de sorte
que si l'on pouvait placer Jupiter sur le plateau
d'une balance assez gigantesque pour le recevoir,
il faudrait placer sur l'autre plateau 310 terres pour
lui faire équilibre. Les apparences sont donc bien
trompeuses. En réalité, la Terre que nous habitons
n'a pas wi seul caractère spécial qui la distingue
des autres mondes qui planent de concert avec elle
dans l'harmonie des cieux.
Si l'on a bien exactement compris ce que nous
venons d'exposer sur la rapidité du mouvement de
translation annuelle de la Terre autour du Soleil,
sur son mouvement de rotation diurne autour de
son axe, sur son isolement, sa sphéricité et sa res-
semblance complète avec les autres globes qui gra-
vitent en même temps qu'elle autour du Soleil, on
possède dans son esprit l'évidence même de la réa-
lité, on voit et on sent ce qui se passe, on sait
désormais, pour ne plus jamais l'oublier, que la
Terre n'est pas autre chose qu'un astre du ciel, que
nous habitons en ce moment un astre du ciel aussi
réellement que si nous habitions Vénus ou Jupiter,
ei liV nous sommes les passagers d'un céleste
navire voguant dans le ciel même.
<'.'i premier pas fait, le plus difficile et le plus
important de tous, nous pouvons maintenant con-
cevoir sans illusion et sans arrière-pensée, la gran-
deur de l'univers, les distances qui séparent les
mondes entre eux, et avant tout nous rendre
compte de la situation précise de notre planète
dans le système solaire, ainsi que des principes
fondamentaux de la mécanique céleste.
La Terre est la troisième des provinces du do-
maine solaire. Entre elle et le Soleil, il y a Vénus
et Mercure ; au delà d'elle, plus éloignés du Soleil,
sont Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune.
Mais formons tout de suite ici le tableau du sys-
tème solaire.
Planètes.
Disunnces <
Soleil.
Durée
des rérolulions
Mercure 14 320 000 lieues. 88 jours.
Vénus 20 7G0 000 224
La Terre 37 000 000 365 1/4
Mars 56350000 1 an 321 j.
Petites planètes. 81 à 129 000 000 3 à 7 ans.
Jupiter 192 000 000 11 ans 315 j.
Saturne 353 000 000 29 181
Uranus 710 000 000 84 90
Neptune IIIOOOOÛOO 164 226
Nous avons là une première esquisse, aussi simple
que possible, de la disposition des planètes et de
leurs distances respectives. On peut, pour plus de
facilité, remarquer qu'elh.'s se partagent naturelle-
ment en deux groupes de quatre, séparés par la
région des planètes télescopi(jues. Les quatre pre-
mières sont petites et tournent sur elles-mêmes en
'^^ heures environ ; les quatre dernières sont grosses
et tournent sur elles-mêmes en 10 heures environ.
Elles circulent toutes dans le même sens, à ces
ASTRONOMIE
— 222 —
ASTROiNOMIE
distances-là, autour du Soleil qui reste relativement
fixe au centre de toutes ces orbites ; la plus rappro-
chée, Mercure, n'emploie que 88 jours pour par-
courir son orbite, tandis que la plus éloignée,
Neptune, emploie près de 165 de nos années. Les
dilTérences entre les durées des révolutions des
planètes selon leur éloignement du centre solaire
ne viennent pas seulement de ce qu'étant plus éloi-
gnées, elles ont plus de chemin à parcourir pour
accomplir leur translation, mais encore de ce
qu'elles voguent de plus en plus lentement suivant
leurs distances, parce que la force solaire est de
moins en moins intense à mesure qu'on s'éloigne
du corps central ; et c'est làun des principes essen-
tiels de la mécanique céleste.
Pour le bien concevoir, il faut essayer de nous
représenter le Soleil dans sa grande\ir et dans sa
puissance. Imaginons, posé dans le vide, un globe
énorme, colossal, 108 fois plus large que la l'erré
en diamètre ! Mais nous l'imaginer estvéritablement
impossible. Cent huit fois plus large que la Terre,
c'est un diamètre de 345 000 lieues et une circonfé-
rence de plus de un million de lieues : comment la
mesurer, môme par la pensée? C'est une surface
égale à près de douze mille fois la surface de la
Terre entière. C'est un volume 1 279 267 fois plus
gros que celui de la Terre ! Il faudrait plus de
un million de Terres comme celle que nous habi-
tons pour former un volume de la dimension du
Soleil. En kilomèti'es cubes, ce volume inimaginable
est représenté par le chiifre que voici :
1 390 050 000 000 000 000
OU 1,390 quatrillions de kilomètres cubes.
Ce corps gigantesque a été pesé par les astro-
nomes de la Terre, aussi bien qu'il a été mesuré, et
nous savons aujourd'hui qu'il est 324, i79 fois plus
lourd que la Terre. En le plaçant en imagination
sur le plateau d'une balance, il faudrait placer de
même 324,479 terres sur l'autre plateau pour lui
faire équilibre. Ce poids fabuleux représente 1879
octillions de kilogrammes, ci :
1 879 000 000 000 000 000 000 000 000 000
L'une des premières lois de la nature est la loi
de Yattractio7i universelle*. Tous les corps s'attirent
dans la nature, en raison directe de la masse. Le
Soleil étant 324 479 fois plus lourd que la Terre, il
attire la Terre vers lui avec une énergie 324479 fois
plus puissante que celle avec laquelle la Terre
l'attire. Si la Terre avait le poids du Soleil, elle
attirerait les objets de sa surface dans cette pro-
portion, c'est-à-dire qu'il serait absolument impos-
sible d'y remuer : 1 kilogramme y pèserait 324 479
kilogrammes !
Cette attraction décroît à mesure que la distance
augmente. Ainsi, par exemple, la Terre attire les
objets de sa surface avec assez de force pour qu'ils
tombent vers elle en raison de 4"", 90 pendant la
première seconde de chute. C'est une vitesse assez
grande déjà : elle mesure (exactement la force avec
laquelle notre globe attire. Mais si nous pouvions
nous éloigner davantage du centre de la Terre, par
exemple à cent lieues au-dessus de la surface du
globe, à mille lieues, à dix mille lieues, nous éprou-
verions de moins en moins l'attraction de la Terre,
nous serions de moins en moins attirés, et nous
pèserions de moins en moins. L'attraction diminue
non en raison de la simple distance, mais en raison
de la distance multipliée par elle-même. A 2 fois la
distance d'ici au centre de la Terre, c'est-à-dire
à 1 600 lieues environ au-dessus de nos têtes, l'at-
traction est 4 fois moins forte qu'ici; à 3 fois le
rayon de la Terre, elle est 9 fois moins forte ; à
4 fois la même distance du centre elle l'est 16 fois
moins et ainsi de suite, toujours en raison du cane
de la distance. La Lune étant éloignée de nous h
60 fois le raj^on de la Terre, elle est attirée par la
Terre 3 600 fois moins que si elle était tout près de
la surface, et en une seconde, au lieu de tomber
vers la Terre de 4°,9l>, elle ne tombe que de 1 mil-
limètre un tiers. Si l'on se figure la Lune lancée
horizontalement comme un boulet de canon, au
lieu de suivre une ligne droite et de s'éloigner
indéfiniment de la Terre sur la tangente de son or-
bite, comme une pierre qui s'échappe de la fronde,
elle est ramenée sans cesse vers la Terre par notre
attraction, et décrit une courbe telle que si l'on
mesure au bout d'une seconde l'écartement qui
existe entre la courbe et la tangente, on trouve cet
écartement de I millimètre un tiers : c'est la quantité
dont l'attraction de la Terre a forcé la Lune à s'é-
carter de la ligne droite.
A la surface du Soleil, qui est 108 fois plus éloigné
du centre de cet astre que la surface de la Terre
n'est éloignée de son propre centre, l'attraction
solaire est diminuée dans la proportion de cette
distance multipliée par elle-même, de ce qu'elle
serait si le Soleil n'était pas plus gros que ru)tre
globe. Les objets n'y sont donc pas attirés 324,479
fois plus fortement qu'ici; mais ils le sont seule-
ment 27 fois plus : ce qui est encore efi'rayant. En
effet, un kilogramme terrestre transporté sur cet
astre y en pèserait 27, un homme ordinaire y pèse-
rait 2 000 kilogrammes et non-seulement serait
incapable de soutenir son propre poids, mais serait
immédiatement aplati en un nombre indéfini de
particules, comme s'il était pilé, broyé dans un
mortier I Un objet qui tombe d'une certaine hau-
teur }• parcourt loi mètres dans la première seconde
de chute : quelle violence d'attraction ! Quelle
efifroj'able énergie concentrée dans ce colossal
foyer ! Le Soleil pèse à lui seul 700 fois plus que
toutes les planètes, tous les satellites, toutes les
comètes, tous les astres de son système réunis !
C'est cette force prodigieuse qui fait mouvoir tout
le système. De même que la main qui tient la
fronde fait tourner la pierre avec une vitesse dé-
dépendante de son énergie, de même la vitesse
des planètes sur leurs orbites donne la mesure de
l'énergie du soleil. Situé au centre de ces orbites,
r." tre radieux est à la fois la main qui soutient et
dirige les planètes dans l'espace, le foyer qui les
échauffe, le flambeau qui les éclaire, la source
inépuisée de leur vie. Il est véritablement le cœur
de cet organisme gigantesque.
En faisant tourner ces différents astres autour
de lui, il imprime à chacun d'eux un mouvement
proportionné à la distance, mouvement nécessaire
et suffisant pour les maintenir perpétuellement en
équilibre, car le mouvement de chaque planète est
juste celui qui convient pour l'empêcher à la fois de
tomber vers le Soleil ou de s'éloigner de lui. Un
peu plus lent,- il ne serait pas assez rapide pour
créer une force centrifuge égale à l'attraction vers
le centre, et la planète se rapprocherait du Soleil
pour tomber insensiblement sur lui en décrivant
des spirales de plus en plus resserrées; un peu
plus rapide, il développerait une force centrifuge
trop grande, et les planètes s'en iraient, s'éloignant
sans cesse du centre suivant des spirales de plus
en plus agrandies. Mais cela ne peut être. Les
planètes, filles du Soleil, ont été successivement
abandonnées par l'équateur de la nébuleuse solaire
tournant sur elle-même, et ont conservé la force
vive qui leur a donné naissance. Les forces sont
invariables; les lois immuables. L'état du système
solaire est nécessairement tel que le Soleil le fait et
l'entretient. Si cet astre était deux fois plus lourd,
il serait deux fois plus fort, les planètes tourne-
raient deux fois plus vite, et nos années seraient
moitié plus courtes. S'il était moitié moins lourd,
la terre et les autres planètes vogueraient avec une
vitesse moindre de moitié, et nos années seraient
deux fois plus longues. Ainsi tout est réglé par la
force même du Soleil.
ASTRONOMIE
— 223 —
ASTRONOMIE
Si l'on se représente aussi exactemeni que pos-
sible cette situation du globe solaire au centre des
mouvements planétaires, l'immense masse de cet
astre, l'attraction qui en émane et qui soutient les
mondes autour de lui comme sur un invisible
réseau, et les translations des planètes conformé-
ment aux distances, on possède une notion claire et
vivante de la réalité, et l'on oublie pour toujours
l'illusion de la croyance à l'immobilité de la terre
au centre du monde et les craintes enfantines que
l'on pouvait ressentir en songeant qu'elle n'est
portée sur rien et que peut-être elle pourrait tom-
ber! On se sent voguer dans le ciel. On est déjà
élevé au-dessus des idées vulgaires. On devient
digne de comprendre les grandeurs de l'univers et
les beautés de la création.
La diminution de la force solaire avec la distance,
dont nous venons de parler, produit une diminu-
tion corrélative dans la vitesse des planètes sur
leurs orbites, à mesure que nous nous éloignons
du centre. Il est intéressant de placer ici le tableau
de ces vitesses, et d'essayer d'en concevoir la gran-
deur, afin de nous former une idée approchée du
mouvement harmonique des sphères célestes autour
du Soleil illuminateur.
r.M- ïciouile Pdl-jOUT.
M.M-cure 46 811 métros 1 012 OOO lieues.
Vénus 34 600 750 000
La Terre 29 786 643.393
Mars 23 850 518 000
Jupiter 12 900 278 750
Saturne 9 500 205 200
Uranus 6 700 144 700
Neptune 5 400 1 16 000
Telles sont les vitesses dont les planètes sont,
animées dans leur cours autour du Soleil. Nous
est-il possible d'en concevoir la grandeur? Un bou-
let sort de la gueule enflammée du canon avec
une vitesse de 400 mètres par seconde : le globe
terrestre court 75 fois plus vite, Mercure 117 fois
plus vite... C'est une rapidité si prodigieuse que si
deux planètes se rencontraient dans leur cours, le
choc serait inimaginable : non-seulement elles
seraient brisées en morceaux, réduites en poudre
l'une et l'autre, mais encore, leur mouvement se
transformant en chaleur, elles seraient subitement
élevées à un tel degré de température qu'elles dispa-
raîtraient en vapeur tout entières, terres, pierres,
eaux, plantes, liahitants, et formeraient une immense
nébuleuse.
En raison de ces vitesses différentes, les planètes
changent constamment de situation l'une par rap-
port àl'autre. Pour que les huit planètes principales
(sans compter la petite république qui flotte entre
Mars et Jupiter) arrivent par la combinaison de
leurs mouvements à se trouver toutes ensemble
sur une même ligne droite, il faudrait non pas des
milliers, ni des centaines de miniers d'années,
mais des ntiIlio7is. Et d'ailleurs elles n'y demeure-
raient pas plus d'un instant si par le plus grand des
hasards elles pouvaient s'y trouver.
Ces vitesses ont pour cause l'attraction même du
Soleil, qui décroît ù, mesure que se développe la
surface du cercle dans l'étendue duquel elle se
répand, et qui décroît dans le rapport même de la
mesure du cercle, c'est-à-dire en raison du carré
du rayon. Une planète située au delà de Neptune
marcherait beaucoup plus lentement. Les comètes.
qui s'éloignent à d'immenses distances au delà de
l'orbite de Neptune, arrivent à être si faiblement
attirées que leur marche ralentie n'est plus que de
quelques mètres par seconde, et pourtant, à cette
distance de dix, vingt, trente milliards de lieues,
elles sentent encore le magnétisme invisible de
l'astre qui les attire; quoique, vu de cette formi-
dable distance, ce soleil ne soit plus qu'une étoile,
elles /e reconnaissent, au sein de l'immensité
obscure et glacée au fond de laquelle clle.'^ sont
égarées, elles subissent sa lointaine influence, ces-
sent de s'éloigner, se retournent vers lui, et re-
viennent avec une vitesse croissante se précipiter
dans les splendeurs des régions ensoleillées, splen-
deurs qu'elles n'atteignent dans ce voyage de retour
qu'après avoir volé sans arrêt ni trêve pendant
quarante et cinquante siècles!
Ajoutons que plusieurs planètes sont accompa-
gnées dans leur cours par des satellites tournant
autour d'elles comme elles tournent autour du soleil.
La Terre est accompagnée de la Lune, qui accom-
plit sa révolution en 27 jours; Mars a deux petites
lunes, Jupiter est accompagné de quatre gros satel-
lites, Saturne de huit, Uranus de quatre et Nep-
tune de un au moins. L'esprit qui veut concevoir
le système dn monde dans sa réalité doit donc avoir
devant lui : le Soleil, globe colossal, situé au cen-
tre, et tournant sur lui-même en 36 jours; — les
planètes, tournant dans le même sens que la ro-
tation du soleil et situées à peu près dans le prolon-
gement du plan de son équateur ; — les satellites,
tournant aussi dans le même sens autour de leurs
planètes respectives; — et les comètes, décrivant
des orbites non pas circulaires, mais très allongées,
lancées dans toutes les directions, et courant dans
tous les sens entre les orbites planétaires. Tout cet
ensemble, qui forme l'immense famille du Soleil,
est, en même temps que les révolutions précédentes
s'accomplissent, transporté tout d'une pièce par le
Soleil môme à travers l'espace, emporté vers la
constellation d'Hercule, régions étoilées au sein
desquelles nous arriverons dans un certain nombre
de siècles.
Les difi'érences de grandeurs et de poids des
globes principaux qui composent notre système
solaire s'apprécieront par le petit tableau suivant,
dans lequel la Terre est prise pour unité. Les
astres sont inscrits par ordre décroissant.
Le Soleil 108
Jupiter 11
Saturne
Neptune.
Uranus. . .
La Terre.
Vénus. . . .
Mars
Mercure . .
La Lune. .
•lies.
Volumes.
JI.isse3.
)S
1 279 206
324 479
1
1 390
309
9
864
92
4
8.S
i8
4
75
16
1
1
1
0.95
0.87
0,79
0,54
0,10
0,11
0,38
0,05
0,07
0.27
0,02
0,01
Ainsi, tandis que le diamètre du soleil est 108 foi»
plus grand que celui de la terre, le diamètre de la
lune n'est que les 27 centièmes du nôtre, ou un
peu plus du quart seulement ; tandis que le volume
du soleil est 1,279,206 fois plus gros que celui de
la terre, le volume de la lune n'équivaut qu'aux
2 centièmes du nôtre, ou au cinquantième; et
tandis que le soleil pèse ^24,479 fois plus que la
terre, le poids de la lune n'est presque, en nombre
rond, que le centième du nôtre (en tenant compte
des fractions, le 8i*). Cette appréciation sommaire
complétera la conception générale exacte qu'il im-
portait que nous eussions de la situation de la
Terre dans la famille du Soleil.
Plusieurs de ces mondes sont déjà assez bien
connus pour que nous puissions deviner l'état pro-
bable de la vie à leur surface. J'ai même pu des-
siner récemment la carte géograpliique de la
planète Mars.
Telle est l'esquisse vivante du système plané-
taire. Nous ne pouvons entrer ici dans aucun dé-
tail sur la constitution physique des astres, ni sur
l'hypothèse si intéressante de la Phirohté des
Mondes et de l'existence de la vie dans les diverses
régions de l'univrrs
Mais nous n'aurions encore qu'une idée incom-
plète de la scicdice astronomi(|ue si nnus nous
arrêtions ici dan,-, cet exposé général, car notre
.système planctainî ne remplit pas l'univers à lui
ASTRONOMIE
S^-i —
ASTRONOMIE
•seul, comme on se l'imaginait encore au temps de
Copernic ; il n'en est, au contraire, qu'une très-
modeste petite province.
Chaque étoile qui brille dans l'infini est un soleil,
aussi grand que celui qui nous éclaire, aussi im-
portant, aussi riche, et d'une nature analogue. Il j^
a mieux : notre soleil est l'une des étoiles les plus
petites que nous connaissions. Sirius, Canopus,
Yéga, Rigel, Capella sont incomparablement plus
magnifiques, plus lumineux que lui. Parmi ces
lointains soleils, les uns sont simples, comme
le nôtre, entourés simplement d'un sj stème plané-
taire analogue 5 celui dont notre globe fait partie;
les autres sont doubles, composés de deux soleils
-('•gaux ou différents, tournant périodiquement l'un
■autour de l'autre; d'autres encore sont triples,
<iuadruples, multiples ; plusieurs, au lieu d'être
blancs comme le nôtre, sont colorés de nuances
splendides ; on en voit qui sont d'un rouge sang,
d'autres d'un rouge écarlate, d'autres orangés, d'au-
tres violets, d'autres verts comme l'émeraude,
d'autres bleus comme le saphir, et, parmi ces
soleils de couleur, un grand nombre présentent
les plus admirables associations de contraste,
telles qu'un rubis marié à une émeraude, ou une
topaze unie à un saphir.
Mais n'anticipons pas sur ces merveilles de
l'astronomie sidérale, que nous allons aussi visiter
rapidement. Sachons d'abord que tout autour de
notre sjstème solaire, au delà de la frontière nep-
tunienne, règne un immense désert, jusqu'à,
8 000 fois la" distance de Neptune, c'est-à-dire
jusqu'à plus de 8 000 milliards de lieues. Dans
toute cette inconcevable étendue il n'y a pas un
seul soleil. Le plus rapproché de nous est l'étoile
alpha de la constellation du Centaure, et sa dis-
tance est de 8 318 milliards de lieues. C'est ce que
nous appelons, en astronomie sidérale, notre voi-
sine. C'est une belle étoile de première grandeur,
qui brille dans le voisinage du pôle austral.
Traçons par la pensée une sphère tout autour de
nous à cette distance : dans l'intérieur de cette
sphère, vers quelque direction que ce soit, il n'y a
pas un seul soleil.
Cette étoile « voisine » est située dans l'hémi-
•sphère austral. La plus proche après cette pre-
mière est une petite étoile de notre hémisphère
boréal, située dans une direction presque opposée
à la précédente : c'est la GT du Cygne. Sa distance
est de 14 948 milliards de lieues.
Les autres étoiles dont la distance a pu être
mesurée se trouvent à 30, 40. 50 milliers de
milliards de lieues d'ici. On le voit, les distances
qui séparent les étoiles les unes des autres se
■comptent non plus par millions de lieues, ni par
milliards, mais par milliers de milliards, c'est-à-
dire par triUions.
Voici les principales étoiles dont la distance a
pu être mesurée. La première colonne du petit
tableau suivant donne le nom de l'étoile, la se-
conde sa distance en rayons de l'orbite terrestre,
c'est-à-dire en unités de 37 millions de lieues, la
troisième la distance en millions de lieues.
on rayons en
<lc luilllons
rc.iliilc li-iiC-tic. Je lieues.
a du Centaure {Proxhna) ^l-l^ 700 8 318 900
61« du Cvgne 404 000 14 948 000
p du Centaure, 416 000 13 392 000
« du Grand-Chien {6'/n"«s) 1068 000 39 516000
a de la L\Te ( \V^a) 1146 000 42 402 000
i de la Grande-Ourse 1 550 000 58 934 200
a du Bouvier lArctwus) 1 624000 61 712 000
a de la Petite-Ourse (Polaire) . 2 714000 100 041 000
« du Cocher (Capella) 4 484 000 170 392 000
Le seul moyen qui nous soit donné de concevoir
l'immensité de ces distances, c'est d'essayer d'en
mesurer l'espace par le temps qu'un mobile em-
ploierait à le parcourir. Un train express marchant
sans s'arrêter, à raison de 15 lieues à l'heure, em-
ploierait 202 ans pour se rendre de la Terre au
Soleil. Pour atteindre l'étoile la plus rapprochée de
nous, il lui faudrait marcher, également sans
s'arrêter, pendant 875 millions d'années 1
Mais c'est là une vitesse trop lente. Supposons-
nous, par la pensée, à cheval sur un boulet de
canon lancé dans l'espace à raison de 400 mètres
par seconde, et parcourant ainsi une lieue en 10 se-
condes, 0 lieues par minute, 300 lieues à l'heure :
lualgré cette vitesse vertigineuse, il nous faudrait
voguer sans ralentissement pendant douze années
entières avant d'arriver au Soleil, et pour franchir
l'abîme qui nous sépare de l'étoile la plus proche,
il nous faudrait courir avec cette même vitesse de
400 mètres par seconde pendant plus de deux
miUions d'années!
C'est encore là un mode de locomotion beaucoup
trop lent pour une pareille mesure. Un boulet de
canon, c'est une tortue. Choisissons plutôt la vitesse
de la lumière. Elle franchit l'espace avec la rapidité
inimaginable de 75,00!i lieues par seconde, et n'em-
ploie que 8 minutes pour parcourir les 37 millions
de lieues qui nous séparent du Soleil. Eh bien !
pour venir de l'étoile alpha du Centaure, elle vole,
elle court, sans arrêt, sans détour, en ligne
droite, pendant des jours et des nuits, pendant
des semaines accumulées, pendant des mois en-
tiers, pendant des années mêmes : il ne lui faut pas
moins de trois ans et six mois pour nous venir de
là : trois années et demie à raison de 75,000 lieues
par chaque seconde ! ! Elle emploie presque deux
fois plus de temps pour venir de la Ùl' du Cygne,
14 ans pour venir de Sirius, 2! ans pour venir de
Véga. Le rayon lumineux envoyé par l'étoile polaire
ne nous arrive que 50 ans après son émission, et
celui qui vient de Capella marche pendant 72 ans
avant de nous parvenir. Mais ce ne sont encore là
que des astres voisins. Pour venir de certaines
étoiles brillantes, la lumière marche pendant plus
d'un siècle; elle vole pendant mille ans pour nous
apporter des « nouvelles » de certaines étoiles
moins proches de nous, pendant 10,000 ans pour
arriver d'autres régions de l'espace, pendant
cinquante ou cent mille ans, pour franchir l'inson-
dable abîme qui sépare notre système planétaire
des lointains systèmes sidéraux découverts par le
télescope.
Ces milliers d'étoiles qui brillent au ciel pendant
les nuits liiupides ne sont pas, comme on l'a cru
pendant si longtemps, à la même distance de nous
et ne forment pas une sorte de dôme ou de sphère :
elles sont situées les unes derrière h's .lutrcs à
toutes les distances imaginables et inimaginables.
L'éloignement diminuant la lumière, elles parais-
sent d'autant plus petites qu'elles sont plus éloi-
gnées, et on peut estimer qu'en général les plus
brillantes sont les plus proches. Mais ce n'est pas
là non plus une règle générale, car il y a des
étoiles de première grandeur qui sont beaucoup
plus éloignées de nous que des étoiles de "■;', 3*, 4",
o". G" grandeur, et même que des étoiles invisibles
à l'œil nu. Ainsi, par exemple, la belle étoile Rigel,
de première grandeur, qui scintille avec tant
d'éclat au pied d'Orion, n'a aucune parallaxe sen-
sible, et se trouve beaucoup plus éloignée de nous
que l'étoile 21,185 du Catalogue de Lalande, qui
est invisible à l'œil nu, et néainuoins vient immé-
diatement après la Gl"-' du Cygne, dans l'ordre des
distances, à 15 trillions de lieues d'ici seulement.
Dès les temps anciens, les astronomes ont par-
tagé les étoiles par ordre d'éclat, lis ont formé une
première grandeur d'éclat (cette dénomination n'a
aucun rapport avec la grandeur réelle ou le volume)
des étoiles les plus brillantes. Celles qui viennent
après ont été nonnuécs de secoixde grand<!ur.
Ensuite la 3« grandeur, la 4= et ia 5". Les plus
ASTRONOMIE
— 225 —
ATMOSPHÈRE
petites étoiles visibles a l'œil nu ont formé la
C* grandeur. On a compté :
18 étoiles de la 1" grandeur.
59 — i' —
181 _ 30 —
u4i _ 4= —
1620 — o» —
3S00 _ 6» —
6220
Les vues ordinaires ne distinguent pas toutes
celles de la 6* grandeur, et, dans le ciel entier,
n'en voient guère que cinq mille. Les vues excep-
tionnelles, au contraire, distinguent plus de quatre
mille étoiles de la 6* grandeur, et, dans le ciel
entier, en voient près de sept mille. Mais le nom-
bre augmente vite aussitôt qu'on emploie des ins-
truments optiques même de faible puissance. Une
simple jumelle de théâtre montre les étoiles de la
7* grandeur, qui sont au nombre de douze mille.
Une longue-vue terrestre montre celles de la
8* grandeur, qui sont au nombre de trente-six
mille. Ainsi s'accroît le nombre des étoiles à me-
sure qu'on pénètre plus loin au delà de la sphère
de la vision naturelle. Une petite lunette astrono-
mique fait découvrir les étoiles de la 9' grandeur,
dont le nombre surpasse cent mille. Et ainsi de
suite. Une lunette ou un télescope de moyenne
puissance montre les étoiles de la 10' grandeur,
qui sont au nombre de près de quatre cent mille. La
progression continue. On peut estimer à un million
le nombre d'étoiles de la 11* grandeur, et à trois
millions celui des astres de 12* grandeur. D'après
les jauges astronomiques faites à travers lespace,
le nombre des étoiles de la 13* grandeur ne s'é-
lève pas à moins de dix millions, et celui des
étoiles de la 14* grandeur à moins de trente mil-
lions. Si nous additionnons tous ces chitîres, nous
trouvons, pour le total des étoiles jusqu'à la
14' grandeur inclusivement, le nombre déjà dif-
ficile à concevoir de quarante-cinq millions.
Mais ce ne sont pas là toutes les étoiles. Déjà
même, les puissants télescopes construits en ces
dernières années ont pénétré les profondeurs de
l'immensité assez loin pour découvrir les étoiles
de la lô' grandeur, dont le nombre ne peut être
inférieur à 100 millions. Les chiffres deviennent si
énormes qu'ils nous écrasent de leur poids sans
rien nous apprendre. Qu'est-ce que cent millions,
qu'est-ce que mille millions d'ailleurs devant l'in-
fini? Un grain de sable dans la mer. Mais con-
tinuons.
L'œil géant du télescope a découvert encore des
agglomérations d'étoiles qui, vues à l'aide de faibles
pouvoirs optiques, semblent de simples taches lai-
teuses au fond du ciel, mais se résolvent dans les
puissants instruments en une multitude de points
brillants dont chacun est un soleil. Ce sont là des
univers lointains composés de milliers de soleils et
•de systèmes Quelle est l'immensité de leur éten-
due? Quelle est l'effrayante distance qui nous en
sépare? Ni le télescope ni le calcul ne peuvent
encore répondre.
La voie lactée qu'on admire à l'œil nu pendant
les nuits transparentes est elle-même formée
d'étoiles serrées les unes contre les autres en
apparence, mais en réalité très éloignées entre
elles, car autrement leur attraction mutuelle les
aurait réunies depuis longtemps en une seule
masse: l'équilibre des corps célestes n'est possible
que par de grands intervalles et par des mouve-
ments curvilignes relativement lents. On a compté
dix-huit millions de soleils dans la voie lactée. Cette
inconcevable agglomération doit s'étendre en pro-
fondeur dans les directions précisément dessinées
par cette lueur sidérale, la blancheur provenant du
nombre des étoiles vues, ou seulement entrevues,
les unes derrière les autres. Comme cette zone
2* Partie.
enveloppe entièrement la Terre et dessine presque
un grand cercle de la sphère céleste, notre soleil
se trouve vers le centre, et est lui-même une des
étoiles de la Voie lactée. Les amas d'étoiles que
nous découvrons dans la profondeur des cieux sont
des voies lactées extérieures, pour ainsi dire.
Il y a des nébuleuses qui ne se résolvent pas en
étoiles, quel que soit le pouvoir optique employé à
les examiner, et qui, étudiées d'ailleurs par les
procédés de l'analyse spectrale, se montrent for-
mées de gaz. Ce sont sans doute là des univers en
voie de création.
Là s'arrêtent les dernières découvertes de l'in-
vestigation humaine. Ces nébuleuses, ces lointains
univers différents du nôtre, gisent à de tels éloi-
gnements de nous, que leur lumière ne peut se
transmettre jusqu'à nous en moins de plusieurs
millions d'années ! 11 est probable, pour ne pas dire
certain, que plusieurs des nébuleuses gazeuses que
nous analysons actuellement au télescope et dans
lesquelles' nous croyons reconnaître les indices de
systèmes de mondes en formation, ne sont plus de-
puis longtemps dans cet état primitif, et sont deve-
nues actuellement des mondes tout formés ; mais ne
recevant leur lumière qu'avec un pareil retard,
nous les voyons non ce qu'elles sont, mais ce qu'elles
étaient à la date reculée où sont partis les rayons
lumineux qui nous en arrivent seulement aujour-
d'hui. De même, il est probable, pour ne pas dire
certain, que telles et telles étoiles que nous obser-
vons en ce moment et dont nous prenons tant de
peine à déterminer la nature, n'existent plus depuis
des siècles et des siècles. Nous ne voyons pas
l'univers tel qu'il est, mais tel qu'il a été, et non
pas même tel qu'il a été à un certain moment
simultané pour toutes ses parties, mais tel qu'il a
été à différentes dates, puisque la lumière de telle
étoile nous arrive après .3 ans. celle de telle autre
après G ans, celle-ci après lU ans, celle-là après
50 ans. cette autre après 100 ans, cette autre après
1,0110 ans. et ainsi de suite... Sur la Terre même
nous sommes dans l'infini et dans l'éternité.
Tel est, en un résumé très succinct, le panorama
d'ensemble de l'astronomie sidérale.
De telles contemplations nagrandissent-elles pas
l'esprit? Xe devraient-elles pas former la base de
toute instruction qui a l'ambition d'être sérieuse?
N'est il pas surprenant de voir l'immense majorité
des humains vivre et mourir sans se douter de ces
vérités sublimes?
Tout esprit sérieux reconnaîtra l'importance
d'une science qui a de tels horizons à nous ouvrir
et conviendra qu'il nous est indispensable à tous
d'en avoir au moins une idée élémentaire, ne fût-ce
que pour nous représenter la place de notre globe
dans l'univers et notre propre place au sein de la
création, infinie comme son Auteur.
[Camille Flammarion.]
AT.noSPHÈRE. —Physique. IX et XXI.;— Chi-
mie, I. — [Étijm. : du grec; littéralement, sphère de
vapeur). C'est le nom donné, d'une manière géné-
rale, à la couche gazeuse qui enveloppe un certain
nombre de corps célestes et plus particulièrement
à l'air qui entoure la terre.
Nous avons exposé au mot air' les propriétés
essentielles et la composition de l'air atmosphéri-
que. Nous n'avons à parler ici que de l'atmosphère
considérée comme l'enveloppe du globe terrestre.
I. Son étendue. — La hauteur de l'atmosphère
n'est pas exactement connue. Si l'air gardait à toute
dist-ance de la terre la même densité, son épaisseur
serait d environ S kilomètres. On sait, en effet,
que la pression atmosphérique fait équilibre à
une hauteur d'eau de 10"" ,33 (V. Baromèire);
et comme l'air est à peu près 770 fois plus lége-
que l'eau, la hauteur de la colonne d air équivar
lente devrait être 770 fois 10™, 33 ou 71)ô4 mètres-
Mais la densité de l'air diminue à mesure qu'on
1£
ATMOSPHERE
226 —
ATMOSPHÈRE
s'élève ; elle est plus faible sur les montaicnos
que dans les vallées, beaucoup plus faible encore
aux grandes hauteurs où l'on s'est élevé dans les
ascensions aérostatiques. L'épaisseur de l'atmo-
sphère est donc plus grande que ne l'indique le
calcul précédent. On pourrait la déti^rminor si l'on
connaissait exactement la loi du décroissement de
la densité de l'air avec la hauteur ; mais on n'a
sur cette loi que des données qui manquent de
certitude. On comprend d'ailleurs que la densité
de l'air change non seulement avec la hauteur,
mais ausssi avec l'abaissement de la température et
qu'il soit difficile de bien fixer la part de chacune
de ces deux causes. Si l'on admet que la densité
de l'air décroit progressivement, on est conduit à
supposer une hauteur illimitée à l'atmosphère.
Mais le mouvement de rotation de la terre détruit
cette hypothèse et force au contraire à conclure
que la couclie d'air qui tourne avec la terre en
24 heures est nécessairement limitée. La considé-
ration de l'attraction du globe dune part et de la
force centrifuge que le mouvement fait naître d'au-
tre part, a fait fixer, comme limite théorique extrême,
à l'atmosphère une épaisseur de 6 rayons terres-
tres. Les savants s'accordent à lui attribuer une
épaisseur réelle bien moindre ; elle ne dépasserait
pas 50 à 60 kilomètres, cest-à-dire douze à quinze
lieues selon les uns ; et elle serait de 180 kilomètres
ou 45 lieues, suivant ceux qui attribuent l'illumi-
nation des étoiles filantes, au choc de ces mé-
téores déviés de leur orbite contre les couches
atmosphériques. A cette distance du sol, l'air se-
rait plus rare que le vide le plus parfait qu'on
puisse obtenir dans les machines pneumatiques.
D'ailleurs, la hauteur de la couche atmosphéri-
que n'est pas partout la même. Elle est vraisem-
blablement plus grande à l'équateur qu'au pôle,
parce que l'air y est moins dense et que la force
centrifuge y produit un renflement plus marqué;
et la forme de l'enveloppe de notre globe est celle
d'un sphéroïde plus aplati encore que ne l'est la
terre.
n. Son action sur la lumière. — Le soleil est
pour nous la source de la lumière ; ses rayons,
après avoir franchi des millions de lieues, traver-
sent l'atmosphère pour arriver à la surface de la
terre. C'est une bien mince enveloppe dans leur
long trajet; et cependant elle a sur eux une in-
fluence profonde ; elle les modifie dans leurs ca-
ractères, leur composition et leur marche ; et c'est
dans cette action que nous pouvons trouver la
cause des apparences multiples que prennent sous
nos yeux la plupart des grands phénomènes lumi-
neux.
L'air est de tous les corps le plus transparent ;
il laisse voir les objets aune très grande distance,
surtout quand la pluie l'a purifié ; mais de même
que le verre et tous les autres corps qui laissent
passer la lumière (V. Lumière),\\ retient une par-
tie des raj'ons qui le traversent. Il résulte de là
que les astres apparaissent plus lumineux au zé-
nith qu'à l'horizon, où leurs rayons ont une couche
plus épaisse à traverser.
L'air réfléchit la lumière, puisque nous voyons
la clarté des astres autour des rayons directs qu'ils
nous envoient ; sans cela, le soleil nous apparaîtrait
comme un disque incandescent, les étoiles comme
des points brillants fixés sur un fond noir ; tandis
que la lumière solaire dift'usée par l'atmosphère
est assez forte pour rendre les étoiles invisibles le
jour. La lumière réfléchie est bleue, c'est elle qui
produit la couleur azurée du ciel, très sensible
quand l'air est en grande masse et passant au noir
lorsque l'épaisseur de la couche d'air réfléchissante
diminue, comme on l'a constaté dans les ascen-
sions en ballons.
Si à la lumière blanche de soleil on enlève les
rayons bleus, ce qui reste présente une teinte
orangée : c'e«t la nuance de l'atmosphère, au lever
et au coucher du soleil, quand les rayons de l'astre
traversent l'air sous une grande épaisseur.
Les éléments de l'air n'interviennent pas tous de
la même manière dans les phénomènes lumineux;
la vapeur d'oau paraît y avoir une action piépon-
dérantc: elle y existe en effet toujours, non-seule-
ment à l'état de gaz invisible comme l'air lui-même,
mais aussi sous forme de petites vésicules dont
l'ensemble constitue les brouillards et les nuages
et qui deviennent le siège de nombreuses ré-
flexions et la cause de teintes brillantes et variées.
■De plus l'atmosphère est toujours remplie de fines
poussières qui se comportent comme les vésicules
de vapeur condensée ; on les voit illuminer le tra-
jet du rayon lumineux qui pénètre dans une
chambre obscure. Dans l'air, elles agissent comme
autant de réflecteurs microscopiques qui renvoyent
dans toutes les directions les rayons qui les frap-
pent.
Ainsi, l'apparence de l'atmosphère est modifiée
à chaque instant par des causes multiples et
changeantes ; elle est comme un voile éclairé
diffusant la lumière et modifiant ses teintes sui-
vant la nature des corps qui l'ont transmise.
L'atmosphère effectue une véritable décomposi-
tion des rayons lumineux, réfléchit les bleus, je
laisse traverser par le rouge-orangé, absorbe
dans ses couches inférieures les rayons chimiques
et les rayons calorifiques visibles et invisibles qui
y maintiennent une température supérieure à celle
des espaces interplanétaires et favorable à l'exis-
tence et au développement des êtres organisés.
L'action réfléchissante de l'air produit encore
d'autres efi'ets : elle nous éclaire avant le lever du
soleil et après son coucher. Sans elle, le jour suc-
céderait brusquement à la nuit, il n'y aurait ni
aurore, ni crépuscule. Ces derniers phénomènes
sont si bien dus à la diffusion atmosphérique que
toutes les causes qui troublent la transparence
de l'air les favorisent. Ainsi dans les régions po-
laires où l'air contient en suspension de petits
cristaux do neige et de glace, le crépuscule éclaire
d'un demi-jour les longues nuits, et entre les tro-
piques, au contraire, où l'air est pur, le crépuscule
est si court qu'on est surpris par la chute subite
du jour.
L'aurore et le crépuscule ont une autre cause
difi"érentc de la diffusion par l'atmosphère, c'est la
réfraction *, qui dévie les rayons lumineux à leur
entrée dans un milieu plus dense que celui d'où ils
^iennent. La réfraction nous fait jouir plus long-
temps de la présence des astres ; elle les rend
visibles avant qu'ils ne soient à l'horizon et encore
après qu'ils l'ont dépassé à leur coucher. Elle change
les distances apparentes des étoiles et par suite la
forme des constellations ; c'est elle" qui fait paraître
aplatis le soleil et la lune à leur lever ou à leur
coucher.
Il est d'autres effets du même genre, où elle ne
joue aucun rôle, mais qui sont dûs â la présence de
l'atmosphère et qui ne sont pour nous, à propre-
ment parler, que des illusions. Ainsi la lune ou
le soleil paraissent bien plus gros près de l'horizon
qu'au zénith et cependant ih ont le même diamè-
tre dans les deux positions, comme on peut d'ail-
leurs s'en assurer par des mesures directes. Il en
est de même des étoiles, leurs distances paraissent
plus considérables et les constellations plus éten-
dues quand elles sont moins élevées; la grande
ourse en particulier paraît bien plus grande l'hiver
où elle est très bas dans l'espace que l'été où elle
approche du zénith.
On donne deux raisons de ces apparences. La
première, c'est que nous jugeons de la grandeur des
objets par leur diamètre apparent et par la dis-
tance à laquelle nous les supposons, celle-ci esti-
mée par les corps qui se trouvent sur la même di-
ATiMOSPHÈRE
— 227 —
ATMOSPHERE
rection. Or rien ne se trouve interposé entre l'œil
et l'astre quand celui-ci est au zénith : tandis qu'à
l'horizon, mille objets, maisons, arbres, monta-
gnes, etc , font valoir la distance et font juger ins-
tinctivement plus grand.
La seconde, c'est la forme de rideau surbaissé
que prend pour nous l'atmosphère, et où les astres
paraissent se peindre et se mouvoir, d'autant plus
grands qu'ils semblent plus éloignés. Nous ne pou-
vons pas distinguer toutes les couches de l'atmos-
phère ; mais les rayons de l'horizon qu'elle nous
envoie, venant d'une plus grande profondeur que
ceux du zénith, nous devons juger ce que nous ap-
pelons la voûte céleste plus étendue vers ses bords ;
sa forme apparente est un effet de perspective que
tous les observateurs ne jugent pas de la même
manière, mais qui entraîne pour chacun une
fausse interprétation des formes et des distances.
III. Son action sur les agents jj/iijxirjurs. — L'at-
mosphère est le siège de nombreux et importants
phénomènes physiques qui ont pour causes pre-
mières la chaleur, la vapeur d'eau et l'électricité.
On les nomme plus particulièrement météores et
leur étude constitue la météorologie fV. ce mot).
La production constante de fluide électrique, sa
présence continue dans l'air, ses puissants effets
sous forme de brillants éclairs, sont traités aux
articles Foudre, Orages et Paratonnerre. Toutes
les manifestations de la vapeur d'eau sous forme
de nnages*, de pluie', de neige*, sont exposées à
ces divers mots. La distribution de la chaleur, son
absorption par l'atmosphère, sa répartition à la
surface du globe suivant les latitude s et suivant
les heures du jour trouvent leur place aux articles
Rationnement et Température. Les actions combi-
nées de ces différentes causes, la corrélation de
leurs effets, les phénomènes journaliers qui en
ré?ultent, les mouvenients incessants des couches
d'air qui, sous le nom de vent<t, en sont les consé-
quences, sont étudiés dans les articles spéciaux
qu'indique le programme du cours de météoro-
logie (V. Météorologie'^, et en particulier aux
mots Courants, Vents, Tempêtes, Baromètre, Cli-
mats,
IV. L'atmosphère et ses agents chimiqws. —
L'analyse de l'air a démontré la présence constante
de l'oxygène et de l'azote '^V. .•!«>); mais ces deux
corps ne constituent pas seuls toute la masse at-
mosphérique, et on peut supposer à priori, comme
l'avait fait Lavoisier, que l'atmosphère doit être le
mélange de toutes les substances susceptibles de
rester gazeuses ou de se dissoudre dans les gaz
déjà existants. On y constate en effet un assez grand
nombre de corps: les uns ne font jamais défaut,
comme l'acide carbonique et la vapeur d'eau; les
autres, comme les poussières organiques, sont des
éléments accidentels qui éprouvent de grandes va-
riations dans leur proportion et même dans leur
origine .
Acide carbonique. — Les sources de ce gaz sont
nombreuses et puissantes ; les combustions, les
décompositions organiques de toutes sortes, la res-
piration des animaux, et celle des plantes dans
l'obscurité, les émanations des volcans et de cer-
taines sources en jettent constamment dans l'at-
mosphère de très grandes quantités. Mais la pro-
portion n'en augmente pas sensiblement. C'est que
l'eau, la rosée, les pluies d'orage en dissolvent une
partie qu'elles enlèvent à l'atmosphère: l'eau des
mers en prend à son tour une grande portion qui
se minéralisé en formant les coquilles ou les édi-
fices calcaires de ces myriades de polypiers, si
nombreux qu'ils élèvent des récifs en îles comme
des portions de continents. Les végétaux qui, la
nuit, jettent, comme les animaux, de l'acide carbo-
nique dans l'air où ils respirent, ont la propriété
de s'emparer de cet acide le jour, de le décomposer
sous l'influence de la lumière ; et en s'assimilant le
carbone comme leur principal aliment, ils resti
tuent l'oxygène. Toutes ces causes expliquent
suffisamment que la proportion de gaz carbonique
n'augmente pas dans l'air, et elles peuvent rassurer
pleinement ceux qui,comparant l'attiiosplière à une
enceinte confinée, craindraient qu'à une époque
ultérieure l'air n'y devînt irrespirable, comme le
devient celui d'une chambre close longtemps habi-
tée,.
Élémeyits accidentels. — Les gaz que l'on trouve
accidentellement dans l'atmosphère sont nombreux
et variés. Autour des volcans, l'acide sulfureux et
l'acide chlorhydrique ; près des marais, l'hydro-
gène sulfuré et le proto-carbure d'hydrogène; dans
les houillières,le pernicieux grisou, dont l'inflam-
mation a déjà causé tant de désastres ; un peu
partout l'ammoniaque, qui joue pour les plantes le
rôle d'un puissant engrais et dont la formation
dans l'air est attribuée à l'électricité ; aux abords
des grandes usines industrielles, des vapeurs, des
poussières métalliques ou des corpuscules orga-
niques qui contribuent à vicier l'air.
Mais une cause d'altération plus générale, plus
pernicieuse, et contre laquelle on ne peut pas fa-
cilement se garantir, c'est cette production im-
mense de miasmes (V. Ferments), qui a lieu
partout où des matières organiques animales ou
végétales s'altèrent, se putréfient sous la double
influence de la chaleur et de l'humidité.
C'est surtout dans les régions tropicales qu'elle
agit sur la plus grande échelle, là où les débris
d'une puissante végétation se trouvent continuel-
lement dans des conditions d'humidité et de cha-
leur favorables à leurs transformations D'après
les travaux de M. Pasteur, il est difficile de trouver
un litre d'air qui ne contienne pas des milliers
de ces microscopiques parcelles de matières orga-
niques qu'on a appelées des microbes, des germes,
des ferments, et qui paraissent être la cause directe
d'un grand nombre de phénomènes jusqu'alors
inexpliqués.
C'est ainsi que, d'après ce savant, les fermenta-
tions de toutes sortes, les altérations ou transfor-
mations des vins, et peut-être un grand nombre
de maladies des hommes ou des animaux sont dues
aux actions énergiques qu'exercent ces infiniment
petits sur les milieux où ils se trouvent. Quand on
refléchit qu'ils sont répandus à profusion partout,
on e.st moins étonné que la vie de l'homme soit
précaire dans le voisinage des endroits où ils pren-
nent spécialement naissance, près des marécages
où leur action pernicieuse s'ajoute à celle des gaz
délétères pour produire ces fièvres bien connues des
pays marécageux dont on prend le germe dans l'air
malsain qu'on respire.
Ozo7ie de l'air. — En 1840, M. Schœnbein a dé-
couvert que quand de l'air est électrisé par un
très grand nombre d'étincelles électriques, il se
forme un corps dont la présence se révèle par
cette odeur connue qui se répand autour des ma-
chines électriques fonctionnant bien. 11 a appelé ce
corps ozone, ce qui veut dire « odorant». L'ozone a
été l'objet de nombreuses études de la part de plu-
sieurs savants d'un grand mérite ; on le considère
comme un état particulier de l'oxygène, mais on
n'est pas encore parfaitement fixé sur sa nature.
On a pu l'obtenir autrement que par l'électrisa-
tion de l'oxygène de l'air.
Ainsi, il se développe de l'ozone quand on fait
passer un courant d'air très lent sur des bâtons de
phosphoro humidr>.
Lorsqu'on expose au soleil un flacon rempli en
partie seulement d'essence de térébenthine et qu'on
agite ensuite le flacon, il se produit del'ozone daDS
l'air qui est au-dessus du liquide.
La propriété saillante de l'ozone, outre son odeur
particulière et forte, c'est une activité chimique bien
plus grande que celle de l'oxygène. Ainsi il trans-
ATTRACTION
— 228 —
ATTRACTION
forme le phosphore on acide phosphorique ; on
présence d'une base énergique, il forme de l'acide
azotique avec l'azote ; il transforme l'animoniaquc
en azotate, détruit rapidement le caoutchouc, dé-
colore l'indigo et le tournesol.
Il dégage l'iode do ses combinaisons et peut par
suite lui faire bleuir l'empois d'amidon (V. Fd-
ciile).
M. Schœnbein s'est appuyé sur cette réaction
pour préparer un papier ozonométrique que tout le
monde peut faire et peut employer à la constatation
de l'ozone dans l'atmosphère. Ce papier s'obtient en
plongeant des feuilles de papier à lettre dans une
dissolution faite à chaud de 100 grammes d'eau
distillée , 1 gramme d'iodure de potassium et
10 grammes d'amidon; on laisse sécher ces feuilles
et on les découpe en bandelettes pour l'usage.
Une de ces bandes, placée à l'air, bleuit avec d'au-
tant plus d'intensité que la quantité d'ozone est
plus considérable ; et si on la compare à une feuille
peinte de diverses nuances allant du blanc au bleu
et formant une échelle comparative, on peut noter
d'un chiffre l'état de l'atmosphère au point de vue
de l'ozone qui s'y révèle au moment de l'expé-
rience.
Ces recherches font aujourd'hui partie des ob-
servations météorologiques, c'est à ce titre que
nous les avons décrites.
Nous ne pouvons nous étendre davantage sur ce
singulier corps dont l'étude est loin d'être complète;
tout ce que nous ajouterons, c'est que dans certai-
nes circonstances il prend naissance dans l'air
atmosphérique, qu'il y existe très irrégulièrement
disséminé, mais toujours en petite quantité.
Peut-être jouc-t-il un rôle très important dans
l'action physiologique de l'air où il agii>ait comme
destructeur des miasmes et des gaz méphitiques
qui existent en tous pays et plus particulièrement
en temps d'épidémie ? C'est ce qu'ont pensé des
savants de la plus grande compétence, mais sans
que jusquici l'expérience ait pu éclairer complète-
ment cette question à laquelle l'hygiène publique
est si intéressée. [Haraucourt.J
ATTRACTION. — Physique, III ; Cosmogra-
phie, XII. — [Étym.: du latin attrahere, attirer.) On
donne le nom général d'attraction à la cause en
vertu de laquelle les corps tondent à se porter les
uns vers les autres, les molécules de la matière à
s'attirer mutuellement. Cette cause, on n'en con-
naît pas la nature, mais ses effets sont manifestes
sur tous les corps : sur les astres qui se meuvent
comme attirés les uns parles autre»; sur tous les
objets qu'on abandonne à eux-mêmes et qui
tombent vers la surface de la terre ; sur les plus
petites particules dos corps solides, si fortement
soudées qu'il faut un effort pour les séparer ; sur
les atomes invisibles des gaz qui se précipitent
les uns sur les autres dans leurs combinaisons et
dont le choc est souvent assez puissant pour en-
gendrer et de la chaleur et de la lumière. L'at-
traction est donc une propriété générale de la
matière existant dans les corps on mouvement
comme dans les corps en repos.
Quand on la considère s'exerçant entre les
corps célestes, on lui donne le nom de gravita-
tion. Elle prend celui de pesanteur dans le cas où
elle a lieu entre la terre et les corps voisins de sa
surface. On l'appelle a^^rac//o7î tnolécii/aire quand
elle agit entre les plus petites particules des corps
simples ou composés,
L idée dune action attractive de la matière pour
la matière remonte à une époque très reculée. On
la trouve dans les doctrines de quelques philosophes
grecs, Démocrite et Épicure, mais sous la forme
vague d'une action indéterminée retenant toutes les
parties les unes aux autres dans les corps sphé-
riques en mouvement. Il faut venir jusqu'au xviie
siècle, à «vépler, pour trouver la notion de l'attrac-
tion réciproque entre le soleil, la terre et les pla-
nètes; encore n'était-ce qu'une conjecture- que ce
savant « contemplateur » déduisait des lois simples
qu'il venait de formuler sur les mouvements des
planètes, (^est à Newton que revient l'honneur
d'avoir trouvé et défini la cause dont Képlin- avait
si bien su comprendre les effets, d'avoir formulé
le principe de l'attraction universelle comme une
vérité scientifique, après en avoir donné une véri-
table démonstration ; et l'œuvre de ce puissant
génie est considérée comme l'une des plus belles
que l'esprit humain ait jamais produites.
Newton a formulé la loi do l'attraction de la ma-
nière suivante : les corps s'aitirent en raison di-
recte de leurs 7nasses et en r>iison inverse des
carrés des dist/inccs qui les séparent. Cette loi
s'applique aux mouvements des astres s'attirant
les uns les autres et gravitant tous autour du
soleil leur centre commun ; elle permet de prévoir
les perturbations provenant de leurs actions mu-
tuelles et de prédire longtemps à l'avance lenrs
positions respectives.
Elle s'apphque également à toutes les actions de
la pesanteur qui n'en sont que des cas particu-
liers (V. Pesanteur}. Elle rend admirablement
compte des variations de la force attractive de la
terre mesurée à la surface de l'équatour au pôle,
et dont les différences sont dues à l'aplutissement
de notre globe. Elle explique la déviation, observée
par Bouguer et Maskeline, que le fil h plomb subit
au voisinage des grandes montagnes ; en un mot,
elle permet de conclure que la chute des corps
est une des formes sous lesquelles se manifeste
à nous l'attraction universelle. Elle a d'ailleurs été
vérifiée à l'aide d'une expérience directe, par
Cavendish et plusieurs autres expérimentateurs
qui ont montré qu'à la surface de la terre les
corps voisins se portent en effet les uns vers les
autres quand on atténue suflisamment les résis-
tances (jui s'opposent à leurs mouvements.
Vattraction moléculaire s'exerçant entre les
plus petites particul(;s de la matière dont la réunion
constitue les corps, prend le nom de cohésion
quand elle unit des atomes simples ou complexes
mais semblables, et celui d'affinité quand elle fixe
les uns aux autres des atomes dissemblables. Toutes
les réactions chimiques mettent en jeu l'affinité,
c'est-à-dire l'attraction particulière de deux corps
simples qui vont former un corps composé. La
cohésion peut être mise en évidence entre les por-
tions d'un même solide dans quelques cas particu-
liers. Si l'on enlève une portion de deux balles de
plomb de manière à obtenir deux surfaces planes
bien nettes que l'on appuie fortement l'une contre
l'autre, les deux balles adhèrent avec tant de force
(ju'il faut quelquefois un effort de plusieurs kilo-
grammes pour les séparer. La cohésion des so-
lides pour les liquides n'est pas moins nette :
une goutte de liquide suspendue à une baguette
de verre ne s'en détache que lorsqu'elle est deve-
nue suffisamment pesante, et la séparation se fait
entre les molécules du liquide, puisque le verre
reste mouillé.
Expériences. — 1. Souder deux morceaux de
cire, ou d'argile humide, ou de caoutchouc par
leurs surfaces fraîchement coupées.
2. Poser deux glaces ou deux plans de marbre
bien dressés l'un sur l'autre et constater qu'il faut
un effort pour les séparer.
d. Suspendre à l'un des plateaux d'une balance,
une lame circulaire horizontale, lui faire équilibre ;
apporter au-dessous d'elle un vase d'eau qui la
mouille et constater qu'il faut dans l'autre pla-
teau des poids assez forts pour la séparer du
liquide.
■i. Vérifier qu'une goutte de mercure adhère
à une lame de verre, tandis qu'elle roule sur le
papier. En approcher deux pointes de verre oppo-
AUSTRALIE
— 229 —
AUSTRALIE
sces, la goutte reste suspendue entre elles et s'al-
longe, montrant ainsi que sa cohésion pour le
verre l'emporte sur sa tendance à prendre la
forme sphérique. [Haraucourt.]
.ArSTKALIE. — Géographie générale, VI. —
[Êtym.: terre australe, pays du sud). — 1. Notions
générales. — Le nom d'Australie s'applique, en
particulier, à la Nouvelle-Hollande, grande lie
située au sud de l'équateur, entre la mer des
Indes b. l'ouest, et le grand océan Pacifique, à
l'est; et en général à l'ensemble des îles ou terres
dont cette grande île est le centre.
Histoire de sa découverte. — C'est à juste titre
C(ue l'on avait donné le nom de Nouvelle-Hollande
\\ cette terre, entrevue par les Portugais au
XVI* siècle, mais dont la vraie découverte ne fut
faite qu'au siècle suivant par les Hollandais, déjà
maîtres de l'archipel de la Sonde, qui sépare au
nord l'Australie du continent asiatique.
Les côtes orientales seules étaient restées en
dehors de leurs explorations et furent visitées vers
la fin du wiii» siècle parle capitaine anglais, Cook.
Quelques années plus tard, le gouvernement bri-
tannique se mit ;\ y déporter les convicts, ou cri-
minels condamnés à la transportation. Ce fut là
l'origine des colonies anglaises qui couvrent au-
jourd'hui cette île assez grande peur être quel-
quefois appelée le 3= continent.
AtJTBES ILES DÉPENDANT DE l'AuSTRALIE. — La
Nouvelle-Hollande est séparée au nord de la Nou-
velle-Guinée par le détroit de Torrès, et au sud de
la Tasmanie par le détroit de Bass. Dans le sud-
ouest s'étend l'archipel de la Nouvelle-Zélande.
Toutes les terres que nous venons de nommer et
les îles nombreuses qui relient la Nouvelle-Zélande
à la Nouvelle-Guinée, îles qui portent le nom gé-
néral de Mélancsie, à '.^ause des nègres qui les
habitent, appartiennent à la partie de l'Océanie
qu'on nomme Australie. On y rattache même
quelquefois, à l'ouest de la Nouvelle-Guinée et au
nord de la ÎVouvelle-Hollande, les Moluquos et les
petites îles de la Sonde, sauf Bali qui touche Java,
parce que ces îles Malaises possèdent la même
flore et la même faune que l'Australie, tandis
qu'elles présentent sous ce rapport une différence
très marquée avec les grandes îles de la Sonde,
Bornéo, les Philippines et le continent asiatique,
qui, au point de vue de l'histoire naturelle, doivent
être réunis en un même groupe.
2. Géographie physique de la Nou\elle-Hol-
l£mde. — SitK/iti07i. — L'Australie proprement dite
est comprise entre 11° et '.)'.)" de latitude sud et 1 1 1 "
et 152" de longitude est de Paris.
Dimensio7is. — Elle est plus large de l'est à
l'ouest (iOOO kilomètres) que du nord au sud
(3000 kilomètres).
Superficie. — Elle a 7,COO,000 kilomètres carrés,
c'est-à-dire qu'elle couvrirait quatorze fois la France
ou les 3/4 de l'Europe.
Cotes, caps et golfes pnixciPArx. — Cote méri-
dioJiale. — L'Australie présente la forme d'un
croissant dont la concavité regarde au sud. Dans
sa partie occidentale, toute cette côte méridionale
de l'Australie est basse, sans abris pour les naviga-
teurs qui la désertent de même que les colons.
Entre 133° et 136' de longitude est de Paris, elle
forme deux golfes profonds voisins l'un de l'autre, le
golfe de Spencer à l'ouest, et le golfe Saint-Vincent
à l'est. Près de ce dernier débouche le fleuve
Murray. le seul important de toute l'Australie.
Côte orientale. — Du côté de l'océan Pacifique, la
côte est d'abord bordée de près par la chaîne des Alpes
australiennes. C'est la région la plus hospitalière
de toute la Nouvelle-Hollande, sous le rapport du
climat, et des nombreux ports qu'y trouvent les
navigateurs. C'est là qu'a été fondée la première
colonie anglaise. Au nord du tropique, au contraire,
la côte est bordée à peu de distance en mer par
une barrière de corail qui offre de dangereux ré-
cifs aux navigateurs.
Côte septentrionale. — Du côté du nord, on re-
marque la péninsule d'Yot^k, puis le golfe profond
de Cai^entarie, et enfin le territoire de l'Australie
septentrionale où vient aboutir le fil télégraphique
qui traverse du sud au nord toute l'Australie,
parce que c'est le point le plus rapproché des éta-
blissements anglais de l'Asie, où il rejoint les
câbles rattachés à l'Europe.
Orographie et hydrogr.^phie. — Alpes d'Austra-
lie. Versant oriental. — Une chaîne de montagnes,
peu distante do l'Océan, borde la côte sud-est de
la Nouvelle-Hollande. On les appelle Alpes d'Aus-
tralie et aussi Montagnes bleues. Elles ne versent
à l'est que des torrents rapides et de peu d'étendue.
Mais ils suffisent pour entretenir sur tout ce littoral
une végétation active qui devient de plus en plus
belle à mesure qu'on se rapproche de l'équateur.
Les Alpes d'Australie ne portent point de glaciers
comme nos Alpes d'Europe, elles ne sont poinî
aussi élevées (leurs sommets principaux ne dé-
passent point l'OOO mètres d'altitude). Aussi ne
sont-elles point de grands réservoirs d'humidité.
Versajit occidental. — Sur leur versant occi-
dental, beaucoup de rivières ne coulent point d'une
manière continue. Ce même versant est aussi ca-
ractérisé par la faiblesse de la pente, qui fait
qu'au moment des pluies les eaux, au lieu de
s'écouler vers l'océan, se répandent en vastes ma-
rais. Le Murray e.st le fleuve le plus considérable
de cette région. 11 reçoit du nord-est plusieurs
affluents venus des mêmes montagnes. Le plus
important par la longueur de son cours, et
l'abondance de ses eaux, le Darwin, est seul ca-
pable avec le Murray de porter des bateaux à va-
peur. Aussi la colonisation se porte-t-elle active-
ment sur leurs rives.
Bassin ceiitral. — Au nord-ouest du Darwin, les
eaux venues du Queensland, forment un autre
cours d'eau assez long, le Victoria, qui n'est pas
assez puissant pour gagner la mer du sud vers
laquelle sa pente est dirigée. Il finit dans un fond
marécageux situé au nord du golfe Spencer, où
l'on a longtemps figuré sur les cartes un vaste lac
allongé de plusieurs degrés du nord au sud. On y
distingue maintenant plusieurs lacs voisins dont
les lacs Eyre, Torrens et Gairdner sont les princi-
paux. Leur étendue varie suivant l'abondance des
pluies qu'ils reçoivent, et leurs bords sont couverts
des sels qu'y déposent leurs eaux.
Australie occidentale. — L'exploration de l'Aus-
tralie est trop peu avancée pour qu'on puisse fixer les
limites des versants entre lesquels elle se partage ;
les fleuves dont on connaît l'eniboucliure sont assez
peu considérables. Toute la partie occidentale du
continent est caractérisée par une sécheresse plus
grande encore que partout ailleurs. On y a trouvé
quelques montagnes d'un millier de mètres. L'alti-
tude moyenne du sol y est d'environ 500 ou
GOO mètres. Gomment des rivières, qui reçoivent
du ciel une si petite quantité d'eau, et qui ont à
par-courir lentement de si grandes distances avant
d'atteindre l'Océan, pourraient-elles être considé-
rables?
Climat. — Du noi-d nu sud, la zone méridionale
depuis l'Océan jusqu'au 37'' degré de latitude
semble apte à la colonisation. On ne peut cultiver
de céréales que jusque vers le 32>-" de latitude sud.
Au nord de cette ligne, le sol se recouvre, à la suite
des pluies, de pâturages qui nourrissent d'immenses
troupeaux. Vient ensuite une zone large de 10° en-
viron en latitude, où l'on ne rencontre plus de cours
d'eau permanents, et où le sol ne produit guère
qu'une herbe grossière, dite herbe à porc-épic.
L'absence d'humidité y est telle que des voyageurs
y ont retouvé la trace do leurs pas inaltérée au
bout d'une année. Enfin au nord on entre dans la
AUSTRALIE
— i30 —
AUSTRALIE
région des pluies tropicales, où, grâce à rimmidité
et à la clialcur du soleil, le sol se revêt d'une riclio
végétation.
3. Indigènes australiens. — Les naturels qu<'
rencontrèrent les premiers explorateurs européens
sont des nègres qui peuvent être placés à l'un des
derniers écliolons de l'espèce humaine. Couverts
de poils sur tout leur corps comme les animaux,
ils ne savaient ni construire des maisons, ni se fa-
briquer des armes autrement qu'en pierre, en bois
ou en os. Vivant de chasse et de pêche, ou des
racines qu'ils trouvaient, ils ne se donnaiei4 pas
la peine de cuire leurs aliments. On rencontre
toutefois des indigènes qui, s'ils appartiennent à
la même race que les premiers, sont toutefois
moins repoussants. Ils forment des espèces de
clans cantonnés sur certains terrains, respectant le
territoire de leurs voisins et observant une sorte
de morale. Ils sont susceptibles d'être initiés aux
travaux dos Européens et do se rendre utiles. Ils
apprennent et parlent facilement l'anglais. Mais
barbares ou civilisables, les indigènes australiens
sont appelés à disparaître entièrement comme
toutes les races inférieures le font devant la colo-
nisation anglo-saxonne. Leur nombre va toujouis
en diminuant. En Tasmanie, on n'en compte même
plus un seul.
4. Productions de l'Australie, — Animaux par-
ticuliers. — Les Européens virent à leur arrivée
en Nouvelle-Hollande des animaux particuliers
à ce continent ; des kangourous, mammifères re-
marquables par leur poche, des ornithorhynques,
sorte de grands mammifères à bec de canard, des
dingos ou chiens sauvages, de nombreuses espèces
de perroquets. Mais il ne s'y trouvait ni rumi-
rrants, ni pachydermes, ni quadrumanes.
Troupeaux. — C'est en 177G que l'on introduisit
dans la colonie cinq brebis et trois béliers mérinos
achetés au Cap, et d'où proviennent les immenses
troupeaux que possèdent aujourd'hui les éleveurs
austi'aliens. En 187.3, on ne comptait pas dans la
Nouvelle-Hollande et la Tasmanie réunies moins
de 51,000,000 de moutons fournissant à l'exporta-
tion 182, nOO, 000 de livres de laine valant
450.000,000 de francs. Les bœufs, les chevaux, les
porcs sont également d'origine étrangère. Leur
nombre va en s'accroissant très rapidement, et il
serait encore plus considérable si, dans les années
de sécheresse, où les pâturages font défaut, on
n'était obligé d'en tuer un grand nombre. Il y a en
Australie des squ'itters (on appelle ainsi les pro-
priétaires de troupeaux qui font parquer leurs
bestiaux sur des terres qui leur sont concédées)
dont les troupeaux s'élèvent à plusieurs centaines
de mille têtes. Les laines, le suif, les peaux sont
les principaux produits de cet élevage dont la
viande ne trouverait pas encore assez de consom-
mateurs sur place. Pour suppléer à ce désavantage
on expédie en Europe une assez grande quantité
de viandes conservées en boites. Rien de curieux
comme les immenses runs, parcs palissades où les
bestiaux sont abandonnés à eux-mêmes. Les ber-
gers à cheval surveillent la palissade ou rassemblent
les animaux au moment de la tonte. D'autres fois,
le troupeau est partagé par fractions dont chacune
est confiée à un berger qui chaque soir fait ren-
trer ses bêtes dans un parc analogue à ceux de nos
fermiers.
Agriculture. — Mais l'Australie n'est pas suscep-
tible de fournir seulement des terrains à pâtures.
Dans les terres les plus humides, les produits de
l'agriculture sont énormes en raison de la nature
presque vierge des terres ensemencées. Le froment
y rend 42 hectolitres par hectare, le double de ce
que donnent les meilleures terres de France. Aussi
les colonies australiennes possèdent une quantité
considérable de bétail par rapport à l'étendue
exploitée, l'our lOUO hectares, on compte 478 che-
vaux, près de .3000 têtes de gros bétail, et plus do
'tiio porcs. C'est 4 fois autant de chevaux, 8 fois
autant de^ gros bétail, 12 fois autant de porcï
que les États-Unis d'Amérique (Vivien de Saint-
Alartinj. Cette fertilité séduit naturellement les
colons toujours disposés à empiéter sur le domaine
des squatters pour le défricher. Ceux-ci de leur
côté tiennent à garder pour eux les terres où les
pâturages sont les plus abondants. C'est li l'ori-
gine de la lutte entre l'élément pastoral représenté
par les squatters et l'élément agricole représente
par les colons. Au reste dès que ceux-ci sortent
de la zone étroite du littoral, dont nous avons
parlé, la sécheresse devient telle que leurs frais
de semence et de culture ne sont pas couverts par
la maigre récolte qu'ils obtiennent. Le froment, le
maïs, l'avoine et l'orge forment les principales cé-
réales cultivées, au produit desquelles s'ajoute
maintenant une récolte de vins assez abondante.
Outre ces productions analogues à celles de nos
climats, on cultive maintenant dans l'Australie
septentrionale, la canne à sucre et le coton, h. l'aide
des coolies chinois.
Forêts. — Les forêts comprennent surtout des
arbres à gomme. On doit â l'Australie ïeucalyptus
dont l'introduction est si bienfaisante sous tous les
climats où la gelée ne le fait pas périr durant
l'hiver. Malgré sa croissance excessivement rapide,
il atteint des dimensions considérables (Il y en a en
Australie de 150 mètres de hauteur, et dans les
terres chaudes et fertiles de la Colombie, dans
l'Amérique méridionale, des eucalyptus plantés
depuis 3 ans atteignent déjà 15 mètres de hauteur)
et fournit un bois très dur excellent pour les con-
structions. Il donne une essence dont les proprié-
tés fébrifuges sont utilisées en médecine, et les
localités désolées par les fièvres sont elles-mêmes
purifiées et assainies très rapidement par des plan-
tations d'eucalyptus. Il rend sous ce rapport d'im-
menses services en Algérie, en Italie, dans le midi
de la France.
Mines. — Mais ce qui a fait surtout la réputa-
tion et la fortune de l'Australie, Jusqu'à ce jour,
c'est la richesse de ses mines d'or. Sous le rapport
géologique, la Nouvelle-Hollande oft're les mêmes
terrains que l'Europe ou l'Amérique, et doit ren-
fermer les mêmes métaux divers. Newcastle, dang
la Nouvelle-Galles, possède de riches mines de
houille, l'Australie méridionale renferme des gise-
ments de cuivre. Entre 1840 et 1850, on découvrit
dans les montagnes du sud des gisements aurifères
dont la richesse attira, dès que le bruit s'en fut
répandu, des bandes considérables d'immigrants
et d'aventuriers de toute espèce. Ce fut k\ la prin-
cipale cause d'accroissement rapide de la popu-
laiion. Bien que l'importance de cette exploita-
tion ait aujourd'hui diminué, l'exportation des
métaux précieux s'élève encore environ à 250 mil-
lions par an.
5. Géographie politique. — Les convicts. — Dans
le principe ce fut la présence des convicts qui per-
mit à la colonie anglaise de vivre et de se dévelop-
per. Plus tard la quantité des immigrants et l'ac-
croissement local de la population ont suffi pour la
faire prospérer.
l'ormation des colo7iies actuelles. — La Nouvelle-
Galles s'est morcelée à mesure que le développe-
ment du nombre des colons et l'exploration du
continent permettait de nouveaux établissements.
Aujourd'hui la Nouvelle-Hollande est divisée en cinq
colonies : la Xourelle-Galles et ]'ictoria, au S. E.;
le Queensland, kVE.; V Australie méridionale, au S.:
r.,4. occidentale,^ rO.L'Au.stralie septentrionale est
rattachée à l'Australie méridionale, dont le terri-
toire traverse ainsi du S. au N. toute l'étendue du
continent. La Tasuianie forme une sixième colonie.
Gouvernement. — Ces diverses colonies, à l'ex-
ception de l'Australie occidentale, ont obtenu do
AUSTRALIE
— 231
AUSTRALIE
l'Angleterre de se gouverner elles-mêmes. La mé-
tropole se borne à y envoyer un gouverneur qui y
joue le rôle de souverain constitutionnel. Il est
entouré de deux Chambres, représentant la Cham-
bre haute et la Chambre des communes du gou-
vernement de la Grande-Bretagne. La première est
nommée suivant des systèmes différents dans cha-
nuc colonie ; la deuxième tire son origine du suf-
frage universel.
Villes principales. — Melbourne, la métropole de
Victoria, la plus riche des colonies en mines d'or,
compte déjà plus 200,000 habitants, lit où il y a
cinquante ans ne s'élevait encore aucune maison.
Ballarat et Sandlairst, dans la même colonie, ont de
30 à 40,000 habitants attirés aussi par la richesse
des placers voisins.
Sydney, la métropole de la Nouvelle-Galles, qui
est la principale ville industrielle, a plus de 1 30,000
habitants.
La capitale de l'Australie méridionale, Adélaïde,
la ville des farines comme on l'appelle, à cause de
l'importance de ses exportations en céréales, en
renferme plus de 30,000. et Brisbane, la capitale
toute récente du Queensland, en a déjà à peu près
autant. Hobart-toim. la ville la plus importante de
la Tasmanie, située sur la côte méridionale, a une
vingtaine de mille àmcs.
Statistique. — Tcléqraphe transronfinrntrd. —
Les travaux publics ont atteint un grand développe-
ment, et un télégraphe relie depuis quelques années
Adélaïde à Port-Darwin, sur la côte septentrionale,
on face de l'île Melville. Traversant d'immenses
solitudes où ont misérablement péri de soif et de
faim plusieurs des explorateurs qui ont voulu en
pénétrer le mystère, le fil relie les stations, où les
employés nont pas seulement à se défendre contre
la tristesse, mais aussi contre les attaques des na-
turels. C'est de ces stations que des nouveaux explo-
rateurs partent souvent pour cliercher dans les dé-
serts de l'ouest quelque nouveau territoire propre
à la pâture ou à la colonisation.
Accroissement de la population. — Commerce.
— L'excédant des naissances sur les décès et l'im-
portance de l'immigration font accroître rapide-
ment la population de l'Australie. On compte au-
jourd'hui 600,000 habitants dans la Nouvelle-Galles ;
8'25, 000 dans Victoria ; 210.000 dans l'Australie mé-
ridionale; ! 80,000 dans le Queensland; 2.T.O0Û dans
l'Australie occidentale, et H 0,000 dans la Tasmanie,
et en outre on évalue à ôô,000 le nombre des indi-
gènes. Cette population est encore excessivement
faible relativement à la superficie de ces colonies.
Victoria renferme 4 habitants par kilomètre carré,
la Tasmanie 2 seulement, la Nouvelle-Galles 7 habi-
tants par 10 kilomètres carrés, le Queensland et
l'Australie occidentale 1 seulement, et l'Australie
méridionale avec l'Australie septentrionale 2 seule-
ment par 100 kilomètres carrés. Leur commerce
d'importation atteint un milliard de francs, et celui
d'exportation n'est guère moins considérab'e.
6. Nouvelle Zélande. — Historique de la décou-
verte. ^ — Le Hollandais Tasman est le premier
Européen qui vit, oM milieu du xviie siècle, la
Nouvelle-Zélande, mais il ne s'arrêta que peu de
temps sur ces côtes, où la baie du Massacre, au
nord de la grande île du milieu, rappelleencore,
par son nom, l'accueil que lui firent les indigènes.
Il devait s'écouler plus d'un siècle avant que le ca-
pitaine Cook abordât de nouveau dans ces parages,
dont il rapporta le premier une description pré-
cise.
Géograp/iie générale. — La Nouvelle-Zélande se
compose do trois îles, orientées du N. au S., la
méridionale beaucoup plus petite que ses voi-
sines.
Situation gcoffrap/dque. — En latitude, l'archi-
pel est compris entre 34" et 47" de latitude S. En
longitude, la pointe S. 0. de l'île du Milieu, at-
teint 164° à l'E. de Paris, et la pointe N. E. de l'île
septentrionale iTC.
Superficie. — Los trois îles réunies ont à peu
près la même étendue que la Grande-Bretagne.
Distance de l'Autralie. — Elles sont à tO i lieues
environ des côtes de l'Australie.
La Nouvelle-Zclande à l'arrivée des Européens. —
Quand le capitaine Cook parcourut ces rivages, il
y rencontra une race indigène d'une intelligence et
d'une beauté remarquables, mais d'une méfiance
excessive contre les étrangers, divisée au reste ea
plusieurs tribus rivales et pratiquant l'anthropo-
phagie. La nature du pays était séduisante. Partout
une riche végétation, un sol accidenté, de jolies
rivières, et au-dessus de tout cela des montagnes
gigantesques, surtout sur la côte occidentale de l'île
du Milieu, où le mont Cook dépasse 4.000 mètres
d'altitude. Pas de bêtes féroces, beaucoup d'oi-
seaux, des baies poissonneuses sur la côte, où les
naturels, adroits pêcheurs, formaient leurs filets
avec les fibres d'un textile nouveau pour les Euro-
péens, qu'on nomme maintenant le pthormiurn
tenax. ou lin de la Nouvelle-Zélande.
Lutte contre les naturels Maoris. — Malgré la
relation et les voyages de Cook, l'Angleterre ne
fonda point de colonie à la Nouvelle-Zélande. Ce
ne fut qu'en 1840 que des compagnies particu-
lières vinrent y implanter le drapeau de la Grande-
Bretagne. Les Maoris, c'est le nom des indigènes,
défendirent leur indépendance avec un courage,
une férocité qu'on vit rarement réunis à un si
haut degré. Si leur cannibalisme ne nous faisait
horreur, nous dirions en toute justice que c'était
une noble race. Quelques-uns ont accueilli les mis-
sionnaires chrétiens, et vivent en bonne intelli-
gence avec les Européens. Comme tant d'autres,
cette race est appelée à disparaître. Le nombre en
diminue tous les jours. Les Maoris ne sont plus
que 40 à 5'',0o0.
Développement de la colonisation européenne . —
Tout, au contraire, favorise le développement des
Européens sous cet heureux climat. La Nouvelle-
Zélande est un véritable archipel britannique trans
porté dans l'hémisphère austral. Si elle est plus
rapprochée de Icquateur que sa métrople , la
température y est modérée par l'élévation de ses
montagnes, les glaciers suspendus à leurs flancs,
et la masse d'eau de l Océan austral qui maintient
les climats plus froids que dans notre hémisphère.
Les anciens volcans ont répandu sur le soi des
produits d'origine ignée très fertilisan-ts. Les plan-
tes de l'Europe y poussent avec une vigueur sur-
prenante. Le sol y nourrit 15 ou 20 fois autant de
moutons sur le même espace que celui des districts
pastoraux de l'Australie. Les pluies sont abondan-
tes, la sécheresse jamais à craindre. Les montagnes
renferment des mines d'or dont la richesse va en
s'accroissant, tandis que celles de Victoria et de la
Nouvelle-Galles s'appauvrissent. La population de la
Nouvelle-Zélande est de 400,000 âmes. Elle possède
rj millions de moutons, ôOO,000 têtes de bétail,'
100,000 chevaux et encore plus de porcs.
Gomme en Australie, la vie industrielle ne com-
prend guère dans la Nouvelle-Zélande que des
mineurs. La majorité de la population est consacrée
à la vie pastorale ou agricole.
Gouvernement. — La Nouvelle-Zélande a obtenu
depuis 1852, la première de toutes les colonies
australiennes, la faveur de se gouverner elle-même.
C'est à, Wellington que siège le gouverneur nom-
mé par la couronne, entouré des deux Chambres
du Parlement. Chacune des deux grandes îles
est partagée en quatre provinces qui jouissent
d'un gouvernement local analogue à celui des
cantons suisses, ou des États de l'Union améri-
caine.
Villes principales. — Wellington, la ville gou-
vernementale, située dans l'île du N. sur le détroit
AUTRICHE
— 232 —
AUTRICHE
de Cook, qui la sépare de lile du Milieu, n'a que
10,000 habitants. Auckland, dans lile du N., sur
Un isthme étroit qui rattaclie à la masse de l'île
l'étroite péninsule la terminant au N., a l'OiOOO
habitants. Imnedin, sur la côte E. de l'île du
Milieu, en a 18,000. [G. Meissas.]
Exercices géographiques.
D'où vient le nom d'Australie ? — Par qui a-t-elle
été découverte? — Par quelles mers est-elle bai-
gnée? — Par quel tropique est-elle traversée? —
Quel est le climat de l'Australie? — Par qui est-
elle habitée?— Quels sont les principaux trou-
peaux qu'on élève en Australie? — Qui a découvert
la Nouvelle Zélande? — A quelle distance se
trouve-t-elle de l'Australie ? — Que sont les
Maoris. ? — Quelles sont les productions de la
Nouvelle-Zélande? — Ses montagnes sont-elles
élevées?
Ouvrages à consulter. — Voyage autour du Monde,
par le comte do Beauvoir, volume 1". Australie ;
A travers l'Australie, par le colonel "Warburton. Tour du
Monde, iS"o, '1' volume, pages 289-304;
Exploration de l'Australie, par de Fontpertuis [La Na-
ture, i' année, p. 306).
AL'TRICHK. — Géographie générale, XII. —
Etym. : Ce nom est la forme française du nom
allemand Œtterrekli {ost, est; reich, royaume:
dont la signification : royaume de l'est, rappelle
que ce pays était la partie orientale de l'empire
d'Allemagne.
1. Géographie physicpie. — Situation. — L'Au-
triche proprement dite occupe seulement le bas-
sin moyen du Danube entre les Alpes et le plateau
de la Bohême. Mais comme c'est autour de ce
pays et de Vienne, sa capitale, que se sont groupés
les divers États dont la réunion constitue l'empire
qui fait l'objet de cet article, on a étendu le nom
d'Autriche à l'ensemble de toute la monarchie.
Aujourd'hui le nom officiel de celle-ci est monar-
chie nustro-Jiongroise, depuis l'adoption de la cons-
titution de 1867 qui a réglé les rapports entre les deux
grandes parties de l'empire : r,\utriche et la Hongrie.
Limites. — L'empire austro-hongrois forme le
plus vaste État de l'Europe centrale. La Russie
seule, en Europe, est plus étendue. L'Autriche est
entourée par 1 Allemagne, la Russie, la Roumanie,
la Serbie, la Turquie, l'Italie et la Suisse.
Du côté du Midi, la mer Adriatique, la Save, le
Danube et les Carpathes lui forment des limites
naturelles. Il en est de même au nord-ouest où la
Bohème est enveloppée par des montagnes, et à
l'ouest, où le Vorarlberg touche au lac de Cons-
tance, et où le Tyrol est couvert par les Alpes. A
l'est, au contraire, la Galicie et la Bukovine ne
sont guère que la continuation des plaines de la
Pologne.
Forme et dimensions. — Le trait le plus singu-
lier de la conformation do l'empire d'Autriche est
la bande longue et étroite que la Dalmatie occupe
entre la Turquie et la mer Adriatique. En retran-
chant la Dalmatie et le TjtoI du reste de l'empire,
celui-ci off're la forme générale d'un quadrilatère
compris entre 10" et 24° de longitude est de Paris,
Aâ" et 51" de latitude nord, et qui a G50 kilomètres
de largueur en latitude, sur 1,060 de longueur de
l'est à louest.
Superficie. — Entre ses limites extrêmes, avec
le Tyrol et la Dalmatie, l'empire a 022.000 kilo-
mètres carrés de superficie, près d'un cinquième
en sus de ce que couvre la France actuelle.
Population, sa densité. — Sa population est aussi
supérieure à celle de notre pays d'une manière
absolue, mais beaucoup moins dense relativement
à la surface qu'elle occupe. Elle s'élevait, en 1870, à
37,350.000 habitants, ce qui ne fait que 50 habi-
tants par kilomètre carré, II de moins qu'en France.
Il n'y a en Europe que la Russie, les divers Etats
Scandinaves, ceux de la Péninsule ibérique et de
la péninsule des Balkans, qui offrent une mouidre
population spécifique.
OnoGiiAPHiE et hydroghaphie. — Les A/pes. —
Le Tyrol, la Carinthie, la Styrie, la province de
Salzbourg et une partie de l'archiduché d'Autriche
sont couverts par la grande chaîne des Alpes et
ses ramifications. Les glaciers n'y sont pas moins
imposants qu'en Suisse, les vallées y sont aussi
pittoros(|ues, mais aucune cime n'atteint 4,000 met.
Les deux plus hautes, VOrtler, à la source de l'Adda,
et le Gross-Glockner, à la source de la Drave, ont
la première 3,900 et la deuxième 3,800 mètre»
d'altitude.
Les Carpathes. — Après les Alpes, le système
montagneux le plus important est celui des Car-
paOïes qui enveloppent la Transylvanie et la Hon-
grie d'un vaste demi-cercle. Bien moins élevés que
les Alpes, les Carpathes ont leur point culminant
dans le massif du Tatra, sur les confins de la Ga-
licie et de la Moravie : il n'atteint pas tout à fait
3,650 mètres.
La Hohéme. — Autour de la Bohème, la cime la
plus élevée das Sudètes sur les confins de la Silésie
prussienne et do la Silésie autrichienne s'élève à
1,600 mètres. Les Monts des Géants, qui les relient
à VErzgebirge, sont moins élevés. Dans VErzge-
birge, entre la Bohême et le royaume de Saxe, et
dans la Forêt de Bohême, entre celle-ci et la Ba-
vière, les altitudes les plus grandes se tiennent
entre 1,000 et 1,200 mètres.
Plateaux et autres fnontagnes. — Entre ces.
diverses chaînes, la Bohême forme un plateau de
300 à 400 mètres d'élévation moyenne ; h 1, extré-
mité opposée de l'empire, la Transylcanie forme
un autre plateau encore plus élevé, de 600 mètre»
environ. La partie septentrionale de la Hongrie,
située au nord du Danube et de la Theiss, est cou-
verte de montagnes parmi lesquelles ondistingue,
à l'est, les monts Hei/i/all/ja. sur les flancs desquels-
mûrissent les vignobles de Tokay. La Moravie, les
pays compris entre la Drave, la Save et le Danube
oflVent encore un terrain accidenté.
Plaines. — Sur la rive gauche du Danube, au
contraire, s'étend la plaine Ao??.7/'Ois<>, absolument
plate jusqu'au pied du plateau transylvain. Au nord
des Carpailies, la Galicie forme une autre plaine
plus élevée.
Bassins. — L'Autriche appartient presque tout
entière a\i bassin du Danube. La Bohème déverse
ses eaux dans VElhe qui y a sa source. La Silésie
autrichienne appartient au bassin de l'Oder. La
Galicie se partage entre celui de la ri>/K/(, tribu-
taire de la Baltique, et celui du Dniester, tribu-
taire de la mer Xoire. Bien que située à l'Orient
des Carpathes, la Bukovine déverse ses eaux par
le Pruth. dans le Danube. Le TjtoI méridional,
par YAdige et le i>renta, l'Istrie et la Dalmatie par
des cours d'eau moins importants, appartiennent au
versap.t de l'Adriatique.
Le Danube. — Dans l'archiduché. — C'est sur
la frontière commune à l'Autriche et à la Bavière
que le Danube se grossit à droite de VInn, le plus
considérable de ses affluents. A ne considérer que
l'abondance des eaux, ITnn est la vraie tète du
fleuve, mais la vallée du Danube en Bavière a une
plus grande importance que celle de l'Inn , et
c'est la raison de la prééminence du cours d'eau
qui l'arrose. Le Danube passe ensuite à Lintz. la
capitale de la Haute-Autriche. Le cours du fleuve,
resserré par les montagnes qui l'enserrent sur se»
deux rives, devient rapide et agité, avant de débou-
cher dans la campagne ouverte où se trouve Vienne.
On l'a canalisé on cet endroit de manière à mettre
la ville :i l'abri des inondations, et il s'en trouve
éloigné :i présent de quelques kilomètres vers le
nord, au lieu d'en baigner les murs comme autre-
fois. Le fleuve passe ensuite devant Presbourg,
AUTRICHE
— 233
AUTRICHE
l'ancienne capitale de la Hongrie, et reçoit à droite
la Raah grossie elle-même de la Leitha, petite ri-
vière sans importance comme cours d'eau, si elle
ne formait la limite entre les deux moitiés autri-
chienne et hongroise de l'empire : le Cis-Lei-
thaJtie au nord-ouest et la Trans-Leithanie au
sud-est.
Dans lu Hongrie. — Plus loin le fleuve quitte
brusquement la direction ouest-est qu'il suivait
jusque-là et se recourbe au sud. Il sort dès lors du
bassin de Prcsbourg, pour entrer dans la grande
plaine de Hongrie. Bientôt on voit s'élever sur sa
rive droite les murs de Budc, la capitale iiistorique
de Hongrie, celle où le roi de Hongrie reçoit la cou-
ronne de Saint-Étienne sur un tertre formé avec la
terre apportée de tous les comitats de la Hongrie,
tandis que sur la rive gauche Pest, la capitale
moderne, le siège de la Diète hongroise, s'étend
dans la plaine. Le Danube reçoit ensuite à droite
la Dvave, un de ses grands affluents, qui sépare la
Hongrie de l'Esclavonie, prend la direction de
l'ouest à l'est que suivait cette rivière, reçoit, à
gauche, la TJieiss, se recourbe du nord au sud
comme cette dernière rivière et arrive devant Bel-
grade, la capitale du royaume de Serbie. Là il
reçoit la Save, prend pour la troisième fois la
direction de son aifluent et se dirige à l'est, en
formant la frontière commune de l'Autriclie et de
la Serbie jusqu'à Orsova, où il sort définitivement
de l'Autriche pour traverser les Carpathes par les
imposants défilés des Portes de fer.
Theiss. — La Thelss naît dans les Carpathes, sur
les confins de la Hongrie, de la Galicie et de la
Transylvanie. Il est difficile de rencontrer un
cours d'eau plus capricieux dans ses détails. La
pente en est si faible, au milieu de la plaine de
Hongrie, qu'il change constamment de direction, et
ses anciens lits deviennent peu à peu des maré-
cages. A l'époque des inondations, tout le pays
environnant ne forme plus qu'un immense lac,
d'où émergent quelques rares habitations. Les in-
génieurs travailleiît constamment à corriger le
cours de la rivière par des coupures qui en dimi-
nuent l'étendue en augmentant la pente, drainent
les terrains inondés pour les rendre à la culture,
et assainissent le pays.
Bassin de VElhe. — L'Elbe, dont la source se
trouve sur le revers méridional des Monts des
Géants, coule d'abord du nord au sud et passe de-
vant les remparts de Knniijfjraf:, au pied des-
quels s'est livrée la sanglante bataille de Swlowa,
puis elle tourne successivement à l'ouest et au
nord-ouest. Elle reçoit alors, du sud, son affluent le
plus considérable. VàMoldau quia traversé Prague
et qui. par la longueur de son cours et l'abondance
de ses eaux et la direction qu'elle imprime aux
deux cours d'eau réunis, mériterait de donner son
nom au fleuve.
La Vistule. — La Vistule, qui naît sur les limites
de la Silésie prussienne et de la Silôsie autri-
chienne, traverse Cracovie, la dernière ville de
Pologne qui eût gardé, jusqu'en 1846, une ombre
d'indépendance, puis sert de frontière entre la
Galicio autrichienne et la Pologne russe.
L'Adige. — L'Adige prend sa source dans le
Tyrol, sur les confins de la Suisse ; en Autriche,
il traverse Trente, célèbre par le grand concile
qui s'y réunit au xvi' siècle, puis entre en
Italie. _
Lacs. — Le plus grand lac de l'Autriche-Hongrie
est le Balaton en Hongrie, entre Bude et Agram. I]
s'étend du sud-sud-ouest au nord-nord-cst, sur une
longueur de 80 kilomètres, avecune largeurde 'îà 10.
Sa profondeur, très faible relativement à son éten-
due, ne dépasse guère 10 à 12 mètres. Le lac
Neiisiedel, entre Vienne, Presbourg, Raab et
Œdenbourg, ofl're cette curieuse particularité
qu'il traverse des périodes d'inondations et de
dessèchements successits. Il y a quelques années^
il avait, à juste titre, disparu des cartes. Actuelle-
ment, il se remplit de nouveau.
Dans la Carniole et sur la cùto de Dalmatie, le
sous-sol calcaire étant rempli de crevasses inté-
rieures, où les eaux de la surface disparaissent
dans des goufl'res souterrains, on voit aussi des-
lacs se former et disparaître, suivant que les eaux
débordent des réservoirs insuffisants pour les con-
itenir, ou y retrouvent un nouvel écoulement. On
ne peut expliquer l'origine de beaucoup de riviè-
res qui sortent brusquement de terre, en très
grande abondance, qu'en leur attribuant un cours
mystérieux de cette nature.
Le plus célèbre des lacs intermittents est celui
de Zirknitz dans la Carniole, où l'on peut succes-
sivement pêcher, labourer et moissonner.
Dans le pays de Salzbsurg, et dans toute la ré-
gion des Alpes, en général, on trouve des lacs-
gracieux comme ceux de la Suisse et de la Bavière-
méridionale, mais moins étendus.
Côtes et lies. — L'Austro-Hongrie n'a de rivages
maritimes que sur la mer Adriatique. Depuis la
perte de la Vénétie, la côte autrichienne commence
au nord de l'Adriatique, à quelque distance de la
vieille cité romaine d'Aquilée, maintenant ruinée,
mais dont la situation, à l'intérieur des terres, mar-
que le recul du rivage depuis qu'elle fut élevée.
Bientôt on arrive à Trieste, le premier port de l'em-
pire, et celui où se concentre presque tout son com-
merce maritime. Mais c'est au sud de la péninsule
d'Istrie, à Pola. autre cité romaine, où l'on retrouve
encore de beaux monuments rappelant son antique
splendeur, que se trouvent concentrés les établisse-
ments de la marine militaire. Au fond du golfe de
Quarnéro, qui sépare l'Istrie de la Croatie, Fiume est
appelé à devenir le principal port pour la Hongrie..
Le long de la côte s'étendent les îles IlljTiennes,
habitées par une population de pêcheurs, où l'on
recrute d'excellents marins comme sur tout le
rivage de la Dalmatie. Autrefois ils firent la puis-
sance des flottes romaines, plus tard de celles de
Venise, aujourd'hui ils font celle de la flotte au-
trichienne. Les montagnes dominent de si près la
mer, que toute la vie est concentrée sur le rivage.
Les villes sont rapprochées les unes des autres,
mais comme aucune d'elles, vu l'absence de routes,
ne peut servir de débouché aux pays de l'intérieur,
on n'en rencontre pas d'importante. Zara est la
capitale militaire de la Dalmatie ; Spalato con-
serve encore de magnifiques restes du palais où
l'empereur romain, Dioclctien, se retira après son
abdication. Une partie des monuments, des mai-
sons, des magasins de la ville y ont été établis. '
Plus au sud est Bagiise, qui fut une république
prospère et commerçante avant d'être asservie
par Venise. Enfin, au pied des montagnes du
Monténégro, les Bouches du Caltaro offrent un
des ports intérieurs les plus curieux de la terre.
L'entrée en est étroite, le golfe s'élargit et se res-
serre tour à tour entre les montagnes qui baignent
à pic dans ses eaux, de manière à former une série
de. lacs presque indépendants les uns des autres
où le visiteur est charmé par les panoramas ravis-
sants et imprévus qui se déroulent tour à tour
devant ses yeux.
Climat. — La Dalmatie, l'Istrie et le Tyrol
méridional jouissent du climat méditerranéen. La
température moyenne de l'année y est de 12 à
l.") degrés centisrades. L'olivier, le mûrier dont la
feuille nourrit les vers à soie, le figuier, la vigne,
le mais, le riz, le froment forment les principales
cultures de cette région.
Dans toute la partie du bassin du Danube com-
prise entre les Alpes et les Carpathes, les hivers
deviennent plus rigoureux, les étés plus courts, la
température moyenne n'est plus que de 9 à 12
degrés centigrades. La vigne, le froment et le maïs-
AUTHICHE
— 234
AUTRICHE
réussissent encore, les forêts couvrent de grands
espaces, sauf dans la plaine de Ilonoçrio.
Enfin, au nord des Carpathos et dans le nord de
la Bohême, la température moyenne est encore
plus basse, de 7 à 9 deîjrcs seulement. Le maïs et
la vigne ont disparu. On trouve h leur place le
chanvre et le lin mêlés à la culture du froment et
autres céréales.
Les différences d'altitude modifient naturelle-
ment cette classification. Les Alpes portent des
glaciers et de vastes espaces incultes, elles agis-
sent aussi comme grands condensateurs d'humi-
dité. C'est sur leurs sommets et au voisinage de
l'Adriatique que le sol reçoit le plus de pluie. Les
montagnes de la Bohême et les Curpatlies méridio-
nales exercent la même influence, mais à un
degré moindre.
"i. Géographie agricole et industrielle. — Agri-
culture. — En jetant les yeux sur une carte géolo-
gique de rAutriclie, on voit que la plaine ,de
Hongrie, la Galicie et les environs de Vienne sont
formées presque exclusivement d'alluvions. Aussi
sont-ce des régions très-fertiles en céréales. La
Hongrie passe aujourd'hui pour être l'un des gre-
niers de l'Europe. Cependant entre le Danube et
la Tlieiss le terrain, marécageux ou sablonneux
est improductif. Les pâtres y promènent leurs
grands troupeaux de bœufs, de moutons, de porcs
et de chevaux «[ui forment la monture indispen-
sable de tout ]\iagj'ar fidèle aux instincts de sa
race. On peut dire de l'agriculture, en général,
■qu'elle a fait depuis peu d'années de grands pro-
grès dans ce pays, qui ne pouvait auparavant se
suffire à lui-même. Les vins de Hongrie, de Styrie
et de Dalmatie sont abondants et de bonne qualité.
La Hongrie produit beaucoup de tabac, la Bohême,
des betteraves, du houblon, du chanvre, du colza;
les terres arables couvrent près du tiers du terri-
toire, dont un septième seulement est improductif.
Forêts et pâturages. — Les forêts sont aussi
étendues. Jusqu'à l'altitude de 900 mètres, le chêne
en forme l'essence dominante et les bassins de la
Save et de la Drave sont un des points de l'Europe
d'où l'on tire ce bois en plus grande quantité, en
même temps qu'ils fournissent une abondante glan-
dée aux troupeaux de porcs qui les parcourent. La
Dalmatie, autrefois couverte de belles forêts, dans
lesquelles les Vénitiens se sont longtemps appro-
visionnés pour leur marine, est aujourd'hui triste-
ment dénudée. La plaine de Hongrie ne renferme
pas non plus de bois. Par contre, la Transylvanie
rappelle par son nom la parure naturelle dont elle
est revêtue. Au-dessus de 1,000 mètres poussent
les sapins et autres arbres verts, comme en Suisse.
Les prairies naturelles ou artificielles et les jar-
dins se partagent le reste du territoire, qui peut
ainsi nourrir de nombreux trou])eaux. Les bestiaux
y sont de belles races, et les chevaux autrichiens
ou hongrois sont renommés pour leur force et
leur élégance. Les bêtes sauvages abondent aussi
dans les forêts où les chasseurs poursuivent les
chevreuils, les cerfs, les renards, les loups ou les
curs.
Productîo77s minérales. — C'est autour des
roches anciennes de la Bohême, du massif des
Alpes et des Carpathes de Transylvanie qu'on
trouve la plus grande diversité de couches géolo-
giques et la plus grande abondance de minéraux
utiles.
Houille. — La Bohême possède les plus riches
bassins houillers. Aussi est-ce la province de tout
l'empire où l'industrie a atteint le plus grand déve-
loppement. La Styrie offre aussi quelques bassins
houillers utilisés dans les forges et autres établis-
sements métallurgiques très nombreux dans cette
région,
Fer. — Le fer est le métal le plus répandu ; on
t'exoloite surtout en Styrie et en Carinthie, où il
sert à produire un acier d'excellente qualité et à
fabriquer un grand nombre d'outils.
Autres métaux. — On exploite l'or en Transyl-
vanie et en Hongrie, autour de Scliemnitz ; l'ar-
gent, dans les mêmes provinces et en Bohême.
Bleiherf/, en Corinthie, dit assez par son nom
(montagne de plomb) quelle est sa richesse. Idria,
en Carniole, sur les confins de l'Istrie, possède la
seule mine d'Europe riche en mercure, avec celle
d'Almaden, en Espagne.
Sel. — Le sel marin ne se recueille pas seule-
ment sur le rivage de l'Adriatique. Les mines de
Wieliczka, près de Cracovie, sont au premi(ir rang
pour leur richesse, parmi les mines de sel gemme.
Le pays de SalzOotirg doit son nom aux nombreu-
ses mines de ce genre qu'il renferme ; et on en
trouve d'analogues en Styrie, dans le Tyrol, la
Hongrie et la Transylvanie.
Eaux minérales. — C'est dans les mêmes régions
que se rencontrent aussi les eaux minérales. En
Bohême les plus célèbres sont celles de Carlsbad,
de Sediitz, de Pulna; dans le pays de Salzbourg,
celles de Gastein ont récemment acquis une renom-
mée historique, depuis l'alliance que l'empereur
d'Autriche et le roi de Prusse y conclurent on 1864,
et d'où sortit la guerre contre le Danemark, pré-
lude des grands événements de 18G6 et de 1870.
Manufactures. — C'est en Bohème quelles se
ti'ouvent surtout concentrées. Sur les limites de
la Silésie et de la Saxe, on voit un grand nombre
de filatures d.e coton et de chanvre, et des fabriques
de toiles qui trouvent dans les cours d'eau des
moteurs économiques. Les draps se fabriquent
surtout en Moravie et sont recherchés pour leur
belle qualité. La Bohême possède encore des ma-
nufactures de cristaux renommés pour leur pureté
et leur éclat, des papeteries, des fabriques de
sucre de betterave et de produits chimiques.
La Styrie et la Carinthie renferment un grand
nombre do forges, de fonderies, qui produisent
depuis fort longtemps des faux, des instruments
aratoires et de la coutellerie très estimés. Les
cuirs et les chaussures de Hongrie sont aussi
recherchés ;\ l'étranger. La bière de Vienne jouit
d'une réputation universelle ; et c'est en employant
la levure de cette bière à la fabrication du pain
viennois qu'on lui donne les qualités de goût et de
légèreté qui le rendent si agréable. Vienne, Pesth,
Prague possèdent dos fabriques de machines, des
ateliers de construction, et ces fabriques diverses
qui se groupent autour de toutes les grandes
villes. Comme Paris, Vienne jouit, en outre, d'une
grande réputation pour tous les articles de mode
et d'art qui exigent du bon goût et de l'élégance.
Distribution de la population. — L'aggloméra-
tion de la population est en rapport avec le déve-
loppement de l'industrie. C'est en Bohême, dans
les districts manufacturiers, autour de Vienne et
de CracoTie, que la population est la plus dense.
C'est dans la région des Alpes et celle des Car-
pathes qu'elle est la plus clairsemée.
3. Ethnographie. — Les Slaves. — Cette popula-
tion est loin d'être homogène. Quatre races diffé-
rentes la composent : les Slaves, les Allemands, les
Magyares (c'est le nom national des Hongrois] et
les Roumains. Sous le rapport du nombre, les
Slaves sont les plus nombreux : 17 millions; mais
h cause de leurs divisions et de leur dispersion, ils
n'ont nulle part la prédominance sur les autres
races, et n'exercent pas dans le gouvernement de
l'empire l'intluence dont jouissent les Allemands
et les Mai;\Mrs. On di>;liiic;nn p;nmi les Slaves :
7 millions de Tchèques, de Moraves et de Slova-
ques occupant la Bohême, la Moravie et le nord-
ouest de la Hongrie ; 2 millions et demi de Polonais
couvrant la partie occidentale de la Galicie, et
3, 2011, (100 Ruihcnes répandus dans la partie est
de la Galicie et en Hongrie le long des Carpathes.
AUTRICHE
— 235 —
AUTRICHE
Ces divers groupes forment ce qu'on nomme les
Slaves septentrionaux.
Les Slaves du Sud comprennent : 1,250,000
Slovènes qui habitent la Carniole; 3,200,000 Croa-
tes et Serbes qui peuplent l'Istrie, la Dalniatie, la
Croatie, l'Esclavonie, et le sud de la Hongrie.
Les AUcmanch. — Les Allemands occupent le
second rangdans l'empire, par leur nombre. Ils sont
près de K» millions. Les uns forment la population
presque tout entière de l'arcliiduché, de la Styric,
de la Carinthie, du Tyrol, de laSilésie autrichienne -,
les autres sont fortement agglomérés dans les
districts industriels de la Bohème, sur les limites
de la Saxe et de la Silésie ; d'autres enfin sont ré-
pandus sous forme de colonies sur divers points
de la Hongrie ou de la Transylvanie. La plupart
des fonctionnaines appartiennent aussi à cette
race.
Les Magyars. — Les Magyars sont de 5 à 6 mil-
lions, agglomérés dans la grande plaine de Hon-
grie et dans l'angle S.-E. de la Transylvanie, où ils
sont connus sous le nom de Szekiers.
Par leur origine , les Magyars appartiennent
comme les Finnois et les Turcs h la race jaune,
mais leur physionomie et leur caractère se sont
bien modifiés depuis un millier d'années qu'ils
sont fixés en Europe. A l'origine ils répandirent
une telle terreur que c'est du mot hongrois, dit-on,
((u'est venu le terme fabuleux d'ogre. Leur langue
seule n'a pas varié.
Les Hoionains. — Les Roumains, au nombre de
3 millions, occupent le reste de la Transylvanie et
la Bukovine.
(^e sont les restes des colonies romaines établies
par Trajan et ses successeurs dans le pays des
Daces. Ils ont conservé une langue dans laquelle
on reconnaît leur descendance latine, et ils
sont fiers du nom qui rappelle leur illustre ori-
gine.
Israélites, Italiens et aiit'cs races. — 1.. 500, 000
Israélites sont répandus sur divers points, dans les
grandes villes, dans la Galicie et la Hongrie. Les
Italiens revendiquent connue leurs frères par la
langue et le sang (;0i',0U0 sujets de l'empereur
d'Autriche, f|ui habitent le Tyrol méridional et les
environs de Trieste où leur langue est parlée cou-
ramment. Il y a encore dans l'empire 150,000
Tziganes ou Bohémiens et quelques milliers d'Ar-
méniens, de Bulgares, de Grecs, et autres races
diverses.
Religion. — La religion catholique est domi-
nante en Austro-Hongrie. On y compte près de
28 millions de catholiques romains. Les protestants
ne sont que 3 millions et demi, habitant pres(|ue
tous la Hongrie. Les Roumains suivent la religion
grecque orientale, qui compte plus de 3 millions
d'adhérents.
4. Géographie politique. — Dualisme outro-
ho7igrois. — Depuis l'adoption de la constitution
de 18G7, l'Austro-Hongrie forme deux États dis-
tincts comprenant chacun un certain nombre de
pays de l'empire.
Pays cisleithans ou autrichiens. — La Cisleitha-
nie comprend la partie occidentale de l'empire,
c'est-à-dire la Bohème, la Moravie, la Silésie autri-
chienne, l'arcliiduché d'Autriche, la Styrie, le Ty-
rol, la Carinthie, la Carniole et l'Istrie qui faisaient
partie de la Confédération germanique, et en outre
la Galicie avec la Bukovine, et la Dalmatie.
Pags transleithans ou hongrois. — La Trans-
leithanie comprend la Hongrie, la Transylvanie, la
Croatie et l'Esclavonie.
La Cisleithanie renferme une population estimée
à 2), ■(00,000 habitants sur une superficie de ;;Oii,
liiO kil. carrés; la Transleiihanie 10 millions sur
322,250 kil. carrés. Ld première forme donc la partie
la plus peujilée de l'empire; c'est aussi la plus
riche et la plus prospère.
Gouvernement. — Chacune des deux parties de
la monarchie a un gouvernement distinct. Mais
pour les intérêts communs aux deux parties de
l'empire, il y a trois ministres, ceux des affaires étran-
gères, de la guerre et des finances, qui se réunissent
sous la présidence du chancelier de l'empire et
qui répondent de leurs actes devant une commis-
sion nommée par chacune des deux Chambres au-
trichienne et hongroise, dans des réunions qui ont
lieu alternativement à Vienne et à l'esth.
Dirisio7is poliliijues. — C'est comme empereur
d'Autriche que le souverain règne à Vienne, c'est
comme roi de Hongrie, quil exerce son autorité à
Pesth, et les Hongrois sont très jaloux de n'obéir
qu'à un prince solennellement revêtu de la cou-
ronne liistorique de Saint-Étienne.
Cette constitution de 1807 est loin de satisfaire
les désirs de toutes les nationalités diverses de
l'empire. Les Slaves du Sud sont jaloux des Ma-
gyars, dont ils prétendent ne point relever. En
1849, l'empereur a utilisé cette antipathie de ra-
ces en se servant des Croates qui ont vaincu
l'insurrection hongroise, attaquée d'autre part par
les Russes . Aussi la Croatie se refuse-t-elle jus-
qu'à présent à envoyer des députés au Parlement
de Pesth.
En Bohême, les Tchèques revendiquent une au-
tonomie analogue à celle des Magyars. En droit
historique, la couronne de Bohème n'a pas plus de
raisons d'être tributaire que celle de Saint-Étienne.
Les Polonais, de leur côté, élèvent des prétentions
analogues.
Etat économique actuel. — Tjn grand revirement
s'est du reste fait dans le gouvernement autrichien
depuis une quinzaine d'ainiées. C'était en opposant
les races ennemies les unes aux autres, en mettant
en pratique la maxime diviser pour régner, que
l'empereur maintenait son autorité. Mais depuis
quelques années, des réformes politiques ou écono-
miques ont rattaché à l'empereur par des liens
de dévouement et d'afl'ection des races restées ja-
louses les unes des autres.
Armée. — Les soldats autrichiens, justement
renommés de tout temps pour leur courage et leur
solidité, forment aujourd'hui une des quatre grandes
armées de l'Europe. (Les trois autres sont celles
de l'Allemagne, de la France et de la Russie.)
Marine. — La marine militaire n'occupe pas
vis-à-vis de celles des autres puissances un rang aussi
élevé que l'armée de terre. Mais grâce aux qua-
lités maritimes des marins dalmates, elle a mon-
tré à la bataille de Lissa (I8G(!j, qui a assuré à
l'Autriche la prépondérance dans la mer Adriati-
que, ce qu'on peut attendre d'elle quand elle est
conduite par un chef habile.
Commerce . — Le commerce maritime se fait
presque exclusivement par le port de Trieste, qui
est un des plus importants du bassin de la Médi-
terranée et qui est le siège du Lloyd autrichien,
grande compagnie maritime analogue à nos com-
pagnies des Messageries maritimes ou transatlanti-
que. Quant au commerce continental et à celui de
l'intérieur, le Danube est la grande artère qu'il suit.
Et t'est pour cette raisonque l'Autriche attache
tant d'importance au libre passage des bouches de
ce fleuve. Sur toute l'étendue de l'empire austro-
hongrois, la navigation du Danube a été améliorée
par des travaux utiles, notannnent au défilé des
Portes de fer, par lesquels il traverse les Carpathes
méridionales. En même temps la Hongrie se sil-
Inime de canaux (ini (Ir.iinont les marais de cette
région, et qui fournissent d'économiques moyen ?
de transport pour les blés du pays, notam-
ment dans le Hanat (on nomme ainsi la partie
méridionale de la Hongrie au nord du Danube, entre
la Tliciss et le plateau de Trauàylvanie;.
Bien que son trafic extérieur ait quintuplé depuis
30 ans, malgré la perte de la L.ombardie et de la
AUTRICHE
— 236 —
AZOTE
Venétie, l'Autriche n'occupe encore qu un rang
• econdaire comme nation commerçante. L'Angle-
terre, l'Allemagne, la France, la Russie et la Bel-
gique viennent avant elle.
Chemins de fer. — Quant aux chemins de fer, on
a donné une vive impulsion à leur construction
non seulement dans les ])ays de plaines comme la
II( np;rie, où la chaussée se poursuit sans difficulté
en li;;no droite, mais dans les régions les plus diffi-
ciles. Le raiUvay du Senimenng, entre Vienne et
frieste, a été une des plus belles œuvres de l'art
de l'ingénieur pour l'époque où cette ligne a été
exécutée. C est, en outre, dans le Tyrol, entre Trente
et Innsbruck, que la grande chaîne des Alpes a été
pour la première,' fois franchie par une voie ferrée,
au col du Bieimer.
A la fin do IS7(>, il y avait 10,707 kil.de chemins
de fer en exploitation dans les pays autrichiens
et (!,656 dans les pays hongrois.
Grandes villes. — Vienne est une dos grandes
capitales de l'Europe et une des plus belles villes
du monde. Elle renferme plus de 600,000 habitants
et l'agglomération des communes limitrophes qui
lui servent de faubourgs fait monter ce nombre à
1 million. Pest, avec Bude à laquelle elle est reliée
par un pont, renferme 270,000 habitants. Prague,
qui jouit d'une grande célébrité historique, et qui
est la capitale nationale de Tchèques, atteindra
bientôt le chiffre de 200,000. Trieste, bien bâtie
en amphithéâtre au fond de l'Adriatique, en a plus
de 100,000. Le>nherg, la capitale de la Galicie, et
Grxtz, la capitale de la Styrie, sont des villes de
80,000 habitants. On en compte 70,000 à Brunn, à
Szegedin, en Hongrie, qui comme beaucoup de for-
tes agglomérations de cette i)rovince est plutôt un
grand village qu'une véritable cité. A travers leurs
progrès dans la civilisation, les Magyars ont gardé
de leur origine les goûts des peuples nomades. Ils
n'élèvent pas de beaux monuments. Leurs villes
sont tracées comme des camps. C'est dans la ri-
chesse et l'éclat de leurs habits qu'ils déploient
leur luxe plutôt que dans une installation somp-
tueuse et raffinée de leurs demeures. Agram, en
Croatie, qui joue pour les Slaves du midi le même
rôle que Prague pour les Slaves du nord, n'atteint
pas le chiffre de 50,000 habitants.
[G. Meissas.]
Pour l'histoire, V. Autriche au Supplément.
MODÈLES D'EXERCICES GÉOGRAPHIQUES.
1. Questionnaire. — Quelle est la situation et
quelles sont les limites de l'empire d'Autriche?
— D'où lui vient son nom, et quelle dénomination
officielle a-t-il reçue? Quelle est son étendue et sa
population? par rapport à la France, par rapport
aux autres États européens?
Quelles sont les principales chaînes de monta-
gnes?— les principaux cours d'eau, les plaines,
les plateaux, la division en bassins? Quelles sont
les principales villes situées sur le Danube?
En quelles régions se partage l'Autriche d'après
son climat? Quelles sont les principales productions
agricoles, forestières, minérales, manufacturières?
Où se trouvent-elles réi)artics? Quelles sont les
régions les plus peuplées? Quelles races comprend
la population de l'empire? Où habitent-elles?
Quelle est leur importance relative?
Comment l'empire se partage-t-il actuellement ?
Quelles sont les grandes villes de l'empire, la rai-
son de leur importance ? Quels sont les principaux
débouchés suivis par le commerce ?
2. Problèmes géographiques. — Les mines de
métaux précieux de rAutrichc-Hongrie ontproduit,
de 1871 à 187 5, l,:}i)6 kilog. d'or et 143078 kilog.
d'argent. Pour quelle somme a-t-on pu frapper avec
ces métaux des pièces do monnaie contenant un
dixième d'alliage, en négligeant la valeur du cui-
vre employé comme alliage de l'argent? Réponse,
30,300,808 francs.
Il y a en Autriche 1384 bureaux télégraphiques
ayant expédié en i876 C,84<;,000 dépêches sur
30,610 kilom. de lignes télégraphiques, tandia
qu'en Franco les lignes télégraphiques ont 54,.').'jO
kilom. de développement et ont envoyé en 18*0
10,O.S2,000 dépêches distribuées par 2,8!jO bureaux.
Calculer combien il y a en Autriche et en France
de dépêches par 100 habitants. — Réponse : 18
en Autriche, 27 en France.
Combien y a-t-il de kilom. de lignes téléraphiques
par 10,000 kilom. carrés de superficie territoriale
en Autriche et en France? — Réponse : 688 en Au-
triche, 1032 en France.
Quelle étendue chaque bureau est-il appelé à
desservir en Autriche, en France? — Réponse:
450 kilom. carrés en Autriche, 183 en France.
Lectures et dictées géographiques. — Marmicr.
Du lihin au Nil, t. 1, p. 71, 77; — Le Danube, p. US,
Bude.
De Laveleye. La Prusse et l'Autriche depuis Sadowa,
t. II, p. 38 ; — Le couronnevient (ht roi de Ûovgrie.
E. Reclus. Nouvelle gnorjraphie universelle, t. IJI :
Le Danube, p. 197, 3U9 ; — Les portes de fer, p. 3|7; —
La puzta hongroise, p. 327 ; — Vienne, p. 203 ; — Trieste,
p. 233 ; — CrncoviP. p. 407 ; — Prague, p. 439.
Autres ouvrages à consulter. — V. Duruy, Cause-
ries géographiques de Paris n Bukarest.
D. Lévy. L'Autriche-Hongrie, ses insiitutioiis et ses na-
tionalités.
Porrot. Excursions chez les Slaves du Sud. Tour du
Monde.
r,h. Yiiarte. Istrie et Dalmatie. Tour du Monde, 1873,
I" semestre, p. 193-240; 1874, 1" semestre, p. f-80;
2" semestre, p. 2.j7-320.
.AZOTi:. — Chimie, I, XV et XXI. — {Étg7n. : de
doux mots grecs signifiant impropre à la vie). —
Quand on brûle du phosphore sous une cloche pleine
d'air placée sur l'eau, il se forme des vapeurs blan-
ches très épaisses d'acide phosphorique, c'est-à-dire
une combinaison du phosphore avec l'oxygène de
l'air; quand ces vapeurs se sont condensées et dis-
soutes dans l'eau, on peut constater après le re-
froidissement que le gaz qui reste sous la cloche
représente à peu près les 4/5 de l'air qu'on y avait
mis. Une allumette plongée dans ce gaz s'y éteint
instantanément ; des animaux comme des oiseaux,
des souris qu'on y place meurent en quelques se-
condes ; ce gaz est Vazote, ainsi nommé parce que,
sans être un poison, il est incapable d'entretenir
la respiration et la combustion. — V. Air.
L'azote est très répandu dans la nature ; d'abord
il forme les quatre cinquièmes de l'air atmosphé-
rique. Il entre dans la composition d'un grand nom-
bre de sels (V. ci-dossous Azotates], enfin il se
trouve dans ce que la chimie organique nomme les
substances azotées : ce sont des substances, la plu-
part d'origine animale, où l'azote est en combinai-
sons diverses avec le carbone, l'hydrogène et
l'oxygène. 11 entre aussi dans les alcaloïdes*, dans
l'urée, dans l'acide prussique et dans la plupart
des principes colorants.
Propriétés de l'azote. — L'azote a été liquéfié en
1878 pour la première fois par M. Cailletet en
France et M. R. Pictet en Suisse.
Il est un peu plus léger que l'air : un litre
d'azote pur à 0" sous la pression "(O"'", pèse l''',257,
tandis qu'un litre d'air dans les mêmes con-
ditions pèse 1°%203. Il éteint les corps en combus-
tion, et ne trouble point l'eau de chaux. Il suffo-
que instantanément les animaux sans cependant
produire sur l'organisme aucune action délétère.
Ceux-ci succombeiit parce qu'ils manquent d'oxy-
gène. L'azote peut être appelé un gaz inerte, en ce
sens qu'il a peu de tendance à se combiner ; sea
affinités sont peu énergiques. Il est 1res peu solu-
ble dans l'eau, il est incombustible, incolore, ino-
dore, sans saveur ; il semble ne jouer d'autre rôle
dans les phénomènes atmosphériques que celui do
AZOTE
— 237 —
AZOTE
modérateur des affinhos de l'oxygène. Il ne se
combine directement qu'avec un très petit nombre
de corps, tels que le carbone, le sUicium, le bore.
Si on fait passer un courant dazote sur un mé-
lange incandescent de baryte et de charbon, il se
forme une combinaison de carbone et d'azoteconnue
sous le nom de cyanogène ; ce composé s'unit dans
ce cas au baryum pour former un cyanure de ba-
ryum. Le cyanogène est le radical de l'acide prus-
sique et des prussiates (V. Prussiates.)
Préparations de Pazote. — Pour obtenir rapi-
dement et à bon marché de grandes quantités
d'azote, on enlève l'oxygène d'un volume déterminé
d'air en le fixant sur un corps très oxydable : 1" en
hrùinnt d\i phnsphoro sous une cloclie pleine d'air
et placée sur l'eau; 2° ou en taisant passer un cou-
rant d'air sec sur du cuivre chauffé au ronge som-
bre dans un tube de verre ou de porcelaine. On
recueille le gaz azote sortant par l'autre extrémité.
On peut aussi obtenir facilement, mais h un prix
un peu plus élevé, de grandes quantités d'azote en
décomposant par la chaleur et dans une cornue de
verre un beau sel blanc cristallisé qu'on appelle
Yazotite d'ammoniaque. La formule de ce sel rend
compte de ce qui se passe dans cette réaction,
ainsi figurée : Az03,AzH3,HO— 2Az + 4HO. Azotite
d'ammoniaque=: Azote + eau. Comme la cornue est
très chaude quand l'opération est terminée, il ne
reste aucun résidu.
Enfin quand on mélange dans un tube de verre
de l'ammoniaque (alcali volatil) et une dissolution
aciueuse de chlore, il se produit de nombreuses
petites bulles d'azote ; ce n'est point là une pré-
paration pratique, mais une réaction à retenir,
puisqu'elle rappelle que l'ammoniaque est décom-
posé par le gaz chlore (V. Chlore).
Si dans cette décomposition, l'azote se trouve en
présence d'un excès de chlore, il peut y avoir com-
binaison entre les deux gaz, et le chlorure d'azote
qui se forme alors étant, comme presque tous les
composés de l'azote, un corps très peu stable,
c'est-à-dire susceptible de se décomposer sous la
moindre action, par exemple par l'agitation, le choc
le contact d'une autre substance, il peut en résul-
ter un danger pour l'expérimentateur. Ce chlorure
d'azote apparaît sous forme de petites gouttelettes
.jaunes; la décomposition subite qui se produit
souvent sans raison apparente, donne lieu à une
violente explosion très dangereuse ; c'est dans une
circonstance semblable que le célèbre Dulong perdit
deux doigts en faisant l'étude de cette substance.
Nous ferons remarquer que ce corps simple,
l'azote que nous avons dit inerte, fait partie de
toutes les poudres les plus dangereuses et les
plus violentes, ce qui pourrait étonner, si on ne se
rappelait que la puissance d une poudre ainsi que
la facilité avec laquelle elle fait explosion tient
précisément, au moins en partie, à sa facile décom-
position. Ainsi l'iodure d'azote , qu'on obtienten
mettant pendant un quart d'iieure de l'iode dans
l'ammoniaque, se décompose, quand il est sec, avec
explosion, au contact d'une barbe de plume, en
donnant des vapeurs violettes diode qui montrent
bien que ce corps a repris sa liberté pendant
l'explosion.
Principaux composés de l'azote. — Les compo-
sés oxygénés de l'azote, qui dérivent tous de l'a-
cide azotique, n'ont point assez d'importance pour
que nous en parlions ici. Xous en donnerons sim-
plement la liste parce qu'elle nous offre un très
bel exemple de la loi dite des proportions multiples
VV. Équivalents).
Acide azotique anhydre AzO"'
Acide hypoazoïique AzO*. I
Acide azoteux AzO». i
Bioxyde d'azote AzO^. !
Protoxyde d'azote AzO. i
Et nous dirons seulement que le bioxyded'azote,
qui résulte de l'action o.xydante de l'acide azotique
sur certains métaux tel que le cuivre, le mercure,
est un gaz incolore qui devient instantanément
rouge rutilant à l'air en s'oydaut pour donner
AzO'; c'est là un exemple d'oxydation ou combus-
tion rapide et sans flamme; il va sans dire que
nous ne connaissons ni l'odeur ni la saveur de ce
singulier corps.
Le protoxyde d'azote est un gaz incolore liqué-
fiable et comburant comme l'oxygène; on peut
faire avec lui les principales expériences de com-
bustion qu'on fait avec l'oxygène. Il est anesthé-
sique, c'est-à-dire que quand on le respire on perd
la sensibilité; parfois on éprouve une espèce
d'ivresse (gaz hilarant) avec exaltation des facultés
intellectuelles; c'est du moins ce qu'a éprouvé l'il-
lustre chimiste anglais Davyqui lepremier l'aétudié.
Quelques rares accidents indiquent, en tout cas,
que. les dentistes et les chirurgiens qui en font
usage doivent le faire avec les plus grandes pré-
cautions.
Acide azotique. — L'acide azotique est encore
appelé acide nitrique, ou esprit-de-nitre ou eau-
forte. Quand il est concentré il est fumant, il a
pour formule AzO-', HO, et on l'appelle acide azoi4-
que monohydratc. C'est un liquide jaune dont la
coloration augmente à la lumière parce qu'elle le
décompose en produisant des vapeurs jaunes d'a-
cide liypoazoliquc. Quand on ouvre à l'air un flacon
d'acide azotique concentré il en sort des vapeurs
légèrement rutilantes. Sa densité est 1,51; il gèle
à 55" et bout à SG».
Propriétés cliitniques. — L'acide azotique est un
oxydant énergique. Il attaque tous les métaux,
excepté l'or, le platine et quelques métaux rares
de la même famille. Il forme avec le fer, le cuivre,
l'argent, le mercure, etc., des azotates de ces mé-
taux; avec l'étain il forme de l'acide stannique.
Son action sur le fer présente un caractère parti-
culier très curieux. Mn morceau de fer plongé dans
l'acide fumant y reste intact, tandis qu'il eût été
attaqué vivement par l'acide étendu; si l'eulevant
de l'acide fumant on le plonge dans l'acide étendu,
celui-ci reste alors sans action sur le métal, mais
il suffit de toucher le fer avec un fil de cuivre
pour qu'une vive réaction commence et continue.
Mêlé à l'acide chlorhydrique, il constitue Veau ré-
g'i/€,qm dissout l'or et le platine en les transfor-
mant en chlorures.
Action de l'acvie azotique ^ur lesmétallovles. —
Cet acide, très riche en oxygène et facilement dé-
composable, transforme la plupart des métalloïdes
en acides oxygénés. Ainsi on prépare l'acide phos-
phorique orainaire en dissolvant du phosphore
dans l'acide azotique étendu. En faisant bouillir de
l'.acide azotique avec du soufre, de l'arsenic métal-
lique, on obtient de l'acide sulfurique ou arsénique.
Dans la préparation industrielle de l'acide sulfu-
rique, c'est l'acide azotique qui transforme l'acide
sulfureux en acide sulfurique en lui cédant une
molécule d'oxygène. L'acide azotique attaque vive-
ment le carbone dans le noir de fumée ; quelque-
fois la masse s'enflamme spontanément, c'est là
une expérience frappante d'oxydation énergique à
répéter devant les élèves.
Action de l'acide azotique sur les matières orga-
?iiques. — Il attaque à peu près toutes les ma-
tières organiques. Il jaunit la peau, détruit les tis-
sus, transforme et liquéfie les bouchons de liège,
il faut même se garder d'en faire usage avec cet
acide ; il décolore l'indigo, forme avec la benzine
un produit très employé aujourd'hui dans la |)ar-
fumerie et qu'on appelle la nitro-benzine (décou-
verte par Mitscherlich en 1834). Celle-ci a une odeur
d'amandes amères; sa propriété principale c'est de
se transformer sous l'action des agents désoxydants
(étain, acide chlorhydrique, sulfure de fer, etc.).
AZOTE
i!38
AZOTE
en une substance appelée aniline qui est la base
des belles couleurs dites d'aniline, si connues de-
puis une vingtaine d'années dans la teinturerie.
Fuhnicoton. — Quand on plonge pendant un
quart d'heure de la ouate ou du coton quelconque
dans de l'acide azotique concentré, on obtient
après lavage et dessiccation une substance ayant
conservé l'aspect du coton, mais disparaissant dans
une combustion instantanée au contact d'une allu-
mette. C'est le cotoii-poudre ou fuhnicoton. Cette
substance a été et est encore employée comme
poudre démine; elle est trojrbrisante pour les ar-
mes. Quand elle a été mouillée, il suffit de la sécher
pour lui rendre ses propriétés qui du reste varient
suivant le mode de préparation qu'on a employé;
quelquefois elle peut être chauffée jusqu'à 100°,
dans d'autres circonstances elle brûle bien au-des-
sous et peut même détonner par le choc. Comme
toute poudre explosive, elle doit sa puissance à
la masse de gaz qui prend naissance lors de la dé-
composition: acide carbonique, oxyde de carbone,
bioxyde d'azote, gaz inflammable, vapeur d'eau, ces
produits condensés dans un étroit espace et portés
à une haute température acquièrent une très
grande puissance d'expansion. Aujourd'hui on em-
ploie surtout le fulmicoton dans la fabrication du
collodion, qui est une dissolution de fulmicoton
dans un mélange d'alcool et d'éther. (V. Photoyra-
phie).
Lorsqu'on verse goutte i goutte de la glycérine,
principe doux des corps gras ( V. Corps gras) dans
un mélange d'acide sulfurique et d'acide azotique,
il se précipite des gouttes oléagineuses d'un corps
appelé trinitro-glycérine, qu'on peut considérer
comme de la glycérine dans laquelle .3 atomes d'hy-
drogène auraient été remplacés par 3 molécules
du composé AzC^, ou acide hypoazotique qui dérive
facilement de l'acide azotique AzO',HO. Nous fe-
rons remarquer en passant que souvent le résultat
de l'action de ce dernier acide si important sur
les matières organiques peut s'expliquer par la
substitution d'une ou plusieurs molécules compo-
sées d'AzO* au même nombre d'atomes d'hydro-
gène. En présence du mercure ou de l'argent et de
l'alcool l'acide azotique forme les fulminates de ces
métaux.
Préparation de l'acide azotique. — On l'extrait
de l'azotate ou nitrate de potasse ^salpêtre), ou
plus avantageusement de l'azotate ou nitrate de
soude qui nous vient du Pérou; à la rigueur on
peut l'extraire de tous les azotates par le procédé
que nous allons décrire. Cette préparation offrira
le tVTJe des procédés par lesquels on extrait tous les
produits volatils. Dans une grande cornue de verre
on met du nitrate de soude et de l'acide sulfurique
du commerce en proportions convenables pour
qu'il y ait deux équivalents d'acide pour un de ni-
trate-, on chauffe pendant deux heures la cornue
dont le col a été engagé dans celui d'un ballon de
verre arrosé extérieurement par un courant d'eau
froide ; h la fin il reste dans la cornue du bisulfate
de soude, et le ballon refroidi contieui de l'acide
azotique fumant.
L'acide obtenu ainsi n'est pas pur, il est coloré
en jaune par de l'acide hypoazotique dissous et peut
renfermer aussi des traces d'acide sulfurique en-
traîné par la distillation. Pour l'obtenir pur, ce
qui est quelquefois nécessaire, on l'agite avec de
l'azotate de plomb, lacide sulfurique est précipité
à l'état de sulfate de plomb, pnis on le distille dans
une cornue, on recueille à part les premières por-
tions qui contiennent tout l'acide hypoazotique.
Dans les fabriques la cornue est remplacée par des
cylindres en fonte.
Usages. — La France en consomme par an plus
de cinq millions de kilogr.; il sert pour l'affinage
des métaux précieux, pour le décapage du cuivre,
pour la gravure sur métal, la préparation do l'azo-
tate d'argent si employé en photographie, celle de
l'acide picrique (teinture), des fulminates pour
amorces, de la dextrine, enfin pour l'entretien des
piles électriques.
Azotates. — Les azotates sont des sels* formés
par la combinaison de l'acide azotique avec les
bases ; deux ou trois se rencontrent dans la na-
ture, les autres se préparent dans les laboratoires
ou l'industrie.
Caractères. — Tous les azotates sont solubles
dans l'eau ; ils ont deux caractères chimiques qui
les font facilement reconnaître : 1° Ils fusent, c'est-
à-dire que quand on projette un azotate sur des
charbons ardents, il provoque une plus grande
activité de combustion par l'oxygène qu'il aban-
donne et fait entendre un bruissement particulier
pendant cette combustion ; 2° quand on les chauffe
légèrement avec un peu de cuivre et quelques
gouttes d'acide sulfurique, ils abandonnent des
vapeurs rutilantes caractéristiques.
Principaux azotates. — Nous distinguerons par-
ticulièrement l'azotate de potasse, sel cristallisé,
blanc, bien connu sous le nom de nilreoa salpêtre' .
On le trouve en abondance dans les Indes,
l'Egypte, Ceylan, et en général dans les pays très
chauds où la nitrifaction paraît résulter du grand
nombre de décharges électriques qui produisent
dans l'air la combinaison de l'oxygène et de l'azote.
L'acide azotique ainsi formé et entraîné dans le
sol par la pluie s'y combine avec la potasse, la
soude, la chaux, etc. Pour obtenir le salpêtre, on
lessive les terres qui en sont recouvertes ou im-
prégnées et on fait évaporer la solution. Chez nous
on rencontre aussi du nitre partout où des matières
organiques azotées se décomposent en présence
de la potasse, par exemple sur le sol et le long des
murailles de nos caves,, dans le voisinage des
lieux d'aisance, dans les matériaux de démolition;
c'est dans ces conditions surtout qu'il est mélangé
à de l'azotate de chaux. Pendant la Révolution et le
premier fcmpire, alors que les pays d'outre-mer nous
étaient fermés par la flotte anglaise, on extrayait
le nitre pour la fabrication de la poudre de ces
divers endroits où on le rencontrait. On en provo-
quait même la formation dans des nitrières artifi-
cielles. Pour cela on arrosait de temps en temps
avec des urines ou des eaux de fumier des mé-
langes de matières animales et de carbonate de
potasse et de chaux. Quand on brûle du salpêtre,
la flamme est colorée en violet par des vapeurs de
potassium ; ce phénomène ressemble assez à une
combustion lente de poudre légèrement humide.
Usages. — L'azotate de potasse est fréquemment
employé en médecine; à petite dose il est diuré-
tique, à dose élevée de plus de 4 grammes il di-
minue la plasticité du sang et ralentit la circula-
tion. Il est employé dans le traitement du
rhumatisme articulaire aigu. C'est surtout dans la
fabrication de la poudre qu'on en consomme des
quantités considérables. C'est de l'azotate de po-
tasse et de l'azotate de soude qu'on extrait l'acide
azotique.
Azotate de soude. — On l'appelle souvent sal-
pêtre du Chili parce qu'il nous vient de ce pays
en grande quantité. Il est souvent mélangé au pré-
cédent ainsi qu'à de l'azotate de chaux et do ma-
gnésie. Au Pérou il forme ainsi des couches
considérables. Il est peu employé en médecine et
sert principalement à la préparation de l'acide azo-
tique.
Azotate de bismuth. — Le sous-azotate de
bismuth est très employé en médecine comme
antidiarrhéique, principalement depuis les der-
nières apparitions du choléra en France (1863
et 1865). La préparation pharmaceutique de ce
sel est depuis cette époque assez importante
pour avoir fait élever passablement le prix du
bismuth.
BALANCE
— .939
BALANCE
Préparation. — Pour le proparer on dissout le
bismuth en poudre dans l'acide azotique, on évapore
la solution, et lorsqu'elle est sufttsamment concen-
trée, on la verse dans quarante fois son poids
d'eau; puis on ajoute peu h peu de l'ammoniaque
très étendue pour neutraliser une partie de l'acide
azotique qui est devenu libre quand on a étendu
d'eau la solution du métal dans l'acide. On lave le
précipité, on filtre et on fait sécher. Ce sous-azotate»
appelé autrefois magistère de bismuth , e?,t une
poudre sans saveur ni odeur qu'on emploie aussi
sous le nom de Ijlanc de fard. «î
Pour Yazolate d'anjent (pierre infernale), V. Aj--
gent au Supplément. Pour l'azotate de mercure,
V. Mercure.
[A. Jacquemart.]
B
BALA>'CE. — Physique, IV. — La balance est
l'instrument le plus usuel et le plus précis à l'aide
duquel on détermine le poids des corps. Sa partie
essentielle est une tige rigide et droite, le flénii, qui
peut tourner autour d'un de ses points appelé point
d'appui et qui porte à ses extrémités, suspendus
ou supportés, les deux plateaux où l'on met les
corps et les poids. Les distances du point d'appui
à chacune des extrémités du fléau sont appelées
bras de levier de la balance; ces bras de levier
sont égaux dans la balance ordinaire, inégaux dans
la romaine et la bascule.
Balance ordinaire. — L'une des deux formes les
plus répandues de cet appareil est celle où les
plateaux ou bassins sont suspendus au fléau. Le
fléau est une barre métallique en fer ou en laiton,
traversée en son milieu par un prisme en acier
trempé qu'on nomme le couteau et dont une arête
tournée vers le bas repose sur deux petits plans
d'agate ou d'acier qui terminent la colonne for-
mant le pied de la balance. Cette disposition a
pour but de faciliter les mouvements du fléau ; il
ne repose en efl'et sur son appui que suivant une
ligne sans épaisseur, c'est-à-dire que son frotte-
ment est aussi faible que possible. A ses deux
extrémités, le fléau porte d'autres couteaux dont
l'arête est en haut et sur lesquels reposent les
crochets qui suspendent les plateaux. En son mi-
lieu est fixée une aiguille perpendiculaire à son
axe dont l'extrémité inférieure se meut devant un
arc de cercle gradué porté par le pied de l'appareil.
Quand les plateaux sont vides, le fléau doit être
horizontal, par suite l'aiguille indicatrice est ver-
ticale, c'est-à-dire que son extrémité inférieure
correspond au trait du milieu de son arc. C'est la
position d'équilibre à laquelle revient l'appareil
libre, après r|uel<uie=; nsrill.itions. quand i! en a été
écarté, comme l'indiquent les lois qui régissent les
corps suspendus, si le centre de gravité du fléau
se trouve verticalement au-dessous du point d'ap-
pui. Quand les deux plateaux sont chargés, le
fléau est un levier qui prend de lui-même la po-
sition horizontale lorsque le produit de chaque
charge par le bras de levier correspondant est le
même de part et d'autre. Il en résulte que si les
deux bras de levier sont rigoureusement égaux,
les poids placés dans chacun des deux plateaux
s'équivaudront rigoureusement quand, sous .leur
efi'ort, le fléau de la balance restera horizontal. Les
poids marqués mis d'un côté exprimeront donc le
poids du corps qui, mis de l'autre, leur fera équi-
libre. Dans ce cas on dit que la balance est juste ;
elle indique exactement le poids des corps.
Ainsi, la balance est juste quand les deux bras
de levier du fléau sont égaux en longueur et en
poids, que le centre de gravité est au-dessous du
point d'appui et que les plateaux sont suspendus
librement.
Elle doit satisfaire encore aune autre condition,
avoir une autre qualité qui ajoute à sa valeur; il
faut qu'elle soit sensible, qu'elle puisse indiquer
de faibles difi'érences dans les pesées, que l'addi-
tion d'un faible poids dans l'un des plateaux char-
gés suffise à la faire incliner. La sensibilité dépend
de la charge totale que supporte l'appareil ; car
si le frottement au point d'appui du fléau vient à
gêner le mouvement, il est visible qu'un très petit
excès de poids dans l'un des bassins sera sans
efl'et. Lors donc qu'on indique le degré de sensi-
bilité d'une balance par le petit poids qui la fait
trébucher, il faut dire aussi sous quelle charge
totale cette sensibilité s'observe .On construit, pour
les usages des laboratoires et des pharmacies, des
balances dites de précision qui sont sensibles au
demi-milligramme sousune charge qui pour les unes
s'arrêto à 50 ou 100 grammes et qui pour d'autres
peut aller jusqu'à un kilogramme. Dans ces appa-
reils, outre la parfaite mobilité du fléau, se trouvent
réalisées d'autres conditions que le calcul indique
comme nécessaires à produire la sensibilité: c'est
la longueur dos bras de levier, la légèreté du fléau
et la position du centre de gravité le plus près
possible du point d'appui.
Peser un corps. — Peu de balances satisfont
complètement aux conditions théoriques de jus-
tesse; aussi n'obtient-on que le poids approché
d'un corps en le plaçant dans l'un des bassins et
en lui faisant équilibre par des poids marqués
placés dans l'autre. C'est cependant ainsi qu'or»
opère d'habitude, parce qu'on n'a pas toujours be-
soin d'exprimer les poids avec une grande préci-
sion. Quand on veut obtenir le poids exact d'un
corps, il faut recourir à la double pesée : on place
le corps dans l'un des plateaux; on lui fait équilibre
avec de la grenaille de plomb ou tout autre objet
placé dans l'autre plateau: c'est ce que l'on appelle
faire la tare; on enlève le corps et on met à sa
place des poids marqués jusqu'à ramener l'équi-
libre ; ces poids marqués représentent rigoureuse-
ment le poids du corps, puisque dans la même
circonstance, ils produisent le même effet que lui.
Cette méthode, due à Borda, a l'avantage de per-
mettre d'effectuer des pesées très exactes avec
toute balance, môme celles qui s'éloignent nota-
blement de la justesse, pourvu qu'elles trébuchent
aisément, c'est-à-dire qu'elles soient sensibles.
Pour un seul corps, il y a deux opérations; mais si
l'on veut poser successivement cinq objets par
exemple, une seule tare suffira si elle correspond
au plus lourd des corps à peser; il n'y aura alors
que six opérations à faire.
On aurait tort de croire qu'on obtient le poids
exact d'un corps en le pesant successivement dans
les deux plateaux d'une balance et en prenant la
nK)yenne arithmétique des deux nombres trouvés;
un calcul simple, appuyé sur la loi des leviers,
montre qu'il faut dans ce cas prendre la moyenne
géométrique des deux nombres, c'est-à-dire ex-
traire la racine carrée de leur produit. On ne peut
donc songer à recourir à cette méthode dans la pra-
tique ; la précédente est beaucoup plus rapide.
Balance Robenal. — C'est la seconde forme de
la balance ordinaire; les plateaux sont supportés
par le fléau au lieu de lui être suspendus; ce der-
nier est souvent masqué dans une boîte rectangu-
laire d'où émergent les di ux tiges qui portent les
bassins et l'aiguille indicatrice de l'équilibre.
L'appareil tient peu de place, il est très-commode,
aussi est-il très-répandu.
Bala7ice romaine. — Dans la balance romaine^
BANQUES
2i0 —
BANQUES
Je fléau n'est pas suspendu on son milieu, les bras
•de levier sont inégaux ; l'extrémité la plus courte
porte le crochet ou le plateau unique qui reçoit
les corps à peser; la tige la plus longue porte un
poids mobile appelé curseur qa on éloigne plus ou
moins du point d'appui, suivant le corps que l'on
pèse, de manière à obtenir l'iiorizontalité du fléau
qui est la condition de l'équilibre. On a marqué
sur cette tige des échancrures ou des traits numé-
rotés dans lesquels il faut placer le curseur pour
faire équilibre à des poids de 1, 2, 3 kilogrammes
et fractions do kilogramme placés sur le plateau,
L'appai'eil ne nécessite aucun autre poids que son
•curseur et il permet des pesées très rapides.
li'iscule. — La bascule, très cmploj^ée dans le
commerce en gros et dans les bureaux de bagages
■des chemins de fer, est aussi composée de leviers
à bras inégaux associés. Elle est ordinairement
construite de telle façon que lorsqu'on a amené le
fléau à être horizontal, à l'aide de poids conve-
iiables placés dans le plateau, il faut décupler ces
poids pour avnir le poids du fardeau. On constate
l'horizontalité du fléau, c'est-à-dire l'équilibre, par
la coïncidence de deux pointes dont l'une est fixe
■et l'autre mobile avec le plateau des poids.
Exercices et applications. — 1 . Vérifier une ba-
lance : s'assurer d'abord que le fléau débarrassé
-des plateaux reste horizontal et que son aiguille
■s'arrête au milieu de son arc ; faire ensuite la tare
d'un corps, changer le corps et sa tare de plateaux
et voir si l'équilibre persiste.
2. Essayer la sensibilité d'une balance sous di-
verses charges en cherchant pour chacune le plus
petit poids qui la fait trébucher.
3. Vérifier une romaine en y suspendant dos
poids marqués et en constatant si les indications
correspondantes du curseur sont exactes.
[Haraucourt.]
BANQUES. — Connaissances usuelles, VII. —
1. Fonctions des banques en général. — « Les
fonctions des banques, dit Ch. Coquelin, peuvent
se formuler ainsi: 1" escomjjter les effets du com-
merce, en prenant un intérêt variable selon les
temps, et toujours calculé d'après l'éloignement de
l'échéance ; 2" émettre des billets payables à vue
et au porteur, qu'elles donnent, soit en écliange
des effets de commerce qu'on leur présente, soit
■en paiement de toute autre dette qu'elles contrac-
tent, et qui peuvent circuler dans le public jusqu'à
•ce qu'il plaise aux porteurs de les présenter à la
caisse pour les convertir en argent ; 3' faire des
avances aux particuliers, soit en billets de banque,
soit en argent, moyennant des garanties, telles que
dépôt de marchandises, particulièrement de ma-
tières d'or et d'argent, dépôts de titres ou de va-
leurs publiques, hypothèques sur des biens-fonds;
4° ouvrir à des particuliers ou à des établissements
publics des crédits à découvert jusqu'à concur-
rence d'une somme déterminée, soit après avoir
■exigé préalablement une caution, soit sur la seule
garantie de la moralité ou de la solvabilité du cré-
dité ; 5° recevoir en dépôt l'argent des particuliers,
à cliargc de le rendre à toute réquisition, tantôt en
s'obligeant à payer un intérêt pour les sommes dé-
posées, tantôt en se chargeant d'effectuer sans
rétribution, pour le compte des disposants, tous les
paiements et recouvrements d"elV<'ts de commerce,
tantôt enfin en se bornant à effectuer les paie-
ments par des virements de parties ou des trans-
ferts sur les livres, comme faisaient les anciennes
banques de dépôt. '>
Examinons rapidement ces diverses opérations.
1° EscoMi'TE. — Les effets de commerce, c'est-à-
dire ceux qui peuvent se transmettre par endosse-
ment, tels que les tdllets à ordre, les lettres de
c/ianr/e et les c/iè(jue:<, sont les seuls qui soient ac-
ceptés ])ar les ban(|ues contre échange d'argent.
Ils doivent porter au moins deux signatures. Ces
deux signatures peuvent suffire dans les petites
villes où la solvabilité de chaque négociant est, en
général, bien connue ; mais, à Paris et dans les
grands centres, on en exige trois.
Le taux de Tescompte varie selon les circon-
etances et selon la distance de l'échéance depuis
2 1/2 0/0 jusqu'à 8, [i et môme 10 0/0. Dans un
moment de crise commerciale, une banque peut
être obligée de refuser d'escompte des billets, ou
d'élever le taux de l'escompte ou de n'accepter
que des billets à courte échéance. Ainsi, vers le
milieu de novembre 1857, les taux adoptés parla
banque de France et par la banque d'Angleterre
ont été 10 0/1) pour les billets à 3 mois d'échéance,
9 0/0 à 2 mois et 8 0/0 à 1 mois.
2" Émissions. -• Le droit d'émettre des Ijillets de
bani{uc n'appartient, en France, qu'à un seul éta-
blissement, la Banf|ue de France (loi du 24 germi-
nal, an X — 14 avril 1803).
Le billet de banque est un billet à ordre perfec-
tionné ; il est, comme lui, une promesse de payer ;
il n'a de valeur que parce que le porteur est con-
vaincu qu'il peut être échangé à volonté contre des
espèces sonnantes ; il a pour but d'éviter les trans-
ports de numéraire, mais il n'est pas une monnaie
proprement dite. Son principal avantage sur le
billet à ordre lient à ce qu'il est accepté par tout
le monde, qu'il remplace presque complètement la
monnaie métallique et, qu'au lieu d'être rembour-
sable à époque fixe, il peut circuler indéfiniment et
ne rentrera la banque que lorsqu'il est en lambeaux
par l'effet de l'usage. Il résulte de là deux consé-
quences qui semblent opposées : pour le porteur, le
billet de banque est un efi'et constamment échu ;
pour la Banque, au contraire, c'est un effet payable
dans un délai indéfini, ce qui permet à celle-ci de
porter ses escomptes et ses émissions de billets à
un chiffre bien supérieur à celui des fonds qu'elle
possède dans ses caisses.
S'il arrivait qu'à un moment donné, par l'efiFet
d'une panique, on présentât à la Banque de France
une grande partie de ses billets en circulation, elle
se verrait obligée de refuser le remboursemenr, et
cependant ces billets conserveraient leur valjur
intégrale : on dirait alors qu'il y a cours forcé.
Ainsi, quelques jours après la révolution de 1848,
un décret du 15 mars accorda à la Banque de France
l'autorisation de ne pas rembourser ses billets à
condition qu'elle en limiterait la circulation à àbO
millions.
3' Avances. — En principe, les banques ne prê-
tent de l'argent qu'à courte échéance et n'es-
comptent pas les billets qui ont plus de trois mois
à courir. Cependant, par une dérogation à ce prin-
cipe,, elles font des avances sur des valeurs à
échéance non déterminée ou même sans échéance
conune sur des titres de rente, sur des actions de
chemins de fer, etc., en ayant soin de faire sous-
crire aux emprunteurs des engagements do rem-
boursement à courte échéance, engagements qut
Ion peut, du reste, renouveler indéfiniment.
k" Crédits. — Il y a des banques, principale-
ment en Ecosse, qui prêtent sur hypothèques et
même ù découvei^t, c'est-à-dire sans exiger le dépôt
d'aucun litre ; mais ces dernières opérations peu-
vent causer de graves embarras aux maisons qui
les pi-atiqucnt.
b" DÉPOTS. — Une des plus anciennes et des prin-
cipales opéi'ations des banques consiste à recevoir
en dépôts les sommes des particuliers et à opérer
en leur nom et sur leur ordre des paiements ou,
comme on disait autrefois, des virements de
foiids. Ainsi un commerçant qui ne veut pas con-
server chez lui des sommes improductives, et pres-
que tous les commerçants sont dans ce cas, so
met en compte courant avec un banquier ; il fait
des dépôts chez ce banquier toutes les fois qu'il a
des capitaux disponibles ; il le charge de toucher
BANQUES
— 241 -
BANQUES
ses effets et de faire tous ses paiements jusqu'à
concurrence des sommes déposées ou perçues.
A cet efi'et, le banquier ouvre un compte par doit
et par avoir: la première partie renferme les
sommes reçues par le commerçant ou payées pour
son compte ; la deuxième, les sommes déposées par
lui ou encaissées en son nom, de sorte que le doit
du commerçant représente Vavoir du banquier, et
inversement. Tous les trois mois ou tous les six
mois, selon l'importance des affaires, on fait un
règlement de compte en calculant exactement les
intérêts d'après les nombres de jours et d'après un
taux qui est le même pour les deux parties ; on fait
la balance et l'on reporte à nouveau la différence
au doit ou à l'avoir du commerçant. Le banquier
perçoit, en outre, une commissioJi, généralement
de 1/4 O/i', sur les sommes encaissées par ses soins,
plus un droit de change de place, dont le taux est
variable, quand l'encaissement a lieu dans une
autre ville que celle qu'il habite.
Établissements de banque et de crédit. — Pas-
sons maintenant en revue les principaux établis-
sements de banque et de crédit pour faire con-
naître brièvement leur organisation et leur but.
Il convient tout d'abord de distinguer les ban-
ques de circulation ou banques d'Etat et les éta-
blissements privés.
1» Banques d'Etat. — La plupart des pays ont
un établissement d'Etat qui est investi de certains
privilèges, souvent même du monopole de l'émis-
sion. Telles sont, pour ne citer que les principales,
la Banque de France dont nous allons parler, la
Banque d'Angleterre, la Banque de l'empire alle-
mand, la Banque nationale d'Italie, la Banque d' Au-
triche, etc.
La B.\NQi)E DE France (siège social: rue Croix
des Petits-Champs à Paris) fut constituée le 24 plu-
viôse an VIII (13 février 1800) au capital de 30 mil-
lions; elle eut, dès l'origine, le droit d'émettre des
billets payables au porteur et à vue, mais concur-
remment avec d'autres institutions semblables (la
Caisse d'escompte du commerce, le Comptoir com-
mercial, la Factorerie, etc.). La loi du 24 germinal
an XI (14 avril 1803) restreignit ce privilège à la
Banque de France, qui, à cette occasion, porta
son capital à 45 millions ; un comité central de
trois personnes choisies parmi 15 régents, nom-
més eux-mêmes par les actionnaires, était chargé
de la direction de la Banque. La loi du 22 avril
1806, en substituant au comité central des trois
régents trois gouverneurs nommés par le gouver-
nement, fit de la Banque une institution semi-gou-
vernementale et semi-particulière ; commanditée
par les particuliers, dii-igée par l'État, telle est la
forme sous laquelle elle fonctionne depuis près
de trois quarts de siècle.
Le capital social a augmenté successivement, et
la loi du 9 juin 1867 l'a porté à iSi 500 000 francs,
divisé en 182 500 actions libérées de lOOo francs,
cest-à-dire payées entièrement. Ces actions sont
nomiiiatices. Sur cette somme, un fonds de réserve
de 100 millions a été prélevé et versé dans les
caisses de l'État en échange do 4 millions de rente
3 p. 100.
La valeur de ces actions a beaucoup varié; au-
jourd'hui elle dépasse en général 5000 francs.
Les dividendes distribués aux actionnaires ont
naturellement suivi la même marche ; ils étaient
de 100 francs en l'an IX (1801); de 74 francs
en 1810; de 64 fr. 50 en 1820; de 85 francs
en 1830; de 139 francs en 1840; de 101 francs en
1850 ; de 1 40 francs en 1 8C0 ; de 1 1 \ francs en 1 870 :
de 270 francs en 1871 et de 320 francs en 1872.
En outre des dividendes versés, la Banque a
réparti deux fois sa réserve aux actionnaires:
1° Loi du 4 juillet l.s2(), — 202 francs par action ;
2° Loi du G décembre 1831, — 145 francs par
action.
V Partie.
Les billets de la Banque actuellement en circula»
tion sont de lOOO francs, de 500 francs, de 200,
de 100 et de 50 francs, ceux de 50(i0 francs, de
20 et de 5 francs étant à peu près complètement
retirés.
La Banque fait l'escompte, les recouvrements,
les comptes courants, accepte des dépôts, prête
sur les actions et sur les obligations des chemin.s
de fer, sur les obligations de la Ville de Paris, sur
colles du Crédit foncier et sur celles de la Société
algérienne ; elle est en compte courant avec le
ministère des finances qu'elle a fréquemment aidé •
ainsi, en 1870-71, elle a fait un prêt à l'État qui à
dépassé 1 milliard 300 millions comme importance
totale et dont le remboursement est, à peu près, à
la disposition du Trésor, bien qu'on ait inscrit dans
la loi 200 millions par an.
La Banque a créé des comptoirs ou succursales
dans les principales villes de France; elle doit en
posséder au moins une dans chaque département.
Cette adjonction des banques secondaires et la
création dos succursales a considérablement aug-
menté l'émission des billets de banque. Ainsi, la
loi du 22 décembre 1 849 a porté la limite des billets
en circulation à 525 millions; celle du 12 août
1870 a porté cette limite à 1 800 000 000; celle du
14 août suivant à 2 400 000 000 ; celle du 29 dé-
cembre I87| à 2 800 000000 ; enfin celle du 15 juil-
let 1872 à 3 200000000.
Pour faire face à toutes les difficultés qui peu-
vent surgir, la Banque doit posséder un encaisse
métallique énorme, servant, pour ainsi dire, de
cautionnement à ses billets; certains financiers
estiment que cet encaisse doit être d'un quart en-
viron de la valeur des billets en circulation, mais
cette opinion est purement théorique et aucune loi
économique n'en a jusqu'ici démontré l'exactitude
rigoureuse. Le bilan de la Banque de France est
publié chaque semaine au Journal officiel.
La Banque est administrée:
1° Par un gouverneur et deux sous-gouverneurs
à la nomination du Président de la République,
sur la présentation du ministre des finances;
2° Par quinze régents nommés par les action-
naires, cinq devant être pris parmi les manufactu-
riers, fabricants ou commerçants, et trois parmi les
receveurs généraux, pourvu que ceux-ci soient ac-
tionnaires ;
3° Par trois censeurs, manufacturiers, fabricants
ou commerçants, nommés aussi par les action-
naires et choisis également parmi eux.
Les gouverneurs, régents et censeurs forment,
par leur réunion, le conseil général de la Ban-
que.
L'assemblée générale a lieu tous les ans en jan-
vier ; elle se compose des deux cents plus forts
actionnaires
•i» Etahlissem.ents de crédit. — En dehors des
banques d'État, il existe dans tous les pays de
grandes sociétés qui exercent librement l'industrie
du banquier sous réserve de certaines garanties
prescrites par la loi et qui peuvent différer sui-
vant Jes pays et les circonstances.
Ces institutions font l'escompte des effets de
commerce, émettent des obligations à long terme
ou des chèques payables à vue, etc. ; mais il leur
est interdit, en France, d'émettre des billets de
banque, le monopole de cette émission étant ré-
servé à la Banque de France.
Parmi les principales institutions de ce genre
que possède la France nous citerons : 1" le Comp-
toir d'escompte de Paris, société anonyme consti-
tuée le lO mars 1848 pour 39 ans (capital social: lOO
millions, divisé en 160,000 actions libérées ou por-
teur de 625 francs chacune). Cette société a pour objet
principal d'escompter tous les effets do commerce
payables à Paris, daus les départements et à l'é-
tranger ; de faire des avances moyennant des garan.
16
BANQUES
— 242 —
BARBARES
ties fixées, de se charger de tous paiements et
recouvrements, d'ouvrir des souscriptions à des
empruiits publics ou autres, etc.
Le cours des actions du Comptoir d'escompte
est généralement supérieur à 9ii0 fr. Voici les ré-
partitions accordées à ces actions pendant quelques
années: 40 fr. en 1850, 44 fr. en 1860, 6i",b0 en
1865, 27".60 en 1870, etc.
Le i^uniptoir d'escompte a des succursales en
France et à l'étranger. Un certain nombre de villes
possèdent un comptoir d'escompte particulier, in-
dépendant du précédent et ayant le même but :
Angoulême, Caen. Fougères. Lyon, Mirecourt, Mul-
house, Nancy, Reims .Uouen, etc.
2" La Société de dépôts et de comptes courants,
société anonyme autorisée le 6 juillet 1863 pour
30 ans. Capital social : GO millions, divisé en 120.000
actions nominatives de 5(!0 fr. chacune. Elle fait à
peu près les mêmes opérations que le Comptoir
d'escompte.
3° La Société générale pour favoriser le dévelop-
pement du commerce et de l'industrie en Frarice,
société anonyme autorisée le 4 mai 1864 pour 50 ans.
Capital social : 120 millions, divisé en 2^0 000 ac-
tions nominatives de 500 fr. Cette société, qui fait
toutes les opérations de banque ordinaires, a pour
objet d'aider à la constitution ou au développement
d'associations industrielles et commerciales.
4° Le Crédit mobili'-r, société anonyme autori-
sée le 11 décembre 1871 pour 50 ans. Capital so-
cial : 80,000,000, divisé en 16(t,000 actions libérées,
au porteur, de 500 fr. chacune. Elle fait pour son
compte ou pour le compte do tiers toutes les opé-
rations de crédit, de banque et de commission sur
valeurs mobilières.
Mentionnons encore ici un établissement qui, sans
être une banque proprement dite, a joué depuis
trente ans un trop grand rôle comme établisse-
ment de crédit pour ne pas être signalé : c'est
le Crédit foncier de France, société anonyme
autorisée le -30 juillet 1852 pour 99 ans. Capital
social : 90 millions, divisé en 180 000 actions. Le
Crédit foncier prête sur hypothèque aux pro-
priétaires d'immeubles des sommes remboursables,
soit à long terme par annuités, soit à court terme
avec ou sans amortissement; il crée ou négocie des
obligations foncières, reçoit des dépôts, et favorise
par différentes opérations l'amélioration du sol et
les progros de l'agriculture.
Pour satisfaire aux prêts qu'il est autorisé à. faire,
le Crédit foncier a émis on 1853 une première série
d'obligations de 1000, de 500 et de lOO fr., toutes
libérées, formant un total de 2ii0 millions, rappor-
tant 30, 15 et 3 fr. d'intérêt fixe par an, rembour-
sables en 50 ans à raison de 1200, 600 et 120 fr.
par tirages au sort et avec primes pour les premiers
numéros sortants. En 1857, elle a émis une
2* série d'obligations de 500 fr. remboursables au
pair en 50 ans, par tirages au sort sans primes et
rapportant 25 fr. par an. D'autres émissions ont eu
lieu depuis. En 186 ', elle a émis une première sé-
rie de 75.000 obligations communales pour faire
des prêts aux départements, aux communes et aux
associations syndicales. D'autres séries ont été
émises depuis.
Enfin, il y a quelques années, il s'est assimilé
complètement le Crédit agricole qui se trouvait en
liquidation et qui avait éié ju-(iiie là un établisse-
ment particulier, bien qu'il lût dirigé par les gou-
verneurs et la plupart des admmisirateiirs du
Crédit foncier. Le capital social ajuutJ est de 4ii
millions divisé en 80, n' () nhlt^niions.
Pour faire voir le développement immense des
opérations du Crédit foncier, nous donnons un
extrait du bilan communiqué à l' assemblée générale
le 30 avril 18" 7.
Le montant des prêts hj-pothécaires à long terme
réalisés par le Crédit foncier depuis sa fondation
est de 1 287 276 779",28; celui des prêts commu-
naux réalisés depuis la loi de 1860 est de
87x340 5l2".64. Le capital restant dû, au 31 dé-
cembre 1876, s'élève h 832 908 165 fr. pour les
prêts hypothécaires et à 559 078 703f',48 pour les
prêts communaux.
A côté des compagnies anonymes et des grandes
maisons de banque, qui ont k leur disposition des
capitaux considérables, se trouvent une infinité de
banques particulières dans toutes les villes de
France, qui font en petit ce que les premières font
en grand, c'est-à-dire escomptent les effets, font
les recouvrements, reçoivent des dépôts, font des
avances, etc. — V. Amortissement, Annuités, Cré-
dit foncier, Escompte [Règle d'j, Obligations.
[Bougueret].
Pour les problèmes se rapportant aux questions
de banque, V. Actions.
Lectures et dictées. — Levasseur, Histoire des classes
ouvriih-es. t. I, p. 216-221, 232-263; t. H, p. 97, 116-118,
227-ÎJ2 (sur la Banque de France).
BARBARES. — Histoire générale, XVL — Le
nom de Barbares était donné par les Grecs et plus
tard par les Romains à tous les peuples étrangers.
Pour eux, tout ce qui n'était pas hellène ou latin
méritait à peine le nom d'homme ; et ces races
inférieures, mercantiles comme les Carthaginois,
serviles comme les Asiatiques ou vigoureuses
comme les Germains, n'étaient que de la matière
humaine, bonne tout au plus à alimenter le trésor
et les marchés d'esclaves. On devait les écrasorou
les vendre.
Origine des barbares. — Pourtant tous les Eu-
ropéens étaient frères. La race aryenne, en route
vers l'occident, s'étaient partagée en deux coh-
rants parallèles que séparaient les Balkans et les
Alpes. Ces deux courants sortaient de l'Asie, msis
l'un au nord, l'autre au sud. Les Pélasges, les Hel-
lènes, les Italiens venus par l'Asie Mineure,
s'étaient mûris plus vite au soleil de la Méditerra-
née, au voisinage des civilisations précédentes ; les
autres, ceux que les Grecs appelaient d'un nom
générique les Scythes, étaient descendus du Cau-
case dans les plaines sans frontières de la Russie,
de l'Allemagne, et avaient obscurément pénétre
sous les forêts jusqu'à la Baltique et à la mer du
Nord. Séparés, ces deux mondes s'ignoraient depuis
de longs siècles. Des Scythes, les Grecs ne con-
naissaient guère que le nom. Aussi quand elles se
rejoignirent, ces deux moitiés de la race aryenne
ne s'inspirèrent que l'étonnement et la haine. Leur
choc, dès longtemps inévitable, eut pour résultat
l'invasion.
Ce ne futpas une irruption soudaine : à l'avance,
des chocs redoutables, l'invasion des Cimbres,
(f dont le nom devint le synonyme de fort et de
terrible, » le désastre de Varus. l'an 9 après J.-C,
furent les avertissements du péril. Auguste trouva
pour l'empire un rempart : derrière le fossé du Da-
nube et du Rhin, Rome attendit les Barbares.
Habile à les user contre eux-mêmes , elle recru-
tait parmi eux ses armées; par sa politique de
division et de corruption constante, elle réussit à
maintenir sa frontière pendant quatre siècles.
État lie Rome. — Mais son empire s'affaissait sur
lui-même. Les nationalités effacées par la con-
quête, le gouvernementdésorganisé par les guerres
civiles, le monde épuisé d'hommes par l'esclavage,
de richesses par la rapacité romaine, « une inertie
mortelle se répandit dans tout lo corps social. Le
peuple se coucha par terre de lassitude et de dé-
sespoir, comme la bête de somme se couche sous
les coups et refuse de se relever. » (Michelet.)
Rome n'avait plus ni patriotisme, ni religion na-
tionale, ni ressort ; sa domination se décomposait
et croulait de toutes parts, quand les Barbares
vinrent lui porter les derniers coups.
Éiat des Barbares. — Derrière le Rhin et le
BARBARES
— 213 —
BARBARES
Danube jusqu'au fond de lAsie sagitait confusé-
ment la masse vague et flottante des populations
barbares. En Asie, la race tartare comprenait les
Alains (région du Caucase), les Bw/^rare^ (région du
Volga), les Hongiyis, les Turcs, qui envahirent
successivement l'Europe. La plupart, au iv« siè-
cle, étaient dominés par les Huns. En Europe,
les Slaves du midi Serbes, Croates), de l'ouest
(Moraves, Tchèques, Lettons) et du nord (Russes,
Finnois) avaient subi l'empire des Goths, que
bornaient à l'ouest la Theiss et la Vistule, au sud
le Danube, à l'est le Don. Enfin, la Geiman>e com-
prenait trois groupes de peuples : au nord du We-
ser, les Saxoiu (Saxons proprement dits, Angles.
Burgundes et Vandales); à l'ouest, la confédération
des Frayics (Francs maritimes aux bouches du
Rhin, Francs Salions sur l'Yssel, Francs Ripuairas
vers Mayence) ; au sud, les Alamans ou Suèves
(Alamans sur les bords du Rhin, Suèves sur le
Neckar, Boiowares en Bavière).
La barbarie desTartars, nomades, sans lois, sans
gouvernement régulier, devait se bornera détruire.
Mais les tribus germaines avaient déjà des institu-
tions qui durèrent. D'abord les Germains « ado-
raient le soleil qui éclaire, le glaive qui tue, la
terre qui nourrit. » (Fustel de Coulanges.) n Tous
les ans, la déesse Hertha (la Terre) sortait, sur un
char voilé, du mj'stéripux hnfac'^ où plie avait son
sanctuaire, dans une île de l'océan du Nord. »
Puis le héros Odin a était' venu promettre l'im-
mortalité aux braves, un paradis, un walhalla, où
ils pourraient tout le jour se tailler en pièces, et
s'asseoir ensuite aux banquets du soir.» — La femme
devint alors la fée des combats, « la Walkj'rie char-
mante \t terrible, qui cueille comme une fleur
l'âme du guerrier expirant. » ^Michelet.) Ces peu-
ples n'avaient point de villes, mais seulement des
villages et des forteresses, dont ils cultivaient l'alen-
tour. Les esclaves travaillaient pour les nobles et les
hommes libres. Leurs tribus étaient réunies en cités
quelquefois puissantes où dominaient l'aristocratie
€t les chefs de guerre. « Un homme se levait au
milieu d'une assemblée ; il annonçait qu'il allait
faire une expédition en tel lieu, contre tel ennemi;
ceux qui avaient confiance en lui l'acclamaient
pour chef et le suivaient. » (Fustel.) A jamais in-
fâme celui qui reviendrait sans lui du combat ; « sa
table abondante et grossière, voilà la solde ; la
guerre y fournit, et le pillage. » (Tacite.) Et les
guerriers jetaient de l'herbe par-dessus leur épaule,
puis se lançaient dans l'aventure et la guerre.
Au v* siècle, ce régime des bandes guerrières
avait prévalu ; leGermain, traînant après lui sa fa-
mille, a rapportait ses blessures à une mère, à une
épouse, qui ne craignait pas de compter et de me-
surer les plaies. » Et cette vie errante, faite d'in-
dépendance farouche et de guerre constante, con-
suma les forces de la Germanie jusqu'au jour où
une impulsion extérieure vint la jeter sur l'empiré
romain.
Première période. — De l'Oural au Kamtchatka
s'étend une plaine immense et sans frontières.
«Terreindécise.racosflottantes. » Les Huns mongols
sillonnaient ces déserts glacés ; à force de tuer et
de piller, de proche en proche, ils étaient entrés
en Russie; d'un seul choc, l'empire des Goths fut
brisé. Ceux-ci, chassés par les vainqueurs, qui
« paraissaient effroyables aux barbares eux-mê-
mes ». passèrent le Danube avec la permission de
l'empereur ; on prit leur armes, leurs enfants,
comme à des vaincus (.375). Mais aff'amés par l'avi-
dité romaine, les Wisigoths se soulèvent, tuent
l'empereur à Andrinople (378),etle flot des Barbares
■vainqueurs roule jusqu'à Constantinople. Arrêtés
par Théodose, ils s'ébranlent de nouveau sous
Alaric, et cette horde d'un million d'hommes pro-
mène dans l'empire le pillage et la destruction. Sui-
vant de près les Germains de Radagaise qu'a vaincus
un Vandale, Stilicon, chef de la milice, ils s'abattent
sur l'Italie. L'empereur se réfugie à Ravenne, pen-
dant que Rome est en proie au pillage. Un chef,
Ataulph, bientôt successeur d' Alaric, prend dans
le butin la sœur du prince, qui envoie les pillards
s'établir en Aquitaine comme soldats de l'empire,
(412). Malgré eux, ces Barbares étaient saisis de
respect devant le prodigieux ouvrage de la civili-
sation romaine.
Cependant le progrès des Huns avait poussé sur
la Gaule la Germanie tout entière. Dans la nuit du
31 décembre au t" janvier 407, une avalanche de
Suèves, de Vandales, d'Alains et de Burgundes
avait franchi le Rhin sur la glace. Pendant deux
ans, la Gaule fut dévastée, t Les Barbares ne lais-
saient derrière eux qu'un sol nu et des débris fu-
mants. La ruine eût été moins complète, si l'Océan
tout entier eût débordé sur les champs gaulois. »
(Orose.) Enfin les Burgundes se fixèrent sur la
Saône, et les autres bandes allèrent chercher en
Espagne une nouvelle proie (409). Les Suèves y
fondèrent dans l'ouest (Asturies, Portugal) un
royaume éphémère bientôt détruit par les Wisi-
goths (456).
En 4"2'J, les Vandales s'embarquaient pour l'Afri-
que, sous leur roi Genséric. Leur fureur fut si
épouvantable que le mot de vandalisme est devenu
synonyme de barbarie ; ils écrasaient les enfants
contre les pierres, et 5 millions d'hommes périrent,
dit Procope. Les côtes de la Méditerranée devinrent
la proie des pirates vandales, et Genséric pilla
Rome pendant quinze jours (455). Des milliers de
captifs, les trésors entassés depuis des siècles fu-
rent chargés sur les vaisseaux barbares.
Mais le génie de la destruction n'avait pas encore
paru dans l'empire. « Sérieux et grave, ramassé
dans sa taille courte et forte, le nez écrasé, le front
large et percé de deux trous ardents, Attila roule
de sombres pensées, tandis qu'il passe la main dans
les cheveux de son jeune fils. » (Michelet.) C'est
ainsi que le virent avec effroi les Grecs, envoyés
par Théodose H, « dans son village de bois, tout
peint et tapissé, aux mille kiosques, aux cent cou-
leurs, et tout autour la verte prairie du Danube.
(^'est de là qu'il partait tous les ans avec son im-
mense cavalerie. » La terreur marchait devant lui :
et l'herbe ne poussait plus là où son cheval avait
passé ! Toute la Gaule frémit quand il franchit le
Rhin. Tous, Romains ou barbares, du Wahal aux
Pyrénées, furent aussitôt debout, aux ordres du
patrice Aétius, contre celui qui leur apportait une
égale servitude. Mais déjà Orléans était menacé
quand arriva l'armée des confédérés, Romains, Gau-
lois, Francs, Goths et Burgundes. Les Huns recu-
lèrent jusque vers Mauriac entre Troyes etChâlons.
Là eut lieu la grande bataille des champs catalauni-
ques. Les tambours tartars et les trompes d'aurochs
donnèrent le signal. Le soir, le roi des Wisigoths
gisait sur le champ de carnage avec environ 1 65,000
liommes. Mais le lendemain Attila ne sortit pas de
son camp, et après quelques jours, il reprit la
route du Rhin. L'Occident était sauvé. Deux ans
plus tard, le fléau de Dieu reparut en Italie. Une
croyance populaire menaçait de mort quiconque
entrait de force dans la ville éternelle. Le roi des
Huns se retira devant le pape saint Léon. Il périt
pourtant, dit la légende, égorgé, la nuit de ses no-
ces, par la fille d'un chef vaincu qu'il avait con-
trainte à l'épouser. Après lui, les Huns s'évanoui-
rent comme un songe terrible.
La grande invasion allait finir. Comme chez un
mourant la vie se retire lentement des membres au
cœur, les légions romaines abandonnant la Breta-
gne, rEspagne, la Gaule, l'Afrique, s'étaient con-
centrées en Italie. Mais les Hérules, enrôlés dans
l'armée romaine, se révoltèrent à leur tour. La
déposition de Romulus Augustule mit fin à l'empire
d'Occident (47g}. Le dernier des douze vautours ap-
BAROMETRE — 2
parus à Romulus, et qui promettaient à Koino
autant de siècles de vie,« venait d'aclicver son vol :
ô Rome, tu sais ton destin. » (Sidoine.)
Deuxième période. — L'empire détruit, les Van-
dales dominaient en Afrique, les Wisigotlis en
Espagne et en Aquitaine, lesBurgundessurla Saône
elle Rhône ; Clovis enfin allait conquérir la Gaule.
Théodoric ritalie ; les Anglo-Saxons la Grande-
Bretagne. Pour la Gaule, ce fut l'invasion cfcfini-
tive. Les Francs vinrent les derniers et restèrent
maîtres. Mais l'Italie pacifiée par le génie de Théo-
doric n'était pas encore à jamais tranquille. Tou-
jours elle a groupé les nations autour d'elle, par la
force aux temps de la république romaine, et par
ses enchantements aux temps de ses divisions. Les
Lombards devaient encore descendre des Alpes et
l'arracher aux Grecs, qui l'avaient reprise aux Os-
trogotlis.
Troisième période. — Cela dit, l'invasion est-
elle terminée ? pas encore. L'élan des peuples vers
l'Occident n'est pas arrêté. L'Angleterre est la
proie de miarations continuelles. Charlemagne
repoussera dans l'est le dernier ban des barbares
slaves et tartares Enfin les pirates du nord vien-
dront sur leurs chevaux de mer désoler longtemps
nos rivages ; les invasions magyares se continue-
ront jusqu'au milieu du x* siècle dans l'Europe cen-
trale, et les Arabes couvriront l'Espagne de leurs
légers escadrons. Néanmoins l'Europe occidentale
est définitivement constituée. Du mélange des races
accumulées se formeront les peuples modernes,
en Gaule, en Italie, en Espagne, en Angleterre.
[Paul Scliiifer.j
B.VKO^iETRE. — Physique, IX. ~ Le baromè-
tre est un instrument qui sert à constater et à
mesurer les variations de la pression atmosphéri-
que. Il a été imaginé par Torricelli qui, en 1641.
réussit le premier à prouver expérimentalement
rexistence de la pression de l'air et à trouver sa
valeur.
1. Tube de Torricelli. — Pour répéter l'expé-
rience du savant disciple de Galilée, on remplit de
mercure sec un tube d'un mèLre, on bouche avec
le doigt l'extrémité ouverte ; on retourne le tube,
pour plonger l'extrémité que le doigt ferme dans
une cuvette de mercure ; quand on ôte le doigt,
le mercure descend dans le tube et, après quelques
oscillations, le sommet de la colonne s'arrête à une
distance d'environ 76 centimètres au-dessus du ni-
veau du liquide dans la cuvette. On se convainc
facilement que c'est la pression exercée par l'air
qui retient dans le tube cette colonne de liquide
au-dessus de laquelle est le vide : l'élément liquide
du tube qui est au niveau de la cuvette doit être
aussi pressé que tout élément égal de la surface
du mercure ; il l'est par la colonne qu'il supporte,
le second l'est par l'air; on en conclut que la pres-
sion de l'air est représentée par la colonne de
mercure du tube. Si on suppose que la section du
tube ait 1 centimètre carré de surface, la hauteur
de la colonne liquide étant de 70 centimètres, son
volume est de 76 centimètres cubes ; comme cha-
que centimètre cube de mercure pèse 13^%6, le poids
de la colonne soulevée est de 70 fois 135',6 ou
1033 grammes, ou approximativement 1 kilogramme.
La pression exercée par l'atmosphère est donc d'à
peu près 1 kilogramme par centimètre carré de
surface.
C'est si bien la pression de l'air qui retient le
mercure du tube au-dessus du niveau de la cu-
vette, que si on remplace le mercure par un autre
liquide, l'eau par exemple, la hauteur de la colonne
soulevée est telle que son poids soit encore de
1033 grammes pour une surface pressée d'un cen-
timètre carré. La colonne d'eau doit donc avoir
1033 centimètres de hauteur ou 10'". 33. L'exuc-
rience faite par Pascal a confirmé ce résultat.
Le lube de Torricelli indique donc à chaque in-
lî — BAROMÈTRE
stant la pression de l'atmosphère. 11 permet d'en
suivre les variations. Qu'on le transporte en effet
sur un lieu élevé et on verra baisser la coloime
de mercure, comme on devait s'y attendre, puis-
que le liquide de la cuvette supportera de moins-
le poids des couches d air qui seront au-dessous.
On a donc ainsi une sorte de balance propre à don-
ner à chaque instant le poids variable Ue l'aimc-
sphère. Et il suffira, dans tous les cas, pour con-
naître ce poids, de lire la hauteur de la colonne
mercurielle, c'est-à-dire la distance verticale des
deux niveaux; et quand on dira que la pression
atmosphérique est de 770"'", elle sera suffisam-
ment définie, puisqu'on pourra trouver sa valeur en
kilogrammes sur toute surface donnée, en calcu-
lant le poids d'une colonne de mercure de 770°""
de hauteur, supposée existante au-dessus de la
surface considérée.
Pour lire la hauteur, on accompagne le tube,
retenu verticalement, d'une planchette qui porte
une graduation en centimètres et millimètres et
dont le zéro correspond au niveau du mercure dans
la cuvette. L'appareil ainsi monté constitue le pre-
mier et le plus simple des baromètres.
2. Baromètre à cuvette. — Le baromètre à cu-
vette n'est qu'un tube de Torricelli fait avec tout le
soin possible pour que le vide existe au-dessus du
mercure, et fixé à demeure contre une planchette
verticale graduée. Si l'on veut lire les hauteurs
exactes exprimant les pressions, il faut mesurer la
distance des deux niveaux du liquide; mais si
l'on se contente de mesures approximatives, on
lit les hauteurs sur la graduation.
Il importe que les variations du mercure dans le
tube et par suite dans la cuvette n'amènent pas dis
déplacements trop considérables du zéro: c'esi
pourquoi on choisit une cuvette dont la surface soit
beaucoup plus grande que la section du tube ; la
cuvette anglaise, large et très peu profonde, réalise
cet avantage; elle y ajoute celui de n'exiger que
peu de liquide. Mais cet appareil, comme le tube
de Torricelli, a le grave incL'Uvénient de n'être pas
transportable.
3. liaromèlre de Fortin. — Le baromètre do
Fortin est celui de tous les baromètres à mercure
dont le transport est le plus facile. Le tube n'a d'""
particulier f[ue d'être protégé par un étui métalli-
que percé de deux fentes longitudinales qui per-
mettent de voir le haut de la colonne mercurielle.
La cuvette est à fond mobile ; elle est fermée en
dessous par une peau de chamois reposant sur
une vis à l'aide de laquelle on peut élever ou
abaisser le mercure. Le haut du cylindre qui la
forme est en verre et laisse voir le niveau du li-
quide ; son couvercle supérieur est percé de peti-
tes ouvertures qui laissent pénétrer l'air et sont
trop étroites pour laisser écouler, le mercure: il
porte une pointe d'ivoire verticale dont l'extrémité
inférieure correspond au zéro de la graduation.
Veut-on transporter l'instrument, on tourne la vis
pour remonter le mercure dans la cuvette ; on peut
alors retourner le tube sans aucun risque que l'air
puisse pénétrer dans la chambre barométrique.
Veut-on au contraire procéder à une observation,
on suspend l'appareil verticalement ; on détourne
la vis jusqu'à ce que le niveau du mercure de la
cuvette afileure la pointe d'ivoire, et on lit la hau-
teur dans le tube sur la graduation de son étui.
On a fait de ce baromètre un instrument de pré-
cision et de luxe, de voyage aussi bien que d'ob-
servatoire.
4. Baromètre à siphon. — On construit, pour
les observations ordinaires, un baromètre formé
d'un tube recourbé en deux branches parallèles;
l'une longue de 0"',S0 est fermée; l'autre beau-
coup plus courte, d'un diamètre plus large, est ou-
verte : c'est le baromètre à aiphoii. La pression de
l'air s'exerce par l'ouverture de la petite branche;
CAllOMÈTRE — -
elle est mesurée par la différence verticale des
deux niveaux. Quand on munit l'appareil d'une
échelle fixe dont le zéro a été placé vis-à-vis du ni-
veau inférieur du mercure au moment de la con-
«truction, les indications sont inexactes, puisque ce
niveau inférieur est variable. On peut en faire un
appareil précis en plaçant le zéro en un point
quelconque do la tige et en graduant en centi-
mètres et millimètres au-dessus et au-dessous.
Mais alors une observation exige qu'on fasse deux
lectures, du zéro à chacun dos deux niveaux, et
<ju'on additionne les deux nombres trouvés.
Gaj--Lussac a rendu cet instrument transportable
on reliant les deux branches par un tube capillaire
qui reste toujours plein de mercure quand on re-
tourne l'appareil ; et il s'en est servi pour faire
en voyage des observations précises, en s'impo-
«ant, pour chacune, les deux lectures que la double
irraduation rond nécessaires.
Le baromètre à cadran, dont on a fait un élégant
meuble de salon, est encore un baromètre à si-
phon; le mercure de la petite branche supporte
un petit poids de fer soutenu par un fil qui passe
sur une poulie et qui suspend un contre-poids
un peu plus léger; ;\ la poulie est fixée une aiguille
mobile sur un cadran gradué ; l'élévation ou l'abais-
sement du mercure, en agissant sur le petit poids,
fait tourner l'aiguille dans un sens ou dans l'autre
devant les indications marquées sur le cadran. Cet
appareil est le moins exact des baromètres; il ne
mérite pas la confiance qu'on lui accorde trop sou-
vent.
.j. Bnromèlre anéroïde. — Tous les baromètres
il mercure ont l'inconvénient d'exiger un long tube
•<;t de n'être pas facilement transportables. On leur
j)réfèrc aujourd'hui un instrument entièrement
métallique, peu volumineux, très facile à manier,
Mi'.e son auteur a appelé aneroiae, pour inaïquer que
1 (iraane principal est privé d'air. Extérieurement,
ro baromètre présente un cadraii gradué sur lequel
une aiguille marque les pressions atmosphériques.
La pièce essentielle est une boîte en laiton mince,
;i surface cannelée, que l'on a fermée après en
avoir extrait l'air; elle repose sur un socle, et sa
surface supérieure, obéissant aux variations do
latmosphère, s'élève ou s'abaisse de quantités
ti'ès petites ot invisibles, mais que l'on parvient à
rendre sensibles en les multipliant convenablement
par des leviers. Ce sont ces mouvements que l'ai-
guille reproduit.
L'appareil tient peu de place, il marche très ré-
gulièrement, il est commode partout et particuliè-
rement en voyage.
Usages du haroniptre. — Quelle que soit sa
forme, le baromètre donne en tout lieu et à tout
instant la mesure de la pression de l'air. Or, cette
pression est très variable suivant l'état de l'atmo-
sphère au moment où se fait l'observation et aussi
suivant l'altitude du lieu où l'on opère. De là deux
usages principaux du baromètre : la mesure de
l'élévation verticale d'un lieu, et l'étude des va-
riations de l'atmosphère pour la prévision du
temps.
A. Mesure des hauteurs. — A mesure qu'on
s'élève, la colonne barométrique s'abaisse, ainsi
que l'a prouvé Pascal dès IC4«, en observant son
baromètre àla base et au sommet du Puy-de-Dôme,
et comme l'ont démontré depuis toutes les obser-
vations des voyageurs et des aéronautes. Il 3' a
donc un rapport entre la hauteur de la colonne ba-
rométrique et l'altiludo du lieu où l'instrument est
placé. Comme l'air décroit de densité et de tem-
pérature à mesure qu'on monte, ce rapport n'est
pas simple ; il a fallu des calculs compliqués pour
le trouver. Quoi qu'il en soit, si l'on fait deux ob-
servations simultanées, l'une au pied d'une mon-
tagne, l'autre au sonnnet, et qu'on note les deux
hauteurs barométriques H et A , puis les deux
5 — CASES
températures T et t, on déduit de ces quatre nom-
bres la hauteur de la montagne. Quand cette hau-
teur ne dépasse pas 1000 à 1200 mètres, on se sert
de la formule suivante due à M. Babinet,qui donne
un résultat approché :
Hauteur cherchée = 10000 fl + 1ILJ1Î2"\ ÎLZJ^.
\ ^ lUOU /H -h A
Pour une détermination plus exacte, il faut re-
courir à la formule de Laplace indiquée dans l'An-
nuaire da Bureau des longitudes.
B. Précision du temps. — foute perturbation
survenant dans l'atmosphère influe sur le baro-
mètre et modifie la pression qu'il supporte. Les
variations de la hauteur barométrique semblent
donc pouvoir fournir, jusqu'à un certain point, des
indications sur les c\iangements de temps. Une
longue expérience a en efl'et appris que dans nos
régions le baromètre est haut par un temps sec,
qu'il est bas par un temps pluvieux, qu'il monte
lentement quand le temps se met au beau, c'est-à-
dire quand l'air devient plus lourd en devenant
moins humide, et qu'il baisse graduellement quand
le temps se met à la pluie, c'est-à-dire quand l'air
devient plus léger en prenant de l'humidité. Il ré-
sulte de nombreuses observations, qu'à certaines
hauteurs de la colonne correspondent assez géné-
ralement des états déterminés du ciel; ce sont les
suivants pour le climat de Paris :
Très sec. Beau fixe. Beau. Variable.
"îJo""". 776. 76:î. 7oS.
Pluie ou \ent.
749.
Grande pluie.
7-10.
Tempête.
73Û.
On a pris l'habitude de les inscrire sur les baro-
mètres pour rendre les observations ordinaires
plus commodes et plus promptes ; mais ils ne con-
cordent pas avec le temps dans toutes les con-
trées.
Il ne faut pas perdre de vue que les pronostics
tirés des indications barométriques ne sont que des
probabilités. Le baromètre ne fait connaître d'une
manière positive qu'une chose : la pression de
l'atmosphère au moment de l'observation; seul, il
ne peut rien faire préjuger de ce qui se passera
plus tard. Cependant, quand il subit un abaisse-
ment considérable et brusque, c'est un signe à peu
près certain de tempête, alors même que rien ne
l'annonce dans l'air.
Le phénomène de la pluie et du beau temps est
très complexe ; il tient surtout à la direction du
vent; il ne peut être prévu avec quelque sûreté
que dans un observatoire qui centralise des obser-
vations nombreuses pour en tirer la connaissance
du temps probable et en répandre l'annonce par les
moyens rapides. Les observations isolées n'acquiè-
rent quelque valeur comme pronostics qu'autant
qu'on les accompagne de celles des vents régnants
et de l'état du ciel.
Applications et expériences. — 1. Vérifier le vide
de la chambre d'un baromètre en l'inclinant len-
tement et remarquants! le tube se remplit complè-
tement.
2. Mesurer une hauteur à l'aide du baromètre.
3. Tenir un registre d'observations barométriqHes
où se trouvent consignés l'état de l'atmosphère
(beau temps ou pluie) et en regard la hauteur en
millimètres de la colonne et la température. Le
faire surtout pour un baromètre portant les indi-
cations littérales du temps, pour s'assurer qu'elles
présentent quelque exactitude et pouvoir les recti-
fier au besoin. , [Haraucourt.]
BASES. — Chimie II. — (£<yw.: Dérivation du
sens ordinaire du mot hase, parce que les oxydes
étaient considérés comme l'élémeni essentiel et
caractéristique des sels.)
Lorsqu'on a fait la nomenclature chimique, on
a donné le nom de Ijases exclusivement aux oxydes
métalliques capables de neutraliser les acides en
BASES
- 246
BASSE-COUR
formant avec eux des sels{\. Acides et Sels). Ainsi,
la potasse ou oxyde de potassium, la chaux ou
oxyde de calcium, la magnésie ou oxyde de magné-
sium sont des bases.
La dissolution aqueuse du gaz ammoniac, ou al-
cali volatil, est une base, quoique n'étant pas un
oxyde métallique, à cause de ses analogies chimi-
ques avec la potasse qui est le type des bases.
En 1820, Pelletier et Caventou purent extraire
de récorce de quinquina deux principes ayant
comme les oxydes métalliques la propriété de for-
mer des sels cristallisables en se combinant avec
les acides. Pour rappeler cet important caractère
chimique, on les nomma alcaloïdes*.
Depuis la découverte de Pelletier et Caventou,
le nombre des alcaloïdes a considérablement aug-
menté ; Wurtz et Hoffmann en ont préparé un
grand nombre qui n'existent pas dans la nature
et dont les sels se rattachent aux sels ammoniacaux
en ce qu'ils en dérivent par la substitution d'un
radical alcoolique à l'hydrogène de l'ammoniaque.
Nous ajouterons que ces bases sont plutôt appelées
ammoniaqices composées qu'alcaloïdes, nom ré-
servé aux bases organiques naturelles.
La dissolution aqueuse des bases solubles ra-
mène au bleu le tournesol rougi par les acides. On
dit d'une liqueur qu'elle est basique quand elle a
cette action sur le tournesol.
Certains sels à, base puissante et à acide faible
agissent ainsi ; tel est le carbonate de potasse
appelé industriellement potasse, tandis que, comme
son nom l'indique, c'est de la potasse imparfaite-
ment neutralisée par de l'acide carbonique.
Il y a des sels complètement diiîérents par les
réactions qu'ils peuvent donner avec d'autres sels
ou par leur solubilité et même par toutes leurs
propriétés chimiques, et qui cependant ne diffèrent
dans leur constitution que par des quantités plus
ou moins grandes d'une môme base combinée i\ un
même acide. Ainsi, la chaux en se combinant sui-
vant ditîérentcs proportions ;\ l'acide phosphorique
forme trois séries de phosphates dout l'un consti-
tue en grande partie l'élément minéral des os des
animaux. On donne le nom d'acide polybasiqiie à
l'acide qui forme des combinaisons semblables ;
dans le cas particulier que nous citons comme
exemple, on dit que l'acide phosphorique est tri-
basique.
Les poids d'une même base qui se combinent
ainsi à un même poids d'acide sont entre eux dans
des rapports simples, comme 1, "i, -3, c'est-à-dire
que si on suppose trois poids des différents phos-
phates de chaux contenant la même quantité d'a-
cide phosphorique, on trouvera par l'analyse des
poids de chaux dont le second sera double du l"
et dont le 3* sera triple.
Cette loi due à Wentzel est un des fondements de
la chimie moderne, car avec cpUe de GayLussac
sur les combinaisons des gaz elle est le point do
départ de la théorie des éqtWKilents et par suite
de la tliéorie atonnqiie (V. Équivalents).
Prépnratio?i des hases. — Toutes les préparations
des oxydes métalliques basiques peuvent se ra-
mener à trois procédés généraux : 1» Griller le
métal à l'air quand celui ci s'oxyde facilement et
ne coîite pas trop cher; c'est ainsi qu'on ])répare
les oxydes de plomb et de cuivre. L'oxyde ainsi
obtenu est anhydre, généralement insoluble.
2° Chasser par la calcination d'un sel l'acide
qui s'y trouve combiné à la base que l'on veut
obtenir. C'est ainsi que l'on obtient la chaux par la
calcination des calcaires ou carbonate de chaux
divers. La magnésie calcinée des pharmaciens
s'obtient par la calcination de son carbonate. Dans
ce cas l'oxyde obtenu est encore anhydre.
.3 On ohfiont In plnpart des bases métalliques n
l'état de combinaison avec Veau ou d'hy/ratc, en
les extrayant de l'un do leurs sels en dl:*soUition
par l'action sur ce sel d'une base plus puissante,
par exemple la potasse, la soude, l'ammoniaque,
qui sont les bases se combinant le plus facilement
aux acides. Nous terminerons ces généralités en
donnant le procédé particulier par lequel on obtient
deux bases importantes, la potasse et la soude.
Le carbonate de potasse et le carbonate de
soude, potasse et soude du commerce, sont dissous
et chauffés dans une capsule d'argent avec de la
chaux hydratée, celle-ci se combinant très facile-
ment avec l'acide carbonique produit la séparation
de cet acide et de la base alcaline; il se forme un
dépôt de carbonate calcaire, et la liqueur surna-
geante est une dissolution de potasse ou de soude;
on la décante, il ne reste ensuite qu'à la concentrer
jusqu'à fusion et à l'abri de l'air; on la coule, elle
se prend en plaques blanches très caustiques:
c'est la potasse ou la soude à la chaux. On peut la
débarrasser de cette base qu'elle retient, par une
dissolution dans l'alcool. [A. Jacquemart. 1
BASSK-COUR. —Agriculture, XV. — La basse-
cour est, à proprement parler la partie des bâti-
ments d'une exploitation rurale, réservée aux petits
animaux domestiques, co(|S et poules, canards,
pigeons, oies, dindons, lapins, etc. Par extension,
cette appellation est donnée très souvent aux ani-
maux eux-mêmes qui peuplent la basse-cour. Jadi»
négligée, laissée aux soins des enfants, la basse-
cour est devenue, dans beaucoup de fermes, une
source de profits considérables, par la vente des
œufs et par celle des jeunes oiseaux dont les prix
ont suivi partout la hausse générale des prix de la
viande.
Deux conditions sont nécessaires pour réussir
dans l'entretien de la basse-cour rurale, car il ne
peut être ici question des volières des maisons de
campagne ou des châteaux. La première, c'est d'é-
tablir le poulailler, quelque rustique qu'il soit,
dans un lieu sec et sain ; la deuxième, c'est d'y en-
tretenir une très grande propreté. Enfin, quelle
que soit l'espèce d'animaux de basse-cour que l'on
choisisse, il est indispensable, non pas de les tenir
enfermés dans un local trop restreint, mais de les
empêcher de sortir en dehors de la cour de la
ferme. Les volailles qui vivent dans les champs
coûtent beaucoup plus clier qu'elles ne rappor-
tent, à raison des dégâts qu'elles produisent dans
les récoltes; dans la cour de la ferme, au contraire,
elles utilisent une grande quantité de débris, de
détritus, qui, sans elles, n'auraient d'autre desti-
nation que d'être jetés au fumier.
Il faut donner successivement les indications-
relatives au poulailler, au colombier et aux autres
parties do la basse-cour.
Poulailler. — Le poulailler peut être aussi sim-
ple qu'on le veut; il consiste en un bâtiment ou
hangar plus ou moins spacieux, «uivant l'impor-
tance! de la basse-cour. Le mobilier du poulailler
est très simple ; il consistera en perchoirs et en
nids ou pondoirs. Les perchoirs sont de simples
barres suspendues horizontalement ou fixées par
les deux bouts à une hauteur suffisante pour que
les poules puissent facilement y percher. Les pon-
doirs sont de petits paniers en osier grossier, pla
ces le long des murs du poulailler pour que les
poules y fassent leurs œufs. Ces pondoirs peuvent
aussi consister dans des cases rectangulaires creu-
sées dans le mur du poulailler, et munies d'une
planchette verticale à la partie inférieur!! de l'ou-
verture, pour retenir la paille qui garnit le fond
des loges.
Le poulailler doit communiquer avec une cour
suffisamment spacieuse. On y place une trémie
ou une auge contenant le grain destiné aux poules,
et un abreuvoir si la cour manque d'eau. Tout en
leur laissant la place nécessairi! pour leurs ébats,
on doit les isoler par une clôture.
Dans une basse-cour où l'on pratique l'élevage
BASSE-COUR
247 —
BASSE-COUR
industriel, il est important que la partie du pou-
lailler destinée aux poules couveuses soit isolée et
communique avec une petite cour particulière où
ces poules et leurs poussins ont seuls accès.
Le choix du coq est une chose importante dans
une basse-cour. Quand cet animal ne présente pas
une énergie suffisante, le plus grand nombre des
œufs des poules sont clairs, c'est-à-dire ne sont pas
fécondés. On estime que, dans la généralité^des
cas, il faut un coq pour dix poules.
La vigueur du coq dure généralement trois ou
quatre ans. Il en est de même de la lecondité
des poules. D'après des observations répétées, unel
poule bonne pondeuse donne environ 80 œuls la
première année, Vit) la deuxième et la troisième,
80 la quatrième, et ensuite de moins en moins.
Tous les gi'ains peuvent servir de nourriture aux
poules, mais ils ne peuvent pas former leur nour-
riture exclusive. Les criblures de moulins sont une
excellente nourriture. Il en est de même des in-
sectes du fumier, de la viande qu'il faut savoir
donner avec parcimonie, des détritus de légumes
et de salades.
Les jeunes poussins demandent des soins parti-
culiers. Pour le premier âge, le pain blanc émietté,
le millet blanc, les œufs durs hachés sont les meil-
leurs aliments ; le petit blé doit être donné un peu
plus tard. Quand les poulets ont quitté leur mère,
il faut leur donner un supplément de nourriture
composé de criblures; pour que les autres volailles
ne les en frustrent pas, il faut leur donner cette
nourriture à part. Il en est de même pour les jeu-
nes pousses de légumineuses ou de salades qu'il
est important de leur donner aussi pour les ra-
fraîchir.
La régularité dans la distribution de la nourri-
ture de la basse-cour doit être observée avec le
plus grand soin. Le matin et le soir sont les deux
moments les plus favorables.
Les races gallines sont nombreuses en France :
il en est beau, oup qui se font remarquer par leur
précocité, la qualité de leur chair, leur aptitude à
donner beaucoup d'œufs. Les races les plus esti-
mées soin:
1° La race de Crèvecœur, à laquelle se rattachent
les races de Houdan, de la Fîèche et du Mans ;
2" Les races de Bresse ;
3° Les petites races de Barberieux, de Caussade,
de Sologne, etc.
Les races étrangères les plus estimées sont les
races cochinchinoises do Dorking, Brahma-Poutra,
deBréda, de Hambourg, do Padoue, etc. Mais ce sont
plutôt des races de volière que des races destinées
aux basses-cours ordinaires ; elles demandent des
soins spéciaux qu'on ne peut leur donner partout.
Les meilleures pondeuses sont les poules de la
Flèche, de Bruges, du Brésil, le coucou de France,
les javanaises.
L'engraissement des volailles est une industrie
spéciale, qui se fait le plus souvent avec des appa-
reils de gavage dont il n'y a pas lieu de s'occuper
ici.
Il en est de même de l'incubation artificielle.
Pendant longtemps, on a cherché en vain des ap-
pareils permettant de remplacer la poule couveuse
et de faire venir des poussins à volonté. Aujour
d'hui le problème est résolu Avec une dépense
relativement faible, on peut faire éclore autant
d'œufs qu'on le désire et augmenter dans des pro-
portions colossales le nombre de poussins produits
dans la basse-cour. La production des poulets
par l'incubation artificielle est devenue une indus-
trie florissante autour de Mantes, dans le départe-
ment de Seine-et-Oise.
• Colombier. — On connaît un très grand nombre
de races de pigeons qui, toutes, paraissent des-
cendre du pigeon bizet ou fuyard qui peuple encore
la plupart des fermes. Le nombre des variétés est
aujourd'hui presque infini: il en est quelques-unes
qui présentent des caractères très curieux.
Toutes les races de pigeons vivent à l'état demi-
sauvage. Ces oiseaux errent pendant le jour pour
chercher leur nourriture, et ils rentrent la nuit au
colombier. Les races qui s'accommodent de la vie
de volière sont rares; la plupart ne la supportent
que lorsque la volière est spacieuse, entretenue
avec une grande propreté et surtout ouverte une
partie de la journée.
Dans les maisons de campagne, le pigeonnier
est souvent un objet de luxe qu'on entretient avec
soin, sans compter avec les dépenses qui peuvent
en résulter. Dans les exploitations rurales, les
colombiers doivent être une source de profits. On
leur donne souvent la forme de tour ; mais, au
point de vue de l'économie et de l'installation, la
forme carrée est peut-être préférable.
Le colombier doit être éiabli sur un terrain sec
et dans la partie la plus tranquille de la ferme. Il
est bon de ménager à ses divers étages des gale-
ries ou parties saillantes de 25 centimètres envi-
ron. Dans l'épaisseur des murs, ou mieux accolés
à ceux-ci, sont établis des nids ou pondoirs, en
nombre d'un tiers plus grand que celui des paires
d'habitants. Ces nids sont en osier, en planchettes,
ou même en maçonnerie.
On accuse souvent les pigeons de dégâts dans
les champs ; ces dégâts ne sont sérieux que quand
on ne leur donne pas à la ferme une nourriture
suffisante. Celle-ci doit surtout consister en grains
et en criblures.
Les produits du colombier se composent des pi-
geonneaux qu'on vend, des pigeons réformés et
engraissés, des plumes, et enfin du fumier ou
colombine. Un colombier de 300 paires de pigeons
peut donner un bénéfice de 175 à 180 francs par
an, que l'on obtient sans dépenses considérables.
Quand on n'a qu'un petit nombre de pigeons, on
établit souvent le colombier à une ouverture de
toit, sur la ferme ou sur une annexe.
Canard. — De tous les oiseaux de basse-cour,
le canard est le plus facile à élever. On en connaît
de nombreuses variétés dont les naturalistes sont
unanimes à retrouver la souche dans le canard
sauvage.
Les variétés les plus estimées sont celles de
Rouen et de Toulouse
Les jeunes canards demandent après leur nais-
sance des soins analogues à ceux réclamés par les
poussins. Il ne faut pas les laisser aller à l'eau
avant l'âge de cinq à six jours. Leur développement
se fait rapidement, car ils sont d'une voracité
exceptionnelle.
L'engraissement des canards se fait avec des
farineux, des racines cuites, des glands concas-
sés, etc. Dans quelques parties de la France, cet
engraissement et la préparation des foies gras for-
ment une importante industrie.
Oies. — L'oie est un des oiseaux les plus utiles
dans la basse-cour. On en connaît, en France, deux
variétés : l'oie commune et l'oie de Toulouse.
Cette dernière a une taille un peu plus grande, et
elle atteint un poids plus considérable ; ses formes
sont épaisses et ramassées, ses pattes courtes, son
ventre tombant.
L'oie vit à l'état demi-sauvage; elle aime h parcourir
les vergers, les prairies, les vignes, etc. ;mais il est
bon de lui réserver des pâturages spéciaux, ou de
la mener sur les chemins en herbes, sur les chau-
mes après la moisson. Les oies destinées à l'en-
graissement doivent être séquestrées.
On estime que dix mères et deux mâles produi-
sent en moyenne 300 œufs par an. La première
ponte, la seule utile pour l'élevage, n'atteint que
le tiers du chiffre total.
L'industrie de l'engraissement des oies à Tou-
louse et à Strasbourg est célèbre depuis Icng-
BATRACIENS
— 248 —
BATRACIENS
temps. Par un engraissement pousse- à rexirêmc
et des soins spéciaux, on développe chez ces ani-
maux la maladie du foie gras.
La plume et le duvet de l'oie sont utilisés ; on
les recueille avec soin, les jeunes oisons sont plu-
mes à l'âge de doux à trois mois ; quantaux oies adul-
tes, on leur fait cette opération environ deux ou
trois fois par an.
Dindon. — Beaucoup moins répandu dans les
basses-cours que les précédentes espèces, le din-
don est surtout élevé pour sa viande. On distin-
gue, en France, trois variétés du dindon domesti-
que : la blanche, la grise et la noire.
Le dindon doit occuper dans la basse-cour un
bâtiment spécial analogue au poulailler. La dinde est
excellente couveuse, et on rcmjjloie souvent à cou-
ver les œufs de poule. Des soins minutieux doi-
vent lui être donnés pendant l'incubation.
Lajiin. — Le lapin est l'animal de toutes les
basses-cours ; c'est surtout celui de la basse-cour
du petit cultivateur.
On distingue trois variétés du lapin domesti-
que : le lapin gris, le lapin argenté, le lapin d'An-
gora. Ces deux dernières sont les plus estimées.
On élève le lapin dans des clapiers. On donne
ce nom à des cabanes disposées dans une petite
cour pavée et entourée de murs à fondations assez
profondes. Les cabanes des mâles et celles des
femelles doivent être isolées.
A chaque portée, on ne laisse généralement que
les six plus beaux lapereaux à la mère. La mère
doit être nourrie avec un soin plus grand quand
elle a ses petits. — La première condition de
réussite dans un clapier, c'est d'y entretenir une
excessive propreté, de nettoyer souvent les caba-
nes, et d'enlever toutes les déjections qui les sa-
lissent. — Le lapin peut être une source de profits
relativement élevés quand il est élevé avec soin.
[H. Sagnier.]
BATRACIENS. — Zoologie, XX. — [Etym. : du
grec batracos, grenouille). — Les Batraciens, confon-
dus autrefois avec les lézards et les tortues sous le
nom de Quadrupèdes ovipares, furent isolés par
Brongniart, en 1805, et formèrent un ordre dans
la classe des Reptiles. En 1816, de Blainville alla
plus loin, et établit la classe des Batraaefu ; mais
cette manière de voir n'a été généralement adop-
tée que tout récemment.
CLASSIFICATION.
On les divise en trois ordres, dont deux seule-
ment appartiennent à l'Europe ; ce sont les A.nou-
MEs, à tronc ramassé, sans queue, mais munis de
quatre membres; les LRODÈLEs,à tronc allongé,
possédant des membres et une queue
Les Anoures d'Europe ont été répartis par Du-
méril dans les trois familles des Hylâsformes, des
Bufonitormes et des Mniformes.
Les Hylxformes sont caractérisés par les dis-
ques ou pelotes visqueuses qui terminent les
extrémités de leurs doigts et de leurs orteils, et
permettent à ces animaux d'adhérer aux surfaces
lisses. En rapport avec cette organisation, ils ont
des mœurs arboricoles. En outre ils possèdent des
dents à la mâchoire supérieure et au palais.
Notre Rainette verte {H y la viridis, Laur.) est le
seul représentant du groupe en Europe.
Les Bu foiii formes n'ont pas les extrémités des
doigts dilatées, et ne possèdent de dents ni à la
mâchoire ni au palais. Cette famille comprend le
le genre Crapaud {Bufo), dont la France possède
deux espèces, lo C. commun [B. i ulgaris, Laur )
et le C. calamité {B. catamita, Laur.\ Une troi-
sième espèce, le C. vert {B. viridis, Laur.j est eu-
ropéenne, mais a été signalée à tort dans la faune
française.
Enfin les Ranifori7ies n'ont pas les extrémités
des doigts dilatées, et ont la mâchoire supérieure
et le palais armés de dents. Les progrès de la
science ont amené la nécessité de démembrer ce
groupe trop hétérogène. Les dix espèces qui le
représentent en Europe (la France en possède
huit), paraissent devoir être réparties dans les
quatrcs familles suivantes :
L Ranidés. — Le seul genre Grenouille (Rana)
représente chez nous cette famille, et peut à son
tour se décomposer en deux sous-genres ; l'un
d'eux, celui des Aquatiques, ne contient que la
grenouille verte ; et l'autre, celui dos Terrestres
[R. teniporaria, L.) comprend trois espèces eu-
ropéennes. Deux d'entre elles, l'Agile {R. agilis,
Thomas), méridionale, et la Housse {R. fusca,
Rœsel), septentrionale, habitent la France.
II. t^i'lohalides. — Deux genres et trois espèces
d'Europe et de France : les Pelotâtes hnm {Pelo-
bates f'uscus, Laur.) du 1^0Tà,etculfripède (P. cul-
fripes. Cuvier) du xMidi ; et le Pélodyte pnnctué
[P. punctatus, Dugès). ce dernier très-répandu
dans notre patrie, et s'étendant fort peu au-delà,
in, Bombinolorides. — Deux genres européens,
chacun d'une espèce. L'une d'elles, le Disc^'f/losse
{Discoglossus picfus, Otth.), habite le pourtour et
les îles de la Méditerranée, mais reste étrangère
à la France ; tandis que l'autre, le Sonrieur [Born-
binator igneus, Laur.) est fort commune dans les
localités calcaires ou argileuses de notre patrie.
IV. .i/gtidfs. — Un seul genre et une seule
espèce, VAlyte accoucbeur (Alytes ohstetricans,
Laur.) excessivement commun par toute la France
dans la plaine comme dans la montagne où il s'é-
lève jusqu'à 1,000 mètres d' altitude.
L'ordre des Urodèles (k queue apparente) se di-
vise on deux sections : l'une, sous le nom de Ca-
ducibranches, comprend les espèces dépourvues,
dans l'âge adulte, de branchies et même de toute
trace de perforation des côtés du cou; elle ne
contient que la famille des Salamandrides; l'autre,
sous la désignation de Pérennibranches ou Tréma-
dotères (cou percé), renferme les espèces dont le
cou reste perforé durant tonte In vie.
Nous ne parlerons que des Salamandrides et
nous citerons d'abord deux salamandrides exoti-
ques, VOnyclwdactyle au .lapon {Onyhodactylus
Schlegeli, Tschudi), remarquable par la taille con-
sidérable qu'il atteint (plus d'un mètre , et par
les étuis cornes qui enchâssent les extrémités de
ses doigts : et le Siredon Huiuholtii, du Mexique,,
acclimaté dans nos aquariums, et longtemps classé
dans la famille précédente, alors que l'on ne con-
naissait que sa larve branchiée, VAxolotl mexi-
ca7ius.
En Europe cette famille est représentée par
treize espèces dont neuf seulement se trouvent en
Franco, et s'»nt réparties en trois genres.
Le genre Salamandi-e, caractérisé par une queue
arrondie et par la présence de parotides sur les
côtés de la nuque, comprend la Salamandre com-
mune {Sala mandramaculosa, Laur.), répandue par
toute la France; et la noire(S. atra, Laur.), spé-
ciale aux Alpes, vivant jusqu'à 3 000 mètres d'alti-
tude, et ne descendant guère au-dessous de 850
mètres.
Le genre Euprocte a la queue aplatie en rame
comme les Tritons, mais est toujours dépourvu de
la crête qui orne au printemps le dos des mâles
de ces derniers. Une espèce française habite les
lacs élevés des Pyrénées, et une autre européenne
est signalée en Sardaigne et en Sicile.
Enfin le genre Triton compte en Europe et en
France six espèces qui sont: le Crète (Triton cris-
tatus, Lsiuv.), le Triton de B/asius {T. Blasii, de
risle), le Marbré (T. marmoratus, Latr.), l'Alpes-
Ire [T. alpestris, Laur.), le Ponctué (T. parisinus,
Laur.', et le Palmé [T. palmatus, Schneid. .
Le Triton de Blàsius n'a jusqu'à présent été
trouve qu'en Bretagne. Tous les autres se rcncon-
BATRACIENS
— 249 —
BATRACIENS
Irent aux environs de Paris; le Marbré et le Palmé
seuls paraissent exister dans le midi.
Aux trois ordres qui composent de nos jours la
classe des Batraciens, il convient d'en ajouter un
quatrième, si l'on veut tenir compte des espèces
qui ont vécu dans les temps géologiques. C'est
•celui des Dinobutracien'i ou Laln/rinthodoiitcs,
•animaux pour la plupart gigantesques, dont on
trouve les débris dans les terrains du trias et dans
ceux de l'étage carbonifère. Les trois ordres ac-
tuellement existants ont eu d'ailleurs des repré-
sentants depuis des époques très-reculées, et
Gaudry a récemment signalé l'existence des Uro-
dèles jusque dans le terrain primaire.
Le tableau suivant comprend toutes les espèces
françaises, et permettra d'arriversans trop de peine
au nom de l'une quelconque d'entre elles. Il suffit,
étant donné un batracien qu'on veut clas>er, de se
poser successivement les questions indiquées et de
se reporter, suivant la réponse, à l'un des deux
numéros indiques à droite, jusqu'à ce qu'on trouve
le nom de Vespèce.
Nous donnons ici ce tableau complet pour un
double motif, d'abord pour servir de spécimen des
tableaux dichotomiques dont on se sert aujourd'hui
dans tous les traites d'histoire naturelle, et qu'un
instituteur doit au moins savoir lire, ensuite parce
que les batraciens, étant communs chez nous
et d'une chasse aisée, sont peut-être, de toutes
les espèces animales, celle qu'il est le plus facile
de faire étudier aux élèves, à ceux des écoles nor-
males surtout: la distinction des principaux types
est à la fois assez nette et assez délicate pour don-
ner lieu à un excellent exercice d'observation
et pour initier l'élève aux principes de la classifi-
cation naturelle.
Batraciens de France.
. ) Corps ramassé. Pas de queue oràrc Anoures.
\ Corps allongé. Une queue orArc L'roOcles.
c \ Extrémités des doigts dilatées. . espèce l. Hainette.
" \ Non
i Pas de dents à la mâchoire supérieure et au pa-
3 . lais genre Crapaud.
i Des dents 4
, ( Pupille horizontale genre Grenouille. 9
i Pupille verticale ou triangulaire. "i o
- \ Pupille triangulaire espèce ii. 5on;ieiir.
i Pupille verticale 6
r. l Un éperon corné au talon genre Pélobate. 1 1
I Pas d'éperon 7
i Langue un peu échancrée en arrière, corps élan-
7 • ce espèce m. Pelodyte.
i Langue entière, corps ramassé... espèce iv. Alyte.
IUn pli cutané le long du tarse, une glande paroti-
dilorme sur la jambe espèce v. Calamité.
Pas de pli cutané le long du tarse, ni de glandi;
parotidilornie sur la jambe. . espèce vi. Commun.
i' Dents vomérienncs entre les orifices internes des
^ 1 narines espèce vu. Verte.
I Dents vomériennes en arrière des orifices internes
' des narines 10
[' Quand on ramène en a\aiit le long du corps le
membre postérieur, le talon arrive au niveau de
l'œil ou de la narine espèce viii. Rousse.
Dans les mêmes conditions, le talon dépasse gran-
dement l'extrémité du museau. . espèce ix. Agile.
Crâne convexe entre les yeux , éperon jaunâ-
tre espèce x. Brun.
Crâne plat entre les yeux , éperon noir.
espèce xi Cidtripède.
Queue arrondie genre Salamandre. 14
Queue aplatie 13
Jamais de crête dorsale espèce xii. Euprocte.
Une crête chez le mâle au temps du Irai.
genre Triton.
Robe totalement noire espèce xiii. Noire.
Robe tachée de noir et de jaune.espèce xw. Commune.
iO
11
tî
/ Sous la gorge, un repli cutané bien apparent, jamais
.„ 1 les pieds palmés 16
) Pli sous-gulaire absent ou à peine indiqué, pieds
[ palmés ou lobés chez le mâle au temps du frai.. . 19
/ Ventre unicolore, orangé. Crête du mâle basse et
jg \ rectiligne espèce sv. Alpestre.
I Ventre à grandes taches, ou finement piqueté. Crête
' du mâle élevée 17
, Ventre finement piqueté de blanc sur un fond lavé
j_ ' de brun et d'orangé. Dos vert, marbré do brun.
I espèce xv». Marbré.
y A'entre à grandes taches noires sur fond orangé .... 1$
Dos vert, marbré de brun, espèce xvii. de Blasius.
Dos noirâtre ou brun fauve à taches noires.
espèce xvni. Crête.
Chez le mâle, au temps du frai, pieds lobés; crête
élevée et dentelée ; pas de plis saillants le long des
flancs; queue acuminée... espèce xix. Ponctué.
Chez le mâle, au temps du frai, j.ieds palmés: crêle
basse et rectiligne ; un pli saillant, aussi élevé que
la crête, séparant le dos des flancs; queue carré-
ment tronquée, et terminée par un petit filet.
espèce sx. Palmé.
ORG.\XIS.\TI0N.
Peau. — La peau des Batraciens est ime, c'est-
à-dire dépourvue de poils, de plumes et d'écaillés,
&t muqueuse, c'est-à-dire privée d'épiderme corné.
Elle est criblée, à sa surface extérieure, d'une
grande quantité de pores ou trous, orifices excré-
teurs des glandes cutanées. Celles-ci sont de deux
sortes. Les unes sont des glandes muqueuses, dont
la sécrétion est destinée à lubréfier l'épiderme et
à prévenir sa dessiccation ; et les autres sont des
glandes à venin.
Venin. — Ces dernières sécrètent un suc vis-
queux, blanchcâtre et odorant. L'odeur, et aussi }^-;
mode^d'action physiologique de ce liquide, toujours
toxique, varie d'une espèce à l'autre. Les glandes
à venin paraissent exister chez toutes les espèces
de Bati'aciens anoures et urodèles ; elles sont seu-
lement moins nombreuses chez certaines, comme
les grenouilles, ou leur produit est moins toxique.
Tantôt elles sont disposées sans ordre dans toute
l'étendue du tégument externe ; et tantôt elles s'ac-
cumulent de préférence en certaines régions : dans
la queue des tritons par exemple ; sur le tronc, des
deux côtés de la colonne vertébrale des salaman-
dres ; sur les côtés de la nuque des crapauds et des
salamandres. Daiis ce dernier cas elles forment
deux bourrelets très apparents que l'on connaît
sous le nom de parotiilrs.
De nombreuses expériences ont établi la nocuité
de ce venin, même sur des animaux volumineux,
quand il est introduit dans la circulation ou dans les
voies digestives. On a tué des chiens avec quel-
ques gouttes de ce liquide, et même avec la sub-
stance obtenue par sa dessiccation et conservée de-
puis plusieurs années. Une étude déjà ancienne et
cependant assez complète sur ce sujet a été publiée
parGratiolet etClocz. Le principe actif du venin du
crapaud, d'après les analyses de ces auteurs, serait
un alcaloïde soluble dans l'éther, dans l'alcool et
dans l'eau.
Il ne faudrait pas conclure, de ce qui précède,
que les Batraciens soient des animaux dangereux.
Ils n'ont, dans leur sécrétion cutanée, qu'une arme
défensive, destinée à les protéger contre les ani-
maux carnassiers qui voudraient en faire leur proie.
Encore certaines espèces qui, comme la couleuvre
à collier, se nourrissent presque exclusivement de
Batraciens, font-elles peu de cas de ce moyen de
défense, et avalent-elles les crapauds qu'elles ren-
contrent sans en paraître incommodées. .Mais, en
revanche, que l'on présente à un lézard irrité la
parotide d'un crapaud, et l'on verra le Sauricn,
après l'avoir mordue, tomber en convulsions et
périr en qu(^lques instants.
Il y atout lieu de supposer que le venin des Ba-
traciens, ingurgité ou inoculé à dose suffisante,
BATRACIENS
— 2û0 —
BATRACIENS
produirait sur l'homnie la même action dûictèi'c que
l'on a constatée sur d'autres animaux et notamment
sur le chien ; mais les Anoures, pas plus que les
Urodè'es, n'ont aucun moyen de le faire pénétrer
dans :iotre économie.
Ils ne sont même pas susceptibles de le lancer à
distance, ainsi que le croit le vulgaire. Le liquide
qu'ils émettent d'ordinaire quand on les tourmente
n'est que de l'eau presque pure qui encombrait
leur vessie et dont ils se débarrassent, soit pour al-
léger leur fuite, soit plutôt instinctivement sous
l'influence de la peur.
Quand même quelques gouttelettes de virus au-
raient accidentellement atteint les yeux, la bouche
ou les narines, un simple lavage immédiat à grande
eau. en dissolvant l'alcaloïde et entraînant mécani-
quement les particules solides qui pourraient
irriter l'épidémie, suffira à prévenir tout danger.
On peut aussi impunément prendre les Batra-
ciens à la main, quand môme cet organe présente-
rait des écorchures.
Le venin des Batraciens, du moins celui de quel-
ques espèces, est susceptible d'exercer k distance
une certaine action sur la muqueuse olfactive.
Ainsi l'anatomiste qui dissèque un Sonneur dans
un appartement clos est habituellement pris d'un
coryza violent, qui cosse d'ailleurs aussitôt que l'on
s'éloigne du lieu de l'opération.
Mue, — Les Batraciens éprouvent très fréquem-
ment le phénomène delà 7nue. La peau, comme on
sait, se compose de deux couches : le derme, de
nature fibreuse (c'est lui qui, tanné, devient le
cuir), et lépiderme, formé de cellules adhérentes
entre elles. Dans le phénomène de la mue, c'est
seulement une partie superficielle de la couche
épidermique qui est éliminée.
Chez les Urodèles, les cellules caduques, en s'i-
solant des cellules sous-jacentcs, conservent leur
union réciproque, de façon à former un tissu con-
tinu qui s'en va d'une seule pièce, se détachant
d'abord autour de la bouche, se retournant comme
un gant jusqu'aux extrémités des doigts et de la
queue, et conservant finalement la forme générale
de l'animal qu'il revêtait. Les Anoures, à terre,
s'aident de leurs pattes dans cette opération, se
déshabillant en quelque sorte do leurs propres
mains ; puis ils avalent leur vieille peau. Quant
aux Urodèles, dont il est aisé d'observer le mode
de procéder dans un aquarium, on les voit, au rno-
mcnt de la mue, s'agiter dans tous les sens, faire
mille contorsions, et se frotter avec frénésie aux
plantes aquatiques et à tous les corps dont ils
peuvent s'aider.
Coloration. — Xous ne pouvons abandonner cette
rapide description de la peau des Batraciens, sans
dire quelques mots de son mode de coloration.
Quelques espèces, comme l'alyte, le crapaud com-
mun, sont constamment revêtues d'une livrée terne
et obscure; tandis que d'autres, parmi lesquelles
nous citerons les crapauds vert et calamité, le
triton marbré, sont parées do couleurs éclatantes.
Tout le monde connaît la robe vert tendre de la rai-
nette. La nature et l'agencement des couleurs va-
rient d'ailleurs chez ces animaux, non-seulement
d'une espèce à l'autre , mais même chez les divers
indivmus d'une même espèce, suivant l'âge, le sexe,
la saison, et d'autres conditions indéterminées.
Bien plus, la plupart des Batraciens possèdent, à
un degré plus ou moins élevé, la propriété de mo-
difier les teintes do leur robe d'un instant à l'autre,
comme fait le caméléon. La rainette est surtout re-
marquable à cet égard, et sa couleur verte habituelle
peut passer au bleu et au noirâtre d'une part, et
d'autre part au jaune et même au blanc jaunâtre.
Les diverses nuances du brun jaunâtre ou rou-
geâtre forment la base de la coloration des Batra-
ciens. C'est d'ordinaire sur un fond semblable que
ressortent les taches vertes ou bleues, jaunes,
orangées ou rouges. Le blanc domine le plus sou-
vent sur les laces inférieures du corps, les teintes
foncées régnant de préférence sur les faces supé-
rieures.
Les cas d'albinisme, complet ou partiel, ne sont
pas excessivement rares chez les Batraciens. Cet
état est produit, comme on sait, par l'absence ou
par la diminution notable du pigment noir. Le
pigment jaune en pareil cas ne subit pas d'ordinaire
de modifications. Aussi les albinos des Batraciens,
alors même que l'albinisme est absolu et qu'ils
ont la pupille rouge, ne sont-ils pas blancs, mais
le plus souvent colorés en jaune plus ou moins
intense.
Locomotion. — Les plus terrestres de tousles Uro-
dèles sont les Salamandres. La commune ne passe i
l'eau que quelques instants dans sa vie, le temps d'y
déposer ses larves; et la noire, don t les petits naissent
à l'état parfait, est même dispensée de cette visite.
Aussi ces deux espèces sont-elles tout à fait inha-
biles à la natation, et se noient-elles dans nos
aquariums, si aucun objet émergeant de l'eau ne
leur fournit un point d'appui. Mais nos tritons
vivent à l'eau trois et quatre mois de l'année, de
février à mai et juin, tout le temps que dure leur
frai ; et ils s'y montrent vraiment tout à fait à leur
aise. Tandis qu'à terre ils se traînent péniblement
à l'aide de leurs membres petits et grêles, incapa-
bles de sauter et même de courir; à l'eau, leur
queue aplatie en rame, et garnie sur ses deux
bords d'une mince membrane qui vient encore
augmenter sa surface, leur fournit un puissant
moyen de locomotion. Quelques espèces ont en
outre les membres postérieurs palmés, mais elles
ne se servent de ce moyen accessoire, qui d'ailleurs
n'appartient qu'à l'un des sexes, que dans le cas
où aucune émotion violente ne les excite. <3uand
ils sont pressés de fuir, ou même quand ils ont à
parcourir un trajet d'une certaine longueur: quand
par exemple, ils viennent respirer à la surface de
l'eau, ils laissent leurs membres retomber le long
du corps, et progressent à l'aide de vigoureuses
impulsions de la queue. Ils s'élancent brusquement,
dans les directions les plus inattendues, et d'ordi-
naire se laissent filer un instant pour repartir
ensuite dans un autre sens. D'ailleurs, même à
l'eau, ils ne nagent pas toujours. En gonflant légè-
rement leurs poumons, ils peuvent se maintenir
immobiles à la surface; en les vidant un peu, ils
rendent leur densité supérieure à celle du liquide ,
et on les voit alors marcher au fond de l'eau sur le
sol ou sur les plantes aquatiques, le corps soulevé,
les extrémités des pattes appuyant à peine sur
l'obstacle qui les supporte.
La plupart de nos Anoures sont surtout terres-
tres, n'allant à l'eau que pour frayer, et le temps
du frai ne durant d'ordinaire que quelques jours
pour chaque individu, alors même qu'il se poursuit
plusieurs mois pour l'espèce entière. L'alyte, com-
parable sous ce rapport à la salamandre terrestre,
ne se rend à la mare ou à la flaque d'eau voi-
sine que pour donner le jour à sa progéniture;
et, le plus souvent, il ne perd pas pied pendant
que ses œufs baignent dans l'eau où ils doivent
éclore.
De tous nos Batraciens assurément les plus agiles
nageurs sont les grenouilles vertes. Qui n'a pris
plaisir au bord d'une mare, par un jou- d'été bien
ensoleillé, à voir ces animaux, à la moindre alerte,
s'élancer quelquefois de plusieurs mètres de haut,
plonger la tête la première, décrire sous l'eau une
lésere courbe et revenir à la surface contemoler
l'objet de leur frayeur. Si alors ils ne se trouvent
pas rassurés, ils plongent de nouveau, et cotte
fois s'enloncent dans la vase ou se caclient au mi-
lieu des plantes anuatiques. Ils nagent surtout à
l'aide de leurs membres postérieurs. Leurs bras
restent immobiles, ramenés le long du corps, pen-
BATRACIENS
— 251 —
BATRACIENS
dant qu'avec leurs pieds plus ou moins palmés (la
palmure s'avance jusqu'au bout des orteils chez la
grenouille verte), ils prennent un point d'appui sur
l'élément liquide et se poussent en avant.
A terre, la démarche des Anoures varie suivant
l'espèce. Le crapaud commun marche gravement;
mais il progresse de préférence par petits sauts.
Le calamité, dont les membres sont beaucoup plus
courts, est à peu près incapable de sauter; mais
sa démarche ordinaire est assez rapide. A le voir
courir, on dirait une souris. Mais il ne peut soute-
nir longtemps cette allure, et s'arrête tous les ï
ou ;i mètres pour reprendre haleine et observer
ce qui se passe autour de lui. La grenouille agile,
au contraire, dont les membres postérieurs ont
une longueur considérable, marche peu volontiers,
mais fait des bonds de 2 à 3 mètres.
Nous avons vu plus haut que les rainettes ont
les doigts terminés par de petits coussinets. Un
liquide visqueux suinte de nombreuses glandes
logées dans l'épaisseur de ces coussinets, et fait
adhérer ces organes aux surfaces les plus lisses ;
et cette adhérence est encore augmentée par un
mécanisme assez compliqué que nous n'avons pas
le loisir de décrire ici. Du reste, quand une rai-
nette grimpe contre une surface polie, elle ne se
sert pas seulement de ses doigts; son ventre hu-
mide, étroitement appliqué contre l'obstacle, lui
fournit encore un puissant concours dans cette
opération. Tous nos tritons, nos petites espèces de
Batraciens anoures, et même les autres quand,
dans leur jeune âge, elles sont encore d'un poids
peu considérable, n'ont pas les doigts dilatés de la
rainette, et ils parviennent cependant à s'échapper
des aquariums où on les conserve, si l'on n'a pris
la précaution de recouvrir ceux ri d'un grillage
métallique. Ils adliè^i^nt avec leur ventre contre la
paroi verticale et lisi.j, glissant sur elle sans s'en
écarter, se tirant ou se poussant avec les pattes,
jusqu'à ce qu'ils parviennent, non sans peine, au
but de leurs désirs.
Ainsi les Batraciens sont adaptés à la vie aquati-
que, à la vie terrestre, et même jusqu'à un certain
point à la vie aérienne. Ce n'est pas tout. La plu-
part de ces animaux sont nocturnes, et tous dispa-
raissent pendant la saison rigoureuse. Pendant le
jour et durant l'hiver ils mènent une vie souter-
raine, jamais absolument engourdis, comme on l'a
souvent dit, mais inactifs et presque entièrement
immobiles. Plusieurs espèces sont susceptibles de
fouir le sol pour se creuser une retraite, quoique
généralement ces animaux préfèrent s'abriter sous
des pierres, sous des troncs d'arbres, dans des
fissures naturelles du sol, ou dans des trous
creusés par d'autres animaux. Les crapauds calami-
tés cependant, dans les terrains sablonneux où ils
se tiennent de préférence, creusent assez volon-
tiers, à l'aide de leurs membres antérieurs, des
galeries où ils habitent plusieurs ensemble. Mais
deux de nos espèces, les pélobates brun et culi.ri-
pède, sont armées au talon d'un ergot cartilagineux
revêtu d'une couche résistante d'épiderme corné,
sorte de pelle qui leur permet d'écarter le sable
dans lequel ils s'enterrent. Quand, après leur pro-
menade nocturne, l'aurore vient les surprendre,
ils s'arrêtent là où ils se trouvent; ils s'assoient
sur leur arrière-train, et, pivotant de droite et de
gauche, ils trouent le sol, repoussent le sable
autour d'eux; à mesure qu'ils s'enfoncent, le sable
retombe sur eux et les recouvre. Ils descendent
ainsi à une assez grande profondeur, pour remonter
la nuit S'iivante à la surface du sol.
Re.'ipiriition. — Tous les Batraciens anoures et
urodèles respirent d'abord, à l'aide de branchies,
l'air dissous dans l'eau; leurs poumons se dévelop-
pent de très bonne heure, mais c'est seulement
après que ces animaux ont subi leurs métamorpho-
ses et quand ils ont atteint l'état parfait, que les
poumons restent leurs seuls organes de respiration.
Encore faut-il faire exception pour les Pérenni-
branches, de l'ordre des Urodèles, qui, bien que
pourvus de poumons, ne perdent jamais leur»
branchies.
Un simple repli de la peau de la gorge, tenant
lieu des ouïes des poissons, recouvre en avant les
branchies chez les larves d'Urodèles. Chez les
têtards d'Anoures, ce repli vient se souder au
tégument en arrière des branchies, en fermant
celles-ci dans une cavité, dite c'nim/jre branchiale,
qui ne communique en arrière avec l'extérieur
que par un seul orifice arrondi, le spiraculum,
placé sur la ligne médiane et inférieure du corps
chez certaines espèces, sur le côté gauche chez les
autres. En avant, la chambre branchiale commu-
nique avec la cavité buccale par des ouvertures
étroites et allongées, symétriquement disposées à
droite et à gauche, et au nombre de quatre paires.
Ainsi l'eau qui doit servir à la respiration bran-
chiale est avalée par la larve de Batracien ; elle
passe, par les fentes branchiales, dansla chambre
branchiale ; et, après avoir baigné les branchies,
elle est expulsée par le spiraculum chez les tê-
tards d'Anoures, tandis qu'elle communique lar-
gement avec l'eau ambiante chez les larves d'Uro-
dèles.
Les poumons des Batraciens ne sont pas logés
dans une cavité thoracique distincte de la cavité
abdominale, et susceptible de s'agrandir ou de se
restreindre par le jeu des côtes et du diaphragme.
Les côtes des Batraciens sont en général nulles ou
rudimentaires, et le diaphragme n'existe pas chez
eux. Privés de ce mécanisme de soufflet qui, chez
les Mammifères, les Oiseaux et une partie des
Reptiles, attire l'air de l'extérieur et le rejette
alternativement, ils en sont réduits, pour gonfler
leurs poumons, à avaler l'air de l'extérieur, de la
même façon que leurs larves avalaient l'eau pour
baigner leurs branchies. La bouche étant close,
l'orifice des narines étant fermé par la langue et
aussi par un mécanisme spécial des os du nez, le
plancher buccal se soulève et vient comprimer l'air
dans la cavité buccale. Il suffit de regarder un
crapaud ou une grenouille, pour remarquer ces
mouvements caractéristiques de sa gorge, qui
s'élève et s'abaisse alternativement et sans dis-
continuer. Chassé de la bouche, l'air entre par la
glotte dans les poumons, plus facilement extensi-
bles que l'œsophage. Quant à l'expiration, elle a
lieu un peu par l'élasticité propre des poumons,
mais surtout par la contraction des muscles de
l'abdomen qui resserrent la cavité générale, et
viennent presser sur ces organes.
Mais un troisième mode de respiration, fort peui
développé chez la plupart des vertébrés, joue chez
les Batraciens un rôle considérable : c'est la respi-
ration cutanée. L'échange gazeux entre le corps et
l'animal et l'eau ou l'atmosphère se tait largement
à travers la surface entière de la peau dépourvue
d'épiderme corné et richement vascularisée. Ainsi
la peau entière des Batraciens joue dans l'eau le
rôle d'une branchie, et dans l'air celui d'un pou-
mon. Privées de leurs poumons, et n'ayant abso-
lument que la respiration cutanée à leur disposi-
tion, des grenouilles ont pu vivre trente et qua-
rante jours dans du sable humide. D'autres, main-
tenues, au moyen d'un filet, dans un courant d'eau
sans pouvoir approcher de la surface, ont conservé
la vie pendant plusieurs mois.
Du reste, en temps ordinaire, quand ')a tempé-
rature est peu élevée et qu'aucune émotion exté-
rieure ne vient surexciter leur activité, les Ba-
traciens consomment une fort petite quantité
d'oxygène; et, de même qu'ils sont susceptibles de
supporter de longs jeûnes, ils peuvent encore dans
certains cas résister à une diminution considéra-
ble d'air.
BATRACIENS
— 252 —
BATRACIENS
Séquestration. — Cela explique le cas intéres-
sant et bien établi de crapauds trouvés dans des
cavités complètement closes, où ils étaient enfer-
més quelquefois depuis assez longtemps : dans des
troncs d'arbres, dans des creux de rociiers, dans
■de vieilles constructions
L'amour du merveilleux est allé jusqu'à préten-
dre qu'on en avait trouvé .au milieu de rociies ancien-
nes, dans des cavités sans issues ; et que, par suite,
«es animaux, contemporains de la formation de ce
rociier, étaient enfermés là depuis des milliers de
«iècles. Il n'y a pas lieu de s'arrêter à de pareils
dires. Mais il est certain, des expériences nom-
breuses l'ont démontré, que les crapauds et les
liatraciens en général peuvent vivre fort longtemps
«équestres dans des corps poreux et humides. Dans
l'c'tat d'inaction forcée où ils se trouvent alors,
leur vie, très peu active, fait une très petite con-
sommation de substance, et l'air qui filtre à travers
les pores de la pierre suffit à leur respiration peu
exigeante. Mais il leur faut une certaine humidité,
sans quoi ils se dessèchent et meurent rapide-
ment.
La première expérience, pour élucider la ques-
tion qui nous occupe, fut faite en 1771 : on ren-
ferma devant l'Académie trois crapauds dans des
boîtes séparées et scellées avec du plâtre. Dix-
huit mois après, les boites furent ouvertes, et deux
<les trois crapauds furent trouvés vivants. Cette
■expérience a été souvent répétée depuis, et a réussi
jiussi bien avec des grenouilles ou des tritons
qu'avec des crapauds.
Voix. — La glotte des Batraciens anoures est
pourvue de cordes vocales qui ne se retrouvent
pas chez les Urodèles. Aussi, si ces derniers sont
à peu près muets, toute leur voix se réduisant à
un petit bruit sec et peu distinct qu'ils émettent
<|uelquefois quand on les prend à la main, ou
même sans provocation apparente, il n'en est
certes pas de même des Anoures. Chez eux chaque
espèce a son chant particulier qui, s'il n'est pas
harmonieux, est parfois très puissant. Du reste ce
n'est qu'au temps du frai qu'elle le fait, entendre,
demeurant muette tout le reste de l'année. Seule,
la rainette fait exception à cette règle ; et, durant
l'automne, surtout par les temps orageux, elle
pousse du haut des arbres et du milieu des buis-
sons quelques notes isolées, ne rappelant, il est
■vrai, que bien faiblement ces chœurs formidables
•qui assourdissaient les oreilles de l'habitant des
campagnes durant les belles nuits d'avril et de
mai. Cette musique avait paru jadis bien désagréa-
ble aux abbés de Luxeuil, puisque au nombre des
obligations de leurs serfs était celle de battre leau
des étangs pour faire taire ces Batraciens.
Le chant de la rainette peut s'exprimer par les
syllabes : karak, karak, rapidement et longtemps
répétées, et rappelle un peu le bruit d'une forte
crécelle.
Nos paysans le confondent d'ordinaire avec le
chant de la grenouille verte, pourtant bien diffé-
Tcnt. Celui-ci, qui se fait entendre en été, après
que la rainette s'est tue, quoique beaucoup ])lus
varié, n'est guère plus agréable. Mais (jui n'a en-
tendu, par les belles nuits d'été, le long des che-
mins, et aux abords d'un village, une voix douce
et liùtée, imitant jusqu'à un certain point le son
lointain d'une cloche de cristal? C/est le chant
mélancolique de l'alyte accoucheur. Un grand
inombrc de ces voix se répondent l'une à l'autre et
produisent un effet qui n'est assuréntent pas dé-
pourvu de charmes. Si, s'éloignant un peu plus
(les maisons, on s'arrête durant les chaudes soirées
de juin auprès d'une fontaine ou d'une petite
lUicfue d'eau, on entendra souvent un chant voisin
du précédent, mais plus timide encore, celui du
sonneur à ventre orangé. Il se compose de deux
Jiotes plus basses que celle de l'alyte, la première
un ])(;u plus élevée i|uc la deuxième. Elles sont
éniis(!s l'une à la suite de l'autre, et répétées sans
interruption, lentement d'abord, puis deplusen plus
vite. L'onomatopée /ioiihou,hou/iou,hou/iou... rend
assez bien leur effet. Le sonneur est d'ailleurs
susceptible de varier un peu cette musique. Il pré-
lude quelquefois par un ramage assez varié, mais
très faible, semblable d'abord au gazouillement
d'un oiseau qui rêve, mais qui peu à peu se modifie
et passe avec ménagement à ses habituels lionliou
Beaucoup moins gracieux est le cri du gentil pélo-
dyte. On peut le comparer au craquement d'un sou-
lier neuf. On l'entend quelquefois dans les fossés
qui bordent les chemins.
Plusieurs espèces d'Anoures sont douées d'un
organe, accessoire de chant, d'une sorte de caisse
de résonnance qu'on désigne sous le nom de vessie
vocale. Le mâle, qui toujours est le plus bavard,
quand la femelle n'est pas absolument muette, en
est seul pourvu. C'est une sorte de sac élastique,
simple ou double, occupant le dessous de la gorge
ou les côtés du cou. Il est aprparent seulement
quand il est gonflé : néanmoins en dehors de cette
circonstance, sa présence est indif|uée, soit par
une gorge plus lâche et plus pigmentée, comme
cela se voit chez la rainette et le calamité, soit
par une paire de fentes latérales à travers lesquel-
les il fait hernie quand l'air le remplit, comme cela
a lieu chez la grenouile verte.
Les Batraciens anoures ont la faculté de chanter
sous l'eau, en dehors de toute communication avec
l'air extérieur. Ce fait, qui paraît paradoxal au
premier abord, peu se vérifier aisément dans un
aquarium ; il suffit pour cela de maintenir sous
l'eau un mâle au temps du frai, et de le faire
chanter, en lui pressant le ventre ou les flancs.
Civcidation. — Les Batraciens sont, comme les
Reptiles et les Poissons, des animaux à circulation
incomplète, et par suite à température variable.
Leur cœur, comme celui des reptiles, présente
deux oreillettes, et \in seul ventricule dans lequel
se fait le mélange des sangs artériel et veineux.
L'oreillette gauche, qui recevait le sang dos bran-
chics dans le jeune âge, le reçoit des poumons
dans l'état parfait, et le cœur présente la même
disposition générale après comme avant la méta-
morphose.
Le système lymphatique, qui sert d'intermé-
diaire entre le sang et les éléments des tissus, et
apporte à ceux-ci l'oxygène et la nourriture, est
chez les Batracient construit sur le même type que
clii.'z les Reptiles. Chez les uns comme chez les
autres, il est muni, en différents points de son
trajet, de vésicules pulsatiles connues sous le nom
de cœurs li/inptuitiques. La facilité avec laquelle se
détache la peau des Batraciens anoures, de la gre-
nouille verte par exemple, tient à la présence chez
eux de grands espaces lymphatiques sous-cutanés,
qui, dans la plus grande partie de son étendue,
isolent la peau des parties sous-jacentes.
Digestion. — Les Batraciens anoures à l'état
parfait, et les Urodèles durant toute leur vie, se
nourrissent de proie vivante. Dès qu'un petit .-mi-
mai a attiré leur attention, ils l'observent et ne se
saisissent iju'ajjrès avoir constaté qu'il fait des
mouvements; car, dans le choix de leur nourriture,
ils paraissent ne se diriger que d'après les indi-
cations de la vue. Et ce sens les trompes quelque-
fois. On sait qu'une des manières de capturer la
grenouille verte consiste à agiter au-devant d'elle
à l'extrémité d'une ligne, xui objet quelconque, un
morceau de drap rouge, par exemple : le Batracien
croit apercevoir un être animé, se précipite sur
lui, et se prend à lliameçon. D'ailleurs ces ani-
maux sont très voraces, dévorant à peu près tout
C(! qui remue et n'est pas trop gros pour le calibre
de leur bouche. J'ai vu une énorme grenouille
verte en train d'avaler une rainette: une autre
BATRACIENS
— 253 —
BATRACIENS
grenouille de grande taille a cn^çlouti, sous mes
yeux, une jeune souris; et, le lendemain, elle dé-
jeunait encore d'un lézard de petite taille.
Dans ces conditions le batracien s'élance sur sa
proie, la gueule ouverte, et la saisit entre ses mâ-
choires; mais, d'ordinaire, c'est en projetant sur eux
leur langue gluante et extensible, que les Batra-
ciens anoures s'emparent des petits animaux, in-
fectes, vers, mollusques, etc. A cet effet cet
organe chez plusieurs d'entr'eux n'est fixé que par
sa portion antérieure au plancher de la bouche, et
se trouve libre dans tout le reste de son étendue.
Mais il n'en saurait être de même chez les Urodè-
les, dont la langue n'est généralement libre que
sur ses bords et un peu en arrière. Ils en sont
réduits :"i pincer leur proie entre leurs deux mâ-
choires. On conçoit tout le service que doivent
leur rendre en pareil cas les dents nombreuses,
acérées et courbées en arrière, qui garnissent le
pourtour de leurs mâchoires, et se montrent encore
à leur palais, disposées en deux lignes longitudi-
nales et plus ou moins flexueuses. llien n'est d'ail-
leurs plus aisé que de voir des tritons prendre
leur repas dans un aquarium. Qu'on leur donne
quelques vers de terre ou quelques larves de Chi-
ronomes, vulgairement appelées vers rouges ; dès
qu'ils ont vu cette proie, ils l'observent, ils s'en
approchent cauteleusement. Tout d'un coup, ils se
précipitent sur elle et s'en emparent. Le ver a
beau se débattre, il est solidement maintenu ; tous
ses mouvements ne servent qu'à hâter son ingur-
gitation. Il est avalé peu à peu, par petites secous-
ses, le triton se reposant quand il est fatigué, et
reprenant ensuite ses mouvements de déglutition.
L'alimentation exclusivement animale des Batra-
ciens est en rapport avec la brièveté et la simpli-
cité de leur tube digestif. L'oesophage se continue
directement avec l'estomac, sans valvule ni rétré-
cissement; à celui-ci fait suite un intestin grêle,
relativement court et peu flexueux, qui débouclie
brusquement dans le rectum fort large et rectili-
gne. Il n'y a pas de cœcum. Mais l'intestin des
larves d'anoures est excessivement long, et enroulé
sur lui-même comme un peloton de ficelle. On
peut observer cette disposition sur l'animal vi-
\ant, grâce à la transparence de sa, paroi abdomi-
nale. La forme de l'appareil digestif est encore ici
corrélative de la nature des aliments qu'il doit
digérer. Les têtards, en efl'ct, se nourrissent de
matières appartenant aux deux règnes, animal et
végétal, donnant la préférence à celles qui ont
subi un commencement de décomposition. Ils sont
omnivores. Ils sont très friands de leur propre
chair, dévorent leurs camarades morts ou malades,
et même se mangent réciproquement la queue,
quand on néglige de les nourrir suffisamment. Leur
voracité a été utilisée pour la confection des sque-
lettes de petits vertébrés, qu'il serait, sinon impos-
sible, du moins difficile et fastidieux de préparer
au scalpel.
Les Batraciens ne boivent pas. C'est par leurs
téguments perméables et richement vasculariscs
qu'ils absorbent l'eau dont a besoin leur économie.
La grande porosité de leur peau explique comment
des Batraciens peuvent résister à, une haute tem-
pérature extérieure, comment en particulier des
grenouilles peuvent s'exposer i\ toutes les ardeurs
d'un soleil d'été sans en paraître incommodées.
Leur peau agit à la façon des vases de terre que
l'on nomme alcarazas. Le liquide qui transsude
et s'évapore suffit à refroidir le vase comme le
corps de l'animal. Mais, si cette situation se pro-
longeait, la grenouille, qui perd peu à peu de son
poids, finirait par succomber desséchée. Quand la
dessication n'a pas dépassé certaines limites, un
simple bain rend promptement à l'animal tout le
poids qu'il avait perdu.
La porosité de la peau explique encore pourquoi
les espèces terrestres, et même toutes les espèces
durant leur séjour terrestre, ont des mœurs à peu
près ^ exclusivement nocturnes, ne se laissant
aller à sortir de jour que par les temps pluvieux.
En dehors de cette circonstance, elles restent tout
le jour tapies dans leurs retraites humides ; mais,
le soir, quand tombe le serein, elles recouvrent
leur activité, n'ayant plus à craindre le contact
d'un air trop sec, et pouvant même absorber de
l'eau en se traînant contre les plantes couvertes
de rosée.
Reproduction. — Les œufs des Batraciens anoures
sont fécondés extérieurement, au moment de la
ponte, comme ceux de la plupart des poissons. Ils
sont entourés d'une enveloppe mucilatcineuse et
transparente, et d'ordinaire réunis un grand nombre
ensemble; leur masse affecte alors 'a forme, soit
d'une pelote arrondie et grosse environ comme la
tête d'un homme (grenouilles), soit de deux cor-
dons plus ou moins étirés et emmêlés en un lourd
écheveau (crapauds), soit d'un cordon unique, plus
court, plus gros et d'un diamètre plus irrégulier
(pélobates).
Le nombre des œufs pondus par une femelle est
considérable.
Certaines espèces ne se reproduisant qu'à une
époque de l'année fixe et limitée, des millions
d'œufs se développent à la fois dans certaines eaux.
Parvenus à l'état parfait, les jeunes Batraciens s'a-
britent sous les pierres, les feuilles mortes, les dé-
bris de bois, auprès des mares qu'ils viennent de
quitter. Qu'un orage éclate alors, et l'on verra ces
petits animaux, quittant leur retraite aux premières
gouttes de pluie, couvrir les champs et les chemins
de leurs innombrables légions. Ainsi s'explique
tout naturellement un fait qui a donné lieu aux plus
fabuleuses croyances. Les anciens prétendaient
que les jeunes grenouilles naissaient de la pous-
sière desséchée des chemins fécondée par les
grosses gouttes de pluies ; ou que, se formant de
toutes pièces dans les airs, elles tombaient avec
les pluies d'orage. Cette dernière opinion s'est per-
pétuée jusqu'à nos jours. Assurément, on ne croit
plus à la génération spontanée des grenouilles;
mais bien des auteurs ont admis l'existence des
pluies de crapauds, les expliquant à l'aide de
trombes atmosphériques.
Les œufs de la plupart des Anoures sont pon-
dus à l'eau, et les embryons éclosent au bout de
quelques jours, encore tout à fait informes, et
ne possédant même pas les premiers rudiments
de l'appareil digestif. Les branchies n'existent
pas encore; elles ne se montrent que quelques
jours après la naissance, et sont d'abord externes ;
mais bientôt, à mesure que se forme la chambre
branchiale, les rameaux extérieurs de ces bran-
chies s'atrophient, pendant que de nouveaux
bourgeons, poussant sur les mômes troncs, pro-
duisent des branchies internes. Bientôt, des deux
côtés de la base de la queue, on voit poindre les
membres postérieurs. Les membres antérieurs se
développent simultanément, mais sous la peau, en
arrière de la cavité branchiale. Au moment de la
mé'tamorphose seulement, ils percent leur enve-
loppe. Alors la queue se résorbe graduellement
ainsi que les branchies, la chambre branchiale s'o-
blitère, le bec tombe, la bouche s'agrandit, et le
petit batracien est en tout semblable à ses parents.
Seul, parmi nos espèces indigènes, l'alyte accou-
clieur ne pond pas à l'eau. Le mâle emmêle en un
paquet les œufs pondus sous forme d'un chapelet,
et au nombre d'une quarantaine environ, passe ses
jambes au milieu de leur masse et les garde ainsi
sur ses cuisses, jusqu'à leur maturité. Alors il se
rend à l'eau et les œufs éclosent. Le têtard vient
au monde bien plus avancé que ses congénères,
fort alerte, et présentant déjà l'aspect qu'il conser-
vera jusqu'à la métamorphose.
BATRACIENS
— 254 —
BÉTAIL
Parmi les Urodèles plusieurs espèces sont ovovi-
vipares. Chez d'autres , chez les tritons par
exemple, les œufs entourés comme ceux des Anou-
res d'une enveloppe mucilagineuse et transpa-
rente, sont pondus isolément ou par deux ou trois,
et fixés aux plantes aquatiques. La fécondation
est toujours interne. La larve naît un peu plus
avancée que celle des Anoures, pourvue de lon-
gues branchies externes, et apte h se nourrir,
iîlle vit d'abord presque exclusivement de petits
crustacés. Les pattes antérieures se montrent les
premières, puis les postérieures. Enfin les bran-
chies disparaissent, le repli qui les recouvrait se
soude au tégument, et la métamorphose est accom-
plie.
Parmi les espèces ovovivipares, citons la sala-
mandre commune, dont les larves, munies déjà de
leurs quatre membres, et d'ailleurs semblables à
celles des tritons, mesurent 30 millimètres de long
à leur naissance.
Reclintcgration. — C'est ici le lieu, après avoir
parlé de la reproduction de l'espèce, de signaler
la propriété qu'ont certains urodèles et les larves
cle tous les Batraciens de reproduire par bourgeon-
nement les parties qui leur sont accidentellement
retranchées. H y a plus d'un siècle que des expé-
riences démonstratives ont été faites à ce sujet. On
a vu, chez des tritons crêtes et chez d'autres espè-
ces, repousser à plusieurs reprises les membres,
la queue, les yeux même ; on a vu des queues de
tout jeunes têtards d'anoures, isolées du corps de
i'animà':, vivre jusqu'à dix-huit jours et bourgeon-
ner.
Intelligence. — L'intelligence des Batraciens pa-
raît en général très obtuse. On peut cependant
observer des diflërences à ce point de vue d'une
espèce à l'autre. Tous nos Urodèles sont assez mal
doués sous ce rapport ; mais, parmi les Anoures,
{es crapauds sont assurément bien supérieurs aux
grenonilies pf notamment le crapaud commun.
Quand on lui donne de la nourriture, ce dernier
examine chaque insecte, s'approche doucement de
lui, et finalement, quand il est sûr de n"être pas
trompé, il lance sur lui sa langue et l'ingurgite. Ce
n'est pas le crapaud que l'on prendrait à l'hameçon
avec un morceau d'étoffe.
Aussi le crapaud est-il susceptible d'une certaine
éducation. On raconte l'histoire d'un de ces ani-
maux qui vécut en quelque sorte apprivoisé, dans
une famille anglaise. Il passait le jour retiré sous
un escalier; mais le soir, à l'heure du repas, sans
doute en quête des insectes qu'attirait la lumière,
il se montrait autour de la table, allant et venant
sans s'effrayer au milieu des personnes qui le con-
naissaient et ne le maltraitaient pas. Il périt un
jour par accident. Il y avait trente ans qu'on l'avait
remarqué pour la première fois; et comme il avait
toujours conservé la môme apparence, n'ayant nul-
lement vieilli durant ce laps de temps, nous devons
supposer que ces animaux sont susceptibles de vivre
fort longtemps.
C'est le sens de la vue qui paraît être le principal
guide des Batraciens anoures et urodèles, dans
leurs rapports avec le monde extérieur.
Un sens spécial, voisin de celui du tact, leur per-
met du fond de leurs retraites souterraines d'ap-
précier l'état de l'atmosphère, et les décide à
sortir, quand les conditions sont favorables, ou à
rester enfouis jusqu'à une meilleure occasion. Ainsi
les pélobates, séparés de l'air extérieur par une
couche do sable de plus d'un mètre, connaissent
avec précision l'heure du serein et l'état de l'at-
mosphère.
Nous croyons néanmoins que les gens qui se ser-
vent de la rainette comme d'nn baromètre accor-
dent une confiance exagérée aux indications fournies
par les Batraciens: en effet, outre que ces animaux
doivent apprécier bien plus le temps qu'il fiit que
celui qu'il doit faire, leur instinct parait devoir être
souvent trompé dans le milieu artificiel de nos ap-
partements et des vases où on les maintient.
Utilité. — Il ne nous reste plus, pour terminer
un exposé déjà long, qu'à insister sur l'utilité que
présentent les animaux de la classe des Batraciens,
et à réclamer pour eux la protection des gens in-
struits. Toutes les espèces sont absolument inoffen-
sives pour l'homme et ses animaux domestiques;
bien plus, elles sont pour lui d'utiles alliés, puis-
qu'elles détruisent les insectes qui dévorent les
récoltes.
Que l'instituteur use donc de son influence pour
détruire ces préjugés absurdes qui régnent encore
dans nos campagnes, et qui font des Batraciens un
objet d'effroi pour nos paysans! qu'il fasse valoir
auprès de l'agriculteur les services rendus par ces
animaux, et l'intérêt qu'il a à les protéger ! et qu'il
fasse comprendre aux enfants que la laideur n'est
pas un crime, et qu'il est barbare de faire périr des
êtres tout à fait inoffensifs.
Parmi les Batraciens, deux espèces surtout, par-
tout abondamment répandues, méritent d'être
épargnées.
Uuned'e\\e5,\<ig7'enouille verte, est une ressource
pour l'alimentation publique; elle rend en outre de
grands services à la science, et, depuis les décou-
vertes de Volta sur le galvanisme, et celles de
Spallanzani sur les lois de la fécondation, elle
tombe par milliers sous le scalpel de l'anatoraiste ;
mais, mieux vue dans nos campagnes que ses con-
génères, et d'ailleurs assez bien douée pour se dé-
rober d'elle-même aux poursuites, on ne la détruit
guère que pour en retirer les avantages qu'elle est
susceptible de nous fournir, et elle ne réclame pas
une protection spéciale.
Mais il n'en est pas de môme du crapaud com-
mun. Disgracieux dans ses formes, grotesque dans
ses allures, c'est un objet de dégoût sur lequel on
donne sans remords carrière à ses instincts destruc-
teurs. Habitant de nos champs et de nos jardins, il
est sans cesse exposé aux mauvaises rencontres ;
et sa lourde démarclie ne lui permet pas d'échapper
à ses persécuteurs. On a inventé pour lui les plus
cruels supplices. On le pique par exemple à l'ex-
trémité d'un échalas, et on le laisse là en pi'oie à
une agonie lente et douloureuse. Il est temps de
réagir contre ces mœurs stupides et barbares qui
déshonorent notre époque.
Si l'on élève des abeilles, l'on a, il est vrai, in-
térêt à éloigner le crapaud du voisinage des ruches,
car il a un penchant malheureux pour ces insectes;
on a. dans ce cas, le droit de le détruire, mais non
de le tourmenter. Encore serait-il plus sage de le
faire transporter à une assez grande distance. En
toute autre circonstance, le crapaud est un voisin
peu encombrant et fort utile ; les jardiniers de
Londres le savent bien, eux qui se le procurent à
prix d'argent. [Fornand Lataste.]
ItCTAïL. — Agriculture, Xill. — On donne le
nom de bétail à l'ensemble des animaux domesti-
ques produits par l'agriculture en vue d'un béné-
fice direct ou indirect. — Dans l'exploitation agri-
cole, dit Sanson, les animaux qui forment le bétail
sont à la fois des produits fabriqués ou des mar-
cliandises et des agents de production. Pour l'a-
gricuiieur. dans l'un et l'autre cas, le bétail est
un capital qui doit donner un profit. C'est de ce
principe qu'il faut partir pour établir le rôle du
bétail dans une ferme. Il n'y a encore que peu
d'années quer ces vérités ont été dégagées des an-
ciennes théories sur le rôle du bétail, qui ont en-
core cours trop souvent. Il n'y a pas de distinction
à établir entre ce qu'on appelait les bêtes de pro-
duit et les bêtes de travail ; tout animal qui ne
donne pas un produit réel, est une mauvaise ma
chine : il cesse d'être un capital productif, et doit
être remplacé. Il faut toutefois remarquer qu'il y
BIOLOGIE
23o
CLE
a beaucoup d'espèces de produit et que la plupart
des races domestiques en donnent de diverses
sortes.
C'était autrefois une opinion à peu près géné-
rale en agriculture que le bétail est un mal néces-
saire. Cette opinion reposait sur de faux raison-
nements et une comptabilité erronée. Les faits
ont d'ailleurs fini par mettre la vérité complète-
ment en évidence. Aujourd'hui les agriculteurs
mettent tous leurs soins à garnir leurs étables du
plus grand nombre possible d'animaux. Ce nombre
est d'ailleurs limité par la quantité de nourriture
dont la ferme dispose. Quant aux races vers les-
quelles doit se porter le choLs, cela dépend du
climat, du but que l'on veut atteindre, des dé-
bouchés, etc. L'agriculteur qui est à proximité
d'une grande ville toui-nera volontiers son atten-
tion vers la production du lait, vu le bénéfice qu'il
en retire. Celui qui aura de riches et abondants
herbages à sa disposition se livrera plutôt à l'éle-
vage, tandis que l'engraissement sera la meilleure
opération pour une ferme qui est voisine d'une
sucrerie ou d'une distillerie de betteraves, et qui
peut ainsi se procurer de grandes quantités d'une
nourriture abondante pour ses bûtes.
A côté des divers produits qu'on en tire, le bé-
tail laisse dans la ferme un véritable trésor par
son fumier. Aujourd'hui que l'on connaît la né-
cessité de restituer au sol les principes qui lui
ont été enlevés par les récoltes, on a compris que
le fumier est le meilleur agent de cette restitu-
tion. Sans bétail, pas de fumier; sans fumier, pas
de rcco.ies abondantes, mais des produits maigres
et un appauvrissement rapide du sol.
Le rùle du bétail en agriculture est donc bien
défini, c'est le plus puissant agent de production.
La valeur de cet agent va sans cesse en augmen-
tant, car les prix de vente des produits qu'il donne
s'élèvent d'année en année surtout en ce qui con-
cerne la viande. Cette plus-value ne peut que se
maintenir, au grand bénéfice des agriculteurs, car
la consommation de la viande s'accroît de plus en
plus, et c'est un aliment qui n'est plus abandonné
par les populations quand elles en ont pris l'habi-
tude.
Ces considérations générales étant données,
nous renvoyons, pour ce qui concerne chacune
des espèces d'animaux domestiques, aux mots
Ane, Bœuf, Cheval, Mouton, Porc, Basse-cour;
on trouvera aussi des détails instructifs au mot
Animaux domestiques.
Ouvrages à consvilter : Le Livre de la feitne et des
maisons de campagne ; Traité de zootechnie oit économie
du bétail, par A. Sanson.
[Henri Sagnier.]
BIOLOGIE. — (Étym. du grec: science de la vie).
— Ce mot, créé à la fin du siècle dernier par un na-
turaliste allemand, fut employé pour la première
fois par le naturaliste français Lamarck, en iS02,
et introduit dans la langue scientifique parle chef
de l'école positiviste, Auguste Comte.
La biologie, d'après M. Littré, est « la science qui
a pour sujet les êtres organisés et dont le but est
d'arriver, par la connaissance des lois de l'organi-
sation, à connaître les lois dos actes que ces êtres
manifestent. >< Prise d'abord dans un sens restreint,
présentée avec un caractère systématique et exclu-
sif par les positivistes, la biologie est aujourd'hui
généralement reconnue comme la science ou plutôt
comne le groupe de sciences qui embrasse, de la
manière la plus générale, toutes les études rela-
tives aux êtres vivants. Sans aborder, comme l'his-
toire naturelle, la classification détaillée des espèces,
elle, comprend la physiologie, l'anatomie et toutes
leurs annexes ; elle les complète par l'étude des
milieux et des conditions externes du développe-
ment delà vie sous ses différentes formes; enfin,
elle a prétendu y ajouter l'étude des facultés intel-
lectuelles et morales ou psychologie* et celle de
l'éducation ou pédagogie* . Bien que ces deux der-
nières sciences touchent par plusieurs points d'une
façon très intime à la biologie, il convient de les
en distinguer, les faits qu'elles ont à étudier for-
mant, au sein des phénomènes biologiques, un
groupe distinct par sa nature, par les méthodes
qu'il exige, par les résultats qu'il met en lumière,
par sa portée philosophique et sociale.
Pour ne pas répéter ici l'exposé général des
questions fondamentales de la biologie, nous ren-
verrons aux mots Régîtes {Les trois) et Vie. Voir
aus«i Physiologie et Végétai,
BLE. — Agriculture, VI. Connaissances usuelles,
IV. — {Etym. douteuse; on écrivait au moyen âge
bief, plus tard bled ; le mot paraît venir d'une ra-
cine commune à plusieurs langues germaniques,
qui se retrouve dans l'allemand moderne blatt,
feuille et qui avait donné lieu au bas-latin bladum,
d'où est venu bled.)
Demandez aux meilleurs élèves d'une classe ce
qu'ils savent sur le blé : leurs réponses vous étonne-
ront d'abord par leur nullité, puis vous remarquerez
que ces enfants n'ont eu aucune occasion d'acqué-
rir sur ce sujet, comme sur tant d'autres qui de-
vraient leur être familiers, des notions même très-
élémentaires. Et malheureusement les enfants ne
se trouvent pas seuls dans ce cas. Résumons quel-
ques-unes des notions que l'enseignement popu-
laire peut et doit répandre. —(V.) aussi Cérrnles.
Importaiice du blé pour L'alimetitatioti humaine.
— Le blé constitue pour nous et pour les habitants
d'une notable partie du globe la base de l'alimen-
tation : là où il est en usage, le langage populaire
prend le blé, le pain, comme type d'aliment, l'on
dit : travailler pour gagner du pain, et quand
l'homme s'adresse au Créateur pour réclamer la
nourriture nécessaire, il lui demande « le pain
quotidien ». C'est que le blé, le pain, constitue
l'aliment par excellence. Aussi sa culture s'étend
progressivement dans tous les pays capables de le
produire, et les facilités de transport réalisées de-
puis un quart de siècle ont fait adopter l'usage du
pain dans beaucoup de régions où on le rempla-
çait par le produit d'autres graminées comme le
seigle et l'orge; par les graines du sarrasin, du
mais, du riz ; par les fruits du chêne, du châtai-
gnier, de l'arbre à pain, la racine de manioc et par
une foule d'autres aliments répandus en abon-
dance dans les régions chaudes ou tempérées.
Origine du blé. — Le blé croît spontanément
dans plusieurs contrées de l'Asie : On trouve des
renseignements sur sa culture dans des livTCS chi-
nois qui remontent à plusieurs siècles avant notre
ère. En Egypte, on a recueilli quelques grains de
blé parfaitement conserves dans des tombeaux
dune très haute antiquité. En Europe, on a re-
trouvé des grains de blé, quelquefois même de
grandes prot-isions, dans les stations lacustres de la
Suisse, et on y peut reconnaître les mêmes espèces
de froment qui sont encore cultivées dans le Midi
de l'Europe.
Ainsi le blé remonte jusqu'aux origines préhisto-
riques de la civilisation. Avant la culture du blé, il
n'y avait (}ue des hordes nomades et sauvages,
obligées de camper là où les forêts leur offraient
spontanément des fruits âpres et de dures racines,
là où la cliasse et la pêche leur procuraient une
nourriture plus substantielle, et plus tard dans les
pâturages naturels où pouvaient vivre les troupeaux.
Le jour où la première famille sema du blé autour
de sa tente, dans des trous creusés avec un simple
bâton, elle assura ce premier idéal de l'humanité :
le pain quotidien gagné par un travail régulier, sé-
dentaire, au milieu des joies de la famille. Est-il
étonnant que la tradition légendaire ayant perdu le
nom de ce providentiel initiateur, ait fait hommage
à l'Être suprême de cette source de civilisation, en
CLE
2o6 —
BLE
l'attribuant à quoique divinité invoquée, pu Egypte,
sous le nom disis; en Grèce, sous celui de Cérèsl
la déesse qui laboure.
Culture. — Le blé ou froment {Triticum dos
botanistes) est la plus importante des céréales sou-
mises à la grande culture. Là où le climat lui per-
met d'arriver à niaturiié. on peut prendre l'exten-
sion de la culture du blé comme preuve des pro-
grès agricoles, lorsqu'un assolement rationnel le
fait alterner avec les plantes sarclées, et que l'on
évite l'épuisement des terres, par l'emploi d'engrais
judicieusement choisis.
Les divers procédés de culture, sous des climats
différents, ont produit et produisent encore dans
le blé des variations notables dont les caractères,
une fois bien fixés et reconnus, servent de type à
des variétés et sous-vcuiétés qui rendent fort diffi-
cile la classification.
Pour éviter de nous perdre dans les détails, nous
allons simplifier les classifications généralement
usitées.
Variétés de froment. — On peut d'abord diviser
le froment en deux grandes classes : les froments
nus et les froments vêtus. Les premiers sortent
de leurs enveloppes pendant le battage; les autres
ne se libèrent des liullrs que sous l'action de
meules on bois: ce sont les épeautres. Les anciens
préféraient l'épeautre au froment nu parce qu'il
est très robuste, résiste aux hivers les plus rigou-
reux et donne un grain de conservation très facile.
De plus, il se contente des sols les moins riches.
Cependant, en France, on ne cultive guère l'é-
peautre que dans les régions montagneuses, tandis
qu'il est encore cultivé presque partout en Alle-
magne.
S'il s'agit de subdiviser ces deux grandes classes,
tout le monde est d'accord pour reconnaître les
froments tendres et les froments durs. Les graines
des premiers sont d'un jaune doré ou pâle, ils sont
flexibles sous la dent, leur écorce mince recouvre
une farine blanche et abondante. Ils supportent
bien le froid, ce qui les a fait adopter dans nos
départements du nord et dans les provinces sep-
tentrionales de l'Europe.
Les grains des froments durs sont ternes, bru-
nâtres, semi-transparents comme la corne, ils ré-
sistent sous la dent, et lorsqu'ils se brisent, ils ne
se désagrègent pas spontanément en farine. Les
froments durs conviennent au climat du midi de la
France; on les cultive avec succès en Espagne, en
Italie, dans l'Afrique septentrionale et dans une
partie de l'Asie.
La section des blés tendres comprend les espèces
suivantes :
1° Les touselles, qui sont les froments sans
barbes ou à barbes très courtes et peu nombreuses
et à paille creuse ;
2° Les seisettes, froments à épis barbus et à paille
creuse ;
3° Les poîdards, qui ont l'épi régulier, carré,
barbu, et la paille pleine de moelle vers son
sommet.
La section des blés durs comprend :
1° Les aubaines, dont l'épi est garni de barbes
longues et raides, dont le grain est long et glacé ;
■2° Le froment ou blé de Pologne, dont l'épi est
allongé, dont les balles longues recouvrent un grain
très allongé et demi-transi)arcnt.
Ici pourrait s'arrêter, dans une école, la division
des espèces de blé, mais il serait important d'avoir
sous la main, pour assurer les souvenirs, dos
échantillons d'épis et de grains de chaque classe
et de chaque section. Le maître ferait bien aussi
do rapprocher des noms généralement ado])tés
dans le commerce des grains et dans les traités
d'agriculture, les dénominations locales qui s'en
écartent souvent.
Sur le marché de Paris la classification des fro-
ments est très simple: on les divise en blancs,,
rouges et bigarrés. Les plus estimés sont les fro-
ments blancs, parce qu'ils donnent une faible pro-
portion de son. Les froments rouges rendent plus
de son, mais ils n'en sont pas moins recherchés
par la boulangerie, parce que leur farine a plus de
corps que celle des autres espèces. Les froments
bigarrés sont formes par la réunion de grains ap-
partenant à diverses variétés de couleur différente.
Le semis de froments mélangés donnant un rende-
ment supérieur à ceux de variétés séparées, les
cultivateurs ont intérêt à, produire du froment bi-
garré, mais le placement en est moins facile dans
les environs de Paris que dans les départements
du nord. Quant aux blés durs, qui ne donnent
pas le genre de farine exigé par la boulangerie pa-
risienne, ils ne sont pas classés sur place.
Conditio7is climatériques. — Avant d'entre-
prendre la culture du blé dans une région nouvelle,
il importe d'en étudier le climat et la météorologie.
Chaque plante, en effet, exige des conditions spé-
ciales pour prospérer et se reproduire.
Voyons ce qui se passe dans nos départements
du centre, pour le blé d'hiver. On l'a semé en au-
tomne, la jeune plante s'est développée pendant
les derniers beaux jours, mais bientôt le froid
arrête la végétation qui ne reprendra qu'au prin-
temps. Dès que la température remonte à environ
six degrés, le blé reverdit, donne des rejetons
nommés talles, et la végétation parcourt régulière-
ment ses phases jusqu'à la moisson. Admettant que
la végétation du blé ne peut s'effectuer au-dessous
d'une température moyenne de six degrés, si nous
tenons compte chaque jour de la température
moyenne depuis le réveil de la végétation jusqu'à,
la maturation des graines, et si nous multiplions
par le nombre de jours écoulés la température
moyenne dont la plante a joui pendant tout son
développement, nous aurons le nombre de degrés
de chaleur nécessaires à la maturation du blé. Le
nombre de jours nécessaires pour l'évolution com-
plète du végétal sera donc plus ou moins grand
suivant que la température moyenne aura été plus
ou moins élevée. Il est très remarquable que le
nombre de degrés reste sensiblement le même en
quelque lieu que l'on fasse l'expérience, dans la
zone tempérée ou sous l'équateur, au niveau des
mers ou sur les montagnes.
Pour que le froment miirisse, il faut qu'il re-
çoive,depuis la reprise de la végétation ou depuis
les semailles du printemps, une somme de chaleur
d'environ 200(1 degrés. Ainsi, dans nos départements
du nord, depuis le !"■ mars jusqu'au 16 juillet,
c'est-à-dire pendant 1-37 jours, les blés d'automne
reçoivent une moyenne de 15 degrés de chaleur
par jour, ce qui donne un total de 20.Ï.S degrés. Les
frcmonts de printemps, qui accomplissent leur
végétation et leur maturation en l-'il jours, par une
chaleur moyenne de 16", 8 par jour, reçoivent une
somme de 20C9 degrés. Sous le climat de Paris, où
sa chaleur moyenne pendant l'évolution du blé ne
dépasse pas 13 degrés, il faut à la plante 160 jours
pour arriver à maturité. A Turméro (Amérique) le
blé mùi'it en 92 jours, mais la température
moyenne est de 24 degrés, ce qui donne une somme
de chaleur de 2;'00 degrés. A Bogota (Nouvelle-
Grenade), le blé reçoit environ .216i1 degrés de
chaleur. Il semblerait donc que sur les plateaux
élevés des Andes intertropicales, il faudrait à cette
plante plus de chaleur qu'en Europe.
En prenant à la lettre ces calculs on voit que
pour savoir, à pi-iori, si le blé peut prospérer
dans un lieu donné, il suffit de s'assurer qu'il
recevra au minimum 2,000 degrés de chaleur entre
l'époque do la seconde pousse des froments d'au-
tomne ou de la levée des froments de printemps,
et l'époque de la moisson. La météorologie ren-
drait donc un important service à l'agriculture,
BLE
— 257 —
BLE
en multipliant et en vulgarisant des observations
proores à lixer les idées sur ce point.
Quelque séduisante que soit cette théorie —
fondée d'ailleurs sur des faits indiscutables — il
ne faudrait pas s'y fier aveuglément pour essayer
dans une certaine région la culture du blé et
pour s'y entêter après quelques échecs. L'agricul-
ture dépend de deux sciences qui se plient diffi-
cilement aux formules mathématiques : la clima-
tologie et la météorologie. Les conditions d'expo-
sition, de voisinage, un temps clair ou nuageux
suffisent pour modifier dans une assez large me-
sure les prévisions théoriques, sans compter la na-
ture du sol, le degré d'humidité, la direction du
vent, l'abondance des pluies, etc.
Choix d'une bonne semence. — Il peut sembler
naïf de dire que, toute choses égales d'ailleurs,
pour produire de beau blé, il faut employer de
bonnes graines. Cependant on ne saurait trop in-
sister sur cette vérité élémentaire et nous pensons
intéressant de donner à ce sujet quelques explica-
tions.On croit généralement que, pour avoir de bonne
semence, il suffit de trier avec soin, par des cri-
blages, du blé de bonne apparence ; que les grains
ainsi séparés étant gros, pleins et lourds, don-
neront naissance à des tiges robustes et produc-
tives. Cela semble tout naturel, cependant rien
n'est moins assuré. Un grain parfait en apparence
peut sortir d'un épi défectueux et d'une plante
médiocre : ce grain ne tiendra pas ce qu'il promet
et reproduira les défauts de la plante mère, sauf à
les atténuer légèrement. Il arrive au contraire
qu'un grain de froment d'apparence assez ché-
tive, mais issu d'une bonne race, en reproduit
toutes les qualités. Pour juger la semence il ne
suffit donc pas de la voir, il faut la connaître. De
plus l'expérience semble prouver qu'il est néces-
saire de changer de temps en temps la semence,
fût-elle de très bonne qualité, sous peine de la
voir dégénérer.
Lorsque l'on dispose de graines dont on connaît
la provenance et qui sont parfaitement saines, il
est inutile de les préparer avant de les confier à
la terre, surtout si la saison est suffisamment
chaude et humide. IMais si l'on craint que la graine
ne dorme en terre et qu'une germination lente,
tourmentée, ne compromette lu vitalité de la
plante, il est utile de hâter la levée en faisant
tremper la graine pendant vingt-quatre heures
dans de l'eau tiède ou pendant quarante-huit
heures dans de l'eau froide. Le grain gonflé et
ramolli germe promplement. De plus, au moment
de l'immersion, la plupart des grains défectueux
surnagent et peuvent être facilement éliminés.
Précautions contre les maladies du blé. — Le blé
est sujet à deux maladies : la carie ou le charbon
{que les cultivateurs appellent vulgairement le
noir). Elles résultent de la multiplication de cham-
pignons microscopiques dont les germes invisibles
se sont attachés aux poils très fins qui recouvrent
l'une des extrémités des grains.
Aucun procédé mécanique ne débarrasse sûre-
ment le blé de ces germes, mais pour les détruire
on a imaginé divers autres moyens. Le plus ancien
consiste dans l'emploi de la chaux. On procède au
chantage des grains de plusieurs manières. Les
uns humectent la semence et la saupoudrent de
chaux éteinte, dans la proportion d'un demi-kiio-
gramme par 15 kilogrammes de graines : d'autres
délayent la chaux dans de l'eau chaude, versent le
mélange sur la semence et remuent à la pelle pour
obtenir la répartition égale du lait de chaux. La
meilleure uianière d'opérer, pratiquée depuis un
siècle, est celle-ci : on fait un lait de chaux avec
3 kilogrammes de chaux vive pour 8 litres d'eau,
on y jette la semence et on l'y laisse séjourner pen-
dant trois ou quatre heures, ayant soin de la remuer
de temps à autre et d'enlever les grains qui surna-
2c Partie.
gcnt. On egoutte ensuite dans des paniers et l'on
sèche sur une aire de grange. Cette immersion dans
un lait de chaux à une température un peu élevée
détruit sûrement tous les germes de champignons.
De plus, l'enveloppe de la graine se gonfle et se
ramollit, de sorte qu'il y aurait avantage à prolon-
ger un peu l'immersion et à semer immédiatement,
plutôt que de sécher les graines.
Mathieu de Dombasle a imaginé d'employer simul-
tanément la chaux et le sulfate de soude: c'est le
sulfatage. Dans un assez grand nombre de régions
on prépare les semences au moyen du sulfate de
cuivre (vitriol bleujjd'où le nom de vitriolage àonné
à l'opération.
Semailles. — L'expérience a démontré que, dans
les semailles à la volée, il convient de semer dru à
raison de deux hectolitres au moins par hectare.
Cependant les semailles claires peuvent être utiles
dans les terres trop riches, où le blé est sujet à
verser. Les brins isolés, bien exposés à l'air et à la
lumière, deviennent plus rigides, et les jets tardifs
provenant du toilage, qui n'arrivent qu'à demi-
hauteur, soutiennent les chaumes élevés.
Après les semailles à la volée on enterre et l'on
recouvre les grains au moyen de la herse ou du
rouleau, mais ces instruments recouvrent ou en-
terrent les graines d'une façon très inégale ; un
grand nombre échappent à leur action, se dessèchent
sur le sol, ou deviennent la proie des oiseaux et
des petits rongeurs. Depuis plus de deux mille ns
les Chinois se servent de semoirs mécaniques ^de
construction ti es simple adaptés h la charrue. En
Europe des ii.straments à peu près semblables
furoiit essayés pour la première fois il y a envir ox
deux siècles. Aujourd'hui on n'a que l'embarran
du choix entre le simple semoir à brouette et les
appareils à cheval qui creusent à la fois huit ou dis
sillons, y déposent régulièrement les graines et
les recouvrent aussitôt.
L'époque des semailles est déterminée, dans
chaque région, par une expérience séculaire.
Elle dépend du climat et de la nature du terrain.
Dans le midi de la France, on sème les blés d'hi-
ver depuis la première quinzaine d'octobre jusqu'à
la fin de novembre ; dans l'est, du 15 au 20 sep-
tembre jusqu'à la fin d'octobre ; dans le nord, à
partir du !«■■ novembre. Pour les blés de prin-
temps,on profite des premières belles journées, lors-
que les gelées ne sont plus à craindre.
Aucune graine ne germe à une température in-
férieure à zéro. La moutarde blanche peut ger-
mer à moins d'un degré au-dessus de zéro; le lin
à + 2°; il faut au moins "" au blé, à l'orge et au
seigle.
Le blé résiste bien au froid de l'hiver, et même
lorsque la température s'abaisse à — 20° il n'en
soufiTre point lorsqu'il est protégé par une couche
de neige. Au printemps, dès que la température
dépasse -+- 7°, il reprend sa vigueur de l'automne
et pousse de nouvelles feuilles. On passe alors le
rouleau sur les terres légères pour les tasser un
peu et rechausser les racines, tandis que dans les
terres 'fortes un hersage ameublit la surface et fa-
cilite le tallage. Si l'ensemble d'une emblave est
en retard, on peut hâter l'essor de la végétation
au moyen d'engrais liquides, ou d'engrais pulvé-
rulents répandus par un temps pluvieux.
En mai et en juin les mauvaises herbes enva-
hissent les cultures, qui n'ont pas été suffisamment
soignées et sarclées dans les mois précédents ; tout
bon cultivateur sait combien il importe d'extirper
ces parasites qui consomment de l'engrais, privent
les tiges du blé d'air et de lumière, et plus tard mê-
leraient leurs graines à la récolte ou en infesteraient
le terrain.
En somme, la culture du blé est simple et facile.
Cette plante sociale par excellence offre à l'homme,
même dans l'état de civilisation le plus primitif,
17
BLE
— 238 —
BLOCS
ses inestimables trésors. Cependant le progrès agri-
cole a permis de modifier heureusement la culture
des céréales, de créer des variétés précieuses par
leur adaptation aux divers climats, d'augmenter le
rendement, de substituer en partie au travail ma-
nuel celui des macliines. A la culture routinière a
succédé la culture raisonnée, un peu savante ; le
laboureur d'autrefois est devenu le cultivateur
d'aujourd'hui ; l'un n'était qu'une force, l'autre est
une force et une intelligence. Aussi le cultivateur
s'intéresse à tout ce qui concerne ses travaux; il
acquiert des notions de géologie pour apprécier
la qualité du sol, de botanique, pour comprendre
l'organisation des plantes et comparer celles qui
lui sont familières, de chimie et de pliysiologie
végétale, pour se rendre compte de l'action des
engrais: négliger d'acquérir ces connaissances élé-
mentaires, c'est se priver de ressources fécondes
qui augmentent les produits du travail et enno-
blissent les travaux des champs.
La culture d'un hectare de blé demande cinq ou
six journées de travail réparti à divers intervalles :
la récolte, sans le secours d'aucune machine, en
exige à peu près autant. Il est donc indispensable
de se procurer, pour ce travail, le concours d'ou-
vriers en dehors du personnel de l'exploitation.
Heureusement l'emploi des machines tend à sim-
plifier de plus en plus cette importante question.
Moisson. — Voici, d'après Mathieu de Dombaslc,
comment on reconnaît que le blé est à point pour la
moisson : « on peut généralement couper le fro-
ment sept ou huit jours avant la complète maturité,
c'est-à-dire lorsque la paille commençant à blanchir
et à sécher vers le pied commence aussi à perdre
sa teinte verdàtre et que le grain a acquis assez de
fermeté pour que, lorsqu'on le presse entre les
doigts, l'ongle s'y imprime encore, mais ne le
coupe plus aussi facilement que lorsqu'il n'avait
qu'une consistance laiteuse ou pâteuse. » D'ailleurs
il est prouvé que la coupe hâtive donne un grain
plus lourd que la coupe tardive. Ainsi pour le blé
rouge coupé environ dix jours avant la maturité
parfaite, on a trouvé que l'hectolitre de grains secs
pesait 7 8 kil. 25 ; que le poids montait ti 80 kil. 73
si l'on attendait un peu plus, selon les indications
précédentes, mais qu'il tombait à 76 kilogr.
si l'on attendait que la maturité s'achevât sur pied.
Après la coupe hâtive la maturité s'achève parfai-
tement aux dépens des matériaux contenus dans les
tiges et dans les feuilles : arrivée au point indi-
qué, la plante ne reçoit plus rien de la terrre. En
moissonnant de bonne heure on échappe à une
partie des chances de pertes causées par la grêle,
les orages, et l'on évite l'égrenage des épis. De
plus, le blé qui a mûri en moyeties ofl're pour la
meunerie des qualités spéciales, reconnaissables à
la main, et qui lui font donner la préférence,
N'oublions pas, toutefois, que pour les grains
destinés aux semailles, il semble, jusqu'à nouvelle
expérience, qu'il vaut mieux suivre la marche na-
turelle et récolter le plus tard possible, sans tou-
tefois laisser les épis s'égrener en partie.
La faucille, la sape flamande, la faux simple ou
munie d'un râteau, sont les instruments employés
encore de nos jours dans les petites fermes pour
scier ou couper les blés. Un homme habile et vi-
goureux, se servant de la faucille, abat lacilemcnt
10 à l.'i ares par jour; un sapeur fait deux fois au-
tant de besogne ; un bon faucheur coupe aisé-
ment 4.Ï à 50 ares, suivant l'état de la récolte,
mais il lui faut adjoindre une femme ou un enfant
pour former les javelles. Autrefois, dans chaque
pays, l'extension que l'on pouvait donner à la cul-
ture des céréales dépendait du nombre de bras
dont on disposait pour la moisson. Dans ces con-
ditions, de vastes régions peu peuplées demeu-
raient incultes. Aujourd'hui, l'agriculteur possède
des machines à défricher, à labourer, à semer, à
moissonner, à battre, h vanner, à trier, qui per-
mettent de décupler les cultures avec moins de
fatigue pour les ouvriers. De plus, pour les besoins
d'approvisionnement exceptionnels, tels que ceux
des armées, on a inventé des greniers conserva-
teurs qui permettent de conserver longtemps les
grains à l'abri des rongeurs et des insectes ; ce
sont des réservoirs eu fer dans lesquels le blé est
soumis à une ventilation forcée ou à un mouvement
régulier qui le ventile, l'épure et lui donne de la
main en polissant les grains par le frottement.
Le pain à don mari hé. — Tous les perfectionne-
ments de l'agriculture moderne auront-ils pour
résultat de répondre aux espérances qui résume ce
mot populaire entre tous : le pain à bon marché?
Assurément ils y contribuent, mais il ne faudrait pas
encourager à cet égard des illusions dangereuses.
Le temps n'est plus où le prix du blé pouvait
dépendre des intrigues de quelques spéculateurs.
On n'a plus à redouter l'accaparement, cette forme
de la spéculation si justement maudite par le peu-
ple au siècle dernier et contre laquelle les gouver-
nements prévoyants et amis du peuple ont adopté,
selon les circonstances, des mesures en rapport
avec les connaissances de leur temps en économie
politique, mesures le plus souvent inefficaces.
On a cru longtemps qu'un des meilleurs moyens
de prévenir les disettes, ou plutôt les chertés fac-
tices des céréales, consistait à établir des réserves,
des greniers destinés à approvisionner les marchés
sous l'impulsion du ■ gouvernement. Cependant,
l'expérience a prouvé que les greniers d'abondance
n'atteignaient pas le but que l'on se proposait. La
crainte de voir jeter sur le marché de grandes
quantités de blé au-dessous du cours paralysait
les opérations régulières. On calcula en outre que
la création et l'entretien de ces dépôts coûtaient plus
cher que la distribution de secours en nature né-
cessitée par le haut prix accidentel du blé. Plus
tard, le gouvernement crut sage d'obliger les bou-
langers des grandes villes à conserver une réserve
suffisante pour trois mois d'alimentation, mais il ne
tarda pas à reconnaître que la liberté illimitée et
la libre concurrence, la création de moyens de
transport, le développement de l'activité commer-
ciale, étaient les seuls garants des approvisionne-
ments réguliers. Aussi, en 1S6I, le commerce des
grains fut déclaré libre avec l'extérieur, et cette
sage mesure fit tomber toutes les entraves qui
l'avaient trop longtemps paralysé à l'intérieur.
Avec la liberté absolue, les flottes de commerce,
les chemins de fer et les canaux, la France est dé-
sormais à l'abri non-seulement des famines et des
disettes, mais encore des chertés excessives. Nous
en avons vu une preuve bien remarquable : la
première guerre d Orient nous a piivés pendant
près de deux ans des blés de la Russie méridionale,
une des sources les plus abondantes de notre ap-
provisionnement, et cependant les prix n'ont pas
sensiblement augmenté ; aujourd'hui ces blés de
Russie abondent sur le marché, et les prix n»
baissent pas dans une proportion exagérée.
Toutefois, il reste encore beaucoup i faire pour
obtenir partout de bon pain à bon marché : mise
en culture des marais, des landes ; production plus
abondante de fumier et d'engrais; irrigations ; vul-
garisation des machines agricoles et des greniers
conservateurs; amélioration des procédés de bou-
langerie. Rendons hommage à ceux qui ont ouvert
la voie à tous ces progrès ; profitons des conquêtes
déjà nombreuses du passé pour assurer la solu-
tion pacifique de cette question qui domine toutes
les autres questions sociales, celle du pain quoti-
dien. [D' Saffray.]
BLOCS ERUATIQUES. — Géologie, IX. — Ce
nom lui-même indique déjà quelque chose d'anor-
mal, d'exceptionnel.
Les blocs dont il s'agit, et que l'on désignait dans
BLOCS
— 259 —
BOEUF
l'origine sous le nom de pierres adventives, ne sont
pas en effet à leur place naturelle, comme les amas
de rocailles, produit de la désintégration, qu'on
rencontre, au pied des montagnes abruptes; ce sont
des étrangers, qui n'ont d'ordinaire rien de commun
avec le sol sur lequel ils reposent.
C'est sur les hauts plateaux et sur les flancs du
Jura que ces blocs d'origine étrangère devaient en
premier lieu attirer l'attention. Il y a en effet quel-
que chose de surprenant dans la présence de ces
grands blocs de granit au milieu d'un pays composé
de calcaire ou de grès, et il est à présumer que, bien
avant que les savants s'en occupassent, plus d'un
campagnard intelligent s'est demandé en passant
d'où pouvaient provenir ces curieuses pierres qu'on
ne rencontre dans aucune carrière du pays et que
l'on désigne en Suisse et en Franche-Comté sous
le nom de gris ou de ffrisoris. Il y en a qui attei-
gnent les dimensions d'une maison mesurant jus-
qu'à 5 et 60(J mètres cubes. Plusieurs de ces
pierres jouissent d'une véritable célébrité, telle que
la Pierre à Bot près de Neuchâtel, la Pierre à Dzo
et le grand bloc de Monthey en Valais, tous trois
composés de protogyne ou granit du mont Blanc
(ce dernier dédié à la mémoire de feu M. de Char-
pentier, le promoteur de la théorie glaciaire).
La première explication qui fut proposée attri-
buait le transport des blocs erratiques à des cou-
rants. Elle dut cependant être abandonnée après
qu'on eut reconnu qu'il se trouvait de ces blocs i\
des altitudes tellement considérables (jusqu'à 1 200
mètres sur le Jura) que l'hypothèse de courants
devient tout à fait inadmissible. La forme anguleuse
de ces blocs de 'granit n'est pas non plus compati-
ble avec l'idée d'un transport violent. Ils auraient
dû /lécessairement être usés et arrondis, comme
ceux qu'on rencontre dans les lits de torrents. Au
lieu de cela, ils ont en général conservé leurs arê-
tes vives, absolument comme les blocs qu'on ren-
contre à la surface des glaciers actuels.
Cela n'empêche pas qu'ils ne soient parfois en-
tassés en grande quantité sur un seul point. Il est
telle localité où on les exploite en cuise de car-
rières, par exemple au Kircliet près de Meyrin-
gen et sur plusieurs points du bas Valais, entre au-
tres près de Monthey. Ailleurs ils frappent *par
leur position bizarre au sommet d'une arête ou
d'un contre-fort étroit et saillant, position qui exclut
toute idée d'un transport violent et prouve qu'ils
ont dû être posés doucement h la place qu'ils
occupent.
Il n'y a dans la nature qu'un seul agent qui soit
capable d'effectuer des transports pareils : ce sont
les glaciers. Il faut donc admettre qu'à, une" cer-
taine époque les glaciers se sont étendus aussi
loin et aussi haut qu'on rencontre des blocs errati-
ques.
Ce qui donne aux blocs erratiques leur intérêt
principal, c'est qu'ils sont devenus, à la suite de
longues études, l'un des arguments les plus pé-
remptoires en faveur de l'ancienne extension des
glaciers, non-seulement sur le pourtour des Alpes,
mais dans bien des cliaînes de montagnes où il
n existe plus de glaciers de nos jours.
Aujourd'hui l'on ne se borne plu>; à enregistrer
leur présence dans les différentes vallées des Al-
pes ou des Pyrénées. La science exige davantage.
On veut savoir d'où ils sont venus, quel contingent
les différents massifs d'une chaîne de montagne ont
fourni et, si possible, quel chemin les blocs ont par-
couru pour arriver à l'endroit qu'ils occupent.
On est ainsi parvenu dans les Alpes à faire la
part des différents tributaires de l'ancienne mer de
glace qui occupait la Suisse et qui s'étendait en
France jusqu'à Lyon. Ce sont les régions ou bas-
sins erratiques. On en a distingué sept sur le ver-
sant nord des Alpes, savoir : les bassins de l'Isère.
de 1 Arve, du Rhône, de l'Aar, de la Reuss, de la
Limmat, du Rhin. Ces résultats, fruits de longs tra-
vaux de M. Guyot et de M. A. Escher de la Linth,
ont été consignés par ce dernier géologue sur une
carte spéciale, qui est la carte erratique de la
Suisse.
Les blocs erratiques ne sont cependant pas limi-
tés au pourtour des Alpes et des Pyrénées, comme
on a pu le croire un instant. Il en existe aussi au
centre de la France, qui se rattachent au Morvan.
La Scandinavie en est couverte, et le nord de l'Ecosse
en contient un grand nombre qui proviennent des
montagnes de la Norvège. Les Vosges et la Forêt-
Noire en ont aussi fourni leur contingent. Les
Etats du nord de l'Amérique en sont largement
pourvus. Enfin il n'y a pas jusqu'à l'Amérique
méridionale (détroit de Magellan) et à la Nouvelle-
Hollande où l'on n'ait signalé leur présence, ainsi
que sur les flancs du Liban et en Kabylie.
Cette universalité du phénomène est une preuve
que la cause, quelle qu'elle soit, qui a transporté
ces blocs loin de leur lieu d'origine a été une cause
générale. Si donc il est démontré que ce sont des
glaciers qui en ont effectué le transport, il s'en-
suit que le climat a dû, à une certaine époque,
être sensiblement plus froid que de nos jours,
probablement parce que notre système planétaire
traversait dans ce moment des régions plus froi-
des de l'espace.
Ces refroidissements se sont peut-être répétés à
différentes époques. Il existe en effet des blocs
étrangers dans des formations plus anciennes (les
blocs de la Superga dans le miocène, les granits
de Habkeren dans l'éocène de la Suisse), ce qui
semblerait indiquer que la terre a subi à différen-
tes reprises des périodes de froid, qui ont permis
aux glaciers de se développer et de porter au loin
les débris des montagnes ou ils se formaient. Telle
est, entre autres, l'opinion de M. Ramsay, l'éminent
directeur de la carte géologique d'Angleterre.
[E. Desor.]
Lectures et dictées. — Zurcher et MareoUé, Les ala-
«tvs, p. 91, 115,232.
BOEUF ET RACES BOVI>'ES. — Agriculture,
XIV. — De tous les animaux domestiques élevés
par l'agriculture, le bœuf est celui qui occupe ie
premier rang, à la fois par les produits qu'il donne
et par les proportions dans lesquelles on le re-
trouve partout. C'est le principal des animaux de
tiait dans un grand nombre d'exploitations ; c'est
la vache qui donne partout la plus grande quantité
de lait ; enfin, tous les animaux des races bovines,
qu'ils so:»)nt abattus dans le bas âge ou qu'ils ne
soient sacrifiés qu'après de longs services, ont pour
destination finale la boucherie. En outre, les ani-
maux de l'espèce bovine donnent dans toutes les
fermes la production la plus abondante de fumier
pour reconstituer la fertilité des terres épuisées
par la culture. En dehors de la production du fu-
mier qui demande une étude spéciale (V. Engrais)
l'espèce bovine a donc trois grandes utilités agri-
coles : production du travail, production du lait,
production de la viande.
C'est surtout dans la petite culture que le bœuf
est un animal de travail ; il paie ainsi la nourriture
qu'il absorbe, et son accroissement de poids est
tout bénéfice pour le cultivateur. Pendant long-
temps, les animaux de trait étaient conservés le plus
longtemps possible, et on ne les envoyait à la bou-
cherie que lorsqu'ils ne pouvaient plus rendre les
services qu'on leur demandait. Aujourd'hui que la
viande augmente tous les jours de valeur, les cul-
tivateurs ont été amenés à la produire en plus
grande abondance, et ils ont cherché les moyens
d'accélérer le développement de leurs animaux et
leur rendement en viande, tout en leur conservant
leurs anciennes qualités. Autrefois la principale
destination du bœuf était le travail-, aujourd'hui
c'est la production de la viande. L'idéal pour l'a-
BOEUF
— 2G0 —
BOEUF
griculteur est de savoir allier ces qualités, par un
perfectionnement des animaux obtenu par une sé-
lection judicieuse. Ce qu'on a appelé la spécialisa-
tion des races ne peut plus ôtre considéré comme
une vérité absolue, comme un but d'où il n'y ait pas
à dévier; les conditions extérieures ont amené
l'agriculteur, à son grand profitd'ailleurs, à chercber
au contraire à réunir le plus possible de qualités
diverses sur les mêmes têtes.
Quoi qu'il en soit, voici les caractères auxquels
on reconnaît les aptitudes diverses des animaux de
l'espèce bovine.
Le bon bœuf de travail a la tête un peu forte, le
front large, l'œil vif, les cornes bien plantées, le
cou gros et court ; le garrot est élevé ; les épaules
sont plates et portées en avant, les avant-bras et
les jarrets sont larges, les hanches sont longues,
les tendons sont bien détachés.
Quant aux vaches laitières, elles se reconnaissent
à une tête petite, avec les cornes minces; la gorge
est peu développée, la peau est fine et pourvue de
poils doux et abondants, le pis est gros et prolongé
sous le ventre ; les traj'ons sont égaux et bien es-
)iacés. Poui-/[ue le lait soit riche en bourre, il faut,
d'après de nombreuses observations, que le pis
soit d'une belle couleur jaunâtre, surtout entre les
cuisses: les poils qui le recouvrent doivent être
courts, épais et sojeux.
Les caractères du bœuf de boucherie sont les
suivants : la tête est petite, l'œil est doux, le front
. large, le cou mince, court et dénué de fanon. La
poitrine est large et profonde, l'épaule ronde et
droite, l'avant-bras très gros près du corps, le genou
mince. Quant au corps, il doit être large, et affecter
des formes cylindriques ; le dos doit être droit de-
puis la naissance du cou jusqu'à l'extrémité de la
croupe ; les hanches sont larges, les cuisses sont
bien chargées de viande. La peau doit être fine et
élastique, se détachant bien du corps ; les poils
seront épais et soyeux. Les membres doivent être
courts et fins, c'est-à-dire présenter une ossature
tout à fait réduite.
Lorsqu'on a commencé à vouloir améliorer les
races françaises au point de vue de la précocité du
développement, on n'a trouvé rien de mieux que
de les croiser avec les races anglaises, renommées
pour leur rapide croissance. C'est surtout à la
race dite Durham que l'on a eu recours. Ces croi-
sements ont réussi dans certaines conditions, lors-
que la race Dûrham trouvait des circonstances cli-
matériques convenables et une race peu fixée à la-
quelle elle se substituait presque complètement,
mais ailleurs les résultats ont été faibles ou nuls.
La méthode la plus rationnelle pour développer
chez des familles des qualités spéciales, c'est de
procéder par sélection, c'est-à-dire de choisir tou-
jours pour reproducteurs des animaux qui possè-
dent à un degré remarquable, plus ou moins in-
tense, les qualités que l'on veut développer. Cette
méthode est certainement plus longue que celle
des croisements, mais elle donne des résultats
beaucoup plus certains. On peut citera l'appui les
résultats qui ont été obtenus avec la race limou-
sine ; la sélection a tout à fait transformé cette
race en vingt années.
L'hygiène de la nutrition est la condition indis-
pensable de l'entretien des animaux de l'espèce
bovine 11 est plus avantageux d'avoir sur une ex-
ploitation quatre bœufs ou vaches auxquels on
donne une alimentation abondante, que d'en avoir
huit auxquels on ne peut donner qu'une maigre
nourriture. 11 est donc de la plus haute importance
pour un cultivateur de s'approvisionner d'une
nourriture abondante pour son étable. Il faut dis-
tinguer, à cet égard, ce qu'on appelle la ration
djentretien et la ration de produit. « La ration
d'entretien, ditJamet, sert à continuer la vie ; elle
répare les pertes occasionnées par la transpiration.
les mouvements des poumons et du cœur; le four-
rage de cette ration ne produit donc absolument
rien ii celui qui le donne. Au contraire, tout ce
qui dépasse la ration d'entretien s'appelle ration
de produit : cela est bien facile à comprendre.
Lorsque les besoins de la vie sont satisfaits, le
fourrage qui se donne en plus produit de la chair
et de la graisse, si c'est un ba-uf au repos; du
lait, si c'est une vache : du travail, si c'est un bœuf
attelé à la charrue ou à une voiture. » Prenons un
exemple. On estime, d'après les observations qui
ont été faites, que la ration d'entretien d'une va-
che laitière est de 1 kilog. de foin pour 100 kilog.
de poids vif. Si on donne 9 kilog. seulement de
foin à une vache pesant fiOO kilog., la ration de
produit sera seulement de 3 kilog. qui donneront
:i litres de lait. Si l'animal produit plus, c'est aux
dépens de sa chair, c'est-à-dire aux dépens de sa
valeur. Que si on lui donne au contraire 10 kilog.
de foin, la ration de produit sera de 4 kilog.; elle
donnera autant de lait, et l'animal profitera, c'est-
à-dire augmentera de valeur. En général, il faut
pour la ration journalière, en aliments bien choisis,
un soixantième du poids de l'animal ; pour la ra-
tion de produit, il faut un trentième de ce poids.
La valeur comparée des fourrages et des autres
aliments des bêtes bovines: betteraves, pommes de
terre, navets, tourteaux, farines, etc., est assez
difficile à fixer. On a établi des tables d'équiva-
lence : mais ces tables ne sont qu'approximatives.
Le foin d'une prairie diffère de composition, sui-
vant les coupes; de même que deux foins de prai-
ries, même voisines, ont souvent une richesse tout
à faitdissemblable.Cestablespeuventdoncservir de
guide pour les rations, mais il serait imprudent de
s'y tenir d'une façon absolument rigoureuse.
La distribution des aliments doit être régulière ;
les repas doivent être faits tous les jours aux
mêmes heures, et à chaque repas l'animal doit re-
cevoir une quantité de nourriture suffisante pour
lui remplir l'estomac.
Clnssificatioji des races bovines. — Après ces in
dications générales sur l'hygiène de la nutrition,
il faut donner quelques détails sur la répartition e<
les caractères des principales races bovines.
La plupart des classifications adoptées aujour-
d'hui manquent de précision ; elles reposent sur
des caractères mal déterminés, et qui ne sont pas
ceux qui pourraient servir de base à une classifi-
cation naturelle Quelques savants allemands ont
déjà essayé d'établir une classification rationnelle
dos races bovines, mais sans y réussir. C'est à un
savant français, M. Sanson, professeur à l'École na-
tionale d'agriculture de Giignon, que revient l'hon-
neur d'avoirétabli la première classification, reposanl
sur des caractères naturels et constants, des races
bovines domestiques.
L'indice céphalique, c'est-à-dire la forme du
crâne, est la base de cette classification. Les ra-
ces bovines sont d'abord divisées en deux grandes
catégories : les dolichocéphales (tête allongée) et
les brachycéphales (tète courte). Chez les premiers,
le front parait allongé, et il y a un rétrécissement
plus ou moins sensible au-dessous de la bas > des
cornes; chez les seconds, le front paraît carré. Ces
deux types renferment des variétés assez considé-
rables, qu'il serait trop long d'cnumérer ici.
La première catégorie comprend six races :
1" Race des l'ays-Bas, qui renferme les varié-
tés de Durham, hollandaise, flamande, wallonne,
ardennaise ou mtusienne, et celle du Morvan.
2" Race germanique, qui comprend les variétés
allemandes et danoises, les variétés normandes et
colle de Hereford, en Angleterre.
3° Race irlandaise, qui comprend, dans les Iles
Britanniques, les variéti'S de Kerry, d'.\yr, de
Devon, des îles de la Manche, et en France, la
variété bretonne.
BŒUF
— 261 —
BOEUF
4" La race britannique, confinée dans les Iles
britanniques, et qui comprend les variétés de Gal-
loway, d'Angus, de Norfolk et de Suffolk.
b° La race des Alpes, à laquelle appartiennent les
variétés suisses, wurtembergeoises, tyroliennes,
et en France les variétés tarentaise, gasconne et
ariégeoise ou de Saint-Girons.
fio La race d'Aquitaine, à laquelle se rattachent
les variétés françaises : agenaise, garonnaise, limou-
sine et de Lourdes.
La deuxième catégorie, celle des brachycéphales,
comprend également six grandes races :
1" La race asiatique à laquelle il faut rattacher
les variétés de la Russie méridionale, de l'Autri-
che et de la Hongrie, de l'Italie, et en France
colle dite de la Camargue.
2° La race ibérique, dont l'aire s'étend sur les
îles de la Méditerranée, l'Algérie, l'Espagne et le
Portugal, et comprend en France les variétés pyré-
néennes, carolaisc et landaise.
.3" La race vendéenne, confinée en France dans
les variétés niaraichine, nantaise, poitevine, raar-
choise et d'Aubrac.
4'' La race auvergnate, qui comprend les variétés
du Cantal et du Puy-de-Dôme.
6° La race jurassique, une des plus importantes
par le nombre des variétés quelle renferme, et qui
comprend, en Suisse, les variétés du Simmenthal,
bernoise, fribourgeoise ; en Allemagne, celle du
Donnersberg ; en France, les variétés comtoise,
fémeline, charolaisc, nivernaise et bourbonnaise.
G° La race écossaise, qui appartient aux hautes
terres d'Ecosse.
La population bovine a présenté naturellement
des croisements fortiiits ou voulus entre ces diver-
ses races; il en est résulté des métis nombreux.
Les principaux croisements, auxquels on donne sou-
vent le nom de race, sont, d'après M. Sanson : les
manceaux, les bazadais, les mézenc, les Villars-de-
Lans, en France. Il est inutile d'insister sur ceux
qui se sont produits dans les autres pays de
l'Europe.
Il est facile de rapporter à cette classification
naturelle les races ou variétés qui sont générale-
ment admises en France, et qui entrent notam-
ment dans les programmes des concours régio-
naux. Les principales sont les suivantes :
Races normandes, qui se divisent en cotentine,
bessine, augeronne, etc. Ces variétés se recomman-
dent par leurs remarquables aptitudes laitières,
aussi bien que par la qualité de leur viande.
Race flamande: c'est aussi une race éminem-
ment laitière ; elle s'est surtout répandue dans le
nord de la France.
Race charolaisc, qui a son siège dans le centre
de la Franco. Une habile sélection est panenue.
dans les trente dernières années, à en faire une
excellente race de boucherie, d'une précocité re-
marquable, tout en lui conservant ses qualités de
bête de travail. En voici les principaux caractères :
robe blanche à poils soyeux, corps cylindrique,
dos droit et large, culotte très développée, poitrine
ample et profonde ; ossature fine, peau bien déta-
chée, tète courte et large munie de cornes de
moyenne grandeur, physionomie douce.
Race garonnaise, très estimée pour le travail,
mais d'une conformation moins régulière que la
précédente ; néanmoins elle s'engraisse assez faci-
lement, et par la sélection on en a développé la pré-
cocité. Les femelles sont médiocres laitières.
Race limousine. Cette race est classée au pre-
mier rang pour son aptitude au travail ; dans ces
derniers temps, on est arrivé à lui donner une
grande précocité à l'engraissement. Elle se place
au premier rang des races françaises pour le ren-
dement et la qualité de la viande. Les animaux do
la race limousine ont la tète légère, le pelage sou-
vent rouge, les reins bien souti-nus, les cotes ron-
des, les membres courts et charnus. Cette race a
aujourd'hui une place spéciale parmi les races de
boucherie ; mais les vaches sont de médiocres lai-
tières.
Race fémeline. Cette race jouit des mêmes qua-
lités que la précédente au double point de vue de
l'aptitude au travail et de la qualité de la viande,
mais elle est, dans la généralité des cas, plus lente
à prendre la graisse, et elle a un développement
beaucoup moins rapide. Une autre différence est
dans les qualités de la vache fémeline comme lai-
tière. Les animaux de cette race ont la tête fine, le
corps allongé, la poitrine étroite, mais le train de
derrière est développé et les jambes sont courtes
et fines. La race fémeline appartient au type com-
tois ; elle est à peu près exclusivement confinée
dans les départements de la Haute-Saône et du
Doubs.
Race parthenaise. Elle constitue la population
bovine de la plus grande partie des départements
de la région occidentale de la France. C'est un
mélange de plusieurs variétés, comme on l'a vu
plus haut. Cette race peut être considérée comme
réalisant les trois aptitudes de l'espèce bo-
vine : le travail, la faculté d'engraissement rapide
et la qualité laitière. Les caractères généraux de
ces animaux sont une ossature fine, un corps bien
proportionné et régulier, une tète légère présen-
tant un front large et plat, muni de belles cornes
bien dirigées. L'œil est vif et doux. Les bœufs sont
excellents pour le travail ; après avoir été mis à la
charrue pendant quelques années, ils sont engrais-
sés dans les prairies, où ils se développent rapide
ment, et conduits à la boucherie. Les bœufs parthe-
nais, dits encore choletals, sont recherchés par les
agriculteurs du nord, qui les emploient d'abord à
leurs travaux, et les engraissent ensuite facilement
avec les pulpes de sucrerie. Les vaches de la race
parthenaise présentent tous les caractères de bon-
nes vaches laitières, et elles en ont les qualités.
Race tarejitaise . Cette race est surtout répandue
dans le sud-est ; elle est de petite taille, et elle se
recommande à la fois par sa rusticité et par ses
qualités laitières. Le pelage est gris clair; le corps
est ramassé avec des jambes courtes, un fanon lé-
gèrement descendu, la tète courte et le front large.
Depuis quelques années, la race tarentaise est des-
cendue des régions alpestres jusque sur les bords
de la Méditerranée, où elle se maintient avec ses
qualités, malgré la chaleur du climat.
Race bretonne. C'est la race essentiellement lai-
tière des pays pauvres. Elle est de taille petite,
avec des membres courts et un peu grêles, mais
d'une finesse tout à fait remarquable. La robe est
ordinairement pie noire : elle a la peau fine et sou-
ple. Dans quelques parties do la Bretagne, mieux
cultivées et plus fertiles, la race bretonne a acquis
plus de développement.
liace Durham. Quoique d'origine anglaise, cette
race peut être considérée aujourd'hui presque
comme une race française, grâce aux nombreuses
importations qui en ont été faites à diverses épo-
ques. La race Durham est la race de boucherie par
excellence ; jamais pour d'autres races on n'est ar-
rivé à une aussi grande l'éduciion du squelette et
des abats, et à un aussi complet développement
des parties charnues. Jamais non plus on n'a, d'une
manière générale et normale, atteint une aussi
gi'ande précocité dans la maturité de la viande.
Mais c'est une race très exigeante qui demande une
nourriture abondante et choisie, et qui dépérit ra-
pidement dans les milieux qui ne lui conviennent
((ue médiocrement. C'est stirtoutdans l'ouest de la
Franco, et notamment dans les départements de la
.Mayenne et de Maine-et-Loire, que l'on rencontre
aujourd'hui le plus gi-and nombre d'étables dednr-
hams ; ces animaux s'y sont à peu près complète-
ment substitues à l'ancionne race du pays.
BOILEAU
— 2G2 —
BOILEAU
Si le choix des races est un point délicat, et s'il
faut à un agriculteur beaucoup de tact pour juger
de la voie dans laquelle il doit s'engager, il n'est
pas moins difficile et parfois laborieux de bien dé-
terminer les qualités particulières des animaux
qu'il s'agit d'élever ou d'acheter. Les aptitudes in-
dividuelles jouent, en effet, le plus grand rôle dans
le succès d'une étable. On dit vulgairement qu'il y
a des bestiaux qui paient les fourrages deux fois
plus cher que d'autres. C'est une assertion d'une
vérité absolue. Le choix de l'agriculteur doit se
porter sur ceux qui paient le fourrage le plus cher,
c'est-à-dire qui savent le mieux en profiter. Cette
faculté de discernement des qualités des animaux
s'acquiert par une observation attentive, et l'agri-
culteur doit s'efforcer de la posséder à fond.
[Henri Sagnier].
Ouvrages à consulter. — Sauson, Traité de zoo-
technie ; Villeroy. Manuel de l'éleveur des bêtes à cornes;
Kuhn, Traité de ialiinenlation des bétes bovines.
BOILEAU-DKSl'IlEALX (NicoLAs;. — Littéra-
ture française, XIV.
Boileau, qui, sans avoir le génie de Corneille, de
Racine et de Molière, est pourtant de la compagnie
de ces grands hommes, comme l'a dit Victor Cousin,
Boileau le réformateur de la poésie, le poète di-
dactique et satirique le plus célèbre des siècles
littéraires, naquit le 1"^ novembre 1636, non pas à
Crosne, près Paris, comme il a été dit quelque-
fois, mais à Paris même, en son centre, dans le
petit îlot qui fut le berceau de la grande ville, rue
de Jérusalem.
Tout près de là, dans la même rue, naîtra un
peu plus d'un demi-siècle après (20 février 1694)
un autre grand critique, mais dont l'action s'éten-
dra au delà du domaine des lettres, Arouet de
Voltaire.
Boileau était fils d'un greffier de grand'chambre
du Parlement de Paris. Il vint au monde le dernier
d'une famille qui comptait déjà quatorze enfants.
11 perdit sa mère à deux ans. Son enfance fut vite
sevrée de caresses, presque délaissée, solitaire et
de plus maladive et souffreteuse : il était encore
au collège quand il dut subir la terrible opération
de la pierre. C'est peut-être dans ces tristes cir-
constances du début de sa vie qu'il faut chercher
la première raison du caractère un peu chagrin,
sourcilleux et revèche qu'aura plus tard la poésie
de Boileau. Sa muse, dit Sainte-Beuve, n'a jamais
eu le premier timbre ému de la jeunesse : elle a
de bonne heure les cheveux gris, le sourcil gris.
Destiné, peut-être à cause de la faiblesse de sa
santé, à entrer dans les ordres, Boileau avait fait
sa théologie en Sorbonne. Il était déjà tonsuré et
pourvu d'un bénéfice, quand un jour, renonçant à
la théologie et à son prieuré, il quitta la Sorbonne
pour l'École de droit et se fit recevoir avocat (4 sep-
tembre 16. ,6). Quelque temps après, il renonça au
droit pour la culture des lettres. Cette fois son
génie avait trouvé sa voie véritable. Sa famille,
loin de l'avoir deviné, ne voyait en lui qu'un « sot ».
Son père, plus indulgent, disait de lui : « C'est un
bon garçon (|ui ne dira jamais de mal de personne. »
Le digne homme ne vécut pas as<ez pour voir son
fils composer les œuvres qui devaient donner un
si complet démenti à sa prophétie. Il mourut en
1657, laissant une petite fortune.
Pour bien apprécier le vrai rùle de notre poète,
juger son œuvre et en mesurer l'influence, il faut
se rappeler quel était, au moment oii il parut, l'é-
tat de la poésie française. L'emphase espagnole et
l'afféterie italienne dominaient souverainement. On
admirait des écrivains aujourd'hui oubliés ou dont
les I oms ne subsistent plus que grâce aux satires
de Boileau et comme des personnifications de la
sottise prétentieuse. Ceux mêmes qui avaient de
réels méi-iies sacrifiaient au mauvais goût de l'é-
poque et souvent ne se faisaient applaudir qu'à
ce prix. La réunion des beaux esprits qui se te-
nait à l'hôtel de Rambouillet et qui donnait le ton
à la mode, encourageait la fausse élégance, l'esprit
maniéré, le style « précieux », l'affectation dans la
pensée et dans l'expression. Le génie même de
Corneille, qui venait de fonder chez nous le théâtre
classique par une succession de chefs-d'œuvre, n'a-
vait pu l'emporter décidément sur le faux goût de
l'époque, et il se trouvait encore de prétendus con-
naisseurs pour lui préférer Scudéry. Molière, qui
pourtant avait déjà écrit les Précieuses ridicules,
était à peine compris encore. Pour qu'il soit ap-
plaudi, il faudra que Boileau vienne révéler à
Louis XIV tout étonné que Molière est l'homme
qui honore le plus son siècle.
Dans de telles circonstances, en présence dune
opinion indécise encore, le rùle de Boileau fut de
rompre en visière au mauvais goût et d'apprendre
à son siècle à aimer le vrai, le naturel, le simple,
le beau.
Il eut d'abord à combattre les méchants écri-
vains et leurs sots admirateurs : c'est le premier
service qu'il rendit à notre littérature nationale, et
ce fut l'œuvre des Satires.
Les Satires de Boileau. — Les Satires déblayèrent
en quelque sorte le terrain : elles attaquaient en
face les écrivains et les écrits qui avaient faussé le
goût du public, elles commençaient notre édu-
cation littéran-e en nous débarrassant, parfois de
vive force, d'une foule de préjugés et de conven-
tions ridicules, mais jusque-là réputées inattaqua-
bles. Il fallut à Boileau, qu'on ne l'oublie pas au-
jourd'hui, pour engager cette campagne, non-seu-
lement cette ferme conviction et cette droiture de
sens, cet amour de la vérité, qui, dit-il très bien,
luiinspira dès quinze ans la haine d'un sot livre, mais
aussi un grand fonds de courage, de persévérance
et de force morale. Il n'est pas si aisé qu'on le
croit de prendre et de soutenir ce rôle de critique
et de réformateur du goût . Il n'est pas sans danger,
Boileau en fit lui-même l'expérience,
D'appeler chat un chat, et RoUet un fripon.
Enfin il n'est pas donné à tout le monde de pou-
voir répondre à Louis XIV, comme le fit Boileau
consulté sur les vers que Louis XIV lui-même avait
daigné faire : c Sire, rien n'est impossible à Votre Ma-
jesté : elle a voulu faire de mauvais vers, elle y a
parfaitement réussi. »
C'est vers 1660 qu'on commence à se passer sous
le manteau les copies des satires; c'est en 1666
que parut le recueil des huit prt^mières. Boileau
en a écrit, douze, les unes littéraires, les autres
sur des lieux communs de morale. Toutes ne sont
pas également parfaites.
La neuvième [A mon espriti a toujours passé
pour la meilleure. « C'est peut-être le chef-d'œuvre
du genre, » a dit Fontancs. « Cest un chof-d'oeuvre
de gaieté satirique, le modèle du badinage ingé-
nieux, » a écrit de son côté La Harpe. Et nul critique
n'est venu depuis contredire La Harpe et Fontanes.
Dans aucune, en effet, Boileau ne s'est montré
aussi plein de verve, n'a fait preuve de plus de
goût et de finesse d'esprit.
La satire sur Y Homme (la viiie) a du mouvement,
de la variété et parfois même de l'élévation. La
ii"= satire {L'accord de lu rime et de la raison), dé-
diée à Molière, fut lue devant lui en 1664. Quand
on arriva à ce passage :
Un sot, en écrivant, fait tout avec plaisir.
Et toujours amoureux de ce qu'il vient d'écrire,
Ravi d'étonnemcnt en soi-même il s'admire.
Mais un esprit sublime en vain veut s'élever
A ce degré parfait qu'il tâche de trouver ;
Et, toujours mécontent de ce qu'il vient de faire,
Il plaît à tout le monde, et ne saurait se plaire.
Molière, «frappé comme d'un trait de lumière, «
BOILEAU
— 263 —
BOILEAU
quh.ta son siège, courut au jeune poète et lui dit
en lui serrant la main : « Voilà une des plus belles
vérités que vous ayez dites. Je ne suis pas de ces
esprits sublimes dont vous parlez; mais tel que je
suis, je n'ai rien fait en ma vie dont je sois vérita-
blement content. »
Parmi les autres satires, on peut lire, mais il ne
faut pas prendre comme modèle irréprochable, les
Embarras de Paris, le Fesn7i ridicule. Ces mor-
ceaux, qu'on place souvent dans les recueils popu-
laires, manquent d'élévation, et risqueraient, si l'on
n'en présentait pas d'autres aux jeunes gens, de
leur donner une fausse idée de Boileau. Les sa-
tires morales elle-mêmes ne sont pas la partie la
plus originale de son œuvre : celle contre les
femmes est une boutade trop prolongée et parfois
un peu lourde sous sa forme hyperbolique; c'est
dans la satire littéraire qu'il a vraiment excellé et
qu'il a, on peut le dire, exercé une véritable ma-
gistrature sur les esprits. Il était seul au début
quand il s'attaqua aux célébrités du jour, à Cha-
pelain, par exemple, l'auteur de la Puce/Ze, qui avait
eu six éditions en dix-huit mois; quelques années
après, il avait gain de cause et l'on ne se souvenait
plus d'eux que par ses vers :il avait porté d'avance
sur tous ses contemporains presque sans exception
le jugement même de la postérité.
il a lui-même, dans sa satire sur le Vrai, parfai-
tement dit le secret de sa force et de son autorité :
Sais-tu pourquoi mes vers sont lus dans les provinces,
Sont recherchés du peuple et reçus chez les princes?
Ce n'est pas que leurs sons .agréables, nombreux,
Soient toujours à l'oreille également heureux ;
Qu'en plus d'un lieu le sens n'y gène la mesure.
Et qu'un mot quelquefois n'y brave la césure ;
Mais c'est qu'en eux le vrai, du mensonge vainqueur.
Partout se montre aux yeux et va saisir le cœur ;
Que le bien et le mal y sont prisés au juste ;
Que jamais un faquin n'y tient un rang auguste,
Et que mon cœur, toujours conduisant mon esprit
Ne dit rien aux lecteurs qu'à soi-même il n'ait dit.
Ma pensée au grand jour partout s'offre et s'expose,
Et mon vers bien ou mal dit toujours quelque chose.
Après avoir, avec l'audace de la jeunesse et avec
la puissance dune raison exquise, ruiné la vogue
des mauvais rimeurs, des plats écrivains qui te-
naient le haut du pavé dans la république des let-
tres, il restait à Boileau d'indiquer les règles de
l'art de bien dire, de fixer les principes de sa doc-
trine littéraire. C'est ce qu'il fit dans ï Art poétique,
public en 1674.
L'Art poétique. — « Ouvrage admirable », selon
l'expression de Voltaire, « parce qu'il dit toujours
agréablement des choses vraies et utiles, parce qu'il
donne toujours le précepte et l'exemple, parce qu'il
est varié, parce que l'auteur, en ne manquant ja-
mais ù la pureté de la langue,
Sait d'une voix légère
Passer du grave au doux, du plaisant au sévère.
« Ce qui prouve son mérite, c'est qu'on sait ces
«ers par cœur ; et ce qui doit plaire aux philosophes,
c'est qu'il a presque toujours raison.
« Si vous en exceptpz les tragédies de Racine, qui
ont le mérite supérieur de traiter les passions, et
de surmonter toutes les difticultés du théâtre,
l'Art poétique de Despréaux est sans contredit le
poème qui fait le plus d'honneur à la langue fran-
çaise. »
Ce livre, qu'on peut regarder comme la pro-
fession de foi littéraire du xvu'= siècle, a survécu
à ce siècle et survivra au nôtre. ^lème après la
grande révolution littéraire de nos jours qui a
brisé tant d'anciennes traditions, qui a affranchi
les poètes de tant de règles autrefois sacrées, qui
a crée' eniin toute une poétique nouvelle, l'œuvre
de Boileau subsiste comme la grammaire la plus
sûre de la langue poétique, comme un code des dé-
cisions souveraines du bon sens. Combien de ses
préceptes, de ses arrêts sont devenus des axiomes
de goût ! Combien sont-ils gravés dans toutes les
mémoires ! Et n'est-ce point là le critérium le plus
certain de leur mérite poétique ?
Sans entreprendre de l'analyser, rappelons que
cet ouvrage est un de ceux auxquels on a donné
droit de cité dans l'enseignement primaire, un de
ceux sur lesquels portent le plus souvent, à Paris
par exemple, les questions d'examen littéraire pour
le brevet supérieur. U Art poétique se compose de
quatre chants. Le jjremier, qui est comme la pré-
face de l'ouvrage, offre les préceptes généraux que
résume ce mot, où Boileau est tout entier :
Aimez donc la raison : que toujours vos écrits
Empruntent d'elle seule et leur lustre et leur prix.
Il indique ensuite les applications les plus es-
sentielles de cette grande règle : dans les pensées.
Tout doit tendre au bon sens. Laissons à l'Italie
De tous ces faux brillants l'éclatante folie.
Pour l'étendue de l'ouvrage, «évitez l'abondance
stérile » •
Tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant
L'esprit rassasié le rejette à l'instant.
Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire.
Pour le ton de l'ouvrage, fuyez avant tout la
monotonie :
Sans cesse en écrivant variez vos discours.
Un style trop égal et toujours uniforme
En vain brille à nos yeux, il faut qu'il nous endorme.
Fuyez aussi avec un soin égal la bassesse et
l'emphase :
Soyez simple avec art.
Sublime sans orgueil, agréable sans fard.
A ces sages prescriptions s'ajoute une revue
sommaire de l'histoire de la poésie française, où
lîoileau montre quels progrès sont dus à l'influence
croissante de la raison sur nos écrivains. Uoileau,
comme tous ses contemporains, ne rend pas com-
plètement justice aux origines de notre poésie na-
tionale; il n'a pas compris la grandeur du xvi'
siècle ; il juge plus que sévèrement Ronsard, tant
il a hâte d'arriver à celui dont il se sent l'héritier
direct :
Enfin Malherbe vint, et le premier en France
Fit sentir dans les vers une juste cadence,
D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir
Et réduisit la musi' aux règles du devoir.
Par ce sage écrivain, la langue réparée
N'offrit plus rien de rude à l'oreille épurée ;
Les stances avec grâce apprirent à tomber,
Et le vers sur le vers n'osa plus enjamber.
La fin du premier chant est remplie de précep-
tes qui sont l'arrêt même du bon sens et du bon
goût ; tout le monde les sait par cœur :
Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L'expression la suit ou moins nette ou plus pure.
i'.f que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
'Et les mots pour le dire arrivent aisément...
rravaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse....
Hàtcz-vous lentement et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage.
Polissez-le sans cesse et le repolissez.
Ajoutez quelquefois et souvent effacez...
Il faut que chaque chose y soit mise en son lieu,
Que le début, la lin, répondent au milieu ;
Que d'un art délicat les pièces assorties
N'y forment qu'un seul tout de diverses parties.
Enfin ce dernier bon conseil :
Soyez— vous à yous-même un sévère critique...
l'aites-vous des amis prompts à vous censurer...
Aimez qu'on vous conseille et non pas qu'on vous loue.
conseil excellent autant que difficile à suivre.
BOILEAU
— 2C4 —
COILEAU
tandis qu'il est bien aisé au contraire de trouver
dos complaisants, car
Pour finir enfin par un trait de s.itirp,
Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire.
Le deuxième clmnt a moins de portée au point
de vue qui nous occupe : il passe en revue tous
les genres secondaires de poésie, tels que l'idylle,
l'ode, l'élégie, la ballade, le sonnet, etc. On s'é-
tonne aujourd'hui de ne pas trouver dans cette
énumération la fable et le nom de La Fontaine.
Le troisième chant traite de la poésie drama-
tique (tragédie et comédie) et de l'épopée. Là
encore se retrouvent des préceptes éternels comme
le bon sens :
Le secret est d'aljonl de plaire et de toucher.
Que dans tous \os discours la passion émue
A-ille clieicher le cœur, l'écliaulTe et le remue...
Jamais au spectateur n'olfrez rien d'incroyable :
Le vrai peut quelquefois n'être pas \raisemblable.
Une merveille absui-de est pour moi sans appas;
L'esprit n'est pas ému de ce qu'il ne croit pas.
Il faut aussi retenir ces deux vers qui énoncent
la fameuse règle des trois unités (unité de temps,
de lieu et d'action, dans la tragédie classique) :
Qu'en un lieu, qu'en un temps, un seul fait accompli
Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli.
L'histoire du théâtre esquissée ensuite n'est pas
sans lacune, ni sans inexactitude, mais la critique
littéraire n'était pas au temps de Boileau ce qu'elle
est devenue depuis.
Enfin le quatrième chant donne des conseils pra-
tiques principalement sur le caractère et la con-
duite morale do l'écrivain. On n'a jamais parlé
aux écrivains langage plus digne, plus ferme, ni
plus élevé :
Que votre âme et vos mœurs peintes dans vos ouvrages
N'offrent jamais de vous que de nobles images...
Aimez donc la vertu, nourrissez-en votre âme.
En vain l'esprit est plein d'une noble vigueur :
Le vers se sent toujours des bassesses du cœur.
Le Lïdrhi. — C'est en 1674 que parurent les
premiers chants d'un petit poème liéroi-comique,
le lutrin, composé, dit Boileau, « h. l'occasion d'un
différend assez léger qui s'émut, dans une des plus
célèbres églises de Paris, entre le trésorier et le
chantre. » Boileau a tiré de cette donnée insigni-
fiante un ingénieux badinage, qui est en même
temps un modèle de style.
Les Épitres. — Il nous reste à parler des Épî-
tres de Boileau et du plus aimable aspect de sa
vie littéraire. Satirique impitoyable , sévère lé-
gislateur du Parnasse, il était aussi l'ami généreux,
le conseiller et parfois le consolateur de Piacine et
de Molière. Quoi de plus noble que son épître à
Racine au lendemain do la chute de Phèdve. et
tomme on y sent l'homme de cœur? Quoi de plus
couchant que cette larme et ce souvenir donnés à
Molière, et ce mélancolique exemple de l'injustice
liumaine proposé à un autre grand poète pour re-
lever son courage abattu ?
Avant qu'un peu de terre, obtenu par prière.
Pour jamais sous la tombe eût enfermé .Molière,
Mille de ses beaux traits, aujourd'hui si vantés,
Furent des sots esprits à nos yeux rebutés.
L'ignorance et l'erreur à ses naissantes pièces.
En habits de marquis, en robes de comtesses,
Venaient pour dllfamer son chef-d'œuvre nouveau.
Et secouaient la tète à l'endroit le plus beau.
Le commandeur voulait la scène plus exacte ;
Le vicomte indigné sortait au second acte.
L'un, défenseur zélé des bigots mis en jeu,
Pour prix de ses bons mots le condamnait au feu ;
L'autre, fougueux marquis, lui déclarant la guerre,
"Voulait venger la cour immolée au parterre.
Mais, sitôt que d'un trait de ses fatales mains
La Parque l'eut rayé du nombre des humains,
On reconnut le prix de sa musc éclipsée.
Combien d'autres traits de sensibilité en môme
temps que de haute justice on pourrait recueillir
dans les Èpltres, disons mieux, dans toute l'œuvre
de Boileau!
Lorsque yl //(«/!>, comme Phèdre, fut mcconnnH
du public à son apparition, c'est encore Boileau
qui console Racine en lui disant : « C'est votre
chef-d'œuvre, on y reviendra. »
Il faut lire aussi l'épitre A Lammcfiioti, avec sa
riante description du village où Boileau « fuit les
chagrins de la ville », et s'égare un livre à la main,
le long de la Seine, dont les bords
Sont couverts de saules non plantés
Et de noyers, souvent du passant insultés.
L'épitre A monjardinier, l'épître A mes vers sont
autant de modèles de causerie sérieuse et de ju-
dicieuse bonhomie. C'est bien là qu'on se plaît à
voir
Qu'au fond cet homme horrible,
r.e censeur qu'ils ont peint si noir et si terrible,
Fut un esprit doux, simple, ami de l'équité,
Qui, cherchant dans ses vers la seule vérité,
Fit sans être raaliu ses plus grandes malices.
Là et partout, « nous le retrouvons, dit M. Merlet,
tel que nous le montre ce beau buste deGirardon.
que l'on peut admirer au Musée de sculpture.
C'est la même attitude un peu fière, avec ce port
de tête assuré que ne dépare point la noblesse
d'une ample perruque ; voilà bien son regard fixe
et viril, son sourire moqueur, sa bouche railleuse
et mordante, cette cordialité qui tempère ses
brusqueries, ce mélange d'humeur sourcilleuse et
de franchise enjouée. »
Tout le monde sait que sa petite maison d'Au-
tenil était le rendez-vous d'un groupe d'amis,
qui venaient y discuter avec lui des questions lit-
téraires. « Despréaux est heureux comme un roi,
disait Racine, dans sa solitude ou plutôt dans son
hôtellerie d'Auteuil. Il estheureux de s'accommoder
ainsi de tout le monde ; pour moi, j'aurais cent fois
vendu la maison. » Boileau finit par la vendre, mais
ce ne fut que (juand ses infirmités lui eurent rendtr
la vie plus difficile et la conversation impossible.
Il alla chercher un asile chez un de ses oncles,
chanoine de Notre-Dame. Ce n'était plus depuis
longtemps le gai et spirituel compagnon d'autre-
fois, celui dont la conversation faisait la joie de
Colbert et déridait même Louis XIV. Accablé d'in-
firmités, comme on lui demandait de ses nouvel-
les, il répondit par ce vers de Malherbe :
Je suis vaincu du temps, je cède à ses outrages.
Il succomba après une vieillesse aussi pleine de-
tristesse que l'avait été son enfance, le 13 mars
1711, à l'âge de soixante-quatorze ans. Ses restes
furent inhumés dans la Sainte-Chapelle, au-des-
sous de la place occupée par le lutrin qu'il avait
rendu fameux; en 1810, ils furent transférés en
l'église Saint-Germain-des-Prés.
Juqcments de quelques critiques sur Boileau. —
«Saluons et reconnaissons aujourd'hui la noble et
forte harmonie du grand siècle. Sans Boileau, et
sans Louis XIV qui reconnaissait Boileau comme
son contrôleur général du Parnasse, q\te serait-il
arrivé ? Les plus grands talents eux-iuèmes au-
raient-ils rendu également tout ce qui forme dé-
sormais leur plus solide héritage de gloire ? Pro-
bablement chacun do ces beaux génies aurait
abondé dans ses défauts. Boileau, c'est-à-dire le
bon sens du poète critique, autorisé et doublé de
celui d'un grand roi, les contint tous et les con-
traignit, par sa présence respectée, à leurs meil-
leures et à leurs plus graves œuvres. Savcz-vous ce
((ui, do nos jours, a manqué à nos poètes, si pleins
à Icnr début de facultés naturelles, de proiuesses
et d'inspirations heureuses. 11 a manqué un Roi-
BOISSONS
— 265 —
BOTANIQUE
leau et un monarque éclairé, l'un des deux ap-
puyant et consacrant l'autre. » (Sainte-Beuve.)
« Cest devenu un lieu commun de reconnaître
dans Boileau, comme qualité dominante, le bon
sens, mais un bon sens animé jusqu'à la passion
par l'amour du vrai et la haine du faux. Le culte
du bon sens, la souveraineté de la raison, en ma-
tière de goût, qui fait le fond de sa doctrine, a
paru le trait qui l'unit h la grande école d^s pen-
seurs et des écrivains du xviii" siècle. Boileau a
transporté, dit-on, la pensée de Descartes dans la
poésie. Il entreprend d'y faire régner comme dans
la philosophie elle-même l'esprit d'ordre, de ré-
gularité, de suite, de discipline. Il règle la litté-
rature comme Louis XIV la société. Il enseigne la
noblesse du langage, la précision et le clioix des
mots, la distinction rigoureuse des genres et des
formes qui leur sont propres. » (Vapereau, Diction-
naire lie littérature.)
« Celui que j'aùniire entre tous, non pour sa
puissance poétique, mais pour l'intégrité de sa
raison, est Boileau. Quand je songe à l'état de
platitude et d'affectation où était tombé le génie
français au commencement du xvii"' siècle, quand
je vois cette obstination de mauvais goût et de
pédantisme qui distinguait un Scudéry, un Cotin,
un Scarron, un Chapelain et tant d'autres qu'ac-
cueillaient avec délices et la cour et la ville, j'a-
voue que je suis tenté de donner la palme au
ferme esprit qui seul fit face au torrent, et i\ qui
l'on ne peut reprocher la plus petite transaction. >.
(P.-J. Proudhonl. [Ch.-F. Durand. 1
BOISSONS. — Hygiène, X. —L'eau entre pour
les deux tiers dans la composition de notre corps,
Nous en perdons à chaque instant une certaine
quantité par la sécrétion de l'urine, par la transpi-
ration et par l'exhalation pulmonaire. Ces pertes
sont, en moyenne, pour un adulte, de deux à trois
litres par 24 heures. Elles varient d'ailleurs dans
des limites assez étendues en proportion de la
température extérieure, de l'humidité de l'air, do
l'exercice, et encore de l'habitude. - IMais dans les
pays tempérés on peut estimer à deux litres la
quantité d'eau perdue cliaquo jour par le corps
d'un homme qui se livre à un exercice modéré. Il
est bien entendu que cet homme ne boit que pour
satisfaire sa soif, c'est-à-dire le besoin instinctif
de réparer les pertes de liquide ; car s'il buvait en
outre par plaisir ou par ordonnance du médecin,
le surcroît de liquide absorbé serait nécessairement
éliminé par les voies ordinaires, mais sans avoir
rempli la fonction normale des boissons.
Un homme qui ne mangerait que des aliments
presque entièrement privés d'eau, comme du bis-
cuit, des figues sèches, aurait donc besoin d'ab-
sorber chaque jour environ deux litres de boisson.
Mais la plupart de nos aliments, même ceux qui
paraissent secs, comme le pain, contiennent une
forte proportion d'eau; il faut compter aussi celle
qui entre dans les sauces et surtout dans les
potages.
L'eau constitue, pour l'homme et pour les ani-
maux, la boisson naturelle. Aucune autre n'est né-
cessaire à l'homme suin qui peut se procurer une
nourriture suffisamment réparatrice et variée, et
qui se livre, en plein air, ù. un exercice régulier.
Mais malheureusement une civilisation mal en-
tendue détourne la plupart dos individus des con-
ditions normales d'existence. En s'écartant des lois
de l'hygiène ils se créent, sans le savoir, des
besoins factices, et la satisfaction de ces besoins
produisant des désordres dans l'organisation agit
à son tour comme cause nouvelle de troubles (|ni
réclament un palliatif sous forme d'excitant.
La question de l'ivresse à tous degrés est indé-
pendante de ce besoin instinctif, maladif on peni
le d«?, de tonifier les organes affaiblis par une
nourriture insuffisante ou un travail excessif. Sans
recourir aux boissons fcrmentées, c'est-à-dire con-
tenant de l'alcool, on y parvient, dans une certaine
mesure, en mêlant à l'eau des substances aromati-
ques ou amères. De là, l'usage d'infusions froides
ou chaudes ;thé, café, maté, etc.) pour remplacer
la boisson naturelle.
Les boissons fermentées fabriquées avec des
fruits, des grains ou des racines contiennent une
certaine proportion d'alcool dont l'effet domine le-
plus souvent celui des principes amers ou aronia-
tifiues que l'on fait entrer dans leur préparation ;
quelques-unes, comme le vin, le cidre, contiennent
en outre du tannin qui agit comme tonique-astrin-
gent et des huiles essentielles dont l'effet se rap-
proche de celui des aromates. Certaines boissons
comme la bière, renferment une assez forte pro-
portion de matières nutritives, ce qui explique
l'embonpoint ordinaire des personnes qui en con-
somment de grandes quantités.
L'action des boissons varie beaucoup selon leur
température. Ainsi l'eau tiède donne des nausées,
tandis que l'eau très froide, prise à petites doses-
répétées, arrête les vomissements. Une infusion
cliaudc est plus excitante que si on la prenait
froide et peut faciliter une digestion difficile,
mais l'usage habituel de boissons chaudes débilite
promptenVent l'estomac. La tonipératuro la plus
convenable est d'environ I.S à 18 degrés.
L'ingestion de boisson froide, en grande quantité,
est toujours daiiEercusi!, surtout lorsque le corps
est en sueur et l'estomac vide. Dans ces circon-
sunces il importe donc de prendre les précaution»
suivantes : se reposer quelques instants avant de
se désaltérer ; — manger un peu avant de boire ;
— boire à petites gorgées, en retenant quelque
temps le liquide dans la bouche avant de l'avaler;
— se livrer à un exercice modéré pour empêcher le
refroidissement.
Il importe de no pas confondre avec la soif véri-
table, c'est-à-dire le besoin instinctif de rendre h
réconomie la quantité d'eau qu'elle a perdue, les
sensations fébriles produites par la fatigue, l'émo-
tion, la chaleur. Dans tous ces cas, ce n'est pas la
quantité de liquide absorbé qui soulage, mais sa
([ualité et la manière de le boire. Vn verre d'eau
fraîche, légèrement acidulée avec du vinaigre, du
jus de citron ou de toute autre manière, sucrée
ou non, bue par petites gorgées, produit un soula-
iiement plus rapide et plus complet qu'un litre
di'eau pure gloutonnement avalée. — V. Alcooli-
nues [boissons], Café, Stimida7its, Vin.
^ [D"' Saffray.]
Lectures et dictées. — G. Tissandier, l'Eau, p. 309
— E. Théveniii, Entreliem populaires, p. 172. — E. Ma-
nuel et Lévy AlTarès, la France, t. I, p. 165.
BOSSUET. — 'V. Bossuet, dans la I'« Partie; et
dans la IP Partie, les articles Littérature française,
p. 1183, Histoire, p. 970, et Orateurs, p. 146-^.
BOT AMQUE. — {Étijm. : du grec botanê, plante.)
— La botanique a pour objet l'étude des végétaux
ou plantes, tant de ceux qui vivent aujourd'hui sur
notre globe que de ceux qui l'ont peuplé dans les
périodes géologiques antérieures à la nôtre.
Mais d'abord qu'est-ce qu'un végétal? Une ré-
ponse précise à cette quesiion serait très difficile
à faire. Nous expliquons ailleurs qu'il est impos-
sible de tracer une ligne de démarcation absolu-
ment sûre entre l'animal et le végétal, l'un étant
relié à l'autre par une suite de transitions insen-
sibles. — V. les mots I{ég?ies {Les trois) et Vé-
gétal.
Sans insister sur ce point, et en prenant le mot
végétal dans le sens usuel où tout le monde l'en-
tend, quelles sont les différentes études qu'em-
brasse la botanique?
La botanique étudie les végétaux en eux-mêmes
ou bien au point de vue de l'utilité spéciale que
nous en retirons pour nous et pour les êtres qui
BOTANIQUE
266 —
BOTANIQUE
nous entourent; de là deux grandes divisions: la
botanique propremtnt dite et la hutanique appli-
quée. La oolnnique proprement dite, c'est-à-dire
Ja partie de la botanique qui considère les végétaux
en eux-mêmes, étudie soit les propriétés générales
communes à tous ces êtres, soii cliacun de ces
êtres en particulier; dn là deux branches bien dis-
tinctes dans la botanique proprement dite : la
1» En
\ eux-mêmes :
BOTANIQUE
PROPBEMENT
DITE
1 1. d'une raaniert'l
gériérulo
et
comparative :
BOTAMQIE
GE>ÉnAI.E
et
COMPARÉE.
Elle étudie le
végétal
biiimltanément
dans
\
i" sa forme — Morpbologie. ,
sa structure — A^atomik, .
botanique générale et la botanique spéciale, appe-
lée encore botanique descriptive, botanique spéci'
fiijue. Chacune de ces divisions secondaires se
subdivise à son tour en plusieurs parties moins
étendues. Pour gagner du temps et donner plus de
clarté à l'exposition, on peut résumer dans le ta-
bleau ci-joint l'ensemble de ces divisions et subdi-
visions de la botanique.
e,. général \^ Morphologie géni
en particulier -dans ses formesl ^^ZJ'J'°yj^î^'^
aberrantes ) 1&"! *^ '^
f sologifjue.
comparativement — dans l'en-l Morphologie corn-
semble des êtres végétaux . i parée.
en général Anatomie générale.
.... , 1 , 1 Auatomie tératolo-
on particulier — dans les struc-l . _, *"',
V , 1 uique et nosolo-
tures aberrantes . . . . j " ' . « « «-
f gique,
comparativement — dans l'en-) Anatomie compa-
semble des êtres végétaux. . ( rée.
I on "énéi-al.
j Physiologie géné-
' \ raie.
3= ses fonctions — Pbtisiologie
ll.d'unemanière / cliaque végétal séparément
spéciale
et descriptive :
BOTANIQLE
SPÉCIALE
(ou spécifique)
et DESCRIPTIVE.
Elle étudie :
a la médecine ,
les rapports des végétaux entrai
eux, dans le temps et dans
l'espace /
les rapports des végétaux avecl
le globe, dans le temps etj
dans l'espace /
2° Dans leurs
usages
et leurs
applications :' à la culture.
BOTANIQLE
APPLIQUEE I 1' 1 , ■
^ I a I industrie
des champs
des janliiis.
des forêts .
des légumes
en particulier -dans les rolesi l'If^iologietératc.
1^. , logique et noso-
^'^"■'■""'^ ( logiTqu,.
comparativement — dans l'en-j Physiologie compa-
serablo des êtres végétaux . ( ree.
Botanique descriptioe et Glossologie ou Langage
des botanistes.
Classification botanique.
Jiistoire de la Botanique.
Botanique fossile ou Paléontologie végétale.
Géographie botanique actueHe et Géographie bott^
nique fossile.
Botanique médicale.
Botanique agricole,
— horticole.
— sdcicole.
— niaraîcl.ère.
Botanique industrielle.
[C. Bertrand.]
Voici maintenant : 1° le programme suivi dans
ce dictionnaire pour la répartition des leçons de
botanique formant un cours élémentaire à l'usage
4les écoles normales ; 2° quelques-uns des pro-
grammes officiellement adoptés dans d'autres pays
pour ce même enseignement.
I. — PLAN DU COURS
ir* Section : Anatomie et physiologie, botanique
générale.
T. Objet de la botanique. — Anatomie. — Phy-
siologie. — Géographie végétale. — Paléontologie
végétale. — Botanique appliquée. — Caractères
d'un végétal. — V. Botanique, Anatomie et Vé-
gétal.
II. Organes élémentaires, tissus végétaux. —
Cellule. Hypha ; thalle ; faisceau. Tissu ligneux,
tissu libérien ; zones cambiales. Tissu fondamental :
parenchyme, moelle. Épidémie. — V. Tissus végé-
taux. V. aussi Foréls pour le tissu ligneux ou bois.
III. Physiologie végétale. Fonctions de nutri-
tion : absorption (absorption des liquides, absorp-
tion des gaz), circulation, assimilation et excrétion ;
réserves nutritives. Fonctions de relation : sensi-
bilité, moLiliié et procédés de défense, — V. Vé-
gétal.
IV. Etat d'un végétal à son premier âge. — Spo-
res des cryptogames. — Graines et embryon des
phanérogames. — Distinction entre les plantes
acotylédonées, monocotylédonées, dicotylédonées.
— Germination de la spore et de la graine. —
V. Spore et Graine ; V. en outre Acotylédones.
Phanérogames, Monocotyiédones, Dicotylédones.
V. Racine, définition. — Extérieur et nomencla-
ture de la racine. — Structure de la racine. —
Physiologie de la racine. — V. Racine,
VI. Tige, définition. — Nomenclature de la tige.
— Structure de la tige : chez les dicotylédones, les
monocotyiédones, les cryptogames vasculaires, les
cryptogames cellulaires. — Nouvelle théorie de la
tige. — Physiologie de la tige. —Tubercules, rhi-
zomes, bulbes. — V. Tige, Bulbe.
VU. Feuille, définition. — Extérieur de la
feuille, nomenclature de ses parties. — Anatomie
et physiologie de la feuille. — La feuille organe
d'absorption de l'air et de la lumière. — Respi-
ration végétale. — La chlorophylle : absorption de
lumière blanche. — Appendices des cryptogames
vasculaires. — Phyllotaxie. — V. Feuille, Tiye.
VIII. Fleur, définition. — Organes reproduc-
teurs : étamines, pollen ; pistil, ovule. — Périan-
the. — Disposition des parties dans la fleur. —
Théorie de la métamorphose. — Diagramme de la
fleur. — Flcuraison. — Inflorescence. — Fécon-
dation chez les phanérogames. — Fécondation chez
BOTANIQUE
— 267 —
BOTANIQUE
les cryptogames ou acotylédones. — V. Fleur, Inflo-
rescence, Conifères, Acotylédones.
IX. Fruit, di^finilion. — Dififérentes formes de
fruits. — Graine. — Spore. — V. Fruit, Graine,
Spore.
2in* Section : Classification, botanique spécifique.
X. Glassificaiioiî végétale. — Méthodes et sys-
tèmes. — Historique. — Linné. — De .Tussieu.
— De Candolle. — Ad. Brongniart. — V. Classifi-
ca lions.
XI-XII. (Typtogames ou acotylédones. Crypto-
games cellulaires ou amphigènes : algues, cham-
pignons, lichens. Cryptogames demi-vasculaires ou
acrogènes : mousses, fougères. — V. Acotylédones,
Cryptogames, Champigmûis, Lichens, Mousses.
XIII. — Caractères généraux des phanérogames.
Leur division en monocotylédones et dicotylédones.
— V. Phanérogames, Monocotylédones, Dicotylé-
dones.
XIV. Phanérogames monocotylédones. — Gra-
minées, palmiers, liliacées, iridées, orchidées. —
V. Graminées, Palmiers, Lirioidées, Musacées, Or-
chidées.
XV. Phanérogames dicotylédones gymnospermes.
Cycadées, conifères. — V. Cycadées, Conifères,
XVI-XX. — Phanérogames dicotylédones angio-
spermes dlalypétales périgynes. Principales fa-
milles. — V. Forêts (pour les Amentacées),
Légumineuses, Rosacées, Myrtacées, Cucurbitacées,
Ombellifères.
XXI-XXV. Phanérogames dicotylédones angio-
spermes dlalypétales hypogynes. Principales fa-
milles. — V. Polygonées, Pipéracees, Renoncula-
cées, Papavéracées, Crucifères, Viniféres, Euphor-
tiacées, Téi'étnnlhacées.
XXVI-XXVII. Phanérogames dicotylédones an-
giospermes gamopétales hypogynes. Principales
familles. — , V. Oléinées, Labiées, Scrofulariées,
Solanées.
XXVIII-XXIX. Phanérogames dicotylédones an-
giospermes gamopétales périgynes. Principales fa-
milles.— V. Rubincées, Valérianées, Composées.
XXX. Paléontologie végétale et géographie vé-
gétale. — V. Végétal, p. 2275 et 2277.
Des notions de botanique appliquée accompa-
gnent tous les articles consacrés aux principales
familles du règne végétal.
Les articles suivants se rattachent aussi par quel-
ques-unes de leurs parties au cours de botanique:
Absorption, Acclimatation, Circulntion, Darwi-
nisme, Espèces, Naturalises, Nutriiion, Osmose,
Règnes {/es trois). Science, Traiisformisme, Vie.
2. PROGRAMMES DE QUELQUES PAYS ÉTRANGERS.
ITALIE. — Ecole îiorinule. — On parlera d'abord
des tissus végétaux, qu'on expliquera au moyen de
bons dessins sur de grandes planches murales ;
puis on parlera des organes des végétaux, racines,
tiges, feuilles, fleurs, fruits, bourgeons, toujours
en se servant de bons dessins, ou mieux, si pos-
sible, d'exemplaires naturels. Le professeur devra
avoir grand soin de choisir ses exemples parmi les
plantes les plus vulgaires et les plus connues, celles
qui se rencontrent à chaque pas dans la campa-
gne; il se fera, pour cet enseignement, une col-
lection de différentes sortes de racines, de troncs
scies pour faire voir les variations dans la disposi-
tion interne des parties, de feuilles, de fleurs.
Pour ces dernières, comme pour les bourgeons
et les fi-uits, il aura de grands dessins, qui mon-
treront, pour les fleurs, le nombre et la disposi-
tion des étamines et des pistils, pour les bour-
geons et les fruits la disposition et les différences
des parties internes.
L'instituteur primaire, qui passe si souvent sa
vie dans les campagnes, ne doit pas ignorer com-
plètement les pîiénomènes principaux de la vie
des plantes : il faudra donc que le professeur en
dise quelque chose, surtout pour ce qui regarde la
pratique et ces connaissances que les paysans ac-
quièrent d'une façon empirique.
Il parlera, en conséquence, de la vie de la
plante en relation avec les éléments du terrain et
de l'atmosphère, en disant ce qu'elle emprunte au
sol et ce qu'elle emprunte à l'air. Cela le conduira
à exposer brièvement la difi'érence des divers
terrains, laction modificatrice des engrais et le
choix de ceux-ci selon la nature du sol, la raison
d'être de la rotation des cultures.
Il parlera ensuite des grandes divisions des vé-
gétaux, sans entrer scientifiquement dans les dé-
tails secondaires et sans trop insister sur les
diverses classifications. Il passera en revue les
plantes les plus connues du pays, en indiquant
leurs diverses applications, comme aliments de
l'homme ou du bétail, plantes textiles, tincto-
riales, matériaux de construction, combustibles ; il
dira quels sont les végétaux dont une partie seu-
lement est utile, quels sont ceux qui s'utilisent
tout entiers, et en quelle manière.
Ici se placera un aperçu de la distribution géo-
graphique des végétaux, des différences qu'ils pré-
sentent sous les diverses latitudes terrestres et
aux diverses altitudes.
Le professeur donnera à ses élèves quelques in-
dications sur la manière de collectionner les
plantes et de faire un herbier, et leur fera com-
prendre quel plaisir et quelle utilité, une fois in-
stituteurs dans un village, ils pourront retirer de
l'étude assidue de la botanique, tant pure qu'ap-
pliquée à l'agriculture. Il leur nommera les livres
qui peuvent les aider dans cette étude, l'ouvrage
de Gaetano Savi, ceux de Jussieu, de Payer, etc.
(Programmes du 10 octobre i867).
AUTRICHE. — Ecole normale (programme com-
mun aux deux sexes). — L'enseignement de la
botanique ne commence qu'avec le second semes-
tre de la seconde année.
2' aimée. 2" semestre (2 heures). — Les plantes
les plus importantes du pays, avec étude spéciale
des plantes vénéneuses.
3' année. \<=' semestre (2 heures). — Propriétés
des plantes. Leur classification d'après un sj's-
tème naturel. Études des plantes aUmentaires les
plus importantes. —(2" sem. : minéralogie).
4° année. — Distribution géographique des végé-
taux et des animaux, d'après les conditions pliy-
siques de leur existence. Méthodologie. (Programme
du ly juillet 1870.)
ALLEMAGNE. — Saxe-Weimar. — Ecolc normale,
— Étude des végétaux indigènes et des plus im-
portants parmi les végétaux exotiques. Kspèccs,
genres, familles. Exercices de détermination. Or-
ganes élémentaires ; vie des végétaux ; leur com-
))osition chimique ; leur distribution géographi-
i|ues. Systèmes de classification. (Programme du
20 mars 1875).
PiiussE. — Ecole normale. — !i" classe (2 heures).
— Semestre d'été. Étude d'un choix de plantes
phanérogames du pays, appartenant aux familles
les plus répandues. Etude du système de Linné, et
des éléments de la morphologie desplantes. (Dans
le semestre d'hiver, la botanique est remplacée
par la zoologie.)
2* classe (2 heures). — Semestre d'été. Étude
des formes principales des plantes plianérogames
et cryptogames ; étude d'un système de classifica-
tion naturelle. Structure, vie et distribution géo-
graphique des plantes. Méthodologie. (Pendant
le semestre d'hiver, zoologie.)
1'* classe. — Développement des connaissances
acquises, en insistant sur le côté pédagogique.
(^Programme du 1.^ octobre 1872.)
Prusse. — Ecole moyenne ( Mittelschule) . — L'en-
seignement de la botanique ne commence que
BOTANIQUE
268 —
BOUSSOLE
daus la troisième, classe ides écoles à six classes^.
3' et 2* classes. — Description de plantes pha-
nérogames choisies, avec indication de leurs pro-
priétés et de leur emploi.
V classe. — Continuation de la description des
plantes. Notions sur la manière de déterminer les
plantes indigènes, avec indication de leurs pro-
priétés utiles ou nuisibles. Généralités sur la vio
des végétaux.
Bavièue. — Ecole primaire — Classe inférieure.
— Les plantes usuelles, qui servent à la nourri-
ture, à l'habillement, etc., des enfants. Les élèves
apprennent aussi à connaître quelques plantes
vénéneuses, soit par des images, soit en voyant la
plante elle-même.
Classe moyc7ine. — Les parties des végétaux ; leur
naissance, leur croissance, leur utilité en général ;
étude spéciale de quelques végétaux utiles comme
aliments, remèdes, substances tinctoriales, etc.
Classe supérieure, — Les plantes vénéneuses.
La connaissance de ces plantes, des divers carac-
tères de l'empoisonnement par les végétaux, des
remèdes à donner en cas d'empoisonnement, est
prescrite comme un important objet d'étude par
diverses ordonnances ministérielles. Chaque école
doit posséder une publication faite à ce sujet par
ordre du gouvernement et intitulée : Description
et firjure des plantes vénéneuses les plus dangereuses
de la Bavière ('1\ planches coloriées.) — [Lehrord-
nun/] de 181 Ij.
Prusse. — Eco e primaire. — L'enseignement
de la botanique ne commence que dans la 4' classe
(àç l'école à (J classesj.
4' classe. — Pendant l'été, les enfants appren-
nent à connaître quelques plantes du jardin, de la
prairie et de la forêt, et à en décrire exactement la
forme extérieure. Autant que possible, on fera voir
aux élèves les plantes elles-mêmes, ou à défaut
on leur en montrera de bons dessins.
3' dusse. — Continuation de l'étude des plantes
les plus ordinaires.
2' classe. — L'enseignement cesse d'être pure-
mont descriptif et s'attache à l'étude des phéno-
mènes de la vie. Le maître fera observer aux élè-
ves le développement de quelques plantes, depuis
la germination jusqu'à la maturité du fruit ; il en
expliquera la structure : il indiquera en même
temps les propriétés utiles ou nuisibles des
plantes mentionnées.
1'^ classe. — Classification des plantes et leur
emploi. Développement graduel du végétal, condi-
tions nécessaires à sa naissance ; procédés pour la
culture et le perfectionnement des plantes fourra-
gères, des céréales, des légumes, des arbres fores-
tiers. Notions sur les plantes exotiques les plus
connues, employées dans les usages domestiques
ou dans l'industrie ('coton, thé, café, canne :\
sucre, etc.j — Pour l'école primaire, la meilleure
classification du règne végétal est la suivante :
1° arbres ; "i" arbrisseaux ; 3° légumos; 4° herbes;
5° mousses ; G" lichens ; 7° champignons; 8° algues.
(Programme du 15 octobre 1872.)
Lectures et Dictées.
« A'otre idée il'anmscr un peu la vivacité de votre fille et
de rexcrcer à l'attention sur des objets agréables et variés
comme lis plantes me paraît excellente,.... je l'approuve
de tout mon cœui-, et j'y concourrai de même, persuadé qu'à
tout âge l'étude de la nature émousse le goût des amuse-
ments frivoles, prévient le tumulte des passions, et porte à
l'âme une nourriture qui lui profite en la remplissant du
plus digne objet de ses contemplations.
« Vous ave/, commencé par apprendre à la petite les noms
d'autant de plantes que vous en aviez de communes sous les
yeux : c'était précisément ce qu'il fallait faire. Ce petit
nombre de plantes qu'elle connait de vue sont les pièces de
comparaison pour étendre ses connaissances; mais elles ne
s«flis^i»t p;i,s ^'e coiinaitre simplement les plantes que
de vue, et ne savoir que leurs noms, no peut être qu'une
étude trop insipide.... Je vous propose de prendre quelqr.es
notions préliminaires de ia structure végétale ou de l'orga»
nisatiun des plantes, aliii, dussicz-vous ne faire que quelques
pas dans le plus beau, dans le plus riche des trois règnes de
la nature, d'y marcher du moins avec quelques lumières. Il
ne s'agit donc pas encore de îa nomenclature, qui n'est
qu'un savoir d'herboriste. J'ai toujours cru qu'on couvait
être un très grand botaniste sans connaître une seule plante
par son nom; et, sans vouloir faire de votre flile un très
gi-.ind botaniste, je crois néanmoins qu'il lui sera toujours
utile d'apprendre à bien voir ce qu'elle regarde. »
J.-J. Jtoussoau. Lettres élé"enlaires sur la
Botniiiipip, à Madame Delessert (Lettre I, du
22 août 1771.)
BOURGKO.N. — V. Tiqe.
UOUSSOLE. — Piiysiquo, XXV. — [Ehjm.: de
l'italien ôossolo, petite boîte en buis.)
Toute aiguille aimaniéo, posée en équilibre sur
un pivot, prend d'elle-même la direction du méri-
dien magnétique, y revient quand on l'on écarte et
marque ainsi une ligne parfaitement déterminée.
Montée au-dessus d'un cercle gradué qui permet
la mesure des angles, elle constitue la boussole.
Ordinairement l'aiguille a la forme d'un losange
très-allongé dont une des moitiés (celle qui se di-
rige vers le nord) est bleue et l'autre blanche ; elle
est traversée en son milieu par une chape en agate
qui est percée d'un trou conique et qui repose sur
l'extrémité effilée d'un support vertical placé au
centre du cercle où sont inscrites en degrés ou en
grades les divisions de la circonférence.
L'appareil est enfermé dans une boîte en bois ou
en cuivre, de forme ronde ou carrée, recouverte
d'un verre qui le garantit contre les agents atmo-
sphériques. Un petit bouton extérieur au système
presse sur l'extrémité d'un levier et permet
de soulever l'aiguille à volonté et de la dégager de
son pivot en la fixant contre le verre. Par ce
moyen on évite l'usure rapide du pivot, qui se pro-
duirait par les mouvements désordonnés de l'ai-
guille quand on transporterait l'appareil.
La boussole sertaux savants à étudierles variations
du magnétisme et à déterminer la déclinaison ; aux
voyageurs et notamment aux marins, pour s'orien-
ter ; aux géomètres pour les levers de plans. Elle
présente des formes un peu différentes suivant ses
usages.
On attribue l'invention de la boussole aux Chi-
nois qui l'auraient employée do temps immémo-
rial. Son usage ne paraît s'être répandu en Europe
qu'au XII* siècle ; mais il est certain que c'est à
elle qu'on doit les grandes découvertes de la fin -
du xv« siècle.
1° La boussole des observatoires est trop com-
plexe pour que nous la décrivions ici ; elle est
montée avec tout le soin possible pour permettre
de trouver avec exactitude la valeur variable de la
déclinaison. On trouve d'ailleurs très approxima-
tivement la déclinaison avec une boussole quel-
conque, surtout avec celle dont la boîte carrée
porte une lunette ou une alidade sur la face paral-
lèle h la ligne 0-180". La déclinaison étant l'angle
que fait l'aiguille aimantée avec le méridien géogra-
phique, on détermine avec soin celui-ci sur un
plan horizontal : on pose la boussole sur ce plan
de manière que la ligne 0-180» du limbe soit
parallèle au méridien ou coïncide avec lui; l'ai-
guille marque l'angle de déclinaison quand elle a
cessé d'osciller, et elle indique s'il est occidental
ou oriental. Actuellement ciH angle est de 18" à.
l'ouest de la ligne des pôles.
Cette opération suppose connue la méridienne du
lieu où l'on opère; si cette ligne est inconnue et
qu'on dispose d'un cadran solaire vertical, on place
la boussole de manière que son alidade ou sa
lunette soit dans le plan vertical du style de ce
cadran ; l'aiguille marque encore la déclinaison.
La connaissance du la déclinaison permet :i son
tour de trouver la méridienne du lieu où l'on est; il
suffit de placer la boussole de manière que la pointe
bleue de l'aiguille s'arrête sur l'angle de 18° h gau.
BOUSSOLE
— 269 —
BREVET
che de la ligne n-180°; la direction jalonnée que
détermine alors l'alidade de l'instrument est celle
du méridien cherché.
2° La boussole marine est une boîte cylindrique
en cuivre dont le fond porte un pivot sur lequel
repose l'aiguille aimantée. Sur cette aiguille est
collé un disque de papier, rendu rigide par une
lame de tôl; très mince, où sont tracés les degrés
de la cinonférence et Tétoile à 32 branches qu'on
appelle la ro^e des vents; le zéro de la graduation
correspond à Taxe de l'aiguille dont Textrémité
nord est marquée d'un signe particulier. La boîte
de la boussole porte sur sa paroi interne une ligne
dirigée suivant l'axe du navire; c'est la ligne de
foi. Pour la soustraire aux mouvements du navire,
elle est soutenue par une suspension de Cardan,
c'est-à-diro mobile autour de deux axes horizontaux
perpendiculaires l'un à l'autre. La nuit, on éclaire
au moyen d'une lampe le fond transparent, pour
en rendre visibles les divisions.
Quand la boussole doit servir simplement à diri-
ger le navire suivant un certain angle avec le mé
du rapporteur. Quand on connaît préalablement la
déclinaison de l'aiguille aimantée, on règle la bous-
sole de manière à obtenir les azimuts par rapport
au méridien géographique. A cet effet et avant de
commencer les opérations^ on fait tourner le limbe
gradué, autour de son centre, de la quantité angu-
laire indiquée par la déclinaison, soit adroite, soit
à gauche, suivant que celle-ci est orientale ou
occidentale, et on le fixe dans cette position. Un
mécanisme particulier permet d'obtenir ce résultat.
Tous les azimuts observés se trouvent alors dimi-
nués ou augmentés de la valeur de la déclinaison,
et le levé qui en résulte est orienté suivant le mé-
ridien vrai ou géographique. 'V. Orientation.)
« La limite d'emploide la boussole en topographie
est fixée à la demi-longueur de l'aiguille aimantée
multipliée par le dénominateur de l'échelle du levé.
Au-delà de cette limite les opérations ne sont plus
rigousement exactes. »
4° La boussole ordinaire a la forme d'une petite
montre à aiguille mobile. Elle suffit au géologue pour
déterminer la direction des roches qu'il examine
ridien du lieu, elle est suffisante telle que nous ] et dos va'I'^es qu'il traverse ; elle donne au touriste
venons de la décrire; le timonier gouverne de ma- j le moyen de s'orienter dans les jours sans soleil
nière à ce que la ligne de foi fasse avec la pointe Tous les observateurs savent le parti qu'on peut
nord de l'aiguille l'angle indiqué, augmenté de la tirer de l'ombre des objets éclairés par la lumière
déclinaison s'il est à l'est du méridien, diminué
s'il est à l'ouest.
Mais quand la boussole doit de plus servir à ob-
server les astres et à fixer la position géographi-
que du point où l'on se trouve, elle doit être munie
suivant sa ligne de foi d'une alidade qui permette
de viser l'astre et de lire en même temps l'angle
que fait l'aiguille avec la direction visée.
3° La boussole (/'arpenteur est une boîte carrée
garnie d'une douille qui permet de la fixer sur un
pied h. trois branches où elle est mobile autour de
la ligne verticale qui passe par son centre. L'inté-
rieur de la boîte est garni d'un cercle métallique
divisé en degrés de 0° à 360° ou en grades,
de 0 à 400,, ordinairement de gauche à droite ; les
quatre points cardinaux sont marqués de manière
que la ligne N.S. qui correspond à 0-180° est pa
solaire pour fixer des directions de repère ; il suffit
en efi'et de connaître l'heure pour reconstituer ap-
proximativement la rose des vents au point où l'on
se trouve et marquer la méridienne. Mais quand
ce moyen si simple manque complètement, comme
dans les galeries de mines ou dans les grandes
forêts, pendant la nuit ou les jours nuageux, la
boussole la plus ordinaire devient un guide indis-
pensable et sûr.
A/iplicafions. — Parmi les nombreuses applica-
tions de la boussole, en voici quelques-unes qui
sont en tout lieu faciles à pratiquer :
1. Fixer le méridien du lieu à l'aide de la décli-
naison et vérifier que c'est suivant cette direction
que l'ombre solaire d'un bâton planté en terre est
la plus courte.
2. Relever les angles que font avec le méridien
rallèle à deux des côtés de la boîte ; c'est à l'un de j magnétique les diflérents chemins d'un carrefour
ces côtés qu'est adaptée une alidade ou une lunette . de forêt pour les rapporter à leur position exacte
mobile dans un plan perpendiculaire à celui de t sur la carte et choisir sûrement celui qui doit con-
l'instrument
Cet appareil sert à mesurer les angles, et par
suite, dans un levé, à rapporter les directions de
différents points que l'on vise à celui où l'on est
placé. On comprend, en effet, que si l'on met la
boussole en station en un point A, l'aiguille indi-
que le méridien magnétique ; pour observer
1 angle que fait avec ce méridien la ligne qui joint
duire à un point déterminé.
3. Lever le plan d'un chemin au pas et à la bous-
sole, la boussole donnant les inclinaisons des bri-
sures et le pas leurs longueurs. fHaïaucourt.]
liUACIlIOPODiCS. — S . Mollusfjues.
UtîEVEï DK CAPACITÉ.— Nous donnons sous
ce titre un choix de sujets proposés pour les
diverses épreuves de l'examen du brevet. Ces sujets
un second point B avec le premier, il suffit dé di- [ doivent servir non seulement comme exe rcic de
riger l'alidade de A vers B, la pointe nord de l'ai- préparation, mais comme indice du niveau moyen
guille indique l'angle cherché, et la direction A B i des examens pour les brevets de différents ordres
est parfaitement déterminée. 1 des instituteurs et des institutrices, tant pour la
Nous empruntons à M. le commandant Piouby France (V. p. v 84 et suiv.) que pour les pays étran-
les observations suivantes sur l'usage de la bous-
sole en topographie :
«Lorsqu'on considère une étendue très restreinte
de la surface du globe assez éloignée du pôle, on
peut regarder comme sensiblement parallèles tous
les méridiens magnétiques qui correspondent à
chacun des points de celte étendue et la déclinai-
son comme constante. L'expérience démontre que,
pour un levé de 40 à 50 kilomètres de côté dans
tous les sens, exécuté dans des contrées situées
entre l'équateur et le 60' degré do latitude, cette
hypothèse n'entraîne pas d'erreurs appréciables.
Si donc on trace d'avance sur la feuille du levé
une série de lignes droites parallèles représentant
la direction constante du méridien magnétique, il
suffira, pour fixer sur le papier une direction visée
sur le terrain, de connaître l'angle qu'elle fait avec
le méridien magnétique et que l'on appelle azi-
mut. Cet angle se rapporte sur le papier au moyen
îers. C'est par ceux-ci que nous commençons ,
1° PAYS ÉTRANGERS,
I. AXGLETERRE.
Questions d'exaxnen pour les èlèves-maîtrea
des deux sexes (1).
{Pupil-tcachirs Ejcaniinalion Pajjers, ISTl.)
FIX DE LA 1 re AXXÉE.
(Durée de l'examen : 3 heures 1/2.)
Arithmétique. — Élèves-i.xstitlteurs. — 1. Une
(i; Le programme d'examen que nous donnons pour
l'Angleterre ne se borne pas à l'examen spécial pour l'ob-
tenliun du brevet ; il ombrasse toute la série des examens
annuels que l'élève-instituteur doit subir depuis son entrée
à l'école normale jusqu'au moment où il reçoit le brevet de
capacité.
BREVET
— 270 —
BREVET
canne haute de 2 pieds 11 pouces, dressée verti-
calement sur une surface plane, projette une
ombre longue de 3 pieds 6 pouces. Quelle est la
liauteur dune tour et d'un drapeau qui la >ur-
monte, s'ils projettent une ombre d'une longueur
totale de 126 pieds, et si la longueur du drapeau
est égale au quart de la hauteur de la tour?
2. Trouvez la valeur de 37 livres 4 onces 10 grains
d'argent, à raison de 3 liv. st. 4 shil. y 1/2 pence
la livre, et de 5 shil. 10 pence l'once?
3. La dette nationale de la France était, en 1834,
de 3..'6 566 496 francs; le franc valant 9 3/4 pence,
exprimer cette somme on monnaie anglaise.
4. Il a fallu, pour paver une cour, 150 000 pavés,
mesurant chacun 15 pouces de long et 8 pouces de
large. Combien faudrait-il de pavés de 12 pouces
de long et de 5 pouces de large, pour paver une
cour dont la superficie serait 4 fois moindre que
celle de la première ?
Élèves INSTITUTRICES. — I. Une personne a donné
un billet de 5 livres sterling pour payer la facture
suivante : 3 1/2 quintaux de charbon à 10 l/2 pence
le quintal; 13 livres de fromage à 7 3/4 pence la
livre; 2 3/4 livres de thé à 3 shil. 3 pence la livre;
17 livres de sucre à 5 1/2 pence la livre; 8 1/2
aunes de flanelle à I shil. Il 1/2 pence l'aune, et
29 aunes de calicot à 10 '^1^ pence l'aune? Combien
doit-on lui rendre de monnaie?
2. Trouvez, de tête, le prix de 1 pipe 4 7 gallons
et I quarter de vin à raison de 28 liv. st. 17 shil.
6 pence le hogshead (63 gallons).
3. Trouvez le prix de 2n;i7 1/2 quintaux de sucre,
à raison de 1 liv. st. 19 shil. 8 1/2 pence le quin-
tal.
4. Faites de tête le calcul suivant : le passif
d'un négociant en faillite s'élève à 3 5i8 liv. st.
0 shil. s pence ; quelle somme ses créanciers
perdront-ils, s'il paie 12 shil. 10 1/2 pence par
livre?
Grammaire. — 1. Donnez des exemples de ver-
bes qui gardent la même forme au parfait et au
participe passé.
2. Quel est le positif que vous assignez à cha-
cun des comparatifs irréguliers suivants : further,
utter, former, latter?
3. Analysez les vers suivants (une strophe de
4 vers).
Géographie. — 1. Dessinez une carte du Cum-
beriand, du Westmoreland et du Lancashire.
2. Donnez des indications exactes sur la position
et le caractère de Liverpool, Chestcr, Hull, Bris-
tol. Oxford, Cambridge et Southampton.
M. Nommez les principaux lacs de l'Ecosse et de
l'Irlande, et décrivez leur situation et le caractère
de la contrée environnante. Si vous avez appris par
cœur des morceaux de la Dame du Lac, de Walter
Scott, citez le passage de ce poème où est décrit
le paysage du Loch Katrine.
Composition. — Ecrire de mémoire la substance
d'un morceau dont lecture aura été donnée par
l'inspecteur.
FIX DE LA 2'= ANNÉE
(Durée de l'ejamen : 3 heures 1/2.)
Arithmétique. — Élèves - institutfurs. —
1. Quelle fraction d'un mille (mesure itinéraire!
représente la quantité composée suivante : les 2/7
de 3/4 de mille -f les 5,0 des ;j/5 de 2 1/2 furlojigs
4- les 2/7 de 4 furlongs -f- 18 3/4 pôles?
2. Un fermier allant au marché avait dans sa
bourse 2 3/8 liv. st. Il a vendu du froment pour
27 5/12 liv. st. : de l'orge pour 37 7/16 liv. st.; de
l'avoine pour 17 3/8 liv. st.; de la volaille pour
18 3/8 shil. ; des œufs pour 3 5/8 shil. Combien
d'argent a-t-il rapporté chez lui?
3. Un négociant possède les 4/9 d'un navire qui
vaut 3 000 liv. st. et de sa cargaison valant 21 000
liv. st.. Il achète la part d'une autre personne, qui
est égale à î/3 des 3/8 de la sienne. Quelle fraction
de la propriété du navire et de la cargaison pos-
sède-t-il maintenant, et quelle en est la valeur?
4. Dites combien de fois la somme de 1 liv. st.
19 shil. 11 3/4 pence est contenue dans la somme
de 473 liv. st. 18 shil. 6 1/2 pence (avec trois dé-
cimales.
Élèves institutrices. — 1. Les premier, troi-
sième et quatrième termes d'une proportion sont
3 quint. 14 liv., 1 liv. st. 7 shil. 1 penny, et 5 liv. st. 1
shil. 10 pence. Trouvez le second terme.
2. Si le salaire de 13 hommes pour 7 1/i journées
fait une somme de 13 liv. st. 7 shil. 1/2 penny, com-
bien d'hommes doivent travailler pour que le sa-
laire de 4 semaines soit égal à 17;^ liv. st. 8 shil. ?
3. Si 2/9 de yard de ruban coûtent 3 1/2 pence,
quel sera le prix de 6 1/2 pièces, mesurant chacune
185 1/2 aunes?
4. Si 24 livres de laine font 115 yards de drap
d'une largeur de 1 yard, combien de drap d'une
largeur de 1 1/4 yard pourrait-on faire avec 12
onces?
Grammaire. — 1. Qu'est-ce qu'une préposition?
Faites voir, par de courts exemples, que chacune
des prépositions hy, vjith et of peut être employée
avec différentes significations.
2. Analysez les vers suivants (une strophe de 4
vers).
Géographie. — 1. Dessinez la carte delà ligne
des côtes du capMatapan aux Dardanelles.
2. Rédigez le canevas d'une leçon sur les lacs,
traitant des sujets suivants : a) la manière dont les
lacs se forment ; b) caractère du paysage qui les en-
toure ordinairement ; c) exemples pris en Angle-
terre, en Ecosse, en Irlande, en Suisse et en Italie.
3. Dites ce que c'est qu'Ajaccio, Amiens, Bayonne,
le Saint-Bernard, Cherbourg, la Dordogne, le Ha-
vre, l'Isère, Màcon, Metz, Nice, Oléron, Sèvres?
Donnez quelques détails sur six au moins de ces
noms, et davantage si le temps le permet.
Histoire. — 1. Indiquez les dates des événe-
ments suivants : «) la construction de la muraille
d'Adrien; 6) la construction de la muraille d'An-
tonin ; c) le départ des Romains de la Grande-Bre-
tagne.
■j. Écrivez la liste des souverains de l'Angleterre
de Guillaume I*"^ à Henri II, avec les dates.
3. Dites la date de l'avènement au trône de la
reine Victoria, et indiquez ses relations de parenté
avec les trois souverains qui l'ont précédée.
Composition. — Écrire de mémoire la substance
d'un morceau dont lecture aura été donnée par
l'inspecteur.
FIN DE LA 3<^ ANNÉE (l""" esameu).
(Durée de l'examen : 3 heures .1/2.)
Arithmétique. — Elèves-instituteurs. — 1. J'ai
emprunté 730 liv. st. le 25 mars, et le i9 septem-
bre je me trouvais débiteur de 777 liv. st. A quel
taux avais-je contracté cet emprunt?
2. Si dans une école de 3oii enfants 27 font l'é-
cole buissonnière et 03 sont malades, quelle pro-
portion d'absences est due à chacune de ces deux
causes?
3. Quel temps faut-il pour qu'une somme quel-
conque se triple, si elle est placée au taux de 2 1/2
p. 100 par an, intérêt simple? et si elle est placée
au taux de 12 1/2 p. liio ?
4. La proportion de l'azote dans l'atmosphère
étant de 79 p. 100. et celle de i'oxygène de 20 p. 100,
quelle quantité d'azote et d'oxygène y a-t-il dans
un ajjpartement qui contient !t<)8 ôuO gallons d'air?
Éi.Èvi:s-iNSTiTUTiucts. — 1. Simplifier l'expression
fractionnaire suivante : 3 2/8 -+- 1 1/5 -f- li 7/10 +
19/20.
2. On a distribué à des pauvres 15 tonnes de
houille, en donnant îi chacun d'eux 1 quintal 2/3;
BREVET
— 271 —
BREVET
piitre combien de personnes a-t-on réparti cette
bouille?
3. Combien de fois chacun des nombres 22 l/-$
et 13 4/5 contiennent-ils le nombre qui exprime
leur diffcroHCO?
4. Si ^|b d'acre produisent 27 boisseaux de pom-
mes de terre, combien 2 1/-' chai?is produiront-ils
de ?jec/.s ^quan du boisseau)?
Grammaire. — 1. Quelles sont les différentes
classes de conjonctions? Citez quelques conjonc-
tions appartenant à chacune de ces classes.
2. Faites l'analyse logique de la phrase sui-
vante : « Avant que Rufin eût réfléchi à son dan-
ger, Gainas donna le signal cm; avait été convenu. »
3. Faites l'analyse grammaticale des mots en
italique dans la phrase ci-dessus.
Géographie. — 1. Dessinez la carte du bassin
du bas Danube, en indiquant le cours de ce fleuve
et de ses principaux affluents.
2. Rédigez le canevas d'une leçon sur « le
Gange et ses affluents », en indiquant l'aspect de
Ja région qu'il traverse, et les villes situées sur ses
rives.
3. Décrivez les pays d'Afrique que baigne la
Méditerranée.
Fi>' DE LA 3e A>':sÉE (secoud examen).
(Durée : 1 heure pour les élèves institutrices, 2 heures i/2
pour les élevés instituteurs).
Histoire. — l. Qu'est-ce que l'Heptarchie, et
combien de temps a t-elle duré ?
2. A quelle époque et de quelle manière l'Irlande
a-t-elle été jointe à la monarchie anglaise ?
3. Donnez quelques détails sur le Prince Xoir
ou sur Henri Hotspur.
nomposition. — Rédigez une leçon sur le verbe.
Géométrie. — 1. Mettez par écrit les définitions
ou Euclide donne de deux lignes parallèles, d'un
parallélogramme, d'un angle droit, et d'un cercle.
2. Tirez d'un point donné une ligne droite égale
h. une ligne droite donnée.
3. Démontrez que deux lignes droites ne peu-
vent avoir un segment commun.
FIN DE LA 4e ANXÉE (1" exauien).
(Purée de l'examen : 3 heures 1/2.)
Arithmétique. — Élèves instituteurs. — 1. Un
client a déposé à la banque 17à liv. st. au taux de
4 1/2 p. 100 par an, intérêt simple. Quelle somme
aura-t il à. retirer au bout de 6 ans et 10 mois?
2. Un homme a vendu une certaine quantité de
tabac pour Su liv. st., et à cette opération il a
perdu à'i 1/3 p. 100. A quel prix aurait-il dû le ven-
dre pour réaliser 2 ll;4'i fois la somme que cette
marchandise lui avait coûté?
3. Un négociant s'établit avec un capital de 6 500
liv. st., et fait 12 1/2 p. 100 de bénéfices annuels.
Selon quel taux ses dépenses personnelles se sont-
clles accrues chaque année, si son capital ne s'est
augmentéannuellementquedelOOliv.st. ;etquclles
ont été ses dépenses personnelles la première an-
né»? ?
-*. Quelle difi'érence y a-t-il entre payer une
gomme de 1 200 liv. st. en quatre versements tri-
mestriels de 300 liv. st., chaque versement portant
intérêt à (i p. 100 l'an après le paiement, ou payer
cette même somme en deux versements semestriels
de 000 liv. st , chaque versement portant intérêt à
« 1/2 p. 100?
ÉLÈVEs-iNSTiTLinicES. — 1. Qucl nombre faut-il
ajouter à la somme de 0,0007 -h 2,4 -+- 0,06 +
3,0430 -!- 0,'i47. pour faire un nombre entier?
2. Indiquez la différence entre :74 de perk et
0,0G2ô de boisseau, en décimales de quarter.
3. Si 40 hommes peuvent moissonner 410,»! acres
en 12.7 5 jours, combien 30 hommes moissonneraient-
ils d'acres en 3i jours?
4. Un homme a donné 5/9 de l'argent qu'il avait
dans sa bourse pour acheter un cheval, et 1/12 du
surplus pour acheter un mouton ; il lui reste
22 liv. st. Quelle somme avait-il en tout?
Grammaire. — 1. Analyse d'une phrase où le
mot anglais as revient trois fois avec trois sens dif-
férents.
2. Latum signifie en latin porté. Expliquez, en
tenant compte de cette dérivation, les mots sui-
vants : ablatif, dilater, relatif, corrélatif, super-
latif, translation.
Géographie. — 1. Dessinez la carte de la mer
Caspienne
2. Indiquez les îles de l'est et du sud-ouest de
l'Asie, avec dos explications sur le caractère des
habitants de chacune d'entre elles.
3. Rédigez le canevas d'une leçon à faire dans
une division inférieure sur une « carte de l'hémi-
sphère oriental », en en expliquant la forme, les
lignes qui le traversent, et en donnant des indica-
tions généralos sur la raison des différences de cli-
mat dans les différents pays relativement à leur
distance de l'équateur.
Fix DE LA 4= ANNÉE (sccoud oxamen).
(Durée : 1 heure pour les élèves-institutrices. 2 heures 1/2
pour les élèves- i.istituteurs)
Histoire. — 1. Dites comment se fit l'union des
maisons d'York et de Lancastre, et esquissez le
caractère de l'épouse de Henri VU?
2. Que savez-vous de la princesse Elisabeth, fille
de Jacques I", et de ses descendants ?
3. A quelle cause attribuez-vous la prospérité du
Royaume-Uni ?
Composition. — Écrire de mémoire la substance
d'un morceau dont lecture aura été donnée par
l'inspecteur.
Géométrie. — Démontrez les théorèmes, sui-
vants :
1. Les côtés et les angles opposés d'un parallé-
logramme sont égaux entre eux, et la diagonale par-
tage le parallélogramme en deux moitiés égales.
ï. Si on prolonge les trois côtés d'un triangle,
la somme des angles extérieurs est égale à quatre
an si es droits.
Algèbre. — 1. Simplifiez a (a — 1) (a — 2) (a— 3).
Quelle est la valeur numérique de cette expression
si r/ = 4 ?
2. Divisez Gx» + 5x* — 17x3 _ qx^ + iqoj _ 2
par 2x- -f- -'x — 1.
;!. Trouvez deux nombres dont la somme soit
59 et la différence 17.
FES DE LA 5e ANNÉE (1" examen).
(Durée de l'examen ; 3 heures 1/2.)
Arithmétique. — Elèves-instituteurs. — 1. De
combien le point d'arrivée d'une voie ferrée de 280
milles de longueur sera-t-il plus élevé que le point
de départ, si sur 0,".'5 de son parcours la ligne
monte de 1 pied pour 90, et descend de 1 pied pour
55 sur 0,1 du parcours, le reste de la ligne étant
en plaine ?
2. A quel taux, à intérêts composés, faudrait-il
placer 750 liv. st., pour obtenir en deux ans la
somme de 82G liv. st. 17 sh. G pence?
:]. Par son testament, une personne stipule que
les quatre premiers légataires devront être payés
intégralement avant que rien soit donné aux autres.
Il lègue à A. 3 750 liv. st., à B. 3 525 liv. st., à C.
3 :'SOliv. st., à D. 2(i()0 liv. st., àE. 1 895 liv. st.,
à F. 1 750 liv. st., h G. 1 GG8 liv. st., à H. 1 745
liv. st., î^i K. 1 475 liv. st., à L. 1 oG7 liv. st. Sa
fortvinc. tine fois reconnue, se trouve monter à
19 5'5 liv. st. Gomment cette somme doit-elle être
répartie?
BREVET
— 272 —
BREVET
4. Quelle est la valeur actuelle d'une somme de
195 585 liv. st., duc depuis 1 an 9 mois, en comp-
tant l'intérêt à G p. 100 par an ?
5. Je retire de l'argent d'une banque qui paie
2 1/2 p. 100 d'intérêt, et j'aclièto 5 actions de 20
liv. st. rapportant intérêt à 8 1/2 p. 100; ces actions
doivent être payées en six versements égaux. J'ai
déjà fait cinq versements, et au bout de 1 an I|21a
valeur des actions ayant augmenté de 17 1/2 p. 1"0
je vends ces dernières. Combien ai-je gagné par
cette opération ?
Elèves -INSTITUTRICES. — 1. A quel taux faut-il
placer 7 S641iv. st. 12 shil. 0 pence, pour obtenir
im bout de 5 ans une somme de 9 175 liv. st. 7 shil.
11 pence?
2. Une maison qui a coûté 1 500 liv. st. rapporte
un loyer annuel do G5 liv. st. ; les dépenses pour
assurance et autres frais sont égales à 1 1/4 p. 100
<lu prix d'acliat. Quel taux d'intérêt cet immeuble
rapporte-t-il?
6. Trois bergers louent un pâturage pour ^G se-
maines au prix de .35 liv. st. 7 shil. G pence. Durant
ce temps, A. y a fait paître 7 vaches pendant 13
semaines, B. 14 vaclies pendant 9 semaines, etC.
:{ vaches pendant 22 semaines. Comment doivent-
ils répartir entre eux le loyer à payer?
Grammaire. — 1. Analyse logique et gramma-
ticale d'une strophe de G vers.
'J. De quelle langue sont dérivés le plus grand
îiombre de mots anglais?
Géographie. — 1. « Rio de Janeiro se trouve
presque exactement sous le tropique du Capricorne.»
Expliquez ce que cela signifie, et dessinez une carte
de la ligne des côtes de l'Amérique du sud, à par-
tir de ce point jusqu'au point correspondant sur la
côte occidentale, en marquant l'embouchure des
fleuves, les villes principales, les divisions politi-
ques, et les îles adjacentes-
2. Décrivez le caractère physique de l'Amérique
centrale.
3. Rédigez le canevas d'une leçon d'introduction
sur les Océans, comprenant les points suivants :
l" étendue, 2° salure, 3° profondeur, 4" tempéra-
ture, 5° courants.
FIN DE LA 5^ ANNÉE (second cxamen).
(Durée: 1 heure pour les élèves-institutricps, 2 heures l/-
poui' les élèves-instituteurs.)
Histoire. — 1. Donnez une courte esquisse de
la vie et du caractère de Guillaume III ou de
Charles II.
2. Qu'était-ce que la révolte des Indes? Quel
changement a-t-ellc amené dans le gouvernement
de celte colonie?
3. Qu'est-ce que le jury? Regardez-vous cette
institution comme avantageuse, et sous quel rap-
port?
Composition. — Ecrivez un court essai sur la
ponctualité, dans le langage que vous emploieriez
■si vous donniez une leçon à une division supé-
rieure.
Géométrie. — Démontrez les théorèmes sui-
•vants :
1. Si une ligne droite est divisée en deux parties
•égales, puis en deux parties inégales, le rectangle
ayant pour côtés les parties inégales, joint au carré
fait sur la ligne entre les points de section, est
égal au carré de la moitié de la ligne.
2. Les diagonales d'un carré sont égales entre
«lies et se coupent à angle droit par le milieu.
Algèbre. — Simplifiez l'expression suivante :
x'* — a'*
■r|^- + a)
X — a
2. Trouvez la valeur de x dans l'équation ci-
dessous :
\x + \j--) = —■
\x-\-Z
3. Trouvez la valeur de x et de y dans les équa-
tions ci-dessous :
:r -4- y
= b.
Arpentage. — 1. Les trois côtés d'un triangle
mesurent 500, GOO et 700 linlm; quelle en est la
superficie en acres?
-'. Quel est le diamètre d'une roue de voiture
qui fait GOO révolutions dans l'espace d'un mille?
II. AUTRICHE.
ÉCOLE ^0aMALE ÉVAXGÉLIOfE D'INSTITUTEURS A BIELITZ
(SILÉSIEJ.
Examen de maturité [Prufuny dtr Reife),
juillet 1871.
Épreuves écrites.
I. Composition. — Composition allemande : De
la politesse chez l'instituteur. Composition polo-
naise : Sur quoi se fonde l'amitié ? Composition
tchèque : Qu'est-ce qui éveille en nous l'amour
de la patrie, et comment le faisons-nous voir ?
II. Histoire. — Les résultats des croisades,
III. Géographie. — Résumé des phénomènes
quotidiens et annuels présentés par le soleil, la
lune et h^s étoiles.
IV. Arithmétique. — Un père disait à ses deux
fils, dont l'un avait 4 ans de plus que l'autre :
Dans 2 ans je serai deux fois aussi âgé que vous
de-ax ensemble; et, ily aG ans, mon âge était égal
h G fois vos deux âges réunis. Quel âge avait le
père et chacun des deux fils ?
V. Géométrie. — Une sphère, un cylindre
équilatéral et un cube ont des superficies équiva-
lentes, snit 1 000 pouces ; quel est le volume de
ces corps ?
VI Physique et chimie. — Les propriétés du
carbone et ses combinaisons les plus importantes
avec d'autres éléments.
VII. Histoire naturelle. — Exposé analytique
de la classification d'après le système de Linné.
VIII. Agriculture. — Les diiïérentes natures de
sol et k'ur composition chimique.
IX. Harmonie. — Traiter une mélodie donnée,
à deux, trois et quatre voix.
Épreuves pratiques.
Chacun des candidats a dû faire, dans l'école
modèle, un exercice catéchétique et une leçon
d'épreuve.
ÉCOLE .NORMALE D'INSTITUTEURS A BOTZEN (tVROL),
Examen de maturité [Maluritulsprûfung) de
l'année 1873.
Épreuves écrites.
I. Pédagogie. — Comment l'instituteur peut-il
agir sur l.i volonté de l'élève pour l'engager au
bien ?
II. Langue et composition. — Uhland. Indi-
cation du sujet de quelques-unes de ses ballades
les plus connues (cette composition sert en môme
temps d'i'|)r(!uve de style).
III. Mathématiques. — 1. Comment s'y prend-
on pour résoudre une équation du premier degré
à deux inconnues? Application du procédé à
l'exemple suivant :
BREVET —2
Deux tonneaux contiennent ensemble 351 pots.
Si l'on ôte du premier le sixième et du second
le tiers de leur contenu, il restera dans chacun
d'eux la même quantité de liquide. Combien de
pots contiennent-ils l'un et l'autre ?
2. 'Soient 8 dccim. et 4 cent, le côté d'un cône
équilatéral. Calculez-en 1" la superficie, 2" le vo-
lume, et donnez les raisons de votre manière de
procéder.
IV. Géographie et histoire.— 1. Qu'entend-on
par sjstème fluvial ? Indiquez les systèmes fluviaux
de l'Allemagne.
2. Dites les causes de la guerre de la Succession
dEspagne, indiquez-en brièvement les principaux
événements et les résultats.
V. Physique et histoire naturelle. — 1. Les
diverses soi'tes de levier et leur emploi.
2. Caractères, nombre et utilité des mammifères
solipèdes.
(Temps accordé pour chaque branche : 4 heures.)
ÉCOLE .NORMALE D'INSTITUTEURS A PRAGUE (BOHÉMEI
Examen de maturité (Reife-Prùfung)
juillet 1874. ,
1. Pédagogie. — 1. Exposer les qualités néces-
saires à une bonne définition, ainsi que les défauts
à éviter.
2. La mémoire ; ses degrés, ses difTcrentes for-
mes ; la mémorisation.
3. Le philanthropinisme et ses principaux repré-
sentants.
4. L'interrogation et ses propriétés.
II. Langue allemande. — 1. Pourquoi je veux
devenir instituteur (exercice de style;.
2. « Un vieux proverbe dit que l'homme apprend
à prier lorsqu'il se trouve dans un péril dont il ne
peut se tirer lui-même, parce qu'il n'a pas la pré-
sence d'esprit nécessaire pour clioisir les moyens
les plus appropriés à la circonstance. » (Analyse
logique et grammaticale de cette phrase.)
m. Géographie. — l. Qu'avez-vous à dire des
lignes imaginaires tracées sur le globe terrestre?
2. Les particularités oro-hydrograpliiques du
duché de Styrie, avec des indications sur les
conditions sociales du pays (et dessin d'une carte).
IV'. Histoire. — l. Alexandre le Grand.
2. La pragmatique sanction. Par quels sacrifices
Charles VI dut-il en acheter la reconnaissance ?
V. Mathématiques. — 1. Comment doit-on ensei-
gner à la jeunesse des écoles le système métrique.
et quel procédé l'instituteur indiquera-t-il pour la
réduction pratique des mesures de poids de l'an-
cien système en mesures du nouveau système, et
vice versa. {\Jne livre viennoise = 0,500 01 ;i kil. ;
1 kil. = 1,7.S5 670 livre viennoise.)
2. Mettre en équation le problème suivant, et le
résoudre, avec la preuve :
Une personne laisse en mourant 3 héritiers.
D'après son testament, sa femme doit recevoir
les 3/8 de sa fortune, plus 720 florins ; son fils les
2/9, plus 880 florins ; et sa fille les 5/ls plus
5-.0 florins. Quel est le chiffre de la fortune et
combien chaque légatai-e a-t il à recevoir?
o. Sur un terrain qui a la forme d'un trapèze se
trouvent plantés un certain nombre d'arbres frui-
tiers. L'éloignement des deux côtés parallèles étant
de 24"", 8, et la longueur respective de ces côtés de
aS",* et de 32"', 7, quelle devrait être la longueur
du côté d'un carré pour qu'on pût planter sur la
superficie qu'il occupe 2 fois et demie autant d'arbres
que sur celle du trapèze, et combien d'arbres peu-
vent trouver place sur chacune de ces deux super-
ficies, s'il faut à chaque arbre un espace de 4""i,2?
4. Quels corps reçoivent le nom de cônes, quelles
sont leurs propriétés et comment les divise-t-on ?
Calculer la superficie et le volume d'un cône ver-
tical, étant donnés 0°,24 pour le diamètre de la
base, et l'",8 pour la hauteur de l'apothème.
2« Partie.
-^ — BREVET
VI. Histoire naturelle — l. Décrire les plus
importants parmi les coléoptères nuisibles aux
forets, en indiquant les particularités de leur mode
de vivre.
2. Dans quelles familles végétales trouve-t-on
le plus grand nombre de plantes vénéneuses indi-
gènes ?
VII. Physique et chimie. — i. Indiquer les
conditions dequilibre sur un plan incliné.
2. Comment se produit l'acide carbonique, quelles
sont ses propriétés, et où le trouve-t-on ?
VIII. Langue tchèque. — 1. Traduire du 2Mivre
de lecture pour les écoles primaires le morceau
n" 37, intitulé le Beau Chêne.
2. Dans quels cas et dans quelles parties du
discours place-t-on à la fin du mot un i bref?
3. Indiquer la formation des diff'érentes espèces
d adjectifs, et donner quelques exemples.
ÉCOLE NORMALE d'INSTITLIRICES A PRAGUE (BOHÈME).
Examen de maturité [Reife-Prùfimg], 1872.
Epreuves écrites.
1. Langue et composition. — 1. Une pépinière
— emblème de la jeunesse.
•j. Indiquer le rùle éducatif du maître dans l'ex-
plication d'un morceau de lecture.
II. Mathématiques. — 1. Donner les règles de
la division de fractions, et la manière de les ensei-
gner.
2. Quatre charretiers se sont chargés du trans-
port des pierres pour un bâtiment à construire à
Prague, au prix de 2GC0 florins. A a fait 60 voyages
avec 3 chevaux, B 70 voyages avec 2 chevaux, C
80 voyages avec 4 chevaux, et D 120 voyages avec
1 cheval. Combien revient-il à chacun ?
3. Combien de personnes peuvent trouver place
dans une salle circulaire de 10 mètres de diamètre,
si chaque personne occupe un espace de 1 3/4 mètre
carré ?
m. Histoire naturelle, physique et chimie. —
I. Indiquez les caractères distinctifs des diverses
races humaines.
2. Quelles sont les propriétés des principaux élé-
ments qui constituent l'air atmosphérique ?
3. Comment peut-on faire à l'école primaire les
principales expériences relatives à l'électricité oro-
duite par le frottement?
IV. Géographie et histoire. — Décrire les Car-
pathes aux divers points de vue ci-dessous :
Situation, division, passages, rivières, produits
naturels.
2. Indiquer comment on peut faire comprendre
à des enfants de la 'i^ ou 4*^ année scolaire les
causes qui produisent la succession des jours et
des nuits.
3. Comment la maison de Habsbourg a-t-elle
acquis la souveraineté en Autriclie?
V. Pédagogie. — 1. Qu'appelle-t-on caractère,
au point de vue psychologique ? quelle différence y
a-t-il entre le caractère et le naturel ?
2. Qu'est-ce que la discipline, au point de vue
pédagogique? Exposé rapide du but, des moyens
et de la méthode.
3. Exposer brièvement la différence essentielle
entre l'école primaire d'autrefois et celle de nos
jours, sous le rapport du but et de la méthode.
ni. BELGIQUE.
ÉCOLE NORMALE D'INSTITUTEURS A COUVIN.
Examen de sortie de 1877.
Épreuves écrites.
Séance du 21 août 1877.
Religion . — 1 . Prouvez la divinité du christia»
I,
nisme par la manière dont il s'est établi
18
BREVET
BUE VET
2. Indiquez avec ordre et précision tous les en-
seignements que l'on peut tirer du petit catéchisme
concernant la foi. (Citer la question du caté-
chisme.)
3. Indiquez les effets du sacrement d'Eucha-
ristie et les dispositions requises pour recevoir ce
sacrement avec succès.
II. Langue maternelle (dictée). — La Ba-
leine. Quels que soient la force, la masse et l'ap-
pareil maxillaire de ce monstre, le moindre bruit
ou la moindre agitation de l'eau Veffriiie ; et alors
il plonge avec une vitesse, une rapidité incroyable,
au point de se blesser lui-même quelquefois par
son propre choc contre les rochers sous-marins.
Aussi les pécheurs saisissent-zV.s le moment où
l'animal est endormi pour le harponner. La plus
grande vitesse que déploie une baleine, quand elle
nage horizontalement k la surface de la mer, peut
être évaluée à une lieue marine et demie par
demi-heure. Presque toutes vivent en troupes, ou
pour le moins en familles. On les rencontrait au-
trefois sous quelque latitude (|ue ce fût. Combien
n'en a-t-on pas aperçu flottantes comme dos
navires naufragés dans les parages même de la
Méditerranée ! Plus d'une se livraient des com-
bats en vue de nos promontoires ; plus d'une ve-
nait quelquefois échouer sur nos eûtes. Depuis
qu'on leur a fait une chasse, une guerre acharnée,
on les a vues toutes s'enfuir vers le pôle nord,
dans ces lieux tout pleins de mystères où périt
l'illustre navigateur Franklin. Elles se sont ima-
giné trouver un refuge, un abri assuré dans ces
mers affreuses. Vaine espérance! le harpon, la
lance, des moyens destructeurs, d'invention ré-
cente, auxquels l'électricité est venue prêter sa
foudre et ses ailes, harcèlent les troupeaux de
fuyards jusque dans leur retraite hyperboréenno.
tout inaccessible qu'elle semblait; et d'ici à moins
de cinquante ans, l'extermination sera complète.
Qui sait ? dans cinquante ans peut-être, la ba-
leine, ce léviathan de l'Écriture, aura passé à
l'état de mythe : les demi-savants n'y croiront
plus.
Questions. — Expliquez, au point de vue gram-
matical, les mots soulignés dans cette dictée ; vous
en justifierez soit l'accord ou l'invariabilité, soit
l'emploi, soit la fonction.
III. Lois organiques. — 1. Quels sont les
principes consacrés par la Constitution pour nous
garantir une administration impartiale de la jus-
tice ?
2. Qu'appelez-vous commissaires d'arrondisse-
ment ? Indiquez leurs attributions ?
3. Faites connaître les quatre principes fonda-
mentaux de la loi du Ti septembre 1S42.
IV. Tenue des livres. — 1. Passer écriture de
cet article au journal en partie double et au grand-
livre :
Du 21 août 1877. — J'ai acheté à Gérard, de
Verviers, h pièces drap noir de ôO mètres chacune,
à 15 francs le mètre, soit 3720 francs. Je lui ai
remis, 1" 7 balles café pesant chacune 80 kiloçr. :\
2 fr. le kilogr., soit 11 20 fr: 2° M/B n" 10 à^S/0
de ce jour, 10 septembre, '.)00 fr. ; 3" une traite
n» 6 sur Dumont, ordre Duparc, du 10 août au
10 octobre, soit 1100 fr. ; 5° un billet de 1,000 fr.
En tout 4,120 fr.
Rédigez la traite dont il est question dans cet
article et ajoutez-y l'endossement.
2. Quels sont les droits et les devoirs du porteur
de la lettre de change ?
3. Quels sont les livres auxiliaires les plus
usités dans la tenue des livres et dites l'usage de
chacun de ces livres ?
V. Langue accessoire. —Dictée (en flamand).
Vingt lignes.
Grammaire. — 1. Morr/enrond : décomposez ce
mot et indiquez-en la signification propre. 2. Dif-
férence entre 7ioff et nocU. 3. Comment flners fait-
il au pluriel, et que savez-vous sur Vf finale et Vs
finale quand il s'agit de former le pluriel des dé-
rivés? Donnez des exemples. 4. Traduisez: «Nous
avons vu Sa Majesté, quand elle... », et dites à
quelle observation grammaticale donne lieu le
pronom de la 3" personne dans cet exemple.
5. Analysez opwaards et indiquez les différentes
terminaisons qui servent à former des adverbes ;
vous donnerez des exemples de chariue formation.
6. Mettez au pluriel la phrase : l\eed^ lang heeft
de landman, etc., (une des phrases de la dictée.)
Rédaction. — Lettre au président d'un bureau
de bienfaisance pour le prier de venir au secours
d'un pauvre ménage .
Séance du 22 aoilt 1877.
1. Rédaction. — Sujet. Vous écrivez à un de
vos amis, ancien condisciple, qui a la passion du
jeu. \'cus lui exposez les raisons les plus propres
à le détourner dune habitude qui pourrait lui
devenir extrêmement funeste. Vous l'engagez à
chercher son bonheur dans l'étude.
II. Sciences naturelles. — 1. Quelles sont les
conditions requises pour qu'un corps solide repo-
sant sur un plan soit dans la plus grande stabi-
lité possible? Expliquez votre réponse.
2. Décrivez la pile de Bunsen et donnez-en
la théorie.
3. Citez dans l'ordre de leur intervention les
différents liquides qui aident h la digestion et ex-
pliquez en quoi consiste l'action spéciale de cha-
cun de ces liquides.
4. Faites- voir le danger auquel on s'expose en
prenant un bain immédiatement après le repas.
III. Horticulture et arboriculture. — 1. Expli-
quez le pliénomène de la germination.
2. Expliquez les différentes opérations qu'il y a
lieu de pratiquer au poirier pendant l'été.
IV. Histoire. — - 1. Faites connaître: 1° l'état de
la Belgique sous la domination française ; 2° les
conséquences de notre réunion à la France.
2. Faites connaître les causes et le caractère de
la Révolution française.
3. Expliquez sommairement comment se forma
la monarchie des Perses et donnez une idée de
son étendue h l'époque de sa splendeur.
V. Pédagogie. — 1. Faites connaître l'attention.
Montrer ses relations avec la conscience. Indi-
quez-en l'importance et les moyens de la déve-
lopper.
2. Montrez que l'instituteur doit être bon et
patient, surtout avec les enfants timides, d'une
santé délicate ou depuis peu entrés à l'école.
3. Montrez comment les exercices de rédaction
peuvent servir à cultiver le jugement, l'imagina-
tion et le sentiment du beau.
VI. Calligraphie. — Écrire une ligne en grand,
deux lignes en moyen, deux lignes en fin, les lettres
majuscules et les chiffres.
Gros, moyen et fini /ex/e). La véritable éloquence
consiste à dire tout ce qu'il faut et à ne dire que
ce qu'il faut. Les passions sont les seuls orateurs
qui persuadent toujours. Elles sont comme un art de
la nature dont les règles sont infaillibles; et l'homme
leplussimple.qui a de la passion, persuade mieux
que le plus éloquent qui n'en a point.
Expédiée (texte). La science. Par elle, l'homme
ose franchir les bornes étroites dans lesquelles il
semble que la nature l'eût renfermé: citoyen de
toutes les républiques, habitant de tous les em-
pires, le monde entier est sa patrie. La. science,
comme un guid(! aussi fidèle que rapide, le con-
duit de pays en pays, de royaume en royaume ;
elle lui en découvre les lois, les mœurs, la reli-
gion, le gouvernement : il revient chargé des dé-
pouilles de l'Orient et de l'Occident ; et, joignant
BREVET
— 273 —
BREVET
les rîclicsses étrangères à ses propres trésors, il
semble que la science lui ait appris à rendre
toutes les nations de la terre tributaires de sa
doctrine.
Séa7ice du Ti août 1877.
1. Arithmétique. — 1. Etablissez la loi de somma-
tion des termes d'une progression géométrique dé-
croissante à l'infini et appliquez la formule à la
fraction 0,3, 0,0y, 0,00:î...
2. Une commune doit emprunter 50000 fr. et
s'acquitter au moyen d'un certain nombj-o d'an-
nuités de loiiO fr. chacune au plus. Les intérêts
■étant calculés à 5 p. 100, on demande quel sera
le nombre d'annuités et par suite la valeur exacte
■de chacune d'elles?
3.0n se propose d'établirune machine pour épuiser
une mine ; la profondeur de la mine est de 52 mè-
tres et elle fournit 2 15 mètres cubes d'eau en une
heure. La machine doit communiquer le mou-
vrement à des pompes qui ne rendent en effet utile
que 62 p. lOO de la force motrice. On demande
quelle devra être la force de la machine, en che-
vaux, sachant que le cheval-vapeur est une force
capable d'élever 75 kilogr. d'eau à 1 mètre de hau-
teur en une seconde.
IT. Géométrie. — 1. Démontrez que, dans tout
parallélogramme, la somme des carrés des côtés est
égale à la somme des carrés des diagonales. On
«noncera les théories sur lesquels on s'appuie dans
la démonstration.
2. Un verre de forme conique, dont la section
verticale suivantl'axe estreprésentéeparun triangle
équilatéral, a une capacité de 17 centilitres. On
demande le rayon de l'ouverture ?
■■>III. Géographie. — 1. Tracez les contours de
ia Belgique ; faites-y figurer les cartes des deux
provinces suivantes : 1° la Flandre occidentale ;
2" la province de Namur. Indiquez-y les cours
d'eau et les villes de ces provinces. (Cette carte
aura au moins les dimensions d'une demi-feuille
de papier). Dans une note spéciale, vous direz ce
<}ue vous savez de la nature du sol et de l'industrie
principale de ces deux provinces.
2 Quelle est la cause de l'inégalité des journées
•et des nuits ?
3. Faites connaître la Hollande au point de vue
de la géographie physique. Montrez comment les
connaissances géographiques aident à expliquer la
prospérité de cette contrée.
IV. ALGÈBRE. — 1 Un négociant augmente cha-
que année sa fortune d'un tiers; il en prend à la
fin de chaque aimée 1(100 fr. pour sa dépense. A
la fin de la 3' année, après avoir prélevé comme
d'ordinaire 1000 fr. pour sa dépense, sa fortune
est doublée. Combien avait-il d'abord ?
2 Exécutez les opérations indiquées dans l'ex-
pression suivante en expliquant la marche suivie :
V. Gymnastique — I . Exposez l'influence salu-
taire des exercices gymnastiques sur l'appareil
respiratoire
2. Indiquer au moins trois principes méthodo-
logiques que le maître de gymnastique doit observer
dans son enseignement. Exposez brièvement votre
réponse.
3. Montrez la différence entre le système gj'm-
nastique de Ling et celui de Jahn ; lequel pré-
férez-vous ?
4. En quoi consiste le mérite de Spiess comme
auteur d'un système de gymnastique ?
VI. Dessin. — 1. Dessinez, à main levée, la
partie supérieure de la rosace ellipiique qui se
trouve au tableau noir. Vous en achèverez les
contours en donnant au grand axe 0,V5 c. de lon-
gueur, hauteur proportionnée.
2. Dessnicz la lampe suspendue devant vous.
Hauteur 0,20 c. à partir de la base du récipient jus-
qu'au sommet de la cheminée.
Épreuves pratiques.
Sujets de la leçon d'épreuve donnée h une divi-
sion d'enfants par chacun des candidats.
(Les 30 sujets suivants ont été répartis par la
voie du sort entre les 30 candidats. )
Religion. — Expliquer les deux premières ques-
tions de la leçon 27' du petit catéchisme.
Grammaire. — Exposer la règle d'accord du
verbe avec son sujet.
Arithmétique. — Une première leçon sur la
division des nombres entiers.
Lecture. — Traitez au point de vue du sens
et de la lecture expressive le morceau intitulé :
le Laboureur et ses Enfants.
Géographie. — Étude de la province de Liège
sous le rapport pratique.
Intuition. — Entretien entre l'instituteur et ses
élèves : Des cloches.
Gymnastique. — Flexion de la tête, légère
flexion du corps en avant, fléchir les jambes et
étendre les bras en avant (simultanément).
Religion. — Parabole du Samaritain. (Bible de
l'enfance, p. 173.)
Style. — Vous invitez un de vos amis à venir
passer quelques jours à Couvin ; pour le décider,
vous lui montrez les plaisirs que vous trouverez
ensemble.
Histoire nationale. — Les six cents Franchi-
montois.
Sciences naturelles. — Les oiseaux.
Explication dun proverbe. — Chaque chose à
sa place, et une place pour chaque chose.
Gymnastique. — La rotation. Explication et
exercices.
Calligraphie . — Expliquer la lettre majuscule G.
Exercices.
Chant. — Apprendre aux enfants un inorceau
de chant par l'audition.
Religion. — Explication de la 3^ et de la 4*
question de la leçon 27^ du petit catéchisme.
Grammaire. — Faire connaître le participe
présent et l'adjectif verbal.
Intuition. — Les dents.
Système métrique. — Comparaison entre les
mesures de poids, de capacité et de volume.
Physiqtie. — Expliquer le thermomètre.
Géogr:iphie. — Étude de la Belgique sous le
rapport industriel.
Gymnastique. — Marche gymnastique.
Histoire sainte. — Raconter le déluge.
Histoire naturelle. — Les champignons.
Cosmographie. — Expliquer la durée des jour-
nées et des nuits.
Calcul mental. — Multiplication d'un nombre
composé de dizaines et d'unités par un des neuf
premiers nombres et par un nombre que l'on peut
représenter par deur cliiffres.
Histoire nationale. — Biographie de Marie de
Bourgogne.
Style. — Une narration. Le sujet est laissé au
choix du récipiendaire.
Gymnastique. — Exercices au bâton (l"leçon).
Arithmétique. — Système métrique. Expliquer
le mètre carré.
ÉCOLE NORM.ALE d'instituteurs A HUY.
E.xamcn de sortie de 1877.
Epreuves par écrit.
Séance du 17 août 1877.
1. Religion et morale. — 1. Doctrine chré-
BREVET
— 276 —
BREVET
tieniie. — I" Combien de dogmes renferme l'acte
de foi ? Indiquez les mots qui les expriment et
dites quelle en est l'importance pour le salut. — 2"
Est-on obligé défaire des actes de foi, d'espérance
et de charité ? Quand? — 3" Quelles grâces atten-
dons-nous par l'espérance dans ce monde ? Com-
ment et pourquoi? — 4" Qu'a voulu exprimer
l'Eglise par le mot trcmssuhstantiation3i^[)\\(\\ié à
l'Eucharistie ? — 5" Qu'est-ce qui est contenu dans
la seule espèce du pain, et pourquoi ? — 6° Est-on
obligé de communier ? Expliquez votre réponse.
2. Histoire sainte. — 1" Dans quel pays les Hé-
Dreux ont-ils plus ou moins séjoui-né depuis la
vocation d'Abraham jusqu'à la naissance de Jésus-
Christ ? Et quels événements les ont amenés dans
ces diflérents pays ? — "1" Quel fut le sort des Juifs
sous Antiochus Epiphane ? Prouvez-le par des
exemples. — 3° Comment mourut ce roi ? —
4° Quels sacrements Jésus-Christ institua-t-il à la
dernière cène? Comment? — 6" De quelles vertus
ydonna-t-il l'exemple à ses apôtres et comment ?
— G° Citez les sept paroles de Jésus-Christ sur la
croix.
3. Histoire ecclésiastique. — 1° Quel fut le père
de la vie monastique en Occident ? — 2" Quel fut
le principal établissement qui «devint comme le
centre de son ordre? — 3° Que dites-vous de la
règle ? — 4" Quel fut le plus illustre personnage
de l'ordre de Cîteaux en Bourgogne ? — 6° Quelle
croisade prêcha-t-il ? Quels monarques y prirent
part? pourquoi ne réussit-elle pas? — 6° Quelles
étaient les erreurs de Jansénius ?
II. Notions des lois organiques. — 1. Qu'en-
tend-on par naturalisation? Combien de sortes (le
naturalisation y a-t-il ? Faites connaître les droits
que confère chacune d'elles.
2. Quelles sont les attributions généralesdu con-
seil communal? Celui-ci règle-t-il toujours, comme
bon lui semble, les affaires d'intérêts communal ?
Expliquez votre réponse.
3. Quels sont les enfants qui reçoivent l'instruc-
tion gratuitement? Que faut-il pour que l'instruc-
tion gratuite puisse être réclamée comme un droit?
III. Algèbre. — 1. Effectuer la division sui-
vante :
326* — 12«263 + 24aA3 — daH^ : Za^b — SbK
Rendez compte de vos opérations.
On suppose connues la règle des signes et
celle de la division d'un monôme par un monôme.
2. Une personne a deux propriétés. La 1" lui
rapporte 4 | «/o, la 2<= 3 | e/^ ; elle en retire un
revenu annuel de 177 fr. 50. A l'expiration du bail,
par suite d'acquisition, la valeur de la !'•'= propriété
est augmentée do ses |, et celle de la 2"^ de ôOOfr.
Ensuite de ces modifications, les nouvelles pro-
priétés rapportent 0 fr. 50 de plus «/q par an, ce
qui élève le revenu total et annuel à HO francs.
Quelle est la valeur de chaque propriété primi-
tive ?
IV. Pédagogie et méthodologie. — 1. En quoi
consiste la faculté dite raisonnement ? Exposez
les principaux moyens de développer cette faculté
chez les enfants.
2. Qu'entend-on par mode d'enseignement? Au-
quel faut-il donner la préférence? Motivez cette
réponse.
3. Exposez la marche à suivre pour donner une
leçon d'histoire nationale.
y. Géométrie. — 1. Démontrez que dans tout
triangle la somme des carrés des côtés qui com-
prennent un angle quelconque est égale à deux
fois le carre de la droite qui joint le "sommet de
cet angle au milieu du côté oppose, plus deux
fois le carré de la moitié de ce dernier côté.
2. Construire un carré qui soit équivalent aux |
d'un carré doimé. Démontrez votre réponse.
VI. Histoire. — 1. Faites connaître les causes
et les résultats de la guerre du Péloponnèse.
2. Qu'entendez-vous par croisades? Indiquez les
résultats de ces expéditions.
3. Donnez à grands traits la biographie de Var»
Artevelde.
Séance du 18 août 1877.
1. Calligraphie. — Les récipiendaires ont à
écrire une ligne en grand, deux lignes en moyen
et trois lignes en (in, les lettres majuscules et le»
chiflfres. Ils ont également à écrire huit ligne»
d'expédiée.
II. Langue flamande. — Dictée de vingt lignes.
Expliquez la formation ou composition des mots
soulignés (au nombre de cinq), et analj'sez-le»
grammaticalement.
III. Arithmétique. — 1. Quelles sont les frac-
tions ordinaires qui donnent lieu à des fraction»
décimales périodiques mixtes ? Peut-on déterminer
a priori le nombre des chiffres irréguliers ? Dé-
montrez vos réponses.
2. Un marchand a deux espèces de thé. La 1'*
lui revient h. 14 fr. et l'autre ii 17 fr. le kil. ; il
fournit à un do ses correspondants une caisse de
100 kil. et reçoit pour son payement 19-32 fr. On
demande combien il y en avait de chaque espèce,
sachant qu'il a gagné 15 "/q sur son marché ?
o. Une commune possède une propriété qu'elle
ne peut vendre que dans 18 ans. Un capitaliste
propose d'en faire dès maintenant l'acquisition et
de la payer comptant moyennant un escompte
composé de 5 % par an. Les conditions acceptées,
la commune reçoit 17 000 francs. A combien la
propriété a-t-elle été évaluée?
IV. Langue française. (Dictée et grammaire).
— DICTÉE. — Les funérailles de Cliarles-Quint. —
Charles-Quint, dont la puissance et l'ambition
avaient si longtemps agité le monde, prit tout-à-
coup la résolution de sortir du tourbillon où
l'avaient entraîné les affaires publiques, et passa
du trône dans un cloître. Là, le commandement
d'une armée ou l'administration d'un Etat n'occui)e
plus son esprit : la prière et la méditation se par-
tagent tous ses instants. Mais la tranquillité, le
calme, le silence d'un couvent ne semble pas lui
suffire ; il envie le repos môme de la tombe ; l'é-
trange désir, ovL plutôt \a singulière folie d'assis-
ter vivant à ses propres funérailles, ne le quitte
plus un seul instant. L'adversité et le bonheur
lui sont connues; il no lui reste plus qu'à faire
l'essai de la mort. L'ordre est donné ; le supérieur,
qui, aussi bien que les simples moines, voit en-
core un souverain dans le frère jadis couronné,
n'ose s'opposer à cette bizarre fantaisie: cierges,
cercueil, tout annonce la cérémonie. L'autel se
recouvre do sa parure de deuil ; la forme élégante
des colonnes se cache sous de noires tentures,
et des voiles épais empêchent la clarté du jour de
pénétrer à travers les vitraux. Bientôt la lampe
sainte, ainsi qu'un rayon d'espérance, ' brille au
milieu de la nef ; ciiiin paraît la croix lumineuse,
cet emblème de douleur et d'immortalité. Un
riche catafalque qaentourent un grand nombre
de cierges, s'élève au milieu du chœur ; le livre
sai/it est ouvert à Toffice des morts ; le clergé,
les moines, les parents, les assistants, chacun ar-
rive et se place ; on n'attend plus que Charles-
Quint.
CiRAMMAir.E. — 1. Faites l'analyse grammaticale
du mot dont.
2. Dites ce que vous savez de la nature et de la
fonction du mot plutôt. Donnez des exemples à
l'appui de votre réponse.
3. Justifiez l'orthographe du motqtiitte. Enoncez
les exceptions à la règle générale d'accord du verbe
avec son sujet.
4. Expliquez le temps auquel est employé le
BREVET
277 —
BREVET
verbe recouvre. Dans quel cas ce temps s'cmploie-
t-il pour un autre ?
.s. Justifiez l'emploi du mot de.
G. Justifiez l'orthographe du verbe entourent.
Exposez les règles relatives à l'accord du verbe
ajant pour sujet un collectif muni de son complé-
ment.
7. Analysez grammaticalement le 7i<e.
V. Sciences naturelles. — 1. Quappelle-t-on
<:lialeur rayonnante ? De quelle manière se pro-
page-t-elle ? De quelles circonstances dépend l'in-
tensité do la chaleiir ?
2. Qu"appelle-t-on condensateur? Décrivez le
condensateur ordinaire et expliquez comment on
accumule l'électricité à l'aide de cet appareil.
3 . Quels sont les caractères généraux des mam-
mifères ? Citez les ordres que comprend cette
classe et caractérisez deux d'entre eux.
4. Quelles sont les conditions requises pour
<"iu'une habitation satisfasse aux exigences de
Ihvgiène ?
VI. Tenue des livres.— l. Définissez le compte
Profits et pertes. Quand doit-on le débiter? Quand
doit-on le créditer ? Prouvez votre réponse au
moyen d'un exemple pour chaque cas.
3. A quelles conditions doit satisfaire un billet
à ordre pour être régulier ?
;{. Passez écriture de l'article suivant au journal
€t au grand-livre, en partie double :
Du 18 août 1877. — Vendu à Lambotte, de Se-
Taing, 5 pièces de vin de Bordeaux à 280 fr., qu'il
m "a payées comme suit ;
1" En trois tonneaux de genièvre contenant en-
semble 160 litres :\ 0f',9(i ;
2° En sa traite de 556 fr. à 51,0 sur Lambert
de Huy, au 25 septembre prochain ;
:i" En M,B, de 300 fr., G. Louis, de \amur, qu'il
m'a remis acquitté ;
4" Le reste en argent, sous escompte de 2 ^'q-
Séance du 20 août 1877.
L Rédaction française. — Sujet. Vous venez
d'apprendre qu'un de vos condisciples est grave-
ment indisposé et se trouve, par suite, dans l'im-
possibilité de subir son examen de sortie. Vous lui
écrivez.
II. Gymnastique. — 1. Quels sont les change-
ment apportés par Jahn dans la gymnastique ?
Appréciez sommairement son système: i" au point
de vue social ; 2° au point de vue scolaire.
2. Quels sont les principaux os du membre su-
périeur chez l'homme "? Décrivez les principaux
muscles de l'épaule et faites connaiti-e les mouve-
ments propres à les développer.
;{. Quels sont les principaux soins à donnera
l'enfant en cas de congestion?
III. Géographie. — 1. Qu'appelle-t-on zones
terrestres ? Nommez-les ainsi que les cercles qui
les déterminent.
2. Décrivez le versant de la mer du Xord. Vous
indiquerez les grandes lignes de faîte qui le li-
mitent, les contrées ei les fleuves qu'il comprend,
€t une ville importante arrosée par chacun de
ces derniers.
3. Tracez une carte représentant la province de
Namur et celle du Luxembourg et indiquant-: le
contour, les bornes, les cours d'eau naturels, le
lignes de chemin de fer et les villes chefs-lieux
d'arrondissement judiciaire.
IV. Rédaction flamande. — Lettue. Vous
avez un ami qui vous a exprimé le désir d'appren-
dre quelques détails sur la ville d'Huy. Faites-lui
une courte description de cette ville que vous ha-
bitez.
V. Horticulture et arboriculture. — 1. Indi-
quez les parties essentielles d'une fleur complète
et expliquez les fonctions de chacune d'elles.
2. Expliquez la taille d'été des arbres en espalier.
VI. Dessin. — 1. Les récipiendaires ont à des-
siner, en donnant à leur travail des dimensions
plus grandes que celles du modèle, le rameau de
noyer avec feuilles et fruits du n° 21 des plan-
ches murales par Achille Comte.
2. Les élèves ont k faire, en donnant à leur tra-
vail 2 décimètres de hauteur, le dessin du vase
placé devant eux.
Epreuve pratique.
Sujets de la leçon d'épreuve donnée à une di-
vision d'enfants par chacun des candidats.
(Les 18 sujets suivants ont été répartis par la
voie du sort entre les 18 candidats.)
I. Religion. — De la grâce, etc. Les cinq premières
questions, leçon XV du catéchisme du diocèse.
'2. Arithmétique. — Expliquez la transformation
d'une fraction ordinaire en fraction décimale équi-
valente. Opérez sur la fraction |.
3. Rédaction. — Lettre. — Un jeune élève a
remporté les premiers prix dans les branches les
plus importantes dosa classe. Un de ses condisci-
ples lui écrit pour le féliciter.
4. Lecture courante. — Sujet au choix du réci-
piendaire.
5. Aritlimétique . — Faites connaître la définition
de la soustraction.
G. Géographie. — Canton judiciaire de Huy :
ses limites, son aspect, ses productions naturel-
les, son industrie.
7. Lecture élémentaire. — Faites connaître les
sons au et eau.
S. Intuition. — Les instruments tranchants.
9. Gi/mnastique. — Expliquez et enseignez
l'exercice: Extension des bras en avant. Effet phy-
siologique de ce mouvement.
10. Histoire nationale. — Le règne des archi-
ducs Albert et Isabelle.
II. Histoire sainte. — Résurrection du fils de
la veuve de Xaîm.
12. Lecture expressive. — Sujet au choix du
récipiendaire.
1 i. Si/stème métrique. — Le mètre carré et ses
sous-multiples décimaux
14. Grammaire. — Faites connaître les trois
premiers temps du mode indicatif.
15. Rédaction. — Utilité des oiseaux insecti-
vores.
16. Calcul mental. — Soustraction des nombres
entiers composés de dizaines et d'unités.
17. Calligraphie. — Les lettres bouclées.
!"<. Gymnastique. — Enseignez la flexion du
corps en avant, — en arrière. — Faites quelques
remarques sur ces mouvements.
IV. ÉTATS-UNIS.
Examen hebdomadaire pour l'obtention dit brevet
primaire dans la ville de New-York.
SUJETS POUR l'iN' DES EXAMENS.
Histoire naturelle. — Les animaux. — Com-
ment les distingue-t-on des végétaux ? Indiquez la
classification des animaux.
Les cai-nivores. — Quels sont leurs caractères
distinctifs ? Nommez les principales familles. Don-
nez des exemples de chacune d'elles.
Classifiez les animaux suivants, en iiidiquant
l'embranchement, la classe, l'ordre ou la famille :
le faucon, le requin, la panthère, le liomard.
Algèbre.
\^4-x = 2 ^'i +x — \lx. Trouver x.
i-\-y3=:Ç)i et X -H y = 7. Trouver . ce et y.
Diviser (6 + ^) par (6-^).
BREVET
— 278
BREVET
Diviser 4S cn deux parties dont le produit soit
432.
Définir les mots coefficient, exposant, racine,
puissance .
Géométrie. — Pour prouver l'égalité de deux
triangles, combien de parties et quelles parties
doivent être démontrées respoctivement égales ?
Combien de cas peuvent se présenter, et lesquels?
Écrivez ces cas dans l'ordre de leur subordina-
tion.
Si un rayon est perpendiculaire à une corde,
quelles sont les deux lignes qu'il coupe en deux
parties égales ? Démontrez sur quelles propositions
antérieures s'appuie cette démonstration. Définis-
sez le cercle, la corde, le rayon, Y arc. Quel usage
particulier fait-on de cette proposition ?
Prouvez que les aires des triangles semblables
sont proportionnels aux carrés construits sur leurs
côtés homologues.
Astronomie. — Définissez la précession. Ses
causes ? Son influence sur la longueur de l'année ?
Son influence sur les positions apparentes des
étoiles ?
Le jour solaire ; ce que c'est. Sa longueur. Diff"é-
rence entre le jour solaire et le jour sidéral.
Pourquoi ?
Définissez ce qu'on entend par révolution syno-
dicale d'une planète. Comment peut-on en déduire
la durée de la révolution sidérale ?
Arithmétique. — Ayant 441 doll. |, j'ai acheté
33 i balles de sucre à G doll. f la balle, et
employé le reste de mon argent à acheter de la
farine à 16 doll. | la balle. Combien ai-je acheté
de balles de farine ?
On a vendu 15 caisses de raisin à3i doll. 50, et
perdu ainsi 8 "/o ; à quel prix aurait-il fallu les
vendre pour gagner 23 | pour cent ?
Quel serait le coût du pavage d'une cour mesu-
rant 25 pieds sur 9, à raison de 12 | le pied carre?
Diviser 1G11,61 par 0,01().
Les fractions ; définition. Différence entre une
fraction ordinaire et une fraction décimale, flxpli-
quer les méthodes à employer pour l'addition, la
soustraction, la multiplication et la division des
fractions.
Physiologie. — Les os; leur composition. Leur
rôle dans l'organisme. Leur structure, leur crois-
sance et leur nutrition.
Qu'est-ce que les glandes de la sueur ? Leurs
fonctions ? Utilité de la transpiration. Action
hygiénique des bains. Danger des cosmétiques.
Grammaire anglaise. — Analyse logique ci
grammaticale de trois phrases données.
Qu'est-ce qu'une proposition ? Une proposition
complexe ?
Géologie. — Qu'entend-on par roche en géolo-
gie ? Comment peut-on classer les roches relative-
ment à leur structure ? à leur origine ? à leur
composition ?
Comment prouve-t-on que deux roches, trouvées
à de grandes distances 1 une de l'autre, sont du
même âge?
Littérature anglaise. — Qu'est-ce qui peut
être regardé comme la première période de la
littérature anglaise ? Indiquez les principaux écri-
vains de cette période.
Bacon. Sa carrière comme homme politique ?
Comme écrivain ? Ses principaux écrits. Influence
du Novum Organion. Ses traits distinctifs comme
auteur.
Addison. Esquisse de sa carrière littéraire.
Ses principaux écrits. Son stj'le.
Leçons de choses. — La forme. Par où doit-on
commencer les leçons sur la forme?
Expliquez par des exemples deux des termes sui-
vants : plane, solide, face, surface, annle.
Quels sont les principaux moyens de faire con-
naître les qualités dos choses ?
Quel est le caractère général de l'enseignement
relatif aux plantes, tel qu'il convient à l'école pri-
maire ?
Quand et comment peut-on employer les exer-
cices simultanés [concert exercices) ?
Principes et méthodes. — Comment doit-on
commencer l'enseignement de la lecture dans la
classe inférieure de l'école primaire ?
De quelle utilité est l'enseignement de l'écriture
phonétique ?
Dans quel but doit-on enseigner l'orthographe ?
Comment peut-on faire comprendre aux élèves
la signification des mots ?
Quel doit être le caractère général de l'enseigne-
ment de la géographie dans les écoles primaires ?
Philosophie naturelle. — Définissez la matière.
Définissez la force. Qu'est-ce que la philosophie
naturelle ? En quoi diffère-t-elle de la chimie ?
Définissez la molécule. Définissez la masse.
Nommez quelques-unes des forces qui agissent sur-
la matière. Quelle espèce de forces agissent sur
les molécules de matière ? Quelle espèce de lorces-
agissent sur la matière en masses ?
Définissez le son. Indiquez-en l'origine, le mode
de transmission, la vitesse dans l'atmosphère.
Comment cette vitesse varie-t-elle dans l'air? dans
d'autres milieux ?
SUJETS POUR IX AUTRE EXAMEX HEBDOMAD.\inE
(XENV-YORK).
Algèbre.
x^i/i= 180 — Sjy ; œ-j- 3y = 11. Trouver x et y.
Additionner
x—y
y -
Trouver trois nombrestels qu'ils soient entre
eux comme 5, 7 et 9, ei que la somme de leurs
carrés soit 620.
Principes et méthodes. — Expliquer la meil-
leure méthode d'enseigner l'alphabet.
Quel est l'avantage de la méthode phonétique
pour l'enseignement de la lecture et de l'ortho-
graphe ?
Comment doit être dirigé un exercice d'ortho-
graphe ?
Comment doit-on enseigner la division simple ?
Quelles simples' règles avez-vous îi donner rela-
tivement à la discipline ?
Géologie. — Qu'est-ce qu'un fossile ? Qu'est-
ce que la paléontologie ? Nonmiez quelques roches
et minéraux entièrement organiques, et d'autres
partiellement organiques.
Comment explique-t-on la stratification des
roches ? Les roches ignées sont-elles jamais stra-
tifiées ?
Quels changements importants marquent la fin
de la période carbonifère ? Y a-t-il probabilité que
ces changements aient dû être lents ou rapides ?
Comment le sait-on ? Quand et comment l'anthra-
cite a-t-ello probablement perdu son bitume.
Leçons de choses. — Donnez un exemple d'une
leçon sur VépoJiye. Quel doit ■ être le résultat
obtenu par cette leçon ?
Donnez un exemple d'une leçon sur la couleur.
Comment doivent être données les leçons sur
la forme ?
Comment vous y prendriez-vous pour enseigner
la signification de mots tels que fibreux, poreux,
transparent, etc. ?
Quel genre de leçons serait le plus approprié à
BREVET
279
BREVET
faire acquérir les notions fondamentales de la
géographie ?
Histoire naturelle. — Les quadrumanes. —
Leurs caractères distinctifs ; leur classification.
Indiquez un individu de chaque famille.
Les rongeurs. — Leurs particularités. Exemples.
Indiquez la classe, l'ordre et la famille auxquels
appartiennent chacun des animaux suivants : le
bison, le chameau, la baleine, le cheval, le castor.
En quels ordres est divisée la classe des insec-
tes ? Expliquez la signification des noms emploj-és
pour désigner ces ordres. Donnez des exemples
d'insectes appartenant à chacun d'eux.
Classifiez les animaux suivants, en indiquant
l'embranchement, la classe, l'ordre et la famille :
l'ours, le phoque, le gorille, le ver à soie, la
mouche.
Arithmétique. — On a vendu un terrain à 140 fr.
l'acre, et on perd par là(i | "/q. Combien pour cent
aurait-on gagné si on l'avait vendu à raison de
175 fr. l'acre ?
Combien do rouleaux de papier, contenant cha-
cun 9 I yards sur ï yard de large, faudrait-il pour
tapisser les parois d'une chambre de 30 pieds de
long, lô pieds de large, et 9 § pieds de haut, en
déduisant un quart de l'espace pour les portes et
les fenêtres?
Si un globe d'or d'un pouce de diamètre vaut
120 fr., combien vaudra un globe de 3 | pouces de
diamètre ?
Divisez 2 | par | de 1 g ; ajoutez * au quotient ;
et divisez la somme par 0,0U2ô.
Qu'est-ce que \q pourcentage? Quelles en sont les
principales règles ? Analysez la méthode employée
pour trouver la proportion d'un nombre à un autre
nombre en tant pour cent.
Astronomie. — La forme de la terre. Comment
la détermine-t-on ? Comment et pourquoi les arcs
de méridien varient-ils ?
Définissez les éclipses. Différence entre celles
de soleil et celles de lune.
Indiquez cinq dos principales constellations d'hi-
ver visibles à New- York. Comment les reconnaît-
on ? Nommez leurs plus brillantes étoiles.
Les marées, leurs causes. Intervalles entre les
hautes marées successives. Pourquoi?
Physiologie. — La peau, son rôle, sa structure.
Différence entre \p derme et l'épiderme. Cause de
la différence des teints.
Décrivez les bronches, la trachée-artère, l'épi-
glotte, le larynx, les cordes vocales. Indiquez les
fonctions de chacun de ces organes.
Indiquez quelques-unes des maladies qui peu-
vent alfecter les organes de la respiration, et les
moyens de s'en préserver.
Le système nerveux, ses fonctions. Les organes
dont il se compose. Qu'est-ce qu'un nerf? un gan-
glion ? Décrivez le tissu nerveux. Décrivez la
moelle épinière.
Géométrie. — Si deux lignes droites sont cou-
pées obliquement par une troisième, à quelles
conditions les deux premières seront-elles paral-
lèles? Démontrez votre réponse.
Qu'est-ce qu'un angle inscrit? Quelle en est la
aesure ? Démontrez. Sur quelles propositions anté-
rieures s'appuie cette démonstration ?
Quels sont les principes de géométrie, théo-
rèmes, etc., dont on fait usage pour partager une
ligne droite en deux parties égales ? Pour tirer
une parallèle ;\ une ligne donnée, en passant par
un point extérieur donné ? Pour trouver le centre
d'un cercle donné ?
A quoi est égale l'aire d'un trapézoide ? Démon-
trez.
Prouvez que les segments de deux cordes cou-
pant un cercle sont réciproquement proportionnels.
Philosophie naturelle. — Définissez la cohésion.
Quelles autres propriétés de la matière en décou-
fent ? Donnez un exemple de la puissance de la
lorce de cohésion.
Définissez un solide. Quelle est la forme prédo-
minante de la force moléculaire qui détermine
l'état solide ? Dites quelques-unes des propriétés
caractéristiques des solides.
Définissez un liquide ; dites d'où provient sa
mobilité?
Définissez un gaz. Dites quelques-unes des prin-
cipales propriétés des gaz.
Définissez le pendule ; indiquez -en l'emploi.
Quelle est la longueur d'un pendule qui fait deux
oscillations par seconde (en négligeant les déci-
males) ? Dites la loi du rapport de la durée de
l'oscillation à la longueur du pendule.
Indiquez les parties essentielles d'une machine
à vapeur. Comment s'j' j)rend-on pour faire de la
vapeur une Jorce motrice ? En quoi une machine
à haute presion diffère-t-elle d'une machine à
basse pression ? A quel genre de machines appar-
tient la locomotive ?
Littérature anglaise. — Shakespeare : particu-
larités de sa biographie ; ses ouvrages. Influence
de ses écrits. Leur caractère.
Écrivains contemporains de Shakespeare ; nom-
mez en quelques-uns et indiquez leurs principaux
ouvrages.
Dryden : son époque et ses contemporains. Ses
principaux poèmes ; qu'ont-ils de remarquable ?
Donnez quelques détails sur Edward "i'oung et
ses œuvres.
Dites ce que vous savez de Thomas Campbell.
Grammaire anglaise. — Analyse logique et
grammaticale de trois phrases données.
Définissez le mode subjonctif. Indiqtiez l'origine
de ce terme. Donnez des exemples de l'emploi
de ce mode. Donnez une règle concernant cet
emploi.
V. HOLLANDE.
Examen de con^'ours pour la nomination (fun
instituteur primaire à l'école communale de
Hemelum, le 29 septembre 1877.
Examens écrits.
Calculs. — 1. Un marchand achète 4000 kilogr.
de café à 10 sous le kilogr. Il revend ce café avec
9 p. 100 de bénéfice, et à condition de recevoir une
partie du prix comptant et 155 florins dans 4 mois.
A quel prix a-t-il revendu son café ?
2. Un marchand de blé achète quelques chars
de froment. 11 en revend les 3;.S à 250 florins et le
reste à 300 florins le char. Au total il gagne à cette
opération une somme de 24 florins ; la perte qu'il
a faite sur sa première vente est au gain qu'il a
fait sur la seconde comme 1 est à 2. Combien
avait-il payé le char de froment?
3. Les facteurs premiers d'un nombre sont a, b,
c et d. On demande de déterminer la formule qui
donne le chifl're de tous les diviseurs possibles de
ce nombre.
Comme application, calculer le chiffre des di-
viseurs de à 534.
4. Comment expliquez-vous à vos élèves que
5/3 X 4/5 = i</15. Regardez-vous comme nécessaire,
après cette explication, de donner la règle pour
multiplier deux fractions? Oui ou non, et pour-
quoi.
Géométrie. — Qu'est-ce qu'un solide régulier;
quels sont-ils et pourquoi n'y en a-t-il pas davan-
tage ?
2. On demande la façon de déterminer la dis-
tance entre deux points, lorsqu'un seul de ces
points est accessible.
Langue. — Un morceau de poésie (6 vers) étant
donné, le transcrire en prose. Faire l'analyse
BREVET
— 280 —
BREVET
grammaticale du morceau entier, et l'analyse lo-
gique des trois derniers vers.
Géographie. — Dessiner une carte du Rhin,
de la Meuse et de l'Escaut, en tant que le cours
de ces fleuves appartient à la Hollande.
Histoire. — Etat de la Hollande à l'époque de
Guillaume I".
Sciences naturelles — La foudre et le para-
tonnerre.
Chant. — Indiquer le ton dans lequel sont
écrits les n'" 1, 2, 3, 5, G, 9 et 12 du recueil do
chants de Hol.
Transposer la première voix du n" 19 en la ma-
jeur.
Calligraphie. — Une ligne d'écriture.
Examens oraux.
Lecture de morceaux de prose et de poésie du
TCcueil Een binemkran'-.
Question de grammaire sur les morceaux lus.
Calcul : problèmes à résoudre et à expliquer de-
vant les élèves.
Théorèmes élémentaires de géométrie.
Histoire de l'Europe depuis 1500.
Examen de concours pour l'enseigjiement primaire
supérieur [Meer uitgehreid Loger Onderwijs),
à Vlaardingen, les 17 et 18 septembre 1877.
Langue hollandaise. — Morceau de poésie assez
étendu |3G vers) d'un auteur du xvii'^^ siècle, Reijer
Anslo, à transcrire en prose, avec explication d'un
certain nombre de mots difficiles.
Arithmétique. — 1. In négociant a aclieté des
marchandises à 1 florin -il et i florin ;iO le kilogr.,
pour une somme de "2114 florins 16. Il les revend
toutes au prix de 1 florin hb le kilog., et par là
gagne sur les premières 6 florins 76 de moins que
sur les secondes. Combien de kilog. avait-il
achetés ?
2. Par l'application de diverses propriétés des
proportions, trouver la valeur de a dans :
a — .3 : \la + n = l\a-\--è : 4a + 48.
3. Quelqu'un veut laisser à sa mort une somme
de lOOUÛ florins à ses liéritiers ; combien aura-t-
il à payer à une compagnie d'assurances, la durée
probable de sa vie étant estimée ;'i 20 ans, et l'in-
térêt étant compté à h "/„ ?
4. Démontrer que la cinquième puissance d'un
nombre a toujours dans la colonne des unités le
même cliiffre que ce nombre lui-même.
Algèbre. — 1. Quelle est la valeur de xdansl'é-
quation suivante :
5 l.S . 45 1.35 , ^ „ 2
— ; — \- etc. = X — .3 -•
15 45
x^ ^ r'
2. Résoudre la fraction
l^}i-
\Ï7i'- — .3f>
4/2-' — l'hi'-^ -r- 6?i -r 6
en la somme de trois autres fractions.
3. Résoudre la fraction ?A- en la somme de deux
fractions ayant pour dénominateurs 7 et 11.
Composition. — Exposez votre opinion sur les
récompenses et les punitions dans l'école, relati-
venipnt à l'ordre et à la discipline scolaires.
Géographie. — Considérations sur le sol de la
Hollande et sur l'état de choses (|ui en résulte.
Sciences naturelles. — l. Expliquez aux élèves
d'une classe supérieure le mécanisme de la presse
hydraulique.
2. Indiquez aux mêmes élèves la classification
des oiseaux, en disant quelque chose des princi-
paux caractères d'un certain nombre d'entre eux.
Langues étrangères. — Traduction en anglais,
en français et en allemand de trois morceaux en
prose, d'une difficulté moyenne.
Vr. PRUSSE.
ÉCOLE NORM.\LE D'INSTITUTEIRS A HAI.BERSTADT.
Sujets au clioix pour l'examen des aspirants au
poste d'instituteur (à titre provisoire).
1. Pédagogie. — 1. Principes de l'enseignement
de l'histoire sainte.
2. Rôle de l'insiituteur.
3. Des punitions comme moyen d'éducation.
4. Eberhard de Rochow et son influence sur
l'instruction primaire en Prusse.
5. Bases de l'éducation de la volonté.
6. De l'emploi du livre de lecture.
7. L'éducation et la liberté morale.
8. Quelles décisions officielles règlent l'ensei-
gnement primaire en Prusse et quel en est le con-
tenu?
II. Religion. 1. Explication du Décalogue par
Jésus-Christ, dans le Sermon de la montagne.
2. Commentaire de la deuxième demande conte-
nue dans l'oraison dominicale.
3. Du gouvernement divin dans l'univers.
4. L'apôtre Je^n.
5. La première Epître aux Corinthiens ( ré-
sumé).
6. Parabole de l'Econome infidèle.
7. « Je crois ;\ la vie éternelle. »
8. « Je suis le Dieu tout-puissant, marche de-
vant moi et sois pieux. »
in. Langue et littérature allemandes.— l.'Vie,
œuvres et iniporiance littéraire des poètes du Got-
tinger Hainhund.
2. « C'est dans ton cœur que luit l'étoile de ta
destinée. » (Schiller.)
3. « Celui qui se plaint de s'ennuyer s'accuse
soi-même. »
4. Dans quelles œuvres éclatent plus spéciale-
ment la puissance et la dignité de la poésie du
moyen âge?
5. Quels sont les écrivains allemands qui méri-
tent plus spécialement une place dans les recueils
de lecture pour l'école primaire ?
6. L'idée de la fidélité dans les anciennes légen-
des populaires allemandes.
7. L'enseignement de la langue allemande dans
les écoles prit laires, son but, et les moyens à em-
ployer.
ÎV. Calcul (t géométrie. — l. Deux sommes
représentant ensemble 1 1 ,040 marcs sont exigibles :
l'une au bout d'un an et 13, l'autre au bout de
deuxar.s et 7 9. On paie les deux sommes immédia-
tement, mais on relient un escompte du 5 0/0 pour
la première et du 4 1/2 0/0 pour la seconde. Le
total des deux sommes ainsi payées étant de 10,000
marcs, on demande quel est le montant de cha-
cune d'elles?
2. Calculer la force d'ascension d'un ballon rem-
pli de gaz d'éclairage et mesurant G'", 2 -de diamè-
tre. L'enveloppe pèse 20 grammes par centimètre
carré ; 1 mètre cube d'air pèse l''',3.
3. Résoudre ces deux équations :
x^Xy- = 120l
xg = GOO
4. Etant données les dimensions des trois côtés
d'un triangle, en déterminer la forme.
5. Cercles inscrits et cercles circonscrits.
G. L'octaèdre.
V. Sciences naturelles. — 1. La poulie et lo
treuil.
2. La pression atmosphérique.
3. Appareils pour la transmission des sons.
4. Des systèmes de chaulVage.
5. L'azote.
0. L'œil et la vue.
BREVET
— 281 —
BREVET
7. Les organes de la respiration chez les ani-
maux vertébrés.
8. Structure et classification des animaux arti-
culés.
9. Les plantes bulbeuses et leurs types princi-
paux.
10. Distribution géographique des végétaux.
11. CompoMtion cliimique des plantes.
12. Les se;di minéraux.
VI. Histoire universelle. — 1. La deuxième
guerre punique et ses causes.
2. Lutte du Croissant contre la Croix.
3. L'empereur Frédéric I*' de Hohenstaufen.
4. Comment le Sclileswig et le Holstein sont de-
venus provinces prussiennes ?
5. La première croisade et ses causes.
6. Comment les Hohenzollern sont-ils devenus
rois de Prusse et empereurs d'Allemagne ?
VII. Géographie. — 1. Superficie de Ihémi-
sphère oriental.
2. La basse Europe.
3. La haute Asie.
4. Configuration naturelle de rAmérifjue.
5. Le Danube.
6. L'océan Atlantique.
7. CJassification des corps célestes.
8. Les cours d'eau de l'Allemagne.
9. Configuration du sol de la Prusse.
10. Le soleil.
VIII. Musique iV^ division' . — 1. Préludes pour
les chorals ci- dessous :
Dank sei Gott in der Hij/ie.
Fahre fort. etc.
Wie gross ist des Allmàchtigen Gide, etc
Es ist gewifslic/i an der Zeit, etc.
2. Ecrire l'harmonie de l'un de ces chorals
(2* division):
Eùie feste Burg ist U7iser Gott
Went wir in /tôchsten Nôt/ien,etc.
So gehst du nun mein Jésus /an.
Arranger les mélodies de ces chorals avec plu-
sieurs basses, ou bien à quatre voix en se servant
de la 2= basse.
SUJETS AU CHOIX POUR L'EXAMEX DES ASPIR.WTS AU
POSTE d'instituteur (à titre définitif).
1. Pratique scolaire. — 1. Uùitérèt, comme
meilleur moyen d'accélérer les progrès des élèves,
et comme but de l'instruction.
2. L'enseignement intuitif doit-il exister dans
l'école primaire comme branche spéciale d'ensei-
gnement'? quels sont les pédagogues qui se pro-
noncent pour l'affirmative et ceux qui se pronon-
cent pour la négative ?
•3. D'après quels principes et do quelle façon
doit-on donner un enseignement méthodique de la
calligraphie?
1*1. Instruction religieuse. — 1. Exposé de l'é-
vangile du r*^ dimanche après la Trinité.
2. Quels récits, sentences bibliques et versets
de cantiques choisiriez-vous en traitant de ce pas-
sage du catéchisme : >^ Je crois que Dieu me sou-
tient »?
3. Quels sont les cantiques composés par Lu-
ther? comment peut-on les classer? et quels sont
les passages de l'Écriture qui les ont inspirés?
Donner un exemple comme spécimen.
III. Autres branches d'enseignement. — A.
Histoire : 1. Quelles sont les méthodes que vous
connaissez pour l'enseignement de l'histoire ? Ca-
ractérisez chacune d'elles. Laquelle préférez vous
et pourquoi ?
2. Jugez-vous convenable d'enseigner l'histoire
h l'école primaire en rattachant cet enseignement
à certains anniversaires? Quels sont les anniver-
saires que vous choisiriez pour l'histoire de la
Prusse? Quel souvenir vous rappelle le 18 juin?
3. Comment traiteriez-vous l'histoire des croisa-
des dans la classe supérieure d'une école de trois
divisions? (Spécimen de préparation).
B. Allemand: 1. L'enseignement de i orthogra-
phe à l'école primaire.
2. Convient-il de traiter à l'école primaire de la
nature de la langue poétique? En cas d'affirmative,
il quel degré de l'enseignement et dans quelles
proportions?
;i. Commenter, pour les élèves, la chanson de
Uhland : Ich hatt' eiiien Kunieraden.
i. Quel est le poète dont vous pourriez esquisser
la biographie à l'école primaire? (Donnez-en une
idée par un exemple.)
C. Géographie : 1. Esquisser le programme des
premières leçons de géographie nationale.
2. Préparation écrite pour traiter le sujet sui-
vant dans la classe supérieure de l'école primaire:
■' La configuration naturelle de l'Europe ».
•'!. Le Harz.
D. Calcul : 1. L'enseignement du calcul à l'é-
cole primaire par les procédés intuitifs.
2. La règle de trois, sa nature et sa place dans
l'enseignement du calcul.
3. La division des fractions.
E. Géométrie : Quels principes de géométrie se
rattachent au cube?
2. Le développement de la spiiére sur la base
de l'intuition.
3. Le théorème de Pythagore et son explication
dans l'école.
F. Physique ; 1. Le rouet comme type de la ma-
chine.
2. Les jouets de l'enfant utilisés comme appareils
de physique.
3. La foudre et le paratonnerre.
G. Chimie : 1. Les désinfectants.
2. Les substances chimiques employées dans la
photographie.
3. Des matières d'éclairage fournies par les trois
règnes de la nature.
H. Histoire naturelle: 1. Les essences forestiè-
res d'Allemagne.
2. Le cœur et la circulation du sang chez les
animaux vertébrés.
3. La main humaine et le pied de l'animal.
vu. SAXE (ROYAUME).
ÉCOl.E NORMALE d'iNSTITUTEURS A .^.VXABERG.
Examen des candidats à l'enseignement (Schul-
amts-Kandidaten), subi à la sortie de l'École
normale, automne de \%'\ (candidats divisés en
8 sections).
Épreuves écrites.
I. Composition allemande. — L'Oraison domi-
nicale envisagée comme la prière-type.
II. Catéchétique. — Sujets : Matthieu, X, 32 ;
Luc, X. 42 ; Jean, VI, "08-09; Jean, VIII, 51;
Jean, XIV, 6 ; 1" aux Corinthiens, X, 12, etc.
(Chaque candidat a un sujet différent à déve-
lopper.)
III. Sujets de leçons d'épreuve i par écrit) :
La mort de saint Jean-Baptiste. Les chemins de
fer en Saxe. Formation dc'^ propositions simples.
Les impressions de Pierre h l'étranger. Les nou-
veaux poids. Le lion.
La baleine. La mort de Gustave-Adolphe. For-
mation des propositions subordonnées. Les luttes
pour l'indépendance nationale de 1813 à ISlô. Le
paratonnerre.
Le télégraphe. L'ours. La fondation du Gustav-
Adolphs-Verein. La mort de Luther. Transforma-
tion d'un morceau de lecture en propositions
simples. Les bases de la classification botanique de
Linné.
Le cœur et la circulation du sang. Narration d'un
BREVET
— 282 —
BREVET
conte do fées (le Jouot de la fille du géant}. Les
nouvelles mesures de capacité. La mort de César.
Les lacs de la Suisse. Transformation des phrases
d'un morceau de lecture en phrases interroga-
tives.
Conjugaison du verbe. Le singe. La légende de
Riibezahl. Le comte de Zinzendorf. Les lacs de
l'Amérique du Nord. Le jugement de Salomon.
Déclinaison du substantif. Comment lo soleil déter-
mine les saisons. La légende de Han-asspi-ung.
Nos animaux domestiques. Le sirocco et le simoun.
Le cours de la Muldc de Zwickau.
Les Vaudois. La diète de \\ornis. La légende
des lemmes de Weinsberg. Les lacs de la Haute-
Italie. Les degrés de comparaison des adjectifs. Le
crocodile.
La conversion de Saint-Paul. Les districts honil-
1ers de l'Allemagne. Le désert du Saliara. Les
nouvelles mesures de superlicie. Les lacs de l'Asie.
Le prophète Elie.
IV. Problèmes d'arithmétique. — 1. A, B et C
mettent en commun, pour une entreprise commer-
ciale, une somme do l.i iOU thalers. A. fournit la
moitié de la somme. B. fournit 20 o/p de plus que C.
L'opération commerciale achevée au bout de deux
ans et demi, ils partagent un bénéfice de -j ô4ô tha-
lers. à proportion de leurs mises de fond, après
que A et B ont prélevé l'intérêt du surplus de
leur apport au taux de 2%. Combien chacun d'eux
reçoit-il ?
2. Le 5 juillet 18i2 on a prêté à un négociant les
sommes suivantes :
400 thalers jusqu'au 5 novembre . .
200 — ô janvier 18 i3
400 — 5 mars
800 — 5 avril
à
S o/o.
4 —
il —
(i —
Le créancier désire que ces sommes lui soient
remboursées toutes ensemble à une même date,
avec les intérêts. On demande : a) à quelle date
ce remboursement pourra avoir lieu sans qu'il en
résulte pour le négociant ni porte ni bénéfice? b)
à quel taux moyen les intérêts doivent être cal-
culés ? c quelle somme le débiteur a à payer?
3. Un tailleur a payé pour 29 aunes de drap
13 louis d'or et 2G thalers 2T neugrosclien ; une
autre fois, pour 37 aunes du même drap il a payé
17 louis d'or et y2 thalers .1 neugroschcn. On
demaiide : 1° à quel cours les louis d'or ont été
acceptés ; 2° quel est le prix de l'aune de drap.
V. Géométrie et physique. — I. Méthode
de comparaison des longueurs entre des lignes
droites.
2. Partager harmoniquement, par le calcul et par
la construction, une ligne droite donnée a, lorsque
la 1" partie b est donnée.
3. Quelle est la longueur du rayon d'un cercle
qui peut être tracé autour d'un carré de Ji cent.
de côté ?
4. Un charron doit faire les roues de devant
d'une voiture d'une dimension telle qu'elles accom-
plissent -50 tours pendant (jue les roues de der-
rière en accomplissent iiO Si les roues de derrière
ont 0'",1I72 de haut, quelle doit être la hauteur
des roues de devant ?
5. Un cric a une manivelle de 8 ponces de lon-
gueur, à laquelle est adaptée une roue dentée
de 2 I pouces de diamètre, qui s'engrène dans unt;
autre roue de 8" de diamètre. A l'axe de cotte der-
nière est adaptée une petite roue dentée de deux
pouces de diamètre, qui s'engrène dans les dents
de la barre verticale. Quel poids peut-on soulever
avec ce cric au moyen d'une force de 40 clievaux,
et combien de tours la manivelle doit-elle donner
pour élever ce poids à la hauteur di; "J pieds?
6. Une boule au repos est mise en mouvement,
avec une vitesse nui s'accroît de 1°\2 nar seconde.
Quelle est sa vitesse au bout de 10 minutes, el
quelle distance a-t-ellc parcourue au bout de ce
temps ?
7. Un corps est lancé en l'air verticalement, avec
une vitesse initiale de 2.S0'. On demande :
1" Quelle est sa vitesse au bout de h secondes?
2» Quelle hauteur il aura atteint au bout do
6 secondes?
30 Quelle est la plus grande hauteur qu'il at-
teindra ?
4" En combien de secondes après l'instant où il
a été lancé il sera retombé à terre ?
8. Le tube d'un manomètre à mercure a une lon-
gueur de IS centimètres. On veut le diviser de
telle sorte qu'on puisse y lire une pression allant
jusqu'à 6 atmosphères , chaque degré ayant la
valeur d'une demi-atmosphère. Comment doit-on
procéder?
VI. Musique. — Transcrire un choral chiffré
dans quatre tons différents, y ajouter un accompa-
gnement, et le faire précéder d'une cadence dans
les accords propres à cliar|ue ton, ou d'un prélude
sur un motif emprunté au choral.
Épreuves orales.
(Nous nous bornons à indiquer les sujets sur
lesquels ont été interrogés les candidats de l'une
des huit sections qui se présentaient à l'examen).
2" SECTION.
I. Religion, connaissance de la Bible et his-
toire ecclésiastique. — Les paraboles do Jésus
dans l'Evangile de Matthieu, chap. xiv, comme
retraçant l'histoire du royaume de Dieu dans ses
grandes époques. Le plan de Jésus développé dans
l'histoire de la tentation : ce n'est point par le
pouvoir des miracles, qui ne donne que des biens
terrestres (solution sociale), ni en se mettant à la
tête du clergé juif (solution cléricale), ni en se ser-
vant du pouvoir royal temporel (solution pr)liii(|ue),
que le Seigneur veut devenir le rédempteur du
monde ; c'est comme le prophète de l'iimnanité
perdue, comme le grand-prêtre qui s'offre lui-même
en sacrifice, comme le souverain du royaume de
l'humanité.
II. Pédagogie. — A. Tiiéorie de l'éducation :
Le principe anthropologique de l'éducation.
1. Principe général. L'homme, comme objet de
l'éducation, en a besoin et est capable de la rece-
voir. Les honmies pécheurs ne sont pas encore des
hommes perdus. Le Seigneur les cherche. Luc,
chap. XV. L'homme dont il s'agit de faire l'édu-
cation est baptisé. Signification pédagogique du
baptême. Le baptême est la base du travail édu-
catif, la garantie de son succès, et crée l'obligation
de l'éducation, i"-" Ep. à Timothée, III, l.')-17.
2. Principe particulier : L'homme n'est pas un
exemplaire d'une espèce, mais un individu, qui
doit être développé et amené à la personnalité.
Education et développement naturel. But : culture
morale et caractère. Diflërence entre- la culture
(Bildung) et l'éducation [Erziehung). La première
est l'exercice d'un art, la seconde est un acte
moral. Le but de la culture est esthétique, le but
de l'éducation est éthique.
B. Logique. L'idée (Begri/f) ; son contenu, son
étendue. Idées simples et composées. Idées con-
crètes et abstraites, di.sjointes et disparates, ana-
lytiques et synthétiques ; détermination et abstrac-
tion des attributs.
C. Méthodique et pédagogie pratique. — L'en-
seignement concret Histoire de l'enseignement
concret. Histoire de l'enseignement inductif. Amos
Comenius. Basedow. Pestalozzi.
III. Calcul. — Solution de problèmes de calcul
mental.
IV. Langue allemande. — \. Grammaire : La
orose; ce ciui la distingue delà poésie; ses difl'é-
BREVET
— 283 —
BREVET
rents genres. Les genres objectifs de la prose :
narration, conte, fable. La poésie didactique, son
histoire, ses caractères.
B. Littérature : Lessing et le Laocoon.
V. Realien. — A. Géographie : L'axe de la terre
est incliné sur l'orbite terresti'e, et demeure tou-
jours parallèle à lui-même.
B. Histoire : La fin du moyen-âge ; les décou-
vertes, en particulier celles des Portugais.
G. Physique : La réflexion en acoustique et en
optique. Les lois de la réflexion, exposées avec dos
expériences à l'appui.
VI. Géométrie. — Poser une équation destinée
à calculer le cosinus d'une différence d'angle.
ÉCOLE NORMALE d'iXSTITUTEURS A ANNABERG.
Examen pour le brevet de capacité, subi par des
postulants at/ant df'jà deux ans de pratique de
l'enseignement. Seutembre 1871. (41 postulants
divisés en 7 seclv-ns.)
Epreuves écrites.
L Composition allemande. — Un bon maître
ne doit jamais regarder ses études comme aclio-
vées.
IL Catéchétique. — Sujets : Esaïe , LX, I ;
Esaie, LX, 2 ; Genèse, III, 1.^ : Deutéronome, VI, ô ;
Esaïe. VI, !) ; Deutéronome, VI, f;-7., etc.
(Chaque candidat a un sujet différent à déve-
lopper.)
III. Sujets de leçons d'épreuve (par écrit). —
Les Thermopyies et Léonidas. Indiquer les sujets
des propositions dans un morceau de lecture.
L'arc-en-ciel. Narration d'après la ballade Die
Biirgschaf't, de Scliiller. Explication des noms des
mois. La fable.
Le labyrinthe et Tliésée. Indiquer les complé-
ments dans un morceau de lecture. Narration
d'après la ballade Der Abt zuSt. Galltn, de Biirger.
Explication des noms des jours de la semaine. La
mon de Socrate. Le cheval.
Le cours de la Zscliopau, Les pronoms relatifs
dans un morceau de lecture. Les armoiries
de la Saxe. Napoléon à Sainte-Hélène. Les noms
des monnaies saxonnes. La pesanteur de l'eau.
La mort de Wallenstein à Egra. L'Ammergau.
Crésus et Selon. Les trois anneaux du Nathan de
Lessing. Les pyramides d'Egypte. Le mouton. Les
conjonctions dans un morceau de lecture. Fabricius
et Pyrrhus. Transcription en prose d'une stroplic
de poésie. La chute du Rliin à Schaffhouse. Le
corail.
Les nouvelles mesures. Le lac de Constance.
« Annibal est aux portes. » La pesanteur de l'air.
Les perles. Les parties principales d'une église et
leur signification symbolique.
Le serpent. L'orphelinat de Halle. L'éclipsé de
lune. Les roses de la landgrafin Elisabeth. L'aigle.
IV. Problèmes d'arithmétique. — 1. Combien
de temps 920 thalers doivent-iis rester placés au
taux de 4 I %, pour que le capital et lès intérêts
réunis atteignent le chiffre de 1030 thalers 18 neu-
groschen !) pfennigs ?
2. Trois créanciers ont à réclamer d'un débiteur
les sommes suivantes :
A. 800 thalers et intérêts au 4 "/o pendant 1 anet6mois;
B. 1200 — ai _ 2| ans;
C. 1600 _ 4 _ ianetSmois.
Pour se rembourser de leurs créances, ils n'ont
à partager qu une somme de 1>5G thalers tô neu-
groschen 9 pfennigs. Combien revient-il à chacun?
3. Un instituteur disait : Si j'avais I i fois
autant d'élèves que j'en ai en réalité, plus 10, le
nombre que j'aurais serait supérieur à 8i de la
même quantité que le nombre actuel est inférieur
i 85. Combien cet instituteur avait-il d'élèves?
V. Géométrie et physique. — 1. Sur la manière
de traiter de l'égalité des triangles dans l'école
primaire.
2. Construire un angle droit de façon à ce que
ses côtés passent par deux points donnés a et 6,
et que son sommet aboutisse à une ligne droite
donnée cd.
3. D'un point p tirer une tangente à un cercle.
Quelle sera la longueur de la tangente du point
p au point de tangence t, si la distance du point /)
au centre du cercle, soit pc, et le rayon de ce
cercle et ont les valeurs suivantes :
l" et = 0'",124;
cp = 0'°,-,',S06;
2° et = 0"',32;
cp = ô^/JS.
4. Quel doit être le diamètre d'une meule, pour
qu'elle fasse 1 10 tours à la minute, et que la vitesse
de la périphérie soit de 7"", .S?
3. Si aux trois angles d'un triangle isocèle agissent
trois forces ayant une direction verticale de haut
en bas. et répai-ties ainsi : aux doux extrémités
de la base, deuï forces égales de .t8 chevaux cha-
cune, et au sommet une force de 60 chevaux ; quel
doit être le point de suspension de ce triangle,
si on veut qu'il prenne une position horizontale?
(j. Si la vitesse finale d'un corps mis en mouve-
ment durant 5 secondes avec une vitesse accélérée,
est de 20 mètres, quelle a été sa chute durant la
première seconde, et quel espace a-t-il parcouru
durant chaque seconde isolément?
7. Pour trouver le poids spécifique du bois de
peuplier, on lie ensemble un morceau de ce bois
pesant .^0 grammes et un morceau de fer pesant
dans l'eau 100 grammes. Les deux corps réunis ne
pèsent l'un dans l'autre que 'J 15^79. Quel est le
poids spécifique du bois de peuplier ?
Epreuves orales.
(Nous nous bornons à indiquer les sujets sur
lesquels ont été interrogés les postulants de l'une
des sept sections qui se présentaient à l'examen,)
1"^ SECTIOX.
1. Religion: connaissance de la Bible et his-
toire ecclésiastique. — Le royaume de Dieu et
son fondateur. Sa doctrine est la religion chrétienne.
Idée de la religion. Stijet et objet de la religion.
L'homme et Dieu. L'idée de Dieu. Source de la
connaissance de Dieu. La révélation (nature,
conscience et histoire). Athéisme et matérialisme.
Panthéisme. Déisme et rationalisme. Le théisme.
II. Pédagogie. — 1. Méthodique spéciale : Los
méthodes de lecture.
2. Théorie de l'éducation : But de l'éducation.
Culture de l'homme. Education physique et intel-
lectuelle.
;{. Questions de psychologie et de logique.
III. Calcul. — Problèmes de calcul mental.
IV. Langue allemande. — Les périodes. Leur
classification et leurs caractères distinctifs.
Histoire littéraire : Les principaux poètes. La
traduction de la Bible d'Ulpliilas et son histoire.
V. Realien. — 1. Histoire : Démontrer qu'une
constitution républicaine ne comporte pas toujours
une politique pacifique à l'extérieur et la liberté à
l'intérieur ; preuves tirées de l'histoire de Rome,
de Venise et de la France.
2. Géographie : Le trajet d' Annibal d'Espagne en
Italie, par la Provence.
;!. Histoire naturelle : Les atomistes de l'anti-
quité et des temps modernes. La théorie atomis-
tique dans la physique et la chimie. Atome et
molécule.
VI. Géométrie. — Construire un triangle rec-
tangle , étant doimés l'hypoténuse et la somme
des perpendiculaires.
BREVET
— 'IHi —
BREVET
VII. Musique. — Epreuves de jeu d'orgue, de
piano et de violon; épreuves de chant; interroga-
tions sur la théorie de l'iiarmonie.
VIII. Epreuves pratiques d'enseignement et do
catéchisation.
YIII. SAXE-GOTHA.
ÉCOLE NORMALE n'iNSTITUTELRS A GOTHA.
Examens de sortie, Pâques 1S7U.
Examens écrits.
1. Religion. — Développements catochétiques
sur saint Jacques, chap. i, l4-l5 (ô heures).
II. Pédagogie. — L'imagination ; sa nature, son
rôle, sa culture (6 heures).
III. Dessin. — Esquisse d'une carte murale
d'Europe, ou dessin à la craie d'après le plâtre,
au choix (3 heures).
IV. Géométrie. — 1. Dessiner un carré qui soit
trois fois aussi grand qu'un carré donné.
2. La tangente est moyenne proportionnelle entre
la sécante entière et la partie extérieure ^à démon-
trer).
3. Quel est le volume d'un cône dont le rayon a
24 centimètres, si l'angle à la base est de 3U°48' ?
^3 heures^
V. Arithmétique. — 1. A.. B. et C. doivent par-
tager entre eux une somme de 1000 marcs. A. doit
recevoir | de plus que B., moins 'ÎO marcs, C. doit
recevoir * de moins que A. et B. ensemble, plus
20 marcs. Combien chacun d'eux a-t-il reçu ?
2. Autour d'un lit de fleurs de forme rectangu-
laire, dont les côtés mesurent 3 et 4 mètres,
■s'étend une bande de gazon, qui a partout la même
largeur, et dont la superficie égale 10 fois celle du
lit de fleurs. Quelle est la largeur de cette bande
de gazon ?
3. Quelqu'un doit rembourser au bout de 5 ans
un capital de 2760 marcs Quelle est la somme
qu'il a à payer, si on ajoute au capital les intérêts
composés, au taux de 4 J %? ("2 heures).
VI. Sciences naturelles. — Les lois des combi-
naisons chimiques, l'arc-en-ciel, le magnétisme
terrestre (^ heures).
\lï. Musique. — Chercher la mélodie et l'har-
monie sur une basse donnée (2 heures;.
Epreuves orales.
Interrogations sur l'histoire de l'Eglise, la théorie
pédagogique, les mathématiques, l'histoire de la
littérature, l'histoire, les sciences naturelles, la
géographie. Epreuves sur le violon et l'orgue ; chant
d'ensemble et chant isolé.
Leçons d'épreuves.
Onze sujets tirés au sort entre les onze candi-
dats : Moïse ; le nombre 9 ; les hérons ; les oiseaux
chanteurs (morceau de lecture) ; Henri l" ; l'Erzge-
birge; la formation des fractions ; le liuitième com-
mandement; le fer (rédaction) ; dilatation des
corps par la chaleur; Charlcmagne.
2° FRANCE.
SUJETS PROPOSÉS AUX EXAMENS DU BREVET
Voici dans quel ordre nous donnons les spéci-
mens des sujets d'examen.
Nous groupons d'abord les sujets se rapportant
au Brevet obligatoire {Brevet. 'simple OMcléinentairt-
pour les instituteurs et pour les institutrices, sa-
voir : les épreuves écrites (A. Épreuves d'arithmé-
tique; B. Exercices de style; C. Dictées; D. Mo-
dèles d'écriture; E. Travaux d'aiguille); et les
éfireiives orales (choix de questions parmi celles
qui ont été le plus fréquemment posées aux can-
didats).
Puis viennent, également pour les instituteurs et
pour les institutrices, les diverses matières de l'cxa-
nicn du Brevet complet (Brevet supérieur). Nous
suivons l'ordre des quatre séries d'épreuves écrites
et d'épreuves orales déterminées parle programme
ofdciel de 18GG iV. Brevet de capacité dans la
1"= partie).
Les textes que nous donnons sont empruntés
pour la plupart aux liulletins scolaires déporte -
meiïtaux. La collection complète en a été recueil-
lie, pour les années 1873 à 1877, dans l'ouvrage de
M. H. Lebourgeois (Belin , éditeur) : Examen du
brevet de capacité pour l'enseignement primaire.
D'autres publications du même genre ont paru de-
puis chez divers éditeurs. Ajoutons que, depuis que
les sujets sont donnés par le ministère pour la
France entière, les recueils de cette nature n'offrent
plus le même intérêt.
I. Brevet simple ou obligatoire.
A. Épreuves L'ARiTusiÉTigrE. — Aspirants.
I. — Paris, 1876.
1° Définir le sens de cette opération : diviser un
nombre entier par une fraction. — Expliquer et dé-
montrer la marche à suivre.
2° Un orfèvre a deux lingots d'or de 1800 gram-
mes chacun, l'un au titre de 0,920 et l'autre au
titre de 0,750. Combien doit-il ajouter de grammes
du second au premier pour obtenir le titre de 0,840?
Réponse. — ICOO grammes du second lingot.
n. — Paris, 1876.
1" Expliquer la division d'un nombre entier par
une fraction ordinaire ; d'une fraction ordinaire par
un nombre entier; d'une fraction ordinaire par
une fraction ordinaire, sur les exemples suivants :
7-^ 2 • 9- 1.'^-
' • 6' 4 • "^' 20 • 7 •
Observation. — Il ne convieDt pas de placer la diTÎ-
sion d'un nombre entier par une fraction avant la dlTision
d'une fraction par un nombre entier.
Les candidats ue doivent pas hésiter à remettre les cho-
ses dans l'ordre naturel.
'1° Les adjudications d'immeubles ordonnées par
les tribunaux donnent droit h 1 «/q sur les 10 000
pi'omiers francs, à \ "/o sur les 40 000 francs sui-
vants, à { "/o sur les 50 000 francs, etc. A quel chif-
fre se monte l'adjudication d'une propriété, qui a
rapporté au notaire 375 francs d'honoraires?
liéponse. — 80 000 francs.
Observation. — L'frt. placé à la fin de la première par
tie de l'énoncé du problème est de trop.
m. — Paris, 1876.
1° Du franc. — Diamètre et poids dos diverses
monnaies de France. — Rapport, à poids égal, de
la valeur de l'or et de l'argent.
Observation, — Ce n'est pas là une question de théo-
rie qui puisse faire apprécier le savoir d'un candidat.
De plus, si les candidats doivent connaître le poids de»
pièces d'argent, et le moyen de calculer celui des pièce»
il'or, on nepeut exiger d'eux qu'ils sachent les diamètres
(le ces pièces.
2" A quelle heure, entre 2 heures et 3 heures,
les deux aiguilles d'une montre sont-elles en ligne
droite.
Réponse : — 1"" cas. Les deux aiguilles sont
l'une sur l'autre h 2'' 10"" ff.
2= cas. Elles sont l'une sur le prolongement de
l'autre à 2" 43'» ^.
BREVET
285 —
BREVET
Observation. — A l'aiJe de la notation algébrique, il
suffît de deux.lignes pour résoudre ce problème avec la plus
grande clarté.
IV. — Académie de Paris, 1<S*8.
1° Exposer ce que devient une fraction : 1 » lors-
qu'on ajoute ou quon retranche un même nombre
à ses deux termes ; 2" lorsqu'on multiplie ou qu'on
divise ses deux termes par un môme nombre.
Démonstration de ces principes sur la fraction ^.
2° Deux individus possèdent chacun un capital
fiu'ils placent dans l'industrie de la verrerie. Celui
du premier produit 6 "/o, et celui du second, qui
surpasse de 9000 francs celui du premier, pro-
duits o/q.
Sachant que le second touche annuellement en
intérêts IIGO francs de plus que le premier, on
demande le montant de ces deux capitaux.
Réponse. —\": 22 000 francs. — 2^ : 3 1 000 francs.
V. — Académie d'Aix, I8"6.
1" Retrouver la fraction ordinaire qui a produit
la fraction périodique 0,27272"... et expliquer l'o-
pération .
Observation. — Cette question est si bien dépourvue de
toute utilité réelle qu'elle a été supprimée dans les program-
mes de l'enseignement secondaire pour la section des lettres.
2° On a fondu pour une valeur de 7500 francs
de pièces d'argent de 5 francs, pour fabriquer de
la monnaie divisionnaire au titre de 0,835. Com-
bien pourra-t-on faire de pièces de 50 centimes
avec cette quantité d'argent, et quelle est la quan-
tité de cuivre qu'il faudra ajouter pour obtenir le
titre demandé ?
Quel sera le bénéfice, sachant que la remise est
de 1 fr. 50 pour un kilogramme d'argent monnayé
et que le kilogramme de cuivre vaut 2 francs '?
liéponse. — Poids de cuivre à ajouter: 2919^'' ICI.
Nombi-e de pièces de 50 centimes : 16 167 avec
un reste d'environ 30 centimes.
Bénéfice de l'opération : 520 fr. 31.
Observation. — La seconde partie de ce problème exige-
rait plus de clarté.
Quel sens attribue-t-on à la remise? En faveur de qui est-
elle établie? En outre, comme il y a deux titres différents
pour l'argent monnayé, il était indispensable d'indiquer que
le taux de 1 fr. 50 se rapporte à l'argent qui a le titre de
0,900.
Il aurait fallu supposer que les 7 500 fr. sont remis à l'Hô-
tel des Monnaies pur un particulier, qui \eut recevoir en
échange des pièces de 50 centimes au titre de 0,S3S. Il a alors
à payer le prix du cuivre, et les fi'ais de fabrication qui,
étant" fixés à 1 fr. 50 par kilogramme d'argent au titre de
0,900, reviennent à 1 fr. 06 par kilogramme d'or lin.
VI. — Académie d'Aix. 1878.
1° Réduire au même dénominatetir les fractions
suivantes :
11 3
14 o
13 3
•20 4
Expliquer la méthode sur cet exemple.
Examiner le cas particulier où l'on a deux frac-
tions telles que le dénominateur de l'une est un
multiple du dénominateur de l'autre. Exemple :
4 15
7 28
ï" Deux trains partent de Marseille, l'un h G
heures du matin, l'autre à 7''lti'" du matin aussi.
Le premier fait 32 kilomètres à l'heure et l'autre
40 kilomètres, arrêts ordinaires compris. A quelle
heure et à quelle distance de Marseille le deuxième
atteindra-t-il le premier?
Réponse. — A 202'°' -j de Marseille, et au bout de
5-' 4m.
VII. — Académie de Bordeaux, 1S7G.
r Diviser I99 + ï par 10+^, en exposant le
raisonnement qui conduit au résultat.
'1" Une machine à vapeur a consommé en 103
jours de travail 851 050 kilogrammes de charbon.
Un perfectionnement apporté à sa construction
permet, en obtenant la même force, de ne brîiler
que 2 8fiO kilogrammes en 37 heures.
Trouver l'économie annuelle due à ce perfection-
nement, en supposant 330 jours de travail par an,
et le prix du charbon 3f%75 les 100 kilogrammes.
Réponse. — 3 303'%79.
Observation.— Le nombre d'heures de travail par jour
n'étant pas indiqué, nous l'avons supposé égal à 24.
VIII. — Académie de Besançon, 187G.
Le prix des places en chemin de fer est ainsi
réglé par personne et par kilomètre : T' classe,
10 centimes ; 2' classe, 7 centimes et demi ; Z"
classe, 5 centimes et demi.
Trois voyageurs partent de la même station, pre-
nant chacun une classe difi'érente. Celui de
2' classe paie 2^M0 de moins que celui de 1"= classe
pour se rendre à la même destination et 3 francs
de plus que celui de la 3' classe.
A quelle distance chacun des voyageurs se
rend-il '?
Combien chacun a-t-il dîi payer pour le trajet ?
A quelle heure précise chacun sera-t-il arrivé à
sa destination, si le convoi est parti à 11 heures
25 minutes et parcourt 40 kilomètres à l'heure ?
iîepoHse.— A'ov.de 1" classe : 84>">»— Sf^40 — li» 31".
^ 2" — S4 6 ,30 1 31
_ 3e _ 60 3 ,30 raidi 55".
IX. — Académie de Cliamhérii, 1876.
1" Exposer la théorie de la division des nombres
décimaux.
2° Un terrain de forme rectangulaire ayant 325
mètres de longueur sur 160 mètres de largeur
a produit 495 gerbes de blé par hectare. Il faut
V5 gerbes pour fournir 1 hectolitre de grain et
KiO kilogrammes de paille.
Le fermier vend son blé à raison de 27f',50 les
100 kilogr. et la paille à raison de 42 francs le
millier métrique. D'autre part, chaque hectare
supporte un loyer de GO francs et a exigé 120 francs
d'engrais et 3 l''s50 de semence.
Calculer la somme qui représente les- bénéfices,
l'intétêt des avances et le travail du fermier, sa-
chant que l'hectolitre de blé pèse 73 kilogrammes,
20 grammes.
Réponse. — 1 GSO^'ÔS.
X. — Académie de Caen. 1876.
1" Expliquer pourquoi la valeur d'une fraction
plus petite que 1 augmente, quand on ajoute le
même nombre à ses deux termes.
2° En admettant qu'une surface de 7 ares pro-
duise 12 décalitres de pommes de terre ; que l'hec-
tolitre de pommes de terre pèse 65 kilogrammes ;
que la pomme de terre donne les | de son poids
en fécule, et que la fécule se vende 45 francs les
100 kilogrammes, on demande quel sera le prix de
la fécule des pommes de terre récoltées dans une
propriété de forme rectangulaire ayant 208 mètres
de longueur sur 75 mètres de largeur.
Réponse. — 625 francs 78 centimes,
XI. — Académie de Caen, 1*^76.
1° Démontrer la règle à suivre pour diviser un
nombre par |.
2- Une personne a placé à intérêts simples, au
taux de 3'^ g- "" capital dont les intérêts de 10 ans
5 mois lui ont servi à acheter un pré de 37 ares
« centiares, à raison de 45 ceniimesle mètre carré.
On demande quel est ce capital.
Réijonse. — 4 33'y%50.
BREVET
286 —
BREVET
Observation. — Tous les recueils de problèmes sont
chargés de i|iiestinns renfermant, comme celle-ci, un inti'ict
simple multiplié par un temps plus ou moins considér:iblc.
Cependant rien n'est plus en désaccord a\ec la réalité des
faits. Qui est-ce qui, en effet, jetterait chaque année, au fond
de son tiroir, l'intérêt d'un capital, pour employer la somme
ainsi économisée au bout de 10 ans et 5 mois à faire l'acqui-
sition d'un pré ?
XII. — Académie de Douai, 1876.
1" Démontrer que le produit de deux nombres
ne change pas, quand on intervertit l'ordre des
facteurs .
2" Deux barriques sont pleines d'un vin qui vaut
?o centimes le litre. Elles sont vendues ;\ des prix
qui diffèrent de SG francs. On sait que les | de la
capacité de la première valent les ~ ^^ '^^ capacité
de la seconde.
Quelle est la capacité de chacune de ces barri-
ques à un décilitre près '?
Réponse. — 1-'^ : 43.V,C0. — 2« : 3iJ3i,25.
Observation. — Ce problème est un de ceux où l'emploi
du c.Vcul algébrique simplihe beaucoup la résolution (Voir
Calcul algébrique).
XIII. — Académie de Douai, 1878.
1" Qu'est-ce (|u'un nombre premier? Comment
reconnaît-on si le nombre 851 est premier?
2" Un ouvrier, sa femme et son fils ont reçu
183^f,9G pour 25 journées du père, 18 de la femme
et :!1 du fils. Le prix de la journée de la femme
vaut les 0,75 de la journée de l'ouvrier et la journée
du fils, les 0,80 de la journée de la mère.
Quel est le prix de la journée pour chacun d'eux
et combien chacun reçoit-il en tout ?
Réponse. — Journée. Total.
Père
Mère
Fils
3'■^G0.
W'.
2 ,70.
4S ,60.
2 ,16.
45 ,-3G.
XIV. — Académie de Clermont , 1876.
io Quelle est la plus petite des fractions
13 2. ^?
24 13 y '
2° Les I d un champ sont ensemencés en fro-
ment; 4 en pommes de terre et le reste en luzerne.
La deuxième partie surpasse la troisième de 16
ares 8 centiares.
Quelle est l'étendue du champ et celle de chaque
partie ?
Réponse. — Surface du champ : G 030 centiares.
re partie : 3 618. — 2': 2 010. — 3«: 402.
Observation. — Ces deux questio;is forment à peine une
matière suffisante pour un examen du brevet de capacité.
XV. — Académie de Grenoble, 1876.
1" Expliquez théoriquement comment on trouve
Qcux nombres dont la somme soit égale à 1 645 et
qui fassent avec 3 et 4 une proportion.
2° On partage une somme entre quatre person-
nes. La 1'^ en a les ^ ; la i" le { ; la 3' le | et la A'
ie reste, qui égale 5 OOu francs. Quelle est la
somme partagée?
On demande de plus quel est son poids, sachant
que les | sont composés de pièces d'or et le der-
nier quart de pièces d'argent.
Ileponsp. — Somme partagée : 42 837f'',14.
U'part : ISSo/f^lS. — 3»
1' — 10 714 ,2S. — 4«
Poids d'argent . . . .
— d'or
Poids total
part : 14 i!85f',71.
— 0 OoO.
5 3o7s>',4.
10 368 ,6.
Observations. — Dans ce problème, la somme à parta-
ger devait être un nombre entier de francs, d'autaot plus
qu'on la suppose composée de pièces d'or et de pièces d'ar-
gent, dont on demande séparément le poids.
Dans la première question, que veut-on dire en demandant
de l'expliquer théonquement?
Présentée avec plus de simplicité, elle se réduit à ceci :
partager 1 645 en deux parties dont l'une soit les ■? de l'autre.
XVI. — Académie de Lyon, 1876.
l"* Exposer la partie du système métrique relative
à nos monnaies.
2» Une personne place les | d'un capital à 4,75 %
et le reste à 5,5 "/„; elle retire ainsi ■i93^',75 d'in-
térêt pour 72 jours. On demande quel est le capi-
tal placé.
Réponse. — 50 OOf) francs.
Observation. — Ici encore, à l'aide de l'algèbre, la ré-
solution du problème est des plus faciles; sans elle, il faut
recourir à des combinaisons de rapports qui sont toujours
fort délicates.
XVII. — Académie de Nancy, 1876.
1° Comment trouve-t-on le reste de la division
d'un nombre par 8 et ensuite par 9 ?
Démontrer la règle énoncée sur le nombre 5 723.
Peut-on déduire de cette règle un caractère de
divisibilité par 8 et par 9 ?
Y a-t-il un caractère de divisibilité par 24 ? Éta-
blir ce caractère ?
2° Un mobile A et un mobile B sont actuellement
en un même point d'une circonférence. Le mobile
A la parcourt d'un mouvement uniforme dans
27 jours 3 , et le mobile B aussi d'un mouvement
régulier en 3G5 jours f •
On demande de déterminer au bout de combien
de temps les deux mobiles A et B se rencontrent de
nouveau : 1" en supposant qu'ils parcourent la
circonférence dans le même sens; 2" en suppo-
sant qu'ils la parcourent en sens contraire.
Réponse. — 29 jours ' .> dans le même sens;
■iOoa
2207
25 jours — — , en sens contraires.
XVIII. — Académie de Poitiers, 1876.
1° Théorie et pratique de la réduction de plu-
sieurs fractions au même dénominateur. On prendra
pour exemple les fractions
6 21
9_
14*
2° Un spéculateur a augmenté, au bout d'un an,
sa fortune des j^^ ^^^ sa valeur; l'année suivante
des ^ de sa nouvelle valeur ; enfin la 3* année de?
^ de sa nouvelle valeur. Cette fortune est alors di
428 691 francs. On demande ce quelle était trois
ans auparavant.
Réponse. — 185 947f',10.
XIX — Académie de Poitiers , 1877.
1" Définir la multiplication de deux fractions.
Appliquer cette définition à l'exemple suivant :
'i X |, et démontrer la règle qui donne le produit.
Peut-on dans une telle multiplication intervertir
l'ordre des deux facteurs?
2° Un marchand possédant 300 pièces de vin
désire acheter avec le produit de leur vente une
maison de 44 S50 francs. Mais la vente faite, il
consulte qu'il n'a pu en retirer qu'une somme telle
que pour acheter la maison il lui faudrait ajouter
à la somme reçue le dixième de cette somme et en
outre 1 O.-.O francs.
On demande de trouver : à quel prix il a vendu
chaque pièce devin; pendant combien do temps
il devra placer le produit de la vente à intérêts
simples et à 6 "/o, pour que les intérêts ajoutés au
capital constitucntune somme suffisante pour payer
le prix do la maison.
DREVET
287 —
BREVET
Réponse. — Prix de chaque pièce : 130 francs.
Temps du placement : 2 ans et demi.
XX. — Académie de Toulouse. 1877.
Une société a été formée au capital de 216 800 fi-.
La 1" année elle a perdu 9 % de son capital; la
2' année elle perd | % du capital restant; la 3^ an-
née elle gagne 44 *■/„ du capital qui lui restait.
On demande la valeur du capital au bout de
cette 3'= année. A quel taux l'argent a-t-il été
placé ? On n'aura égard qu'aux intérêts simples.
liéaonse. — Valeur du capital au bout de
la o' année 270 600f',22.
Taux du placement 8.28 "/o.
A /As. — ÉPREirV-ES d'arithmétique. — ASPIRANTES.
I. — Paris, 1876.
1° Réduction des fractions au même dénomina-
teur.
2° La lumière du soleil nous vient en 8 minutes
13 secondes environ ; la distance du soleil à la
terre est de 3S millions de lieues environ. Quelle
est la vitesse de la lumière "? — Énumérer les me-
sures itinéraires.
Réponse. — 77 079 lieues par seconde.
Observation. — Il s'ngit ici de la lieue de 4 kilomètres.
— On prend aujourd'hui 8°>18' au lieu de 8"13'.
IL — Paris. 1876.
1° Dire quelles sont les fractions qui peuvent
être transformées en fractions décimales exactes.
— Donner la démonstration.
2° On doit employer 100 francs en achat de bois
de chauffage. On demande s'il vaut mieux, pour
en avoir la plus grande quantité possible, acheter
du bois à 2;' francs le stère ou le même bois à
ô5 francs les I OOO kilogrammes. On sait que le
poids spécifique de ce bois est 0.>-6 et qu'un stère de
bois ne fait que f^ de mètre cube.
Donner aussi le résultat en stères, si on donne la
préférence à l'achat par 1 000 kilogrammes, ou en
kilogrammes, si on donne la préférence à l'achat
par stères.
Réponse. — Au poids on aura 45',650 ou 18181'sr
Au stère on aura seulement 4", 345 ou i777iiST.
Observation. — Il ne serait pas inutile, pour la clarté
de la question, d'ajouter que ce sont les -ç- d'un mètre cube
de bois massif qui, mis en bûches, font un volume d'un stère
in. — Paris, 1S7G.
1° Démontrer qu'il est impossible de simplifier
une fraction, quand ses deux termes sont premiers
entre eux.
Observation. — Celte question est tout a fait en dehors
d'un esainen do cette nature. Sa démonstration exige la con-
naissance de la théorie rigoureuse des nombres premiers,
telle qu'elle est étudiée dans les cours d<^ mathématiques élé-
mentaires de l'enseignement secondaire.
Xous appliquons la même observation aux questions de
théorie des trois compositions suivantes, sans en excepter la
recherche du plus grand commun diviseur de deux nombres,
opérée à l'aide de divisions successives.
2° La somme de deux fractions est égale à | et
leur différence est égale à 4. Quelles sont ces deux
fractions "?
Réponse. — — et — .
-»2 -t'i
IV. —Paris. 1877.
1» Démontrer que, si un nombre est divisible
par deux autres nombres séparément, il ne sera
nécessairement divisible par leur produit que si
ces deux nombres sont premiers entre eux.
2" Trois associés, qui ont fait une entreprise en
commun, on. ont retiré un bénéfice de 10 745 francs.
En se séparant ils ont retiré, mise et gain com-
pris, le b"- 39 5.'12 francs ; le 2" 32 021 francs, et lo
3« 13984 francs.
On demande la mise et le gain de chacun.
Réponse.
Mi?es.
Gains.
pr
34 433 fr.
4 919 fr
2«
28Ô4G
4078
3'
12 236
1 74s
Observation. — En lalson de la combinaison du gain et
de la mise de chaque associé en un seul nombre, ce problème
dépasse le niveau du brevet élémentaire.
V. — Paris. 1877.
1" Démontrer que des deux nombres dont l'un
précède immédiatement et dont l'autre suit immé-
diatement un nombre premier autre que 2 et 3,
il y en a toujours un divisible par G.
Observation. — Cette (|UPstion devrait être réservée
au\ élèves de mathématiques élémentaires.
2° La planète Jupiter a quatre satellites. Le l"
accomplit sa révolution autour de la planète en
42 heures; le 2° en 85 heures, le 3' en 172 heures,
le 4"= en 400 heures. On demande dans combien
de temps ces quatre satellites se retrouveront à la
fois dans les mêmes situations relatives qu'ils oc-
cupent aujourd'hui.
On devra dire d'ailleurs combien de révolutions
chacun d'eux accomplira d'ici là.
Réponse. — Au bout de 6 140 400 heures.
Ils ont efiTectué pendant ce temps
Le I" 140200 révolutions;
•3' 35 70 1 —
4' 15 351 —
VI. — Paris, 1877.
1" Démontrer que le plus petit de deux nom-
bres donnés est le plus grand commun diviseur de
ces deux nombres, s'il divise exactement le plus
grand ; que, dans le cas oii la divisio.n des deux
nombres donne un reste, le plus grand commun
diviseur des deux nombres sera le même que le
plus grand commun diviseur du plus petit des
deux nombres et du reste de leur division.
Déduire de là la règle à suivre pour trouver le
plus grand commun diviseur de deux nombres.
On prendra pour exemples, dans le 1" cas les
deux nombres 255 et 15; dans le -*= cas 348 et 96.
i° La salure des difl'érentes mers n'est pas la
même pour toutes. Ainsi tandis que l kilogramme
d'eau de l'Océan Atlantique renferme •.'51 déci-
grammes de sel marin. 1 kilogramme d'eau de la
Mer Morte renferme 110 grammes de ce sel.
On demande quel est le poids de sel marin con-
tenu dans 100 litres d'eau de chacune de ces deux
mers, sachant que le poids spécifique de l'eau de
l'Océan Atlantique est 102S6 et que le poids spé-
cifique de l'eau de la iMer Morte est 19091.
Réponse. — ■i.5S-2s'' de sel dans l'eau de l'Océan ;
22 kilogr. — — la iler .Morte.
VII. — Paris, 1878.
1" Conversion des fractions en fractions déci-
males. Exposer, sur les fractions |, |, ^, la mé-
thode générale de réduction.
Faire connaître les conditions nécessaires et suf-
fisantes pour qu'une fraction ordinaire soit exacte-
ment réductible en fraction décimale.
2° Une personne, pour s'acquitter d'une dette,
a donné à son créancier deux billets, l'un de 860
francs, payable dans S mois ; l'autre de 580 francs,
payable dans 11 mois.
'l'rois mois plus tard, elle ofiTre de remplacer ces
deux billets par un seul payable dans un an. Le
créancier accepte, mais à condition que le billet
sera de 1480 francs. A quel taux prète-t-il son
argent ?
BREVET
— 288 —
BREVET
Piéoonse. — ')."ô "/„.
VIII. — Acailémie d'Aix, 187G.
;° Quel est le nombre qui, augmente de IC, de-
vient égal aux ^ de sa valeur primitive ?
Répo7ise. — 12.
2° Le gaz d'éclairage pèse, à volume égal, les 0_9"
du poids dun même volume d'air, et 1 litre d'air
pèse 1"' 29-'>. Dans un magasin il y a 6ô becs brû-
lant chacun 123 litres de gaz, par heure, et chacun
d'eux reste allumé 5 licurcs par soirée d'hiver.
Calculer le poids de gaz dépensé par mois, et la
dépense de l'éclairage, sachant que le gaz coûte
29 centimes le mètre cube.
Réponse. — En prenant un mois de 3C jours, on
trouve :
poids de gaz brûlé... lôOl'-"', 113»' ;
dépense 347f'',78.
IX. —Académie d'Air, 1S78.
1° Théorie de la division des nombres décimaux.
2° Un marchand a acheté 11 !)22''s',« d'huile de
colza, au prix de 62 francs l'hecio'itro. Il paie
comptant et on lu; fait un escompte de 7 °/o. Il
revend les |- de l'huile au prix de 73 francs les
100 kilogrammes et le reste en bloc pour 1890 fr.
Calculer son bénéfice. — (Un litre d'huile pèse
913 grammes.)
Réponse. — Bénéfice : 1 G13'"%27.
X. — Académie de Besançon, i877.
1° Définir les mots : capital, intérêt, taux, taux
légal; intérêts composés; annuités; cours de la
rente et des fonds publics.
Ces définitions doivent être appuyées d'exemples.
'1° On a fondu 140 grammes d'or au titre de
0.95 et un nombre inconnu de grammes du même
même métal à 0,70. On demande de calculer ce
nombre inconnu, sachant que l'alliage résultant
est au titre de 0,77.
Rép07ise. — ^00 grammes.
XI. — Académie de Caen, 1876.
1° Démontrer que diviser un nombre par | re-
vient au même que de multiplier ce nombre par 3.
2° Trois sommes, l'une de 30 000 francs, la i"= de
40,000 francs, la 3" de 25 000 francs, ont rapporté
en tout '^7 87b''',25.
Combien chacune d'elles a-t-elle rapporté ?
Qelle est la somme qui aurait rapporté 50 000
francs, ces quatre sommes étant au même taux ?
Réponse. — V 8 803f'.03 ;
2« 11737 ,37;
3' 7 3:i5 ,85.
Pour produire 50 000 fr. il faudrait 170 39(j'%94.
XII. — Académie de Caen, 1877.
1' Expliquer pourquoi on est sûr qu'un nombre
donné, tel que 5 728, est divisible par 4, par cela
seul que les deux derniers chiffres ù droite forment
un nombre divisible par 4.
2" Le 4 janvier un propriétaire livre à un ache-
teur 3 barriques de vin à 14. S francs la barrique.
L'acheteur remet au propriétaire un billet à es-
compter de 450 francs, dont l'échéance est au
1" octobre et veut payer le reste en espèces. Quel
sera le montant de ce payement, l'escompte étant
a 6 "/o ?
Réponse. ■ — 3 francs.
XIII. — Académie de Dijon, 1876.
1° Exposer le système légal des poids et mesures
et montrer comment toutes les mesures dérivent
du mètre.
■..° L'hectolitre de pommes déterre pèse environ
80 kilogrammes et le demi quintal vaut 3",25. Cal-
culer la valeur de la récolte d'une terre de 1 hec-
tare 37 arcs 83 centiares, ensemencée en ponnnes
(le terre, sachant que le rendeiueut a été de
I04 litres 65 centilitres par are.
Réponse. — 750''',04.
Observation. — Un enfant n'aura jamais l'iiléc d'évaluer
jusqu'anx centilitres une ri-colte de pommes de terre. Pour-
quoi insérer (lins un pnihlème une approximation qu'on
pourrait qualifier de ridicule ?
XIV. — Académie de Dijon, 1877.
l" Comment trouve-t-on le plus petit multiple
commun des quatre nombres 756, 847, 1089,
2 205?_
Application à la réduction au même dénomina-
teur de quatre fractions qui auraient pour déno-
minateurs respectifs les nombres ci-dessus.
2" Dans un compte de la fin du siècle dernier on
lit que 2 livres 10 onces G gros 45 grains d'une
certaine marchandise ont coûté 18 sous Kl deniers.
Sachant: F que l'ancienne livre poids valait 16
onces, l'once 8 gros et le gros 72 grains : 2^ que
l'ancienne livre monnaie valait 20 sous et le sou
12 deniers; 3'^ que le kilogramme actuel vaut
188271!""'% 15 et que 80 francs valent 81 livres, on
demande combien coûterait en francs, décimes et
centimes le kilogramme d'une pareille marchan-
dise.
Réponse. — 71 centimes.
XV. Académie de Douai, 1876.
1" Du nombre 80 n04 soustraire le nombre 35 067.
Expliquer comment se fait cette opération.
2° La descente d'une montagne se fait ordinai-
rement dans les 0,73 du temps employé à l'ascen-
sion.
Une personne est descendue en 3 heures 57 mi-
nutes 12 secondes de l'hospice du mont Saint-
Bernard. L'ascension s'est faite en 7 minutes pour
53 mètres. A quelle hauteur est situé cet hospice?
Observation. — Un tel problème a dû déconcerter les
aspirantes à qui il a été proposé; il eicitera l'étonnement
de nos lecteurs. Nous leur laissons le soin de le juger, et
sans en chercher la solution, nous choisissons des problèmes
d'un autre caractère dans la même académie.
XVI. — Académie de Douai, 1877.
1° Comment réduit-on plusieurs fractions au
même dénominateur ?
Raisonner sur l'exemple suivant :
14
13
20 '
21
35*
S** Valenciennes et Cambrai sont reliées par un
chemin de fer de 6H kilomètres. Le transport de
la houille coûte 4 centimes par kilomètre et par
tonne. En supposant que la tonne de houille coiite
19 francs à Valenciennes et lOf^SO à Cambrai, on
demande en quel point de la route il est indifférent
de faire venir le charbon de Valenciennes ou de
Cambrai.
Réponse. — A 37'^,75 de Valenciennes.
Observation. — La distance entre ces deux villes est da
44 kilomètres par Somain et de 55 par le Quesnoy.
XVII. — Académie de Douai, 1878.
1° Comment réduit-on une fraction -à sa plus
simple expression? — Démontrer que dans la mé-
thode suivie la fraction ne change pas de valeur.
Prendre pour exemple I^y^-
2° Deux personnes ont le même revenu. La pre-
mière économise chaque année ^ de son revenu,
tandis que la seconde dépense 800 francs de plus
que l'autre. Il en résulte qu'au bout do 3 ans la se-
conde a s52 francs de dette. Quel est leur revenu?
Réponse. — 2 580 francs.
XVIII. — Académie de Montpellier, 1876.
1° De quelle fraction en moins ou en plus varie
la fraction |. quand on ajoute son dénominateur
aux deux termes?
2° Une épicière gagne ^ dans ses ventes. Elle a
acheté 11 kilogr. d'une qualité de café à i''.hi) le
kllogr., et 7 kilogr. d'une autre à l'',90 ledemi-klL
BREVET
— 289 —
Elle torréfie ensemble tout ce café, qui diminue
alors d'un sixième.
On demande quel poids de café moulu elle don-
nera pour 10 centimes.
Réponse. — 17 grammes et demi environ.
XIX. — Académie de Nancy, 1876.
1° Énoncer et démontrer la règle par laquelle
on obtient le quotient de deux nombres à une
fraction donnée près.
Appliquer cette règle à la recherche du quotient
de 1 237 par 19 à _J^ près.
2° Le minerai employé dans une usine à plomb
contient les 0,795 de son poids de métal. L'usine
possède 4 fourneaux pouvant traiter chacun
1 ■.'95 kilogr. de minerai en 2 heures 35 minutes.
Dans ce traitement la perte en plomb est 1 1 °/o du
poids du métal contenu dans le minerai.
Combien doit-on travailler de jours (de 24 heures)
pour obtenir 16000 quintaux métriques de plomb ?
Réponse. — 41 jours et demi environ.
XX. — Académie de Poitiers, 1876.
1° Enoncer, sans les démontrer, les caractères
de divisibilité par J, 4, 5, 25, 9. On donnera un
exemple pour chaque cas,
2° Démontrer que 5X4 = 4 X5.
.3° Un spéculateur engage toute sa fortune dans
une entreprise et l'augmente, en 4 ans, de ses
Yq-, il se trouve alors possesseur de 125 000 francs.
Trouver quel était son avoir primitif et combien
il a gagné pour cent par an en moyenne.
Réponse.— Avoir primitif 83 333'% 83.
Gain annuel pour cent. 12''', 68.
XXI. — Académie de Rennes, 1876.
A poids égal et au même titre l'or vaut 15 fois
€t demi autant que l'argent. 11 pèse à volume égal
19, 'i4 fois plus que l'eau.
On demande de calculer en décimètres cubes le
volume d'un lingot d'or de la valeur de ôOu 000
francs.
Réponse. — 8 "«'" «. 212" 337°"°*.
XXII. — Académie de Toulouse, 1878.
On a acheté, au prix de 90 centimes le litre, 2 hec-
tolitres 60 litres d'eau-de-vie, contenant 45 o/» d'al-
cool pur, plus, au prix de lf",20 le litre, 1 necto-
litre 12 litres du même liquide contenant 5;' 7,
d'alcool pur.
On demande à quel prix on a payé chaque fois
le litre d'alcool pur; quel prix on doit retirer du
litre du mélange des deux qualités d'eau-de-vie
achetées, si on veut gagner 18 "jo, le déchet étant
de 3 »/„.
Réponse. — 2fr.dansle l"achat; 2', 307 dansle2*.
Prix de vente du mélange l'%204.
XXIII. — Académie d'Alger, 1876.
Pour confectionner 6 douzaines de chemises on
a employé 252 mètres de toile à 2''',10 le mètre;
1h",40 de boutons ; 7'%20de fil, et il a fallu 96 jour-
nées d'ouvrières à l'^SO la journée.
Combien faudra-t-il vendre ces chemises pour
gagner 12 francs par douzaine ?
Combien entre-t-il de toile dans une chemise ?
Réponse. — Prix de la chemise ll'^lS.
Toile pour la chemise 3",5.
XXIV. — Académie d'Alger, 1878.
1° Diviser f par ^. Faire la démonstration.
2° On fond un décimètre cube d'argent avec un
volume de cuivre suffisant pour former un alliage
au titre de 0,9. Calculer en centimètres cubes le
volume de cuivre, sachant qu'un centimètre cube
d'argent pèse l()'",i7 et un centimètre cube de
cuivre 8'',!55.
Réponse. — Vol. du cuivre 131", 45.
[A. Bovier-Lapierre.]
2« Pauijb.
BREVET
B. — Exercices de style.
Les sujets donnés pour cette épreuve ont con-
stamment varié, suivant les acadéuiies et suivant
l'époque. Ils peuvent se classer en trois groupes
principaux : Histoire sainte, histoire de France et
questions scolaires. Les spécimens ci-dessousj- ac-
compagnés de l'indication de la date et du lieoï de
l'examen, suffiront pour représenter ces différentes
séries de sujets.
I. QUESTIONS d'histoire SAI.\TE
données dans les différentes académies de France (d'après le
Bulletin de l'instruction primaire de MM. Michel et Rapet)
dans les années 1S54-1856.
1. Récit très abrégé des principaux faits de l'His-
toire sainte depuis la création du monde jusqu'au
déluge exclusivement.
2. La tour de Babel; ses causes, ses effets.
3. Agar, renvoyée par Abraham, erre dans le
désert de Bersabée, tenant Ismaël par la main et
portant sur l'épaule un pain et un vase plein d'eau
dont Abraham l'avait munie. L'eau venant à man-
quer, elle laisse son fils couché sous un arbre et
va s'assoir à la distance d'un trait d'arc, disant :
Je ne verrai pas mourir mon enfant; puis se met-
tant à pleurer, elle élève la voix et invoque l'Eter-
nel. Prière d'Agar. Un ange la console, lui prédit
les hautes destinées de son fils, et lui découvre un
puits plein d'eau où elle emplit son vase et désal-
tère son fils.
4. Raconter l'histoire de Joseph vendu par ses
frères.
5. Peindre le moment où Joseph fut reconnu
par ses frères.
0. Arrivée de Jacob en Egypte. Sa première en-
trevue en Egypte avec Joseph. Paroles que le père
adresse à son fils dans cette touchante circon-
stance.
7. Faire en détail l'histoire de Moïse jusquau
passage de la mer Rouge, et très sommairement
jusqu'à sa mort.
8. Les passage de la mer Rouge par les Israélites
sous la conduite de Moïse.
9. Histoire des juges d'Israël: ordre successif
des différents juges. Indication des principaux
faits relatifs à chacun d'eux.
10. Histoire de Gédéon.
11. Vœu de Jephté. Sa fille s'avance à sa ren-
contre. Paroles qu'il lui adresse.
12. Récit de la mort de Samson, avec les cir-
constances qui ont amené et accompagné la mort
de ce juge d'Israël.
13. Anne, mère de Samuel, présente son fils au
grand-prêtre pour le consacrer au Seigneur. Il doit
rester dans le lieu saint. Séparation touchante du
fils et de la mère.
14. Une institutrice fait à ses élèves un récit
simple et familier de l'histoire de Rulh. Elle mêle
à son récit les réflexions utiles qu'il ne peut man-
quer d inspirer.
15. Raconter les faits qui font ressortir, d'une
part, la jalousie de Saûl contre David, et d'autre
part, la générosité de ce dernier à l'égard de
Saûl.
16. Histoire de David. Parallèle entre son règne
et celui de Salomon.
17. Jugement de Salomon.
18. Règne de Salomon. Sa sagesse et sa gloire.
Construction et dédicace du temple. Chute de Sa-
lomon. Sa mort.
19. Schisme des dix tribus. Causes qui l'ont
amené et conséquences qui en sont résultées.
20. Parler de l'origine de Job et de ses riches-
ses. — Raconter sos malheurs et leur cause. —
Parler de la conduite de sa femme et de ses amis
pondant ses malheurs. — Dire enfin comment sa
foi le soutint et comment Dieu le récompensa.
19
BREVET
290 —
BREVET
21. Comment finit la captivité de Babylone, et
quel fut l'état des Juifs sous les successeurs do
Cyrus ?
22. Quelle a été la mort du vieillard Eléazar, et
quelle leçon a-t-elle laissée aux hommes ?
23. Raconter les impiétés d'Antiochus Epiphane
et les victoires de Judas Machabée.
24. Naissance de N. S. J.-C. Les bergers à la
Crèche, adoration des Rois Mages.
25. Développement de la parabole de l'Enfant
prodigue.
26. L'aveugle de Jéricho. L'aveugle avait foi au
prophète; ill'appelle à son passage, plein de con-
fiance ; bonté du Seigneur qui s'arrête pour l'at-
tendre. Confiante demande' de l'aveugle. Sa gué-
rison instantanée. Sentiments de la multitude à
l'aspect de ce prodige.
27. Tempête apaisée par N. S. J.-C. sur le lac
de Tibériade. — Enseignement et conséquences à
déduire.
28. Visite de Notre-Seigneur à Marthe et à
Marie. Pourquoi Jésus-Christ dit-il à Marie qu'elle
avait choisi la meilleure part"?
29. Histoire d'Ananie et de Saphire ; horreur que
doit inspirer le mensonge.
30. Exposer les traits principaux de la vie de
saint Pierre, mettre en lumière la leçon de morale
qui résulte de sa chute et de son repentir.
n. — QUESTIONS d'uISTOIRE DE FRANCE
(1871-1878)
ASPIRANTS.
1. Académie de Besœiçon, 1871.
Bataille de Testry et ses conséquences.
2. Académie de Paris, 1875.
Gouvernement de Charlemagne. Justice. Envoyés
royaux. Assemblées nationales.Capitulaires.
3. Académie de Chambéry, 1876.
Charlemagne : indiquer sommairement ses guer-
res et ses conquêtes; insister sur le caractère de
son administration et de ses lois, sur ses efforts
pour relever l'étude des lettres.
4. Académi» de Grenoble, 1878.
Enumérer les principales guerres entreprises
Dar Charlemagne, leur but et leurs résultats.
6. Académie de Douai, l87(j.
Roland à Roncevaux.
G. Académie de Rejines 1871 et de Besançon, 1875 :
Raconter les invasions des Normands depuis leur
première apparition jusqu'à leur établissement dé-
finitif.
7. Académie de Grenoble, 1876 :
Racontez l'une des croisades et exposez les ré-
sultats généraux de ces expéditions.
%. Paris, 1S76.
Indiquer les diverses voies que prirent les croi-
sés pour se rendre en Orient sous la conduite do
Godefroi de Bouillon, de Louis VII, de Philippe-
Auguste et de Louis IX.
9. Académies de Xa?ïc)j, 1871, de Dijon, 1873, de
Clermont, 1876, etc.
Exposer les résultats généraux des croisades.
10. Académie d'Aix, lS7(i.
Dire les reformes introduites par saint Louis
dans l'administration de la justice ; montrez com-
ment son gouvernement a nui à la féodalité et a
favorisé les progrès de la bourgeoisie.
11. Académie de Douai, 1876.
Troubadours et trouvères.
12. Acadi^mie de Lyon, 1876.
Esquissez à grands traits la première période de
la guerre de Cent ans, de 1337 à 1360, en faisant
ressortir les fautes militaires des rois Philippe VI
et Jean le -Bon. Batailles de Crécy et de Poitiers.
13. Académie de Clermont, 187G.
Indiquer les principales assemblées des i'.tats-
généraux durant le quatorzième siècle : — les cir-
constances où elles eurent lieu ; — les principales
résolutions qui y furent prises.
14. Poj-is, 1873, Académie de Poitiers, 1872, etc.
Duguesclin. — Récit abrégé de sa vie. — S'atta-
cher surtout à faire ressortir les causes qui ame-
nèrent successivement ses victoires et ses défaites.
15. Académie de Toulouse, 1X76.
Duguesclin. — Services qu'il a rendus à la
France. — Situation extérieure de la France à sa
mort.
16. Académie de Nancy, 1876.
Rivalité du duc de Bourgogne et du duc dOr-
léans. — Raconter l'assassinat du duc d'Orléare,
et dire les conséquences de ce crime.
17. Académie de Lyon, 1878.
La seconde maison ducale de Bourgogne (1361-
1477) : Philippe le Hardi, Jean sans Peur, Philippe
le Bon, Charles le Téméraire ; esquisser à grands
traits leur rôle dans les aff"aires de France.
18. Académie de Caen, 1876.
Jean sans Peur, duc de Bourgogne. — Son ca-
ractère, ses principaux actes, sa mort.
19. Académie de Rennes, 1876.
Pour quelles raisons Charles VII a-t-il été nommé
le roi de Bourges, le Victorieux, le Bien-Servi? Ne
pourrait-on pas le surnommer aussi l'Ingrat ?
20. Académie de Toulouse, 1878.
Etat de la France à la mort de Charles VIL Etat
de la France à l'avènement de Charles VIII.
21. Académie de Chambéry, 1875
Faire connaître les institutions de Charles Vil
et de Louis XI qui ont augmenté la force de la
royauté.
22. Académie de Poitiers, 1876.
Faire connaître Charles le Téméraire, duc de
Bourgogne.
23. Académie de Montpellier, 1876.
Entrevue de Louis XI et de Charles le Témé-
raire. — Traité de Péronne.
24. Académie de Bordeaux, 1876.
Racontez les guerres d'Italie sous Charles VIII
et Louis XII.
25. Acadéinie de Lyon, 1876.
Les guerres d'Italie pendant le règne de Fran-
çois I";Marignan.l515; Pavie, 1525; Cerisoles, 1544.
26. Académie de Rennes, 1876.
Faire connaître et apprécier la conduite de
François !"■ à la bataille de Pavie, pendant sa
captivité en Espagne, et après sa mise en liberté
jusqu'à la rupture du traité de Madrid.
27. Académie 'te Nancy, 1876.
François I", père des lettres. Dire quels goûts,
quels soins, quelles créations et institutions ont
valu ce surnom au plus brillant des Valois. Expli-
quer le nom de Renaissance donné à la période où
est compris le règne de ce prince.
28. Académie de Dijon, 187 6.
Le chancelier Michel de l'Hôpital et Catherine
de Médicis.
29. Académie de Paris, 1873, 1876.
Henri III et la Ligue ; — Les Guises et la Ligue.
30. Académie d'Aix, 1876.
Résumer le règne de Henri III.
31. Académie de Caen, 1876.
Influence de la première éducation de Henri IV
sur son caractère de soldat et d'administrateur.
32. Académies de Lyon, Ihll, dePoitiers, 1876.
Sully.
33. Académie de Grenoble, 1876.
Expliquez quelle fut la politique de Richelieu à
l'éiiaid du proiestantisme et racontez le siège de la
Rochelle.
34. Académie de Toulouse, 1874.
Racontez l'histoire des deux Frondes.
;{5. Académie de Dijon, 1S76.
Conquête et évacuation do la Hollande sou»
Louis XIV ; cession de la Franche- Comté à la
France.
BREVET
— 291 —
BREVET
35 bis. Académie de Clermont 1878.
Vie politique et militaire du maréchal de
Turenne.
Zhter. Académie d'Alger, 1876.
Dernière campagne et mort de Turenne.
36. Académie de Toulouse, 1876.
La marine de la France pendant le ministère de
Colbert. Réformes du ministre s'appliquant à la
marine. Guerres maritimes pendant ce ministère.
37. Académie de Rennes, 1878.
Louis XIV devant le Parlement (165S). Le Parle-
ment après la mort de Louis XIV (1715). Raconter,
expliquer et apprécier brièvement ce qui se passa
h ces deux dates.
38. Académie d'Aix, 1878.
Guerre de la succession de Pologne. Principaux
résultats de cette guerre.
39. Paris, 1876.
Rôle du maréchal de Saxe dans la guerre de la
succession d'Autriche.
40. Académie d'Alger, 1876.
Racontez le dévouement du chevalier d'Assas.
41. Académie de Bordeaux, 1876.
Gouvernement de Louis XVI, depuis son avène-
ment au trône jusqu'à la réunion des États géné-
raux.
42. Paris, 1876.
Les volontaires de 179'2. Bataille de Valmj' et de
Jemmapes.
4:{. Académie ee Toulouse, I87i
Enumérer les grands traités de paix conclus par
la France au dix-huitième siècle (1701-180i>) avec
leurs clauses les plus remarquables en indiquant
surtout les territoires qu'ils donnaient ou enle-
vaient à la France.
44. Académie de Poitiers, 1878.
Passage du Saint-Bernard par l'armée française,
1800.
45. Académie de Montpellier, 1876.
Un instituteur, qui, avant d'entrer dans l'ensei-
gnement, a été employé aux travaux du canal de
Suez, raconte à ses élèves l'impression que la vue
des Pyramides a produite sur lui, et les souvenirs
historiques que ces monuments lui ont rappelés.
ASPIRANTES.
1. Académie de Caen, 1870.
Vercingétorix. — Etat physique de la Gaule ;
disposition des Gaulois à l'égard des Romains ;
puissance militaire de Rome; siège d'Alésia; Ver-
cingétorix au camp de César.
2. Académie de Lyon, 1876.
Influence qu'ont exercée Clotilde sous le règne de
Clovis et Blanche de Castille sous celui de saint
Loais.
3. Paris, 1870.
Etat de la Gaule à l'avènement de Clovis. Mœurs
et religion des Francs; leurs institutions politiques
4. Paris, 187C.
Histoire de Brunehaut.
5. Académie de Bor.teaux, 1876.
Frédcgonde et Brunehaut.
6. Académie de Lyon, 1876.
Les aeux batailles de Poitiers : 732 et 1356.
7. Académie de Dijon, 1876.
Chai-lemagne et son école du palais ; Alcuin et
Eginhard.
-8. Acnilémie de Nancy, 1870.
Charlemagne restaurateur des écoles, protec-
teur des lettres. — Moyens que prit cet empereur,
exemples qu'il offrit lui même pour ranimer au-
tour de lui le goût du savoir. — Raconter quelle
leçon il donna un jour, dans l'école du palais, à, de
jeunes étudiants, tils de nobles, coupables de né-
gligence.
9. Académie de Nancy, 1876.
Résumer brièvement l'histoire des invasions des
Normands en France. — Raconter le siège de Paris.
10. Académie de Grenoble, 1»76.
Dans quelles circonstances et à la suite de
quelle bataille le traité de Verdun fut il signé?
Quelles sont les principales clauses de ce traité et
quelles en ont été les conséquences?
11. Paris, 1876.
Dire par quels degrés la maison des Capétiens
s'éleva jusqu'au trône.
\'2. Académie de Grenoble, 1877.
Rôle de la famille de Robert le Fort avant l'avè-
nement de Hugues Capet.
13. Paris, 1876.
Exposer les faits qui ont amené la substitution
de la dynastie capétienne à la dynastie carlovin-
gienne.
14. Paris, 1876.
Guillaume, duc de Normandie, fait la conquête
de l'Angleterre (1066).
15. Paris, 1876.
Bataille de Bouvines. Quels sont les autres
grands événements contemporains qui attestent
l'énergie guerrière de l'Ile-de-France?
16. Académie de Montpellier, 1876.
Troisième croisade. — Rivalité de Philippe-Au-
guste et de Richard, roi d'Angleterre.
17. Académie de Clermont, 1876 ; d'Aix, 1878.
Blanche de Castille écrit au roi son fils pour le
dissuader de se rendre en Terre-Sainte, en lui
rappelant, par le souvenir des croisades précéden-
tes, les calamités qui ont accompagné ou suivi
chacune d'elles.
18. Paris, 1876.
Prouver, par des faits, que l'esprit chrétien di-
rigeait saint Louis dans son gouvernement.
19. Académie de Chambéry, 1876.
Raconter les traits de la vie de Louis IX qui
nous montrent sa justice et sa sainteté.
20. Paris, 1876.
Les Templiers.
21. Paris, 1S76.
Guerre de la succession de Bretagne.
21 bis. Académie de Poitiers. 1874.
Jeanne de Montfort, son rôle dans la guerre de
Bretagne.
22. Académie de Douai, 1878.
La Bretagne et les Bretons pendant la guerre de
Cent ans.
23. Paris, 181A, 1876.
Bertrand Duguosclin et les grandes compagnies.
24. Paris, 1876.
Le gouvernement du dauphin Charles après la
défaite de Poitiers et les États généraux de 1356.
25. Académie de Clermont, 1876.
Une institutrice raconte brièvement à ses élèves
les malheurs do la France pendant la troisième
période de la guerre de Cent ans.
26. Paris, 1876
Le rôle des ducs de Bourgogne pendant la
seconde moitié de la guerre de Cent ans.
27. Paris, 1876.
Exposer les difficultés suscitées contre la royauté
française, pendant la captivité de Jean le Bon,
par Etienne Marcel, Charles le Mauvais et la Jac-
querie.
28. Académie d'Aix, 1876.
Rivalité des Armagnacs et des Bourguignons.
29. Paris, 1876.
Enfance de Jeanne d'Arc. — Sa vocation. — Ses
sentiments et sa conduite jusqu'au moment où elle
se décide à quitter la maison paternelle pour aller
au secours du roi de France.
30. Académie de Toulouse, 1876.
Lutte de Charles le Téméraire et de Louis XI.
31. Académie d'Alger, 1873.
Raconter le siège de Beauvais en 1472.
32. Académie de Caen, 1876, Poitiers, 1878.
Caractère de Louis XI. — Ses derniers moments
BREVET
— 292 —
BREVET
au château do Plessis lez Tours — Services qu'il
a rendus à. la France.
33. Académie d'Aix, 1876.
Abaissement des grands sous Louis XI ; exten-
sion de la puissance royale et accjuisitions faites
sous ce règne.
34. Académie d'Aix, 1878.
Un historien a dit en parlant de Louis XI : « Tout
bien examiné, c'était un roi. » Développer cette
pensée.
35 Acadétnie de Lyon, 1873.
Comparez Louis IX et Louis XI comme hommes
et comme rois.
3fi. Paris, 187C.
Comparer le sire de Joinville et Philippe de
Commines.
37. Paris, 187G.
Anne de Beaujeu. — Sa régence. — Les États
généraux de 1481. — La guerre folle.
38. Académie de Poitiers, l876.
Faire connaître la régence d'Anne de Beaujeu
et le mariage de Charles VIII avec Anne de Bre-
tagne.
39. Académie de Grenoble, 1878.
Expédition de Charles VIII en Italie.
40 Paris. 1876.
Expliquer pourquoi Louis XII a été surnommé
le Père du peuple.
41. Académie de Bordeaux, 1877.
Duguesclin et Bayard ont laissé une renommée
populaire. Montrer qu'ils la doivent à leurs talents
militaires, à leurs travaux, aux grands services
qu'ils ont rendus^ à l'élévation de leur caractère,
à leur bonté.
4"2. Académie de Rennes, 1876.
François I" : le monarque absolu ; le capitaine ;
l'adversaire de Charles-Quint; le Père des lettres.
Louis XII a-t-il eu raison do dire de ce prince :
« Ce gros garçon gâtera tout ? »
43. Académie de Chambéry, 1876.
Principaux événements du règne de Fran-
çois I'^'.
44. Paris, 1876.
Histoire de François duc de Guise.
45. Paris, 1876.
Résumer les principaux événements auxquels
prit part Catherine de Médicis, de I53i jusqu'à sa
mort ; indiquer l'origine, le caractère et la politi-
que de cette reine.
46. Paris, ls76.
Les exploits de François de Guise.
47. Paris, 1876.
Histoire de Henri de Lorraine, duc de Guise,
surnommé le Balafré.
4S. Paris, 1877.
Jeanne d'Albret, son caractère, son influence, sa
mort.
49. Paris, 1878.
État de la France à la mort de Henri III. Lutte
de Henri IV contre la Ligue. Entrée dans Paris
1589-1594).
50. Paris, 1876.
Siège do Paris par Henri IV.
51. Académie de Poitiers, ls78.
Faire connaître le caractère et 1 aoniinistration
de Sully.
5"2. Académie de Dijon 1876.
Après la mort de Henri IV, Sully se retira de la
cour, et ne conserva, des nombreuses fonctions dont
l'avait investi le roi, que celles du gouverneur du
Poitou et de grand-maître de l'artillerie
Sully écrit à la régente pour lui annoncer sa re-
traite des affaires. Il motive sa résolution en expo-
sant ce qu'il a fait sous le dernier règne; il croit
avoir rempli sa tâche et acquis le droit dé goûter
le repos
53. Paris, 1872, 1874 ; Académie de Poitiers, 1876.
Marie de Médicis, reine et régente.
54. Acodémie de Poitiers, 1877.
Minorité de Louis XIII, régence de Marie de
Médicis, le maréchal d'Ancre, Albert de Luynes,
55. Paris, 1876.
Les premières années do Louis XIII. La régence
de Marie de Médicis. Los Etats généraux de 1614
et Riclielieu.
56. Paris, 1876.
Histoire du maréchal d'Ancre.
57. Académie de Toulouse, 1K76.
Exposer, en faisant la part de l'éloge et du blâme,
les résultats du ministère de Richelieu tant à l'in-
térieur qu'à l'extérieur.
5K. Académie d'Aix, 1876.
Raconter les origines de la Fronde, en faire com-
prendre les principaux résultats, et rappeler les
noms et la conduite des personnages qui y ont joué
le rôle le plus important.
59. PaiHa, 1876.
Bataille des Dunes. Circonstances qui l'ont ame-
née. Traité qui en fut la conséquence.
()0. Académie d'Alger, 1876.
Portrait de Colbert.
61 . Académie de Poitiers, \^'\, de Douai^lVlZ^elc.
Comparez Sully et Colbert.
62. Paris, 1876.
Le grand Condé.
63. Paris, ls76.
Portrait doTurenne. — Sa campagne en Alsace.
64. Paris, 1876.
Résumer les événements politiques et militaires
auxquels prit part le duc de Berwick, de 1692 jus-
qu'à sa mort; faire connaître l'origine et le carac-
tère de ce maréchal de France; préciser l'impor-
tance de ses victoires.
65. Paris, 1874.
Dire quels changements heureux survinrent
dans la position de Louis XIV à l'égard de la coa-
lition, la défaite de Villars à Malplaquet et savic-
tcire à Denain.
(16. Académie de Rennes, 1S78.
Parmi les grands écrivains du siècle de Louis XIV
dont on citera les noms et dont on caractérisera les
œuvres en quelques mots, lequel a été surnommé
le législateur du Parnasse, et pourquoi?
67. Paris, 1876
Les traités de Louis XIV.
68. Académie de Dijon, 1873.
Sous quel règne et dans quelles circonstances a
été publié l'édit de Nantes? Quelles en étaient les
dispositions? Sous quel règne et dans quelles cir-
constances a-t-il été révoqué. Quelles ont été les
conséquences de cette révocation ?
69. Académie de Toulouse, 1878.
Tristesse et malheurs des dernières années du
règne de Louis XIV, à partir de 1704; mort du roi.
70. Aca lémie, de Bordeaux, 1876.
Tableau de la situation de la France, à la mort
de Louis XIV, en 1715.
71. Paris, 1876.
Rôle de la France dans la succession d'Autriche.
73. Paris, I.S76
Ministère du cardinal de Floury.
73. Paris, 1874.
Rôle de la France dans la guerre de l'indépen-
dance américaine.
74. Paris, 1875.
Règne de Louis XVI, pendant l'année 1789.
75. Paris, 1874.
Racontez la nuit du 4 août 1789.
76. Paris, 1876.
Exposer comment la Convention triompha de la
première coalition contre la France.
77. Académie de Douai, 1871.
Quels ont été avant 1830, les souverains de la
Franco tombés au pouvoir de l'ennemi? Rappeler
BREVET
— 293 —
BREVET
les principales circonstances qui ont amené leur
captivité.
78. Académie de Douai, 1876.
De l'Algérie : description physique et ethnogra-
phique. Qu'est-elle pour la France ?
79. Académie de Douai, 187 1.
La France est une terre privilégiée : climat, sol,
situation, par rapport aux autres contrées, génie
des habitants.
80. Paris, 1877, et Académie de Paris, 1878.
La première leçon de géographie (entretien d'une
institutrice avec ses élèves du cours élémentaire).
in. — QUESTIOîfS SCOLAIRES.
1'° liste de sujets.
Questions données en 1854-56 (extraites du B'///e-
tin de l'instruciion primaire, de MM. Michel et
Rapet).
IXSTITUTEfRS.
1. Dire, sous forme épistolaire et le plus briè-
12. Un instituteur écrit au maire de sa com-
mune pour lui faire connaître l'insuffisance de la
salle d'école, et cherche à lui faire comprendre la
nécessité de l'agrandir.
13. Lettre d'un ancien maître à un jeune in-
stituteur pour lui indiquer comment il parviendra,
dans la tenue de sa classe, à obtenir le silence,
l'application et les progrès désirables.
14. Un jeune instituteur, accusé de négli-
gence et menacé d'une disgrâce, écrit à l'inspec-
teur primaire de son arrondissement et prend l'en-
gagement formel de montrer désormais plus de zèle
dans l'accomplissement de ses devoirs.
15. Lettre d'un instituteur au recteur d'aca-
démie pour lui demander l'autorisation de faire une
classe d'adultes (hommes) de sa commune.
16. Le titre d'instituteur n'impose-t-il pas à un
jeune homme des obligations particulières quand à
la réserve qu'il doit mettre dans sa conduite? Pour-
quoi faut-il qu'il s'abstienne pins que tout autre
de fréquenter les bals, les cafés, les jeux publics ?
Ne suflit-il pas qu'il n'y fasse aucun mal? Et quels
vement possible, quelles qualités peuvent assurer j inconvénients trouve-t-on à ce qu'il cherche à se re-
poser de ses fatigues et à se délasser l'esprit par
des distractions qui par elles-mêmes peuvent ne
pas être coupables?
On examinera ces diverses questions tant par
rapport à l'instituteur lui-même, que par rapport
aux enfants qu'il est chargé d'élever et par rapport
aux familles; et, pour les traiter plus facilement,
on supposera qu'elles sont l'objet d'une lettre
adressée par un instituteur qui a déjà passé quel-
ques années dans l'enseignement à un de ses jeu-
nes confrères qu'il a eu pour élève.
17. Surveillance des élèves dans l'école et
hors de l'école. Son importance au point de vue de
l'éducation. Différentes manières de l'exercer.
18. Donner les marques auxquelles on peut
reconnaître la bonne tenue de l'école.
19. Devoirs de l'instituteur : 1" envers les
enfants pour leur instruction et leur éducation
morale ; 2° envers l'autorité civile et religieuse.
20. Un candidat au brevet de capacité a été
malade pendant une partie de son année d'études
préparatoires. Il craint de ne pas réussir et fait part
Envisageant bien plus la moralité de son école ide ses craintes à son père, en lui indiquant les
que son intérêt particulier, il écrit à M. le rec- matières de son examen qu'il connaît le mieux et
leur une lettre par laquelle il le prie de vouloir } sur lesquelles il fonde ses espérances.
bien mettre la commune en demeure d'établir une 21. Un instituteur répond à M. le maire d'une
école spéciale pour les filles. (Faire ressortir tous ' commune importante qui lui a offert la direction de
les avantages qui résulteront de cette mesure.) | l'école de sa commune. Il le remercie de sa pro-
' ■ ■ M. le recteur pour position si avantngeuse; mais il regrette de ne pou-
nitive d'un de ses élè- voir l'ace
le succès des fonctions d'instituteur.
2. Un jeune instituteur, accusé de négligence
et menacé d'une disgrâce, écrit à l'inspecteur pri-
maire de son arrondissement, et prend l'engage-
ment formel de montrer plus de zèle désormais
dans l'accomplissement de ses devoirs.
3. Conseils d'un instituteur à son jeune col-
lègue sur les rapports qu'il doit avoir avec les au-
torités civiles et ecclésiastiques de sa commune,
dans l'intérêt de son école, et dans le sien en
particulier.
4. Lettre d'an vieil instituteur à un de ses
jeunes confrères qui a été son élève et qui débute
dans la carrière, sur la nécessité et les moyens
d'accoutumer les enfants à l'obéissance.
5. Un instituteur rend compte, dans une lettre
à un de ses collègues, de l'inspection de son école.
6. Un instituteur dirige une école fréquentée
par 140 enfants des deux sexes, 80 garçons et 60
filles. Malgré tous ses soins, il remarque que son
enseignement, qui est propre aux uns, ne convient
pas aux autres. (Développer cette observation.)
7. Un instituteur écrit à
lui demander l'exclusion défi
ves. Les candidats exposeront les raisons qu'ils
croiront de nature à provoquer la mesure rigou-
reuse qu'ils sollicitent.
8. Un instituteur excite ses élèves à la piété
filiale au moyen de quelques exemples puisés dans
l'histoire sainte.
9. Expliquer, sous forme de lettre à un jeune
instituteur qui demande des conseils pour sa con-
duite envers les élèves et pour la tenue de sa
classe, de quels sentiments il doit être animé en-
vers eux, comment il doit établir l'ordre dans la
classe et les exercices : — la prière — sévérité —
douceur — manière d'interroger les élèves — ré-
ponses à leurs questions — louanges — mode de
réprimandes — réflexions morales et religieuses
mêlées à l'enseignement.
10. Un instituteur répond à l'un de ses jeunes
collègues qui l'a consulté sur la manière dont on
doit, pour la prospérité morale et intellectuelle de
l'école, punir et récompenser les élèves.
11. Lettre d'un instituteur à M. le curé de la
paroisse pour lui exposer quelle est la direction
morale et religieuse qu'il se propose do donner à
ses élèves et lui demander de vouloir bien lui don-
ner son avis et ses conseils à ce sujet.
ccepter. Il développera les motifs de son refus.
22. Allocution d'un instituteur à ses élèves en
prenant possession de sa classe. Indiquer sommai-
rement l'ordi'e que l'instituteur entend établir dans
sa classe dans l'intérêt de la discipline et pour la
distribution des matières qui font l'objet de son
enseignement. Faire sentir aux élèves que l'obéis-
sance est la première loi de l'homme, et que l'é-
lève doit être soumis à ses maîtres, parce que le
maître lui-même a des supérieurs auxquels il doit
obéir.
23. Un instituteur écrit à l'inspecteur de son
arrondissement pour lui signaler les inconvénients
qu'il a reconnus dans l'usage trop généralement
suivi de laisser inoccupés, pendant de longues
heures, les enfants qui n'écrivent pas encore. Il
soumet à son approbation les moyens qu'il se pro-
pose d'employer pour remédier à cet abus.
24. Vous supposerez que vous avez été nommé
pour la première fois instituteur public dans une
commune. Quelques jours après votre entrée en
fonctions, vous écrivez à l'inspecteur de votre ar-
rondissement pour lui rendre compte de ce que
vous avez cru devoir faire soit dans la classe, soit
au dehors, pour bien organiser votre école et
en assurer le succès. (Les élèves sont en nombre
BREVET
294 —
BREVET
suffisant, le mobilier et la salle sont convenables.)
25. Lettre d'un instituteur à un confrère sur
l'emploi des récompenses et des punitions.
26. Un instituteur public écrit au maire de sa
commune pour le prier de proposer à son conseil
l'acquisition d'un petit coin de terre qui serait
converti en jardin, objet dont manque la maison. —
Exposer les motifs qui peuvent déterminer ce vote
de la part du conseil municipal.
27. En quoi consiste le mode mixte? Com-
ment ce mode peut-il être appliqué dans une
école commune aux deux sexes, où soixante élèves
sont ordinairement réunis. — Un instituteur ré-
pond à ces deux questions dans une lettre qu'il
adresse à un confrère.
28. Prendre pour texte, soit d'une lettre, soit
d'une méditation personnelle, soit d'une petite in-
struction à faire dans une école, ce passage de l'E-
vangile : Laissez venir à moi les petits enfants.
INSTITUTRICES.
1. Une jeune personne écrit à sa mère pour lui
annoncer qu'elle vient d'obtenir son brevet de
capacité, et qu'elle va être appelée à la direction
d'une école communale. L'aspirante pourra donner
quelques idées sur la manière dont elle doit diriger
son école.
2. Une institutrice énumère à ses jeunes élèves
les motifs qu'elles ont de respecter et d'aimer leurs
parents.
.3. Une jeune demoiselle en pension depuis deux
années expose, dans une lettre à sa mère, les rai-
sons qui l'ont déterminée à se vouer à l'enseiguie-
mcnt.
4. Exposer l'influence que les habitudes d'ordre
excercant sur les études.
5. Conseils d'une ancienne institutrice sur la
tenue d'une école à une jeune personne qui entre
dans l'instruction.
6. Lettre sur les devoirs de l'kistitutrice.
7. Une jeune personne ajinonce à la maîtresse de
pension qui l'a formée qu'elle vient d'être nom-
mée institutrice communale et lui expose comment
elle comprend qu'on peut faire servir l'écriture
même à l'instruction et à l'éducation des élèves.
8. M. le recteur écrit à une demoiselle récem-
ment munie du brevet de capacité, pour lui an-
noncer qu'il l'a nommée institutrice conununale
dans la commune de...
L'institutrice lui répond pour le remercier. Elle
ajoutera, avec quelques détails, comment, pour
répondre à la confiance de M. le recteur, elle s'ac-
quittera de ses devoirs.
9. Quelle doit être la conduite d'une institutrice
vis-à-vis des autorités locales et du public ?
10. Une jeune personne, placée avantageusement
dans une commune comme institutrice, raconte;
à une de ses amies ses efforts de chaque jour, pour
instruire et bien élever les petites filles qui sont
coniiées à ses soins. Elle s'applique surtout h leuv
donner des exemples de vertu.
11. Allocution d'une institutrice à ses élèves
sur le bonheur des pratiques religieuses.
. 12. Lettre à une amie pour lui recommander une
méthode de lecture.
1.3. Un maire, dont la commune n'a qu'une seule
école dans laquelle les deux sexes sont réunis, a
le projet d'y faire établir une école spéciale de
filles. Il consulte à ce sujet sa propre fille, qui est
institutrice dans une commune éloignée. Celle-ci
lui répond, et lui expose l'importance et les avan-
tages de cette instittiiion, en lui développant les
principaux motifs qui doivent la faire adopter.
11. Récompenses et punitions dans les écoles de
filles. Indiquer les principales. — Avantages ou in-
convénients qu'elles peuvent offitir. — Apprécia-
tion suivant le caractère.
15. Comparer dans une lettre l'éducation parti-
culière avec l'éducation commune pour les demoi-
selles. Développer les avantages et les inconvé-
nients de ces deux genres d'éducation.
16. Une institutrice répond à une de ses amies,
institutrice aussi, qui lui demande des détails sur
les travaux à l'aiguille qu'elle enseigne à ses élè-
ves, en quoi consistent ces travaux, broderie, cou-
ture, tricot, etc. Quels avantages en retirent les
jeunes filles pendant leur séjour à l'école ? — Dé-
lassement. Profit pour leur familles ou pour elles-
mêiues. — Secours aux pauvres. — Quels avanta-
ges en retirent-elles plus tard, rentrées dans leurs
familles ?
17. Que comprend l'in-struction religieuse et
morale dans les écoles primaires ? — But qu'elle se
propose pour l'individu, la famille, la société;
moyens de la donner avec efficacité.
18. Observations d'une institutrice à ses élèves
sur la jalousie. Elle confirmera ses conseils par un
récit emprunté à l'histoire sainte.
19. De la récréation des élèves. Est-elle indis-
pensable? Ses limites. Règles à observer pendant
le temps de la récréation.
20. Une jeune personne qui vient d'obtenir son
brevet de capacité, écrit à la maîtresse qui l'a éle-
vée pour le lui annoncer et la remercier des soins
qu'elle lui a donnés.
21. Lettre adressée à une jeune institutrice pour
lui faire connaître les qualités d'esprit et de cœur
qu'elle doit apporter dans l'exercice de ses fonc-
tions.
22. Une mère de famille recommande à une in-
stitutrice une de ses filles, qu'elle lui envoie en
pension ; elle lui fait observer que la jeune demoi-
selle est d'un caractère doux, d'une extrême sen-
sibilité, que son instruction est peu avancée par
suite d'une grave et longue maladie, mais que bien
rétablie aujourd'hui, sa fille peut travailler avec
ardeur.
23. Une institutrice écrit une lettre à une élève
qui a reçu une injure, pour l'engager au pardon
de l'offense, et lui propose des exemples tirés de
l'Ancien et du Nouveau Testament.
24. Une institutrice répond à une mère qui lui a
reproché d'avoir puni injustement sa fille, et qui
l'a menacée de retirer son enfant de son école, si
la punition n'était pas levée immédiatement.
25. Une institutrice doit prendre la direction
d'une école comptant ^0 élèves, et comme elle est
indécise sur la question de savoir si elle doit, pour
l'enseignement de la lecture, préférer la méthode
simultanée à la méthode mutuelle, elle écrit à
l'inspecteur pour l'informer de son indécision, en
lui faisant connaître les motifs qui pourraient la
porter à préférer l'une de ces méthodes à l'.autre,
et termine en priant ce fonctionnaire de lui don-
ner, touchant le parti auquel elle doit s'arrêter,
les conseils que son expérience a pu lui suggérer.
26. Lettre d'une ancienne institutrice à sa jeune
compagne sur la nécessité d'allier la sévérité avec
la douceur envers ses élèves.
27. Une institutrice rencontre, dès son début dans
la carrière de l'enseignement, un de ces caractè-
res insoumis, turbulents et orgueilleux: désespé-
rant de pouvoir soumettre cette élève au joug de
la discipline, elle prend le parti de la rendre à ses
parents. Cependant, avant d'exécuter sou projet,
elle veut consulter la vieille institutrice chez la-
quelle elle fut élevée, et qui a dirigé ses premiers
pas dans les fonctions qu'elle a embrassées.
La réponse de celle-ci fera seule l'objet de la
composition, et devra, sous forme de lettre, ren-
fermer ime leçon de pédagogie appropriée à la cir-
constance.
28. Formuler quelques avis aux jeunes filles qui
fréquentent l'école, sur leurs habitudes extérieu-
res : décence dans leur maintien ; réserve dans
BREVET
— 295
BREVET
leurs paroles, modestie dans toutes leurs actions ;
propreté exempte de recherche sur leur personne.
2' liste: années 1871-1878.
\. Académie de Douai, 1876.
Pourquoi l'enseignement mutuel, tant prôné au-
trefois, est-il généralement abandonné aujourd'hui?
Avantages et inconvénients de ce genre d'ensei-
gnement.
2. Académie de Douai, 1876.
Quels sont les procédés les plus efficaces pour
rendre sensibles aux yeux, comme à l'intelligence
de l'enfant, les éléments de la géométrie ?
V, . Académie de Hordeaux, 1876.
L'instituteur dirigeant l'école communale de...
vient de mourir. Un de ses adjoints écrit à un de
ses amis, et, dans une lettre émue, retrace som-
mairement sa vie et fait l'éloge du défunt.
4. Académie de Besançon, 1877.
Lettre d'une ancienne institutrice à une ancienne
«lève qui refuse par timidité de se présenter à
l'examen :
1" La timidité doit être combattue comme un dé-
faut toujours nuisible à nous-mêmes et souvent
aux antres ;
2° Il y a deux espèces de timidité, l'une vraie,
l'autre fausse. La première est un embarras passa-
ger, causé par la surprise et la modestie : on en
triomphe aisément. La seconde n'est qu'un amour-
propre déguisé : il faut s'étudier, pour le reconnaî-
tre et le vaincre ;
3° Dans un examen, le plus sage est de se pré-
senter avec confiance et simplicité, et de s'en re-
mettre à la Providence du succès de ses efforts.
.'i. Académie de Dijon, 1878.
Lettre h un jeune instituteur sur la façon dont il
«onvient d'enseigner la grammaire aux enfants du
cours élémentaire (dernière division de l'école pri-
maire^ .
Caractère et but de cet enseignement.
Diverses parties dont doit toujours se composer
■une leçon de grammaire.
6. Académie de Douai, 1878.
Qu'entend-on par leçons de choses? A qui doi-
■vent-elles être faites? Quel parti peut-on en tirer
pour le développement de l'esprit des enfants ? N'y
a-t-il pas un moyen d'y intéresser la classe tout
entière ?
7. Académie de Besançon, 1S77.
Une élève-maîtresse d'une école, après avoir passé
un certain temps comme institutrice dans une com-
mune, écrit à son ancienne directrice et lui fait con-
naître comment elle est parvenue b. développer
chez ses élèves le sentiment et la pratique de la
charité.
8 Académie d'Alger, 1876.
Une mère de famille liabite, en Kabylie, une
ferme isolée, et se trouve être, par l'éloignement
de toute école, la seule institutrice de ses enfants.
Elle écrit à une de ses amies, directrice d'une
grande école primaire, et lui demande des conseils
sur la manière dont elle doit faire à ses enfants
un cours élémentaire d'histoire de France et de
géographie.
Vous aurez à composer la réponse de l'insti-
tutrice.
9. Académie de Douai, 1871.
Une mère écrit à son fils que ce n'est qu'en étu-
diant l'histoire de France et les traits de dévoue-
ment dont nos annales sont remplis qu'il apprendra
à chérir sa patrie ; elle lui citera quelques-uns de
ces traits.
10. Académie de Douai, 1876.
Que faut-il penser de l'cpellation comme mé-
thode de lecture? Ses avantages, ses inconvénients.
11. Académie de Montpellier, 1876.
Une institutrice ayant beaucoup à se plaindre de
une de ses élèves, qui se montre insaumise. pa-
resseuse, turbulente, toujours prête à se disculper
sur ses compagnes des fautes qu'elle commet, écrit
au père de l'enfant pour l'engager à la retirer de
l'école.
12. Académie de Besançoji, 1875.
Dans une lettre adressée à une amie, une aspi-
rante au brevet expose les raisons qui l'ont décidée
à embrasser la profession d'institutrice.
\i. Académie de Besançon, 1876.
Lettre d'une directrice d'écolo à une de ses an-
ciennes élèves qui lui a demandé des conseils sur
la meilleure manière d'organiser une petite classe
et d'exercer, en les intéressant, de tout jeunes
enfants.
14. Académie de Douai, 1876.
Démontrer comment la pratique de l'analyse lo-
gique et de l'analyse grammaticale doit contribuer
au développement de l'intelligence des enfants.
15. Académie de Douai, 1873.
Une institutrice reproche à son adjointe de trop
négliger les leçons de système métrique. Elle lui
expose l'utilité de cet enseignement, puis lui dé-
taille les moyens de le rendre intéressant et facile
à comprendre.
C. — Dictées.
Nous ne croyons pas nécessaire de donner ici
une liste de sujets de dictées pris pour texte d'é-
preuve écrite. Aujourd'hui en effet, grâce à une
réaction salutaire contre les trop fameuses « Dictées
de l'hôtel de ville, » véritable casse-tète où rien
n'était plus outrageusement traité que la langue
française, qu'on prétendait pourtant enseigner, la
dictée est simplement une page prise pour ainsi
dire au hasard dans un bon auteur.
Depuis plusieurs années les dictées faites aux
aspirants et aux aspirantes sont empruntées soit
à des historiens, soit à des naturalistes, soit à
des littérateurs, soit à des moralistes, soit aussi
(et ce choix a toutes nos préférences) aux meilleurs
auteurs qui ont traite les questions d'éducation.
Voici, à titre de renseignement, dans quelle propor-
tion depuis quelques années les dictées du brevet
obligatoire ont été empruntées aux différents genres
et aux différents écrivains.
Sur un total de plus de 300 dictées que nous
avons recueillies de 1872 à 1878, nous trouvons :
Extraits d'auteurs du dix-septième siècle.
Perrault
ne Ketz...
5I"« de Sévigné
jimo Je Jlaintenon
autres
Descaries
Balzac
La Rochofoucault.. . .
Logique Port-Royal i
Pascal ' 4
Divers 5
Rossuet 30
I cnolou lîM
Massillon Il
La Bruyère 14
.irnauld et Nicole ;!
Kléchier 5
Bourdaloue 2
Racine 3
Boileau 3
L;i F<intaine '.\
Molière -
Jlascaron 1
et
Extraits des autei-rs du dix-huitième siècle.
BufTon 19
Voltaire to
Bernardin de S. l'ierre.. li
J.-J. Rousseau
Rullin
D'Aguesseau
Jloulesquieu
Bonnet
La Mothe-le-Vayer
Saint-Simon
Marivaux
Maury
Fonteuelle...
Florian
De Saussure .
Thomas
Monge
Crevier
Lbomond. . . .
Laeépède. ..
Laharpe
Divers
Extraits d'auteurs du dix-neuvième siècle.
Chateaubriand 13
M"" de Staël i
Cuvier -
Daru -
De Barante S
Augustin Tliicrrv :;
Guizot j
Thiers 4
De Ségur 1
Viliemain 4
Nisanl 5
M"e Cottin i
BREVET
— 296 —
BREVET
J.-B. Say
Ch. Nodier.. . .
De Lamennais.
Le P. Grati y .
)Iichaud
MontalembL'ii.
Victor Cousin.
Lacordaiie.. . .
De Viiîuv
1 Lamartine 3
1 De Gerando 1
1 Jos. de .Maistre 2
1 Lciîouvé 2
Henri Martin 3
Duruy 1
Jules Simon 1
Dn|ianloup 1
Divers i-
Traductions
De Plutarqiic 2 [ De 'Winckclmann 1
De Locke 2 J De voya'^eurs 2
De RobeitSDii 1 ) Divers 4
D. — Modèles d'écriture.
Nous renonçons à reproduire ici quelques-uns dos
modèles d'écriture donnés aux examens du brevet.
On trouvera à rariicle Ecriture des spécimens
empruntes aux principales méthodes en usage
aujourd'hui dans l'enseignement; nous y renvoyons
le lecteur.
E. — ïr.AVAux d'aiguille.
Voici, d'après une circulaire rectorale, le pro-
gramme de cet examen. Il n"a pas été sensible-
ment modifié depuis, et les renseignements que
fournit ce document nous paraissent présenter une
certaine utilité pratique :
« Pour les travaux d'aiguille, la commission
invite les aspirantes h. apporter avec elles les objets
suivants :
I. Un morceau de calicot neuf pour la couture ;
"z. Un vieux morceau pour faire des reprises ;
3. Un vieux morceau de bas pour remmailler ;
4. Un bout de feston ;
5. Un bout de broderie ;
6. Un morceau de canevas pour marquer;
7. Deux aiguilles à tricoter;
8. Un écheveau de laine pour marquer et pour
tricoter ;
9. Un écheveau de fil d'Ecosse rouge ;
10. Du fil plat pour reprises ;
II. Des ciseaux, des aiguilles.
Elles devront faire chacune, séance tenante, sous
la surveillance des dames adjointes, et avant les
examens oraux :
1 . Un bout de surjet ;
2. Un bout d'ourlet ;
3. Un bout d'ourlet piqué ;
4. Un bout de couture rabattue ;
5. Une boutonnière ;
6. Un œillet ;
7. Une bride pour agrafe ;
6. Une bride pour bouton ;
9. Une reprise ;
10. Un bout do remmaillage ;
11. Points de chausson ;
12. Un peu de broderie;
13. Trois dents de feston ;
14. Commencer une jarretière en tricot;
15. Faire une lettre ;
IC. Marquer d'un numéro d'ordre leur canevas.»
F. Épreuves orales.
IVous nous attachons seulement à donner, par
quelques spécimens choisis parmi les questions
posées le plus fréquemment, l'idée exacte de la
mesui'e de l'examen oral, du nombre de questions
que comporte chaque branche et, pour celles où il
est possible de l'indiquer, du genre et de la difficulté
des détails ou des explications demandées.
I. — CATÉCHISME ET HISTOIRE SAINTE.
1. Dieu, sa nature, la sainte Trinité. — Divisions
générales de l'Histoire sainte ; dire les faits les plus
reiiiarquablcs de la première époque.
2. Le mystère do la Rédemption. — Dire ce qui
s'est passé dp plus important de l'époque d'.\braham
à celle de Joseph.
3. Les trois principaux mystères. — Raconter
brièvement la vie de Joseph.
4. Les sacrements en général. — Sort des Hé-
breux après la mort de Joseph.
5. Le baptême. — Moise jusqu'à son entrée dans
le désert,
0. L'Eucharistie. — Le gouvernement des Juges.
7. Des vertus théologales. De la prière. — Davii.
8. Les commandements. — Captivité de Babylone.
9. Le douzième article du symbole. — Princi-
pales hérésies et sectes.
10. Des jeûnes ordonnés par l'Église. — Hérode.
11. Miracles de Notre-Seigneur. — David et Jo«
nathas.
12. De la superstition et de l'idolâtrie. — Saint
Pierre et saint Paul.
II.
ANALYSE GRAMMATICALE.
1 . Phrase à analyser :
Qu'il vienne à nous celui qui pleure,
Disait la voir mêlée au murmure des vents:
L'heure du péril est notre heure ;
Les orphelins sont nos enfants.
Questions sttr cette phrase . — Placez les propo-
sitions selon l'ordre logique et indiquez celles qui
sont sous-entendues.
Ponctuez la phrase et rendez compte des motifs,
qui vous déterminent à employer les divers signes
de ponctuation.
Analyser ./ vienne.
Pourquoi il est-il pronom indéfini? Qu'est-ce
qu'un pronom indéfini? Expliquez le sens du mot
indéfini? Quand un verbe est-il impersonnel?
Analysez celui, voix, mêlée.
2. Épreuve pédagogique : Leçon à des enfants de
huit à dix ans pour leur donner des notions sur le
verbe.
Phrase à analyser:
Qu'y a-t-i\ de plus merveilleux que de voir la re-
ligion subsister sur des fondements qui remontent
au commencement du monde ?
Questions: — Déterminer la fonction :
lo Des conjonctions s'il en existe dans la phrase?
2° Des prépositions ;
3° Des mots soulignés (écrits en italique).
Analysez : y, subsister, et rendez compte de la va-
leur de tous les termes grammaticaux que vous-
employez.
3. Leçon sur l'article (défini et indéfini).
Phrase à analyser:
(Les mots soulignés sont ceux dont l'analyse reisonnée a
été demandée.)
Ne t'attends qu'à toi seul ; c'est un commun proverbe ,-
Voici comme Esope le mit
Eu crédit.
4. Leçon sur l'accord du verbe avec son sujet faite
aux élèves du cours moyen.
Analyser : Loin d'exciter les séditions, les pre-
miers chrétiens n'eurent jamais de part à toutes-
les conspirations formées contre les emiiereurs ro-
mains.
5. Leçon sur la formation du pluriel des noms
composés. (Cours supérieur ) :
Pauvre écolier rêveur et qu'on disait sauvage,
(>«(j?irf j'émiotfais mon pain à l'oiseau du rivage,
L'onde semblait me dire: Espère ! aux mauvais jours
Dieu te rendra ton pain.
6. Leçon à des commençants pour leur donner une
idée générale, mais claire, des différentes sortes de
mots variables (noms, pronoms, adjectif, verbe»
article, participe.)
Ami, lui dit son camarade,
Jl n'est pas toujours bon d'avoir un haut emploi ;
Si tu n'avais servi qu'un mouniet- cetntne nwi,
Tu ne serais pas si malade.
BREVET
— 297
BREVET
7. Leçon sur l'enseignement de l'orthographe
d'usage :
Analuser : Celui qui règne dans les cieux et de
qui relèvent tous les empires est aussi le seul qui
se glorifie de faire la loi aux rois.
S. Leçon sur la fonction des prépositions et des
conjonctions, aux enfants du cours préparatoire.
Analyser : Pourquoi le remords est-if si terrible
qu'on préfère souvent se soumettre à toute la
rigueur de la vertu plutôt que d'acquérir des biens
'Ucgitimes.
y. Exposer comment on forme les élèves du cours
préparatoire à exprimer correctement leurs pen-
sées par écrit. Programme d'exercices de style
pour les enfants de cette division.
lO-lU. Phrases doimées ù analyser lofjiqitemeiit
et grammaticalement :'La.y'\Q'û\Qi^e, ainsi ([ue l'âge
mûr, nous semble capable de servir utilement la
patrie.
Plus d'un consul imita dans la suite le patrio-
tisme exalté et exagéré du consul Brutus.
Que notre vie soit toujours telle que nous
n'ayons pas à redouter l'arrivée de la mort.
C'est en fabriquant des soieries, que les fabri-
cants de Lyon se sont enrichis.
Mes chers enfants, je vous trouve aujourd'hui
tout autres que vous n'étiez auparavant
Quelque dures qu'aient été les épi-euves que nous
avons subies, notre courage ne s'est pas démenti.
Admirons dans ce personnage éminent deux
grandes qualités : sa modestie et son profond
savoir. B.
III. — QUESTIONS d'arithmétique.
C'est dans les examens de Paris principalement
que ces questions ont été recueillies. Mais les aspi-
rantes qui s'y présentent à chaque session sont
si nombreuses que la commission doit se com-
poser d'un grand nombre d'examinateurs. Les in-
terrogations y sont donc aussi variées que possible
et peuvent servir à faire ressortir le caractère
moyen de l'examen oral aussi bien que si elles
avaient été puisées dans les commissions des
divers départements.
En les reproduisant fidèlement, nous ne les pré-
sentons pas comme toujours exemptes d'imperfec-
tions. Mais nous croyons qu'elles ne sont pas sans
nt'lité pour les candidats qui se préparent aux
pxamens et même pour les maîtres chargés de les
guider dans ce travail. Les difl'érencos de forme
données à une même question forcent à la con-
sidérer sous divers points de vue : la manière dont
s'enchaînent les diverses interrogations partielles
formant la matière d'un examen oral indicjue non-
seulemeni l'étendue et la durée moyenne de chaque
examen, mais le tour et le ton qu'il prend habi-
tuellement, le degré de difficulté qu'il comporte,
les développements auxquels il peut donner lieu
et qui pourraient être des surprises pour le can-
didat non averti.
1. Combien le nombre 2i5 renferme-t-il d'ordres
d'unités ? Que deviendrait ce nombre, si l'on y
ajoutait deux zéros ? Expliquez le changement
produit. Multipliez 245 par 10.
2. Qu'appelle-t-on nombres décimaux? Énoncez
la règle de la multiplication des nombres décimaux ?
Combien de cas présente-t-cUe ? Expliquez ces
trois cas avec des exemples à l'appui.
3. Divisez 3584 par 789. Quelle est la règle
dont on se sert pour faire cette opération ? Quelle
difficulté se rencontre ici? Comment s'y prend-on
pour trouver le chiffre du quotient? Peul-on voir
tout de suite combien de fois un nombre de quatre,
chiffres contient un nombre de trois cliifi'res?
Quel quotient devrait-on trouver?
4. Quand on veut diviser deux nombres entiers
terminés par des zéros, ne peut-on pas simplifier
l'opération ?
Prenez pour exemple 43000 à diviser par 700.
Pourquoi le quotient obtenu sera-t-il le même?
5. Additionnez 24500 et 2450. Divisez leur
somme par 110. Dites ce que l'on doit trouver au
quotient.
Indiquez quelques cas où l'on a besoin d'em-
ployer la division.
0. Piègle pour réduire des fractions au même-
dénominateur.
Appliquez-la aux fractions ^ et \.
Quelle condition doivent remplir les fractions-
qui remplaceront les deux fractions données ?
Additionnez les fractions iû et ^- Est-ce là le
plus petit dénominateur que puissent avoir ces-
deux fractions? Pourrait-on leur en donner un
plus grand?
7. Qu'entend-on par fraction ordinaire? Com-
bien faut-il de termes pour écrire cette fraction ?
Quand on prend une fraction ordinaire pour
la comparer à l'unité, combien de cas peuvent se
présenter? Qu'offre de particulier la fraction sem-
blable à l'unité ?
Étant donnée une expression fractionnaire, com-
ment cherche-t-on combien elle contient d'unités "?
L'expression fractionnaire se réduit-elle toujours
à un nombre entier? Quel nom donnc-t-on à cette
opération ?
8. Divisez \ par l. Que sera le quotient par
rapport au dividende? N'y a-t-il pas des cas cù
l'on pourrait diviser terme à terme, comme dans
la multiplication on multiplie terme ù terme?
Prenez par exemple }| à diviser par |. Comment
prouverait-on l'exactitude de l'opération?
9. Divisez || par ^- Donnez la manière le plus
simple de faire cette opération. Faites -en la
preuve.
10. Réduisez en fraction décimale la fraction ji|.
Que faut-il faire d'abord ? Comment se fait la
réduction en décimales? Quel quotient doit-on
avoir?
11. Faire la somme des fractions suivantes
I; |; 0,01. Combien y a-t-il de manières d'effec-
tuer cette opération? Quelle est celle des deux
qu on doit préférer?
12. Qu'entend-on quand on dit qu'un nombre^
est divisible par un autre? Le nombre 478 est-il
divisible par 5 ? Expliquez pourquoi un nombre
terminé par 5 est divisible par 5. Ecrivez sur la
droite de 23 un chiffre tel qu'on obtienne un
nombre de fois chiffres qui divisé par 5 donne 4
pour reste.
13. Dans quel cas un nombre est-il divisible par 9?'
Donnez-en un exemple. Si l'on mettait une virgule
entre les deux 4 dans le nombre 144, serait-il
encore divisible par 9? Pourquoi cette virgule ne
change-t-elle rien? Que deviendraitdans le deuxième-
cas la valeur du quotient?
14. Quels sont les diviseurs premiers et non
premiers de 300? Quelle méthode suit-on pour les
obtenir? Qu'appelle-t-on nombres premiers? Un
nombre est-il toujours divisible par lui-même et par
l'unité ? Quel quotient obtient-on ?. Après avoir
obtenu les facteurs premiers de 360, comment
forme-t-on les facteurs non premiers ? Peut-on
savoir d'avance le nombre de diviseurs qu'on trou-
vera ?
15. Quels sont les caractères essentiels du sys-
tème métrique ? Quentend-on par son inaltérabi-
lité? Où se trouve déposé le mètre étalon ? En quel
métal est-il ?
10. Quelle est l'unité principale de longueur?
Qu'est-ce que le mètre ? Quelles sont les autres
unités de longueur ? Qu'appelle-t-on mesures iti-
néraires ? Quelles sont, outre les mesures mé-
1 triques, les mesures itinéraires introduites par
BREVET
— 298 — BREVET
l'usage? Qu'est-ce que la lieue? N'y a-t-il que la
lieue de 4 kilomètres?
Combien y a-t-il dn lieues marines dans 1 degré?
Combien y a-t-il de lieues géographiques?
Qu'est-ce qu"un degré ? Combien y a-t-il de
degrés dans le quart du méridien ?
17. Tracez au tableau une circonférence qui
représente la terre. Indiquez l'équateur et le méri-
di&n. Qu'entend-on par latitude dun lieu ? Quelle
est la latitude du parallèle le plus septentrional de
la France, et celle du parallèle le plus rapproché
de l'équateur ? Don nez la distance des deux parallèles
extrêmes de la France.
Sur quelle espèce de nombres a-t-on à opérer ?
Quelle est la différence entre une soustraction de
nombres complexes et une soustraction de nom-
bres entiers ?
Convertissez cette distance en kilomètres. Com-
bien 1 degré vaut-il de mètres? Comment le
trouver?
18. Quelle est l'unité pour la mesure des sur-
faces ? Quels sont ses multiples et ses sous-mul-
tiples ?
Qu'appelle-t-on mesures agraires? D'où vient ce
nom ? Indiquez ces mesures. Qu'est-ce que l'are,
l'hectare ? Combien y a-t-il de centiares dans un
•hectomètre carré ? Combien le décamètre carré
contient-il de mètres carrés?
Quand les arpenteurs mesurent un terrain, de
quelle mesure réelle font-ils usage? Les deux der-
niers chaînons ont-ils réellement 20 centimètres ?
19. Expliquez la construction du stère, dessinez
un stère au tableau. Quelle est la distance des
deux montants pour 1 stère, pour deux sières, pour
Ain demi-décastère ?
20. Quelle est l'unité dans les mesures de capa-
cité ? Quels sont ses multiples et ses sous-multi-
ples? Quelles sont les mesures usuelles et quelle
forme ont-elles? Quelle relation y a-t-il entre la
profondeur et le diamètre ? De quelle substance
sont-elles faites ?
21. Quelle est l'unité de poids? Quels sont les
multiples et les sous-multiples ? Indiquez la série
des poids réels avec leur forme. De quelle matière
-sont-ils formés ? Se sert-on de poids autres que les
multiples du gramme ?
22. Qu'est-ce que le franc ? Quelles sont les pièces
de monnaie d'argent ? Sont-elles composées d'ar-
gent pur ? Quels sont les titres de ces monnaies?
Dites le poids de la pièce de 5 francs ; son diamètre.
Pourquoi les pièces d'argent nont-elles pas toutes
le même titre ?
Si un changeur voulait faire un paiement de
1,000 francs en pièces de 1 franc, pourrait-on le
refuser ? Quelle somme la loi a-t-elle fixée comme
limite ?
23. Qu'est-ce que le titre dans les monnaies ?
Y a-t-il plusieurs titres pour les monnaies ? Quel
est' le titre d'une pièce de 5 francs en argent?
Quelle quantité d'argent pur contient-elle ? Dites
le rapport du poids d'une pièce de 5 francs en or
à celui d'une pièce do 5 francs en argent. Comment
le détermine-t-on ?
24. Quelles sont les pièces de monnaie en bronze?
Quelle est leur composition? Quel est leur poids?
Parmi les pièces d'argent, quelles sont celles qui
correspondent aux monnaies de bronze ? Que peut-
on en conclure quant au rapport qui existe entre la
valeur de l'argent et celle du bronze.
25. Quel est la valeur d'un kilogramme d'or mon-
nayé ? Comment peut-on la trouver, en sachant que
la loi fixe à 155 le nombre de pièces de 20 francs
que doit former un kilogramme?
Quelle serait la valeur d'un kilogramme d'argent?
Combien l'or sous le même poids vaut-il plus que
l'argent ? Exprimez ce rapport sous la forme d'une
fraction ordinaire.
[A. Bovier-Lapicrrej.
IV. — HISTOir.E ET GÉOCItAPIIIG.
1. Conquêtes de Jules César en Gaule. — La
Lorraine.
2. La Gaule sous l'administration romaine. — Le
Daupliiné.
3. Clotaire II. — Dagobert. — Ceinture du bassin
du Rhône.
4. Charles Martel. — Pépin le Bref. — La Bour-
gogne.
5. Couronnement de Charlemagne. — Principaux
canaut.
6. Les Carlovingiens du dixième siècle. — Le
cours de la Meuse.
7. La guerre de Cent ans. — Frontière du Midi.
8. Le régime féodal. — l'Auvergne.
9. Les croisades, les résultats. — Description de
la côte du Havre à Brest.
10. Les guerres d'Italie sous François I". — Ports
français.
11. La Renaissance. — Frontière du Nord.
12. Charles IX. — La Franche-Comté.
13. Fin du règne de Henri IV. — Régence de Marie
de Médicis. — Le Berry.
14. Louis XIII. — Le cours de la Loire.
15. La guerre de Dévolution — Colonies fran-
çaises en Amérique et en Océanie.
IG. Révocation de l'édit de Nantes. — Bassin de
l'Escaut.
17. Guerres de la ligue d'Augsbourg. — Colonies
françaises en Asie et en Afrique.
18. Le gouvernement personnel de Louis XIV. —
Le Limousin et la Marche.
19. La guerre de la succession d'Espagne. — Le
cours de la Garonne.
20. Ministère du cardinal de Fleury. — Cours de
l'Orne. — La Sarthe.
21. Avènement de Louis XVI. — Débuts de son
règne. — LcDauphiné.
22. La campagne d'Egypte. — Voyage par terre
de Lille à Marseille.
23. Campagne de Russie. — Frontière de l'Est.
24. Conquête de l'Algérie. — Description de l'Al-
gérie. B.
II. — Brevet su}pér:eur.
A. Épreuves de l\ V série.
r Arithmétique et géométrie appliquées.
I. _ Paris, 187G.
l" Arithmétique. — Quelle somme faut-il placer
actuellement à 5 "/„ pour obtenir 10000 francs au
bout de 5 ans, en laissant les. intérêts se capitali-
ser?
Théorie; formule.
Réponse. — 7 835'^2fi.
2° Géométrie. — Étant donné un cercle de rayon
R, chercher le rayon du cercle intérieur concen-
trique dont la surface soit la moitié de celle du
cercle donné.
Construire ce cercle ; évaluer son rayon à moins
dun centimètre près, quand R égale 3 mètres.
Réponse. — r étant le rayon demandé, on trouve
,. _ _^ y'2 , et pour R = 3™ on a >• = 2"',12.
II. _ Paris, 1877.
1° Arithmétique. — A 28 mètres au-dessous du
sol, à Paris, la température est constante et égale
i 11 degrés centigrades 7 dixièmes; à 505 mètres
au-dessous du sol, la température est égale îi
27»,33.
En admettant que l'accroissement de tempéra-
ture soit proportionnel à la quantité dont on s'en-
fonce au-dessous de la couche invariable, on de-
BREVET
— 299
BREVET
mande à quelle profondeur la température sera de
100 degrés.
On devra d'ailleurs chercher quelle serait, dans
cette hypothèse, la température du centre de la
terre.
Réponse. — Profondeur de la couche I j ^23 mètres .
à lOU degrés (
Température du centre. 212 200 degrés.
2° Géométrie. — On demande la valeur d'un
tétraèdre régulier , en or pur massif , ayant
une arête de 6 centimètres. — On sait que la
densité de l'or pur'est 19,2G et que la valeur d'un
gramme d'or pur est de o"^ 437.
On de\Ta établir et démontrer la formule géné-
rale qui donne le volume du tétraèdre régulier en
fonction de son arête.
On devra aussi faire connaître comment on
trouve la valeur d'un gramme d'or pur.
Réponse. — Si V désigne le volume du tétraèdre,
fl son arête et S sa valeur en francs, on trouve :
y ^ W2 . s _ iC85",10.
12
3° Dessin linéaire. — Construire un ovale com-
posé de quatre arcs de cercle qui se raccordent.
On prendra pour centres les sommets d'un losange
dont les diagonales sont respectivement de 60 et
de 40 millimètres. Les i-ayons des grands arcs
seront de (Jô™"" et les autres d'une longueur con-
venable pour que les arcs se raccordent.
Réponse. — Le rayon des petits arcs doit avoir
III. — Paris, 1877.
1° Aritlitnétique, — Que signifie l'expression:
base d'un système de logarithmes ? Quel avantage
trouve-t-on à se servir des logarithmes dont la base
est 10?
Que fait connaître la caractéristique, soit posi-
tive, soit négative^ d'un de ces logarithmes?
2" Problème. — Une personne ayant fait deux
parts d'un capital de 45000 francs a placé la 1"= à
5 2 "/o et la 2* à 4 "U, ce qui fait un revenu annuel
de 2002f',50.
Quelles sont les deux parts ?
Réponse. — 1" : 13 500'^ — 2« : 31 500 f\
3° Géométrie. — L'aire d'un secteur de cercle
de 13° a pour surface 82 décimètres carrés. Cal-
culer l'aire de l'hexagone régulier inscrit dans ce
cercle.
Réponse. — IG°°'î47 décim. carrés.
IV. — Paris, 1 878.
1° Arithmétique. — Réduire au plus petit dé-
nominateur commun les quatre fractions :
47 127 53 13
336 ' 792 ' 392 ' 108*
Donner la théorie raisonnée du procédé que
l'on suivra.
Réponse. — Le plus petit dénominateur commun
est 232 848.
2° Géométrie. — Étant donnés un parallélo-
gramme ABCD et une droite quelconque MN me-
née par un des sommets D (et en dehors du para-
lélogramme), on abaisse des autres sommets A,
B, C, des perpendiculaires AA', BB', CC sur la
droite MN.
Démontrer que la perpendiculaire AA' abaissée
du sommet opposé à celui D par lequel a été
menée la droite MN, est égale à la somme des
deux autres perpendiculaires BB' et CC.
3° Dessin linéaire. — Construire un triangle
rectangle isoscèle dont l'hypoténuse ait 8 centi-
mètres de longueur et faire un carré dont la sur-
face soit triple de celle de ce triangle.
V. — Paris, 1878.
1" Arithmétique. — Réduire la fraction -r^. à sa
plus simple expression, et donner la théorie du
procédé qu'on emploiera.
2" Géométrie. — Étant données deux droites pa-
rallèles AB et CD coupées par une sécante FG (F
et G étant les points d'intersection), démontrer
que si l'on mène les bissectrices des deux angles
AFG et CGF (angles intérieurs situés du même
côté de la sécante^ leur point de rencontre O sera
à égale distance des deux parallèles et de la sécante.
3° Dessin linéaire. — Dessiner avec un rayon
de 4.S millimètres un hémisphère de la mappe-
monde, avec les méridiens et les parallèles de 10°
en lO", d'après la projection stéréographique.
VI. — Académie de Paris, Seine-et-Marne , 1878.
1. Arithmétique. — On a acheté une maison
pour le prix de 3i 0 000 francs payables immédia-
tement. On voudrait modifier les conditions de la
vente et s'acquitter en trois paiements annuels
égaux, pour commencer à la fin de la V année,
rintorèt étant porté à 5 "/„ Quelle sera la valeur
de chaque annuité ?
Réponse. — 110 162 fr. 56 centimes.
2. Géométrie. — Description de la boussole
d'arpenteur. — Ses usages. — Comment on lève
un plan avec la boussole.
3. Dessin linéaire. — Un cylindre creux dont le
diamètre intérieur a 20 millimètres, le diamètre
extérieur 32™™ et qui a 40°"° de haut, repose par
une de ses extrémités sur le plan horizontal. —
Sur la partie supérieure on pose une sphère de
25"°™ de rayon, dont une portion pénètre ainsi dans
le cylindre. Dessiner les projections des deux
solides placés dans cette position. (Faire en pointillé
les parties non visibles.)
VII. — Académie dAix, 187G.
1° Arithmétique. — Exposer l'extraction de la
racine carrée des nombres entiers, en prenant pour
exemple le nombre 5 247. Quelle est la racine par
défaut? Quelle est la racine par excès? Quelle
est la plus approchée ?
2° Géométrie. — Étant donné uii demi-cercle
CMD, on mène (dans ce demi-cercle) une corde
AB parallèle au diamètre CD, qui partage le demi-
cercle en deux parties, savoir : un segment AMB
et la figure CABD. On fait tourner (la figure) au-
tour du diamètre CD, et l'on demande de trouver
le solide engendré par la figure CABD, d'en dé-
duire le solide engendré par le segment, en re-
tranchant du volume de la sphère, et de faire la
vérification en calculant ce dernier.
Quelle est la relation qui doit exister entre AB
et le diamètre CD pour que le volume engendré
par le segment AMB soit la moitié du volume de
la sphère ?
Réponse. — Si a représente la longueur de la
corde AB et r le rayon du demi-cercle, on a pour
le volume V engendré par le segment AMB :
V=i.«3.
Le volume V sera la moitié du volume la sphèro
si l'on a
3 —
a = rV4.
VIII. — Académie de Chambérij, 1876.
1° Arithmétique. —Un négociant a souscrit trois
obligations. La V^, de 1200 francs, est payable dans
10 mois; la 2%de 800 francs, est payable dans 5 mois;
la 3% de 1000 francs, est payable dans 9 mois. On
lui propose de se libérer en un seul paiement,
à G mois d'échéance avec un escompte de 5 "/».
Quelle est la somme à payer à cette date : 1»
dans le cas de l'escompte en dehors; 2° dans le
cas de l'escompte en dedans.
Réponse. — Par l'escompte en dehors 2 970'',83.
Par l'escompte en dedans 2 971'''',31.
BREVET
— 300
BREVET
2* Géométrie. — Un triangle isocèle a 48 mètres
de base et 120 mètres de hauteur. On propose de
le partager en trois parties égales par des droites
parallèles à la base, et de calculer les bases et
les hauteurs du petit triangle etdesdeux trapèzes
ainsi obtenus.
Réponse. — Surface de chaque partie : 960'n-<i-
En désignant par h^ etôj la hauteur et la base
du petit triangle, par A, et ij la hauteur et la 2"
base du 1" trapèze, par h^ la hauteur du 2* tra-
pèze, on trouve
Ai= 40XV/3; 6i=l6XV3.
hi= 40x(v'6-V3); 6,=:16xV6.
7^3=120— 40XV 6.
3° Dessin linéaire. — Sur les quatre côtés d'un
carré, comme diamètres , on décrit intérieurement
des demi-circonférences qui sont tangentes au
centre du carré. Calculer la surface de la rosace à
quatre branches ainsi formée, sachant que le côté
du carré a 10 mètres.
Réponse. — ô'^^-^fOS.
Observation. — On ne doit pas employer l'adjecUl'
égales au lieu de équivalentes, à propos des trois parties du
triangle isoscèle.
Quant auv demi-circonférences décrites dans le carré, elles
sont aussi bien sécantes que taiigentes, prises deux à deux.
IX. — Académie de Clermont, 1876.
1° Arithmétique. Une progression par différence
a pour premier terme 8 ^ et pour raison |. Calcu-
ler la somme de ses 25 premiers termes.
Réponse. — 412 ' ■
2° Géométrie. — Les côtés de trois octogones
réguliers ont respectivement 12 mètres, 16 mètres
et 48 mètres. On demande le côté et la surface
de l'octogone régulier équivalent à la somme des
trois premiers ; les surfaces des cercles inscrits
et circonscrits à ce dernier polygone.
Réponse. — Côté de l'octogone 52".
Surface de cet octogone 13 OSô'i-T-
— du cercle inscrit 12 ^iTH^i-T-
— du cercle circonscrit. .. . 14 501"'-'!-
X. — Académie de Clermont, 1S7S.
\° Arithmétique. — Trois communes se réunis-
sent pour la construction d'un hospice ; la dépense
est évaluée 120 000 francs. Il est convenu que
chacune doit y contribuer proportionnellement à
ses impositions directes. La 1'= paie 25 000 francs
d'impositions ; la2%20 00() francs; la o», 19 OdO francs.
On demande la part contributive de chaque com-
mune. Secondement la somme devant être payée
par des centimes additionnels, on demande de
combien de centimes par franc doivent être aug-
mentées les impositions pour que tout soit payé
au bout de 10 ans, en payant chaque année la
même somme, le département aj^ant avancé la
somme sans intérêts.
p" : 4687f'-.o0. — 2« : 37o0f^ — 3« : .3562^,50
ponse. ^ jg ggntjf^pg 3 pj^j. ff^^n. L-haque année.
2° Géométrie. — Une cuvette a intérieurement
16 centimètres de profondeur verticale, 20 centi-
mètres de diamètre à sa base inférieure et :!G à
sa base supérieure. On la remplit d'eau jusqu'aux
I de sa hauteur, et on demande de déterminer
l'arête d'un cube d'un volume égal à celui de l'eau
contenue dans cette cuvette.
Réponse. — 190 millimètres.
XI. — Académie de Douai, 1877.
I" Arithmétique. — Qu'entend-on par le pro-
blème de l'échéance commune ? Indiquer la .solu-
tion de cette question sur un exemple simple.
2° Problème. — On a un morceau d'or qui a un
volume de 8 centimètres cubes et on veut allier de
l'argent de telle sorte que I centimètre cube de
l'alliage pèse i2»',5. Calculer le volume de cet ar-
gent, en sachant que l centimètre cube d'argent
pèse 10'',^ et que 1 centimètre cube d'or pèse
19«',2.
On suppose que le volume de l'alliage est la
somme des volumes des deux métaux alliés.
Réponse. — 25 centim. cubes 523 millim. cubes
d'argent.
3° Géométrie. — Un vase cylindrique vertical,
dont la capacité est de 1 hectolitre, a son diamètre
égal à sa hauteur et est à moitié rempli d'eau; on
met dans cette eau une sphère de plomb qui pèse
200 kilogrammes.
On demande: 1° de combien de centimètres s'é-
lèvera le niveau de l'eau ; 2" à quelle distance du
niveau se trouvera le point le plus haut de la
sphère.
Le poids de 1 centimètre cube de plomb est
11»'.3.
Réponse. — Elévation du niveau de l'eau... 89 millim.
Dislance du point le plus élevé de /,, •ii_
1 . ■ "^ • '^ 1 !• . I / millim.
la sphère au niveau de loau...|
4" Dessin linéaire. — Sur une planche horizon-
tale ayant la forme d'un hexagone régulier repose
centralement par sa grande base un abat-jour de
lampe. Dans l'ouverture supérieure s'enfonce en
partie une sphère.
Représenter cet assemblage en projection hori-
zontale et en projection verticale. Côté de l'hexa-
gone: 25 centimètres. — Epaisseur de la planche :
2. — Diamètre de la base inférieure: 24; de la
base supérieure : 8. — Hauteur de l'abat-jour: IS.
— Diamètre de la sphère: 16. — Echelle de ré-
duction ; i.
XII. — Académie de Douai, 1878.
1° Aritlimétique. — Expliquer ce que signifie
l'expression amortir une datte, et raisonner sur
l'exemple suivant.
Une ville emprunte 185 000 francs, qu'elle doit
rembourser en 12 paiements annuels égaux, dont
le premier aura lieu un an après lomprunt. En
supposant l'intérêt à 4'',50 °l„, calculer la somme
à payer chaque année.
Réponse. — L'annuité est de t?0 388'',30.
2" Géométrie. — On peut assimiler un tonneau
à deux troncs de cônes réunis par leur plus grande
base. En supposant que la longueur d'un tonneau
soit 1™,26. le diamètre à la bonde 0™,92 et le
diamètre du fond 0'".s2 on demande l'erreur com-
mise en attribuant au tonneau dans toute sa lon-
gueur un diamètre égal à la moyenne des deux
diamètres donnés.
Réponse. — Capacité dans le 1" cas.. 750 litres.
Capacité dans le 2* cas. . 748', 95.
3" Dessin linéaire. — Trouver par 3 points une
ellipse dont les axes ont 13 centimètres et 8 cen-
timètres. — Indiquer sommairement la marche à
suivre et dire si l'ellipse pourrait être tracée d'une
autre manière.
XIII. — Académie de Dijon, 1876.
1" Arithmétique. — Comment trouve-t-on le
plus petit multiple commun de plusieurs nombres?
Application :\ l'addition des fractions
_1_
84
1
GIO'
1
1125'
1
539'
20 Proùléiue. — Deux trains de chemin de fer
parcourent la même distance, le 1"' en 0'>25 min.
et le 2' en 7 heures, et le F' a fait 3 kilomètres â
l'heure de plus que le 2'. On demande le nombre
de kilomètres que chaque train fait à l'heure et
la distance parcourue.
Réponse. — Distance parcourue : 231 kilomètres.
Vitesses : 33 et 30 kil. par heure.
BREVET
— 301 —
BREVET
3° Géométrie. — Démontrer que si deux plans
sont perpendiculaires entre eux, la perpen-
diculaire à l'un menée par un point de l'autre est
située dans cet autre.
Observation — L'énoncé de ce théorème manque de net-
teté; il serait beaucoup plus clair sous la forme suivante :
Si deux plans sont perpendiculaires entre eux, toute droite
menée par un point de leur intersection perpendiculaire-
ment à l'un des deux se trouve dans l'autre plan.
4° Problème. — On veut découper un carton de
«lanière à faire un abat-jour de lampe en forme de
tronc de cône, dont les circonférences de bases
aient pour longueur 1™,0U5 et 189 millimètres, et
dont le coté ait une longueur de 180 millimètres.
SI l'on imagine que l'abat-jour soit développé
sur un plan, en le fendant suivant un coté, le dé-
veloppement aura la forme d'un secteur circulaire
tronqué. On demande quelle devra être la valeur
(en degrés et minutes) de l'angle au centre de ce
secteur, et quelle sera (en millimètres; la lon-
gueur du rayon terminé au grand axe.
lié/ionse. — Rayon : V21»"ii ,6. — Angle: 259"" 44'.
XIV. — Académie de Grenoble, 1877.
1" Arithmétique. — Avec un alliage dont la com-
position en poids est de 0,67 de cuivre et
de 0,33 de zinc, on veut construire un cube dont
le poids diffère le moins possible d'un kilogr.
Trouver, à ^ de millimètre près, le côté de ce cube.
— Chercher également les volumes de cuivre et de
zinc qui entreraient dans un cube dont le côté se-
rait les ^ du précédent. — La densité du cuivre
est 8,87 et celle du zinc 6,8G.
Réponse. — Côté du 1"^ cube
2« cube ^ "^"^^i"^^ ^^ c."i^-''<^
.... 49"'"',8.
22c. m. c, 381.
zinc 14<=-™<=,2ô3.
2' Géométrie. — Une carafe étant considérée
comme formée de deux troncs de cône et d'un
cylindre, dont les hauteurs sont 12 centimètres,
4 centini. el 7 centim,, et dont les circonférences
des bases sont égales à 37 centimètres, 32 centim.
et 13 centim. , trouver : r la quantité d'eau que la
carafe peut contenir; 2° le poids de liquide qui
s'en écoule quand on y introduit 10 petites billes
de 2 centimètres de diamètre.
Réponse. — Capacité de la carafe : 1400c-m.Cj210.
Poids de l'eau écoulée : 4FS890.
Z°T)essin linéaire. — Construire un décagone
régulier de 3 centimètres de côté. De chaque som-
met comme centre, décrire une circonférence
ayant pour rayon la longueur du côté du polygone.
Tracer ensuite une circonférence aj-ant pour cen-
tre le centre du polygone et tangente à toutes
les circonférences précédentes de manière à les
envelopper. Décrire enfin une circonférence con-
centrique de cette dernière et dont la longueur
soit les 9 de la longueur de la circonférence en-
veloppée.
Représenter en traits pointillés le décagone et
les constructions employées pour le tracer.
XV. — Académie de Toulouse, 187tî.
1° Arithmétique. — Le minerai d'une usine à
plomb contient 23 "/„ de ce métal ; le plomb qu'on
en retire contient lui-même 3 millièmes d'argent.
Les produits divers forment annuellement" ujie
valeur de 1 750 000 francs.
On demande combien l'usine produit de plomb
et d'argent et quelle est la quantité de minerai
traitée. On sait que le prix du plomb est de ôô francs
le quintal métrique, et celui de l'argent pur
222f%22 le kilogramme.
On suppose que la perte du plomb est de O"/»
et celle de l'argent 1 "/„.
Réponse.— Voiài du minerai traité : 10 330 CSPe'.
Produit en plomb 1443 003
— argent i 29*
2° Géofnétrie. — Un pieu enfoncé verticalement
dans le lit d'un fleuve s'élève à2'",2ô au-dessus
de l'eau. La force du courant incline ce pieu de
manière qu'il fait un angle de 45" avec l'horizon,
et alors la partie qui émerge n'est que de 30 cen-
timètres. On demande la longueur de ce pieu.
Réponse. — G", 958.
XVL — Académie de Nancy, 1876.
1° Arithmétique. — Donner la définition d'un
nombre premier, de deux nombres premiers entre
eux.
Deux nombres premiers sont-ils premiers entre
eux et réciproquement ?
Un nombre premier est-il premier avec tous les
autres ?
Si un nombre premier divise un produit de deux
facteurs, que peut-on en conclure ?
Quelle est la condition nécessaire et suffisante
pour que les puissances quelconques de deux
nombres donnés soient premières entre elles?
2" Problème. — On a deux lingots de même
poids et de titres différents. Si on fond le !*■■ lin-
got avec un quart du 2', on obtient un alliage au
litre de 0, 93G: si on fond le 1*"^ lingot avec la
moitié du 2*^, on a un alliage au titre de 0,920.
Cela posé, on demande : 1° le titre de chaque
lingot ;
2° en supposant que le métal fin qui entre aans
cliacun des lingots vaille 2"2i) francs le kilogramme
et l'autre métal 10 francs le kilogramme, de trou-
ver le titre de l'alliage qu'il faudrait former pour
que la valeur du kilogramme de cet alliage fût
égale à 2(11'"% 10;
3° de trouver quel poids il faudrait prendre de
chaque lingot pour obtenir un kilogramme de cet
alliage.
Réponse. — V Titre du 1^ lingot: 0,960. — Titre
du 2' : 0,840.
2° Titre demandé : 0,910.
3" Poids à prendre dans le 1«
— dans le 2'
416s',667.
3° Géométrie. — On donne la hauteur AB d'une
calotte sphérique égale à 1™,2G et le rayon BC du
cercle de base égal à l'°,G8 et on demande de cal-
culer :
1" le rayon de la sphère à laquelle cette calotte
appartient :
'!" la surface de cette calotte sphérique;
3° la surface latérale et le volume du cône
tangent à la sphère le long du petit cercle for-
mant la base de la calotte.
On prendra pour valeur approchée du rapport
de la circonférence au diamètre la fraction —•
Observation. — La 3« question est incomplète ; il est né-
cessaire de dire si c'est le cercle base de la calotte qui est
ausîi la base du cône.
Réponse. — Rayon de la sphère.. . 1™ ,75.
Surface de la calotte. . 13™-<i,86.
Surface du cône 31™-'i,6s\
Volume de ce cône 17 «1.0^031168.
XVIL — Académie d'Alger, 1876.
1° Arithmétique. — Un commerçant eznprunte
une certaine somme au taux de 5"/o et s'engage à
la rembourser en quatre annuités de 3 425f',40.
Quelle somme avait-il empruntée?
Réponse. — 12 116 francs.
2° Géométrie. — Calculer le volume d'un tronc
de prisme triangulaire dont les arêtes latérales
ont 33, 38, 42 centimètres. On sait que l'une des
bases est perpendiculaire à ces arêtes et qu'elle
a la forme d'un triangle équilatéral de 13 centi-
mètres de côté. Calculer la surface de l'autre base.
Réponse. — Volume du tronc. ... 636<:-<=,095.
Surface de la base ) „„. „ „,
supérieure.... . l ^^'^-Oo
BREVET
— 302 —
BREVET
3" Dessin linéaire. — Dessiner à l'échelle de i
le développement de la surface totale de ce tronc
de prisme, de façon à pouvoir le construire en
carton.
BREVET SL'PERIEUn,
ASPIRANTES.
I. — Paris, 1877.
1° Aritfmiétique. — Un débiteur s'est engagé à
payer une somme de 8 40!» francs en deux fois :
les I dans G mois et le reste dans 10 mois. Il a
les fonds nécessaires pour se libérer immédiate-
ment; mais ils sont placés chez son banquier qui
lui en sert l'intérêt à raison de 4 "/„ par an.
Quelle remise doit-on lui faire équitablement,
pour qu'il consente à payer comptant ?
Cette remise n'étant pas concédée, il est con-
venu que la dette sera payée plus tard en une
seule fois. Quand devra se faire ce paiement
unique?
Réponse. — La remise serait de SOOf^li.
Le paiement unique doit avoir lieu dans 7 mois
10 jours.
2" Géométrie. — Un réservoir cylindrique a 2™, 40
de profondeur et doit contenir 1 :;iOO litres d'eau ;
calculer le diamètre de sa base.
Réponse. — Diamètre : 7'J8 millimètres.
3" Dessin linéaire. — Inscrire un hexagone ré-
gulier dans un cercle. Donner le procédé prati-
que et le justifier.
Indiquer les polygones qu'on peut inscrire à
l'aide de l'hexagone.
II. — Paris, U'~.
10 Arithmétique. — On veut faire de l'argent
au titre de 0,8.3.î en fondant ensemble de l'ar-
gent au titre de 0,900 et du cuivre. Combien fau-
dra-t-il prendre d'argent au titre de 0.900 et de
cuivre pour avoir 1 kilogramme d'argent au titre
de 0,835?
Réponse. — 927^^78 d'argent et 725r,22 de cui-
vre.
o Dessifi linéaire. — Construire un polygone
régulier de 12 côtés sachant que chacun de ces
côtés a 20 millimètres.
Tracer le cercle inscrit dans ce polygone ; mesu-
rer à moins d'un demi-millimètre près le rayon du
cercle et calculer en millimètres carrés la surface
du polygone régulier.
Après avoir numéroté les sommets 1,2,3, .... 12,
enjoindra le point 1 aupoini «, le point G au point
11, et ainsi de suite, en traçant des cordes sous-
tendant les -^ de la circonférence. On formera
ainsi une étoile à l'I pointes, renfermant dans son
intérieur un petit polygone régulier de 12 côtrés.
Réponse. — Surf, du décagone ; 4440 millim.
carrés.
III. — Paris, 1878.
1° Arithmétique. — Exposer les diverses mé-
thodes par lesquelles on trouve le plus grand
commun diviseur de deux nombres.
Faire voir comment cliacune d'elles conduit né-
cessairement au but que l'on se propose.
Application de ces méthodes à la recherclie du
plus grand commun diviseur des deux nombres
5544 et 936.
'1" Problème . — La longitude de Corte (Corse)
est de 6° 49' E ; celle de Brest (Finistère) est de
G" 49' 42" O. On demande quelle heure il est à
Brest, quand il est midi à Corte; quelle heure il
est à Corte quand il est midi à Brest; quelle
heure il est à Brest et à Corte quand il est midi
à Paris.
Réponse. — Quand il est midi à Paris, Corte a
midi 27 minutes IG secondes, et Brest a ll''o2'°41'.
Quand il est midi à Corte, Brest a ll''5"'25se<:.
Quand il est midi à Brest, Corte a midi 54'n35'".
3" Dessin linéaire. — Tracar un cadre de 15 cen-
timètres de longueur sur 8 centimètres do lar-"
geur.
Substituer aux quatre angles droits quatre
quarts de rond de 2 centimètres de rayon.
Indiquer les constructions et tracer à l'encre
après avoir tracé au crayon.
IV. — Académie de Paris, 1878.
1° Arithmétique. — L'Etat reçoit encore des con-
tribuables des pièces de 2"^, de 1", de 50 centimes
et de 20 centimes, au titre de 0,'JOO et par consé-
quent démonétisées. Ayant ainsi reçu pour
hi 275'', 70 de ces pièces, il les fait transformer k
la Monnaie en pièces du môme genre, au titre
divisionnaire actuel.
On demande le poids du cuivre qu'on devra
employer à cet effet et le bénéfice que l'Etat reti-
rera de cette opération.
Réponse. — Poids du cuivre : 20 736 grammes.
Le bénéfice est de 4 147'',21, si l'on ne tient pas
compte des frais de fabrication, qui ne sont pas
indiqués dans l'énoncé du problème.
2° Dessin linéaire. — On donne trois points
A, B, C. La droite qui joint le point A au point B
a 28 millimètres, et celle qui jomt le point B au
point C en a 15. L'angle formé parles droites .\B
et BC a G0°. Faire passer une circonférence par
ces trois points, et évaluer à un millimètre près
la longueur du rayon de cette circonférence.
(Les aspirantes indiqueront le procédé qu'elles
emploient pour construire un angle de 60°).
Réponse. — Le rayon doit avoir 14 millimètres.
V. — Académie d'Aix, 1876.
1° Arithmétique. — Exposer la division des frac-
tions. Dire dans quel cas le quotient est plus petit
que le dividende; dans quel cas il est plus grand.
2° Problème. — Un marcnand a acheté 948", 76
d'étoffe au prix de 14'''.'i5 le mètre. Il a déjà
vendu les | de l'étoffe à 15'', 50 le mètre. Comme
il s'est proposé de réaliser sur le total de la vente
un bénéfice de 1600 francs, on demande à quel
prix il doit vendre le restant de la marchandise.
Le produit de la vente étant réalisé au bout de
8 mois, on demande à quel taux le marchand a
placé son argent.
Réponse. — Prix de vente : 16'',93.
Tau'i par an : 17,625 "/,.
3" Dessiji linéaire. — Dessiner une rosace à
6 pointes dans un cercle de 2 centimètres de rayon,
et tinc feuille de platane à volonté.
VI. — Académie de Besançon, 1877.
1° Arithmétique. — Un propriétaire possède
3 hectares 27 ares de terres louées à un fermier,
à raison de 40 francs le journal.
On suppose que dans le pays le journal vaut
34 ares 28 centiares. On demande à quel prix il
doit vendre la propriété pour augmenter son re-
venu dun quart, en supposant qu'il place le pro-
duit de la vente en rente 3°/„, le cours de la rente
étant 64f',35.
Réponse. — 10 230'"%!i5.
VIL — Académie de Besançon, 1878.
1° Arithmétique. — Comparer les deux expres-
sions
:X9 et 'X 0,2X9X0.005
'^^ ''^ 0,001
en prouvant qu'elles sont d égale valeur.
2° Problème. — On partage une somme de
10 000 francs entre quatre personnes. La l""-" aUra
2 fois autant que la 2*^ moins 2 000 francs : la 2*
aura 3 fois autant que la 3* moins 3 OOo francs,
et la se aura 6 fois autant que la 4* moins 4 00(1
francs. Quelle est la part de chaque personne?
Réponse. — 1" : 4 0.0''. — 2' : SOOOf"--
y : 2 OOOf--- — 4« : 1 000^-
BREVET
303 —
BREVET
Vni. — Académie de Caen, 1S7G.
1" Arithmétique. — Démontrer que dans une
proportion le rapport de la somme des numéra-
teurs à la somme des dénominateurs est égal à
chacun des rapports.
2° Problème. — Une société est composée de
quatre associés, dont le 1" y a placé 28 000 francs
pendant toute l'année ; le 2« 10 OOO francs pen-
dant 9 mois ; le 3' 12 000 francs pendant 6 mois ;
le 4^ 6 000 francs pendant 4 mois. En outre deux
employés sont intéressés, le premier à 2 °/„ et le
second à 1 "/„ dans les bénéfices. Ceux-ci s'étant
élevés à 25 000 francs, combien en revient-il h
chacun des deux employés et des quatre associés ?
Répo7ise. — P' emplo'yé : 500^- — 2' : 250f''-
lef associé : 1 020f'-,85. — 2^ : 437^50.
ge _ 216^75. — 4« : 72f'-,90.
IX. — Académie de CaeJi, IS'G.
V Aritlonétique. — Expliquer l'origine d'une
fraction décimale périodique.
2" Problème. — Un marchand de bestiaux a
fourni à un cultivateur 3 vaches et 2 génisses.
Les vaches valent chacune 2S0 francs et les gé-
nisses valent chacune les | du prix d'une vache.
Le paiement doit s'effectuer dans 5 ans 3 mois
12 jours, en y comprenant les intérêts simples
à 4 I "/o.Quel sera le montant du paiement?
Réponse.— 1283^31.
X. — Académie de Douai, 187G.
,1° Aritlimétique. — Qu'appelle-t-on rentes sur
l'État ? Qu'est-ce que le cours do la rente ? —
expliquer et résoudre la question suivante : que
coûtent 400 francs de rentes 5 "/„, au cours de
105f*,25?
Réponse. — 8 420 francs.
2" Pi'oblème. — On fait fondre dans un creuset :
1° 850 grammes d'un premier alliage d'or et de
cuivre au titre de 0,7fi ; ;° un certain poids d'un
deuxième alliage au titre de 0,93 ; 3" 548 grammes
d'un troisième alliage à un titre inconnu. On
obtient de la sorte un quatrième alliage qui pèse
1863 grammes et qui a pour titre 0,7"2. On de-
mande quel est le titre du troisième alliage.
Réponse. — 0,4797.
XI. — Académie de Douai, 1877.
1° Arithmétique. — Qu'entend-on par " cette
question : partager 450 en parties proportionnelles
aux nombres 3, 5, 7 ?
2* Problème. — Dans 10 litres d'eau à 4 degrés
on a dissous 835 grammes de salpêtre. Combien
de litres d'eau faudra-t-il ajouter à cette dissolu-
tion pour que 3 kilogrammes de la dissolution
nouvelle ne contiennent que 115 grammes de sal-
pêtre ?
Hépo7ise. — 10''""«%05 à moins d'un centilitre.
XII. — Académie de Douai, 1877.
1° Expliquer cette question ; partager un nombre
en parties inversement proportionnelles à des
nombres donnés.
Indiquer comment on la résout.
2° Rattacher à la question précédente le pro-
blème suivant : deux courriers pouvant parcourir
une route, l'un on 8 heures et demie, l'autre en
10 heures et quart, se dirigent l'un vers l'autre,
en partant au uicme instant des deux extrémités
de la route. On demande quelle est la fraction de
la route parcourue par chacun, au moment où ils
se rencontrent.
Réponse. — le- : ^- . 2e : ^ .
<a 7ô
XIII. — Académie de Dijon, 1877.
1" Arithmétique. — Trouver tous les nombres
entiers qui divisent exactement 3 24C.
Justifier la règle générale à suivre.
Observation. — Question oiseuse qui ne devrait pas en-
trer dans le programme d'arithmétique dos jeunes filles,
même pour le brevet supérieur.
2° Problème. — Deux lingots d'or pèsent, l'un
225 grammes, l'autre 105 grammes; le premier
contient 132 grammes d'or pur de plus que le se-
cond. On fond ensemble ces deux lingots et l'al-
liage est au titre de 0,9.
Déterminer les titres des deux lingots.
Réponse. — 1" : 0,953. — 2"= 0,785.
XIV. — Académie de Grenoble, 1876.
1" Arithmétique. — On a une voiture disposée
de manière à faire connaître le nombre de tours
de roue fait dans un temps déterminé. Sachant que
le compteur marque 7 820 tours de roue, et que
la circonférence de la roue a G™ — , calculer la
distance parcourue.
Réponse. — 53 567 mètres.
2» Géométrie. — Un réservoir a l"',50de largeur,
2™, 80 de longueur et \"','lb de profondeur. On de-
mande combien il renferme de litres quand il est
plein, et quelle hauteur il faudrait lui donner
pour qu'il renfermât 10 mètres cubes.
Réponse. — Capacité du bassin : 52 500 litres.
Profondeur demandée : l'",49.
3° Dessin linéaire. — Un rectangle a 3 centimè-
tres de hauteur et 12 de longueur. On divise sa
longueur en H parties égales et sa hauteur en 2.
Par tous les points de division on mène des paral-
lèles à ses eûtes. De chaque point d'intersection
décrire deux circonférences concentriques, la plus
grande étant tangente aux côtés du rectangle, la
plus petite ayant 3 millimètres de moins au rayon.
Le rectangle sera enveloppé par un autre dont
les côtés sont parallèles aux siens et situés à 8 mil-
limètres du côté correspondant.
XV. — Académie de Lyon, 1S7G.
1° Arithmétique. — Théorie de la numératior»
écrite des nombres entiers.
2" Problème — La rétribution scolaire pendant
un mois s'est élevée à la somme de 115 francs. Le
taux de cette rétribution étant par mois de 2'^50
pour les payantes et de V',Ta pour les indigentes,
on demande le nombre total des élèves qui ont
fréquenté l'école pendant ce mois, sachant d'ail-
leurs que le nombre des élèves indigentes sur-
passe de 11 celui des payantes.
Réponse. — G5 élèves.
XVI. — Académie de Nancy, 1876.
1» Arithmétique. — Énoncer et démontrer la
règle par laquelle on obtient la racine carrée
d'un nombre entier, à une fraction donnée près.
2" Problème. — Un robinet A remplit un bassin
en 4 heures 4S minutes. On le laisse couler seul
pendant 1 heure 3G minutes ; puis on ouvre le se-
cond robinet B, et au bout de 4S minutes le bassin
est rempli par les deux robinets A et B coulant
ensemble.
Trouver combien il faudrait de temps pour
remplir le bassin : l"sile robinet B était seul ouvert
pendant toute l'expérience; 2" si les deux robinets
étaient ouverts enseoible ; 3° si dans la première
expérience on fermait le robinet A au moment où
l'on ouvre le robinet B ; 4" si dans la première ex-
périence, au moment où l'on ouvre le robinet H,
on ouvrait en même temps un robinet C vidant le
bassin et faisant écouler une quantité d'eau égale
à celle fournie par le robinet A.
Réponse. — PB seul : 'JC minutes.
2° A et B ensemble : 72 minutes»
3° ICO minutes.
4° 192 minutes.
XVII. — Académie d'Alger, 1876.
1» Problème. — Deux personnes placent la même
somme, l'une à. 5 '/o, l'autre à 3 "/, ; le revenu de
BREVET
30-4 —
BREVET
îa première surpasse de 700 francs celui de la
seconde. Quelle est la somme placée ?
Réponse. — 35 000 francs.
2° Problème. — On a mélangé 480 kilog. de
farine du prix de 35 centimes le kilogr. et 5^0 ki-
logr. d'une qualité supérieure du prix de "ïO cen-
times le kilogramme
Combien y a-t-il de kilogrammes de chaque qua-
lité dans une portion du mélange valant 3l9'S20 ?
Réponse. — V qualité: 288S'. — 2': 312»'.
[G. Bovier-Lapierre.]
2° Dessin linéaire et d'ornement.
1. Paris, 1876.
1° Dessiner un panneau de dallage hexagonal.
2° Reproduire un ornement donné.
Observation. — il eût fallu compléter la question en
duniiaut la dimensioa du panneau.
La seconde question est beaucoup trop vague; il y a des
ornements d'une grande difficulté ; il y eu a d'autres, au
contraire, fort simples. Ces derniers seuls conviennent.
2. Aix, 1870.
Dessiner une rosace à six pointes dans un cercle
d(3 0'°,20 de rayon et une feuille de platane à
"S'olonté.
Observation. — La première partie de la question est
bonne, et s'adresse évidemment au dessin linéaire ; mais
<lessiner une feuille de platane à volonté, qu'est-ce que cela
veut dire ? La dessiner de niémoiie ? Les aspirants ou aspi-
rantes ne sont pas de force.
?.. Besançon, 187G.
Dessiner une rosace d'après un modèle donné.
Observation. — Très bien, surtout si le modèle est en
relief, et d'une très grande simplicité.
4. Bordeaux, 1876.
Dessiner une couronne de laurier avec les trois
initiales majuscules des mots : Dieu, Patrie, Fa-
mille. Ces initiales pourront être disposées en
triangle p p
ornementées à volonté selon le goût du dessina-
teur.
Observation. — Très bonne question, si elle s'adressait
aux élèves de l'école des Beaux-Arts qui désirent obtenir
le diplôme de professeur de dessin; mais nous doutons fort
<jue les aspirants ou aspirantes au brevet de capacité puis-
sent faire une pareille composition.
h. Bordeaux, 1876.
Représenter une garniture de cheminée compo-
sée d'une pendule et de deux candélabres.
Observation. — Est-ce une composition? Nous espérons
qi:e non. S il s'agit de dessiner cette garniture d'après des
objets en relief, nous n'avons qu'à applaudir pourvu que
<:es objets soient très simples.
6 Chambéry, 1876.
Une porte vitrée a 4"", 50 de hauteur et 1™,50 de
largeur. Il y a deux rangées verticales de carreaux.
Chaque carreau a 0'",66 de côté et est séparé du
suivant par une traverse de O^jOG à arête saillante
sur le milieu. Le bord supérieur des carreaux de
la première rangée horizontale est àO™,12 du haut
de la porte.
Exécuter le dessin de cette porte suivant l'é-
chelle de 0'",04 par mètre. (On ne représentera que
la face antérieure de la porte.)
Observation. — Bonne question, et très clairement
exposée.
7. Clermont, 1870.
1" Tracer la courbe appelée anse de panier ; lui
donner pour longueur horizontale 0"',08.
i\. B. Cette composition ne devra pas être séparée
de celle du dessin d'ornement.
2" Dessiner une frise.
Observation. — La première partie se comprend par-
failoment ; mais la seconde, non. Dessiner une frise. Quelle
frise* De quoi se composera-t-elle ? Sera-t-elle copiée da-
dans l'intérieur de la couronne et
près une estampe? d'après uu relief? ou devra-t-elle être
composée par le dessinateur ?
S. Dijon, 1876.
Dessin d'une bordure grecque d'après des di-
mensions indiquées.
Observation. — La simplicité du dessin demandé étant
très-grande, la question est bonne dans tous les cas,
9. Académie de Rennes, 1878.
1" Dessiner les projftctions horizontales et verti-
cales d'une équerre d'arpenteur.
r,. , <•„„„„ ( Longueur 25 raill.
Dmiension des faces, j Lar|eur, 75 -
Hauteur de la douille, 70 mill.
2» Dessiner une tête d'après JuUien.
Observation. — Pour ce qui concerne le dessin graphi-
que, la question est excellente, mais pour le dessin d'imita-
tion nous ne comprenons pas qu'en 1878 en donnât encore
dans un examen une tète à copier d'apies une Utbogra-
pliie.
ASPIRANTS.
10. Toulouse, 1878.
Dessin linéaire et d'ornement. — Décrire
une circonférence de 1 décimètre de diamètre, y
inscrire un polygone régulier de 12 côtés ; cons-
truire sur (i de ces côtés, en dehors du polygone
et en prenant ces côtés, de deux en deux 6 car-
lés. Construire fi triangles isocèles ayant pour base
les 6 autres côtés et de telle manière que les
sommets de ces triangles soient à la même dis-
lance du centre que le milieu du côté qui est
le plus éloigné du centre. — En mettant à l'en-
cre, on effacera la circonférence primitive qui doit
être tracée seulement au crayon.
Observation. — En faisant ces tracés les aspirants ne
prouveront pas qu'ils savent dessiner suffisamment surtout
eu ce qui concerne le dessin d'ornement.
11. Poitiers, 1876.
Dessiner au crayon de mine de plomb en pre-
nant deux fois et demie les proportions du modèle,
la 3= chaise, 4* cahier, n. 10, collection Le Béalle.
Observation. — 11 serait bien préférable de faire re-
présenter une chaise en perspective avec n'importe quel
crayon.
12. Clermont, 1878.
Dessiner une colonne cannelée surmontée d'un
chapiteau corinthien (feuille d'acanthe). Le fût
supposé tronqué aura t">,60, le chapiteau ©".ÔO de
hauteur. Echelle de 0™,10 par mètre.
Observation. — Encore un dessin que l'on pourrait
demander a uu élève de l'école des Beaux-Arts, plutôt qu'à
nu aspirant au brevet.
13. Académie de Bordeaux, 1876.
Un fauteuil repose sur un parquet horizontal.
Les quatre points où ses pieds touchent le parquet
forment un trapèze symétrique dont les lignes
parallèles ont : celle de devant, OmjGO; celle de
derrière, O^.SO, et la hauteur du trapèze, O^îOO.
Le dessous du siège est de O^.lâ; les bras sont à
(i"',22 au-dessus du siège; le dossiera l"", lô de
hauteur au dessus du parquet.
Mettre ce fauteuil en perspective ; en tracer une
eoupe verticale en donnant au bois une épaisseur et
une forme convenables.
Indiquer l'échelle adoptée.
Observation. — Excellente question.
14. Paris, 1876.
Construction d'une doucine. Indiquer les détails
de la construction par une ligue ponctuée.
Observation. — Bonne question, mais trop facile.
15. Aix, ls76.
Doubler les dimensions d'un modèle donné.
Dessiner une lampe modérateur avec globe d'a-
]irès un modèle en nature ; le dessin devra avoir
()"',20 de hauteur. [.\nt. Coui^ny.J
BREVET — 305
B. Épreuves de la deuxième série.
BREVET
Histoire et géographie.
I. Académie (fAix, 1876.
1° Résumer la vie de Périclès et faire connaître
sou siècle : Lettres, arts, sciences.
2» Carte des côtes de la Baltique et de la mer
du Nord. Donner seulement les parties allemandes
et danoises, îles, fleuves, contrées maritimes, ports.
II. Acnriétnie d'Aix, 1878.
1» Rivalité de César et de Pompée.
2° Provinces réunies à la couronne de France sous
Louis XI, et départements qui en ont été formés.
III. Académie de Lyon, 1876.
V De la féodalité ; son origine ; grands fiefs ; —
société féodale; devoirs et services du vassal.
2° Croquis des côtes de la France depuis Dunker-
que jusqu'à Lorient : îles, départements, ports, caps,
baies.
IV. Académie de Poitiers, 1876.
10 De la féodalité. Origine et organisation du
régime féodal en France. Droits et devoirs des
suzerains et vassaux.
2' Les colonies anglaises en Asie et en Océanie.
V. Paris, 1876.
1" La guerre des investitures (1059-1132).
2° Les principautés tributaires de la Turquie.
VI. Académie de Caen, 1876.
1» Charles le Téméraire.
2" Les côtes de la France entre le 47* et le 49* de-
gré de latitude.
VII. Paris, 1876.
1" LesÉuts généraux de 1355, 1356 et 1357.
2° Décrire les eûtes septentrionales de la France.
^ \'III. Académie de Bordeaux, 1876.
1» Énumérer avec quelques détails les diverses
circonstances où les États généraux furent convo-
ques en France.
2" Tracer et décrire le bassin du Rhin.
IX. Académie de Besançon, i876.
1° Fondation do l'empire turc. Histoire de cet
empire jusqu'en 1520.
ï" Géographie politique de l'Afrique septentrio-
nale : productions, relations commerciales avec la
France. Tracé des côtes de l'Afrique, depuis
Alexandrie jusqu'à Tanger.
X. Académie d'Alger. 1876.
10 Prise de Constantinople par les Turcs.
2° Géographie de la Turquie d'Europe.
XI. Académie de Besançon, 1876.
l^État de la France à l'avènement de Louis XI.
Indiquer les provinces du domaine royal et celles
des grandes maisons féodales. Raconter la vie de
Charles le Téméraire. Faire le portrait de Louis XI j
comme fils, comme père, comme homme et comme
roi. Le comparer à Charles le Téméraire. Résultats
du règne de Louis XI. î
2° Faire connaître les principales chaînes de
montagnes qui forment en Europe la ligne de par-
tage des eaux, et nommer les fleuves principaux j
des grands versants européens. Indiquer pour ■
chacun de ces fleuves la ville la plus remarquable '
située sur son cours. !
XII. Académie de Montpellier, 1876.
1° Comparer la politique de Louis XI avec celle
de Charles VIII. Difl'érence des résultats qu'elles
ont produits sous ces deux règnes.
2° Faire le croquis du littoral de la mer Médi-
terranée et des mers qu'elle forme. Indiquer les
îles, les ports, les principales villes situées près
des côtes, en faire connaître l'importance au point
de vue commercial et politique.
XIII. Académie de Hennés, ls78.
1° Conquête du royaume de Xaples par les Fran-
çais au XV* et au xvi' siècle : droits revendiqués,
luttes et résultats.
2'' Pautii:.
2" Colonies anglaises avec leurs ports les plus
importants et leurs principales productions; im-
portance qu'elles donnent au commerce maritime
de la métropole.
XIV. Académie de Toulouse, 1878.
1° Résumer l'histoire de Charles-Quint dans ses
rapports avec la France.
2* Les grandes et les petites Antilles. Situation,
climat, production, villes, leur répartition entre les
différents États de l'Europe.
XV. Académie de Dijon, 1878.
1" Henri IV, depuis l'édit de Nantes et le traité
de Vervins jusqu'à sa mort. — Ce qu'on a appelé
ses grands projets.
2" Tracer le cours du Danube depuis Vienne
jusqu'à la mer Noire : indiquer ses principaux af-
fluents de droite et de gauche, les villes et forte-
resses principales situées sur ses rives, les pro-
vinces que le fleuve arrose ou auxquelles il sert
actuellement de limite.
XVI. Paris, 1877.
1° Donner une idée de l'état politique de l'Eu-
rope en 1610.
2° Décrire les fleuves russes du bassin de la
mer Noire.
XVII. Académie de Poitiers, 1878.
1» Faire connaître la période française de la
guerre de Trente ans et les traités de Westphalie,
en indiquant leur importance pour la France et
pour l'Europe.
2° Décrire le bassin de la Loire. Tracer un cro-
quis du bassin.
XVIII. Académie de Montpellier, 1876.
1" Olivier Cromwell. Son gouvernement. Ses rap-
ports avec la France.
2° Voyage du Havre à San-Francisco par les pa-
quebots transatlantiques et les chemins de fer amé-
ricains. Indiquer les villes principales situées sur
le trajet, en faire connaître l'importance pohtique,
industrielle et commerciale.
XIX. Paris, 1878.
1° Guerres navales entre les Français et les
Hollandais au temps de Cromwell et de Charles II;
quelle part y prit la France ?
2" Nommer et décrire les comtés maritimes de
l'Angleterre proprement dite.
X\. Académie de Grenoble, 1876.
1° Guerre de Dévolution.
2° Faire le tracé de la ligne ferrée de Paris à
Rayonne par Orléans avec ses embramjhements
sur l'Océan.
XXI. Acaiiéniie de Grenoble, 1878.
1° Relations de la France et de l'Angleterre sous
le protectorat de Cromwell et sous le règne de
Charles II.
2° Tracé des lignes de chemins de fer de Paris-
Strasbourg et Paris-Mulhouse avec les embranche-
ments qui relient ces deux lignes entre elles. On
indiquera sur la carte les principaux accidents
physiques rencontrés par ces deux lignes.
X.\II. Académie de Dijon, 1876.
1° Expliquer le sens de ces paroles de Louis XIV à
son petit-fils le duc d'Anjou : Il n'y a plus de Py-
rénées. — Raconter jusqu'à quel point l'avenir a
réalisé les paroles du grand roi.
2° Géographie physique et politique du départe-
ment. — Tracé de la carte.
XXIII. Académie de Chambéry, 1876.
1° Protection accordée par Louis XIV aux arts et
aux lettres. Ses rapports avec les principaux écri-
vains et artistes français du .xvu* siècle. Œuvres
en prose et en vers qu'il a particulièrement inspi-
rées. Édifices qu'il a fait construire.
2° Faire le croquis des côtes de France, de l'em-
bouchure de la Seine à l'embouchure de la Loire.
— Indiquer sur ce croquis les principaux accidents
physiques et les principales villes.
20
BREVET
— 306
BREVET
XXIV. Académie de Chambéry, 1876.
1. Faire connaître les causes de la guerre de
Hollande sous Louis XIV ; nommer les puissances
qui y prirent part, et indiquer les avantages que
la France obtint par le traité de Ximègue.
2. Orographie et hydrographie générales de la
péninsule ibérique. Indiquer les voies de commu-
nication par terre qui existent entre l'Espagne et
le Portugal.
XXV. Académie de Douai, 1878.
1° L'histoire est-elle d'accord avec l'oraison fu-
nèbre que Bossuet a consacrée à Henriette-Marie,
reine d'Angleterre?
Exposer les difficultés religieuses et politiques
que cette princesse rencontra chez ses sujets
d'outre-mer.
2° Tracer la carte du Mississipi et de ses plus forts
affluents en y inscrivant les villes principales bai-
gnées par ces divers cours d'eau.
A côté de la ville, mettre le nom de' l'Etat.
XXVI. Académie de Gre?ioble, 1876.
1° Administration de Golbert.
2* Faire le croquis de la chaîne des Alpes entre le
mont Blanc et le col de Cadibone et indiquer les
rivières qui prennent leur source sur les deux ver-
sants.
XXVII. Académie de Rennes, 1876.
l" Turenne ; sa vie, sa mort.
2° Tracer un croquis de la géographie physique
du bassin du Rhône.
XXVIII. Académie de Rennes, 1876.
1° Le grand Condé; ses victoires, sa conduite
pendant la Fronde, ses dernières années, sa mort.
2° Géographie physique, climat, productions,
industrie de la Hollande.
XXIX. Académie de Lyon, 1876.
1" Acquisitions de la France sous le règne de
Louis XIV, consacrées par les traités de Westpha-
lie, des Pyrénées, d'Aix-la-Chapelle et de Ximègue.
2" Littoral de la mer ^Méditerranée, partie fran-
çaise, et départements baignés par cette mer : cro-
quis et description.
XXX. Aca'iémie de Chambéry, 1878.
1" Traités conclus par la France sous le règne
de Louis XIV. Dire dans quelles circonstances ils
furent conclus et quelles en furent les conditions.
2" Carte physique du bassin de la Garonne.
XXXI. Académie de Toulouse, 1876.
1" Rivalité de Louis XIV et de Guillaume III
âX)range, stathouder et roi.
2° Décrire sommairement les rives asiatiques de
la Méditerranée.
XXXII. Académie de Dijon, 187G.
1" Exposer les événements qui amenèrent la con-
clusion de la paix d'Utrecht. Résultat du traité.
2" Tracé de la carte de la Turquie d'Europe. —
Division en provinces. — Orographie.
XXXIII. Académie de Toulouse, 1876.
1° La part de la France dans la guerre de Sept
-ans en Allemagne.
2° Russie d'Asie : limites, provinces et popula-
tions principales.
XXXIV. Académie de Bordeaux, 1876.
1° Guerre de Sept ans.
2°Divisiondc laFrance au point de vue académique.
Géographie physique et politique de l'académie
de Bordeaux.
XXXV. Académie de Nancy, 1876.
l''Exposer brièvement les origines du royaume de
Prusse. Rôle de Frédéric H dans la guerre de la
succession d'Autriche.
2" Bassin de la Meuse avec l'esquisse.
. XXXVI. Paris, 1876.
1° Lutte de la Suède et de la Russie. Charles XII
et Pierre le Grand.
2° Description de la Russie. Limites, étendue et
population. Aspect général du sol, climat, produc-
tions.
XXXVII. Académie de Bordeaux, 1878.
l" Raconter comment la Prusse devint une
puissance de premier ordre sous Frédéric le Grand
(1740-1786j.
2° Décrire le bassin du Danube et en tracer la
carte avec les détails de la géographie physique ci
politique.
XXXVni, Paris, 1877.
Exposez et appréciez les réformes du gouver-
nement de Louis XVI.
Le plateau central de la France.
XXXIX. Paris, 1«76.
1° Exposer les faits les plus importants dont le
continent américain fut le théâtre dans la guerre
de l'indépendance.
2° Décrire la côte occidentale de l'Afrique.
XL. Académie de Cucn, 1876.
1° Rôle de la France dans la Guerre de l'indé-
pendance des Etats-Unis.
2° Faire la carte de l'Angleterre entre le ôO' et
le 52' de latitude.
Signaler les localités historiques ou commerciales
importantes.
XLI. Académie de Poitiers, 1878.
1° Faire connaître le règne de Louis XVI : minis-
tères de Turgot et de Xecker ; guerre d'Amérique ;
convocation des États généraux.
2° Faire connaître les principaux cours d'eau de
l'Afrique en indiquant les pays qu'ils arrosent et
les mers où ils se jettent. Tracer une esquisse des
contours de l'Afrique avec l'embouchure des fleu-
ves.
XLU. Académie de Douai, 1876.
1° Les deux Pitt. A quelles époques, dans
quelles circonstances ont-ils dirigé la politique de
l'Angleterre et quelle fut cette politique à l'égard
de la France?
2° Tracer la carte : 1° des principaux cours d eau
de l'Amérique du Sud ; 2" des grands lacs de l'A-
mérique du Nord, ainsi que de l'Afrique.
XLIII. Acadétnie d'Alyer, 1876.
1° Quelles ont été les grandes assemblées de la
Révolution de 1789 à 1799? Quel a été le rôle de
chacune d'elles?
2° Qu'est-ce qu'un canal? — Dessiner et décrire
le canal du Rhône au Rhin.
XLIV. Académie de Besançon, 187S.
1° Exposé sommaire des changements successifs
survenus dans la politique européenne de 1797
à 1811.
V" Orographie de r.\sie appuyée d'un tracé.
XLV. Académie de Clermont, 1876 et 1878.
1° Raconter l'expédition d'Egypte.
2" Dessiner les côtes de la France de l'embou-
chure de la Somme à celle de la Gironde. Mar-
quer les principaux accidents physiques. (Départe-
ments, ports principaux.)
Autre question de géographie : Indiquer les di-
verses routes de terre et de mer conduisant de,
l'Europe aux Indes, en signaler l'importance com-
merciale et militaire ; faire un tracé spécial de
celles qui traversent ou longent l'Egypte.
XLM. Académie île Paris, 187S.
1° Organisation judiciaire de la France avant
17H9. — Comment cette organisation a été modifiée
par l'Assemblée constituante.
2° Description du canal de Suez ; son impor-
tance commerciale.
XL VIL Académie de Nancy, 1878.
1" Hoche.
2° Tracés comparés de la frontière de la France
en 1789, en 180;', en 1815; commenter rapidement
ces difl'érents tracés.
XLVIII. Académie de Montpellier, 1878.
1" Indiquer les principales clauses des grands
traités de Campo-Formio , de Lunéville et d'A-
miens. Donner la date de ces traités et le résumé
sommaire des événements qui les ont amenés.
BREVET
— 307 —
BREVET
2" Décrire la poi'tion de l'Europe comprise entre
le Rhin, le Rhône, la Saône et la Moselle. Géogra-
phie physique et politique, montagnes, cours
d'eau, lacs, Etats, villes principales ; joindre au
texte un croquis du territoire à décrire.
XLIX. Académie d'Aix, 187G.
1° Traités de 1815.
2° Cartes du bassin du Pô.
L. Académie de Douai, 1876.
Donner l'étymologie et le véritable sens des mots
boréal, septentrional, arctique, austral, méridio-
nal, antarctique, tropique, zone, pôle, écliptique,
zodiaque.
Histoire et géographie.
ASPIRANTES.
I. Académie de Paris, 1878.
Décrire les côtes de la Syrie et de l'Asie Mi-
neure. — Enumérer les Etats anciens qui floris-
saient sur ces côtes avant les guerres médiques.
— Apprécier le rôle des cités les plus importantes.
II. Académie de Bordeaux, 1878.
1° La seconde guerre punique.
2° Le Portugal ; géographie physique et politique,
colonies.
III. Académie de Bordeaux, 1876.
1" Progrès du christianisme sous Constantin le
Grand.
2°Géographie physique de l'Italie, avec une carte.
IV. Académie de Chambéry, 1876.
1» Charleinagae, ses conquêtes et ses institutions.
Unité temporaire du monde germanique.
2° Cours du Rhin ; États qu'il baigne ; villes prin-
cipales situées sur ses bords ; affluents de droite
et de gauche ; embouchures.
V. Académie de Caen, 1876.
1° Conquête de l'Angleterre par Guillaume le
Conquérant.
2° Carte des côtes d'Asie, depuis le détroit
d'Ormuz jusqu'au cap Cambodje.
Tracer ï'équateur et le tropique du Cancer.
VI. Académie de Clermont, 1876.
1» Faire ressortir les principales qualités de saint
Louis, en citant des fiiits à l'appui.
2° Tracer le cours de la Seine (croquis'.. Princi-
paux affluents. — Départements et villes principales.
VII. Académie de Montpellier, 187t;.
1° Exposer les faits qui ont eu pour conséquence
l'accroissement du pouvoir royal sous les Capétiens,
depuis la fondation de cette dynastie jusqu'à Phi-
lippe le Bel.
2° Dessiner les deux Amériques et décrire leurs
côtes orientales en donnant des détails sur leur as-
pect physique, leur climat et leurs productions,
indiquer sur la carte les villes principales qui se
trouvent sur le bord de la mer.
VIII. Académie de L'jon, 1378.
1° Exposez le règne de Philippe de Valois.
2° Les principaux bassins houillers de la France.
IX. Acadétnie de Grenoble, lii'^>.
1" Origine et organisation des communes en
France. De leur influence au point de vue politique
et commercial.
i" Faire le croquis du littoral de la Méditerranée,
en indiquant les départements, les villes et les
accidents physiques qui se trouvent sur ce littoral.
X. Académie de Paris, 1876.
1° Qui'ls sont les grands événements qui signa-
lent en Europe la première période des temps mo-
dernes, 11Ô.3-161S?
a 2° Quels sont les fleuves, rivières et canaux au
moyeu dexiuelson pourrait se rendre en bateau de
Bordeaux à Belgrade? Quels États traverse-t-on?
Nommer les villes les plus importantes qu'on trou-
verait sur le parcours?
XI. Académie d'Aix, 1876.
1° Quels sont, dans l'ordre politique et intellec-
tuel, les grands faits qui, au quinzième siècle (1-iOO
à 1300), marquent la séparation du moyen âge et
des temps modernes?
2° Carte des côtes de l'océan Indien depuis le
détroit de Bab-el-.Mandeb jusqu'au détroit de Ma-
lacca (îles, fleuves, contrées maritimes, portsi.
XII. Académie de Nuncg, 1878.
1° Christophe Colomb.
2° La Méditerranée et les puissances riveraines.
Tracé du littoral.
XIII. Académie de Chambéry, 1876.
1° Règne de Louis XI. Sa lutte contre les grands
vassaux. Caractère de son administration. Pro-
vinces qu'il a réunies au domaine royal.
2° Bassin de la Loire. Indiquer les anciennes
provinces et les départements compris dans ce bas-
sin. En faire le croquis; indiquer par des hachures
les chaînes de montagnes qui l'entourent, et indi-
quer, sur le cours du fleuve, les principales villes
qu'il arrose.
XIV. Académie de Lyon, 1876.
1° Luttes de Louis XI et de Charles le Téméraire :
quels en furent les résultats?
2° Croquis de la chaîne des Cévennes depuis le
canal du Centre jusqu'au canal du Midi : départe-
ments traversés.
XV. Académie de Poitiers, 1876.
1° Montrer la part que Louis XI et Richelieu ont
prise à la formation de l'unité nationale.
2° Géographie physique, administrative et com-
merciale des colonies françaises, en Afrique et en
Asie.
X\l. Académie de Dijon, 18 6.
1° Régence d'Anne de Boaujeu.
2° Tracé du cours du Danube, avec ses princi-
paux affluents ; marquer les villes importantes
qu'il baigne.
XVII. Académie de Nancy, 1876.
1° Exposer les principaux faits de la régence
d'Anne de Beaujeu ; insister sur l'heureux événe-
ment qui la termine (acquisition de la Bretagne).
2° L'Indoustan.
XVIII. Académie de Cuen, 1876.
1° Charles VIII.
2° Les Antilles. — Description sommaire, mé-
tropoles, productions, commerce.
XIX. Académie de Grenoble, 1876.
1" Guerres d'Italie. Indiquer sommairement les
grandes périodes de ces guerres et nommer les
rois de France et les souverains étrangers qui y
prirent la part la plus active. On insistera sur les
résultats de ces guerres au point de \m& politique,
littéraire et artistique.
2° Carte géographique du bassin de la Garonne.
XX. Académie de Grtnoble, 1878.
1° Le connétable de Bourbon.
2° Tracé de la carte du département de r.\rdèche ;
sa géographie physique et politique.
XXI. Académie de Montpellier. 1S7G.
1° Rivalité de François I" et de Charles-Quint.
Ses causes et ses conséquences.
2" Itinéraire de Londres à San-Francisco en pre-
nant les voies rapides : chemins de fer et paque-
bots de poste.
XXII. Académie de Poitiers, 1876.
1° Les lettres et les arts, en France, sous le rè-
gne de François I".
2» Archipel des Antilles : climat, production,
principales iles. Etats européens auxquels elles
apnartienuent.
XXIil. Académie d'Aix, 187G.
1° Rappeler la puissance de l'Espagne au seizième
siècle, le rôle qu'elle a joué en Europe, et surtout
ses rapports avec la France jusqu'à Louis XIV(1G61)
2° Angleterre (Royaume-Uni). Climat, sol, pro-
duction, agriculture, commerce, industrie, gouver-
nement. Carte physique; y indiquer la position des
villes principales'.
BREVET
— 308 —
BREVET
XXIV. Acailéiiiie de Nanci/, 1876.
1° Guerres de Henri II contre Charles-Quint et
Philippe II. — Traité de Cateau-Cambrésis. — Con-
séquence des guerres d'Italie.
2" Le bassin du Rhône avec l'esquisse.
XX\ . Académie de Paris, 1875.
1° Le chancelier Michel de L'Hôpital. — Ses
vues politiques et administratives- — Principaux
événements qui se passèrent en France de 1560 à
1JG8.
2° Nos anciennes possessions de l'Amérique du
Nord : Canada. Acadie, île du cap Breton, Loui-
siane. — Géographie physique et historique de ces
contrées.
XXVI. Académie de Caen, 1876.
1" Marie Stuart.
2° Le cours du Rhône. Importance historique et
industrielle des villes situées sur ses bords.
XXVII. Acadérnie de Toulouse, 187G.
1° Règne d'Elisabeth ïudor d'Angleterre.
2° Etudier en Suisso le cours du Rhin et de ses
affluents; énumérci'les cantons d'après ce plan de
géographie physique.
XXVIII. Acadùnie de Rejincs, 1876 et de Douai,
1878.
1° Rivalité d'Elisabeth et de Marie Stuart. Appré-
ciez la conduite d'Elisabeth envers la reine d'Ecosse.
2" (;omment peut-on transporter par eau, sans
passer par la mer, des marchandises d'Avignon au
Havre? Nommer les départements et les principa-
les villes que l'on aura à traverser.
Autre question géographique : Carte de l'Aus-
tralie.
XXIX. Paris, 1876 et Académie d\iix, 1878.
l" La révolution de 1688 en Angleterre.
2° Divisions principales l'Irlande; faire la carte.
' Autre question de géographie :
L'Autriche. Description physique ; productions
diverses ; villes principales ; industrie et commerce ;
voies de communication.
XXX. Académie de Dijon, 1876.
1° Richelieu et les lettres de son temps (l'Acadé-
mie française, l'hôtel de Rambouillet, Chapelain,
Scudéry, Corneille).
2° Le Gulf-Stream ; tracé de sa direction ; son
influence sur les climats.
XXXI. Académie de Lyon, 187G.
1" Exposer les faits principaux de la régence
d'Anne d'Autriche.
2° Faire un croquis du bassin de la Seine :
Ceinture, cours d'eau, départements et villes prin-
cipales.
XXXII. Académie de Lyon, 1876.
1" Mazarin.
2" Les Pyrénées, frontière de la France et de
l'Espagne : croquis et description.
XXXIII. Académie de Douai, 187G.
1° Faire comprendre en quoi différait la monar-
chie telle qu'elle existait sous Louis XIV, de la
monarchie telle qu'elle fut transformée, sous
Louis XVI, par la constitution de 1791.
X" Donner les chefs-lieux et les sous-préfectures
des départements qui touchent à l'Allemagne, en
traçant la carte de ces départements.
XXXIV. Académie de Toulouse, 187G.
1° Histoire de l'édit de Nantes; faits qui l'ont
amené: ses clauses: sa révocation; conséquence
de cette révocation sous Louis XIV.
2» Esquisse géographique des îles de l'océan
Atlantique, qui dépendent de l'Amérique et de
l'Afrique.
XXXV. Académie de Rennes, 1876.
1° Par quelle raison Louis XIV a-t-il reçu de ses
contemporains le surnom de Grand ? Ce surnom
est-il pleinement justifié aux yeux de l'histoire?
2° Colonies hollandaises ; leur importance.
XXXVI. Académie de Caen, 1876.
1" Administration de Colbert. Finances, indus-
tries, commerce à l'intérieur et k l'extérieur, ma-
rine, beaux-arts.
2" Faire la carte de la côte nord de l'Afrique,
depuis le détroit de Gibraltar jusqu'à l'embouchure
du Nil. — Indiquer la latitude du ponit le plus
septentrional. — Joindre à la carte l'énumération
des principales productions de l'Algérie.
XXXVI bis. Académie d'Alger, 1878.
1° Colbert, ses qualités, ses services, faire voir
comment il a rétabli les finances, développé la
marine, protégé l'industrie et le commerce.
2» Esquisser le bassin de la Loire et faire con-
naître, au point de vue industriel et commercial,
les principales villes situées dans ce bassin.
XXXVII. Académie de Douai, 1876.
1° La maison de Stuart était très impopulaire,
et la maison de Hanovre très populaire : dire
pourquoi.
Louis XIV et le régent ont suivi, chacun à l'é-
gard de l'Angleterre, une politique tout opposée.
— Exposer ces deux politiques, et démontrer quelle
fut la plus conforme aux intérêts de la France.
2° Tracer une carte de l'Indoustan tout entier,
en soulignant les noms des colonies françaises
ainsi que ceux des capitales des présidences an-
glaises. Fleuves, montagnes.
XXXVIII Académie de Besançon, 1876.
1° Histoire du soulèvement des Pays-Bas. —
Guillaume de Nassau.
2° Géographie physique de l'Asie et tracé des
principales chaînes de montagnes.
XXXIX. Académie de Besançon, 1876.
1» Rappeler les guerres soutenues par la France
sous Louis XV, en indiquant les causes de chacune
d'elles.
2" Carte du littoral de la France depuis Brest
jusqu'à Biarritz.
XL. Académie de Poitiers, 1878.
1» Tableau des lettres, des sciences et des art»
au xvii"= siècle au siècle de Louis XIV.
2" Géographie physique et politique de l'Italie ;
en tracer une esquisse.
XL bis. Académie de Toulouse, 1878.
1" Le siècle de Louis XIV ; quand commence-t-
il? Quand finit-il? Principaux écrivains en prose
et en vers ; leurs œuvres les plus célèbres.
2» Description de la Turquie d'Europe. Fleuves,
montagnes; climat, population, productions; pro-
vinces tributaires ou vassales ; tracer la carte.
XLI. Académie de Rennes, 1878.
1° Paix d'Utrecht et ,de Radstadt : comment la
paix fut-elle amenée? Ses conditions. États qui s'y
trouvaient directement intéressés ?
2° Géographie physique et politique de la Hol-
lande, industrie, commerce, principales colonies
de cette contrée.
XLII. Académie de Douai, 1876.
1° Quelle était l'organisation politique de l'em-
pire d'Allemagne, à l'époque où Louis XV s'unit
au grand Frédéric contre l'Autriche ?
En s'alliant ainsi à la Prusse, Louis XV servait-il
mieux les intérêts de la France que le jour où, plus
tard , il s'unit à l'Autriche contre ce même Fré-
déric?
2" Exposer le cours : 1° du Danube : 2° du Mis-
sissipi. — Principaux affluents ; villes principales
et Etats auxquels appartiennent ces villes.
XLIII. Académie de Chambénj, 1878.
1° Causes, laits principaux et conséquences do
la guerre do la succession d'Autriche.
2" Tracer la carte de la presqu'île armoricaine
avec ses principaux accidents physiques. On indi-
((Uera les limites des départements de cette région
avec les noms et la position des principales villes
du littoral.
XLIV. Paris, 1876.
1" Rivalité de la Suède et de Russie sou» Char-
les XII et Pierre le Grand.
BREVET
309 —
BREVET
2» Principales îles de la Méditerranée. — Indi-
quer leur situation.
XLV. Académie d'Alger.
1° Partages de la Pologne.
'2" D'Alger à Philadelphie.
XLVI. faris., 1876 et Aaidéniie de Montpellier,
1878.
1"' Guerre de l'indépendance des Etats-Uni?,
1773-1783. . , , r^
— Expliquer les motifs qui amenèrent la trance
■sous Louis XVI à soutenir le soulèvement des co-
lonies anglaises d'Amérique contre leur métropole
et dire la part de gloire et de profit qu'elle trouva
dans cette guerre.
:"> Antilles. Description des principales îles.
Autre question de géographie :
Décrire la portion de la France comprise en-
tre les Pyrénées, les Corbières, les Cévennes,
la rivière d'Ardèche et le Rhône, la côte et ses
■détails, la ceinture des montagnes, les cours d'eau,
les départements, les villes principales. Joindre au
texte un croquis du territoire à décrire.
XL VII. Académie de Dijon.
r Guerre d'indépendance de la Grèce (t821-
1828).
— Fondation du royaume de Grèce.
1" Description physique et politique de la Sa-
voie.
XLVIII. Académie de Besançon, 1 878.
10 Lutte et rivalité de la France et de l'Angle-
terre de 1793 à 1815.
2» Orographie de l'Amérique appuyée d'un
tracé.
XLIX. Académie d'Algci\ 187G.
Utilité de la géographie pour comprendre l'his-
toire.
L. Académie de Bordeaux, iS'd.
Décrire et dessiner le cours du Danube en indi-
<)uant les pays et les villes principales que ce
fleuTC traverse.
G. Épreuves de la 3'' série.
Dessiîi d'imitation.
1. Académie de Paris, 1876.
Tête de la Vénus de Médicis, vue de profil,
ilomi-nature avec la masse des ombres.
2. Académie de Pans, 1876.
Éléments de Julien : figure vue de face.
Observation. — Évidemment il s'.Tg^it ici d'une tête et
non pas d'une figure. On nomme figure la réunion de toutes
les parties du corps.
3. Académie de Grenoble, 1878.
r.ours de Sebastien Cornu, planche 18, dessin
■de droite.
4. Académie de Paris, 1878.
Fragment de tête d'après un modèle donné.
.'). Académie de Poitiers, |87S.
Dessiner, en prenant une fois et demie les di-
mensions du modèle, le culot do la planche n" 2
(2* série) du 8^ cahier de la collection le Béalle.
Observation. — Un culot est un motif d'ornementation.
— Ce que l'on entend par dessin d'imitation n'est pas bien
«Icfini, car souvent nous rencontrons sous ce titre, dessin d'i-
mitation, de l'ornement et quelquefois même du dessin gra-
phique.
(<. Académie de Douai, 1878.
Dessiner le masque du Dante d'après la bosse et
^e la même grandeur que le modèle.
Pour les ombres, le procédé est laissé au choix
des aspirants.
Observation. — Voilà un excellent modèle, nous faisons
des vœux pour que cet exemple soit suivi, il est impossible
<lc faire un meilliair choix.
7. Académie de Rennes, 1878.
Dessiner une tête d'après Julien.
I 8. Académie d'Alger, 1878.
Dessiner une tête d'après un modèle lithogra-
phique.
' Observation. — Ainsi tous les modèles qui ont été don-
nés jusqu'à présent dans les examens, sauf de bien rares
exceptions, sont des modèles graphies.
Des reliefs très-simple.s seraient préfér.iblcs à tous les
points de vue et nous fourniraient une preuve bien plus
convaincante du savoir des aspirants ; car copier une es-
tampe, ce n'est pas savoir dessiner.
[Ant. Cougny.]
D. Epreuves de i,\ ■4" série.
Langues vivantes.
1" Pori^-, 1878.
I. Thème allemand: Sparte et Athènes
Sparte et Athènes furent les cités les plus re-
marquables de la Grèce. Ces deux villes, dont tous
les historiens ne cessent de raconter les brillants
exploits, n'avaient pas la même passion pour la
guerre. Athènes avait plus de goût pour les lettres
et les arts que pour les combats. Xerxès croyait
que sa redoutable armée était la plus courageuse
entre toutes celles qui avaient jamais été réunies.
Gependant, après avoir vu ses meilleurs soldais
vaincus par une poignée de Spartiates, il comprit
qu'il faisait la guerre à des peuples plus coura-
geux que ne l'étaient les Perses eux-mêmes.
II. Version allemande : Corneille et Racine.
Corneille hat, wenn ich so sagen darf, grosse
Menschen dargestellt, und Piacine vornehme Per-
sonen. Ich kann mir, wenn ich Racine's Stiicke
h.'se, immer den Dichter denken, dcr an eincm
glanzenden Hofe lebt, einen grossen Konig vor
Augen hat und mit den Besten umgeht. Wenn ich
scinen Britannicus, seine Bérénice studire, so
kommt es mir wirklich vor, ich sei am Hofe, sei
in das Grosse und Kleine dieser Wohnungen der
ii-dischen (îotter geweiht. und ich sche, durch die
Augen eines feinfûhlcnden Franzosen^ Kônige
die eine ganze Nation anbetet, Hofleute die von
viel Tausenden beneidet werden, in ihrer natiirli-
chen Gestalt, mit ihren Fehlern und Schmerzen.
Es ist unmôglich dass ein Dichter, dessen Leben
und Tod an den Augen eines Konigs hangt. nicht
auch Stiicke schreibon solle, die aes Beifalls eines
Fiirsten niirdig seien. (Gœthe.)
2° Paris, 1878.
I. Version anglaise : Hymne des saisons.
Thèse, as thcy ch.angc. Almiirhty Father, Uiese
Are but the varied God. The rôlling year
Is fuU of thee. Fortli in the pleasing Spring
Thy beauty vvalks, thy tendcrncss .ind love.
V\ i'de flash the (ield, the softcning air is balm,
F.eho the mountains round, the l'(H'est smiles,
And every sensé and every hcart is joy.
Then conîes tliv glorv in tïie Summer months,
Wilh liglit ;^l<^ll^at iefulgeiif : then thy sim
Shoots iull pei'rcetion 1hriiui;h the svielliiig year.
Thy bounty shiiies in Autumm confiiicd.
And spreads a comnion f<':ist for .ail tliat lives.
In Winter avslul tbou ! with clouds and -tornis
Around thee Ihrown, tenjpest over tempest rolled.
Jlajestic darkness ! On the whirlwind's wiiig
Riding sublime, then liiddst the vvoild adore,
And hurablest nature witli thy northern l)hist.
(Thomson.)
j II. Thème : Empire de l'homme sur les animaux.
j L'empire de l'homme sur les animaux est un
empire légitime qu'aucune révolution ne peut dé-
truire; c'est l'empire de l'esprit sur la matière,
(j'est non seulement un droit de nature, un pou-
voir fondé sur des lois inaltérables; mais c'est en-
core un don de Dieu, par lecjuel l'homme peut re-
connaître à tout instant 1 excellence de son être.
BREVET
— 310 — BREVET
Car ce n'est pas parce qu'il est le plus parfait, le
plus fort ou le plus adroit des animaux qu'il leur
commande. S'il n'était que le premier du même
ordre, les seconds se réuniraient pour lui disputer
l'empire; mais c'est par supériorité de nature que
l'homme règne et commande : il pense, et, dès
lors, il est le maître des êtres qui no pensent
point.
3° Académie de Paris, 1876.
Version anglaise : Le goût et le génie.
Taste and genius are twowords froquently join-
edtogether; and therefore by inaccurate thinkers,
confounded. Tliey signify, however, two quite dif-
férent things. Tlie différence between them can
be clearly pointed out, and it is of importance to
remember it. Taste consists in the power of jud-
ging; genius, in the power of executing. One may
hâve a considérable degree of taste in poetry, élo-
quence, or any of the fine arts, who lias little or
hardly any genius for composition or exécution in
any of thèse arts : but genius caiinot be found
without including taste also. Genius, therefore,
deserves to be considered as a higher power of the
mind than taste. Genius always imports something
inventive or créative, which does not run in mero
sensibility to beautj' where it is perceived, but
which can, moreover, produce new beauties, and
exhibit them in such a manner as strongly to im-
pro<;s the minds of others. Refinod taste forms a
good critic, but genius is further necessary to
form the poet or the orator. (Hugh Blair.)
4° Académie deNaiicy, 1876.
Version allemcmde : Die Fabel.
_ Die Fabel ist eine Art Allégorie, und man kann
sie erklâren aïs Darstellung einer praktischen Re-
gel der Lebensweisheit, unter einem aus der phy-
sischcnWelt hergenommenen Sinnbild : sie be-
steht aus zwei wesentlichen Theilen, aus dem
Sinnbild und aus der Anwendung, welche man
auch die Moral der Fabel nennt, die aber in dem
Bilde sich selbst aussprechen muss, wenn die Fa-
bel poetisch sein soll. Wer auch der Erfinder
derselben sein mag, so viel ist gewiss, dass sic
dem menschlichen Witze Ehre macht. Sie gefâllt
in jedem Alter. Sie verschônert Ailes, was sie be-
rùhrt ; sie versetzt uns aus einer Welt, wo wir uns
nie rccht wohl befinden, in eine ertrjiumte, die
Ailes besitzt, was nôthig ist, um uns zu gefallen ;
sie tâuscht uns nur^ um uns weiser und besser zu
machen.
5° Académie de Rennes, 187 7.
Version allemande : Dus Lied von der Gloche.
(Fragment)
Der Mann muss hinaus
1ns feindiiche Leben,
Muss wirlten und stiebon
Und pflanzon und schalliMi,
Erlisten, errafl'cn,
Muss welten und wagon,
Das Gluck zu erjagi-n.
Da sfrôniet lierbei die uuendliche Gabc.
Es fiillt sich der Speicher mit liôstliclier n;il)c.
Die Raunio wachsen, es dchnt sich das Haus ;
Und drinncn waltct
Die zijchtige Ilauslrau.
Die Muttor der Kinder, .
Und herrschot weise
Im Iiiiiislich; n Krcise,
Und lehret die Miidchen
Und -Rchrct don Knabcn,
Und regct ohn' Ende
Die flcissigen Hânde ;
Und mohrt dcn GewinD
Mit ordnendem Sinn,
Und fullct mit Schatzcn die duftcndcn Laden,
Und dreht um die schnurronde Spindel diîn Fadeti,
Und sammelt ini reinlich goglâttelen Sehrein
Die schimmcrnde WoIIe, den schneeichten Lein,
Und fijget znm Gutcn den Glanz und den Schimnier,
Und ruliot nimmor.
(SCHILLEB.)
G° Académie de Douni, 1S78.
Version allemande :
Dieser sprach : Ich tadle nicht gern, was immer dem Menschen
FiJrunschiidIiche Triebe die gute Mutterîs'atur gab ; [magoft]
Denn was Verstund und Ycniunft nicht immer verniugen, yer-
Solch ein glijcklicher Ilang, der unwiderstchlicb uns leitet.
Lockte nicht die Neugier di'n Menschcn mit ho(tic;''n Reizen.
Sagt ! erfuhr or wohl je, wie schiin sich die W'jltlichen Dinge
Gegon einander verhaïten ? Doim orst verlangt or das Neue,
Suchot das Niitzliche dann mit unermiidetem Fleisso ;
Endlich begehrt er das Gute, das ihn erhebet und werth macht.
(GOETDB.)
7" Académie de Paris, 1878.
Version allemande : Kindespflichten.
Zum Propheteu kara ein jungor Mann und sprach :
Gottgosandtcr, moine Mutter, ait und schwach,
Lebt bei mir, ich gcb ihr Wohnung und Gewand.
Trank und Speisc gcb ich ihr mit meiner Haud,
Hebe sie auf meincm Arm und pflege sie
Sommers kiihl und Wiutors warm, und loge sie :
Hab ich \ergoltcn? Der Prophet spracli : Nein,
Nicht vergolten. aber wohlgethan und fein.
Nieht den zchnten Thcil \crgaltcst du, nicin Sohn.
Gott gobe dir fiir's Klcine grossen Lohn.
(RiiCKKIlT.)
8° Académie de Douai, 1878.
Version allemande :
Also das ware Verbrechen, dass einst Properz mich begeistert,
Dass Martial sich zu mir auch, der Terwegiie. gesellt ?
Dass ich die Alton nicht hinter mir liess, die Schule zu hiitcn,
Dass sie nach Latiuni gorii mir in das Leben gefolgt ?
Dass ich Natur und Kun?t zu schaun mich treulich bcstrebe,
Dass kcin Name mich tâuscht, dass mich kein Dogma be-
[schrankt ?]
Dass nicht dos Lobens bodingendcr Drang mich. den Menschen,
Dass ich der Heuchclei diirftige Maske yerschmâh'? [verândert.J
(GoETBB.)
9° Académie de Grenoble, 1878.
Version italienne : Che cosa è Iddio.
Noi conosciamo alcun poco dei suoi divini attri-
buti. Egli non si lasciô senza testimonianza nella
creazione. Ma ahimè! Quanto deboli, abietti sonoi
concelti più sublimi che noi ci facciamo dell' Eterno I
Il cieco non puô giudicare délie opère di Rubens,
del Tizianc. Deboli similmcnte , imperfettissimi
rimarranno sempro mai i nostri più alti concetti
intorno a Dio, di fronte alla splendida realtà che
ci sarà un giorno rivelata.
10° Académie d' A ix. ISl 6.
Versio}i italieiine :
Epigramma di Giovanni Strozzi sopra la statua dellaNotte,
La nottc che fii yedi in si dolci atti
Dormir, fù da un .ingelo scolpita
In questo sasso, c, perché dorme, ha vita:
Destala, se nol credi, e parleratti.
Jiisposta, in persona délia Notte, di Afic/ielang-lù.
Grato m'è '1 s.mno, e più l'csscr di sasso,
Mentrc rhe'l danno o la vergogna dura ;
Non vedcr, non sentir m'è gran vontura
Perô non mi destar, doh ! parla basso
11° Académie de Toulouse, 1876.
Versio7i espagnole.
l r.uando sera que pueda
Libre de esta presion volar al ciclo,
Felipe, y en la rucda
Que huye mas dal suelo,
Contcmplar la verdad pura sin duclo ?
Alli en mi vida juiito.
BREVET —311
En luz rosplandecicntc convertido,
Veré distincto y junto
Lo que es, y lo que ha sido,
Y su principio propio y escondido.
Entonces veré como
La soberana mano echô el cimiento
Tan à nivel y plomo,
De cstable y firme asionfo, ^
Puso el pesadisimo elemento.
Veré las inniortales
Columnas do la ficrra esta fundado.
Las lindes y senales
Con que à la mar hincliado
La providencia tienc aprisionado.
12° Académie de Bordeaux, 187G.
Version espagnole : La caja de los pobres.
Hubo on otro tiempo un hombre ilustre y opu-
lento, llamado Benedicto, esto es, benedito. Este
nombre le cuadraba justamente, pues Dios le lia-
bia colniado de riquezas y todo el niundo le 11e-
naba de bendiciones, porque hacia bien â todos, al
extrano y al vecino, mas especialmente al pobre
y al afligido. Hé aqui el modo que ténia de hacer esto.
Cuando liabia pasado un dia alegre con sus ami-
gos, se retiraba â su aposento y hacia estas re-
flexiones : «^ Cuântos hay que no lian ganado de
un dia como este de boy? y^ que mal me podia
liaber acontecido si hubiese convidado yo doblado
numéro de personas? » En seguida ponia tanto di-
nero como le habia costado el convite dentro de
una caja segura, à la cual daba el nombre de Caja
de los Pobres. Del mismo modo cuando sabia que
habia habido algun incendie contribuia generosa-
mcnte para el socorro de los desgraciados. Tal fué
su conducta durante toda su vida.
BREVET
Epreuves orales.
E. Epreu\-es orales de la première série.
1° Arithmétique [Aspirants, aspira7i(es\ — Défi-
nition des nombres premiers. Y a-t-il beaucoup de
nombres premiers? Un nombre étant doinié, com-
ment reconnaît-on s'il est premier ou non?
Réduisez uneT raction ordinaire en fraction déci-
male. Peut-on dire d'avance le nombre des chiffres
décimaux? Dans quel cas la fraction décimale sera-
t-elle périodique simple ? Dans quel cas sera-t-clle
périodique mixte ?
Extrayez la racine carrée de 48 à 0,01 près. Si
l'on voulait avoir cette racine à j^ près, que fau-
drait-il faire? Peut-on extraire exactement la racine
carrée de 48 ?
Quand un nombre contient des dizaines et des
unités, quelle est la composition de son cube ?
Extrayez la racine cubique de 428 000. Pourquoi le
cube d'un nombre fractionnaire ne peut-il pas être
un nombre entier ?
Qu'appelle-t-on rapport en arithmétique ? Y
a-t-il plusieurs sortes de rapports?
Qu'est-ce qu'une proportion ? Quelle est la pro-
priété fondamentale d'une proportion ? Démon-
trez-la. Qu'appelle-t-on moyenne proportionnelle
entre deux nombres ? Comment la trouve-t-on ?
Qu'est-ce que partager un nombre en parties
proportionnelles h des nombres donnés? Gomment
opcre-t-on ? Comment partage-t-on un nombre en
parties inversement proportionnelles à des nom-
bres donnés ?
Qu'est-ce qu'une progression ? Qu'appelle-t-on
progression par différence? Qu'appelle-t-on pro-
gression par quotient ? Comment trouve-t-on la
somme d'un c(!rtain nombre de termes d'une pro-
gression par différence ? Donnez la somme de tous
les nombres entiers depuis 1 jusqu'à 100. Prouvez
que, quel que soit le nombre des termes, on trou-
vera toujours un nombre pair.
Qu'est-ce que l'escompte d'un billet? Expliquez
l'escompte en dehors et l'escompte en dedans.'
2° Géométrie [Aspirants). — Indiquez les diffé-
rents moyens de tracer des parallèles. 3ur quels
principes s"appuie-t-on dans cette construction ?
Peut-on les tracer avec la règle etl'équerre? Peut-
on les tracer avec la règle et le compas ?
Tracez une tangent? îi une circonférence par un
point pris sur la circonférence. Comment trace -
t-on la tangente par un point pris hors de la cir-
conférence ? Démontrez cette construction.
Expliquez la mesure de l'angle au centre. Qu'est-
ce qu'un angle inscrit ? Quelle est sa mesure. Par-
tagez un angle droit en deux parties égales. Par-
tagez-le en trois parties égales.
"Qu est-ce que le carré d'un nombre ? Pourquoi
ce nom a-t-il été donné à la 2' puissance du nom-
bre ? Construisez un carré. Y a-t-il une différence
entre la perpendiculaire et la verticale ? Pourrait-
on couper les quatre angles du cai-ré de manière à
en faire un octogone régulier?
Quelles sont les conditions pour que deux poly-
gones quelconques soient semblables? Quelles sont
les conditions pour que deux triangles soient sem-
blables ? Construisez un triangle semblable l\ un
autre sur un côté donné.
Qu'est-ce que reproduire un dessin au 10% au 100'?
Construisez un octogone régulier sur un côté
donné.
Comment trouve-t-on la somme des angles d'un
polygone quelconque ? Comment trouve-t-on la
valeur de l'angle d'un polygone régulier?
Inscrivez un triangle équilatéral dans un cercle.
Comment peut-on partager la circonférence en un
nombre donné de parties égales.
Qu'i'st-co qu'une ellipse? Construisez-la d'après
sa détinition. Qu'entend-on en disant que deux
courbes se touchent ?
C.onstruisez un arc rampant. Construisez une
spirale. Construisez une plinthe.
Quand a-t-on besoin en géométrie de construire
une moyenne proportionnelle entre deux droites
données ? Tracez un carré équivalent à un rectan-
gle donné.
Construisez un triangle équivalent à un hexagone
régulier donné.
Construisez un triangle rectangle. Quelle est la
relation qui existe entre les trois côtés d'un trian-
gle rectangle ? Citez des exemples où il soit utile
de l'employer.
Comment calcu!e-t-on la surface d'une sphère ?
Comment calcule-t-on la surface d'un cylindre ?
Comment calculo-t-on son volume ?
3° Tenue des livres [Aspira7its et aspirantes).-'
1. Des comptes courants. — Nouvelle méthode.
2. Des livres obligatoires et des livres acces-
soires.
3. Tenue des livres en partie double.
•i . Faire voir les relations du mémorial, du jour-
nal, du grand livre. — Indications aidant à passer
des uns aux autres.
."). Théorie relative à l'ouverture des crédits.
Ex. : Lacay, banquier à Tarbes. reçoit de Cassagne
un dépôt de 3,000 francs, sous condition qu'il
pourra prélever pareille somme chez Villeneuve,
banquier à Lyon. — Ecritures diverses de cette
opération.
G. Subdivisions principales des cinq comptes
généraux.
7. Compte profits et pertes.
8. Comment rectifie-t-on des erreurs?
4° Arpentage (Aspirants). — I. Mesurer l'aire
d'un triangle terminé par un contour quelconque.
2. Emploi de la boussole.
3. Mesurer la largeur d'un fleuve qu'il n'est pas
possible de franchir.
4. Déterminer la hauteur d'une tour dont le pied
est accessible
5. Emploi de la planchette.
BREVET
— 312
BREVET
6. Des diverses manières de lever un plan.
7. Lever d'un terrain au mètre.
8. Lever d'un terrain à l'cquerre.
9. Lever d'un terrain au grapjioniètre.
10. Dire ce qu'est la méthode des intersections.
5° Nivellement [Asijira7its). — I. Nivellement
simple.
2. Registre de nivellement. — Du niveau d'eau.
3. Vérification du nivellement.
4. Tracer une route sur plan coté.
5. Courbes de niveau.
6. Construire l'éclielle de pente d'une droite par
doux de ses points cotés.
7. Différence de niveau do deux points.
8. Exemples de l'utilité du nivellement.
9. Joindre deux courbes de niveau par une droite
ayant une pente donnée.
10. Nivellement composi'.
6° Dessia linéaire et d'ornement [Asph-antset
aspirantes). — 1 . Mener une tangente à un cercle
par un point extérieur. — Diviser un angle en deux
j)arties égales.
2. Tracer une tangente commune à deux circon-
férences.
3. Diviser une droite en cinq parties égales.
4. Construire un carré dans une circonférence.
5. Dessiner un dallage en briques hexagonales.
6. Élever une perpendiculaire sur un point dune
droite déterminé.
7. Construire un décagone régulier.
8. Dessiner une spirale, une doucine, une scotie,
des postes.
9. Construction des parallèles.
10. Construire un triangle isoscèle et un triangle
équilatéral.
7° Chant {Aspirants et atpirfmtes) . — 1. Qu'est-
ce que la musique"? — Comment représente-t-on
les signes dont on se sert en musif[ue'?
2. Qu'est-ce que la portée? — Quelle est la pre-
mière ligne de la portée ?
3. Comment indique-t-on la place qu'occupe sur
la portée chacune des notes de la gamme ? —
Qu'est-ce qu'une clef?
4. Combien y a-t-il de clefs et quel est l'em-
ploi de chacune d'elles ?
5. Comment indique-t-on le plus ou moins de
durée des sons ? — Valeur des notes.
6. Qu'est-ce que la mesure et comment la fi-
gure-t-on ?
7. Comment se divise la mesure et en combien
de temps divise-t-on les mesures?
8. Des signes d'altération et de leur emploi.
9. Du mode, du rhythme, des tons.
10. Lecture musicale.
F. Épreuves or.\les iie la 2' série.
1° Histoire {Aspirajits et aspirantes). —
Ordinairement deux questions, l'une d'histoire an-
cienne, l'autre d'histoire moderne ou du moyen-
âge. Ex :
Raconter la conquête de la Gaule par César.
— Les révolutions d'Angleterre de 1648 et de
1688.
Alexandre et ses successurs. — Charles XIL
Guerres puniques. — L'invasion des barbares.
Quels sont les grands événements qui s'accom-
plissent en Orient, en Grèce, ;\ Rome, vers 6(t0
ans avant Jésus-Christ ? — L'Assemblée consti-
tuante, etc.
2° Géographie. — {Aspirants et aspirantes). —
Ordinairement, deux questions à développer ou
une seule comprenant la géographie physique et
la géographie politique. Ex :
Les côtes de France. — Les ports militaires et
les ports de commerce.
Les Etats-Unis, géograpjiic physique et politique.
— La Suisse, idem.
La péninsule hispanique. — Divisions do l'Espa-
gne et du Portugal.
Réseau des chemins de fer français. — Canaux.
3° Physique {Aspirantes). — Quelles sont les
différentes sortes de balances ? Indiquez la com-
position de la balance ordinaire. Dessinez-en en
môme temps lo modèle au tableau. Qu'est-ce que
la balance de Roberval? Quel en est le défaut?
Quelles sont les conditions d'une bonne balance ?
A qui doit-on l'invention du baromètre ? Expli-
quez sa construction. Que faut-il penser de ses in-
dications par rapport aux variations du temps ? La
chaleur a-t-elle quelque influence sur le baromètre?
Comment mesure-t-on la température ? Expli-
quez la construction du thermomètre? Pourquoi
préfère-t-on le mercure dans la construction du
thermomètre? Expliquez la graduation Réaumur
et la graduation centigrade. Expliquez la graduation
Fahrenheit.
Quelles sont les causes du son ? Qu'est-ce que
l'élasticité des corps? Comment prouve-ton que
lorsqu'un corps rend un son, ses diverses parties
sont en vibration? Quel est le physicien qui a fait
beaucoup d'expériences à ce sujet ? N'y a-t-il que
les corps solides qui puissent entrer en vibration?
Qu'est-ce que la sirène ? Quel en est l'inventeur?
Quelles qualités distingue-t-on dans le son? De
quoi dépend sa hauteur? Quand deux sons se
trouvent à l'octave l'un de l'autre, quel est le rap-
port des nombres de vibrations ?
Peut-on faire un miroir sans verre? Combien
distingue-i-on de sortes de miroirs? Qu'appelle-t-
on images symétriques? Tous les métaux sont-ils
propres à faire des miroirs? Qui dans les tesips
anciens s'est servi de la propriété réfléchissante du
métal? Est-il indifférent de faire usage d'une théière
en argent ou en métal noirci ? Laquelle des deux
placée devant le feu s'échauffera le plus vite ? Quel
moyen a-t-on de conserver la glace contenue dans
un vase ? Les vêtements chauds réchauffent-ils par
eux-mêmes ?
Quelle est la forme dos verres employés pour la
vue ? Faites au tableau un dessin montrant la con-
vergence et la divergence des rayons dans divers
cas. Quand se sert-on des verres coiicaves ? Quel
effet se produit dans l'œil dans le cas de myopie ?
Qu'est-ce qui peut favoriser le développement de
la myopie ? Pourquoi ne doit-on pas lire à. la fe-
nêtre à la tombée de la nuit ?
A quelle époque ont eu lieu les premières expé-
i-iences sur l'électricité ? Sur quels corps ont-elles
d'abord été faites ? Quel est le savant anglais qui
n distingué doux sortes d'électricités? Comment pro-
duit-on l'électrisation d'un corps ? Expliquez ce
qu'on entend par corps isolants. Quelles sont les
découvertes les plus importantes faites sur l'élec-
tricité statique depuis la fin du dix-huitième siècle ?
Que découvrit Franklin ? Explitiuez l'action du pa-
ratonnerre.
Qu'est-ce que la réfraction de la lumière ? Citez-
en des exemples. Qu'est-ce que la réfraction atmo-
sphérique ? Signalez quelques-uns de ses effets par
rapport aux astres. Expliquez le phénomène du
mirage. Expliquez la formation de l'arc-en-ciel.
Comment est-il placé par rapport au soleil T
4" Chimie {Aspirantes). — Quelle est la compo-
sition de l'eau ? Quelles sont les propriétés prin-
cipales de l'oxygène '? Quand a-t-il été découvert
et par qui ? Quelles sont les propriétés princi-
pales de l'hydrogène 'i* Peut-on facilement le distin-
guer de l'oxygène ! Quelle est la densité de ces
deux corps ?
La chaleur produite par le coke et par le bois
est-elle la môme ? Qu'est-ce que la flanuno ? Com-
ment peut-on faire flamber du coke '? Que se pro-
duit-il ? Qu'est-ce que l'acide carbonique ? Qu'est-
ce que l'oxyde de carbone ? Que doit-on mettre de
préférence dans une chaufferette ?
BREVET
— 313 —
BREVET
Quels sont les métaux les plus importants à étu-
dier par rapport à l'usage qu'on en fait dans les
ménages ? Qu'est-ce que l'oxydation du cuivre, de
rétain, de l'argent ? Peut-elle être dangereuse
pour la santé ? Quels sont les métaux qui donnent
lieu à des substances nuisibles ? Quels sont les
acides qui attaquent l'étain ? Quels sont les usten-
siles qu'on ne peut pas faire en argent ? Quel est
le nouveau métal qui ne craint ni le sel ni le soufre?
Qu'est-ce que le chlore ? Quels sont ses princi-
paux composés ? Est-ce l'acide chlorhydrique qui
est employé comme désinfectant :■• Quelle est la
composition du corps vulgairement appelé chlore
et employé pour désinfecter ? Quelle est la compo-
sition de l'eau de javelle? Sous quelle influence ce
corps dégage-t-il le chlore?
Quelle est la composition des allumettes chimi-
ques ? Comment le phosphore enflamme-t-il le
soufre ? Quelles sont les propriétés du phosphore ?
D'où le tire-t-on ? Qu'est-ce que le chlorate de po-
tasse ? A quels usages est-il employé ?
Qu'est-ce que la salade ? Citez les principales
plantes qu'on y emploie ? Comment l'assaisonne-t-
on ? Qu'est-ce que le vinaigre ? Avec quoi le
forme-t-on? Que se passe-t-il dans la transforma-
tion du vin en vinaigre ? A quel caractère recon-
naît-on un acide ?
Quelle est la nature du sel de cuisine? Où le
trouve-t-on ? Est-il seulement dans les eaux de la
nier ? Comment appelle-t-on celui qui se trouve
dans l'intérieur de la terre ? Comment extrait-on
le sel des marais salants ? Pourquoi agit-on sur
une grande surface d'eau avec une petite profon-
deur ? Quelles sont les causes qui peuvent favori-
ser l'évaporation ?
5° Histoire naturelle (Aspirantes). — Qu'ap-
pelle-t-on indigestion? Tracez le programme d'une
leçon à donner à des enfants sur ce sujet. Qu'y
a-t-il d'abord à considérer ? Décrivez i'apparcil
digestif. Quels sont les phénomènes digestifs?
Expliquez la préhension des aliments. Expliquez
la mastication et son utilité. Expliquez la saliva-
tion et son utilité.
Qu'appelle-t-on animaux ruminants ? A quoi les
reconnaît-on extérieurement ? Comment les divi-
se-t-on ? Citez-en quelques-uns. Qu'est-ce que la
faune d'un pays? Quels sont les animaux qui vi-
vent dans l'eau ? Y a-t-il des moUusciues vivant
dans Teau?
Qu'appelle-t-on racines dans les végétaux? Quel-
les sont les fonctions de la racine ? Que prend la
plante dans l'air ? Que trouve-t-elle dans l'acide
carbonique ? Quels avantages nous présentent les
plantes ? Quelles sont les plantes qui vivent sans
racines ? Quappelle-t-on racine pivotante ? Citez-
en des exemples.
Comment se fait la circulation du sang? Expli-
quez les phénomènes qui l'accompagnent. Exposez
le système intérieur des vaisseaux sanguins.
Décrivez le poumon. Comment la respiration s'y
opère-t-elle ? Y a-t-il une circulation dans les plan-
tes comme dans les animaux ? Indiquez la compo-
sition du cœur et les fonctions de ses différentes
parties. Quelle différence y a-t-il entre le cœur
dun mammifère et celui d'une grenouille ? Quel
caractère particulier présente la circulation du
sang chez la grenouille ?
Parlez de la famille des rosacées. Caractères dis-
tinctifs. Types principaux.
Qu'appelle-t-on plantes oléagineuses, résineuses,
textiles, tinctoriales, saccharifères?
Expliquez la structure de la tige. Indiquez les
parties qui se montrent dans la section d'un tronc.
Expliquez la tige du chêne, du blé, du bambou,
du chanvre. Exposez la division du règne végétal.
Qu'appelle-t-on ombellifères, crucifères ? Combien
y a-t-il d'étamines dans les crucifères ? Que veut
dire tétradyname ?
Qu'est--ce que le café au lait? — Combien y a-t-il
de graines dans le fruit du café ? Qu'est-ce que le
caféier? A. quelle famille appartient-il? — Quelle pré-
paration fait-on subir au café et pourquoi? Quels sont
les effets du café ? Quelle est la composition du
lait ? Que vient-il à la surface, quand il est resté
quelque temps dans un vase ?
A quel ordre appartient la vache ? Qu'est-ce que
les vertébrés ? D'où vient le nom de mammifères ?
[G. Bovier-Lapierre.]
6° Agriculture {Aspiraiits). — 1. Des instru-
ments aratoires.
2. Des assolements. — Culture de la pomme de
terre.
3. Du choix des engrais.
4. De la moisson et de la conservation des
grains.
h. Du blé et de ses variétés.
G Emploi du cheval et du bœuf en agriculture.
— Soins à donner aux animaux.
7. Du drainage.
8. Culture de la vigne.
9 Assainissement du sol.
10. Notions d'arboriculture.
7" Industrie (Aspirants). — 1. De la houille et
de son extraction. — De la tourbe.
2. Fabrication du fer.
3. Fabrication du verre.
4. Fabrication du savon.
5. Industrie de la soie.
6. Fabrication du vin, du cidre, de la bière.
7. Du sucre et de sa fabrication.
5. Emploi de l'étain.
9. Fabrication des allumettes.
10. Fabrication de la chaux.
8° Hygiène (Aspirants et aspirantes). — I. Quels
sont les préceptes à enseigner sur les vêtements
au point de vue de l'hygiène? N'y a-t-il que la
couleur qui détermine l'influence dos vêtements ?
Ne faut-il pas tenir compte aussi de la matière
des étoffes ? Parlez des qualités diverses de la
matière des étoffes au point de vue de la cha-
leur. Exposez les propriétés de la laine, de la
soie, du coton, du chanvre.
2. Danger du voisinage des marais.
3. Hygiène des habitations. — De l'aération.
4. Causes de l'asphyxie. — Soins à donner aux
asphyxiés.
h. Hygiène du chauffage.
6. Du choix des boissons.
7. Des bains et de leur utilité.
8. Conditions d'une bonne alimentation.
9. Hj'giène des salles de réunion.
10. Soins à donner après une brûlure, une chute,
une insolation.
9° Gymnastique (Aspirants). — 1. De la gym-
nastique sans appareils.
?. De la marciie ; du saut; du pas gymnastique.
3. Descriptions des principaux appareils de
gymnastique.
4. Usage des haltères.
5. Emploi des diverses échelles, du trapèze, des
cordes à nœuds.
C. Des poutres horizontales et des barres paral-
lèles.
7. Des exercices d'ensemble.
8. Formation des pelotons.
G. Epreuves orales de la troisième série.
Dessin ù!ixai\.aXioTi(Aspiran's), — 1. Principes
généraux.
2. Indications nécessaires pour la reproduction
d'un dessin de même grandeur, de dimensions ré-
duites.
3. Comment indique-t-on le mouvement d'une
figure ? — Emploi des verticales et des horizon-
tales.
BREVET
— 314 —
BREVET
4. Qu'est-ce qu'une tète de face? — En esquis-
ser une.
5. Qu'est-ce qu'une tête de profil? — En esquis-
ser une.
a. Indiquer les principales proportions d'une
tête de face.
7. De la lumière et des ombres ; des reflets.
8. Qu'est-ce qu'un raccourci?
9. Notions générales de perspective.
10. Des objets emploj'és pour le dessin d'imita-
tion.
H. Epreuves orales de la quatrième série.
Langues vivantes [aspirants et mpirantes). —
Ordinairement lecture d'un morceau, traduction à
livre ouvert, questions grammaticales sur ce morceau,
conversation dans la langue clioisie par le can-
didat.
I. Epreuves écrites et orales spéciales a la
VILLE DE PARIS.
Littérature. — 1° Sujets de composition écrite
donnes de 1872 à 1878 :
1872. — Analyser et apprécier Y Art poétique de
Boileau.
1872. — Lettres de M"^ de Sévigné. — Après
avoir indiqué l'origine de ces lettres, les principaux
personnages auxquels elles sont adressées, on s'at-
tachera à en faire ressortir par des analyses et des
citations le mérite littéraire et l'intérêt historique.
On en tirera notamment les faits propres à donner
une idée des solides études et des lectures sérieuses
par lesquelles M"^ de Sévigné a fortifié son talent,
sans rien perdre de sa grâce et de son naturel.
1873. — Montrer à l'aide des Satires et des Epi-
tres les services que Boileau a rendus à la litté-
rature de son temp=;.
ih'iè. — L,9 caractère d'Ipliigénie dans les tra-
gédies d'Euripide et de Racine.
1874. — La division de la poésie en trois genres
principaux repose-t-elle sur des caractères naturels
et bien tranchés ?
1874. — Quels sont les progrès que Boileau a
fait f?ire à la littérature française en général, et
quels services a-t-il rendus en particulier à la lit-
térature de son temps?
i87ô. — Faire Ihistoire de la querelle littéraire
qui s'est élevée à propos du Ci/i de Corneille. Dire
les causes du mécontentement du cardinal de Pù-
chelieu ; la part qui lui revient dans la lutte et la
réponse de l'Académie.
1875. — Etudier et comparer dans Racine les
caractères dAndromaque, de Clytemnestre et de
Josabeth.
1876. — Comment l'amour paternel a-t-il été
compris et traité dans les tragédies de P. Cor-
neille ?
1876. — Analyser le quatrième chant de Y Art
poétique de Boileau, et montrer comment et pour-
quoi dans ce chant le poète français s'élève de
beaucoup au-dessus de V Art poétique d.'\ioTcLZ&.
IWî. — Analyser le personnage d'Agrippine dans
Bri/amiicus.
1878. —Indiquer d'après les Dialogues sur l'élo-
quence et la Lettre sur les occupations de l'Acadé-
mie quelles étaient les idées de Fénelon sur l'art
oratoire. B.
2" Questio)is recueillies à f examen oral de
littérature.
Qu'est-ce que la rhétorique en général? Difte-
rence entre la rhétorique et l'éloquence. Combien
y a-t-il de genres en rhétorique? Expliquez le
genre démonstratif, le genre délibératif, le genre
judiciaire. Division de la rhétorique. Parlez de l'in-
vention et dos différentes parties qui composent le
discours. De l'exorde; de la narration; de la con-
firmation ; de la réfutation. Citez quelques moyens
de réfuter. Qu'appelle-t-on sophisme? Qu'est-ce
que la péroraison? Quelles sont les qualités qu'elle
doit avoir?
Qu'entend-on par élocution? Dites les qualités
générales du style; ses qualités particulières. Pour-
ri uoi doit- on tendre à devenir un peu littéraire?
Que doit-on faire pour que les études littéraires
élèvent lame et touchent le cœur?
Qu'entend-on par les mœurs oratoires? Quelles
qualités doit posséder l'orateur? Expliquez l'im-
portance de CCS qualités. Combien y a-t-il d'espè-
ces d'exordes? Dans quel cas emploie- t-on l'exorde
ex abrupto? Dans quel cas l'exorde par insinua-
tion? Citez un discours où Cicéron y a recours,
ayant de grandes difficultés à vaincre pour faire
prévaloir l'idée qu'il présentait. Parlez de l'exorde
pompeux. A quel genre convient-il? Citez-en des
exemples.
Indiquez l'ordre des principaux chefs-d'œuvre
littéraires dans les trois littératures grecque, la-
tine et française. Dans la littérature grecque, in-
diquez les principaux poètes lyriques, les poètes
épiques. De combien de siècles le genre lyrique
a-t-il précédé le genre épique? Parlez de l'époque
d'Orphée et de Linus, de l'époque d'Homère. Quels
sont les principaux poètes dramatiques grecs? Ci-
tez quelques passages d'Eschyle, de Sophocle,
d'Euripide. Parlez des poètes comiques grecs.
Quelles sont les pièces d'Aristophane et de Mé-
nandre ? Qtez les principaux orateurs. Parlez de
Démosthènes et d'Eschine. Citez les écrivains qui
se sont distingués dans le genre philosophique.
Quels sont les principaux historiens?
Comment s'appelle le siècle où se sont trouves
réunis les plus grands écrivains latins ? Quels sont
ceux qui ont écrit dans le genre lyrique? Parlez-
nous de Cicéron. Citez ses principaux ouvrages.
Qu'est-ce qui frappe surtout dans les Tusculanes?
Dans quelles circonstances cet ouvrage a-t-il été
composé? Parlez de Pline le jeune. Citez quelques-
unes de ses lettres. Que dites-vous de Sénèque?
Indiquez ses œuvres. Quels sont les principaux histo-
riens latins? Comparez-les avec les historiensgrecs.
Quels sont les historiens français du xiii', du
xiv"^, du xvi^, du xvi% du xvii" et du xviii' siècle?
Quels sont les ouvrages principaux de Rollin? Indi-
quez la division de son Traité des études. Parlez-
nous du poème épique. Donnez-en une définition
claire et précise. Quelles sont les conditions né-
cessaires pour écrire un poème épique ? Quelle
forme lui donne-t-on? Quelles ressources le poète
peut-il employer? Quels sont les premiers ressorts
de l'action épique? Donnez quelques indications
sur les poètes épiques chez les Grecs, chez les La-
tins, chez les Italiens, chez les Portugais, chez les
Allemands, chez les Français. La Heyiriade peut-
elle être regardée véritablement comme un poème
épique ? Citez-en quelques passages. N'y a-t-il pas
en français une œuvre en prose à laquelle on pour-
rait donner le titre de poème épique? Indiquez les
morceaux les plus remarquables du Télémaque.
Quels sont les passages les plus remarquables
de l'Iliade ? Parlez-nous de la visite de Priam à
Achille ; des adieux d'Hector à Andromaque. Quel
est le sujet de YEnéide'l Indiquez les divisions de
ce poème. Quels sont les morceaux qui frappent le
plus ? Quel est le combat particulier qui termine
le poème? Parlez de la mort de Laocoon. Cet épi-
sode n'a-t-il pas été représenté par la sculpture ?
Quel est le sujet de YOdi/ssée? Quels sont les ca-
ractères à admirer dans ce poème?
Définition du poème didactique. A quelle époque
a-t-il paru en Grèce? Indiquez les conditions indis-
pensables pour qu'il soit intéressant et instructif.
Qn'cst-ce qui en fait le charme? Parlez-nous d'Hé-
siode. Comment lui est venue la pensée d'écrire
son poème? Quel Père de l'Eglise engageait les
BREVET
— 315 —
BULBE
chrétiens à lire Hésiode et Homère? Analysez le
quatrième livre des Géorgiques. Citez les épisodes
remarquables de ce poème. Récitez un passage
remarquable pris dans la poésie latine.
D'où venait au xvi' siècle l'invasion du mauvais
goût qui se produisit dans les œuvres littéraires?
Citez les auteurs et les ouvrages qui ont contribué
à le faire disparaître. A quelle époque a paru VArt
poétique de Boileau? Quand ont paru les Précieu-
ses ridicules de Molière ? Quelle influence cette
comédie exerça-t-elle sur l'Hôtel de Rambouillet?
Quels sont les auteurs qui ont combattu le mau-
vais goût dans la tribune, dans la chaire et dans le
barreau ? Dans quel chapitre de la Bruyère trouve-
t-on ses critiques contre les orateurs?
Indiquez les œuvres de Boileau. Quelle définition
donne-t-il de la satire ? Que remarquez-vous dans
ses satires? Citez quelques satires morales et poli-
tiques. Parlez-nous de la deuxième satire. Quels
sont les prédécesseurs de Boileau dans ce genre?
Quel modèle a-t-il imité parmi les anciens ? En
quoi consistent les satires d'Horace ? Citez-en quel-
ques-unes. L'esprit des satires de Juvénal est-il le
même que celui d'Horace ? Qu'est-ce qui rempla-
çait la satire chez les Grecs ? Y a-t-il eu des sati-
res politiques à Rome ?
A quelle date a été écrite par Fénelon sa Lettre à
r Académie? Quel était son titre primitif? De quoi
traite la première partie ? Quand parut le premier
Dictionnaire de l'Académie? Combien a-t-il eu d'é-
ditions depuis? Quelles ont été les premières oc-
cupations de l'Académie? Quel est le premier ou-
vrage sur lequel elle eut à se prononcer? Indiquez
dans quelles circonstances. Quels dictionnaires
avaient précédé celui de TAcadémie ? Donnez à ce
sujet quelques détails avec leurs dates. Comment
s'y prend-on pour enrichir une langue d'après la
Lettre de Fénelon? Vers quelle époque s'était in-
troduit l'usage des mots composés? Quels conseils
Fénelon donne-t-il pour la composition d'une gram-
maire? Quel a été le premier grammairien fran-
çais? Dans quelle pièce de Molière son nom est-il
prononcé? Où étudiait-on au xvii* siècle les règles
de détail pour connaître sa langue?
Expliquez la différence qu'il y a entre la tragédie
sous Thespis et sous Eschyle. Distinction à établir
entre le monologue et le dialogue. Règles du mo-
nologue. Citez quelques monologues célèbres. Ana-
lysez le Ciil. Analysez Polyeuctc. Comment peut-on
caractériser cette pièce? Y a-t-il eu des tragédies
religieuses avant cette pièce? Dites-nous quelques
mots sur les mystères. A quelle époque apparurent
les Confrères de la Passion ? Donnez quelques dé-
tails sur leurs représentations. Quelles sont les
autres pièces religieuses qui ont suivi Polyeucte?
Indiquez le sujet d'Esther, le sujet d'At/iulie. Dans
quelles circonstances ces pièces ont-elles été com-
posées?
Indiquez les principaux ouvrages de Bossuet.
Quel sens faut-il attacher au titre : Discours sur
l'histoire universelle? Indiquez les divisions de cet
ouvrage. Donnez l'explication de ses diverses par-
ties. Quelle est la partie la plus belle du chapitre
sur les empires? Parlez de l'oraison funèbre à
différentes époques et comparez-la à celle de Bos-
suet. Y en a-t-il des exemples dans la littérature
grecque et dans la littérature latine? En trouve-ton
des modèles chez les Pères de l'Eglise? Parlez de
l'ouvrage : lo Connaissance de Dieu et de soi-
même. A quelles sources Bossuet a-t-il puisé pour
le composer ? Quel philosophe, trente ans aupara-
vant, avait produit une révolution dans la philoso-
phie? Quel est le principal ouvrage de Descartes?
Analysez la fable de la Fontaine -.Les animaux
malades de la peste. Montrez que ce petit chef-
d'œuvre renferme toutes les parties d'un véritable
discours, au point de vue de la rhétori((ue. Indi-
quez-en les beautés. Citez quelques autres fables
remarquables. Quels ont été les prédécesseurs de
la Fontaine ? Y a-t-il une différence entre l'apologue
proprement dit et les fables de la Fontaine ? Qu'é-
tait l'apologue dans l'antiquité ? Quel est le carac-
tère des apologues d'Esope"/ Que dites-vous des
fables de Phèdre? Citez quelques fabulistes après
la Fontaine. Analysez le Misanthrope de Molière.
Quel est le caractère du personnage principal?
Quel caractère opposé Molière a-t-il placé auprès
de lui?
Qu'est-ce que le genre épistolaire? Peut-on y
rattacher la correspondance diplomatique ? Quelle
est la signification du mot épistolaire? Quelle est
l'expression qui lui correspond directement ?
Quelles sont les qualités du style épistolaire? Les
Grecs ont ils laissé des recueils de lettres? Les
I atins offrent-ils des modèles du genre épistolaire?
Quel est le caractère des lettres de Cicéron'r' Par-
lez-nous des lettres de Pline le Jeune. Quels sont
les auteurs français qui se sont distingués dans le
genre épistolaire ? Parlez-nous des lettres de Voi-
ture. Quel défaut peut on leur reprocher? Citez
une de ses lettres. Donnez quelques citations de
Balzac. Quel est le grand mérite de madame de
Sévigiié ? Quels avaient été ses maîtres et vers
quel but ses études avaient-elles été dirigées? Ci-
tez quelques-unes de ses plus belles lettres.
[G. Bovier-Lapierre.]
BULBID. — Botanique, 'VI. ^ — (Etym.rdu grec
bolbos, oignon . — Bulbe est, dit M. Littré, fémi-
nin en botanique et masculin dans le langage ana-
tomique; plusieurs le font aussi masculin en bo-
tanique.) — Les bulbes ou oignons sont des tiges
souterraines globuleuses analogues aux rhizomes,
mais se détachant du végétal qui les produit pour
vivre librement : après avoir nourri de leur propre
substance le bourgeon qu'ils portent, les bulbes
poussent dans le sol des racines remplissant les
fonctions ordinaires de ces organes. D'un bulbe
naît donc toujours un végétal complet et qui non-
seulement donne lui-même des bulbes sous terre,
mais se reproduit aussi par des graines. Quelques
botanistes considèrent les oignons comme des bour-
geons : nous expliquerons tout à l'heure pourquoi
nous les regardons comme des tiges. Toutes les
plantes bulbeuses sont monocotylédonées et ap-
partiennent à un nombre très restreint de famil-
les dans chacune desquelles les végétaux ne pro-
duisent cependant pas tous d'oignons.
Un bulbe se compose toujours de trois parties
bien distinctes : 1° le plateau, qui représente la
tige ; 2° les écailles, ou feuilles modifiées qui sont
insérées autour du plateau ; 3" les racines, qui pous-
sent au-dessous du plateau. C'est de la partie cen-
trale du plateau que s'élèvera un bourgeon mixte,
ou donnant des feuilles et un axe florifère, lequel
axe se nourrira en absorbant les sucs nutritifs emma-
gasinés et dans le plateau et dans les écailles. Il
suffira pour cela que le bulbe puisse absorber de
l'eau ; c'est ainsi qu'un oignon de jacinthe, par
exemple, en contact avec de l'eau par la face infé-
rieure de son plateau seulement, peut se transfor-
mer en une plante qui croît et fleurit; on voit au-
dessous du plateau que de nombreuses racines ont
poussé et, par conséquent, le végétal a trouvé en
lui-même et non dans la terre do quoi suffire à son
entretien. Le bulbe est donc comme le tubercule de
la pomme de terre, un réservoir de substance nu-
tritive, et cette substance est surtout riche en fé-
cule. C'est ce qui explique qu'un certain nombre
d'oignons, comme l'oignon ordinaire, l'ail, l'écha-
lotte, etc., sont comestibles ; beaucoup de bulbes
aussi sont des réservoirs de substances médica-
menteuses : c'est le cas du colchique.
On distingue trois formes de bulbes différentes :
1° le bulbe écailleux; 2° le bulbe tunique; 3» le
bidbc nleiji.
Le nulbe écailleux (ex. lis) se compose d'un pla-
CADASTRE
— 3!G —
CADASTRE
teau en forme de tronc de cône, sur lequel s'insè-
rent des écailles imbriquées.
Dans le bulbe tunique {g\. jacinthe) les écailles
sont larges et se recouvrent sur une plus grande
étendue ; même chez quelques-uns, il y a emboîte-
ment apparent de ces appendices.
Enfin le bulbe plein (ex. safran) est celui dans
lequel le plateau prend un grand développement,
tandis que les écailles sont moins nombreuses et
moins grandes.
Les bulbes peuvent être simples ou composés ;
dans le premier cas, ils ont un plateau simple
supportant un seul système d'écaillés ; mais s"ils
sont formés de plusieurs bulbes réunis et plus ou
moins agrégés {ail), ils sont dits composés.
Les oignons se reproduisent tous les ans ; ils
naissent sous le nom de caîeux, à l'aisselle des
écailles dun bulbe en végétation, comme lés bour-
geons naissent à l'aisselle des feuilles vraies chez
les plantes monocotylédonées et dicotylédonées ;
doue, ce plateau qui supporte des appendices
correspondant aux leuilles, du centre duquel s'é-
lance un axe florifère et qui supporte des feuil-
les vraies, est bien une tige. Les caîeux détachés
de la plante mère se comporteront comme tous les
bulbes ; quant à celui dont ils sont issus, lorsque
la branche fleurie et les feuilles qu'il a nourries
pendant une saison seront fanées et tombées, il
se gorgera de nouveaux sucs pour les besoins
de l'axe et des feuilles qui pousseront au prin-
temps suivant, de sorte que les plantes bulbeuses
sont vivaces, bien que leurs organes extérieurs
disparaissent annuellement. [G. Philippon.^
c
CADASTRE. — Connaissances usuelles , VII ;
Géographie de la France, VI. — {Eli/m. : dérivé par
l'espagnol et l'italien d'un mot du bas latin, capiias-
irutn, registre pour l'impôt par tète ou capitation).
— Ensemble des opérations qui ont pour but de
déterminer la superficie des propriétés foncières bâ-
ties ou non, d'apprécier la qualité productive des ter-
res et d'évaluer leur revenu net, afin d'asseoir d'une
manière équitable la répartition de l'impôt terri-
torial ou impôt foncier entre tous les j)ropriétaires
d'un même pays. Le résultat définitif de ces opéra-
tions prend également le nom de cadastre.
Le cadastre, en France, ne date que de 1807.
Avant la Révolution les abbayes et les seigneurs
féodaux, possesseurs de la majeure partie du sol,
•avaient déjà fait établir, sous les noms de Fouillés
ou de Terriers, des descriptions particulières de
leurs terres ou domaines, afin de régler les charges
de leurs tenanciers ; mais le principe d'un cadastre
général des propriétés imposables ne date que
•du 1" décembre 1790. Etabli d'abord sur des éva-
luations approximatives du comité des impositions
■foncières, puis sur la simple déclaration des pro-
ïpriétaires de biens-fonds, le cadastre ne remplis-
sait qu'imparfaitement le but qu'on se proposait
■d'atteindre. La loi du 15 septembre 1807 décida
qu'on procéderait au moyen de mesures géomé-
triques, et les opérations commencèrent des 1808
sur la plus grande partie du territoire français.
Les opérations cadastrales, pour un territoire
aussi étendu que la France, ne peuvent avoir
d'exactitude, qu'autant qu'elles sont appuyées sur
une bonne géodésie. Mais à l'époque où elles fu-
rent entreprises, la science géodésique était encore
dans l'enfance et la grande triangulation de Cassini,
de Thury, qu= servit de base à la carte de France
■dite de l'Acaacmie, était elle-même trop imparfaite
;pour qu'on pût l'utiliser en vue de levés de préci-
:sion à très grande échelle comme sont les levés
cadastraux. On se décida donc à établir pour cha-
que canton en particulier une triangulation ap-
puyée sur une base de départ mesurée avec soin,
€t l'on détermina ainsi sur la surface du canton
■un nombre de points trigonométriques assez
grand pour assurer l'exécution des levés de détail,
•qui furent faits séparément dans chaque commune.
En 1818, dès que 1 exécution de la nouvelle
carte topographique de la France fut décidée,
on arrêta que les opérations qu'elle nécessiterait
seraient combinées avec celle du cadastre général
et que la géodésie du V^ et du 2* ordre, confiée
au Dépôt de la querre, fournirait les bases de
départ qui devaient servir au cadastre pour établir
ses triangulations cantonales et préparer les levés
de aetail des communes non encore cadastrées.
Le Dépôt de la guerre devait de son côté utiliser
les levés du cadastre pour la planimétrie de la
grande carte de France. Ces conventions ne furent
f|u'imparfaitenient remplies de part et d'autre,
et les géomètres du cadastre continuèrent comme
par le passé à. exécuter leurs triangulations sans
se préoccuper de la géodésie du Dépôt de la
guerre. Peut-être ne purent-ils recevoir à temps
les éléments géodésiques sur lesquels devaient
s'appuyer leurs travau.\, dont rien ne devait ralen-
tir la marche.
Dans cli;H|iie département un géomètre en chef
dirigeait 1 (Miscmble des opérations. Sous ses ordres,
des géomèinîs de 1"-' et de 2'' classe étaient chargés
des triangulations cantonales; ils surveillaient
l'exécution des levés dans chaque commune, et
vérifiaient les calculs déterminant la superficie de
chaque propriété. Une commission composée des
principaux propriétaires de la commune fixait,
d'après la nature du sol, la classe dans laquelle
devait être rangée chaque parcelle de terrain.
Tout les ans les dépenses relatives à l'exécution
du cadastre étaient inscrites au budget pour une
somme variable, qui monta parfois jusqu'à deux
minions, tant pour les frais à la charge de l'Etat
que pour ceux à la charge des départements.
Le cadastre fut entièrement achevé en 1858,
pour la partie continentale de la Fiance Les opé-
rations n'ont été commencées en Corse qu'on 1843;
elles ne sont pas encore terminées ; dans les
communes non cadastrées on continue à se servir
du plan terrier de Corse, exécuté do 177. i ;'i 1791.
Les levés du cadastre commencés en isfil dans
les deux départements nouvellement annexés de
la Savoie et de la Haute-Savoie, ainsi que dans la
])artie du département des Alpes-maritimes, qui
formait l'ancien comté de Nice, sont actuellement
en cours d'exécution. Ils ont été entrepris pour
l'Algérie dès 1842 et se continuent régulièrement
sur toute l'étendue du territoii-e soumis à l'autorité
civile.
Conformément aux dispositions de la loi du
7 août 1850, toute commune cadastrée depui?
plus de 30 ans peut obtenir la révision de son
cadastre sur la demande motivée du conseil muni-
cipal, approuvée par le Conseil général du dépar-
tement.
Le cadastre d'une commune comprend deux do-
cuments qui se complètent l'un par l'autre, sayoir :
la matrice cadastrale et les plans parcellaires. La
matrice cadastrale est le registre d'après lequel
est établi le rôle des contributions foncières; les
plans parcellaires forment l'ensemble des levés du
CADRAN SOLAIRE
— 317 —
CADRAN SOLAIRE
cadastre. On a divisé le territoire de la commune
en un certain nombre de sections à chacune des-
quelles a été affectée une des lettres de lalphabet,
et qui sont toutes représentées par un plan parti-
culier ou parcellaire ; sur chaque plan de section
on a numéroté chaque parcelle de terrain impo-
sable, en suivant la série naturelle des nombres et
dans un ordre assez régulier pour faciliter les
recherches. Le registre, divisé en un certain nom-
bre de colonnes, présente pour chaque section la
série des nombres indiquant les parcelles correspon-
dantes du parcellaire et donne pour chacune d'elles
le nom du propriétaire, la nature de la culture,
la contenance évaluée en hectares et en ares, la
classe dans laquelle elle a été rangée d'après le
degré de fertilité du sol et enfin la cote des con-
tributions qui lui est applicable en raison de la
classe à laquelle elle appartient.
Les plans parcellaires ont été levés à des échel-
lesvariables.j^, j~, g^, suivant que le sol
est plus on moins divisé. Ainsi, les sections qui
comprennent les villages, les hameaux et leurs
environs, où le morcellement de la propriété at-
teint les dernières limites, sont ordinairement a
l'échelle de j^; au contraire, les grandes éten-
dues de terrain boisées, incultes, ou seulement
réservées au pâturage, ont été levées à ^^- Tous
les plans de sections d'une môme commune, ré-
duits à une même échelle, le jô^ généralement,
quelquefois le j^, plus rarement le ^^ ou
le 4Ô0ÏÏÛ' suivant que le territoire est plus ou moins
étendu, sont assemblés sur une même feuille qui
porte le nom de plan d'assemblage, et forment
une carte générale de la commune, où sont repré-
sentés tous les chemins, les cours d'eau, les con-
structions de toute espèce et où, presque tou-
jours, les cultures différentes, massées d'après
leur nature, sont indiquées par des lettres initiales :
T, terres labourables; V, vignes ;P, prés; etc. Sur
quelques plans d'assemblage, on a même figuré le
relief du terrain au moyen de teintes à l'encre de
Chine, indiquant par leur intensité, l'inclinaison
plus ou moins grande des pentes. De même que
pour tous les plans topographiques manuscrits,
les eaux sont représentées sur les plans cadastraux
par la couleur bleue, les constructions par le car-
min, les chemins et les limites de culture par le
noir. Le plan d'assemblage est généralement
orienté ; 3n y a indiqué à cet effet la trace du mé-
ridien qui passe par un des points les plus remar-
quables de la commune, le clocher de l'église
par exemple; mais cette orientation n'est souvent
qu'approximative .
Le cadastre de chaque commune est établi en
deux expéditions, dont l'une reste à la mairie,
l'autre se trouve au chef-lieu du département,
dans les bureaux de la direction des contributions
directes.
La plupart des États de l'Europe ont exécuté
leur cadastre ; quelques-uns même ont précédé la
France dans cette voie. Le cadastre de Suède a été
commencé sous le grand Gustave vers le milieu
du xviie siècle, celui de la Prusse à la fin du
xviiie siècle. En Angleterre, les plans de paroisse
^®^^^ ^ ïiôô ^•^"^ ^'^ véritables parcellaires qui,
reproduits par la gravure^ sont livrés à la publi-
cité accompagnés de cahiers indiquant les super-
ficies des propriétés.
Les levés cadastraux fournissent généralement
la base de la planiinétrie des Cartes d'Etat-ma-
Jo>: [Ed. Rouby.]
CADUAN SOLAIRE. —Cosmographie, XII ; Con-
naissances usuelles, VIII.— Instrument construit
pour donner l'heure d'un pays d'après la position
Uu soleil sur l'horizon.
Nous ayons dit à ce mot, dans la I" Partie, pourquoi
nous croyons utile d'exercer les élèves-maîtres à la
construction de ces appareils dans leur forme la
plus simple et la plus rudimentaire. Les enfants
des écoles y trouveront une distraction instructive
et la meilleure occasion de revoir quelques-unes
des notions les plus élémentaires de cosmographie,
de géographie et de géométrie.
Le cadran solaire le plus simple est celui qui
indique seulement midi. Il a reçu le nom de gno-
mon. Sous sa forme la plus ordinaire, il consiste en
une tige bien verticale placée sur un terrain bien
horizontal ou sur une plaque ayant cette direction.
Tout le monde sait que midi est l'instant de la
journée où le soleil est le plus élevé au-dessus de
l'horizon, et par conséquent celui où l'ombre d'un
objet a le moins de longueur. On sait aussi qu'à
égale distance de midi, à 8 heures du matin et à
4 heures du soir, par exemple, l'ombre du même
objet, à l'ouest la première fois, à l'est la seconde,
a la même longueur. Il est donc facile, du pied de
la tige comme centre, de décrire plusieurs circon-
férences concentriques de rayons assez grands pour
qu'à midi l'ombre de la tige soit tout entière dans
la plus petite circonférence et assez petits pour
que le matin et le soir, l'extrémité de l'ombre de
la tige soit en dehors de la plus grande circonfé-
rence.
Cela fait, il suffit de marquer avec soin, le matin,
le point où l'extrémité de l'ombre est sur une cir-
conférence pour rentrer à l'intérieur et le soir, le
point où cette extrémité se retrouve sur la même
circonférence, pour en sortir. On partage en deux
parties égales l'arc de circonférence compris entre
ces deux points et en joignant le pied de la tige au
milieu de l'arc, on a la direction que doit avoir
l'ombre de la tige à midi. Si l'on a fait la même
opération sur plusieurs circonférences, on aura ob-
tenu chaque fois la même ligne, ce qui prouvera
qu'on a bien opéré. Il faut faire ce travail aux en-
virons du 21 juin ou du 21 décembre, parce que si
on le faisait à une autre époque de l'année, le soleil
ne restant pas pendant toute la durée du jour à la
même hauteur dans le ciel, il en résulterait une
petite erreur pouvant atteindre une demi-minute.
Une fois ainsi établi, le gnomon est installé pour
toujours et chaque fois que l'ombre de la tige re-
viendra à la place marquée pour midi, il sera midi
du soleil ou midi vrai. Il n'en résulte pas que l'on
pourra régler sa montre et lui faire marquer midi
chaque fois que l'ombre de la tige indiquera midi
pour que la montre soit juste; ce serait fatiguer la
montre inutilement, et il peut y avoir jusqu'à 16-
minutes de différence entre midi de la montre et
midi du soleil. La montre est obligée de marcher
régulièrement et de mettre toujours le même temps
d'un midi au midi suivant pour être une bonne
montre, tandis que la terre ne marche pas régu-
lièrement pour ramener les midis successifs à des
intervalles égaux. Il faudrait pour cela que la terre
décrivît une circonférence exacte autour du soleil
au lieu d'une ellipse, qu'elle décrivît cette circon-
férence d'un mouvement uniforme au lieu d'aller
plus vite en hiver et moins vite en été, et que cette
circonférence fût dans le plan de l'équateur de la
terre au lieu d'être inclinée de 23 degrés et demi
sur cet équatcur comme cela a lieu. Le midi des
montres et des horloges est le midi calculé pour
une terre iaiaginaire qui remplirait les conditions
((ue nous venons d'indiquer.
A notre époque, quand le cadran solaire marque
midi, une bonne montre, pour être et pour rester
juste, doit marquer :
Le 1 janvier, midi 4 minutes. — le 8, midi T, —
le 16, midi 10, — le 22, midi r>, _ le 27, midi 13,
— le 2 février, midi 14, — le il, midi 14 minutes
et demie, — le 2G, midi 1-3, — le 8 mars, midi 11,
le 15, midi 9, — le 22, midi 7, — le 4 avril, midi 3,
le 11, midi 1, — le 15, midi juste, — le 24, onze
CADRAN SOLAIRE — 318 —
CAFE
heures 58, — le 1 mai, onze lieures 57, — le là,
onze heures 56 minutes 9 secondes, — le 28, onze
heures 57, — le 4 juin, onze heures 58, — le t4,
midi juste, — le 28, midi 3 minutes, — le lO juil-
let, midi 5, — le 19, midi 6, — le 28, midi 6 mi-
nutes 15 secondes. — le 2 août, midi 6, — le II,
midi 5, — le 21, midi 3, — le l septembre, midi
juste, — le 7, onze heures 58, — le 13, onze
heures 5G, — le 18, onze heures 54, — le 24, onze
heures 52, — le 30, onze heures ôO, — le 6 octo-
bre, onze heures 48, — le 14, onze heures 46, —
16 27, onze heures 44, — le 3 novembre, onze heures
43 minutes 41 secondes, — le 10, onze heures 44,
— le 21, onze heures 4G, — le 21, onze heures 48,
— le 3 décembre, onze heures 50, — le 8, onze
heures 52, — le 12, onze heures 54, — le 16, onze
heures 56, — le 20, onze heures 58, — le 24, midi
juste, — le 20, midi 3 minutes.
Maintenant que les chemins de fer sillonnent la
terre et que leurs horloges, dans un pays, mar-
quent toutes la même heure, celle de Paris, par
exemple, en France, nous conseillons de s'en servir
pour établir le gnomon. On prendra, à la gare la
plus voisine, l'heure de Paris avec une bonne mon-
tre, on se procurera la longitude du lieu où l'on
veut établir le gnomon, on calculera, à raison de
4 minutes pour un degré et de 4 secondes pour
une minute, la différence d'heure entre Paris et le
lieu en question, et on ajoutera cette différence à
l'heure de la gare si on se trouve à l'est de Paris,
on l'en retranchera si on est à l'ouest. Avec la
montre, un des jours que nous venons d'indiquer
à l'alinéa précédent, et à l'heure que doit marquer
la montre à midi du soleil, on tracera la ligne
d'ombre d'une tige verticale et le gnomon sera établi.
On peut encore placer au sommet de la tige une
plaque métallique percée d'une fente, à condition
que cette fente soit bien dans l'axe de la tige. Le
rayon de soleil qui passe par la fente se distinguera
bien mieux sur le sol au mineu de 1 ombre de la
plaque que l'ombre de la tige qui a toujours une cer-
taine épaisseur et apporte de l'indécision dans l'éva-
luation de l'heure.
Mais on n'a ainsi qu'un cadran solaire qui marque
midi seulement. Il est vrai que l'usage des montres
et des horloges est aujourd'hui si répandu que c'est
là le seul cadran solaire nécessaire et vraiment
utile en ce sons qu'il suffit, pour régler les hor-
loges d'un lieu, de venir le consulter un des jours
indiqués plus haut, et de voir si les horloges ou
une montre marquent bien l'heure dite au moment
où le gnomon marque le midi du soleil.
En établissant, en face de la direction de la
fente dont nous avons parlé, sur la ligne de midi,
un petit canon, et en plaçant au-dessus de la lu-
mière du canon une lentille biconvexe ayant son
foyer à cette lumière où on laissera quelques grains
de poudre après avoir chargé le canon, on aura le
nec plus ultra du genre.
Si l'on veut avoir un cadran qui donne toutes
les heures de la journée au lieu de donner seule-
ment midi, il faudrait clsoisir entre les différents
cadrans perfectionnés, mais qui demandent des
connaissances scientifiques supérieures au niveau
de l'enseignement primaire. Nous nous bornerons
à indiquer la construction du Cadran t':quatorial.
On disposera une tige rigide parallèlement à
l'axe de la terre: Pour cela, il suffira d'avoir la di-
rection du méridien sur iin plan horizontal donnée
par l'ombre du gnomon à midi, et d'incliner la tige
en question sur cette direction, du cùté du nord,
d'un angle égal à, la latitude du lieu où l'on est,
soit 48 degrés ôO minutes pour Paris. On fixera,
en un point de cette tige, une plaque de métal bien
dressée, perpendiculairement :'i la direction de cette
tige et le cadran équatorial sera tout prêt à être
gradué. Comme on le voit, l'établissement préalable
d'un gnomon est toujours indiqué.
Le long de l'ombre de lu tige sur la plaque, au
moment où l'ombre du gnomon annoncera midi,
on tracera une ligne avec un pinceau imprégné de
couleur ou partout autre moyen, et on aura, sur
le cadran équatorial, la ligne de midi. La distance
qui sépare la tige du cadran équatorial de l'axe
autour duquel la terre tourne sur elle-même en
24 heures doit être comptée pour rien relativement
à la distance qui nous sépare du soleil, et la dis-
tance entre la plaque perpendiculaire à cette tige
et l'équateur terrestre auquel la plaque est paral-
lèle, pour rien encore, en sorte que, pour cette opé-
ration, notre tige sera l'axe, et notre plaque, l'é-
quateur terrestre, ce qui a valu à l'instrument ainsi
disposé le nom de cadran équatorial. Dès lors,
de même que l'équateur de la terre tourne régu-
lièrement de 360 degrés en 24 heures ou de 15
degrés par heure, notre plaque va tourner de la
même manière. Si donc on trace, de 15 en 15 degrés
à partir de la ligne de midi, d'autres lignes partant
du point de rencontre de la plaque et de la tige,
le cadran équatorial sera gradué d'heure en heure.
Cette graduation doit être exécutée sur les deux
faces de la plaque, car, dans nos climats, du 21
mars au 22 septembre, le soleil éclairera la plaque
par-dessus, et du 22 septembre au 21 mars sui-
vant, la plaque sera éclairée par-dessous.
^ [Joseph 'V^inot.]
CAFE. — Hygiène, XII. — Le café est la graino
du caféier, grand arbrisseau de la famille de?
Ruhiacées *. Il y a plusieurs espèces de caféiers
mais une seule produit les graines dont l'usage
s'est répandu dans tout le monde civilisé, c'est le
caféier d'Arabie (Co/fea arabica de Linné). Il peut
atteindre de G à 7 mètres, mais dans les cultures
on ne lui laisse pas prendre ces proportions qui
rendraient difficile la récolte. Les feuilles sont
opposées, persistantes, d'un beau vert. Les fleurs,
disposées par bouquets aux aisselles des feuilles,
ressemblent en petit à celles du jasmin ; elles sont
blanches et répandent une odeur agréable. La
floraison dure presque toute l'année, de sorte que
l'on trouve sur le môme arbre des rameaux fleui'is
et d'autres charges de fruits à tous degrés de ma-
turité. *
Le fruit est une baie semblable à une petite
cerise ; verte d'abord, elle devient jaune, puis
rouge, et enfin brune à l'époque de sa complète
maturité. Le noyau est divisé en deux loges tapis-
sées d'une membrane coriace qui renferment cha-
cune une graine bombée du côté externe, aplatie
et marquée d'une rainure du côté interne.
On croit que ce caféier, originaire de la haute
Ethiopie, fut transporté en Arabie vers le xv* siècle.
Le calé le plus estime est celui qui croît aux envi-
rons de Moka, sur la côte de la mer Rouge.
L'usage du café se répandit assez rapidement en
Orient : on le connaissait à Constantinople en
I5.')U. En France, Louis XIV fut le premier à en
boire.
Les Hollandais firent planter le caféier dans leurs
colonies dès 1690. En 1714 le capitaine Desclieux
fut chargé de l'introduire à la Martinique. Il n'avait
que trois jeunes plants. Deux moururent pendant
la longue traversée, et le troisième ne fut sauvé
que grâce au dévouement du capitaine qui partagea
sa ration d'eau avec la plante pour mener à bonne
fin sa mission.
Le café a été sérieusement étudié, depuis quel-
ques années, au point de vue de l'hj^giène. Et on
est revenu de beaucoup d'exagérations pour ou
contre l'usage du café.
On a cru, il y a quelque temps, découvrir dans
le café la propriété de retarder l'usure du corps,
de sorte que, par son usage, on pouvait accomplir
un surcroît de travail : ce n'était plus une boisson,
mais un aliment de premier ordre. IMalheureuse-
ment il n'en est pas ainsi; le café est un excitant
CAISSE D'EPARGNE
319 — CAISSE D'ÉPARGNE
et dire que, sous soa influence, l'homme fournit
une tâche extraordinaire, équivaut à. dire que le
fouet et l'éperon peuvent remplacer une partie
de la ration de foin et d'avoine pour le cheval de
travail. ,- - . x
Les substances assimilables que le café cède à
l'eau ne jouissent, comme aliment, d'aucune vertu
spéciale, mais elles constituent 20 «/q de son poids
et l'une d'elles, la caféine, est fortement azotée, de
sorte quune tasse ordinaire de café noir équivaut,
comme aliment, à 4 ou .i grammes de pain. Xotons
d'ailleurs que, dans cette proportion, le café est
un peu plus nourrissant que le bouillon.
L'importance du café, comme aliment, étant
ainsi réduite à sa véritable valeur, nous n'avons à
le considérer que comme boisson excitante.
Pour nous rendre compte de son effet, étudions-
le sur une personne qui n'en a jamais pris ou
qui n'en fait usage qu'à de longs intervalles. Peu
de temps après son ingestion on constate une acti-
vité plus grande de la circulation avec augmenta-
tion de chaleur. Le sujet en expérience accuse une
sensation de bien-être, d'allégement. Bientôt lo
cerv(.'au ressent une excitation exhilarante : les
pensées se pressent, on parle plus volontiers, on
écrit plus aisément. Les impressions n'augmentent
pas d'acuité ou de délicatesse, mais on est plus
disposé à l'épanchement, la mémoire est vive,
l'imagination en éveil, — conséquence inévitable,
le jugement est moins sûr. Lne dose assez faible
suftit pour obtenir tous ces résultats accompagnés
d'insomnie ; une dose plus forte amènerait un
véritable accès de fièvre.
Pour le café la tolérance de notre organisme s'éta-
blit assez vite, et de plus l'habitude n'entraîne que
lentement la nécessité d'augmenter les doses,
comme pour la plupart des excitants. D'ailleurs
l'excès n'est jamais accompagné de ces circon-
stances plus ou moins dangereuses ou ignobles
qui résultent des excès d'opium, d'alcool, de tabac.
^ Quant à lui reconnaître le titre de « boisson
intellectuelle » que ses partisans ont réclamé pour
lui, nous ne saurions avoir cette complaisance.
Le café délie la langue ou la plume, soit; mais les
sots ne sont alors que plus ennuyeux. Le café
n'augmente pas la puissance de notre esprit. S'il
avive en apparence quelques-unes de nos faculté-'
mentales, c'est par l'effet d'une excitation passa-
gère, et alors même le jugement et le raisonnement
se trouvent dominés par l'imagination.
Sous ces réserves, il faut convenir que le café
possède des propriétés précieuses. Son infusion
est tonique, légèrement fébrifuge, très utile, par
conséquent, dans les contrées marécageuses. L'u-
sage de l'eau bouillante pour sa préparation con-
stitue encore un avantage dans les mêmes régions,
puisqu'elle se trouve ainsi assainie. Tous les chefs
de corps de nos armées ont constaté, en Algérie
surtout, l'heureux effet de la ration de café donnée
aux soldats. On a reconnu aussi que la distribu-
tion régulière de café diminuait considérablement
la consommation de petits verres. C'est là un
résultat instinctif que l'on obtiendra partout dès
que l'on substituera un excitant relativement inof-
fensif ù. ceux qui sont devenus des fléaux de l'hu-
manité. Sauf à chercher plus tard, s'il le faut, des
remèdes contre l'abus du café, souhaitons, pour le
présent, que son usage se généralise et s'impose
pour supplanter l'alcool : à une condition toutefois
c'est qu'on n'étende pas cette indulgence aux éta-
blissements où se débite l'infusion de café. Un
lieu où l'on va « tuer le temps » loin de la fa-
mille ne sera jamais sans dangers. [D" Saffray].
CAISSE D'EPAllG?ÎE. — Arithmétique, XLVI
(c. s.) — L'historique de cet établissement de pré-
voyance a été fait dans la I" Partie de ce Diction-
naire h l'article E/'Urgne {Caisse d'). Un autre ar-
ticley a été consacré aux Caisses d'épargne scotaires .
1. La Caisse d'épargne reçoit , tous les diman-
ches, les dépôts qui lui sont confiés ; chaque dépo-
sant ne peut déposer moins de 1 fr. ni plus de :500
francs. Ces dépôts commencent à porter intérêt à
partir du dimanche suivant ; le taux de l'intérêt a
été fixé à 4 p. 100 par la loi du 7 mai 1853: mais
la Caisse retient 1/2 p. 100 pour frais d'adminis-
tration. Dans le calcul des intérêts, l'année est comp-
tée pour .S2 semaines exactement.
Si, par exemple, on veut savoir ce que rappor-
tera une somme de 85 fr. au bout de 40 semaines
à partir du dépôt, on aura à calculer l'intérêt de
8i fr. à 'i 1/2 pour 100 pendant ."iO semaines. En
appelante cet intérêt, on aura (V. Intérêts)'.
. = «i!l:M!^=2^23.
On voit que pour obtenir l'intérêt d'un dépôt, il
faut multiplier la somme déposée par 0,035 et par
le nombre de semaines moins une, et diviser le pro-
duit par 52.
2. La Caisse d'épargne inscrit au compte du
déposant, au moment même du dépôt, les intérêts
que produirait la somme versée, depuis le diman-
che qui suit le dépôt jusqu'au dernier dimanche
de l'année ; c'est ce que, dans la comptabilité de
l'établissement, on appelle les intérêts anticipés.
Lorsqu'un déposant retire une somme déposée, les
intérêts de cette somme cessent de courir le jour
même de la demande de remboursement. Les
intérêts que cette somme aurait produits jusqu'au
dernier dimanche de l'année forment ce que l'on
appelle les intérêts rétrogrades. Quand un dépo-
sant retire ses fonds, on fait son compte en re-
tranchant les intérêts rétrogrades des intérêts an-
ticipés.
Supposons qu'une personne ait déposé 180 fr.
à la Caisse d'épargne 13 semaines après le com-
mencement de l'année, et qu'elle la retire 35 se-
maines plus tard. Les intérêts anticipés devront
être calculés pour 52 — 14 ou 38 semaines, ce qui
donnera
180fr. 0,035. 38
52
ou ^f^60.
Les intérêts rétrogrades devront être calculés
pour 52 — 48 ou 4 semaines, ce qui donnera
180'''',O,O35.4
52
ou Ûf^iS.
Les intérêts à ajouter au capital seront donc
4'',60 — 0f%48 ou 4",12. Ainsi le déposant tou-
chera 180"^ =4'S12, c'est-à-dire 184",12.
Ce résultat est, en effet, celui qu'on obtient
quand on calcule l'intérêt de 180 fr. à 3 1/2 p. 100
pendant 35 — 1 ou 34 semaines.
3. Aucun versement nouveau ne peut être ad-
mis (loi du 30 juin 1851) lorsque le compte du dé-
posant a atteint la somme de 1000 fr. Si par suite
du règlement d'intérêts qui se fait à la fin de
chaque année, son compte \'ient à dépasser cette
somme, et s'il laisse passer trois mois sans de
mander de remboursement, la Caisse lui achète
d'office tO fr. de rentes. Les intérêts continuent à
courir jusqu'au moment de l'achat de cette rente :
mais les centimes qui accompagnent la somme en
francs ne portent aucun intérêt.
Si, par exemple, par suite du règlement annuel
des intérêts, le compte du déposant s'élève à
1 008^,75, les 1 OOS'"' continueront à porter inté-
rêt pendant 3 mois, ou 13 semaines, ce qui don-
nera 8'',S2 à ajouter au compte, lequel s'élèvera
ainsi à \i)\'i'',h'. Si. à ce moment, la rente 4 1/2
p. 100 est à 93",'J0, le prix de 10 fr. de rentes sera
î«!;><i^ ou 208'S64;
CAISSE D'EPARGNE
320
CAISSE D'ÉPARGNE
il restera donc au compte du déposant lOlT^ôT —
:;i08",«4 c'est-à-dire 808'S93.
4. Sachant calculer les intérêts produit par un
versement quelconque, on calculera facilement
ceux qui seraient produits par plusieurs verse-
ments successifs.
Supposons, par exemple, qu'un ouvrier ait placé
à la Caisse d'Épargne, savoir :
IQfr 7 semainej après le commencement de l'année ,
8 3 — après le premier dépôt ;
5 1 — après celui-ci ;
6 2 — après ce dernier;
25 8 — après celui-ci ;
et que l'on demande les intérêts produits au bout
de 40 semaines après le premier dépôt.
Les intérêts produits par ces versements auront
respectivement pour valeurs
10^.0,035.39 S^.QjVi.S.SG. 5^.0,035.35.
52 ' 5-2 ' 0-2 '
6fr. 0,0:15. 33 2.5f'-.0,M5.25
■ et —
5-2 o2
Pour faire commodément la somme de ces quan-
tités, on peut remarquer qu'elles ont pour facteur
commun 0,035 et pour dénominateur commun 52 ,
on fera donc la somme 10'^ 39 + 8''. 3fi -+- 5'^
35 + &\ 33 -4- '2i>". 25 , ce qui donne 1 676
francs ; on multipliera par 0,<>35 et l'on divisera
le quotient par 52 ; on obtient ainsi 1^^128 ou
1M2.
On voit que pour exécuter ce genre de calcul,
il faut faire la sonuae des produits de chaque ver-
sement par le nombre de semaines moins une éeou-
iées depuis ce vei-semtnt jusqu'à la demande de
remboursemeiit, multiplier cette somme par 0,035
et divise'' par 52.
5. Si, pendant un certain nombre de semaines
on déposait cbaque dimanche une même somme,
le calcul des intérêts produits se simplifierait
encore.
Supposons, par exemple, que pendant 42 se-
maines un ouvrier dépose chaque dimanche 5 fr.,
et qu'il demande son remboursement 7 semaines
après le dernier dépôt. Les intérêts produits par
ces versements successifs auront respectivement
pour valeur
5f''.0,"35.^S .^f-- 0.035.47 5^.0. "35. 40
52 ' IFl ' 52 '
et ainsi de suite jusqu'à
5f'-.(',035.6
On voit que 5'',0,035 est un facteur commun, et
52 un dénominateur commun. On fera donc la
somme 4s -j- 47 + i<i + etc + <i, qui est la
somme des termes d'une progression arithmé-
tique ayant pour premier terme G, pour difte-
rence 1, et composée de 43 termes; cette somme
est donc 1161. Multipliant par 0,035 et divisant
par 52 on trouvera pour les intérêts demandés
0'',78.
On voit que lorsque la somme versée chaque se-
maine est constante, on obtient les intérêts pro-
duits 671 faisant la somme des nombres de se-
maines {diminués chacun d'une wiité) pendant les-
quelles les intérêts doivent courir, multipliant cette
somme par le montant du versement hebdomadaire
et par 0,035, et divisant le produit par 52.
G. On pourra proposer aux élèves les problèmes
suivants :
i- — On demande ce que rapporterait, à la
Caisse d'épargne une somme de 75 fr. au bout de
38 semaines à partir du jour du dépôt.
Réponse : l'',8G.
IL — Une personne a placé 235 fr. à la Caisse
d'épargne, et se présente pour retirer ses fonds
33 semaines après ; quelle somme recevra-t-
elle?
Réponse : 24r%06.
III. — Un petit commerçant a placé à la Caisse
d'épargne, savoir :
25tf un premier dimanche ;
30 6 semaines après;
20 5 —
41 8 --
1 5 2 —
GO 7 —
et se présente pour se faire rembourser 48 semai-
nes après le premifir dépôt ; quelle somme rece-
vra-t-il ? Réponse: 194",90.
IV. — Un ouvrier place tous les dimanches, pen-
dant un an, une somme de 6 fr. à la Caisse d'é-
pargne ; à combien s'élève son avoir à la fin de
l'année, capital et intérêts compris?
Réponse: 317",36.
V. — Le compte d'un déposant s'élève, à la fin
de l'année, à 1 143'%50; s'il laisse écouler trois
mois sans réclamer ses fonds, à combien son
compte sera-t-il réduit après l'achat d'une rente
de lu fr. au cours de 91^', 00 ? (V. Rentes )
VI. — Un petit marchand a déposé à la Caisse
d'épargne, savoir :
120 fr. Il semaines après le commencement de
l'année ;
130 5 — après le premier dépôt ;
100 3 — après celui-ci ;
Il a retiré 75 4 — après ;
11 a replacé 180 5 — —
— 250 4 — —
Il a retiré 65 3 — après ce dépôt ;
11 a replacé 114 5 — après;
et enfin 90 2 — —
On demande de faire son compte à la fin de
l'année.
Réponse: 1 010'^13.
VII. — Si le marchand dont il vient d'être
question ne se présente que trois mois après pour
demander son remboursement, à combien son
compte sera-t-il réduit, les 10 fr. de rentes 4 1/2 p.
100 ayant été achetés au cours de 92'',75"?
Réponse : srî'SSS.
VIII. — On suppose qu'un ouvrier dépose teus
les dimanches 6 fr. à la Caisse d'épargne, mais qu'il
retire ses fonds à la fin de chaque année pour les
placer à 4 1/2 p. i 00 et à intérêts composés. On
demande de quelle somme il pourra disposer au
bout de 30 ans?
RépoJise : 19361'S2-2.
IV. — On suppose qu'un ménage d'ouvriers
dépose tous les dimanches à la Caisse d'épargne,
savoir : le mari 6 fr. et la femme 3 fr.,mais qu'ils
retirent leurs fonds à la fin de chaque année pour
les placer à 4 1/2 p. 100 et à intérêts composés. De
quelle somme pourront-ils disposer au bout de
30 ans; et quelle rente 4 1/2 p. 100 pourront-ils
acquérir avec cette somme . la rente étant sup-
posé au pair ?
Réponse : 29 041'',83, qui permettraient d'acheter
1 SOo'^SS de rentes,
X. — Quelle somme faudrait-il placer tous les
dimanches à la Caisse d'épargne pendant 30 ans
pour que, en retirant ses fonds tous les ans, et en
les plaçant à 4 1/.' p. 100 et à intérêts composés,
on pût disposer au bout de ce temps d'un capital
de 24 000fr. ?
Rép07ise : ""■,437... Il faudrait donc tâcher de dé-
poser chaque dimanche 8 fr.
Dans ce cas le capital obtenu ne serait plus
24 000 fr., mais 25 Sli^/ob. [H. Sonnet.]
CALCUL
— 321 —
CALCUL
CALCUL ALGEBRIQUE, APPLIQUE AUX PRO-
BLÈSIES D'ARITIIMÉ TIQUE ET DE GÉOMÉTRIE
DE L'ENSEIG.NEMEAT PRIMAIRE. — Xous n'a-
voiis point à refaire ici le cours d'algèbre élémen-
taire à l'usage des écoles normales et supérieures,
dont le plan et les développements essentiels
sont résumés dans ce dictionnaire même avec une
si grande autorité. — (V. Algèbre et Equations.)
Mais nous croyons devoir indiquer plus particu-
lièrement les procédés pratiques par lesquels,
même dans l'école primaire proprement dite et à
plus forte raison dans les classes pour les adultes
un peu avancés, dans les cours complémentaires,
tels que ceux du volontariat, et dans la prépara-
tion pour l'admission aux écoles primaires supé-
rieures), on pourra, on devra amener les élèves
de plain-picd sur le terrain de l'algèbre et leur
faire résoudre des problèmes par des équations
sans leur laisser soupçonner qu'ils font autre chose
que de l'arithmétique.
Nous supposons des élèves qui ne connaissent
encore aucun des termes de la langue algébrique,
et nous allons voir cominent peu à peu et sans pas-
ser par l'ensemble de l'enseignement méthodique
■qui est nécessaire au maître, on peut leur ap-
prendre chemin faisant et les mots techniques et
les règles dont ils auront à se servir.
Problème 1. — Nous prenons pour exemple un
problème d'arithmétique comme en fait tous les
jours un élève d'école primaire, un problème quel-
conque d'intérêt simple. L'élève sait la règle :
Pour trouver l'intérêt d'un capital, il faut multi-
plier le capital par le taux et par le nombre de
jours et diviser le produit par 36 000.
Demandons-lui s'il n'y aurait pas moj'en d'écrire
en abrégé cette longue phrase. Les mots multi-
plier, diviser, etc., peuvent être remplacés par les
signes qui lui sont familiers X,.*, etc. Chacune des
quantités qu'il doit passer en revue ne pourrait-
elle pas aussi être désignée abréviativement par la
lettre initiale de son nom: l'intérêt par /, le ca-
pital par c, le taux par t, le nombre de jours par n ?
La règle précédente peut donc se présenter ainsi.
. e-XtXn
. 36000
Cette expression aussi claire que concise est ap-
pelée formule; elle montre enmême temps ce que c'est
qu'une égalité. On indique à ce moment les dénomi-
nations de premier membre et de second membre
données aux deux parties qui constituent l'égalité.
Maintenant sera-t-il besoin d'arrêter les élèves
pour leur faire, avant de passer outre, l'exposé
complet et théorique des propriétés d'une égalité ?
Non, car ils les connaissent déjà implicitement par
l'arithmétique; ils les appliqueront pour ainsi dire
par intuition au fur et à mesure qu'elles vont se
présenter: on va le voir.
Dans l'égalité
._cXtXn
^~" 36 000 '
qu'arriverait-il si nous supprimions le dénomina-
teur du second membre? Tous les élèves le diront
aussitôt : ce second membre serait multiplié par
3G000. Par conséquent que faut-il faire pour réta-
blir l'égalité? Multiplier aussi le premier nombre
par 360U0. Voilà la nouvelle égalité trouvée :
36 000 i=cXtXn
Ce qui signifie : le produit du capital par le taux et
par le nombre de jours est égal à 36 000 fois l'ijitérêt.
A cette occasion on apprend aux élèves que
lorsque les facteurs d'un produit sont représentés
par des lettres, on peut supprimer le signe X
entre eux, et écrire ctn au lieu de c X <X ?2."lls ac
quièrent ainsi la règle dite règle des lettres de la
multiplication.
2e Pautie.
Ils ont tout à l'heure afCrmé sans hésiter qu'ojt
peut multiplier les deux membres d'une égalité par
un tnême noynbre sans altérer Ve'galité. Ils ne se-
ront pas plus embarrassés pour reconnaître qu'on
peut pareillement les diviser par un rnêni'i nombre
sans altérer l'égalité. Grâce à cette propriété, nous
allons pouvoir dégager et énoncer à part la valeur
de chacune des trois quantités en divisant succes-
sivement les deux membres de l'égalité
ctn = 36 000 i,
par fn, puis par en et par c^ La suppression des lettres
qui figurent à la fois au numérateur et au dénomi-
nateur n'a rien qui les surprenne ; ils entendent bien
que — = c. Donc nous obtenons les trois égalités :
3GO0O i
. 36 000 i
en
36 000 i
7Z = —
et
En traduisant ces formules en langage ordinaire,
les élèves y trouvent les règles à suivre pour con-
naître, sans répéter de longs raisonnements, le ca-
pital, ou le taux, ou le nombre de jours dans tous
les problèmes d'intérêt simple.
A ce moment on dit aux élèves qu'on appelle
équalio7iune égalité dans laquelle se trouvent une
ou plusieurs lettres représentant des quantités in-
connues ; que ces lettres sont ordinairement les
dernières de l'alphabet, x, y, z; que tirer la va-
leur de l'inconnue de l'équation où elle se trouve,
c'est ce qu'on appelle résoudre une équation.
On les exercera à regarder une équation comme
l'énoncé d'un problème écrit en langue algébriqtie,
à le traduire en langage vulgaire. Par exemple l'é-
quation
3x — 2 = 2a; 4-, 3
signifie : trouver un nombre tel que son triple
diminué de 2 soit égal à son double augmenté de 3.
Ces deux autres équations
37/ — 7x = 4,
2y-i-bx = 22,
se traduiront ainsi : trouver deux nombres tels
que l'excès du triple du premier sur 7 fois le se-
cond soit égal à 4 et que le double du premier
augmenté du quintuple du second soit égal à :22.
Réciproquement on les habituera à écrire sous
forme d'équation l'énoncé d'un problème, en s'at-
tachant d'abord aux questions les plus faciles.
A ce principe fondamental : 07i peut multiplier
ou diviser les deux membres d'une égalité ou
d'une équation sans altérer l'égalité, on joindra
avant d'aller plus loin cet autre principe aussi
évident que le premier : 07i peut augmenter ou
diminuer d'une même quantité les deux membres
d'une égalité ou d'une équation sans altérer l'éga-
lité lies deux: membres.
On en fera l'application à la résolution d'une
équation simple comme l'équation ci-dessus :
3a; — 2 = 2x -f 3.
Supprimant les 2a; au deuxième membre pour
que l'inconnue X ne se trouve qu'au premier, on
devra diminuer ce premier membre aussi de 2x,
ce qui donne
3a; — 2a; — 2 = 3.
Puis, pour faire disparaître le terme con'nu -^ 2
qui est au premier membre, il suffit d'augmenter
I ce premier membre de 2 : car alors 2 — 2 se dc-
21
CALCUL
— 322 —
CALCUL
truisent ; on augmentera aussi le deuxième
membre de 2 et on a alors
Zx — 2x = 2 + 2.
On déduit de là la règle de la transposition des
termes : pour faire passer un terme d'un membre
dans l'aub-e, on le supprime clans le membre où il
est et on l'écrit dans l'autre avec U7i signe con-
traire, c'est-à-dire en lui donnant + quand il
avait — et — quand il avait +.
Du premier principe on déduit la règle par la-
quelle on peut chasser les dénominateurs d'une
équation, ce qui rend les calculs plus faciles :
pour chasser les déno' ànateurs d'une équation,
on réduit tous les termes, les termes entiers aussi
bien que les termes fractionnaires, au même déno-
minateur, et on suppinme ce dénominateur com-
mun.
Pour terminer la résolution, il n'y a plus qu'à
opéi'er la réduction en un seul terme des nombres
d'vC qui sont dans un membre et celle des nombres
connus qui sont dans l'autre et à tirer enfin la
valeur de l'inconnue par une simple division.
Ce n'est pas le moment de parler du changd-
ment qui survient dans la nature de l'équation,
quand la quantité par laquelle on multiplie les
deux membres est l'inconnue elle-même ou une
quantité qui contient l'inconnue.
Maintenant, pour mettre de la précision dans le
langage, il importe qu'on sache bien que les termes
sont les quantités séparées par les signes + ou — ,
et qu'on ait une idée nette de l'origine et de la
nature du terme appelé négatif. C'est d'un pro-
blème familier qu'il convient de la déduire. On
supposera, par exemple, qu'un homme n'ayant que
5 francs doive 8 francs ; ce qu'il possède à ce mo-
ment peut être représenté par 5 — 8. En donnant
ses 5 francs, il n'a plus que zéro et une dette de
2 francs, et on lui ôtera ces 3 francs quand cela
sera possible ; pour le moment on l'indique en
écrivani 0 — 3 ou plus simplement — 3, puisque
le zéro est ici toui à fait inutile. Le terme négatif
— 3 représente donc le reste d'une soustraction
dans laquelle le plus grand nombre devait être
retranché du plus petit . Dans ce cas on retranche
le plus petit du plus grand, et on donne au reste
le signe — - Un terme négatif peut être regardé
comme exprimant une dette, tandis que le terme
positif exprime un avoir.
Nous pourrions suivre maintenant l'ordre métho-
dique du cours d'algèbre pour joindre à chaque
partie de ce cours les applications du calcul algé-
brique qui s'y peuvent rapporter. Mais nous
croyons faire mieux ressortir la portée de ces ap-
plications et la possibilité pour le maître d'en tirer
les plus heureux effets, même pour des élèves
étrangers à l'algèbre proprement dite, en donnant
quelques exemples de problèmes dans lesquels,
comme dans le précédent, le calcul algébrique
abrège ou éclaircit singulièrement les opérations
de l'arithmétique pure. — V. aussi dans le Diction-
naire, à la suite de l'article Algèbre, notre para-
graphe sur la préparation aux examens.
Problème 1. — On veut faire de l'argent au titre
de 0,835 en fondant ensemble de l'argent au titre
de 0,9 et du cuivre. Combien faudra-t-il prendre
d'argent au titre de 0,9 et de cuivre pour avoir
1 kilogramme d'argent au titre de 0,S35? (Problème
donné à Paris en 1877 aux uspiruntes; brevet su-
périeur. — V. ci-dessus, o. 302.)
Soit X le nomore de grammes d'argent a 0,9.
Le poids d'argent pur qu'il renferme est x X 0,9.
Le quotient de ce nombre divisé par le poids totnj
1000 grammes devant être le titre 0,83ô, on a l'é-
quation :
^X0,9_
Multipliant les deux membres par 1 000, puis par
10, on trouve :
9x = 835,
8350
a; = -g- = 927,777.
Le poids d'argent est donc927^',778.
Celui du cuivre est H)00 — 927, mS^ 72«',222.
Problème 2. — On partage une somme de 10 000
francs entre quatre personnes. La r* aura 2 fois
autant que la 2', moins 2 000 francs ; la 2* aura 3 fois
autant que la 3', moins 3 000 francs ; la 3* aura 6 fois
autant que la 4*, moins 4 000 francs. Quelle est la
part de chaque personne? — (Problème donné
dans Y Académie de Besançon, 1878. — Aspirantes ;
bre-.-.et supérieur. — \. ci-dessus, p. 302.)
Désignons par x le nombre de francs que doit
avoir la 4* personne; la part de la 3» sera 6a; —
4 000.
La 2* aura (G-î; — 4 000) X 3 — 3 000. Le produit
de (ix — 4 001» par 3 doit être égal à 3 fois (ix,
moins 3 fois 4 OOo ; car Gx devant d'abord être di-
minué de 4 000, le produit l8x est trop fort de
'■> fois 4 000 ou de 12 000. On a donc pour la part de
la 2«:
18a;— 12 000 — 3000
ou 18x— 15000.
La première aura
(ISx — 15000)X2 — 2000
c'est-à-dire
36x— 30000 — 2000
36a; — 32000.
La somme des quatre parts devant être égale à
10000, on peut écrire :
a;-i-6a;— 4000 -i-18a;-15000 + 36a;— 32000=10000.
Par la réduction on a
puis
d'où
61x — 51000 = 10 000,
61a; = 10000 4-51000,
61a; — 61 000,
61 000
61
= 1000.
La part de la A' est donc de 1 000 francs.
On trouvera ensuite : pour la 3' , 2 000 francs. —
pour la 2% 3 000 francs.'— pour la 1", 4 000 francs.
Observation. — Des explications données plus
haut, il est bon de déduire la règle suivante : pour
multiplier par un nombre positif une quantité com-
posée de plusieurs termes , onmultipUe chaque terme
du multiplicande, en lui conservant soji signe, par
le multiplicateur.
Pi'obleme 3. — A quel moment, entre 2 heu-
res et 3 heures, les deux aiguilles d'une montre
sont-elles en ligne droite?
Paris, 1876. — Aspirants ; brevet simple. — V.
ci-dessus, p. 284.)
Les deux aiguilles peuvent être : l» l'une sur
l'autre ; 2° l'une sur le prolongement de l'autre.
Premier cas. — Soit x le nombre des minutes
du cadran qu'aura à parcourir la grande aiguille
à partir de 2 heures, c'est-à-dire à partir du
n" 12, pour atteindre la petite entre le n° 2 et le
n° 3. Le nombre de minutes parcourues par cette
dernière aiguille sera a; — 10. Or, la vitesse de la
grande aiguille étant 12 fois plus grande que celle
de la petite, le nombre x de minutes que parcourt
la première vaut 12 fois le nombre a; — 10 de minutes
parcourues dans le même temps par la seconde.
On peut donc écrire l'équation
x=(a;— 10)XI2.
CALCUL — 323 —
En effectuant la multiplication, on trouve
puis 120= lia;,
d'où
CALCUL
150 ,. 10
Les deux aiguilles sont donc l'une sur l'autre à
2h !0'°i5.
Deuxième cas. — Désignons par x le nombre de
minutes comprises entre le n° 12 et le point où la
grande aiguille est sur le prolongement de la petite ;
le nombre des minutes parcourues dans le même
temps par la petite est x — 10 — 30 ou x — 40.
Comme dans le cas précédent, a; vaut 12 fois
x — AO, et on a l'équation
a;=:(a;-40)X 12.
On trouve ensuite
a;=:12x — 4S0,
480= lia-,
4S0
U
11
Ainsi, les deux aiguilles sont l'une sur le pro-
longement de l'autre à 4'' 43°' ^.
Problème 4. — Une personne place les f d'un
capital h 4,75 ""/<, et le reste h 5,5 °/o ; elle retire
ainsi 493'',"5 d'intérêt au bout de 7-' jours. Quel
est ce capital? — (l'roblème donné dans l'Acadé-
mie de Lyon, 1876. — Aspirants; brevet simple —
V. ci-dessus, p. 286.)
Remarquons d'abord que 72 jours sont la 5^ par^
tic de l'année, et représentons par x le capital
'i 3x
cherché : les - de ce capital sont -r- et le reste
4 4
X
est 7'
4
D'après la règle ordinaire, l'intérêt de la !'• par-
3XX4.75.
tie serait pour 1 an
pour 72 jours il sera
3x X 4,7.î
4X 100 '
3xX 4,75
4X1011X5 2u0u0
L'intérêt de la 2" partie serait pour
n ,„ xXS.PiO
I an
pour 72 jours.
_ X X 5.50
4 X 100X5
4X 100'
a;X5,.S0
20 liOO
La somme des deux intérêts étant -iOSf.'o on a
l'cquation
3xX4,75 XX 5,50 _
20 000 ^ 20 0U0 -^•^'*'^^-
Pour la résoudre, supprimons d'abord les vir-
gules, ce qui revient à multiplier tous les. termes
p.ir llJO, et effectuons en même temps les multi-
plications indiquées dans les deux numérateurs;
noue aurons
142.5X 55'>x
20 000 "^ 2U 000
= 49 375-
Multipliant ensuite les deux membres par 20 000,
on obtient
puis
et
1425x4- 550x = 987 500 000,
rJ75x =987 500 000
987 500 000
«= r^rr = 50 0jO.
Le capital demandé est 50 000 francs.
Problème 5. — Deux négociants ont chacun une
facture : l'une de 980 francs, payable dans 20 jours;
l'autre de 1 000 francs, payable dans 255 jours. Ils
les échangent, mais à la condition que la seconde
sera augmentée de 1;'',"0. A combien pour cent
s'élève l'escompte?
(Seine, 1877, — Aspirantes ; brevet simple.)
Observatiox. — Aux termes du problème, il
semble qu'il suffirait d'ajouter 12'^70 aux 1000
francs de la seconde facture et de le traiter par la
règle de l'échéance moyenne. A ce point de vue,
la question proposée ne serait guère raisonnable.
On comprendrait peu en effet cette fantaisie de
deux négociants échangeant leurs factures sans
motif apparent, comme deux enfants qui échange-
raient deux images On comprend encore moins
que, ces factures portant l'indication et le montant
de marchandises livrées par les vendeurs, la se-
conde subisse une augmentation à laquelle le
créancier reste étranger.
La seule interprétation raisonnable consiste à
supposer que le premier négociant, n'ayant pas
d'argent disponible pour l'échéance prochaine de
vingt jours, propose l'échange à l'autre, et que
celui-ci ayant sa caisse mieux garnie accepte la
proposition. Dans ce cas, ils calculent la valeur à
laquelle se réduit cliaquc facture au moment de
réchange, parl'escomple commercial et à un certain
taux convenu. Comme ils fouvent que le montant
de la facture de 1 OuO francs est inférieur de
12'',70 à celui de la facture de 980 francs après
l'escompte, la différence est remise en espèces par
le second négociant au premier.
Un peu 'plus de clarté dans l'énoncé de la ques-
tion aurait dispensé de ce long commentaire. Au
manque de clarté il joint un autre défaut, celui
d'être trop élevé pour des aspirantes au brevet
obligatoire, en exigeant l'emploi de l'algèbre.
En effet, soit x le taux demandé.
L'escompte de la 1" facture pour 20 jours est
980 X a; X 20 196x
ou •
36 000 360
L'escompte de la 2' facture pour 255 jours est
1000 XJ;X 255 2o50x
ou
3o000 360
La valeur actuelle est donc pour la F* facture
lOîix 352 00— 196x
980 — — ou —
360 3u0
La valeur actuelle pour la 2' facture est
V550x
.r..r. 'i'^'oOx 360 000
1000 — — - ou -
360
360
Or la r* de ce"^ valeurs surpassant la 2' de 12'%70,
on peut écrire l'équation
352 800 - li'Gx 360 000 — 2550X _ „
■=12,70.
360
360
Pour la résoudre on peut d'abord effectuer la
soustraction des deux fractions qui ont le même
donominTiteur. et pour cela il faut retrancher
360 000 — 2550 x, numérateur de la deuxième,
de ?,h'2 800 — 198 x, numérateur de la première.
D'abord on retianchera 360010 du numérateur
de la y, ce qui donne
352 000 — 196x — 300 000
Mais auparavant le nombre ^60 oon aurait diî
être diminué de V55ux ; on a donc ôté 2550x de
trop, et par suite le 1" reste est trop faible de
255f)x. En l'augmentant de ce terme, on a pour lo
reste cherché
352 000 — 196x — 360000 + 2hbQX.
De là découle cette règle importante :
Pour retrancher une quantité composée de plu-
CALCUL
— 324 —
CALCUL
sieurs termes d'une autre quantité, on l'écrit à la
suite de celle-ci en changeant ses signes -\- en —
et — en +.
D'après cette règle on a ici
352 800 — 106x — 360 000 + TohOx
âcû
= 12,70.
Puis par la réduction, et en multipliant les deux
membres pour chasser le dénominateur, on obtient
2354x— 7200=4572,
2354a: = 4572 +7200,
2354a; =11772,
11772 .
^ = 1354=^'
PROBLÈMES EXPRIMÉS PAR DES ÉQUATIOXS À DEUX IN-
CONNUES.
Problème fi. — Une bourse contient 44 francs en
pièces de 5 francs et en pièces de 2 francs ; com-
bien y a-t-il de pièces de chaque espèce?
Soiï X le nombre de pièces de 5 francs et y le
nombre de pièces de 2 francs. Les x pièces font
une somme égale à 5 x ; les y pièces font une
somme égale à 2 ?/ ; on a par conséquent Té-
quation
5x + 2y = 44.
Le problème se trouve ainsi exprimé par une
seule équation à deux inconnues.
Pour la résoudre, on raisonne comme s'il n'y
avait qu'une inconnue et que l'autre, x par exem-
ple, fût connue. Tirant donc la valeur d'y, on trouve
44 — 5x
y=—r-
Ce résultat apprend que le nombre des pièces
de 2 francs est égal à la moitié de l'excès de 44 sur
le quintuple du nombre des pièces de S francs.
Comme les deux nombres cherchés doivent être
entiers, on supposera pour x les nombres entiers 1,
2, etc., et on trouvera les quatre solutions suivantes:
x=2 x=4 x—B x=8
y=17 y=n y=7 y = 2.
Problème 7. — Deux barriques sont pleines d'un
vin qui vaut 85 centimes le litre. Elles sont ven-
dues à des prix qui diffèrent de 3G francs. On sait
que les | de la capacité de la première valent les
j| de la capacité de la deuxième. Quelle est la
capacité de chacune de ces barriques, à un décili-
tre près ?
{Académie de Douai, 1876. — Aspirants; brevet
simple.)
Désignons par x le nombre de litres de la pre-
mière et par y le nombre de litres de la deuxième.
A la vente la première produit x fois 85 centi-
mes ou 85x (centimes). La deuxième produit y
fois 85 centimes ou 85y. La différence des deux
sommes étant 36 francs ou 3U00 centimes, on a
d'abord cette première équation
85x — 85^=3600. (1)
D'après l'énoncé on a cette autre équation
5 12 5x 12m
-a; = -y ou- = -^. (2)
Réduisant au môme dénominateur 6 X 13 les
deux fractions qui composent l'équation (2) et
supprimant en même temps le dénominateur com-
mun, on trouve
65x=72y, (-3)
ce qui signifie : 65 fois la capacité de la première
valent 72 fois la capacité de la deuxième.
De l'équation (Ij et de l'équation (3j qui rem-
place avec une forme plus simple l'équation (2),
tirons la valeur de l'inconnue x, comme si y était
un nombre connu, nous aurons
85.7/ + 3eoo
72y
X = — f-'
(a
Ces deux expressions représentent l'une et l'autre,
mais sous des formes différentes, la capacité de la
première. On peut donc écrire l'équation
72y _ 85y + 3600
G5 ~" 85 '
ou en divisant les deux dénominateurs par 5
72y 85y-f-3600
13 "* 17
Des deux équations qui étaient la traduction du
problème, on a ainsi tiré une équation ne conte-
nant plus qu'une des deux inconnues. Il ne s'agit
plus que de la résoudre. Voici le tableau des opé-
rations.
73yX17 = 8%X13+3G00Xi3,
12+24y= lU-5.y + 46300,
1124y— llOôy = 46800,
119y=',680O,
. = 125^ = 3,,.,.
La capacité de la deuxième barrique est 393
litres 2 décilitres. En employant l'équation ^3) on
aura pour trouver la capacité de la première
6.1X = 393,27 X 72,
65x=2831S4i,
28315,44
y-
65
= 435",6.
Problème 8. — Un certain capital est placé à un
certain taux. Retiré au bout d'un an et augmenté
de 1000 francs, ce capital est placé à 1 de plus
pour cent et produit à la fin de l'année un revenu
supérieur de 80 francs au revenu précédent.
Au commencement de la troisième année, le
capital est augmenté do 500 francs et placé encore
à 1 de plus pour cent que l'année précédente; il
produit alors 70 francs de plus que pendant cette
année.
Calculer le capital primitif et le taux auquel il
avait été placé. — {Académie de Nancy ; Brevet
complet; aspi7a7its, 1876.)
Soit X le capital demandé et y le taux inconnu
auquel il est placé. L'intérêt de ce ce capital au
xy
bout de l'année est
luo
Le capital placé au commencement de la 2» an-
née estx-|-l(i00, le taux est y + 1 ; l'intérêt de
ce capital à la fin de la 2' année est donc
(x + l'00)X(y + l)
100
Or cet intérêt surpassant de 80 francs l'intérêt
produit pendant la première année, on a l'équation
(x+1000)Xfy + l xy _
100
100
= 80.
(1)
Le capital au commencement de la 3* année est
X + 1500 ; le taux est y + 2 ; l'intérêt produit pen-
j . ** oe - .j (x-T- 1500)X iy-»-2)
dant cette •>* année est donc -^ •
Cet intérêt surpassant de 70 + 80, c'est-à-dire
de 150 francs l'intérêt de la 1" année, on a cett9
autre équation
(x+1500)Xfy + 2) _ xy
100 100
150.
(2)
CALCUL
325 —
CALCUL
Il s'agit de résoudre les équations (1) et (2).
Multipliant d'abord les deux membres par 100
dans cliacunc, on a
(x + 10QO)X{^ + i)—xy=fiOOO. (3)
(a;4-1500)X(y + 2)— a;y=15000. (4)
Pour effectuer la multiplication indiquée au
pr membre de chacune, on multiplie chaque terme
du multiplicande par chaque terme du multiplica-
teur, et on trouve- ainsi
a;î/ + 1000y4-a;+ 1000 — a;y = 8000, (5)
ffî/-i- 1500?/ + 2a; + 3000 — a;;/ =15000. (6)
Supprimant xy — xj/ qui se détruisent, puis dimi-
nuant de 1000 les deux membres de l'équation (5)
ei de 3000 les deux membres de Téquation (6) on
obtient
1000y+a; = 7000,
15002/ + 2a; = 12000,
(7)
ou en divisant les deux termes de la 2° par 2
750y + a;==6û00. (8)
Les deux équations primitives se trouvent ainsi
réduites à leur plus simple expression dans les
équations (7) et (8) et le problème proposé se trouve
transformé en celui-ci : un capital est placé à un
certain taux; trouver ce capital et ce taux en sa-
chant que ce capital augmenté de lOnO fois létaux
vaut 7000 francs , et qu'augmenté seulement de
750 fois le taux, il vaut GOOO francs
Pour résoudre ces deux équations à deux incon-
nues, on pourrait, comme dans le problème précé-
dent, tirer dans chacune la valeur d'x, comme si y
était un nombre connu, et égaler l'un à l'autre les
deux résultats. Ici il y a un moyen plus simple à
employer parce qu'il y a le môme nombre d'à; dans
les deux équations. En effet, si l'on retranche chaque
membre de l'équation (8) du membre correspon-
dant de l'équation (7), les restes seront encore
égaux et on aura
et
d'où
250y = 1000,
2by = 100,
y
100
En remplaçant y par sa valeur 4 dans l'équa-
tion (7) on aura
4000 + x= 7000,
d'où a; = 7000 — 4000,
et a; = 3000.
Ainsi le capital est 3000 francs; le taux est 4 °\„.
Problème 9. — On a deux lingots de même poids
et de titres différents. Si on fond le l*'' lingot avec
un quart du 2% on obtient un alliage au titre de
(i,'Ju6; si on fond le 1"' lingot avec la moitié du 2*.
on obtient un alliage au titre de 0,920. Quel est le
titre de chaque lingot?
{Acad. de Nancy, 1876. —Aspirants; h-evet
complet. — V. ci-dessus, p. 301.)
Pour simplifier le langage, désignons par p le
poids commun des deux lingots, quoiqu'il ne soit
pas demandé. Nommons x le nombre de millièmes
qui exprime le titre du 1", et y le nombre de mil-
lièmes du titre du '1^.
Le poids de métal fin contenu dans le 1" est en
millièmes px; le poids contenu dans le quart du
second est '-j-. Le titre du l'r mélange sera donc
4 o
I py
py + -f
p+i
Comme il doit être égal à 936 millièmes, on écrit
l'équation
, PV
px + ^-^
= 936.
(1)
Sans répéter la même explication sur le 2* mé-
lange, on voit qu'il donne cette autre équation
px-\-
py
= 920.
(2)
P +
En multipliant le numérateur et le dénominateur
de (1) par 4, ceux de (2) par 2, et en les divisant
par j9, on trouve
^^■ + ^ = 936 ou ^£±-^ = 936, (3)
4 + 1
2a- +y
2+1
= 920 ou
5
2a; + y
= 920. (4)
Chassant le dénominateur des équations (3) et (4),
on a
4a; + y = 4G's0, (5)
2a; + 2/ = 27 60. (6)
Retranchant membre à membre l'équation (6) de
l'équation (5), on obtient
d'où
2a; =1920,
l:i2()
2;=— -- = 960.
Le titre du l^' lingot est donc df3 960 millièmes.
Pour avoir le titre du 2* on remplace dans l'équa-
tion (fi) le terme 2a; par sa valeur 1920, ce qui
donne
192f> + ?/ = 27G0,
!/=2760 —1920,
î/ = 8iO.
Le titre du 2* lingot est 840 millièmes.
Observation. — Le poids inconnu p de chaque
lingot ayant disparu des équations, on en conclut
qu'il est inutile au problème et qu'il est quel-
conque, pourvu qu'il soit le même pour les deux
lingots. [G. Bovier-Lapierre.]
CALCUL MENTAL. — Arithmétique I-L. —Le
calcul mental est applicable à tous les degrés de
l'enseignement arithmétique. Il forme en quelque
sorte un petit cours d'arithmétique élémentaire
parallèle à l'autre. Nous ne pouvons présenter ici
le tableau détaillé de cet enseignement purement
oral ; nous nous bornerons à en esquisser le plan.
1° Au début les élèves énoncent les dix premiers
nombres, en comptant des objets visibles, à leur
portée, comme des jetons, de petits cailloux, des
haricots, les doigts, etc., et en ajoutant successi-
vement un objet de plus au nombre précédent; de
la même manière les nombres depuis onze, douze,
jusqu'à vingt ; depuis vingt-un jusqu'à trente, et
ainsi de suite jusqu'à cent.
Le maître appelle leur attention sur les dizai-
nes. Il leur en donne une image sensible, maté-
rielle, par de petits paquets composés par exemple
de dix bâtonnets comme ceux des allumettes ; il se
sert aussi de la pièce de dix centimes qu'il met à
la place de dix pièces d'un centime, en lui rendant
son nom de décime qu'on a eu tort de lui enlever.
Dans la dénomination des dizaines, on emploie en-
core en Suisse et dans une partie de la France les
termes septante, huilante, 7ionante : le maître
pourra s'en servir sans scrupule pour rétablir la ré-
CALCUL
— 326 —
CALCUL
gularité de la nomenclature, sauf à indiquer bien-
tôt après les termes qu'un usage capricieux leur a
substitués.
2° Il exerce ensuite les élèves à trouver les va-
leurs que prend chaque nombre, quand il est aug-
menté de deux, de trois, de quatre, etc., sans
toutefois dépasser cent. Il leur apprend le nom de
l'opération qu'ils ont effectuée sur les divers pro-
blèmes qui leur avaient été posés et le nom par
lequel on désigne le résultat. Qu'il ne se presse
pas trop de venir au secours de l'enfant dans une
addition où les nombres se composent de dizaines
et d'unités. Celui-ci, guidé par son bon sens,
parviendra toujours à sortir d'embarras, et décou-
vrira môme la voie la plus naturelle.
Pour mettre plus de variété dans ces exercices,
le maître fera entrer dans les probhNmes, outre
les objets déjà indiqués plus haut, les mesures de
temps, telles que le jour, l'heure et la minute ; le
gramme, en disant que c'est le poids de la pièce
d'un centime ; le franc, en ajoutant que cette
pièce pèse cinq grammes et qu'elle vaut autant que
cent centimes ; le mètre, le décimètre, et le cen-
timètre en montrant à l'aide d'un mètre de bois
ou de cuivre que le mètre se divise en dix déci-
mètres et en cent centimètres; le litre en mettant
sous leurs yeux une boîte cubique ayant un déci-
mètre sur ses trois dimensions. C'est ainsi qu'il
amènera les élèves à faire connaissance avec le
système métrique, sans le leur présenter sous la
forme d'un tableau scientifique, où les diverses
mesures sont énumérées avec des étiquettes pro-
pres à effaroucher les enfants.
3° Par des problèmes analogues aux précédents,
ils apprendront à diminuer de un, de deux, de
trois, etc., un nombre donné, sans excepter le cas
où dans le nombre à retrancher il y aurait plus
d'unités que dans l'autre. Demandez à l'un d'entre
eux par exemple ce qui reste de soixante-trois
centimes, après qu'il en a dépensé vingt-huit. Il
est presque certain qu'après un instant de ré-
flexion, il ôtera d'abord vingt-trois centimes de
soixante-trois, ce qui lui donne quarante centimes
pour reste, puis qu'il ôtera encore cinq centimes
de ce reste, pour arriver à trouver trente-cinq
centimes, en moins de temps que nous n'en met-
tons ici à Texpliquer.
4° Ayant ainsi acquis la pratique intelligente de
l'addition et de la soustraction, pour des nombres
qui ne surpassent pas cent, les élèves vont être
mis en face de nouveaux problèmes, sans être
avertis qu'il s'agit d'une nouvelle opération, la
multiplication.
Pour procéder méthodiquement, le maître leur
fait d'abord découvrir combien valent 2 fois 1,
2 fois 2, 2 fois 3... jusqu'à 2 fois 9, au moyen de
deux groupes composés chacun de deux petits cail-
loux par exemple, composés de trois, de quatre, etc.
Il répétera les mômes questions, en les appliquant
à d'autres objets, et quand il sera assuré que les
élèves n'éprouvent plus d'hésitation pour énoncer
les résultats, il leur enseigne de la même manière
ce que valent 3 fois, 4 fois.... 9 fois chacun des
neuf premiers nombres. Interrogés ensuite plu-
sieurs fois sur des problèmes où les nombres sont
pris dans un ordre quelconque, ils gravent les pro-
duits dans leur mémoire d'une manière aussi sûre
et aussi rapide que l'ancienne méthode était lente
et fastidieuse.
Ils remarqueront d'eux-mêmes qu'en tout cela
ils n'ont fait autre chose que d'effectuer des addi-
tions dans lesquelles les nombres étaient égaux.
A ce moment, on prononce le nom donné à cette
addition abrégée en prenant la précaution de dis-
tinguer bien nettement le multiplicateur du mul-
tiplicande ; mais on démontre qu'ils donnent le
môme produit quand ils sont mis l'un à la place
de l'autre, et pour cela il suffit de faire voir aue
3 groupes de 5 haricots peuvent être remplacé»
par 5 groupes composés de 3 haricots.
Au moyen de questions convenablement choi-
sies, ils apprendront que le produit de deux fac-
teurs devient double, triple, quadruple, etc., quand
l'un des facteurs devient lui-même double, triple
ou quadruple. Si on leur dit par exemple que cha-
que jour Pierre a écrit 3 pages et son frère Paul
6 pages, il n'en est aucun qui ne dise qu'à la fin
de la semaine le travail de Paul est double de
celui de Pierre. Ils auront ainsi un moyen de
trouver plus promptement un produit sur lequel
ils pourraient être un peu embarrassés. Aussi un
élève, à qui on demande combien font 4 fois 16,
se rappelant que 4 fois 8 valent 32, double aussi-
tôt ce premier produit pour arriver à 64, après
avoir observé que 1(J est le double de 8. Ils ac-
quièrent de cette manière la pratique de cet im-
portant principe : pour multiplier un nombre par
un autre qui est le produit de dfux facteurs, on
peut multiplier ce nombre par le premier facteur
et le résultat ensuite par le second.
5° Les élèves, sachant maintenant trouver le
produit de deux nombres, vont être conduits, tou-
jours par les questions du maître, à effectuer l'o-
pération inverse. On propose à l'un d'entre eux de
partager par exemple 8 billes à 2 camarades, 12
billes à 3, etc. Quand ils auront résolu une suite
de problèmes semblables, ils connaîtront ce que
c'est que la division. On leur indique alors les
termes de divilcnde et de diviseur; mais on ne
citera le nom de quotient qu'après avoir montré
que le résultat de la division exprime combien de
fois le dividende contient le diviseur. Ce sera ici
le moment de dire ce qu'on anpelle demie, tiers,
quart, cinquième, etc.
Ils ne trouveront pas plus de difficultés pour
diviser par un nombre d'unités un dividende où
le nombre des dizaines ne serait pas divisible par
le diviseur, par exemple 65 francs à diviser entre
4 personnes. En regardant cette somme comme
formée de 6 pièces de 10 francs et de 5 pièces
de 1 franc, l'élève chargé d'effectuer le partage
donnera d'abord une pièce de 10 francs à chaque
personne; puis, remplaçant les 2 pièces de 10
francs qui restent par 20 pièces de 1 franc, il a
encore à partager 2ô francs, ce qui fait 6 francs
pour chaque personne, avec l franc de reste. En
remplaçant aussi ce franc par 10 pièces de 1
décime, il donne 2 décimes à chacune, et enfin,
s'il remplace encore les 2 décimes qui lui restent
par 20 centimes, il a terminé la division et trouvé
16 francs et 25 centimes pour chaque part.
6» Nous ne pouvons indiquer ici les divers
moyens par lesquels les opérations peuvent être
abrégées dans certains cas ; la sagacité des maîtres
saura les découvrir et les mettre au profit de
l'élève. Nous appellerons plutôt leur attention sur
l'importance et la simplicité des moyens qu'ils ont
à leur disposition pour rendre les calculs sur les
fractions aussi faciles que ceux qui ont été effec-
tués précédemment. Qu'ils se gardent bien de
commencer par parler de numérateur et de déno-
minateur; qu'ils ne prononcent pas môme le nom
de fraction ; mais qu'ils proposent une suite de
petits problèmes, tels que les suivants :
Combien une demi-heure vaut-elle de quarts
d'heure?
Combien 2 heures et quart font-elles de quarts
d'heure?
Combien y a-t-il de mètres dans une longueur
égale à 8 tiers de mètre 'f
Quelle est la longueur formée par trois règles
ayant,rune '6 huitièmes de mètre, l'autre 1 huitième
de mètre, et la dernière 2 huitièmes de mètre?
Aucun élève ne sera embarrassé pour donner la
réponse. Ils la trouveront aussi facilement pour
ces autres oroblèmes :
CALENDRIER
— 327
CALENDRIER
Emile doit prendre les 3 quarts d'un sac de 24
billes; combien en aura-t-il?
On demandait son âge à une jeune fille ; elle
répondit : les 5 huitièmes de mon âge font 10 ans.
Dans le premier ils diront : le quart de 2i est (i ;
«lonc Emile aura 3 fois 6 billes ou 18 billes. Dans
le second : puisque 5 huitièmes de l'âge cherche
ioiit 10 ans, 1 huitième vaut 5 fois moins ou 2 ans ;
donc l'âge est égal à 8 fois 2 ans ou 16 ans.
C'est maintenant qu'il y a utilité à employer les
tioms de fraction, de numérateur et de dénomina-
teur. — On pourra aussi aborder la réduction des
fractions au même dénominateur, en apprenant à
convertir des demies et des quarts en huitièmes,
ties demies et des tiers en sixièmes, etc. — V. l'ar-
ticle Ca/cw/dans la 1" Partie.
[G. Bovier-Laplerre.]
Lectures et exercices. — On pourra quelquefois
piquer l'émulation et la curiosité des élèves en
leur racontant quelques exemples de ces tours de
force de calcul mental accomplis par des enfants.
En voici un ou deux que la très grande majorité
<ie nos élèves ne résoudrait que la plume à la main.
En 1829, on entendit parler d'un enfant italien
de sept ans, Vincent Zuccaro, qui avait une éton-
'.lante facilité de calcul et qui, en quelques instants,
résolvait de tête des problèmes compliqués. Une
expérience publique fut faite à Palerme sous la
surveillance de deux professeurs de mathématiques
•en présence de plus de quatre cents personnes.
Voici deux des problèmes qui furent posés à l'enfant :
l" problème. — Un navire est parti de Naples
pour Palerme à midi, a fait 10 milles par heure.
i,'n autre, qui fait 7 milles par heure, est parti au
même moment de Palerme pour Xaples. A quelle
heure se rencontreront-ils et combien de milles
aura fait chacun d'eux, la distance entre les villes
«tant de 18(J milles ?
Vincent Zuccaro répond aussitôt : Le premier
îiavire aura fait 105 milles i|; le deuxième, 74 j%.
— Oui, mais à quelle heure la rencontre ?
— Cela s'entend : à 10 heures etp après le départ.
L'enfant, ayant aperçu la liaison entre les deux
parties de la réponse, pensait que les assistants
l'avaient comprise comme lui et qu'il était inutile
de l'énoncer.
2* problème. — Dans trois attaques successives
cntpéri le quart, puis le cinquième, puis le sixième
des assaillants qui se trouvent alors réduits à 138.
Combien ctaieni-ils d'abord?
L'enfant répond : .360.
D. Comment avcz-vous trouvé ce nombre ?
R. S'ils avaient été 60, il en serait resté 23 après
les attaques; mais 23 est le sixième de 138, donc
les assaillants étaient d'abord six fois 60, c'est-à-
dire 360.
D. Mais pourquoi avez-vous supposé 60 plutôt
que 50 ou 70?
R. Parce que ni 50 ni 70 ne sont divisibles par
4 ni par 6.
iji' a.^vè?,\a.Revue encyclopédique,t.'X\A\l, p. 230.)
CALENDRIER. — Connaissances usuelles, VIII ;
Cosmographie, m IV.- Etym. : du latin calenda-
rvum, tableau des calendes. Les calendes (d'un
mot grec qui signifie appel} étaient le 1" jour du
mois, celui où les prêtres annonçaient au peuple
assemblé les fêtes du mois.
Nous savons déjà ce que c'est que l'an?iée '. Si
nous considérons une étoile placée, comme l'étoile
polaire, par exemple, d'un côté de la route que
suit la terre autour du soleil, nous reconnaîtrons
qu'au commencement du printemps et au com-
mencement de l'automne, la terre est à la même
distance de cette étoile ; qu'au commencement de
l'été, la terre est un peu plus loin, et au commen-
cement de l'hiver, un peu plus près de l'étoile po-
laire.
Dans cette révolution, il arrive que l'équateur
de la terre, prolongé jusqu'au soleil, conserve
toujours dans le ciel la même direction et passe,
au commencement du printemps, exactement par
le centre du soleil ; au commencement de l'été,
23 degrés et demi environ au-dessous du soleil
par rapport à l'étoile polaire ; repasse au commen-
cement de l'automne, exactement par le centre du
soleil, et, au commencement de l'hiver, se dirige
à 23 degrés et demi environ au-dessus du soleil,
entre celui-ci et l'étoile polaire.
On nomme année tropique le temps qui s'écoule
depuis le printemps où l'équateur de la terre est
dirigé vers le centre du soleil jusqu'au printemps
suivant, où cet équateur est de nouveau dirigé vers
le même centre du soleil. C'est cette année tropi-
que qui règle le calendrier parce que c'est elle qui
ramène les saisons dans le même ordre, avec une
régularité parfaite. On conçoit facilement la néces-
sité, pour la vie ordinaire, de ramener les mêmes
saisons continuellement aux mêmes mois de l'an-
née, et, autant que possible, aux mêmes quantièmes
de ces mêmes mois. Le trouble qu'apporterait dans 1 es
travaux agricoles la présence, au bout de cinquante
ou soixante ans, de l'été au mois de mai, par exem-
ple, et plus tard au mois d'avril, frappera tous les
esprits.
Le jour solaire est produit par la rotation do la
terre sur elle-même : c'est l'intervalle de temps
qui s'écoule depuis le moment où, par suite de cette
rotation, un point de la terre est amené en face
du centre du soleil, jusqu'au moment où il revient
pour la deuxième fois en face du centre du soleil.
Si l'année tropique contenait un nombre exact
de jours solaires, la question du calendiùer serait
bien simple, le calendrier d'une année ressemble-
rait toujours à celui de l'année précédente ; surtout
si le nombre de jours solaires de l'année tropique
contenait un nombre exact de semaines.
Mais il n'en est pas ainsi. Dans l'année tropique,
il y a 3fJ5 jours 242 millièmes 216 millionièmes et
6 dixmillionnièmes de jour. Les usages de la vie ne
peuvent pas s'arranger d'une année fractionnaire
comme celle-là, qui conduirait à commencer une
année à minuit, l'année suivante à 5 heures 48 mi-
nutes 47 secondes et demie du matin, la suivante,
à 11 heures 37 minutes 35 secondes du matin, et
ainsi de suite. Depuis longtemps, les peuples ont
reconnu la nécessité de créer une année civile com-
posée d'un nombre exact de jours et il en résulte
l'année civile comminie, de 365 jours.
Cette année est trop courte do 0 jour, 2'i22I66, et
comme 0,2422 166 X -i = 0,9688(iG4 ou tout près
d'un jour, on est convenu de faire, tous les quatre
ans, une année civile de 366 jours par l'addition
d'un jour au mois de février. On nomme cette qua-
trième année : année bissextile.
Puisqu'on était en retard de 0 jour,9688G6i et
qu'on vient d'ajouter un jour, 1 — 0,96.ssè64 donnant
0,0311336, chaque période de 4 ans se trouve trop
longue de 0 jour, 0311336. Il en résulte qu'au bout
de 100 ans ou de 25 fois 4 ans, on se trouve en
avance de 0,0311336X25 ou de 0,77834. Cette cir-
constance a fait admettre que chaque année de
siècle, 1701', 1800, 1900, serait une année commune
au lieu d'être une année bissextile, ce qui revient
à retrancher un jour de chaque période de cent ans.
On se trouve ainsi en retard de 1 — 0,7783 i jour
ou 0,22160 jour tous les cent ans. soit, au bout de
quatre siècles, de 0,22160 X 4 ou 0,88604 jour. Alors
il a été décidé que chaque quatrième année de siè-
cle, 1600,2000,2400, etc., serait une année bissex-
tile, contrairement à la convention précédente.
Tous les quatre cents ans donc, on se retrouve en
avance de 1 — 0,88(i64 ou 0,11-'.3G. Il faut donc atten-
dre 10 fois 400 ou 4000 ans pour que l'avance soit de
0,11336 X 10 ou 1 jour, 1336 ; mais nous avons
bien le droit de ne pas nous préoccuper de si loin.
CALENDRIER
— 328 —
CALENDRIER
Toutes CCS règles sont contenues dans l'égalité
que voici :
365,24221Ci6^.3G5+ i _ ^ + -^J^ _ lifM
que l'on peut lire en disant : l'année civile se com-
pose de 3G6 jourSj avec un jour de plus ou une an-
née bissextile tous les quatre ans, un jour de moins
ou une année commune tous les cent ans au lieu
d'une année bissextile, un jour de plus ou une an-
née bissextile tous les quatre cents ans au lieu
d'une année commune et 1 jour, 1136 dix-millièmes
de jour à retrancher tous les quatre mille ans.
Dès le onzième siècle, les Perses suivaient une
méthode plus simple et en même temps plus juste
pour régler la succession des années communes et
des années bissextiles. Ils font 8 années bissextiles
dans 33 ans, de 4 en 4 ans pour les 7 premières, et
en attendant 5 ans pour la huitième. L'erreur com-
mise pour l'année commune étant de Ojour, 24221 06,
sera pour 33 ans, de 0 242216() X 33 = 7,9931478.
En faisant 8 années bissextiles, c'est-à-dire en
■ajoutant 8 jours dans cet intervalle, ils réduisent
l'erreur à 8 — 7,9931478 = 0,00(i8522 tous les 33 ans,
ce qui fait une erreur d'un jour tous les 4818 ans.
Nous, avec une méthode relativement plus com-
pliquée, nous avons une erreur d'un jour au bout
de 3528 ans.
Historique sommaire du calendrier. — La
division du temps en années est bien probable-
ment la première |qui [ait existé pour les peuples
qui ne faisaient qu'une récolte par an, qui ne
voyaient le blé donner ses épis, la vigne ses rai-
sins, etc., qu'unefoisaveclerenouvellement si mar-
qué des quatre saisons.
La division en mois de 29 ou 30 jours, d'après
la durée des phases de la lune, d'une nouvelle
lune à la suivante, a dû venir ensuite. La divi-
sion en semaines de 7 jours, correspondant aux
quatre phases de chaque lunaison aura suivi les
deux autres. Nous ne parlons pas de la division en
jours, d'un lever du soleil au lever suivant, qui doit
être aussi ancienne que l'homme.
Calendrier juif. — Depuis des temps que l'on
ne peut évaluer, les hommes ont été préoccupés
de la manière dont ils feraient concorder les an-
nées et les mois. Cette préoccupation s'est tra-
duite par des complications d'une bizarrerie ex-
trême, par exemple chez les Juifs qui ont actuelle-
ment six espèces d'années respectivement de 353,
354,35:>,383, 384 et 38.t jours.
Le système suivi par les premiers Juifs nous pré-
sente une particularité curieuse. Leur année
commençait par un mois nommé Abid, et le sei-
zième jour de ce mois, ils devaient faire la fête des
épis, où devaient figurer des épis d'orge mûr. Or
le mois qui précédait Abib se nommait Adar, et
lorsqu'on Adar on voyait que les épis ne seraient
pas mûrs pour le 16 A'bib, on doublait le mois d'A-
dar, en nommant le nouveau mois Ve Adar ou
deuxième \dar.
Calendrier romain. — Notre calendrier nous
vient des Romains. Ce fut d'abord une année lu-
naire, assez semblable à celle dos Juifs avec de
nombreuses intercalations. Puis un désordre com-
plet s'y introduisit ; la succession des mois, réglée
d'après les fêtes religieuses, fut laissée aux ca-
prices des prêtres qui, pour des motifs d'intrigue
politique, bouleversèrent à leur gré le calendrier.
Jamais, rapporte Suétone, la fête de la moisson
ne tombait en été, ni celle des vendanges en au-
tomne.
En 46 avant notre ère, Jules César, aidé d'un
astronome d'Alexandrie, voulut régulariser cet état
de choses et en prévenir le retour. Pour ramener
les saisons à leurs places dans l'ordre des mois, il
lui fallut faire durer c(^tte année 445 jours. 11 fixa
pour l'avenir l'année à 365jours, en donnant 31 jours
aux mois do rang impair dans l'anncp. 30 jours au
mois de rang pair, sauf février, le mois néfaste des
anciens Romains, qui n'eut que 29 jours, et il dé-
créta que tous les quatre ans, ce mois de février
aurait 30 jours et l'année 366. Par un amour-propre
exagéré, le mois dans lequel Jules César était né,
Ouindilis, reçue de lui le nom de Julius qui est
devenu notre juillet. 11 en résulta qu'après la
mort de César, son successeur Octave Auguste»
jaloux de cette prérogative, commença à faire appe-
ler Aur/u-stus, qui est devenu Août, le mois suivant.
Ensuite, s'apercevant que le mois Julius, d'ordre
impair, avait 31 jours, et ne pouvant souffrir cette
infériorité pour son mois Augustus, il prit un jour
à février, qui n'en pouvait mais, pour l'ajouter à
Augustus, en réduisant septembre et novembre à
30 jours pour ne pas avoir trois mois de 31 jours de
suite et élevant à 31 jours octobre et décembre.
La réforme ainsi opérée se nomme la réforme
julienne, et le calendrier constitué sur ces bases,
encore en usage aujourd'hui chez les Grecs et les
Russes, a été appelé le calendrier Julien.
Calendrier grégorien. — En suivant la simple
réforme julienne, il y avait, comme nous l'avons
montré ,3 jours de trop en 400 ans. Au xiiie siècle,
Roger Bacon réclamait déjà une réforme du calen-
drier. Au XII* siècle, cette erreur de 78 centièmes
de jour par siècle avait fait reculer de 1*2 jours, les
saisons sur les mois : le printemps commençait dans
la première moitié de mars, au lieu de commencer
dans la dernière moitié comme du temps de Cé-
sar et d'Auguste. Le pape Grégoire XIH, avec
l'aide du savant Calabrais Lilio, voulut y remédier.
Se trompant volontairement ou involontairement.
au lieu de tenir compte des 12 jours, il ne tint
compte que de 10, en décidant que le lendemain
du 4 octobre 1582 se nommerait le 15 octobre 15S2.
Il établit ensuite que chaque année de siècle serait
commune au lieu d'être bissextile, sauf tous les
quatre siècles.
t^est là la réforme grégorienne; le calendrier
ainsi fixé fut adopté immédiatement par la France
et par les Etats catholiques ; mais il fut repoussé
par les protestants qui aimaient mieux, comme on
le dit, ne pas être d'accord avec le soleil que de
l'être avec le pape. Cependant ceux de l'Allemagne
et du Nord s'y rallièrent au commencement du
xiii'= siècle, l'Angleterre en 1752. Aujourd'hui, il
n'y a plus que les Grecs et les Russes qui conti-
nuent à suivre le calendrier julien. L'écart, qui
était d'abord un retard de 10 jours, s'est augmenté
en 1700 et en 1800, puisque pour eux et non pour
nous ces deux années ont été bissextiles. Ils sont
aujourd'hui en retard de 12 jours (après 1900, il y
aura 13 jours d'écart). C'est pour cela qu'il est
d'usage de marquer les deux dates.
Quant au commencement de l'année, c'est un
édit du roi Charles IX, publié en 15G3, qui l'a fixé
au l«r janvier. Jusqu'en 1752, les Anglais commen-
çaient leur année au 25 mars.
Calendrier républicain. — La dernière réforme
tentée à propos du calendrier est celle qui fixait
le commencement d'une nouvelle ère au 22 sep-
tembre 1792, jour de la proclamation de la première
République française. Dans ce calendrier, les mois,
parfiiitement bien nommés pour l'Europe, vendé-
miaire, brumaire, frimaire en automne (les ven-
danges, les brouillards, les frimas) ; nivôse, plu-
viôse, ventôse en hiver (la neige, la pluie, le vent) ;
germinal, floréal, prairial au printemps (les ger-
mes, les fleurs, les foins) ; messidor, thermidor,
fructidor en été, (la moisson, la chaleur, les fruits),
ont chacun 30 jours, et 5 jours complémentaires,
n'appartenant à aucun mois, terminent l'année.
Lorsque les astronomes s'aperçoivent que l'année
va commencer avant l'équiiioxe d'automne,, ce qui
arrive ordinairement tous les quatre ans, un sixième
jour complémentaire, ajipelé jour de la Révolution,
s'ajoute à l'année. Le mois est divisé eu trois dé-
CANAUX
— 329 —
CANAUX
cadcs ou périodes de dix jours. On trouvera a 1 ar-
ticle Ere républicaine (V. au supplément, p. 2398)
un tableau de la concordance du calendrier républi-
cain avec le calendrier grégorien pendant les
quatorze années de 1T92 à 1806. [Joseph Vinot.]
CANAUX. — Géographie de la France, III. —
Le mot canal, dans le sens propre, se dit dun
con duit par où l'eau passe. Par extension, il sert à
désigner une rivière artificielle creusée do main
d"homme soit le long d'une rivière naturelle, soit
entre deux rivières séparées l'une de l'autre-
i. Des canaux en général. — Leur utilité est
bien aisée à comprendre.
Conditions de traction d'un corps flottant. —
1° Sur une eau courante. — Une rivière, suivant
le. mot de Pascal, est un chemin qui marche.
Abandonnez à son courant un morceau de bois,
ou un bateau qui puisse y flotter, bateau et mor-
ceau de bois descendront sans vous coûter un seul
effort, avec l'eau qui suit la pente naturelle de son
lit, depuis sa source jusqu'à la mer.
2° Dans une eau tranquille. — Dans une eau
tranquille comme celle d'un lac ou dun étang, qui
n'est agitée ni par le vent ni par les courants, on
fait avancer un bateau presque sans effort. La ré-
sistance que l'eau lui oppose s'accroît proportion-
nellement au carré de la vitesse ; mais avec une
grande lenteur, la puissance de traction d'un homme
ou d'une bête de trait est presque illimitée.
3° Contre un courant. — Pour remonter le cou-
rant d'une rivière, la résistance que rencontre un
bateau se compose de deux éléments. Il s'élève
verticalement comme le niveau do l'eau dan*^ les
points par où il passe successivement et il exige
pour cela un travail analogue à celui de tout corps
pesant remontant le long d'un plan incliné. En se-
cond lieu, il marche en sens inverse de l'eau et
éprouve de ce fait une résistance qui s'accroît pro-
portionnellement à la somme des deux vitesses
inverses du bateau et de l'eau de la rivière par rap-
port à un point fixe, de même que nous avons dit
précédemment pour un bateau marchant dans une
eau tranquille.
D'après ces considérations, on voit que la naviga-
tion ne peut avoir lieu à la remonte sur une rivière
que si le courant de celle-ci est suffi-amment If^nt.
Kn outre, les rivières dont le courant est très rapide
n'ont généralement pas de profondeur. Car l'eau
qu'elles débitent en une minute, par exemple, s'é-
tale sur toute la longueur de leur lit qu'elles par-
courent dans le même temps, tandis que, pour
celles qui coulent lentement, l'eau débitée s'en-
tasse sur un espace beaucoup plus restreint.
Canalisation des rivières et construction des ca-
naux. — On est donc conduit, quand on creuse un
canal, ou quand on veut améliorer la navigabilité
d'une rivière, qui est alors dite canalisée, à établir
une série de bassins où la pente et le courant de
l'eau soient aussi faibles que possible, et où la pro-
fondeur soit suffisante pour faire flotter des ba-
leaux, dont l'économie des transports tend chaque
jour à faire augmenter les dimensions.
Barrages. — Pour canaliser une rivière, on éta-
blit en travers de son cours des barrages, en amont
de chacun desquels l'eau s'accumule jusqu'à, ce
que le débit de la rivière ait fourni assez d'eau
pour qu'elle puisse se déverser en aval.
Biefs. — On appelle bief la partie de la rivière
que limitent deux barrages consécutifs. Il est aisé
de comprendre que plus les barrages sont rappro-
chés, et plus la profondeur d'eau augmente, plus
la vitesse de son courant diminue. La rivière se
trouve donc partagée en une série de biefs de ni-
veaux différents. Nous expliquerons tout à l'heure
comment les bateaux peuvent descendre ou re-
monter quant il s'agit de passer d'un bief au sui-
vant.
Quand il s'agit de creuser un canal suivant la
pente d'une rivière, on le compose d'une série de
biefs à peu près horizontaux, de manière à annuler
le courant de l'eau.
Il arrive souvent que le long d'une rivière on
se sert tantôt du lit même de la rivière, sur les
points où il se prête à la canalisation, et tantôt
d'un tronçon de canal entièrement artificiel. C'est
ce qu'on nomme un canal latéral.
Ecluse-. — Sur la rivière canalisée, comme sur
le canal creusé de main d'homme, les bateaux pas-
sent d'un bief à l'autre au moyen des écluses dont
l'introduction en France est due au célèbre pein-
tre Léonard de Vinci. Une écluse se compose d'un
bassin nommé sas. qu'on creuse entre les deux
biefs et qui est séparé de chacun d'eux par une
porte mobile retenant l'eau en amont, mais pouvant
donner passage au bateau quand on l'ouvre.
Par l'écluse, le bateau peut, à volonté, remonter
du bief d'aval dans le bief d'amont, ou suivre la
route inverse. Dans le premier cas, en ouvrant la
porte du sas en aval, l'eau prend le même niveau
dans le sas et dans le bief d'aval, et le bateau peut
passer du second dans le premier. On referme
alors la porte d'aval et on ouvre la porte d'amont.
L'eau du bief d'amont entre dans le sas, en élève
le niveau. Le bateau flottant toujours se trouve
ainsi soulevé, jusqu'à ce que le même niveau se
trouve établi entre le sas et le bief d'amont. Il peut
dès lors passer sans difficulté dans celui-ci.
Nous avons expliqué théoriquement la manœuvre
de l'écluse ; en pratique on n'ouvre pas tout d'a-
bord la porte du sas, mais seulement une vanne
plus petite, par où l'eau passe plus lentement, de
manière à ne pas dégrader par ses tourbillons la
maçonnerie de l'ouvrage. La porte entière ne s'ou-
vre que lorsque le niveau étant près de s'établir,
le danger n'est plus à craindre. Dans le cas où le
bateaudoit descendre l'écluse au lieu de la remon-
ter, c'est la porte du sas en amont qu'on ouvre la
première, et celle d'aval en second lieu.
On voit que chaque fois que les deux portes de
l'écluse s'ouvrent, soit pour la remonte, soit pour
la descente, il passe du bief d'amont dans le bief
d'aval un volume d'eau équivalentau parallélipipède
dont la base serait égale à celle du sas et la hauteur
à la diflërence de niveau d'eau entre le bief d'a-
mont et le bief d'aval.
On ne peut donc établir de barrage et d'écluse
sur une rivière ou un canal, qu'autant 'que l'eau y
sera en quantité suffisante pour alimenter ce
débit.
Canaux à point de partage. — Ce qui précède
s'applique aux rivières canalisées ou aux canaux qui
n'ont à suivre qu'une seule pente. Mais pour ré-
unir deux rivières différentes entre elles, il faut
faire franchir au canal le faîte qui sépare leurs
deux bassins. On n'y réussit qu'à la condition de
pouvoir rassembler en un point de cette ligne de
faîte une quantité d'eau suffisante pour alimenter
deux canaux descendant en sens inverse de ce point
vers chacune des deux rivières à réunir. C'est ce
qu'on appelle alors canal à point de partage. Leur
avantage est de réunir deux bassins différents.
Leur construction est facile dans les paj's peu
accidentés où le faîte de partage à franchir n'est
pas élevé, comme entre la Seine et la Loire, ou
d'une épaisseur assez faible pour être traversé en
tunnel comme entre la Somme et l'Escaut. Les'Vos-
ges ont également été percées pour donner passage
au canal de la Marn ,' au Rhin.
II. Description des canaux de la France. —
Voyons maintenant quels sont les principaux ca-
naux de la France.
Jonction entre la Seine et la Loire. — C'est
Henri IV qui a fait commencer le premier canal
français, celui de Liriare. destiné à réunir la Loire
à la Seine. Il quitte la Loire à Briare et se sépare à
Moniargis en deux branches, le canal d'Orléans,
CANAUX
— 330 —
CANAUX
qui rejoint la Loire à Orléans,et le canal du Loing,
qui suit cette dernière rivière jusqu'à son embou-
chure dans la Seine k Moret.
La Seine est encore unie à la Loire par le canal
du 2<ivernais qui atteint la Loire à Decize et l'Yonne
à Clamecy.
Jonction entre la Seine et la Saône. — Elle com-
munique avec la Saône par le canal de Bourgogne,
qui quitte lYcnne à la Roche, entre Auxerre et
Joigny, et atteint la Saône à Sami-Jean-de-Losne
après avoir traversé Dijon.
Affluents navigables de la Seine. — La Seine
canalisée depuis Troyes, l'Aube sur quelques kilo-
oiètres en amont de son embouchure, l'Yonne, la
Marne, amènent à Paris un important mouvement
de batellerie. A Paris même, le canal de VOwcg
débouche dans le bassin de la Villette, il sert à la
fois à la navigation et à 1 alimentation de la ville
•en eau. Du bassin de la Villette descendent deux
■canaux opposés : le ca?ial >^aint-Martin qui aboutit
dans la Seine, au pont d'Austerlitz, et le canal
Saint-Denis qui conduit à cette dernière ville.
Ces deux canaux permettent h la batellerie d'éviter
la traversée de Paris. Mais l'Oise est de toutes les
rivières de France celle dont le tonnage est le plus
■considérable. Elle transporte annuellement près
de deux millions de tonnes fournies surtout par
•îes houilles du IS'ord et de la Bf^lgique.
Jon.tion entre la Sei?2e et la Meuse. — Par l'Aisne
•et le canal des Ardennes qui atteint la Meuse à
Donchery, entre Sedan et Mézières, la Seine et
î'Oise communiquent avec la Meuse.
Par le canal de V Ais7ie à la Marne, qui traverse
Reims, l'Oise et la Marne sont mises en communi-
cation directe.
Les deux bassins de la Seine et de la Meuse sont
encore reliés par le canal de l'Oise à la Snnihre
qui aboutit sur cette dernière rivière à Landrecies,
•et forme la voie la plus directe entre le bassin
houiller de Charleroy, en Belgique, et Paris.
Jonctiû7i entre la Sei7ie et la Somme. — L'Oise
communique avec la Somme par le canal de Crozat
qui va de la Fère, sur l'Oise, à Saint-Quentin sur
ia Somme. Le canal latéral à la Somme conduit
de Saint-Quentin jusqu'à son embouchure.
Jonction entre la Somme et l'Escaut. — Le canal
de Saint-Quentin \a.&e la Somme à l'Escaut qu'il
joint à Cambrai.
Canaux du Nord et du Pas-de-Calais. — Dans
ies plaines de la Flandre et de l'Artois, les canaux
sont fort nombreux. L'Escaut et ses deux princi-
paux affluents français, la Scarpe et la Lys. sont
tous trois navigables ou canalisés; l'Escaut se
joint au canal de Saint-Quentin et traverse l'im-
portant bassin houiller de Valenciennes ; la Scarpe
est canalisée depuis Arras, et la Lys depuis Aire.
L'Escaut se joint à la Scarpe, par le canal de la
Sensée 'affluent de la Scarpe), qui se sépare de
l'Escaut, entre Cambrai et Bouchain, et se réunit
à la Scarpe, un peu en amont de Douai.
: La Scarpe se joint à la Lys par le canal de la
■Deule. Cette rivière, affluent de la Lys, alimente
le canal du même nom, qui va de Douai sur la
la. Scarpe, à Deulemont situé au confluent de la
Deule et de la Lys, sur la frontière de Belgique.
Le canal de la Deule traverse Lille et est relié à
l'important centre manufacturier de Roubaix, par
le canal de Roubaix.
Par le canal à' Aire à la Bassée, le canal de la
Deule est mis une seconde fois en communication
avec la Lys, dont la navigation propre commence
à Aire.
De là le canal de Neuff'ssé va gagnera Saint-
Omer l'Aa. Ce petit fleuve est canalisé jusqu'à
son embouchure dans la mer à Gravelines, et est
relié avec le port de Calais par le canal de Calai<,
et avec celui de Dunkerque par le canal de Bour-
hourg.
Jonction entre la Seine et le Rhin. — Le bassin
de la Seine est relié avec celui du Rhin par le
canal de la Marne au Rhin, qui quitte le canal la-
téral à la Marne à Vitry-le-Français, franchit la
vallée de la Meuse, puis celle de la Moselle, des-
sert Nancy, traverse les Vosges dans un tunnel et
aboutit au Rhin, près de Strasbourg.
Nouveau canal de P tst. — Des travaux en cours
d'exécution auront bientôt rendu la Meuse naviga-
ble depuis Pagny où passe le canal de la Marne
au Rhin jusqu'à la frontière belge, la Moselle de-
puis tpinal, la Mcurihe depuis Nancy. Pour rem-
placer l'ancien canal de l'Est ou du Rhône au
Rhin, dont la partie alsacienne nous a été enlevée
en 1S71, on creuse en ce moment le nouveau
canal de l'Es', qui remonte la Saône, joint la
Moselle près d'Épinal, projette un embranchement
sur cette ville, un second sur Nancy, quitte la
Moselle à Toul pour franchir la ligne de faîte
entre la Moselle et la Meuse et redescend dans la
vallée de ce fleuve à Pagny pour le suivre jusqu'à
Givet.
Au moyen de ce canal les bassins houillers de
Belgique, les hauts fourneaux des Ardennes, de
Meurthe-et-Moselle et de la Haute-^Iarne seront
mis en communication économique et directe en-
tre eux et avec le midi de la France.
De l'ancien canal de l'Est, il ne reste plus à la
France qu'un petit tronçon en amont de Montbé-
liard se dirigeant vers Mulhouse.
Jonction du Rhin, du Rhôue et de la Loire. —
A partir de Montbéliard, le Doubs canalisé et la
Saône forment une importante ligne de navigation
jusqu'à Lyon.
Canal du Centre et canal latéral à la Loire. —
Le canal du Centre ou de Digoin se détache de la
Saône à Chalon et joint à Digoin la Loire ou plu-
tôt le ca}ial latéral qui suit ce fleuve depuis
Roanne jusqu'à Briare. Le canal du Centre dessert
le Creusot, ses forges et l'important bassin houiller
don', il est le centre.
Le Rhône. — A partir de Lyon, le Rhône ofi're
un cours trop rapide et un débit trop irrégulier
pour former une importante voie navigable. La
batellerie le suit à la desencte, mais le trafic est
pour ainsi dire nul à la remonte. Il est sérieusement
question de construire un canal latéral qui pour-
rait servir pendant l'hiver à la navigation et pen-
dant l'été à l'irrigation. Car c'est durant cette der-
nière saison que le Rhône et ses affluents gonflés
par la fonte des neiges offrent un débit suffisant
pour que le fleuve soit navigable.
A Givors, à quelques lieues en aval de Lyon,
débouche dans le Rhône le canal de Givors qui
amène, en suivant la vallée du Gier, les houilles
et les fers de Saint-Étienne.
Jonction entre U Rhône et la Garonne. — Canai
de Beiiucaire et des Etajigs. — A Beaucaire, une
importante ligne de navigation quitte le Rhône,
c'est le cnjial de Beaucaire qui, prolongé par celui
des Etangs, atteint Cette, où commence le canal
du Midi ou du Languedoc.
Canal du Midi. — Ce dernier s'appelle encore
canal des deux mers parce qu'il joint la Méditerra-
née, à Cette, avec la Garonne, affluent de l'Océan
Atlantique. Sa construction remonte au règne de
Louis XIV, et a illustré le nom de Riquet, qui en
fut l'auteur. Son alimentation sur la chaîne de par-
tage entre le bassin de l'Aude et celui de la Ga-
ronne se fait au moyen de grands réservoirs très-
curieux.
Canal latéral à la Garonne. — Le canal du Midi
finit à Toulouse dans le canal latéral à la Garonne
qui suit le fleuve jusqu'à Castets, entre la Renie
et Langon. Le Tarn, le Lot et la Dordogne sont en
en partie navigables, mais il n'y a de navigation
un peu importante que sur la Dordogne inférieure.
Canal du Berri. — Dans le bassin de la Loire,
CANAUX
— 331 —
CAPÉTIENS
le fleuve môme et son principal affluent, TAllier,
ne sont guère suivis qu'à la descente et dans les
grandes eaux, à cause de la rapidité de leur cours
€t l'irrégularité de leur débit.
Le canal du Berri, commence sur le Cher à
Montluçon, projette un embranchement sur le ca-
nal latéral à la Loire, à partir de Saint-Amand,
dessert Bourges et Vierzon et finit dans la Loire,
en amont de Tours. Ce canal dessert principale-
ment les usines groupées autour de Moniluçon,
de Bourges et de Nevers.
Des cours d'eau dont la réunion forme la Maine
à Angers, le plus important pour la navigation est
la Sarthe, canalisée depuis le Mans.
Canal de Nantes à Brest. — A Nantes commence
le canal de Nantes à Brest qui traverse toute la
Bretagne et se joint à la Vilaine, navigable depuis
Rennes, et au Blavet qui débouche dans l'Océan à
Lorient.
Ca7ial (TIUe-et-Rance. — Rennes et Saint-Malo
sont réunis par le canal d'Ille-et-Rance qui re-
monte rille à partir de Rennes.
Développement total. — Tels sont les principaux
canaux ouverts jusqu'à ce jour à la navigation in-
térieure en France. Canaux de jonction et canaux
latéraux ont ensemble une longueur de 5000 kilo-
mètres.
Canal Saint-Lmis. — On ne peut faire rentrer
dans cette catégorie le canal Saint-Louis, long de
quelques kilomètres seulement, qui quitte le grand
Rhône, ou branche orientale du fleuve, tout près
<te son embouchure pour abou/ir dans la Méditer-
ranée au golfe de Fos. Son but tout spécial est
de permettre aux navires qui veulent entrer dans
le Rhône d'éviter la barre qui obstrue le fleuve à
son embouchure. Ce canal peut porter le nom spé-
cial de canal maritime, comme destiné à donner
yassage aux navires de mer.
(Pour expliquer ce terme de canal maritime, le
maître ne négligera pas, dùt-il se borner à une
simple parenthèse dans la leçon, de dire quelques
mots aux élèves du plus célèbre de tous les canaux
maritimes du monde, le canal de Suez, qui con-
■duit de Port-Saïd, sur la Méditerranée, à Suez, sur
la mer Rouge, et par lequel les eaux des deux mers
se mêlent sans être séparées par aucune écluse. —
V. Afrique.)
Canal d'irrigation. — Il y a aussi en France
des canaux qui ne sont pas destinés à la naviga-
tion, mais qui rendent d'aussi grands services et
ont coûté souvent autant d'efforts que les premiers.
Ce sont les canaux qui servent à l'alimentation en
«au des grandes villes ou à l'irrigaiion des terres.
Nous avons déjà parlé du canal de l'Ourcq dont
{'eau alimente en partie Paris. Le canal de Mar-
seille, dérivé de la Durance, le canal du Ven/on qui
alimente Aix, sont des œuvres autrement considé-
rables. Le premier passe sur le superbe aqueduc
de Roquefavour, digne d'être mis en comparaison
avec les plus belles œuvres des Romains. C'est
'^•ncore la Durance qui alimente le canal construit
par de Craponne au xvi^ siècle et dont les divers
-ameaux sillonnent le département des Bouches-
■du-Rliône et y répandent la fertilité.
Ces utiles travaux ne sauraient être trop multi-
pliés, surtout dans les régions où le déboisement a
augmenté la sécheresse primitive du sol.
Quant aux canaux de navigation qui ont fait le
principal objet de cet article, leur'construction a
subi un temps d'arrêt au début des chemins de fer
qui absorbaient tous les efl'orts du pays. On y
revient maintenant à cause des avantages écono-
miques qu'ils offrent pour les transports. Mais
comme on tend à employer de plus en plus des
bateaux de fort tonnage, beaucoup de canaux ac-
tuellement ouverts exigeront de grands travaux
pour augmenter leur tirant d'eau et agrandir les
•écluses, de manière que les bateaux employés puis-
sent circuler partout sans qu'on soit obligé de dé-
charger les colis de l'un dans l'autre.
IIL — Principaux canaux de l'Europe. — Le
réseau de canaux le plus curieux est celui de la
Russie, qui met en communication les bassins op-
posés de la Baltique, de la mer Blanche, de la mer
Caspienne, de la mer d'Azof et de la mer Noire et
communiquera peut-être bientôt avec le vaste sys-
tème fluvial de la Sibérie.
La Suède le canal de Gothie conduit de Stock-
holm, sur la Baltique, à Gothenbourg, sur le
Cattégat, en traversant les lacs Mélar, 'Wetter et
VVener.
Dans le Holstein, le port de Kiel sur la Baltique
est relié par un canal avec l'Eider, tributaire de
la mer du Nord.
Dans la plaine de l'Allemagne Septentrionale,
l'Oder et l'Elbe communiquent par le canal de
Guillaume, la Sprée et le Havel.
Sur le plateau de la Bavière le canal de Louis
unit la Regnitz, affluent du Main, avec l'Altmuhl,
affluent du Danube et relie ainsi le bassin de la
mer du Nord avec celui de la mer Noir.
Dans la plaine des Pays-Bas, il n'est presque
aucune ville importante qui ne soit desservie par
l'un des canaux qui sillonnent en grande quan-
tité le territoire de la Belgique et de la Hollande.
Parmi les travaux de ce genre qui font le plus
d'honneur aux Hollandais, citons le canal mari-
time qui s'ouvre directement dans la mer du
Nord, à l'ouest d'Amsterdam ; il rend accessible
aux plus grands navires îe port, qui leur était
fermé par suite du peu de profondeur des eaux du
Zuiderzée.
Dans la Grande-Bretagne, le canal Calédonien va
du Firth ou golfe de Lorn, sur la côte occiden-
tale de l'Ecosse, au Firth de Moray, sur la côte
orientale. Plus important est le canal de Glasgow,
qui met en communication la Clyde, tributaire du
Canal du Nord, avec le golfe de Forth, sur lequel
est bâti Edimbourg, en traversant la région indus-
trielle et houillère la plus riche de l'Ecosse.
En Angleterre, le canal de Leeds à Liverpool
unit le bassin de l'Humber, tributaire de la mer
du Nord, avec celui de la Mersey, tributaire de la
mer d'Irlande, en traversant le pays si industriel
du Lancashire. — Londres est mis directement en
communication avec Liverpool et Bristrol par deux
canaux qui unissent les bassins de laTamise, du
Trent, de la Mersey et de la Severn.
En Irlande le canal royal et le grand canal vont
de Dublin sur la mer d'Irlande, au Shannon, tri-
butaire de l'océan Atlantique.
En Italie, en Espagne les canaux servent princi-
palement à l'irrigation et n'ont pas d'importance
pour la navigation. [G. Meissas.J
CAFÉTItNS. — Histoire de France, XXXVIH.
— C'est dans les leçons do révision du cours
d'histoire de France qu'il est bon de s'exercer à
passer en revue le tableau généalogique et chro-
nologique des familles royales. Si cette série de
dates et de noms propres ne doit pas être con-
sidérée comme le fond et l'objet principal du cours,
il n'en faudrait pourtant pas négliger absolument
l'étude. On y trouvera toujours, atout le moins, un
cadre commode et des points de repère d'une in-
contestable utilité. Ce résumé doit être plus ou
moins complet suivant qu'il est fait dans une classe
primaire élémentaire, moyenne ou supérieure ou
dansun cours d'école normale. Il faut le faire sous la
forme la plus rapide, celle d'interrogations orales et
d'exercices au tableau noir. Nous donnons ci-des-
sous le type des deux sortes de tableaux synopti-
ques qui nous semblent convenir le mieux à ces
divers exercices de récapitulation.
Voici d'abord le tableau généalogique de la famille
des Capétiens contenant, outre les rois, quelques-uns
des personnages historiques de cette famille.
CAPETIENS — 332 — CAPÉTIENS
I. — Branche alnëe des Capétiens ou Capétiens directs (866-1328).
Robert le Fort, Comte de Paris, d'Anjou, duc de France. 866.
EuDKs. 898.
ROBEBT 1". 923.
Hujiies le Gjcind, l'abbé,
duc de Franco. 956.
HtGUKS Capet. 995.
I
Robert I". 1031.
I
Henki I". 1030.
I
Philippe I". 1108.
I
LoDis TI, dit le Gros. 1137.
Louis Vn, dit le Jeune. 1180.
I
PuiLlPPE 11 OU PHILIPPE-ACGCSTE. 1223,
I
Louis YIII, le Lion. 1226.
Emma,
ép. Raoul ou RoDOLPna
de Bourgogne.
93ô.
Louis X
le Hutin.
1316.
Louis IY ou Saijjt Louis, Robert d'Artois, CharUs, comte d"Anjou
1270. tige des et de Provence,
I comtes d'Artois, tige des comtes d'Anjou,
rois de Naples.
Philippe III,
le Kardi.
1285.
Robert
de Clermont,
tig'» de la branche
ée^ Bourbons.
(Yoy. ci-après.)
Philippe IV
le Bel.
13J4.
Charles
de Valois,
tigo de
la branche
des \alois.
(y. ci-aprè?.)
Louis d'Eoreux
tige des comtes
d'Evreux,
rois de Navarre.
Isabelle
de France,
ép ■>u?e
Edouard II,
roi d'Angleterre.
Philippe Y
le Long.
1322.
CuAni.ES iV
le BeL
1328.
Jeanne,
épouse Philippe
de Navarre.
Jeak I»
1316.
Edouard III, etc.
II. — Branche de Valois (1328-1589).
Charles de Yalois, 2» fils de Philippe III (v. ci-dessus), ép. Jlargueritcd'Aujou, petite-fille de Charles d'Anjou (v. ci-dessus) .
Març/uerite,
ép. Gui.
comte de Blois.
Philippe VI. de Valois.
1350.
Jean II, le Bon.
Charles de Bloi?
Charles, Isnbeth, Marie,
comte d'Alençon, ép. Pierre de Bourbon, ép. Charles de Sicile,
tige ' tige |
des ducs a'Aleiiçon. des ducs de Bourbon. Jeanne I",
reine de Naples.
Charles V, le Sage.
1380.
Charles YI, le Fou. Louis d'Orléans,
1422. ép. A'alcntinc Visconti.
I 1407.
Louis, duc d'Anjou,
tige de
la 2« maison d'Anjou.
Chaules TU. Catherine
1461. de France,
i ép.
Louis XI. Henri V,
1483. d'An-
I gleterre.
CuAr.LRsTIlI. Anne
1493. de Benujeu.
Charles d'Orléans. Jean d'Angoulénu,
1466. 1467.
! I
Louis XII, Charles d'Angoulème,
le Pèio du Peuple. l-iDO.
1315. I
I I
Claude, épouse François \",
la Bonne Reine. le Père ilos Lettres.
1S24. LU'.
Jean , duc de Berr y, Philippe le Hardi,
1416, duc de . Bourgogne.
ép.Jeaiine d'Armagnac, 1404.
ti-e I
de la maison de Berrv. Jean sans Peur.
1419.
Philippe le Bon.
1467.
Charles le Téméraire.
1477.
i
Marte de Bourgogne,
ép. Masiniilien
d'Autriche.
He^ri II. loo9, ép. Catherine de llcdicis.
François II. Charles IX. Henri III. Marguerite de Yalois. ép. Henri de Bourbon,
1560. 1374. 1389. depuis lleuri lY.
CAPETIENS
— 333
CAPETIENS
m. — Branches de Bourbons (lo89-1848).
Robert de Clennont, 0' fils de saint Louis, épouse Béatrix de Bourgogne, f 13IS.
Louis I", duc de Bourbon (te Sage), -}• 1341.
Pioiu'C de Bourbon
(tige de la
branche aînée
qui se
termina avec
Chai-Ics,
connétable
de Bourbon, 1 1527).
Jacques de la Marche, t 1361.
I
Jean, conte de YenJome,
f 1393.
I
Louis de Bourbon, f 1446.
I
Jean II,
scign. de la Roche-s.-Yon,
t 1478.
I
François, -J" 1495.
Charles, duc de Vendôme,
t 1337.
LocisXIlI.tli 43.
Ép. Anne d'Autriche.
Antoine de Bourbon, tlo62. Ep. Jeanne d'.ilbrct.
I
Henri IV, f 1610. Ep. 1° Marguerite de A'alois ; i" Marie de Mé'licis
Gaston,
duc d'Orléans.
I
Annc-.Marie-Louise.
la. grande Mademoiselle,
duchesse de Montpensier.
Henriette de France
ép. Charles I"', roi d'Angleterre.
Henriette d'Angleterre
(MaJame).
ép, Philippe d'Oiléans.
Louis de Condé, r i ilj
I
• Henri de Condé.
I
Henri II de Conde.
I
Louis II,
le Grand Condé,
7 1686.
Loris XIV, le Grand
7 1713. Ep. Marie-
Thérèse d'Autriche.
I
Louis, le Grand
dauphin, t l'H-
Philippe !'■■ duc d'Orlé;ins
(Monsieur), 7 17U1.
Ép. 1° Henriette d'AnsIeterre
(Madame); 2° Elisabeth-
Charlotte de Bavière
(la princesse Palatine),
mère du Régent.
Philippe II d'Orléans,
le Régent, \iliZ.
Louis, duc de Philippe d'Anjou,
Bourgogne, 1 1712. roi d'Espagne,
I tige des Bombons
I d'Espagne.
Locis XV, 7 1774.
Louise-Elisabeth Zou/s, dauphin, Marie-Adélaïde
ép. Philippe •{• 1765. et plusieurs autres
duc de Parme. i filles.
Plusieurs
filles.
I.imis
d'Oibans,
t 1752.
I
Louis-Philippe
d'Orléans, 1 1785.
I .
Louis-Philippe-
Joseph, dit Egalité,
t 1793.
, Locis XVt.f 1703.
Ép. Marie-Antoinette
d'Autriche.
Locis XVIII
(Stanislas-Xavier),
d'abord comte de
Provence. t 1S24.
Charles K,
d'abord comte
d'Artois, f 1836.
Madame
Elisabeth,
t 1794.
Louis-Philippe I", 1 1850. Louise-
Ep. Marie-Amélie, Marie-
de Naples. Adélaïde,
I -i- 1847.
Marie-Thérèse-
Charlotte
(Madame Hoyale),
ép. le duc
d'Angoulème.
Louis X VII,
t 1795.
Louis-Antoine Charles, duc
duc d'Angoulème, de Berry.f 1810.
ép. Madame Royale, Ep. Marie-Louise
fille de Louis XVI. de Sicile.
Mort en 1844 1
sans postérité. I
Louise-Marie-
Tliérèse,
ép. Charles, duc
de Parme.
Henri, comte de
Chambord
(né en 1820,
posthume).
Ferdinand, duc
d'Orléans, 1 1S42.
Ep. Hélène
de Mecklembourg.
Louiso, ép.
Léopold I",
roi
des Belsres.
Marie- Louis, duc Marie, ép. François, Henri
Christine, de Nemours le duc prince duc
ép.leducde (néenlS14). de Sase- de Joinville d'Aumale
Wurtemberg. - Cobourg. (néenl818). (néenlî!22).
Louis-
P/iilippe-
Albert
comte
de Paris
(né en 1838).
Robert,
comte
de
Chartres
(né en 1840).
Antoine,
duc de
Montpensier
(né en 1824),
ép. l'infante
Marie-Louise
d'Espagne.
L'autre genre d'exercice scolaire servant à la ré- i entendu que chaque article de ce mémento de-
capitulation de l'histoire de chaque dynastie peut mande un développement oral qui prouve que
être disposé au tableau noir ou sur le cahier de l'élève a retenu autre chose que les dates et les
la façon suivante pour chaque règne. (11 est bien 1 noms propres.)
CAPILLARITE
334 —
CAPILLARITÉ
DATES.
PROVINCES
KOII
f^
An.NBIKES
ÉVÉNEMENTS
.
GL-ERRES.
TRAITÉS.
INSTITUTIONS.
DU BOI.
s
r.
O
OU
PBSDCES.
COKTmPORlIKS.
Louis IX
1226
1270
1» Contre les An-
D'Abbelevil.
Guyenne et Gas-
Les Etablissements de
Construction dcf
ou
glais : Taille-
1258.—
cogne rendues
saint Louis.
cathédrales.
Saint Louis
bourq et Sain-
à l'Anglctcrrf ;
Extension de la justice
Dévelo p p e m c n t
(sous
tes. 1242.
Arbitrages
provinces de la
royale : Enques-
des 4 ordres
la régence
2» Septième croi-
de saint
Loire recon-
teurs royaux; ap-
mendiants (^fran-
ciscains, aonii-
de Blanche
sade : prise de
Louis en-
nues françai-
pels et cas royaux ;
do Castille
Damiette ; fait
tre le pape
ses, 125 S.
( légende du chêne
uicains, carmes.
jusqu'en
prisonnier
et l'empe-
—
de Vincenncs.
augustios).
1254.)
à Mansourah,
reur , en-
Comté de Barce-
Lu Quarantaine le-
Mémoires du sire
1250; long sé-
tre le roi
lone rendu à
Eoi.
de JoinvilJe.
jour en Pales-
d'Angle-
l'Aragon.
Pragmatique sanc-
—
tine.
terre et ses
1258.
tion, 1268.
Conquête du
3» Les Pastou-
vassaux,
La Sainte-Chapelle.
royaume de Ka-
reaux.
etc.
Les Quinze-Vingts.
ples par Charles
4" Dernière croi-
La Sorbonne.
d'Anjou, frère
sade : mort de-
de Louis IX.
vant Tunis.
Philippe 111
1270
1285
1» En N'a-varre et
Ann. par mariage
Premier exemple d'un
Vêpres sicilien-
le Ûardi.
en Castille (in-
fants de La
Cerda).
2» Guerre en Ara-
gon ; mort à
Valois. Poitou,
AuTergne,Tou-
louse. Cède le
comtat Venais-
sin au pape.
roturier fait noble :
lettres d'anoblisse-
ment de l'argentier
Raoul.
nes, 1282.
Perpignan.
CAPILLARITÉ. — Physique, M. — Etym. : du
latin capillus, cheveu (d'où tuyaux capillairei,
c'est-à-dire gros comme un cheveu).
On nomme phénomènes capillaires certains des
phénomènes que l'on observe au contact des so-
lides et des liquides, et qui sont surtout sensibles
dans les tubes de verre dont le diamètre intérieur
est assez fin pour qu'on puisse le comparer à celui
d'un cheveu. Ils ont leur cause dans l'attraction
que les molécules des corps solides e.xercent sur
celles des corps liquides ; et c'est l'ensemble de
ces phénomènes d'attraction qu'on appelle la ca-
pillarité- '
Le plus fréquent et le plus facile à observer de
ces phénomènes, c'est V ascension ou la ilépression
d'un liquide contre les bords du vase qui le contient
ou contre le corps que l'on y plonge, suivant que
le liquide mouille ou ne moui.le pas le vase. On
sait qu'un liquide en équilibre dans un vase pré-
sente une surface horizontale ; si l'on verse dans
un vase bien propre de l'eau, de l'alcool, de l'éther
ou tout autre liquide mouillant le verre, on re-
marque en effet une horizontalité parfaite de pres-
que toute la surface du niveau ; mais vers les
burds, le long des parois, le liquide monte un peu
et affecte une forme concave très visible.
Quand le liquide ne mouille pas le vase, la surface,
vers les bords, se déprime et affecte une forme con-
vcie ; c'est ainsi que se conduit le mercure, ou même
l'eau dans un verre dont la paroi a été graissée.
Que l'on plonge dans l'eau deux lames de verre
le liquide monte le long de chacune en formant
une surface concave ; et quand les deux lames sont
à quelque distance, il y a entre elles ane portion
plane ; mais si on les rapproche, cette partie plane
disparait, les deux courbures se réunissent, et le
liquide est plus élevé entre les lames très rappro-
chées qu'en dehors. Au lieu de plaques en verre,
si l'on plonge dans l'eau un tube ouvert, d'abord
largo, le niveau au centre sera sur le même plan
horizontal qu'en dehors ; mais avec des tubes de
plus en plus étroits, la surface intérieure deviendra
concave, et le niveau s'élèvera dans le tube d'au-
tant plus que le diamètre sera moindre. L'expé-
rieuco a démontré que dans un tube d'un milli-
mètre de diamètre, l'eau s'élève à près de trois
centimètres au-dessus de son niveau extérieur.
Si l'on répète ces expériences avec le mercure ou
tout liquide qui ne mouille pas le tube étroit, oi
constate une convexité et une dépression du
niveau qui s'accentue à mesure que le diamètre du
tube décroît.
Ces phénomènes simples conduisent naturelle-
ment à admettre une action moléculaire du solide
sur le liquide, d'où résulte une force qui fait équi-
libre au liquide soulevé dans un tube mouillé et
qui explique la forme sphériquc que prend une
goutte d'eau jetée sur un plan poussiéreux qu'elle
ne mouille pas.
Un grand nombre de faits journaliers dépendent
des phénomènes capillaires. La plupart des sub-
stances contiennent en effet des pores qui font
l'office de très petits tubes ou de canaux d'un
diamètre très fin où les liquides s'élèvent avec
facilité. Le papier buvard, le drap, l'argile cuite,
la terre des.séchée, se pénètrent de liquide, lors
même qu'ils ne le touchent que par une partie de
leur surface. La cire ou le suif fondus montent par
capillarité entre les filaments de la mèche de la
bougie ou de la chandelle. Un morceau de sucre
en contact par quelques points avec l'eau s'imbibe
bientôt entièrement, parce que le liquide monte
dans les petits tubes capillaires qui forment les
pores. On pense que la capillarité contribue aussi
à l'ascension de la sève dans les vaisseaux des
plantes.
La dépression capillaire qui se produit autour
d'un corps non mouillé par le liquide sur lequel
il repose, permet de comprendre comment certain»
insectes glissent à la surface de l'eau ; leurs pattes
sont couvertes d'un enduit qui les empêche d'être
mouillées, et la dépression empêche le liquide de
les recouvrir.
Exercice. — On peut vérifier l'ascension d'un
liquide dans les tubes très capillaires en plongeant
dans une solution de fuchsine, ou dans du vin for-
tement coloré, les fragments d'un tube de verre
chauffé à la lampo et très vivement étire ; on
réussit à obtenir une élévation de niveau de pîus
de dix centimètres dans la nartie la plus fins du
tube ainsi fait.
[Haraucourt.]
GARLOVINGIENS
— 335
CARNIVORES
CARLOVIXGIEAS OU CAKOLIXGIKNS. — Histoire de France, XXXVIII. — On peut faire du ta-
bleau ci-dessous le même usage que du tableau analogue donné au mot Capétiens .
Pépia d'Eéristal (Ters "14 .
Grimoald.
Charles Martel.
741.
Carloman,
FÉPi.x LE Bbef.
763.
Une fille ép.
le duc de Bayière.
I
Tassillon.
duc de Bavière.
Carloman. Chaklemagxe. Berthe
771. 814. ép. le comte
d'Angers.
Roland
(le Paladin;.
m. à Roncevaus
777.
LOCIS LK DtBOXXAIRE.
840.
ép. i» Hermengarde,
2' Judith de Bavière.
Pé:in.
Bernard,
roi d'Italie.
SIS.
Lothav e I". Pépin /«'
d'Aquitaine.
I
Pépin II,
d'Aquitaine.
du 1" mariage :
Louis
le Germanique.
. Charles,
.le Chauve.
Carloman. Louis II.
_ . Louis II,
Chirles ig ^■
LE GHOS.
SSï.
&:9:
Locis III.
ssi.
Carlosax.
8S4.
Charles III,
le Sioiple.
Giièle,
ép. Rolion,
duc de Normandie.
Locis lY,
d'Ou'.remer.
954.
LOTHAIRE.
99Ô.
Charles
de Lorraine.
Lons T, le Fainéant,
le dernier des Carlovingiens de France.
9S7.
CARNIVORES. — Zoologie, IX. — Les Carnas-
siers, ou pour mieux dire les Carnivores, sont des
mammifères quadrupèdes, dont les doigts sont
armés de griffes, dont le pouce n'est pas opposable
aux autres doigts, et qui vivent essentiellement de
chair.
La plupart des carnivores se nourrissent de proie
vivante, de sangliers, de cerfs, d'antilopes, de
moutons, de boeufs, et même d'animaux de leur
ordre. Leurs dents, de trois sortes, sont appropriées
à ce régime, et chaque mâchoire porte trois paires
d'incisives, une paire de fortes canines et un
nombre variable de molaires tranchantes. Cer-
taines espèces toutefois, parmi les carnivores,
joignent à la viande qui constitue toujours le fond
de leur alimentation de la graisse, des tendons, des
os. de la moelle ou même du miel et des fruits,
et ont les dents plus ou moins modifiées. L'ours,
par exemple, a les molaires aplaties en arrière,
tuberculeuses ou mamelonnées. Mais entre cette
espèce à peu près omnivore et une espèce essen-
tiellement carnassière comme le tigre, on trouve
une foule d'animaux qui ont une régime intermé-
diaire et dont par conséquent la dentition tient le
milieu entru celle des deux types extrêmes.
Le museau est en général 'médiocrement sail-
lant ; mais à cet égard encore il y a de très grandes
variations, et_, pour s'en convaincre, il suffit d'exa-
miner comparativement un chien, une fouine et
un chat. Toutes choses égales d'ailleurs, le mu-
seau est d'autant moins proéminent et par suite
les màchou'es sont d'autant plus courtes que l'ani-
mal a un régime plus carnassier. Voici en quelques
mots l'utilité de cette disposition. Chacun sait que
la mâchoire supérieure est immobile et adhérente
au crâne, tandis que la mâchoire inférieure s'ar-
ticule de chaque côté avec cette boite osseuse
au moyen dune branche montante et est mise en
mouvement par des muscles particuliers qui la.
tirent de bas en haut. C'est par ce mécanisme qui?
les deux mâchoires, se rapprochant comme les
mors dime pince, peuvent couper ou broyer les-
aliments. Mais ces derniers, qui consistent parfois
en substances assez dures, opposent à la secliop.
ou à la trituration une cenaine résistance, c'est-à-
dire une force qui tend à contrebalancer celle qui
est déployée parles mâchoires et par les muscles
qui les sollicitent. La mâchoire inférieure qui,
prenant son point d'appui sur le crâne, peut être
justement comparée à un levier, est donc sollicitée,
pendant la mastication, par deux forces contraires,
une force d'action, représentée par les muscles
masticatoires et une force de réac^io«, représentée
par les aliments. Or, un principe de mécanique
étabUt qu'une force quelconque agit avec d'au-
tant plus d'eflicacité, qu'elle est appliquée à un
levier plus éloigné du point d'appui, ou, comme
on le dit communément, qu'elle s'exerce sur un
bras de levier plus long, et vice versa. En consé-
quence plus les aliments, ou, d'une manière plu>
générale, plus la substance à couper sera rappro-
chée du point d'articulation de la mâchoire infé-
CARNIVORES
— 336 —
CARNIVORES
rieure, moins la résistance sera considérable. C'est
môme pour cela que, d'instinct, nous portons dans
les parties les plus reculées de notre bouche, sous
les dents molaires, les aliments les plus durs.
Dans le cas particulier qui nous occupe, le rac-
courcissement du museau des carnivores a donc
pour effet de diminuer la résistance des matières
à broyer ou à déchirer, ou ce qui revient au même,
d'augmenter le travail utile des mâchoires. Il est
vrai qu'en revanche, les bras de levier sur lesquels
agissent les muscles masticateurs se trouvant di-
minués, une certaine quantité de force se trouve
perdue ; mais cet inconvénient est largement ra-
cheté par le développement inusité de ces mêmes
muscles. Prenant leur insertion sur les os maxil-
laires inférieurs, ils remontent presque verticale-
ment sur les côtés du crâne, passent sous deu.\
arcades osseuses nommées arcades zygomatiques
et vont s'attacher sur le haut des tempes, dans des
fosses qui sont séparées généralement par une
forte crête osseuse longitudinale.
La viande saisie par les dents, broyée et im-
bibée de salive, tombe dans l'estomac, y est sou-
mise à l'action du suc gastrique, et passe de là
dans l'intestin, où elle doit abandonner ses der-
nières particules nutritives Mais comme la chair est
d'une assimilation beaucoup plus facile que les
matières végétales, le tube digestif et en particu-
lier l'intestin n'a pas besoin d'être aussi développé
chez les carnivores que chez les mammifères her-
bivores ; il est même en général assez court, et
chez le lion, par exemple, il n'a que trois fois la
longueur du corps, tandis que chez le bélier il
égale vingt-huit fois cette môme longueur.
Les carnivores sont répandus partout, sauf dans
les terres australes. On n'a signalé à la Nouvelle-
Hollande qu'un animal de ce groupe, une espèce de
chien, qui pourrait bien n'être pas originaire de
cette contrée bizarre. En revanche, on trouve des
carnivores dans la grande île de Madagascar oîi
manquent cependant tant d'autres groupes de mam-
mifères.
Dans la nature, les carnivores jouent un rôle
modérateur ; ils sont spécialement chargés d'arrê-
ter la multiplication exagérée de certaines espèces.
Quelques-uns, comme les ours, les fouines, les
belettes, abondent surtout dans les régions bo-
réales; d'autres, comme les mangoustes, les ci-
vettes et les genettes sont plus nombreux dans les
régions chaudes. Les félins ^panthères, tigres,
jaguars et lions), se trouvent à la fois en Afrique, en
Asie et en Amérique ; il en est de même des ca-
nidés (loups, chiens, renards, etc.)
Les espèces très nombreuses de l'ordre des car-
nivores peuvent être réparties en six familles prin-
cipales, que nous examinerons successivement,
dans l'ordre suivant: 1° Félidés, 2- Hyéiiidés, 3° Ca-
nidés,^" Viverridés, 6° Musiélidés, 6° Ursidés.
1. Félidés. — Les Félidés, c'est-à-dire les ani-
maux construits sur le type de notre chat domes-
tique, réunissent au plus haut point les caractères
distinctifs des carnassiers. Chez eux les dents ca-
nines atteignent un développement considérable,
et parmi les molaires, celles que l'on appelle, ;i
caut-e de leurs fonctions, de7its catTiassières, sont
hérissées de lames aiguës, tranchantes comme des
ciseaux. La langue elle-même, garnie de papilles
rugueuses, peut agir comme une râpe et décliirer
en léchant les téguments délicats. Les membres
sont souples et robustes, et les doigts sont munis
d'ongles recourbés, qui, grâce à un mouvement de
bascule de la dernière phalange, peuvent se rele-
ver pendant la marche de manière à ne pas s'user
par le frottement sur le sol. En rentrant ainsi ses
griffes, ranimai peut à volonté faire patte de ve-
lours.
On connaît dans la nature actuelle une soixan-
taine d'espèces de Félidés, qui sont également ré-
pandues dans l'Ancien et dans le Xouvoau-Monde,
et qui, tout en étant établies sur le même plan
d'organisation, se distinguent assez facilement les
unes des autres par leurs proportions ou par la
couleur de leur pelage. A leur tête se place le lion,
qui mesure près de 2 mètres de l'extrémité du
museau à l'origine de la queue, et dont la hauteur
est d'un mètre environ. On le voit si fréquem-
ment dans les ménageries, il a été si souvent figuré
dans les tableaux et dans les traités populaires
d'histoire naturelle qu'il est inutile de le décrire
en détail. Les enfants même connaissent cet ani-
mal redoutable à la tête carrée, ornée, chez le
mâle, d'une épaisse crinière, aux membres robus-
tes, au pelage fauve, à la queue terminée par un
flocon de poils. Tout le inonde a pu lire également
des livres où l'on célébrait la force, le courage et la
magnanimité de ce superbe carnassier. Pour ce qui
est de la force, il n'y a certainement rien d'exagéré
dans tout ce qu'on a pu dire, et il est certain que
d'un coup de patte le lion brise parfois les reins
d'un cheval et que d'un coup de queue il terrasse
l'homme le plus robuste ; mais quant au courage
et à la magnanimité il y a certainement beaucoup
à rabattre des récits des anciens voyageurs qui ont
été accueillis avec trop de confiance par Buffon.
Le portrait que ce grand naturaliste a tracé
du lion est certainement plus poétique que fidèle,
et il résulte des observations de hardie chasseurs,
tels queLivingstone,Delegorgue, J. Gérard, Bom-
bonnel, que le lion, cet animal dont l'intrépidité a
été tant vantée, se conduit parfois comme un lar-
ron vulgaire, qu'il se cache pour surprendre sa
proie au lieu de l'attaquer en face et que des fem-
mes et des enfants ont pu le mettre en fuite en
agitant des morceaux d'étoffes et en poussant de
grands cris. Somme toute, le lion paraît moins re-
doutable que le tigre ou la panthère; et dans les
conditions ordinaires, lorsqu'il n'est ni serré de
près, ni poussé par la faim, il ne s'attaque guère à
l'homme. «Il arrive tous les jours, dit Delegorgue,
que les Cafres, qui n'ont point d'armes à feu, tra-
versent avec leurs familles des espaces où circu-
lent de ces animaux, et pour ces hommes la pré-
sence du lion n'est pas une cause d'effroi. Un ou
plusieurs lions bondissent à dix pas et se maintien-
nent à trente, les Cafres passent sans y prendre
garde, et jamais je n'ai ouï parler d'accidents dont
les lions eussent été les auteurs sans provocation.
Ces mêmes Cafres chassent-ils devant eux des
bœufs ou des vaches, la question peut changer ;
je ne réponds pas des bêtes à cornes, non plus que
des propriétaires qui voudraient les protéger. »
On voit par là que le lion est un voisin fort in-
commode pour les tribus qui s'adonnent à l'élevage
des bestiaux ; aussi, de tout temps, les Arabes,
les Cafres, les Nègres du Soudan lui ont-ils fait
une guerre acharnée. La chasse du lion à l'affût
exige beaucoup de prudence, de sang-froid et de
courage, car, comme le ditDelegorgne, «si le lion
a deviné la présence du chasseur, s'il l'a entrevu,
celui-ci court les plus grands risques. Cette fois,
le lion se considère m.aître de ce qu'il a conquis,
et d'ordinaire, il ne souffre pas de partage. Gare à
l'homme ! que tout son sang-froid lui vienne en
aide, qu'il n'ait pas la malheureuse idée de tergi-
verser, qu'il tienne bon. qu'il s'accroupisse. Cette
mesure le sauvera peut-être de l'attaque, où le tir
est si inexact et si difficile; et si l'animal, dans
son hésitation, se présente bien à découvert, que
le coup parte et l'étende roide sur place, sinon le
lion sera le maître-
» Cependant, il arrive quelquefois que, par un
caprice inexplicable, généralement qualifié de gé-
nérosité, le roi des animaux ne tue pas l'homme
qu'il tient sous lui, bien qu'il ait été blessé le
premier par lui. Quelquefois, il se coiuente de
divers coups de dents qui brisent et broient les
CARNIVORES
— 361 —
CARNIVORES
membres, ou d'un seul qui laboure la poitrine
de quatre sillons. Il borne là sa vengeance et
s'en va. »
Les lions sont répandus dans toute l'Afrique,
depuis l'Atlas jusqu'au cap de Bonne-Espérance,
mais présentent quelques variations suivant les
régions; ils ont la crinière tantôt claire, tantôt
noirâtre, le pelage d'une teinte plus ou moins
uniforme, etc. Il est impossible toutefois de re-
connaître plusieurs espèces parmi les lions du
continent africain. Ceux qui habitent en Perse et
en Arabie ne paraissent pas non plus notablement
différents, et constituent tout au plus une race
particulière.
Le tigre, chez lequel le type chat est encore plus
marqué que chez le lion, se distingue facilement
de ce dernier par l'absence de crinière, le déve-
loppement sur les joues de poils formant une sorte
de barbe, l'allongement de la queue qui ne porte
pas de touffe terminale, et enfin par la coloration
du pelage dont la teinte fauve est recoupée par
des bandes transversales noires. A l'état adulte,
un tigre mesure 2 mètres 50 environ de longueur
totale sur 70 centimètres de hauteur au gar-
rot.
C'est alors un animal des plus redoutables, qui
s'attaque indifféremment aux êtres les plus forts
comme aux plus faibles, à l'homme, à l'éléphant,
au rhinocéros, au buffle, à l'antilope, ou même à
l'oiseau et au reptile. Embusqué dans un taillis,
vers le coucher du soleil, il attend sa proie, fond
sur elle d'un bond irrésistible et enfonce dans
la nuque de sa victime ses griffes acérées avec
une telle puissance que l'animal le plus vigou-
reux s'abat immédiatement, souvent pour ne
plus se relever. Dans l'Iode, chaque année,
malgré les primes offertes pour la destruction des
tigres, des centaines de personnes sont égorgées
par ces bêtes féroces, dont l'audace est sans
égale et que l'incendie d'une forêt peut seul faire
reculer.
On ne trouve de tigres qu'en Asie, aussi les Ro-
mains ne connurent-ils ces animaux que lors-
qu'ils eurent étendu leurs frontières jusqu'à l'em-
pire des Parthes ; Scaurus le premier, en l'an 743
de la fondation de Rome, exhiba un tigre enfermé
dans une cage; mais plus tard Héliogabale attela
quatre de ces carnassiers à son char, où il figurait
le dieu Bacclius.
En Amérique, depuis le sud-ouest du Mexique
jusqu'au Paraguay, le tigre est remplacé par un
autre félin, le jaguar, qui est en général de taille
un peu plus faible et coloré d'une manière diffé-
rente.
Le jaguar est ordinairement (car il y a dans
cette espèce de nombreuses variations individuel-
les) d'un jaune rougeâtre avec le museau et la
-orge d'un blanc pur et de nombreuses taches
noires sur la tête, le cou, le dos, la croupe et les
flancs. Ces taches affectent souvent la forme d'an-
neaux, parfois celles de raies transversales. Doué
d'une force prodigieuse ot d'une merveilleuse agi-
lité, pourvu de sens d'une finesse incomparable,
le jaguar est un animal aussi dangereux que le
tigre ; il mange tous les grands vertébrés qu'il
trouve à sa portée et saisit sa proie dans l'eau
aussi bien que sur terre. Des voyageurs lui ont vu
prendre des poissons avec beaucoup d'adresse.
L'homme devient fréquemment sa victime, le nè-
gre surtout, dont la peau exhale une odeur par-
ticulière qui attire ce grand carnassier.
La grande panthère ou léopard d'Afrique, dont
Aristote a déjà fait mention, se trouve non seule-
ment en Afrique, comme son nom semblerait l'in-
diquer, mais dans l'Asie Mineure, dans l'Inde et
jusqu'en Mongolie. Sa robe est vraiment splendide.
Sur un fond jaune orangé, passant au blanc sur le
ventre se dessinent des taches tantôt annulaires,
2c Paktie.
tantôt composées de quelques points disposés cir-
culairement, taches qui, sur le dos, figurent qua-
tre bandes régulières, et sur les côtés des raies
moins bien définies. Les forêts ou des taillis épais
couvrant les intervalles laissés par les grands ar
bres sont les repaires ordinaires des léopards, qui
font une guerre acharnée aux singes, aux antilo-
pes, aux moutons et aux brebis, et qui parfois n«
craignent pas de se jeter sur l'homme lui-même.
Sous le nom de chats, les naturalistes com-
prennent une foule de carnivores de petite taille,
qui vivent en Europe, en Asie, en Afrique et
en Amérique. La seule dont nous ayons à parler,
c'est le chat sauvage, des forêts de l'Europe et de
l'Asie. Un peu plus gros que le chat domestique
ordinaire, et de formes plus robustes, le chat sau-
vage a le pelage plus fourni, orné de bandes et de
taches régulièrement disposées, d'un brun foncé
sur un fond gris-jaunâtre. Il vit dans les grandes
forêts et fait la chasse aux oiseaux et aux petits
mammifères, tels que les rats, les lapins et les
lièvres. Jusqu'à ces derniers temps on supposait
que cette espèce, apprivoisée par l'homme dans les
temps reculés et modifiée par des croisements suc-
cessifs, avait donné naissance à notre chat domes-
tique; mais aujourd'hui on est plutôt disposé à
admettre que le chat de nos habitations dérive de
quelque forme africaine comme le chat ganté du
Sahara. Ce qui vient à l'appui de cette hypothèse,
c'est que le chat domestique se trouve figuré dans
les plus anciens monuments de l'Egypte, tandis
qu'il ne paraît avoir été connu dans l'Europe occi-
dentale qu'à partir du x* siècle.
Les lynx ou loups-cerviers des marchands four-
reurs se rapprochent par leurs moeurs des chats
sauvages et habitent comme eux les forêts de
contrées montagneuses; mais ils se distinguent
facilement par leur taille égale à celle d'un gros
chien, leur pelage moelleux, roussâtre ou gris,
moucheté de brun; leur face encadrée d'une
longue barbe et leurs oreilles terminées par un
pinceau de poils. Le lynx ordinaire, jadis répandu
sur une grande partie de l'Europe, ne se trouve
plus guère que dans les Alpes et sur quelques
points de l'Allemagne. En dépit de la lenteur de
ses allures, il se rend maître facilement du gros
gibier et même des chevreuils et des cerfs , sur
lesquels il s'élance du haut d'un arbre et qu'il
maintient avec ses griffes acérées. Une, autre es
pèce vit en Espagne et en Portugal, et une troi
sième dans l'Asie septentrionale. La fourrure des
lynx est très estimée ; une peau vaut en moyenne
50 francs.
Le guépard, qui ressemble à la panthère par la
coloration de son pelage, est moins fortement char-
penté et plus haut sur jambes. En Perse et dans
l'Inde on l'emploie pour la chasse.
2. Hyénidés. — Les hyènes, qui constituent la
famille des Hyénidés, sont digitigrades comme les
Félidés, c'est-à-dire marchent en s'appuyant sur les
doigts et en tenant la plante des pieds légèrement
soulevée. Par leur dentition elles se rattachent
aux chats et aux martes, mais elles ont des molai-
res moins tranchantes et plus épaisses, ce qui
annonce des instincts moins féroces: les hyènes en
effet ne se nourrissent que rarement de proie
vivante; elles recherchent surtout les cadavres
dont elles brisent les os entre leurs mâchoires
puissantes. A cause de ce régime, elles ont été de
tout temps l'objet d'une sorte de réprobation, et,
par suite, souvent accusées de méfaits dont elles
étaient parfaitement innocentes. On a dit qu'elles
étaient d'une férocité épouvantable ; qu'elles égor-
geaient les bestiaux, qu'elles savaient imiter la
voix humaine, appeler les bergers et les charmer
au point de leur faire oublier leurs troupeaux.
Fables absurdes qui ont déjà été démenties par
Buifoo, et qui ont été inspirées par la démarche
22
CARNIVORES
— 338 —
CARNIVORES
claudicante et tortueuse de ces animaux, due prin-
cipalement à l'inégalité de leurs membres anté-
rieurs et postérieurs, par l'ouverture effrayante de
leur gueule, par l'aspect hérissé de leur pelage,
par leur voix étrange qui ressemble tantôt à un
gémissement, tantôt à un éclat de rire, et surtout
par leurs habitudes nocturnes et leurs instincts
dégoûtants. Après avoir vécu jadis en Europe, les
hyènes sont confinées aujourd'hui dans le midi de
l'Asie et dans le continent africain. On en compte
plusieurs espèces, l'hyène tachetée ou crocotte qui
se trouve depuis le cap de Bonne-Espérance jus-
qu'en Abyssinie, l'hyène brune qui vit à peu près
dans les mêmes contrées, et l'hyène rayée qui est
propre à l'Arabie, à l'Asie méridionale et au nord
de l'Afrique. Cette dernière espèce, qui est assez
commune en Algérie et dans la vallée du Nil,
atteint la taille d'un chien de garde ; elle a les
poils longs, principalement sur la nuque et le
dos, où ils forment une crinière flottante ; le
dessus de son corps et ses flancs sont d'un gris
fauve zébré de brun noirâtre, sa gorge est mar-
quée d'une grande tache noire, ses joues sont
ornées de points de môme couleur, et son ventre
est d'un gris blanchâtre. La hyène brune est plus
velue et plus foncée en couleur, et la hyène tachetée
a., comme son nom l'indique, le pelage parsemé
de nombreuses taches sombres.
3. Canidés. — La troisième famille des carni-
vores, celle des Canidés, renferme non seulement
les chiens, mais les loups, les chacals, les renai-ds
et d'autres animaux digitigrades, dont les mem-
bres élancés se terminent par des doigts munis de
griffes non rétraciiles. Ces doigts sont au nombre
de cinq aux pattes antérieures et de quatre seule-
ment aux pattes postérieures. Les mâchoires, quoi-
que puissantes, sont plus allongées et moins for-
tement armées que celles des Félidés ; la dent mo-
laire qu'on appelle dent carnassière est moins
tranchante et les autres semblent plutôt destinées
à broyer des os qu'à couper de la chair et des ten-
dons. Le pelage offre d'ordinaire des teintes plus
uniformes que chez les chats et les hyènes, et la
queueest allongée et plus ou moins toufi'ue. Les
Canidés sont des animaux fort intelligents, dont le
cerveau présente un assez grand nombre de cir-
convolutions, et dont les sens ont beaucoup de
finesse, principalement celui de l'odorat. Au lieu
de vivre isolés ou par couples, comme les Félidés,
ils se réunissent en général en petites troupes pour
attaquer les animaux dont ils font leur proie.
Parmi les carnivores de cette famille qui habi-
tent en France, le loup est le seul qui soit réelle-
ment redoutable. Encore, dans notre pays, ne
devient-il dangereux pour l'homme qu'en hiver,
lorsque la faim le chasse de ses repaires et le force
à se rapprocher des habitations. En revanche, il
peut faire, en toutes saisons, beaucoup de mal aux
troupeaux, aussi lui fait-on une chasse active et
a-t-on établi, dans plusieurs de nos départements,
des compagnies de louveterie. Mais dans les pays
où la culture est moins avancée, et où leur
domaine n'a pas été aussi restreint par le déboi-
sement, les loups sont encore fort communs : en
Russie et en Sibérie par exemple ils se réunissent
souvent en grandes bandes et attaquent les che-
vaux et les voyageurs. Dans d'autres contrées au
contraire ils ont totalement disparu, et en Angle-
terre il n'y en a plus un seul depuis le commen-
cement du dix-huitième siècle.
Tout le monde sait que le loup, par son aspect
extérieur, se rapproche beaucoup des grandes races
de chiens avec lesquelles il se croise assez facile-
ment. Son pelage en général, d'un gris fauve varié
de poils noirs, devient d'un brun foncé ou même
d'un noir uniforme chez quelques individus atteints
de mélunisnie.
Le loup des prairies de l'Amérique du Nord, dont
il est si souvent question dans les récits des trap
peurs et des voyageurs canadiens, ne diffère que
légèrement par son crâne et par son pelage du
loup de nos forêts. Le chacal en est beaucoup plus
distinct. Il est plus petit que le loup, et plus clair
en couleur, et par ses mœurs offre quelque ana-
logie avec les hyènes. Vivant en Asie et en Afrique,
dans les mêmes contrées que les lions et d'autres
grands carnivores , les chacals se contentent
volontiers des débris laissés par ces derniers; au
besoin même ils se repaissent des cadavres d'ani-
maux domestiques ou même des immondices reje-
tées des habitations. C'est pendant la nuit qu'ils se
mettent en chasse en troupes nombreuses qui font
retentir l'air de leurs hurlements. Les chacals
s'apprivoisent assez facilement, mais conservent
toujours un fonds de sauvagerie. Frappés des res-
semblances que ces carnassiers présentent avec cer-
taines races de chiens, quelques naturalistes ont
voulu voir dans les chacals la souche de nos chiens
domestiques. Mais plusieurs raisons écartent cette
hypothèse, et, comme le fait observer F. Cuvier, les
chacals répandent une odeur si forte et si dés-
agréable qu'elle seule aurait empêché l'homme de
rapprocher de lui ces animaux pour en faire ses
compagnons et en quelque sorte ses commen-
saux.
D'où viennent alors les chiens domestiques?
C'est ce qu'il est malheureusement impossible de
dire, malgré toutes les recherches faites à ce
sujet. On peut affirmer qu'ils sont d'apparition
récente, au point de vue géologique, puisqu'on n'a
point trouvé leurs traces dans des couches anté-
rieures aux terrains modernes. Mais quels ont été
leurs caractères primitifs ? quelle est la contrée
d'où ils sont originaires ? C'est ce qu'on ignore. On
ne sait pas davantage s'ils procèdent d'une ou
de plusieurs espèces primordiales, et le problème
semble presque impossible à résoudre quand on
songe à la variété presque infinie des races de
chiens que l'homme élève pour ses besoins ou
pour son agrément. Quelques-unes de ces races
remontent à la plus haute antiquité et se trouvent
représentées, avec les caractères qu'elles offrent
encore aujourd'hui, sur les anciennes monnaies
étrusques, et sur les monuments de l'Egypte et de
l'Assyrie. Le chien est partout le compagnon de
l'homme et s'est modifié et perfectionné à mesure
que ce dernier atteignait un plus haut degré de
civilisation : aussi l'on peut dire, d'une manière
générale que c'est chez les peuples les plus bar-
bares que le chien se rapproche le plus des car-
nassiers sauvages de la même famille. Cet animal
était totalement inconnu jadis dans certaines lies
de rOcéanie et en Amérique, mais dans cette der
nière contrée, depuis l'arrivée des Européens, il
s'est rapidement multiplié, et même sur certains
points est revenu à l'état sauvage. Il nous serait
difficile, pour ne pas dire impossible, de décrire
successivement toutes les races de chiens domes-
tiques qui diffèrent les unes des autres par la
taille, la forme de la tête, la nature du pelage, la
coloration, aussi bien que par les instincts et les
mœurs. Pour la commodité de l'étude, ces races
peuvent être rangées en un certain nombre de
catégories, savoir:
1° Les lévriers, au crâne allongé, aux formes
sveltes, aux jambes fines, au poil tantôt ras (lévrier
turc, lévrier d'Egypte et lévrier de Grèce), tantôt
assez long (lévrier de Perse, lévrier de Russie, lé-
vrier d'Ecosse).
2° Les chiens mâtins, aux formes robustes, aux
oreilles souvent droites (mâtin proprement dit,
danois, etc.).
3° Les chiens à poil laineux, propres aux régions
arctiques des deux mondes (chien des Esquimaux,
chien du mont Saint-Bernard, chien de berger,
chien-loup).
CARNIVORES
— 339 —
CARNIVORES
4° Les barbets (barbet, griffon, petit chien blanc
de Cuba).
.■." Les épagneuls (setter, épagneul proprement
dit, king's-cliarles, bichon, etc.)-
6° Les chiens de chasse à poils ras, à oreilles
tombantes (chien courant, fox-hound, braque).
"i" Les chiens dogues (dogue proprement dit,
buU-terrier, roquet, petit danois), qui ont le crâne
élevé; le museau court et tronqué, la queue droite,
les membres robustes, et qui habitent exclusive-
ment les régions tempérées de l'ancien continent.
Toujours plus petits que les loups, les renards
ont le museau plus effilé, le crâne plus aplati et la
queue plus touffue. Le renard vulgaire a générale-
ment le pelage d'un fauve plus ou moins vif on
dessus, et d'un ton blanchâtre en dessous ; mais
dans certains cas, il prend des teintes enfumées,
te dos étant brun, la queue noirâtre et le ventre
grisâtre (renard c'iarbonnier). Fort commun en
Europe, il vit isolé et se tient pendant le jour ca-
ché dans le creux d'un arbre, dans une crevasse de
rocher ou dans quelque terrier de blaireau dont il
a chassé le propriétaire, et qu'il a agrandi pour
son usage. Sa demeure est toujours située à pro-
ximité d'une ferme, où, lorsque la nuit est tom-
bée, il va subrepticement dérober un lapereau ou
une volaille. Souvent aussi il égorge quelque pièce
de gibier, et, comme la fable nous l'apprend, il est
fort avide de raisins. Les villageois lui ont déclaré
une guerre à mort; mais sa prudence est telle
qu'il ne tombe que rarement dans les pièges qui
lui sont tendus. Les grands seigneurs anglais élè-
vent pour la chasse de ce carnassier une race de
chiens particulière, les fox-hoiinds, et montés sur
des chevaux rapides, poursuivent le renard à tra-
vers les halliers, les rochers et les rivières, au
risque de se rompre les os.
Le fennec est un joli petit renard, aux oreilles
très longues, à la physionomie éveillée, à la robo
Isabelle, qui vit dans le Sahara algérien et en Nubie.
4. Viverridés. — La famille des Viverridés com-
prend un très grand nombre d'espèces, les unes
plantigrades, les autres digitigrades, les unes se
rapprochant des Félidés par leurs dents carnassiè-
res très développées, les autres ayant dans leur
dentition des affinités avec les Ursidés ou même
avec les Insectivores. Tous ces animaux sont à peu
près de la grosseur d'un chat, et pourvus d'une
queue très longue et parfois volubile comme celle
de certains singes américains.
On a établi dans cette famille plusieurs groupes
•secondaires sur lesquels nous n'avons pas à insis-
ter, parce qu'ils n'appartiennent pas à notre pays :
les ratons comprenant le 7^ato7i laveur, de l'Amé-
rique du Nord, plantigrade qui rappelle un peu
ic blaireau, avec des formes moins lourdes et qui
a la singulière habitude de plonger dans l'eau les
substances dont il fait sa nourriture, et le raton
crabier de l'Amérique tropicale, qui vit au bord de
la mer, et se nourrit de crustacés; les. pandas,
des monts Himalaya, qui sont remarquables par
les teintes vives de leur pelage et qui ont le
corps d'un roux éclatant, la gorge et la face interne
des membres d'un blanc presque pur, et la queue
élégamment annelée; les coatis, les kinkajous du
Mexique, de la Guyane et du Brésil, etc.
Un autre groupe de 'Viverridés comprend : les
■civettes, les genettes, les hémigales, les parado-
xures, etc.
Les civettes, qui ont pour patrie l'Afrique et le
jud de l'Asie, sont les animaux les plus intéres-
sants de cette tribu à cause des produits qu'elles
fournissent à l'industrie. Elles ont en effet, à l'ex-
trémité postérieure du corps, au-dessous de la
queue, des glandes qui sécrètent une substance
musquée dont on fait usage en parfumerie et en
pharmacie et qui depuis longtemps est l'objet
d'un commerce important.
La civette d'Afrique offre dans son pelage cer-
taines analogies avec les hyènes, les flancs étant
marqués de taches et de raies noirâtres sur fond
gris, la queue étant ornée d'anneaux foncés et
une crête de poils allongés s'étendant sur la nu-
que et la ligne dorsale ; mais la taille de la civette
n'égale jamais celle de la hyène, et ses pattes an-
térieures et postérieures ne présentent pas cette
disproportion qui donne à la hyène des allures si
étranges. Les civettes sont d'un naturel farouche
et irascible; on prétend cependant que dans cer-
taines contrées de l'Afrique, les indigènes parvien-
nent à les garder en captivité, afin de les sou-
mettre à une sorte d'exploitation méthod'oue.
La civette de l'Inde et des Moluques», ' ^-i li-
beth, est un peu plus petite que la ci\'V-tte d'Afri-
que, elle est couverte d'un poil moins touffu, et
n'a qu'un rudiment de crinière.
Les genettes qui habitent le midi de l'EurojAs,
l'Asie et l'Afrique, ont des glandes à parfum moins
développées que celles des civettes, et une robe
colorée d'une manière différente : dans l'espèce
vulgaire, qui se trouve dans la plupart de nos dé-
partements du centre et du midi, le pelage est
fauve, marqué de taches et d'anneaux d'un brun
foncé. Plus élancées que le chat et plus élégantes
que la fouine, les genettes ont, comme ces ani-
maux, des habitudes nocturnes et font la guerre
aux volailles, aux petits mammifères, tout en se
nourrissant de temps en temps d'œufs et d'insec-
tes.
Le paradoxure de Ceylan, l'hémigale de Bornéo
et l'euplère de Madagascar diffèrent notablement
des civettes et des genettes par la forme du mu-
seau, le système dentaire, les proportions du corps
et la couleur du pelage.
Avec leur corps svelte et leurs pattes courtes,
les mangoustes, qui forment encore une autre tribu
de Viverridés, ont des allures vermiformes et sem-
blent glisser sur le sol lorsqu'elles marchent. Elles
ont un pelage soyeux, tiqueté, une queue allongée
et des doigts armés de griffes non rétractiles. Leur
crâne aplati renferme un cerveau peu volumineux
et leurs molaires, pour la plupart fortement tuber-
culeuses, dénotent un régime légèrement insecti-
vore. Aux petits mammifères et aux oiseaux qui
constituent le fond de leur alimentation, les man-
goustes joignent en effet non seulement des
œufs, mais aussi des insectes. . . .
Les mangoustes proprement dites sont originai-
res de l'Afrique et de l'Asie méridionale, et l'on trouve
dans la vallée du Nil une espèce de ce genre qui
jouit d'une certaine célébrité et qui a été tenue
en grand honneur par les anciens Egyptiens : c'est
la mangouste ichneumon ou rat de Pharaon. Les
fables les plus absurdes ont été débitées sur ce
carnassier : on a prétendu, par exemple, qu'il s'in-
troduisait dans la gueule des crocodiles pour leur
dévorer les entrailles. Ce qu'il y a de vrai, c'est
que la mangouste ichneumon ne se contente pa3
de petits mammifères et d'oiseaux et qu'elle est
aussi très avide de serpents et d'œufs de crocodi-
les. En Egypte, on la garde parfois en domesticité
pour la destruction des souris.
5. MustéUdés. — La famille des Mustelides a
pour type la belette (en latin miistela), mais com-
prend encore, à côté de cette espèce, plusieurs au-
tres animaux tels que les blaircau.x, les mouffettes,
les gloutons, généralement de taille médiocre ou
petite, revêtus d'une fourrure soyeuse, et doues
d'instincts très carnassiers. Le corps est tantôt
trapu, tantôt vermiforme et la queue tantôt déve -
loppée en panache, tantôt rudimentaire.
Dans une première tribu de cette famille se pla-
cent les blaireaux et les mouffettes, animaux qui
marchent en appuyant la majeure partie f'.u pied
sur le sol, et qui par là offrent déjà une transition
vers la famille des ours. Le blaireau ordmairt C8t
CARNIVORES
— 340 —
CARNIVORES
bas sur pattes ; il a le corps trapu, le museau pointu
et la queue très courte. Sa taille est à peu près
égale à celle du chien basset, et son pelage est
d'un gris glacé de noir avec trois larges bandes
blanches sur la tête. C'est un animal fort rusé, qui
mène une vie retirée, au fond des bois, et se
nourrit do miel, de fruits, de racines, de lézards,
de mulots et même de jeunes lapereaux. Sa chair
est, dit-on, mangeable et ses poils servent à faire
des brosses pour la barbe.
Les mouffettes doivent leur nom (tiré du latin
mephitis, puanteur) aux émanations qu'elles ré-
pandent et dont l'odeur est telle que tout animal
en est pour ainsi dire suffoqué. Cette odeur pro-
vient d'un liquide sécrété par des glandes spéciales
et constitue pour les mouffettes un moyen de dé-
fense. Il en existe une espèce aux Eiats-Unis, deux
autres dans l'Amérique du Sud.
Les gloutons forment avec les ratels, les martes
et les putois une seconde tribu. Par ses formes
lourdes, le glouton arctique qui se trouve dans les
régions boréales des deux mondes ressemble au
blaireau, mais il est plus haut sur ses pattes, il a
le corps plus velu, la queue plus fournie, et grimpe
facilement sur les arbres ; il est très redouté des
trappeurs canadiens auxquelles il ravit le pro-
duit de leur chasses. Le ratel du Cap et celui de
l'Inde sont conformés à peu près comme le glouton,
mais sont plutôt fouisseurs que grimpeurs.
Les martes sont des animaux au corps mince, aux
appétits féroces, qui font leur proie des petits
quadrupèdes, des oiseaux et des reptiles et qui
portent souvent le ravage dans les poulaillers où
elles s'introduisent par les plus petites ouvertu-
res. Elles sont à juste titre redoutées par les fer-
miers qui les détruisent sans pitié. La marte ordi-
naire habite les forêts, principalement les forêts
de sapins, et se reconnaît à son pelage brun clair
marqué d'une grande tache jaunâtre sur le devant
du cou. Sa fourrure douce et très fournie est es-
timée. La marte fouine, nommée plus communé-
ment fouine, se tient plus que la précédente dans
le voisinage des habitations, et est répandue dans
toute l'Europe et dans le nord de l'Asie. Elle est
brune avec la gorge d'un blanc pur. Sa peau est
moins recherchée que celle de la marte ordinaire.
Un peu plus petits que les martes, les putois sont
encore plus sanguinaires. L'un d'eux, qu'on dési-
gne sous le nom de putois fétide, et qui n'est pas
rare en France, répand une odeur infecte ; c'est
peut-être l'ennemi le plus dangereux des volailles,
qu'il égorge et dont il abandonne les cadavres après
en avoir sucé le sang. Son corps, qui mesure en-
Tiron 40 centimètres de long, est brun et son mu-
seau est marqué d'une tache blanche. Le furet,
au pelage jaunâtre, aux yeux roses, qu'on élève en
domesticité et qu'on emploie pour la chasse aux
lapins est considéré par plusieurs naturalistes
comme un albinos du putois vulgaire. L'hermine
au contraire, ou putois hermine, constitue une
espèce bien distincte. En hiver son corps est d'un
blanc pur ou légèrement jaunâtre, et le bout de
sa queue est d'un noir profond ; en été, au con-
traire, le corps est marron clair, la queue restant
toujours noire à l'extrémité. Dans nos pays l'her-
mine est beaucoup moins commune que dans les
contrées du nord, en Suède, en Norvège et dans
l'Amérique boréale. C'est de là que viennent ces
peaux si belles qui servent à doubler les manteaux
et à orner les robes de nos professeurs de facultés
et de nos magistrats.
La tribu des loutres se distingue nettement du
reste des Mustélidés par ses habitudes aquatiques,
son régime ichthyophage, son corps surbaissé, ter-
miné par une queue souvent aplatie, et ses pieds
plus ou moins palmés. La loutre vulgaire, qui est
déjà montionnée par Aristote, se rencontre dans
toute l'Europe et dans une grande partie de l'Asie
septentrionale. Elle fréquente les cours d'eaa et
nage avec une grande facilité. Sur le sol, au con-
traire, sa démarche est fort embarrassée. Les pois-
sons constituent le fond de sa nourriture. La four-
rure moelleuse de la loutre est employée en
chapellerie. Une autre espèce, la loutre marine,
ou enhydre, est maintenant presque complète-
ment anéantie. Elle était autrefois fort répandue
sur les côtes de l'océan Pacifique boréal. Beaucoup
plus grande que la loutre vulgaire, elle est revêtue
d'une fourrure beaucoup plus douce et plus lus-
trée; aussi a-t-elle été depuis longtemps l'objet
d'une chasse active. Une belle peau de loutre ma-
rine vaut aujourd'hui près de 2.000 francs.
6. Ursidés. — Les ours, qui forment la famille
des Ursidés, diffèrent des autres carnivores par
leurs allures; car au lieu de marcher comme les
Félidés sur la pointe du pied, ils s'appuyent sur
la plante, ils sont plantigrades, ce qui donne à
leur démarche quelque chose de grave et de so-
lennel. Leur tète, prolongée en un museau coni-
que, porte des oreilles médiocres, et est animée
par de petits yeux assez brillants ; leurs dents in-
cisives et leurs canines ressemblent à celles des
autres carnivores ; mais parmi leurs molaires qui
sont au nombre de six paires à la mâchoire supé-
rieure et de sept à la mâchoire inférieure, les
deux grosses dents postérieures ont une couronne
tuberculeuse et de forme carrée, ce qui annonce
un régime omnivore. Leur corps trapu, couvert
d'une fourrure épaisse et presque unicolore, n'of-
fre en arrière qu'un rudiment de queue et repose
sur quatre pattes robustes, terminées par cinq
doigts munis d'ongles puissants, mais non rétrac-
tiles. Les femelles ont à chaque portée plusieurs
petits qui, en naissant, sont aveugles, à peu près
dépourvus de poils et partant assez disgracieux.
Cette famille compte des représentants en Eu-
rope, en Asie et en Amérique. Dans la partie sep-
tentrionale de cette dernière contrée, depuis le
nord des Etats-Unis jusqu'à la Californie, on trouve
l'ours féroce, au pelage gris ou brun, épais et bien
fourni. Cette espèce lutte avec avantage avec le
bison des prairies et parfois ne craint pas de s'at-
taquer à l'homme. Par ses caractères ostéologi-
ques, elle mérite d'être séparée de l'ours brun
d'Europe. Celui-ci était autrefois très-répandu
dans les provinces montagneuses de la France,
mais aujourd'hui il ne se rencontre plus que sur
certains points des Alpes et des Pyrénées. En An-
gleterre, il a disparu depuis longtemps. L'ours
brun vit solitaire dans les bois et se retire pendant
la mauvaise saison dans les cavernes où il tombe
dans une sorte de sommeil léthargique. Il se nour-
rit de végétaux et de proie vivante, et sans être
aussi féroce que son congénère américain, doit
néanmoins être considéré comme un animal fort
dangereux. Les montagnards des Pyrénées ne crai-
gnent pas cependant d'aller chercher les ours dans
leur retraite ; ils luttent corps à corps avec eux et,,
profitant d'un moment favorable, leur plongent un
couteau dans le ventre. La peau de l'ours brun est
très recherchée et sert à fabriquer des bonnets ;
sa chair est assez estimée des gourmets, et sa
graisse a souvent été vantée comme spécifique
contre les douleurs et contre la chute des che-
veux. On voit souvent entre les mains des bate-
leurs des ours bruns qui ont été pris en bas âge
et dressés avec beaucoup de peine.
Le pelage et la taille des ours d'Europe varie
considérablement suivant les localités : les ours
des Asturies sont plus petits que ceux des Alpes,
ils sont d'une teinte plus grise, et dans le jeune
âge ne présentent pas un collier blanc comme ces
derniers. Cette marque au contraire persiste Don-
nant toute la vie chez les ours de Sibérie.
L'ours blanc a la tète autrement conformée et
les membres plus élevés que l'ours brun et l'ours
CARRÉ
— 341
CARTOGRAPHIE
d'Europe et le pelage d'une nuance toute diffé-
rente. Cet ours, en effet, qui habite les parages
du pôle arctique, est d'un blanc pur ou légèrement
jaunâtre. Il se nourrit de phoques, de poissons et
d'autres animaux marins. Pendant l'hiver, il vit
sur les plages glacées et sur les banquises, mais en
été il se retire dans les bois et mêle alors quel-
ques substances végétales à son alimentation. C'est
un animal assez sociable, et que l'on parvient
quelquefois à conserver dans les ménageries, en
les plaçant dans un endroit frais, à portée d'un
bassin et en lui versant plusieurs fois par jour de
l'eau froide sur le corps.
L'ours malais contraste avec l'ours blanc par sa
taille assez faible, et son pelage d'un beau noir
luisant, interrompu seulement par un croissant
blanchâtre sur la poitrine. Comme son nom l'in-
dique, il vit en Malaisie, à Sumatra et à Bornéo,
et grimpe avec agilité sur les palmiers et sur les
cocotiers ; aussi l'appelle-t-on parfois aussi ours dex
cocotiers. On le voit fréquemment en captivité
dans nos jardins publics.
Nous devons borner là ces renseignements sur
l'ordre des carnivores, laissant forcément de côté
un grand nombre d'espèces intéressantes, et ren-
voyant à l'article Amphibies ce qui concerne les
carnassiers marins. fE. Oustalet.]
Lectures et dictées. — Histoire de la zoologie, par
F. Hœfer : le lion, p. 77; le tigre, p. 81; la panthère, p. 82;
le Ij-iix, p. 84; la hyène, p. 83; l'ours, p. 86. — La Nature,
3« année, p. 70 : la panthère. — Les monstres marins,
p. 283 : l'ours blanc. — Nombreux morceaux dans J. Gérard.
te lueur de lions, et Bombonnel, le Tueur de panthères.
CARRÉ. — Arithmétique (cours sup.), XL VII. —
Produit d'un nombre par lui-même.
1. Les carrés des nombres d'un seul chiffre
sont donnés par la table de multiplication.
Les carrés de 1234567 89
sont 1 4 9 16 25 36 49 64 81.
Le carré d'un nombre composé de dizaines et
d'imités se compose du carré des dizaines, de deux
fois le produit des dizaines par les unités, et du
carré des unités.
Supposons, en effet, que nous voulions for-
mer le carré de 37 ; nous aurons à faire le
produit de .
par
+ 7
900-f 7X30
+ 30X 7
-49
900-1-30X7 X2-I-49.
Si nous répétons 30 fois la somme 30 4-7, nous
aurons d'abord le produit de 30 par 30, ou le carré
de 30; puis le produit de 7 par 30.
Si nous répétons maintenant 7 fois la somme
30 -f- 7, nous aurons d'abord le produit de 30 par 7,
puis le produit de ^ par 7.
Or, le produit de 7 par 30 est le même que celui
de 30 par 7 ; le résultat se compose donc du carré
de 30, de deux fois le produit de 30 par 7, et du
carré de 7 ; ce qui est conforme à l'énoncé ci-dessus.
De même : le carré de 58 se compose du carré
de 50, ou 2 500
de deux fois le produit de 60 par 8, c'est-à-
dire 800
et du carré de 8, ou (i4
Total 3 304
ce qu'il est facile de vérifier en multipliant directe-
ment 58 par 58.
Le raisonnement qu'on vient de faire est indé-
pendant du nombre de dizaines contenues dans le
nombre considéré ; or, tout nombre peut être re-
gardé comme composé de dizaines et d'unités ; la
règle ci-dessus s'applique donc à un nombre quel-
conque de plus d'un chiffre, les dizaines pouvant
être exprimées par un nombre de plusieurs chiffres.
Ainsi, par exemple, le carré de 769 se compose du
carré de 760, de deux fois le produit de 760 par 9,
et du carré de 9.
Cette propriété sert de base à l'extraction de la
racine carrée.
Remarque. — La différence entre les carrés de
deux nombres eiitiers consécutifs est égale au
double du plus petit nombre plus un- Car si, par
exemple, on fait le carré de 37 -|- 1,
37 -fl
37 +1
(37)2-1-
+
37
37 -Hl
l6Xi7
(37)*-}- 2.37 -1-1
on trouve, en opérant comme plus haut, que ce
carré se compose du carré de 37, plus 2 fois 37,
plus 1.
2. Le carré d'un nombre décimal a deux fois
autant de décimales que le nombre lui-même; car
dans la multiplication de deux nombres décimaux
il faut séparer à la droite du produit autant da
décimales que dans les deux facteurs réunis.
Ainsi le carré de 3,7 est 13,69,
— le carré de I,*25 est 1,5625,
— le carré de 0,521 est 0,271441;
et ainsi de suite.
3. Pour faire le carré d'une fraction ordinaire,
il faut faire le carré de son numérateur et le car. .
de son dénominateur ; car pour multiplier deux
fractions il faut multiplier les numérateurs entra
eux, et les dénominateurs entre eux.
Ainsi le carré de 7
4
— le carré de -
— le carre de —
lo
et ainsi de suite.
Si Ion avait à faire lo carré d'un nombre entier
accompagné d'une fraction, on commencerait par
réduire l'entier et la fraction en une seule expres-
sion fractionnaire, et l'on opérerait comme pour
une fraction. Ainsi le carré de
^5 29 29X29 841 ,, 9
^-'°^-8'^^*-8><F'°^-64'°^'^64'
[H. Sonnet.]
CARRÉ (Géométrie). —V. Polygones.
CARTOGRAPHIE. — La cartographie est l'art de
tracer des cartes, c'est-à-dire de reportei- sur une
surface plane, à l'aide de traits convenablement dis-
posés, l'image réduite d'une autre surface, appar-
tenant, soit à la terre, soit à quelque astre voisin,
comme la lune, soit encore à la sphère apparente
du ciel étoile.
Il va sans dire que l'objet principal de la carto-
graphie est de faire connaître aux hommes la con-
formation extérieure de la planète qu'ils habitent.
Les cartes de la lune ou de la voûte céleste sont
d'un usage infiniment plus restreint; du reste les
cartes lunaires sont plutôt des dessins très exacts,
et sur les cartes célestes tout le figuré se borne à
des points de grosseurs différentes, placés de façon
à représenter les astres. Il n'y a donc pas lieu de
nous arrêter à ces deux sortes de cartes, et c'est
de la cartographie terrestre que nous nous occu-
perons exclusivement. Ce que nous dirons de
celle-ci coutiendra tout ce que nous aurions à
dire des autres.
CARTOGRA.PHIE
— 342
CARTOGRAPHIE
L'art de la cartograpliie se divise en deux parties
bien distinctes : une partie géométrique, et une
partie à la fois géométrique et artistique. La pre-
mière consiste à diviser la surface de la carte
en sections d'une valeur déterminée, mesurables,
comparables entre elles, sans s'occuper d'abord de
ce qui viendra s'y dessiner: c'est la projection.'Ldi
seconde consiste à reporter sur cette projection,
sur ce canevas, les différents objets qui se trouvent
sur le terrain à représenter, en leur donnant res-
pectivement la place qu'ils occupent sur un autre
réseau idéal , qu'on imagine et qu'on mesure
à la surface de la terre; puis à reproduire le dé-
tail, les formes, la nature de ces objets, de façon
que l'œil du spectateur conçoive le relief du sol,
le cours des fleuves, la disposition des chemins
ou des lieux habités, avec autant de certitude
que s'il en avait sous les yeux l'image réduite et
sculptée. Cette partie de l'art cartographique est
le (te<sin géogrciphique ou \e figuré du terrain.
Donc, une projection, c'est-à-dire un canevas de
proportions déterminées, puis un ilcssin qui vient
se disposer comme une broderie dans les mailles
de ce canevas: voilà la cartographie.
Il jst évident que l'homme n'est pas arrivé d'em-
l.ée à créer la cartographie telle que nous la com-
prenons aujourd'hui ; le figuré du terrain en parti-
culier est de création moderne et se perfectionne
encore chaque jour ; mais il est cependant remar-
quable que les premiers géographes dignes de ce
nom aient fondé la cartographie sur des principes
définitifs, et n'aient plus laissé à leurs successeurs
que le soin de compléter leur œuvre.
'Projection. — Dos que l'homme entreprit de se
représenter les formes de son domaine, la carte
géographique prit naissance sous la forme d'un
plan pur et simple. Aucune difficulté à cela ; plane
était la surface du champ ou la rive du fleuve, plane
fut la plaque de métal sur laquelle on en gravait
la ressemblance. Il est probable que les cartes
mentionnées dans la Bible (Josué, xvn). ou celles
plus anciennes encore que Sésostris aurait, d'après
Hérodote, exposées aux yeux de son peuple, étaient
simplement des plans approximatifs, sans autres
données que celles d'un arpentage plus ou moins
exact. Toute cette période de l'histoire de la carto-
graphie est extrêmement vague, et on en est réduit
aux suppositions, jusqu'à l'apparition de la science
grecque. Autant que nous pouvons le savoir, c'est
à Anaximandre, disciple de Thaïes, que serait due
la première carte géographique de l'ensemble du
monde connu. Certes, ce monde était loin de s'éten-
dre aussi largement que le nôtre, c'était un pauvre
petit monde, entouré de pays mystérieux, incon-
nus, terribles, qui allaient se perdant vers les quatre
coins du ciel, mais un pas de géant avait déjà été
fait : on enseignait la rotondité de la terre, et Era-
tosthènes put bientôt essayer d'évaluer les dimen-
sions du globe. Dès ce premier pas on se heurta
aux grandes difficultés. Comment représenter sur
une surface plane une autre surface eiupruntée à
une sphère? Le vulgaire ne s'en préoccupait pas,
mais le grand astronome Ilipparque se posa le pro-
blème et le résolut magistralement. Il vit tout d'a-
bord que le plan pur et simple deviendrait bientôt
impossible. A mesure que les limites de la terre
allaient s'éloignant, se courbant de toutes parts
autour du centre du globe, le plan géographique,
qui ne suivait pas ce mouvement, devait se dis-
tendre dans un sens et se rétrécir dans l'autre ;
toutes les mesures se faussaient, et Hipparque, en
cherchant un remède à cette déformation, trouva
une et peut-être même deux des projections sur
lesquelles repose la science de la cartographie.
Lune, la projection orthographique, que certains
auteurs lui attribuent, tandis que d'autres la
croient antérieure, consistait à supposer la terre
a une distance infinie, de façon Que la nerspective
permît d'apercevoir la moitié de la sphère; puis,
à en dessiner sur ce canevas la portion connue.
Projection orthographique.
L'autre projection, plus hardie, et dont la création
appartient sans conteste à Hipparque, supposait la
terre retournée, c'est-à-dire creuse, au lieu d'être
bombée. Les méridiens tracés du nord au sud et
les parallèles tracés de l'est à l'ouest, au lieu de
former des courbes se resserrant et se confondant
vers les bords du globe, formaient au contraire
une figure très claire où toute la terre pouvait se
disposer. Les méridiens venaient couper l'équateur
et les parallèles à angles droits, conservant ainsi le
rapport qu'ils auraient eu sur la sphère, et l'œil du
spectateur était supposé placé sur le pourtour de
Projection stéréographique.
la sphère, diamétralement à l'opposite de la partie
visible.
Ce grand effort n'eut pas de résultats immédiats;
le monde n'était pas encore assez étendu, on pou-
vait encore se contenter de la carte plate. On s'en
contenta près de trois siècles. Sous Auguste, Stra-
bon conseillait encore de figurer les méridiens et
les parallèles par des lignes droites se coupant à
angles droits. Pour ce grand géographe, il n'y avait
aucun inconvénient à négliger le rapprochement
des méridiens vers le pôle, et leur écartement vers
l'équateur. Et Strabon n'avait pas tout ^ fait tort^
Projection plane.
car la mesure de la circonférence terrestre était
encore à ce moment bien vague, purement approxi-
mative ; on admettait les mesures données par Era-
tosthènes au ii' siècle avant notre ère, tout en s'ef-
CARTOGRAPHIE
— 343 —
CARTOGRAPHIE
, ,.Ko ,vp,. ni,,.; d'exactitude, I Ptolémée, ajoutons-le, ne se servit de ses deux
forçant de mesurer le g obe avec plus dexacta^^^^^^^^ projections que pour la construction de sa mappe-
.T,ni« nrnvisnirement il fallait se contenter a a pe i^^^j^^^ _ ^^^n ^^r^^^ ^^^ ^^^^^^ ^^ moindre étendue,
mais provisoirement il fallait se contenter
^""cependant le monde connu {étenlait et l'in-
convénient qu'avait négligé Strabon devint bien ot
extrêmement grave. Un siècle à peine s était écoule,
quels cartes'de Marin de Tyr «'agrandissaient vers
rextrême Orient, et que ce géographe reprenait et
corrigeait les mesures d'Eratosthenes. Quand pa-
rut Ptolémée, la surface du monde connu mesurait
déjà 80 degrés de longitude, c'est-à-dire la moitié
dria circo^nférence du globe, sur 80 degrés envi-
ron du nord au sud. . „ i„ „^„
nécidément, pour cette rondeur immense, la pro-
jection pTane ' ne pouvait plus suffire. Ptolemee
s'avisa d'un expédient très-simple pour la rempla-
cer On sait que les surfaces coniques ou cylin-
driques, engendrées par une droite tournant autour
d'un axe, jouissent d'une propriété précieuse. Elles
peuvent se développer en une surface plane sans
que la valeur de leurs parties relatives soit altérée,
tandis que les figures comme la sphère, engendrées
par une courbe animée d'un mouvement courbe,
ne peuvent pas se développer sur un plan. Ptolé-
mée imagina donc de remplacer la partie de la
sphère quil voulait représenter, par un tronc de
cône où les méridiens et les parallèles correspon-
draient à ceux de la sphère. Il fit choix dun
parallèle moyen, celui de Syène, comme ligne
de contact du cône et de la sphère. Ce parallèle
étant situé au nord de l'Equateur, la base du cône se
trouvait au sud et le sommet au nord, exactement
comme le serait un abat -jour posé sur un globe de
lampe représentant notre terre. Les méridiens traces
sur le globe prenaient dès lors la forme de lignes
droites menant du sommet à la base du cône, puis,
ce cône une fois développé sous forme d éventail,
Projection conique.
les parallèles s'y inscrivaient en arcs de cercle,
tous concentriques au parallèle moyen que le géo-
graphe avait choisi, et tous ayant par conséquent
leur centre au sommet du cône.
L'inconvénient de cette projection était encore,
dans une moindre mesure, celui des cartes planes.
L'écartement des méridiens n'était exact que sur
le parallèle moyen, sur la ligne où le cône venait
embrasser la sphère : plus au nord, plus au sud, les
dimensions allaient en s'exagérant graduellement.
Pour corriger ce défaut, Ptolémée construisit une
autre projection, qu'il appela homœotère, c'est-à-dire
plus ressemblante, et qui différait de la première
en ce que les méridiens, au lieu d'y être figurés
par des lignes droites, y gardaient à chaque paral-
lèle la distance qu'ils auraient eu sur le globe, se
courbant vers la droite et vers la gauche, de façon
à se rapprocher vers le nord et vers le sud. Il en
résultait bien encore une déformation, puisque la
courbure n'était pas dans le sens de la courbure
du globe, mais cet inconvénient était réduit à un
minimum, et tels étaient les avantages de ce mode
de projection, que le Dépôt de la guerre l'a adopté
a\ec quelques modifications, ce qui fait qu'on
l'appelle souvent projection du Déoôt de la guerre.
il conservait la projection plane.
Après cette époque, les progrès de la cartogra-
phie, comme ceux de toutes les sciences, s'arrêtent
pour longtemps. Le monde antique, subjugue par
le monde barbare, va perdre peu à peu le senti-
ment de la précision scientifique, le besoivi de la
recherche exacte et de la méthode rigoureuse. A
la suite de Ptolémée, le document géographique
le plus remarquable que nous possédions est cette
singulière carte appelée « Table de Peutinger ».
du nom d'un chancelier de Vienne, auquel elle
appartint au xvi^ siècle. , , ^, .
Peut-on encore appeler cela une carte .' C est un
rouleau, une bande vingt-deux fois plus longue que
large sur laquelle s'étirent démesurément, les uns
à la suite des autres, les fleuves, les villes, les
montagnes, les mers, les continents, tout cela_ for-
mant le monde connu à la mort de Constantin le
Grand. Plus de projection, plus de mesures propor-
tionnelles, plus d'esprit scientifique, nous voilà à
l'entrée de cette longue nuit du moyen âge où va s e-
laborer le monde moderne. Après la Table de Peu-
tinger, en effet, plus rien : à peine, au vu» siècle,
à Ravenne, un inconnu, un géographe goth, es-
saie-t-il de tracer une mappemonde, mais avec si
peu de clarté, qu'on se demande encore si sa pro-
jection, semblable à une roue, avait son centre à
Ravenne ou à Jérusalem. ^ ^ ,
Cependant le travail de l'antiquité notait pas
perdu, et le calife Al-Mamoun faisait traduire à
Bagdad les livres des géographes anciens, parti-
culièrement ceux de Ptolémée, vérifier les points
de départ, les mesures primitives, les détails géo-
graphiques. On a longtemps cru que ce réveil de la
2;éo2raphie avait été un progrès sur l'antiquité ; en
réalité ce fut surtout une copie. Les bases, soi-
gneusement vérifiées, furent trouvées exactes, et
elles ne l'étaient pas. Cela suffit pour montrer que
l'œuvre des Arabes était de second ordre. Du reste,
les cartes qui nous restent d'eux, peu étudiées, dis-
proportionnées, à quelques exceptions près, ne sont
pas de nature à nous les faire considérer comme des
géographes comparables aux Grecs ou aux Romains.
afais avec le xiii^ siècle arriva l'emploi de la
boussole, l'une des deux ou trois inventions qui
ont hâté la renaissance de l'intelligence humaine.
Les marins se lancèrent hardiment sur la haute
mer, sûrs de ce petit guide que chaque navire por-
tait avec lui ! Cependant ce n'était rien que de savoir
dans quel sens on marchait, si l'on ne savait pas en
même temps vers quel point on se dirigeait. Les
voyages devenaient plus lointains, les cartes de-
vaient devenir plus exactes. Sur quelle projection
allait-on les dessiner, ces tracés de ports, d'îles, de
côtes, de détroits ? Simplement sur la rose des vents,
sur le cadran de la boussole. Tout le monde a vu
de ces vieilles cartes marines, car ici nous touchons
à l'aube du temps moderne. C'étaient de simples
cartes plates, on y revenait, la Méditerranée étant
peu étendue. Les lignes de route des navires, re-
portées sur la rose des vents avec leur longueur
approximative, formaient le réseau sur lequel
on dessinait ensuite les contours de la terre. Pour
la deuxième fois, c'est au bord de la Méditerranée
que la cartographie prit naissance. Ici, l'exactitude
étant une question de vie ou de mort, on arriva
rapidement à un degré de perfection que nous pou-
vons encore admirer aujourd'hui. Pise, Venise et
Gênes se distinguèrent surtout dans le tracé de
ces cartes nautiques.
Cependant le chemin déjà parcouru douze siècles
auparavant ne tarda pas à être parcouru de nou-
veau ; on abandonna la carte plane pour reprendre
les projections de Ptolémée, dont l'imprimerie ré-
pandit bientôt la connaissance dans toute l'Eurooe.
CARTOGRAPHIE
— 344
CARTOGRAPHIE
Les applications et les modifications se multipliè-
rent; il faudrait un volume pour les expliquer
toutes. Mais depuis Ptolémée le monde avait en-
core grandi, chaque jour il s'agrandissait davantage,
et certaines mappemondes s'étendaient déjà depuis
le pôle arctique jusqu'à 38o au sud de Y équateur.
1492 arriva, Colomb découvrit l'Amérique ; le
monde était doublé !
Dès lors, tout l'héritage de Ptolémée devint insuf-
fisant. On ne songea pas d'abord à se servir des
projections antérieures pour reproduire côte à côte
la nouvelle moitié du monde auprès de l'ancienne
moitié ; non, il fallait arriver à tout prix à faire
tenir la sphère sur une feuille de papier ; à l'écra-
ser pour ainsi dire, pour distendre les bords, de la
coupure et comprimer le centre. Apianus, dont le
vrai nom était Benewitz, eut l'idée de réduire de
1/3 l'écartement des 360 méridiens, par rapport à
celui des 180 parallèles; et il arriva ainsi à faire
entrer tout le globe terrestre dans un seul tenant,
en rétrécissant, il est vrai, toutes les dimensions de
l'est à l'ouest. Malgré ce rétrécissement, les mé-
ridiens extrêmes dépassaient de beaucoup la forme
circulaire, et d'autres grands géographes, comme
Sébastien Munster ou Abraham Ortelz (Ortelius),
en rendant à l'écartement des méridiens et des pa-
rallèles ses proportions normales, exagérèrent cette
distension d'une façon tout à fait choquante. Leurs
mappemondes eurent cependant une très grande
réputation, mais une nouvelle projection allait se
produire, qui devait prendre une bien plus grande
place dans la cartographie : c'est celle de Mercator.
Mercator, qui s'appelait de son vrai nom Kaufmann
de Rupelmonde, fût frappé des avantages de la pro-
jection conique de Ptolémée, et se demanda s'il n'y
aurait pas moyen d'approcher davantage de la vérité,
en imaginant un cône qui ne viendrait plus seule-
ment embrasser la sphère, mais qui la pénétrerait,
de façon à y entrer sur un parallèle et en ressortir
sur un autre. Évidemment l'approximation était
déjà plus considérable ainsi, puisqu'il y avait deux
parallèles sur lesquels les dimensions étaient justes ;
mais cette projection ne pouvait s'appliquer qu'à
un seul hémisphère, et Mercator voulait enibrasser
le globe entier en une seule projection. Voici conv
ment il y parvint.
Au lieu d'un cône, il figura un cylindre. Ce cy-
lindre embrassait la sphère exactement sur l'Equa-
teur, de façon à donner aux deux hémisphères les
mêmes dispositions .respectives. Dès lors, les mé-
ridiens se traçaient en lignes verticales, et les pa-
rallèles en lignes horizontales parallèles à l'équa-
teur. Était-ce revenir à l'ancienne carte plane? Non,
car Mercator évita la torsion et le tiraillement des
formes du terrain par un trait de génie : il écarta
ses parallèles d'autant plus, que les méridiens au-
raient dû se rapprocher davantage. Dès lors, le
rapport entre les deux directions, entre les deux
coordonnées, demeurait constant. Figurons-nous
encore un globe de lampe transparent sur lequel
serait tracée une projection ; puis un cylindre qui
viendrait embrasser l'équateur de ce globe : l'ombre
de la projection dessinerait à peu près sur le cy-
lindre la projection à latitudes croissantes de Mer-
cator. Les méridiens se profileraient en lignes ver-
ticales, et les parallèles se dessineraient en cercles
horizontaux, très-rapprochés près de l'équateur, et
graduellement plus écartés à mesure quils iraient
vers le haut ou vers le bas du cylindre.
Ici encore il y avait un inconvénient, les régions
du Nord et du Sud étaient relativement à une plus
grande échelle que les parties équatoriales, mais
le croisement proportionnel des méridiens et des
parallèles rendait les rectifications faciles; les mê-
mes angles se conservaient identiques sur toute
l'étendue de la carte, aussi la projection de Merca-
tor est-elle encore aujourd'hui d'un grand usage,
•urtout dans la marine.
Depuis Mercator, plusieurs autres projections ont
encore été inventées, et si aucune n'est exclusive-
ment employée, c'est qu'elles oscillent toutes, par
la force des choses, entre deux défauts opposés.
Les unes conservent aux surfaces leurs valeurs
équivalentes, mais en modifiant les formes ; les
— I — I — I — I — 1 — I 1 1
I
Projection de Mercator.
autres conservent les relations de formes, mais en
inégalisant les surfaces.
Aussi depuis longtemps se borne-t-on à chercher
un minimum de déformation , une compensation
d'erreurs, puisqu'on n'arrivera jamais à projeter
exactement une sphère sur un plan.
Aujourd'hui, la plupart des mappemondes desti-
nées à l'enseignement consistent en deux hémi-
sphères séparés, en projection stéréographique. La
projection orthographique, qui représente la terre
comme un globe vu aune distance infinie, est pré-
férée pour les aspects particuliers de continents
et pour les explications cosmographiques. Pour les
cartes polaires ou célestes on emploie une dispo-
sition connue sous le nom de projection polaire,
où les méridiens vont divergeant sous la forme de
rayons, tandis que les parallèles sont figurés par
ProjectioH polaire.
des cercles concentriques ; la projection de Merca-
tor est la plus employée pour les besoins de la
navigation. Mentionnons encore une autre projec-
tion, due à MoUweide et ressuscitée en 1857 par
M. Babinet; celle-ci consiste en méridiens ellipti-
ques, également espacés sur l'équateur, et en pa-
rallèles rectilignes. dont l'écartement est calcule
pour obtenir l'équivalence des surfaces. Cette fois
encore, est-il besoin de le dire, cette équivalence
n'est obtenue que par la distorsion des formes.
Nous n'avons pu que jeter un coup d'œil sur l'his-
toire, si intéressante, de cette lutte de l'homme contre
un problème impossible à résoudre exactement. ^
Nous avons vu quelles modifications les géo-
mètres et les cartographes ont fait subir à la figure
CARTOGRAPHIE
— 345 —
CARTOGRAPHIE
de notre globe pour le transformer en une surface
plane; chacune de ces projections et chacune de
celles, — bien plus nombreuses — dont nous n'a-
vons pu parler, présente des avantages particuliers
pour un emploi particulier, mais aucune ne sup-
plée à la vue ou à l'étude d'un globe sur lequel les
mers et les continents sont retracés avec leurs
proportions, leurs formes et leurs surfaces véri-
tables, en projection pour ainsi dire naturelle. C'est
seulement sur un globe que l'enfant apprendra à se
rendre compte du grand globe sur lequel il vit, et
à comprendre, à la vue d'une carte géographique,
dans, quel sens son esprit doit redresser les lignes
imaginaires qui la recoupent, s'il veut faire cadrer
l'image avec la réalité.
Nous laissons de côté toutes les classifications
qu'on a essayées pour les projections géographiques,
on les trouvera dans les ouvrages spéciaux, elles
seraient ici hors de leur place.
Disposition et écart ement des méridiens. — Era-
tosthènes, le premier, divisa le pourtour du sphé-
roïde terrestre en 60 parties égales, traversées
par autant de méridiens qui figuraient des côtes,
et par des parallèles qui figuraient des tranches.
Hipparque sextupla ce nombre, et le chifi"re de
360 degrés, adopté par lui, est demeuré en usage
jusqu'à notre époque, chaque degré se divisant en
60 minutes de 60 secondes. Cependant cette dis-
position n'est pas unique, et en France particuliè-
rement on en emploie également une autre, fondée
sur l'ensemble du système métrique, et probable-
ment appelée à régner seule dans l'avenir. On sait
que d'après la mesure d'un arc de méridien, effectuée
à la fin du siècle dernier par Méchain et Delambre,
le quart de la circonférence terrestre se compose
de dix millions de l'unité de longueur à laquelle on
a donné le nom de mètre. Ce résultat comportait
une légère erreur, qui a été reconnue depuis.
Le degré ne pouvant pas entrer dans le sys-
tème décimal, on décida de substituer aux 360
degrés d'Kipparque une nouvelle division de
400 grades, chaque grade, pris sur la longueur du
méridien, équivalant à 100 000 mètres, et se din-
sant en lOO minutes de 100 secondes chacune. La
circonférence du globe se trouvait ainsi fixée à
40 000 kilomètres, divisés sur le méridien et sur
i'équateur en sections de 100 kil. A chaque 100 kil.
un méridien venait croiser I'équateur, et un paral-
lèle croisait les méridiens. Comme il fallait un
point de départ à cette notation nouvelle, c'est par
l'Observatoire de Paris qu'on fit passer le premier
méridien français, tant pour la notation nouvelle
que pour la notation ancienne. Les Anglais comptent
leurs 360 méridiens à partir de l'Observatoire de
Greenwich, près de Londres. Une autre façon de
compter, et longtemps la plus usitée, consistait à
faire passer le premier méridien par l'île de Fer,
la plus occidentale des Canaries, à 20 degrés envi-
ron à l'ouest de l'Ooservatoire de Paris. Les Alle-
mands, sans vouloir adopter ni le systèm-e mé-
trique ni le méridien de Paris, ont cependant, en
fait, suivi la notation française, puisqu'ils ont aban-
donné l'île de Fer pour faire passer leur 20' degré
exactement sur Paris. On le voit, l'expression des
longitudes varie singulièrement chez les différents
peuples ; il est à désirer que la révision du mètre,
qui vient de se faire à Paris, enlève aux étrangers
les derniers scrupules qui les empêchaient d'adop-
ter le système métrique, et permette l'unification
du méridien, soit sur la base de 360 degrés, soit,
ce qui serait plus logique, sur celle de 400 grades.
Echelle. — Il ne peut pas entrer dans notre
cadre de nous occuper des moyens emplojés pour
la confection des cartes ; c'est là une question qui
dépasse le niveau do l'cnseigûemcnt primaire ;
nous n'avons à considérer ici que les conditions de
construction des cartes géographiques, afin d'en
éclaircir la lecture et d'en faciliter l'étude. Une
I des conditions nécessaires est la réduction de la
projection et du terrain à une même échelle de
relation avec la réalité. Ceci n'a pas besoin de
longues explications, et la signification du mot
échelle est connue de tous. Disons cependant que
l'échelle s'applique aux longueurs et aux largeurs
et non à la surface, et qu'une carte à l'échelle du
10000", par exemple, est celle dont les longueurs,
aussi bien que les largeurs, sont le 10 000' de la
réalité. En France, les échelles se figurent en kilo-
mètres et en subdivisions de kilomètre. On appelle
grandes échelles celles où la dimension du terrain
demeure relativement grande sur la carte, et petites
échelles celles où la réduction est très considérable.
Ceci dit, ajoutons seulement, avant de parler du
figuré du terrain, que ce figuré dépend beaucoup
de l'échelle adoptée, et que plus l'échelle devient
grande, c'est-à-dire se rapproche de la réalité, plus
le dessin du sol se complique. Aussi n'est-ce vé-
ritablement que depuis les grands travaux carto-
graphiques inaugurés au siècle dernier, que le
figuré du terrain a pris son importance actuelle,
et qu'il n'est plus permis de le négliger.
Signes topographiques et figuré du terrain. —
Supposons-nous enlevés dans un ballon à une hau-
teur telle, que la France tout entière se trouve
exactement sous nos pieds; nos yeux plongent au
fond de toutes les vallées, nous voyons serpenter
les rivières, nous distinguons les routes comme
des fils blancs dans la campagne, les montagnes
comme des entassements de pierres fissurés dans
différentes directions, les villes enfin comme des
groupes de toitures séparés par des rues et des
places. C'est un immense paysage, vu, non plus
dans le sens horizontal auquel nous sommes ac-
coutumés, mais dans le sens vertical, et tout en
projection sur le même plan. Ce paysage, c'est
l'idéal du dessin géographique. Pas tout à fait ce-
pendant: il y manque plusieurs choses. D'abord, les
reliefs accentués nous apparaissent clairement, et
il ne leur faudrait plus que des noms et des cotes
de hauteur en chiffres; mais les reliefs adoucis, les
longues inégalités de la surface terrestre, nous
échappent à cause de la douceur de leurs pentes.
De plus, les routes ou les chemins de fer, les mai-
sons ou les monuments publics, ou les ponts, les
barrages, les moulins ou les fabriques, se confon-
dent pour nous, et il nous faudrait un signe pour
les distinguer. A côté de cela, nous savons qu'il y
a là, sous nos pieds, des frontières de pays, des
limites de départements et de communes ; que
sous ces collines passent des tunnels invisibles ;
tout cela doit être indiqué. Il y a donc deux élé-
ments dans le dessin d'une carte de géographie :
d'abord, le tracé du terrain, puis l'explication des
accidents, des circonscriptions ou des objets qui
se trouvent sur ce terrain. Cette explication for-
mait probablement autrefois toute la cartographie.
Les ornements dont on l'accompagnait n'avaient
aucune valeur scientifique et n'étaient faits que
pour le plaisir des yeux. Chez les anciens, du
reste, le paysage n'était pas en honneur, et le mo-
delé du terrain n'est qu'une façon particulière,
géométrique, de comprendre le paysage. Il est
donc probable que la cartographie antique se bor-
nait à l'emploi de signes explicatifs indiquant
l'emplacement des villes, des forts, des routes, des
montagnes, des frontières, ou tout au plus le tracé
des principaux cours d'eau, le tout éclairci par
des légendes écrites. Aujourd'hui encore, c'est à
cela que se bornent bien des cartes élémentaires
ou à petite échelle. La plupart des mappemondes
scolaires ou usuelles ne donnent pas autre chose :
la place y manque pour faire plus. On trace donc
avec le plus d'exactitude possible sur le canevas
de la projection le contour des côtes, le cours des
fleuves et des rivières, la nappe des lacs ; puis,
des signes dont la valeur fait l'objet d'une eiplica-
CARTOGRAPHIE — 346
CARTOGRAPHIE
tion marginale indiquent les villes avec leur im-
portance relative, leur qualité de ville ouverte ou
de forteresse, leur rôle administratif même au be-
soin ; des tracés de formes distinctes désignent
les routes, les chemins de fer (avec les tunnels indi-
qués en lignes pointillées à travers les montagnes
qu'ils percent), les limites des Etats ou des cir-
conscriiitions, etc. Et comme une carte de géogra-
phie doit être claire pour être utile, on a pris l'habi-
tude de donner souvent aux divers pays des couleurs
différentes, ce qui permet même aux enfants de les
distinguer à première vue. Ces signes et ces cou-
leurs peuvent naturellement varier à Tinfini, suivant
la fantaisie de l'auteur ou le but particulier de la
carte. Grâce h ces divers procédés, presque tous les
phénomènes, presque tous les mouvements ou les
états de choses qui ont leur siège à la surface du
globe, peuvent être exprimés d'une façon claire et
saisissante à l'aide de cartes géographiques ; mais
le but fondamental des cartes reste toujours do re-
présenter ce globe lui-même ou les parties qui le
composent. Nous venons de voir comment on y
parvient sur des cartes à petite échelle ; arrivons
maintenant aux
cartes à plus
grande échelle.
Il y faut remar-
quer non plus
seulement les
signes topogra-
phiques dont
nous connais-
sons déjà le
rôle , mais le
figuré du ter-
rain, qui com-
mence à y faire
son apparition.
Disons-le har-
diment , parce
qu'il faut oser
dire la vérité :
sur la plupart
de ces cartes,
sur celles parti-
culièrement qui
ont été jusqu'à
ces derniers
temps emplo-
yées dans nos
écoles, l'indica-
tion des reliefs
est mauvaise.
Des chaînes de
montagnes en forme de chenilles, séparant régu-
lièrement les bassins des fleuves, forment presque
tout le modelé du terrain sur des cartes vieilles de
quelques années à peine. Partant de cette idée que
le bassin d'un fleuve est l'ensemble des terrains
dont les pentes s'inclinent vers son lit, on admettait,
il n'y a pas longtemps encore, que les différents
bassins devaient être nettement séparés par des
lignes de faîte, et on figurait ces lignes de faîte
sous la forme de bourrelets de montagnes. Or, la
moitié du temps, ces bourrelets de montagnes
n'existent pas. Qui de nous n'a étudié sur des
cartes de France où figuraient à côté des Pyrénées
ou des Alpes les prétendues collines des Landes,
celles du Poitou ou de l'Orléanais sous forme de
belles et bonnes chaînes de montagnes séparant les
versants de leur arête aiguë? Quant aux Cévennes,
qui forment une pente sur leur versant méridional
et un entassement de plateaux sur le versant opposé,
quelle trace de ces plateaux trouvait-on sur les
anciennes cartes? Aucune. Cela ne formait pas une
ligne de faîte, donc cela n'existait pas.
Sur ces cartes, dessinées d'après un plan pré-
conçu, quelle était la physionomie des montagnes?
Toutes se suivaient également en rangées de tau-
pinières, les Alpes avec leurs multiples massifs,
comme les Pyrénées avec leur haute muraille ; le
cône énorme du Cantal, qui couvre tout un dépar-
tement, comme les Causses de la Lo/.ère, au fond
desquels les fleuves serpentent dans des gorges
profondes : aucune différence de dessin ne pouvait
faire penser que chaque plissement de terrain avait
sa figure propre, son mouvement à soi, son allure
qui ne ressemblait pas aux autres.
Tout cela change, et, de même qu'il y a vingt
ans on n'aurait pas osé représenter une chaîne de
montagnes en perspective oblique sur une carte'
géographique, comme cela était d'usage courant
au xvn' siècle, de môme dans quelques années il
ne se vendra plus une carte scolaire où la physiono-
mie du terrain ne soit au moins indiquée.
Et combien la géographie en deviendra plus
attrayante ! Combien l'élève apprendra avec plus
de joie et d'entrain quand, au lieu de voir dans la
carte l'image d'une terre vague et imaginaire, il y
sentira le portrait et la ressemblance de la terre
sur laquelle il marche, du fleuve au bord duquel
il se promène,
de la montagne
qui se dresse
à l'horizon. On
appeller? son
attention non
plus seulement
sur le nombre
de caps ou sur
la nomenclature
des grandes oa
des petites îles
de 1 Europe,
mais sur le rôle
et la beauté des
Alpes, sur les
caractères diffé-
rents des Py-
rénées et c de
l'Auvergne, du
Rhône et de la
Seine, etla terre
prendra vie à
ses yeux comme
s'il y voyageait
en réalité.
Mais il faudra
surtout le faire
voyager sur les-
cartes à grande,
échelle qui re-
présentent la commune natale, le canton voisin, le
ruisseau qu'il traverse pour venir à l'école. Ici, il
deviendra absolument nécessaire de lui apprendre-
à lire le figuré détaillé du terrain.
Plusieurs systèmes sont employés dans les cartes
à grande échelle pour faire sentir le relief et le
mouvement du sol. Si nous ne tenons pas compte
des cartes en couleur et des reliefs, dont nous par-
lerons tout à l'heure, ces différents systèmes se
réduisent à trois : la lumière oblique, Véclairage
zénithal, les courbes de niveau.
Les cartes éclairées en lumière oblique sont les
plus claires dès le premier coup d'oeil. Les mou-
vements du terrain y apparaissent comme le ferait
le relief réel du sol au moment où le soleil com-
mence à décliner vers l'horizon. Un côté des
inégalités est plus éclairé, le côté opposé est plus-
obscur, et les demi-teintes servent à indiquer
les pentes intermédiaires. La plus belle carte des-
sinée avec la lumière oblique est celle de la Suisse
à l'échelle du fô^ôôô- L'effet en est saisissant.
Mais ce système a aussi des inconvénients : dans
les pays de plaine, où les ondulations sont extrê-
mement douces et où le fond même de la carta
liclairage par la lumière oblicjue.
CARTOGRAPHIE
— 347
CARTOGRAPHIE
reste blanc, il n'y a pas moyen d'exprimer, par une
teinte suffisamment distincte, les pentes qui des-
cendent vers la lumière ; il faut alors avoir recours
à un autre mode de représentation, celui de la lu-
mière zénithale.
Voici en quoi il consiste : supposons que des sur-
faces de terrain
inclinées de tou-
tes les façons
possibles entre
l'horizontale et
la verticale re-
çoivent toutes la
même quantité
de lumière des-
cendant du zé-
nith. Il est clair
que les surfaces
horizontales se-
ront les plus
vivement éclai-
rées, et que cet
éclairage ira en
diminuant jus-
qu'aux surfaces
verticales , qui
ne recevront
plus de lumièn-
directe. Dè^
lors, rien de
plus simple que
d'établir une
échelle, un dia-
pason d'éclai-
rage, allant du Éclairage par la lumière zénithale,
blanc pur au
gris très-foncé, par le moyen de hachures plus
ou moins serrées, et d'employer ce diapason à ex-
primer la plus ou moins grande rapidité des pentes.
C'est le système qui a été suivi par les auteurs
de la grande
carte française
de l'écat-major
à l'échelle du
scTÔÔÔ- Au pre-
mier abord, ce
système ne sa-
tisfait pas le re-
gard autant quo
l'éclairage obli-
que, mais, en
dehors des pays
de montagne .
où la fréquence
des pentes vives
entraîne une
trop grande
abondance de
taches noires,
il a l'avantage
d'exprimer le
modelé du ter-
rain d'une façon
qui, avec un
peu d'habitude,
devient très-
claire, même
pour un enfant.
Il est important
de familiariser
les jeunes Fran-
çais avec ce mode
Courbes de niTeau.
de représentation du sol.
Le figuré du terrain par courbes de niveau est
fondé sur ce principe, que le sol peut être supposé
formé de tranches d'égale épaisseur superposées
en plus ou moins grand nombre depuis le niveau
de la mer jusqu'au sommet des plus hautes mon-
tagnes. Ces tranches, supposées horizontales oeu- ! la Suisse au 50,000'
vent être d'une épaisseur plus ou moins grande^
suivant le degré d'exactitude qu'on veut donner à
la carte; quelle que soit l'épaisseur adoptée, on
lui donne le nom d'équidistauce, et le modelé du.
terrain se figure par le moyen de courbes équidis-
tantes qui se profilent de hauteur en hauteur sur
les pentes du
sol. Ce procédé
est le plus
exact, quand il
peut être exé-
cuté sur des
données suffi-
santes , mais
c'est celui qui,
pour l'œil, don-
ne la moindre
sensation de re-
lief (1).
On a cherché
à réunir les
avantages de ce
dernier mode
de représenta-
tion et des
précédents, en
donnant aux ha-
chures qui ex-
priment l'ombre
des pentes la
longueur pré-
cise qui sépare-
rait les deux
courbes de ni-
veau voisines.
Mais, sur les
cartes qui ont été gravées d'après ce système, il
est à peu près impossible à l'œil de discerner les
points de jonction des hachures.
On s'est encore efforcé de faire sentir la forme
des reliefs ter-
restres par des
teintes répar-
ties à la surface
des continents,
non plus sui-
vant un sys-
tème arrêté à
l'avance , mais
d'après l'ins-
tinct du dessi-
nateur et le
sentiment pit-
toresque. Les
deux cartes ci-
jointes, extrai-
tes du Rapport
sur l'instruc-
tion primaire à
l'exposition de
Philadelphie,
donnent une
idée de ce gen-
re de cartes ,
assez en faveur
aux États-Unis^
(Cartes physi-
ques de l'Eu-
rope et de l'Amé-
rique du Nord ;.
atlas de William.
Swinton, Complète course in geography.)
Depuis quelque temps, les procédés de la chro-
molithographie ont permis d'obtenir de belles-
(l'i Les trois figures qui précèdent représentent, suiv.mt-
trois systèmes difTèrents, un même massif de montagnes:
Ih fiiTure à courbes de niveau est empruntée à la eajle d«-
CARTOGRAPHIE
— 348 —
CARTOGRAPHIE
-cartes coloriées. Sans doute ces cartes atteindront
difficilement le degré de précision de celles qui
sont gravées en une seule fois et tirées en une
seule teinte ; mais pour les usages courants et
pour l'enseignement elles présentent de sérieux
■avantages. Elles permettent en effet de donner à la
terre et à la mer, aux pays cultivés ou aux déserts
de sable, aux montagnes pierreuses ou aux ci-
mes glacées, l'aspect qu'elles auraient si, comme
nous le disions en commençant, on pouvait les
contempler d'une hauteur immense.
Les premières cartes de ce système qui ont paru
^^^■^S^'^
■■'.//^
Carte physique à -vol d'oiicau de l'Amérique du Xord (atlas Swinton).
en France, et qui ont cherché à donner l'impres-
sion du trompe-l'œil, n'y ont pas dès l'abord com-
plètement réussi; les teintes en étaient trop
criardes et le dessin d'une exactitude insuffisante;
mais les progrès sont rapides et on arrive chaque
jour à de meilleurs résultats.
Reliefs. — Disons un mot, en terminant, dos
reliefs et du rôle qu'ils peuvent jouer auprès des
cartes proprement dites. Il serait bon qu'à côté
du globe terrestre, qui fixera dans l'esprit des
élèves le dessin des diverses parties du globe, ils
pussent se familiariser sur un relief avec les for-
mes véritables du terrain. Par malheur, les reliefs
sont encore, ou d'un prix exagéré, ou d'une va-
leur médiocre, bien qu'on ait fait de grands pro-
grès depuis quelques années.
Mais pourquoi n'essaierait-on pas d'en faire
construire par les enfants eux-mêmes? Leur
esprit et leurs mains ne demandent qu'à s'occu-
per, la terre et l'eau ne sont pas rares, il y a là de
quoi fabriquer des montagnes, des gorges, des
plateaux, des lacs, des îles, des détroits, des ca-
naux; non point au hasard, mais sur un platj qu'il
serait aisé de leur indiquer et sous la direction du
maître qui prendrait autant de plaisir que ses élèves
à cette géographie en actiou. Rien ne pourrait
CAS
349 —
CÉRÉALES
donner aux enfants une interprétation plus nette
et une image plus ineffaçable de ce que représen-
tent les cartes géographiques. Peut-être aussi des
promenades en commun avec la carte du pays sou»
les yeux seraient-elles un puissant moyen de leur
inspirer le goût de la géographie ; mais c'est plu-
Carte physique à toI d'oiseau de l'Europe (atlas Swinton).
tôt à ce mot que des questions semblables de\Tont
être traitées, nous ne pouvons que les indiquer ici.
[Franz Schrader.]
CAS. — V. Grammaire historioue .
CÉRÉALES. — Agriculture, VI. — Etym. :
Plantes consacrées à Cérès, déesse des moissons
chez les Romains. — On donne le nom générique
de céréales aux plantes dont les grains forment
d'une manière régulière la principale source de
l'alimentation de l'homme et des animaux domes-
tiques.
Les céréales cultivées en France sont le blé ou
froment, le seigle, l'avoine, l'orge, l'escourgeon, le
mais, le sarrasin. Les six premières appartiennent
à la famille des graminées *; le sarrasin seul appar-
tient à une autre famille botanique, celle des cru-
cifères *.
Les règles qui doivent guider dans la culture
des céréales sont les mêmes pour presque tqutes
ces plantes : nous les résumerons dans les soins
de préparation du sol, les semailles, les soins
d'entretien, la récolte, le battage, la conservation
des grains.
Préparation du sol. — Dans la plupart des asso-
lements, les céréales succèdent aune plante sarclée
ou à une jachère. Dès que la récolte précédente
est enlevée, on donne un vigoureux coup de herse
ou de scarificateur pour nettoyer et égaliser le sol,
puis on conduit la fumure sur le champ. Celle-ci
est enfouie par un labour de profondeur moyenne.
Un nouveau hersage doit suivre le labour, et
quand il reste des mottes en assez grand nombre
sur le terrain, on passe un fort rouleau pour les
écraser.
Dans la culture en billons, encore en usage dans
un certain nombre de pays, on ne fait pas passer
sur le champ le rouleau dont l'action aurait pour
effet de détruire la crête des sillons ; mais les au-
tres travaux préparatoires sont les mêmes que
ceux qui viennent d'être indiqués pour la culture
en planches.
Semailles. — La plupart des céréales peuvent
être semées soit à l'automne, soit au printemps.
Dans chaque espèce, il y a des variétés qui s'ac-
commodent, les unes des semailles de l'automne,
les autres des semailles de printemps. Mais en
général il faut donner la préférence aux semailles
d'automne. La plante commence à se développer
avant l'hiver, et quand sa végétation reprend, au
mois de mars, elle a déjà une vigueur qui lui per-
met de se développer d'une manière plus normale
jusqu'au moment de la maturité.
I La plus grande attention doit être apportée au
choix des graines. De leur qualité dépend en par-
' tie le succès de la récolte. Il est facile de vérifier
leur valeur germinative, par un procédé qui a été
indiqué par Mathieu de Dombasle. On superpose,
' dans le fond d'une soucoupe, deux morceaux de
drap humecté à l'avance ; on place par-dessus, en
I ayant soin qu'elles ne soient pas en contact le»
CÉRÉALES
— 350 —
CEREALES
Tines avec les autres, un certain nombre de graines
•des semences que l'on veut essayer, et on les re-
-couvre d'un troisième morceau de drap également
humecté. La soucoupe étant placée dans un endroit
jnodérément chaud, près d'un poêle par exemple,
•on imbibe d'eau de temps en temps la pièce de drap
supérieure, de manière à conserver une humidité
constante, sans que cependant les graines soient
baignées dans l'eau. Le travail de la germination
s'opère peu à peu ; au bout d'un temps qui varie
suivant les espèces, et qui est en général de trois
à cinq jours, les bonnes graines commencent à
montrer leurs germes, les mauvaises au contraire
se couvrent de moisissures. D'après la proportion
de ces dernières, on augmente plus ou moins la
quantité de semence à répandre sur une surface
déterminée.
Pour avoir de bonnes graines, bien homogènes,
€t non mélangées, soit de petites graines, soit de
plantes étrangères, il faut avoir recours au triage,
fait avec un bon instrument. En vue de détruire
les germes de champignons parasites, on doit
avoir recours au sulfatage des graines. On dissout
du sulfate de cuivre dans cinq fois son poids d'eau,
«n remuant le liquide pour hâter la dissolution. On
étend la semence sur un plancher, puis on l'as-
perge avec le liquide, et on remue ensuite avec
une pelle en bois pour que tous les grains soient
humectés. Si l'on fait cette opération le soir, le
grain est suffisamment ressuyé le lendemain ma-
lin pour être semé. Une dissolution de 1 kilog. de
sulfate de cuivre ou vitriol lleudans ô litres deau,
suffit pour préparer 200 kilog. de semences. On
f-mploie pour la même opération, et avec avantage,
une dissolution de chaux dans l'eau.
Les semailles des céréales sont faites, dans la
culture à plat, en jetant la semence sur te sol, et
en la recouvrant par un hersage. La herse suit le
semeur. Dans la culture en billons, on ensemence
sous raie, la semence est d'abord répandue, puis
•enterrée par un coup de charrue. Dans l'un et
l'autre cas, il faut prendre soin que les semences
ne soient ni trop légèrement ni trop profondément
enterrées; dans le premier cas, elles se dévelop-
pent mal, dans le deuxième elles pourrissent et ne
lèvent pas. La profondeur normale est de 4 à 8 cen-
timètres au plus. On distingue deux sortes de semail-
les : les semailles à la volée et celles en lignes.
Dans les semailles à la volée, le grain est répandu
ù la surface du sol par le semeur qui marche d'un
pas régulier, et lance le grain méthodiquement
autour de lui avec la main. Les semailles en lignes,
au contraire, sont faites à l'aide d'un instrument
désigné sous le nom de semoir, qui dépose le grain
dans le sol à la profondeur voulue, et en formant
des lignes parallèles distantes de 12 à 20 centimè-
tres les unes des autres. Les semailles en lignes
présentent des avantages multiples : elles permet-
tent d'économiser la semence dans des proportions
très considérables, tout en assurant davantage la le-
Tée des grains ; en outre, l'air et la lumière peu-
vent circuler entre les lignes de céréales, ce qui
favorise leur développement, et empêche souvent
la verse de se produire ; enfin, elles permettent
de donner des sarclages pour détruire les mauvai-
ses herbes.
La quantité de semence à employer dépend des
diverses sortes de céréales; les proportions à
adopter seront indiquées plus loin pour cliacune.
Soins d'entretien. — Quand les semailles des
céréales d'automne ont été faites avec soin et à
temps, la plante a acquis assez de vigueur pour ne
pas être compromise par un hiver normal, et
même par un hiver assez rigoureux, quand elle est
protégée par une couche de neige. Néanmoins, il
arrive assez fréquemment que des dommages sont
occasionnés, soit par des pluies prolongées, soit
par des intermittences de gels et de dégels, soit
par des froids tardifs, parfois enfin au printemps
par une sécheresse de plusieurs semaines.
Quand l'hiver est caractérisé par des intermit-
tences de gelées et de dégels, la terre arable est
soulevée et avec elle la plante qu'elle renferme ;
les racines de celle-ci sont parfois mises à nu ; la
plante est déchaussée, suivant l'expression vulgaire.
Pour remédier à cet inconvénient, il faut passer le
rouleau plus ou moins cnergiquement sur le
champ, de manière à tasser le sol et à rentrer les
racines en terre. Cette opération a pour effet se-
condaire non moins utile de favoriser le tallage,
c'est-à-dire le développement des rejets et la for-
mation des touffes au collet de la racine.
Quand l'humidité est excessive, il faut passer la
charrue dans les raies d'écoulement qui doivent
toujours être pratiquées, surtout dans les terres
argileuses. On assure ainsi l'écoulement des eaux
et l'assainissement du sol.
La herse, enfin, est employée avec avantage,
après les sécheresses de l'hiver ou du printemps,
pour briser la croûte qui s'est formée à la surface
du sol et qui empêche le développement des
plantes.
Dans tous les cas, quand la plante ne reprend
pas une végétation vigoureuse au printemps, on
peut avoir recours aux engrais dits en couverture.
Cette pratique consiste à répandre sur le champ
des engrais rapidement solubles, tels que du'guano
ou du sulfate d'ammoniaque, dont l'action se fait
sontir au bout de quelques jours, pour rendre à la
plante sa vigueur et lui faire regagner le temps
perdu.
Ainsi qu'il a été dit plus haut, quand les céréa-
les sont semées en lignes, on peut au printemps
opérer un ou deux binages. Cette opération con-
siste à promener une houe armée de rasettes qui
coupent, entre les lignes, toutes les mauvaises
herbes qui ont pu s'y développer. Le binage est,
en outre, une façon donnée au sol qui produit
d'aussi bons résultats que le roulage ou le hersage,
suivant les circonstances.
Quand le champ a été trop endommagé par l'hi-
ver, et qu'une grande partie du plant a péri, il est
parfois plus avantageux de retourner à la charrue
et d'enfouir la céréale d'hiver, pour semer par-
dessus une céréale de printemps ou une autre
plante.
Moisson. — Les céréales doivent toujours être
coupées un peu avant leur maturité. Quand on
attend plus longtemps, le grain trop mûr s'égrène
quand on le coupe, et il y a perte d'une partie de
la récolte.
La moisson se fait le plus souvent à bras d'hom-
mes. Les instruments employés pour ce travail
sont la faucille, la faux et la sape. La faux armée
est aujourd'hui l'appareil le plus généralement
adopté dans beaucoup de contrées. Au-dessus de la
lame sont disposées plusieurs baguettes d'osier re-
courbées sur lesquelles tombent les épis, pour être
rejetés méthodiquement en andains, c'est-à-dire
en petits tas réguliers, sur le côté de la piste que
suit le moissonneur. La sape est principalement en
usage chez les moissonneurs des Flandres et du
Nord.
Depuis quelques années, l'emploi des machines
à moissonner s'est répandu presque partout. Avec
ces machines, on peut à l'aide d'un attelage de deux
chevaux, abattre trois à quatre hectares par jour.
Leur travail est désormais tout à fait, régulier. Elles
permettent au cultivateur de s'affranchir des exi-
gences exagérées des ouvriers, et de faire rapide-
ment sa moisson au moment le plus propice, et à
meilleur compte. Grâce aux perfectionnements ap-
portés dans ces machines, et à leur bas prix relatif,
elles sont devenues à peu près accessibles à la pe-
tite culture.
Les céréales doivent être laissées sur le champ
CÉRÉALES
— 351 —
CÉRÉALES
pendant quelques jours après la moisson, pour que
la paille puisse sécher et que la maturation du
prain s'achève. Trop souvent on laisse les andains
ou les javelles couchés sur le sol ; quand le temps
est humide, la paille noircit et le grain germe ;
quand un orage survient, ce qui est fréquent au
moment de la moisson, les mêmes inconvénients se
produisent. Les bons cultivateurs y obvient en faisant
des moyettes, c'est-à-dire en réunissant plusieurs
gerbes, et en les disposant de manière que la pluie
;;lisse facilement dessus, sans pénétrer jusqu'au
i,'rain. Il y a plusieurs systèmes de moyettes. Le
plus usité consiste à lier ensemble deux javelles de
manière à constituer une petite gerbe. Six ou huit
gerbes analogues sont placées debout, appuyées
les unes contre les autres. Le tout est couvert par
une gerbe plus grosse, liée près du pied, et dis-
posée en chapeau au-dessus des autres, les épis en
bas, de manière à recouvrir le haut de toutes les
petites gerbes. Un autre système consiste à mettre les
gerbes, au nombre de dix ou douze, en pyramide, les
unes au-dessus des autres, de façon que tous les
•épis soient du même côté. Quand les céréales sont
ainsi disposées en moyettes bien faites, elles achè-
vent de mûrir dans de bonnes conditions ; le grain
sèche même par le mauvais temps, parce que l'air
circule quand même à travers la moyette, sans que
ia pluie puisse pénétrer à l'intérieur. On peut ren-
trer la récolte au moment le plus favorable, et at-
tendre plusieurs semaines sans inconvénient.
Battage. — Le battage a pour but de séparer le
grain de la paille. Cette opération se fait de diver-
ses manières : par le fléau, par le rouleau, par le
dépiquage, et enfin au moyen des machines à
battre.
Le fléau est une latte en bois suspendue à un
long manche, avec laquelle on frappe les épis éten-
dus sur une aire ou surface aplanie avec soin,
pour séparer le grain. La paille est enlevée à bras,
et le grain à l'aide de râteaux et de pelles. Ce mode
de battage exige un grand nombre de bras ; il est,
-en outre, très lent ; il tend de plus en plus à être
abandonné
Le battage au rouleau se fait avec un rouleau en
pierre auquel on attelle un cheval, et qu'on fait
passer sur les épis disposés circulairement autour
de l'aire.
Le dépiquage par les pieds des chevaux est sur-
tout pratiqué dans les régions méridionales. On
fait trotter les chevaux sur les épis disposés circu-
lairement, et la séparation du grain se fait sous
l'action de leurs pieds.
La machine à battre est aujourd'hui répandue
partout. Dans toutes les exploitations, on peut se
procurer facilement une petite batteuse à manège
<^iui ne demande qu'un ou deux chevaux pour don-
ner un bon travail. Les grandes machines qui peu-
vent battre plusieurs centaines de gerbes par
heure, ont besoin d'une machine à vapeur pour être
mises en mouvement. Elles sont donc réservées à la
grande culture . Mais aujourd'hui dans le plus
înrand nombre des départements, il existe ce que
l'on appelle des entrepreneurs de battage qui pos-
sèdent une ou plusieurs grandes machines, et qui
vont, de ferme en ferme, exécuter les battages qui
leur sont demandés. Les grandes machines à battre
prennent la gerbe en travers, et rendent la paille
rigide et non brisée ; mais les petites batteuses
prennent la gerbe par le bout des éi)is, et rendent
la paille brisée. C'est un inconvénient dans les
exploitations où l'on fait commerce de paille ; mais,
sauf quelques circonstances exceptionnelles, il vaut
mieux consommer la paille dans l'exploitation, et
l'employer soit à la nourriture des animaux do-
mestiques, soit à la litière. Dans ces deux cas, il
importe peu qu'elle soit brisée.
Après le battage, le grain doit être passé au
ventilateur ou tarare pour être débarrassé des
impuretés qu'il renferme. Les grandes machines à
battre sont, pour la plupart, munies de ces appa-
reils, et elles rendent le grain marchand, c'est-à-
dire bon à être mis en sacs pour être porté au
marché. Néanmoins, quand on veut avoir de bons
grains de semence, il faut avoir recours au triage.
Il existe aujourd'hui des trieurs qui séparent très
bien non-seulement les diverses espèces de grains,
mais encore les qualités différentes dans une même
espèce.
.\vec la machine à battre, le cultivateur peut
opérer ses battages comme il l'entend, sans avoir
à se préoccuper de la main d'oeuvre, et au moment
qu'il juge le plus convena"ble pour la vente.
Après ces indications générales, il nous semMe
indispensable de donner quelques détails sur les
principales céréales cultivées en France.
Blé. — Le blé ou froment est la céréale la plus
importante. Son grain, réduit en farine, sert à faire
le pain qui est, chez nous, la base de l'alimenta-
tion humaine.
Il existe beaucoup de variétés de blés cultivés.
Ces variétés se distinguent à la forme, à la grosseur
et à la couleur des grains, en même temps quepar
leur disposition dans l'épi. Sans entrer dans de plus
longs détails, il suffira de dire que dans la région
septentrionale de la France on cultive surtout des
variétés à épis blancs jaunâtres ; tels sont le blé blanc
de Flandre, le blé Chiddam, le blé de Noé, etc. Ces
blés sont sans barbes. En Provence et dans le Lan-
guedoc, on cultive surtout au contraire des varié-
tés presque toutes barbues, telles que le blé sai-
sette d'Arles, le blé bladette. Dans le Sud-Ouest,
on préfère d'autres variétés, telles que le blé de Né-
rac, latouzelle rouge. Dans l'Ouest, c'est le blé de
Roscofi", le blé de Saumur, celui de Saint-Laud,
que les cultivateurs recherchent de préférence.
Dans le centre, les principales variétés adoptées
sont le blé de Hongrie, le blé hérisson, les blés
poulards de Touraine, d'Auvergne, etc.
Le blé réussit surtout dans les sols un peu argi-
leux et bien fumés. Ce n'est que par le chaulage
qu'on parvient à le faire réussir sur les terres qui
manquent de chaux. Les terres argilo-calcaires et
les terres calcaires siliceuses sont placées au pre-
mier rang des terres à blé.
Les semailles doivent être faites à l'automne, le
plus tôt possible, c'est-à-dire dans le courant du
mois d'octobre. En semant à la volée, on répand
■JOi» à 250 litres de semence par hectare ; parfois
cette quantité est dépassée. L'emploi du semoir
permet de réduire considérablement cette propor-
tion, au grand avantage de la récolte ; la quantité
employée varie alors de 100 à làO litres par hectare.
La production moyenne est de 20 à 25 hectolitres
de grain par hectare dans les terres ordinaires assez
bien cultivées ; elle descend à 7 à in hectolitres dans
les sols pauvres, mais elle atteint 30 à 40 hectolitres
dans les terres riches, abondamment fumées et
avec des conditions climatériques favorables. Le
rendement en paille varie dans de très grandes
proportions suivant les années ; on estime qu'il est,
en moyenne, de 200 kilogrammes de paille pour
un hectolitre de blé. — Le poids de l'hectolitre est
normalement de 78 kilogrammes; il descend à
75 kilogrammes pour les blés de qualité infé-
rieure, et il dépasse parfois 80 kilogrammes pour
ceux de première qualité.
La surface cultivée en blé, chaque année, en
France, dépasse 6 millions d'hectares. La produc-
tion moyenne est de 100 millions d'hectolitres de
blé environ. Le produit moyen par hectare, potir
tout le pays, est de 15 hectolitres de grain. Ce
produit est encore sensiblement inférieur au pro-
duit moyen de l'Angleterre, de la Belgique, de la
Hollande ; mais il est supérieur à celui de la plus
grande partie des autres pays de l'Europe
Le prix du blé varie beaucoup suivant les bonnes
CEREALES
— 352 —
CEREALES
et les mauvaises récoltes, les importations plus ou
moins considérables, les conditions particulières
des marchés. Durant les dernières années, il a va-
rié de 21 à 25 francs par hectolitre, avec quelques
oscillations temporaires au-dessous et au-dessus de
ces limites.
Seigle. — Le seigle est le blé des pays de mon-
tagne et des terres pauvres. Son grain est entré
pendant longtemps dans l'alimentation des classes
rurales ; mais il tend à céder de plus en plus la place
au blé. Si la culture du seigle diminue en France,
elle fait encore dans une grande partie de l'Europe
centrale et septentrionale la base de la production des
céréales.
Dans beaucoup d'exploitations, le seigle est sur-
tout cultivé en vue de sa paille. Celle-ci est la
plus propre à faire les liens, et elle donne une ex-
cellente litière. Elle est, en outre, recherchée dans
les papeteries à raison de sa belle couleur.
Le seigle d'hiver est celui qui est le plus géné-
ralement cultivé ; on le sème de bonne heure,
afin que le plant ait acquis avant l'hiver assez de
force pour résister au froid. La quantité de se-
mence employée par hectare est de 200 à 250 li-
tres. Le rendement moyen est de 20 à 22 hectoli-
tres dans les terres de bonne qualité : il atteint
30 à 35 hectolitres dans les sols fertiles; mais dans
les terres pauvres, il dépasse rarement 10 à 12
hectolitres. Quant à la paille , on estime, d'une
manière générale, que son rendement est de 175 à
180 kilogrammes pour un hectolitre de grain. Le
poids moyen de l'hectolitre de seigle varie de 70 à
75 kilogrammes.
Le seigle est souvent sujet à la maladie de l'er-
got. Cette maladie est déterminée par le dévelop-
pement d'un cryptogame spécial dans le grain pen-
dant sa maturation. Le grain atteint de l'ergot se
fait remarquer par son développement en longueur
et par sa couleur noirâtre ou brun violacé. Le sei-
gle ergoté doit être scrupuleusement exclu de la
consommation.
Orge. — L'orge est cultivée dans toutes les par-
ties de la France. On en distingue plusieurs espè-
ces, les unes à grains vêtus, les autres à grains
nus. Les principales variétés cultivées en France
sont des orges de printemps, c'est-à-dire qui se
sèment au mois de mars. L'orge d'hiver prend gé-
néralement le nom d'escourgeon. Les terres qui
conviennent le mieux à l'orge sont les sols argilo-
siliceux, argilo-calcaires, c'est-à-dire de consis-
tance moyenne. Elle végète aussi très bien sur les
terres d'alluvion, mais elle redoute les sols très
compacts et ceux qui sont très sablonneux. Le
champ doit être bien ameubU ; cette dernière con-
dition est indispensable pour la réussite de la ré-
colte .
Les quantités de semence à employer par hec-
tare varient de 200 à 300 litres, suivant la nature
de l'orge et selon que le sol a été plus ou moins
préparé. Il faut moins de semences dans les terres
bien préparées. Des hersages et des roulages pen-
dant la première végétation assurent la destruc-
tion des plantes nuisibles et le tallement du plant.
Le rendement varie suivant les variétés. Il est
généralement plus considérable pour les orges
d'hiver ou escourgeons que pour celles de prin-
temps. Ces dernières donnent, dans les bonnes
terres, en production moyenne, 25 à 30 hectolitres
par hectare. Pour l'escourgeon, on récolte assez
fréquemment 50 à fiO hectolitres. Le poids de l'hec-
tolitre d'orge est de 60 à 65 kilogrammes.
L'orge réduite en farine entre pour une large
part dans la nourriture des animaux domestiques
soumis à l'engraissement. Dans quelques pays,
surtout dans les climats méridionaux, l'orge rem-
place l'avoine dans la ration des chevaux. Enfin,
elle entre sous forme de malt, c'est-à-dire d'orge
germéeet desséchée, dans la fabrication de la bièfe.
Avoine. — L'avoine est, avec le seigle, la céréale
la plus importante des régions septentrionales. Il
y a, comme pour les autres céréales déjà décrites,
des variétés d'hiver et de printemps; mais les
avoines de printemps sont celles qui réussissent le
mieux en France. Durant les hivers doux et humi-
des, si fréquents, l'avoine semée à l'automne
prend un développement trop rapide, et il arrive
parfois que l'épi sort même avant le printemps.
On cultive beaucoup de variétés d'avoines ; on
les distingue souvent suivant la couleur du grain,
qui est jaune ou noire. Les variétés les plus esti-
mées sont : l'avoine jaune du Nord, l'avoine noire
de Brie, l'avoine de Beauce, etc.
Les avoines viennent bien dans les terres de con-
sistance moyenne; elles ne dor -.ent que de mé-
diocres produits dans les terres très fortes, aussi
bien que dans les sols pauvres. Les printemps
trop humides lui sont aussi défavorables.
Les semailles doivent être faites de bonne heure :
c'est d'ailleurs la règle générale pour la plupart
des céréales. Les avoines semées tôt résistent
mieux aux sécheresses, quand il s'en produit au
printemps. La quantité de semence à employer par
hectare est de 250 à 300 litres. Mais quand on
sème au semoir, il ne faut pas employer, pour la
même semence, plus de 150 à 180 litres.
La maturité des avoines vient généralement après
celle des blés. C'est surtout pour ce grain que la
moisson doit être exécutée avant une maturation
complète; l'avoine s'égrène facilement, et il y a
une déperdition considérable, si on la coupe trop
mûre.
Le rendement est très inégal. La production
moyenne, en France, est estimée à 25 ne'ctolitres
par hectare. Dans les bonnes cultures, elle atteint
50 hectolitres, et dépasse parfois ce chiffre. — Le
poids de l'hectolitre 'est de' 45 à 50 kilogrammes.
L'avoine est presque exclusivement employée à
la nourriture des chevaux; on donne aussi aux
moutons l'avoine en gerbe. Le grain d'avoine ren-
ferme une substance aromatique et stimulante,
encore mal définie, qui donne du ton et de la vi-
gueur aux chevaux.
Mais. — Le mais cultivé au point de vue de la
production du grain est une céréale du midi de la
France ; son grain mûrit mal sous les climats sep-
tentrionaux. Les principales variétés sont le mais
quarantin, le mais des Landes, le mais jaune d'Au-
xonne.
Les semailles se font le plus généralement en li-
gnes distantes de 50 à (iO centimètres. La quantité
de semence à employer par hectare est de 15 à :0
kilogrammes. On sème en avril pour récolter en
octobre. Pendant la végétation, il faut faire un ou
deux buttages pour donner de la force aux tiges.
L'écimage du mais après la fécondation des fleurs
femelles est une opération souvent recommandée ;
les produits servent de nourriture verte au bétail.
Un hectare de maïs donne, dans les conditions or-
dinaires, 35 à 40 hectolitres de grain.
Le mais, réduit en farine, entre dans la consom-
mation humaine. On s'en sert aussi pour engrais-
ser les volailles. Enfin, dans ces dernières années,
des essais heureux ont été faits pour le mélanger
à l'avoine dans la nourriture des chevaux.
San-asin. — Le sarrasin ou blé noir est princi-
palement cultivé, en France, dans la Bretagne, la
Vendée, le Poitou, le Limousin, l'Auvergne. Les
terrains schisteux et granitiques sont ceux qui
lui conviennent le mieux.
Les semailles se font généralement au mois de
mai ou en juin. Elle se font, à la volée, à raison de
40 à 50 litres par hectare. La récolte a lieu en
septembre et en octobre. Il jr a de très-grandes
difl'érences dans le rendement ; dans les bonnes
années, et sur les terres bien cultivées, il donne
30 hectolitres par hectare ; ailleurs, et dans les
CERTIFICAT
— 353 —
CERTIFICAT
mauvaises années, ce rendement peut descendre
6 ou 8 hectolitres. Le poids moyen de 1 hectolitre
est de 64 à Gô kilogrammes.
Le sarrasin entre dans l'alimentation des paysans
pour une large part; il sert à préparer des galet-
tes et des bouillies. 11 est aussi utilise dans 1 en-
graissement des bêtes bovines, et pour la nourri-
ture des animaux de basse-cour.
Production des céréales en France. — INous ter-
minerons par quelques renseignements sur la pro-
duction comparée des céréales en France à soi-
xante années d'intervalle, en 1815 et en 18;o.
Voici d'abord le tableau des surfaces consacrées
à chacune des plantes qui viennent d'être étu-
diées :
1815
1875
HECTARES.
HECTARES.
Blé
4,5!il,6':7
6,916,981
Seigle....
2.573,920
1,893,874
Orge
l,(:72,i>8T
I,ii43,".i03
Avoine. . .
2,498,481
3,186,880
Maïs
541,518
665,298
Sarrasin..
664,002
658,651
employé dans un collège. Franklin lui répondit:
a Je ne peux pas vous conseiller d'aller en Amé-
rique, je ne peux pas m'engager à vous faire obte-
nir l'emploi que vous demandez ; mais si vous vou-
lez ti'-ersur moi une traite de cinq louis, je m'en-
gage à y faire honneur. Le jour où vous serez en
état de me les rendre, vous les donnerez à un hon-
nête homme dans le besoin, auquel vous ferez la
même recommandation, et ainsi de suite, jusqu'à
ce qu'on ait rencontré un malhonnête homme qui
mette pour toujours l'argent dans sa poche. C'est
de cette façon qu'avec un peu d'argent on peut
faire beaucoup de bien ; il faut que les services
aillent à la rondo, car Ihumanité est une famiUe,
et tous les hommes sont des frères. » Quand il se-
courait un de ses semblables, il ne croyait pas
obliger un individu, mais acquitter une dette; car,
disait-il, en ma vie j'ai été continuellement soutenu
parla protection de Dieu, et je ne puis témoigner
à Dieu ma reconnaissance autrement qu'en aimant
les hommes. Et puis j'ai été aidé par une foule de
gens auxquels je ne puis rendre service : c'est une
dette que j'ai contractée; cette dette, il faut que je
l'acquitte en d'autres mains. — (Ed. Laboulaye.
Discours populaires.)
III. Slructure du corps humain. — Ce corps est
pétri de boue ; mais admirons la main qui l'a fa-
çonné. Le sceau de l'ouvrier est empreint sur son
ouvrage ; il semble avoir pris plaisir à faire un
chef-d'œuvre avec une matière si vile. Jetons les
yeux sur ce corps, où les os soutiennent les chairs
qui les enveloppent; les nerfs qui y sont tendus
en font toute la force, et les muscles, où les nerfs
s'entrelacent, en s'entilant ou en s'allongeant, font
les mouvements les plus justes et les plus régu-
liers. Les os sont brisés de distance en distance,
ils ont des jointures où ils s'emboîtent les uns
dans les autres, et ils sont liés par des nerfs et
par des tendons.
Du cerveau, qui est la source de tous les nerfs,
partent les esprits. Us sont si subtils qu'on ne peut
les voir, et néanmoins si réels et d'une action si
forte qu'ils font tous les mouvements de la ma-
cliiue et toute sa force. Ces espritb sont en un in-
stant envoyés jusqu'aux extrémités des membres :
tantôt ils coulent doucement et avec uniformité,
^ _ _ _ tantôt ils ont, selon les besoins, une impétuosité
Paris'. Depuis l'adoption de la loi du 16 juin 1881 ! irrégulière, et ils varient à l'infini les postures,
sur les titres de capacité, le brevet de sous-mai- | les gestes et les autres actions du corps. (Fénelon.)
tresser cessé d'exister; les textes ci-dessous n'ont
donc plus qu'un intérêt rétrospectif. II. — Arithmétique.
Le tableau de la production moyenne par hec-
tare n'est pas moins instructif :
1815
HECTOLITRES.
Blé 8,60
Seigle 7,65
Orge 12,10
Avoine 14,60
Mais 111,40
Sarrasin 8,10
1875
HECTOLITRES.
14,50
14,:0
17,38
21,80
15,66
13,90
Pour toutes les sortes de grains, il y a eu une
augmentation notable dans la production moyenne.
On voit de plus en plus les céréales de qualité in-
férieure céder la place au blé et à l'avoine.
[Henri Sagnier.]
CERTIFICAT DETUDES OU BREVET DE
S0US-3iAITRESSE. — Pour indiquer quel était
le niveau moyen de cet examen, nous donnons
quelques textes empruntés à une session de
I. — ÉpBEI;VE3 d'orthographe. — DICTÉE.
I. La cataracte du Isiagara. — Nous arrivâ-
mes bientôt au bord de la cataracte qui s'annonç.iit
par d'affreux mugissements. Elle est formée par la
rivière Niagara, qui sort du lac Erié et se jette dans
le lac Ontario: au moment de la chute, c'est moins
uii fleuve qu'une mer, dont les torrents se. pres-
sent à l'ouverture d'un gouffre. La cataracte se di-
vise en deux branches et se courbe en fer à cheval.
Entre les deux chutes s'avance une île creusée en
dessous, qui pend avec tous ses arbres sur le chaos
des ondes. La masse du fleuve qui se précipite au
midi s'arrondit en un vaste cylindre, puis se dé-
roule en une nappe de neige et brille au soleil dv
toutes les couleurs ; celle qui tombe au levant des-
cend dans une ombre effrayante : on dirait une
colonne d'eau du déluge. Mille arcs-en-ciel se cour-
bent et se croisent sur l'abîme. L'onde, frappant le
roc ébranlé, rejaillit en tourbillons d'écume qui
s'élèvent au-dessus des forêts, comme les fumées
d'un embrasement. — (Chateaubriand.)
II. Ln prêt. — Un Anglais, prisonnier en
France pendant la guerre d'Amérique, écrivit à
Franklin pour lui demander sa protection, en lui
disant qu'il désirait passer en Amérique pour être
2* Partie.
I. 1" Expliquer comment on réduit des frac-
tions au même dénominateur. Prendre pour exem-
ple les fractions :
5
— et
12
13
2° Une locomotive parcourt les 7/12'^" d'une route
en 3 heures 1/2. On demande, en premier lieu,
combien elle met de temps pour parcourir la route
entière; en second lieu, combien de temps il lui
faut pour en parcourir : 1° les 2/5"; 2° les 7/8^';
SMesg/U-^'? ,
II. 1° Pour construire un mur de 25 mètres do
long, de 1°',80 de haut (y compris les fondations),
et de 0"',70 de large, on emploie des pierres coû-
tant 3 fr. 3n le mètre cube, prises à la carrière, et
dont le transport revient à 1 fr. 25 par tombereau
de 5 hectolitres. Les ouvriers employés à la con-
struction sont au nombre de 6, ils travaillent la
jours et reçoivent chacun 3 fr. 25 par jour. Com-
bien coûte ce mur?
2° Calculer la somme des fractions :
3
1J5
5_
45
11
23
CERTIFICAT
— 354 —
CERTIFICAT
Et convertir cette somme en fraction décimale, à
moins de un cent millième près.
III. Comment réduit-on une fraction à [sa plus
Bimple expression ?
On prendra pour exemple les fractions :
168 144
3960
I SOU
2° Trouver le nombre dont les 2/3 et les 3/4 réu-
nis valent 48.
IV. — 1° Une pierre renferme les 0,87 de son
poids de calcaire pur; lorsqu'on la calcine, le cal-
caire perd les 11/25" de son poids, et les autres
matières conservent leur poids. On calcine 1800
kilogrammes de cette pierre. Combien pèsera le
résidu de la calcination?
2° Réduire en fractions décimales du jour le
nombre : 5 heures 17 minutes h2 secondes. On
poussera le calcul jusqu'aux cent millièmes.
V. — I" Le centimètre cube d'argent pèse 10'',05 ;
le centimètre cube de cuivre pèse S'^S-S. On fond
ensemble 9 kilogrammes d'argent et 1 kilogramme
de cuivre : quel sera le volume de cet alliage?
2» Prendre les 3/4 du 5/7« de 43"%026, et expri-
mer le résultat en mètres cubes, décimètres cubes
et centimètres cubes.
III. — RÉDACTION.
I. Donner une analyse très succincte de l' An-
cien-Testament.
II. Le partage de la terre promise.
III. Grandeur et sagesse de Salomon.
IV. La captivité de Ninive.
V. Indiquer les dominations étrangères qui
ont successivement menacé les Juifs d'asservisse-
ment ou qui les ont effectivement asservis.
VI. Résumer la vie des quatre évangélistes.
VII. La dispersion des apôtres.
VIII. Décrire la vie des premiers chrétiens à
Rome.
IX. La conversion de Constantin et l'édit de Milan.
X. Indiquer les causes et les effets du Grand
Schisme.
CERTIFICAT D'ÉTUDES PRIMAIRES. — Nous
nous bornons à donner le type des compositions
faites en vue de ce certificat par un spécimen des
examens de Paris et par quatre spécimens choisis
dans les épreuves des sessions de 1877 et 1878 dans
quatre départements. L'arrêté du 16 juin 1880, en
généralisant l'institution du certificat d'études
primaires, a fixé pour toute la France, d'une ma-
nière uniforme, la série des épreuves de l'examen :
les épreuves écrites comprennent une dictée, pou-
vant servir d'épreuve d'écriture, deux questions
d'arithmétique, et une rédaction ; pour les filles
on ajoute un travail de couture ; les épreuves orales
portent sur la lecture, l'analyse, l'histoire et la
géographie de la France, le calcul et le système mé-
trique. Antérieurement à cet arrêté, le programme
de cet examen variait d'un département à l'auire,
comme on le verra par les spécimens ci-dessous.
!•' spécimen. — Compositions du département
du Nord, 1877.
GARÇONS.
Dictée.
Les castors commencent par s'assembler au mois
de juin ou de juillet pour se réunir en société ; ils
arrivent en nombre et de plusieurs côtés, et for-
ment bientôt une troupe de deux ou trois cents :
le lieu du rendez-vous est ordinairement le lieu de
l'établissement, et c'est toujours au bord des eaux.
Si ce sont des eaux plates et qui se soutiennent à
la môme hauteur comme dans un lac, ils se dis-
pensent d'y construire une digue : mais dans les
eaux courantes et qui sont sujettes à hausser ou
baisser, comme sur les ruisseaux, les rivières, ils
établissent une chaussée ; et par cette retenue ils
forment une espèce d'étang ou de pièce d'eau qui
se soutient toujours à la môme hauteur. La chaus-
sée traverse la rivière comme une écluse, et va
d'un bord à l'autre ; elle a souvent quatre-vingts ou
cent pieds de longueur sur dix ou douze pieds d'é-
paisseur à sa base.
Écriture.
Il y a des castors en Languedoc, dans les îles
du Rhône; il y en a en plus grand nombre dans les
provinces du nord de l'Europe.
Problèmes.
I. Un peintre a demandé 42 fr, 40 pour peindre
six colonnes qui ont chacune I met, 40 de tour. Le
prix du mètre carré étant de 0 fr, 75, on demande
quelle est la hauteur des colonnes.
Ce travail ayant été iaiten deux jours 1/3 par un
ouvrier qui gagne ^ fr, 50 par jour et qui a em-
ployé 88 hectogrammes de peinture à 2 fr, 40 le
kilogramme ; on demande combien le peintre a ga-
gné sur ce travail.
II. Sachant que l'or monnayé vaut 15 fois 1/2
plus qu'un égal poids d'argent, on demande quelle
somme en or on pourrait fabriquer avec 135 gram-
mes d'or pur.
Rédaclion.
Un jeune homme a appris que son camarade, qui
est ouvrier menuisier dans une autre localité, con-
tracte peu à peu l'habitude du cabaret et com-
mence même à négliger son travail pour se livrer
à sa passion naissante. Il lui écrit pour lui donner
quelques conseils et lui montrer les conséquences
de l'ivrognerie. Il termine en lui indiquant la
meilleure manière de passer agréablement et hon-
nêtement le dimanche.
2' Spécimen — Compositions du département
de l'Aube, 1878.
Dictée.
Épargner c'est dépenser moins qu'on ne reçoit,
et mettre le surplus en réserve, afin de l'employer
plus tard, selon ses besoins ou ses goûts. Au lieu
de conserver ses économies dans un tiroir, où l'on
serait souvent tenté de puiser inutilement, il est
préférable de les déposer dans les caisses de l'État.
Elles rapportent, d'ailleurs, un intérêt qui, cliaque
année, vient augmenter le capital.
L'habitude de l'épargne, récemment introduite
dans nos écoles, y a déjà produit des résultats re-
marquables. Sur les quelques sous qu'ils ont reçus
chaque semaine de leurs parents ou de leurs
amis, nos écoliers ont prélevé, en deux ans, cent
huit mille francs.
Épargner pour soi est bien, épargner pour les
autres est mieux. Nos jeunes capitalistes seraient
bien inspirés, s'ils consacraient une partie de leur
petite fortune à venir en aide à leurs camarades
pauvres, pour leur procurer le mobilier nécessaire
à la fréquentation de l'école ; !a charité deviendrait
ainsi le complément de la prévoyance.
Arithmétique et système métrique.
1. A combien revient la construction d'un mur
long de 10'"5", haut de 3'"25 et épais de O'^SS, si le
mètre cube de maçonnerie se paye 42 fr. 95?
2. On achète, pour 95 fr., une pièce de vin de-
la contenance de 228 litres ; on la met en bouteilles
et on vend le fût S fr. Les bouteilles ont une ca-
pacité de 0'75° : combien en faut-il?
Le cent de bouteilles vides coûte 22 fr. : le cent
de bouchons 1 fr. 80. A combien revient la bou-
teille pleine, verre et bouchon compris? L'ouvrier
qui met le vin en bouteilles prend 5 fr. pour son
ouvrage.
CERTIFICAT
— 355 —
CERTIFICAT
Histoire de France.
Résumer le règne de Charles VIII.
Géographie.
Cours de la Loire. — Départements qu'elle tra-
verse ou qu'elle borde. — Villes principales quelle
arrose. — Affluents, montagnes et collines qui en-
tourent le bassin de la Loire. — Canaux qui fo«t
communiquer ce bassin avec ceux de la Seine et du
Rhône.
(C'est une description qu'on demande et non un
croquis.)
Travaux à l'aiguille.
IMarque : la lettre I.
Un surjet de 5 centimètres.
Un ourlet de 5 centimètres.
Piqûre de 5 centimètres.
Une boutonnière.
3" spécimen. — Compositions du département
du DovLbs. 1878.
GARÇONS.
Orthographe.
On doit honorer l'agriculture. — Avouons-le
de bonne foi, le mépris que certaines personnes
ont pour le travail de la campagne n'est fondé
sur aucune raison solide, puisque ce travail s'ac-
corde parfaitement avec toutes les vertus de la
guerre et de la paix et même avec la véritable po-
litesse. Mais d'où vient ce mépris? Il faut en dé-
couvrir la véritable origine. Il ne vient que de la
coutume et des anciennes mœurs de notre nation.
Les Francs et les autres peuples germaniques vi-
vaient dans des pays couverts de bois, où ils n'a-
vaient ni blé, ni vin, ni bons fruits. Ainsi, il fallait
Tivre de chasse comme font encore dans l'Amérique
les sauvages des pays froids. Après avoir passé le
Khin et s'être établis dans les meilleures terres,
ils voulurent bien profiter des commodités de l'a-
.griculture, des arts et du commerce ; mais ils ne
voulurent pas s'y appliquer. Ils laissèrent ces oc-
cupations aux Romains, qu'ils s'étaient soumis, et
•demeurèrent dans leur ancienne ignorance. Mais
autant ils ont abaissé l'agriculture, autant ils ont
relevé la chasse dont les anciens faisaient beaucoup
moins de cas. Cependant, à regarder les choses en
elles-mêmes, le travail qui tend à la culture des
■terres et à la nourriture des animaux vaut bien
celui qui ne tend qu'à prendre des bêtes sauvages
-souvent aux dépens des terres cultivées. — (Fleury.)
Arithmétique.
Une propriété de 3 hectares 25 ares a été achetée
-au prix de 2 400 francs l'hectare; les frais d'acqui-
sition s'élevèrent en outre à 8 fr. 50 O/o du prix
d'achat. Combien doit-on louer cette propriété
pour en tirer le 5 O/o ?
Un champ a une surface de 2 licctares 08 ares.
•On y pratique un chemin de 14s mètres de long
sur 4 mètres 05 de large. A combien la superficie
du champ se trouvera-t-elle réduite?
Style.
Un élève écrit à son cousin en pension, pour lui
faire connaître les travaux scolaires qu'il prépare,
sous la direction de son maître, pour l'Exposition
universelle ; il lui ditqu'il metd'auiant plus de soins
■à l'exécution de ses travaux, que son père lui a pro-
mis de le conduire à Paris pendant les vacances si
ses travaux sont admis. Il lui exprime combien il
serait heureux d'aller visiter la capitale, surtout
si son cousin l'accompagnait.
FILLES.
Orthographe.
Migration des hirondelles. — Le ciel était
beau le matin, mais avec un vent qui soufflait
de la Vendée. Mes pins se lamentaient, et de
mon cèdre ému sortait une basse et profonde
voix. Peu après, le temps se voila, le ciel devint
fort gris, le vent tomba, tout devint morne. C'est
alors, vers quatre heures, qu'en même temps de
tous les points, et du bois, et de l'Erdre, et de
la ville de Nantes, et de la Loire, d'infinies légions
à obscurcir le jour vinrent se condenser sur l'église
avec mille voix, mille cris, des débats, des discus-
sions. Sans savoir cette langue, nous devinions
très bien qu'on n'était pas d'accord. Peut-être les
jeunes, retenus par ce souffle tiède d'automne, au-
raient voulu rester encore. Mais les sages, les ex-
périmentés, les voyageurs éprouvés insistaient pour
le départ. Ils prévalurent ; la masse noire, s'ébran-
lant à la fois comme un immense nuage, s'envola
vers le sud-est, probablement vers l'Italie.
Évidemment, ce n'était pas la faim qui les avait
chassés. En présence d'une nature belle et riche
encore, ils avaient senti, saisi l'heure précise sans
la devancer.
Le lendemain c'eût été trop tard. Tous les in-
sectes, abattus par cette immensité de pluie, étaient
devenus introuvables ; tout ce qui en subsistait vi-
vant s'était réfugié sous la terre. - (Michelet.)
Arithmétique,
1° Faire la facture suivante :
15 m, 50 de drap, à 14 fr. 75 le mètre ;
6 m, 25 de velours, à 21 fr, 50 le mètre;
19 mètres de taffetas, à 6 fr, 25 le mètre ;
28 m, 50 de mérinos, à 4 fr, 05 le mètre ;
1/2 douzaine de paires de bas, à 25 francs li,
douzaine ;
5 paires de gants, à 2" francs la douzaine.
L'acheteur paie comptant ; on lui fait une remise
de 3 O/o. Il donne un billet de 1000 francs. Com-
bien doit-on lui rendre ?
2° A 135 francs le quintal de sucre, quel est le
prix du kilogramme et celui de l'hectogramme?
Style.
Une enfant âgée de 1:^ ans étant en pension re-
çoit de sa famille l'ordre de retourner chez elle
pour soigner et remplacer sa mère qui vient de
tomber malade ; elle écrit à une de ses amies de
pension et lui rend compte des nouvelles occupa-
tions auxquelles elle se livre dans la maison pa-
ternelle.
4< spécimen. — Compositions du dépairtement
des Ardennes, 1878.
GARÇONS.
Orthograplie.
Le poirier est une co7iquéte del homme sur lana-
tnre sauvage. — Connaissez-vous le poirier sauvage?
I C'estun affreux buisson, armé de féroces épines. Ses
poires, toutes petites, âpres et dures, semblent pé-
tries de grains de gravier. Le détestable fruit, qui
I vous serre la gorge et vous agace les dents ! Certes
i celui-là eut besoin d'une rare inspiration qui le
' premier eut foi dans l'arbuste revêche et entrevit,
dans un avenir éloigné, la poire beurrée que nous
mangeons aujourd'hui. Avec le temps et les soins
la miraculeuse métamorphose s'est faite. Le sau-
vageon s'est civilisé ; il a perdu ses épines et rem-
placé ses mauvais petits fruits par des poires à
' chair fondante et parfumée. C'est ainsi qu'avec
quelques misérables arbustes, avec quelques
herbes d'aspect peu engageant, l'homme a dû créer
I ses races potagères et ses arbres fruitiers. La
terre, en efl'et, pour nous engager au travail, loi
suprême de notre nature, est une rude marâtre.
Aux petits des oiseaux elle donne abondante pâ-
I ture ; mais à nous, elle n'offre de son plein gré
! que les mûres de la ronce et les prunelles du
CERTIFICAT
— 356
CERTIFICAT
Duisson. Ne nous en plaignons pas, car la lutte
contre le besoin fait précisément notre grandeur.
C'est à nous, par notre intelligence, à nous tirer
d'aftaire ; c'est à nous à mettre en pratique la no-
ble devise : « Aide-toi, le ciel t'aidera. »
Exercice de style.
Vous direz ce que c'est qu'un canal et ce à quoi
il sort.
Vous exposerez en quoi le transport par bateaux
est supérieur au transport par cnemin de fer, en
quoi il lui est inférieur.
Vous ferez connaître tout ce que vous savez à
cet égard sur le canal des Ardennes.
Arithmétique.
1. Une citerne contient 49 mètres cubes et demi
d'eau. Sa longueur est de 6 mètres, sa largeur de
4'°,25 et sa profondeur de S", 75. On demande :
1° A quelle hauteur s'élève l'eau ; 2" combien il
faudrait de tonneaux de 225 litres, pour vider cette
citerne ?
2. Un petit garçon a exactement, aujourd'hui,
11 ans 8 mois et 1* jours. Quelle est la date de sa
naissance?
Histoire et géographie.
1. En quelle année et par quel prince fut fondée
la dynastie capétienne? Quels sont ceux de ses
ancêtres qui s'étaient déjà illustrés sous la dynas-
tie carlovingienne?
2. Vers quelle époque et par qui fut découverte
l'imprimerie ? Sous quel règne fut-elle apportée et
propagée en France?
3. Quelles sont les localités des Ardennes qui
portent le nom de Saint-Remy?
1. Quels sont, avec leurs chefs-lieux de préfec-
ture, les départements français qui ont été formes
par l'ancienne province de Champagne?
2. Où la Loire prend-elle sa source? Où se jette-
t-elle dans la mer? Quelles sont les villes qu'elle
arrose ?
3. Citez les stations du chemin de fer de Charle-
ville à Givet ?
Calcul et système métrique.
1. Qu'est-ce que multiplier 8 par 0,01 ? Effectuez
cette multiplication?
2. Que faut-il pour qu'un nombre soit divisible
par 4?
3. Que faites-vous pour rendre un nombre entier
10 fois plus petit? Pourquoi ?
4. Qu'est-ce qu'un carré? Comment trouve-t-on
sa surface ?
5. Combien faut-il de mètres carrés pour faire
3 hectares ?
FILLES (1" seine).
Orthographe.
Le chemin de la vie. — La vie humaine estsembla-
bleàun chemin, dont l'issue est un précipice affreux:
on nous en avertit dès le premier pas ; mais la loi est
prononcée, il faut marcher toujours. Je voudrais re-
tourner sur mes pas ; marche, marche 1 une force in-
vincible nous entraîne ; il faut sans cesse avancer. Si
je pouvais éviter ce précipice affreux! non, non, il
faut marcher, il faut courir : telle est la rapidité des
années. On se console pourtant, parce qu'on ren-
contre des objets qui divertissent, des eaux cou-
rantes, des fleurs qui passent. On voudrait arrê-
ter; marche, marche ! Toujours entraîné, tu appro-
ches du gouffre. Déjà tout commence à pâlir ; les
jardins moins fleuris, les fleurs moins brillantes,
leurs couleurs moins vives, les prairies moins
riantes, les eaux moins claires, tout se ternit : on
commence à sentir l'approche du gouffre fatal ; il 1
faut aller sur le bord; encore un pas. L'horreur
trouble les sens, la tête tourne, les yeux s'égarent,
il faut marcher. On voudrait retourner en arrière, I
plus de moyen ; tout est tombé, tout est évanoui,
— (Bossuet).
Exercice de style.
Vous comparerez la condition du sourd et celle
de l'aveugle et vous direz quel est celui des deux.
qui vous paraît le moins à plaindre.
' Arithmétique.
1 . Une couturière et son apprentie confectionnent
ensemble 4 douzaines de cliemises à raison de
2 francs 50 par chemise. Elles font 3 chemises en
deux jours. Le travail de l'apprentie étant évalué
la moitié de celui de sa maîtresse, on demande le
gain total et le salaire journalier de chacune.
2. On a acheté 89 hectolitres, 25 litres de vin à
raison de 42 centimes le litre. 11 s'en est perdu en
route 207 litres, GO. On demande à combien revient
l'hectolitre de ce qui reste.
Histoire et géographie.
1. Où, par qui et à quelle date furent battus le»
Huns? Qui avait protégé Paris contre ces barbares?
2. Quelle fut l'épouse de François 11? Fut-elle
longtemps reine de France?
3. Quels souvenirs historiques se rattachent à
Attigny?
1. Que signifient ces deux expressions : en
amont ei en aval?
2. Quels sont les départements français qui tou-
chent à l'Océan Atlantique ?
3. Quels sont dans les Ardennes les affluents de
la Meuse ?
Calcul et système métrique.
1. Rendez le nombre 36 100 fois plus grand, et
expliquez votre manière de faire?
2. Le produit de 8 multiplié par 0,01 sera-t-il
plus grand ou plus petit que 8?
3. Que faut-il pour qu'un nombre soit divisiole
par 3?
4. Dans une fraction, qu'indique le numérateur ^
Qu'indique le dénominateur?
5. Dans un nombre dont l'unité est le meire
cube, que représente le 4^ chiffre à droite de la
virgule ?
FILLES (2^ sérié).
Orthograp/ie.
Les lectures. — Il faut considérer que l'étude est la
culture et la nourriture de notre esprit. Ce que nous
lisons entre dans notre mémoire et y est reçu comme
un aliment qui nous nourrit et comme une se-
mence qui produit dans les occasions des pensées
et des désirs. Si l'on ne prend point indifféremment
toute sorte d'aliments, et si l'on évite avec soin
tous ceux qui peuvent nous nuire, si l'on ne sème
pas dans ses terres toute sorte de semences, mais
seulement celles qui sent utiles, combien doit-on
apporter encore plus de discernement à ce qui sert
de nourriture à notre esprit et qui doit être la se-
mence de nos pensées ! Car ce que nous lisons
avec indifférence se réveillera dans les occasions
et nous fournira, sans même que nous nous en
apercevions, des pensées qui seront une source de
bien ou de mal.
Mais comment discerner les bons des mauvais
livres?» Quand une lecture vous élève l'esprit et
(I qu'elle vous inspire des sentiments nobles et
« courageux, a dit La Bruyère, ne cherchez pas
« une autre règle pour juger de l'ouvrage, il est
« bon et fait de main d'ouvrier. »
Exercice de style.
Vous prouverez, par plusieurs exemples que
vous imaginerez, la vérité de cette maxime, au'ii
ne faut Jamais remettre au lendemain pour faire
ce que l'on peut faire aujourd'iuii.
CERTIFICAT
337
CERTIFICAT
Arithmétique.
i. Deux ménagères ont acheté ensemble, moj'en-
nant 19 fr. 44, un panier de ;,6 douzaines d'œufs.
L'une ayant eu 80 œufs de plus que l'autre, com-
bien chacune a-t-elle dû payer?
2. La surface d'une cour est de 1 are 44 centia-
res. A quel prix reviendra le pavage de cette cour
avec des pavés carrés de 3 décimètres de côté,
étant admis que chaque pavé coûte tout posé 65
centimes?
5« spécimen. — Compositions de Paris, 1877.
Orthographe.
î. Descartes, né en Touraine en 1596, s'an-
nonça de bonne heure comme un homme supérieur.
Après avoir achevé ses classes, il servit comme
volontaire au siège de la Rochelle. A vingt et un
ans il fut envoyé en Hollande. Un jour, dans une
des rues de Bréda, il vit une affiche qui attirait
tous les regards. C'était un problème de géométrie
qu'un inconnu donnait à résoudre. L'affiche était
en flamand et le jeune officier ne connaissait pas
cette langue : il en demanda l'explication à un
promeneur. Celui-ci, grave professeur de mathé-
matiques, trouva plaisant de mettre une con-
dition à la traduction du problème : c'était que
le jeune homme s'engageâtà le résoudre. Descartes
accepta le défi. Le lendemain le problème était
résolu, au grand étonnement du mathématicien,
qui en avait vainement cherché la solution.
II. Fils d'un riche négociant, Antoine-Laurent
Lavoisier, loin d'imiter ces jeunes opulents qui
gaspillent leur fortune dans l'oisiveté, sut profiter
du génie dont Dieu l'avait doué et des excellentes
études qu'il avait faites pour se vouer à la science.
C est ainsi qu'il devint non-seulement le premier
chimiste de son siècle, mais le fondateur même de
la chimie moderne. Il s'efforça de faire tourner les
progrès de la science au profit de l'humanité. En
dehors des grands travaux qui lui valurent l'admi-
ration du monde savant, il sut acquérir des titres
à la reconnaissance publique par des œuvres plus
modestes ou plus appréciables de la masse de ses
concitoyens. On doit citer au nombre des travaux
de ce genre son mémoire sur la manière d'éclairer
les rues de Paris.
Arithmétique.
I. 1° Diviser 34,25 par 7,3 et expliquer l'opéra-
tion.
2° On veut former un stère de bois avec des
bûches longues de O^.Sô centimètres. Quelle sera
la hauteur du tas, si l'on empile les bûches entre
deux pieux distants de 0'°,92' ?
3° On achète du vin en bouteilles à raison de
V',;tO la bouteille. Le marchand reprend les bou-
teilles vides à raison de C^.O la pièce ; déduction
faite du prix des bouteilles vides, la dépense ne
s'élève plus qu'à 91 francs. Combien a-t-on acheté
de bouteilles de vin ?
II. 1° Réduire au même dénominateur les
2 5 4
fractions, -, —, -, et expliquer l'opération.
2° Deux vergers ont la même surface. L'un est
carré, l'autre est de forme rectangulaire. Ce der-
nier ayant 54 mètres de longueur sur 30 mètres de
largeur, on demande de déterminer le côté du pre-
mier.
3° On emploie, pour faire un hectolitre de bière,
500 grammes de houblon à 2(^,70 le kilogramme et
5 décalitres d'or::re pesant 63 kilogrammes l'hecto-
litre et coûtant 21 francs le quintal métrique.
Combien faut-il d'hectolitres d'orge et de kilo-
grammes de houblon pour faire 24 hectolitres de
bière, et quel sera, sur cette quantité de bière, le
gain brut du brasseur, s'il vend le décalitre l'-'jSO?
Rédactio}i.
I. Durant l'année scolaire, un élève n'a jamais
été absent de l'école ni en retard pour l'entrée en
classe. Dans une lettre qu'il écrit pendant les
vacances à un de ses camarades, il lui explique le.»
efforts qu'il a faits, la peine qu'il s'est donnée, le?
sacrifices qu'il a obtenus de ses parents pour
arriver à ce résultat dont il est justement heureux
et fier.
II. Un élève écrit à un de ses camarades
qu'après avoir obtenu, l'an dernier, son certificat
d'études, il est resté une année de plus à l'école,
afin de pouvoir concourir pour le livret de caisse
d'épargne. Il lui explique les raisons qui lui font
attacherun grand prix à cetterécompense, les sacri-
fices qu'il se promet de s'imposer sur le produit de
son travail pour augmenter la valeur de ce livret et
enfin l'usage qu'il se propose de faire de la somme
lorsqu'elle lui sera délivrée à sa majorité.
Orthog7'aphe.
I. La prière d'une mère. — Quand tout le tracas
du jour se taisait, que nous avions dîné et que
l'ombre de la montagne commençait à s'allonger
sur le petit jardin, ma mère se séparait un moment
de nous. C'était le moment où elle se recueillait
dans le sein de Dieu où elle aimait tant à se plonger.
Nous nous écartions tout naturellement de l'allée
du jardin qu'elle choisissait. Elle y marchait d'un
pas rapide, mais régulier, comme quelqu'un qui
pense fortement et qu'une idée généreuse soulève
en marchant. Tout jeunes que nous étions, nous
comprenions que c'était notre bonheur qu'elle de-
mandait ainsi à Dieu.
II. Le petit soulier. — Je ne crois pas qu'il y ait
rien au monde de plus riant que les idées qui s'é-
veillent dans le cœur d'une mère à la vue du petit
soulier de son enfant, surtout si c'est le soulier
des jours de fête, le soulier du baptême. Elle le
baise, elle lui pai-Ie ; et, l'enfant fùt-il absent, il
suffit du petit soulier pour lui remettre sous les
yeux la douce créature. Elle croit le voir et elle le
voit tout entier. Si c'est l'hiver, il est là, il rampe
sur le tapis, il escalade laborieusement un tabou-
ret. Si c'est l'été, il se traîne dans la cour, regarde
naïvement les grands chiens, les grands clievaux,
sans peur, joue avec les fleurs et fait gronder le
jardinier qui trouve la terre dans les allées. Tout
rit, tout brille autour de lui, comme lui. Le petit
soulier montre tout cela à la mère et lui fait fondre
le cœur.
Rédaction.
I. Chaque jour, en se rendant à l'école, une
élève du cours supérieur conduit sa sœur à la salle
d'asile. Dans le trajet elles causent ensemble. La
sœur ainée indique à la petite fille quelles sont
les qualités par lesquelles une enfant de son âge
doit donner satisfaction à ses parents, quels sont
les défauts qui peuvent leur causer des inquiétudes;
enfin quelles résolutions la petite fille doit prendre
pour bien employer la journée qui commence.
On racontera un de ces entretiens.
II. Une jeune fille est ;\ la veille de quitter
l'école. Une personne qui s'intéresse à elle lui a
demandé une note sur son compte.
La jeune fille fera connaître dans cette note son
nom, ses prénoms, son âge, son lieu de naissance,
la profession de ses parents. Elle indiquera ensuite
où elle a commencé ses études, depuis quelle
époque elle fréquente l'école dont elle va sortir,
combien de temps elle a suivi chaque cours, et si
elle a cessé pendant un temps de venir en classe,
quelle a été la cause de cette interruption. Elle
dira ensuite vers quelles matières de l'enseigne-
ment ses goûts la portaient de préférence. Elle in-
diquera enfin la profession qu'elle a le désir d'em
CETACES
— 358 —
CÉTACÉS
brasser et les raisons qui l'ont déterminée à faire
le choix de cette profession.
Arititmélique.
3 7
I. 1° Diviser - par - et expliquer l'opération. '
2° Quel intérêt produira une somme de 27.854
francs placée pendant 9 mois et 7 jours au taux de
3'%2ô p. 100 par an?
3» On achète pour une robe 9 mètres 1/2 d'une
pièce de soie qui a - de mètre de largeur. Com-
a
bien faudra-t-il de mètres de percaline ayant O^Jô
de large pour doubler cette robe?
II. 1° Diviser 1,053 par 2,7 et expliquer l'opé-
ration.
2° Une personne possède 14,500 francs? A quel
taux doit-elle placer son argent pour se créer un
revenu mensuel de 54'%30?
3° Deux bateaux partent en même temps, l'un
montant, l'autre descendant la Seine. La vitesse du
2
bateau qui remonte le courant est les - de la w-
tesse du bateau qui descend. L'intervalle qui sépare
les points de départ est de 2',!. Quelles sont les
distances des points de départ au point où les deux
bateaux se rencontreront ?
CÉTACÉS. — Zoologie, XII. — (E/ym.-.du grec
hêtos et du latin cetus, baleine). — Les cétacés ont
été souvent confondus avec les poissons dont ils
ont, jusqu'à un certain point, l'aspect extérieur ;
leur tète, en effet, n'est pas séparée du corps par
un rétrécissement correspondant au cou des mam-
mifères terrestres ; leurs oreilles sont dépourvues
de pavillons ; leur gueule énorme est souvent pour-
vue, au moins dans le jeune âge, de dents très-
nombreuses, coniques et semblables entre elles ;
leur corps, cj'lindrique au milieu et brusquement
atténué en arrière, se termine par une nageoire et
porte sur les côtés, et parfois même en dessus,
d'autres organes de natation.
Là s'arrêtent les analogies, car les éléments
des membres thoraciques sont encore parfaitement
reconnaissables dans les nageoires antérieures,
tandis que les membres postérieurs sont au con-
traire atrophiés ; la nageoire dorsale, quand elle
existe, n'est pas soutenue par des os particuliers,
elle n'est qu'un simple repli de la peau, et la na-
geoire postérieure n'est pas située dans un plan
vertical comme celle des poissons, elle est placée
horizontalement et frappe l'eau de haut en bas.
A ces différences s'en joignent d'autres encore
plus importantes : ainsi les cétacés ont le sang
chaud, et respirent l'air en nature ; ils n'ont pas,
comme les poissons, des organes spéciaux nom:nés
bratichies, charges d'extraire de l'eau le f;az les-
pirable ; ils possèdent de véritables por.moiis et
sont obligés de venir chercher à la surface de l'O-
céan l'oxygène nécessaire à leur existence. Grâce
à une disposition particulière du larynx qui peut
se mettre en contact avec les fosses nasales, le gaz,
lorsqu'il pénètre dans les voies respiratoires, ne
se mélange pas à l'eau ni aux aliments ; mais lors-
qu'il est rejeté au dehors, il chasse devant lui une
colonne de liquide qui s'échappe par les narines
(ou éveiits) percées à la face supérieure de la tête.
Suivant que les évents constituent une ouverture uni-
que ou deux ouvertures distinctes, il en résulte un
jet simple ou double qui s'élève à une assez grande
hauteur pour retomber en une pluie fine et qui décèle
la présence du cétacé nageant entre deux eaux.
D'un autre coté, chez un grand nombre de ces ani-
maux quand ils sont parvenus à l'état adulte, et en-
tre autres chez les baleines, les dents font com-
plètement défaut, et la mâchoire supérieure est
garnie seulement de grandes lames transversales
élastiques appelées fanons^ lames qui sont dispo-
sées à peu près comme les dents d'un peigne et
qui retiennent comme un filet les petits êtres dont
les baleines font leur nourriture. Enfin, différence
essentielle, les cétacés ne se reproduisent pas au
moyen d'oeufs, ils ont des petits vivants qu'ils allai-
tent absolument comme les autres mammifères.
Les Cétacés se font remarquer en général
par leurs dimensions exceptionnelles : confor-
més spécialement pour la vie aquatique, ils se
meuvent dans l'eau avec une grande aisance et
font la chasse aux poissons, aux mollusques et aux
crustacés dont ils engloutissent des quantités con-
sidérables. Sur terre ils sont absolument incapables
de se mouvoir, et ne peuvent se remettre à flot
lorsque la tempête vient les jeter à la côte. Leur
peau n'offre presque jamais de véritables poils, au
moins dans l'âge adulte, mais est ordinairement dé-
nudée dans toute son étendue et recouvre une cou-
che de graisse qui, chez les baleines véritables,
atteint plus d'un pied d'épaisseur. C'est pour se
procurer cette graisse, ainsi que la substance élas-
tique des fanons, l'ivoire, et les os dont on fait du
noir animal, que chaque année des navires partent
des côtes de l'Europe et de l'Amérique, et s'en
vont, dans les mers lointaines, à la recherche des
baleines, qui malheureusement deviennent plus
rares de jour en jour et ne tarderont pas à être
complètement anéanties.
L'ordre des Cétacés comprend quatre familles :
1° les Cachalots • 2° les Dauphins et les Mar-
souins; 3» les Baleines.
Cachalots. — Les cachalots, qui comptent parmi
les plus gros Cétacés, ont la tête extraordinaire-
ment renflée, non par suite de l'extension de la
cavité buccalej mais par l'accroissement d'une par-
tie des os de la mâchoire supérieure et de la ré-
gion voisine de la boîte crânienne. Ces os, en se
redressant, comprennent entre eux une vaste ca-
vité, ouverte en avant, qui est entièrement comblée
par la matière blanche et cristallisable connue
vulgairement sous le nom de blajic de baleine ou
spermaceii. Chez l'animal adulte, la mâchoire infé-
rieure, rétrécie en avant, est seule garnie de dents,
qui sont toutes de forme conique, semblables en-
tre elles, et au nombre de 20 à 25 paires.
La seule espèce de ce groupe qui soit bien con
nue, c'est le cachalot vulgaire, dont quelques indi-
vidus sont venus accidentellement échouer sur les
côtes de la Grande-Bretagne, de la Hollande ou de
la France. Cette espèce, qui peut atteindre 28 mè-
tres de long sur 17 mètres de circonférence, est
d'aspect massif et difforme : la tête, en effet, brus-
quement tronquée en avant, constitue environ le
tiers de la longueur du corps, qui s'amincit en ar-
rière et se termine par une large nageoire. De
chaque côté en avant s'étalent les nageoires pecto-
rales, et en dessus quelques replis de la peau des-
sinent une nageoire dorsale. La bouche, quoique
largement fendue, est néanmoins peu apparente,
parce qu'elle s'ouvre sur la face inférieure de la
tête et est en partie masquée par l'énorme saillie
de la mâchoire supérieure ; les yeux, proportion-
nellement très-petits et de couleurjaunâtre, sont
placés fort en arrière du museau ; les dents supé-
rieures sont rudimentaires ou manquent complè-
tement ; les inférieures, au contraire, sont en très
grand nombre et de forme conique ; elles servent à
retenir la proie dans l'intérieur de la cavité buc-
cale.Une couche épaisse de lard s'étend au-dessous
de la peau et rend le toucher extrêmement obtus.
L'ambre gris, que l'on trouve flottant à la sur-
face de la mer ou rejeté sur les côtes des Molu-
ques, du Japon et de Madagascar, paraît être le
produit d'une sécrétion particulière du cachalot.
Dauphins. — Les dauphins ont la tête moins
grosse que les cachalots et que les baleines, et
souvent amincie en avant, en forme de bec ; les
mâchoires armées de dents nombreuses, fines et
CÉTACÉS
— 359 ™
CHALDEE
aiguës, et les évents confondus en une seule ou-
verture ; ce sont des animaux de taille moj'enne
qui vivent en troupes plus ou moins nombreuses
dans le voisinage des côtes ou même dans les eaux
douces des grands fleuves et se nourrissent de
poissons et de crustacés. Leur corps, presque com-
plètement dépourvu de poils comme celui des ca-
ciialots, se termine par une nageoire caudale apla-
tie, souvent bifurquée, et présente en outre une
nageoire dorsale et des nageoires antérieures. Dans
cette famille se place, avec diverses espèces
exotiques, le Dauphin de nos mers, vulgairement
connu sous le nom de Bec d'oie et d'Oie de mer,
et une foule d'espèces qui se rattachent à ces for-
mes principales.
Le dauphin était considéré par les anciens
comme un être d'une intelligence exceptionnelle,
aimant la musique, plein de charité pour ses
semblables, et susceptible de s'attacher à l'homme.
On racontait l'histoire d'animaux de cette espèce
qui avaient sauvé des hommes sur leur dos, ou
qui étaient morts de chagrin en ne revoyant plus
les personnes qu'ils aimaient. Aussi un grand nombre
de villes avaient-elles pris le dauphm comme
emblème et reproduit son image sur leurs mon-
naies et leurs armoiries. Mais, d'après les obser-
vations des naturalistes modernes, il paraît que
les qualités de ce cétacé ont été singulièrement
exagérées, et qu'il n'est pas mieux doué que les
autres animaux du même groupe. S'il s'approche
de l'homme, c'est uniquement dans l'espoir de
vivre à ses dépens, en saisissant les poissons dans
les filets, ou en se repaissant des reliefs rejetés
des navires.
Les dauphins, quoique moins utiles que les ca-
chalots et les baleines, sont néanmoins recherchés
à cause de leur chair et surtout de leur graisse,
qui est employée dans l'industrie.
Tout à côté d'eux se rangent les narvals, si re-
marquables par le développement inusité d'une de
leurs incisives qui sort de la bouche et se prolonge
en une défense cannelée aussi longue que la moitié
du corps ; et les phocenes ou marsouins, à la tête
renflée, au museau obtus, aux dents dilatées en
palette. Ces derniers hantent les côtes occidentales
de l'Europe et remontent parfois les grands fleuves.
On en a pris dans la Seine à Paris même.
Baleines. — Cette famille comprend deux grou-
pes : les baleines proprement dites et les baleines
à ventre plissé ou rorquals. Les baleines véritables
ont la tête grosse, élevée en voûte par suite du
développement considérable des fanons, le corps
énorme, privé de nageoire sur la ligne dorsale et
complètement lisse sur la face ventrale. C'est à
cette catégorie qu'appartiennent la baleine franche
du nord de l'Océan Atlantique et de la Mer Gla-
ciale, la baleine antarctique des parages de la
Nouvelle-Zélande, la baleine du Japon, etc. La
baleine franche, à l'état adulte, mesure environ 20
mètres de long et pèse "tOOOO kilogrammes. Son
corps, dont la circonférence, immédiatement en
arrière des nageoires nectorales, peut être évaluée
à 10 à 12 mètres, se rétrécit brusquement en ar-
rière, au point d'avoir seulement l mètre à l"n.50
de diamètre vers la naissance de la nageoire cau-
dale. Sa tête, à peine séparée du tronc par une lé-
gère dépression, est aussi grosse que le corps et
forme à peu près le tiers de la longueur totale ;
elle est aussi large que longue et offre en avant
une gueule énorme, dont l'ouverture a 2 à 3 mètres
de large et dont la hauteur interne est de 4 mè-
tres. La paroi antérieure de cette caverne est gar-
nie de 700 lames élastiques ou fanons, servant,
comme nous l'avons dit, à retenir les petits animaux
dont les baleines font leur nourriture exclusive.
La baleme australe, qui vit précisément aux an-
tipodes de l'autre espèce, diffère de la première
par les proportions de sa tête, la largeur plus
grande de ses fanons, le nombre plus considérable
de ses côtes, etc. Enfin, la baleine des Basques,
dont un individu est venu s'échouer en 185i dans
le port de Saint-Sébastien, et qui était jadis fort
commune dans le golfe de Gascogne, appartient pro-
bablement aussi à la même subdivision.
Les rorquals, qui sont caractérisés par la pré-
sence d'une nageoire sur la ligne dorsale, la briè-
veté des fanons, la largeur de la tête, et l'aspect de
la région ventrale sur laquelle se dessinent des
plis longitudinaux, se répartissent en un assez grand
nombre d'espèces dont les unes habitent la Médi-
terranée et l'Océan Atlantique, les autres l'Océan
Pacifique. Le rorqual à bec,qui se trouve déjà men-
tionné dans les écrits d'Aristote, se montre de
temps en temps sur les côtes de la Provence et des
Pyrénées-Orientales; il atteint une longueur de 5
à 8 mètres. Une espèce encore plus grande visite
les côtes de la Hollande.
Les baleines et les rorquals sont fort recherchés,
comme nous l'avons dit, à cause de leur graisse,
qui, étant fondue, fournit une huile précieuse pour
les arts industriels, et à cause de leurs fanons qui
sont employés pour la fabrication des baguettes de
fusil, des buses de corsets, etc. Jadis les Basques
et les Hollandais se sont livrés avec ardeur à la
chasse de ces animaux et en ont retiré des béné-
fices considérables. Aussi l'on ne doit pas s'étonner
que les grands cétacés se soient peu à peu éloi-
gnés de nos côtes pour se retirer dans les régions
polaires ou dans quelques parages encore pea
fréquentés de l'Océan.
Les expéditions pour la pêche de la baleine se
mettent en route d'ordinaire dès le mois d'avril,
et opèrent pendant les mois de mai, juin et juillet.
Un temps brumeux est très favorable, parce qu'il
permet aux pêcheurs de se dérober à la vue des
baleines, qui sont d'une méfiance extrême et pren-
nent la fuite à la moindre apparence de danger.
Aussitôt que les guetteurs ont signalé la présence
d'un cétacé, les embarcations sont mises à la mer
et s'approchent de l'animal avec de grandes pré-
cautions. Chacune d'elles emporte^ outre les ra-
meurs et le timonier, un harponneur, au coup
d'oeil infaillible, au bras vigoureux. Parvenu à une
distance convenable, cet homme lance d'une main
sûre le harpon qui s'enfonce dans la chair et va
souvent atteindre le cœur ou les poumons. Vaine-
ment la baleine essaie en plongeant d'échapper à
ses ennemis ; elle emporte avec elle le fer qui
reste enfoncé dans la plaie et qui, d'autre part,
est rattaché à une longue corde déroulée progres-
sivement. Au moment où le monstre marin revient
à la surface pour respirer, à une centaine de bras-
ses de l'endroit où il avait disparu, un second
coup de harpon met un terme à ses souffrances.
Quelquefois cependant la baleine, rendue furieuse
par sa blessure, se précipite sur l'embarcation et
la renverse, si les marins ne se hâtent d'achever
l'animal à coups de lance ou de massue. Une fois
la baleine morte, on lui introduit dans la gueule
un crochet attaché à un câble ou à une forte
chaîne, et on la remorque auprès du navire ou sur
la côte; puis on la dépèce, on en extrait l'huile et
on en retire les fanons. La chair est rejetce parles
Européens à cause de son goût désagréable, mais
elle est loin d'être méprisée par les peuples du
Nord, tels que les Groënlandais et les Aléoutes.
fE. Oustalet.l
CHALDÉE. — Histoire générale, H. — Ce nom
désignait, à proprement parler, le pays des Chal-
déens Kosdi. Knsdim, c'est-à-dire le canton situé
aux bouches de l'Euphrate dans le golfe Persique. Il
a été ensuite appliqué par extension à tout le ter-
ritoire dépendant directement de Babylone vers
le septième siècle avant notre ère, et il s'échange
constamment dans l'usage courant de l'histoire
avec le nom de Babylonie.
CHALDEE
— 360 —
CHALDEE
■ La Chaldée, ainsi définie, était bordée au Nord
par l'Assyrie, à l'Est par l'Elam, à l'Ouest par le
désert d'Arabie, au Sud par le Golfe Persique. C'est
une longue plaine d'alluvions formée par les dépôts
incessants du Tigre et de l'Euphrate. Aux temps
les plus anciens dont nous ayons souvenir, la mer
pénétrait jusqu'à l'endroit où se trouve aujour-
d'hui Abou-Sliahrein ; au septième siècle avant
notre ère, elle s'arrêtait à Térédon. Térédon est
maintenant à plusieurs lieues dans l'intérieur des
terres.
Le sol, coupé d'innombrables canaux dérivés du
Tigre et de l'Euphrate, était d'une fertilité compa-
rable à celle de l'Egypte : seulement vers l'Ouest
à la frontière du désert, et vers le Sud, à l'embou-
chure des fleuves, il était couvert de marais impro-
ductifs. Des villes nombreuses (dont nous ne
croyons pas nécessaire d'énumérer ici les noms) y
prospéraient cote à côte. Elles étaient pressées à
ce point qu'aujourd'hui encore, en montant au
sommet d'un des tertres que forment leurs débris,
on aperçoit à l'horizon de longues lignes d'autres
tertres représentant chacun une antique cité chal-
déenne.
Deux races au moins habitaient la Chaldée. L'une,
la plus ancienne, parait se rattacher par la langue
aux populations qui vivent aujourd'hui entre l'Ou-
ral et l'Altaï. L'autre parlait un dialecte sémitique
et semble se rattacher aux nations sémito-koushites
qui ont dominé sur la Syrie, l'Arabie et sur une
partie de l'Asie Mineure. Les Chaldéens donnaient
à ces deux races les noms de Soumir et d'Accad ;
mais on ne sait pas encore d'une manière certaine
qui étaient les Soumirs, qui les Accads. C'est la
race non-sémitique qui fonda vraiment la gran-
deur de la Chaldée. Elle inventa le système d'écri-
ture qui fut depuis en usage à Babylone et à Ni-
nive, trouva les principes des sciences physiques,
naturelles et mathématiques, créa la poésie et la
rhétorique chaldéennes. La race sémite, qui, après
lui avoir été soumise pendant des siècles, lui en-
leva la suprématie entre le trentième et le vingtième
siècle avant notre ère, ne fit que développer et
codifier à son usage la civilisation de ses premiers
maîtres.
La présence de ces deux races sur le même soi
donne à tout ce que nous savons de la Chaldée un
aspect particulier. La Chaldée est double pour ainsi
dire : elle a deux langues, deux écritures, deux
religions, deux populations superposées, puis mê-
lées l'une à l'autre.
La religion de la Chaldée, qui devint plus tard,
avec certaines modifications, la religion de l'As-
syrie, adorait un grand nombre de dieux qui se
laissent ramener à un dieu suprême et unique,
principe de toutes choses. On l'appelait dans le
dialecte non-sémitique Ajiou ou Ùmgirn, dans le
dialecte sémitique Ilou. C'est à lui qu'on doit la
création du monde. » En ce temps-là, il y avait en
n haut quelque chose d'innommé, le ciel ; et en
a bas quelque chose d'innommé, la terre. L'Océan j
« les avait engendrés et le chaos de la mer les avait
« enfantés dans leur totalité. Les eaux réunies et
a confondues s'élevaient en haut; aucun roseau
« n'y avait encore poussé, aucune fleur produit sa '
« graine. En ce temps-là, aucun des dieux n'en était
« encore sorti ; ils n'avaient pas de noms divers,
a et le Destin n'existait pas. » Les dieux se pro-
duisirent par trinités. La plus haute se composait
d'Anou, (i le premicr-né, l'antique, l'ancien des
dieux », de son fils Éa, et de Bel, qui, tantôt est le
fils, tantôt le frère d'Anou. Venaient ensuite Sin
le dieu-lune, Bin ou Ramman, fils d'Anou, dieu de
l'atmosphère et du tonnerre, et enfin Samas, le
Soleil, fils de Sln et arbitre du ciel. A chacun do
ces dieux répondait une déesse, qui est le dédou-
blement féminin, le « reflet » du dieu, Anat ou
Nana pour Anou, Bôlit pour Bel, Davkina pour Éa,
et ainsi de suite. Au-dessous de ces hauts person-
nages, on range les gardiens des cinq planèt» s,
Adar (Saturne), Mardouk (Jupiter), Nirgal (Mars),
Ishtar (Vénus) et Nébo (Mercure). C'était l'ordre
supérieur de la hiérarchie divine, les chefs et
les créateurs de légions de dieux moindres, quel-
ques-uns purement locaux adorés comme Sarrakh
à Kis, ou Lagamar à Sourripak, mais nulle part ail-
leurs; d'autres analogues aux esprits, aux anges
ou aux démons de nos religions, les Igigi, les
Announaki, les Telal, les Lammas, etc. Ces der-
niers pouvaient entrer en rapport direct avec
l'homme, par l'effet de certaines formules ou de
certaines opérations, dont la connaissance était
réservée aux devins et aux magiciens.
Le récit de !a création, tel que nous l'ont con-
servé en partie les documents en écriture cunéi-
forme, présente beaucoup de ressemblance avec
le récit de la Genèse hébraïque. Les scribes de la
Chaldée ancienne avaient réuni en poèmes les lé-
gendes qui couraient de leur temps sur les débuts
de l'humanité. D'après ces légendes, dix rois
mythiques avaient régné sur Babylone pendant
432 000 ans. Plusieurs fois, les dieux se manifestè-
rent aux hommes sous des formes diverses (entre
autres celle du poisson Oannès) ; chacune de leurs
révélations marquait un progrès de la civilisation
j et aussi de la méchanceté humaine. Sous le der-
nier des dix rois, Khasis-Adra, le Xisouthros des
Grecs, la perversité générale était devenue si forte,
que les dieux irrites résolurent de détruire la terre
par un déluge. Khasis-' ira reçut l'ordre de cons-
truire une arche dans laquelle il enfermerait sa
famille, ses amis et une paire de tous les animaux.
Il obéit, et « un ouragan se leva à l'aube au ma-
tin, et à l'horizon des cieux la pluie et l'obscurité....
Le déluge puissant monta jusqu'au ciel. Le frère
ne vit plus le frère, et personne ne fut épargne.
Même, dans le ciel, les dieux craignirent l'inonda-
tion.... Six jours et six nuits passèrent : vent, dé-
luge, ouragan firent rage. Le septième jour, la
pluie du ciel se calma, et tout le déluge, qui avait
détruit la terre comme un tremblement de terre. «
L'arche s'arrêta au pays de Mzir, et Khasis-Adra,
après avoir lâché successivement une colombe et
une hirondelle qui ne surent où se poser et revin-
rent, lâcha un corbeau qui ne revint pas. Il sor-
tit de l'arche et repeupla la terre de ses descen-
dants.
Les temps qui vinrent après le déluge appartien-
nent encore à l'histoire mythique. La Chaldée était
divisée en petites principautés rivales qu'un héros
nommé Izdhoubar, peut-être le Nemrod de la Bible,
réunit en un seul empire. Il délivra Ourouk des
ennemis qui l'attaquaient, tua les monstres qui
ravageaient le territoire et refusa d'épouser la
déesse Ishtar amoureuse de lui. Frappé de lèpre
par la déesse, il partit pour le pays divin où Kha-
sis-Adra vit depuis le déluge, et obtint de lui sa gué-
rison. D'autres rois suivirent, dont les noms nous
sont arrivés entourés de légendes merveilleuses.
L'histoire réelle ne commence pour nous qu'a-
vec les monuments d'un ancien roi d'Our, dont
le nom paraît être Likbagas (entre le quarantième
et le trentième siècle avant notre ère). Ce fut un
grand constructeur de temples et nous connaissons
aujourd'hui les ruines de plusieurs monuments qu'il
avait bâtis dans Our même et à Larsa. Il établit la su-
prématie de sa ville sur les autres villes de la Chal-
dée méridionale, et son fils Doungi la maintint.
Longtemps après lui, les rois de Karrak renversè-
rent un de ses successeurs et devinrent maîtres de
la Chaldée méridionale ; puis ce fut le tour des rois
de Larsa. Pendant ce temps, les rois de la Chaldée
septentrionale devenaient de plus en plus puis-
sants. Le plus connu d'entre eux, Saryoukin I" (vers
le vingt-quatrième siècle avant notre ère), étendit
ses conquêtes sur la Syrie et peut-être jusqu'aux
CHALDEE
— 361 —
CHALEUR
frontières de l'Egypte. Son fils Naramsin ne lui
céda point en fortune ni en courage; mais leurs
successeurs furent détrônés, de même que les rois
de la Chaldée méridionale, par l'Elamite Hammou-
rabi, qui fixa sa résidence à Babylone, et assura la
suprématie de cette ville sur tout le reste du pays.
Dès lors, l'histoire de la Chaldée est surtout
l'histoire de Babylone et de ses rois. En lutte avec
Ninive, les successeurs de Hammourabi, après avoir
conservé quelque temps l'avantage, finirent par être
vaincus. Vers 1320, Mardouk-bal-idinna (Mérodach-
baladaa 1er) perdit toute la portion septentrionale
de son territoire qu'il dut céder à l'Assyrie. Vers
1270, Touklat-Adar conquit Babylone et en fit une
vice-royauté de son empire. Elle recouvra bientôt
son indépendance, et un de ses rois, Naboukoudou-
roussour I" (ce nom est la forme correcte du mot
improprement écrit Nabuchodonosor), vers r2"J0,
soumit une partie do la Susiane ; Mardouk-idin-
akhé I"' battit même Touklat-habal-asar l«' d'Assyrie .
Pendant six siècles, la lutte continua avec des
chances variées. Les Assyriens finirent par l'em-
porter au huitième et au septième siècles avant no-
tre ère. Touklat-habal-asar II et Sargon, de 74 i à
710, réduisirent la Chaldée, et le dernier, après
avoir détruit les armées de Mardouk-bal-idinna II,
s'empara de Babylone et se proclama roi de cette
ville (710). La Chaldée fut pendant près d'un siècle
une province assyrienne, province toujours en ré-
volte, mais toujours vaincue. En (,95, Sin-akhé-irib
(Sennachérib), successeur de Sargon, fut forcé de
faire un exemple et mit Babylone à sac. Les trésors
de la cité furent pillés, les images des dieux enle-
vées des temples et brisées, les maisons abattues et
brûlées, les murs rasés, les canaux comblés, la po-
pulation emmenée en esclavage. Quinze ans plus
tard (680), Assour-akhé-idin (Esarhaddon), succes-
seur de Sinakhéirib, reconstruisit Babylone et la
peupla en partie d'Assyriens. Cette précaution
n'empêcha pas la ville de se révolter contre Assour-
ban-habal, successeur d'Assour-akhé-idin, et l'ex-
posa à une seconde destruction (G48).
Mais bientôt Ninive, abattue par l'invasion des
CimmérJens et épuisée par ses propres victoires,
succomba à son tour. Nabo-pal-assar, qui gouver-
nait Babylone pour le roi d'Assyrie, se révolta, prit
la couronne et avec l'aide des Mèdes prit et détrui-
sit Ninive. Babylone hérita de la domination de sa
rivale sur le bassin de l'Euphrate et sur la Syrie.
Menacée un moment par l'invasion des Égyptiens
et les victoires de Pharaon Néko (C08), elle réta-
blit bientôt sa suprématie à la bataille de Karkémish
(605). Naboukoudouroussour II, fils et successeur
de Nabopalassar (f;05-ô(i2), porta à l'apogée la gran-
deur des Chaldéens. Allié avec les Mèdes, il ré-
duisit au Nord les Arméniens, à l'Est l'Elam, à
l'Ouest, les Juifs et les Syriens du Sud. Jérusalem
fut prise, détruite, et la population transportée en
grande partie sur les bords de l'Euphrate (ôS7).
Mais Naboukoudouroussour échoua devant Tyr
(Ô86-Ô7Î) et dans ses derniers jours ne put empê-
cher les Égyptiens de rétablir leur autorité sur la
côte phénicienne. Sous ses successeurs, l'empire
déchut rapidement. Le dernier d'entre eux, Nabou-
nahid (Nabonide, Labynétos) fut battu par Cyrus
et Babylone tomba entre les mains des Perses (639).
Elle devint une des villes principales de leur
empire, et fit preuve, sous ses maîtres aryens, du
même esprit turbulent et inquiet qui lui avait at-
tiré tant de malheurs au temps des rois d'Assyrie.
Trois fois révoltée contre Darius I", et à moitié dé-
truite la troisième fois, elle se souleva contre
Xerxès et contre la plupart de ses successeurs.
Conquise par Alexandre avec le reste de l'empire
perse f;!27), elle passa plus tard aux mains des
Séleucides, puis des rois Parthes. La fondation de
Séleucie et de Ctésiphon lui porta un coup mortel ;
elle tomba en mines, et, au moyen âge, les débris
de ses temples servirent à construire une partie
des maisons de Bagdad et de villes voisines.
La religion et les écritures de la Chaldée tom-
bèrent à peu près vers le même temps que Babylone,
sous l'influence du christianisme et des cultes
perses d'abord, plus tard sous celle de l'islamisme.
L'antique civilisation qui les avait produites resta
ignorée jusqu'au milieu de notre siècle et n'a re-
pris son éclat que dans ces dernières années. On
commence à comprendre aujourd'hui ce qu'étaient
les Chaldéens et combien le monde leur est rede-
vable. C'est d'eux en partie, et en partie des Égyp-
tiens, que viennent l'astronomie, les sciences ma-
thématiques, la médecine, la plupart des sciences
et des arts qui ont illustré l'antiquité grecque et
romaine. Luxurieux, hautains et cruels, mais ingé-
nieux à découvrir, savants dans le»s arts, indus-
trieux et habiles au commerce, ils furent, tout
compte fait, une des grandes races de l'humanité,
IG. Maspero.!
CHALEUB. — Physique, XIV; Chimie, Préliminai-
res et XXI. — Les impressions de chaud et de froid
sont familières h chacun de nous; tout le monde
connaît la sensation particulière qu'on éprouve en
approchant d'un foyer allumé, d'une barre de fer
rougie au feu, d'un vase plein d'eau bouillante,
et celle que l'on ressent au contact de la neige
ou d'un morceau de glace ; la cause qui les déter-
mine a reçu le nom de cha'eur.
La chaleur manifeste partout sa présence ; elle
est indispensable au développement des êtres
organisés; elle agit sur tous les corps inertes pour
leur communiquer des propriétés nouvelles. On
n'en connaît pas la nature intime ; mais on peut
suivre partout les importants phénomènes qu'elle
produit. La physique observe ses effets sur les
corps, en étudie les lois, en fait connaître les appli-
cations ; et elle énumère les sources de ce puis-
sant agent qui vivifie l'univers et que l'industrie
fait servir à ses progrès.
I. Effets de la chaleor. — Quand on soumet
un corps à l'action d'une source de chaleur, il
augmente de dimension : une barre métallique
s'allonge, une boule grossit, un anneau s'agran-
dit, le volume d'un liquide ou d'un gaz s'accroît :
voilà le premier effet visible ; on dit que les
corps se dilatent p^v la. chaleur (V. Dilatation).
Si on continue de chauffer le corps qui s'est
d'abord dilaté, il arrive un moment où. de so-
lide qu'il était comme la cire ou le plomb, il
devient liquide et coule comme de l'eau ; ou, s'il
était liquide comme l'alcool, l'eau ou l'éther, il se
transforme en vapeurs. Que l'on refroidisse une
vapeur ou un gaz, on obtiendra un liquide ; et
celui-ci, suffisamment refroidi, à son tour prendra
la forme solide. La chaleur produit donc des chan-
gements d'état : elle liquéfie ou, comme on dit
vulgairement, fond les solides (V. Fusio7i) ; elle
transforme les liquides en gaz (V. Vapeurs).
Enfin la chaleur peut altérer la nature du corps
chauffé, apporter dans sa constitution des modifi-
cations profondes, séparer les éléments d'une
substance composée ou favoriser les combinaisons
des corps entre eux; ainsi le bois chauffé s'en-
flamme et brûle au contact de l'air ; do ses élé-
ments séparés par la chaleur, les uns forment la
flamme en se combinant à l'oxygène de l'air, les
autres restent comme résidu sous le nom de
cendres.
Ainsi, la chaleur en agissant sur les corps leur
fait toujours subir des changements de volume,
souvent des changements d'état, parfois même elle
modifie leur nature.
Dans chacun de ces cas, le corps cliaud est
devenu une source de chaleur capable d'échauf-
fer les corps voisins moins chauds que lui. A ne
le considérer que sous ce rapport de la chaleur
qu'il peut céder, il est dans un état particulier
CHALEUR
— 362 —
CHALEUR
dans une manière d'être spéciale que l'on appelle
sa tempé)'atwe et qu'il importe de pouvoir fixer et
retrouver. Nos sens ne peuvent nous servir pour
cette recherche. Le toucher, qui le premier nous
donne la connaissance de la chaleur, nous indique
bien si un corps est plus ou moins chaud qu'un
autre ; mais il cesse de nous servir quand le corps
est trop chaud ou trop froid, parce que la sen-
sation est douloureuse. 11 peut du reste nous trom-
per parfois, puisque nous trouvons inégalement
Iroids^ en les touchant, un morceau de bois et un
morceau de fer qui, restés longtemps l'un près de
l'autre, sont manifestement à la même tempéra-
ture. Les observations de chaque jour nous mon-
trent d'ailleurs que les impressions de chaud et
de froid sont relatives et dépendent de l'état des
organes qui les reçoivent. En outre, on ne peut
mesurer exactement une sensation ni reconnaître
si elle est bien la même aujourd'hui qu'elle était
hier; on ne peut donc, par le seul contact de la
main, s'assurer qu'un corps est exactement aussi
chaud qu'il l'était antérieurement. C'est à l'un
des effets de la chaleur sur les corps inertes qu'il
faut recourir pour caractériser les états calorifi-
ques, les comparer, les mesurer. Les instruments
qu'on emploie à cet effet sont appelés thermomè-
tres *.
Un corps peut s'échauffer de deux manières,
aussi bien quand il est placé à distance d'une
source que lorsqu'il se trouve en contact direct
avec elle : le soleil échauffe tous les jours la
terre ; un poêle allumé communique sa chaleur
à toutes les parties d'un appartement ; une barre
de fer qui ne plonge dans un foyer que par une de
ses extrémités devient assez rapidement chaude à
l'autre pour qu'on ne puisse bientôt plus la tenir
sans précaution. La chaleur se transmet donc des
corps chauds aux corps froids, ou bien h travers
l'espace, ou bien par la substance même du corps
chauffé. Ces deux modes de propagation sont étu-
diés, Je premier au rao\. Rayonnement, le second
au mot Conductibilité.
IL SocRCES DE CHALEUR. — Toutc causc Capable
d'engendrer de la chaleur, de produire une éléva-
tion de température, que ce soit un corps ou le
phénomène qui s'y produit, s'appelle une source de
chaleur. Dans le langage ordinaire, on donne le
nom de source de frovl à toute cause capable
d'er. lever de la chaleur aux corps, d'abaisser leur
température. Mais si l'on veut bien remarquer que
tout corps qui possède moins de chaleur que les
corps voisins est pour eux une cause de refroidis-
sement, et qu'il deviendrait une source de chaleur
pour un corps plus froid que lui, on se convaincra
que le froid n'est qu'un état du corps où la cha-
leur est moins grande que dans un état antérieur,
et on comprendra que le physicien n'en fasse
qu'un cas particulier des phénomènes calorifiques.
On peut grouper les différentes sources de cha-
leur en deux classes : 1° les sources 'permanentes
comme le soleil et la chaleur centrale du globe
terrestre; 2° \^% sources artificielles que l'homme
peut faire naître à volonté, comme les actions
chimiques et certains phénomènes physiques et
mécaniques. On rapporte aux unes et aux autres
les sources physiologiques, c'est-à-dire la produc-
tion de la chaleur par les êtres organisés pendant
leur vie.
1° Sources pcrinaneyites de chaleur. — a. — Cha-
leur solaire. — Le soleil est la source la plus
abondante de chaleur pour la surface du globe :
c'est la chaleur solaire qui élève la température
de l'air et du sol ; c'est elle qui fond les neiges
des montagnes et alimente ainsi les sources des
cours d'eau qui arrosent les campagnes ; c'est par
elle que sont formées les vapeurs qui s'élèvent
des mers pour donner les nuages et retomber
ensuite en pluies bienfaisantes; c'est elle que nous
recherchons dans les premiers beaux jotirs du
printemps et que nous évitons dans les jours brû-
lants de l'été; c'est elle enfin qui favorise la vé-
gétation des plantes et des arbres et contribue au
développement de la vie chez tous les êtres.
Le soleil nous apparaît comme un disque brillant
dont l'œil a peine à supporter l'éclat. Examiné
dans les instruments grossissants, il se présente
parsemé de points plus brillants que le reste de la
surface, avec des taches obscures qui changent
rapidement de position, de dimension et de forme.
La grande distance à laquelle il est de nous et
dont nous ne pouvons trouver d'analogue sur la
terre ne nous permet pas de juger, même approxi-
mativement, de sa grandeur. Les calculs astrono-
miques démontrent que son diamètre est égal à
112 fois celui de laterre, ce qui lui donne un volu-
me I 404 92S foie plus grand que celui de notre globe.
La quantité de chaleur que le soleil fournit dans
un temps donné à une surface frappée par ses
rayons, dépend de la direction plus ou moins obli-
que suivant laquelle ils arrivent, autrement dit de
la hauteur de l'astre au-dessus de l'horizon, et
de la pureté de l'atmosphère. On sait que les
rayons dusoleil sont assez faibles, le matin et le soir,
pour que nos yeux en puissent supporter l'éclat ;
les rayons de chaleur subissent le même affaiblisse-
ment ; l'air absorbe en effet une partie de la cha-
leur qui le traverse pour s'échauffer à ses dépens,
et la couche d'air traversée est d'autant plus
épaisse que Ift soleil est plus près de l'horizon.
Ainsi, les différences si notables de température
que l'on remarque aux différentes heures du jour
tiennent à l'obliquité des rayons solaires; c'est à
la même cause que sont dues les saisons et les
variations de chaleur avec les latitudes.
Plusieurs physiciens ont cherché à évaluer la
quantité de chaleur que le soleil envoie à la terre
dans un temps donné. Voici les résultats des ex-
périences faites à ce sujet par Pouillet. Si la quan-
tité totale de chaleur que la terre reçoit du soleil
dans le cours d'une année était uniformément ré-
partie sur tous les points du globe et qu'elle y fut
employée à fondre de la glace, elle serait capable
de fondre une couche de glace enveloppant la terre
avec une épaisseur de 30 mètres 89.
Partant de ce premier résultat, Pouillet a pu
déduire la quantité totale de chaleur que le globe
entier du soleil émet dans un temps donné. Il a
trouvé que si cette chaleur était employée à fondre
une couche de glace appliquée contre le globe du
soleil et l'enveloppant de toutes parts, elle pour-
rait fondre en une minute une couche de 11 mè-
tres SO d'épaisseur, et en une année une couche
de 1547 lieues.
Il ne faudrait pas croire que toute la chaleur qui
rayonne du soleil vers la terre arrive intégralement
jusqu'à nous. L'atmosphère en absorbe près de la
moitié, même quand elle a toutes les apparences
d'une parfaite sérénité. C'est ce qui explique un
fait constaté par plusieurs observateurs, que la ra-
diation solaire est plus forte sur les hautes mon-
tagnes que dans le fond des vallées.
b. Chaleur propre du globe. — Le globe terrestre
possède une chaleur propre intérieure, insensible
près de sa surface, mais dont l'existence est attes-
tée par l'accroissement de la température à mesure
qu'on s'enfonce plus profondément et par les eaux
thermales.
Certaines sources minérales donnent des eaux
dont la température est notablement plus élevée
que la température moyenne du lieu, et, de plus,
indépendante des variations de cette dernière. !•
en est de même des eaux fournies par les puits
artésiens.
Les nombreuses observations faites dans le»
puits de mine jusqu'à des profondeurs de 800 mè-
tre?, ont montré que la température augmente d'ua
CHALEUR
— 363
CHALEUR
degré quand on s'enfonce de 30 naètres. On n'a pas
pu mesurer jusqu'ici la température à de plus
grandes prolondeurs, ci on ne peut pas ainrmer
que cette loi se maintienne à toute distance de la
surface. Mais, en l'admettant comme exacte, on
trouve qu'il faudrait descendre à 2700 mètres pour
trouver la température de l'eau bouillante, si l'on
part d'un lieu où la température moyenne est de
10° ; qu'à 12 lieues environ on trouverait la tem-
pérature de fusion du fer, et à ane vingtaine de
lieues toutes les matières minérales en vapeurs.
L'existence d'un feu central a été soupçonnée
depuis les temps les plus reculés, puisqu'on en
trouve la trace dans les mythologies do tous les
peuples ; mais ce n'était qu'une intuition vague,
basée seulement sur des conjectures; elle a reçu
dans notre siècle le caractère d'une certitude que
l'étude attentive des volcans a beaucoup contribué
à former.
2° Sources artificielles de chaleur. — a. Chaleur
dégagée dans les actions chimiques. — Lorsque deux
corps se combinent, il y a dégagement de chaleur.
Tout le monde sait que l'eau versée sur la chaux
vive se vaporise en partie par la chaleur que dé-
gage la combinaison. Dans les laboratoires de chi-
mie, on rend de la baryte incandescente en versant
dessus goutte à goutte de l'acide sulfurique.
Quand le phénomène est accompagné de lumière,
il porte le nom de combustion ' ; et dans le
langage ordinaire, on ne donne encore ce nom
qu'à la combinaison avec l'oxygène, libre ou pris à
l'air, d'un corps qu'on appelle combustible. C'est
par la combustion qu'on se procure ordinairement
la chaleur dans l'industrie et dans les usages do-
mestiques : le phosphore, le soufre, les charbons,
le bois, l'hydrogène, le gaz d'éclairage sont les
principaux combustibles ; l'oxygène de l'air qui les
fait brûler est le principe comburant.
Pour la combustion, comme pour toute action
chimique, il faut que les corps en présence aient
une tendance à s'unir, ou comme on dit en chimie,
de l'affinité. Les corps combustibles ont tous de
l'affinité pour l'oxygène ; mais elle ne se développe
généralement qu'à une température supérieure à
la température ordinaire. Il faut allumer le corps
qui doit brûler, pour déterminer en un de ses
points la température nécessaire à la combustion.
Une fois la combinaison commencée, la chaleur
qu'elle développe est dans la plupart des cas plus
que suffisante pour l'entretenir et la continuer, s'il
arrive dans le foyer ou sur le combustible une
quantité convenable d'oxygène ou d'air et que les
produits gazeux formés soient entraînés à mesure
qu'ils prennent naissance. Un courant d'air trop
abondant ou trop rapide éteint le corps en com-
bustion au lieu de le faire mieux brûler, parce
qu'il lui enlève trop de chaleur et qu'il abaisse sa
température au-dessous du degré nécessaire au
développement de l'action chimique.
Il était extrêmement important, pour apprécier
la valeur des différents combustibles, de mesurer
les quantités de chaîaur que chacun d'eux peut
donner. Ce travail, commencé par Lavoisier en l'SO,
continué par Rumford en 1814, puis, plus tard, par
Desprez et Dulong, a été repris, ces temps derniers,
par MM. Favre et Silbermann qui ont, dans un
grand nombre d'expériences montées avec tout le
soin possible, étudié non-seulement les combus-
tions, mais aussi le dégagement de la chaleur dans
les principales combinaisons chimiques. Le prin-
cipe de la méthode employée est simple; il con-
siste à recueillir exactement toute la chaleur dé-
veloppée par une combustion et à l'employer, pour
en connaître la quantité, à échauffer un poids connu
d'eau, qui absorbe, comme on verra, une calorie par
kilogramme pour chaque degré dont il élève sa
température. On fait brûler la substance au con-
tact de l'air ou de l'oxygène dans une boîte métal-
lique, appelée calorimètre ; les produits gazeux de
la combustion s'échappent en emportant la chaleur
développée ; on les fait circuler dans un tube con-
tourné en serpentin, assez long pour qu'ils en sor-
tent froids, et qui. avec la boîte où se fait la com-
bustion, est placé dans un vase en métal, plein
d'eau, entouré de diverses substances qui em-
pêchent son refroidissement par l'air ambiant.
L'observation de la température finale permet de
trouver, par un calcul simple, la chaleur absorbée
par le calorimètre, c'est-à-dire celle qui a été déve-
loppée par le poids du combustible disparu.
Voici quelques-uns des résultats trouvés :
NOM DES SUBSTANCES.
Hydrogène
i de bois
Charbon..." des cornues a gaz..
/ graphite naturel....
Oxyde de carbone
Gaz des irarais
Gaz oléPiant
,, , \ de -vin
^^'"'°^ } de bois
Essence de térébentine
Soufre
UNITES DE CHALEUR
données par 1 kilog.
du combastible.
34 462
8 080
8 047
7 796
2403
13063
11857,1
7184
5 307
10852
2 221
On voit d'après ce tableau que l'hydrogène est
le corps qui, à poids égal, développe le plus de
chaleur en brûlant ; après lui viennent jarmi les
combustibles ordinaires les carbures d'hydrogène,
gaz des marais et gaz oléfiant, dont le mélange
forme le gaz d'éclairage extrait de la houille ; puis
les charbons, dont les moins dp-»'ses ont le plus
grand pouvoir calorifique.
Les recherches calorimétriques sur la chaleur
dégagée par tt'Utes les combinaisons chimiques, ont
un intérêt beaucoup plus théorique que pratique ;
il est cependant curieux d'y constater qu'un môme
corps, comme le carbone par exemple, dégage tou-
jours la môme quantité de chaleur, soit qu'on le
transforme d'abord en oxyde de carbone pour brû-
ler celui-ci et obtenir finalement de l'acide carbo-
nique, soit qu'on obtienne de suite ce dernier gaz.
Dans les applications, quand on se propose d'ob-
tenir une haute température, il faut choisir les
, corps les plus combustibles, les brûler le plus ra-
pidement possible en leur insufflant de l'oxygène,
' et limiter l'espace où la chaleur pourra se répartir
' pour augmenter son effet. C'est ainsi qu'on obtient
: avec le charbon de très hautes températures en in-
j sufflant de l'air dans le fourneau par de puissantes
! machines soufflantes ; qu'on rend très chaude la
flamme d'un bec de gaz, d'une lampe, ou d'une
I bougie en y soufflant de l'air avec le chalumeau,
ou des vapeurs combustibles, comme dans la lampe
des soudeurs, et que la plus haute température
obtenue jusqu'ici, celle qui a permis de fondre le
j platine, a été produite dans un petit creuset de
chaux, par le chalumeau oxhydrique, double tube-
amenant, l'un de l'hydrogène, l'autre de l'oxygène,
I de manière que les deux gaz soient dans le rap-
I port où ils se combinent pour donner de l'eau, et.
que leur mélange n ait lieu qu'au moment où ils
brûlent.
b. Chaleur animale. — Les animaux produisent
continuellement de la chaleur pendant leur vie.
Chez les mammifères et les oiseaux, qui sont à
sang chaud, cette chaleur compense à chaque in-
stant les pertes extérieures, et leur température
reste constante, quelles que soient ks variations
du milieu ambiant. Chez les autres, dits à sang
froid, qui subissent les fluctuations du milieu ou
ils vivent, il se produit encore de la chaleur, puis-
que leur température dépasse presque toujours de-
CHALEUR
— 364 —
CHALEUR
■quelques degrés celle de Tair ou de l'eau où se
passe leur existence ; mais la production est lente
et la chaleur est enlevée à chaque instant par les
causes extérieures. Les oiseaux ont une tempéra-
ture constante de 41 à 42"; l'homme de 37 à ;jS".
Depuis Lavoisier, c'est à l'oxygène introduit dans
le corps par l'acte de la 7'eipiratio?i * que l'on
rapporte le dégagement de la chaleur animale;
mais on ne croit plus, comme le savant chi-
miste, que le poumon soit le siège unique de la
chaleur dégagée. On pense qu'elle est produite
dans toutes les parties du corps, et qu'elle est le
résultat des nombreuses actions chimiques dont
chaque organe est le siège pendant la vie. Les ali-
ments introduisent dans le corps des éléments com-
bustibles, du charbon et de l'hydrogène, que le
sang transporte partout, comme il transporte l'oxy-
gène de l'air destiné à les brûler lentement; l'acide
carbonique est le résidu de cette combustion, comme
il est le résidu des combustions de nos foyers, et
dans un cas comme dans l'autre, la chaleur est la
conséquence du phénomène. Mais, bien que la cha-
leur dégagée par un animal soit en rapport direct
avec la quantité d'oxygène absorbé par les organes
respiratoires, il n'en faut pas moins remarquer que
la combustion physiologique est éminemment com-
plexe et peut bien n'avoir pas l'action chimique
pour unique cause.
c. Chaieur produite par les causes physiques. —
Parmi les causes physiques capables de produire
de la chaleur, il faut citer Vélectricifé *, puis la
compression, la percussion, le frottement, en un
mot toutes les actions mécaniques par lesquelles
on peut déformer les corps.
Compression. — La plupart des corps fortement
comprimés s'échauffent parfois même assez pour
enflammer des corps combustibles. Cette produc-
tion de chaleur par la compression est surtout sen-
sible sur les métaux et plus encore sur les gaz. Les
lames d'argent que l'on passe au laminoir dans les
fabriques de monnaies sont tellement chaudes que
l'ouvrier ne peut les tenir à la main. L'air brus-
quement c mprimé développe assez de chaleur
pour enflammer l'amadou. L'expérience se fait
avec le briquet a air; c'est un gros tube de verre
à parois fortes, fermé par un bout, et dans lequel
peut se mouvoir à frottement un piston plein dont
la face inférieure porte une cavité où l'on place un
petit morceau d'amadou. Le tube étant plein d'air,
on introduit le piston et on l'enfonce très brusque-
ment ; on aperçoit un peu de fumée dans l'appa-
reil et en retirant le piston assez promptement on
trouve l'amadou allumé. Tous les gaz produisent
comme l'air un dégagement de chaleur quand on
diminue assez leur volume ; mais on comprend
que cette chaleur est d'autant plus sensible qu'elle
se produit dans un plus court espace de temps ;
aussi n'est-elle très apparente que dans les com-
pressions très brusques.
La compression écliauffant les gaz, on est porté
à penser que la dilatation ou l'expansion doit leur
enlever de la chaleur, c'est-à-dire les refroidir.
C'est en effet ce qui a lieu : on constate qu'un
thermomètre très sensible placé sous la cloche de
la machine pneumatique indique un abaissement
de température quand on fait rapidement le vide.
Si on laisse échapper par un petit orifice de l'air
humide comprimé à trois ou quatre atmosphères,
et qui par suite se dilate brusquement, le refroi-
dissement du jet de gaz est tel qu'il dépose sur les
objets qu'il frappe une couche de givre provenant
de la vapeur d'eau congelée. Quand la vapeur sort
d'une chaudière à haute pression, elle se condense
en un épais brouillard, et elle se refroidit tellement
qu'on peut sans crainte y plonger la main, ce que
l'on ne pourrait évidemment pas faire impunément
si la vapeur conservait la température de sa for-
mation. Le refroidissement produit par l'expansion
des gaz comprimés avait déjà permis à Tliilorier
d'obtenir l'acide carbonique solide ; il vient de
fournir à M. Cailletet la possibilité d'amener à
l'état liquide les gaz dits permanents, l'oxygène,
l'hydrogène, l'azote, et par suite l'air qu'on n'avait
pas pu liquéfier jusqu'ici.
Percussion. — De nombreuses expériences prou-
vent que la percussion est aussi une source méca-
nique de chaleur. Le fer battu sur l'enclume s'é-
chauffe assez pour enflammer l'amadou ; on peut
faire fondre une barre de plomb et éparpiller le
métal fondu en gouttelettes en la frappant quel-
que temps à coups répétés. Tout le monde connaît
le briquet ordinaire, la pierre dure que l'on frappe
avec un morceau d'acier ou le dos d'une lame de
couteau. Le silex, plus dur que l'acier, détache de
celui-ci de petites parcelles métalliques ; la cha-
leur dégagée est assez grande pour rendre ces par-
celles incandescentes, les faire brûler en étincelles
qui allument l'amadou sur lequel elles tombent.
Toutes les actions mécaniques qui déforment les
corps, comme la torsion des fils, leur allongement
à la filière, les échauffent beaucoup. Mais de tous
les moyens mécaniques de produire de la chaleur,
le plus connu est sans contredit le frottement.
Frottement. — Tous les corps frottés vivement
l'un contre l'autre s'échauffent. Un bouton d'habit
en métal, frotté contre une table, ne tarde pas à
brûler les doigts qui le tiennent. Les tourillons des
machines, les essieux des voitures, dégagent de la
chaleur quand on néglige de les graisser, et l'on
voit quelquefois le moyeu des roues prendre feu
quand le mouvement est rapide et prolongé. Les
scies, les limes, les forets et autres instruments
semblables deviennent brûlants par un travail con-
tinu. Deux morceaux de bois bien secs, frottés l'un
contre l'autre, s'échauffent assez pour dégager de
la fumée, et les sauvages parviennent à allumer
du feu en faisant tourner vivement une tige de
bois dur, taillée en pointe, dans une cavité prati-
quée dans un autre morceau d'un bois facilement
combustible et bien sec.
La grande quantité de chaleur dégagée par le
frottement n'avait pas échappé aux anciens physi-
ciens ; mais ils lui donnaient pour cause la diminu-
tion de la capacité calorifique du corps frotté,
transformé le plus souvent en poudre par l'action
mécanique. Rumford et Davy sont les premiers qui
aient institué sur ce sujet des expériences scienti-
fiques et étudié de près les conditions de cet im-
portant phénomène.
Rumford, en voyant forer des canons à Munich,
fut surpris de la chaleur considérable des copeaux
qui s'en détachaient. Pour la mesurer, il fit tour-
ner un gros cylindre de bronze fortement pressé
contre une tarière arrondie, dans une caisse rem-
plie d'eau. Avec une rotation de trente-deux tours
par minute, au bout de deux heures, la température
de l'eau s'élevait à 81°, et après deux heures et
demie l'eau était en pleine ébullition. La grande
chaleur dégagée parut au savant expérimentateur
un (;ffet tout à fait hors do proportion avec la cause
à laquelle on l'attribuait alors, et après avoir con-
staté que la poudre détachée du morceau de bronze
avait la môme capacité calorifique que la masse
entière, il donna pour origine à la chaleur produite
le seul phénomène sensible dans l'expérience,
c'est-à-dire la destruction du mouvement par le
frottement.
Davy arriva aux mêmes conclusions en faisant
fondre deux morceaux de glace, qu'il faisait frotter
l'un contre l'autre dans une enceinte au-dessous
de zéro.
Ces expériences ont eu dans la science une très
grande portée ; elles ont conduit les physiciens à
réviser les phénomènes si nombreux dans lesquels
la chaleur prend naissance ou disparaît. On a
mieux étudié les actions calorifiques de toute na-
CHALEUR
— 305
CHALEUR
ture ; on les a rapprochées pour les comparer et i
trouver leurs causes communes. Ce travail fécond ,
a mis en relief les rapports, restés inaperçus jus-
que-là, qui lient le mouvement à la chaleur, la
force au mouvement et les différents agents phy-
siques les uns aux autres. 11 en est résulte une
nouvelle conception de la nature de la clialeur, une
nouvelle interprétation de ses effets, une corréla-
tion simple de la plupart des phénomènes physi-
ques. Cette grande synthèse qui fait honneur au
mouvement scientifique de notre époque porte le
nom de théorie mécanique de lu chaleur. Nous ne
pouvons nous dispenser d'en exposer les principes
et d'en citer quelques applications après avoir jeté
un coup d'œil rapide sur les diverses hypothèses
qui l'ont précédée.
III. Hypothèses sur la nature de la chaleur. — Les
anciens ont fait du feu l'un des quatre éléments ;
ils lui ont même voué un culte ainsi qu'au soleil,
comme aux deux sources les plus puissantes des
phénomènes calorifiques. Mais comme ils ne con-
naissaient que les effets les plus communs de la
chaleur, ils n'ont eu sur sa nature que des idées
vagues.
Les philosophes de tous les temps ont cherché
à déterminer l'essence de cet acent mystérieux.
Les uns n'ont donné que des explications confu-
ses d'hypothèses bizarres ; les autres ont fait de
la chaleur une matière flottant en corpuscules in-
visibles dans l'espace, et ne se manifestant que
dans certaines conditions ; d'autres enfin ont ad-
mis sa nature immatérielle et cherché à la conci-
lier avec la puissance de ses effets. De toutes ces
spéculations, il est sorti deux hypothèses impor-
tantes par la place qu'elles tiennent dans la science
et dans la philosophie naturelle. L'une, défendue
surtout par les chimistes de la fin du dernier siè-
cle, considérait la chaleur comme un fluide im-
pondérable que l'on appelait le calorique et que ,
l'on supposait associé à la matière et capable de
s'en dégager sous certaines influences déterminées. !
Ce calorique était lancé avec une grande vitesse
par les corps chauds et, arrivé à la surface des
corps froids, il pouvait s'y réfléchir ou j" pénétrer
et se combiner à leur substance en des propor-
tions diverses. L'autre, pressentie par Bacon,
Beyle, Euler, et développée surtout par Rumford |
et les physiciens modernes, considère la chaleur
non plus comme une substance, mais comme un
mouvement.
L'hypothèse du calorique rendait bien compte
de réchauffement des corps et des conditions de
leur changement d'état; elle permettait d'expliquer
la transmission de la chaleur à distance, c'est-à-
dire le rayonnement, comme Newton expliquait le
rayonnement de la lumière ; mais elle était im-
puissante à donner la raison de la production in-
définie de chaleur par le frottement. Le calorique
était, en effet, considéré comme une substance
matérielle existant dans l'univers en quantité aussi
constante que la matière ordinaire ; on ne pouvait
donc comprendre qu'il pût s'en dégager d'un corps
frotté des quantités illimitées puisqu'il aurait fallu
admettre une source de chaleur toujours aussi ri-
che, si forte et si prolongée qu'en fût la dépense.
L'esprit concevait difficilement cette canonnade de
petites particules s'élançant des corps avec une
vitesse inconcevable à travers l'espace sans se
troubler l'une l'autre, pour produire la chaleur et
la lumière: aussi la théorie du calorique disparut-
elle en même temps que disparaissait la théorie
newtonienne de la lumière, devant les beaux tra-
vaux de Young et de Fresnel (V. Rayonnement et
Lumière) ; elle est aujourd'hui universellemeut
abandonnée.
IV. Théorie mécanique de la chaleur. — L'hypo-
thèse moderne qui fait de la chaleur, non plus une
matière, mais une condition de la matière, c'est -
h-dire un mouvement de ses dernières particules, a
passé par deux phases distinctes :
La première comprend les nombreuses expérien-
ces qui ont mis en relief la transformation de la
force motrice en chaleur;
La seconde, qui date de 1842, a établi, contrai-
rement à ce qu'affirmaient les physiciens, qu'il
peut se perdre de la chaleur, mais qu'alors il se
crée une autre force physique ou qu'il s'effectue
un travail mécanique ; que les quantités de chaleur
perdue et de travail produit ou de forces physiques
créées sont dans un rapport constant. Elle a ainsi
posé la notion nouvelle de la conservation de la
force et de l'équivalence des difl'érents agents
physiques dans lesquels elle se transforme.
1. Transformation du travail mécanique en cha-
leur. — L'idée de donner pour cause à la chaleur
produite dans la percussion ou le frottement, le
travail mécanique détruit, est très ancienne dans
la science. On la trouve développée dans le pas-
sage suivant de l'œuvre de Robert Bo3'le que l'on
croirait écrit d'iiior : « Lorsqu'on enfonce un gros
clou dans un morceau de bois, on remarque que
pendant tout le temps que le clou s'enfonce, il
faut donner un assez grand nombre de coups sur
sa tête pour l'échaufl'er d'une façon sensible ; mais
lorsqu'il ne peut plus aller plus loin, quelques
coups suffisent pour lui communiquer une chaleur
considérable. Dans le premier cas, le mouvement
produit est un mouvement d'ensemble qui fait
avancer le clou dans une direction ; mais quand ce
mouvement vient à cesser, l'impulsion donnée par
les coups de marteau étant incapable de chasser le
clou plus avant ou de le briser, il faut qu'elle se
dépense dans la production de ce mouvement in-
testin, varié et très rapide, dans lequel nous fai-
sons consister la chaleur. » Mais cette notion nou-
velle n'est définitivement admise que depuis les
expériences de Rumford et de Davy que nous avons
citées et qui ont été le point de départ de beau-
coup d'autres destinées à les corroborer.
Dans toutes les actions mécaniques, frottement,
percussion, compression, où de la chaleur est en-
gendrée, il y a du mouvement anéanti. De deux
boules égales, l'une d'ivoire, l'autre de plomb,
tombant de la même hauteur, la première remonte
au point d'où elle est tombée, son mouvement n'a
fait que changer de sens ; la seconde s'aplatit et
reste sur le sol; mais elle s'est échauffée, et cette
augmentation de chaleur est le résultat du mouve-
ment disparu. Le tourillon qui frotte contre un
anneau anéantit la force motrice qu'il reçoit ; mais
il s'échauffe, et si l'on vient à rendre son frotte-
ment moindre en le graissant, il cesse de s'é-
chauffer, il ne dépense plus autaiit de force mo-
trice, ou bien il la rend en mo'uvement au lieu de
la rendre en chaleur Nous pourrions reprendre
un à un tous les phénomènes calorifiques des ac-
tions mécaniques ; ils vérifieraient tous ce pre-
mier axiome de la théorie moderne : quand du
travail mécanique disparait, il se crée de la cha-
leur.
2. Transformation de la chaleur en travail. —
Inversement, quand de la chaleur disparaît, elle
engendre de la force, du mouvement ; elle produit
du travail. Si l'on ouvre le robinet d'un vase solide
qui contient de l'air comprimé, le gaz qui s'élance
au dehors est cliassé par celui de l'intérieur; ce
dernier accomplit le travail de pousser en avant le
courant d'air qui s'échappe. Il se refroidit. La cha-
leur qu'il possède est le seul agent qu'il puisse
employer pour exécuter son travail. Dans la ma-
chine à vapeur, c'est la chaleur du combustible
qui devient force motrice par l'intermédiaire de
l'eau vaporisée, et dans tous les cas, l'effet méca-
nique est la conséquence de la dépense de chaleur ;
le travail produit est d'autant plus grand que la
différence de température de la vapeur à son en-
CHALEUR
— 366 —
CHAMPIGNONS
trée et à sa sortie, c'est-à-dire la perte de chaleur,
est elle-même plus considérable.
3. Équivaleîit mécanique de la chaleur. — Ainsi
la force mécanique engendre de la chaleur, et
celle-ci, en disparaissant, régénère de la force.
Quel est le rapport de la chaleur développée par
une action mécanique à la force qui l'a engendrée ?
telle était la question à résoudre. La relation qui
lie ces deux phénomènes dut se révéler indécise à
quelques esprits avant d'être démontrée par l'ex-
périence et de recevoir un énoncé précis. C'est à
Joule qu'est due la première démonstration expé-
rimentale, et c'est au docteur allemand Mayer que
revient l'honneur d'avoir formulé le rapport intime
qui lie la chaleur et le travail.
Joule fit froiter différents corps les uns contre
les autres ; il mesura la chaleur produite par leur
frottement ainsi que la force dépensée pour le
vaincre, et il conclut qu'une quantité donnée de
force produit toujours en se dépensant la même
quantité de chaleur.
Mayer, dans son remarquable mémoire sur les
forces de la nature, établit qu'il y a égalité entre
l'effet et la cause, et que si un effet devient la cause
■d'un autre effet, ce dernier est encore égal à la
première cause, quel que soit d'ailleurs le moyen
dont on les ait tirés l'un de l'autre. Il résulte de
là que la chaleur produite par le frottement et qui
n'a eu pour cause que l'énergie dépensée dans cet
acte doit être égale à cette énergie et capable de
la reproduire tout entière. « La loi chaleur = effet
mécanique est indépendante de la nature du fluide
-ou du corps qui n'a été que l'instrument à l'aide
-duquel une force est convertie en l'autre. »
L'équivalence de la chaleur et du travail peut
donc se traduire par un nombre et présenter la
même valeur quelque soit l'intermédiaire qui a
opéré la transformation. L'expérience faite sur les
gaz, les liquides et les solides donne pour Véqui-
valent mécanique de la chaleur le nombre 425 dont
la signification est celle-ci: il faut détruire 435 uni-
tés de travail pour engendrer 1 unité de chaleur,
et inversement, quand 1 unité de chaleur ou I
calorie disparaît, elle produit 4"2ô unités de travail.
La calorie est la quantité de chaleur nécessaire
pour élever 1 kilogramme d'eau de 1° ; l'unité de
travail est représentée par celui d'un poids de
1 kilogramme tombant d'un mètre de hauteur ;
nous en conclurons que la disparition d'une ca-
lorie peut élever un poids de 42o kilogrammes à
un mètre de hauteur.
En mécanique, on définit le travail le produit
de la force par le chemin parcouru; et dans le
<;as le plus simple d'un corps qui tombe, c'est le
produit du poids par la hauteur de chute. Mais
tout corps en mouvement est une puissance mé-
canique dont l'effet est proportionné à la masse et
au carré de la vitesse : à un poids double d'une
balle qui frappe contre un mur correspond un choc
de valeur double; à une vitesse deux fois plus
grande correspond un choc de valeur quadruple.
La puissance mécanique d'un mobile est donc
mesurée par le produit de la masse par le carré de
la vitesse; ce produit porte le nom de force-vi'c;
ie travail dont le mobile est capable en est la moitié.
4. Conservation de la force-vive . — Énergie. —
Tout corps abandonné à lui-même tombe, soumis
qu'il est à l'action de la pesanteur. En arrivant à
terre, il possède une force-vive qui est le produit
de sa masse par le carré de sa vitesse. S'il reste au
repos, que devient la puissance mécanique qui
l'animait? S'est-elle détruite? Nullement, puisque
rien ne peut se perdre dans la nature; elle s'est
transformée, et sous son nouvel aspect, elle est
équivalente à ce qu'elle était avant. Un boulet perd
brusquement sa vitesse au moment du choc contre
la muraille visée. Sa force vive est disparue ou
plutôt transformée ; elle se retrouve dans le travail
interne que subit le boulet en se déformant, dans
le travail externe éprouvé par la muraille et enfin
dans le mouvement vibratoire qui constitue la cha-
leur répartie sur l'un et l'autre. Ainsi le propre de
la force-vive c'est de se conserver intégralement
malgré ses transformations diverses.
Mais on peut tirer d'un corps donné, outre le
mouvement, de la chaleur, de l'électricité, de la
force chimique ; et chacun de ces agents peut se
transformer en un autre, équivalent pour équiva-
lent. Il est donc utile d'avoir un mot qui exprime
la faculté que possède le corps proposé de produire
ou du travail mécanique, ou de la chaleur, ou de
l'électricité, sans désigner spécialement ce que l'on
veut tirer de lui.
De même qu'on dit d'un homme qu'il a de la
richesse sans distinguer si elle consiste en terre
ou en argent parce qu'on sait qu'ils s'équivalent;
de même on dit d'un corps qu'il a de Yénergie.
L'énergie est donc ce qui se conso've quand les
agents naturels s'éc^iongent; et pour ne citer qu'un
exemple, quand un moteur à air chaud élève un
poids à une certaine hauteur, c'est son énergie
thermique qui se transforme en travail.
La chaleur nous apparaît comme la source à la-
quelle sont empruntées toutes les sortes d'éner-
gies que l'homme peut mettre en ieu. Émanée du
soleil à l'état rayonnant (V. Rayonnement), elle
se transforme dans les plantes en énergie chimi-
que et elle reparaît en chaleur lumineuse quand
on brûle le végétal et qu'on refait ainsi les maté-
riaux inorganiques que la radiation solaire avait
organisés. Tout mouvement qui s'éteint la pro-
duit; il en est de même de tout courant électrique
qui se dissipe sans travail ; en un mot, elle est
comme la métamorphose dernière de l'énergie à
laquelle aboutissent tous les phénomènes de la
nature. Existe-t-elle à l'état de chaleur dans les
astres? Tout porte à croire qu'elle provient elle-
même d'un mouvement détruit et dont la cause
serait l'attraction qui porte sans cesse les corps
les uns vers les autres.
Expériences. — 1. Chaleur dégagée des actions
chimiques : mélanger de l'eau et de l'acide sulfu-
rique, de l'acide et de l'alcool, dissoudre du zinc
dans l'acide chlorhydrique, mêler du soufre en
poudre et de la limaille de fer humide, constater
dans chacun de ces cas la grande élévation de la
température. — Verser lentement de l'eau sur des
copeaux très menus pour les allumer. — Faire
brûler du fer dans l'oxygène, comme exemple
frappant de combustion vive. — Constater la diffé-
rence calorifique de la flamme d'une bougie, d'une
lampe à alcool, d'un bec de gaz, en y chauffant
un tube de verre ; augmenter la chaleur de la
flamme par le chalumeau.
2. Chaleur des actions mécaniques : ployer une
barre d'étain plusieurs fois de suite dans deux
sens opposés. — Battre le briquet au-dessus
d'une feuille de papier. — Constater les- étincelles
en gerbe que produit la roue du remouleur quand
elle n'est pas arrosée. — Montrer que la limaille
détachée par un foret sec est brûlante, — qu'une
lame métallique fixée dans un étau s'échauffe au
point où elle est serrée quand on la fait vibrer
quelque temps. [Haraucourt.]
CHA.>IPIG.\ONS. — Botanique , XL — Les
champignons sont desvégétaux de structure entière-
ment cellulaire, chez lesquelsonreconnaîtdeux par-
ties essentielles bien distinctes : l'une, par laquelle le
végétal se nourrit, s'appelle le mycélium; l'autre
portant les organes de reproduction, le 7'éceptacle.
La disposition relative de ces deux parties est ex-
trêmement variable : le chapeau de certains cham-
pignons n'est autre que le réceptacle recouvrant
les organes reproducteurs. Ceux-ci, chez tous les
champignons, sont des spores, qui se détachent de
la plante mère et qui, placées dans des conditions
CHAMPIGNONS
— 367
CHAMPIGNONS
favorables, reproduisent on germant un mycélium
produisant bientôt lui-même un réceptacle. Dans
un assez grand nombre de genres, le chapeau est
réuni par ses bords au stipe, par l'internoédiaire
d'une sorte de voile, le collet, pouvant le recouvrir
complètement, et chez d'autres toute la jeune plante
peut être renfermée dans un sac nommé la volva.
Les champignons se reproduisent par des spores dé-
veloppées dans des régions très diverses du végétal.
Descriidion des parties d'un champignon de cou-
che ou aqaric — Prenons comme exemple le cham-
pignon de couche, afin de nous rendre compte des
diverses parties et de la structure d'un de ces
cryptogames les plus élevés d'organisation. Le mj/cé-
lium est la partie enfoncée dans le sol et qu'on
nomme le blunc de champignon, formé de filaments
blancs en lacis ; au-dessus s'élève une colonne cy-
lindrique charnue qu'on appelle le stipe et qui
porte le chapeau, coifi"e convexe et nue supérieure-
ment. Sous le chapeau sont des lamelles membra-
neuses verticales adhérentes à sa face inférieure et
au stipe, jouant le rôle de récept'icle, car perpen-
diculairement à leur surface on verrait, sous un
verre grossissant, des cellules dressées (basides) et
terminées à leur extrémité par lesspores qu'elles sup-
portent. Quand le champignon est jeune les bords
du chapeau sont réunis au stipe par uir voile qui
se déchire plus tard, laissant autour du pied, là où
il s'insérait, ses débris qui constituent nnQ collerette
ou collier. (Dans l'oronge, ce voile ou volva entoure
tout le champignon.)
Classification, genres et espèces principaux. —
La majorité des champignons végèce dans les lieux
chauds et humides, les uns h la surface du sol,
les épigés; les autres dans la terre, les hypogés;
d'autres enfin, comme parasites, sur l'homme, les
animaux et les plantes, les épiphytes. Au point de
vue de la place qu'ils occupent dans l'échelle végé-
tale, ces plantes, dans leurs formes les plus sim-
ples, ressemblent beaucoup aux algues également
simples ; seulement, tandis que les algues sont
toujours aquatiques, les champignons vivent dans
l'air; dans la classe des algues, les organes de vé-
gétation ne sont pas distincts des organes repro-
aucteurs comme cela s'observe dans celle des cham-
pignons.
On a proposé plusieurs classifications de ces
cryptogames : les unes basées pour les distinguer
sur les formes diverses du réceptacle ; les autres
sur la couleur des spores, ou bien encore sur le
lieu de végétation, et, quoique très différents, ces
caractères ont groupé les champignons à peu près
de même.
Nous étudierons non la classification méthodique
des champignons, mais les genres les plus inté-
ressants : I* comme parasites; 2° comme alimen-
taires; 3" comme plantes vénéneuses.
\o Champignons parasites. — Nous citerons
parmi ceux-ci les irichophytes, V oïdium et le cla-
viceps. — Les trichophi/tes (de deux mots grecs si-
gnifiant plante dans les chereux) sont des orga-
nismes très simple? composés de cellules al-
longées, globuleuses ou ovoïdes placées bout à
bout et microscopiques, faisant office de spores
reproductives capables de se détacher de la plante
mère pour germer et donner naissance à des
chapelets semblables à ceux qui les ont ' pro-
duits. Ces plantes croissent à l'intérieur de la ra-
cine des cheveux ou des poils qui deviennent ter-
nes, roux et cassants, se rompent un peu au-dessus
■de l'épiderme. C'est l'un de ces trichophytes, le tri-
chophyte tonsnrant, qui occasionne l'affection re-
belle et contagieuse connue sous le nom de teigne
et qui peut se terminer par la calvitie complète du
malade.
Les oïdium (d'un mot grec signifiant gonflement).
— Les champignons de ce genre sont un peu plus
compliqués que les précédents ; en effet, bien que le
mycélium soit encore rudimentaire. le réceptacle
est constitué par des filaments tubulés, divisés en
compartiments par des cloisons transversales, ra-
mifiés et entre-croisés en un feutrage assez dense
pour simuler de véritables membranes. C'est à des
champignons de ce genre qu'est due la maladie
connue chez les enfants sous le nom de muguet,
conséquence d'une alimentation trop substantielle
à l'époque où le lait de la mère devrait suffire.
C'est aussi un oïdium qui a causé la maladie para-
sitaire qui si longtemps a frappe la vigne.
C'est au genre clnviceps qu'appartient le claviceps
pourpré dont le mycélium tuberculeux gris-noirâtre
constitue ce qu'on appelle V ergot de seigle, dont
le nom vient de ce qu'il est fusiforme, pointu à
l'une de ses extrémités et recourbé comme l'ergot
d'un coq. Ce parasite vit aux dépens de la fleur du
seigle et constitue une maladie de cette dernière
céréale. Détaché de la plante malade et placé sur
du sable fin, l'ergot de seigle donnera naissance,
comme tout mycélium de champignon, à des orga-
nes de fructifications, c'est-à-dire à un certain
nombre de stipes portant autant de réceptacles
arrondis ressemblant aux chapeaux des champi-
gnons les plus connus généralement.
2" Champigno7is cojnestibles. — Nous citerons,
parmi les champignons comestibles, les tiniffes,
les morilles, les agarics, les mousserons, Va-
qaric atténué, le lactaire doré, Yagaric délicieux,
Yoronge, Yamanite rougissante, la chanterelle, les
bolets comestibles.
3° Champignons vénéneux. — Vagaric annu-
laire, Yagaric meurtrier, Yagaric caustique, Yaga-
ric éméiique, Yagaric de tolivier, Yagaric scyp-
tiqiie, la fausse oronge, Ya?nanite à veirues,
Yamanite bulbeuse, les bolets peimicieux, les bolets
azurés, etc.
Les truffes \i\ent sous terre loin de l'influence
de la lumière ; leur mycélium à peine visible ne
dure que peu de temps, leur surface extérieure
est lisse ou verruqueuse, elles sont noirâtres et
présentent intérieurement, quand on les coupe, des
lignes blanches simulant de véritables marbrures;
ces lignes indiquent la présence de canaux aérifè-
res ; les truffes noires du Périgord sont les plus
estimées et on emploie à leur recherche les co-
chons, qui en sont friands, et les découvrent par-
faitement à l'aide de leur boutoir.
Les caractères des agarics nous sont connus
puisque nous en avons décrit précédemment les
différentes parties en choisissant comme type l'a-
garic comestible; indiquons maintenant les carac-
tères difl'érentiels des agarics utiles et des aga-
rics vénéneux :
Agaric comestible. — Chapeau charnu, stipe
avec ou sans collerette, lames restant solides pen-
dant la vieillesse ; blanc dans le jeune âge, passant
ensuite au brun foncé. Dans les bois peu cou-
verts et les prairies en automne.
Moiissero7i. — Chapeau d'abord arrondi et con-
vexe, puis en cloche, pas de collerette, stipe court,
odeur musquée ; croît au printemps par groupes
dans les terrains incultes et les prairies. Très
commun dans l'ouest et le midi de la France.
Agaric atténué. — Chapeau conique, stipe élargi
à la base, lames adhérentes à la base, brun fauve
clair. Sur les vieux saules ou les peupliers, dans
le midi de la France.
Agaric délicieux. — Chapeau convexe, légère-
ment redressé s'ir ses bords, couleur jaune ou
rouge brique clair ; laisse échapper, quand on l'in-
cise, un suc laiteux d'une saveur douce, puis acre,
croît dans le midi, dans les bois montueux.
Lactaire doré (dit î;«cAedans les Vosges). — Pro-
duit un suc laiteux, amer, qu'ii répand quand on
le casse ; chapeau concave jaune, devenant rouge
plus tard, ressemble beaucoup à l'agaric meurtrier
quand il vieillit.
CHARBON
— 368 —
CHARBON
Agaric annulaire (vénéneux). — Ce qui permet
de le distinguer, c'est qu'il croît par touffes de
trente ou cinquante dans les bois, sur les vieilles
souches ou en terre; son chapeau est convexe,
son stipe avec collerette en entonnoir, sans volva,
lames sèches.
L'agaric meurtrier (vénéneux) ressemble à l'a-
garic déhcieux dont il diffère par les bandes fon-
cées qui tranchent sur la couleur générale du
chapeau, et par son odeur désagréable.
Vagariccaustique {vénéneux). —Chapeau un peu
déprimé au centre (ombilic), et gris ou jaune livide,
stipe cylindrique et fauve, lames inégales écartées
et rouges gorgées d'un suc laiteux, doux d'abord,
puis acre.
Agaric émétique (vénéneux'. — Chapeau aplati
ou déprimé, recouvert d'une pellicule ; stipe sans
collerette, lames égales, sèches, non latescentes.
Nous n'avons fait ces comparaisons des agarics
que pour montrer combien il est difficile de don-
ner des caractères faciles pour reconnaître les
champignons comestibles des vénéneux. La prati-
que seule peut donner de l'assurance, et dans
chaque région, chacun peut avoir des connaissan-
ces pratiques qu'il serait imprudent d'employer
ailleurs. Nous ne saurions donc trop engager à la
plus grande prudence dans les récoltes de ces
cryptogames.
On est loin d'être fixé sur la nature des princi-
pes vénéneux contenus dans les plantes qui nous
occupent ; sans doute il n'est pas le même pour
toutes. Par exemple, les agarics vénéneux peuvent
entraîner la mort au bout de trois ou cinq jours,
après des vomissements, des envies trompeuses
d'évacuer et des douleurs stomacales. Les oronges
fausses sont des poisons stupéfiants, et le sommeil
qu'ils causent est tellement invincible, qu'il est
quelquefois impossible de réveiller le malade pour
lui administrer le contre-poison. En attendant les
secours du médecin qui ordonnera le remède con-
venable, il faut éviter d'administrer au malade
de l'alcool, de l'éther ou de l'eau salée ou vinai-
grée, substances qui hâtent les effets du poison.
Parmi les champignons comestibles dont nous
n'avons pas encore parlé, citons enfin l'oronge, la
chanterelle et le lolet. — h'oronge assez voisine des
amanites est enveloppée jeune, dans une volva blanche
aie chapeau d'un beau rouge et est d'une blancheur
parfaite intérieurement; la fausse oronge lui res-
semble beaucoup, seulement la volva est incomplète
dans cette dernière, et laisse des débris qui mar-
brent de blanc le chapeau ; la fausse oronge est des
plus vénéneuses. Là chant erelle . connue suivant les
localités sous les noms différents de: chevrette, che-
veline, GiraudetJeannelet, crête de coq, etc., sere-
connaîtà la couleur d'un beau jaune de son chapeau à
bords très relevés et à forme d'entonnoir profond.
Enfin, les bolets dont le plus estimé est le cèpe, com-
prennent des espèces comestibles et des espèces
vénéneuses. Le bolet comestible a le chapeau uni,
lisse, ondulé sur ses bords, souvent rouge brique
plus ou moins brun, le stipe est iaune marqué de
taches brunes ; il pousse dans les clairières des
environs de Bordeaux en été et ne se montre ja-
mais sur les souches des arbres.
C'est du bolet amadouvier qui croît sur le chêne
que l'on obtient Yamadou. Quand on a recueilli ce
champignon, on le fait bouillir dans une solution
de salpêtre, puis on le sèche, et on le bat afin de
l'assouplir. [G. Philippon.]
CHANSON. — V. Poésie.
CHANT. — V. le môme mot dans la Jr* Partie
et Musique dans la II« Partie.
CHARBON. — Nous groupons sous ce nom
usuel les notions très diverses qui se l'apportent à
ce corps et à ses principaux compostas en classant
ces notions d'après les différentes sciences physi-
ques et naturelles auxquelles elles appartiennent.
1- Le Carbone. — Chimie, IV et XXL — En chi-
mie, le charbon pur, à l'état de simplicité et de
pureté parfaite, s appelle carèone (du latin carbonem,
charbon}.
Le carbone est un corps tellement répandu dans
la nature, si variable dans ses formes, si riche en
combinaisons, si multiple d'aspects, si important à
tous égards dans les trois règnes qu'on a pu dire
avec raison : faire la chimie du carbone, ce serait
faire la chimie organique tout entière et de plus
une grande partie de la chimie minérale.
Il importe donc de donner même dans l'ensei-
gnement primaire des notions sommaires mais
justes sur ce vaste et intéressant chapitre de la
science.
Différents états du carbone. — Carbone cris-
tallisé : 1° Diamant. — Le carbone absolument
pur ne se trouve sur la terre qu'en infiniment
petite quantité : c'est le diamant. Cette substance
minérale a fait de tout temps l'admiration des
hommes par son éclat, par sa dureté, par son inal-
térabilité, mais sa véritable nature n'est connue
que depuis la fin du siècle dernier. Lavoisicr re-
marqua le premier que le diamant brûlant dans
l'oxygène produit un dégagement d'acide carboni-
que, mais il ne savait pas encore s'il se trouvait
dans le diamant autre chose que du charbon. C'est
Humphrey Davy qui démontra que le diamant
n'est autre chose que du carbone, en mesurant la
quantité d'acide carbonique produite par la com-
bustion du diamant dans l'oxygène. Aujourd'hui
l'on sait que le diamant n'est que le carbone cris-
tallisé. Quand, où, comment, par suite de quelles
circonstances géologiques le carbone a-t-il pu dans
certains cas prendre au sein de la terre cette
forme cristalline merveilleusement transparente,
acQuérir cet éclat extraordinaire, et devenir le plus
dur de tous les corps connus ? C'est ce que la science
n a pas encore découvert, ne découvrira peut-être
jamais.
Une fois cette identité reconnue entre le charbon
et la plus rare de toutes les pierres précieuses,
la première idée devait être de chercher s'il ne
serait pas possible de produire artificiellement le
diamant à l'aide du charbon. Que d'essais ont été
faits soit par les savants, à l'aide des méthodes les
plus rationnelles, soit par des empiriques procédant
presque à tâtons ! On est bien parvenu à changer
le diamant en charbon, et même en véritable coke,
mais non pas à changer inversement le charbon
en diamant.
2° Graphite. — Le graphite est une autre forme
de carbone cristallisé. On sait que le fer en fusion
jouit de la propriété de dissoudre le charbon. S'il
en a dissous une petite quantité, il la conserve en
se refroidissant et devient de l'acier ou de la
fonte. S'il en a au contraire beaucoup absorbé et si
on laisse la masse en fusion se refroidir lentement,
le charbon se sépare et vient à la surface se soli-
difier en cristallisant sous forme de lames noires
et brillantes : ce n'est plus du charbon commun,
c'est du graphite, corps qui tout en ayant presque
l'éclat d'un métal, est assez mou pour laisser une
trace sur le papier par une légère pression.
La plombagine est une variété de graphite en
paillettes très fines, dont on se sert pour faire les
crayons dits à mine de plmb. Il est à noter que
malgré ce nom, la plombagine ne contient aucune
trace de plomb.
Carbone non cristallisé. — Parmi les innombra-
bles ^rmes sous lesquelles se présente le carbone
amorphe, il n'est besoin que de citer les plus con-
nues. Elles diffèrent entre elles chimiquement par
la nature ou la proportion des corps étrangers qui
s'y trouvent unis au carbone pur Toutes ces es-
pèces de charbon proviennent de la calcinaiion ou
de la combustion incomplète de matières soit végé-
tales, soit minérales.
CHARBON
369 —
CHARBON
Le charbon de bois est celui dont la production
ost le plus simple, celui par conséquent qui peut
servir d'exemple, de point de départ dans l'ensei-
gnement élémentaire.
Il est facile de faire comprendre comment on le
fabrique en grandes quantités dans les forêts en
faisant des meules ou tas de bois, en les recou-
vrant de terre sauf de petites ouvertures pour lais-
ser passer l'air, en les enflammant ensuite et en les
laissant brûler lentement. L'art du charbonnier
€st de savoir graduer le feu, qui doit être tantôt
très vif, tantôt très modéré, de pousser la combus-
tion juste à point, de surveiller les fissures qui in-
troduiraient trop d'air, d"en ouvrir s'il y avait dan-
ger d'explosion, de ménager convenablement les
soupiraux, de faire que la combustion soit égale
dans toutes les parties de la meule, etc.
Le charbon est d'autant plus compacte que le
bois qui l'a fourni esi plus dur et dun grain plus
serré. Sa densité est généralement proportionnelle
à celle du bois. En réalité elle est ordinairement
de 2 par rapport à celle de l'eau, mais comme le
charbon est très poreux, l'air qu'il contient le fait
surnager et il semble plus léger que l'eau.
2. Charbon de terre; lignite, anthracite, coke,
€tc. — Géologie, VL — V. Houille.
3. Tourbe. — Tandis que la houille est le pro
duit de la carbonisation complète d'une masse
énorme de végétaux accumulés sous terre et re-
montant à une lointaine époque géologique, il s'est
formé dans les terrains les plus récents, et il se
forme encore de nos jours dans certaines régions
marécageuses, des dépôts analogues de végétaux
aquatiques pour la plupart, qui ne se carbonisent
qu'incomplètement : c'est la tourbe. Elle se pré-
sente sous la forme d'une matière noirâtre ou
brune, d'une texture spongieuse, tantôt compacte et
homogène, si on l'a prise au fond de la tourbière,
tantôt irrégulière et mêlée de terre, de racines, de
tiges, d'écorces encore reconnaissables, quand elle
piovient des couches supérieures où la décompo-
sition des végétaux est moins avancée. Ce com-
bustible, dont la qualité peut varier beaucoup, brCde
avec une ardeur particulière et laisse toujours un
abondant résidu terreux.
Les tourbières les plus anciennes sont quelque-
fois recouvertes d'un terrain solide : ainsi beau-
coup de riches pâturages de la Normandie repo-
sent sur une couche de limon et de sable au-des-
sous de laquelle sont des tourbières. Le plus sou-
vent les tourbières restent pendant longtemps
presque à nu ou recouvertes d'une croûte mince
qui leur donne l'apparence du sol ferme, mais qui
se brise sous les pieds. Les tourbières les plus
considérables de la France sont celles de la vallée
de la Somme ; il y en a aussi dans le bassin de l'Oise
et près de l'embouchure de la Loire. Les plus
vastes de TEuropïï sont celles des plaines basses
de l'Allemagne du Nord.
Propriétés physiques et chinv'ques du charbon sous
ses différentes formes. — 1° En laissant de côté le
diamant et le graphite, la propriété essentielle et
le principal usage de tous les charbons est de pro-
duire de la chaleur et d'être employés comme
combustibles.
Les charbons les plus légers sont ceux qui pro-
duisent le moins de chaleur, mais ceux aussi qui
s'allument le plus aisément. Tout le monde sait
qu'un brasier de coke chauffe plus à volume égal
qu'un brasier de charbon de bois. La raison en est
d'abord que le coke est plus dense que le char-
bon de bois, mais aussi que le charbon de bois en
brûlant dégage de l'acide carbonique et de l'oxyde
de carbone ^V. ci-dessous), tandis que le coke ne
produit que de l'acide carbonique, et ce dernier
gaz en «e formant produit environ cinq fois plus
de chaleur que l'autre.
2" Une autre importante propriété physique du
2e Partie.
charbon est son pouvoir absorbant : il est d'autant
plus fort que le charbon est plus poreux et plus
divisé. Le noir animal, le charbon de bois, la
braise possèdent cette propriété au plus haut degré.
Le charbon de bois calciné et refroidi dans le vide
pourrait absorber 1 fois son volume d'azote, 9 fois
d'oxygène, 55 fois d'acide sulfhydrique, 65 fois
dacide sulfureux, et plus de 80 fois son volume
d'acide chlorhydrique ou de gaz ammoniac.
Le charbon n'absorbe pas seulement les gaz, il s'as-
simile aussi certaines substances solides, telles que
les matières colorantes, ce qui le fait employer dans
les raffineries de sucre pour clarifier et décolorer
les sirops, dans les fontaines, les réservoirs d'eaux
potables, sur les navires comme filtre pour purifier
l'eau, dans les fabriques d'engrais chimiques
pour enlever aux matières fécales leur mauvaise
odeur, etc. Une expérience curieuse montre jus-
qu'où va cette propriété d'absorption : on peut
enlever à une décoction de quinquina ou d'ab-
sinthe son amertume en y laissant séjourner du
charbon ; on peut ensuite, en faisant bouillir ce
charbon dans un liquide approprié, lui retirer les
principes dont il s'est imprégné.
C'est encore cette même propriété qui fait
que le charbon exposé à l'air humide pèse beau-
coup plus que le charbon tenu au sec. Si l'on
soumet brusquement à une très haute chaleur
ce charbon imprégné d'humidité, l'eau qui s'y
trouve se décompose, il se produit difiérents
gaz combustibles, qui s'enflamment aussitôt en
donnant lieu à un fort accroissement de chaleur.
C'estce qui explique en particulier pourquoi, dans
un incendie, une quantité d'eau insuffisante tom-
bant sur des poutres brûlantes semble aviver le
feu plutôt que l'éteindre.
3" Les propriétés chimiques du charbon n'ont
pas moins d'importance. Nous venons déjà d'en
i.ndiquer une en parlant de cette décomposition
de l'eau parle charbon, au rouge. Il décompose de
môme, et aussi pour s'emparer de leur oxygène,
tous les acides (sauf les acides borique et siiicique),
la plupart des oxydes métalliques et plusieurs au-
tres composés oxygénés. Son affinité pour l'oxy-
gène le fait employer sans cesse comme l'éducteur
soit en chimie soit en métallurgie.
4° L'affinité du carbone pour quelques autres
métalloïdes donne lieu aussi à diverses applica-
tions industrielles. Il faut connaître surt<iut ses
combinaisons avec le soufre* (W. ci-dessous su fure
de carbone], avec le chlore* il existe aujourd'hui
une série nombreuse de chlorures de carbone),
avec l'azote* (d'où le cyanogène* et les divers cya-
nures).
5° Parmi les métaux, il en est un dont les com-
binaisons avec le carbone ont une importance ca-
pitale dans l'industrie moderne ; nous n'avons ici
qu'à nommer la fonte ; nous en parlerons plus
amplement au mot Fer.
G° Il resterait à traiter du carbone dans la chi-
mie organique, mais on ne pourrait le faire, ici ou à
des mots tels qu'azote, hydrogène, etc., qu'en
renvoyant sans cesse des uns aux autres et de tous
au mot Chimie organique. C'est à ce dernier ar-
ticle que nous résumons les notions qui partout
ailleurs ne pourraient qu'être éparses.
2. Composés minéraux du carbone. — Chimie,
IV et XV.
I. Co-MPOsÉs BINAIRES. — 1" Voxydc de carlone.
— Gaz formé par la combinaison d'un équivalent
de carbone avec un d'oxygène = CO. Il se produit
lorsque le charbon brûle incomplètement ou,
ce qui revient au même, que l'air se trouve en
contact avec un excès de charbon. C'est un gaz ino-
dore et incolore ; mais on le reconnaît quand il
brûleàl'airpar cette légère flamme bleu clair qui se
promène sur un brasier qu'on vient de recharger
de charbon de bois.
24
CHARBON
— 370 —
CHARBON
L'oxyde de carbone est un poison très énergi-
que. Un centième de ce gaz dans l'air suffit à
tuer instantanément un oiseau. Il suffit aussi d'une
très faible proportion pour asphyxier l'homme.
Même quand la dose n'est pas assez forte pour
empoisonner, la « vapeur de charbon », comme
on l'appelle vulgairement, produit du moins des
maux de tète et un malaise qui en se prolongeant
peut devenir faul. Les fourneaux au charbon de
bois, dont la fumée ne se dégage pas directement
sur une cheminée, les braseros et les réchauds,
les chaufferettes garnies de braise mal éteinte,
les fourneaux de repasseuses sont particulièrement
sujets à produire de l'oxyde de carbone en quan-
tité suffisante pour compromettre la vie ou la
santé. On sait combien d'asphj^ies n'ont eu d'au-
tre cause que la présence d'un réchaud dans une
chambre trop bien fermée.
2' Acide carbonique. — C'est une combinaison
plus oxygénée que la précédente (deux équi-
valents d'oxygène avec un de carbone, CO'^). C'est
aussi, à la" température ordinaire, uu gaz ; il
se produit, à la différence de l'oxyde de carbone,
quand le charbon brûle librement dans l'air ou
dans l'oxygène.
A l'état gazeux, l'acide carbonique est incolore
et à peu près inodore ; il a pour densité 1,5 ;
lin liti'e de ce gaz à zéro, sous la pression 0"»',';6,
pèse 1^%077. Ce gaz est donc sensiblement
plus lourd que l'air. Il en résulte que dans
un lieu parfaitement clos, l'acide carbonique
tend à se déposer à la surface du sol, et à y former
une sorte de couche plus ou moins épaisse, à la-
quelle l'air, plus léger, ne se mêle presque pas.
C'est ce qui explique le curieux phénomène de la
Grotte du Chien, près de Naples, où a lieu un
dégagement considérable d'acide carbonique. Un
homme peut impunément s'y tenir debout, il
ne pourrait s'y coucher ; un chien de moyenne
taille y est asphj'xié. Avec un peu de précaution,
on peut transvaser de l'acide carbonique d'une
éprouvette dans une autre à l'air libre.
On reconnaît aisément l'acide carbonique : un
jet de ce gaz, ou seulement quelques bulles dirigées
sur un verre plein d'eau de chaux, le troublent
immédiatement.
L'acide carbonique peut se liquéfier sous une
pression de :îO atmosphères à 0», ou de 1« atmo-
sphères à iJO" au-dessous de zéro. Faraday a le pre-
mier obtenu cette liquéfaction.
Thilorier est parvenu à le solidifier en flocons
blancs comme de la neige, en utilisant le froid
très intense que produit le retour à l'état gazeux
de l'acide carbonique dissous.
Ce froid devient plus intense encore si l'on
mélange l'acide carbonique solide avec de l'éther;
il peut dépasser 100 degrés au-dessous de zéro.
On emploie aujourd'hui ce mélange réfrigérant
pour solidifier les gaz et pour différentes applica-
tions industrielles. Mis en contact avec la peau,
un de ces petits flocons d'acide carbonique produit
une ampoule comme une brûlure.
La préparation de l'acide carbonique dans les
laboratoires est des plus simples. On n'a qu'à
mettre des morceaux de craie (carbonate de chaux)
dans un acide étendu d'eau : acide sulfurique, chlo-
rbjdrique, acétique. L'acide décompose le sel et
se substitue à l'acide carbonique qui se dégage
sous forme de bulles gazeuses faciles à recueillir.
Dans la nature, l'acide carbonique existe à l'état
libre. L'air en contient ordinairement 0,000 i de
son poids. Les volcans et certaines fissures des
terrains volcaniques en dégagent. Comme ce gaz
est très soluble dans l'eau, presque toutes les eaux
potables en contiennent une petite quantité. Cer-
taines eaux gazeuses lui doivent leur saveur aci-
dulée et les innombrables petites bulles qui les
font mousser comme l'eau de Seltz ou le vin de
Champagne. Comme l'eau absorbe autant d'acide
carbonique qu'il en pénétrerait dans l'espace
qu'elle occupe si elle n'y était pas, plus la pression
du gaz lui-même augmente, plus forte est la quan-
tité dissoute : c'est pour cela qu'on prépare d'ordi-
naire les eaux gazeuses artificielles sous la pres-
sion de ;') atmosphères : elles s'éventent si on les
ramène à l'air libre, c'est-à-dire qu'elles ne con-
servent que la dose d'acide carbonique qui existe
à la pression ordinaire dans l'air et dans l'eau.
Le rôle de l'acide carbonique dans les organis-
mes vivants est considérable, et il a donné lieu à
de savantes études.
En principe toute combustion produit un déga-
gement d'acide carbonique : la respiration des
animaux n'étant autre chose qu'une incessante
combustion, rejette dans l'atmosphère une énorme
quantité de ce gaz. Mais il y est repris par les vé-
gétaux qui l'absorbent et dont les parties vertes,
sous l'action du soleil, fixent le carbone et rendent
l'oxygène à l'air. C'est ce qui a fait dire que les
forêts par exemple purifient l'air (sur la nature
précise de ce phénomène, V, Végétal et Atmo-
sphère).
Dans un local clos, la respiration d'un grano
nombre de personnes suffit au bout de peu d'Jieu-
res à produire une proportion d'acide carboniqut-
dangereuse pour la santé et pouvant aller jusqu'à
produire Y asphyxie ; une classe non ventilée et où
des enfants ont passé trois ou quatre heures con-
tient un air chargé, entre autres produits irrespi-
rables, d'acide carbonique.il en est de même d'une
salle où l'on a enfermé pendant la nuit un certain
nombre de plantes. Dans les deux cas un mal de
tête plus ou moins fort est le premier indice qui
avertit du danger.
Cependant, à la différence de l'oxyde de carbone,
l'acide carbonique n'est pas par lui-même un gaz
délétère. Il ne nuit que parre qu'il est impropre à
la combustion et partant à la respiration. Une
bougie allumée qu'on, plonge dans une éprouvette
remplie d'acide carbonique s'y éteint aussitôt.
On peut faire une expérience saisissante pour
prouver à la fois le dégagement d'acide carbonique
dans la fermentation alcoolique et l'inconvénient
de s'y exposer sans précautions. On n'a qu'à placer
au-dessus de la cuve en fermentation un vase
quelconque, un arrosoir par exemple, de façon à
recueillir une partie du gaz qui s'y produit, et en
penchant cet arrosoir comme s'il contenait de l'eau
sur des bougies allumées, on les éteindra tou-
tes à l'instant même.
Z" Sulfure de carbone, CS^. — En faisant brûler
du charbon dans de la vapeur de soufre, on ob-
tient un dégagement de vapeurs produites par la
combinaison d'un équivalent de carbone contre
deux de soufre. En se refroidissant ces vapeurs
deviennent un liquide incolore, d'une odeur ca-
ractéristique et désagréable, très réfringent, très mo-
bile, dont la densité est de 1,27 à la température
ordinaire, qui bout à -f- 46° et qui s'évapore en
produisant un froid considérable (on se sert d'un
jet de sulfure de carbone en chirurgie pour pro-
duire un froid qui rend momentanément insen-
sible une partie du corps). A l'état gazeux, le
sulfure de carbone est très inflammable.
On s'est servi, on se sert encore de sulfure de
carbone pour détruire les charançons dans le blé,
les insectes microscopiques de la vigne, etc.
Comme il a seul la propriété de gonfler et au
besoin de dissoudre le caoutchouc, on l'emploie
pour la fabrication du caoutchouc vulcanisé ; mais
les vapeurs en étant très délétères, il faut des ate-
liers spéciaux et de grandes précautions pour ne
pas compromettre gravement le santé des ouvriers.
■4° Carbures d'hydrogène ou hydro-carbures. —
V. Eclairage et Gaz d'éclairage.
II. Composés ternaires : sels. — Les carbonates
CHARBON
— 371
CHARBON
sont les sels formes par l'acide carbonique et une
base telle que la chaux, la soude, les oxjdes de
plomb, de fer, etc.
On les reconnaît tous à la propriété qu'ils ont
de faire effervescence quand on verse sur eux un
acide un peu fort : cette espèce de pétillement
résulte du dégagement vif de l'acide carbonique.
Les carbonates sont en général facilement dé-
composables, l'acide carbonique n'ayant pas une
très forte affinité pour les bases.
Sauf trois exceptions (carbonate d'ammoniaque, de
potasse et de soude), les carbonates sont insolu-
bles dans l'eau pure. Mais plusieurs se dissolvent
notablement dans de l'eau chargée d'acide carboni-
que ; au contact de l'air, l'acide carbonique se
dégage peu à peu et le carbonate se dépose : de là
les phénomènes d'incrustation qui se manifestent
dans .certaines eaux saturées d'acide carbonique.
La soude et quelques autres bases forment plu-
sieurs carbonates ; le bicarbonate de soude est
employé comme médicament dans les maladies
d'estomac.
Le carbonate de chaux est un des corps les plus
répandus dans la nature : le marbre, les calcaires,
la craie, le spath d'Islande, sont des formes di-
verses du carbonate de chaux ; on a été jusqu'à
dire qu'il forme peut-être la moitié de la croûte ter-
restre. Soumis à la calcination, ce sel abandonne
son acide carbonique, mais calciné en vase clos, il
fond sans se décomposer, et produit en se refroi-
dissant ce qu'on nomme les marbres artificiels,
'V. Chaux.)
Pour les carbonates formés d'oxydes métalliques,
voyez les noms des métaux correspondants.
4. Composés organiques. — V. Chimie organique
et les mots auxquels cet article renvoie.
Lectures et dictées. — Le diamant. — Le diamant
est le plus dur de tous les corps, il les raie tous
sans exception et ne peut être usé que par sa
propre poussière. La taille des diamants est une
découverte du quinzième siècle : elle est attribuée
à un Flamand nommé Louis de Berquem ou Ber-
ghem, qui fit hommage à Charles le Téméraire du
premier diamant taillé. On commence par le dé-
grossir en enlevant des éclats suivant la direction
de ses faces naturelles, puis on en achève la
taille en le frottant avec une sorte de paie com-
posée de poudre de diamant agglutinée dans de
l'huile d'olive ; cette pâte s'appelle égrisée.
On donne le nom de brillants aux diamants
taillés de manière à offrir une double pointe, et
montés sur un anneau qui les laisse traverser
complètement par la lumière ; on donne celui de
roses aux diamants qui n'offrent pas une double
pointe et qui sont montés à plat sur une plaque.
La lumière, en se jouant dans le diamant, pro-
duit des feux bien plus vifs avec les brillants
qu'avec les roses.
Le diamant est ordinairement sans couleur : il
en est cependant de noirs, de jaunes, appelés
hyacinthes ; de verts, de roses, qui sont très re-
cherchés. Les diamants ont d'autant plus de va- ^
leur qu'ils sont plus gros, plus exempts de toute
gerçure intérieure, d'une plus belle eau, et qu'ils
jettent, grâce à la taille, de plus beaux feux.
Le gisement primitif du diamant est encore in-
connu, j
On le trouve dans les sables de certains mis- i
seaux de l'Inde (royaumes de Visapour et de Gol- 1
conde, Bengale), au Brésil, dans les monts Ourals.
Il y est toujours enveloppé d'une robe terreuse,
qu'on appelle gangue, et qui le rend difricile à
distinguer des autres cailloux. On détourne le
cours d'eau, on enlève les sables, et on les lave
sur des planchers en bois inclinés qui présentent
des rainures transversales, ou bien sur des peaux
garnies de leurs poils. Les diamants arrêtés par .
les poils ou les rainures sont dépouillés de leur
gangue par un lavage.
Le poids des diamants s'évalue en carats; le
carat pèse 21:; milligrammes. Lorsqu'ils ne sont
pas taillés, leur valeur en francs s'obtient ordi-
nairement en multipliant le nombre de carats par
lui-même, puis ce produit par 48 : ainsi un dia-
mant brut de 4 carats vaudrait 16 fois 48 francs,
ou '68 francs. Un diamant taillé vaut, à poids
égal, environ quatre fois autant. Toutefois, lors-
qu'un diamant dépasse un poids de 7 à 8 carats,
sa valeur n'est plus fixée par aucune règle.
Les diamants les plus célèbres sont : celui du
Grand-Mogol, qui pèse 57 grammes et est estimé
12 millions de francs; il est mal taillé. Celui de
l'empereur de Russie, qui pèse 40 grammes ; il a
été acheté par Catherine II, en 1772, à un juif, qui
le lui a vendu 2,250,0ijr, francs, avec une rente
viagère de luO,00;i francs. Le Régent de la cou-
ronne de France pèse 136 carats (27", 88) ; il a été
acheté 2,250,000 francs, et vaut certainement plus
du double : c'est un des diamants les plus beaux
que l'on connaisse, non point par sa grosseur,
mais par sa pureté, et par la perfection de sa
taille. Tout le monde a entendu parler du Ko-y-
nor, ou montagne de lumière jlï2 carats,, appar-
tenant à la reine d'Angleterre.
Le diamant n'est pas seulement un objet de
luxe ; on en fait usage en horlogerie pour servir
de monture aux pivots ; les vitriers l'emploient
monté sur un manche, de manière à ce qu'il pré-
sente une de ses arêtes naturelles pour couper le
verre (Boutet de Monvel).
Le ch'irbon et le dia-nant. — Lequel des deux
est le plus utile à l'homme? Je vais bien vous
étonner en vous disant que je préfère ce charbon
sale et noir à cette belle pierre qui jette tant d'é-
clat, et dont on fait les plus précieux bijoux. Eh
bien, réfléchissez un peu, et vous verrez que
quelque coûteux, quelque recherché que soit ce
carbone pur, ce diamant, il ne constitue pas pour
l'homme, à beaucoup près, un trésor aussi pré-
cieux que ces affreux charbons noirs, que cette
houille sale et commune. C'est du charbon que
nous tirons la chaleur ; c'est à lui que nos rues
doivent leur éclairage ; c'est en outre le charbon
qui sert à préparer le fer, le plus précieux de tous
les métaux. Sans le charbon, plus d'usines, plus
de machines à vapeur ; l'homme en fait son es-
clave docile ; par lui, il impose à l'eau et au fer
les plus durs travaux, ceux que ni l'homme ni l'a-
nimal le plus vigoureux ne pourraient accomplir.
Cherchez les usages du diamant, vous aurez bien-
tôt fini ; mais entreprenez d'énumérer les services
que nous rend sous toutes les formes le charbon,
ce bon compagnon de l'eau et du fer, qui créent
pour l'homme tant de bienfaits ; vous vous arrête-
rez longtemps avant d'en avoir épuisé la liste.
Regardez cette usine à gaz, où le charbon entre
sous la forme de houille. Dans de vastes appareils
savamment disposés, cette houille se laisse en-
lever des gaz, qui, recueillis et distribués dans
des tuyaux, suffisent à éclairer une ville entière. _
C'est assez, direz-vous, pour déclarer que ce vil
charbon est un corps précieux. Mais regardez en-
core : ce résidu, cette masse grisâtre, ces mor-
ceaux irréguliers et boursouflés, vous allez les
jeter comme inutiles? Aon. C'est un excellent
combustible, c'est un autre charbon qui vaut l'au-
tre: c'est le coke, qui chauffera autant que vous le
voudrez vos machines, ou votre foyer, et qui vous
donnera le moyen de façonner à votre gré les mé-
taux. Est-ce tout ? Regardez encore dans ces ré-
sidus que vous méprisiez tout à 1 heure. Si vous
le voulez, on va en tirer par la distillation une
autre substance utile à plus d'une industrie, le
goudron; puis d'auin s encore, et dans le nombre
une merveilleuse matière tinctoriale, l'aniline avec
GHARLEMAGNE
— 372 —
GHARLEMAGNE
sa magnifique couleur violette. Un regard encore,
car vous n'avez pas tout vu ; remarquez-vous dans
l'intérieur de la cornue où s'est distillée la
houille, CCS masses grises très brillantes adhé-
rentes à la paroi, très dures, et ayant presque
l'aspect métallique. Pourquoi arrêter votre atten-
tion sur ce dernier résidu ? C'est le charbon des
coimues, ou charbon métallique, avec lequel on
construit des creusets réfractaires, et qu'on em-
ploie dans la construction des piles électriques.
C'est entre les pointes de deux petits cônes de
ce cliarbon spécial, mis en communication avec une
pile, que se produit cet arc lumineux d'un éclat
éblouissant qu'on appelle la lumière électrique.
Avais-je raison de vous dire que le charbon vaut
plus que le diamant? (D'après la. Bibliothèque des
écoles profes^onnelles.)
CIIAIILE3IAGM:. — Histoire de France, V; His-
toire générale, XVII.
Dans l'espace qui s'étend entre l'antiquité et les
temps modernes, Charlemagne occupe une place
immense. Il se dresse au seuil de l'histoire de
France et de l'histoire d'Allemagne ; les deux puis-
santes nations se réclament de lui comme d'un
fondateur. Son nom, célébré par les trouvères dans
les chansons de gestes, a retenti pendant tout le
moyen âge, et pour lui la légende a servi d'écho à
l'histoire.
Il naquit en 742 et fut couronné roi en 768, à la
mort de Pépin, conjointement avec son frère Car-
loman. Trois ans plus tard la mort de ce dernier
le laissait seul maitre de l'empire franc.
Politique des Carlovingiens. — A cette date, il
n'existait plus en Gaule aucun antagonisme entre
les différentes races. L'élément gallo-romain et
rélément germanique s'étaient si bien pénétrés
qu'il était devenu impossible de les distinguer l'un
de l'autre. La dynastie mérovingienne avait présidé
à cette fusion, sans d'ailleurs y travailler beaucoup.
La dynastie des Carlovingiens, tout nouveliement
installée, avait une autre tâche à remplir. Il lui
appartenait de protéger la société qu'elle dirigeait,
et où la civilisation essayait péniblement de se
reconstruire, contre les brutales poussées de la
barbarie. L'Église, dont elle était depuis Arnulf
et Pépin de Landen l'alliée traditionnelle, lui de-
mandait de réformer son clergé, de la défendre au
dehors contre l'islamisme maître de l'Espagne, et
contre 'e paganisme maître de la Germanie, de
l'aider enfin à reprendre l'offensive et à lancer en
avant ses missionnaires et ses apôtres. Telle était
la politique qu'avait inaugurée avec une énergie
souvent inconsciente Charles-Martel, vainqueur des
Arabes et des Frisons, protecteur do saint Boni-
face, qu'avait suivie, en l'élargissant. Pépin le Bref,
adversaire acharné des Sarrazins au midi, des Fri-
sons et des Saxons au nord, plus tard défenseur atti-
tré du Saint-Siège contre les entreprises lombardes.
Politique de Charlemagne. — Charlemagne av?it
donc, pour ainsi dire, le cadre de son règne tout
tracé. Toutes les guerres qu'il fera ont été com-
mencées ou préparées par ses prédécesseurs.
Seulement il donnera h, ses expéditions un carac-
tère nouveau. Charles et Pépin ont été surtout des
guerriers, il sera un conquérant. Il ne se conten-
tera pas d'une victoire éphémère; il exigera la
soumission complète et définitive du pays où il
combat, il prétendra y installer pour toujours sa ,
domination et en môme temps sa religion. Il ne
se bornera pas à punir les incursions par d'autres
incursions, il voudra assurer l'avenir et rendre les
attaques des barbares désormais impossibles, en
soumettant et en convertissant ces mômes bar-
bares. On pourrait appeler ses guerres des guerres j
préventives.
Portrait de Charlemar/ne. — C'est pour cela que
pendant tout son règne il fut sans cesse en armes
et en mouvement, courant des Alpes au Weser et
du Weser aux rives do l'Ebrc. Actif et infatigable,
la nature semblait l'avoir taillé pour cette rude
besogne. L'empereur « à la barbe fleurie », ma-
jestueux et un peu débonnaire, semble une figure
de fantaisie, imaginée par les poètes. Il faut aussi
laisser de côté les portraits qui le représentent
comme une sorte de géant, capable de fendre en
deux, d'un seul coup d'épée, un cavalier et son
cheval. Si l'on s'en rapporte aux écrivains dignes
de foi et surtout à Eginhard, le témoin et l'historien
de son règne, on peut se faire une idée plus juste
de sa personne. C'était un homme vigoureux, de
taille assez élevée, chargé sur le tard d'un léger
I embonpoint. Buvant et mangeant beaucoup, on
[ robuste chasseur qu'il était, il lui arrivait parfois
de s'attarder à table. Il aimait le grand air, les
exercices violents et, dans les intervalles des ba-
tailles, la poursuite des bêtes fauves. Simple dans
' ses allures, il se couvrait du vieux costume franc,
rude mais commode : autour des jambes, des ban-
delettes entrelacées ; sur le corps, un caleçon et
\ une chemise de toile qu'il recouvrait d'une peau
de bête, ce qu'il fallait pour défier les fatigues et
les intempéries. Tel le virent sans djute les Lom-
I bards, les Saxons et les Sarrasins.
1 Guerre contre les Aquitains et tes Lombards. —
I Du vivant même de son frère Carloman, Charles
avait, eu à combattre les Aquitains. Après les avoir
réduits, il reprit, pour la terminer, une autre
guerre en quelque sorte patrimoniale, la guerre des
liOmbards. Le roi lombard Didier, comme autrefois
Astolphe, était en lutte avec le pape. Charles in-
tervint d'abord par la voie des négociations, puis
par les armes. Deux corps de troupes franques
franchirent les Alpes et se réunirent dans la vallée
de la Doire, écrasant entre eux l'armée lombarde.
Didier, avec les débris, se jeta dans Pavie, sa
place forte. Il comptait gagner du temps, éloigner
son vainqueur. Mais Charles voulait en finir. La
ville, étroitement bloquée, dut ouvrir ses portes.
Didier, prisonnier, fut envoyé au monastère de
Corbie ; la monarchie lombarde avait vécu.
Les ducs, chefs militaires qui exerçaient dans le
centre et le sud de la Péninsule une autorité à peu
près indépendante, conservèrent d'abord l'ur pou-
voir. Mais l'un d'entre eux, Rotgaud, qui aspirait
au titre de roi, les entraîna en 77G dans une insur-
rection générale. Charlemagne quitte aussitôt la
Saxe et, malgré l'hiver, accourt en Italie. Au mois
de mai tout était fini, la révolte était domptée.
Partout, excepté dans le sud, des ducs et des
comtes francs remplacèrent les chefs lombards.
En 780, Charlemagne organisa pour son fils Pépin
le royaume d'Italie, et pour son autre fils Louis,
le royaume d'Aquitaine. Mais il conserva pour lui
le titre de roi des Lombards, et continua d'exer-
cer sur les nouveaux États une surveillance vigi-
lante.
Guerre de Saxe. — Quand Charlemagne marcha
contre Didier, les hostilités avaient déjà commencé
entre le Rhin et le Weser. On peut dire que la
guerre de Saxe fut la grande affaire du règne. Elle
dura vingt-tr.iis ans et comprit dix-huit expédi-
tions distinctes. Interrompue par d'autres guerres,
coupée de trêvos, de pacifications apparentes, elle
recommençait subitement. Des deux côtés elle
fut implacable : les Saxons égorgeaient et incen-
diaient, les Francs par représailles massacraient et
ravageaient. Cette lutte acharnée ne cessa que par
le complet épuisement de l'indomptable Saxe.
Les Saxons occupaient entre le Rhin et l'Elbe
le pays tout couvert de forêts et de marécages où
s'étaient égarées tant de fois les légions romai-
nes. Pendant que les Francs s'établissaient m
Gaule et se laissaient pénétrer par une sorte de
civilisation relative, les Saxons demeurés station-
naires avaient conservé la religion, les institu-
tions et surtout les mœurs farouches do la vieille
CHARLEMAGNE
373
CHARLEMAGNE
Germanie. Ils pratiquaient dans les bois les rites j liances, conduire des expéditions quelquefois heu-
mystérieux de leurs ancêtres et adoraient l'arbre reuses. Il établit au delà des monts deux marches
géant qu'ils appelaient l'Irminsul. Leurs ethelings ou comtés-frontières, Tune dans ce qu'on appelle
ou nobles, leurs freilmgs ou hommes libres, leurs
iassen ou colons formaient une solide et immua-
ble hiérarchie sociale. Depuis des siècles, les uns
commandaient, les autres obéissaient. Peu de cul-
ture, point d'industrie, la chasse et la guerre
étaient les moyens d'existence préférés. Les ban-
des d'aventuriers partaient en campagne, détrui-
saient ou pillaient et revenaient chargées de butin.
Pour la Gaule à peine remise des invasions, c'é-
taient là d'incommodes et dangereux voisins.
I" période de la guerre (772-777). — Dès le dé-
but, la guerre eut ie caractère d'une lutte de re
actuellement les provinces basques, l'autre dans ce
qui est devenu la Catalogne.
2' période de la guerre de Saxe (778-785). —
Les Saxons, qui avaient paru si soumis à Pader-
born, n'avaient attendu pour reprendre les armes
que l'éloignement de Charlemagne. Soulevés à l'ap-
pel de VVitikind, ils s'avancèrent jusqu'au Rhin en
ruinant tout sur leur passage. Charles les battit à
Bocholt en 779 et s'avança victorieusement jusqu'à
l'Elbe. Il organisa le pays, lançant partout des lé-
gions de missionnaires, essayant de se concilier par
des faveurs les chefs de la noblesse. Mais l'infati-
ligion et de races. Les Saxons avaient brûlé l'église gable Witikind ne lui laissa pas de longs loisirs,
de Deventer dans la Frise, Charles voulut les pu- Aidé des Sorabes, peuple slave qu'il avait entraîné,
nir. Il passa le Rhin près de Mayence, franchit le il détruisit sur les bords du Weser la moitié d'une
Taunus et alla dans le bassin du Weser s'emparer | armée franque. Charles exerça de terribles repré-
d'Ehresburg. Mais pendant qu'il était occupé en | sailles : 4 600 Saxons furent décapités à Verden.
Italie, les Saxons reprenaient ce poste et allaient j Cette sanglante exécution exaspéra les vaincus. Ils
détruire le monastère de Pritzlau, fondation de , firent une résistance désespérée. Enfin Witikind,
Boniface. En 775 Charlemagne entre de nouveau traqué de retraite en retraite, demanda des otages
en Saxe et consacre à cette guerre deux années
consécutives. Battus de tous côtés, les Saxons sem-
blent se soumettre; en 77 7, à la grande assemblée
tenue à Paderborn, ils prodiguèrent au roi des
Francs ce qu'Eginhard appelle « de faux semblants
de dévouement et de dévotion ». Tous les chefs
étaient présents, excepté un seul appelé Witikind
en garantie de sa vie et alla au champ de mai d'At-
tigny recevoir le baptême et jurer fidélité.
Affaires de Bavière. — La Germanie du nord
était domptée, le sud fut troublé par les intrigues
du duc de Bavière Tassillon. Ce prince, ambitieux
et remuant, avait réuni dans une vaste coalition
tous les ennemis de Charlemagne. Il croyait avec
C'est la première fois que ce nom apparaît dans le raison pouvoir compter sur les Saxons ; derrière
récit d'Eginhard. lui s'agitaient les masses redoutables des Avares.
Guerre d'Espagne. — Roncevaitx. — Charlema- En Italie, le duc lombard de Bénévent Aregliis,
gne se trompa à ces apparences et crut pouvoir sûr d'être soutenu par les Grecs, promettait de se
porter d'un autre côté l'effort de ses armes. A Pa- soulever. Mais Charlemagne les prévint. Areghis,
derborn il avait reçu le Wali de Saragosse qui ve- accablé, s'estima heureux de conserver son duché
nait lui demander protection contre le calife de en payant tribut. Tassillon, abandonné par ses pro-
Gordoue. Les gouverneurs musulmans, désireux près sujets, fut condamné par le plaid d'Ingelheim
de se rendre indépendants dans leurs provinces, à finir ses jours dans un monastère,
cherchaient un appui au dehors. Les chrétiens i Fin de la guerre de Saxe. — Quant aux Saxons,
d'Espagne leur avaient conseillé de s'adresser à des mesures extrêmes furent prises contre eux.
Charlemagne. Il était glorieux et avantageux en 10 000, choisis parmi les plus insoumis, furent
même temps de reporter au delà des Pyrénées i enlevés des bords de l'Elbe et dispersés dans la
une guerre qui s'était autrefois étendue jusqu'à la i Gaule et dans la Germanie. Des lois terribles fu-
Loire. On pouvait espérer de détruire la domina- rent appliquées à ceux qui restaient. La peine de
tion musulmane en Espagne. Charlemagne accepta mort frappa non-seulement les rébellions, mais
donc des propositions où la politique et la religion
trouvaient également leur compte. Une grande
expédition fut préparée. Deux armées entrèrent en
Espagne, l'une par les passages des Pyrénées
orientales, l'autre par les passages de l'autre extré-
mité. La jonction devait s'opérer devant Saragosse.
La campagne fut fertile en mécomptes; les prin-
ces musulmans ne voulurent ou ne purent tenir
aussi les délits et les infractions religieuses. Des
comtes et surtout des évêques et des abbés furent
chargés de surveiller la fidélité douteuse et l'or-
thodoxie forcée des nouveaux convertis.
Guerre contre les Avares. — Restaient les Ava-
res. De même origine que les Huns dont ils avaient
recueilli les débris en entrant en Europe, ces tard-
venus de la barbarie menaçaient à chaque instant
leurs promesses; on prit plusieurs places, Pampe- de renouveler les dévastations d'Attila. Répandus
lune, Jacca, Huesca, Barcelone, mais on ne put ', sur les bords du Danube, de la Theiss et du Raab,
prendre Saragosse. Charlemagne fut vite dégoûté ! dans les larges plaines de la Hongrie actuelle, ils
de l'Espagne ; des soins importants l'appelaient , y menaient leur vie à la fois pastorale et guerrière,
d'ailleurs d'un autre côté. I! se mit donc en devoir Point de villes, quelques rings ou camps fortifiés
de repasser les Pyrénées. Dans sa retraite, l'armée ! dont l'un, le ring royal, passait pour inexpugnable,
fut vivement harcelée par les Vascons, vieux ' Leur réputation d'invincibles était leur principale
ennemis de la puissance franque. Il fallut souvent force. Charlemagne hésita quelque temps à les at-
se retourner pour faire face aux bandes de monta- | taquer. Il chercha à négocier, à s'entendre avec
gnards. Un de ces combats d'arrière-garde est
demeuré célèbre. C'est celui où succomba, dans le
val de Roncevaux, le comte des marches de Bre-
tagne, Roland. Les chansons de gestes et la glo-
riole espagnole ont donné les proportions d'une
bataille épique à cette escarmouche (778).
Charlemagne ne se désintéressa pas cependant
eux pour fixer une frontière. Ils refusèrent de rien
écouter. Il fallait leur faire sentir la pointe du
glaive. Deux armées marchèrent à droite et à gau-
che du Danube, une troisième, sur une flottille,
descendit le fleuve. Pépin, arrivant d'Italie, entrait
par rillyrie et la Pannonie. Les Avares ne tinrent
pas dans une seule bataille. Cinquante-deux jours,
complètement des affaires d'Espagne. Il organisa i on leur ravagea leur pays. Les années suivantes, la
d'abord fortement l'Aquitaine, installant partout guerre continua presque sans interruption, Char-
des comtes et des abbés de race franque. Il y con- , lemagne en laissait la conduite à ses fils. En 796,
siitua plus tard un royaume pour son fils Louis le ring royal fut forcé et pillé; les guerriers francs
(781). Le jeune prince, quand il fut parvenu à j revinrent chargés de butin. A ce coup, les Avares
l'âge •d'homme, entretint avec les chefs chrétiens s'humilièrent et consentirent à accepter comme
et musulmans des rapports suivis de guerre ou de limite le Waag. La marche de l'est ou Osterreich
diplomatie. On le voit sans cesse conclure des al- ' fut organisée dans les pays nouvellement conquis.
CHARLEMAGNE
— 374 —
CHARLEMAGNE
Territoires soumis en tan 800. — Vers l'an 800,
les grandes guerres du règne étaient à peu près
terminées. Depuis son avènement, Charlemagne
avait rangé sous la domination franque : au sud-
ouest le midi de la France actuelle, et au delà des
Pyrénées la Catalogne et une partie de ia Navarre ;
au nord les contrées qui répondent au HanovTC, à
la Saxe, à la Silcsie et au Brandebourg; à l'est, la
majeure partie des provinces aujourd'hui autri-
chiennes ; au sud-est, l'Italie presque entière, sauf
le sud du royaume de Naples. Les anciennes limi-
tes de l'empire d'Occident étaient presque partout
atteintes et sur plusieurs points dépassées.
Charlemagne couronné empereur. — Il ne man-
quait plus au conquérant que le titre d'empereur.
L'Eglise, pour laquelle il avait tant fait, se chargea
de le lui donner. En 800, il s'était rendu à Rome
pour mettre la paix entre le pape, les évèques et
les seigneurs voisins; le jour de Noël, comme il
était agenouillé devant l'autel de saint Pierre, le
pape Léon lui posa sur la tète la couronne et an-
nonça au peuple,' qui répondit par des acclama-
tions, la reconstitution de l'empire d'Occident.
Suivant Eginhard. ce fut une surprise gracieuse de
la part du pape. Il est plus probable que la scène
avait été concertée d'avance. L'acte du couronne-
ment avait une trop grande portée politique poux
qu'il n'en fût pas ainsi. Le pape y gagnait d'être
débarrassé de toute sujétion à l'égard de Constan-
tinople; il y gagnait aussi de constituer en Occi-
dent un pouvoir fort et respecté, capable d'abriter
les progrès de l'Eglise. Quant à Charlemagne, il
légitimait par là toutes ses conquêtes, il se revê-
tait du prestige d'un titre encore glorieux; il béné-
ficiait des souvenirs de grandeur que l'ancien em-
pire avait laissés dans la mémoire des peuples.
Aux yeux des Gaulois et des Italiens, de tous les
hommes de langue et d'éducation latines, il cessait
d'être un chef de barbares, il devenait le succes-
seur des Constantin et des Théodose.
Administration de Charlemagne. — Roi des
Francs, Charlemagne a été avant tout un guerrier;
empereur d'Occident, il gouverne plus qu'il ne
combat. Son administration nous est connue par
les témoignages des contemporains et des histo-
riens, et aussi par les Capiiulaires que lui-même a
laissés. Les Capitulaires ne constituent pas un code
de lois, un ensemble régulier : « la plupart ne sont
pas des lois, mais des règlements d'administration,
souvent des instructions adressées aux fonction-
naires, des notes confidentielles échangées entre
le roi et ses délégués..., une sorte de correspon-
dance secrète. » *,
Caractère général de cette administration. —
A ne considérer que les apparences, c'est bien l'an-
cien empire romain qui est restauré au profit de
Charlemagne. Le titre est le même ; les insignes,
le cérémonial et jusqu'aux formules officielles,
tout est remis en usage avec une scrupuleuse
exactitude. Mais là s'arrête la ressemblance. L'au-
torité des empereurs romains, absolue en droit,
avait été illimitée en fait; l'autorité des empereurs
carlovingiens a beau se proclamer sacrée et omni-
potente, il lui faut dans la pratique compter avec
les nouvelles puissances sociales, l'Église et l'aris-
tocratie. Partout, dans les rapports avec l'Église,
dans l'organisation administrative, dans les insti-
tutions militaires et financières, se retrouve cette
contradiction : un pouvoir monarchique se disant
et se croyant absolu, une féodalité laïque et ecclé-
Biastique déjà fortement constituée et maîtresse
de la société européenne.
Rapports avec l'Église. — L'empereur est en
apparence le chef de l'Église. Il s'occupe de son
instruction et de sa discipline. Comme autrefois
Constantin, il convoque et préside dos conciles.
On ne connaît pas d'exemple d'une résistance op-
posée par le clergé aux volontés de Charlemagne.
Mais cette constante docilité s'explique surtout par
l'ascendant personnel qu'exerçait sur les esprits
le grand empereur. En réalité l'Église était dès lors
une puissance formidable, en mesure de s'affran-
chir quand il lui plairait de la tutelle impériale.
Elle possédait une partie du pouvoii judiciaire;
même en matière civile, ses membres ne relevaient
que de ses propres tribunaux. Elle possédait des
biens considérables constitues par les legs et les do-
nations, alimentes par la dîme perçue avec plus de
régularité que les impôts ordinaires. Les ressour-
ces temporelles ne lui manquaient donc pas pour
appuyer, si besoin en était, son autorité spirituelle.
Rapports avec l'aristocratie. Assemblées. — L'em-
pereur est le chef reconnu de l'aristocratie comme
de la nation tout entière. Les assemblées ou plaids
ne se réunissent que sur sa convocation, au temps
et au lieu fixes par lui. C'est toujours lui qui pré-
side et qui décide. Il provoque et dirige à son
gré les délibérations qui ne sont suivies d'aucun
vote. Mais déjà de cette réunion confuse et tumul-
tueuse commence à s'en dégager une autre, com-
posée non plus de tous les hommes libres, mais
seulement des chefs, évêques et abbés, ducs et
comtes. Sous Charlemagne, ce conseil ne donne
que des avis, il donnera des ordres à son succes-
seur. Là encore l'autorité impériale n'est sauve-
gardée que par le respect qu'inspire à tous la
personne du souverain.
Administration centrale et provinciale . —
Comme les empereurs romains, Charlemagne a
son administration centrale composée des digni-
taires de son palais, et son administration provin-
ciale exercée par les ducs et les comtes. Les di-
gnitaires du palais, depuis l'apocrisiaire, à la fois
chapelain et ministre des affaires ecclésiastiques,
jusqu'au bouteillier et au comte de l'écurie, portent
des titres qui semblent révéler une complète dé-
pendance et une véritable domesticité. Mais sous
un prince faible tous ces serviteurs pourront deve-
nir des maîtres. Déjà leurs charges sont des pro-
priétés héréditaires dans les mêmes familles. Dans
les provinces le même abus se produit avec des
conséquences bien plus graves. Les ducs et les
comtes, en droit, sont des fonctionnaires à la nomi-
nation de l'empereur, révocables à son gré, sur-
veillés par les inspections régulières des m.issi do-
minici ou envoyés royaux. Mais en fait ces ducs et
ces comtes sont toujours choisis parmi les fa-
milles considérables du pays. Au pouvoil déjà
redoutable que leur donne l'influence héréditaire
de la richesse, ils ajoutent les attributions exor-
bitantes qui leur sont conférées par délégation
impériale. Ils président les plaids et rendent la
justice, ils lèvent et commandent les soldats, ils
répartissent, perçoivent l'impôt et en emploient
sur place le produit. Une semblable autorité, ina-
movible entre les mêmes mains, transmise régu-
lièrement de père en fils, ne pouvait être bien
longtemps contenue par la vigilance du pouvoir
central.
Service militaire. — Le service militaire était
obligatoire pour les habitants de l'empire. Au
mois de mai le ban était convoqué dans le voisi-
nage de la frontière qu'il fallait défondre ou qu'on
voulait franchir. Chacun devait se rendre à l'appel
avec ses armes, son équipement et ses vivres.
L'usage s'introduisit do ne convoquer le plus sou-
vent que les grands propriétaires, ceux-ci se char-
geant de réunir, d'équiper et d'entretenir leurs
vassaux. C'est déjà le ban féodal. La multitude
des hommes libres ne connaîtra bientôt plus que
ses chefs immédiats.
Les impôts, — Il y avait toujours, comme au
temps de l'empire romain, un impôt direct consis-
tant en un cens territorial et un cens personnel,
et un impôt indirect comprenant les confiscations,
les amendes, les tributs, les droits de douane.
CHARLES
— 375
CHARLES
de péage, etc. Ces impôts étaient perçus par les
pouvoirs locaux et en majeure partie dépensés par
eux sur place. Il n'en revenait presque rien aux
mains de Tempereur.
A la vérité les besoins du pouvoir central étaient
moins considérables qu'on ne pourrait le croire
tout d'abord. Le service militaire et le service ju-
diciaire se faisaient gratuitement, le service admi-
nistratif était payé en terres. L'empereur n'avait
guère à pourvoir qu'à l'entretien de sa maison qui
devait être nombreuse et imposante. Pour ces dé-
penses les revenus du domaine royal suffisaient à
pou près. Mais il fallait qu'ils fussent bien admi-
nistrés, Charlemagne le comprenait bien. C'est
pour cela qu'il veille avec une attention si scrupu-
leuse sur ses propriétés particulières. Les minu-
tieuses recommandations du capitulaire De Villis
ne sont pas seulement le fait d'un propriétaire
entendu, mais aussi d'un politique prévoyant. Pour
avoir négligé ces mêmes précautions, les succes-
seurs de Charlemagne se trouveront un jour sans
ressources et partant sans pouvoir.
Telle était cette administration de Charlemagne,
«difice imposant mais fragile et factice, reposant
sur l'existence d'un grand homme, destiné à crou-
ler à la première défaillance de ses successeurs.
Mouvement littéraire sous Charlemagne. — Voir
i'article Alcuin dans lai" Partie.
Dernières années de Charlemagne. — Dans les
■dernières années de son règne, Charlemagne par-
tage avec ses fils le poids du pouvoir. Il leur donne,
sous sa haute direction, le gouvernement des États
et la conduite des guerres. Il semble vouloir les
exercer à la pratique de l'autorité. En 806, au
plaid de Thionville, il fait entre eux un premier
partage. Au royaume d'Italie déjà existant il ajoute
la Germanie méridionale jusqu'au Danube ; à celui
d'Aquitaine, la Provence et les deux tiers de la
Bourgogne. Charles, l'aîné des princes, a le reste
<les États paternels.
La mort de Pépin en 810, celle de Charles en 811,
laissent pour unique héritier de l'empire le roi
<l'Aquitaine Louis. Charlemagne, au plaid d'Aix-la-
Chapelle, en 813,1e présente et le fait acclamer par
les grands seigneurs ecclésiastiques et laïques.
Lui-même meurt l'année suivante. On raconte que
les derniers temps de sa vie furent attristés par
les incursions de la piraterie normande. A la vue
<le ces barques légères venant insulter les côtes
■de ses États, on dit qu'il versa des larmes, pré-
voyant les futures humiliations de ses débiles hé-
ritiers. Le fait est douteux. Mais de son vivant
même il était facile de prévoir la chute prochaine
de son empire. La barbarie toujours menaçante au
dehors, la féodalité déjà constituée au dedans, dès
que la main puissante du fondateur ne serait plus
là pour les contenir, allaient accomplir leur œuvre
de destruction. [Maurice Wahl]
CHARLES. — Nous complétons par les articles
ci-dessous, consacrés aux principaux souverains de
ce nom, les leçons d'histoire générale et dhistoire
de France dont le numéro d'ordre est indiqué à la
«uiie de chaque nom.
I. ROIS DE FRANCE.
caaarlesl", V. Charlemagne.
CHiarles H, le Cftiauve, — Hist. de France, VI, —
"fils de Louis le Débonnaire et de sa seconde
femme, Judith de Bavière, naquit en 823. Sa mère
exigea que l'empereur remaniât le partage qu'il
avait déjà fait de ses Etats entre ses fils aînés,
Lothaire, Pépin et Louis, pour que Charles eût aussi
une couronne. Son père lui tailla dans les territoires
de l'empire un royaume composé d'une partie de
la Bourgogne, de l'Alémanie, de la Provence, de la
Septimanie et de la Marche d'Espagne. Cet acte
«mena trois révoltes successives des autres fils de
Louis le Débonnaire contre leur père (830, 83-3 et
838). Néanmoins, les droits de Charles à une part
dans l'héritage paternel finirent par être reconnus,
et le traité de 839 régla le partage entre les trois
fils de Louis (Pépin était mort en 838) de la ma-
nière suivante : l'aîné, Lothaire, eut la couronne
impériale, avec l'Italie et tous les pays à l'est du
Rhône, du Jura et de la Meuse, moins la Bavière ;
Charles obtint les provinces situées à l'occident de
cette ligne de démarcation ; et Louis le Germanique
eut la Bavière.
A la mort de Louis le Débonnaire, Lothaire
voulut réduire ses deux frères à l'état de simples
lieutenants, et exigea, dans leurs Etats, le serment
direct des hommes libres. Charles le Chauve et
Louis le Germanique s'unirent contre lui, le vain-
quirent à la bataille de Fontanet (841), et l'année
suivante confirmèrent leur alliance par des serments
échangés près de Strasbourg [Serments réciproques,
le plus ancien monument de la langue romane).
Lothaire céda, et le traité de Verdun (843) consacra
le partage définitif de l'empire carlovingien.
La part de Lothaire eut, à peu de chose près, les
limites déjà fixées par le traité de 839 : ce fut l'I-
talie et une bande de terre comprise entre la
Rhône, les Cévennes, les monts de l'Argonne et
l'Escaut, à l'ouest ; le golfe du Quarnaro, les Alpes,
le Rhin jusque vers Mayence, etleWeser, à l'est.
Les pays à l'ouest de ce territoire furent la part
de Charles le Chauve ; ceux à l'est, la part de Louis
le Germanique.
Ainsi fut constitué pour la première fois le
royaume de France.
Le règne de Charles le Chauve se passa en guerres
continuelles. Il lui fallut lutter pendant de longues
années pour obliger l'Aquitaine à reconnaître son
autorité. Lothaire était mort, et ses Etats ayant été
partages entre ses trois fils : Louis II, qui eut le
titre d'empereur, Charles de Provence et Lo-
thaire II, Charles le Chauve essaya, sans y réussir,
de s'emparer de la Provence, puis du royaume de
Lothaire II ou Lorraine. A la mort de Louis II
(875), il réussit à se faire adjuger l'Italie et la cou-
ronne impériale, et tenta l'année suivante de s'em-
parer encore de l'héritage de Louis le Germanique,
qui venait de mourir; il aurait ainsi reconstitué
l'empire de Charlemagne. Mais il ne réussit pas
dans ce projet; non-seuiement il ne put conquérir
l'Allemagne, mais il fut chassé d'Italie par Carlo-
man, fils de Louis le Germanique, et mourut au
passage du mont Cenis, à l'âge de cinquante-
quatre ans (877).
Il laissait un fils, Louis II le Bègue, qui lui suc-
céda comme roi de France.
Charles le Gros — Hist. de France, VI, — empe-
reur d'Occident, ne figure pas dans le canon des
rois de France ; mais comme il a régné sur notre
pays de 884 à 887, nous devons le mentionner.
Charles le Gros était le troisième fils de Louis le
Germanique, et avait reçu pour sa part d'héritage
le royaume de Souabe (876). Ses frères Carloman
de Bavière et Louis de Saxe étant morts, il se
trouva maître de toute la Germanie, à laquelle il
joignit l'Italie, avec le titre d'empereur (88.2). En
884, la mort de Carloman, fils de Louis II le Bègue,
lui donna encore la régence de la France ; il se trouva
donc avoir réuni sous sa domination tout l'ancien
empire de Charlemagne, moins le royaume de Pro-
vence, dont s'était emparé le duc Boson. C'était la
dernière fois que l'unité de l'empire était recon-
stituée ; mais ce ne fut qu'une réunion éphémère
d'éléments divergents : Charles le Grosse montra
incapable de gouverner ; appelé au secours de
Paris assiégé par les Normands, il ne sut que payer
un tribut aux envahisseurs. En 887 il fut déposé
par les seigneurs à la diète de Tribur, et mourut
dans l'obscurité l'année suivante.
Du démembrement définitif de l'empire carlo-
CHARLES
— 376 —
CHARLES
vingien se formèrent neuf Etats indépendants : la
France, la Navarre, l'Aquitaine, la Bretagne, la
Lorraine, la Provence ou Bourgogne cisjurane, la
Bourgogne transjurane, la Germanie et l'Italie.
Charles III, le Simple — Hist. de France, VII, —
fils posthume de Louis II le Bègue, né en 878,
disputa la couronne à Eudes, duc de France, qui
s'était fait couronner roi en «87, lors de la déposi-
tion de Charles le Gros. Il fut vaincu ; mais à la
mort de son compétiteur, il réussit à se faire
reconnaître comme son successeur (898). Il eut un
règne déplorable, marqué par la cession de la
Neûstrie aux envahisseurs normands (911)» dont
le chef Rollon devint la souche des ducs de Nor-
mandie. En 922, Charles le Simple fut dépossédé
de la couronne par Robert de France, frère d Eudes.
Cetusurpateur ne régna qu'un an; mais Raoul, duc
de Bourgogne, prit aussitôt la place de Robert sur
le trône, et Charles ne put réussir à reconquérir
l'autorité royale. Fait prisonnier par son rival, il
mourut en captivité à Péronne quelques années plus
tard (929), laissant un fils qui devait porter un jour
la couronne sous le nom de Louis IV d'Outremer.
Charles IV, le Bel — Hist. de France, XI, —
dernier fils de Philippe le Bel, succéda à son frère
Philippe V le Long, en vertu delaloisalique (1322).
Son règne ne présente pas d'événements impor-
tants. Il accorda, comme son père, une influence
prépondérante aux légistes. L'empereur d'Allemagne
Louis de Bavière ayant été excommunié par le
pape Jean XXII, celui-ci ofl'rit l'empire au roi de
France ; mais Charles IV mourut au moment où la
querelle du pape et de l'empereur était le plus
violente (1.328). Avec lui s'éteignit la lignée des
Capétiens directs. Il eut pour successeur son cousin
germain, Philippe VI de Valois.
Charles V, le Sage — Hist. de France, XII et
XIII, — fils aîné de Jean II le Bon, prit le titre de
lieutenant- général du royaume lorsque son père
fut fait prisonnier à Poitiers (1-356). Le jeune dau-
phin n'avait rien du tempérament emporté et belli-
queux de son père et de son aïeul ; c'était un
prince de constitution chétive , impropre aux
exploits chevaleresques, qui avait pris la fuite à
Poitiers au lieu de combattre ; mais il avait
l'esprit avisé et souple, habile à négocier et à
tromper. Il était plus lettré que les autres souve-
rains de son temps: delà son surnom de Sage, qui
dans la langue du quatorzième siècle était synonjaiie
de savant. La témérité irréfléchie de ses deux pré-
décesseurs ne leur avait valu que des défaites ; la
diplomatie prudente de Charles remporta des
triomphes peu brillants, il est vrai, mais sérieux et
durables.
Il eut d'abord à défendre l'autorité royale contre
les Etats-Généraux et contre la Commune de Paris,
dirigée par Etienne Marcel; feignant de céder quand
il se sentait le plus faible, promulguant la Grande
Ordo?inance de Réforinatio7i de 1:557 sous la pres-
sion des circonstances, puis la déchirant lorsqu'il
vit ses adversaires divisés grâce à ses intrigues
(V. Guerre de Cent ans et Etats-Généraux^, il
réussit à faire échouer le grand mouvement popu-
laire qui avait failli transformer la France du moyen
âge en une démocratie.
Lorsque le traité de Brétigny (1360) eut rendu la
liberté au roi Jean, au prix d'énormes cessions de
territoire, celui-ci reprit le pouvoir ; mais bientôt
sa mort (i3G4) remit définitivement à Charles les !
rênes du gouvernement. j
Sur le trône, il continua sa politique de prudence
et de ruse, tournant les difficultés au lieu de les
aborder de front. Il se défit des grandes compa-
gnies, bandes de mercenaires armés qui ruinaient j
le royaume, non en les attaquant, mais en les allé- ]
chant par l'appât d'une riche proie et en les envoyant
guerroyer en Espagne, sous Duguesclin. Puis il
travailla à rompre le traité de Brétigny en nouant
des intelligences avec les seigneurs du Midi, ei>
provoquant des révoltes contre les Anglais; et
quand ceux-ci répondirent enfin par une déclaration
de guerre, il les laissa diriger contre ses provinces
expéditions sur expéditions, sans hasarder de
grandes batailles, préférant laisser l'ennemi se fati-
guer et s'user lui-môme en campagnes inutiles.
« Il n'y eut oncques roi de France qui moins s'ar-
mât, disait le roi d'Angleterre Edouard III, et il n'y
eut oncques roi qui tant me donnât à faire. » Las
d'une guerre pareille, les Anglais conclurent une
trêve en 1375. Mais deux ans plus tard, Edouard III
étant mort, et ne laissant pour lui succéder qu'un
enfant, Charles jugea le moment venu de prendre
une énergique offensive ; rassemblant toutes ses-
forces, il fit envahir la Guyenne, et au bout de peu
de temps les Anglais ne possédaient plus en France
que Bayonne, Bordeaux et Calais.
Sur ces entrefaites, Charles V mourut (1380),
ayant réparé par son habileté les désastres de»
règnes précédents, mais laissant sa couronne à un
successeur qui devait voir de nouveaux malheurs
fondre sur la France.
Charles VI, l'Insensé — Hist. de France, XIII et
XIV, — n'avait que douze ans lorsqu'il succéda à son
père, Charles V (1380). Il fut placé sous la tutelle
de ses oncles, les ducs d'Anjou et de Berry, dontle
mauvais gouvernement amena un soulèvement des
Parisiens (révolte des Maillotins). On vit les cités
du nord de la France s'agiter de nouveau comme
au temps de Marcel, et se liguer contre l'autorité
royale et la noblesse avec les puissantes communes
flamandes. Celles-ci, sous la direction de Philippe
Artevelt, bourgeois de Gand, venaient de chasser
leur comte. Les conseillers du roi de France com-
prirent que c'était en Flandre qu'il fallait frapper
la démocratie : Cliarles marcha contre les Gantois
à la tête d'une nombreuse armée de chevaliers, et
les communiers flamands furent écrasés à Roose-
beke (1382). Le roi victorieux se dirigea ensuite
vers Paris ; les Parisiens, consternés par la défaite
de leurs alliés, firent leur soumission; ils furent
punis par des supplices et la perte de leurs privi-
lèges municipaux. Pour la seconde fois, le Tiers-
Etat avait fait une tentative prématurée d'émanci-
pation ; les temps n'étaient pas encore venus.
Durant les années qui suivirent, diverses expé-
ditions furent entreprises contre l'Angleterre et
l'Allemagne; elles éi^houèrent faute d'organisation
sérieuse. Toutefois le jeune roi, devenu majeur,
s'affranchit de la tutelle désastreuse de ses oncles,
et s'entoura de sages conseillers, que les grands
seigneurs appelèrent par dérision les Marmousets.
Mais ce ne fut qu'une courte éclaircie de bonne
administration dans un règne qui devait être une
minorité perpétuelle, vouée à tous les troubles et
à tous les abus, comme à toutes les infortunes.
En 1392, la guerre avait été déclarée au duc de
Bretagne, qui avait donné asile au sire de Craon,
coupable d'avoir tenté d'assassiner le conné-
table Olivier Clisson. Comme Charles VI tra-
versait la forêt du Mans à la tête de son armée,,
un inconnu se jeta à la bride de son cheval en
criant : « Ne chevauche pas plus avant, car tu es^
trahi. » Se figurant qu'il était tombé dans un
piège, le roi devint furieux, et tua quatre hommes
de sa suite : il avait perdu subitement la raison,
qu'il ne recouvra jamais entièrement.
Les oncles de CharlesVI s'emparèrentalors de nou-
veau du gouvernement, et ce fut le duc de Bour-
gogne, Philippe le Hardi, qui y eut l'influence
prépondérante. A sa mort (l40i), le jeune duc
Louis d'Orléans, frère du roi, prit en main la di-
rection des afi"aires; mais le fils de Philippe le
Hardi, Jean Sans-Peur, lui disputa le pouvoir et le
fit assassiner. On vit alors se former deux partis :
celui des Bourguignons , soutenu par la bourgeoisie
parisienne et l'Université, GtcoÏMiàQi Armagnacs,
CHARLES
— 377
CHARLES
ainsi nommé de son chef Bernard d'Armagnac, puis-
sant seigneur du Midi, qui fut le parti des amis
du duc dOi'léans et de l'aristocratie en général.
Les deux factions rivales se firent une guerre
atroce. Les Bourguignons furent d'abord les maî-
tres à Paris, où, avec le concours de l'Université,
ils promulguèrent la célèbre Ordonnance cabo-
chienne (Ui:ij, qui tire son nom du boucher Jean
Caboche, l'un des chefs du parti populaire. Cette
ordonnance, « monument remarquable d'adminis-
tration, qui pouvait changer la face do la France »
(Lavallée), formait un code divisé en dix chapitres,
qui régularisait toutes les branches du gouverne-
ment : domaine royal, monnaies, aides, trésor des
guerres, chambre des comptes, parlement, justice,
chancellerie, eaux et forêts, gendarmerie. Mais
bientôt les Armagnacs prirent le dessus, l'ordon-
nance cabochienne fut cassée, les chefs populaires
proscrits, et Paris livré à la tyrannie des sei-
gneurs.
Le roi d'Angleterre Henri V, voyant la France
divisée, trouva l'occasion favorable pour recom-
mencer la guerre. Les Armagnacs, maîtres du
gouvernement, se chargèrent de défendre le royau-
me contre l'invasion anglaise ; mais leur brillante
armée fut défaite à Azincourl (1410). Heureusement
Henri V retourna en Angleterre, où il demeura
deux ans avant d'entreprendre une nouvelle expé-
dition. Il revint en 1417. Les Armagnacs étaient
restés les maîtres de Paris ; ils en furent enfin
chassés par une révolution (massacre des Arma-
gnacs, 1418), et Jean Sans-Peur, allié à la reine
Isabeau de Bavière, redevint maître du gouver-
nement. Le malheureux Charles VI, fantôme royal
que se disputaient les deux partis, avait été censé
sanctionner tour à tour les excès de l'un et de
l'autre.
L'assassinat de Jean Sans-Peur et le traité de
Troyes furent les derniers événements de ce règne
déplorable (V. Guerre de Cent Ans et Charles VU) :
le roi d'Angleterre devint le gendre et l'héritier
du roi de France. Mais Henri V mourut prématu-
rément en 1423, et deux mois plus tard Charles YI
le suivit dans la tombe.
Caiarles VII — Hist. de France, XIV, — troisième
fils de Charles VI, devint dauphin en 1417, après
la mort de ses doux frères aînés : il avait quatorze
ans. La France, au lendemain d'Azincourt, était
gouvernée par le comte d'Armagnac, qui portait le
tiire de lieutenant général du royaume : le jeune
prince se donna tout entier au parti armagnac, et
fut l'adversaire déclaré du parti bourguignon. Son
premier acte fut d'exiler sa mère, la reine Isabeau
de Bavière, qu'on accusait de désordre dans ses
moeurs. La reine disgraciée fit alliance avec le duc
de Bourgogne Jean Sans-Peur; bientôt une conspi-
ration livra Paris aux Bourguignons, les Armagnacs
furent massacrés, et le dauphin dut s'enfuir. Il y
eut alors deux gouvernements : celui de la reine,
qui exerça la régence au nom de son époux privé
de raison, et avec l'appui du duc de Bourgogne ; et
celui du dauphin, qui s'intitula lieutenant général,
et qui se retira au midi de la Loire.
Cependant l'approche des Anglais engagea les
deux partis à négocier une réconciliation ; mais les
Armagnacs et leur chef ne voulaient pas sincère-
ment la paix : Jean Sans-Peur, attiré à une entre-
vue au pont de Montereau, fut assassiné au mo-
ment où il mettait un genou en terre devant le
dauphin (1419). Ce fut ce crhuc qui livra, on peut le
dire, la France aux Anglais; un siècle plus tard,
un moine, montrant à François l" le tombeau de
Jean Sans-Peur à Dijon, et lui faisant voir le trou
que la hache de Tanncguy-Duchàtel avait fait dans
le crâne de la victime : « Voilà, dit-il, la large plaie
par où les Anglais sont entrés en France. « En
effet, Philippe le Bon, fils de Jean Sans-Peur, s'al-
lia aux Anglais pour venger son père ; et sous son
influence, la reine Isabeau et son triste époux con-
clurent avec Henri V le traité de Troyes (l420), qui
excluait le dauphin Charles de la succession au
trône, et assurait au roi d'Angleterre l'héritage du
roi de France, dont il épousait la fille. Le Parle-
ment déclara le dauphin banni du royaume et in-
digne de succéder à aucune seigneurie.
Lorsque Charles VI mourut deux ans après, le
dauphin fut proclamé roi par ses partisans dans
un petit château d'Auvergne, tandis qu'à Paris la
couronne de France était solennellement déposée
sur le berceau du fils qu'Henri V avait laissé. Mais
la fortune des Anglais allait changer, ainsi que
l'avait prédit à son lit de mort le vaillant roi d'An-
gleterre : « Henri de Monmonth, avait-il dit en
parlant de lui-même, aura régné peu et conquis-
beaucoup ; Henri de AVindsor (son fils Henri VI)
régnera longtemps et perdra tout. » Cependant
les premières années de Charles VII ne furent pas
favorables à ses armes; les Anglais continuèrent
k gagner du terrain. Charles VII avait de vaillants
capitaines, Dunois, La Hire, Xaintrailles, le conné'
table de Richemoni; mais lui-même, retirp 4ans
ses châteaux de la Loire, et n'ayant que Bourges-
pour capitale, ne songeait pas à reconquérir son
royaume, et ne s'occupait que de ses plaisirs. Il
laissa les Anglais mettre le siège devant Orléans,
dernier boulevard de la nationalité française, sans
sortir de son insouciance. Jeanne Darc parut alors
(1429), et tout changea de face (V. Jeanne Darc). Le
siège d'Orléans fut levé ; Charles VII put se faire
sacrer à Pieims, ce qui lui donna le prestige du roi
légitime; les Anglais reculèrent, plusieurs villes
ouvrirent leurs portes à l'armée royale, Paris lui-
même faillit être enlevé par un hardi coup de main»
Mais Jeanne fut prise l'année suivante, et brûlée
sans que Charles VII fit rien pour tenter de la dé-
livrer. Ce crime rendit les Anglais odieux, et acheva
de soulever contre eux le sentiment national, déjà
réveillé par l'héroïsme de la vaillante paysanne
lorraine. Le duc de Bourgogne abandonna la cause
anglaise et fit la paix avec Charles VII ; l'année
suivante, le connétable de Richement chassa les
Anglais de Paris (113G).
Maître enfin de sa capitale, Charles Vil, qu'on
surnomma de son vivant le Bien-Scrvi pour indi-
quer le peu de part personnelle qu"il eut aux vic-
toires qui lui rendirent son royaume, secoua son
indolence et s'occupa d'administration intérieure.
Il dut, comme autrefois Charles V, délivrer la
France des bandes de mercenaires que la guerre y
avait laissées ; après avoir comprimé une révolte
des grands seigneurs alliés aux chefs de ces
aventuriers (la Praguerie), il envoyâtes hordes des-
Armafinacs, sous la conduite de son fils le dau-
phin Louis, faire la guerre aux Suisses, qui en
tuèrent lo ( 00 à Saint-Jacques. En même temps
il conclut une trêve avec les Anglais, et profita du
répit qu'elle lui donna pour organiser une armée
régulière (V.^rmt'f), dont les dépenses furent soldées
au moyen de la taille perpétuelle, impôt permanent
consenti par les États-généraux. Jacques Cœur,
l'argentier du roi, réforma l'administration des fi-
nances. Des Parlements furent établis à Toulouse
et à Grenoble. La Pragmatique sanction de Bour-
ges (1433) garantit les libertés de l'Jiglise française.
Lorsque les Anglais recommencèrent la guerre
(1449), les armes françaises furent victorieuses par-
tout : la Normandie et la Guyenne furent définiti-
vement reconquises, et les Anglais ne conservèrent
plus que Calais.
Charles VII vécut jusqu'en 1561. Ses dernière»
années avaient été troublées par une querelle avec
son fils (plus tard Louis XI), qui avait dû s'enfuir
à la cour du duc de Bourgogne ; se persuadant que
le dauphin voulait le faire empoisonner, le roi,
<i dont l'esprit n'était pas exempt de la démence de
son père » (.ii«efl5S;//(;(W5), refusa toute nourriture^
CHARLES
— 378 —
CHARLES
et se laissa mourir de faim à l'âge de cinquante-
huit ans.
(Lectures dans Raffy : Armée permanente. — Jac-
ques Cœur.)
caiarles VIII — Hist. de France, XVI, — fils et
successeur de Louis XI, n'avait que treize ans à la
mort de son père (H83); aussi sa sœur aînée,
Anne de Beaujeu, fut-elle chargée de la régence.
C'était une princesse pleine de prudence et de
savoir-faire, « bien digne du trône, si la nature ne
lui eût refusé le sexe auquel est dévolu l'empire. »
Son frère, au contraire, n'avait que des capacités
fort médiocres : « il était peu entendu, mais si bon
qu'il n'était pas possible de voir meilleure créa-
ture. ■» (Comines.)
Les États-Généraux se réunirent en 1484, et plu-
sieurs députés y protestèrent contre les pouvoirs
nouveaux que le règne précédent avait attribués à
la royauté ; ils rappelèrent que « les États-Géné-
raux étaient les dépositaires de la volonté com-
mune, et que rien n'était légal sans leur sanction.»
Les États déclarèrent qu'ils ne votaient l'impôt que
pour deux ans, et qu'au bout de ce terme la cou-
ronne serait tenue de les convoquer de nouveau.
Anne de Beaujeu le promit, et les Etats se séparè-
rent; mais le règne entier de Charles VIII s'écoula
•sans qu'ils eussent été une seconde fo's convoqués,
et les impôts furent de nouveau levés par simple
ordonnance royale.
Le duc d'Orléans s'était mis à la tôte d'une coa-
lition contre la régente (la guerre folle) ; Anne sut
déjouer ses projets à. force d'énergie et d'habileté.
Elle couronna son œuvre en faisant épouser à son
frère l'héritière du duché de Bretagne (1491).
Affranchi de la tutelle de sa sœur, Charles, au
lieu de s'occuper des affaires de son royaume, se
mit en tête d'entreprendre une expédition lointaine.
Il ne s'agissait de rien moins que d'aller conquérir
Constantinople et Jérusalem, en passant par Na-
ples, ville sur laquelle il prétendait avoir des droits.
Il franchit les Alpes en i49i à la tête d'une nom-
breuse armée, traversa l'Italie en triomphateur, et
entra à Naples sans que le roi Ferdinand II piit lui
résister. Dans cette ville, il prit le titre de
roi de Naples, de Sicile et de Jérusalem; et, en
témoignage de son intention de conquérir Constan-
tinople, il se montra aux Napolitains dans le cos-
tume des empereurs d'Orient, la pourpre sur l'é-
paule et le globe d'or dans la main. Mais tandis
qu'il perdait son temps en fêtes, une confédération
hostile se formait pour lui fermer le chemin de la
France : le pape, Venise, le duc de Milan et plu-
sieurs autres princes italiens s'étaient ligués contre
lui avec le roi d'Espagne et l'empereur d'Allema-
gne. Il dut se hâter de battre en retraite; laissant
la moitié de son armée à Naples, il remonta vers le
nord, franchit les Apennins à Pontremoli, rencon-
tra l'armée des confédérés à Fornoue, la battit, et
rentra en France (1495). Les troupes françaises
restées à Naples durent bientôt capituler devant
les Espagnols : ainsi Charles VIII perdit sa con-
quête aussi promptcmeiit qu'il l'avait gagnée.
L'expédition d'Italie frappa vivement les esprits
en France. Elle fut le prélude d'une longue série
de guerres funestes dans lesquelles les succes-
seurs de Charles VIII gaspillèrent le sang et l'or
français en vains efforts pour conquérir la pénin-
sule. D'autre part, elle mit en contact, pour la pre-
mière fois, la France du moyen âge avec l'Italie
déjà éclairée par le radieux soleil de la Renaissance,
et servit ainsi indirectement les progrès de la civi-
lisation dans notre pays.
Renonçant à ses aventureux projets, Charles VIII
résolut de se consacrer à de plus sages travaux :
réforme de la justice, de l'impôt, de l'Eglise. Mais
il n'eut pas le temps de rien exécuter : la mort le
surprit à vingt-huit ans (li98).
Charles TJ^ — Hist. de France, XVIII, — second
I fils d'Henri II et de Catherine de Médicis, succéda
' à son frère François II à l'âge de huit ans '1660).
Il fut placé sons la régence de sa mère. Deux par-
tis divisaient la France : les huguenots avaient
pour eux une grande partie de la noblesse des pro-
vinces, surtout dans le Midi ; leurs chefs étaient
Louis de Condé et l'amiral Coligny ; les catholi-
ques formaient la majorité de la nation, et étaient
dirigés par la puissante et ambitieuse famille des
Guise. Catherine, indifférente en matière de reli-
gion, et qui ne cherchait qu'à sauver l'autorité
royale, s'efforça de maintenir l'équilibre entre les
deux partis ; elle créa chancelier l'illustre Michel
de l'Hôpital, dont les idées devançaient celles de
son siècle, et qui avait pour idéal la tolérance. « Il
n'est pas question », disait-il, « de savoir laquelle des
deux religions est la meilleure : l'état politique
diffère de l'état religieux ; on peut être sujet fidèle
et mauvais chrétien , un excommunié ne laisse pas
d'être citoyen. » Au début, croycnt les réformés
plus forts qu'ils n'étaient réellement, la reine-
mère pencha même de leur côté, et songea un
moment, paraît-il, à faire élever le jeune roi dans
la croyance calviniste.
Les États-Généraux, convoqués par le chance-
lier en 15G1, se prononcèrent dans le sens de la
tolérance : ils demandèrent la liberté religieuse,
l'abolition de plusieurs ordres monastiques, l'amo-
vibilité des magistrats, et même l'expropriation
des biens du clergé, qui eussent été appliqués à
éteindre la dette du Trésor et à salarier les ecclé-
siastiques. La reine, voyant sa politique approuvée
par les États, se flntta d'arriver à une fusion des
deux confessions rivales : elle réunit à Poissy, pour
une discussion publique, les théologiens de l'une et
de l'autre Église; et cette tentative de conciliation
ayant échoué, elle promulgua du moins un éditqui
assurait aux réformés le libre exercice de leur culte,
sauf dans les villes fermées. Les seigneurs catho-
liques, alarmés, résolurent alors d'avoir recours à
la force. Le massacre de Vassy en Lorraine ^1562)
fut le signal de la guerre civile. Le jeune roi fut
enlevé à Fontainebleau par les catholiques, et Ca-
therine, effrayée, dut accepter la domination du
duc de Guise, tandis que les réformés couraient
aux armes.
La guerre fut féroce de part et d'autre (V. Gicr-
res de religion). « Où le huguenot est le maître,
il ruine toutes les images, démolit les sépulcres
et tombeaux, même celui des rois, enlève tous les
biens sacrés et voués aux églises. En échange de
ce, le catholique tue, meurtrit, noie tous ceux
qu'il connaît de cette secte, et en regorgent les
ri^iLTes. ))(Pasquicr.)Le duc François de Guise fut
assassiné au siège d'Orléans, et une paix qui ac-
cordait aux réformés la liberté du culte dans une
certaine mesure fut alors signée àAmboise (1663).
Mais deux fois la guerre recommença : en ISO"/,
puis, après une courte trêve, en 15G8 ; Condé, le
chef principal des piotestants, fut tué à Jarnac, et
remplacé par le jeune Henii de Navarre : enfin la
paix fut conclue à Saint-Germain (1570), à l'avan-
tage des réformés, qui obtinrent, outre la liberté
de conscience, quatre places fortes et l'accès aux
charges de l'État.
Cependant Charles IX avait atteint sa vingtième
année. Ce prince n'était pas naturellement mé-
chant : il aimait les arts, était capable de senti-
ments généreux ; mais la faiblesse de son carac-
tère le livrait aux influences, bonnes ou mauvai-
ses, de son entourage. La paix de Saint-Germain
avait ramené à la cour les seigneurs réformés;
un mariage fut conclu entre Henri de Navarre et
Marguerite de Valois, sœur du roi ; et l'amiral
Coligny, qui par son âge et la fermeté de son ca-
ractère était le véritable chef des huguenots, prit
un grand ascendant sur le jeune souverain. Les
catholiques se montrèrent mécontents. Catherine
CHARLES
— 379
CHARLES
était revenue depuis longtemps de son ancienne
inclination pour les calvinistes, dont la puissance
lui paraissait maintenant constituer un danger
pour la royauté; l'influence de Coligny l'inquié-
tait ; elle se rapprocha du parti des Guise. Un
massacre des protestants fut résolu ; la reine-mère
arracha au roi son consentement, et la Saint-Bar-
thélémy inonda la France de sang (lô72).
Par ce crime inouï, Catherine avait cru détruire
les huguenots : elle s"était trompée. Les calvinis-
tes reprirent les armes, et menèrent la guerre
avec tant d'énergie, que la cour fut réduite, au
bout d'un an, à leur accorder une paix confirmant
la plupart des dispositions du traité de Saint-Ger-
main. Cependant le misérable Charles IX, malade
de la poitrine, se mourait ; les remords lui firent
une agonie horrible; dans son délire, il voj'ait se
dresser à son chevet les spectres de ses victimes :
« Ah ! que de sang et de meurtres ! s'écriait-il ;
ah ! que j'ai suivi un méchant conseil ! » Il expira
âgé de vingt-quatre ans seulement (1574), laissant
la couronne à son frère Henri III.
Charles X — Hist. de France, XXX et XXXIV, —
dernier roi de la branche directe des Bourbons,
était le quatrième fils du dauphin Louis, fils de
Louis XV : il était par conséquent frère de
Louis XVI et de Louis XVIII. Avant de monter
sur le trône, il portait le titre de comte d'Artois.
Durant le règne de Louis XVI, il fut le chef du
parti de l'opposition aux réformes ; les minibtres
Turgot et Necker n'eurent pas de plus ardent ad-
versaire que lui. Lorsque la révolution eut com-
mencé, il fut des premiers à émigrer, dès le mois
de juillet 1789. Il devint bientôt le centre autour
duquel se rallièrent tous les Français hostiles au
nouvel ordre de choses, et la ville où il avait fixé
sa résidence, Coblentz, fut le quartier général de
l'émigration. Proscrit comme émigré, il vécut à
l'étranger durant la République et l'Empire ;
en 1814, il rentra à Paris avec l'armée des alliés,
et y exerça durant quelques jours les fonctions de
lieutenant général du royaume, en attendant l'arri-
vée de Louis XVIII. Lorsque Napoléon revint de
l'île d'Elbe, le comte d'Artois fut chargé de la dé-
fense de Lyon ; mais ses troupes l'abandonnèrent
et il dut s'enfuir. Revenu en France après Waterloo,
ce fut sur lui que s'appuya, pendant le règne
de Louis XVIII, la faction ultra-royaliste qui trou-
vait la Charte trop libérale et qui voulait la restau-
ration complète de l'ancien régime.
Il arriva au trône en 182 i, à l'âge de soixante-
sept ans. M. de Villèle était ministre, et disposait
à la Chambre des députés d'une majorité docile ;
une association à la fois religieuse et politique, la
Congrégation, étendait son influence sur la France
entière : Charles X crut pouvoir réaliser ses projets
de retour au passé. Une loi adoptée par les deux
Chambres accorda une indemnité d'un milliard
aux émigrés dont les biens avaient été confisqués
pendant la Révolution ; puis la Chambre des dé-
putés vota, malgré l'opposition de la minorité libé-
rale, une loi sur le sacrilège, une autre loi réta-
blissant le droit d'aînesse, et une loi dite de
justice et d'amour, qui supprimait la liberté de la
presse. La Chambre des pairs se montra moins dis-
posée à donner les mains à une politique qui se
mettait ouvertement en contradiction avec les
principes de 1789; elle amenda la loi sur le sa-
crilège, et rejeta les lois sur le droit d'aînesse et
la presse. »
Le gouvernement de Charles X était rapidement
devenu impopulaire. En 1827, dans une grande
revue, la garde nationale de Paris cria A f>as les
mmistres! Vive la Charte! Le lendemain elle était
licenciée. Mais bientôt les élections à la Chambre
montrèrent au roi que la majorité du pays était
réellement hostile à son ministère. M. de Villèle
-dut se retirer (1828), et fut remplacé par M. de
Martignac, qui inaugura la politique dite de bas-
cule, en cherchant à louvoyer entre les libéraux
et les ultras. Il ne réussit qu'à mécontenter tout
le monde, et Charles X, regrettant d'avoir paru
reculer devant l'opposition, appela au ministère
des hommes selon son cœur, sous la présidence
du prince do Polignac. Le nouveau cabinet prit
pour devise : Plu< de concsswns (1829).
La Chambre des députes, à l'ouverture de la
session de 183', vota par 2".'l suffrages une adresse
au roi, déclarant qu'elle refusait son concours au
ministère. Le roi ayant alors prononcé la dissolu-
tion de la Chambre, les 221 furent réélus {'^ juillet).
Le conflit entre la couronne et la représentation
nationale allait devenir aigu.
Charles X était résolu à déchirer la Charte plu-
tôt que de se séparer du ministère Polignac; dans
son aveuglement, il se figurait qu'une concession
perdrait sa dynastie, et que l'obstination dans la
résistance aux vœux de la nation la sauverait. « Je
n'ai sur ce point que trop d'expérience, disait-il ;
la première reculade que fit mon malheureux
frère -Louis XVI) fut le signal de sa perte. Si je
cédais aux exigences des hommes de la gauche, ils
me traiteraient comme on a traité mon frère. »
Le 26 juillet parurent quatre ordonnances ro3"ales :
la première suspendait la liberté de la presse ; la
seconde déclarait dissoute la Chambre des dépu-
tés; la troisième modifiait le système électoral;
la quatrième fixait au 18 septembre l'élection
d'une nouvelle Chambre. En même temps, le com-
mandement des troupes était confié au duc de
Raguse, pour le cas prévu où le gouvernement
aurait besoin de recourir à la force.
C'était un véritable coup d'État. Les journalistes
parisiens donnèrent les premiers le signal de la
résistance, en rédigeant une énergique protesta-
tion ; puis les citoyens coururent aux armes. Après
trois jours de lutte (27, 28 et 29 juillet), Paris
resta aux mains du peuple ; Charles X abdiqua et
se réfugia en Angleterre, tandis que le duc d'Or-
léans prenait le titre de lieutenant général du
royaume, en attendant que les Chambres lui don-
nassent la couronne.
Quelques jours avant la révolution qui renversa
Charles X du trône, on avait reçu à Paris la nou-
velle de la prise d'Alger par les troupes fran-
çaises. (V. Algérie.)
Charles X choisit pour résidence la ville de
Goritz, en Autriche : il y mourut en 1836. Dans
son acte d'abdication, il avait désigné comme son
successeur son petit-fils, le duc de Rordeaux (fils
du duc de Berry, assassiné en 1820 par Louvel).
Ce prince, connu aussi sous le nom de comte de
Chambord, fut en conséquence regardé comme le
seul héritier légitime de la couronne par les par-
tisans de la dynastie déchue, qui prirent le nom
de parti légitimist'^, en opposition aux orléanistes
ou partisans du duc d'Orléans devenu roi sous le
nom de Louis-Philippe I".
2. SOUVERAINS ÉTRANGERS.
N. B. — Pour les souverains étrangers du nom
de Charles, auxquels nous ne consacrons pas un
article ici, nous renvoyons aux articles généraux
donnant l'histoire des dififérents pays.
1" Rois d'Aîigleterre.
Caiarles I", Stuart, roi d'Angleterre, — Hist.
générale, XXIV et XXVIII, — fils et successeur de
Jacques I", n onta sur le trône en 1625, à l'âge de
vingt-cinq ans. Il avait des dehors plus nobles que
son père, était plus résolu. Mais il avait les mêmes
théories despotiques, et un vice honteux, la fausseté.
Le duc de Buckingham, favori de Jacques I*',
avait la confiance du nouveau roi, et conserva la
direction des affaires. Buckingham était détesté ;
CHARLES
— 380 —
CHARLES
en outre la nation voulait maintenir ses libertés,
fiue le Parli'nient avait déjà eu à défendre contre
If'S prétentions absolutistes du prédécesseur de
Charles. C'était par le vote des impôts que les
Communes pouvaient poser certaines limites au
pouvoi:- royal : le Parlement, convoqué en 1625,
refusa donc de voter la perception des droits de
douane pour toute la durée du règne, et ne les
accorda que pour un an. Charles, irrité, prononça
la dissolution de la Chambre des Communes, et
essaya de se procurer de l'argent au moyen d'un
emprunt forcé. Mais n'ayant pu y réussir, il dut
convoquer un second Parlement (1C26).
Celui-ci débuta en dressant un acte d'accusation
contre Buckingham, justement accusé d'arbitraire.
Le roi, pour sauver son favori, renvoya de nouveau
le Parlement.
En ce moment, Pùchelieu assiégeait dans la
Pioclielle les protestants français : Charles an-
nonça qu'il leur enverrait du secours. Il espérait
ainsi gagner la faveur populaire et obtenir de l'ar-
gent en se passant du Parlement. Mais l'emprunt
forcé qu'il ordonna ne réussit pas, malgré les
menaces et les emprisonnements. Buckingham,
qui avait conduit une flotte devant la Rochelle,
éprouva un échec honteux (16"27). A son retour, il
pressa lui-même le roi de céder et de convoquer
un Parlement.
C'était le troisième. Charles lui demanda des
subsides pour continuer la guerre contre la France.
Le Parlement les accorda, mais décida qu'ils ne
seraient levés que lorsque le roi aurait solennelle-
ment reconnu» les droits antiques et sac es de la na-
tion ». A cet effet, et sur la proposition de sir Tho-
mas Wentworth, le plus éloquent orateur des Com-
munes, les deux Chambres réunies votèrent le Bill
d''S droits, qui contenait entre autres ces deux
principes : « Aucun impôt ne pourra être levé sans
le consentement du Parlement. — Nul ne pourra
être arrêté et jugé que conformément aux lois »
Ofi''8).
L • bill fut présenté à la sanction royale. Charles
essaya d'éluder une acceptation formelle ; il pro-
posa au Parlement une formule vague : « Le roi
s'engage à reconnaître les anciens statuts comme
inviolables. » \!ais le Parlement tint bon, et, de
guerre lasse, le roi apposa au Bill des droits la
formule officielle de sanction, en vieux français nor-
mand : Soit droit fait comme il est requis.
Les Communes votèrent ensuite les subsides.
Puis elles adressèrent de nouvelles remontrances
au roi contre Buckingham, le qualifiant « d'entre-
preneur de la misère publique », Le roi s'irrita ;
mais n'osant dissoudre encore le Parlement, il se
contenta de le proroger.
Le mécontenicment populaire fut grand. Un fa-
natique, l'officier Felion, assassina Buckingham.
Charles lui donna pour successeur sir Thomas
Wentworth, que son .imbition poussa à déserter la
cause du Parlement et à accepter les faveurs royales.
Cette apostasie le rendit odieux à ses anciens amis :
« Au revoir, dans la salle de Westminster 1 » lui dit
le parlementaire Pym. Ce mot menaçant était une
prophétie.
L'année suivante (16"20), le Parlement reprit ses
séances. Il découvrit alors que le roi, en faisant
publier le Bill des droits, avait substitué à la
sanction officielle la première formule vague dont
le Parlement n'avait pas voulu se contenter. Devant
Cf^tte fraude royale, les Communes continrent leur
indignation, mais elles se plaignirent du primat
d'Angleterre, l'archevêque Laud, l'accusant de favo-
riser le catholicisme et de persécuter les non-con-
formistes ; elles continuèrent à refuser de voter les
droits de douane pour toute la durée du règne.
Décidé à persévérer dans son système de gouver-
nement d.'spotiquc et sans contrôle, Charles pro-
nonça la dissolution du Parlement, et fil emprison-
ner neuf membres des Communes à raison de leurs
discours. Avant de se séparer, la Chambre des
communes vota une protestation énergique : elle
déclara illégale la perception de l'impôt non vote,
et traître à la patrie quiconque essayerait de lever
cet impôt, et quiconque consentirait à le payer.
Charles était résolu à gouverner sans Parlement,
et durant dix années en effet il régna en maître
absolu. « La tyrannie de Charles fut, sinon la plus
cruelle, du moins la plus inique et la plus abusive
qu'eût jamais soufferte l'Angleterre. » (Guizot.)
Des impôts illégaux furent levés de force; la
liberté religieuse disparut, les non-conformistes,
et surtout ceux qu'on appelait les puritains, furent
persécutés; de simples délits de presse furent
punis de supplices barbares. Beaucoup de puri-
tains allaient chercher dans l'Amérique du .Nord
une terre où ils pussent pratiquer leur culte en
liberté : Charles défendit l'émigration.
Les Anglais supportèrent patiemment ce despo-
tisme ; la résistance essayée par quelques citoyens
ne sortit jamais des formes légales. Un ancien
membre desCommunes, Hampden, refusa de payer
1 une taxe arbitraire, et intenta un procès à la cou-
I ronne : il fut condamné, et paya (1(;-jC). Mais l'o-
I pinion était dans un éi^at de grande effervescence,
et l'irritation contre le roi et ses ministres allait
croissant.
[ Une imprudence de l'archevêque Laud mit le feu
aux poudres. 11 voulut introduire en Ecosse les
formes de la liturgie anglicane. Cette innovation
provoqua une émeute dans l'église d'Edimbourg
(163"), et les réformés écossais ou prehytériens
conclurent sous le nom de Covennnt une alliance
religieuse et politique pour la défense de leurs
droits.
Charles marcha avec une armée contre les cove-
nantaires; mais ses soldats sympatliisaient avec
les Écossais : aussi n'osa-t-il pas livrer bataille. 11
traita avec les insurgés et leur accorda l'abolition
de la liturgie de Laud (16i9).
La situation de la royauté était difficile. Charles
avait voulu être maître absolu; s'il entrait dans la
voie des concessions, c'en était fait de cette auto-
rité sans contrôle qu'il avait usurpée. Il appela au-
près de lui Wentworth, qu'il avait fait comte de
Strafford et gouverneur d'Irlande. Strafford en-
gagea Charles à user de rigueur. Une nouvelle
armée fut levée, et la guerre contre les Écossais
décidée.
Mais il fallait de l'argent ; les emprunts forces,
les taxes illégales ne suffisaient pas. Charles, pen-
sant que pour une expédition dirigée contre l'Ecosse
ses sujets anglais ne lui refuseraient pas de l'ar-
gent, se décida à convoquer un Parlement (16401.
II y avait onze ans que les députés des Communes
n'avaient été réunis.
Au lieu de voter docilement les subsides deman-
dés, le Parlement commença par réclamer le
redressement des griefs de la nation. Charles vou-
lait de l'argent, et non des remontrances; il se
croyait assez fort pour n'avoir pas besoin de faire
aucune concession. D'ailleurs, Strafford lui don-
nait des conseils violents : « Si on traitait ces
gens-là comme ils le méritent, disait-il en parlant
des députés des Communes, il faudrait les faire
fouetter jusqu'à ce qu'ils fussent revenus au sens
commun ; et ils devraient savoir bon gré à ceux
qui prendraient ainsi la peine de les corriger. »
Au bout de trois semaines, Charles congédia le
Parlement, et Strafford essaya de faire la guerre
aux Écossais avec les seules ressources du trésor
royal. Mais l'armée anglaise refusa de combattre,
et de toutes parts des pétitions furent adressées
au roi pour la paix et la réunion d'un Parlement.
Charles, cette fois, sentait le terrain lui manquer
sous les pieds : il céda, un Parlement fut convoqué
(1640). C'était le cinquième, celui que l'histoire
CHARLES
— 381
CHARLES
appelle le Long Parlement. La royauté s'avouait
vaincue.
Le premier acte du Long Parlement fut de dres-
ser une liste dos délinquants. Laud et Siraflord,
accusés de haute trahison, furent emprisonnés.
C'était Stratlord surtout que la haine populaire
brûlait de frapper. On lui fit son procès sur-le-
champ. Charles avait promis de le sauver. « Aussi
vrai que je suis roi d'Angleterre, avait-il dit, ils
ne toucheront pas un cheveu de votre tète.» Néan-
moins, lorsque les Communes l'eurent condamné
à mort, le roi l'abandonna et signa son arrêt.
Devant cette lâcheté, Strafford se contenta de dire :
« Ne mettez pas votre confiance dans les princes
de la terre. » 11 fut décapité (mai l(i4l)- Laud, son
compagnon de captivité, ne fut condamné et exé-
cuté que quatre ans plus tard.
Charles n'avait plus d'autre conseiller que la
reine Henriette, princesse catholique détestée de
la nation. Poussés par des agents de la cour, les
catholiques d'Irlande se révoltent, et massacrent
40,000 protestants ; les révoltés s'intitulent « ar-
mée catholique de la reine ». C'était là une diver-
sion venant fort à propos pour embarrasser le
Parlement. Charles lui demande une armée pour
comprimer la révolte; une fois les troupes sous
sa main, il eût pu s'en servir contre le Parlement
lui-même. Les Communes répondent par une amère
remontrance, et déclarent, par le bill de la milice^
que c'est au Parlement, non au roi, qu'appartient
le droit de lever une armée et d'en nommer les
cliefs.
Voyant ses projets déjoués, Charles prépare un
coup d'État ; il s'entoure de gentilshommes dé-
voués (les cavaliers), et conspire contre le Parle-
ment. La Chambre des communes, justement in-
quiète, réclame une garde pour sa sûreté. Le roi
la refuse en disant : « Sur mon honneur de roi,
je m'engage solennellement à vous préserver tous
et chacun de vous de toute violence, avec autant
de soin que s'il s'agissait de ma propre sûreté et
de celle do mes enfants. »
Mais, le 2 janvier i6<2, le procureur général de
la couronne se présente au Parlement pour arrêter,
au nom du roi, Hampden, Pym, et trois autres
membres des Communes. La Chambre refuse de
les livrer. « J'irai les chercher moi-même, » dit
Charles.
Le lendemain, il prend congé de la reine en ces
termes : « Dans une heure, je reviendrai maître
enfin de mon royaume. » Il se rend à la Chambre
des Communes, suivi d'une foule de cavaliers.
Mais les cinq membres menacés avaient ciierché
un asile dans la Cité, au milieu du peuple. « Je
vois que les oiseaux sont envoles, » dit le roi.
Le peuple de Londres se prononça avec force en
faveur du Parlement. Les magistrats de la Cité re-
fusèrent de livrer les cinq accusés. Le roi furieux
quitta la capitale, et les cinq membres furent re-
conduits en triomphe au Parlement par le peuple.
Charles s'était rendu dans les comtés du nord :
il planta l'étendard royal à Nottingham (23 août
1642), et appela aux armes ses partisans. Le Par-
lement, de son côté, organisa la résistance et leva
une armée.
Les troupes royales eurent d'abord le dessus.
Mais des officiers puritains, Hampden, Ludlow,
Cromvvell, Harrison, disciplinèrent l'armée parle-
mentaire par les pratiques religieuses, et bientôt
la conduisirent à la victoire. La guerre dura cinq
ans (V. Cromwell). Enfin Charles, obligé de fuir,
se livra aux Ecossais. Le Parlement anglais, le
traitant encore en roi, lui envoya alors des propo-
sitions de paix portant : abolition de l'épiscopat ;
éloignement des fonctions publiques des partisans
du roi ; remise au Parlement, pour vingt ans, du
commandement des forces de terre et de mer.
Charles refusa.
Sur ces entrefaites, le Parlement d'Ecosse dé-
cida de remettre Charles aux mains des Anglais,
moyennant paiement par ceux-ci d'une indemnité
de guerre. Charles fut, en conséquence, livré à des
commissaires qui le conduisirent à Holmby, où il
fut retenu prisonnier (1647).
Cependant le Parlement anglais était divisé en
deux fractions : les presbytériens, qui voulaient
conserver la monarchie, et les indépendants (gé-
néralement puritains), qui désiraient la république.
Ces derniers étaient en minorité, mais l'armée du
Parlement, commandée par Cromvvell, leur était
favorable. Le roi entama des négociations secrètes
avec les deux partis. Enlevé de Holmby par un
détachement de soldats, et conduit au milieu de
l'armée, il chercha à s'entendre avec Cromwell ;
n'y ayant pas réussi, il se sauva dans l'île de
Wiglit, et de là négocia avec les presbytériens du
Parlement Un coup d'Etat militaire coupa court à
ces intrigues : l'armée marcha sur Londres et ex-
pulsa du Parlement 143 membres presbytériens.
Le Parlement, ainsi jmrgé et désormais dominé
par les indépendants, déféra le roi à une haute
cour de justice présidée par Bradshaw. Celhi-ci le
condamna à mort. La sentence fut exécutée le
30 janvier 1649, et le 7 février suivant le Parle-
ment abolit la royauté.
Charles II — Hist. générale, XXIV et XXVIII —
fils de Charles I<^'. 11 s'était retiré sur le continent
avant la mort de son père. Les presbytériens
d'Ecosse, ayant pris les armes contre le gouverne-
ment républicain, lui offrirent la couronne, en lui
imposant toutefois des conditions qu'il refusa d'ac-
cepter. Il laissa le vaillant marquis de Montrose
tenter de conquérir l'Ecosse pour lui (iCôo) : l'hé-
roïque aventurier fut défait et mis à mort par les
presbytériens, qui voulaient bien du roi, mais non
des cavaliers ses amis. Charles se résigna alors à
souscrire aux conditions du parti presbytérien :
il désavoua tous les actes du roi son père, et jura
de ne jamais permettre l'exercice de la religion
catholique; à ce prix il fut reconnu roi d'Ecosse.
Mais les Ecossais furent vaincus à Duubar par
Cromwell (I6;)0,i; et le prétendant ayant essayé
d'envahir l'Angleterre avec les débris de son ar-
mée, fut encore défait à Worcester (1G51), et dut
s'enfuir en France.
Il y resta neuf ans, conspirant sans cesse. Enfin,
après la mort de Cromwell, un Parlement, sous la
pression du général Monk, vota le rétablissement
de la royauté et le rajjpel des Stuarts (1600).
Charles II rentra à Londres en promettant une
amnistie. Mais cette promesse fut violée : les cada-
vres de Cromwell et de Bradshaw furent déterrés
et pendus au gibet, et les principaux républicains
survivants mis à mort.
Durant la première partie de son règne, Char-
les II ne rencontra pas d'opposition : l'Angleterre
était lasse des discordes civiles, et la réaction
contre l'austérité puritaine était si vive, qu'une
partie de la nation semblait savoir gré au souve-
rain de sa frivolité et de la corruption de ses
mœurs. Toutefois, lorsqu'on vit que C^harles s'était
fait l'agent de Louis XIV, à qui il avait vendu les
intérêts de l'Angleterre en échange d'une pension
que ce roi lui payait, l'esprit national so révcDla.
C'est alors que se formèrent les deux grands partis
qui ont si longtemps divisé l'Angleterre : les tories,
défenseurs de la prérogative royale et amis des
catholiques; et les whi/js, partisans des libertés
parlementaires et de l'Eglise anglicane. Les whigs
furent bientôt assez forts pour faire voter au par-
lement le ôill du test (1674), dirigé contre les ca-
tholiques, et imposant à tous les fonctionnaires
un serment religieux. La haine contre les catho-
liques était si grande, que sur l'absurde dénon-
ciation d'un faussaire, Titus Oates, plusieurs inno-
cents, accusés d'avoir trempé dans une prétendue
CHARLES
— 382 —
CHARLES
conspiration papiste, furent condamnés à mort
(1C79). Cette même année, le Parlement vota le
cél' bre bill d'haôcs cor/jMs, garantissant la liberté
individuelle. « Cette loi, l'une des plus grandes
conquêtes faites par les Anglais sur le despo-
tisme, et qui se trouve déjà dans la grande Charte,
était passée depuis longtemps dans le droit com-
mun pour gai-antir les sujets du royaume contre
toute détention illégale; mais elle avait été éludée
par l'adresse des hommes de loi et les mesures
oppressives du gouvernement. Par le bill de i679,
aucun juge ne peut refuser, à quelque prisonnier
que ce soit, dans les vingt-quatre premières heu-
res de son arrestation, l'ordre à'haOeas corpus,qm
oblige le geôlier à le produire devant la cour que
cet ordre désignera, pour faire vérifier la cause de
son emprisonnement; si la cour le fait élargir, on
ne peut le remettre en prison pour le môme sujet.
En outre, les juges étaient obligés d'accepter, dans
un très grand nombre de cas, la caution offerte
par les prévenus , et l'usage de les envoyer
hors du royaume pour les soustraire à la juridic-
tion ordinaire était aboli. » (Duruy.)
Les dernières années de Charles II furent signa-
lées par une révolte des puritains d'Ecosse, cruel-
lement réprimée (1680 1, et par le complot de Rye-
House, qui amena la condamnation à mort de lord
Russell et du républicain Algernon Sidney (1683).
Charles mourut en tdSS, laissant la couronne à
son frère Jacques II, le dernier des Stuarts.
2° Empereurs d'Allemagne.
Charles I" (V. Charlemagne).
Charles II (V. Charles II le Chauve) .
Charles III (V. Charles 'e Gros).
Charles IV — Hist. générale, XIX et XXVII, —
de la maison de Luxembourg, était fils du roi de
Bohême Jean l'Aveugle, qui fut tué dans les rangs
français à Crécy. Il devint empereur en 1347, à la
mort de Louis de Bavière. Sous son règne, le pou-
voir impérial, déjà bien déchu, subit encore de
nouvelles atteintes; l'Italie se sépara entièrement
de l'empire, et bon nombre de seigneurs allemands
obtinrent ïimmédiateté, c'est-à-dire l'indépendance.
L'acte qui donne au nom de Charles IV une
certaine importance, c'est la promulgation de la
Bulle d'Or (ainsi nommée à cause du sceau d'or
qui y fut attaché;, publiée on 13ôG à la diète de
Nuremberg. Cette bulle fixa définitivement le ,
nombre des électeurs impériaux à sept, « en Thon- \
neur des sept chandeliers de l'Apocalypse, » sa- ^
voir : trois électeurs ecclésiastiques, les archevê-
ques de Mayence, de Cologne et de Trêves ; et '
quatre électeurs séculiers, le duc de Saxe, le mar-
grave de Brandebourg, le roi de Bohême, et le
comte palatin du Rhin. L'élection devait avoir lieu
à Francfort, et le sacre à Aix-la-Chapelle.
Charles IV mourut en 1378. !
Charles V (V. Charles-Quint). \
Charles VI, — Hist. générale, XXV et XXVII, —
dernier empereur de la lignée des Habsbourg di-
rects, était le second fils de Léopold I". En 1700,
n'étant encore qu'archiduc d'Autriche, il se trouva,
à la mort du roi d'Espagne Charles II, prétendant
à la couronne d'Espagne en concurrence avec
Philippe d'Anjou (V. (.uerre de la succession d Es- '
pagncj. Mais étant devenu empereur en 1711 par
la mort de son frère Joseph I", il se vit obligé de
renoncer à ses prétentions au trône d'Espagne, et
dut signer la paix de Rastadt (17U). Les Turcs
ayant attaqué l'Autriche en 1716, le prince Eugène
de Savoie remporta sur eux de brillants succès. Un ,
peu plus tard, la guerre de la succession de Pologne
mit l'Empire aux prises avec la France et l'Espa-
gne, et la paix se fit à ses dépens : le traité de
Vienne donna à Stanislas Leczinski la Lorraine, '
réversible à la France après sa mort, et à l'Espa- !
gne le royaume de Naples. En cédant amsi quel-
ques-unes de ses possessions, l'empereur avait
espéré obtenir plus facilement de ses voisins 1 1
reconnaissance de l'acte connu sous le nom de
pragmatique, par lequel il laissait sa couronne
a sa fille Marie-Thérèse. La pragmatique fut en
effet jurée par la plupart des souverains de l'Eu-
rope ; mais à peine Charles VI eut-il expiré
1 (1740), que de nombreux prétendants, oubliant
leurs serments, se disputèrent son héritage
(V. Guerre de la succession d'Autriche).
Charles "VU de Bavière — Hi>t. générale, XXV
etXXVlI, — fut l'un des prétendants à la couronne
impériale à la mort de Charles VI. Il eut l'appui de
la France et de la Prusse (V. Guerre de la suc-
cession d'Autriche), et se fit couronner empereur
à Francfort en 1742. Mais il mourut en 1745, avant
la fin de la guerre, et son fils Maximilien traita
avec Marie-Thérèse.
3° Rois d'Espagne.
Charles I"' (V. ci-dessous Charles-Quint).
Charles II — Hist. générale, XXIV et XXX, —
fils de Philippe IV et dernier descendant de Char-
les-Quint, eut un règne insignifiant, sous lequel
l'Espagne déclina de plus en plus. Monté sur le
trône en 1CG5, il vit la prépondérance militaire et
poliàque passer à la France, avec laquelle il se
trouva en guerre à trois reprises. Comme il n'avait
pas d'enfants, ses deux beaux-frères, Louis XIV et
l'empereur Léopold, convoitaient l'un et l'autre
son héritage, et d'innombrables intrigues se nouè-
rent autour de lui. Charles II, voulant éviter un
démembrement de la monarchie espagnole, fit
d'abora un testament en faveur d'un troisième pré-
tendant, le fils de l'électeur de Bavière ; mais cet
enfant étant mort, il se décida, par l'intervention
du pape, à choisir pour héritier Philippe d'Anjou,
petit-fils de Louis XIV ( 1 7U0). Charles mourut peu
après, et l'année suivante éclata la guerre de la
succession d'Espagne.
Charles III — Hist. générale, XXV et XXX, — se-
cond fils de Philippe V, fut d'abord roi de Naples.
A la mort de son frère Ferdinand VI {ilbO), il de-
vint roi d'Espagne, et laissa la couronne de Naples
à son fils Ferdinand. Il eut un règne réparateur,
comme l'avait été celui de son prédécesseur ; il
encouragea l'industrie, l'agriculture, le commerce,
les sciences, et fut secondé par deux habiles nii-
nistres, Aranda, qui expulsa les jésuites en 1767,
et Florida Blanca. A sa mort (1788), la population
de l'Espagne avait triplé.
Charles IV — Hist. géné^ale,XXV,XX^■I et XXX,—
fils et successeur de Charles III, fut un monarque
incapable, qui laissa le pouvoir à un favori. Ma-
nuel Godoï. L'Espagne, sous son règne, prit part
à la coalition contre la République française: mais
en 1796 elle s'en retira et signa la paix à Bâle : ce
traité valut à Godoi le titre de Prince de la Paix.
A partir de ce moment, l'Espagne resta l'alliée de
la France. Mais en 1808, Napoléon ayant fait en-
trer en Espagne des troupes françaises comman-
dées par Murât, une insurrection populaire éclata
contre Charles IV et son favori. Le roi dut abdiquer
en faveur de son fils Ferdinand VII ; puis, l'armée
française s'étant dirigée sur Madrid, Charles IV
révoqua son abdication. Napoléon intervint, et fit
venir les deux princes à Bayonne : là il obtint l'ab-
dication de l'un et de l'autre, et donna la couronne
d'Espagne à son frère Joseph.
Charles IV fut envoyé à Compiègne, puis se
retira à Rome, où il mourut en 1819.
4° Rois de Suède.
Charles xn — Hist. générale, XXV et XXXIII, -
fils et successeur de Charles XI, monta sur le trône
à dix-huit ans (1697). La Suède était, depuis la
CHARLES
— 383 —
CHARLES
guerre de Trente ans, la première puissance du
Nord : elle possédait la Finlande avec la Carélie et
l'Ingrie, l'Esthonie et la Livonie, la Poméranie oc-
cidentale ; la Baltique était un lac suédois. La
Russie, la Pologne et le Danemark la jalousaient :
à la mort de Charles XI, une coalition se forma
contre elle entre ces puissances. Le jeune Charles
XIL digne descendant de Gustave-Adolphe, ne
s'efTraya point d'être seul contre trois. Il débarque
dans lîle de Seeland, et force les Danois à deman-
der la paix ; puis il marche contre les Russes.
Pierre le Grand assiégeait Narva : Charles, avec
«000 Suédois, met en déroute l'armée du tzar dix
fois plus nombreuse (1700). Ensuite, il s'attaque
au roi de Pologne Auguste II, et, après cinq an-
nées de guerre"", il l'oblige h abdiquer en faveur de
Stanislas Leczinski.
Ces rapides succès semblèrent faire de Charles le
maître du Nord. Mais, tandis qu'il guerroyait en
Pologne, la Russie, qu'il méprisait, s'était trans-
formée sous la main énergique du tzar Pierre, qui,
pour mieux se rapprocher de l'Occident, avait aban-
donné l'ancienne capitale Moscou et fondé une
ville nouvelle sur les rives de la Neva, d'où il avait
chassé les Suédois. Pierre avait maintenant une
armée bien organisée ; aussi, lorsque l'imprudent
Charles XII, trompé par le souvenir d'un premier
et facile triomphe, se crut assez fort pour envahir
la Russie, il vit son armée détruite à Pultava (1109),
et fut réduit à s'enfuir en Turquie. Il parvint, en
1711, à décider le sultan à déclarer la guerre aux
Russes ; mais l'habileté de la tzarine Catherine,
qui obtint la paix à prix d'argent, déjoua ses plans.
Charles XII reçut alors l'ordre de quitter le terri-
toire ottoman : il refusa, et se défendit, au camp de
Varnitza, près de Bender, avec une poignée d'hom-
mes, contre toute une armée (1713). Il ne partit
que l'année suivante, en apprenant les revers qui
accablaient son royaume : le Danemark et la Prusse
s'étaient emparés de la plupart des possessions
suédoises au sud de la Baltique. En quinze jours,
Charles arriva de Turquie à Stralsund à franc
ctrier ; mais il ne put sauver cette ville (1715).
La situation de la Suède était déplorable : quinze
années do guerre l'avaient ruinée. Toutefois Char-
les ne perdit pas courage; il chercha des alliances,
et négocia avec le cardinal Albéroni, premier mi-
nistre du roi d'Espagne, qui ourdissait à ce mo-
ment-là un plan destiné à remanier la carte de
l'Europe. Charles XII, en échange du concours que
lui promit Albéroni, s'engagea à détrôner George P'
d'Angleterre au profit du prétendant Jacques
Stuart : mais il n'eut pas le temps de se lancer
dans cette nouvelle aventure, et fut tué tandis qu'il
guerroyait contre les Danois, au siège de Frédé-
rickshall en Norvège (17)8).
La romanesque et héroïque carrière de Charles
XII était faite pour tenter les narrateurs : Voltaire
en a écrit le récit dans un livre qui est devenu
classique. Montesquieu, à son tour, a rapproché
Charles XII d'Alexandre dans une page que nous
donnons ci-dessous.
Lectures et dictées — Charhs XII au camp de
Varnitza, par Voltaire [Histoire de Charles XII,.
Parallèle entre Charles XII et Alexandre. —
Ce prince (Charles XII], qui ne fit usage que de
ses seules forces, détermina sa chute en formant
des desseins qui ne pouvaient être exécutés que
par une longue guerre : ce que son royaume ne
pouvait soutenir.
Ce n'était pas un État qui fût dans la décadence
qu'il entreprit de renverser, mais un empire nais-
sant. Les Moscovites se servirent de la guerre
qu'il leur faisait comme d'une école. A chaque dé-
faite, ils s'approchaient de la victoire, et, perdant
au dehors, ils apprenaient à se défendre au de-
dans.
Charles se croyait le maître du monde dans les
déserts de la Pologne, où il errait, et dans lesquels
la Suède était comme répandue, pendant que son
principal ennemi se fortifiait contre lui, le serrait,
s'établissait sur la mer Baltique, détruisait ou pre-
nait la Livonie.
La Suède ressemblait à un fleuve dont on cou-
pait les eaux dans sa source, pendant qu'on les
détournait dans son cours.
Ce ne fut point Puliava qui perdit Charles :s'il
n'avait pas été détruit dans ce lieu, il l'aurait été
dans un autre : les accidents de la fortune se ré-
parent aisément; mais comment parer à des évé-
nements qui naissent continuellement de la nature
des choses ?
Mais la nature ni la fortune ne furent jamais si
fortes contre lui que lui-même.
Il ne se réglait point sur la disposition actuelle
des choses, mais sur un certain modèle qu'il avait
pris : encore le suivit-il très mal. Il n'était point
Alexandre, mais il aurait été le meilleur soldat
d'Alexandre.
Le projet d'Alexandre ne réuss t que parce qu'il
était sensé. Le mauvais succès des Perses dans les
invasions qu'ils firent de la Grèce, les conquêtes
d'Agésilas et la retraite des Dix Mille avaient fait
connaître au juste la supériorité des Grecs dans
leur manière de combattre et dans le genre de
leurs armes ; et l'on savait bien que les Perses
étaient trop grands pour se corriger.
Ils ne pouvaient plus afi'aiblir la Grèce par des
divisions : elle était alors réunie sous un chef qui
ne pouvait avoir de meilleur moyen de lui cacher
sa servitude que de l'éblouir par la destruction de
ses ennemis éternels et par l'espérance de la con-
quête de l'Asie.
Un empire cultivé par la nation du monde la
plus industrieuse, et qui travaillait les terres par
principe de religion, fertile et abondant en toutes
choses, donnait à un ennemi toutes sortes de faci-
lités pour y subsister.
On pouvait juger par l'orgueil de ses rois, tou-
jours vainement mortifiés par leurs défaites, qu'ils
précipiteraient luur chute en donnant toujours des
batailles, et que la flatterie ne permettrait jamais
qu'ils pussent douter de leur grandeur.
Et non seulement le projet était sage, mais il
fut sagement exécuté. Alexandre, dans la rapidité
de ses actions, dans le feu de ses passions mêmes,
avait, si j'ose me servir de ce terme, une saillie
de raison qui le conduisait, et que ceux qui ont
voulu faire un roman de son histoire, et qui avaient
l'esprit plus gâté que lui, n'ont pu nous dérober.
]\loNTESQUiEU [Esprit dcs lois, livre XI, ch. xiii.)
Charles Jean XI'V — Hist générale XXVI et
XXXUI : Histoire de France, XXXUI. — C'est le nom
que prit, lorsqu'il fut devenu roi de Suède, le
maréchal de France Bernadette. Né à Pau en 1769,
Bernadette s'engagea à dix-sept ans dans un régi-
ment. Il fit les guerres de la Révolution, monta
rapidement en grade, reçut un commandement à
l'armée d'Italie sous Bonaparte en 1797, puis devint
un instant ministre de la guerre. Il désapprouva
le 18 brumaire, mais fut néanmoins nommé maré-
chal de France en 1804, puis créé prince de
Ponte-Corvo. Quoiqu'il fit toujours une sourde op-
position à Napoléon, il prit part aux premières
guerres de l'empire, et reçut en i80S un comman-
dement en Danemark. C'est ainsi qu'il se trouva
mis en relation avec les Suédois. En 1810, les Etats
de Suède, voulant choisir un héritier au vieux
roi Charles XIII, qui n'avait pas d'enfants, dési-
gnèrent Bernadette. Il accepta, fut proclamé prince
royal, et partit pour la Suède, où il régna de fait
jusqu'à la mort de Charles XIII. En 1812, il entra
dans la coalition contre Napoléon, et essaya d'a-
bord de jouer un rôle de médiateur; puis il fit la
guerre de 1813 dans les rangs des alliés, mais ne
voulut pas prendre part à l'invasion de la France
CHARLES
— 384 —
CHARLES
«n 1S14. Les traités de Vienne donnèrent à la
Suède la Norvège, enlevée au Danemark, _ en
■échange de la Finlande, que la Russie s'était
annexée en 1808. Devenu roi en 1SI8, Charles-
Jean XIV eut un règne de vingt-cinq ans, tran-
quille et pros23ère, et laissa le trône en 1844 à son
fils Oscar I".
CHARLES LE TEMERAIRE, duc de Bourgogne.
— Hist. de France, XV ; Hist. générale, XXI. —
Ce prince fut le dernier et principal représen-
tant de la deuxième maison capétienne des ducs
■de Bourgogne, dont l'ambition faillit devenir fatale
à l'unité française. A la mort de Philippe de Rou-
vre, dernier duc de la première maison capétienne,
le roi Jean le Bon avait donné la Bourgogne à son
<iuatrième fils, Philippe le Hardi (1301) ; celui-ci
joignit bientôt à son duché les comtés de Flandre,
d'Artois et de Nevers, dont il avait épousé l'héri-
tière. Philippe le Hardi et son successeur Jean
Sans-Peur eurent une grande part dans le gou-
vernement de la France durant le règne de Char-
les VI. (V. Guerre de Cent ans, Charles VI, Char-
les VU.) Philippe le Bon, fils de Jean Sans-Peur,
et troisième duc de Bourgogne de la seconde
maison capétienne, s'allia aux Anglais, et fut l'au-
teur principal du désastreux traité de Troyes, qui
faisait passer la couronne de France sur la tête
■des rois d'Angleterre; plus tard, toutefois, il fit la
paix avec Charles VII, et l'aida à expulser les An-
glais de France. Lorsqu'il laissa en li67 ses États
à son fils Charles le Téméraire, il les avait accrus
des comtés d'Auxerre et de Mâcon, de la Picardie,
du Brabant et de la Hollande.
Charles de Bourgogne était le plus puissant des
grands vassaux de France ; mais son orgueil ne
s'accommodait pas de cette position subordonnée,
si brillante qu'elle fût ; il voulait devenir un sou-
verain indépendant, et ses ressources militaires
et financières, supérieures à colles de tous les prin-
ces de son époque, semblaient lui promettre le
succès. Il engagea donc contre le roi Louis XI
une lutte qui dura de longues années avec des pé-
ripéties diverses, et dans laquelle il eut pour alliés
la plupart des grands seigneurs français, et le roi
d'Angleterre Edouard IV. Le but poursuivi par le
duc de Bourgogne n'était rien de moins que le dé-
membrement de la France. Louis XI réussit tou-
tefois, à force d'habileté, à, déjouer les projets de
son adversaire. (V. Loiùs XI.)
Voyant qu'il ne pouvait réussir à briser la puis-
sance du roi de France, Charles tourna ses efforts
d'un autre côté, et chercha à se créer un royaume
en agrandissant ses Etats aux dépens de voisins
moins redoutables. Il détenait déjà l'Alsace à titre
de gage d'un prêt qu'il avait fait à l'archiduc d'Au-
triche ; il s'empara de la Lorraine au détriment du
duc René de Vaudemont, et négocia avec René
d'Anjou, l'ex-roi de Naples, la cession de la Pro-
vence : il aurait ainsi reconstitué à son profit YslU-
<iïQnn& Lotharingie OM part de Lothaire {N . Lot "aire),
moins l'Italie. Mais les Suisses lui firent obstacle ;
Louis XI avait réussi à gagner à prix d'argent ces
belliqueux montagnards, qui envahirent l'Alsace,
la Franche-Comté, le pays de Vaud : Charles fut
obligé de leur déclarer la guerre. Il avait d'ailleurs
intérêt à les soumettre, car ce n'était qu'à ce prix
qu'il pouvait réaliser son projet de réunir en un
royaume compacte les territoires situés entre la
France et l'Allemagne. « Le roi René lui voulait
mettre son pays de Provence entre les mains ;
le duc de Milan était son allié ; de la maison de
Savoie, il en dispo.sait comme du sien ; si les Suis-
ses étaient soumis, il tenait le pays depuis la
mer de ponent jusqu'à celle de levant en son
obéissance. » (Comincs.) Il rassembla une armée
formidable, et, franchissant le Jura, entra dans le
pays de Vaud; mais il fut mis en déroute par les
Suisses h, Grandson (1476), à la grande joie de
Louis XI. Furieux de sa défaite, il ne renonça
pourtant pas à son projet; trois mois plus tard, il
avait réuni à Lausanne une seconde armée, et il se
dirigea sur Morat, ville que les Suisses avaient
enlevée au duc de Savoie. Là, il subit un échec
plus complet encore que le premier, et fut obligé
de s'enfuir en Bourgogne, en abandonnant défini-
tivement ses rêves de conquêtes.
A la nouvelle des revers de Charles, la Lorraine
se souleva contre lui. Le duc de Bourgogne réunit
à grand'peine quelques troupes, et alla assiéger
Nancy ; il fut vaincu devant cette ville par René de
Vaudemont, aidé des Suisses, et périt dans la ba-
taille (U77).
L'unique héritière de Charles le Téméraire, sa
fille Marie, ne put conserver qu'une partie des
Etats de son père ; Louis XI lui enleva le duché de
Bourgogne, la Picardie et l'Artois, qui firent re-
tour à la couronne de France. Marie de Bourgogne
épousa l'archiduc Maximilien d'Autriche, fils de
l'empereur Frédéric III, et lui apporta en dot les
Pays-Bas et la Franche-Comté ; ainsi commença la
grandeur de la maison d'Autriche, dont un au-
tre mariage allait achever l'étonnante fortune.
CHARLES-QUINT ou CHARLES V tCHARLES I"
pour les Espagnols) — Hist. générale, XXII, XXVII
et XXIX. — Empereur d'Allemagne et roi d'Espa-
gne, né à Gand, le 24 février 1500, de Philippe le
Beau, archiduc d' .Autriche, et de Jeanne la Folle,
reine de Castille, mort au monastère de Saint-Just,
le 21 septembre 1558.
Archiduc des Pays-Bas en 1506 par la mort de
son père, Charles-Quint, sous la direction de sa
tante Marguerite d'Autriche , reçut d'Adrien
d'Utrecht et du sire de Chièvres l'éducation ordi-
naire des princes de son temps. A seize ans, ha-
bile aux tournois et aux exercices guerriers, par-
lant plusieurs langues et possédant le goût des
arts, ce prince flamand devint l'oi des Espagnes à
la mort de son grand-père maternel, Ferdinand
d'Aragon (1516). Ximenès avait frayé la voie, dressé
le trône : Charles n'avait qu'à s'asseoir, et il débuta
par indisposer l'Espagne en disgraciant Ximenès
mourant, et en donnant aux Flamands qui l'av dent
suivi les premiers postes administratifs et mili-
taires.
En 1519, la mort de son grand-père paternel,
Maximilien d'Autriche, empereur d'Allemagne, mit
Charles-Quint à la tête des biens de la maison
d'Autriche , et le posa comme compétiteur de
François I*' à la couronne impériale. A force d'intri-
gues habilement conduites par sa tante Marguerite,
à force d'argent fourni par les banques allemandes,
Charles l'emporta sur son rival. Cette élection fut
une affaire d'argent : sauf l'électeur de Saxe, op-
posé à l'Autriche, et l'électeur de Trêves, noble
chevalier allemand qui voulut rester les mains
nettes, le reste était à vendre. Aussi, après avoir
confié la régence de l'Espagne à Adrien d'Utrecht,
su gagner Henri VIII d'Angleterre et son ministre
Wolsey, Charles se rendit à Aix-la-Chapelle, où il
se fit couronner le 23 octobre 1520. « Cet empereur
de vingt ans, dit Michelet, qui, dans ses faibles
bras, prenait la moitié de l'Europe, faible pour
gouverner, fut fort pour étouSer. On avait fait un
monstre : l'Espagne et l'Allemagne, collées l'une
sur l'autre, et face contre face, Torquemada contre
Luther. »
Depuis trois ans, l'Allemagne était agitée par
les prédications de Luther. Charles-Quint, voulant
mettre fin à ces troubles religieux, d'accord avec
le pape Léon X, convoqua et présida la diète de
Worms qui condamna le réformateur, et envenima
les querelles théologiques (V. Héfotmé). L'am-
bition de l'empereur et les provocations de Fran-
çois \" ne tardèrent pas à allumer la guerre ; elle
éclata, en 1521, sur trois points à la fois : en Na-
varre, où les Français furent repoussés ; dans le
CHARLES-QUINT
— 385 —
CHAUFFAGE
Nord, où les impériaux échouèrent devant Mézières ;
et en Italie, où Lautrec, vaincu à la Bicoque, perdit
le Milanais. En même temps, le mécontentement
des Espagnols s'était traduit par une révolte sé-
rieuse, dite des comuneros, qui avait pour chef
Jean de Padilla. Celui-ci, après une lutte opiniâtre
et héroïque, fut vaincu et pris à la bataille de Vil-
lalar (1521). Cette défaite mit fin à la révolte, et la
Castille perdit ses libertés.
L'année suivante, la trahison du connétable de
Bourbon, qui négociait avec Charles-Quint et Henri
VIII le partage de la France, fut le motif d'une
recrudescence d'hostilités entre Charles-Quint et
François I": ce dernier eut la faiblesse de confier
le commandement de l'armée française à l'inca-
pable Bonnivet, qui se fit battre à Abbiate-Grasso
et laissa les impériaux envahir la Provence et as-
siéger Marseille (1524). Mais ce pays n'offrant que
peu de ressources pour le ravitaillement d'une ar-
mée, Charles-Quint se hâta de repasser les Alpes
à l'arrivée de François I", qui alla se faire prendre
h Pavie (1525). Le vainqueur fit conduire son royal
prisonnier en Espagne, et, après une captivité de
plusieurs mois, lui imposa les dures conditions du
traité de Madrid (14 janvier 1526;.
Ce traité onéreux, qui livrait la Bourgogne à
Charles-Quint, ne fut point ratifié. François I"
avait compris que l'Europe commençait à s'efl"rayer
de la puissance de l'empereur d'Allemagne. Le roi
d'Angleterre, le pape Clément VII, et les princes
italiens entrèrent dans la ligne de Cognac. Le dan-
ger était sérieux, mais l'expédition du connétable
de Bourbon contre Rome (152T:, la défection hon-
teuse d'André Doria, qui sauva Naples assiégée
par les Français, et surtout la défaite de ces der-
niers à Landriano, sauvèrent Charles-Quint. Le
traité de Cambrai, dit Paix des Dames (1529), laissa
la possession de l'Italie à Charles, qui se fit cou-
ronner à Bologne roi des Lombards et empereur
des Romains par le pape Clément VIL
Ces brillants succès n'assurèrent point la tran-
quillité de Charles-Quint ; deux ennemis redouta-
bles restaient à combattre : les luthériens, qui
protestèrent contre les décisions de la diète de
Spire et formèrent la ligue de Smalkalde, et les
Turcs, qui, sous la conduite de Soliman II, atta-
quaient l'Europe chrétienne par terre et par mer.
Les princes allemands refusaient de se soumettre
à la monarchie impériale, et ce ne fut pas sans dif-
ficulté que l'empereur fit nommer roi des Romains
son frère Ferdinand, à qui il abandonna le gouver-
nement des provinces autrichiennes, avant de
partir pour aller châtier le pirate Barberousse
qu'il amena à composition en s'emparant de Tunis
(1535). Cependant François I" réclamait le Mila-
nais et recommençait la lutte en attaquant le duc i
de Savoie ; Charles, d'abord victorieux, entra une ,
seconde fois en France, puis, menacé par les Turcs
qui ravageaient la vallée du Danube, signa le traité
de Nice (l.'>38). Les deux rivaux paraissaient ré- ^
conciliés. Charles profita des bonnes dispositions
de François I*' pour traverser la France afin d'aller
punir les Ganiois révoltés. Peu après (1541), il
entreprit sans succès une expédition contre Alger,
et Ji son retour fut contraint de soutenir une qua-
trième guerre contre François I". . !
Charles-Quint, soutenu par Henri VIII d'An-
gleterre et par les princes protestants d'Allema-
gne qu'il avait su gagner par des concessions, vit ]
une de ses armées battue à Cérisoles par le comte
d'Enghien (l.i^4), échoua lui-même dans une in-
vasion de la Champagne parla résistance de Saint-
Dizier, et signa la paix de Crespy. Son activité se
tourna alors contre les princes protestants d'Alle-
magne, que les décisions de concile de Trente et
les tendances de l'empereur avaient effrayés. D'a-
bord victorieux à Mûhlberg où il fit prisonnier l'é-
lecteur de Saxe et le landgrave de Hcsse-Cassel
2« Partie,
1 (1547), il croyait l'Allemagne complètement sou-
mise à son pouvoir, lorsque, par Yinterim d'Augs-
bourg, il irrita tous les partis, raviva la lutte, fut
presque surpris à Insbrvick, et bientôt contraint
de signer la convention de Passau (15j2), conven-
tion qui prépara la paix d'Augsbourg (1555), triom-
phe du protestantisme en Allemagne. En même
I temps les succès des Français, alliés des princes
allemands, lui enlevaient toute espérance de supré-
matie européenne. Henri II, maître des trois evê-
chés. Metz, Toul et Verdun, paraissait sur les bords
I du Rhin, et ce fut inutilement que, pour se ven-
ger, Charles vint assiéger Metz, ravagea le nord
de la France ; défait à Renty, il fut forcé de signer
la paix de Vaucelles (1555).
I Après avoir marié à Marie d'Angleterre son fils
I Philippe, qu'il ne put faire nommer roi des Ro-
mains, Charles-Quint, épuisé par des attaques de
goutte, dégoûté du pouvoir qu'il n'avait pu étendre
selon ses vues ambitieuses, abandonna à son fils
Philippe II les Pays-Bas d'abord (1565\ puis l'Espa.
gne, ses possessions italiennes et l'Amérique en
1556; à son frère Ferdinand la couronne impériale
et ses possessions autrichiennes, et se retira au
monastère de Saint-Just dans l'Estrémadure. Là,
sans vivre de la vie monastique, entouré dune suite
assez nombreuse, il partageait son temps entre les
pratiques religieuses et la direction des affaires
politiques qu'il n'avait jamais complètement aban-
donnée.
Rappelons, en terminant, que sous son règne les
Espagnols avaient fait la conquête d'une grande
partie du nouveau monde : Cortez avait soumis le
Mexique et Pizarre le Pérou. [H. Georges.]
Lectures et dictées. — Education de Charles-
Quint. — a Dans cette salle de Malines, où siège
de côté, mal vu et négligé de son élève, le pédant
Adrien d'Utrccht, regardez à la lampe cet enfant
pâle en velours noir, figure intelligente et froide,
où la lèvre inférieure accuse le sang d'Autriche,
où la forte mâchoire rappelle la race anglaise. Le
dur travailleur apparaît déjà en lui, avide, absorbé,
insatiable de travail, d'intrigues et d'aflTaires. Des
monceaux de dépêches et de papiers d'État sont
devant lui. Tout ce qui vient, même de nuit, arrive
ici et passe sous ses yeux ; son gouverneur, M de
Chièvres, veut que le prince lise, afin de lire lui-
même, et qu'il fasse rapport au conseil. Ainsi l'é-
ducation deviendra peu à peu le gouvernement...
M. de Chièvres ne combattit pas Charles le Témé-
raire, mais le refit. Charles-Quint son élève fut
laborieusement, sagement élevé dans la folie de
l'autre. Les visions de monarchie universelle,
étranges et romanesques pour un duc de Bourgo-
gne,semblaient l'être bien moinspour celui en qui
la fortune unissait les Espagnes, les Pays-Ras, les
États autrichiens. L'empire ne pouvait guère man-
quer à un petit-fils de Maximilien, maître de tant
d'Etats. Charlemagne, agrandi, revenait pour l'Eu-
rope. Le monde allait reprendre l'unité et la paix
du grand empire romain. Que fallait-il pour cela?
Rien que briser la France, la démembrer si l'on
pouvait Mais le succès était certain, écrit déjà
dans la devise prophétique du sage fondateur de
la maison d'Autriche Frédéric III : A. E. I 0. U.
« Austrix est imperare orlA universo ; il est
réservé à l'Autriche de commander au monde
entier. » (Michelet , Histoire de France au
XVI' siècl-\)
Lire aussi dans le Charles-Quint de Mignet :
le siège et la belle résistance de Marseille, ch. vi ;
— la bataille de Pavie, ch. vu; — le beau récit de
la mort de Charles-Quint, ch. viir. etc.
CHAUFFAGE. — Physique, XIX. — On chauffe
chaque jour, dans léconoraie domestique et
dans l'industrie, des corps solides et des lir|iiiiles,
et dans nos climats tempérés, pendant une grande
partie de l'année, l'air des appartemonts et des
25
CHAUFFAGE
— 386 —
CHAUFi^'AGE
grandes salles. Le chauffage des solides et des
liquides, soit qu'on veuille les fondre ou simple-
ment élever leur température, ne doit satisfaire
qu'à la double condition d'être rapide et écono-
mique ; la dépense de charbon y est en fin de
compte l'élément principal. Le chauffage des ap-
partements est une question plus complexe à cause
des conditions variables auxquelles il doit satis-
faire suivant les lieux et suivant nos habitudes ; il
constitue l'un des problèmes les plus importants de
l'économie domestique et de l'hygiène, puisqu'il
occasionne pour chaque ménage une dépense assez
lourde et qu'il exerce une influence considérable
sur la santé et le bien-être. L'un et l'autre sont
des applications d'un certain nombre de notions
éparses dans la partie du cours de physique qui
traite de la chaleur; c'est à ce titre que nous les
rassemblons dans cet article où nous allons passer
en revue les meilleurs modes d'utilisation du
combustible et les appareils qui réalisent le cbauf-
fasre de la manière la plus régulière.
1. Chauffage des solides et des li(]uides. — On
se contente souvent de placer le corps à chauffer
sur le feu, ou le vase qui le contient directement
en contact avec la flamme : c'est le chauffage à feu
nu, de tous les modes le plus simple et le plus em-
ployé. 11 s'accommode de tous les combustibles :
le coke ou la houille dans lindustric, le bois, le
charbon de bois ou le gaz dans l'économie domes-
tique. Mais il n'est réellement économique que s'il
utilise bien la chaleur du foyer, c'est-à-dire si les
produits gazeux de la combustion font plusieurs
fois le tour de la chaudière à échauffer, avant de
s'échapper dans l'atmosphère.
Quand le corps doit être échauffé lentement et
d'une manière uniforme, que l'on craint pour lui
les coups de feu, on emploie le bain de sable di-
rectement en contact avec le foyer et cédant sa
chaleur au vase qui repose sur lui.
Si l'on ne peut dépasser une certaine tempéra-
ture, comme par exemple celle de l'eau bouil-
lante, on se sert du bain-marie : le vase en contact
avec la flamme contient de l'eau qui se résout en
vapeur , et c'est la chaleur uniforme de cette vapeur
qui échauffe le corps.
Enfin on emploie souvent la vapeur d'eau au
chauffage des liquides, surtout aujourd'hui que les
moteurs à vapeur sont devenus communs et qu'on
dispose avec eux d'une source de chaleur toujours
prête et d'un emploi commode.
Quand la vapeur peut sans inconvénient se mé-
langer au liquide à échauffer, on la fait venir dans
ce liquide par un tube percillé de trous qui la
laissent échapper; et en se condensant, elle aban-
d onne la grande quantité de chaleur qu'elle pos-
sède.
Si au contraire la vapeur d'eau peut nuire au
liquide à échauffer, comme c'est le cas dans les
sucreries ou les teintureries, onne l'y fait pas déga-
ger directement ; on l'amène dans un serpentin
qui fait plusieurs tours dans la chaudière, et c'est
ce serpentin qui communique au liquide la cha-
leur que la vapeur lui a cédée.
Il semble au premier abord que l'industrie, avec
ses grands appareils, puisse seule utiliser ce mode
de chauffage à la vapeur aussi propre que rapide,
aussi commode qu'économique. Il n'en est rien ;
et dans bien des cas, l'économie domestique peut
aussi s'en servir avec profit. Pour n'en citer qu'un
exemple, nous considérerons le cas d'un ménage
de campagne ou d'une ferme où pendant plusieurs
mois de l'année on fait cuire chaque jour des pom-
mes de terre pour le bétail.
Le procédé le plus anciennement pratiqué con-
sistait à mettre dans la flamme d'un foyer ouvert
le vase de fonte contenant les corps à chauffer.
Un premier progrès a été réalisé par l'emploi d'un
foyer iermé, entourant la chaudière dun canal
contourné où les produits gazeux de la combustion
puissent abandonner, avec profit, la majeure partie
de la chaleur qu'ils emportent. Mais on arrive à
une cuisson bien plus rapide en munissant la
chaudière d'un double fond où l'on met de l'eati.
Cette eau se vaporise, et la vapeur qui s'élève et
qui se répand dans tout le vase autour des tubercules
leur cède la grande chaleur qu'elle possède et les
cuit en très-peu de temps.
2. Chauffage des appartements. — Le système
le plus anciennement pratiqué pour chauffer les
lieux habités est le chauffiige direct par combus-
tion. Les sauvages allument le feu au milieu de
leur hutte ; l'air afflue du pourtour par les portes
mal fermées ou les fissures des murs en terre, et il
s'élève avec la fumée pour s'échapper par l'ouver-
ture pratiquée au sommet de la hutte. Chez les
peuples civilisés de l'antiquité, du combustible
brûlant sans fumée était placé dans des vases
ouverts au milieu de la pièce à chauffer. Ce sys-
tème est encore pratiqué en Italie, en Espagne et
dans le midi de la France où s'est conservé l'usage
des braseros. Bien qu'il jette dans la salle, avec la
chaleur, les produits gazeux de la combustion, le
brasero est sans incoiivénients graves dans les
contrées du Midi où les pièces à chauffer sont
grandes, élevées, à fermeture incomplète ; on ne
le garnit que de charbon bien allumé, à demi-
enfoui dans la cendre, de manière que la combus-
tion ne dégage que de l'acide carbonique sans
oxyde de carbone; il deviendrait très-nuisible s'il
était garni de charbon noir. Le chauffage qu'il
procure est très-léger. Dans nos climats rigou-
reux, il serait tout à fait insuffisant. Il faut à nos
appartements bien clos des appareils qui empor-
tent les produits gazeux de la combustion, qui
provoquent un renouvellement de l'air au lieu de
le vicier et qui produisent beaucoup de chaleur :
on y emploie les cheminées, les poêles et les calo-
rifères.
A. Chauffage par chemiiiées. — Une cheminée
se compose d'un foyer où brûle le combustible, qui
communique sa chaleur par rayonnement, et d'un
conduit vertical élevé destiné à emmener la fumée.
Les plus anciennes ne remontent pas au-delà du
quatorzième siècle; elles étaient d'une dimension
considérable ; le foyer, adossé contre un grand
mur, n'était pas limité latéralement; une immense
hotte formant l'ouverture du conduit vertical cou-
vrait une aire de 15 à 20 mètres carrés sur la-
quelle toute une famille nombreuse trouvait place
autour du feu. Ce n'était guère qu'une modifica-
tion du chauffage primitif des huttes réalisant seu-
lement une sortie plus régulière et plus rapide de
la fumée. On n'en rencontre plus que dans quel-
ques cuisines de fermes dont la construction re-
monte à plus d'un siècle. Depuis Rumford, on a
apporté de nombreux perfectionnements à l'éta-
blissement des cheminées, à l'effet de les rendre
plus hygiéniques et de mieux utiliser la chaleur
du combustible ; on limite latéralement le foyer
par des murs inclinés et on fait les conduits à
fumée plus étroits et plus élevés.
Quand on allume le feu dans le foyer d'une che-
minée, la colonne d'air du conduit s'échauffe, se
dilate et s'élève. L'air chaud est remplacé inces-
samment par de l'air froid qui, en passant par le
foyer, y abandonne son oxygène et active la com-
bustion. Cet air, à son tour échauffé, tend ainsi à
s'élever et appelle de l'air froid; on dit qu'il se
fait un tirage. Ce tirage est d'autant plus fort que
la cheminée est plus haute 3t plus étroite ; on
effet, plus la cheminée est élevée, plus est grande
la colonne d'air chaud, plus est considérable la
différence de son poids avec celui d'une même
colonne d'air froid, c'est-à-dire la force ascension-
nelle qui appelle l'air sur le combustible et entraîne
la fumée. D'autre part, si comme dans les anciens
CHAUFFAGE
— 387
CHAUFFAGE
appareils, le foyer est très spacieux et le conduit à
fumée \rcs large, tout l'air qui y pénètre n'a pas
passé sur le combustible et ne s'est pas suffisam-
ment échauffe, et il peut se produire un courant
descendant d'air froid qui contrarie le courant as-
cendant et fasse refluer la fumée dans l'apparte-
ment.
Dans les cheminées d'usines que l'on fait très-
étroites et d'une hauteur de 60 à 80 mètres, il ne
passe guère par kilogramme de combustible brûlé
que 8 à 10 mètres cubes d'air porté par la combus-
tion à une température de plus de iOU°, et dont la
force ascensionnelle est par conséquent considé-
rable.
Dans nos cheminées d'appartement, pour la
même quantité de combustible, il passe CO mètres
cubes d'air au moins ; sa température n'est dès
lors guère supérieure à ôO°, et sa force ascension-
nelle est faible. Aussi suffit-il de circonstances
extérieures peu puissantes pour modifier le cours
de la fumée. La principale cause qui agisse par en
haut pour faii'e refluer la fumée, c'est l'action du
vent qui passe au-dessus du conduit avec une
grande vitesse horizontale, ou s'y engouffre parfois
poussé obliquement avec une grande force ; l'air
chaud ne peut pas le refouler pour s'échapper au
dehors. Pour remédier à cet inconvénient, on ré-
trécit la partie supérieure du conduit à fumée et on
la munit d'une buse conique, à ouverture latérale,
que le vent dirige dans la direction de son cou-
rant.
La grande quantité d'air entraîné par une che-
minée présente un double inconvénient; il emporte
avec lui une proportion notable de la chaleur que
le foyer a jetée dans l'appartement, et il est rem-
placé par l'air extérieur entrant par des ventouses
ou par les joints des portes et des fenêires et
créant un courant continu d'air froid vers le foyer.
Si l'on remarque en outre que la chaleur rayon-
nante est seule utilisée par les cheminées ordi-
naires, qu'elle n'est pour le bois qu'environ 26
p. 100 de la chaleur produite, et qu'il n'en pénètre
pas plus d'un quart dans la pièce chauffée, le reste
étant absorbé par les parois du foyer et perdu, on
en conclut que les cheminées ordinaires sont des
•appareils défectueux qui n'utilisent en réalité que
6 à 12 p. 100 de la chaleur totale du combustible.
Les contructeurs habiles parviennent à supprimer
une partie des défauts reprochés aux cheminées,
en disposant le foyer de manière qu'il envoie dans
la pièce le plus de chaleur possible, en réduisant
le volume d'air libsorbé par la cheminée à la quan-
tité d'air nécessaire aux conditions hygiéniques de
la respiration, en remplaçant cet air, non plus par
de l'air froid, mais par de l'air qui, avant d'arriver
dans la pièce, s'est échauffé par la chaleur perdue
du foyer.
Malgré ces progrès, la cheminée reste un des
modes de chauffage les moins économic(ues ; en
revanche, c'est le plas hj^giénique et le plus agréa-
ble. La vue du feu récrée ; l'air se renouvelle rapi-
dement et se maintient à une température modé-
rée ; il reste frais et pur, c'est-à-dire dans les
conditions qui permettent un bon travail et assu-
rent une bonne santé.
B. Chauffage pur poêles. — Les poêles sont de
tous les appareils de chauffage les plus simples,
les plus économiques et les plus répandus. Leurs
formes sont très différentes, mais on peut les grou-
per toutes sous trois types principaux : le poêle de
fonte, le poêle en terre cuite, et le poêle à circu-
lation d'air.
Les poêles de fonte sont les plus généralement
-employés dans les petits ménages parce qu'on les
dispose souvent pour cuire les aliments. Ils chauf-
fent rapidement et avec une grande énergie, sur-
tout quand on les munit d'un tuyau de tôle assez
long destiné à emmener les gaz de la combustion,
et à céder encore à la pièce la chaleur qu'il reçoit.
Ils permettent d'utiliser presque toute la chaleur
dégagée du combustible ; mais ils se refroidissent
vite, et on ne peut guère obtenir avec eux une cha-
leur douce et uniforme sans supprimer presque
complètement le renouvellement de l'air. Ils ont
un autre inconvénient, c'est de répandre une odeur
désagréable, parce que les poussières organiques
de l'air se grillent au contact de la fonte chauffée.
On dit qu'ils dessèchent l'air, parce qu'en dévelop-
pant une température un peu élevée, ils rendent
l'air capable de tenir plus de vapeur d'eau ; il en
résulte une activité plus grande dans l'évaporation
du corps et notamment une fatigue des organes
de la respiration. Jlais on combat aisément cet in-
convénient en plaçant sur le poêle un vase d'eau
dont la vapeur rend à l'air un degré convenable
d'humidité. Il est moins facile de porter remède
au défaut de renouvellement de l'air ; aussi faut-il
conseiller aux personnes qui chauffent leurs cham-
bres avec des poêles de fonte de faire de fréquen-
tes promenades à l'air libre.
Les poêle< en terre cuite, qu'ils soient en briques
avec un revêtement léger de tôle leur donnant un
aspect métallique, ou bien en faïence, s'échauffent
lentement ; il faut un certain temps pour en avoir
de la chaleur ; mais ils se refroidissent aussi moins
vite et produisent une chaleur douce et uniforme.
On ne peut guère y brûler que du bois ; la houille
et le coke y donneraient une température élevée
dont l'effet immédiat serait de faire fendiller l'en-
veloppe et de la mettre rapidement hors de service.
Ils ne produisent pas de mauvaise odeur; aussi les
recommande-t-on pour les appartements.
Dans les pays du Nord, les maisons sont chauf-
fées par de très grands poêles en briques occu-
pant lout un pan de mûr, et construits de telle
manière que la fumée et les produits de la com-
bustion parcourent un long circuit placé dans
l'épaisseur du poêle avant de s'échapper au deliors.
On allume le matin un feu de bois qu'on main-
tient deux ou trois heures, après quoi on ferme
toutes les issues; la braise incandescente qui s'é-
teint lentement cède peu à peu sa chaleur aux
parois du poêle qui rayonnent longtemps vers la
chambre et y maintiennent une température de
14 à 15 degrés si l'appartement est bien clos.
Le grave inconvénient de ces appareils, c'est de
transformer les appartements en serres chaudes
où l'air ne se renouvelle pas ; aussi les efforts des
constructeurs se sont-ils appliqués à monter des
poêles qui, tout en chauffant avec régularité et
économie, puissent jeter dans la salle où ils sont
établis de l'air chauffé à leur contact, mais puisé
à l'extérieur et ayant par conséquent toutes les
qualités liygiéniques désirables. On a eu alors les
poêles calorifères, qui présentent des formes diver-
ses, mais dont le principe, qui est le môme dans
tous, consiste à présenter une grande surface de
chauffe et à faire passer sur cette surface, en sens
contraire du mouvement de la fumée, un rapide
courant d'air frais puisé au dehors et ne péné-
trant dans la salle qu'après avoir emprunté de
la chaleur au long conduit du gaz de la com-
bustion,
G. Chauffage p'ir calorifères. — Les calorifères
sont différents des poêles en ce que le foyer est
établi en dehors des pièces à chauffer, et qu'il
envoie de la ciialeur dans chacune par des conduits
convenablement disposés. Le véhicule de la chaleur
peut être l'air, l'eau ou la vapeur d'eau ; de là trois
sortes de calorifères. Ces appareils volumineux,
coûteux de premier établissement, ne conviennent
qu'aux très grands espaces ou à un grand nombre
de pièces à cliauftér en même temps, comme c'est
le cas dans beaucoup d'établissements publics.
Le calorifère à air chaud est employé dans les
cathédrales et les maisons à étages où l'on chauffe
CHAUX
— 388 —
CHAUX
à la fois les vestibules, les escaliers et un grand
nombre de pièces. Le foyer est en dessous de tou-
tes les parties à chaufTer ; il communique la plus
grande partie de sa chaleur à de l'air que l'on dis-
tribue ensuite par un système de canaux bien éta-
blis partout où il est nécessaire.
Le calorifère à vapeur d'eau existe plus ou moins
perfectionné dans toutes les usines où l'on dispose
d'un moteur h vapeur; des tuyaux de distribution
et de transport, convenablement enveloppés, con-
duisent la vapeur dans des récipients à grande
surface extérieure destinés à la condenser et à
transmettre à l'air, au travers de leur enveloppe,
la chaleur provenant de cette condensation.
Le calorifère à circulation d'eau chaude est
surtout remarquable par la régularité de ses effets,
et la durée du chauffage qu'il procure ; il était déjà
mis en usage par les Romains dans leurs étuves
et leurs thermes, mais il n'est économique que
dans les grands établissements publics.
[Haraucourt.]
_ CHAUX. — Chimie, XV et XVIL — {Éh/77i. : du la-
tin calcis, dont on a formé le nom du métal le cal'
cium ) — Les alchimistes donnaient ce nom à un
grand nombre de substances d'aspect terreux, telles
que les oxydes de zinc, de mercure, de plomb ; ils
disaient chaux de zinc^ chaux d'étain, chaux de
plomb. Depuis Lavoisier, ce nom désigne exclusi-
vement l'oxyde de calcium plus ou moins pur.
C'est le chimiste anglais Davy qui, le premier, con-
firmant ainsi les prévisions de notre immortel
Lavoisier, démontra que la chaux était un oxyde
de calcium en en extrayant ce métal au moyen de
la pile de Volta, en 1807. Depuis, MM. Liès-Bodart
et Jobin ont pu l'obtenir en notables proportions,
en décomposant l'iodure de calcium par le sodium.
Le calcium est un beau métal jaune, brillant, inal-
térable dans l'air sec, mais très altérable à l'air
humide.
La chaux vive pure contenant 72 p. lOf) de
calcium, on peut dire que ce métal, qui n'existe
pur qu'entrés petite quantité dans les laboratoires,
est cependant un des éléments les plus répandus
dans la croûte terrestre, puisque la chaux combi-
née aux acides carbonique, silicique et phosphori-
que, est une des substances qu'on y rencontre le
plus communément.
Pj'opriéiés de la chaux. — Chaux vive ou anhy-
dre. — Chaux éteinte. — Chaux grasse. — Chaux
maigre. — Chaux hydraulique. — La chaux se
présente en général sous forme de morceaux gris,
plus ou moins durs; quand elle est pure, comme on
l'obtient en calcinant au blanc des morceaux de
marbre blanc, elle est incolore et s'appelle chaux
grasse.
Si elle provient de la calcination de calcaires
terreux chargés d' argile, de sable etquelquefois d'élé-
ments ferrugineux, elle s'appelle chaux maigre; elle
est alors d'un gris plus ou moins foncé. La chaux est
infusible aux températures les plus élevées ; à l'air
elle se sature à la longue d'humidité et d'acide car-
bonique, et retourne à l'état de carbonate de
chaux ; mise en contact avec l'eau quand elle a été
fraîchement préparée, elle l'absorbe en produisant
un sifflement comme un fer rouge plongé dans
l'eau, puis elle s'échauffe, foisonne et se délite,
c'est-à-dire se fendille et tombe en poussière sè-
che; en môme temps elle s'échauffe considérable-
ment (la température peut atteindre 300°), et
une partie de l'eau se dégage sous forme de
fumée.
Si on continue à ajouter de l'eau, la poussière
sèche se mouille, la chaux se refroidit, forme alors
une pâte qui est un hydrate de chaux et qu'on
appelle chaux éteinte. C'est dans cet étal qu'on
l'emploie à la fabrication des mortiers en la mé-
langeant à du sable ou à des matières siliceuses
Dulvérisées.
La chaux éteinte délayée dans l'eau donne un»
liqueur blanche qui est le lait de chaux ; elle s'y
trouve seulement en suspension, car elle est très
peu soluble dans l'eau ; à 15° il faut 778 parties-
d'eau pour dissoudre une partie de chaux ; si l'eau
est bouillante, il en faut I270 parties, car la solu-
bilité de la chaux diminue au fur et à mesure que
la température s'élève; c'est pour cela qu'une dis-
solution limpide de chaux se trouble quand on la
chauffe.
La chaux est une base puissante; elle ramène au
bleu le tournesol rougi, et elle sature la plupart
des acides, môme les plus énergiques.
Elle forme avec le sucre un véritable sel, un sca-
charate de chaux. Cette propriété est utilisée dans
l'extraction du sucre pour en retarder la fermenta-
tion.
La chaux peut aussi se combiner avec un
grand nombre d'acides organiques avec lesquels
elle forme des sels insolubles ; aussi est-elle sou-
vent employée dans l'extraction de cs'S acides.
On a donné le nom de chaux hydraulique à une
] chaux contenant de 15 à 20 p. 100 d'argile, qui a la
I propriété de durcir dans l'eau, et qui sert à cause
de cela à fabriquer des mortiers spéciaux utilisés-
dans les travaux de maçonnerie sous-marins.
Les calcaires argileux naturels qui servent à la
fabrication de la chaux hydraulique sont quelque-
j fois remplacés par des mélanges convenables de
j chaux et d'argile pulvérisés. Ainsi à Meudon, près
I Paris, on fabrique de la chaux hydraulique en com-
! binant un mélange de craie et d'argile.
£■^«^5 de la chaux dans la nature ; principaux
sels de chaux . — La chaux n'existe et ne peut
exister dans la nature qu'à l'état de sels, puis-
1 qu'elle se combine très facilement à l'eau et à
I l'acide carbonique. Ses principaux sels naturels
I sont : 1° les calcaires ou carbonates de chaux ; 2° le
j gypse ou sulfate de chaux ; 3» le phosphate de
chaux ; 4° le silicate de chaux ; 5° le chlorure de
I calcium ; 6° le fluorure de calcium, ou spath fluor;
et enfin l'azotate de chaux.
Calcaires. — On donne le nom de calcaire à tous
les carbonates de chaux naturels ; rien n'est plus
facile que de reconnaître un calcaire, car il fait
effervescence avec tous les acides, même avec le
vinaigre.
Le rôle des calcaires est extrêmement impor-
tant, soit au point de vue industriel, soit au point
de vue géologique. Il suffit, pour s'en convaincre,
de savoir que la craie, le marbre la pierre à bâtir,,
l'albâtre, la pierre lithographique, etc., sont des
calcaires.
Ce sont là les principaux, mais aucune espèce
géologique ne présente un plus grand nombre de
variétés.
A l'état cristallisé, le carbonate de chaux cons-
titue le spath d'Islande et l'aragoniie. Le premier
se rencontre en beaux gros cristaux transparents
de forme parallélipipédique oblique et jouissant
de la double réfraction, c'est-à-dire que les objets
vus à travers suivant certaines directions paraissent
doubles. Il a reçu à cause de cette remarquable
propriété de très curieuses applications dans cer-
tains instruments d'opiique. L'aragonite, au con-
traire, qu'on rencontre beaucoup plus souvent,
cristallise en prisme droit à base rectangle. Le
carbonate de chaux est donc dimorphe, puisqu'on
le rencontre sous deux formes cristallines diffé-
rentes. Les collections minéralogiques du Muséum
de Paris contiennent les variétés les plus belles
et les plus nombreuses d'aragonite et des carbona-
tes de chaux divei's.
Les marbres sont formés de carbonates de chaux
plus ou moins purs ; leurs différentes couleurà
tiennent à des matières étrangères. Tous les car-
bonates de chaux sont décomposés à une haute
température en acide carbonique et en chaux.
CHAUX
— 389 —
CHAUX
M. Daubrée, en chauffant fortement de la craie
dans un canon de fusil solidement fermé de ma-
nière que l'acide carbonique ne pût point se dé-
gager, a obtenu après le refroidissement une subs-
tance plus ou moins analogue au marbre, ce qui
porte à penser que ces- calcaires cristallins ont dû
^tre formés dans certaines conditions de pression
«t de température qui ont déterminé leur fusion
«ans qu'ils se soient décomposés.
Le carbonate de chaux est complètement inso-
luble dans l'eau, mais il se dissout dans l'eau char-
gée d'acide carbonique. Le bicarbonate de chaux
qui se forme alors est peu stable, il se décompose
à l'air en abandonnant la moitié de son acide car-
bonique : c'est là l'explication de certaines incrus-
tations calcaires dues à certaines sources ainsi
<iue ces colonnes de pierres naturelles qu'on trouve
dans certaines grottes et qu'on nomme stalactites
€t stalagmites.
C'est encore au bicarbonate de chaux ramené
à l'état de carbonate insoluble parl'ébuUition qu'on
doit les dépôts si nuisibles qui se forment dans les
chaudières à vapeur.
Indépendamment des calcaires de contexture
et d'aspect si divers que nous avons cités, tout en
ne donnant que les principaux, nous devons en-
core mentionner le test des mollusques et celui
des crustacés , les coquilles d'œufs d'oiseaux,
composés de carbonate de chaux assez pur, et les
os des animaux vertébrés qui en contiennent une
certaine proportion.
Sulfate de chaux. — Gypse ou pierre à plâtre.
— Le gypse est du sulfate de chaux hydraté; on le
rencontre en masses considérables dans les envi-
rons de Paris ; il s'y trouve dans les couches infé-
rieures des terrains tertiaires. Il est blanc, inodore,
très dur. A la température ordinaire 1000 parties
d'eau n'en dissolvent que 2 parties ; sa solubilité
augmente jusqu'à 35°. Vers 100" il abandonne son
eau. A 130° la déshydratation est complète, il cons-
titue alors le plâtre. Dans cet état il a la propriété
de former avec l'eau une bouillie qui se durcit en
quelques minutes; c'est là le principe de ses nom-
breuses applications. En reprenant l'eau qu'elles
ont perdu par la cuisson, les parcelles du sulfate
de chaux cristallisent finement et forment une
masse durcie. Quand le plâtre doit servir au mou-
lage il doit se prendre en 7 ou 8 minutes au plus
et en 5 au moins ; cette durée dépend principale-
ment de son origine et aussi de la durée et de la
température de sa cuisson.
La pierre à plâtre se rencontre en France prin-
cipalement à Montmartre, Belleville, Montreuil,
Argenteuil, Creil, Vaux ; dans le Puy-de-Dôme,
dans la Côte d'Or, dans Saône-et-Loire et dans les
environs d'Aix. L'extraction se fait quelquefois à
ciel ouvert, le plus souvent par carrières souter-
raines. Quelquefois le sulfate de chaux hydraté se
rencontre en cristaux ayant la forme de fer de
lance et susceptibles de clivage en lames extrême-
ment minces qui présentent le phénomène des
anneaux colorés. Ces lames détachées avec un
canif sont extrêmement transparentes ; chauffées
quelques secondes à la flamme d'une lampe,
«lies deviennent blanches, opaques et pulvéru-
lentes.
Albâtre. — Quelquefois le sulfate de chaux se
présente en masses demi-translucides dures, blan-
ches, ou bien colorées et formées de cristaux
prismatiques entrelacés : c'est l'albâtre.
Préparation du piâtre. — La cuisson de la
pierre à plâtre se fait dans des fours formés de
murs surmontés d'une couverture en tuile à
claire-voie. On forme avec les plus gros moellons
plusieurs voûtes construites à sec, et sur celles-ci
on place des fragments de plus en plus petits, au
fur et à mesure qu'on s'élève. La transformation
du gypse en plâtre est opérée toujours en moins '
j de douze heures ; on pulvérise sous le moule et on
, tamise.
Phospliate de chaux. — Le phosphate tribasique
I de chaux, PhQB 3 CaO, constitue l'élément prin-
cipal de la partie minérale des os ; il est blanc,
insoluble dans l'eau, mais se dissout dans les
acides ; il sert à préparer le phosphore (V. Phos-
phore) .
Le phosphate neutre (PhOs 2 CaO, HO) se ren-
contre dans les concrétions urinaires (pierre de la
vessie); et le phosphate acide 'PhO=, CaO, ".'HO)
existe en dissolution dans quelques liquides de
l'économie animale.
Sous forme d'os, le phosphate basique de chaux
est depuis longtemps employé comme cngi'ais.
« Les os de cuisine ou d'équarrissage, les débris
des fabriques de boutons, les nombreux squelettes
d'animaux qui, depuis si longtemps blanchissent
à l'air dans les pampas de Buenos Ayres ; enfin,
assure-t-on, les détritus des champs de bataille
eux-mêmes ont été l'objet d'une exploitation indus-
trielle qui a eu pour effet la fertilisation extrème-
mentremarquable de contrées entières.» (Bobierre.)
En traitant le phosphate basique par l'acide sul-
furique, on obtient un phosphate plus riche en
acide phosphorique et plus soluble, et qui au-
jourd'hui, sous le nom de superphosphate, joue un
rôle considérable dans le commerce des engrais
chimiques.. D'après M. G. Ville le phosphate du
commerce renferme de 15 à 18 p. 100 d'acide phos-
phorique.
Coprolithes. — On a donné le nom de copro-
lithes à des excréments fossiles extrêmement
riches en phosphates de chaux. Ces singulières
pierres découvertes et étudiées de lb2'2 à 1829
par M. Buckland ressemblent à des cailloux
oblongs de 2 à 4 pouces de long et de là 2 de
diamètre. Ils sont aujourd'hui l'objet de nom-
breuses exploitations dans la Meuse, les Ardennes,
le Pas-de-Calais, etc., grâce à M. Dessailly de
Grandpré, qui a le plus contribué à répandre
l'usage de ce riche engrais.
Hijpochlorite de chaux (CIO, CaO). — Dans le com-
merce on donne le nom de chlorure de chaux à
un mélange d'hypochlorite et de chlorure qu'on
obtient en faisant agir le chlorure gazeux sur la
chaux éteinte. Le chlorure de chaux est blanc,
pulvérulent, et répand une odeur de chlore ; il
bleuit le tournesol, puis le décolore; il est em-
ployé comme désinfectant.
Azotate de chaux. — On le rencontre sur le sol
des caves, le long des murs humides, dans les
habitations abandonnées, et quelquefois à la sur-
face du sol sous la forme d'une neigette grisâtre.
II se trouve aussi mélangé à l'azotate de potasse
(salpêtre) qu'on ramasse à la surface du sol en
Espagne, en Egypte et au Pérou.
Fluorure de calcium. — C'est le spath fluor des
minéralogistes. C'est une substance blanche ou co-
lorée, rayant le calcaire, mais qui est rayée par
le verre. On le rencontre dans les enviions de
Pari<, en Auvergne, et dans la plupart des con-
trées de l'Europe ; les faux rubis, les f;iusses
émeraudes, les fausses topazes sont fabriqués
avec le spath tluor traité par l'acide sulfurique.
Cette pierre donne de l'acide fluorhydrique qui at-
taque le verre à froid et sert ainsi à la gravure
sur verre.
Préparation de la chaux. — On emploie princi-
palement les calcaires impropres à la construction,
comme la craie, le calcaire de Saint-Jacques en
Jura, le calcaire dur de (Uiâteau-Landon. La pierre
à chaux doit être portée aune température élevée;
pour cela elle est placée en moellons dans des cy-
lindres de briques que l'on revêt d'argile, ou qui sont
garnis de briques réfractaires ; on chauffe au bois.
La calcination dure plusieurs jours. Quelquefois
on forme des tas cylindriques de couches alterna-
CHEMINS DE FER
— 390 —
CHEMINS DE FER
tîvcs de calcaires et de combustibles auxquels on
mot le feu.
Usrigps de la chmtx. — La chaux est surtout
employée à la fabrication des mortiers.
Un mortier est un mélange intime de chaux
et de silice pulvérisée et mouillée (sable ou sco-
ries); à la longue il se forme un véritable silicate
de chaux, qui durcit et unit ainsi fortement les
matériaux entre lesquels il a été placé. La chaux
est aussi extrêmement employée en agriculture,
non-seulement à l'état de plâtre et de phosphate
et de calcaire, mais à létat de chaux vive ou
éteinte. On la mélange quelquefois au fumier.
La chaux est aussi employée dans les sucreries
et dans les raffineries, dans l'épuration du gaz,
dans les savonneries ; on en a fait usage il y a quel-
ques années pour assainir les champs de bataille
de la guerre franco-allemande.
Ciments. — On donne ce nom à des chaux hy-
drauliijues qui se solidifient pour ainsi dire im-
médiatement au contact de l'eau ; ils proviennent
de la calcination de calcaires naturels très argi-
leux ; les plus connus sont ceux de Vassy, Char-
tres, Grenoble, Boulogne-sur-Mer. Le Portland
anglais si renommé est fabriqué en calcinant un
mélange d'argile et de craie.
Cliautdes aux naturelles. — La chaux se ren-
contre dans presque toutes les eaux naturelles,
soit à l'état de sulfate (eaux des puits de Paris),
soit à l'état de chlorure de calcium, soit à l'état de
bicarbonate. Sa présence est facile à constater:
les moindres traces de chaux dans une eau y pro-
duisent un trouble blanchâtre quand on y verse
quelques gouttes d'oxalate d'ammoniaque.
La présence de la chaux dans les eaux qui ser-
vent de boissons est nécessaire à la nourriture
des os, qui sans cette substance ne prendraient pas
la consistance nécessaire ; d'un autre côté les
eaux trop chargées de sels de chaux ont un goût
terreux, cuisent mal les légumes, décomposent le
savon au lieu de le dissoudre. On comprend donc
qu'au point de vue do l'hygiène publique et privée,
l'appréciatio:! de la quantité de chaux que con-
tient une eau naturelle soit une question des
plus importantes et des plus délicates de ranal3'se
chimique. [Alfred Jacquemart.]
CIIEM1>'S DE FER. — 1. Des chemins de fer
en général. — Défitiition. — Tout le monde sait
ce qu'on entend aujourd'hui par cliemm de fer.
C'est une chaussée régulière, sur laquelle sont
posées bout à bout des barres de fer nommées rails.
Ces rails servent non-seulement à la circulation des
roues, mais encore à leur imprimer leur direc-
tion.
historique. — De tout temps on a cherché à
diminuer la résistance à la traction des voitures
en faisant circuler celles-ci sur une matière résis-
tante, pierre, bois ou fer. Par économie, on est
conduit à diminuer la largeur de celle-ci jusqu'à
la largeur même de la roue. Mais alors il faut que
la roue soit assujettie, soit par sa forme, soit par
celle du rail, à ne pas s'en séparer. On ne sait
au juste à quelle époque on a commencé à faire
circuler dans les mines les wagons transportant du
charbon sur des rails en bois, et quel a. été le
premier inventeur de la voie ferrée proprement
dite.
Les chemins de fer ne sont entrés véritablement
dans la pratique que lorsqu'on eut inventé la loco-
motive. Par sa puissance de traction, la vitesse
qu'elle peut atteindre, et l'cconomie qu'elle pré-
sente sur les moteurs animés, cette machine a
oflert de tels avantages que h-s chemins de fer
ont pour ainsi dire ac<iuis immédiatement le mo-
nopole des transports.
Sans doute la navigation possède encore l'avan-
tago du bon marché ; mais il est. souvent contre-
balance et au delà par la lenteur à laquelle elle
■ est soumise, les chômages imposés par les gelées ou
l'entretien des canaux, et surtout par l'impossibilité
où se trouvent le plus souvent les bateaux de
transporter les marchandises depuis leur point
d'origine jusqu'au point où elles sont employées,
sans transbordement ni manipulation accroissant
les frais de ces transports.
C'est Stephenson qui, en 1829. a construit lapre-
mière locomotive pratique employée sur le chemin
de fer de Liverpool à Manchester, le premier des
chemins anglais. En France on a construit d'abord
un petit chemin de fer aux environs de Sabit-
I Etienne, pour le transport des houilles.
La première ligne aboutissant à Paris a été la
ligne de P<2>7.ç à Savd-Germain. ouverte en i8;57.
En quarante ans, de 18.37 à 1877, on a construit
en France 23,000 kilomètres de chemins de fer,
en nombre rond, ce qui place notre pays à l'un
des premiers rangs sous le rapport de la lon-
gueur des chemins de fer comparée à l'étendne
du territoire qu'ils desservent. A cet égard, nous
ne sommes dépassés que par la Belgique, le grand-
duché de Luxembourg, la Grande-Bretagne, la
Suisse, l'Allemagne et les Pays-Bas.
En 1850, le réseau français ne comprenait que
2 850 kilomètres; en 1867, 15 730; en 1874, 20500
et en 1877, 22 8:iO.
En cette même année 1877, l'Allemagne possédait
27 956 kilomètres; les Iles Britanniques 26,378; l;v
Russie I99:i.
En 1877, l'Europe possédait 140550 kilomètres;
l'Asie 11100; l'Afrique 2410; l'Océanie 3490 et
l'Amérique 143 530. C'est dans cette dernière partie
du monde que la construction a eu le plus d'activité
depuis vingt ans. En 1857 l'Amérique n'avait encore
que 195») kil., la 74« partie du réseau qu'elle pos-
sédait vingt ans plus tard.
Exposé succinct du fonctionnement des < hemins
de fer. Puissance de traction de la loco'uotive. —
Sans entrer dans les détails techniques de la con-
struction des locomotives, disons que celles-ci
marchent d'autant plus vite qu'elles produisent
dans un temps donne une plus grande masse de
vapeur, et qu'elles traînent un train d'autant plus
lourd que la tcn-ion de cette vapeur est plus éle-
vée. Ajoutons que cette puissance de traction ne
peut s'exercer qu'autant que les roues de la loco-
motive adhèrent suffisamment aux rails pour ne
pas tourner sur place. C'est le frottement des
roues de la locomotive sur les rails qui la force à
avancer. Et comme ce frottement est proportionnel
au poids de la locomotive, celle-ci devra être d'au-
tant plus pesante qu'on voudra lui faire remorquer
un poids plus considéral)le. — V. LoC"molive.
Dans l'histoire de la locomotive, qui est insépa-
rable de celles des chemins de fer, il faut citer
trois noms:Cugnot, né en 1725, à Void(Meuse),àqui
l'on doit les premiers essais tentés, en 176:5, pour
appliquer la vapeur au mouvement des voitures ;
Georges Stephenson, né en 178I aux environs de
Newcastle (Angleterre), qui construisit la première
locomotive en 1814 ; Marc Séguin, né à Annonay en
1780, à qui l'on doit la chaudière tubulaire qu'il
invenca en 1820. ce qui permit d'augmenter la
puissance des locomotives. En 1828, G. Stephenson
et son fils complétèrent l'invention de Marc Séguin
en activant le tirage des locomotives par la pro-
jection dans la cheminée de la vapeur sortant des
cylindres après avoir agi sur les pistons.
Tracé de la voie. — Quant au tracé de la voie,
celle-ci ne doit pas oftVir de pentes considérables,
sur lesquelles la locomotive serait impuissante k
avancer, ni dos courbes de petit rayon, sur les-
quelles les trains risqueraient de dérailler, surtout
lorsqu'ils marchent à grande vitesse. Cependant des
circonstances particulières ont conduit à admettre
des pentes qui atteignent jusqu'à 20 millim. par
mètre dans les pays de montagnes, et à construire
CHEMINS DE FER
— 391 —
CHEMINS DE FER
des courbos de 200 ou 300 mètres de rayon seule-
ment, où l'on évite les risques de déraillement
en inclinant le niveau de la voie du côté du centre
de la courbe et en ralentissant dans ces points la
vitesse de marche.
Études préliminaire.'} et concession d'une ligne
de chemin de fer. — On conçoit aisément que l'é-
tude d'un cliemin de fer en projet soit fort compli-
quée, tant au point de vue des difficultés de la
construction, qu'on cherche à simplifier autant
que possible, qu'au point de vue des intérêts
dont on s'efforce de desservir le plus grand nombre,
pour augmenter le trafic de la ligne.
On peut dire, d'une manière générale, qu'il est
peu avantageux d'établir un chemin de fer si le
trafic doit donner moins de 6') à 80 000 tonnes de
marchandises transportées annuellement sur toute
la ligne, ou s'il ne donne pas une recette équiva-
lente en voyageurs.
Aussi la construction d'un chemin de fer n'est-elle
jamais commencée qu'autant que les plans défini-
tifs en ont été approuvés par l'autorité supérieure.
Les ingénieurs de l'État examinent les plans au
point de vue technique, comme ils sont ensuite
charges de vérifier leur bonne exécution avant la
réception et la mise en exploitation de la ligne. Les
agents de l'État sont aussi chargés en tout temps
de contrôler l'entretien et l'exploitation de tous les
chemins de fer.
Chemins d'intérêt général et d'intérêt local. —
Suivant les intérêts qu'ils sont appelés à desservir,
les chemins de fer se classent en chemins d'intérêt
général et en chemins d'intérêt local. Les premiers
sont concédés par l'État seulement; les seconds par
les conseils généraux. Mais la compétence de ceux-
ci est bornée à l'étendue de letir seul département
et l'État a le droit de i opposer à des concessions
qui constitueraient des lignes de grand parcours,
et sous le nom d'intérêt local, échapperaient à sa
dépendance.
En 1877, il y avait 2,165 kilomètres de chemins
d'intérêt local, contre plus de 20,300 kilomètres de
chemins d'intérêt général.
Dépenses de construction et subventions. — Ces
chemins sont généralement concédés à des compa-
gnies qui les construisent avec les fonds du public
et les subventions que leur fournissent l'État, les
départements, les communes ou les particuliers
sous forme de contributions pécuniaires, de con-
structions de travaux d'art, d'abandon de terrains.
Pour encourager le développement des chemins de
fer et obtenir des compagnies la construction de
lignes considérées comme insuffisamment rému-
nératrices, ces compagnies ont souvent obtenu de
l'État ou des départements une certaine garantie
d'intérêts pour une partie ou la totalité des fonds
employés. Si les obligations des grandes compa-
gnies françaises jouissent justement d'une si
grande faveur auprès du public, c'est que le revenu
en est garanti pour la plupart par l'État français.
On a dépensé jusqu'à présent plus de dix milliards
pour la construction des chemins de fer français.
L'État pour sa part a fourni la septième partie de
ces dépenses environ. Quand les compagnies arri-
veront au terme de leur concession, dont la du-
rée a été généralement fixée à 99 ans, les che-
mins de fer deviendront la propriété de l'État,
sauf le matériel qui appartient en propre à la
compagnie.
Avantages de l'État. — Ainsi l'Etat a de grands
avantages au développement des chemins de fer. Ils
seront sa propriété dans l'avenir, et en outre, ils
sont la source de gros revenus, par les impôts
dont ils sont directement grevés, et l'accroisse-
ment général du commerce et le développement
de l'industrie, qu'ils favorisent.
L'État s'est réservé le droit de racheter dans cer-
taines conditions les lignes concédées, et actuelle-
ment il possède et exploite directement un certain-
réseau.
Les autres lignes sont entre les mains de six
grandes compagnies qui embrassent tout le terri-
toire de la France et de quelques compagnies se-
condaires.
n. Description des chemins de fer français. —
Réseau de la compagnie de l'Ouest (252i» kilomè-
tres). — La compagnie dite de ï()uest possède
quatre grandes lignes :
La première de Paris au Havre, par Mantes et
Rouen, qui projette un embranchement de Rouen
à Dieppe, et un second de Beuzeville à Fécamp;
La deuxième de Mantes à Cherbourg, par Évreux,
Lisieux, Caen, qui projette un embranchement de
Lisieux à Honfleur et à Trouville, et un second de
Lison à Saint-Lô ;
La troisième deParis à Granville,pa.v Versailles,
Laiglc, Argentan, Fiers et Vire ;
La quatrième de Paris à Hrest, par Versailles,
Chartres, Le Mans, Laval, Vitré, Rennes, Saint-
Brieuc et Morlaix, qui projette un embranchement
du Mans à Angers, et un second de Rennes à
Saint-Malo.
Le réseau de la compagnie de l'Ouest comprend
en outre un certain nombre de lignes secondaires :
de Paris à Dieppe, par Andrésy (embouchure de
l'Oise), Pontoise, Gisors, Gournay et Neufchâtel;
du Mans à Caen, par Alençon, Argentan et Mézidon
(sur la ligne de Mantes à Cherbourg); de Caen à
Laval par Fiers et Mayenne; de Rennes à Redon;
de Saint-Brieuc à Ponlivy.
Dans la banlieue de Paris, la compagnie de l'Ouest
possède les lignes de Paris à Saint-Gt;rmain et de
Paris à Versailles (rive droite et rive gauche).
Compagnies seco}idaires situées au milieu du
réseau de l'Ouest. — Les compagnies secondaires
de cette région desservent : les lignes de Vitré à
la baie du Mont-Saint-Michel, par Fougères, et
d'Elbeuf à Dreux, par Louviers.
Réseau de la compagnie d'Orléans (4 380 kilomè-
tres). — La compagnie d'Orléans possède neuf
grandes lignes :
La première de Paris à Bordeaux, parBrétigny,
Écampes, Orléans, Blois, Tours, Poitiers, Angou-
lêmp, Coutras, Libourne, avec un embranchement
de Libourne à Bergerac;
La deuxième de .Bre7i|7«?/ à Tours, parDourdan,
Qiàteaudun et Vendôme;
La troisième de Tours à Saini-Nazaire, par
Saumur, Angers, Nantes et Savenay ;
La quatrième de Nn7ites à Brest, par Savenay,
Redon, Vannes, Auray, Lorient, Quimper et Châ-
teaulin, avec un embranchement d'Auray à Pon-
tivy ;
La cinquième de Poitiers à La Rochelle et à
Rochefort par Niort ;
La sixième d'Orléans à Toulouse, par Vierzon,
Châtcauroux, Limoges, Brives, Figcac et Capdenac,
Lexos et Tessonnières ;
La septième de Limoges à Coutras, i)a.T Périgueux,
qui projette un embranchement de Périgueux à
Brive, et un second de Périgueux à Agen par Mon-
sempron-Libos, d'où part le chemin de Libos à
Cahors;
La huitième de Tours à Saincaize (près de Ne-
vers) par Vierzon et Bourges ;
La neuvième de Saint -Sulpice-Laurière (au
nord de Limoges) à Gannat, par Guéret, Montlu-
çon et Commentry, qui projette un embranchement
sur Aubusson, un second de Montluçon à Bourges
par Saint-Amand, et un troisième de Commentry à
Moulins.
La compagnie d'Orléans possède en outre les
lignes secondaires suivantes:
D'Orléans à Gien ; de Tours au Mans ; de
Nantes à la Roche-sur- Yon ; d'Angers à Niort, par
Cholet et Bressuire ; de Poitiers à Saint-Sulpice-
CHEMINS DE FER
— 392 —
CHEMINS DE FER
Latirière, par Montmorillon ; de Brive à Tulle ; de
Figeac à Arvant (sur la ligne de Saint-Germain-des-
Fossés à Nîmes), parAuiillac et Murât; de Capde-
nac à Rodez par Aubin, avec embranchement sur
Decazeville; de Lexos à Montauban ; de Tesson-
nières à Albi.
Dans la banlieue de Paris, la compagnie d'Or-
léans possède la petite ligne de Paris à Sceaux et
àLimours.
Réseau de TÉtat. — Le réseau que l'État a ré-
cemment constitué en rachetant les réseaux des
anciennes compagnies de la Vendée, des Charen-
tes et d'Orléans à Châlons, est presque entièrement
englobé dans le réseau de la compagnie d'Orléans.
Ce réseau de l'État comprend six lignes princi-
pales :
La première va de Tows aux Sables cTOlonne,
par Loudun, Bressuire et la Roche-sur-Yon ;
La deuxième de Poitiers à Saumw, par Loudun;
La troisième de la Roche-sur-Yon à Coutrcs,p3iT
la Rochelle, Rocliefort, Saintes. Pons, Jonzac ;
La quatrième de Saijites à Limoges, par Cognac
et Angoulême ;
La cinquième A'Orléans à Châlons-sur-Marne,
par Montargis, Sens et Troyes;
La sixième d'Orléans à Dreux, par Chartres.
L'État possède en outre, dans la Loire-Inférieure,
la petite ligne de Nantes à Pornic, qui projette un
embranchement sur Paimbœuf; et dans Indre-et-
Loire, la ligne de Tours à Loches, tète de la ligne
qui doit relier Tours et Montluçon, par Châteauroux.
Des compagnies secondaires exploitent les lignes
de Pons à Royan et h Marennes.
Réseau de la compagnie du Midi (2250 kilomè-
tres). — La compagnie du Midi possède cinq grandes
lignes :
La première de Bordeaux à Cette, par Langon,
Agen, Montauban, Toulouse, Castelnaudary, Gar-
cassonne, Narbonne, Béziers et Agde ;
La deuxième, de Bordeaux à He?ida'/e. sur la
frontière d'Espagne, par Lamothe, Morcenx, Dax et
Bayonne. (Avec la ligne de Paris à Bordeaux, ce
chemin forme la ligne la plus directe à suivre
pour aller de Paris à Madrid.) Cette ligne projette
un embranchement de Lamothe à Arcachon ;
La troisième, de Toulouse à Rayonne par Bous-
sens, Montréjean,Tarbes, Lourdes, Pau et Puyoo,
qui projette un embranchement de Montréjean à
Luchon. et un second de Puyoo à Dax, qui met Pau
en communication directe avec Bordeaux ;
La quatrième, de Morcenx à Tarhe<, par Mont-
de-Marsan et Vic-de-Bigorre, est reliée à la ligne de
Bordeaux à Cette par un embranchement qui va
de Vic-de-Bigorre à Agen, en traversant Auch.
La cinquième, de Narbonne à la frontière d'Es-
pagne par Perpignan et Port-Vendres, qui consti-
tue la route la plus directe vers Barcelone et la
côte espagnole de la Méditerranée.
La compagnie du Midi possède encore d'autres
lignes secondaires : de Toulouse à Auch ; de Tou-
louse à Tarascon-sur-Ariége, par Pamiers et Foix;
de Castelnaudary à Carmaux-les-Mines. parCastres
et Albi, avec embranchement de Castres à Mazamet;
de Beziers à Millau, par Bédarieux, avec embran-
chement de Bédarieux à Graissessac.
Compagnies secondaires cJiclavées dans le réseau
du Midi.' — Diverses compagnies secondaires pos-
sèdent dans les Pj-rénécs-Orientales, la ligne de
Perpignan à Prades ; dans la Gironde, la ligne du
Médoc, qui va de Bordeaux au Verdon à l'embou-
chure de la Gironde.
Réseau de la compagnie de Paris à Lyon et à la
Méditerranée. — Cette compagnie, qui est la plus
considérable de toutes les compagnies françaises.
puisque son réseau atteint presque 6,000 kilomè-
tres, possède dix grandes lignes :
La première, de Paris à Marseille, par Melun,
FonUinebleau, Moret, Montereau, Sens, Joigny, la
Roche, Tonnerre, Nuits-sous-Ravières, Dijon,
Beaune, Chagny, Chalon-sur-Saône, Mâcon, Saint-
Germain-au-Mont-d'Or, Lyon, Vienne, Saint-Rara-
bert-d'Albon, Valence, Livron,Montélimar, Orange,
Avignon, Tarascon. Arles, et projette de petits em-
branchements de Nuits-sous-Ravières à Châtillon-
sur-Seine et de Saint-Rambert à Annonay.
La deuxième, de Paris à Lyon par le Bourbon-
nais, se détache de la ligne précédente (dite de
Bourgogne), à Moret, passe à Montargis, Gien,
Nevers, Saincaize, Moulins, Saint-Germain-des-
Fossés, Roanne, Tarare et Saint-Germain-au-Mont-
d'Or, où elle rejoint la ligne de Bourgogne. Cette
ligne projette un embranchement de Saint-Gor-
main-des-Fossés à Vichy. Montargis est relié à
Paris par une seconde ligne qui passe à Malesher-
bes et Corbeil, et rejoint' la grande ligne de Paris
à Lyon, à Villeneuve-Saint-Georges, près deParis.
La troisième, de Saint-Germai7i-des-Fossés à
Nimes. par Gannat, Riom, Clermont-Ferrand, Ar-
vant, Brioude, Alais.
La quatrième, de Tarascon à Cette, par Nîmes,
Lunel et Montpellier.
Les deux grandes lignes de Paris à Mar,seille et
de Paris à Nimes sont reliées entre elles par une
série de lignes transversales. De La Roche (Yonne)
une ligne va h Nevers par Auxerre et Clamecy.
La ligne de Nevers à Chngny passe par Decize,
Cercj'-la-Tour, Étang, le Creusot, Montchanin, et
projette un embranchement d'Étang à Chagny par
Autun etÉpinac, d'où une ligne va auPort-d'Ouche,
sur le canal de Bourgogne, pour le transport des
houilles d'Épinac.
La ligne de Moulins à Montchanin passe par
Digoin, Blanzy et Montceau-les-Mines.
Plus au sud, Clermont-Ferrand est relié à Saint-
Étienne par Thiers et Montbrison ; Roanne à Lyon
par Saint-Étienne, Saint-Chamond, Rive-de-Gier,
Givors.
La ligne de Saint-Étienne au Puy est prolongée
jusqu'à Saint-Georges-d'Aurac, près de Langoac, sur
la ligne de Saint-Germain-des-Fossés ;\ Nîmes.
De Livron, sur la ligne de Lyon à Marseille, part
un chemin de fer qui traverse le Rhône et gagne
Alais, en projetant un embranchement sur l'rivas
et un second sur Bessèges.
La cinquième grande ligne du réseau de Lyon
va de Dijon à Belfort, par Auxonne, Dôle, Besan-
çon, Montbéliard, et projette des embranchements
de Dijon îi Is-sur-Tille (entre Dijon et Langres, c'est
là que le réseau se soude à celui de l'Est),
d'Auxonno à Gray, de Besançon à Vesoul, de
Montbéliard à Délie, vers la frontière suisse.
La sixième ligne va de Dôle à Pontarlier, par
Mouchard et Andolot, et se bifurque à Pontarlier
pour se diriger d'un côté vers Neuchâtel et de
l'autre vers Lausanne. Quand le Simplon sera percé,
cette dernière ligne constituera un dos tronçons de
la ligne la plus directe de Paris à Milan, de Lon-
dres en Orient.
La septième ligne va de Mâcon au Mont-Cenis,
par Bourg, Ambérieu, Culoz, Aix-les-Bains, Chara-
béry, avec un embranchement d' Aix-les-Bains à
Annecy, et constitue actuellement la grande route
de Paris en Italie.
Les trois lignes précédentes sont reliées entre
elles par un chomifi qui va de Besançon à Bourg,
par Mouchard et Lons-le-Saunier, et constitue la
route la plus directe de Besançon ou de Strasbourg
vers Lyon et Marseille.
La huitième ligne va de Lyon à Genève, en em-
pruntant d'Ambérieu à Culoz la ligne de Mâcon aa
Mont-Cenis.
La neuvième va de Lyon à Marseille p^r laTour-
du-Pin, Rives, Moirans, Grenoble, Veynes, Siste-
ron, Saint-Auban, Manosque, Pcrtuis, Acx, et pro-
jette des embranchements de Veynes à Gap, dtt
Saint-Auban à Digne.
CHEMINS DE FER
— 393 —
CHEMINS DE FER
Elle se relie avec la ligne du Mont-Cenis par
l'embranchement de Grenoble à Chambéry et avec
la ligne de Lyon à la Méditerranée par la vallée du
Rhône, au moyen des chemins de Moirans à Valence
par Saint-Marcellin, de Pertuis à Avignon par Ca-
vaillon, d'Aix à Rognac.
La dixième ligne va de Marseille à Menton par
Toulon, les Arcs, Cannes et Nice, en projetant
des embranchements, sur Hyères, des Arcs h Dra-
guignan et de Cannes à Grasse : elle se prolonge
jusqu'à Gênes en Italie.
Compagnies secondaires enclavées dans le réseau
de Paris- Lyon- Méditerranée. — Diverses com-
pagnies secondaires possèdent la ligne de Chalon-
sur-Saône à Lyon par Bourg et les Bombes ; la ligne
de Bourg à Nantua, qui doit être prolongée jusqu'à
Bellegarde sur la ligne de Culoz à Genève.
Réseau de la compagnie de l'Est (2 710 kilomè-
tres). — La compagnie de VEst possède ou exploite
huit grandes lignes :
La première, de Paris à Avricoiirl, par Meaux,
Epernay, Châlons -sur-Marne, Vitry-le-François,
Blesme, Bar-le-Duc, Lérouville, Commercy, Pagny-
sur-Meuse, Toul, Frouard, Nancy, Blainville et
Lunéville, et constitue une fraction de la grande
route de Paris à Vienne, et dans toute l'Allemagne
méridionale. Cette ligne projette un embranche-
ment de Lunéville à Saini-Dié, par Baccarat.
La deuxième, de Pari': à Mulhouse, par Gretz,
Romilly, Troyes, Bricon, Chaumont, Langres,
Port d'Atelier, Vesoul, Lure et Belfort, projette
des embranchements de Romilly à Oiry (près
Épernay), de Troyes à Châtillon-sur-Seine, par
Bar-sur-Seine ; de Bricon à Chàtillon-sur-Seine ;
de Chalindrey (près Langres) à Is-sur-Tille ; de
Chalindrey et de Vesoul à Gray; de Belfort à
Délie.
La troisième, de Blesme à Chaumont, par Saint-
Dizier et Bologne, constitue une des communica-
tions directes entre le nord et le sud -est de la
France, sans passer par Paris. Elle projette un em-
branchement de Bologne à Pagny-sur-Meuse, par
Neufchâteau.
La quatrième, de Blainville à Port d'Atelier, par
Épinal, met le réseau des Vusges en communication
avec Nancy d'une part, et Dijon de l'au're. Elle
projette un embranchement d'Epinal à Remiremont.
La cinquième, à'Epernay à Givet et Namur, en
Belgique, par Reims, Rethel et Mézières, projette
des embranchements de Reims à Laon et de Mé-
zières à Hirson.
La sixième, de C/iàlons à Reims, par Saint-Hi-
laire-au-Temple, dessert le camp de Châlons.
C'est de Saint-Hilaire que part la ligne directe de
Metz par Sainte-Menehould, Verdun et Conflans-
Jarny.
La septième, de Frouard à Metz, par Pontà-
Mousson et Pagny-sur-Moselle.
La huitième, de Pogny sur-Moselle à Mézières,
suit la frontière et passe par Conflans-Jarny, Lon-
guyon, Montmédy et Sedan. Elle projette des
embranchements de Longuyon à Thionville, de
Longuyon à Longwy et Arlon, de Longwy à Luxem-
bourg.
Dans la banlieue de Paris, la compagnie de l'Est
possède la ligne de Paris à Brie-Comte-Robert par
Vincennes.
Compagnies secondaires enclavées dans le t'éseau
de VEst. — La ligne de Lérouville à Sedan suit le
cours de la Meuse par Saint-Mihiel et Verdun ; la
ligne des Vosges relie Saint-Dié à Remiremont.
Réseau de la compagnie du Noi-d (2250 kilomè-
tres;. — Ce réseau met Paris en communication
avec les ports les plus rapprochés de l'Angleterre,
la Belgique et l'Allemagne du Nord.
Il comprend deux grandes lignes et un grand
nombre d'embrancliements importnnts à cause des
grandes villes et des régions très riches par l'in-
dustrie, le commerce et l'agriculture que ces che-
mins de fer traversent.
La première de Paris à Ca'ais, par Saint-Denis,
Chantilly, Creil, Clermont, Amiens, Abbeville, Eta-
ples et Boulogne, projette un grand embranche-
ment d'Amiens à Mouscron (entre Lille et Gand)
par Arras, Douai, Lille, Roubaix et Tourcoing, et
un sous-embranchement de Douai à Mons en Bel-
gique par Valenciennes.
Entre ces deux branches, Arras est relié à Dun-
kerque par Lens, Béthune et Hazebrouck; et Calais
avec Lille par Saint-Omer et Hazebrouck. Ce der-
nier chemin, continué vers Tournay, en Belgique,
constitue une des routes de Bruxelles en Angleterre.
La seconde grande ligne va de Creil à H i ut-
mont, près de Maubeuge, où elle se bifurque en
deux tronçons : l'un se dirige vers Mons et Bru-
xelles, c'est la route la plus directe de Paris à
Bruxelles; le second suit la Sambre et passe par
Erquelines, Charleroi, Namur et Liège. C'est la
grande route de Paris à Cologne, Berlin et Saint-
Pétersbourg. Cette ligne, de Paris à Erquelines,
traverse Compiégne, Tcrgnier, Saint-Quentin.
La troisième grande ligne va de Paris à Hirson,
sur la frontière de Belgique, par Soissons, Laon,
Vervins, et projette un embranchement de Sois-
sons à Reims.
Il y a une seconde route de Paris à Creil par
Saint-Denis, Pontoise, Beaumont, et une seconde
route de Paris à Amiens par Epinay, Beaumont et
Beauvais.
De Laon part un chemin, circulant autour de
Paris, qui passe à laFcre, Tergnier, Amiens, Aban-
court, Serqueux (ligne de Paris à Dieppe par Pon-
toise), Buchyoùil se divise en deux tronçons. L'un
d'eux gagne Rouen par Darnetal, l'autre se dirige
vers le Havre par Clères (ligne de Rouen à Dieppe)
et Motteville (ligne de Rouen au Havre).
Beauvais est un grand centre de chemins de fer
qui rayonnent de là sur Creil, Abancourt, Gour-
nay, Gisors. Dans la Somme, Doullens est relié
I à Amiens et à Béthune par Saint-Pol. Dans
I le Pas-de-Calais, Arras est relié à Etaples, par
Saint-Pol et Montreuil, Saint-Omer avec Boulogne.
Dans le Nord, il part do Lille une ligne qui par
Orchies , Saint-Amand , Valenciennes , Aulnoye ,
Avesnes, Hirson, suit presque constamment la
frontière belge. Lille est relié à Saint-Quentin
par Orchies, Somain, Bouchain, Cambrai et Bu-
i signy.
Le long de la mer du Nord, une ligne va de
j Calais à Furnes, en Belgique, par Gravelines et
Dunkerque. Saint-Omer est relié à Gravelines par
l'embranchement de Watten (entre Saint-Omer et
Calais) à Gravelines, qui suit l'Aa.
I Compagnies secondaires enclavées dans le réseau
du Nord. — La compagnie Picardie et Flandres
I possède une ligne qui de Saint-Just 'Oise, entre
j Clermont et Amiensj croise à Chaulnes la ligne de
Tergnier à Amiens, passe à Péronne et aboutit à
Cambrai. Dans le Nord la ligne de Somain à Pé-
I ruwelz, par Denain et Anzin, relie entre eux les
divers centres d'exploitation de la compagnie
houillère d' Anzin.
La compagnie du Tréport possède la ligne du
I Tréport à Abancourt (sur la ligne de Rouen à Amiens)
qui suit la Bresle, etla ligne du Tréport à Doullens
qui traverse à Longpré le chemin d'Amiens à Ab-
beville.
Enfin les grandes compagnies du Nord, de l'Est,
de Paris-Lyon-Méditerrannée, d'Orléans, et de
l'Ouest possèdent les deux chemins de fer de cein-
ture de Paris, le premier compris tout entier dans
l'enceinte des fortifications. Le deuxième, dit de
grande ceinture, n'est encore qu'en partie cons-
truit ; ses points principaux doivent être Saint-
Denis, Nogcnt-sur-Marne, Villeneuve Saint-Geor-
ges, Versailles, Argenteuil.
CHÉNIER
— 394 —
GRENIER
Beaucoup d'autres lignes sont en construction,
ou concédées, ou projetées seulement. Toutes colles
que nous venons de citer ont été construites avec
même largeur de voie, de sorte que les mêmes
wagons peuvent y circuler partout et même sur
les chemins des pays voisins qui ont tous adopté,
à-l'exception de l'Espagne, la largeur de la voie
française. Si par économie on prenait une voie
plus étroite, les chemins ainsi construits ne
seraient plus qu'une annexe et non pas une partie
intégrante du réseau.
L'administratic^ a fait récemment dresser en
France un tableau des divers chemins utiles restant
à construire, de sorte que le réseau va sans cesse
en augmentant. Notre description ne comprend
du reste que les lignes les plus importantes parmi
celles qui sont déjà mises en exploitation.
[G. Meissas.]
CIIEMER (André-Marie de). — Littérature
française, XXI. — Poète français, né à Constanti-
nople en 1762, décapité à Paris le 25 juillet 1794
(7 thermidor an II). André Chénier n'est pas seu-
lement un poète des plus gracieux, des plus mé-
lodieux et aussi des plus savants en l'art de la
versification, il a été, en outre, sinon le réforma-
teur de la poésie française, du moins un « initia-
teur » et un « rénovateur, » le précurseur du
dix-neuvième siècle.
Saint-Lambert, Lemierre, l'abbé Delille étaient,
dans la seconde moitié du dix-huitième siècle, les
(loètes en crédit. Notre poésie, réduite au genre
purement descriptif, avait perdu la simpliciié, la
grâce, la vérité, aussi bien que l'enthousiasme, la
fraîcheur et jusqu'à la dernière trace d'inspiration
lyrique. Elle languissait, elle n'avait plus d'âme.
André Chénier, dans la fréquentation des poètes
grecs, retrouva le feu sacré.
Il se proposa de réchauffer notre poésie au con-
tact du génie antique. Comme jadis Ronsard, mais
avec plus de tact et de réserve, il voulut emprun-
ter aux anciens le secret de leur pureté et de leur
perfection littéraire, tout en restant moderne et
français. C'est lui qui a dit :
Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques.
Mais l'époque qui vit naître notre poète était peu
favorable à la littérature. Bien d'autres réformes
passionnaient alors les esprits que la réforme du
goîit, et lorsque André Chénier mourut, à trente-
ctun ans, ses poésies tontes manuscrites n'étaient
connues que de quelques intimes, de quelques dé-
licats amis des lettres. Ses œuvres ne furent
publiées pour la première fois qu'en 1819, c'est-à-
dire vingt-six ans après sa mort.
André Chénier était fils d'un consul général de
France et d'une jeune Grecque célèbre par son
esprit et par sa beauté, Santi Lhomaka, dont la
sœur fut la grand'mère de M. Thiers. Tout enfant,
André fut confié aux soins d'une sœur de son père,
et c'est àCarcassonne,dans le bas Languedoc, sous
le soleil du midi de la France, qui devait tant lui
rappeler le soleil de l'Attique, qu'il promena ses
jeunes rêveries. Son père étant venu à Paris, il fut
mis avec ses frères au collège de Navarre; c'est là
qu'il traduisit les poètes grecs dans ses heures de
loisir : sa mère lui avait appris d- bonne heure
à en goûter la grâce et la délicatesse.
Au sortir du collège, à vingt ans, il entra comme
sous-lieutenant dans le régiment d'Angouniois.
Mais la vie de garnison, oisive, frivole, ne pouvait
convenir à ses gotits. Au bout de six mois, il donne
sa démission, revient à Paris, se remet à l'élude,
recherche le commerce de tous ceux dont il aime
le savoi", dont il admire le génie et qu'il considère
comme ses maîtres, qu'il se propose pour modèles,
artistes, savants, écrivains : David, Le Brun, La-
voisier.
A cette époque, André ne songeait pas exclusive-
ment à la poésie, il abordait avec ardeur, avec pas-
sion toutes les sciences. Mais ses forces le trahirent :
par suite d'excès de travail, il tomba dangereuse-
ment malade; ses amis, les fr.TesTrudaine, l'emme-
nèrent avec eux en Lalie; en 1787, il partit pour
Londres comme attaché à l'ambassade française; il
y était encore quand éclata la Révolution.
André Chénier ne s'était jusqu'alors occupé que
de poésie lyrique et d'imitation des poètes grecs; il
avait déjà montré à quelques amis ses idylles,
ses églogues, quelques fragments de poèmes anti-
ques; mais ne jugeant point son talent mûr, amou-
reux du beau et difficile pour lui-môme, il conser-
vait ses manuscrits pour les polir.
Plus tard il les classa lui-môme en trois porte-
feuilles; l'un renfermait les morceaux qu'il jugeait
à peu près achevés et qu'il destinait à une publica-
tion prochaine; le second, ceux qui demandaient
une retouche; le troisième portefeuilie contenait
des ébauches, des esquisses, des projets.
Les événements de 1789 éveillèrent chez lui une
autre fibre ; le poète se sentit citoyen : « Eût-il été
digne de la poésie, s'il n'eût aimé la liberté ? » Il
revint à Paris et d'abord accueillit avec enthousiasme
la grande émancipation. Il clianta le Jeu de Paume
dans une ode adressée au peintre Louis D^vid :
Reprends ta robe d'or, c^iiis ton riche bandeau.
Jeune ef divine poésie !,
C'est là qu'il salue
La sainte Liberté, fille du sol français,
et qu'il se plaît à répéter :
. . . que la liberté mâle
Des arts est le g^énie beureui,
Que nul talent n'est fils de la faveur royale,
Qu'un pays libre est leur terre natale.
C'est là qu'il célèbre en strophes enflammées la
prise de la Bastille :
D'un roi facile et bon corrupteurs détrônés,
Riez, mais le torrent s'amasse.
Riez, mais des volcans les feux emprisonnés
Bouillonnent. Des lions si longtemps enchaînés
Vous n'attend ez plus tant d'audace !
Le peuple est réveillé. Le peuple est souverain....
Déraciné dans ses entrailles,
L'enfer de la Bastille, à tous les vents jeté,
Vole, débris infâme et cendre inanimée;
Et de ces grands tombeaux, la belle Liberté
Altière, étincelante, armée,
Sort. Comme un triple foudre éclate au haut descieux^
Trois couleurs dans sa main agile
Flottent en long drapeau. Son cri victorieux
Tonne : à sa voix, qui sait, comme la voix des dieux.
En homme transformer l'argile,
La terre tressaillit :
Mais déjà, dans cet hymne à la liberté, André
Chénier marquait bien lès limites qu'il ne franchi-
rait jamais, et tout en chantant la chute de la ty-
rannie, il prémunissait d'avance l'opiniân publique
contre une autre et pire forme de la tyrannie :
Mais au peuple surtout sauvez l'abus amer
De sa subite indcpondanco.
Contenez dans son lit cette orageuse mer,
Dirigez sa bouillante enfance!
Peuple ! ne croyons pas que tout nous soit permis.
Craignez vos courtisans avides,
0 peuple souverain ! A votre oreille admis,
' Cent orateurs bourreaux se nomment vos amis.
Us soufûent des feux homicides.
Et d'avance (1791) il semble prévoir et décrire-
les plus hideuses scènes de la Terreur.
Bientô; il va plus loin : son caractère, son talent,.
ses liaisons personnelles lui font prendre de pluseri
plus en horreur les jacobins. Renonçant à la langue
des muses, il se jette avec passion dans l'arène poli-
tique. Il se présenta, dans l'automne da 1791, comme
CHENIER
— 393 —
CHENIER
candidat à l'Assemblée législative ; ayant échoué, il
demandaau journalisme la tribune dont il avait be-
soin. Il attaqua violemment la Révolution dans le
Jowmalde Paris, organe du parti feuillant ou roya-
liste constitutionnel ; son propre frère Marie-Joseph,
patriote exalté, lui répondit dans le Moniteur, et
il en résulta entre eux une polémique acerbe, qui
dura six mois, et qui eut alors beaucoup de reten-
tissement. C'est dans le Journal de Paris qu'An-
dré Chénier publia, en avril 1792, la satire célèbre
que lui inspira la fête organisée, sur la proposition
de Collot d'Herbois, en l'honneur des soldats suis-
ses du régiment de Châteauvieux, qui avaient été
condamnés aux galères après les tristes événe-
ments de Nancy, et que l'Assemblée législative
venait de gracier. Pour la postérité, André Ché-
nier n'est plus qu'un poète harmonieux, pur et
tendre ; elle a oublié l'homme politique. Les con-
temporains, au contraire, ne connurent pas le
disciple fervent et inspiré des muses antiques :
ils ne voyaient dans André Chénier que le polé-
miste ardent, l'homme de parti, intrépide, mais
emporté et quelquefois injuste : c'est ce qui expli-
que — sans atténuer le crime des bourreaux —
comment André finit par devenir victime des
haines qu'il avait soulevées.
Lors de la condamnation de Louis XVI, il rédi-
gea pour le roi une lettre éloquente demandant
l'appel au peuple. Quelques mois plus tard, tandis
que son frère Marie Joseph faisait applaudir au
théâtre ses tragédies républicaines, et siégeait à
la Convention parmi les plus fougueux monta-
gnards, André écrivait son ode à Charlotte Cor-
day:
Nnn, non, je ne veux point t'honorcrrn ?ilenco.
Toi qui crus par ta mort ressusciter In France,
Et dévouas tes jours à punir des forfaits,
Fille grande et sublime !
in scélérat de moins rampe dans cette fange :
La vertu t'applaudit \
La Terreur avait commencé : André Chénier dut
se cacher; son frère, bien que leur amitié eût
été un moment troublée par les dissentiments
politiques, lui trouva un asile à Versailles. Quand
il eut rimprudence d'en sortir à la fin de 1793, '
relevant à peine d'une grande maladie, la si- i
tuation était bien aggravée. Son frère lui-même
était soupçonné de «. modérantisme ». Un hémis-
tiche de sa dernière tragédie : « Des lois et non
du sang! » passait déjà pour un mot séditieux à
l'adresse de Robespierre. Au mois de mars 1794,
André apprend l'arrestation d'un de ses amis, M. Pas-
toret. Il va porter des consolations à la famille du
détenu. Ce jour-là précisément un émissaire du
comité de sûreté générale y faisait une visite do-
miciliaire. André Chénier ne garda pas de ménage-
ments avec lui ; le misérable, abusant, comme il
n'était que trop facile à une telle époque, des
moyens dont il disposait, le fit arrêter et conduire
à la prison de Saint-Lazare. Le père de Chénier et
son frère Marie-Joseph firent en vain des efforts
désespérés pour obtenir sa mise en liberté. La
seule chance de salut était de le laire oublier, on
y réussit pendant quelques semaines. Malheureu-
sement son père finit par croire qu'il vaudrait
mieux tenter de le défendre ouvertement; il écri-
vit un mémoire, fit des démarches qui ne s-ervi-
rent, hélas! qu'à appeler sur le malheureux poète
l'attention de Fouquier-Tinville. Le dossier d'An-
dré Chénier qui jusqu'alors, grâce à la connivence
du parquet, avait été placé le dernier sous tous
les autres, fut demandé par l'accusateur public,
et le 7 thermidor, André comparaissait devant le
tribunal révolutionnaire. L'un des principaux griefs
relevés contre lui fut la pièce de vers où il avait '
attaqué Collot d'Herbois deux ans auparavant. Le I
même jour, à six heures du soir, il fut exécuté
sur la place de la barrière du Trône. Deux jours
après, le 9 thermidor rendait la liberté à ceux des
prisonniers que l'échafaud avait épargnés ; quel-
ques heures de silence de plus, et André eût
été sauvé sans doute.
Bien des détails d'un douloureux intérêt se rap-
portent à ces derniers jours de sa vie, à sa capti-
vité, à sa mort. Dans cette prison de Saint-Lazare,
il retrouvait la même illustre société qu'il avait
connue ailleurs, les chefs de la noblesse, plusieurs
de ses anciens amis, voués à la mort comme lui. Un
épisode surtout de ces tristes jours nous a valu un
poème immortel, un des plus purs d'André Ché-
nier. Parmi ses compagnes de captivité se trouvait
une délicate jeune fille de dix-huit ans. M"' de
Coigny. Elle avait peur de la mort, elle pleurait;
André Chénier l'entendit, et dans les loisirs que
lui faisait la prison,
Aux douces lois des vers il plia les accents
De sa bouche aimable et naïve.
Ainsi fut composée la Jeune Captive, « un des
chefs-d'œuvre de la poésie moderne % a dit Ville-
main : c'est bien le chant d'adieu d'une jeune fille,
c'est bien l'accent de la jeunesse, le parfum de
l'innocence, c'est bien la mobile et luxuriante pro-
fusion d'aimables symboles qui plaît à une imagi-
nation de dix-huit ans, c'est bien l'idéal de la
grâce virginale renfermé dans une élégie antique
du plus pur dessin :
L'épi naissant mûrit de la faux respecté;
Sans crainte du pressoir, le pampre tout l'été
Boit les doux présents de l'aiiroie;
Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui,
Quoi que l'heure préseute ait de trouble et d'ennui.
Je ne veux point mourir encore.
Qu'un stoïque aux yeux secs Tole embrasser la mort.
Moi je pleure et j'espère; au noir souffle du nord
Je plie et relève ma tête.
S'il est des jours amers, il en est de si doux!
Hélas! quel miel jamais n'a laissé de dégoùtsî
Quelle mer n'a point de tempête?
L'illusion féconde habite dans mon sein.
Ij'une prison sur moi les murs pèsent en vain,
J'ai les ailes de l'espérance.
Echappée aux réseaux de l'oiseleur cruel,
Plus vive, plus heureuse, aux campagnes du ciel
Philomèle chante et s'élance.
Est-ce à moi de mourir? Tranquille je m'endors.
Et tranquille je veille, et ma veille aux remords
Ni mon sommeil ne sont en proie.
Ma bienvenue au jour me rit dans tous les yeux ;
Sur des fronts abattus mon aspect en ces lieux
Ranime presque de la joie.
Mon beau voyage encore est si loin de sa fin I
Je pars, et des ormeaux qui bordent le chemin
J'ai passé les premiers à peine.
Au banquet de la vie à peine commencé,
Un instant seulement mes lèvres ont pressé
La coupe en mes mains encor pleine.
Je ne suis qu'au printemps, je veux voir la moisson;
Et comme le soleil, de saison en saison,
Je veux achever mon année.
Brillante sur ma tige et l'honneur du jardin,
Je n'ai vu luire encor que les feux du matin;
Je veux achever ma journée.
C'est aussi dans cette prison de Saint-Lazare-
qu'André Chénier écrivit ces vers si souvent cités,,
interrompus, dit une légende, apocryphe du reste,,
par l'arrivée du « messager de mort » :
Comme un dernier rayon, comme un dernier zépbyre.
Anime la fm d'un beau jour.
Au pied de l'échafaud j'essaie encor ma lyre.
Peut-être est-ce bientôt mon tour;
Peut-être avant que l'heure en cercle promenée
Ait posé sur l'émail brillant,
Dans les soixante pas où sa route est bornée,
Son pied sonore et vigilant,
Le sommeil du tombeau fermera ma paupière t
Avant que de ses deu.x moitiés
GHÉNIER — 396 —
CHENIER
Ce Tcrs que je commence ait att( iiit la dernière,
Peut-èlre en ces murs effrayés
Lemes?agor de mort, noir recruteur des ombres.
Escorté d'infâmes soldats,
Remplira de mon nom ces longs corridors sombres.
Nous avons tenu à reproduire ici ces quelques i
fragments qui doivent rester dans toutes les me- 1
moires. C'est qu'en effet, bien que Cliénicr soit
peut-être, comme le dit Sainte-Beuve, <• notre plus
grand classique en vers depuis Racine et Boileau. » i
ses œuvres sont loin de se trouver partout ; nous
ne nous dissimulons pas qu'il n'aura probable- |
ment jamais chez nous dans l'enseignement popu-
laire la place d'honneur que lui donne la critique
littéraire.
Bien des raisons l'empêcheront toujours d'être
un poète populaire. Outre que ses œuvres sont peu
nombreuses, qu'elles consistent presque toutes en
fragments inachevés, que beaucoup appartiennent
à un genre léger ou portent sur des données
païennes, son talent, qui excelle surtout par l'ex-
quise élégance de la forme, par une harmonie et
une finesse toutes grecques, n'éveille que difficile-
ment la sympathie chez les esprits qui n'ont pas
fait de la poésie et surtout de la poésie antique
une étude assidue.
Il y a cependant, si nous ne nous trompons, un
côté par où la poésie de Ghénier appartient même
à l'enseignement populaire et peut être comprise
de tous : c'est cet amour de la nature, c'est cette
vive et gracieuse peinture des champs où il se
complaît et qui lui a fait trouver, à travers l'imita-
tion ou le souvenir des Grecs, tant de ces ravissan-
tes épithètes. de ces images pleines de vie, de ces
descriptions qui tiennent eu quelques mots d'une
saveur champêtre et qu'on n oublie pas. N'est-ce
pas lui qui écrit ces deux vers :
0 sauterelle, ô toi, rossignol des fougères,
0 toi, verte cigale, amante des bruyères '.
N'est-ce pas lui qui, en un siècle où l'on ne con-
naissait guère la nature que par les fadeurs d'une
poésie pastorale toute de convention, écrit ces
vers sur la Suisse :
Oh ! que ne suis-je enfant de ce lac enchanté
Ou trois pâtres héros ont à la liberté
Rendu tous leurs neveux et l'Holvétio entière !
Faible, dormant encor sur le sein de ma mère,
Oh ! que n'ai-je entendu ces bondissantes eaux,
Ces fleuves, ces torrents qui de leurs froids berceaux
Viennent du bel Hasli nourrir les doux ombrages !
Hasli ! frais Elysée ! honneur des pâturages !
Lieu qu'avec tant d'amour la natiu-e a formé,
Où l'Aar roule un or pur en son onde semé.
Là. je verrais, assis dans ma grotte profonde,
La E^énisse traînant sa mamelle féconde,
Profliïuant à ses fils ce tré?or indulgent,
A pas lents agiter sa cloche au son d'argent,
Promener près des eaux sa tète nonchalante,
Ou de son large flanc presser l'herbe odorante.
Xe soir, lorsqu'au plus loin s'étend l'ombre dos monts.
Ma conque rappelant les troupeaux vagabonds
Leur chanterait cet air si doux à ces campagnes,
Cet air que d'Appenzell répètent les montngnes.
Là brûlant sous la cendre, à la fuite du jour.
Un mélèze odorant attendrait mon refour,
Une rustique épouse et soigneuse et zélée
M'offrirait le doux miel, les fruits de mon verger.
Et cependant sa voix simple, douce et légère.
Me chanterait les airs que lui chantait sa mère !
Ailleurs, avec quelle grâce pénétrante et vraie
il a su dépeindre les paysages français,
L'indomptable Garonne aux vagues insensées.
Le Rhône, impétueux fils des Alpes glacées,
La Seine au flot royal, la Loire, dans son sein
Incertaine, et la Saône et mille autres enfin
Qui nourrissent partout sur tes nobles rivages
Fleurs, moissons et vergers et bois et pâtiir^iges.
Toutes ces citations prises au hasard sont bien
peu pour apprécier André Chénier. Elles suffisent
du moins pour donner même à ceux qui ne le
liront jamais tout entier, quelque idée de ce qu'il
a été, hélas ! et de ce qu'il eût pu être. Il y a un
mot de lui que nous ne voudrions pas oublier, parce
qu'il donne le secret de ce charme particulier qui
lui appartient et qui le fait tant aimer :
L'art ne fait que des vers, le cœur seul est poète.
Appi-éciation de quelques critiques. — « André
Chénier vivant eût été le grand poète français,
immédiatement antérieur à M. de Chateaubriand,
lequel date du christianisme renaissant, du culte
restauré, et d'un ordre de sentiments spiritualistes
que le génie d'André Chénier n'eût sans doute pas
accueilli. Ils eussent eu de commun pourtant et
d'étroitement rapproché l'adoration du beau an-
tique. Mais la destinée d'André Chénier fut autre;
la hache intercepta cette seconde moitié de sa vie.
Ce qu'il avait écrit dans la première et au sein
d'une retraite d'étude et d'intimité ne parut que
trente ans plus tard : et il se trouva, par son in-
fluence au milieu de la restauration, contemporain
de Lamartine, de \. Hugo, de Béranger. Grâce à
cet anaclironisme qui eût glacé tant d'autres, les
poésies d'André Chénier, nées comme à part de
leur siècle, ne pouvaient tomber plus à propos, et
elles se firent bien vite des admirateurs d'élite qui
les poussèrent au premier rang dans l'estime.
« L'influence posthume d'André Chénier sur nos
poètes contemporains fut grande, et, selon moi,
presque toujours heureuse. ». (Sainte-Beuve.)
— « Quoiqu'il fût aisé de choisir, dans les essais
didactiques d'André Chénier, des vers pleins d'art
et de goût digues de plus sévères modèles, son
charme est surtout dans ces pièces inventées
d'après les Grecs, dans ces idylles retrouvées, où
l'imagination seule s'est donné l'émotion immé-
diate et pittoresque d'un temps qui n'est plus. Tels
sont : V Aveugle, \q Jeune Malade. "Enfin, ce charme
se retrouve, plus grand peut-être, dans l'émotion
intime du poète, attendri sur le sort de la Jeune
Captive. Bien qu'André Chénier soit un poète ha-
bile, ce qu'il est surtout, c'est un poète ému. Son
art est plein de candeur. Rien, dans notre langue,
ne surpasse la douceur gracieuse et passionnée de
ses élégies : c'est la seule idée qu'il nous soit per-
mis d'en donner ici. Je ne puis vous lire même cette
idylle si pure, le Jeune Ma ade, où les plus char-
mants souvenirs de la Grèce, l'ardeur de la ten-
dresse d'une mère, le désespoir et la joie de
l'amour, sont retracés avec une ineffable harmo-
nie. Les vers les plus mélodieux de Lamartine ont
reçu peut-être l'inspiration de cette poésie et ne
l'ont point effacée. Et puis n'oublions pas cette
autre idylle qui, comme Y Aristonoûs de Fénelon,
semble une page d'un manuscrit grec, mais tra-
duite par quelque chose de mieux qu'un moderne,
cette touchante et sublime idylle de V Aveugle. »
(Villemain.)
— « La lecture des œu\Tes d'André Chénier
assure à l'auteur de V Aveugle et de la Jeune Cap-
tive un rang glorieux et irrévocable. Bien que les
poèmes que nous connaissons soient peu nombreux,
ils sont empreints d'une telle beauté, dune si har-
monieuse élégance, que l'admirateur ne les aban-
donnera jamais, o (Gustave Planche.)
— « André Chénier est un poète grec, mais il
vit du souffle dt:s âges modernes ; la nouveauté
de son génie est dans l'intime fusion de ces deux
natures. Gardons-nous bien de conclure que. fana-
tique admirateur de la Grèce, il frappe d'anathème
tout ce qui n'est pas elle : loin de là, c'est l'origi-
nalité qu'il enseigne au nom des Grecs Le 4)remier
de ses poèmes est un hymne en l'honneur de l'ins-
piration. Imitez les Grecs ; il entend par là : soyez
comme eux de votre nation, soyez de votre temps,
soyez vous-même : il faut
CHEVAL — 397 —
CHEVAL
Faire, en s'éloignant d'eux avec un soin jaloux.
Ce qu'eux-même ils feraient, s'ils vivaient parmi vous.
Il avait senti, en écrivant, que toute pensée puis-
sante se crée, tout d'abord, sa forme à elle-même.
Voilà par où il était novateur ; mais il voulait aussi,
et par là il se rattachait aux élégantes traditions du
dix-septième siècle, que cette expression, née du
même jet que la pensée, se façonnât et s'arrondît,
pour ainsi dire, sous la main patiente de l'artiste.
Les manuscrits de Chénier qu'on a retrouvés et
bliés punous révèlent bien sa manière de compo-
ses, qui résultait de l'extrême mobilité de sa pen-
rée et de son imagination. D'abord il conçoit le
plan dans sa tête, puis il jette rapidement sur le
papier la suite incomplète de ses idées. La plume
ne peut suivre le mouvement impétueux de sa
pensée, et laisse à peine après elle quelques mots
qui indiquent que la poésie a passé par là, mais
qu'elle doit y repasser. Ce sont des phrases ina-
chevées, des mots tracés à demi ; puis, par mo-
ment, la pensée s'arrête, l'inspiration s'en empare,
et de la plume du poète tombe un de ces délicieux
fragments qui éclatent çà et là sur l'informe cane-
vas. Ensuite le poète, redescendu tout d'un coup
à la prose, continue en courant son plan enflammé.
Ce plan achevé, il le laisse là parmi d'autres ;
quelque jour il le reprendra.
Il explique quelque part ce travail de sa pensée :
un importun lui demande des nouvelles de ses
diverses œuvres comuiencées, il lui répond par
une magnifique description du travail des fondeurs,
et il ajoute :
Moi je suis ce fondeur. De mes écrits en foule
Je prépare longtemps et la forme et le moule,
Puis sur tous à la fois je fais couler l'airain.
Rien n'est fait aujourd'hui, tout sera fait demain.
Hélas ! pour ces admirables ébauches le len-
demain ne vint pas! » (A. de Latour.)
CHEVAL LT RACES CHEVALINKS. — Agri-
culture, XIV. — Le cheval représente, parmi les
animaux domestiques, le type le plus complet du
moteur animé : sa raison d'être est de servir d'a-
gent pour les travaux les plus variés. La domesti-
cation du cheval remonte aux premiers âges de
l'humanité ; toujours il a été produit pour le même
but, donner du travail. Ce travail est de diverses
sortes, suivant qu'on demande au cheval de porter
l'homme ou de traîner des fardeaux plus ou moins
lourds à des allures plus ou moins rapides. De là
la distinction de chevaux de selle, de chevaux de
service ou de luxe, de chevaux de trait léger et
de chevaux de gros trait. Les agriculteurs produi-
sent toutes ces variétés de types, dans des propor-
tions plus ou moins considérables suivant les con-
ditions dans lesquelles ils sont placés, et suivant les
débouchés. La remonte de 1 armée forme aujour-
d'hui en France un des principaux débouchés pour
les chevaux de selle et ceux de trait léger ; le com-
merce prend, au contraire, les chevaux de service
formés pour traîner à des allures vives des voi-
tures légères ; quant aux chevaux de gros trait,
ils sont surtout achetés par les entreprises de
roulage et de transport, et par les agriculteurs. Il
y a quelques races dont les sujets répondent di-
rectement à l'un de ces buts déterminés : tels sont
le cheval arabe, parmi les chevaux de selle; le
cheval de race boulonnaise, pour les chevaux de
gros trait ; le cheval de race percheronne, pour le
cheval de trait léger. Mais le plus souvent, la plu-
part des races répondent incomplètement à un
but déterminé précis ; les efforts des éleveurs doi-
vent tendre à en corriger les défauts et à en déve-
lopper les aptitudes.
L'élevage du cheval demande les plus grands
soins. En outre, il faut aux jeunes poulains de
l'espace pour prendre leurs ébats dès le premier
âge. Enfin, à toutes les époques de sa vie, le
clieval exige une nourriture substantielle. Il ne
faut donc entreprendre l'élevage que lorsque les
conditions nécessaires sont réunies. La bonne ali-
mentation et l'hygiène doivent surtout entrer en
ligne de compte. Souvent les écuries sont mal dis-
posées au point de vue de la salubrité; elles sont
trop peu aérées et la litière est souvent entassée-
pendant trop longtemps sous les pieds des ani-
maux. Pour le cheval plus que pour tout autre ani-
mal, la propreté est une condition indispensable
de la santé.
La plupart des chevaux de selle et de service
doivent être castrés pour satisfaire aux exigences-
du commerce. L'opération de la castration doit être
faite dès le premier âge, dès que l'animal a été
reconnu par l'éleveur comme ne présentant pa&
les qualités requises pour être conservé en vu&
de la reproduction. Autant que possible, le jeune
cheval doit être castré avant le sevrage L'opéra-
tion, qui doit être faite par un médecin vétérinaire,
ne présente alors aucun danger, et elle atteint
complètement le but qu'on en attend.
Examinons maintenant les principaux types de
chevaux.
Le cheval de selle peut être considéré comme
parfaitement représenté par le cheval anglais de
pur sang La tête est fine, avec un œil vif, des
oreilles petites et mobiles, bien plantées sur la
tôle. Le corps est élancé ; l'encolure mince, longue-
et droite, la poitrine étroite, mais profonde ; le
dos court, la croupe large, droite et bien remplie.
Les jambes sont longues et fines, l'épaule est in-
clinée en avant. Ce type n'est pas exactement
celui de l'étalon entraîné pour les courses à
grande vitesse ; mais ce dernier est un produit
artificiel dans lequel les qualités de forme du che-
val de selle sont exagérées au point de devenir
parfois de véritables défauts.
Le cheval de service ou 'de luxe est très bie»
représenté par le cheval de demi-sang anglo-nor-
mand. Sa taille est de l^iGO environ. La tête, quoi-
que un peu grosse, ne manque pas d'élégance,
quand le chanfrein est droit. L'encolure est plus
courte que dans le cheval de selle, et l'épaule
mieux garnie de muscles. Le corps, quand l'animal
est en bon état d'entretien, est cylindrique, sans
maigreur sur les côtes. La croupe est large et
ample ; les membres sont musculeux, mais encore
assez fins. La poitrine doit être bien développée,
large et profonde.
Le cheval boulonnais est le type du cheval de
gros trait. Sa taille est élevée; la tête est forte,
avec la bouche petite, les ganaches lourdes, l'œil
ouvert, mais petit. « Le col est épais, dit A. San-
son, donnant à l'attache de la tête un empâtement
peu gracieux; l'encolure forte, rouée, paraît
courte; elle porte une crinière toufl'ue et double,
rarement longue; le poitrail est large et très-
proéminent; la poitrineample, à côtes très arquées;,
le garrot bas et noyé dans les masses musculaires
latérales ; le dos est un peu bas ; les reins sont
courts et larges ; la croupe est courte et arrondie,
fortement musclée, faisant saillie en arrière de»
lombes et divisée par un sillon médian ; la queue
est touffue. Le corps est court, cylindrique, près
de terre. L'épaule est peu oblique, bien unie à la
naissance de l'encolure; les membres forts, aux
articulations puissantes et larges, ont des tendons
volumineux et bien écartés des canons courts et so-
lides ; le pied est bon. » Le cheval de gros trait
est généralement aussi remarquable par sa doci-
lité que par sa puissance et son énergie.
Le cheval de trait léger est parfaitement caracté-
risé par le cheval percheron. Ce cheval, d'un tem-
pérament vif, est alerte, énergique et propre à
traîner à des allures rapides de lourdes charges.
('. Les grands trotteurs n'y sont pas rares. La tôte
CHEVAL
— 398 —
CHEVALERIE
paraît souvent un peu grosse, mais l'œil est si vif
«t la physionomie si intelligente qu'elle ne manque
pas pour cela d'élégance. L'encolure est générale-
ment de moyenne longueur, mais bien musclée et
ornée de crins longs et fins. Le corps est cylindri-
que, avec une poitrine à côtes bien arquées. La
croupe est arrondie, fortement musclée, souvent
un peu avalée chez les juments, et l'attache de la
queue un peu basse. Les membres sont forts, à
larges articulations, bien musclés, avec un petit
bou<|uet de crins seulement en arrière de l'articu-
lation du boulet. Les paturons sont généralement
un peu courts, et tous les angles des membres, par
-corrélation naturelle, plus ou moins obtus (A. San-
son). » Ainsi, entre le cheval de gros trait et ce-
lui de trait léger, il n'y a qu'une différence de vo-
lume et de taille. Cela se comprend d'ailleurs,
puisque le but de leur production est tout à fait
analogue, et qu'il ne présente que des différences
de détail.
Toutes les races de chevaux n'appartiennent pas
à une espèce unique. Les études scientifiques mo-
dernes ont permis de déterminer le nombre et les
•caractères de chaque espèce. C'est à M A. Sanson,
professeur de zootechnie à l'Ecole d'agriculture de
ôrignon, que revient, comme pour les races bovi-
nes, l'honneur d'avoir jeté la lumière dans cette
•question, et d'avoir substitué une classification
scientifique aux anciennes énumérations plus ou
moins confuses.
Les huit grandes races de chevaux sont :
1" La race asiatique, qui comprend les variétés
■arabe, anglaise de course, des landes de Bretagne,
du Limousin, de l'Auvergne, des landes de Gasco-
gne, de l'Aude, de la Camargue, de la Corse, de la
Sardaigne, de la Lorraine, etc.
2" La race africaine, que l'on confond souvent
•avec le type asiatique ou syrien, et qui comprend
la variété barbe ou berbère.
3° La race irlandaise, originaire de l'île de ce
nom, à laquelle appartiennent les variétés des po-
neys, de Shetland et bretonne.
4° La race britannique, confinée des deux côtés
■du détroit du Pas-de-Calais, race de gros trait, qui
se subdivise aujourd'hui en variétés de Suffolk et
de Norfolk, boulonnaise, cauchoise.
5" La race germanique, dont l'origine est dans
l'ancienne Germanie, et qui comprend les variétés
-allemande, italienne, comtoise et normande.
tjo La race frisonne, originaire des plaines de ce
nom, et qui comprend les variétés hollandaise, fla-
mande et picarde, poitevine et clydesdale.
7 La race belge, race de gros trait, qui s'est sub-
divisée en plusieurs variétés, dont les principales
sont celles du Brabant et des Ardennes.
8° La race séquanaise ou du bassin de la Seine,
qui comprend deux variétés désignées l'une et
l'autre sous le nom de variétés percheronnes, et
qui ne diffèrent que par la taille et le poids.
De l'union de quelques-unes de ces races sont
nées des populations métisses, dont quelques-unes
ont aujourd'hui une grande importance. Les prin-
cipales, pour la France, sont les Anglo-Normands,
les Anglo-Poit(!vins, les Anglo-Bretons. Dans cha-
cun de ces cas, on a essayé de transformer des
variétés déterminées par l'infusion du sang de la
race asiatique, en se servant du cheval anglais dit
de pur sang. Des résultats très remarquables ont
été parfois obtenus, notamment en Normandie ;
mais la plupart du temps ces résultats ne sont que
temporaires, et il faut avoir souvent recours an re-
producteur de pur sang pour maintenir les résul-
tats cherchés.
Eu terminant, il faut insister sur ce fait que,
pour tirer d'un cheval le nieilleur parti possible,
il ne suffit pas que l'animal possède de bonnes
qualités, il faut encore qu'il soit conduit avec mé-
thode et régularité. La bon conducteur saura tirer
parti d'une bête môme médiocre ; un conducteur
inhabile empêchera une bonne bête de produire
son eff<;t utile.
Institntions hippiques. — En vue d'améliorer ia
production du cheval en France, le gouvernement
a créé plusieurs établissements destinés, les uns à
la produciion directe, les autres à fournir aux
propriétaires des étalons de choix auxquels ils
peuvent amener leurs juments. Les pretnicrs sont
les haras ; les autres sont dits dépôts d'étalons.
En vertu de la loi du l" août 1874, tous les che-
veaux sont soumis à un recensement annuel. Ce
recensement a pour but d'immatriculer et de clas-
ser les cheveaux propres au service de l'armée et
qui peuvent être requis par l'autorité militaire en
cas de mobilisation.
Vices rcdhihitoires. — La loi du 20 mai 18-38 a
fixé les maladies ou vices qui, dans l'achat des che-
vaux et des mulets, peuvent autoriser une action
en nullité de la vente. Ces vices, dits rédhibitoires,
sont : la fluxion périodique des yeux ; — l'épilepsie
ou mal caduc; — la morve; — le farcin ; — les
vieilles courbatures ou maladies anciennes de poi-
trine ; — l'immobilité; — la pousse ; — le cornage
chronique; — le tic sans usure des dents; — les
hernies inguinales intermittentes; — la boiterie
intermittente pour cause de vieux mal. Pour être
valable, l'action en nullité de la vente doit être
exercée dans les neuf jours, non compris celui
de la livraison du cheval. Toutefois, pour la flu-
xion périodique des yeux et le mal caduc, le délai
est fixé 5, .30 jours. [Henri Sagnier.]
Ouvrages à consulter. — Le livre de la ferme et
des maisons de campagne. — A. Sanson, Traite' de zootech-
nie ou économie du bétail. — Richard (du Cantal), Etude
du cheval de sercice et de guerre.
CHEVALERIE. — Origines. — « Chez les Ger-
mains, dit Tacite, c'est la dignité, c'est la puissance
d'être toujours entouré d'une nombreuse troupe
de jeunes hommes d'élite ; c'est un ornement pen-
dant la paix, un rempart pendant la guerre. » Ces
guerriers contractaient ainsi entre eux une sorte
de fraternité d'armes, et lorsque leur pays n'offrait
plus d occasions de s'illustrer, ils partaient cher-
cher la gloire et le butin dans des expéditions loin-
taines, et le plus souvent ils s'engageaient à ne pas
revenir avant d'avoir accompli un certain nombre
d'exploits. Cette association guerrière fut l'origine
et le principe de la chevalerie. « Le christianisme
vint donner une direction plus utile à cette ardeur
belliqueuse. » Chéruel.) Il consacra la force à la
défense des faibles, de l'église et de la foi. Au
onzième siècle, la chevalerie tendit à s'organiser,
à devenir un corps réîculier soumis à des règles
plus ou moins bien pratiquées, mais généralement
appliquées et reconnues. Elle fut un ordre consti-
tué, et il fallut un noviciat pour mériter den faire
partie.
Organisation. — L'état de chevalier était le but
et l'ambition de tout jeune noble. Dès 1 âge de sept
ans, l'enfant était enlevé aux mains des femmes et
placé à la cour de quelque grand seigneur, le plus
souvent auprès du suzerain de son père, pour se
former h. la chevalerie. « C'est un bel usage de
notre nation, dit Montaigne, qu'aux bonnes mai-
sons nos enfants soient reçus pour y être nourris
et élevés pages comme en une école de noblesse. »
Dans le château l'enfant était dressé à la guerre
par des exercices continuels, qui développaient sa
vigueur et l'accoutumaient à se jouer aisément
sous l'énorme poids des armures du temps. « Le
matin vous voyez la cour se remplir de piqueurs,
de pages qui font faire à leurs chevaux mille diffé-
rentes voltes. Quelquefois des damoiseaux, dont
plusieurs sont des prodiges de force, assaillent ou
défendent pendant plusieurs heures avec leurs
longues piques ferrées un petit carré de fumier ou
une petite butte de terre, aux applaudissemeuts
CHEVALERIE
— 399
CHEVALERIE
des spectateurs. « (Monteil.) D'autres jours, c'était
la chasse où le jeune page portait avec grâce le
faucon de la noble châtelaine dont il était le ser-
viteur courtois et empressé. Enfin, le soir, on se
réunissait dans les grandes salles voûtées, aux
croisées en ogive, aux vitres peintes, aux grandes
armoires, sculptées en fenêtre d'église avec des
bas-reliefs représentant l'enfer et le purgatoire ;
sur les murs des personnages peints tenant à la
main des rouleaux où étaient écrites de belles sen-
tences, ou bien les armures des anciens chevaliers
■qui rappelaient leurs exploits. C'était alors l'aumô-
nier qui racontait ses pèlerinages, et les dangers
dont l'avait sauvé l'intervention d'un chevalier va-
leureux. C'était le seigneur qui rappelait quelqu'un
des hauts faits de sa jeunesse, quand il courait
aventures au service de Dieu et de sa dame.
C'étaient « parfois aussi les chants d'un troubadour
qui payait l'hospitalité du châtelain par quelque
canzone en l'honneur des paladins de Charlemagne
ou d'Arthur. » (Chéruel.) Ces modèles de chevale-
rie étaient proposés en exemple au jeune homme.
A quinze ans il passait écuyer, homme d'armes à
la fois et serviteur du seigneur. Il n'avait encore
ni la lance, ni le casque, ni l'éperon d'or ; il por-
tait seulement l'épée, le bonnet de fer et l'épe-
ron d'argent; attaché à la personne du seigneur, il
le suivait à la guerre et portait sa bannière ou ses
armes; il servait à table le châtelain et « accom-
pagnait la châtelaine dans ses courses à travers
la forêt. » En outre, il se formait véritablement au
métier du soldat. Dans cette paix toujours pré-
caire et si souvent troublée du château féodal,
à l'improviste « le guet sonne la cloche; aussitôt
tout est en mouvement : les ponts sont levés, les
liersestombe'it, les portes se ferment, toutle monde
court aux créneaux, aux meurtrières. » (Monteil.)
Entre ces alertes fréquentes, l'ccuyer se perfec-
tionnait dans tous les exercices nécessaires à la
tactique du temps et devenait un guerrier accom-
pli.
Alors commençait le noviciat du chevalier. « A
dix-sept ans l'écuyer partait souvent pour des ex-
péditions lointaines. Un anneau suspendu au bras
t)u à la jambe annonçait qu'il avait fait vœu d'ac-
complir quelque prouesse éclatante avant de rece-
voir l'ordre de la chevalerie. On nommait emprises
CCS signes distinctifs. » (Chéruel.)
A son retour et lentreprise achevée, avait lieu
l'admission du jeune noble au rang de chevalier.
Elle était entourée de certaines formalités guer-
rières et religieuses et accompagnée de certains
•engagements moraux. La veille du jour de récep-
tion, le jeune écuyer, après s'être purifié le corps
par un bain, revêtait « une tunique blanche, une
robe vermeille et une cotte noire, couleurs symbo-
liques qui indiquaient l'engagement de mener une
"vie chaste, de verser son sang pour la foi, et d'a-
voir toujours présente la pensée de la mort. »
(H. Martin.) Le soir, après un jeune rigoureux, il
se rendait à la chapelle du château, accompagné le
plus souvent d'un prêtre et de deux guerriers éprou-
vés qui lui servaient de parrains. Enfin le jour
arrivé après la communion et la messe où le prê-
tre avait béni l'épée, le récipiendaire paraissait de-
vant celui qui devait lui conférer la chevalerie,
devant les dames et les guerriers qui formaient la
cour du seigneur. 11 s'agenouillait pour entendre
lecture des principaux devoirs du guerrier. Alors,
o les chevaliers qui avaient promis d'aider à vêtir
le nouveau chevalier lui donnèrent l'un après l'au-
tre le hoqueton (camisole fortement rembourrée)
qu'il endossa, la manche droite, puis la gauche ; le
haubert i cotte de mailles/ ; les chausses de fer
couvrant les jambes et les pieds ; l'épée qui lui fut
ceinte après avoir été tirée du fourreau, puis bai-
sée par le nouveau chevalier et ensuite remise dans
ie fourreau. Après sou scrineni fait et la promesse
de suivre les enseignements des chevaliers, le roi
haussant la paume lui donna l'accolade et le fit
chevalier. Les chevaliers lui donnèrent encore un
écu bouclier; qui fut suspendu à son cou, puis le
heaume (casque fermé, signe du guerrier noble; ;
enfin son destrier qu'il monta de plein saut, sans
vouloir qu'on lui tînt les étriers et sans môme s'en
servir. » (Lacurne Sainte-Palaye.) Après la formule
prononcée par le seigneur : « Au nom de Dieu, de
saint Michel et de Notre-Dame, je te fais cheva-
lier », au milieu des volées des cloches, des fan-
fares dont résonnait l'église et des acclamations
populaires, le nouveau chevalier partait joyeuse-
ment pour faire au galop de son cheval le tour du
château ; Dieu, saint Michel et Notre-Dame lui
traçaient désormais son devoir.
Principes de la chevalerie, première époque. —
La religion en effet, qui était intervenue, dès le
onzième siècle, pour consacrer le néophyte, inter-
venait encore pour lui dicter la règle de sa conduite.
Le chevalier doit « garder » les pauvres gens, et
soutenir les faibles ; il doit tourner ses armes con-
tre les méchants, les félons et surtout les infidèles,
à l'exemple de saint Michel, « chef de la chevalerie
céleste », et du modèle de tout guerrier, ie valeu-
reux Roland. Comme eux, il doit pratiquer hon-
neur, parage (de pair, égal) et courtoisie, qui sont les
lois propres de la chevalerie. L'honneur impose de
se conduire loyalement vis-à-vis de l'ennemi, d'épar-
gner le vaincu réduit à merci, de traiter comme
un frère le seigneur prisonnier et d'accepter une
rançon modérée. Pour mériter le renom de parage,
le chevalier doit être secourable et généreux aux
pauvres, aux opprimés, enfin courtois à tous. C'est
par honneur et parage que Roland envoie chercher
une autre épée pour Renaud, dont un coup de
Durandal a brisé le glaive. C'est par parage ot
courtoisie que Renaud met sur les blessures de
son adversaire le baume que lui a donné sa mère,
avant de recommencer le combat.
Deuxième ipoqw. — iMais là n"est pas toute la
chevalerie, ku guerrier franc, aux douze pairs, à
l'idéal germanique succède le héros celiique Arthur,
roi de Caerleon. Après la chanson de Roland vient
le cycle de la Table ronde.
Fit roi Arthur la ronde table,
Dont les Bretons disent maint fable.
« Le héros gallois est devenu l'idéal de la cheva-
lerie. Il parcourt le monde en le délivrant des
géants et des monstres. Il tient cour plénière, à
Caerleon, en Galles, aux grandes fêtes de l'année,
et réunit autour de sa personne la fleur des rois,
des barons et des chevaliers de l'Europe... La table
ronde est le domaine de l'égalité. Tous les convi-
ves y sont reçus et servis sans distinction, quels
que soient leurs rangs et leurs qualités. >■ (Demo-
geot.) «Il n'y avait pas un bon chevalier, de l'orient
à l'occident, quille se crût tenu d'aller à la cour d'Ar-
thur ; tous ceux qui cherchaient, la gloire y venaient
detous les pays... Lespauvres l'aimaient,, les riches
lui rendaient de grands honneurs ; les rois étran-
gers lui portaient envie et le craignaient ; car ils
avaient peur qu'il ne conquît toutle monde, et ne
leur enlevât leur couronne. » (Roman de Wace.)
Il y a dès lors un nouvel élément dans la cheva-
lerie. La vie du château imposée au seigneur, la
situation élevée de la châtelaine au milieu des
pages et des ccuyers empresses à ses ordres, " a
donné souvent aux femmes de l'époque féodale
une dignité, un courage, des vertus, un éclat
qu'elle n'avait pas développés ailleurs. » .\ussi le
dévouement aux dames qui le charmaient par leur
grâce 01 leur faiblesse devint-il bientôt le princi-
pal devoir du chevalier. « Lorsque dames ou da-
moisclles ont mcsticr (besoin) de lui, il doit les
aider de son pouvoir, s'il veut gagner los et
pris (louange et mérite). Car il faut honorer les
CHIEN
— -100 —
CHIEN
femmes et porter grand faix pour défendre leur
droit. » (La Coloinbière.) C'est d'elles malntep.ant
qu'il reçoit ses armes, pour l'accomplissoment de
son vœu, d'elles qu'il attend l'ordre du départ,
d'elles enfin qu'il espère à son retour sa récom-
pense d'amour et de gloire. C'est à sa dame que
le chevalier prête désormais hommage-lige. C'est
elle qui le couronne au sortir du tournois. Son
amour est pour lui le principe de tout mérite mo-
ral, de toute gloire et de toute vertu. Servir Dieu
en servant sa dame et redresser les torts, voilà
désormais sa devise et tout son devoir. C'est le
premier arrêt des cours d'amour qui fixent les
obligations du chevalier ; cet amour tout idéal de-
vient le but et le principe de sa vie. — Le trouba-
dour Geoffroy Rudel en est l'exemple, qui s'éprit
de la comtesse de Tripoli, sur son renom de beauté
et de venu. Parti pour la Terre sainte, il tomba
malade sur le navire, et mourut d'émotion en aper-
cevant la dame de ses pensées, qui entra le lende-
main dans un cloître. Tel était l'idéal, dont la réa-
lité s'est souvent de beaucoup éloignée, grâce à la
violence et à la grossièreté des mœurs au moyen
âge.
Troisième époque. — Enfin la dernière forme de
la chevalerie réunit les deux éléments de l'amour
et de la religion dans la légende du Saint-Graal.
C'était le vase avec lequel Jésus-Christ et les apô-
tres avaient célébré la pàque, la veille de la pas-
sion. Les anges l'avaient d'abord emporté aux
cicux. Mais il fut ensuite confié à un saint homme
qui l'apporta en France. La vue de cette divine
relique donnait une perpétuelle jeunesse, et la
possession de toutes les vertus avec un pressenti- ,
ment du bonheur éternel. Ce fut alors àla recher-
che et à la défense du Graal que partaient les
chevaliers errants dont Perceval était lo modèle —
et dont les ordres militaires furent les continua-
teurs (particulièrement les templiers).
Conséquei'Ces. — Telle fut la chevalerie dont
l'influence a survécu jusqu'aux temps modernes.
Au moyen âge, elle eut pour but et pour résultat
l'adoucissement des excès de la guerre, soumise
par elle aux règles de la loyauté ; l'amélioration
des mœurs, dont la brutalité violente fut peu à peu
atténuée par la suprématie toute morale de la
femme sur son entourage. — Historiquement, l'é-
tablissement de la chevalerie fut contemporain des
croisades, déterminées en grande partie par son
influence ; et les exploits des héros chevaleresques
ont servi de thème à ces nombreux poèmes, chan-
sons de geste et romans, qui sont notre littérature
primitive. — De nos jours enfin on trouve encore
profondément imprimés dans notre caractère les
principes chevaleresques ; ils ont survécu dans
les sentiments de l'honneur, de la courtoisie et de
lagahmterie envers les dames. fPaul Schâfer.J
t:iilEM:T RACES CANIDES. —Agriculture, XV.
— La domestication du chien remonte aux époques
les plus reculées de l'histoire de l'humanité. Par-
tout on le retrouve, dans les vestiges des anciennes
civilisations aussi bien que chez les peuplades sau-
vages des îles les plus lointaines. La question de
savoir si toutes les races connues aujourd'hui des-
cendent d'un seul type alongtempsdivisé les natura-
listes ; le chien domestique varie, en efl'et, presque à
l'infini au point de vue de la taille, des formes, des
qualités et de la couleur du poil. On peut retrouver
la trace de la formation d'un certain nombre de
variétés; mais pour le plus grand nombre, il est
difficile de jeter la lumière sur lt;ur origine. Il se
forme d'ailleurs presque constamment des variétés
bâtardes, et l'homme perfectionne quelques races
par des croisements avec d'autres races. Le fait
que toutes les races de chiens peuvent se repro-
duire entre elles tend à prouver qu'elles appar-
tiennent à une espèce unique qui, par la domesti-
cation, a subi mille transformations.
I Frédéric Cuvier a basé la classification des race»
canines sur la forme du crâne et la longueur des
mâchoires. Il les a divisées en trois sections : les
mâtins, caractérisés par une tête plus ou moins
j allongée et par les os pariétaux tendant à se rappro-
cher; lesépagneuls, dont la tête est moins longue,
, et dont les os pariétaux s'écartent et se renflent de
I manière à beaucoup agrandir la boîte cérébrale et
I les sinus frontaux ; les dogues, ayant le museau rac-
•courci, dont le crâne est rapetissé et remarquable
par l'étendue considérable des sinus frontaux.
A cette classification scittitifique, on substitue
souvent une classification pratique qui divise les
chiens domestiques en cinq catégories : chiens de
I chasse courants, chiens de chasse à l'arrêt, lévriers,
chiens de garde, chiens d'appartement ou de luxe.
Pour chaque catégorie, nous indiquerons les prin-
cipales races françaises.
i Chiens courants. — On désigne sous ce nom le»
chiens chassant à l'odorat, trouvant et tuant le gi-
, hier. La chasse à courre a été pendant longtemps
j un des principaux plaisirs des grands seigneur»
j français ; entre leurs mains, la vénerie était deve-
nue un art véritable. Cet art a beaucoup diminué,
mais on compte encore quelques amateurs qui en-
tretiennent des meutes considérables de chiens
courants.
Les principales races de chiens courants sont :
le chien de Saintonge, au poil ordinairement blanc
avec des taches noires et des marques de feu pâle,
de grande taille, chassant de préférence le cerf et
le lièvre; le chien du Poitou, très semblable au
précédent et confondu souvent avec lui ; le chien
de Gascogne, au poil gris ou blanc, avec beaucoup
de taches noires et de marques couleur lie de vin ;
le chien normand, de grande taille, au pelage
blanc, gris ou fauve ; le chien vendéen, remarqua-
ble par la solidité de son jarret et son entrain à
la chasse, au pelage blanc et gris, parfois taché de
fauve ou de noir ; le chien de Saint-Hubert, au
poil noir tirant un peu sur le roux, marqué de feu
aux sourcils et aux pattes; le chien pour sanglier,
dit souvent grand danois, le plus habituellement
d'un fauve rougeâtre tigré de noir, très courageux
et de grande taille ; les chiens bassets, remarqua-
bles à leur corps très long et à leurs pattes très
courtes ; les bassets présentent plusieurs variétés;
la plus répandue est celle à poil ras, au pelage
habituellement blanc taché de noir ou de fauve,
parfois tout à fait noir et marqué de feu. Les bas-
sets les plus estimés proviennent de l'Artois et de
la Flandre.
Les croisements entre les races françaises et les
races anglaises ont été nombreux ; ils peuplent au-
jourd'hui beaucoup de meutes de notre pays. Une
des races anglaises très répandue en France est
celle des terriers. Le terrier est généralement de
petite taille, mais il est doué d'une vivacité re-
marquable et d'un très grand courage.
Cliiens d'arrêt. — Les chiens d'arrêt trouvent
le gibier par l'odorat, mais ils ne le tuent pas ; ils
sont généralement adoptés pour la chasse au fusil.
Ces chiens sont aussi désignés sous le nom de
chiens couchants, parce que souvent ils se cou-
chent devant le gibier pour avertir le chasseur de
sa présence.
Les principaux chiens français d'arrêt sont le
braque, le griffon et l'épagneul.
Le braque est une des plus anciennes races, et
elle présente de nombreuses variétés. Le braque
ordinaire a des formes légères ; la tête est de gros-
seur moyenne ; le museau, court, est un peu
carré ; la taille varie de 55 à G5 centimètres. La
poitrine est profonde, les pattes sont fortes et
bien musclées. Le poil est ras, fin et luisant, à
fond blanc taché de marron ou de brun plus ou
moins foncé. 11 convient surtout pour la chasse
dans les pays de plaine et sur les terrains secs.
CHIEN
— 401 —
CHIMIE
Les principales variétés sont celles du Poitou et
de Picardie.
Le griffon se rapproche du braque par l'ensem-
ble de ses formes, mais il s'en distingue par un
poil long et rude, parfois hérissé. Quand il est
bien dressé, il est excellent pour toutes sortes de
chasses, notamment pour celles dans les brous-
sailles et dans les marais.
L'épagneul se reconnaît à première vue par le
développement du crâne et par un poil long et
soyeux, surtout sur la queue, dont les poils for-
ment un véritable panache. Ses formes sont élé-
gantes, ses yeux sont vifs et pétillants, l'oreille
longue et mince. C'est un excellent chien d'arrêt.
Il s'en est formé de nombreuses variétés qui se
différencient par la couleur du pelage, la taille et
d'autres caractères d'un ordre secondaire.
Lévriers. — Le lévrier est une des races de
chiens ies plus anciennement connues ; il y en a
de nombreuses variétés. Quoique ces chiens n'aient
qu'un odorat très faible, ils sont très bons pour
la chasse, parce que leur vue est si perçante et
leur course si rapide qu'il n'est pas de quadru-
pède qui puisse, en plaine, échapper à leur pour-
suite. Il n'y a pas de race française de lévriers ;
mais le mâtin est considéré comme le produit des
croisements du lévrier avec des races de chiens
de berger. Il a la tête allongée du lévrier, mais
plus large ; le front est plat ; le pelage varie du
brun rougeâtre au fauve. Le mâtin est un chien
possédant une grande vigueur : il est courageux
et propre à la chasse du sanglier et du loup.
Chiens de garde. — On distingue deux son es de
chiens de garde: les chiens de berger, et les chiens
de garde pour les habitations.
Il y a de très nombreuses variétés de chiens de
berger, on en connaît de toutes tailles et de toutes
couleurs. Leur type le plus ordinaire se distingue
par le poil hérissé. L'une des races de chiens de
berger les plus estimées en France est celle des
chiens de Brie, ayant une hauteur de 65 à 75 cen-
timètres. Leur poil est long et assez doux, de
couleur fauve, parfois taché de noir.
Au chien de berger peut être rattaché le chien
de Terre-Neuve, remarquable non seulement par
sa taille et son habileté de nageur, mais aussi
par sa douceur et sa docilité. Il est de grande
taille, avec des formes robustes et massives.
Les chiens de garde sont employés comme com-
pagnons de l'homme pourprotéger les habitations,
et prévenir de l'arrivée des étrangers. Les princi-
pales variétés sont celles du bull dog ou boule-dogue,
du dogue de grande taille, du barbet ou caniche.
A ces variétés se rattache la race métis des
bull-terriers. Cette race, produite parle croisement
du terrier et du bulldog, réunit les qualités de fi-
nesse de l'odorat du terrier à la force et au cou-
rage du bulldog. Elle a été créée surtout en vue
de la chasse des rats qui pullulent dans les gran-
de s villes. C'est un des exemples les plus remar-
quables des résultats heureux que l'on peut obte-
nir par le croisement de races ayant des qualités
qu'on veut réunir. Le buU-terrier possède au
plus haut degré les qualités des races qui l'ont
formé.
C /liens d'appartement. — Le nombre des varié-
tés de chiens de luxe ou d'appartement est à peu
près illimité. Il est difficile d'en préciser les carac-
tères. Les variétés les plus connues sont le chien
de la Havane ou bichon, le chien loulou, le King
Charles, la levrette, le carlin, le roquet. C'est une
question de mode que la faveur donnée tantôt à
l'une, tantôt à l'autre de ces races. Le plus grand
nombre ne possèdent pas de qualités spéciales,
mais les chiens de luxe peuvent parfois être em-
ployés comme chiens de garde.
Le chien est facile à élever et à nourrir. L'ali-
oientation varie suivant les races et suivant les
2e Partie.
services qu on leur demande. D'une manière géné-
rale, un mélange de nourriture végétale et ani-
male est ce qui convient le mieux ; mais il faut
éviter de donner au chien un excès de viande,
surtout s'il doit vivre renfermé.
Pour dégager les facultés iiitellectuelles du
jeune chien, il faut le soumettre au dressage. L'é-
ducation permet, chez quelques individus, de dé-
velopper leurs qualités à un degré vraiment extra-
ordinaire. On en cite des exemples surprenants,
qu'il s'agisse soit de l'affection du chien pour son
maître, soit de ses aptitudes, de sa sagacité, de sa
mémoire, etc. La douceur et la patience assurent
d'une manière presque absolue la réussite de l'édu-
cation.
Le chien est sujet à d'assez nombreuses mala-
dies. La plus terrible est connue sous le nom de
rage. Elle est rebelle à toute médication, et elle
peut, par une simple morsure, être communiquée
à l'homme pour lequel elle peut être mortelle.
Les premiers symptômes de la rage consistent
en une humeur sombre et une agitation inquiète.
Le chien parait, à certains moments, être soumis
à de véritables hallucinations. L'agitation va en
augmentant. Le dégoût pour la nourriture se pro-
duit assez rapidement ; mais le chien a la tendance
à mordre et à déchirer un grand nombre d'ob-
jets tout à fait impropres à l'alimentation. La
voix change : l'aboiement se transforme en un hur-
lement caractéristique bien connu et facile à re-
connaître, quand on l'a entendu une fois. Quand le
chien malade aperçoit un autre chien bien portant, il
fait tout ce qu'il peut pour se jeter sur lui et pour
le mordre. Souvent le chien, dès les premières at-
teintes du mal, s'échappe de la maison de son
maître et disparaît. Quand la maladie est arrivée
à son complet développement, la face du chien de-
vient terrible ; il demeure presque constamment
dans un état complet d'apathie, alternant avec
des accès de fureur pendant lesquels il se jette
sur tous les objets qui sont à sa portée. La rage
se termine généralement par la paralysie, puis la
mort, quand l'animal n'a pas été abattu dans le
cours de la maladie.
C'est une erreur trop souvent répandue que le
chien enragé a peur de l'eau. Dans les premiers
temps de la maladie, le chien boit, au contraire,
avidement ; mais bientôt la gorge se resserre et
il ne peut plus absorber de liquide. C'est peut-être
là la cause de celte croyance.
On a essayé beaucoup de remèdes pour guérir
la rage; aucun n'a encore réussi. Quand un chien
présente les symptômes de la rage, il doit être
abattu sans retard ; il faut aussi abattre tous les
autres animaux qui ont été mordus par lui. Pour
l'homme mordu, le meilleur moyen de prévenir
les effets de l'inoculation de la rage est la cauté-
risation des morsures, et surtout la cautérisation
au fer rouge, faite avec énergie et aussitôt que
possible après l'accident. Les autres agents de
cautérisation peuvent aussi être employés avec
succès. Quelle que soit la légitime terreur qu'in-
spire la rage, il est utile de faire observer, avec
M. Bouley, qu'une blessure rabique n'est pas fata-
lement mortelle ; qu'au contraire, dans plus de la
moitié des cas, quand elle est traitée sans retard,
elle ne donne lieu à aucune conséquence funeste.
[Henri Sagnier.]
CHISIIE. — (Étym. : d'un mot grec signifiant suc,
et d'où est également formé le mot ciyme; autre-
fois on écrivait c'^yinie.)
Définition. — La chimie es; la partie des sciences
qui étudie les transformations que peut subir la
substance des corps. La formation de la rouille à
la surface du fer dans l'air humide, la pourriture du
bois, la putréfaction de la viande, la fermentation
du jus de raisin dans les cuves, l'action corrosive
des acides sur les métaux, la combustion du soufre»
26
CHIMIE
— 402 —
CHIMIE
du bois, du phosphore, sont autant de phénomènes
dont l'étude appartient à la ciiimie.
Origine. — L'origine de cette science se perd
dans les vieilles civilisations de l'Inde et de l'Kpiypte.
Les prêtres seuls s'en occupaient et se gardaient
bien de divulguer le secret de quelques prépara-
tions, qui constituaient pour eux la science sacrée.
La chimie faisait ainsi partie des mystères religieux
i;t contribuait pour une bonne part à la considé-
ration et au respect de la caste sacerdotale.
Après la prise d'Alexandrie, la cliimio tombe
dans l'oubli, pour renaître en Europe, en plein
moyen âge, sous le nom d'alchimie. Tout ce que
Ton sait alors, en France, en Italie, en Allemagne,
on Angleterre, en Espagne, vient des Arabes. Sous
leur impulsion l'alchimie tint longtemps le premier
rang dans les travaux scientifiques de l'Europe.
L'alchimie et les alchimistes : partie chimérique
et partie sérieuse. — Les alchimistes travaillent
beaucoup; il semble à tous que la fortune, la
gloire, la science suprême doivent sortir toutes
faites de leurs cornues surchaufFées ; ils espèrent
trouver la connaissance absolue des lois de la na-
ture dans une seule expérience, ou plutôt dans la
préparation d'une substance mystérieuse qu'ils ont
rêvée.
Comme leurs ancêtres de l'Inde et de l'Egypte,
ils gardent secrètes leurs recherches; c'est dans
les caves et la nuit qu'ils travaillent. La science
n'est plus divine, sacrée, mais elle est remplie de
mystères et de sortilèges : le vulgaire attribue à
l'alchimiste une puissance quelquefois diabolique.
Ce côté bizarre de l'ancienne chimie, de la fausse
science ne disparaîtra, chose remarquable, qu'après
de longs siècles de travaux et de discussions, à la
lumière brillante de la science véritable qui naîtra
des ruines de l'autre à la fin du dix-huitième siè-
cle.
La plupart des alchimistes sont eux-mêmes les
naïves victimes de leurs formules, aussi creuses
qu'emphatiques; quelques-uns, cependant, sont de
véritables génies scientifiques, foulant aux pieds
les superstitions de leur temps, et entrevoyant la
science moderne ; ils deviennent devant l'histoire
les précurseurs de Lavoisier et de ses successeurs:
tels sont Roger Bacon, Paracelse et d'autres,
Les fausses tendances et les illusions de l'alchi-
mie sont personnifiées dans la pie7're philosophale
et la panacée universelle, comme plus tard sa théo-
rie le sera dans lephlogistique.
Qu'est-ce que la pierre philosophale ? Un alchi-
miste lui-même n'aurait peut-être pas pu le dire ;
mais ce qui paraît certain, c'est que, substance ou
opération merveilleuse, elle devait transformer les
métaux vulgaires en or; c'était la soif de la fortune
personnifiée. Quant à la panacée universelle, dro-
gue toute-puissante, elle rendrait la santé et même
la jeunesse. On comprend que, surexcités par de
tels désirs, les alchimistes aient beaucoup travaillé,
et, il faut leur rendre cette justice, beaucoup
trouvé; tout, du reste, était à découvrir. C'est à
leurs travaux que nous devons la préparation de
l'acide nitrique (eau-forte), celle de l'alcool, du
phosphore, et enfin celle de l'acide sulfurique,
aujourd'hui source de tant de richesses indus-
trielles.
Nos pharmacies font encore un grand usage de
quelques-uns des produits qui nous viennent des
temps de l'alchimie, par exemple de l'émctique,
des chlorures de mercure, du sel de Glauber (sul-
fate de soude), de l'arsenic sous diverses formes,
du sel ammoniac, de la pierre infernale (nitrate
d'argent), etc.
Les alchimistes savaient que la fermentation du
sucre donne de l'alcool, puis ensuite du vinaigre
(V. Fermentation).
L'acide carbonique (V. Charbon) ne leur était
point inconnu, ils le rencontraient et le reconnais-
saient dans diverses circonstances, telles que la
préparation de la chaux (acide crayeux), la com-
bustion d'une bougie.
Il faudrait un volume pour exposer les décou-
vertes que nous devons aux alchimistes; elles ont
été les matériaux épars, mais nécessaires, qui ont
servi à constituer la véritable chimie à la fin du
dix huitième siècle. Il ne faut pas oublier que
l'alchimie entraînait tous les esprits sérieux :
Kepler et Newton furent alchimistes. Lavoisier
lui-même, Scheele et Priestley, ses plus illustres
contemporains, ont partage, au moins pendant
quelque temps, les erreurs que les alchimistes
allemands Beckor et Stahl,son disciple, avaient im-
posées à la plupart des savants de leur temps.
La théorie du phlogistique. — Ce que nous al-
lons exposer brièvement montrera aux lecteurs
l'un des plus grands efforts tentés en vain par la
raison humaine pour s'expliquer un des côtés de
la nature sans faire appel à l'expérimentation mé-
thodique.
Quand on chauffe un métal à l'air, du plomb, de
rétain,du cuivre, du fer, du mercure par exemple,
il se rouille, c'est-à dire se transforme en une
substance d'aspect terreux que les anciens appe-
laient chaux ou terre et que nous appelons aujour-
d'hui un oxyde, parce que cette substance est le
résultat de la combinaison chimique du métal
avec l'oxygène de l'air. Les alchimistes supposaient
(lue cette chaux ou terre étHit un des éléments
constitutifs du métal. Quand on évapore de l'eau
naturelle (non distillée), elle laisse un résidu ter-
reux provenant des substances qu'elle tenait en
dissolution : les alchimistes en concluaient qu'elle
se réduit en air (vapeur) et en terre. Tout le
monde sait que le bois, en brûlant, se transforme
en une fumée contenant de la vapeur d'eau et en
cendres ou terre. De ces nombreux phénomènes
mal observés était née depuis bien longtemps cette
idée que le monde matériel est constitué par
quatre éléments : l'air, la terre, l'eau et le feu,
auxquels on ajoutait quelquefois le soufre qui,
pour beaucoup d'alchimistes, était un élément des
métaux. Tous n'admettaient pas ces vieilles idées
et plusieurs s'en moquaient, mais n'avaient rien de
général à leur substituer.
Au dix-septième siècle, le besoin d'une explica-
tion générale de tous les faits connus se faisait
vivement sentir. L'homme est ainsi fait, qu'il ne
peut pas longtemps voir des choses nouvelles sans
essayer de se les expliquer par ce qu'il sait déjà.
En même temps, tous les esprits sérieux sentaient
le vide de ce qui subsistait encore des anciennes
idées; la pierre philosophale n'était plus en vogue
que chez les charlatans ; quant aux savants, ils ne
recherchaient plus seulement la fortune, mais en-
core ce qui donne à l'esprit la plus grande satis-
faction, la possession de la vérité.
C'est alors qu'apparut la célèbre théorie du phlo-
gistique, imaginée par Becker, médecin alchimiste,
né à Spire; elle fut défendue et développée par Stahl,
son disciple, avec une ténacité germanique, une
conviction philosophique entière, et une habileté
d'interprétation véritablement supérieure et digne
d'une meilleure cause ; jamais système ne disparut
plus subitement et plus complètement.
La théorie du phlogistique n'en a pas moins
rendu de grands services à la science en lui don-
nant l'esprit synthétiqut^, et en provoquant d'ar-
dentes discussions qui ont oeut-ètre inspiré et
guidé le génie français à qui était réservé la gloire
de faire luire la vérité.
Stahl supposait qu'il existe dans tous les corps
une substance extrêmement subtile, cause et effet
du feu, si ce n'est le feu lui-même : c'était le
phlogistique àephlox, qui en grec veut dire tlamme).
Quand un métal brûle, c'est qu'il perd son
phlogisiique sous forme de feu libre; il r. stc 1»
CHIMIE
— 403 —
CHIMIE
chaux. La combustion est une perte de phlogis-
tique, les corps très combustibles sont les plus
riches en phlogistique. Si on chauffe de la chaux
métallique, chaux de zinc ou chaux de plomb par
exemple (oxyde de zinc, oxyde de plomb) avec du
charbon, celui-ci étant riche en phlogistique en
restituera à la chaux métallique, et le métal sera
régénéré.
Ainsi pour les Stahliens la combustion vive ou
lente d'un métal est une décomposition, une sépa-
ration du phlogistique et du corps qui brûle, en un
mot une analyse, tandis qu'elle est réellement une
combinaison, une association chimique, une syn-
thèse du métal avec l'oxygène de l'air.
La théorie duphlogisliipie se trouvait, dès sa nais-
sance, en présence d'objections très sérieuses,
dont elle ne triompha passagèrement qu'à cause
du besoin absolu qu'on avait dune théorie géné-
rale, et grâce aussi à l'habileté de ses défenseurs
qui la modifiaient et la modelaient sur les faits
au fur et à mesure qu'ils se manifestaient.
Dès 1630, un modeste pharmacien de Périgueux,
Jean Rey, dont l'histoire n'oubliera pas le nom,
véritable précurseur de Lavoisier, annonçait en ces
termes le rôle de l'air dans la ralcination des mé-
taux : (iPowquoi l'estain et le plomb augmentent de
foids quand on les calcine? A cette demande
doncques, appuyée sur les fondements déjà posés,
je réponds et soustiens glorieusement que ce sur-
croit de poids vient de l air qui, dons le vase, a
esté espessi, appesanti et rendu aucunement adhé-
sif par la véhémente et longuement continue cha-
leur du fourneau, lequel air se mesle avec la
chaux et s'attache à ses plus menue- parties. L'air
est un corps pesant, et comme tel, il peut céder à
l'estaim et au plomb des molécules pesantes qui,
par leur addition, augmement nécessairement le
poids primitif de ces métaux. »
Ainsi, Jean Rey affirmait que la chaux obtenue
par la calcination du plomb à l'air avait un poids
total supérieur à celui du métal calciné. C'était le
renversement de la théorie du phlogistique, mais
les phlogisticiens s'en tiraient par des subti-
lités.
A cette époque-là, on connaissait encore mal
les gaz, on ne savait ni les enfermer ni les me-
surer, ce fut là certainement une des causes
qui retardèrent le plus la marche de la science.
Jean Mayow, né en 1645, semble avoir entrevu
l'oxygène dans le rôle qu'il attribue à l'air dans le
phénomène de la respiration. « L'usage de la res-
piration consiste, dit-il, en ce que, par le minis-
tère des poumons, certaines particules, absolu-
ment nécessaires à la vie animale, sont séparées
de l'air, et mêlées à la masse du sang, et que l'air
expiré a perdu quelque chose de son élasticité...
Les particules aériennes absorbées pendant la
respiration sont destinées à changer le sang noir
ou veineux en sang rouge ou artériel » (V. Respira-
tion). Néanmoins tous ces eiïorts furent impuis-
sants, mais, en se succédant nombreux, ils propa-
rent la voie. Nous devons rappeler ici les noms
de Brandt, Léméry, Rouelle, Baron, Marggraf,
Scheele qui découvre le chlore, extrait le phosphore
des os, et enfin Priestley qui découvre l'oxygène
en calcinant la terre rouge de mercure (bioxyde
de mercure).
Découverte de Lavoisier. — Ayant chauffé du
mercure au contact de l'air enfermé dans une
cornue, sans aucune communication avec l'air ex-
térieur, Lavoisier obtint une chaux rouge tout à
fait semblable à celle dont Priestley s'était servi
pour «obtenir l'air vital, l'oxygène. Lavoisier, en
même temps, constatait qu'une partie de l'air de
la cornue avait disparu, et, ayant mesuré le volume
restant, il vit que le cinquième à peu p ^s avait été
absorbé par le mercure. Ayant ensuite fortement
chauffé la chaux i-ouge, dans un petit tube com-
muniquant avec une éprouvette pleine de mercure,
il vit qu'en même temps que le métal se régéné-
rait, il s'en dégageait dans l'éprouvettc un gaz
ayant à peu près le même volume que la partie
de l'air qui avait di<;paru. Cette expérience
était l'analyse de l'air faite pour la première fois ;
en même temps, elle donnait l'explication de la
transformation que subissent les métaux calcinés
à l'air. Le phlogistique devenait une erreur évi-
dente. Le mercure, le plomb, l'étain chauffés à
l'air absorbent une partie de celui-ci, l'oxygène,
et le poids de la rouille est exactement égal à la
somme des poids du métal et de l'air qui s'y com-
binent. Les combinaisons du plomb, de l'étain, du
fer, etc., avec l'oxygène ne sont pas détruites par
la calcination comme l'est celle du mercure, mais
elles le sont quand on les chauffe avec du charbon ;
il se forme alors entre celui-ci et l'oxygène de la
terre métallique une combinaison gazeuse, l'acide
carbonique, qui s'en va en laissant le métal libre.
Le charbon a. en effet, de grandes tendances à se
combiner à l'oxygène ; à une température élevée
il désoxyde tous les métaux (V. Charbon), il ramène
la rouille et les minerais à l'état métallique; c'est
pour cela qu'on dit qu il est réducteur, mais il ne
leur fournit rien, comme le supposaient les phlo-
gisticiens.
Lavoisier venait donc de donner la composition
de l'air et en même temps il expliquait le rôle de
l'oxygène dans la combustion et la respiration
(V. Air et Respiration).
L'importance de cette découverte était immense.
Lavoisier voyait dans la combustion un phéno-
mène universel, c'est-à-dire le type de toute com-
binaison chimique. Ayant brûlé du phosphore
dans l'air, puis du charbon, du soufre, il put dé-
terminer les quantités d'oxygène absorbé par ces
corps dans la formation des acides phosphorique ,
carbonique et sulfureux ; c'était la synthèse après
l'analyse, et le grand chimiste pouvait affirmer que
le phénomène chimique est une union intime,
profonde des corps qui se combinent, mais sans
qu'il y ait jamais ni perte ni augmentation de
poids ; et quoique les propriétés des corps qui se
combinent ioient profondément modifiées, ceux-ci
peuvent de nouveau sortir i.'e leurs Lombinaisons
tels qu'ils y étaient entrés. C'est du reste ce que
tous les travaux des successeurs de Lavoisier ont
confirmé.
Découvertes qui suivirent. — Désormais les dé-
couvertes les plus importantes vont se succéder ra-
pidement, comme il arrive toujours dans les
sciences lorsqu'un génie de premier ordre a éclairé
un nouvel horizon.
On connaissait déjà l'air inflammable, l'hydro-
gène ; on allait démontrer qu'il existe dans l'eau
et que celle-ci, ce qui dut bien étonner alors, était
exclusivement formée de deux gaz, le gaz inflam-
mable (hydrogène) et le gaz comburant (oxygène).
« A cette époque, raconte Lavoisier, Macquer
« ayant présenté une soucoupe de porcelaine
« blanche à l'air inflammable qui brûlait tranquil-
a lement à l'orifice d'une bouteille, il observa que
« cette flamme n'était accompagnée d'aucune
« fumée fuligineuse, il trouva seulement la sou-
« coupe mouillée de gouti dettes assez sensibles
a d'une liqueur blanche comme de l'eau, et qu'il
« a reconnue ainsi que Sigaud, qui assistait à cette
M expérience, pour de l'eau pure. »
Le 24 juin 1783, Lavoisier put former de l'eau
en combinant directement de l'oxygène pur avec
le gaz inflammable. « L'eau obtenue, soumise à
toutes tes épreuves qu'on peut imaginer, parut
aussi pure que de l'eau distillée. A cette expérience
assisfaieîit Laplace, Le Roi, de Blagden, secrétaire
de la Société royale de Londres. »
Les analyses se succédant, on connut bientôt la
composition des acides, des bases et celle d'un
CHIMIE
— 404 —
CHIMIE
grand nombre de sels. Nous no pouvons nous ar-
rêter ici que sur les lois fondamentales qui en
ressortireiit et qui constituent les bases inébranla-
bles de toutes les théories de la chimie moderne
(V. Equivalents).
Loi de Wentzel. — En versant goutte à goutte de
l'acide sulfurique dans une dissolution de potasse
caustique, base puissante, on arrive à obtenir un
composé qui n'a plus ni les propriétés de l'acide,
ni celles de la potasse. Ce sel n'a aucune action
sur le sirop de violettes, tandis que l'acide le rou-
git et que la potasse le verdit. Ces deux corps se
sont neutralisés. L'expérience prouve que les poids
d'acide sulfurique et de potasse qui se neutrali-
sent ainsi en formant du sulfate neutre de potasse
ne sont pas égaux, mais qu'ils sont toujours dans
un même rapport, quelles que soient les quantités
de sulfate de potasse produites. Si on sature la
même quantité de potasse par un autre acide, on
trouvera que le poids de l'acide, qui est toujours
dans un même rapport avec celui de la potasse,
n'est pas égal à celui de l'acide sulfurique : par
conséquent on peut dire que des poids différents
d'acide s'équivalent chimiquement en se combinant
à un certain poids de potasse ; si nous faisons les
mêmes expériences avec de la soude, ou avec de
la chaux, ou avec de la magnésie, ou avec une
base quelconque, nous trouverons toujours que
les poids d'acide qui s'équivalent en présence d'un
même poids de base sont toujours dans le même
rapport quelle que soit cette base. Inversement,
si nous neutralisons un certain poids d'acide, suc-
cessivement par de la potasse, par de la soude,
ou par de la magnésie, etc., nous verrons que
les poids de ces bases qui neutralisent un même
poids d'acides ne sont pas égaux, mais qu'ils sont
toujours dans les mêmes rapports, quelle que soit
la nature de l'acide.
Loi de Richter. — Plongeons une lame de fer
bien propre dans une dissolution du beau sel bleu
qu'on appelle le vitrioi bleu (sulfate de cuivre),
nous verrons que la lame de fer se recouvre de
cuivre, et au bout d'un certain temps la liqueur
n'en contiendra plus, mais elle contiendra du fer :
ce sera du sulfate de fer. Les poids do fer et de
cuivre qui se seront ainsi substitués l'un à l'autre
sans qu'aucun autre corps de la substance ait été
déplacé ne sont pas égaux, mais ils sont dans un
certain rapport qu'on retrouvera toujours entre
les poids de fer et de cuivre qui pourront se com-
biner à un même poids d'un corps quelconque ; on
peut donc dire que ces poids de fer et de cuivre
s'équivalent dans les différentes combinaisons chi-
miques.
Des expériences semblables faites avec d'autres
sels et d'autres métaux ont fait naître dans la
science l'idée si féconde de l'équivalence chimi-
que (V. Equivalents).
Loi de Dalton. — Le physicien anglais Dalton a
condensé tous ces faits remarquables dans une
loi très simple et qui n'a rien d'hypothétique, car
elle n'est que l'expression synthétique des résultats
donnés par l'application de la balance à l'analyse
des corps composés. Cette loi porte le nom de
loi des proportions définies, ou loi des proportions
multiples. L'oxygène et l'azote forment, en secombi-
nanten différentes proportions, cinq corps qui diffè-
rent complètement par leurs propriétés. L'analyse a
démontré que les différents poids d'oxygène qui,
dans ces cinq corps, sont combinés à un même poids
d'azote, sont entre eux comme les nombres 1, 2,
3, 4, 5 ; ce que nous disons des combinaisons de
l'azote et de l'oxygène est vrai aussi de celles du
chlore et de l'oxygène, du fer etde l'oxygène, du
soufre et de l'oxygène, etc.; de là la loi de Dalton:
Quad deux corps se combinent en plusieurs
proportions, les différents poids de l'un qui se
combinent avec un même poids de l'autre, sont
des multiples exacts du plus faible d'ent'-e eux.
Loi de Gay-Lussac. — Quand deux gaz se
combinent, les volumes de ces deux gaz et celui
du composé qui en résulte, mesurés dans les mê-
mes conditions de température et de pression,
sont entre eux dans des rapports très simples.
Ainsi, un litre de chlore et un litre d'hydrogène
s'unissent pour former deux litres d'acide chlorhy-
drique ; deux litres d'hydrogène et un litre d'oxy-
gène forment deux litres de vapeur d'eau. C'est
l'ensemble de ces lois qui a donné naissance à la
théorie dite des équivalents et ensuite à la théorie
dite atomique. La première n'est point pour ainsi
dire une théorie, en ce sens qu'elle est l'expression
des résultats incontestables de l'analyse ; la so
condc, pour expliquer les faits si nombreux et si
variés que les chimistes contemporains ont observés,
principalement dans les réactions des corps orga-
niques, a fait renaître l'idée ancienne de l'existence
des atomes, c'est-à-dire de particules matérielles
excessivement petites, et ne se subdivisant ja-
mais dans les combinaisons chimiques. Celles-ci
d'aprèscette hypothèse neseraientque desgroupe-
ments d'atomes.
Nomenclature. — Les années qui suivirent la
découverte de Lavoisior, comme nous l'avons déjà
dit, virent se multiplier les analyses chimiques,
et bientôt on vit les difficultés inextricables qui
résultaient de l'emploi de noms pour le moins bi-
zarres et souvent en opposition complète avec la
constitution des corps qu'ils représentaient. La-
voisier et Guyton de Morveau eurent les premiers
l'idée de substituer aux noms anciens un système
de noms représentant la composition des corps.
Exemples : l'huile de vitriol n'a de l'huile que l'ap-
parence la plus superficielle, tandis que le nom
d'acide sulfurique que ce corps porte aujourd'hui
rappelle non seulement qu'il est formé de soufre
et d'oxygène, mais aussi dans quelles proportions
ces deux corps sont combinés.
La nomenclature fut dressée par les savants
français Guyton de Morveau, Fourcroy, Berthollet,
Monge, qui s'aidèrent des travaux de Lavoisier. lis
ne se contentèrent pas de créer la nomenclature
parlée, mais ils donnèrent les règles qui servent
encore aujourd'hui à représenter d'une façon
abrégée et précise la nature et les proportions des
corps simples qui entrent dans un corps composé.
Exemples: les symboles AzO, AzO^, AzO'^, AzO*,
AzO^, indiquent que les corps qu'ils représentent
sont formés d'azote et d'oxygène, et qu'en outre les
poids d'oxygène sont à celui de l'azote dans les
proportions d'une fois l'équivalent de l'oxjgènc
pour une fois l'équivalent de l'azote dans le pre-
mier ; de deux fois l'équivalent de l'oxygène pour
une fois celui de l'azote dans le second, etc.
La nomenclature chimique était devenue indis-
pensable, car :\ toute science constituée il faut un
langage précis et spécial ; elle a rendu d'immenses
services, et, quelles que soient lesmodifications
complémentaires qu'elle ait subies ou qu'elle su-
bisse dans l'avenir, les principes fondamentaux
en subsisteront longtemps {\' . Nomenclature).
Elerti o-c/iimie. — Les anciens chimistes n'em-
ployaient guère que la chaleur pour opérer les
combinaisons ou les décompositions chimiques ;
cependant Sclieele, contemporain de Lavoisier, con-
naissait un peu l'action décomposante de la lu-
mière sur les sels d'argent (V. Photographie); La-
voisier et Laplace avaient fabriqué de l'eau en
combinant l'hydrogène et l'oxygène par l'étincelle
électrique. Mais tout à la fin du dernier siècle l'in-
vention de la pile voltaîque venait de mettre entre
les mains des chimistes une puissance nouvelle et
sans égale : le courant électrique.
Dès 1800, Carliste et Nicholson en Angleterre dé-
composaient l'eau en faisant passer au travers un
courant électrique et obtenaient les deux gaz hy^
CHIMIE
— 405 —
CHIMIE
drogène et oxygène avec lesquels quinze ans plus tôt
Laroisier avait fabriqué de l'eau.
En 1807, le grand chimiste anglais Davy parve-
nait à décomposer la potasse, la soude, la magnésie
au moj'en d'un puissant courant voltaique, et, en
découvrant ainsi plusieurs métaux nouveaux, il vé-
rifiait Vidée émise par Lavoisier que toutes les
terres et les chaux contenaient un métal. Davj-,
en effet, extrayait le potassium de la potasse, le
sodium de la soude, etc.
Aucun sel ne pouvait résister à l'action décom-
posante du courant électrique ; le sulfate de soude,
le sulfate de cuivre, l'azotate d'argent étaient dé-
composés (V. Galvanoplastie).
Après l'invention du galvanomètre (V. Electri-
cité, p. 660), on fut conduit à rechercher si l'é-
lectricité ne se manifestait point en même temps
que la chaleur dans les combinaisons chimiques,
et des faits aussi nombrf'ux qu'incontestables dé-
montrent que, chaque fois que deux corps se com-
binent, il se produit un courant électrique ; on peut
même dire que les courants électriques qui prennent
naissance dans les piles sont, dus aux actions chimi-
ques qui s'y passent. De là est née la théorie dualisti-
que développée et défendue par Berzélius, célèbre
chimiste suédois; cette théorie cou siste à ne voir dans
toute combinaison chimique que l'union de deux
corps simples ou composés ; au moment de leur
combinaison ils sont dans des états électriques
contraires. Deux corps simples, l'oxygène et un
métal, s'unissent pour former une base ; un mé-
talloïde et l'oxygène s'unissent et forment un
acide ; l'acide et la base s'unissent pour former un
sel. Quelquefois un sel s'unit à un autre pour for-
mer un sel double. Telle est en deux mots l'idés de
Il théorie dualistique. Sans être complètement
rejetée, on peiit dire qu'elle n'est pas exclu^ive-
m-nt admise, surtout dans la chimie organique
(V. Chimie organique). C'est surtout l'étude des
composés organiques, à peine commencée il y a
quarante ans, qui a nécessité l'adoption de vues
nouvelles sur les combinaisons chimiques.
Divisions de la chimie. — On a cru jusqu'au mi-
lieu de ce siècle que les transformations que su-
bissent les corps dans les êtres vivants sous 1-ac-
tion de l'organisme n'étaient pas de même nature
et n'étaient pas régies par les mêmes lois que
les substances minérales. Cette manière de voir
est complètement abandonnée depuis que les chi-
mistes à la suite de M. Berthelot ont pu dans
leurs laboratoires fabriquer des corps organiques,
l'alcool par exemple {V. Synthèse et Chimie organi-
que). Il n'y a qu'une chimie, et, si on désigne
encore par le nom de chimie inorganique ou
chimie minérale la science qui étudie tout ce qui
constitue le règne minéral (corps simples, com-
posés binaires, bases, acides minéraux, sels de
toute sorte, etc.), et par chijnie organique celle
qui s'occupe des transformations de tout ce qui a
été produit sous l'influence de la vie animale ou
végétale, c'est parce que l'objet de la science est
si vaste qu'on est obligé de le subdiviser : on dit
chimie organique, com.ne on dit chimie industrielle,
chimie agricole, pour indiquer les diverses appli-
cations de la chimie. [Alfred Jacquemart.]
I. PLAN DU COURS
Prélirninaires. — Généralités. — Historique. —
Actions diverses des corps les uns sur les autres.
Action de la chaleur sur eux. Etats de la matière.
— V. l'article ci-dessus, et les mots Chaleur, Gaz,
Liquides. Soli es, Çombinai-ons, Analyse chimi-
que. Synthèse chimique. Thermochimie, Science.
I. — Chimie inorganique ou minérale.
I. — Expérience de Lavoisier. Combustion. Analyse
de l'air. Oxygène. Azote. — V, Air, Atmosphère f
Oxygène, Combustion, Azote.
II. — Notions élémentaires de nomenclature. Corps
simples. Métaux. Métalloïdes. — Corps composés.
Acides. Bases. Corps neutres. Sels. — V. Nomen-
clature, Corps S'mples, Métalloïdes, Métaux,
Combinaisons, Equivalents, Acides, Bases, Sels.
TU. — Eau. Hydrogène. Décomposition de l'eau
par le fer et par la pile. Synthèse de l'eau. Re-
cherche de quelques substances en dissolution
dans les eaux naturelles. — V. E'iu, Hydrogène.
IV. — Carbone. Variétés de charbons. Acide carbo-
nique. Oxyde de carbone. Hydrocarbures. Gaz
d'éclairage. Flamme. Effets des toiles métalliques.
Lampe de sûreté. — V. Métalloïdes, Charbon,
Diamant, Bitumes (au supplément), Houille,
Gaz d'éclairage, Hydrogène, Pétrole.
V. — Oxydes d'azote. — Acide azotique. — Am-
moniaque. — V. A*ote, Ammoniaque, Poudre.
VI. — Soufre. — Acide sulfureux. — Acide sulfu-
rique. — Hydrogène sulfuré . — Sulfure de car-
bone. — V. Métalloïdes, Soufre, Poudre, Char-
bon.
VII. — Phosphore. — Acide phosphorique. — Hy-
drogène phosphore. — V. Métalloïd-s, Phos-
phore.
VIII. Chlore. — Acide chlorhydrique. — Iode. —
Brome. — Fluor. — V. Métalloïdes, Chlore, Fluor
IX. — Arsenic et ses acides. — V. Métalloïdes,
Poisons.
X. — Silicium. — Silice. — V. Métalloïdes, Silice,
Verre, Poterie, Porcelaine.
XI. — Généralités sur les métaux ; leur classifica-
tion. Oxydation des métaux à l'air sec, à l'air
humide, à l'air chaud, en présence de l'eau. — ■
V. Métaux. '
XII. — Oxydes en général; leur préparation, leurs
usages. — V. Oxj/des.
XIII. — Action du soufre sur les métaux. — Ca-
ractères des sulfures. — Action de l'air et de
l'eau sur les sulfures importants. — V. Soufre.
XIV. — Action du chlore sur les métaux. — Chlo-
rures métalliques. — Principaux d'entre eux. —
Action de l'eau et des métaux sur les chlorures.
— V. Chlore.
XV. — Sels en général. — Lois de Berthollet. —
On montrera pour les sels les plus usuels com-
ment on en reconnaît le genre. — Equivalents. —
Isomorphisme. — Carbonates, Sulfates, Azotates,
Prussiates, Phosphates, Silicates, etc. Leurs
propriétés générales, leur importance dans la
nature et dans l'industrie. — V. Sels, Equiva-
lents, Charbon, Soufre, Plâtre, Azote, Cyano-
gène, Phosphore, Silice, Verre, Poterie.
XVI. — Métaux en particulier. — Composés les
plus usuels du potassium et du sodium. —
1" Potasses, Soudes. — 2° Sel marin. — 3° Nitre,
Sels ammoniacaux. — V. Métaux, Alcalis, Po-
tasse, Soude, Sel mnrin. Salpêtre, Azote, Ammo-
ni'ique, Poudre, SavoJis, Verre.
XVII. — Composés principaux du calcium, du ba-
ryum, du strontium, du magnésium et de l'alu-
minium. — V. Métaux, Terres, Ciiaux.
XVIII. — Fer et ses composés. Fonte. — Acier. —
Minerais. — V. Métaux, Fer.
XIX. — Zinc. Etain. Plomb. Cuivre. — Vitriol
blanc. Vitriol bleu. Céruse, etc. — V. Métaux,
Zinc, Etain, Plomb, Cuivre.
XX. — Mercure. Platine. Argent. Or. — Alliages.
— V. Mercure, Platine, Argent (au supplément),
Or, Métaux, Clore, Photographie, Alliages.
II. — Chimie organique.
XXI. — Généralités sur la chimie organique. —
Notions sur la composition des matières organi-
CHIMIE
— 406 —
CHIMIE
ques. — Recherche des produits organiques dans
les végétaux. — V. ci-dessous l'article Chimie
organique, et les mots Acides, Alcaloïdes, Clia-
leur, Distillation.
XXII. — Etude des corps neutres. Cellulose,
bois : altération, conservation, carbonisation. —
Amidon. Fécules. Farine. Gluten. Dextrine. Glu-
cose. Sucre de canne. Sucre de fruits. Miel. —
V. Tissus végétaux, Amidon, Fécule, Sucre.
— V. aussi Chimie agricole.
XXIII. — Fermentation. Alcools. Acide acétique.
Ethers. — V. Fermentation, Ferments, Alcools,
Acétique [acide). Vinaigre, Tartre.
XXIV. — Huiles et graisses. Saponification. Savons
durs. Savons mous. — Acides gras. Bougie stéa-
rique. Huiles volatiles. Résines. Gommes. Ver-
nis. — V. Corips gras. Huiles, Savons, Résines,
Gommes, Vernis.
XXV. — Alcaloïdes : Morphine, Quinine. — Alca-
lis organiques : volatils, naturels, artificiels.
— V. Alcaloïdes, Opium, Quinquina.
XXVI. — Matières colorantes. — Notions sur la
teinture et l'impression. — V. Colorantes [ma-
tières]. Teinture.
XXVII. — Matières animales neutres. — Compo-
sition du sang, du lait, etc. — Conservation des
matières animales. — Tannage des peaux. —
V. Albumine, Sang, Lait, Conserves alimen-
taires. Cuir.
AUTRE PROGRAMME.
Nous donnons, en outre, à l'usage des écoles
primaires supérieures, l'esquisse d'un cours de
chimie plus réduit ne comprenant que les notions
les plus usuelles :
On suppose avoir pour auditeurs des jeunes
gens de treize à quatorze ans au moins, munis du
certificat d'études primaires et se destinant à
l'agriculture, au commerce, à l'industrie, aux arts
industriels ou même aux professions manuelles;
ces jeunes gens représentent l'élite des écoles
primaires d'un canton. Un cours très élémentaire
de chimie pourrait leur être fait en six mois à rai-
son d'une leçon par semaine, c'est à-dire en une
vingtaine d'heures à peu près; il pourrait se di-
viser comme suit :
Leçons I et II. — Exposition de substances nom-
breuses et convenablement choisies. — Expérien-
ces simples. — Dans ces deux leçons» faites sous
forme de causerie familière, le professeur, à l'aide
d'exemples frappants, choisis surtout parmi les
objets usuels, donnera une idée générale du but
et des applications de la chimie, des propriétés et
des dififérents états des corps, des transformations
qu'on peut leur faire subir selon les usages qu'on
veut en faire.
Action delà chaleur sur les corps inorganiques ;
sur les matières organiques. Fusion. Volatihsation.
Combinaisons sous l'influence de la chaleur ; com-
bustion d'un métal dans l'air, dans le soufre, dans le
chlore.
Action de la lumière (chlore, phosphore), action
de l'électricité.
Action propre à certaines substances (teinture
de tournesol rougie par les acides, ramenée au
bleu par les bases. Action des acides communs sur
les métaux). Divers exemples de réactions.
Formation de sels colorés insolubles par mé-
lange de dissolutions.
Leçons III et IV. — Expérience de Lavoisier,
analyse de l'air ; explication des phénomènes de
combustion par la théorie de Lavoisier. Combus-
tions nombreuses ; étude sommaire de l'oxygène,
de l'air et de l'azote.
Leçons V et VI. — Analyse et synthèse de l'eau ;
étude de l'hydrogène. — Définition du fait chimi-
que résultant des études précédentes.
Leçon VII. — Nomenclature sans notation chi-
mique ; montrer les difi'érents corps, apprendre à
les nommer et à les reconnaître.
Leçons VIII et IX. — Action des acides, des bases,
des sels. — Saturation, proportions constantes
dans la saturation. Expériences de la substitution
d'un métal à un autre dans les dissolutions sali-
nes. Idée de l'équivalent. Notation chimique.
Leçon X. — Applications des diverses forces : calo-
rique, électricité, lumière, à la transformation des
corps ; expériences nombreuses, préparation, et
représentation de ces réactions à l'aide de l'équa-
tion chimique, en partant de ce principe : que rien
ne se crée ni ne s'anéantit.
Leçons XI, XII, XUL — Étude du carbone, du
chlore, du soufre, du phosphore, de l'iode, du si-
licium, de leurs principaux composés.
Préparation devant les élèves du chlore, du
sulfure de cuivre, de l'acide phosphorique, de l'io-
dure d'amidon, de l'acide carbonique.
Notions sur la fabrication en grand et sur les
usages de l'acide sulfurique, de l'acide azotique,
de la chaux, du carbonate de soude.
Leçons XIV et XV. — Les métaux en général; et
en particulier le potassium, le fer, l'argent, l'or
et le platine. Générahtés sur les sels de ces mé-
taux.
Leçon XVI. — Étude chimique des composés
organiques. Nombreux corps organiques à citer et
à montrer aux élèves. Produits organiques et prin-
cipes immédiats distingués par des exemples.
Facile décomposition de ces produits. Calcina-
tion, putréfaction, fermentation. Extraction des
produits organiques, divers procédés ; dissolvants
usuels ; dessiccation, conservation. — Analyse, gé-
néralités sur la constitution et sur les formules
des corps organiques : acides, alcaloïdes, corps
neutres. Nommer un grand nombre de ces corps
en disant où ils se rencontrent et quelles applica-
tions on en fait.
Leçon XVII. — Fermentations ; description des
diverses fermentations ou phénomèoes vulgaires
qui s'y rattachent, fermentations industrielles, pro-
duits fermentes, substances qui prennentnaissance
pendant les dififérentes fermentations. Destruction
des ferments ; conservation des substances fer-
mentescibles. — Hygiène. — Industrie.
Leçons XVIII et XIX. — Sucre. — Alcool.— Éther.
— Acide acétique, lactique, etc., divers produits
et réactions.
Idée des théories qui ont essayé d'expliquer
les nombreuses transformations des substances
organiques, ainsi que la formation de leurs déri-
vés, en les ramenant plus ou moins aux réactions
qui se passent entre les substances minérales. —
Produits homologues. — Produits dérivés. — Ra-
dicaux. — Série. Expliquer la théorie des radicaux
et celle des substitutions sur un exemple bier
choisi, comme la production des dérivés de l'alco» i
de vin : l'acide acétique, l'éther, etc., celle des
ammoniaques composées, des éthers.
Récapitulation : prendre quelques exemples
donnant lieu à l'application de plusieurs des théo-
ries ci-dessus ^comme les cyanures , les dérivés
chlorés de la benzine, les corps gras, les alca-
loïdes).
2. PROGRAMMES ÉTRANGERS.
ITALIE.— Écoles norm.\les. ^L'enseignement delà
chimie est combiné avec celui (de la minéralogie.)
Le professeur expliquera brièvement ce qu'on en-
tend par corps simples et corps composés, et la
manière dont s'effectuent les combinaisons des
corps entre eux.
Puis il parlera de l'oxygène et de sa présence
dans l'air, de ses caractères; il fora voir expéri-
mentalement le rôle de l'oxygène dans la combus-
tion, et parlera de ses conibinaisons. En parlant
CHIMIE
— 407
CHIMIE
ensuite de l'hydrogène, il en fera voir l'inflamma-
bilité, et, si possible, exécutera l'analyse et la
synthèse de l'eau.
Il traitera ensuite du carbone, du diamant, des
diverses sortes de charbons, de la carbonisation
des substances organiques; puis de l'acide carbo-
nique, du gaz des marais, du gaz d'éclairage, avec
quelques explications sur la flamme.
Puis de lazote, de sa présence dans l'air, de
l'acide azotique, de l'ammoniaque. Du chlore, de
l'acide chiorhydrique, du soufre, des acides sulfu-
reux, sulfurique et sulfhydrique, du phosphore,
de l'acide phosphorique, et de l'arsenic. Du sili-
cium et de la silice, du quartz et de ses principales
variétés, de l'aluminium et de l'alumine.
Puis il parlera du potassium et de la potasse, du
salpêtre ; du sodium et de la soude, du sel com-
mun ; des feldspaths et autres substances miné-
rales composées de silice, d'alumine, de potasse et
de soude ; puis du calcium et de la chaux, des
marbres, de la pierre calcaire, du gypse, du ma-
gnésium et de la magnésie, du baryum et de la
baryte.
Ensuite viendront le fer et ses propriétés, h
fonte, l'acier, le fer doux et sa diff'usion dans la
nature, les principaux minerais de fer et les pro-
cédés employés pour en extraire le métal. On
donnera également quelques détails sur le cuivre,
le zinc, le plomb, l'étain, le mercure, l'argent, l'or
et 1; platine.
L'enseignement devra être accompagné de nom-
breuses expériences, et il faudra toujours mettre
sous les yeux des élèves les corps dont on leur
parle. {Programme du 10 octobre ISG'.)
ALLEMAGNE. — ÉCOLE SUPÉRIEURE DE JEUNES FILLES
(Hôhere M&dchenschule), a Bruxswick.
Classe II. — Oxygène, azote, hydrogène, car-
bone, et leurs principales combinaisons (air, eau,
acide carbonique, gaz d'éclairage, flamme).
Classe I. — a. Chimie inorganique : révision
de ce qui a été enseigné l'année précédente, en le
complétant par l'étude de l'eau-forte, de l'ammo-
niaque, du gaz des marais ; puis viennent le chlore
(acide chiorhydrique, eau régale, chlorure de
chaux); le soufre (acide sulfurique); le phosphore
(allumettes) ; le silicium (acide silicique, verre).
— Les métaux sont étudiés dans les leçons de mi-
néralogie, où l'on traite de la manière de les ex-
traire des minerais, de leur emploi, et de leurs
principales propriétés.
à. Chimie organique : la cellulose et ses modi-
fications par la carbonisation, la combustion, la
putréfaction et la décomposition (fabrication du
jiapier); l'amidon et sa transformation par l'acide
sul/urique et la diastase; la gomme; le sucre;
l'albumine ; la caséine, le gluten ; la fermentation
'.vin, bière, eau-devie, vinaigre, pain); la graisse
' savon); composition du sang, des os, des muscles
et des nerfs ; substances alimentaires.
Ecole normale d'instituteurs a Gotha. — (Le
programme ci-dessous a été élaboré par M. Burbach,
professeur de sciences naturelles à l'École normale
do Gotha, et publié, en 1>.7:3, dans le rapport an-
nuel de cet établissement. Nous lui donnons une
place à cause de son originalité, qui ne nous pa-
rait pas sans mérite.)
Les métaux les plus connus et la manière, dont
ils se comportent lorsqu'ils sont chauffes et mis en
contact avec l'air atmosphérique : étain, plomb,
zinc, fer, cuivre, magnésium, mercure, argent,
platine. Observation des altérations éprouvées dans
ces circonstances par les métaux non précieux. —
Echaufifement de ces métaux hors du contact de l'air,
sous l'action du borax, dans l'hydrogène. L'hydro-
gène et ses propriétés les plus importantes. ~ L'air
envisagé comme cause des altérations observées
dans les métaux. Examen de l'air au point de vue
de son action sur les métaux. L'azote et l'oxygène
comme éléments constitutifs de l'air. — L'oxygène,
sa nature, ses propriétés. Oxydations et réduc-
tions.
La chimie, sa position dans les sciences. Actions
physiques et actions chimiques. Affinités chimi-
ques. Lois des combinaisons chimiques. Atome et
molécule. Les formules chimiques. Classification
des corps simples. Métalloïdes et métaux.
Nomenclature et propriétés des combinaisons de
l'oxygène. Comparaison de l'o-xygène, de l'hydro-
gène, de l'azote. — Combinaison de l'hydrogène
avec l'oxygène. Propriétés chimiques de l'eau. —
Combinaison de l'azote avec l'oxygène. Acide azo-
tique. Son action sur les oxydes basiques, sels.
Son action sur les métaux.
La combustion, les allumettes. Température
d'inflammation et de combustion. Le phospliore,
nature, propriétés, combinaisons. Acide phospho-
rique, hydrogène phosphore. — Le soufre, nature,
propriétés, etc. Acides sulfureux et sulfurique.
Hydrogène sulfuré. Action sur les métaux et les
combinaisons métalliques. Les sulfides. Comparai-
son de la flamme du phosphore et de celle du
soufre; lumière de la flamme. — Le bois, ses élé-
ments, distillation sèche. Le carbone, sa présence
dans le règne minéral ; propriétés, usages, combi-
naisons. Acide carbonique, oxyde de carbone, car-
bures d'hydrogène. Combustion et putréfaction
complètes et incomplètes. Théorie de la flamme,
éclairage, préparation du gaz, chauÔ'age.
L'arsenic et l'antimoine. — L'iode, le brome,
le chlore, acide chlorique, acide chiorhydrique. —
Silicium, fluor, bore. Minéraux, cristal de roche,
agate, etc.
Le salpêtre, nature, préparation, propriétés. Dé-
composition par l'acide sulfurique. Potasse causti-
que, potassium, sels de potasse, potasse du com-
merce, chlorate de potasse, poudre à canon. —
La soude, sa nature, etc.; sa décomposition par les
acides. Le natron, le sodium, sels de soude, sel de
Glauber, borax. Sel de cuisine. Fabrication du verre.
— Le sel ammoniac, sa décomposition par les aci-
des. L'ammoniaque, ses combinaisons.
La pierre à chaux. Sa décomposition par les aci-
des et la chaleur. Chaux vive. Fours à chaux. Miné-
raux : gypse, spath, etc. — Les minéraux du stron-
tium, du baryum, du magnésium. — L'argile, na-
ture, propriétés. Terre glaise, aluminium. Emploi
dans l'industrie, porcelaine, grès, faïence. Miné-
raux de la terre glaise. Alun.
Les métaux les plus connus, leur présence à
l'état natif, leur extraction des minerais, leur em-
ploi dans l'industrie, leurs combinaisons les plus
importantes. Fer, manganèse, chrome, cobalt, nic-
kel, zinc, plomb, cuivre, bismuth, étain. Les mé-
taux précieux.
Quelques chapitres de la chimie organique : corps
gras, huile, saponification ; alcool, éther, gomme,
résine, huiles essentielles.
Lectures et dictées. — La chimie, son objet
comme science, son rôle dans la nature. — L'objet
de la chimie est de reconnaître les parties inté-
grantes des minéraux. Le chimiste emploie les
moyens les plus ingénieux et les agents les plus
puissants pour parvenir à son but. Le feu semble
obéir à sa volonté pour l'analyse des corps ; il sé-
pare successivement les parties les plus volatiles ;
il enflamme, il brûle, il calcine, et il vitrifie les
parties les plus fixes. Ces opérations produisent
des liquides aqueux et huileux, et d'autres qui ont
assez d activité et de force pour dissoudre des ma-
tières très dures : c'est par ces dissolutions que le
chimiste fait ses opérations les plus merveilleuses.
11 est parvenu à connaître le degré de sympa-
thie, d'affinité, d'attraction, qui dispose certaines
substances à s'unir ensemble, ou à se quitter pour
s'attacher à d'autres. Par ce moyen surprenant
d'unir et de séparer diverses substances, le chi-
CHIMIE AGRICOLE — ^08 — CHIMIE AGRICOLE
miste fait toutes sortes de combinaisons ; il mêle
difl'érentcs matières pour les disposer les unes par
les autres à manifester leurs qualités essentielles.
(Daubenton, première leçon à l'Ecole normale,
établie par la Convention. 6 pluviôse an III.
Séances des écoles normales, tome I.)
Le rôle de la chimie dans la nature. — Il y a
une chimie naturelle indépendante de l'art; la
nature l'exerce par le moyen des différentes sub-
stances que l'air transporte, que l'eau charrie, et
que la chaleur volatilise, calcine et vitrifie. Le
laboratoire de la nature est aussi étendu
que la région des nuages et que le globe
de la terre; il est dans son sein, dans la pro-
fondeur des mines, sous les eaux des fleuves et
de la mer, et dans les gouffres des volcans.
La nature travaille en secret et, à l'aide du
temps, elle décompose les pierres ; elle forme des
sels minéraux ; elle les détruit et les recompose
par les différentes propriétés de ses agents. Le
naturaliste observe leurs différents états et leurs
divers effets ; mais la plupart de ces agents sont
cachés et leur action est trop lente pour être aper-
çue. Le chimiste est plus prompt dans ses procé-
dés^ lorsqu'il peut employer des agents plus puis-
sants. Quelquefois il imite les opérations de la
nature sans les connaître. On faisait le kermès mi-
néral et le bloude Prusse, longtemps avant que l'on
eût découvert qu'ils étaient formés naturellement
dans le sein de la terre en Toscane et en Sibérie.
D'autres fois les chimistes, après avoir décom-
posé un corps, parviennent à le recomposer avec
les mêmes substances qu'ils en ont tirées. La mine
d'argent vitreuse donne, par l'analyse, du soufre
et de l'argent; on fait une nouvelle mine d'ar-
gent vitreuse, en mêlant du soufre avec de l'ar-
gent en fusion On réduit l'eau en hydrogène et
en oxygène : avec de l'hydrogène et de l'oxygène
on fait de l'eau ; ces opérations paraîtraient in-
croyables sans la confiance que méritent les célè-
bres auteurs. (Daubenton, ibid.)
CHIMIE AGRICOLE. — Agriculture, II. — « L'é-
tude de la physiologie végétale fait connaître les
substances dont les plantes sont formées. C'est
dans l'atmosphère et dans le sol qu'elles puisent
ces substances, c'est donc là qu'il faut en recher-
cher l'existence. Dans l'atmosplière les plantes
trouvent l'acide carbonique qu'elles décomposent
en s'emparant de son carbone et dégageant son
oxygène, l'eau à laquelle elles prennent son
hydrogène, l'azote pur ou sous forme d'ammonia-
que ou d'acide nitrique. Les racines des plantes
absorbent de leur côté des éléments semblables
dissous dans l'eau mêlée au terrain, et d'autres
éléments fixes qui ne se trouvent que dans le sol.
La variété de ces combinaisons, leur état complexe
exigent une étude spéciale qui est une des princi-
pales branches de toute science agricole. » C'est
dans ces termes que le comte de Gasparin a par-
faitement défini le rôle que la chimie est appelée
à jouer dans la science agricole. Elle réunit les
observations faites sur les conditions de la produc-
tion végétale ou animale, elle étudie la composi-
tion des produits de la végétation et celle des sols
qui les ont fournis, elle tire de ces observations et
de ces études les principes des lois qui servent de
base à la production ; comme conséquence der-
nière, elle suggère des méthodes perfectionnées
qui ont pour but ou d'améliorer le sol ou d'ac-
croître la production. Ces quelques explications
suffisent pour faire comprendre le grand rôle que
la chimie est appelée à jouer dans les sciences
agricoles. C'est dans le dernier demi-siècle que
ce rôle s'est particulièrement dessiné après les
travaux de plusieurs savants parmi lesquels
MM. Boussingault, Chevreul, Dumas, en France, et
Liebig, en Allemagne, ont occupé ou occupent en-
core le premier rang Aujourd'hui l'agriculture doit
à la chimie d'être sortie de la routine, de pouvoir
diriger ses cultures de manière à obtenir le plus
grand rendement possible de bons produits; c'est
à elle aussi qu'on doit la connaissance des causes
de la fertilité du sol et de la valeur des substances
employées comme engrais ou amendements. Il
n'y a pas de témérité à ajouter que la chimie
fournira encore dans l'avenir de nombreux élé-
ments de progrès nouveaux, car le voile qui ca-
chait les lois de la production commence seule-
ment à être déchiré.
On sait que les végétaux sont des corps vivants
et organisés, tandis que le sol qui les porte ap-
partient au monde inorganique. On sait aussi quo
les substances organiques soumises à l'action de
la chaleur sont plus ou moins rapidement brûlées
et dissipées sous forme de gaz dans l'atmosphère,
tandis que le caractère des substances inorganiques
ou minérales est de demeurer fixes sous l'action
de la chaleur. Si l'on soumet à l'action du feu
des végétaux d'une part, et une certaine quantité
de terre arable, c'est-à-dire de la couche superfi-
cielle où plongent les racines, d'autre part, on
constate que ces deux substances renferment des
matières organiques et des matières minérales,
mais en proportions bien difi"érentes. La plus
grande partie du végétal est formée de matière
organique ; les matières minérales n'y entrent que
pour une très faible proportion. Dans la terre ara-
ble, au contraire, la matière organique arrive
rarement à la proportion de 10 p. 100; la matière
minérale forme la plus grande partie de la masse.
La partie organique des plantes est formée par
des combinaisons variées de quatre corps simples :
carbone, hydrogène, oxygène et azote. Elle forme^
quand la plante est à l'état sec, 85 à 99 p. lOO du
poids total, suivant les plantes. Pour pénétrer
dans le végétal, ces quatre corps simples y en-
trent, pour la plus grande part au moins, sous
ferme de combinaisons diverses. Le carbone est
absorbé principalement sous la forme d'acide car-
bonique, l'oxygène et l'hydrogène sont absorbés
sous forme d'eau, l'azote pénètre dans la plante
sous forme d'ammoniaque ou d'acide nitrique. La
plante absorbe ces combinaisons, les décompose
à l'intérieur des nombreux vaisseaux qu'elle ren-
ferme, et recombine leurs éléments dans des pro-
portions difi"érentes, de manière à former de nou-
velles combinaisons. C'est sous l'action de la
respiration par les organes aériens de la plante
que se produit ce mouvement continu d'absorption
dans le sol par les racines, et dans l'air par les
feuilles et les autres parties do la plante. Les
principes immédiats ainsi formés dans les végé-
taux sont entre autres :
La cellulose, qui constitue les parois des cellu-
les, une grande partie de la substance du bois,
de la paille, du foin, etc. ;
Les fécules, les gommes, les mucilages, le sucre
de canne et le sucre de raisin ;
Des matières grasses liquides ou solides, des
cires, des huiles et des résines;
Le gluten, l'albumine, la caséine. Ces trois der-
nières substances contiennent de l'azote, tandis
que les autres n'en contiennent pas ; aussi les
appelle-t-on substances azotées, ou composés
quaternaires; leur rôle est capital dans la végé-
tation. Ce sont elles, en effet, qui, d'après les faits
observés par la science, provoquent les change-
ments variés qui se produisent dans la sève de la
plante et dans la contoxture de celle-ci aux dift'é-
rentes époques de la végétation.
Il faut examiner maintenant la partie inorgani-
que des plantes. Cette partie forme à la combustion
le résidu désigné sous le nom de cendres. La
quantité de cendre fournie par les plantes varie
suivant la nature de celles-ci, suivant les parties
qu'on examine, racines, tiges, feuilles, fleurs^
CHIMIE AGRICOLE
409
CHIMIE AGRICOLE
fruits, et même suivant les individus d'une même
espèce ou suivant l'âge de la plante. Les matières
minérales dont les cendres sont composées sont
tout aussi indispensables à la vie et au développe-
ment des végétaux que les matières organiques qui
viennent d'être indiquées. Les corps simples qui
entrent dans la composition des cendres sont, en
dehors de l'oxygène et du carbone : le phosphore
le potassium, le calcium, le sodium^ le soufre, le
silicium, le magnésium, l'aluminium, le fer, le
manganèse et peut-être quelques autres corps
dont le rôle n'a pas encore été bien défini. C'est
sous la forme de composés plus ou moins com-
plexes que ces corps se retrouvent dans les cen-
dres des plantes. Les combinaisons qui se ren-
contrent le plus souvent sont : la potasse, la soude,
la chaux, la magnésie, l'alumine, la silice, les
oxydes de fer, ceux de manganèse, l'acide sulfu-
rique en combinaison avec quelques bases, l'acide
phosphorique, des chlorures. Toutes ces substances
sont empruntées au sol qui porte le végétal. Les
diverses plantes cultivées doivent donc appauvrir
le sol dans des proportions variables, suivant la na-
ture des plantes et suivant l'abondance de la récolte.
On a été amené, par l'ensemble de ces considé-
rations, à étudier d'abord la quantité de substan-
ces minérales assimilées par les diverses plantes,
et ensuite la proportion des divers principes pour
les cendres de chaque espèce.
Les recherches faites par les chimistes sur le
premier point ont conduit à des résultats très re-
marquables. Pour la plupart des plantes cultivées,
ces résultats sont consignés dans le tableau suivant;
mais il faut prendre garde que ce tableau ne ren-
ferme que des moyennes, autrement dit le résultat
de calculs faits sur un certain nombre de cas par-
ticuliers. Ces moyennes sont d'autant plus rap-
prochées de la vérité que le nombre de cas obser-
vés a été plus considérable. En résumé, on a
trouvé, en moyenne, dans 100 kilog. des matières
végétales suivantes, prises à leur état ordinaire de
siccité, les quantités de cendres indiquées dans le
tableau :
Froment 2 kilogrammes p. 100
Orge 3 —
Seigle 2 —
Avoine 4 —
Maïs 1.5 —
Fèves 3 —
Pois 3 —
Paille de froment 5 —
— d'orge 5 —
— de seigle 4 —
— d'a\oiiie 6 —
— déniais 5 —
Foin de prairie 5 à 10 —
— de tièfle 9 —
— de ray-grass 9.3 —
Pommes de terre 0.8 à 1.5 —
Caroltes 1.5 à 2.0 —
Bois de chêne 1.70 —
— de bouleau ((.83 —
— de saule 2.o0 —
— de sapin 1.30 à 1.60 —
— de hêtre 1.20 à 1.73 —
On voit que la quantité de nourriture inorga-
nique exigée par les diverses plantes varie dans de
grandes proportions : par conséquent, si la terre
ne peut fournir quune faible porportion de ces
substances, elle ne pourra produire en abondance
que les plantes qui exigent le moins de matières
minérales. C'est ce qui explique pourquoi les bois
réussissent bien sur certaines terres incapables
de porter de bonnes récoltes de plantes cultivées.
D"un autre côté, on voit que les pailles des ce
réaies renferment beaucoup plus de matières miné-
rales que les grains, d'où l'explication de l'avantage
de l'emploi, dans les champs, du fumier, qui n'est
autre chose qu'un mélange de paille fermentée
avec les excréments des animaux. — En résumé.
toute plante doit trouver dans le sol, pour se déve-
lopper régulièrement, une certaine proportion de
matières inorganiques. Néanmoins, quand elle ne
les y rencontre pas, elle peut vivre ; mais elle
donne alors des semences ou graines d'une qualité
médiocre,ettous les produits ontune moindre valeur.
La nature des cendres des plantes, c'est-à-dirfr
les proportions dans lesquelles s'y rencontrent les-
divers principes qui les constituent, n'est pas
moins importante. Deux plantes peuvent donner
la même quantité de cendres, mais ces cendres-
peuvent avoir une composition très différente.
Dans les unes, on trouvera de la potasse en plus
grande proportion ; dans d'autres, ce sera la silice
qui dominera ; dans d'autres enfin, tel ou tel com-
posé qui, dans les premières, ne se sera rencon-
tré qu'à l'état pour ainsi dire infinitésimal.
Voici, pour les végétaux déjà indiqués plus haut,
les moyennes des analyses faites par de nombreux
chimistes sur la composition de leurs cendres.
Comme pour le tableau précédent, il est essentiel
de remarquer que les chiffres donnés sont des
moyennes, et que les cas particuliers peuvent s'en
éloigner dans des proportions parfois assez sensi-
bles. Ce tableau est établi seulement pour les prin-
cipales substances minérales que renferment les
végétaux. lOO parties de cendres contiennent, en.
moyenne :
Potasse. Soude ChauT. Mngnésie. j^'^'fg*
Froment 23.7 9.1 2.8 12.0 0.7
Orge 13.6 8.1 2.6 7.5 1.5
A-voine 26.2 » 6.0 10.0 0.4
Seigle 22.0 11,6 4.9 10.3 1.3
Haïs 22.5 12.0 1.4 16.2 0.3
Paille de fr.iment. 12 5 0.2 6.7 3.9 1.3-
— d'orbe 9.2 0.3 8.5 5.0 1.0
— d'avoine.... 19.1 9.7 8.1 3.8 1.8
— de seigle... 17.3 0.3 9.0 2.4 1.4-
— de maïs.... 9.6 28.6 8.3 6.6 0.8
Haricots 33.6 10.6 5.8 8.0 0.6
Pommes de terre.. 53.7 1.8 2.0 5.2 0.5
Acide Acide
pbospho- sulfuri- Chlore,
rique. que.
Froment oû.O 0.3 »
Orge 39.0 0.1 »
A-voine 43 8 » 0.3
Seigle 49.5 0.9 .
Maïs 44.9 2.8 0.2
Paille de froment 3.1 5.8 l.i
— d'orge 3.1 1.0 0.6
— d'avoine 2.6 5.3 3.2
— de seigle 3.8 0.8 0.5
— de maïs l'.l 0.7 1.3
Haricots 38.0 1.0 0.7
Pommes de terre 12.5 >> 4.2
Silice^
i.2
2.7
2.7
0.4
1.4
65.4
67.6
4S.4
64.5
27.0
1.2
4.2
Ce tableau montre d'abord l'inégalité de compo-
sition des cendres des diverses plantes, et en outre
l'inégale répartition des principes minéraux dans
les diverses parties de la même plante. Pour ne
prendre qu'un exemple, la presque totalité de la si-
lice contenue dans une tige de céréale est localisée
dans la paille, tandis que le grain n'en renferme
qu'une très minime proportion. Par contre, le grain
renferme au moins le double de la quantité de po-
tasse que l'analyse indique pour la tige.
Ces principes étant posés, on peut calculer la
quantité de matières minérales qu'une récolte
déterminée emprunte au sol sur lequel elle a vé-
gété. Cette quantité indique la proportion dans
laquelle le sol a été appauvri, et par suite la dimi-
nution de la fertilité ou de la puissance productive.
L'épuisement du sol varie suivant les récoltes, au
double point de vue de la quantité de matière
enlevée et de la nature des produits ; cet épuise-
ment peut devenir complet, au moins pour certains
principes, au bout d'un temps plus ou moins long.
De là, pour l'agriculteur qui cultive une portion de
terre d'une étendue déterminée, la nécessité de
restituer au sol, soit par les amendements, soit
CHIMIE AGRICOLE
410
CHIMIE AGRICOLE
parles engrais, les principes que les récoltes suc-
cessives ont enlevés, ou ceux qui y font naturel-
lement défaut. Cette doctrine de la restitution,
qui est née des recherches scientifiques modernes,
a remplacé l'ancienne théorie d'après laquelle,
par une suite de cultures convenablement dispo-
sées, on pourrait maintenir ou même accroître la
fertilité d'un domaine. Sans doute, il se fait
par les météores, par les eaux pluviales ou sou-
terraines, urte certaine restitution indirecte : mais
celle-ci est toujours loin de suffire aux besoins de
récoltes abondantes. Les quantités ainsi apportées
par certains agents naturels ont été déterminées
par plusieurs savants, notamment par M. Barrai,
€t il a été constaté qu'elles étaient tout à fait in-
suffisantes pour empêcher l'appauvrissement gra-
duel du sol. L'épuisement du sol en principes
nécessaires à la végétation est donc fatal, quand
l'homme ne lui rend pas ces principes ; quelque lent
qu'on puisse le supposer, il arrive inévitablement.
L'ensemble de ces faits, quand on les applique
aux cas particuliers, permet d'expliquer pourquoi
une récolte réussit où une autre manque, pour-
quoi la même récolte croît mieux sur le même
terrain après un certain intervalle de temps, pour-
quoi enfin la rotation des cultures ou l'assolement est
la condition indispensable d'une bonne agriculture.
Toutefois, il est nécessaire d'ajouter que l'épui-
sement d'un sol n'est jamais complet. Parmi les
principes nécessaires à la végétation, il en est
quelques-uns que l'on retrouve presque toujours
en surabondance dans 1( 5 terres ; celles-ci n'arri-
vent donc pas à l'épuist ment pour ces principes.
D'autres principes, au contraire, sont rapidement
enlevés par la plupart des récoltes, et ce sont
eux qui disparaissent des terres le plus vite. Les
ijuatre principaux, parmi ces derniers, sont : l'a-
zote, l'acide phosphorique, la chaux et la potasse.
€e sont ceux-là que l'agriculteur doit rendre à ses
fhamps. On verra, à l'article Engrais, comment
<ette restitution peut se faire de la manière la
plus avantageuse.
Mais, pour se rendre compte de la manière dont
■doivent être restitués les principes enlevés par les
récoltes, il faut connaître la richesse plus ou moins
grande du sol, sa contexture, etc. L'étude du sol
ai'est donc pas moins indispensable pour le cultiva-
teur que celle des plantes récoltées.
On a vu plus haut que le sol se compose toujours
de deux parties : l'une organique, l'autre minérale.
La partie organique du sol est généralement
<iésignée sous le nom d'humus. Elle est principa-
lement composée par les détritus des végétaux et
des animaux, que ces débris proviennent de la
végétation même sur le sol, ou qu'ils aient été ap-
portés par l'homme ca par les agents naturels.
La proportion d'humus que renferme une terre est
très variable ; dans les sols tourbeux, elle dépasse
50 p. lOO du poids total ; dans certaines terres pré-
parées pour certaines cultures spéciales, elle peut
atteindre 25 p. 100 ; mais dans les bonnes terres
cultivées, elle dépasse rarement 10 p. 100, et la
proportion descend parfois à moins de 2. L'humus
est nécessaire à la végétation, à la fois par les prin-
cipes qu'il renferme et par son action sur les prin-
cipes minéraux, dont il modifie les qualités ou
qu'il met en liberté.
Dans la partie inorganique de la terre, qui en
constitue les cendres, il faut distinguer deux sortes
de substances : les unes salines, qui sont solubles
dans l'eau; les autres minérales proprement dites,
qui sont insolubles dans l'eau. Dans la première
catégorie, on rencontre généralement des sulfates i
ou des nitrates de potasse, de soude, de chaux, ainsi
que des chlorures. Quant à la partie insoluble, qui
forme le fond vé-itable du sol, elle consiste prin-
cipalement en sable sous forme de silice, en chaux |
sous forme de carbonate de chaux, en alumine sous ;
forme d'argile ; à ces trois éléments viennent s'a-
jouter, suivant les circonstances, des oxydes de fer,
du pliosphate de chaux, des traces de magnésie, en
proportions plus ou moins élevées. La prédomi-
nance de l'un ou de deux parmi ces éléments,
leurs combinaisons très variées, permettent de dé-
terminer les caractères du si grand nombre de
terres que l'agriculteur peut rencontrer, et d'en
fixer la valeur. On trouvera à l'article sur les Terres
arables les principales classifications de sols qui
sont aujourd'hui adoptées.
Mais l'agriculteur ne doit pas considérer seule-
ment la nature de la couche superficielle de la
terre, il doit étudier aussi ce qu'on appelle le sous-
sol, c'est-à-dire la couche sur laquelle repose
immédiatement la terre arable. De la profondeur et
de la qualité du sous-sol dépend, en effet, l'action
des météores sur la terre arable et en particulier
de l'eau pluviale. Si le sous-sol est très perméable,
les eaux pluviales le traversent rapidement, elles
entraînent les matières solubles contenues dans la
couche arable, et empêchent la production de leur
effet utile. Si le sous-sol est, au contraire, imper-
méable, l'effet contraire se produit, mais il peut
causer un excès d'humidité qui est une entrave à
la végétation. En définitive, deux terres arables
d'une composition analogue donneront des résul-
tats tout à fait différents, suivant la nature du sous-
sol sur lequel elles reposent. Cette influence est
d'autant plus grande que la couche arable est moins
épaisse : on comprend facilement comment cette
action se produit plus vite dans ce cas que lorsque
la couche arable s'étend sur une épaisseur plus
considérable.
La composition du sol est ainsi bien déterminée.
D'un côté, l'humus ou matière organique ; de
l'autre, les matières minérales formées de deux
parties : les unes intégrantes, sable, argile et chaux
en proportions variables; les autres composées de
sels solubles divers. Ces sels doivent renfermer
les principes nécessaires à la végétation .; et, en
fait, l'analyse chimique dém(«itre qwe, dans la
plupart des terrains, on retrouve les principes des
diverses matières des cendres des plantes. Mais il
ne suffit pas, pour qu'un sol produise certaines
récoltes, qu'il renferme les principes des éléments
inorganiques de ces récoltes ; il faut encore que ces
principes s'y trouvent dans des proportions telles
que les plantes puissent se les approprier facile-
ment et au moment le plus convenable. D'un autre
côté, il est indispensable, pour une végétation régu
lière, que certains principes ne se rencontrent pas
en excès dans le sol. Or, l'expérience a démontré,
coxnme il a été dit plus haut, que, sauf de très
rares exceptions, les divers principes nécessaires à
la végétation se trouvent toujours en quantités
suffisantes dans les terres arables, à l'exception de
quatre : l'azote, l'acide phosphorique, la chaux et
la potasse. C'est donc sur ces principes que doit
porter principalement l'attention du cultivateur ;
c'est à les fournir à celles de ses' terres qui en
manquent que doivent tendre ses efforts. C'est par
des fumures bien faites que ce but sera atteint, ou
bien encore c'est par des amendements bien choisis
que les défauts primitifs de la terre seront corri-
gés. Les faits prouvent, en outre, que le sol doit
toujours renfermer un excès des principes néces-
saires à la végétation. En effet, sous l'influence des
agents atmosphériques et des saisons, les combi-
naisons et les décompositions dont la terre est le
siège ne se succèdent pas avec la régularité qu'on
peut obtenir dans un laboratoire ; il y a des pertes
auxquelles il faut obvier par un certain excès de
richesse.
Tel est l'état actuel de la science agronomique
dans ses principes fondamentaux. En voici un ré-
sumé présenté récemment par un de nos chimistes
les plus émincnts, M. J.-A. Barrai, auquel l'agricul-
CHIMIE ORGANIQUE — ^H — CHIMIE ORGANIQUE
ture doit tant d'importants travaux : « Quelques
agronomes, dit-il, prétendent qu'un domaine soumis
à un assolement convenable soutient par lui-même
sa puissance de production, ou, en d'autres termes,
la fertilité de ses champs, sans avoir besoin d'aucun
engrais venu du dehors. Pourun chimiste, cette thèse
n'est pas soutenable, pas plus que celle du mouve-
ment perpétuel pour un mécanicien, ou celle de la
quadrature du cercle pour un géomètre. Mais il faut
des faits pour convaincre les agriculteurs qui s'entê-
tent à voir, dans la production végétale, l'influence
de causes occultes faisant de la matière sans ma-
tière, de la potasse par exemple, ou de la chaux,
sans potasse ou chaux apportée aux plantes. Or,
de tout cela il ne peut être donné qu'une démons-
tration de fait ou à posteriori. Quand un sol n'a pas
de potasse, ou quand il n'a pas de chaux, il est
stérile ou du moins il ne produit une récolte dé-
terminée qu'en proportion de la quantité de potasse
ou de la quantité de chaux contenue soit dans la
graine servant de semence, soit dans les eaux plu-
viales, ou souterraines, ou d'irrigation, qui sont
mises en circulation dans le végétal, sous la double
action de l'absorption par les racines et de l'évapo-
ration par les feuilles. Les eaux qui circulent ainsi
dans les plantes, en apportant des principes qui
souvent viennent de très loin, réalisent ce que
nous appelons l'importation ou la restitution indi-
recte. l>fous réservons le mot de restitution di-
recte pour désigner l'importation volontaire de ma-
tières fertilisanîes étrangères : chaux, marne,
tangue, phosphate, guano, poudrette, tourteaux, et,
en général, de toute substance minérale ou orga-
nique susceptible de fournir à l'eau circulant dans
la couche arable des matières solubles pouvant
•entrer dans l'organisme végétal. Si l'on pouvait
«iter un seul exemple d'une culture produisant (en
azote, potasse, chaux, phosphore) plus qu'il n'est
introduit directement et indirectement dans le do-
maine, et se soutenant pendant de longues années,
nous n'hésiterions pas à croire que nous ne défen-
dons pas la vérité. Nous ferions de même dans le
cas où l'en arriverait simplement à démontrer une
•égalité absolue entre l'entrée et la sortie, avec
maintien de la même production pendant quelques
années ; car nous admettons qu'il y a des pertes
nécessaires à réparer, et que, par conséquent, la
restitution doit être supérieure à l'exportation,
pour l'équilibre de la fertilité, et, à plus forte raison,
pour son accroissement. »
La science a rendu un signalé service à l'agricul-
ture en mettant en lumière les lois de la produc-
tion végétale. Le domaine est vaste ; il n'est pas
encore entièrement parcouru. Mais les découvertes
acquises aujourd'hui ont ouvert une nouvelle voie
dans laquelle les praticiens tendent de plus en plus
à entrer. [Henri Sagnier.]
Ouvrages à consulter. — Traité de Chimie agricole,
par M. Dehérain. — Chimie agricole, par M. Bohierre. —
Trilogie agricole, par J.-A. Barrai. — L Agriculture mo-
derne, par Liebig, etc.
CHIMIE INORGANIQUE Ou MliSÉRALE. —
V. l'article général Chimie, ainsi que les mots
Corps simples. Combinaisons et Nomenclature.
CIll.MIE OUGAMQUE. — On a donné le nom
de chimie organique à la science qui a pour objet
l'étude des substances organiques, c'est-à-dire de
tout ce qui entre dans la composition des tissus
des animaux et des végétaux, ainsi que de toutes
les substances si variées qui se sont déposées dans
ces tissus sous l'influence de la vie.
Il n'y a pas plus d'une trentaine d'années qu'il
est admis, sans contestation, que les transforma-
tions que subissent les substances organiques ne
sont point absolument diCTcrentes de celles qui se
passent au sein de la matière minérale. Dans son
Traité de Chimie qui date de 1849, l'illustre chi-
miste suédois Berzelius a écrit : « Dans la nature
vivante, les éléments paraissent obéir à des lois
tout autres que dans la nature inorgaiiique ; /es
produits qui rf'sullent de l'action réciproque de
ces éléments diffèrent donc de ceux que nous pré-
sente la nature inorganique. Si l'on parvenait à
trouver la cause de cette différence, on aurait la
clef de la théorie de la chitnie organique; niais
cette théorie est tellem-nt cachée, que nou^n'avom
aucun espoir de la découvrir, du moins quant à
présent. » Cette clef est aujourd'hui trouvée grâce
aux travaux de synthèse organique réalisés pour la
première fois par M. Berthelot vers 1850. Jusqu'à
cette époque on n'avait pu qui- décomposer, rame-
ner à leurs éléments les produits fabriqués par les
êtres vivants végétaux ou animaux, mais on ne
parvenait point, par les méthodes des laboratoires,
à recomposer artificiellement ces substances dont
l'analyse av.it cependant fait connaître les élé-
ments constituants.
C'était là, comme le dit M. Berthelot, la seule
preuve décisive qui pût être faite de l'identité des
forces organiques et minérales par l'identité des
résultats.
Analyse immédiate ou recherche des principes
immédiats. — Remarques iur leur composition et
sur leurs formules.
Prenons du sang, du lait, du jus de betterave,
de citron, etc., il sera facile de constater que ces
produits organiques sont constitués par des mé-
langes intimes ou des dissolutions de diverses
autres substances moins complexes. Ainsi du sang
on retire de la fibrine, de l'albumine, etc., du lait
le caséum (fromage blanc), le beurre, la lactose
(sucre de lait) ; du jus de betterave on retire le
sucre ordinaire et des matières albuminoides (V. Al-
bumine) ; dans le jus de citron se rencontre
l'acide citrique mélangé à ces mêmes matières
ainsi qu'à une sorte d'essence combustible. Ce
sont ces substances constituant ensemble les ma-
tières organiques qu'on a appelées espèces chimi-
ques, ou m'ienx principes immédiats.
Un grand nombre de principes immédiats étaient
connus des alchimistes du siècle dernier ; par
exemple les acides lactique, tartrique, urique,
benzoique; les corps neutres : l'urée, le sucre, la
cire des calculs biliaires (cholestérine), etc. ; néan-
moins ce n'est que beaucoup plus tard qu'on put
les définir et les caractériser d'une façon précise.
Dès 1824, voici comment M. Chevreul appréciait
l'importance du rôle en chimie organique de ces
espèces chimiques : « La base de la chimie orga-
nique est la définition précise des espèces de prin-
cipes immédiats qui constituent les végétaux et
les animaux. »
Un principe immédiat est toujours formé des
mêmes corps simples dans les mêmes proportions ;
il est doué de propriétés constantes et caractéris-
tiques. (Berthelot.)
Développant la définition de la chimie organi-
que que nous avons donnée en commençant, on
peut dire que cette science, dont les lois et les
principes ne diffèrent pas essentiellement de ceux
de la chimie minérale, a pour but l'extraction des
principes immédiats dont l'association en propor-
tion variable et in léfinie constitue la substance
des animaux et celle des végétaux; leur analyse
élétaentuire, c'est-à-dire la détermination de la
formule représentant leur composition en corps
simples; l'étude de leurs propriétés; leurs trans-
formations sous l'influence de la chaleur, de l'élec-
tricité, des réactifs minéraux ou organiques, ou dans
les tissus vivants sous l'action de l'organisme (chimie
biologique).
Les substances organiques ou plutôt leurs prin-
cipes immédiats sont toujours facilement décom-
posables par la chaleur. Ainsi le sucre noircit
quand ou le chauffe, se transforme en caramel,
perd de l'eau et finalement laisse ua résidu char.
CHIMIE ORGANIQUE — 412 — CHIMIE ORGANIQUE
bonneux formé de charbon presque pur. Si on fait
l)asser des vapeurs d'alcool dans un tube de por-
celaine rougi, celui-ci après refroidissement sera
recouvert à l'intérieur d'une couche de noir de
fumée. Le beurre noir est du beurre légèrement
décomposé par la chaleur ; la corne, les poils, le
blanc d'œuf brûlés répandent des fumées épaisses,
à odeurs acres extrêmement désagréables prove-
nant de leur décomposition ; les produits volatils
qui se dégagent de ces sortes de décompositions
varient extrêmement non seulement avec la nature
du corps qui leur donne naissance, mais aussi avec
la température à laquelle la décomposition s'effec-
tue. Ces produits sont, pour les substances non
azotées : de l'eau, de l'acide carbonique, des car-
bures gazeux d'hydr3gène (fumée combustible/,
de l'acide acétique, des huiles empj'reumatiques.
Celles qui contiennent de l'azote donnent en
outre de l'acide prussique (C^AzHi et de l'ammo-
niaque qui se combine aux acides carbonique,
acétique, prussique. Le résidu est toujours très
riche en carbone (coke, charbon de bois, de sucre) ;
quand la décomposition se fait à l'air (combustion),
le charbon lui-même est brûlé ; il ne reste alors
que des produits minéraux incombustibles (cen-
dres\ carbonate de potasse et silice, carbonate de
soude (végétaux marins). La chaleur peut produire
des phénomènes de dimorphisme : ainsi, quand on
fond du sucre candi, il se forme du sucre d'orge qui
a la même composition, mais qui ne peut plus cris-
talliser, et il peut être fondu à 90° tandis que le
sucre candi ne fond qu'à 180°. Le blanc d'œuf
coagulé par la chaleur ne peut plus reprendre
l'état liquide.
Les substances organiques peuvent subir des
transformations profondes nombreuses et de
nature très diverse, sous l'action des ferments
(V. Fermpntation], dont les germes, comme cela
résulte des expériences de M. Pasteur, sont répan-
dus à profusion dans l'air et sur la terre (fermen-
tation de la bière, du jus de raisin, ou fermenta-
tion alcoolique ; transformation du sucre en alcool
et en acide carbonique ; fermentation lactique ou
production d'acide lactique dans le lait aux dépens
delà lactose; fermentation du fumier ou production
de sels ammoniacaux ; fermentation du fromage,
pourriture du bois, des viandes, etc.SLa transfor-
mation des substances animales dans l'estomac
sous l'influence de la pepsine, celle de la fécule par la
ptyaline de la salive, paraissent appartenir à un
ordre de faits semblables aux fermentations. On
peut dire aujourd'hui que les substances orga-
niques , quoique de décomposition très facile,
ne se transforment cependant pas spontanément,
comme on avait pu le croire avant que les beaux
travaux de M. Pasteur eussent porté la lumière
sur un grand nombre de ces obscures transfor-
mations. Beaucoup de sub-tances organiques sont
volatiles: les alcools, les éthers. les hydrocarbui-es
odoriférants, essences, huiles volatiles (odeurs des
plantes^ etc.), le camphre ; d'autres sont abso-
lument fixes : certaines résines, le tannin, la qui-
nine, le sucre, etc. Plusieurs sont acides et peu-
vent for.ner de véritables sels (V. Sels et Acides)
avec les bases, ex. : les acides tartrique, citrique,
acétique, stéarique, etc.
Dans la première partie de ce siècle on a décou-
Tert quelques principes immédiats azotés de
composition généralement complexe et se com-
portant comme les bases métalliques en présence
des acides : on leur a donné le nom d'alcaloïdes
(V. Alcaloïdes) •,\q nombre s'en est considérable-
ment accru dans notre époque, et aujourd'hui on
connaît un grand nombre d'alcaloïdes artificiels.
Enfin le plus grand nombre certainement des prin-
cipes immédiats sont des corps neutres. Ex. : la
gomme, le sucre, l'albumine, la fibrine, la caséine,
la térébenthine, l'alcool, la dextrine, l'amidon, etc.
Solubilité. — Les sucres, les gommes, les résines,
les acides sont plus ou moins solubles dans l'eau;
le tannin, les hydrocarbures, essences et huiles
essentielles, dans l'éther et dans l'alcool ; les alca-
loïdes dans l'alcool et dans les acides étendus.
Analyse immédiate. — On appelle ainsi l'ensem-
ble des procédés employés à la recherche ou à
l'extraction des prijicipes immédiats, sans s'occu-
per des éléments qui constituent ces derniers. La
voie à suivre dans l'analyse immédiate ne peut
pas être Indiquée d'une manière précise; c'est au
chimiste à employer dans l'ordre qu'il juge le plus
convenable les dissolvants divers, la distillation,
les agents chimiques et même l'action mécanique,
comme la compression, par exemple. La plus
grande difficulté de l'analyse immédiate est sou-
vent dans l'instabilité même des substances que
l'on recherche. « Prenons une amande, semence
formée de différents principes immédiats, qui, mé-
langés en proportions indéfinies, constituent par
leur ensemble l'amande elle-même. La question
qu'il s'agit de résoudre ici consiste à séparer ces
principes, à les isoler, de manière à pouvoir les
étudier séparément dune manière approfondie.
Pour atteindre ce but, il faut faire intervenir des
corps qui n'exercent aucune action chimique sur
ces produits ; car, dans ce cas, nous ne retirerions
pas les principes immédiats contenus dans la sub-
stance analysée, mais bien seulement les produits
de leur altération. On fait intervenir d'ordinaire
des dissolvants neutres, tels que l'eau, l'alcool,
l'esprit de bois, l'éther ordinaire, le chloroforme,
quelques éthers composés, le sulfure do carbone,
des huiles volatiles bien pures.
B II est rare qu'un dissolvant extraie d'une partie
animale ou végétale une substance unique ; on
obtient le plus communément un mélange de plu-
sieurs substances qu'on peut séparer, lorsqu'elles
affectent la forme solide, par des cristallisations
réitérées. Supposons qu'on ait à sa disposition un
mélange de gomme et de sucre cristallisable et
qu'on verse dans cette liqueur du sous-acétate de
plomb, l'oxyde de ce sel précipitera la totalité de
la gomme tandis qu'il n'agira pas sur le sucre. Au
moyen du filtre, on séparera donc toute la gomme
unie au protoxyde, tandis que le sucre restera tout
entier dans la liqueur mêlée à l'excès d'acétate de
plomb. Fait-on passer un excès d'acide sulfliydri-
que à travers cette liqueur, le plomb se précipite
à l'état de sulfure et l'on n'a plus qu'un mélange
de vinaigre et de sucre dont on peut séparer ce
dernier par l'évaporation. JNIet-on en suspension
dans l'eau le cumposé de gomme et d'oxyde de
plomb et dirige-t-on à travers cette seconde liqueur
un courant d'acide sulfhydrique, il se forme
comme tout à l'heure un précipité de sulfure de
plomb, tandis que la gomme qui s'est dissoute
dans l'eau peut encore en être séparée par l'évapo-
ration. » (Cahours.)
L'alcool est extrait du vin par la distillation ;
quand la substance soumise à la distillation con-
tient divers produits volatils, même à des degrés
très différents, ce n'est que par des distilla-
tions répétées qu'on arrive à avoir des produits,
purs.
C'est ainsi que l'alcool de vin distillé même plu-
sieurs fois par produits fractionnés contient tou-
jours de l'eau et quelquefois d'autres produits vola-
tils de la fermentation.
En traitant les corps gras parles alcalis (V. Alca-
lis. Bases], on met la glycérine en liberté, l'alcali
s'étant combiné avec les acides gras en formant
des savons. C'est là la saponification des corps
gras, en même temps que le principe de la prépa-
ration de la gl\-corine et des acides gras : stéa-
rique (bougies s'tcariques). margarique,oléique.
L'cii.<.r s'extrait de la noix de galle par l'action
directe de i'éther comme dissolvant.
CHIMIE ORGANIQUE — 413 — CHIMIE ORGANIQUE
Analyse élémentaire. — L'analyse élémentaire
d'une substance organique a pour but de détermi-
ner la nature, le nombre et les proportions centé-
simales des corps simples qui le constituent. C'est
une opération que l'on peut faire avec la plus
grande précision lorsqu'on en a l'habitude, mais qui
ne peut s'apprendre que par une pratique fré-
quemment répétée. Nous n'en donnerons ici que
le principe. Dans un long tube de verre, dit tube
à analyse, on chauffe un poids déterminé, toujours
très petit, de la substance avec un corps riche en
oxygène, tel que le bioxyde de cuivre. Le carbone
et l'hydrogène sont brûlés : le premier est trans-
formé en acide carbonique, le deuxième en eau.
Ces produits sont recueillis dans des tubes qui
les arrêtent séparément, puis pesés. Le poids de
l'acide carbonique étant connu, on en déduit celui
du carbone, et du poids de l'eau obtenu, celui de
l'hydrogène ; la somme des deux poids ainsi obte-
nus est retranchée du poids total de la substance
à analyser et on a le poids de l'oxygène quand
celle-ci est exclusivement formée de carbone,
d'hydrogène et d'oxygène ; tels sont le sucre, l'al-
cool, la dextrine, etc.
Si la matière contient de l'azote, il faut par une
première analyse déterminer le carbone, puis
l'hydrogène, et par une deuxième déterminer l'a-
zote. Pour opérer cette dernière, on chauffe la sub-
stance avec de la chaux sodée (mélange de chaux et
de soude) dans un tube à analyse : l'azote se trouve
vt-insformé en ammoniaque.
Ce gaz est arrêté dans de l'acide sulfurique ;
ayant déterminé le poids de l'ammoniaque, on en
déduit le poids et, par suite, le volume de l'azote.
Par des calculs extrêmement simples on ramène
les proportions de carbone, d'hydrogène, d'azote
et d'oxygène à lOO parties de la substance, ce qui
donne la composition centésimale. On en déduit en-
suite les formules en équivalents*.
Les analyses les plus nombreuses et les plus
variées ont montré que toutes les substances or-
ganiques sans exception contiennent du carbone
et de Ihydrogène, à tel point qu'on a pu dire que
ia cliimie organique est la chimie des composés du
carbone. Un grand nombre sont formés exclusi-
vement de ces deux corps simples, tels sont : la
benzine,, la gutta-percha, l'essence de térébenthine
et celle de citron, la naphtaline,,! éthyleue, l'an-
thracène, etc.
Un grand nombre sont formés de carbone,
d'hydrogène et d'oxygène; on les appelle des
composés ternuires ; les plus simples parmi eux
sont les alcools. Citons aussi les étliers, les acides,
le sucre, l'amidon, etc. Enfin les substances qui,
outre ces trois éléments, contiennent de l'azote,
sont appelées substances quaternaires. On les
rencontre dans le règne végétal comme dans le
règne animal ; il paraît même que c'est dans le
premier qu'elles prennent naissance sous l'in-
fluence de la vie végétale, mais le règne animal
est formé presque exclusivement de substances
quaternaires azotées : telles sont l'albumine ani-
male ou végétale, la fibrine (V. Âlbuminoïdes), la
caséine, la gélatine, l'acide prussique, l'essence
d'amandes amères, l'aniline, et tous les alcaloïdes
(V. Alcaloïdes). L'un des caractères spécifiques
des substances organiques azotées, c'est de donner
de l'ammoniaque ou des sels d'ammoniaque
quand elles se décomposent, soit spontanément
(putréfaction), soit sous l'influence de la chaleur et
des agents chimiques.
Indépendamment du carbone, de l'hydrogène,
de l'oxygène et de l'azote qui sont comme les élé-
ments essentiels des produits organiques, on
rencontre dans un assez grand nombre d'entre eux,
de composition très complexe : du soufre comme
dans les œufs des oiseaux, dans la moutarde, dans
*es choux, dans les radis, etc ; du fer dans la
substance colorante du sang ; du phosphore dans la
substance cérébrale, dans l'albumine en général;
du silicium dans le chaume des graminées, du
chlore dans un grand nombre de produits arti-
ficiels ou naturels, de l'iode dans les produits ma-
rins (principalement dans l'éponge, le caviar). A
l'état de combinaisons organiques, ces corps sim-
ples perdent les propriétés qui les caractérisent
dans le règne minéral : ainsi le chlore ne précipite
point les sels d'argent, le soufre ceux de plomb;
cependant nous ferons remarquer en passant que
la plupart des matières organiques sulfurées noir-
cissent les couverts d'argent.
Isumérie.— On a longtemps admis comme évident
que deux substances qui ont la même composition
chimique tant au point de vue de la nature que des
proportions de leurs éléments avaient et devaient
avoir les mêmes propriétés. En 1825 Faraday décou-
vrait que le gaz de l'huile et le gaz oléflant (hydrogène
bicarboné ou gaz d'éclairage de la houille) avaient la
même composition sans avoir les mêmes proprié-
tés ; en chimie minérale on découvrit deux oxydes
d'étain isomères, plusieurs acides phosphoriques,
et enfin on connaît aujourd'hui plusieurs espèces
de phosphore et de soufre qu'on appelle les états
allotropiques du phosphore et du soufre. Quand
deux corps composés ont ainsi des compositions
identiques et des propriétés différentes, on dit
qu'ils sont isomères et que c'est là un fait d'isotné-
rie. Le formiate de méthyle, qui appartient à la
classe des éthers (corps liquide), a pour formule
C*H*0* ; le dioxyméthylène est un corps solide
qui a la même formule ; l'éther méthylique a la
même formule (C*H'^0"2) que l'alcool vinique. L'acide
tartrique et l'acide l'acémique sont aussi des
corps isomères. L'amidon, la dextrine, la cellulose
ont également la même composition ; il en est de
même du sucre ordinaire et du sucre incristalli-
sable.
En 1831, le chimiste suédois Berzeliusa précisé
le sens du mot isomérie en définissant les corps
isomères : ceux qui ont la même composition
et le même équivalent. Quelques explications
sont ici nécessaires sur cette importante question :
considérons la formule de l'acide acétique, qui
s'écrit C*H*04 ; ne semble-t-il pas d'abord qu'on
pourrait indiquer plus simplement la compo-
sition de cet acide par la formule CHO ou par
C-HS02, etc. '! Cette manière de voir serait com-
plètement erronée : en effet, en combinant l'acide
acétique avec de la potasse pour former de l'acé-
tate de potasse, on trouve que ce sel contient 5
fois autant d'oxygène que le poids de potasse qui
s'y trouve, et comme la formule de cette base est
KO, celle de son acétate doit être KO,G*H*0*.
Tous les corps ayant pour formule C^H^O* seront
donc des isomères de l'acide acétique, et ceux
qui, ayant la même composition centésimale, de-
vrontêtre représentés par une formule multiple de
CHO, seront les corps polymères de l'acide acéti-
que; l'acide lactique (CfiH«0«) , la glucose (Ci^^Hi^O' -)
et l'acide acétique sont des corps polymères. Ces
conceptions sur la constitution des molécules très
complexes des substances organiques, appuyées sur
des faits précis et nombreux, ont projeté la lumière
sur un grand nombre de difficultés comme en
renferme tant encore la chimie organique. 11 résulte
de ce qui précède que lu détermination des for-
mules des principes immédiats n'est point toujours
facile et que la connaissance de la composition
centésimale est loin de représenter leur véri-
table constitution, puisqu'elle ne donne point le
mode de groupement de ces éléments; pas plus,
s'il nous est permis de faire cotte comparai-
son, que le nombre et la nature des matériaux
qui entrent dans la construction d'un monument ne
nous donneraient une idée exacte de sa forme et dd
sa distribution.
CHIMIE ORGANIQUE — 414
CHIMIE ORGANIQUE
Théories chimique!,. - Radicaux organiques. —
Phénomènes de substitution. — Séries alcooliques.
— Ti/pts chmiques. — Quand on examine l'ensem-
ble des corps qui dérivent d'un même principe
immédiat par décomposition ou par synthèse, on
remarque que cette classe de corps contient
comme principe constituant fixe un hydrocarbure
(corps formé d'hydrogène et de carbone), qui ré-
siste à toutes les transformations et caractérise
pour ainsi dire la classe des corps dont il fait par-
tie, absolument comme le métal en chimie miné-
rale représente l'élément fixe de tous les com-
posés dans lesquels il entre. Ce sont ces hydro-
carbures, plus fixes que tous les composés, que l'on
a appelés d'abord exclusivement des radicaux
organiques.
Ainsi tous les dérivés de l'alcool vinique, l'éther,
l'aldéhyde, l'acide sulfovinique, etc., contiennent
le radical C*H* qu'on appelle éthylène et qui
joue, dans la série alcoolique, un rôle analogue
à celai de la molécule de potassium dans les sels
de potasse. L'éthyle, qui a pour formule C*Hâ, peut
être considi'ré comme de l'hydrure d'éthylène,
l'éther ordinaire OH^O , comme de Toxyde
d'éthyle, l'alcool CH^CHO ou C^HbOî comme de
l'hydrate d'oxyde d'éthyle, et enfin les éthers com-
posés formés par la combinaison de l'éther avec
un acide, comme des sels à base d'oxyde d'éthyle.
Lavoisier avait le premier soupçonné l'existence
des radicaux composés. « Les oxydes et les acides
végétaux, disait-il, sont des acides et des oxydes
hydro-carboneux. »
Cette manière de concevoir les transformations
des substances organiques convenait parfaitement
à l'explication des faits connus il y a un demi-
siècle, et la découverte du cyanogène fG*Az) par
Gay-LuEsac lui servait de point d'appui, puisqu il
était démontré que ce composé binaire pouvait par
ses propriétés chimiques être rangé dans la famille
du chlore.
La théorie électro- chimique ou dualistique
(V. p. 405), ramenant toutes les combinaisons
chimifjues à des combinaisons binaires de diffé-
rents ordres, semblait devoir ainsi s'emparer de
la chimie organique pour n'en faire qu'un complé-
ment de la chimie minérale, quand des faits nou-
veaux éclatants, indiscutables, démontrèrent son
impuissance à tout expliquer et partant sa fragi-
lité comme théorie générale des transformations
de la substance organique.
La découverte du cacodyle par Bunsen (ce corps
est formé de carbone, d'hydrogène et d'arsenic), ob-
tenu en distillant un mélange d'acétate de potasse
et d'acide arsénieux, prouvait par les propriétés de
ce corps singulier qu'il existait en tout cas d'autres
radicaux que les hydrocarbures. Un grand nombre
d'autres radicaux furent obtenus par les chimistes
Frankland, Thenard, Cahours, Friedel, etc. Tous
ceux, cependant, que les chimistes considèrent
comme la molécule fixe des nombreuses classes
des corps organiques connus n'ont point été pré-
parés ou isolés ; ce qui du reste ne détruit nulle-
ment l'idée théorique d'où ils sont sortis, témoin
cette réflexion de Gerhardt qui s'en est servi dans
ses classifications : Je prends, dit-il, l'expression
de radical dans le sens de rapport et non de corps
isolable ou isolé. Certains radicaux, en un mot,
pourraient être des molécules plus ou moins com-
plexes, jouant le rôle d'un élément simple, d'une
individualité chimique, dans un composé supérieur,
sans pouvoir cependant exister séparément.
Substitutions. — Gay-Lussac, en traitant la cire
par le chlore, reconnut qu'elle perd de l'hydro-
gène qui est remplacé par un égal volume de
chlore ; plus tard, M. Dumas de son côté, traitant
l'essence de térébenthine et l'alcool par le chlore
put, d'après l'analyse des produits obtenus, for-
muler la proposition importante qui suit : « Le I
chlore possède le pouvoir singulier de s'emparer
de l'hydrogène de certains corps et de le rempla-
cer atome par atome. »
Laurent, Dumas, Regnault confirmèrent cette
proposition par de nombreuses préparations chlo-
rées; dans toutes ces réactions, le chlore se com-
bine à l'hydrogène pour former de l'acide chlo-
rhydrique, etun nouvel atome de chlore se substitue
à l'hydrogène enlevé pouvoir décolorant et désin-
fectant du chlore).
Il fut bientôt démontré que l'iode, le brome, le
silicium et même les métaux pouvaient aussi se
substituer atome par atome à l'hydrogène, et
M. Dumas, dans un mémoire célèbre sur les déri-
vés chlorés de l'acide acétique parmi lesquels se
trouve le chloroforme C^HCl^, résuma ainsi les
conclusions de ces nouvelles découvertes : « Dans
un composé organique, l'hydrogène peut être rem-
placé par du chlore, du brome, de l'iode, et en gé-
néral les éléments peuvent être remplacés par
d'autres éléments en proportions équivalentes ; et
ces corps simples eux-mêmes peuvent être rem-
placés par certains corps composés faisant fonction
de corps simples. Les corps ainsi formés pos-
sèdent les mêmes propriétés fondamentales et ap-
partiennent aux mêmes types chimiques que les
corps d'où ils dérivent par substitution .'. car ii
existe en chimie organique certains types qui se
consei~uent alors qu'a la place de l'hydrogène qu'ils
renferment, on vient à introduire des volumes
égaux de c'dore, de brome et d'iode » (1839). C'est
là la base de la théorie des substitutions; elle
renverse complètement la théorie électro-chimi-
que, et les nombreuses découvertes qui la suivi-
rent en montrèrent la fécondité en même temps
qu ils en vérifièrent l'exactitude.
Laurent formula depuis d'une manière saisis-
sante et qui est restée, l'idée qu'on peut se faire
d'une molécule organique : on peut la comparer au
système planétaire, le radical caractérisant l'espèce
étant au centre d'un certain nombre d'élément»
simples, comme le soleil au milieu des planètes ;
on comprend que, de même qu'une planète pour-
rait être remplacée par une masse équivalente
sans troubler l'équilibre général, un atome dans
la molécule organique pourrait être aussi remplacé
par un autre. La préparation ou plutôt la décou-
verte des ammoniaques composées, par Hoffmann
et Wurtz, élargissait cette manière de voir, en
montrant qu'une molécule composée pouvait
elle-même remplacer une molécule simple, une,
deux, trois molécules composées pouvaient rem-
placer un, deux, trois atomes simples, sans dé-
truire les propriétés fondamentales du corps
primitif ; comme si dans le système planétaire on
supposait une, ou deux, ou plusieurs planètes
remplacées par un nombre quelconque de plus
petites masses agissant de la même façon sur !e
système général, comme cela a lieu, du reste,
puisque entre Mars et Jupiter existe un nombre
considérable de petites planètes télescopiques; ces
idées, basées sur des faits excessivement nom-
breux, ouvrent un horizon sans limites à la créa-
tion artificielle de corps nouveaux ; pour ne citer
qu'un exemple, nous dirons que l'ammoniaque
donne naissance à plus d'une douzaine de corps
qui en dérivent par la substitution de radicaux à
ses atomes d'hydrogène (V. Ammoniaque)
Classification des substa?ices organiques. — En
1835, MM. Dumas et Peligot montrèrent que l'es-
prit de bois peut être rangé à côté de l'alcool or-
dinaire, et, depuis cette époque, on a reconnu que
celui-ci pouvait être considéré comme le type
d'une classe nombreuse de corps appelés alcools,
et la classification suivante de tous les corps or-
ganiques est depuis cette époque généralement
adoptée : 1° les hydrocarbures (huiles volatiles, es-
sences) ; 2° les alcools ; 3" les éthers ; 4° les aidé-
CHIROPTÈRES
— 415 —
CHIROPTÈRES
hydes ; 5" les acétones ; 6° les chlorures ; 7' les
ammoniaques; 8" les composés organo-métalliques;
9° les alcools polyatomiques (la glycérine, les matiè-
res sucrées et amylacées) ; 10° les amides; 11" les
nitriles.
Synthèse chimique. — Il y a une trentaine d'an-
nées, M. Berthelot put, en combinant directement
sous l'influence de l'étincelle électrique le car-
bone et l'hydrogène, former par synthèse l'acéty-
lène, qui n'avait jamais été obtenu que comme ré-
sultat de décomposition, et, partant de là, il forma
successivement par des procédés que nous ne pou-
vons pas rapporter ici, des alcools, des aldéhydes,
des acides, qu'on n'avait jamais obtenus par une
synthèse directe ; à l'Exposition de Londres cet
illustre chimiste put montrer ce qu'on n'avait ja-
mais vu : de l'alcool pour ainsi dire créé par lui.
C'était là la preuve irrécusable de l'identité au
fond des substances minérales et des substances
organiques, ce qui ne veut pas dire, comme on l'a
quelquefois supposé à tort, que le chimiste a la
prétention de former des cellules ou des organes;
mais cela prouve qu'il a légitimement celle de
pouvoir fabriquer lasubstance qui les constitue, et.
comme le dit M. Berthelot lui-même, la chimie
possède la faculté créatrice à un degré plus émi-
nent encore que les autres sciences, parce qu'elle
pénètre plus profondément et atteint jusqu'aux
cléments naturels des êtres ; non seulement elle
crée des phénomènes, mais elle a la puissance de
refaire ce qu'elle a détruit ; elle a même la puis-
sance de former une multitude d'êtres artificiels
semblables aux êtres naturels et participant de
toutes leurs propriétés. — V. Synthèse chimique .
Voici quelques noms des plus savants chimistes
qui dans ce siècle ont le plus contribué aux pro-
grès si rapides de la chimie organique : Berzelius,
Gay-Lussac, Dumas, Liebig, Chevreul, Laurent,
Gerhardt, Boussingault, Hoffmann, Cahours, Wil-
liamson. Pelletier et Caventou, Wurtz, Pasteur.
Berthelot ; ces deux derniers, l'un par la lumière
dont il a éclairé les phénomènes si obscurs des
fermentations , l'autre par les synthèses chimi-
ques, ont ouvert des voies nouvelles et doivent
être considérés comme les auteurs des plus grandes
découvertes chimiques faites depuis un quart de
siècle.
Expériences à faire dans un cours élémentaire
de chimie organique. — 1° Fusion et décomposi-
tion du sucre ; 2° lavage de la farine, séparation de
l'amidon et du gluten ; 3° fermentation du sucre
en présence de la levure ; 4° fermentation du lait
caillé ; 5o décomposition d'une matière animale en
présence de la chaux ; 6° action de l'acide sulfu-
rique sur l'alcool ; 1° oxydation de l'alcool en pré-
sence de la mousse de platine ; 8° détonation d'un
mélange d'éther et d'air dans un petit flacon ;
9° action du chlore sur l'alcool ; 10" traitement
d'une matière grasse par la soude (fabrication d'un
savon) ; 11" action de l'acide azotique sur le coton
(coton-poudre), de l'acide azotique surla benzine, etc.
Mettre sous les yeux des élèves, suivant l'ordre
des leçons, des acides (tannique, oxalique, tartri-
que, benzoïque), de l'amidon, de la glucose, de l'é-
ther, de la benzine, du coton-poudre, différents
alcools, du camphre, des gommes, des corps gras,
de la glycérine, de l'urée, des alcaloïdes (de la qui-
nine par exemple), de la gélatine, etc.
[Alfred Jacquemart.]
CHIROPTERES OU CHAUVES-SOURIS. — Zoo-
logie, VII. — (Étym. : Souris chauve, c'est-à-
dire dont les ailes n'ont pas de plumes, ou, suivant
quelques auteurs, souris-chouette, d'où par cor-
ruption chauve. Chti'opté-e. qu'on a longtemps écrit
à tort Cheiroptère, vient du grec et signifie aile-
main).
Les Chiroptères ou Chauves-Souris sont des mam-
mifères crépusculaires, qui se nourrissent de fruits
et d'insectes et qui peuvent se transporter dans lea
airs, à la manière des oiseaux, grâce à la transfor-
mation des membres antérieurs.
A l'exception du pouce, les doigts sont en effet
extrêmement allongés et soutiennent une mem-
brane qui vient se rattacher aux flancs et qui peut,
à la volonté de l'animal, s'étendre ou se replier
brusquement. C'est à cette organisation particulière
que les Chauves-Souris doivent leur nom scienti-
fique de Chiroptères, qui signifie animaux à mains
transformées en ailes. En outre, dans cet ordre de
Mammifères, une membrane plus ou moins étendue
qui relie l'un à l'autre les deux membres posté-
rieurs, et qui est en général soutenue par la queue
dans sa portion moyenne, contribue pour une part
importante au mécanisme du vol.
Le pouce des mains antérieures est écarté des
autres doigts et muni d'un ongle crochu ; de con-
cert avec les doigts des pattes postérieures, il
sert aux Chauves-Souris pour se suspendre et
s'accrocher aux moindres aspérités d'un tionc
d'arbre, d'un mur ou d'une paroi rocheuse. Ainsi
conformés, les membres sont peu propres à la
locomotion terrestre : aussi, sur le sol, les
Chiroptères sont-ils d'une gaucherie extrême et
ne s'avancent ils qu'avec la lenteur et la mala-
dresse d'un cul-de-jatte. Comme les Singes, les
Chauves-Souris ont trois sortes de dents : des mo-
laires, des canines et des incisives. Leur vue n'est
pas très parfaite, car leurs yeux sont fort petits,
mais leur tact est d'une délicatesse singulière, et
c'est au moyen de ce sens qu'elles se dirigent dans
les ténèbres en évitant les obstacles qui se trouvent
sur leur passage. Leurs oreilles, très compliquées,
perçoivent les bruits les plus faibles aussi bien que
les sons les plus aigus.
La membrane alaire se compose de deux lames
provenant l'une du dos, l'autre du ventre de l'ani-
lual, et renferment entre elles une couche de tissu
élastique et de fibres musculaires. Sa face externe
est imprégnée d'un liquide huileux, d'une odeur
pénétrante, sécrété par des glandes particulières.
Le corps est revêtu de poils d'une structure extrê-
mement remarquable, minces et fragiles à la racine,
épais et contournés dans leur portion terminale.
Ces poils emprisonnent dans leurs spirales une
certaine quantité d'air échauffé au contact du corps,
et remplissent par conséquent l'office d'un duvet
protecteur.
Le vol des Chauves-Souris est produit par un
mouvement continuel des bras ; il est beaucoup
moins soutenu que celui des oiseaux, et varie du
reste suivant la conformation des membranes alaires
et de la membrane interfémorale.
Dans les pays froids, et même dans nos climats,
les Chauves-Souris tombent dans un sommeil léthar-
gique qui se prolonge jusqu'à la fin de l'hiver.
Pendant la journée, en toutes saisons, elles sont
également engourdies et restent immobiles, accro-
chées par les pattes de derrière dans les cavernes,
les greniers ouïes troncs d'arbres ; souvent elles se
suspendent les unes aux autres et forment ainsi
des grappes énormes. Dans certaines grottes, les
excréments accumulés des Chauves-Souris ontdonné
naissance à une couche épaisse de guano sur le
sol.
Les Chiroptères sont répandus sur toute la sur-
face du globe ; mais ils sont loin d'offrir partout
le môme type, le même aspect extérieur. En
tenant compte de la disposition des membranes,
de la forme des organes des sens, de la longueur
de la queue et surtout de la dentition, on peut
répartir ces animaux en quatre familles, savoir :
les Ftéropodés ou Roussettes, les Phyllostomidés
ou Vampires, les Riiinolophidés et les Vesper-
tilionidés.
1" P ter apodes ou Roussettes. — Les Chiroptères
de ce groupe, en général de grande taille et d'une
CHIROPTÈRES
— 416 —
CHIROPTÈRES
organisation relativement clevce, ont la membrane
postérieure ou interfémorale peu développée et la
queue souvent presque atrophiée ; leurs dents sont
assez fortes, et les incisives au nombre de deux
paires à chaque mâchoire. Ils se nourrissent de
fruits qu'ils vont dérober le soir dans les planta-
tions, et sont, à cause de leurs larcins, détestés
des planteurs à lîle Maurice, à la Réunion, etc.
Dans les grandes forêts des îles Moluques vit une
espèce de ce groupe qui mesure 40 à 45 centi-
mètres de long et plus de I mètre et demi d'enver-
gure : c'est la Roussette édule ou comestible, ainsi
nommée parce que sa chair, un peu grasse et d'un
goût assez agréable, entre dans l'alimentation des
habitants de Java et de Sumatra.
1° P/iyllostomidés. — Les Phyllostomidés, connus
vulgairement sous les noms de Vampires et Chauves-
Souris Fer-à-cheval, habitent l'Amérique tropicale
(Pérou, Guyane, Brésil, Caroline) et sont fort
redoutés des indigènes. D'anciens auteurs en ont
déjà fait mention, et au siècle dernier La Condamine
a constaté qu'ils inquiètent l'homme pendant son
sommeil et qu'ils sucent le sang des mulets et des
chevaux. Les voyageurs paraissent toutefois avoir
quelque peu exagéré la férocité des Vampires : les
blessures faites par ces animaux ne sont mortelles
que lorsqu'elles déterminent une hémorrhagie trop
abondante, chez un sujet jeune ou aft'aibli, ou
lorsque la gangrène se met dans la plaie.
Le nom scientifique de Phyllostome, qui signifie
museau orné d'une feuille, et le nom vulgaire de
Per-de- ance, font tous deux allusion à la confor-
mation particulière de la face chez ces Chauves-
Souris, dont les narines sont percées dans une
sorte d'écusson membraneux semi-circulaire et
surmontées d'un appendice représentant assez bien
un fer de lance.
3° Rhinolopiddés. — Les Chauves-Souris de cette
famille, qui ont le nez surmonté d'un appendice
analogue à celui des Phyllostomes, mais découpé
d'une autre façon, se répartissent en un très grand
nombre de genres qui habitent l'Europe, l'Afrique,
la côte de Malabar, l'Amérique chaude et l'Austra-
lie. Dans l'Europe centrale vit le Rhinolophe bifer
ou petit Fer-à-cheval, qui n'a que G centimètres de
long et 23 centimètres d'envergure. Son pelage est
d'un gris blanchâtre ou roussâtre, ses membranes
alaires sont diaphanes, grises chez les mâles et
jaunâtres chez les femelles; son nez est surmonté
de deux ou plutôt de trois pièces superposées, l'in-
férieure en forme de fer à cheval renversé entou-
rant les narines, la moyenne en crête longitudinale
et la supérieure en fer de lance ; ses oreilles figu-
rent deux cornets évasés, et sa queue, de grandeur
moyenne, est comprise tout entière dans la mem-
brane interfémoralc. Cette Chauve-Souris, extrême-
ment sociable, se trouve par centaines dans les
grottes et sous les toits des bâtiments en ruines.
Elle vole autour des habitations dès le commence-
ment du printemps, mais toujours après le coucher
du soleil. Lorsqu'elle se fixe contre un mur, elle
8'enveloppe de ses membranes alaires et ressemble
alors à une grosse chrysalide.
Le Rhinolophe unifer ou grand Fer-à-cheval, un
peu plus grand, mesure 8 centimètres de long sur
35 centimètres d'envergure. Il a la feuille frontale
très large et compliquée de grandes cellules.
4» Vespertilionidés. — Dans cette famille se
placent des Chiroptères qui sont dépourvus de
feuille nasale comme les Roussettes, mais qvii dif-
fèrent d'ailleurs de ces dernières par l'ensemble de
leurs caractères, ayant les ailes, la queue et le
systè.me dentaire conformes à peu près comme les
Phyllostomes et les Rhinolophes. Nous ne parlerons
ici que des espèces européennes.
Le Vespertilion barbastelle, ou Barbastelle com-
mune, aie dessus du corps d'un brun noir foncé, le
dessous d'un gris brunâtre clair, les oreilles grandes
et réunies au-dessus du front. Cette espèce, qui
na pas plus de 29 centimètres d'envergure, chez
nous, est assez rare, et fréquente surtout les
contrées montagneuses.
Le Vespertilion noctule, qui est plus répandu que
le précédent, est aussi de taille beaucoup plus
considérable, son corps mesurant 12 centimètres
et son envergure étant de 37 centimètres. Il se
distingue d'ailleurs facilement de la Barbastelle
par la forme et la couleur de ses oreilles, qui sont
d'un noir foncé, de même que la membrane alairc,
et par la teinte de son pelage, d'un brun rougeâ-
tre uniforme. Cette Chauve-Souris, qui répand une
odeur très pénétrante, habite les forêts et ne se
rapproche des habitations que lorsque celles-ci
sont entourées de jardins et de vergers. Elle com-
mence ;i voler quelques heures avant le coucher
du soleil, et échappe, grâce à son vol rapide et
saccadé, à la poursuite des oiseaux de proie. En
hiver elle tombe dans un profond sommeil.
Le Vespertilion oreillard, dont quelques auteurs
font le type d'un genre particulier, se trouve aussi
dans nos pays, et fréquente les jardins, les pro-
menades ei les avenues des forêts. Il est fort
commun, mais se dérobe souvent aux regards parce
qu'il ne sort de sa retraite qu'à la nuit close et
vole avec une rapidité extrême, décrivant dans les
airs les zigzags les plus capricieux. Ses yeux très
petits ne lui permettraient pas de se diriger dans
l'obscurité; aussi la nature, par compensation, lui
a donné des oreilles monstrueuses qui peuvent
recueillir les moindres sons et percevoir en
particulier le boardonnement des insectes noc-
turnes. Au repos, l'Oreillard replie ses grandes
oreilles dont les pointes seules se dressent en
l'air. Sur le sol, ce Vespertilion marche sans trop
de gaucherie, et il peut grimper avec facilité le
long des vieux murs. Il s'apprivoise aisément et peut
être conservé pendant plusieurs mois en captivité.
La taille de cette espèce est un peu plus faible
que celle du Vespertilion noctule; le corps n'a que
lu centimètres de long, et les ailes étendues ne
mesurent que 2-i centimètres. La membrane alaire,
ainsi que les oreilles (marquées de 2'i à 24 plis
longitudinaux) sont d'un gris clair ; la face est
couverte de poils blancs; le corps est d'un gris
brunâtre, passant au gris-fauve sur les parties
inférieures.
Le Vespertilion pipistrelle, qui est fort commun
dans toutes les villes de l'Europe, n'a que 2}
centimètres d'envergure ; son pelage est d'un brun
roux. Par la forme en lame de couteau de son
oreillon, c'est-à-dire de la feuille membraneuse
qui se dresse à l'intérieur du pavillon de l'oreille,
il ressemble à une autre espèce, de dimensions
bien plus fortes, la Sérotine, qui vit isolée ou par
couples dans les forêts ou dans les campagnes, à
proximité de quelques cours d'eau, et qui ne vole
que pendant la nuit.
Le Vespertilion inurin se trouve ésralement dans
une grande partie de l'Europe et en Algérie. Pendant
le jour il se retire en troupes nombreuses sous les
combles des grands bâtiments. Il a le museau
allongé, les oreilles en forme de cornet avec nn
oreillon pointu. et le pelage d'un brun cendré. Son
envergure est de 45 centimètres.
Chez tous les Vespertilions, la queue est longue
et bordée, à peu près jusqu'à l'extrémité, par la
membrane interfémorale; l'oreille est pourvue d'un
oreillon ; les narines ne sont point surmontées
d'une feuille membraneuse, et les dents sont
essentiellement conformées en vue d'un régime
insectivore. Les Vespertilions, en effet, se nour-
rissent dinsecies dont ils détruisent dis quan-
tités considérables ; un Vespertilion noctule peut
avaler do suite une quinzaine de hannetons, et
soixante-dix mouches ne suffisent pas à satisfaire
la voracité de la Pipistrelle.
CHLORE
— 417 —
CHLORE
Au lieu de persécuter et de détruire, comme on
le fdit trop souvent, les espèces de ce groupe et en
général toutes les Cliauves-Souris, on devrait au
contraire les protéger et favoriser leur multiplica-
tion, car ces animaux, malgré leur aspect repous-
sant, doivent être considérés comme des auxiliai-
res éminemment utiles par les agriculteurs.
[E. Oustalet.]
CHLORE. — Chimie, VIII, XIV. — Le chlore a
été découvert en 1774 par l'immortel chimiste
suédois Scheele. Jusqu'en 1809, époque à laquelle
Gay-Lussac et Thénard le reconnurent comme un
•corps simple, les chimistes considérèrent le chlore
comme de l'acide muriatique (acide chlorhydrique,
CIH) oxygéné. On prépare encore aujourd'hui ce
gaz par le procédé par lequel Scheele l'a obtenu
pour la première fois.
La découverte du chlore fut très importante, car
elle montrait un nouveau corps ayant la propriété
comburante comme l'oxygène, ce qui permit d'é-
tendre le sens du mot combustion en l'appliquant
à toutes les combinaisons chimiques donnant de la
chaleur et de la lumière. C'était le point de départ
d'une première généralisation do la théorie des
•combinaisons chimiques par Lavoisier. Voici avec
quelle simplicité de langage le chimiste suédois
raconte sa découverte : «Je versai une once d'acide
muriatique sur une demi-once de magnésie noire
en poudre (peroxyde de manganèse). Au bout d'une
heure je vis ce mélange à froid se colorer en
jaune; par l'application de la chaleur, il se déve-
loppa une forte odeur d'eau régale... Pour mieux
me rendre compte de ce phénomène, je me servis
du procédé suivant. J'attachai une vessie vide à
l'extrémité du col de la cornue contenant le mé-
lange de magnésie noire et d'acide muriatique.
Pendant que ce mélange faisait effervescence, la
vessie se gonflait ; l'effervescence ayant cessé,
j'ôtai la vessie. Celle-ci était teinte en jaune par le
corps aériforme qu'elle contenait; ce corps n'est
point de l'air fixe (acide carbonique) ; son odeur,
excessivement forte et pénétrante, affecte singu-
lièrement les narines et les poumons. » (Hœfer.)
Action du chlore sur les poumons et sur la peau.
— Le chlore est un gaz jaune verdâtre, ce qui lui
a fait donner ce nom par Davy en 1810; il est ir-
ritant et extrêmement suffocant ; quand on en a res-
piré une trop forte proportion, même mélangée à
l'air, on éprouve un très vif besoin de respirer de
l'air, besoin qu'il semble impossible de satisfaire,
l'odeur et l'action irritante du chlore provoquant
une toux violente à chaque inspiration puissante
que l'on fait ; il en résulte une véritable congestion
■de la face, un larmoiement abondant, et enfin, quel-
quefois, des crachements de sang. Les animaux
plongés dans le chlore pur périssent en quelques
instants. Le chlore, en contact avec la peau pen-
dant quelques minutes, produit des démangeai-
sons ; une douche d'eau chlorée rougit la peau.
Le contre-poison du chlore est l'ammoniaque,
qu'il faut respirer fortement, ce gaz, dans ces con-
ditions, ne présentant aucun danger. Quand on
prépare du chlore ou qu'on s'en sert en faisant
des expériences, il est bon d'avoir toujours à côté
de soi un flacon débouché d'ammoniaque, et même
■d'en répandre quelques gouttes sur le sol, sans
«"'inquiéter en rien des épaisses fumées qui vont se
produire.
Propriétés physiques et chimiques. — Le chlore
•est beaucoup plus lourd que l'air ; sa densité est
2,44, c'est-à-dire qu'à 0» et à 76 centimètres do
pression, un litre de chlore pèse P'',2l)3 X 2,44 ;
l«'',293 étant le poids d'un litre d'air à 0° et à 76 de
pression.
Le clilore est un des premiers gaz liquéfiés par
Faradav. sous une pression de 5 atmosphères.
Solubilité. — A 8°, température de son maximum
de solubiliié, le chlore se dissout dans l'eau dans la
2« Partie.
proportion de 3''',0't pour 1 litre d'eau. A 0°, l'eau
n'en dissout qu'un litre et demi, et à 50°, un litre.
L'eau chlorée doit être conservée dans des flacons
de verre noir, car la lumière la déco~ipose : le
chlore prend l'hydrogène pour former de l'acide
chlorhydrique (ClH), et met l'oxygène en liberté;
c'est ce qui fait qu'on peut dire que le chlore a
une action oxydante. L'eau chlorée refroidie dans
le voisinage de G" se prend en gros cristaux d'un
blanc jaunâtre, qu'on considère comme une com-
binaison d'eau et de chlore, et qu'on a appelée hy-
drate de chlore. Lorsqu'on les chauffe, ils aban-
donnent leur chlore.
Action comburante du chlore. — Le chlore a
une action comburante peut-être plus énergique
que celle de l'oxygène, quoiqu'elle se manifeste
avec une lumière moins vive.
Si on projette de la poudre d'antimoine ou d'ar-
senic dans un flacon de chlore sec, chaque grain
donne lieu à une étincelle, et il se dégage du fla-
con une fumée blanche épaisse de chlorure, très
mauvaise à respirer. Si on ferme le flacon, on
constatera, après quelques minutes, qu'il est inté-
rieurement recouvert d'une couche cristalline de
chlorure d'arsenic ou d'antimoine. L'étain en
feuille, le phosphore, brûlent spontanément dans le
chlore en donnant des chlorures volatils (chlorure
d'étain et chlorure de phosphore). Le fer et le
cuivre chauffés, puis plongés dans le chlore, y brû-
lent également. Le mercure est instantanément
attaqué à froid, et il brûle avec flamme si on le
projette dans du chlore très chaud. On peut dire
que le chlore, directement ou indirectement, peut
se combiner à tous les métaux et à tous les métal-
loïdes.
Action du chlore sur l'hydrogène. — Le chlore
se combine très facilement à l'hydrogène dans un
très grand nombre de circonstances. Un mélange
de chlore et d'hydrogène dans des proportions éga-
les fait instantanément explosion au soleil : il se
forme de l'acide chlorhydrique, dont le volume est
égal à la somme des volumes des deux gaz chlore
et hydrogène ; dans la lumière diffuse, la combi-
naison s'effectue lentement ; dans l'obscurité com-
plète, les deux gaz restent mélangés sans jamais se
combiner.
Combin'iisons du chlore avec i'oxygè?ie. — Ces
deux gaz forment en se combinant, suivant la loi
des proportions définies, un grand nombre de com-
binaisons presque toutes très instables. Les prin-
cipales sont l'acide hypochloreux, CIO, l'acide clilo-
reux GIO*, hypochlorique C10\ chlorique ClO^,
perchlorique CIO''. Il est à remarquer que, pour un
certain poids de chlore, les poids d'oxygène com-
binés sont entre eux comme 1, 3, 4, 5, 7. (V. Equi-
valents.)
L'acide hypochloreux jouit, comme le chlore,
d'un grand pouvoir décolorant et désinfectant.
C'est lui qui est l'agent actif de Veau de javelle
(chlorure de soude employé au blanchiment), et
du chlorure de chaux employé comme désinfectant
dans les hôpitaux et dans les endroits malpropres
des villes. L'acide chlorique existe dans le chlo-
rate de potasse, beau sel blanc employé en méde-
cine contre les affections des muqueuses de la
bouche et du pharynx ; ce sel sert aussi à la prépa-
ration de l'oxygène.
Chlorures métalliques. — Les principaux chlo-
rures métalliques sont : le chlorure de sodium (sel
de cuisine, sel marin, sel gemme ; V. Sel marin"} ; le
chlorure de potassium, qui existe comme le précé-
dent dans les eaux de la mer; les chlorures de ma-
gnésium, de calcium, de fer, de zinc, d'étain. de
plomb, d'argent, de mercure (calomel ou protochlo-
rure, sublimé corrosif ou bichlorure), d'or, de
platine.
Action du clilore sur les matières organiques.
— Le chlore altère plus ou moins profondouient
27
CHLORE
— 418 —
CHLORE
toutes les matières organiques; aucune couleur vé-
gétale ne lui résiste, aussi est-il employé au blanchi-
ment de la pâte à papier, du linge, etc. Il détruit
les miasmes, il est donc désinfectant ; c'est en 1791
que Fourcroy, pour la première fois, le fit employer
pour désinfecter les cimetières; on en fit grand
usage en 1832 lors de la première invasion du cho-
léra. On l'emploie principalement aujourd'hui à
l'état de chlorure de chaux (CIO, CaO) ou hypochlo-
rite de chaux impur.
Il a été employé contre toutes les maladies épi-
démiques ou contagieuses avec plus ou moins de
succès ; on l'a même employé à l'intérieur contre la
fièvre typhoïde. Il est le contre-poison de l'acide
prussique, de l'acide sulfhydrique i^gaz des cabinets
d'aisances et des œufs pourris). Son action sur les
matières organiques colorantes ou autres s'ex-
plique par sa tendance à se combiner à l'hydro-
gène constituant pour former de l'acide chlorhy-
drique ; il en résulte une destruction au moins
partielle de la molécule organique. C'est par l'ac-
tion du chlore sur la cire et sur l'hydrogène bicar-
boné (gaz oléfiant, C*H*; \. Chimie organique,
p. 414,, que l'on reconnut que dans un composé
organique un, deux ou plusieurs atomes pouvaient
se substituer à un même nombre d'atomes d'hy-
drogène, et ce fut là le point de départ de la théo-
rie des substitutions qui, depuis, a donné lieu à tant
d'importantes découvertes.
Pi-éparation du chlore. — On le prépare encore
comme l'a préparé pour la première fois Scheele.
Dans un ballon dont le col porte un bouchon tra-
versé par un tube adducteur et un tube à enton-
noir, on chauffe doucement un mélange de bioxyde
de manganèse et d'acide chlorhydrique (acide
muriatique du commerce) ;letube adducteur plonge
dans des flacons vides bien secs; le chlore, plus
lourd que l'air, soulève successivement la couche
d'air, et on reconnaît que le flacon est plein quand
il est jaune depuis le bas jusqu'en haut. C'est le
seul gaz qu'on recueille ainsi: cela tient à ce qu'il
se dissout dans l'eau et attaque à froid le mercure.
La réaction produite est : MnO^ -(- 2 HCl = MnGl
+ Cl + 2H0 : il reste dans le ballon du chlorure
de manganèse. On obtient aussi du chlore en
chauflant ensemble du sel de cuisine, du bioxyde
de manganèse et de l'acide sulfurique.
Usages du chlore. — Nous les avons déjà indiqués
en partie : préparation industrielle du chlorure de
chaux et de l'eau de javelle (conire-poison de l'acide
,ussique; c'est le seul). On l'emploie également
contre les piqûres d'insectes , préférablement à
l'état de dissolution dans l'eau, contre les maladies
du foie, les névralgies, le croup, etc. A l'état de
chlorure, c'est certainement un des corps les plus
utiles : il suffit de nommer le sel de cuisine.
ExpérieJices à faire. — Préparer du chlore dans
quatre ou cinq flacons bien secs, jeter dans l'un
de la poudre d'arsenic, dans un autre de la poudre
d'antimoine, pour montrer la combustion d'un
métal dans un gaz autre que l'air ou l'oxygène ;
agiter du vin rouge dans le troisième flacon et
quelques gouttes de mercure dans le quatrième.
On fait en outre arriver du chlore gazeux sur du
phosphore : celui-ci s'enflamme spontanément : ou
sur des feuilles d'étain, qui brûlent en répandant
une fumée des plus épaisses. Plonger dans un fla-
con de chlore un fil de cuivre d'abord fortement
chauffé ; approcher un verre contenant de l'am-
moniaque d'un tube dégageant du chlore, ou, si on
le peut, et en opérant prudemment, faire arriver
un courant de gaz ammoniac, dans un flacon
plein de chlore : on constatera l'inflannnation
spontanée du gaz ammoniac, qui cependant est
incombustible dans l'air. Montrer aux élèves
nombre de chlorures, et principalement le chlorure
de chaux et l'eau de javelle.
Acide chlorhydrique, — C'est un gaz incolore,
d'une odeur piquante, très irritante, incombusti-
ble, incomburani, fumant à l'air, mais surtout en
présence de l'ammoniaque, excessivement soluble
dans l'eau; un litre de ce liquide en dissout jus-
qu'à 600 litres. Sa densité est 1,24. Sa dissolution
a(|ueuse est connue et employée depuis longtemps
sous le nom d'acide muriatique. C'est encore
sous ce nom qu'on la désigne dans le commerce.
C'est alors un liquide jaune fumant ; il doit cette
couleur à ce qu'il est préparé dans des cornues de
fer ; dans les laboratoires on obtient cette disso-
lution pure et incolore. L'acide du commerce con-
tient des traces de chlorure de fer et d'acide azo-
tique.
L'acide chlorhydrique dissout le zinc, le fer, avec
rapidité, en formant des chlorures de ces métaux.
L'acide chlorhydrique CIH est formé de 1 volume
de chlore et 1 volume d'hydrogène, qui, en se com-
binant, forment 2 volumes d'acide chlorhydrique
conformément à la loi de Gay-Lussac. V. Équi-
valents.
L'acide chlorhydrique est un des acides les plus
énergiques : il corrode, détruit les tissus, noircit
les bouchons de liège. L'empoisonnement par cet
acide produit des nausées, une inflammation de la
gorge, des vomissements acides et sanguinolents,
donne des frissons, une soif ardente, une face
livide, et enfin perfore l'estomac. La médication
consiste dans l'ingestion abondante d'eau
dans laquelle onadélayé de la craie, di' la magnésie
ou du bicarbonate de soude, ou même d'eau de
savon, d'huile, avec diète absolue pendant l'in-
flammation consécutive; on comprend facilement,
ce qui se passe ; la craie, la magnésie, neutrali-
sent l'acide ; le savon également; l'huile empêche
l'absorption.
Eou régale. — L'acide chlorhydrique mélangé à
l'acide azotique constitue Veau régale, qui dissout
l'or et le platine, que n'attaquent en particulier ni
l'un ni l'autre de ces acides.
Préparation de l acide chlorhydrique. — L'acide
chlorhydrique est un produit secondaire de l'indus-
trie. On l'obtient en abondance dans la fabrication
industrielle du sulfate de soude, qui sert lui-même
à préparer la soude du commerce (carbonate de
soude). Pour cela on chauiïe dans des cylindres ca
fer un mélange d'acide sulfurique et de sel marin :
il reste du sulfate de soude dans la cornue, et
l'acide qui se dégage à l'état gazeux est dirigé dans
des bonbonnes en grès à moitié pleines d'eau où li-
se dissout. Voici la réaction :
NaCl + S03,H0 = NaO.SO'-f- HGl.
Dans les laboratoires l'expérience se fait dans un bal-
lon de verre : le gaz lavé et desséché est reçu dans^
des éprouvettes pleines de mercure et placées
dans la cuve à mercure, ou bien, si on veut l'avoir en
dissolution, dans une série de flacons de Wol/f
communiquant par des tubes en verre et remplis
en partie d'eau distillée.
Usage. — Cet acide est employé' dans un grand
nombre de préparations de laboratoire (prépara-
tion du chlore, du chlorure de zinc, de fer, etc.).
Dans l'industrie on s'en sert aussi dans la prépara-
tion du chlore (préparation de l'eau dejavelle et du
chlorure de chaux), dans la préparation des cou-
leurs, dans celle de l'eau régale (mélange d'acide
azotique et d'acide chlorhydrique).
Expériences à faire. — Action de l'acide du
commerce sur le zinc : l'expérience se fera dans un
verre, et on mettra le feu à l'hydrogène qui s'en
dégagera ; réaction : Zn -|- HCl = ZnCl -î- H. —
Action de l'acide sur l'ammoniaque : on mélange
quelques gouttes des deux liquides sur une as-
siette; fumées très épaisses de chlorhydrate d'am- ■
moniaque. — Quelques gouttes d'acide seront j
versées dans du tournesol qui sera instantané-
ment rougi. On pourra le ramener au bleu par
CHRISTIANISME
— 419 —
CHRISTIANISME
l'ammoniaque et recommencer plusieurs loîs cette
double expérience. (V. Acid(?s et Bases.) — On
versera quelques gouttes d'acide sur de la craie,
lîffeivescence ; remarquer que c'est la base de la
Tabrication de l'eau de Seltz et en même temps
celle du chlorure de calcium, employé à dessécher
le gaz quand il a été calciné. — On mettra dans un
petit tube à analyse quelques gouttes d'acide pur
incolore; on essaiera, sans réussir, d'y dissoudre
une mince feuille d'or. On fera le même essai dans
un autre tube avec de l'acide azotique pur; puis
on mélangera les deux liquides, et on verra l'or
se dissoudre et disparaître instantanément. — On
pourra aussi préparer l'acide gazeux si on a une
cuve à mercure. Sinon on versera dans un ballon
quelques gouttes d'acide sulfuriquc sur du sel
marin, pour montrer leffervescence qui se produit,
même à froid : on approchera une allumette du col
du ballon, elle s'éteindra ; ou on appochera un pa-
pier bleu de tournesol, il rougira; enfin une ba-
guette de verre mouillée d'ammoniaque, et on verra
les fumées épaisses de chlorhydrate d'ammonia-
que. [Alfred Jacquemart.]
CHRISTIANISME. — Histoire générale, XVI.
— {Etyyv. : du mot grec Christ, traduction de l'hé-
breu Messie, oint, sacré.) — Pour ce qui concerne
l'instruction religieuse, voir, dans la i" Partie,
l'article Religion et ceux auxquels il renvoie.
Nous n'avons à retracer ici que l'histoire exté-
rieure du christianisme, considéré dans ses rapports
généraux avec le développement de la société mo-
derne, dans son influence sur cette forme de la
civilisation qu'à bon droit on nomme encore la
« civilisation chrétienne ».
Au cours de cet article, nous renverrons aux
différents mots qui traitent plus spécialement
quelques parties détachées de ce vaste sujet.
I. Le christianissie avant Constantin. — L'É-
glise primitive. — Les débuts historiques du
christianisme sont assez mal connus. La Judée,
où les apôtres commencèrent leurs prédications,
était dans l'empire romain une petite province
obscure et lointaine sur laquelle se portait peu
l'attention des historiens ; aussi, tant que la nou-
velle religion ne s'adressa qu'au peuple Israélite
et à ses voisins immédiats, elle fut à peine connue
des Romains.
Je fut le grand apôtre des Gentils, saint Paul,
qui, en affirmant que la doctrine nouvelle s'adres-
sait à tous, et en la prêchant lui-même avec éclat
dans les principales cités de l'Asie Mineure, de la
Grèce et de l'Italie, lui donna le caractère d'un
grand événement intéressant le monde romain.
Acquitté à Rome une première fois, il y revint,
y fit de nombreux prosélytes et y subit le martyre,
suivant la tradition, avec saint Pierre, sous Néron,
vers l'an 6.i ou t;6 de notre ère.
Quelques années après ('0), la prise de Jérusa-
lem, la destruction du Temple et la dispersion du
peuple hébreu appelèrent l'attention et la haine
publique, non seulement sur les Juifs, mais sur les
chrétiens, qui furent longtemps confondus avec eux.
Les dix persécutions. — C'est avec Néron, en
l'an 64, que commence la série des persécutions
qui se déchaînèrent contre cette « secte» détestée des
uns, redoutée des autres, mal connue de tous, cette
secte contre laquelle l'historien Tacite résumait
tous les griefs de l'opinion publique, quand il
l'accusait de « la haine du genre humain ». On
assure que Néron avait lui-môme fait allumer
l'immense incendie qui détruisit en 6i une partie
de Rome. Quoi qu'il en soit, ce fut le prétexte et
le signal d'atroces supplices infligés aux chrétiens.
On a attribué à Néron les plus monstrueuses
inventions : dans certaines nuits d'orgie il donna,
dit-on, au peuple le spectacle de chrétiens mis en
croix et enduits de résine pour servir de flam-
beaux vivants dans les jardins du palais.
La tradition chrétienne affirme que depuis lors,
sauf quelques intervalles d'apaisement et d'oubli
relatifs, l'Église naissante fut sans cesse en butte
aux traitements les plus barbares; elle énumère
comme suit les dix époques où la persécution sévit
le plus cruellement :
2«.
4=..
Empereur»
Dates
Prinripau
martyrs
Néron
64^8..
Saint Pierre, saint
Paul (Rome), saint
Marc (AlexandrieJ,
saint Gervais et
saintProtais Milan).
Domitien...
91-96.
Saint Jean
(Pathmos).
Trajan
100-116
Saint Ignace
(Rome).
Marc-Aurèle.
162. ..
Saint Justin (Rome),
saint Potliin (Lyon),
saintMarcel ,Châlon),
saint Bénigne .Dijon)
et saint Symphorien
(Autun).
Sévère
202. . .
Saint Irénée (Lyon).
Maximin. . ..
2;;5
Plusieurs évêques.
Décius
249
» »
Valérien
257....
Saint Etienne et
saint Sixte (Rome).
Aurélien.. ..
273-275
Saint Saturnin.
( Toulouse ) , saint
Savinien , évoque
de Sens.
Galérius et
303-31-3
a Ère des martyrs. »
Dioclétien.
10'
Mais nulle persécution ne pouvait étouff'er le
christianisme. Depuis longtemps, le paganisme
n'était plus une religion : non seulement tous les
esprits cultivés y avaient renoncé ; les philosophes
avaient protesté contre cet amas d'absurdités, les
uns, comme les stoïciens, en cherchant à constituer
une doctrine morale complètement indépendante
de la vieille mythologie, les autres, comme Lucien,
en livrant les dieux et les prêtres aux sarcasmes
d'une satire sans frein ; mais la foule elle-même
accusait d'imposture les oracles, les augures, les
pontifes ; elle se détournait avec dégoût de ces
croyances puériles ou honteuses. En vain quelques
politiques essayèrent-ils d'opérer, dans une sorte de
religion officielle, la fusion de tous les cultes, de
toutes les croyances, de toutes les idoles du monde
ancien. Cet immense pêle-mêle ne pouvait qu'ache-
ver le paganisme expirant.
C'est au milieu de ce monde en décomposition
que grandit une doctrine religieuse forte, sévère,
absolue, se présentant avec l'autorité d'une révé-
lation divine, parlant aux hommes le plus sublime
langage et le plus simple qu'ils eussent jamais
entendu, venant de si haut qu'elle ne connaît plus
aucune des distinctions du vieux monde, romain
ou barbare, esclave ou libre, s'imposant à l'esprit
par un enchaînement de dogmes indestructible, à
la conscience par une morale qui s'appelle encore
aujourd'hui la morale de l'Evangilo, au cœur par
un merveilleux épanouissement des sentiments les
plus purs et les plus élevés dont notre nature soit
capable, à l'imagination même par une suite incom-
parable de mystères et de miracles, s'appuyant enfin
sur un miracle plus puissant que tous les autres :
l'obstination invincible des fidèles, la multitude
inépuisable des martyrs et l'exemple quotidien de
l'héroïsme. Tertullien l'a dit : a Le sang des mar-
tyrs est la semence des chrétiens. » Ajoutez qu'à
une époque où ils n'étaient pas encore divisés par
les sectes et les hérésies, les chrétiens joignaient
à tous leurs autres avantages celui d'une disci-
pline et d'une hiérarchie fortement organisée. « De
CHRISTIANISME
— 420 —
CHRISTIANISME
îa Bretagne aux rives de l'Euphrato, un chrétien i
voyageant avec une lettre de son évêque trouvait
sur toute la route aide et protection. Secouru s'il j
était pauvre, soigné s'il était malade, il rencontrait
partout des frères, un signe lui servait de parole, |
et, sans se comprendre, ils s'entendaient. » (Duruy.)
Il n'est donc pas étonnant que Constantin, frappé
de la puissance de cette religion, l'ait fait asseoir
avec lui sur le trône impérial.
II. Le christianisme de Constantin a létablisse- '
ilENT DC POUVOIR TEMPOREL DES PAPES. — DunS l'Em- !
cî>e romain. — Au commencement du quatrième 1
siècle, six empereurs se disputaient l'Empire ro- '
main. Constantin, le plus habile, le plus actif, le
plus hardi d'eux tous, comprit le premier que « se ,
déclarer pour les chrétiens, c'était mettre de son '
côté une force immense : il mit la crois sur ses j
étendards et se fit dresser une statue à Rome te-
nant la croix à la main. En 313, il donna à Milan un
édit de tolérance et restitua aux chrétiens leurs biens,
tout en évitant de promulguer contre les païens ]
des édits menaçants; si ses monnaies portaient i
d'un côté le monogramme da Christ, de l'autre on
y voyait une divinité païenne. La même année où ;
il ordonna de célébrer le repos religieux du diman-
che, il publia une loi sur la consultation des arus- |
pices. Et lorsqu'il eut fondé Constantinople, pour j
donner à l'empire une capitale chrétienne, chaque
année il fit porter dans le cirque sa statue ayant 1
en main une image de la Fortune. » (Duruy.)
Peu à peu cependant la religion chrétienne de- ]
vint exclusivement la religion de i'Etat. Si Cons- ]
tantin lui-même oublia plus d'une fois qu'il était
chrétien, avec lui cependant, et après lui, l'influence
de la doctrine et de la morale chrétiennes se fit sentir
dans la législation, dans le gouvernement, dans
les mœurs et dans les institutions sociales. iV. Escla-
vage, Femmes, et dans la I" Partie l'article Pères
de l'Eglise, et ceux auxquels il renvoie.
Quant à l'Eglise elle-même, elle constituait son
unité dogmatique et hiérarchique, d'abord par les
décisions théologiques des conciles, puis par l'ex-
clusion, et, il faut bien le dire, par la persécution
des hérétiques ; enfin, dans l'Eglise latine du moins,
par la souveraineté spirituelle conférée au pape.
Y. Eglise, Conciles, Hérésies, Papauté.
Chez les Barbares. — En Germanie. — L'Em-
pire romain était à peine conquis à la religion nou-
velle que celle-ci était déjà portée par de courageux
et ardents missionnaires jusque chez les peuples,
alors confondus sous le nom de Barbares, qui
s'échelonnaient le long des frontières de l'Empire.
Dès le quatrième siècle, les Goths, les Suèves, les
Vandales, les Burgundes, les Lombards connurent
le christianisme, mais ceux qui les y convertirent
étaient des prêtres ariens : ces peuplades ne re-
çurent donc pas la pure doctrine catholique, et ce
fut une des raisons qui contribuèrent plus tard à
leur assujettissement aux Francs. (V. Clovis.)
En '-aule. — La Gaule étant une province ro-
maine, les premiers apôtres du christianisme qui
en furent aussi les martyrs, y avaient prêché la
foi nouvelle dès le deuxième siècle. Après l'inva-
sion des Francs, et ieur conversion en masse j'y. Clo-
vis], elle fit de rapides progrès, bien que les cri-
mes dont est pleine l'histoire de ces premiers
siècles témoignent assez combien la doctrine chré-
tienne était loin d'avoir pénétré les cœurs et les
caractères.
Quant au rôle social et politique du christia-
nisme ainsi implanté chez les Barbares, M. Guizot,
cherchant à l'apprécier en quelques traits, le ré-
sume ainsi dans son Histoire de la civilisation en
France : « Trois résultats étaient consommés au
cinquième s.ècle :
« lo La séparation de la société relisieuse (les
fidèle, le peuple) de la société écdésiastioue
clergé, monasières), et ladominaiioa de la société
ecclésiastique sur la société religieuse ; résultat dû
surtout à l'extrême inégalité intellectuelle et so-
ciale qui existait entre le peuple et le clergé chré-
tien ;
« 2° La prédominance du système aristocratique
dans l'organisation intérieure de la société ec-
clésiastique: l'intervention des simples prêtres
dans le gouvernement de l'Eglise devient de
jour en jour plus rare et plus faible, le pouvoir sn
concentre de plus en plus entre les mains des
évêques;
« 3" Enfin, quant aux rapports de la société reli-
gieuse avec la société civile, de l'Eglise avec l'Etat,
le système qui prévaut est celui de l'alliance, de
la transaction entre des puissances distinctes,
mais en contact perpétuel. »
En Angleterre et en Irlande. — D'après la tradi-
tion, saint Patrick porta la foi chrétienne en Irlande
vers 430. Mais les conquérants germains de la
Grande-Bretagne, les Anglo-Saxons, ignorant la
langue erse que parlaient les Irlandais, étaient en-
core païens îi la fin du sixième siècle; ce fut le
pape saint Grégoire \°' qui envoya, pour les con-
vertir, le moine Augustin avec quarante mission-
naires (596) : il avait remarqué, dit-on, dans un
marché de Rome, des esclaves à vendre, Angles
de nation. « S'ils étaient chrétiens, avait-il dit en
admirant leur noble maintien, ce ne seraient plus
des Angles, mais des anges. » En 627, le Witena-
gemot ou « assemblée des sages » du Northumber-
land décida l'adoption de la foi nouvelle ; les autres
provinces l'imitèrent. En Ecosse, aussi à la fin du
sixième siècle, Columban, qui avait fondé un mo-
nastère sur un rocher des îles Hébrides, traversant
sur son bateau d'osier les détroits de la Bretagne
septentrionale, avait prêché trente ans l'Evangile
aux Pietés et aux Scots.
Dernières missions en Germanie. — Les derniè-
res missions accomplies dans l'Europe centrale et
septentrionale eurent pour objet la conversion des
Bataves, des Bavarois, des Alamans, des Frisons,
des Thuringiens, des Saxons. Les Irlandais Kilian
et Columban, l'Anglais Willebrord et surtout son
disciple saint Winfrid ou saint Boniface, « l'apôtre
de la Germanie », en furent les principaux auteurs.
Boniface, soutenu par Charles-Martel, avait ins-
tallé des évêques et était lui-même placé à la tète
de la métropole, Alayence (746) ; malgré son grand
âge, il résigna ses fonctions pour retourner dans
les bois de la Frise païenne comme simple mis-
sionnaire. Dn jour oîi il devait confirmer un cer-
tain nombre de néophytes, il fut assailli par une
troupe de païens et égorgé avec ses compagnons
sur les bords du Zuyderzée (755). Pépin vengea sa
mort, et Charlemagne acheva au prix de nombreu-
ses campagnes et de sanglantes exécutions la
soumission des Saxons au christianisme.
Le christianisme hors de l'Europe. — En Orient,
le christianisme fit des conquêtes moins sûres et
moins étendues : il ne se maintint qu'eu Arménie,
où il subsiste encore ; il fut presque anéanti en
Perse par la persécution; les succès rapides et
merveilleux de 1 islamisme arrêtèrent la propaga-
tion de la foi chrétienne en Asie et en Egypte.
L'expansion du mahoméiisme fut telle qu'il ne
fallut rien moins qu'un efi"ort général de la chré-
tienté pour en arrêter l'invasion : de là les Croi-
sades *.
La découverte du nouveau monde lui valut un
nouvel empire. (V. Colonies.)
Pouvoir temporel des pnpes. — V. Papauté.
III. Le christianisme uepcis la fondation do
POUVOIR temporel jusqu'à la riIforme. — V. Eglise.
V. aussi Papauté, conciles, Schismes, Hérésies,
Réforme.
IV. Le christianisme dans les temps MODERhBS.
— V. les mêmes articles.
V. ArpRÊciATioN générale. — En résume, pour
CHYLE
— 421
CIRCULATION
qui so place au point de vue de l'iiistoire générale
et surtout de l'histoire de la civilisation, quel a été
le rôle, quelle a été la fonction sociale du christia-
nisme ?
En Europe, c'est le christianisme qui a été le grand
agent de l'éducation et de la civilisation des peuples
barbares dont sont issues les nations modernes.
C'est lui qui a recueilli en les transformant les pré-
cieux restes de la civilisation gréco-romaine; c'est lui,
pendant la première époque du moyen âge, après
la désorganisation de l'empire et avant l'organisation
de la féodalité, qui fut presque le seul représentant
des idées morales au sein d'une société qui n'avait
plus de bases, plus de règles, plus de loi commune,
le seul défenseur des faibles, le seul consolateur
des affligés, le seul prédicateur des idées géné-
reuses, le seul organe de la conscience publique,
la seule force qui piît tenir tête alors à la force
brutale. Plus tard, quand, grâce à tant de services
rendus à l'humanité, il eut fait reconnaître et en
quelque sorte matérialiser sa toute-puissance,
d'abord purement spirituelle, des abus purent se
glisser dans son organisation; ses rapports avec
les puissances séculières, tantôt alliance trop in-
time, tantôt rivalité trop ardente, tintôt suprématie
trop absolue, purent nuire à son prestige moral et
social. Mais, même après la grande division du
seizième siècle^ qui sépara les chrétiens en catho-
liques et protestants, le christianisme conserve
aux yeux de l'histoire sa grande mission civilisa-
trice. Cette mission prend un éclat plus pur encore
quand le christianisme, dans ses différentes commu-
nions, renonce définitivement à un droit que catho-
liques et protestants n'avaient que trop longtemps
revendiqué et exercé, le droit de persécuter et de
mettre à mort les hérétiques.
Au dehors, il continue à se répandre avec la
même force d'expansion : catholiques et protestants
rivalisent de zèle pour convertir et pour civiliser
jusqu'aux extrémités de la terre les peuplades
sauvages, mais sans prétendre les soumettre par
la force.
Aujourd'hui le christianisme possède toute l'Eu-
rope, moins la Turquie, toute l'Amérique et l'Aus-
tralie, sauf les peuplades indigènes, et il entame
l'Afrique et l'Asie par tous les points où les colo-
nies européennes se sont établies.
Sous les formes diverses que lui donnent les dif-
férentes communions, dans la phase nouvelle où
l'ont fait entrer les profonds changements apportés
depuis un siècle à la constitution de la société
civile cliez toutes les nations de l'Europe, le chris-
tianisme prouve d'autant mieux sa sublimité et ré-
pand d'autant plus sûrement ses bienfaits qu'il
ne sort plus de la sphère de l'action morale et
spirituelle, ne conteste plus ni à l'État son auto-
rité, ni à l'individu sa liberté, ne revendique enfin
d'autre empire que celui des consciences volon-
tairement venues à lui, d'autre pouvoir que celui
de la persuasion, d'autres privilèges que ceux de
l'abnégation et du dévouement, d'autre honneur
que celui d'offrir aux individus et aux sociétés la
consolation de ses doctrines, l'exemple de sa foi
et le modèle de toutes les vertus. — V. aussi- Reli-
gions.
CIIIVOMQUES, CHRONIQUEURS. — V. Histo-
7'iens.
CHRONOLOGIE. — V. Dates.
CHUTE DES CORPS. —V. Pesanteur.
CHYLE. — Zoologie, XXXIV. — Après que les
aliments ont subi dans l'estomac et dans l'intes-
tin les modifications nécessaires pour les rendre
absorbables, c'est-à-dire capables de passer au
travers de membranes non poreuses (V. Ahsor)i-
tion), ils constituent un liquide trouble dans lequel
se trouvent tous les éléments nutritifs et aussi les
parties qui seront rejetées à l'état de résidu pres-
que solide. Ce liquide complexe s'appelle chyle (da
grec chylos, suc).
Dans les parois de l'intestin rampent des vait-
seaux lymphatiques, sortes de veines très ténues-
qui existent dans tous les organes et contiennent
un liquide limpide nommé lymphe. De même
que les veines des parois de l'estomac absor-
bent les boissons, les lymphatiques de l'intestin
absorbent le liquide produit final de la digestion.
Une fois filtré par l'absorption, ce liquide trouble
prend l'apparence de lait plus ou moins mêlé
d'eau. Les petits vaisseaux qui l'absorbent pour
le porter dans le sang s'appellent vaisseaux
chylifères.
Le chyle pur exposé à l'air se dédouble en un
liquide transparent un peu rosé et une sorte de
caillot blanchâtre. A mesure qu'il chemine dans
ses conduits, il se mêle à la lymphe récoltée dans
tout le corps, commence à s'organiser, à prendre
vie pour ainsi dire, de sorte qu'en arrivant dans
le sang, il participe déjà de sa nature. (V. Diges-
tion.) [Y)' Saffray.]
CIRCULATION. — 1- Circulation chez les vé-
gétaux. — Botanique, III. — Le liquide qu'absor-
bent les racines s'appelle sève. Ce liquide nourricier,
comparable au sang des animaux, monte tout d'a-
bord le long de la tige ; ce n'est qu'après avoir
subi l'action de la fonction respiratoire dans les
feuilles (comme le sang veineux dos animaux),
qu'il pourra se diriger vers toutes les parties et
les nourrir (comme le sang artériel); et comme
toutes les régions de la plante sont plus ou moins
bas par rapport aux feuilles, on l'appelle alors-
sève descendante, bien que le mouvement de ce li-
quide soit plutôt un mouvement de diffusion; par
opposition on appelle sève ascendaiite la sève qui
circule des racines vers les feuilles. — Des expé-
riences nombreuses ont prouvé que, au début de
la période végétative, la sève monte par toutes les
parties du végétal, sauf l'ccorce ; peut-être ce mou-
vement ascendant est-il général. Une sonde intro-
duite dans les troncs d'arbres en végétation n'est
pourtant mouillée qu'à son extrémité. Il y a deux
époques de l'année pendant lesquelles la montée
de la sève est le plus énergique : la première
montée , printanière, a surtout comme mission
l'accroissement du végétal en hauteur; la seconde,
automnale (sève d'août), fournit des matériaux
nutritifs aux bourgeons. C'est pendant ce dernier
mouvement de la sève que, par suite d'une douce
température à la fin de la saison, des bourgeons
éclosent accidentellement à l'époque où tombent
déjà les feuilles de l'année.
Après avoir subi l'action de l'air, la sève est
épaisse et dite élaborée; elle est capable de nour-
rir, ainsi que le prouve la formation abondante de
tissus, se manifestant sous forme d'un bourrelet
saDlant au-dessus d'une ligature pratiquée à une
branche.
C'est à la sève descendante qu'est dévolue la.
fonction d'élaborer chaque année, sous forme de
cambium, une couche nouvelle à la périphérie du
bois (aubier), et une couche nouvelle à la profon-
deur du liber précédemment formé, ainsi que la
nutrition générale de toutes les parties de la plante.
Une étude plus approfondie de la fonction circu-
latoire chez les végétaux se trouve à l'article Vé-
gétal, p. 2270. „ X., .,.
[G. Philippon.]
2. Circulation du sang. — Zoologie, XXXIV. —
La cavité de la poitrine abrite, chez les animaui.
supérieurs et chez l'homme, les deux organes le?
plus importants, ceux de la respiration et de la
circulation.
Le cœur est un muscle creux, divisé en compar-
timents, qui se contracte et se dilate alternative-
ment ; là commencent et viennent aboutir les vais-
seaux sanguins, artères et veines, dans lesquels
CIRCULATION
— 422
CLASSIFICATIONS
circule le sang. Chacune de ses contractions refoule
un peu de liquide jusqu'aux extrémités des canaux
qu'il doit parcourir, et pro-
duit le battement du pouls.
Une figure théorique très
simple suffit pour donner
une idée exacte de la circu-
lation chez l'homme. Le
côté A représente les cavités
du cœur du côté droit, et le
côté B celles du côté gau-
che. Le liquide se meut dans
le sens des flèches. Le sang
qui arrive à droite provient
des veines ; il apporte les
produits nourriciers de la
digestion ; sa couleur est
d'un rouge brun, parce qu'il
a perdu en route l'oxygène
que les globules du sang ont
cédé partout sur leur pas-
sage. Dans cet état il ne
pouvait continuer d'entrete-
nir la vie, mais il suit sa
route vers les poumons, et
là il se trouve en contact
avec l'oxygène de l'air qu'il
absorbe en abondance, re-
prend sa couleur rutilante,
et retourne au cœur où il
pénètre par le côté gauche,
pour être lancé dans les ar-
tères dont les ramifications
innombrables le distribuent
à tous les organes, à tous les tissus.
Examinons maintenant avec un peu plus de dé-
tails les organes et le mode d'action de la circula-
tion.
Chacun a vu le cœur du bœuf, du mouton ; celui
de l'homme a la même apparence, la même dispo-
sition.
Fig. 1. — Parcours fictif
du sang dans la circu-
lation. La figure repré-
sente les comparti-
ments du cœur vus de
face, la droite étant en
A et la gauche en 6.
Fig. 2. — Coupe du cœur. — A, ventricule droit. — B, ven-
tricule gauche. — C, oreillette droite. — D, oreillecte
gauche. — E, F, G, valvules. — H, origine de l'aurle et
valvules. — I, orifice de la veine cave inférieure —
K, veine cave supérieure. — L, L, orifices des veines pul-
monaires.
C'est un muscle, ou mieux une réunion de mus-
cles formant quatre chambres séparées par des
cloisons, mais communiquant au moyen de portes
qui agissent à la manière des soupapes d'une pompe
aspirante et foulante. Décrivons-le en suivant le
cours du sang dans ces quatre chambres. De gros
troncs veineux (veines caves) apportent dans la
première chambre (oreillette droite) le sang noir;i-
tre qui revient, par les veines, de tous les points
du corps. Pour l'y faire affluer plus vite, les parois
élastiques de la chambre se dilatent, font le vide,
et le liquide se précipite pour le remplir, commi
l'eau monte dans la pompe dont on augmente laça
pacité en soulevant le piston. Dans le même temps
la cavité opposée, à gauche, ou quatrième chambr.;
(oreillette gauche), se dilate aussi et appelle le
sang artériel d'un rouge vermeil qui revient des
poumons : voilà le premier temps de l'action du
cœur. Après un repos presque imperceptible, les
deux chambres supérieures se contractent, et,
grâce à la disposition des portes ou soupapes, le
sang veineux de la première chambre passe dans
la seconde (ventricule droit), tandis que le sang
artériel de la quatrième chambre passe dans la
troisième (ventricule gauche). Le ventricule droit
se contracte et lance le sang désoxygéné dans les
poumons ; le ventricule gauche se contracte aussi
pour lancer dans l'artère principale, l'aorte, le
sang régénéré revenu des poumons et que lui a
cédé l'oreillette gauche.
Le sang veineux, avons-nous dit, se trouve lancé
dans les poumons; il y pénètre tout le réseau de
veines dites capillaires, c'est-à-dire extrêmement
minces, bien plus minces qu'un cheveu, puis-
qu'elles ne sont visibles qu'au microscope. Ces vei •
nés qui communiquent entre elles, en faisant mille
détours, circulent dans l'épaisseur des fines mem-
branes qui divisent en une infinité de cellules le
tissu des poumons, puis se continuent par un ré-
seau non moins compliqué de fines artères : c'est
dans le tissu même du poumon que le sang vei-
neux se transforme en sang artériel, passant, on
peut le dire, de la mort à la vie.
Les globules du sang (V. Sang) jouissent d'une
propriété fort remarquable, celle d'emmagasiner
les gaz avec lesquels ils se trouvent en contact,
pour les laisser s'échapper juste dans le lieu et le
moment opportuns.
Lorsque le sang veineux, de couleur sombre,
chargé de tous les détritus du corps et saturé
d'acide carbonique, arrive dans le réseau capillaire
qui remplit le tissu des poumons, leurs minces cloi-
sons et la membrane délicate des vaisseaux s'inter-
posent entre lui et l'air qui remplit les cellules
pulmonaires. Mais les membranes vivantes très
minces se laissent traverser par les gaz. En outre,
des gaz de densité différente, comme l'oxygène et
l'acide carbonique, tendent toujours à se rempla-
cer mutuellement à travers les membranes qui les
séparent (V. Osmose). Or voici ce qui résulte*, de
ces deux lois phj'siques : les globules chargés
d'acide carbonique,qui leur donne une couleur som-
bre, laissent filtrer ce gaz dans les cellules pulmo-
naires, tandis que l'oxygène de l'air dont elles sont
remplies filtre en sens inverse et vient s'accumuler
dans les globules. Ceux-ci, redevenus rouges, par-
courent les artères du poumon, passent entraînés
par le sang dans la portion gauche du cœur et de
là dans la grande circulation artérielle, cédant par-
tout sur leur passage une portion de l'oxygène
dont ils se sont faits les dépositaires : tel est le rôle
principal de la circuhition. [D' SafTray.]
CIVILISATION (Histoire de la). — Histoire
générale, XXXIX-XL. — Cette importante leçon se
confondant pour la plus grande partie de son objet
a,vec l'histoire môme des sociétés considérées à
leurs différents degrés de développement, nous la
rattachons, pour éviter des redites, à l'article gé-
néral Société. '
CLASSIFICATIONS. — Botanique. X: Zoologie.
III; Minéralogie, p. 1313. — Dans toutes les scien-
ces, le nombre des objets à comparer devient de
plus en plus considérable à mesure que nos couuais-
CLASSIFICATIONS
— 423 —
CLASSIFICATIONS
sauces augmentent par l'étude. La mémoire serait
promptemcnt impuissante à retenir les noms et
Jes caractères isolés; on reconnaît que certains
objets peuvent être rapprochés par des propriétés
communes, de façon à former un groupe dont les
<:aractères communs conviennent à toutes les par-
ties ; puis les groupes de premier ordre se réunis-
sent en groupes d'ordre supérieur, et l'ensemble
de ces groupes constitue la classification des objets
dont on veut faire l'étude générale et particu-
lière.
Dans les sciences d'observation, pour les êtres
organiques ou inorganiques, la nature ne nous
donne que l'individu et Vespèce ; c'est par la com-
paraison et l'examen que le savant établit le genre,
comprenant un nombre très variable d'espèces à
propriétés communes, puis, en s'élevant dans
l'ordre progressif des groupes, Xs. famille, la tribu,
Vordre, la classe, V embranchement, parfois avec
des sous-divisions. Il faut bien remarquer qu'il y a
toujours un • élément essentiellement arbitraire
dans tous ces groupes à partir du genre. Suivant
le but à atteindre ou d'après des idées préconçues,
des systèmes, chaque auteur adopte des carac-
tères dominateurs, c'est-à-dire auxquels il attache
plus d'importance qu'à d'autres, et établit ses grou-
pements en conséquence. Cela explique les nom-
breuses différences qu'on rencontre dans les clas-
sifications des divers auteurs, appliquées cependant
aux mêmes espèces.
Classifications artificielles. — Dans leur ensem-
ble, les classifications se divisent en artificielles et
naturelles.
Les classifications dites artificielles sont en quel-
que sorte de tous les instants et très fréquentes,
en même temps que très utiles pour un point
de vue déterminé. Elles réunissent les objets
par un seul caractère commun ou par un petit
nombre, sans s'inquiéter des dissemblances et
même en associant souvent ensemble des choses
fort disparates. Ainsi le pharmacien subdivise les
plantes les plus diverses sous le rapport botanique,
uniquement d'après leurs propriétés curatives, en
émoUientes, acres, sudorifiques, fébrifuges, narco-
tiques, etc. ; le fourreur, uniquement préoccupé
des pelleteries et de leur valeur relative, divisera
les mammifères en deux grands groupes, suivant
■qu'ils ont le poil soyeux ou laineux, et sera amené
à mettre l'un près de l'autre des animaux très
dissemblables, tels que le mouton et le chien ca-
niche.
Il y a dans la science des classifications arti-
ficielles fort utiles et célèbres. Ainsi la classifica-
tion des métaux par Thénard, perfectionnée par
Regnault, divise les métaux en deux grands grou-
pes, selon qu'ils n'attaquent pas l'eau ou qu'ils la
décomposent, et ces derniers en plusieurs sections,
d'après les circonstances de cette décomposition.
Le système de Linné en botanique forme de
toutes les plantes vingt-quatre familles ou classes,
d'après l'absence ou la présence des étamines,
puis l'existence de celles-ci sur deux pieds difl'é-
rents ou sur un seul, leur insertion, leur liberté
■ou leur soudure, leur grandeur relative, leur nom-
bre. Cette classification artificielle a eu autrefois
«ne très grande faveur. En sortant des mains de
«on auteur, elle offrait un moyen commode d'arri-
ver à la détermination des plantes, grâce aux
genres peu nombreux sur lesquels elle avait été
•construite, tandis qu'elle n'offre plus ces avantages
après les nombreuses additions des successeurs
du botaniste suédois. Il est évident que toutes ses
classes sont loin d'avoir la môme valeur, puisque
les unes sont fondées sur un caractère qui n'est
plus que secondaire dans les autres, ainsi, par exem-
ple, le nombre des étamines. La plupart des classes
réunissent ensemble des plantes fort dissemblables ;
ainsi, dans la fentandrie, l'épinard avec le fenouil.
l'héliotrope, le tabac et le liseron ; dans la dodê-
candrie, le réséda avec les euphorbes, etc. Le ha-
sard amène parfois des groupes naturels dans un
système de classification artificielle. La didynamte
de Linné correspond aux labiées et familles an-
nexes, et la tétradynamie au groupe naturel des
crucifères. De même les sections des métaux, dans
le système de Thénard, mettent en général à côté
les uns des autres des corps fort différents, comme
le plomb avec le cuivre, l'argent près du platine ;
mais la première section se trouve constituer un
groupement naturel, celui des métaux alcalins.
La méthode tarsale de Geoflfroy (que nous avons
adoptée pour la classification pratique des coléo-
ptères) présente en général des réunions peu ho-
mogènes; les ^e7erow2è?'<!s toutefois sont un assem-
blage presque naturel.
Classifications Jiaturelles. — Les classifications
naturelles sont celles qui se proposent de réunir
dans le même groupe les êtres qui se ressemblent
plus entre eux par tous leurs caractères qu'ils ne
ressemblent aux êtres des autres groupes.
Il est aisé de comprendre l'extrême difficulté, je
dirai presque l'impossibilité de réaliser exactement
une pareille donnée. Il faudrait la connaissance
parfaite de tous les êtres de la nature et dans tous
leurs détails, et la certitude, en supposant même
qu'on ait découvert tous les êtres qui existent ac-
tuellement ou qui ont vécu à des époques anté-
rieures, qu'il ne puisse pas s'en produire de non-
veaux. Aussi les essais de classification naturelle
que nous présente la science doivent-ils être re-
gardés comme des approximations.
Telles sont, en chimie, la classification des mé-
talloïdes par M. Dumas, et une classification, encore
fort incertaine, des métaux.
La botanique, après les premières familles na-
turplles de Tournefort, opposa au système artificiel
de Linné la méthode naturelle d'Antoine-Laurent de
Jussieu, subdivisant les plantes en trois grands
embranchements : dicotylédones, monocotylédones,
acotylédones, classification qui n'a été modifiée
gravement qu'à une date récente, après la con-
naissance plus approfondie des végétaux du dernier
embranchement.
En zoologie aussi, la méthode naturelle ne peut
donner qu'une approximation : la valeur de ses
groupes est sujette à varier profondément avec les
progrès dans l'étude des êtres. Linné n'établissait
que trois embranchements animaux : vertébrés,
insectes (sens général), vers. C'est du chaos de ces
vers que Cuvier tira l'embranchement des mollus-
ques ; mais, entraîné par l'intérêt même de ses
découvertes à attacher trop d'importance à un sys-
tème de circulation à vaisseaux clos, il plaça les
inollusques avant les articulés, ce qui est tout à
fait contraire à la philosophie naturelle, ces der-
niers étant bien plus élevés au point de vue, essen-
tiellement animal, de la sensibilité et du mouve-
ment ; c'est la même importance attribuée à
l'appareil circulateur qui lui fit placer les anné-
lides en tête des articulés, bien que ne répondant
pas réellement à la définition. Aujourd'hui on a
fait pour les zoofjhytes (animaux-plantes) de Cuvier
le môme travail qu il opérait sur les vers de Linné ;
on y a créé les embranchements distincts des échU
nodermes, des polypes, des spongiaires. En par-
tant d'autres principes et subordonnant tout à la
forme extérieure, de Blainville divisait les animaux
en pairs ou symétriques, rayonnes, et amorphes.
On s'accorde maintenant à prendre les caractères
naturels les plus généraux dans la fonction de re-
production, en empruntant en outre à l'embryogé-
nie, ou formation évolutive des êtres, des caractères
très importants de classification naturelle. Pour
nous en tenir, par exemple, aux vertébrés seuls, on
les sépare en allantoïdiens, ayant l'embryon muni
de la vésicule allantoide, l'œuf se développant par
CLASSIFICATIONS — 424 — CLASSIFICATIONS
l'air, avec incubation interne (mammifères) ou ex-
terne (oiseaux et reptiles); et anaUiintoïdiens, avec
embryon dépourvu de la vésicule allantoïde, l'œuf
ne pouvant accomplir ses évolutions que dans Teau
aérée. Cette variation continuelle des caractères
primordiaux, ces divergences du point de départ,
suivant les auteurs, font bien comprendre cette
vérité, qu'il ne faut demander aux classifications
naturelles réalisées que des approximations.
Méthodes graphiques pour figurer des classifica-
tions. — On a cherché à représenter les classifi-
cations naturelles par des méthodes graphiques qui
rentrent, on doit le dire, dans l'enseignement par
les yeux. Le plus habituellement on se contente de
tableaux synoptiques, avec des accolades, soit de
séparation, soit de réunion.
Depuis longtemps l'expérience a fait renoncer à
la chimère d'une classification unilinéaire, dans
laquelle tous les êtres se suivaient sur une seule
ligne, de la monade à l'homme. Les séries paral-
lèles indiquent qu'avec un type difl'érent, pour
chaque série, il y a des analogies multiples.
Certains auteurs de classifications scientifiques
disposent les êtres en séries parallèles, suivant des
éclielons qui se correspondent ou se placent au
contraire à des hauteurs difl"érentes d'un groupe à
l'autre; il y a des analogies dans les caractères et
les propriétés des homologues de chaque groupe.
Souvent il arrive que des échelons manquent dans
une série, peut-être par la non-découverte jusqu'ici
des homologues. Quelques exemples feront com-
prendre ces séries. Dans les familles naturelles
qui commencent en chimie par l'oxygène et l'azote
(ce dernier corps, très différent de l'oxygène, ne
devant pas figurer dans le parallélisme) nous au-
rons les deux séries :
Oxygène.
Soufre , Phosphore
Sélénium.
Tellure Arsenic
Les correspondants de l'oxygène et du sélénium
manquent. Les vertébrés peuvent se ranger en
quatre séries à hauteurs inégales:
Mammifères
Crocodiliens
Lacertiens. .
Ophidiens.
Oiseaux
Chéloniens.
Batraciens
anoures et
urodèles.
Cécilies.
Plagiostomes
ou poissons
cartilagi-
neux.
Poissons os-
seux.
Les genres de l'ordre des rongeurs se placent do
même aisément en parallélisme avec ceux des in-
sectivores ; on trouve dans les uns et les autres
des sauteurs, des porte-piquants, des animaux à
parachute, des aquatiques, avec un type dentaire
et un régime fondamentalement différents. Quel-
ques auteurs avaient même supposé que ces séries
parallèles étaient la véritable loi de la classifica-
tion des êtres ; mais on a dû renoncer à cette opi-
nion et ne voir dans ces séries que des cas parti-
culiers, la plus grande partie des animaux, des
végétaux ou des corps bruts échappant à tout clas-
sement de ce genre. On n'est pas plus heureux,
pour la généralité des cas, en imaginant des sé-
lies divergentes, c'est à-dire, pour les êtres orga-
niques par exemple, en partant de types très infé-
rieurs, mixtes en quelque façon, comme les mycéto-
zoaires et, de cette sorte de tronc commun, faisant
partir des branches, montant de plus en plus en
divergence, à mesure que les animaux se séparent
mieux des végétaux. Un des défauts de cette clas-
sification, c'est que précisément ces formes inter-
médiaires très inférieures sont en général mal
connues et présentent souvent de grandes diffé-
rences qu'on ne soupçonnait pas à l'origine; ainsi
les infusoires, si dédaignés longtemps par leur
extrême petitesse, ont des types d'organisation
assez élevés.
Un dernier mode de classification, dont nous ne
dirons toutefois qu'un mot, en raison de sa com-
plexité, est celui des classifications circulaires.
On enferme dans des courbes, cercles ou ellipses
en général, un groupe d'êtres, en plaçant au cen-
tre le type qu'on regarde comme fondamental et
en éloignant de lui, selon les rayons et en se rap-
prochant du pourtour de la courbe, les types qui
s'écartent de plus en plus. On dispose ces courbes
sur le papier à diverses hauteurs, et, par des lignes
allant de l'une à l'autre, on unit des types qui ont
quelques analogies, bien que faisant partie de
groupes essentiellement distincts : ainsi une ligne
transverse unira les cétacés ou mammifères pisci-
formes aux poissons. Le graphique cherche ici à
représenter les homologies plus exactement encore
qu'avec les séries parallèles ou divergentes. Les
vertébrés allantoïdiens et anallantoidiens feront
partie de deux cercles distincts, l'un présentant en
positions d'inégale hauteur les mammifères, les
oiseaux, les reptiles ; l'autre, les batraciens et les
poissons.
Disons-le encore hautement, il n'y a là que des
graphiques plus ou moins ingénieux et non la re-
production exacte et fidèle de la nature. Pour re-
présenter les dispositions réelles des êtres, il fau-
drait des figures à trois dimensions, à la façon des
constellations, et encore il y a des êtres, tout à fait
isolés dans l'espace, qui sont comme des étoiles
perdues ou des points singuliers de certaines
courbes. La nature, dans sa complication gran-
diose, n'a pas suivi ces lois simples qu'affectionne
limparfaite intelligence de l'homme. Il n'y a prs
de classificatio?is, et nos figures planes ne seront
jamais que des approximations. Il ne faut donc
pas attacher d'importance exagérée aux divers sys-
tèmes ; qu'on prenne la classification la plus claire
et la plus pratique pour le but qu'on se propose,
sans se préoccuper de sa valeur philosophique.
Nous conseillons aux instituteurs l'usage des clas-
sifications les plus usitées en France, parce qu'il
leur sera plus facile avec leur emploi de se servir
des ouvrages répandus ; ils auront la connaissance
des êtres, c'est l'essentiel.
a II est vrai, « disait déjà Daubenton en ouvrant
son cours d'histoire naturelle à l'École normale
fondée par la Convention, « il est vrai que la no-
menclature méthodique de 15,000 espèces de plan-
tes est une grande affaire de détail, mais elle ne
doit entrer dans l'enseignement de l'Ecole normale
que pour faire voir les tentative-; que les botanis-
tes ont faites afin d'évaluer les caractères distirictifs
des plantes, Les plus sages ont composé des fa-
milles qu'ils ont appelées naturelles, en rassem-
blant sous des dénominations particulières les
espèces des plantes qui ont plus de rapports entre
elles qu'avec les autres. » [Maurice Girard.]
1. Classification des animaux. — Aristote fit
une classification du règne animal méritant d'être
signalée, dans laquelle les vertébrés, subdivisés en.
mammifères, 7'e;itilet, oiseaux, poissons, céacés,
sont par conséquent assez bien classés et forment
le groupe des animaux sanguins. Les mollwques
constituent celui des anirhaux dont les parties
molles sont à l'extérieur, par opposition à ceux des
insectes et des crustacés dont les parties molles
sont à l'intérieur. Linné voulut baser une division
du règne animal sur la conformation du cœur, et
le choix de ce caractère a fait grouper dans le
même embranchement des vers les mollusques, les
zoophytes, etc., chez lesquels cet organe est non
seulement loin d'avoir la même conformation, mais
encore n'existe pas toujours. C'est Cuvier qui cta-
CLASSIFICATIONS
— 425 —
CLASSIFICATIONS
blit la classification naturelle du règne animal,
dont les méthodes actuellement usitées le plus
gcnt ralement ne sont que des perfectionnements.
Le tableau suivant donne la classification telle que
la conçut Cuvier :
i" Embranchement. — Aîîuhadx vertébrés.
Classe 1 . — Mammifères.
— î. — Oiseaux.
— 3. — Beptiles.
— 4. — Poissons.
t' Embrauchemen
. — Animaci mollusoces
Classe 1. —
— 2. —
— 3. —
— 4. —
— 5. —
— 6. —
Céphalopodes.
Piéropodes,
Gastéropodes.
Acéphales.
Branchiopodes.
Cirrhopodes.
3« EmbranchemeDt. — Animaux AnxicuLiis.
Classe 1. —
— 2. —
- 3. —
• — 4. —
Annélides.
Crustacés.
Arachnides.
Insectes.
=■■ Embranchement
( Ostéoznaires
) ou
\ Verttibrés.
(b.
t Entomozoaires
^A.
'
l ou
f Anne lés.
(B.
l Malacozoaires
l A.
""
l ou
/ Mollusques.
Îb.
-
Zoophytes...
A.
B.
4» Embranchement. — Amnici zoopbïtbs.
Classe 1.
— 3
— 4.
— 5
Echinodermes.
— Sers intestinaux.
— Afnlèphes.
— Pjlype^.
— Injusoires,
De Blainville substitua à l'expression embran~
chement celle de tyi^e, et il fit cinq types au lieu
de quatre embranchements. II donna aussi des
noms nouveaux à ses groupes, qui correspon-
daient pourtant à ceux de Cuvier :
1" type : Ostéozoaires, correspondant à Vertébrés.
2» — Entomozoaires, — Annelés.
3» — Malacozoaires, — Mollusques.
4« — Act'twzoaires, I „ ■ ,
5e - Amorphozoaxres\ " Zoophytes.
M. Milne Edwards a modifié la classification de
Cuvier et en a proposé une nouvelle, qui est assez
répandue pour que nous en donnions la clef, et qui
présente l'avantage de se rapprocher du groupe-
ment des animaux dans les méthodes récentes :
A. — Sous-embranchement: Allanioïdiens .
Les classifications plus récentes divisent le rè-
gne animal tantôt en cinq embranchements : Ver-
tébrés, Annelés, Mollusques, Raj-onnés, Proto-
zoaires ; tantôt en sis : Vertébrés, Articulés ou
Annelés, Mollusques, Echinodermes, Polj-pes, Pro-
tozoaires (Paul Gervais, Cours élémentaire d'his-
toire naturelle) ; tantôt en sept : Vertébrés, Arti-
culés, Céphalopodes, Mollusques, Vers, Rayonnes,
Protozoaires (Cari Vogt, Zoologi^cne Briefe). On
trouvera au mot Zoologie celle que nous suivons
dans ce Dictionnaire.
2. Classification des végétaux. — Histoinque.
— Les travaux botaniques d'Aristote ne sont pas
parvenus jusqu'à nous, mais Tbéophraste, son
élève, a légué à la postérité un ouvrage dans le-
quel plus de trois cents plantes sont fort bien dé-
crites, et il avait même abordé l'étude de l'organo-
graphie. En Italie, les anciens cor.naissaient mieux
la culture et rutilitc médicinale des végétaux que
leur constitution intime et leurs rapports. Malgré
les ouvrages médicinaux des Arabes, malgré les
voyages lointains du quinzième siècle, malgré les
travaux plus récents de la Renaissance, les pro-
grès étaient lents. En 1604, Zulienski distingua
les fleurs hermaphrodites et unisexuées ; Grew en
Angleterre, Malpighi en Italie, établirent la théorie
de la fécondation, qui ne fut pas immédiatemejit
admise en France. Jean Ray, né dans le comté
d'Essex en 16V8, s'illustra par des travaux de bota-
nique descriptive. Tournefort, savant français
(lGô6-1708),fit un essai de classification artificielle;
cette division des végétaux fut admise jusqu'à ce
que Linné publiât son système en 17:55. bans ce
système, les plantes sont disposées en vingt-quatre
classes établies sur la comparaison des organes
sexuels et surtout sur les rapports des étaraincs,
soit entre elles, soit avec le pistil. Nous donnons
le tableau abrégé de la classification de Linné
Anallantûîdiens. . . .
Mammifères.
Oiseaux.
Reptiles.
Batraciens.
Poissons.
— Arthropodes ex. : Insectes.
— Vers — Helminthes.
— Mollusques — Céphalopodes.
— Molluscoîles — Tuniciers
— Radiaires — Polypes.
— Sarcodaires — Infusoires.
comme document historique, bien que cette classi-
fication soit à peu près universellement abandon-
née. Nous devons aussi prévenir toute personne
lisant pour la première fois ce tableau, contre l'er-
reur facile à commettre de croire le système de-
Linné basé sur le nombre des étamines.
I. — Élamineg et pistils visibles : (PH.WÉnOGAillE).
A) ÉTAMINES ET PISTILS S0R LA MÊME FLEUR :
1. — Etamines non adhérentes au pistil :
a) Etamines libres et égales entre elles :
Classes. Exemples.
1 étamine
I.
Monandrie. . .
. (canna).
2 étamines
11.
Diandrie ....
. (véroiiique)i
3 —
III.
Triaodrie . . .
. (iris).
4 —
IV.
Tétraiidrie. . .
. (plantain).
5 —
V.
Pentandrie. .
. (mouron).
6 —
YI.
Hi'xandrie.. . .
. (lis..
7
VU.
Heptandrio. ..
. (marronnier d'Inde)
S —
VIII.
Octandrie. . . .
. (épilobe).
9 —
IX.
Eunéandrie. . .
. 1 laurier).
10 —
X.
Déoan Irie. . . .
. (œillet).
10àl9—
XI.
Dodécandrie. .
. (joubarbe)
20 étamines ou 1
plus, insérées ■ XII
sur le calice'
20 étamines ou j
plus.inséréisj yj.r
sur le récep-1
tacle )
6) Etamines libres, mais inégales entre elles
Icosandrie (fraisier).
Polyandrie.... (renoncule).
4 étamines,)
dontiplus^ XIV,
longues. . .)
6 ctiniinesj
dont 4 plus; XV
longues.. . !
Didynamie . ... (muflier).
Tétradynamic.. (giroflée).
c) Éiamiues soudées par leurs Glets en un seul groupi
CLASSIFICATIONS
426 — CLASSIFICATIONS
XVI. Monadelphie... (mauve).
d) Étamioes soudées par leurs filets eo deux groupes :
XVII, Diadelphie (pois).
é) Etamines soudées par leurs filets en plusieurs groupes :
XVIII. Polyadelphie. . . (millepertuis).
Etamines soudées par leurs anthères en un cylindre :
XIX. Syngénésie.. . . (bluet).
2. — Etamines adhérentes au pistil :
XX. Gynaodrie (orchis).
B) EXAMINES ET PISTILS SUR DES FLEURS DIFFÉRENTES :
a) Fleurs pistlllées et fleurs staminées sur le même indi-
vidu :
XXI. Monœcie (arum).
i) Fleurs pistillées et fleurs staminées sur deux indi-vidus
dillérents :
XXII. Diœcie (orlie).
c) Fleurs staminées pistillées ou staminées non pistillées
sur un ou plusieurs individus :
, IXIII. Polygamie (pariétaire).
II. — Élamines et pistils non apparents : (CRYPTOGAMIE).
XXIV. Cryptogamie... (fougère).
Linné reconnaissait lui-même que son système
conduisait seulement avec facilité à déterminer le
nom des plantes, mais il le condamnait comme ar-
tificiel.
La classification naturelle des plantes est d'ori-
gine française ; c'est l'œuvre de Bernard de Jussieu
et de son neveu Antoine de Jussieu. Ce travail fut
nécessité par la création du jardin botanique fondé
par Louis XV à Trianon. Antoine-Laurent de Jussieu
démontra que les végétaux peuvent être divisés en
trois groupes, selon que leur graine est pourvue
ou dépourvue d"embryon, et selon que cet embryon,
lorsqu'il existe, présente une ou deux feuilles co-
tylédoniennes, d'où les trois embranchements des
Dicotylédones, Mo7iocotylédo>ies, Acoiylédones.
Puis il forma quinze classes d'après les insertions
des etamines, selon que, dans les plantes herma-
phrodites apétales, monopétales oupolypétales,les
mêmes organes (etamines) sont insérés diflférera-
ment. Les diclines sont les plantes non hermaphro-
dites.
Candolle réduisit à huit les qumze classes de
Jsusieu ; il se basa sur la structure intime
des tiges [cellulaires, vasculaires, endoyènes, exo-
gènes).
Après la classification de Candolle, c'est celle
de brongniart qu'il importe de connaître, parce que
c'est suivant cette méthode que les végétaux sont
classés au Jardin des plantes de Paris. L'embranche-
ment des dicotylédones est subdivisé en deux sous-
embranchements {angiospermes , gymnospermes).
Comme, suivant l'ouvrage de botanique consulté,
on trouve telle ou telle classification adoptée, nous
avons représenté ci-contre (V. tableau, p. 427.) en
séries parallèles le règne végétal, rangé d'après
les trois méthodes naturelles adoptées en France.
Nous n'avons donné comme exemples que les prin-
cipales familles. [G. Philippon.j
3. Classication des minéraux. — En minéralo-
gie, les principales classifications sont celles de
Linné, de Werner, de Brongniart et de Delafosse.
Nous les donnons ci-dessous.
Classification de Linné.
Fossiles.
Classification de Werner.
Tehuks et PiERBES ((Diamant, rubis, quartz, feldspath,
I argile, calcaires, etc.)
MATiènES SALiT.ES (Carbonatcs, nitrates, muriates, sul-
I fatcs.)
SIatiéres combustibles (Soufre, bitume, graphites résines).
MÉTAUX i'°''', mercure argent, cuivre, ferj
I plomb, etc.)
Classification de Brongniart.
(Métaux gazeux.
Métaux solides, fusible»,
,.. „.v.»„„.^vo^ volatils.
I Métaux solides, infusible»,
\ fixes.
I. Molécules de
pieniier ordre
composées de'
deux éléments
II. Molécules de
premier ordrej
composées de\
plus de deuxl
éléments '
Minéraux en/
masse i
2. Métaux hé-
téropsides(donl|
les oxydes for-
ment des terres
et des alcalis).
3. Métaux au-]
topsides (mé-
taux propre- 1
ment dits). )
m
Métaux à oxydes insolubles
— peu solub.
— très solub.
-Métaux électro-positifs.
— électro-négatifs,
ISels.
<Bitumes.
fCliarbons.
\ Roches tendres.
/ — dures.
Classification de Delafosse.
Substances atmosphériques gazeuses. . . 1. Gaz.
Substancesjmétal-lcorabustibles 2. Combustibles.
terrestres! tiques jnoQ combustibles... 3. Métaux.
liquides(
ou solides non métalliques 4. Terres.
CLIMAT. — Météorologie, XIV-XIX, Agricul-
ture, II, Hygiène, V. — On entend par climat
l'ensemble des circonstances géographiques et des
phénomènes atmosphériques qui déterminent, pour
un lieu donné, les degrés de chaleur et d'humidité
qui s'y succèdent, les variations électriques et
autres auxquelles il est soumis, la composition
de l'atmosphère qu'on y respire, du sol qu'on y
cultive, et des eaux qu'on y boit.
Si la terre offrait une surface unie, couverte par-
tout d'une végétation régulière, il serait facile de
classer une région quelconque au point de vue du
climat. Les anciens géographes divisaient la terre,
de l'équateur au pôle, en trente-deux zones clima-
tériques parallèles, d'après les rapports de lon-
gueur des jours et des nuits au solstice d'été. Au-
jourd'hui on en distingue seulement cinq pour
toute la surface terrestre : la zone ton-ide, comprise
entre les deux tropiques ; deux zoties tempérées,
comprises entre les tropiques et les cercles polaires ;
deux zo?ies glaciales, à l'intérieur des cercles polai-
res. Mais chacune des deux premières surtout ren-
ferme des climats très divers dus : à la proximité
ou à l'éloignement des grands océans; à la confi-
guration du sol et à l'altitude des lieux au-dessus
du niveau de la mer; à l'état du sol lui-même; à
la rareté ou à l'abondance de ses eaux, et surtout
à l'influence des grands courants atmosphériques
ou. marins, de leur direction et des lieux d'où ils
viennent. Aussi dans chaque zone rencontre-t-on
des climats mari?is ou uniformes, et des climats
continentaux ou excessifs, qui se distinguent par la
difl'crence des températures de l'été à l'hiver; et
aussi ce qu'on nomme vaguement des climats
chauds, tempérés, froids, secs, humides. ;.
Au point de vue agricole, le climat domine les
cultures. Au point do vue de l'hygiène, aux causes
purement physiques, il faut en joindre d'autres,
d'ordre physiologique, encore mal déterminées et
qui font qu'un climat est réputé sain ou malsain.
Les données météorologiques "ne suffisent pas tou-
jours à expliquer les différences qu'ils présentent
sous ce rapport; il faut en chercher la raison dans
le sol, dans les eaux superficielles ou souterrainea
CLASSIFICATIONS
— A21 —
CLASSIFICATIONS
Classification de Jussieu.
ACOTYLÉDOXES.
Algues.
ibampignoDS.
Lichens.
Mousses.
Fougères.
MONOCOTTLÉDOXES.
Monohypogynie.
Graminées.
Monopérigynie.
Palmées.
Liliacées.
Monoépigynie.
Iridées.
Orchidées.
DICOTYLÉDONES.
APÉTALES.
(Les rycadées et les Conifcros =oiit
rangés par Jussieu dans les Di-
clines.)
Epistwninie
Aristoloches.
Péristaminie.
Lîiurinées.
Polygunées.
Hypostaminie.
Aniarantacées.
{[Pour Jussieu, les Euphorbiacées,
les Anienfacées et les Urlicées
sont des DicUnes.)
MOSOPÉTALKS.
Hypocoroilie.
4afininées.
Labiées.
Solauées.
Borraginées.
Péricorollie.
Erieinées.
Campanulacées.
^Les Cucurbitacées sont rangées
dans les Diclines.)
Épic'-rollie — Synanthérie.
Semi-flosculeuses (chicorée).
Flosi-uleuses (chardon).
Kadiées (pâquerette).
Épicorollie — Corysanthc'rie.
Rubiacées (garance).
POLTPÉTALES.
Épipétalie.
Ombellifères.
Péripétalie.
•Cactées.
Myrtées.
Rosacées.
Légumineuses.
Hypopétalie.
Renoncuiacées.
Papa\éracées.
Crucifères.
-Vuiiantacées.
Ampéldées.
Gérauiées.
MaKacées.
Carjopbyllées.
DicUnie.
Euphorbiacées.
Amentacées.
Urticées. ■ ".
Cucurbitacées.
•Co'iiferes.
Cvcadées.
Classiiication de Candolle.
CRYPTOGAMES ou CELLULEUSES.
CRTPTOGAIIES CELLtLAIRES.
Algues.
Champignons.
Lichens.
CRYPTOGAMES DEMl-TASCrLAIRES.
Mousses.
Fougères.
PHANÉROGAMES ou VASCULAIRES.
MOSOCOTTLÉDONES OU EXnOOÈXES.
Palmiers.
Liliacées.
Iridées.
Orchidées.
DTCOTTLÉDOSBS OU EXOGÈ:<BS.
Monocklamydées.
Cycadées.
Conifères.
Aristoloches.
Laurinées.
Polvgonées.
Amaranlacées.
Eupliorbiacées.
Atiienlaoées.
Urticées.
Corolli/lores.
Jasœinées.
Labiées.
Solanées.
Borraginées.
Caliciflores,
Erieinées.
Campanulacées.
Cucurbitacées.
Composées (chicoiée, chardon,
pâquerette).
Rubîacées.
Ombellifères.
Cactées.
.Myrtées.
Rosacées.
Légumineuses.
ThalamifiOres.
Renoncuiacées.
l'apavéracées.
Crucifères.
Auraiitiacées.
Ampél idées.
Géraniées.
Malvacées.
Caryot'hyllées.
(Les familles qui forment le groupe
DicUnie de jussieu simt rangées
piiur la plupart par Candolle
dans les Aloiwchlamydces.)
Caassification de A. Brongniart.
CRYPTOGAMES.
AUPHIGS^BS.
Algues.
Champignons.
Lichens.
ACROGÈTBS.
Muscinées.
Filicinées.
PHANÉROGAMES.
MO^OCOTTLÉDOXES.
Glumacées.
Palmiers.
Liliacées.
Iridées.
Orchidées.
DICOTTLÉDOTTES.
Gymnospermes.
Cycadées.
Conifères.
Angiospermes dialypéiales.
Aristoloches.
Laurinées.
Polygonées.
Amarantacées.
Euphorbiacées.
Amentacées.
Urticées.
(Les Monopêtalcs de Jussieu sont,
pour Brongniart, des Angio-
spermes gamopétales ; Toir plus
Ombellifèies.
Cactées.
Myrtées.
Rosacées.
Légumineuses.
Renoncuiacées.
Papavéracées.
Crucifères.
Aurantiacées.
Ampéliiées.
Gérauiées.
Malyacées.
Caryophyllées.
(Les Euphorbiacées, les Amenta-
cées et les Urticées ont figuré
plus haut ; les Cucurbitacées ap
partiennenl aux Angiospermes
ganiopétales, les Conifères et les
Cycadées aux Gymnospermes.
Angiospermes gamopétales.
Jasminées.
Labiées.
Solanées, etc.
(Les Angiospermes gamopétales cor-
resDuadent aux Monovétales de Jussieu .
CLIMAT
— 428 —
CLIMAT
qu'on y rencontre, dans les émanations qui s'en
dégagent; comme aussi dans le genre de vie des
populations, dans la tenue de leurs iiabitations,
dans le degré de connaissance qu'elles ont des
lois élémentaires de l'hygiène.
La météorologie accumule des matériaux pré-
cieux sur les pliénomènes de toute sorte dont
l'ensemble modifie le climat théorique de chaque
lieu ou plutôt son climat géographique. L'hygiérie
lui emprunte ces renseignements pour mettre
l'homme en garde contre les dangers ou les incon-
vénients qu'il ne peut modifier, ou pour lui indi-
quer les moyens d'en atténuer les effets. Souvent
aussi elle lui fournit les indications nécessaires
pour faire cesser des causes d'insalubrité ou de
famine, comme la sécheresse, la présence des ma-
rais, contre lesquels luttent avec succès l'industrie
et l'agriculture.
Tout être vivant est soumis à l'action lente et
continuelle des agents extérieurs. Comparez les
bœufs et les chevaux de la Flandre, du Perche,
du Boulonnais , avec ceux de la Bretagne, des
Landes et de la Camargue, vous n'hésiterez pas à
dire que leur taille, leurs formes, leurs aptitudes^
résultent des influences locales auxquelles ils sont
soumis depuis longtemps. Dès que ces influences
se modifient par l'action de l'homme, elles impi'i-
ment aux animaux des caractères différents. Là où
progresse l'agriculture, les races locales se trans-
forment par degrés : c'est ainsi que s'améliorent
lentement, mais sûrement, les bœufs et les che-
vaux dans la plupart de nos provinces.
L'homme subit comme l'animal les influences
climatériques. mais il peut, dans une large me-
sure, en atténuer, en modifier les effets et changer
sous beaucoup de rapports le milieu où il vit. Il ar-
rive cependant, surtout dans les pays très peuplés,
que la population ne choisit pas sa place. L'espace
manque, les portions du territoire que l'on consi-
dérait justement comme malsaines se trouvent gra-
duellement envahies. Les habitants de ces dange-
reuses contrée? n'ont, dans le principe, aucune
ressource pour lutter contre les influences enne-
mies du sol, de l'air et des eaux ; leur corps et leur
esprit ne tardent pas à subir une dégénérescence
plus ou moins accusée.
Citons quelques exemples pour démontrer l'ac-
tion du milieu sur l'homme. Le département du
Gard comprend trois régions bien distinctes : mon-
tagnes, plaines, marécages. Au commencement du
siècle, alors que les populations étaient plus sé-
dentaires qu'aujourd'hui , la taille moyenne des
conscrits était de I.^MO dans la plaine, de l™,58ô
dans les montagnes et de l^jGtîô dans les parties
marécageuses ; les nombres correspondants de ré-
formés pour infirmités étaient, pour 1 i 00 jeunes
gens, 106 dans la plaine, 93 dans la montagne et 148
dans la partie marécageuse. Dans la Nièvre, on
constatait également le rapport entre les conditions
hygiéniques des différentes régions et la taille des
jeunes gens : dans l'arrondissement de Clamecy,
contrée bien cultivée en céréales, la taille moj'enne
était de l'",l;-}2, avec lô6 réformés par 1 000; tandis
que dans l'arrondissement de Château -Chinon
moins salubre, plus pauvre, moins bien cultivé et
beaucoup plus arriéré à tous égards, la taille tom-
bait à 1"',593, avec 235 réformés sur 1 000 cons-
crits. A mesure que l'agriculture y fait des progrès,
que l'aisance y augmente, que l'hygiène tend h s'y
développer, la population y devient plus générale-
ment saine.
Le goitre constitue une manifestation malheu-
reusement trop évidente des influences climatéri-
ques. En 1850, sur 2G7 333 jeunes gens examinés
par les conseils de revision, 1,420 furent réformés
comme goitreux. Sur ce nombre, les Hautes-Alpes
en avaient fourni 121, l'Aisne 99, les Vosges 8 i
(sur 374 conscrits) ; la Marne, la Seine, la Seine-
Inférieure, l'Orne, le Doubs, de 7 à 9 chacun ;
le Nord, h (sur 9 20G conscrits) ; enfin beaucoup
de départements ne comptaient pas un seul goi-
treux.
Là où les causes de goitre sont compliquées des
plus mauvaises conditions hygiéniques, les fils de
goitreux deviennent des crétins, pauvres êtres ché-
tifs de corps et faibles d'esprit^ dont la vie est une
enfance prolongée. On les trouve surtout dans les
vallées profondes où manque la lumière. Dans les
pays marécageux où l'alimentation insuffisante
ajoute aux autres causes de dégradation physique
et intellectuelle, où la négligence des soins corpo-
rels enlève à l'homme toute dignité, tandis que
l'habitude de l'ivresse l'empêche de chercher le re-
mède à ses maux, la misère combinée avec l'action
du climat engendre deux autres fléaux : les scro-
fules et le rachitisme. En 18.59, il y eut 2 313 con-
scrits réformés pour scrofules. Des habitations
mieux aérées, une meilleure nourriture, tendent
à diminuer les scrofules ; mais l'éloignement de la
vie en plein air dans les champs et les habitudes
sédentaires qui se développent dans les campagnes
parmi les jeunes femmes, jointes à l'absence de
précautions dans le choix des conjoints, favorisent
le développement de la phthisie.
Chacun connaît l'influence délétère des miasmes
qui s'échappent des marais, surtout à l'époque de
leur dessèchement partiel. Aux maladies qui ré-
sultent de l'humidité constante de l'air et du sol
s'ajoutent alors les fièvres paludéennes. Dans la
Bresse, les Dombes, la Sologne, la mortalité est
effrayante, surtout chez les enfants de moins d'un
an ei les adultes de 35 à 55 ans.
On voit par ces aperçus combien sont utiles les
études climatologiques au point de vue de l'hy-
giène. »
Dans bien des cas, toutefois, en signalant la
cause du mal, on peut indiquer le remède. L'homme
peut modifier son milieu, son climat par le reboi-
sement, le défrichement, le drainage, l'irrigatic.i,
le dessèchement des marais. Môme dans les condi-
tions les plus désavantageuses, il diminue les in-
fluences auxquelles il ne saurait se soustraire, en
clioisissant le site et l'exposition de sa demeure, en
faisant bouillir les eaux malsaines avant de les
boire, en évitant l'emploi du sel blanc ou raffiné et
ajoutant au besoin aux sels gris des traces d'iodure
de potassium là où le goitre est endémique, en se
conformant aux règles de l'hygiène autant que lui
permettent les exigences de sa position. Les pro-
grès de la civilisation ont déjà fait disparaître de
notre pays plusieurs maladies endémiques : la
peste, le mal des ardents (ergotisme gangreneux),
le scorbut, la variole, qui ne se montre plus qu'à
l'état d'épidémie. Espérons que bientôt on pourra
joindre à cette liste la lèpre, dont il existe encore
des cas assez nombreux en Provence.
Climats françnis. — On peut diviser la France en
cinq régions climatériques présentant entre elles
des différences générales assez tranché'es soit sous
le rapport du climat proprement dit et des pro-
ductions du sol, soit sous le rapport du tempé-
rament des habitants et de leurs maladies spé-
ciales. Mais il existe des transitions insensibles de
l'un à l'autre.
'[° Le climat du noj^d-eston vosgien. — Cette région
est comprise entre le Rhin, la Côte-d'Or, les sour-
ces de la Saône et la chaîne qui s'étend de Méziè-
res à Auxerre. C'est dans la vallée du Rhin qu'il
est le mieux caractérisé.
Les hivers y sont plus rigoureux et les étés plus
chauds que dans la région voisine à égale latitude;
les vents y tournent aussi plus fréquemment vers
le nord. 11 y pleut un peu plus rarement mais plus
abondamment qu'à l'aris; les pluies d'été l'empor-
tent sur celles de l'automne. Les plantes qui
craignent les froids de l'hiver y viennent mal; mais
CLIMAT
— 429 —
CLOVIS
le maïs y mûrit et la vigne y remonte vers le nord
plus haut que dans le climat parisien.
Le tempérament des habitants est surtout lym-
phatico-sanguin ; les maladies dominantes sont
les inflammations, les fièvres éruptives ; le goitre
est endémique dans quelques localités.
•2° Le climat du nord-ouest ou séquanien. Cette
région est comprise entre le contrefort du plateau
qui va d'Auxerre à Mézières, la frontière du nord de
Mézières à la mer, les côtes de la Manche et de
rOcéan jusqu'à la Loire , le cours de la Loire et
du Cher. C'est sur le bord de la mer, de Nantes à
Dunkerque, qu'il est le mieux caractérisé, et qu'il
s'éloigne le plus du climat vosgien pour se rap-
procher de celui de l'Angleterre.
L'influence de la mer et surtout du Gulf s stream
élève la température de l'hiver et abaisse celle de
l'été. Le nombre des jours pluvieux s'accroît sur-
tout en automne ; le total des eaux pluviales, faible
à Paris, augmente à mesure qu'on s'approche des
côtes. Les vents dominants soufflent du sud-ouest :
en seconde ligne, et assez loin en arrière, viennent
ceux du nord-est.
Les parties voisines des côtes sont des pays
d'herbages ; le blé domine de plus en plus à me-
sure qu'on s'éloigne de la mer. Le mais a peine à
y mûrir, sauf vers la limite sud ou est, ou à des
expositions favorisées ; la vigne n'en occupe qu'une
partie très limitée et sur des coteaux exposés au
sud.
Les maladies dominantes sont les rhumatismes,
les bronchites, les pneumonies, la fièvre typhoïde,
les fièvres intermittentes.
3° Climat du sud-ouest on giro'din. — Cette ré-
gion s'étend de la Loire aux Pyrénées et de l'O-
céan au plateau central. Ce climat se fond par le
nord avec le climat séquanien ; par le plateau
central avec le climat rhodanien ; par le sud avec
une partie du climat méditerranéen ; il reste bien
distinct du climat vosgien. C'est dans les bassins
de la Gironde, de la Garonne et de l'Adour qu'il
est le mieux caractérisé. Ses hivers ne sont pas
beaucoup plus chauds que ceux du climat séqua-
nien : ils sont plus courts ; ses étés ont une tem-
pérature notablement plus élevée. Par la dilTérence
entre les deux saisons il est intermédiaire aux
deux précédents ; mais il est plus chaud. Le ciel y
est aussi moins souvent couvert, surtout en hiver.
Le régime des vents y est à peu près le même qu'à
Paris, sauf que près des Pyrénées leur direction in-
cline plus à l'ouest et au nord-ouest. Le blé, le mais,
la vigne y prospèrent. L'olivier n'y occupe que le
bord méridional; l'oranger ne s'y maintient pas.
La maladie la plus commune est la fièvre in-
termittente. Le mais, qui entre pour une assez large
part dans l'alimentation, y engendre des cas de
pellagre. On y trouve des goitreux, surtout dans les
montagnes de l'Auvergne.
4" Climat du sud-est ou rhodanien. — C'est le
climat de la vallée de la Saône et du Rhône, depuis
Dijon et Besançon jusqu'à Viviers. Par le nord il
se rattache au climat vosgien ; par le sud, il se rap-
proche du climat méditerranéen. Comme le cli-
mat vosgien, c'est un climat continental à diffé-
rences marquées entre les températures de l'été
et celles de l'hiver; mais il est moins froid que le
climat vosgien. Les pluies y sont plus abondantes
que dans les autres bassins, à cause des grandes
inégalités de hauteur qu'il pré-ene; elles y sont
plus copieuses que fréquentes. Les vents domi-
nants sont le nord et le sud, direction de la val-
lée principale.
La vigne et le maïs y prospèrent dans toute sa
longueur. L'olivier, autrefois cultivé jusqu'à la hau-
teur du Lyonnais, en a été repoussé par la vigne et
par le mûrier.
Les maladies les plus communes sont les affec-
tions inflammatoires, les rhumatismes, les bron-
chites, la fièvre typhoïde et les fièvres intermitten-
tes.
5° Climat du midi médifei^anéen on provençal. —
C'est de tous les climats français le plus nettement
tranché. Le contraste qu'il forme avec les quatre
autres se traduit dans les usages des habitants
comme dans les produits du sol. 11 forme une
bande étroite allant de Nice à Port-Vendres. Sur
l'ouest il se relie à la partie orientale du climat gi-
rondin ; à Viviers, sa limite nord, il se rattache au
sud du climat rhodanien ; dans l'est il se resserre
sous la Corniche et se spécialise de plus en plus.
Les hivers y sont généralement très doux, bien que
le Rhône puisse y geler. L'olivier lui-même y périt
quelquefois sous l'action de gelées intenses, mais
très peu durables. L'été y est toujours chaud.
Les pluies y sont très rares en été et la séche-
resse de cette saison y rend difficiles les cultures her-
bacées en dehors des irrigations. Le vent dominant
y est celui du nord-ouest, le magistral ou mistral.
Le mûrier, l'olivier, la vigne sont les cultures
dominantes ; dans l'est il faut y ajouter l'oranger.
Les maladies les plus fréquentes sont les fièvres
rémittentes (simples ou bilieuses}, les fièvres
intermittentes (simples ou pernicieuses!. On y
trouve des cas assez nombreux de lèpre.
Du fait de la rétrogradation de certaines cultures
vers le Midi, on a voulu conclure que le climat de
la France tend à se refroidir. Ce fait cultural tient
à l'amélioration des moyens de transport et à un
accroissement du loyer du sol et du prix de la
main-d'œuvre ; c'est un fait économique et non cli-
matérique. Au contraire, dans le nord de la France
comme en Angleterre, les hivers sembleraient
s'adoucir, et tandis que le mois d'avril deviendrait
plus tiède, le mois de mai deviendrait plus frais;
mais rien ne prouve que cette tendance soit per-
manente et non temporaire. [Marié-Davyj
V. Courants, Régions agricoles.
CLOVIS. — Histoire de France, IIL — Les Bar-
bares en Gaule au ciiiquièm'^ siècle. — Vers la fin
du cinquième siècle, l'Empire romain d'Occident
n'existait plus. La Gaule, qui en avait fait partie,
était sans maîtres, abandonnée sans défense, off'erte
à qui saurait la prendre. Depuis longtemps un
grand nombre de Barbares s'y étaient introduits.
Beaucoup étaient entrés isolément, s'oiïrant comme
laboureurs ou s'engageant comme soldats. D'autres
étaient venus en masse d'une manière moins pa-
cifique. Au nord-est, les Francs, après avoir été
longtemps des voisins incommodes, s'étaient établis,
les uns entre la Meuse et l'Escaut, les autres sur
la rive gauche du Rliin et dans la vallée de la
basse Moselle. A l'est, les Burgundes, population
germanique mélangée d'éléments slaves, avaient
d'abord campé entre le Rhin et les Vosges, puis
s'étaient fixés plus au sud dans les vallées de la
Saône et du Rhône. Au sud les Wisigoths occu-
paient le bassin de la Garonne et presque tout le
littoral de la Méditerranée.
De ces trois peuples barbares, quel était celui
qui allait recueillir l'héritage vacant des Césars et
devenir maître de la Gaule "?
Les Wisigoths. — En 481 les Wisigoths parais-
saient avoir toutes les chances. Formant une
niasse d'environ 200,000 personnes, ils occu-
paient une partie de la Provence actuelle, les bas-
sins de l'Hérault, de l'Aude, de la Garonne. Au-
delà des Pyrénées ils devenaient les dominateurs
de l'Espagne. Alaric, en les conduisant au pillage
de Rome, leur avait fait une réputation militaire
presque sans égale. Dans ce Midi florissant où la
civilisation romaine avait laissé sa forte empreinte,
au milieu des grands municipes, Toulouse, Nar-
bonne, Carcassonne, Nîmes, Arles, les rudes guer-
riers du Nord s'étaient rapidement adoucis. La
cour de leur roi Euric, à Toulouse, était devenue
le rendez-vous des rhéteurs et des poètes et aussi
CLOVIS
— 430 —
GLOVIS
l2 centre politique où se rencontraient les envoyés
de toutes les nations barbares. La transformation
de leurs institutions et de leurs mœurs semblait
préparer une fusion prochaine avec les populations
gallo-romaines.
Les Burgundes. — Les Burgundes avaient comme
les Wisigoihs l'avantage d'occuper des contrées
opulentes et depuis longtemps civilisées. Les vil-
les de Besançon, d'Autun, de Vienne, de Lyon, de
Genève, comprises dans leurs possessions, étaient
autant de grands centres où s'étaient développés
dès longtemps les arts, l'industrie, la culture ro-
maine. D'un caractère naturellement doux et facile,
ils avaient abandonné volontiers leurs courses
aventureuses pour les occupations sédentaires.
Labourant le sol ou s'adonnant aux métiers, ils
vivaient avec les Romains « comme des frères».
Les Francs. — De tous les Barbares, les Francs
étaient les moins favorisés et en apparence les
plus rétifs à la^ civilisation. Les pays qu'ils occu-
paient, aux environs de Cologne et de Trêves
dans lest, de Tournai, de Thérouanne et de Cam-
.brai dans le nord, avaient été depuis deux siècles
incessamment parcourus et ravagés par le torrent
des invasions. Les habitants s'étaient enfuis, les
forêts avaient tout recouvert, les régions de cul-
ture étaient redevenues des territoires de chasse.
Là les Francs vivaient comme dans leur Germanie,
courant le fauve dans les bois ou se formant en
bandes pour aller au pillage. Ils n'étaient pas arri-
vés, comme les Wisigoths ou les Burgundes, à
constituer une unité politique. Ripuaires à l'est,
Saliens au nord vivaient à part et chacun pour son
compte. Ces deux agglomérations se fractionnaient
encore en tribus dont chacune avait son chef dis-
tinct et agissant séparément. Les forces militaires
de ces petits groupes ne pouvaient être bien con-
sidérables. Clovis aura besoin du concours d'un
autre roi pour mettre sur pied une armée de
6 000 hommes.
Ainsi les Francs semblent de tout point inférieurs
aux Wisigoths et aux Burgundes; plus faibles maté-
riellement, leur barbarie encore complète, leur pa-
ganisme grossier, tout semble mettre des barrières
infranchissables entre eus et les populations civili-
sées et catholiques delà Gaule romaine. — Et pour-
tant, trente années après, en 511. la puissance des
Wisigoths est détruite, celle des Burgundes ébran-
lée, et c'est aux Francs qu'appartient décidément
la suprématie.
Cette fortune rapide et subite est due pour une
part à l'habileté de Clovis, mais elle est due sur-
tout à une cause qu'il est facile d'apercevoir dès
481. Les Wisigoths et les Burgundes s'étaient
presque f~'omanisés ; ils étaient même devenus
chrétiens. Mais leur christianisme n'était pas le
christianisme orthodoxe, adopté par les conciles,
enseigné par les évèques. Ils avaient été convertis
par des disciples d'Arius, qui niait la divinité de
Jésus-Christ. Le christianisme était alors dans
toute la ferveur des premiers âges. Les haines
religieuses étaient violentes entre les orthodoxes
et les hérétiques ; de la discussion on passait fa-
cilement à la lutte armée. Or les populations
gallo-romaines étaient unanimement catholiques.
De là entre ces populations et les Wisigoths ou
les Burgundes, entre les évoques et les rois bar- |
bares, des froissements continuels, parfois des
chocs violents ; de là chez les Gaulois le désir de
secouer une domination détestée. Pour détruire i
cette domination, tous les moyens étaient bons ; i
au besoin on aurait recours aux païens, moins
od'ieux que les hérétiques. Les païens ne discu- <
taient pas et n'argumentaient point. On pouvait '.
espérer de les convertir, de les transformer en
soldats de la foi. Telle fut, pendant de longues |
années, la pensée politique du clergé gaulois. Il lu
réalisa de 481 à ôU. Le règne de Clovis n'est pas '
autre chose que l'alliance de l'épiscopat catholique
avec la barbarie franque. Clovis prêtera à l'Église
le concours de ses armes, l'Église lui prêtera en
retour ses moyens matériels et son immense in-
fluence. Ils triompheront ensemble et l'un par
l'autre.
Avétiement de Clovis (481). — Le mérite de ce
chef barbare fut de comprendre quels immenses
avantages lui donnerait l'appui des évêques. Il
passa sa vie à s'assurer cet appui.
Nous le voyons dès ses débuts, averti par une
sorte d'instinct politique un peu confus encore,
engager des relations presque amicales avec le
clergé des Gaules.
Il est resté une lettre de l'évêque de Reims,
saint Rémi, qui le félicitait de son avènement et
lui donnait des conseils. Saint Rémi était considéré
comme le chef des Églises du Nord de la Gaule.
Sa parole avait par là même, une certaine autorité,
et il n'est pas sans intérêt d'observer que, dès
lors, il jetait les yeux sur Clovis.
Guerre contre Syagrius (486). — Cinq ans
après qu'il eut été élevé sur le pavois, Clovis fit
sa première expédition. Il avait pour voisin, au
sud, le gallo-romain Syagrius. Ce personnage n'é-
tait pas, comme on serait tenté de le croire, un
représentant de l'Empire romain. L'Empire romain
n'existait plus, en Occident du moins, qu'à l'état
de souvenir. Syagrius était tout simplement,
comme Euric, comme Gondebaud, comme Clovis
lui-même, un chef d'armée devenu indépendant
et maître du pays où il était cantonné ; seulement,
au lieu d'être barbare, il était gallo-romain d'ori-
gine ainsi que la plupart de ses soldats. Clovis,
avec les guerriers de sa tribu et ceux que lui four-
nit son parent Ragnachaire, roi de Cambrai, ras-
sembla une petite armée de 5 à 6 000 hommes,
attaqua Syagrius et le battit devant Soissons. Sya-
grius s'enfuit chez le roi des Wisigoths, Alaric II,
qui lo livra à la première sommation.
Dans cette première campagne, Clovis ordonne
déjà à ses soldats de respecter les biens de l'Église.
Il trouva bientôt l'occasion de donner au clergé
une marque éclatante de sa bonne volonté. Saint
Rémi lui avait fait réclamer un vase » d'une gran-
deur et d'une beauté merveilleuses » enlevé par le&
Francs dans la ville de Reims. Clovis demanda à ses
guerriers de lui abandonner cet objet en dehors de
sa part du butin. L'un d'eux lui répondit en frap-
pant le vase de sa hache : a Tu n'auras de tout
cela que ce que te donnera vraiment le sort. » Ces-
bandes de pillards avaient encore conservé leur
farouche indépendance ; beaucoup ne regardaient
Clovis que comme un chef volontairement accepté.
Clovis dissimula sa colère, mais un an après, pro-
fitant d'un prétexte, il tua de sa main le soldat au-
dacieux qui avait bravé son autorité naissante.
La défaite de Syagrius donnait à Clovis la ville
de Soissons et son territoire. Mais quand il voulut
aller plus loin, il se trouva arrêté par l'opiniâtre
résistance que lui opposèrent les villes de la
Somme et de la Seine, Amiens, Rouen, Paris.
C'est alors qu'il épousa Clotilde. Cette union était
un mariage politique.
Mariage de Clovis. — Fille d'un frère de Gonde-
baud, roi des Burgundes, que celui-ci avait fait
tuer avec sa famille, Clotilde avait survécu à ce
massacre. Elle était la seule princesse catholique
qui fût alors en Gaule. Les évêques résolurent de
la faire épouser à Clovis, comptant bien user en-
suiie de son influence pour déterminer la conver-
sion de son mari L'affaire fut menée par un Gallo-
Romain catliolique, du nom d'Aurelianus, conseiller
très écouté de Clovis. Gondebaud, soit par impré-
voyance, soit p\v crainte de blesser le vainqueur
de Soissons, accueillit favorablement la demande
de Clovis. Clotilde parût avec les guerriers francs
envoyés pour lui composer une escorte d'hoaneur^
CLOVIS
431 —
CLOVIS
On raconte ^^u'arrivée sur la limite du territoire
burgunde, elle pria les cavaliers qui l'accompa-
gnaient de piller et de ravager le pays environ-
nant. A la lueur des incendies allumés par son
ordre, elle remerciait Dieu « de voir commencer
la vengeance de ses parents et de ses frères. »
Quoiqu'elle fût chrétienne, Clotilde était bien de
son temps : elle en avait les passions violentes et
les durables haines.
Presque aussitôt après, Clovis recueillit les résul-
tats de son mariage. A l'appel des évêques, les
villes de Beauvais, d'Amiens, de Rouen, de Paris,
qui avaient résisté jusqu'alors, s'ouvrirent à
l'époux d'une princesse catholique. En même temps
Clotilde s'efforçait de préparer la conversion de son
mari. Il est curieux de suivre dans les récils des
chroniqueurs les péripéties de cette lutte intime.
Clovis paraît avoir été un adorateur assez tiède des
divinités germaniques; cependant il avait conservé
au fond de l'âme quelque reste de ses superstitions
et de ses terreurs religieuses. On le voit se de-
mandant, à la mort de son fils aîné qui avait été
baptisé, s'il n'a pas été atteint par la vengeance
de ses anciens dieux. Trop clairvoyant politique
pour n'être pas frappé de la puissance du catholi-
cisme, il hésite et diffère, il semble craindre
qu'une conversion trop brusque ne scandalise ses
guerriers. Il attend une occasion.
Victoire de Tolbiac. — En ^96, les Alamans. can-
tonnés depuis longtemps le long du Rhin, passèrent
le fleuve et tombèrent sur les Ripuaires. Clovis
accourut à la tête des contingents des tribus fran-
ques et livra bataille aux envahisseurs, à Tolbiac,
près de Cologne. Suivant la légende accréditée, les
Francs étaient près d'être vaincus, lorsque Clovis
invoqua le Dieu de Clotilde, lui promettant, s'il le
secourait, de recevoir le baptême. Ralliant ses
guerriers, il reprit l'avantage un instant perdu,
enfonça les Alamans, les poursuivit jusqu'en Souabe,
et leur fit reconnaître sa suprématie. Peut-être la
conversion de Clovis était-elle décidée avant la
campagne de Tolbiac ; peut-être attendait-il qu'une
grande victoire vînt lui donner le prestige dont il
avait besoin pour continuer d'imposer aux Francs.
Peut-être aussi, comme le raconte le chroniqueur
Frédégaire, Clovis encore hésitant avait-il promis
à Clotilde de se faire baptiser s'il était victorieux,
voulant pour ainsi dire éprouver, par une sorte
de superstition digne d'un barbare, la puissance
du Dieu nouveau, et jouant sa foi sur le sort d'une
bataille.
Quoi qu'il en soit, au retour de sa campagne,
Clovis, après une instruction très sommaire, se
convertit au christianisme.
Baptême de Clovis. — Les écrivains du temps
nous ont raconté les incidents de cette conversion.
Les pompes de l'Église, les parfums, les lumières,
les chants, produisaient sur l'imagination du bar-
bare une naïve et profonde impression. « Sommes-
nous ici dans le vestibule du ciel? » demandait-il
en entrant dans l'église de Reims, splendidement
décorée et illuminée pour la circonstance. Saint
Rémi en personne lui donna le baptême. « Courbe
la tête, fier Sicambre, adore ce que tu as brûlé et
brûle ce que tu as adoré. » Telles sont les paroles
que l'on prête à l'archevêque. Clovis écouta doci-
lement ces conseils.
Un certain nombre de guerriers francs, 3000 en-
viron, suivirent l'exemple donné par leur chef.
D'autres furent plus rétifs. Les mécontents se reti-
rèrent auprès de Ragnachaire, roide Cambrai. Mais
ces défections partielles furent amplement com-
pensées par les témoignages d'amitié que donnè-
rent à Clovis les principaux personnages du catho-
licisme. L'évêque de Rome, Anastase, lui écrivait :
« Le siège apostolique se réjouit de ce que Dieu a
pourvu au salut de l'Eglise en élevant un si grand
prince pour la protéger, » L'évoque métropolitam
de Vienne, Avitus, qui possédait dans l'est de la
Gaule la même influence que Rémi daus le nord,
tenait un langage plus significatif encore : « Ta
victoire est notre victoire ; désormais où tu combats,
nous triomphons.» Le pacte d'alliance longuement
préparé entre le roi des Francs et le clergé catho-
lique était enfin signé. Comme pour montrer que
ce n'étaient pas là de vaines paroles, les cites
dites armoricaines, qui s'étendaient dans la Nor-
mandie et la Bretagne actuelles et sur les bords de
la Loire, s'unirent par des traités à Clovis. Les der-
nières troupes régulières organisées à la romaine
entrèrent à son service. Elles conservaient encore
cinquante années plus tard leur costume et leur
armement distincts.
Gwn-e contre les Burgundes. — Clovis et lea
évêques avaient des ennemis communs dans le»
Wisigoths et les Burgundes, dont la puissance em-
pêchait Clovis d'établir l'unité politique, dont
î'arianisme empêchait l'Eglise d'établir l'unité reli»
gieuse dans les Gaules. Le roi des Francs eût
attaqué immédiatement les 'Wisigoths, s'il n'eût
écouté que ses convoitises et les appels passionnés
que lui adressait le clergé du Midi. Mais derrière
l'incapable Alaric II il y avait le redoutable Théo-
doric, roi des Ostrogoths d'Italie, dont Alaric avait
épousé la fille. Clovis marcha donc d"abord contre
les Burgundes, que désignait à ses coups la haine
toujours ardente de sa femme Clotilde.
Comme pour mieux donner à cette guerre le
caractère d'une expédition religieuse, les évêques
de l'est la firent précéder d'un suprême avertisse-
ment donné au roi burgunde Gondebaud. Dan»
une conférence tenue à Lyon, ils le sommèrent de
se convertir au catholicisme. Gondebaud refusa;
ils l'abandonnèrent aux armes des Francs. La ba-
taille décisive eut lieu sur les bords de la rivière
d'Ouche, non loin de Dijon. On en était déjà venu
aux mains, quand tout à coup le frère de Gonde-
baud, Godegisèle, passa à l'ennemi avec ses trou-
pes. Gondebaud vaincu s'enfuit le long du Rhône
et alla s'enfermer dans Avignon. Clovis commen-
çait le siège de cette place, lorsqu'on lui proposa
d'entrer en accommodement. Gondebaud céda
prudemment devant l'orage. Il accorda tout ce
qu'on lui demanda : les Francs eurent le pays de
Langres et la promesse d'un tribut; les Ostro-
goths, leurs alliés dans cette guerre, gardèrent la
Provence marseillaise qu'ils avaient conquise ; Go-
degisèle resta maître de tout le territoire compris
entre l'Isère et la Durance (5oO). Mais les Francs
s'étaient à peine éloignés, que Gondebaud repre-
nait les armes, franchissait l'Isère et massacrait
son frère Godegisèle, fait prisonnier dans Vienne.
Instruit par ses revers, Gondebaud chercha à se
concilier les populations et surtout le clergé. Il
promit aux Gallo-Romains une législation plus
douce et plus respectueuse de leurs droits. Il au-
torisa son fils Sigismond à se faire catholique, et
laissa entrevoir aux évêques la perspective de sa
propre conversion. Cette politique habile le pré-
serva d'une nouvelle invasion franque et différa de
quelques années la ruine de la puissance bur-
gunde.
Guer7'e contre les Wisigoths. — Clovis s'était
contenté d'humilier et d'affaiblir les Burgundes. Il
traita plus rudement les Wisigoths. Ces derniers
d'ailleurs étaient particulièrement odieux au clergé
catholique. A chaque instant les conspirations en-
gendraient des rigueurs et les rigueurs des révol-
tes. L'évoque de Tours était exilé, l'évêque de
Rodez se réfugiait dans les montagnes de l'Auver-
gne, l'évêque de Béarn était tué les armes à la
main en dirigeant une insurrection prématurée.
Clovis se décida enfin à obéir aux instances de
lEglise et aux suggestions de sa propre ambition.
Il convoqua le mal (assemblée militaire), et là,
s'adressant à ses soldats : « Je vois avec grande
GLOYIS — «2 —
GODES
suis resté comme un voyageur parmi des étrangers,
n'ayant pas de parents qui puissent me secourir
si l'adversité venait ! » — a II parlait ainsi par ruse,
ajoute naïvement Grégoire de Tours, et pour dé-
couvrir s'il avait encore quelque parent, afin de
le faire tuer.
« Toutes ces choses s'étant passées ainsi, Clovis
mourut à Paris, où il fut enterré dans la basilique
des Saints-Apùtres, qu'il avait fait lui-même cons-
truire avec la reine Clotilde (581). » Barbare, il
avait compris les avantages d'une alliance avec
l'Église. Il la servit et fut servi par elle. Comme
autrefois Constantin, il fit de la religion un instru-
ment de pouvoir, mais comme lui aussi il ne se
soumit pas lui-même dans sa conduite à la nou-
velle loi morale qu'il venait d'admettre, et il con-
serva du barbare la brutalité et la perfidie.
[Maurice Wahl.]
CODES. — Législation usuelle, VI-X. — Histo-
rique. — Le mot Code a été emprunté par la lé-
gislation moderne au droit romain. En droit
romain ce nom fut donné aux recueils des con-
stitutions et des rescrits des empereurs. Les plus
importants de ces recueils sont : le Code Théodo-
sien publié en 43 par Théodose le Jeune, et com-
prenant les constitutions des empereurs chrétiens
depuis l'an 312, c'est-à-dire depuis la septième
année du règne de Constantin ; le Code de Justi-
nien, rédigé par ordre de cet empereur, et con-
tenant les constitutions promulguées par lui et par
ses prédécesseurs {530-ô:U). Sous l'ancienne mo-
narchie française, les jurisconsultes ont appliqué
cette même dénomination à des ordonnances ou à
des recueils d'ordonnances des rois de France ;
c'est ainsi qu'on a appelé Code Michau la grande
ordonnance de lG'2'-\ rédigée par le chancelier Mi-
chel Marillac, et qui touchait à presque toutes les
matières du droit, droit civil, droit commercial,
droit criminel, droit ecclésiastique ; Code Louis,
l'ensemble des ordonnances du règne de Louis XIV ;
Code ^'oir, l'ordonnance de IG85, relative au ré-
gime, à la police et au commerce des nègres dans
les colonies françaises. Dans le langage moderne,
le mot Code désigne un ensemble de lois réunies
en un seul corps et statuant dune manière com-
plète sur une ou plusieurs matières du droit.
2. Avanf/ifjiiS de la codification. — La rédaction
des Codes actuels, qui forment la base principale
de notre législation, a constitué un progrès consi-
dérable. Les prescriptions législatives, réunies en un
Des trois peuples barbares qui se disputaient, | seul corps et dans un ordre simple, ont acquis une
en 481, la domination de la Gaule, les Burgundes | précision et une netteté qui en rendent l'étude et
douleur, s'écria-t-il, que ces ariens possèdent une
partie des Gaules. Marchons contre eux, et, avec
l'aide de Dieu, emparons-nous de leur terre, car
elle est bonne. » Le seul motif religieux eût sans
doute touché médiocrement les guerriers francs,
mais l'appât d'une riche conquête les décida. Ils
répondirent par des acclamations bruyantes, et,
quelques jours après, Clovis, renforcé par des con-
tingents ripuaires et bon nombre de Gallo-Roraains,
franchissait la Loire et pénétrait dans le pays wi-
«igoth.
En traversant la Touraine, il faisait respecter
scrupuleusement les terres de saint Martin. Le
<;oncours empressé de l'Église, des miracles écla-
tant en sa faveur, le récompensèrent. La tradition
enregistre le passage de la Vienne et le gué indi-
qué par une biche de taille gigantesque, le globe
de feu apparaissant au faîte de l'église Saint-Hi-
laire de Poitiers et guidant dans la nuit la marche
de l'armée franque. Si l'on traduit en faits positifs
ces récits légendaires, on y voit que les avis, les
signaux, les renseignements de toute sorte ne
manquèrent pas h Clovis. Trahis de tous côtés,
menacés par une explosion de la haine qui gron-
dait partout contre eux, les Wisigoths déconcertés
reculaient devant l'invasion. Clovis, en se portant
sur le Clain et en coupant ainsi leurs communica-
tions, les obligea à livrer bataille. Dans les plaines
de Veuille, Alaric II fut vaincu et tué.
Aussitôt l'armée franque se répand sur le terri-
toire wisigoth et déborde de la vallée de la Loire
dans celle de la Garonne. Clovis lui-même soumet
cette partie du pays, pendant que son fils Thierry
traverse la région montagneuse du centre et dé-
bouche dans la vallée du Rhône. Mais les Wisi-
goths, incapables de tenir en rase campagne, es-
sayèrent de sauver les débris de leur puissance
en combattant derrière des remparts. Les francs
étaient peu experts dans l'art de faire les sièges.
Clovis fut repoussé devant Carcassonne. Son fils
ne put venir à bout de prendre Arles : une armée
d'Ostrogoihs , conduite par l'excellent général
Ibbas, accourut d'Italie et lui fit éprouver une san-
glante défaite. Théodoric le Grand se décidait à
intervenir en faveur de son petit-fils, héritier du
malheureux Alaric II. Clovis, averti par ces échecs,
traita avec Théodoric et laissa aux \Msigoths le
pays appelé Première Narbonnaise. Le reste de l'an-
cien territoire d' Alaric II fut organisé et confié à des
comtes francs.
avaient perdu tout prestige et étaient tributaires,
les Wisigoths étaient presque rejetés de l'autre
côté des Pyrénées, les Francs l'emportaient déci-
dément. Mais les vainqueurs restaient divisés, et
Clovis, malgré l'ascendant que lui avaient procuré
ses succès, n'était que le chef des Saliens de
Tournai. Il voulut commander à toute la nation et
rétablir amsi à son profit l'unité politique de la
Gaule. Les rois francs, presque tous ses parents,
étaient autant d'obstacles à ses projets. Il se dé-
barrassa de tous successivement par un mélange
de ruse et de violence qui montre bien qu'en se
convertissant au christianisme, il ne s'était pas i
converti à la civilisation. A Cologne, il fait tuer
le père par le fils, le fils par ses envoyés. A Cam-
brai, il se fait livrer Ragnachaire par les leudes,
qu'il triche ensuite sur la récompense promise.
Chararic, roi de Thérouanne, est fait prisonnier
avec son fils. Il les fait tondre et ordonner prêtres.
Le jeune prince s'indigne et menace: «Les bran-
ches ont été coupées d'un arbre vert et vivant, il
l'application faciles. Il ne faudrait pas croire ce-
pendant que cette codification soit une oeuvre
complète ; la législation de notre pays se compose,
outre les Codes, d'un nombre de lois très consi-
dérable ; il est toute une partie du droit fort im-
portante, le droit administratif, qui n'a jamais été
codifiée, et dont il faut chercher les éléments dans
des lois datant de diverses époques, éparses dans
les recueils officiels.
3. Code civil; sa rédaction. — Le' premier en
date de nos Codes modernes et le plus important
est le Code civil, qui traite des principales matiè-
res du droit privé : l'état des personnes, les biens
et la propriété, les différentes manières d'acquérir,Ies
obligations, et les diverses espèces de contrats. Le
Code civil a réalisé en France l'unité de législation
vers laquelle depuis le xv^ siècle les plus grands
esprits avaient aspiré, et que les ordonnances des
rois depuis François l" avaient vainement tenté
de réaliser. La persistance du droit romain dans
certaines parties de la France, la diversité des cou-
ne séchera point et en poussera rapidement de i tûmes, les résistances des parlements, créaient
nouvelles. » Clovis, instruit de ces propos, se dé- | un obstacle absolu à l'unité législative. Lorsque
barrasse de toute inquiétude et les met à mort l'Assemblée constituante eut définitivement établi
tous les deux. Ensuite il se répand en hypocri- | l'unité politique, il devint possible de donner à la
tes protestations de regret : « Malheur à moi qui . France une législation uniforme. La Constitution
CODES
— 433 —
COLEOPTERES
de 1791 avait, par un article spécial, décidé « qu'il
serait *ait un Code de lois civiles communes à tout
le royaume ». En i793, la Convention posa les bases
du code civil ; au milieu de la plus efifroyable crise
intérieure et des périls de l'invasion étrangère,
elle consacra soixante séances à discuter le rapport
que lui avait présenté Cambacérès; et trouvant
que le projet élaboré par ce légiste sentait trop
« l'homme du palais, » elle le renvoya à un comité
de philosophes. Les événements politiques qui
suivirent détournèrent les esprits de cette grande
œuvre. Mais l'idée fut reprise sous le Consulat, et
un arrêté des consuls du 24 thermidor an viii confia
le soin de préparer un projet de Code civil à une
commission composée de Tronchet, Bigot de Préa-
meneu, Portahs et Malleville. Après que le travail
de la commission eut été soumis aux observations
du tribunal de cassation et des tribunaux d'appel,
les divers projets de lois furent, conformément au
mécanisme législatif de cette époque, discutés
par le Conseil d"État et le Tribunal, puis successi-
vement votés par le Corps législatif. Ces lois, au
nombrb de trente-six, ont été réunies en un seul
corps par une loi du 30 ventôse an xii (31 mars
1804} sous le nom de Code civil des Français. Le
Code civil a pris en 1807 et en 1852 le nom de
Code Napoléon ; depuis 1870 on est revenu à la
dénomination originaire de Code civil.
4. Division du Code civil ; moiHfications qui y
ont été apportées. — Le Code civil est divisé en
trois livres traitant, le premier, des personnes; le
second, des biens; le troisième, des différentes
manières d'acquérir la propriété, des obligations et
des contrats. Chaque livre est divisé en un certain
nombre de titres, les titres en chapitres, les cha-
pitres en sections ; enfin toutes les dispositions du
Gode civil forment une seule série d'articles, au
nombre de 2281. Cette division par articles rend
les recherches et les indications simples et faciles.
Le Code civil est considéré avec raison comme le
monument le plus complet et le plus parfait de
notre législation ; aussi les modifications qui y ont
été apportées sont-elles peu nombreuses et rela-
tivement peu importantes. Nous citerons parmi
les lois qui ont introduit certains changements dans
les dispositions du Code civil : la loi du 8 mai 1816
qui a aboli le divorce; la loi du 14 juillet 1819, qui
autorise les étrangers h succéder en France ; la loi
du 16 avril 1832, qui permet au chef de l'État d"ac-
cordev des dispenses pour le mariage entre beau-
frère et belle-sœur ; la loi du 31 mai 1854, aboli-
tive do la mort civile.
h. Code de procédure. — La rédaction du Code
civil a été suivie de la promulgation d'autres
codes, dont nous devons maintenant parler. Le
Code de procédure civile date de 1806; il règle
les formes à suivre pour les instances devant les
juridictions civiles : justices de paix, tribunaux
de première instance, tribunaux de commerce,
cours d'appel ; il détermine et réglemente les
voies d'exécution, saisie des meubles et des im-
meubles, saisie-arrêt, et 'e mode de distribution
des deniers entre les créanciers. Le Code de
procédure a été l'objet de modifications beaucoup
dIus considérables que le Code civil : toute la par-
tie relative aux partages et aux ventes judiciaires,
k la saisie immobilière et à la distribution du prix
des immeubles entre les créanciers, a été complè-
tement remaniée par les lois du 2 juin 1841 et
du 21 mai 1858.
6. Code de commerce. — Le Code de commerce
a été mis en vigueur en 1808; il réglemente les
actes qualifiés actes de commerce, traite des obli-
gations particulières aux personnes qui font du
commerce leur profession habituelle, des rapports
entre les commerçants ; il organise la juridiction
spéciale des tribunaux de commerce. — L'imper-
fection de certaines dispositions et les progrès du
2^ Partie.
commerce et de l'industrie, les nécessités nou-
velles qui en ont été la conséquence, ont amené le
législateur à remanier certaines parties du Code
de commerce. La matière des faillites a été com-
plètement refondue par la loi du 28 mai 1838 ; les
sociétés par actions, qui depuis la promulgation
du Code de commerce ont pris un grand déve-
loppement, ont été réglementées par plusieurs lois,
dont la dernière porte la date du 24 juillet 1867.
7. Code péîial ; Code d'instruction criminelle. —
Le Code civil, le Code de procédure civile et le
Code de commerce traitent des matières du droit
privé; le Code pénal et le Code d'instruction cri-
minelle constituent la plus grande partie de la
législation pénale : le premier de ces codes énu-
mère et définit les faits punissables, crimes, délit»
ou contraventions, et détermine les peines qui doi-
vent leur être appliquées; le second traite de la
procédure à suivre devant les diverses juridictions
pénales, tribunaux de simple police, tribunaux
correctionnels, cours d'assises. Le Code pénal et
le Code d'instruction criminelle ont été l'un et
l'autre mis en vigueur en 1811. — Le Code pénal
a été profondément modifié par une loi du 18 aoiit
1832; cette loi a adouci un grand nombre de dis-
positions jugées trop rigoureuses, et, en introdui-
sant d'une manière générale la faculté pour le
jury ou le juge correctionnel d'admettre des cir-
constances atténuantes, elle a permis d'abaisser
notablement la pénalité. Une autre loi du 13 mai
1863 a également abrogé ou remplacé un grand
nombre de dispositions du Code pénal. Le Code
d'instruction criminelle a été aussi l'objet de
réformes importantes ; citons en particulier la
loi du le' juin l863 sur l'instruction des flagrants
délits devant les tribunaux correctionnels, la loi
du 14 juillet 18G5 qui a adouci la rigueur de la
détention préventive en facilitant la liberté pro-
visoire, la loi du 21 novembre 1872 sur le jury.
8. Code forestier. — Les bois appartenant à
l'Etat, aux communes et aux établissements publics
sont soumis à un régime particulier. La législa-
tion spéciale applicable à ces bois se trouve dans
le Code forestier, qui a été promulgué le 31 juillet
1827. — Le Code forestier est le dernier des
recueils législatifs auquel ait été donnée officielle-
ment la dénomination de code. [Delacourtie-l
COEUR. — V. Circulation.
COLÉOPTÈRES (Étym. : de deux mots grecs
signifiant ailes à étui, parce que leurs ailes infé-
rieures membraneuses sont protégées par deux ailes
supérieures appelées élytres, qui forment comme
une gaine cornée) . — Zoologie,XXlII. — Ordre.de la
classe des insectes.
Les coléoptères sont les insectes les mieux connus,
en raison surtout de leur facile conservation en col-
lections, ce qui fait qu'un nombre considérable
d'amateurs s'en occupent. Nous leur consacrons à
ce titre, ainsi qu'aux lépidoptères ou papillons *, un
article spécial.
On trouvera au mot Insectes l'énumération des
caractères généraux de cette classe d'êtres orgauisés,
ce qui nous dispense d'y revenir ici.
Les coléoptères ont des métamorpnoses com-
plètes ; entre les deux états actifs de larve et d'a-
duite se trouve un état de repos et d'abstinence
de nourriture, celui de nymphe, à peau assez dure
enveloppant les organes de l'adulte bien visibles,
les pièces buccales, les antennes et les pattes re-
pliées, les ailes en moignons, entourées de four-
reaux.
Les mœurs des coléoptères sont des plus variées.
Les uns volent sur les fleurs et sur les feuilles,
d'autres nagent au sein des eaux qui sont leur
principale station, et même quelques espèces vi-
vent aux bords de la mer, dans les fissures des ro-
chers, et sont submergées par le flot à marée
haute. Beaucoup de coléoptères ne peuvent que
28
COLEOPTERES
— 434 —
COLÉOPTÈRES
courir sur le sol, souvent privés d'ailes, ayant
même parfois les élytres soudées ; il en est qui se
cachent sous les pierres, dans les mousses, d'au-
tres qui parcourent les sables à l'ardeur du soleil.
De nombreuses espèces ont des larves se nourris-
sant de racines ou perforant de leurs galeries
rintcrieur des tiges des végétaux ; beaucoup de
coléoptères, à l'état de larves ou d'adultes, man-
gent les feuilles des plantes, et certains le pollen
des fleurs. Les détritus animaux ou végétaux de
toute sorte, les cadavres à divers degrés de décom-
position, les matières stercoraires, les fumiers,
servent d'aliments à un grand nombre d'espèces,
utiles agents de la salubrité atmosphérique ;
d'autres sont malheureusement de grands destruc-
teurs des matières animales ou végétales sèches,
ils causent de graves préjudices à nos provisions, à
nos vêtements, aux bois de construction. Quelques
coléoptères habitent principalement le terreau et
le sol arable, et il en est, objets de la curiosité
ardente des collectionneurs, qui ont pour séjour
exclusif l'horreur de la profonde nuit des cavernes,
ou bien qui habitent, soit en ennemis, soit à titre
de commensaux affectionnés, les fourmilières, les
termitières, les guêpiers, les nids de divers insec-
tes creusés dans le bois ou dans la terre.
Nous dirons, pour la préparation des petites
collections scolaires, que les coléoptères récoltés
se placent dans des flacons remplis de rognures
de papier ou de grosse sciure de bois de sapin,
imprégnées de quelques gouttes d'essence de té-
rébenthine. On doit les piquer tous à la même
hauteur, au milieu de la partie supérieure de l'é-
lytre droite ; les trop minimes espèces se collent
à la gomme arabique un peu sucrée sur un petit
rectangle de carton ou sur une paillette de mica,
qu'on pique à l'épingle dans la collection. Les très-
grands seuls se mettent à l'étaloir pour ranger
contre le corps les antennes et les pattes. Il ne
faut placer les coléoptères en boîte fermée qu'a-
près leur complète dessiccation à l'air.
Classification, indication des espèces de France
les plus importantes. — La méthode tarsale, de
Geoffroy, est la plus commode pour une étude
très élémentaire des coléoptères , bien qu'elle
offre, dans diverses tribus, des exceptions de dé-
tail. Selon qu'ils ont à tous les tarses cinq, quatre
ou trois articles, on les nomme pentamères, tétra-
m.ère-< ettrimères; ils sonl dits hétéromères, quand
ils offrent cinq articles aux tarses antérieurs et
intermédiaires et quatre seulement aux posté-
rieurs.
1" Pentamères. — Les trois premières tribus
qui suivent ont six palpes, deux labiaux, quatre
maxillaires , l'interne de
ceux-ci étant le lobe ex-
terne de la mâchoire modi-
fié et divisé en articles.
Cicindéliens. — Formes
élancées et longues pattes,
un crochet articulé h l'ex-
trémité de la mâchoire ;
odeur de tubéreuse ou de
rose ; volent en général au
soleil, mais à peu de dis-
tance; carnassiers d'insectes
vivants, ainsi que leurs lar-
ves, qui se tiennent à laf-
fût dans des trous verticaux
des terrains sablonneux.
Espèces : Cicindela ca>n-
pestris, werte h taches blan-
ches; C. hybrida. bronzée
à taches d'un blanc jaunâtre ; C. gennanica, pe-
tite espèce verte, ne volant pas, courant dans les
chaumes.
Carabi''ns. — Les carabes, à corselet en cœur,
souvent sans ailes, dégageant de l'acide butyrique
C.icindèle champêtre.
par l'anus, sont exclusivement coureurs et chas-
sent, ainsi que leurs larves cuirassées, à la proie
vivante; à introduire dans les jardins bien clos.
Espèces: Carabus auratus (la jardinière), vert doré
Carabe doré [la Jardinière).
Larve de Carabe.
ou bronzé, à trois fortes côtes par élytre ; C. mo-
nilis, bronzé, noir ou violet, avec trois rangées de
granulations par élytre ; C . purpurascens, fort al-
longé, noir, pourpré sur les bords. Dans un genre
très voisin signalons le gros Procrusies coriaceus,
noir et chagriné, grand destructeur de colimaçons
et de limaces, sous les fagots, au pied des haies,
dans les vignes. — Les calosomes ont des ailes sous
les élytres élargies, grimpent aux arbres le soir et
détruisent les chenilles, notamment les proces-
sionnaires dans leurs nids soyeux. Espèces: Calo-
soma sycopha7ita, à tète et corselet d'un noir
bleuâtre, les élytres d'un rouge cuivreux mêlé de
vert ; C. iîiquisitor, plus petit et d'un bronzé bril-
lant. — Les brachins sont de petits carabiens, à
corps roux, à élytres d'un bleu ardoisé, vivant sous
les pierres et les débris végétaux, au pied des
murs, souvent un peu enterrés ; ce sont les bom-
bardiers, répandant parfois la nuit une faible lueur
phosphorescente et lançant par l'anus une vapeur
acre, avec de légères explosions. Espèces: Bra-
chinus crepitans, explodens et sclopeta. — Les
féronies sont des carnassiers principalement cou-
reurs, plus aplatis que les carabes, ce qui leur
permet de s'introduire à la recherche de la proie
par d'étroites fissures, sous les pierres et les écor-
ces. Une espèce très répandue et très utile, privée
d'ailes, courant sans cesse par les chemins et les
sentiers, est Fcronia vulgaris ou melanai'ia, d'un
noir brillant, à élytres striées. — Les amarcs et
les harpales sont des carnassiers de faible taille,
attaquant surtout les petites espèces d'insectes qui
sont d'ordinaire les plus nuisibles. Citons, dans les
cours, dans les moindres jardinets, sur les places
publiques, les Hnrpalus ϔieus, de couleur bron-
zée verdàtre ; H. ruficoniis, noir, à antennes, pal-
pes et pattes jaunâtres ; Amara trivialis, d'un doré
étincelant.
Dytisciens. — Ces carnassiers dits hydrocantha-
res. à pattes aplaties et contournées en rames,
habitent les eaux. Quand on les saisit ils répan-
dent un fluide laiteux, d'odeur désagréable ; ils
respirent en faisant sortir hors de l'eau la région
anale, soulevant les oiytres et englobant une bulle
d'air qui entre par les stigmates postérieurs. Les
mâles ont les tarses de devant élargis en ventouses
pour se crami)onner aux femelles. Les larves et
les adultes des grandes espèces sont nuisibles au
frai des poissons et détruisent les têtards de Ba-
traciens, animaux utiles. Ex. : Dytiscus margi-
nal is.
Tous les coléoptères qui vont suivre n'ont plus
que quatre palpes, deux maxillaires, deux labiaux.
Citons, pour ne pas quitter les eaux douces, les
gyrins ou tourniquets, à très longues pattes anté-
COLÉOPTÈRES
— 433 — COLÉOPTÈRES
sieures, laissant suinter, quand on parvient à les
saisir, un fluide laiteux féiide. Ils se tiennent à lu
surface de Teau, tournoyant sans cesse avec viva-
cité, leurs yeux, divisés en deux, voyant à la fois
dans l'air et dans l'eau ( Gijrinus nafator, d'un
noir vernissé un peu bleuâtre) ; les hydrophiles
ou palpicornes, dont les longs palpes maxillaires
dépassent les antennes, et qui ramassent l'air res-
piratoire au moyen de certains articles des anten-
nes excavés en godet. Le grand hydrophile brun
{Hydrophilus piceus) est un de nos plus forts co-
léoptères, allongé et ovalaire, mangeant souvent
des végétaux, tandis que sa larve, le ver assassin
de Réaumur, très carnassière, ne vit que de larves
aquatiques ou de mollusques dont elle brise la
coquille. Les femelles des hydrophiles filent des
cocons cornés autour de leurs œufs.
Staphylinieiis, — Ce sont des carabiens dégradés,
n'ayant plus que des élytres très courtes, parais-
sant porter une veste. La plupart vivent dans los
fumiers, les grandes espèces chassent aux proies
vivantes ou s'abattent sur les charognes, surtout
pour y chercher des larves de mouches (ainsi
Emus hirtus, Creophi us maxillosus). Le staphylin
le plus utile, à entourer d'une protection efficace,
est celui si abondant en automne par les chemins
et chassant aux chenilles et aux limaçons comme
les carabes, rOcy/jMS olens qu'on nomme vulgaire-
Staphylin odorant {Ocypus olens) dit le Diable.
■ment le Diable, d'un noir terne, relevant son ab-
domen, d'où font saillie deux vésicules blanches à
odeur d'éther nitreux.
Si/phiens. — Ce sont
surtout des carnassiers
de cadavres que leurs
larves larges et noires
fouillent en tous sens.
Les nécrophores enter-
rent avec rapidité les
petits cadavres et y pon-
dent leurs œufs, tels:
Neo'ophorus germa7iicus
et humator, tous deux
noirs, le second avec le
bout en massue des an-
tennes roux; plusieurs
autres espèces sont bi-
garrées en zig-zag de fauve et de noir; ainsi
iV • vespillo. — Les silphes ou boucliers sont noirs
Nécrophore fossoyeur.
Silphe lisse, larve et colimaçon dévoré.
pour la plupart et vivent de cadavres, certains,
très utiles, de proie vivante : S. Isevigata , de coli-
maçons, ainsi que sa larve ; S. quarirtpundata, à
élytres jaunes avec quatre points noirs, volant
entre les arbres à la chasse des chenilles ; S. tho-
I acica, à corselet roux, à élytres carénées, d'u'w_
noir mat, courant sur le sol après les chenilles et
les limaces. — Les histers ou escarbots ont un
grand nombre de petites espèces vivant d'excré-
ments et de détritus, ainsi Hister quadrimacula-
tus, cadaverinus, stercorarius, etc.
Dermestieiis. — Font partie des anciens clavicor-
nes de Latreille, à cause de leurs antennes termi-
nées en massue, très nuisibles, détruisant toutes
les matières animales sèches, comme le lard et les
peaux, fléaux des lainages, des pelleteries, des
collections. Citons Dermesies lardarius, Attagenus
Attagène des pelleteries, sa nymphe et sa larve.
pdlio, Anthenus varius ou musœorum, attaquant
les boîtes d'insectes dans le monde entier. Larve,
poilues et très voraces. Employer contre eux le
sulfure de carbone, la benzine phéniquée, la pou-
dre de pyrèthre.
I.ucaniens. — Curieux par les énormes mandi-
bmles des mâles. Espèce principale : Lucanus cer-
vus, le cerf-volant. Larves perforant les arbres,
nymphe dans une coque de débris ligneux.
Scarabéiens. — Sont appelés lamellicornes, à
cause des lamelles de leurs antennes. — Scarabées
de terre. Les uns sont des rouleurs de boules ou
pilulaires, les femelles poussant entre leurs pattes
de derrière une boulette de débris stercoraires, qui
contient leur œuf, et l'enfouissant. Ai nsïAteuc'ius
sacey,\Q scarabée sacré des Egyptiens, uniquement
des plages sableuses de la Méditerranée, et deux es-
pèces du même genre plus petites, remon tant jus-
qu'au centre de la France; en outre lesGi/mno-
pleurus flagellatu^i, pilularius, SisyphuSySc'iœfferi,
suivant les troupeaux de moutons, recherchant les
excréments humains. Les rouleurs de boule man-
quent dans le nord de la France. D'autres scara-
bées, noirs aussi, ne font pas de boules, mais vi-
vent dans les crottins et les bouses, comme les Cop?'is
et Onthophagus,lB& Aphodius, de petite taille, dis-
persant rapidement les déjections azotées ; les Geo-
trupes, sillonnant les bouses de leurs galeries et
les enfouissant avec leurs œufs, insectes parfois
verts ou violets en dessous : G. stercoruriuSy ver-
Vers blancs ou larves de hannf-on,
nalis, etc. — Scarabées de feuilles e; Je fleurs.
Les plus nuisibles sont les hannetons, surtout le
COLEOPTERES
— 430 —
COLÉOPTÈRES
hanneton commun, Me'olontha vulgaris, à corse-
let noir, avec ses larves ou Vers blancs, vivant
trois ans, détruisant les racines, d'abord des plan-
tes basses des jardins, des prairies et des champs,
puis des arbustes, les adultes dépouillant les ar-
bres de leur feuillage. Le seul procédé efficace de
diminution du nombre de cette terrible espèce est
un hannttoiuiage avant la ponte, général et obli-
gatoire. Bien moins nuisibles sont le hanneton du
châtaignier, Jf. hippocastani, à corselet brun, et le
foulon, PolyphijUa fullo, énorme hanneton marbré
de blanc, de toutes nos dunes, les Rhizolrogus, pe-
tits hannetons blonds et poilus, volant le soir par
mjTiados autour des arbustes et des haies, dont
leurs larves dévorent les racines. Les cétoines vo-
lent très vivement au soleil, les élytres demeurant
fermées ; telles sont Cclonia aurata (la cétoine do-
Cètoinc dorée volant.
rée) et movio (la cétoine noire'i, très nuisibles dans
l'extrême midi aux abricotiers, aux pruniers, aux
poiriers, dont elles font avorter les fleurs en ron-
geant le pollen, et des espèces plus petites, Oxy-
thyrea stktica et hirtella, nuisibles aux roses et
aux fleurs d'arbres à fruit.
Bupj'esticns. — Ces coléoptères, nommés ri-
chards à cause de leurs couleurs étincelantes, exis-
tant à peine dans le nord de la France, ont des
larves presque sans pattes, renflées antérieurement,
vivant dans les troncs et les branches d'arbres,
souvent pendant plusieurs années. Citons Chalco-
phorn Mariana, grande espèce bronzée attaquant
les pins, Lampra rutilam faisant périr les or-
meaux, etc.
Elatéricîis. — On appelle ces insectes taupins
ou maréchaux, car ils sautent, en se retournant,
Elatérien sautant.
avec un bruit sec comme un coup de marteau,
quand ils sont placés sur le dos, et retombent sur
leurs pattes. Leur régime est mixte ; il en est de
carnassiers et utiles à ce titre, d'autres dévorant
les feuilles pendant le jour ; ainsi les Agriotes,
ofl'rant des espèces communes et nuisibles, noirà-
Lampyre noctiluque, mâle
et femelle (ver luisant).
] cuirassées, munies de pattes, détruisent les raci-
nes des céréales et des prairies, au poiiu d'exiger
parfois une alternance de culture, et aussi les ra-
cines des choux, des laitues, etc.
Lampi/ riens. — La mollesse des téguments de-
ces coléoptères leur a valu la désignation de mala-
codermes. Les lampyres ont des femelles sans ai-
les, ressemblant à leurs larves, pourvues en des-
sous et au bout de l'abdomen d'une sécrétion
phospliorescente qui les fait nommer Vers luisants :
ainsi Lampyris noctiluca, de toute la France ; L.
splaididula, du midi. 11 faut les ramasser dans les
])rés et sous les haies, et les apporter dans les jar-
dins, car ce sont de grands mangeurs de limaces,,
de colimaçons, de chenilles. Il est bon de recher-
ciior de même la gros-
se femelle poilue et
vermiforme, non phos-
phorescente, du Drilus
flnvescens, qui vit ex-
clusivement do coli-
maçons. Les mâles,
ailés et volant bien,
viennent d'eux-mêmes
trouver les femelles.
Les téléphores volent
dans les buissons e"
les arbres au prin
temps et sont à leurs deux états actifs très car-
nassiers ; les plus communs sont : Telephorus fuscu.'i,
rusticus, iivi'ius, rufus, melanunis, le plus tardif.
Les malachies, de petite taille et d'un vert brillant,
ont des larves qui détruisent les insectes sous les-
écorces; aln&i Malachius œneus,bipustu/atus, etc.,
faisant saillir sur les côtés, quand on les inquiète,
des caroncules rouges, qui leur ont valu le nom de-
cocardiers.
Clériens. — Ce sont encore des insectes A larves
carnassières, tels les clairons {Trichode^ apiarius
et alvearius), à corps poilu avec bandes rouges ou
jaunes sur fond noir, les Thanasùmis formicarius et
mutillarius, d'aspect de fourmi, chassant sous les
écorces ; les Corynetes et Necrobia, dont certaines
espèces vivent dans les maisons aux dépens des
larves lignivores.
Ptiniens. — Par contre cette tribu renferme de
très funestes coléoptères, les ptines, rongeant des»
matières animales sèches comme les dermestes, no-
tamment le Ptinus fur, vivant dans les aumoires à
provisions, les greniers, les poulaillers, détruisant
les étofl'es, les collections ; le LiiKCxylon navale, des
chênes du nord-est de la France, perforant les bois
dans les chantiers maritimes; les anobies ou vrillet-
tes, ainsi appelées à cause des trous ronds, parais-
sant percés à la vrille,où vivent leurs larves nommées
vers de bois, qui détruisent nos bois ouvrés, meu-
bles, charpentes, frises de parquet, boiseries, et ré-
pandent des petits tas de poussière jaune qui les
décèlent. Les adultes volent au printemps et s'ap-
pellent la nuit par des coups secs, qui leur ont valu
le nom d'horloges de la mort. Les plus funestes es-
pèces des maisons sont les A7iobium pei'tinax,
striatum, tessellatum et paniceum ; ce dernier,
outre les bois, dévorant les livres, les archives, les
plantes sèches, les pains à cacheter, etc. Il faudrait
passer tous les bois de consiructiou à l'étuve sèche
à 90 degrés pour tuer toutes les larves des vrillet-
tes et aussi celles d'un lignivore d'une tribu voi-
sine, le Lictus canaliculatus, causant souvent de
grands dommages aux charpentes du chêne .
Larve de l'Elatère marin.
très à puDescencc roussâtre: A. segetis, lineafus.
striatus, gilvellm, sputator, etc. Leurs larves /T'cr.*
nls de fer des Anglais) allongées et cylindriques.
2° HÉTÉROMÈRES.
Tcnébrionien^. — Les mélasomes, à corps géné-
ralement noir, présentent de nombreux genres des
sols secs et des rivages, et ne se trouvent guère en
France que dans l'extrême midi. Les blaps, privés
d'ailes, dits bétes noires des caves, se traînent
COLÉOPTÈRES
437 —
COLEOPTERES
dans les caves et les celliers. Le plus commun est
le Blaps mortisaga, qui a une petite utilité en
mangeant les limaces des caves. Les tcncbrions
ont pour espèce principale le
Tenehrio molitor, des boulan-
geries , dont nous trouvons
souvent les débris noirs dans
le pain. Sa larve allongée et
cuirassée, munie depa1tes,est
le ver dit de farine, substance
dont elle se nourrit. On s'en
sert pour élever les rossignols,
les lézards, etc.
Caiithori'Hens. — Les co-
léoptères de cette tribu vivent
tous dans les nids d'hyménop-
tères, où ils sont apportés à
l'état de premières larves par
les femelles qui butinent sur
les fleurs, et ils y subissent
une série de transformations
compliquées [hT/pennétamorphoses). Les Méloés, à
suintement jaune, faisant enfler les bestiaux qui les
avalent en raison de leur principe vésicant, traînent
dans les prairies leur énorme corps gonflé, sans ai-
les, à élytres déhiscentes. Le plus commun, noir, est
le Mcloe proscarabteiis ; le M. vanegafu<, à'unhronyA
cuivreux, a sa première larve très nuisible aux
abeilles, les faisant périr dans la i-age ou maladie
Blaps obtus.
Cantharide mâle volant et CanthariJe femelle.
de mai. Les cantharides [Cantharis vesicatoria) .
d'un beau vert, s'abattent en juin par essaims sur
les frênes et les lilas qu'elles dévorent, et s'em-
ploient, séchées ou pilées, en raison de leur caji-
tharidine pour produire des vcsications ; cettp
substance a une action irritante sur les organes
urinaires et peut amener de graves empoisonne-
ments. De même pour la substance vésicante des
mylabres, ainsi du Mylahris voriabitis, noirâtre
avec trois bandes fauves, du midi de la France.
3° TÉTR.\MÈRES.
Scohjtiens. — Les ravageurs des forêts, passant
aux charansons par leur peiit rostre, h corps cy-
lindroïde, dur, hérissé d'aspérités, de couleurs
noirâtres ou ferrugineuses ; larves sans pattes,
aveugles et courbées. Les femelles recherchent
les arbres déjà vieux ou afTaiblis, pour que la sève
n'obstrue pas les galeries de ponte qu'elles creu-
sent entre l'ccorce et le bois et sur lesquelles les
larves embranchent des galeries transversales qui
vont en s'élargissant.
Les Scolijtus attaquent les ormes (S. destnictor)
et les chênes (.''. pygmœus, intricatus) ; les Hylesi-
nus le frêne, l'olivier, etc. , les [fijlurgiis les coni-
fères [H. piniperda), les Tomicus tous les arbres
{T. bi(/e7is, typographies, etc.). Le décortiquage et
le goudronnage sont des moyens peu efficaces.
Il est mieux d'enlever et de brûler les premiers
arbres atteints, ou de placer dans les allées des
arbres abattus, dits arbres-pièges, qu'on emporte
au loin quand ils sont pleins de scolytiens. Los
entomophagcs internes (Hyménoptères) et les
Ilylurge pinipei'do, très grossi.
Larve de Scolyte, très
grossie.
agents atmosphériques sont les seuls destructeurs
efficaces des scolytiens. Les ormes en avenues, les
arbres des grandes villes, toujours plus ou moins
malades, deviennent leur proie aisée ; ils respec-
tent les essences exotiques (robinier, ailante) qu'il
est bon de choisir pour les plantations urbaines,
en ayant soin d'aérer et d'arroser les racines.
Curculio7iiens. — Ces coléoptères si nuisibles
sont aussi nommés charansons (telle est l'ortho-
graphe adoptée par Geoffroy) ; leur tête est plus
ou moins prolongée en bec bu rostre, avec des an-
tennes terminées en massue serrée, ovalaire ou
fusiforme. On les rencontre en général sur les
plantes, herbes ou arbres, qui ont nourri leurs
larves, parfois enterrés au pied, ou sous les pier-
res ou sur les sols sablonneux. Une partie de ces
insectes, dits recticornes, ont les antennes droites.
On y range les Bruches, à bec court et large, dont
les femelles pondent dans les jeunes gousses des
Bruche du pois, grossi et de grandeur naturelle^ et pois percé.
légumineuses, pois, fèves, lentilles, pois chiches
ou garvances, vesces ; la larve vit dans la graine
mûre que l'adulte perce pour sortir d'un trou
rond, et n'attaque pas en général l'embryon, mais
seulement les cotylédons, de sorte que la graine
peut encore germer, ce qui propage l'espèce. 11
faut rejeter comme semence les graines qui flottent
sur l'eau. Les Rhyiiclntes, ennemis des arbres et
arbustes, nommés lisefte, béclie, becmare, bécare,
urbec, etc., roulent les feuilles, ou piquent les
bourgeons, ou coupent à demi les petites branches,
afin de diminuer la sève, ou percent les jeunes
pommes et les jeunes poires. 11 faut enlever et
brûler les parties attaquées. Le genre Apion ren-
ferme de très petits charansons, vivant en nom-
breuses colonies dans les fleurs et les bourgeons,
sur les feuilles et les tiges, parfois produisant des
galles.
La grande majorité des charansons sont fractri-
cornes, offrant l'antenne coudée au second article.
Le premier article très long prend alors le nom de
scape et se loge en partie dans un scrohe ou sillou la-
téral du rostre, le reste de l'antenne formant le fa-
nicule. Nous citerons seulement les genres Hylobiiis
COLÉOPTÈRES
438 —
COLÉOPTÈRES
et Pissor7es, très nuisibles aux arbres résineux, Poly-
drosus formé de charansons verts et assez mous,
dangereux pour les arbres fruitiers ; Otioi hynclnis.
Charançon du pin, Pissodes nolafus.
constitué au contraire par des charansons noc-
turnes et sans ailes, à téguments très durs. Il faut
recuoillir les adultes pendant la nuit et les tuer,
ou bien les chercher le jour, cachés au pied des
arbustes : ainsi 0. ligiistici, gros charanson gris,
nuisible à tous les arbres d'espaliers ; 0. raucus et
picipes, faisant beaucoup de tort aux vignes. Les
Anthonomiis pomorian et piri pondent leurs œufs,
donnant les larves dites vers d'hiver, dans les
bourgeons à fruit des pommiers et des poiriers ;
couper et brûler. Le ver des noisettes est la larve
du Balaiiinus nucum, le ver des châtaignes du B.
eleptias, espèces à bec très grêle et très long. Il
faut ramasser et brûler les noisettes, avelines et
marrons attaqués. Les Baridius ont des larves
rongeant les tiges des choux, celles des Ceutho-
rhynclius produisent des galles sur les tiges des
navets, des choux, des colzas ; arracher et brûler
les tiges atteintes. Deux très petits charansons,
bruns, sans ailes, sont les fléaux des réserves de
Calandre du blé, très grossie, et grain attaqué.
grains de blé et de riz [Sitopldlus granarius et
orizœ). Ces calandres lucifuges vivent à l'intérieur
des tas de grains amoncelés. On a recommandé
contre elles le pellctage des grains, l'emploi des
tarares à choc qui, par la force centrifuge, tuent
les insectes, séparés ensuite, par la ventilation,
des grains sains plus lourds, le chaufournage ou
usage du four et bien mieux des étuves h air
chauffé à la vapeur d'eau, à température constariti-,
trop basse pour altérer la farine, les silos en ma-
çonnerie bien secs avec la vapeur de sulfure de
carbone. Les dégâts sont très diminués aujour-
d'hui, car la facilité des transports rend court l'em-
magasinage des grains.
Femelle de l'Astyno-
me édile longicorne
attaquant les pins et
sapins.
Cérambyciens. — Appelés aussi longicornes, en
raison de l'extrême longueurdeleurs antennes, éga-
lant et souvent dépassant celle du corps ; ils sont
tous plus ou moins nuisibles, car leurs larves vi-
vent à l'intérieur des tiges des végétaux qu'elles
percent de leurs galeries. La plupart de ces larves
ont six petites pattes tout à
fait rudimentaires. Il y a d'a-
bord à citer deux espèces d'un
brun noir : le grand capricorne
[Ceramijyx héros) vivant dans
les chênes, le petit capricorne
(C. cerdn) dans les pommiers
et les cerisiers ; YArornia mos-
chata, d'un beau vert et à
odeur de rose, attaquant les
saules ; les Clytus, noirs à
bandes sinueuses jaunes ; le
Callidium s'mguineum, d'un
rouge velouté, qu'on voit sor-
tir au printemps de tous nos
bois de chauffage, etc. Dans
le groupe des lamies les lar-
ves sont absolument sans pat-
tes , à citer : Astynomus edilis, d'un gris cendré,
avec les antennes du mâle dépassant plusieurs
fois le corps, dont la larve fait beaucoup de dégâts
dans les pins et sapins ; Lamin textor, d'un brun
noir, attaquant les saules ; Saperda carcliarias,
couvert d'une fine villosité d'un jaune roux, dévas-
tant les plantations de peupliers, ainsi que S. po-
pulnea, espèce plus petite, à élytres annelées, pi-
quetée de fauve ; S. scalaris, à grandes taches jau-
nes ou vcrdâtres, des bouleaux, des cerisiers, etc.
Il faut tuer les longicornes adultes, qui sont tou-
jours d'assez grande taille, car il n'est pas possible
d'atteindre les larves.
Chrysoméliens. — Cette dernière tribu de té-
tramères formait les phytophages de Latreille,
leurs larves, à pattes développées, vivant d'ordi-
naire à découvert sur les feuil-
les qu'elles dévorent ainsi que
les adultes. Les Cassida ont
l'aspect de petites tortues pla-
tes, comme C. viri-'is, vert ou
rougeâtre, sur les feuilles des
artichauts, C. nebulosa , d'un
gris nébuleux, sur celles de la
betterave rouge. Les larves des
cassides portent en dessus de
leur corps un paquet d'excré-
ments, retenu sur une fourche
anale, comme un parasol pro-
tecteur. Il faut écraser les lar-
ves et les adultes; de même
pour les Crioceris, dont les
larves se recouvrent d'un man-
teau d'excréments : ainsi C.
merdigera, d'un beau rouge,
vivant sur les lis : C. asporayi
et duodecimpunctata, détrui-
sant les plants d'asperges porte-
graines. Bien plus nuisible en-
core est VAdoxiis ou Broniivs
tij'iî^, petit coléoptère noir, à élytres rousses, connu
sous le nom d'Eumolpe de (a vigne, d'Ecrivai?ï,
car ses morsures sur les feuilles de vigne res-
semblent à des réglures de musi(iue ; la larve
ronge sous terre les racines des vignes et peut
les faire périr. Il faut ramasser ce fléau des vi-
gnobles dans de grandes poches de toile atta-
chées à un cercle de fer et le brûler. Le colaspe
des luzernes, tout noir, dit leNégril (Cotaspidema
(driim ou barbarum) dévaste les luzernes dans le
midi de la France. Il faut le ramasser dans des
poches de toile, engourdi par la fraîcheur du ma-
tin, on avec une faulx en bois, derrière laquelle
est une grande poche flottante. Ce ramassage sera
Criocère du !i
COLEOPTERES
— 439 —
COLÉOPTÈRES
le meilleur moyen à employer contre le chryso-
mélien des pommes de terre ou doryphore {Lep-
tinotars-a decemlineata), si ce funeste insecte,
importé d'Amérique, fait son apparition en France.
Les peupliers et les trembles sont attaqués par
deux chrysoméliens à corselet bronzé et à élytres
rouges {Lina populi et tremulx), dont les larves
ont des suintements visqueux propres à dégoûter
les oiseaux. Les galéruques et les adimonies, à
téguments mous, à femelles gonflées d'œufs, sont
très nuisibles à divers arbres, notamment la galé-
ruque de l'orme, qui découpe les feuilles de cet
Colaspe des luzernes, 1 mâle. 2 femelle, 3 larve.
arbre en dentelle. Les altises ou puces de jardin
{genres Altica et Phyllotreta) sont de très petits
chrysoméliens sauteurs, criblant de trous les
feuilles des crucifères, radis, navet, navette ; cer-
tains très nuisibles aux colzas, rendant les siliques
difformes et stériles, d'autres aux lins, une espèce
ravageant les vignes dans l'extrême midi de la
France et en Algérie. On emploie contre les alti-
ses des appareils secoueurs, qui les font tomber
dans des auges où elles s'amassent contre des re-
gards vitrés, en cherchant à sortir. Il faut les
brûler et non les noyer, car elles résistent k la
submersion comme presque tous les insectes.
Comme moyen préventif, on projette dans les
Altise de la vigne et sa iaivc. — Feuille attaquée et appareil ramasseur.
champs et les potagers un mélange de sable et de
naphtaline ou de goudron de houille, afin d'écar-
ter les altises par l'odeur.
4° Trimères.
Coccinelliens. — La plupart sont très utiles, dé-
vorant les pucerons et les cochenilles ; nos auxi-
liaires sont surtout les larves munies de pattes
des coccinelles, avec taches blanches, rouges ou
jaunes, qui saisissent les pucerops entre leurs
pattes de devant et les dévorent. Les adultes, ap-
pelés bêtes à bon Dieu, sont très bombés, rouges
ou jaunes avec taches noires, ou parfois à l'inverse,
noirs, tachés de rouge ou de jaune. Ils laissent
suinter, à l'articulation de la jambe et de la cuisse,
des gouttelettes jaunes et fétides, cette mauvaise
odeur étant un caractère de tous les mangeurs de
pucerons. Il ne faut jamais détruire les coccinel-
les, qui passent souvent l'hiver dans les greniers
et les granges ; il est bon d'introduire ces précieux
insectes sous les châssis et dans les serres. Les
espèces les plus communes sont Coccinella septem-
punctata à sept points noirs, et 4da/ia bi-punctata,
COLONIES
— 440 —
COLONIES
& deux points noirs. Par inversion de régime
quelques coccinelliens sont nuisibles et dévorent
des végétaux. Les Epilachna attaouent les cucur-
#
Coccinelle à sept points et sa larve grossie.
bitacées et les lasia [L. globoso, de forme très
globuleuse) détruisent les trèfles, les luzernes et
les vesces.
Les coléoptères, qui comptent en France envi-
ron dix mille espèces, ne peuvent être étudiés
complètement dans cet article. Nous recomman-
dons aux instituteurs, pour les collections sco-
lairos, un petit ouvrage d'un prix peu élevé :
Faune élémentaire des Coléoptères de France,
par Léon Fairmaire, 1 vol. in-12, 4* édit., Paris,
E. DeyroUe. [Maurice Girard.]
COLO>IES. — Histoire générale, XXI, XXXVI;
Histoire de France, XXXVIII-XL. — Différentes
sortes de colonies. — Le mot de colonie, dans son
acception la plus générale, désigne un établisse-
ment formé par un peuple en dehors du pays qu'il
occupe ordinairement.
Il y a eu et il peut y avoir encore plusieurs sor-
tes de colonies : la colonie militaire créée pour
surveiller une région ou pour garder une route
importante ; la colonie commerciale, composée de
quelques comptoirs où viennent s'établir des
Iraflcants ; la colonie proprement dite, où les énii-
grants s'installent tout à fait, transportent ou fon-
dent des familles et sont ainsi à la mère-patrie
comme un prolongement lointain.
Colonies dans l'antiquité. — Dans l'antiquité,
trois peuples surtout ont établi des colonies : les
Phéniciens, les Grecs et les Romains.
Colonies des Phéniciens. — Les Phéniciens habi-
taient un pays étroit, resserré entre les montagnes
et la mer ; leur sol présentait en abondance le
bois, le cuivre, le chanvre, c'est-à-dire les maté-
riaux nécessaires à la construction des navires. Ils
devinrent de bonne heure des marins habiles et les
premiers commerçants du monde. Pour fournir des
points de relâche à leurs navires, des entrepôts à
leurs marchandises, ils songèrent à former de tous
côtés des établissements durables. La plupart
de leurs colonies ne furent guère, surtout à
l'origine, que de simples comptoirs. Ils les éche-
lonnaient le long des routes maritimes qu'ils sui-
vaient de préférence : dans les îles de Chypre et
de Rhodes, dans les Cyclades, à Thasos pour aller
vers la mer Noire ; en Crète, en Sicile, sur la côte
d'Afrique et d'Espagne, pour aller vers l'Océan et
les contrées occidentales. Quelques-uns de ces
comptoirs devinrent des villes plus puissantes que
leurs métropoles. Adrumète, Leptis, Utique, Car-
tilage formèrent comme une Phénicie africaine.
Carthage surtout, enrichie par le commerce et la
navigation, maltresse d'un vaste empire continen-
tal et maritime, surpassa en prospérité et en puis-
sance les grandes cités de Tyr et de Sidon.
Colonies des Grecs. — Les colonies grecques
n'eurent ni la même origine, ni le môme caractère.
Les émigrants par lesquels elles étaient fondées
avaient abandonné leur pays devant l'invasion
d'autres peuplades ou s'étaient exilés à la suite de
querelles intestines. Ils emportaient les traditions,
les lois, le culte de leur cite natale, avec laquelle
ils continuaient d'entretenir des rapports suivis.
Répandues en Asie ^lineure, en Sicile, dans l'Ita-
lie méridionale et sur les côtes de l'Afrique, ces
colonies contribuèrent pour une large part au dé-
veloppement et à l'éclat de la civilisation helléni-
que. Les hommes qui les premiers donnèrent à la
Grèce une poésie, une histoire, une philosophie,
une science, étaient presque tous originaires de
l'Asie- Mineure ou des îles voisines : « Hérodote
naquit à Halicarnasse, Hippocrate à Cos, Thaïes h
Milet, Pythagore à Samos, Anacréon à Téos, Anaxa-
gore à Clazomène, Homère partout. »
Colonies des Romains. — Les colonies romaines
étaient essentiellement militaires. Dans les pays
nouvellement conquis on installait des familles
d'émigrants auxquelles on distribuait en partie le
territoire des vaincus. C'étaient comme des garni-
sons permanentes qui se renouvelaient d'elles-
mêmes : leur fidélité était certaine, leur vigilance
était garantie par le soin de leur propre sécurité.
Ces colonies n'étaient point placées au hasard ;
elles gardaient de distance en distance les grandes
voies stratégiques, comme la voie Appienne qui
menait de Rome à l'extrême sud de l'Italie. Rome
leur dut souvent ses succès, quelquefois son salut.
Lors de l'invasion d'Annibal, par exemple, elles
tinrent en respect les populations les plus mal
disposées, et l'élan victorieux du général cartha-
ginois se brisa contre leur résistance.
Colonies dans les temps modernes. — Pendant
toute la durée du moyen âge, où les peuples de
l'Occident vécurent repliés sur eux-mêmes, on ne
s'occupa guère de coloniser. Il faut noter cepen-
dant la fondation par les marins Scandinaves d'é-
tablissements en Islande, au Groenland et dans le
nord de l'Amérique actuelle. A la fin du xv« siècle
seulement, la découverte de l'Amérique par
Christophe Colomb, celle de la route maritime des
Indes par Vasco de Gama, déterminèrent un mou-
vement qui dure encore aujourd'hui.
Cinq nations européennes ont possédé et possè-
dent encore d'importantes colonies : le Portugal,
l'Espagne, la Hollande, l'Angleterre, et enfin la
France.'
Colonies des Portugais. — Comme autrefois les
Phéniciens, les Portugais furent poussés aux expé-
ditions maritimes par la nature même de leur
pays. Ils commencèrent par longer timidement
la côte occidentale de l'Afrique, gagnant de
proche en proche sur le domaine de l'inconnu. Il y
avait dix ans que le cap de Bonne-Espérance avait été
découvert quand Vasco de Gama, en 1498, se ris-
qua dans l'Océan Indien. Il aborda à Calicut, et
commença la conquête de l'Hindoustan. Ses suc-
cesseurs, Alméida et Albuquerque, continuèrent
son oeuvre. L'empire colonial des Portugais s'é-
tendit bientôt sur un espace immense. Le cen-
tre principal était à Goa, sur la côte du Malabar ;
les dépendances comprenaient Ceylan, Malacca, les
Moluques, Macao, à l'est; et à l'ouest Socotora,
Ormuz, le Mozambique, la Guinée. Le tout offrait
un développement de 5000 lieues de côtes.
Les Portugais ne colonisèrent jamais sérieuse-
ment ces immenses territoires. Ils se bornèrent à
établir sur le littoral des comptoirs. Leurs gou-
verneurs et leurs marchands venaient y faire une
fortune rapide, sans se préoccuper de l'intérêt
général ni de l'avenir. Leur avidité et leur barba-
rie les firent détester des peuples indigènes. Déjà
la décadence avait commencé quand se produisit
en 1580 la réunion du Portugal à l'Espagne. L'Es-
pagne, qui avait peine à se protéger elle-même,
laissa tomber en ruines l'empire colonial des Por-
tugais .
Aujourd'hui il ne reste plus au Portugal que des
débris de ses vastes possessions, le Brésil, sa der-
nière grande colonie, s'étant déclaré indépendant
en 18 -'l. Goa et Diu dans l'Inde, Macao sur les
côtes de la Chine, quelques points dans l'île de
COLONIES
— 441 —
COLONIES
Timor, en Afrique les établissements de Mozambi-
que et du Congo, les îles du Cap-Vert, de Madère
et des Açores, rappellent les grandeurs du passé.
(V. Découvertes).
Colonies des Espagnols. — La découverte de l'A-
mérique par Christophe Colomb avait donné l'essor
à la colonisation espagnole. Etablis d'abord dans les
Antilles, à Saint-Doniingue, à Cuba, à Porto-Rico,
à la Jamaïque, les Espagnols se répandirent en-
suite sur le continent voisin. Ponce de Léon leur
donna la Floride, Cortez le Mexique, Balboa l'Amé-
rique centrale, Pizarre le Pérou. En 1564 ils se
rendirent maîtres aussi dans l'extrême Orient des
îles Philippines et Mariannes qu'avait découvertes
Magellan. (V. Découvertes, Mexique, Pérou.)
Les conquistadores ou conquérants du Nouveau-
Monde firent preuve d'une éclatante bravoure;
mais ils déshonorèrent leurs exploits à force de
cruauté et d'avarice . Accablée par eux de mauvais
traitements, la population indigène diminua rapi-
dement et en certaines contrées disparut tout à
fait. Le gouvernement royal ne fut guère plus
humain ni plus habile. Il n'eut d'autre préoccupa-
lion que d'extorquer le plus d'or possible à ses
lointaines colonies. Les Indiens et, plus tard, les
nègres amenés d'Afrique par l'infâme commerce
de la traite, étaient employés au travail des mines
Tous les ans le convoi régulier des galions appor-
tait dans les ports de la métropole l'or américain
qu'on devait convertir en monnaie. Ces mêmes
navires partaient d'Europe chargés des marchan-
dises que les négociants espagnols de Cadix avaient
seuls le droit d'expédier. Il était sévèrement inter-
dit aux indigènes et même aux colons d'origine
espagnole de commercer avec les autres pays; la
production des articles les plus essentiels, tels que
le vin, le sel, le chanvre, le lin, ne leur était pas
permise. Pas plus de liberté religieuse ou politi-
que que de liberté commerciale. L'inquisition avait
été importée d'Europe dès les premiers temps ; les
deux vice-rois, celui de Lima et celui de Mexico,
que n'inquiétait pas beaucoup le contrôle lointain
d'un conseil des Indes résidant à Madrid, pouvaient
se permettre impunément tous les abus.
Ce régime inintelligent ne profita à personne et
nuisit également à tout le monde. L'Espagne se
désaccoutuma du travail et se ruina en comptant
toujours sur les galions; les Indiens souffrirent et
périrent en grand nombre; les colons prirent en
haine la mère-patrie. Dès le commencement du
XIX' siècle, ils se soulevèrent, et presque partout
se constituèrent en États indépendants. L'Espagne
n'a pu conserver que ses colonies d'Océanie, quel-
ques stations sur les côtes nord et ouest de l'A-
Irique, et en Amérique les deux îles de Cuba et de
Porto-Rico.
Colonies des Hollandais. — La Hollande est une
terre conquise sur la mer ; ses habitants ont dû
de bonne heure se familiariser avec l'Océan.
Longtemps cependant ils naviguèrent et commer-
cèrent sans bruit. Vers la fin du xvi° siècle seule-
ment ils se hasardèrent à poursuivre dans l'Océan
Indien les Espagnols centre lesquels ils soutenaient
une lutte acharnée. Telle fut l'origine de leur puis-
sance maritime. Les établissements portugais pas-
sés sous la domination des rois d'Espagne étaient
négligés par ceux-ci; les Hollandais les ravagèrent
d'abord, s'en emparèrent ensuite. En Asie et en
Océanie ils créèrent cinq gouvernements dont les
sièges étaient à Java, à Amboine, à Ternate, h.
Macassar et à Ceylan; en Afrique ils colonisèrent
le Cap; en Amérique ils s'établirent à Tabago, à
Curaçao, dans la Guyane, dans le Brésil. De puis-
santes compagnies administraient et exploitaient
en même temps ces lointaines possessions.
Grâce à leurs colonies, les Hollandais recueilli-
rent l'héritage maritime de l'Espagne épuisée et
du Portugal asservi. Ils furent, dès les premières
années du xvii* siècle, a les rouliers des mers ».
Leurs flottes et leurs richesses leur valaient en
même temps une importance politique égale à
celle des plus grands Etats. Ils curent la gloire de
tenir en échec Louis XIV et sa fortune.
La décadence commença avec le xvni* siècle.
La Hollande s'effaça devant la supériorité navale
de l'Angleterre. Mais si son empire colonial fut
diminué, il ne fut pas détruit. La Hollande a
perdu le Brésil, le Cap, Ceylan et le continent aus-
tralien découvert par ses navigateurs; mais elle
conserve en Amérique Saint-Eustache, Curaçao, une
partie de la Guyane; elle conserve surtout ses
magnifiques possessions d'Océanie, Java, Sumatra,
Célèbes, Bornéo, les Moluques, Timor, ses « Indes
néerlandaises », administrées avec une véritable
habileté qui semble devoir y perpétuer sa domi-
nation.
Colonies des Anglais. — Longtemps distancés
par l'Espagne, le Portugal et la Hollande, les
Anglais durent à leurs discordes civiles et reli-
gieuses leurs premières grandes colonies. Les
puritains, bannis par les Stuarts, allèrent chercher
pour leurs croyances un asile sur la terre d'Amé-
rique. Ils y fondèrent les établissements de la
Nouvelle- Angleterre, dont le voisinage favorisa
l'occupation de plusieurs points importants aux
Antilles. A la fin du xviii* siècle, la Nouvelle-An-
gleterre se détacha de la métropole pour former la
république des Etats-Unis; mais déjà les Anglais
s'étaient rendus maîtres du Canada et de l'espace
compris entre le Saint-Laurent et les régions polai-
res. En même temps, en Asie, ils s'assuraient la
possession des Indes. Les voyages de leurs navi-
gateurs et surtout du capitaine Cook attirèrent leur
attention sur les terres australes, et la colonisa-
tion de l'Australie fut commencée. Les guerres de
la Révolution et de l'Empire leur fournirent une
occasion pour ruiner tous leurs rivaux et s'agran-
dir aux dépens mêmes de leurs alliés. C'est ainsi
qu'ils prirent Sainte-Lucie et Maurice à la France
Ceylan et le Cap aux Hollandais.
L'Angleterre possède actuellement quatre gran-
des colonies : l'Inde en Asie, l'Australie en Océa-
nie, le Canada en Amérique et le Cap en Afrique.
Beaucoup parmi les autres ont par elles-mêmes
une valeur intrinsèque considérable, telles la Ja-
maïque avec ses 508 000 habitants, Maurice en
Afrique (340000 hab.), la Nouvelle-Zélande en Océa-
nie. Mais le plus souvent elles sont surfout des
positions stratégiques destinées à surveiller ces
mers et à garder les communications. Ainsi, en
Europe même, Héligoland observe l'Allemagne ;
Gibraltar, Malte, Chypre tiennent le milieu et les
extrémités de la Méditerranée.
L'Inde avec son immense population (191 000000
hab. pour les pays directement soumis), composée
en grande majorité d'indigènes, a son organisation à
part. Elle est administrée par un gouverneur géné-
ral qui porte le titre de vice-roi, et auquel sont
adjoints un conseil d'état et un conseil du gouver-
neur général. La reine d'Angleterre porte le titre
d'impératrice des Indes ; un ministre des Indes
figure parmi les membres du cabinet anglais.
Les trois autres grandes colonies, Australie,
Cap, Canada, où domine une population euro-
péenne, possèdent des institutions libres. Un gou-
verneur y représente la métropole, mais il ne peut
exercer le pouvoir exécutif qu'avec le concours de
ministres responsables pris dans le pays. Les lois
et le budget sont votés par des Parlements électifs.
La domination anglaise, en se restreignant ainsi
elle-même à un simple protectorat où elle trouve
des avantages commerciaux et politiques, s'est ren-
due supportable et durable.
Colonies françaises. — On reproche h tort aux
Français de n'être pas colonisateurs. Il est seule-
ment vrai de dire qu'ils ne sont point portés à
COLONIES FRANÇAISES
44-2 —
COLONIES FRANÇAISES
émigrer. S'ils se décident à le faire, ils déploient
dans la fondation d'établissements lointains des
qualités de premier ordre. Ils ont, comme tant
d'autres peuples, l'amour du travail et l'esprit
d'entreprise, ils ont de plus ce qui manque aux
autres, la sympathie. Presque partout ils ont su
lier avec les populations indigènes des relations
d'amitié; au Canada la race mélisse des Bois-Brù-
lés est résultée de leurs alliances avec les tribus
indiennes.
Les insuccès de la France dans ses entreprises
coloniales sont dus, non pas à une infériorité na-
tioniile, mais à des circonstances malheureuses ou
à. des fautes politiques.
Les marins français semblent avoir précédé dans
les voyages à la côte d'Afrique les navigateurs por-
tugais. Le dieppois Jean de Béthencourt, contem-
porain de Charles VI, fut roi aux Canaries ; pen-
dant le seizième siècle, .lacques Cartier découvrit
le Canada, et Coligny s'efforça de fonder en Amé-
rique des établissements de calvinistes. Plus tard,
Champlain créa la ville de Québec, et les voyages
de Cuvelier de la Salle agrandirent en Amérique
le domaine de la géographie et celui de la France.
Les compagnies commerciales et maritimes orga-
nisées par Colbert et surtout l'immense mouve-
ment imprimé aux affaires par le système de Law,
favorisèrent à la fin du dix-septième siècle et au
commencement du dix-huitième le développement
des colonies françaises.
Vers 1750, la France possédait aux Antilles Saint-
Domingue, la Martinique, la Guadeloupe, Sainte-
Lucie ; sur le continent, le Canada et la Louisiane,
que reliait l'occupation de la vallée de l'Ohio. En
Afrique, sans compter l'établissement tout com-
mercial du Sénégal, l'ile Bourbon et lile de France
rivalisaient de prospérité avec les Antilles, promet-
taient pour l'avenir la conquête de Madagascar,
et, en attendant, gardaient la grande route des
Indes. Aux Indes, le génie de Dupleix rêvait et
préparait la conquête de toute la péninsule ; ce
fut le temps de la grandeur coloniale de la France.
L'indifférence et l'incapacité du gouvernement
royal et les désastres de la guerre de sept ans
ruinèrent cet empire maritime. Au traité de Paris,
en 1763, Louis XV abandonna le Canada, la Loui-
siane, une partie des Antilles et toutes nos chan-
ces de succès dans l'Inde. Sous Louis XVI, la
guerre d'Amérique (l778-l78:^) rétablit la réputa-
tion de la marine, mais non la prospérité des co-
lonies françaises. Plus tard la révolte de Saint-
Domingue, les guerres de la Révolution et de
l'Empire où l'Angleterre garda constamment une
écrasante supériorité navale, portèrent les der-
niers coups à nos établissements d'Amérique.
Pour la géographie des possessions actuelles de
la France, voir l'article ci-dessous.
[Maurice VVahl.]
COLOMES FRANÇAISES. — Géographie de la
France, IX. — Possessions en Afrique- — Le Sé-
négal. — Outre l'Algérie, qui a fait l'objet d'un
article spécial, la France possède encore en Afri-
que : le Sénégal et quelques postes sur le golfe de
Guinée, du côté de l'Océan Atlantique; l'île de la
Réunion et plusieurs petites îles voisines de Ma-
dagascar, dans la mer des Indes.
Sénégnl. — C'est sous le IG"" degré de latitude N.
que le Sénégal, fleuve long de 40u lieues, débouche
dans l'Océan Atlantique. Les premiers établisse-
ments français dans cette région remontent aux
navigateurs dieppois du quatorzième siècle. Au-
jourd'hui la colonie française comprend nomina-
lement le cours du fleuve et le littoral depuis le
cap Blanc, situé par •21° de latitude l\., jusqu'à
la baie de Sierra Leone, voisine du !)" degré de la-
titude N. "200 000 indigènes environ reconnaissent
l'autorité de notre drapeau ; ce sont tous des nè-
gres. Les Européens, y compris les militaires et
fonctionnaires, ne sont pas au nombre de 2000.
Saiiit-L'iuis, le chef-lieu de la colonie, bâti sur
le Sénégal, à LS kilomètres au-dessus de son em-
bouchure, n'est séparé de la mer que par une
étroite bande de terrain sablonneux, et, comme la
barre du fleuve ferme souvent l'accès de la ville
aux navires venant du large, c'est par terre que
Saint-Louis communique dans ce cas avec TOcéan.
Cette ville, dont la population n'est que de 15 000
habitants, est le siège d'une Cour d'appel.
La petite île de Gorée, qui fait face au cap Vert,
dont elle n'est distante que de 2 kilomètres, est à
une cinquantaine de lieues au S. 0. de Saint-Louis.
Très forte par sa position insulaire, elle jouit en
outre de l'avantage d'une excellente rade. C'est à
Dakar, situé sur le continent, en face de Gorée,
que relâchent les grands transatlantiques qui font
la traversée de France au Brésil, en partant de
Bordeaux.
Les autres établissements situés sur le bord dn
Sénégal sont des postes où les noirs apportent leurs
marchandises pendant la saison sèche, et dont les
communications régulières avec le bas du fleuve
se font au contraire au moment des pluies qui
gonflent ses eaux. C'est pendant notre été, de juin
à novembre, qu'a lieu au Sénégal la saison' des
pluies, dite hivernage, tandis que, durant notre
hiver, le temps est sec et la température souvent
très élevée. Ces chaleurs, plus fatigantes encore
par leur continuité que par leur élévation, les mias-
mes qui se développent à la suite des inondations,
rendent le climat du Sénégal très meurtrier pour
les Européens et expliquent le peu de développe-
ments de la colonie, malgré sa situation relative-
ment voisine de la France (4500 kil. de Marseille).
Médine, sur le Sénégal, à 260 lieues de Saint-
Louis, est le point extrême de notre occupation.
Les principaux objets d'exportation du pays
sont les arachides, graines oléagineuses, et les
gommes, plus estimées que celles d'Arabie. L'im-
portation fournit aux indigènes des cotonnades et
spécialement celles qui sont teintes en bleu à Rouen
ou dans l'Inde et fiui ont reçu le nom de guinées,
du p.iys auquel elles sont destinées. Le commerce
total de la colonie s'élève à 40 millions environ,
dont moitié avec la France.
Côte de Guinée. — Sur la côte de .Guinée, la
France possède les postes de Grand-Bassam, Dabou
et Assinie, qui ne sont même plus occupés par
une garnison. Là on échange surtout des guinées,
des liqueurs, des armes, des verroteries, contre
des arachides, de l'huile de palme, de l'ivoire.
Le poste du Gaho7i, sur l'équateur, est plus im-
portant à cause du voisinage de l'embouchure du
grand fleuve Ogououé. On en tire beaucoup de
caoutchouc. Les populations noires qu'on y ren-
contre sont entièrement adonnées au fétichisme le
plus grossier.
La Réunion. — C'est encore à un Dieppois que
la France doit le premier établissement fondé à la
Réunion en 163.S. Longtemps 1 île s'est appelée
Bourbon. Traversée par le 21' degré de latitude S.
et le .So' de longitude E. de Paris, elle est située à
600 kilomètres à l'est de la côte de Madagascar.
Elle appartient au groupe des îles Mascareignes,
comme lile la plus voisine, l'île de France ou
Maurice, qui a longtemps été une possession fran-
çaise, et a été perdue par la France en 1810 sous
l'empire.
Lile est d'origine volcanique ; au S.-E. le piton
de la Fournaise (2 625"") est encore en activité;
au centre le piton îles Neiges, volcan éteint aujour-
d'hui, forme le point culminant de la Réunioa
(3000 "■). De là descendent des ravins qui, se rem-
plissant rapidement avec les orages, produisent de
grands ravages.
La Réunion est, en effet, exposée aux typhons,
aux ras do marée, qui y amènent trop souvent de
COLONIES FRANÇAISES —443— COLONIES FRANÇAISES
grandes calamités, d'autant plus qu'elle manquo
absolument de port, et que les navires qui se trou-
vent sur ses côtes doivent alors fuir au large, pour
éAiterune perte certaine.
Gomme tous les pays situés entre les tropiques,
l'île traverse une saison pluvieuse ou d'hivernage
et une saison sèche. La première dure de novem-
bre à mai. C'est pendant ce temps qu'il tombe
l^SO d'eau et que la température est le plus éle-
vée. Les Européens vont alors chercher sur les
plateaux un air plus frais et plus salubre.
Les productions de cette colonie varient avec
l'altitude. Dans les terres chaudes et basses crois-
sent la canne à sucre, qui est la plus importante de
toutes les productions, le vanillier, le giroflier, le
caféier.
Les pentes des plateaux offrent de belles forêts,
et leurs sommets des cultures de manioc, de pa-
tates et de légumes qui ne suffisent pas à la nour-
riture des habitants. Ceux-ci tirent des bœufs de
Madagascar; de la morue de Terre-Neuve ; du riz et
des colonnades de l'Inde ; des meubles et des ma-
chines de France. Le sucre alimente à lui seul
presque toute l'exportation ; le commerce total de
l'île est de GO millions, dont plus de moitié avec la
France. La Réunion communique avec la France
par des services postaux réguliers qui suivent la
voie de Marseille, Suez, Aden, et font le trajet en
un mois environ.
L'île de la Réunion a 5500 kilomètres carrés de
superficie et 183000 habitants, dont le tiers formé
de coolies, travailleurs libres recrutés dans l'Inde
ou en Afrique.
La colonie renferme trois villes importantes,
toutes trois situées au bord de la mer : Saint-Denis,
au nord, qui est le siège du gouvernement, d'une
cour d'appel et d'un évèché, et renferme ;'.6000
habitants; au sud, Saint-Pierre (30000 hab.i, où
les vaisseaux trouvent un meilleur abri, et entre
les deux, à l'ouest, Saint-Paul (2ô000 hab.).
Iles voisines de Madagascar. — La France a
cherché, à plusieurs reprises, à prendre pied dans
la grande île de Madagascar. Elle occupe actuelle-
ment trois îles voisines :
Sainte-Marie (175 kil. car.), située sur la côte
est de Madagascar, dont elle n'est séparée que
par un canal de quelques kilomètres de largeur.
Elle est par 17° de latitude S. et 47° 30' de longi-
tude E. Sa population, de 7 000 habitants, ne com-
prend guère que des Malgaches.
Nossi-Bé, sur la côte N.-O., est située par 13° de
latitude S. et 4Go de longitude E. Son sol est ex-
trêmement fertile en canne à sucre, indigo, riz,
patates, manioc, ignames, etc. ; sa population est
de 7 600 habitants, sa superficie de 13(j kilomètres
carrés. Elle dépend administrativement de l'île
suivante.
Maijotte, située par 13° de latitude S. et 43° de
longitude E., dans le canal de Mozambique qui
sépare le continent africain de l'île de Madagas-
car, est à 30(1 kilomètres de celle-ci. Elle appar-
tient au groupe des îles Comores. Son sol, d ori-
gine volcanique, est fertile et porte des cannas à
sucre, des cocotiers, etc. La population de l'île
est de 15ii00 habitants; sa superficie, de 3J6 kilo-
mètres carrés.
Colonies françaises en Asie- — La France n'a
plus dans l'Inde la suprématie dont elle y jouissait
au siècle dernier sous l'habile gouvernement de
Dupleix. L'Angleterre a pris le rang que cet
homme de génie avait rêvé pour la France. Il ne
nous reste plus dans la péninsule de l'Hindoustan
que cinq villes : Malié, située sur la côte de Mala-
bar; Karik'il et Pondichéry, sur la côte de Coro-
mandel ; Yanaon. près de l'embouchure du Goda-
véry dans le golfe de Bengale; Chandernagor, sur
l'Hougli, à 3.j kilomètres au nord de Calcutta.
Avec le territoire qui entoure chacune d'elles, ces
villes couvrent une superficie de 490 kilomètres
carrés et ont 270000 habiiants. La France possèd6
en outre quelques factoreries ou loges, à Surate,
au nord de Bombay ; à Calicut, au sud de Mahé;
à Mazulipatam, près de Yanaon. Pondichéry est le
chef-lieu administratif et le siège d'une cour d'ap-
pel. Son territoire comprend à lui seul la moitié
de toute la population soumise à l'autorité fran-
çaise. On y trouve près d'un millier d'Européens.
Le reste est formé d'Indous musulmans ou brah-
mistes.
Le climat de ces différentes localités est généra-
lement sain. Elles sont soumises à un hivernage
(saison des pluies) de trois mois, entre juillet et
octobre. A Chandernagor, la température moyenne
de la journée s'élève jusqu'à 37° en été. Nillle
part ailleurs le thermomètre ne monte aussi haut.
Les colonies françaises de l'Inde produisent du
riz, qui forme la base de la nourriture des habi-
tants, de l'indigo qui sert à teindre les guinées,
principal objet de fabrication des indigènes, des
noix de coco, et une grande quantité de fruits.
L'indigo, le riz et les guinées forment les princi-
paux produits exportés. Pondichéry et Karikal font
presque tout le commerce extérieur qui s'élève ;\
un total de "20 millions.
Cochinchine française. — La Cochinchine, que la
France occupe depuis une vingtaine d'années, est
située dans la presqu'île Indo-Chinoise, à l'est du
golfe de Siam, et au S.-O. de l'empire d'Annam.
Elle est comprise entre 102° et i05° de long. E.,
depuis 11° 30' de lat. N., jusqu'à 8° 40' de lat. N.
Sa superficie est de 56 000 kil. carrés et sa popu-
lation actuelle de 1 600 000 habitants.
Sous le règne de Louis XVI, la France avait con-
clu un traité d'alliance avec l'empereur d'Annam,.
par l'entremise de l'évêque d'Adran, Français d'o-
rigine, qui avait conquis une grande influence à la
cour de ce souverain. Plusieurs places, Saigon
entre autres, furent alors fortifiées par des ingé-
nieurs français. Dans la suite, au contraire, les suc-
cesseurs de Gia-Lor,g,àorït l'évêque d'Adran avait été-
le conseiller, persécutèrent les missionnaires euro-
péens. Ce fut le prétexte de l'intervention française
qui aboutit, en 1860, à la cession par l'empereur
d'Annam à la France des trois provinces de Saigon,.
Bien-Hoa et My-tho. Quelques années plus tard,
pour assurer la colonie contre la révolte des man-
darins restés hostiles, les troupes françaises durent
occuper les trois autres provinces de Vin-Long,
Chaudoc et Hatien, situées an S.-O. des premiè-
res. L'empereur d'Annam a définitivement renoncé
à la possession de la Cochinchine par le traité qu'il
a conclu avec la France en 1874.
Le Mékong a ses bouches comprises dans le ter-
ritoire de la Cochinchine et l'a fertilisé de ses
alluvions. Ce grand fleuve, dont la source n'est
pas encore connue, ne peut malheureusement pas
fournir de voie commerciale pour pénétrer à l'in-
térieur de la Chine, à cause des nombreuses ca-
taractes qui en obstruent le cours, mais en re-
vanche la rivière de Saigon, chef-lieu de la colonie,
offre un chenal navigable de lO mètres de profon-
deur, et la Cochinchine est sillonnée de nombreux
canaux par lesquels les transports se font très-fa-
cilement d'un point à un autre.
Le sol est partout tros fertile. Il produit une
énorme quantité de riz, des noix d'arec et de coco,
du sticre, du coton, du tabac, du poivre, des ara-
chides. On y élève des vers à soie, et on y récolte
de nombreuses plantes textiles, joncs ou autres.
Les forêts fournissent des bois précieux, les cours
d'eau une pèche abondante. Aussi ce pays semble-
t-il ofl'rir un grand avenir. Malheureusement^ son
climat chaud et humide est très malsain pour les
Européens qui n'y peuvent faire de longs séjours,
et qui n'ont pas la ressource d'aller retrouver la
santé sur les points élevés comme à la Réunion. Il
COLONIES FRANÇAISES — ^^^i — COLONIES FRANÇAISES
n'y a encore dans la colonie qu'un millier d'Euro-
péens environ, en dehors des fonctionnaires et de
la garnison. Les Chinois sont près de 50 000 ; les
Annamites, 'IS 000, et les Cambodgiens un peu moins
nombreux. Le reste est formé des Cochinchinois
indigènes. Le commerce total de la colonie est éva-
lué à 30 millions ; il comprend surtout, h l'expor-
tation, le riz et le poisson salé.
Saïf/on est le siège du gouvernement, d'une
cour d'appel et d'un évêché. La ville, dont la popu-
lation est de 65 à 70 000 habitants, est régulière-
ment construite et animée par le commerce et la
garnison. Les Français y ont déjà élevé plusieurs
«difices remarquables. Son portest desservi par les
navires français qui vont de Marseille à Shanghaï
et qui font le trajet en 3.5 jours jusqu'à Saigon.
Protectorat du Cambodge. — Au Nord, la Co-
chinchine touche au royaume de Cambodge (30 OoO
kil. carrés) dont le royaume de Siam et l'empire
d'Annam se disputaient la suzeraineté, et qui s'est
mis sous le protectorat de la France. Il renferme
900,000 habitants seulement. C'est dans ce royaume
que se trouvent les ruines d'Angcor, d'où l'on a
apporté à Compiègne tant de merveilleux restes
de l'art des Kmers (nom de l'ancienne population
indigène, qui avait atteint à un degré de civilisa-
tion plus élevé que les Cambodgiens actuels). Au
nord de l'Annam, la France a récemment obtenu,
par un traité conclu avec cet empire, le droit de
naviguer sur le fleuve du Tonkin, qui semble être
la meilleure voie pour pénétrer dans les riches
provinces du S.-O. delà Chine.
Amérique. — En Amérique la France possédait
au siècle dernier le Canada, ainsi que la Loui-
siane, qui comprenait alors tout le bassin du Mis-
sissipi. Par le traité d'Utrecht, en 1713, elle dut
céder aux Anglais l'Acadie et Terre-Neuve. Au
traité de Paris en 17G3, elle abandonna la Louisiane
aux Espagnols, ses alliés, et le Canada aux An-
glais, ses adversaires. Il ne lui reste plus aujour-
d'hui en Améiique que les îlots de Saint-Pierre et
Miquelon, près de Terre-Neuve, quelques-unes des
Antilles et la Guyane française.
Les deux îles de Siint-Pierre et de Miquelon
sont situées au sud de Terre-Neuve ; Miquelon, la
plus grande et la plus septentrional*', est traversée
par le 't'i" degré de lat. N. et voisine du 59^ de
long. E. Elle n'est qu'à 15 kilom. de la côte de Terre-
Neuve, mais à plus de G 500 kil. de Brest, le port
français le plus rapproché. Ces deux îles sont ro-
cheuses et stériles, elles ne nourrissent que
quelques bestiaux. Mais elles sont le centre de
ravitaillement des bateaux français qui vont pêcher
la morue dans ces parages. La population normale
des îles n'est que de 5 000 individus pour 210 kil.
carrés de superficie. Elle est considérablement
augmentée pendant là saison d'été où se fait la
pèche. La France a conservé le droit de pêcher
et de préparer la morue sur une portion des
côtes de Terre-Neuve. On estime à 12 millions les
produits préparés par les pêcheurs français tant à
Terre-Neuve qu'à Saint-Pierre et Miquelon.
La Guadeloupe et xcs dèpendam-es. — La France
possède, dans les petites Antilles, une partie de
la petite île Saint-Martin, la petite île Saint-Bar-
thélémy, récemment abandonnée par la Suède, la
Désirade, Marie-Galante et les Saintes groupées
autour de !a Guadeloupe. Cette première série d'îles
est considérée comme dépendance de la Guade-
loupe : elles ont ensemble une superficie de 1G73
kil. carrés et une population de l-i5,00() habitants.
La Guadeloupe, la plus considérable de ces
îles, se compose de deux îles séparées par un
étroit canal que l'on appelle la Rivière Salée. La
Guadeloupe proprement dite, dirigée du N. au S.,
est traversée par leGi' degré de long. E. et le IC^ de
lat. N. C'est une île d'origine volcanique, sillon-
née de montagnes, dont le point culminant, le
volran de la Soufrière, atteintprès de 1500 mètres
d'aliitude, et est encore en activité. Ces montagnes
sont couvertes de forêts. La Grande-Terre, située
à l'Est de la Rivière Salée et au N.-E. de la Guade-
loupe, est au contraire peu accidentée, déboisée et
soumise à des chaleurs rigoureuses, mais très fer-
tile. C'est sur la Grande-Terre, au bord de la Ri-
vière Salée, dontia largeur ne dépasse pas eOmètres,
que se trouve la Puinte-à-Pitre (15,0u0 habitants),
la principale place de commerce de l'île. A l'extré-
mité S.-O. delà Guadeloupe se trouve la Basse-Terre
(10 000 habitants), siège du gouvernement, d'une
cour d'appel et d'un évêché
La princioale production de la Guadeloupe est
la canne à sucre ; on y récolte aussi du café, qui
se vend sous le nom de café de la Martinique, et
du manioc. Le commerce total s'élève à une cin-
quantaine de millions et se fait presque exclusi-
vement avec !a France.
La Martinique. — La Martinique est traversée
par U» 30' de latitude N. et par 63° 30' de lon-
gitude E. Elle est d'origine volcanique comme
la plupart des Antilles, et couverte d'anciensvol-
cans ; le plus élevé, la montagne Pelée, a 1,350 mè-
tres d'altitude. Les montagnes sont couvertes d'é-
paisses forêts et sillonnées de ravins. Ceux-ci sont
parcourus par des torrents furieux au moment des
pluies de la saison d'hivernage, qui versent 2 mè-
tres d'eau sur le sol.
La Martinique couvre une superficie de 987 ki-
lomètres carrés et a une population de 160,000 ha-
bitants, dont les deux tiers de nègres ou de mu-
lâtres. Pour suppléer au travail des anciens
esclaves, on introduit aujourd'hui dans l'île des
coolies indous, africains ou chinois.
C'est sur la côte occidentale de l'île que se
trouvent les meilleurs ports : Saint-Pierre (25 000
hab.), le principal centre du commerce et le siège
d'un évêché, et Fort-de-France (15 000 hab.), le
si^ge du gouvernement et d'une cour d'appel. Son
port est situé sur une baie qui offre une excel-
lente rade, et où relâchent les transatlantiques
qui de Saint-Nazaire se dirigent sur l'isthme do
Panama.
La Martinique produit surtout de la canne, qui
sert à fabriquer du sucre, du rhum, du tafia, de la
mélasse; du cacao, base de la composition du cho-
colat. Les forêts de la Martinique et de la Guade-
loupe sont riches en bois précieux. Le commerce
de la Martinique atteint une valeur de 60 millions,
dont les deux tiers avec la France.
La Gui/ane. — La Guyane, où les Français ont
commencé à s'établir sous Richelieu, est située
sur la côte de l'Amérique Méridionale, entre
l'embouchure de l'Amazone et celle de l'Oréno-
que, depuis 4° de latitude N. jusqu'à 6°, et depuis
54° de longitude E. jusqu'à 56°. Deux rivières
moins considérables en forment les limites : au
nord, le Maroni la sépare de la Guyane hollan-
daise ; au sud, l'Oyapok la sépare du Brésil. Ce-
pendant la France prétend avoir le droit de s'é-
tendre plus au sud de ce côté. C'est pourquoi on
évalue approximativement seulement la superficie
de la Guyane française à OOOuO kilomètres carrés.
La Guyane comprend un littoral composé de
terres basses, marécageuses, et des plateaux cou-
verts de superbes forêts. La température y est
très élevée durant toute l'année (25 à 35° centigra-
des) : la saison pluvieuse dure de sept à huit mois,
de décembre à juillet, avec une courte interruption
en mars. Il tombe pendant ce temps près de 3 mè-
tres et demi d'eau. C'est ce qui rend le climat de
la Guyane si dangereux pour les Européens. La
fièvre jaune y fait de terribles ravages et l'on a
renoncé à y déporter les criminels comme on le
faisait autrefois. Le pénitencier de Cayenne e
comprend plus que des noirs ou des Arabes.
La population de la Guyane française ne s'élève
COLONIES FRANÇAISES — 445
COLORANTES
qu'à une trentaine de mille habitants, groupés
principalement vers l'embouchure des rivières. Ils
récoltent du riz, du mais, des ignames et du ma-
nioc, qui font la base de leur nourriture, du café,
de la canne à sucre, du rocou, qui sert à teindre
en rouge, et surtout des bois précieux dans les fo-
rêts. On a commencé aussi à y exploiter des mines
d'or. Le commerce ne s'élève encore qu'à une di-
zaine de millions. Cayenne, le siège du gouverne-
ment et d'une cour d'appel, n'a que 8 OOO habi-
tants.
Océanie. — La Nouvelle-Calédonie. — La
France a pris possession en 1853 de l'île de
Nouvelle-Calédonie, située dans l'Océan Austral,
entre 20* et 22° de latitude S., 1G2° et Inô" de
longitude E., à 25n lieues à l'est de l'Australie, à
1 000 au S.-E. de la Cochinchine. Cette île, orien-
tée du N.-O. au S.-E., a 3U0 kilomètres de lon-
gueur et est enveloppée par une ceinture de récifs
madréporiques (ou de coraux) qui en interdisent
l'accès aux navires, sauf par un petit nombre de
passes.
A 50 kilomètres au S.-E. de la pointe méridio-
nale de l'île se trouve l'île des Pins ; le groupe
des îles Loyalty est situé à une distance double
h l'est de la Nouvelle-Calédonie. L'archipel tout
entier a 19 '00 kilomètres de superficie et une po-
pulation de soixante-dix mille âmes.
Les indigènes, dont une partie sont anthropo-
phages, n'ont aucune espèce d'industrie. Le cli-
mat de l'île convient admirablement aux Euro-
péens. La température ne s'élève pas au-dessus de
;j2" et ne descend pas au-dessous de lu". L'hiver-
nage, qui est en même temps la saison des pluies
et celle des chaleurs, se passe de janvier à avril.
Mais le territoire n'est qu'en partie fertile. Les
cultures tropicales, canne à sucre, café, coton,
ignames, patates, les céréales d'Europe, le tabac
réussissent bien sur un certain nombre de points.
Les troupeaux prospèrent. Les forets fournissent
du bois de sandal et les produits du cocotier. On
pèche sur la côte des tortues recherchées pour
leur écaille. La Nouvelle-Calédonie possède des
mines d'or, de fer, de nickel et un peu de houille.
Chacun sait qu'on y transporte les criminels
condamnés aux travaux forcés et les condamnés
politiques.
Nouméa, au S.-O., est le chef-lieu de la colonie.
Kanala, sur la côte orientale, offre un bcn port. Le
commerce de la Nouvelle-Calédonie n'atteint en-
core que quelques millions.
Autres possessions océaniennes. — La France
possède encore en Océanie les îles Marquises, si-
luées par 10° de latitude S. et 140° à l'O. de Paris,
et elle exerce son protectorat sur deux archipels
voisins, celui dos îles Basses ou Toitatnotou, situé
ù quelques degrés au sud, et celui de Tahiti ou
des îles de la Société, à quelques degrés au S.-O.
des Marquises.
Les îles Basses sont formées par les construc-
tions des coraux, et peu élevées au-dessus du ni-
veau de l'océan ; elles renferment généralement
dans leur intérieur un lac communiquant avec la
mer. Elles sont couvertes de cocotiers.
Les Tahiti et les Marquises sont au contraire
d'origine volcanique, montagneuses et boisées. Le
poini culminant de l'île Tahiti dépasse 2,000 mè-
tres d'altitude.
Ces îles jouissent d'un climat délicieux. Pendant
huit mois de l'année, d'avril en décembre, le ciel
est toujours serein. Pendant l'hivernage, qui oc-
cupe le reste de l'année, la température ne dé-
passe pas 31°. Le sol est fertile et produit en abon-
dance des fruits. L'arbre à pain, l'igname, le ma-
nioc, forment la base de la nourriture des habi-
tants, qui vendent en outre de la nacre, de l'é-
caille, des perles, de l'huile de coco, de l'arrow-root.
Les Marquises ont 1 ■.:40 kilomètres carrus de '
[ superficie et 10 000 habitants : les îles de la Société
avec les Touamotou, 8000 kilomètres carrés et
20 000 habitants. Les îles de la Société ont seules
un commerce de quelque importance, mais qui
n'atteint pas encore 10 millions.
Conclusion — En résumé, la France possède en
dehors do l'Algérie, qui est une seconde France,
un empire colonial de 200 00 J kilomètres carrés,
peuplé de près de 3 millions d'habitants, et elle
exerce son protectorat sur des pays dont l'ensemble
a une superficie de 40000 kilomètres carrés peu-
plée d'un million d'habitants.
Les colonies, qui durant tout l'empire n'ont pas
eu de représentants élus, envoient maintenant des
députés et des sénateurs au Parlement de la métro-
pole. Il y a trois députés et trois sénateurs pour
l'Algérie. L'Inde française, la Réunion, la Martini-
que et la Guadeloupe nomment chacune un député
et un sénateur. Les autres colonies n'ont pas de
représentants dans les Chambres.
Comparée aux autres puissances européennes
qui ont des colonies, l'Angleterre, la Hollande,
l'Espagne et le Portugal, la France est certaine-
ment dépassée par les trois premières. Le Portu-
gal possède des territoires plus étendus que les
siens, mais moins peuplés que l'ensemble des co-
lonies françaises, en y comprenant l'Algérie, et
où la domination de la métropole est moins effec-
tive que dans nos possessions d'ouire-mer.
[G. Meissas.J
COLOR.irs'TES (Matières). — Chimie, XXVI. —
Co.NsiDÉKATio.Ns GÉ.NÉR.ALES. — On donue spéciale-
ment dans l'industrie le nom de matières coloran-
tes aux substances colorées ou non, employées à
communiquer des couleurs variées aux différents
tissus. La plupart des matières colorantes sont
d'origine végétale. La cocheiiille et le kermès sont
des insectes, la pourpre des anciens provenait de
certains coquillages. Il ne faut pas confondre avec
les matières colorantes les nombreux produits em-
ployés en peinture sous le nom de couleurs, et qui
sont toujours des oxydes ou des sels. (V. Oxydes
et Sels.j Quelques-uns cependant sont employés
dans la teinture; tels sont : l'arsénite de cuivre
ou vert de Scheele, le bleu de Prusse, le chro-
mate de plomb, les sulfures d'arsenic.
Caractères des matières colorajites. — La plu-
part des matières colorantes sont des principes
immédiats formés de carbone, d'hydrogène et d'o-
xygène (V. Chimie organique) ; quelques-unes con-
tiennent de l'azote, Yorcéine par exemple, Yindi-
gotine, l'aniline et ses dérivés. Les matières colo-
rantes sont plus solubles dans l'alcool, l'éther, les
alcalis étendus, que dans l'eau. Elles sont quelque-
fois formées de plusieurs principes colorants, ou
associées à des substances incolores.
On les sépare en traitant l'hifusion dans l'eau de
la matière colorante par de l'oxyde de plomb qui
s'}' combine en formant ce qu'on appelle une laque;
on décompose ensuite ce produit par l'acide sul-
fhydrique, qui précipite le plomb à l'état de sul-
fure. Par l'évaporation, le principe colorant se
dépose à l'état de cristaux incolores qui repren-
nent leur coloration à l'air.
Action de l'oxygène, du chlore et des corps riches
en oxygène; actions des corps réductews. — Quel-
ques matières colorantes sont produites par l'action
de l'oxygène de l'air sur des principes végétatix
incolores. Ainsi ri;ïd/^o<i«e ou indigo pur se produit
par l'action de l'air sur un principe incolore con-
tenu dans les feuilles de l'indigofera, et qu'on a
appelé Indican. Le produit des racines de ga-
rance ne se fonce également qu'au contact de l'air.
Inversement un excès d'oxygène décolore toutes
ces substances ; le blanchiment des toiles par
l'exposition à la rosée est une application de C8
fait général.
Les acides oxygénés du chlore, de l'azote, du
COLORANTES
446 —
COLORANTES
chrome, détruisent également les couleurs végé-
tales en les oxydant. Aucune, sans exception, ne
résiste au chlore humide, qui, en se combinant à
leur hydrogène, produit une véritable action
oxydante (V. Clilore). L'acide sulfureux (V. Soufre:
a aussi un grand pouvoir décolorant, par suite de
son pouvoir désoxydant; quelquefois la décolora-
tion est le résultat de sa combinaison avec le prin-
cipe colorant : dans ce cas on peut faire repa-
raître la couleur en neutralisant l'acide par une
Uqueur alcaline ou en l'exposant à des vapeurs
ammoniacales. On peut faire cette double expé-
rience avec un bouquet de violettes exposé aux
vapeurs d'une allumette soufrée. Tous les corps
énergiquement réducteurs ( capables d'enlever
l'oxygène aux autres) détruisent, comme l'acide
sulfureux, les substances colorantes; tels sont :
l'hydrogène naissant, le protoxyde de fer, les sul-
fures alcalins.
Actioti du soleil, action de la chaleur. — Le
soleil tend à détruire avec le temps toutes les ma-
tières colorantes ; quelques-unes, comme le rose
de carlliame, disparaissent presque instantané-
ment sous l'action des rayons solaires. Comme tous
les principes organiques, les matières colorajites
se décomposent à une température plus ou moins
élevée ; cependant il en est qui peuvent être
obtenues par distillation sèche : telle est l'indigo-
tine. qu'on obtient cristallisée par la distillation
de l'indigo du commerce.
Couleurs solides, couleurs faux teint. — On a
dor-né le nom de couleurs soli/les, bon teint, ou
couleur de granit teint, à celles qui résistent long-
temps au soleil, à l'air, à l'eau, à l'eau de javelle
ei au savon ; rappelons ici que toutes peuvent être
rapidement détruites par une action trop énergi-
que de l'eau de javelle (V. Chlore] ; c'est ce qu'on
ne constate que trop souvent. Les couleurs fugaces,
qui ne suppportent que quelques soleils, et que
deux ou trois blanchissages font disparaître, sont
•appelées couleurs de faux teint ou de petit teint.
Dans les premières, nous rangerons la garance,
h'indigo, la gaude, le ta/mate de fer, etc , dans les
secondes, le curcuma, le rocou, le cartiame.
Notions sur quelques matières colorantes. —
Cochenille, kermès. — Ces deux produ'its tinctoriaux
sont des insectes desséchés, appartenant à l'ordre
des Hémiptères. La cochenille vit sur les feuilles
de cactus; on la cultive aujourd'hui au Mexique,
aux Antilles, aux Indes, en Espagne et pu Algérie.
D'après Humboldt, le Mexique, au commence-
meutde ce siècle, eu récoltait environ 400 000 kil.
Le kermès est la cochenille du chêne vert, qui se
trouve dans l'Europe méridionale ; on s'en servait
pour teindre en cramoisi, mais on ne l'emploie
plus guère aujourd'hui.
La cochenille desséchée peut se conserver pen-
•dant très longtemps. On a donné le nom de car-
miyie à son principe colorant. Le carmin n'est autre
chose qu'une laque obtenue en traitant une décoc-
tion de cochenille par de l'alun et de la crème de
tartre. On sait que le carmin est très employé par
les fabricants de fleurs artificielles ; on s'en sert
aussi pour colorer les bonbons ; enfin les peintres
en miniature en font un très grand usage.
Garance. — Parmi les couleurs rouges, citons
encore la garance, extraite de la lacine de garance,
plante de la famille des Rubiacées. Elle croît dans
Je midi de l'Europe, dans l'Afrique septentrionale ;
elle était en grand usage chez les anciens. En
France elle était cultivée en grand daus le départe-
ment de Vaucluse, dont elle formait une des ri-
chesses. La garance donne plusieurs produits diffé-
rents : la giiranidiie, Valizarine et la fleur de ga-
rance, tous les trois employés daus la teinture.
On fabrique aujourd'hui de l'alizarine artificielle,
ce quia fait perdre à la cultui-e de la garance son
importance au point do vue industriel.
B(jis de C'imjtêche ou bois d'Inde, bois du Brésil.
— Ces produits nous arrivent en bûches; on les pul-
vérise, et pour en extraire la matière colorante on
les traite par l'eau bouillante ; on évapore, et le
résidu, traité par l'alcool, donne un produit cris-
tallin qu'on appelle Vhématine.
Carthame. — Une infusion de fleurs de carthame
dans l'eau froide, traitée par du carbonate de soude,
donne une liqueur rouge.
En neutralisant la liqueur alcaline par l'acide
acétique, on obtient la carthamine, qui peut se
précipiter sur du coton plongé dans la liqueur.
La carthamine, traitée par l'acide citrique, donne
une couleur cramoisie qu'on applique sur la soie
et le coton, et qui leur donne les plus belles
nuances, rose, cerise, ponceau, couleur chair.
Orseille. — L'orseille est une pâte d'un violet
foncé qui provient de la putréfaction de certains
lichens en présence de l'ammoniaque ou de l'urine
en putréfaction.
Le principe colorant de l'orseille s'appelle orcine
ou 07\éine.
Ce principe colorant fut isolé en 1828 par Ro-
biquet. On l'obtient en prismes incolores solubles
dans l'eau et l'alcool ; traitée par l'ammoniaque,
l'orcine se colore eu violet, puis en brun sous l'ac-
tion oxydante de l'air. Nous pouvons ici faire
remarquer une propriété très générale qu'ont la
plupart des principes colorants végétaux de changer
de nuances sous l'influence des alcalis ou des
acides étendus. Ainsi le bois de Brésil, dont nous
avons parlé, vire au jaune par l'action des acides
et au pourpre par celle des alcalis, tandis que le
campêche devient bleu par les alcalis et rouge
par les acides.
Orcanet/e. — C'est une espèce de résine qui
sert à teindre en violet ; son principe colorant,
insoluble dans l'eau, se dissout dans l'alcool.
Gaude. — Matière colorante jaune assez employée
dans la teinture : on l'extrait des feuilles d'une
espèce de réséda. C'est une couleur assez solide.
Indigo. — L'indigo est une couleur bleue extrê-
mement employée ; on l'extrait de l'indigotier
ou Indigofera et du pastel. L'indigofera est une
plante de la famille des Légumineuses, genre des
Papilionacées. On le rencontre dans les pays inter-
tropicaux. Le principe colorant, qui se trouve
exclusivement dans les feuilles, est d'abord com-
plètement incolore; c'est pendant la fermentation
des feuilles coupées que se produit la matière colo-
rante bleue.
Dans le commerce on rencontre l'indigo sous
forme de morceaux cubiques ou ronds resse.ii-
blant à des boulettes de farine bleuie, et dont la
couleur varie du violet au bleu foncé.
En chauffant l'indigo, on en extrait un principe
immédiat, cristallisable, azoté, d'un violet pourpré,
et qu'on appelle ïindigoti7ie. Ce principe est com-
plètement insoluble.
En écrasant l'indigo bleu dans de l'eau contenant
de la couperose verte (sulfate de protoxyde de fer,
corps désoxydant), l'indigo perd une partie de -on
oxygène, redevient de 1 indigo incolore soluble
dans l'eau ; on conserve la masse dans un flacon
bouché : c'est ce qu'on appelle une cuve d'indigo.
Si on y plonge un tissu préparé, l'indigotine blanche
s'y hxe, et l'exposition du tissu à l'air laisse par
oxydation apparaître la couleur bleue.
Préparation pratique d'une cuve d'indigo : on
place dans un tonneau de IrO litres 500 grammes
d'indigo, I kilogramme de sulfate ferreux, 1^,5 de
chaux éteinte, on achève de remplir avec de l'eau
chaude et on ferme hermétiquement (Dumas).
L'indiso se dissout dans l'acide sulfurique de
Saxe (,S03,'2HO),et forme le sulfate d'indigo, qui
sert à donner à la laine la couleur bleu de Saxe.
ïeintwc en noir et en brun, acide tannique,
a<:tde gallique. — Ces couleurs résultent toutes de
COLORANTES
— 447 —
COMBINAISON
l'action des acides tannique et galltque sur les
sels de fer et quelques autres sels métalliques. La
noix de galle avec les sels de fer donne du noir,
et avec les sels de cuivre du gris. Le bichromate
de potasse donne des rouges plus ou moms bruns
avec l'écorce de saule.
L'acide tannique existe dans l'écorce de cheno,
de saule, de bouleau, etc. ; on l'extrait principale-
ment de la noix de galle. Pour cela on place la
noix concassée dans une allonge plantée dans le
col dune carafe, on y verse de letlier ordinaire,
on abandonne lappareil après 1 avoir bouclie,
et le lendemain une couche aqueuse formée au
fond de la carafe contient la plus grande partie du
tannin.
L'acide tannique est une substance jaunâtre,
amorphe, très légère, soluble dans Teau, insoluble
dans Téther pur, très fortement astringente ; c'est
le principe du tannage des peaux (V. Cuir). Sa
dissolution dans l'eau produit dans les sels de
sesquioxyde de fer un précipité noir bleuâtre :
c'est l'encre ordinaire; dans les sels de protoxydo,
!a couleur noire ne se forme que par Texposition à
l'air. C'est grâce au tannin que la sciure de chêne
humide noircit les outils des bûcherons et des
scieurs de long, que les artichauts noircissent les
couteaux de table.
La solution aqueuse d'acide tannique fermente à
l'air en donnant de l'acide galliqun.
Acide picrique. — L'acide picrique est une ma-
tière colorante azotée, découverte à la fin du siè-
cle dernier, et étudiée depuis par Dumas : c'est
le résultat de l'action de l'acide azotique sur
Talcool phénique, l'aloès. l'indigo, la résine de
benjoin, la soie. etc. On l'obtient principalement
en traitant l'alcool phénique par l'acide azotique
fumant. On l'obtient aussi par l'action de l'acide
azotique sur les huiles lourdes de goudron. C'est
une substance peu soluble, cristallisant en larmes
brillantes jaune citron. Sa saveur est amère, aussi
l'appelle-t-on jaune amer de Welter. L'acide pi-
crique se sublime sans s'altérer (Wiirtz). On
l'emploie principalement pour teindre la soie en
jaune. Un kilogramme de cette substance peut tein-
dre en jaune lOOc kilogrammes de soie. li forme
avec les bases des sels jaunes susceptibles de vio-
lentes explosions lorsqu'on les chautïe, principale-
ment le picrate de potasse.
Aniline et ses dérivés principaux. — L'aniline
est un principe colorant artiiiriel, azoté, qui a été
■découvert en 1826 par Unverdorben dans les pro-
duits de la distillation sèche de l'indigo. Son im-
portance dans l'industrie des couleurs dépasse
aujourd'hui de beaucoup celle de toutes les sub-
stances colorantes connues. L'emploi de l aniline
et de ses dérivés se substitue successivement à
celui d'un grand nombre d'autres couleurs dont
•elle ruinera les industries dans un temps plus ou
moins rapproché. 11 est donc indispensable que
uous donnions ici quelques détails sur cette sub-
■stance si riche en couleurs. C'est à Lyon, dans le
laboratoire des frères Renard, qu'on i'a préparée
industriellement, avec les produits de la distillation
du goudron, il y a une vingtaine d'années.
Depuis cette époque, un nombre considérable de
chimistes en ont fait l'objet de leurs études. Elle
coûtait autrefois 50 francs le kilogramme,elle se vend
aujourd'hui moins de 3 francs. On en fabrique
peut-ôire aujourd'hui plus de l.b,00i> kilogrammes
par jour en Europe. C'est là une preuve des plus
frappantes de la puissance ^Taiment supérieure et
•créatrice de la chimie, des sources de richesses
que l'humanité a trouvées et trouvera dans les ap-
plications de cette partie des sciences.
L'aniline est le résultat de l'action de l'acide acé-
tique et du fer sur la nitrobenzine ; ce dernier
produit est lui-même obtenu par l'aciion de l'acide
azotique sur la benzine. On chauffe des parties
égales de nitrobenzine et d'acide acétique, et on y
mélange successivement de la limaille de fer très
fine ; quand la masse a pris une consistance épaisse,
on la mélange à de la chaux et on distille au rouge
sombre ; l'aniline se dégage et se condense dans
un récipient refroidi : elle est alors impure ; on la
purifie par une ou deux distillations successives.
L'aniline est un liquide incolore très réfringent,
d'une odeur désagréable et dune saveur acre ; sa
densité est un peu plus grande que celle de
l'eau.
A — 20" elle s'épaissit; elle bout à 18^°,8; exposée
à l'air elle brunit cl finit par se résinifier; elle est
insoluble dans l'eau, mais se mélange en toutes
proportions à l'alcool, à l'éthor, aux huiles grasses,
aux huiles volatiles; elle ne bleuit pas le tournesol
rouge; elle précipite les sels d'alumine, de zinc et
de fer en se substituant à leurs oxydes; elle se
combine 5. la plupart des acides en formant de véri-
tables sels.
En présence d'un azotate et de l'acide sulfurique
elle donne une coloration rouge; chauffée avec de
l'acide sulfurique et du bichromate de potasse en
poudre, elle donne une coloration bleue, qui devient
violette en présence de l'eau. En présence du chlo-
rure de chaux, elle donne également une coloration
violette.
L'aniline, au point de vue chimique, est consi-
dérée comme un alcaloïde *. C'est un poison qui se
rapproche de la nicotine (WurtZj.
Traitée par le chlore, l'aniline donne une série
de produits chlorés, par substitution du chlore à
l'hvdrogène : l'aniline monochlorée, l'aniline bi-
chiorée, l'aniline trichlorée, dans lesquels le ca-
ractère basique s'affaiblit au fur et à mesure que la
quantité de chlore augmente.
Dérivés de l'aniline. — Les couleurs diverses
qui ont pour base l'aniline sont excessivement
nombreuses; elles sont toutes d'une richesse et
d'une splendeur incomparables ; nous indiquerons
seulement quelques-uns de ces produits.
liosaniline. — La rosaniline s'obtient en oxydant
l'aniline par l'acide arsénique ; les résidus de la
préparation, toujours arsenicaux, sont une source
d'embarras et de dangers. La fw-hilm, malheu-
reusement trop employée aujourd'hui dans la co-
loration des vins, est un sel à base de rosaniline ; le
solferino. le magenta sont également des composés
de rosaniline.
En soumettant l'arséniate de rosaniUne à l'action
du chlorure de sodium, on obtient le chlorhydrate
de rosamline, qui esi une couleur rouge magnifique
très à la mode. En traitant ce dernier sel par
l'acide hypophosphoreux, on obtient le jaune de
rosaniline; le violt et le bleu résultent de l'action
de la rosaniline sur laniline.
Pour les détails relatifs à la manière d'employer
les matières colorantes h. la teinture des tissus,
voyez Teinture. [A. Jacquemart.]
C03IB1>A1S0>'. — Chimie, II. — En chimie, le
mot combinaison a deux sens que nous allons suc-
cessivement définir. Dans un cas c'est le phénomène
de l'union intime, chimique, de deux corps diffé-
rents qui en constituent ensemble un troisième.
Par ex. si on chauffe de la tournure de cuivre avec
de la fleur de soufre, la nia-se devient subitement
incandescente : c'est la combinaison de ces deux
corps simples qui s'effectue, et il en résulte un corps
nouveau, du sulfure de cuivre. La flamme d'un bec
de gaz est le résultat d'une combinaison qui s'opère
entre l'oxygène de l'air et les éléments combusti-
bles du gaz, hydrogène et carbone. La rouille du
fer à l'air humide est le résultat dune combi-
naison entre le fer et l'oxygène de l'air et quelque-
fois aussi l'o-xygène de l'eau. Tous les phénomè-
nes chimiques sont des combinaisons ou des
décompositions.
Dans le second sens, on entend çdiV combinaison
COMBINAISON
— 448 —
COMBINAISON
la substance même qui est produite par la com-
binaison de deux corps.
Ainsi on dira : les combinaisons du chlore et de
l'oxygène sont peu stables ; les combinaisons de
l'hydrogène et du carbone sont très nombreuses.
On voit que, dans ce sens, combinaison est à peu
près synonyme de corps composé.
Caractères d'un phénomène de combinaison. —
Affinité. — Quand deux corps se combinent faci-
lement, directement, c'est-à-dire par le seul fait de
leur contact, on dit qu'ils ont de ïaffinitéïan pour
l'autre. Ainsi le soufre a de l'affinité pour presque
tous les métaux; il en est de même du chlore et
de l'oxygène. On peut dire, dune façon très géné-
rale, que deux corps ne peuvent se combiner que
quand ils sont liquides ou gazeux; c'est ce
qu'exprime l'adage ancien : Corpora no7i agunt
nisi soluta. La chaleur, l'électricité favorisent un
grand nombre de combinaisons et en détruisent
d'autres. Un mélange d'hydrogène et d'oxygène ou
d'air fait explosion à l'approche d'une allumette
ou sous l'action d'une seule étincelle électrique ;
les deux gaz se combinent ainsi et forment de l'eau.
M. Deville a constaté qu'à une température très
élevée l'eau pouvait être décomposée en l'absence
de tout agent chimique étranger.
Le même chimiste, par de nombreuses expérien-
ces, a mis en évidence ce fait qui semble assez
général, qu'à des températures très élevées toutes
les combinaisons peuvent être défaites ; c'est ce
qu'on a appelé avec M. Deville la dissociation des
corps composés. Il y a des combinaisons, qu'on
appelle instables, qui se défont avec une extrême
facilité ; le moindre choc, le plus léger contact suffit
pour provoquer la séparation de leurs éléments : tels
sont l'iodure et le chlorure d'azote, qui se décom-
posent brusquement avec explosion quand on les
touche, fût-ce avec une barbe de plume.
Les explosions parfois si terribles et dont quel-
ques-unes sont restées célèbres par les épouvan-
tables désastres qu'elles causèrent, sont des plié-
nomènes de décompositions brusques dont la cause
reste quelquefois inexplicable. Nous rappellerons
ici les explosions de fulminate de mercure de la
'•ue Béranger, en 1878, f-t de picrate de potasse,
place de la Sorbonne, eu 1869. Les phénomènes de
dissociation dont nous avons parlé plus haut jouent
un rôle important dans l'explication d'un grand
nombre d'observations ijt^ologiques et asirono-
miques qui avaient été jusqu'aiorâ un probleiaâ
obscur pour les savants.
Action déconiposajite de l'électricité sur les com-
hinaisons. — Le gaz ammoniac se décompose en
liydrogène et azote sous l'influence d'une série
d'étincelles électriques. Depuis l'invention de la
pile voltaïque, on a soumis la plupart des sub-
stances connues à l'action d'un courant électrique,
et les combinaisons les plus stables ont été dé-
truites. C'est ainsi que le grand chimiste anglais
Davy a pu découvrir le potassium et le sodium en
décomposant les combinaisons de ces métaux avec
l'oxygène ; c'est aussi par la pile que Carlisle et
Nicholson décomposèrent l'eau en hydrogène et
oxygène en 1800.
Action de la lumière sur les combinaisons chi-
miques. — La lumière est aussi un agent chimi-
que. Elle défait et forme des combinaisons. C'est
le grand chimiste suédois Scheele qui le premier a
constaté son action décomposante sur le chlorure
d'argent, qu'elle noircit en mettant le métal en
liberté {"V. Photographie). C'est là le fait impor-
tant qui a été le point de départ des merveilleux
travaux de Daguerre et de Niepce de Saint-Victor,
les inventeurs du daguerréotype.
Un mélange de chlore et d'hydrogène détone
immédiatement sous l'action directe des rayons
solaires : il se forme de l'acide chlorhydrique (V.
Chlore). Cette combinaison ne se produit jamais
dans l'obscurité complète, mais se produit lente-
ment et sans détonation dans la lumière diffuse.
La puissance chimique réside principalement dans
les rayons violets du spectre.
Electro-chimie. — A partir du commencement
de ce siècle, des expériences faites par un grand
nombre de physiciens et de chimistes démontrèrent
que toutes les combinaisons minérales, au moins,
dégagent de l'électricité au moment où elles s'ac-
complissent.
Expériences. — Deux lames de platine séparées
communiquent avec un galvanomètre par un fil de
cuivre ; on interpose entre les deux lames un li-
quide n'attaquant pas le platine, acide azotique ou
chlorhydrique purs, par exemple : le galvanomètre
n'indique rien ; si au contraire, le liquide interposé
est de l'eau régale (V. Chlore), ou si on y met un
mélange capable de former une combinaison, de
la potasse et de l'acide sulfurique, par exemple,
l'aiguille du galvanomètre indiquera toujours la
présence d'un courant. Par contre, quand on dé-
truit une combinaison par un courant électrique,
les éléments séparés se trouvent dans des états
électriques contraires ; ce sont là quelques-uns
des nombreux faits qui ont constitué la théorie
électro-chimique.
Actio7i de certains corps sur les combinaisons
chimiques. — Certaines substances favorisent di-
verses combinaisons sans y entrer pour rien. Ainsi
un peu de jnousse de platine projeté dans un mé-
lange d'air et d'hydrogène produit instantanément
l'explosion qui caractérise la combinaison de ce»
deux gaz.
Si on fait tomber goutte à goutte de l'alcool
sur de la mousse de platine exposée à l'air, on
sent immédiatement une odeur d'aldéhyde (V. Al-
cool) qui indique que l'alcool s'est oxydé aux dé-
pens de l'oxygène de l'air; on sent en même temps
une odeur d'acide acétique, corps dérivant égale-
ment de l'alcool par oxydation (V. Acétique).
Autrefois, ne pouvant expliquer cette action de la
7?iousse de platine, les chimistes l'appelaient action
catabjtique. On s'en rend assez bien compte au-
jourd'hui que l'on sait que ce corps léger et poreux
peut condenser dans ses pores des quantités con-
sidérables de gaz, jusqu'à en arriver à l'incan-
descence.
Lois des combinaisons clihniques. — Les combi-
naisons diffèrent essentiellement de ce qu'on ap-
pelle un mélange, si intime qu'il soit, ou une disso-
lution.
Les combinaisons de deux corps simples ou
composés sont toujours formées de proportions
précises, constantes pour une même combinaison.
Les analyses qui ont établi cette loi fondamentale
de la chimie ont été assez nombreuses pour qu'on
puisse dire qu'elle est aussi certaine qu'impor-
tante.
Dans les combinaisons chimiques le poids du
composé est toujours égal à la somme du poids
des corps qui se combinent, et les rapports de
ceux-ci, constants pour ies mêmes corps, changent
avec leur nature, tandis que dans les mélanges et
dans les dissolutions les proportions des diverses
substances peuvent varier indéfiniment. Nous
ne nous étendrons pas davantage sur ce sujet si
vaste, mais nous renvoyons le lecteur aux articles
suivants : Chimie, Chimie organique, Equivalents^
Nomeficlature.
Classification des combinaisons chimiques. —
La classification des combinaisons minérales se
fait conformément à la nomenclature (V. Chimie
et Nomenclature], c'est-à-dire qu'elle repose en-
tièrement sur le nombre des éléments qui les
constituent. Nous ne ferons ici qu'en rappeler les
noms ; pour plus de détails le lecteur se repor-
tera aux articles Aadei, Bases, Sels, etc. Les com-
binaisons les plus simples sont celles qui sont
COMBUSTIBLES
— 449 —
COMBUSTION
formées de deux corps simples et qu'on appelle
combinaisons ou corps binaires : tels sont les aci-
des minéraux, les bases, les sulfures, les chlo-
rures, les iodures, etc. ; les combinaisons ter-
naires ou sels ; et enfin les combinaisons quater-
naires formées de deux sels ternaires ; exemple :
les aluns.
Les classifications des substances minérales na-
turelles ou minéralogiques sont tout autres ; nous
renvoyons pour celles-là au mot Minéralogie.
Quant aux classifications des combinaisons orga-
niques, nous dirons seulement qu'elles ont subi
de nombreux changements depuis trente ans que
les découvertes dans cette partie de la science
se sont si prodigieusement multipliées. Actuelle-
ment il y existe encore différentes sortes de clas-
sifications, selon le point de vue auquel se placent
les chimistes. On distingue les hydro-carbures,
les substances oxygénées non azotées, et les subs-
tances azotées.
Dans le premier groupe se trouvent la plupart
des essences, les huiles minérales ; dans le se-
cond, les alcools de différentes classes, les aci-
des organiques, un grand nombre de corps neu-
tres , le sucre , l'amidon , la dextrine ; dans le
troisième les alcaloïdes. Gerhardt, vers 1850, a le
premier essayé de classer les nombreuses subs-
tances organiques par séries comprenant tous les
corps dérivant d'une même substance caractérisant
la série. Il a créé ainsi les séries alcooliques, qui
comprennent tous les dérivés d'un même alcool :
ainsi la série alcoolique vinique ou éthylique
comprend tous les produits qu'on peut obtenir par
des décompositions ou des combinaisons de l'al-
cool de vin : soit par exemple Ynldéhyde, l'acide
acétique qui résulte de son oxydation, l'éther et
les différents éthers composés viniques, l'éthy-
lène, etc.
Le principe de cette classification est loin d'a-
voir disparu de la science ; les synthèses de
M. Berthelot l'ont au contraire confirmé ; néan-
moins cette classification est sinon imparfaite, tout
au moins incomplète et impuissante à contenir
tous les corps organiques. V. Chimie organique,
Alcool, Corps gras, etc. [A. Jacquemart.]
En mathématiques, on appelle combinaisons les
divers groupements que l'on peut faire avec les
objets en les prenant un à un, deux à deux, trois
à trois, etc., de manière que deux groupes diffèrent
au moins par l'un des objets qui s'y trouvent^
Les combinaisons mathématiques s'emploient en
algèbre, particulièrement dans le calcul des proba-
bilités *.
COMBUSTIBLES. — Minéralogie, p. 1313; Géo-
logie, II. — On désigne sous ce nom, en minéra-
logie, une classe de corps minéraux non gazeux et
non métalliques, et présentant les caractères de
la combustibilité. Nous renvoyons, pour ce qui
concerne leur composition et leur mode de forma-
tion, ainsi que leurs principales propriétés, aux
articles généraux Minéralogie et Géologie, et aux
mots spéciaux Charbon, Houille, Bitumes (ce der-
nier au supplément). Pour Ips combustibles végé-
taux, bois, tourbe, etc. V. Forêts, Charbon, Mousse.
V. aussi Combustion et Chauffage.
COMBUSTION. — Chimie, l. — Le sens ordinaire
du mot combustion, aujourd'hui comme autrefois,
est la disparition d'un corps qui brûle dans l'air.
La combustion du bois, du gaz, de la paille, d'un
tissu, c'est la destruction apparente de ces corps
en brûlant. C'est là un fait général bien connu de
tout le monde.
Mais la nature intime de ce phénomène n'a été
déterminée que dans la deuxième moitié du der-
nier siècle, par l'illustre chimiste français Lavoisier.
lorsqu'il eut fait l'analyse de l'air. Après avoir isolé
1 oxygène, Lavoisier montra par des expériences
précises, incontestables et qui ont été répétées
2e Partie.
bien des fois depuis, que les corps qui résultent
de la combustion, dans l'oxygène et dans l'air, par
exemple du phosphore, du carbone, du soufre, du
fer, du zinc, et on peut maintenant ajouter du ma-
gnésium, etc., sont formés par l'union de ces dif-
férentes substances avec l'oxygène. Ces corps sont :
l'acide phosphorique, l'acide sulfureux, l'acide
carbonique, l'oxyde de fer, l'oxyde de magnésium
(V. Chimie, Acides, Nomenclature).
Par ces expériences, Lavoisier donnait l'expli-
cation de ce qui se passe lorsqu'on chauffe les mé-
taux à l'air, et montrait que les chaux métalliques
qui en résultent, et que les alchimistes avaient
considérées comme des métaux ayant perdu leur
phlogistique, n'étaient autre chose que, des oxydes
métalliques. (V. Oxydes.)
La combustion est donc la combinaison chimique
d'un corps combustible avec l'oxygène.
Combustion lente, combustion vive. — Comme la
rouille des métaux à l'air humide est aussi le ré-
sultat de l'union du métal avec l'oxygène de l'air,
Lavoisier a appelé ce phénomène une combustion
lente, par opposition à la désignation de combustion
vive réservée au cas où la combustion dans l'oxy-
gène ou dans l'air s'effectue avec dégagement de
chaleur et de lumière. Ainsi, quand on tient à la
main des bâtons de phosphore humide^, il s'en
dégage des vapeurs faiblement lumineuses dans
l'obscurité : c'est là une combustion lente appelée
phosphorescence, lien est de même quand le bois
pourri dégage de l'acide carbonique. Si au con-
traire on allume des substances très-combustibles,
elles donnent une flamme plus ou moins chaude :
c'est une combustion vive. Telle est la combustion
du charbon, du gaz d'éclairage, d'une lampe, etc.
C'est pour cela que Lavoisier a appelé l'oxygène
le gaz comburant, et on a donné le nom de com-
bustibles, en chimie, à tous les corps, simples ou
composés, susceptibles de se combiner ainsi è
l'oxygène rapidement et en produisant de la lu-
mière et de la chaleur.
La respiration est une coinbustion, — Ayant re-
marqué que le phénomène chimique de la respi-
ration consistait en une production d'acide carbo-
nique et d'eau, Lavoisier compara cette grande
fonction vitale à une combustion.
Voici une double expérience qui fera bien
comprendre le sens précis du mot comburant
ainsi que celui du mot combustible : On a deux
éprouvettes, l'une remplie d'oxygène, l'autre d'hy-
drogène ; dans la première, on introduit une allu-
mette allumée, elle y brûle vivement, et si on la
retire le gaz de l'éprouvette ne brûle point; on la
met ensuite à l'entrée de l'autre éprouvette, elle en-
flamme l'hydrogène, mais l'allumette s'éteint si on
l'enfonce dans l'éprouvette. Le premier gaz est
comburant, le second est combustible.
Combustions diverses. Combustion dans le sou-
fre, dans le chlore, etc., corps comburants. — Par
analogie, on a appliqué le nom de combustion
aux combinaisons chimiques qui s'effectuent en
produisant l'incandescence de l'un, au moins, des
éléments qui se combinent ; ainsi, quand on pro-
jette de la poudre d'arsenic, de la poudre d'anti-
moine, des feuilles d'étain, du phosphore dans du
chlore, il se forme des chlorures de ces différents
corps, et la combinaison des deux éléments s ef-
fectue avec dégagement de lumière et de chaleur.
C'est là une combustion dans le chlore, aussi ce
gaz est-il appelé un corps comburant. Le cuivre et
le fer, le mercure même brûlent dans le chlore
lorsqu'on les a préalablement chauffés. Le gaz
ammoniaque s'enflamme et brûle spontanément
dans le chlore. Le soufre, qui est un corps com-
bustible en présence de l'oxygène, devient un corps
comburant en présence du cuivre; ainsi, si on
chauffe ensemble ces deux corps simples, le métal
devient incandescent dans la vapeur de soufre, et
29
COMBUSTION
450 —
COMBUSTION
il se transforme rapidement en sulfure de cuivre.
Le gaz protoxyde d'azote est comburant comme
l'oxygène ; le phosphore, le soufre y briilent vive-
ment comme dans l'oxygène.
Causes qui favorisent la combustion. — Les
corps combustibles brûlent plus facilement à l'é-
tat de vapeur ou à l'état de gaz qu'à l'état solide
ou à l'état liquide. Ainsi le soufre en bâton s'al-
lume difficilement, tandis qu'un mélange d'air et
de vapeur de soufre prend feu spontanément (à
300») ; cela tient à l'élévation de température d'une
part, mais aussi à l'intimité du mélange du corps
combustible et du corps comburant. Les substan-
ces en poudre extrêmement divisées deviennent
beaucoup plus facilement inflammables ; par
exemple le fer en poudre chimique, réduit par
l'hydrogène, s'enflamme spontanément quand on
le projette dans l'air ; il en est de même du sul-
fure de potassium fraîchement préparé et du phos-
phore excessivement divisé et étendu sur une
feuille de papier : il prend feu spontanément.
Voici comment se fait cette expérience : une
feuille de papier buvard est plongée dans une dis-
solution de phosphore dans du sulfure de carbone,
aussitôt qu'elle en est retirée ce liquide s'évapore
et une couche de phosphore pulvérulent reste à la
surface du papier ; au bout de quelques instants
celui-ci prend feu. Ces combustions spo?ita?iées
s'expliquent par l'état d'extrême division du corps
combustible dont toutes les parcelles sont ainsi
enveloppées d'oxygène.
Combustion dans l'eau. — Il y a des corps qui
ont une telle tendance à se combiner à l'oxygène
qu'ils décomposent l'eau dès qu'ils sont en con-
tact avec ce liquide, qui devient ainsi pour eux
un corps comburant ; tels sont les métaux alca-
lins, le potassium et le sodium principalement
(V. Potasse, Soude).
Feux-follets. — Nous avons cité plus haut diffé-
rentes substances susceptibles de prendre feu au
simple contact de l'air.
Le phénomène des feux-follets, c'est-à-dire de
ces petites flammes brillantes qui apparaissent
quelquefois au-dessus des cimetières ou des en-
droits où séjournent des cadavres d'animaux, n'est
autre chose qu'un cas de combustion spontanée
dans l'air du gaz hydrogène p/iosphoré gazeux dé-
couvert par Gengembre vers la fin du dernier siè-
cle. Ce gaz s'obtient dans les laboratoires en
chauffant quelques petits morceaux de phosphore
dans de la potasse concentrée ; chaque bulle de
gaz, à sa sortie du tube adducteur, donne sponta-
nément une flamme brillante. En jetant dans de
l'eau quelques morceaux de phosphure de calcium,
on voit immédiatement des flammes vives se pro-
duire à la surface de l'eau ; elles sont dues à la
combustion de l'hydrogène phosphore qui résulte
de l'action de l'eau sur le phosphure de calcium
(V. Phosphore). Dans le phénomène naturel des
feux-follets, le gaz provient de la décomposition
putride de certaines substances organiques phos-
phorées, de ia substance cérébrale principalement.
M. Paul Thcnard a démontré que le gaz hydro-
gène piiosphoré n'était spontanément inflammable
que parce qu'il était accompagné de vapeurs d'hy-
drogène phosphore liquide plus riche en phos-
phore que le premier; et ayant préparé de ce li-
quide, M. Thénard rendit inflammables spontané-
ment tous les gaz combustibles, en les y faisant
passer.
L'hydrogène phosphore s'enflamme spontané-
ment dans le chlore en donnant une lueur pâle
et en produisant une violente détonation ; l'expé-
rience se fait sans danger, en faisant arriver les
deux gaz en contact bulle par bulle au milieu
d'une niasse d'eau.
11 n'existe en réalité aucune difTérence essentielle
entre les combustions spontanées et les autres ;
les premières se produisent à des températures
voisines de la température ordinaire, les autres
à des températures plus ou moins élevées.
Combustion humaine spontanée. — Il ne paraît
plus possible aujourd'hui de douter des phéno-
mènes si étonnants de destruction spontanée du
corps humain par une inflammation sans cause
apparente, et dont on ne se rend pas encore bien
compte. Ce qui est certain, c'est que les cas assez
nombreux recueillis dans les livres de médecine
ont été constatés sur des sujets âgés, généralement
obèses et alcooliques ; cela n'est cependant pas
sans exception. Dans beaucoup de cas, on a re-
trouvé près du cadavre de la victime, et plus ou
moins consumés, des objets tels qu'une pipe, des
allumettes cliiniiques, etc., et dont la présence
semblait expliquer la cause immédiate de la com-
bustion ; d'un autre côté certaines observations
semblent indiquer que ces combustions peuvent
se produire d'une façon absolument spontanée,
c'est-à-dire sans cause extérieure ; c'est donc une
question encore assez obscure.
Chaleur py^oduile par la combustion. — Le dé-
gagement de chaleur et de lumière est, comme
nous l'avons dit, le caractère spécifique des phé-
nomènes chimiques auxquels on réserve le nom
de combustion vive. La quantité de chaleur pro-
duite est non seulement proportionnelle au poids de
la substance brûlée, mais elle dépend aussi de sa
nature; ainsi on sait aujourd'hui qu'un gramme de
carbone en passant à l'état d'acide carbonique pro-
duit 8ii00 calories ou unités de chaleur, autrement
dit 8000 fois ce qu'il faut de chaleur pour élever
de 1° centigrade la température de 8000 grammes
d'eau ou encore pour porter de 0° à l'ébullition
80 grammes d'eau, tandis qu'un gramme d'hydro-
gène donne en se combinant à l'oxygène pour se
transformer en eau 34000 calories. Un autre fait
démontré aussi par de nombreuses expériences et
observations de toutes sortes, c'est que cette capa-
cité calorifique d'un corps est constante, autre-
ment dit : un gramme de carbone produit toujours
SOOO calories en passant à l'état d'acide carbonique,
que ce soit par une combustion lente ou par une
combustion vive; seulement, comme il est facile
d'après cela de s'en rendre compte, la quantité de
chaleur produite en une seconde étant beaucoup
plus grande quand la combustion est rapide, la
température devra s'élever bien davantage dans ce
cas que dans celui de combustion lente. 11 n'y a
donc entre ces deux sortes de combustion que
cette seule difTérence, du moins lorsque le résul-
tat de la combustion est le môme dans les deux
cas.
La combustion lente du carbone dans le bois
qui se pourrit à l'air ne donnera pas d'élévation
de température sensible, la chaleur se dissipant
au fur et à mesure dans l'espace; tandis que la
combustion vive d'un foyer de charbon, d'un four-
neau, d'un chalumeau, etc., dévorant en très peu de
temps une grande ([uantité de carbone qui passe
à l'état de gaz acide carbonique, il s'accumulera
rapidement sur un même point une quantité con-
sidérable de chaleur et par suite la température
pourra s'élever considérablement.
Bien plus, les nombreuses expériences faites
depuis Lavoisier relativement aux sources de la
chaleur animale tendent à rendre incontestable ce
fait extrêmement remarquable, à savoir: qu'en dé-
terminant par le calcul, et en partant des capacités
calorifiques du carbone et de l'hydrogène, la quan-
tité de chaleur (jui a dû être produite par la for-
mation de l'acide carbonique et de la vapeur d'eau
dans la respiration d'un homme en vingt-quatre
heures, on arrive, en y ajoutant ce qui a dû être
produit pendant le môme temps par les autres
actions chimi(]ues qui se sont passées dans l'orga-
nisme, au nombre de ^250 calories, qui représente
COMEDIE
— 4ol —
COMEDIE
à peu près ce que rexpérience a donné dans la
mesure directe de cette même clialeur. Il résulte
de là qu'on peut affirmer que dans l'organisme la
combustion ou plutôt les combustions obéissent
aux mêmes lois qu'ailleurs, et que le carbone et
l'hydrogène y conservent, quoique s'y trouvant
dans des combinaisons complexes, les capacités
calorifiques qu'ils ont à l'état de pureté minérale.
En résumé, un kilogramme de carbone pur, pour
se transformer en acide carbonique, ou un kilo-
gramme d'hydrogène, pour former de l'eau, c'est-
à-dire pour brûler complètement, produisent des
quantités de chaleur qui ne changent pas avec les
conditions de la combustion, soit que celle-ci s'opère
lentement comme dans la pourriture du bois, la res-
piration des animaux, soit qu'elle produise de la lu-
mière comme le bois, la houille et tous les combus-
tibles carbonés brîilés dans un foyer quelconque.
Une autre conséquence ressort également de ces
observations physiologiques, c'est que la combus-
tion est la véritable source de la chaleur animale,
comme l'avait prévu le génie de Lavoisier (V. Oxy-
gène et Respiration). Nous ajouterons pour termi-
ner que la puissance calorifique des principaux
combustibles, houille, coke, bois, huile minérale,
etc., dépend principalement de la quantité de car-
bone pour 100 qu'ils renferment ; et que dans les
pays où les différents bois de chauffage sont éga-
lement communs, les prix établis par l'usage sont
presque toujours proportionnels aux quantités de
carbone que renferment les diverses essences. La
combustion, sous toutes ses formes, est donc un
phénomène d'une extrême importance, puisqu'il se
manifeste de tant de façons, et qu'en même temps
qu'il est une des manifestations les plus générales
de la vie : il est pour nous la source de chaleur la
plus importante après le soleil.
[A. Jacquemart.]
COMEDIE. — Littérature et style, III. — Pour
les détails concernant les origines de la comédie
et son histoire, ainsi que pour l'appréciation litté-
raire des principaux poètes comiques et l'é numé-
ration de leurs œuvres, on pourra consulter les
mots Dramatique (genre') et Théâtre. Le présent
article offrira simplement quelques observations
sur le genre comique en général, et sur les formes
successives qu'a revêtues à diverses époques cette
branche de l'art dramatique.
Les anciens traités de rhétorique enseignaient
fort doctement les règles immuables de chaque
genre, et traçaient d'une main rigoureuse le cadre
dans lequel les auteurs étaient tenus de s'enfer-
mer. On supposait qu'il existait une poétique ab-
solue, antérieure aux œuvres elles-mêmes, et on
louait ou condamnait les écrivains selon qu'ils
s'étaient plus ou moins conformés à des prescrip-
tions qu'ils étaient censés avoir dû observer, et
dont ils n'avaient pu s'écarter sans mériter le
blâme.
La comédie, par exemple, comme la tragédie,
était soumise aux règles de l'unhé de temps et de
lieu; elle devait s'abstenir des personnalités; évi-
ter le bouffon, et se contenter de « badiner noble-
ment » ; ne pas empiéter sur les genres voisins, en
mêlant les situations sérieuses aux situations plai-
santes, en faisant alterner le rire et l'attendris-
sement; enfin elle devait se proposer pour but
« d'instruire et de reprendre » : castiçiat ridendo
mores, suivant le mot de Santeuil si souvent attri-
bué à tort à Horace. Ces préceptes, et d'autres
semblables, pouvaient renfermer de sages conseils,
et ils étaient dictés en général par un goût cultivé
et délicat ; seulement ils avaient le tort de vouloir
ériger en règle absolue ce qui n'était que l'idéal
dramatique d'une époque particuUère, d'une so-
ciété polie, mais peu apte à compcendre tout ce
qui ne lui ressemblait pas, tout ce qui s'éloignait
de son amour de la mesure, de la noblesse, et
des conventions littéraires nées d'une situation
historique spéciale. Au nom de ces conventions,
Aristophane, aussi peu compris qu'Homère et que
Pindare, était déclaré barbare; Molière lui-même,
coupable d'avoir écrit les farces où son génie éclate
plus encore peut-être que dans ses grandes comé-
dies en vers, n'échappait pas à la condamnation ;
Boileau disait, malgré son admiration pour celui
qu'il appelait le plus grand poète du siècle :
Dans le sac ridicule où Sc.ipin l'enveloppe,
Je ne reconnais plus l'auteur du Misanthrope.
Dès lors cependant, notons-le, Molière, avec son
admirable bon sens, avait revendiqué les droits
de l'invention poétique :
« Vous êtes de plaisantes gens, fait-il dire à
l'homme raisonnable d'une de ses pièces, avec vos
règles dont vous embarrassez les ignorants, et nous
étourdissez tous les jours. Je voudrais bien savoir
si la grande règle de toutes les règles n'est pas de
plaire, et si une pièce de théâtre qui a attrapé son
but, n'a pas suivi un bon chemin... Car enfin, si les
pièces qui sont selon les règles ne plaisent pas, et
que celles qui plaisent ne soient pas selon les
règles, il faudrait, de nécessité, que les règles eus-
sent été mal faites. Moquons-nous donc de cette
chicane, où ils veulent assujettir le goût du public,
et ne consultons dans une comédie que ''effet
qu'elle fait sur nous. Laissons-nous aller df jonne
foi aux choses qui nous prennent par les er .railles,
et ne cherchons point de raisonnements pjur nous
empêcher d'avoir du plaisir. » [La Critique de
l'Ecole des femmes, scène VII).
Et Voltaire, quatre-vingts ans plus tard, tran-
chait définitivement la question par ce mot devenu
proverbial : « Tous les genres sont bons, hors le
genre ennuyeux». (Préface de Y Enfant prodigué) .
Aujourd'hui, la critique littéraire se préoccupe
médiocrement de règles et de théories; elle n'es-
time pas une œuvre à proportion de son degré de
ressemblance avec tel ou tel type consacré; pour
l'apprécier, elle la replace dans le milieu où elle
s'est produite, et s'efforce de la comprendre plutôt
qu'elle ne prétend la juger. Le point de vue dog-
matique a fait place au point de vue historique.
On comprend donc qu'il ne s'agisse, pas plus
dans cet article que dans ceux qui traiteront de la
tragédie, du drame, du poème épique, du roman,
d'énoncer les règles d'un genre. La seule chose
que nous ayons à faire, c'est d'indiquer les formes
diverses qu'un genre a pu prendre dans différents
siècles et dans des pays différents.
Le nom de la comédie a été formé d'un mot grec
qui signifie divertissement, fête joyeuse, et aussi
orgie. La licence, les chants bachiques, les plai-
santeries obscènes, furent à l'origine son essence
même; il ne faut donc pas s'étonner devoir Aris-
tophane, et ses prédécesseurs Cratinos et Eupolis,
employer un langage que la scène moderne ne
tolérerait pas ; il faut leur savoir gré, au contraire,
d'avoir agrandi le cadre de la comédie primitive,
d'en avoir élevé le ton, d'avoir transformé ce qui
n était qu'une simple mascarade en une satire po-
litique et littéraire, qu'ils ornèrent des grâces de la
muse attique, et dans laquelle ils jetèrent à plei-
nes mains le sel d'une plaisanterie que nulle
contrainte ne retenait. Mais la comédie aristoplia-
nesque, restée l'une des formes les plus originales
et les plus admirables de la poésie dramatique,
n'était possible qu'à Athènes, et sous le régime
populaire de la démocratie du V siècle.
L'époque macédonienne, fatale aux institutions
libres, et qui réduisit les Grecs à ne plus s'occuper
que d'affaires privées, d'intrigues et de plaisirs,
vit naître une comédie nouvelle, celle de Ménandre,
qui s'attacha à la peinture des mœurs et des ca-
ractères. Ce fut cette comédie-là que Plaute et
COMEDIE
— 452 —
COMETES
Térence essayèrent de transplanter à Rome, mais
sans réussir à l'y faire prendre racine.
Le moyen âge produisit, dans le domaine comi-
que, des formes dramatiques nombreuses et va-
riées. Telles furent, en Italie, la commedia deli' arte,
aux dialogues improvisés sur un canevas tradition-
nel, et dont les masques, Pantalon, le Capitan,
Arlequin, etc., semblent remonter à l'époque
romaine; en Espagne, la comédie « de cape et
d'épée », qui mêla les bouffonneries aux incidents
romanesques. Le mélange du burlesque et du tra-
gique se retrouve du reste un peu partout, dans la
Dériode antérieure au xvii' siècle : le? pièces de
Shakespeare, dont un petit nombre seulement sont
des comédies dans le sens strict du mot, nous l'of-
frent perpétuellement; et les mystères français du
moyen âge, malgré le caractère religieux des sujets
qu'ils traitaient, faisaient une part souvent très
large à l'élément comique.
Les farces, qui succédèrent en France aux mora-
lités du xiv^ siècle, et qui partagèrent la vogue
avec les 5o^/'/es. bouffonneries satiriques où l'Église
et la royauté n'étaient pas ménagées {S . ThéCdre],
furent des comédies populaires, souvent remar-
quables par l'invention des caractères et par la
peinture naïvement malicieuse des ridicules. Plu-
sieurs scènes de YAvocat Pathelin (xve siècle)
n'ont pas été surpassées pour le naturel, la jus-
tesse de l'observation et la franche gaieté. La
Rena.-sance tenta vainement, avec Jodelle, de
faire à t théâtre ce que Ronsard avait entrepris
pour l'ode et pour l'épopée ; le génie national
ne se laissa pas imposer sur ce point l'imitation
des anciens, et lorsque parut Molière, la farce était
encore si vivante, que celui-ci conserva, pour bon
nombre de ses chefs-d'œuvre, ce cadre essentiel-
lement français, aimé de la foule, et où la verve du
poète pouvait se donner plus librement carrière.
Un article spécial sera consacré à Molière ; nous
n'avons donc à parler ici de lui que pour rappe-
ler combien, dans son théâtre, ce génie si sympa-
thique et si profond s'est montré neuf, malgré
les emprunts qu'il a pu faire. La comédie telle que
l'a conçue Molière est une chose unique en son
genre, dont l'antiquité n'avait point fourni de mo-
dèle, et qui résume merveilleusement la société
du xvii= siècle.
Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence,
a dit La Fontaine dans son épitaphe de Molière. Cet
éloge, qui d'ailleurs n'en serait pas un, tombe à
faux : Plaute et Térence avaient copié et traduit
Ménandre ; Molière fut lui-même, et ne s'inspira que
de la nature humaine et du monde qu'il avait sous
les yeux.
Au xviii^ siècle, quelques auteurs dramatiques
voulurent introduire dans la comédie l'élément
sentimental : ils obéissaient à une tendance qui
caractérise l'époque. Cette tentative n'eut qu'un
demi-succès, malgré l'appui que lui prêta Dide-
rot, le plus éloquent avocat de la comédie lar-
moyante, et même quelquefois Voltaire. Le chef
de ces novateurs, La Cliaussée, n'est plus guère
connu que par la jolie épigramme que lui déco-
cha Piron :
Connaissez-vous sur l'Hélicon
L'une et l'autre Thalie?
L'une est chaussée, et l'autre non,
Mais c'est la plus jolie.
L'une a le rire de Vénus,
L'autre est fioide et pincée»
Honneur à la belle aux pieds nus,
Nargue de La Chaussée 1
Toutefois la comédie larmoyante, ou la tragédie
bourgeoise, qui répondait à des besoins nouveaux,
ne périt pas ; Lessing et Schiller l'introduisirent en
Allemagne, et en France on la retrouve, de nos
jours, dans certains drames modernes.
Beaumarchais, créateur comme l'avait été Mo-
lière, mais avec bien moins de génie, et au sein
d'une société bien difTércnte, innova à son tour,
et transforma la comédie en satire politique : le
Barbier de Séville et le Mariage de Figaro sont
nés de ce tumultueux mouvement d'idées hostiles
aux vieilles institutions, d'où allait sortir la Révo-
lution française.
Nous ne suivrons pas la comédie dans les formes
successives qu'elle a revêtues encore jusqu'à l'é-
poque contemporaine; il nous suffira d'avoir indi-
qué comment, de siècle en siècle, elle a dû se modi-
fier suivant les milieux et les circonstances. Ces
formes diverses sont marquées chacune à l'em-
preinte de l'époque qui les a produites, mais elles
ont toutes également droit de cité dans l'histoire
littéraire : chaque fois que la scène comique a été
occupée par un homme de génie, qu'il s'appelle
Aristophane, Shakespeare, Molière, ou le trouvère
inconnu qui a écrit V Avocat Patlielin, la critiqua
salue et admire des chefs-d'œuvre.
'J. Guillaume.]
COMÈTES. — Cosmographie, Viil. — Astre che-
velu; telle serait du moins la définition des comètes,
si l'on s'en tenait à l'étymologie. Les anciens, que
frappaient les apparences, et qui d'ailleurs ne regar-
daient point les comètes comme des a.stres, comme
des corps célestes ayant un cours régulier, mais
comme des météores sublunaires, avaient surtout
considéré la forme, l'aspect nébuleux de l'étoile, les
auréoles et appendices qui l'entouraient comme une
chevelure, et ces longues traînées de lumière do nt les
imaginations étaient vivement étonnées et effrayées.
Depuis Newton, la vraie nature des comètes et
de leurs orbites est connue. Ce sont, comme les
planètes, des astres qui gravitent autour du So-
leil, et qui, au moins pendant le cours d'une de
leurs révolutions, font partie du système solaire.
Mais les comètes se distinguent des planètes par
des caractères assez nets, pour qu'on en fasse une
classe spéciale de corps célestes ; il ne parait guère
probable qu'elles aient, les unes et les autres, ime
commune origine. Les orbites cométaires sont,
comme les orbites planétaires, sous la dépendance
des lois de Kepler, et, par suite, du principe de la
gravitation qui régit tous les mouvements célestes.
Mais, au lieu d'être des courbes à peu près circu-
laires, ce sont des ellipses très excentriques, très
allongées, et même le plus grand nombre de ces
orbites se confondent avec des paraboles qui auraient
le même foyer. Voil;\ un premier caractère distinciif ;
aussi, sur plus de trois cents comètes catalog\iées,
neuf seulement sont des comètes périodiques, à
retour constaté ; un certain nombre ont leurs
périodes calculées sans qu'on ait pu encore les
revoir, tant la durée de leurs révolutions est
grande ; toutes les autres ont des périodes de
révolution si longues, que c'est par milliers d'années
qu'elles se mesurent; aussi les comètes de cette
sorte doivent-elles être regardées comme non pé-
riodiques.
En outre, tandis que les planètes se meuvent
toutes dans le môme sens autour du Soleil, et
dans des plans qui font entre eux de fort petits
angles, les comètes ont, les unes un mouvement
direct, les autres un mouvement rétrograde, et
les plans de leurs orbites ont toutes les mclinai-
sons possibles sur l'éclipiique.
Les comètes se distinguent encore des planètes
par d'autres caractères qui ont trait à leur consti-
tution physique. Toutes les planètes dont les di-
mensions sont assez grandes pour être mesurables,
ou du moins de dimensions appréciables au téles-
cope, ont la forme sphérique ou sphéroidale, et leurs
globes ont, avec le globe terrestre, une grande
analogie. Les comètes, au contraire, paraissent
constituées par des masses vaporeuses, de forme
indéterminée et variable. Celles qui ont un noyau
COMMERCE
— 453 —
COMMERCE
iuuiineux sont elles-mêmes entourées d'atmosphè-
res considérables, de nébulosités qui changent con-
tinuellement do forme, et d'où s'échappent, sous
forme d'aigrettes ou de queues, de longues traînées
d'une matière extrêmement rare. Les queues co-
métaires, généralement opposées au Soleil, se dé-
veloppent à mesure que l'ast^re approche de son
périhélie ou du point de son orbite le plus rappro-
ché lu Soleil, pour décroître ensuite et disparaître
à mesure qu'il s'en éloigne.
Les masses des comètes sont très petites, et, pour
ainsi dire insensibles, par comparaison avec celles
des planètes. Cela est constaté par les perturbations
qu'elles subissent quand leur cours les amène dans
le voisinage d'une planète, et par l'absence de toute
influence réciproque appréciable. Aussi, les craintes
que les superstitions populaires ont si longtemps
entretenues dans les populations au sujet des co-
mètes, de leur influence redoutable, du danger
que présenterait leur rencontre avec la Terre, nont-
elles aucun fondement. Une théorie récente, due
à un astronome italien, Schiaparelli, identifie les
comètes avec les essaims de corpuscules météori-
ques qui circulent dans les espaces interplanétai-
res, et dont l'existence se révèle à nous par ces
■flux ou pluies d'étoiles filantes dont l'apparition a
été signalée à diverses époques. Il est donc pro-
bable que si la Terre venait h rencontrer quelque
comète, tout se bornerait à des apparitions sem-
blables plus ou moins abondantes, à des phénomè-
nes météoriques inofi"ensifs.
La première comète dont la périodicité ait été
reconnue et calculée est celle de Halley, qui fait
sa révolution en soixante-seize ans, et dont le pre-
mier retour vérifié a été celui de 1759. Une autre
comète périodique, celle d'Encke, ne mot que trois
ans un quart à parcourir son orbite. Voici du reste
le tableau des neuf comètes périodiques dont il a
été question plus haut :
DURÉES ÉPOQUES
lies des demiers
révolutions passages
Comètes de Encke 3 ans 28 avril 1875
— Brorsen 5 48 cet. 1873
— Winnecke. ... 5 72 mars 1875
— Tempel 5 97 mai 1873
— D'Arrest 6 64 mai 1877
— Biéla, G 60 sept. 1852
— Faye 7 41 juil. ISG'J
— Tuttle 13 81 nov. 1871
— Halley 76 37 nov. 1835
L'une de ces comètes, celle de Biéla, est fameuse
dans l'histoire de l'astronomie. Simple, dans ses
premiers passages, elle a paru dédoublée en 1846
et en 1K52. On ne l'a point revue depuis, ou, du
moins, il paraît probable que c'est un de ses frag-
ments qui est venu frôler la Terre à la date du
27 novembre 1872, et qui a donné le magnifique
spectacle de la pluie d'étoiles filantes dont les ob-
servateurs européens ont été témoins dans la soi-
rée de ce jour, [A. Guillomin.]
CO.MaïKllCE. — L'érhœ^ge. — L'homme vit de
richesse. Par ce dernier mot, l'économie politique
ne désigne pas seulement, comme le langage
ordinaire, l'abondance de biens, mais les biens de
toute nature , en quelque quantité qu'ils soient,
qui peuvent servir à la satisfaction des besoinsdc
l'homme. Un morceau de charbon de terre ou une
feuille de papier sont de la richesse aussi bien
qu'un palais ou que l'ensemble des récoltes
de la France. L'homme consomme cette richesse.
Mais pour la consommer, il faut qu'elle ait été pro-
duite ; et pour la produire, il faut travailler. Pro-
duire et consommer, voilà les deux pôles du mou-
vement économique dans les sociétés humaines.
Si chaque homme était réduit à produire lui-
même tout ce qu'il doit consommer, le nombre et
la variété des besoins que chacun pourrait sa-
tisfaire seraient nécessairement très restreints :
c'est le cas de Robinson dans son île. Il n'y aurait
ni coopération ni division du travail ; l'emploi du
capital serait extrêmement borné, et la somme
de richesse créée en moyenne par individu serait
très minime.
L'ÉCH.\NGE établit entre la production et la con-
sommation un lien qui change entièrement les
rapports des individus et qui augmente dans une
proportion pour ainsi dire indéfinie les moyens de
créer la richesse. L'œuvre économique envisagée
dans son ensemble comprend donc trois termes :
la production, qui est la phase première de la ri-
chesse ; la consommation, qui est la phase
dernière; la circulation par l'échange, qui est la
phase intermédiaire.
Quelques exemples aideront à comprendre la
nature et le bienfait de l'échange. Deux hommes
vivent isolés dans une île ; Paul est chasseur,
Pierre, pêcheur. Si chacun d'eux se contente de
ne consommer que ce qu'il produit, ils n'auront
tous deux qu'une nourriture monotone. Mais ils
peuvent entrer en relation, et Pierre dire à
Paul : a J'ai passé ma journée à prendre douze
poissons ; tu as passé la tienne à tuer deux liè-
vres : donne-moi un de tes lièvres pour six de
mes poissons, c'est-à-dire le produit d'une demi-
journée contre le produit d'une demi-journée. »
Paul accepte et l'échange a lieu : tous deux y
trouvent profit et gagnent la variété des aliments
sans dépenser plus de travail. L'échange a consisté
dans le troc d'un produit cojitre un produit équi-
valent.
Survient Jacques qui est aussi un chasseur,
mais qui, plus habile ou muni de meilleures
armes, tue quatre lièvres dans sa journée. S'il
s'entend avec Pierre pour échanger un lièvre contre
six poissons, il aura encore fait le troc d'un pro-
duit contre un produit équivalent, parce que l'é-
quivalence ne s'applique pas au nombre des
heures de travail de chacun, mais à la valeur des
objets échangés, laquelle dépend en grande partie
de l'utilité et de la rareté relatives de ces objets.
Dans une société civilisée, l'échange a lieu non
seulement entre Pierre, Paul et Jacques, mais
entre un grand nombre de per>onnes qui, exerçant
chacune une industrie particulière, vendent la plus
grande partie de leurs produits et achètent la plu-
part des articles de leur consommation personnelle.
L'un est agriculteur, un autre boulanger, un troi-
sième cordonnier, un quatrième charpentier. Le
boulanger ne consomme pas la centième partie des
pains qu'il fabrique ; il vend ses pains et, avec
l'argent qu'il en tire, il achète sa farine, ses vête-
ments, ses souliers, il fait réparer sa maison. Dans
une petite commune, il y aura une dizaine de mé-
tiers dilTérents auxquels chaque acheteur aura
recours ; dans une ville très populeuse, il y en
aura peut-être plus de cent. La division du tra-
vail augmente avec la richesse et avec le nombre
des consommateurs. La création de grands ateliers
ou de grands magasins dans certaines circon-
stances n'est pas une exception à cette loi ; car,
dans ces vastes établissements, la division du tra-
vail sous une direction unique est toujours poussée
plus loin que dans la petite industrie. Dès que la
division du travail a multiplié les échanges, le troc
en nature devient presque impossible, et les
hommes sont conduits à employer une marchan-
dise qui, ayant cours légal, soit reçue partout dans
les ventes, et serve d'intermédiaire général dans
les échanges en même temps que de mesure des
valeurs. La 77ionnaie (V. ce mot), remplit ce rôle.
Fabriquée avec des métaux précieux, elle a une
valeur réelle ; on en donne une quantité propor-
tionnelle à la valeur de l'objet que l'on achète et,
en réalité, l'on échange toujours un produit contre
un produit équivalent.
COMMERCE
— 454
COMMERCE
Il arrive souvent que l'acheteur prend la
niarcliaiidise et ne donne pas immédiatement la
contre-valeur. Il s'engage tacitement ou par
écrit à la donner dans un délai indéterminé ou
déterminé; il y a dans ce cas un fait de crédit;
mais le crédit, qui est une avance de valeur, sup-
pose que l'acheteur s'acquittera de sa dette. Dan.s
ce cas encore, il y a échange d'un produit contre
un produit équivalent ou plus exactement contre
la promesse d'un produit équivalent.
On peut échanger un produit contre un service :
c'est ce que fait le maître avec ses domestiques ou
le patron avec ses ouvriers, lorsqu'il leur donne un
salaire,c'est-àdirelorsqu'i] achète une certaine quan-
tité de travail ou un certain nombre d'heures de tra-
vail contre une somme déterminée. Les honoraires
payés au médecin, le traitement de l'instituteur,
qu'il soit fourni en totalité par la commune ou en
partie par la rétribution mensuelle des parents,
constituent aussi, mais sous une autre forme, l'é-
change d'un produit contre un service.
Le troc et le commerce. — L'échange des pro-
duits contre des produits constitue le commerce.
On distingue quelquefois plus particulièi-emcnt
sous le nom de troc l'échange direct des marchan-
dises contre une marchandise quelconque, tel
qu'on le pratique d'ordinaire avec les sauvages de
l'Afrique australe, et sous le nom de commerce
l'échange dos marchandises contre la monnaie;
mais l'un et l'autre sont en réalité des manières
d'être du commerce.
Le troc est un mode grossier qui a de graves
défauts. C'est d'abord de ne pas fournir exacte-
ment une mesure commune aux valeurs échan-
geables. En effet, certains peuples de l'antiquité
ont employé comme instrument d'échange le bœuf,
parce que le bétail était leur principale richesse ;
mais les bœufs diffèrent entre eux par l'âge, le poids,
la qualité et une pareille désignation n'offre pas
l'idée d'une valeur déterminée. Les indigènes de
l'Afrique australe se servent de dents d'éléphants
et de pièces de calicot; ce sont également des
expressions vagues de la valeur, parce que tous
les mètres de calicot et toutes les dents ne se
ressemblent pas. La monnaie au contraire a ce
caractère de détermination précise qui facilite les
négociations ; lorsqu'on dit cent francs, mille francs,
on sait qu'il s'agit d'un certain nombre de pièces
pesant ensemble 450 et 4500 grammes d'argent fin,
ou 32«',25 et 3■2•25^58 d'or sans compter l'alliage,
et qu'en vertu de la loi elles seront toujours accep-
tées pour 100 et pour 1000 francs : la monnaie est
une mesure commune. Un second défaut du troc
est de gêner l'épargne et l'accumulation des ri-
cliesses. On peut épargner en quantité indéfinie
de l'argent et le placer d'une manière fructueuse,
parce que l'argent peut se conserver indéfiniment et
que, reçu en échange de toute espèce de marchan-
dise, il répond à tous les genres de besoins; on
n'en dirait pas autant d'un bœuf qu'il faut nourrir
ou d'une marchandise qui ne convient qu'à quel-
ques personnes. Aussi ce mode de commerce, quia
pour effet de restreindre les échanges dans de
très étroites limites, n'est-il, sauf quelques rares
exceptions, pratiqué que par les sauvages. Tous
les peuples qui ne sont plus dans l'état de bar-
barie ont remplacé le troc par le commerce pro-
prement dit, lequel consiste dans la vente et
dans Tachât, c'est-à-dire dans Véchange des mar-
chandises, quelles qu'elles soieiit, contre de In mon-
naie, niarcnajidise déterminée, ppu altérable, pré-
cieuse sous un petit volume, revêtue d'un carac-
tère légal, facile à accumuler et par conséquent
propre à so-vir de mesure commune aux autres
march'indiscs.
Le commerce, intermédiaire entre la production
et la consommation, a pour but de mettre les pro-
duits à la portée de ceux qui en ont besoin ; il a pour
objet de transporter les produits d'un lieu à un
autre, d'un temps pour un autre et d'un pro-
priétaire à un autre. Il peut être défini en trois
mots : TRANSFORTlîR, CO.NSERVER, ÉCHANGER.
La plupart des actes de commerce comprennent
les trois phases, le marchand faisant venir le pro-
duit d'une autre localité ou tout au moins d'un
autre magasin, le gardant avec le reste de ion ap-
provisionnement, soit qu'il le mette immédiatement
en vente, soit qu'il le réserve pour la saison pro-
pice, et le livrant ensuite à l'acheteur. Cependant
la dernière phase seule est essentielle; les cou)-
nierçants font souvent sur le marché ou par cor-
respondance acte de commerce, opérant des ventes
sans qu'il y ait iransport ni conservation de la
marchandise, tandis que le transport et la garde
seuls ne suffisent pas à créer un acte de commerce
dans le sens économique du mot, mais constituent
des services d'une nature particulière.
L'homme qui fait le commerce doit être consi-
déré comme un producteur aussi bien que celui
qui s'adonne à l'agriculture ou à l'industrie. Car
l'exercice du commerce est un des modes du tra-
vail, et, comme tout travail utile, il ajoute de la
valeur aux produits; or la production, dans le sens
économique, ne consiste pas dans une création
de matière (l'homme est impuissant à créer un
atome de matière;, mais dans une création d'utilité.
Un exemple fera comprendre le genre particulier
d utilité créé par le commerce.
Dans les grandes plaines de la République ar-
gentine, les troupeaux de bœufs et de moutons
sont tellement nombreux que les peaux et la laine
n'y auraient, si la consommation en était faite seu-
lement par les habitants du pays, presqu'aucune
valeur. Un négociant fait acheter mille de ces
peaux à très bas prix, les fait transporter au Havre
ou à Paris, les trie suivant la qualité, les garde en
magasin ; puis, lorsqu'un cordonnier se présente,
il lui vend à son choix de la vache, du veau, du
ventre ou du dos, et il lui fait légitimement payer
deux fois plus qu'il n'a payé lui-même. Ce sup-
plément, qui représente les frais de transport, de
garde, de manutention, les risques et le profil du
négociant, mesure l'utilité créée; dans les plaines
de l'Amérique la peau avait une valeur médiocre,
parce qu'il y en avait beaucoup et que peu de per-
sonnes l'employaient; à Paris, elle a une valeur
double, parce qu'on en fait un très grand emploi.
Si Paris était réduit à ne consommer que les
cuirs provenant des bœufs du département de
la Seine, presque tous ses habitants marcheraient
pieds nus.
Les commerçants. — Dans une société où la
richesse et le nombre des habitants ont amené une
grande division du travail, tout individu, à moins
d'être nourri par sa famille ou de vivre d'au-
mônes en nature, fait des échanges et. par consé-
quent, des actes de commerce. Le rentier n'é-
chappe pas plus que les autres à cette loi ; car, cha-
que jour, il échange l'argent provenant de son
revenu contre les marchandises qu'il consomme.
Cependant on ne donne le nom de commerçants
qu'à ceux qui font des actes de commerce par habi-
tude et par profession.
L'article 1" du Code de commerce dit : o Sont
commerçants ceux qui exercent des actes de com-
merce et en font leur profession habituelle ». La
loi comprend sous cette dénomination non seule-
ment les commerçants proprement dits, mais les
industriels de toute espèce, et elle les soumet aux
prescriptions du Code de commerce et à la juridic-
tion des tribunaux de commerce. Elle n'y com-
prend pas les agriculteurs qui ne font que vendre
les produits de leur terre ni les employés et ouvriers
ijui ne font qu'échanger du travail contre un sa-
laire.
Dans le langage ordinaire, on distingue les indus-
COMMERCE
— 455 —
COMMERCE
triels et les commerçants, et on désigne seulement
sous ce dernier nom ceux qui font profession d'aclie-
ter pour vendre, sans transformer le produit par la
fabrication ; les manutentions qui ont pour objet
de conserver, de trier ou même de parer légère-
ment la mar bandise ne constituent pas une fabri-
cation.
Dans les sociétés primitives ou pauvres, les
échanges sont peu développés : ce qui domine,
c'est le commerce de détail, lequel s'exerce pres-
que toujours du marchand au consommateur, le
plus souvent avec de petits capitaux, tantôt tous
les jours à poste fixe dans un magasin ou bouti-
que, tantôt à certains jours dans les marchés et
foires, tantôt de village en village par des mar-
chands forains et des colporteurs.
Dans les sociétés riches, la première place est
ordinairement occupée par le commerce en gros,
qui s'exerce de commerçant à commerçant, avec
de gros capitaux, et qui exige presque toujours un
rayon d'approvisionnement étendu et un marché
considérable. Il a pour objet de former les grands
approvisionnements, d'accumuler les réserves de
produits nationaux pour les livrer au commerce
de détail en temps opportun, de faire venir de
loin les produits étrangers que le petit commerce
n'aurait pas la puissance de se procurer, de cons-
tituer, par ses opérations, les cours, c'est-à-dire
les prix régulateurs du marché.
On désigne vulgairement sous le nom de mar-
chand les personnes qui exercent le commerce de
détail, et sous celui de négociant celles qui font
le commerce en gros. Il y a, dans les grands centres
de consommation, des maisons de détail assez con-
sidérables pour faire leurs approvisionnements en
gros et pour réunir les deux caractères. Le nombre
de ces maisons s'est accru depuis que les chemins
de fer ont rendu les communications plus faciles.
Le commerce intérieur et le commerce extérieur.
— On peut distinguer trois degrés dans la civili-
sation commerciale des sociétés. Au premier degré,
le travail est très peu divisé, la population est
clairsemée, la vie est presque toute pastorale ou
agricole, et le commerce est très faible, quoique les
principales familles vivent dans une abondance
relative de denrées naturelles et se procurent
même, ordinairement, par des marchands forains
certains produits de luxe apportés de loin. Au se-
cond degré, des villes se sont formées par l'agglo-
mération d'une partie de la population, les petites
industries se sont multipliées et la division du tru-
val est plus développée ; mais elle est encore en
grande partie individuelle, c'est-à-dire que dans
chaque contrée qui se suffit à peu près à elle-
même, il y a des individus qui s'adonnent à un
travail particulier ; le cercle des échanges est peu
étendu et le petit commerce domine. Au troisième
degré, lorsque la richesse est devenue plus con-
sidérable, que les voies de communication sont
plus nombreuses et plus commodes, la division
territoriale du travail se développe au profit de la
société ; non seulement chaque individu exerce
une profession particulière dans laquelle il de-
vient plus habile en s'aidant de moyens de fabrica-
tion plus perfectionnés, et peut livrer ses produits
dans de meilleures conditions ; mais le commerce,
s'ouvrant de vastes débouchés, fait venir .les
matières premières et les objets manufacturés que
chaque contrée est le plus apte à fournir dans de
bonnes conditions, et en même temps il porte les
produits nationaux sur les marchés, voisins ou
lointains, qui paraissent le plus avantageux. La
consommation, qui est le but de la production, jouit
de l'abondance et de la variété des marchandises :
elle est mieux servie.
Cette division territoriale du travail peut se
produire entre les différentes parties d'un môme
^UX ou entre les différents Etats de la terre. Les
échanges qui ont lieu dans l'intérieur des fron-
tières d'un Etat constituent le commerce intérieur;
ceux qui ont lieu d'un Etat à un autre constituent
le commerce extérieur.
Le commerce intérieur est aujourd'hui entière-
ment libre en France. Chacun peut s'établir où il
veut, faire le commerce qu'il veut et transporter
dans toutes les parties du territoire ses propres
produits et les produits d" autrui. Cette règle géné-
rale ne souffre qu'un petit nombre d'exceptions qui
ont été faites en vue de la police ou de la perception
des impôts; telles sont les formalités requises pour
le transport du vin, et le droit d'octroi à l'entrée
dans les villes. Il n'en a pas toujours été ainsi. Sous
le régime féodal, il y avait des péages nombreux
sur les routes et rivières et des impôts au passage
d'une province à une autre ; c'est à l'ordonnance de
1664, rendue sous le ministère de Colbert, et aux
lois votées par l'Assemblée constituante de 1789,
créatrice de l'unité administrative de la France,
qu'est dû le bienfait de la libre circulation du
commerce à l'intérieur du territoire. Ce commerce,
qui porte sur la plus grande partie de la produc-
tion agricole et presque sur la totalité de la pro-
duction industrielle, représente un chiffre total
d'affaires beaucoup plus élevé que celui du com-
merce extérieur; mais, comme on ne saurait enre-
gistrer toutes les ventes et tous les achats qui se
font journellement sur la surface de la France, il
est impossible de le déterminer exactement.
Le commerce extérieur au contraire peut être
déterminé, parce que ladministration des douanes
enregistre toute marchandise qui, entrant ou sor-
tant, passe la frontière. Les marchandises qui en-
trent constituent l'importation, qui se compose en
général d'achats faits par les nationaux chez les
étrangers. Les marchandises qui sortent constituent
V exportation, qui se compose en général des ventes
faites par les nationaux aux étrangers. Certaines
marchandises n'entrent d'un côté que pour sortir
par un autre ; elles se servent du territoire d'une
nation comme de la route la plus commode pour
se rendre d'un pays étranger à un autre pays
étranger : elles constituent le transit. Lorsqu'une
marchandise doit payer à l'entrée un droit de
douanes, le négociant qui la fait venir de l'étran-
ger sans savoir encore s'il la vendra dans son pays,
la dépose provisoirement en certains lieux où elle
est gardée sans avoir à acquitter le droit : ces
lieux sont les entrepôts. Lorsqu'il la fait sortir de
l'entrepôt pour la vendre hors de son pays, la mar-
chandise ne paie pas le droit ; au contraire elle le
paie s'il la vend dans le pays même. L'adminis-
tration des douanes en France désigne sous le nom
de commerce général le total des importations et
des exportations, et sous le nom de commerce
spécial le commerce des marchandises, non com-
pris celles qui sont dans les entrepôts ou qui en
sont sorties pour aller sur les marchés étrangers.
Le commerce général indique dans son ensem-
ble l'activité commerciale de la nation. Le com-
merce spécial indique d'une manière plus exacte
les ventes de produits nationaux faites à l'étranger
et la consommation de produits étrangers faite par
les nationaux. La distinction n'est pourtant pas
rigoureuse, parce que les négociants ne prennent
pas la peine do mettre en entrepôt les matières
premières non soumises à un droit qu'ils impor-
tent pour les réexporter.
Les douanes sont établies sur la frontière de
presque tous les États, pour percevoir des droits
sur les marchandises qui entrent ou qui sortent
et pour constater en même temps le mouvement
du commerce extérieur. En général, les taxes sont
rares à l'exportation ; elles sont aujourd'hui à peu
près nulles en France. Elles sont diversement ré-
parties à l'importation, suivant que la législation
douanière s inspire du système restrictif, qui, im-
COMMERCE
— 436 — ■■
COMMERCE
pose des prohibitions et des droits protecteurs, ou
du système de la liberté commerciale, qui n'admet
que les droits fiscaux. Le premier système, se
préoccupant moins de l'intérêt du Trésor et de la
consommation que de l'intérêt particulier de cer-
taines industries nationales, oppose aux produits
analogues de l'industrie étrangère une défense
absolue d'entrer ou des droits assez élevés pour
en restreindre la vente en les faisant renchérir,
afin de réserver ainsi l'avantage à ces industries na-
tionales sur le marché intérieur. Le second sys-
tème, se préoccupant surtout de l'intérêt général
des consommateurs sans toutefois abandonner
l'intérêt du Trésor public, met sur les marchan-
dises importées des droits légers, afin qu'elles
puissent entrer en grande quantité, fournir large-
ment le marché, stimuler par la concurrence les
manufactures nationales à faire mieux que l'étran-
ger, et rémunérer le Trésor par la perception d'un
très grand nombre de petites taxes.
Les produits s'échangent contre des produits,
avons-nous dit. Une nation ne peut donc acheter
à l'étranger que dans la mesure où elle vend elle-
même à l'étranger ; si la balance ne se fait pas
exactement chaque année, elle s'établit peu à peu
au bout d'un certain temps, à moins de circons-
tances exceptionnelles, telles que celle d'une na-
tion qui aurait beaucoup de capitaux placés à l'é-
tranger et qui paierait avec ses revenus extérieurs
l'excédant de ses importations. Par conséquent une
grande nation ne peut être, suivant une expres-
sion quelquefois employée, « inondée » de produits
êti'angers que dans la mesure où elle « inonde »
elle-même l'étranger de ses produits. La liberté com-
merciale profite non seulement au commerce, qu'elle
développe, mais à l'industrie nationale prise dans
son ensemble, à laquelle elle fournit des débouchés
plus larges par l'accroissement de l'exportation,
en même temps qu'à la consommation qu'elle ap-
provisionne plus copieusement. Envisagée au point
de vue des droits du producteur, elle signifie li-
berté du travail et égalité ; au point de vue des
résultats généraux de l'échange, elle signifie faci-
lité des débouchés et extension du marché.
hiflueiice du commerce sur la civilisation. —
Les nations tendent toutes à développer leur com-
merce. Elles ne sauraient rester isolées les unes
des autres, parce que les produits des pays les
plus divers sont entrés aujourd'hui, grâce à la
facilité des relations lointaines, dans la consom-
mation journalière et dans les habitudes de la
plus modeste existence.
Un ouvrier de Paris, avant de se rendre le matin
à l'atelier, mange un morceau de pain fait avec la
farine de la Beauce ou peut-être même de la Rus-
sie et de la Californie, et il boit un verre de vin,
mélange des crûs de l'Orléanais et du Languedoc,
pendant que sa femme prend le café au lait que
les caféiers de Java, les cannes à sucre de Cuba
et les vaches de Normandie ont conspiré à lui
composer. Il s'habille avec une chemise dont le
coton, venu des États-Unis ou de l'Inde, a été tissé
à Rouen, et avec un paletot dont le drap, produit
de Lodève, contient des laines de l'Australie et
du Cap ; il met des souliers dont le cuir a été la
peau d'une vache paissant dans les pampas de la
Plata. Il regarde l'heure à sa montre, et il ne se
doute pas que, dans un si petit objet, il y ait à la
fois de l'acier de la Suède, du cuivre du Chili, des
rubis du Brésil, de l'or de l'Oural, pas plus qu'il
ne^ se doute que les cinq parties du monde, avant
même qu'il ne soit hors de sa maison, ont en quel-
que sorte rivalisé pour satisfaire ses besoins, et que
le commerce est l'auteur do ces jouissances.
On peut résumer de la façon suivante les prin-
cipaux avantages (jue le commerce procure aux
hommes et à la civilisation :
1° En apportant chaque chose à l'endroit précis
où elle est le plus recherchée, il accroît par ce
seul fait la somme des utilités partout où il agit;
1° Il est la condition nécessaire de la division du
travail, qui °st elle-même la condition nécessaire
d'une production abondante ; le commerce extérieur
donne même naissance à de nombreuses industries
qui n'existeraient pas sans lui, faute de matière
première, telles que la fabrication des cotonnades
en Europe ;
3" Il tend à auçjmenter l'activité laborieuse des
hommes, non-seulement par les industries dont il
provoque l'établissement, mais par les jouissances
nouvelles qu'il offre et qui ne peuvent être obte-
nues qu'au prix du travail ;
4° En établissant des relations fréquentes entre
diverses contrées, il apprend aux peuples à se con-
naître, et il contribue à les éclairer les uns par
les autres;
5° En stimulant les découvertes maritimes, il a
enseigné à l'homme à mieux connaître la terre,
son domaine ;
6° En lui faisant connaître la terre, il l'invite à
en prendre possession par la colonisation. C'est
ainsi que les Etats-Unis et une partie de l'Australie
sont devenus des centres importants de popula-
tion et des foyers nouveaux de civilisation dans le
monde;
7° Le commerce lui-même ne peut se développer
qu'à l'aide de moyens de communication faciles,
rapides et économiques. C'est le génie du com-
merce qui a suscité la navigation à vapeur et les
chemins de fer.
Histoire du commerce. — La civilisation dont
nous sommes les héritiers est née dans la haute
Asie et sur les bords du Nil ; c'est autour du
bassin de la Méditerranée qu'elle s'est épanouie.
Les grandes nations commerçantes de l'antiquité
ont habité sur ses bords. Les Phéniciens, qui ne
possédaient qu'un très petit territoire, médiocre-
ment fertile, ont eu cependant une grande puis-
sance, parce que leurs ports, Sidon, Tyr, étaient
précisément situés à l'extrémité orientale de cette
mer, sur la côte où les caravanes, venues de l'inté-
rieur de l'Asie, apportaient hîs produits de l'Orient,
et d'où les navires partaient pour les distribuer
dans les comptoirs phéniciens et dans les con-
trées riveraines de la Méditerranée ; Carthage
était un de ces comptoirs. Plus tard, les villes
grecques d'Asie Mineure, entre autres Milet, et
quelques-unes des républiques de la Grèce, Athè-
nes surtout, se substituèrent aux Phéniciens et
héritèrent en partie de leur puissance commer-
ciale. Alexandrie, ville grecque fondée par Alexan-
dre le Grand à peu de distance des bouches du Nil,
devint, après la destruction de Tyr, le principal
entrepôt entre l'Europe et l'Asie, et resta, pendant
toute la durée de l'empire romain et pendant le
moyen âge, une grande place de commerce.
A l'époque où les Arabes étendirent leur domi-
nation sur toute l'Asie occidentale et sur le nord
de l'Afrique, le commerce fut florissant dans leur
empire ; le Caire, la Mecque, Damas, Bagdad, Bas-
sora, Samarcande furent de riches marchés.
Les croisades contribuèrent à ramener en Europe
le commerce maritime et à renouer les relations de
l'Occident avec l'Orient. L'Italie, péninsule avancée
au centre de la Méditerranée, dut en grande partie
à sa situation géographique de recueillir presque
tous les profits de ce trafic. Amalfi, Pise, Florence,
surtout Gènes et Venise, ports situés l'un à
l'ouest, au fond.de la mer Tyrrhénienne, l'autre à l'est
au fond de la mer Adriatique, près des routes qui
conduisaient à travers les Alpes dans l'Europe
centrale, devinrent de grandes cités. Le commerce
y développa l'industrie, comme il arrive d'ordi-
naire, et l'Italie fut la contrée la plus riche de
l'Europe. Les marchands italiens allaient non-sou-
lemeiit à Alexandrie et sur les côtes de l'Asie Mi-
COMMERCE
1— 4o7 —
COMMERCE
neiiTC, mais jusqu'au fond de la mer d'Azov, d'où
partaient alors tous les ans des caravanes pour la
Cliine. D'autres foyers d'activité commerciale
s'étaient formés sur les côtes des mers du nord de
l'Europe, à Lubeck, à Hambourg, à Brème, à An-
vers, à Bruges, etc. Ces villes s'étaient unies pour
former une puissante confédération sous le nom
de Hanse teutonique. En France, Marseille et
Montpellier dans le midi, Lyon sur le Rhône, Paris,
«talent aussi de grandes cités commerçantes, et les
foires de Champagne, qui se tenaient à Troyes, à
Reims, k Provins, étaient renommées.
La découverte de YAmérique par Christophe
Colomb en 1492, et celle de la route maritime des
Indes par Vasco de Gama en 149T-98, changèrent la
direction du grand commerce. La Méditerranée
perdit une partie de son importance, et les répu-
bliques italiennes déclinèrent ainsi qu'Alexandrie.
La prépondérance commerciale passa aux Portu-
gais et aux Espagnols, qui ne surent pas la conser-
ver longtemps. Mais elle resta à des nations rive-
raines de l'océan Atlantique.
Les Portugais dans l'Inde et dans les mers de la
Chine, les Espagnols dans l'Amérique centrale et
dans l'Amérique du sud, avaient fondé des comp-
toirs et de vastes colonies*, etils avaient écarté toute
concurrence commerciale en réservant d'une ma-
nière absolue à la mère-patrie le monopole des
produits naturels à exporter des possessions d'ou-
ire-mer et celui des produits de tout genre à y im-
porter.
Les Hollandais, qui s'étaient affranchis de la do-
mination des Espagnols et auxquels l'Espagne fer-
mait par représailles les ports de l'Espagne et du
Portugal, allèrent eux-mêmes chercher dans les
Indes les produits de l'orient, et s'emparèrent d'une
partie des colonies portugaises; ils créèrent la
Compagnie des Indes orientales, qui ne se montra
pas moins jalouse de son monopole que ne l'avaient
été les Portugais et les Espagnols, et ils restèrent
pendant plus d'un siècle la puissance prépondé-
rante sur les mers : Amsterdam devint le plus
grand marché de l'Europe.
">ouis XIV et son ministre Colbert s'appliquèrent
à multiplier les manufactures et à développer la
marine en France. Us pensèrent y réussir en éta-
blissant un tarif de douanes qui, d'une part, per-
mettait, aussi largement que possible, l'entrée des
matières premières et des denrées et en interdisait
la sortie, qui, d'autre part, facilitait la sortie des
produits manufacturés et en gênait l'entrée par
des droits élevés, afin de favoriser les fabriques na-
tionales. C'était le système mercantile, qui est moins
propre que la liberté commerciale au progrès des
échanges. Louis XIV fonda des colonies et chercha
à affaiblir la Hollande dont il jalousait la prospérité.
Il l'envahit en 1672 et la força ainsi à se jeter dans
ralliance anglaise. Il n'en eut pas le profit. Ce fut
\ Angleterre qui hérita de la suprématie des mers
et qui commença à fonder au xvii« et au xviii* siè-
cle son vaste empire colonial dans l'Inde et en
Amérique.
Pendant la Révolution française et sous l'Empire,
la France soutint contre l'Angleterre une guerre
maritime de vingt-trois ans ; elle y perdit ses derniè-
res colonies. Napoléon essaj-a de ruiner son enne-
mie en établissant (de 1806 à 1814) le blocus conti-
nental, par lequel il interdisait l'accès de tous les
ports du continent soumis à son influence à la ma-
rine anglaise et prohibait toute marchandise de
provenance britannique. Il ne réussit pas. A la
chute de l'Empire, les relations commerciales se
rétablirent entre les Etats européens.
Depuis le commencement du xix« siècle, les con-
ditions générales du grand commerce ont été pro-
fondément modifiées :
1° Les colonies anglaises de l'Amérique du nord
se sont émancipées, et ont formé, en 1"76, la répu-
blique des Etats-Unis, qui est devenue une grande
nation, comptant, après cent ans. plus de 40 mil-
lions d'habitants, ayant une marine importante, un
commerce considérable, une industrie puissante et
approvisionnant les marchés européens de matiè-
res premières, principalement de coton.
2° Dans les vingt-cinq premières années du dix-
neuvième siècle, les coloiiies espagnoles de l'Améri-
que et le Brésil, colonie portugaise, se sont égale-
ment émancipés et ont formé des empires ou des ré-
publiques. Leurs marchés, jusques-là exclusivement
réservés à la métropole, se sont ouverts à tout le
commerce européen; l'Angleterre et la France y
ont pris la première place.
3° Le commerce européen a pénétré aussi, quoi-
que moins complètement, dans l'intérieur de l'A-
frique. Au sud, les Anglais se sont substitués aux
Hollandais pendant les guerres de l'Empire et ont
fondé l'importante colonie du Cap. Au nord, les
Français occupent V Algérie, dont la conquête a
commencé en 1830; les Anglais, qui tenaient déjà
Gibraltar, ont acquis, depuis 1801, par la prise de
possession de Malte, un nouvel entrepôt en face de
la côte d'Afrique; l'Egypte, devenue presque in-
dépendante, a pris un notable développement de
richesse : son territoire et son commerce se sont
étendus jusque sous l'équateur. Les marchandises
anglaises et américaines sont portées par les mar-
chands arabes et par les tribus nègres, dans Y in-
térieur de l' Afrique, dont les voyageurs ont exploré
en partie les régions mystérieuses.
4° V Australie, qui a eu ses premiers colons en
1788, est aujourd'hui, avec la Tasmanie et la Nou-
velle-Zélande, un pays civilisé qui fournit à l'Europe
une grande quantité de laine et d"or.
5° Les relations avec l'Asie sont devenues aussi
beaucoup plus importantes. L'Angleterre a achevé
la conquête de VInde, dont tout le territoire lui est
directement ou indirectement soumis ; elle y a
construit des chemins de fer et encouragé la cul-
ture du coton et même l'établissement de manu-
factures. La Chine, où les commerçants européens
n'étaient tolérés que dans un seul port, à Canton,
a été ouverte par deux guerres suivies de traités ;
le traité de 1842, qui autorise le commerce dans
cinq ports; celui de 1860, qui l'autorise dans treize
ports. L'Angleterre, l'Amérique, l'Allemagne et la
j France ont surtout profité de ces relations nou-
! velles. Les Russes, qui ont étendu leur domination
dans le nord de l'Asie, ont pris une part importante
au commerce de la Chine en rendant aux routes de
terre une partie de l'activité qu'elles avaient eue
durant le moyen âge. Le Japon s'est ouvert égale-
ment depuis 1854 au commerce, et il s'est appliqué
à transformer sa constitution intérieure à l'image
des nations civilisées de l'Europe.
6° Ces marchés lointains où a pénétré l'Europe
ont été rendus plus facilement accessibles à la na-
vigation à vapeur, qui a commencé sur l'Océan
après les guerres de l'Empire, et qui, depuis la sub-
stitution de l'hélice aux roues à aubes, tend de plus
en plus à remplacer la navigation à voiles.
7° La création des chemins de fer, qui ont sur
le roulage le triple avantage de déplacer rapide-
ment et à moins de frais des quantités beaucoup
plus grandes, a produit dans les transports par
terre des changements plus considérables encore
que la vapeur dans les transports par mer. Ils
peuvent être considérés à juste titre comme une
des causes qui ont exercé la plus grande influence sur
les changements qui se sont produits de notre temps
dans la condition économique des personnes et
dans les relations du commerce intérieur.
8° Le télégraphe électrique, qui met presque
toutes les grandes contrées de la terre en relation
immédiate et qui permet aux négociants de conclure
dans le même jour des achats et des ventes dans
les cinq parties du monde, a changé les anciennes
COMMERCE
— 458 —
COMMERCE
habitudes et donné une force nouvelle au grand
commerce.
9" Le cannl de Suez, en faisant communiquer la
Méditerranée et l'océan Indien, a changé et abrégé
pour la navigation à vapeur la route d'Europe en
Orient; il a ramené le commerce dans la direction
suivie avant la découverte du Cap de Bonne -Espé-
rance, mais en substituant une ligne de navigation
continue à l'ancien transport, qui se faisait partie
par navires et partie par caravanes.
Le commerce consiste à transporter et à échan-
ger : le développement qu'il a pris au xix' siècle est
nécessairement dû en grande partie h l'ouverture de
marchés aussi vastes et à la création de moyens de
communication aussi avantageux.
10° Le développement des banques et des moyens
de crédit a donné aussi au commerce internaiional
des facilités qu'il était loin de posséder au même
degré dans les siècles précédents.
Il" Après la période des guerres de l'Empire,
qui avaient placé le commerce dans une situation
anormale, la plupart des grandes nations de l'Eu-
rope établirent des tarifs de douanes qui gênèrent
le développement des affaires, par des droits élevés
et des proîiibitions : c'est ce qu'on appelait le sys-
tème protecteur, lequel fut pendant longtemps do-
minant en Angleterre, en France et dans la plu-
part des États du continent. L'Angleterre qui, par
la- nature de sa grande industrie et de son com-
merce, sentait plus que d'autres le besoin d'élar-
gir les débouchés pour son approvisionnement en
substances alimentaires et en matières premières
et pour l'exportation de ses ])roduits manufacturés,
fut la première à adopter le principe de \a.libe)té com-
merciale; elle le fit, à l'instigation de Cobden, par la
réforme de Robert Peel ( 1 «46) .La France entra en 18G0
dans la même voie par ]cs t)'aités de com7)ierce qu'elle
signa avec les principales nations d'Europe (la Russie
exceptée), et l'ensemble du commerce de ces nations
prit un plus grand essor. Depuis la guerre de
1870-71, les défiances causées par l'état politique
du monde et par les crises commerciales ont de
nouveau poussé les gouvernements à rendre l'accès
de leurs marchés plus difficile aux étrangers, et à cher-
cher dans l'augmentation des droits de douanes le
moyen de couvrir une partie des dépenses crois-
santes de l'Etat.
Cette tendance est regrettable. Les droits pro-
tecteurs peuvent plaire au petit nombre des indus-
triels dont les produits, couverts contre la concur-
rence étrangère, sont vendus plus cher sur les
marchés nationaux qu'ils ne le seraient sur les
marchés étrangers ; ces industriels peuvent en effet
être portes h confondre les considérations de l'in-
térêt privé avec celles de l'intérêt général. Mais
de tels droits ne sauraient plaire à tous les in-
dustriels ; car la protection ne s'adresse toujours
qu'à un nombre restreint de produits et un droit
même très élevé (de 30 à 60 0/0), qui frapperait éga-
lement les importations de toute nature, consti-
tuerait un droit fiscal très onéreux et impoliti-
que, mais non un droit protecteur. Ils ne sont
pas favorables aux ouvriers, parce qu'en prin-
cipe le taux du salaire se règle sur Vétat gé-
néral de la richesse et des habitudes d'un pays,
et qu'en fait les journées ne sont pas mieux
rétribuées dans une filature de coton, industrie
qui jouit d'une certaine protection, que dans une
fabrique de soieries, qui n'est pas protégée. Ils
doivent déplaire aux consommateurs, qui paient
plus cher; or ceux-ci représentent un beaucoup plus
grand nombre d'individus que certains groupes d'in-
dustriels. Ils sont désapprouvés par la grande ma-
jorité des économistes, parce que l'économie poli-
tique enseigne que le bon marché et l'abondance
des produits sont le but principal de la production,
que la concurrence est un des moyens les plus
sûrs de l'atteindre, et que la liberté du travail, qui est
à la fois un droit de l'homme et une cause de
richesse, comprend non-seulement la liberté de
produire, mais aussi la liberté de vendre et
d'acheter.
Ét'if du commerce actuel du monde et géogra-
phie commerciale. — Le commerce du monde a
son foyer principal dans VEurope occidentale et
dans une partie de l'Europe centrale (Prusse occi-
dentale. Saxe, Suisse, Bohême), qu'habitent les
nations les plus riches par la production manufac-
turière et par l'étendue de leurs relations. A la
tête de ces nations est Y Angleterre, qu'aucune autre
n'égale. Sa marine marchande forme à peu près la
moitié de toutes les marines de l'Europe ; car l'en-
semble de ses bâtiments de commerce atteint une
capacité de plus de huit millions de tonneaux (un
tonneau équivaut à un mètre cube), et l'ensemble
des autres marines de l'Europe a une capacité d'en-
viron sept millions et demi de tonneaux. Son com-
merce dépasse seize milliards de francs ; celui du
reste de l'Europe est d'environ quarante-huit mil-
liards. Au second rang parmi les nations commer-
çantes se place la Ft-atice, avec un commerce gé-
néral de plus de neuf milliards. Au troisième, VErn-
pire alleiiiand[1 milliards et demi), puis la Belgique
(4,30(1 millions), qui fait un commerce considérable
relativement à son petit territoire. "Vers ce foyer occi-
dental convergent des substances alimentaii es et des
matières premières de toute espèce venues de l'Eu-
rope centrale, méridionale et orientale et des qua-
tre autres parties du monde, ainsi que les métaux
précieux ; de là partent quelques produits agri-
coles, de la houille, et surtout des produits manu-
facturés avec les matières fournies par l'importa-
tion ou par la culture et par les mines des pays
mêmes.
L'Europe centrale, orientale et méridionale four-
nit à l'Europe occidentale, comme substances ali-
mentaires, les céréales de Russie et de Hongrie,
les bei>tiaux d'Allemagne, d'Autriche et de Suisse,
les fruits, les vins et l'huile d'olive de la région
méditerranéenne, le Zm et le chanvre de Russie,
la laine d'Allemagne, d'Autriche, de Russie, de
Turquie, les bois de construction de Scandinavie,
de Russie, d'Allemagne et d'Autriche, les graines
oléagineuses d'Allemagne , de Russie, les cuirs
d'Allemagne, de Russie, de Turquie, l'alcool de
l'Europe orientale. L'Europe occidentale vend en
retour aux autres régions de l'Europe la houille,
le fer et les autres métaux de l'Angleterre, le
sucre raffiné de France et de Belgique ; les pro-
duits exotiques (café, coton, métaux, etc.), que le
commerce maritime a introduits dans ses ports et
qu'elle réexporte ; les produits manufacturés de
ses fabriques, tissus et fils de coton, tissus de
laine, de lin et de chanvre, de soie, machines,
métaux ouvrés et quincaillerie, armes, mercerie,
vêtements confectionnés.
L'Europe et surtout l'Europe occidentale reçoit
des quatre autres parties du monde les céréales et
la farine des États-Unis et du Canada, les viandes
salées ou conservées des États-Unis et de la Plata,
le sucre des Antilles, de la Malaisie, du Brésil, le
café du Brésil, de Java, de Sumatra, de Ceylan,
des Antilles, du Venezuela, le thé de la Chine, du
Japon, de l'Inde, le coton des États-Unis, de
l'Inde, de l'Egypte, du Brésil, la soie de la Chine,
du Japon, de l'Inde, les métaux précieux des
États-Unis, de l'Australie, du Mexique, do l'A-
mérique du sud, les métaux usuels, cuivre,
étain, etc., du Chili, des Etats-Unis, de la Malaisie,
de l'Australie, les bois de construction et les bois
d'ébmisterie du Canada, des États-Unis, du Brésil,
de l'Amérique centrale, des Antilles, de l'Inde et
de rindo-Cbine, les graines oléagineuses et les
huiles de la côte d'Afrique, de l'Inde, le pétrole
des États-Unis, les cuirs, peaux, cornes et dé
pouilles d'animaux de la Plata, de l'Uruguay, du
COMMERCE
— 439 —
COMMERCE
Brésil, des États-Unis, les fourrures de Sibérie et
du Canada, Yivoiie de rÉg3'i)te, des côtes d'Afri-
que, de rindo-Cliine, le caoutchouc du Brésil^ de
l'Inde, de la Malaisie, des Antilles.
L'Europe reçoit directement la majeure partie de
ces produits lointains dans un petit nombre de
ports : Glasgow, Liverpool, Southampton, Londres,
en Grande-Bretagne; Marseille, Bordeaux, Saint-
Kazaire, le Havre en France; Anvers, Rotterdam,
Amsterdam, Brème, Hambourg sur la mer du Nord,
auxquels il faut ajouter Gênes et Trieste dans la
Méditerranée. Ces ports sont eux-mêmes des mar-
chés et des entrepôts d'où les marchandises se ré-
pandent, par voie de mer ou de terre, dans le
reste de l'Europe.
Hors d'Europe, les foyers de commerce les plus
importants sont: les Etats-Unis, ([xxl ont une nom-
breuse marine, une industrie et une agriculture
florissantes, et qui, exportant surtout des subs-
tances alimentaires et des matières premières en
Europe, font concurrence en Orient et en Afrique
aux produits manufacturés des nations euro-
péennes ; VInde et la Chine avec le Japon, qui par
leur très nombreuse population (près de 700 mil-
lions d'habitants), sont des contres importants de
production et de consommation.
Voici le tableau comparé du commerce des na-
tions pour l'année 1876 et années voisines :
Angleterre
Pays-Bas
Belgique
France
Empire allemand. . .
Suisse
Aulriche-HoBgrie. . .
Portugal
Espagne
Italie
Grèce
Turquie
Serbie
Roumanie
Russie
Danemarli
Suède et Norvège. .
Europe
Egypte
Etats barbaresques . ,
Algérie et col. franc,
Colonios britannique:
Le reste de l'Afrique
Afrique
16.5
2
4,3
9.3
7.3
2
2.7
ôis
0.9
2.3
Ô!2
0.7
0.06
0.22
3.7
1.1
0.32
54.5
0.4
O.i
0.3
0.3
0.4
Asie russe
Asie britannique .
Empire chinois.. .
Japon
Le reste de l'Asie.
Asie
Colonies des Pays-Bas
Colonies britanniques
Le reste de l'Océanie.
Océanie
Dominion du Canada.
Etats-Unis
Mexique
Antilles
Brésil
Répub. Argentine . . .
Ciiili
Pérou
Le reste de l'Améri-
que
Amérique...
0.13
3
1.2
0.04
2
Ô.02
2.42
1
5
0.27
0.9
1
0.61
0.4
0.28
1.56
Le total est de près de 75 milliards de francs.
Ces nombres ne doivent pas être pris comme l'ex-
pression exacte de la vérité. Les relevés ne sont
pas faits dans les divers pays sur les mêmes bases ; ils
manquent absolument de précision pour certaines
contrées, et pour plusieurs le commerce de mer
seul est compté. Si chaque nombre était exact, il
ne faudrait pas en conclure que la somme des
marchandises échangées dans le commerce exté-
rieur du monde, soit de 75 milliards ; car toute
marchandise doit nécessairement être comptée
deux fois, une première fois à l'exportation d'un
Etat, une seconde fois à l'importation d'un autre
Etat; le total se réduirait à -37 milliards environ.
D'autre part, chaque nombre, fùt-il exact, ne
donnerait encore qu'une idée approximative de
l'activité commerciale d'une population; en effet,
dans une région où les Etats sont de médiocre
étendue, le commerce dans les échanges journa-
liers franchit beaucoup plus souvent des frontières
que dans un très grand Etat, comme la Cliine qui
possède plus d'habitants que toute l'Europe.
Toutefois ces chiffres indiquent d'une manière
approximative l'importance relative des États de
la terre au point de vue commercial ; ils assignent
à l'Europe le premier rang parmi les parties du
monde : à l'Angleterre le premier rang en Europe
et à la France le second; ils placent ensuite l'A-
mérique, dans le commerce de laquelle les États-
Unis figurent pour près de moitié. Gomme l'Améri-
que civilisée ainsi que les îles britanniques de
rOcéanie sont peuplées par la race européenne,
c'est à cette race qu'appartient aujourd'hui la su-
prématie commerciale dans le monde, parce que
plus que toute autre elle a eu le génie de l'in-
dustrie, de l'invention etde l'entreprise, qu'elle pro-
duitbcaucoup de richesse, et qu'elle s'est répandue
par la colonisation et par la navigation sur presque
tout le globe en cherchant des terres à cultiver,
des matières à acheter et des marchés à approvi-
sionner.
Histoire du commerce français. — Dans l'anti-
quité, le principal centre commercial de la Gaule
barbare a été Marseille, colonie fondée par les
Grecs de Phocée sur la côte de la Méditerranée :
Marseille est resté pendant de longs siècles l'en-
trepôt des produits de l'Orient et de la Grèce, que
les marchands distribuaient ensuite dans l'intérieur
du pays en remontant le Rhône et en rapportant
dos matières premières ; après la conquête ro-
maine, Lyon, bâti au confluent de la Saône et du
Rhône, au débouché des routes des Alpes, entre
l'Italie et la Gaule, a disputé la suprématie com-
merciale à Marseille.
Au moyen âge comme dans l'antiquité, les cours
d'eau navigables ont été très fréquentés par le
commerce en gros, parce qu'ils sont des chemins
tout faits sur lesquels le transport est peu coû-
teux. Montpellier et Marseille, Beaucaire, célèbre
par sa foire où venaient les marchands de l'Afrique
et de l'Asie, étaient les principaux marchés de la
région méditerranéenne; Bordeaux, qui entretenait
des relations très suivies avec l'Angleterrej la Ro-
chelle, Nantes, Saint-Malo, Rouen, Dieppe, étalent
ceux de la région océanique. Dans l'intérieur
des terres, la ville d'Orléans, entrepôt naturel
du commerce de la Loire avec Paris, et les foires
de Champagne où les marchandises, venues d'I-
talie et d'Orient par le Rhône et la Saône, s'éta-
laient à côté des produits de la Flandre, avaient
alors une importance qu'elles ont perdue aujour-
d'hui.
Colbert est le premier ministre qui ait suivi avec
persévérance une politique systématique dans les
questions de commerce : favoriser l'importation
des matières premières et l'exportation des pro-
duits manufacturés, créer de grandes compagnies
privilégiées à 1 imitation des Hollandais, fonder des
colonies, conclure des traités de commerce, telle a
été, comm« nous l'avons dit plus haut, sa politique.
Il ne réussit pas dans toutes ses entreprises, mais
les relations extérieures des négociants français se
développèrent sous son administration.
Peu de temps avant la Révolution, la France
avait conclu avec l'Angleterre (1786) un traité qui
modifiait considérablement le système restrictif de
Colbert ; pendant la Révolution, elle adopta un
tarif général (1791) inspiré égal-ement par un esprit
libéral. Mais la guerre avec l'Angleterre l'amena à
publier un acte de navigation (1793) calqué sur la
législation maritime de sa rivale et tout opposé aux
tendances de la liberté; puis, sous l'empire, à dé-
créter (1806 et 1S07) le blocus continental, qui
fut plus désastreux encore pour le commerce eu-
ropéen que pour la marine britannique. La plu-
part des ports du continent furent ruinés.
COMMERCE
— 460 —
COMMERCE
Sous la Restauration les manufacturiers et les
propriétaires fonciers, redoutant une concurrence
à laquelle le régime de guerre ne les avait pas
habitués, conservèrent, malgré la paix, le tarif prolii-
bitif del806etr_aggravèrentenvotant,do I81Gàl826,
une suite de lois de finances qui mirent des droits
ou élevèrent les droits déjà établis sur les produits
de l'agriculture et sur la plupart des produits de
la grande industrie ; ils constituèrent le système
protecteur.
Le commerce français atteignait presque un
milliard de francs vers la fin du règne de Louis XVL
Depuis 1827, date à laquelle le relevé du com-
merce a été fait d'une manière suivie et par des
procédés qui permettent la comparaison, le com-
merce spécial s'est élevé par une progression con-
tinue, quoique lente jusqu'en 184'! inclusivement,
de 920 millions h près de 1 800 millions, doublant
ainsi dans l'espace de 20 ans ; la progression n'a été
momentanément interrompue que par quelques
crises commerciales, comme celle de 1830-31, celle
de 1837 et celle de 1847. (Suivre sur la figure re-
présentant par une courbe le commerce spécial de
la France de 1827 à 1878). L'année de la révolution
de 1848 a amené une crise beaucoup plus forte :
le commerce est tombé au-dessous de 1 200 mil-
lions. Mais il s'est promptement relevé et, en
1859, il dépassait 3 900 millions; il avait au moins
doublé dans l'espace de dix ans. Deux causes avaient
particulièrement contribué à ce rapide développe-
ment : quelques adoucissements apportés au tarif
restrictif du système protecteur, et surtout le déve-
loppement du réseau des chemins de fer et de la
navigation à vapeur. Le commerce avait, durant
cette période, subi la crise de 1857-58.
En 1860, la France rompit avec le régime pro-
tecteur; elle conclut avec l'Angleterre d'abord
(23 janvier 1860), puis avec d'autres nations des
traités de commerce qui facilitèrent les échang'js
et exercèrent une influence analogue à celle qu'a-
vaient eue la transition des anciens modes do
transport à l'emploi de la vapeur. De 3 900 millions
le commerce spécial s'éleva en dix ans à plus de
6 200 millions. Il ne doublait pas; mais il aug-
mentait de 2 300 millions, tandis que durant la pé-
riode précédente, il avait augmenté de 2 100 mil-
lions environ.
Les révolutions et les guerres occasionnent tou-
jours des crises. Le commerce français qui avait
ressenti, en 1867, le contre-coup de la guerre
allemande de 1866, s'affaissa en 1870, mais pour
se relever promptement en 1872 et 1873 et atteindre
presque 7 600 millions en (876.
Il ne faut pas accepter sans certaines réserves la
progression qui résulte de la comparaison de ces
nombres. Jusqu'en 1847, on évaluait le commerce
d'après les « valeurs officielles » qui avaient été
fixées en 1827 et qui restaient les mêmes quels que
fussent les prix réels des ventes; depuis 1847, on
évalue le commerce d'après les valeurs actuelles,
c'est-à-dire d'après les prix du marché tels qu'ils
sont relevés pour chaque année par une commis-
sion spéciale. Or, les prix ont pour la majeure
partie des marchandises augmenté sensiblement
depuis 1847, et des valeurs doubles ne correspon-
dent pas à des quantités doubles.
Après la stagnation causée par la guerre de
1870-71, l'essor avait été trop rapide pour être
durable : les événements politiques et économiques
de l'Europe et de l'Amérique ont de nouveau ra-
lenti le progrès. Les négociants sont en général
prompts à s'alarmer et à attribuer à la concurrence
les défaillances qui ont lieu de temps à autre dans
le négoce : le spectacle du mouvement général des
affaires durant une longue suite d'années est pro-
pre à ramener l'esprit à un jugement plus sain.
Le commerce extérieur de la France est en progrès,
comme celui de toutes les grandes nations : c'est
un point auquel il faut s'attacher. En dix-huit ans,
de 1859 à 1878, il a augmenté de plus de 3 700 mil-
lions; dans les dix-huit années précédentes, il
avait augmenté de 2 400 millions. Comme celui de
toutes les nations aussi, il est exposé à être arrêté
par des obstacles et traversé par des crises; ces
crises sont d'autant moins intenses d'ordinaire
que le crédit est plus solidement assis, et le mal
se répare d'autant plus vite que les débouchés
sont plus nombreux et plus faciles.
Le commerce se compose d'importations et d'ex-
portations. C'est un préjugé de croire qu'une
nation puisse exporter, sans importer ; nous avons
dit quelle doit nécessairement recevoir soit en
numéraire, soit en marchandises, l'équivalent de
ce qu'elle a livré sur les marchés étrangers ; le
numéraire n'est pas un objet de retour plus avan-
tageux en lui-môme que les marchandises, puis-
qu'il sert à les acheter, et il ne figure dans la
balance que pour la part la moins considérable
(347 millions en moyenne d'excédant des im-
portations de numéraire sur les exportations dans
la dernière décade sur un commerce général de
8 46i millions). En principe, les importations et
les exportations, en y comprenant le numéraire,
devraient se balancer ; les importations dépas-
seraient même les exportations d'une certaine
quantité, parce que les produits à leur entrée
valent le prix payé sur le marché étranger et
augmenté des frais de transport, tandis que les
produits exportés ne sont pas encore grevés de la
totalité des frais de transport. Dans la pratique
(voir la figure représentant par une courbe les
importations et les exportations de la France de
1827 à 1878), ce sont tantôt les importations et
tantôt les exportations qui l'emportent, sans qu'on
puisse en inférer que le commerce souffre ou pros-
père; par exemple, de 18i0 à 1847 et de 1867 à
1871, l'avantage a été à l'importation; il a été à
l'exportation de 1848 à 1854 et de 1862 à 1866.
La balance s'établit non pas dans le cours d'une
même année, mais dans une période plus ou
moins longue.
Si les exportations sont profitables à la richesse
publique, parce que les producteurs nationaux de
tout genre ont intérêt à trouver le placement le
plus avantageux de leurs produits, les importations
ne le sont pas moins, puisqu'elles fournissent aux
consommateurs les marchandises dont ils ont be-
soin pour leur travail ou pour leur consommation
personnelle. Une bonne politique doit moins s'oc-
cuper d'un équilibre qui s'établit naturellement,
que de la largeur et de la facilité des débouchés
par lesquels s'accroissent l'importation et l'expor-
tation.
Dans les trois tableaux ci-après (page 462) nous
indiquerons quelques-uns des principaux mouve-
ments du commerce français. Les deux derniers
confirment la loi générale que nous avons indiquée
pour l'Europe occidentale : importation de matières
premières et de denrées coloniales, exportation de
produits manufacturés et de certains produits
agricoles. Ils prouvent qu'au point de vue de nos
industries nationales considérées dans leur en-
semble, la France a un grand intérêt à ne gêner ni
l'exportation ni l'importation.
Le premier tableau montre le progrès constant
des échanges d'une période à l'autre. Nous au-
rions pu donner, et un maître pourrait vouloir
donner dans une leçon sur le commerce, toute la
suite des résultats par année depuis 1827. Nous
ne l'avons pas fait, parce que les longues colonnes
de chiffres, utiles à consulter dans le cabinet, ne
sont pas en général bonnes pour l'enseignement.
En accumulant beaucoup de chiffres, on risque
d'en rendre l'intelligence moins facile et de ne pas
mettre en relief la notion des rapports généraux
qu'il importe surtout de conserver dans sa mémoire.
1.50 0
l.OOO
MILLIARDS
an, frascs
Ui|:i'l..M'r;iiii[-^4ll
COMMERCE
— 462 —
COMMUNE
TABI^AU DU COMMERCE FR.VN'ÇAIS
par périodes décennale».
MOYENNE
exprimée en millions de francs
pour la période :
COM.l
^cni.
lerce
lai.
Coiuui'Tce
spe.i.l.
Sumt-
raire.
c
■^
a.
a
S
ISI
171
363
688
648
a
70
7o
oO')
301
1827 — 1836
667
t08S
i 03
29 87
4262
698
1024
1672
32<)3
4202
.'.80
776
1077
2200
.j40S
321
7i3
1224
.'430
3307
1837 — 1846
1847 — 1856
1S57 _ 1866
1867 — 1876
VALEUR (EX MILLIONS DE FRANCS)
dan! la première et dins la dernière période décennale,
Ils printnpaie.^ murdiandise» impoitéeà ;conimerce spécial).
Ire péi iode
1827-36
50 péiio (.
1867-76
40
16
oS
23
9
16
9
10
0.4
2
386
270
242
161
132
143
137
83
80
71
Houille
Calé
Hiiile 8.
VALEUR (EN MILLIONS DE 1
des principales marchandises ex|iùrlées (c
^R.VNCS)
ommerce S[
écial).
Ir' période
1827-36
b'pé.iod..
U-67-76
Tissus de soie et de bourre de soie. .
121
33
46
12
34
16
8
8
429
286
244
134
169
66
115
103
61
Soiss
Ouvrages en peau ou en cuir
Outils et ouvrages en nîiétaux
Au lieu de donner le tableau des mouvements du
commerce année par année depuis 1827, nous avons
préféré représenter ces mouvements par deux ta-
bleaux grapliiques, celui du commerce spécial et ce-
lui des importations et des exportations ; on y voit
tout d'abord la progression et les grandes oscilla-
tions du cotnmerce, en môme temps qu'on peut, en
regardant de près, y lire le détail de chaque année.
Nota. — Ces courbes sont commodes, dans bien
d'autres cas que celui-ci, pour mettre an évidence
certaines séries de nombres, et faire saisir d'un
coup d'œil les rapports de ces nombres entre eux.
Elles sont d'un excellent usage dans l'enseigne-
ment supérieur et peuvent être employées quelque-
fois avec avantage dans l'enseignement primaire.
Il est utile de donner, dans un iniérùt pédagogi-
que, quelques indications sur la manière de les
dresser. Pour les construire, il faut diviser la feuille
de papier ou le tableau noir en tranches également
espacées par des lignes parallèles et horizontales ;
puis diviser en tranches dans l'autre sens par des
lignes verticales, parallèles entre elles et également
espacées, sans que l'intervalle ait besoin d'ôtre le
môme que celui des lignes horizontales. Ce premier
travail "îonstiiuc le quadrillage; on peut s'en épar-
gner la peine en se procurant du papier quadrillé.
Les lignes horizontales sont dites ordonnées; les
lignes verticales sont dites abscisses. Sur les deux
figures ci-jointes, l'espace entre deux ordonnées
représente un certain nombre de millions de
francs; l'espace entre deux abscisses, une ou plu-
sieurs années.
Nous avons employé du papier quadrillé au mil-
limètre qu'on trouve cemmunément chez les pape-
tiers, et, comme nous avons donné au centimètre
une valeur de cinq années, l'intervalle entre deux
lignes des abcisses représente six mois; l'intervalle
entre deux lignes des ordonnées représente \00 mil-
lions de francs sur une figure et 50 millions sur
l'autre.
On marque le point d'intersection de la coor-
donnée et de l'abscisse correspondant au pre-
mier fait que l'on veut représenter, puis le point
correspondant au second fait, et ainsi de suite; la
série des points placés ainsi à la suite les uns des
autres constitue la courbe graphique. Exemple : le
commerce spécial a été de 921 millions en 1827 ; il
faut placer le point à l'endroit où la ligne verti-
cale correspondant à l'année 1827 coupe la ligne
horizontale correspondant à 921 millions; en 1828,
le commerce étant de 965 millions, il faut placer
le point à l'intersection de la verticale de 1828 et de
l'horizontale de 965, et ainsi de suite. Afin de rendre
la continuité du fait plus sensible à l'œil, on réunit
d'année en année (ou de période en période) les
points par des lignes droites. [E. Levasseur.]
COMMUXB. — Législation usuelle, III. —{Lois
du 18 juillet\S^l et du 5 mai 1855.)
Notions générales. — La commune forme le
dernier degré de la division administrative. Elle
constitue à la fois une circonscription administra-
tive et une personne morale susceptible de pos-
séder, de contracter. L'organisation administrative
de la commune ou administration municipale se
compose du maire et des adjoints qui forment
l'administration active, et du conseil municipal
qui représente l'administration délibérante.
Maires et adjoints; mode de nomination. —
Les maires et adjoints sont nommés parmi les
membres du conseil municipal par décret du Pré-
sident de la République, dans les communes
chicfs-lieux de département, d'arrondissement ou
de canton. Dans toutes les autres communes, le
conseil municipal élit le maire et les adjoints
parmi ses membres au scrutin secret et à la majo-
rité absolue ; après deux scrutins, si aucun candi-
dat n'a obtenu la majorité, il est procédé à un
scrutin de ballottage entre les deux candidats qui
ont obtenu le plus de suffrages. La séance du con-
seil municipal dans laquelle il est procédé à l'é-
lec'ion du maire est présidée par le plus âgé des
membres du conseil municipal. (Loi du 12 août
1870.) Pour être nommé maire ou adjoint, il faut
être âgé de vingt-cinq ans et ne se trouver dans
aucun des cas d'incompatibilité prévus par la loi.
Durée des fondiiiis des maires et arljoinls. —
Les fonctions des maires et adjoints durent cinq
ans; elles sont essentiellement gratuites. Les
maires et adjoints peuvent être révoques par
décret du Président de la République; ils peuvent
être suspendus de leurs fonctions par arrêté du
préfet, mais cet arrêté cesse d'avoir effet, s'il n'est
confirmé dans le délai de deux mois par le minis-
tre de l'intérieur.
Attributions diverses du maire: officier de Vétat-
civil ; officier de police judiciaire. — Les attribu-
tions du maire sont nombreuses et ont des carac-
tères divers. Le maire est officier de l'état-civil ;
il reçoit les déclarations de naissance et de décès,
procède à la célébration des mariages, tient les
registres, et délivre les expéditions des actes qui
y sont contenus II a certaines fonctions de police
judiciaire pour la constatation des crimes, délits
et contraventions commis sur le territoire de la
commune. Les attributions purement administra-
tives du maire se rapportent à deux ordres di-
dJes différents : tantôt il est agent du gouverne-
COMMUNE
— 463 —
COMMUNE
ment, tantôt représentant des intérêts communaux.
Attributions du maire comme agent du gouver-
nement. — Le maire est chargé, sous l'autorité de
l'administration supérieure, de la publication et
de l'exécution dans la commune des lois et règle-
ments, de certaines fonctions spéciales qui lui sont
attribuées par la loi, notamment en matière d'é-
lections, de recrutement, de contributions ; de
l'exécution dans la commune des mesures de sû-
reté générale prescrites par les ministres ou le
préfet.
Attributions de police municipale. — Le maire
est chargé, sous le contrôle de l'autorité du préfet,
de la police municipale. On appelle plus spéciale-
ment police municipale celle qui s'exerce dans
l'intcrieur de la commune; police rurale, celle qui
a pour objet la protection de la propriété ru-
rale. Les matières qui rentrent dans les pouvoirs
de police du maire sont nombreuses : il est
chargé d'assurer la siireté et la commodité du
passage dans les rues, places et voies publiques,
de maintenir l'ordre dans les foires, marchés,
réunions publiques de toute nature, de veiller à
la fidélité du débit des denrées et à leur salubrité,
de prendre toutes les mesures nécessaires en cas
d'accident ou de fléaux calamiteux, tels qu'incen-
dies, épidémies, etc.
Arrêtés iridividuels; règlements temporaires et
permanents. — Pour l'exercice de ses pouvoirs de
police municipale, le maire procède par voie d'ar-
rêtés ; ces arrêtés sont individuels ou réglemen-
taires. Les arrêtés individuels ne peuvent être
mis à exécution qu'autani qu'ils ont été notifiés à
celui qu'ils intéressent. Quant aux arrêtés régle-
mentaires, c'est-à-dire ayant un caractère général
et s' appliquant à tous les habitants de la commune,
on les divise en règlements temporaires et règle-
ments permanents : les premiers, pris en vue de
circonstances transitoires, sont exécutoires aussi-
tôt qu'ils ont été adressés au sous-préfet; ils
peuvent seulement être annulés par le préfet; les
arrêtés portant règlement permanent ne sont
exécutoires qu'un mois après la remise de l'am-
pliation au sous-préfet chargé de la transmettre
au préfet : dans ce délai le préfet peut suspendre
l'exécution de l'arrêté ou en prononcer l'annulation.
La violation des arrêtés légalement pris par le
maire constitue une contravention punie des pei-
nes de simple police.
Attributions du maire comme mandataire de la
commune. — Le maire est le mandataire légal de
la commune considérée comme personne morale ;
il la représente dans les actes où elle est intéres-
sée, dans les procès qu'elle a à soutenir. Sauf pour
quelques actes ayant le caractère d'actes conserva-
toires, le maire ne peut agir qu'en vertu d'une dé-
libération du conseil municipal. Le maire présente
au conseil municipal le budget de la commune, il
ordonnance les dépenses régulièrement autorisées,
c'est-à-dire délivre les mandats de paiement aux
ayants droit ; les paiements sont, faits soit par le per-
cepteur des contributions directes, soit, dans les com-
munes plus importantes, par un receveur munici-
pal qui a le maniement des deniers communaux.
Nomination aux emplois communaux. — Le
maire a pour auxiliaires dans les différentes par-
ties du service des employés qu'il a le droit do
nommer et de révoquer. Il nomme les secrétaires
de mairie et les employés placés sous leurs ordres,
les agents de police, les pâtres communaux, etc.
Les gardes champêtres sont nommés par le préfet
sur la présentai ion du maire.
Adjoints; leur nombre; leurs attributions. —
Le nombre des adjoints varie selon la population
de la commune; jusqu'à 2 jOO âmes, il n'y a qu'un
seul adjoint ; de "2 ÔUO à 10 000, il y en a deux ; au-
dessus de lO 000, il peut y avoir un adjoint di'
plus par chaque excédant de 20 000 habitants. Les
adjoints ont les mêmes pouvoirs que le maire
qu'ils remplacent en cas d'absence ou d'empêche-
ment; ils peuvent être investis; par délégation du
maire, de certaines attributions spéciales.
Conseils minicipaux. — Le conseil municipal
est un corps électif chargé de la gestion des inté-
rêts communaux. On retrouve dans la commune
ce qui existe aux divers degrés de la hiérarchie
administrative, la distinction de l'administration
active et de l'administration délibérante. Le conseil
municipal délibère ; le maire agit, exécute les dé-
cisions prises par le conseil.
Compositloîi du conseil municipal. — Le nombre
des conseillers municipaux varie suivant la popu-
lation de la commune; il est de dix au moins, de
trente-six au plus. Le conseil municipal ne se
compose que de dix membres dans les communes
dont la population n'excède pas 500 âmes ; il com-
prend trente-six membres dans les communes dont
la population excède 60,000 âmes. Pour être con-
seiller municipal, il faut avoir atteint l'âge de
vingt-cinq ans, être électeur dans la commune, ou
y payer une des quatre contributions directes. Ne
peuvent être conseillers municipaux les compta-
bles de deniers communaux, les agents ou entre-
preneurs de la commune, les domestiques attachés
à la personne, les indigents secourus par le bureau
de bienfaisance ; dans les communes au-dessus de
500 âmes, les parents ou alliés au degré de père,
fils ou frère, ne peuvent faire partie du même
conseil municipal. On ne peut être membre de
deux conseils municipaux, ou maire et adjoint dans
une commune et conseiller municipal dans une
autre.
Mode de nomination des co7iseillers municipaux.
— Les conseillers municipaux sont élus par le
suft'rage universel, au scrutin de liste. Chaque
électeur doit voter pour un nombre de candidats
égal à celui des conseillers municipaux. La com-
mune peut, à raison de circonstances particulières,
notamment à raison du chiffre de sa population,
être divisée en sections par le conseil général ;
cb.aque section nomme un certain nombre de
membres du conseil municipal.
Listes électorales. — Ne peuvent prendre part aux
élections municipales que les citoyens inscrits sur
les listes spéciales dressées à cet efl'et. Ces listes
sont distinctes de celles établies pour les élections
législatives et comprennent un nombre d'électeurs
moins considérable. On ne doit en effet porter
sur les listes spéciales aux élections municipales
que les citoyens âgés de vingt-et-un ans, jouis-
sant de leurs droits civils et politiques, et rem-
plissant l'une des conditions suivantes : 1° être né
dans la commune ou y avoir tiré au sort et y rési-
der depuis six mois au moins ; 2" être inscrit de-
puis un an au rôle des contributions; 'i° s'être
marié dans la commune et y résider depuis un an
au moins ; 4° avoir une résidence de deux années
consécutives dans la commune ; 5° y avoir une
résidence obligatoire comme fonctionnaire ou mi-
nistre du culte. Il est procédé au commencement
de chaque année à la révision de cette liste élec-
torale.
Elections municipales . — Lorsqu'il y a lieu de
procéder à des élections municipales, les électeurs
sont convoqués par arrêté du préfet. Le scrutin a
lieu un dimanche et ne dure qu'un jour. Le bu-
reau électoral est présidé par le maire, l'adjoint
ou un conseiller municipal. Les fonctions de scru-
tateurs sont remplies par les deux plus âgés et les
deux plus jeunes des électeurs présents à l'ouver-
ture du scrutin. Le vote est secret; il a lieu au
moyen de bulletins préparés en dehors de l'assem-
blée sur papier blanc et sans aucun signal exté-
rieur. Le bulletin est remis au président, et le vote
est constaté par la signature ou le paraphe d'un
membre du bureau apposé en marge du nom de
COMMUNE
— 464 —
COMMUNES
l'électeur sur la copie de la liste électorale. Le
résultat du scrutin est proclamé après le dépouil-
lement par le président. Pour être élu au premier
tour de scrutin, il faut réunir la majorité absolue
des suffrages et un nombre de voix égal au quart
des électeurs inscrits; au second tour de scrutin,
qui a lieu le dimanche qui suit le premier tour, la
majorité relative suffit. L'irrégularité des opéra-
tions électorales peut en entraîner la nullité, qui
est prononcée par le conseil de pré/ecture.
Durée des fojidions des conseils nmnicipnux. —
Dans l'état actuel de la législation, la durée des
fonctions des conseils municipaux est limitée à
trois ans. Dans cette période, il n'y a lieu à de
nouvelles élections que si le nombre des conseillers
municipaux est, par suite de décès ou de démis-
sions, réduit de plus d'un quart. Les conseils
municipaux peuvent être dissous par décret du
Président de la République, et suspendus par
arrêté du préfet.
Sessions ordinaires des conseils municipaux. —
Les conseils municipaux no sont point permanents.
Ils se réunissent en session ordinaire quatre fois
par an : en février, mai, août et novembre. Les
membres du conseil sont convoqués par le maire,
par écrit et à domicile, trois jours au moins à l'a-
vance. Chaque session peut durer dix jours. Dans
les sessions ordinaires, le conseil municipal peut
s'occuper de toutes les affaires qui rentrent dans
ses attributions.
Sessions extraordinaires. — Le conseil munici-
pal peut se réunir en session extraordinaire sur la
convocation ou avec l'autorisation du préfet ou du
sous-préfet. Lorsque le tiers des membres du con-
seil demande la réunion du conseil, le préfet ne
peut refuser de faire droit à cette demande que
par un arrêté motivé qui peut être déféré au mi-
nistre de l'intérieur. La convocation pour les ses-
sions extraordinaires se fait cinq jours au moins à
l'avance et doit indiquer l'objet de la réunion. Le
conseil municipal, convoqué en session extraordi-
naire, ne peut s'occuper que de l'affaire ou des
affaires pour lesquelles il acte convoqué.
Tenue des séances. — Le conseil municipal est
présidé par le maire ou, à son défaut, par l'adjoint.
La majorité des membres en exercice est néces-
saire pour que le conseil puisse délibérer valable-
ment. Toutefois, après deux convocations infruc-
tueuses à huit jours d'intervalle, le conseil peut
délibérer quel que soit le nombre de membres
présents. Au commencement de chaque session le
conseil nomme un secrétaire parmi ses membres.
Les décisions sont prises à la majorité ; en cas de
partage, la voix du président est prépondérante.
Les délibérations sont inscrites sur un registre
coté et paraphé par le sous- préfet ; elles sont si-
gnées de tous les membres du conseil, et copie
en est adressée dans la huitaine au sous-préfet.
Diverses espèces de délibérations. — Les déli-
bérations du conseil municipal n'ont pas toutes le
même caractère et ne produisent pas les mômes
effets. On distingue : 1° les délibérations exécutoi-
res par elles-mêmes ; 2° les délibérations soumises
à l'approbation de l'autorité supérieure ; 3° les
avis; 4° les vœux.
Délibérations exécutoires par elles-mêmes. — Le
conseil municipal a le droit de statuer définitive-
ment sur un certain nombre d'objets énumérés
dans l'article 1" de la loi du "ii juillet 1867, no-
tamment sur certaines acquisitions d'immeubles,
sur les locations dont la durée n'excède pas dix-
huit ans, sur les projets de réparation à faire aux
édifices communaux, le tarif des concessions dans
les cimetières, etc. Lorsqu'il y a désaccord entre
le conseil municipal et le maire qui désapprouve
la mesure votée par la majorité, la délibération ne
devient exécutoire qu'avec l'approbation du préfet.
Dans tous les cas la délibération ne peut être mise
à exécution qu'à l'expiration du délai de trente
jours à compter de la remise de l'ampliation au
sous-préfet, si le préfet ne l'a point, dans ce délai,
annulée pour violaiion de la loi ou des règlements.
Le préfet peut suspendre l'exécution de la délibé-
ration pendant un nouveau délai de trente jours.
Délibérations soumises à l'approbation de l'au-
torité supérieure. — Les délibérations relatives
aux objets que le conseil municipal ne peut régler
définitivement ne sont exécutoires qu'autant
qu'elles ont été approuvées expressément par
l'autorité supérieure. Cette approbation est donnée
dans la plupart des cas par le préfet ; la nécessité
de recourir au ministre ou au chef de l'État
n'existe que pour certaines affaires d'une impor-
tance particulière et spécifiées par la loi.
Avis et vœux. — Le conseil municipal peut être
consulté par le préfet, toutes les fois qu'il juge
son avis utile ; pour certaines affaires le préfet ne
peut statuer qu'après avis du conseil municipal.
Le conseil municipal peut aussi émettre des vœux,
mais seulement sur les objets d'intérêt local.
Budget communal. — Les recettes et les dépen-
ses municipales sont fixées par évaluation chaque
année par le budget de la commune. Le projet de
budget est présenté par le maire, discuté et voté
par le conseil municipal, et arrêté par le préfet.
Le budget ne contenant qu'une prévision, si, dans
le cours de l'année, de nouveaux crédits sont né-
cessaires, le conseil municipal peut voter des cré-
dits supplémentaires qui seront soumis à l'appro-
bation du préfet. Les allocations portées au budget
ne peuvent être modifiées par le préfet, à condi-
tion qu'il soit pourvu à toutes les dépenses
obligatoires et qu'aucune recette extraordinaire ne
soit employée au paiement de dépenses obligatoi-
res ou simplement facultatives.
Dépenses obligatoires et facultatives. — Les
dépenses qui peuvent figurer au budget de la
commune sont obligatoires ou facultatives. Le*
dépenses obligatoires sont des dépenses d'une
absolue nécessité, telles que les frais de réparation
des édifices communaux, l'entretien du local affecté
à la mairie, le traitement des agents communaux,
l'entretien des cimetières, etc. Le conseil munici-
pal ne peut se refuser à inscrire au budget une
somme suffisante pour pourvoir aux dépenses
obligatoires. S'il avait omis de pourvoir à une dé-
pense obligatoire, ou s'il n'avait point voté un
chiffre suffisant pour cette dépense, le préfet au-
rait le droit d'inscrire d'office la dépense au bud-
get. Les dépenses facultatives au contraire peuvent
être admises ou rej-^tées par le conseil municipal,
et elles ne peuvent être rétablies d'office par l'au-
torité chargée de régler le budget.
Recettes ordinaires et extraordinaires. — Les
recettes qui entrent dans le budget communal
sont ordinaires ou extraordinaires. Les recettes _
ordinaires sont celles qui se reproduisent tous les
ans, comme le produit des biens communaux, les
centimes ajoutés aux contributions directes par
les lois de finances pour les besoins de la com-
mune, les produits divers prévus au profit de la
commune. Ces recettes ordinaires servent au
paiement des dépenses obligatoires et facultatives.
Les recettes extraordinaires sont affectées à des
dépenses spéciales : tels sont les centimes addi-
tionnels attribués à l'enseignement primaire et
aux chemins vicinaux, les emprunts que la coni-
mune contracte pour l'exécution de travaux d'uti-
lité publique. Ces ressources extraordinaires ne
peuvent être détournées de leur destination, et le
préfet pourrait modifier le projet de budget, si dos
recettes de cette nature étaient employées au
paiement de dépenses obligatoires ou facultatives.
[E. Delacourtie.l
COMMITNES.— Histoire générale, XVlll-XlX; His-
toire de France, VIII-XI. — Prenant ce mot dans
COMMUNES
— 465 —
COMMUNES
son sens le plus général, nous donnerons dans cet
article un aperçu de l'histoire des organisations
municipales au moyen âge. Le développement des
institutions urbaines est un fait très important, le
plus important peut-être que nous offre cette épo-
que : car c'est le rôle joué par les villes dans leurs
rapports avec la royauté et la noblesse féodale qui
a déterminé, pour les Etats modernes, la forme
politique sous laquelle nous les voyons exister au-
jourd'liui. Nous insisterons principalement sur la
formation des communes et sur leur organisation
intérieure, en renvoyant, pour la narration des
événements généraux auxquels elles furent mêlées,
aux articles donnant l'histoire de chaque pays, et,
pour la France, à un certain nombre d'articles spé-
ciaux qui seront indiqués dans le cours de ce-
lui-ci.
État des institutions municipales au moment
de l'invasion germaine. — Lorsque les barbares
se répandirent, aux v= et vi^ siècles, dans les pays
qui formaient l'empire romain d'Occident, ce fut
dans les campagnes qu'ils fixèrent leur résidence.
Les villes furent souvent pillées ou même détrui-
tes par les envahisseurs ; mais ils ne songèrent
pas à en changer la constitution intérieure , en
sorte que les cités, dernier refuge de la popula-
tion libre non-barbare, conservèrent d'abord, sans
grandes modifications , le régime municipal dont
elles jouissaient sous la domination romaine.
Dans les villes romaines du v' siècle, la po-
pulation comprenait trois classes distinctes : celle
des esclaves , de beaucoup la plus nombreuse ;
celle des hommes libres de condition inférieure :
artisans, marchands, petits propriétaires ; enfin
celle deb propriétaires possédant un domaine de
vingt-cinq arpents et au-delà. A cette dernière
classe seule, dont les membres portaient le titre de
ciiriales, appartenait l'administration de la cité.
L'assemblée des curiales formait la curie ou sénat
municipal; la curie élisait les magistrats urbains,
décemvirs ou consuls, édiles, questeurs, etc. Le
gouvernement impérial, les préfets et les gouver-
neurs de province, absorbés par les affaires politi-
ques et militaires, se bornaient à réclamer des vil-
les le paiement de l'impôt, dont les curiales étaient
solidairement responsables ; l'impôt payé, la cité
jouissait d'une complète autonomie; elle formait
une sorte de république oligarchique, qui réglait
souverainement toutes ses affaires intérieures.
Pour empêcher les abus de pouvoir, tant des offi-
ciers impériaux que de la curie, un magistrat spé-
cial, le défenseur, élu dans chaque ville par l'en-
semble de la population libre, fut créé vers la fin
de l'empire, et souvent c'était à Tévêque que cette
charge était conférée.
Tel est le point de départ de l'organisation ur-
baine que nous allons voir, dans les divers pays,
se perpétuer sous la domination barbare, se mo-
difier et quelquefois s'affaiblir considérablement,
puis reprendre , à partir du xi* siècle , une vi-
gueur et des formes nouvelles.
Italie. Résumé historique, du V au xiu' siècle.
— L'Italie était devenue la proie des Ostrogoths
d'abord (v« siècle), puis des Lombards (vi' siècle).
Charlemagne, ensuite, avait détruit la monarchie
lombarde (774), et fait de l'Italie une province de
son empire. Mais, dès la seconde moitié du ix' siè-
cle, elle échappa définitivement à la dynastie car-
lovingienne, et, tandis que des rois nationaux es-
sayaient vainement d'y faire reconnaître leur au-
torité, les seigneurs et les villes profitaient de
l'absence d'un maître puissant pour s'émanciper
dans la mesure où le comportait une époque de
violences et de luttes incessantes, où le droit du
plus fort était le seul qui comptât.
Un certain nombre de villes n'avaient jamais
perdu leurs libertés municipales. Telles étaient,
en particulier, les villes maritimes, Venise, Gènes,
2* Partie.
Pise, Amalfi, qui, dès cette époque, se gouver-
naient elles-mêmes et formaient de véritables ré-
publiques. Amalfi, obligée un moment de recon-
naître la suzeraineté des ducs lombards de Bénévent,
s'en était définitivement affranchie en 840, et était
devenue promptement un centre important de
commerce, dont le code maritime acquit bientôt
force de loi sur tous les rivages chrétiens de la Mé-
diterranée. Venise avait élu en 697 son premier
duc ou doge ; et, tout en reconnaissant nominale-
ment l'autorité de l'empereur de Constaniinople,
elle s'en rendit indépendante de fait. Les institu-
tions municipales de Gènes ne datent que de 888 ;
mais elles ne firent que consacrer et fortifier un
état de choses plus ancien.
Quant aux villes de terre ferme, la plupart, à
l'époque du démembrement de l'empire carlovin-
gien, étaient gouvernées par leurs évoques, ce qui
leur donnait une indépendance relative ; les comtes,
représentants de l'autorité impériale ou royale,
n'avaient sous leur juridiction que la campagne
(d'où les termes italiens contado, campagne, con-
tadino, paysan) ; quelques villes seulement restè-
rent sous la dépendance des comtes, Turin, Vérone,
Lucques, etc. Rome était gouvernée par les papes,
auxquels tantôt les nobles, possesseurs de fiefs
dans la campagne romaine, tantôt le parti popu-
laire, disputaient l'autorité. Florence dépendait du
marquisat de Toscane, mais allait bientôt conquérir
son indépendance. Les villes de la Romagne, Ra-
venne, Bologne, etc., relevaient encore de l'em-
pire de Constantinople, ainsi que celles du midi
de l'Italie, où toutefois les Arabes disputaient aux
Grecs la possession des côtes : ces cités étaient
restées des municipes impériaux, avec des consuls
chargés de l'administration et de la justice, et des
tribuns pour commander aux bourgeois divisés en
compagnies; à Naples, à Gaëte, à Gapoue, il y
avait un duc, souvent élu par le peuple. Mais lors-
que les Normands eurent conquis l'Italie méridio-
nale, la féodalité s'y établit, et l'indépendance
municipale disparut; les villes de la Romagne, à
leur tour, devinrent l'une après l'autre sujettes du
pape, qui les fit gouverner par les évêques.
Telle était à peu près la situation des cités ita-
liennes, lorsque le roi de Germanie Othon I^' de
Saxe, franchissant les Alpes, vint se faire couron-
ner empereur à Rome ^^902). Ce qui se passa alors
dans la ville pontificale peut nous donner une idée
du rôle prépondérant que jouait déjà dans certai-
nes cités de l'Italie l'élément populaire. Le peuple
de Rome, mécontent du pape Léon VIII, imposé
par l'empereur allemand, rappela Jean XII, qu'un
concile avait privé de la tiare ; Jean revint à la
tète d'une bande de musulmans, mais fat bien-
tôt assassiné. Othon, ayant alors nommé de sa
propre autorité Jean XIII, les Romains chassè-
rent celui-ci, et élurent un préfet et douze tribuns
pour gouverner la ville. L'empereur rétablit Jean
XIII, dont il maintint l'autorité par la terreur ; mais
à peine Othon fut-il mort, qu'un agitateur popu-
laire, Crescentius, chassa le pape, et, prenant le
titre de consul, proclama le rétablissement de la
république romaine. Le successeur d'Othon I"',
Othon II, vint assiéger Crescentius dans le châ-
teau Saint-Ange, et l'ayant, par la famine, con-
traint à se rendre, le fit mettre à mort avec douze
chefs de quartier. Ainsi se termina cette première
et remarquable tentative du peuple romain pour
reprendre son indépendance, tentative qu'allaient
renouveler plus tard Arnaud de Brescia, puis Ni-
colas Rienzi.
Sous la domination des empereurs de la mai-
son de Saxe, les villes italiennes virent croître la
puissance des évêques, qui étaient les principaux
soutiens du parti allemand, et qui, n'étant plus
obligés de ménager les habitants des villes pour
s'assurer leur appui contre les prétentions des
30
COMMUNES
— 466 —
COMMUNES
comtes, traitèrent durement les bourgeois. Mais,
au siècle suivant, l'empereur Conrad II, chef de
la maison de Franconie, détruisit, par le célèbre
édit de 1037, la féodalité italienne, tant ecclésias-
tique que laïque ; il n'y eut plus dès lors de sei-
gneurs suzerains ; la petite noblesse et les bour-
geois des cités relevèrent directement de l'em-
pereur, ce qui équivalait à l'indépendance com-
plète. La querelle des investitures, qui mit aux
prises la papauté et l'empire durant le reste du
xi= siècle, favorisa encore l'émancipation des villes,
et bientôt il n'y eut plus en Italie, sauf quelques
exceptions, que des cités souveraines, se gouver-
nant par des consuls élus, et dans les campagnes
des seigneurs indépendants.
Avec l'avènement de la maison de Souabe, il
semble que les choses vont changer de face. Fré-
déric Barberousse ne se contente plus d'une auto-
rité nominale: il prétend exercer les droits réga-
liens sur toutes les villes italiennes. Il fait brûler
le réformateur Arnaud de Brescia, qui avait établi
à Rome un sénat républicain ; il détruit Milan, et
installe dans toutes les cités des podestats, magis-
trats chargés d'exercer l'autorité impériale. Mais
bientôt les villes du nord de l'Italie se coalisent
contre lui, et forment la Ligue lombarde (llt)4).
Les podestats de Frédéric sont chassés, les armées
impériales battues. Frédéric étant venu en per-
sonne diriger une expédition contre les confé-
dérés, subit une déroute complète àLegnano (1176),
et se vit obligé, six ans après, d accorder aux
villes italiennes l'indépendance pour laquelle elles
avaient héroïquement combattu. Lu traité de Cons-
tance reconnut aux villes l'exercice des droits ré
galiens dans l'enceinte de leurs murailles ; elles
purent lever des armées, se fortifier, se confédé-
rer entre elles. Mais les consuls des villes durent
être confirmés par l'empereur, et dans certaines
d'entre elles, par l'évèque ; en outre, les citoyens
fure)it tenus de prêter serment de fidélité à l'em-
pereur tous les dix ans. Les villes comprises dans
le traité de Constance furent Milan, relevée de
ses ruines, Verceil, Novare, Lodi, Bergame, Bres-
cia, Mantoue, Vérone, Vicence, Padoue, Trévise,
Bologne, Faenza, Modène, Reggio, Parme, Plai-
sance, Côme, Tortone, Asti, Alexandrie, Gènes et
A\ha. Venise n'y fut pas mentionnée, parce qu'elle
était complètement indépendante de l'empire.
Huit villes furent exclues expressément des droits
reconnus par ce traité. D'autres, comme Florence
et Rome, n'y furent pas nommées, parce qu'elles
n'avaient pas pris part à la lutte ; mais elles n'en
bénéficièrent pas moins de l'amoindrissement de la
puissance impériale.
A partir de ce moment, les communes italiennes
sont pleinement émancipées, et la liberté civile
et politique, conquise au prix de glorieux efi'orts,
va porter ses fruits en favorisant le rapide essor
de l'industrie et du commerce, des lettres et des
arts. Du xii» au xv« siècle, l'Italie sera par excel-
lence la terre privilégiée, le foyer d'où rayonnent
de toutes parts la lumière et la vie nouvelle.
Les restes de la féodalité seigneuriale, qui sub-
sistaient encore dans les campagnes, ne tardèrent
pas à disparaître après le triomphe de la ligne lom-
barde. Les villes, que les comtes et les barons
avaient autrefois menacées du haut de leurs châ-
teaux-forts, se sentaient maintenant assez puis-
santes pour s'attaquer à ces seigneurs. Beaucoup
de châteaux féodaux furent détruits ; souvent
aussi les nobles renoncèrent spontanément à ha-
biter leurs donjons, et se firent admettre comme
simples citoyens des villes, où ils vinrent établir
leur résidence.
Organisation intérieure des communes. — Il est
temps de parler de l'organisation intérieure que
se donnèrent les communes italiennes. Cette or-
ganisation variait à l'infini. Tantôt, comme à Ve- 1
nise, le gouvernement était aristocratique, et une
oligarchie jalouse concentrait entre ses mains
toute l'autorité ; tantôt, au contraire, comme à
Florence, à Lucques, à Arezzo, à Pise, les arti-
sans seuls jouissaient des droits de citoyens, que
les nobles ne pouvaient acquérir qu'à la condition
de se faire inscrire comme membres d'une corpo-
ration de métiers ; ailleurs, l'élément populaire et
l'élément aristocratique ou ecclésiastique se mé-
langeaient ù des degrés divers dans la constitution
municipale. Ne pouvant, à cause de cette diversité,
tracer un tableau général des institutions qui ré-
gissaient les communes italiennes du moyen âge,,
nous nous contenterons d'indiquer les particula-
rités de quelques-unes d'entre elles, à titre de typea
spécialement remarquables.
Bologne. — A Bologne, l'autorité souverain»
était répartie entre trois conseils hiérarchiquement
superposés. Le premier et le plus nombreux était
composé de tous les citoyens âgés de plus de dix-
huit ans, sauf les artisans de la classe inférieure ;
le second comptait six cents membres ; le dernier,
qu'on appelait la crede7iza, était un corps plus
restreint encore; les jurisconsultes* en étaient
membres de droit. Les deux conseils supérieurs
étaient élus par quarante personnes tirées au sort
dans les quatre tribus de la cité. Le pouvoir exé-
cutif et judiciaire était confié à un podestat, ma-
gistrat élu qui n'avait de commun que le nom avec
les anciens podestats impériaux de Frédéric Barbe-
rousse, et à des consuls.
Venise. — A Venise, le doge, dont la magistra-
ture était à vie, avait d'abord été élu par le peu-
ple ; mais en 117;i on décida que sa nomination
serait remise à un corps restremt d'électeurs
spéciaux. L'assemblée populaire elle-même fut rem-
placée par un grand conseil de quatre cent quatre-
vingt membres, nommés par quarante-huit élec-
teurs (douze par quartier) que le peuple choisis-
sait tous les ans. Au milieu du xiu' siècle, de
nouvelles restrictions furent apportées à l'in-
tervention du peuple dans les affaires publiques,,
et l'élection du doge se fit, à partir de 1268, par
un mode destiné à prévenir les brigues, mais si
étrange et si compliqué, qu'il vaut la peine d'être
rapporté à titre de curiosité.
On plaçait dans une urne 480 boules de cire, sur
lesquelles il y en avait 30 ponant l'inscription
elector ; puis les membres du grand conseil
retiraient chacun de l'urne une des boules.
Sur les neuf premiers à qui les boules conférant
le droit électoral venaient à échoir, on en excluait
deux ; les sept autres désignaient quarante élec-
teurs qui, par le même procédé d'exclusion, finis-
saient par se réduire à douze. Le premier de ces
douze en élisait trois, et les onze autres chacun
deux. Les vingt-cinq élus étaient ensuite réduits-
par élimination à neuf, dont chacun devait en
choisir cinq. Sur les quarante-cinq ainsi nommés,
les huit premiers et les trois derniers formaient le
collège des onze, chargé de la nomination des.
électeurs définitifs. Les huit premiers des onze dé-
signaient chacun quatre personnes, et les trois
derniers chacun trois. Il en résultait quarante et
un électeurs, dont la nomination était soumise à
la sanction du grand conseil ; si l'un des quarante
et un n'y obtenait pas la majorité absolue, les onze
devaient lui en substituer un autre. Les quarante
et un électeurs étaient alors enfermés dans une
salle, où ils restaient jusqu'à ce qu'ils eussenî.
choisi le doge. Pendant leur réclusion, ils
étaient libres de demander toutce qu'ils désiraient,
mais ce que l'un d'eux réclamait devait être donné-
à tous. Il y en eut un qui désira un rosaire, on
en apporta quarante et un ; un autre voulut les
fables d'Ésope, et on eut beaucoup de peine à s'en
procurer autant d'exemplaires (Cantù).
La tendance oligarchique continuant à s'accon-
COMMUNES
— 467 —
COMMUNES
tuer toujours davantage, l'accès aux charges pu-
bliques finit par être limité, en 1297, aux familles dont
un membre se trouvait, cette année-là, faire partie
du grand conseil ; les noms de ces familles furent
inscrits au iivre d'or. Un peu plus tard, le renou-
vellement périodique du grand conseil fut sup-
primé, et tout noble inscrit au livre d'or devint de
droit membre de ce corps. A la même époque fut
établi le fameux Conseil des Dix (1310), chargé de
surveiller le doge et tous les fonctionnaires, et qui,
pouvant disposer à son gré de la vie et de la for-
tune des citoyens, fondant son pouvoir sur l'es-
pionnage, la délation et la procédure secrète, fit
régner à Venise un despotisme pareil à celui des
éphores à Sparte.
Florence. — A Florence, la première assemblée
du peuple avait eu lieu en 1105, sous la présidence
de l'évèque. La population était divisée en douze
corporations, savoir : les sept arts majeur ^\ com-
prenant les jurisconsultes et notaires, les marchands
de drap, les changeurs, les fabricants d'étoffes de
laine, les médecins et pharmaciens, les marcljands
do soieries, et les pelletiers ; et les cinq arts mi-
neurs, comprenant les marchands de vin, les bou-
chers, les cordonniers, les maçons et charpentiers,
les maréchaux et serruriers. Pendant la domination
de la maison de Souabe, le gouvernement de la
ville appartint à un podestat; mais à la mort de
Frédéric II de Hohenstaufifen (l-Sfi), une révolu-
tion populaire s'accomplit : la dignité de podestat
fut abolie; la ville fut divisée en vingt gonfalons
fournissant chacun une compagnie de milice com-
mandée par un gonfalonier ; un capitaine du
peuple fut placé à la tète des gonfaloniers ; et une
seigneurie, composée de douze membres élus re-
nouvelés tous les deux mois, fut chargée de l'ad-
ministratioH. Les nobles, comme nous l'avons dit
plus haut, ne purent être admis aux emplois qu'à la
condition de se faire inscrire dans une des corpo-
rations.
Vers la fin du même siècle, de nouvelles mesu-
res furent prises contre la noblesse ; trente-sept
familles patriciennes furent exclues à perpétuité
de tout droit civique. En même temps (1282), l'ad-
ministration communale était réorganisée et con-
centrée dans les mains d'une oligarchie bour-
geoise : le pouvoir exécutif fut remis aux prieurs
des arts majeurs, c'est-à-dire aux chefs des cor-
poFations principales ; et un magistrat spécial, le
gonfalonier de justice, exerça le pouvoir judiciaire.
Le poète Dante, avant son exil, avait rempli en
laOO les fonctions de prieur, pour la corporation
des médecins et pharmaciens, dont il était mem-
bre. Une nouvelle réforme eut lieu en 1344 : le
nombre des prieurs fut porté à huit, dont trois
devaient être pris dans la haute bourgeoisie, trois
dans la petite, et deux dans la moyenne; l'un des
prieurs remplissait alternativement les fonctions
de gonfalonier de justice.
Mais la plèbe proprement dite, les simples ma-
nouvriers qu'on appelait ciompi ou compagnons,
était restée exclue de la participation au gouverne-
ment; les professions jugées inférieures n'avaient
pas été constituées en aj^ts, comme les autres. Les
ciompi firent en 1378 une révolution, à la suite de
laquelle ils obtinrent que leurs métiers fussent
érigés en corporations : il y eut neuf prieurs au
lieu de huit, trois pris dans les arts majeursi trois
dans les arts mineurs, et trois dans les corpora-
tions nouvelles. En 1382, l'aristocratie bourgeoise
ayant repris le dessus, les corporations des ciompi
furent abolies, et les libertés municipales allèrent
en déclinant, jusqu'au moment où le pouvoir
ayant définitivement passé des mains du peuple à
celles d'une aristocratie de riclies banquiers, Flo-
rence fut mûre pour la tyrannie des Médicis.
Autres villes. — Milan avait des consuls chargés
d'administrer la république, et d'autres magistrats
revêtus du pouvoir judiciaire, sous le nom de
consuls de justice; en outre, un podestat élu,
toujours choisi dans une ville étrangère, exerçait
une part de l'autorité. — Gênes aussi fut d'abord
gouvernée par quatre consuls élus par le peuple
pour le terme d'un an ; en 1130, le soin de rendre
la justice fut remis à des consuls spéciaux. A la fin
du xii« siècle, Gênes, comme Milan et beaucoup d'au-
tres villes, se donna pour premier magistrat un
podestat, qu'on allait chercher à l'étranger afin
qu'il offrît plus de garanties d'impartialité. Une
noblesse s'était formée, et les assemblées généra-
les du peuple, tombées en désuétude, furent rem-
placées par un conseil élu. Enfin, en 1339, à l'imi-
tation de Venise, Gênes se donna des doges.
Rivalités des communes italiennes. — Pas plus
quo les cités grecques de l'antiquité, dont l'histoire
offre avec la leur une ressemblance frappante, les
communes italiennes n'arrivèrent à former entre
elles une confédération stable, assurant l'indé-
pendance et les droits de chacune d'elles. Les
citoyens d'une ville n'avaient d'autre idéal que
ia grandeur, la puissance, la prospérité de
leur propre communauté, qu'ils cherchaient
sans cesse à accroître aux dépens de leurs voi-
sins. Ces rivalités amenèrent des luttes conti-
nuelles : Florence faisait la guerre à Lucques,
Pise à Gênes, Milan à Come ou à Lodi. Bientôt les
cités les plus puissantes réduisirent leurs voisines
à l'état de sujettes, qu'elles gouvernaient en y en-
voyant des podestats, mais en leur laissant d'ail-
leurs leurs institutions propres : Florence domi-
nait sur quarante-six villes; ainsi autrefois
Athènes était devenue la souveraine d'un empire
formé de cités qui avaient reconnu sa suprématie.
Toutefois il ne faudrait pas s'exagérer le côté
fâcheux des guerres, des rivalités, desluttes intes-
tines, dont les villes italiennes du moyen âge
nous offrent le spectacle. L'historien italien Cantù
fait à ce propos des réflexions très justes. « Les
guerres dynastiques des temps modernes, dit-il,
nous fourniraient trop d'exemples à opposer à ceux
q\ii tournent en dérision celles des républiques
d'Italie. Il périt à coup siir en peu de mois, dans la
seule campagne de Moscou, plus d'hommes que
dai)S toutes les batailles des communes italiennes.
Ces guerres étaient une cause de souffrances, per-
sonne ne le méconnaît ; mais elles étaient inévita-
bles. Elles étaient non pas le résultat de la liberté,
mais des efforts faits pour la conquérir... Au
milieu de ces débats intérieurs, l'existence indivi-
duelle se développait; et cela est si vrai, qu'avec
eux cessa soudain toute activité en Italie. Cette
agitation même, une existence occupée des intérêts
publics, un drame continuel, les questions de droit
et d'honneur plus que d'intérêts matériels, les
souffrances éprouvées pour une noble cause, les
triomphes de la patrie ou de la faction, c'étaient là
autant de jouissances. Rien ne paraît plus doux à
l'homme que de contribuer au bonheur et à la
gloire de son pays, de n'obéir qu'aux lois sanction-
nées par lui-même, de ne supporter d'autres char-
ges que celles qu'il a acceptées, de ne reconnaître'
que les autorités élues par lui, de sortir, en un
mot, du cercle étroit de la vie individuelle et
domestique, pour sentir et vivre en commun, pour
donner et recevoir ainsi l'impulsion vers des actions
généreuses... Au milieu de ces luttes, la civilisa-
tion s'étendait et grandissait; l'état florissant
auquel parvinrent rapidement les républiques
italiennes répond éloquemment à ceux qui déplo-
rent les misères de ces temps orageux... C'est une
folie de dire que ces discordes livraient Ja patrie
à la domination de l'étranger. Jamais les populations
ne furent plus italiennes qu'à cette époque ; et
combien de longs efforts les étrangers n'eurent-ils
pas à faire pour les corrompre avant de les assu-
jettir ! combien ne durent-ils pas travailler à
COMMUNES
— 468 —
COMMUNES
détruire toutes ces communes qui avaient agité et
honoré le pajs, avant de l'amener à cette insou-
ciance qui se résigne à obéir! »
Décadence et fin des communes itcdiennes. — Une
des causes qui amenèrent la décadence des républi-
ques italiennes, ce fut, comme le dit Cantù, l'inter-
vention des étrangers, et surtout des empereurs
d'Allemagne, qui travaillaient sans cesse à diviser
et à corrompre l'Italie pour y établir leur domi-
nation. Mais une autre cause doit être cherchée
dans l'inégalité croissante entre les diverses classes
de citoyens, qui fut fatale à la liberté. Dans certaines
villes, comme à Venise, une noblesse jalouse finit
par établir un despotisme pire que la domination
d'un seul ; ailleurs, des ambitieux, s'appuyant sur
les classes inférieures mécontentes, s'emparèrent
du pouvoir comme autrefois les tyrans dans les
villes grecques, et fondèrent des dynasties princiè-
res sur les débris des institutions républicaines :
ainsi les Médic'^ à Florence, les Visconti à Milan,
les Délia Scala à Vérone, les Pepoli à Bologne,
les Este à Ferrare, à Modène, à Reggio, etc.
\u xv= siècle, la transformation était définiti-
vement accomplie : partout des oligarchies ou
des princes avaient remplacé les magistrats et les
conseils républicains. Malgré l'éclat que jetteront
encore pendant un temps les lettres et les arts,
l'Italie, privée de ses libertés intérieures, a perdu
ce qui avait fait sa grandeur et sa force ; elle ne
pourra plus résister aux envahisseurs étrangers ; et
après leur avoir servi de champ de bataille durant
un demi-siècle, elle deviendra une simple province
de l'empire de Charles-Quint.
France. — En France les villes n'arrivèrent jamais
au degré d'indépendance qu'atteignirent les répu-
bliques italiennes; la féodalité y était trop forte-
ment établie pour qu'il fût possible de l'annihiler
comme en Italie ; et lorsque la puissance des sei-
gneurs commença à être ébranlée, les communes
se trouvèrent en face de l'autorité royale, contre
laquelle elles vini-ent se briser. Le mouvement com.-
munaliste n'en a pas moins, dans l'histoire de
France, une importance capitale.
Etat des villes soui la domination franque. —
Nous avons vu quel était le régime municipal des
villes romaines. C'est celui qui régissait les cités
de la Gaule à l'époque de l'invasion franque. Ces
institutions ne périrent pas ; pendant la période
mérovingienne, elles se modifièrent insensiblement,
mais sans qu'il cessât jamais d'exister une admi-
nistration municipale qui garantissait à la popula-
tion des villes, au milieu du chaos de la domination
barbare, une certaine somme de sécurité, d'ordre
et de liberté.
Sur la nature et le fonctionnement de cette orga-
nisation, nous n'avons, môme après Charlemagne,
que peu de renseignements.
« Quels étaient au x'' siècle, dit Augustin
Thierry dans son Histoire du Tiers Etat, dans les
cités gallo-frankes, la puissance et le caractère du
régime municipal ? Un point se trouve mis hors de
doute, c'est qu'alors la population urbaine joignait
à sa liberté civile immémoriale une administration
intérieure, qui, depuis les temps romains et par
difi'érentes causes, avait subi de grands change-
ments. Le régime héréditaire et aristocratique de
la curie s'était, par suite d'altérations progressives,
transformé en gouvernement électif, et, à difi'érents
degrés, populaire. En outre, le Défenseur, magis-
trat suprême, était tombé sous la dépendance de
l'évoque, ou avait disparu devant lui. »
La féodalité. — L'évêque devient ainsi peu à peu
le seigneur de la ville ; quelquefois il y partage
l'autorité avec l'officier royal, comte ou vicomte. La
féodalité s'établissant, les villes forment de véri-
tables fiefs, relevant d'un ou de plusieurs suzerains
qui y exercent juridiction ; toutefois les citoyens ne
sont pas réduits à la condition de serfs, et bien
I que souvent victimes de l'arbitraire et des violen-
ces du seigneur féodal, ils échappent à l'esclavage
qui pèse sur les campagnes. « Si l'ancien nom de
i liberté romaine avait péri, la chose elle-même,
c'est-à-dire l'état civil des personnes habitant les
i anciennes villes municipales, n'avait point encore
' disparu. Tout menacé qu'il était par la pression
[ toujours croissante des institutions féodales, on le
retrouvait dans ces villes, plus ou moins intact,
et, avec lui, comme signe de sa persistance, le
vieux titre de citoyen. C'est de là que venait, pour
les villes de fondation récente, l'exemple de la
communauté urbaine, de ses règles et de ses pra-
tiques. »
C'est aux xi^ et xii* siècles que l'abaissement
de la population urbaine est le plus complet ; mais
elle le souffre impatiemment, et va bientôt relever
la tête.
Les campagnes. Communautés rurales. — Mais
ce ne sont pas les villes seulement qui vont protes-
ter contre latjTannie; les campagnes prendront
part au mouvement. Il est intéressant de recher-
cher comment ont pu se former, au sein des popu-
lations rurales, les premières communautés.
« Sur chaque grande terre dont l'exploitation
prospérait, les cabanes des hommes de travail,
lites (colons d'origine germanique), colons (indi-
gènes} ou esclaves, groupées selon le besoin ou la
convenance, croissaient en nombre, arrivaient à
se peupler davantage, formaient un hameau.
Quand ces hameaux so trouvèrent situés dans une
position favorable, près d'un cours d'eau, à quel-
que embranchement de routes, ils continuèrent
de grandir, et devinrent des villages où tous les
métiers nécessaires à la vie commune s'exerçaient
sous la même dépendance. Bientôt, la construc-
tion d'une église érigeait le village en paroisse, et
par suite la nouvelle paroisse prenait rang parmi
les circonscriptions rurales. Ceux qui l'habitaient,
serfs ou demi-serfs attachés au même domaine, se
voyaient liés l'un à l'autre par le voisinage et la
communauté d'intérêts; de là naquirent, sous l'au-
torité de l'intendant unie à celle du prêtre, des
ébauches toutes spontanées d'organisation muni-
cipale, où l'Eglise reçut le dépôt des actes qui,
selon le droit romain, s'inscrivaient sur les regis-
tres de la cité. C'est ainsi qu'en dehors des muni-
cipes, des villes et des bourgs, où subsistaient, de
plus en plus dégradés, les restes de l'ancien état
social, des éléments de rénovation se formaient
pour l'avenir, par la multiplication des colonies de
laboureurs et d'artisans, et par la réduction pro-
gressive de l'esclavage antique au servage de la
glèbe.
« Cette réduction, déjà très avancée au ix* siècle,
s'acheva dans le cours du x'. Alors disparut la
dernière classe de la société gallo-franke, celle des
hommes possédés à titre de meubles, vendus, échan-
gés, transportés d'un lieu à un autre comme toutes
les choses mobilières. L'esclave appartint à la terre
plutôt qu'à l'homme ; son service arbitraire se chan-
gea en redevances et en travaux réglés; il eut une
demeure fixe, et, par suite, un droit de jouissance
sur le sol dont il dépendait. » (Augustin Thierry).
Mouvement d'émancipation des villes. 1° Lans
le Midi. — Le mouvement d'émancipation des
villes ne s'opéra pas de la môme manière au nord
et au midi de la France, et l'organisation munici-
pale que se donnèrent les cités ne fut pas identique
dans les deux régions. Les populations urbaines
du midi et celles du nord, séparées par la langue,
par le climat, par le degré de civilisation, eurent
chacune leur histoire distincte, qui doit être ra-
contée séparément.
Les cités du midi de la France, de la Provence,
du Languedoc, de la Guj'enne, étaient des muni-
cipes romains qui avaient toujours réussi à pro-
server, dans leurs parties essentielles, leurs an-
COMMUNES
— 469
COMMUNES
ciennes institutions. Lorsqu'au W siècle les
communes italiennes, s'érigeant en républiques
souveraines, ■ eurent donné le signal de l'émanci-
pation, leur exemple fut contagieux : le mouvement
se propagea en France par la voie de mer, et les
cités du midi imitèrent l'une après l'autre la con-
stitution consulaire que s'étaient donnée les villes
de Lombardie et de Toscane. Dès le xii* siècle,
le consulat apparaît dans les villes qui ont des
relations commerciales avec l'Italie. La bourgeoi-
sie du midi était déjà riche et puissante ; il lui
fut relativement facile d'obtenir des seigneurs
féodaux la reconnaissance des libertés municipales.
« Les villes de la Provence, du Languedoc, de l'A-
quitaine, prirent l'aspect, les mœurs et le nom de
véritables républiques; Avignon, Marseille, Tou-
louse faisaient la guerre ou la paix de leur propre
autorité, et leurs consuls traitaient souveraine-
ment avec les rois de France et d'Aragon ou les
républiques d'Italie. Leurs seigneurs n'avaient que
des honneurs féodaux et le commandement mili-
taire : tout le pouvoir législatif et politique appar-
tenait aux consuls. » (Lavallée.)
Une chose avait grandement favorisé dans le
Midi cette émancipation des cités : c'était l'absence
d'un- roi, d'un suzerain puissant. Aussi, lorsque les
pays de langue d'oc, à la suite de la croisade des
Albigeois, auront été réunis à la France du nord
et obligés de reconnaître l'autorité roj'ale, l'indé-
pendance municipale ne pourra s'y maintenir.
2° Dans te Nord. — Dans le nord de la France,
le mouvement d'émancipation se fit différemment.
Il n'y avait là qu'un petit nombre d'anciens muni-
cipes romains, et ceux-là n'avaient pu conserver,
au même degré que les cités du midi, leurs liber-
tés intérieures; les autres villes étaient de fonda-
tion nouvelle, et n'avaient jamais possédé d'institu-
tions municipales. Tandis que le midi n'avait eu
qu'à faire sanctionner et à fortifier ce qui existait
déjà, dans le nord il fallut tout créer, et conqué-
rir de vive force des droits que les seigneurs et
les évêques n'étaient point disposés à reconnaître
de bon gré. Aussi les villes du nord présentent-
elles, dans leur organisation, un type original et
nouveau, qui n'est pas emprunté à la tradition ro-
maine, mais qui est sorti de toutes pièces des
nécessités d'une situation spéciale.
Ce type, c'est celui de la commune jurée, ou de
la commune proprement dite, dans le sens histori-
que et restreint du mot. Le nom de commune, en
effet, s'est appliqué exclusivement, à l'origine, aux
organisations municipales constituées en vertu
d'un serment que se prêtaient les uns aux autres
les habitants d'une ville, de se défendre et de s'en-
tr'aider. Les communiers, une fois liés entre eux
par cette conjuration, se donnaient des magistrats,
maires et échevins, s'organisaient en milices ; et si
le seigneur féodal duquel relevait la ville n'accep-
tait pas le nouvel état de choses, la guerre com-
mençait. Si la commune était vaincue, les habitants
retombaient sous le joug seigneurial jusqu'à ce
qu'une occasion se présentât de tenter une nou-
velle révolte; si c'était le seigneur qui avait le des-
sous, il se voyait obligé de reconnaître les institu-
tions et les libertés de la commune au moyen
d'une charte, qui stipulait les concessions arra-
chées par les bourgeois et consenties par le sei-
gneur.
Les communes du nord ont donc le caractère
d'une insurrection violente de la population des
villes contre la féodalité. Ce que ces communes ré-
clamaient, et ce que la plupart d'entre elles réussi-
rent à obtenir, à force de luttes et de sang versé,
c'était tout simplement « ce que, dans l'Europe
actuelle, la simple police des Etats modernes as-
sure à toutes les classes de sujets. » (Lavallée). Les
prétentions des communes n'en paraissaient pas
moins exorbitantes et révolutionnaires aux classes
dominantes de l'époque ; voici comment en parle
un chroniqueur de la fin du xi* siècle, l'abbé Gui-
bert de Nogent : « La commune, mot nouveau et
détestable, est une institution en vertu de laquelle
tous les censitaires s'acquittenl en une seule
fois par an de la redevance qu'ils doivent aux sei
gneurs ; et s'ils ont commis quelque délit, ils sont
punis d'une amende fixée par la loi. Quant aux
autres impositions et corvées qui sont exigées des
serfs, ils en sont entièrement exempts. » Il faut
avouer que ces libertés détestables et nouvelles
étaient encore bien peu de chose.
La première commune établie fut celle du
Mans (10G7) ; mais elle ne dura que six ans, et
fut abolie ensuite par le seigneur. Puis vinrent
celles de Cambrai, de Noyon, de Beauvais, de
Saint-Quentin, de Laon, d'Amiens, de Saint-Omer,
de Reims, de Boissons, etc. Nous ne pouvons en-
trer dans le détail des luttes soutenues par ces
diverses communes pour conquérir leurs libertés,
ni raconter les nombreuses vicissitudes de leur
histoire agitée et souvent héroïque. On lira avec
intérêt, dans les Lettres sur l'hiitoire de France,
d'Augustin Thierry, les dramatiques récits relatifs
à la commune de Laon (lettres 16, 17 et 18) et à
celle de Vézelay (lettres 22, 23 et 24). V. aussi les
articles Féodalité, Croisades, Louis VI, Louis VII,
Philippe- A uguste, Louis VIII, Philippe III, Louis IX,
Philippe IV le Bel, Tiers-État.
Chartes coiyinvmales. — Ces chartes variaient à
l'infini quant au degré de liberté qu'elles concé-
daient et aux formes dans lesquelles elles le ga-
rantissaient. Mais elles offrent ce trait commun,
de contenir surtout des règlements relatifs à la vie
civile, aux libertés de l'industrie, à la sécurité des
biens et des personnes; quant à la constitution
communale proprement dite (élection et fonctions
des magistrats municipaux), la charte ne l'orga-
nise pas : elle en suppose au contraire l'existence
antérieure, et la mentionne comme une chose
connue, comme une administration fonctionnant
déjà régulièrement.
Voici quelques extraits de la charte de Saint-
Quentin (seconde moitié du xi* siècle) ; c'est une
des plus caractéristiques :
chaque yure (communier) jure aui autres commun con-
seil, commune garde et commune défense. — Chacun d'eui
jure de maintenir dans la \ille tous fiefs, offices, gages,
achats et possessions de tous et chacun. — Tout individu,
s'il n'est larron de nuit ou larron de jour, pourra vivre
dans la commune, et, du moment qu'il sera entré dans la
ville, nul ne pourra mettre la main sur lui, si ce n'est par
la commune justice, le commun avis et le commun jugement
des échevins. — Deux jours avant et deux jours après le
marché, ceux qui s'y rendront et ceux qui en reviendront
ne redouteront rien et seront en bonne paix. Et si quelqu'un
les troublait, la commune leur aiderait, et si elle pouvait
le prendre, elle en ferait plénièrement justice, en abattant
sa maison, en lui tranchant la main ou autrement. — C'est
chose sacrée et accoutumance de la commune que les gens
de justice du comte ni ceux du maire ne pourront pénétrer
dans la maison d'un bourgeois pour l'ajourner ni, si sa
porte est close, l'ouvrir de force. — Si quelqu'un est vassal
ou censitaire d'un seigneur, il acquittera sa redevance en
restant sur la terre du seigneur du commencement d'aoiit à
la fin de la moisson; après la moisson, il reviendra à la
ville; puis, du i" février au 1" mai, il repartira pour
cultiver les terres du seigneur; mais le 2 mai il pourra
revenir à la ville jusqu'au mois d'août. — Les bourgeois de
Saint-Quentin ne doivent nul impôt en nulle manière à
leur seigneur, ni ne s'assemblent pour faire la taille; mais
si aucun veut donner de son gré comme requis du seigneur,
selon son plaisir, il le donnera.
Les paysans. — Les serfs des campagnes, bien
plus opprimés et plus malheureux que n'avaient
pu le devenir les habitants des villes, avaient
essayé de leur côté de s'affranchir. Comme les
bourgeois, ils avaient formé des conjurations,
c'est-à-dire des associations de défense mutuelle,
véritables communes dans le sens originaire du
COMMUNES
— 470 —
COMMUNES
mot, et ils semblent même avoir devancé dans la
révolte les populations urbaines. Dès la fin du
X* siècle, on voit les serfs de Normandie se coufé-
dérer pour résister à leurs seigneurs :
Les paysans et les Tilains,
Ceux du bocage et ceux de la plaine,
Par vingt, par trcutaines, par cents.
Ont tenu plusieurs parlements...
Privéement ont pourparlé
Que jamais de leur volonté.
N'auront seigneur ni avoué....
— Pourquoi nous laissons dommager?
Mettons-nous hors de leur danger.
Nous sommes hommes comme ils sont,
Tous membres avons comme ils ont,
Et tout aussi grands corps avons.
Et tout autant souffrir pouvons.
Ne nous faut que cœur seulement.
Allions-nous par un serment,
Notre avoir à nous défendons
Et tous ensemble nous tenons...
Et si nous veulent guerroyer,
Bien avons, contre un chevalier,
Trente ou quarante pavsans,
Maniables et combattants.
C'est ainsi que le Roman de Roii fait parler les
serfs normands. Mais l'entreprise de ces paysans,
qui osaient se dire les égaux de leurs seigneurs
{« Nous sommes hommes comme ils sont »), ne
fut pas couronnée de succès comme celle que les
montagnards de la Suisse tentèrent trois siècles
plus tard : le comte d'Évreux et ses liommes
d'armes saisirent les chefs des confédérés, qui
périrent dans les supplices, et la révolte fut com-
primée.
Les vilains qui sur d'autres points du territoire
tentèrent à leur tour de secouer le joug féodal ne
furent pas plus heureux. Il ne resta aux serfs qui
voulurent échapper à l'esclavage d'autre ressource
que de s'enfuir dans les villes, où ils pouvaient
devenir citoyens, et où la commune leur assurait
sa protection.
Villes de bourgeoisie dans la région du centre.
— Le roi, qui soutenait quelquefois les villes dans
leurs querelles avec leurs seigneurs, parce qu'il
trouvait son profit à amoindrir la puissance des
grands feudataires, mais qui souvent aussi aidait
les nobles et les évoques à détruire les libertés
communales, ne laissa pas établir de communes
sur le domaine royal. Les villes qui relevaient
directement du roi, comme Paris et Orléans, re-
çurent certaines franchises municipales, mais
n'acquirent pas le degré d'autonomie et d'indé-
pendance qui firent, pendant un temps, des com-
munes du nord et des cités consulaires du midi,
des républiques presque souveraines.
D'autre part, quelques seigneurs concédèrent
spontanément, aux villes anciennes et nouvelles
existant sur leurs terres, des chartes de bour-
geoisie, qui leur accordaient quelques privilèges ;
par ce moyen, ils y attiraient de nouveaux habitants ,
et accroissaient ainsi leurs propres revenus. Mais
ces villes restaient soumises au prévôt du sei-
gneur, qui y rendait la justice en son nom.
Résumé. — En résumé, la France se montre di-
visée, en ce qui concerne le régime municipal, en
trois régions : celle du midi, ou des cités consu-
laires; celle du nord, ou des communes jurées ; et
entre deux, une zone intermédiaire, où les villes
n'arrivent pas à la pleine autonomie, et demeurent
sous la dépendance plus ou moins étroite du suze-
rain qui leur a octroyé leurs demi-franchises.
Nous avons dit que la conquête du midi par les
rois de France fit perdre aux villes consulaires
leur indépendance. De leur côté, les communes du
nord commencèrent à déchoir dès le xiv' siècle ;
lef' privilèges municipaux disparurent à me-
sure que la royauté se fortifiait; et ce qui s'en
s'en était conservé après les grandes luttes entre
les villes et le pouvoir royal, qui signalèrent les
règnes de Jean le Bon et de Charles VL disparut
définitivement au xvi* siècle ; Charles IX enleva,
à toutes les villes qui l'avaient conservé, le droit
de juridiction. Mais si la bourgeoisie avait dû
renoncer îi constituer comme en Italie des commu-
nautés isolées et souveraines, elle n'en avait pas
moins continué à grandir; et tout en perdant ses
privilèges locaux, elle avait conquis, dans les
affaires générales de l'État, une importance qui
croîtra toujours davantage. V. les articles Tiers-
Etat et Etals-généraux.
Espagne. — D;ins la péninsule ibérique, la fon-
dation et le développement des institutions muni-
cipales, tant en Castille qu'en Aragon, sont con-
temporaines des premières victoires des chrétiens
sur les Maures. A mesure que ces derniers étaient
chassés d'une ville, celle-ci recevait du roi une
charte d'organisation, qui déterminait les droits
des citoyens. Le premier de ces droits était celui
de s'administrer eux-mêmes et d'élire leurs magis-
trats; à côté de ceux-ci siégeait, il est vrai, un offi-
cier représentant l'autorité royale, mais dont les
pouvoirs étaient fort restreints ; ainsi la charte de
Logrofio permettait de le tuer s'il entrait de force
dansune maison. Toutefois, en Castille, quand des
territoires plus étendus eurent été enlevés aux mu-
sulmans, beaucoup de nobles reçurent en fief les ci-
tés qu'ils prenaient aux Arabes, et il se forma de la
sorte, dans ce royaume, deux catégories de villes :
celles qui relevaient directement du roi, et celles
qui étaient soumises à un seigneur ; les premières
seules furent des communes, c'est-à-dire des cités
libres, possédant le droit de juridiction, mais sans
arriver toutefois à la souveraineté complète, comme
les républiques italiennes.
L'Espagne fut le premier pays de TEurope qui
posséda une représentation nationale régulièrement
organisée, et. de très bonne heure, les communes
eurent le droit d'envoyer leurs députés siéger aux
cortès à côté des seigneurs et des évèques. Tandis
que la chambre des communes d'Angleterre ne
date que de 126 4, dès ll-S-"? les députés des villes
furent admis aux cortès d'Aragon. En Castille, ceux
des villes royales siégèrent dans l'assemblée na-
tionale à partir de 1169; mais au siècle suivant,
sous le règne de Ferdinand III, le nombre des ci-
tés castillanes investies du droit d'envoyer leurs
députés aux cortès fut réduit à dix-sept.
Pendant tout le moyen âge, le pouvoir du sou |
verain demeura très limité dans les royaumes es-
pagnols; et comme la féodalité, de son côté, n'a-
vait pu y prendre profondément racine, les villes
y conservèrent un degré de liberté assez considé-
rable. La monarchie n'était qu'une confédération
dont les divers membres, liés entre eux par les
besoins de la défense commune, gardaient d'ail-
leurs leur indépendance, et dont le roi n'avait
guère que la présidence nominale. Mais, après la
réunion de la Castille et de TAragon, sous Ferdi-
nand V, l'autorité royale s'étant extraordinairement
accrue, les villes furent privées de leurs anciens
droits. Celles de la Castille prirent les armes pour
les maintenir, et firent en 15"20, sous Charles I"
(Charles-Quint), l'insurrection dite des comuneros,
qui aboutit à la destruction complète des libertés
municipales. L'Aragon, à son tour, vit ses cités
dépouillées de leurs derniers privilèges en 1591,
sous Philippe II; et, depuis lors, l'Espagne resta
livrée à un despotisme sans contrôle qui la fit, en
peu de temps, déchoir de son ancienne prospé-
rité.
Angleterre. — Avant la conquête normande,
les villes anglo-saxonnes avaient une certaine in-
dépendance. Tandis que les populations rurales
obéissaient au comte, magistrat électif, et au shé-
rif, fonctionnaire nommé par le roi, les villes for-
maient des corporations s'administrant clles-mô-
COMMUNES
— 471
COMMUNES
mes. Mais lorsque la journée de Ilastings (1066)
eut livré l'Angleterre aux envahisseurs normands,
les villes se trouvèrent soumises, aussi bien que
ies campagnes, à la brutale domination des vain-
queurs. Les cités les plus populeuses firent partie
du domaine royal, les autres furent données aux
barons normands. Pendant le premier siècle de la
conquête, la condition des villes fut déplorable;
toute sécurité avait disparu. « Nobles et évoques,
dit une chronique du temps, bâtissaient des châ-
teaux, y mettaient des garnisons diaboliques, op-
primaient le vulgaire, et extorquaient de l'argent
à force de tourments. Ils levaient des contributions
sur les villes, et y mettaient le feu après les avoir
saccagées. On pouvait cheminer à la ronde une
journée entière sans rencontrer une bourgade ha-
bitée ou une terre cultivée, et jamais le pays n'avait
«ouffert tant de maux. Lorsqu'on voyait deux ou
trois cavaliers s'approcher d'une ville, les habitants
«'enfuyaient, dans la crainte qu'ils ne vinssent pour
les rançonner et les torturer. Le peuple disait tout
haut que le Christ et ses saints étaient endormis. »
A partir du règne de Henri II, le fondateur de
la dynastie desPlantagenets, la situation intérieure
du royaume s'améliora : les habitants de plusieurs
villes acquirent la propriété du sol qu'ils occu-
paient, et se rachetèrent des tributs individuels
qu'on leur imposait arbitrairement, moyennant
une redevance déterminée. Lorsque les barons ar-
rachèrent à Jean sans Terre la grande charte (1215)
des garanties furent stipulées pour les bourgeois
aussi bien que pour les nobles, et les villes furent
confirmées dans leiirs anciens privilèges et libres
coutumes. « Les villes, redevenues riches et for-
tes, se firent respecter des seigneurs, rois ou ba-
rons, qui n'exigèrent plus, mais demnndèrent des
aides (subsides) aux cités et bourgs de leurs domai-
nes; par là, elles furent placées sur le même pied
•que les possesseurs de fiefs : les chefs des citoyens
de Londres et des Cinq-Ports (Douvres, Sandwich,
Hyte, Hastings et Romney) obtinrent même les
titres de nobles et de barons. » (Dnruy). Le pre-
mier magistrat municipal de la cité de Londres
s'appelle encore aujourd'hui le lord maire.
Tandis qu'en France la bourgeoisie se fit, dès le
règne de Phihppe le Bel, l'alliée de la royauté
■contre la noblesse, en Angleterre nobles et bour-
geois se coalisèrent contre le pouvoir royal- Aussi,
lorsque sous Henri III la royauté fut obligée de
consentir à la réunion régulière d'un parlenient,
«elui-ci fut-il compose, non-seulement des sei-
gneurs, mais aussi des députés des villes. Telle fut
l'origine de la Chambre des Communes, qui s'as-
sembla pour la première fois en 1264. Admises
ainsi à participer au gouvernement, conjointement
avec l'aristocratie féodale, les villes anglaises gran-
dirent rapidement en importance ; et, après une
lutte dont les péripéties diverses remplissent qua-
tre siècles, elles réduisirent la couronne à ne con-
server plus que le fantôme da pouvoir, dont elles
partagèrent avec les lords la réalité.
Allemagne. — L'empire allemand ne comptait
■qu'un petit nombre de villes d'origine romaine,
comme Strasbourg, Bâle, Cologne ; les autres furent
fondées dans le courant des x', xi= et xii* siècles.
Henri I" l'Oiseleur contribua beaucoup à la créa-
tion des villes en ordonnant de construire un
grand nombre de lieux fortifiés [Burg en allemand),
dans lesquels il obligea la neuvième partie des
habitants des campagnes à venir fixer leur rési-
dence : il accorda aux habitants de ces Burgs
le droit de se constituer en une corporation ou
•bourgeoisie, administrée par un bourymestre et
par un conseil élu. Les seigneurs, de leur côté,
fondèrent des villes sur leurs terres, et leur con-
cédèrent aiussi des privilèges municipaux, afin dy
attirer des habitants. Les villes bâties sur le ter-
ritoire d'un seigneur [Landstudte) restèrent sujet-
tes de celui-ci; celles qui s'élevèrent sur le do-
maine impérial, au contraire, reçurent le nom de
villes d'empire [Reichstudte) , et, ne relevant que
de l'empereur, furent, par rapport aux seigneurs
féodaux, des villes libres. Beaucoup de villes su-
jettes obtinrent plus tard, à prix d'argent ou en
échange de services rendus, d'être élevées au
rang de villes d'empire ; ainsi Berne, fondée en
1191 par le duc Berthold V de Zashringen, et par
conséquent ville sujette, reçut vingt- sept ans plus
tard, de l'empereur Frédéric II, le titre de ville
libre d'empire, avec le droit de battre monnaie.
Les députes des villes d'empire siégeaient à la
Diète germanique, avec les seigneurs et les évo-
ques ; mais il n'y exercèrent jamais d'influence
sérieuse, et la Diète elle-même n'avait qu'une
autorité fort peu étendue.
Les temps troublés qui suivirent l'extinction de
la maison de Hohenstaufen permirent aux villes
allemandes d'agrandir leur indépendance, et en
même temps leur fournirent l'occasion de se con-
fédérer entre elles pour résister aux seigneurs,
qui prétendaient les opprimer. La fin du xiii* et
le commencement du xiV siècle virent naître plu-
sieurs ligues de ce genre, entre autres celle des
villes du Rhin (1255). La plus célèbre est la Hanse
ou Ligue hanséatique,qui réunit toutes les cités mari-
times et commerçantes de l'Allemagne, et les groupa
en quatre sections, à la tête desquelles - étaient
Lubeck, Cologne, Brunswick et Dantzig : les dépu-
tés des diverses villes se réunissaient tous les ans
au chef-Heu de la section, et s'assemblaient tous
les trois ans en une diète générale, le plus souvent
à Lubeck. La Hanse devint une puissance formidable
au xiV siècle, mais elle déchut à partir du xvi% et
cessad'existeren 16-30 (V. unepagedeMicheletsurla
Hanse à la suite de l'article Allemagne, p. 95).
L'organisation intérieure des villes libres alle-
mandes était restée aristocratique ; l'accès des
magistratures y était réservé aux familles nobles,
et les corporations de métiers ne réussirent qua
rarement à obtenir une part dans le gouverne-
ment.
Flandre, Brabant, Hollande. — Les villes de
la Flandre, du Brabant, de la Hollande atteignirent,
dès les premiers siècles du moyen âge, à une pros-
périté égale, sinon supérieure, à celle des villes
hanséatiques. « Elles étaient constituées en com-
munes à une date si reculée qu'elles n'avaient pro-
bablement jamais perdu leurs libertés romaines. »
(Lavallée). M'ayant pour suzerain qu'un comte dont
la puissance ne pouvait lutter avec la leur, elles
devinrent des républiques souveraines, et l'indus-
trie en fit les plus riches cités de l'Europe. Leur
histoire intérieure offre les mêmes luttes que celles
quon a vu se produire dans les villes italiennes.
a. Originairement, les échevins étaient toujours
pris dans les grandes familles, « lignages» ou « li-
nages » (gestachten), et l'accès du pouvoir était
rigoureusement interdit, non seulement aux ou-
vriers, mais aussi aux bourgeois, même les plus
riches. Il en résulta de continuelles discussions
entre les petits et les grands de chaque ville. Les
corps de métier se soulevèrent fréquemment et
profitèrent de chaque guerre civile ou extérieure
pour revendiquer leurs droits au gouvernement de
la cité. A chaque défaite ils furent cruellement
traités : c'est ainsi qu'après une révolte réprimée,
quinze cents tisserands et autres ouvriers d'Ypres
furent roués, décapités ou pendus sans jugement.
Malgré défaites et massacres, les ghildes ou cor-
porations des petits finirent par obliger les grands
à leur faire une place dans le conseil des cités. Au
XIII' siècle, et surtout durant la première moitié
du xiY', on voit se constituer régulièrement dans
presque toutes les communes un large conseil où
les nations, c'est-à-dire les mandataires, consaïuc
ou jurés des corps de métiers, siégeaient à côté
COMMUNES
— 472 —
COMMUNES
des éclievins et des notables et délibéraient en
égaux sur les « affaires majeures » de la ville. A
Bruxelles, à Louvain et en d'autres villes du Bra-
bant, les nations avaient un bourgmestre distinct
de celui des lignages. A Liège, la ville fameuse
dont les bourgeois, portant depuis longtemps le
titre de seigneurs, habitaient un domicile inviola-
ble, une maison sacrée, le triomphe des petits fut
beaucoup plus complet. En vertu de la paix d'An-
gleur, conclue en 1313, il fut décidé qu'aucun bour-
geois de Liège appartenant à la noblesse ne pour-
rait devenir bourgmestre ou membre du conseil,
s'il ne faisait partie d'une corporation des vingt-
cinq métiers; tous étaient électeurs, les ouvriers
comme les maîtres ; les apprentis eux-mêmes —
exemple bien rare dans l'Europe de cette époque
— avaient le droit d'acclamation ou de suffrage.
» Dans ce grand chaos du monde féodal, où les
seigneurs étaient en lutte permanente les uns con-
tre les autres, mais où « nulle terre n'était sans
seigneur, » où toute autorité était censée venir
d'en haut, par l'entremise du pape, empereur ou
roi, ce fut pour les villes belges une grande vic-
toire que de se faire les égales des barons, d'ac-
quérir une personnalité féodale, de traiter direc-
tement avec les souverains. Un nouvel ordre de
choses avait commencé, car c'est d'en bas, de la
masse profonde du peuple, qu'était née l'indépen-
dance des villes. A en juger par les éléments épars
de la nouvelle société flamande et wallonne, telle
qu'elle essaya de se constituer, et comme on le vit
surtout à Gand, sous la direction de Jacques van
Artevelde, il semble qu'elle visait à former une
grande ligue de cités autonomes, composées elles-
mêmes de libres corps de métiers : la fraternité
ou « frairie » de chaque groupe de travailleurs,
telle était la molécule primitive de la société. Cha-
que association, soit d'ouvriers, soit de bourgeois,
était un corps complet représentant en résumé
l'ensemble de l'Etat, ayant le multiple caractère
de confrérie religieuse, de tribunal pour le juge-
ment des crimes et délits, de syndicat de commerce
pour la défense des intérêts communs, et même
d'association de plaisir pour la célébration des fêtes.
D'ailleurs, les métiers imposaient à tous leurs
membres une discipline très sévère; non-seule-
ment le costume de guerre, mais encore les vête-
ments de travail étaient réglés strictement. Des
inspections avaient lieu, à des époques détermi-
nées, pour constater si les confrères tenaient
leurs armes, leurs cottes, leurs habits en bon état.
Dans tous les actes de sa vie, l'individu avait à
compter avec le corps dont il faisait partie. Il reste
encore aujourd'hui des traces de cet ancien ordre
de choses...
» La commune, composée des associations bour-
geoises et des corps de métiers, formait le groupe
supérieur ; et quand la cloche du beffroi appelait
les citoyens a^i combat, tous ne devaient plus
avoir qu'une seule âme contre l'ennemi. Souvent
cet ennemi était l'armée d'une cité rivale ; mais le
danger commun avait fait comprendre aux villes
la nécessité d'une fédération... En 13:i4, un traité
de fédération fut conclu entre les habitants de la
Flandre et ceux du Brabant ; il fut décidé que le
commerce serait libre entre les deux provinces,
qu'on y ferait usage de la même monnaie, et que
les grandes villes, Bruxelles, Anvers, Louvain,
Gand, Bruges, Ypres, enverraient trois fois par an
des députés à une assemblée délibérante...
» Quoique la forme de société nouvelle qui se
préparait dans les cités de la Belgique n'ait pu se
réaliser complètement, et que la prospérité des
citoyens ait toujours été orageuse, exposée à d'in-
cessants périls, les progrès de toute espèce accom-
plis dans ce petit coin de la terre en firent au
moyen âge un des centres de la civilisation. Dans
quelques campagnes mêmes s'étaient formées des
ghildes semblables à celles des villes, et ces asso-
ciations rurales, fières de leurs heures, confir-
mation écrite de leurs droits, avaient pu justifier
cette conquête par l'admirable culture de leurs-
terres. Quant aux progrès des communautés fla-
mandes dans les travaux de la pensée, ils sont attes-
tés par l'importance qu'avait prise leur langue dans
la littérature contemporaine. » (Elisée Reclus.')
Conclusion. — Les communes — nous conti-
nuons à prendre ce mot dans son sens le plus gé-
néral — visèrent partout à affranchir plus ou moins-
complètement la cité de la domination du seigneur
féodal, évêque, comte, roi ou empereur; mais
l'idée de l'égalité des citoyens leur fut presque
toujours étrangère, et elles conservèrent dans
leur propre sein, à des degrés divers, le principe
d'une hiérarchie de privilégiés ; les libertés mû-
mes de la commune, arrachées de force ou ache-
tées à prix d'argent, étaient regardées alors par
tous comme un privilège, non comme un droit.
Quelquefois il arriva aux habitants des villes de
faire alliance avec les serfs révoltés des campa-
gnes, dans des dangers pressants ; mais jamais ils
ne proclamèrent d'une manière générale la soli-
darité de leur cause et de celle des paysans. La
commune du moyen âge, il ne faut pas l'oublier,
malgré tout ce que ses revendications purent avoir
de révolutionnaire pour l'époque, fut et resta un
membre de la société féodale.
Quand la société du moyen âge commença à
se dissoudre pour faire place à une organisation
politique nouvelle, la fortune de la bourgeoisie
des villes fut diverse, selon la ligne de conduite
qu'elle avait adoptée dans sa lutte ppur l'indé-
pendance, et aussi selon les circonstances inté-
rieures ou extérieures, géographiques quelquefois,
propres à chaque pays. En France, où cette bour-
geoisie, devenue le Tiers État, se fit l'alliée de la
royauté contre les feudataires grands et petits, la
forme politique qui prévalut fut celle de l'État
centralisé sous le despotisme royal. En Italie, où
il ne se trouva pas de dynastie nationale pour en-
treprendre une œuvre analogue à celle de la
royauté française, les villes, devenues la proie
d'une foule de tj-rans locaux, finirent par tomber
sous la domination étrangère. En Angleterre, l'al-
liance des communes et des lords constitua une
forme de gouvernement particulière, où l'autorité
du monarque dut s'incliner devant la puissance
d'une oligarchie moitié bourgeoise, moitié nobi-
liaire, mais restée féodale jusqu'à nos jours. En
Espagne et en Allemagne, les libertés des villes
périrent ici sous les coups de l'arbitraire royal,
là sous ceux des princes de l'empire devenus sou-
verains, et il ne put se former, comme en France,
un Tiers État capable, à un moment donné, de
briser le moule monarchique et féodal, et d'ab-
sorber dans son sein la nation tout entière. Dans-
deux régions de l'Europe seulement, à qui leur
situation géographique facilitait la sauvegarde de
l'indépendance locale, les communes, ne s'alliant
ni avec la noblesse, comme en Angleterre, ni
avec la royauté, comme en France, purent s'affran-
chir d'une façon définitive et par leurs seules for-
ces, et se donner l'organisation politique qui dé-
coulait de leur principe même, celle de la répu-
blique fédérative : nous avons nommé la Suisse et
la Hollande. Mais même dans ces deux pays, où
les libertés communales purent se maintenir au
prix de luttes héroïques contre la féodalité locale
et contre les souverains voisins, la constitution
intérieure des cités demeura aristocratique, les
campagnes — à l'exception de quelques coins de
terre privilégiés — restèrent dans la servitude , et
l'égalité politique et civile, sans laquelle l'indé-
pendance nationale n'est qu'un vain mot. ne put
y être introduite que par la main puissante de la
Révolution française. [J. Guillaume,]
COMPARATIF
— 473 —
COMPOSEES
COMPARATIF. — V. Degrés de comparaison.
COSirOSÉES.— Botanique, XXIX.— Définition
— Les composées appartiennentaux Phanérogames
Dicotylédones Angiospermes, et parmi celles-ci aux
Gamopétales Périgj'nes. Dans la classification de
Brongniart, elles constituent la dix-septième classe,
dite des Astéroidées. C'est la famille la plus vaste
du règne végétal ; elle renferme environ la dixième
partie des Phanérogames.
Caractères botaniques. — ï. Graine. — La graine
des composées n'est jamais libre, mais bien enfer-
mée dans un fruit sec unicarpellé indéhiscent
qu'on nomme achnine. L'embryon volumineux rec-
tiligne a deux cotylédons linéaires. L'albumen qui
entoure cet embryon est souvent fort peu déve-
loppé; il est oléagineux, rarement amylacé.
Les graines de plusieurs composées sont em-
ployées dans la fabrication des huiles ; telles sont
celles du tournesol ou grand soleil des jardins, du
Madi des Chinois, du Guizotia oleifera des Abyssi-
niens et des Indiens. On importe actuellement
de grandes quantités de graines de Guizotia dans
le port de Dunkerque, et l'huile qu'on en extrait
sert à falsifier l'huile d'arachide.
II. Racine. — Les composées n'étant jamais des
plantes de grande culture, mais seulement des
plantes ornementales, médicinales ou maraîchères,
nous ne parlerons pas de leur germination et passe-
rons tout de suite aux caractères de leurs racines.
Un grand nombre de composées ont des racines
pivotantes qui s'enfoncent veriicalement dans le
sol. Ce pivoi peut prendre un certain développe-
ment et constituer pour la plante un réservoir nu-
tritif pour le temps de l'hibernation. La substance
mise en réserve dans cet organe s'appelle iiiuline ;
elle appartient au groupe des matières amylacées.
Comme exemple de ces pivots tubérifiés nous cite-
rons les tubercules de dahlia.
Plusieurs composées remplacent le pivot par
nne tige souterraine ; dans ce cas, leurs racines
sont grêles et couvrent toute la partie inférieure
de cette tige.
Les racines des composées renferment un
suc laiteux ou latex qui en fait employer un grand
nombre en médecine. Quelques-unes sont char-
nues et comestibles, telles sont celles de la scorzo-
nère d'Espagne (salsifis noir), et celles de notre
salsifis indigène (salsifis blanc).
III. Tige. — La tige des composées est souvent
extrêmement courte, presque nulle ; alors les
feuilles semblent former une rosace à la surface du
sol, et c'est du sein de cette toufl'e que partent les
pédoncules floraux dont la longueur est très va-
riable. D'autres fois, la tige prend une certaine
longueur et alors, selon les espèces, reste souter-
raine en formant un rhizome vivace, ou bien forme
une sorte de toufl'e rameuse qui s'épanouit dans
l'air. Plus rarement cette tige devient ligneuse,
dressée ou grimpante. Cette tige est presque sans
usages, sauf cependant quand ce sont des rhizomes
tuberculeux comme ceux du topinambour.
IV. Feuilles. — Les feuilles des composées sont
simples, profondément découpées, exceptionnelle-
ment dentées, sans stipules, rarement pétiolées,
souvent épineuses, recouvertes de poils parfois
très développés, de consistance variable. Toutes
contiennent de nombreuses glandes dont les pro-
duits donnent aux difl'érents genres les propriétés
médicinales qui les font employer en pharmacie.
Ces feuilles sont alternes, rarement opposées,
souvent polymorphes, c'est-à-dire que celles des
pédoncules floraux n'ont pas la même forme que
celles qui recouvrent la tige.
V. Appareil floral. — Les pédoncules qui por-
tent les fleurs sont tantôt terminaux, tantôt laté-
raux ; chacun d'eux peut porter une ou plusieurs
inflorescences qu'on appelle capitules.
Chaque capitule comprend un pédoncule terminé
par une surface aplatie qu'on nomme réceptacle, i
la surface duquel sont insérées les fleurs. La pé-
riphérie de ce réceptacle est couverte d'écaillés
disposées sur un ou plusieurs rangs, et dont l'en-
semble est désigné sous le nom d'involucre.
Selon les genres, et suivant la position qu'elles-
occupent sur le réceptacle, les fleurs sont herma-
phrodites ou unisexuées ; plus rarement les fleurs
mâles et les fleurs femelles sont localisées dans-
des capitules difl'érents.
Chaque fleur, quand elle est hermaphrodite, com-
prend : 1° un calice décomposé en poils ou soies
dont le nombre, la forme, la dimension, la persis-
tance varient d'une espèce à l'autre ; 2° une corolle
régulière ou uriilabiée ou encore bilabiée ; quelle
que soit sa forme, le bord de cette corolle présente-
toujours cinq dents et, sauf dans lesfleurs femelles,
les organes mâles (étamines) viennent s'insérer
sur sa région médiane; lorsque toutes lesfleurs
d'un capitule ont une corolle entière et régulière,
le capitule est dit flosculeux; lorsque les fleurs
de la périphérie du capitule ont une corolle uni-
labiée ou bilabiée, celles du centre aj'ant une co-
rolle entière, le capitule est dit rarfié; lorsque
toutes les fleurs du capitule sont labiées ou ligu-
lées, le capitule est dit semi- flosculeux; 3° cinq-
étamines à filets courts, adhérentes les unes
aux autres par les loges de leurs anthères ; les an-
thères sont articulées sur leur filet, et leur con-
nectif dépasse supérieurement les loges à la manière
d'une petite languette ; les étamines tombent
avec la corolle qui est souvent caduque ; 4° un
ovaire de dimensions considérables, surmonté d'un
style très long. Les grains de pollen sont simples
et germent très rapidement sur le stigmate. La
pollinisation se fait par les insectes.
Les fleurs unisexuées ne diffèrent des fleurs-
hermaphrodites que par l'arrêt de développement
des étamines ; dans certains capitules les fleurs
de la circonférence n'ont ni organes mâles, ni or-
ganes femelles.
M. Hœckel de Marseille avait attribué une cer-
taine sensibilité aux étamines des composées. Mis
en demeure de répéter les expériences sur les-
quelles il prétendait s'appuyer pour démontrer
cette sensibilité, il n'a pu le faire.
Certaines inflorescences de composées sont co-
mestibles avant la floraison : exemple, les arti-
chauts ; beaucoup d'autres sont employées en phar-
macie à cause des sucs qu'elles contiennent. '
VI. Findts. — Les fruits des composées sont
des achaines. c'est-à-dire des fruits secs unicar-
pellés, indéhiscents, monospermes ; ils sont char-
gés de disséminer la graine. A cet effet, un très
grand nombre d'entre eux transforment le calice
qui les surmonte en une aigrette plumeuse ou
soyeuse qui leur sert de parachute. D'autres fruits
se couvrent d'épines ou de crochets et, grâce à ces.
organes, s'attachent aux toisons des animaux et sont-
ainsi entraînés au loin.
Habitat. — Les composées habitent toutes les
régions du globe.
Classification des Composées. — De Candolle
divise les composées de la manière suivante :
1 . Liguliflores, comprenant la tribu des Chicoracées.
. -L j Kilulisiacées.
t. Labiati flores, — ^^^ ^'^^^^^ ^'^^\ Xassamiacées.
É Cynarées.
ySénéciom'dées.
— ^Astfifoîdées.
IEupatoriacées^
Vernoniacées.
Les caractères sur lesquels est basée cette di-
vision en tribus sont trop spéciaux pour que nous
les énumérions ici ; nous nous bornerons à indi-
quer dans chacune de ces tribus les plantes les
plus utiles.
3. Tubuliflores,
COMPOSEES
474 —
COxMPOSITlOxN
Usages des Composées. — Trihu des Cldcora-
<:ées. — Dans la tribu des Chicoracées nous cite-
rons :
10 Les laitues, laitue officinale, laitue vireuse,
laitue romaine, laitue sauvage ou scarole ; toutes
■CCS laitues se mangent cuites ou en salade ; de la
laitue vireuse et de la laitue officinale, on extrait
par des incisions pratiquées à la tige un suc qu'on
-appelle le lactucarium et qui est emploj'é comme
succédané de l'opium ; il convient d'ajouter que,
pour augmenter l'activité du lactucarium, les phar-
maciens y ajoutent de l'opium.
2" La Scorzonère dEspague dont on mange la
racine crue ou cuite ; les jeunes pousses fournis-
sent une excellente salade.
3" Les Salsifis, qui sont employés de la même
manière que la Scorzonère.
4° Le Pissenlit ou deyit de lion, mangé en sa-
lade.
5° Les Chicorées, chicorée sauvage, chicorée en-
dive ; toutes se mangent en salade ou cuites. Avec
la chicorée sauvage on fait un sirop amer très em-
ployé pour purger les jeunes enfants et comme
fébrifuge. La racine de la chicorée sauvage re-
cueillie en septembre, coupée en tranches, séchée,
puis torréfiée et réduite en poudre, est vendue
sous le nom de chicorée noire ; elle donne par
décoction un breuvage désagréable et laxatif qu'on
mêle au café, surtout dans les pays du Nord. C'est
à tort qu'on l'a considéré comme succédané du
café. L'abus de la chicorée donne au visage une
couleur terreuse tout à fait caractéristique. La
poudre de chicorée peut s'enflammer spontané-
ment lorsqu'elle est emmagasinée en grande quan-
tité.
Tribu des Cynarées. — Dans la tribu des Cyna-
Tées, nous citerons : 1° la Bardant, dont les feuil-
les et les racines sont employées contre les mala-
-dies chroniques de la peau soit en lotions, soit
«omme dépuratifs ;
2° L'Artichaut cultivé, dont les jeunes inflores-
cences sont mangées crues ou cuites; sa racine
très amère passe pour diurétique ;
3" \S Artichnui cardon, dont la côte médiane des
feuilles attendrie par l'étiolement forme un mets
facile à digérer, servi sur les tables sous le nom
■de cardes:
4° Le Carthame des teiîituri^.rs (ou Safrayium à
cause de sa ressemblance avec le safran). On ex-
trait de ses capitules, à l'aide d'un alcali et en
précipitant par un acide végétal, une couleur rouge
dont on se sert pour teindre la soie, et que les
dames emploient sous forme de laque pour se
teindre le visage et les lèvres.
5° Les Carlines, plantes qui tirent leur nom de
Cbarlemagne parce que sous le règne de ce prince
on les a employées contre la peste. Leur racine
très odorante a comme caractère particulier d'être
fendue dans toute sa longueur, et n'est plus em-
ployée aujourd'hui que pour son odeur très persis-
"tante qui rappelle celle de la violette. Les racines
des Costus, plantes originaires de l'Inde, voisines
-des Carlines, se vendent comme rhizome d'iris de
Florence.
Tritju des Sénécionidées. — Dans la tribu des
Sénécionidées nous citerons: 1° V Arnica des tnon-
tagnes, dont toutes les parties, très odorantes,
"peuvent être employées soit comme poudre ster-
nutatoirc, soit comme vomitif léger, soit en solu-
tion alcoolique contre les contusions, les plaies :
employé à fortes doses, l'arnica peut devenir un
poison. Ses contre-poisons sont l'opium et le
tannin.
2° Les Immortelles, très employées comme plan-
tes ornementales.
3° La Tanaisie vulgaire, employée comme ver-
■mifuge.
4° Les Armoises, parmi lesquelles nous cite-
rons : le Semen-confra d'Alep, dont les c-ipitules
jouissent de propriétés vermifuges; on en exilait
une matière blanche cristalline : la Santonine, plus
active que le Semen-contra lui-môme ; la grande
Ab.-iidhe, qui donne une essence verte fébrifuge
donlla solution alcoolique est très employée comme
boisson ; l'Estragon, usité pour parfumer la salade
et le vinaigre; le Gén-'pi, qui fournit une liqueur
verte succédanée de la chartreuse.
h° Le Pyrèlhre du Caucas», dont les capitules
pulvérisés forment une poudre insecticide.
6° Les Cfimomilles, dont la Camomille romaine
est la seule employée comme stomachique, mais
est souvent falsifiée avec la camomille vulgaire.
7° Les Achillea ou Mille feuilles, dont les feuilles
pilées sont appliquées sur les coupures pour ar-
rêter l'écoulement du sang.
8» Le Cresson de Para, dont les capitules rubé-
fient la muqueuse de la bouche et sont employées
comme succédanés du Cochlearia.
9° Le grand Soleil des jardins, dont les fruits
fournissent une huile grasse propre à l'éclairage et
à la fabrication des savons.
10° Le Topinambour, dont la souche vivace tra-
çante donne des bourgeons monstrueux, tubéreux,
fort employés pour nourrir les bestiaux pendant
l'hiver.
11° Le Madi des Chinois, qui fournit une huile
usitée pour la table en Abyssinie, mais qui ne sert
en France qu'à falsifier l'huile d'arachide.
Tribu des Astérdidées. — Dans la tribu des Asté-
roidées nous citerons : X' Y Année officinale, àoniXa.
décoction est employée en lotions contre les déman-
geaisons dartreuses.
^° Le Dahlia, la Verge d'or, les Asters, les Reines-
marguei'ites, les Pâquerettes, connus de tout le
monde comme plantes ornementales.
Tribu des Eupaioriacés. — Dans cette tribu
nous citerons : I» le Pas tfâyie ou Tussilage, dont
les capitules, d'une saveur douce et aromatique,
sont employés contre la toux.
2° Les Eupatoires, dont les racines sont purga-
tives. L'Eupatoire aromatique de Cuba sert à par-
fumer les cigares de la Havane.
[CE. Bertrand.]
COMPOSITION. — Littérature et style, II. '—
(Éti/m. : du même mot en latin.)
Sous ce titre nous essayons de résumer, non pas
toutes les règles de l'art d'écrire, mais les notions
qui nous paraissent les plus indispensables pour
renseignement populaire.
Composer, écrire, rédiger, c'est toujours un dou-
ble travail : c'est d'abord savoir penser, ensuite
savoir s'exprimer. Celui qui veut écrire (et qui
n'a pas à le faire en mainte occasion ?) a besoin :
r De bien choisir et de bien disposer ses idées;
2° De bien choisir et de bien disposer ses
expressions.
Tel est le point de départ tout naturel de l'étude
des règles de la composition.
Esfjuisse d'une leçon prélimîjiaire : nécessité de
cette étude. — Rendre sensible aux' élèves non
seulement des écoles normales, mais aussi des
écoles primaires, cette nécessité d'apprendre à
écrire, c'est leur donner la première leçon de
« rhétorique », comme on disait autrefois, et ce
n'est pas une tâche bien difficile.
Vous voulez parler, c'est que vous avez quelque
chose à dire. Si vous n'aviez qu'une idée, qu'un
sentiment h, exprimer, ce serait bientôt fait : un
mot, un geste, un cri suffiraient souvent. Mais
vous avez d'ordinaire plusieurs choses à dire, plu-
sieurs faits à raconter, plusieurs raisons à donner,
plusieurs sentiments h exprimer. Comment allez-
vous vous y prendre ? Que vous ayez à vous expri-
mer de vive voix ou par écrit, il faut savoir au juste
ce que vous avez à dire et comment vous l'allez
dire. De vive voix, on peut, à la rigueur, se per-
COMPOSITION
— 475 —
COMPOSITION
mettre de raconter un peu à tort et à travers.
On commence, on s'arrête, on recommence, on est
interrompu, on se reprend. Tant bien que mal, en
y mettant plus ou moins de temps, tantôt en in-
téressant, tantôt en assommant ceux à qui Ton
parle, on vient toujours à bout de s'en faire en-
tendre.
Mais quand on écrit, la tâche devient plus
ardue. La plume à la main, vous ne pouvez plus
vous permettre tout le bavardage, toutes les re-
dites, toutes les expressions incorrectes et obscu-
res qui vous échappent dans la conversation. Un
interlocuteur, s'il ne vous comprend pas, vous
arrête, vous interroge, vous oblige à vous expli-
quer mieux : le regard, le geste, la physionomie,
tout vous aide à fqire saisir votre pensée ou votre
sentiment. Mais le lecteur n'a rien pour le guider,
rien que la feuille de papier sur laquelle sont tra-
cés des signes très clairs et très intéressants s'ils
sont bien choisis et bien disposés, très obscurs et
très ennuyeux dans le cas contraire. Vous n'avez
pas le temps d'écrire, et il aurait encore moins
celui de lire tout ce qui vous passe par la tête,
tout ce que vous auriez dit peut-être dans quel-
ques minutes d'un entretien familier. Il faut donc
faire effort pour ne dire que le nécessaire, pour le
dire en termes clairs, dans un ordre raison nable, d'une
manière facilement intelligible, et propre à laisser en-
fin l'impression que vous désirez produire dans l'es-
prit de votre lecteur. — Tel est le fondement de
l'art d'écrire, la raison d'être de la k rhétorique »,
la nécessité même, et surtout dans l'enseignement
primaire, des « exercices de composition et de style ».
Règles essetiti^lles et parties principales de la
composition. — On a divisé de plusieurs façons le
sujet qui nous occupe, et il importe assez peu
qu'on préfère telle division à telle autre. Nous
avons indiqué en commençant celle qui nous sem-
ble le mieux convenir à l'enseignement populaire.
11 y a deux choses à considérer dans la compo-
sition : le fond et la. forme, la pensée et Vexpres-
sio'i, les idées et les mots. Quelque sujet que vous
ayez à traiter, la parole n'est faite que pour la
pensée. Quelle est donc la pensée que vous avez à
exprimer? Voilà la première question. Sous quelle
forme, en quels termes, par quelles expressions
allez-vous la communiquer à autrui ? Voilà la se-
conde.
Mais chacune de ces deux questions se subdi-
vise à son tour. Vous n'avez pas seulement à choi-
sir les idées, il faut les classer, les présenter dans
«Il certain ordre, les enchaîner d'une façon qui sa-
tisfasse et votre esprit et celui du lecteur. De
même vous n'avez pas seulement à choisir des ex-
pressions convenables, elles demandent à être dis-
posées, arrangées, coordonnées de manière à
plaire, à attacher, à intéresser, à persuader.
Ainsi on pourrait réduire l'art de la composition,
pris dans ses éléments naturels, à quatre parties :
Quant au fond :
PENSEE ;
loClioisirles idées p&r
l'étude du Sujet.
2° Disposer les idéeb
par l'étude du Plan.
Quant à la forme :
EXPRESSION ;
3° Choisir les termespax
l'étude du Langage.
4° Disposer les termes
par l'étude du Style.
(Invention.)
(Disposition.
(Ëlocution.)
On remarquera que nous indiquons dans ce ta-
bleau quatre parties et non pas trois comme le fait
la rhétorique des anciens. Ce n'est pas seulement
pour maintenir le parallélisme entre les deux gran-
dies études corrélatives, celle du fond et celle de
la forme ; c'est parce que nous avons en vue, non
pas un enseignement quelconque, mais l'enseigne-
ment primaire. Là, en effet, il est nécessaire d'in-
sister plus qu'ailleurs sur l'étude du langage ou
de la diction proprement dite,, c'est-à-dire sur le
choix des termes, sur les règles, les lois et les usa-
ges de la bonne langue. Non seulement nos élèves
ont souvent à désapprendre le patois pour appren-
dre le français, mais ils ont presque tons d'abord
à désapprendre certaines façons de parler rudes,
grossières, triviales, restes non sans saveur de la
vieille langue populaire, ensuite à se défendre
d'un certain vocabulaire prétentieux et banal que
leur présente parfois la petite presse, enfin à se
familiariser avec les termes simples, avec les tours
naturels, avec les formes correctes, avec le vrai
français des bons auteurs.
De là notre troisième paragraphe, qui peut être
à peu près inutile à des enfants élevés dans une
société très cultivée, au sein d'une famille où ils
n'entendront que bon et beau langage, mais qui
est indispensable aux enfants de nos populations
rurales et ouvrières, qui parleront la langue de
l'atelier, de l'auberge ou de la foire, s'ils n'en ap-
prennent pas une autre à l'école.
Règles relatives aux différentes parties de la
coi7ipositio?i. — Reprenons ces quatre grands cha-
pitres et indiquons très succinctement sur chacun
d'eux les règles que l'école normale et l'école pri-
maire devront développer beaucoup plus par la
pratique que par la théorie.
I. Règles de l'Invention ou étude du sujet. —
Elles se réduisent à une seule : se pénétrer de
l'idée ou des idées, du sentiment ou des sentim.ents
qu'on va exposer; ct)ncevoir nettement ce qu'on
veut dire, ce qu'on doit dire, s'assurer qu'on ne
va pas parler dans le vide :
« Avant donc que d'écrire, apprenez à penser. »
Bien entendu, le sujet varie suivant les genres df,
composition : tantôt il est tout trouvé et fixé d'avance,
tantôt il est complexe, multiple, variable et élasti-
que, comme dans une lettre familière par exemple.
Tantôt il demande une certaine suite de raisonne-
ments, comme dans une pétition, un mémoire, un
plaidoyer ; tantôt il consiste dans un exposé de faits,
un récit, une narration, un témoignage en justice,
une relation de voyage.
Dans tous ces exemples, que l'on compose
une œuvre d'imagination, que l'on rédige un sim-
ple résumé, que l'on écrive une lettre d'affaires ou
une lettre d'amitié, on ne fera rien de bien qu'à
la condition d'avoir réfléchi avant de parler. Les mots
manquent toujours moins que les idées. Cette pre-
mière a méditation du sujet » est ce qu'on a le plus
de peine à obtenir des enfants et des jeunes gens.
A peine ont-iis saisi une face du sujet à traiter
qu'ils se précipitent sur la plume, aussi ne tardent-
ils pas à rester court. Il sera facile de les amener
à le remarquer d'eux-mêmes et à se prendre pour
ainsi dire en flagrant délit d'étourderie.
Les anciens appelaient cette première partie de
la composition « l'invention », c'est-à-dire l'art de
trouver ce qu'on dira. Ils appelaient la seconde
« disposition », c'est-à-dire l'art de le disposer et
de le présenter en un ordre convenable.
II. Règles de la Disposition ou étude du plan. —
Quand on sait bien les vérités ou les faits, les idées
ouïes sentiments qui doivent former pour ainsi dire la
substance du sujet à traiter, il reste à se tracer un
plan. Il faut savoir par où commencer, par où con-
tinuer, par où finir; car il n'est pas indifférent de
suivre un ordre ou un autre. S'agit-il de /àits ?
Il faut non seulement qu'ils s'enchaînent chronologi-
quement, mais encore qu'ils s'expliquent en quel-
que sorte les uns les autres. S'agit-il de raisonne-
ments? Il faut que les arguments se prêtent une
force mutuelle, que dès l'entrée en matière, le lec-
teur se sente prévenu en votre faveur, que les
raisons les plus naturelles, les plus accessibles se
COMPOSITION
— 476 —
COMPTABILITÉ
présentent les premières, que les dernières le frap-
pent d'une impression plus forte encore, s'il est possi-
ble, que l'encliaînement du discours tout entier laisse
son esprit convaincu, sa raison éclairée, et s'il y a
lieu son cœur ému. Au lieu d'une œuvre de logique
et de démonstration, n'avez-vous qu'à donner cours
aune causerie familière, à un simple récit? Suivez la
marche qu'indiquent les associations d'idées les plus
naturelles, comme il arrive dans la conversation;
que rien ne sente l'apprêt, que les développements
naissent en quelque sorte d'eux-mêmes sous votre
plume : ici le comble de l'ordre est non pas le dé-
sordre, mais l'absence d'un ordre factice et rigou-
reux. Le plan qui conviendrait à un discours n'est
pas bon pour une narration, celui d'une disserta-
tion ne vaudrait rien pour une lettre.
III. Règles de VElondion ou étude de la lan-
gue et du style. — Avoir de bonnes idées, les
bien coordonner, ce serait tout l'art d'écrire, s'il
n'était parfois si difficile de trouver le mot juste,
de construire correctement la phrase, d'exprimer
bien ce qu'on a bien conçu. Pour les enfants et
même pour les adultes des classes laborieuses, le
choix des mots, des formes grammaticales ne se
fait pas sans effort, sans réflexion ; à plus forte
raison la recherche des qualités du style propre-
ment dit, du ton et du mouvement convenable, de
la clarté, de la précision, de la vivacité élégante
et brève, de l'harmonie ou de la vigueur, de l'éclat
ou de la grâce du discours est-elle pour eux une
étude difficile et délicate, qu'il ne faut leur faire
aborder qu'avec beaucoup de réserve. — V. Style.
L'important, au point de vue populaire qui
nous préoccupe, c'est moins le style que la compo-
sition, car il n'est pas donné à tous de prétendre
au style et tous ont besoin de savoir s'exprimer.
Exercices de compositiox. — Tous les degrés de
l'école primaire comportent certains exercices de
composition.
Degré élémentaire. — Premiers exercices :
1° Petites phrases à compléter ou même à faire
en entier comme dans les excellents exercices
d'invention que Larousse a popularisés en gram-
maire;
2° Questions posées et auxquelles l'élève doit
répondre d'après son sentiment : ces questions
forment, sans qu'il s'en doute, comme le canevas
de la composition et l'habituent à procéder par
ordre ;
3" Epithètes à trouver, à opposer l'une à l'autre,
à varier, à graduer, à expliquer ; synonymes et an-
tonymes ;
4" Propositions données sous la forme détachée
et que l'élève doit réunir en une seule phrase ;
ô" Petites descriptions faites au moment même
où l'impression a toute sa vivacité, appel aux sou-
venirs et aux idées de tous les élèves, et réunion
de ces matériaux en quelques phrases simples et
justes rédigées en quelque sorte sous leur dictée
au tableau noir.
Degré intermédiaire. — 1" Piépétition des mêmes
exercices sur des exemples plus complexes ;
2" Piésumé d'une lecture, d'un entretien avec
le maître, d'une leçon intéressante;
3° Description libre d'une image qu'on a mise
sous les yeux des élèves ;
4° Narrations très simples toujours sur un sujet
vrai et bien connu des enfants ;
5° Lettres roulant sur des faits réels, sur quel-
ques détails empruntés à la vie de l'école ou de la
famille.
Degré supérieur. — 1" Continuation des mêmes
exercices ;
2° Correction et critique du devoir d'un élève
par un autre élève ;
3° Lettres et narrations fictives, les unes sur des
sujets d'agrément, les autres sur des thèmes sé-
rieux et des questions d'afl'aires ;
4" Petites compositions d'un caractère didacti-
que, telles que dissertations, avis motivés, juge-
ments sur des personnages historiques, réflexions
sur des lectures, sur des points de doctrine ou de
fait controversés;
.S" Sujets choisis par les élèves et traités sans
indications, puis corriges par le maître avec le
concours de différents élèves, ayant chacun à l'exa-
miner à l'un des trois points de vue : sujet, plan,
style.
6° Exercices littéraires de divers genres (V. Ana-
lyse littéraire).
COMPIABILITÉ. — Nous n'avons pu songer à
donner, dans ce Dictionnaire, un cours complet de
comptabilité, avec les exercices spéciaux et les
nombreux tableaux qu'exigeraitcet enseignement.
Nous nous bornons h donner à l'article Tenue
des livres (V. au Supplément) les définitions et
les notions fondamentales de la science du comp-
table, avec des modèles de tenue des livres en
partie simple et en partie double.
Pour la place à faire à l'enseignement de la
comptabilité dans l'école primaire, voyez notre
article Comptabilité dans la V Partie.
COMPTABILITÉ AGRICOLK, — Agriculture.
X.VII. — La comptabilité a pour but de permet-
tre aux agriculteurs de se rendre compte de
leurs opérations culturales, d'établir avec préci-
sion les pertes et les bénéfices qui en résultent,
en un mot, de connaître à la fin de chaque année
leur situation financière exacte. L'agriculteur qui
n'inscrit pas sur des livres spéciaux les diverses
opérations ou les travaux auxquels il se livre, les
dépenses et les achats qu'il fait, le mouvement de
son bétail, etc., ne peut connaître que d'une ma-
nière tout à fait approximative les résultats de la
conduite de sa ferme, et il lui est impossible de
se rendre compte réellement de ses bénéfices ou
de ses pertes quand il en éprouve.
Pendant longtemps, l'agriculteur n'a pas connu
d'autre comptabilité que celle qui consiste à ins-
crire sur un livre unique, ou sur deux livres dis-
tincts, les recettes et les dépenses, au fur et à
mesure qu'elles se produisaient ; cette méthode
est encore employée dans la grande majorité des
exploitations rurales. Mais lorsque les hommes de
progrès commencèrent à rechercher les lois qui
régissent la production agricole, ils eurent la pen-
sée qu'une comptabilité détaillée, faite avec soin,
serait le meilleur guide pour dégager ces lois
de la complexité des opérations culturales. On es-
saya tout naturellement d'adapter à l'agriculture la
comptabilité en partie double, qui a rendu et qui
rend encore de si grands services à. l'industrie et
au commerce. Difl'érents systèmes ont été ainsi
proposés. Ils consistent, avec quelques modifica-
tions de détail, à ouvrir des comptes à chacune
des opérations de la culture, en supposant des
transactions effectuées entre elles, et à déterminer
la valeur de chacune de ces opérations par la
perte ou le gain résultant de ces transactions.
La comptabilité ainsi comprise répond-elle aux
besoins de l'agriculture ; donne-t-elle, dans une
ferme, à la fin de chaque année, le bilan exact de
la situation du cultivateur; en un mot, est-elle le
miroir fidèle de la valeur de son système de cul-
ture"? De nombreuses discussions ont été soule-
vées h. ce sujet entre les hommes les plus autori-
sés, les uns partisans de cette méthode, les autres
essayant de prouver qu'elle est non seulement
trop compliquée pour la plupart des agriculteurs,
mais encore sujette à induire l'agriculteur dans
des erreurs fatales. Quoi qu'il en soit de cette dis-
cussion, il est aujourd'hui démontré que la compta-
bilité en partie double, qui peut rendre de grands
services en agriculture, h. la condition qu'on ne
fasse pas de comptes factices et qu'on n'y intro-
duise pas d'évalutions arbitraires, ne peut être
COMPTABILITE
— 477
COMPTABILITE
adoptée que dans les grandes exploitations, où un
homme spécial peut être attaché, pendant une
partie de son temps, à la tenue des li^Tes. Dans la
plus grande partie des fermes et surtout chez les
petits cultivateurs, il faut adopter une comptabi-
lité plus simple, qui tout en ne demandant que peu
de temps au fermier ou au métayer, présente l'a-
vantage de condenser tous les faits qui se produi-
sent dans la production agricole.
La base de la comptabilité est Yinventaire an-
nuel. On donne ce nom à l'inscription Sw^ un li-
vre spécial de tout ce que possède le curiivateur
en estimant chaque chose à sa véritable valeur.
L'inventaire se fait, soit à la date correspondant,
chaque année, à l'entrée en ferme, soit à la fin de
décembre ou au commencement de janvier. Cette
dernière époque présente un avantage, c'est qu'a-
lors les travaux sont moins urgenis, et laissent
plus de liberté au cultivateur ; en outre, elle clôt
l'année qui s'achève et ouvre celle qui commence.
L'inventaire doit comprendre à la fois le capital
du cultivateur sous ses diverses formes, et les pro-
duits de la ferme existant en magasin dans la
ferme. Il devra donc renfermer, sous différents
chapitres, les diverses parties de ce capital et de
ces produits. Leur ensemble forme l'actif ou l'avoir
du cultivateur. Mais celui-ci peut avoir des dettes,
des comptes avec quelques fournisseurs ; l'ensem-
ble de ce qu'il doit formera un dei-nier chapitre
consacré à son passif. La différence entre l'actif et
le passif représente exactement sa situation de for-
tune.
Les divisions de l'inventaire devront donc com-
prendre les chapitres suivants : 1° mobilier du
ménage; 2° mobilier de la culture, outils, instru-
ments et machines, harnais, voitures, mobilier d'é-
table, etc. ; 3° bétail : chevaux, bœufs et vaches,
moutons, porcs, animaux de basse-cour ; 4° récol-
tes en magasin, céréales en gerbe, grains battus,
pailles, fourrages, racines, plantes de toute na-
ture; 5° fumiers, engrais commerciaux en maga-
sin ; 6° argent en caisse ; 7° créances, c'est-à-dire
sommes dues au cultivateur. Parmi tous ces cha-
pitres, il en est quelques-uns qui ne présentent
aucune difficulté ; tels sont ceux relatifs à l'argent
en caisse, aux créances ou aux dettes ; ce sont là
des faits simples, qu'il suffit de consigner. Il en
est autrement des autres chapitres de l'inventaire.
Sans doute, on compte facilement les objets de
mobilier, les charrues, les herses, les têtes de bé-
tail, etc. ; mais il est plus délicat d'en établir la va-
leur. Les meubles et les instruments s'usent par
l'usage, les animaux domestiques changent de va-
leur d'une manière à peu près continue. Le culti-
vateur doit ici éviter l'écueil de faire des estima-
tions exagérées, qui le tromperaient sur sa
situation réelle. La valeur d'achat du mobilier,
par exemple, ne doit être portée tout entière à
l'inventaire que l'année même de l'achat; chaque
année suivante, cette valeur doit être diminuée
d'un quantième qui varie suivant la rapidité de
l'usure, et qui permet d'amortir la dépense d'a-
chat dans un temps plus ou moins long. Il en est
de môme des outils et des instruments de cul-
ture ; l'amortissement doit être d'autant plus ra-
pide que l'instrument, par sa nature et ses usages,
est sujet à durer moins de temps.
En ce qui concerne les récoltes en magasin, des
observations analogues doivent être présentées.
La valeur pécuniaire des récoltes ne peut pas être
appréciée d'une manière absolue ; elle dépend de
la variation des cours sur les marchés. Il est donc
prudent de ne l'estimer qu'au-dessous du cours,
au moment de l'inventaire. En suivant cette règle
sage, le cultivateur n'a rien à craindre, la plus-
value que la vente peut lui donner se traduisant
ensuite par un excédant d'argent en caisse après
la vente. Au contraire, s'il faisait une estimation
trop élevée, cette erreur aurait pour conséquence
de cacher à ses yeux la réalité des choses ; il
pourrait se croire plus riche qu'il ne l'est en
réalité, et être amené à des dépenses qui seraient
au-dessus de ses ressources réelles.
L'inventaire, fait avec soin, sert de base à l'ou-
verture des autres livres. Ceux-ci doivent être
constamment tenus au courant de toutes les opé-
rations qui s'y rapportent. Les principaux livres
que doit renfermer une ferme sont : 1° le livre de
caisse ; 2° le livre de magasin ; 3° le livre du bé-
tail ; 4° le livre de la ménagère.
Le livre de caisse est destiné à inscrire tous les
mouvements de fonds, recettes et dépenses, qui
s'exécutent dans la ferme. Il est naturellement
disposé en deux parties : l'une consacrée aux re-
cettes, l'autre aux dépenses. Le plus souvent, le
recto des feuillets du livre reçoit exclusivement les
dépenses ; sur le verso, on inscrit les recettes. M. Du-
bost a donné un excellent modèle délivre de caisse
dont les principales dispositions vont être repro-
duites. Un livre de caisse n'a que trois colonnes
rigoureusement indispensables, soit pour .les re-
cettes, soit pour les dépenses : l'une destinée à in-
diquer la date de l'entrée ou de la sortie du numé-
raire ; l'autre les motifs de l'entrée ou de la sortie ;
la troisième enfin, la somme reçue ou dépensée.
Mais il est utile d'introduire une classification dans
les dépenses et les recettes. Les recettes se divi-
sent en deux grandes subdivisions : celles qui ont
pour origine le bétail ou ses produits, celles qui
proviennent de la culture ou des plantes cultivées.
On doit y ajouter les recettes diverses, venant
d'anciennes créances, de vente de vieux maté-
riel, etc. Les sommes reçues s'inscriront donc deux
fois : une fois dans la colonne générale des re-
cettes; une seconde fois, dans l'une des trois
colonnes ayant pour but de classer l'origine des
rentrées d'argent. — De même aussi, les dépen-
ses ont des causes diverses. Ces causes peuvent
être rangées en cinq classes: salaires et main-
d'œuvre, mobilier et entretien des bâtiments,
achat de bétail, achat de semences et d'engrais,
dépenses diverses comprenant le fermage, les im-
pôts, les dépenses de la maison, les voyages^ etc.
Il faudra donc faire autant de colonnes sur les
pages affectées à recevoir les dépenses. Celles-ci
seront, comme les recettes, inscrites deux fois,
dans la colonne générale des dépenses, et dans
la colonne spéciale indiquant la cause de la dé-
pense. Ce modèle a été adopté dans beaucoup de
fermes.
Le livre de caisse doit être vérifié, à la fin
de chaque page du livre, et d'une manière géné-
rale chaque quinzaine ou au moins chaque mois.
De la comparaison de l'argent en caisse, et du ré-
sultat donné par la vérification des écritures, le
cultivateur constate s'il a bien réelieiiient inscrit
toutes ses dépenses et toutes ses recettes.. L'ins-
cription des mouvements de caisse n'exige d'ail-
leurs que quelques minutes de travail quotidien.
Le livre de magasm est celui sur lequel sont
consignés tous les mouvements des denrées pro-
duites dans la ferme ou des matières diverses qui
y sont introduites par achat. La forme de ce livre
peut être des plus simples. Il contiendra autant
de divisions que la culture comporte de produits :
céréales diverses (une division pour chacune), blé,
orge, seigle, avoine, maïs, sarrasin; racines et tuber-
cules, betteraves, pommes de terre ; plantes textiles
ou oléagineuses, chanvre. Un, colza; fourrages, foin
de prairie, trèfle, luzerne, sainfoin ; plantes légu-
mineuses, haricots, fèves; graines de semences; —
puis d'autres divisions pour les denrées achetées,
les engrais, les amendements, etc. Chacune des
divisions devra comprendre deux colonnes : l'une
où sont inscrites à leur date les denrées entrées en
magasin ; l'autre consacrée aux quantités qui sont
COMPTABILITE
— 478 —
CONCILES
■vendues ou qui sont employées. Pour les denrées
qui subissent des transformations dans la ferme,
le chapitre qui les contient doit renfermer plu-
sieurs subdivisions. C'est ainsi que, pour leblc, par
exemple, il 4evra y avoir deux colonnes pour
l'entrée et la sortie des gerbes, deux autres pour
l'entrée du grain battu et sa sortie, deux autres
enfin pour la paille. Outre la date des sorties, pour
chacune des denrées, le livre de magasin doit
renfermer une courte indication sur la destination
qu'elles ont reçue, si elles ont été portées au
marché, ou si elles ont été consommées dans la
ferme, et dans ce dernier cas, par qui cette con-
sommation a été faite. Outre qu'il permet de se
rendre compte de la quantité des récoltes, aussi
bien que de Jour nature, le livre de magasin, quand
il est bien tenu, a encore l'avantage de permettre
au cultivateur de suivre le mouvement de la con-
sommation de sa ferme, de faire distinguer ce qui
est consommé par la bergerie, l'écurie, l'étable, et
de faire apprécier les ressources nécessaires pour
chacune de ces parties de l'exploitation.
Le livre du bétail doit être tenu de la même
manière que le précédent. Il est destiné à enre-
gistrer tous les mouvements des animaux domes-
tiques. Il sera divisé en autant de parties que
l'on compte d'espèces d'animaux employés dans la
ferme : espèce chevaline, espèce bovine, espèce
ovine, espèce porcine. Pour les animaux de l'es-
pèce bovine, il sera utile de faire une distinc-
tion entre les animaux de travail et ceux de vente.
Dans chacune des parties, cinq colonnes doivent
être tracées. Dans la première, on inscrit le nom
de l'animal ou sa spécification, dans la deuxième
colonne on met la date de l'entrée dans la ferme,
dans la troisième la date et la cause de la sortie,
rente, abattage, etc., dans la quatrième les dates
des saillies, dans la cinquième les dates des mises
bas. De cette manière, on peut très rapidement
suivre un animal dès son entrée dans la ferme,
jusqu'au moment où il en sort. Pour les troupeaux
d'engraissement qui sont parfois assez nombreux,
on peut sans inconvénient remplacer par des indi-
cations sur des lots les spécifications qui vien-
nent d'être indiquées pour les individus. Aujour-
dliui que la plupart des chevaux de ferme sont
immatriculés pour le service militaire, l'agriculteur
trouvera avantage à reproduire, pour chacun de
ses chevaux, sur son livre, les indications qu'il
doit donner aux commissions militaires d'exa-
men.
Le dernier livre est celui de la méîiagère. Le
rôle de la femme dans une ferme est multiple.
C'est elle qui a la direction de la maison, qui
surveille la laiterie, qui dirige la basse-cour. Elle
aura donc un livre spécial divisé en plusieurs
parties. La première partie sera un véritable livre
de caisse sur lequel elle inscrira ses dépenses et
ses recettes. Le résumé de ce livre devra être
transcrit, à des époques déterminées, sur le livre
de caisse de la ferme. Dans la deuxième partie,
elle inscrira la production de la laiterie, la fabri-
cation du beurre, sa consommation et sa vente, la
fabrication et la destination des fromages. C'est
par une double colonne d'entrée et de sortie que
ces opérations seront consignées. Enfin la troisième
partie renfermera des renseignements analogues
sur le mouvement de la basse-cour, sur la produc-
tion, la consommation et la vente des œufs. Pour
ce livre, aussi bien que pour ceux du cultivateur,
il ne faut que très peu de travail pour inscrire ce
qui est relatif à chaque journée.
La comptabilité, telle qu'elle vient d'être décrite,
n'offre aucune difficulté sérieuse dans une exploi-
tation. Elle met en lumière l'ensemble et le détail
des produits fabriqués dans la ferme ; elle est
pour le cultivateur un guide qui lui permettra
de juger les diverses parties de son système de
culture. La cause des bénéfices, celle des pertes,
peuvi.'iit être ainsi mises au jour; on peut prendre
des mesures pour arrêter celles-ci ou pour augmen-
ter ceux-là. Au contraire, le cultivateur qui n'a pas
de comptabilité marche en aveugle; ce n'est que
très approximativement qu'il peut se rendre compte
de sa situation, et surtout il lui est souvent impos-
sible d'expliquer pourquoi ..celle-ci aug'nente ou
pourquoi elle diminue. En créant des primes pour
les fermes dans lesquelles la comptabilité est bien
faite, un grand nombre d'associations agricoles ont
organisé un des systèmes de concours qui doit
porter le plus de fruits. [Henry Sagnier.]
(Ouvrages à consulter : Le livre de la ferme
et des maisons de campagne. — Comptabilité de
la ferme, par Dubost.)
^CO^iCHYLIOLOGIli. — Zoologie, XXVIIL —
(Étym. : Science des coquillages). Partie de
l'histoire naturelle qui traite des coquilles. Autre-
fois on classait les mollusques d'après la forme et
les particularités de leur enveloppe testacée; mais
depuis Cuvier, ce sont surtout les caractères anato-
miques que la science considère : l'étude des
coquilles ne se sépare plus de celle de l'animal.
V. Mollusques.
.CONCILES. —Histoire générale, XXIX-XL. —
{Étym. : du latin concilium, assemblée). — Un con-
cile est une assemblée d'ecclésiastiques convoqués
pour régler ce qui concerne la foi, les mœurs et la
discipline ecclésiastique.
Quoique les conciles fussent en usage bien
avant Constantin, c'est seulement à partir du rè-
gne de cet empereur que ces assemblées, sortes
d'États généraux catholiques , acquièrent une
grande importance historique.
Les conciles sont généraux ou particuliers.
Généraux, ou œcuméniques, quand ils représen-
tent l'Église universelle;
Particuliers, s'ils en représentent seulement une
partie, et l'on a alors :
1° Des conciles nationaux, qui sont une assemblée
des archevêques et évoques d'un royaume ou d'une
nation, présidée par un patriarche ou un primat:
ainsi la plupart des conciles de Tolède, de Car-
thage, d'Orléans, etc. ;
2" Des conciles provinciaux, composés des évè-
ques d'une province ecclésiastique, sous la prési-
dence de l'archevêque ou métropolitain ;
3" Des conciles ou synodes diocésains, assem-
blée des cuiés du diocèse, présidés par l'évêque.
Les conciles œcuméniques sont les seuls dont
nous ayons à parler. L'église en compte dix-neuf:
325. Concile de Nicée, convoqué et présidé à Ni-
cée, en Bithynie, par l'empereur Constantin. Trois
cent dix-huit évêques venus de tous les pays de
l'Empire se trouvent réunis et condamnent la doc-
trine enseignée par un prêtre d'Alexandrie nommé
Arius. Cette doctrine, qui eut de nombreux par-
tisans avant et après Arius, était contraire au
dogme de la Trinité, en ce qu'elle niait que le Fils
fût égal au Père et ne voyait en Jésus-Christ que
la première des créatures de Dieu, h'arianisme
fut énergiquement combattu par Athanase, pa-
triarche d'Alexandrie. Arius fut anathématisé et
exilé. Le concile dressa ensuite le symbole de Nicée^
dit symbole dei opotres.
Mais dans les années suivantes, les empereurs
qui se succédèrent sur le trône ayant tour à tour
pris parti les uns pour, les autres contre la foi
orthodoxe, les prêtres ariens et les prêtres ortho-
doxes furent, tour à tour, persécuteurs et persé-
cutés ; différents conciles particuliers se pronon-
cèrent pour l'une ou pour l'autre doctrine
381. 1" concile de Constaitinople, convoqué par
Théodose pour condamner deux conciles qui, en
309, s'étaient tenus à Rimini et à Séleucie et
avaient pris des décisions contraires à celles du
concile de Mcée.
GOiNCORDAT
— 479 — CONCOURS CANTONAUX
431. Concile d'Ephèse, convoqué par l'empereur
Théodose. Ce concile, composé de deux cents évê-
ques et présidé par saint Cj'rille, condamne, ana-
iJiématise et dépose le patriarche d'Alexandrie. Xes-
torius, accusé de prêcher une doctrine contraire
ai', mystère de l'Incarnation.
451. Concile de Chalcédoine, sous l'empereur
.Marcien:ilcundamne l'hérésie d'Eutychès ; débat
entre les sièges de Rome et de Constantinople, qui
fut comme l'origine du schisme d'Orient.
55-3. -J.' concile de Constantiiiople, convoqué par
Justinicn. 11 confirme les déclarations des quatre
grands conciles précédents.
080. 3= Concile de Constantiriople. L'empereur
Constantin III le présida, ayant à sa droite les
patriarches de Constantinople et d'Antioche et à
sa gauche les députés de Rome. On y condamna
la secte des monothélites, à laquelle avait appar-
tenu le pape Honorius l".
787. Nouveau concile de Nicée, convoqué sous le
règne de l'impératrice Irène ; il condamne les ico-
noclastes (briseurs d'images).
869. 4' concile de Constantinople, qui confirme
le précédent et de plus condamne le patriarche
de Constantinople, Photius.
1122. 1" concile de Lutran, tenu dans l'église
de Saint-Jean de Latran, à Rome, présidé par le
pape Calixte XI. On y discute sur la question dite
des investitures.
1139. 2« concile de Latran.
1179 et 1215. 3* et 4^ conciles de Latran.
1245. V concile de Lyon, sous le pape Inno-
cent IV : excommunication de l'empereur Frédé-
ric II.
1274. 2^ concile de Lyon : il n'a pour but que de
régler certains points de discipline et de travail-
ler à la réforme des mœurs et de quelques abus :
il fut présidé par le pape Grégoire X.
1311. Concile de Vienne, en Dauphiné, qui, sous
le pontificat de Clément V, prononce l'abolition de
l'ordre des Templiers.
1414. Concile de Constance. Il dure quatre
années, et met fin au schisme d'Occident en dé-
posant Jean XXIII et Benoit XiII et en nommant
Martin V ; il condamne l'hérésie d-; Jean Huss et de
Jérôme de Prague qui furent brûlés vifs (1415 et
141G).Jean Gerson, chancelier de l'Université de
Paris et l'auteur présumé de ï Imitation de Jésus-
Christ, accompagné de l'archevêque de Cambrai,
Pierre d'Ailly, y représentait le clergé français.
1431. Grand concile de Bàle, où l'on dépose le
pape Eugène IV.
1545. Concile de Trente : il se prolongea dix ans,
et eut pour objet principal de fixer le dogme de
l'église catholique et de régler certains points de
discipline. La France reçut les décisions relatives
au dogme, mais rejeta les articles visant la disci-
pline, comme contraires aux libertés gallicanes.
1870. Co?icile du Vatican, qui proclame le dogme
de l'infaillibilité du pape. [Ch.-Fél, Durand. J
CONCORDAT. — Histoire générale XXXIX-XL ;
Histoire de France, XXXVIU-XL. — Nom donné
aux divers traités conclus entre le Saint-Siège et
le gouvernement d'uii État, pour déterminer la
part du pape et celle du gouvernement national
dans l'administration des affaires ecclésiastiques.
L'histoire du moyen âge offre un concordat fa-
meux, celui de Worms (1122), qui mit fin à la
longue querelle des investitures : il reconnaissait
au pape le droit de donner aux évoques et abbés
l'investiture ecclésiastique, par la crosse et l'an-
neau ; mais l'empereur se réservait l'investiture
par le sceptre, qui faisait de l'élu un prince tem-
porel vassal de l'empire.
Dans l'histoire de France, on rencontre deux
concordats :
1° Celui de 1516, conclu entre François I" et
le pape Léon X, et qui défit l'œuvre de la Prag-
matique sanction de Bourges. La Pragmatique
avait déclaré l'autorité des conciles supérieure à
celle des papes ; elle avait aboli les annales, ou
tribut que le Saint-Siège se faisait payer par les
bénéficiers nouvellement nommés ; et avait re-
connu aux chapitres le droit de libre élection aux
bénéfices. Le concordat rendit au pape les annates,
reconnut l'iniaillibilité du souverain pontife, et
donna en retour au roi de France le droit de nom-
mer aux bénéfices.
2° Celui de 1801, conclu entre le premier consul
Bonaparte et le pape Pie VII. H déclara le catho-
licisme « religion do la majorité des Français » ;
divisa la France en dix archevêchés et cinquante
évêchés ; accorda au premier consul la nomination
des prélats, mais en réservant au pape le droit de
leur donner l'institution canonique ; et consacra
définitivement la renonciation du clergé à son an-
cienne dotation territoriale, en échange d'un trai-
tement annuel payé par l'État. Ce sont les disposi-
tions du Concordat de 1801 qui régissent encore
aujourd'hui l'église catholique de France.
CONCOURS CANTONAUX. — Ces compositions
annuelles entre les écoles primaires d'un même
canton, qui avaient été instituées, à partir de 1S65,
dans un très grand nombre de départements, sous
le nom de co?2Coiir.y cantonaux {S . Concours can-
tonaux dans la l^e Partie), ont été implicitement
abolies par le règlement d'organisation pédago-
gique du 27juillet 1881. Nous donnons ci-dessous
deux spécimens complets de l'examen tel qu'il
existait en 1876, empruntésl'un à la France, l'autre
à la Belgique.
I. - ÉPREUVES DU CONCOURS CANTONAL DE LIÈGE
1876
Sept matières d'examen : catéchisme, histoire
sainte, dictée, questions de grammaire, rédaction ^
géographie, écriture.
Catéchisme.
1° a. Combien de personnes y a-t-il en Dieu?
6. Combien y en a-t-il en Jésus-Christ?
c. Pourquoi Jésus-Christ a-t-il dû être Dieu et
homme pour être notre Rédempteur ?
d. Écrivez les paroles de l'acte de foi que ren-
ferme le mystère de l'Incarnation?
2° a. Quand et pourquoi Jésus-Christ a-t-il ins-
titué le Sacrement d'Eucharistie?
b. Qu'est-ce que communier ?
c. Quels sont les fruits d'une bonne commu-
nion?
Histoire sainte*
1° a. Nommez les quatre fêtes établies par
Dieu pour les Hébreux.
b. Dites en mémoire de quoi elles furent ins-
tituées.
2° Dites : 1° La ville dans laquelle est né le
Sauveur du monde ; 2" où il fut porté quarante
jours après sa naissance ; 3° où il dut fuir aussitôt
après ; 4° où il passa ensuite sa vie jusqu'à trente
ans ; 5° ce qu'il fit dans le désert après son
baptême ; 6° quand il fit son premier miracle ;
7° ce qu'il dit sur la croix pour ses bourreaux ;
8° ce qu'il y dit à sa mère ; 9° et enfin sa dernière
parole
Dictée (10 points).
Le FORGERON'. — H y a quelque temps, mon père
passant, vers minuit, devant l'atelier de Thomas,
pauvre (1) forgeron (2) de notre village, entendit
les coups redoublés de l'enclume. Il entra, voulant
savoir i3j le motif qui le retenait ainsi à l'ouvrage
jusqu'au milieu de la nuit. « Ce n'est pas pour
moi que je travaille, dit le forgeron; c'est pour
pierre, mon voism : le malheureux a été incendié.
CONCOURS CANTONAUX
480
CONCOURS CANTONAUX
il est sw la paille (4) avec ses enfants. Je me
lève (G) deux heures plus tôt (5), je me couche
deux heures plus tard, cela fait deux journées par
semaine àont je puis céder (6) le produit : ce n'est
que quelques coups de marteau de plus à donner.
Si je possédais (6) quelque chose, je le partagerais
avec lui ; mais je n'ai que mon enclume. Dieu
merci, la besogne ne manque pas dans cette sai-
son, et quand on a des bras, il faut bien les faire
servir à secourir son prochain ». — « C'est fort bien,
répondit mon père, mais croyez-vous que votre
voisin Pierre sera jamais en état de vous rendre
ce que vous lui donnez ? » — « Oh ! peut-être
bien que non, je le crains plus pour lui que pour
moi; mais que voulez-vous? Chaque jour apporte
son pain ; au total, je n'en serai pas plus pauvre,
et ses malheureux enfants ne seront pas morts
de faim. Il faut bien s'aider l'un l'autre (7) ; si c'é-
tait ma maison qui eût brûlé 18), je serais bien
aise qu'il en fit autant pour moi. » (Th. Barrau.)
Questions sur te texte de la dictée (10 points) .
1. Pauvre. Formez au moj'en de ce mot un verbe
■et un adverbe, et construisez deux phrases dans
lesquelles vous emploierez les dérivés que vous
aurez trouvés. Dans la première phrase, vous fe-
rez entrer le verbe, dans la seconde l'adverbe
(2P-).
2. Forgeron. Quel est le verbe qui sert à former
ce nom? Construisez une phrase dans laquelle ce
verbe sera employé à l'imparfait de l'indicatif (i p.)
3. Savoir. Donnez les temps primitifs de ce
verbe (1 point).
4. // est sur la paille. Remplacez cette expres-
sion par une autre équivalente (1 p.),
5. Je me lève deux lieures plus tôt. Justifiez l'or-
thographe de plus tôt dans cette phrase (1 point).
6. Je me lève, Je puis céder, si je possédais.
Quel accent mettez-vous sur l'e qui précède la
terminaison de chacun de ces verbes ? Dites- en
la raison (1 p.).
7. S'aider l'un l'autre. Quelle différence y a-t-il
entre l'un l'autre et l'un et l'autre ? Employez ces
expressions dans deux phrases à votre choix (2 p.i
8. Qui eût brûlé. Justifiez l'emploi du mode et
du temps de ce verbe (1 p.).
Rédaction, — Lettre (30 points).
Racontez à un ami qu'à la distribution des prix
de votre école vous avez reçu votre récompense
dos mains de votre grand-père. Émotion de ce
digne vieillard ; bonheur de vos parents. Bonne
résolution pour l'avenir.
(L'étendue de la lettre devra être de 25 lignes
environ).
Géographie {Ib points).
1. Tracez la carte de la Flandre occidentale en y
indiquant : 1° les limites; 2" la direction de deux
cours d'eau et de quatre canaux ; 3° la situation
des villes principales et 4° les cliemins de fer qui
aboutissent au chef- lieu de la province (7 points).
2. Faites connaître, en outre, l'aspect général de
cette province ainsi que ses productions naturel-
les et ses principales industries (4 p.).
3. Nommez les pays baignés par la mer du
Nord, les capitales de ces pays, et, s'il y a lieu, les
fleuves sur lesquels celles-ci sont situées (4 p.).
Calligraphie (20 points).
Écrivez, en reproduisant la phrase suivante, une
ligne en gros, deux lignes en moyen, et trois li-
gnes en fin :
« La parole est sans -ioute le plus grand avan-
« tage qui ait été réser é à l'homme, mais l'écri-
« ture nous en a procuré un qui n'est guère moins
« précieux, celui de transmettre aux absents
« l'expression de nos sentiments divers, d'entrer
« avec eux en communication de pensées, d'inté-
« rôts, d'affections. »
Ajoutez l'alphabet des lettres majuscules et les
chiffres.
II. — ÉPREUVES DU CONCOURS CANTONAL DU DÉPAR-
TEMENT DE SEINE-ET-MARNE, 1876-1877.
Nous donnons les sujets de la )" et de la 2* ca-
tégorie.
2« catégorie {élèves de 12 à 13 ans).
1" épreuve : dictée.
Le besoin et la satisfaction. — Pourquoi
l'homme travaille-t-il? Pour satisfaire ses besoins,
dont le plus impérieux est de vivre. Tous les êtres
animés possèdent l'instinct de la conservation, et
tous emploient la plus grande partie de leurs for-
ces et de leur temps à le satisfaire en pourvoyant
à leur subsistance, depuis l'araignée qui tisse sa
toile et attend le moucheron, jusqu'à l'hirondelle
qui poursuit et happe l'insecte au vol, depuis la
biche qui va cherchant les meilleurs pâturages de
la forêt en tondant l'herbe et les jeunes pousses,
jusqu'au lion qui rode et s'apprête à surprendre
sa proie. L'homme ne fait pas exception à cette
loi. Lui aussi, dans l'état sauvage * il guette sa
proie une partie du jour, et il va cherchant les
fruits et les racines de la forêt propres à le nour-
rir. Mais son intelligence supérieure lui apprend
qu'il peut, dans certaines limites, soumettre la na-
ture à sa volonté, et qu'il lui est plus profitable
d'employer son temps à produire lui-même, ou à
diriger la production des choses dont il a besoin,
qu'à récolter les choses que la nature produit
spontanément. Dès qu'il entre dans cette voie, la
civilisation commence, et les phénomènes écono-
miques se produisent. Or, il est bon de remarquer
qu'on n'a jamais vu de tribu de sauvages, tout
grossiers qu'ils étaient, qui ny fût déjà quelque
peu entrée.
2' épreuve : calcul.
Un fermier a acheté 35 800 kilog. de foin pour
nourrir 27 têtes de bétail pendant 168 jours d'hi-
ver. Après 42 jours de consommation, son bétail
s'accroît de trois têtes. Combien lui faudra-t-il en-
core acheter de foin s'il ne veut pas diminuer la
ration ?
On a creusé une cave ayant ISi^SS de longueur,
G^ÔO de largeur et 2'"70 de profondeur. Les dé-
blais ont été enlevés à la brouette à raison de 0'''15
le mètre cube, et le creusage a été payé 1"'40 le
mètre cube. Combien doit-on pour ce travail?
3' épreuve : histoire et géographie.
Racontez le règne de Louis XI depuis 1461 à
1483.
Tracez le réseau des chemins de fer de Seine-et-
Marne en partant de Paris et indiquez les principa-
les localités du département desservies par les li-
gnes, en donnant quelques détails géographiques
sur chacune de ces localités?
4*' épreuve : style.
N'ayons pas honte d'avouer nos fautes. — Paul,
jeune écolier, a apporté en classe des hannetons
qu'il a làcliés; grand tumulte parmi les élèves.
L'instituteur demande que le coupable se dénonce.
Paul n'ose pas le faire. Toute la classe est punie.
De retour chez lui, Paul écrit à son maître. Il se
reconnaît comme l'auteur du méfait. Il dit combien
CONDIMENTS
— 481
CONDIMENTS
il s'en repent et demande qu'on lui inflige une
forte punition, et qu'en même temps ses camara-
des soient exemptés de la punition générale dont
la classe a été frappée. Il promet qu'à l'avenir il
ne lui ardvera plus jamais, s'il a le malheur de
commettre quelque faute, de la dissimuler.
±" catégorie : élèves de 13 ans révolus.
Style. — Narration.
Le cerisier du grand Frédéric. — Frédéric II, roi
de Prusse, aimait passionnément les cerises. Aussi,
bien que le climat de la Prusse se prêtât mal à
cette culture, il ne négligeait rien pour faire pous-
ser des cerisiers dans son jardin de Potsdam.
Lorsque les arbres fm^^!nt en plein rapport, les
moineaux fondirent sur les fruits. Colère du roi,
qui leur fait faire une chasse d'extermination. Ré-
sultat contraire à ce qu'on attendait : les cerisiers
ne produisirent rien l'année suivante et même plu-
sieurs années de suite. Frédépic s'aperçoit de
l'utilité des moineaux, fait cesser la chasse et se
contente de placer des épouvantaiis.
A l'occasion de ce récit, on dimontrera la néces-
sité de protéger les oiseaux utiles.
Calcul.
I. — Une personne achète une maison. Elle paie
immédiatement pour frais de contrat et autres
14'''50 0/0 da prix principal. Au bout de 3 ans
6 mois, elle paie le prix principal et ses intérêts
à raison de 5 0/0 et elle se trouve ainsi avoir dé-
boursé en tout 20 658 francs. Quel était le prix
net de la maison?
II. — Le mille marin vaut une minute ou la soi-
xantième partie d'un degré. Combien de mètres
vaut- il?
III. — Déterminer : 1° le volume, 2° la valeur
d'une barre de fer pesant 104'^7468'', la densité
étant 7,788 et le quintal valant 78 francs?
CONDIMENTS. — Hygiène, IX. — On peut
regarder comme absolument synonymes les mots
condiment et assaisonnement : l'un et l'autre in-
diquent des substances que l'on emploie surtout
pouraugmenterla sapidité des aliments. Quelques-
uns n'agissent que sur l'appareil nerveux à titre
de stimulant : tels sont les aromates, les essen-
ces ; d'autres, comme le sel, remplissent en outre
des fonctions très importantes dans l'économie et
rentrent dans la catégorie des aliments. Le sucre,
l'huile, sont surtout des condiments alimentaires.
Les oondiments sont simples ou composés. Dans
la première classe on distingue des condiments
salins, acides, sulfureux, aromatiques, aromatico-
à-eres, sucrés et gras. Les condiments composés
peuvent varier à l'infini : citons seulement les
anchois, le saucisson, le caviar (œufs d'esturgeon
marines), la moutarde, les sauces en flacons.
Condiments salins. — Le tjT)e est le sel commun,
substance qui existe naturellement dans tout notre
corps et dont le sang contient une quantité nota-
ble. Il est indispensable à la santé, et l'on estime
qu'un homme se livrant à des travaux manuels a
besoin d'en absorber de 15 à 30 grammes par jour,
pour remplacer celui qu'il perd dans le même
temps. C'est le plus simple et le plus répandu
des coEdiments, le seul indispensable. Il rend di-
gestibles beaucoup d'aliments qui sans lui se-
raient en partie réfraci aires.
Il semble que le sel joue un rôle important dans
la formation des globules du sang, car sa priva-
tion rend promptement anémique. S'il se trouve
en excès dans l'économie, on en est averti par la
soif et l'irritation de la gorge : il est bon alors de
boire une astez grande quantité d'eau pour le di-
luer et en provoquer la prompte élimination.
Dans les villes on emploie le sel blanc de préfé-
2' Partie.
rence au sel gris, cependant celui-ci est plus sa-
lubre, en raison même de son impuretéi Le sel
gris contient, en effet, de 2 à 7 pour 100 de sels
de chaux et de magnésie, entre autres des bro-
mures, des indurés, unis au sel pur (chlorure de
sodium). Op ces substances sont très utiles, sur-
tout lorsqu'il s'agit de prévenir ou de combattre le
lymphatisme et la scrofule. L'emploi du sel gris
naturel est donc bien préférable à celui du sel
blanc, dont la couleur ne ^rantit point la pureté.
Condiments acides. — Les plus communément
employés sont l'acide acétique, base du vinaigre,
et l'acide citrique, qui domine dans le jus de citron.
Le meilleur vinaigre est celui fabriqué avec le
vin; ceux de cidre et de poiré viennent ensuite;
celui de bière est inférieur. Quant au vinaigre
d'alcool, il est moins facilement assimilable, par
cela même qu'il est trop pur; ce n'est guère qu'un
acide acétique dilué. On vend souvent des vinai-
gres fabriqués avec de l'acide sulfurique additionné
de substances sapides et odorantes ; ceux-là sont
dangereux, de môme que le vinaigre impur pro-
duit par la distillation du bois.
Les condiments acides excitent la salivation,
animent l'appétit, produisent une seneation de
fraîcheur agréable : ils neutralisent ou masquent
un commencement de décomposition des aliments
et facilitent la digestion des corps gras. Cepen-
dant ils ne sont utiles qu'en petites quantités ; leur
usage ordinaire, même à dose modérée, offre des
inconvénients. Pour peu que la dose soit forte, ils
irritent l'estomac et, une fois absorbés, causent des
troubles sérieux dans la nutrition, un amaigris-
sement accompagné de désordres souvent très
difficiles à réparer. Les jeunes filles qui contrac-
tent la malheureuse habitude de boire du vinai-
gre pour se faire maigrir deviennent infailliblement
victimes de maladies chroniques de l'estomac.
Ce que nous disons du vinaigre s'applique au
jus de citron, au verjus, et en partie à l'oseille qui
est spécialement irritante.
Condiments soufrés. — Cette classe comprend
un grand nombre de plantes appartenant à diffé-
rentes familles (liliacées et crucifères) qui renfer-
ment des huiles essentielles piquantes, acres, très
stimulantes, dans lesquelles la chimie découvre
du soufre, tels sont l'ail, l'oignon, l'échalotte, la
ciboule, le raifort, le cochléaria, la moutarde, le
cresson.
Au point de vue des convenances, des égards que
l'on doit aux personnes avec qui l'on est en rapport,
l'ail, l'échalotte et les autres liliacées qui causent
une fétidité de l'haleine devraient être bannis du
régime des gens civilisés. La sensualité peu déli-
cate qui les fait rechercher n'est innocente qu'à la
condition de s'isoler ou de ne se trouver en con-
tact qu'avec des gens adonnés à la même habitude.
Le raifort et la moutarde sont des agents très
actifs qu'il est bon de réserver pour les cas ex-
ceptionnels, afin de profiter à l'occasion de leurs
propriétés stimulantes sans être obligé de recourir
à des doses assez élevées pour produire l'irritation
de l'appareil digestif.
Com/imentf aromatiques. — Cette classe com-
prend une foule de plantes (labiées, ombellifères,
lauracées, etc.) auxquelles on ne demande guère
qu'un parfum agréable : tels sont le persil, le
cerfeuil, la pimprenelle, le romarin, le serpolet,
le thym, l'estragon, la vanille, la cannelle, le giro-
fle, le zeste, le citron, etc.
Condiments aromatico-âcres. — Ceux-ci con-
tiennent des huiles essentielles abondantes et des
principes très énergiques qui en font à la fois des
aromates et des irritants : ce sont le poivre, le pi-
ment (poivre long), la noix muscade, le gingembre,
la badiane, le laurier, etc.
Co7idinients sucrés. — Ce sont le sucre, la mé-
lasse le miel , la glucose (sucre fabriqué avec
31
CONDIMENTS
— 48a —
CONDUCTIBILITÉ
l'amidon), etc. Le miel est un mélange de sucre
en deux états distincts (sucre de canne cristalli-
sable et sucre de raisin incristallisable), de mu-
cilage et de cire, rendu aromatique par une faible
quantité 9 d'huile essentielle. Cette composition
multiple le rend facilement digestible, en outre que
le sucre s'y trouve en partie à l'état incristallisable,
état que doit prendre dans l'estomac le sucre de
canne pour être digéré. Pour transformer ainsi le
sucre de canne, il faut une assez grande quantité
de suc gastrique, de sorte que son ingestion en
trop grande quantité donne lieu à des indigestions.
Les condiments sucrés sont de véritables aliments,
car l'amidon ne sert d'aliment, c'est-à-dire n'est
brûlé ou assimilé, qu'après avoir été converti en
sucre dans les organes digestifs.
Co7idiments gras. — En outre de leur emploi
nécessaire comme aliment, les corps gras sont
usités comme véritables condiments, surtout lors-
qu'une cuisson à haute température les a trans-
formés partiellement en produits empyreumatiques
plus ou moins acres et odorants, comme il arrive
quand on fait roussir le beurre.
Condimejits composés. ~ Les caprices gastrono-
miques et les ressources de chaque contrée peu-
vent les faire varier à l'infini. On considère comme
simples condiments un grand nombre de hors-
d'œuvre : anchois, caviar, saucisson, etc., mais les
sauces en flacons et la moutarde sont les condi-
ments composés les plus répandus.
Utilité et usages des condiments. — On dit avec
raison que l'appétit est le meilleur des assaisonne-
ments. Pour l'homme qui vit dans de bonnes
conditions hygiéniques et prend un exercice ré-
gulier, le sel est le seul condiment vraiment
utile, pourvu toutefois qu'il dispose d'aliments
suffisamment variés ; user de condiments dans ces
circonstances, c'est chercher à surexciter les fa-
cultés digestivcs pour satisfaire non plus le besoin,
mais le plaisir de manger.
Mais il arrive souvent que, par suite de maladie,
du manque d'exercice ou de mauvaises conditions
hygiéniques, ou bien parce que la nourriture n'est
pas assez variée, l'appétit n'est pas en proportion
des besoins du corps. Dans ces circonstances,
manger à sa faim ne suffit pas et conduit à l'inani-
tion. Il est donc utile d'éveiller le désir de prendre
des aliments, et on y arrive en les rendant plus
agréables, plus sapides, plus excitants, au moyen
de condiments. Dans ce cas les condiments agis-
sent surtout sur l'appareil nerveux. En flattant le
goiît et l'odorat, ils provoquent la sécrétion de la
salive et du suc gastrique indispensables à la di-
gestion, et produisent un effet tout différent de
celui qui résulterait de leur ingestion dans l'esto-
mac sous forme de pilule. A ce point de vue leur
utilité est incontestable ; elle varie d'ailleurs selon
les tempéraments, les climats et l'habitude. On
s'accoutume vite aux sensations du goût et de
l'odorat, de sorte que pour produire chaque fois
une excitation équivalente, il faut augmenter pro-
gressivement les doses d'excitants, pour peu que
l'on se laisse aller à la sensualité ou que le manque
d'appétit continue. Voilà ce qui conduit à user à
l'excès de substances condimentairos sans lesquelles
la digestion devient impossible, mais qui finissent
par agir comme des poisons irritants. Pour éviter
ces dangers, alors que remploi dus stimulants de
l'appétit est indispensable, il importe de varier
souvent les condiments afin de laisser aux organes
le temps d'oublier, pour ainsi dire, l'impression
causée par chacun, et de pouvoir le reprendre à
très faibles doses.
Diderot disait : « Nous avons dans notre société
deux ordres de personnes, les médecins et les
cuisiniers, dont le^ uns travaillent sans cesse à
conserver notre santé et les autres à la détruire,
avec cette différence que les derniers sont plus
sûrs de leur fait que les premiers. » Cela cessera
d'être vrai quand l'art du cuisinier consistera non
pas à exciter l'appétit par des moyens factices, mais
à le satisfaire par la préparation hygiénique des
aliments. (V. Aliments.) [H' SafTray.]
CONDUCTIBILITÉ. — Physique, XIX. — Les
physiciens donnent le nom de conductibilité jl se-
rait plus logique de dire conduciion) à la propriété
dont jouissent les corps de propager la chaleur et
l'électricité dans leur masse ou à leur surface et
de les communiqtier aux corps voisins.
A. Conductibilité des corps pour la chaleur. —
L'existence de ce mode de propagation peut être
mise en évidence par une foule d'expériences : la
chaleur d'un poêle se fait rapidement sentir au de-
hors ; l'eau bouillante que l'on verse dans un vase
en rend la surface brûlante; une barre de fer s'c-
chauflfe jusqu'à son extrémité alors même qu'elle
ne plonge que peu dans un foyer, et malgré la
précaution que l'on prend de placer un écran qui
empêche la chaleur du foyer de rayonner vers la
barre ; en un mot, lorsque la chaleur frappe un
corps, elle est absorbée ; la surface du corps s'é ■
chauffe, la température des portions intérieures
s'élève peu à peu, réchauffement se fait couche
par couche et avec une lenteur qui dépend de la
nature du corps. Il semble que la partie A devienne
en quelque sorte une source de chaleur pour la
partie B, celle-ci pour la suivante et ainsi de suite ;
et tout se passe comme si la chaleur cheminait de
la portion chauffée vers l'extrémité la plus éloignée
en s'affaiblissant graduellement.
Les corps offrent entre eux des différences très
grandes au point de vue de la conductibilité. On
sait qu'un morceau de fer d'un décimètre de lon-
gueur, rouge à un bout, ne peut pas être tenu à la
main par l'autre extrémité, tandis qu'on prend
impunément un morceau de charbon très court
dont une partie est en ignition. Une cuillère d'ar-
gent, en partie plongée dans un liquide chaud,
est très vite chaude à l'autre extrémité, tandis que
la chaleur ne se communique pas dans les mêmes
circonstances à une cuillère de bois. On exprime
ces différences en disant que l'argent et le fer sont
bons co7iducleiirs, que le charbon et le bois sont
mauvais coJiducteiirs.
1. Conductibilité des solides pow la chaleur. —
Une expérience d'ingenhousz permet de comparer
les pouvoirs conducteurs des substances que l'on
peut tailler en tiges cylindriques. On fixe dans la
paroi d'une petite caisse métallique en fer blanc
ou en laiton plusieurs barreaux de même longueur
et de même diamètre, mais de substances diverses:
d'argent, de cuivre, d'étain, de fer, de zinc, de verre
et de bois. On les recouvre d'une même couche de
cire en les plongeant à la fois dans de la cire fon-
due, et on laisse refroidir. On remplit la caisse
d'eau bouillante, et on voit la cire qui recouvre les
barreaux fondre sur une étendue plus ou moins
grande ; elle fond complètement sur l'argent, le
cuivre; elle fond à peine sur le verre et le bois.
La chaleur s'est donc propagée très inégalement
dans les différentes tiges.
Cette méthode ne peut pas permettre d'étudier
la conductibilité des étoffes et des matières fila-
menteuses qu'il est impossible de se procurer sous
forme de baguettes. On la remplace par celle de
Fourier. Qu'on imagine un vase conique en tôle
dont le fond est une membrane mince, rempli de
mercure dans lequel plonge un thermomètre. On
pose ce vase sur le tissu ou la lame dont on veut
étudier la conductibilité et qui repose elle-même
sur une caisse chauffée, et on constate l'élévation
du thermomètre. En opérant sur divers corps tl'é-
gale épaisseur, ou peut comparer leurs pouvoirs
conducteurs.
On a reconnu par ces divers moyens que les mé-
taux sont les corps qui conduisent le mieux la
CONDUCTIBILITE
— 483 —
CONDUCTIBILITE
chaleur ; et de toutes les expériences faites, il ré-
sulte qu'on peut les classer comme l'indique le
tableau suivant, où les nombres représentent les
pouvoirs conducteurs en prenant 100 pour celui de
l'argent:
Argent 100
Cuivre 74
Or 64
Laiton 23
Étain 15
Fer 12
Acier 11
Plomb 9
Platine 8
Bismuth 2
Après les métaux viennent les substances pier-
reuses, le marbre, la porcelaine, la brique, la terre,
le soufre, les résines et le verre ; les matières
pulvérulentes et le charbon de bois. Les substan-
ces filamenteuses, la soie, la laine, le coton, le lin
et le chanvre sont remarquables par la difficulté
que rencontre la chaleur à les traverser; ce sont
des corps mauvais conducteurs, et il en est de
même en général des substances qui composent
les animaux et les végétaux.
Les applications de ces faits sont nombreuses et
intéressantes. Lorsque l'on a intérêt à ce que la
chaleur traverse facilement un corps, on le prend
de nature métallique ; ainsi doivent être les vases
où l'on,' chauffe de l'eau pour la faire bouillir ou
évaporer. Les poêles destinés à répandre promp-
tement la chaleur doivent être en métal et présen-
ter un long développement de tuyaux métalliques.
Ceux qui sont en usage dans le nord sont faits de
matières peu conductrices; ils s'échaufi"ent lente-
ment, mais ils gardent et distribuent longtemps
'eur chaleur. (V. Chaiffage.)
Souvent on tire parti de la faible conductibilité
de certaines substances pour empêcher la chaleur
de passer : c'est ainsi qu'on fait en bois ou qu'on
garnit d'osier les anses de certains ustensiles des-
tinés à contenir des liquides chauds, les manches
des outils qui doivent être portés à une haute
température. Quand on veut prendre un corps
chaud, on interpose entre la main et ce corps des
étoffes épaisses ou des tresses en paille. Pour
conserver la glace et la soustraire à la tempéra-
ture de l'été qui la fondrait, on l'entasse dans des
trous profonds, dont les parois sont en briques et
la couverture épaisse en chaume, substances très
peu conductrices. Pour la transporter, on l'en-
toure de sciure de bois ou même de laine.
C'est encore la conductibilité qui explique la
différence de sensation qu'on éprouve l'hiver en
touchant du fer ou du bois ; le métal enlève à la
main beaucoup de chaleur qu'il perd rapidement,
tandis que le bois la garde à l'endroit touché et se
trouve bientôt à la même température que la main ;
si même le tissu appliqué sur le métal froid n'a
qu'un épiderme peu épais et humide, le métal
enlève une quantité de chaleur suffisante pour
faire congeler cette humidité et faire adhérer le
métal à la peau.
En hiver, par les fortes gelées, les parties du sol
couvertes de neige sont toujours moins froides que
celles qui sont à nu : c'est que la neige- conduit
mal la chaleur ; aussi la considère-t-on comme
protectrice des plantes dans les hivers rigou-
reux.
2. Conductibilité des liquides. — On a cru pen-
dant longtemps que les liquides et notamment
leau étaient de bons conducteurs de la chale.ur ;
on s'appuyait sur ce fait d'observation journalière
qu'en metunt un vase plein d'eau sur le feu,
celle-ci ne tarde pas à s'échauffer à la surface.
Une étude plus attentive du phénomène a fait re-
connaître qu'un liquide chauffé par le bas s'é-
chauffe, non pas parce que la chaleur est trans-
mise par conductibilité, mais parce qu'elle est
pour ainsi dire charriée par les parties qui l'ont
reçue et qui la transportent dans leur mouvement.
On constate en effet, en chauffant de l'eau dans un
vase de verre profond, surtout si on y a mêlé de
la sciure de bois qui y reste en suspension, un
courant ascendant central et des courants descen-
dants latéraux très visibles : ce sont les particules
liquides échauffées au contact de la paroi chaude
qui, devenues plus légères, s'élèvent et sont rem-
placées par des molécules froides qui descendent ;
et toute la masse arrive rapidement à une tempe-
rature élevée parce qu'il y a eu, non pas conduc-
tion par des molécules restant en place, mais
transport de la chaleur par des molécules en mou*
vement.
Il faut donc, pour étudier la conductibilité des
liquides, les échauffer par en haut. C'est ce qu'a
fait M. Despretz, et il a reconnu que les liquides
conduisent la chaleur, ynais la conduisent mal.
Tout ce qui gêne les mouvements d'une masse
liquide empêche la chaleur de s'y propager; c'est
pourquoi les liquides visqueux, les compotes, les
marmelades s'échauffent si lentement et mettent
si longtemps à se refroidir, à moins qu'on ne re-
nouvelle leur surface en les remuant. Les fruits
charnus, les plantes grasses, les tissus végétaux
imbibés d'eau conduisent très mal la chaleur ;
aussi les voit-on parfois résister à des froids ca-
pables de congeler les liquides qu'ils contien-
nent.
Les tissus animaux sont aussi mauvais conduc-
teurs ; aussi peut-on échauffer fortement une par-
tie du corps sans qu'il en résulte nécessairement
une impression de chaleur générale.
L'application de la chaleur aux liquides, pour
être rapide, doit s'aider des mouvements qu'elle y
produit ; c'est la raison des qualités que présen-
tent les calorifères à eau pour le chauffage des
grands espaces.
3. Conductibilité des gaz. — La conductibilité
des gaz est encore plus faible que celle des liqui-
des ; seulement on ne peut la mettre en évidence
par des expériences directes, car il se forme tou-
jours des courants qui mêlent l'air chaud à l'air
froid. On reconnaît ces mouvements de l'air en
regardant un fourneau chaud et en tournant le
dos à la lumière qui vient d'une fenêtre et qui
éclaire l'appartement ; les poussières suspendues
dans l'air, entraînées par le gaz chaud, forment un
courant ascendant très visible.
Les physiciens font une exception pour l'hydro-
gène qui, de tous les gaz, serait le seul bon con-
ducteur de la chaleur.
Une masse d'air étant un mauvais conducteur,
tout ce qui y gênera la formation des courants di-
minuera la perte de chaleur : voilà pourquoi les
fourrures des animaux, le plumage des oiseaux,
enveloppes extrêmement légères, empêchent pour-
tant le refroidissement de leurs corps ; pourquoi
les édredons, sacs remplis d'air et de duvet,
maintiennent si bien la chaleur dans un lit, pour-
quoi les doubles . vitrages avec leur couche d'air
interposée conservent si bien la chaleur des ap-
partements chauffés.
Les vêtements que l'on dit chauds n'ont d'^ytre
but que d'empêcher la chaleur du corps de se per-
dre au dehors ; ils doivent cette propriété à leur
épaisseur d'abord, à leur nature spongieuse, et
surtout à l'air qui remplit les interstices qui exis-
tent entre leurs filaments. Les fourrures sont plus
chaudes quand le poil est tourné en dedans, parce
que l'air y forme une couche épaisse qui ne peut
s'y renouveler.
B. Conductibilité des corps pour l'électricité. —
Les corps peuvent être partagés en deux catégories
suivant la manière dont ils conservent l'électricité
ou se laissent traverser par elle : on appelle
tjons conducteurs ceux qu'elle traverse facilement,
et mauvais conducteurs ceux qui la retiennent.
Ces derniers se nomment aussi corps isolantsi
parce qu'on s'en sert pour séparer du sol les corps
CONDUCTIBILITE
484
CONGRÈS
bons conducteurs sur lesquels on veut consprver
rélectricitc qui, sans cette précaution, se perdrait
dans la torre.
Parmi les corps isolants, nous citerons la gomme-
laque, les résilies, le soufre, l'ambre, le verre, la
porcelaine, la gutta-perclia, le caoutcliouc, la soie,
les pierres, les briques, le bois, surtout quand il
est sec, la moelle de sureau. L'air sec est mauvais
conducteur, sans cela les phénomènes électriques
dus à l'influence (V. Electricité) nous seraient in-
connus.
Les corps bons conducteurs sont les métaux, le
corps des animaux, les corps humides en général,
le lin et le chanvre. La plombagine est aussi un
bon conducteur. Le cliarbon de bois le devient
quand il a été fortement calciné. Il en est de
même pour la chaleur, et l'on peut dire, en général,
que tous les corps solides qui sont bons ou mau-
vais conducteurs pour la chaleur sont dans le
même cas pour l'électricité.
Après cette distinction, on s'explique pourquoi
le^frottement électrise le verre et non pas les mé-
taux. Le bâton de verre que l'on frotte conserve
l'électricité à son extrémité parce que les autres
couches du verre l'isolent de la main. Et si on
frotte un métal tenu îi la main, on ne peut rien
observer, parce que l'électricité qui se produit au
point frotté traverse immédiatement le métal, la
main, le reste du corps et va se perdre dans la
terre.
Tant qu'on n'a connu que l'électricité produite
par le frottement, on s'est borné à, ces notions sur
la'conductibilité électrique des corps. Mais depuis
qu'on emploie l'électricité produite par les actions
chimiques et mécaniques, à laquelle on a donné le
nom d'électricité dynamique pour rappeler la fa-
cilité avec laquelle elle parcourt les distances, on
a dû étudier plus particulièrement la conductibilité
de? 51s métalliques.
Quand on réunit les deux pôles d'une pile par
un fil de dix mètres de long, l'électricité passe
d'une extrémité à l'autre avec une rapidité si
grande qu'il est impossible de la mesurer. On
donne le nom de courant à la manifestation élec-
trique dont le fil est le siège.
Les physiciens ont cherché comment varie la
propagation do ce courant avec la nature, la gros-
seur ou la section et surtout avec la longueur du
fil conducteur.
Il résulte des recherches de M. Wheatstone en
Angleterre et de M. Fizeau en France, que la
vitesse du courant électrique est énorme dans un
fil de cuivre ou de fer, comme les fils télégraphi-
ques ou les conducteurs ordinaires des piles: elle
a été troïivée d'environ deux cent mille kilomèti-es
par seconde.
On comprend qu'une vitesse aussi grande se mo-
difie d'une manière peu sensible quand on fait
varier le conducteur. Aussi, pour étudier les va-
riations que la nature, la section et la longueur
amènent dans la conductibilité des fils, a-t-on été
amené à chercher comment ils affaiblissent le cou-
rant, quelles résistances ils lui opposent.
En comparant des fils de même longueur et de
même nature, mais de sections différentes, on a
reconnu que les plus gros affaiblissent !■ .luins le
courant, que la résistance introduite est en raison
inverse de la section. On en conclut que les gros
flls conduisent mieux que les fils fins, et que ces
derniers peuvent opposer une résistance assez
grande pour afl'aiblir beaucoup un courant élec-
trique donné.
En prenant deux portions inégalement longues
d'un même fil, on a vu l'affaiblissement croître avec
la longueur, et par suite l'intensité diminuer beau-
coup quand on forçait le courant à traverser un
très long fil.
Enfin, en comparant entre eux les différents fils
métalliques, on les a classés, pour leur conducti-
bilité, dans l'ordre suivant :
Argent, cuivre, or, zinc, étain, fer, platine.
C'est à peu près l'ordre de leur conductibilité pour
la ciialeur.
On a aussi étudié la conductibilité des liquides :
le mercure, qui est un métal, est le liquide qui con-
duit le mieux l'électricité, et il la conduit soixante
fois moins bien qu'un fil d'argent de même lon-
gueur. Les autres liquides n'ont que dos conducti-
bilités excessivement faibles, ils opposent d'énor-
mes résistances au passage du courant; ainsi, pour
ne citer qu'un exemple, la dissolution de sulfate
de cuivre employée dans la pile de Daniel! et dans
les cuves galvanoplastiques oppose au courant une
résistance près de deux cent mille fois plus grande
que celle que lui opposerait un fil d'argent.
Les conséquences pratiques de ces faits sont fa-
ciles à tirer. De tous les métaux d'un prix mo-
déré, le cuivre est celui qui convient le mieux
pour conduire des courants, à cause de sa faible
résistance ; c'est en effet lui qui est toujours em-
ployé dans les appareils électriques. La télégra-
phie, cependant, lui préfère le fer pour relier ses
stations : c'est parce que le fer est d'un prix
moins élevé, et qu'il supporte sans se rompre l'ef-
fort nécessaire pour le tendre entre les poteaux.
Il est vrai qu'il conduit huit fois moins bien que
le cuivre ; mais on obvie à cet inconvénient en le
prenant plus gros pour diminuer d'autant sa résis-
tance.
Les piles à liquides offrent au passage du cou-
rant qu'elles produisent, et qui les traverse, une
grande difficulté ; on cherche à la diminuer autant
que possible en rapprochant l'une de l'autre les
deux lames métalliques qui les forment. C'est
pour la même raison qu'il faut rapprocher les deux
extrémités du fil d'une pile emplo5'ée à décompo-
ser un liquide par l'électricité et à déposer sur
un objet le cuivre, l'argent ou l'or.
Expériences. — L Pour vérifier le grand pouvoir
conducteur des métaux, prendre une boule métal-
lique, l'envelopper d'une étofi'e fine qui y soit bien
appliquée, poser sur la toile un charbon incan-
descent dont on active encore la combustion en le
soufflant ; on constate que la toile ne brûle pas.
Elle brûlerait immédiatement si la boule était de
bois.
II. Recouvrir de papier deux cylindres, l'un de
fer, l'autre de bois, les exposer tous deux à la
flamme d'une lampe ; le papier ne s'enflamme que
sur le bois.
III. Mettre une toile métallique sur la flamme
d'un bec de gaz ou d'une bougie, la flamme est
comme coupée ; les gaz refroidis ne brûlent pas
au-dessus de la toile.
IV. Vérifier qu'une allumette humide conduit la
chaleur, tandis qu'une allumette sèche ne la con-
duit pas.
V. Vérifier le peu de conductibilité des liquides
en mettant un morceau de glace dans un tube, de
l'eau par dessus et chaufi'ant l'eau à-la partie su-
périeure, la glace ne fond pas.
VI. Montrer les courants que produisent les gaz
chauds en suspendant à, la clef d'un poêle al-
lumé une spirale de papier ; elle tourne d'un mou-
vement rapide. [Haraucourt.]
CÔNE. — V. Coi'ps ronds,
CONGRÈS. — Histoire générale, XXXIX-XL ;
Histoire de France, XXXVIII-XL. — On appelle
ainsi, dans l'histoire moderne, des réunions diplo-
matiques où les gouvernements de difl'érents pays,
représentés soit par leurs souverains, soit par des
plénipotentiaires, négocient des traités destinés
ti régler des questions Internationa. .
Le premier en date est celui de Munster (164fi-
1648), complété par celui d'Osnabruck, d'où sortit
la paix de Westphalie, qui mit fin à la guerre de
CONIFÈRES
— 485 —
CONIFERES
Trente Ans, et établit l'équilibre européen sur des
bases nouvelles.
Viennent ensuite, parmi les plus célèbres :
Celui d'Ulrecht (1713), auquel prirent part les
renrésentants de la France, de l'Angleterre, du
Portugal, de la Savoie, de la Prusse et de la Hol-
lande : il remania la carte de l'Europe, comme
l'avait fait le congrès de Munster. Son œuvre
dura presque intacte jusqu'à la Révolution fran-
çaise ;
Celui de Rastadt, qui s'ouvrit en 1797, après
le traité de Campo-Formio, et se termina par l'as-
sassinat des plénipotentiaires français (:;8 avril
1799); , ^
Celai de 'Vienne (1814-15), réuni après la chute
de Napoléon I", et où siégèrent les représentants
des principales puissances de l'Europe. L'œuvre
du congrès de Vienne est connue sous le nom de
traités rfe 1815 ;
Celui de Vérone (1822), tenu par les représen-
tants des puissances formant la Sainte-Alliance, et
qui décida l'intervention dans les affaires d'Espa-
gne en faveur du roi Ferdinand VII ;
Celui de Paris (1856), qui régla la question d'O-
rient après la guerre de Crimée ;
Enfin celui de Berlin (1878), convoqué pour
s'occuper à nouveau de la question d'Orient.
V. Traités.
Le nom de Congrès désigne aux États-Unis le
pouvoir législatif fédéral, composé du Sénat et
de la Chambre des représentants (V. États-Unis).
CONIFERES. — Botanique, XV. — (Etym. : de
cône, nom donné au fruit des arbres de cette classe,
et du verbe latin ferre, porter).
Définition. — Los conifères ou arbres verts, ou
encore arbres résineux, sont une des trois classes
des végétaux phanérogames oymnospermes (on ap-
pelle végétaux gijmnospermes ceux dont les grai-
nes sont nues, non enfermées dans un ovaire).
Dans la classification botanique, on place les coni-
fères entre lesgnétacées (V. p. 489) et les cycadées*.
I . Caractères botaniques des conifères et usages
de ces végétaux- — I. Graine. — La graine des
conifères est ovoïde, à testa dur, sans aile chez les
biota, avec une aile postéro-latérale chez les pins,
les sapins, les cèdres, les sapinettes, les mélèzes ;
elle est aplatie et présente un testa membraneux
muni de deux ailes latérales symétriques chez les
cyprès, les thuia, les callitris, les séquoia. Dans
un petit nombre de conifères, l'extérieur de la
graine devient charnu, rappelant ainsi une sorte de
drupe comestible: telle est celle du ginko ou arbre
aux quarante écus, dont les Chinois et les Japonais
consomment de grandes quantités malgré son goût
d'huile rance.
A l'intérieur de la coque ligneuse de la graine
des conifères, on trouve une amande presque tou-
jours comestible (telle est celle du pin pignon) ; cette
amande elle-même est formée d'un embryon etd'un
albumen oléagineux charnu dont on retire par la
pression une huile de très bonne qualité. A l'ex-
trémité de la radicule de l'embryon se voit un
suspenseur bien développé ; la tigelle de cet em-
bryon porte deux cotylédons seulement chez les
taxinées et les podocarpées, de trois ;'i treize coty-
lédons chez les abiétinées.
Les graines des conifères perdent rapidement
leur faculté germinative, surtout celles qui sont
pourvues d'enveloppes charnues; aussi doit-on les
semer aussitôt après la récolte ; les autres, c'est-
à-dire celles qui ne sont pas charnues, doivent être
semées dans le courant de l'année qui suit leur
récolte; cependant, en les conservant dans des en-
droits bien frais et bien secs, leur faculté germi-
native peut persister pendant deux années.
II. Germination. — La durée de la germination,
entreprise à une époque convenable, varie entre
quinze jours et six mois ; elle est accélérée par la
chaleur, par la rupture préalable du testa ligneux,
rupture qui doit être faite longitudinalemont, du
petit bout de la graine vers le gros. Dans la pra-
tique, cette opération se fait à l'aide d'un casse-
noisette; la graine est placée entre les mors de
l'instrument, son grand axe parallèle aux branches,
sa petite extrémité vers le talon.
Lorsque la graine des conifères germe, la radi-
cule sort tout d'abord, donnant la première racine
ou pivot; celui-ci s'allonge beaucoup et fixe la jeune
plante au sol. Se servant de son pivot comme d'un
point d'appui, la plante se redresse, dégage ses
cotylédons des enveloppes séminales ; les cotylé-
dons, devenus libres, s'élèvent au-dessus de la
surface du sol, ce qu'on exprime en disant qu'ils
sont épigés.
Parfois, peu de temps après la germination, les
jeunes plants de conifères sont atteints d'une mala-
die qu'on appelle la fonte; les paysans disent que
ces jeunes plants nuilent. Cette maladie est provo-
quée par un champignon phycomycète qui attaque
les jeunes sujets dans le voisinage du collet et qui
provoque la pourriture des racines ; les dégâts
occasionnés par cette maladie sont considérables :
le seul remède efficace qu'on ait signalé jusqu'ici
pour enrayer le mal, c'est de repiquer les jeunes
plants atteints (repiquer une plante, c'est l'arracher
et couper les extrémités de ses racines).
IW.Raciiie. — Les conifères présentent tous une
racine principale qui acquiert un développement
considérable cliaque fois que l'arbre n'a pas été re-
piqué. L'opération du repiquage a pour but de
provoquer le développement de nombreuses racines
secondaires. Lorsque le cultivateur trouve que,
malgré le repiquage, le végétal a une tendance à
prendre une forme trop élancée, à filer, comnie_ on
dit vulgairement, il pratique une nouvelle opéra-
tion analogue au repiquage, qu'on nomme, re-
laijage.
Les racines secondaires des conifères sont dis-
posées sur la racine principale en deux, trois
ou quatre rangées verticales; leur coiffe est peu
visible ; toutes présentent une écorce épaisse
très riche en canaux résinil'ères ; leur bois même
est imprégné de résine ; c'est pour cela qu'on les
débite en copeaux destinés à allumer le feu; on
les utilise aussi dans la fabrication du noir de
fumée.
IV. La tige. — La tige des conifères se présente
généralement sous la forme d'une colonne cylin-
dro-conique dont la taille varie depuis quelques
décimètres jusqu'à 130 et 160 mètres; c'est, en
effet, parmi les conifères que se trouve le plus
grand arbre connu, le Wellingtonia gigantea; le
diamètre de cet arbre peut atteindre jusqu'à 10
mètres.
Les tiges d'un grand nombre de conifères pré-
sentent cette particularité que leurs branches, in-
sérées presque au même niveau, paraissent verti-
cillées ; la longueur de ces organes diminuant de
la base de l'arbre à son sommet, il en résulte pour
la plante une forme conique ou pyramidale qu'on
exagère encore parla culture; ce qui fait employer
ces végétaux comme plantes d'ornement dans les
parcs et les jardins. Quand la plante est de petite
taille, si ses branches se développent également
de la base au sommet du tronc, l'apparence du
végétal est celle d'un buisson. Rarement la partie
inférieure du tronc re^te prédominante, les hau-
tes branches prenant toutes un développement
assez considérable ; si alors les feuilles sont larges
comme chez les dammara et les ginko, le port de
la plante rappelle celui de nos arbres fruitiers.
Les rameaux naissent de chaque côté des bran-
ches, de façon à se placer avec elles dans un même
plan ; les feuilles de ces rameaux partagent ce
mouvement, et se disposent à droite et à gauche
de l'axe qui les porte, si bien que branches, ra-
CONIFERES
— -4B6 —
CONIFÈRES
meaux et feuilles forment une surface plane ; tou-
tes ces feuilles tournent vers le sol leur face infé-
rieure, et si par une raison quelconque, acciden-
telle ou volontaire, on retourne un rameau, les
bourgeons qui en naissent disposent leurs feuilles
normalement, c'est-à-dire dans la position inverse
de celle qu'elles auraient occupée si aucun accident
ne s'était produit sur le rameau qui porte leur
axe.
On appelle ^ècAe la tige principale des conifères.
Lorsque la flèche est abattue, l'arbre ne croit plus
en hauteur, à moins que naturellement ou artifi-
ciellement il ne produise une autre flèche, par le
redressement d'une de ses branches latérales. On
peut rendre une flèche à un arbre qui l'a perdue
en greffant sur la plaie la flèche d'un autre arbre.
Cette tige est formée, comme celle des végétaux
dicotylédones angiospermes, d'une moelle centrale
enveloppée par des courbes ligneuses concentri-
ques, dont chacune représente l'accroissement
ligneux pendant une année. Ce bois est exclusi-
vement formé de fibres dont les parois latérales
portent des ponctuations aréolées ; les rayons mé-
dullaires sont peu nombreux, les couches libé-
riennes peu développées, l'écorce parenchymateuse
contient de nombreuses glandes résinifères ; le
bois des pins se distingue de celui des autres co-
nifères par la présence de canaux résinifères. La
surface de l'écorce se décortique par plaques rou-
geâtres de consistance variable. Ces plaques for-
ment d'excellents copeaux, et dans quelques pays
elles sont employées à la fabrication du tan.
L'accroissement de la tige en diamètre est ra-
pide dans quelques essences, très long chez d'au-
tres. Dans le premier cas, le bois fort léger est
toujours imprégné de résine, ce qui lui assure une
longue durée; dans le second cas, les zones li-
gneuses très petites (un millimètre à peine dans
le sapin de Norvège, Picea excelsa) sont formées
d'éléments très grêles et très serrés ; ce bois est
très recherché pour la mâture des navires.
La résine des conifères s'extrait de la tige de
ces végétaux en pratiquant dans l'arbre soit des
entailles à la hache, ou mieux des trous avec une
tarière.
Dans les séquoia très âgés, la surface de l'écorce
est revêtue d'une étoupe grossière que l'on peut
filer et qui pendant quelques années a donné des
étoffes vendues sous le nom de flanelle faite avec
des feuilles de pin. Tous les déchets résultant du
travail de la tige de ces végétaux sont vendus
sous le nom de semelles résineuses pour allumer
les feux.
\. Feuilles. — Les feuilles des conifères sont
simples, entières, sessiles, rarement pétiolées.
Chez les dammara la forme des feuilles rappelle
celles du laurier ; dans le ginko, on croirait avoir
afi'aire à des feuilles de fougères ; dans les arau-
caria les feuilles sont triangulaires, sessiles, co-
riaces ; ces trois genres ont des feuilles pluriner-
viées à nervures dichotomes et parallèles. Seul,
l'arbre aux quarante écus a des feuilles pétiolées;
dans tous les autres conifères, la feuille, quelle
que soit sa forme, n'a jamais qu'une nervure mé-
diane, saillante ou non à la face inférieure de la
feuille. Ces feuilles sont aplaties, lancéolées, mucro-
nées ou arrondies à leur extrémité; telles sont celles
des podocarpus, des sapins, des mélèzes. Les
feuilles des capressinécs ne sont pas distinctes
du rameau qui les porte, à peine leur extrémité
est-elle libre. Les feuilles des pins sont linéaires,
arrondies, ou triangulaires, à bords lisses ou den-
tés, solitaires dans le jeune âge, et réunies par
groupes de 2 à 5 à une époque plus avancée.
En général, les feuilles des conifères sont co-
riaces, persistantes, sauf chez les ginko et les
mélèzes où elles sont annuelles. Dans les cyprès
chauves ou cyprès de Virginie, les rameaux qui
portent les feuilles tombent avec elles à la fin de
l'automne, aussi celles-ci prennent-elles à cette
saison une belle teinte rouge, puis jaune, qui
donne à ces végétaux un aspect très ornemental :
on les recherche pour la décoration des parcs,
d'autant plus que, chose rare chez les arbres ré-
sineux, ils aiment beaucoup l'humidité.
Toutes les feuilles des conifères, sauf celles des
ifs, présentent des canaux résinifères, soit un
seul situé sous la nervure médiane, soit deux, si-
tués symétriquement sous les bords latéraux de la
feuille, soit trois, un médian et deux latéraux, soit
un plus grand nombre ; dans certaines espèces de
pin, on en compte onze et même treize. L'abondance
de la résine dans les feuilles des conifères expli-
que la lenteur de leur destruction, la rapidité
avec laquelle elles s'enflamment, et la sensation
de glissement qu'on éprouve quand on marche sur
un terrain incliné recouvert par ces feuilles. Dans
quelques conifères seulement les feuilles sont
polymorphes, linéaires, solitaires et écartées dans
le jeune âge, elles sont plus tard remplacées
par des écailles ou groupées au nombre de deux,
trois ou cinq, la base de chaque groupe étant pro-
tégée par un étui formé des écailles dont nous ve-
nons de parler. Ex : les pins.
Dans quelques conifères, les feuilles très peti-
tes, écailleuses, caduques, sont remplacées par
des rameaux aplatis et transformés en cladodes,
ou bien par des rameaux transformés d'une façon
toute particulière, qui se présentent sous la forme
de lanières vertes nommées aiguilles.
Sauf chez les ginko, les stomates sont disposés
en files et lorsque les feuilles sont aplaties, ces
files de stomates sont exclusivement cantonnées à
leur face inférieure. Les stomates peuvent être
localisés dans des chambres spéciales disposées de
part et d'autre de la nervure médiane de la feuille
et toujours à la face inférieure de celle-ci.
Les feuilles sont tantôt disposées sur la tige en
verticilles alternant régulièrement, tantôt elles
sont complètement alternes. Les feuilles sont ver-
ticillées par deux chez les thuia, les biota, les
cyprès ; elles sont verticillées par trois dans les
genévriers. Les feuilles sont alternes dans les
abiétinées, les podocarpées, les araucaria, les
salisburiées. Lorsque les feuilles des conifères
sont alternes, elles sont éparses ou rapprochées
en paquets enveloppés à leur base par des feuilles
atrophiées, réduites à l'état de minces écailles
membraneuses.
La couleur générale des feuilles de conifères
est le vert foncé en dessus et le vert blanchâtre
en dessous ; cette dernière coloration tient à la
présence des stomates sur cette partie de la
feuille.
Les feuilles de lif sont vénéneuses. Les bour-
geons de quelques sapins sont employés pour
fabriquer une bière très douce fort estimée des
Canadiens,
VI. Appareil floral. — Les fleurs des conifères
sont diclines ou uiiisexuées ; fréquemment les
fleurs mâles et les fleurs femelles sont portées
sur des pieds séparés, ce qui lait dire de la plu-
part de ces plantes qu'elles sont dioiques. Par la
greffe, un seul individu peut porter les deux sexes:
c'est ainsi que l'arbre aux quarante écus ou ginko
du Jardin botanique de Montpellier était un pied
femelle sur lequel on a grifl'é un rameau dun
pied mâle ; dans un grand nombre de parcs où
cet arbre est cultivé comme ornement à cause de
son feuillage bizarre, on pratique la même opéra-
tion.
Los fleurs mâles des conifères ne sont jamais
solitaires. Les inflorescences ou réunions de fleurs
mâles sont plus spécialement nommées chatons.
Chaque fleur mâle comprend un pédicelle ou filet
terminé par une sorte d'écaillé ou de chapeau
CONIFERES
— 487
COiNIFÈRES
{anthère), à la partie inférieure duquel sont fixés
les sacs polliniques ou loges de l'anthère. Ceux-ci
renferment les grains de pollen. Chaque fleur
mâle chez les conifères est donc réduite à une
étamine composée d'un filet et de trois à huit sacs
polliniques. Ce n'est guère que dans le genre
ginko qu'on trouve seulement deux loges à l'an-
thère. Les sacs polliniques, au moment de la pol-
linisation ou dispersion du pollen, s'ouvrent tous
par une fente longitudinale. Les étamines sont
caduques, en général le rameau qui les porte
tombe avec elles. Cette chute suit de près la pol-
linisation.
Aucun périanthe, calice ou corolle, n'accompagne
la fleur mâle des conifères.
La dissémination des grains de pollen se fait
exclusivement par le vent et elle est parfois favo-
risée par deux ailes membraneuses dont sont
pourvus les granules polliniques de certaines es-
pèces. A certaines époques de l'année (avril,
mai), en Suède et en Norvège, les grains de pol-
len des sapins sont transportés en si grande abon-
dance qu'ils couvrent tout le pays d'une fine pous-
sière jaune. Les paysans suédois et norvégiens
disent qu'il pleut du soufre. Le pollen des coni-
fères sert aux mêmes usages que la poudre de
lycopode, qu'il sert à falsifier. Ainsi on l'emploie
au théâtre pour simuler des éclairs ; en médecine
on en fait usage pour saupoudrer les parties orga-
niques susceptibles de se fendiller par le frotte-
ment. Pour reconnaître la poudre de lycopode
falsifiée, il suffit de regarder les granules à la
loupe ; les grains de Ijxopode sont petits et trian-
gulaire ; le pollen des conifères est formé de
masses arrondies, ailées, volumineuses.
Les fleurs femelles des conifères sont rarement
solitaires (if), plus ordinairement elles sont réu-
nies en grand nombre,, et c'est leur inflorescence
qui porte plus particulièrement le nom de cône,
qui a fait donner le nom de Conifères à la famille
entière. Chaque fleur femelle comprend une feuille
écailleuse qu'on appelle bractée mère, dans l'ais-
selle de laquelle apparaît un axe transformé en
une lame foliacée appelée écaille ovulifère. Cette
écaille ovulifère, plus ou moins adhérente à la
bractée mère, porte les ovules sur sa face supé-
rieure. Suivant les genres, ces ovules sont dres-
sés, horizontaux ou renversés ; chacun d'eux est
nu, droit, et pourvu dun seul tégument plus ou
moins longuement adhérent à l'écaillé.
Chaque écaille ovulifère porte un ovule chez les
podocarpus, les araucaria^ deux ovules chez les
abiétinées , les thuia, les biota, de trois à treize
chez les sequoïa, les cyprès.
Au sommet du nucelle de chaque ovule se pro-
duit une cavité, la chambre pollinique, dans la-
quelle les grains de pollen s'accumulent et séjour-
nent pendant le temps très long qui sépare la
pollinisation de la fécondation. La chambre polli-
nique est tapissée par une matière gommo-rési-
neuse contractile, qui a pour but de recueillir les
grains de pollen quand ceux-ci ont traversé le
micropyle ; sitôt aprè: l'entrée des grains de pol-
len dans la chambre pollinique, le micropyle se
ferme.
La fécondation des conifères ne s'opère qu'au
bout d'un temps très long, variant entre six mois
et deux ans.
Après la fécondation, et même déjà après la
pollinisation, le tégument ovulaire se transforme
de façons extrêmement variées, donnant tantôt
l'enveloppe mi-partie charnue et mi-partie ligneuse
du ginko, tantôt l'enveloppe ligneuse des pins,
ou l'enveloppe membraneuse des thuia.
A la suite de la fécondation, les écailles ovuli-
fères et les bractées sont s(Hivent transformées en
organes protecteurs spéciaux. Quelques-unes de
ces parties joignent à ce rôle d'organe protecteur
celui d'organe disséminateur: nous citerons comme
exenrples les arilles rouges qui enveloppent les
graines d'if et qui en provoquent la dissémination
par les oiseaux, les écailles ovulifères charnue»
des genévriers si recherchées des grives. Les baies
de genièvre, qui proviennent de ces écailles trans-
formées en enveloppes charnues accessoires, sont
employées pour parfumer certaines liqueurs alcoo-
liques vendues sous le nom de genièvre. Dans le
Dauphiné, les vieilles gens ont coutume d'employer
les baies de genièvre à parfumer la fumée qui doit
atteindre les salaisons qu'on veut conserver sè-
ches et fumées. Cette habitude se retrouve encore
en Franche-Comté et dans la Lorraine. En Alle-
magne et en Suisse, on s'en sert pour assaisonner
la choucroute.
VIL Époque d'apparition des conifères. — Les
conifères sont des plantes très anciennes ; leurs
premiers représentants apparaissent dans le
trias; c'est pendant la période jurassique que ces
végétaux ont atteint leur plus grand développe-
ment. Toutes les espèces de cette période appar-
tiennent à des genres aujourd'hui disparus et que
l'on rapporte aux familles exotiques des araucarias
et des séquoiées. Pendant la période crétacée, la
famille dominante fut celle des abiétinées. Les
plus modernes des conifères sont les cupressinées :
c'est la famille qui a le plus de représentants ac-
tuellement.
Vliï. Classification des conifères actuels. — On
peut subdiviser les conifères actuels selon que
leurs ovules sont renversés ou dressés, comme
l'indique le tableau ci-dessous.
1 ovule sur chaque écaille ovuli-
fère ; pas d'ai les àbaccabiÉbs.
Genres principaux : Arauca-
ria, Dammara.
2 oTules sur chaque écaille ovu-
lifère ; 1 aile postéro-Iatérale.. Abiétihêbs.
Ovules y Genres principaux ; l'in, Sa-
renversés.) P'n. Sapinette, Mélèze,
Cèdre.
Plus de 2 ovules sur chaque
écaille ; 2 ailes latérales sy-
métriques Skocoîbbs.
Genre principal : Se -
quoia.
Mêmes caractères que les Sé-
quoiées, sauf des ovules dres-
sés et des graines à testa
charnu ligneux Salisbdbibes.
Genre unique : Ginko,
Graines charnues Taxinées.
Genre principal : If.
Graines et bractées charnues
PODOCABPEBS
Ovules
dressés.
Graines sèches, à ailes symétri-
ques ou sans ailes; noix ou
J charnue ou ligneuse Cuprbssinées
I Genres principaux ; Thuia.,
1 Cyprès, Callilris, Gené-
\ vrier,
2. Produits des conifères. — I. Bois. — Nous
avons fait connaître les bois des conifères en par-
lant de leurs tiges. Ces bois sont très employés
dans la marine et dans la menuiserie courante.
Nous ajouterons à ces premières indications quel-
ques renseignements complémentaires. Le bois des
loupes de cullitris d'Algérie fournit à l'ébénisterie
un bois très estimé. L'histoire rapporte que Cicé-
ron paya un million une table dun seul morceau
pris dans l'une de ces loupes. Le boi? de thuia
rivalise encore aujourd'hui avec le bois de rose.
Le bois de \'if, veiné de rouge, est susceptible
d'un très beau poli ; il est fort recherché des lu-
thiers et des tourneurs. L'odeur aromatique du
CONIFÈRES
488
CONIFÈRES
bois de cyprès l'a fait employer par les anciens
pour fabriquer des cercueils et des sarcophages.
Le bois du genévrier de Virginie, légèrement
violacé et odorant, est désigné vulgairement sous
le nom de bois de cèdre ou de cèdre rouge; il sert
à envelopper les crayons de graphite; à la distilla-
tion, ce bois de genévrier donne une essence que
l'on a qualifiée à: essence de cèdre. Le bois du getié-
vrier oxycèdre, brûlé à l'abri de l'air, comme on
le pratique pour fabriquer les goudrons, laisse
écouler un liquide brunâtre, huileux, inflammable,
d'une odeur empyreumatique, connu sous le nom
à'huide de code; ce liquide presque caustique est
employé pour la guérison des ulcères des chevaux
et de la gale des moutons; on lui substitue sou-
vent y huile de goudron de pin , qui lui est infé-
rieure comme qualité, et très souvent Vhuile de
goudron de houille, qui n'a aucune de ses pro-
priétés.
II. Résines et leurs dérivés.
a. Ambre OM succin. — L'ambre ou succin est
une résine fossile, qui provient du Piiius succini-
fera. Cette substance est transparente jaune ou
brune, ou opaque lactescente et verdâtre. Mau-
vaise conductrice de l'électricité, d'une densité de
0,9, elle fond vers 180° en donnant un liquide
noir, analogue à la poix.
Cette résine fossile sert à fabriquer une foule
de menus objets, porte-cigares, perles, etc. Les
anciens s'en servaient beaucoup, ils connais-
saient l'ambre de Constantinople et celui de la
Baltique ; ils en faisaient des amulettes /fouilles
d? Pompéi). De nos jours cette habitude s'est
conservée, et c'est ainsi qu'on fait souvent porter
aux jeunes enfants des colliers d'ambre soi-disant
pour les préserver des convulsions. De tout temps
l'ambre le plus estimé fut celui de Turquie.
On trouve l'ambre au fond de la mer Baltique
d'oii on l'extrait à la drague; on le trouve en-
core dans les environs de Paris, dans les ter-
rains connus sous les noms d'argile plastique et
de grès vert. Mais dans cette localité l'ambre est
à l'état de granules très petits. Dans les gros
morceaux d'ambre de la Baltique on rencontre sou-
vent des insectes admirablement conservés, de
petits reptiles et jusqu'à des gouttes d'eau. Ces
objets ont été englobés au moment même où le
succin s'écoulait de l'arbre qui l'a produit. De nos
jours on voit des faits analogues se produire dans
la résine de copal, produite par les dammara, arau-
cariées de la Nouvelle-Calédonie.
La plus belle collection d'ambre qui existe est
celle de M. Reboux, savant archéologue pari-
sien.
Dans le commerce, on vend souvent le copal
sous le nom d'ambre. Le copal est plus friable
que l'ambre ; on l'écrase facilement sous la dent.
b. Copal blanc ou Dammar. — Cette résine
coule spontanément du tronc des dammara, végé-
taux conifères de la famille des araucariées, qui
habitent toute l'Océanie. Les dammara abondent
surtout dans la Nouvelle-Calédonie. Au moment
où on la recueille, la résine de copal est blanche,
transparente comme du cristal blanc; elle durcit à
l'air et prend peu à peu une ressemblance
souvent très grande à tous les points de vue avec
le succin.
c. Sandaraque. — La résine sandaraque provient
du Callitris quadrivalvis ; elle se présente sous
forme de petites larmes recouvertes d'une pous-
sière fine. Elle se laisse broyer sous la dent. Avec
l'alcool elle donne un fort beau vernis très em-
ployé. On se sert souvent de la sandaraque pour
rendre au papier l'imperméabilité de sa surface
Quand il l'a perdue accidentellement.
d. Térébenthine et autres produits des pi?is et
des sapifis. — Térébenthiiie du mélèze ou de
Strasbourg. — Cette substance vient de Suisse ;
elle est très amère, soluble dans l'alcool à 35°;
elle est assez molle ; on l'appelle aussi térébentldne
de V(fjiise. On extrait cette résine au moyen de
trous faits à l'aide d'une tarière, en commençant à
1 mètre du sol et en continuant jusqu'à la hauteur
de 4 mètres. On adapte à chaque trou un canal en
bois qui conduit la résine dans une auge d'où elle
est retirée pour être passée au tamis. Lorsqu'un
trou ne laisse plus couler de résine, on le bouche
avec une cheville et on l'ouvre de nouveau 15
jours après; il en donne alors de grandes quanti-
tés. La récolte dure de mai à la fin de septembre.
Un mélèze vigoureux produit ainsi de 3 à 4 kilo-
grammes de résine par année; il peut en produire
pendant quarante ou cinquante ans. Le bois qui
en provient ne peut guère servir à la construc-
tion.
Térébenthine du sapin ou au citron. — Cette
substance vient des Vosges et des Alpes. Deux fois
l'an, au printemps et en automne, le suc résineux
des sapins suinte à travers l'écorce et vient former
à sa surface des larmes que les pâtres recueillent
dans des cornets de fer blanc. Cette résine est tou-
jours fort rare, car chaque collecteur peut à peine,
en travaillant bien, en recueillir 125 grammes par
jour, et, de plus, le sapin ne donne cette résine
que quand son diamètre dépasse O^SS, et il
cesse d'en donner quand son épaisseur atteint un
mètre. La térébenthine du sapin est très fluide,
parfaitement transparente, peu soluble dans l'al-
cool ; son odeur est suave, citronnée.
Baume du Cnnada. — Cette résine est produite
par l'Abies balsamea ou sapin balsamique. On la
recueille comme la térébenthine au citron et aux
mêmes époques. Les propriétés du baume de Ca-
nada sont très peu différentes de celles de la téré-
benthine au citron.
Poix des Vosges. — Par des incisions faites à
l'écorce des sapinettes coule un liquide résineux
qui se concrète à l'air en prenant des teintes roses
assez foncées. Fondue avec de l'eau dans une chau-
dière, on en obtient une poix opaque fauve foncé.
Cette poix est solide, cassante à froid, mais avec
le temps elle finit toujours par couler ; son odeur
est balsamique, sa saveur douce, parfumée, non
amère. A Bordeaux et à Rouen on fabrique une
poix blanche que l'on vend au lieu et place de la
poix des Vosges. Cette poix blanche est faite avec
du galipot du pin maritime, de la résine jaune, de
la térébenthine de Bordeaux et de l'essence de té-
rébenthine, le tout fondu et brassé dans l'eau.
Cette pseudo-poix blanche est très amère, elle sent
la térébenthine de Bordeaux ou son essence ; elle
se dissout entièrement dans l'alcool.
Encens de Russie. — Cette résine provient du
pi7ï laricio ou pin de Corse. En brûlant, cette subs-
tance répand une odeur balsamique des plus agréa-
bles. On s'en sert en Russie pour parfumer les
appartements.
Térébe7ithine de Bordeaux et ses dérivés. — Cette
térébenthine découle du Pinus maritima, que l'on
a planté dans les Landes pour arrêter les progrès
des dunes. On commence à exploiter l'arbre quand
il est âgé de trente ans. On le travaille chaque
année, du mois de février au mois d'octobre, plus
ou moins selon l'année. On fait d'abord au pied de
l'arbre une entaille avec une hache à angles relevés
en dehors afin qu'elle n'entre pas trop avant, et on
continue tous les huit jours de faire une nouvelle
plaie au-dessus de la première jusqu'au milieu de
l'automne. Chaque entaille a 8 centimètres de
largeur sur 2 à 3 centimètres de hauteur, de sorte
que lorsqu'on a continué d'en faire du môme cùté
pendant quatre ans, on se trouve arrivé à la hau-
teur de 3 mètres. Alors on entame le tronc par le
cùté opposé et on continue ainsi tant qu'il reste
de l'écorce saine sur l'arbre; mais, comme pendant
ce temps les anciennes plaies se sont cicatrisées,
CONIFÈRES
- 489
CONJONCTION
lorsqu'on a fait le tour de l'arbre on recommence
sur le bord de ses plaies. De cette manière, quand
l'arbre est vigoureux et l'exploitation bien con-
duite, elle peut durer cent ans.
La résine qui découle des incisions est reçue dans
«n creux fait au pied de l'arbre : on le vide tous
les mois. Dans le pays, cette résine brute est ap-
pelée gomme molle. Pour purifier la térébenthine,
on peut ou la filtrer sur de la paille après l'avoir
fondue au feu, ou la filtrer au soleil. Le second
procédé, qui ne peut s'appliquer qu'en été, est de
beaucoup préférable au premier; il donne la téré-
benthine vierge; malgré son nom, cette térében-
thine est trouble, d"une saveur acre, amère, d'une
odeur désagréable.
Par la distillation sans eau, on extrait de la téré-
benthine de Bordeaux l'essence de téréhentliine.
On appelle barras ou galipot la résine qui s'est
écoulée durant le cours de l'hiver des plaies faites
pendant l'été. Cette résine a séché sur l'arbre,
s'est salie et se présente sous l'aspect de plaquet-
tes brunes.
Le résidu de la distillation à feu nu de la téré-
benthine et du galipot est la colophane, employée
pour donner du mordant aux archets de violon.
La colophane cuite à l'eau donne la poix résine
ou poix jaune. Cette poix est peu odorante, à cas-
sure vitreuse.
La poix noire s'obtient en brûlant dans un four-
neau sans air les détritus de la fabrication des
matières précédentes. Le fourneau en question est
allumé par le haut. La résine produite coule dans
des baquets pleins d'eau ; à la surface de ce li-
quide surnage une matière huileuse, huile de poix
ou pisseleon. La masse demi-solide qui reste au
fond du baquet est fondue avec de leau et cuite
jusqu'à ce qu'elle devienne cassante par un refroi-
dissement brusque ; alors on la coule dans des
moules : c'est la poix noire.
Le goudroii s'obtient de la même manière, mais
en brûlant les troncs épuisés.
3. Usages pharmaceutiques. — A ceux déjà, in-
diqués ci-dessus, nous ajouterons l'usage des tisa-
nes de bourgeons de sapi?is, ainsi nommés bien que
ces bourgeons soient fournis par le pin sylcestre,
et les propriétés vénéneuses de Vif et an genévrier
sabiiie.
4. Culture des conifères. — Les conifères pous-
sent dans tous les terrains ; le sol qui leur convient
le mieux est un sol calcaire perméable ; sauf pour
le taxodium ou cyprès de Virginie, la persistance
d'une humidité trop grande du sol fait périr les
arbres résineux. Dans les jardins ou dans les pots,
la terre qui convient le mieux aux conifères est la
terre de bruyère meuble.
En petit, les semis de conifères se font en pot
ou en terrines, sur la terre de bruyère. En grand,
le semis est fait soit après un défrichement com-
plet du terrain^ soit après avoir nettoyé le sol de
place en place. Dans l'un comme dans l'autre cas,
le semis est fait à la volée. Le second procédé est
nommé ensemencement par paquets. Ces semis
en grand, surtout sur les terrains en pente rapide,
doivent être faits un peu avant la chute des neiges.
Dans les semis en petit, comme dans les semis en
grand, il faut éviter avec soin de trop enterrer les
graines. Pour toutes les graines charnues, les semis
doivent suivre de très-près la récolte des graines ;
pour les autres graines, on doit les semer à l'en-
trée de l'hiver ou au commencement du printemps.
Ne jamais semer trop dru ; il y a toujours avantage
à avoir des plants trapus, ils résistent beaucoup
mieux à l'action des haies.
La durée de la germination varie de quinze jours
à dix mois. Après quelques semaines, on repique
les jeunes plants; cette opération a pour but de
donner des plants plus trapus, et aussi d'enrayer
les ravages de la maladie de la fonte. Quelques
conifères, comme le pin de Corse, reprennent dif-
ficilement après le repiquage ; pour ces plantes,
il convient d'arracher les jeunes plants en novem-
bre, de les préparer pour le repiquage, puis de les
enterrer tout entiers dans un silo peu profond,
creusé dans un sol très-sablon.neux ; au printemps,
la base de ces jeunes plants est couvei'te de nou-
velles racines ; on les replante avec précaution, et,
pendant quelque temps, on les recouvre d'un
paillis.
On peut multiplier les conifères par boutures,
par marcottes et par greffes. Le bouturage et le
marcottage des conifères ne présentent aucune
condition particulière, sinon qu'il convient pour
les boutures de les faire soit à chaud et à l'étouffée
dans la serre à multiplication, soit à froid sous
cloche éclairée au nord seulement. Les deux pro-
cédés réussissent également bien. Les greffes de
conirères se font en fente.
Les graines de conifères doivent être cueillies à
parfaite maturité, puis semées immédiatement ou
conservées au plus une année et demie dans un
endroit sec et frais. Passé ce temps, ces graines,
comme nous l'avons déjà dit, perdent leur faculté
germinative.
^. Famille des Gnêtacées. -- Les Gnétacées ont
été détachées des Conifères et constituées en une
famille à part. Elle comprend aujourd'hui deux
genres principaux. Le genre Gneium, qui a donné
son nom à la famille, renferme des arbres de l'Inde
et de rOcéanie, à tronc droit et noueux, à rameaux
élancés, à feuilles opposées, ovales, pointues, lui-
santes en dessus. Le G. gnemon, des Moluques,
est le type du genre : il porte un fruit rouge, sem-
blable à celui du cornouiller ; l'amande cuite est
comestible. Le genre Ephedra est représenté en
Europe par VE. distachya, vulgairement raisin de
mer, qui croît sur les plages sablonneuses de la
Provence et du nord de l'Afrique.
Les Gnétacées^ qui ne comptent plus aujourd'hui
que de rares représentants, ont été l'une des fa-
milles les plus répandues à l'époque carbonifère;
on désigne les Gnétacées fossiles sous le nom de
Cordaïtes {\. Végétal, pç. 2275 et227G';.
[C.-E. Bertrand.]
CONJO^CTIO^^ — Grammaire, XVIL — (Éty-
mol. : du même mot en latin signifiant unio?i.)
La conjoyiction est un mot invariable qui sert à
réunir deux mots ou deux membres de phrase.
Ex. : Pierre et Paul sont frères; aimons Dïqw. puis-
qu'il est bon. Et, puisque, sont des conjonctions.
Conjonctions simples et locutions conjonctives.
— Les conjonctions formées d'un seul mot, comme
et, ou, ni, mais, sont dites conjonctions simples.
Les conjonctions formées de deux ou de plusieurs
mots, comme tcmdis que, bie?i que, parce que, sont
dites locutions conjonctives.
Les principales conjonctions simples sont : car,
comme, donc, et, quand, que, )nais, îii, or, ou, si,
qui ne sont réellement formées que d'un seul
mot.
Car vient du latin quare. Il avait conservé en
vieux français son sens originaire de pourquoi. « Je
ne sais ni car ni coi7iment, » disait-on au treizième
siècle. — Mais (du latin maqis, plus) avait autre-
fois le sens de jlus. Cette signification a persisté
dans la locution n'e« pouvoir mais (n'en pouvoir
plus). — Ni (latin 7iec, vieux français ne). On trouve
encore dans Molière xe plus, ne moins. — Or signi-
fiait en vieux françuia tnainfenant, proprement: à
cette heure, du latin liora, heure : a or dites-moi, »
c'est-à-dire « dites-moi jnaintenant. »
Conjonctions formées primitivement de deux
mots, aujourd'hui écrites en un seu^. — Il faut y
joindre les conjonctions telles que />^w/'3/, puisque,
néanmoins, cepeîidant, aussi, encore, lorsque; elles
sont, en réalité, composées de deux mots distincts,
CONJONCTION
490
CONJUGAISON
mais l'orthographe moderne Itî a réunis en un
seul.
Aussi (vieux français alsi, du latin alhid-sic). —
Cependant, de ceetpenilant, Vittérsilement pendant
cela : « Nous lisons, et cepewiant la nuit vient. »
— Encore (vieux français ancore, à cette heure,
du latin ha7ic horam). — Lorsque (de lors et que).
Cette locution est encore séparable : lors même
que.
Néanmoins, vieux français nêantmoins, de némit
et de moins. Néaiit signifie littéralement non,
rien. C'est dans ce sens que La Fontaine l'a encore
employé : « J'ai maints chapitres vus, qui pour
héant se sont tenus. » ]Sémit-77ioi7is est l'équiva-
lent do ne pas m(n7is : « II est jeune et néan77ioins
sérieux, » c'est-à-dire il n'en est pas 77wins sérieux.
— Plutôt (plus et tôt). — Puisque {pius et que).
Les principales locutions conjonctives sont :
parce que, afin que, tmidis que, alo7's que, sa7is
que, dès que, ava7it que, api^ès que, etc.
Remarques pour l'o7't/tog)'aphe et l'nnahjse. —
l» Que est pronom relatif quand il signifie lequel,
laquelle; 2» adverbe lorsqu'il signifie C077i/jitn;
;i° conjonction lorsqu'il sert à joindre deux mem-
bres de phrase, comme dans : je crois que Dieu est
saint.
Quand est conjonction et signifie quoique, lo7-s-
qiœ. Ex. : Je vïe7idrai quand même il pleuv/^ait.
— Je pa7-tirai quand fawai fini.
Quant suivi de à est une locution prépositive
qui signifie pour, à l'égard de. Ex. : Quant à 77101,
je ?fe7i ferai rie7i.
Oit, adverbe, marque le lieu et prend un accent
grave ; ou, conjonction, signifie ou bien et ne prend
pas d'accent : Mon frère ou moi.
Si est adverbe lorsqu'il signifie ta)\t, telle77ient;
dans les autres cas, il est conjonction : « Je sorti-
rai si le temps est beau. »
Il ne faut pas confondre pa7'ce que et par ce
que.
Parce que (en deux mots) est une location con-
jonctive qui signifie par la raison que. Ex. : Je me
tais, parce que je C7^ai7is.
Par ce que (en trois mots) est une locution qui
signifie par la chose que, d'après la chose que.
Ex. : Je suis instruit par ce que 77ion pèi-e 771a
dit (c'est-à-dire par cela que 77io7i père 77i'n dit,.
Il ne faut pas confondre quoique et quoi que.
Quoique (en un seul mot) est une conjonction
signifiant iien que. Ex.: Quoique pa7-esseux, d
réussit asssez bien.
Quoi que (en deux mots) signifie quelle que soit
la chose que : Ex. : Quoi que vous disiez, il fait
la sourde oreille.
Exercices. — La distinction de que pronom rela-
tif et de que adverbe ou conjonction est un des
sujets sur lesquels on ne saurait trop appeler ni
trop retenir l'attention des élèves ; il faut des exer-
cices multipliés pour leur rendre familière cette
distinction qui est logiquement très simple, mais
qui, dans la pratique, ne leur apparaît par aucun
signe sensible.
Voici un exemple de dictée qui, sans multiplier
artificiellement les difficultés, donne lieu à un nom-
bre suffisant de questions sur les conjonctions et
particulièrement sur les trois sortes de que (que,
adverbe; que, conjonction; que, pronom relatif) :
Fnfancede C7jrus. — lin ioar que le jeune Cyrus
assistait à un repas très somptueux, que donnait
son grand-père Astyage, celui-ci lui permit de dis-
poser à son gré de tous les mets qu'on avait ser
vis; l'enfant les distribua à tous les officiers du
roi, mais il ne donna rien à Sacas, l'échanson d'As-
tyage. Le roi se montra sensible à cet afl'ront, et
reprocha vivement à Cyrus d'avoir manqué d'égards
envers un officier si distingué par son dévouement
et par l'adresse mi'rveilleuse avec laquelle il lui
servait à boire. « Ne faut-il que cela, repartit Cyrus,
pour mériter vos bonnes grâces? Je les aurai bien-
tôt gagnées, car je me fais fort de vous servir
mieux que lui. » Aussitôt on équipe le petit Cyrus
en échanson. Il s'avança gravement, d'un air sé-
rieux, la serviette sur l'épaule, et tenant la coupe
délicatement de trois doigts, il la présenta au roi
avec une grâce et une dextérité que tout le monde
admira. Quand cela fut fait, il se jeta au cou de
son grand-père, et s'écria plein de joie : « O Sacas!
pauvre Sacas! que je te plains! te voilà certaine-
ment perdu ! j'aurai ta charge. » Astyage lui dit en
lui témoignant beaucoup d'amitié : « Je suis très
content, mon fils, on ne peut pas mieux servir.
Vous avez cependant oublié une cérémonie qui est
essentielle, c'est de goûter la liqueur que vous
m'avez présentée. — Ce n'est point du tout par
oubli, reprit Cyrus, que j'en ai usé ainsi. — Et
pourquoi donc? dit Astyage. — C'est çwe j'ai craint
que cette liqueur ne fût du poison. — Du poison!
s'écria le roi, et comment cela ? — Oui, mon
père, répliqua le jeune prince, car il n'y a pas long-
temps que dans un repas que vous donniez aux
grands seigneurs de votre cour, je m'aperçus
qu'après qu'on eut bu de cette liqueur, la tête
tourna à tous les convives. On criait, on chantait,
on parlait à tort et à travers. Vous paraissiez avoir
oublié, vous, que vous étiez le roi, et eux, qu'ils
étaient vos sujets. Enfin, quand vous voulûtes vous
mettre à danser, vous ne pouviez pas vous soutenir.
— Comment! reprit Astyage, n'arrive-t-il pas la
môme chose à votre père ? — Jamais ! répondit
Cyrus : quand il a bu, il cesse d'avoir soif, et voilà
tout. M (RoUin.) [J. Dussouchet.]
CO>'JUGAl.sOX.— Grammaire, Xin. — Dans son
sens général, ce mot désigne l'arrangement ou la
suite ordonnée des diverses formes du verbe pour
exprimer les voix, les modes, les temps, les
nombres et les personnes. La conjugaison forme
la pièce la plus importante du mécanisme gram-
matical : c'est ce qui explique la place qu'elle
occupe dans les grammaires et l'importance (ju'on
y attache dans les exercices scolaires pour l'étude
de la langue.
Ce n'est point ici le lieu de faire une théorie
complète de la conjugaison : on la trouvera dans
toutps les grammaires. Il nous suffira d'appeler
l'attention sur les faits mis en lumière par la
philologie moderne et notamment par MM. Littré,
Egger, G. Paris, Brachet et Chabaneau. Ils four-
nissent l'explication de ce qui paraissait jusqu'a-
lors des anomalies ou de pures bizarreries de
langage.
Le principe fondamental de toute conjugaison
est de faire suivre le radical ou le thè>7ie du verbe
d'une partie variable appelée tf777ii7iais07i ou
flexion : Aime?', j'aime, nous aiimons, tu aimais,
vous aimff:;, il aim«, ils aimè>'P7it, etc.
Le radical exprime l'idée générale de l'attribut
(action d'aimer) ; la terminaison marque les rap-
ports subjectifs de cette idée (modes, temps, nom-
bres, personnes).
Dans les langues classiques anciennes, le grec
et le latin, la conjugaison présentait une grande
variété de terminaisons. Ainsi, à l'actif, le latin
avait pour les différents temps : ar7io, amaha77i,
aniavi, umavira7n, n77iabo, amavero, ama, nme777,
a77iii7'em, a77iavcri)7i, a7t)ai isse77i; au passif les di-
verses personnes du présent de l'indicatif étaient :
i'77ïor, o77iaiis, u77iatur, anin77iur, a77ïU7iiini, a77iun-
tur. Dans le passage du latin au roman, puis au
français, les terminaisons se sont assourdies et
beaucoup ont cessé d'être distinctes. Un nouveau
système de conjugaison s'est alors formé. « La
conjugaison, dit M. Gaston Paris, est peut-être la
partie de la langue latine que les langues romanes
ont traitée avec le plus d'originalité, qu'elles ont
le plus profondément renouvelée. Des voix se
sont perdues ; des modes, des temps ont disparu,
CONJUGAISON
- 4'J1 —
CONJUGAISON
d'autres ont été crées que ne connaissait pas_ la
langue mère ; les conjugaisons ont été mêlées
l'une avec l'autre et classées d'après d'autres prin-
cipes ; enfin la décomposition a été complète et
c'est bien un édifice nouveau qui est sorti des dé-
bris de l'ancien. » {De l'accent latin, p. 63.)
Le français n'a pas de forme pour exprimer la
voix passive. Il y supplée par une conjugaison
composée du verbe être et du participe passé.
Nous n'avons plus ni le supin, ni le gérondif,
mais nous avons un nouveau mode, le conditionnel,
qui a été formé de l'infinitif, comme le futur.
Deux modifications ont été introduites dans les
temps : 1° les temps passés, au lieu d'être exprimés
par des désinences [amavi, amaverom, amavero,
amaverim, omavissem), le sont par des temps
composés de l'auxiliaire avoir et du participe passé
(j'ai aimé, f avais aimé, j'aurai aimé, que j'aie
(limé, que feu.^se aimé) ; 2° le futur s'exprime en
joignant à l'infinitif les formes ai, as, a, etc., du
verbe avoir, de sorte que j'aimerai ::= aimer j'ai
ou j'ai à aimer. C'est ce qui est rendu évident par
certaines formes non encore agglutinées de ce
temps en espagnol et en provençal. Le conditionnel
exprimant l'avenir par rapport à un passé, comme
le futur exprime l'avenir par rapport à un présent,
ce sont les terminaisons ais, ais, ait, etc., de l'im-
parfait du verbe avoir ajoutées à l'infinitif qui ont
formé ce temps nouveau.
La terminaison 5 est restée afi'ectée, en français
comme en latin, à la deuxième personne du sin-
gulier. Quant à la troisième, elle, a eu longtemps
pour finale un t, même dans les verbes en er; on
écrivait il aimet, qu'on ne prononçait pas autre-
ment que il aime : de là Tapparition de ce t dans
les formes interrogaiives aime-t-il, viendra- i-on?
La première personne n'avait d'abord jamais d's;
on écrivait je croi, je voi, je tien, comme on écrit
j'aime. Vs final n'apparaît qu'à partir du xiV siè-
cle et n'est admis que vers \&'1Ç> : dans la poésie
on se dispensa encore souvent de l'écrire.
L'imparfait du subjonctif n'a pas été formé du
temps correspondant en latin, mais du plus-que-
parfait auquel on a attaché le sens de l'imparfait.
Ainsi j'aimasse ne vient pas de aynarem, mais de
amavissem, par contrat^don amassem.
On remarquera que le latin n'avait qu'une forme :
amavi, pour rendre les trois parfaits français : j'ai-
mai, j'ai aime, j'eus aimé. C'est une constatation
du caractère analytique des langues romanes ou
néo-latines.
11 a été d'usage assez longtemps de distinguer
quatre conjugaisons en français : en er, en ir, en
oir, en re, et cela parce que les grammairiens la-
tins avaient aussi quatre classes de verbes : en
are, en ère, en ère et en ire.
Aujourd'hui on est généralement d'accord pour y
substituer une autre classification qui consiste à re-
connaître deux conjugaisons vivantes ou modernes,
l'une en er, l'autre en ir avec allongement en iss,
et une conjugaison morte ou archaïque, compre-
aint des verbes en ir sans allongement, les verbes
en oir et en re,
M. Chabaneau rend parfaitement compte des
faits sur lesquels repose ce classement. « La pre-
mière et la quatrième conjugaisons latines ofl'raient
à la majeure partie de leurs formes des flexions
accentuées; aussi, quand la nouvelle langue com-
mença à avoir conscience d'elle-même et que,
distincte enfin du latin dont elle s'était sensible-
ment séparée, elle sortit du chaos des transforma-
tions confuses où les lois phonétiques jouaient le
principal rôle, et que la loi de l'analogie prit à son
tour la prépondérance, les seuls modèles en entier
dont elle se trouva alors en possession et qu'elle
dut, par conséquent, se proposer exclusivemeiit,
tant pour la création ou l'appropriation de ses nou-
veaux verbes que pour la régularisation de ceux
qui existaient déjà, furent d'abord la première con-
jugaison (er = are) et ensuite la quatrième {ir=ire).
Les verbes appartenant originairement à la troi-
sième et à la seconde, c'est-à-dire dérivés de ver-
bes en ère ou en ère, qui n'avaient pas été ramenés
par le latin vulgaire à la conjugaison en ire, con-
tinuèrent d'être en usage, mais le nombre ne s'en
accrut pas et beaucoup, au contraire, furent suc-
cessivement délaissés.
« Ces conjugaisons vivantes en er et en ir sont
les seules qui aient jamais servi et qui servent
encore à former de nouveaux verbes, la première
avec des substantifs (boiser, draper) ; la seconde
avec des adjectifs (grandir., cfiérir). Ce sont aussi
les seules sur lesquelles se soient modelés les ver-
bes empruntés aux langues étrangères, soit an-
ciennes, soit modernes. Etant les seuls moules à
verbes de la langue française, elles devaient être
et elles furent, dès le début, des moules complots.
Elles devaient être aussi des moules complètement
distincts, puisqu'elles devaient servir à des usages
différents. » (Histoire et théorie de la coiijugaison
française, p. 54, 69.)
Les verbes en er forment les quatre cinquièmes
des verbes français; les verbes inchoatifs en ir sont
au nombre d'environ 330. Les verbes de la conju-
gaison morte ne sont au plus que 120 et composent
divers groupes.
On avait proposé, d'après une distinction venue
des langues germaniques et dont nous parlerons
bientôt pour l'allemand et l'anglais, de diviser les
verbes français en verbes forts et en verbes faibles.
Mais M. Gaston Paris a parfaitement démontré que
cette division ne reposait pas sur les faits, et que
s'il y a des verbes à formes fortes ou accentuées
sur le radical : croître, dites, tins, et des verbes à
formes faibles ou accentuées sur la terminaison :
dormir, devez, aimai, on ne trouve pas de verbes
français qui soient complètement forts.
Toutefois les conjugaisons vivantes sont surtout
composées de verbes faibles, tandis que la conju-
gaison archaïque comprend la plupart des verbes
forts. On voit que cette distinction correspond à
celle de verbes réguliers et de verbes irréguliers.
« Le verbe fort, dit M. Littré, répond, en un
certain sens, au verbe irrégulier, le verbe faible
au verbe régulier; mais, tandis que la notion d'ir-
régularité et de régularité ne fait que constater un
fait, ceci pénètre plus avant et est une théoi-ie. A
ce point de vue, l'ancienne notion d'irrégularité
disparaît pour ne plus rester qu'aux verbes ano-
maux, défectueux ou véritablement irréguliers, et
le verbe fort est considéré comme une autre ma-
nière de conjuguer. L'idée d'irrégularité fait sup-
poser des formations qui, pour une cause quelcon-
que, ont été déviées de leur type ; or, ce ne serait
ici nullement le cas. Le verbe fort serait aussi ré-
gulier que tout autre, seulement il obéirait à une
loi difl'érente. Il faut, en elïet, qu'il y ait autre
chose que l'irrégularité pour que la langue d'oil ait
pris à son compte les formes que les grammai-
riens nomment présentement verbes forts, et les
ait appliquées en tant de cas où le latin ne lui en
fournissait pas le modèle. C'est sans doute une
euphonie, un balancement entre le radical et la
terminaison qui déterminent cette sorte de conju-
gaison. »
A l'appui de cette distinction en verbes forts et
verbes faibles, M. Littré cite la division des verbes
en ir en deux classes. « La première classe com-
prend les verbes simples, comme partir, mentir,
servir; la deuxième comprend les verbes inchoatifs
(dans leur forme et non dans leur signification) :
fleurir, languir, attendrir. Les premiers se conju-
guent simplement en ajoutant au radical les lettres
de flexion, je partais, je mentais^ je servais; les
seconds, qui répondent au latin florescere, lati-
guescere, etc., et à l'italien fiorisco, intercalenj
CONJUGAISON
— 492 —
CONRAD
avant les lettres de flexion la syllabe iss : Je fleu-
rissais, je languissais, j'attendrissais. Cela forme
deux conjugaisons distinctes des verbes en ir, et
non des verbes irrcguliers et des verbes réguliers. »
{Hist. de la langue fr., I, 121.)
Le système de la conjugaison française se re-
trouve, avec quelques variantes, dans les autres
langues romanes, mais celui des langues ger-
maniques en diffère notablement. Là on trouve
deux systèmes distincts : celui de la conjugaison
faible ou nouvelle, qui ajoute au radical invariable
tiré de l'infinitif les diverses terminaisons des
temps simples ; celui de la conjugaison forte ou
ancienne, qui caractérise les temps par l'apophonie
ou la modification delà voyelle du radical [['umlaut
des allemands).
Voici les exemples de deux verbes, en allemand
et en anglais, lun de la conjugaison faible, l'autre
de la conjugaison forte :
Inf. pr. :
Part. pr. :
Part, passé
Ind. pr. :
Imparfait :
loben, louer.
la ! fend.
: geloht.
Ich lobe,
du lobst, etc.
Ich lob te,
du lobtest, etc.
sprechen, parler.
sprechend.
gesprochen.
Ich spreche,
du spric/ist, etc.
Ich sprach,
du sprachst, etc.
Inf. pr. : fo /oue, aimer. ^) r/ù'c, donner.
Part. pr. : loving. giiu?i'/.
Part, passé : loved. giren.
Ind. pr. : I love, I gire,
thou lovest, etc. thou givest, etc.
Imparfait : / loved, I gave,
thou lovedst, etc. thou gavest, etc.
Les terminaisons sont d'ailleurs peu nombreuses
et bien moins variées qu'en français.
L'allemand a trois verbes auxiliaires : htben,
avoir, sein, être, et werden, devenir. Ce dernier
joint à l'infinitif sert à former le futur et le condi-
tionnel et, joint au participe passé, il forme la voix
passive.
L'anglais a, outre les deux auxiliaires to hâve,
avoir, et to he. être, les verbes to shall, devoir, et
to will, vouloir, qui joints à l'infinitif servent h
former les futurs et les conditionnels.
Ces indications très générales n'ont d'ailkurs
pour objet que de faire comparer les deux sys-
tèmes de conjugaison dans leurs caractères géné-
raux, et non d'en donner une connaissance com-
plète, ce qui est l'œuvre propre des grammaires.
La conjugaison dans les exercices scolaires. —
Un des abus les plus fréquents dans les écoles
est celui des conjugaisons écrites. Condamné
bien souvent, il se maintient parce qu'il permet
d'occuper l'élève assez longtemps et que ce de-
voir est bientôt trouvé et dicté. Que de fois un
maître, embarrassé pour un devoir de grammaire,
jette à sa classe ces mots : « Vous conjuguerez tel
verbe (en er le plus souvent) », et voilà tout le
monde au travail. Mais h ce travail fastidieux, à
cette suite monotone de formes dont beaucoup ne
sont pas d'un usage courant, les élèves n'appor-
tent aucun soin, et les fautes fourmillent. Que de
fois on trouvera un verbe de la 4" conjusjaison,
comme mettre ou perdre, avec un passé défini ou
un imparfait du subjonctif semblables à ceux dos
Terbes en er! Les conjugaisons des temps simples
constituent seules un exercice utile, et pour que
l'élève "jompare les formes, se rende compte des
terminaisons, il faut lui donner plusieurs verbes
à conjuguer à un même temps, ou mieux encore à
faire entrer dans des phrases courtes avec tel ou
tel sujet. Puis il importe de prendre ces verbes
parmi ceux qui désignent des actes familiers à
l'enfant et qui peuvent alors entrer dans son usage
courant. Les formes des exercices peuvent être
très variées, si le maître sait choisir dans les lec-
tures les verbes intéressants qui s'y présentent,
pour en expliquer le sens et en faire étudier
l'orthographe aux divers temps. < [B. Berger.]
Ouvrages à consulter. — Brachet, Grammaire histo-
riqui; rff la languit française (Hetzel); et Nouvelle gram-
maire française (Hachette) ; — Chabaneau, Histoire et
théorie de la conjugaison française; — Ayer, Grammaire
comparée de la langue française; — B. Berger, Cours de
langue française (degré supérieur) ; — A. Chassang, Nou-
velle grammaire française (cours supérieur).
CONNAISSANCES USUliLLES. — Nous réu-
nissons sous ce titre un certain nombre de con-
naissances qui, sans appartenir rigoureusement à
une science déterminée, font partie des premières
et indispensables notions que lenfant doit recevoir
dans la famille ou à l'école (V. le même mot dans
la P* Partie).
A proprement parler, un programme complet
de ces Connaissances usuelles embrasserait toutes
les études primaires. Voici, du moins, les sujets
principaux auxquels nous consacrons des articles
distincts, sauf à renvoyer, pour l'étude plus mé-
thodique et plus approfondie de la même matière,
aux articles des différentes sciences auxquelles elle
se rattache :
— V
I.
[J.-V.
VI.
VII.
VIII. •
IX, —
l. Abréviations, Signes et Signaux,
Vocabidaire.
V. Assurances, Banques, Monnaie,
Commerce, Industrie.
V, Société, Commune. Justice, Tribu-
naux, Service militaire.
V. Cadastre, Postes,, Télégraphes, Che-
mins de fer, Locomotives, Canaux.
V. Temps [Mesure du\ Cadran solaire,
Orientation, Calendrier, Année, Mois,
Jour, Ere, Ère républicaine (au Sup-
plément).
V. Chauffage, Eclairage, Vêtements, Ali-
ments, ïioissons. Blé, Café, Viande,
Vin, Alcool, Pèche.
X. — V. Usages, Légendes, Superstitions, Jeux.
XI. — V. Inventions, Métiers, Fer, Poterie,
Porcelaine, Verre, Tissage, Papier,
Imprimerie, Poudre à canon, Pho-
tographie, Galvanoplastie.
XII. — V. Proverbes, Enigmes
CONRAD. — Hist. générale, XVIII. XIX et,
XXVII. — Nom de quatre souverains d'Alle-
magne.
Conrad I". — Ce prince, qui descendait de Char-
lemagne par les femmes, était duc de Franconie ;
il fut élu roi de Germanie en 91.', après l'extinc-
tion de la famille carlovingienne. Son règne fut
rempli par des luttes contre les grands feudataires,
ducs de Saxe, de Lorraine, de Bavière, et contre
les Hongrois. C'est en combattant contre ces der-
niers qu'il mourut en 918.
Conrad II le Salique. — Premier empereur ae
la maison de Franconie. Il succéda en 102 i à
Henri II, dernier représentant de la maison de
Saxe. Il réunit à l'empire germanique le royaume
d'Arles ou de Bourgogne (Suisse occidentale ,
Franche-Comté et vallée du Rhône). En Italie,
pour diminuer le pouvoir des évêques, il rendit le
célèbre édit de 1037, qui déclarait tous les fiefs d'Ita-
lie immédiats et héréditaires. Il mourut on 103:i.
Conrad III. — Premier empereur de la maison
de Souabe ou de Hohcnstaufen. Élu en 1138, il
CONSCIENCE
— 493 —
CONSCIENCE
dut disputer la couronne à Henri le Superbe, duc
de Bavière ; et ce fut cette lutte qui donna nais-
sance aux deux partis rivaux des guelfes (Bavière)
et des gibelins (Souabe). Il fit avec Louis VII, roi
deeFrance, la seconde croisade (1147-1149), qui
n'amena aucun résultat, et mourut en 1152.
Conrad IV. — Dernier empereur de la maison
de Souabe, fils de Frédéric II. Il fut élu empe-
reur en 1250 îi la mort de son père, mais ne put
se faire universellement reconnaître, le pape Inno-
cent IV, le grand ennemi de sa famille, lui ayant
opposé Guillaume de Hollande ; aussi l'histoire,
sans tenir compte du titre d'empereur porté par
Conrad IV, fait-elle commencer le grand interrègne
dès la mort de Frédéric II. Conrad occupa tout son
règne à guerroyer dans le royaume de Naples, dont
il portait aussi' la couronne ; il y mourut en 1254.
Son fils, le jeune Conradin, dernier rejeton de
la famille de Hohenstaufeu. ayant voulu vingt-
quatre ans plus tard disputer Naples à Charles
d'Anjou, fut fait prisonnier par ce prince, et dé-
capite en ]268.
COKSCIEIVCE. — Psychologie et Morale, VII et
XVIII.
1. Psychologie. — Conscience de soi ou cons-
cience psychologique. — Nous disons communé-
ment que nous pensons à telle ou telle chose, que
nous éprouvons telle ou telle sensation, tel ou tel
sentiment, que nous voulons accomplir tel ou tel
acte : comment le savons-nous ? Car autre chose
est sentir et savoir que l'on sent, penser et savoir
que l'on pense, agir et savoir que l'on agit : dans le
sommeil, l'esprit fonctionne, les membres se meu-
vent, mais à notre insu. H y a donc en nous, indé-
pendamment des facultés de vouloir, de penser,
de sentir, une faculté spéciale, distincte de celles-
là, et dont le rôle est pour ainsi dire de nous faire
assister à tous les pliénomènes qui résultent dans
l'âme de l'exercice de ces facultés. Nous disons
que nous avons conscience de ces phénomènes.
C'est en effet la conscience [cum et scire, savoir avec
soi-même) qui nous les révèle, et qui pour cette
raison est définie la faculté qu'a l'âme de connaî-
tre ses difi'érentes manières d'être et de se con-
naître elle-même. Pour la môme raison, on lui
donne quelquefois le nom de sens intime, par
analogie avec la faculté que nous avons de connaî-
tre le monde extérieur au moyen des sens.
En thèse générale, connaître un objet, c'est s'en
distinguer. Je vois le soleil, j'ai l'idée d'un corps
qui donne la chaleur et la lumière, et qui n'est pas
moi, qui n'est pas même mon corps; j"ai conscience
de la sensation de lumière et de chaleur qu'il me
procure, mais en même temps je me reconnais
moi-même et je sais que l'être qui sent, et que
j'appelle moi, n'est pas le même que l'objet de ma
sensation. Je fais effort en ce moment pour expri-
mer ma pensée avec clarté et avec suite : j'ai
conscience de l'effort que je fais, et je sais que
l'objet en est en dehors de moi. C'est de moi-
même et de moi seul que j'ai conscience. Il suit de
là que le moi est l'àme ayant conscience d'elle-
même ; que la conscience nous fait connaître non
seulement les faits qui se passent dans l'âme et
qu'on appelle faits psychologiques, non seulement
les facultés dont ils sont les manifestations, mais le
moi lui-même qui est le principe de ces facultés.
Il est impossible que le moi ait connaissance de
ses \ manières d'être sans se concevoir aussitôt
comme en étant le sujet réel et le sujet unique :
l'être qui en moi sent n'est pas différent de l'être
qui pense, ni l'être qui pense de l'être qui veut;
le moi se connaît non comme un être composé,
mais comme un être un et simple, identique à lui-
même ; et cet être un, simple, identique, il le
connaît aussi comme une cause, comme une force
libre et personnelle. Car si l'àme n'avait pas de
personnalité, si elle n'était pas quelque chose par
elle-même, on ne comprendrait pas qu'elle eût
conscience de soi. Pour avoir conscience de soi,
il faut être soi-même quelque chose, il faut avoir
une personnalité. La conscience est donc l'appari-
tion d'une force différente et distincte des forces
physiques et extérieures, d'une force interne qui
est l'âme et dont le mode d'activité est la liberté.
Donc encore, la conscience atteint l'àme ou le moi
dans sa nature intime.
La conscience dans son exercice a deux degrés :
d'abord spontanée, elle devient réfléchie et volon-
taire par l'attention, et prend alors le nom de
réflexion, la réflexion étant l'acte par lequel l'es-
prit se replie sur lui-même pour s'étudier. Sous
l'une et l'autre forme, son témoignage est infailli-
ble. Les phénomènes de la conscience ont ce pri-
vilège de ne pouvoir être mis en question : puis-je
douter que j'écris à l'heure présente ces lignes?
en d'autres termes, puis-je douter que je pense,
que j'agis, que j'existe, que je suis moi et non le
lecteur qui feuilleté ce volume ?
C'est pourquoi on a encore défini la conscience:
le sentiment que l'être intelligent a de lui-même,
définition qui serait jusqu'à un certain point appli-
cable aux animaux, suivant les degrés qu'ils occu-
pent sur l'échelle des êtres. En rapport, comme
l'homme, avec le monde physique, ils en reçoivent
comme lui des impressions qui occasionnent en eux
de la peine ou du plaisir : le chien, caressé par son
maître, témoigne son contentement par des mou-
vements et des cris joyeux; maltraité, la crainte
qu'il montre, les plaintes qu'il fait entendre prou-
vent qu'il sait ce que c'est que la douleur : il a
conscience de ses diverses manières d'être; que
les enfants et aussi les hommes en soient persua-
dés, et ne l'oublient pas. Cet exercice de la cons-
cience chez les animaux est évidemment circons-
crit, quoique réel.
2. Morale. — Conscience morale ou Cons-
cience du bien et du mal. — Nous savons que nous
sommes doués d'intelligence et de libre arbitre.
Il en résulte que nous avons des devoirs à rem-
plir, en d'autres termes que l'exercice de notre
activité est soumis à une règle, à une loi, qui
est la loi morale : intelligents, nous pouvons con-
naître cette loi ; libres, nous pouvons nous y con-
former. C'est ici qu'intervient une faculté distincte
de la conscience proprement dite ou sens intime,
et qui est la conscience morale.
Nous faisons à chaque instant la distinction du
bien et du mal, du juste et de l'injuste, nous qua-
lifions nos actions et celles d'autrui de bonnes ou
de mauvaises : pourquoi ? Parce que nous avons
en nous une idée du bien en soi, du bien moral,
qui nous sert pour ainsi dire de terme de compa-
raison. Avons-nous conçu' un acte comme morale-
ment bon ou moralement mauvais, nous nous sen-
tons obligés dans le premier cas de l'accomplir,
dans le second de nous en abstenir, abstraction
faite de l'avantage ou du détriment, du plaisir ou
de la peine qu'il pourrait nous procurer : nous
avons donc l'idée du devoir, lequel est obligatoire
sans que l'obligation contraigne la volonté, car
nous nous sentons toujours libres. La preuve,
c'est que nous savons, à n'en pouvoir douter, que
la détermination, bonne ou mauvaise, que nous
prendrons nous sera imputable : nous avons donc
l'idée de la responsabilité. Étant responsables, et
nous connaissant comme tels, nous savons que
nous mériterons, si nous agissons bien, que nous
démériterons si nous agissons mal. Ainsi s'en-
chaînent rigoureusement les idées du mérite et
du démérite, de la responsabilité, du devoir, du
bien, de la vertu: le devoir n'existe qu'à la condi-
tion d'une fin à atteindre ; cette fin, pour un être
libre, est le bien moral ; le mérite n'existe, pour
un être responsable, qu'à la condition du devoir ;
quand l'homme obéit au devoir, en vue du bien
CONSCIENCE
— 404
CONSERVES
moral, il obéit librement à un motif supérieur,
impersonnel, désiniéressé ; il se dévoue à quoique
chose qui n'est pas lui, il poursuit un bien qui
n'est pas le sien, qui n'est même pas celui d'un
être en particulier, mais qui est te Bien. Ce dé-
vouement, c'est la vertu.
Or, ces idées, nous les devons à la conscience
morale, ou faculcé de concevoir le bien, de le dis-
linguer du mal, de concevoir en un mot la loi du
devoir. La conscience morale atteste donc à
l'homme la supériorité de sa nature sur tous les
êtres qui l'environnent ; l'homme seul a des de-
voirs, parce que seul il est capable de moralité.
L'âne qui « tond d'un pré la largeur de sa lan-
gue » n'est, quoi qu'en dise La Fontaine, ni res-
ponsable ni coupable ; c'est son maître qui répon-
dra du dommage. Le paysan dont parle Jouff'roy,
qui la nuit va cueillir les pommes de son riche
voisin, a beau se dire qu'il ne lui fait pas tort : il
sait fort bien, tout illettré qu'il est, qu'il se rend
coupable de vol. L'âne ne se reproche rien ; le
voleur, qu'il échappe ou non à l'œil de ses sem-
blables, n'échappe pas aux reproches d'une voix
intérieure qui constituent son premier châtiment.
L'accomplissement du bien et du mal, en effet,
est toujours accompagné d'un sentiment particu-
lier auquel nul ne peut se soustraire, et qui est,
suivant les cas, une récompense ou une punition,
une satisfaction intérieure ou un remords. La loi
du devoir trouve ainsi sa première sanction dans
notre nature elle-même ; cette sanction n'est pas
la seule, mais elle est indépendante des autres.
Qu'est-ce donc au fond que la conscience mo-
rale ? C'est la raison elle-même, car les idées
qu'elle nous donne et que nous avons énumérées
ont tous les caractères des idées de la raison :
elles sont nécessaires, immuables, universelles ;
nous ne les formons pas comme nous formons, par
exemple, l'idée du règne animal ; nous ne les
imaginons pas, comme nous imaginons l'idée de la
chimère : nous les concevons et nous ne pouvons
pas ne pas les concevoir. Elles n'appartiennent pas
à un individu en particulier, mais à toutes les in-
telligences ; elles sont de tous les temps et de
tous les pays ; partout et toujours on fait la dis-
tinction du bien et du mal, partout et toujours on
porte le jugement du juste et de l'injuste. « Il est
au fond de nos âmes un principe inné de justice
et de vertu, sur lequel, malgré nos propres maxi-
mes, nous jugeons nos propres actions et celles
d'autrui, comme bonnes ou mauvaises. » (.I.-J.
Rousseau.) Une action n'est pas bonne ou mau-
vaise parce que la loi écrite la qualifie ainsi : la
loi écrite la qualifie selon sa conformité avec l'i-
dée du bien, et elle-même emprunte sa valeur à
sa conformité avec la loi non écrite ou loi morale,
loi éternelle et infaillible, écrite au fond de nos
cœurs par la conscience, et dont Aristote disait :
« Ni l'étoile du soir ni l'étoile du matin ne sont
aussi belles à contempler. » Cicéron l'a définie
ainsi : « La loi morale est la raison suprême, in-
hérente à notre nature, ordonnant ce qui doit être
fait, défendant ce qui doit être évité, loi éternelle
antérieure à toute loi écrite, à toute constitution
de société. »
On donne quelquefois à la conscience morale le
nom de raison pratique parce qu'elle dirige notre
conduite, et par opposition à la raison spécutative;
mais on voit qu'elle n'est autre chose que la raison.
Les notions qu'elle nous révèle ont donc leur ori-
gine en Dieu, comme les autres idées de la raison,
puisque les vérités éternelles sont les formes et
les pensées de l'intelligence divine. Cela ne signifie
pas qu'elles émanent d'un décret arbitraire de la
volonté de Dieu ; que le bien n'est le bien, que le
mal n'est le mal que parce que Dieu la voulu ainsi.
Cette erreur a été combattue non-seulement par
les philosophes, mais par les plus grands théolo-
giens : la loi morale n'est pas l'expression de la
volonté divine, mais de la raison divine. C'est pré-
cisément ce qui lui imprime un caractère auguste
d'autorité et d'universalité : le Verbe éternel, selon
l'expression de Malebranche, parle à toutes les na-
tions le même langage. Les divergences d'opinion
qui se produisent portent non sur le principe, mais
sur ses applications. Cela tient au degré de civili-
sation, de culture intellectuelle, à l'ignorance, aux
usages, aux préjugés, à tous les mobiles de nos ac-
tions. Dans les premières années de son existence,
l'homme n'a pas plus atteint son complet dévelop-
pement moral que son développement physique;
la conscience, comme toute autre faculté, est sus-
ceptible de culture et de perfectionnement. L'idée
du bien, comme toutes les idées de la raison, n'est
innée qu'en ce qu'elle forme l'essence de la raison,
et se développe avec elle. La passion peut l'obscur-
cir, mais non l'éteindre entièrement; les méchants
mêmes admirent la vertu : (^ l'hypocrisie est un
hommage que le vice rend à la vertu. » (La Roche-
foucauld.) L'homme cesserait plutôt d'être homme
que de perdre son attribut moral, la conscience.
On voit par là en quoi la conscience morale dif-
fère de la conscience proprement dite : celle-ci est
un témoin, celle-là est un législateur et un juge.
Elle dicte à l'homme sa loi, elle l'approuve ou le
blâme, selon qu'il l'a observée ou violée; elle le
rend ainsi l'arbitre de sa destinée. Concluons que
l'éducation est toute-puissante sur le développe-
ment de la conscience morale, et qu'il dépend
d'elle de faire marcher du même pas le progrès de
l'instruction et celui de la moralité. Entendre ainsi
la mission d'éducateur, s'appliquer ainsi à soi-
même la notion de responsabilité, c'est faire son
devoir et travailler au bien commun, car la cons-
cience des individus fait celle de la société tout
entière. [Paul Rousselot.]
COASERVKSALIMEKTAIRES.— Chimie, XXVII.
— On donne le nom de conserves alimentaires à
toutes les substances destinées à l'alimentation et
préparées de manière à pouvoir être conservées
longtemps, des mois, et même des années. Ainsi
on dit : conserve de gibier, de petits pois, de sar-
dines, etc.
Généralités. — Toutes les matières organisées,
végétales ou animales, dès qu'elles sont mortes,
subissent dans l'air, à la température ordinaire,
des transformations diverses plus ou moins nom-
breuses, jusqu'à ce que tout leur carbone soit
transformé en acide carbonique, leur hydrogène
en eau, leur azote en ammoniaque , en un mot,
leurs éléments reviennent à l'état minéral, après
avoir passé par une série de produits de décompo-
sition. C'est cette altération plus ou moins spon-
tanée qu'on appelle, selon le cas : putréfaction,
fermentation, pourriture. Dans le langage scienti-
fique, on n'emploie plus guère que le mot de fer-
mentation, depuis que les remarquables travaux de
M. Pasteur ont fait voir que tous ces phénomènes,
en apparence si différents^ avaient une même ori-
gine : l'action des ferments sur les substances
organiques (V. Fermentatioii).
Les. conditions essentielles pour que les matières
organiques fermentent ou se putréfient sont non-
seulement la présence de ces ferments, mais en-
core une certaine température, de l'humidité, et
le contact de l'oxygène. Tous les moyens employés
pour conserver plus ou moins longtemps les subs-
tances organiques avec leurs principales propriétés
reviennent à les mettre à l'abri d'une ou de plu-
sieurs de ces conditions.
Ici, comme dans beaucoup d'autres circonstan-
ces, la pratique a devancé la théorie; néanmoins,
comme toujours, celle-ci, depuis les travaux de
M. Pasteur, auxquels on revient toujours dans ces
sortes de questions, a permis de perfectionner et
de multiplier les moyens de conservation. Nous
CONSERVES
— 495 —
CONSERVES
allons les classer comme on le fait généralement
et conformément aux différentes industries qui
emploient en grand ces différents procédés.
Divers modes de conservation des substances ali-
mentaires. — 1° Par le froid. Depuis longtemps
on sait que la viande peut être indéfiniment con-
servée lorsqu'elle est constamment maintenue à
une température inférieure à zéro.
Le géograplie Baibi, parlant de Saint-Pétersbourg,
décrit ainsi le marché d'hiver de cette ville : « L'Eu-
ropéen du midi est frappé d'étonnement en voyant
s'élever, sur une vaste place, d'énormes pyramides
formées de corps d'animaux entassés les uns sur
les autres. Ce sont des bœufs, des moutons, des
cochons, des poules : ensuite du beurre, des œufs,
des poissons ; enfin toutes sortes de provisions : le
froid a rendu ces objets durs comme des pierres.
Les poissons conservent encore toute leur fraîclieur
et leurs couleurs naturelles ; on serait presque
tenté de les croire vivants. Mais les autres ani-
maux offrent un spectacle pour ainsi dire effrayant.
On en voit des milliers tout écorchés, rangés les
uns à côté des autres. Leur dureté est extrême ;
on emploie la hache pour en couper les morceaux,
et les éclats volent au loin comme si l'on coupait
du bois. Les provisions amassées dans ce marché
y sont apportées des parties les plus éloignées de
l'empire, au moyen des traîneaux. Tout s'y vend
à meilleur marché à cause de la facilité des trans-
ports et du grand nombre de vendeurs, et chacun
se hâte de faire ses provisions. Elles se conservent
d'ailleurs pendant longtemps lorsqu'on a la pré-
caution de les mettre dans des caves garnies de
glace qui se trouvent dans toutes les maisons. »
On raconte qu'il y a quelques années plusieurs
savants voulurent goûter, dans un repas donné à
Saint-Pétersbourg, de la chair parfaitement con-
servée des cadavres de mammouths, qu'Adams
avait découverts dans les glaces de l'Océan Arcti-
que où ils se trouvaient enfoncés depuis quelque
dix mille ans. Mais ce sont là des circonstances
naturelles qui ne peuvent pas être appliquées in-
dustriellement. Depuis une dizaine d'années, et
principalement depuis deux ans, par d'heureuses
applications de la dépense de chaleur nécessitée
pour l'évaporation des liquides très volatils, on est
arrivé à produire le froid industriellement, c'est-
à-dire à volonté et à bon marché (procédé Carré,
par l'évaporation de l'ammoniaque liquide ; procédé
Tellier, par l'évaporation des éthers ; procédé Gif-
fard, par la dilatation brusque de l'air comprimé ;
procédé Pictet, par l'évaporation de l'acide sulfu-
reux liquide). Aussi, aujourd'hui, la conservation
des viandes de boucherie, du gibier, des poissons,
peut-elle se faire sur une grande échelle par le
froid artificiel ; comme beaucoup d'autres person-
nes, nous avons pu voir, dans les galeries de l'Ex-
position universelle, des cadavres entiers d'ani-
maux de boucherie, moutons, bœufs, parfaitement
conservés et ayant le même aspect que s'ils arri-
vaient de l'abattoir, quoique ces animaux eussent
été abattus onze mois auparavant dans les pâtu-
rages de l'Amérique du Sud, et que, par suite d'un
accident arrivé au na\ire, ces viandes eussent sé-
journé trois mois sous l'équateur.
Plusieurs compagnies, qui viennent de se former
pour exploiter ces différents procédés, vont impor-
ter en Europe, conservées par le froid, les viandes
de bœuf et de mouton qui sont à si bon marché
dans diverses régions de l'Amérique méridionale.
Déjà, il y a deux ans, la compagnie qui exploite le
système Carré a pu livrer à la consommation pa-
risienne et à bas prix plus de six cent mille kilo-
grammes de viande parfaitement intacte.
"i" Dessiccation. — La viande de boucherie,
chauffée à l'air, perd la plus grande partie de son
eau, et peut ainsi se conserver longtemps ; ce pro-
cédé de conservation est très ancien : les Gaulois
en faisaient usage. Les indigènes de la Plata et du
Paraguay se nourrissent de lanières de viande
sèche appelées tasajo, qu'on prépare en exposant
au soleil sur des claies de bambou des bandes
minces de viande de bœuf saupoudrées de farine
de maïs. Les prunes, les poires, les champignons
sont aussi conservés par la dessiccation.
Boucanage. — Le boucanage consiste à fumer
la viande après qu'elle a été desséchée ; c'est ainsi
que se conservent les jambons, les harengs, le
bœuf, etc., et toutes les viandes dites fumées.
Souvent elles ont été préalablement salées.
Les viandes exposées à la fumée s'imprègnent
lentement des substances anti-septiques (anti-pu-
trides), principalement de créosote, que contient
la fumée.
Les légumes peuvent aussi être conservés par
la dessiccation. Pour cela on leur donne la forme
de tablettes en les soumettant à une pression con-
sidérable au moyen de la presse hydraulique. On
les expédie ensuite enfermés dans des boîtes de
for-blanc, qui peuvent contenir jusqu'à 20,000 ra-
tions de 20 à 25 grammes. Plongés dans l'eau pen-
dant deux heures, ces légumes reprennent toute
l'apparence et le volume de légumes frais.
3° Expulsion -de l'air. — Procédé Appert. — Le
plus simple et de beaucoup le plus employé de
tous les procédés imaginés pour débarrasser de
l'air les substances à conserver a été inventé en
1809 par Appert.
Les produits que l'on veut préserver sont placés
dans des boîtes en fer-blanc, de dimensions varia-
bles, qu'on plonge dans un bain-marie de 'b<> à
100°; puis, au bout d'un temps plus ou moins long,
selon la quantité de conserves qui se trouve dans
chaque boîte, on ferme celle-ci hermétiquement
par une soudure. On se rend facilement compte
des différents avantages de ce procédé. La tempé-
rature d'ébullition détruit les ferments, expulse
l'air et produit un commencement de cuisson, tout
en conservant aux viandes ou aux légumes l'apca-
rence de substances tout à fait fraîches.
Le procédé Appert a été perfectionné en 1840
par M. Fastier, fabricant de conserves. En mettant
dans le bain-marie un mélange de sel et de sucre,
il a pu élever la température Jusqu'à 110° avant
qu'on procède à la soudure; de cette façon l'air
est plus complètement expulsé et les ferments
plus sûrement détruits. M. Chevalier-Appert sou-
met les boîtes à une pression qui peut aller jus-
qu'à 1 atmosphère 1/2 en les plongeant dans une
chaudière à couvercle boulonné et munie d'un ma-
nomètre.
La dilatation de l'air intérieur gonfle les boîtes,
l'oxygène de l'air est absorbé par la conserve pen-
dant le refroidissement, la boîte alors devient con-
cave, ce qui est pour l'acheteur une garantie que
le produit est bien préparé. M. Martin de Lignac
a encore apporté au procédé Appert divers perfec-
tionnements qui permettent de conserver parfaite-
ment des masses de viandes de boucherie de 10 à
20 kilogrammes dans un état de fraîcheur presque
complète. Ces divers perfectionnements ont ap-
porté un développement considérable à l'industrie
de la conservation des viandes et des légumes,
principalement en Angleterre et en France. Pour
cette dernière, la fabrication des conserves repré-
sente une valeur de 40 à 50 millions, sans parler
du commerce si important des sardines, des ha-
rengs, etc., qui représente aussi plusieurs mil-
lions.
Nous avons pu voir, dans quelques grandes mai-
sons de Paris, des produits conservés par le pro-
cédé Appert perfectionné, préparés en 18G7 où ils
ont figuré à l'Exposition universelle de Paris.
Ces produits avaient la plus belle apparence.
C'étaient des poulets, des cailles, des crêtes et ro-
gnons, des petits pois, asperges, choux-fleurs, etc. :
CONSERVES
496
CONSTITUTIONS
nous en avons même vu de 1851 qui avaient l'air
d'être préparés depuis un mois.
Les conserves jouent un rôle important dans
l'alimentation des armées en campagne. Pendant
la guerre de Crimée, une seule maison fournis-
sait 120 000 rations par jour à l'armée française.
Pendant la guerre de LsTO et 1871, l'armée alle-
mande fit un grand usage d'un mélange cuit de
pois et de viande, conservé dans des boîtes en fer
blanc de 1 à 2 litres de capacité.
4° Agents antiseptiques . — On donne ce nom à
toutes les substances qui, en détruisant les fer-
ments et germes de toute sorte, s'opposent à la
putréfaction des substances organiques. Tels sont
le sel, la créosote, le vinaigre, l'acide phénique, etc.
Le salage et le fumage des viandes reposent sur
l'action des agents antiseptiques. Il en est de
même du boucanage dont nous avons parlé, puis
du sauragp des harengs.
Saurage. — On suspend les harengs, préalable-
ment salés, dans une vaste cheminée appelée
roussable, on y brûle du bois menu et vert en fai-
sant en sorte d'obtenir beaucoup de fumée ; on
peut ainsi en 24 heures saurer 10 000 harengs à la
fois.
M. Milne-Edwards, professeur à la Sorbonne,
propose de saler des animaux entiers en injectant
de l'eau salée dans la veine jugulaire. Nous croyons
que ce procédé n'est guère employé, quoiqu'il ait
été essayé en grand par M. de Lignac dans son
usine de Charonne.
Conservation du lait. — Ici encore nous ren-
controns différents procédés. Nous décrirons seu-
lement celui de M. Mabru qui conserve le lait li-
quide sans lui ajouter aucune substance étrangère ;
il a été récompensé par l'Académie des sciences
en 1855.
M. Mabru place le lait dans des bouteilles de fer
blanc construites de telle façon que quand elles
ont été remplies de lait et plongées dans un bain
à 100°, elles se trouvent complètement purgées
d'air et absolument remplies de lait ; on les ferme
alors hermétiquement pendant qu'elles sont plon-
gées dans l'eau froide.
Conservation des œufs. — On conserve les œufs
en empêchant par un moyen quelconque l'air de
pénétrer à l'intérieur. Pour cela on les recouvre,
soit d'une couche de vernis à la gomme, ou d'une
couche d'un mélange formé d'huile et de cire, soit
d'une dissolution sirupeuse de gélatine. Un pro-
cédé plus économique consiste à les conserver à la
cave dans un lait épais de chaux auquel on a ajouté
quelques centièmes de sucre ; enfin on les con-
serve assez bien après les avoir plongés pendant
quelques heures seulement dans de l'eau salée.
Biscuit. — Le biscuit est une espèce de pain
sec et dur fabriciué avec de la farine de froment
pétrie avec le dixième de son poids d'eau.
La pâte fermentée est découpée en disques
ronds ou rectangulaires, percés de trous afin que
les gaz puissent sortir et que les pains ne se gon-
flent point; elle est ensuite rapidement cuite et
séchée. Le biscuit est fade, lourd, altérant; il ne
se conserve pas indéfiniment, et se gâte souvent
sous l'action de larves dont la cuisson n'a pas dé-
truit les gormes.
Meat-buiscuit. — Ce biscuit-viande est formé
d'un mélange de farine de froment et de bouillon
concentré de viande de bœuf. Il peut servir à faire
de bons bouillons, mais il ne contient point les
principes les plus nutritifs de îa viande.
Extraits de bouillon. — Jusqu'à présent les
bouillons concentrés et solidifiés n'ont point pé-
nétré bien profondément dans la consommation,
malgré les essais nombreux faits dans ce sens. A
la dernière Exposition nous avons pu en expéri-
menter plusieurs, principalement d'origine an-
glaise, qui nous ont beaucoup plu. Le bouillon dit
Liebig, qui a jusqu'à présent fait le plus de bruit,
ne paraît pas plus que les autres avoir une grande
valeur.
Pour terminer nous dirons que si la plupart des
procédés de conservation des substances alimen-
taires sont imparfaits, il y en a quelques-uns ce-
pendant qu'une longue pratique a consacrés et qui
entrent pour une grande part dans l'alimentation
journalière.
Nous pouvons citer entête les conserves de sar-
dines à l'huile, qui sont un aliment excellent de
tout point, introduit dans l'alimentation des équi-
pages de la flotte par décret du 7 sept. 1872 ; le
thon mariné, les olives, les fruits à l'eau-de-vie,
les viandes fumées, le beurre salé, depuis long-
temps consommés sur une vaste échelle dans tous
les pays. [Alfred Jacquemart.]
CO^STIC LL.\TION. — V. Etoiles.
COAS'MTUA.NTE. — "V. Révolution française.
CONSTITUTIOIVS.— Histoire de France, XXXVIII-
XL. — Avant 1789, la France n'avait pas, à propre-
ment parler, de constitution. L'ensemble des
institutions de l'ancienne monarchie, mélange
confus de vieilles coutumes, de privilèges, de con-
cessions et d'abus, ne formait pas une constitution
dans le sens moderne du mot ; l'arbitraire du
souverain n'avait d'autres limites que celles que lui
imposait parfois l'opinion publique.
Depuis 17S9, une dizaine de constitutions suc-
cessives ont été votées par des assemblées déli-
bérantes, imposées par un dictateur ou octroyées
par un souverain. Comme chacune d'elles a laissé
sa trace dans [l'organisation politique de notre
pays, il est utile de les connaître. Nous allons
donc en analyser sommairement les dispositions
principales, qu'on trouve assez rarement exposées
dans les ouvrages élémentaires.
Constitution de 1791. — Votée par l'Assemblée
constituante le 3 septembre 1791, après des dé-
bats qui s'étaient prolongés plus de deux ans, et
jurée par Louis XVI le 14 septembre. Elle est
précédée d'une Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen, en dix-sept articles, votée le 26
aoîit 1789.
Tous les pouvoirs émanent de la nation, qui les
exerce par délégation : ses représentants sont le
Corps législatif et le roi.
La ?iation, toutefois, considérée comme corps
politique, n'embrasse pas la totalité des citoyens.
Ceux-ci sont divisés en deux catégories : les ci-
toyens actifs, c'est-à-dire ceux qui ont vingt-cinq
ans et qui paient une contribution directe au moins
égale à la valeur de trois journées de travail; et
les citoyens passifs, qui ne réunissent pas ces con-
ditions. Les citoyens actifs jouissent seuls des
droits politiques. Réunis en assemblées primaires,
ils élisent directement les administrations commu-
nales (conseil municipal et maire) et les juges de
paix. Quant aux autres fonctionnaires, la nomina-
tion en est réservée à une catégorie plus restreinte
de citoyens, les clecteurs.
Ces électeurs sont choisis par les citayens actifs,
à raison d'un électeur pour cent citoyens actifs.
Pour pouvoir être nommé électeur, il faut être
propriétaire d'un bien dont le revenu soit égal à la
valeur locale de cent cinquante ou de deux cents
journées de travail (suivant les régions), ou loca-
taire d'une maison dont le revenu soit égal à la
valeur de cent journées de travail, ou fermier
d'une terre dont le revenu soit égal à la valeur de
quatre cents journées de travail. Ce sont les élec-
teurs, et non l'ensemble des citoyens actifs, qui
nomment les députés à l'Assemblée nationale, les
administrateurs et les juges du département et du
district.
Le pouvoir législatif est exercé par VAssc-mblée
nationale, composée de 745 députés, qui sont dis-
tribués entre les départements selon les trois pro-
CONSTITUTIONS
497 —
CONSTITUTIONS
portions du territoire, de la population, et de la
contribution directe : 247 députés sont attachés au
territoire, soit trois représentants à élire pour
chaque département, à l'exception du département
de Paris qui n'en nomme qu'un ; 1249 députés sont
attribués à la population, la masse totale de la po-
pulation du royaume étant divisée en 249 parts, et
chaque département nommant autant de députés
qu"il a de parts de population ; enfin 2î9 députés
sont attachés à la contribution directe, chaque dé-
partement nommant autant de députés qu'il paie
de parts de contribution.
Le pouvoir exécutif suprême réside dans la main
du roi, qui l'exerce par des ministres choisis par
lui et responsables devant l'Assemblée. Les lois
votées par l'Assemblée nationale ont besoin, pour
devenir exécutoires, de recevoir la sanction royale :
le roi peut la refuser (droit de veto) ; mais lorsque
les deux législatures qui suivent celle qui a pré-
senté la loi auront successivement représenté la
même loi dans les mêmes termes, le roi sera censé
avoir donné sa sanction. Le roi n'a pas le droit de
dissoudre le Corps législatif.
Le territoire du royaume est divisé en 83 dépar-
tements ; chaque département en districts ; chaque
district en cantons. Le département et le district
sont administrés par des autorités élues : celles du
département sont un conseil de départemeiit , de
trente-six membres, qui tient une session annuelle,
et un directoire de départem<mt, de huit membres,
formant l'administration permanente ; celles du dis-
trict, un conseil de district, de douze membreS;, et
un directoire de district permanent. Les commu-
nes sont régies par un conseil communal, un
procureur-syndic, et un maire, élus par l'ensem-
ble des citoyens actifs habitant chaque commune.
Quant à l'organisation judiciaire, il y a dans
chaque département un tribunal criminel et d'ap-
pel, dans chaque district un tribunal civil : les ju-
ges, ainsi que l'accusateur public, sont nommés
par les électeurs. Chaque canton a un juge de
paix, élu par les citoyens actifs. En matière crimi-
nelle, le point de fait est apprécié par un jury.
Au point de vue ecclésiastique, le royaume est
divisé en un nombre d'évêchés égal à celui des
départements : évêques et curés sont clioisis par
l'élection populaire. Cette partie des dispositions
constitutionnelles est connue sous le titre de Cons-
titution civile du clergé : ce fut elle qui amena
le schisme entre les prêtres dits constitutionnels
et les prêtres réfractaires ou insermentés .
Quoique la Constitution de 1791 ait créé l'unité
de la France, en renversant les anciennes barriè-
res et en substituant au chaos des institutions de
l'ancien régime une organisation uniforme dans
tout le royaume, elle avait cependant laissé au dé-
partement et à la commune une large mesure
d'autonomie administrative, qui leur fut enlevée
par la constitution de l'an VIII.
Constitution de 1793 ou de l'an I. — Votée du
10 au 24 juin 1793 par la Convention nationale,
ratifiée par le vote populaire dans le courant du
mois suivant. Elle est précédée, comme celle de
1791, d'une Déclaration des drohs de l'homme et
du" citoyen.
C'est la Constitution de 1793 qui a consacré la
première le principe du suffrage universel, en sup-
primant la distinction entre les citoyens actifs et
les citoyens passifs, distinction qui d'ailleurs s'é-
tait trouvée abolie aussitôt après la chute de la
royauté, par le décret de la Législative ordon-
nant l'élection d'une Convention nationale (13
août 1792).
En outre, elle stipule que les lois proposées par
le Corps législatif doivent être soumises à la sanc-
tion du vote populaire, toutes les fois qu'un nom-
bre déterminé de citoyens le demande. Mais si, qua-
rante jours après l'envoi de la loi proposée par le
2e PauTIE.
Corps législatif, dans la moitié des départements
plus un, le dixième des assemblées primaires de
chacun d'eux, régulièrement formées, n'a pas ré-
clamé, le projet est accepté et devient loi.
L'ensemble des citoyens d'un canton forme une
assemblée primaire. Les citoyens réunis en assem-
blées primaires nomment des électeurs, à raison
d'un électeur pour deux cents citoyens. Tout ci-
toyen peut devenir électeur. Les députés, magis-
trats, fonctionnaires, etc., sont nommés, les uns
directement par les assemblées primaires, les au-
tres par les assemblées électorales de district ou
de département, c'est-à-dire par une élection à deux
degrés. Tout citoyen est éligible.
La représentation nationale a pour base unique
la population : elle est formée d'un Corps législatif
dont les membres sont élus par les assemblées
primaires, à raison d'un député pour quarante
milie individus. Le Corps législatif est renouvelé
chaque année. Il propose des lois, sous réserve de
la sanction du peuple, et rend des décrets.
Le pouvoir exécutif est confié à un Conseil exé-
cutif de vingt-quatre membres, nommés par le
Corps législatif sur une liste que lui présentent
les assemblées électorales de département. Il est
renouvelé par moitié chaque année.
Les administrateurs de département et de dis-
trict, les juges civils, criminels et de cassation sont
nommés par les assemblées électorales. Les fonc-
tionnaires municipaux et les juges de paix sont
élus par les assemblées primaires.
Le libre exercice des cultes est garanti : mais
nulle disposition constitutionnelle n'organise un
clergé national.
La Constitution de 1793 ne fut jamais appliquée.
La Convention en avait ajourné la mise en vigueur
par un décret du 10 octobre 1793, déclarant le
gouvernement « révolutionnaire jusqu'à la paix »,
et plus tard, en 1795, elle la remplaça par une
constitution nouvelle, celle de l'an III.
Constitution de 17^5 ou de l'an IJl. — Votée par
la Convention le 5 fructidor an l'î '. 2 août 1795),
et ratifiée parle vote populaire quelques jours plus
tard. Précédée d'une Déclaration des droits et d'une
Déclaration des devoirs.
Elle conserve le système de l'élection à deux de-
grés (assemblées primaires et assemblées électo-
rales) établi par la constitution de 1793, mais en
y ajoutant un cens électoral : pour pouvoir voter
dans une assemblée primaire, il faut payer une
contribution directe ; pour pouvoir être nommé
électeur, il faut être propriétaire ou locataire d'un
bien évalué à un l'evenu de cent à deux cents jour-
nées de travail, suivant les localités. Les assem-
blées électorales de département nomment les dé-
putés, les administrateurs de département, les
juges civils, criminels et de cassation, les accusa-
teurs publics. Les autorités communales sont nom-
mées par les assemblées primaires.
Le district, division créée par la constitution de
1791 et intermédiaire entre le département et le
canton, est supprimé.
Le pouvoir législatif se compose de deux cham-
bres : le Co7iseil des Cinq Cents, qui propose et
discute les lois; le Cojiseil des Anciens, de deux
cent cinquante membres, qui adopte ou rejette les
lois sans pouvoir les discuter. Ces deux conseils
sont renouvelés par tiers tous les ans. L'éligibilité
n'est soumise à aucune condition de cens.
Le pouvoir exécutif est remis à un Directoire de
cinq membres, élu par les deux conseils. Le Di-
rectoire est partiellement renouvelé par la sortie
et le remplacement annuels d'un de ses membres.
Il choisit et révoque les ministres. Il nomme, au-
près de chaque administration départementale et
municipale, un commissaire chargé de surveiller
l'exécution des lois.
A l'égard des cultes, la Constitution de l'an III
32
CONSTITUTIONS
— 493 —
CONSTITUTIONS
se borne h dire : « Nul ne peut être forcô ae contri-
buer aux dépenses d'un culte. La République n'en
salarie aucun. »
Constitution de 1799 ou de l'an Vlîl. — OEuvre
de Sieyès et de Bonaparte, promulguée api-ès le
coup d'Etat du 18 brumaire, et ratifiée par le vote
populaire en décembre 1799.
Tandis qu'uu trait caractéristique des trois con-
stitutions précédentes était la subordination du
pouvoir exécutif au pouvoir législatif, la Constitu-
tion de l'an VIII, au contraire, concentra tome l'au-
torité aux mains de l'exécutif, c'est-à-dire du pre-
mier consul Bonaparte.
Elle institue trois consuls chargés du gouverne-
mont : mais \e premier consul est le chef de l'Etat,
les deux autres n'ont que voix consultative. Les
fonctions de premier consul sont conférées par la
constitution elle-même (art. 39) à Napoléon Bona-
parte ; c'est lui qui nomme seul tous les fonction-
naires de l'ordre militaire, judiciaire et administra-
tif, y compris les maires ; seul il a le dreit de
proposer les lois, qu'il fait préparer par un Conseil
d'État. Le pouvoir législatif se compo.se de deux
assemblées : un Tribunal de 100 membres, qui
discute les lois proposées par le premier consul,
et un Corps législatif de 300 membres, qui les
accepte ou les rejette sans discussion. Enfin un
Sénat conservateur (orme le premier corps de l'Etat :
sa fonction est de choisir les consuls et les mem-
bres des deux assemblées législatives ; mais ce
Sénat, de qui émanaient tous les autres pouvoirs,
n'avait pas été nommé par voie élective : les auteurs
du coup d'Etat de Brumaire s'étaient attribué, de
leur propre autorité, le droit d'en désigner les
membres.
Une modification importante est introduite dans
l'administration départementale : chaque départe-
ment est désormais administré par un préfet, et
chaque arrondissement (circonscription rempla-
çant les districts de 1791) par un sous-préfet, à la
nomination du premier consul.
Les juges sont déclarés inamovibles.
Un article célèbre, l'art. 75, qui est resté en vi-
gueur sous tous les gouvernements qui suivirent
et n'a été abrogé qu'en 1871, interdit toute pour-
suite juridique contre un fonctionnaire, à moins
d'autorisation préalable du Conseil d'Etat.
La participation du peuple aux affaires publiques
se réduit à la confection de listes de notables,
parmi lesquels sont choisis les fonctionnaires.
Les assemblées primaires de chaque arrondis-
sement forment une liste contenant dix fois
moins de noms qu'il n'y a d'électeurs primaires ;
c'est dans cette première liste que sont pris les
fonctionnaires de l'arrondissement. Les citoyens
portés sur les listes d'arrondissement désignent
ensuite un dixième d'entre eux : il en résulte une
seconde liste, dite départementale, dans laquelle
doivent être pris les fonctionnaires du département.
Enfin les citoyens portés sur la liste départemen-
tale désignent à leur tour un dixième d'entre eux,
et établissent ainsi une troisième liste compre-
nant les éligibles aux fonctions nationales : elle ne
se compose que de cinq à six mille noms pour
toute la France.
« C'était l'ombre du gouvernement représentatif
qu'une telle constitution, où il n'y avait de Répu-
blique que le nom, où la souveraineté du peuple
était dérisoire, où tous les principes démocratiques
posés par l'Assemblée constituante n'existaient
plus. » (Lavallée.)
La Constitution de l'an VIII était muette à l'é-
gard des cultes; mais le concordat* de 1801 dé-
clara la religion catholique « religion de la majorité
des Français »,
Un sénatus-consulte du 16 thermidor an X
(4 août 1^02) restreignit encore les conditions
d'éligibilité, en ordonnant que les membres des
conseils municipaux seraient pris sur la liste dos
cent plus imposés du canton, et les membres dos
collèges électoraux de département (contenant les
citoyens aptes aux fonctions de sénateur, législa-
teur, tribun, conseiller général) sur la liste des
six cents plus imposés du département.
Constitution de l'Empire. — Cette constitution
n'est autre que celle de l'an VIII, modifiée par le
sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804).
On y lit à l'art. 1" :
« Le gouvernement de la République est confié
à un empereur, qui prend le litre d'empereur des
Français. »
Sauf cette transformation du premier magistrat
en souverain revêtu d'une dignité héréditaire,
l'organisation politique resta la même, les grands
corps de l'État conservèrent les attributions que
leur avait données la constitution consulaire.
Toutefois le Tribunat, qui seul avait le droit de
discuter les lois, fut supprimé en 1807.
Charte des 4-10 juin 1814. — Octroyée par
Louis XVIIl à son retour en France : « Nous avons
volontairement, et par le libre exercice de notre
autorité royale, accordé et accordons, fait conces-
; sion et octroi à nos sujets, tant pour nous que
! pour nos successeurs, et à toujours, de la Charte
I constitutionnelle qui suit. » {l'réambule.)
Le roi est le chef suprême de l'État. A lui seul
appartient la puissance executive, qu'il exerce par
'■ des ministres responsables. La puissance législative
s'exerce collectivement par le roi, la Chambre dis
pairs et la Chambre des députés des départements.
' Le roi propose et sanctionne les lois.
Les pairs sont nommés par le roi, en nombre
illimité ; leur dignité est héréditaire ou à vie, selon
la volonté royale.
Pour être éligible comme député, il faut payer
une contribution directe de mille francs ; pour
, être électeur, une contribution directe de trois
I cents francs. La Chambre des députés est renou-
, velable chaque année par cinquième (en 1824, le
renouvellement devint intégral et septennal). Le
roi peut la dissoudre.
1 Les juges sont nommés par le roi et inamo-
] vibles.
I La religion catholique est déclarée religion de
l'État.
I L'art. 14 donne au roi le droit de « faire les
règlements et ordonnances nécessaires pour l'exé-
j cation des lois et la sûreté de l'État. » C'est en
s'appuyant sur cet article que Charles X rendit
j les fameuses ordonnances qui amenèrent la révo-
lution de 1830.
Acte adiliiionnel aux constitutions de l'Empire.
— Cet Acte fut promulgué par Napoléon le '2'2-
23 avril 1815, pendant les Cent-Jours, et ratifié par
l'assemblée du Cbamp-de-Mai ; mais le second
retour des Bourbons en empêcha la mise à exécu^
lion.
L'Acte additionnel emprunte à la Charte la
Chambre des pairs et celle des députés ; pour
l'élection de celle-ci, les collèges électoraux da
Consulat et de l'Empire sont maintenus sous la.
forme ordonnée par le sénatus-consulte du
1() thermidor an X. L'empereur propose les loi&,
nomme les pairs et peut dissoudre la Chambre des
députés. L'industrie et la propriété manufactu-
rière et commerciale obtiennent à la Chambre
une représentation spéciale, nommée par les col-
lèges électoraux de département sur une liste
d'cligibles dressée par les chambres de commerce
et les chambres consultatives réunies.
Charte de 1830. — Reproduction de la Charte
de 1814, amendée par les deux Chambres Ifr
7 août 1S.30.
Les principales modifications sont les suivantes :
Le roi peut faire des ordonnances, mais « san»
jimais pouvoir suspendre les lois elles-mêuies »>
CONSTITUTIONS
— 4C9
CONSTRUCTION
Le cens exigé pour réli.ûibilité et l'électorat
n'est plus déterminé par la Charte; la fixation en
est laissée à la loi (la loi du 19 avril 1831 abaissa à
200 francs le cens électoral).
La religion catholique cesse d'être « religion de
l'État », pour redevenir « religion de la majorité
des Français ».
La loi du 29 décembre 1831 abolit l'hérédité de
la pairie.
Uimstitutmi de 1848. — Votée par l'Assemblée
nationale constituante le \ novembre 1848.
La souveraineté réside dans l'universalité des
citoyens. Le peuple délègue le pouvoir législatif
à une assemblée unique, nommée pour trois ans.
Les représentants sont élus par départements, an
scrutin de liste. Tout citoyen âgé de vingt et un ans
est électeur, tout citoyen âgé de vingt-cinq ans
éligible.
Le pouvoir exécutif est remis à un président
de la République, élu pour quatre ans par le suf-
frage universel (le célèbre amendement Grévy,
repoussé par 643 voix contre 158 le 7 oct. 184k, pro-
posait que le chef du pouvoir exécutif fût élu par
l'Assemblée et révocable par elle). Il nomme les
ministres et tous les fonctionnaires.
Rien n'est changé à l'ensemble du système ad-
ministratif et judiciaire, sauf quelques détails peu
importants. Le Conseil d'Etat est maintenu, mais
c'est l'Assemblée nationale qui le nomme.
La loi du ol mai 1850, sans abolir expres-
sément le suffrage universel, y apporta une res-
triction considérable en exigeant trois ans de
domicile pour l'inscription sur les listes électorales:
elle priva ainsi du droit de suffrage environ trois
millions d'électeurs.
Constitution de 1 852. — Rédigée par Louis-Na-
poléon Bonaparte après le coup dÉtat du 2 dé-
cembre 1851, et promulguée le 23 janvier 1852.
Elle repose sur les bases suivantes, au sujet des-
quelles le président de la République avait, par sa
proclamation du 2 décembre, invité le peuple à se
prononcer :
1° Un chef responsable nommé pour dix ans ;
2° Des ministres dépendants du pouvoir exécu-
tif seul ;
3° Un Conseil d'État formé des hommes les plus
distingués, préparant les lois et en soutenant la
discussion devant le Corps législatif;
4" Un Corps législatif discutant et votant les lois,
nommé par le suffrage universel sans scrutin de
liste ;
5" Une seconde Assemblée (le Sénat) formée de
toutes les illustrations du pays, pouvoir pondéra-
teur, gardien du pacte fondamental et des libertés
publiques.
Le Sénat et le Conseil d'État sont nommés par le
chef de l'État.
Cette constitution reproduit dans ses traits prin-
cipaux celle de l'an VIII, avec le suffrage universel
en plus. « Puisque la France, disait le rédacteur
dans son préambule, ne marche depuis cinquante
ans qu'en vertu de l'organisation administrative,
militaire, judiciaire, religieuse, financière du con-
sulat et de l'empire, pourquoi n'adopterions-nous
pas aussi les institutions politiques de cette épo-
que? »
Un sénatus-consulte du 7 novembre 1852, ratifié
par le plébiscite des 21-22 novembre, rétablit la
dignité impériale. La Constitution de 1852 devint,
sans autre changement essentiel que celui du titre
du chef de l'État, la constitution du second em-
pire.
En 1869 et en 1870, deux sénatus-consultes ren-
dirent au Corps législatif le droit d'initiative et
celui d'amendement, que ne lui avait pas accordés
la Constitution, et rétablirent la responsabilité mi-
nistérielle.
Constitution républicaine de 1875. — Pour l'ana-
lyse des dispositions constitutionnelles actuelle-
ment en vigueur, V. l'article Droit public et les
divers mots auxquels renvoie le programme de Lé-
gislation usuelle *.
CO.XSTITUTIOISS. — V. Tempérament.
CONSTRUCTION. — Grammaire, XX. — On en-
tend par là l'arrangement des mots dans le dis-
cours, c'est-à-dire la place qu'il faut donner aux
divers termes dans la proposition, ou aux diverses
propositions dans la phrase, pour que la pensée soit
exprimée clairement.
On distingue la construction naturelleou directe,
appelée quelquefois, mais à tort, construction lo-
gique, de la construction transpositive ou figurée.
La première consiste à énoncer, dans une phrase
simple, d'abord le sujet avec les mots qui le dé-
terminent ou l'expliquent, puis le verbe, enfin l'at-
tribut avec ses divers compléments; ou, dans une
phrase composée, à commencer par la proposition
principale pour la faire suivre des subordonnées
dans l'ordre de leur importance, en reliant les
incidentes directement aux termes qu'elles com-
plètent.
Cet ordre que nous appellerons analytique est
commandé en français et dans les langues romanes
par l'absence de cas pour marquer le rôle et les
rapports des mots dans la phrase. Il faut que le
mot déterminant accompagne le mot déterminé,
que le complément vienne après le terme dont il
dépend. Aussi Fénelon a-t-il dit « qu'en français le
substantif sujet mène toujours son adjectif comme
par la main, que le verbe ne manque de marcher
derrière, suivi d'un adverbe qui ne souffre rien
entre eux deux et d'un régime direct qui ne peut
se déplacer. » On peut formuler cotte loi d'une
manière bien plus explicite en disant avec un gram-
mairien contemporain, M. Ayer : « Le principe
fondamental de la construction de la proposition en
français est de placer : 1" le prédicat ou attribut,
comme mot principal, après le sujet : Charles /oî/e;
2" le mot déierminant après le mot déterminé, s'il
a l'accent tonique, et avant, s'il ne l'a pas : l'em-
pire à' Allemagne compte vingt-six Etats. J'ai un
jardin, je le cultive. Avez-vous donné du pain aux
pauvres? Oui, je leur en ai donné. » {Grammaire
usuelle de la langue française, 187S, p. 233.)
Mais il s'en faut bien que cet ordre soit inflexible,
et nos bons prosateurs ont su varier leurs cons-
tructions sans rendre leur pensée obscure. Comme
le fait très bien remarquer M. Egger, a l'écrivain
français, ne pouvant varier l'ordre des mots une
fois trouvés et placés, change l'ordre de ses idées
avant de les rendre par les mots. Prenons pour
exemple le fait suivant : à la bataille de Marathon
deux adversaires étaient en présence, les Perses
et les Grecs. Si je dis en latin : vicerunt Grœci
Persas, selon que je voudrai attirer l'attention sur
l'idée de victoire, ou sur le nom du vainqueur, ou
sur celui du vaincu, je pourrai, sans rien changer
à la syntaxe de cette phrase, placer en tête vicerunt,
— oxiGrœci, — onPersas. N'ayant pas en français la
même liberté, je prendrai un autre tour pour la
phrase entière, c'est-à-dire que je présenterai les
Grecs et les Perses comme sujet ou comme régime
du verbe, selon que je voudrai mettre en relief
l'une ou l'autre de ces idées ; le verbe lui-môme
deviendra actif ou passif, selon que j'aurai conçu
et présenté d'une manière ou de l'autre l'idée de
la bataille de Marathon. On aura donc : A Ma-
rathon, les Grecs ont vaincu les Perses, ou A Ma-
rathon, les Perses ont été vaincus par les Grecs.
Si c'est l'idée de victoire que je veux surtout si-
gnaler, je dirai : La victoire, à Marathon, fut rem-
portée par les Grecs; et ainsi de suite. Dans cet
exemple , pour changer la construction, j'ai dii
changer aussi la syntaxe; pour changer la syn-
taxe, j'ai dû changer un peu le tour de ma pensée.
Mais tous ces changements nous sont si familiers
CONSTRUCTION
— 500
CONSTRUCTIONS
et si faciles par l'effet de l'habitude que, même
dans l'improvisation, ils ne retardent pas la rapi-
dité du langage, u
Il est facile de se rendre compte, en lisant nos
bons auteurs, de la variété de leurs constructions.
Ils sont loin de s'astreindre à cet ordre invariable :
sujet, verbe, attribut, compléments. Ainsi nous
trouvons en tête de la proposition :
Le complément circonstanciel :
A force de vouloir être grand, vous avez pensé
ruiner votre véritable grandeur (Fénelon) ;
Le complément direct :
Tout ce que peut faire un grand homme d'Etat
et un grand capitaine, Annibal le fit pour sauver
la patrie (Montesquieu) ;
Le verbe même :
Restait à la monarchie espagnole, au-delà du
continent, Vile de Sardaigne et celle de Sicile (Vol-
taire).
// se passa 480 airs avant que Dieu donnât à son
peuple la terre qu'il lui avait protnise (Bossuet).
Une des formes les plus fréquentes consiste
même à commencer la phrase par les circonstances
de lieu et de temps :
Au pied du trône de Pluton était la Mort pâle
et dévorante (Fénelon).
Souvent, dans une grande plaine, j'ai cru voir
de riches moissons (Chateaubriand).
La langue française offre deux tournures pro-
pres à faire ressortir le terme essentiel de la
phrase.
La première consiste à le faire précéder de c'est
{ce so7it) avec qui ou que:
C'est du sein inépuisable de la terre que sort
tout ce qu'il y a de pluf précieux (Fénelon).
Ce n'est pas l'intérêt public qui iious pique, c'est
la jalousie et le chaqrin de n avoir pas été nous-
mêmes choisis (Massillon).
La seconde emploie le verbe sous la forme im-
personnelle, surtout quand le sujet est un infinitif
ou une proposition :
Il vaut bien mieux prévenir le mal que d'être
réduit à le punir (Fénelon).
// se peut et il arrive trop souvent que la per-
suasion de la justice divine ne soit pas tin frein
à l'emportement d'une passioîi (Voltaire).
// s'est trouvé dans tous les temps des hommes
qui 07it su commayider aux autres par la puissance
de la parole (Buffon).
Les principales figures de construction sont
Yi7iversion, l'ellipse et le pléonasme, dont traitent
toutes les grammaires. On peut y joindre Vanaco-
luthe,qm brise tout à coup une construction com-
mencée pour passer à une autre :
Il faut toujours tendre à la perfection, et alors
cette justice qui nous est quelquefois refusée
par nos contemporains, la postérité sait nous la
rendre (La Bruyère).
On attendait un verbe ayant pour sujet justice,
et l'auteur, changeant de tournure, fait de ce mot
le complément direct de rendre.
« Notre langue n'est donc pas dépourvue de
procédés et de ressources pour varier l'expression
de la pensée ; elle diffère, à cet égard, du grec et
du latin plutôt qu'elle ne leur est inférieure, et
nous ne voyons pas qu'elle ait jamais fait défaut
aux hommes de génie qui ont su s'en servir. »
(Egger, Notions de grammaire comparée, ch. XVI.)
Deux écueils sont à signaler à ceux qui s'exer-
cent à écrire : l'emploi équivoque des pronoms
personnels de la troisième personne, et la multi-
plicité des subordonnées reliées par la conjonction
que. On évite le premier en se gardant de mettre
dans la même phrase des propositions ayant des
sujets différents, ou en répétant les noms plutôt
que de rester obscur. Contre le second danger,
il faut s'habituer à marquer par les modes imper-
sonnels (infinitif et participe) certaines circonstan-
ces accessoires, et surtout il faut savoir couper h
propos la phrase.
Les langues vivantps entrant aujourd'hui dans
les matières facultatives de l'enseignement pri-
maire, il ne sera pas inutile de placer ici quelques
considérations sur les lois de la construction en
allemand et en anglais. Nous les empruntons à
un remarquable mémoire de M. H. ^Veil, maître de
conférences à l'école normale supérieure, sur
Vùrdre des mots da7is les langues anciennes com-
parées aux lanyues modernes (Paris, librairie
Franck, 1869) :
« L'allemand, ainsi que les langues de la même
souche, s'accorde avec le français dans un point
important. Il veut que dans toutes les phrases
principales le verbe se mette au milieu do la
phrase, avant l'attribut, et après le sujet ou la par-
tie de la proposition qui en tient la place. On dit
donc : Gott schuf die Welt, dans le même ordre
qu'on dit en français : Dieu créa le monde. Jlais
quant aux compléments soit du sujet, soit de l'at-
tribut, ils sont généralement placés avant les ter-
mes qu'ils complètent. L'adjectif est suivi de son
substantif et est précédé de ses compléments. Si le
verbe est à un temps composé, ce n'est que l'auxi-
liaire qui se met au milieu de la phrase, la partie
attributive du mot se met à la fin, après les com-
pléments. Parmi ces compléments, celui qui se
rattache le plus intimement à la partie attributive
du verbe, ordinairement le complément direct, se
place le dernier, après le complément indirect,
qu', à son tour, est précédé des circonstanciels.
On dit donc : Eine plôtzliche Freude hat diesem
U7iglùck lichen das Leben gekostet. « Une subite
joie a à ce malheureux la vie coûtée. » Von der
Mitwelt ve7'ka/mte Dichter ervcarten von der
Sachwelt ein gerechferes Urtheil. « Par les con-
temporains méconnus les poètes attendent de la
postérité un plus équitable jugement. » Dans les
phrases subordonnées, le verbe, tant l'attributif
que l'auxiliaire, se met toujours à la fin : Ma7i
weiss, dass Rom deyi unterworfe?7e7i Vôlkern seine
Sprache aufzwang. « On sait que Rome aux peu-
ples soumis sa langue imposa. »
L'anglais a adopté pour les compléments du
verbe l'ordre français, mais il a gardé l'usage alle-
mand de placer le substantif qui régit après les
adjectifs qui s'y rapportent et après les substantifs
régis par lui sans le secours dune préposition :
The king's eldest so7i has given a feast to tbe citi-
zens. « Le fils aîné du roi a donné une fête aux
citoyens. » Des Kœnigs attester Sohn hat dea
Biirge7m ei7i Fest gegebe7i. En représentant par
des chiffres l'ordre des mots en français de la ma-
12 3 4 s
nière suivante : « Le fils aîné du roi a donné une
6 T
fête aux citoyens, » on a en anglais cet ordre : 3, 2,
1, 4, 5, 6, 7 ; en allemand celui-ci : 3, 2, 1, 4, 7, 6,
5.» (H. WEiL,Afé»i.cité,p.45, 46, 47.)
[B. Berger.]
CONSTRUCTIONS RUR.4LES. — Agriculture,
XVIII. — Le cultivateur n'a pas à sa disposition,
quand il veut réparer ou refaire les bâtiments de
sa ferme, les ressources que peut trouver l'habi-
tant des villes qui n'a qu'à choisir parmi les archi-
tectes, les entrepreneurs, les ingénieurs, etc. Il doit
donc posséder quelques connaissances relatives
à l'art des constructions ; il doit surtout connaître
les conditions que doivent remplir les bâtiments,
suivant les usages auxquels ils sont destinés. En
effet, « l'art de loger les hommes, les animaux et
les récoltes avec simplicité, solidité et économie, a
dit François de Neufchàteau, est le premier pro-
blème ù, résoudre dans la science des campa-
gnes. »
Les bâtiments d'une exploitation rurale se com-
posent toujours de trois parties : le logement du
CONSTRUCTIONS
— 501 —
CONSTRUCTIONS
cultivateur, celui des animaux, les constructions
destinées h, abriter les récoltes. Chacune de ces
parties doit répondre à des conditions spéciales
qui seront indiquées sommairement. Mais aupa-
ravant, il faut étudier les caractères généraux de
l'aménagement bien compris des bâtiments d'une
exploitation rurale. Ces caractères ont été déter-
minés par les architectes qui se sont occupés spé-
cialement des constructions rurales. Voici com-
ment l'un d'eux, M. Ernest Bosc, les a définis.
On doit placer le bâtiment d'habitation au fond
et au centre de la cour, de manière à permettre
au chef d'exploitation d'exercer une surveillance
permanente et facile ; le jardin et le potager se-
ront placés en arrière de la maison d'habitation.
Autant que possible, les divers bâtiments doivent
être séparés les uns des autres par des hangars ou
des vides. Suivant l'importance de la ferme, les
bâtiments seront groupés différemment : sur une
seule ligne dans une petite exploitation ; en re-
tour d'équerre, pour les fermes moyennes ; en pa-
rallélogramme avec cour centrale, pour les gran-
des fermes. On rapproche de l'habitation les écu-
ries des animaux de choix ou reproducteurs, de
même que les parties consacrées aux bêtes mala-
des, afin de dépenser moins de temps pour leur
surveillance ; il faut, au contraire, isoler ou au
moins placer en dehors de la direction du vent do-
minant les porcheries. Il y a lieu de ménager de
larges passages h l'entrée et à la sortie des bâti-
ments, afin de faciliter la circulation des animaux
et celle des voitures chargées. Enfin, les bâtiments
doivent être groupés de telle manière qu'on
puisse, au besoin, agrandir l'un ou l'autre, sans
avoir besoin de rien démolir.
L'aire ou fosse à fumier est une des parties
essentielles des constructions rurales. Elle doit
être à proximité des étables, afin que les trans-
ports de fumier se fassent le plus rapidement
possible. Mais on a trop souvent tendance à la
rapprocher de la maison d'habitation ; elle doit,
au contraire, en être éloignée, afin que les éma-
nations qu'elle dégage toujours ne soient pas
nuisibles à la santé. A l'aide de rigoles couvertes,
on doit y diriger, avec une pente plus ou moins
forte suivant la distance à parcourir, les urines
des étables et des écuries. Il faut l'entourer d'un
petit parapet en pierres sèches ou en maçonnerie,
pour empêcher l'écoulement dans la cour du pu-
rin qui se produit toujours dans le fumier. Ce pu-
rin est précieux, et sa déperdition entraîne une
sensible diminution dans la valeur du fumier.
Habitation du fermier. — La première qualité
qu'elle doit posséder est la salubrité ; celle-ci est
indispensable au maintien de la santé. Dans ce
but, il faut avant tout, soit par le choix des ma-
tériaux, soit par l'exhaussement du sol du rez-de-
chaussée, se prémunir contre l'humidité. Les
meilleures orientations sont celles du midi et de
l'est ; en tous cas, les bâtiments doivent être au-
tant que possible disposés de manière que le soleil
frappe toutes les parties de la couverture. Le
pourtour des habitations sera pavé avec dos
pierres ou recouvert de carreaux en terre cuite,
en grès, etc. ; c'est encore un excellent préservatif
contre l'humidité.
Quant à la disposition intérieure des bâtiments,
la plus^ simple sera la meilleure. Chaque paysa,
à cet égard, ses usages auxquels on peut obéir
sans inconvénient, à la condition toutefois que les
ouvertures, portes et fenêtres, soient établies de
manière à assurer une large circulation d'air et de
lumière dans toutes les pièces. On a encore trop
souvent la mauvaise habitude, à la campagne, de
diminuer autant que possible le nombre des ou-
vertures, pour échapper à l'impôt. C'est une mau-
vaise économie, dont les effets se traduisent par
l'insalubrité des maisons. Des dispositions doi-
vent aussi être prises pour assurer l'écoulement
normal des eaux ménagères ; il est bon que des
conduits souterrains les dirigent vers la fosse à
fumier.
La plus grande partie des maisons de cultivateurs
n'ont pas de cabinets d'aisance. C'est une grave
erreur, pour beaucoup de raisons; citons les deux
principales. La première est une question d'hy
giène sur laquelle il est inutile d'insister. La
deuxième est la déperdition d'un engrais abondant
et puissant, qui, recueilli avec soin, et mélangé
au fumier, en augmente puissamment la valeur.
Dans une exploitation bien tenue, l'engrais hu-
main ne doit pas être dédaigné ; malheureu-
sement il est trop souvent presque complètement
perdu.
Ecuries. — Les écuries sont les bâtiments des-
tinés aux chevaux de la ferme. Ces bâtiments,
aussi bien que ceux destinés au fermier, doivent
être construits conformément aux lois de l'hygiène.
Celle-ci exige que l'on ne ménage pas aux che-
vaux l'air, la lumière et l'espace. L'expérience t
démontré que, pour qu'un cheval se trouve dans
des conditions normales, il lui faut 30 à 35 mètres
cubes d'air. Les dimensions de l'écurie, pour un
nombre déterminé de chevaux, doivent don* êtra
établies d'après cette règle. En outre, il faut
prendre garde qu'un cheval demande une largeur
de l^joO à \^,lb pour être à l'aise, et 2 mètres
à 2™,.S0 pour sa longueur, sans compter le passage
qui doit régner derrière les animaux ; ce passage
doit être suffisant non-seulement pour le net-
toyage, le transport des litières et des fumiers,
mais aussi pour faire sortir et entrer les animsnx
sans qu'ils se gênent mutuellement.
La meilleure orientation pour une écurie est le
midi. C'est de ce côté que doivent être placées les
portes et les fenêtres. Le sol doit être pavé pu
cimenté, ou formé de terre fortement battue, et
incliné dans le sens de la tête aux pieds, pour
faire écouler les urines dans une rigolo creusée
derrière les animaux et destinée à entraîner les
liquides au dehors. Le râtelier et la mangeoire
doivent être disposés de manière à pouvoir être
facilement nettoyés, ei de telle sorte que lé che-
val puisse prendre sa nourriture avec facilité et
sans mouvements fatigants. Quant à la ventilation,
elle doit être l'objet de soins spéciaux. Rien n'est
plus malsain qu'une écurie mal ventilée, mais aussi
rien n'est plus pernicieux pour un cheval rentrant
fatigué et couvert de sueur qu'un brusque cou-
rant dair froid. Les ouvertures doivent donc être
ménagées de manière que les courants d'air pas-
sent au-dessus de la tête des chevaux, et que la
température ne descende pas subitement dans l'in-
térieur du bâtiment.
Souvent les chevaux sont attachés les uns à côté
des autres sans séparation ; cette disposition n'a
d'inconvénient que quand on a des bêtes méchan-
tes. On peut les séparer par des planches dites
bas-flancs ou des barres de bois suspendues au pla-
fond par des cordes. Parfois on les isole complè-
tement par des cloisons en bois ; mais cette der-
nière disposition convient plus aux écuries de luxe
qu'à celles des exploitations agricoles.
Il est toutefois important d'avoir une ou plu-
sieurs boxes isolées dans lesquelles on place les
animaux malades, ou les mères accompagnées de
leurs jeunes poulains.
Les écuries sont longitudinales ou transversales,
à un ou plusieurs rangs. La préférence à donner
à l'un de ces systèmes dépend du nombre des
chevaux à loger, do l'emplacement dont on dis-
pose, etc. ; il n'y a pas lieu de s'y arrêter ici.
Etables. — Le mot d'étables est employé quel-
quefois d'une manière générale pour indiquer le
logement des animaux domestiques ; mais le plus
souvent, et c'est ce sens qui est adopté ici, il dé-
CONSTRUCTIONS
— 502 —
CONSTRUCTIONS
signe les constructions servant à loger les animaux
de l'espèce bovine.
Les règles d'hygiène indiquées pour les écuries
doivent également être adoptées dans la construc-
tion des étables. Toutefois, il est juste de faire
observer que les bœufs et les vaches sont d'une
nature plus rustique que les chevaux et ne crai-
gnent pas autant les influences atmosphériques.
D'une manière générale, ce qu'il faut redouter
avant tout, c'est l'humidité ; pour l'espèce bovine,
comme pour tous les animaux domestiques, c'est
le pire des ennemis. Pour éviter le séjour des
urines sous les animaux, le sol doit être incliné,
et une rigole doit conduire les liquides au dehors.
L'air doit circuler facilement pour enlever les mias-
mes qui peuvent se produire, mais cette circula-
tion ne doit pas être trop active. Une température
de 18 à 20 degrés doit être maintenue, autant que
possible, d'une manière permanente. Une certaine
demi-obscurité, dans l'étable, n'est pas nuisible
au développement des animaux, qui sont ainsi pré-
disposes à ruminer plus tranquillement.
La plupart du temps, il n'y a pas de râteliers
dans les étables. La ration des animaux leur est
servie dans des auges ou mangeoires en maçonnerie
ou en bois. Ces auges doivent être aisément ac-
cessibles, afin d'en faciliter le nettoyage. Comme
les vaches et les bœuis sont enclins à gaspiller
leur nourriture, on met souvent entre la mangeoire
et l'animal une cloison verticale, percée d'une ou-
verture à chaque place, de manière que l'animal
n'atteint sa nourriture qu'en passant la tête dans
l'ouverture ; ce qui s'échappe de ses dents retombe
dans l'auge.
Dans les grandes fermes, il y a souvent plusieurs
étables : celles d'élevage, d'entretien, de vaches à
lait, d'engraissement. Mais, dans les petites exploi-
tations, il n'y a qu'une ou deux étables suivant le
nombre des animaux de la ferme. Le plus souvent
les vaches et les bœufs sont placés côte à côte
sans séparation ; cela n'a généralement pas d'im-
portance, pourvu qu'il y ait des séparations dans
les auges, afin que chaque bête mange bien toute
la ration qui lui est destinée. Mais il faut avoir des
compartiments réservés pour les taureaux, et au-
tant que possible pour les animaux qui peuvent
être atteints de maladies.
Il y a un très grand nombre de modèles d'éta-
bles. On en construit de longitudinales à un ou
deux rangs ; de transversales simples ou doubles.
Dans les petites fermes, la forme la plus adoptée
est l'étable longitudinale à un seul rang, avec cou-
loir par derrière pour le transport des litières et
des fumiers, et pour le service de la nourriture.
Lorsque l'étable a une certaine importance, qu'elle
comporte vingt à vingt-cinq têtes adultes, une
très bonne forme à adopter consiste à placer les
animaux sur deux rangées parallèles, avec un
couloir central sur lequel donnent les auges. La
nourriture est ainsi très facilement distribuée, et
on surveille sans peine les animaux pendant leurs
repas, en même temps que les auges se nettoient
très facilement. Dans l'espace qui reste entre les
animaux et le mur, on peut circuler pour changer
les litières, enlever les fumiers, etc.
La meilleure orientation à adopter pour une éta-
ble est celle de l'est ou du midi ; il faut éviter de
les ouvrir au nord.
Bergeries. — Les bergeries servent à abriter les
moutons. Le plus souvent, ces animaux sont placés
ensemble; de simples séparations forment plu-
sieurs catégories pour mettre à part les animaux
d'élevage ou d'entretien et ceux d'engraissement.
D'une manière générale, on peut dire qu'une ber-
gerie peut renfermer autant de bêtes adultes qu'elle
compte de mètres carrés de surface; une brebis
et son agneau demandent ensemble 1 m. 50. 11
est donc très facile de calculer les dimensions à
donner à une bergerie, d'après le troupeau qu'on y
doit loger. Sous le prétexte que les moutons sont
des animaux très rustiques, on néglige souvent
dans les bergeries de suivre les lois les plus élé-
mentaires de l'hygiène; c'est une proftmde erreur
contre laquelle on ne saurait trop réagir. 11 faut
donc, dans les bergeries, des fenêtres pour la ven-
tilation ; mais il faut éviter de les ouvrir au-des-
sous de 1 mètre du sol, pour que l'air ne tombe
pas directement sur les moutons.
On donne le nom de crèches aux appareils qui
reçoivent la nourriture du troupeau. Le plus sou-
vent la crèche est formée de deux parties : un râ-
telier et une auge placée au-dessous. Tantôt les
crèches sont fixées le long des murs, tantôt elles
sont mobiles dans l'intérieur de la bergerie, et elles
peuvent même être utilisées pour faire les sépara
tiens. Il faut environ 50 centimètres de crèche par
tête. On emploie parfois des crèches circulaires en
fonte qui peuvent servir pour une dizaine de mou-
tons„
L'école d'agriculture de Grignon renferme une
bergerie qui peut être citée comme un modèle.
Elle se compose de deux pignons en maçonnerie
entre lesquels on a élevé des piliers de même
nature qui mesurent près de 4 mètres de hauteur.
Entre chaque pilier, il existe à l'intérieur des po-
teaux posés sur des dés en pierre, qui servent,
concurremment avec les piliers, à supporter les
fermes de charpente qui sont en bois de grume
refendus. A l'extérieur, on a construit des murs
en briques de 1™,.S0 de hauteur, dans lesquels
sont pratiquées des portes d'une largeur de l™,2â.
L'espace restant est rempli par des cloisons lé-
gères en torchis recouvertes de chaume. Les
poutres qui supportent le plancher supérieur pré-
sentent à l'extérieur une saillie de 2"", 75, qui est
soutenue par des contre-fiches buttant contre les
piliers. Cette forte saillie forme un auvent, qui
peut être clôturé de manière à former une annexe
de la bergerie. A l'intérieur de celle-ci, on peut
former des séparations au moyen de claies ou de
doubles râteliers.
Une bergerie bien construite a une hauteur de
3 à 4 mètres. Elle peut avantageusement être sur-
montée par un grenier à fourrages. Mais il faut
séparer celui-ci de la bergerie par un plafond en
briques qui arrête l'humidité et les émanations
du troupeau, qui seraient des causes de détériora-
tion rapide pour les fourrages. Toutefois les bri-
ques ne doivent pas être recouvertes de plâtre qui
absorberait l'humidité et les miasmes.
Porcheries. — C'est une opinion très répandue
que le porc se plaît dans l'ordure et la saleté ; c'est
là une erreur complète. Pas plus qu'aucun autre
animal domestique, le porc ne se trouve bien de
mauvaises conditions hygiéniques. Il faut donc
autant de soin pour l'établissement d'une porcherie
que pour une étable ou une bergerie.
En vue de réunir les conditions nécessaires h un
bon entretien de ses habitants, la porcherie doit être
spacieuse, aérée, autant que possible exposée au
midi. Elle sera divisée en loges pour chacun des
animaux qu'elle renferme; ces loges sont plus ou
moins grandes suivant la race qu'on élève. Géné-
ralement, des dimensions de 2 mètres de largeur
sur 3 mètres de longueur peuvent être considérées
comme tout à fait suffisantes; il est même bon
pour les animaux d'engraissement d'adopter des
dimensions un peu plus faibles. A chaque loge
correspond une portion de cour dans laquelle l'a-
nimal pi'ut sortir.
La ventilation est une condition essentielle de
la salubrité d'une porcherie. Elle peut facilement
être obtenue par des châssis fixés à des ouvertures
pratiquées aux deux extrémités.
Le sol doit être bien dallé ; le carreau convient
très bien pour le dallage. Il faut y ménager une
CONSULAT
— 503 —
CONSULAT
pente pour l'écoulement des déjections, et pour
faciliter les lavages qui doivent êire faits souvent
à grande eau.
Les auges seront solides; elles doivent être dis-
posées de telle sorte qu'on puisse y verser la nour-
riture sans entrer dans la loge. A cet eflfet, elles
sont encastrées dans les murs ou dans les cloisons
des logeSj ou bien encore elles sont munies de
volets de séparation.
La disposition des porcheries peut varier comme
celles des autres bâtiments de ferme. Elles peu-
vent être simples ou doubles, suivant la forme
du terrain dont on dispose, ou suivant le nombre
des animaux à loger.
Hangars, grmiges. — Il y a peu de choses à
dire sur les granges destinées à recevoir les ré-
coltes, aussi bien que sur les hangars qui servent à
abriter les instruments de culture et les machines.
Ces bâtiments doivent être construits avec une
grande simplicité, en employant les matériaux
qu'on peut facilement se procurer et qui coûtent
le moins cher, tout en écartant ceux qui ne sont
pas d'une durée suffisante ou qui sont trop sujets
aux risques d'incendie. Quant aux dispositions à
adopter, elles peuvent varier à l'infini. La simpli-
cité, la commodité et la solidité, voilà ce que le
cultivateur doit chercher avant tout. Les construc-
tions luxueuses coûtent très cher; c'est un capital
qui dort, et qui trouverait un emploi beaucoup plus
utile dans les opérations de la culture. Ce qui ne
répond pas à des besoins réels est de trop.
[Henri Sagnier.]
(Ou\Tage à consulter : Traité des constructions
rurales, par Ernest Bosc.)
Lectures et dictées. — CoxsTr.ucTioxs rurales
CL' HYGIÈNE : « Aérez votro maison, disais-je aux
paysans. — Mais elle est si petite, les chambres
en sont si petites. — Raison de plus, bonnes
gens : de l'air, de la lumière, pour chasser de
vos habitations et de celles de vos bestiaux la
langueur, les maladies, la mort. » A ceux qui
bâtissaient, ou plutôt à ceux qui étaient sur le
point de bâtir, je disais : <> Que vous en coùte-
rait-il de plus pour bien tourner votre maison,
pour en placer la cour, la laiterie au nord ; pour
ne pas mettre votre habitation sous le vent de
celle des animaux, pour exhausser la cuisine, les
chambres, pour bien les percer, pour isoler le
fournil, le toit à porcs ; et quant à votre escalier,
je vous le demande, vous en coûterait-il plus de le
faire en dedans que d'établir en dehors une mas-
sive et dispendieuse montée de pierre? » Ces gens-
là m'écoutaient, me regardaient, ni plus ni moins
que si je leur eusse parlé grec ou' hébreu. »
(A. Monteil, Histoire agricole de la France.)
CONSULAT. — Histoire de France, XXXIII
[Etym. : du latin consul.). — Différents sens du
MOT CONSULAT. — Avant d'étudier la période de
notre histoire qui porte ce nom, il est bon de
rappeler qu'il s'est appliqué dans le cours des
temps à des magistratures d'origine, de nature et
d'époque très différentes :
r Le consulat de Rome, établi lors de l'aboli-
tion de la royauté (àiO avant J.-C), était la charge
des deux magistrats électifs et annuels qui, sauf la
couronne^ avaient toutes les prérogatives des rois.
Kous en définissons les attributions à l'article
Home.
2° Ce titre survécut à la république romaine et
même à l'Empire. Plusieurs chefs barbares, dont
l'un des derniers fut Clovis, reçurent les insignes
du consulat, qui, bien entendu^ n'était plus alors
qu'un vain titre.
ù° Au moyen âge, dans les pays où les tradi-
tions romaines restèrent vivaces, par exemple dans
le midi de la France, beaucoup de cités munici-
pales donnèrent à leurs magistrats, beaucoup de
communautés de marchands donnèrent à leurs syn-
dics le titre de consuls. Toulouse, Lyon, Paris eu-
rent, de temps immémorial, des consuls revêtus
d'une juridiction analogue à celle de nos tribunaux
de commerce. Le tribunal consulaire de Paris se
composait d'un juge et de quatre consuls élus par
les notables marchands. On comptait encore au
XVIII* siècle, en France, C7 villes dotées de ces jus-
tices consulaires, dont le nom même s'est conservé
dans notre organisaiion actuelle.
4° C'est de là aussi qu'est née l'acception du mot
consul dans la langue diplomatique. Dans les ports
et les places de commerce de la Méditerranée^ on
donna ce titre à des représentants chargés de dé-
fendre les droits et les marchandises des négociants
établis en pays étrangers. C'est ainsi que, vers 1190,
Guy, roi de Jérusalem, accorda aux Marseillais la
faculté de se choisir, à Saint-Jean-d'Acre, des con-
suls de leur nation devant lesquels devaient être
portées les contestations qui s'élèveraient soit entre
eux, soit avec les étrangers. Ces consuls étaient
les gardiens naturels des lois et coutumes qui ré-
gissaient, comme d'un commun accord, toutes les
nations commerçantes. De là le nom de consulat de
la mer donné à une collection célèbre de lois ma-
ritimes, qui, pendant plusieurs siècles à partir du
xiii'=, ont été en vigueur et unanimement respectées
sur tout le littoral du midi de l'Europe et dans les
Echelles du Levant.
Dans les temps modernes, les officiers consu-
laires ont revêtu un caractère diplomatique. Ce
sont des agents à la fois commerciaux et politi-
ques. Les consuls d'aujourd'lmi ont pour attribu-
tions, non-seulement de protéger à l'étranger les
opérations commerciales de leurs nationaux, mais
de remplacer les officiers de l'état civil, d'intervenir
comme arbitres dans leurs contestations, de les
juger en matière civile et môme, dans certaines
contrées, en matière criminelle. Ce corps, en ce
qui concerne notre pays, se compose aujourd'hui
de consuls généraux, de consuls et d'élèves-con-
suls, qui relèvent directement du ministère des
affaires étrangères, et qui représentent la France
et son drapeau sur tous les points du globe.
Consulat de Napoléon Bonaparte (l8nU-1804). —
Ce nom désigne, dans l'histoire de France, la ma-
gistrature dont la constitution de l'an VIII investit
le général Napoléon Bonaparte, à la suite du coup
d'État du 18 brumaire; et par extension, on l'ap-
plique à la période historique comprise entre le
régime du Directoire et celui de 1 Empire, de la fin
de 1799 au 18 mai 180i.
Par sa première campagne d'Italie (1796-97) Bona-
parte s'était, d'un seul bond, élevé à l'apogée de la
gloire des armes ; l'expédition d'Egypte venait d'en
faire un héros légendaire. Il ne manquait plus à
son ambition que le pouvoir suprême. Revenu d'E-
gypte à la hâte pour offrir son épée au Directoire
contre la nouvelle coalition qui menaçait la France,
il avait trouvé, il est vrai, le péril conjuré par les
brillantes victoires de Brune et de Masséna; mais
le gouvernement était méprisé, le crédit public
anéanti, les administrations désorganisées. Un rôle
s'offrait à Bonaparte : se substituer au Directoire,
pour rendre à la France l'ordre, la sécurité, le
respect de l'Europe. Ce rôle, il le prit, et s'en
acquitta avec un rare succès, avec une profonde
habileté, bien moins malheureusement au profit
du pays et de la liberté, que dans l'intérêt de sa
propre ambition.
Invoqué par tous les partis, mais ne voulant se
livrer à aucun, il renversa cette constitution de
l'an m que personne ne reconnaissait plus. Le
Directoire contraint de donner sa démission; des
deux corps qui formaient la représentation natio-
nale, l'un, le Conseil des Anciens, gagné, l'autre,
le Conseil des Cinq-Cents, dispersé par les baïon-
nettes, tel fut le coup d'Ktat du 18 brumaire
(9 novembre 1799). Cent cinquante membres des
CONSULAT
— i04 —
CONSULAT
Anciens, trente des Cinq-Cents nomme; r>nt Bona-
parte, Sieyès et Roger-Ducos consuls provisoires,
et deux commissions de vingt-cinq membres pris
dans les anciens Conseils furent chargées de faire
une nouvelle Constitution.
Cette révolution, où pas une goutte de sang no
fut versée, mais d'où la notion du droit fut ab-
sente, fut accueillie avec une joie non équivoque
et par une confiance générale. Les populations y
voyaient la fin des discordes civiles ; la France,
lasse des secousses de la Révolution, avide d'ordre
et d'unité, abdiqua entre les mains d'un maître
qu'elle savait glorieux et fort; elle fit au génie of-
frande de ses libertés.
Bonaparte n'attendit pas la constitution des pou-
voirs nouveaux pour gouverner. Il emprunta aux
divers partis leurs hommes les plus éminents
pour leur distribuer les ministères et les com-
mandements d'armées. Adoptant une politique
d'impartialité et de réparation, il abolit l'odieuse
loi des otages et celle de l'emprunt forcé, rappela
les proscrits, et se hâta de remettre un peu d'ordre
dans les finances. En même temps il pacifiait la
Vendée, à la fois par des mesures de conciliation
et par une répression énergique.
Le 13 décembre 1799, la Constitution dite de
l'an VIII, et dont Bonaparte avait dicté les ter-
mes, fut proposée à l'acceptation du peuple. Le
gouvernement était remis à trois consuls. Au
premier consul, qui fut Bonaparte, appartenait la
décision; les deux autres, Cambacérès et Lebrun,
n'avaient que voix consultative. Nommé pour dix
ans, le premier consul avait la plénitude du pou-
voir exécutif ; il promulguait les lois, nommait les
membres des administrations et des tribunaux,
avait la direction des armées de terre et de mer,
traitait avec les puissances étrangères. Sous une
forme républicaine, le consulat était un véritable
retour à la monarchie.
Le pouvoir législatif était partagé entre quatre
grands corps : 1° Le Conseil d'Etat préparait les
projets de loi, rédigeait les règlements d'adminis-
tration publique, et jugeait en dernier ressort les
conflits administratifs; 2° Le Tribimut examinait les
projets de loi, signalait les abus, émettait des
vœux; 3° Le Corps législatif \otait silencieusement
les projets de loi,, qui étaient discutés contradic-
toirement devant lui par trois commissaires du
Conseil d'Etat et trois orateurs du Tribunal; 4" Le
Sé?iat conservateur, placé au-dessus des autres
corps, nommait les grands dignitaires de l'Etat,
veillait au maintien de la Constitution et déclarait
si les lois votées y étaient conformes. C'est après
avoir passé par toutes ces épreuves que les lois
étaient promulguées par le premier consul.
Ce partage compliqué d'attributions avait pour
but de prévenir le despotisme, d'une assemblée
unique, comme la Convention, mais aussi pour
résultat d'amoindrir l'autorité des corps existants,
de paralyser la vie publique dans la représentation
du pays. Cette atonie était d'autant plus inévita-
ble que non seulement les fonctionnaires de tout
ordre, mais les membres des grands corps eux-
mêmes étaient choisis sur des listes de notaliilité
procédant hiérarchiquement et par sélection l'une
de l'antre, listes nationale, dépurtementale, com-
munale.
Si la Constitution de l'an VIII a fait rétrograder
les conquêtes politiques de la Révolution, elle en
consacra du moins les conquêtes civiles : égalité
dans l'Etat et dans la famille ; égalité devant la
loi et devant la justice; liberté individuelle; in-
violabilité de la propriété et du domicile ; admis-
sibilité de tous les citoyens aux fonctions publi-
ques. « La Révolution est fixée aux principes qui
l'ont commencée; elle est finie, » — du moins le
croyait-on.
Cette constitution, acceptée par 3 millions de
suflrages contre 15,000, fut promulguée le 24 dé-
cembre 1709.
Ce n'était pas tout de rendre à la France la vie
intérieure, il fallait par de nouveaux triomphes
forcer l'Europe à lui accorder une paix glorieuse.
L'Autriche nous menaçait avec deux armées, Kray
sur le Rhin, Mêlas sur le Var. Bonaparte opposa
Moreau au premier. Lui-même, reparaissant tout à
coup sur le premier théâtre de sa fortune, il fran-
chit.les Alpes au col du grand Saint-Bernard (16-20
mai 1800). Par une admirable manœuvre, servie
d'ailleurs par l'héroïque défense que Masséna lit
dans Gênes, il avait tourné l'ennemi et forcé Mêlas
d'abandonner le Var et Gênes pour venir livrer ba-
taille à Marengo (14 juin). La victoire longtemps
disputée fut complète et décida du sort de l'Italie.
Moreau, de son côté, pénétrait au cœur de l'Alle-
magne, gagnait la bataille de Hohenlinden (3 dé-
cembre) et menaçait Vienne. L'Autriche épuisée
signa la paix de Lunéville (9 février ISOl). La
France se trouvait couverte d'une ceinture de ré-
publiques alliées, batave, helvétique, cisalpine,
ligurienne, et gagnait enfin sur le Rhin, de la
Suisse à la Hollande, cette frontière naturelle
qu'une insatiable ambition devait, treize ans après,
lui faire perdre.
Le tsar Paul P"", grand admirateur du premier
consul, se réconciliait avec la République française,
et se mettait même à la tète d'une ligue de neu-
tralité formée par les nations maritimes contre
l'Angleterre. Celle-ci restait seule, obstinée à la
lutte. Maîtresse de la Méditerranée, elle chassa les
Français de Malte et de l'Egypte. Mais exclue par
les armes ou la politique de la France de la moi-
tié du continent, elle consentit h signer avec le pre-
mier consul (25 mars 1802) la paix d'Amiens, qui
fut accueillie avec enthousiasme des deux côtés du
détroit.
En paix avec l'Europe, Bonaparte put mener à
terme l'œuvre de la réorganisation de la France.
Le sujet vaut la peine qu'on s'y arrête ; car le sys-
tème administratif, judiciaire, ecclésiastique môme,
dont est faite notre vie d'aujourd'hui, est là pres-
que tout entier.
Administration. — A la tête de chaque départe-
ment on mit, au lieu d'un directoire électif qui
manquait d'unité et d'action, un préfet, manda-
taire du pouvoir exécutif; dans chaque arrondisse-
ment un sous-préfet; à la tête de chaque commune
un maire; auprès de chacun de ces magistrats,
une sorte de corps législatif, Conseil g énéraly d'ar-
rondissetnent, municipal; de plus, dans chaque dé-
partement, un Conseil de préfecture, espèce de
Conseil d'Etat institué pour juger le contentieux
administratif. Ainsi, à tous les degrés dans l'Etat,
la délibération appartenait à plusieurs^ l'action
était réservée à un seul.
l\éorganisation financière. — Renonçant au vieux
mode des adjudications et des fermes, Bonaparte
fit percevoir directement l'impôt foncier par des
agents de l'Etat; il créa V administration des con-
tributions directes, avec des contrôleurs pour dres-
ser les rôles de l'impôt, avec des percepteurs, un
receveur particulier d'arrondissement, un receveur
général du département, par les mains desquels
successivement le produit arrivait dans la caisse du
Trésor. La Constitution avait fait retomber presque
tout le poids de l'impôt sur la propriété immobi-
lière; le premier consul la dégreva en rétablissant,
sous le nom de Droits réunis, les anciennes taxes
sur les boissons, sels, tabacs, voitures, etc.; ce fut
plus tard V administrai ion des contributions indi-
rrctef. Pour éteindre graduellement la dette publi-
que, on créa la caisse d'amortissement. Enfin, pour
rétablir le crédit commercial, Bonaparte provoqua
(janvier ISOO) la fusion de plusieurs caisses d'es-
compte qui devinrent la Banque de France. Cette
compagnie, constituée au capital de 45 millions et
CONSULAT
503
CONSULAT
à laquelle il donna le caractère d'une grande in-
stitution publique, avec la faculté d'émettre des
billets circulant comme monnaie et toujours rem-
boursables, est devenue le plus solide établisse-
ment financier qu'il y ait dans le monde.
Réorganisation judiciaire. — Rapprocher la jus-
tice des justiciables, assurer à ceux-ci les garanties
d'une véritable justice d'appel, tel est le double
but que se proposa le premier consul en complé-
tant le système judiciaire créé par la Constituante.
Il y eut désormais un tribunal civil par arrondis-
sement, et 29 cowr5, comprenant chacune plusieurs
départements, furent créées pour recevoir les ap-
pels des tribunaux de première instance. Des ma-
gistrats détachés de ces cours allèrent tenir dans
les départements des assises jugeant au criminel
avec l'assistance du Jiir!/.
Le tribunalde cassation, agrandi en attributions
et en dignité, tout en continuant à recevoir les ap-
pels en. dernier ressort, au civil et au criminel, fut
chargé d'interpréter les lois et de fonder l'unité
de jurisprudence.
Code civil (1804). Le droit civil, avant la Révo-
lution, était régi par une foule de coutumes et
d'ordonnances souvent contradictoires. La Consti-
tuante avait proclamé la nécessité d'un code uni-
que; la Convention l'avait ébauché, ce fut Bona-
parte qui eut l'honneur de réaliser l'œuvre. Une
commission de jurisconsultes, les cours et tribu-
naux, le conseil d'Etat furent successivement ap-
pelés à préparer, à examiner, à discuter les projets
de loi qui devaient composer ce code. Lui-même
prit part aux discussions, et ce soldat étonna sou-
vent les vieux jurisconsultes par les éclairs qu'il
jetait sur les points les plus obscurs. Les projets
de loi furent soumis ensuite au Tribunat et au
Corps législatif, où ils trouvèrent une résistance
inattendue, puis au Sénat. C'est après tant d'é-
preuves que cette œuvre, l'un des monuments
législatifs les plus complets et les plus harmonieux
qu'on ait vus jusqu'alors, fut promulguée, le 7 mai
1804, sous le nom de Code civil des Français.
Concordat (1802). Les églises étaient rouvertes
et la liberté rendue au culte. Mais il y avait tou-
jours un trouble profond dans'les esprits; la France
était séparée de fait du centre de l'Eglise catho-
lique, et renfermait deux clergés ennemis, les
prêtres qui avaient prêté et ceux qui avaient re-
fusé le serment à la Constitution civile du clergé
votée par la Constituante. Fondre ces deux clergés
en un seul, réconcilier l'Église et l'État et donner
satisfaction au sentiment religieux en rattachant
la France au Saint-Siège, tel est le but que se pro-
posa le premier consul. A la suite d'une délicate et
laborieuse négociation commencée à Rome et que
le cardinal Consalvi vint poursuivre à Paris, un
Concordat fut signé avec le pape Pie VII. La reli-
gion catholique reconnue comme la religion de la
majorité des Français ; réconciliation des prêtres
constitutionnels avec le Saint-Siège ; acceptation
tacite de l'aliénation des biens du clergé qui reçut
une dotation annuelle ; la France divisée en 60 évê-
chés dont les titulaires, nommés par le pouvoir ci-
vil, étaient institués par le pape ; la juridiction ecclé-
siastique remise au conseil d'Etat et la police ex-
térieure du culte à l'autorité temporelle ; toi fut
l'acte important qui, promulgué le 18 avril 1S02,
nous régit encore. Il fut complété par les articles
organiques qui réglaient en détail les rapports
du pouvoir civil avec l'autorité religieuse, et qui
étendaient aux cultes réformé et Israélite les dis-
positions du Concordat.
Réorganisation de l'instruction publique. Les
anciennes universités, les écoles ecclésiastiques
avaient sombré dans la tempête révolutionnaire.
La Constituante s'Otait bornée h poser le principe
d'un grand système d'instruction publique. La
Convention avait créé une école normale qui ne
lit que passer et des écoles centrales, une par
département, où l'on n'enseignait guère que les
sciences et d'où l'enseignement classique avait
à peu près disparu. Peu fréquentées, il n'en res-
tait que 32 en 1802. Le premier consul en fit des
hjcées où la jeunesse dut recevoir une forte ins-
truction littéraire et scientifique, et qui devaient
être en même temps pour elle des écoles d'égalité
civile et de discipline militaire ; 6,400 bourses
payées par l'Etat assurèrent le personnel scolaire
des lycées. Quant à l'instruction spéciale, le pre-
mier consul y pourvut par dix écoles de droit,
six écoles de médecine. A l'école polytechnique,
créée par la Convention, il ajouta une école mili-
taire, fixée d'abord à Fontainebleau, une école des
arts mécaniques, àCompiègne. Mais l'enseignement
primaire fut complètement oublié. Une partie des
biens nationaux non vendus fut affectée à l'entretien
de l'instruction publique.
Plus tard, il appliqua à l'enseignement ce ca-
ractère d'unité qui a été à la fois la gloire et
l'excès de son règne. Par la loi du 10 mai 1806, il
fonda, sous le nom à' Université, un corps exclusi-
vement chargé de donner l'enseignement dans
tout l'empire et à tous les degrés.
Mais cet enseignement fut soigneusement ren-
fermé dans le cercle des applications scientifiques
et de la littérature classique. L'histoire et la phi-
losophie en furent à peu près bannies. Le premier
consul n'aimait ni les idéologues, ni les manifesta-
tions de la pensée indépendante.
Cette défiance s'accuse dans le décret du 27
septembre 180:^ sur la presse. La liberté de la
presse ne pouvait en eft'et trouver grâce auprès
d'un dictateur militaire : tous les livres furent sou-
mis à une commission de censure, et on ne laissa
subsister des journaux que le petit nombre de
ceux qui consentirent à se faire les porte-voix du
gouvernement.
Et cependant il y avait, à ce mompnt même, une
remarquable résurrection de l'esprit humain. C'est
ainsi que dans des courants d'idées très divers.
Chateaubriand, avec Atala et le Génie du christia-
nisme, Mo"^ de Staël, a.\Qc Delphine (lt-02) qui an-
nonçait Corinne et \ Allemagne ,'Lexa&VQ.iQT avec son
drame de Pinto, Destutt de Tracy avec son Idéolo-
gie, préludaient à cette double et généreuse réac-
tion littéraire, religieuse d'un côté, philosophique
et libérale de l'autre, qui devait caractériser le
premier tiers du siècle.
En même temps Laplace, Carnot, Fourcroy,
Berthollet, Haûy, Bichat, Cabanis, par leurs tra-
vaux, leurs découvertes et leurs publications, élar-
gissaient prodigieusement l'horizon de la science.
Enfin, pour clore la longue liste des créations
improvisées dans un temps si court, en i802 fut
institué l'ordre de la Légion d'hoiviear, récom-
pense qui s'adressait aux plus modestes serviteurs
de l'État comme aux plus élevés; consécration de
la véritable égalité, « non celle qui égalise les
hommes en les abaissant, mais qui les égalise en
les élevant » (Thiers).
En même temps, partout s'ouvraient ou se ré-
paraient des routes, des canaux, des ponts; les
manufactures renaissaient, des industries nou-
velles étaient créées ; la France déployait à l'inté-
rieur cette puissance de résurrection si fréquem-
ment mise à l'épreuve par nos secousses ou nos
revers. Une seule tache faisait ombre ; notre co-
lonie de Saint-Domingue, où le premier consul
avait englouti une armée, était à jamais perdue
pour la France (1803).
Au dehors notre prépondérance grandissait cha-
que jour. Malheureusement, exercée sans mesure,
elle menaçait déjà de devenir un danger et allait
réveiller les défiances et les haines de l'Europe.
C'est ainsi que Bonaparte réunissait le Piémont à
la France et en faisait six départements; qu'il
CONTAGION
— 506 —
CONTAGION
imposait à la republique batave une constitution
nouvelle; qu'il contraignait la république helvé-
tique à l'accepter comme médinleiir ; qu'il se fai-
sait donner la présidence de la république cisal-
pine : titres qui déguisaient mal une domination
directe et personnelle.
Ces envahissements exaspérèrent l'Angleterre,
qui se refusa à l'abandon de Malte stipulé par la
paix d'Amiens. Elle rouvrit la première les hosti-
lités (mai 1803). Le premier consul fit occuper le
Hanovre, et commença à Boulogne les préparatifs
d'une formidable expédition maritime qui devait
jeter 150,000 soldats sur le rivage de la Grande-
Bretagne.
Les émigrés royalistes profitèrent de cette rup-
ture pour ourdir de nouvelles menées contre le
premier consul. Déjà, en 1800, ils avaient fait écla-
ter sur son passage une machine infernale, et Bona-
parte avait saisi le prétexte de cet attentat pour
proscrire et déporter 13-i jacobins, gens peu dignes
d:: pitié à la vérité, mais qu'il savait innocents. En
1803, Georges Cadoudal, ancien chef de chouans,
organisa avec le traître Pichegru une conspiration
qui avait pour but de tuer ou d'enlever le premier
consul. Pichegru fut trouvé étranglé dans sa pri-
son, Cadoudal fusillé ; le républicam Moreau, qui,
par jalousie contre Bonaparte, s'était prêté à des
pourparlers, fut exilé. Cette affaire devait avoir un
dénouement plus tragique encore. Persuadé que le
duc d'Enghien, un Bourbon, était du complot, bo-
iiaparte le fit, par représailles, enlever sur le ter-
ntoire allemand, amener à Vincenncs et fusiller
(*2ii mars l!S04'. Ce sang innocent pèsera à jamais
sur sa mémoire.
Après ce défi jeté aux vieilles familles monar-
chiques, Bonaparte franchit le dernier pas qui
le séparât du rang suprême. La machine infernale
avait amené le consulat à vie, la conspiration de
Pichegru devait motiver l'empire. Huit jours
après le drame de Vincennes, il se faisait offrir
rhérédité par le Sénat, et le 18 mai suivant, sur
la proposition du tribun Curée, le Sénat le pro-
clama Empereur des Français. Le fils de la
Révolution avait détrôné sa mère, et l'Europe
comptait une dynastie déplus (1.^04).
La période que nous venons de parcourir est,
sinon la plus pure, on l'a vu tout à l'heure, du
moins la plus féconde, la plus prospère et la plus
solidement grande, dans la vie de ce génie ex-
traordinaire qui a étonné le monde. Mris issu
d'un coup d'Etat militaire, le consulat portait en
germe le despotisme, les intempérances et les
gloires désastreuses de l'empire.
[Léon Puiseux.]
A consulter : Thiers, le Consulat et l'Empire, t. I à IV;
l'Histoire de France racontée à mes peliis-enfants (1789-
1848), par M. Guizot, publiée par M"" de Witt, t. I, ch. yii ;
Duvergicp de Hauranne, Histoire du gouvernement parle-
mentaire, t. I ; Lanfrey, Histoire de Najwlèon I".
COiXTAGIOK. — Hygiène, III, XVII, XVIII. —
On appelle contagion la transmission d'une maladie
d'uu individu malade à un individu sain, par le con-
tact immédiat ou par le contact de vêtements, d'ob-
jets à son usage. La transmission peut s'opérer
aussi, dans un grand nombre de cas, par l'air qui
se charge de miasmes, de poussières, de germes
contagieux.
Quelques maladies, appelées virulentes parce
qu'elles résultent de l'absorption d'un poison spé-
cial, d'un virus, ne sont contagieuses que par ino-
culation, c'est-à-dire par leur introduction à tra-
vers la peau ou les muqueuses, au moyen d'une
piqûre, d'une plaie, d'une écorchure si petite qu'elle
soit; telles sont la vaccine, la morve, la rage, le
charbon, etc. D'autres maladies virulentes, comme
la variole, sont inoculables et en môme temps
contagieuses par le simple toucher à travers la
peau intacte
Le plus grand nombre des maladies épidémiques
se transmettent par contagion indirecte ; on les
appelle infeciieuses. Les miasmes, les poussières,
les émanations, les germes de plantes ou d'ani-
maux microscopiques qui servent à les reproduire,
sont emportés par l'air, par les eaux, et se répan-
dent au loin. C'est ce qui arrive pour la peste, le
choléra, la suette, le typhus, la fièvre t5fphoide, la
dyssenterie, la scarlatine, la rougeole, la diphtérie,
la coqueluche, la grippe, les oreillons, les teignes,
etc. Dans ce cas, le poison spécial de la maladie
pénètre dans l'organisme des personnes saines
par la peau, par les poumons, et par les membra-
nes muqueuses qui tapissent la bouche, la gorge,
l'estomac et les intestins.
Quant aux maladies parasitaires qui consistent,
comme la gale, dans la présence d'un insecte dont
les œufs ne sont pas transportés par l'air, il est
évident qu'elles ne sont contagieuses que par con-
tact.
Il existe encore une autre sorte de contagion que
l'on appelle nerveuse et qui constitue simplement
une imitation morbide. L'imitation est instinctive
chez l'homme et chez un assez grand nombre
d'animaux. Le cheval qui a le tic de Vours (balan-
cement de la tête à droite et à gauche) le commu-
nique à ses voisins qui, peu à peu, s'habituent à
imiter son mouvement. Certaines maladies nerveu-
ses comme la chorée, les convulsions ; d'autres
d'un genre différent comme le strabisme, produi-
sent parfois chez ceux qui sont témoins de leurs
effets un ébranlement du système nerveux accom-
pagné d'imitation involontaire des signes extérieurs
de la maladie.
Précautions générales contre la contagion. —
Les gouvernements ont adopté des règles d'hygiène
internationale pour éviter autant que possible la
propagation des maladies infectieuses par les
voyageurs, les troupeaux, les marchandises. On a
établi à cet effet des quarantaines et des lazarets
où sont retenus les navires arrivant de pays où
régnent certaines maladies contagieuses, peste,
fièvre jaune, choléra, et ceux qui ont à bord des
personnes atteintes de ces maladies. Après exa-
men médical et désinfection, s'il y a lieu, des per-
sonnes, des vêtements, des marchandises, on lève
la quarantaine ou on la maintient jusqu'à ce que
tout danger soit passé. On empêche aussi l'ex-
portation des troupeaux atteints de maladies com-
municables à l'homme ou aux animaux. De plus,
on prend des précautions pour empêcher les épi-
démies les plus communes de naître dans leurs
foyers ordinaires par suite d'encombrement et de
mauvaises conditions hygiéniques.
L'hygiène publique a des devoirs plus nombreux
et doit entrer dans les plus petits détails pour pré-
venir le développement spontané des maladies in-
fectieuses, pour détruire le plus tôt possible les
germes, les miasmes dangereux, pour isoler les
malades et aussi pour répandre dans les masses
les notions d'hygiène indispensables.
Plusieurs Etats européens ont rendu la vaccina-
tion obligatoire, et il est à désirer que la France
suive cet exemple : c'est le moyen de neutraliser
les efl'ets de la variole qui faisait jadis tant de vic-
times. Mais si cet ennemi est aujourd'hui à peu
près vaincu, il en reste d'autres contre lesquels
devraient se tourner les efforts des législateurs,
des administrateurs, des médecins, de tous ceux
qui ont pour mission de veiller aux intérêts maté-
riels et moraux des populations.
L'isolement des malades atteints de maladies
contagieuses est la première mesure à prendre,
la plus indispensable, quelles que puissent être les
difficultés matérielles et les dépenses qu'elle en-
traine. Ne pas isoler, c'est consentir à répandre la
maladie, c'est commettre un attentat contre la santé
et la vie des autres.
CONTAGION
— o07 —
CONTRACTION
En même temps que Ton isole les malades, il
est indispensable de détruire les germes de conta-
gion dans les lieux où ils ont séjourné. Cela est
beaucoup plus difficile qu'on ne le croit générale-
ment; les désinfectants vraiment efficaces sont peu
nombreux et surtout ils n'agissent que si on les
emploie sous une forme concentrée. L'acide pho-
nique pur est un des meilleurs. Le plus simple,
le plus efficace dans les circonstances ordinaires
est le gaz acide sulfureux. S'il s'agit de désinfecter
une chambre, contenant des vêtements, de la lite-
rie, des ustensiles suspects, il suffit d'y placer un
fourneau allumé sur lequel on projette une poi-
gnée de fleur de soufre. Le gaz acide sulfureux
qui se dégage est très avide d'oxygène, il décom-
pose les miasmes, tue les germes, en s'emparant
de rox3-gène qui entre dans leur composition. 11
pénètre dans les crevasses des murs et des plan-
chers, derrière les papiers de tenture, mieux que
ne le ferait aucun liquide. Après son emploi, on
lave, on brosse, on savonne tout ce qui a été sou-
mis aux vapeurs sulfureuses. Le seul inconvénient
de ce procédé, c'est d'oxyder les objets en métal.
On fera donc bien de ne laisser dans la pièce que
ceux qui ne peuvent s'enlever.
Tout ce qui sert aux personnes atteintes de ma-
ladies infectieuses doit être soumis à une désin-
fection journalière ; il faut mêler à leurs déjections
et aux matières vomies un peu de sulfate de fer
(couperose verte), et prendre un soin tout spécial
pour que ces matières ne puissent devenir une
source de contagion. Le mieux serait de les en-
terrer profondément loin des puits et des cours
d'eau.
Les personnes que le devoir ou l'afiFection retient
auprès de ces malades devront prendre les pré-
cautions suivantes : ne pas dormir dans leur
chambre, n'y séjourner que le temps nécessaire,
observer une propreté minutieuse, veiller à l'aéra-
tion parfaite. Pour chaque cas spécial le médecin
donnera des indications pratiques, comme l'emploi
de la glycérine pour empêcher les poussières dan-
gereuses de se détacher de l'épiderme du malade,
dans certaines maladies de la peau.
Devoirs des instituteurs. — Le règlement des
écoles (article 2) dispose que l'instituteur, avant
d'admettre un enfant, « s'assure qu'il a été vacciné
ou qu'il a eu la petite vérole, et qu'il n'est point
atteint de maladies ou d'infirmités de nature à
nuire à la santé des autres élèves. »
Mais comment le maître pourra t-il reconnaître
les maladies et les infirmités de nature à nuire à
la santé des autres élèves, c'est-à-dire contagieuses,
s'il n'a pas appris, dans un cours d'hygiène, les
caractères les plus saillants de ces maladies?
C'est donc à bon droit que l'hygiène a été intro-
duite comme branche obligatoire dans le pro-
gramme des écoles normales primaires par l'arrêté
du -i août 1881.
Aujourd'hui le service médical, obligatoire pour
les salles d'asile (Décr. 21 mais IS.5, art. 16j,
n'existe pas pour les écoles. Cependant ce service
fonctionne à Paris, et le directeur de l'instruction
primaire (Cire. 15 juillet 1872, Bulletin de l'ius-
truction primaire, n" 89) annonce l'envoi d'un
registre pour recevoir les prescriptions du médecin
de l'école. « Il importe, dit la circulaire, que toutes
les causes de maladies épidémiques soient écartées
de nos établissements par l'intelligente surveil-
lance des maîtres et des maîtresses. »
En l'absence de règlements suffisants, l'institu-
teur ne doit pas moins s'inspirer de l'esprit que
l'on retrouve dans les différents essais ou projets
sur cette matière. Son devoir est fort simple.
Reconnaissant son incompétence pour établir le
diagnostic des maladies contagieuses, il refusera
l'entrée de la classe à tout enfant malade jusqu'à
ce qu'il reçoive d'un médecin l'attestation que la
maladie ne peut se communiquer. Si la maladia
est contagieuse, il n'admettra de nouveau l'enfant
que sur le vu d'un certificat autorisant sa ren-
trée.
Pour bien remplir cette partie de sa tâche, il
devra chaque jour passer la revue sanitaire, ce
qui lui permettra de donner des conseils de pro-
preté et de bonne tenue et de s'assurer qu'ils
sont mis en nratioue. TD' Saffrav.l
CONTRACTION. — Grammaire, lY. XX. — On
appelle conlraction en grammaire la réduction ou
la réunion de deux éléments grammaticaux, sylla-
bes, mots ou propositions, en un seul, et l'on
distingue ainsi la contraction des stjtlabes, celle
des mots, et celle des phrases ou propositions.
1. Contraction de deux syllabes en une seule. —
Beaucoup de mots ont perdu, dans le passage du
latin au français, certaines consonnes médiates,
isolées entre deux voyelles, et qui dès lors ont
laissé ces voyelles en présence ; il en est résulté
un hiatus que l'ancien français admettait sans
difficulté; ainsi ca[th)edra , pav)or, mat)urus,
(jra[d)ire donnent à l'origine de notre langue
cha-ëre, pe-ùr, me-ûr, grn-ïr. Mais dès le xiV^
siècle, l'hiatus tend à disparaître, soit par l'in-
tercalaiion d'une nouvelle consonne, comme gra-
\-ir de gra-ïr, soit par l'élision de la première
voyelle, mûr de me-ûr, soit enfin par la contrac-
tion. Cette contraction porte le nom de synérèse,
lorsque les deux voyelles se rapprochent simple-
ment de manière à se souder l'une à l'autre et à
former une diphthongue propre ou impropre,
comme chaire de chu-ère; et de contraction pro-
prement dite, lorsqu'il y a fusion des deux
voyelles en un seul son : peur de pe-ù-.
11 y a des cas de contraction où l'une des
voyelles est élidée phonétiquement, c'est-à-dire
pour l'oreille, quoiqu'elle soit consarvée graphi-
quement dans l'usage actuel, par ex. 7;ao7î^=pan,
de pavonem ; tao?i=tàn, de tabamis ; noùt^oùt,
d'augustus; seoir=soir, de seclere; e«=:u, de ha-
butus pour habitus; Saône^Sone, de Sauconna;
Jean=id,n, de Johanf.es ; veau=\à\i de titellus, etc.
2. Contraction de deux mots en un seul. — La
langue française en offre deux exemples remar-
quables : 1° L'article dit contracté : du, des, au,
aux, forme ancienne : del, dels, al, ah\ contrac-
tion de de le, de les, à le, à les, ainsi que cela a
déjà été expliqué au mot Article; — 2° Les expres-
sions voici et voilà, formées par contraction de
vois ici et vois là; dans l'ancienne langue on sépa-
rait les deux mots, et on plaçait immédiatement
après l'impératif le pronom représentant la per-
sonne ou la chose que l'on voulait indiquer ; au
xvie siècle, Piabelais dit encore : « Voy me là
prest à boire, » pour « me voilà prêt. » C'est
donc bien à tort que l'Académie et la plupart des
grammairiens considèrent ces expressions comme
des prépositions ; la préposition marque un rapport
entre deux mots, comme dans : « Je viens de
Paris, » ce qui ne peut s'appliquer à voici dans :
« Voici mon livre, » qu'il faut analyser ainsi ;
vois, impératif de voir, 2' personne du singulier ;
ci pour ici, adverbe du lieu.
L'analyse de l'article dit contracté doit égale-
ment se faire en séparant les deux mots : ainsi du
dans « le livre du maître » s'analysera de la même
manière que de le dans « le livre de Técolier »,
c'est-à-dire : de, préposition, et le, article défini
(V. notre Grammaire usue le, § 140).
3. Contraction de deux pi-opositions en une
seule. Deux ou plusieurs propositions réunies en
une phrase et ayant un membre commun peuvent
se contracter en une seule, le terme commun
n'étant exprimé qu'une fois.
En pareil cas, si les propositions conservent
chacune leur verbe, la phrase est réellement com-
posée, et il y a autant de propositions qu'il y a de
CONVENTION
— oU8 —
CORNEILLE
verbes : « Le malheur empirelcs mauvais caractères
et (le malheur) améliore les bons. — Le prodigue
déjeûne avec l'abondance, dine avec la pauvreté et
soupe avec la misère. »
Mais les propositions unies ainsi par contraction
n'en forment qu'une, quand elles n'ont ensemble
qu'un seul verbe, c'est-à-dire une seule affirmation ;
la phrase est alors considérée comme une forme
de la proposition simple que l'on appelle proposi-
tion complexe : « Le soleil et la lune brillent =^ le
soleil brille et la lune brille. »
De là il résulte que la proposition peut être
complexe par chacun de ses membres, sauf par
le verbe :
1° Le sujet est complexe : « La paresse et la pau-
vreté sont sœurs jumelles. >>
2° L'attribut (adjectif) est complexe : « La jujube
est pectorale et apéritive. »
3» L'objet (complément ou circonstanciel) est
complexe : « Le sage est ménager du temps et
des paroles. »
4° Le déterminatif est complexe : « Sans la cul-
ture il n'y aurait pas de climats salubres et agréa-
bles. »
La contraction est une forme propre à la phrase
de coordination ; cependant elle se présente aussi
dans la phrase de subordination, mais seulement
lorsque la subordonnée est une proposition adver-
biale exprimant une comparaison ou une conces-
sion ; dans ce cas, le mot conjonctif pronom
relatif ou conjonction) reste, mais on supprime
toujours le verbe et tout autre membre commun
aux deux propositions, principale et accessoire :
« Il en sait autant que vous (en savez). — Il est
aussi savant que (il est) modest",. — Il naquit de
parents pauvres, quoique (ils fussent) nobles. »
(V. notre Grammaire usuelle, §§ 535, 847, 857.)
[C. Ayer].
CONVENTION. — V. Révolution française.
CONVERSION DES MESURES. — V. Mesu7^es
anciennes.
CORNEILLE (Pierre). — Littérature française, X.
— Le réformateur ou plutôt le créateur de notre
art dramatique, le grand Corneille, naquit le 6 juin
1606, à Rouen, rue de la Pie, dans une maison pa-
trimoniale dont il ne reste plus que la porte d'en-
trée déposée au musée de cette ville (Merlet).
Son père, comme celui de La Fontaine, avait la
charge de maître des eaux et forêts. Après de
bonnes études classiques faites chez les jésuites,
le jeune Corneille se mit à l'étude du droit et se
fit inscrire au barreau de Rouen. Il n'eût jamais
été sans doute qu'un avocat médiocre, car il n'a-
vait, paraît-il, aucun talent de parole. « Sa conver-
sation était si pesante qu'elle devenait à charge dès
qu'elle durait un peu », dit un de ses biographes.
— « Corneille était d'une ennuyeuse conversation, »
a dit La Bruyère.
Il s'adonna de bonne heure à la poésie : à vingt-
trois ans il débuta par une comédie, Mélite (102!Jj,
dont l'idée première lui avait été inspirée par une
aventure de jeunesse, et qui eut un grand succès à
Paris, à l'hôtel de Bourgogne.
Cette pièce, bien qu'elle se distinguât déjà par un
certain naturel et par une simplicité relative, n'é-
tait pas exempte des défauts à la mode, et c'est
peut-être ce qui fit son succès : on y admira sur-
tout quelques traits d'esprit dans le goût du temps,
et l'habileté du poète
A brouiller quatre amants dans une seule intrigue.
Dans les années suivantes, le jeune avocat de
Rouen livra à la scène quelques autres comédies
qui n'avaient pas plus de valeur. Le cardinal de
Richelieu le mit au nombre des poètes chargés de
travailler pour son théâtre. Soit faute « d'esprit de
suite », comme le lui reprocha Richelieu, soit
plutôt par instinct d'indépendance, Corneille mé-
c)ntenta son puissant protecteur et ne tarda pas
à retourner à Rouen ; la même année (163.J), quit-
tant tout à coup la comédie, il écrivit sa première
tragédie, Médée.
C'est là que se trouvait un mot fameux, cette
réponse de Médée, premier éclair de ce qu'on
nomma plus tard « le sublime » de Corneille :
Contre tant d'ennemis que tous reste-t-il ? — Moi !
La pièce n'eut qu'un succès médiocre. Corneille,
un moment découragé peut-être, revint à la co-
médie et réussit dans une pièce imitée de l'espa-
gnol, V Illusion co?nique. Mais sa véritable vocation
finit par l'emporter. C'est à la fin de novembre
1636 qu'il fit représenter le Cid, le premier monu-
ment de la gloire de notre théâtre, chef-d'œuvre
qui non seulement révélait au public le génie de
Corneille, mais lui révélait du même coup la vé-
ritable notion du beau. — V. Théâtre classique.
On sait que Richelieu vit avec déplaisir cet écla-
tant succès. Etait-ce un sentiment de jalousie qui
à son insu peut-être égarait le cardinal, auteur
de pièces médiocres ? Etait-ce, comme on l'a sup-
posé de nos jours, que l'homme d'Etat ne trouvait pas
sans danger cette glorification de l'héroïsme espa-
gnol au moment môme où les armées de l'Espagne
envahissaient la Picardie, et cette apologie du
point d'honneur tandis que Richelieu multi-
pliait en vain les édits pour arrêter la fureur du
duel? Quoi qu'il en soit, l'impérieux cardinal
exigea que l'Académie, tout récemment fondée,
entreprit un examen critique du Cid. L'Académie,
après toute une année de débats et d'intrigues,
publia ses Sentiments sur le Cid, sentence équi-
voque qui ne satisfit personne et dont le grand
tort était, dit un critique moderne, a de prendre
parti pour la médiocrité prudente contre les heu-
reuses hardiesses du génie. »
Boileau a résumé le jugement du public sur cet,
jugement :
En Tain, contre le Cid un ministre se ligue :
Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue.
Corneille se vengea de ces cabales impuissantes
par deux nouveaux chefs-d'œuvre, composés en
1639 et joués en l(i40. L'idée première en était
cette fois empruntée non plus au théâtre espagnol,
mais à l'histoire romaine. Horace est tiré d'une
page de Tite-Live, Cinna, d'une page de Sénèque.
ijans la première de ces tragédies, on a critiqué,
non sans justesse, la structure de la pièce, remar-
qué que l'action en est double, et que partant la
marche en est gênée et l'intérêt diminué ; mais ce
qu'on n'a pu trop admirer, c'est le caractère des
personnages, le relief des grandes figures sculptées
par le poète et qui sont autant d'immortelles per-
sonnifications de l'héroïsme romain, disons mieux,
de l'héroïsme humain.
DansC'/«?îa, au contraire, le cadre est parfait, le
canevas très habilement tissé, l'intrigue bien con-
duite, tandis que les caractères, pouf qui veut
étudier Corneille de près, semblent parfois comme
fléchir sous le poids de leur propre grandeur.
Mais « s'il y a des fautes dans la conception de
Cinna, comment ne les pardonnerait-on pas au
poète qui, mieux que tout autre, a su faire couler
ces nobles et délicieuses larmes qui ne sont que
l'attendrissement de l'admiration, l'cfl'usion de
l'enthousiasme. » (Merlet.)
T)a.ns Pohjeucte, qui parut à la fin de 1640, Cor-
neille met en scène la sublimité du christianisme,
de même que dans Cinna il avait essayé de montrer
la monarchie sous un aspect idéal.
Un passage obscur de la Vie des Saints a suffi à lui
fournir les éléments du plus émouvant peut-être
de ses chefs-d'œuvre. L'hôtel de Rambouillet,
cette réunion de beaux esprits fermés à l'enthou-
CORNEILLE
509 —
CORPS GRAS
siasme, Taccueillit froidement, mais le public
n'hésita pas.
Ainsi, Mélite, puis Médée ; enfin le Cid , Ho-
race, Cinna, Polyeucte!... Le soleil que nous
avons vu s'élever à l'horizon, les rayons pâles et
faibles d'abord, puis et peu à peu plus larges,
plus chauds, plus brillants, et enfin resplendissants
d'une splendeur idéale, est arrivé à son zénith ;
il va maintenant décliner, et comme il a eu son
aurore indécise, il aura son crépuscule.
Dans Pompée (ICil) on admire une grande et
fîère figure, celle de Cornélie. Le Metiteur (1642)
fut comme la révélation de la vraie comédie ; la
pièce n'est point sans défaut, l'intrigue en est fai-
ble, mais elle a ce mérite de bannir à jamais de la
scène la fausse élégance des uns, l'indécente
bouffonnerie des autres, et d'indiquer à Molière
la voie qu'il parcourra triomphalement.
Dans Rodogune, que Corneille préférait à ses
autres pièces, parce que c'était celle qui lui coûta
le plus d'efforts, notre poète abandonne le ressort
qu'il a jusqu'alors fait vibrer, l'admiration : c'est
à la terreur qu'il demande des effets pathétiques,
dont le comble est atteint dans le cinquième acte
de Rodogune. Il faut signaler encore un dernier
effort heureux dans Hévadius (1G46), et dans Ni-
comède (1050).
Mais toutes les pièces qui suivirent furent une
suite d'échecs déplorables.
Corneille était enfin entré à l'Académie fran-
çaise, en 1647. La chute complète d'une de ses plus
malheureuses pièces, Pertliarite (1G52), lui fit aban-
donner le théâtre pendant sept années, qu'il con-
sacra àtraduire en vers Y Imitation de Jésus-Christ.
En 1659, sur les sollicitations du surintendant
Fouquet, il se décide à reprendre la plume du
poète dramatique:
« Je sens le même feu, je sens la même audace.
Qui fit plaindre le Cid. qui fit combattre Horace,
Et je me trouve encor la main qui crayonna
L'âme du grand Pompée et l'esprit de Ciuna. »
Il donna successivement CEc?i/;e( 16591, la Toison
d'or (1660), pièce à machines représentée à l'occa-
sion du mariage du roi, puis Sertorius (l66i), où
l'on entend encore des accents vraiment corné-
liens, puis Sophonisbe, Othon, Agésilas, Attila.
Qui ne connaît la cruelle épigramme :
Après Agésilas,
Hélas!
Après Attila,
Holà!
Dans cette dernière pièce cependant, on re-
trouve des étincelles de son génie : la scène où le
terrible roi des Huns délibère s'il doit prêter
l'appui de son épée au vieux monde romain qui
s'écroule, ou à la France qui vient de naître, est
une situation qui n'est pas indigne de l'auteur de
Cinna.
Mais en cette même année (1667) où fut joué
Attila, Racine donnait Andromaque. ' Corneille
n'est plus dès lors que « le vieux Corneille » ;
parfois il sent qu'il ne peut lutter contre l'astre
nouveau qui va l'éclipser ; parfois aussi il lui en
coûte de se l'avouer, il est tenté d'accuser l'ingra-
titude publique, il en appelle au roi et essaie de
lui persuader que parmi ses ouvrages
...Les derniers n'ont rien qui dégénère,
Rien qui les fasse enfants d'un autre père.
En 1670, il eut la faiblesse d'accepter une sorte
de concours avec Racine sur un sujet qui n'était
pas fait pour son talent, et que celui même de Ra-
cine ne put animer : Bérénice. En 1672, Racine
donnait Bajazet:
« Étant une fois près de Corneille sur le théâtre
à une représentation de Bajazet, raconte Segrais,
il me dit : Je me garderais bien de le dire à
d'autres que vous, parce qu'on pourrait croire
que^ j'en parle par jalousie, mais prenez-y garde,
il n'y a pas un seul personnage dans ce Bajazet
qui ait les sentiments qu'il doit avoir et que l'on
a à Constantinople : ils ont tous sous un habit
turc les sentiments qu'on a au milieu de la
France. Il avait raison, ajoute Segrais, et l'on ne
voit pas cela dans Corneille : le Romain y parle
comme un Romain, le Grec comme un Grec, l'In-
dien comme un Indien, l'Espagnol comme un Espa-
gnol. »
A propos de cette même tragédie, madame de
Sévigné écrivait ;\ sa fille, après une critique assez
sévère des caractères et du dénouement : « Il y a
pourtant des choses agréables, mais rien de par-
faitement beau, rien qui enlève, point de ces ti-
rades de Corneille qui font frissonner. Ma fille,
gardons-nous bien de lui comparer Racine, sentons
toujours la différence. Vive notre vieil ami Cor-
neille ! Pardonnons-lui de méchants vers en faveur
des divines beautés qui nous transportent; ce sont
des traits de maître inimitables. Despréaux en dit
encore plus que moi. En un mot, c'est le bon goût;
tenez-vous-y. »
Cette fidélité d'admiration de quelques esprits
supérieurs eût consolé le vieux poète de l'abandon
de la foule, si des chagrins domestiques, et il faut
le dire, des moments de détresse n'avaient attristé
ses dernières années. Il perdit successivement ses
deux fils, fut obligé de vendre sa maison natale,
et dut solliciter plus d'une fois Colbert pour obtenir
le paiement de sa modique pension. Boileau, indigné
de voir l'abandon où était laissé le grand tragique,
parla au roi en sa faveur et obtint un secours qtu
arriva deux jours avant la mort de Corneille : il
avait 78 ans ; il expira dans la nuit du 30 septembre
au !"■ octobre 1684.
« A voir JI. de Corneille — disait un biographe
contemporain, — on ne l'aurait pas cru capable
de faire si bien parler les Grecs et les Romains, et
de donner un si grand relief aux sentiments et aux
pensées des héros. La première fois que je le vis,
je le pris pour un marchand de Rouen. Son exté-
rieur n'avait rien qui parlât pour son esprit, et
quant à sa conversation, une grande princesse di-
sait qu'il ne fallait pas l'écouter ailleurs qu'à
l'hôtel de Bourgogne. »
Et La Bruyère : « Simple, timide, d'une en-
nuyeuse conversation, il prend un mot pour un
autre et il ne juge de la bonté d'une pièce que par
l'argent qui lui en revient ; il ne sait pas la réciter,
ni lire son écriture. Laissez-le s'élever par la
composition, il n'est pas au-dessous d'Auguste, de
Pompée, de Nicomède, d'Héraclius; il est roi et
grand roi, il est politique, il est philosophe; il
entreprend de faire parler les héros, de les faire
agir, il peint les Romains; ils sont plus grands et
plus romains dans ses vers que dans leur histoire. »
[Ch.-Fél, Durand.]
CORPS GRAS. — Chimie, XXIV.— On désigne
sous le nom général de corps gras les graisses, les
huiles, et toutes les substances qui leur ressem-
blent par un toucher onctueux, et surtout par la
propriété caractéristique de tacher le papier, en le
rendant translucide sans qu'on puisse lui faire
reprendre son opacité naturelle.
Caractères des co?ys gras. — Les corps gras,
selon leur consistance ou leur fluidité, sont appe-
lés spécialement graisses, huiles, beurre, cire.
Les corps gras ne contiennent point du tout d'a-
zote, ils sont assez pauvres en oxygène, mais très
riches en carbone et on hydrogène; aussi sont-ils
combustibles. Ils sont insolubles dans l'eau, peu
solubles dans l'alcool, solubles dans l'étlier, le sul-
fure de carbone et dans les essences. Presque tous
sont plus légers que l'eau.
Ceux qui sont solides à la tempér»*4ire ordinaire
CORPS GRAS
— 510 —
COUPS GRAS
se fondent aisément. Vers 200° les corps gras en-
trent, en ébullition et se décotnposent plus ou moins
profondément; ils donnent lieu alors à un dégage-
ment d'acide carbonique, d'hydrocarbures, d'acides
acétique, palmitique, stéarique, et répandent une
odeur acre, très désagréable, due à la production
de Yaooléine.
A une température plus élevée, les corps gras
subissent une décomposition complète, en produi-
sant une fumée épaisse pouvant s'enflammer et
donner une flamme très éclairante.
Extraction des corps gras. — Pour extraire les
graisses d'origine animale, on les fond en chauffant
le tissu qui les contient, et en favorisant la destruc-
tion du tissu déjà divisé par l'addition d'eau aci-
dulée au moyen d'acide sulfurique.
La graisse monte à la surface, on la décante.
Ainsi on obtient le suif, qui sert à la fabrication
des chandelles, en fondant le suif eu branches li-
vré à l'industrie par les abattoirs, et qui n'est
autre chose que les graisses brutes de bœuf, de
mouton ou de porc. Le saindoux des charcutiers
est de la graisse de porc obtenue sous l'action de
la chaleur seule.
Le beurre, graisse solide du lait, où il existe en
suspension à l'état de crème, s'extrait par une
agitation plus ou moins prolongée du lait reposé.
Les huiles végétales qui sont contenues dans les
fruits des plantes dites oléagineuses, olives, grai-
nes de lin. noisettes, noix, navette, amandes douces,
faînes, s'extraient par la compression mécanique.
Quand elles sont très liquides, l'expression se fait
h froid par la presse hydraulique ou par des
meules verticales ; pour les huiles concrètes, l'o-
pération se fait entre des plaques métalliques
chauffées.
Action de l'air sur les huiles. — L'air agit sur
toutes les huiles grasses en les oxydant plus ou
moins rapidement. Les unes, comme les huiles de
lin, de chènevis, d'œillette, de noix, se transfor-
ment très vite ainsi en une substance jaune assez
transparente ressemblant à du vernis : on les ap-
pelle huiles siccatives, et elles servent à fabriquer
les vernis et les couleurs à l'huile. Les autres, qui
s'altèrent plus lentement, restent liquides tout en
s'oxydant à l'air, mais s'acidifient légèrement en
dégageant de l'acide carbonique; elles exhalent
alors une odeur toute particulière, et on dit qu'elles
rancissent ; ce sont les huiles non siccatives: telles
sont les huiles d'olives, de navette, de faînes, de
noisettes.
D'après de Saussure, l'oxydation des huiles peut
devenir très rapide quand elle se fait sur une
grande surface, comme par exemple quand l'huile
est étalée sur des mèches ou répandue sur le sol ;
on peut certainement expliquer par cette oxyda-
tion rapide les incendies qui parfois se dévelop-
pent spontanément là où de grandes masses
d'huile se trouvent dans ces conditions d'exposi-
tion à l'air.
•J ction osjjdante de l'acide azotique sur les huiles.
— Les huiles sont décomposées d'une façon très
vive par l'acide azotique concentré ou par ce même
acide étendu et bouillant; cette action donne
lieu à un abondant dégagement de vapeurs ni-
treuses rutilants, et il se forme différents acides
tels que : l'acide acétique, l'acide butyrique, ca-
proique, subérique, etc. Les huiles non siccatives
sont transformées en une substance solide par
l'acide hypoazotique; ainsi l'huile d'olive pure,
agitée avec "2 à 3 centièmes d'acide azotique mé-
langé d'acide hypoazotique, se solidifie en très peu
de temps; tandis que si elle est impure, la solidi-
fication n'a lieu qu'au bout d'un temps considé-
rable : c'est là un mo3-en de reconnaître sa pu-
reté.
Saponiftcntion. — Il y a plus de cinquante ans
que M. Chevreul, le savant directeur du Muséum,
a donr.é la théorie des corps gras en ciudiani
l'actiun des alcalis sur les huiles et sur les graisses.
Lorsqu'on lave ou qu'on agite ces substances avec
une solution de potasse ou de soude, il se forme
un corps plus ou moins solide qui est un savon*, et
il reste autour un liquide à peu près incolore, fai-
blement huileux, nommé glycérine, t'est là ce
qu'on appelle la saponification des corps gras. On
peut aussi les saponifier en les traitant par de la
vapeur d'eau surchauffée à 300°; c'est ainsi qu'en
Angleterre on opère la saponification de l'huile de
palme sur une grande échelle. Enfin, dans la fa-
brication de la stéarine, qui sert à la confection
des bougies, on saponifie le suif par la chaux; ce
procédé date de 1829; il a été indiqué par M. de
Milly; dans ce cas il se forme un savon calcaire
auquel on enlève ensuite la chaux en le traitant
par l'acide sulfurique.
Comme nous venons de le dire, les savons sont
donc constitués par la combinaison d'un alcali
avec l'un des éléments des corps gras jouant le
rôle d'acide; ces acides sont principalement l'acide
oléique (acide gras des huiles), l'acide margari-
que, l'acide stéarique. l'acide palmitique. Les sa-
vons peuvent donc être considérés comme des mé-
langes de stéarate, de margarate, de palmiiate et
doléate de soude ou de potasse. On les obtient
principalement : les savons durs avec l'huile d'o-
live de qualité inférieure, traitée par la soude, et
les savons mous avec les huiles de chènevis,
d'œillette et de lin, saponifiées par la potasse. Ceux-
ci sont généralement colorés en vert ou en noir
avec du sulfate de cuivre ou de fer, de la noix de
galle ou du bois de campêche.
Les corps gras ne sont donc pas des principes
immédiats, comme on l'avait cru avant les travaux
de M. ChevTeul, mais des mélanges intimes, en
proportions variables, de combinaisons des acides
gras avec la glycérine. Ainsi, les huiles végétales
sont formées par le mélange d'une substance li-
quide appelée oléine, constituée par la combinai-
son de l'acide oléique avec la glycérine, et d'une
autre substance solide, fusible à 28°, appelée
margarine, et qui est elle-même une combinaison
d'acide margarique et de glycérine.
Quand on refroidit l'huile d'olive, !a margarine
devient insoluble dans l'oléine et se précipite.
Les graisses animales, le suif, le saindoux, sont
constituées par des mélanges intimes d'oléine li-
quide, et de margarine et de stéarine solides ,
cette dernière substance est une combinaison
d'acide stéarique et de glycérine.
Glycérine. — Ce corps, qu'on appelle encore
principe doux des huiles, a pour formule C'^H'G*;
il a été découvert en 1779 par Sclieele en saponi-
fiant de l'huile par de l'o.xyde de plomb (préparation
d'un emplâtre). Les travaux de MM. Chevreul,
Pelouze, Berthelot ont amené les chimistes à
considérer la glycérine comme un alcool dont la
molécule serait triplement condensée. C'est le
type des alcools triatomiques; d'après cette ma-
nière de voir, qui rend parfaitement compte de
toutes les transformations chimiques que subis-
sent les corps gras, ceux-ci seraient des éthera
de glycérine, par analogie avec les éthers compo-
sés des alcools (V. Alcool). La glycérine a été ob-
tenue artificiellement par M. Wurtz.
Préparation de la g'ycérine. — On l'obtient,
comme nous l'avons déjà vu, par la saponification
des huiles ou des graisses, mais surtout comme
produit accessoire de la fabrication des bougies
stéariques. Dans ce cas, on traite les corps gras
par la vapeur d'eau surchauffée. La glycérine est
décolorée par le charbon aiiimal, puis concentrée
au bain-marie et ensuite dans le vide. La glycé-
rine est un liquide incolore, sirupeux, légèrement
.sucré ; sa densité est 1,28; elle attire l'humidité
de l'air, elle se dissout dans l'eau et dan* l'alcool,
CORPS GRAS
511 —
COUPS GRAS.
et elle dissout le sel de cuisine, les alcalis, les
azotates de soude et d'argent. Elle distille vers
280°. Si on verse de la glycérine dans un mélange
d'acide sulfurique et d'acide azotique, il se forme
des gouttes huileuses d'une substance appelée tri-
nitroglycérine , qui est susceptible <Je détoner
avec la plus grande violence par la chaleur ou par
le choc.
Lorsqu'elle est exposée à l'air pendant long-
temps, eNe se décompose lentement sans explo-
sion, en produisant de l'acide oxalique, de l'acide
nitrique, de l'ammoniaque et de l'acide cyanhy-
drique. M. Nobel, en mélangeant la trinitroglycé-
rine à du sable fin, à do la brique pilée, etc., a
rendu cette substance bien moins dangereuse tout
en lui conservant sa puissance explosive ; c'est ce
mélange qu'on appelle la dynamite, extrêmement
employée aujourd'hui dans les mines.
Usages rie la glijcériyie. — Outre la fabrication
de la dynamite, qui se fait aujourd'hui sur une
grande échelle, la glycérine sert dans l'industrie
à dissoudre le_s gommes, les couleurs d'aniline.
V. Colorantes {Matières"^.. On l'emploie aussi à la
conservation des cuirs verts, et, en général, de
toutes les matières d'une consistance molle. En-
fin, elle sert à penser les plaies et la plupart des
affections cutanées.
Acides gras principaux. — Les acides gras sont,
avec la glycérine , les principes immédiats des
corps gras ; les principaux sont l'acide stéarique,
l'acide margarique, l'acide butyrique, l'acide ca-
proïque, l'acide palmitique, l'acide oléique, etc.
Acide stéarique. — Il a été découvert par
M. Chevreul. 11 existe principalement dans les
graisses solides ; on l'obtient en les saponifiant
avec la potasse ; on le purifie par l'alcool. C'est
un corps solide et blanc, fusible h 69° ; eu se re-
froidissant il se prend en une masse blanche
feuilletée. Il est employé dans la fabrication des
bougies stéariques, dont l'invention est due à
Gay-Lussac. Cette industrie tout à fait perfec-
tionnée a pris aujourd'hui uja développement con-
sidérable.
La saponification des suifs s'opère par la chaux
dans des cuves qui peuvent contenir à la fois
chacune jusqu'à 8,000 kilog. de suif. L'acide stéa-
rique forme avec la chaux une combinaison so-
lide de savon calcaire qu'on décompose ensuite
par l'acide sulfurique, qui forme avec la chaux un
dépôt au fond de la cuve. Un second lavage à l'a-
cide sulfurique étendu et un autre à l'eau bouil-
lante débarrassent l'acide gras encore liquide des
dernières traces de chaux et d'acide sulfurique.
Ainsi purifié, on le coule dans des moules en fer-
blanc, puis la matière solide est comprimée à la
presse hydraulique dans des sacs en laine appelés
mal fil; on obtient ainsi ces masses de stéarine
blanche ou incolore que les marchands de bougies
exposent à leurs vitrines.
Acide palmitique. — Cet acide a été retiré de
l'huile de palme par M. Frémy; il existe aussi
dans le blanc de baleine, dans la cire du Japon,
dans la cire d'abeilles; c'est un corps solide et
blanc, foudant à 62'^; on l'emploie en Angleterre
dans la fabrication des bougies.
Acide butyrique. — M. Chevreul l'a découvert
dans le beurre; il est aussi le résultat de la fer-
mtntation butyrique (V. Fermentation). C'est lui
qui donne son odeur au beurre rance; c'est un
liquide incolore, un peu plus léger que l'eau,
bouillant à 150°.
Acide oléique. — Comme le précédent il a été
découvert par M. Chevreul ; on le rencontre sur-
tout dans les huiles à l'état d'oléine, c'est-à-dire
'combiné à la glycérine. On l'obtient en saponifiant
Ipar la potasse l'huile d'amandes douces ; le savon
obtenu est traité par l'acide chlorhydrique, qui
s'empare de la potasse. L'acide gras impur est
mélangé à du massicot en poudre (oxyde de
plomb). Il se forme un oléate de plomb; on le
dissout dans l'éther; cette dissolution traitée par
l'acide chlorhydrique donne un précipité de chlo-
rure de plomb, et la liqueur qui surnage est une
dissolution d'acide oléique dans l'éther. On dis-
tille au bain-marie. L'acide oléique est liquide
à 14". plus léger que l'eau, insapide et inodore.
A l'air, il absorbe rapidement l'oxygène ; il de-
vient alors acre et acquiert une odeur rance ; il
est très vivement attaqué par l'acide azotique, se
combine à l'acide suHurique, en formant de l'a-
cide sulfoléique. On l'obtient impur dans l'indus-
trie comme produit secondaire de la fabrication
des bougies stéariques. Il entre dans la fabrica-
tion des savons et sert aux dégraissages des
laines.
Notions sur que'qiies corps gras. — La graisse
humaine est principalement constituée par de la
margarine, et un peu d'oléine mélangée h une
substance jaune ressemblant à de la bile. La
graisse de bœuf contient beaucoup de stéarine
avec un peu de margarine et d'oléine. Elle fond à
39" ; elle est employée en grand dans la fabrica-
tion du savon , des chandelles et des bougies.
Celle de mouton est à peu près de la même composi-
tion , mais elle contient en plus un principe qui
est odorant, surtout quand il se décompose.
La graisse de porc ou saindoux, appelée encore
a.Tonge, est formée de stéarine, de margarine, d'o-
léine et d'une matière odorante ; elle est employée
dans les usages domestiques, dans la préparation
des onguents, dans le graissage des roues de voi-
tures.
Beurre. — Le beurre qui vient du lait est riche
en margarine ; il contient en outre , d'après
M. Chevreul, de \' oléine, de la butyrine , de la
caprine et de la caproïne. Exposé h l'air, le beurre
se rancit en répandant une odeur caractéristique
qui est due à un dégagement d'acide gras vo-
latil.
Le beurre de coco est extrait des amandes
écrasées des noix de coco en les traitant par l'eau
bouillante. Il est incolore, fond à 20^ rancit rapi-
dement ; il est employé pour l'éclairage et pour la
fabrication des bougies et du savon.
Blanc de baleine ou speimiaceli . — Cette ma-
tière grasse provient de diverses espèces de Cé-
tacés et principalement du cachalot ; chez l'animal
vivant elle est liquide et remplit de grandes cavités
situées au-dessus du cerveau; elle se solidifie pat-
son exposition à l'air; par expression on chasse
l'huile qui la tenait en dissolution, on la fond, et
par le refroidissement on l'obtient en masses na-
crées, cristallines, blanches et douces au toucher.
Le blanc de baleine fond à 44'; il est soluble
dans l'alcool bouillant, dans l'éther et dans les es-
sences ; à l'air il jaunit, s'oxyde et rancit. Le
blanc de baleine se saponifie par la potasse con-
centrée au bout de plusieurs jours seulement; le
principe neutre qu'on en extrait ainsi n'est pas de
la glycérine, mais de Véthal, et l'acide gras qui se
combine à la potasse est appelé acide éthalique.
Il sert à la fabrication des bougies, de quelques
pommades et cosmétiques.
Beurre de muscade. — On l'extrait des noix de
muscades écrasées en les comprimant entre des
plaques de fonte chauffées. C'est un corps gras
solide, jaune, très aromatique. Il est employé en
pharmacie.
Pour des détails sur les huiles, qui constituent
les plus importants des corps gras, nous renvoyons
à l'article Huile.
Usages des corps gras. — Nous n'avons qu'à,
résumer les principaux, puisque nous les avons
indiqués dans le cours de cet article, et qu'en ou-
tre on en trouvera le complément à l'article Huile.
Les corps gras sont surtout extrêmement em-
CORPS HUMAIN
512 —
CORPS RONDS
ployés dans la fabrication des savons* et dans l'é-
clairage ; là on les emploie à l'état de suif dans les
chandelles, d'acide gras (stéarique principale-
ment) dans les bougies, et à l'état d'huile brute
dans les lampes.
Les graisses d'oie, de porc, le beurre sont em-
pl03'és dans l'alimentation de diverses manières :
les huiles également, principalement dans le midi
de la France, où presque toutes les préparations
culinaires se font à l'huile ; on consomme aussi
beaucoup d'huile dans la préparation de certaines
co7iserves alimentaires (V. ce mot), telles que les
sardines, le thon, etc. La pharmacie fait un grand
usage des graisses, des huiles, dans la préparation
des pommades ou des onguents ; l'huile de foie de
morue, l'huile de ricin sont, la première un for-
tifiant de premier ordre, la seconde un purgatif
des plus en usage aujourd'hui. Enfin la prépara-
tion des couleurs et celle des vernis consomment
chaque année des quantités considérables d'huiles
végétales, de lin principalement. La plupart des
graisses dites de voitures, dont les chemins de fer
et les grandes usines font un si grand usage, ont
pour bases des graisses impures plus ou moins
altérées, préparées spécialement pour graisser
les essieux, les engrenages, les harnais, etc. ;
telles sont la graisse de cheval, l'huile de pied de
bœuf, etc. [Alfred Jacquemart.]
CORPS HUMAIN. — V. l'article P//^s20%ie et
les mots auxquels il renvoie.
CORPS UO\DS. — Géométrie, XXIV. — On
nomme ainsi trois corps géométriques que l'on
étudie dans la géométrie élémentaire, et qui sont
terminés, en tout ou en partie, par une surface
courbe : ce sont le cylindre, le cône et la sphère.
1. Gyllndre. — C'est le corps géométrique en-
gendré par un rectangle ABCD (fig. I),qui tourne-
rait autour de l'un de ses côtés AB. Les côtés
AD et BC engendrent ainsi des cercles égaux
dont les plans sont perpendiculaires à AB et qui
ont pour centres les points A et B. Le côté CD
engendre une sui-face courbe à laquelle on donne
Fig. 1.
le nom de surface cylindrique. La droite AB, au-
tour de laquelle est suppos'ée s'exécuter la rota-
tion, s'appelle ïaxe du cylindre ; les cercles AD
et BC sont ses bases; la droite AB qui mesure
aussi la distance des deux bases se nom'me la hau-
teur du cylindre.
Un cylindre peut être considéré comme un prismo
régulier (V. Polyèdre'^) dont la base est un polygosio
d'un nombre infini de côtés infiniment petits.
2. — Tout plan perpendicuiaire à l'axe du cylin-
dre coupe sa surface latérale suivant une circonté-
rence de cercle. — Cela résulte des propriétés du
prisme, mais on peut le reconnaître autrement :
car ce plan couperait le rectangle ABCD suivant
une droite égale et parallèle à AD, et qui, dans la
rotation, décrirait un cercle égal au cercle AD.
3. — On nomme cylindres semblables ceux qui
sont engendrés par des rectangles semblables tour-
nant autour de deux côtés homologues.
Les bases de deux cylindres semblables sojit entre
elles comme les carrés des hauteurs. Car si R et r
représentent les rayons des bases, H et A les hau-
teurs, on a, d'après la définition,
R H ,. , r; 112
- = -, dou -=^,
ou, en multipliant par ti les deux termes du pre-
mier rapport
7:Rî H^
ce qui revient à l'énoncé du théorème, puisque les
beses des deux cylindres ont respectivement pour
expression tiR^ et izr^.
4. Cô.N'E. — C'est le solide engendré par un trian-
gle rectangle ABC (fig. 2; qui tournerait autour
de l'un des côtés AB de l'angle droit. Le côté
perpendiculaire BC engendre un cercle dont B
est le centre, et dont le "plan est perpendiculaire à
AB ; l'hypoténuse AC engendre une surface courbe
à laquelle on donne le nom de surface conique. La
droite AB autour de laquelle est supposée s'effec-
tuer la rotation s'appelle Vaxe du cône, le cercle
BC est sa base, le point A son sommet, la ligne
Fie
AC sa génératrice. La longueur AB, qui mesure
la distance du sommet à la base, est la hauteur du
cône.
Un cône peut être considéré comme une pyra-
mide régulière (V. Polyèdres) dont la base serait
un polygone d'un nombre infini de côcés infiniment
petits.
5. — Deux cônes sont dits semblables lorsqu'ils
sont engendrés par des triangles rectangles sem-
blables tournant autour d'un côté homologue de
l'angle droit.
Les bases de deux cônes semblables sont entre
elles comme les carrés des haideurs. Car si l'on
nomme R et r les rayons des bases, H et A les
hauteurs, on aura, d'après la définition,
R H ^, , R2 H2
— =-, dou --p=-r-,
r h r-- Ifl
ou, en multipliant par t: les deux termes du pre-
mier rapport,
7lR2 II»
ce qui revient à l'énoncé du théorème, puisque les
bases ont respectivement pour mesure uR^ et nr*.
6. — Si, dans le triangle générateur ABC, on
mène DE parallèle à BC, cette droite, dans la
rotation du triangle, décrira un cercle dont le cen-
tre sera le point D, et dont le plan sera perpen-
diculaire à l'axe AB, et par conséquent parallèle
au plan du cercle BC. La portion de cône com-
prise entre la base BC et le plan parallèle DE
est ce que l'on appelle un tronc de cône. Les deux
cercles BC et DÉ sont les deux bases du tronc
de cône ; la portion DB de l'axe comprise entre
CORPS RONDS
— 513 —
CORPS SIMPLES
les deux bases, et qui mesure leur distance, est
la hauteur du tronc ; et la portion EC de Thj-po-
ténuse AC est sa génératrice ou son côté.
Un tronc de cône peut être considéré comme une
pj'ramide régulière tronquée, dont les bases sont
des polygones réguliers semblables d'un nombre
infini de côtés infiniment petits.
On peut remarquer que le cône ADE est sem-
blable au cône total ; car les triangles générateurs
ADE et ABC sont semblables.
7. Sphère. — Cest un corps engendré par un
demi-cercle ABC (fig. ^J) qui tournerait autour de
son diamètre AB. Ce corps est terminé par une
surface unique qu'on appelle surface sphérique.
On désigne souvent cette surface par le mot sphère
lui-même: mais le sens du discours indique tou-
jours suffisamment s'il s'agit de cette surface ou du
corps géométrique qu'elle termine.
Fig. 3.
Il résulte du mode même de génération de la
sphère que tous les points de sa surface sont éga-
lement distants du centre O du demi- cercle gé-
nérateur, point que l'on nomme pour cette raison
le centre de la sphère. On nomme rayon toute
droite telle que OF qui joint le centre à un point
de la surface ; toim les rayons sont égaux. On nomme
diamètre toute droite, telle que CH, qui passe
par le centre et se termine de part et d'autre à la
surface. Chaque diamètre est le double du raj-on,
et, par conséquent, taxis les diamètres sont
égaux.
8. — Toute section de la splière par un ploji est
un cercle. — Soit, en effet, EFG la courbe déter-
minée par son intersection avec un plan. Abaissons
01 perpendiculaire sur ce plan ; prenons sur la
courbe deux points quelconques È et F, et joi-
gnons OE, OF, lE, IF. Les triangles OEI et OFI
sont égaux comme étant rectangles en I, ayant
des hypoténuses égales, et un côté commun 01.
Il on résulte lE = IF. Tous les points de la
courbe EFG sont donc à égale distance du point
I ; cette courbe est donc un cercle.
Remarqi-es. — Ce cercle est d'autant plus grand
que son plan est plus voisin du centre; car, à me-
sure que la distance 01 diminue, la corde EG
augmente. Ce cercle est le plus grand possible
quand son plan passe par le centre, comme CDH ;
son rayon est alors celui de la sphère elle-même,
et il prend le nom de grand cercle. Si le plan ne
passe pas par le centre, il porte le nom de petit
cercle.
9. — Le plan d'un grand cercle CDH divise la
sphère en deux parties égales. Car si l'on renverse
la partie inférieure de manière à faire coïncider les
deux parties suivant la circonférence CDH, les
deux portions de la sphère doivent coïncider, car
autrement il y aurait des points inégalement dis-
tants du centre 0.
2* Partie.
Chacune des deux moitiés de la splière se nomme
un hémisphère.
10. — Lorsqu'un diamètre AB est pris pour axe
de révolution, le grand cercle CDH, dont le plan
est perpendiculaire à ce diamètre, prend le nom
d'équafeur. Les extrémités A et B de l'axe de
révolution se nomment pôles. Les cercles détermi-
nés par des plans parallèles à l'équateur, comme
EFG, se nomment des cercles prirallè'es. ou sim-
plement des parallèles. Les cercles dont le plan
passe par Taxe AB, comme ACB, ADB, sont des
méi idiens. Toutes ces dénominations sont emprun-
tées à la géographie.
11. — On nomme calotte sphérique la portion de
la surface de la sphère détachée par un plan. Telle
est la portion de sphère supérieure au petit cercle
EFG. Le petit cercle est la base de la calotte, et
la portion AI de l'axe comprise entre le pôle A
et le centre I de la base est la hauteur de la ca-
lotte.
On nomme zone la portion de la surface de la
sphère comprise entre deux cercles parallèles.
La portion de l'axe comprise entre les plans de
ces cercles est la hauteur de la zone.
On nomme segment sphérique la portion du vo-
lume de la sphère comprise entre deux plans
parallèles ; quand l'un de ces deux plans de-
vient tangent à la sphère, le segment est dit à
U7ie base.
On nomme secteur sphérique le volume engendré
par un secteur de cercle, tel que EOA, tournant
autour de OA. La calotte engendrée par l'arc AE
se nomme la base du secteur.
[H. Sonnet.]
CORPS SIMPLES. — Chimie, IL — En soumet-
tant à l'action des forces physiques ou chimiques
les divers corps naturels ou artificiels, les chimistes
sont presque toujours arrivés à extraire de chacun
d'eux plusieurs corps différents. On donne le nom
de corps sinif^'les ou à.' éléments à ceux qui ont jus-
qu'ici résisté à toute tentative de décomposi-
tion.
Les alchimistes et les premiers chimistes avaient
arbitrairement considéré comme éléments l'air,
l'eau, la terre, auxquels ils avaient joint plus tard
I le soufre, élément supposé des métaux, le mercure,
! le feu ou phlogistique. Ce sont les travaux de La-
voisier et de ses contemporains qui ont les pre-
miers donné une idée précise des corps simples.
ILavoisier détermina la composition exacte des
chaux métalliques, montra qu'elles étaient com-
posées de quantités déterminées, constantes pour
chacune d'elles, de métal et d'oxygène, fit la syn-
thèse de l'acide carbonique, celle de l'eau. Ni-
cholson fit l'analyse de ce liquide en le faisant tra-
verser par un courant électrique, en 1S0(», un an
après la découverte de la pile de Volta.
Peu de temps après, Humphry Davy, en opé-
rant avec une puissante pile électrique , obtint
la décomposition en oxygène et en métal, déjà
prédite par Lavoisier, d'un grand nombre d'autres
chaux métalliques, potasse, soude, etc
Les premiers corps reconnus simples turent les
sept métaux connus des anciens, et les métaux dé-
couverts du XV' au XVIII* siècle, antimoine, bis-
muth, zinc, nickel, etc. On donna le nom très mal
choisi de métalloïdes (semblable aux métaux) à
des corps tels que le soufre, le carbone, etc., qui
n'avaient avec les métaux d'autre ressemblance que
celle d'être également des corps simples. La divi-
sion en métalloïdes et en métaux, encore conservée
aujourd'hui, n'a pas de bases scientifiques bien so-
lides. (Voyez à ces deux mots la classification des
corps simples.)
On connaît actuellement 65 éléments; en voici
la liste par ordre de découverte du corps simple
lui-même ou du premier composé nettement re-
connu :
33
CORPS SIMPLES
— 514
COSMOGRAPHIE
Or
Argent. .
Mercure.
Cuivre . .
Fer
Etain
Plomb
Antimoine
Bismuth
Zinc
Carbone.
Soufre.
Phosphore
Bore (borax) .
Arsenic
Cobalt
Platine
Nickel
Sodium
Potassium
Calcium
Silicium
Aluminium
Magnésium
Hyiirogène
Fluor (acide fluorique
Azote
Chlore
Oxygène
Manganèse
Baryum
Molybdène
Tungstène
Tellurium
Uranium
Zirconium
Titanium
Strontium
Yttrium
Chromium
Glycinium
Tantalum
Ceriura
Palladium
Rhodium
Iridium
Osmium
iode
Lithium
Sélénium
Cadmium
Brome
Thorium
Vanadium
Lanthanum
Didymium
Erbium
Ruthénium
Niobium
Cœsium
Rubidium
Thallium
Indium
Gallium
Davyum
connus des Anciens.
Basile Valentii
Agricola
Paracelse
Brandt
Homberg. .
G. Brandt.
Woods . . . .
Cronstedt .
Duhamel..
Margraaf. .
Bergiuann.
Scheele . . .
Cayendish. .
Scheele . . . .
Rutherford .
Scheele . . . ,
Priestley.. .
Gahu
Scheele . . . ,
Uelhuart . . .
.Millier
1490
1530
1341
1669
1702
1733
1741
1751
De
1736
à
1758
1766
1771
1772
1774
1774
1774
1774
177S
1781
1782
j Klaprotli 1789
Gregor
Hope
Gadolin
Yauquclio
Hatchott
Klaproth.
WoUaston
Collet-Dcscotilzet Smith-
son Tennant
Courtois
Arfwedson
Berzélius
Stromeycr
Balard
Berzélius
Sefstrœm
Mosandcr.
Bunsen
Crookes
Reich et Richtcr
Lecoq de Boisbaudran.
Sergius Kern
1791
1793
1794
1797
1798
1802
1803
1803
1803
1811
1817
1817
1818
18-26
1828
1830
1839
1841
1843
1844
1846
1859
1861
1863
1877
1877
Hypothèse de L'unité de la matière. — La dé-
couverte moderne de l'équivalence dos diverses
forces physiques, gravitation, chaleur, électricité,
a conduit des penseurs k reprendre l'iiypothèse
des alchimistes, que les divers éléments pourraient
bien être seulement des groupements atomiques
différents d'un élément unique. On a cherché à in-
terpréter dans ce sens diverses expériences. Ci-
tons-en deux. La première a été, dans ces dernier.?
mois, mise en vive lumière par les travaux de
M. Lockyer. Si l'on chauffe un corps dans l'arc vol-
taique, i-" se vaporise en donnant une flamme co-
lorée. En examinant cette flamme au spectroscope
(V. Réfractio7i), on la voit décomposée en raies lu-
mineuses de positions parfaitement déterminées,
ayant des longueurs d'onde mesurables. Si l'on
opère sous une très faible pression, l'arc lumineux
s'étend. Or, pour un même corps réputé simple,
les raies lumineuses varient en nombre, en lon-
gueur, en largeur dans diverses régions de l'arc.
On en conclurait à l'existence, au sein du corps
simple, d'éléments différents qui se séparent dans
ces circonstances spéciales.
D autre part (seconde expérience), si la pres-
sion de la masse gazeuse rendue brillante par l'ac-
tion électrique augmente, les raies s'élargissent,
et l'on peut calculer la pression à laquelle, si l-'» lui
demeurait constante, le gaz donnerait comme • les
liquides et les solides un spectre continu, le même
pour tous les corps. Cette expiM-ience conduirait
à admettre la possibilité de conditions spéciales de
température, de pression, etc., où tous les corps
deviendraient identiques.
Remarquons bien que, jusqu'à présent, l'unitc
de la matière n'est qu'une hypothèse propre à in-
spirer des recherches, une hypot/tèse de travail,
qu'il faut bien se garder de considérer comme une
vérité déjà démontrée, ou démontrable à courte
échéance, ou même simplement probable.
[P. Robin.]
COSMOGRAPHIE. — D'après l'étymologie [kos-
mos, monde, et graphô, décrire), ce mot signifie
description du monde ou de l'univers. La cosmo-
graphie a donc en vue le même objet que l'astrono-
mie; mais c'est la partie purement descriptive de
cette science. L'Encyclopédie du dix-huitième siècle
définit la cosmographie: « la science qui enseigne la
construction, la figure, la disposition et le rapport
de toutes les parties qui composent l'univers. »
D'après Littré, « un cours de cosmographie est
l'étude des mouvements des corps cosmiques,
abstraction faite de tous les calculs. »
La cosmographie doit être distinguée de la cos-
mologie, qui étudie les lois générales gouvernant
le monde physique et particulièrement celles des
mouvements des corps célestes, et qui constitue la
partie théorique de l'astronomie. A fortiori doit-
elle être distinguée de la cosmogonie, en entendant
par là cette branche encore bien peu avancée de la
P/iysique céleste, qui a pour objet les modes de
formation et l'histoire des développements des
astres. Ces distinctions sont importantes pour l'in-
telligence des programmes de cosmographie, d'où
l'on doit éliminer toutes les parties de l'astronomie
qui regardent la démonstration mathématique des
lois, les méthodes d'observation et tout l'attirail des
formules nécessaires à l'astronome de profession.
Nous définirons donc simplement la cosmogra-
phie en disant que c'est Vustronomie descriptive.
Mais la description des phénomènes célestes
peut et doit s'entendre de deux manières, soit que
l'on ait en vue les phénomènes apparents, les
mouvements que constate la simple observation,
soit que l'on considère les mouvements réels, tels
que la science est arrivée à les démêler à travers
les complications des apparences. L'explication
raisonnée de ces deux ordres de phénomènes est
en réalité le but propre que doit se proposer l'ins-
tituteur, en faisant un cours de cosmographie.
Un tel cours, d'ailleurs, comporte un programme
plus ou moins étendu, plus ou moins complet, sui-
vant le degré d'instruction préalable des élèves
auxquels il est destiné, suivant le degré d'initia-
tion aux connaissances astronomiques où le pro-
fesseur veut conduire ses élèves ; nous nous bor-
nerons ici à considérer trois de ces degrés :
Le premier correspondant à un cours de cosmo-
graphie à l'usage des éco es primaires ;
Le second à un cours de cosmographie pour les
élèves des écoles primaires supérieures, ou encore
pour les élèves des écoles d'enseignement spécial
ou professionnel ;
Le troisième enfin, à un cours de cosmographie
pour les élèves des lycées ou des collèges qui se
destinent aux écoles scientifiques, ou au baccalau-
réat es sciences.
D'ailleurs, nous n'entrerons dans quelques dé-
tails que pour les programmes des deux premiers
degrés. Il est inutile d'expliquer la raison de cette
COSMOGRAPHIE
— 515
COSMOGRAPHIE
préférence : le but que se propose le Dictionnaire
de Pé'/agogie l'indique suffisamment.
Met /iodes d' exposition. — L'ordre dans lequel
doivent se classer et se subdiviser les matières
d'un cours de cosmographie dépend de la métbode
qu'adoptera le professeur : cela va de soi. Mais ici
il nous semble à peu près indifférent d'adopter
Fune ou l'autre des deux principales méthodes
d'exposition, à savoir la méthode syyithétique ou la
méthode analytique. Entrons dans quelques dé-
tails sur cliacune d'elles.
Par méthode synthétique, nous entendons celle
qui procède de "la réalité aux apparences et de
l'ensemble aux détails. La science astronomique est
aujourd hui parvenue à une connaissance suffisam-
ment complète de l'univers, de l'étendue et de la
disposition de ses diverses parties, pour qu'il soit
possible de le décrire clairement tel qu'il est, dans
ses deux parties essentielles : d'une part, l'univers
sidéral, comprenant la multitude indéfinie des
étoiles, des étoiles isolées qui sont autant de so-
leils semblables à notre Soleil, comme des étoiles
réunies en groupes, formant des amas oti nébu-
leuses stellaires : comprenant aussi la grande ag-
glomération connue sous le nom de Voie Lactée,
dont notre Soleil est une étoile composante. Tous
les astres qui composent le monde sidéral, ou, si
l'on veut, l'univers même, ont pour la Terre un
caractère commun, qui est celui d'une fixité appa-
rente. Tous paraissent immobiles, à cause de l'im-
mensité des distances qui les séparent de notre
monde.
11 est donc permis de commencer le cours de
cosmographie par une description des phénomènes
célestes propres à l'univers sidéral.
De là, on arrive à l'autre partie du cours, à celle
<îui a pour objet la région du ciel où se trouve no-
tre globe, le groupe particulier de corps célestes
dont ce globe fait partie, et qui a le Soleil lui-même
comme centre ou foyer de tous les mouvements
de ces corps. C'est le monde solaire, que le pro-
fesseur décrira d'abord (en suivant toujours la
même méthode/ dans son ensemble, faisant l'énn-
mération des planètes et de leurs satellites, de
leurs doubles mouvements de rotation et de révo-
lution, puis passant aux comètes qui sont en
grande partie de simples satellites du Soleil.
Appliquant à la Terre môme les notions géné-
rales acquises dans cette description préalable du
monde planétaire, le professeur abordera enfin,
avec des détails plus complets, tout ce qui est par-
ticulier à la Terre considérée comme planète. i;e
ses mouvements réels de rotation et de translation
il remontera à l'explication raisonnée des mouve-
ments apparents qui en sont la conséquence ; il
expliquera le mouvement diurne des étoiles et des
autres astres, la succession des jours et des nuits,
les variations de durée de ces phénomènes, le
mouvement apparent annuel du Soleil, et enfin la
succession des saisons. De même, il rendra compte
des phases de la Lune, des éclipses, des. stations
et rétrogradations des planètes, etc.
Ce qui précède suffit à montrer quelle est la
marche à suivre, si l'on veut employer la méthode
synthétique pour développer le cours de cosmo-
graphie. Cette méthode a certainement ses avan-
tages, en ce sens qu'elle permet de graver dans
l'esprit des élèves le tableau d'ensemble de l'Uni-
vers, et qu'elle résume plus clairement pour eux
les connaissances acquises en astronomie ; mais
elle développe moins bien que la méthode analyti-
que, dont nous allons parler, l'esprit de recherche
et d'investigation qui est proprement l'esprit
scientifique. A notre sens, elle serait surtout ap-
plicable au cours du degré le plus élémentaire,
suivi par des élèves qui n'auraient que des notions
très simples de géométrie.
La seconde méthode suit une marche absolument
inverse. Elle part des phénomènes apparents
pour arriver îi la conception de l'ordre réel tel qu'il
a fini par être deviné, conçu, puis démontré. Le mou-
vement apparent diurne, d'Orient en Occident, le
mouvement opposé du Soleil, ceux de la Lune
et des planètes, leurs stations et rétrograda-
tions, etc., seront les points de départ de chacun
des chapitres du cours. Par conséquent, c'est la
Terre considérée comme planète qui sera décrite
la première ; le jour sidéral et le jour solaire, la
succès-ion et la variation des jours et des nuits,
des saisons, de l'année, devront être successive-
ment définis, puis expliqués par la rotation réelle
de notre globe sur son axe, par sa révolution an-
nuelle autour du Soleil et par la combinaison de ses
deux mouvements. Même marche à suivre pour
les phénomènes lunaires et pour leur explication.
De la Terre, le professeur passera aux autres
planètes, à leurs satellites, aux comètes, puis au
Soleil lui-même.
Le monde solaire décrit, ce sera le tour des
astres fixes, dont il n'y avait eu lieu jusqu'ici de
s'occuper que comme des points de repère néces-
saires à l'étude des mouvements de la Terre et
des planètes.
Nous abrégeons l'exposé de cette seconde mé-
thode, qui est celle généralement adoptée pour les
programmes de cosmographie des écoles et des
lycées, et nous abordons la question du contenu de
ces programmes eux-mêmes, de leur étendue et
de leur degré de rigueur démonstrative.
Mais auparavant, nous ferons une réflexion qui
nous paraît devoir s'appliquer aux uns et aux au-
tres, et en tout cas aux deux premiers degrés :
c'est que la cosmographie, telle qu'il s'agit de
l'enseigner à la grande généralité des élèves, doit
être surtout considérée comme une introduction
à l'étude de la géographie. Pour les élèves seuls
qui se destinent aux écoles savantes, elle peut
dépasser les bornes d'une telle adaptation, et former
les préliminaires d'un cours d'astronomie.
Premier degré. Cosmographie des écoles primai-
res. — Cinq ou six leçons doivent suffire à l'exposé
des notions du cours le plus élémentaire. Voici,
selon nous, quelles devraient en être la substance
et les divisions principales :
r* leçon. — Le ciel étoile. Mouvement diurne.
Lever et coucher des étoiles. Lever et coucher du
Soleil et de la Lune. Mouvement de rotation de la
Terre.
2' leçon. — Mouvement apparent du Soleil parmi
les étoiles. Jour sidéral et jour solaire. La Terre se
meut autour du Soleil en une année. Les saisons.
3' leçon. — Jlouvement et phases de la Lune. La
Lune se meut autour de la Terre. Explication des
éclipses de Lune et des éclipses de Soleil.
4' leçon. — Les planètes. Distinction des pla-
nètes et des étoiles. Les planètes circulent comme
la Terre autour du Soleil ; leurs satellites. Les co-
mètes. Le monde solaire.
5° leçon. — Les constellations. Les étoiles sont
des soleils, ou le Soleil est une étoile. Distances
des étoiles.
6^ leçon. — Notions sur les étoiles doubles, sur
les amas stellaires, les nébuleuses, la voie lactée.
Il est bien évident que ce programme ne fait
qu'indiquer la matière des leçons, la disposition
du cours, et qu'il peut et doit être complété par
des détails sur la constitution physique desastres,
611 insistant sur la similitude des planètes entre
elles et avec la Terre, sur celle du Soleil et des
étoiles, et en entrant au besoin dans quelques dé-
veloppements sur les astres les plus connus, les
montagnes do la Lune, les terres et les mers de
Mars, l'anneau de Saturne, la composition du
Soleil, de façon à piquer la curiosité des élèves. Le
professeur étendra ou restreindra ce programme
en raison de l'intelligence ou du degré d'instruc-
COSMOGRAPHIE
— 516
COSMOGRAPHIE
tion des enfants. Ceux d'entre eux rjui auraient
des connaissances suffisantes e*n aritlimétiriue et
en géomctiie pourraient aller jusqu'à l'exposé des
lois de Kepler, à des notions très simples sur la
gravitation et les marées. Il est plus facile, en pa-
reille matière, d'étendre les programmes, que de
les maintenir dans les bornes de l'intelligible. Il
faut s'arrêter là où l'esprit de l'enfant ne voit plus
clairement ce qu'on lui enseigne.
Deuxième d'ogre. Cosmographie des écoles pri-
'•■fiires supérieures. — Dans ce cours, le pro-
gramme comportera un plus grand nombre de
leçons et un exposé plus détaillé, plus complet
des notions de cosmographie. On peut le rédiger
en une douzaine de leçons dont l'ordre serait,
|.ar exemple, celui que nous allons indiquer :
re leçon. — Mouvement diurne et rotation de
la terre. Notions sur la forme sphéroidale du
globe terrestre et sur les mesures géodésiques des
méridiens. Aplatissement des pôles. Dimensions
de la Terre.
'2^ leçon. — Preuves du mouvement de rotation.
Jour sidéral. Cooidonnéeséquatoriales des étoiles.
Longitudes et latitudes des lieux géographiques.
3' leçon. — 3Iouvement propre apparent du
Soleil. Mouvement annuel de translation de la
'l'erre. Orbite terrestre. Inclinaison et parallélisme
de l'axe terrestre. Inégalité des jours solaires.
Jour et temps moyens. L'année.
4^ leçon. — Variations de durée des jours e-
des nuits aux différentes latitudes. Les saisons.
La précession des oquinoxes. — Pour ces quatre
premières leçons, V. Terre, Jour, Année, Saisons,
Calendrier, Latitude et Longitude.
b" leçon. — La Lune, satellite de la Terre. Mou-
vement apparent et phases. Mouvement réel et
orbite de la Lune. Explication des phases. Phéno-
mènes des éclipses de Lune et de Soleil. —
V. Lune, Eclipse.
C° leçon. — Le Soleil. Distance et dimensions.
Mouvement de rotation. Notions sur les taches,
les protubérances, l'atmosphère et la constitution
physique et chimique du Soleil. — V. Soleil.
7' leçon. — Les planètes. Leurs mouvements
propres, stations et rétrogradations. Orbites des
planètes, et lois de Kepler. Notions sur la con-
stitution physique des planètes principales. Hypo-
thèse de Laplace. — V. Planètes, Terre.
8* leçon. — Les comètes. Orbites cométaires.
Comètes périodiques. Étoiles filantes et bolides.
Lumière zodiacale. — V. Comètes, Aérolithes.
9' leçon. — Le ciel étoile. Les constellations.
Nombre des étoiles de diverses grandeurs. Fixité
apparente des étoiles. — V. Etoiles.
10" leçon. — Distances des étoiles. Les étoiles
sont des soleils. Constitution physique des étoiles.
Étoiles doubles, multiples, variables. — V. Étoiles.
11<= leçon. — Amas stellaires et nél)uleuses.
Voie lactée. Notions sur la structure de l'univers.
— V. Étoiles, Soleil, Terre.
l'}" leçon. — Motions sur la gravitation et son
identité avec la pesanteur. Marées. Applications
de l'astronomie au calendrier, ;\ la naviiration. Ca-
drans solaires. — \. Attraction, Marée, Calendrier,
Navigation, Cadran solaire.
Poui- toutes les leçons, consulter en outre l'ar-
ticle général Astronomie.
Ce programme renferme tout ce qu'on peut
regarder comme étant du domaine de l'astronomie
descriptive, de sorte qu'il pourrait également
servir au cours de troisième degré. La différence
n'est pas tant dans la matière même que dans le
plus ou moins de rigueur de l'exposé ou des mé-
thodes de démonstration.
Il nous reste maintenant à insister précisément
sur les méthodes d'exposition des deux program-
mes tracés plus haut, ainsi que sur les pro-
cédés auxiliaires propres à faciliter la tâche du
maître et à rendre plus accessible aux élèves l'irî
telligence de leurs diverses parties. On peut ran-
ger ces modes d'exposition ou de démonstration
en trois catégories, susceptibles d'être employées
séparément et successivement ou simultanément :
1" les observations; 2" les dessins et cartes ou
atlas cosmographiques ; 3° les appareils méca-
niques.
1. Observations. — Le professeur, surtout dans
le cours élémentaire, devra avoir, le plus souvent
possible, recours aux observations directes. Nous
allons en donner quelques exemples.
Rien de plus simple que de faire observer au.x
enfants le mouvement diurne des étoiles, celui du
Soleil ou de la Lune, de faire remarquer, outre le
lever et le coucher des astres, les cercles de plus
en plus grands qu'ils décrivent à mesure qu'ils ap-
prochent de la zone circumpolaire ; de faire voir
que, dans cette zone, les étoiles ne se lèvent ni ne
se couchent jamais, de faire remarquer enfin l'im-
mobilité de l'étoile polaire. Ces observations, fai-
tes parles belles nuits d'été, seront autant d'occa-
sions de noter les constellations principales et les
étoiles les plus remarquables. Le professeur insis-
tera sur le fait que les étoiles ne se lèvent ni ne
se couchent aux mêmes heures aux époques suc-
cessives de l'année, de sorte que l'aspect du ciel
étoile varie d'un jour à l'autre : c'est ce qui dé-
montre et le mouvement apparent du Soleil et le
mouvement réel de translation de la Terre. Le
mouvement beaucoup plus rapide de la Lune s'ob-
servera d'une nuit à l'autre ou encore dans la même
nuit.
L'observation des phases lunaires, de la position
de la Lune par rapport au Soleil et à la Terre,
pourra se faire avec la même facilité et frappera
l'esprit des enfants plus que les figures de géomé-
trie.
Les phénomènes des éclipses seront aussi parmi
ceux que le maître ne manquera point de faire ob-
server si l'occasion s'en présente. S'il possède une
lunette d'approche, une simple longue-vue, il pourra
faire voir la configuration du globe de la Lune, les
trous ou cratères, les ombres de ses montagnes,
et même, si le grossissement est suffisant, les sa-
tellites de Jupiter, l'anneau de Saturne.
La variation des hauteurs méridiennes du Soleil
sera, parmi les phénomènes astronomiques, un
des plus importants à faire observer, sauf à en de-
mander l'explication à d'autres procédés.
Il est bien entendu que ces simples observations,
que nous recommandons aux instituteurs primai-
res, ne seraient pas moins fructueuses pour les
cours supérieurs. Ici, seulement, les autres moyens
sont plus nombreux, plus complets, plus à la por-
tée des professeurs et des élèves.
2. Cartes, dessins, ntlns. — Une carte, à grande
échelle, des deux hémisphères célestes : un pla-
nisphère donnant les constellations visibles sur
l'horizon de Paris ; une carte du système des orbi-
tes des planètes et des comètes, et une série de
dessins représentant l'aspect des printipaux corps
célestes et les détails télescopiques, quelques co-
mètes, amas stellaires et nébuleuses, suffiraient am-
plement à aider l'intelligence des descriptions du
maître. Pour les cours plus élevés, il y aurait lieu
de dresser des atlas astronomiques plus complets.
Ola manque en France ; mais, en Angleterre, en
Allemagne, aux Etats-Unis, des atlas de ce genre
existent, tandis que c'est à peine si, en France, on
trouve, au début des atlas géographiques, quelques
représentations imparfaites des phénomènes céles-
tes. La voie est ouverte dans ce sens, cependant,
et nous nous sommes efforcé d'y contribuer pour
notre part.
3. Appareils cosmographiques. — Nous compre-
nons, sous cette rubrique, tous- les moyens maté-
riels de représentation des phénomènes célestes,
COSMOGRAPHIE
— 517
COULEUR
tous les moyens mécaniques ayant pour objet l'ex-
plication des mouvements apparents et réels des
astres.
Les globes célestes et terrestres sont au nombre
de ces moyens. Tout le monde les connaît, si tout
le monde ne sait pas en tirer tout le profit possi-
ble. Ceci est l'affaire des maîtres.
Quant aux appareils mécaniques, ils sont assez
nombreux, et on ne peut guère leur reprocher que
d'être, par leur prix, assez difficilement accessibles
aux écoles, surtout aux écoles primaires. On peut
y suppléer par des moyens fort simples.
Avec une lampe munie de son globe qui figure
le Soleil, deux boules d'inégales grosseurs, repré-
sentant la Terre et la Lune, quelques autres boules
figurant les planètes, on peut aisément faire com-
prendre aux enfants les plus importants des phé-
nomènes dont la description fait l'objet d'un cours
de cosmographie.
Quoi de plus simple que d'expliquer ainsi :
1" Le mouvement de rotation de la Terre sur son
axe et la succession du jour et de la nuit, le mou-
vement apparent diurne des étoiles, la division du
ciel étoile en zones circumpolaires, où les étoiles
ne se lèvent ni ne se couchent, et zones équato-
riales, où elles décrivent des portions croissantes
ou décroissantes de leur cercle diurne ;
2" L'égalité du jour et de la nuit aux deux équi-
noxes, et les inégalités croissantes ou décroissan-
tes du jour et de la nuit, selon les latitudes, et
aux diverses époques de l'année ; tout cela résultant
de la position inclinée de l'axe terrestre sur l'or-
bite ou sur l'écliptique, ainsi que de son parallé-
lisme dans tout le cours de la révolution. En pro-
menant la boule qui représente la Terre autour
d'une table ronde ou ovale, ayant la lampe Soleil
à son centre ou à son foyer, et en arrêtant la pre-
mière dans diverses positions principales, la dé-
monstration sera aussi claire que possible ;
;jo Les phénomènes des éclipses de Lune et de
Soleil, la raison pour laquelle les éclipses ne peu-
vent avoir lieu à chaque lunaison, les particularités
des éclipses totales ou partielles et même des éclip-
ses annulaires de Soleil.
On a construit, à diverses époques, en France
et à l'étranger, des appareils mécaniques ayant
pour objet la représentation et l'explication des
mouvements de la Terre, de la Lune et des planè-
tes. Il existe des spécimens fort intéressants de ce
genre dans les musées, notamment au Conserva-
toire des arts et métiers ; mais, tout ingénieux que
soient ces appareils (il en est dont les mouvements
sont réglés par des rouages d'horlogerie), ils ont
le grave inconvénient d'être fort coûteux. Un pla-
nétaire, construit par MM. Lerebours et Secre-
tan, ne coûte pas moins de 350 francs. Les plané-
taires de J. Felkl, à Rostock, coûtent de 30 à :200 flo-
rins. Ceux de E. Schott, h Vienne, valent de 22 à
(jô thalers. Les appareils nommés Tellurien et Lu-
narien, se bornant à la représentation des mou-
vements de la terre et de la lune, sont cotés de
€ à 34 thalers. Tous ces prix sont inabordables
pour la plupart de nos écoles. Nous en citerons,
on France, de plus accessibles et qui ont été
faits spécialement en vue de l'enseignement
dans les lycées et les collèges : tels sont ceux
de M. Henri Robert. 11 est à désirer que nos édi-
teurs et constructeurs résolvent, dans la fabrica-
tion de ces procédés matériels, après tout fort
utiles, le problème de la simplicité et du bon
marché, unis h la rigueur et à l'exactitude des
représentations des pliénomènes.
En attendant, c'est aux professeurs, aux institu-
teurs à suppléer à cette lacune du matériel de notre
enseignement; nous avons essayé de leur donner^
dans cet article, une idée des moyens qu'ils pour-
ront mettre en œuvre dans ce but. Le jour où la
cosmographie sera sérieusement enseignée, où des
cours gradués, depuis le plus élémentaire jusqu'à
celui des lycées, initieront progressivement nos
enfants à ces connaissances si importantes, les mé-
thodes se perfectionneront de plus en plus, les li-
vres écrits sur ce sujet s'amélioreront pareillement,
et les moyens, procédés, appareils de démonstration
ne manqueront plus. [Amédée Guillemin.j
COTOX. — V. Textiles (Plantes).
COTYLÉDON. — 'V. Tige.
COULEUR. — Physique, XXXL — La couleur
est l'impression produite sur l'organe de la vue
par la lumière qu'envoient les corps lumineux et
par celle que réfléchissent ou diffusent les corps
éclairés et dont les teintes varient avec l'état de
la surface et la nature des substances réfléchis-
santes. Ce mot exprime donc à la fois les qualités
particulières qui distinguent les rayons lumineux,
et la propriété des corps de renvoyer telle ou telle
espèce des rayons qui les ont frappés, tout aussi
bien que la sensation spéciale produite dans l'oeil
par chacun d'eux.
C'est à Newton que l'on doit les premières étu-
des précises sur les colorations si diverses que les
différents objets donnent à la lumière. Il a le pre-
mier montré que la lumière blanche n'est pas,
comme on le croyait avant lui, simple et indivi-
sible, mais qu'elle s'analyse par réfraction * dans
un prisme et présente sept couleurs : violet, in-
digo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge, fondues les
unes dans les autres, différentes par leur réfran-
gibilité, indécomposables, mais capables par leur
mélange de reproduire le blanc. Il a appelé cou-
leurs simples ces sept couleurs apparentes dans le
spectre solaire et dans celui des principales sour-
ces lumineuses artificielles ; couleurs composées,
celles qui résultent de leur mélange en proportions
diverses ; couleurs complémentaires, celles dont la
réunion produit du blanc.
La décomposition par le prisme de la luinière
solaire donne la raison des brillants météores que
l'on remarque parfois dans l'atmosphère et dont
la cause a été si longtemps inconnue. Les rayons
du soleil, en pénétrant dans les fines vésicules
d'eau des nuages qui se résolvent en pluie, s'y
décomposent, s'y réfléchissent et donnent lieu aux
arcs-en-ciel aux riches couleurs disposées comme
celles que l'on obtient par le prisme dans une
chambre obscure.
Les diverses sources lumineuses artificielles s'a-
nalysent avec autant de facilité et décèlent aussi
les qualités spéciales de leurs rayons. On y trouve
toutes les nuances du spectre solaire, mais avec
des différences marquées dans les intensités et
les proportions relatives. La flamme d'un bec de
gaz ou d'une bougie émet en abondance des rayons
rouges, orangés et jaunes, peu de bleus et de vio-
lets. La flamme du magnésium, au contraire, pro-
duit une lumière remarquable par l'abondance des
rayons les plus réfrangibles. Considérées isolément,
toutes ces sources apparaissent blanches ; mais
quand on les compare à la lumière du soleil, elles
apparaissent avec la couleur qui domine dans cha-
cune d'elles. Cette couleur dominante dans une
lumière artificielle est aussi celle qui domine dans
le spectre que l'on obtient en la regardant avec un
prisme : les flammes rouges, jaunes, vertes ou
bleues donnent des spectres où la couleur princi-
pale est le rouge, le jaune, le vert ou le bleu.
L'analyse prismatique s'applique également à
l'étude de la lumière réfléchie ou transmise par
les corps éclairés. L'expérience a montré que cette
lumière est formée d'un plus ou moins grand
nombre de couleurs simples, lors même quf les
rayons éclairants appartiennent à la lumière blan-
che ou à l'un quelconque des rayons du spectre.
Los corps colorés modifient donc la couleur de la
lumière ; et les phénomènes produits sont assez
nombreux et divers pour qu'il soit utile de mettre
COULEUR
— 518 —
COULEUR
un peu de clarté dans leur étude et d'examiner
d'abord le passage de la lumière dans les corps
transparents, puis le renvoi des rayons lumineux
par les corps opaques.
La lumière transmise par un corps transparent
ne l'est jamais intégralement; chaque corps exerce
une action élective sur telle ou telle région du
spectre, laisse passer certains rayons et arrête les
autres. Un verre rouge doit sa couleur spéciale à
ce qu'il laisse passer tous les rayons rouges et ab-
sorbe la plus grande partie des autres. Un second
verre rouge placé à la suite d'un premier n'ab-
sorbe qu'une très faible portion de la lumière qu'il
reçoit, parce que le premier a arrêté à peu près
tout ce que le second est incapable de transmettre.
11 résulte de cette expérience quun milieu coloré
d'une épaisseur suffisante ne doit laisser passer
qu'une seule des couleurs du spectre, la sienne
propre; et qu'il peut dès lors servir à obtenir une
lumière simple ou monochromatique.
Un milieu transparent incolore est celui qui
laisse passer, dans les mêmes proportions, toutes
les espèces de rayons colorés ; la lumière blanche
qui y pénètre en sort blanche.
Quelques substances possèdent la propriété de
présenter des colorations variables selon l'épais-
seur qu'elles offrent au passage de la lumière. La
cause en est due à l'inégale transparence pour les
rayons des diverses couleurs. Tels sont les vins
rouges vieux qui, sous une faible épaisseur, parais-
sent d'un jaune paille, et vus en plus grande masse
d'une couleur rouge accusée. C'est le polychroïstyie;
il est plus ou moins prononcé, mais une analyse
minutieuse le constate dans la plupart des corps.
L'étude des corps opaques est moins simple que
celle des corps transparents. La lumière qu'ils re-
çoivent s'y partage en effet en trois portions or-
dinairement inégales : l'une est réfléchie, l'autre
diffusée, le reste absorbé. La diversité des rayons
lumineux qui y tombent, les actions différentes
que chacun y subit suivant la nature du corps et
l'état de sa surface, font du phénomène de la gé-
nération des couleurs quelque chose de très com-
plexe, mais dont la cause primordiale est la décom-
position de la lumière.
L'influence de la réflexion est la plus facile à
suivre. Il semble au premier abord qu'elle ne mo-
difie pas la lumière ; et cependant on peut s'as-
surer par l'expérience qu'elle lui imprime une co-
loration appréciable. Que l'on projette sur un écran
blanc un rayon solaire réfléchi par un miroir de
cuivre poli, il paraîtra d'un blanc pur ; mais si on
le force à se réfléchir successivement sur plusieurs
miroirs semblables, il prendra une teinte rouge
prononcée. Chaque substance réfléchit donc de
préférence certains rayons, qu'elle fait ainsi valoir
dans la lumière renvoyée.
Ce phénomène est bien plus saillant dans la
réflexion irrcgulière qu'on nomme diffusion et qui
est propre à tous les corps. On le met en évidence
en montrant que des substances très brillantes
avec la lumière du jour apparaissent complètement
noires si on les éclaire avec des rayons lumineux
qu'elles ne sont pas capables de diffuser. On
éclaire des fleurs de toutes nuances avec la lu-
mière jaune monochromatique que donne la
flamme de l'alcool salé ; et on constate que les cou-
leurs jaunes conservent seules leur éclat et que
les plus éclatantes des autres apparaissent noires.
Un corps n'a donc pas par lui-même de couleur
propre, sa nuance est intimement liée à la nature
di's rayons qu'il reçoit et qu'il peut transmettre.
L'absorption vient à son tour exercer une part
prépondérante dans la formation des couleurs. La
lumière pénètre dans les divers corps colorés ; elle
y éteint telle ou telle portion de ses rayons,
comme dans les corps transparents ; le reste est
réfléchi ou diffusé par la surface ou par des par-
ticules intérieures, et le résultat final est la cou-
leur sensible du corps considéré. La coloration
d'un corps opaque a donc toujours pour cause
première un phénomène d'absorption qui est suivi
de réflexions régulières ou irrégulières. A vrai
dire, il n'y a pas de corps complètement opaques,
puisque tous, réduits à une épaisseur de plus en
plus mince, deviennent plus oumoins transparents;
et les changements de structure qui y surviennent
y font valoir ou l'absorption lumineuse ou la ré-
flexion et en modifient l'aspect.
Le nombre des couleurs est infini, puisque les
couleurs simples peuvent être combinées de mille
manières, et que chaque nuance peut encore être
mélangée de plus ou moins de noir et de blanc et
offrir une très grande variété. Pour les définir, on
les rapporte à des objets naturels bien connus pris
comme termes de comparaison, tels que les ani-
maux, les fleurs, les pierres précieuses. C'est
ainsi qu'on dit : un lilas clair ou foncé, un jaune
serin, un bleu turquoise, un rouge groseille, etc.
Mais cette nomenclature est bien insuffisante ; et
elle repose sur des données trop peu précises
pour présenter quelque utilité dans l'industrie de
la teinture et dans l'art du peintre. M. Chevreul a
essayé de remédier à cet inconvénient et de faire
cesser la confusion en établissant, sur des données
scientifiques, une classification des couleurs indus-
trielles.
M. Chevreul donne aux mots ton et nuance des
valeurs différentes définies sans ambiguïté. 11 ap-
pelle nuance le résultat du mélange des couleurs
pures, l'une modifiant l'autre sans la ternir. 11 ap-
pelle Ions les différents degrés d'intensité dont
une couleur est susceptible, suivant que la matière
qui la présente est pure ou mélangée simplement
de blanc ou de noir. La gamme est l'ensemble
des tons d'une même couleur; elle présente des
tons èdaircis, c'est-à-dire mélangés de blanc, ou
rabattus, c'est-à-dire mélangés de noir.
Pour appliquer ces principes, il a imaginé le
cercle chromatique. C'est un cercle divisé en soi-
xante-douze secteurs égaux. Sur trois secteurs
équidistants sont placées les trois couleurs prin-
cipales : jaune, rouge et bleu ; puis, à égale dis-
tance de chacune d'elles, celles qui résultent de
leur mélange deux à deux, l'orangé, le vert, le
violet; et enfin le cercle est complété par les nuan-
ces intermédiaires, ce qui donne soixante-douze
nuances passant graduellement de l'une à l'autre.
Le cercle est divisé par vingt cercles concentri-
ques qui font dans chaque secteur des cases. Au
centre est un petit cercle complètement blanc, à
partir duquel chaque nuance se fonce en perdant
du blanc jusqu'à devenir pure, puis s'assombrit de
plus en plus par des proportions croissantes de
noir jusqu'au bord du disque qui est d'un noir ab-
solu.
Le tout forme mille quatre cent quarante cou-
leurs dont chacune peut être définie par un nu-
méro d'ordre, et retrouvée toujours identique à
elle-même avec la plus grande facilité.'
Expériences. — 1. Décomposer un rayon lumi-
neux qui pénètre dans une chambre obscure, par
un prisme, et projeter l'image colorée sur un écran.
Observer la décomposition de la lumière d'une
bougie en la regardant à travers un prisme.
2. Mélanger une dissolution rose d'un sel de
nickel avec une dissolution bleue d'un sel de co-
balt, on obtient un liquide qui paraît incolore.
Placer sur une table noire un disque jaune et un
disque blanc, entre eux une glace verticale sans
tain ; se poser de manière que l'image réfléchie de
l'un des disques se superpose à l'autre vu à travers
la glace, le tout parait blanc.
3. Eclairer une chambre à la flamme de l'alcool
salé et constater l'aspect des objets diversement
colorés.
COULEURS
— 319
COURANTS
4. Vérifier sur une eau-de-vie vieille versée
dans un verre conique que la teinte se fonce avec
l'épaisseur du liquide.
ô. Dessiner un disque de Newton avec six sec-
teurs contenant chacun les sept couleurs du spec-
tre, le faii'B tourner rapidement, il apparaît blanc.
Le même, avec des interruptions de couleurs,
donne un aspect différent suivant la couleur mas-
quée.
[Haraucourt]
COUHANTS aériens et marins. — Météorologie,
I. — Courants aériens. — Les vents, envisagés
seulement dans la localité où ils soufflent,
sont doués d'une extrême variété dans leur
force et leur direction. Il n'en est plus ainsi
lorsque l'on considère dans leur ensemble l'at-
mosphère terrestre et les grands courants qui s'y
produisent.
Si, par la pensée, on se place en un point cir-
conscrit de la surface d'un grand fleuve dont le lit
est irrégulier, et si, au lieu d'embrasser l'ensemble
du courant, on limite son attention au point oc-
cupé, on verra souvent, surtout sur les bords,
leau tourbillonner sur elle-même et marcher suc-
cessivement dans tous les sens. Il serait alors dif-
ficile d'en conclure la direction vraie du courant
général. Il en est de même des vents, avec cette
différence que les fleuves aériens, sans lits délimi-
tés, se déplacent aisément à la surface du globe,
et qu'une même localité peut se trouver alterna-
tivement en plein courant, ou sur ses bords, ou
même en dehors de son action. Ce sont les gran-
des lois de la circulation de l'atmosphère que nous
voulons résumer ici.
Sur tout le pourtour du globe, et dans le voisi-
nage de l'équateur, se trouve une zone, assez ir-
rogulière surtout quand elle traverse les conti-
nents, dans laquelle la température moyenne delà
couche atmosphérique est plus élevée que dans
les parties situées de chaque côté.
On sait l'efi'et que produit un corps chaud placé
dans l'intérieur d'un appartement relativenieat
froid. Au contact do ce corps, l'air s'échauffe, se
dilate, devient plus léger; il monte vers le plafond,
déterminant ainsi dans les parties froides un con-
tre-courant descendant qui compense l'effet du
premier. Si rien, d'autre part, ne vient troubler
le phénomène ainsi jjroduit, une circulation régu-
lière s'établit allant, par le haut, du corps chaud
aux parois froides et, par le bas, des parois froides
au corps chaud. Pareil effet se produit naturelle-
ment dans l'atmosphère et sur une immense
échelle. Sur toute la zone à température maxima,
l'air monte en une nappe ascendante qui se ma-
nifeste par divers efl'ets.
En premier lieu, l'ascension tend à produire sur
le pourtour de la terre une raréfaction de l'air à
laquelle cor#espond une diminution de la pression
barométrique. Le baromètre est en effet plus bas
de quelques millimètres dans la zone équatoriale
que dans les régions voisines. L'appel d'air qui en
résulte va produire les alizés dont nous parlons
plus loin.
D'un autre côté, l'air, en montant, se refroidit
graduellement ; sa capacité pour la vapeur dimi-
nue, et comme la quantité de vapeur qu'il renferme
ne diminue pas encore, cet air, déjà très humide
à la surface des mers, se rapproche de plus en
plus de son point de saturation qu il atteint bien-
tôt. L'air continuant à gagner de plus grandes
hauteurs, une partie de sa vapeur se condense en
nuages et en pluie. Aussi, la région occupée par
la nappe équatoriale ascendante est-elle marquée
par une ceinture de nuages permanents qui fait le
tour à peu près complet de la terre. C'est Vanneau
de nuages des météorologistes, ie pot au noir des
marins: les pluies et les orages y sont fréquents
et d'une grande violence. L'anneau de nuages se
déplace à la surface du globe avec le soleil qu'il
suit d'un peu loin ; il promène ainsi ses pluies du
sud au nord de l'équateur dans la première moitié
de l'année, du nord au sud dans la seconde. Au
centre de la région parcourue, nous trouvons donc
chaque année deux saisons pluviales ; vers sa li-
mite nord, nous n'en trouvons qu'une, celle des
pluies d'été; vers sa limite sud, nous n'en trou-
vons également qu'une, mais correspondant à no-
tre hiver.
Enfin la vitesse générale de l'air, s'y dirigeant
vers la verticale, y devient à peu près nulle dans
le sens horizontal; la zone occupée par la nappe
ascendante est aussi ce que les marins nomment la
région des calmes équatoriaux. Il serait plus
exact de dire la région des brises ou des le?*^* va-
riables, car le calme y est souvent interrompu par
des coups de vents orageux.
De chaque côté de la nappe ascendante, nous
trouvons à la surface des mers deux courants se
dirigeant des tropiques vers l'équateur : ce sont
les alizés. Leur direction serait celle de chaque
méridien si la terre était immobile; le mouvement
de rotation diurne du globe les incline vers l'ouest.
Tous les points de la surface terrestre tournent
avec la même vitesse angulaire de 15° par heure ; ils
décrivent chaque jour un cercle complet dont le
centre est placé sur l'axe terrestre. Mais les rayons
de ces cercles croissant du pôle à l'équateur, le
chemin parcouru, et, par suite, la vitesse linéaire
croît dans le même sens. Une masse d'air prise au
tropique a donc, de l'ouest à l'est, une vitesse
moindre qu'à l'équateur. Il en résulte que l'air qui
est entraîné par les alizés vers la nappe équato-
riale ascendante retarde de plus en plus à mesure
qu'il se rapproche de l'équateur; et, comme nous
ne jugeons que des vitesses relatives, que nous
rapportons tous les mouvements à nous-mêmes
que nous considérons comme immobiles, cet air
nous semble rétrograder vers l'ouest La direction
des alizés va donc du nord-est vers le sud-ouest
dans l'hémisphère nord, et du sud-est vers le nord-
ouest dans l'hémisphère sud. Cette direction, gé-
nérale sur les océans, est encore modifiée d'un lieu
à 1 autie par l'action propre des continents.
Les alizés soufflent avec une grande régularité.
La double zone qu'ils occupent à la surface du
globe se balance seulement un peu au cours de
chaque année suivant la position occupée par la
zone des calmes. Leurs limites tropicales changent
moins toutefois que leurs limites équatoriales, les-
quelles, ainsi que nous l'avons déjà dit, suivent
d'un peu loin les déplacements du soleil. On doit
toutefois faire une exception pqur la mer des In-
des. En hiver, la nappe équatoriale ascendante
descend au sud de l'équateur ; les alizés du nord-
est y régnent donc sur de vastes surfaces. En été,
cette nappe passe rapidement sur le continent in-
dien. L'alizé du nord-est disparaît; l'alizé du sud-
est franchit la ligne pour remonter jusque sur les
terres indiennes; mais alors il gagne des parallèles
dont la vitesse va au contraire en diminuant à par-
tir de l'équateur; il prend donc graduellement de
l'avance sur la surface de la mer et se transforme
à partir de l'équateur en vent du sud, puis du
sud-ouest. Ces vents du nord-est en hiver et du
sud-ouest en été constituent ce que l'on nomme
les moussons de l'Inde. Le passage de l'un à l'au-
tre est le renversement de la mousson. C'est l'épo-
que des ti/p/ions ou tempêtes tournantes de ces
mers, qui aeviennent alors redoutables.
Outre la régularité de leur régime des vents,
les zones des alizés sont en outre caractérisées
par la constance de leur ciel. Les nuages y sont
rares et les pluies encore plus, sauf pour les côtes
exposées aux moussons.
.Vous avons vu l'air des régions tropicales arriver
à l'équateur et s'y élever dans un plan vertical ;
COURANTS
— 520 —
COURANTS
ce n'est que la première moitié de la circulation 1
atmosphérique. La nappe équatorialo ascendante,
arrivée à une certaine hauteur, s'y divise en doux
nappes allant, au contraire, de l'équateur vers les
tropiques : elles constituent les contre-alizés.
L"eiret de la rotation terrestre se produit sur eux
comme sur les alizés. En tenant compte du ren-
versement de leur direction, on comprend que,
s'éloignant de l'équateur, ils doivent prendre de
l'avance sur le mouvement terrestre, comme la
mousson d'été, et incliner de plus en plus vers
l'est, en soufflant du sud-ouest vers le nord-est
dans rhcmisphère nord, et du nord-ouest vers ie
sud-est dans l'hémisphère sud.
Les contre-alizés se tiennent d'abord à de gran-
des hauteurs et, comme ils se sont dépouillés de
leur excès de vapeur en traversant l'anneau de
nuages, il est rare qu'ils en conservent quelques
débris flottants. A mesure qu'ils s'éloignent de l'é-
quateur, ils s'abaissent progressivement, et l'é
chauffement qui résulte pour eux de ce mouvement
de descente compense et au-delà le refroidissement
très lent qui résulte de leur marche vers le pôle.
Dans le voisinage des tropiques, ce mouvement de
descente s'accélère beaucoup et une grande partie
du contre-alizé vient rejoindre l'alizé, terminant
ainsi le double circuit complet qui s'opère de
chaque côté de la nappe équatoriaîe. Une notable
portion de l'air échappe toutefois à ce retour direct
à l'alizé, et forme le grand courant du S.-O. qui
domine dans nos régions tempérées de l'hémisphère
nord , courant auquel correspond le courant du
N.-O. dans l'hémisphère sud.
La zone de descente de chacune des deux )iap-
pes des contre-alizés est accusée par des caractères
qui sont la contre-partie de ceux que présente la
nappe équatoriaîe ascendante. Autant cette der-
nière est régulière et stable, autant la première
est mobile, irrégulière et fragmentée. La zone des
calmes équatoriaux est limitée des deux côtés par
les alizés, qui, tout en convergeant, portent tous
les deux vers l'ouest. Les nappes tropicales pro-
duisent bien, là où elles descendent, un calme plus
ou moins complet ; mais elles sont bordées du
côté du pôle par le surplus des contre-alizés qui
continuent à porter vers Test et qui se traduisent
par le grand courant du S.-O. des régions tempé-
rées de l'hémisphère nord, ou par le grand courant
du N.-O. des régions correspondantes de l'hémi-
sphère sud. Au contraire, sur leur bord équatorial,
régnent des vents plus faibles soufflant du N. et N.-E.,
et d'où naissent les alizés. Comme d'ailleurs ces
masses d'air sont toujours circonscrites, elles
semblent tourner sur elles-mêmes de l'ouest à l'est
par le nord, dans notre hémisphère ; c'est-à-dire
dans le sens des aiguilles d'une montre, sens
contraire à la rotation des tempêtes tournantes,
ou cyctojies, d'où leur vient le nom d'anticyclones.
, La descente du contre-alizé produit en même
temps une surcharge dans la pression atmosphéri-
que. Le baromètre est en effet très sensiblement
plus haut, dans cette zone, que dans la zone équa-
toriaîe et que dans une partie des régions extra-
tropicales. En second lieu, l'air en descendant s'é-
chauffe parce qu'il est de plus en plus comprimé
par le poids des couches supérieures. Il devient
donc, en même temps, plus sec. La région où
s'effectue cette descente participe du beau temps
des régions alizées.
Dans ce grand mouvement de double circulation
continue dont le centre moteur est dans la zone
des calmes équatoriaux, ce qui nous touche le
plus, en France, est précisément cette portion du
contre-alizé qui, après s'être abaissée vers le sol,
et au lieu do retourner directement à l'alizé, con-
tinue sa rotation en longeant la surface terrestre.
Son origine fait donner à cette masse d'air en
mouvement le nom de courant équatorial. Après
avoir couru du S.-O. au N.-E., ce courant s'incline
peu à peu vers rO.,puis vers le N.-O., puis enfin
vers le N. et le N.-E. Au lieu donc deffectuer la
fin de sa rotation dans le sens de la hauteur de
l'atmosphère, il l'effectue à la surface même de la
terre. La question de hauteur disparaissant, la
question de latitude reste seule. Tant qu'il se
rapproche du nord, qu'il gagne des pays plus
froids, ce courant est humide, chargé de nuages
et de pluies ; il charrie les bourrasques et les
orages .
Au cours des saisons, il se déplace avec le soleil
du sud au nord, ou du nord au sud. De plus, il
acquiert un surcroît d'activité en automne ou dans
r hiver, parce que, notre hémisphère se refroidissant,
son atmosphère se contracte et que l'air y afflue
du midi. Dans le printemps ou l'été, il faiblit au
au contraire par l'effet inverse. Mais en dehors de
ces causes générales, des circonstances particuliè-
res, qui nous sont encore inconnues, font que le
courant équatorial nous envahit ou nous quitte ;
qu'il aborde à peine notre pays ou bien s'élève
plus haut vers le nord pour se dévenier sur l'Al-
lemagne, la Russie ou même le continent d'Asie.
Son activité, son ampleur, comme la position de
son lit, sont donc très variables, ce qui distingue
entre elles les années comme les saisons. Il do-
mine généralement en France dans les années ou
les saisons pluvieuses. C'est à lui que nous de-
vons la douceur de nos hivers, soit parce que,
venant de l'océan, il est par lui-même tiède et hu-
mide, soit parce qu'il développe dans l'Atlantique
un courant à peu près parallèle qui baigne nos
côtes des eaux tièdes amenées des régions équa-
toriales.
Centrants marins. — Nous retrouvons dans les
grands océans une circulation complète analogue
à celle de l'atmosphère.
Les régions équatoriales de l'Atlantique sont
incessamment traversées par les deux alizés qui
portejit à l'ouest en convergeant. Sous l'influence
du frottement persistant qui en résulte, les eaux
superficielles de la mer sont entraînées vers
l'ouest ; arrivées sur les côtes du Brésil, elles se
divisent en deux courants. L'un, le plus faible,
descend vers le sud en longeant les côtes de l'A-
mérique méridionale ; l'autre, le plus abondant,
remonte vers le golfe du Mexique. Dans la zone
tempérée règne au contraire le courant équatorial
portant vers l'est, moins constant, il est vrai, mais
encore très fréquent. Les eaux de l'Atlantique nord
sont donc poussées de l'Amérique vers l'Europe ;
et comme celles de la région équatoriaîe possèdent
une vitesse acquise en abordant les côtes d'Amé-
rique, les deux courants inverses se rejoignent
par un fleuve abondant d'eaux chaudes qui cons-
titue le Gulfstream, rivière du golfe. Ce nom, ap-
pliqué d'abord au courant qui débouche du golfe
du Mexique par le canal de Bahama et longe les
côtes des États-Unis, s'est ensuite étendu à toute
la masse des eaux qui en dérivent vers l'Europe.
Peu large mais très profond à son origine, il s'é-
tale progressivement à la surface do la mer qui,
sur son parcours, fume en hiver, comme « une
chaudière en ébullition». Sa température peut être
alors de 15 à 16 degrés plus élevée que celle de
l'air. Dans la dernière partie de son parcours, le
Gulfstream s'étale sur les côtes de l'Europe, de
l'Espagne au cap Nord. Ses eaux s'y divisent en
deux branches. L'une retourne au sud en longeant
les côtes de France, d'Espagne et de Portugal, et
restitue ses eaux au courant marin de l'équateur.
L'autre s'élève vers le nord-est, le long des côtes
d'Irlande, d'Ecosse, de Norvège, et paraît s'éten-
dre jusqu'au pôle, où Kane a entrevu une mor li-
bre. Le contre-courant compensateur descendrait
vers le sud dans les parages de l'Islande, du
Groenland, du Labrador, et passerait ensuite, au
COURBES
— 521 —
CRÉDIT FONCIER
niveau de Terre-Neuve, au-dessous du Gulf-
stream.
En partie produite par le courant équatorial, la
branche européenne du Gulfstream suit, en
partie, les vicissitudes de ce courant aérien. Les
eaux qu'elle nous amène sont plus abondantes et
plus chaudes en hiver, quand le courant équato-
rial est bien établi, et elles contribuent à soutenir
ce dernier et à lui donner sa tiédeur et son hu-
midité. C'est ainsi qu'il arrive dans les hivers doux
et humides. Quand, au contraire, le courant équa-
torial manque et est remplacé par le courant de
retour ou polaire, les eaux du Gulfstream nous
arrivent plus rares, moins tièdes, ce qui contribue
à accroître la rigueur et la durée du froid.
Une circulation semblable se produit dans l'o-
céan Pacifique du nord; d'autres analogues sont
constatées dans les grands océans de l'hémisphère
sud ; mais ces derniers étant largement ouverts
vers le pôle, les courants y sont plus diffus et
moins apparents, sauf près des côtes des grands
continents.
Ainsi donc, en règle générale, les courants
aériens et marins portent vers l'ouest dans les ré-
gions chaudes de l'équateur. C'est dans l'ouest
des océans, ou dans l'est des continents qui les
bordent, que se trouvent les plus chaudes régions
du globe : la Guyane, la Nouvelle-Grenade, le
golfe du Mexique, les côtes d'Arabie, l'Egypte. Dans
les régions tempérées, au contraire, les courants
aériens et marins portent vers l'est : c'est donc
dans l'ouest des grands continents et près des
côtes que se rencontrent les climats les plus doux
en hiver. C'est ainsi qu'à New- York, qui est situé
~ à peu près à la même latitude que Naples, le cli-
mat est beaucoup plus rude qu'à Paris ou que
dans le nord de l'Ecosse.
V. Température, Vent, Tempête, Pluie, Oraije.
[Marié-Davy.]
COURBES USUELLES. — Géométrie, XXIV.
— Jusqu'à ces derniers temps, la circonférence a
été la seule ligne courbe qui fût étudiée dans les
cours de géométrie élémentaire des Ij^cées. Depuis
quelques années, on y a introduit, sous le nom de
coui-bes usuelles, quatre autres lignes : Yellipse,
la parabole, Vhyperbole et l'hélice.
Vellipse est la plus connue, en même temps
qu'elle est la plus importante. C'est en quelque
sorte une circonférence, qui aurait été plus ou
moins aplatie dans la direction d'un diamètre et
allongée dans la direction du diamètre perpendi-
culaire au premier. Sa forme, qui paraît plus
élégante que celle du cercle, est d'un emploi
assez fréquent; on la voit dans les cadres do
beaucoup de tableaux, surtout pour les porti-aits ;
elle est donjiée aux compartiments formant dans
les jardins des corbeilles de fleurs. La moitié d'une
ellipse se montre dans la voûte des ponts en pierre
surbaissés.
Ce n'est pas seulement au point de vue indus-
triel que l'ellipse mérite d'être connue ; elle joue
un grand rôle dans la mécanique céleste. Les
orbites que la terre et toutes les planètes décri-
vent, dans leur mouvement de translation autour
du soleil, sont des ellipses de dimensions diverses.
Le temps que la terre emploie à parcourir la
sienne est précisément ce qu'on appelle année.
La parabole n'est pas une courbe fermée. On
peut s'en faire une idée, en la regardant comme
une moitié d'ellipse qui se serait agrandie au-delà
de toute limite, en s'ouvrant de plus en plus, à
mesure qu'elle s'allongeait. Elle ne se présente
pas aussi fréquemment que l'ellipse. La ligne sui-
vie par une bombe lancée dans l'air est un arc
de parabole. Certaines comètes décrivent dans
leur marche une parabole, tandis que d'autres par-
courent seulement une elli])se.
Vhyperbole se compose de deux parties égales.
qui, semblables en apparence à une parabole, sont
opposées l'une à l'autre dans des situations sy-
métriques. Ses propriétés sont plutôt théoriques
que pratiques. Elle ne doit son introd'^c^ion
Hyperbole.
dans le cours de mathématiques élémentaires
qu'à sa parenté avec les deux autres ; toutes
trois en effet, ainsi que le cercle, résultent de la
section d'un cône indéfini par un plan ayant des
positions différentes par rapport à l'axe. C'est
pour cette raison qu'elles portent le nom de
sections coniques. La construction et les proprié-
tés utiles des deux premières seront exposées aux
articles Ellipse et Parabole.
L'hélice est la courbe figurée par le filet d'une
vis, d'un tire-bouchon. Par cet exemple on entre-
voit l'importance de cette courbe ; mais son étude
sort trop du cadre de l'enseignement primaire
pour que nous jugions à propos d'en parler ici.
Nous nous bornerons à en indiquer la génération.
Qu'on enroule un triangle rectangle de papier
j sur la surface courbe dun cylindre, en appliquant
sur sa longueur l'un des côtés de l'angle droit ;
l'autre côté' de cet angl« s'appliquera sur la cir-
conférence du cylindre, et l'hypoténuse sera trans-
formée en une ligne courbe, qui est précisément
Vhéiice.
Il ne faut pas confondre cette courbe avec la
spirale. Celle-ci est une courbe plane composée
d'arcs dont la convexité diminue, à mesure qu'ils
sont de plus en plus éloignés de l'origine de la
courbe, parce qu'ils sont décrits avec des rayons
de plus en plus grands. (V. Spii^ale.)
Les arcs d'hélice conservent la même courbure,
mais ne sont pas situés sur une surface plane.
Les noms hélice et spirale viennent tous deux
du grec ; ils signifient l'un et l'autre enroule-
ment.
C'est à la même langue qu'appartiennent les
noms des trois autres courbes. Ellipse signifie
défaut, manque; hyperbole, excès; parabole, com-
paraison. Il ne serait pas possible d'expliquer
ici la raison pour laquelle ces noms ont été don-
nés à ces lignes. [G. Bovier-Lapierre.]
COUREURS. —Zoologie, XVIII. — Nom donné
à un sous-ordre de l'ordre des Échassiers, classe
des Oiseaux. 11 comprend les autruchos, les ca-
soars, etc. Blainville a séparé ces oiseaux des
Échassiers, et a érigé les Coureurs en un ordre à
part. (V. Echassiers.)
COURS ET TRIBUNAUX. — V. Justice. V. aussi
Tribunaux au Supplément.
CREDIT FONCIER. — Arithmétique (E. N.), LVI.
1. — Le Crédit f'o7icier est une institution éta-
blie pour servir d'intermédiaire entre les proprié-
taires fonciers et les capitalistes. La Société du
Crédit foncier prête sur première hypothèque, et
pour un temps qui peut varier de 20 à ôO ans,
moyennant une annuité totale qui se compose :
1° Des intérêts à i { pour 100 du capital em-
prunté ;
2° De 60 centimes par 100' pour frais d'adminis-
tration ;
3» De l'annuité nécessaire pour amortir le capi-
CRÉDIT FONCIER — 322 —
tal omprunté au bout du temps fixé par l'acte de
prêt, les intérêts se capitalisant par semestre. 'En
taisant la somme de ces trois parties pour un ca-
pital de 100^ on force le résultat de manière à
compléter un nombre exact de centimes.)
Exemple : Quelle anyiuité un propriétaire foncier
aura-t-il à payer s'il empt-unte 72 000' pour 30
ans ?
Pour 100' il aura à payer :
1° Les intérêts de 100' à 4 i, soit 4',25 ;
2° Les frais d'administration 0',60 ;
3° L'amortissement, exprimé par la for-
mule (V. Amortissement, Annuité) :
CREDIT FONCIER
100'. 0,0425
(l4-(>,02125j6û- 1
-, ou en effectuant : l',679036
Total 6',529t).36
Pour 72 000' l'annuité sera 72') fois plus grande,
ou 4 700', 90, soit 2 3.iU',45 par semestre.
2. — Lorsque la durée du prêt est de 50 ans,
la Société du Crédit foncier offre au choix de l'em-
prunteur une autre combinaison dans laquelle
l'annuité pour HO' est de 5'. Dans le calcul de
l'amortissement, le taux de l'intérêt est alors fixé
à 3,70 p. 100, et les intérêts se capitalisent par
semestre.
L'annuité à payer pour l'amortissement est alors
donnée par la formule :
,' ' ,, -■, ou en effectuant 0',704332
Si on y ajoute l'intérêt
de 100' à 3,70 °/o, ou ■3',7n
on obtient 4',4 04332
Cette somme, retranchée de 5', donne O',59o G68
pour les frais d'administration.
Cette combinaison n'est avantageuse que dans
certains cas de libération anticipée.
3. — L'emprunteur a, en effet, la faculté de se
libérer avant le temps fixé par l'acte de prêt. Nous
supposerons d'abord qu'il s'agisse du premier
mode d'emprunt. La somme que l'emprunteur doit
payer pour se libérer s'obtient en calculant la
portion de capital déjà amortie, et la retranchant
du capital emprunté; mais la Société du Crédit fon-
cier prend en outre un droit de 3 p. 100 sur ce qui
reste pour se dédommager de la perte des frais
d'administration.
Supposons qu'un propriétaire, qui a emprunté
12ii OOO' pour 40 ans. veuille se libérer au bout
de la 25^ année. L'annuité à payer pour amortir
une somme de 100' en 40 ans est donnée par la
formule :
100' . 0',0425
;l,02l2ô;S"— 1
•5 qui donne 0',9709I6.
Au bout de 25 ans, cette annuité a produit un
capital définitif exprimé par :
0',970916 '^(1.02125)°° — 1]
0,04V5
Sur 100' il reste donc à payer
et, en y ajoutant 3 p. 100, ou.,
on obtient
ou 4i',527577
57',47242:!
l'.T24l73
5'.)',190aijG
pour la somme qu'il y aurait à payer si l'emprunt
eût été de 100'; pour un emprunt de 120 000', la
somme à payer sera 1200 fois plus grande, c'est-
à-dire 71 035', 92.
4. — Lorsqu'il s'agit d'un prêt de 50 ans, d'a-
près le 2' mode d'emprunt indiqué au n" 2, le
remboursement anticipé s'opère d'une autre ma-
nière. Le droit proportionnel de 3 p. lOi) sur le
capital non encore amorti est alors réduit à 2 p.
100 ; mais pour se couvrir de ses déboursés la So-
ciété retient en outre une prime calculée comme
suit : on prend le cinquième du capital non en-
core amorti, et on en retranche autant de fois 1,5
p. 100 qu'il y a eu de versements opérés par l'em-
prunteur. Le calcul montre que ce second mode
d'emprunt pour 50 ans n'est avantageux que lors-
que l'emprunteur se libère au bout de 18 ans au
moins. Nous n'insisterons pas sur ce cas trop peu
fréquent.
5. — L'emprunteur peut aussi se libérer par-
tiellement : le chiffre de son annuité se trouve
alors diminué. Mais pour éviter une trop grande
complication dans la comptabilité, la Société n'ad-
met la libération partielle que pour un multiple
de 100'.
Supposons qu'un cultivateur ait emprunté
45n00' pour 40 ans et qu'il veuille se libérer de
9000' au bout de 18 ans. L'annuité à payer pour
amortir 100' au bout de 40 ans est, comme on l'a
déjà vu, de 0',970916; pour amortir 9 000' l'annuité
est donc 90 fois plus grande, c'est-à-dire 87', 38.
Cette annuité, servie pendant 18 ans ou 36 se-
mestres, a produit un capital définitif exprimé
par
87',38[(102125)3e-i] ^^
Il reste dû par conséquent sur les
9000' 6675',€9
et, en ajoutant les 3 p. 100, ou 2it0',18
on obtient pour la somme à payer.. . 6872',87
Quant à l'annuité totale que payait l'emprunteur,
elle se trouvera diminuée d'une quantité facile à
calculer. Pour 100' cette annuité étant de
4',25 -j- 0',G0 -f 0',970916, soit 5',820916 ;
pour 9000' elle était 90 fois plus grande, soit
5"23',8S. C'est de cette quantité que l'annuité sera
diminuée.
G. — En même temps que la Société du Ciédit
foncier prête aux conditions indiquées plus haut,
ses statuts l'obligent à devenir emprunteur à son
tour pour une somme précisément csale. A cet
effet, elle émet de? Obligations for^cières an porteur
(V. Banques). Ces obligatious sont de divers types;
les plus récentes sont des coupures de lO» francs,
rapportant un intérêt de 4 °/o> et remboursables en
50 ans par voie de tirage au sort sans primes.
7. — On pourra proposer aux élèves les exercices
suivants
L — Un propriétaire empninte iOOW pour 37
ans ; quelle annuité devra-t-il payer ?
Réponse : 4 789', il.
IL — Le chef d'mie exploitation agricole em-
prunte 200 00:)' pour 50 ans {d'après le
1" mode); quelle sera l'annuité à payer?
Réponse : l0882',44.
III. — Un cultivateur qui a emprunté 60 000' poi^r
40 ans vei t se libérer au boid de 25 an^ ;
quelle somme aura-t-il à payer?
Fxéponse : 35ol7',96.
IV. — Un propriétaire a empninté 30 000' pour
50 ans (d'à/ rès le 2' mode), et il voudr/iit
se libérer au bout di-. 25 ans; quelle
somme aura-t-il à payer ?
Réponse : 24 60r,56.
V. — Un fermier qui a emprunté 15000' pour 40
ans veut s- libérer de 3000' au bout de
18 ans; qu'aura-t-il à payer, et de com-
bien son annuité ^era-t-elle réduite?
Réponse : 11 aura à payer 2"-90',9G ; et
son annuité sera diminuée del74',G3.
CRISTAL
523 —
CRISTAL
VI. — Un propriétaire qui a emprunté 200 000'
pour 5» ans (d'à près le 2* 7nof/e) veut se
libérer de 40 00U' au bout de 25 ans;
qu'oura-t-il à payer, et de combien son
annuité sera-t-elle réduite?
Réponse: Il aura à payer 32 802', 05; et
l'annuité sera réduite de 2 000'.
[H. Sonnet.l
CRISTAL ET CRISTALLISATION. — V. Miné-
ralogie, p. 1312. — La cristallisation est l'opéra-
tion pendant laquelle un corps prend de lui-même
la forme qui lui est propre, et devient un cristal.
Tant que dure leur état gazeux ou liquide, les
particules d'un corps sont maintenues à un degré
extrême de division ; elles se meuvent avec la plus
grande facilité les unes par rapport aux autres.
Lorsqu'elles passent à l'état solide, elles peuvent
le faire de deux manières : ou bien instantanément ;
elles sont alors saisies brusquement, pour ainsi
dire, dans la position qu'elles occupaient; ou bien
lentement ; c'est la condition la plus favorable à la
cristallisation ; car elles s'orientent les unes par
rapport aux autres, et la masse qui résulte de leur
agrégation revêt une forme extérieure géomé-
trique.
Le sel marin, appelé aussi à cause de ses usages
sel de cuisine, composé de chlore et de sodium,
estsoluble dans leau; une partie d'eau peut dis-
soudre environ 27 fois son poids de sel marin à la
température ordinaire; mais, lorsque l'eau s'éva-
pore, le sel, qui est bientôt en proportion trop
forte, reprend son état solide, et se présente alors
en parallélipipèdes, c'est-à'dire en petits solides à
6 faces parallèles deux à deux et rectangulaires
entre elles.
L'eau elle-même, lorsqu'elle est suffisamment
refroidie, devient solide, et porte le nom de glace.
La glace est cristallisée. Les cristaux qui compo-
sent la neige se montrent souvent groupés en
forme de polygones étoiles, qu'on peut toujours
décomposer en 6 parties semblables.
Du soufre fondu dans un creuset, abandonné à
un refroidissement lent, cristallise aussi : si l'on
perce la croûte solide dans le creuset, avant la
solidification de toute la masse, et si l'on fait écou-
ler par ce trou la partie restée liquide, on voit, en
sciant le creuset, sa paroi intérieure tapissée d'ai-
guilles cristallines, de parallélipipèdes, dont deux
faces très étroites sont obliques sur le prisme
formé par les quatre autres faces. L'arsenic vola-
tilisé peut être sublimé sur des surfaces froides,
et se présente en jolis cristaux qui appartiennent
à ce qu'on nomme en cristallographie le système
rhomboédrique. Le verre n'est pas cristallisé ; les
particules qui le composent sont associées pêle-
mêle, irrégulièrement; aussi le verre ne présente-
t-il jamais naturellement une forme extérieure ré-
gulière. On le taille à facettes, et sous cette forme,
on l'appelle cristal ; mais les verres ainsi taillés ne
sont que des imitations de cristaux. Le caractère
d'un cristal, c'est que non seulement sa forme
extérieure, mais toute sa masse est soumise à un
arrangement symétrique et régulier.
On a pu amener à l'état cristallisé presque tous
les composés chimiques connus. On sait que cha-
cun d'eux peut se présenter sous des aspects très
variés au premier abord ; mais ces formes, quel-
quefois très nombreuses, peuvent toujours, être
ramenées à un type commun dans les échantillons
de même composition chimique, au moyen des
lois suivantes :
1" Les cristaux sont des polyèdres réguliers,
dont les faces sont normalement planes.
2° Ce sont des polyèdres convexes, c'est-à-dire
des polyèdres tels que si on applique un plan sur
une de leurs faces, tout le polyèdre est situé d'un
seul et même coté de ce plan.
3* Si l'on mesure les angles de deux faces dans
une forme déterminée d'une certaine substance,
par exemple du soufre fondu, et refroidi lente-
ment, on voit que cet angle est toujours le môme,
quel que soit l'échantillon sur lequel on le mesure.
Cet angle varie au contraire d'une espèce à une
autre. Le cristal de i-oche ou quartz a la forme de
prismes hexagonaux terminés par des pyramides
à six faces. Dans tous les cristaux de quartz, quelle
que soit leur couleur, quelle que soit leur prove-
nance, l'angle d'une face de la pyramide et d'une
face adjacente du prisme est constamment de
141°, 4T. Dans le phosphate de chaux, appelé
ojDrtfiYe, la forme générale est la même; mais l'angle
d'une face du prisme et d'une face de la pyramide
est de 130", J3', et il a cette valeur dans tous les
cristaux d'apatite. Cette loi de la constance des
angles dans la même espèce est fondamentale.
C'est à Rome de Lisle qu'on en doit l'énoncé.
Les autres lois qui ont élucidé toute la cristal-
lographie ont été formulées nettement pour la
première fois par Hatiy. Elles sont connues sous
le nom de lois de symétrie. Elles suffisent pour
faire comprendre comment toutes les formes ob-
servées dans les corps cristallisés peuvent être
ramenées à six types principaux. L'ensemble d'un
type et des formes qui s'y rattachent en obéissant
à ces lois constitue un système cristallin. En vertu
de ces lois, une des formes du système étant
connue, on peut prévoir toutes les autres. Avant
de les exposer, abordons l'étude des systèmes
cristallins.
Premier système: système cubique. — Le type
est le cube, parallélipipède à faces égales et rec-
tangulaires entre elles. Exemples: le sel marin ou
sel gemme, chlorure de sodium ; la galène ou sul-
fure de plomb ; la fluorine ou fluorure de calcium;
les aluns.
La galène est souvent cristallisée en cubes; sou-
Fig. 1.
Cube tancent à l'ociaèdre.
vent aussi les angles des cubes sont remplacés
par des facettes planes triangulaires (V. figure
du cubo-octaèdre). Le cube a huit angles, et ces
Tétraèdre.
Fij?. 3. — Cube.
huit angles sont tous modifiés; on conçoit qu'il en
doit être ainsi; car il n'y a pas de raison pour
qu'un angle porte une facette plutôt qu'un autre,
puisque dans un cube tous les angles solides à
CRISTAL
524 —
CRISTAL
trois faces sont composés d'angles plans égaux :i
ÎIO". Les angles solides sont semblables. Ils se mo-
difient tous à la fois, et tous de la môme façon. Si
l'on suppose maintenant que les facettes triangu-
laires qu'on voit naître sur les angles ou sommets
du cube se développent davantage, les petits côtés
de l'octogone qui a remplacé chaque face du cube
deviennent de plus en plus longs et les faces du
Fig. 4. — Cubo-octaèdre.
Fig. 5. — Octaèdro-cube.
cube de plus en plus courtes. La figure de l'octaè-
dro-cube nous montre les huit faces placées sur
les angles plus développées; elles se coupent mu-
tuellement et leurs lignes d'intersection dessinent
déjà la forme suivante (fig. de l'octaèdre), tandis
que les faces du cube primitif sont réduites à de
petits carrés. Dans la figure de l'octaèdre, les fa-
céties symétriques enveloppent et masquent les
Fig. 6 —Octaèdre. Fig.7.— Dodécaèdre rhomboïdal.
faces du cube. Les faces de cet octaèdre sont,
comme on voit, également inclinées sur les trois
faces adjacentes concourant à former l'angle solide
du cube qu'elles remplacent. Si au lieu de pose;-
un plan sur l'angle du cube, on le pose sur une
arête ; comme toutes les arêtes ont la même lon-
gueur et correspondent à des angles dièdres de
:90°, égaux entre eux dans le cube, toutes les arêtes
devront porter un plan dans la même position.
Puisque les deux faces qui forment l'arête ne dif-
fèrent en rien l'une de l'autre, le plan devra être
également incliné à droite et à gauclie de l'arête ;
si les douze plans dont chaque arête est ainsi
chargée se rencontrent, ils se coupent quatre à
quatre au-dessus des faces du cube, trois par trois
vis-à-vis de ses angles, et donnent lieu au solide
qu'on appelle dodécaèdre rliomboïdal, parce qu'il
est formé de douze faces, et parce que ces faces
ont la forme de losanges ou de rhombes, comme
l'indique la symétrie (fig. 7).
La méthode que nous avons employée pour
j montrer le passage du cube à l'octaèdre régulier
s'appelle méthode des troncatures; elle repose
uniquement sur l'application des lois de symé-
trie. Ces lois sont des plus simples, elles portent :
1° que toutes les parties semblables d'une forme
se modifient ensemble; 2» qu'elles se modifient
toutes de la même façon. Pour être semblables,
les faces doivent avoir la même forme et la même
étendue ; les arêtes doivent être de même longueur
et correspondre à des angles dièdres égaux ; les
angles solides doivent être formés du même
nombre d'angles plans égaux semblable ment dis-
posés.
La seconde méthode, celle que nous avons appli-
quée pour faire concevoir la formation du dodécaèdre
rhomboïdal, est dite méthode des plans tangents.
Les plans, au lieu d'enlever peu à peu les angles
ou les arêtes, leur sont tangents. Les lois do sy-
métrie sont également la base de cette méthode.
Enfin, il est un troisième moyen de concevoir
les connexions du cube, de l'octaèdre régulier, du
dodécaèdre rhomboïdal. Si l'on mène une droite du
milieu d'une face du cube au milieu d'une face
opposée, comme toutes les faces sont semblables,
et qu'elles sont au nombre de six, il y aura dans
un cube trois de ces lignes qu'on appelle des
axes. Les axes sont, comme il est facile de le voir,
des lignes menées par le centre parallèlement aux
arêtes : ils sont égaux et rectangulaires entre eux.
I/octaèdre régulier n'est pas autre chose que l'en-
semble de huit plans qui rencontrent les trois axes
à des distances égales du centre. Le dodécaèdre
rhomboïdal, c'est un solide formé de douze plans
parallèles à l'un des axes, et coupant les deux au-
tres à des distances égales, en comptant toujours
ces distances à partir du centre.
Le système cubique se compose non seulement
du cube, de l'octaèdre régulier, du dodécaèdre
rhomboïdal. mais encore de formes à :2i ou à
48 faces. 11 est toujours facile de reconnaître
que ces formes appartiennent au système cubique,
fn étudiant la composition de leurs angles solides,
de ceux surtout qui comprennent le plus d'angles
plans, ou mieux encore, en menant, par le centre
du cristal, des axes qui joignent les sommets de
CCS angles solides. On voit aisément qu'une de
ces formes, le cube pyramide, peut être considérée
comme un cube dont toutes les faces seraient sur-
montées de petites pyramides à quatre faces
triangulaires. C'est par les sommets de ces pyra-
mides que passent nos trois axes rectangulaires.
Les quatre angles dièdres qu'on observe autour
de soi, en se plaçant par la pensée dans l'un de ces
axes, sont égaux pour chacune de ces pyra-
mides.
Deux autres formes ont aussi 24 faces ; dans
l'une, nommée traj>é:oèdre, les faces sont des
quadrilatères ayant leurs côtés adjacents égaux
deux à deux ; elles se rencontrent aux e.xtrémités
des axes, autour desquelles elles donnent lieu à
quatre angles plans et à. quatre angles dièdres
égaux. Dans l'autre, les faces sont des triangles
isocèles ; autour des axes, on observe huit de ces
faces ; cette forme est appelée octolrièdre.
Enfin, an système cubique appartiennent encore
les scalénoèdres, composés de 4S faces, qui se cou-
pent liuit par huit autour des axes précédents.
Toutes ces formes peuvent se combiner par
deux, trois, etc.; l'on en observe par conséquent
une grande variété, qu'on peut toujours reconnaître
au moyen des trois axes, et de la disposition sy-
métrique des groupes de quatre angles dièdres
égaux qui les entourent.
Deuxième si/stètne : système qiadp.atujue. — La
8. — Prisme droit
carré.
Fig. 9.
- Octaèdre droit
carré.
forme qui sert de point de départ est celle d'un
prisme dont la hauteur est quelconque, et dont la
base reste un carré perpendiculaire aux faces du
CRISTAL
— 525 —
CRISTAL
prisme ; les arêtes de ce prisme sont encore per-
pendiculaires l'une sur l'autre, mais celles qui en
mesurent la hauteur ne sont plus comme dans le
cube égales aux arèies de la base. Les arêtes de la
base sont semblables, et ne peuvent être remplacées
par des plans les unes sans les autres; comme
elles sont au nombre de huit, on obtient ainsi huit
plans parallèles aux arêtes; ces plans se rencon-
trent en formant deux pyramides à quatre faces,
qui se touchent par leur base commune, et celle-ci
garde la forme d'un carré. Dans une même espèce
minérale ou chimique de ce système cristallin, on
trouve souvent plusieurs octaèdres de hauteurs
différentes. Mais, si l'on calcule les rapports des
hauteurs de ces pyramides à leur base, on voit
qu'ils sont des multiples fort simples les uns des
autres, et que si l'on compare les rapports obte-
nus dans une espèce h ceux qu'on obtient pour une
aiitre, ils sont incommensurables entre eux. Ils
caractérisent donc les espèces.
Les formes de ce système sont des octaèdres,
et deux prismes à base carrée, ceux-ci inscrits l'un
dans l'autre, ou bien des prismes à huit pans,
et des doubles pyramides à huit faces. En joignant
les sommets des angles solides à huit faces de ces
pyramides, on obtient l'axe de la Hauteur, autour
duquel on observe une symétrie par quatre ou
par huit comme autour d'un des axes du cube.
Mais c'est la seule direction qui jouisse de cette
propriété dans le système quadratique. On l'ap-
pelle axe prmcipal ou axe de figure. Si l'on mène
un plan parallèle aux bases par le centre du
cristal, ou par la base commune à quatre ou à
huit faces, on voit que la partie supérieure et la
partie inférieure sont symétriques ; si par l'axe
principal on fait passer deux plans perpendicu-
laires au précédent, et parallèles aux faces du
prisme, ces plans divisent chacun de leur côté le
prisme en deux moitiés identiques.
Les trois axes menés par le centre parallèlement
aux arêtes du prisme primitif sont rectangulaires
entre eux ; deux de ces axes, parallèles aux côtés du
carré, sont égaux; le troisième est différent des
deux autres.
Troisième système : système du prisme droit
A BASE RECTANGULAIRE OU BHOMBIQUE. — Qu'OU SO
rhombique correspond un octaèdre de même sec-
tion ; les faces sont ici parallèles aux côtés d'un
losange qui sont semblables.
En résumé, dans ce système, les formes sont
des prismes ou des octaèdres à base rectangulaire
ou rhombique ; les trois axes sont rectangulaires
entre eux et inégaux; les trois plans menés par
le centre du cristal parallèlement aux arêtes du
prisme rectangulaire le divisent chacun de leur
côté en deux moitiés égales et symétriques ; mais
les moitiés ainsi produites par un plan ne sont
plus égales à celles que produit un autre plan
perpendiculaire au premier, comme dans les sys-
tèmes précédents.
Quatrième système : système hexagonal ou rhom-
BoÉDRiQUE. — Le prisme hexagonal a les plus
ha^ér.
grandes analogies avec le prisme à base carrée ;
il en diffère en ce que sa base est un hexagone, et
que ses faces sont au nombre de six; il faut donc
partout substituer six à quatre. Aussi le système
Fig. 10. — Prisme droit Fig. 11. — Bases des prismes rec-
rectangulaire. [angulaires et rhomboïdaux.
représente un prisme dont les faces sont rectan-
gulaires entre elles, mais inégales; chacune des
arêtes est perpendiculaire au plan des deux autres,
et les trois arêtes diffèrent de longueur. On con-
çoit qu'à chacun des prismes rectangulaires, bien
que les faces n'en soient plus semblables, corres-
pondent des octaèdres, c'est-à-dire des doubles
pyramides, dont les faces n'ont pas la même éten-
due, et dont la base commune est un rectangle
parallèle à celui qui sert de base au prisme. Si
l'on joint les milieux des côtés du rectangle, on
obtient un rhombe ou losange, qui peut servir de
base à un prisme inscrit dans le primitif. Aussi
l'on regarde comme appartenant au même système
les prismes droits h base rectangulaire, et ceux
dont la base est un rhombe ; les côtés du rectangle
sont les diagonales du rhombe. A chaque prisme
Fig. 14. — Prisme
hexaèdre pyramide.
Fig. 15. — iléSastatique.
se compose-t-il de deux prismes hexagonaux ins-
crits l'un dans l'autre, et de doubles pyramides à
six ou à douze faces, dont les bases communes sont
par conséquent des pol3'gones de six ou de douze
côtés, et qu'on appelle dihexaèdres ou didode-
cuèilres.
Les dihexaèdres sont faciles à placer sur le
prisme. Les uns ont leurs faces parallèles à six
arêtes de la base ; c'est aux trois diagonales de
cette base que sont parallèles les faces des autres
dihexaèdres, placées sur les angles solides du
prisme hexagonal. Si l'on suppose que les arêtes
de la base de ce prisme, au lieu de se modifier
toutes les six sur chaque base, ne se modifient que
de deux en deux, en sorte que les arêtes rempla-
cées par des plans alternent avec celles qui ne
le sont pas ; ou, ce qui revient au mèiue, si l'on
suppose qu'une seule face sur deux subsiste dans
un dihexaèdre, double pyramide à six faces, de
telle façon que les faces disparues alternent avec
celles qui sont conservées; ccmme à cause de
cette alternance une face de I? pyramide supé-
rieure ne rencontre plus son opposée à la pyramide
inférieure, mais une face adjacente à celle-ci, au-
trement tournée par rapport à l'axe, les faces qui
CRISTAL
526 —
CRISTAL
ont subsisté dans les deux pyramides se rencon-
trent en biais en formant des arêtes d'intersection
disposées en zigzag. Les deux pyramides se trou-
vent réduites cliacune à trois faces, et l'ensemble
constitue un parallélipipède qui a pour faces six
rhombes égaux, et qu'on appelle un rltomhoèdre.
Souvent on prend le rhomboèdre comme forme
primitive; on voit que c'est un cube, dont les fa-
ces, restant égales, deviennent obliques les unes
sur les autres. Deux de leurs angles solides sont
formés de faces égales, et leurs dièdres sont égaux.
La droite qui joint ces deux angles solides opposés
est égale à l'axe de la hauteur du dihexaèdre,
d'où le rhomboèdre peut être dérivé. Autour de
cete droite on observe la disposition symétrique
des faces et des arêtes par trois. Le rhomboèdre
offre donc autour d'une droite particulière une
symétrie ternaire ; il se rattache par conséquent
au même système général que les dihexaèdres et
les prismes hexagonaux. Mais, comme nous l'avons
dit précédemment, le rhomboèdre n'offre que la
moitié des faces du dihexaèdre ; c'est une forme
hémiédriqtie. Si, dans un didodécaèdre, on supprime
aussi des faces alternativement, mais ici deux sur
quatre, de façon qu'une paire de faces adjacentes
symétriques par rapport à une des trois diago-
nales de la base étant conservée, la paire consécu-
tive ne se développe pas, les faces qui persistent
forment ensemble une sorte de double pyramide
à six faces ; les deux pyramides supérieures se
coupent suivant une surface gauche limitée par
douze arêtes en zigzag; leurs faces sont des trian-
gles scalènes ; on les appelle scnlmoèdres.
Cinquième système : puisme lnioblique ou mo-
noclinique. — Sur un prisme formé de quatre
/"
7
Fig. 16. — Prisme oblique Fig. 17. — Prisme rectangu-
rhombuïdal. laireetrhombuïdaldeprotil.
faces rectangulaires, ou sur le prisme inscrit à
section de losange, plaçons une base qui s'incline
dans une direction, mais dans une seule, d'arrière
en avant, par exemple, de façon par conséquent à
rester encore également inclinée à droite et à
gauche : nous aurons un prisme monoclinique ou
unioblique. Si la base est rectangulaire, un des
côtés de cette base est incliné d'arrière en avant
comme la base elle-même dont il montre la pente,
l'autre côté est perpendiculaire au précédent
comme côté d'un rectangle ; il reste horizontal,
puisque le rectangle ne penche pas plus à gauche
qu'à droite. Mais le prisme étant rectangulaire,
deux de ses faces étant dirigées latéralement, les
deux autres se trouvent l'une en avant, et la qua-
trième en arrière ; le côté horizontal de la base
est perpendiculaire aux faces latérales du prisme
et à ses arêtes verticales. Si donc, par le centre
du cristal, on mène trois axes, l'un vertical, le se-
cond parallèle au côté incliné du rectangle qui sert
de base, le troisième, parallèle au côté horizontal
de ce rectangle, est perpendiculaire aux deux au-
tres axes. Ou dit que dans ce système il y a trois
axes inégaux, dont l'un est perpendiculaire au plan
des deux autres. Si, au lieu de prendre le prisme
rectangulaire pour point de départ, on choisit le
prisme rhombique inscrit, les axos sont, le premier
vertical, et les deux autres parallèles aux diagonales
du rhombe inscrit dans le rectangle.
Les octaèdres, les prismes, toutes les formes
de ce système présentent toujours ce caractère,
qu'on peut mener par leur contre un plan qui les
divise en deux moitiés symétriques. Un seul plan
jouit de cette propriété ; on l'appelle plan de
si/inétrie. C'est le plan auquel la base est perpen-
diculaire. Il n'y en a qu'un, puisque dans les au-
tres directions la base est oblique.
Sixième système: système bioblique. — Ici, la base
s'incline, non seulement d'arrière en avant, mais
de gauche à droite, ou de droite a ga-iche. Aussi
aucune des faces du parallélipipède qui sTt de
point de départ n'est perpendiculaire aux autres.
On ne trouve plus de plan de symétrie.
De l'hémiédkie. — Nous avons dit que dans un
cube ou dans un prisme à base carrée, tous les
angles solides doivent être modifiés en même
temps. Dans certains cristaux un angle sur
deux seulement est remplacé par une face, et
les angles ainsi modifiés alternent avec ceux qui
ne le sont pas. C'est ce qu'on observe fréquemment
sur les cristaux de boracite (borate de magnésie).
Quatre angles du cube portent seuls des facettes,
et celles-ci, en se développant assez pour se ren-
contrer, donnent lieu au tétraèdre régulier (fig. 2)
ou pyramide triangulaire, dont la base est égale
aux faces. Le cuivre gris (sulfure d'antimoine, de
cuivre et autres bases) cristallise sous cette forme.
En joignant les milieux des arêtes qui se croisent,
on retrouve les axes du cube. Dans la pyrite (bisul-
fure de fer), la forme la plus ordinaire est celle
d'un solide à douze faces, qui sont elles-mêmes
des pentagones. On démontre facilement que ce
solide est la forme hémièdrc d'un cube pyramide ;
les cubes pyramides ont, comme nous l'avons vu
plus haut, vingt-quatre faces; en ne prenant qu'une
sur deux de leurs faces, suivant la loi d'alternance
que nous avons déjà indiquée, on obtient le dodé-
caèdre pentagonal. Les octaèdres à base carrée,
les octaèdres à base rhombique peuvent aussi se dé-
doubler d'une manière analogue en solides à
quatre faces ou tétraèdres. Mais dans ces solides
on peut toujours retrouver les systèmes d'axes de
symétrie qui caractérisent le système cristallin
auquel ils appartiennent.
Quant à la cause qui produit cette hémicdrie,
elle provient de ce que les parties d'un cristal,
pour être semblables, doivent présenter la même
structure intime, et non pas seulement la même
forme extérieure. Delafosse a montré qu'un cube
peut être composé d'éléments d'une autre forme,
de tétraèdres par exemple, qui auraient tous leur
hauteur dirigée vers le sommet d'un angle solide
et leur base appliquée sur le sommet de l'angle
opposé. Les angles opposés du cube qui en ré-
sultent ne sont donc plus réellement semblables ;
ils le sont en apparence dans le cube, parce que
les particules élémentaires en sont trop petites
pourqu'onen puisse apercevoir la véritable forme.
Au mot Minéral, nous exposons les causes de
l'harmonie qui existe entre ces caractères de sy-
métrie cristalline et les caractères physiques, tels
que la pyro-éleciricité, la polarisation rotatoire, etc.
IsoJioRPHissiE et DiMORPHisME. — Certaines subs-
tances ont des formes presque identiques. Le mi-
nerai d'argent appelé argent rouge (sulfure d'an-
timoine et d'argent), et le calcaire ou carbonate
de chaux rhomboédrique, cristallisent en rhomboè-
dres, dont les angles sont très voisins les uns des
autres ; mais l'on ne peut pas encore s'expliquer
ces analogies de formes dans des matières de com-
position si différente. Il en est autrement lorsqu'il
s'agit de matières analogues au point de vue de
leur constitution chimique en même temps qu'au
point de vue de leurs formes. Les carbonates de
chaux, de magnésie, de fer, de manganèse et de
zinc, par exemple, appartiennent au même type
chimique ; un équivalent du môme acide carboni-
que et un équivalent de base, tels en sont les clé-
CRITIQUE
— 527 —
CRITIQUE
ments, de façon que ces carbonates ne diffèrent les
uns des autrps que par leur métal ; et ces métaux,
le fer, le manganèse, le zinc, en particulier, se
remplacent en" général assez facilement. Ces car-
bonates ont des formes qu'on peut dériver d'un
rhomboèdre, dont les faces font entre elles des
angles qui ont pour limites extrêmes : 105°5'
^calcaire) et 10"''40' (carbonate de zinc). Les
substances qui ont cette double analogie de forme
et de composition chimique sont dites isomor-
phes.
Le dimorphisme esi un phénomène inverse. Une
même substance peut offrir quelquefois des formes
très différentes, suivant les conditions où elle cris-
tallise. Le carbonate de chaux, par exemple, se
présente en rhomboèdres (calcaire) ou en prismes
droits à base rhombique (aragonite) ; le soufre, quand
on l'a dissous dans le sulfure de carbone, se dé-
pose après l'évaporation du dissolvant sous la forme
d'octaèdres droits à base rhombique, tandis que le
soufre obtenu cristallisé après fusion se présente,
comme nous l'avons dit, en prismes, dont la base
est oblique sur les pans.
Mesure des angles. — On mesure les angles diè-
dres des formes cristallines au moyen d'instru-
ments appelés goniomètres. Les uns, goniomètres
d'application, consistent en deux alidades, espèces
de branches de compas, mobiles l'une sur l'autre,
en même temps qu'autour d'un bouton qui sert de
centre à la rotation. Les deux alidades sont appli-
quées sur les faces de l'angle dièdre du cristal,
dans un plan perpendiculaire à l'arête du dièdre;
on les porte ensuite sans en changer l'écartement
sur un cercle divisé ou rapporteur, au centre du-
quel se place le bouton des alidades. On lit sur
ce cercle divisé l'angle des alidades ; c'est l'angle
plan qui mesure le dièdre cherché.
Les goniomètres qu'on appelle à réflexion per-
mettent d'évaluer les angles dièdres à une minute
près. On regarde sur les deux faces de l'angle dièdre
qu'on mesure, et qui sont en général assez bril-
lantes pour fonctionner comme de petits miroirs,
l'image d'une ligne ou d'un point lumineux éloi-
gnés, de l'extrémité d'une flamme vive, par exem-
ple. Pour amener successivement les deux faces
dans la position où elles montrent l'image du point
lumineux, il faut tourner le cristal d'un certain
angle, qu'on mesure au moyen d'un cercle divisé
muni d'un vernier. L'arête du dièdre doit être bien
perpendiculaire au plan du cercle divisé ; elle doit
passer par son centre. Les images qu'on regarde
sur les faces du cristal sont amenées l'une
après l'autre à un même point de repère ; tout
cola est réalisé dans l'appareil imaginé par Wol-
laston.
Groupement. — Nous avons dit, au commence-
ment de cet article, que les cristaux sont des po-
lyèdres convexes ; ils ne peuvent donc présenter
aucun angle rentrant; il en est cependant qui of-
frent des angles de cette sorte ; mais ce sont des
cristaux groupés. En effet, deux cristaux, en se
produisant au contact l'un de l'autre, se gênent
mutuellement, et ne se développent que dans leur
moitié libre. Souvent il arrive qu'ils se placent en
face l'un de l'autre, dans la même position qu'un
objet et son image vue dans un miroir. Un plan
qui s'abaisse vers un miroir paraît remonter de
l'autre côté, en sorte qu'il y a entre l'objet et- son
image angle rentrant.
Enfin les cristaux sont souvent allongés dans une
direction particulière, bien que les angles de leurs
faces ne changent pas ; en même temps qu'ils s'al-
longent, ils peuvent se grouper en masses fibreu-
ses, en boules, en bandes, en spirales, etc.
[Edouard Jannettaz.]
CRITIQUE . — Littérature et style, 'VIL — La
critique (du grec kritikè, art de juger) est cette
appréciation réfléchie qui, dans les œuvres littérai-
res, discerne le vrai du faux, le spécieux du solide,
les beautés des délauts, motive ses arrêts, et juge
les écrivains par le blâme ou la louange.
Elle exige des conditions ou des aptitudes qui
intéressent l'intelligence, la sensibiliLé, la cons-
cience.
Avant tout, elle suppose la rectitude de l'esprit,
une raison nette, qui, cultivée par les modèles, et
guidée par un idéal, sache démêler le fort et le
faible des talents, traite chacun selon ses mérites,
récompense les uns par son estime, avertisse les
autres par d'équitables censures, concilie la tradi-
tion et le progrès, modère ceux-ci. anime ceux-là,
et contribue ainsi à former un public d'élite, à re-
dresser les écarts de l'opinion, à devenir son guide
prudent et libéral.
Pour y réussir, il ne suffit pas d'être instruit,
éclairé, judicieux. A l'excellence des doctrines, à
l'étendue de l'érudition, à la valeur des principes
ou à la sûreté des aperçus, il convient d'allier en-
core la faculté de sentir vivement, et de commu-
niquer l'émotion. Car l'ennui que propage une
parole sèche et froide rend toute leçon stérile. Il
faut donc trouver en soi les sources de l'éloquence,
pour être digne de l'admirer ; et comme disait
Vauvenargues, il est nécessaire d'avoir de l'âme
pour avoir du goût.
La passion du beau, l'intuition rapide qui com-
prend tout par instinct et par expérience, cette
clairvoyance qui distingue toutes les nuances du
sentiment ou delà pensée, la pénétration d'un re-
gard qui cherche l'homme sous l'auteur, la finesse
du pinceau qui fixe l'expression des physionomies,
le sens psychologique do moralistejoint à l'habileté
du peintre, une sympathie hospitalière pour toutes
les formes de l'art, la tolérance d'un goût géné-
reux qui n'a rien d'exclusif, et fait cordial accueil
aux inépuisables variétés de l'esprit humain •• tels
sont ici les principaux signes de vocation.
Mais à ces dons de la nature et de l'étude s'ajou-
teront les devoirs d'une responsabilité sociale. Car
cette magistrature qui s'exerce sur les livres, et
porte sur le fond comme sur la forme, doit avoir
souci de son influence ; elle ne sera donc pas seu-
lement un jeu de la fantaisie individuelle.
Nous entendons par là que ce ministère péril-
leux oblige celui qui le pratique. Nous lui deman-
dons des garanties de bonne foi, le culte de la
justice, une impartialité souveraine, et une indé-
pendance supérieure à tout soupçon de parti pris,
de prévention^ de préjugés, à plus forte raison de
complaisance, de dénigrement ou d'intérêt. Il ne
mentira donc jamais à sa conviction. Il ne sera
pas flatteur pour ses amis, malveillant pour ses
ennemis. Etranger à la faveur ou à l'envie, heu-
reux des succès d'autrui pourvu qu'ils soient légi-
times, résolu à n'être ni adulateur ni détracteur,
il aura l'autorité de l'honnête homme, dont le
caractère commande le respect.
Enfin, quand on prétend décider sur les talents,
il est bon de n'être pas un écrivain médiocre qui
se réfugie dans la critique par impuissance. Au-
trement, nous aurions droit de récuser un juge
qui se discréditerait par son stjie.
Revue historique. — Antiquité. — C'est ce que
démontre l'exemple des maîtres qui ont élevé la
critique à la hauteur d'un art égal à tous les
autres.
Ici, comme ailleurs, les anciens, et surtout les
Grecs, ont été des précurseurs, ou plutôt des ins-
tituteurs pour les âges suivants.
Sans insister sur des temps lointains, et des mo-
numents inspirés par des besoins ou des mœurs
qui ne sont plus les nôtres, nous ne pouvons ce-
pendant omettre un nom devenu classique,
celui d'Aristote, qui régna si despotiquement
sur notre théâtre. Pour ce génie encyclopédique,
pour ce profond penseur calomnié par ses pré-
CRITIQUE
— 528 —
CRITIQUE
tendus disciples, l'cloquencc et La poésie furent,
comme la nature et lame humaine, un objet d'é-
tude vraiment scientifique. Car il définit les règles
de chaque genre, et il remonta par une logique
merveilleusement déliée aux principes mêmes qui
gouvernent tous les procédés de l'invention. Les
yeux fixés sur les chefs-d'œuvre incomparables
que la patrie des Muses ofi"rait à son observation,
il dégagea de ces exemplaires parfaits les lois que
la raison impose à l'imagination. Aussi ne faut-il
pas s'étonner qu'il ait régné longtemps sur l'es-
prit humain dont il avait analysé tous les ressorts.
Regrettons seulement que ce philosophe ait été
compromis soit par la subtile barbarie du moyen
âge, soit par le pédantisme tyrannique des docteurs
qui firent peser sur Corneille le joug de sa poétique
mal comprise.
Renaissance. xvi« siècle. — La critique n'existe
pas au berceau d'un peuple ; car sa langue s'ignore,
et en est encore aux bégaiements de la première
enfance. Pour que le goût s'éveille il faut attendre
l'âge déraison. Aussi ne nous attarderons-nous pas
à l'époque pourtant si intéressante qui précéda le
XVI' siècle. Sans être de ceux qui voient des landes
arides dans ce sol plantureux où plongent les ra-
cines de l'esprit français, nous pensons que les
purs lettrés y sont fort dépaysés, h moins d'avoir
la curiosité du philologue ou de l'historien.
La Renaissance même compta peu de critiques.
Elle adorait trop les anciens pour oser les juger,
et dédaignait trop les modernes pour en faire une
sérieuse étude. En dehors des Essais de Montaigne,
ce fantaisiste qui touche à toutes les questions, et
les résout en se jouant par un bon sens charmant
comme le caprice d'une haute raison, nous ne
mentionnerons que le manifeste lancé par le poète
Du Bellay, sous ce titre : Défense de la langue fran-
çaise (1549). Bien des idées justes sont exprimées
avec une verve belliqueuse dans ce programme, où
un disciple de Ronsard enseigne avec une sorte
d'enthousiasme l'art de concilier l'imitation et l'in-
vention, d'enrichir le vocabulaire, et d'égaler les an-
ciens, sans renier le génie national. Il y eut là une
impulsion donnée à une société littéraire qui s'as-
soupissait dans la routine ou l'ignorance. Ce fut
le signal d'un avènement pour l'ode, l'épopée, la
tragédie, en un mot pour les genres relevés qui
n'avaient pas encore droit de cité parmi nous.
Quant à Malherbe, qui vint enfin, comme dit Boi-
leau, ce « tyran des syllabes » fit aussi œuvre criti-
que, et des meilleures, puisqu'il façonna l'instru-
ment d'où Corneille tirera des accords sublimes, et
Racine des accents mélodieux. Grammairien et pé-
dagogue jusqu'au dernier soupir, il institua la pu-
reté de la langue française, et réconcilia le vers
avec l'harmonie, la rime avec la raison. Ce fut
ainsi qu'il prépara le grand siècle, qui apprit de
lui le choix du mot propre, la sobriété de la pen-
sée, la convenance des images et la rigueur d'une
prosodie sévère.
xvii' SIÈCLE. — Bienheureux sont les âges où la
critique n'est point cultivée comme une spécialité
qui finit par être envahissante ! Car c'est un signe
de puissance créatrice.
Tel fut le siècle de Louis XI"V. Toutefois, avant
l'apparition des inventeurs, il y eut un travail
d'épuration préliminaire qui tendit à substituer la
discipline à l'anarchie. On y réussit même plus
qu'il ne convenait, et le purisme faillit tout gâter;
témoin l'Hôtel de Rambouillet où les « précieuses »
se livrèrent à d'interminables discussions sur le
vocabulaire. Si ce petit cercle d'élite donna comme
un vernis d'élégance et une fleur de politesse à ce
qu'on appelait le beau langage, il encouragea
trop l'afféterie de ces ruelles et de ces alcôves
où l'on n'était admis qu'à condition de connaître
le grayid fin, le fin du fin. Mais le bon sens de
Molière coupera court à ces ridicules.
En dehors des salons, l'Académie fut un tribu-
nal officiel qui contribua singulièrement à instau-
rer ou maintenir les principes du goût et les tra-
ditions de l'esprit français. Pourtant elle eut le
tort, dans le procès du Ci'l, de prendre parti pour
la médiocrité prudente et jalouse contre les fécon-
des hardiesses du génie.
Si nous voulons rencontrer alors des jugements
définitifs, prononcés avecune autorité qui s'impose,
allons droit aux grands classiques dont la parole
a force de loi.
C'est ainsi que Corneille, dans VExamen de ses
propres tragédies, les apprécie avec un désinté-
ressement et une candeur d'équité qui nous font
aimer et admirer son cœur et son caractère.
C'est ainsi que La Bruyère, dans son discours de ré-
ception, trace le portrait de La Fontaine, deBoileau,
de Racine, de Fénelon, deBossuet, et dicte à la posté-
rité l'hommage qu'elle confirmera. Son chapitre
sur les Ouvrages de l'esprit contient aussi des
maximes qui ont la portée d'un axiome, des cen-
sures qui demeurent sans appel, et des éloges qui
témoignent que le génie doit être jugé par ses
pairs.
Parmi les illustres, comment oublier Fénelon,
qui de tous fut encore le plus délicat? Dans ses
Dialogues sur l'éloqtience {1686";, il réforma l'élo-
quence de la chaire, et la délivra des servitudes
scolastiques. A la froideur, à la recherclie, au vain
souci de plaire, il oppose l'idéal du vrai, du simple,
du naturel et de l'aimable, se conciliant avec la
sévérité du ministère évangélique. Dans sa Lettre
à l'Académie (1715), charmant opuscule qui est
comme son testament littéraire, il traite sans ap-
prêt du dictionnaire, de la grammaire, des moyens
d'enrichir la langue, de la rhétorique, de la poé-
tique, de la tragédie, de la comédie, de l'histoire,
de la querelle des anciens et des modernes, en
un mot de toutes les questions qui intéressent le
goût, et cela sous la forme d'une causerie libre et
familière qui rappelle par l'esprit ou la grâce les
Dialogues de Cicéron, ou les Épitres d'Horace.
Il y aurait plaisir à le prouver par quelques dé-
tails d'analyse. Faute d'espace, bornons-nous à
dire que, par son amour des nouveautés, par
l'éveil d'une intelligence prompte aux pressenti-
ments d'avenir et franche de toute entrave, Féne-
lon est tout voisin de nous, et le plus moderne de
nos anciens.
Mais Boileau reste encore celui qu'il faut signa-
ler au premier rang. Car sa raison passionnée pour
le vrai ne cessa pas d'exercer une sorte de police
dans la république des lettres.
De 1660 à 1608, il combattit à outrance les mé-
chants poètes, pour faire place aux bons. En pros-
crivant les fades imitateurs de l'Espagnt ou de l'I-
talie, il rendit la France à elle-même, et fut comme
un libérateur de son territoire littéraire. Bref, il
chassa du Parnasse tous les intrus qui le désho-
noraient.
De 1669 à 1677, maître du champ de bataille,
il laissa reposer ses armes; et, dans son Art poé-
tique (1674), il propiulgua un de ces codes dont
quelques articles peuvent devenir lettre morte,
périmés qu'ils sont par d'autres besoins, mais dont
l'ensemble se soutient sur des assises durables.
Bien que le temple soit trop étroit, il est d'une
architecture toute française, et mieux vaut l'ad-
mirer que le renverser.
Même en publiant le Lutrin, où il relevait le
plus humble sujet jusqu'à la noblesse de l'épopée,
Boileau donnait encore une leçon de goût aux
partisans du burlesque, à ces profanateurs qui ra-
valaient de grands noms jusqu'aux misères de la
parodie.
En résumé, cet honnête homme, malgré ses
boutades d'intolérance, et quelques lacunes, fut
aussi cordial et infaillible dans l'éloge que sincère
CRITIQUE
529 --
CRITIQUE
et ingénieux dans la satire. C'est le plus vif des
lettrés sérieux, et le plus agréable des censeurs :
C'est a-voir profité que de savoir s'y plaire.
XVIII» SIÈCLE. — Au xviiie siècle, la critique
gagna tout le terrain que perdait l'invention.
A mesure que s'épuisèrent les sources de l'ori-
ginalité, la réflexion prit de plus en plus posses-
sion de ces domaines vacants. En même temps,
le principe d'autorité s'afifaiblissant de jour en jour,
les horizons s'élargiçent, et la liberté d'examen
eut ses coudées franches.
Déjà, sous la contrainte d'un règne trop despo-
tique, le scepticisme érudit de Bayle, le caprice
épicurien de Saint-Evremond, et la fine ironie de
Fontenelle avaient été comme les préludes d'une
émancipation prochaine.
Elle fut victorieusement accomplie par Voltaire,
qui, touchant à tout, abordant toutes les idées,
s'essayant à tous les genres, ne pouvait manquer
d'èire un critique, parce qu'il était universel. Ce
fut donc un des titres glorieux de ce grand homme
qui domina son siècle, et remplit le monde de sa
bruyante renommée. Mais ne demandons que des
pages éparses à cette irritable sensibilité qui pre-
nait feu sur toute question, à cette intelligence
rapide et vive dont le bon sens effleurait les sujets
les plus divers. Il serait précieux de recueillir
la fleur de ces jugements exquis, improvisés au
jour le jour par une verve étincelante, surtout
dans cette Correspondance incomparable, qu'on
pourrait appeler une encyclopédie familière.
Toutefois, disons que son goût fut un peu ti-
mide, du moins lorsqu'il railla si durement les
sauvageries de Shakespeare. Ajoutons que, s'il ex-
celle quand il veut être impartial, il admira inéga-
lement Corneille dont la simplicité sublime le dé-
passait.
Dans son voisinage, des disciples qui faisaient
alors grande figure, et sont aujourd'hui de minces
personnages, continuèrent la tradition classique,
mais en l'énervant par la routine. Distinguons seu-
lement Marmontel, le collaborateur de d'Alem-
bert. Ses articles réunis sous ce titre : Eléments
de littérature, devinrent un répertoire judicieux,
mais froid et commun, où un rhéteur habile ré-
péta, sans originalité, les leçons des anciens.
A ces traités dogmatiques nous devons préférer
les essais de Grimm et de Diderot. L'un, dans sa
correspondance avec les cours d'Allemagne, inau-
gura le feuilleton littéraire. L'autre, peu capable
de suite et de tenue, sut tracer en courant de
brillantes esquisses. Intelligence prodigue jusqu'à
l'excès, il créa la critique d'art dans ses Salons
de peinture; et, dans les pages qu'il dispersait à
tous les vents, il sema bien des idées qui allèrent
germer ailleurs, même au delà du Rhin, où elles
furent recueillies par Gœthe et Lessing.
Enfin, saluons le chef du chœur, la Harpe, qui,
le premier, entreprit de dérouler l'imposant ta-
bleau delà littérature ancienne et moderne. C'était
une haute ambition, mais à laquelle manquait trop
le sens historique. Il s'arrêta aux surfaces, et ses
commentaires académiques ne pénétrèrent jamais
jusqu'au cœur de l'homme ou de la société. Les
préjugés d'école pesèrent aussi dans la balance de
sa critique, du reste judicieuse.
Toutefois il y aurait ingratitude à ne pas estimer
en cet aristarque l'admirateur éclairé de notre
théâtre. Corneille, Racine, Molière et Voltaire
n'avaient pas encore eu d'interprète plus sûr. Sans
doute son érudition est légère, il ignore le moyen
âge et le xvi' siècle ; il eut aussi trop de morgue,
il déplaît par le ton tranchant d'un docteur et les
allures hautaines d'un dictateur; mais il apprécia
sainement ses contemporains ; et, quand il châtia
des vanités turbulentes, on doit applaudir aux exé-
cutions dont il eut le courage.
2* Paktie.
Avec lui finit une école qui avait l'endu bien des
services, mais allait dégénérer, en attendant qu'elle
s'accommodât aux besoins d'un esprit nouveau.
RÉVOLUTION. — Quand des troubles profonds
agitent une société, les plaisirs désintéressés de
l'esprit ne sont plus de saison. Aussi la culture
des élégances fut-elle brusquement interrompue
par l'explosion de la crise salutaire qui ouvrit
comme un abîme entre deux mondes. Parmi tant
d'émeutes, de coups de force, de guerres civiles
ou étrangères, quand l'avenir était aussi incertain
que le présent orageux, on ne pouvait songer aux
agréments qui sont le luxe du loisir, et de la paix.
La France avait alors mieux à faire qu'à disserter,
sur des questions de goût; et, si les voluptés lit-
téraires furent perdues pour un jour, on retrouva
ce qui était plus précieux, la virilité des caractères,
les accents d'une éloquence militante, le vrai souci
des intérêts publics, le franc-parler, les émotions
de la tribune et du forum. Alors on n'avait pas be-
soin de beaux esprits, mais de citoyens et de soldats.
Reconnaissons pourtant que le vocabulaire des
clubs fit trop oublier celui des salons et des aca-
démies. Déplorons aussi les excès qui affligèrent
les amis de la liberté, et cette anarchie sanglante
de la Terreur qui faillit corrompre la langue comme
les notions du droit et du devoir.
Lorsqu'après thermidor la France reprit cons-
cience d'elle-même, on s'étonna de voir que l'inof-
fensive poétique de l'ancien régime restait seule
debout, défiant le flot qui avait tout renversé.
L'heure n'était pas encore venue où la Révolution
devait produire sa littérature, et par suite sa cri-
tique. L'Empire et son ciel inclément allaient retar-
der la maturité de ces fruits.
Empire. — Sous le règne de l'épée, le droit de
juger les talents fut la seule liberté laissée au
pays. Encore nous paraît-elle très précaire I Cepen-
dant, faute de mieux, il fallut s'en contenter. Les
discussions littéraires eurent donc un attrait uni-
versel pour un public sevré brusquement des dé-
bats politiques. Dans ce vaste silence, tout faisait
bruit, même les livres les plus médiocres, et qui
aujourd'hui meurent tout seuls. Alors, les aristar-
ques taillaient leur plume pour les immoler. Il ne
se produisait pas une traduction sans susciter des
milliers de notices ou de comptes rendus. Toutes
les cloches sonnaient même pour un almanach.
Une simple préface obtenait les honneurs d'une
analyse ou d'un examen. Les lieux communs les
plus rebattus avaient une saveur de nouveauté
pour cette société convalescente dont la mémoire,
afiTaiblie par une sorte de fièvre cérébrale, semblait
avoir oublié les notions élémentaires de l'enfance.
De là une curiosité avide d'enseignement. Loin
d'en sourire, nous serions tentés plutôt d'éprouvet
une sorte de compassion sympathique pour cer
grands écoliers qui recommençaient si vaillammens
leurs études et voulaient trouver dans leur journal
môme un instituteur.
La critique fut donc un asile pour les rares hu-
manistes qui survivaient encore, et dont le talent,
en quête d'emploi, ne voulait pas se brouiller avec
la censure.
Entre tous se distinguèrent quatre écrivains qui,
doués d'aptitudes diverses, travaillèrent à la même
œuvre, à la restauration de ce qu'ils appelaient
les bons principes et le goût. Nous voulons par-
ler de Geoffroy, Hofi'mann, Dussault et de Félctz,
Ils firent campagne, sous un commun drapeau,
contre les idées fausses et le mauvais style. A
mesure que le terrain politique devint plus étroit,
les gazettes élargirent leur cadre littéraire, et
tâchèrent de regagner ainsi l'attention des lecteurs.
Les Débuts furent le quartier-général de ces inno-
centes controverses, qui se tournèrent parfois en
luttes ardentes, soutenues au nom de la tra'Htion
classif/ue.
34
CRITIQUE
— 530
CRITIQUE
Sans esquisser la physionomie des cliampions
enrôles dans cette croisade, avouons qu'il n'était
pas mauvais d'inaugurer comme un cours de rhé-
torique h l'usage des générations que la tourmente
avait dispersées, loin de tout centre d'études, dans
l'exil ou dans les camps.
De ce besoin procède cette critique toute ver-
bale qui épluche les phrases, pèse les mots,
discute le choix des épithètes, chicane sur la pro-
priété des termes, ergote sur des constructions
grammaticales, relève des néologismes, s'appesan-
tit sur les minuties de la diction, enfin monte en
chaire pour régenter, férule en main.
Mais hâtons-nous d'ajouter que ces docteurs de
collège sentent à la fois le professeur et l'élève.
Ils ont de l'un la morgue, de l'autre la docilité pa-
resseuse. Ils ne vont guère au delà des ingrates
questions de forme. Ils ne se doutent pas des
sources vives. Ils énervent les imaginations par
leur timidité. Ils ne livrent pas de batailles qui
fassent avancer les idées. Infatués d'un vain savoir
et esclaves de la routine, ils vivent sur un fond de
doctrines convenues, de formules stériles, de
règles contestables ou mortes. Ils ont perdu le
sens des grands modèles qu'ils adorent des lèvres,
et non du cœur. Leur orthodoxie n'est qu'une su-
perstition. Leur goût n'est que du dégoût. On sait
d'avance leurs phrases toutes faites. On sent venir
leurs tirades. S'ils aperçoivent la paille qui est
dans la plume de leurs justiciables, ils ne voient
pas la poutre qui est dans celle dont ils se servent.
Même quand leur jugement est sain, la médiocrité
native de leur prose les déconsidère.
Bref, cette critique, sauf exception, a les travers
de la vieillesse. Idolâtre du passé, elle est ennemie
de l'avenir. Elle s'enferme dans ses dogmes
comme dans une forteresse, sans vouloir faire un
pas au dehors, sans regarder le grand jour et l'air
libre autrement que par des meurtrières. Au
lieu d'encourager les indépendants, elle a horreur
de l'originalité. Elle ne fut qu'un pédantisme im-
puissant.
Dix-neuvième siècle. — Le.'; novateurs. — C'est
qu'à la France nouvelle, datant de 89, il fallait un
art nouveau.
Ce bienfait,' nous en sommes, en grande partie,
redevables à deux nobles intelligences alors ri-
vales, mais depuis réconciliées par leur illustra-
tion, à Chateaubriand et à M™" de Stacl, qui eu-
rent la gloire do ranimer une flamme éteinte, et
de propager un souffle inspirateur.
Oui, tous deux, partis d'origines opposées, se
rencontrèrent en une même pensée d'affranchis-
sement. Tous deux, par leurs exemples comme
par leurs doctrines, rendirent la vie à une litté-
rature qui se mourait d'inanition, et dont le sou-
venir ne rappelle plus aujourd'hui que des procédés
mécaniques, des corps sans âmes.
Avocat chevaleresque de toutes les causes gé-
néreuses, au moins par l'imagination et le cœur,
toujours dévoué à la liberté parmi les vicissitudes
de sa fortune politique, Chateaubriand soupçonna
cette critique féconde qui ne s'enchaîne à aucun
système, contemple le beau sous toutes ses formes,
y cherche les variétés mêmes de l'esprit humain,
et vivifie l'histoire des livres par celle des mœurs
et des institutions. C'est ainsi psir exemple qu'il
découvrit les beautés poétiques du moyen âge,
et fit jaillir d'un sol desséché tant d'autres
sources où le romantisme s'abreuva jusqu'à l'i-
vrosse.
Nous devons une égale Teconnaissance à
Mnio de Staël, dont le génie sympathique eut
toutes les inquiétudes de la pensée moderne, et
donna le signal d'une renaissance aux explorateurs
qu'elle conviait à la découverte de l'éloquence, de
la poésie, de l'histoire et de l'art. Elle fut leur
interprète et leur guide par rcn;lhousiasme d'une
foi communicative, et toujours passionnée pour la
liberté.
Publiées en 1800, ses Considéraiiona sur la lit-
térature furent un événement, même dans Je voi-
sinage de Marengo. Elle y trace, avec l'optimisme
d'un zèle patriotique, tout un programme de con-
quêtes littéraires qui allaient étendre les frontières
de l'esprit français. Pour la première fois elle dé-
montre que les œuvres de la plume sont l'expres-
sion d'un milieu social; et, tout en éclairant le
passé d'une subite lumière, elle ouvre par un
instinct prophétique les perspectives du lende-
main. Il y a là des idées mères qui ont la vertu
d'un principe, et ressemblent à ces hauteurs au pied
desquelles jaillissent les grands fleuves. Si elle ne
résout pas toutes les questions, elle les soulève.
D'autres aborderont aux rivages qu'elle entrevoit
à travers la brume. Croire au progrès, c'est le
préparer. En le désirant, elle le rendit possible.
Bien que l'Empire donnât de cruels démentis à
ces espérances, elle ne les abdiqua pas en face
des mécomptes publics ni de la persécution. Son
salon de Coppet, où la relégua le plus injuste exil,
devint une sorte d'Académie cosmopolite, d'où
rayonna son influence, en dépit de la police qui
mit au pilon son li^Te sur V Allemagne. Si aujour-
d'hui le portrait qu'elle traçait de la poésie d'ou-
tre-Rhin nous semble à bon droit trop flatteur, sa-
chons pourtant admirer jusque dans ses illusions
cette initiative qui offrait à notre émulation les
monuments trop ignorés de la littérature étrangère.
C'était faire brèche dans cette muraille de Chine
qui nous séparait de nos voisins. A lui seul, ce
service recommande la mémoire de l'auteur de
Corinne, et oblige notre gratitude.
Les maîtres contemporaiîis. — Tant de germes
semés à tous les vents ne tardèrent pas à éclore
au premier rayon de soleil, sous la tutelle des
institutions parlementaires qui donnaient enfin
une voix à la tribune. La critique tendit de plus
en plus à devenir un art et une science, qui se
confondit avec la morale, la politique, la philoso-
phie, et surtout l'histoire.
Nous ne citerons point tous les maîtres qui s'ap-
prochèrent de cet idéal. Rappelons seulement les
noms qui sont encore populaires.
Le plus académique est celui de M. Villemain,
dont l'érudition fut aussi étendue que sa mémoire
était puissante, et sa parole ingénieuse dans les
petites clioses, ou éloquente dans les grandes. Soit
qu'il fasse revivre le moyen âge, soit qu'il compose
le Tableau du dix-huitième siècle, il cueille la
fleur de tout sujet. Il excelle à rendre le savoir sé-
duisant, à raconter finement l'anecdote, à aiguiser
en ironie la fin d'un compliment, à revêtir de
grâce un bon sens spirituel, à varier les formes
de l'admiration, à faire passer dans son style le
souffle de la parole et le mouvement d'un discours.
En le lisant, on croit l'écouter. Le causeur même
est encore un orateur plein de ruses discrètes.
S'il fut habile à insinuer le blâme, il eut le don
de tout comprendre plus que le courage de con-
clure. C'est à l'état d'épigrammes qu'il faut saisir
ses arrêts.
Un autre académicien, M. Saint-Marc Girardin,
nous charme par un esprit souriant et malicieux,
par la verve d'une raison pratique et bourgeoise,
que relèvent la franchise, l'agrément et le sans-
façon d'un badinage sérieux. Il eut le secret d'ins-
truire en amusant, et de rajeunir les questions par
des aperçus imprévus qui donnent à la vérité la
saveur d'un paradoxe. Sa chaire fut un fauteuil, et
la familiarité judicieuse de ses entretiens avait une
singulière prise sur la jeunesse dont il semblait le
directeur. Il mérita cette autorité, car il était mo-
raliste autant que lettré. Son Cours de littérature
dramatique est une histoire de nos travers, de nos
idées, de nos mœurs ; on y retrouve un coin de
CRITIQUE
— 531 —
CROISADES
la société française et du cœur humain. Pour lui,
le goût et la conscience ne font qu'un, les carac-
tères expliquent les talents ; et, sans dogmatiser,
il convertit au bon sens, par ses sermons où l'on
ne dormait pas, beaucoup d'auditeurs exposés à la
contagion des idées fausses ou chimériques. Il se
fit toujours applaudir sans flatter son auditoire. Sa
popularité se composa de nos meilleurs senti-
ments.
Nous on dirons autant de M. de Sacy, dont
nous regrettons si vivement la perte récente. Sa
dévotion classique fut un instinct de nature. Le
dix-septième siècle était vraiment sa patrie. Il
nous semble un contemporain de Fénelon dont il
eut l'onction, de Nicole dont il possédait la bon-
homie, la finesse et la gravité. Il y avait là sym-
pathie secrète de croyances, de sentiments, et de
talent : car, dans ses deux volumes de Variétés, il
célèbre ces maîtres favoris avec leur tour d'esprit
et leur langage. Ses jugements nous font com-
prendre les relations nécessaires qui unissent le
bien dire au bien penser. Ses prédilections trop
exclusives pour les classiques de vieille roche
n'ont pourtant rien d'hostile à ceux qui ne parta-
gent pas ses convictions. Au lieu d'imposer ses
préférences comme les articles d'un Credo, il les
propose comme un plaisir qui tente les délicats.
C'est la religion tolérante d'un idéal qui ne gène
pas les dissidents. Sans courir les hasards du
caprice, il en a le piquant et l'imprévu ; car ses
études ne sont que des confidences d'impressions
personnelles, naïves et involontaires comme un
premier mouvement. Il n'écrivit que pour se satis-
faire lui-même, quand le cœur lui en disait.
Puisque nous parlons de la critique conserva-
trice, comment ne pas rendre hommage à l'un de
ses doyens, M. Cuvillier-Fleury, à sa plume de
combat et à l'entrain oratoire de sa dialectique
éloquente ? Ne cherchez pas en lui un de ces
voluptueux qui n'ouvrent un li^Te que pour leur
plaisir. Il lui faut une cause à défendre, une ré-
plique à lancer, un duel logique à soutenir. Alors
se déploient les ressources de son escrime. La
plupart de ces plaidoyers sont de vrais discours,
parfois de *ribune, où le style a de l'action ; on
croit voir le geste, on croit entendre l'accent,
et le mouvement de l'ensemble nous entraîne. A
beaucoup de savoir faire, de mise en œuvre, de
pratique et d'expérience, il unit le mordant, le
trait, une franchise gauloise, un je ne sais quoi de
ferme et de résolu (surtout dans les sujets histo-
riques où il est de premier ordre), en un mot, les
mérites d'un publiciste qui a vécu près de la poli-
tique militante, et en garde l'habitude.
Mais restons dans le domaine littéraire, où le
maître qui a le plus d'autorité est encore M. Dé-
siré Nisard, le premier et le seul qui ait consacré
à l'histoire de notre littérature un monument
qu'on pourrait appeler national, puisque nul sujet
n'intéresse plus notre gloire. OEuvre de longue
patience et de talent très- exigeant pour lui-même,
ce livre, qui manquait jusqu'alors à la France, fut
vraiment un exemple dans un temps qui répugne
à la discipline comme à une servitude. Au lieu
d'encourager la fantaisie et ses improvisations,
M. Nisard n'a pas cessé de réagir contre ce qu'il
appelait la littérature facile et inutile. Peut-être
incline-t-il trop volontiers du côté de la tradition.
Peut-être n'a-t-il pas rendu pleine justice soit aux
premiers représentants de l'esprit gaulois, soit aux
écrivains du xviir siècle dont quelques-uns l'in-
quiètent par la turbulence de leur génie réforma-
teur. Il se défie de ceux qui sont ennemis des
abus plus que des vices, et ne croit pas qu'on
puisse affranchir les esprits par la Hcence qui les
corrompt. Mais, s'il est sévère pour des imprudences
ou des paradoxes qui n'empêchèrent pas les vérités
utiles de remédier aux maux d'une société malade.
nul n'a mieux jugé Descartes, Pascal, Corneille,
Racine, la Fontaine, Molière, Bossuet, Boileau,
la Bruyère, en un mot, tous les immortels qu'il
nous propose comme l'exemplaire des qualités
maîtresses qui doivent caractériser notre littéra-
ture, à savoir la raison, la mesure et la règle. Plus
d'un chapitre participe à la perfection des œuvres
qu'il comprend si intimement, et ajoute de nou-
veaux modèles à ceux qui sont adoptés par la pos-
térité.
Toutefois, il est un esprit plus hospitalier, plus
prompt à tous les éveils, et qui par conséquent
repond mieux aux instincts de notre âge. Chacun
le nomme d'avance : c'est M. Sainte-Beuve. Peintre
de Portraits, il a cette intuition qui pénètre au
fond des âmes, et en révèle tous les secrets. On
dirait qu'il a été le familier, le confident, le con-
fesseur de tous les morts, grands ou petits, qu'il
ressuscite par la vertu de son pinceau. Chaque
original de son immense galerie se trahit par des
aveux involontaires dont l'analyse découvre les
traits décisifs d'un talent ou d'un caractère. Il puise,
comme il le dit, dans l'écritoire de chacun l'encre
dont il se sert pour parler de lui. Nous entendons
par là, qu'il se prête à tous les tons, et qu'il est ^Tai
comme un miroir où se reflètent les physionomies
les plus diverses. Ses Causeries sont un répertoire
qui embrasse tous les types moraux ou littéraires,
depuis le cèdre jusqu à l'hysope. Il voulut tout
connaître, et traverser toutes les doctrines, sans
prendre pied nulle part, avec l'indépendance om-
brageuse d'une curiosité infatigable qui eut toti-
jours peur d'être dupe. Si le scepticisme fut son
dernier asile, il faut honorer la bonne foi d'une
intelligence qui contribua plus que toute autre à
élargir nos horizons, ù former le vrai connaisseur,
à renverser les barrières du préjugé, de la routine,
de la convention, et à conclure la trêve de la to-
lérance entre toutes les écoles. Grâce à lui, le
Temple du goût est devenu comme une église
universelle où se rencontrent tous les croyants de
cœur sincère, qui ont adoré le beau dans tous les
temps.
Terminons cependant par quelques réserves.
Craignons qu'à force de voyager en tous pays, la
critique ne devienne indifférente aux principes. Ce
péril est le nôtre. On a vu, de nos jours, plus
d'un juge s'assoupir sur son fauteuil, ou paraître
même complice des méfaits littéraires, au lieu de
les châtier courageusement. Quelques-uns ont pu
rappeler ce personnage de Piabelais qui « senten-
ciait les procès au sort des dés. »
Nous conclurons en disant que la raison et la
vérité ne doivent jamais abdiquer leurs droits.
C'est une question de patriotisme, car les desti-
nées de notre littérature y sont engagées. Conci-
lier la discipline et la liberté, dans l'intérêt du
progrès, voilà donc le devoir de la critique.
[Gustave Merlet.]
CROISADES. — Histoire générale, XVIII. — On
a donné ce nom à des expéditions guerrières, en-
treprises par les nations chrétiennes de l'Occident
pour délivrer la Terre-Sainte du joug des mu-
sulmans ; on l'a appliqué aussi à des guerres ins-
pirées par le fanatisme et l'intolérance religieuse,
et qui, comme celle des Albigeois, avaient pour
but l'extermination des hérétiques. Nous ne nous
occuperons, ici, que des' croisades d'Orient.
Les causes de ce grand mouvement qui, pendant
deux siècles ( de 1095 à 1291), a précipité l'Eu-
rope sur l'Asie, sont multiples et complexes. Au
sordr des terreurs de l'an mil, où le monde avait
cru sombrer, un immense besoin d'activité, un
réveil universel s'étaient emparés de toutes les
âmes. La papauté rêvait de faire de la chréticnîé
une grande république théocratique, unie dans un
même sentiment rehgieux; elle engageait en Oc-
cident une lutte gigantesque contre les souve-
CROISADES
532 —
CROISADES
rainetés temporelles, et songeait à rattacher l'É-
glise grecque à l'Église romaine : tout au moins
réussit-elle à réunir sous sa bannière l'Europe en-
tière contre les infidèles. Ceux-ci, en effet, avaient
repris leur marche en avant ; les Turcs, maîtres
de l'Asia Mineure, menaçaient le Bosphore, et
l'empereur de Constantinople, Alexis Comnène,
envoyait à ses coreligionnaires d'Europe des appels
désespérés. Les croisades n'ont point été seule-
ment des guerres d'agression et de représailles,
elles ont été des guerres défensives. D'autre part
les républiques maritimes et marchandes de Pise,
de Gênes, de Venise y voyaient l'occasion de fon-
der en Orient de nouveaux comptoirs, d'utiliser
leurs armements, de multiplier les pèlerinages
lucratifs. La France, principal théâtre de la re-
naissance intellectuelle et guerrière du xi« siècle,
obéissait h des motifs plus désintéressés. La che-
valerie française, emportée alors par l'amour des
aventures et des exploits héroïques, quittait ses
manoirs, ses donjons, pour s'élancer à la conquête
de l'Angleterre sur les Saxons, de l'Italie méri-
dionale sur les Grecs, de la Sicile sur les Arabes,
pour guerroyer en Espagne contre les Maures,
préludant ainsi à la croisade de Jérusalem. Mais
le sentiment qui dominait chez tous les hommes
de ce temps, chevaliers et vilains, en France et
jusqu'aux extrémités les plus reculées de l'Occi-
dent, c'était l'enthousiasme religieux, l'irrésistible
désir de venger le Christ et de délivrer son tom-
beau de la souillure des infidèles; l'espoir certain
de gagner le ciel en livrant leur fortune et leur
vie aux périls, aux fatigues, aux combats.
Depuis longtemps l'Europe chrétienne avait pré-
ludé à la guerre sainte par des pèlerinages. Des
princes puissants, un duc de Normandie, Robert
le Magnifique, un comte d'Anjou, Foulques Nerra,
s'étaient, pour l'expiation de leurs péchés, ache-
minés vers Jérusalem, le bourdon à la main.
En 1054, trois mille pèlerins picards et flamands
étaient partis pour la Terre-Sainte sous la conduite
de l'évêque de Cambrai. Dix ans plus tard, des
évoques des bords du Rhin y conduisaient sept mille
Allemands : le pèlerinage se faisait armée.
Tant que les Arabes et les Syriens avaient été
les maîtres de Jérusalem, ils avaient accordé aux
chrétiens une tolérance relative, qu'ils se faisaient
payer. Mais lorsque cette ville fut passée au pou-
voir des Turcs, le sort des chrétiens y devint in-
tolérable. Dans les dernières années du xi" siècle,
un pèlerin français, Pierre l'Ermite, le cœur tout
saignant des souffrances dont il avait été témoin,
apporta en Europe l'écho des cris de détresse de
la Terre-Sainte. Déjà plusieurs pontifes. Syl-
vestre II et Sergius IV, deux Français, et plus
tard Grégoire VII, avaient, dans des lettres
éloquentes, invité les princes et les peuples de
l'Occident à faire trêve à leurs querelles, pour
délivrer le Saint-Sépulcre. Ce fut un autre pape
français, Urbain II, qui eut l'honneur de détermi-
ner le grand mouvement des croisades. A Plai-
sance d'abord, puis au concile de Clermont (109ô),
devant une foule immense, il prêcha la guerre
sainte contre les infidèles. Le peuple répondit à
son appel par le cri de Dieu le veut! Tous se pré-
cipitèrent pour recevoir les croix que leur dis-
tribuaient le pape et les cardinaux, signe de ral-
liement de cette guerre ; de 15, les noms de croisés
et de croisades.
Première Croisade (1095-1099.) — De Clermont
le mouvement se propagea dans toute la France,
dans toute l'Europe. Des Jiommes de toutes races,
de toutes conditions se rassemblèrent. Ils par-
laient des langues différentes ; mais ils avaient un
signe commun, la croix, et ils se comprenaient.
Français et Flamands, Normands et Saxons, Alle-
mands et Italiens, partisans du pape et soldats de
l'empereur, suzerains rivaux, vassaux révoltés,
qui naguères se combattaient et s'entrc-déchiraient,
étaient maintenant unis dans une pensée com-
mune. C'est là certainement un des plus beaux
moments de l'humanité.
Des pauvres, des serfs, hommes, femmes, en-
fants, vieillards, partirent les premiers sans rien
attendre, sous la conduite de Pierre l'Ermite, d'un
prêtre allemand, Gotteschalk, d'un pauvre cheva-
lier, Gautier-sans-Avoir (1095). Ces multitudes in-
disciplinées, sans provisions, presque sans armes,
s'acheminèrent par l'Allemagne et la vallée du
Danube, ravageant tout sur leur passage. Les
Hongrois, les Bulgares et les Grecs en firent d'ef-
froyables boucheries. A leur arrivée à Constanti-
nople, l'empereur Alexis les transporta en Asie,
où leurs débris tombèrent sous le fer des Turcs.
Cependant l'armée des princes et des chevaliers
se mit en mouvement l'année suivante (1096).
On n'y comptait point de rois, mais les sei-
gneurs les plus illustres de la chrétienté. C'é-
taient le frère du roi de France, Hugues de
Vermandois, le comte de Toulouse, Raymond, le
comte de Flandre, Robert, à la tête des Français ;
Robert, II, duc de Normandie, à la tête des Nor-
mands de France et des Anglais ; le Normand Bo-
hémond et le Normand Tancrède, avec les Italiens
et les Siciliens, etc. Le plus célèbre, le plus res-
pecté de tous, le futur chef de l'expédition, Gode-
froy de Bouillon, duc de Basse-Lorraine, condui-
sait les Brabançons et les Allemands.
Le rendez-vous était à Constantinople . Les
divers corps s'y rendirent par trois routes diffé-
rentes : par l'Allemagne et la Hongrie ; par l'Illyrie
et l'Esclavonie ; par le détroit de Brindes, l'Epire
et la Macédoine. L'empsreur grec, effraye de leur
nombre et de leur humeur conquérante, exigea des
chefs l'hommage féodal, et se hâta de leur faire
passer le Bosphore. Arrivés en Asie, ils se comp-
tèrent; ils étaient 600 000 (1097).
Le premier exploit des croisés fut la prise de
Nicée. Ils s'enfoncèrent ensuite dans l'Asie Mi-
neure, où ils eurent cruellement à souffrir de la
chaleur, de la faim et des attaques incessantes
des Turcs. Ils furent obligés, pour vivre, de se di-
viser en deux corps. Mais l'un d'eux, enveloppé par
l'ennemi, allait être écrasé à Dorylée, lorsqu'il fut
dégagé par Godefroy de Bouillon, et la journée se
termina par une grande victoire sur les Turcs. Les
croisés reprirent leur marche, s'emparèrent de
Tarse en Cilicie, et pendant que l'un d'eux, Bau-
douin, frère de Godefroy, allait conquérir Edesse
sur l'Éuphrate, pour y opposer une barrière aux
armées de l'Orient, le gros de l'expédition venait
mettre le siège devant Antioche (1098). Les croi-
sés étaient déjà réduits à cent mille hommes. Le
siège de cette grande cité, défendue par 460 tours,
les arrêta huit mois. Déjà le découragement, les
discordes intestines et l'esprit de désertion les
gagnaient, lorsqu'un renégat arménien, acheté par
Bohémond, livra une des tours de la ville. Mais, à
peine maîtres d' Antioche, les croisés s'y virent à
leur tour assiégés par l'armée du Persan Kerboga
et réduits à la plus affreuse famine. Une vigou-
reuse sortie leur ouvrit le chemin de Jérusalem.
Enfin, au printemps de l'année 1099, ils arrivèrent
en vue de la ville sainte : celle-ci, dans l'inter-
valle, était passée de la domination des Turcs aux
mains du kalife d'Egypte, qui y avait jeté une gar-
nison de 40000 hommes. L'armée chrétienne ne
comptait plus que 50 000 combattants, dont 20 000
chevaliers. Baudouin et Bohémond étaient restés
l'un à Edesse, l'autre à Antioche, où ils s'étaient
taillé des principautés en pays musulman. Mais
les autres, chez qui le zèle de la croix faisait taire
toute ambition mondaine, sentiront décupler leurs
forces, à la vue de ces lieux qui leur rappelaient
la vie et la passion du Christ. Là les attendaient
de nouveaux combats, de nouvelles souffrances.
CROISADES
— o33
CROISADES
Enfin, le vendredi 15 juillet 1009, à l'heure même
où le Christ avait expire sur la croix, Jérusalem
fut emportée d'assaut.
Le Saint-Sépulcre était délivré et l'œuvre de la
croisade semblait accomplie. La plupart des sur-
vivants de l'expédition retournèrent en Occident.
Les autres restèrent h la garde des lieux saints ;
ils formèrent une colonie européenne et surtout
française, qui, sans avoir pu jamais occuper le
pays tout entier, établit mi long cordon de postes
fortifiés qui s'étendit le long de la mer et sur les
crêtes du Liban, puis de l'Egypte jusqu'atix mon-
tagnes de rArménie et jusqu'aux rives de l'Eu-
phrate.
Avant de se séparer, les croisés instituèrent un
royaume sur le modèle des monarchies d'Occident.
Gôdefroy de Bouillon fut élu roi de Jérusalem, et
eut pour feudataires Bohémond, prince d'Antio-
che ; Tancrède, prince de Galilée ; Baudouin,
prince d'Edesse ; il y eut un comté de Tripoli, un
marquisat de Tyr, etc. Les institutions du nouveau
royaume furent formulées dans un code appelé les
Assises de Jérusalem. La féodalité européenne
était transportée tout d'une pièce sur le sol de
l'Orient. Pour défendre le nouvel Etat, pour aider
et protéger les pèlerins accourus maintenant en
foule, se fondèrent des associations à la fois cha-
ritables et militaires, mais où ce dernier carac-
tère ne tarda point à prévaloir. Tels furent
Tordre des Hospitaliers ou chevaliers de Saint-
Jean de Jérusalem, fondé en 1100; celui des Tem-
pliers, en 1118; celui des chevaliers Teuto?iiqiœs,
en 1130. Ce dernier se recrutait exclusivement
chez les Allemands; les deux autres chez les Ita-
liens, les Anglais, mais surtout chez les Français :
car la première croisade fut surtout française ; ce
fut la France qui porta sur cette terre lointaine
ses institutions, ses usages, sa langue et jusqu'à
son nom. Pour les Orientaux, tous les Européens
furent et sont encore des Francs.
Jérusalem était une conquête difficile à garder.
On peut dire que pendant plus d'un siècle et demi
un flot continu d'émigration guerrière s'écoula de
l'Europe vers la ville sainte pour la défendre ou
pour la ressaisir. De ces nombreuses expéditions,
huit, y compris celle que nous venons de racon-
ter, ont mérité plus particulièrement le nom de
croisades.
A la nouvelle de la prise de Jérusalem, 300,000
Frajiçais, Allemands, Italiens s'étaient mis en mar-
che par la route qu'avaient suivie les premiers
croisés : ils furent détruits par les Turcs dans l'A-
sie Mineure. Pendant ce temps, Gôdefroy de Bouil-
lon, qui se contentait par humilité du titre de ba-
ron du Saint-Sépulcre, luttait péniblement avec
quelques centaines de chevaliers pour affermir son
royaume naissant. Il remporta sur le kalife d'Egypte
une grande victoire h Ascalon (1099). Ses premiers
successeurs ajoutèrent à la colonie chrétienne
Sidon, Tyr, Ptolémais ou Saint-Jean d'Acre. Mais
les rivalités des princes chrétiens et des ordres
militaires, l'indiscipline, l'absence de tactique vin-
rent bientôt compromettre le nouvel Etat. Les
émirs Atabeks de Syrie reprirent victorieusement
l'offensive. L'un d'eux, Noureddin, s'empara d'E-
desse et y fit un effroyable massacre des chrétiens
(1144). L'Europe frémitde douleur et de vengeance ;
un nouvel appel fut fait aux guerriers d'Occident.
Seconde croisade (l 147-1149). — Ce fut saint Ber-
nard, le célèbre abbé de Clairvaux, l'arbitre de
l'Église, qui se fit l'apôtre de la nouvelle croisade.
Il prêcha les Français à Vézelay, les Allemands à
Spire. Comme la première fois, d'immenses multi-
tudes répondirent à cet appel ; les châteaux et les
chaumières se dépeuplèrent. Deux monarques,
cette fois, prirent la croix, le roi de France,
Louis VII, et l'empereur d'Allemagne, Conrad lll!
On suivit encore la route de terre, par Constan-
tinople. Les Allemands, transportés les premiers
en Asie Mineure, y furent très maltraités par les
Turcs; les Français n'arrivèrent que pour recueil-
lir les débris de leur armée. L'indiscipline, le dé-
sordre des mœurs, les trahisons des Grecs amenè-
rent désastres sur désastres. Cette seconde croisade
n'offre ni les grands caractères, ni les grandes
passions de la première : elle n'a rien d'héroïque
ni de chevaleresque. Les deux rois, abandonnant
au fer des barbares la foule des soldats et des
pèlerins, s'embarquèrent avec l'élite de leurs che-
valiers h Satalieh et gagnèrent Jérusalem. De là
ils allèrent assiéger Damas, où le défaut de con-
cert fit échouer l'entreprise : ils revinrent en
Europe sans armées et sans honneur. Louis VII
fut même arrêté au retour par une escadre mu-
sulmane, et ne fut sauvé que par des pirates
grecs.
Cependant les chrétiens de Palestine conti-
nuaient à lutter avec des fortunes diverses. Ils
s'emparèrent de la forte place d'Ascalon, qui, en
1178, donna son nom à une seconde victoire ga-
gnée presque miraculeusement par le roi de Jéru-
salem, Baudoin IV. Mais les Francs dissipèrent
leurs forces dans de folles et désastreuses expé-
ditions en Egypte et contre les -s-illes saintes d'Ara-
bie. Toutes les forces musulmanes se réunissaient
au contraire sous la main du héros de l'Orient,
Salah-Eddin, dont chrétiens et infidèles se sont
accordés à vanter la vaillance, la sagesse et la
générosité. Chef de la dynastie des sultans Ayou-
bites, maître de l'Egypte, de la Sj^ie, de l'Arabie,
de la Mésopotamie, Salah-Eddin fondit avec toutes
ses forces sur le petit royaume de Jérusalem. Les
chrétiens furent écrasés dans une grande bataille,
à Tibériade, le roi Guy de Lusignan fut fait pri-
sonnier, et, moins d'un siècle après sa délivrance,
la ville sainte était perdue pour la chrétienté
(1187).
Troisièyne croisade 'yl\Sd-ll92). — A cette nouvelle
la consternation fut extrême en Occident. Guil-
laume, archevêque de Tyr, vint y faire un nouvel
appel aux armes chrétiennes. Les trois souverains
les plus illustres de ce temps prirent la croix :
Frédéric Barberousse, empereur d'Allemagne, Phi-
lippe-Auguste, roi de France, Richard Cœur-de-
Lion, roi d'Angleterre. Une contribution appelée
dime saladine fut levée dans toute la chrétienté
pour subvenir aux frais de l'expédition. Cependant
l'enthousiasme religieux allait déjà s'afifaiblissant.
Cette croisade ne fut pas tumultueuse comme les
premières : elle fut faite, non plus par des foules
de pèlerins, mais par des chevaliers et des sol-
dats marchant sous la bannière de leurs suzerains,
par des armées à peu près régulières pour les-
quelles des règlements et une discipline sévère
avaient été édictés.
Frédéric partit le premier par la route de terre;
mais après avoir traversé victorieusement l'Asie
Mineure, il trouva une mort restée mystérieuse
dans les eaux du Selef, en Cilicie. Philippe de
Souabe, son fils, et Léopold, duc d'Autriche, par-
vinrent avec les restes de son armée sous les
murs de Saint-Jean-d'Acre. Le siège de cette Aille
devint le rendez-vous où pendant près de trois ans
affluèrent les vaisseaux et les soldats de l'Occident.
Cependant les rois de France et d Angleterre
avaient pris la voie de mer, plus rapide et plus
sûre. Ils s'embarquèrent, le premier t Gênes, le
second à Marseille. A peine arrivés en Sicile, ils
se brouillèrent et se séparèrent. Philippe gagna
directement Saint-Jean-d'Acre, attendant Richard,
qui s'attardait à la conquête de Chypre sur un
petit prince grec. Cette île de\1nt un petit royaume
latin rattaché aux destinées de celui de Jérusalem.
Enfin le roi d'Angleterre, après une victoire na-
vale remportée sur les Turcs, arriva et le siège fut
vigoureusement poussé. Vainement Salah-Eddin,
CROISADES
— 534
CROISADES
qui, lui aussi, avait fait prêcher la guerre sainte
dans tout l'Orient musulman, harcelait avec une
armée de secours le camp des ciirétiens ; en vain
ceux-ci laissèrent-ils plus d'une fois échapper la
victoire par l'amour du pillage et parleurs discor-
des, — Philippe soutenant h'S prétentions du mar-
quis de TjT. Richard, celles de Guj- de Lusignan
à la royauté nominale de Jérusalem, — la cause de
la croix l'emporta ; Saint-Jean d'Acre se rendit
1191). Ce fut là le seul fruit d'une expédition qui
vait dévoré plus de 200 000 soldats. Richard,
oin de suivre les exemples de générosité donnés
par Salah-Eddin, déshonora les armes chrétien-
nes en massacrant de sang-froid tous les prison-
niers.
Philippe se hâta de revenir en France pour
mettre à profit l'absence du roi d'Angleterre. Le
Cœur-de-Lion continua à guerroj-er en Palestine
et à mériter son surnom par de merveilleux mais
stériles exploits. Il remporta bien sur Salah-Eddin
une grande victoire à Arsur. Mais sans plan, sans
génie, ce géant batailleur, ne sut que pleurer à la
vue de Jérusalem, qu'il entrevit de loin sans pou-
voir la prendre, et quitta la Palestine, laissant chez
les Orientaux un long souvenir d'admiration et d'é-
pouvante (1192). Au retour, jeté par la tempête
sur les côtes de Dalmatie, il fut fait prisonnier par
le duc Léopold d'Autriche, dont il avait insulté la
bannière à Saint-Jean d'Acre. Le duc le livra à
l'empereur Henri VI, qui lui fit acheter sa liberté
au prix énorme de 150 000 marcs d'argent (plus de
soixante millions d'aujourd'hui).
Quairiéme croisade (1202-1204^. — Jérusalem
était toujours captive. Mais Salah-Eddin était mort,
et son empire, divisé entre ses fils, était déchiré
par les gueri-es civiles ; une armée de pèlerins
allemands avait repris Sidon ; l'occasion semblait
favorable. Le pape Innocent III fit prêcher une
quatrième croisade par Foulques, curé de Neuilly.
Aucun roi, cette fois, ne s'arma : mais un grand
nombre de seigneurs 'français, flamands et italiens
prirent la croix : Baudouin IX, comte de Flandre ;
Boniface II, marquis de Montferrat; Simon de
Montfort; Geoffroy de Villehardouin, maréchal de
Champagne, l'historien de cette croisade. Le ren-
d(;z-vous était à Venise. On emprunta des vais-
seaux aux Vénitiens moj'ennant 80000 marcs, dont
.'ÎOoOO seulement purent être payés. Afin de s'ac-
quitter du reste, les chevaliers, ajournant le voyage
de Terre-Sainte, allèrent faire pour la république
la conquête de Zara sur le roi de Hongrie. Pen-
dant le siège, un prince grec, Alexis, vint implo-
rer leur secours en faveur de son père, l'empereur
Isaac l'Ange, détrôné par un usurpateur : il pro-
mettait de riches récompenses et la réunion de
l'Eglise grecque. Malgré les instances et les me-
naces du pape, la croisade fut encore une fois dé-
tournée de son but. Conduits par le vieux doge de
Venise, Dandolo, les croisés cinglèrent vers Cons-
tantinople. A la vue de la magnifique et imposante
cité, •( il n'y eut si hardi à qui le cœur ne frémît »,
dit Villehardouin. Toutefois les Grecs n'opposèrent
qu'une faible résistance ; la ville fui prise d'assaut
à la fois par terre et par mer, et Isaac rétabli sur
le trône. Mais, pour payer ce service, il fallut
lever d'énormes impôts, et provoquer ainsi des
révoltes. Un second usurpateur, Ducas Murzu-
phle, renversa Isaac et ne put davantage satis-
faire les Latins. Ceux-ci donnèrent un nouvel
assaut à Constantinople, la pillèrent et la gardè-
rent. Ils partagèrent ensuite entre eux et avec les
Vénitiens les provinces de l'empire. Un empereur
français, Baudouin de Flandre, fut établi à Cons-
tantinople avec un étroit territoire ; le marquis de
Montffrrat tut fait roi de Thessalonique ; Othon de
la Rociie duc d'Athènes ; Guillaume de Champlitte
duc d'Achaïe, etc. La féodalité française fut trans-
plantée dans la patrie des Hellènes comme elle '
l'avait été sur les bords du Jourdain. Quant aux
Vénitiens, ils ne .s'oublièrent pas; ils se firent
donner, outre le faubourg de Péra, les îles Ionien-
nes, Candie, l'Eubée et la plupart des îles de l'Ar-
chipel, les villes de Modon et de Coron en Morée,
etc. ; et s'intitulèrent bizarrement « seigneurs d'un
quart et demi de l'empire d'Orient. »
Annoncée et entreprise au nom de la croix, cette
expédition ne fut point une \Taie croisade, mais
une conquête politique. Elle eût pu cependant
avoir au point de vue chrétien deux grands résul-
tats : faire des Églises latine et grecque une seule
Église ; constituer un poste avancé d'où l'Europe
eîit donné la main à ses colonies d'Orient. La con-
duite arrogante et brutale des Latins à l'égard des
Grecs, l'émiettement de l'empire conquis entre
les conquérants, l'incapacité et l'indigence des
empereurs français, firent échouer la question re-
ligieuse et empêchèrent qu'aucune aide pût être
apportée de ce côté aux chrétiens d'Asie. L'em-
pire latin ne devait durer que cinquante-sept ans
(1204-1261).
Cinquième croisade (1217-1221). — Les chrétiens
d'Orient, réduits à quelques places fortes, étaient
divisés les uns contre les autres; les chevaliers
de Saint-Jean et ceux du Temple se faisaient la
guerre. Les sultans d'Egypte les resserraient de
plus en plus. Une croisade fut prêchée par In-
nocent III, puis par Honorius III. Au défaut de
l'empereur Frédéric II, qui devait la commander,
mais qui s'était soustrait à cet honneur, le pape
désigna André II, roi de Hongrie. Le rendez-vous
fut à Saint-Jean d'Acre ; trois rois s'y rencontrè-
rent : celui de Hongrie, qui mourut bientôt; le roi
nominal de Jérusalem, Jean de Brienne; le roi de
Chypre, Hugues de Lusignan. Jean seul persista,
et, de concert avec le légat Pelage, porta la guerre
en Egypte. Par une diversion qui ne manquait pas
d'habileté, c'était au Caire qu'on allait chercher
les clefs de Jérusalem. Les croisés s'emparèrent
de Damiette. et ils auraient pu, en échange de cette
ville, obtenir Jérusalem, si le légat ne se fût obstiné-
ment opposé à toute transaction avec les infidèles.
Les croisés éprouvèrent à leur tour des revers, et
se trouvèrent heureux d'acheter au prix de Da-
miette la liberté du retour. Cette cinquième croi-
sade fut complètement stérile.
Sixième croisade (1 228-1229». — L'empereur Fré-
déric II avait pris la croix depuis quinze ans, mais
ne se hâtait pas d'acquitter son vœu. Le pape Gré-
goire IX, poussé à bout, l'excommunia. Frédéric,
bravant l'anathème, partit alors pour la Palestine.
Au lieu de combattre, il négocia, et se fit céder la
ville sainte par le sultan Méledin (Malek-al-Kamel).
Comme gendre de Jean de Brienne, il prit le titre
de roi de Jérusalem, et aucun évèque ne voulant
donner l'onction royale à un prince excommunié,
il se couronna de sa propre main. Puis il se hâta
de revenir en Europe.
On vit alors l'Orient chrétien et musulman tom-
ber en proie à une anarchie universelle. Les che-
valiers de Saint-Jean et ceux du Temple, les sultans
d'Egypte et les Turcs se livraient entre eux des
combats furieux. La secte fameuse des Assassins
avait couvert de ses châteaux forts, véritables nids
de vautours, la crête des montagnes depuis la
Syrie jusqu'en Perse ; son chef, le cheik ou Vieux
de la Montagne, exerçait autour de lui une terreur
mystérieuse qui avait gagné jusqu'à l'Europe elle-
même. Quant à Jérusalem, bientôt reperdue pour
les chrétiens, disputée par les princes musulmans,
elle fut envahie, en 12i-i. par les Tartares Kharis-
miens qui y firent un effroyable massacre des ha-
bitants.
Septième croisade (124S-1254). — Les nouveaux
malheurs de la ville sainte déchirèrent cruellement
le cœur du pieux roi qui régnait alors sur la Fi-ance.
Le vœu. que Louis IX avait fait de prendre la croix,
CROISADES
— 535 —
CROISADES
pendant une grave maladie, il le renouvela après
sa guérison, et il le voulut tenir, malgré sa mère,
Blanche de Castille, malgré ses plus sages conseil-
lers. Le doute à l'endroit de ces expéditions ga-
gnait les âmes les plus ferventes. Saint Louis s'em-
barqua, avec une partie de son armée, à Aigues-
Mortes ; le reste à Marseille. Après une trop longue
relâche en Chypre, où s'altéra le moral de l'ar-
mée, le roi de France, reprenant le plan de la
cinquième croisade, alla débarquer en Egypte où
il s'empara de Damiette. De là, après avoir encore
perdu un temps précieux au milieu des canaux
du Nil, on se mit en marche sur le Caire. Mais
l'avant-garde chrétienne fut détruite à Mansourah
(1350). Enveloppés bientôt par des nuées d'enne-
mis, décimés par la famine et par la peste, les
croisés, malgré la bravoure personnelle déployée
par saint Louis, durent opérer une retraite désas-
treuse à travers les inondations du fleuve. Malade
lui-même, il resta prisonnier avec ses frères et
20000 des siens. Pendant sa captivité où, par sa
vertu et sa grandeur d'âme, il étonna les musul-
mans eux-mêmes, une insurrection éclata parmi
ceux-ci. Les Mamelouks vainqueurs traitèrent avec
le saint roi, qui racheta sa liberté en rendant Da-
miette_, et celle de ses compagnons au prix de
400000 besans d'or.
A peine libre, Louis IX passa en Palestine où
il resta quatre ans (1250-1254), prodiguant aux
chrétiens les secours, les consolations et les appels
à la concorde, fortifiant les places qui leur res-
taient encore, négociant avec les princes musul-
mans , recevant des présents du cheik de la
Montagne, envoyant des ambassadeurs et des mis-
sionnaires au khan des Mongols et jusque dans les
profondeurs de l'Asie orientale. La mort de sa
mère (1254) le rappela en France; mais il n'avait
pas renoncé à délivrer Jérusalem.
Huitième et der?iiére croisade (1270). — Un an-
cien esclave, Bibars, qu'une nouvelle révolution
avait fait sultan d'Egypte, après avoir chassé les
Mongols de la Syrie, se jeta sur les chrétiens et
leur enleva Tyr, Césarée, JafTa et la grande cité
d'Antioche. Ces nouvelles réveillèrent les douleurs
de Louis IX ; une seconde fois il prit la croix.
Cette expédition, plus encore que la première, fut
son œuvre personnelle : plus d'enthousiasme, plus
de foi; l'obéissance féodale lui donna seule des
soldats. Son frère, Charles d'Anjou, roi de Naples
et de Sicile, qui avait des ^Ties de commerce et de
conquête sur la côte d'Afrique, lui persuada de
commencer la croisade par Tunis : le roi de cette
ville, dLsait-on, était prêt à recevoir le baptême.
Débarqués à Tunis, les chrétiens en trouvèrent les
portes fermées, et la peste se mit dans leur camp.
Le roi lui-même, atteint du fléau, mourut étendu
sur la cendre, en prononçant le nom de Jérusalem,
la grande préoccupation de sa vie. Au lieu même
où il expira, sur les ruines de l'antique Carthage,
la France du xix« siècle a élevé un monument à la
mémoire du saint roi, en qui se sont résumées les
aspirations du moyen âge chrétien vers l'Orient.
Le nouveau roi de France, Philippe III, et celui de
Naples, ramenèrent en Europe les débris de la
dernière armée levée sous la bannière de la croix.
C'en était fait de la Terre-Sainie. Les ordres
militaires et religieux, héroïque arrière-garde de la
croisade, refoulés de plus en plus au rivage, dispu-
tèrent pierre par pierre les murs de Saint-Jean
d'Acre, ei furent chassés de ce dernier asile en
1291. De Chypre, où ils s'étaient retirés, les Tem-
pliers firent en 1300 un retour ofl'ensif sur Tortose
qu'il leur fallut quitter en 1302 ; puis tout fut fini;
l'ère des croisades d'Orient était close. Les Hospi-
taliers s'établirent (1310) à Rhodes, qui leur donna
son nom ; les Templiers ne revinrent en Europe
que pour voir leur ordre aboli (1312); les clieva-
liers Teutoniques allèrent engager une nouvelle
croisade contre les infidèles du nord de l'Europe,
et fonder sur les rivages de la Baltique une dorai-
nation d'où devait sortir la Prusse moderne.
On parla de croisades longtemps encore après
saint Louis. Mais l'esprit des croisades était mort,
et tout se passa en vaines parades ou en folles
expéditions. C'est ainsi que Philippe VI prit la
croix en 1334; que, sous son petit-fils Charles "VI,
en 1396, la brillante chevalerie française alla se
faire exterminer sur le Danube, à Nicopolis, par
les Turcs Ottomans ; que les chevaliers de France,
de Bourgogne et de Flandre s'engagèrent par le
vœu du faisan h délivrer Jérusalem dans cette fête
de Lille qui ne fut qu'une pompeuse masca-
rade (1453). Quelques années après, le pape
Pie II mourait en vue de la flotte qui devait l'em-
porter en Orient et qui ne partit point. La victoire
navale de Lépante, gagnée en 1572 sous la ban-
nière pontificale, n'arrêta point les progrès des
Ottomans. Enfin, au xvii' siècle, la voix du grand
Leibnitz, invitant Louis XIV à recommencer contre
l'Egypte la croisade de son pieux ancêtre, se perdit
dans l'indifférence universelle.
Résultats des croisades. — Les croisades ont
manqué leur but. Malgré une dépense énorme
d'hommes, de forces et d'argent, elles n'ont point
rendu la Terre-Sainte au monde chrétien ; elles ont
retardé tout au plus, elles n'ont point arrêté l'inva-
sion musulmane qui devait au xv' siècle, avec les
Turcs, engloutir toute la péninsule hellénique.
Mais, sorties d'une idée noble et désintéressée,
elles ont suscité les grands courages, développé
les instincts héroïques, et noué entre les peuples
de l'Europe des liens de confraternité que la poli-
tique malheureusement devait briser. Elles ont eu
aussi des conséquences plus positives, politiques,
économiques, scientifiques même ; les unes immé-
diates, les autres qui ne devaient porter leurs
fruits que plus tard, et qu'à coup sûr n'avaient
pas prévues ceux qui ont provoqué ces grands
mouvements, ou s'y sont engagés : ''
1° Dans l'ordre religieux, en réunissant tautes les
nationalités sous la bannière de l'Eglise, les croisa-
des fortifièrent la papauté et en firent pendant plus
de deux siècles l'arbitre de l'Europe. Dans l'ordre
temporel, en arrachant la noblesse féodale au sol
qui faisait sa force, en dissipant ses richesses et
son sang dans des combats lointains, elles forti-
fièrent la royauté en France, et y favorisèrent la
formation de l'unité nationale. Elles provoquèrent
l'affranchissement des classes inférieures, en les
associant à la sainte et glorieuse entreprise, en les
relevant à leurs propres yeux, en leur fournissant
l'occasion d'acheter leur liberté des seigneurs :
l'établissement des communes, la mobilisation de
la propriété, la formation du tiers état datent des
croisades.
2° Ces expéditions développèrent, surtout chez
les populations maritimes , l'activité commer-
ciale et industrielle ; les grandes flottes armées
pour le transport des pèlerins prenaient en
retour les riches productions de l'Asie et de
l'Afrique. Les colonies chrétiennes et surtout
françaises de la Palestine et de la Syrie n'offraient
pas seulement ces modèles de forteresses féodales
(Margat, le Château des Chevaliers, le Château-
Pèlerin) dont on admire encore aujourd'iiui
les ruines gigantesques, mais aussi de grandes
places de commerce, des ports fréquentés.
Chypre, cette terre dénudée par la barbarie mu-
sulmane et dont l'Angleterre rêve la résurrection,
était devenue entre les mains des Lusignan de
France un des plus riches pays du monde. C'était
une sorte de jardin d'acclimatation où les Francs
avaient naturalisé et d'où l'Europe devait transpor-
ter ailleurs les mûriers et le ver à soie, la canne
à sucre, le coton, la garance et les ceps de vigne
qui ont fait la fortune de Madère. C'e.stde l'Orient
CROMWELL
536
CROMWELL
encore que les Européens rapportèrent le blé de
Turquie, l'usage des moulins à vent, la fabrica-
tion du verre, etc. ; le feu grégeois conduisit à
l'invention de la poudre h canon. Après avoir de-
mandé aux intermédiaires les épices, les pierreries
de l'extrême Orient, on songea à les y aller cher-
cher et on s'achemina sur les routes de l'Inde.
L'Italie^ qui n'apporta aux croisades qu'un enthou-
siasme religieux très modéré, devait en retirer les
fruits les plus positifs. C'est de là que datent la
prospérité des républiques maritimes de Pise, de
Gènes et surtout de Venise, qui semèrent de leurs
comptoirs les échelles du Levant, et ce prodigieux
mouvement d'affaires qui par répercussion se fai-
sait sentir dans les villes de Flandre et dans les
ports hanséatiques. Le change, les banques, la
création des valeurs fiduciaires changèrent les
conditions du commerce.
3° Il ne se pouvait faire enfin que ces expéditions,
guerrières ou commerciales, n'établissent un grand
courant d'idées entre l'Occident et l'Orient : on em-
prunta aux Grecs la connaissance de l'antiquité ;
aux Arabes les sciences exactes, le papier, la bous-
sole et des connaissances médicales nouvelles ; les
hauts faits des chevaliei-s inspirèrent la poésie des
trouvères et des troubadours, et ce sont les croi-
sades qui nous ont donné nos deux plus anciens
historiens français, Villehardouin et Joinville.
L'architecture navale et l'hydrographie des côtes
furent perfectionnées ; et ces nombreux voyages
entrepris dans des buts pieux ou intéressés con-
tribuèrent à élargir démesurément le champ de
la géographie. De tels résultats compensent assu-
rément les sacrifices que les croisades ont coûtés
et les ruines qu'elles ont faites. Il serait donc oi-
seux de se livrer à des récriminations à propos
d'événements si lointains. Et cependant on ne
peut s'empêcher de regretter qu'un esprit plus
pratique et des vues mieux concertées n'aient pas
présidé à l'organisation des colonies chrétiennes
de Syrie. Combien cette avant-garde, en refoulant
l'islamisme dans ses déserts, n'eût-elle point hâté
l'œuvre de la civilisation que les nations modernes
poursuivent aujourd'hui en Orient ! N'est-il point
également regrettable que ce manque d'intelli-
gence politique ait empêché l'empire Latin de
s'asseoir sur les rives du Bosphore ? Par là eût
été arrêté dans son germe cet empire Ottoman
qui, après avoir stérilisé l'une des plus belles
contrées du monde et épouvanté l'Europe, met à
chaque instant en péril aujourd'hui, par sa déca-
dence même et son incurable faiblesse, l'équilibre
de l'Occident. [Léon Puiseux.]
A consulter : Gestà Dei per Francos, de Bongars ; —
l'Histoire des Croisades, par Michaud, édition de Huillard-
BréhoUes, 4 vol. in-8 ; — Monuments de l'architecture des
Croisés en Syrie, par G. Rey, 1 vol. ia-4.
CROMWELL.— Histoire générale.XXIV, XXVIII.
— « Un homme s'est rencontré, d'une profondeur
d'esprit incroyable, hypocrite raffiné autant qu'ha-
bile politique, capable dç tout entreprendre et de
tout cacher, également actif et infatigable dans la
paix et dans la guerre, qui ne laissait rien à la for-
tune de ce qu'il pouvait lui ôter par conseil et par
prévoyance, mais au reste si vigilant et si prêt à
tout, qu'il n'a jamais manqué les occasions qu'elle
lui a présentées ; enfin un de ces esprits remuants
et audacieux qui semblent être nés pour changer
le monde. >> Ainsi s'exprime Bossuet dans le por-
trait fameux qu'il a tracé d'Olivier Cromwell
{Oraison funibre de la reine d Amjleterre) . Le
portrait est ressemblant, sauf en un point ; il ne
paraît pas que Cromwell ait été un hypocrite ;
sa correspondance intime, aujourd'hui publiée,
atteste la sincérité de ses croyances religieuses.
Olivier Cromwell naquit en 1599 dans le comté
de Huntingdon. Il entra dans la vie publique en
1640, comme membre du Long Parlement (V. Char-
les l" (V Angleterre). Lorsque la guerre eut éclaté
entre le roi et le parlement, il se distingua à la
tête d'un régiment de volontaires; puis, ayant reçu
un commandement dans l'armée du Nord, il gagna
sur les royalistes les batailles de Marston-Moor et
de Ncwbury (1644). L'année suivante, il remporta
la victoire décisive de Naseby, qui acheva la ruine
de la cause royale. Ces brillants succès valurent
à Cromwell une grande popularité : elle s'accrut
encore lorsque, après l'exécution de Charles \" et
la proclamation de la république, il eut comprimé
la révolte de l'Irlande, et vaincu à Dunbar (1650)
et à "Worcester (1651) les Écossais soulevés en fa-
veur du prétendant Charles II.
Le Long Parlement, d'où les presbytériens avaient
été expulsés en 1G48, et qui ne se composait
plus que à'indépe7idants ou puritains, gouver-
nait la république anglaise. Mais il avait contre
lui deux partis : celui des niveleurs, qui réclamait
des institutions plus démocratiques, et celui des
presbytériens, qui désirait la monarchie constitu-
tionnelle. Voyant le prestige du parlement diminué,
Cromwell, assuré de la faveur de l'armée, entrevit
pour lui-même la possibilité d'un nouveau rôle.
Le 20 avril 1653, il entra dans la salle des séances
du parlement, à la tête d'une compagnie de sol-
dats, et la fit évacuer par la force ; la salle vide,
il en mit la clef dans sa poche, et fit placer
sur la porte un écriteau avec ces mots : Maison
à louer.
Devenu le maître par ce coup d'État, il nomma
de sa propre autorité un nouveau parlement, com-
posé d'hommes obscurs qu'il pensait trouver do-
ciles à ses volontés. Mais cette assemblée lui ayant
paru gênante, il s'en débarrassa, comme il l'avait
fait pour le Long Parlement, au moyen d'un pelo-
ton d'infanterie; puis, s'appuyant sur un conseil
d'État qu'il avait institué, il se fit décerner le titre
de Lord Protecteur d'Angleterre, avec un pouvoir
analogue au pouvoir royal.
L'acte constitutionnel du protectorat contenait
les dispositions suivantes : le gouvernement réside
dans une seule personne et un parlement ; — le
parlement comptera 460 membres, dont 400 pour
l'Angleterre et 60 pour l'Ecosse et l'Irlande ; —
sont électeurs les citoyens qui possèdent la valeur
de 200 livres sterling.
L'usurpation de Cromwell souleva de vives op-
positions ; plusieurs républicains protestèrent pu-
bliquement, entre autres le poète Milton. Les élec-
tions pour un nouveau parlement (1654) se firent
en général dans un sentiment d'hostilité contre le
Protecteur. Celui-ci avait déclaré d'avance que
« les élus n'auraient pas le pouvoir de changer le
gouvernement tel qu'il était actuellement établi en
une personne et un parlement. » La chambre
décida néanmoins de discuter cette question ; pour
l'en empêcher, Cromwell en fit exclure 150 mem-
bres. Le parlement ainsi épuré rejeta néanmoins,
par 200 voix contre 03, une proposition tendant à
assurer l'hérédité du protectorat dans la famille de
Cromwell : aussitôt il fut dissous.
Des complots royalistes fournirent au Protecteur
un prétexte pour prendre des mesures destinées à
mieux assurer son autorité : l'Angleterre fut divi-
sée en douze districts, gouvernés militairement par
des majors généraux ; les journaux furent supprimés,
sauf deux feuilles appartenant au gouvernement.
En même temps, une alliance avec la France et
des victoires remportées sur l'Espagne donnaient
à l'Angleterre, au dehors, une situation propre à
flatter l'amour-propre national : la gloire militaire
remplaçait la liberté.
Des difficultés intérieures décidèrent toutefois
Cromwell à convoquer un nouveau parlement ;1k56).
Une forte minorité républicaine, fut élue ; le Pro-
tecteur, habitué aux procédés sommaires, lui
interdit l'entrée de la cliambre; puis il se lit ofl'rir
CRUCIFÈRES
— 337 —
CRUCIFERES
la couronne par les députes qu'il avait admis à
siéger : mais il n'osa pas la prendre, à cause du
mécontentement que manifesta l'armée.
L'année suivante, il fit un nouveau pas vers le
trône, en rétablissant la Chambre des lords, qui
avait été abolie en 1049.
Mais entouré de complots sans cesse renaissants,
l'esprit assombri par les soupçons et des chagrins
domestiques, afiaibli en outre par une longue ma-
ladie, il expira avant d'avoir pu atteindre au but
final que s'était proposé son ambition (16.'>8).
Son fils Richard lui succéda comme Protecteur,
mais abdiqua au bout de quelques mois. Les
membres survivants du Long Parlement reprirent
alors le pouvoir, et proclamèrent de nouveau la
république (1C59). Mais le général Monk, qui mé-
ditait la restauration des Stuarts, fit rentrer au
Long Parlement les membres presbytériens qui
en avaient été exclus en 1648 : ceux-ci, servant le
])rojet de Monk, votèrent la dissolution définiiive
de cette glorieuse assemblée. Elle fut remplacée
par une nouvelle Chambre des communes, élue sous
la pression des soldats de Monk, et qui, d'ac-
cord avec la Chambre des lords, décida le rétablis-
sement de la royauté et le rappel de Charles II*
(1G60). Le cadavre d'Olivier Cromwell fut déterré
et attaché ^ au gibet.
CRUCIFÈRES. — Botanique, XXllI.— De/z?ie<ion.
— Les plantes dont l'ensemble forme la famille des
Crucifères appartiennent aux Phanérogames dico-
tylédones angiospermes et, parmi celles-ci, aux
Dialypétales hypogynes. M. Brongniart les place
dans sa 40* classe dite des Cruciférinées, avec les
Résédas et les Câpriers.
Caractères botaniques. — \. Graine. — Les
graines des crr.cifères sont généralement petites,
globuleuses, lisses. Leur tégument, dont la surface
se change en mucilage sous l'action de l'eau, a
pour rôle de fixer la graine au sol, en même temps
qu'il protège un embryon volumineux pourvu de
deux cotylédons bien développés. Dans quelques
espèces, les deux cotylédons, profondément divi-
sés, simulent quatre ou même six cotylédons.
L'embryon des crucifères est toujours courbé et,
selon les genres, la tigelle vient s'appliquer sur la
ligne de séparation des cotylédons, auquel cas ces
derniers sont qualifiés d'accombcoits, ou, au con-
traire, la tigelle vient s'appliquer sur le dos de lun
des deux cotylédons, auquel cas ces derniers sont
dits incombants. Les cotylédons incombants peu-
vent se présenter de quatre manières : 1° plans;
2° plies en gouttière et embrassant la tigelle ; 3° en-
roulés eu spirale ; 4° ondulés ou repliés plusieurs
fois sur eux-mêmes. L'albumen des crucifères est
très peu développé.
Les graines des crucifères sont employées pour
fabriquer de l'huile (cameline, colza), ou pour
faire des farines qui, délayées avec de l'eau et du
vinaigre, donnent les moutardes, employées comme
condiment.
II. Racine. — La racine des crucifères est pi-
votante, ses radicelles sont disposées sur deux
rangées verticales; elle atteint quelquefois un
volume considérable, se renfle et devient comes-
tible; celle du raifort, qui est dans ce cas, se
mange en salade; celle du crambe des Tartares,
appelée pain des Tartares, se mange cuite ou
crue assaisonnée de sel, d'huile et de vinaigre ;
celles des radis et des navets sont connues de
tout le monde.
III. Tige. — La tige des crucifères est herbacée,
rarement ligneuse, toujours dressée; elle se ra-
mifie seulement à une certaine distance du sol, et
tous ses rameaux se terminent par un groupe de
fleurs. Dans la plupart des cas, la tige principale
s'élève du centre d'un bouquet de feuilles formant
une rosette à la surface du sol.
IV. Feuilles. — Les feuilles des crucifères sont
toujours simples ; elles peuvent être entières,
simplement dentées ou profondément divisées ;
toujours dépourvues de stipules. Généralement
alternes sur la tige, les feuilles de la partie infé-
rieure, dites radicales, sont rapprochées en ro-
sette, tandis que celles des rameaux, dites cau-
linaires, sont éparses. Dans quelques cas, les
feuilles caulinaires diffèrent un peu des feuilles
radicales par leur forme : elles sont plus petites,
moins découpées, et peuvent présenter des auri-
cules.
Les feuilles d'un grand nombre d'espèces de
crucifères sont comestibles.
V. Appa/'cil floral. — Les fleurs des crucifères,
jaunes, blanches ou roses, sont disposées en grap-
pes corymbiformes dépourvues de bractées. Elles
présentent de l'extérieur à l'intérieur :
1° Un calice formé de quatre sépales verts, bos-
sus à leur base, souvent caducs ; deux sont exté-
rieurs et deux intérieurs;
2° Une corolle formée de quatre pétales étalés
en croix, qui ont fait donner aux plantes le nom
de crucifères, d Q?,t-k-àive. porteurs de croix: cha-
cun de ces pétales se compose d'une partie large
et étalée, supportée par une sorte de pédoncule
nommé onglet (d'où leur nom de pétales ongui-
culés) ; les quatre onglets sont enveloppés par
le calice et alternent avec les sépales de ce der-
nier;
3° Deux étamines courtes ;
4° Quatre étamines plus longues, ce qui fait en
tout six étamines ; cette disposition spéciale des
étamines au nombre de six, dont quatre longues
et deux courtes, est désignée sous le nom de tétra-
dynamie, et les six étamines elles-mêmes sont dites
tétradynames ;
5° Un pistil formé de deux carpelles avec deux
placentas pariétaux, qui portent les ovules; une
cloison, qui va de l'un des placentas à l'autre, di-
vise l'ovaire en deux loges. Les ovules sont ana-
tropes et bitéguraentés.
Yî. Fruit. — Le fruit des crucifères est sec,
déhiscent, s'ouvrant au moyen de deux valves qui
se détachent tout près des placentas et de bas en
haut ; les placentas forment alors un cadre isolé
portant les graines; sur ce cadre est tendue la
membrane simple ou double qui divise le fruit en
deux cavités longitudinales distinctes. Quand ce
fruit très étroit est en même temps très allongé,
comme dans le chou-colza, il porte le nom de
silique; s'il est court et assez large, il est nommé
silicule.
Classification des crucifères. — La subdivision
des crucifères en sous-familles est basée sur la
position relative de la tigelle et des cotylédons de
l'embryon, et sur le mode de plissement des coty-
lédons.
Dans chacune de ces diverses sous-familles,
nous citerons quelques-unes des plantes les plus
usuelles.
l'e sous-famille.
Pleuro'-hizées.
Cotylédons plans , t
gelle latérale.
(Cotylédons accombant?
/Giroflée des jardins.
Quarantaine.
[Giroflée des murailles ou violier
I jaune.
ICresson officinal,
/lourette.
\Cardamine des prés.
JAlysson jaune oii corbeille d'or.
Icoehléaria olTicinal.
[Raifort.
I Rose de Jéricho.
\Thlaspi des champs.
2e sous-famillo. .Alliaire.
lErysimum officinal.
Nothorhizées. jCanielinc cultivée.
< Cresson alénois.
Cotylédons plans, tigclleJThhispi ofticinal.
dorsale. [Bourse à pasteur.
(Cotylédons incombants. )\Pastel ou guèdc.
CRUCIFÈRES
— 538 —
CRUCIFERES
3f sons-famille.
Orthoplocées.
Cotyléflons conduplifun's
longitudinalement it
embrassant la tigclle
dorsale.
(Cotylédons incombants.)
/Chou cultivé.
— vert.
— pommé.
— chou-flonr.
— chou-rave.
— chou champêtre.
— colza.
— navet.
— tnrneps ou rabioule.
Xavette.
Roquette.
Moutarde.
Chou marin et crambe dos Tar-
tares.
Radis.
Radis noir.
Senebière pinnatifide.
— corne de cerf.
4» sous-famille.
Spirolobées.
Cotylédons linéaires, en-'-"='''=;^ .«^^ ^''''^''''' (^""'^^ '^'•"-
roulés transversalc-i '^''S"/-
ment sur eux-raèmos,
tigelle dorsale.
(Cotylédons incombants.)
5« sous-famille.
Diplécolohérs.
Cotylédons linéaires .
piiés deux fois en tra-
vers sur eux-mêmes,
tigclle dorsale.
(Cotylédons incombants )
Usages des crucifères. — Les seules crucifères
dont nous ayons à dire quelques mots ici sont les
suivantes :
1° La fjiroflée des jardins, la quarantaine, le
violier, la corbeille d'or, cultivées comme plantes
d'ornement.
2° Cresson officinal ou cresson de fontaine. —
Ce cresson croît naturellement dans les eaux cou-
rantes peu profondes; à Senlis et aux environs de
Rouen, on le cultive dans des jardins à demi inondes
nommes cresson7nères. Il est excitant, antiscorbu-
tique ; c"est le- meilleur et le plus recherché de
tous les cressons que l'on mange en salade.
3° Cochlearia officinal. — Le cochlearia est une
herbe bisannuelle qui habite le littoral maritime
et le rivage des lacs salés du nord de l'Europe ;
elle est fort recherchée comme antiscorbutique.
Ses congénères des Alpes européennes, de la ré-
gion méditerranéenne, de l'Asie et de l'Amérique
septentrionale, possèdent des vertus analogues,
mais à un moindre degré.
4° Raifort. — Le raifort est vivace, on le cultive
dans tous les jardins de l'Europe moyenne ; sa
racine contient beaucoup de sucre, de fécule,
d'huile grasse et d'albumine ; on la mange comme
condiment. Le principe acre qu'elle renferme et
qui se développe sous l'action de l'eau lui donne
des propriétés antiscorbutiques.
5° Rose de Jcricho. — On donne ce nom à une
petite plante annuelle, haute de 8 à 12 centi-
mètres, qui croît dans les lieux sablonneux de
l'Arabie, de l'Egypte et de la Syrie. Lorsque ses
fruits sont miirs, les feuilles tombent, les rameaux
s'endurcissent, se dessèchent, se courbent en de-
dans et se contractent en un peloton arrondi. Les
vents déracinent la plante et l'emportent jusqu'au
bord de la mer; c'est \h qu'on la recueille toute
desséchée ; si, alors, on la place dans une atiuo-
sphère humide, ou si or. plonge sa racine dans
l'eau, ses rameaux s'étendent, la plante semble
revivre, ses fruits s'ouvrent et les graines peuvent
être disséminées.
C° AUiaire. — On donne ce nom à une crucifère
vivace qui croît le long des haies et dont la racine
et les feuilles ont l'odeur d'ail; elle a été em-
ployée comiue vermifuge, diuréti(iue et dépurative.
1° Erysimum officinal. — L'érysimum'ou vélar
est aiuiuel, il croît dans les lieux Incultes ; ses
feuilles sont astringentes; on les emploie en in-
fusion contre le catarrhe pulmonaire; elles forment
la base du sirop d'érysimum.
8° Cameline cultivée. — Cette plante est culti-
vée dans le nord de la France ; on retire de ses
graines une huile fixe propre à l'éclairage. On peut
la semer depuis le printemps jusqu'au mois de
juin ; elle a ainsi l'avantage de pouvoir remplacer
le colza quand celui-ci a été détruit par les gelées
tardives de mars et d'avril.
9° Pastel des teinturiers. — La guède ou pastel
est commune dans toute la France; ses feuilles
fournissent une matière colorante bleue analogue
à l'indigo, mais d'une qualité inférieure. Les
Pietés et les Celtes l'employaient pour se poindre
le corps en bleu ; depuis, le bleu est resté la cou-
leur nationale du manteau des rois de France. Le
pastel a souvent été proposé comme plante fourra-
gère, parce (ju'il pousse sur tous les sols, et que,
résistant aux froids les plus intenses, il peut
donner un fourrage vert à une époque de l'année
où l'on en manque constamment, c'est-à-dire en
février et en mars.
10° Choux. — Les choux pommés, le chou de
Bruxelles, le chou-fleur, le chou brocoli, sont co-
mestibles et connus de tout le monde. Dans les
deux derniers, on mange les jeunes inflorescences ;
dans les premiers, on mange les feuilles non
encore développées et étalées, mais réunies en
une masse arrondie ou bourgeon. La culture de
ces choux varie un peu de l'un à l'autre. Les
choux pommés sont d'abord semés en pépinière
ou sur couclie, ou en pleine terre (quand les gelées
ne sont plus à craindre), puis on les replante
quand ils sont âgés d'un mois environ, en lignes
suffisamment espacées (de 1 mètre à l^jGô) dans
un terrain convenablement préparé. L'époque des
semis varie avec les variétés de choux. Ainsi le
chou de Vaugirard se sème exclusivement k la fin
de juin, et se met en place du 8 au 15 août. Le
chou d'York, qui est très hâtif, se sème à la lin
d'août ou au comiuencement de septembre, et se
replante en octobre ou novembre. On peut aussi
le semer en février ou en mars, mais alors sur
couche, en prenant soin de l'abriter contre les
gelées tardives. Les autres choux pommée se
sèment à la fin de juillet ou dans le courant d'août.
Le plus souvent alors on replante le jeune chou en
pépinière et on ne le met en place qu'en février
ou en mars. Si le sol n'est pas humide et exposé ù
geler, il est beaucoup plus avantageux de mettre
en place avant l'hiver. Les semis d'aaùt sont les
plus fréquents ; cependant on peut faire encore
plusieurs semis, surtout en mars et en avril ; dans
ce dernier cas, les jeunes plants sont mis en place
dès qu'ils ont atteint la force nécessaire. Les jeunes
plantsde printemps et d'étéontàredouter la séche-
resse, et certains insectes tels que le tiquet, contre
lequel on les protège en les saupoudrant de cendre.
Leur pivot, à la naissance des racines, est aussi
quelquefois piqué par un insecte qui y dépose sa
larve et occasionne une tumeur. Quand on re-
plante le chou, on ouvre cette tumeur et on tue la
larve qui l'habite.
Le cltou de Bruxelles se sème du 15 avril au
15 juin. On fait d'ordinaire des semis successifs, et,
comme ce chou résiste fort bien aux gelées, on le
cueille depuis l'automne jusqu'à la fin de l'hiver.
Le chou-fleur se semé en trois saisons, de façon
que les diftérentes récoltes se succèdent du prin-
temps à l'automne. On le sème en automne, en
hiver et en été. Les semis d'automne se font dans
le courant de septembre sur couche; quand les
jeunes plants sont âgés de 15 jours environ, on les
replante sur une autre couche abritée par un mur
ei on les hiverne sous cloches en recouvrant ces
dernières de paillassons et même de litière peu-
CRUCIFERES
o39 —
CRUSTACES
dant les gelées, en ayant soin d'aérer pendant le
jour toutes les fois que le temps le permet. Les
plants sont mis en place en mars et produisent en
mai, juin et quelquefois juillet. Les semis d'hiver
se font de la fin de janvier au l5 février; les soins
sont les mêmes que pour les semis d'automne,
seulement les semis eux-mêmes se font sous
cloches. On les met en place en mars ou en avril :
ils donnent en juin et juillet. Les semis d'été se
font dans le courant de juin sur une plate-bande
formée de terreau ; on les met en place en juillet.
Dans cette culture, qui est fort simple, on a à
redouter la sécheresse : aussi a-t-on soin de semer
à l'ombre et d'arroser fréquemment quand on a
replanté. Ces semis produisent depuis la fin d'août
jusqu'en novembre.
Le cliou brocoli n'est qu'une variété du chou-
fleur; il en dilTère surtout par ses feuilles qui
sont ondulées, tandis que celles du chou-fleur
sont lisses.
Le chou-rave et le chou-fiavef: ont une racine
charnue, riche en sucre et en albumine, comes-
tible ; leurs graines contiennent une huile fixe em-
ployée pour l'éclairage.
Le colza est cultivé dans le nord de la France
et en Belgique ; on retire de ses graines une huile
propre à l'éclairage. Quand on le cultive pour ses
graines, on le sème du 15 juillet à la fin du mois
d'août ; les semis doivent être sarclés et bien en-
tretenus pendant un mois et demi ou deux mois,
puis on les replante en lignes espacées de 32 cen-
timètres ; il faut ensuite rechausser les plants. Les
graines sont mûres l'été suivant ; on fait la récolte
avant la maturité complète, quand les siliques
sont jaunes, parce que, ces dernières s'ouvrant
avec la plus grande facilité, on risquerait de
perdre une bonne partie des graines. Lorsqu'on
cultive le colza comme plante fourragère, on le
sème aussitôt après la moisson, sur un chaume de
blé que l'on retourne à cet effet. Ce semis donne
quelquefois en hiver, mais surtout au printemps,
un fourrage vert que l'on fait manger sur place ou
que l'on coupe pour l'étable.
La 7iavette, de même que le colza, est cultivée
soit pour ses graines, soit comme fourrage. Dans
le premier cas, on peut la semer de la fin de
juillet au commencement de septembre ; le semis
est fait tout de suite en place et à la volée ; on
bine, on sarcle, on éclaircit les plants et on ré-
colte l'été suivant quand les siliques sont jaunes.
Sa culture comme fourrage est la même que celle
du colza.
Il» Moutardes. — Sénevé noir ou moutarde
noire. Sa graine pulvérisée est employée comme
condiment ou appliquée sur la peau comme médi-
cament rubéfiant (sinapismes). Ses vertus exci-
tantes sont dues à l'huile volatile très acre qu'elle
renferme, huile qui n'est mise en liberté que sous
l'action de l'eau. Il en résulte que, quand on veut
employer la farine de moutarde pour faire des si-
napismes, on doit la délayer dans l'eau.. La mou-
tarde noire se sème au printemps et se récolte en
été avant la maturité complète des graines.
La moutarde blanche a des propriétés analogues
à celles de la moutarde noire, mais moins actives;
sa graine entière peut être administrée pour
exciter les fonctions digestives. Dans certains pays,
on l'appelle la plante au beurre, parce qu'on la
cultive surtout pour fournir du fourrage vert aux
vaches depuis la fin de l'été jusqu'aux gelées. On
la sème alors après les moissons sur les chaumes
labourés.
12° Chou marin. — Il habite le littoral de
l'océan Atlantique et de la Manche ; il est cultivé
comme plante potagère : on mange ses jeunes
pousses qu'on fait blanchir au printemps en les
privant de la lumière. Nous avons déjà parlé du
crambe des Tartures, qui est une plante voisine du
chou marin; elle habite les champs sableux de la
Hongrie et de la Moravie.
13° Radis. — On cultive deux espèces de radis,
l'une à racine noire en dehors et blanche en de
dans, l'autre à racine blanche ou rose ou violette ;
toutes deux sont originaires de la Chine et em-
ployées comme condiment. Le radis noir (appelé
aussi raifort cultivé) se sème à la fin de mai; on
doit l'arroser fréquemment; on le récolte en hiver.
Le radis rose, ou blanc ou violet se sème presque
toute l'année; en hiver sur couche, en été, en
pleine terre; il aime l'ombre et l'iiumidité.
[C.-E. Bertrand.!
CRUSTACES. — Zoologie, XXVL — Dernière
classe du sous-embranchement des Articulés.
Nous avons indiqué, au mot Articulés, les ca-
ractères généraux des Crustacés.
Le nom de ces animaux vient de la dureté de
leur système tégumentaire, due à ce que leur
peau s'incruste fortement de carbonate de chaux.
De là, la nécessité de mues fréquentes pour per-
mettre l'accroissement du corps, renfermé dans
une gaîne inflexible.
Les Crustacés sont presque tous marins; quel-
ques-uns pourtant habitent les eaux douces. Une
seule famille, celle des cloportes, est terrestre.
Une particularité à signaler, c'est que, lorsqu'un
crustacé vient à perdre une patte par un accident
quelconque, le membre ainsi perdu repousse ;
tout le monde a pu voir des crabes, des homards,
des écrevisses ayant une de leurs grosses pinces
antérieures beaucoup plus petite que l'autre : la
petite pince est un membre nouveau qui a re-
poussé pour en remplacer un autre, et qui n'est
pas encore arrivé à croissance complète.
Classification des Crustacés. Espèces de France
les plus importantes. — Les Crustacés se divi-
sent en une dizaine d'ordres, auxquels on peut
encore rattacher le groupe des Cirripèdcs, dont
quelques naturalistes font une classe à part.
Ordre des Décapodes. — Cet ordre comprend
des crustacés munis de dix pattes, d'où leur nom.
Leurs yeux sont portés sur des pédoncules mobi-
les ; les branchies sont placées à la base des pat-
tes, dans deux chambres internes. On subdivise
les Décapodes en deux sections, suivant la gran-
deur et la forme de l'abdomen. Ceux qui ont l'ab-
domen très court, replié sous le céphalo-thorax,
de telle façon qu'il ne se voit que si l'on renverse
l'animal sur le dos, forment la section des Bra-
chijures, c'est-à-dire courtes queues (t}'pe : le
crabe) ; ceux dont l'abdomen est long et développé
s'appellent les Macroures, c'est-à-dire grandes
queues (type : l'écrevisse).
A. Bracliyures. — Là plupart des Brachyures
ou Crabes sont marcheurs, et le dernier article de
leurs pattes postérieures se termine en stylet, tan-
dis que la première paire est munie de pinces sou-
vent très grosses. Citons parmi ceux-là le Tourteau
ou Crabe poupart i Platijcarcinus paguines, fig. 1),
de très grande taille, ovalaire, d'un brun rouge en
dessus, devenu rare tant on le recherche pour la
table à cause du goût délicat de la chair de ses
grosses pinces et surtout de son foie jaunâtre (/"«rce),
qui remplit presque tout l'intérieur du corps et que
l'on estime beaucoup pour faire la sauce du homard
ou de la langouste ; le Crabe enragé {Carci7ius
mœnos), courant de côté et assez vite, s'enfouissant
dans le sable à marée basse, de couleur verdàtre,
de chair médiocre ; le Maia squinado, dit arcn-
gnée de mer, à longues pattes grêles, à carapace
ovoïde et allongée, rétrécie en avant, hérissée
d'épines, se vendant sur les marchés de toutes
nos côtes dé l'Ouest. D'autres Crabes sont nageurs
et ont les pattes postérieures terminées par un
article aplati en rame, élargi, cilié sur les bords.
Tels sont les Partîmes, qui ne vienn Mit pas sur
la côte contre terre, mais nagent à distance, par-
CRUSTACES
540 —
CRUSTACES
fois assez loin, libres ou soutenus sur des algues
flottantes. On estime beaucoup, pour le goût fin
de sa chair et de son foie, ï Etrille {Portu7ius pu-
ber), d'un gi'is brunâtre, qui se cuit au court-
bouiilon, comme l'ccrevisse. On va chercher ce
crabe, à la marée basse, sous les rocliers et sous
les pierres, qu'on fouille avec des crocs. Sur les
côtes de la Méditerranée on mange les Calappes
(Calappa grayiuhtta), à bouche triangulaire sur
laquelle s'appliquent les pattes antérieures com-
primées en largos crêtes trancliantes. Citons en-
core des petits Crabes de la grosseur d'un pois, à
contour circulaire, les Pinnothères, qui vivent
dans les moules, dont les anciens les regardaient
comme les gardiens. Ordinairement la moule ren-
ferme à la fois le mâle et la femelle^ celle-ci plus
grosse, à carapace plus bombée, moins consis-
tante. Ces Crabes épuisent le mollusque par leurs
morsures, le font beaucoup maigrir, et rendent
sa chair peu savoureuse. Les Crabes ont pour la
plupart des métamorphoses. En sortant de l'œuf,
ils ont une forme très différente de celle de l'a-
dulte, avec des pattes Inniollouses et de grandes
épines courbées
à la tête et au
tlierax ; on y avait ' ,
vu longtemps des
Crustacés parti-
culiers qu'on ap-
pelait des Zoés.
B. Macroures.
— L'abdomen est
muni d'appendi-
ces servant soit à
la natation, soit à,
retenir les œufs,
qui restent quel-
que temps atta-
chés en grappes
sous le ventre
après la ponte.
Cet abdomen à
muscles puissants
constitue dans di-
verses espèces
une importante
ressource alimen-
taire pour l'hom-
me. Les Macrou-
res sont des
nageurs, ne mar-
chant que peu au
fond de l'eau,
mais se lançant en arrière dans l'eau avec une
grande vitesse par les mouvements puissants de
leur addomen, que termine une large nageoire à
cinq lamelles étalées.
La tribu des Astaciens (Ecrevisses et Homards)
comprend des espèces sans métamorphoses. Les
pattes antérieures sont fortes et terminées par
une énorme pince de préhension, les pattes de la
seconde et de la troisième paire également avec
pince, mais grêles ; celles des deux dernières pai-
res terminées par un seul ongle en stylet. Les
Astaciens deviennent d'un beau rouge après la
cuisson.
Les Ecrevisses habitent les eaux douces, vivant
sous les pierres. Elles sont omnivores ; on les
nourrit très bien dans les vivieri avec des ronds
do carotte ou des orties hachées ; elles aiment
beaucoup les chairs un peu avancées dont on mu-
nit les balances ou filets tendus sur un cercle de
fer avec lesquels on les pêche la nuit ; le jour on
les recherche sous les pierres. Il est très impor-
tant d'interdire aux enfants la pêche des ecre-
visses trop jeunes. Ce précieux crustacé, qui a de
fréquentes mues, est de croissance fort lente ; il
faut huit h dix ans pour former une belle écre-
visse, et leurs œufs sphériques, très gros eu égard
à la taille de la femelle^nc sont qu'en petit nombre.
Les cours d'eau de la France, si riches autrefois
en ecrevisses, en sont bien dépeuplés aujour-
d'hui ; le marché parisien n'est guère approvi-
sionné que par la Meuse, le Rhin et les exporta-
tions de la Silésie.
L'écrevisse la plus estimée {Astacus fluviatilis)
est de couleur brun verdàtre, avec des pattes
rougeâtres au bout; il y a des variétés bleues et
certaines rougeâtres, peut-être par suite d'une
insolation. UÀstacus pallipes, à pattes blanchâtres,
a la chair bien moins savoureuse et se vend à
moindre prix sur les marchés.
Les Homards, qui atteignent une grande taille,
sont marins. A l'état vivant, leur test offre des
nuances variées d'un bleu sombre. Chaque fe-
melle produit un nombre immense de très petits
œufs, jusqu'à 12 millions, dit-on ; mais beaucoup
sont perdus. Cette fécondité prodigieuse retarde
la dispariiion sur nos côtes de cette précieuse es-
pèce, qui atteint un prix élevé. UHomarus mari-
nus ou vulgaris se plaît sur nos côtes rocheuses,
^^ surtout sur cel-
^ les de Bretagne.
^ On le pêche avec
— ^£^j2 des amorces de
>__ viande avancée,
dans des paniers
d'osierimmergés,
ayant une ouver-
ture en nasse, ou
sous des. caisses
de bois, retenues
par de fortes pier-
res et que le flot
de la marée mon-
tante soulève, de
sorte que le crus-
tacé se glisse en
dessous et reste
prisonnier quand
la mer se retire.
On va aussi cher-
cher les homards
à marée basse, en
fouillant avec des
crocs sous les
grosses pierres
et à la base im-
mergée des ro-
chers.
Les Anglais font
une consommation énorme de homards. Ils abon-
dent sur les côtes d'Ecosse et d'Irlande ; ce sont
surtout les côtes de Norvège, celles des îles Shet-
land et Orcades qui les fournissent au commerce
britannique. Les navires de pêche ont des réser-
voirs annexés à la carène où on les garde vivants.
Ils sont ensuite emmagasinés par milliers dans des
viviers qu'alimente l'eau de mer.
La tribu des Palémoniens offre sur nos côtes des
petites espèces en nombre immense, connues sous
le nom général de Crevettes (fig. 2). On les pèche
dans un grand filet en demi-cercle qu'on pousse
devant soi, avec un manche, à travers le sable,
quand la mer monte. Il faut recommander aux
enfants de ne pas enlever les crevettes trop pe-
tites, car nos côtes se dépeuplent rapidement. Ces
Crustacés nagent contre la côte. Leur test à demi
transparent laisse voir les viscères internes.
Les Palémons proprement dits {Palemon ser-
ratus) ont en avant un long rostre denté en scie,
et les deux premières paires de pattes munies
d'une pince grêle. Ce sont les Chevrettes, Bou-
quets, Salicoques ou Crevettes rouges (après
cuisson), à chair fort estimée. Les Crangons [Cran-
gon vulgaris) ou Crevettes grises, deviennent
Platycarcinus pagunis (tourteau).
CRUSTACÉS
— 541
CRUSTACES
gris par la cuisson. Ils n'ont pas de rostre et ont
les pattes antérieures terminées par un seul doigt
replié en griffe. Leur petite taille et leur chair
moins savoureuse que celle des Salicoques les
maintiennent à bas prix. Sur les côtes de la Médi-
terranée on mange les Pénées, dont une espèce, dite
Caramote, a la chair très délicate. Comme les
écrevisses, ils ont les pattes des trois premières
paires terminées ._ .— , — = =
en pinces, mais
grêles, et leurs
téguments sont
peu solides.
La tribu des
Palinuriens nous
présente une es-
pèce importante,
la Langouste (Pa-
linurus vulgaris]
qui atteint la
grande taille du
homard ; toutes
les pattes sont
terminées par un
seul doigt ou on-
gle conique, cel-
les de la première
paire étant seu-
lement un peu
plus fortes que
les autres. On
distingue surtout
immédiatement la
langouste du ho-
mard à son cé-
phalothorax for-
tement épineux
en dessus, à sa
couleur d'un brun rougeatre. Même pèche que
pour le homard. La chair de la langouste n'a pas
le goût un peu prononcé de celle du liomard et
est, en général, plus recherchée en France pour la
table.
Les métamorpho.^es des langoustes sont fort
curieuses. Elles commencent par avoir la forme
de Crustacés translucides, aplatis comme une
feuille, ayant un abdomen
rudimentaire, des pattes
très grêles et biramées. On
en a fait longtemps un
groupe à part sous le noni
de Phyllosomes ^corps en
feuilles). Ils nagent loin des
Cotes et en haute mer, puis
reviennent contre les côtes
rocheuses et donnent les
langoustes , qui ne quit-
tent pas les rivages.
Un dernier groupe de
Macroures présente l'ab-
domen mou et non cuiras-
sé. Ce sont les Pagures ou
Bernards-l'Hennite. Ils ont
l'instinct d'enfermer cet ab-
domen dans des coquilles
univalves vides, comme des
Buccins, des Troques, des
Murex, etc., en l'attachant
au fond de la coquille par leurs pattes postérieu-
res très courtes et en crochets, ne laissant sortir
<îue la région antérieure de leur corps et leurs
grosses pattes en pinces à téguments très durs.
On recherche mauitenant beaucoup ces Pagures
comme excellentes amorces des lignes de fond,
surtout pour la pêche des Squales (Anges, Rous-
settes, Chiens de merj.
Ordre des Stomapodes. — Yeux sur pédoncules
mobiles ; brancliies extérieures et en houppes, en
Palémon et Ciaiiiron.
dedans des pattes de l'abdomen. A citer : les
Squilles de la Méditerranée, dont les pattes anté-
rieures, très longues, sont conformées en pinces
ravisseuses, comme chez les Mantes (insectes
Orthoptères), la jambe repliée contre la cuisse,
saisissant leur proie entre une double rangée
d'épines acérées.
Les Crustacés qui suivent ont les yeux sessiles,
_ .^^_ c'est-à dire insé-
-. =^~-^~- '^- T rés, immobiles de
chaque côté de
la tête.
Ordre des Am-
PHipoDES. — Res-
piration par de
grandes vésicules
membraneuses at-
tachées à la base
des pattes. Abdo-
men long et dé-
veloppé , se dé-
bandant comme
un ressort au
saut.
A citer les Cre-
vettes deruisseau,
nageant de côté,
dites Puces d'eau,
abondantes dans
les eaux douces,
qu'on trouve sou-
vent à l'intérieur
des bottes de
cresson ; les Ta-
litres ou . Puces
de mer, enfouis
dans le sable pen-
dant le jour, sor-
tant le soir et sautant avec vivacité, en myriades,
la nuit, sur les algues amoncelées sur le rivage,
faisant entendre comme un bruissement par le saut
simultané de leurs multitudes. Les Talitres font
disparaître avec rapidité tous les débris animaux
rejotés par la mer et dissèquent les petits cadavres
qu'ils réduisent en squelettes à la façon des fourmis.
0/Y//'erfesIsopoi.)Es;Cloportesj. — Les Crustacés de
cet ordre ont presque tous
sept paires de pattes tho-
raciques, égales entre elles,
et portées sur des anneaux
distincts. L'abdomen n'est
jamais terminé par des or-
ganes propres au saut ou
par une nageoire.
Les Cloportes vivent en
terre, mais toujours en des
lieux humides, de sorte que
leurs branchies ne puis-
sent se dessécher. Le genre
Oniscus ne se roule pas en
boule ; à ce genre appar-
tient le Cloporte ordinaire
ou des jardins (0. mura-
rius), des murs et des troncs
d Hrbre, se cachant entre
les pierres, sous les écor-
ccs, derrière les tiges des
arbustes en espalier, sous
les pots à fleur. Il est très nuisible aux plantes de
serre, ronge beaucoup de fruits, de bulbes, de ra-
cines. On attire les cloportes dans de petits amas de
mousse, des pots renversés, des pommes de terre
creusées, des sabots de cheval, etc., en un mot
des abris contre la lumière, que craignent ces Crus;
tacés. Il faut les écraser ou les échauder à l'eau
bouillante.
Les Porcellions se roulent à demi en boule
parmi eux est le Cloporte des caves, Porcellio
3. — Pagure ou Bernard-l'Hermite.
CRUSTACES
U2 —
CRUSTACES
scaber, des celliers et réduits obscurs et souter-
rains, rongeant les bouchons des bouteilles, les
légumes conservés au frais.
Les Armnd'Ules sont les Cloportes des bois, se
roulant complètement en boule comme moyen
défensif. Ils ne sont pas nuisibles ; une espèce du
midi de la France, Armadillo offlcinalis ou Clo-
porte des pharmacies, était autrefois employée
comme remède dans les affections de l'appareil
respiratoire.
Les Idotces sont de grands Cloportes marins, à
corps allongé, qu'on voit courir à marée basse sur
les rochers ruisselants d'eau salée.
Il y a des Isopodes de petite taille, à vie parasi-
taire : les Cymot/ioés, qu'on trouve sur les bran-
chies des homards; les Bopyres, qui se fixent sous
les flancs du céphalothorax des Palémons et for-
ment ces bosselures d'un rouge noirâtre (après
cuisson), bien connues de toutes les personnes
qui ont mangé des crevettes rouges.
0)xh'e des Brwchiopodes. — Dans ces Crusta-
cés, la plupart des eaux douces, les pattes, en
nombreuses paires molles et membraneuses, ser-
vent à la fois à la nage et à la respiration.
Les plus fréquents sont les Apiis, atteignant la
grandeur du pouce, dont la tête et le thorax sont
cachés sous un grand bouclier, comme une valve
de coquille que termine un abdomen en forme de
queue avec une nageoire au bout fig. 4 et 5). Nous
Fig. 4. — Apus prodacLus Fig. 5. — Apus producius
(en dessus), grandeur na- (eu dessous) , grîuideur
turelle. naturelle.
en avons en France deux espèces d'un vert grisâtre
foncé. Elles apparaissent tout d'un coup par multi-
tudes dans des mares desséchées depuis longtemps
et que remplit l'eau de pluie, ou dans les grandes
flaques d'eau qui persistent quelque temps après
le débordement des rivières. On reste ensuite bien
des années sans revoir les Apus. 11 y en avait, il
y a quelques années, un nombre immense près
de Paris dans l'île de la Grande- Jatte et à Genne-
villiers, et aussi dans des petits fossés des fortifi-
cations contre la porte d'Ivry. Les œufs des Apus
se conservent très longtemps dans la vase dessé-
chée, ce qui explique ces singulières et subites
résurrections. Les mâles des Apus sont très peu
nombreux comparativement aux innombrables lé-
gions des femelles ; ces Crustacés se dévorent
entre eux quand ils ont consommé tous les détritus
animaux ou les petites proies vivantes qui les en-
touraient.
Dans les derniers ordres des Crustacés, il faut
mentionner de très petites et presque microscopi-
ques espèces qui pullulent dans les eaux marines
et surtout dans les eaux douces. Elles servent à
nourrir les très jeunes poissons dès la résorption
de la vésicule ombilicale de l'œuf ou vitellus ; c'est
grâce h ces minuscules crustacés des eaux douces
qu'on peut élever dans les aquariums de salon de
jolies espèces de poissons exotiques qui sont une
distraction amusante. Tels sont les Ci/clopes, n'ayant
qu'un œil, à corps piriforme, à pattes natatoires
non membraneuses: le» Cypris, aussi à un seul œil,
à corps renfermé dans une mince coquille bivalve,
comme un double bouclier ; les uaplmies, aussi à
double bouclier bivalve et à pattes natatoires
membraneuses qui fourmillent dans les eaux crou-
pies et dans les tonneaux d'arrosage.
Ordre des Xypiioslres. — On commence à voir
maintenant â l'état vivant, dans les aquariums
d'eau de mer (ainsi au Jardin d'Acclimatation), de
gigantesques Crustacés, les Limules ou Xi/p/iosures ,
dits Crabes des Mohiques, très abondants sur les
côtes de la zone torride en Asie et en Amérique.
La majeure partie de leur corps est sous un vaste
bouclier très convexe, la bouche au milieu de six
paires de pattes, dont le premier article hérissé
d'épines fait fonction de mâchoires. Puis vient
une longue et robuste queue en stylet. Les Limu-
les restent couchés sur le sable au fond de l'eau,
relevant sournoisement un des bords de ce large
bouclier ; un poisson s'y glisse, comme sous une
fente de rocher où il espère trouver une proie. La
trappe perfide se referme aussitôt sur sa victime.
(]es Limules ont de grandes analogies avec les
Arachnides.
CiRRiPÈDES. — Les Cirripèdes, rangés autrefois
parmi les Mollusques, et dont M. Milne-Edwards
a fait un ordre des Crustacés, tandis que d'autres
auteurs en ont formé une classe à part, tiennent
aux Mollusques par certaines analogies avec les
Mollusques Brachiopodes, mais présentent plus
de rapports avec les Crustacés. Toutefois leurs
affinités réelles sont masquées, à, Tétat adulte,
par un de ces phénomènes de développement
rétrograde comme en présentent souvent les ani-
maux qui deviennent fixes lors de la phase de
reproduction (ainsi les Crustacés suceurs para-
sites, les Eponges, etc.).
Les Cirripèdes sont exclusivement marins, et, à
leur sortie de l'œuf, sont libres et nageurs, res-
semblant beaucoup aux petits Crustacés d'eau
douce si abondants dans les eaux stagnantes, les
Cypris, les Daphnies, etc. Ensuite ils se fixent par
la région dorsale sur des objets sous-rnarins, et
leur corps, recourbé sur lui-même et plus ou moins
piriforme, est renfermé dans une coquille à plu-
sieurs pièces. Ils sont aveugles, des organes de
vision étant inutiles vu leur station fixe. Leur face
ventrale possède une double rangée de lobes
charnus, portant chacun une paire de cirres ou
longs appendices multi-articulés et ciliés, recour-
bés sur eux-mêmes, que l'animal fait constammeni
sortir et rentrer par la fente de sa coquille multi-
ple, et qui lui servent à saisir au passage les ali-
ments cliarriés par les vagues. Ils respirent par
des branchies.
Deux ordres bien naturels se partagent les èîres
de ce petit groupe ; nous désignerons chacun par
le nom de leur principal genre.
Les Anatifes ont la queue prolongée en un long
tube cylindrique d'attache, qui se termine supé-
rieurement par le corps de l'animal, protégé i
l'extérieur par cinq valves dures et calcaires, dont
les deux principales ressemblent assez Ji celles
d'une moule. On trouve en abondance dans nos mors
VAyiatifccO'iuniinc (fig. 6), dont les valves d'un blnnc
de lait se détachent sur la couleur foncée des ]iar-
ties cartilagineuses. La base immergée des rochers,
CRYPTOGAMES
Ips bois flottants, les pilotis des ports présentent
souvent des colonies de ces singuliers animaux ,
elles recouvrent fréquemment, comme une sorte
de véiîctation, la quille des navires couchés sur les
bassins -de radoub. Au moyen âge, les Anatiies
ct;iient le sujet des contes les plus ridicules;
Ç^^
Fig.6. — Auatifcs.
d'après leur ressemblance très grossière avec une
ète d'oiseau emmanchée d'un long cou, on croyait
qu'elles se changeaient en Bernaches, Palmipèdes
voisins des oies.
La base d'attache est très large et très courte
chez les Balanes, dont le corps est contenu en en-
tier dans une sorte de tronc pyramidal fixé au;;
objets par sa grande base et consotué par des val-
ves calcaires à pans irréguliers ; l'ensemble externe
de ces bizarres animaux n'est pas sans ressem-
blance avec le fruit du chêne, ce qui les fait appe-
ler (/lands de. mer, mot qui n'est que la traduction
vulgaire de leur nom scientifique. Ces Balanes
abondent, comme des incrustations, sur la partie
immergée des rochers, sur les pierres que recou-
vre le flot, sur beaucoup de coquilles, surtout les
peignes et les moules. Les espèces de France ne
dépassent pas six à huit millimètres de hauteur ;
les mers chaudes en ont de bien dus grandes.
[Maurice Girard.]
CRYPT0GA31ES. —Botanique, XL — (Etym. :
de deux mots grecs, signifiant mariage caché.)
Nom donné par Linné à l'une des grandes sec-
tions du règne végétal, divisé par lui en deux
embranchements, les Phanéroçjames, chez lesquels
les organes de reproduction sont apparents, et les
Cryptogames, chez lesquels ces organes sont peu
apparents ou cachés.
Jussieu, prenant pour base de sa classification
l'existence ou la non-existence des cotylédons et
leur nombre, a donné aux Cryptogames le nom
d'Acott/lédones * {sans cotylédons). C'est à ce mot,
ainsi qu'aux mots Champit/ïwns, Lichens, Moussp.9,
que nous traitons des familles végétales compo-
sant le groupe naturel dont il est ici question : les
algues, les champignons, les lichens, les mousses,
les fougères.
Le nom de Cryptogames a été repris par Can-
dolle et par Brongniart, et continue à s'employer
comme l'équivalent universellement reçu de celui
d'Acotylédones
— o43 — CUBAGE
CI.BAGE DES BOIS. — Géométrie, XXVIL —
Évaluaiion en mètres cubes ou en stères du vo-
lume des bois de charpente ou des bois de chauf-
fage.
1 . Les bois de charpente affectent d'ordinaire
la forme du parallélipipède rectangle ; leur volume
s'obùent conséquemraent en faisant le produit de
leurs trois dimensions, qu'on évalue en décistères
(le décistère remplace l'ancienne mesure appelée
golive). Si, par exemple, il s'agit d'une poutre
ayant 0'°,3 de largeur, O^jS d'épaisseur, et 2°',50de
longueur, son volume sera exprimé en mètres cubes
par 0,-3 X 0,2 X 2,5 ou O^^jlSO, ce qui revient à
Le même procédé s'applique, dans les chantiers,
aux piles de planches ou de bois de chauffage ;
mais quand il s'agit ainsi d'un volume considé-
rable, on l'évalue en stères. Ainsi une pile de 8 m.
de long sur 3"°, 42 de large (3 longueurs de bû-
ches), et 6"", 50 de haut, a un volume exprimé en
mètres cubes ou stères, par 8 X 3,42 X 6,50 ou
17'Î'S84, ou environ 177 stères et S décistères.
2. Les bois en grume, c'est-à-dire coupés,
mais non encore dépouillés de leur écorce, aflfec-
tent en général la forme d'un cylindre ou d'uï
cône tronqué, suivant que les bases sont de même
diamètre ou de diamètres différents.
Si la forme est cylindrique, on sait que. pour ob-
tenir le volume, il faut multiplier la surface de la
base par la hauteur. Soit, par exemple, 0°'.o(i le dia-
mètre de la base et 3"", 20 la hauteur. On obtiendra
d'abord la base en faisant le carré du rayon, c'est-
à-dire le carré de G", 18, qui est 0""l, 0324, et en le
multipliant par le rapport de la circonférence au
diamètre, ou 3,1416, ce qui donne O""). 101787 ; on
multipliera ensuite cette surface par 3°", 20, ce qui
donne 0""!, 325721, ou environ 3 décistères \. :■
Si la forme est celle d'un tronc de cône, on n'a
pas immédiatement la hauteur ; mais on mesure la
génératrice, et l'on peut en déduire la hauteur en
remarquant qu'elle est l'un des côtés de l'angle
droit d'un triangle rectangle qui a pour hypoté-
nuse cette génératrice, et pour troisième côté la
difl'érence entre les rayons des deux bases. On fait
le carré de cette différence, on le retranche du
carré de la génératrice, et l'on extrait la racine
carrée du reste ; c'est la hauteur cherchée. On sait
alors que le volume du tronc de cône s'obtient,
conformément à la formule
V= I Tr/i (R2 + ;-2 -f R;-), .
en faisant le carré du plus grand rayon, le carré
du plus petit, et le produit de ces deux rayons,
additionnant ces trois quantités, multipliant par la
hauteur, puis par le nombre 3,1416, et prenant le
tiers du résultat.
Soient, par exemple, 0°,44 et 0'°,28 les diamètres
des deux bases, et 4°, 5 la longueur de la généra*
trice. Les rayons sont 0™,22 et 0",I4 ; leur diffé-
rence est 0°',08 dont le carré est 0">'!,0064 ; retran-
chant cette valeur du carré de 4"°, 5, c'est-à-dire
de 20"'q,25, on obtient pour reste 20"'q,2436, dont
la racine carrée 4"°, 4993 est la hauteur du Ironc
de cône ; elle diffère fort peu de la génératrice me-
surée, et c'est ce qui arrive le plus souvent. ^lain-
tenant, la formule ci-dessus donnera
V=|.3,14l6.4",499[(0'"22)M-(0,"14)2-h0,"-22X0"',14]
En effectuant les calculs, on trouve 0™'', 4 65859
ou à peu près 4>'"'5',G6 (V. Volumes, p. 2350;.
Remarque. — Quand les bases diffèrent peu, on
obtient une approximation suffisante en calculant
le volume comme celui d'un cylindre qui aurait
pour diamètre une moyenne entre les diamètres
extrêmes, et dont la hauteur serait égale à la ge-
I nératrice du tronc de cône.
CUBE
— 544 —
CUGURBITAGÉES
II
III.
3. On pourra proposer aux élèves les exemples
suivants ;
1. — Ujiepoutre a0'o,i2 de la9'geu)^,0<°,n d'épais-
seiD' et ô"",! de longueur; quel est son
volume?
Réponse : On>«,599760, ou à très peu
près 6 décistères.
Une pile de bois a O^iôO de long, 4'«',o6 de
large et 7 m. de haut; combien contient-
elle de stères?
Réponse : 303",2.
Une pièce de bois en grume, de forme cy-
lindrique, a 0",42 de diamètre et 4", 50 de
longueur; quel est son volume?
Réponse : C^'s'jSS.
IV. — Une pièce de bois en grume, ayant la forme
d'un tronc de cône, a 0",48 et 0™,32 de
diamètre à ses deux bouts ; et sa généra-
trice a 3"",C0; combien contient-elle de
décistères ?
Réponse : 4<i«isi,579, ou près de 4''écist^6.
[H. Sonnet.]
CUBE. — Arithmétique (É. N.), XLTX. — Le
cube d'un nombre est le produit de trois facteurs
égaux à ce nombre.
Le cube d'un jumibre coynposé de deux parties
est égal au cube de la première, plus trois fois le
carré de la première multiplié par la seconde,
plus trois fois la première multipliée par le carré
de la seconde, plus le cube de la seconde.
On peut vérifier ce théorème en effectuant le
cube de la somme de deux nombres quelconques,
qu'il est plus simple d'appeler ici a et b.
a -\-b
a -\-h
quelconque est égal à la somme de celui qui est
au-dessus et de celui qui est à la droite de ce
dernier.
Nombres.
Cubes.
Diff. 1".
Diff. 2".
Diff. 3".
0
0
1
6
0
1
1
7
12
6
2
8
19
18
6
3
27
37
24
6
4
64
61
30
6
5
125
91
36
6
512
127
7
343
...
a2 + ab
ab + h^-
a^ + lah + b-^
a +6
a3 + 2a-h -\- ab''-
4- a-6 + %ab^- -f 6^
a3 + 3a*è + 3aé2 + b^
Conséquences. — \. Le cube d'un nombre com-
posé de dizaines et d'unités est égal au cube des
dizaines, + 3 fois le carré des dizaines X par les
unités, -+- S fois les dizaines y, par le carré des
unités, 4- le cube des unités.
{d + uY = rf3 + ^dhi + 3f7u2 + 2^3.
Cette propriété sert de base à l'extraction de la
racine cubique.
2. La différence entre les cubes de deux nom-
bres co7isécutifs est : 3 fois le carré du petit nom-
bre 4- 3 fois ce nombre + 1.
(?i+l)3 — n3==3„î4.3„_j_ 1,
Cette propriété peut servir à faire une table de
cubes à l'aide de simples additions. En effet, la
différence entre deux différences consécutives ou
différence seconde, est égale à 6 fois le nombre
moyen :
3h« 4- 3w + 1 — [3fn — l)-' 4- 3(n —1)4-1] = 6?j.
Et la différence entre ces différences secondes
ou différence troisième est constante et égale à 6.
On pourra donc par de simples additions revenir
de la différence troisième aux différences se-
condes, au.\ différences premières et aux cubes.
Le tableau suivant, qu'on peut prolonger indéfi-
niment, indique la marche du calcul. Un nombre
3. Le cube d'une fraction est une fraction qui
a pour numérateur le cube du numérateur de
la fraction donnée, et pour dénominateur le cube
de son dénominateur.
(f
a3
6»
C'est une conséquence évidente de la multipli-
cation des fractions (V. Fractions).
4. Le cube d'un nombre décmial a trois fois
autant de chiffres décimaux que le nombre lui-
même ; car, si on l'écrivait sous forme de fraction
ordinaire, on devrait tripler le nombre des zéros
au dénominateur.
Le calcul des carrés, des cubes, des racines
carrées et cubiques se fait aisément à l'aide de la
Règle à calcul ou de l'Abaque *. Ce sont les
seules méthodes pratiques dans les applications
ordinaires de l'industrie. Les calculs plus précis
se font à l'aide des logarithmes. [P. Robin.]
CUBE. — Géométrie, XXllI. — V. Polyèdres.
CUBE. (Minéralogie). — V. Cristal. .
CUCURBITACÉES. — Botanique, " XIX. —
yEtym. : du latin cucurbita, courge, citrouille.)
Définition. — Les plantes dont l'ensemble forme
la famille des Cucurbitacées appartiennent aux
Phanérogames dicotylédonées angiospermes. On
ne sait si on doit les considérer comme gamopé-
tales, c'est-à-dire à corolle formée de pièces
adhérentes, ou comme dialypétales, c'est-à-dire à
corolle formée de pièces distinctes. Brongniart les
rapportait à ce dernier groupe, et les plaçait à
côté des Bégonias.
Caractères botaniques. — Les graines des Cu-
curbitacées sont aplaties ; leur tégument peu
épais, dont la surface devient mucilagineuse au
contact de l'eau liquide, protège un embryon vo-
lumineux à tigelle très courte, à cotylédons très
développes, plans, foliacés. Leur albumen est fort
peu développé. Certaines de ces graines sont em-
ployées comme vermifuges.
A la germination, la graine est fixée' au sol par
la surface de son tégument devenue mucilagineuse
au contact de l'eau ; l'embryon se gonfle, fait
éclater le tégument qui s'ouvre comme une boîte ;
sur le côté de la tige de l'embryon se forme un
renflement nommé talon, qui écarte les deux
parties de la coque de la graine ; en même temps
la racine se développe et s'implante dans le sol ;
alors l'embryon, tiré d'une part par la racine,
s'appuyant d'autre part sur le tégument par l'in-
termédiaire de son talon, sort complètement de
son enveloppe, se redresse, prend une direction
verticale et étale dans l'air ses cotylédons qui
eont épigcs. Ces cotylédons verdissent et se com-
portent comme des feuilles ordinaires.
La racine des Cucurbitacées est pivotante, char-
nue, ou fibreuse et à renflements charnus.
CUGURBITAGEES
— 543 —
CUGURBITAGEES
La tige des cucurbitacées est grimpante ou
rampante, et pour cette raison peut atteindre une
assez grande longueur, tout en conservant un dia-
mètre relativement petit; elle est herbacée et
annuelle, quelquefois sous-frutescente et vivace,
couverte de poils rudes au toucher. Elle s'accroche
aux plantes voisines, aux arbres, au moyen de
■vTilles simples ou rameuses qui naissent isolé-
ment au niveau des feuilles.
Les feuilles des cucurbitacées sont alternes,
pétiolées, simples, à nervation palmée, dentées ou
palmilobées ou même palmatifides ; de même que
la tige, elles sont couvertes de poils rudes.
Les fleurs jaunes eu blanches, quelquefois vio-
lettes ou rouges, sont isolées sur la tige, ou grou-
pées en panicules ou en grappes. Elles sont ordi-
nairement unisexuées monoïques , quelquefois
dioïques et très rarement hermaphrodites.
Les fleurs mâles ou fleurs ne présentant que
des étamines sans pistil sont constituées comme il
suit : 1° un calice campanule à cinq lobes. —
2° Une JoroUe gamopétale insérée au fond du
calice; cette corolle est plus ou moins profondé-
ment divisée en cinq lobes. — 3° Les étamines
insérées vers la partie inférieure de la corolle au
nombre de deux et demie ou de cinq. Quand il y
en a deux et demie, on remarque trois filets bien
développés, gros et courts, dont deux portent
chacun deux loges d'anthère et constituent deux
étamines complètes, tandis que le troisième ne
porte qu'une seule loge; il forme donc avec celle-ci
une demi-étamine ; les anthères sont soudées
entre elles, leurs loges sont sinueuses. Dans le
cas où il y a cinq étamines normales, quatre sont
soudées entre elles deux à deux, et la cinquième
est libre. Les anthères sont toujours extrorses,
c'est-à-dire que leur ligne de déhiscence regarde
la corolle.
Les fleurs femelles ou fleurs pistillées, dépour-
vues d'étamines, diffèrent extérieurement de la
fleur mâle, en ce qu'on aperçoit, au-dessous de
leur calice, un renflement dû à la présence de
l'ovaire. Le calice et la corolle des fleurs femelles
ne diffèrent pas de ceux de la fleur mâle. Au
centre de la fleur, on voit le pistil. Ce dernier se
compose d'un ovaire dit mfère, parce qu'il est
au-dessous du calice et de la corolle, et d'un style
court, trifide, portant trois stigmates épais, lamel-
leux ou frangés. Il est formé par trois ou cinq car-
pelles dont les placentas pariétaux très développés
portent de nombreux ovules. Ceux-ci sont ana-
tropes et bitégumentés.
Le fruit des cucurbitacées est charnu, plus ra-
rement sec; on le nomme pépon ou péponide.
Celui des melons, des courges, des concombres,
ne s'ouvre pas ; celui de leoballie, qui croît en
Provence, se détache de son pédoncule et lance
par sa partie inférieure toute la pulpe et toutes
les graines qu'il renferme. Dans d'autres cas, le
fruit s'ouvre au moyen d'un opercule, ou bien ses
parois se brisent d'une façon irrégulière. .
Usages des cacurbitaeées. — 1° Bryone. — Les
racines de nos bryones indigènes (bryone blanche,
bryone dioîque) ont des propriétés purgatives
qui les font employer en pharmacie . Cette
plante se rencontre dans les endroits couverts de
buissons. Les Abyssiniens recherchent à titre
d'aliment la racine d'une autre bryone, qui croît
spontanément dans leur pays, et qu'on nomme
bryone abyssinienne.
2° EcbaUie. — Les fruits et les racines de cette
plante ont aussi des propriétés purgatives. On ne
la cultive plus guère aujourd'hui qu'à cause de la
singularité qui caractérise la dissémination de ses
graines. On appelle quelquefois ses fruits des pé-
tards, bien que la matière projetée soit un liquide
mucilagineux.
3» Coloquvtte. — Les fruits de cette plante sont
2e Pautie.
doués d'une très grande amertume. Les anciens
s'en servaient comme purgatif ; aujourd'hui en-
core, dans les campagnes, les médecins font entrer
la coloquinte dans plusieurs médicaments.
4° Luffa. — Les luffa sont originaires de l'Inde
et de 1 Arabie. Avant leur maturité, leurs fruits
sont comestibles ; après la maturité, ces fruits dé-
pouillés de leur écorce, puis séchés et lavés à
plusieurs reprises et blanchis au soleil, fournissent
de très belles éponges fort employées dans l'Inde.
Les graines des luffa sont purgatives.
5° Les cucwbites, qui tirent leur nom de la
forme et du volume de leurs fruits, et qui ont fait
donner ce nom à la famille tout entière, com-
prennent : la courge, la citrouille, le potiron,
dont les fruits comestibles sont employés en mar-
melade pour faire des tartes ou des soupes. Les
graines du potiron sont employées efficarement
contre le taenia ou ver solitaire. Aux cucurbites se
rattachent le pâtisson ou artichaut d'Espagne, les
fausses oranges, les fausses polices ; ces dernières
plantes sont cultivées comme plantes d'ornement.
Dans les campagnes du midi de la France, on fait
sécher leurs fruits sur les armoires où ils simulent
des ornements de poterie grossière.
(j° Les gourdes, dont le nom est tiré de l'usage
qu'on fait de leurs fruits. Une fois mûrs, ces fruits
sont séchés, perforés par une ouverture pratiquée
près de leur sommet ; on fait sortir leurs graines ;
le réservoir obtenu se recommande, comme bou-
teille portative, par sa grande légèreté et aussi
comme mauvais conducteur de la chaleur, ce qui
permet aux liquides qui y sont enfermés de se
tenir frais plus longtemps. Parmi les gourdes les
plus connues, nous citerons la gourde du pèlerin,
la gourde trompette, la gourde de Corse. Les
gourdes ne mûrissent que dans le midi de la
France ; on sème leurs graines au printemps et on
récolle leurs fruits à la fin de l'été. Il se fait un
commerce local assez considérable de ces sortes
de bouteilles.
7° Les concombres. — On distingue deux variétés
de concombres. L'une est jaune, elle s'en ploie
quelquefois comme aliment, et ses fruits se man-
gent crus assaisonnés de sel et de vinaigre. Ces
mêmes fruits fournissent un cosmétique très
recherché^ qui se fait en mélangeant leur suc à de
la graisse de veau. L'autre variété de concombres,
de couleur verte ou jaunâtre, porte le nom vulgaire
de cornichons . Leurs fruits, cueillis avant la ma-
turité, et confits dans le vinaigre, sont employés
comme condiment. Les concombres se sèment sur
les couches à melon, de décembre à la lin de mars,
et en place dans des trous recouverts de fumier et
de terreau en avril et mai. Pour obtenir certaines
variétés hâtives, on les taille d'une façon spéciale.
Les cornichons se sèment en place en avril, mai
et juin.
8" Le melon, plante voisine des concombres,
dont les fruits sont mangés crus soit après le po-
tage, soit au commencement du dessert. Le melon
est très indigeste ; aussi convient-il d'absorber une
petite quantité de vin riche en alcool après l'in-
gestion de cet aliment. Chez quelques personnes
le melon provoque des vomissements et détermine
quelquefois tous les caractères d'un empoisonne-
ment. La culture des melons n'est facile et pro-
ductive que dans les pays méridionaux. Dans les
pays du Nord, on les élève sous châssis et sous
cloche presque jusqu'à la maturité ; les soins né-
cessaires pour mener à bien les quelques fruits
obtenus font de ceux-ci un mets de luxe. Nous ne
pouvons indiquer ici le détail des opérations de la
taille, du renouage, du repiquage, qui constituent
cette culture.
9° Le pastèque ou melon d'eau a des fruits ana-
logues à ceux du melon, verts à l'extérieur, roses
à l'intérieur; cette chair rose très aqueuse et très
35
CUIR
— 546 —
CUIR
rafraîchissante ne peut être appréciée que dans les
pays chauds. [C.-E, Bertrand.]
CUIR. — Chimie, XXVII. — On appelle cuir,
d'une façon générale, toute peau rendue imputres-
cible. Quelquefois, dans le langage ordinaire, on
appelle aussi cuir la peau épaisse naturelle du
bœuf, du cheval, du rhinocéros, etc. ; on dit
même le cuir chevelu pour désigner la peau du
crâne de l'homme.
Les préparations des diverses espèces de cuirs
constituent plusieurs industries de la plus grande
importance: la tannerie en tête, la mégisserie, la
chamoiserie, la maroquinerie, etc. L'ensemble de
ces diverses industries représente en France un
produit annuel dépassant aoO millions de francs.
Cuirs crus; peaux conservées. — On donne le
nom de cuirs c?-wv ou cuirs verts aux peaux fraî-
ches qui viennent directement de l'abattoir, et
celui de peaux sèches ou penux salées aux peaux
qui nous sont fournies par l'Amérique du Sud et
qu'on a desséchées ou salées pour qu'elles puis-
sent se conserver pendant la traversée. Buenos-
Ayres, Bahia, Fernambouc nous expédient aujour-
d'hui des quantités considérables de peaux salées
et de peaux sèches ; elles sont principalement em-
ployées à faire des cui7-s forts, utilisés dans la fa-
brication des semelles de chaussures, des cour-
roies et de tout ce qui, dans la carrosserie et la
sellerie, exige un cuir dur et épais.
iTannage. — Le tannage a pour but principal de
former une véritable combinaison de la peau avec
le tannin ou acide tannique. Une peau ainsi péné-
trée de cette substance est dite tannée : elle est
imputrescible, et peut supporter l'humidité sans
s'altérer. Le tannin est fourni par l'écorce du chêne
principalement ; celle-ci est séchée, puis réduite
en poudre dans des moulins dits moulins à écorce.
Les Ardennes, la Nièvre et quelques contrées de
la Bourgogne font un grand commerce d'écorces
de chêne destinées à la tannerie. On tanne aussi
avec l'écorce de saule, de bouleau (cuirs de Russie),
avec le sumac, l'écorce de cliàtaignier, et enfin
nous avons vu à l'Exposition universelle des cuirs
parfaitement tannés, quoiqu'un peu pâles de cou-
leur, avec le bois d'Amérique dit le Quebraco.
La poussière d'écorce s'appelle tan, et on donne
le nom de tannée au tan en partie épuisé. La dis-
solution roussâtre de la tannée dans l'eau est une
liqueur acide (acide tannique et acide gallique),
dans laquelle on plonge les peaux avant de les
soumettre à l'action du tan neuf.
Le tannage proprement dit est précédé et suivi
de diverses opérations que nous allons successive-
ment décrire.
1° Le pelanage on plainage ou plamage. — On
débarrasse d'abord les peaux des parties inutiles,
telles que la queue, les cornes, les oreilles, qu'on
appelle Vémouche' ; puis on les lave à l'eau cou-
rante pendant plusieurs jours ; on les étire au che-
valet, et enfin on les place dans des cuves conte-
nant de l'eau de chaux. Cette opération dure à
peu près un mois. Tous les huit jours on les sort
de la cuve, et on les retrempe dans de l'eau de
chaux de plus en plus concentrée.
Epilage ou débourrage. — Les peaux qui ont
été passées à la chaux sont gonflées, ramollies, et
le poil peut en être facilement arraché; on l'en-
lève alors en les raclant à rebrousse-poil avec un
couteau rond émoussé, puis avec un morceau de
grès qui les rend unies. Quand on a préalablement
traité les peaux par la soude, l'épilage se fait très
facilement. Les peaux ne sont pas encore soumises
au tannage; elles doivent cire d'abord gonflées,
afin que le tannin puisse les pénétrer complète-
ment. Pour produire le gonflement nécessaire, on
les met pendant une quinzaine de jours dans de
la t'ijinéf, où elles subissent en même temps un
premier tannage.
Tannage proprement dit. — Le tannage se fait
dans des cuves cylindriques de 2 à3 mètres de dia-
mètre, et autant de profondeur; on y dispose les
peaux horizontalement, par couches séparées par du
tan ; elles restent ainsi pendant un temps varia-
ble, de deux à six mois; on renouvelle alors le tan
et on retourne les peaux, puis on les laisse ainsi de
nouveau pendant un temps qui varie de trois à
quatre mois.
Cuirs forts. — Avant l'épilage des cuirs forts,
on soumet les peaux pendant un ou deux jours à
une température de .30° dans des chambres spécia-
les, ou bien on fait agir sur elles de la vapeur
chaude; il s'y produit un commencement de pu-
tréfaction qui rend l'épilage très facile. On les
plonge ensuite dans un bain de tannée acidulé
par de l'acide sulfurique, puis enfin dans les cuves
à tannin où elles restent pendant près de deux ans.
A leur sortie des cuves, les cuirs sont séchés len-
tement, puis frottés avec du tannin sec, et soumis
au martelage ou à une grande pression sous des
planches chargées de pierres, de manière à les
rendre lisses et unis. Les cuirs bien tannés ne
doivent pas offrir, quand on les coupe, la raie blan-
che qui indique qu'ils n'ont pas été assez nourris,
ce qu'on désigne par crudité des cuirs.
Divers procédés de tannage. — La longue durée
du tannage des peaux, qui exige par conséquent
de la part du tanneur une grande avance de ca-
pitaux, a souvent tenté les inventeurs, et de nom-
breux procédés de tannage rapide ont été essayés,
mais sans grand succès; nous indiquerons seule-
ment les principaux, en faisant remarquer toute-
fois que l'action du tannin sur les peaux paraît
devoir exiger un temps assez long pour que l'an-
cien procédé que nous venons de décrire et qui
est encore presque exclusivement employé, soit
considéré comme de beaucoup le meilleur.
Depuis longtemps déjà on a essayé de transfor-
mer les peaux en cuir par l'action de l'acide sulfu-
rique étendu d'eau ; aujourd'hui l'usage de cet
acide corrosif n'est pas complètement abandonné,
quoique les résultats qu'il donne soient en géné-
ral très mauvais; il ne faut pas confondre l'emploi
de l'acide sulfurique comme moyen de tannage
rapide, avec l'usage qu'on en fait pour faciliter
l'épilage et le gonflement des peaux.
On appelle tannage au sippage un moyen de
tannage assez rapide qui vient, paraît-il, du Da-
nemark, et qui consiste à comprimer la dissolution
concentrée du tan dans des sacs formés des peaux
que l'on veut tanner.
Un autre procédé consiste à suspendre les peaux
dans des caisses où on a mis du tan et où on fait
le vide. Dans le procédé Gibbon, on introduit le
tan sous une forte pression dans les peaux cousues
en forme de sacs. Enfin on a même essayé d'acti- •
ver le tann.Tge en soumettant les peaux à l'action
de courants électriques dispersés.
Corroierie. — En sortant du tannage, les cuirs
qui ne sont pas destinés à faire des semelles sont
ramollis avec de l'eau, puis assouplis par un
battage au moyen d'une bigorne en bois; ensuite
on leur donne une épaisseur uniforme en les ra-
clant du côté de la chair avec un butoir ou cou-
teau émoussé, puis du côté des poils avec un cou-
teau à revers ; on les fait ensuite sécher; enfin on
tes tire à la paumelle, opération qui consiste à les
frotter fortement sur l'une et l'autre des laces
avec un outil de bois appelé paumelle.
Les cuirs subissent ensuite différents traitements
variables selon les usages auxquels on les destine,
et dans les détails desquels nous ne pouvons pas
entrer ici. Nous d'rons seulement que les cuirs en
suif, qui sont principalement employés par les
bourreliers, sont des cuirs imbibés de suif par les
deux faces ; les cuirs de vaches çjrises sont des
cuirs en suif préparés avec soin ; les cuirs en huile
CUIR
— 5^47 —
CUIR
sont préparés comme les précédents, seulement
on a remplacé le suif par de l'huile de poisson.
Les cuirs dits vaches de cire sont les cuirs fins du
bourrelier ; les cuirs façon d'Angleterre, qui ser-
vent aux harnais, ont conservé la nuance fauve
naturelle.
Mégisserie. — Le mégissier prépare les peaux
non pelées qui servent à faire des fourrures, les
peaux blanches de la ganterie et les doublures
de chaussures. Ce ne sont pas à proprement parler
des peaux tannées. On les traite par un mélange
d'alun et de sel qui donne du chlorure d'alumi-
nium. Les peaux qui doivent perdre leur poil sont,
avant toute autre préparation, traitées par un mé-
lange de chaux et de sulfure d'arsenic.
Chamoiserie. — Cette industrie prépare spécia-
lement les peaux destinées aux vêtements. Elle
utilise principalement les peaux de chamois, de
daim, de bouc, de chèvre, d'agneau ; elles ne sont
nullement tannées, mais assouplies par une ab-
sorption d'huile.
Maroquinerie. — Autrefois tous les maroquins
nous venaient de l'Orient ou du nord de l'Afrique ;
on ne les fabrique en France que depuis cent
ans.
Les maroquins sont des peaux de chèvre ou des
peaux de mouton , qu'on appelle alors moutons
maroquinéSf qui, après avoir été tannées à la noix
de galle ou au sumac, sont ensuite colorées en
jaune, en bleu, en violet ou en rouge: ces dernières
sont les plus belles. On a aussi des maroquins
noirs. La couleur rouge est due à la cochenille.
Le jaune est obtenu par l'épine- vinette, le noir par
un mélange de rouille et de vinaigre faible, le bleu
par l'indigo. Le violet s'obtient en passant succes-
sivement les peaux dans du bleu et dans de la co-
chenille.
Cuirs préparés d'une façon spéciale. Basanes.
— Les basanes sont des peaux de mouton d'assez
faible valeur, employées cependant à de nombreux
usages. On en fait des dessus de tables, des por-
tefeuilles, des fauteuils, des étuis, des garnitures
de chapeaux, des tapisseries. Les reliures de livres
se font avec des basanes préparées à l'alun.
Chagrin. — On appelle ainsi un cuir tanné, so-
lide et gi-enu, qu'on prépare en Orient avec de la
croupe de cheval ou d'âne. Les petits mamelons
qui caractérisent le chagrin s'obtiennent en faisant
sécher les peaux après les avoir saupoudrées de
graine de moutarde. En Europe on fabrique des
imitations de chagrin en comprimant des peaux de
mouton avec des planches mamelonnées artificiel-
lement.
Cuî;'5 de Russie. — On appelle ainsi des cuirs
préparés à la façon ordinaire, puis plongés pendant
plusieurs jours dans une décoction d'écorce de
saule et de bouleau. Les bons rui)-s de Russie ont
une assez grande valeur ; ils se conservent très
bien, et ont une odeur caractéristique.
Cuirs de Hongrie. — Ce sont des cuirs non épi-
lés, mais rasés et préparcs au chlorure d'alumi-
nium ; ils sont généralement très forts, et sont sur-
tout utilisés dans la sellerie.
Cuir bouilli. — Le cuir bouilli sert à fabriquer
des casques militaires, des tabatières, des bou-
teilles, des chapeaux, etc. ; on l'obtient en soumet-
tant le cuir à l'action d'un mélange bouillant de
cire et de résine.
Cuirs vernis. — Les cuirs vernis sont très em-
ployés dans la sellerie, la carrosserie et la fabrica-
tion des chaussures ; pour les préparer on soumet
la peau, qui a été soigneusement tannée, à un pon-
çage répété, qui a pour but de la rendre propre à
recevoir Vappi-ét. On la recouvre • ensuite par les
deux faces d'un mélange de minium, d'huile de
lin, de craie et d'ocre. Quand celui-ci est bien sec,
on la recouvre d'un nouveau mélange de minium,
d'huile et de bleu de Prusse (V. Cyanogène). La
peau est alors prête à recevoir le vernis. Les ver«
nis sont de différentes couleurs ; le noir, qui est
le plus employé, consiste en un mélange de mi-
nium, d'huile, de bleu de Prusse, de bitume de
Judée et de vernis au copal. La fabrication des
cuirs vernis, qui est connue en Angleterre depuis
cent ans, a été introduite en France dans les pre-
mières années de ce siècle par Plummer de Pont-
Audemer ; cette fabrication a été depuis perfec-
tionnée par Nys et par M. Chapman de Pont-Au-
demer.
Statistique. — Nous avons dit au commencement
de cet article que la tannerie était une industrie des
plus importantes; nous pouvons ajouter que la tan-
nerie française ne le cède à aucune autre, surtout
au point de vue de la qualité et de la beauté de
ses produits. L'Exposition de 1S78, où elle était
représentée par 800 exposants de cuirs, de peaux,
de matières tannantes et de matériel se rattachant
à l'industrie des cuirs, a comfirmé cette supériorité
d'une manière éclatante. « Pour les gros cuirs, la
véritable raison de cette supériorité, dit un homme
compétent en ces matières, M. J.-B. Moulin, pour-
rait bien être dans ce fait, que la plupart de nos
tanneurs français se sont appliqués à conserver le
vieux principe du tan et du temps. Les cuirs qui
attiraient dans la section française l'attention des
connaisseurs, et qui étaient incontestablement supé-
rieurs aux cuirs étrangers, étaient des cuirs
tannés à l'écorce de chêne et restés longtemps
en tannerie. » Ceci correspond parfaitement à
ce que nous disions plus haut des autres procé-
dés.
Voicf quelques chiffres que nous extrayons du
journal la Halle aux Cuirs, et qui donneront au
lecteur une idée assez exacte, sinon complète, de
l'importance de la tannerie en France.
Ils ont été pris sur les états de douane de 1876.
Importations. Exportations. Totaux
Peaux brutes 157 272 351' 35 167 339' 192 439 690
Pelleteries 11336 162 4 222 849 15 579 011
Peaui préparées . 35 579 609 77 595 824 lU 175 433
Ouvrages en peaux
et en cuirs 2 870 627 157 491235 160 361862
205 078 749' 274 477 ::47' 479 555 996
On estime le nombre des animaux abattus an-
nuellement en France à l,SOO,0(iO; Paris seul livre
à la consommation les cuirs de 2li>,000 animaux, et
ces chiffres ne font que s'accroître.
Tableau des animaux abattus à Paris en 1877 :
Bœufs 145 087
Vaches (il 552
Taureaux 13 189
Nous recevons annuellement de l'étranger envi-
ron deux millions de cuirs représentant un poids
de 38,592,838 kilog. Les pays d'où nous tirons prin-
cipalement les cuirs bruts nécessaires à notre in-
dustrie sont: le Chili, le Pérou, les Etats-Unis du
Nord, le Brésil, l'Uruguay et le Rio de la Plata.
En dehors de l'Amérique, les autres parties du
monde nous envoient peu de cuirs ; ceux du Maroc
et du Sénégal arrivent surtout à Marseille.
C'est principalement à Londres qu'arrivent les
cuirs des Indes, de la Chine, dos colonies anglaises,
du Cap, d'Australie, etc.
Nous recevons d'Europe une grande quantité
de cuirs bruts d'Allemagne, de Hollande, de Suisse.
Les peaux de buffle se rencontrent sur les marchés
d'Amsterdam et de Rotterdam. On tanne aussi
maintenant des peaux de crocodile et de serpent.
L'industrie de la préparation des peaux est ex-
trêmement ancienne. De tout temps les hommes
se sont servis de la peau des animaux pour se
vêtir. Ils l'ont d'abord employée à l'état brut et
CUIVRE
— 548 —
CUIVRE
simplement séchée ; puis ils ont appris à lui don-
ner plus de solidité et à la rendre imputrescible,
d'abord par l'enfumage, ensuite en l'imprégnant
de solutions astringentes et tannantes. Il y a bien
peu de villages aujourd'hui en Europe qui ne pos-
sèdent pas au moins une tannerie. Les centres
les plus importants de cette fabrication en France
sont : Givet, Pont-Audemer, Saint-Saens, Romans,
Cliâteau-Renault, Sanlieu, Hemicliemont, Levroux.
Grenoble est le centre d'un grand commerce de
pelleterie ; la petite ville de Saint-Junien (Haute-
Vienne) compte trente établissements de mégis-
serie qui préparent annuellement plus de 500,000
peaux de mouton représentant une valeur de
:2, 000,000 de francs. Annonay,qui depuis longtemps
est en France à la tête de la mégisserie, emploie
à cette industrie plus de 2n(i0 ouvriers préparant
chaque année de 12 à 15 millions de peaux.
[Alfred Jacquemart.]
CUIVRE. — Chimie, XIX. — (Etym. : du latin
Cuprum; du grec Kypros, Cliypre, île où il_ paraît
avoir été exploité dès la plus haute antiquité). For-
mule chimique : Cu; équivalent rapporté à l'hydro-
gène, 31.
Etats du cuivre dans la nature. — Le cuivre se
rencontre assez fréquemment à l'état libre (natif),
ce qui explique comment il a été probablement
le métal le plus anciennement exploité. On le
trouve ainsi dans les sables, en Bolivie, aux Etats-
Unis, en Espagne. On le trouve aussi en dendrites,
en lamelles et en masses arrondies plus ou moins
grosses, dans les roches qui avoisinent les dépôts
de sulfures, de carbonates et d'oxydes de cuivre ;
on cite une masse de cuivre natif trouvée au Ca-
nada et qui pesait 3000 kilogrammes. Mais ce sont
les minerais d'oxyde (cwàve oxydulé),de cai'bonate
{cuivre carbo7iaté vert, vert de montagne ou mala-
chite; cuivre carbonate àleH,Cî(ivre azuré ouazurite),
et surtout le sulfure de cuivre et de fer {cuivre pijri-
ieux, cuivre jaune ou chalkopyrite), que l'on exploite
le plus en grand. On les rencontre principalement
en filons dans les Cornouailles, en Norvège, en
Hongrie, en Allemagne. Dans le Harz, au Mexique,
dans les Pyrénées, et à Sainte-Marie dans les Vos-
ges, on exploite un sulfure à base de cuivre, de
zinc, d'arsenic, de fer et d'argent ; ce dernier métal
en est souvent la principale richesse.
Métallurgie. — Pour séparer le cuivre du fer et
du soufre, on soumet le minerai à des opérations
trop longues et trop compliquées pour être dé-
crites ici ; qu'il nous suffise de dire qu'après un
premier traitement on obtient un produit appelé
7natte qui contient beaucoup de matériaux étran-
gers; en poursuivant le traitement, la matte se
débarrasse du fer et du soufre, et produit le cuivre
noir, très riche en cuivre (95 p. 100). En projetant
sur le métal en fusion un peu d'eau froide, on
obtient une plaque solide à contour irrégulier,
appelée cuivre rosette. Ce cuivre est cassant; on
le fond enfin sous une couche de charbon, et il
devient le cuivre rouge ductile qu'on livre au com-
merce. On obtient du cuivre très pur, dit cuivre de
cément, en précipitant par le feu le cuivre des
eaux qui ont servi au lavage des minerais.
Propriétés du cuivre. — Le cui\Te écroui a pour
densité 8,9; sa couleur rouge permet facilement
de le reconnaître ; c'est après le fer le métal le
plus tenace. Un fil de cuivre de 2""" de diamètre
supporte sans se rompre un poids de 135 kilo-
grammes. Frotté entre les doigts, le cuivre dé-
gage une odeur spéciale désagréable ; il fond vers
1150°, et en se refroidissant il cristallise en cube.
Chauffé au blanc, il donne des vapeurs qui brù'ent
avec une flamme verte caractéristique. Un fil de
cuivre introduit dans la flamme de la lampe à
alcool la verdit immédiatement. Le cuivre se con-
serve parfaitement à l'air sec, mais, dans l'air hu-
mide, il se recouvre de vert-de-gris (hydrocarbo-
natc de cuivre). L'acide sulfurique l'attaque à
ciiaud en donnant du sulfate de cuivre (vitriol
bleu) et de l'acide sulfureux. Il se dissout dans
l'acide azotique, en donnant de l'azotate de cui-
vre et du bioxyde dazote. Quand on chauffe du
cuivre avec du soufre, la combinaison s'opère
vivement avec incandescence. Enfin le cuivre
chauff'é brûle dans le chlore (V. Combustion et
Chlore). Le cuivre est très ductile et très malléa-
ble ; on en fait des feuilles assez minces pour
être faiblement translucides et laisser passer la
couleur verte.
Usages. — On se sert du cuivre pour fabriquer
un grand nombre d'ustensiles de cuisine. Dans ce
cas il doit être étnmé, car le vinaigre, les corps
gras attaquent le cuivre, et forment avec lui des
combinaisons verdàtres, dont l'absorption par les
organes digestifs peut présenter de grands dan-
gers. Nous ajouterons cependant que quelques
médecins et chimistes soutiennent absolument que
les composés du cuivre sont inoffensifs. Le cuivre
est employé au doublage des navires ; il sert à la
fabrication des fils électriques; il est aussi extrê-
mement employé à l'état d'alliage {S. Alliages).
Les alliages du cuivre et de l'étain sont : le bronze
des canons jaunes ; le chrysocale, h; tombac qui
contiennent en outre du zinc ; le laiton ou cuivre
jaune, le plus employé peut-être, d'une composi-
tion qui varie avec les usages auxquels on le des-
tine ; mais il est toujours principalement formé de
cuivre et de zinc ; quand il doit être martelé, il
contient 70 p. 100 de cuivre, 30 de zinc.
Les épingles ordinaires sont du laiton étamé ; le
maillecliort, très employé dans la fabrication des
services de table, est formé de cuivre, de zinc et
de nickel. Enfin le cuivre est employé à la fabri-
cation des monnaies d'une valeur inférieure à
0 fr. 50.
Principaux composés du cuivre. — Sulfate de
cuivre, ou couperose bleue, ou vitriol bleu. — Le
sulfate- de cuivre a pour formule CuO,S03,5HO.
C'est un beau sel bleu qu'on rencontre dans le
commerce sous forme de gros cristaux parallélipi-
pédiques obliques, qui s'efûeurissent à l'air sec.
Vers 100° ils deviennent blancs en perdant les qua-
tre cinquièmes de leur eau ; plongés alors dans
une liqueur qui contient de l'eau, ils reprennent la
forme cristalUne et rebleuissent. Ils ont une saveur
métallique, styptique et désagréable. Au blanc le
sulfate de cuivre se décompose, et donne comme
résidu de l'oxyde de cuivre ; à é' les cristaux se
dissolvent dans trois parties d'eau, à 100° dans
0,55 d'eau. La dissolution bleue donne avec l'am-
moniaque un précipité blanc qui se redissout dans
un excès en donnant une belle liqueur bleu foncé
qu'on voit souvent à la vitrine des pharmaciens
et qu'on appelle \'eau céleste. Une lame de fer
qu'on y plonge se recouvre immédiatement d'une
couche de cuivre rouge qui permet de reconnaître
j5^j^ de cuivre (Wurtz).
Préparation du vitriol bleu. — On l'obtient en
grand dans les arts en grillant le sulfure de cui-
vre ; on lessive ensuite la masse avec de l'eau
chaude. Le sulfate de cuivre ainsi obtenu contient
du sulfate de fer dont on le débarrasse ensuite.
Usages. — Le vitriol bleu est fort employé dans
la galvanoplastie, dans la teinturerie, etdans la fabri-
cation des couleurs ; il sert en outre à chauler le
blé.
Carbonate de cuivre. — Le carbonate de cuivre
existe dans la nature malachite et azurite), mais
celui qu'on emploie dans la peinture à l'huile sous
le nom de vert minéral est préparé en versant du
carbonate de potasse ou de soude dans un sel de
cuivre. La patine verte qui se forme à l'air à la
surface du cuivre et des bronzes, et qui est connue
sous le nom de vert de gris, est un carbonate de
cuivre hydraté.
CUIVRE
— 549 —
CUNEIFORME
Acétate de cuivre. — Ce sol est connu dans le
commerce sous le nom de verdet cristallise ; on le
rencontre sous forme de beaux cristaux verts ayant
pour formule CuO, OHSQ', HO, et résultant de la
combinaison de l'oxyde de cuivre avec l'acide acé-
tique*.
Chauffé à l'air, il brûle avec une flamme verte.
Dans le midi de la France, on le prépare en pla-
çant dans des pots de grès des lames de cuivre
alternant avec des couches de marc de raisin. Ce
sel est employé en grand dans la fabrication d'un
grand nombre de couleurs, et principalement du
vei^t de Schweinfurt (mélange d'arsénite et d'acé-
tate de cuivre \
Usages médicaux des sels de cuivre. — Plusieurs
sels de cuivre sont employés en médecine ; à l'ex-
térieur ce sont des stimulants et des corrosifs.
Les pilules dites de Gerbier, employées contre les
cancers, contiennent du sous-acétate de cuivre.
En Angleterre le sulfate de cuivre est employé
comme vomitif ; il est aussi en usage dans le trai-
tement de certains ulcères fongueux; à l'intérieur
il stimule et irrite les muqueuses.
Action torique des sels de cuivre. — On a con-
staté que 30 à 40 grammes de sulfate ou d'acétate
de cuivre introduits dans l'économie peuvent mettre
la vie en danger. Dans d'autres cas des doses beau-
coup plus fortes n'ont pas occasionné la mort. Le
cuivre se rend principalement dans le foie et les
reins. Après la mort on constate que la muqueuse
du canal digestif est rouge, épaissie, érodée, quel-
quefois perforée. Les symptômes d'empoisonne-
ment par le cuivre sont ceux des poisons irri-
tants: saveur cuivreuse, acre, langue sèche, soif
excessive; l'abdomen est ballonné et douloureux,
le pouls est petit, irrégulier, rapide. Le malade a
des selles abondantes et sanguinolentes, des cra-
chotements continuels; des mouvements convul-
sifs, des tremblements tétaniques, ou bien une
insensibilité complète précèdent la mort.
La saveur styptique ainsi que la coloration bleue
des sels de cuivre peuvent souvent mettre en garde
contre leur présence dans les aliments.
Mais les ouvi-iers qui les manient journelle-
ment peuvent être sujets à un empoisonnement
chronique qui, il faut le dire, est cependant
assez rare ou plutôt assez bénin quand il se
produit. La colique de cuivre , qui est bien
moins dangereuse que la colique de plomb, est
accompagnée de vomissements bilieux et de
diarrhée.
Contre-poisoni. — On administre' au malade la
plus grande quantité possible de blancs d'oeufs dé-
layés dans de l'eau, puis on provoque les vomis-
sements. Si le poison est déjà dans les intestins,
on administre un purgatif; on traite les coliques
par les boissons émollientes et les potions hui-
leuses. On ordonne aussi le lait, le sucre, la li-
maille de fer qui agit en précipitant le cuivre
(Wurtz).
Circonstances particulières dans lesquelles on
peut être empoisonné par le cuivre. — Le cuivre
est très employé soit à l'état métallique, soit à
l'état de combinaison ; il n'est donc pas rare qu'il
donne lieu à des accidents plus ou moins graves.
Li's plus nombreux résultent d'aliments prépa-
rés dans des vases en cuivre et dont la nature
provoque l'oxydation du métal ; car, chose à re-
tenir, les confiseurs se servent constamment de
vases en cuivre sans le moindre inconvénient,
parce que le sucre qu'ils emploient agit comme
désoxydant.
Certaines espèces de thé vert ne doivent leur
belle couleur qu'à la présence du carbonate de
cuivre, qui est un poison. Le vert de Schecle et le
vert de Schweinfurt, qui sont également toxiques,
entrent souvent dans la coloration des bonbons et
quelquefois dans celle des conserves.
Le sulfate de cuivre a trop souvent servi à voi-
ler l'aspect anormal des farines avariées.
[Alfred Jacquemart.]
CULTURE. — Agriculture, l. — On comprend
sous le nom générique de culture l'ensemble des
travaux par lesquels l'homme tire du sol les pro-
duits végétaux dont l'obtention est le but de l'a-
griculture. Les labours, les semailles et planta-
tions, les travaux de récolte, etc., sont autant d'o-
pérations de culture. Suivant que ces opérations
ont pour but telle ou telle nature de produits, elles
forment un ensemble déterminé: ainsi, on dit cul-
ture du blé, culture des arbres fruitiers, culture
des légumes, etc.
A côté de cette signification générique, le mot
culture a trouvé plusieurs autres applications. La
principale est celle dans laquelle cette expres-
sion est employée pour désigner l'étendue relative
d'une exploitation agricole. Ainsi on dit : petite
culture, moyenne culture, grande culture, comme
synonymes de petites exploitations, exploitations
d'une étendue moyenne, et exploitations d'une
étendue considérable. En France, dans le langage
ordinaire, une exploitation appartient à la petite
culture, quand son étendue ne dépasse pas 20 hec-
tares ; jusqu'à KiO hectares, une exploitation ap-
partient à la moyenne culture ; au delà de 100 hec-
tares, elle entre dans la grande culture. On a beau-
coup discuté sur les avantages et les inconvénients
de la petite culture ; en fait, la production du sol
a augmenté presque toujours à mesure que l'étendue
des exploitations est devenue plus restreinte. Mais
il ne faut pas confondre la division de la propriété
avec le morcellement ou parcellement, qui con-
siste dans la division des héritages en parcelles
séparées et souvent éloignées les unes des autres.
Le parcellement ofl're, au contraire, de graves
inconvénients que la réforme de la loi sur les par-
tages pourrait seule faire disparaître.
On dit encore : système de culture, pour dési-
gner l'ensemble des métliodes adoptées dans
l'exploit ition d'un domaine. On trouve sur ce su-
jet des détails suffisants aux mots Assolements et
Exploitations rurales.
Les deux expressions culture intensive et cul-
ture extensive sont souvent employées, par oppo-
sition l'une à l'autre. On doit entendre par
culture extensive celle qui se contente des moyens
d'exploitation tirés du sol même du domaine et
de ses produits. La culture intensive est, au con-
traire, celle qui, pour entretenir et. accroître la
production du sol, a recours aux engrais commer-
ciaux. Cette ligne de démarcation est la seule qui
puisse logiquement séparer ces deux systèmes
d'exploitation.
Le mot cidture entre dans la composition de
mots qui désignent les différentes branches de
l'exploitation du sol. Ainsi : agriculture, ou culture
des champs ; arboriculture ou culture des arbres ;
horticulture ou culture des jardins ; praticulture,
ou culture des prairies ; sylviculture, ou culture
des forêts ; sériciculture, ou exploitation des vers
à soie; viticulture, ou culture de la vigne, etc.
[Henry Sagnier.]
CULTURE (Instruments de). — V. Instruments
aratoires.
CUNÉIFORME (Écriture). — Histoire générale,
n. — (Etym. : en forme de com.) On devrait plutôt
dire en forme de clou, d'après l'aspect général du
principal élément T qui entre dans la composition
de cette écriture. Les Anglais ont parfois substitué
à l'épithète cunéiforme ou cunéatique, employée
d'ordinaire, l'épithète arrow-headed (à tête de flè-
che), qui n'a pas été adoptée dans l'usage commun.
L'écriture cunéiforme se compose actuellement
de trois éléments, dont la combinaison donne nais-
sance à une foule innombrable de caractères :;
CUNÉIFORME
— 550 —
CUNEIFORME
1* le coin, T, occupant toute la hauteur de la ligne
ou T, n'occupant que la moitié ou le tiers de la
hauteur de la ligne : il se rencontre couche hori-
zontalement fc— ►■, et quelquefois, incliné selon la
diagonale, pointe en haut ^^ ou pointe en bas ^^ —
2° <;^, formé de deux coins reliés par le sommet et
formant un angle obtus; 3» le triangle ^, qui ne
se rencontre qu'en relation avec le coin ordinaire TÇr,
ou répété trois fois ^. Tous les signes de l'écri-
ture cunéiforme dérivent de la multiplication et
de la combinaison de ces trois signes : |y, composé
du coin vertical trois fois répété sous ses trois
formes différentes, répond à la lettre a, par exem-
ple ; Tjr à la syllabe sha, etc. Gravés sur la pierre
ou sur le métal dans les inscriptions de bon style,
les caractères ont toujours la forme du coin, ou
des formes s'en rapprochant. Dans les inscriptions
cursives tracées à la pointe, le coin est remplacé
par une simple ligne partout identique en lar-
geur :4i41- P°"'" ►^^^^i ^*' ^'"^' ^^ suite. On n'a
jusqu'à présent aucun manuscrit assyrien ou chal-
déen, qui nous apprenne quelles formes prenaient
les caractères, quand on les traçait, à l'encre, sur
du papyrus ou sur du parchemin.
Au début, les signes étaient de véritables
dessins, représentant l'objet exprimé. Ainsi l'é-
toile ^ à huit branches figurait d'abord Vétoile,
puis l'idée de dieu. L'ignorance des dessinateurs
fit bientôt perdre à ces objets leur forme première,
et substitua aux traits du dessin régulier des traits
qui rappelaient vaguement la forme primitive de
l'objet : ■'^- pour l'étoile. Les signes, ainsi mo-
difiés, subirent peu à peu un travail de simplifica-
tion qui en dénatura entièrement l'aspect: l'étoile
devint >->4^ ►•—T. En fait, les caractères de l'écri-
ture cunéiforme, tels que nous les rencontrons dans
l'usage courant, ne sont plus que de véritables pa-
quets de clous, disposés pour la plus grande com-
modité de l'écrivain ou du graveur, et do telle ma-
nière qu'il est presque toujours impossible d'en
reconnaître la distribution primitive.
L'écriture cunéiforme n'est pas d'origine sé-
mitique. Elle paraît avoir été inventée par le
peuple de race inconnue qu'on appelle tantôt
Soumir, tantôt Akkad (V. Chaldée). Elle servit
d'abord à écrire la langue de ce peuple, laquelle,
déjà hors d'usage vers le xx" siècle avant notre
ère, continua de servir de langue liturgique en
Chaldée jusque vers l'époque gréco-romaine. Elle
se compose en partie de syllabes, en partie d'idéo-
grammes, mais présente cette particularité que
chaque signe est polyphone, en d'autres termes,
sert à rendre plusieurs sons. Ainsi [^ se lisait a,
comme lettre, puis comme idéogramme 77ïou, se
mettait devant les noms de canaux, répondait aux
idées à' eau et de fils. Cette variété de sons, de
sens et d'emplois, était une des difficultés de la
lecture des textes écrits en caractères cunéiformes ;
elle ne produisait pas cependant autant de confu-
sion qu'on pourrait croire. Le contexte des signes
voisins montrait aux Chaldéens instruits, et montre
aux assyriologues, si le signe était pris dans sa va-
leur alphabétique ou dans une de ses valeurs idéo-
graphiques : le sens des mots voisins indiquait
presque toujours, d'une manière évidente, laquelle
des valeurs idéographiques était nécessaire au dé-
veloppement de la phrase.
Les peuples de langue sémitique qui adoptr-rent
le système cunéiforme le compliquèrenl de valeurs
nouvelles empruntées aux mots de leur langue.
L étoile »^-|- signifiant Lieu, avait, dans la langue
première, la prononciation a?i, dimer, dingir, ré-
pondant aux idées de dieu et de ciel. Dans la lan-
gue sémitique, dieu se dit ilou ; le ciel, shamoû,
shami; l'cioi/e, knkkabou: ces valeurs ilou, xhnmi^
kakkabou, vinrent s'ajouter aux valeurs an, dimer,
dingir, qui existaient déjà. De plus, le Sémite qui,
voyant *— {- dans le sens de Dieu, le lisait ilou,
garda à ce signe la valeur an lorsqu'il s'agit
d'écrire des mots de sa langue qui renfermaient
la syllabe an : llshanou, la langue, put s'écrire
>^TTT x^ ►►—I >y^ li-sha-kn-nou, et ainsi de
suite pour tous les signes. Les idéogrammes d'em-
ploi courant gardèrent leur valeur idéographique,
mais substituèrent aux prononciations anciennes
des prononciations sémitiques : |^ garda la valeur
de fils, mais se prononça haba.1 dans les textes
sémitiques. Les colonies chaldéennes qui fon-
dèrent Ninive (V. Assyrie), emportèrent avec
elles le système ainsi modifié, et le conservèrent
presque intact jusqu'à la fin de l'empire assyrien.
Les seules différences qu'on ait notées jusqu'à
présent entre les caractères ninivites et les ca-
ractères babyloniens sont de simples différences
d'agencement dans la répartition des clous qui
forment chaque caractère, et sont assez insigni-
fiantes pour ne créer aucune difficulté de lec-
ture.
De Babylone d'abord, puis de Ninive, le système
d'écriture cunéiforme se répandit chez les peu-
ples voisins. Les Elamites (V. Elam) furent les
premiers à l'adopter. Leur langue paraît n'être
qu'un dialecte de la langue parlée par les inven-
teurs de l'écriture cunéiforme : aussi le syllabaire
est-il à peu près le même. Quelques-unes des
inscriptions trouvées à Suse pourraient bien re-
monter jusqu'au xxii" ou xxiii' siècle avant notre
ère. Vers le viii' siècle avant notre ère, les Armé-
niens empruntèrent le système ninivite, qu'ils
adaptèrent à leur langue en le modifiant lé-
gèrement. Nous avons des inscriptions de plu-
sieurs de leurs rois dont on comprend le sens,
grâce aux idéogrammes qui sont les mêmes que
dans l'assyrien, mais sans pouvoir toujours lire
les mots. Un peu plus tard, les peuples non aryens
de Médie, qui parlaient un langage apparenté à
celui de l'Elam, firent un emprunt analogue à l'As-
syrie. Malheureusement, les seules inscriptions
que nous ayons en leur langue datent de l'époque
perse.
Elamites, Arméniens, Mèdes avaient conservé
assez fidèlement les procédés et les valeurs attri-
buées aux signes par les premiers inventeurs:
les Perses modifièrent profondément le système
pour l'adapter aux exigences des dialectes aryens.
Ils négligèrent tous les idéogrammes, sauf un ou
deux, prirent, parmi les syllabiques, un très
petit nombre de signes, auxquels ils attribuè-
rent une valeur fixe de syllabe, ou même de lettre
simple, et arrivèrent à composer une écriture com-
plètement différente de l'écriture dont elle est
dérivée. Peut-être faut-il rattacher ciicore aux
écritures cunéiformes l'écriture chypriote, mais
c'est un point qui n'est pas encore suffisamment
démontré.
L'usage de chacun des systèmes d'écriture cu-
néiforme disparut avec la puissance politique
ou la prospérité commerciale du peuple qui
s'en était servi. Après le vi' siècle on ne trouve
plus d'inscriptions ninivites, ni d'inscriptions
arméniaques ; après le iV, plus d'inscriptions mé-
diques et elamites, et seulement quelques rares
inscriptions persanes ; après le ii» siècle de notre
ère, plus d'inscriptions chaldéennes. Longtemps
avant l'invasion arabe, on peut dire que les systè-
mes d'écritures cunéiformes avaient cessé dôtre
I employés. Ils restèrent inconnus jusque vers la
CYANOGENE
551 —
CYANOGÈNE
fin du x\T siècle, époque à laquelle le voyageur
italien Pietro délia Valle en rapporta quelques
spécimens en Europe. C'est en 1801 que le
savant allemand Grotefend commença le déchif-
frement par le système perse, le plus simple de
tous. Moins de cinquante ans plus tard, l'étude
des inscriptions trilingues de Bisoutoun, rédigées
en persan, en médique et en babylonien, donna à
MM. Oppert et Rawlinson la clef des systèmes
chaldéens etmédiques. En moins de trente années
le déchiffrement a fait des progrès considérables.
On ne peut pas encore affirmer que tous les textes
connus jusqu'à présent soient aisés à lire. Les
textes religieux sont remplis de difficultés qu'on
n'a pas toutes surmontées : mais les textes histo-
riques, sauf quelques passages, peuvent être tra-
duits couramment par les trop rares savants qui
s'occupent de leur étude. [G. Maspero.]
CYAIVOGÈ>'E. CYANURES. — Chimie, XV. —
En 1814, lillustre chimiste français Gay-Lussac,
en étudiant la composition du bleu de Prusse,
découvrit un gaz incolore, d'une odeur de kirsch,
composé de carbone et d"azote, C^Az, qu'il fut
amené à considérer comme un radical composé,
jouant dans les combinaisons métalliques où il
entre le même rôle que les corps simples de la
famille du chlore : l'iode, le brome, le fluor. C'é-
tait là une importante découverte, car pour la pre-
mière fois on considérait une molécule composée
se combinant aux métaux comme un corps simple
et pouvant être séparée de ses combinaisons sans
se détruire. C'était en germe la théorie des radi-
caux organiques qui, trente ans plus tard, devait
porter tant de lumière dans les réactions com-
plexes que présentent les composés organiques
(V. Chimie organique). Cette découverte rendait
compte de la composition de l'acide prussique,
de celle du prussiate de potasse, et enfin de celle
du bleu de Prusse, découvert un siècle plus tôt par
Diesbach de Berlin. Gay-Lussac, considérant le
nouveau corps comme le radical de ces composés,
l'appela cyanogène, de kyanos, bleu, et de gennuô,
j'engendre, au lieu de l'appeler^ conformément à la
nomenclature, un carbure d'azote.
Propriétés du cyanogène. — Le cyanogène est un
gaz incolore qui se liquéfie à — 25° au-dessous de 0°; il
se solidifie à — 34°. Sa densité est 1 .8, c'est-à-dire t)ue,
dans les mêmes conditions que l'air, il pèse 1.8 fois
plus à volume égal. Un litre de cyanogène renferme
1 litre d'azote et 1 litre de vapeur de carbone. Il
a une odeur pénétrante qui rappelle celle de l'a-
cide prussique et des amandes amères. Il brûle
avec une flamme purpurine très jolie et caracté-
ristique. Il est délétère, mais à un degré beau-
coup moindre que l'acide prussique. Un litre d'eau
peut dissoudre 4 à 5 litres de cyanogène. Cette
dissolution se décompose au bout de quelques
jours en donnant par évaporation un dépôt brun
contenant de l'urée, du carbonate, du cyanhydrate
et de l'oxalate d'ammoniaque ; la lumière favorise
cette décomposition. L'alcool dissout 20 à 30 fo»s
son volume de cyanogène.
Le cyanogène peut se combiner directement au
potassium en donnant du cyanure de potassium.
Préparation du cyanogèyie et circonstances dans
lesquelles il se produit. — Gay-Lussac l'a obtenu
pur en décomposant par la chaleur le prussiate ou
cyanure de mercure. C'est encore comme cela
qu'on le prépare dans les laboratoires. L'opération
se fait dans une petite cornue de verre portant un
tube qui par l'une de ses extrémités plonge dans
la cuve à mercure ; on chauflTe à la lampe à al-
cool.
Le sel se décompose en cyanogène et en mercure
qui se condense en gouttelettes sur les parois. On
trouve au fond de la cornue une substance noire
charbonneuse qu'on a appe\ée paracyanogène, parce
que l'analyse chimique lui a trouvé la même com-
position qu'au cyanogène. Le cyanogène ne se
rencontre pas dans la nature, mais on le trouve,
paraît-il, dans le gaz qui se dégage des hauts-
fourneaux ; il prend naissance dans l'action de
l'air à chaud sur un mélange de charbon et d'al-
cali ; enfin il se rencontre dans les produits de la
distillation sèche de l'oxalate d'ammoniaque.
Combinaisons du cyanogène avec l'oxygène. —
Le cyanogène, en se combinant à l'oxygène, forme
quatre acides qu'on peut considérer comme des
corps isomères (V. Chimie organique) : ce sont
l'acide cyanique, l'acide fulminique, l'acide cyanu-
rique, et l'acide cyanylique.
Le premier s'obtient en condensant par let
froid les produits de la distillation de Yurée ; c'es à
un liquide incolore, d'une odeur vive analogue
celle de l'acide acétique; il irrite les yeux; une
goutte sur la peau y produit une brûlure. Il forme
des cyanates avec l'oxyde d'argent, l'ammoniaque.
L'acide fulminique existe en combinaison a vec
l'oxyde de mercure dans le sel détonant appelé
fulminate de mercure, qui sert à la fabrication des
amorces. C'est un sel très dangereux qui détone
par le choc (explosion terrible de la rue Béran-
ger, 1878).
Nous ne dirons rien ici des deux autres acides.
Acide cyanhydrique ou prussique. — L'acide
prussique a été découvert en 1780 par Scheele,
chimiste suédois, le contemporain et presque l'é-
gal de Lavoisier ; c'est la seule combinaison du
cyanogène avec l'hydrogène. Par ses propriétés
chimiques, cet acide se rapproche des acides chlor-
hydrique, iodhydrique, bromhydrique, fluorhy-
drique.
Son nom lui fut donné par Scheele parce qu'il
l'obtint pour la première fois en traitant le bleu
de Prusse par l'acide sulfurique.
On a pensé que cet acide était connu des prêtres
de l'ancienne Egypte, qui s'en servaient pour em-
poisonner ceux qui révélaient les secrets de l'art
sacré .
L'acide cyanhydrique existe dans le pêcher, l'a-
mandier, le laurier-cerise, le cerisier ; c'est lui qui
donne son odeur au kirsch, ainsi qu'aux noyaux
des fruits d'un grand nombre de rosacées. Il prend
naissance dans l'action des acides sur les prus-
siates.
Propriétés de l'acide prussique ou cyanhydrique.
— Cet acide constitue à la température ordinaire un
liquide incolore, très volatil, d'une odeur d'amandes
amères, rougissant faiblement le tournesol ; sa den-
sité est 0.7 ; il brûle facilement avec une flamme
pâle ; le résultat de la combustion est de l'eau et
de l'acide carbonique. Il est soluble dans l'eau ; cette
dissolution se décompose rapidement en donnant
naissance à de l'ammoniaque. Il en est de même
de l'acide pur, mais cependant sa décomposition
est plus lente. L'acide liquide pur est extrême-
ment volatil ; si on en évapore quelques gouttes
sur une feuille de papier, une portion se solidifie
par suite du froid produit. L'acide cyanhydrique
donne dans les sels d'argent un précipité blane
soluble dans l'ammoniaque.
Si on chaufi'e dans un verre de montre quelques
gouttes d'une solution étendue d'acide prussique
avec une goutte de sulfhydrate d'ammoniaque, et
qu'on y ajoute une goutte de perchlorure de fer,
on obtient une coloration rouge-sang (VVurtz).
En médecine on l'emploie à l'état de dissolution
dans l'eau comme antispasmodique. C'est le plus
violent poison que l'on connaisse.
Préparation. — C'est Gay-Lussac qui a indiqué
cette préparation. Il est prudent de le préparer à
l'air ou bien dans une salle aérée et vaste. On
l'obtient en chauffant doucement du cyanure de
mercure et de l'acide chlorhydrique; les vapeurs
doivent pas'-er dans un tube rempli de morceaux de
craie qui retiennent les vapeurs d'acide chlorhydri-
DANEMARK — 5;
que ; l'acide cyanliydrique va de !à se condenser
dans un ballon refroidi.
On peut aussi l'obtenir impur en distillant un
mélange de 10 parties de ferrocyanure de po-
tassium et de 1 d'acide sulfurique. C'est avec de
l'acide prussique ainsi préparé que Troppmann,
de sinistre mémoire, empoisonna en 186'J le chef
de l'infortunée famille Kink. L'acide conserve
dans ce cas des traces de ferrocyanure qui per-
sistent dans le cadavre, et peuvent servir h
constater l'empoisonnement longtemps après la
disparition de l'acide prussique lui-même.
Action de V acide cyanhydriqiie sur /'organisme.
— C'est le plus rapide de tous les poisons. Il tue
instantanément, soit qu'on en place une goutte
sur la langue, sur la muqueuse des paupières ou
qu'on le fasse respirer en petite quantité. Si la
dose a été assez faible pour que l'animal ne
tombe pas comme foudroyé, il se déclare alors des
accès de tétanos suivis d'une prostration complète;
l'haleine répand une odeur d'acide prussique, la
respiration est difficile et convulsive ; le pouls est
intermittent. La mort arrive au bout d'une heure
au plus.
Comme contre-poisons, on administre du chlore,
de l'ammoniaque, et on fait des aflfusions d'eau
froide sur la tète et le long de la colonne verté-
brale. La plupart des auteurs mettent en doute
l'efficacité de tous les moyens employés jusqu'à
ce jour. Nous nous permettrons cependant de dire
ici que nous avons h deux reprises différentes
guéri complètement en quelques heures deux la-
pins qui avaient été foudroyés par une injection
d'acide prussique sous les paupières, et cela en
leur faisant respirer une dissolution aqueuse con-
centrée de chlore; au bout d'une heure l'animal se
promenait, mangeait, tout en ayant encore l'ar-
rière-train en partie paralysé ; après quatre heures
il était en parfaite santé.
Cyanure de potassium. — C'est un sel blanc
qui cristallise en cube ; il est caustique et possède
un goût d'amandes amères. 11 est très soluble
dans l'eau et l'est peu dans l'alcool. Sa solution
dissout le cyanure d'argent : c'est cette propriété
qui le fait employer en photographie. C'est un
poison très énergique ; on l'emploie en médecine, à
très petite dose.
Préparation. — Pour obtenir le cyanure de po-
tassium, on chauffe au rouge du prussiate de
potasse desséché (cyanure ou prussiate jaune du
commerce). Après le refroidissement, on traite la
masse noire par l'alcool bouillant qui dissout le
cyanure ; on évapore dans le vide, et on obtient
une masse blanche cristalline do cyanure de po-
tassium. On l'obtient pliM> économiquement en
chauffant au rougo dans un creuset de fer un mé-
lange de ferrocyanure de potassium et de carbo-
nate de potasse sec (Wurtz). Ce procédé est em-
ployé en Angleterre.
Cyanure de mercure. — On l'obtient en faisant
bouillir un mélange de sulfate do bioxyde de mer-
cure et de ferrocyanure de potassium. C'est un
2 — DARWINISME
beau sel cristallisé d'une saveur métallique et
nauséabonde; il est très vénéneux. Il sert à pré-
parer le cyanogène et l'acide prussique.
Ferrocyanure de potassium. — Ce sel, qui
est un cyanure double de potassium et de fer
(Cy3Fe,K^), s'appelle aussi pi-ussiate jaune de po-
tasse ; on le rencontre dans l'industrie sous forme
de beaux gros cristaux jaune-citron; ce sont des
octaèdres à base carrée; le sel est blanc quand
on le débarrasse de son eau par la clialeur. Il se
dissout dans 4 parties d'eau froide. Chauffé avec
de l'acide sulfurique, il donne de l'acide prussique,
et laisse un résidu bleu-clair. Avec les sels de pro-
toxyde de fer, il donne un précipite blanc bleuâ-
tre qui se fonce à l'air, et avec les sels à base de
sesquioxyde il forme un produit bleu foncé carac-
téristique qui est le bleu de Prusse.
Le lerrocyanure do potassium se prépare en
grand dans l'industrie. On l'obtient eu calcinant
en vase clos du sang, de la corne ou des débris de
peau avec du carbonate de potasse et do la limaille
do fer; après le refroidissement, on traite la masse
par l'eau bouillante et on laisse évaporer.
Bleu de Prusse. — La découverte de cette ricne
matière tinctoriale est due à Dicsbach de Berlin :
j elle remonte au commencement du xviii^ siècle,
et a été le point de' départ de celle des substances
que nous venons de passer en revue et de toutes
celles qu'on considère comme contenant le radical
cyanogène. C'est Scheele qui fit voir que le bleu
de Prusse contenait une « matière subtile tincto-
riale », l'acide prussique. Conformément à sa con-
stitution, le bleu de Prusse doit être appelé un
ferrocyanure de fer (Cy3Fey',Fe*.
On l'obtient à l'état de précipité bleu foncé, en
versantune dissolution de prussiate jaune dans un sel
de sesquioxyde de fer. Dans lindustrie, on emploie-
le sulfate de p'rotoxyde de fer, et on a un préci-
pité qui ne devient bleu de Prusse que quand on l'a
traité par l'acide chlorhydrique, qui dissout la po-
tasse, et par le chlc/rure de chaux, qui fait passer
le fer de l'état deprotoxyde à l'état de sesquioxyde.
Le bleu de Prusse du commerce se présente en
gros morceaux cubiques à reflets cuivrés. Calciné
à l'air, il laisse un résidu de protoxyde de fer. Il
est insoluble, si ce n'est dans l'acide oxalique
(acide des oseilles). [Alfred Jacquemart. 1
CYCADÉES. — Botanique, XV. — Famille de
plantes dicotylédones gymnospermes, diclines, voi-
sines des conifères, et rappelant par leur port les
palmiers et les fougères arborescentes. Le genre
type est le genre Cycas, dont les espèces les plus
remarquables sont le C. circinalis, de la Chine et
des Moluques, qui a l'aspect du palmier, et dont
les feuilles pennées ont plus d'un mètre de long;
et le C. revoluta du Japon, dont les feuilles res-
tent roulées à leur sommet en forme de crosse.
A l'époque carbonifère et à l'époque jurassique
les cycadées comptaient de nombreux représen-
tants (V. Végétal, pp. 2275 et T2Hj].
CVLl^DUi;. — V. Corps ronds.
D
DANEMARK. — V. Scandinaves [États)
I)ARVVI?<1S3IE. — Botanique, I, XXX ; Géolo-
gie, IX; Zoologie, III. — Théorie de Darwin sur l'o-
rigine des espèces. Ce système scientifique, fondé
par le savant anglais Darwin^ n'est qu'une branche,
une variante du transformisme* imaginé par La-
marck. 11 peut se définir ainsi : « La sélection
naturelle par la lutte pour l'existence, appliquée
au transformisme de Lamarck. » Prenant comme
point de départ la théorie transformiste, qui fait
remonter l'origine des êtres, y compris bien
entendu la race humaine, à un petit nombre de
germes primordiaux ou tJiotiades, venus par géné-
ration spontanée, Darwin donne pour cause i\ la
transformation et à la variabilité des espèces la
supériorité que procure h un individu un avantage
quelconque dans la lutte quotidienne. De même
que par la sélection artificielle les hommes par-
viennent à modifier et à perfectionner les végétaux
ou les animaux domestiques, de même les hùsards
DARWINISME — '
de la concurrence vitale, reportés sur une période
d'une durée indéterminée, c'est-à-dire la sélection
naturelle, produisent des effets identiques sur les
êtres. Par exemple, deux individus d'une môme
espèce ou d'une même famille ne se ressemblent
pas absolument, ils diffèrent, soit par des caractères
sans valeur^ ou par des caractères qui leur donnent
un avantage dans la lutte avec ceux dont les besoins
sont les mêmes, ou vis-à-vis des conditions de
milieux et de subsistances de toutes sortes. L'ani-
mal qui a une couleur protectrice, c'est-à-dire
semblable au terrain sur lequel il fuit, échappera
mieux à la dent de ses ennemis. L'animal à la
fourrure plus épaisse sera favorisé aux pôles, celui
à la peau glabre à l'équateur. Par conséquent, tout
avantage acquis dès la naissance, et par cela même
plus facilement transmissible, met l'individu dans
des conditions meilleures de résistance aux causes
de destruction et de stérilité. Il s'ensuit que cer-
tains individus seront comme triés, choisis, par un
procédé naturel qui remplace l'action de l'homme
dans la sélection artificielle ; et que, précisément,
ces individus seront ceux qui s'écartent le plus des
autres par quelque caractère nouveau. Le fait se
répétant pendant plusieurs générations, les diver-
gences s'accentuent, la tendance à l'hérédité
augmente et des types se forment de plus en plus
éloignés du point de départ. Il en résulte aussi
que, partout où se montrera un ensemble de
conditions permettant à une divergence de se dé-
velopper sans être étouffée par des divergences
rivales, il y aura une place à prendre dans la série
des êtres et la possibilité de la formation d'une
espèce zoologique pour l'occuper. L'une des diffé-
rences entre la sélection artificielle et la sélection
naturelle est dans le temps qu'elles demandent
pour confirmer une transformation. Dans la pre-
mière, rien n'est laissé au hasard, les choses vont
vite, mais aussi les types sont mal fixés et re-
viennent aisément au type primitif; dans la se-
conde, c'est par siècles qu'il faut compter, le hasard
intervenant aussi bien pour détruire ce qui est
commencé que pour le compléter; en revanche les
résultats une fois obtenus sont plus stables.
Telle est l'idée fondamentale de la théorie darwi-
nienne. Nous nous bornons ici à l'exposer sans la
discuter; nous exposerons à l'article Espèces les
doctrines qui lui ont été opposées.
Extrait. « Je crois que tous les animaux
descendent de quatre ou cinq formes primitives
tout au plus, et toutes les plantes d'un nombre !
égal ou même moindre. L'analogie me conduirait '
à faire un pas de plus, et je serais disposé h croire
que tous les animaux et toutes les plantes descen-
dent d'un prototype unique, mais l'analogie peut être
un guide trompeur. Toutefois toutes les formes de
la vie ont beaucoup de caractères communs : la
composition chimique, la structure cellulaire, les
lois de croissance et la faculté qu'elles ont d'être
affectées par certaines influences nuisibles. Cette
susceptibiUté se remarque jusque dans les faits
les plus insignifiants; ainsi un même poison' affecte
souvent de la même manière les plantes et les
animaux. La reproduction sexuelle semble être
essentiellement semblable chez tous les êtres
organisés, sauf peut-être chez quelques-uns des
plus infimes
« Il est intéressant de contempler un rivage
luxuriant, tapissé de nombreuses plantes appar-
tenant à de nombreuses espèces, abritant des oi-
seaux qui chantent dans les buissons, des insectes
variés qui voltigent çà et là, des vers qui rampent
dans la terre humide, si l'on songe que ces formes
si admirablement construites, si différemment
conformées, ont toutes été produites par des lois
qui agissent autour de nous. Ces lois, prises dans
leur sens le plus large, sont : la loi de croissance
et de reproduction ; la loi d'hérédité qu'implique
53 — DATES
presque la loi de reproduction; la loi de variabi-
lité, résultant de l'action directe et indirecte des
conditions d'existence, de l'usage et du défaut
d'usage; la loi de la multiplication des espèces en
raison assez élevée pour amenei la lutte pour
l'existence, qui a pour conséquence la sélection
naturelle, laquelle détermine la divergence des
caractères et l'extinction des formes moins perfec-
tionnées. Le résultat direct de cette guerre de la
nature, qui se traduit par la famine et par la mort,
est donc le fait le plus admirable que nous puis-
sions concevoir, à savoir, la production des ani-
maux supérieurs. N'y a-t-il pas une véritable
grandeur dans cette manière d'envisager la vie,
avec ses puissances diverses attribuées primitive-
ment par le Créateur à un petit nombre de formes,
ou même à une seule? Or, tandis que notre pla-
nète, obéissant à la loi fixe de la gravitation,
continue à tourner dans son orbite, une quantité
infinie de belles et admirables formes, sorties d'un
cummencement si simple, n'ont pas cessé de se
développer et se développent encore. » (Darwin).
[Louis Rousselet.]
Bibliographie. — Ch. Darwin, l'Origine des Espèces;
— De la Variation des Animaux et des Plantes sous l'ac-
tion de la domestication ; — La Descendance de l'Homme et
la Sélection sexuelle; — De la fécondation des Orchidées
par les insectes,
DATES. — Nous donnons ci-dessous le tableau
des principales dates qu'il nous paraît utile de
faire figurer dans l'enseignement de l'histoire
à l'école normale primaire. Nous avons donné en
première ligne celles qu'il n'est pas permis d'igno-
rer, c'est-à-dire celles des vingt ou trente grands
faits de l'histoire universelle qui en caractérisent
les principales périodes. Nous y avons ajouté les
événements principaux de l'histoire de France et
de l'histoire générale, et un certain nombre de
faits moins importants, mais dont la date, h cause
du groupement particulier de ses chiffres, ou de
la bizarrerie de quelque coïncidence fortuite, se
grave plus facilement dans le souvenir et peut of-
frir à la mémoire des points de repère utiles. En-
fin, nous avons fait une place, h côté des batailles
et des changements de dynastie, aux grandes dé-
couvertes scientifiques, aux événements littéraires,
et aux inventions industrielles les plus remar-
quables.
HISTOIRE A^CIE^"^'E
776 avant J.-G. Première Olympiade.
7S4. An 1" de Piome (date de la fondation de cette
ville, selon la tradition romaine).
587. Prise de Jérusalem par Nabuchodonosor, roi
do Babylone,
510. Le tyran Hippias chassé d'Athènes. Selon la
tradition romaine, le roi Tarquin le Superbe
est chassé de Rome cette même année.
490. Bataille de Marathon. Siège de Rome par
Coriolan et les Volsques.
480. Bataille de Salamine.
450. Apogée de la puissance de Périclès à Athè-
nes. Loi des XII Tables à Rome.
431. Commencement de la guerre du Pélopon-
nèse.
404. Prise d'Athènes par les Spartiates et leurs
alliés; fin de la guerre du Péloponnèse.
•390. Prise de Rome par les Gaulois.
.33G. Avènement d'Alexandre le Grand.
333. Bataille d'Issus, entre Darius et Alexandre.
3l'3. Mort d'Alexandre à Babylone.
301. Bataille dipsus; partage définitif de l'empire
d'Alexandre.
29». Fin des guerres samnites. Rome est maîtresse
de toute l'italio centrale.
28i». Pyrrhus en Italie. Bataille d'Hcraclée. — En
Grèce, commencement de la ligue acliéenne.
DATES
— 554
DATES
^(',0. Victoire navale du consul Duilius sur les
Carthaginois, à Myles (If" guerre punique).
2iO. A l'issue de la première guerre punique, ré-
volte des mercenaires de Carthage (la guerre
inexpiahle) .
202. Bataille de Zama (2* guerre punique).
lyO. Bataille do Magnésie, où Antiochus le Grand,
roi de Syrie, est vaincu par les Romains.
14(). Destruction de Carthage (3' guerre punique)
et de Corinthe (la Grèce réduite en province
romaine).
101. Défaite des Cimbres à Verceil par Marius.
90. Commencement de la guerre sciale en Italie.
48. César triomphe de Pompée à Pliarsalc.
31. Octave triomphe d'Antoine à Aclium.
70 après J.-C. Destruction de Jérusalem par Ti-
tus, sous le règne de Vespasien.
9G. Avènement de Nerva, le premier des Anto-
nins.
103. Avènement de Septinic Sévère.
28'). Avènement de Dioclétien.
325. Concile de Nicée sous Constantin.
364. Premier partage de l'empire romain entre Va-
lentinien et Valens.
3!J5. Second partage de l'empire entre Honorius
et Arcadius, fils de Théodose.
451. Défaite d'Attila à Châions-sur-Marne.
476. Déposition de Romulus Augustule et fin de
l'empire romain d'Occident.
HISTOIRE DU MOYEN AGE
486. Clovis entre dans la Gaule romaine, et rem-
porte la victoire de Soissons sur Syagrius.
527. Avènement de Justinien, empereur d'Orient.
587. Traité d'Andelot entre Brunehaut et Gontran
de Bourgogne.
622. Fuite de Mahomet de la Mecque à Médine
(première année de Vhégire, ou ère musul-
mane).
G33. Mort de Mahomet.
687. Bataille de Testry, qui assure la prépondé-
rance dans les trois royaumes francs au maire
du palais d'Austrasie, Pépin d'Héristal.
714. Mort de Pépin d'Héristal.
73.'. Bataille de Poitiers, gagnée par Charles Mar-
tel sur les Arabes.
751). Massacre des Ommiades, et avènement d'A-
bouI-Abbas, chef de la dynastie des Abbassides.
SOO. Charlemagne couronné à Rome empereur
d'Occident par le pape Léon III.
814. Mort de Charlemagne.
843. Traité de Verdun, qui partage définitivement
l'empire carlovingien entre les trois fils de
Louis le Débonnaire : Lothaire, Louis le Germa-
nique et Charles le Chauve.
8()6. Mort de Robert le Fort, duc de France, tué
en combattant le pirate normand Hastings.
887. Diète de Tribur, et déposition de Charles le
Gros, dernier empereur de la dynastie carlovin-
gienne.
OU. Conrad de Franconie est élu roi de Germanie
à l'extinction de la famille carlovingienne. Ces-
sion de la Neustrie aux Normands par Charles
le Simple.
062. Othon I"' de Saxe, roi de Germanie, se fait
couronner empereur à Rome.
987. Avènement de Hugues Capet.
1033. Conrad II, premier empereur de la maison
de Franconie, réunit le royaume d'Arles à l'em-
pire d'Allemagne.
lOiiO. Bataille de Hastings.
1077. L'empereur Henri IV vient à Canossa implo-
rer le pardon de Grégoire VIL
1099. Prise de Jérusalem par les croisés.
)122. Concordat de Wornis, qui met fin à la que-
relle des investitures.
1189, Troisième croisadej à laquelle prennent part
Frédéric Barberousse, Philippe-Auguste et Ri-
chard Cœur de Lion.
1204. Quatrième croisade : fondation de l'empire
latin à Constantinople.
1214. Bataille de Bouvines.
1215. La grande charte en Angleterre.
1250. Mort de Frédéric II de Hohenstaufen et
commencement du grand interrègne.
1270. Mort de saint Louis et fin des croisades.
r<!73. Avènement de Rodolphe de Habsbourg et fin
du grand interrègne.
1301». Le poète Dante est nommé l'un des prieurs
de la république de Florence.
1314. Supplice des Templiers et mort de Philippe
le Bel.
1315. Bataille de Morgarten. gagnée sur Léopold
d'Autriche par les Suisses des Waldstaetten.
1336. Commencement de la guerre de Cent ans
entre la France et l'Angleterre.
134(;. Bataille de Crécy.
1356. Bataille de Poitiers.
1415. Bataille d'Azincourt. Supplice de Jean Huss,
que le concile de Constance a déclaré hérétique.
1431. Supplice de Jeanne d'Arc. Ouverture du
concile de Bâle.
1430. Paris se rend à Charles VII. Fin de la guerre
de Cent ans.
1453. Prise de Constantinople par les Turcs.
HISTOIRE MODERNE.
1456. Apparition à Mayence de la Bible latine de
Gutenberg premier livre imprimé.
1476. Charles le Téméraire est vaincu par les Suis-
ses à Grandson et à Morat.
1492. Découverte de l'Amérique.
1515. Avènement de François l". Bataille de Ma-
rignan.
1520. Luther brûle la bulle du pape. Couronne-
ment de Charles-Quint à Aix-la-Chapelle.
1525. Bataille de Pavie.
1543. Publication du livre de Copernic exposant le
système du monde.
1547. Mort de François l" et de Henri "VIII.
1555. Paix d'Augsbourg accordant la liberté des
cultes aux Luthériens.
1572. Massacre de la Saint-Barthélémy.
1579. Union d'Utrecht, par laquelle se constitue
la confédération des Sept-Provinces néerlan-
daises.
15S9. Assassinat de Henri III. Avènement de
Henri IV.
1.S98. Edit de Nantes et paix de Vervins.
1603. Mort d'Elisabeth d'Angleterre.
1610. Assassinat de Henri IV.
1614. Dernière réunion des Etats-Généraux avant
la Révolution française.
1615. Publication du livre intitulé Raison nés for-
ces mouvantes, par le Dieppois Salomon de Caus :
première démonstration expérimentale de la
force d'expansion de la vapeur d'eau.
1616. Mort de Shakespeare et de Cervantes.
1618. Commencement de la guerre de Trente ans.
1620. Publication du Sovum Organum de Bacon.
1625. Avènement de Charles Pf d'Angleterre.
1632. Bataille de Lùtzen, mort de Gustave-Adolphe.
1636. Corneille donne le Cid.
1037. Descartes fait paraître le Discours de la Mé-
thode.
1643. Mort de Louis XIII. Bataille de Rocroi.
1644. Invention du baromètre par le pliysicien ita-
lien Torricelli, de Faenza.
1648. Paix de Westphalie et fin de la guerre de
Trente ans. En Angleterre, épuration du Parle-
ment et triomphe du parti indépendant, qui con-
somme la révolution. En France, commence-
ment de la Fronde.
1656. Pascal publie les Provinciales.
DATES
— 555 —
DATES
Ifi59. Traité des Pyrénées, Molière donne à Paris
les Précieuses ridicules.
1660. Restauration monarchique en Angleterre;
avènement de Charles II.
1661. Mort de Mazarin; Louis XIV commence à
régner par lui-même.
1666. Invention de la machine électrique par Otto
de Guericke, bourgmestre de Magdebourg.
1C78. Paix de Nimègue.
1685. Révocation de l'édit de Nantes.
1687. Publication du livre de Newton exposant les
lois de la gravitation universelle.
1088. Seconde révolution d'Angleterre ; avènement
de Guillaume III.
1690. Invention du premier moteur à vapeur (cylin-
dre à piston) par le Français Denis Papin, de
Blois.
1*00. Mort de Charles II, dernier roi d'Espagne
de la maison d'Autriche.
1709. Batailles de Malplaquet et de Pultava.
1713. Paix d'Utrecht.
1715. Mort de Louis XIV.
1735. Mort de Pierre le Grand.
1740. Avènement de Frédéric II de Prusse et de
Marie-Thérèse. Guerre de la succession d'Au-
triche.
1745. Bataille de Fontenoy.
17iS. Paix d'Aix-la-Chapelle, qui termine la guerre
de la succession d'Autriche. Montesquieu publie
ï Esprit des lois.
1749. Buflfon commence la publication de son His-
toire naturelle; J.-J. Rousseau écrit son premier
Discours.
1750. Voltaire part pour la Prusse.
1751. Publication du premier volume de \'En-
cyclopédie.
1756. Commencement de la guerre de Sept ans.
1763. Traités de Paris et de Hubertsbourg, qui ter-
minent la guerre de Sept ans.
1773. Révolution d'Amérique. Premier partage de
la Pologne. Première introduction en France de
la filature mécanique du coton, due aux inven-
tions des Anglais Highs, Arkwright et Crampton.
1778. Mort de Voltaire et de Rousseau.
1782. Invention de la machine à vapeur à tiroir,
par l'Anglais James Watt.
1783. Invention des ballons par les frères Mont-
golfier.
1787. Invention de la machine à tisser, par l'Anglais
Cartwright.
1789. Commencement de la Révolution française.
1791. Fin de l'Assemblée constituante.
1792. Proclamation de la République par la Con- !
vention nationale. ]
1793. Exécution de Louis XVI. Première coalition.
Second partage de la Pologne. Invention du télé-
graphe aérien par l'abbé Ghappe.
1794. Réaction du 9 thermidor : exécution de Ro-
bespierre.
1795. Paix de Bâle ; constitution de l'an III; fin
de la Convention. Troisième et dernier partage
de la Pologne.
1796. Première campagne d'Italie.
1797. Traité de Campo-Formio.
1798. Expédition d'Egypte. Essai, sur la rivière
Hudson, du premier bateau à vapeur, construit
par l'Américain Rpbert Livingston.
1799. Seconde coalition. Coup d Etat du I8 bru-
maire. Invention de la pile i-iectrique par le
physicien italien Alexandre Volta, de Côme, et
de l'éclairage au gaz par l'ingénieur français
Lebon.
1800. Seconde campagne d'Italie. Marengo.
1801. Découverte de la lumière électrique par le
chimiste anglais Humphry Davy.
18t)2. Paix d'Amiens. Consulat à vie. Invention du
métier servant à fabriquer les tissus façonnés,
par le Lyonnais Jacquan.
1803. Premier bateau à vapeur lancé sur la Seine,
par l'Américain Robert Fulton. Invention de la
locomotive par l'Anglais Trevithick.
1804. Napoléon Bonaparte se fait couronner em-
pereur.
1805. Bataille d'Austerlitz. Mort de Schiller,
1806. Bataille d'Iéna.
1807. Batailles d'Eylau et de Friedland ; entrevue
de Tilsit.
1808. Commencement de la guerre d'Espagne.
1809. Bataille de Wagram.
1810. Napoléon épouse Marie-Louise.
l.Sll. Naissance du roi de Rome.
1812. Campagne de Russie.
1813. Bataille de Leipzig.
1814. Les alliés à Paris. Napoléon envoyé à l'Ile
d'Elbe. Louis XVIII.
1815. Les Cent-Jours. Waterloo. Seconde Restau-
ration. Napoléon à Sainte-Hélène.
18'20. Révolutions constitutionnelles d'Espagne et
de Naples.
1S21. Insurrection des Grecs.
1823. Intervention française en Espagne en faveur
du roi Ferdinand VII.
1824. Avènement de Charles X. Mort de Byron.
1S27. Bataille de Navarin. Elections libérales en
France.
1828. Chute du ministère Villèle.
1830. Prise d'Alger. Révolution de juillet à Paris;
avènement de Louis-l'hilippe. Révolution à
Bruxelles; la Belgique se sépare de la Hollande.
— Inauguration du premier chemin de fer des-
tiné au transport des voyageurs, entre Liverpool
et Manchester.
1831. Insurrection polonaise.
1832. Le choléra à Paris; mort de Casimir Périer.
Mort de Gœthe. Adoption du bill de réforme en
Angleterre.
1837. Avènement de la reine Victoria. Invention
simultanée du télégraphe électrique par Wheat-
stone en Angleterre, par Steinheil en Bavière,
et par Morse aux États-Unis.
1840. Complications européennes au sujet de la
question d'Orient. Ministère Thiers (1«'' mars) ;
sa chute. Ministère du 29 octobre ^Gnizot).
I 1846. Abolition des lois sur les céréales en Angle-
terre : triomphe des libre-échangistes.
j 1847. Agitation pour la réforme électorale en
France. Guerre du Sonderbund en Suisse.
I 184,8. Révolution de février à Paris ; proclamation
do la République. Révolutions à Vienne, à Berlin,
à Milan, à Venise, à Rome.
Remarques. — Il ne sera pas inutile de signaler à
l'attention des élèves certaines coïncidences, cer-
tains rapprochements qui peuvent aider à retenir
quelques-unes des dates ci-dessus en les groupant.
1. On remarquera le singulier paralléusme qui
existe entre plusieurs dates de l'histoire grecque
et de l'histoire romaine. Ainsi l'an 510 avant J.-C.
voit simultanément l'expulsion d'Hippias et celle
des Tarquins ; en 490, au moment où les Athé-
niens sont victorieux à Marathon, Coriolan vient
assiéger Rome. En 450, la république romaine,
encore à demi barbare, se donne ses premières lois
écrites au moment où l'Athènes de Périclès est
dans tout l'éclat de sa gloire.
2. Qu'on écrive la série suivante : 404, 303, 202,
101 ; et qu'ensuite on remplace, dans cette série,
le nombre 303, qui n'y figure que pour la symétrie,
par le nombre ;i01. On a de la sorte les dates de
quatre événements importants ; les deux premières
(404 et 301) appartiennent à l'histoire grecque, les
deux autres (202 et 101) à l'histoire romaine
L'irrégularité de la date 301 fournit précisément
le moyen de retenir trois autres dates de l'histoire
grecque du iv* siècle. En cfl'et, si 301, date de la
bataille d'Issus, péchait contre la symétrie, dans
la série ci-dessus, par l'absence d un 3, nous trou-
DATES
556 —
DÉCLAMATION
vonsune sorte de compensation dans la date de la
bataille à' Issus, qui en offre trois (333); h cette
dernière on rattachera la date de la mort d'Alexan-
dre (323) et de son avènement (336).
3. Dans l'histoire romaine, au temps de la
République, l'année 90 de chaque sicclQ offre un
événement important. Voir, dans le tableau ci-des-
sus, 4ÎJ0, 390, 290, 190, 90. —A noter aussi, dansle
111' siècle avant J.-C, trois dates romaines se sui-
vant h vingt ans de distance : 280, 200, 2'i0.
4. L'histoire de Rome sous les empereurs n'offre
presque pas de dates marquantes et faciles à retenir.
L'essentiel, pour cette période, est de se rappeler
le caractère propre de chaque siècle :
I" — Siècle des douze Césars.
Il" — Siècle des Antonins.
iii^ — Siècle des empereurs militaires, s'ouvrant
avec Septime Sévère, se fermant avec Dioclctien;
au milieu, période d'anarchie.
iv« — Siècle du triomphe du christianisme, s'ou-
vrant avec Constantin, se terminant par le partage
de l'empire entre les fils de Théodose.
v" — Siècle de l'invasion des barbares; dans la
seconde moitié, destruction de l'empire d'Occident.
5. Dans l'histoire de France, sous les deux pre-
mières dynasties, noter les dates 587, 687, S87,
987. Une s'en faut qued'unan pour que labataillede
Soissons (486) puisse figurer aussi dans cette série.
— Si on prend la date de l'avènement de Hugues
Capet (987), et qu'on en retourne les chiffres, on a
la date de la révolution qui mit fin à la monarchie
capétienne (1789).
6. La mort de Mahomet (632) arrive dix ans après
l'hégire (622). comme la mort d'Alexandre, cet
autre grand chef de peuples, arrive dix ans après
son triomphe d'Issus, et comme la chute de Na-
poléon (1814) arrive dix ans après son couronne-
ment (1804). — Cent ans après la mort de Mahomet,
bataille de Poitiers (732), marquant le terme de la
période ascendante de l'invasion arabe.
7. La quatorzième année d un certain nombre
de siècles est une date marquante de l'histoire de
France : 714, 8l4, 1214, 1*14, 1014, 1814.
8. La quinzième année de chaque siècle, à par-
tir du xiii*, est une date marquante de l'histoire
générale.
9. On peut établir une certaine connexité entre
la date du traité de Verdun, qui démembre l'em-
pire carlovingien , et celle du couronnement
d'Othon P'' de Saxe, qui restaure l'empire au profit
de l'Allemagne. Les deux nombres 842 et 963
offrent à l'œil une symétrie assez marquante; opé-
rons la transposition de leurs deux derniers chiffres,
nous aurons 843 et 962, qui sont les dates des
deux événements ci-dessus.
10. En 866, l'ancêtre des Capétiens, Robert le
Fort, est tué en combattant les Normands com-
mandés par le pirate Hastings; deux siècles plus
tard (lOGOj, le dernier des rois anglo-saxons, Harold,
périt à Hastings sous les coups des Normands de
Guillaume le Conquérant.
11. On peut résumer l'histoire du xi* siècle en
quatre faits saillants, dont les dates ont une appa-
rence très caractéristique : 1033, 1066, 1077, lOiJO.
12. Pour avoir les dates essentielles de la guerre
de Cent ans, il suffit de retenir celle du commen-
cement de la guerre, 1336; Crécy et Poitiers sui-
vent à dix ans d'intervalle chaque fois, 1316, 1356.
Pour la date d',\zincourt, elle se trouve dans la
série des quinze.
13. L'histoire do la maison de Bourbon (abstrac-
tion faite de la Restauration) tient entre deux
quatre-vingt neuf: Henri IV, le chef de la dynastie,
est monté sur le trône en 1589; en 1781 com-
mence la révolution qui renversera le trône de
Louis XVI.
14. Quarante- huit semble être une date fatidique;
à plusieurs reprises dans l'histoire, cette année
est signalée par de profondes commotions politi-
ques, par des changements radicaux dans l'ordre
de choses établi. En l'an 48 avant J.-C, César
détruit la république romaine à Pharsale ; en
16i8, la révolution d'Angleterre triomphe de la
royauté, pendant que la Fronde agite la France et
que le traité de 'VVesphalie remanie la carte de
l'Europe; en 1848, une nouvelle secousse ramène
en Fiance la République et ébranle la plupart des
trônes de l'Europe. [J. Guillaume.]
DÉCLAMATION — Littérature et style, X;
Grammaire, V, VI. — « Déclamer, dit le Dic-
tionnaire de l'Académie, c'est prononcer, débi-
ter à haute voix avec le ton et les gestes con-
venables. » C'est une gymnastique fort utile de la
voix en même temps qu'une partie essentielle de
l'art oratoire, un élément considérable de ce que
les traités de rhétorique appellent Vadion.
En France, cependant, on n'a jamais considéré
la déclamation que comme un art se rattachant au
théâtre, et quand on veut en recevoir des leçons,
il faut les aller chercher au Conservatoire de mu-
sique. Il n'en est pas question à l'École normale
supérieure, où se forme l'élite de nos professeurs,
à l'École de droit, qui nous prépare des avocats, ni
dans les écoles de tiiéologie, pour les ministres des
cultes. Ce n'est que depuis quelques années que
M. Legouvé s'est fait l'âpôtred'an art dans lequel
il excelle, la lecture à haute voix, et que l'attention
des chefs de l'enseignement public a été attirée sur
cette partie importante de l'éducation. Alors a paru
la circulaire ministérielle d'octobre 1878, qui de-
mande aux recteurs de réformer sur ce point les ha-
bitudes des écoles normales primaires et des lycées.
C'est un pays libre, la puissante démocratie
des États-Unis, qui, à cet égard, nous a donné
l'exemple. On y a vite compris, ainsi que l'a dit
M. Bardoux, « combien cet art est utile chez un
peuple qui fait lui-même ses affaires, qui discute,
qui a des réunions, des comités, des assemblées
de toute sorte. » Là, dans toutes les écoles publi-
ques, avec la 4^ ou la 5* année d'études, com-
mence une série d'exercices conduisant l'élève à
parler nettement, à lire et à débiter, avec assurance
et dans une attitude convenable, les meilleurs
morceaux de prose et de poésie. Depuis le
i" Renfler (on sait que chaque année du cours
d'études a là son livre de lecture spécial), on
trouve des préceptes sur l'accentuation, le ton, les
gestes qui doivent accompagner tel ou tel morceau.
Nous avons vu nous-même à Boston, à New-York,
à l'école normale de Keystone, quelle importance
on attache à obtenir une prononciation nette, une
variété de tons bien étudiée, et même une respira-
tion rythmée. Au lieu de laisser l'élève, assis dans
une attitude plus ou moins correcte, tenir son li-
vre à deux mains, avec sa tête courbée en avant,
comme cela a lieu le plus souvent dans nos exer-
cices de lecture, on le fait avancer debout, la tête
bien droite sans raideur, la poitrine en avant, le
livre dans la main gauche et à la hauteur voulue
pour une vision facile. Il doit lire lentement, bien
détacher tous les mots, placer les repos avec in-
telligence, et se faire nettement entendre de toute
la classe. Plus tard , il doit débiter, déclamer
un fragment de discours de Daniel Webster ou
d'Everctt, une poésie de Bryant ou de Longfellow.
Son esprit s'élève aux plus nobles idées de patrio-
tisme, au culte des gloires nationales, à l'amour
de la famille et de la terre natale.
C'est là ce qu'il serait vraiment utile d'introduire
dans toutes nos écoles. Cette éducation de la voix
comporte trois degrés :
1° Une prononciation et une accentuation bien
nettes ;
2" Une lecture expressive, bien nuancée et bien
rythmée ;
DÉCLINAISON
— 5o7 —
DÉCLINAISON
3° Une récitation ferme, naturelle, accompagnée
de gestes mesurés et justes.
Cette partie de Féducation avait déjà apparu
avec toute son utilité à l'éminent M. Gauthey,
directeur de l'école normale de Courbevoie. Dans
le premier volume de ses Principes de pédagogie
chrétienne (Paris, Meyrueis, 1854), on lit :
« Pour fortifier les organes de la voix, il est
utile d'habituer les enfants à des lectures et à des
récitations à voix haute et soutenue. Lorsque ces
exercices sont faits convenablement, ils donnent à
la voix plus d'ampleur, perfectionnent le ton, le
timbre, l'articulation. Seulement, il est important
de ne pas trop les prolonger et de ne pas les ren-
dre trop fréquents, de peur que la poitrine n'en
souffre. Une lenteur suffisante, l'observation exacte
des repos indiqués par la ponctuation, le soin de
respirer fréquemment et pas trop fortement dans
les endroits les plus favorables, sont des précau-
tions indispensables pour rendre la lecture non-
seulement agréable, mais encore propre à former
l'organe et à rendre la poitrine robuste.
» A la lecture, il faut joindre de temps en temps
la récitation et la déclamation. Ce dernier exercice
donne plus d'aplomb et de fermeté à l'organe ; il
appelle à une prononciation et à une expression
plus soignées que ne le fait la simple lecture, et il
constitue une très bonne préparation pour ceux
qui seront plus tard appelés à parler en public.
» En développant la voix par des exercices de
lecture et de déclamation, il ne faut pas omettre
entièrement le geste, qui donne tant d'expression
à la parole humaine.
» Le geste doit être considéré comme l'auxiliaire
naturel de la voix. // doit tout premièrement être
juste, c'est-à-dire en harmonie avec ce qu'exprime
la parole. Comme elle, il peindra jusqu'à un cer-
tain point la pensée, sans que toutefois cette pein-
ture soit minutieuse ou exagérée, car alors elle de-
viendrait ridicule.
» Les gestes ne doivent pas être trop inultipliés,
car ils perdraient sensiblement leur effet, et l'on
n'aurait plus de rorisourco, quand il faudrait pein-
dre les grandes émotions. Cet abus est fréquent
chez les Italiens et chez d'autres peuples du
Midi. Que l'on réserve donc les gestes expressifs
pour les moments où il s'agit de produire des
effets puissants ; pour les occasions où il faut
étonner, convaincre, entraîner une assemblée.
» Enfin les gestes, sans perdre leur caractère de
justesse, doivent avoir une certaine grâce. Les
mouvements anguleux, brusques produisent tou-
jours un mauvais effet. » [B. Berger.]
Ouvrages à consulter : L'Art de la lecture, par
E. Legou\é ; Paris, Hetzel. — De V Education, par Gau-
they, I, ch. X.
DÉCLIXAISOX. — Grammaire, VIIL — (Et};m. :
declinatio, du verbe de-clinare, pente, inflexion).
On désigne sous ce nom l'ordre des modifications
que reçoivent dans les langues anciennes, et dans
l'allemand et le russe parmi les langues modernes,
certaines espèces de mots (noms, adjeciifs, pro-
noms) pour exprimer leurs rapports dans la pro-
position.
Le grec comptait trois déclinaisons et le latin
cinq. Mais ce classement, suivi par la plupart des
grammairiens, ne doit point être considéré comme
indiquant des formes bien distinctes et établissant
des catégories bien tranchées. « En comparant les
cinq déclinaisons latines, surtout si l'on lient
compte de leurs formes anciennes ou populaires,
on s'aperçoit qu'elles ont entre elles beaucoup de
ressemblances, et qu'elles paraissent dériver toutes
d'une déclinaison commune. On peut arriver au
même résultat pour les diverses déclinaisons de la
langue grecque. » (Egger.)
Le mécanisme de la déclinaison consiste à ajou-
ter à une partie invariable du mot, appelée thème,
une terminaison qui lui donne un sens spécial, et
indique sa fonction dans la proposition.
On obtient ainsi ce qu'on appelle les cas (du
latin casus, chute), expression qui, comme celle de
déclinaison, répond à l'idée d'une règle qui s'in-
cline, qui fléchit.
Bien que la déclinaison n'existe pas dans le fran-
çais moderne, létude en est utile pour expliquer
certains faits de notre langue qui, nous le verrons
bientôt, a gardé quelque temps du latin la distinc-
tion des cas.
La déclinaison grecque avait cinq cas : le no-
minatif, le vocatif, le génitif, le datif et l'accu-
satif. Le latin avait, en outre, V ablatif . Mais les
travaux de la philologie ont récemment révélé
l'existence de deux autres cas qui avaient fini par
se fondre avec les précédents : le locatif et Vinstim-
mental.
On trouvera dans toute grammaire de ces langues
les diverses formes qui caractérisaient les cas.
Il nous suffira d'en examiner la valeur dans le la-
tin, d'où est dérivé le français.
Le Nominatif (ex. dominus, le seigneur, rex, le
roi) marque que le nom est sujet de la proposition.
Le Vocatif {domine, seigneur, rex, roi; désigne
l'être à qui l'on adresse la parole. Ce sont les cas
direct--.
Le Génitif {domini, du seigneur, 7-egis, du roi)
indique un rapport de détermination par l'indica-
tion de la possession, de l'origine, de l'espèce. Le
Datif {domiyio, au seigneur, régi, au roij indique
le nom à qui l'on donne ou l'on attribue quelque
chose. L'Accusatif ((/o»iî«u»z, le seigneur, regem,
le roi) fait connaître le nom qui reçoit l'action du
verbe, ou vers lequel tend le mouvement. Enfin
l'Ablatif (domi7W, du ou par le seigneur, rege,
du ou par le roi) exprime ordinairement une idée
d'éloignement, de séparation. Ce sont les cas obli-
ques.
Les langues dites néo-latines : l'italien, l'espa-
gnol, le français, n'ont pas conservé l'usage des
cas. L'allemand a retenu de la riche déclinaison de
l'ancienne langue gothique quatre cas : le nomi-
natif, le génitif, le datif et l'accusatif Quant à
l'anglais, il n'a gardé qu'une espèce de génitif formé
par l'addition d'un s au radical du nom : the child's
book, le livre de l'enfant. Le russe a sept cas :
nominatif, vocatif, génitif, datif, accusatif, instru-
mental et prépositionnel.
Les langues qui n'admettent pas les cas ne peu-
vent se permettre les hardiesses de construction
des langues à flexions casuelles. Elles sont tenues
de suivre plus rigoureusement l'ordre des idées,
et elles ne peuvent exprimer les rapports entre les
mots qu'au moyen des prépositions.
Il suffit de comparer par exemple cette simple
phrase de Cicéron : Rationem hominibus Deus
dédit, avec sa traduction en français, «Dieu donna
la raison aux hommes, » pour se rendre compte
de la différence de construction des deux langues.
Le latin a peu à peu perdu l'usage des cas, et
ce changement s'explique d'abord par la pronon-
ciation qui tendait à confondre les voyelles o et u,
surtout devant m, ainsi que e et i, puis par l'accent
tonique qui, n'affectant que la pénultième (avant-
dernière) ou l'antépénultième syllabe, laissait
inaperçue la flexion casuelle. Mais, comme l'a
bien montré M. Michel Bréal, ces deux raisons ne
suffiraient pas à expliquer cet abandon des cas.
Il faut encore tenir compte de la diversité des re-
lations qu'un même cas devait exprimer et poiir
la distinction desquelles on avait fini par recourir
à certaines particules qui, du rôle d'adverbes, ont
passé à celui de prépositions. On voit dans le latin
des temps mérovingiens que c'était par les pré-
positions que se marquaient les divers rapports
exprimés autrefois par les seules flexions casuelles.
Au lieu de dire : do panem l'etro, equus Pétri, le
DÉCOUVERTES
— 558 —
DECOUVERTES
latin vulgaire disait : dono panem ad Petrum, ca-
ballui de Pctro.
Dans la transformation qui a fait du latin le
français actuel, on rencontre d'abord la langue
d'oc et la langue d'oil, qui se parlaient et s'écri-
vaient en France du x' au xiii' siècle. Toutes
deux avaient gardé la distinction de deux cas
pour les noms, le cas sujet et le cas régime.
C'est là le fait important que Raynouard découvrit
vers 1811 par l'étude des grammaires provençales
de Uc Faidit et de Raimond Vidal. De ce moment
un jour tout nouveau fut jeté sur notre ancienne
littérature, et fit voir une régularité vraiment ad-
mirable là où l'on avait vu jusqu'alors le désordre
et la bizarrerie. C'est ce qu'on a appelé la règle de
Vs. « On l'explique en disant que la langue d'oc et
la langue d'oil réduisirent les cinq déclinaisons
latines à une seule, la seconde (et encore sous sa
forme masculine) et dès lors attachèrent Vs au
sujet singulier et au régime pluriel, qui l'avaient
en latin [dominus — dominos), la supprimant au
régime singulier et au sujet pluriel, qui, en latin,
ne l'avaient pas {dominum — dommi). «(Littré).
Un autre fait connexe, c'est le déplacement de
l'accent qu'amenait la troisième déclinaison latine
en passant du cas sujet {pdstor) à l'un des cas ré-
gimes {pastôrem , pastôre). De là deux dérivés
français pour ces noms : pâtre, pasteur ; et de
même : sire, seigneur; ber, baron; cuens ou coms,
comte ; homs, home.
Mais à partir du xrv* siècle cette distinction des
deux cas cessa d'être observée, et ce fut la forme
du cas régime qui resta. C'est ainsi que s'explique
la formation du pluriel des noms par la lettre s-
qui terminait toujours le cas régime au p.jriel.
On trouve encore des cas dans nos pronoms per-
sonnels :
Nominatif: je; accusatif: me; datif: me, moi.
— tu; — te; — te, toi.
— il, elle ; — le, la; — lui.
— ils, elles; — eux.elles; — leur.
— on; — se; — se, soi.
Cf. Bracbet, Grammaire historique de la langue fran-
çaise; LiTTRÉ, Histoire de la langue française; Breal, la
forme et la fonction des mots.
[B. Berger.]
DÉCOUVERTES MARITIMES du XV« et du
xvi' siècle. — Histoire générale, XXI.
Les découvertes maritimes du xv« et du xvi« siè-
cle forment un des chapitres les plus intéressants
de l'histoire, un de ceux que nul ne doit ignorer.
Les noms de Colomb, de Gama, de Magellan ap-
partiennent, pour ainsi dire, à l'histoire de tous les
peuples, puisque tous ont profité de la découverte
du Nouveau-Monde, de celle du cap de Bonne-Es-
pérance, et de la démonstration expérimentale de
la sphéricité de la terre.
Au commencement du xv* siècle, l'océan Atlan-
tique, que des milliers de marins traversent main-
tenant en quelques jours pour aller à New- York,
tn quelques semaines pour aller aux Antilles, au
Erésil ou à la Plata, était presque inconnu. Au
xiv« siècle, quelques navigateurs normands, sur-
tout des Dieppois, avaient pourtant doublé le cap
Bojador et le cap Vert, et établi, dit-on, un comp-
toir sur la côte de Gainée. Des Italiens et des Ca-
talans s'étaient aussi aventurés sur la côte ouest
de l'Afrique. Sur une carte italienne de 1351, on
voit figurer les Canaries, les Açores et Madère.
En 1402, un Normand, Jean de Béthencourt, alla
aux Canaries; son expédition fut infructueuse : on
a la relaiion de son voyage ; mais les navigateurs
du XIV siècle n'ayant pas laissé de témoignages
écrits de leurs découvertes, ont perdu, aux yeux de
la i oslérité, le fruit de leurs efforts. Les Portu-
gais du XV' siècle, qui surent trouver la route des
Indes par le cap de Bonne-Espérance, ont occupé
sans rivaux le premier rang dans les explorations
maritimes sur la côte d'Afrique.
Trouver une route à travers les mers pour arri-
ver aux Indes, c'est-à-dire aux pays que l'on con-
sidérait comme les plus riches du monde, fut
pendant un siècle le but poursuivi par les navi-
gateurs. Comme les Indes se trouvaient à l'extrême
Orient, les Portugais dirigèrent vers l'est toutes
leurs tentatives. Mais avant que Vasco de Gama
eût franchi, le premier, l'océan Indien entre le
cap de Bonne-Espérance et Calicut (1497-98),
Christophe Colomb, convaincu que la terre était
sphérique, résolut de chercher, par l'ouest, la
route maritime des Indes. Après trente années de
labeurs et d'études, il découvrit dans un voyage de
quelques semaines (du 3 août au 12 octobre H!)2),
le Nouveau-Monde, qu'il crut être une partie des
Indes. Il traversa, pour la première fois, de l'est à
l'ouest, l'océan Atlantique, océan redouté parce
qu'il était inconnu, immense solitude que les lé-
gendes du moyen âge appelaient la mer Téné-
breuse, d'où les hommes, disait-on, ne revenaient
pas.
La découverte du Nouveau-Monde excita l'ému-
lation des navigateurs espagnols; s'ils n'eurent pas
le génie de Colomb, ils imitèrent son audace. En
moins d'un demi-siècle, la mer des Antilles, le
golfe du Mexique, les côtes de l'Amérique depuis
la Floride jusqu'à la Plata, furent explorés. Balboa
franchit Hsthme de Panama (151.3), et découvrit
l'océan Pacifique ; Cortez conquit le Mexique, Pi-
zarre, le Pérou; et l'immortel Magellan, digne
émule de Colomb, entreprit (1519) le premier
voyage autour du monde.
D'un autre côté, le roi Emmanuel de Portugal,
jaloux de la découverte de Colomb, ayait confié
quatre vaisseaux à Vasco de Gama pour chercher
la route des Indes par l'Orient. L'exi édition fut
décisive, la voie maritime de Lisbonne à Calicut fut
découverte. Le petit royaume de Portugal expé-
dia ensuite des flottes dans l'o» éan Indien, dans
le golfe Persique, et jusqu'aux Moluques. Le grand
Albuquerque fit respecter et redouter le nom des
Portugais jusqu'aux extrémités de l'Asie.
Pour faire comprendre à des enfants l'ensemble
de ces découvertes, on peut utilement se servir
d'un globe terrestre ou d'un planisphère sur le-
quel on leur montrera, tout d'abord, quelles étaient
les connaissances géographiques acquises au com-
mencement du xv siècle :
L'Europe, une partie de l'Asie et de l'Afrique sep-
tentrionale, formaient alors le monde connu ;
entre ce monde connu et les parties du globe
absolument inconnues, il y avait de vastes contrées
asiatiques entrevues par les intrépides voyageurs
du moyen âge. — Le franciscain Plan Carpin avait
pénétré au xiii' siècle chez les Tartares de l'Asie
centrale (1215). Le moine flamand Rubruquis, en-
voyé par saint Louis, avait suivi les traces de Plan
Carpin et visité Karakorum (1253). On possède
la relation de leurs voyages. — Vers 1250, deux
Vénitiens, Nicolao et Matteo Polo, partis de Cons-
tantinople, avaient été nouer des relations de
commerce avec les Tartares. Revenus à Venise
après vingt ans d'absence, ils reprirent bientôt le
chemin de l'Asie centrale : l'illustre Marco Polo,
fils de Nicolao, accompagnait son père et son oncle.
Ils furent reçus avec honneur par le grand khan
des Mogols, Koubilaï, et atteignirent l'extrémité
nord-ouest de la Chine. De là, ils se dirigèrent vers
le sud de la Chine, vers la Cochinchine, et revin-
rent en Perse par mer ; Marco Polo, après vingt-
cinq ans d'absence, rentra en li9b à Venise, et
dicta à Rusticien de Pise la relation de ses
voyages. Cette relation véridique, écrite en français,
est un monument des plus précieux pour l'histoire
de la géographie. — Les contrées absolument in-
connues en 1400 étaient : le continent africain, sauf
DECOUVERTES
— 559 —
DECOUVERTES
l'Egypte, le littoral méditerranéen, et une petite
partie des côtes occidentales de l'Afrique ; le Nou-
veau-Monde, sauf quelques terres de l'Amérique
septentrionale qui avaient été découvertes par les
Scandinaves du moyen âge (mais il ne restaitde
ces expéditions qu'un vague souvenir) ; enfin l'O-
céanie tout entière. — Quant aux mers, on ne con-
naissait bien que les mers d'Europe : la Méditerra-
née, que les Catalans, les Provençaux, les Génois
et les Vénitiens avaient traversée en tout sens soit
pour prendre part aux croisades, soit pour étendre
leur commerce; la mer Noire, où les Vénitiens et
les Génois avaient établi des comptoirs importants ;
la Manche qui n'avait été un obstacle ni pour
Guillaume le Conquérant envahissant l'Angleterre,
ni pour ses successeurs qui envahirent la France
pendant la guerre de Cent ans ; la mer du Nord et
la Baltique que parcouraient les vaisseaux de la
ligue Hanséatique. De l'océan Atlantique, on ne
connaissait que la partie nord-est qui s'étend sur
les côtes d'Islande, d'Irlande, de France, d'Espa-
gne, de Portugal et le long de l'Afrique jusqu'aux
Canaries. On connaissait l'existence de la mer
Rouge, du golfe Persique et de l'océan Indien, où
.es musulmans faisaient le trafic avec l'Inde, mais
où aucun navire européen ne pénétra avant le
voyage de Vasco de Gama.
Le grand océan Pacifique était absolument inconnu.
Nous allons suivre, d'après l'ordre chronologi-
que, les principales découvertes maritimes du
xv« et du xvi* siècle.
Découvertes des Portugais sur la côte d'Afrique
jusqu'au cap de Bonne-Espérance. — Les naviga-
teurs portugais commencèrent l'exploration de la
côte d'Afrique en 1418 (découverte de Puerto
Santo h, sept lieues de Madère), et Barthélémy
Diaz reconnut le cap de Bonne-Espérance en 1486;
ils mirent donc soixante-huit ans pour atteindre
l'extrémité méridionale du continent africain. Ne
nous étonnons pas de ces délais, et essayons de
nous rendre compte des difficultés et des périls
de ces expéditions : il fallait s'avancer dans une
mer inconnue, longer les côtes au risque d'échouer
sur un banc de sable, ou de se briser contre un
rocher, atterrir de temps à autre pour se procurer
de l'eau, courir le risque de manquer de provi-
sions que l'on ne pouvait renouveler dans des
pays déserts, souffrir de la chaleur d'un climat
torride, sous lequel l'homme blanc, croyait-on,
pouvait devenir noir, s'engager parfois dans la
haute mer au risque de s'y perdre, pour triompher
des courants qui viennent battre le cap Bojador
ou le cap Vert.
Peu d'existences ont été aussi pénibles et aussi
laborieuses que celles des rudes matelots qui ma-
nœuvraient à bord des petits vaisseaux portugais.
Il fallut, on le comprend, bien des efforts succes-
sifs, pour franchir les 39 degrés de latitude nord
qui séparent le Portugal de l'équateur, puis les 35
degrés de latitude sud entre l'équateur et le cap de
Bonne-Espérance. Ces 74 degrés représentent plus
du cinquième de la circonférence du globe ter-
restre.
Le prince Henri, troisième fils du roi Jean de
Portugal, fut le promoteur des découvertes. Il
avait pris une part glorieuse à l'expédition contre
les Maures du Maroc, laquelle avait eu pour résul-
tat la prise de Ceuta par les Portugais en 1415 ; il
était grand maître de l'ordre militaire du Christ. Il
voulut continuer, contre les infidèles d'Afrique, les
croisades interrompues contre les Maures. Il éta-
blit sa résidence au petit port de Sagres, près du
cap Saint-Vincent; réunit autour de lui des hom-
mes instruits, des marins courageux, recueillit un
grand nombre de renseignements sur la science
nautique de son temps, et mit en pratique, avec
persévérance, la noble devise qu'il avait adoptée :
« Talent de bien faire. »
En 1418, deux gentilshommes de la maison du
prince Henri, Zarco et Vaz Texeira, partirent pour
tenter de doubler le cap Bojador. Ils furent jetés
par la tempête dans la petite île de Puerto-Santo,
et revinrent en Portugal. L'année suivante ils
abordèrent à Madère qu'ils crurent avoir décou-
verte. Cette île fertile, dont les forêts furent, dit-
on, incendiées, reçut de l'infant Henri des plants
de vigne de Chypre et de Grèce et de cannes à
sucre de Sicile : c'est de Madère que la canne h
sucre fut plus tard importée dans les Antilles. En
1433, le cap Bojador, longtemps redouté, fut dou-
blé par Gil Eannez. Le pape Martin V venait d'as-
similer les expéditions maritimes aux croisades
contre les infidèles, et d'accorder le droit de con-
quête à la couronne de Portugal et l'indulgence
plénière à ceux qui périraient dans ces expédi-
tions. En 1443, Nugno Tristan franchit le tropique
du Cancer (23° 28'), doubla le cap Blanc et recon-
nut la baie d'Arguin. Trois ans après, il découvrit
l'embouchure du Sénégal et arriva au cap Vert.
Les Portugais trouvèrent dans ces parages des côtes
habitées et y recueillirent un peu de poudre d'or.
Ils tuèrent, ou prirent comme esclaves, les natu-
rels qu'ils rencontrèrent. Le désir du lucre l'em-
porta sur l'esprit de prosélj'tisme. Un marché
d'esclaves s'ouvrit à Lagos, en Portugal, et le
chroniqueur Azurara, ému à la vue du désespoir
de ces malheureux, s'écrie : « Leur humanité force
la mienne à pleurer de compassion sur leurs souf-
frances. »
Lorsque le prince Henri mourut à soixante-sept
ans (1463), les vaisseaux portugais étaient parvenus
à l'entrée du golfe de Guinée; on avait découvert
les îles du cap Vert et Sierra- Leone. On n'était
encore qu'au tiers de la distance qui sépare le
détroit de Gibraltar du cap de Bonne-Espérance ;
mais l'impulsion était donnée. A partir du golfe
de Guinée, la côte africaine s'infléchissant vers
l'est et le sud-est, l'espoir de découvrir l'extré-
mité du continent et la route des Indes excita
l'audace des navigateurs. Jean de Santarem et
Pierre d'Escalone, après avoir exploré la côte de
Guinée, franchirent l'équateur : les matelots aper-
çurent la grande Ourse et l'étoile polaire à l'hori-
zon ; puis ils perdirent de vue toutes les étoiles de
notre hémisphère et se trouvèrent dans une mer
inconnue et sous un ciel nouveau ; mais on put
constater que l'aiguille aimantée de la boussole
gardait, dans l'hémisphère austral, sa direction
vers le nord. En 148<, Diego Cara arriva à l'embou-
chure du grand fleuve Zaïre ou Congo, auquel
l'heureux et intrépide voyageur Stanley vient de
donner le nom de fleuve Livingstone, — Enfin, <n
1486, Barthélémy Diaz, avec deux bâtiments, attei'
gnit l'extrémité de l'Afrique, et dépassa le cap
qu'il appela cap des Tempêtes, parce qu'il faillit
y périr victime d'un ouragan. Il revint à Lisbonne
après un voyage de seize mois et dix-sept jours.
Le roi Jean II de Portugal changea le nom du cap
en celui du cap de Bonne-Espérance. La route des
Indes semblait ouverte; mais il s'écoula encore
onze années avant l'immortelle expédition de Vasco
de Gama. — Dans l'intervalle, Christophe Colomb
donna à l'Espagne le Nouveau-Monde.
Christophe Colomb. Découierte de V Amérique,
1492. — Christophe Colomb naquit à Gênes, vers
1436, d'une famille d'artisans. « Dès l'âge le plus
tendre j'allais en mer, écrivait-il en 1 01, et j'ai
continué de naviguer jusqu'à ce jour. Quiconque
se livre Ji la pratique de cet art désire savoir les
secrets de la nature d'ici-bas. Voilà déjà plus de
quarante ans que je m'en occupe. 1 out ce que l'on
a navigué jusqu'ici sur les mers, je l'ai navigué
aussi. J'ai eu des rapports constants avec des
hommes lettrés, ecclésiastiques et séculiers, latins
et grecs, juifs et maures et de beaucoup d'autres
sectes. Pour accomplir ce désir, le Seigneur s'est
DÉCOUVERTES
560
DECOUVERTES
montré favorable à mes desseins; c'est lui qui
m'accorda des dispositions et de l'intelligence. Le
Seigneur me gratifia abondamment de connais-
sances dans les choses de la marine. De la science
des astres il me donna ce qui pouvait suffire ;
de même de la géométrie et de raritlimétique.
De plus, il m'accorda la capacité et l'habileté
manuelle pour dessiner les sphères et y placer
en leurs propres lieux les villes, les rivières et les
montagnes. Dans ce temps, j'ai étudié toutes sortes
d'écrits, l'histoire, les chroniques, la philosophie
et d'autres arts pour lesquels Notre-Seigneur m'ou-
vrit l'intelligence J'ai passé vingt-trois ans sur
mer. J'ai vu tout le Levant et le Couchant, et le
Nord ; j'ai vu l'Angleterre, j'ai été plusieurs fois de
Lisbonne à la côte de Guinée. » — Ces lignes ré-
sument presque tout ce que nous savons sur la
première partie de la vie de Colomb.
La découverte du Nouveau-Monde ne fut pas une
aventure. Quand on demandait à Nev/ton com-
ment il avait trouvé et déterminé les lois de l'at-
traction, il répondit : « En y pensant toujours, m
Colomb eût pu faire la même réponse à ceux qui
lui demandaient comment il avait découvert l'Amé-
rique. Après de longues années de navigation et
d'études, il crut à la sphéricité de la terre, niée
par la plupart des théologiens espagnols, parce
que saint Augustin avait écrit que les antipodes
n'existaient pas, mais admise par quelques savants,
et particulièrement par l'astronome florentin Tos-
canelli ; c'est sur sa foi en ce principe qu'il songea
à se rendre aux Indes par l'ouest, tandis que les
Portugais cherchaient à y pénétrer en contournant
l'Afrique. Dans l'ignorance où l'on était de la
grosseur de la terre, Colomb crut qu'il rencontre-
rait l'extrémité de l'Asie à 90 degrés de longitude
ouest; or la distance était de plus du double; il
n'arriva pas aux Indes, mais il découvrit le Nou-
veau-Monde.
Pendant huit ans Colomb sollicita inutilement
l'aide des souverains pour accomplir son entreprise.
Ni Charles VIII de France, ni Henri VII d'Angle-
terre, ni Jean II de Portugal, ni les Etats mariti-
mes de l'Italie, n'accueillirent sa démarche d'une
manière efficace. L'insistance du moine Jean Perez
lui fit enfin obtenir un accueil favora'i)le de la
reine de Castille. Par un traité signé à Santa-Fé,
près de Grenade, Colomb était créé grand-amiral
dans toutes les mers et les continents qu'il allait
découvrir, et recevait en même temps pour lui et
sa postérité le titre de vice-roi. Trois grandes cha-
loupes, la Santa-Maria, la Pi7ita et la Nina com-
posaient la petite flottille qui allait traverser
l'Océan. Les deux frères Pinzon, marins éprouvés,
s'associèrent à la fortune de Colomb ; quelques
matelots, mais en petit nombre, s'embarquèrent
volontairement ; d'autres furent contraints de
prendre part à l'expédition. Après avoir reçu la
communion, Colomb et les équipages mirent à la
voile au petit port de Palos en Andalousie (3 août
1492). Jusqu'aux Canaries la route était connue;
de là, Colomb se dirigea vers l'ouest. Le temps fut
favorable; les vents périodiques ou alizés, qui
soufflent de l'est à l'ouest dans la mer des tro-
piques, poussèrent rapidement les vaisseaux dans
l'océan inconnu. La mer était si calme et le ciel
si pur que Colomb, dans son journal de bord, com-
parait ces belles nuits de la région des tropiques
à celles de l'Andalousie. « Il n'y manquait, dit-il,
que le chant du rossignol ». On arriva à une mer
embarrassée d'herbes, et l'on crut prématurément
au voisinage de la terre ; mais les journées se suc-
cédaient sans qu'on aperçût autre chose qu'une
mer sans limites. Le découragement, puis la ter-
reur s'emparèrent de l'esprit des matelots : il n'y
a là rien de surprenant ; ce qui l'est plus, c'est
que l'amiral, par sa confiance dans le succès de
l'entreprise, par l'ascendant que lui donnait son
grade et surtout par l'indomptable énergie de son
âme, ait triomphé des accès de mécontentement
et du désespoir des équipages.
« Dans la soirée du 11 octobre, après que l'é-
quipage du vaisseau amiral, selon la coutume de
chaque jour, eut entonné le Salve Rfgina, ce doux
hymne à la Vierge qui est le chant d'adoration
des matelots, Christophe Colomb leur adressa une
allocution propre à faire impression sur ces
hommes à l'enveloppe grossière. Il leur montra le
doigt de Dieu les conduisant par des brises favora-
bles à travers une mer tranquille, entretenant leur
espérance par des signes sans cesse renouvelés,
multipliant ces signes d'espoir à mesure que leurs
craintes augmentaient, et les guidant ainsi comme
à une terre promise. 11 regardait comme probable
qu'on toucherait terre dans la nuit même ; il or-
donnait donc une garde vigilante du haut de la
dunette, et promit à celui qui verrait la terre le
premier un beau pourpoint de soie, en addition à
la pension considérable donnée par le roi.
w Cette terre tant désirée fut reconnue presque
à la fois par Colomb lui-même et par un matelot
du navire d'Alonzo Pinzon, dans la nuit du 11 au
1"2. Le lendemain dès l'aube, on s'approcha du ri-
vage. C'était une île plate, de plusieurs lieues
d'étendue, toute couverte d'arbres comme un vaste
verger et présentant le frais aspect d'une magnifi-
que verdure. » (Vivien Saint-Martin, Histoire de la
géographie).
On apercevait sur la plage des habitants nus et
tatoués ; les vaisseaux jetèrent l'ancre. Les canots
furent mis à la mer.
L'amiral descendit à terre, vêtu d'un riche cos-
tume écarlate et tenant à la main l'étendard royal;
il prit possession du sol au nom d'Isabelle de Cas-
tille et de Ferdinand d'Aragon, et donna à l'île le
nom de San Salvador. (C'est probablement l'île du
Chat, une des Lucayes.) Les compagnons de Chris-
tophe Colomb, après avoir rendu grâces à Dieu
pour leur heureuse traversée, firent éclater leur
admiration pour l'amiral. Les indigènes inofifensils
croyaient voir arriver dans leur île des êtres venus
du ciel. Hélas ! cette première entrevue pacifique
entre les habitants des Deux Mondes devait être
suivie de cruelles déceptions.
Les indigènes, que Colomb désigna par le nom
d'Indiens parce qu'il croyait avoir touché à l'extré-
mité de l'Asie, étaient timides et inoffensifs ; les
Espagnols firent moins d'attention à leur teint cui-
vré, à leur visage imberbe, à leur peau tatouée,
qu'aux petites plaques d'or qu'ils portaient aux na-
rines ; les naturels indiquèrent le Sud comme
étant la région d'où provenait cet or. Colomb remit
à la voile, découvrit Cuba, et Haïti qu'il nomma
Hispanioia ; le vaisseau amiral ayant échoué contre
un écueil, les insulaires vinrent en aide aux nau-
fragés.
Colomb n'avait plus qu'un vaisseau. Abandonné
par Pinzon qui montait la Pinta, il résolut de re-
tourner en Espagne sur la Nina, petite caravelle
délabrée. 11 bâtit un fort à Hispanioia, l'arma des
canons de ia Sa7itn-Maria naufragée, y laissa une
partie de ses compagnons, et mit à la voile le 4
janvier 1-493. Après avoir été assailli par une
affreuse tempête, il put gagner l'embouchure du
Tage à Lisbonne, où son expédition excita l'admi-
ration et la jalousie du Portugal, et rentra au port
de Palos le 15 mars.
Il traversa l'Espagne, au milieu des acclamations,
pour se rendre à Barcelone où Isabelle et Ferdi-
nand le reçurent avec les plus grands honneurs.
Une flotte de 17 vaisseaux, montée par 1500
hommes, fut rapidement préparée pour aller cher-
cher dans l'Inde nouvelle l'or et les précieux pro-
duits de l'Asie : on ne savait pas encore qu'il y eût
un nouveau monde, un continent quatre fois plus
grand que l'Europe, entre l'Atlantique et les mers
DECOU\'ERTES
— 561 —
DÉCOUVERTES
asiatiques. Colomb mit à la voile le 25 septembre
1493, et traversa l'Atlantique en vingt-six jours.
Dans ce second voyage , il découvrit la Dési-
rade, la Dominique, Marie-Galante, la Guade-
loupe et d'autres îles de Tarchipel des petites An-
tilles, habitées par les Caraïbes, dont les habitudes
violentes et belliqueuses contrastaient avec la
douceur des insulaires des Lucayes et d'Hispaniola ;
la Jamaïque, Sainte-Marthe et une partie du litto-
ral de Cuba.
Lorsqu'il arriva à Hispaniola, la petite colonie
qu'il y avait laissée n'existait plus. Les insulaires,
poussés à bout par les Espagnols, étaient parvenus
à exterminer les oppresseurs qui s'étaient montrés
à leur égard aussi impitoyables que les Caraïbes.
Les nouveaux arrivants, établis d'abord à Isa-
belle, puis à Saint-Domingue, fondée par Barllié
lemy Colomb, frère de l'amiral, virent s'évanouir
leurs rêves d'opulence. Pour extraire l'or des mi-
nes, pour récolter des céréales sur une terre fer-
tile et brûlante, où les indigènes ne semaient
qu'un peu de maïs, il fallait s'adonner au travail.
Les bêtes de somme faisaient défaut. On sait que
le cheval était inconnu en Amérique. Les gentils-
hommes espagnols qui avaient accompagné Colomb
considéraient le travail manuel comme une occu-
pation abjecte. Les Espagnols de condition infé-
rieure ne se refusaient pas au travail, mais beau-
coup succombaient à la fatigue. L'indiscipline
troubla la petite colonie, et l'amiral eut alors plus
do peine h se faire obéir, qu'il n'en avait eu à bord
des vaisseaux de sa première expédition. On eut
à combattre les insulaires ; deux cents hommes
d'infanterie, vingt cavaliers et quelques limiers
pour lesquels les indigènes étaient un gibier de
chasse, triomphèrent, presque sans péril, d'une
multitude terrifiée à la vue des chevaux, des do-
gues, et surtout des ravages causés par les armes
à feu. Les malheureux vaincus durent fournir, par
tête et tous les trois mois, les uns une quantité
déterminée de poudre d'or, les autres vingt-cinq
livres de coton. Beaucoup moururent plutôt que
d'accomplir de tels travaux : en vingt-trois ans la
population indigène d'Haïti fut réduite d'un million
d'habitants h quatorze mille. On ne peut lire sans
horreur les actes de férocité commis par les Espa-
gnols, tels que les rapporte le respectable Las
Casas, évêque de Chiapa. Les bras des indigè-
nes manquant pour la culture et les autres tra-.
vaux, le gouvernement espagnol favorisa la traite
des nègres africains en Amérique, où la plaie de
l'esclavage ne fit que s'étendre pendant plusieurs
siècles.
La science économique se développa plus len-
ement que la science géographique ; il fallut
attendre plus de trois cents ans pour que les hom-
mes apprissent que les métaux précieux ne cons-
tituent pas la richesse, dont ils ne sont que le signe
et la représentation convenue ; que le travail est,
sous toutes les latitudes, le seul élément de ri-
chesse pour les peuples comme pour les individus ;
enfin, que le travail doit être libre. Ces principes,
aujourd'hui élémentaires, échappaient aux meil-
leurs esprits du xv= et du xvi= siècles. Le désir
de conquête, avec toutes ses violences, et la passion
de l'or, provoquèrent des entreprises audacieuses
et héroïques, mais marquées presque toujours,
malgré les intentions généreuses d'Isabelle de
Castille, et l'intervention de quelques prêtres cha-
ritables, par des actes de perfidie et d'une abomi-
nable férocité.
Revenons à Colomb. Au moment où son autorité
était parfois méconnue aux Antilles, sa conduite
était calomniée en Espagne ; il revint en Europe,
reçut d'Isabelle et de Ferdinand un accueil hono-^
rable, et obtint une nouvelle escadre qui devait por-
ter aux Antilles des colons pour y cultiver la terre
et y exploiter les mines: sur la demande de l'ami-
2* Partie.
rai, des malfaiteurs condamnés aux galères ou à
la mort obtinrent d'être déportés dans le nouveau
monde.
Colomb partit pour son troisième voyage le
-30 mai 1498, avec six vaisseaux. Il aborda le
1" août à l'île de la Trinité. Il reconnut le golfe
de Paria, et, avec le génie d'observation qui lui
était propre, il devina, en présence d'un courant
d'eau douce qui se déversait dans l'Océan, l'exis-
tence d'un grand fleuve continental, l'Orénoque.
Dans ce troisième voyage, il ne fit pas d'autres
découvertes : il trouva à Hispaniola les Espagnols
divisés entre eux et rebelles à son autorité. Les
ennemis qu'il avait en Espagne, et parmi lesquels
on doit nommer Fonseca, évêque de Badajoz, ca-
lomnièrent son administration et sa conduite.
Ferdinand et Isabelle envoyèrent à Hispaniola
François de Bobadilla pour y décider du sort de
l'amiral. On connaît l'acte odieux qui a valu à ce
commissaire une triste immortalité : il fit embar-
quer pour l'Espagne Colomb chargé de chaînes.
En arrivant à Cadix, l'amiral reçut de ses souve-
rains une demi-réparation : mais le gouvernement
d'Hispaniola fut donné à Ovando. Il y a des injus-
tices que les âmes les mieux trempées ne peuvent
oublier. Colomb voulut garder sans cesse devant
ses yeux les chaînes qu'il avait portées : « J'ai tou-
jours vu ces chaînes suspendues dans son cabinet,
dit Fernand Colomb dans l'histoire de son père,
et il prescrivit qu'à sa mort on les enterrât avec
lui. »
Il demanda les moj-ens d'entreprendre un qua-
trième voyage : il voulait réaliser le rêve de sa
vie, arriver aux Indes par l'ouest, en trouvant un
détroit qui lui ouvrît l'entrée de l'océan Indien.
On lui accorda quatre caravelles, et il partit de
Cadix le 9 mai 1.S02. Il explora la côte septentrio-
nale de l'Amérique du Sud jusqu'à l'isthme de
Darien : il ne pouvait découvrir un détroit qui
n'existe pas. Il perdit deux de ses caravelles, et
fit naufrage sur la côte de la Jamaïque, gardant au
milieu de tant de périls toute l'intrépidité de son
âme. Enfin il revint en Espagne en 1504 (7 novem-
bre). Isabelle de Castille mourut le 26 du même
mois. Colomb perdait en elle son dernier appui.
Il mourut à Séville le 20 mai 1506, à l'âge de
soixante ans.
Vaico de Gama. Les Portugais aux Indes. — En
nous conformant à l'ordre chronologique^ qui est,
surtout pour exposer de grands événements, la
méthode historique la plus sûre, nous avons inter-
rompu l'histoire des voyages des Portugais après
la découverte du cap de Bonne-Espérance par
Barthélémy Diaz en i486, pour résumer la vie et
les découvertes de Christophe Colomb ; nous arri-
vons maintenant au grand voyage de 'N'asco de
Gama, de Lisbonne à Calicut.
Lorsque le roi de Portugal Emmanuel, succes-
seur de Jean II, résolut de préparer une expédition
pour aller aux Indes en contournant l'Afrique, des
renseignements certains fournis par le voyageur
portugais Corilham permettaient de prévoir le
succès de l'entreprise. Corilham s'était rendu au
Caire, puis à Aden ; de là, sur un navire arabe, à
la côte occidentale de l'inde; des relations fré-
quentes existaient entre l'Inde et la côte d'Afri-
que. L'extrémité du continent africain ayant été
découverte par Diaz, il était évident qu'on pourrait,
en se dirigeant du cap de Bonne-Espérance vers
le nord-est, arriver à l'océan Indien, bien connu
des navigateurs musulmans : mais quelle distance
à franchir, et que d'obstacles à surmonter !
Le roi Emmanuel fit construire et équiper, avec
l". plus grand soin, quatre navires, montés par
16n hommes d'élite, tant matelots que soldats, et
en confia le commandement à Vasco de Gama,
gentilhomme portugais de grande réputation, che-
valier de l'ordre du Christ.
36
DÉCOUVERTES
— 562 —
DECOUVERTES
Le 8 juillet 14 97, le départ eut lieu, après de
pieuses cérémonies religieuses et de ferventes
prières. « Il se répandit tant de larmes parmi tous
ceux qui étaient présents, dit Texcellent historien
Barros, qu'à partir de ce jour, le rivage prit pos-
session de ces douleurs immenses. Ah ! ce n'est
pas sans raison que nous l'appelons la rive des
pleurs pour ceux qui s'en vont, la terre du plai-
sir pour ceux qui reviennent, u
Le voj'age d'abord fut heureux : après avoir
relâché à la baie de Sainte-Hélène, à peu de dis-
tance du Cap, Gama doubla le cap de Bonne-Espé-
rance, le 2'2 novembre. En arrivant à l'extrémité
sud-est de l'Afrique, la flottille fut mise en péril
par un ouragan. Le jour dii Noël on découvrit une
côte qui reçut le nom de Terre de Natal.
Gama passa au large du cap Gorrientes et du
port de Sofala, relâcha àMozambique, où il recueil-
lit quelques renseignements sur la route des
Lides, et remit à la voile le 1"^ avril U98. Il
relâcha encore à Monbaça, puis à Mélinde. Dirigés
par un pilote indien, les vaisseaux portugais fran-
chirent les 700 lieues qui séparent l'Afrique de
l'Inde, et jetèrent l'ancre, le 20 mai, près de Cali-
, eut, sur la côte de Malabar.
Ce jour-là, Gama prit place parmi les hommes
que l'histoire n'oublie pas. Plus heureux que
Colomb, il eut un grand poète pour chanter ses
exploits, Camoens, l'auteur des Liisiades.
Slais lorsque Camoens composa son poème, plus
d'un demi-siècle après la découverte de la route
des Indes (les Lusiades furent publiées en lô"2).
les Portugais avaient établi des comptoirs sur les
côtes de l'Afrique, de l'Hindoustan et de l'Indo-
Chine, occupé Ormuz à l'entrée du golfe l'ersiquc,
Socotora à l'entrée de la mer Rouge, Colombo
dans l'île de Geylan. pris possession de Malacca,
des Moluques et de Macao, et fait de Goa la capi-
tule de leur empire colonial. Leurs vaisseaux ap-
portaient à Lisbonne la poudre d'or et l'ivoire de
l'Afrique, les perles du golfe Persique, l'indigo,
les tissus, les diamants de l'Inde, le poivre, la
cannelle, le girofle des Moluques, et le cuivre du
Japon. Ne nous étonnons pas qu'en présence de
si grands résultats, Camoens ait consacré son
génie épique à célébrer l'expédition de Vasco de
Gama, comme l'événement le plus glorieux de
l'histoire du Portugal.
A vrai dire, cette expédition fut avant fout une
grande découverte géographique ; avec trois vais-
seaux et une centaine de soldats, Gama ne pouvait
pas songer à devenir un conquérant. Son arrivée à
Calicut excita l'animosité des musulmans, maîtres
du commerce de la mer des Indes, et le dédain
du roi de Calicut auquel il n'offrit que des pré-
sents mesquins.
Il revint à Lisbonne en 1499; mais la voie des
Indes était ouverte et les expéditions se succé-
dèrent rapidement. Alvarez Cabrai partit en 1500
avec 13 vaisseaux et 1 200 hommes. Il fut jeté par
la tempête sur la côte du Brésil dont il prit pos-
session au nom du roi du Portugal, et perdit
quatre vaisseaux en se dirigeant vers le cap de
Bonne-Espérance : l'illustre Barthélémy Diaz fut
du nombre des victimes. Cabrai établit un comp-
toir à Calicut : on appelait comptoir un terrain
concédé aux Portugais, sur lequel ils élevaient
des constructions et des magasins, une forteresse
et une église.
Les divisions qui existaient entre les rois de
l'Hindoustan furent mises à profit par Cabrai et par
ses successeurs; le roi d' Cochin fit alliance avec
les Portugais et leur permit de bâtir une forteresse.
Soarez Almeida, premier vice-roi des Indes, Jean
de Castro et Albuquerque assurèrent et étendirent
av, loin la puissance coloniale de leur pays. Les
musulmans perdirent la domination de l'océan
Indien. « On a peine à concevoir comment le
petit peuple portugais put, en moins d'un demi-
siècle, couvrir de ses comptoirs ou dominer par
ses forteresses un littoral de 4 000 lieues. Mais il
faut songer à quel point, pour la foule, l'amour du
lucre devait être excité par cette grande révolution
commerciale, et aussi quel héroïsme patriotique
et religieux animait les premiers conquérants de
l'Inde. L'homme trouve dans les grandes idées
morales une force invisible. Les Gama, les Cabrai,
les Albuquerque, les Jean de Castro se regardaient
comme les apôtres armés de la civilisation et de
la foi ; et, à leur suite, en effet, vinrent ces hom-
mes qui ont créé une espèce nouvelle de héros,
les missionnaires. Jean de Castro mourut dans
les bras de saint François Xavier. » (V. Duruy.)
L'empire colonial des Portugais ne fut pas du-
rable. Aujourd'hui les Hollandais occupent les
Moluques ; l'Inde, Ceylan et une partie de l'Indo-
Chine appartiennent aux Anglais ; la route décou-
verte par Vasco de Gama est en partie délaissée.
Les bâtiments à vapeur vont en dix-sept jours dç
Marseille à Bombay, par le canal d.' Suez. Les dé-
pêches télégraphiques sont transmises en quelques
heures, de Calcutta à Londres. Mais ni les chan-
gements survenus dans l'importance maritime et
commerciale des peuples européens, ni les merveil-
veilleux progrès de la science moderne, ne doivent
nous faire oublier les efforts gigantesques des pre-
miers explorateurs.
Lex Espagnols en Amérique après les voyages de
Colomb. — Colomb donna aux découvertes une
durable impulsion. Les progrès furent rapides ;
d'intrépides explorateurs franchirent l'océan Atlan-
tique sous des latitudes diverses : c'est ainsi que
l'on connut l'existence d'un nouveau continent,
d'un nouveau monde, situé entre l'Europe occiden-
tale et l'Asie orientale. Hojeda, qui avait accom-
pagné Colomb dans son second voj'age, partit de
Cadix en 1499, avec un ancien pilote de Colomb,
nommé Jean do la Cosa, et longea les côtes du
nouveau continent, de la Guyane au Venezuela,
sur un espace de six cents lieues. Pinzon, un des
anciens compagnons de Colomb, franchit l'équateur
et arriva à la côte du Brésil, près du cap Saint-
Augustin, le 20 janvier 1500, trois mois avant que
le Portugais Cabrai fût jeté fortuitement sur cette
côte par la tempête. Il se dirigea vers le nord, dé-
couvrit l'embouchure de l'Amazone, doubla le cap
Saint-Roch et explora la côte de l'Amérique sur
un espace d'environ 1 20 i lieues.
En 1508 Yanez Pinzon et Diaz de Solis suivirent
la côte en se dirigeant vers le sud jusqu'au 40' de-
gré de latitude méridionale. Dans un second
voyage, Solis découvrit l'embouchure du Rio de la
Plata. et périt chez les indigènes.
Le Florentin Améric Vespuce prit part à quatre
voyages dans le nouveau monde. Il écrivit une re-
lation de ses voyages, et eut l'étrange fortune de
donner son nom au continent découvert par Colomb.
On a beaucoup disputé et même déclamé sur l'in-
justice de celte dénomination. Elle fut l'effet du
hasard et non préméditée par Vespuce. Aucun
voyageur du xv' et du xm° siècle n'eut la préten-
tion de donner son nom aux pays qu'il découvrait;
c'eût été une sorte de prise de possession que les
rois n'eussent pas tolérée ; ni Colomb, ni Cortez,
ni Pizarre, ni Gama, ni Albuquerque, ni même
Magellan ne donnèrent leur nom aux terres qu'ils
découvrirent ou dont ils furent les conquérants.
Le Mexique, le Pérou gardèrent leurs anciens
noms ou furent désignés par le nom de Nouvelle-
Espagne. Il y eut, plus tard, en Amérique, une
Nouvelle France (Canada) et une Nouvelle-Angle-
terre (Etats-Unis . Le nom de la mère patrie se
retrouvait ainsi dans les colonies lointaines, et les
villes fondées dans le nouveau monde portèrent
le plus souvent le nom d'une ville d'Europe, cher
aux colons (New- York, Nouvelle Orléans, etc.) Le
DECOUVERTES
— 563 —
DECOUVERTES
plus souvent les caps, les îles, ou certaines parties
du littoral étaient désignés par les noms des fêtes
ou des saints célébrés le jour de la découverte (terre
de Natal, caps Saint-Augustin, Saint-Roch, etc.)-
Comment le Florentin Vespuce eut-il l'honneur
imprévu de donner son prénom, du reste assez
modifié (Alberico, Amerigo) au continent tout en-
tier?
Le nom à' America appliqué au nouveau monde
se trouve pour la première fois dans un petit traité
de cosmographie, rédigé en latin et imprimé en
1507 à Saint-Dié, en Lorraine. Deux mappemondes
dressées en Allemagne, en 15"20 et en 1522, por-
tent aussi le nom d'America. Dès lors, parmi les
géographes, l'usage prévalut de désigner ainsi le
nouveau continent. La gloire de Colomb n'a pas
souffert, on peut le dire, de cette dénomination,
qui n'est qu'une convention géographique. Deman-
dez à un enfant, dans toutes les écoles d'Europe,
qui a découvert l'Amérique? Il répondra: Chris-
tophe Colomb. Mais si vous lui demandez d'où
vient le nom d'Amérique, il sera, le plus souvent,
aussi embarrassé que si on lui demandait d'où
vient le nom de l'océan Atlantique.
Maqellan. Premier viyage autour du monde. —
C'est à l'expédition dirigée par Magellan qu'était
réservée la gloire d'accomplir le premier voyage
autour du monde et de fournir la démonstration,
non plus théorique, mais expérimentale, de la
sphéricité de la terre.
Ferdinand Magellan, gentilnomme portugais, né
à Porto en 1470, avait été aux Indes à l'époque où
Albuquerque faisait la conquête de Malacca (1511):
il avait reçu de Serrano, l'explorateur des Moluques,
des renseignements sur les îles des épices, der-
nière limite, à cette époque, des découvertes des
Portugais dans l'extrême Orient. Revenu en Por-
tugal, il éprouva quelques dégoûts à la cour du
roi Emmanuel et offrit ses services au roi d'Es-
pagne. Charles-Quint eut confiance dans le génie
de Magellan, et le protégea comme son aïeule Isa-
belle avait protégé < hristoplie Colomb. Ainsi l'Es-
pagne dut à un Génois et à un Portugais une
partie de sa gloire. Si l'on considère l'audace
de l'entreprise de Magellan, les difficultés presque
invincibles qu'il eut à surmonter, l'immensité du
trajet parcouru dans des mers inconnues, et la
grandeur du résultat obtenu par un premier
voyage autour du monde, on ne peut hésiter à
mettre le nom de Magellan de pair avec celui de
Qu'istophe Colomb.
Charles-Quint donna à Magellan le commande-
ment d'une flottille de cinq bâtiments; le but de
de l'expédition était surtout commercial ; il s'agis-
sait d'arriver aux Moluques et aux Indes par l'ouest ;
il fallait donc contourner la partie méridionale du
nouveau monde ou découvrir un détroit qui mît
en communication l'océan Atlantique avec la mer
du Sud, vue parBalboa. Les efforts de Cabot et de
Cortereal pour trouver un passage au nord du
nouveau continent avaient été infructueux ; l'explo-
ration de la mer des Antilles et d'une partie du
golfe du Mexique avait montré qu'aucun détroit
n'existait dans ces parages. A quelle latitude mé-
ridionale, au delà du Rio de la Plata, trouverait-on
un détroit ou un cap extrême ? Là était le pro-
blème.
Des cinq vaisseaux, trois étaient commandés par
des capitaines espagnols, Quesada, Mendoza et
Carthagena. On a conservé les rôles des équipages ;
ils comptaient 3Co hommes, et parmi eux un cer-
tain nombre de Français : Jean-Baptiste, de Mont-
pellier, l'etit-Jean, d'Angers, maître Jacques, de
Lorraine, Roger Dupet, Simon, de la Rochelle,
Etienne Villon, de ïroyes, Bernard Mahuri, de
Narbonne, Barthélémy Prier, de Saint-Malo, Ripart,
Bruzen, de Normandie, Pierre le Gascon, de Bor-
deaux, Laurent Caurat Jean Breton, du Groisic.
Mentionnons encore l'Italien Pigafetta, qui a écrit,
en français, une relation très intéressante du voyage,
bien qu'elle ait été faite avec plus de sincérité que
de discernement.
Magellan mit à la voile, de San Lucar de Barra-
meda, le 20 septembre 1519. Peu de temps après le
départ, il eut à réprimer, d'abord la familiarité in-
solente, puis l'insubordination du capitaine espa-
gnol Jean de Carthagena, qui fut constitué prison-
nier. Le 15 décembre 1520, la flottille arrivait aux
côtes du Brésil et pénétrait dans la baie de Rio
Janeiro. De là, elle s'avança jusqu'à l'embouchure
du Rio de la Plata, qui fut dépassée ; le capitaine
général s'arrêta, le 31 mars 153(t, à la baie de Saint-
Julien où il avait l'intention d'hiverner. Le mé
contentement se répandit parmi les équipages. Les
capitaines Quesada, Mendoza et Carthagena se ré-
voltèrent ouvertement contre l'autorité du capi-
taine général. Magellan, avec une énergie impi-
toyable, envoya six hommes résolus porter à Men-
doza, à bord de la Victoria, l'ordre de se rendre à
bord de la Tnnidad. Mendoza reçut cet ordre
avec un sourire qui annonçait le refus d'obéir. Il
fut immédiatement poignardé ; en même temps
quinze hommes armés, envoyés de la Trinidad par
Magellan, montèrent à bord de la Victoria où ils
ne trouvèrent p;is de résistance. Le lendemain, les
deux autres vaisseaux rentrèrent dans le devoir.
Quesada fut décapité.
C'est dans ces parages que l'on rencontra quel-
ques indigènes de haute stature, les Patagons ou
grands pieds, que Pigafetta, le narrateur de l'expé-
dition, représenta à tort comme des géants. Le
21 octobre 1520, Magellan découvrit le cap des
Vierges, à l'entrée du fameux détroit. L'équipage
d'un vaisseau envoyé en reconnaissance s'ameuta
et revint en Espagne. Magellan traversa en vingt
jours le détroit auquel on a donné son nom, péné-
tra dans le grand Océan qu'il appela la mer Paci-
fique, et prit la direction du nord-ouest. Pendant
plus de trois mois on n'aperçut aucune terre ;
beaucoup d'hommes moururent du scorbut ; peu
s'en fallut que tout le monde ne pérît de faim. En-
fin, le 6 mars 1521, Magellan découvrit les îles Ma-
riannes, qu'il nomma îles des Larrons, et dix jours
après, l'archipel des Philippines. Le grand navi-
gateur avait résolu le problème d'arriver par
l'ouest aux îles des épices et au continent asiati-
que. Mais il ne lui fut pas donné de jouir de sa
gloire. Attaqué par les insulaires de la petite île de
Mntan, il tomba percé de lances. Uii seul vais-
seau, la Victoria, revint en Espagne par le cap de
Bonne-Espérance, sous le commandement de Sé-
bastien del Cano, avec dix-huit survivants de l'ex-
pédition, dont un Français (<î septembre 1522). Le
premier voj'age autour du monde avait duré trente-
sept mois.
Conclusion. — Nous arrêterons ici notre récit.
L'histoire de la conquête du Mexique* par Cortez,
celle du Pérou*, par Pizarre, la découverte de la
Floride, le voyase de l'Anglais Drake autour du
monde, l'histoire des établissements hollandais en
Océanie, et tant d'autres questions intéressantes,
nous entraîneraient à donner à cet article des dé-
veloppements trop étendus. Bornons-nous à men-
tionner les efforts souvent héroïques et rarement
heureux des explorateurs français.
Jacques Cartier, capitaine de navire de Saint-
Malo, fit quatre voyages à Terre-Neuve, et remonta
le Saint-Laurent jusqu'à la hauteur de Montréal,
au Canada (15:i3-1541'. Les capitaines Jean Ribaut
et Laudonnière tentèrent d'établir des colonies de
protestants à la Floride (1562-156i). Sous Henri IV,
Samuel Champlain organisa la colonie du Canada,
qui fut vraiment une nouvelle France. Au xviii*
siècle, la France entreprit des explorations lointai-
nes : les noms de d Entrecastaux et de La Pey-
rouse méritent d'être cités avec celui de l'Anglais
DEDUCTION
-. 5G4
DENSITE
Cook. Enfin, de nos jours, c'est à un Français que
le monde entier doit, non la découverte, mais la
création de la nouvelle route maritime des Indus,
par le canal de Suez; le nom de M. de Lesseps
trouve naturellement sa place à la fin d'un article
consacré aux grands hommes qui ont ouvert des
voies de communication entre les continents.
[Alfred Gérardin.]
Ouvrages à consulter : Vi'vien de Saint-Martin, His-
toire lie la Géogra/tliie. — Ferdinand Denis, Histoire du
Porlwjal. — Article Magellan dans la Biographie univer-
selle, de Didot. — Washington Irving, Histoire de Chris-
tophe Colomb. — Éd. Charton, les Voyageurs anciens et
modernes.
DÉDUCTION. — V. Raisonnement.
DEGRÉS DE COMl'AUAlSOiV OU DE QUALI-
FICATION. — Grammaire, XI. — On appelle
ainsi la forme que prennent les adjectifs et cer-
tains adverbes pour exprimer l'extension donnée
à la qualité ou à la manière d'être.
Il y a trois degrés de qualification :
1. Le positif, qui énonce simplement la qualité :
cette fleur est belle ; vous marchez vite.
2. Le comparatif, qui élève la qualité par com-
paraison : la rose est plus belle que la violette;
vous marctiez plus vite que moi.
3. Le superlatif, qui porte la qualité à son
plus haut degré : la rose est la plus belle de
toutes les fleurs ; vous marcherez le plus vite
possible.
On a distingué trois comparatifs : de supériorité,
cette maison est plus g r aride, — d'infériorité, cette
maison est moins grande, — d'égalité, cette mai-
son est aussi grande que la nôtre.
Et deux sortes de superlatifs : l'absolu, qui n'é-
tablit pas de comparaison : cette maison est très
belle, fort grande; — le relatif, qui établit cette
comparaison : cette maisoji est la plus belle, la })lus
grande que nous ayons vue.
Le superlatif relatif est toujours formé par l'ar-
ticle défini /e, la, les, et les adverbes plus, mieux,
moins, etc.
Dans les langues anciennes, les degrés de qua-
lification s'exprimaient par des flexions. En grec,
le comparatif se terminait par teros ou iôn; le
superlatif par tatos ou istos: sophos (sage), sophô-
teros, sopkôtutos ; kakos (méchant), kakiôn, ka-
kistos.
En latin, les comparatifs finissaient en ior et les
superlatifs enissimus (parfois rimus) :
Dodus (savant), doctior, doctissimus ; pulcher,
pulchrior, pulcherrimus .
Mais, dans ces deux langues, il y avait des com-
paratifs et des superlatifs composés avec des ad-
verbes ; ainsi, en latin, pius (pieux) avait pour
comparatif magis pius et pour superlatif maxime
vius.
En allemand et en anglais, les degrés de qua-
lification seformentpar les terminaisons ener, est
ou st.
Allemand : schôn (beau), schôner, der schônste.
Anglais : s/iort (court), shorter, shortest.
Il y existe cependant des formes composées au
moyen d'adverbes : me/jr (plus), am meisten[\(i
plus), en allemand; — more, mo5< en anglais.
Le français et les autres langues nées du latin
ont formé les degrés de qualification seulenieni
au moyen des particules. Toutefois il est resté en
français trois comparatifs latins : meiilmr, qui
remplace jo/ws bon; pire, qui existe a.\ec plus 7nau-
vais; moindre, avec }>lus petit. Ils ont pour ad-
verbes correspondants : mieux, pis, moins.
Plusieurs est aussi le comparatif do moult.
tombé hors d'usage. Enfin on peut encore regarder
comme des comparatifs : majeur, mineur, anté-
rieur, postérieur^ ultérieur, citérieur.
Quant aux superlatifs latins en issimus, on en
trouve la trace dans un petit nombre de mots ; les
uns sont des termes de cérémonie imités de l'ita-
lien : illustrissime, séré?iissime, éminentissvne ;
d'autres des termes plaisants ou familiers : raris-
sime, richissime, xava?itissime.
Les adjectifs suprême, sublime, intime, extrême,
ultième (syllabe), ont quelque ressemblance avec
les superlatifs latins.
Certains grammairiens ont fait disparaître de la
grammaire française ce qui concerne les degrés de
qualification, disant que notre langue n'a pas de
formes spéciales pour les exprimer. Nous croyons ce-
pendant qu'il est utile de faire distinguer aux élèves
les formes composées de nos comparatifs et de nos
superlatifs, à cause des compléments qu'ils amè-
nent et des formes spéciales que prend la propo-
sition subordonnée. Ordinairement après la con-
jonction que qui suit le comparatif, on trouve une
ellipse, parfois du verbe et de l'attribut : voire sœur
est plus itistruiie que la yniemie (n'est instruite) :
quelquefois du sujet et du verbe : votre ami est
aussi savant que (il est) modeste.
Après les superlatifs relatifs, on met au subjonc-
tif le verbe de la proposition incidente détermina-
tive : « Scipion et César, les plus vaillants liommes
qui aient été parmi les Romains, ne se sont jamais
exposés qu'avec précaution. » — Ce sont là tout
autant de caractères de la langue qu'il est utile de
signaler.
Enfin pour l'étude des langues vivantes de la
famille germanique, la distinction des degrés de
qualification est indispensable. Il nous semble
donc (.|u'd faut la faire entrer dans l'étude de&
éléments de la langue française.
[B. Berger.]
DENSITÉ. — Physique, VIII. — - Si l'on prend
de plusieurs corps un même volume, un décimètre
cube pour les solides, un litre pour les liquides,
par exemple, et qu'on les pèse, on trouve en gé-
néral des poids très différents. Ainsi, tandis que le
litre d'eau pèse l kilogr., le litre de mercure en
pèse 13,5, le litre d'alcool 0,792 ; le décimètre cube
de platine pèse 22 kilogr., celui de plomb 11 kilogr.,
celui d'argent lu'', 5, celui de fer 7 kilogr. Ces
nombres, dont chacun appartient à un corps donné,
spécifient ces corps et pourraient les faire recon-
naître. Pour les comparer, il est indispensable de
choisir une unité, un terme de comparaison ; on a
pris l'eau, qui donne l'unité de poids dans notre
système de mesures. On peut dire alors qu'à vo-
lume égal le fer pèse 7 fois plus que l'eau, l'ar-
gent 10,5, le plomb 11, le platine 22, l'alcool 0,792,
le mercure 13,5. Ces nombres abstraits, qui ex-
priment combien de fois chacune de ces substances
pèse plus ou moins que l'eau, s'appellent poids
spécifiques, ou plus souvent encore de7isités. Le
poids spécifique ou la densité d'un corps est donc
le nombre qui exprime combien de fois ce corps
pèse plus ou moins que l'eau sous le même vo-
lume.
Les physiciens distinguent la densité du poids
spécifique, et ils la définissent rigoureusement : la
masse de l'unité de volume. Mais, si l'on veut bien
remarquer que des volumes égaux de diverses
substances ont des masses proportionnelles à leurs
poids, on conclura que la table des poids spécifi-
ques est aussi celle des densités relatives, et on
s'expliquera la synonymie qui s'est établie entre
ces deux expressions.
La connaissance des densités ou poids spécifi-
ques est d'un usage continuel ; elle sert à trouver
le poids d'un corps quand on connaît son volume.
Ainsi, soit à ti-ouver le poids d'une règle de fer
dont le volume est 4 décimètres cubes et la den-
sité 7.7 :
Puisque la densité est 7.7, c'est que le fer pèse
7.7 fois plus que l'eau, ou que le décimètre cube
DENSITE
— 5Go —
DENSITÉ
de fer pèse 7", 700. Le poids de la règle est donc
4X7.7 = 30S8.
Pour le trouver, il a suffi de multiplier le vo-
lume par la densité.
Si nous voulons traduire algébriquement ce calcul
en représentant îe poids par P, le volume par V et
la densité par D, nous écrirons :
•d'où l'on tire
P = VD ,
•c'est-à-dire que la densité est le quotient du poids
par le volume.
Si donc nous voulons connaître la densité d'un
•corps donné, il faudra chercher son poids et son
volume, et diviser l'un par l'autre les nombres qui
les expriment.
Recherche de la densité des solides. — Lorsque
le corps a une forme géométrique nette et simple,
la mesure de ses dimensions donne son volume et
une pesée fait connaître son poids ; les deux nom-
bres dont le quotient donne la densité sont donc
faciles à obtenir. Ainsi, proposons-nous de trouver
la densité du cuivre avec un cube de ce métal
dont l'ai-ête est de -i centimètres. La pesée du
corps indique pour son poids 5635'',2; son volume
est 43 ou G4 centimètres cubes,
la densité est
503.2
64
La plupart des corps ne sont pas dans ce cas.
Une pesée donne toujours leur poids; mais leur
volume ne peut pas être obtenu par des mesures,
puisqu'on opère sur des fragments de toutes les for-
mes. Il faut donc, pour en connaître la densité,
recourir à d'autres métliodes. Toutes celles qu'on
emploie reposent sur le principe d'Archimède. On
sait, en effet, qu'un corps plongé dans l'eau perd
de son poids le poids de l'eau qu'il déplace; le
poids de l'eau déplacée et le volume de cette eau,
qui est aussi le volume du corps, sont exprimés
par le même nombre : il en résulte qu'on peut
svibstituer au volume d'un corps le nombre qui ex-
prime sa perte de poids dans l'eau. La recherche
de la densité nécessite donc celle du poids et celle
de la perte de poids de l'eau.
I" Méthode de la balance. — On suspend le
corps, un morceau de marbre par exemple, par un
fil fin, à l'un des plateaux d'une balance ; on lui
fait équilibre avec une tare placée dans l'autre
plateau. On enlève le corps et on le remplace par
des poids marques jusqu'à ramener l'équilibre. On
a ainsi, par double pesée, le poids du corps; soit
140 grammes. On enlève les poids marqués, on
suspend à nouveau le corps et on apporte au-des-
sous de lui un vase d'eau où il peut plonger. L'é-
quilibre est détruit. Pour le rétabHr, onajoute des
poids sur le plateau qui suspend le marbre, soit
50 grammes ; ce dernier poids représente le poids
du même volume d'eau que le corps.
La densité trouvée pour le marbre est ^ ou 2,8.
Le marbre pèse 2 fois 8 dixièmes de fois plus que
l'eau.
2" Méthode de l'aréomètre de Nicholson. —
Varéomètre * de Nicholson est un flotteur à vo-
lume constant. C'est un cylindre creux en tùle
mince, terminé par deux cônes ; le cône supérieur
porte une tige surmontée d'un plateau; le cône
inférieur suspend une petite corbeille contenant
des corps lourds pour lester l'appai-eil. Le tout est
construit dételle sorte que, dans l'eau, il enfonce
d'à peu près moitié de sa longueur. On marque
d"abord sur la lige un point qu'on appelle poi}it
d'affleurement. Puis on place le flotteur dans l'eau.
Soit h chercher avec lui la densité du cristal. On
en prend un morceau, qui ne fasse pas complète-
ment enfoncer l'appareil. On le met sur le pla-
teau supérieur, et, à côté de lui, de la grenaille de
plomb jusqu'à ce que le flotteur plonge jusqu'au
point d'affleurement. On enlève le corps "et on le
remplace par des poids gradués, qui produisent !•
même effet. On a ainsi, par double pesée, le poids
du corps : le flotteur a servi de balance. Soit
4«'',72. On retire les poids et on met le corps dans
la corbeille de l'aréomètre que l'on fait de nouveau
plonger. Pour ramener l'affleurement, il faut ajou-
ter des poids sur le plateau supérieur; soit P',43.
La densité trouvée est p|| = 3.3. Le cristal
pèse 3 fois 3 plus que l'eau.
30 Méthode rapide. — Quand on veut opérer ra-
pidement et qu'on n'exige pas des résultats d'une
exactitude rigoureuse, on se procure un tube en
pipette, effilé à une extrémité et gradué en centi-
mètres cubes, et un flacon au goulot duquel on a
fixé verticalement une aiguille, la pointe en bas.
On pèse le corps dont on veut trouver la densité
sur une balance ordinaire. On remplit ensuite le
flacon jusqu'à la pointe de l'aiguille. On y plonge
le corps; puis, avec le tube-pipette, on enlève
d'abord assez d'eau pour découvrir la pointe qui
plonge dans le liquide depuis l'immersion du
corps, et on laisse retomber l'eau goutte à goutte
jusqu'à ramener le niveau à la pointe de l'aiguille.
Le nombre de centimètres cubes d'eau restés dans
le tube exprime le volume du corps. Il reste à di-
viser le poids par ce volume pour avoir la densité
cherchée.
Voici le tableau de la densité des principaux
corps solides :
.\cier 7. SI
.\lbâtre 1.87
Aluminium 2.07
Antimoine 0.71
Argent 10,47
Arsenic .ï . "5
Bois de cèdre 0.50
— de hêtre 0.83
— d'orme (i.80
— de peuplier 0.S8
— de sapin 0.66
— de tilleul O.fO
Cobalt 8. .51
Corail 2.68
Cristal de roche 2.65
Cuivre en fil S. 88
Diamant .3. .53
Étain 7.29
Fer 7.79
Klint-glass 3.60
Fonte de fer 7.21
Glace 0.93
Gypse 2.33
Granit 2.70
Gra|>liite 2.23
Houille 1.33
Iode 4.95
Ivoire 1.92
Laiton 8.30
Liège 0.24
Jlarbrc 2.84
Or 19.26
Phosphore 1.84
— rouge 2.10
Platine 21.15
Plomb 11.33
Porcelaine de Chine.. 2.38
— dB Sèvres.. 2.24
Potassium 0.86
Sodium 0.97
Soufre 2.03
Succin 1.08
Verre 2.49
Zinc 6.86
Recherche de la de?isité des liquides. — La den-
sité d'un liquide est le rapport du poids d'un cer-
tain volume de ce liquide au poids du même vo-
lume d'eau. D'après cette définition, il faut donc,
pour obtenir la densité d'un liquide donné, cher-
cher le poids d'un volume déterminé de ce liquide,
celui du même volume d'eau, et diviser le premier
par le second.
1" Méthode rapide. — Quand on n'a pas besoin
d'une exactitude rigoureuse, on peut employer la
méthode suivante, qui est la plus prompte. On met
sur l'un des plateaux d'une balance un petit vase
avec 150 ou 200 grammes et on fait sa tare sur
l'autre plateau. On prend avec une pipette graduée
lOU centimètres cubes du liquide donné et on les
verse dans le petit vase; on enlève alors des poids
du plateau pour rétablir l'équilibre. Ces poids re-
présentent le poids de lOO centimètres cubes du
liquide, et Ion sait que lOl) centimètres cubes d'eau
pèsent 100 grammes. Il suffit donc de diviser par
DENSITE
— o6G
DEiNSlTE
100 les poids retirés de la balance pour avoir la
densité du liquide.
2° Méthode de l'aréoinèfre de Fahrenheit. — Cet
instrument est un flotteur en verre creux, sur-
monté d'une petite tige où se trouve un point
marqué pour l'affleurement et d'un petit plateau ;
il est terminé à sa partie inférieure par une boule
qui contient des grains de plomb ou du mercure
destiné à lester l'appareil. On détermine d'abord
le poids de l'aréomètre avec une balance; soit
80 grammes. On plonge ensuite l'appareil dans
l'eau pure et on met sur le plateau supérieur les
poids nécessaires pour le faire affleurer, soit
15 grammes. Comme tout corps flottant déplace
un poids de liquide égal à son propre poids, on
en conclut que le poids de l'eau déplacée par
l'appareil pour affleurer est de 80 + 15 ou 95 gram-
mes. On inscrit ce nombre sur l'aréomètre, ainsi
que son poids 80 grammes, pour servir dans toutes
les recherches ultérieures. On n'a plus alors pour
chaque liquide qu'une opération à faire pour trou-
ver sa densité.
4insi soit à trouver la densité de l'acide sulfu-
rique. On en verse une certaine quantité dans
une large éprouvette ; on y plonge l'aréomètre
que l'on charge de poids jusqu'à ce qu'il affleure.
On a ajouté fi4«',8. Le poids de l'acide sulfurique
déplacé est donc
94.8 + 80 ou 174.8.
Le poids du même volume d'eau est 95 grammes.
La densité de l'acide est ^^^ =^ 1 .84.
3° Méthode du flacon. — Pour les recherches
rigoureuses, on se sert d'un petit flacon surmonté
d'un tube fin. On le pèse plein du liquide, puis
vide, et on obtient par différence le poids du liquide
qui y est contenu. On le pèse à nouveau plein
d'eau distillée et on déduit le poids de l'eau qui le
remplit. On divise le premier poids par le second
et on obtient la densité du liquide. Mais cette mé-
thode ne donne des résultats qu'entre des mains
exercées.
Voici un tableau des densités des principaux li-
quides :
0.806
1.217
1.21
1.84
1.026
1.000
0.715
0.S70
0.917
0.9
0.913
Acide azotique
— chlorliydrique . .
— sulfurique
— de pavot
— de chènevis
— distillée
Éther ordinaire
Lait
nulle d'olive
— de suif ou oléine
— de colza
Sulfure de carbone...
Vin de Bordeaux
0.918
0.924
0.927
0.934
0.961
0.927
1.03
.13.59
l.ï93
0.994
Corrélation des volumes et des poids pour les
solides et les liquides. — Des trois quantités, le
poids, le volume et la densité d'un corps, si deux
sont connues, on peut très facilement trouver la
troisième. Elles sont en effet liées par la relation
d'où l'on tire
P = VXD,
P P
V = - et D = _,
c'est-à-dire qu'on obtient
Le poids d'un corps, en multipliant son volume par sa densité ;
Le volume — en divisant son poids par sa densité ;
La densité ■>- en divisant le poids par le volume.
Mais il importe de ne jamais perdre de vue, dans
les calculs sur ces questions, la corrélation qui
existe entre le poids et le volume. L'unité de poids
peut varier : c'est tantôt le gramme, le kilogramme
OU la tonne. A chacune de ces unités correspond
une unité de volume particulière. Si donc le poids
est exprimé en grammes, le volume sera évalué
en centimètres cubes; si le poids est donné en
kilogrammes, le volume s'exprimera en décimètres
cubes ; si le poids est évalué en tonnes, le volume
le sera en mètres cubes. Inversement, à des vo-
lumes exprimés en mètres cubes, décimètres et
centimètres cubes, correspondront des poids en
tonnes, kilogrammes ou grammes. Et si un énoncé
de problème gssociait des poids et des volumes
non corrélatifs, il faudrait d'abord mettre ces quan-
tités en harmonie l'une avec l'autre avant de com-
mencer les calculs.
Densité des gaz et des vapeurs. — Les poids
spécifiques des gaz et des vapeurs n'ont pas été
rapportés, comme ceux des solides et des liquides,
au poids spécifique de l'eau pris comme unité. On
aurait eu, en effet, des nombres décimaux peu com-
modes pour les calculs et dont on n'aurait pas
aperçu facilement les rapports. Ainsi, la densité
du chlore, l'un des gaz les plus lourds, aurait été
exprimée par le nombre 0.00317; et celle de l'hy-
drogène, le gaz le plus léger, par le nombre
0.00008996.
L'unité choisie est l'air. Et comme l'air, ainsi
que tous les autres gaz, varie de volume avec la
température et la pression, il faut le prendre dans
des conditions bien déterminées. On prend l'air à
la température (t° et sous la pression barométri-
que de 160 millimètres. La densité d'un gaz se
définit alors le nombre de fois que le litre de ce
ij'iz pèse plus ou moins que l'air à la température
()" et sous In pression 7(j0 millimètres ; ou encore,
d'une manière plus générale, c'est le rapport du
poids d'un volume de gaz au poids du même vo-
lume d'air pris tous deux dans les mêmes condi-
tions de température et de pression.
C'est ainsi qu'on dit que la densité de l'oxygène
est 1.1056, celle du chlore 2.44, pour indiquer que
le premier de ces gaz pèse 1.1056 fois plus que
l'air, et le second 2.44 fois plus.
Le poids du litre de chaque gaz, à 0° et sous
la pression de 760 millimètres, est le produit de la
densité du gaz par le poids du litre d'air dans ces
conditions. Or le poids du litre d'air, à t ° et sous
la pression 7(50, est H',293 ou approximativement
l'^.S. Il faut donc, pour obtenir le poids du litre
d'un gaz, multiplier sa densité par l.-'93, ou, si
l'on ne tient pas à une exactitude aussi rigou-
reuse, par 1.3.
Remarquons que, tandis que le litre d'un liquide
ou le décimètre cube d'un solide s'exprime en ki-
logrammes, le litre d'un gaz est exprimé en gram-
mes ; que le poids d'un certain volume de gaz dont
on donne la densité est le produit de trois fac-
teurs, le nombre de litres, la densité et le poids
du litre d'air ; et enfin qu'à un poids de gaz ex-
primé en grammes correspond un volume évalué
en litres.
Le calcul du poids d'un volume donné d'un gaz,
et celui du volume que doit occuper un poids
connu, dans telles ou telles conditions de tempé-
rature et de pression, nécessitent la connaissance
de la loi de Mariette et des dilatations* ; nous les
renvoyons à ce mot.
Au lieu de prendre comme unité de densité des
gaz le poids du litre d'air, on choisit souvent le poids
du litre d'hydrogène qui est, à 0° et sous la pres-
sion 7G0, de 0^',0896. Le poids du litre de chaque
gaz est alors le produit par ce nombre de la den-
sité du gaz rapportée à l'hydrogène.
Ce choix de l'hydrogène présente en chimie un
très grand avantage : c'est que les densités des
gaz simples sont égales à leurs équivalents * ou
doubles de ces équivalents, et que celles des gaz
composés en sont le plus souvent des sous-multi-
ples. On en peut juger par le tableau suivant qui
indique la densité des principaux gaz.
DENTS
567 —
DENTS
DENSITÉS DES GAZ.
FORMULES
rapportées
a l'air.
rapportées
à l'hydrogène.
anciennes.
noinellcs.
0.069Î
0.971
2.44
1.1056
0.596
0.556
0.9S3
1.^29
0.967
2.231
1 19
1.24
1.529
1.03
2. il
2.64
2.77
2.56
0.622
1.60
3.06
1.12
l.SO
0.947
1
14
35.5
16
8.5
8
14
22
14
32
17
18.25
22
15
32
38
39
57
9
23
44
16
26
13.5
H = \
Az — 14
H 1
Az. 14
Azote
Chlore
CI = 35.5
0 = 8
AzH3 = 17
C2H> — 16
Cl 35.3
0 . 16
AzH3 17
CH» . . 16
C-H* = 28
C02 — 22
C^H' 28
C02 . 44
CO — 14
CO . . . ^3
SOS — 32
SO " 64
HS = 17
HCl — 36.5
H2S 34
HCl. ' o6 5
AzO = 22
AzO* — 30
AzJO 44
AzO 30
S 3^
S — 16
— de .'ulfure de carbone.
CS2 = 3S
C12H6 = 78
C4H50 = 37
HO = 9
C4H602 — 46
CmsO, C'U30i = 88
C2H402 =: 32
C2Az = 26
HCSAz = 27
CS2 76
cens 78
C4H100 74
H20 18
C2H60 46
OWOi 88
CHiO 32
C\z "6
— d'éther acétique
— d'esprit de bois
Cyanogène
HCAz 27
La recherche de la densité des gaz et des vapeurs
présente beaucoup de difficultés. Il faut avoir le
poids d'un volume exactement connu du gaz
donné, dans des conditions connues de température
et de pression; puis, en second lieu, le poids du
même volume d'air, absolument dans les mêmes
conditions. Le faible poids des gaz, les variations
qu'il subit avec la pression et la température font,
de cette expérience, l'une des plus difficiles de la
physique. Elle n'a été conduite à bien que par les
expérimentateurs les plus habiles.
Expériences et applications. — 1. Déterminer la
densité du fer en mesurant les dimensions d'une
règle de fer et en cherchant son poids par la ba-
lance; — la densité d'un minerai, par le flotteur
de Nicholson.
2. Calculer le poids d'un corps dont on connaît
le volume et la densité; le volume d'un solide ou
d'un liquide dont on adonné la densité et le poids.
3. Calculer le poids d'un volume connu à 0" d'un
gaz simple ou composé, en prenant sa densité par
rapport à l'air et, en second lieu, par rapport à
l'hydrogène.
Chercher quel volume doit occuper à 0° un poids
donné d'un gaz. [Haraucourt.]
DE>TS. — Zoologie et Physiologie, XXXIIL —
Les dents sont des produits de la peau comme les
poils, de consistance osseuse, implantés dans les
mâchoires et sur leurs bords de façon à constituer
les arcades dentaires, et servant à la division des
substances alimentaires. — Elles doivent être étu- !
diées chez l'homme : 1° en général, 2° en particu-
lier, et ensuite chez les animaux vertébrés.
I. Des de.nts chez l'homme. — Dents en général.
— Toute dent est enfoncée dans un cul-de-sac
creusé sur le bord inférieur de la mâchoire su- \
périeure ou le bord supérieur de la mâchoire in- \
férieure et qu'on nomme alvéole : celui-ci est ta-
pissé tout entière par un repli de la muqueuse '
qui a produit la dent, ainsi que nous le verrons.
Létude de la dent en général comprend celle '
de ses parties, de son développement, de sa struc- '
tare.
1° Parties d'une dent. — La région de la dent
contenue dans l'alvéole se nomme racine; celle
qui en émerge s'appelle couronne; et la région
intermédiaire, ordinairement un peu étranglée,
est le col ou collet.
La racine (ou les racines, car la dent peut en
avoir de une à quatre) est creusée intérieurement
d'un canal en cul-de-sac, ouvert à son extrémité
par le méat deritaire, et dirigé suivant l'axe de la
dent.
2° Structure des dents. — Ces organes sont
formés d'un tissu mou et de tissus pierreux. Le
premier est renfermé dans le canal dentaire, dans
lequel il pénètre par le méat ; il est constitué par
un nerf sensible, une artériole et une veinule. Les
tissus durs sont au nombre de trois, ïivoire, l'émail
et le cément.
h'ivoire occupe tout l'intérieur, sauf le :anal
dentaire. C'est une substance blanc jaunâtre ,
calcaire et poreuse ; elle est en effet creusée de
canalicules ramifiés, d'une ténuité extrême, qui
rayonnent des parois du canal dentaire, dans le-
quel ils s'ouvrent, à la périphérie de la dent
jusque sous les tissus extérieurs à l'ivoire. Vémail
est extérieur et recouvre l'ivoire sur la couronne;
c'est un corps très blanc, très dur, très cassant et
très dense. Il est formé de petites fibres à section
hexagonale, juxtaposées sans laisser entre elles
d'intervalle, et par conséquent faisant fonction
d'un tégument protecteur. Le rément recouvre la
surface de la racine comme l'émaii recouvre celle
de la couronne, mais son épaisseur est moindre
chez l'homme. C'est des trois tissus dentaires le
seul qui soit identique à la substance osseuse ; ce
qui explique la possibilité du phénomène de la
dent barrée, consistant en une soudure du cément
et de l'os maxillaire à travers la muqueuse de
l'alvéole.
Développement des dents. — Les dents se déve-
loppent chez l'homme dans l'épaisseur des mâ-
choires et dans l'intérieur de petits sacs à parois
vasculaires constituant la capsule dentaire. Dans
la capsule dentaire est renfermé le bulbe, bourgeon
pulpeux recevant, du dehors de la capsule, des
vaisseaux nourriciers et des filets nerveux. Sur ce
bulbe apparaît d'abord par petits Ilots séparés
l'ivoire, qui peu à peu le coiffe complètement
en le comprimant de plus en plus,' l'émail se
déposera alors à la surface de l'ivoire, et ce sont
les parois do la capsule qui le produisent; quand
la couronne est formée, la racine apparaît, ou n'ap-
paraît pas si les dents (ce qui arrive pour Vhomme)
doivent être remplacées ultérieurement par d'au-
DENTS
568 —
DENTS
très. Dans les dents définitives, le bulbe peut dis-
paraître complètement, ou devenir plus ou moins
rudimentaire (pulpe dentaire) ; mais la cavité
centrale, quoique très diminuée, persiste. D'autres
fois le bulbe conserve toute sa vitalité, et alors la
dent, en s'usant par son extrémité, repousse par sa
base {rongeurs. Quand l'organe masticateur est
formé dans l'épaisseur des mâchoires, il s'accroît
de bas en haut, et n'a. pour ainsi dire, que la gen-
cive à percer pour faire saillie au dehors, le plan
osseux qui la sépare de l'extérieur étant extrême-
ment mince.
Dents en particulier. — On distingue, d'après
leur position sur les mâchoires et leur fonction,
les dents en incisives, canines, molaires. Ces der-
nières, chez l'homme, sont divisées en petites ou
fausses molaires, et grosses ou vraies molaires.
On sait que dans l'espèce humaine les dents se
renouvellent; l'enfant a d'abord vingt dents ca-
duques qui seront remplacées par vingt-imit autres;
puis à l'âge adulte quatre molaires viendront com-
pléter l'armature buccale et portera trente-deux le
nombre des organes de la mastication. Quel que soil
l'âge, le nombre des incisives et des canines est
le même. Les dents de la première dentition ne
se distinguent des dents définitives que par l'ab-
sence de racines et leur dimension un peu moindre;
en indiquant la forme de la couronne de ces der-
nières, nous décrirons donc en même temps celle
des dents de lait.
Les incisives, au nombre de quatre en haut et de
quatre en bas, sont situées à la région moyenne et
antérieure de la mâchoire. Leur couronne est
aplatie en avant et en arrière, convexe antérieure-
ment, à bord taillé en biseau en arrière. Les in-
cisives supérieures dépassent un peu en avant les
inférieures, et elles n'ont qu'une racine ; ces dents
coupent en agissant comme deux lames de ciseaux.
— Les canines sont au nombre de deux à chaque
mâchoire, une de chaque côté des quatre incisives;
on nomme quelquefois celles du haut œillères .
Leui*'couronne rappelle celles des précédentes;
elles sont pourtant plus coniques ; elles ne sont
pourvues que d'une racine ; comme les suivantes,
elles servent à déchirer les substances alimentaires,
et surtout la pulpe de la viande. — Les fausses mo-
laires sont au nombre de six chez l'adulte, trois à
la suite de chaque canine; nous reparlerons plus
loin de leur forme ; elles ont de deux à trois racines.
Enfin, les grosses molaires, au nombre de quatre à
chaque maxillaire, également chez l'adulte, ont
des couronnes propres à broyer, comme des meules
larges et divisées en quatre tubercules ; elles peu-
vent avoir jusqu'à quatre racines, et servent à broyer
les substances alimentaires.
C'est à l'âge de six à dix mois qu'apparaissent
chez l'enfant les premières dents. Les deux
incisives moyennes et inférieures se montrent les
premières ; deux ou trois semaines plus tard ap-
paraissent les deux incisives supérieures corres-
pondantes, puis les deux autres incisives infé-
rieures, auxquelles succèdent les dents correspon-
dantes supérieures. C'est à un an que les canines
se montrent d'abord en bas, puis en haut ; et, peu
de temps après, les huit molaires (deux de chaque
côté à chaque mâchoire) complètent la première
dentition, constituée par des dents temporaires ou
dents de lait, qui commenceront à tomber à l'âge
de sept ans pour être remplacées définitivement par
des organes semblables [dents permanentes ou de
remplacement]. De sept à neuf ans toutes les
incisives sont remplacées; la première molaire
pousse à dix ans ; viennent alors les canines, puis
les deuxièmes molaires et les grosses molaires.
C'est de dix à onze ans que se ter aiine l'éruption des
dents de remplacement, au nombre de vingt-huit.
Enfin de dix-huit à vingt-cinq ans la poussée de
quatre molaires (une de chaque côté et à chaque
mâchoire) , qu'on nomme dents de sagesse, termine
le travail de la dentition, à moins d'anomalies, et
le nombre total des organes de mastication est
alors de trente-deux.
On a représenté sous une forme symbolique, ap-
pelée formule dentaire, la répartition des différen-
tes dents sur la mâchoire. La formule dentaire de
l'homme adulte est la suivante :
ki, 1c, 4m, GM
Le
4t', 2c, \m, «jM
numérateur de cette expression représente la
mâchoire supérieure, le dénominateur la mâchoire
inférieure, i signifiant incisives, c, canines, m,
petites molaires, et M grosses molaires. En ne
prenant que la moitié de chaque mâchoire, on a :
2i, le, 1m, .351
-r X 2.
Il, le, 1m, 3M
IL Dents chez les animaux vertébrés. — Les
mammifères ont pour la plupart les mâchoires ar-
mées de dents, mais quelques-uns, comme la ba-
leine, en sont complètement dépourvus. Quand ils
en possèdent, il y a lieu, comme chez l'homme,
de distinguer des incisives, canines et molaires,
suivant leur point d'insertion sur les maxillaires, et
le plus souvent suivant leur fonction. Si les trois
sortes de dents existent, on dit que la dentition
est complète.
Dans la classification des mammifères, Cuvier
faisait intervenir la dentition comme un carac-
tère des plus importants. Après avoir, en effet, dis-
tingué dans cette classe deux groupes, l'un compre-
nant les mammifères pourvus de quatre pieds, l'au-
tre les mammifères en ayant deux seulement (les
membres antérieurs étant disposés en rames), il
subdivisait le premier de ces deux groupes en on-
guiculés et ongulés ; mais il distinguait dans les
onguiculés : 1° ceux qui possèdent les trois espèces
de dents [bimanes, quadrumanes, carnassiers, mar-
supiaux) ; T ceux qui n'en ont que de deux sor-
tes, des incisives et des molaires {rongews) ;
3° Ceux dont les mâchoires ne portent de dents
(quand elles en portent) qu'à la place occupée par
les molaires [édentés).
De Blainville a attaché la même importance à la
dentition pour établir les ordres qu'il admet, ainsi
que le prouve le tableau suivant :
(Quadrumanes (Singe).
1 \ Chéiroptères (Chauve- Souris).
;Onguiculés< Insectivores (Taupe).
i Rongeurs (Rat).
(carnivores (Chat).
.Proboscidiens (Eléphant).
)Jumentés (Cheval).
I Ruminants (Mouton).
'Porcins (Cochon).
Dents d'une seule
sorte Edentés (Tatou).
Le développement relatif plus ou moins grand
de telle sorte de dents peut dans un certain nom-
bre de cas éclairer le naturaliste sur le régime
alimentaire de l'animal ; mais c'est surtout la con-
formation des molaires qui présente des variations
liées à la nature végétale ou animale de la nourri-
ture. Généralement^ si l'animal doit mordre la pul-
pe de végétaux durs, comme le font les lapins,
ou tondre l'herbe comme le fait l'âne, les incisives
sont à couronne large et plate en avant, taillée en
biseau en arrière ; néanmoins, les ruminants n'ont
pas pour la plupart (mouton, taureau) d'incisives
supérieures.
Le grand développement do« canines caractérise
le régime carnassier ; et pourtant chez le gorille,
qui est un singe, ces dents ont des dimensions
considérables.
Chez l'homme, omnivore, les premières dents
molaires présentent une forme rappelant celle des
dents correspondantes des carnassiers, c'est-à-dire
Dents de deux ou
de trois sortes.
Ongulés.
DEPARTEMENTS
— 569 —
DEPARTEMENTS
que la dent est hérissée de pointes ; et ses gros-
ses molaires ressemblent plus aux dents correspon-
dantes des Lerbivorcs ; les couronnes sont larges
et divisées par un sillon crucial, ainsi que nous
l'avons dit, en quatre masses appelées tuherodes.
Chez les insectivores, les tubercules deviennent
plus aigus ; et chez les vrais carnassiers, ces divisions
de la couronne sont de véritables pointes placées
les unes à côté des autres, et pouvant même être
tranchantes comme chez les félins (lion, chat).
Chez les herbivores, les molaires sont pourvues de
larges couronnes, dans lesquelles l'émail peut
pénétrer l'ivoire et former à la surface des crêtes
transversales ou longitudinales.
Il existe des mammifères qui, bien que carnas-
siers, n'ont de dénis qu'à la région occupée par
les molaires (les tatous, de l'ordre des édentés,
qui mangent des insectes) et même d'autres ayant
le même régime (fourmilier, de l'ordre des éden-
tés/ qui n'ont aucune dent. Parmi ces derniers,
nous citerons, outre le fourmilier, la baleine (de
l'ordre des cétacés}, qui se nourrit de petits ani-
maux marins, et dont les mâchoires sont absolu-
ment dépourvues d'organes de mastication. Les
fanons qui pendent des mâchoires supérieures de
la baleine sont des homologues des dents, bien
qu'il n'existe entre ces organes et les dents au-
cune analogie apparente. D'autre part, un cétacé
voisin de la baleine, le cachalot, n'a de dents
que sur les parties latérales du maxillaire infé-
rieur. Enfin, chez l'orniihorhynque, animal repré-
sentant le type de transition entre les mammifères
et les oiseaux, la bouche est armée seulement
d'un bec carré, absolument semblable à celui de
ces derniers.
Les oiseaux n'ont pas de dents. Les reptiles peu-
vent en posséder (vipère) ou en manquer (tor-
tue), et, quand il s'en présente, ou bien elles sont
implantées dans des alvéoles comme chez les cro-
codiles, ou bien elles font corps avec la mâchoire
comme chez les serpents. Les batraciens ont, sur
les bords de leurs mâchoires, de petites aspérités
plus on moins serrées et disposées en plusieurs
rangées, rappelant les dents de certains pois-
sons.
Enfin, les poissons possèdent presque tous aux
deux mâchoires un nombre de dents considérable,
et de formes très variées, qui peuvent également se
montrer sur toutes les parties de la bouche, jus-
que dans le pharynx. [G. Philippon;.
DÉPARTEMENTS.— Géographie de la France, V.
— Origine. — L'origine des départements, en
France, remonte à l'Assemblée constituante de
1190, qui pensa « que la France ne devait pas être
un tout formé par l'agrégation de diverses parties
plus ou moins hétérogènes » comme les anciennes
provinces, « mais devait être une, homogène, indi-
visible, et n'avoir de délimitations intérieures que
pour ses nécessités administratives. » (Barrau, Ré-
volution frariçaise.)
Les commissaires de l'Assemblée divisèrent
le territoire français en 83 départements à peu
près égaux en étendue, et le résultat de cette
division uniforme fut de grouper quelquefois dans
un même département des hommes difi'érents
entre eux par la race et le langage, comme les Béar-
nais et les Basques dans le département des
Basses-Pyrénées.
Les départements furent subdivisés par l'assem-
blée en districts, ceux-ci en cantom. Chaque ville,
chaque ancienne paroisse rurale forma une com-
mune, et plusieurs communes groupées ensemble
constituaient les éléments, mais non les subdivi-
sions, d'un canton.
Modifications survenues dans la division primi-
tive. — Cette organisation subsiste encore aujour-
d'hui, avec ces deux différences toutefois : le Con-
sulat, en 1800, a remplacé la division du départe-
ment en districts par la division en arrondisse-
ment?, généralement plus grands que les anciens
districts ; et en second lieu, le nombre primitif
des départements a été modifié par des annexions
nouvelles, par des cessions de territoire, ou par
un groupement nouveau des départements.
Les annexions comprennent :
1° Le département de Vaucluse, formé en 1791
de la principauté d Orcnge qui avait été confis-
quée sous Louis XIV, et d'Avignon avec le Comtat
Venaissin, dont les papes cédèrent définitivement
la propriété à la France au traité de Tolentino, en
17û7;
2° La principauté de Montbéliard, réunie en
1793 au département du Doubs;
3' Les départements de Savoie et de Haute-
Savoie, cédés à la France en iStîO par le roi de
Sardaigne ;
4° Le département des Alpes-Maritimes, formé
à la même époque du comté de Xice, que venait
aussi de nous céder le roi de Sardaigne, et d'une
partie de l'ancien département du Var.
Les cessions comprennent des fragments de ter-
ritoire cédés par la France en ISU et 1815, et
VAlsace-Lorraiîie perdue en 1871.
La dernière guerre a enlevé à la France tout le
département du Bas-R/ii7i ; le département du
Haut-Rhin presqu'en entier, y compris la ville
libre de Mulhouse, qui était devenue française en
1798 ; une partie du département des Vosges; la
moitié du département de la Meurthe, et la plus
grande partie de celui de la Moselle.
Les groupements nouveaux ont consisté :
1° Dans la division, en 1793, du département uni-
que de Rhône-et- Loire, en deux départements dis-
tincts, celui du Rhône et celui de la Loire ;
2° Dans la formation du département de Tarn-et-
Garonne, aux dépens des départements voisins, en
1808 ;
3° Dans la réunion des parties restées françaises
des départements de la Meunhe et de la Moselle
en un seul département, celui de Meurthe-et-Mo-
selle, en 1871.
Administration et autorités diverses du départe-
ment. — V. aux mots Droit a'/ministratif et Com-
mune, pour ce qui concerne l'administration pro-
prement dite du département et de ses subdivi-
sions.
Sous le rapport judiciaire, chaque canton pos-
sède un Juge de paix, et chaque arrondissement un
tribunal de première instance, qui siège, à peu
d'exceptions près, au chef-lieu de l'arrondisse-
ment, et qui relève d'une cour d'appel comprenant
dans son ressort plusieurs départements. La cour
d'assises siège en général au chef-lieu du départe-
ment.
Au chef-lieu réside aussi un inspecteur daca-
démie, relevant du recteur, dont l'académie com-
prend plusieurs départements.
Le département forme généralement un diocèse,
à la tête duquel se trouve un archevêque ou un
évoque. Cependant plusieurs diocèses compren-
nent dans leur circonscription des départements
difl"crents, et les départements des Bouchesdu-
Rhône et de la Marne ont chacun deux sièges éois-
copaux. Celui de la Savoie en a trois.
Pour l'administration de la guerre, le départe-
ment est placé sous le commandement d'un des
dix-huit généraux en chef qui se partagent le terri-
toire.
Nous donnons ci-dessous le tableau des dépar-
tements, rangés par ordre alphabétique, en indi-
quant, pour chacun d'eux, son chef-lieu, le siège
de la cour d'appel dans le ressort de laquelle il se
trouve, l'académie à laquelle il appartient, le
diocèse dont il fait partie (les sièges des arche-
vêchés sont suivis de la lettre A), le chef-lieu de
corps d'armée dans la région duquel il est rangé.
DEPARTEMENTS
— 570 —
DEPARTEMENTS
DEPARTEMENTS.
CHEF-LIEL'.
OUR D'APPEL.
Am
Aisne
Allier
Alpes (Bisses-). .,
— (Haltes-) . .
— (Mauitimes)
.^BDÈCHK
Arde>nks
-Vhiège
Aube
Aide
AVEYRON
B0UCHES-0L-r>HÔNE.
Calvados
Cantal
(Charente
CHAnENTE-I>F£KlErRE.
Cher
CORllÉZE
Corse
Côte-d'Or
côtes-dl-nord
Creuse
dordogxe
DOUBS
Drôme
Eure
EuRF.-ET-Loitt
Finistère
Gard
Garonne (Halte-). . . .
Gers
Gironde
Hérault
Illh-et-Vilainb
Indre
Indre-et-Loire
Isère
Jura
Landes
Loir-et-Cher
Loire
Loire (Haute-)
Loire-Inférieure ....
Loiret ,
Lot ,
Lot-et-Garonne
Lozère
Maine-et-Loire
Manche
Marne
Marne (Haute-)
Mayenne
Mecrthe-et-Moselle, .
Meuse
Morbihan
Nièvre
Nord
Oise
Orne
Pas-de Calais
Puy-de-Dôme
Pyrénées (Basses-)....
— (Hautes-) . . .
— (Orientales),
Rhin (Haut-), ou terri-
toire de Belfort
Rhône
Saône (Haute-)
Saône-et-Loire .
Sarthb ,
Savoie
Bourg
L.ion
Moulins
Digne
G.'P
Nice
Privas
Mézières . . . .
Foix
Troyps
Carc.'issonnc.
Rodez
Marseille.. . .
Caen
Aurillac
Angoiilèriie. . . .
La Roclielle . . .
Bourges
Tulle
Ajaccio
Dijon
Saint-Bricuc. . .
Guéret
Périgui'ux
Besançon
Valence
Evreux ,
Chartres
Quimper . ...,.,
Nîmes
Toulouse
Auch
Bordeaux
Montpellier
Rennes
Chàteauroux. .. .
Tours
Grenoble
Lons-le-Saunier
Mont-de-Marsan.
Blois
Saint-Etienne. . .
Le Puy
Nantes
Orléans
Cahors
Agen
Mende
Angers ........
Saint-Lô
Châlons-sur-Marne
Chaumont
Laval
Nancy
Bar-le-Duc. . . .
Vannes
Nevers
Lille
Beauvais
Alençon
Arras ,
Clennont-Ferrand
Pau
Tarbes
Perpignan
Belfort.
Lvon . .
— (Hautc-
Vesoul. . , .
Màcon. . . .
Le Mans . .
Chambérv.
Annecy
Lyon
Amiens . . . ,
Riom
Aix
Grenoble . .
Aix
Nîmes
Nancy
Toulouse. .,
Paris
M(jntprllior
Montpellier
Aix
Cien
Riom
Boi deaux .
Poitiers.. .
■Rnurges. . . ,
Limoges ...
Bastia
Dijon
Rennes . . . .
Limoges . . .
Bordeaux . .
Besançon. . .
Grenoble. ..
Rouen
Paris
Rennes
Nîmes
Toulouse. . .
A gen
Bordeaux.. .
Mont|)ellier.
Rennes
Bourges. . . .
Orléans. . . .
Grenoble. . .
Besançon.. .
Pau
Orléans . . . .
Lyon
Riom
Rennes
Orléans . . ..
Agen
Agen
Nîmes
Angers ....
Caen.
Paris
Dijon
Angers . . . .
Nancy
Nan cy
Rennes . . . .
Bourges. . . .
Douai
Amiens . . . .
Caen
Douai
Riom
Pau
Pau
Montpellier.
Besançon.. .
I-yon .'
Besançon..
Dijon
Angers....
Chambéry.
Chaml 6r
Lyon
Douai
Clermont-Fer
Aix
Grenoble. . .
Aix
Grenoble. . .
Douai
Toulouse.. .
Dijon
Montpellier.
Toulouse . .
Aix
Caen
Clermont FeiT,iiuJ
Poitiers
Poitiers
Paris
Clermont-Ferrand
Aix
Dijon
Rennes
Clermonl-Fcrr.inil
Bordeaux
Besançon
Grenoble ,
(;aen
Paris
Rennes
Montpellier
Toulouse
Toulouse
Bordeaux
.Montpellier
Rennes
Poitiers
Poitiers
Grenoble
Besançon
Bordeaux
Paris
Lyon
Clermont-Ferrand .
Rennes
Paris
Toulouse
Bordeaux . . .
Montpellier .
Rennes
Caen
Paris
Dijon
Rennes
Nancy
Nancy
Rennes
Dijon
Douai
Paris
Caen
Douai
Clerraont Fenand,
Bordeaux
Toulouse
Montpellier . . . .
Besançon
Lvon
Besançon..
Lyon
Caen
Chambéry.
Chambérv
DIOCi;SE.
lJell.-y
Soissons
Moulins
Digne
Gap
Nice
Viviers
Reiras (A)
Pamicrs
Troyes
Carcassonne. . . .
Rodez
Aix (A, et Mar-
seille
Baveux
Saint- Flour . . . .
.ingoulème
La Rochelle
Bourges l'.i). . . .
Tulle...;
Ajaccio
Dijon
Saint-Brieuc
Limoges
Périgueux
Besançon (A). . .
Valence
Evreux
(>hartres
Quimper
Nîmes
Toulouse 'X)
Auch (A).'.
Bordeaux (A). . .
Montpellier
Rennes (A)
Bourges (A)
Tours (A)
Grenoble
Saint-Claude.. ..
Aire
Blois
Lyon l'A)
Le Puv
Nantes"
Orléans
Cahors
Agen
Mende
Angers
Coutances. ..
C h à 1 o n s et
Heims (A)
Langres
Laval
Nancy
Verdun
Vannes
Nevers
Cambr.ai (A).. . .
Beauvais
Séez
-Vrras
Clermont-Ferrand .
Bavonne
Tarbes
Perpignan
CIIEF-LIEU
de
CORPS T)'A:;Mtc.
Besançon(A). .
Lyon (A)....,
Besançon (.A) . . .
Autun
Le Mans
Chambéry (.A) . .
Mouticrs
Saint - Jean d(
Maurienne . . .
Annecy
Besançon.
Amiens.
Clermonl Ferrand.
Marseille.
Grenoble.
Marseille.
-Marseille.
Ch.ilons-sur-Mame.
Toulou.se.
Ch.ilonsRiirM.irne.
Montpellier.
Montpellier.
Marseille.
Rouen.
Clermonl-Fcrr.:nd.
Limoges.
Bordeaux.
Bourges.
Limoges.
Marsfille.
lîourges.
Rennes.
Limoges.
Limoges.
Besançon.
Grenoble.
Rouen.
Le Mans.
Nantes.
Marseille.
Toulouse.
Toulouse.
Bordeaux.
Montpellier.
Rennes.
Tours.
Tours.
Grenoble.
Besançon.
Bordeaux.
Orléans.
Clermont-Ferrand .
Clermont-Fi;rrand.
Nantes.
Orléans.
Toulouse.
Toulouse.
Montpellier.
Tours.
Rennes.
Châlons-sur-ilarne
Besançon.
Le Mans.
Châlons-sur-Mar.ie
Chàlons-sur-Marne.
Nantes.
Bourges.
Lille.
Amiens.
Le .Mans.
Lille.
Clermont Forrand.
Bordeaux.
Bordeaux.
Montpellier
Besançon.
Besançon.
Bourges.
Grenoble.
Clerraant-FerranJ .
Besançon.
Bourges.
Le Mans.
Grenoble.
G.-cn^^blc.
DERIVATION
— 571
DERIVATION
DÉPARTEMENTS.
CHEF-LIEU.
COUR D'APPEL.
ACADÉMIE.
DIOCÈSE.
CIIEF-LIEU
de
CORPS d'aruÉe.
Paris
Paris
Paris
Paris (A)
Rouen (A)
.\ mien s.
Rouen.
Le Mans.
Orléans.
Rouen.
Orléans.
Amiens.
Rouon.
Le Mans.
Orléans.
Tours.
Amiens.
Montpellier.
Toulouse.
Marseille.
Marseille.
Nantes.
Tours.
Limoges.
Châlons -sur-Marne
Orléans.
SEINK-IrrFÉRIKnRE
Seine-et-Mar>e
Caen
Paris
Paris
Versailles
Mort
Paris
Versailles
Poitiers
Amiens
Albi (A)
Montauban
Sbvbes (Dbci-)
Poitiers
Amiens
Toulouse
Toulouse
Aix
Poitiers
Douai
Toulouse
Toulouse
Ail
Amiens
Albi
Tark-et-Garos>'k
Vab
Montauban
Draguignaii ....
Avignon
La Roche-sur-Yon.
Poitiers
Limoges
Epinal
Auxerro
Ail
Avignon (A). ...
Poitiers
Poitiers
Limoges
Xancy
Paris"
Poitiers
Poitiers
Poitiers
Nancy
Poitiers
Limoiïos
Saint-Uié
Sens (.i)
— (Hacte-)
Yox>K
DÉRIV.\TIOX. — Grammaire, VIII. — Les mots
se forment d'autres mots par dér-ivation, c'est-à-
dire en ajoutant au mot dit primitif m^q terminai-
son dune valeur spéciale, appelée suffixe, qui lui
donne un sens particulier et le rend dérivé.
On distingue les suffiiies de formation populaire
des suffixes de formation savante; ces derniers
n'entrent pas dans la dérivation proprement fran-
çaise, mais il en est quelques-uns, comme aire, al
et il, iste. isme, etc., qui sont devenus assez fa-
miliers à la langue commune pour qu'elle les ait
adoptés et les ait fait servir à ses dérivations orga-
niques ; c'est pourquoi nous les assimilons, dans
cette étude, aux suffixes purement français.
Chaque suffixe en français est accentué et forme
au moins une syllabe pleine. Il a son sens ou sa
valeur propre, qui se retrouve dans tous les dérivés
qu'il sert à former.
La dérivation s'appelle nominale ou verbale,
selon qu'elle forme, soit des noms (substantifs ou
adjectifs), soit des verbes.
I. DÉRIVATION NOMINALE.
Les substantifs et les adjectifs dérivés se tirent
de substantifs, de verbes ou d'adjectifs au moyen
de suffixes : cerisier de cerise, passage de passe)',
bonté de bon; mais la dérivation peut aussi avoir
lieu sans le secours de ces terminaisons, comme
dans cri de crier; c'est ce qu'on appelle dérivation
ijyjpropre.
A. f érivation impropre (sans l'aide de suffixes).
Les noms de cette catégorie peuvent être tirés
directement du radical verbal ou de l'une des
formes nominales du verbe, savoir : Vinfimtif, le
participe présent et le participe passé.
On appelle substavtifs verf/aaxlcs noms formés
du radical verbal pur ou avec l'adjonction d'un e
muet servant à rendre sonore la consonne finale,
comme aboi de aboyer, galop de galoper, soutien
de soiiteinr, offre de offrir, etc. Ces substantifs
verbaux sont presque tous des noms abstraits.
La langue emploie rarement aujourd'hui Yinfi-
nitif comme substantif, par exemple Vavenir. le
boire, le repentir, etc. Mais un certain nombre
d'infinitifs sont devenus de vrais substantifs, qui
peuvent s'employer au pluriel, comme le devoir,
le déjeu'icr, le sourire, etc. Tous ces mots sont du
genre masculin.
Les noms tirés du participe présent sont : 1°
des adjectifs ou des noms de personnes du genre
[G. Meissas.
masculin, qui ont quelquefois un correspondant
féminin en ante : charmant, e; le moumnt ; 2° de»
noms de choses et des noms abstraits du genre
masculin : l'aimant, le pejichant.
Les noms formés du participe passé sont : 1*
des substantifs masculins, comme un fait, un ré-
duit, participes passés de faire, réduire;o\x fémi-
nins, et alors ils se distinguent par la terminaison
féminine e ajoutée aux participes passés, comme
la durée, la pensée, la sortie, la découverte, etc. ;
2" des adjectifs, comme poli, fleuri, connu, ab-
solu, etc.
B. Dérivation propre (à l'aide de suffixes).
Les suffixes nominaux peuvent se classer difîé-
remmcnt, selon que l'on considère : 1" la valeur
des mots qu'ils servent à former, substantifs ou
adjectifs, noms de personnes ou noms de choses,
noms concrets ou noms abstraits ; 2° la forme de
la dérivation, la base pouvant être verbale ou no-
minale. Quand la base est verbale, les suffixes
s'ajoutent au radical du verbe, qui se trouve tou-
jours pur au participe présent; ainsi, croître a
pour radical la forme croiss, d'où croiss-ance. Les
mots dérivés des verbes en ir qui se conjuguent
sur finir ont pour base le radical allongé du par-
ticipe présent, par exemple : polir, poliss-ant,
d'où poliss-eur, poliss-oir, poliss-ure.
Certains suffixes peuvent servir à plusieurs usa-
ges ; ainsi âge a pour base un substantif (esclav-
age) ou un verbe (chauff-açe), et il sert à former
non seulement des noms abstraits, mais aussi des
noms concrets {yiU-age) ; ier produit à la fois des
adjectifs (fruit-fer) et des substantifs, soit noms
de personnes (cheval-ier), soit noms de chose»
(sucr-i'er).
La classification suivante tient compte de ces
divers points de vue.
1. Noms de personnes.
Les suffixes qui servent à désigner les personne»
sont originairement des suffixes adjectifs. Les noms
formés par ces .suffixes sont masculins, mais ils
peuvent avoir des féminins correspondants en e;
ils ont pour base, soit des substantifs, soit des
verbes.
A. Les noms de personnes tirés de substantifs
sont formés au moyen des suffixes ier, aire, iste,
aiJi et ie7i, in, on, ard, oit ou ais.
1. 1er, au féminin ière, se change en er et ère
DERIVATION
372
DERIVATION
après le y consonne ou le l mouillé, qui contient
le y, ainsi qu'après les chuintantesy et ch.
C(; suffixe signifie qui a ou fait habituellement,
qui lient à; il s'ajoute à des noms de choses pour
former :
«) des noms de personnes qui désignent un mé-
tier ou une fonction, comme st-rruner, qui fait des
serrures, écuyer, conseiller, porcher, batelier, ba-
teh'è'-e, linger, lingère, et quelques adjectifs :
fruitter, viager, etc.
lij des noms de choses : les uns, en ier, sont des
noms d'arbres et de quelques plantes désignés en
quelque sorte par leur principale fonction végé-
tale, celle de produire tel fruit ou telle fleur,
comme cens z'er, arbre qui porte des cerises, cognas-
sier, pêcher; les autres, en /erou ière, sont des noms
de réceptacles, c'est-à-dire de vases, d'instruments
ou de lieux qui servent à contenir ou à resserrer
les objets désignés par les primitifs, ou aussi des
collectifs : guêpier, lieu où sont les guêpes ; ove'û-
1er, théière, fourmihère.
2. Aire est la forme savante de ier ; mais ce suf-
fixe a pris une telle extension dans la langue com-
mune qu'il forme directement des dérivés à l'aide
de radicaux, non plus latins, mais français. Les
mots en aire sont : a) des noms masculins de per-
sonnes, tels que commissionnaire, mandat<7i?-e,
pensionnaire, sectaire, ou de choses, comme an-
nuai?'e ; b) des adjectifs, tels que originaire, qui
tient à Yorigiyie, budgétaire, réglementaire, etc.
3. Iste signifie qui s'applique à, ou prend parti
pour ; il désigne ainsi des personnes agissantes,
comme c/ii?nis/e, qui s'applique à la chimie, artiste,
dentiste, journalisme, libre-échangiste, roj^alis<e,
unitarisCe, etc.
4. Ain, lëm. aine (forme accessoire a?î, fém.
a7ie ou anne) et ien, fém. ienne, ont la même ori-
gine et la même valeur. Ces suffixes forment des
noms de personnes et des adjectifs ; ils signifient
qui appartient à, de la nature de, et marquent un
rapport d'origine : Africaiw, Égyptien, Européen;
d'habitation : châtelain, mondoin, vih/i», courti-
sa'/, paysan, citoye??, et par extension la commu-
nauté, la secte ou la profession à laquelle on ap-
partient : dominicai??, épicurie^i, musicie?;, artisa?;,
etc. Ai7i, aine, forme aussi des noms de nombre
collectifs : un quatrain, un dizai?i, la huitai?îe,
une neuvai/je, la douzai?ie, etc.
h. Ijï, iyic forme des noms de personnes et des
adjectifs, et marque aussi un rapport d'origine,
d'habitation ou de communauté ; il a souvent un
sens dépréciatif : Florenti??, citadi?^, capuci'/, ga-
lopi?2, enfanti?j, alpin, cristalli??, sauvagin, etc.
Ce suffixe sert encore à créer des noms d'animaux
ou de choses, masculins en in, féminins en ine :
roussin, bouqui?i (vieux bouc), grappin (de grappe,
proprement crochet), gratin; routine, vermine.
6. On désigne des personnes agissantes, comme
champio7i, celui qui combat en champ clos, charron,
marmiton, vigneron. Il marque aussi un rapport
d'origine : Saxon.
7. Ard marque l'habitude et l'accumulation de la
qualité; il désigne des personnes : campagnard/,
montagnard, richard, vieillard ; des animaux :
canard, et des choses : billard, brassard, épiuar./,
poignard. Il marque un rapport d'origine dans
Savoyard, et a un sens abstrait dans milliard. On
trouve le féminin arcie dans moutarde, de moût.
8. Ois, oise, et ais, aise sont des variétés d'un
même suffixe, qui marque l'origine et l'habitalion :
bourgeois, courtois, villageois, et sert surtout à
former des noms de peuples : Carthaginois, Po-
lonais.
Les suffixes aiîi et ieîi, in, on, ard, ois et ais ont
cela de commun qu'ils marquent un rapport d'ori-
gine, et c'est pourquoi ils servent presque exclu-
sivement à foi mer les noms de peuples ou de na-
lions. Ces noms ont les deux genres et s'emploient j
aussi adjectivement : le peuple romain, un Romain.
Ils dérivent des noms propres de paj'S et de villes
et sont surtout formés par les suffixes ain et ie7i,
ois et ais.
B. Les noms de personnes tirés de verbes sont
formés au moyen des suffixes eur, on et ard, qui
désignent des personnes agissantes, cest-à-dirc
qui font l'action exprimée par le verbe.
1. Eur, euse ne forme que des noms de person-
nes : danseur, grogneur, faiseur, menteur, blan-
ch'isseur,
2. On forme des noms de personnes : brouillon,
forgeron, fripon, grognon, souillon; ou des noms
de choses, comme bouillon, rejeton, et des noms
abstraits d'actions : juron, plongeon.
3. Ard marque la réitération de l'action et par
suite l'excès ; c'est pourquoi il a souvent un sens
dépréciatif. Ce suffixe forme des adjectifs et des
noms de personnes : havard, babillard, criard,
grognard, nasillard, pillard, et i-arement des noms
de choses : brouillard.
2. Adjectifs.
Le français crée des adjectifs nouveaux à l'aide
de substa7itifs et de verbes déjà existants, comme
peiir-eux de peur, sey^vi-abie de servir.
A. Les adjectifs tirés de subitnntifs sont formés
à l'aide des suffixes al et e/, ique, eux, é, u et
esque.
1 . Al, fém. aie, et el, fém. e//e, ne sont que
les deux formes différentes d'un même suffixe;
quelques mots ont deux dérivés, l'un en al. l'autre
en el, comme origmal et 0)-i</i7ieL Les adjectifs
ainsi terminés expriment que l'idée de leur radical
convient à la chose dont on parle, par exemple
brutal, dans un homme brutal, qui tient de la
brute. Ces adjectifs ne font point connaître ce
qu'est la chose en elle-même, mais ils la détermi-
nent par l'idée de conformité pour le lieu [central),
le temps (accidente/), le rang (voyal), la forme
(monumenta/), la fin ou destination (thermaZ;.
2. Ique indique, comme ni, un rapport entre
l'idée du sujet et celle qui est représentée par le
radical de l'adjectif, mais il s'en distingue en ce
qu'il marque la conformité pour la nature, l'es-
sence, l'ensemble des propriétés intrinsèques :
aristocratique, qui appartient à V aristocratie; phi-
losophique, qui a trait h la, philosophie ; colérique,
classique, chari\arique, féerique, idolâtriçue, ro-
mantiç'ne, etc.
3. Eux, fém. ense, marque la possession et le
plus souvent la plénitude de possession, c'est-à-
dire l'abondance de la qualité exprimée par l'ad-
jectif qu'il sert à former, comme épineux, qui a
des épines; fangeux, plein de fange; ennuyeux,
facétieux, soyeux, etc.
4. É, fém. ee, marque simplement la posses-
sion : ailé, qui a des ailes, écervclè, fourché, lettre,
perlé, sensé, veiné.
5. U, fém. ue, marque, comme eux, la posses-
sion, le plus souvent avec l'idée de plénitude :
barbu, qui a de la barbe; c/iarnu, rempli de chair;
chevelu, cossu, fourchu, grenu, têtu.
G. Esque marque quelque chose de bizarre.
d'étrange pour la forme ou la grandeur, que ce
soit un agrément ou un défaut dans le sujet : che-
valeres^zfe, pédantes^ue, romanes9ue.
B Les adjectifs tirés de verbes sont formés à
l'aide des suffixes if et able.
1. If, fém. ive, forme un grand nombre d'adjec-
tifs dont le sens est actif et exprime la capacité de
faire : hdtif, qui se hdte ; pensi/, otïensi/', oppres-
sif. tard'/, etc.
Ce suffixe appartient essentiellement à la for-
mation savante et se joint le plus souvent, non pas
au radical verbal, mais au radical dos participes
passés latins : acti/", exclusi/', impérati/', offeiisi/',
sédati/", etc.
DERIVATION
— 573 —
DERIVATION
5. Ahle forme un nombre, considérable d'adjec-
tifs dont la base est le radical verbal ; il indique
une possibilité passive, quand le verbe est actif :
fuisable, qui peut être fait, et une possibilité ac-
tive, quand le verbe est neutre : valnbl", qui peut
valoir; Aimable, agréable, périssa6/e. etc.
Ible est de formation savante et se joint au thème
des participes passés latins : îasible, \isible, etc.
3. Diminutifs.
Les diminutifs désignent les objets comme dimi-
nués, amoindris, quant à leur étendue ou à leur
force.
Les diminutifs substantifs sont à base de subs-
tantifs, tonnenu de tonne, et les diminutifs adjec-
tifs à base d'adjectifs, doucet de doux. Les pre-
miers sont de beaucoup les plus nombreux.
La personne ou la chose est représentée comme
plus petite dans les substantifs diminutifs, et la
qualité est représentée comme portée à un moindre
degré dans les adjectifs diminutifs. On emploie
aussi les substantifs diminutifs pour nommer les
petits des animaux : chevreau, cachet, aiglon,
oursin.
Un suffixe diminutif est souvent renforcé par la
consonne r (er) ou par un autre suffixe intercalé
entre le radical et le suffixe final : mouche-r-on,
lap-er-eau, c:iaj)-ei-ei, louv-e^eau, carp-z/Z-on.
Le français iLiuerme un assez grand nombre
de mots à désinences diminutives et qui, néan-
moins, ne sont plus des diminutifs. Un mot formé
par un suffixe diminutif n'exprime l'idée de dimi-
nution que lorsque son primitif existe encore en
français; ainsi les mots anneau, couteau, chapeau,
no sont pas des diminutifs, bien qu'ils soient for-
més par le suffixe emi. (el). En pareil cas, un second
suffixe devient nécessaire pour faire revivre la force
iliminutive; ainsi château fera chât-el-et.
La langue française n'a pas de suffixes augmen-
tatifs. Pour exprimer l'augmentation, à laquelle
s'ajoute souvent une idée accessoire de mépris, on
se sert des suffixes diminutifs, par exemple on
A&nssal in, caisson.
Les suffixes diminutifs sont eau, et, ot, on, in,
aille et ille. as. ard, ûtre, and.
\. Eau, au féminin elle, était autrefois e/, qui re-
paraît dans les dérivés : marteau, marte/ (par ex.
Charles Martel , marteler. — a) masculins ; beaucoup
de mots en eau ont perdu leur force diminutive :
bureau, cervea!^ écviteau, faisand-'a?;, fourneaw,
pvaneati, trousseau. caillote«?<, louvetea2i, etc. ;
b; féminins : cervelle, prune/Ze, tonne//e.
2. Et, fém. etfe, est un suffixe très fécond qui
forme : a) des substantifs : arche/, bosque/ et bou-
qnet pour bousque/ (bois), chevet, coche/ et co-
que/, poigne/, sache/, cervele/, mantele/, roitele/;
charre//e, chevre//e, table//e, bandele//e, côtele//e,
etc. ; b) des adjectifs : aigre/, douille/ (du vieux
français douille, mou, tendre), pauvre/, aigrele/,
maigrele/.
3. Ot, fém. otte, est peu fécond et n'a conservé
la force diminutive que dans quelques mots : a)
substantifs : bachoZ, billo/, chario/, cuisso/, culo/,
goulo/, îlo/; culo//e, lino//e, meno//e; b) adjectifs :
heUot. pâlot, vieillo/ ; ce sont les seuls,
4. 0/t est employé à la diminution dans quelques
noms de personnes, ex.: négrillo//, mais surtout dans
les noms des animaux : knon, cochon, chato??, oi-
S071, raton, bouvillo?!, oisillow, pucero7î, ainsi que
dans les noms des choses : chiïïoti, jambo?2, sablo?2 ,
tronço72, feuilleton ; dans ce dernier cas, le suf-
fixe 07? marque souvent l'augmentation, à l'in-
star de l'italien : ballo7i , caisso7z , capucho72 ,
sauvageo7i, etc. Médail.on est à la lois diminutif
et augmentatif.
5. In, fém. ine, quand il marque l'idée diminu-
tive, est le plus souvent renforcé par un autre
diminutif : gradzTi, oxxvsin, diablot/;?, agneh'7j,
bouquetm, buUetzTz; bécassî7îe, bott??îe, etc.
G. .Aille forme des collectifs le plus souvent dé-
préciatifs, et ille des collectifs diminutifs, tous fé-
minins : antiqufl(7/e, futai//e (de fût), fermille,
muraille, valetaille; harhille, charmille, flott'//e,
ram!7/e.
7. As ou asse a, en général, une signification
collective augmentative ou dépréciative : coutel'ï.j,
cervel(75, plàtr^.f, hestlasse, cuirrt^se, paperosse, etc.
8..4?y/ est diminutif dans le seul mot chevriU^r*/.
9. Atre marque d'abord la diminution : hleuôtre.,
un peu bleu, puis la dépréciation : douceâ/;-e, fo-
lûtre.
10. Aud est dépréciatif comme ûtre : finaud^
lourdaud, salaud.
4. Noms de choses.
Les noms de choses peuvent avoir pour base
des substantifs, des adjectifs ou des verbes.
A. Les noms de choses tirés de substantifs déjà
existants sont formés à l'aide des suffixes at, ée,
ade, aie, isme, âge et e?'/e; ils sont masculins,
sauf ade et aie, et servent à former des noms con-
crets ou abstraits.
1. At désigne un emploi, une dignité ou aussi
le lieu occupé ou possédé par celui qui est revêtu
d'une dignité ou d'un titre : consula/, orphelin«/^
landgravic//, etc.
2. Ée, qu'il ne faut pas confondre avec le subs-
tantif participial en e (la pe?isée\ exprime une idée
de capacité, quelque chose d'entier, de plein, et
sert à former des noms abstraits ou concrets à
base de substantifs concrets, comme charretée,
plein une charrette; soirée, plein un soir, c"est-,\-
dire tout un soir ; nichée ou nitée, nuée, poignée,
sachée, vallée, etc.
3. Ade, qui a la même origine que l'ancienne
forme ée, ne date que du xvi* siècle et nous est
venu de l'Italie. Il sert à former un grand nombre
de noms abstraits féminins, qui énoncent une idée
d'ensemble ou de collection, comme colojinade,
réunion à.e colonnes, faça^/e, œillo^/e, peuplarfe, etc.
^.Aie. qui a pour forme accessoire oie,&e trouve
dans quelques nomsexprimantune collection : A o(<?-
sai'!. lieu planté de hmx, aunaie. charmote, fou-
telaî'e (de /b«/ea« ou hêtre), futaie (de fût), etc
5. Isme sert à former des noms abstraits qui cor-
respondent aux adjectifs en iste, jque et 2e7z ; pu-
ri<)ne, puriste; fanatistne, îanatirjue; stolciiinr,
stoici'e'j. Ce suffixe, d'origine grecque, s'emploie
pour exprimer un système ou une doctrine qu'on
professe, une méthode que l'on suit, comme maté-
rial(S7He, christian!S77ie, libérah's)«e, idiot!"57?ze, etc.
6. Age forme un grand nombre de substantifs
qui expriment : a) l'idée concrète d'une chose :
ermitage, villcr^'e,' b) une collection : faiillnge,
réunion de feidVes, laitage, nufl^e, paysage; par-
fois une idée d'augmentation : maréca^'e (de ma-
rais] ; c) un état : esclavage, apprentissage, ou
môme l'action : lang^g^e, voy«je.
7. Erie est un allongement du suffixe ie et sert
à former des substantifs : a] avec les noms en ter
ou ei\ chevalerie de chevalier, bergsrie de berocr;
b) avec les mots en eur : blanchisserie de blan-
cliisreur, tromprie de trompeur, etc. Par analo-
gie, on a ajouté ce suffixe à des noms qui n'étaient
terminés ni en ier ni en eur, comme boise- ie, dra-
perie, filouterie, soierie, toile/we, etc. Les mots
en e'7'e expriment soit une collection d'objets con-
fectionnés de la même manière, boise?'Je, verrote-
rie, soit le lieu où on les prépare. laitTj'e, soit en-
core l'art de les préparer, mégisse^-ze. Le plus
souvent, le même mot réunit deux de ces accep-
tions ou même toutes les trois, comme imprimerie,
qui signifie à la fois le matériel dont se compose
une imprimerie, le lieu où l'on imprime et l'art
d'imprimer.
DERIVATION
— 574 —
DÉRIVATION
B. Le français crée des noms abstraits de qualité
en ajoutant aux adjectifs les quatre suffixes esse,
cur, té et ie. Les noms ainsi formés sont tous du
genre féminin.
1. Esse a pour forme accessoire ise : délicatesse,
qualité da ce qui est délicat; franchise, qualité
de ce qui est fraîic, etc.
Il ne faut pas confondre le suffixe esse avec la
terminaison féminine esse de quelques noms de
personnes ou d'animaux : princess'^, tigvesse.
2. i'M?" doit être distingué du suftixe eur servant
h, former des noms d'agents : aigreur, qualité de
(0 c|ui est aigre; blancheu;-, fraîche^/', froideur,
noircew/-, etc.
:j. Té est devenu de bonne heure été ou plutôt
té s'est fixé à la forme féminine des adjectifs :
Oonté, qualité de ce qui est bon; fausse/é, naïveté,
oisive/é, sûre^^, saleté, etc.
4. le a fait place, comme on l'a vu, à la forme
allongée crie et ne forme plus de nouveaux dérivés :
lizarrene, qualité de ce qui est bizarre; cour-
toisie, folie, etc.
C. Les suffixes qui servent à créer des substan-
tifs à l'aide de verbes sont aison, ure, ance, ade,
qui forment des noms abstraits féminins, et nt,
âge, ment, is et oir, qui forment des noms abstraits
ou concrets du genre masculin [oir a un féminin
en oire). Les uns et les autres expriment l'action
ou le résultat de l'action, ou aussi quelquefois le
lieu ou l'instrument de l'action.
1. Aison ou ison (dans les dérivés des verbes en
tr) marque l'action : liaison, action de lier, conju-
^aison, démangea!SO?i, ïenai^on, pendflwo?i, gué-
ri^oii, etc. Le suffixe oison, qu'on trouve dans
pâmoison, est une ancienne forme de aisoii. Dans
la langue moderne, aison a fait place à ation :
centralisaiîo?i, démoralis«/io?z, réglcmenta^/o7î, etc.
Quelquefois on a deux dérivés, l'un avec la forme
française aison et l'autre avec la forme savante
atio7i : terminflîson et déterminatioJi, exlialaiso?i
et exlialah"?2, inc\'inaiso7i et ïnrÀwation.
Nous avons une foule de noms abstraits d'action
en ion qui ont pour base le participe passé latin,
comme effusion, intuition, perceptio?j, Téûexio7i,
etc.
'2. Ure marque le résultat de l'action : la bles-
sure est le résultat de l'action de blesser ; brûh^re,
enûure, gra.\ure, serrure, etc. Quelques mots en
ure sont à base nominale ; ce sont en général des
collectifs, comme che\e\ure, miuire, etc.
Il y a beaucoup de mots en' ure qui, comme
ceux en ion, sont formés du radical du participe
latin : ceintwe, ligatz^re, pcintwre, ruptw/ e, struc-
ture, etc.
3. Ance forme des noms abstraits qui correspon-
dent d'ordinaire aux adjectifs en ant et marquent
l'action ou le résultat de l'action : vengeunce, ac-
tion de se venger; croyance, résultat de l'action
de croire; naissonce, obéissa?zce, séance, etc.
4. A' le exprime une action ou un résultat :
ruade, action de ruer, fusilla(/e^ glissac/e, noyade,
tivadt'.
5. At marque dans quelques mots le résultat ou
le produit d'une action : assigna^^ attentai, cra-
chai, résulta?, etc.
6. Age exprime l'action ouïe résultat de l'action :
ouvrage, action d'o«urer, c'est-à-dire de travailler ;
et ce qui résulte d'un travail: affinage, chaufl"«(/e,
éclairage, espionnage, labourc/gre, nsuge.
7. Me7it désigne une action : enrùlment, action
û'oirôler, ou le résultat d'une action : fondement,
ou le moyen par lequel se fait l'action : vêtement.
Ment est le plus souvent précédé d'un e qui, après
une voyelle, peut se remplacer par l'accent circon-
flexe : dénouew2e/if, àénwGDient, cngoMQment, en-
ioxxiîment, qu'on peut écrire ûénoùmcnt, ùéimment,
etc.; accroissement, assortiment, rugissement, etc.
S. Is désigne le résultat d'une action, un assem-
blage et souvent, en raison de son caractère de
dépréciation, un mélange ou un amas conlus : ha-
chis, résultat du hochement, chamaillw, cailloutas,
color/s, gâchw, lavt'i-, rouh's, semis. Il y a quelques
noms féminins en me ; hitisse, jaunisse, etc.
9. Oir ou oire désigne : 1° le lieu où se fait l'ac-
tion : comptoir, table sur laquelle on compte;
2" l'instrument, l'outil, le meuble au moyen du-
quel se fait l'action : arrosoir, instrument pour
arroser. Les substantifs formés par ce suffixe sont
de doux espèces : a masculins en oir : encensoir,
trotto»', battozV, éteignoir, rùtissoir; 6) féminins
en oire : balançoi/e, mangeoire, bouilloire. Quel-
quefois on a les deux sortes de mots avec des si-
gnifications différentes : couloir et couloire, dé-
crottoir et décrottoire, polissoir et poeissoire, ra-
cloir et racloire.
II. Dérivation verbale.
Les verbes dérivés français se terminent en er
ou ir; ils sont formés de noms (substantifs ou ad-
jectifs) : ferrer de fer, grandir de grand ; quel-
ques-uns, en petit nombre, ont une base verbale,
comme sautiller de sauter.
La plupart des verbes dérivés sont transitifs et
ont un sens causatif, c'est-à-dire qu'ils expriment
une action faite pour donner à la personne ou à
la chose la qualité marquée par le primitif, par
exemple : le vent sèclie [rend sec) le linge ; le so-
leil mûrit {rend 7nùré) la mo:i-on.
A. La plupart des verbes dérivés dé notns sont
formés par la simple addition de la terminaison
verbale er ou ir au mot primitif, substantif ou ad-
jectif.
L Les verbes dérivés de substa7itifs sont pres-
que tous terminés en er : sangloter, flotter, gazer,
puise/- (de puis, ancienne forme de puits), tapis-
ser, tousser, courrouce'-, campe/-, ranger, choquer,
joncher, sucer, ferrer, éraailler, vacciner, tâtonner,
baigner, affamer, corner, abriter. La terminaison
ir est rare : garantir.
2. Les verbes dérivés à.'adje:tifi se terminent en
e/', qui signifie j'e?if//e,/"a'/-e, comme se Aer, rendre
sec, et le plus grand nombre en ir, qui signifie
aussi bien lendre que devenir: mÛ7-ir, rend7^e itiùr
et devr?iif mûr.
Les verbes formés de substantifs ou d'adjectifs
dérivés forment une catégorie importante dans la-
quelle on doit surtout remarquer les verbes dé-
rivés de diminutifs, par ex.: bourreler, b7'eveter, bal-
lotter, jnétiner, cra]jon7ier, /"errai/Zer, curasser,
bavarder, parle77ie7iter, voyager, etc., verbes qui
sont formés de noms dérivés en euu (elj, et, ol,
m, on, aille, asse, ard, 7nent, âge, etc.
Un certain nombre de verbes sont produits par
des suffixes spéciaux, savoir iser, nyer, fier.
1. Iser sert à former un grand nombre de verbes
intransitifs marquant une imitation des primitifs,
comme fi-atetmi^er, agir en frère, et de verbes
transitifs ayant en général un sens causatif :/erii-
liser, rendre fertde, favoriser, humaniser, etc.
2. Oyer se joint surtout à des substantifs pour
former des verbes qui sont en général intransitifs
et marquent la manifestation de l'activité du pri-
mitif : foudr/.y/er, gxhoyer, larmof/cr, nettoyer, on
doyer, \erdoye>-.
3. Fier exprime l'idée de faire la chose ou de
donner la qualité indiquée par les primitifs : bo-
7iifier, rendre bon; te/Tifier, faire ou causer de la
terreur, etc.
B. Les verbes dérivent de verbes au moyen des
suffixes verbaux eler, adlcf. Hier, eter, oter. oJi/ie'',
"sser, foi-més des suffixes nominaux eau, aille,
ille, et. ot, 071, asse : grone/e/ , crualler, morddler,
craqueie/-, crachoter, (rlsutter, chantonner, rêvas-
se/-. Ces verbes dérivés ont en général un sens di •
minutif ou fréquentatif : cliantonner, chanter h
demi-voix.
DESSIN — S"
Modèles d'exercices,
1. Dicter un morceau choisi et faire ensuite
dresser la liste des mots dérivés avec l'indication
des suffixes employés et de leur signification.
2. Dicter des mots primitifs et faire chercher les
dérivés avec indication des suffixes ; par exemple :
■poli, — poh?', polissewr, polisson-, polissi^-e.
3. Faire composer de petites phrases dans les-
quelles entreront les mots dérivés dictés par le
maître.
On peut varier ces exercices de toute espèce de
façons. [C. Ayer.]
DESSECHEMENT. — V. Drainage.
DESSIN. — Dans l'article Dessin de la partie
théorique de ce Dictionnaire, on a exposé la nature
du dessin, et l'utilité dont l'étude peut en être
soit pour l'éducation générale, où cet art doit jouer
un rôle analogue à celui de la musique, soit pour
la meilleure pratique de presque toutes les pro-
fessions.
On a expliqué dans cet article que l'étude du
dessin ne devait pas conduire seulement une par-
tie de ceux qui s'y adonneraient à acquérir le ta-
lent de représenter les formes des choses visibles,
soit par une pure imitation, soit en imaginant et
inventant, et en s'élevant ainsi jusqu'à l'art, mais
que ceux qui n'arriveraient pas à acquérir ce ta-
lent ou qui ne l'acquerraient que dans une faible
mesure, cette étude, si on la fondait sur l'imitation
d'excellents modèles, leur apprendrait à apprécier
ce qui est, en fait de choses visibles, exact ou
inexact, correct ou incorrect, surtout beau ou laid,
gracieux ou disgracieux, séant ou mal séant; qu'elle
enseignerait ainsi à mieux voir et à mieux juger,
qvielle formerait, enfin, l'œil et le goût, dont
l'utilité est presque universelle ; on a expliqué que
le talent de dessiner est surtout celui de repré-
senter le caractère ou l'esprit des formes ; que
c'est là ce qui suffit dans presque toutes les pro-
fessions, où l'on a moins souvent besoin d'exécuter
des dessins réguliers et achevés que des esquisses
rapides ou croquis qui mettent en relief ce qu'un
objet a d'essentiel, et, en même temps, que dans
un ou\Tage quelconque, terminé ou non, c'est
l'expression de la physionomie ou de l'esprit des
clioses dont la beauté marque le point le plus
élevé, qui seule constitue l'art; que c'est par la
recherche seule du caractère et de l'esprit des
choses, que se forme le goût ; que sur ces vérités,
enfin, repose la méthode pour l'enseignement du
dessin qu'ont pratiquée et prescrite les maîtres
qui l'ont le mieux possédée, en particulier Léonard
de Vinci; qu'en effet, cette méthode se résume
dans la pratique suivante : après avoir montré
comment nous apparaissent les choses visibles,
après avoir indiqué les lois optiques auxquelles
il faut, par suite, avoir égard pour représenter
ces choses telles qu'elles nous apparaissent, ce
qui est l'objet propre de la peinture et du dessin,
en d'autres termes, après avoir exposé les, princi-
pes scientifiques dont la connaissance nous aide à
mieux voir et à mieux juger, former l'œil et le
goût tout ensemble par l'étude et l'imitation pro-
gressives des formes qui offrent le plus de carac-
tère et de beauté et qui. en conséquence, outre
quelles sont par elles-mêmes les plus importantes
de touies, doivent servir à comprendre et à juger
toutes les autres.
En suivant cette méthode, au lieu de commen-
cer, ainsi qu'on l'entend recommander souvent,
par l'imitation des simples figures géométriques,
pour s'élever ensuite à celle des formes vivantes,
sous prétexte que celles-ci seraient des composés
de celles-là, remarquant, au contraire, que les
formes vivantes ne se lai-sent aucunement réduire
à des éléments géométriques, on commencera par
ce» formes, les plus intéressantes et les plus
3 — DESSIN
instructives de toutes, puisqu'elles sont, de toutes,
les plus susceptibles d'une véritable beauté ; on
commencera enfin par celles de ces formes mêmes
qui sont susceptibles de la beauté la plus parfaite
et chez lesquelles se trouvent, par là même, les
principes et raisons de toutes les autres, c'est-à-
dire par les formes humaines.
Ainsi se vérifiera, dans le domaine que l'on con-
sidère ici, cette théorie qui a été proposée [La Phi-
losophie au A7X' siècle) comme éclairant toutes
les sphères auxquelles s'étend notre intelligence :
que ce qui est d'ordre inférieur ne rend point rai-
son, pour l'essentiel, de ce qui est d'un ordre plus
élevé, mais que c'est au contraire le plus parfait
qui sert le mieux à expliquer le reste, y compris
ces choses relativement très simples que consi-
dèrent les mathématiques, tout ce qui n'est pas le
plus parfait et le meilleur n'en étant guère qu'al-
tération et appauvrissement.
En conséquence de ces principes, en procédera,
dans l'enseignement élémentaire du dessin, de la
manière suivante :
Avant de faire dessiner les élèves, on leur ex-
pliquera ce que c'est que de dessiner, pourquoi il
est utile de l'apprendre, quel est le meilleur et
le plus court chemin pour y arriver.
Cette explication, divisée entre plusieurs leçons,
sera néanmoins sommaire et donnée à peu près
comme il suit :
Les arts figuratifs ou plastiques qui travaillent
pour la vue en produisant des formes, comme la
musique travaille pour l'ouie en produisant des
combinaisons de sons, sont appelés les ai-ts du
dessin parce que le dessin leur sert à tous pour
exprimer les idées qu'ils ont à réaliser.
Les arts du dessin sont : l'architecture, la
sculpture et la peinture.
L'architecture ne fait pas seulement les bâti-
ments : elle a encore sous sa dépendance la com-
position de la plupart des meubles et d'une très
grande partie des objets si divers que fabrique
l'industrie.
La sculpture et la peinture façonnent ces mômes
objets, et surtout s'appliquent à la représentation
des formes qui sont l'œuvre de la nature et au
premier rang desquelles est la figure humaine.
Quant au mode de représentation, il est de
deux sortes, dont l'une consiste à représenter
les objets tels quils occupent l'espace (en mon-
trer un exemple) : c'est ce qu'on nomme la
sculpture; l'autre consiste à figurer les. objets par
des images sur une surface telle qu'un panneau
de bois, un morceau de toile, une feuille de papier ;
c'est ce qu'on nomme la peinture (en montrer un
exemple).
La peinture, enfin, lorsqu'elle laisse de côte la
variété des couleurs et représente les choses par
les seules nuances d'une teinte unique, se bornant
ainsi à rendre les clairs et les ombres plus ou
moins complètement avec leurs forces ou valeurs
différentes, i,est appelée proprement peinture en
camaïeu. Emploie-t-on au lieu d'un pinceau une
estompe ou un crayon, soit noir, soit de couleur,
le mode de représentation est appelé du nom de
dessin. C'est encore un dessin qu'une représenta-
tion de ce genre où, négligeant, soit en partie, soit
même totalement les clairs et les ombres, on se
borne à figurer les objets par des traits qui les
limitent et les séparent de ce qui les entoure.
Le dessin n'est donc qu'une peinture incom-
plète, le projet (dessein^ dont la peinture complète
est l'achèvement.
Les images des objets peintes ou dessinées
difl"èrent de ces objets qui. généralement, ont
de l'épaisseur ou du relief, en ce qu'elles sont
plates. Elles en sont, en effet, ce que les géomè-
tres nomment des projections. Supposons qu'un
corps soit jeté ou projeté sur une surface plate.
DESSIN
57G —
DESSIN
et qu'il y laisse la trace de son contact; supposons,
plutôt encore, qu'il traverse cette surface en y lais-
sant la trace de son passage, cette trace est ce
qu'on nomme sa projection, 'i'elles sont les images
qu'offre un tableau ou un dessin.
Maintenant la projection, en représentant par
une image plate un objet qui a du relief et de la
profondeur, qui avance vers nous ou s'enfonce
dans l'espace, le représente plus ou moins déformé.
Si une ligne projetée sur un tableau lui est paral-
lèle au moment où elle l'atteint, elle y laisse une
trace qui la représente telle qu'elle est ; mais si
elle a de la profondeur par rapport au tableau, il
n'en est pas de même : s'y projette-t-elle de biais,
ou obliquement, elle s'y laisse une trace qui la re-
présente raccourcie (en montrer un exemple); s'y
projette-t-elle de face, par un de ses bouts, autre-
ment dit en se dirigeant perpendiculairement au
tableau, sa projection s'y réduit à un point. De même
pour une surface; sa projection parallèle lui est sem-
blable et égale, sa projection oblique la représente
raccourcie, sa projection perpendiculaire la repré-
sente réduite à une ligne.
Les objets sont donc raccourcis sur le tableau où
ils se projettent, à proportion qu'ils y tombent
plus de face, ou, en termes géométriques, à pro-
portion qu'ils s'y projettent en formant avec ce ta-
bleau un angle plus approchant d'un droit.
Ce n'est pas tout : les objets se peif:nent à notre
œil non seulement plus ou moins raccourcis à pro-
portion de leur obliquité, mais encore plus ou
moins réduits dans toutes leurs dimensions à pro-
portion de leur éloignement. Ce dernier phénomène
est celui qu'on nomme la perspective.
, En effet, les objets, d'où émanent des rayons
lumineux qui portent leurs images dans toutes les
directions (le montrer par le rayonnement d'une
lumière et des images qu'elle envoie dans tous les
sens à travers des trous percés dans des feuilles de
papier), ces objets se font voir par ceux de ces
rayons lumineux qui arrivent à l'œil ou plutôt au
point de l'œil où la vision s'opère. En conséquence,
une ligne qui se présente à l'œil autrement que
perpendiculairement, lui envoie son image par des
rayons qui forment un triangle dont la ligne est la
base et dont le sommet touche à l'œil. S'agit-il,
non d'une ligne, mais d'une surface, les rayons qui
en apportent l'image à l'œil forment, au lieu d'un
triangle, un cône dont la pointe touche à l'œil
comme le sommet du triangle dans le cas précé-
dent.
Or de cela il résulte que, si l'on suppose entre
l'œil et l'objet un tableau que nous appellerons
le tableau optique, coupant le cône optique, et sur
lequel par conséquent se projette et s'imprime
l'image qu'apporte ce cône, plus l'objet s'éloigne, et
plus, envoyant son image à l'œil par un cône plus
allongé, il donne sur le tableau une image réduite.
(Démontrer cette proposition par un tracé.)
On pourrait dire que la projection simple ou
projection droite, que les géomètres nomment
orthogonale (rectangulaire), se fait comme si l'objet
ou son image portée par des rayons qui en émanent
arrivait au tableau en glissant entre les parois d'un
cylindre qui s'y appuierait à angles droits, et que
la projection perspective se fait comme si l'objet
ou son image arrivait au tableau entre les parois
d'un cône qu'il obligerait, sans changer aucune-
ment sa forme, de se réduire au fur et à mesure à
de moindres dimensions (ce qui, par parenthèse,
devrait conduire à donner à la projection droite ou
orthogonale le nom corrélatif de projection cylin-
drique). La projection qui se fait dans ces conditions
est nommée quelquefois projection centrale, parce
qu'elle se fait par des rayons qui de l'objet tendent
vers un centre. On l'appelle plus souvent projec-
tion conique ; on pourrait aussi, par opposition à,
l'ortliogonale ou rectangulaire, l'appeler oxygonalc
ou acutangulaire. Dans la projection conique réside
ainsi la cause des figures qu'on appelle perspectives,
lesquelles constituent les apparences visuelles ou
optiques, et qu'on oppose aux figures réelles ou
géométrales. On appelle en effet géométrales les
grandeurs qu'ont les choses dans la réalité, et
perspectives, les grandeurs réduites sur le tableau
par la convergence optique, en raison des distances.
Les choses nous intéressent par leurs figures ei
leurs dimensions réelles ou géométrales. C'est par
\h qu'elles nous sont utiles, c'est par là qu'elles
nous plaisent. Les figures perspectives ne sont, en
tant (iu'elles diffèrent des figures réelles, que des
signes, dans lesquels nous reconnaissons celles-ci,
et au moyen desquels notre imagination les
reconstruit. Ces figures constituent ainsi une
espèce de langage, langage sujet à des règles qui
permettent, si on les a toujours présentes, de
comprendre ce qu'il signifie, langage nécessaire à
connaître pour quiconque veut bien dessiner, bien
plus, pour quiconque veut bii^n voir.
En effet, faute d'en avoir l'idée ou d'y être atten
tif, on voit mal, en croyant bien voir. Quiconque
n'a pas été irùtié à la connaissance, au moins élé-
mentaire, de la projection et de ses effets, n'ap-
précie exactement ni les raccourcis, ni les dimi-
nutions que produit l'éloignement. Connaissant
les grandeurs réelles, tant qu'il ne se sera pas
exercé suffisamment à apprécier comment et com-
bien en diffèrent les apparences perspectives, il
sera toujours porté à en trop rapprocher ces der-
nières. C'est ce que font voir les dessins des
comiï>ençants qui, sachant que les maisons d'une
rue, par exemple, sont à peu près de même hau-
teur, ne manquent guère de représenter les plus
éloignées d'une hauteur beaucoup moins diffé-
rente qu'il ne le faut des plus rapprochées.
Un bon maître mettra ses élèves en garde contre
ces estimations erronées, en leur montrant, soit
sur le tableau optique, soit sur des estampes ou
des photographies, comment et à quel degré les
grandeurs varient, dans les apparences optiques,
avec l'inclinaison des objets et avec leur éloigne-
ment. Il leur exposera la cause de ces phéno-
mènes et, par suite, leur donnera le moyen de les
apprécier. C'est la tâche à laquelle se bornera,
mais aussi que devra remplir, dans un cours
élémentaire de dessin, l'enseignement de la
perspective.
La théorie développée de la perspective fait
connaître les procédés imaginés par les géomètres
pour obtenir des apparences optiques exactes dans
toutes sortes de cas où il est nécessaire, en effet,
pour un peintre de profession, et surtout pour un
architecte, d'en savoir exécuter de telles. Dans un
enseignement élémentaire du dessin on se bornera
à l'exposé, avec exercices pratiques à l'appui, des
notions générales indispensables pour enseigner
à bien voir et, sinon à dessiner à vue d'œil avec
une entière justesse, talent qu'on ne peut acquérir
sans une suffisante pratique, du moins à se pré-
server, en dessinant, des erreurs de perspective
où il est le plus ordinaire de tomber.
Aux explications précédentes on pourra donc se
contenter d ajouter les remarques qui suivent :
Premièrement de ce fait fondamental que les
objets nous sont visibles par les rayons qui con-
vergent vers notre œil et qui, par suite, donnent
sur le tableau optique des images altérées et
réduites à proportion de l'inclinaison et de l'éloigne-
ment de ces objets, de ce fait il résulte que toutes
les lignes parallèles dans la réalité à un rayon
visuel, c'est-à-dire à une ligne droite qui va d'un
objet à l'œil, se dirigent sur le tableau, ou en
perspective, vers le point où le traverse ce rayon.
Une application, de la plus grande importance
pratique de cette vérité, c'est que le point où le
tableau est traversé par un rayon qui y tombe à
DESSIN
— 577 —
DESSIN
plomb, en d'autres termes, qui lui est perpendi-
culaire, ce point, qu'on appelle le point principal,
qu'on appellera mieux le point de vue principal,
est le lieu où convergent en perspective toutes les
ligues qm dans la réalité ont la même direction,
c'est-à-dire toutes celles qui sont également per-
pendiculaires au tableau.
C'est ce qu'on fera voir en montrant sur le ta-
bleau optique, sur une estampe ou une photogra-
phie, une rue, une allée d'arbres, un portique en
perspective.
En troisième lieu, ce point principal où rencontre
le tableau le rayon visuel qui lui est perpendicu-
laire, y marque la hauteur à laquelle l'œil se
trouve, hauteur que mesure, par rapport à un plan
tel que le sol, la ligne qui de l'œil y tombe à plomb
ou verticalement. Si l'on suppose un autre plan,
également perpendiculaire à cette verticale, qui
comprenne et le point de l'œil d'où elle tombe et,
par suite, le point de vue principal, ce dernier
plan, qu'on appelle ordinairement le plan de l'œil
(à quoi il faut ajouter : perpendiculaire à la verti-
cale) coupera le tableau en y marquant une ligne
perpendiculaire au rayon visuel principal, ligne
qu'on appelle l'horizon. D'après ce qui précède, le
plan de l'œil contiendra tous les rayons visuels allant
par les différents points de l'horizon aboutir à. l'œil.
Or, en vertu de la loi générale placée en tète
de cet exposé, toute ligne droite parallèle dans
la réalité à un de ces rayons se rend en perspec-
tive au point où il joint l'horizon. En conséquence,
le sol tout entier semble sur le tableau optique
s'élever vers l'horizon, et vers l'horizon convergent
tous les plans semblablement horizontaux et par
suite parallèles au sol. Ceux qui sont au-dessous
du plan de l'œil paraissent y monter, ceux qui sont
au-dessus paraissent y descendre. Supposons, de
plus, un plan passant verticalement par l'œil et par
le point principal et coupant ainsi en croix le plan
horizontal de l'œil ; ce plan, qu'on peut appeler
plan vertical principal, coupera le tableau au point
de vue principal suivant une ligne qui croisera à
angle droit l'horizon. Et à cette ligne tendront sur
le tableau tous les plans qui, dans la réalité, seront
parallèles au plan vertical principal, ou, ce qui
revient au même, perpendiculaires au tableau.
C'est ce qu'on fera voir sur une image d'un sujet
tel qu'un portique ou une église d'une grande pro-
fondeur, où l'on montrera le sol, le plafond d'une
part, et de l'autre les côtés, convergeant par leurs
lignes perpendiculaires au tableau optique vers un
point situé h la hauteur de l'œil.
Ces cas principaux bien compris, on appliquera
aisément les principes dont ils dépendent aux cas
d'usage plus rare que présentent les lignes et les
surfaces obliques, dans la réalité, soit au vertical,
soit à l'horizontal, soit aux choses de niveau, soit
aux clioses d'aplomb. Sans entrer à cet égard dans
les détails qui ne sont pas indispensables, on
se bornera à rendre sensibles sur quelques exem-
ples et à expliquer brièvement comment les lignes
et les surfaces d'une direction quelconque tendent
en perspective, ou sur le tableau, vers le' point de
vue qu'y marque un rayon visuel de même direction.
On fera observer qa'en conséquence de ce fait
que les raj^ons qui apportent à l'œil les images dos
corps forment dans la réalité des cônes dont les
sommets viennent le toucher, il résulte que l'ap-
parence sur le tableau optique de celles de leurs
lignes qui lui sont inclinées est composée de
lignes convergeant vers les différents points où le
traversent les rayons visuels auxquelles elles sont
parallèles, et que, par suite, lorsque nous commen-
çons à nous apercevoir de la perspective qu'elles for-
ment sans voir encore comment elle se réduit ;\ une
projection sur un plan, elles nous semblent consti-
tuer des cônes dont les parois convergent vers les
sommets en s'enfonçant loin de nous dans l'espace.
2^: Pautie
Sans exposer, encore une fois, les moyens, soit
graphiques, soit arithmétiques, de déterminer sur
un tableau où l'on veut reproduire les apparences
perspectives telles que les offre le tableau optique,
les lieux précis de ces apparences, — ce qui serait
fournir de quoi se passer du jugement de l'œil,
qu'il s'agit avant tout d'exercer, — néanmoins,
pour aider h ce jugement, en lui fournissant un
moyen approximatif de vérification, on fera remar-
quer que si, pour toutes les apparences, la gran-
deur sans changement dans les rapports, ou l'é-
chelle, varie en raison de la distance du tableau à
l'œil, pour les lignes perpendiculaires au tableau,
qu'on appelle communément les fuyantes, la figure
perspective varie en raison, soit de la hauteur de
l'œil, soit de son éloignement, et de même pour les
obliques, à proportion de leur obliquité.
Dans l'enseignement élémentaire, on n'exposera
pas comment, en marquant sur le tableau la dis-
tance qui le sépare de l'œil, on arrive h mettre en
perspective, par la détermination de l'apparence
de sa diagonale, un carré, la plus simple des
figures, ce qui fournit le moyen de mettre en
perspective quelque forme régulière que ce soit :
c'est là un de ces procédés, quoique le plus simple
de tous, qui sert, non pas proprement à éclairer
le jugement de l'œil, mais à y suppléer, et qui
n'est qu'une application mécanique de la géométrie
à l'exécution de la peinture et du dessin ; on fera
remarquer seulement, pour guider l'œil dans l'éva-
luation des diminutions qui résultent, en perspec-
tive, pour les lignes parallèles au tableau, de leur
éloignement, que la grandeur de ces lignes diminue,
dans le cône optique, en raison exacte des distances ;
d'où il suit aussitôt que les surfaces diminuent
comme augmentent les carrés des distances
Maintenant, pour juger des rapports du peispectif
au géométral, et apprécier ainsi l'effet perspectif,
ce n'est pas assez de considérer dans les figures
les traits ou les points qui les séparent de ce qui
les entoure, il faut considérer encore les clairs et
les ombres, leurs situations et leurs grandeurs.
Pour un œil tout à fait inexpérimenté, un des-
sin au trait représentant un objet en perspective,
cet objet fùt-il un simple édifice, n'offrira guère
que confusion et incertitude. Y ajoute-t-on les clairs
et les ombres, tout y devient aussitôt intelligible.
A l'enseignement des principes généraux de la
perspective appliques aux lignes seules ou aux
contours des objets, on devra donc, pour faire
comprendre les apparences optiques, ajouter l'en-
seignement des principes généraux de la distri-
bution de la luiuière.
Le premier de ces principes est la marche de
la lumière en ligne droite, de laquelle il résulte
que, selon que ce qui éclaire est plus petit que
la surface qui lui est opposée du corps qu'il
éclaire ou lui est égal ou est plus grand, ce
corps en est éclairé dans dos parties plus ou
moins considérables de son étendue ; qu'en
outre, la manière dont il est éclairé varie avec
sa position par rapport à ce qui l'éclairé, que,
par exemple, c'est lorsqu'une surface est directe-
ment opposée à la lumière qui l'éclairé qu'elle en est
le plus fortement éclairée, et qu'elle en est éclairée
plus faiblement à mesure qu'elle lui est plus oblique ;
ce qu'il sera facile de rendre sensible en exposant
une feuille de papier à la lumière du soleil de face
d'abord et ensuite sous des inclinaisons diverses.
On fera observer que l'ombre ne couvre pas
seulement la partie d'un corps qui est cachée à. la
lumière dont il est éclairé, mais qu'elle se prolonge
au delà, en sorte que, s'il se rencontre dans la
direction qu'elle suit une partie d'un antre corps,
on voit sur ce dernier une ombre qu'on dit portée
par le premier, et l'on signalera l'importance, pour
l'eftet optique d'un objet, de son ombre port;ée.
Un deuxième principe général de la distribution
37
DESSIN
— 578 —
DESSIN
de la lumière est son élasticité, en vertu de la-
quelle elle est réfléchie par les surfaces qu'elle
rencontre. Par suite de cette propriété, les corps
sont éclairés de divers côtés et à divers degrés
par les autres corps qui les environnent ; et il
importe en particulier de remarquer que, dans le
cas de l'ombre poriée par un corps sur un autre, la
lumière qui éclaire le premier et que lui renvoie
encore une partie du second éclaire dans une cer-
taine mesure la partie obscure de celui-là, de telle
sorte qu'une partie ombragée du premier corps se
détache en clair sur la partie du second que couvre
l'ombre portée ; autrement dit, que l'ombre qui met
dans l'obscurité une partie du premier corps , et qu'on
appel! e l'ombre propre, ainsi mêlée d'une lumière ré-
fléchie, ou reflet, est plus faible que l'ombre portée.
De ce qu'une surface est éclairée proportionnel-
lement à son inclinaison à la lumière, il résulte
que sur les surfaces qui ne sont pas planes il y a,
outre les clairs et les ombres, des teintes moyen-
nes ou demi-teintes. D'autre part, toute ombre est
bordée d'une pénombre ou presque-ombre. Et de
ces deux sortes de phénomènes, il résulte qu'il n'y
a guère dans la nature d'opposition tranchée entre
la lumière et l'ombre, mais qu'à cet égard, comme
à tous autres, il s'y trouve partout quelque liaison
entre les extrêmes, il s'y rencontre partout tran-
sitions insensibles et continuité.
On fera observer encore que si les grandeurs
diminuent par degrés à proportion de l'éloignement,
il en est de même de la force des teintes. Ce
phénomène est appelé la perspective aérienne,
parce qu'on l'attribue généralement à l'air inter-
posé entre l'objet et l'œil en plus grande quantité
à mesure qu'ils sont plus distants ; cependaut la
principale raison paraît en être que la force de la
lumière diminue nécessairement, comme diminue
en perspective la grandeur des surfaces, à pro-
portion du carré des distances, d'où il suit qu'une
surface éclairée, et telles sont toutes celles que nous
voyons, envoie à notre œil une quantité de lumière
d'autant moindre qu'elle est plus éloignée, et cela
dans une mesure proportionnelle au carré de la
distance par laquelle elle est séparée de nous.
Supposons maintenant deux objets qui donnent sur
le tableau optique deux images semblables mais de
grandeurs différentes. Comment savoir si elles pro-
Tiennent d'objets qui offrent réellement la même
différence de grandeur, ou d'objets dont l'un ne
paraît différent de l'autre que parce qu'il est plus
éloigné? Ce qui résout avec plus ou moins de
certitude la question, c'est la perspective aérienne.
Les deux objets nous offrent-ils le même degré de
force et de précision? c'est sans doute qu'ils sont
à la même distance. Celui qui semble le plus petit
des deux parait-il moins distinct et moins décidé?
c'est la preuve qu'il est plus éloigné, et l'explica-
tion de sa petitesse relative.
Après avoir signalé ainsi dans les phénomènes de
la perspective soit linéaire, soit aérienne ces acci-
dents par lesquels les images diffèrent des réalités,
et expliqué comment, par la connaissance de ce
qu'il y a de régulier dans ces accidents, on arrive
à les interpréter, et à rétablir à travers le perspectif
le géométral, dont les dimensions et les proportions
sont ce qui nous importe, on fera remarquer, dans
les cas où est sensible la perspective tant aérienne
que linéaire, et soit sur la nature, soit sur de bonnes
estampes, que c'est encore une source de beautés
que celle de la gradation, continue et harmonique
tout ensemble, suivant laquelle vont se perdre par
degrés dans le lointain de l'espace et les formes et
les couleurs.
A quoi il faudra ajouter que lorsqu'on en viendra
à l'élude du coloris, qui dépasse le cadre de l'en-
seignement élémentaire dont il s'agit ici. on verra
qu'à mesure que les objets sont plus loin, il s'y mêle
plus de ce bleu qui est la couleur de l'atmosphère ;
de sorte qu'en s'éloignant les choses ne se perdent
pas dans une triste obscurité, mais qu'en même
temps que les figures gagnent en grandeur d'aspect
par la disparition de détails qui en rendaient souvent
l'ensemble moins intelligible, les teintes vont peu
à peu se mélangeant d'azur, et, les couleurs plus
terrestres s'évanouissant, tout se résout finalement
ou tend à se résoudre en quelque chose d'aérien
et de céleste.
Après cette étude préliminaire, dont l'objet n'est
pas tant, à proprement parler, d'apprendre à bien
voir que de préserver de voir mal en faisant remar-
quer comment le géométral est altéré dans le perspec-
tif et en en faisant comprendre la raison, on abordera
l'étude directe, qui consiste à tâcher d'exécuter à
vue, en tenant compte des rapports du perspectif
au géométral, des images perspectives des objets.
On ne prendra pas pour premiers modèles des
objets en relief, sur lesquels il est plus difficile
que sur des images planes de ces corps de s'aper-
cevoir des effets de la perspective, c'est-à-dire de
distinguer le perspectif du géométral, et dont par
conséquent il est plus difficile de représenter cor-
rectement le géométral par une image perspective ;
et c'est de quoi Ton s'assurera facilement si l'on
donne à copier à des commençants d'une part un
objet en relief, tel qu'un cube, mi édifice, une
rue, de l'autre une image plane de cet objet. On
verra en effet qu'ils imiteront plus exactement
l'image que l'original; en outre, on verra qu'après
avoir reproduit l'image ils reproduiront l'original
plus facilement ; d'où il résulte que c'est par la
considération et l'imitation de la perspective réa-
lisée sur les images qu'on arrive le mieux à la
comprendre sur les corps. Autrement dit, c'est
par la vue du tableau extérieur ou objectif qu'on
arrive le mieux à former en son esprit le tableau
imaginaire ou subjectif sur le modèle duquel
s'exécute ensuite le tableau peint ou dessiné. >-
On prendra donc pour modèles, jusqu'à ce qu'on
sache les reproduire aisément, soit des estampes
des meilleurs graveurs, qui ont été avant tout
d'excellents dessinateurs, soit des fac-similés pho-
tographiques de dessins des plus grands maîtres,
soit enfin des reproductions photographiques de
chefs-d'œuvTe de la sculpture et de la peinture,
surtout de la sculpture grecque en son plus beau
temps, et de la peinture telle que l'ont comprise
les plus savants maîtres de la Renaissance.
Les modèles seront d'abord de ceux qui repré-
sentent les originaux, dont ils sont les images, de
la manière la plus fidèle.
Ce n'est qu'à des yeux déjà exercés qu'on pré-
sentera de ces ouvrages qui n'offrent des choses
que des images abrégées et, par cela même, d'une
interprétation plus ou moins difficile. Les premiers
modèles devront offrir des formes déterminées par
le modelé le plus exact et le plus complet.
Pour apprendre, on devra aussi, en les imitant,
les reproduire complètement, tels qu'ils sont, avec
la plus rigoureuse exactitude, sans omettre quoi
que ce soit des clairs, des ombres, des demi-tein-
tes, des reflets, par lesquels s'accusent les formes.
En conséquence, et pour n'être pas empêché,
dans la recherche du caractère et des formes, par
des difficultés matérielles d'exécution, il sera bon
de commencer par s'exercer à exécuter des teintes,
d'abord à l'estompe, ensuite au crayon, en passant
du clair à la demi-teinte et de la demi-teinte à
l'ombre par une gradation insensible, telle, comme
dit Léonard de 'Vinci, que celle que fait voir la
fumée. Ce n'est qu'après être devenu ainsi capable
d'exécuter, soit d'après un modèle, soit sans mo-
dèle, des teintes bien dégradées qu'on devrait com-
mencer à imiter des modèles.
Dans l'imitation de quelque objet que ce soit,
le but principal qu'on doit se proposer étant de
DESSIN
— 579 —
DESSIN
rendre l'esprit des formes, et cet esprit se mani-
lestant surtout dans les choses organisées, types
supérieurs de toutes les autres, par l'ensemble
auquel se rapportent et pour lequel sont faites les
parties, on s'attachera avant tout h mettre l'ensem-
ble. On ne passera de l'ensemble aux détails que
de degré en degré, c'est-à-dire en le décomposant
en ensembles subordonnés, et ces ensembles en
de moindres encore, jusqu'à ce qu'on parvienne aux
plus petites parties. Réciproquement, en s'occupant
de chaque partie, on aura sans cesse égard à son
rapport avec le tout dans lequel elle est comprise
immédiatement, puis au rapport de ce tout au tout
plus compréhensif qui le contient^ et ainsi de suite
jusqu'au tout absolu.
L'objet dont l'imitation ainsi conduite mènera le
mieux et le plus promptement à acquérir et le
talent de voir et celui de dessiner quoi que ce soit,
parce que c'est celui qui offre la plus parfaite
beauté, où, par conséquent, les parties ont le plus
de proportions avec le tout, et qui, par conséquent
aussi, éveillant le plus lintérêt, développe le mieux
par cela seul l'intelligence et le goût, cet objet est
la figure humaine, la figure humaine telle qu'elle
doit être et dans sa plus grande perfection.
De même qu'avant d'aborder l'imitation d'appa-
rences visibles en général, il convient de prendre
connaissance des lois auxquelles ces sortes d'appa-
rences sont sujettes, et qui composent la perspec-
tive, de même, avant de chercher à imiter une es-
pèce déterminée d"objcts, il convient de prendre
connaissance de la constitution normale du géomé-
tra\ de leurs formes. Avant de commencer à des-
siner la figure humaine dans sa plus grande per-
fection, on apprendra donc quelle en est la struc-
ture typique, au moins dans ses traits généraux, et
quelles en sont les proportions les plus constantes.
(Je n'est pas qu'on doive se sernr de cette connais-
sance pour construire en quelque sorte à priori les
formes qu'il s'agit, au contraire, d'apprendre, en
les imitant, à estimer et à mesurer de l'œil : c'est
seulement que la connaissance de la structure et
des proportions doit servir, comme celle de la
perspective, à mettre l'œil en garde contre l'er-
reur, surtout alors qu'il est encore peu exercé, et à
lui fournir des moyens de contrôle et de vérification .
Maintenant, pour bien comprendre la figure
humaine en sa perfection même, il importe de
considérer distingués les éléments qu'elle présente
fondus, pour ainsi dire, dans une unité supérieure.
La parfaite beauté dans une figure jeune, en un
complet repos, ne laisse voir en saillie aucun des
muscles. Un mouvement doux les révèle à demi,
telles que se montrent des ondulations faibles à la
surface d'une eau à peine remuée; les mouvements
que produit une passion violente les mettent for-
tement en saillie. Ce sont donc ces mouvements
qui donnent le moyen de connaître, de compren-
dre les surfaces faiblement ondulées qu'offrent les
belles formes.
Pour bien connaître et apprendre à bien repré-
senter la figure humaine, on imitera donc des
modèles qui la représentent sous ces deux aspects
opposés, l'un de sa constitution arrivée à l'unité
harmonique de la beauté parfaite, l'autre de cette
constitution plus ou moins décomposée dans les
éléments qu'elle implique. Tel est le contraste que
forme dans l'art antique la beauté calme d'un
Bacchus avec les formes mouvementées des' êtres
sauvages. Pans et Satyres, qu'il mène après lui à
demi domptés comme le tigre, son compagnon ordi-
naire, mais encore animés de passions véhémentes.
En présence d'un modèle, on cherchera toujours,
avant d'entreprendre de l'imiter, à en saisir la phy-
sionomie, de manière à pouvoir le caractériser de
telle sorte par ses traits essentiels, en le décrivant
à qui ne l'aura pas vu, qu'il le reconnaisse aisé-
ment. On s'appliquera ensuite à en indiquer l'aspect
par quelques traits ou points détachés marquant le
mouvement d'abord, puis les situations des princi-
pales parties: c'est ce qu'on nomme l'esquisse.
En second lieu, on indiquera par les clairs et
les ombres les masses que constituent ces parties :
c'est ce qu'on nomme l'ébauche.
On ira plus loin en descendant peu à peu dans
le détail par un clair-obscur de plus en plus ana-
lytique, ne marquant un contour qu'à mesure que
le progrès du modelé en montrera la place, et
réservant ainsi pour la fin, selon le précepte de
Léonard de Vinci, la précision parfaite des profils.
Ajoutons que ces profils ne devront pas être
marqués par un trait durement détaché ; qu'un
objet ne doit en effet se distinguer d'un objet con-
tigu que par une différence de teinte ou de valeur;
bien plus, que les objets sont presque toujours
terminés par des demi-teintes ou des reflets indi-
quant que la forme est tournante et laissant de-
viner une épaisseur par delà le profil; en sorte
que la perfection en fait de contour est qu'en dé-
finitive le contour s'évanouisse.
Enfin, dans toute la suite de ce travail, on visera
toujours, à tous égards, à la perfection. Après avoir
cherché d'abord à établir l'ense.nbîe aussi parfaite-
ment qu'il est possible de le faire avant que les détails
viennent le vérifier, on visera dans l'exécution des
détails au plus parfait fini, ('/est le précepte de tous
les grands maîtres. Se contenter, en étudiant, de
l'a peu près, c'est se fermer à soi-même le chemui
qui mène au but.
Le moyen de remplir ces préceptes est de
n'embrasser jamais que ce qu'on est capable
d'étreindre, de mesurer toujours ce qu'on veut à
ce qu'on peut, de ne point prétendre, en consé-
quence, résoudre dès l'abord des problèmes com-
pliqués, mais, conformément à toute saine théorie
de la méthode, en ayant toujours en vue le but. de
ne prétendre y atteindre qu'en montant succes-
sivement tous les degrés qui y conduisent
Pour reproduire un tout complexe, il faut en avoir
d'abord étudié et reproduit les parties. On ne don-
nera donc à imiter aux élèves une figure entière
qu'après leur avoir fait imiter préalablement et la
tète et le corps et les extrémités La tête est ce qui,
de tout l'ensemble, offre le plus d'intérêt, puisque
le visage est le principal siège de l'expression, et
que là aussi réside plus que dans tout le reste
une beauté qu'on ne peut altérer sans que l'erreur
soit très sensible, et dont l'étude, par conséquent,
est plus propre qu'aucune autre à former l'œil et
le goût. On commencera donc le dessin par la tète.
Mais la tête est encore un objet trop complexe
pour un commençant. Avant de dessiner la tête
entière, on en dessinera les parties, l'œil, la bou-
che, le nez, Toreille, la demi-tête, et sous divers
aspects ; on les dessinera d'après des modèles qui
en rendent aussi parfaitement que possible les
formes constitutives, et qui fassent bien voir soit
toute la force, soit toute la délicatesse dont ces
formes sont susceptibles. C'est seulement lorsqu'on
saura reproduire exactement ces parties, soitd'après
des modèles, soit de mémoire, qu'on dessinera la
tête entière.
Après la tête, ce n'est qu'après avoir dessiné
séparément, d'abord d'après des modèles choisis de
la même manière, ensuite de souvenir, les mem-
bres et surtout les extrémités, qu'on arrivera au
dessin de la figure entière.
Enfin ce n'est qu'alors qu'on saura, au jugement du
maître, suffisamment dessiner d'après des estampes,
des dessins ou des photographies, qu'on dessi-
nera, suivant l'expression usitée, d'après la bosse.
Le terme de l'élude est le dessin d'après nature.
Mais c'est où commence l'enseignement appro-
fondi. Dans un enseignement élémentaire on ne
dépassera pas le dessin d'après la bosse.
Ajoutons à ce programme qu'alors qu'on saura
DESSIN
- 580 —
DESSIN
dessiner suriisamment la figure, on pourra consa-
crer un certain temps, par exemple une heure
chaque semaine, au dessin d'architecture et d'or-
nement. Ce sera une préparation générale aux
professions où est en usage cette sorte de dessin ;
ce sera surtout une occasion de dire et un moyen
de faire voir que, pour qui sait dessiner la figure,
toute autre espèce de dessin est aisée, et que si,
pour bien dessiner quelque objet que ce soit, il est
indispensable d'avoir fait de sa structure et de
toute sa constitution une étude spéciale et appro-
fondie, néanmoins le dessin de la figure humaine
met en possession de ce qu'il y a dans toute autre
espèce de dessin de plus élevé et de plus difficile, et
par conséquent en livre pour la plus grande partie
le secret.
Répétons, en terminant, ce qui a été expliqué
dans la partie tliéorique de cet article, que c'est en
suivant la méthode qui vient d'être exposée qu'on
arrivera et le plus sûrement et le plus vite soit à
bien voir, ce qui doit être le principal objet de l'é-
tude du dessin, soit à bien dessiner ; que cette
méthode, en effet, reproduit, purgée de toute alté-
ration, celle qui fut toujours pratiquée et prescrite,
en tout genre, par les meilleurs maîtres, laquelle
se ramène en dernière analyse à ces vérités uni-
verselles qui doivent régner sur tout enseignement :
que chaque genre d'étude a ses principes propres ;
que les principes sont d'une part les derniers élé- {
ments, de l'autre la plus haute unité sous laquelle j
ils s'ordonnent; qu'en chaque étude enfin c'est de}
la connaissance aussi distincte et aussi parfaite
que possible des principes que dépend le succès.
fF. Ravaisson.J
Dans la I'» Partie de ce Dictionnaire, au mot
Dessin, on trouvera, à côté de la théorie exposée
par M. Ravaisson, la théorie opposée défendue par
un membre éminent de l'Académie des beaux-arts,
M. Eugène Guillaume. Lorsqu'il s'est agi de fixer
les programmes officiels de l'enseignement du des-
sin dans les écoles primaires et dans les écoles
normales, le Conseil supérieur de l'instruction
publique, après avoir mîii'ement pesé le pour et'le
contre, s'est prononcé en faveur de la méthode
recommandée par M. Guillaume. Nous donnons
ci-dessous le texte de ces programmes.
PROGRAMMES OFFICIELS DE L'ENSEIGNEMENT
DU DESSIN'.
Ecoles primaires.
(Arrêté du 14 janvier 1881.)
COURS ÉLÉMENTAIRE.
Tracé des lignes droites et leur division en par-
lies égales. Evaluation des rapports des lignes en-
tre elles. Reproduction et évaluation des angles.
Premiers principes du dessin d'ornement. Cir-
conférences, polygones réguliers, rosaces étoilées.
COURS MOYEN.
Dessix a main levée. — Courbes géométriques
usuelles : ellipses, spirales, etc. Courbes em-
pruntées au règne végétal : tiges, feuilles, fleurs.
Copie de plâtres représentant des ornements
plans d'un faible relief.
Premières notions de dessin géométral et élé-
ments de perspective.
Représentation géométrale au trait et représen-
tation perspective, au trait, puis avec les ombres,
de solides géométriques et d'objets usuels sim-
ples.
Dessix géométrique. — Emploi (au tableau) des
instruments servant au tracé des lignes droites et
des circonférences : règle, compas, équerre et
rapporteur.
Se borner, dans cette partie du cours, à faire
comprendre aux élèves lusago de ces instruments,
dont ils acquerront le maniement dans le coura
supérieur.
COURS SUPÉRIEUR,
Dessix a main levée. — Dessin, d'après l'es-
tampe et d'après le relief, d'ornements purement
géométriques : moulures, oves, rais de coeur, per-
les, denticules, etc.
Dessin, d'après l'estampe et d'après le relief,
d'ornements empruntant leurs éléments au règne
végétal : feuilles, fleurs et fruits, palmettes, rin-
ceaux, etc.
Notions élémentaires sur les ordres d'architec-
ture données au tableau par le maître (3 leçons).
Dessin de la tête humaine : ses parties, ses
proportions.
DESSIN GÉOMÉTRIQUE. — Exéculion sur Ic papier,
avec l'aide des instruments, des tracés géométri-
ques qui ont été faits au tableau dans le cours
moyen .
Principes du lavis à teintes plates.
Dessin reproduisant des motifs de décoration de
surfaces planes ou d'un faible relief : carrelages,
parquetages, vitraux, panneaux, plafonds. Lavis
à l'encre de Chine et à la couleur de quelques-uns
de ces dessins.
Relevé,aveccotes, et représentation géométrale
au trait, de solides géométriques et d'objets sim-
ples, tels que : assemblages de charpente et de
rnenuiserie, dispositions extérieures d'appareils de
pierre de taille, grosses pièces de serrurerie,
meubles les plus ordinaires, etc. — Emploi du
lavis pour exprimer la nature des matériaux. —
Lavis des plans et des cartes.
Ecoles primaires.
(Arrêté du 3 août J8S1.)
r.e programme est commun aux écoles normales dos
deux sexes, à l'exception des portions imprimées en itali-
ques, qui ne s'appliquent qu'aux écoles normales d'institu-
teurs.
PREMIÈRE ANNÉE.
Dessin d'imitation. — Principes du dessin d'or-
nement : lignes droites, circonférences, polygones
réguliers, rosaces étoilées; courbes géométriques
diverses : ellipses, spirales, etc. ; courbes emprun-
tées au règne végétal : tiges, feuilles, fleurs.
Copies de plâtres représentant des ornements
plats d'un faible relief.
Dessin, d'après l'estampe et le relief : 1° d'or-
nements purement géométriques : moulures,
oves, rais de cœur, perles, denticules, etc.;
2° d'ornements empruntés au règne végétal :
feuilles, fleurs, fruits, palmettes, rinceaux, etc.
Notions succinctes sur les ordres d'architecture,
données au tableau par le maître.
Dessin élémentaire de la tète humaine; ses par-
ties et ses proportions.
Dessin géométrique. — Emploi au tableau des
instruments pour le tracé des lignes droites et
des circonférences : règle, compas, équerre et
rapporteur.
Exécution sur le papier, avec l'aide des instru-
ments, des tracés géométriques qui ont été faits
d'abord au tableau. — Applications à des motifs
de décoration. (Dans les écoles normales d'insti-
tutrices, le programme ajoute : Broderie, dentel-
les, tapisserie.) — Parquetnge . — CaiTelage. —
Notio?is lie dessin géométral. — Vitratcx. — Pan-
neaux. — Plafon Is.
Relevé, avec cotes, et représeyitntion géométrale,
au trait et à une échelle clétennin''e, de solides
géométriques et d'objets simples : assemôlages de
charpente et de menuiserie, voussoirs, meubles,
etc.
Principes du lavis à teintes plates.
DETTE
DEUXIEME ANNEE.
— 581 -
DETTE
Dessin d'imitation. — Éléments de perspective.
— Représentation perspective, au trait, puis avec
les ombres, de solides géométriques et d'objets
usuels.
Dessins d'après des fragments d'architecture :
piédestaux, bases et fûts de colonne, antes, cor-
niches.
Dessin, d'après l'estampe, des extrémités et des
diflcrentes parties du corps humain. — Notions
sur la structure générale et les proportions de
ces parties par rapport îi l'ensemble.
DfssiN GÉOMÉTRIQUE. — Notious sur la ligne
droite et le plan dans l'espace et sur les projec-
tions.
Projections de solides géométriques et d'objets
simples. — Copie et réduction de r>lans de bâti-
ments et de muc/iines ; parties du bâtiment; orga-
nes des machines. (Pour les iii-^titutrices, le pro-
gramme dit ici : Modèles de coupes de vêtements.)
— Notions pratiques sur le lavis. Teintes conven-
tionnelles .
TROISIÈME ANNÉE.
Dessin d'imitation. — Dessins ombrés d'après
des fragments d'architecture, piédestaux, bases
it fûts de colonnes, consoles, chapiteaux simples,
vases, etc.
Frises ornées; ensemble et détails des ordres
dorique, ionique et corinthien.
Dessin de plantes ornementales, d'animaux et
de figures, d'après l'estampe et d'après la bosse.
Dessin de la figure humaine, d'après l'estampe
et d'après la bosse (détails et ensemble).
DESSIN GÉoMÉTRiQi/E. — Dessiu de bâtiments et
dessin de machines. '
Relevé, avec cotes, d'un édifice et des principaux
détails de sa construction. — Croquis et mise au
net à une échelle déterminée. — Relevé, avec
cotes, ^de machines et de quelques organes conve-
nablement choisis. — Croquis et mise au net à
une échelle déterminée.
Copie et réduction de plans et de cartes topo-
graphiques.
Exercices de lavis des plans et des cartes.
DETTE PUBLIQUE. — L'emprunt étant pour
un gouvernement le moyen le plus commode de
se procurer les sommes dont il a besoin, on y a
toujours eu recours dans tous les pays et dans
tous les temps. Avant la Révolution il y avait, en
France, la dette constituée, la dette perpétuelle, la
dette viagère, lys tontines; toutes ces dettes repo-
saient sur la couronne, sur l'État, sur les com-
munes, sur les villes. La Convention, voulant met-
tre de l'ordre dans les finances de l'ancien régime,
décida la conversion de toutes les dettes anciennes
et nouvelles en une seule, et, h, cet effet, créa le
Grand-Livre de la dette publique, où toutes ces
créances diverses furent inscrites sous la forme uni-
que de rentes 5 p. 100, perpétuelles et rachetables.
La somme annuelle nécessaire pour le service de ces
rentes s'élevait, lors de la création du Grand-Livre
en 1793, au chillre de 160 millions de francs en-
viron.
En 1797, la détresse du trésor, produite à la fois
par les dépenses énormes de la guerre et par la
mauvaise administration du Directoire, décida les
Conseils législatifs à décréter une mesure extrême :
il fut résolu que les deux tiers de la dette seraient
remboursés, au capital de vingt fois la rente, en
bons recevables en paiement des biens nationaux ;
et que l'autre tiers serait consolidé, et resterait
inscrit au Grand-Livre sous la forme de rentes
perpétuelles. Les bons sur les biens nationaux ne
constituaient guère à ce moment, pour beaucoup
de rentiers, qu une valeur fictive, en sorte qu'il y
avait là une banqueroute déguisée; le Directoire
revenait ainsi aux errements de la monarchie, qui
trop souvent, sous Louis XIV et Louis XV, avait
eu recours à. dos mesures de ce genre. -^
Après cette réduction forcée, procédé sommaire
pour se libérer, mais qui fait disparaître pour
longtemps le crédit de l'État et ne permet pas d'y
avoir recours, les rentes inscrites sur le Grand-
Livre ne dépassaient pas 40 000 000 fr., alors que
la dette anglaise, même avant les guerres de l'Em-
pire, s'élevait déjà îi 422 000 000 francs.
La dette sous l'Empire. — Napoléon, renonçant
aux emprunts directs, fie face aux dépenses à l'aide
d'emprunts détournés sur les receveurs généraux,
sur la Banque de France dont il amena la suspen-
sion de paiements pendant la crise de 1804, mais
surtout avec les contributions de guerre prélevées
sur les nations vaincues.
Quand sa course victorieuse fut interrompue,
en 1814, la dette s'élevait à 63 000 000 fr., et en-
core la plus grande partie de l'accroissement était
antérieure à 1800-, car de 1800 à 1814 on ne créa
que 7 millions de rente. La charge n'était pas en-
core bien lourde, mais il fallut y ajouter l'indem-
nité de guerre de 700 000 000 fr. imposée par les
puissances alliées, et toutes les sommes nécessaires
pour la liquidation du régime impérial.
La dette sous la Restauration. — Les ministres
des finances de la Restauration, mis ainsi en pré-
sence d'une dette exigible à court terme, de beau-
coup au-dessus des ressources du budget, ne purent
songer à y faire face par l'impôt. Ils firent donc in-
tervenir le crédit, c'est-à-dire les emprunts, et mon-
trèrent dans les diverses combinaisons qui furent
mises en pratique une habileté dont les- comptes-
rendus du Moniteur nous ont conservé le souvenir,
et qu'on ne saurait trop étudier encore aujourd'hui.
On eut donc recours aux emprunts, mais sous
quelles formes? C'est alors que le 5 p. 100 ayant
été admis comme le type de l'émission, on le
lança sur le marché tantôt par l'intermédiaire des
banquiers groupés en syndicat, tantôt même par
souscription publique. Ce procédé, que l'on regar-
dait comme d'invention moderne sous le second
Empire, avait donc déjà été employé avec le plus
grand succès, et le suffrage universel des capitaux
avait précédé le suffrage universel des citoyens.
L'emprunt de 198 millions émis sous cette forme
en 1 818 fut souscrit quinze fois ; le capital ainsi offert
s'éleva à 3 260 000 000 fr. ! On ne pouvait souhaiter
un plus beau résultat, et néanmoins le ministre,
malgré tout ce qu'une telle souscription pouvait
avoir de flatteur pour la confiance qu'on lui témoi-
gnait, en reconnut les inconvénients et les abus
Même par la souscription publique, on ne peut
empêcher les banquiers de prendre la plus
grosse part ; d'un autre côté les titres sont mal
classés, parce que du haut en bas de l'échelle la
spéculation s'en mêle, le taux d'émission, pour
attirer le public, devant être plus abaissé qu'il ne
le serait avec des banquiers. La pratique a prouvé
qu'on ne peut se passer de leur intervention di-
recte ou indirecte. Veut-on s'en passer, ils se font
concurrence entre eux, et les moins bien partagés
s'efforcent de déprécier la valeur pour en prendre
un morceau. Il a toujours été préférable de s'as-
surer leur concours pour soutenir le marché, main-
tenir les cours, et écouler peu à peu les titres
comme les entrepositaires en gros écoulent la
marchandise en détail. •
On émettait de la rente au taux nominal de 5
I p. 100, mais en réalité on la donnait à un cours
I beaucoup plus bas. Le Trésor recevait ,S0, 60, 70,
' pour laquelle somme il s'engageait à payer une
j rente perpétuelle de h fr., et de plus à rembourser
' un capital de IdO fr. 11 empruntait ainsi bien au-
1 dessus du taux nominal de 5 p. 100, et quand il
DETTE
— 582 —
DETTE
voulait se libérer et rembourser sa dette, il était
obligé de payer une somme beaucoup plus consi-
dérable que celle qu'il avait reçue.
On le comprenait déjà très bien en 1814 quand on
s'occupait de l'émission des emprunts. Le duc de
Richelieu proposait d'emprunter non pas au taux
nominal de 6 p. l'iO, mais au taux réel de 7, 8, 9
p. iO'> sans accroissement du capital et avec la
faculté de convertir en un taux plus favorable
aussitôt que l'état du crédit le permettrait. Ce
projet si soigneux de l'intérêt public fut repousse
par M. Baring, un des principaux parmi les ban-
quiers avec lesquels on traitait, parce que c'était
les empêcher de replacer au pair, c'est-à-dire h lOO
fr , ce qu'ils prenaient beaucoup au-dessous, et il
fallut l'abandonner.
La liquidation de l'Empire en 1814 et dans les
années suivantes amena un accroissement consi-
dérable de la dette dont le gouvernement de la
Restauration dut se charger.
Notons ici l'indemnité à'un milliard aux émi-
grés, votée en 1825. Comme on ne pouvait songer
à payer un tel capital, on se contenta d'en, servir
la rente au taux de 3 p. 100, soit en chiffres ronds
30 millions. La Restauration, toutefois, ne délivra
aux intéressés que 25 995:510 fr. de rentes; ce fut
le gouvernement de Louis-Philippe qui acheva
de solder l'indemnité, jusqu'à concurrence de
28 959 700 fr. de rentes.
Voici rénumération des sommes réclamées pour
les divers services en souffrance :
Bentes créées.
10 Dette arriérée 35 600 000 fr.
2" Insuffisance des budgets 69 974 000
3° Contribution de guerre 43 185 000
4» Conversion facultative, 1825. . 25 493O00
5" Indemnité aux émigrés 25 995 000
soit un total de 190 000 000 de rentes créées sous
la Restauration.
Par contre, la conversion facultative de 1S25 du
5p.lii0en3p.l00avait annulé31 7v3000fr.derentes,
d'autres avaient fait retour à l'Etat jusqu'à concur-
rence de 3 ^641100 fr., et 16 020 0 '0 fr. de rentes ap-
partenant à la Caisse d'amortissement, soit ensemble
pour 51 198 000 fr. de rentes avaient été annulés.
L'augmentation réelle de la dette sous la Restau-
ration fut de 136 700()0(» fr., ce qui, ajouté aux
63 001)000 de 1814, donne au 1" août IH30 une
somme totale de 199 400(100 fr. (Les situations de
la dette française données dans le présent article
sont prises dans le Compte général des finances.)
D'après le détail donné plus haut, nous consta-
tons que la plus grande partie des rentes inscrites
l'ont été pour payer l'arriéré et faire face à l'in-
suffisance des budgets de l'Empire, ce qu'on ap-
pelle aujourd'hui les découverts, c'est-à-dire l'écart
qui, à la fin de l'année, existe entre les recettes
et les dépenses. Ces deux articles seuls ont accru
la dette de près de 100 millions, tandis que l'in-
demnité de guerre de 700 000 000 fr. imposée par
les armées alliées n'a exigé qu'une inscription de
43 0U0 000 fr. de rentes.
La conversion facultative de 1825, en autorisant l'é-
change du 5 p. 1 00 en 3 p. 1 00 fit inscrire 25 tiOO Oi)0 fr.
de rentes, mais en môme temps permit d'en rayer
31 OdOOOU fr., d'où un bénéfice et une économie de
6 millions pour le Trésor. En outre, par l'amortisse-
ment, on avait racheté pour 53 millions de rentes.
Depuis la suspension des paiements en 1797 et
l'inscription du tiers consolidé, ce qui avait non
seulement allégé mais unifié la dette, il ne restait
plus en circulation que du5 p. 100. On avait réalisé
ce que l'on regardait comme l'application d'un
principe scieniitiiiue ; mais lorsqu'on fut forcé d'a-
voir encore recours aux emprunts, immédiate-
ment la variété des formes reparut. L'unification, à
laquelle on avait tout sacrifié, fui abandonnée. Pour
répondre à divers besoins et suivre les variations
du taux de l'intérêt et par suite sa capitalisation, la
Restauration dut créer à côté du 5 p. l<i() le 4 1/2
p. 100 et le 3 p. 100, et, dès le principe, ces fonds fu-
rent accueillis avec une telle faveur que le .3 p. loO
émis en 1825 à 75 fr. fut de suite coté 76 fr. 35, c'est-
à-dire presqu'au même taux où nous le voyons au-
jourd'hui, malgré la différence de la richesse de la
population aux deux époques. — Sous l'influence de
la paix et d'un gouvernement régulier, le crédit pu-
blic, éclipsé pour un temps, n'avait pas tardé à re-
paraître. Les premiers emprunts en 5 p. 100 avaient
été adjugés de 57 à 67 fr. pour 5 fr. de rente ; dès
1821, le taux d'émission s'était déjà élevé à 85 fr. 55
pour atteindre même 89 fr. 55 en 1823.
Nous avons déjà noté le succès du 3 p. 100 émis
à 75 fr., c'est-à dire à 15 fr. au-dessus du pair
(60 fr.),si nous le comparons au 5 p. 100 qui, alors,
était coté seulement 106 fr. 25. Cet écart entre les
deux fonds avait une cause, et cette cause, c'était
la crainte du remboursement, de la conversion ou
de la réduction du taux de l'intérêt. Pour le 5 p. 100
coté au-dessus du pair, c'est-à-dire do 100 fr., on
pouvait tout craindre, et comme on offrait au pu-
blic un fonds, sous le titre de 3 p. 100, do«t le prix
démission ('i5 fr.) était bien éloigné du pair (lOO
fr.) quoique ne donnant que 4 p. 100 d'intérêt, il
n'est pas surprenant que l'empressement pour en
obtenir ait été grand. En échangeant son 5 p. 100
contre du 3 p. lOO à 75 fr., le rentier perdait, il est
vrai, 1 p. 100 d'intérêt, soit 1/5°', mais il avait la
chance de gagner 1/4 sur le capital, si le 3 p. 100
atteignait le pair, comme on l'avait vu en Angleterre.
Le développement naturel de la prospérité pu-
blique, quand rien ne vient la troubler, se mani-
feste jusqu'au dernier moment, et, à la veille des
fautes politiques qui devaient entraîner la chute
du gouvernement, l'habile gestion financière du Tré-
sor permettait d'adjuger en 1830 un emprunt de
80(100 000 fr. en 4 p. 100 à 102,07, c'est-à-dire de
2 fr. 07 au-dessus du pair! On n'avait jamais vu
pareil empressement et dans de telles conditions,
car on se trouvait ainsi sous le coup d'une réduc-
tion ou d'un remboursement à 100 fr. Mais le 5 p. 100
était coté 109 fr. , après avoir atteint 110 fr. 65
l'année précédente; on ne pouvait alors prévoiries
troubles qui, accompagnant le changement de la
dynastie, devaient le précipiter en 1831 à 7't fr. 80.
De 1814 à 1830, la dette s'était élevée de
63 000 000 fr. à 199400(i00 fr., soit de 136 millions ;
la liquidation seule de l'Empire, y compris l'indem-
nité de guerre, entrait dans cette somme pour
138('000(iO fr. La différence, ainsi que la somme in-
scrite pour l'indemnité aux émigrés, soit 25 mil-
lions, et divers autres emprunts, avait été com-
pensée par l'annulation de 16 millions de rentes
appartenant à la caisse d'amortissement, par plu-
sieurs rentes ayant fait retour à l'État, et enfin par
les 6 millions d'économie annuelle provenant de la
conversion d'une partie du 5 p. 100 en 3 p. lOO. La
part de la Restauration est donc bien faible dans
l'accroissement de la dette que nous constatons.
La dette publique sous Louis-Philippe (1830-1848).
— Le découvert, c'est-à-dire les insuffisances du bud-
get de la Restauration, ne dépassait pas 20 millions
de fr. ; la somme était légère, et il ne fut pas néces-
saire de procéder à une liquidation forcée. Il y eut ce-
pendant des emprunts comme sous tous les ré-
gimes, et les rentes créées parle gouvernement de
Juillet pour le service des intérêts se sont élevées
à 77 700000 fr.
Mais, par suite des annulations
des rentes rachetées par la caisse
d'amortissement 32 800000 fr.
L'accroissement total de la dette
ne dépassa pas 44900000 fr.
Ce qui porte le total de la dette
inscrite au 24 février 1848 à 244300 000 fr.
DETTE
KQn
DETTE
Le crédit public, déprimé au début du nouveau
régime, ne tarda pas îi s'améliorer; cependant le
taux d'émission des premiers emprunts en 5 p. 100
varia de 84 à 98 fr., puis on renonça à cette forme
pour ne mettre en adjudication que du 3 p. 100.
La première émission, en 1841, fut faite à 78 fr. 12;
la seconde en 1844 fut souscrite à 84 fr. 75; à aucune
époque on n'avait vu coter un pareil cours au mo-
ment où on avait recours au crédit public, et depuis,
malgré l'abondance des capitaux, on ne l'a pas revu.
La même année, le 5 p. 100 avait été coté 126fr. .3(1,
le plus haut cours qui ait été noté ; l'année sui-
vante, le 3 p. 100 devait aussi atteindre son cldffre
maximum, 86 fr. 40 qui, de même, n'a pas reparu.
Dans des conditions aussi favorables, on aurait
pu convertir le 5 p. 100 en 4 1/2 et même en 4 p. 100;
des considérations politiques en détournèrent, et
le moment propice n'ayant pas été saisi, il fut bien-
tôt impossible d'y songer.
La dette publique sous la République, 1848-1852.
— La dynastie royale ayant été encore expulsée
en 1848, il y eut une crise violente et un grand
ébranlement du crédit public. Des hauts cours que
nous venons de constater, le 5 p. 100 et le 3 p. 100
furent précipités, le premier de 126 fr. 30 à 50 fr.,
le second, de 86 fr. 40 à 32 fr. 50 ! On voit com-
bien l'oscillation a été grande et la chute profonde.
Au 1" mars 1848, la dette s'élevait donc à ;'44
millions de francs, mais on se trouvait en présence
des insuffisances du budget du règne précé-
dents, et le découvert s'élevait à 997 millions de
francs. On eut donc recours à l'emprunt :
Emprunt des 7 et 24 juillet 14 935 387 fr.
Consolidation des fonds de la dette
flottante et des caisses d'épargne. 35 "74 513
Rachat du chemin de fer de Lyon. 6 818 848
Indemnité coloniale pour l'aboli-
tion de l'esclavage 6 000000
et divers autres articles 15 100000
Total 78628 748 fr.
Pendant la même période, les ra-
chats et les consolidations des réser-
ves de l'amortissement s'élevaient à 83600000 fr.
Ce qui non seulement faisait dis-
paraître tout l'accroissement de la
dette, mais réduisait même de
5 000 000 fr. le chififre constaté au
24 février 1848.
De telle sorte que malgré les nom-
breuses émissions de rentes, le total
de la dette inscrite, qui s'élevait au
1er mars 1848 à. 244 300 000
fut réduit au 1" janvier 1852 à 239 300 000
On remarquera que cette diminution de la dette
n'a pas été le résultat du jeu naturel de l'amortis-
sement, mais bien de la suspension, de la suppres-
sion même de cet ingénieux mécanisme, donnant
des résultats sur le papier, mais impuissant dans
la pratique.
La dette sous le second Empire (1852-1870). —
Pour faire saisir par un coup d'oeil d'ensemble les
mouvements delà dette, nous donnerons les princi-
paux articles.
1" Création de rentes ;
Rentes échangées pour faciliter la conversion
(avril 1852^ 4 403 400 fr.
Légion d'honneur 500 000
Emprunts, guerre de Crimée
1854-1855 71 709 000
Liquidation reine des Belges 200000
Rachat du palais de l'Industrie. . 441 100
Dotation de l'armée 2 503 100
Emprunt, guerre d'Italie 25 773 300
Emprunt 1862 12 000 000
— 1864. 14 249 000
— 1868 19 514 0110
L'accroissement total fut de 303 yoO 000 fr.
En présence des créations plaçons
les annulations :
Bénéfice de la conversion du
5 p. 100 en 4 1/2 (1852). 17 500 000
Rentes annulées par suite de ra-
chat, remboursement, échange et
divers 167 600 000
Total 185 100 000 fr.
Déduisant cette somme des 303 millions de rentes
de nouvelle création, il reste un accroissement total
de 118 800 000 de rentes pour la période 1^5^-1870,
et la dette inscrite se trouva portée de 239 3o0 000,
en 1852, à 358 100 000, en 1870.
L'accroissement a été considérable, et les guerres
de Crimée, d'Italie, de Chine, du Mexique, ont
absorbé la plus grande partie des sommes récla-
mées par l'emprunt et par les impôts nouveaux.
Sur un capital emprunté de plus de 3 5o0 000 000
fr., on n'a guère consacré que 600 000 000 fr. aux
travaux de la paix^ dont la postérité pourra pro-
fiter. Cela donne à réfléchir sur 1 utilité des
guerres entreprises sans un intérêt vital pour la
nation.
La période impériale laissera néanmoins une
trace brillante dans l'histoire financière par la
prospérité qui a régné pendant ces dix-huit an-
nées. A aucune époque, grâce aux chemins de
fer, à la production abondante de l'or, à l'abais-
sement du tarif des douanes, le développe ment
de la richesse publique n'a été plus rapide; aussi
le succès de tous les nombreux emprunts
que nous venons d'énumérer a-t-il été des plus
brillants.
On débuta d'abord, le nouveau régime à peine
installé, par la conversion du 5 p. 100 en 4 1/2
p. 100, mesure visée depuis longtemps, mais que
jusqu'ici on n'avait pu exécuter, soit parce que les
circonstances ne s'y prêtaient pas, soit parce qu'on
craignait de perdre sa popularité en réduisant le
revenu du porteur de rentes au taux du marché
des fonds publics.
Dès le mois de mars 1852 la mesure fut décré-
tée, quoique le 5 p. 100 fût à peine au-dessus du
pair, puisque depuis le 2 décembre 1851 le plus
haut cours coté n'avait pas dépassé 106 fr.
On remplaçait ainsi 175 600 000 fr. de rentes
5 p. 100 par 158 000 000 de rentes 4 1/2 p. 100,
soit 17 600 000 fr. de différence. Ce qui, réduisant
la dette perpétuelle d'une somme annuelle de
17 600 000 fr. , privait les rentiers d'une somme
égale dans leur revenu.
On leur avait offert cette alternative : le rem-
boursement à 100 fr. des rentes qui avaient été ad-
jugées aux souscripteurs primitifs bien au-dessous
de cette somme, ou la réduction du taux de l'in-
térêt de 1/2 p. 100, en acceptant l'échange de
leur titre 5 p. 100 contre un titre 4 1/2 p. 100.
Sur les 175 000 000 fr. de rentes 5 p. lOO,
3 000 000 seulement demandèrent le rembourse-
ment, et le Trésor n'eut à débourser qu'une somme
de 80 000 000 fr. Le succès fut donc complet et le
moment bien choisi, car deux ans après, la con-
version, par suite de la guerre de Crimée, n'aurait
plus été possible.
Cette guerre ouvrit l'ère des grands emprunts
comme on n'en avait pas vu jusqu'alors, et, pour
leur donnerun caractère particulier, on eut recours
à la souscription publique comme à une nouveauté.
On ne paraissait pas se douter que sous la Restau-
ration elle avait déjà été employée avec le plus
grand succès. ,j
Le premier emprunt de 250 000 000 fr. en 1854
fut souscrit deux fois; celui de 500 000 000, quatre
fois; celui de 7 50 000 000, cinq fois. L'empressement
à souscrire croissait avec la somme offerte.
L'emprunt de la guerre d'Italie de 520 millions
de fr. fat souscrit cinq fois, mais on sortait à peine
DETTE
584 —
DETTE
de la crise de 1857, et la nation, ne se rendant pas
bien compte des causes de la guerre, était inquiète et
rcdoutaitles complications qui pouvaient en résulter.
La guerre terminée et les traités de commerce
de 1860 conclus, on s'occupa des emprunts de la
paix pour subvenir aux travaux publics, et l'entrain
fut tel, la confiance et l'abondance de capitaux si
grandes, que l'emprunt de 315O0O0Û0fr. fut sous-
crit quinze fois.
Le succès de la souscription de 18G8 fut encore
plus brillant. On offrait 4^0 000 000 fr. de rentes, et
on demanda trente-quatre fois la somme !
Cet accroissement prodigieux du chiffre des
souscriptions publiques n'est pas un fait particu-
lier à la France; partout où la spéculation s'en
mêle on observe les mômes résultais. L'expé-
rience a été faite en Portugal, en Russie, et les
emprunts, quand les circonstances s'y prêtaient,
ont été couverts dix et quinze fois.
La souscription publique a surtout le grand
avantage de vulgariser la rente et d'augmenter
le nombre des coupures dans les mains du public;
c'est un des bons côtés; le mauvais, c'est que par
les facilités qu'elle offre pour se procurer des ca-
pitaux, elle tente sans cesse le pouvoir dy avoir
recours et de reporter sur l'avenir les charges qui
devraient être supportées par la population, pour
une partie du moins, sous forme d'impôts.
Pendant tout l'Empire on a recherché l'appro-
bation du public, que l'on pensait trouver dans le
suffrage universel des capitaux dont l'empresse-
ment paraissait toujours donner raison à ses entre-
prises, et on évitait autant que possible d'aggraver
les impôts ou d'en établir de nouveaux.
Les emprunts lui ont fourni plus de 3 500000 000 fr.,
et tout compte fait des modifications d'impôts, on
trouve que si la somme des aggravations de taxes
s'élève à 32s 000 000 fr., les dégrèvements ont été
encore plus considérables et montent à 337 000 000 f.
C'est à peine si on s'est occupé d'établir pour
100 000 000 fr. de nouveaux impôts, dont on s'em-
pressait de réduire les produits par un remaniement
général des taxes pour en alléger le fardeau. Pen-
dant toute cette période d'une prospérité matérielle
qui n'a pas été égalée, si ce n'est par celle qui lui a
succédé, le gouvernement se fiait à la plus-value
annuelle des impôts suivant le développement de
la richesse publique, et c'est avec cet accroissement
constant des recettes du budget qu'il a fait face
au paiement des intérêts de ses emprunts.
Pour tenir une pareille conduite, il fallait compter
sur une prospérité continue ; aussi quand les revers
sont venus, la dette consolidée n'avait pas été ré-
duite, et l'arriéré s'élevait à 794 000 000 fr. sous
le nom de dette flottante.
Deux méthodes bien différentes de conduire les
finances se trouvèrent alors en présence : en
France on avait recours à l'emprunt, en Angleterre
à l'impôt et à l'emprunt, quand il fallait avoir la
somme à sa disposition immédiate pour des besoins
urgents. Le contraste a été frappant pendant la
guerre de Crimée. Les dépenses qu'elle entraîna
se soni élevées à peu près h la même somme dans
les deux pays, 1 700 000 000 fr. En France on tira
toute cette .somme de l'emprunt; en Angleterre on
ne demanda que 1 000 OitO 000 fr. à l'emprunt, mais
on préleva 750 000 000 fr. par de nouveaux im-
pôts. La génération qui faisait la guerre en sentait
le poids, tandis qu'en France on rejetait tout sur
l'avenir; aussi en 1870 la liquidationjle l'Empire vint
encore ajouter son poids h toutes les charges que
nous imposait cette guerre désastreuse.
La dette zonsolidée sous la troisième République
(1870-1S781. — Au 1" janvier 1870 la dette, après
tous les accroissements que nous avons énumérés,
ne dépassait pas 358 000 000 fr. de rentes annuelles.
En 187s, elle s'élève à 747 00i)(i00 fr de rentes.
Mais h. côté de cette dette consolidée en 5 p. 100,
4 1/2 p. 100, 4 p. 100 et 3 p. 100, il faut placer
une autre dette de création récente, qui a été
créée d'une manière détournée pour .satisfaire à des
besoins pressants sans avoir recours à l'emprunt
direct. L'Etat promettait une annuité comprenant
les intérêts et l'amortissement de la somme que
l'on consentait à lui avancer, et l'opération -cHait
conclue d'une manière dissimulée, sans bruit et
sans aucune émission de rente sur le marché, ce
qui donnait beaucoup de fermeté aux cours des
fonds publics, base naturelle du taux d'intérêt
pour ces négociations. Ces annuités consenties au
jour le jour, selon les besoins, n'ont pas tardé à
s'élever à une somme considérable, et on n'a pas
été peu surpris de la voir dépasser 300 000 000 fr.,
dont voici les principaux preneurs :
La Banque de France 150000000 fr.
La dette flottante du Trésor 38 000 000
Les chemins de fer de l'Est (ra-
chat) 20 000 000
Les compagnies de chemins de fer. 18 000000
Les villes et communes pour
dommages de guerre 17 000 000
L'emprunt Morgan 1 7 000 000
Soit, en y comprenant divers ar-
ticles de moindre importance, un
total de 300 000 000 fr.
Ajoutons à ces deux chapitres la
dette viagère, quoique perpétuelle '
pour la plus grosse part, puisque
les fonctionnaires civils et mili-
taires réclament à eux seuls près
de 100 000 000 fr., ci 1;'3 OOÛ 000 fr.
Et les dotations comprenant le
traitement du Président de la Ré-
publique, des sénateurs et des
députés, la dotation de la Légion
d'iionneur et les subventions à la
caisse des invalides de la ma-
rine, soit 33 000 000
45GOO0O0Ofr.
Et nous arrivons, en ajoutant cette somme aux
747 millions mentionnés plus haut, à un total do
un milliard 203 millions consacrés au service de la
dette, sur un budget dont les dépenses totales
s'élèvent à 2 milliards 700 millions.
Inutile d'insister et de faire remarquer le poids
qui pèse et qui pèsera sur les générations à venir
pour liquider ces dettes du passé ; les chiffres en
disent plus que tous les commentaires.
Comment cette dette a-t-elle pris un pareil dé-
veloppement depuis 1)^70?
Devant l'immensité des chiffres, inouïs jus-
qu'ici, il était d'abord difficile de se reconnaître,
on hésitait dans l'estimation entre 8 et 9 milliards;
il fallut bientôt admettre que pour faire face aux
charges du passé, une somme de95000"0'00 fr.
était nécessaire, et voici lénumération des moyens
que l'on mit en pratique pour se la procurer :
Août 1870 , emprunt de
750 (100 000 fr 804 000 000 fj-.
Octobre 1870, emprunt Morgan,
G p. 100 208 000 000
Juin 1871 , emprunt de
2000000000 fr 2225000000
Juillet 1872 , emprunt de
3 000 000 000 fr 3 498 000000
Emprunts à la Banque 1 470 000000
Emprunt au chemin de fer de
l'Est 325 000 000
Annuités aux communes et aux
départements 251 000000
Indemnité pour réparer les dé-
gâts du génie militaire 26000000
Aliénation des rentes de la
caisse d'amortissement 90000000
DETTE
— 080
DETTE
Aliénation des rentes de la do-
tation de l'armée 92 OOOCCO
Total, y compris divers autres
postes 8993000000
Dès l'ouverture des hostilités le crédit public
fut profondément ébranlé, et néanmoins le pre-
mier emprunt de 750 000 000 fr. put encore être
adjugé à GO fr. (iO, quoique souscrit sans enthou-
siasme. Les cours des fonds publics se soutinrent
à la Bourse jusqu'au désastre de Sedan, la marche
seule de l'armée allemande sur Paris fit tomber le
3 p. 100 à 50 fr. 80, le plus bas cours coté de toute
la guerre. La rente n'avait pas fléchi dans la pro-
portion de nos échecs, et la nation se montrait
beaucoup plus calme que dans les paniques précé-
dentes, alors qu'en 1831 et en 184S, h la suite de
deux révolutions, on la voj'ait tomber à 46 fr. et
32 fr. La richesse plus grande du pays et une
meilleure répartition des titres leur donnaient une
stabilité plus grande en raison de l'étendue du
marché. Pendant la guerre, alors que Paris était
cerné et les contributions presque suspendues ou
prélevées par les armées ennemies, pour alimenter
les caisses du Trésor on eut recours, comme tou-
jours, à l'emprunt, sous deux formes bien diffé-
rentes : d'abord par un emprunt direct sur la place
de Londres, l'emprunt Morgan de 250 000000 fr.
en 6 p. 100, qui ne produisit que 208 000 000 fr. au
taux de 7 fr. 42 p. lOu ; puis par l'emprunt dissimulé
fait à la Banque de la France, à laquelle, en échange
de bons du Trésor, c'est-à-dire de promesses de
payer de l'Etat qu'on faisait escompter, on deman-
dait des billets, c'est-à-dire aussi ses promesses
de payer, mais auxquels le public était habitué, ce
qui ne changeait rien aux usages commerciaux. Le
signe de la valeur pour l'échange des produits
étant toujours le même, on put ainsi en mettre
en circulation pour une somme de 1 500000 00U fr.
en papier.
Ce fut la principale ressource de la guerre, celle
à laquelle partout et toujours on a recours ; nous
l'avons vue mise en pratique aux Etats-Unis, en
Italie, en Turquie, et c'est par le même procédé que
la Russie a fait la dernière guerre d'Orient.
Ce prêt de la Banque sous la forme d'escomptes
de bons du Trésor a été d'autant plus avantageux à
l'Etat qu'au lieu de payer 7 fr. 42 p. 100 comme
pour l'emprunt Morgan, ou C fr. 29 p. lOo comme
pour les emprunts de 2 et de 3 milliards, il ne
payait que 1 p. 100.
La guerre terminée, pour solder l'indemnité de
guerre des cinq milliards, l'emprunt direct était
devenu inévitable, malgré tous les expédients
proposés alors pour l'éviter.
La souscription patriotique et l'adjudication au
pair avaient déjà été essayés à d'autres époques,
en 1831, en 1848, au milieu d'embarras beaucoup
moins grands, et n'avaient donné que des résultats
insignifiants, 20 à 30 millions, quand on deman-
dait des centaines de millions.
Restait la contribution de guerre répartie d'of-
fice selon la fortune de chaque citoyen ; mais
comment estimer cette richesse individuelle ? et
même en supposant qu'on y arrivât, ne risquait-
on pas souvent de déplacer et d'arracher une partie
du capital qui servait de fonds de roulement pour
faire marcher le travail industriel ou agricole ?
Pour ne pas suspendre ou arrêter la machine,
chacun aurait dû emprunter pour combler le vide
fait à son capital, et de là une succession d'opé-
rations qui eussent été souvent très lourdes sinon
impossibles.
On s'arrêta donc à une émission de rentes, se
rappelant, d'après la remarque de M. Laffitte, que
les contribuables refusent l'impôt, tandis que les
capitalistes réclament l'emprunt : ce qu'un peu de
réflexion suffit pour faire comprendre, l'impôt pre-
nant les capitaux où ils ne sont pas, l'emprunt, au
contraire, les prenant là où ils sont; de là des
frais moindres dans le second cas que dans le
premier.
Restait le mode d'adjudication : à des banquiers
ou au public ? Pour ne pas s'écarter de la tradition,
on adopta la souscription publique, et le premier
emprunt de deux milliards émis en 5 p. 100 au
cours de 82 fr. 50 fut couvert deux fois en août
1871.
L'année suivante, en juillet 1872, les cours
s'étant bien soutenus, on émit par le même procédé
les trois derniers milliards, mais quoique la sous-
cription ait été beaucoup plus brillante, puisque
malgré le taux fixé (8* fr. 50) elle s'éleva à 53
fois la somme offerte, l'emprunt fut moins bien
classé et l'élasticité des cours beaucoup moindre.
Une partie de la somme fut souscrite hors de
France, et si les portefeuilles français n'avaient pas
été garnis de valeurs étrangères, ils n'auraient pu
absorber les nouveaux titres qu'on leur offrait. 11
y eut donc des arbitrages qui se firent peu à peu ;
on vendit les valeurs étrangères qui retournèrent
dans leur pays d'origine, en Allemagne, en Italie, aux
États-Unis, et on les remplaça par des coupures
des deux nouveaux emprunts.
Sans cet heureux échange, il eût été difficile et
plus long de retirer pareilles sommes de l'épargne
française ; grâce à cette ressource, on retira cet
énorme capital sans diminuer le fonds de roule-
ment des affaires, car à aucune époque l'activité
industrielle ne fut plus grande et la prospérité
plus générale. Le poids de la dette n'est donc pas
toujours en raison de son chift're ; rien ne le prouve
mieux qu'un coup d'oeil sur les budgets avant et
après la guerre :
Dette publique consolidée 1870, 358 millions fr.
— 1876, 747 —
Elle a donc plus que doublé, et les diverses
natures de rentes se répartissent ainsi :
5 p. 100 346 000 000 fr.
4 1/2 p. 100 37 443 000
4 p. 100 446 000
3 p. 100 363 337 000
A la même époque la dette flottante s'élevait
à 863 000 000 fr. et nous n'avons pas encore tout
énuméré.
Récapitulons les procédés suivis jusqu'ici : d'a-
bord en août 1871, l'emprunt de 750 millions; puis,
pendant le siège de Paris, l'emprunt Jlorgan pour
250 millions, et les avances réclamées à la Banque
sous la forme de billets en échange de bons du
Trésor déposés dans ses caisses jusqu'à concur-
rence de 1450 000 000 francs; et enfin les em-
prunts de 2 et 3 milliards pour la libération du
territoire. On avait épuisé toutes les formes du
crédit, et après avoir porté la dette à un tel chiffre,
on hésitait à émettre de nouveaux titres sur le
marché. Pressé cependant par les besoins du ser-
vice pour remettre le matériel de guerre en état,
pour le compte de liquidation et pour les travaux
publics, on préféra laisser le crédit se relever et
manifester sa puissance par la hausse des rentes,
et, pour ne pas contrarier ce mouvement par de
nouvelles émissions de rentes, on offrit des bons
du Trésor à long terme, en graduant le taux de
l'intérêt selon le taux de l'escompte du papier de
la haute banque. Le ministre des finances, sans
bruit, sans troubler le marché, reçut ainsi tout
l'argent qui lui était nécessaire et qu'on lui ap-
portait sans qu'il allât le demander ; l'élévation
ou l'abaissement du taux de l'intérêt réglaient
seuls l'intensité des oft'ros.
Le succès couronna ce premier essai ; alors on
s'occupa d'étendre les périodes. Au lieu d'emprun-
ter pour quelques années un capital qu'il fallait
rcmbourticr à l'échéance, ce qui est toujours une
DETTE
586 —
DETTE
source d'embarras, on laissa à d'autres, aux so-
ciétés, aux villes, aux corporations le soin de so
prociirrr les sommes nécessaires pour l'opération
qu'elles avaient en vue, l'État s'engageant seule-
ment à payer une annuité comprenant lintérêt ot
l'amortissement de la somme nécessaire. Il n'i'
avait plus d'échéance terminale, liquidation tou-
jours si délicate et souvent si pénible quand elle
tombe dans un mauvais moment. La dette s'étei-
gnait d'elle-même, automatiquement, goutte à
goutte pour ainsi dire.
Ces annuités figuraient déjà au budget de 1878
pour une somme de 309 000 OOD fr.; elles attein-
dront, en 18S0, 35y OOO 000 fr.. puis elles iront en
diminuant jusqu'en 1963, époque à laquelle elles
seront éteintes.
Le ministre des finances a divisé cette dette en
deux catégories :
1° Les dettes contractées par l'État sous forme
d'avances faites pour travaux publics et rembour-
sables par annuités ;
2" Les engagements à long terme contractés
par l'État pour l'exécution de divers services pu-
blics.
Au 1" janvier 187G, il restait sur la première
catégorie une somme totale d'annuités de
1 393 106 000 fr. à rembourser jusqu'en 1960, et
8 079 076 953 fr. pour la seconde catégorie, dont
moitié de cette somme représente les intérêts et
moitié le capital.
Par ces moyens détournés et plus ou moins dis-
simulés qui ne paraissaient au budget que le
fait accompli, on a évité d'avoir recours à un em-
prunt public, et on a tiré du crédit de l'État un
meilleur parti que par le passé, mais on a en-
gagé l'avenir à long terme.
Le trois p'iur cent amortissable. — Nous avons
déjà remarqué combien il avait été difficile de
conserver l'unité de la dette en 5 p. 100, comme
on avait essayé de le faire au moment de la
création du Grand-Livre: aussitôt qu'on eut recours
à de nouveaux emprunts sous la Restauration, nous
avons vu reparaître des émissions au taux de 4,
de 4 1/2 et 3 p. 100. Toutes ces rentes étaient
dotées d'un fonds d'amortissement, mais l'expé-
rience ne tarda pas à montrer que ce fonds étant
le plus souvent détourné de l'usage auquel il
était destiné, le rachat de la dette publique ne
fonctionnait pas.
La même pratique essayée en Angleterre avait
éprouvé le même échec. Ce mécanisme si parfait
en théorie, sur le papier, y fut donc condamné, et
on chercha à le remplacer. Pour se mettre à
l'abri des accidents que pouvait entraîner un
vote du Parlement venant détruire toutes les com-
binaisons adoptées, on tourna la difficulté en
créant des rentes viagères devant s'éteindre tout
naturellement à la mort de chaque titulaire ; on
obtenait ainsi un amortissement automatique
que l'on avait recherché en vain jusqu'alors : la
rente perpétuelle se transformait en rente viagère,
et l'opération se liquidait d'elle-même.
En France, la caisse de la retraite pour la
vieillesse opérerait d'une manière analogue, si la
rente viagère pour chaque titulaire pouvait dé-
passer 1500 fr., ce qui ne lui permet pas de ré-
pondre à tous les besoins. Cette dette viagère peut
rendre l'amortisssement inévitable, mais dans
aucun cas elle ne peut procurer les capitaux dont
on a besoin.
Jusqu'ici, comme nous l'avons vu, on avait
employé avec le plus grand succès, par suite de
la richesse de notre pays, tous les moyens de
trésorerie, non timidement comme autrefois, mais
sur la plus grande échelle. Ces moyens auraient
suffi, si le ministre des travaux publics n'avait
présenté en 1878 son projet du rachat des lignes
secondaires de chemins de fer et de leur exten-
sion sur un réseau beaucoup plus grand. Uno
somme de cinq cents millions était immédiatement
nécessaire, sans parler des milliards que l'on so
réservait de réclamer dans l'avenir. Pour l'obtenir,
on voulut créer un nouvel instrument financier
applicable aux travaux publics, et qui se dévelop-
perait, avec l'assentiment des Chambres, selon les
besoins de chaque année. Le type choisi fut sem-
blable à celui des obligations de chemins de fer,
c'est-à-dire des coupures de 500 fr. rapportant
15 fr. d'intérêt, amortissables au pair en 75 ans
et cotées à tant pour 100 au lieu de l'être en bloc.
L'amortissement devait se faire d'une manière
régulière par des tirages annuels.
On avait d'abord pensé émettre ces obligations
aux guichets du Trésor^ comme les compagnies de
chemins de fer débitent les leurs, à un taux va-
riable chaque jour, d'après le cours de la Bourse ;
mais le ministre préféra avoir recours à une émis-
sion directe sur la place et, au mois de juillet 1878,
le premier million de rente amortissable fut enlevé
au cours de 85 fr. 80, alors que le 3 p. 100 n'était
coté que 77 fr. 50 ; la chance de gagner la prime
de remboursement avait comme toujours attiré de
nombreux preneurs.
La dette publique dans les pays étrangers. —
Après avoir suivi le développement de la. dette
publique dans notre pays, on voudra sans doute
jeter un coup d'oeil sur les transformations qu'elle
a subies dans les autres États.
On trouvera sur le tableau ci-joint l'estimation
du capital de cette dette en milliards de francs.
TABLEAU COMPAnATIF DK LA BBTTE PUBLIQUE DASS LES PAYS
ÉTRAKGEBS (capital en milliards de francs.)
^
ii
"
s
:a
1
z
s
si
-<
K
2
H
3
ï
Q.
H
z -
o
-;
" 1
3
-
S
S-
;7i3.
3.1
0.9
)) Jl
2.2
{ 2
.. „
» >l
7.3
1793.
0.8
7.0
0.8
0.4
0.2
2.5
0.2
» »
0.2
12.1.
lS:iO.
3.5
22.5
2.4
1.2
1.3
3.6
1.3
0.6
0.7
38."
184S.
4.5
20.5
3.1
■J.5
1.0
2 5
2. S
1.2
1 .2
43.2
187. ■.
13.7
iO.O
7.7
7. h
4.0
2.0
5.9
13.3
2.5
97.7
1877.
26.0
18.0
" "
" "
» »
" "
» 1.
125.0
Répartition de la dette par tète, en 1870. dans chaque
pavs (en francs) : France, 12.15; Grande-Bretagne, 19.65;
Aii'triche. 9.0; Russie. 4.65; Pays-Bas, 15.10 ; Espagne,
10.0; États-Unis, 17.93.
Au premier aperçu, on notera combien les
chiffres sont différents et combien ils ont varié.
Si nous considérons le plus grand nombre des
États, nous constatons que la dette a une tendance
marquée à s'accroître, et cependant dans deux
États des plus riches, en Angleterre et dans les
Pays-Bas, elle a diminué; le maximum qui avait
été atteint en 1820 a toujours baissé depuis. 11
n'en a pas été de même en France, car la dette,
après avoir suivi une progression croissante jus-
qu'en 1848, a plus que triplé en ls70, et nous
trouvons ce dernier chiffre doublé en 1877 et
s'élevant à "26 milliards ! La dette anglaise n'a pas
dépassé 22 milliards. Ces chiffres, si on s'en tenait
à eux seuls, étonnent l'imagination, et on se de-
mande comment les populations ont pu supporter
de pareilles charges. Pour en trouver l'explication,
il faut observer le milieu dans lequel ces transfor-
mations ont eu lieu, tenir compte du nombre des
habitants, de leur richesse, de la valeur relative
de l'or et de l'argent, du taux auquel les emprunts
ont été conclus.
Ainsi la densité plus grande de la population,
DETTE
— 587 —
DICOTYLEDONES
•n répartissant la charge sur un plus grand nom-
Dre de têtes, en rendra le poids plus léger, quoi-
que la masse soit plus lourde.
Il en sera de môme si la richesse marche du
même pas que la decte : la part qu"on en retire
pour le paiement des intérêts, quoique plus grande,
ne fera pas une brèche proportionnellement plus
grande aux revenus de la nation.
En Angleterre, si on estime le revenu de la na-
tion en 1784 et en 1870, on constatera qu'une dette
de 9000(00, dans le premier cas, absorbait 6 0/0,
tandis qu'une dette de 24000000000, dans le
second cas, ne prélève que 2 0/0 !
Comme dans la plupart des phénomènes écono-
miques, les chiffres, les sommes que l'on constate
n'ont toujours qu'une importance relative, et on se
tromperait si on voulait conclure sans tenir compte
des circonstances dans lesquelles on les observe.
En France, malgré l'accroissement inouï de la
dette (26 milliards de francs), pour un revenu na-
tional qu'on estime de 24 à 26 milliards, le prélè-
vement annuel pour payer les intérêts dépasse à
peine 5 0/0 !
La répartition par tête de la dette de chaque
nation ne donne pas une idée aussi juste de la
charge qui en résulte. Le tableau ci-dessus établit
que pour l'Angleterre, en 1870, la proportion par
tête était de 19'',6.S, alors qu'elle n'était que de
12'',15 en France. Eh bien, la différence des deux
sommes indique sans doute là. où on perçoit la plus
forte, mais ne peut faire sentir le poids dont elle
pèse sur les épaules des contribuables, parce que
ces deux chiffres n'indiquent pas la richesse de ces
derniers et la proportion qu'on retire sur leur
avoir.
Pour rendre le problème moins complexe et se
rendre un compte immédiat du poids de la dette,
il est plus simple de comparer le chiff're de la dette
à celui du budget et de rechercher pour quelle
part elle entre dans les dépenses publiques.
La proportion que l'on observe indique tout de
suite si les contribuables peuvent supporter le
sacrifice qu'on leur demande sans compromettre
les services publics indispensables à la marche
des affaires.
Si nous étudions la question à ce point de vue,
voici ce que l'observation nous apprend :
PROPORTION DE LA DETTE DANS LES BUDGETS
Pay». Budget. Dette. Proportion
Prusse 694 000 000 marcs 50 000 000 " Vî%
Grand e-B r e-
tagne 74 000 000 liv. st. 27 000 000 36 O/o
France 2 791 000 000 francs 1200 000 000 43 0/q
Italie 1 400 uOO 000 francs 700 000 OOO 50 O/j
Sauf en Prusse, où le domaine de l'État joue un
très grand rôle, on voit pour quelle part la dette
entre dans les dépenses publiques : 36 0/0 dans la
Grande-Bretagne, 43 0/0 en France, 50 0/0 en Ita-
lie. Ici, nous sommes arrivés à la limite extrême,
car quand la proportion s'élève au-dessus de ce
chiffre, et nous en avons des exemples en Espa-
gne, en Turquie, en Tîgypte, alors la suspension
des paiements est inévitable, les recettes prove-
nant de l'impôt étant à peine suffisantes pour faire
marcher les services publics.
D'après ces observations, la somme nécessaire
pour le service des intérêts de la dette ne devrait
jamais dépasser la proportion de 35 à 40 p. 100 des
recettes du budget, et, à ce taux, on sent quel efi'ort
il faut faire pour le supporter.
* [Clément Juelar.l
DIAMAAT. — V. Charbon. ^
D1COTYLEDO>ES. — Botanique, XVI. — On
appelle Dicotylédoius celles des plantes phanéro-
games dont l'embryon présente deux feuilles sémi-
nales ou cotylédoiis, que ces feuilles soient oppo-
sées ou non.
Nous nous bornerons, dans le présent article, i
indiquer les caractères généraux de l'embranche-
ment des Dicotylédones, en renvoyant, pour Tétudc
des principales familles botaniques qui le compo-
sent, aux articles spéciaux que nous leur consa-
crons.
Le rapport du volume de l'embryon des Dicotylé-
dones à celui do la réserve nutritive [albumen) qui
l'accompagne dans le tégument séminal est très
variable. Tantôt l'albumen est volumineux et
l'embryon très petit, tantôt c'est l'inverse qui a
lieu ; toutes les dispositions intermédiaires sont
possibles. Ce rapport dépend de la durée de la
germination et de la solubilité des substances
mises en réserve. Lorsque l'albumen semble faire
défaut, c'est que l'embryon l'a consommé avant la
germination. Rarement l'albumen est double; alors
l'embryon est très petit et la durée de sa germi-
nation fort longue.
Lorsque l'embryon des Dicotylédones est fort
petit, on ne peut décomposer sa forme en parties
distinctes (Monotropa, Pyrola). Le plus ordinaire-
ment cet embryon présente une partie centrale
que l'on appelle fige/le ou axe hj/pocotylé, termi-
née inférieurement par un filament très grêle qui
est le suspenseur ; c'est ordinairement de la partie
inférieure de la tigelle que naît la première ra-
cine ipivot). A l'extrémité supérieure de la tigelle,
on trouve un bourgeon nommé gemmule ou plu-
mule; ce bourgeon est abrité par les cotylédons
qui l'embrassent en s'appliquant l'un contre l'au-
tre. La gemmule est mise en liberté par l'écarte-
ment des cotylédons lorsque ceux-ci sont entière-
ment libres(exemple:germination du haricot); ou par
écanement de la base de ces mêmes organes lors-
que leur partie supérieure reste enfermée dans la
graine (exemple : germination du chêne) ^
Ordinairement chaque embryon dicotylédoné
présente deux cotylédons égaux à contours sim-
ples ; foliacés lorsqu'ils jouent le rôle d'organes
absorbants ; charnus et de grand volume, lorsqu'ils
jouent le rôle d'organes de réserve. Dans certaines
crucifères, les deux cotylédons de'l'embrj^on sont
bifurques et leur disposition simule l'existence de
quatre cotylédons. En généralisant cette observa-
tion, quelques botanistes ont été conduits à re-
garder les nombreux cotylédons des conifères
comme des lobos de deux cotylédons profondément
divisés. Certaines renoncules ne développent
qu'un seul des cotylédons de leur embryon. Bien
que la Cuscute soit une plante dicotylédonée,
son embryon n'a pas de cotylédons.
Chez la plupart des Dicotylédones, la première
racine de l'embryon devient la racine principale
de la plante. Celles qui se développent dans la
suite ont un moindre volume et n'acquièrent ja-
mais la même importance. Rarement cette pre-
mière racine ou pivot est remplacée par un fais-
ceau de racines secondaires nées de la partie infé-
rieure de la tigelle. Lorsque la première racine
de l'embryon se tubérifie, on la nomme pivot. Le
pivot peut manquer (exemple : la Cuscute).
Les racines des Dicotylédones se distinguent des
racines des Monocotylédones en ce qu elles pré-
sentent toujours des couches concentriques de bois
et de liber secondaires, productions qui manquent
dans les racines des Monocotylédones.
D'une manière générale, la tige d'une plante
dicotylédoné est plus ramifiée que celle d'une
plante monocotylédone ; de plus, ces tiges crois-
sent en diamètre, et certaines d'entre elles peu-
vent acquérir plusieurs mètres de circonférence.
Une section transversale d'une tige de Dicotylé-
doné nous montre, du centre à la circonférence :
1" une moelle ou tissu lâche peu développé; 2° des
zones concentriques de bois d'autant plus jeunes
DICTEE
388 —
DICTÉE
qu'elles sont plus éloignées du centre ; la partie de
la zone ligneuse qui touche la moelle est ordinai-
rement désignée sous le nom d'étui médullnire ;
chaque zone ligneuse représente la production du
bois pendant une année; le bois de printemps est
moins dense que le bois d'hiver ; le vieux bois est
plus dense que le bois nouvellement formé ; le
premier est nommé duramen, le second aiiôiei';
3° une zone génératrice ou cambiurn, qui produit
à sa face interne du bois, et h. sa face externe la
partie fibreuse de l'écorce ou liber ; i° enfin vient
l'écorce, subdivisée en liber et parenchyme exté-
rieur. Des rayons allant de la moelle à l'écorce,
en traversant le bois, ont reçu le nom de rayons
médullaires. Bon nombre de tiges de Dicotylédo-
nes ont une structure notablement différente de
celle que nous venons de décrire (tiges herba-
cées, et tiges ligneuses dites anormales).
Les feuilles des Dicotylédones sont caractérisées
par leur nervaiioii très fréquemment réticulée. Les
pièces de la fleur des Dicotylédones sont parfois
disposées sur une même li<pie spirale, ou bien
elles forment des verticillfs comprenant cliacun
cinq pièces, plus rarement quatre, et plus rarement
encore deux. Ce type général des fleurs dicotylé-
dones peut être modifié par avortement d'une ou
de plusieurs pièces, par interposition de pièces
surnuméraires, par superposition de pièces ordi-
nairement alternes, par ramification de pièces or-
dinairement simples.
La fleur des Dicotylédones peut se présenter avec
tous les degrés de complication, depuis l'étamine
ou l'ovule complètement nu, jusqu'à la fleur si
complexe des nymphes, des renoncules, des pas-
siflores.
Les ovules des Dicotylédones sont orlhotropes,
unitégumentés, avec chambre pollinique chez les
(jymiiospermes (les gymnospermes sont des plan-
tes dicotylédones sans ovaire). Ils sont générale-
ment anatropes avec un ou deux téguments chez
les angiospermes (les angiospermes sont des plan-
tes dicotylédones dont les ovules sont enfermés
dans un ovaire). Quelques angiospermes ont clos
ovules dépourvus de téguments.
Pour la classification des Dicotylédones, V. l'ar-
ticle Classifications, p. 427. [C.-E. Bertrand.]
DICTÉli. — Grammaire, XXV IIL — Une dictée
est un texte suivi devant servir d'exercice d'orthogra-
phe, un devoir dicin.', prononcé à haute voix par le
maître et écrit au fur et à mesure par l'élève. Ce
genre d'exercice tient à juste titre le premier rang
dans nos écoles : c'est celui qui apprend le mieux
notre langue aux élèves, en les mettant aux prises
avec ses difficultés ; c'est celui qui sert à constater
les progrès des écoliers dans les classes, leur degré
d'instruction dans la plupart des examens. Dès que
les enfants savent copier correctement une page
de français, il faut leur apprendre à écrire sous la
dictée, et cet exercice devrait, selon nous, les sui-
vre jusqu'à la fin de leurs études.
Mais comment faut-il dicter et que faut-il dicter?
Deux questions délicates, peu étudiées jusqu'à
présent, et qui attendent encore une réponse pré-
cise. Pourtant la manière de dicter influe sur la
manière d'écrire, et le môme texte sera plus ou
moins régulièrement orthographié par les élèves
selon qu'il aura été plus ou moins bien lu par le
maître. Il est à remarquer que l'enfant encore jeune
répète tout bas le mot dicté avant de l'écrire ; mal
dit par le maître ou estropié par l'élève, ce mot
peut se trouver tout à fait défiguré ; aussi les en-
fants sourds ou bègues mettent-ils, d'ordinaire, très
mal l'orthographe. Dicter est un art comme décla-
mer, comme lire ; il faut, pour y réussir, des qua-
lités variées qui se trouvent rarement réunies.
Nous n'en voulons pour preuve que la déconvenue
qu'on éprouverait si par hasard on se déchargeait
de ce soin sur un élève. Nous allons donc exami-
ner en premier lieu comment il faut dicter; nous
examinerons ensuite ce qu'il faut dicter, et com-
ment on doit corriger la dictée.
10 Commeid faut-il dicter? — Il faut d'abord
proportionner l'efl^ort de la voix à l'étendue do la
salle, et la rapidité de la dictée à l'âge des élèves,
à leur degré d'instruction, même au sujet plus ou
moins facile qu'on aura choisi. Cola dit, supposons
une salle de médiocre étendue et des élèves du
cours moyen ; toute la classe est attentive ; le
maître prend son livre et lit : « La Touraine.
« Connaissez-vous cette partie de la France que
l'on a surnommée son jardin ; ce pays où l'on res-
pire un air pur dans des plaines verdoyantes, ar-
rosées par un grand fleuve? Si vous avez traversé
dans les mois d'été la belle Touraine, vous aurez
longtemps suivi avec enchantement la Loire paisi-
ble; vous aurez regretté de ne pouvoir déterminer
entre les deux rives celle où vous choisiriez votre
demeure... etc. » Cette lecture préparatoire fait
connaître aux élèves le sujet qu'on va traiter, les
difficultés qu'on y pourra rencontrer, et surtout le
sens et la liaison des idées, choses qui, une fois com-
prises, peuvent épargner bien des bévues à ces jeu-
nes intelligences. Inutile d'ajouter que c'est dans un
pareil exercice que le maître peut et doit déployer
toutes ses qualités de lecteur, pour faire mieux
apprécier à ses élèves le devoir qu'il va leur donner.
La lecture achevée, le maître commence la
dictée :
« En titre : La Touraine un point.... à la
ligne. »
Tout cela doit être dit presque à demi-voix pour
imposer l'attention et faire cesser tout bruit im-
portun.
Le maître reprend vivement pour presser les
retardataires et donner le coup de fouet du départ :
« Connaissez-vous.... cette partie.... de laFrance....
que Voua suryiommée so7i jardi7i? n La pre-
mière pause doit être plus longue pour permettre
aux traînards de rentrer dans le rang et de mar-
cher avec les autres ; les pauses suivantes doivent
varier d'étendue d'après le nombre des mots dictés.
En général, il faut couper la phrase en plusieurs
parties, ne dire que quelques mots à la fois, ne
répéter presque jamais, prononcer plutôt distinc-
tement que fort, ne jamais se promener en dictant.
Si, dans le cours d'un devoir de vingt lignes,
comme le passage que nous avons là sous les yeux
(La Touraine, d'Alfred de Vigny), on rencontre
des mots tels que Touraine, Loire, etc., qui prê-
tent aux développements, on va jusqu'au point, et,
la phrase achevée, on suspend la dictée pendant
deux ou trois minutes pour interroger les élèves
sur la valeur de ces termes géographiques. Ce repos
est utile, nécessaire même, si vous ne voulez pas
éteindre l'ardeur de vos élèves et les fatiguer avant
la fin. Le devoir terminé, quelques élèves relisent
successivement à haute voix, lentement, pour que
les mots sautés ou déformés par quelques-uns
soient redressés ou remis à leur place.
2" Que faut-il dicter ? — Le maître ns saurait
apporter un soin trop scrupuleux au choix de ses
dictées. La page ainsi écrite par les élèves sera
relue, commentée, presque apprise par cœur ; il
faut donc qu'elle soit bonne, c'est-à-dire que rien
n'y ofl'ense la morale ni le goût ; que rien
n'y vienne à l'encontre de cette bonne éducation,
but idéal de notre enseignement. Il faut encore que
le style soit autant que possible irréprochable, que
le sujet traité soit intéressant, instructif, enfin que
le devoir ott're quelques applications des règles de
la grammaire. Toutes ces qualités se trouvent ra-
rement réunies. En efi'et, si l'on prend un passage
de nos auteurs classiques, on aura un excellent
modèle littéraire à admirer, mais probablement
peu de difficultés orthographiques à résoudre. Il
en est de même si l'on choisit un sujet dans un
DICTEE
— 589
DIGESTION
de nos traités sp(kiaux d'histoire ou de géographie.
Restent les textes composés uniquement en vue
de l'élude de tel ou tel paragraphe de la gram-
maire. Ce o;piire de dictées, oui donne lieu à l'ap-
plication directe et immédiate des règles par les
élèves, n'est pas h dédaigner; mais ces qualités
pratiques sont trop souvent balancées par la vul-
garité d'un style bizarre et tourmenté. On a es-
sayé de tourner la difficulté en donnant des mor-
ceaux choisis de nos meilleurs auteurs comme exer-
cices d'orthographe usuelle, et des phrases déta-
chées comme exercices de syntaxe orthographique.
Nous approuvons volontiers la première partie du
système, mais en rejetant absolument la seconde.
Selon nous, les phrases détachées sont générale-
ment banales, dépourvues d'intérêt, tout au plus
bonnes à remplir les exemples d'écriture, et utiles
seulement pour des exercices de vive voix ou au
tableau. Enfin quelques auteurs ont choisi les pas-
sages les plus intéressants de nos grands écrivains,
et y ont glissé discrètement des adjectifs tels que
demi, quelque, vtème et trois ou quatre participes
passés, essayant ainsi de tout concilier en émail-
lant une belle page de français de quelques bon-
nes difficultés orthographiques. Le père Girard,
dans son Cours éducatif de Langue maternelle,
traite ce procédé de profanation ; le mot est sévère
et certainement exagéré. Un maître, en dictant un
devoir, peut ajouter un mot ou en changer un
autre dans l'intérêt de ses élèves sans manquer
pour cela de respect à nos classiques ; pourvu tou-
tefois qu'il agisse avec ménagement et qu'il
prévienne ses jeunes auditeurs. En résumé, un
sujet intéressant et instructif pi'is chez nos meil-
leurs écrivains et assez difficile au point de vue
orthographique pour que l'on puisse se dispenser
de remanier le texte, voilà la dictée que le maître
doit préférer; c'est là d'ailleurs la seule méthode
adoptée aujourd'hui dans nos examens publics.
Peut-on faire de la dictée un exercice à double
fin, une leçon de chose en même temps qu'une
leçon de mots ? En d'autres termes peut-on se
servir de la dictée pour le fond et pour la forme,
de telle sorte que non seulement elle soit instruc-
tive, mais qu'elle se compose, par exemple, d'un ré-
sumé d'histoire, d'une leçon de sciences, d'un
'récit de voyages, d'une description de phénomènes
naturels ou de produits de l'industrie ? Ce double
usage d'un même exercice nous semble générale-
ment difficile et sujet à bien des inconvénients.
La science est une chose, la langue en est une autre.
Dans la pratique scolaire, il est assez malaisé
d'appeler tout ensemble l'attention de l'enfant sur
des faits historiques, scientifiques, géographiques
et sur les mots et leur orthographe. Il faut au
moins que les deux exercices se succèdent sans se
confondre, que le même morceau dicté soit d'a-
bord relu et expliqué au point de vue de la gram-
maire, puis repris comme leçon à étudier au point
de vue des idées. C'est en ce sens que nous indi-
quons, dans ce dictionnaire même, par exemple, à
la suite de certains articles de sciences, d'his-
toire ou de littérature, sous le titre de Lectures et
dictées, un grand nombre de morceaux qui nous
paraissent pouvoir être donnés en dictée et en
même temps servir à compléter l'étude de la
question. {
3° Comment f mit-il corriger la dictée? — Les
maîtres usent de divers procédés pour la correction
de la dictée; les uns font écrire le texte au tableau
par un élève, les autres font simplement épeler cha-
que mot sur le cahier, d'autres enfin font aussi épe-
ler le devoir, mais en donnant à chaque élève une
copie autre que la sienne à corriger. Dans le pre-
mier cas, les élèves doivent à la fois suivre sur le
tableau et sur leur brouillon, c'est-à-dire relever,
tantôt leurs erreurs, tantôt celles de leur cama-
rade; ce double elTort lasse bien vite l'attention.
Quand un élève cpello à haute voix, ses condisci-
ples doivent de même signaler ses fautes et cor-
riger les leurs ; le premier travail est facile à cons-
tater, mais il est presque impossible de contrôler
le second. Au contraire, si l'on confie à un écolier
la copie d'un concurrent, l'amour-propre est en
jeu, l'émulation est surexcitée ; que le maître ne
craigne rien : et on se voit d'un autre œil qu'on ne
voit son prochain ; » autant le petit correcteur était
lent à trouver ses fautes, autant il sera attentif et
prompt à biffer d'un trait celles du voisin. Nous
avons souvent essayé de ce moyen que nous nous
permettons de recommander à 3LM. les instituteurs ;
presque toujours la correction était scrupuleuse,
sévère, trop sévère même Le correcteur avait
marqué plus de fautes qu'il n'y en avait.
[J. Dussouchet.]
DIGESTION. — Zoologie, XXIII. — I définition.—
La digestion est la fonction de nutrition par laquelle
l'homme comme les animaux prend, introduit
dans son corps des substances dites substances
olimentaires, qui y sont transformées par l'action
de liquides, les sucs digestifs, de façon à être ren-
dues absorbnhles en partie.
Idée générale de l'appareil et du travail diges-
tifs. — L'appareil digestif a la forme d'un tube
ouvert à ses deux extrémités, en haut et en avant
par la bouche, en bas et en arrière du tronc par
l'anus. De la bouche il descend verticalement
dans le thorax (œsophage), suivant l'axe médian du
corps ; après avoir traversé le diaphragme, il se di-
rige, dans l'abdomen, d'abord de droite à gauche
en se dilatant (estomac), puis, rétréci et tubulaire,
alternativement de gauche à droite et de droite à
gauche jusqu'à la région inférieure et droite de
Vahdomen (intesti7i grêle). A ce niveau son calibre
augmente (gros intestin], il remonte à droite et
en dehors des anses de l'intestin grêle jusqu'à l'es-
tomac, devient alors transverse pour redescendre à
gauche, et après s'être projeté en arrière, il s'ouvre
à l'extérieur par l'anus. Dans toute son étendue,
l'appareil digestif est tapissé par une membrane
de nature muqueuse, modification de la peau, com-
mençant aux lè\Tes buccales, et se terminant à l'a-
nus, où elle se modifie de nouveau en peau. La
muqueuse, sous laquelle rampent des vaisseaux,
peut se laisser traverser : 1° de dehors en dedans par
des substances alimentaires transformées sous l'in-
fluence des sucs digestifs ; et 2° de dedans en dehors
par les liquides que laissent exsuder les vaisseaux
sanguins et qui elTectuent sur les substances ali-
mentaires des transformations les rendant absorba-
bles. Les glandes par l'intermédiaire desquelles
sont versés ces liquides sont elles-mêmes des re-
plis profonds de la muqueuse.
Division de l'étude de la digestion. — La diges-
tion est la plus longue à étudier des fonctions de
nutrition, et voici le plan que nous suivrons pour
l'exposer :
I. Anatomie de l'appareil digestif proprement dit
chez l'homme, comprenant : 1° une région au-
dessus du diaphragme (bouche, œsophage);
2° une région au-dessous du diaphragme (esto-
mac, intestin grêle, gros intestin).
II. Anatomie des organes annexes, comprenant les
dents et les glandes (glandes salivaires, foie,
pancréas),
III. Physiologie de la digestion, comprenant : 1° les
phénomènes mécaniques ; 1° les phénomènes chi-
miques (sucs digestifs, aliments, action des sucs
digestifs sur les aliments) ; 3° les pliénomènes
instinctifs (faim et soif).
IV. Etude de l'appareil digestif dans la série ani-
male.
I. Anatomie de l'appareil digestif prophemeni
DIT. Bouche. — La bouche est la partie supérieure
DIGESTION
— 590 —
DIGESTION
du tube digestif. C'est un entonnoir ouvert en
avant, au dehors, par sa partie évasée entre les lè-
vres, et eu arrière, dans le pharynx, par sa partie
rétrccie, le gosier; elle est située au-dessous des
fosses nasales, dont elle est séparée par le paUns,
et en arrière des os inférieurs de la face. Elle
comprend une poi'tie osseuse , que nous pou-
vons appeler le squelette buccal, soutenant des
parties molles, musculeuses, qui en forment les
parois et sont elles-mêmes recouvertes à l'extérieur
par la peau, et dans l'intérieur par la muqueuse
qui a pris naissance sur les muscles des lèvres.
Enfin, en arrière des lèvres, implantés dans les os.
nous trouvons une double rangée horizontale et
superposée d'organes très durs, disposée chacune
en arcade convexe antérieurement : ce sont les
dents (V. Dents).
1. Squelette de la bouche. — Il est formé par les
os maxillaires et les os palatins. Il y a deux os
maxillaires supérieurs et un os maxillaire inférieur.
Les deux premiers forment deux pièces parfaite-
ment symétriques, articulées l'une et l'autre en
avant, et représentant ensemble un fer à cheval
convexe en avant, fixé à la base de la face, et sur le
bord libre duquel sont ouverts, chez l'adulte seize
culs-de-sacs appelés alvéoles : dans chaque alvéole
est implantée une dent. Les deux os palatins for-
ment un plancher horizontal comblant la concavité
du maxillaire supérieur, et séparant les fosses na-
sales de la bouche. Le maxillaire inférieur a la
forme d'un fer à cheval situé parallèlement au-
dessous des maxillaires supérieurs; à chacune de
ses extrémités postérieures s'élève une branche os-
seuse, montante, se dressant en arrière des maxil-
laires supérieurs et allant s'appuyer à la base du
crâne, en avant du trou de l'oreille. C'est sur ce
double point de contact que la mâchoire inférieure
est mobile, grâce à l'action des muscles insérés
à sa surface et sur les côtés du crâne. Le bord
supérieur de ce dernier os est creusé de seize al-
véoles dentaires correspondant aux alvéoles de la
mâchoire supérieure.
'2. Parties charnues de la bouche. — Les muscles
buccaux sont des ligaments contractiles allant exté-
rieurement d'une mâchoire à l'autre, sur la surface
profonde desquels s'étend la muqueuse labiale, et
dont la surface externe est recouverte par la peau.
C'est dans un espace inter-musculaire horizontal,
appelé lèvres, situé en avant des arcades dentaires,
que la muqueuse prend naissance. Elle se réflé-
chit sur les mâchoires pour former les gencives,
s'enfonce dans les alvéoles en contournant les
racines dentaires, recouvre le palais jusqu'à son
bord postérieur ; à ce niveau, elle se détache
des os palatins et tombe librement au fond de la
bouche comme un rideau membraneux qu'on
nomme voile du palais, séparant la bouche du
pharynx. Le bord inférieur de ce voile est taillé
en forme de voûte présentant à sa partie moyenne
une clef de voûte charnue, la luette. A droite et à
gauche, le voile du palais est adhérent aux parois
buccales, et on observe dans cette région, symétri-
quement à gauche et à droite, un petit corps d'as-
pect spongieux, de nature glandulaire, qu'on nomme
amygdales. — Enfin, la langue est un organe mus-
culaire remplissant la concavité du maxillaire in-
férieur, libre en haut et en avant, attaché en bas et
en avant à la mâchoire inférieure, en arrière à
l'os hyoide, petit os situé au-dessus du bord supé-
rieur et antérieur du larynx. Ce dernier organe,
ainsi que nous le verrons dans une leçon ultérieure,
est placé en avant du pharynx et s'ouvre en haut
dans celui-ci. Par sa racine laryngienne, la langue
s'attache â l'os hyoïde, de même qu'un petit appa-
reil cartilagineux (c'est-à-dire, de consistance domi-
osseuse) dressé verticalement, Yépiylotte, recouvert
comme elle par la muqueuse.
[{é;;iu?is bucca'ci. — La partie de la bouche si-
tuée entre les muscles externes (formant les joues
et les lèvres) et les mâchoires, se nomme le vesti-
bule. La région située en arrière des dents, en
avant du pharynx, au-dessus de la langue et au-
dessous du palais, s'appelle la ttouche proprement
dite. Nous savons que le palais est^la cloison
horizontale séparant les fosses nasales de la bou-
che. On appelle plancher de la bouche l'espace in-
termaxillaire inférieur; isthme du r/osier, l'ouver-
ture postérieure de la bouche dans le pharynx : on
y trouve, en haut, le bord inférieur du voile du pa-
lais et la luette ; latéralement, les amygdales dans
les piliers du voile palatin ; en bas, la racine de la
langue et l'épiglotte.
Phanpix. — Le pharynx est une gouttière située
en arrière de la bouche et en avant d* la colonne
vertébrale ; elle est ouverte :
Î' en avant dans les fosses nasales.
latéralement dans l'oreille moyenne par l'in-
termédiaire d'ua petit conduit, la trompe
d'Eustache.
-"• Dans sa région moyenne et en avant, dans la boucbc, par
l'isthme du gosier.
3° Inférieure- J en avant dans le larjTix.
meut et. . . (en arrière dans l'œsophage.
On peut considérer le pharynx comme une sorte
de carrefour où se croisent les deux appareils res-
piratoire (ouvert au dehors par les fosses nasales)
et digestif (ouvert extérieurement entre les lèvres).
— La surface du pliarynx et celle de la trompe
d'Eustache sont tapissées par le prolongement de
la muqueuse buccale.
Œsophage. — C'est un conduit vertical et mé-
dian s'étendant du pharynx à l'estomac, appliqué
en avant de la colonne vertébrale et en arrière du
conduit respiratoire (la trachée-artère), aux dépens
duquel il se dilate lorsqu'il est traversé par des
substances alimentaires.
Estomac. — C'est une dilatation du tube diges-
tif située immédiatement au-dessous du dia-
phragme, ayant la forme d'une poire couchée hori-
zontalement et transversalement sur son grand axe.
présentant sa grosse extrémité {grosse tubérosité
ou gros cul-de-sac) à gauche ; sa pointe {petite tu-
bérosité ou petit cul-de-sac] est à droite et relevée.
L'œsophage s'ouvre dans la grosse tubérosité, et
sa communication avec l'estomac se nomme cardia
(mot grec signifiant cœur), parce que cette région
n'est séparée de la pointe du cœur que par l'épais-
seur du diaphragme. De la petite tubérosité part
l'intestin grêle, et la communication entre l'esto-
mac et la suite du tube digestif se nomme pylore
(en grec : porte). Enfin, le bord supérieur de l'esto-
mac se nomme petite courbure et le bord inférieur
grande courbure.
Au point de vue de la structure, l'estomac a ses
parois constituées par trois tuniques superposées :
1° la tunique interne ou muqueuse, dans l'épaisseur
de laquelle sont des replis glandulaires, les /'o/-
licules gastriques, formés chacun par la réunion
de petits tubes en cul-de-sac ouverts h. la surface
de la muqueuse par un seul orifice ; — 2° la tunique
moyenne on musculeuse, qui est formée de filaments
musculaires se contractant indépendamment de la
\o\onié {fibres 7nusculaires organiques) et disposés
surdeux couches principales, l'une dans laquelle les
fibres sont longitudinales, l'autre dans laquelle les
fibres sont transversales. Au pylore et au cardia,
les dernières sont très serrées et disposées en an-
neau ; cet anneau musculaire est semblable à ceux
qui resserrent, quand ils sont e!i contraction, l'a-
nus et le col de la vessie. Ces, muscles annulaires
se nomment des sphincters ; '— 3° la tunique e.x-
terne, ])rolongement de la membrane correspon-
dante étendue tout autour de l'intestin; elle est de
nature dite séreuse; nous parlerons plus loin de sa
disposition.
DIGESTION
— 591 —
DIGESTION
Intestin grêle. — Nous avons décrit plus haut
Tensemble de cette partie du tube alimentaire. On
la divise en plusieurs régions, dont les noms sont,
en s'éloignant de l'estomac et en allant vers le gros
intestin : le duodénum (en latin : douzaine, parce
que sa longueur est d'environ douze travers de
doigts) ; le jej-num (en latin : à jeun, parce que
l'absorption y est si intense que cette partie est
toujours vide) ; et l'iléon (en grec : qui décrit des
circonvolutions). — Les parois de l'intestin grêle
possèdent les mêmes tuniques que celles de l'es-
tomac, placées dans le même ordre. La muqueuse
présente des replis en profondeur, les glandes in-
testinales, et des replis en saillie, savoir : 1" les
valvules conniventes, sortes de rides transversales
en relief qui augmentent l'étendue de la muqueuse
en surface sans qu'elle occupe un plus grand espace ;
2° les viilosités, qui sont de petits soulèvements fili-
formes de la muqueuse coiffant l'extrémité des
vaisseaux chylifères (vaisseaux absorbants ; V. Ab-
sorption).
Gros intestin. — Avant d'en décrire les diverses
divisions, nous devons nous arrêter sur la région
où l'intestin grêle se jette dans le gros intestin,
dans la partie inférieure, antérieure et droite de la
cavité abdominale. Cette région se nomme iléo-
cœcale. L'intestin grêle y rencontre le gros intes-
tin latéralement et par la gauche de sa paroi ; au-
dessous de ce confluent celui-ci se termine en
un cul-de-sac, le cœcum, puis il remonte verticale-
ment. La muqueuse de l'iléon se prolonge dans le
cœcum on un repli en forme de lèvre horizontale, fai-
sant fonction de soupape à deux valves, qui s'ouvrent
du colon dans le cœcum ; on appelle cette soupape
valvule iléo-cœcale, ou barrière des apothicaires,
parce que les liquides introduits par l'anus pour
laver les intestins ne peuvent, à cause de la dis-
position de cet appareil se fermant sous leur pres-
sion, pénétrer dans l'intestin grêle. La région
ascendante du gros intestin se nomme colon ascen-
dant. A la hauteur de la grande courbure de l'es-
tomac ce tube devient horizontal et se dirige de
droite à gauche, pour former le colo?i transv^rse ;
puis, parvenu au côté gauche de la cavité abdomi-
nale , il redescend verticalement, constituant le co-
lon descendant. Par une double inflexion, qui se
nomme l'S iliaque, le gros intestin est alors pro-
jeté en arrière de la masse intestinale générale,
devient vertical, descend suivant l'axe médian du
corps sous la dénomination de rectum, et se ter-
mine en s'ouNTant au dehors dans un espace inter-
musculaire recouvert par la muqueuse qui s'y mo-
difie en peau, et qui est l'anus. Un sphincter formé
de couches musculaires dont les unes obéissent à
la volonté, dont les autres en sont indépendantes,
ferme l'orifice anal ou lui permet de s'ouvrir.
Les parois du gros intestin sont constituées par
la couche muqueuse, recouverte de la musculeuse
que recouvre elle-même la séreuse.
La séreuse intestinale, qu'on appelle le péritoine
(du grec péri, autour, et teinô, étendre), a la dis-
position de loutes les séreuses recouvrant les
viscères (cœur, poumons, cerveau). Le péritoine
est constitué dans son ensemble par deux sacs
membraneux emboîtés l'un dans l'autre et en con-
tinuité par leur bord, de sorte que le sac interne
est le prolongement du sac externe. Le premier
se moule exactement sur les anses intestinales et
sur la surface extérieure de l'estomac : c'est le
feuillet viscéral; le sac externe est libre : c'est le
feuillet pariétal. Entre ces deux feuillets est un
liquide dit sérosité, sécrété par les deux surfaces
en contact, et qui rend facile le glissement des deux
feuillets l'un sur l'autre pendant les mouvements
des viscères abdominaux. De nombreux vaisseaux
circulent dans le péritoine. '
II. Annexks de l'appareil digestif. — Ces an-
nexes, à part les dents, étudiées dans un article spé-
cial, sont glandulaires ; ce sont : les glandes sali-
vaires, le foie, le pancréas. — Toutes les glandes
digestives annexes ont la même forme : ce sont des
glandes dites en grappe composée, c'est-à-dire des
appareils affectant la disposition de grappes creu-
ses, dont les éléments ne sont visibles qu'à la
loupe, et qui s'ouvriraient par leur pédoncule à la
surface de la muqueuse dont elles ne sont que des
replis profonds. C'est autour des grains que vient
circuler, dans un très riche réseau vasculaire, le
sang dont les glandes retirent les éléments divers
des sucs digestifs. Toutes ces glandes déversent
donc leur produit sur la muqueuse digestive, à
l'exception cependant de la glande hépatique ', glande
faisant partie du foie et sécrétant la bile), qui emma-
gasine le liquide qu'elle élabore dans une poche,
la vésicule biliaire ou du fiel, d'où il ne sort que
suivant les besoins par un canal qui vient l'y cher-
cher, le cholédoque, débouchant dans le duodénum.
1° Glandes salivaires. — Elles sont au nombre
de trois paires, les parotides, les sublinguales et
les sous-maxillaires. La première est entre l'oreille
et la mâchoire inférieure ; son canal [canal de
Sténon) va s'ouvrir dans le vestibule sous les joues.
Les noms des autres indiquent leur situation, de
chaque côté et au-dessous de la langue.
2° Pancréas. — Situé derrière l'estomac et ayant
la longueur de son grand axe, le pancréas com-
munique par son canal avec le duodénum au même
point que le cholédoque.
3° Foie. — 11 est formé de deux glandes, la glande
hépatique et la glawle ghjcogène, ayant chacune
une mission bien différente, et dont les éléments,
quoique distincts, sont enchevêtrés.
La glande hépatique seule intéresse la digestion,
parce que c'est elle qui élabore la bile ; nous en
connaissons déjà la structure intime, mais il nous
reste à parler de l'ensemble du foie.
C'est la plus volumineuse des glandes du corps.
De couleur brun-sombre, il recouvre le duodénum
sur lequel il retombe pour le séparer du dia-
phragme. Entre cette partie du tube digestif et le
foie est située la vésicul" du fiel, dont le fond dé-
passe un peu le bord inférieur de celui-ci. Nous
verrons ailleurs que la deuxième glande entrant
dans la composition du foie est chargée de prépa-
rer les éléments du sucre nécessaire à l'économie.
III. Physiologie de la digestion. — 1. Phéno-
7nè?ies méca?iiques. — Les phénomènes mécaniques
de la digestion ont pour but : 1° la division des
substances alimentaires, division indispensable
pour que les sucs digestifs les pénètrent dans
toutes leurs parties ; 2° la progression de ces
substances dans le tube digestif; 3° l'expulsion
des matières fécales formées de tout ce qui n'a
pu être absorbé pendant le travail dige.stif.
Ces phénomènes sont les suivants : La préhen-
sio?i, acte par lequel la substance alimentaire est
saisie et portée du dehors à la bouche. — La mas-
tication, ou la division de la substance alimentaire
sous les dents, qui les coupent, les déchirent, ou
les écrasent, grâce au balancement de la mâchoire
inférieure. — h' insalivation, ou l'épanchement de
la salive pendant la mastication, c'est-à-dire d'un
liquide qui, humectant les corps hachés par les
dents, en facilitent le passage dans le gosier; la
salive est également utile pour la gustation, et à
cause de l'action chimique qu'elle exerce sur cer-
tains aliments. — La déglutition, acte par lequel
les substances alimentaires vont de la bouche à
l'estomac. Pour cela, l'épiglotte s'abaisse sur le
larynx, qui, du reste, va au-devant de cette sou-
pape en se soulevant en même temps que le
pharynx qui, lui, se dirige vers la substance
alimentaire ; pendant ce mouvement, le voile du
palais oblitère en se relevant la communication
entre les fosses nasales et la bouche ; de sorte que
le tube digestif est la seule voie ouverte, — Les
DIGESTION
— 592 -
DIGESTlOiN
mouvements sfonuicrnix ont pour but de diviser de
nouveau la substance alimentaire, afin que ie suc
gastrique, s'épancliant des glandes de l'estomac,
])uisse le pénétrer et agir sur certains aliments
pour les rendre absorbables. — Les mouvements
intestinaux appelés vermiculaires font progresser
les substances dans le tube digestif en les éloignant
toujours de l'estomac ; en même temps les sucs
digestifs qui s'épanchent des glandes digèrent
certains aliments, l'absorption se produit, et les
résidus constituant les matières fécales s'accumu-
lent dans le rectum, jusqu'à ce qu'ils soient expulsés
par le dernier acte mécanique, la défécation.
2. P/iéno/nènes ehimiques. — Les phénomènes
chimiques de la digestion sont ceux qui font subir
aux alhnents les transformations nécessaires pour
que ceux-ci soient absorbés par la muqueuse di-
gestive.
Pour qu'un phénomène chimique se produise
il faut qu'il y ait au moins deux corps en présence,
et comme résultat de cette présence, naissance d'un
ou de plusieurs composés nouveaux. Nous avons
donc, dans la chimie digestive, à étudier les élé-
ments en présence, c'est-à-dire les sucs digestifs
et les aliments, et l'action des sucs digestifs sur
les aliments.
Les sucs digestifs sont : la salive, le suc gastri-
que, le suc pancréatique, la bile et le suc intestinnl.
"Toutes ces humeurs, produites par les glandes que
nous avons étudiées déjà, contiennent : une pro-
portion d'eau supérieure à 90 p. 100, à l'exception de
la bile qui n'en contient que S5 ; des sels en dis-
solution, et des principes actifs de nature toute
particulière et n'exerçant leur action que sur des
substances déterminées. Le principe actif de la
salive est la ptyaline, celui du suc gastrique la
pt^psine, celui du suc pancréatique la pancréatijie.
La composition exacte du suc intestinal est encore
peu connue ; quant à la bile, elle a plutôt une
action mécanique qu'une action chimique propre-
ment dite.
Et maintenant, qu'est-ce qu'un aliment ?
On appelle aliment un corps capable d'être ab-
sorbé, soit immédiatement, soit après avoir subi
certaines transformations dues à l'action des liqui-
des digestifs. Il est rare que l'aliment soit introduit
dans le corps sous sa forme simple; il fait le plus
souvent partie composante d'une substance plus
ou moins complexe qu'on appelle substance ali-
7ne7itaire. L'eau, le sel marin et un grand nombre
de sels, le fer, etc., sont des aliments à'origine
minérale contenus dans un grand nombre de sub-
stances alimentaires. Les aliments d'origine orga-
nique, c'est-à-dire qui proviennent des tissus des
corps vivants, se divisent en trois classes : 1° les
féculents, ex. : l'amidon (dans les farines) et les
sucres, ex. : le sucre de lait (dans le lait), le sucre
de raisin (dans les fruits sucrés, le miel et les
boissons formentées) ; — 2° les azotés, ex. : le gluten
(qui accompagne l'amidon dans les farines), l'albu-
mine (contenue dans le blanc d'œuf et dans le sang) ;
— 3° les graisses, ex. : l'huile et la graisse. —
L'organisme réclame des corps de chacune de ces
trois classes : aussi, l'alimentation doit-elle être
variée. Le rôle de chaque aliment dans la profon-
deur des tissus, les proportions qu'il en faut absor-
ber pour que les pertes matérielles incessantes de
tous les tissus soient réparées, les qualités relatives
des substances alimentaires, sont des questions
fort intéressantes, mais qui sont plutôt du domaine
de l'hygiène. Ce dont nous avons à parler ici, au
point de vue de la physiologie digestive, ce sont
des transformations qu'ont à subir, pour être
absorbés, les aliments de chaque catégorie. Tous
ceux qxii ne sont pas déjà solubles, à r(!Xception
des graisses, le deviennent dans les sucs digostifs.
Les fécules deviennent solubles en se transformant
en sucre de raisin sous l'influence do la ptyaline
et de la pnncréatine. Les aliments azotés devien-
nent solubles quand ils ont subi l'action de la
pepsine. Les graisses, en présence de la pnncréa-
tine et sans doute des sels de la bile, sont réduin.'S
en une sorte de poussière liquide, formée d'une
multitude de petites gouttelettes en suspension
dans le liquide actif, et sont alors capables d'être
absorbées à cet état de division extrême. Ce mé-
lange intime des graisses avec certains liquides se
nomme émulsion ; le lait est une émulsion natu-
relle.
3. Phénomènes instinctifs. — Ce sont ceux qui
avertissent l'homme et l'animal qu'ils doivent man-
ger ou boire ; c'est par conséquent la faim et la soif.
Tout le monde connaît la sensation particulière
de la faim ; d'abord agréable quand on peut l'ap-
peler appétit, puis de plus en plus pénible si elle
se prolonge. Des expériences très précises ont
prouvé que ce sentiment ne résidait pas dans
l'estomac seulement, mais que c'était plutôt le
résultat d'un besoin de réparation ressenti par
l'organisme tout entier. La soif est, de même, lasen-
sation particulière invitant à introduire l'eau dans
le tube digestif, parce que tout l'organisme en a
besoin. Si la muqueuse buccale est particulière-
ment desséchée, c'est qu'elle est sans cesse sou-
mise à l'action de l'air qui pénètre dans l'appareil
respiratoire ou s'en échappe.
IV. Digestion dans la série animale. — Nous
serons très bref sur ce sujet, parce que, si l'appareil
digestif présente quelque particularité dans un
groupe, c'est en faisant l'étude de celui-ci que nous
le signalerons. Nous allons seulement indiquer
d'une façon très générale comment il se modifie
depuis les types inférieurs jusqu'à l'homme.
Chez les animaux les plus simples, les protozoai-
res, il n'y a pas de cavité viscérale ; le corps est
formé par une substance homogène transparente,
molle, que peuvent pénétrer les substances ali-
mentaires ; elles sont digérées dans l'intérieur de cet
organisme simple qu'elles traversent, puis sont re-
jetées à l'état de matières fécales par un point diffé-
rent de celui par lequel elles ont pénétré. En s'é-
levant dans la série animale jusqu'aux polypes
(corail, hydre d'eau douce), on trouve le corps creuse
d'un cul-de-sac tapissé par un repli interne du té-
gument extérieur ; c'est l'esquisse d'une cavité vis-
cérale, à laquelle est dévolue la fonction d'absorber
les aliments comme celle de respirer. Enfin pa-
raît, dans le groupe des rayonnes, le tube digestif
ouvert à ses deux extrémités par la bouche et l'a-
nus, devenant de plus en plus complexe quand on
s'élève dans le règne animal et servi par un plus
grand nombre d'annexés. Chez les invertébrés, les
glandes salivaires apparaissent dans l'embranche-
ment des annelés : les insectes, par exemple, en
sont pourvus ; la plupart des mollusques en ont
également. Le foie n'existe comme organe distinct
que chez les mollusques assez élevés; il existe aussi
chez les crustacés ; dans d'autres classes, il est
représenté par des organes différents, mais aux-
quels on attribue la fonction hépatique (insectes,
arachnides). Chez les vertébrés, l'appareil de la di-
gestion est plus ou moins semblable à celui de
l'homme ; il présente plus de complication chez les
oiseaux et certains mammifères herbivores, les
ruminants. Les annexes sont aussi les mômes que
chez l'homme, mais les dents n'existent jamais
chez les oiseaux, peuvent manquer aux reptiles
(tortues) ; les glandes salivaires font toujours dé-
faut chez les poissons, et la vésicule biliaire chez
quelques animaux : le cheval et le pigeon sont
dans ce cas. Au point de vue de la longueur et de
la complexité, nous indiquerons une loi absolue :
c'est que le tube digestif est d'autant plus court et
moins compliqué, que l'animal est plus carnassic:-.
Olisert'ations. — Nous recommandons, sur le su-
jet de la digestion, la lecture de l'IIistuire dune
DILATATION
— 593 —
DILATATION
bouchée de pain, de Jean Macé (librairie Hetzel). —
Il est facile d'ouvrir le corps de rats, de lapins, de
poules, de pigeons pour étudier le tube digestif des
mammifères et des oiseaux : pour cela, il faut in-
ciser longitudinalement la paroi abdominale, saisir
une anse quelconque de l'intestin, et le dérouler,
en n'exerçant pas de trop fortes tractions, et en
le séparant, avec la pointe d'un petit couteau, des
parties environnantes ; on pourra faire ainsi sortir
tous les viscères abdominaux jusqu'au diaphragme
chez les mammifères, et jusqu'en haut chez les oi-
seaux. Si l'on veut étudier la bouche d'un lapin,
on pourra scier la tête en deux, verticalement et
longitudinalement, par sa partie moyenne. La
coupe montrera la cavité crâni(!nne en haut, au-
dessous les fosses nasales, au-dessous enfin la
bouche et le pharynx. Il est évident que ces peti-
tes dissections, toutes simples qu'elles soient, doi-
vent être effectuées par des mains prudentes et
pratiquées sur des animaux frais, les coupures dé-
terminées par les instruments ayant servi à couper
de la chair pouvant être très dangereuses surtout
si la pièce n'est pas récemment morte.
[G. Philippon.]
DILATATION. — Physique, XV.— La dilata-
tion est l'augmentation de volume que prennent
les corps sous l'influence de la chaleur. Tous les
corps, qu'ils soient solides, liquides ou gazeux,
augmentent de dimensions, se dilatent, en un mot,
quand ils gagnent de la chaleur ; ils se contractent
quand ils en perdent. Quelques substances parais-
sent faire exception à cette loi générale : telle est
l'argQe desséchée qui se contracte quand on la met
dans le feu; mais c'est qu'elle subit un changement
dans sa nature chimique, puisque le volume ne
reprend pas sa valeur primitive après le refroidis-
sement.
On montre facilement la dilatation et la contrac-
tion que les corps éprouvent quand leur tempéra-
ture s'élève ou s'abaisse.
Une tige métallique s'alloncre quand on la chauffe
et ne peut plus tenir entre deux obstacles fixes où
elle entrait d'abord. Si l'une de ses extrémités est
fixée et que l'autre appuie contre la petite branche
d'un levier coudé dont la grande branche est une
aiguille se mouvant sur un cadran, l'aiguille rend
visible la dilatation de la tige chauffée. Une boule
métallique qui passe aisément dans un anneau,
quand elle est froide, n'y peut plus passer lors-
qu'elle est chaude, et elle ne reprend ses premiè-
res dimensions qu'en perdant la chaleur qu'on lui
avait donnée. Voilà pour les solides.
Si Ion chauffe un ballon surmonté d'un tube fin
et plein d'eau colorée, on voit la colonne liquide
s'élever. Enfin, quand on prend à la main un ballon
auquel on a soudé un tube en S contenant un li-
quide dans sa coudure inférieure, on voit l'index
liquide se déplacer comme sous une pression de
l'intérieur : c'est le gaz qui, en se dilatant, occupe
un volume plus grand que celui qu'il occupait.
1. Dilatation des solides. — Si dans un corps so-
lide l'une des dimensions est très grande par rap-
port aux autres, comme cela a lieu dans une corde
métallique ou dans une longue barre de fer, l'al-
longement dans le sens de la longueur est très
grand par rapport à celui des autres dimensions;
on néglige ces derniers pour ne s'occuper que du
premier, et on nomme dilatation linéaire laccrois-
sement de longueur que subit une barre en s'é-
chauffant, tandis qu'on nomme dilatation cubique
l'augmentation de volume de la même substance.
a) Dilatation linéaire. — L'expérience a montré
que lorsqu'il s'agit de corps homogènes, comme les
métaux, la dilatation est sensiblement uniforme
pour des températures qui ne dépassent pas 100",
c'est-à-dire que si une barre s'allonge d'un mil-
limètre, par exemple, pour un échauffement de
30°, elle s'allongera de 2 millimètres pour 60°. Il
2e Paiitie
suffit dès lors de connaître pour chaque substance
la dilatation produite pour 1°.
On appelle coefficient de dilatation liiwaire d'une
substance l'allongement que subit l'unité de lon-
gueur (c'est-à-dire le mètre) pour chaque degré
dont on la chauffe.
La recherche des coefficients de dilatation ne
manque pas de difficulté, parce que l'allongement
est toujours très faible, même sur une barre de
plusieurs mètres chauffée d'un assez grand nombre
de degrés. La mesure directe ne pourrait pas don-
ner la précision nécessaire ; il faut avoir recours à
des moyens détournés pour obtenir des résultats
exacts. A'ous ne pouvons pas décrire avec détail les
opérations faites par d'habiles physiciens dans ce
genre de recherches; nous nous bornerons à en
exposer le principe.
Une barre de 4 mètres a l'une de ses extrémités
fixée à un obstacle solide, et elle repose sur des
galets dans une auge. L'autre bout appuie contre
un levier vertical supportant une lunette horizon-
tale. L'auge est d'abord remplie d'eau que l'on
amène à 0° par de la glace. On note alors la division
d'une mire éloignée qui est visible dans la lunette.
On chauffe l'eau de la caisse, et à chaque obser-
vation on en prend exactement la température.
L'extrémité libre de la barre, en s'allongeant, fait
incliner le levier et la lunette, on voit alors par
celle-ci une autre division de la mire. Un calcul
simple permet de trouver l'allongement de la barre
d'après la distance des deux divisions vues sur la
mire, la distance à laquelle elle est placée et la
longueur du levier.
Voici, en millionièmes de mètre, les coefficients
trouvés pour les principaux métaux.
Acier non trempé 10
— trempé 12
Fer en fil 12.2
— forgé 1-2.3
Platine 9
Or 15
Cuivre 17
Laiton 18
.\.rgc>nt 19
Étàin 22
Plomb 28
Zinc 29
Fopite 11
Verre ordinaire S
Pour donnera ces nombres une signification plus
facile à saisir, on peut supposer une barre de
10 mètres cliauffée de 0° à lOU", c'est-à-dire portée
de la température de la glace fondante à celle de
l'eau bouillante : les nombres précédents exprime-
ront alors l'allongement en millimètres.
Ces coefficients sont d'un usage fréquent dans
les calculs. Ainsi, soit à trouver cjuelle sera la lon-
gueur à 80° du'i fît de laiton qui mesure 4 mètres
à 0°.
L'allongement pour 1", par mètre, est 0™,000017,
— 80°, — 0"", 000017 X 80
— et pour 4 mètres, 4 X 0"»,000017 X 80.
La longueur à 80° est dune
4 + 4X0,000017 XSO,
ou, en mettant 4 en facteur,
4 (1-f 0,000017 X 80)=:4™,00o44.
Pour généraliser ce résultat, si on désigne la
longueur à 0° (ici 4") par l^, par k le coeffi-
cient, par t la température, par ^j la longueur cher-
chée, on écrira
{=l^{l + kt).
Cette quantité entre parenthèses porte le nom de
binôme de dilatation : c'est l'unité plus autant de
fois le coefficient qu il y a de degrés.
De cet exemple, on tire les deux règles suivan-
tes, utiles pour la résolution des problèmes :
1" On obtient la longueur d'une barre à f, en
multipliant sa longueur à 0" par le binôme.
2" On trouve la longueur à 0" d'une barre en
divisant sa longueur donnée à t" par le binôme
pour cette température.
33
DILATATION
— 594 —
DILATATION
h) Dilatation cubique. — La dilatation cubique
des solides est encore bien plus difficile à déter-
miner que leur dilatation linéaire. IMais on peut
employer cette dernière à trouver l'autre, pour les
solides qui ont pu être mis en barres ou en tiges.
Si l'on remarque en effet que
Une tige de 1™ h 0» devient à 1°. . \-{- k,
on conclut que
Un cube de l" à 0° devient à 1». . (1 -\-kf.
Or, en développant ce cube, on trouve
Les deux dernières quantités A' et Zk^ peuvent être
supprimées ; ce sont des nombres décimaux où
le premier chiffre significatif est le dixième ou le
quinzième après la virgule. Le volume de fs à
0" est donc 1 ""3 -|- s/c à 1 " ; l'unité de volume aug-
mente donc de 3 A par degré, c'est-à-dire que le
coefficient cubique ou en volume est trois fois le
coefficient linéaire.
Le coefficient cubique connu, on résout tous les
problèmes de variation des volumes, d'après les
deux règles citées ci-devant pour les variations de
longueur; le coefficient seul change.
La dilatation des corps par la chaleur et la diffé-
rence qui existe entre leurs coefficients expliquent
un très grand nombre de faits. Les tuyaux en
fonte ou en tout autre métal qui servent à con-
duire les eaux ou le gaz ne doivent jamais être
réunis invariablement les uns aux autres ni soudés,
afin qu'ils ne se déforment pas par la dilatation.
On ne fixe que par un de leurs côtés les lames
de zinc employées pour toiture ; sans cette précau-
tion, elles se déchireraient l'hiver et se gonfle-
raient l'été. On applique la force énorme de con-
traction développée par un solide qui se refroidit
pour fixer entre elles deux barres de fer bout à
bout. On taille l'une en cylindre ; on perce l'autre
d'un trou un peu plus petit que ce cylindre ; on
chauffe cette dernière, la cavité s'agrandit assez
pour qu'on puisse y faire entrer à force l'extrémité
cylindrique froide ; par le refroidissement, la ca-
vité se rétrécit et serre avec force le cylindre qui
la remplit. C'est une raison analogue qui fait ap-
pliquer à chaud le cercle en fer qui doit relier les
pièces de la jante des roues; par le refroidisse-
ment, ce cercle resserre tous les joints et conso-
lide l'ensemble.
Les changements de température ont de l'in-
fluence sur la marche des horloges réglées par les
oscillations d'un pendule. Ces pendules sont or-
dinairement formés d'une tige métallique; ils s'al-
longent quand la température s'élève, et leurs os-
cillations deviennent plus lentes ; le contraire a
lieu quand la température diminue. Une horloge
avance donc ou retarde suivant qu'il fait froid ou
chaud. Pour éviter ces irrégularités^ on munit les
horloges de précision d'un pendule compensateur.
L'un des plus communs est le pendule à grille,
formé de deux métaux différents, le fer et le cui-
vre, et disposés de manière que la dilatation de
l'un faisant descendre le centre de gravité, la dila-
tation de l'autre le fasse remonter d'une quantité
égale, en sorte que le centre de gravité reste tou-
jours à la même distance du point de suspension.
Pour les horloges ordinaires, un pendule formé
d'une règle mince en bois de sapin bien sec avec
les fibres dans le sens de la longueur, et au bout
une petite lentille en fer ou en cuivre, convient
ass z bien, parce que le bois se dilate très-peu
dans le sens des fibres.
2. Dilatation des liquides. — Les liquides étant
nécessairement contenus dans des vases, leur aug-
mentation de volume par la chaleur sera modifiée
par la dilatation de l'enveloppe. Pour le montrer,
on remplit un ballon d'eau rougio ; on le ferme
avec un bouchon traversé d'un long tube, le li-
quide coloré monte dans le tube à un niveau que
l'on marque par une petite bande de papier
gommé. On plonge ensuite brusquement le ballon
dans de l'eau bouillante : on voit le niveau du li-
quide liaisser d'abord, remonter après à son pre-
mier niveau et le dépasser enfin de beaucoup.
C'est que le vase s'est dilaté le premier, sa capacité
s'est agrandie ; voilà pourquoi le niveau a d'abord
baisse. Le liquide s'est finalement dilaté plus que
le solide qui le contenait, et le résultat final, le
seul apparent, est la différence entre la dilatation
du liquide et celle du vase.
La dilatation du liquide, telle qu'elle serait si on
pouvait le mettre dans un vase non dilatable,
constitue sa dilidation absolue, tandis que nous
appelons dilatation apparente l'augmentation de
volume telle qu'on l'observe dans le vase, sans
s'occuper du changement de capacité de ce der-
nier.
La dilatation absolue est, pour chaque liquide, un
nombre invariable, caractéristique, comme ii ar-
rive pour les solides, tandis que la dilatation ap-
parente varie nécessairement avec la nature de
l'enveloppe ; elle serait nulle dans un vase qui se
dilaterait autant que le liquide.
Les liquides n'ont pas la régularité de dilatation
des corps solides; leur accroissement en volume
n'est pas uniforme même entre 0" et 100° ; il aug-
mente à mesure que la température s'élève ; aussi
ne peut-on indiquer les coefficients que pour un
degré déterminé, ou le coefficient moyen entre deux
limites de température. Seul, le mercure a une
dilatation uniforme comme les solides, ce qui le
rend précieux pour les thermomètres.
Voici, exprimés en millièmes, les coefficients de
dilatation absolue de quelques liquides:
Alcool 1,049
Éther 1,513
Huile grasse 0,b3
Sulfure de carbone.. 1.14
Eau 0,43P
Chloreforme 1,107
Mercure... 0,18 ou : — -.
00 50
On donne à ces nombres une signification plas
facile à saisir, en prenant dix litres du liquide que
l'on suppose chauffé de 0" à 100"; ils expriment
alors en litres l'augmentation du volume. Ainsi,
10 litres de mercure, en passant de 0° à 100°, aug-
mentent de 0 litre 18 centilitres; un même volume
d'éther dans les mêmes conditions augmente de
1 litre 5.
Les problèmes auxquels donne lieu la dilatation
des liquides se résolvent encore comme ceux des
solides ; ils se compliquent seulement de la dila-
tation du vase. Mais on passe du volume à 0° au
volume à t° en multipliant le premier par le binôme
de dilatation (qui est toujours l'unité plus autant
de fois le coefficient qu'il y a de degrés); et on
revient du volume V au volume à 0° en divisant
le premier par le binôme. C'est ce qu'expriment
les deux formules suivantes :
/ = V (1 -f d/) et V = -
t 0 ^ ' 1
dt
où r/ représente le coefficient du liquide considéré.
1-/) Correction des lectures barométrique^'. —
La hauteur du mercure dans le baromètre dépend
de la pression de l'air au moment de l'observa-
tion ; mais elle dépend aussi un peu de la tempé-
rature. Si en effet la température est élevée, le
mercure dilaté a une densité moindre, il monte
davantage pour la même pression de l'air; si la
température est plus basse, le mercure contracte
est plus lourd et s'élève moins pour une môme
pression. Ainsi, à égalité de pression atmosphérique,
la colonne mesurée du baromètre peut être plus
longue ou plus courte suivant la température. Les
DILATATION
— 595
DILATATION
indications barométriques cesseraient donc d'être
comparables si on ne les corrigeait pas. Cette cor-
rection consiste à ramener la hauteur observée à
la hauteur qu'on aurait trouvée si la température
eût été do 0°. Elle peut être faite très rapidement
à l'aide d'une table à double entrée dressée pour
cet objet. Le calcul qui la donne est d'ailler ^
très simple. Ainsi, soit à corriger la hauteur 'i'i'2
lue à 20°. La hauteur à 0° est à celle-là dans le
rapport inverse des densités du mercure» à 0° et
à 'Ml"; mais ces densités sont elles-mêmes en rai-
son inverse des volumes occupés par le mercure
à 0° et à 20°; et ce dernier volume est égal au
premier multiplié par le binôme de dilatation du
liquide. De ces considérations, on peut déduire
1
Hauteur à 0°
Hauteur à 20° binôme pour 20»
H,, 1
H^ „ l + 6/ X 20
d'où l'on tire :
H
H = . — ; — t-^t; ou
772
1 + d 30 1 + 0,(10018 X 20
H
et en général H
1 -+- (It
b] Maximum de densité de l'eau. — L'eau, com-
parée aux autres liquides, présente une anomalie
remarquable: tandis que tous les liquides se con-
tractent constamment et diminuent de volume à
mesure qu'on les refroidit, l'eau ne se contracte
que jusqu'à 4°; refroidie au-dessous de cette tem-
pérature elle augmente de volume. Cette tempéra-
ture de 4° à laquelle l'eau occupe le plus petit
volume est celle du maximum de densité de l'eau.
Puisqu'un poids donné d'eau occupe le volume le
plus petit, il en résulte que le litre aura à ce mo-
ment le plus grand poids, que la densité aura sa
plus grande valeur.
Cette propriété remarquable explique pourquoi
'.es grandes masses d'eau ne se congèlent jamais
qu'à la surface^ même dans les hivers les plus ri-
goureux. La surface d'un lac ou d'une rivière se
refroidit par son contact avec l'air froid ; l'eau y
augmente de densité, descend au fond tandis que
l'eau du fond moins froide remonte, pour se re-
froidir à son tour et redescendre; il s'établit ainsi
des courants ascendants et descendants jusqu'à ce
que toute la masse ait atteint 4°. A partir de ce
moment, la surface continue à se refroidir ; mais
comme l'eau est moins lourde qu'à 4°, elle ne des-
cend plus, les courants cessent, et l'eau du fond
reste à 4° pendant que celle d'en haut arrive à 0°
et se congèle. Il en serait autrement, si l'eau se
contractait toujours de plus en plus en se refroi-
dissant ; sa densité grandirait jusqu'à 0° ; toute
la masse arriverait à cette température et se con-
gèlerait entièrement.
"»° Dilatation des gaz. — Les gaz augmentent
plus de volume que les liquides, et à plus forte rai-
son bien plus que les solides. Il n'y a lieu de re-
chercher que leur dilatation en volume. Les pre-
mières recherches faites sur ce sujet sont dues à
Gay-Lussac, qui était arrivé à ces lois remarqua-
bles: 1° que tous les gaz avaient le même coeffi-
cient, égal à 0,00375 ou à ^, c'est-à-dire qu'un
litre de gaz augmentait de 0,00375 par degré ou
de 0'"",375 pour 100°; 2^ que pour tous les gaz
la dilatation ctaii toujours proportionnelle à la
température. Les recherches plus récentes de
M. Regnault ont fixé le coefficient de la plupart des
gaz à 0,00366 ou j-*j et montré que ce coefficient j
grandit un peu quand le gaz peut être facilement
liquéfié.
il est facile de montrer expérimentalement com-
bien le volume des gaz grandit vite sous l'action
de la chaleur, en chauffant légèrement le gaz con-
tenu dans un ballon soudé à un tube en S conte-
nant de l'eau dans sa coudure. On s'en rend éga-
lement compte par le calcul en cherchant à com-
bien de degrés il faut chauffer un gaz pour doubler
son volume. Si l'on prend à 0°273 litres de gaz,
puisque le coefficient, c'est-à-dire l'augmentation
de l'unité de volume par degré est ^, on voit de
suite qu'il suffira de chauft'er à 273"'pour obtenir
une augmentation de volume de 273 litres ou bien
un volume double du volume primitif.
Cette rapide variation, qui entraîne forcément
celle du poids, oblige à noter avec soin la tempéra-
ture à laquelle on mesure un gaz quand on v^nit
en trouver le poids. On comprend parfaitement que
la densité d'un gaz chauffé à 273° ne soit que moi-
tié de la densité à 0° puisque le même poids y
occupe un volume double.
Il intervient encore un autre facteur pour mo-
difier le volume, c'est la pression qui peut grandir
ou diminuer, comme on s'en rend compte en
chauffant à 273° un litre de gaz que l'on empêclie
de se dilater, en le tenant dans un vase fermé.
S'il était libre, le gaz occuperait 2 litres; il n'en
occupe qu'un, sa pression est donc double : elle a
varié comme aurait varié le volume. V. Elasticité
des gaz et Mariotte (loi de).
La connaissance du coefficient de dilatation des
gaz peimet de résoudre tous les problèmes con-
cernant leurs variations de volume par la chaleur.
On a encore, dans ce cas, comme pour les solides
et les liquides, les deux règles suivantes :
1° On passe du volume à 0° au volume à
t" en multipliant le premier par le binôme de
dilatation.
2° On revient du volume à t" au volume à 0°
en divisant le premier par le binôme.
Ce que l'on traduit par les deux formules sui-
vantes :
V
V =V (1 + at) et V = ^—
' 0 '■ ' '' 0 i -i- at
où a désigne le coefficient des gaz O,00oG!J ou .— r
Lsi densité* des gaz est donnée pour chacun à la
température 0° et sous la pression de 700°'°'. Il
en résulte que pour connaître le poids d'un vo-
lume V (soit 20 litres) mesuré à f (soit 50°) sous la
pression H (soit G40°""), il faut d'abord chercher
ce que serait le volume à 0° et sous la pression
760"" pour pouvoir ensuite multiplier le nombre
de litres trouvés par le poids d'un litre.
Dans l'exemple numérique précédent on au-
rait :
20
Volume à 0° =
1 + 0,0 me X 50
et volume à 0° et à 760-^°' =
20 X 640
(l + 0,003(.6x50) 7G0)
En généralisant, appelant p le poids du litre et P
le poids cherché, on arrive h la formule suivante,
utile pour tous les cas :
P= ^"/^
(i -\- at, 760
Appliquée au calcul du poids d'un mètre cube d'air
chauffé à 100° sous la pression 57tjmiii, elle donne
pour ce poids :
P =
lOOK X 570 X 1,293
, „,.,,.,. — - — ,.'"" . — ■ ou 710 grammes.
(I -t- O.OOoCc X lOO) 7U0 ^
DIRECTOIRE
596
DIRECTOIRE
Dans le cas de la vapeur d'eau à la pression de
20°"= à la température de 20°, la densité étant 9
par rapport à l'hj'drogène et le poids du litre de
ce gaz 0,09, on aurait pour le poids du mètre
cube :
P =
1000 X 20 X 0,09 X 9
- = 19 grammes 8G.
(1 + 0,00306 X -0} 760
On trouve encore à l'aide de la même formule
quel volume à f sous la pression H occupe un gaz
dont on connaît le poids; il suffit de mettre ce
poids à la place de P et de prendre Y comme in-
connue.
Si cette méthode rapide paraît trop algébrique,
on emploie alors la suivante qui conduit au même
résultat. Soit à chercher guel volume occuperaient
à 100° sous la pression ôTO^^iS grammes iCoxygène,
le poids du litre de ce gaz à 0° et à 760 étant
H 437 :
Le volume à 0° sous la pression 760 serait :
1,437
Le volume à lOO* sous la pression 760 serait
48
1,437
X (1 + 0,00366 X 100)
Le volume à 100° sous la pression 570 serait :
48 (1 + 0,00366 X ino) 760
1,437 X Ô70
ce qui amène 60 litres 80.
Expériences et exercices. — Gonfler à demi une
vessie d'air, la ceinturer d'une ficelle qui ne la
serre presque pas, l'approcher du feu et constater
qu'elle grossit.
Calculer le poids d'un litre de mercure à 100°.
Corriger une hauteur barométrique de 768""°
lue à la température de 20°.
Ramener à 0° et à la pression 760°"° 10 litres
d'un gaz mesurés à 50° et sous la pression 680.
Chercher le poids de 15 mètres cubes d'air
à 20° sous la pression 770°"". [Haraucourt . ]
DILUVIEX (Terrain). — V. Alluviojis.
DIRECTOIRE. — Histoire de France, XXXII;
Histoire générale, XV. — La Constitution dite de
l'an III, votée en 1795 par la Convention nationale
en remplacement de la Constitution de 1793 décla-
rée Impraticable, avait remis le pouvoir exécutif à
un conseil de cinq directeurs ou Dirtctoire, et
partagé le pouvoir législatif entre deux assem-
blées, le conseil des Cinq-Cents et le conseil des
Anciens (V. Comtitutions). Le régime du Direc-
toire dura quatre ans, du 5 brumaire an IV (27
octobre 1795) ;.u 18 brumaire an VIII (9 novembre
1799); nous allons esquisser brièvement cette pé-
riode de notre histoire.
Le 13 vendéminire . Fin de la Convention;
installation du Directoire . — Immédiatement
après l'acceptation de la Constitution de l'an III
par le vote populaire, et avant que la Convention
nationale eût remis ses pouvoirs au gouvernement
qui devait lui succéder, des conspirateurs roya-
listes, d'accord avec le comte d'Artois et le traître
Picliegru, avaient tenté un mouvement insurrec-
tionnel h. Paris même (13 vendémiaire 1795). Cette
révolte fut facilement réprimée ; et le général
Bonaparte, que les commissaires de la Convention
avaient chargé de la direction des opérations mili-
taires contre ies insurgés^ se vit recommandé par
ce triomphe à l'attention et à la bienveillance du
gouvernement républicain. Trois semaines plus
tard, la Convention se séparait; mais les deux tiers
de ses membres siégeaient dans les nouvelles as-
semblées législatives.
Celles-ci élurent, pour former le Directoire,
Barras, Carnot, Letourneur, Rewbell et Laréveil-
lère-Lcpcaux, qui tous cinq étaient des ex-conven-
tionnels ayant voté la mort de Louis XVI. Ils en-
trèrent en fonction le 13 brumaire an IV (4 nov.
1795).
i>iiuatioii intérieure en Van IV. — Le nouveau
gouvernement avait à lutter, d'une part contre les
royalistes, qui, ménagés après leur défaite de ven-
démiaire, n'en étaient devenus que plus auda-
cieux ; d'autre part, contre les restes du parti mon-
tagnard ou jacobin, que la constitution de l'an III ne
pouvait satisfaire. En outre, par suite de la dépré-
ciation croissante des assignats, tombés au cen-
tième de leur valeur, la détresse du trésor était au
comble.
Le comte d'Artois, conduisant une flotte anglaise,
s'était approché des côtes de la Vendée ; mais il s'é-
loigna sans avoir osé débarquer (décembre 1795). En
trois mois, grâce à l'énergie et au talent de Hoche,
la Vendée fut pacifiée; les derniers des chefs ven-
déens, Stofflet et Charette, furent pris et fusillés
(février et mars 1796).
Quant aux révolutionnaires, ils avaient fondé à
Paris la société du Panthéon, que le Directoire fit
fermer. La découverte de la conspiration dite de
Babeuf, et l'arrestation des principaux conjurés
(mai 1796), acheva la ruine du parti démocratique.
Pour faire face aux pressants besoins de la fcitua-
tion, le Directoire dut émettre en cinq mois 28
milliards d'assignats, qui ne représentaient guère
que 200 millions effectifs. On ne pouvait continuer
à marcher de la sorte. La planche aux assignats
fut brisée (mars 1796), et une nouvelle valeur fidu-
ciaire, les mandats territoriaux, remplaça le pa-
pier-monnaie de la Révolution. Mais les embarras
financiers du gouvernement n'en continuèrent pas
moins.
Situation extérieure. Campagnes de 1796f?i/;'a-
lie et en Atlemngne. — Grâce aux victoires de la
Convention, la France n'avait plus à combattre que
l'Angleterre, l'Autriche, le Piémont et quelques
petits princes d'Allemagne. Pour en finir avec les
ennemis de l'extérieur et les contraindre à la paix,
le Directoire prit une offensive hardie : Bonaparte
reçut l'ordre de chasser les Autrichiens du nord
de l'Italie, pendant nue Jourdan et Moreau devaient
pénétrer en Allemagne.
L'armée d'Italie, entrant en campagne en mars
1790, remporta une série de brillants succès
(V. Napoléon I"). Le Piémont demanda tm armis-
tice. Milan ouvrit ses portes, les princes italiens
achetèrent la paix, et Bonaparte put envoyer au
Directoire 30 millions et de nombreux chefs-
d'œuvre artistiques. Le général autrichien Wurm-
ser, battu et cerné, fut réduit à s'enfermer dans
la citadelle de Mantoue (septembre).
Jourdan et Moreau avaient été moins heureux ;
après s'être avancés jusqu'en Bavière, ils durent
battre en retraite et repasser le Rhin (septembre
et octobre".
Une nouvelle armée autrichienne descend alors
en Itahe (novembre). Bonaparte la repousse à Ar-
éole et à Rivoli, reçoit la capitulation de Mantoue
(février 1797), défait les troupes du pape, qui s'é-
tait allié aux Autrichiens, et lui impose le traité
de Tolentino, par lequel le Saint-Siège dut céder
les Légations et la Romagne.
Tandis que Bonaparte chassait les Autrichiens
d'Italie, le Directoire tenta de frapper un grand
coup contre l'Angleterre. Une flotte partie de Brest
devait conduire en Irlande une armée comman-
dée par Hoche; mais une tempête, qui dispersa les
vaisseaux français, fit manquer l'expédition (dé-
cembre 1796).
Campagnes de 1797. — L'Autriche avait perdu
l'Italie, mais elle ne s'avouait pas encore vaincue.
Trois armées, celle d'Itahc sous Bonaparte, celle
DIRECTOIRE
— 597
DIRECTOIRE
du Rhin sous Moreau, celle de Sambre-et-Meuse
sous Hoche, reçurent l'ordre de marcher sur
Vienne. Bonaparte culbute l'archiduc Charles qui
essayait de défendre les passages des Alpes, pénè-
tre en Carinlhie, en Styrie, et arrive jusqu"à Leo-
ben, à vingt-cinq lieues de Vienne. Là il s'arrête,
et de sa propre autorité signe des préliminaires de
paix (18 avril). Cependant Hoche et Moreau, vic-
torieux de leur côté, s'avançaient en Allemagne :
la nouvelle de l'armistice de Leoben, que le Direc-
toire ratifia après quelque hésitation, les força de
s'arrêter à leur tour.
Bonaparte organisa alors en république cisal-
pine toute la haute Italie, moins Gênes, qui forma
la république ligurienne, et Venise, que le général
vainqueur destinait à indemniser l'Autriche.
Affaires intérieures. Le 18 fnictidor. Campo-
Fo'mio. — La République triomphait de l'étran-
ger, mais elle n'avait jamais couru de si grands
périls à l'intérieur. En effet, presque tout ce
qu'il y avait d'énergique dans le parti républicain
avait péri dans les luttes intestines de la Révolu-
tion, ou se trouvait aux armées; et les royalistes,
restés ou rentrés en France, y avaient le champ
libre pour leurs intrigues et leurs complots. Dans
beaucoup de départements, ils avaient organisé
une véritable terreur contre les patriotes. Ils ob-
tinrent ainsi la victoire aux élections de 1797, qui
renonvelèrent un tiers des assemblées législatives,
et ils se trouvèrent alors en majorité dans les Con-
seils. Ils portèrent Pichegru à la présidence des
Cinq-Cents, et remplacèrent le directeur sortant,
Letourneur, par le royaliste Barthélémy. Leur
plan était de faire proclamer Louis XVIII par les
Conseils.
Le Directoire voyait le péril, et n'avait aucun
moyen légal de le conjurer. Les armées, pleines
d'enthousiasme républicain, s'indignèrent ; celle
d'Italie vota des adresses énergiques contre les
royalistes : « Tremblez, traîtres ; de l'Adige à la
Seine il n'y a qu'un pas, et le prix de vos iniquités
est au bout de nos baïonnettes. » Bonaparte con-
seilla au Directoire un coup d'Etat, et celui-ci s'y
résolut. Un détachement de l'armée de Hoche fut
appelé à Paris : les élections de quarante-huit dé-
partements furent annulées, et des mesures rigou-
reuses furent prises contre les ennemis de la
République (18 fructidor an V, 4 sept. 1797). Bar-
thélémy et Carnot, expulsés du Directoire, furent
remplacés par Merlin de Douai et François de
\eufchateau.
Quelques jours plus tard, le décret du tiers
consolidé liquidait la situation financière, en allé-
geant le budget des deux tiers de la dette par un
remboursement fictif qui équivalait à une ban-
queroute partielle. ^V. Dette publique.)
La République semblait raffermie ; mais elle ve-
nait de perdre Hoche ; et la popularité de Bona-
parte, qui grandissait tous les jours, lui préparait
de nouveaux dangers.
Le général victorieux négociait en ce moment en
Italie le traité de paix définitif avec l'Autriche. Il
fut signé à Campo-Formio (17 octobre). L'Autri-
che cédait la Belgique et le Milanais, et recevait
en échange Venise. Un congrès, réuni à Rastadt,
dut régler ce qui concernait les princes d'Allema-
gne.
De retour à Paris en décembre 1797, Bonaparte
y reçut un accueil triomphal ; mais il ne jugea pas
le moment venu encore de réaliser les ambitieux
projets qu'il méditait déjà. Il songea donc à quel-
que nouvelle campagne qui continuât à grandir le
prestige de son nom.
Ré/iublique romaine. Réjmblique helvétique.
Le 22 floréal. Erpéditiori dÉ'gi/pte. — A la suite
de troubles civils à Rome, le général Duphot
venait d'être assassiné par les dragons du pape ("28
déc. 1797). Aussitôt le Directoire fit occuper Rome,
et le parti démocratique y proclama la République
romaine, qui se mit sous la protection de la
Fraiïce (février 1798). Le pape Pie VI fut conduit
à Valence, où il mourut l'année suivante.
Presque en même temps, sur l'appel des Vau-
dois opprimés par les Bernois, deux armées fran-
çaises entrèrent en Suisse et s'emparèrent de
Berne après de sanglants combats (mars 1798).
L'ancienne ligue oligarchique des treize cantons
suisses fut remplacée par une République helvé-
tique, dans laquelle les pays sujets, émancipés par
la France, eurent les mêmes droits que leurs an-
ciens maîtres.
En France, cependant, le parti démocratique
avait repris des forces depuis le 18 fructidor, et
faisait une opposition assez vive au Directoire.
Aux élections de 1798 pour le renouvellement d'un
tiers des Conseils, il y eut lutte entre les candi-
dats démocrates ou patriotes, et les candidats di-
rectoriaux:. Ce furent les premiers qui l'empor-
tèrent. Le Directoire, se voyant menacé, renouvela
le coup d'État du 18 ''ructidor, mais cette fois en
sens inverse : il annula arbitrairement toutes les
élections de députés patriotes (22 floréal an VII,
11 mai 1798). Cet acte acheva de lui aliéner le
sentiment populaire, et fut pour beaucoup dans sa
chute.
Treilhard fut élu par les Conseils ainsi mutilés,
en remplacement de François de Neufchâteau, di-
recteur sortant.
Huit jours après le coup d'État du 22 floréal,
Bonaparte s'embarquait pour l'Egypte avec 36000
hommes. Le Directoire avait d'abord songé à lui
donner le commandement d'une armée destinée à
une descente en Angleterre : l'occasion paraissait
favorable, car une révolte avait éclaté en Irlande:
mais Bonaparte refusa. 11 rêvait d'une expédition
lointaine, qui fît de lui un héros légendaire. En
conséquence, il proposa de tenter la conquête
de l'Egypte, et le Directoire finit par adopter son
plan.
L'expédition d'Egypte ne se rattachant qu'indi-
rectement au sujet de cet article, nous renvoyons
pour les détails au mot Napoléon I".
Deuxième coalition. République parthéno-
péenne. Revers en Allemagne et en Italie. —
L'Europe monarchique voyait avec colère la France
créer autour d'elle une ceinture de républiques
alliées. L'Autriche d'ailleurs avait ses défaites à
venger, et l'Angleterre craignait les résultats de
l'expédition d'Egypte. La coalition se reforma, et
cette fois la Rus-ie promit son concours effectif.
Pour tenir tête aux adversaires qui menaçaient la
France, les Conseils votèrent alors la loi de la
conscription (8 septembre i79S).
Ce fut le roi de Naples qui commença la guerre
en attaquant la République romaine. Mais ses
troupes furent battues, et en janvier 1799 Cham-
pionnet entrait victorieux à Naples et y constituait
la République parthénopéenne.
Les Autrichiens et les Russes entrèrent alors en
ligne. Jourdan fut vaincu en Allemagne et dut se
replier sur le Rhin (mars 1799). En Italie, les Fran-
çais reculèrent devant les Autrichiens renforcés des
Russes de Souvaroff, et évacuèrent Milan. Par
une indigne violation du droit des gens, les plé-
nipotentiaires français, qui se trouvaient encore au
congrès de Rastadt, y furent assassinés (avril). La
situation devenait critique. Seul Masséna, en
Suisse, tenait tête à l'ennemi et gardait les che-
mins de la France.
Coup d'Etat du 30 prairial. Agitation inté-
rieure. Ascejulnnt de Sicj/ès. — Cependant les
élections annuelles venaient de renouveler un tiers
des Conseils. Rewbell, directeur sortant, fut rem-
placé par Sieyès (10 mai 1799). Avec ce dernier,
un élément de dissolution entre dans le Directoire.
Sieyès voulait substituer à la Constitution de
DIRECTOIRE
— 598 —
DISCOURS
Tan III une forme de gouvernement laissant en-
core moins de place à l'initiative populaire , et
concentrant l'autorité aux mains d'un seul. De leur
côté, les patriotes accusaient l'incapacité des di-
recteurs. Treilhard, dont l'élection était entachée
d'un vice de forme, fut sacrifié et remplacé par le
républicain Gohier. Puis Laréveillère et Merlin
lurent forcés de se démettre (30 prairial an VII,
18 juin 1799); on les remplaça par Roger-Ducos
et Moulins.
Un moment, sous la pression des dangers exté-
rieurs et intérieurs (la Vendée s'était de nouveau
soulevée), il sembla que l'exaltation patriotique de
1793 allait renaître. Les patriotes rossuscitèrent
le club des Jacobins sous le nom de Société du
Manège, et réclamèrent des mesures énergiques.
Les Conseils votèrent la loi des otages (12 juillet
1799). Mais la majorité du Directoire, dominée par
Sieyès, et appuyée sur le Conseil des Anciens,
réagit contre l'esprit révolutionnaire; bientôt la
Société du Manège fut dissoute et les journaux pa-
triotes suspendus.
Nouveaux triomphes des armées républicaines.
— Le Directoire venait de placer à la tête de
l'armée dltalie le jeune généralJoubert, sur lequel
Sieyès fondait de grandes espérances : mais il fut
battu et tué à Novi (15 août 1799). Un mois aupa-
ravant, Naples avait dû capituler. L'Italie tout
entière, sauf Gênes, était retombée aux mains de
la coalition.
Souvarofif vainqueur franchit alors les Alpes au
Saint-Gothard, pour aller rejoindre en Suisse les
Autrichiens et une autre armée russe sous Korsa-
koff, et accabler Masséna. En même temps une
armée anglo-russe débarquait en Hollande. Il
semblait que la France ne pût échapper à l'inva-
sion, lorsque soudain tout changea de face. Les
Anglo-Russes furent battus à Bergen par Brune
(19 septembre), et forcés de se rembarquer; et
presque en même temps, Masséna remportait sur
Korsakoff l'immortelle victoire de Zurich (25 sep-
tembre), qui sauva la France. Souvaroff, qui
n'avait pu opérer sa jonction avec Korsakoff, fut
rejeté derrière les Alpes après plusieurs jours
de combats terribles, et se retira en Bavière.
ie 18 brumaire. Fin du Directoire. — Bonaparte
avait quitté l'Egypte en apprenant les revers de la
France. Lorsqu'il débarqua à Fréjus (9 octobre),
la coalition était repoussée. Mais à Tintérieur, les
dissensions des partis offraient à l'ambitieux gé-
néral l'occasion désirée pour s'emparer du pouvoir.
S'alliant avec Sieyès, qui pensait faire de lui un
simple instrument de ses propres projets, il ré-
solut de changer la constitution par un coup de
force. Barras et Roger-Ducos, ainsi que la majorité
du conseil des Anciens, entrèrent dans le complot.
Les journées des 18 et 19 brumaire an VIII (9 et
10 novembre 1799) mirent fin au régime du Direc-
toire. (V. Consulat et Napoléon I".)
Ce gouvernement avait rendu sa chute inévitable
par ses fautes et sa mauvaise administration. Tou-
tefois, la réussite du 18 brumaire tint à des causes
plus profondes que les actes personnels des mem-
bres du Directoire, dont quelques-uns, d'ailleurs,
furent des républicains intègres et sincères. Les
classes auxquelles la Révolution venait de donner
le pouvoir, enrichies des dépouilles des anciens
privilégiés, et peu soucieuses des libertés démo-
cratiques, ne songeaient plus qu'à leurs intérêts
matériels : c'est à leur égoîsme et à leur incapacité
politique, bien plus qu'aux défautsde la constitution
ou à la médiocrité des gouvernants, qu'il faut
attribuer la fâcheuse issue de cette première ten-
tative d'organisation républicaine en France.
Reconnaissons, en outre, que si l'époque du
Directoire offre trop souvent, à 1 intérieur, un
triste spectacle de corruption et de désordre, ja-
mais la France ne fut plus grande à l'extérieur
que dans ces années mémorables où l'esprit ré-
publicain animait encore ses armées, et où ses
victoires n'avaient pour but que la dcf.mse de son
territoire ou l'affranchissement des peuples. Le
mouvement intellectuel, durant cette période, mé-
rite aussi d'être signalé : h's sciences mathémati-
ques, physiques et naturelles étaient représentées
à l'Institut par Lagrange , Laplace , Berthollet ,
Monge, Fourcroy, Jussieu, Lamarck, Daubenton,
Cuvier, etc.; la peinture, la sculpture, la musique,
par David, Houdon, Méhul, Grétry. Les écrivains
de la Décù'ie pniloiOphigue, Daunou, Dupuis, Ca-
banis, Destutt de Tracy, Ginguené, etc., conti-
nuaient avec talent la tradition des Encyclopédis-
tes, tandis que la poésie et la littérature d'imagi-
nation offraient des noms comme ceux de M.-J.
Cliénier, Lebrun, N.Lemercier, Bernardin de Saint-
Pierre, M°" de Staël. Ce mouvement, plein de
brillantes promesses, fut brusquement interrompu :
avec la perte de la liberté et l'avènement du régime
militaire commença la décadence littéraire et
scientifique qui allait caractériser l'empire.
DISCOURS. — Littérature et style, IV et X. —
Bien que nous ne songions aucunement à faire
revivre dans les écoles normales les anciens cours
de rhétorique des collèges, il peut être utile de
familiariser les élèves-maîtres avec quelques-unes
des idées les plus simples et des expressions les
plus usitées en ce qui concerne l'art oratoire.
Le discours est un morceau oratoire, c'est-à-dire
une suite de phrases destinées à être dites et non
lues, et qui doivent être enchaînées avec art, de
manière à convaincre un auditoire.
Quelque différents que puissent être les sujets
traités, il y a cependant des règles naturelles à
observer : on ne peut dire tout à la fois, ni laisser
les idées venir pêle-mêle, au hasard ; l'homme le
plus inculte, l'enfant même, quand il veut persua-
der, sait bien qu'il y a, comme on dit vulgairement,
une manière de s'y prendre, une certaine habileté
à déployer soit pour bien commencer, soit pour
bien continuer, soit pour bien finir.
Ces règles de l'art de persuader, règles devinées,
pressenties par quiconque parle avec une certaine
conviction et avec un vif désir de succès, l'ancienne
rhétorique les avait quelque peu lourdement
classées et étiquetées : résumons seulement celles
qui font partie de l'instruction élémentaire et dont
chacun aura dans la vie mille occasions de faire
un utile emploi.
Un discours se compose ordinairement de
six parties; voici les noms que la rhétorique leur
donne :
1° L'exorde ou le début. — L'orateur débute :
suivant qu'il parle devant une grande assemblée
ou devant un petit nombre de personnes, suivant
qu'il est ému, inquiet, embarrassé, ou au contraire
transporté par la passion, sûr de son droit, impa-
tient de le faire triompher, le ton différera. De là
l'exorde par insitiuatton, début timide, modeste,
qui semble fait pour donner le temps à l'orateur
de se rassurer, et qui en môme temps doit servir à
lui concilier la faveur, la bienveillance, l'indul-
gence même de l'auditoire; ou bien l'exorde ex
abrupto, par lequel il entre en matière avec une
sorte de violence impétueuse, sans préparation et
sans précautions oratoires.
2° La propositio7i ou l'exposé de la thèse. — 11
faut qu'on sache bien, dès le début, ce que vous
voulez démontrer, afin de ne plus le perdre de vue
dans le cours des démonstrations qui vont suivre.
C'est pourquoi, dans une ou deux phrases nettes,
précises, lumineuses, vous exposez votre thèse,
vous indiquez le plan que vous allez suivre,
vous appelez fortement l'attention sur l'idée
principale dont tout le discours sera le développe-
ment.
^0 La narration ouïe récit .'es faits. — Dans un
DISCOURS
— 399 —
LIVISEUaS
discours, il y a généralement une question de fait
à cclaircir d'abord; l'auditeur ne s'intéressera à
vos prétentions, ne les comprendra même, que
quand vous lui aurez raconté les faits en les lui
présentant habilement sous le jour que vous croyez
Otre le vrai. Cette narration oratoire ne ressemble
pas à la narration liistorique ou à la simple rela-
tion des événements; celle-ci peut être froide,
impartiale, neutre, et laisser l'esprit indifférent ou
hésitant; l'autre est nécessairement colorée, vive,
courte, passionnée, faite surtout pour servir la
cause qu'on soutient : en admettant même qu'elle
reste dans le vrai, elle insiste natu-elloment sur
les côtés les plus avantageux à l'intérêt de celui
qui parle.
4° La confirmation, la preuve ou le corps d'/iriju-
mentation. — La cause eiposée, les faits racontés,
il faut en faire sortir les conséquences logiques :
le moment est venu de faire appel à toutes les
ressources d'un raisonnement serré, vigoureux,
qui s'impose à l'auditeur et se grave malgré lui
dans son esprit. Quelquefois, le plus souvent
même, ce n'est pas une seule preuve qu'on in-
voque, on en a de plusieurs degrés : on commence
par les plus faibles, et graduellement on y en
ajoute d'autres qui soient de nature à amener
l'évidence complète et irrésistible.
5° La réfutation ou réponse aux objections. —
Quand l'auditeur est bien convaincu par vos dé-
monstrations, bien gagné à votre cause, bien
d'accord avec vous, il n'y a plus d'inconvénients à
lui signaler, pour les mettre en pièces,, les argu-
ments de votre adversaire, les objections qu'il
vous oppose ou va vous opposer. L'art de l'orateur
est d'atténuer autant que possible les raisons de
la partie adverse, de résoudre les sopliismes, les
paralogismes (faux raisonnements), de dissiper
toute confusion, tout malentendu, de rétorquer les
arguments spécieux et superficiels, qui ne résistent
pas à un examen approfondi. C'est ici que l'orateur
peut être le plus vif à l'attaque et avoir les plus
beaux mouvements oratoires : tantôt l'ironie, tantôt
l'indignation, lui servent d'arme vengeresse pour
confondre l'erreur et faire triompher la justice.
6° La péroraison ou fin du discours. — L'orateur
a fini la discussion des faits et des idées, il a fait
la lumière dans les esprits, il se recueille mainte-
nant et s'efforce de laisser en quelques graves et
éloquentes paroles la trace de son passage; ému
lui-même en se sentant arrivé au terme de sa
tâche et au moment décisif, il communique à son
auditoire les sentiments dont il est plein. A ce mo-
ment seulement, sa tâche achevée, il semble faire
un retour sur lui-même, et termine par quelques
mots, soit de modestie, soit de confiance, qui com-
plètent ce qu'avait commencé l'exorde, qui doivent
provoquer dans l'auditoire, outre la persuasion, un
sentiment de sympathie, d'estime et de respect
pour l'orateur qu'on vient d'entendre.
Différents genres de discours. — Cette esquisse
générale et théorique de la structure d'un discours
s'applique aux différents genres oratoires. On peut
distinguer : le discours politique (éloquence de la
tribune), le discours académique (éloquence acadé-
mique), le plaidoyer (éloquence du barreau), le
discours tumulaire ou oraison funèbre (éloquence
funèbre), le sermon ou l'homélie (éloquence de la
chaire), la conférence (éloquence familière), les
harangues ou proclamations militaires (éloquence
militaire].
On a donné le nom de (Hscours à certains ou-
vrages qui ne sont pas même pour la forme des
œuvres oratoires : c'est dans le sens étymologique
ancien du mot discours, qui signifiait ensemble de
raisonnements, de déductions, de réflexions, comme
dans la fameuse strophe de Malherbe :
Ta douleur, Du Perler, sera donc éternelle.
Et les tristes discours
Que te met en l'esprit l'amitié paternelle
L'augmenteront toujours !
C'est en cette acception que s'est pris le mot
discours dans les titres suivants : Discours sur la
méthode, de Dcscartes^ Discours sur C histoire uni-
verselle, de Bossuet, etc.
DISPOSITION. — V. Composition.
DISTILLATION. — V. Elnillition.
DIVISEURS. — Arithmétique, XI, XIII. — 1. On
nomme diviseur d'un nombre tout nombre qui le
divise exactement, c'est-à-dire sans reste. Ainsi 7
est un diviseur de 35, parce que, si l'on divise 35
par 7, on obtient un quotient exact, 5. Par une
raison analogue, 13 est un diviseur de 78, etc. Tout
nombre admet au moins deux diviseurs, car il est
divisible par lui-môme et par l'unité: ainsi 37 di-
visé par 37 donne pour quotient exact 1, et 37
divisé par I donne pour quotient exact 37. Il y a
des nombres qui admettent un grand nombre de
diviseurs ; ainsi on peut vérifier que 60 est divi-
sible par 1, 2, 3, 4, 5, 6, 10, 1'-', 15, 20, -30, 60. Un
même nombre peut être à la fois diviseur de plu-
sieurs autres ; ainsi 13 est un diviseur de 52, de 78,
de 91, etc. On dit alors que c'est un diviseur com-
mun à ces nombres.
2. — Tout nombre qui en divise deux aidi-es
divise leur somme. Sachant, par exemple, que 13
divise 52 et 78, on en conclut qu'il divise la somme
de 52 et de 7k, c'est-à-dire 130. Dire, en effet, que
52 est divisible par 13, c'est dire qu'il se compose
d'un nombre exact de fois 13 ; il en est de même
pour 78 ; or si à un nombre exact de fois 13 on
ajoute un nombre exact de fois 13, la somme se
composera évidemment d'un nombre exact de
fois 13, c'est-à-dire qu'elle sera divisible par 13.
Le même raisonnement montrerait que tout nom-
bre qui en divise plusieurs aidres divise leur
somme. Ainsi 7 divisant les nombres 35, 63, 84,
105, divise leur somme 287.
3. — Tout nombre qui en divise un autre divise
ses multiples. Ainsi 8 divisant 24 divisera tous les
multiples de 24, par exemple 5 fois 24, ou U'O.
Car 120 est la somme de 5 nombres divisibles par 8,
il est donc lui-même divisible par 8, d'après ce qui
a été dit ci-dessus.
4. — Toid nombre qui en divise deux aidres
divise leur différeiice. Sachant, par exemple, que
13 divise 91 et 52, on en conclu^'a qu'il divise leur
différence ;i9; car si de 91 qui se compose d'un
nombre exact de fois 13, on retranche 52, qui se
compose aussi d'un nombre exact de fois 13, on
obtiendra pour reste un nombre exact de fois 13,
c'est-à-dire un nombre divisible par 13.
On en conclut que tout nombre qui divise une
somme de deux parties et l'une d'elles, divise né-
cessairement l'autre, qui est la différence entre
la somme des deux parties et l'une d'elles.
5. Caractères de divisibilité. — Il arrive quel-
quefois qu'on peut reconnaître à certains carac-
tères qu'un nombre est divisible par un autre ; ces
caractères de divisibilité trouvent leur application
dans les calculs.
Un nombre est divisible par 2 quand le dernier
chiffre à droite est 0 ou u/c det chiffres pairs 2, 4,
6, 8. En effet, tout nombre peut être considéré
comme partagé en dizaines et en unités ; or, 10
étant divisible par 2, tout nombre de dizaines, qui
est un multiple de 10, est aussi divisible par 2.
Pour que le nombre total soit lui-même divisible
par 2, il faut donc, et il suffit, que le chiffre des
unités soit 0, ou un chiffre divisible par 2. Ainsi
24, 36, 78, 382, 490 sont des nombres divisibles
par 2.
Un nombre terminé par l'un des chiffres impairs
1, 3, 5, 7, 9 n'est point divisible par 2, et, en fai-
sant la division, on obtiendrait pour reste 1.
6. — Un nombre est divisible par 5 quand le
chiffre de ses unités est un 0 ou un 5. Tout nom-
DIVISEURS
— 600 —
DIVISEURS
bre peut être considéré comme composé de di-
zaines et d'unités ; or, 10 étant divisible par 5, les
dizaines, qui sont un multiple de 10, sont divisibles
par 5. Pour que le nombre total soit divisible
par 5 il faut donc, et il suffit, que le cbiffrc des
unités soit divisible par 5, ce qui exige que ce
chiffre soit 0 ou 5. Ainsi 35, 60, 75, 90, 105, etc.,
sont des nombres divisibles par 5.
7. — On peut remarquer que si l'on divise
par 2 ou par 5 un nombre quelconque, et que la
division ne se fasse pas exactement, on obtient le
môme reste qu'en divisant par 'i ou par 5 le chiffre
des unités. Car les dizaines étant un multiple
de 2 et de 5, le reste de la division ne peut pro-
venir que du chiffre des unités.
8. — Un hombre est divisible par 4 quand le
nombre formé par ses deux derniers chiffres à droite
est divisible par 4. En effet, tout nombre peut être
considéré comme composé de centaines et d'un
nombre moindre que 100. Or 100 étant un mul-
tiple de 4, les centaines, qui sont un multiple
de 100, forment un nombre divisible par 4. Pour
que le nombre total soit divisible par 4, il suffit
donc que le nombre formé par les deux derniers
chiffres à droite soit divisible par 4. Ainsi les nom-
bres 528, 2 940, 15 684, 23 796, etc., sont divisibles
par 4, parce que 28, 40, 84, 96, etc., sont des mul-
tiples de 4.
9. — Tout nombre est divisible par 25 quand le
nombre formé par ses deux derniers chiffres à
droite est divisible par 25. Même démonstration
qu'au n" 8. Les nombres divisibles par 25 sont donc
ceux qui se terminent à droite par 00,25, 50 ou 75.
Ainsi les nombres 1 800, 725, 4 750, 16 375, etc.,
sont divisibles par 25.
10. — On peut remarquer que si l'on divise un
nombre par 4 ou par 25, et que la division ne se
fasse pas exactement, on obtient le même reste
qu'en divisant par 4 ou par 25 le nombre formé par
les deux derniers chiffres à droite. Car les cen-
taines étant un multiple de 4 et de 25, le reste ne
peut provenir que de la division dunombre formé
par les chiffres des dizaines et dos unités.
11. — Toid nombre est divisible par 9 quand
la somme de ses chiffres, pris en valeur absolue,
est divisible jiar 0. Remarquons d'abord que tout
nombre formé de l'unité suivie d'un nombre quel-
conque de zéros est un multiple de 9, augmenté
de l'unité. Ainsi 10 000 est égal à 9990, qui est
un multiple de 9, plus 1. En second lieu, tout
nombre formé d'un chiffre significatif suivi d'un
nombre quelconque de zéros, est égal à un mul-
tiple de 9, augmenté de ce chiffre significatif.
Ainsi 70 0;.'0. ou 7 fois 10 000, équivaut à 7 fois
9 SJU9, c'est à-dire à un multiple de 9, plus 7 fois l,
ou 7. Soit maintenant un nombre quelconque
78 345; on pourra le décomposer de la manière
suivante :
70000, qui est un multiple de 9, plus 7
8000, — 9, — S
300, — 9,-3
40, — 9,-4
5, qui est égal h, zéro, — 5
En faisant la somme, on voit donc que le nom-
bre proposé 78 435 se compose d'une somme de
multiples de 9, qui est un multiple de 9, plus la
somme
7 + 8-1-3-1-44-5
qui est la somme de ses chiffres pris en valeur
absolue. Pour que le nombre donné soit divisible
par 9, il faut donc, et il suffit, que la somme de
ses chiffres soit elle-même divisible par 9. — C'est
ce (ini a lieu dans cet exemple, puisque la somme
des chiffres est 27 qui est un multiple de 9.
On peut remarquer qu'en faisant la somme des
chiffres on peat passer les 9, et môme les couples
de chiffres dont la somme fait 9.
12. — Tout nombre est divisible par 3 quand la
somme de ses chiffres, prl's en valeur absolue, est
divisible par 3. Car tout nombre étant égal à un
multiple de 9, qui est en même temps un multiple
de 3, augmente de la somme de ses chiffres, il suffit,
pour qu'il soit divisible par 3. que la somme de ses
chiffres soit un multiple de 3. Ainsi le nombre
19 687 est divisible par 3 ; car si l'on fait la somme
de ses chiffres en passant le chiffre 9 et le couple
de chiffres 1 et 8, qui font 9, «n trouve 12 qui est
un multiple de 3.
13. — Si l'on divise un nombre par 9 ou par 3,
et que la division ne se fasse pas exactement, on
obtient le même reste qu'en divisant par 9 ou par 3
la somme des chiffres de ce nombre. Car le nom-
bre donné se composant d'un multiple de 9 plus la
somme de ses chiffres, le reste, s'il y en a un, ne
peut provenir que de la division de la somme des
chiffres. Ainsi 1578 472 divisé par 9 donnerait pour
reste 7, car la somme de ses chiffres est un mul-
tiple de 9 augmenté de 7. Le même nombre, di-
visé par 3, donnerait pour reste 1, qui est le reste
de la division de 7 par 3.
14. es. — Tout 7iombre est divisible par 11
quand la différence entre la somme de ses chiffres
de rang impair et la somme de ses chiffres de
ranq pair est nulle ou égale à un multiple de 11.
On remarque d'abord que l'on a :
10 = 11 — 1,
d'où 10X10=(11 — l)Xl0 = m.ll — 10
ou 100 = ?w.ll — m-l = m.lH-l
(en désignant par m. 11 un multiple quelconque
de 11).
Multiplions par 10, nous aurons :
100X10=(w.)l-hl)X10 = ?».H-f 10=w.ll — 1
ou 1000 = »i.ll— 1.
Multiplions encore par 10, il viendra :
1000xlO=(w.ll— l)X10=>n.ll— lC=m.ll— 11-fl
ou 10000 = »i. 11-1-1.
En continuant ainsi on reconnaît que l'unité
suivie d'un nombre impair de zéros équivaut
à un multiple de 1 1 diminué de l'unité, et que
l'unité suivie d'un nombre pair de zéros équivaut
à un multiple de il augmenté à& l'unité.
Par un raisonnement pareil à celui qui a été fait
plus haut h. propos de la divisibilité par 9, on
en déduit que tout nombre composé d'un chiffre
significatif suivi de zér»-; équivaut à un multiple
àc 11, augmenté ou diminué de ce chiffre signifi-
catif suivant que ce chiffre est de rang impair ou
pair, h partir de la droite.
Cela posé, soit à considérer le nombre 659 318,
on pourra le décomposer de la manière suivante :
eooooo = m.W — 6
50000 = w.ll -f- 5
9000 = w.ll — 9
300 = w.ll -f 3
10 = m. 11
8=0
— 1
+ 8
d'où, en faisant la somme:
C5931S = ?n.ll-f (8-f3-|-5) — (l-i-9-fG).
Ce qui montre que tout nombre est égal à un
multiple de 11 auqmrnté de la différence eiitrela
somme de ses chiffres de rang impair et la somme
de SCS chiffres de rang pair. Û en résulte que, pour
qu'un nombre soit divisible par 11 il suffit que
DIVISEURS
601 —
DIVISEURS
cette différence soit elle-même ou nulle ou divi-
sible par 11.
iSi la somme des chiffres de rang impair était
moindre que la somme des chiffres de rang pair,
on pourrait ajouter à la première 11 ou un mul-
tiple de It sans changer la conclusion).
Dans l'exemple actuel on voit que 659 318 est
divisible par 11, car les deux sommes de chiffres
considérées sont toutes deux égales à 16.
16. C. S. — Si l'on divise par 11 un nombre
quelconque, et que la division ne se fasse pas exac-
tement, le reste obtenu est le même que si l'on
divisait par 11 la différence entre la ^omme des
chiffres de rang impair et la somme des chiffres
de rang pair (la première de ces deux sommes
étant, s'il est nécessaire, augmentée de II ou d'un
multiple de 11). Si, par exemple, on divise par 11
le nombre GÔ9 348, on obtiendra pour reste 8 ; car
la somme des chiffres de rang impair 8-l-3-f-5 est
16; la somme des chiffres de rang impair 4-)- i) -h G
est 19 ; si l'on augmente la première somme
de 11 ce qui donne 27, et qu'on en retranche 19.
il reste 8.
Exercice. Parmi les nombres :
27, 28, 30, 3G, 40, 44, 45, 50, 55, 00,
234, 615, 3773, 6831,
reconnaître ceux qui sont divisibles par 2, 3, 4,
5, 9, 11 ou 25.
16. — Preuve par 9 de la multiplication. — Soit
à multiplier les deux nombres 53 et 34. Le nom-
bre 53 équivaut à un multiple de 9, plus 8 ; et
le nombre ;54 équivaut à un multiple de 9 plus 7,
si l'on multiplie la première somme par la seconde;
le produit se composera évidemment du produit
de chacune des deux parties du multiplicande par
chacune des deux parties du multiplicateur; c'est-
à-dire qu'il contiendra quatre parties, dont trois
seront des multiples de 9 ; la quatrième sera le
produit des deux restes 8 et 7, c'est-à-dire 56. Or
ce nombre équivaut lui-même à un multiple de 9
plus 2. Le reste de la division du produit 53 X 34,
ou 1 802, par 9 doit donc être égal à 2.
De là cotte règle: ;joMr faire la preuve d'une
multiidication par 9, on cherche les restes de la
division par i! du midtiplicande et du multiplica-
teur ; on fait le produit de ces deux restes, et l'o7i
cherche le reste de la divisioiide ce produit par S);
ce reste doit être le même que celui de la division
par 9 du produit des deux nombres donnés.
On ferait de la môme manière la preuve de la
multiplication par 1 1 .
On peut aussi faire par le même procédé la
preuve d'une division, attendu que le dividende,
diminué du reste s'il y en a un, est le produit du
diviseur par le quotient.
17. es. — Nombres premiers. Tout nombre
qui n'est divisible que par lui-même et par l'unité,
est ce qu'on appelle un yiombre premier ; tels sont
les nombres 2, 3, 5, 7, 11. La considération des
nombres premiers a une grande utilité en arithmé-
tique.
Pour reconnaître si un nombre donné est un
nombre premier, le moyen naturel est d'essayer
la division de ce nombre successivement par 2,
par 3, par 4, par 5, etc., jusqu'à ce qu'on soit parvenu
aune division qui donne un quotient plus petit
qi\e le diviseur ; si aucune des divisions essayées
n'a donné un quotient exact, on peut affirmer que
le nombre proposé est premier. Soit, par exemple,
le nombre 461 ; eu opérant comme il vient d'être
dit, on parvient jusqu'au diviseur 23, qui donne
pour quotient 20 et pour reste 1. Le quotient 2 i
étant moindre que le diviseur 23, on en conclut
que 461 est premier. Car si un diviseur plus grand
que 23 donnait un quotient exact, ce quotient
serait moindre que 20 ; mais, dans une division
qui se fait exactement. le qtiotient est contenu
un nombre exact de fois dans le dividende ; le
nombre 401 admettrait donc un diviseur moindre
que 23, ce qui est contraire à l'hypothèse qui a
été faite.
Il faut bien remarquer que dans ces essais il
n'est nécessaire d'essayer, comme diviseur, que
les nombres qui sont premiers. Si l'on a reconnu,
par exemple, que 3 n'est pas un diviseur du nombre
proposé, il est inutile d'essayer 6 ou tout autre
multiple de 3. Car si le nombre proposé se com-
posait d'un nombre exact de fois 6, il se compo-
serait par cela même d'un nombre exact de fois 3,
et serait divisible par 3. De môme, si 5 ne divise
pas le nombre proposé, il est inutile d'essayer
comme diviseur un multiple quelconque de 5 ; et
ainsi pour tous les nombres premiers.
On peut remarquer encore qu'il résulte de ce
qui précède que tout nombre qui n'est pas premier
admet au moins un diviseur premier; car si, en
opérant comme il vient d'être dit, aucune division
ne se faisait exactement, le nombre dont il s'agit
serait premier.
IH. es. — La suite des nombres premiers est il-
limitée ; car si l'on considère un nombre premier
quelconque, 1 1 par exemple, il est facile de dé-
montrer qu'il doit exister un nombre premier plus
grand. Considérons, en effet, la somme
1.2.3.5.7.11-f 1
qui est évidemment plus grande que 11. Ou bien
cette somme est un nombre premier; ou, si elle
admet un diviseur premier, ce diviseur doit être
plus grand que 11 ; car les nombres premiers jus-
qu'à 11, divisant la première partie de la somme
ci-dessus, sans diviser la seconde qui est 1, ne
peuvent diviser la somme. Dans les deux cas, il
existe un nombre premier plus grand que 1 1 .
Voici la liste des nombres premiers moindres
que 100 :
1, 2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23, 29, 31, 37, 41, 43,
47, 53, 59, 61, 67, 71, 73, 79, 83, 89, 97.
19. C. s. — Un nombre peut toujours être dé-
composé en facteurs premiers. Pour cela, on le
divise par 2 si cela est possible, puis le quotient
par 2, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on parvienne
à un quotient qui ne soit plus divisible par 2. On
épuise alors le diviseur 3 comme on a épuisé le di-
viseur 2 ; on opère de même pour les diviseurs
premiers 5, 7, 11, etc., jusqu'à ce qu'on obtienne
pour quotient l'unité. 'Tous les diviseurs emploj'és
sont les facteurs premiers du nombre proposé.
S'il s'agit, par exemple, du nombre 2 520, on for-
mera comme il suit le tableau des opérations.
2520
2
1260
2
030
2
315
3
105
3
35
5
7
7
1
en écrivant chaque quotient au-dessous du précé-
dent. L'opération montre que l'on a
2.520 = 2X2X2X3X3X5X7 = 23.32.5.7
Exercices. — En appliquant cette méthode on
arrivera de môme aux résultats suivants :
360 = 23.32.5; 10.50 = 2.3.52.7; 840=23.3.5.7;
4851=32.72.11 ; 24750 = 2.32.5». 11 ;
6825 = 3.52.7.13; 10000 = 2*. 5*.
20. C. S. — Un môme diviseur peut être corn-
DIVISEURS
— 602 —
DIVISEURS
niun à plusieurs nombres. Ainsi 15 est un divi-
seur commun à 45 et à 60.
Le plus grand commun diviseur de deux nom-
bres est le plus grand nombre qui les divise exac-
tement tous les deux. Supposons que l'on demande
le plus grand commun diviseur des deux nombres
G'21 et 184. On commence par remarquer que le
plus grand commun diviseur cherché ne' peut pas
surpasser le plus petit nombre 18 i ; mais il pourrait
bien lui être égal si celui-ci divisait le plus grand.
Essaj'ons donc la division. En divisant 6;'l par 184
on trouve pour quotient 3 et pour reste 69 ; on en
conclut que le plus petit nombre 184 n'est pas le
plus grand commun diviseur cherché. Mais il est
aise de faire voir que ce plus grand commun divi-
seur est le même que celui qui existe entre le plus
petit 184 des deux nombres donnés et le reste 69
de leur division. En efifet, la division efifectuée donne
l'égalité
621 = 184X3 + 69.
Tout nombre qui divise à la fois 621 et 184, di-
visant aussi I8i X 3, divise une somme et l'une
de ses parties, il faut qu'il divise l'autre 69. Réci-
proquement : tout nombre qui divise 184 et 69,
divisant 184 x 3, divise les deux parties d'une
somme, donc il faut qu'il divise la somme 621. Il
en résulte que, si l'on formait d'une part le tableau
de tous les diviseurs communs à 6'.il et à 184, et
de l'autre le tableau de tous les diviseurs communs
à 184 et à 69, ces deux tableaux seraient identi-
ques. Donc, le plus grand de ces diviseurs serait le
môme dans les deux tableaux. — Ceci démontre
que le plus grand commun diviseur de deux nom-
bres est le même que celui qui existe entre le plus
petit d'entre eux et le reste de leur division.
La question étant ramenée à chercher le plus
pi-and commun diviseur entre 184 et 69, on devra,
d'apiès les mêmes considérations que ci-dessus,
chercher si 69 ne divise pas 18 i; on trouve pour
quotient 2 et pour reste 46. On en conclura comme
plus haut que le plus grand commun diviseur en-
tre 184 et 69 est le même qu'entre 69 et 46.
Divisant 69 par 46, on trouve pour quotient 1 et
pour reste 23. On divise 46 par 23, ce qui donne
pour quotient 2 sans reste ; le nombre 23 est donc
le plus grand commun diviseur entre 46 et 23, par
suite entre 69 et 46, par suite entre 184 et 69, par
suite enfin entre les deux nombres donnés 621 et
184.
On dispose l'opération comme ci -dessous :
3 I 2 I 1 I 2
1S4 69 46 23
138 iC
46
46 ::3
0
en mettant les quotients au-dessus des diviseurs
correspondants pour ne pas gêner les calculs.
On voit que la règle consiste à diviser le plus
grand nombre par le plus petit, celui-ci par le
reste de la division, ce premier reste par le se-
cond, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on obtienne
un reste qui divise exactement le reste précédent ;
ce dernier diviseur sera le plus grand commun
diviseur cherché.
On trouvera ainsi que
Le plus graud commun
diviseur des nombres....
455 et 175 est 35
9:2 — 336 — 4s
265 — 77 — 7
\ 1260 — 4S0 — 60
21. G. S. — On peut remarquer qu'en faisant
ces opérations, on parviendra toujours à un reste
qui divise exactement le reste précédent; car les
restes allant toujours en diminuant, on finira tou-
jours par le reste 0. Si le reste précédent était 1|
le plus grand commun diviseur des nombres pro-
posés serait 1 , ce qui revient à dire qu'ils n'auraient
pas de diviseur commun. On dit dans ce cas que
les deux nombres sont premiers entre eux. Ainsi
35 et 4S (qui ne sont pas des nombres premiers)
sont premiers entre eux.
On peut remarquer encore que tout nombre qui
en divise deux autres divise le reste de leur divi-
sion, et tous les restes successifs obtenus en ap-
pliquant la règle pour la recherche du plus grand
commun diviseur, et par conséquent le plus grand
commun diviseur lui-même qui est le dernier des
restes obtenus.
Enfin, il est important de remarquer que si l'on
multiplie deux nombres par un troisième, leur
plus grand commun diviseur est multiplié par ce
troisième. On sait, en efi'et, que si l'on multiplie
par un même nombre le dividende et le diviseur,
dans une division quelconque, le quotient ne
change pas, mais le reste se trouve multiplié par
ce même nombre. Il en résulte que si l'on multi-
plie deux nombres par un troisième, l'application
du procédé employé dans la recherche du plus
grand commun diviseur conduira à des restes suc-
cessifs qui seront tous multipliés par ce môme
nombre ; il en sera donc ainsi du plus grand com-
mun diviseur qui est le dernier de ces restes. —
Ainsi, les nombres 621 et 184, ayant pour plus grand
commun diviseur 23, les nombres 3 105 et 920, qui
sont les produits des deux premiers par 5, auront
pour plus grand commun diviseur ll5 qui est le
produit de 23 par 5.
22. G. S. — On peut avoir à chercher le plus
grand commun diviseur de trois nombres, par
exemple 1440, 960 et 600. Pour cela, on cherchera
d'abord le plus grand commun diviseur des deux
premiers, qui est 480 ; puis le plus grand commun
diviseur de 480 et du troisième nombre 600; on
trouvera 120, qui sera le plus grand commun di-
viseur des trois nombres donn?s. Gar 1° tout nom-
bre qui divise les trois nomhre- donnés divise 480
qui est le plus grand commun diviseur des deux
premiers ; divisant 480 et 600, il divise leur plus
grand commun diviseur 120. Réciproquement
2° le nombre qui divise 120 divise 480 et 600 qui
en sont des multiples, et par suite 1 440 et 960 qui
sont des multiples de 480. Ainsi, en vertu du 2»,
le nombre 120 est un diviseur commun aux trois
nombres donnés ; et il résulte du 1° qu'ils n'en
peuvent pas avoir de plus grand, puisqu'il doit di-
viser 120; donc 120 est bien le plus grand diviseur
commun des trois nombres donnés.
On verrait de même que pour obtenir le plus
grand commun diviseur de quatre nombres, il faut
chercher le plus grand commun diviseur des trois
premiers, puis le plus grand commun diviseur de
celui-ci et du quatrième nombre.
Il serait facile d'étendre la même opération à
plus de quatre nombres.
Exercices. — On trouve que :
Lepiu^ grand.des 3 nombres 2S6, 264 et 110 est 22
commun di-'— 3 — 1104. 690 — 460 — 46
"■«"■^ (— 4 — 340,510, 595 et 935 — 85
23. G. S. — Propriétés des nombres premiers
ENTRE eux. — Si uti lombrc divise un produit de
deux facteuj-s et qu'il soit premier avec l'un d'eux,
il divise nécessairement l'autre. — Par exemple,
le nombre 840 étant le produit des deux facteurs
35 et 24, le nombre 12, qui divise le produit et
qui est premier avec 35, divise nécessairement 24.
En effet, le plus grand commun diviseur des nom-
bres 12 et 35, qui sont premiers entre eux, est 1 ;
le plus grand commun diviseur des nombres
12 X 24 et 35 X 24 est donc 24. Or 12 divise
évidemment le produit 12 X 24 ; il divise aussi
DIVISEURS
— 603 —
DIVISION
par hypothèse le produit de 3S X 24, ou 840; donc
il divise leur plus grand commun diviseur 2i.
On déduit de ce principe que tout nombre pi'e-
rnier qui divise un produit divise au moins l un
de ses facteurs; et que tout nombre premier qui
divise une puissance d'unnombre divise ce nombre.
On en déduit encore que si deux nombres sont
premiers entre eux, leurs puissances sont premiè-
res entre elle->. Ainsi 8 et 9 étant premiers entre
eux, 83 et 9* le sont aussi ; car, s'ils avaient un
facteur premier commun, ce facteur divisant une
puissance de 8 et une puissance de 9 diviserait 8
et 9 ; ces deux nombres ne seraient donc pas pre-
miers entre eux. .
24. C. S. — Quand un nombre est divisible par
deux autres nombres premiers entre eux, il est
divisible par leur produit. — Ainsi 360, qui est
divisible par 8 et par 9, est divisible par 8 fois 9
ou 72. En effet, soit q le quotient de 360 par 8,
on aura
360 = 8 X q.
Le nombre 9 divisant 360, et étant premier avec
le facteur 8, divise nécessairement l'autre facteur
5'; on a donc
<7 = 9 X <?'
en désignant par q' le quotient de q par 9.
Par suite, on peut écrire
360 = 8 X (9 X ?') = 8 X 9 X ?' = (8 X 9) X î,
Le nombre 360 est donc divisible par le produit
8x9.
Pour qu'un nombre soit divisible par U7i autre,
il faut et il suffit qu'il contienne tous les facteurs
premiers de cet autre, affectés des lyiêmes expo-
sants. — Ce principe, évident pour deux facteurs
d'après ce qui précède, s'étend sans peine à un
nombre quelconque de facteurs.
25. — Un n^ûnbre ne peut être décomposé que
d'une seule manière eu facteurs premiers. — Sup-
posons qu'un nombre décomposé en ses facteurs
premiers ait donné pour résultat
3 X 5X 7 Xll
et que, décomposé d'une autre manière, il ait
donne
«XôXcXû;..
a, b, c, d représentant des facteurs premiers que
nous ne désignons pas ; on devra avoir
3.5.7.11 = a.b.c.d...
Le premier membre étant divisible par 3, il
faut que le second le soit, 3 divise donc un des
facteurs de ce second membre ; mais ces facteurs
sont premiers, il faut donc que 3 soit égal à l'un
d'eux. Supposons « = 3 ; on pourra diviser les
de uxmembres par 3, et il en résultera l'égalité :
S.lAl = b.c.d...
Le premier membre étant divisible par5, il en est
de même du second; 5 divise donc un des facteurs
de ce second membre; mais ces facteurs sont pre-
miers ; il faut donc que 5 soit égal à l'un d'eux.
Supposons A= 5 ; on pourra diviser les deux mem-
bres par 5, et on aura l'égalité
7.11 =c.d..
En continuant ainsi on verra que tout facteur du
premier membre est égal à un facteur du second,
et que les deux membres sont identiques.
Nous avons supposé, pour plus de clarté, les
facteurs premiers diflfcrents, mais le môme rai-
sonnement s'appliquerait à des facteurs égaux.
26. — Quand deux ou plusieurs nombres sont
décomposés en leurs facteurs premiers, on peut
former à vue leur plus grand commun diviseur.
Il suffit pour cela de faire le produit de tous les
facteurs premiers communs à ces nombres, en
affectant chacun de son plus petit exposant. Soient
donnés, par exemple, le nombre
360 = 2». 32. 5; 240 = 2*. 3. 5; 200 = 23.5»
leur plus grand commun diviseur sera 23.5 ou 40.
D'abord ce sera un diviseur commun; et ce sera le
plus grand; car on ne pourrait y introduire un
facteur de plus sans rendre impossible la division
de l'un au moins des nombres donnés par le pro-
duit ainsi formé.
On pourra exercer les élèves à trouver par ce
procédé le plus grand commun diviseur des nom-
bres
ou
ou
252
660
2400
840 — 2800
1386 — 14S5
3600 — 4890
27. — On nomme plus petit multiple commun
de plusieurs nombres, le plus petit nombre qui
soit divisible par chacun d'eux. — Quand les nom-
bres donnés sont décomposés en leurs facteurs
premiers, on forme leur plus petit multiple com-
mun en faisant le produit de tous leurs facteurs
premiers, affectés chaam de son plus haut expo-
sant.
Soient donnés comme ci-dessus les nombres
350 = 23.32.5 240=21.3.5 200 = 23.5*
Ijur plus petit commun multiple sera
2*. 32.52 ou 3600.
D'abord ce sera un multiple commun des nom-
bres donnés puisqu'il contient tous leurs facteurs ;
et ce sera le plus petit, car on ne pourrait y sup-
primer un facteur sans rendre impossible la divi-
sion de ce nombre par l'un au moins des nombres
donnés.
On pourra exercer les élèves à former le plus
petit multiple des nombres donnés comme exem-
ple à la fin de l'article précédent. [H. Sonnet.]
DIVISION. — Arithmétique, IX et X. — 1. La
division est une opération qui a pour but de par-
tager un nombre donné en autant de parties égales
qu'il y a d'unités dans un autre nombre donné. Le
nombre à partager s'appelle le divide7ide ; celui qui
indique le nombre des parties à obtenir s'appelle le
diviseur; et le résultat de l'opération, c'est-à-dire
l'une des parties demandées, porte le nom de quo-
tient. Si, par exemple, on demande de partager 40
en 5 parties égales, auquel cas chacune des parties
demandées sera 8, le nombre 40 sera le dividende,
5 le diviseur et 8 le quotient. On peut remarquer
que si l'on répète l'une des parties trouvées, au-
tant de fois qu'il y a de parties, on doit obtenii^
le nombre à partager ; ainsi, dans l'exemple ci-
dessus, 5 fois 8 font bien 40. C'est ce qu'on ex-
prime généralement en disant que le dividende
est le produit du quotie?it par le diviseur.
Mais la même opération peut être présentée sous
un autre pointde vue. Puisque 40 contient 5 parties
égales chacune à 8, et que 5 fois 8 est la même
chose que 8 fois 5, on peut dire que l'opération
a pour but de chercher combien de fois 5 est con-
tenu dans 40, ou, en général combien de fois le
diviseur est contenu dans le dividende ; le résultat,
8, exprimant ce nombre de fois, s'appelle quoti-^nt
(du latin quoties, combien de fois). Sous ce point
de vue, le dividende est regardé comme le produit
du diviseur par le quotient.
Enfin, comme dans ces deux manières d'envisager
la division, le dividende est un produit dont les
DIVISION
604 —
DIVISION
deux facteurs sont le diviseur et le quotient, on
peut dire que la division a pour but, étant donné
un produit de deux facteurs, appelé dividende,
ft l'un de ses facteurs, appelé diviseur, de trouver
l'autre facteur, appelé quotient.
Ces divers points de vue peuvent être emp1o\-és
tour à tour dans la théorie de la division. iDans
le cours élémentaire on pourra introduire l'idée
de division en supposant qu'on ait à partager éga-
lement entre des écoliers un certain nombre de
billes, un certain nombre de noix, etc.)
Il n'arrive pas toujours que le dividende con-
tienne un nombre exact de fois le diviseur; le but
de l'opération est alors de chercher le plus grand
nombre de fois que le diviseur est contenu dans
le dividende. Celui-ci n'est plus alors le produit
exact du diviseur par le quotient; mais il est égal
à ce produit ausmenté d'un certain reste, néces-
sairement moindre que le diviseur. Ainsi 43 étant
le dividende et 5 le diviseur, le premier nombre
contient le second S fois, plus un reste, qui est 3 ;
et 43 est égal à 5 fois 8 augmenté de 3.
2. — Lorsque le diviseur n'a qu'un chiffre et
que le dividende est moindre que lO fois le divi-
seur, la table de multiplication fait connaître im-
médiatement le quotient. Soit, par exemple, à
diviser 61 par 7. On sui\Ta, dans la table, la co-
lonne verticale qui commence par 7 ; on n'j- trou-
vera pas le nombre 61, mais on verra que 61 est
compris entre deux multiples consécutifs de 7,
savoir 56 et 63. Or ôG est dans la colonne hori-
zontale qui commence par 8 ; c'est donc le produit
de 7 par 8. On en conclut que 61 contient 8 fois 7,
plus un reste qui est la différence entre 56 et 61,
c'est-à-dire 5. Le quotient est donc 8 et le reste h ;
et le dividende 61 est bien égal au produit du di-
viseur 7 par le quotient 8, augmenté du reste 3.
, . 57 par 9 on obtient 6 .
Onverradememe >-c a .^..m- r> et
qu ea divisant: '^
3;
n Cl pour , .
reste • '
53 — 6 quotieut: 8 ' 5; etc.
3. — Supposons maintenant que le diviseur n'ait
qu'un chiffre, mais que le dividende en ait plusieurs,
et soit à diviser 3215 par 7. Le quotient aura plu-
sieurs chiffres ; mais ses plus hautes unités seront
des centaines, car un seul mille répété 7 fois don-
nerait un produit plus grand que le dividende.
On aura donc les centaines du quotient en prenant
la 7' partie des 32 centaines du dividende, ce qui
rentre dans le cas ci-dessus. On trouvera pour
quotient 4 centaines, et il restera 4 centaines, qui,
jointes aux dizaines du dividende, donneront 41
dizaines. On aura les dizaines du quotient en pre-
nant la 7' partie de ces 41 dizaines. On trouve
pour quotient 5 dizaines ; et il reste 6 dizaines,
qui. jointes aux 5 unités du dividende, donnent 65
unités. On prendra la 7* partie de ces 65 unités,
ce qui donne 9 unités; et il reste 2 unités. Le
quotient total est donc 459, et le reste de l'opéra-
tion est 2. — Dans la pratique, on dispose l'opéra-
tion comme ci-dessous :
3215
1 7
2S
459
41
35
05
63
2
Les nombres 32 centaines, 41 dizaines, 63 unités
sont les dicidend^s jmrtiels successivement em-
ployés; les nombres 28 centaines, 35 dizaines, 63
unités sont les produits du diviseur 7 par les cen-
taines, par les dizaines, et par les unités obtenus
successivement au quotient. Le second dividende
partiel 41 a été obtenu en retranchant 28 de 32 et
écrivant à côté du reste 4 centaines le chiffre 1 des
dizaines du dividende. Le troisième dividende
partiel 65 a été obtenu en retranchant 35 de 41, et
en écrivant à côté du reste 6 dizaines le chiffre 5
des unités du dividende. Enfin le reste 2 de l'opé-
ration a été obtenu en retranchant 63 de 65.
Pour abréger l'écriture on se dispense ordinai-
rement d'écrire les produits 28, 35, 63, et l'on
opère les soustractions de tête. L'opération est
alors disposée comme ci-dessous:
3215 j_7
41 4S!J
Co
2
et elle s'énonce comme il suit: le 7* de 32 est 4,
que j'écris au quotient; 7 fois 4 font 28; de Zi
reste 4; et je descends le chiffre 1 du dividende.
Le 1" de 41 est 5, que j'écris au quotient à la suite
du 4 ; 7 fois 5 font 35 ; de 41 reste 6 ; et je__ des-
cends le chiffre suivant 5 du dividende. Le 7» de
65 est 9, que j'écris au quotient à la suite de 5;
7 fois 9 font 63 ; de 65 reste 2.
4. — Il peut arriver que l'un des dividendes par-
tiels ainsi obtenus soit plus petit que le diviseur ;
cela indique que le quotient n'a pas d'unités de
l'ordre de ce dividende partiel ; on met un zéro
au quotient pour en tenir la place, et Ion abaisse
le chiffre suivant du dividende pour former un
nouveau dividende partiel de l'ordre immédiate-
ment inférieur. Soit, par exemple, à diviser 3562
par 7.
3562 I 7 ou 3562 1 7
508
6
62
6
508
06
0
62
56
6
Le 7^ des 35 centaines du dividende est 5 cen-
taines, et il reste 0; à coté de ce zéro on descend
le chiffre 6 du dividende, ce qui donne pour divi-
dende partiel 6 dizaines; ce dividende partiel étant
moindre que le diviseur 7, cela indique que le
quotient ne contient pas de dizaine ; on écrit 0 au
quotient pour en tenir la place, et l'on abaisse le
chiffre 2 du dividende, ce qui donne pour nouveau
dividende pirtiel 62 unités. Le 7= de 62 est 8, que
l'on écrit au quotient ; et il reste 6 unités. On a
figuré l'opération, d'abord en écrivant les produits
des divers chiffres du quotient par le diviseur, et
secondement en ne les écrivant pas.
5. — Exercices et problèmes.
Diviser 8543 par 9, le quotient est 949 et le reste 2
— 1762 i — 8, — 2203 — 0
— 51G97 — 6, — 8616 — l
— 200 9 — 5, — 4007 — 4
— 62-JlO — 8, — 7777 — 0
Partager 1242" entre 9 personnes. (Part de cha-
cune : l:i."'f).
En 365 jours combien y a-t-il de semaines ?
Rép. : 52, et il reste 1 jour.
hes porteurs portent respectivement 22 kilofj.,
29 kilog., 31 kilog., 18 kiloy. et 25 kilo;/.; quelle
serait la charge de chacun, si la charge totale était
également iépartie? Rép. : La charge totale est 125
kilogrammes ; dans l'hypothèse d'une égale répar-
tition, chacun porterait le cinquième de cette
charge, c'est-à-dire 25 kilogrammes.
6. — Nous supposerons maintenant que le divi-
seur ait un nombre de chiffres quelconque, mais
que le dividende soit moindre que 10 fois le
diviseur, ce qu'on reconnaîtra sur-le- champ en
DIVISION
— GOo —
DIVISION
mettant par la pensée un zéro à la droite du
diviseur. Et soit à diviser 3 345 par 459. Le quo-
tient n'ayant qu'un chiffre, on pourrait l'obtenir
par tâtonnement en multipliant successivement le
diviseur par 1, 2, 3, 4. etc., jusqu'à ce qu'on ob-
tienne deux produits consécutifs comprenant en-
tre eux le dividende ; le multiplicateur ayant donné
le plus petit de ces deux produits serait le quo-
tient demandé. Ainsi, dans l'exemple actuel, on
trouvera que le dividende 3 34ô est compris entre
3 213, produit du diviseur par ', et 3672, produit
du diviseur par 8. Le quotient demandé est donc 7,
et le reste de l'opération est la différence entre
3213 et 3 345, c'est-à-dire 132.
Mais on abrège le tâtonnement de la manière
suivante. On considère les plus hautes unités du
diviseur, ici 4 centaines, et les unités du même
ordre du dividende, ici 33 centaines. On divise 33
par 4, le quotient 8 est le chiffre que l'on cherche,
ou bien un chiffre trop fort.
Il ne peut pas être trop faible, car le produit
des 4 centaines du diviseur par 9 serait plus grand
à lui seul que le dividende ; mais il peut être trop
fort à cause des centaines qui peuvent provenir de
la multiplication des dizaines et des unités du
diviseur pour le chiffre 8, et du reste de l'opéra-
tion s'il y en a un.
Ici, on reconnaît que 8 est trop fort, on le dimi-
nue d'une unité, et le produit de 459 par 7 étant
moindre que le dividende, on en conclut que 7
est le véritable chiffre du quotient. — On dispose
l'opération comme plus haut :
3345 I 459
3213 7
132
7. — Supposons enfin que nous ayons à diviser
l'un par l'autre deux nombres entiers quelcon-
ques, par exemple 2701S6 par 3(j5. La première
chose à faire est de chercher combien le quotient
aura de chiffres; pour cela on suit la règle sui-
vante : on prend sur la gauche du dioidende assez
de chiffres pour former un iiombre qui contienne
le diviseur au moins une fois, et moins de dix;
dans l'exemple actuel on voit qu'il faut en prendre
quatre; le chiffre 1, auquel on s'arrête ai7isi,sera
de l'ordre des plus hautes unités du quotient. En
effet, le quotient aura des centaines, puisqu'en
partageant 2 701 centaines en 365 parties égales
on obtiendra au moins une centaine ; mais le quo-
tient n'aura pas de mille, parce que '^70 mille par-
tagés en 365 parties égales ne pourrait donner un
mille pour chacune d'elles. Le quotient aura donc
trois chiffres.
On divisera donc d'abord les 2 701 centaines du
dividende en 365 parties égales : c'est le cas du n° 6 ;
on trouve pour quotient 7 centaines, et il reste
146 centaines qui valent 1 460 dizaines ; en y ajou-
tant les 8 dizaines du dividende, on obtient 1 468
dizaines qui forment un second dividende partiel.
On divisera donc 1468 par 365; on trouve pour
quotient 4 dizaines, et pour reste 8 dizaines qui
valent 80 unités ; en y aioutant les 6 unités du di-
vidende, on obtient 86 unités qui forment le troi-
sième dividende partiel. Ce dividende partiel étant
moindre que le diviseur, cela indique que le quo-
tient n'a pas d'unités simples ; on met donc un
zéro au quotient pour en tenir la place. Le quo-
tient cherché est donc 740, et le reste de l'opéra-
tion est 86.
On dispose l'opération comme ci-dessous :
270186
1 365 ou simplement 270186
( 365
2555
1468
1460
74'J 1468
86
740
80
8. On peut énoncer de la manière suivante la
règle générale de la division.
Ecrivez le diviseur à la droite du dividende en
les séparant par un trait; tirez wi trait sous le
diviseur pour le séparer du quotient. Prenez sur la
gauche du dividende assez de chiffres pour former
un nombre qui contienne le diviseur au moins une
fois et moins de dix fois ; vous aurez ainsi wi pre-
mier divide?ide partiel. Divisez (par la méthode
du deuxième cas, n" 6) ce dividende partiel par le
diviseur; vous aurez le premier chiffre du quo-
tient ; multipliez le diviseur par ce chiffre et re-
tranchez le produit du dividende partiel. A côté du
reste, abaissez le chiffre suivant du diviiJende;
V'US aurez le second dividende partiel. Divisez ce
second divi^en/e partiel par le diviseur; vous au-
rez le second chiffre du quotient. Multipliez le di-
viseur par ce second chiffre et retranchez le pro-
duit du second dividende partiel. A coté du reste,
abaissez le chiffre suivaiit du dividende ; vous au-
rez le troisième dividende partiel. Opérez sur ce
nouveau dividende partiel comme sur les précé-
dents, et continuez ainsi jusqu'à ce que vous ayez
épuisé les chiffres du dividende.
S'il an-ive qu'un dividende partiel soit moindre
que le diviseur, mettez zéro au quotient, et abaissez
le chiffre suivant du dividende pour former un
nouveau dividende partiel.
9. — Pour faire la. preuve de la division, il sufSt
de multiplier le di\iseur par le quotient, et d'ajou-
ter à ce produit le reste de l'opération ; la somme
obtenue doit être égale au dividende.
On peut aussi faire la preuve par 9. (V. l'article
Diviseurs.)
Exercices et problèmes :
Diviser 369 par 17 (le quotient est 21, le reste 12)
— l-5127i3 — 546 ( — 3E074, — 319)
— 1199937 — 133 ( — 888S, — 79)
— 20000 — 97 ( — 206, — ISf
— 97273 — 239 ( — 407, sans reste^.
Partager une somme de 952 fr. entre 28 person-
nes. (Part de l'une d'elles : 34 fr.)
Combien 2856 heures font-elles de jours? (Rép.:
119.)
Sachant que 213 mètres d'une étoffe ont coûté
3 621 fr., calculer le prix du mètre. ^Rép. : 17.)
U?i voyageur a fait 713 kilomètres en 31 jours
en marchant d'une manière uniforme; combien
dt kilomètres a-t-il faits par jour? Rép. : 23;.
Da?is une expérience on a co?istaté que le son
avait parcouru 15 oOO mètres en 45 secondes; quel
espace a-t-il parcouru par seconde ? {B.ép. : 340 mè-
tre.s).
Combien 56 625 tninutes font-elles de semaines, de
jours et d'heures .'(Rép. : 5 semaines, 4 jours, 7 heu-
res et 45 minutes).
On a recueilli 2500 fr., puis 850 fr..puis 4220 fr.,
puis encore 970 fr., puis enfin 1000 fr., à répartir
entre 160 personnes; quelle sera la part de chacun ?
^Rép. : 90 fr.)
Un marchand qui avait 132 mit. d'un certain
drap., en a vendu 30 met. à 18 fr., puis 45 met. à
16 fr., puis encore 54 met. à 15 fr., et enfin le reste
à 14 fr. Quel est le prix moyen du mètre? (Rép. :
16 fr.)
10. — Remarques sur la divisio.v. — Lorsqu on
augmente le dividende, sans changer le diviseur,
le quotient augmente. Lorsqu'on augmente le di-
viseur, sans changer le dividende, le quotient di-
minue.
Si l'on multiplie à la fois le dividende et le di-
vueur lar un même nombre, le quotient ne change
pas, rnais le reste de la division est multipli'i par
ce liOmbre. Soit, par exemple, à diviser 33 S99 par
.-i29, ce qui donne pour quotient 64 et pour reste
43. On aura l'égalité
33899 = 529X64 -h 43.
DIVISION
606 —
DRAINAGE
On ne troublera pas l'égalité si l'on multiplie les
deux membres par un même nombre, par V2, par
exemple, pour fixer les idées. Et si l'on remarque
que pour multiplier une somme on peut multiplier
séparément ses narties, et que pour multiplier un
produit il suffit de multiplier l'un de ses facteurs,
on pourra écrire
33899X12 = (529X12)X6i+43X 12.
Or cette nouvelle égalité exprime que si l'on di-
visait 33 899 X 12 par buO X 12, on obtiendrait
pour quotient 64 et pour reste 43 X 12; ce qui dé-
montre la proposition.
Si l'on divise à lu fois le dividende et le diviseur
par un même >. ombre, le quotient ne chançje pas,
mais le reste est divisé par ce nombre. Soit à di-
viser 22G4par 6i, ce qui donne pour quotient 35
et pour reste 2i ; on aura l'égalité
2264=64X35+24.
On ne troublera pas l'égalité en divisant les deux
membres par un nombre moindre, par 8, par exem-
ple. Et si l'on remarque que pour diviser une
somme par 8 on peut diviser par 8 chacune de ses
parties, et que pour rendre un produit 8 fois moin-
dre il suffit de rendre l'un de ses facteurs 8 fois
moindre, on trouvera
283 =.8X35 + 3.
Or cette égalité exprime que si l'on divise 283
par 8, on obtient pour quotient 35 et pour reste 3.
Ceci démontre la proposition.
11. — On se sert de cette propriété pour sim-
plifier la division quand le dividende et le diviseur
sont terminés par des zéros. On peut, en effet, en
supprimer un même nombre au dividende et au
diviseur, ce qui revient à les diviser par une
môme puissance de 10 ; le quotient ne change pas ;
mais le reste est divisé par cette puissance de 10.
Soit^ par exemple, à diviser 3640000 par 850(i0;
on pourra diviser ces deux nombres par 1 000, et
opérer la division sur les nombres 3640 et 85, le
quotient, qui est 42, n'aura pas changé. Mais on
trouvera pour reste 70 au lieu de 70 000 qu'on au-
rait eu en opérant sur les nombres proposés.
Exercices et problèmes :
Diviser 2*700 par 600 ;
— 210 — 80;
— 3G10000 — 190000.
Une locomotive a parcouru 72 kilomètres en une
heure, quel chemin a-t-elle parcouru en une se-
conde? [En divisant 72 000 met. par 3600, on trouve
20 met.)
La distance de la terre au soleil est de
153048000 000 ?«è^, et le rai/on moyen du globe
terrestre est de 6306000 met ; combien de fois ce
rayon est-il contenu dayis la distance de la terreau
5o/e//.^(Rép. : 24 041 fois, avecunrestede9;i60nièt.)
i2. — On indique la division par le signe :
placé entre le dividende et le diviseur. Ainsi 35 ; 5
indique le quotient de 'Ah par 5, c'est-à-dire 7.
La même opération s'indique encore d'une autre
manière ; on écrit le diviseur au-dessous du divi-
dende en les séparant par un trait horizontal.
Ainsi |5 a la même signification que 35 : 5.
Cetteseconde manière d'écrire le quotient est la
seule en usage lorsqu'il s'agit d'opérations combi-
nées. Si, par exemple, on veut diviser par 8 tous
les termes de l'égalité considérée ci-dessus :
2264 = 64 X 35 + 24 ,
"'^'' ^' s^ 1- a- 2^
_- == _ X 3o + -^,
ce qui revient à
283 = 8X35 + 3,
comme ci-dessus.
[H. Sonnet.]
DOUBLETS. — Grammaire, VIII. — On appelle
doublets les doubles dérivations d'un même mot
qui répondent d'ordinaire à deux âges différents
dans l'histoire de notre langue. On les a classés
comme suit :
1° Un radical latin donne en français un doublet,
si ce radical a produit dans notre langue deux
mots, l'un populaire et l'autre savant ; ainsi, de
porticus, le peuple fit porche et les savants por-
tique ; fragilis, frêle et fragile ; rigidus, raide et
rigide; fiospiiale, hôtel et hôpital; separare, sevrer
et séparer; dotare, douer ei doter; nativus, naïf
et natif; poUonem, poison et potion ; acris, aigre
et acre; capfivus, chéiif et captif; cattsa, chose et
cause; pensare, peser et penser, etc. En général,
le dérivé savant a un sens plus précis et plus spé-
cial que le dérivé populaire, par exemple lét^al
comparé à l"yal, l'un et l'autre venant de legalis.
2° Il y a encore doublet lorsque à côté d'un mot
français d'origine populaire vient se placer un mot
d'importation étrangère, provenant du même ra-
dical ; ainsi cadentia a donné chance et cadence,
qui nous est venu de l'italien cadenza au xvi*
siècle.
3° Enfin, il y a encore doublet lorsqu'un même
radical donne en français deux dérivés d'origine
populaire, qui, pour l'ordinaire, appartenaient dans
l'origine à des dialectes différents, comme campus,
champ et camp; capsa, châsse et caisse; caput,
chef et cap; credentia, croyance et créance; gabata,
jatte et joue ; plicare, ployer et plier, etc.
[G. Aycr.l
DRAINAGE. — Agriculture, IV. — L'expression
drainage est empruntée à la langue anglaise ; elle
dérive du mot drain, rigole, tranchée. C'est de
l'Angleterre, en effet, que vient la pratique du
drainage.
Le drainage a pour but de débarrasser les terres
cultivées des eaux surabondantes, et de leur don-
ner un écoulement régulier par des conduits sou-
terrains, sans rien enlever à la quantité de surface
productive. Autrefois, dans les terres qui avaient
besoin d'être débarrassées d'eaux en excès, on
creusait des fossés plus ou moins nombreux pour
y faire écouler les eaux. Outre que ces fossés
enlevaient souvent une proportion notable de terre
bonne à cultiver, ils avaient l'inconvénient de ren-
dre difficiles l'accès et le travail des champs. Plus
tard, on eut l'idée de placer au fond de ces fossés
de grosses pierres laissant un espace vide, ou des
fascines remplissant le même but, et on recouvrit
ces fosses. Mais ces méthodes n'ont donné que
des résultats le plus souvent imparfaits; l'assai-
nissement des terres humides n'a pu devenir éco-
nomique en général que depuis les perfection-
nements apportés, d'abord en Angleterre, aux
méthodes adoptées jusqu'alors, par l'emploi des
tuiles et des tuyaux en terre cuite ^
Quel est le but du drainage? Pour répondre à
cette question, il suffit de reproduire quelques
phrases des instructions pratiques sur le drainage
publiées en 1855 par le ministre de l'agriculture :
« Le drainage exerce sur les phénomènes de la
végétation et sur les travaux de la culture l'in-
fluence la plus avantageuse et les effets les plus
remarquables. Le rapide écoulement des eaux de
pluie à travers le sol, et l'abaissement des eaux
stagnantes, quelle qu'en soit l'origine, à une pro-
londeur suffisante pour ne plus nuire au dévelop-
pement des racines, sont les deux résultats directs
et immédiats d'un drainage bien fait. De ces deux
premiers effets résultent, pour les terres auxquelles
le drainage peut s'appliquer avantageusement,
DRAINAGE
— 607
DRAINAGE
une moindre évaporation à la surface de la terre,
un accroissement notable de la chaleur du sol,
une modilication profonde de la constitution de la
couche arable, qui a moins de tendance à se fendre,
et conserve, par suite, plus de fraîcheur pendant
l'été ; une augmentation énorme de la fertilité^ par
l'introduction, dans la terre, des gaz et des sub-
stances les plus nécessaires au développement de
toutes les récoltes; et enfin une amélioration con-
sidérable dans l'état sanitaire et le régime des
eaux des contrées où les travaux de cette espèce
s'exécutent sur une certaine échelle. Les eaux de
pluie, étant rapidement absorbées par les terrains
drainés, ne peuvent plus se réunir, dégrader la
surface des champs et délaver les fumiers, en en-
traînant au loin leurs principes les plus précieux.
C'est pour le cultivateur une économie de chaque
jour, dont on n'apprécie pas assez généralement
toute l'importance.
» L^application du drainage aux terres humides
permet de les labourer presque en toute saison,
avantage que les agriculteurs sauront apprécier.
La santé des bestiaux s'améliore rapidement sur
les terrains drainés. La pourriture, en particulier,
cesse d'attaquer les moutons : aussi voit-on tou-
jours les animaux se réunir de préférence sur les
parties drainées de la pièce qu'ils pâturent. L'eau
qui imbibe le sol et qui est entraînée par les
tuyaux est immédiatement remplacée par de l'air
atmosphérique, que chasse ensuite une nouvelle
pluie. Ce nouveau volume d'eau est ensuite rem-
placé par de l'air, et ainsi de suite successivement.
Ce renouvellement, autour des racines, des prin-
cipes les plus nécessaires h l'alimentation des végé-
taux, permet aux plantes de se développer dans les
meilleures conditions. L'époque de la maturité des
récoltes est notablement avancée par l'accroisse-
ment de chaleur qui résulte, pour le sol, d'un
drainage bien exécuté. Quant à l'influence du drai-
nage sur la salubrité publique, elle est manifeste.
On a vu, dans beaucoup de localités, les fièvres
intermittentes épidémiques disparaître après l'exé-
cution de grandes opérations de cette espèce. Sou-
vent les brouillards cessent de se manifester sur
les terres assainies. »
Ces considérations, dont l'expérience a partout
justifié tous les termes, permettent d'indiquer
quelles sont les terres qu'il convient particulière-
ment de drainer. Ce sont celles généralement
désignées sous la dénomination de terres froides
et fortes, les sols argileux, et en général tous les
terrains plus ou moins imperméables ou reposant
sur un sous-sol imperméable. Il peut arriver, en
efi'et, que des sols sablonneux, c'est-à-dire ne rete-
nant pas l'eau par eux-mêmes, aient besoin d'être
drainés. Le cas se présente quand des terrains de
cette nature reposent sur un sous-sol d'argile ou
ne se laissant pas pénétrer par l'eau. Dans ce cas,
à mesure que l'action du soleil fait évaporer l'eau
qui est à la surface du sol, d'autre eau vient rem-
placer celle qui a disparu ; de telle sorte que le
sol est toujours froid et mouillé, et qu'.au lieu d'un
courant d'air continu de l'extérieur dans l'intérieur
du sol, il y a un courant d'eau de bas en haut. Les
racines des plantes cultivées sont ainsi privées de
l'action bienfaisante de l'air.
Il est inutile d'insister sur l'avantage que pré-
sente le drainage des terrains tourbeux et maré-
cageux de leur nature. Mais il est certains carac-
tères qui permettent de juger si un terrain non
marécageux a besoin d'être drainé. Les terres qui
ont besoin d'être drainées conservent encore des
flaques d'eau plusieurs jours après la pluie. Quand
on y creuse des trous, même après une longue
sécheresse, leurs parois présentent des suinte-
ments d'eau. Au printemps, quelques parties du
sol présentent une teinte plus foncée que le reste
de la pièce. Les caractères tirés de la végétation
sont aussi faciles à reconnaître. Les plantes y sont
généralement languissantes et poussent lentement ;
les tiges jaunissent, à partir du pied, longtemps
avant la maturité. Si le sol est en jachère, il se
couvre rapidement d'une petite mousse. Enfin
parmi les plantes de la végétation spontanée des
terres qui demandent le drainage, il convient de
citer les renoncules, les prêles, les joncs, les
carex, les colchiques d'automne, etc., toutes plan-
tes d'ailleurs que le drainage tend à faire dispa-
raître plus ou moins rapidement suivant leur abon-
dance et d'après la manière dont il a été pratiqué.
D'une manière générale, tout caractère extérieur
qui indique un excès d'eau dans la couche arable,
est un signe qui suffit pour appeler l'attention sur
l'opportunité de drainer le sol ; avec un peu d'ob-
servation, ces caractères deviennent promptemcnt
familiers.
Il faut maintenant donner des indications sur les
principales phases de l'exécution du drainage. Ces
phases sont : le tracé du travail et l'exécution des
opérations.
Tracé du drainage. — Lorsqu'un terrain d'une
certaine étendue doit être soumis au drainage, il faut
commencer par en lever le plan et par en opérer le
nivellement. Cette double opération doit être faite
suivant les règles ordinaires de l'arpentage, et il
estinutile d'y insister davantage. Ce travail prélimi-
naire peut être fait ou par l'agriculteur ou par un
arpenteur ; la i'aible dépense qu'il occasionne est
couverte, et au delà, par la facilité qu'on en retire
pour opérer régulièrement le tracé du drainage.
Pour indiquer la direction à donner aux fosses
de drainage, il faut se rappeler que c'est sa pe-
santeur qui y détermine l'écoulement de l'eau.
Les tranchées doivent donc être faites suivant
l'inclinaison du sol ; la règle la plus simple est de
les tracer suivant la ligne de plus grande pente.
Cette règle doit être considérée comme absolue,
pourvu que la pente du terrain ne soit pas exces-
sive et ne dépasse pas 15 à 20 centimètres par
mètre. En effet, le canal placé au fond d'une tran-
chée dirigée suivant la ligne de plus grande pente
se trouve symétriquement placé par rapport à la
surface du sol, et si celui-ci est homogène il fait
sentir son action à égale distance à droite et à
gauche. Dans le cas où le tracé ne suit pas cette
ligne de plus grande pente, le drainage agit entiè-
rement du côté où le terrain s'élève, et n'exerce
presque aucune action du côté où il descend. Si
donc, dans un champ, plusieurs parties présentent
des pentes difl'érentes, il sera bon de le diviser eu
autant de parties, et de tracer dans chacune les-
tranchées de drainage suivant la ligne de plus
grande pente.
On donne le nom de drains aux tuyaux en terre
cuite qu'on place au fond des tranchées pour re-
cueillir les eaux. On appelle drains ordinaires,
ceux des tranchées dont le tracé vient d'être indi-
qué ; drains collecteurs ou drains principaux de
premier ordre, ceux dans lesquels débouchent les
drains ordinaires; drains collecteurs de deuxième
ordre, ceux qui reçoivent les eaux des précédents
et qui les emmènent dans un canal de décharge.
Les drains collecteurs occupent ordinairement
les parties basses du terrain; le nivellement fait
d'avance permet de déterminer facilement la direc-
tion qui doit leur être donnée. Aux points d'inter-
section des drains collecteurs, il convient d'établir
des regards qui permettent de constater la régu-
larité avec laquelle se fait l'écoulement des eaux.
Les raccordements des drains ordinaires sur ceux
d'un degré supérieur doivent être faits à .uigle
aigu, de manière à faciliter la marche de l'eau ;
une inclinaison de 60 degrés est celle que la prati-
que a consacrée comme la plus favorable. En outre,
il est indispensable que les drains collecteurs
soient placés à un niveau inférieur de quelques
DRAINAGE
— 608
DRAINAGE
centimètres à celui des drains dont il reçoivent les
€aux. Les bouches des derniers drains dans le
canal de décharge doivent être aussi rares que
possible; elles sont faites en maçonnerie et mu-
nies de petites grilles pour empêcher l'introduc-
tion des animaux et des mauvaises herbes.
Les drains ordinaires ont trois centimètres à
f:;)is centimètres et demi de diamètre; la lon-
gueur de chaque partie de drain est de 30 à 40
centimètres. Dans la plupart des cas, il faut limiter
de 300 à 350 mètres, suivant la pente du terrain,
la longueur d'une tranchée de cet ordre. Quant
aux drains collecteurs, ils ont un diamètre plus
considérable, qui varie suivant la quantité d'eau
qu'ils sont appelés à débiter.
On a longtemps discuté sur la proportion sui-
vant laquelle les drains devaient être écartés. Les
uns conseillaient de rapprocher les tranchées, en
les creusant à une faible profondeur; les autres
voulaient qu'on fît des tranchées très profondes et
très écartées. Voici comment s'expriment à ce sujet
les instructions déjà citées : « La profondeur la
plus convenable à donner aux drains pour qu'ils
enlèvent toute l'eau surabondante^ et abaissent en
même temps assez le plan de l'eau stagnante pour
qu'elle ne puisse pas remonter jusqu'aux racines,
ou même à la surface du sol, par l'action de la
capillarité, est comprise entre 0°',90 et 1°',50; elle
suffit, dans les cas ordinaires, pour atteindre ce
ûo uble but. En principe, on adopte pour les petits
drains une profondeur de 1°',20; mais il doit être
bien entendu que cette règle n'est pas absolue. Il
ne faut point, évidemment, vouloir l'appliquer au
centimètre près, et tenir compte des petites iné-
galités du terrain, en faisant suivre exactement au
fond de la tranchée une ligne parallèle à toutes
les ondulations de la surface. Au contraire, la pente
du terrain doit être uniforme, ce qui implique
nécessairement, en général, des profondeurs un
peu variables. La profondeur de I'°,20 est donc une
moyenne dans la longueur de chaque drain, dont
il convient de s'écarter le moins possible, et dont,
en effet, on ne s'écarte pas sensiblement dans les
terrains réguliers et égalisés par une longue cul-
ture. » Dans quelques cas exceptionnels, la profon-
deur de certains drains doit être augmentée beau-
coup, quand il s'agit de franchir des parties hautes
ou d'atteindre des points d'écoulement; de même,
dans les tourbières, il faut descendre les drains
jusqu'à ce qu'on atteigne le sol solide, si elles
sont peu profondes, ou dans tous les cas, à une
profondeur assez considérable pour éviter les in-
convénients du tassement du sol quand il se des-
sèche. Des tranchées d'essai peuvent toujours
servir de guide pour régler la profondeur à donner
aux drains suivant la nature du sol.
Quant à l'écartement des drains, c'est une ques-
tion plus compliquée et dont la solution dépend
surtout de la nature du sol. Le drainage agit, en
effet, d'une manière assez inégale sur les diverses
sories de terres. Toutefois on peut dire que l'écar-
tement des tranchées creusées à une profondeur de
l^jSO doit varier entre les limites extrêmes de 6
mètres à 20 mètres. Il est rare que l'assainisse-
ment du sol soit parfait, sauf dans les sols très
poreux, quand l'écartement dépasse 15 à 16 mètres.
Dans la plupart des terres fortes de la partie sep-
tentrionale de la France, l'écartement qui paraît le
plus convenable est celui de 10 à II mètres. Il
faut toutefois rappeler qu'il est nécessaire de rap-
procher davantage les tranchées quand on est
obligé, par quelque raison que ce soit, de réduire
leur profondeur; ces chiffres sont donnés pour la
profondeur normale de l'',20.
En deliors des systèmes de drains qui viennent
d'être décrits, et qui servent directement à l'as-
sainissement du sol, on peut être conduit à en éta-
blir d'autres, dirigés, non plus dans le sens de la
plus grande pente, mais en suivant le périmètr®
des parties drainées. Ces drains, qu'on appelle
drains de ceinture, ont pour fonction spéciale d'ar-
rêter les eaux provenant d'infiltrations de terres
placées à un niveau supérieur. Il suftii, la plupart
du temps, d'une ligne de petits drains pour at-
teindre ce but; parfois même des tranchées d'une
profondeur suffisante arrêtent ces inlikrations.
Les différentes parties des opérations qui vien-
nent d'être indi(|uées doivent être figurées avec
soin, au moyen de signes conventionnels, sur le
plan de chaque champ qui doit être drainé, afin
que les travaux puissent être exécutés sur le ter-
rain avec régularité et sans tâtonnements. Ce plan
est d'ailleurs d'une grande utilité pour établir à
l'avance le prix de l'opération, qui dépend à la fois
de la longueur des drains, de leur profondeur et
de leur écai'tement.
Exécution des travaux. — Pour la bonne exé-
cution des travaux de drainage, il importe d'avoir
des ouvriers exercés à ces opérations qui, quoique
peu difficiles en elles-mêmes, demandent beaucoup
de soins et d'attention.
Il faut d'abord établir, sur le terrain, à l'aide de
piquets, la direction des tranchées dont les pro-
portions ont été fixées par le travail préliminaire
déjà décrit. Ce tracé exécuté, il convient de pro-
céder à l'ouverture des tranchées. Le profil adopté
pour les tranchées est la forme triangulaire. On a
dit que leur profondeur varie généralement de
'JO centimètres à 1™,50. Dans ce cas, elles ont au
sommet, c'est-à-dire à la surface du sol, 30 à 70
centimètres de largeur suivant la nature des terres,
et au fond 6 à 7 centimètres seulement. 11 importe
que les ouvriers ne dépassent pas les dimensions
voulues, car c'est un excès de travail tout à fait
inutile. Pour ouvrir et creuser les tranchées, on
emploie des instruments spéciaux, dont les prin-
cipaux sont la bêche à découper le gazon à la sur-
face, des bêches spéciales à fer long et étroit, des
dragues à fer creux. Généralement, des brigades
de trois ouvriers suffisent pour creuser une tran-
chée : le premier trace la tranchée et fait la pre-
mière levée de terre, le deuxième ouvrier fait les
levées suivantes, et le troisième achève l'opération.
Il importe que les parois des tranchées soient tou-
jours lisses et les talus bien droits. Dans les ter-
rains qui présentent des pierres, ou qni sont diffi-
ciles à travailler, on a recours à des pics qui, pour
une partie du travail, remplacent les bêches. Les
terres enlevées de la tranchée sont placées avec
soin de chaque côté de celle-ci : la terre végétale
d'un côté, les couches plus profondes de l'autre
côté.
Une opération indispensable est de bien régler
la profondeur et la pente dos tranchées. Sans cette
précaution, le di'ainage serait imparfait. A cet effet,
à mesure qu'une tranchée est creusée, le contre-
maître en vérifie la pente à l'aide de cordeaux, de
petites mires, de niveaux à fil à plomb, etc. Cette
vérification faite, on pose les tuyaux au fond des
tranchées. Les tuyaux à peu près exclusivement
employés sont en terre cuite et cylindriques; leur
diamètre varie suivant qu'ils sont destinés à des
collecteurs de premier ou de deuxième ordre. On
les place dans la tranchée à la suite les uns des
autres ; quelquefois leurs extrémités sont munies
de colliers qui permettent de les emmancher les
uns dans les autres. Pour les raccordements, une
ouverture circulaire est préparée dans le plus gros
tuyau, et le plus petit pénètre dans cette ouver-
ture. La pose des tuyaux exige beaucoup de soins ;
il importe que les extrémités soient bien assujetties
pour qu'il n'y ait pas de solution de continuité. On
se sert, pour la [)osc, d'un instrument spécial au-
quel on donne le nom de broche, et qui consiste en
un fer long recourbé à angle droit et fixé à l'extré-
mité d'un long manche. Quand on s'est assuré de
DRAMATIQUE
— 609 —
DRAMATIQUE
la pose régulière des tuyaux, la tranchée est com-
blée avec la terre ^u"on en a retirée, mais celle-ci
est placée avec les précautions nécessaires pour
ne pas modifier la position des tuyaux. Avant de
combler la partie la plus élevée de chaque tran-
chée, on bouche le dernier tuyau avec une pierre,
pour empêcher l'entrée dans ce tuyau de la terre
délayée par l'eau.
L'établissement d'un drainage comporte quel-
ques travaux accessoires qu'il reste à indiquer. En
premier lieu vient la construction des re-
gards qu'on place aux points de jonction des tuyaux
collecteurs. Ces regards sont des ouvertures qui
permettent de juger comment se fait l'écoulement
des eaux. Ils sont le plus souvent formés par des
tuyaux à emboîtement placés verticalement et
fermés à leur partie supérieure par une large pierre
plate. — Les bouches des drains, soit dans un talus
de fossé, soit à l'origine d'un fossé, doivent aussi
être construites avec des dispositions spéciales
pour empêcher l'introduction des animaux, les ob-
structions, etc. ; le plus souvent, elles sont munies
d'une grille de fer encastrée dans la maçonnerie.
La fabrication des tuyaux de drainage est du
ressort d'une industrie spéciale. Ce n'est que dans
des cas extrêmement rares et tout à fait exception-
nels que des agriculteurs ont été amenés à les
fabriquer eux-mêmes.
Législation du drainage. — Lorsque les avan-
tages du drainage furent bien établis en France,
on s'occupa de prendre des mesures législatives
pour faciliter cette importante amélioration fon-
cière. La plus grave difficulté était dans l'écoule-
ment des eaux provenant des terrains drainés ;
elle a été levée par la loi du 10 juin 1854.
■ En vertu de cette loi, tout propriétaire qui veut
assainir son fonds, par le drainage ou un autre
mode d'assèchement, peut, moyennant une juste
et préalable indemnité, en conduire les eaux, sou-
terrainement ou à ciel ouvert, à travers les pro-
priétés qui séparent ce fonds d'un cours d'eau ou
de toute autre voie d'écoulement. Les maisons,
cours, jardins, parcs et enclos attenant aux habi-
tations sont toutefois exceptés de cette servitude.
Les propriétaires des fonds voisins ou traversés
ont la faculté de se servir des travaux faits, pour
l'écoulement de leurs propres fonds. Dans ce cas,
ils supportent une part proportionnelle dans la
valeur des travaux dont ils profitent, les frais ré-
sultant des modifications que l'exercice de cette
faculté peut rendre nécessaires, et enfin une part
contributive dans l'entretien des travaux devenus
communs.
Une autre disposition importante de cette loi est
celle qui autorise les propriétaires qui veulent,
par des travaux d'ensemble, assainir leurs terres
par le drainage , à se constituer en associa-
tions syndicales. Les travaux que voudraient exé-
cuter les associations syndicales, les communes ou
les départements, pour faciliter le drainage, ou
tout autre mode d'assèchement, peuvent être dé-
clarés d'utilité publique. Cette dernière disposition
de la loi a reçu plusieurs applications importantes;
des résultats considérables ont été obtenus par
l'association de propriétaires en vue du drainage,
notamment dans le département de Seine-et-Marne.
[Henry Sagnier.]
Ouvrages à consulter. — Instructions pratiquas sur
le drainage, réunies par ordre du ministre de l'agriculture.
— Traité du drainage, par J.-A. Barrai. — Traité du drai-
nage, par Leclerc.
DRAMATIQUE (Genre) et DRAME. —Littérature
et style, III. — Le genre dramatique embrasse toutes
les œuvres littéraires qui ont pour caractère de
mettre en scène une action {drama en grec signifie
action). hQ drame, — dans le sens étymologique du
mot, — c'est la suite des événements dont l'enchaî-
nement forme l'intérêt de la pièce représentée; mais
2* Partie.
on a donné à ce mot, depuis la fin du XVIIP siècle,
un sens plus étroit que nous expliquerons ci-des-
sous.
Le genre dramatique comprend trois grandes
divisions : œuvres tragiques, œuvres comiques, et
œuvres mixtes ou tragi-comiques.
La première division embrasse elle-même la
tragédie proprement dite et l'opéra sérieux, qu'on
appelait autrefois tragédie lyrique ou drame ly-
rique.
La seconde contient toutes les formes diverses
de la comédie, depuis la farce jusqu'à la comédie
de mœurs; en y ajoutant les soties du moyen
âge, la parodie, le vaudeville, l'opéra comique, etc.
Dans la troisième se place le drame, ainsi défini
par le Dictionnaire de l'Académie : « Pièce de
théâtre en vers ou en prose, d'un genre mixte entre
la tragédie et la comédie, dont l'action, sérieuse par
le fond, souvent familière par la forme, admet toutes
sortes de personnages ainsi que tous les sentiawnts
et tous les tons. »
Nous parlons ailleurs de la tragédie * et de la
comédie ' ; nous n'avons ici qu'à dire quelques
mots du drame proprement dit.
On en pourrait rechercher les origines dans
l'antiquité grecque et romaine, mais il ne s'est
réellement constitué qu'au xvi* siècle. Les deux
grands créateurs du drame moderne sont biiaiie-
speare et Calderon. — V„ l'article Shakespeare, et
sur Calderon, l'anicle Espagne ^littérature). .
En France, les débuts du drame au milieu du
xviiie siècle furent difficiles, peu brillants et long-
temps contestés. Un auteur médiocre, qui n'est
plus connu aujourd'hui que par une épigramme de
Piron (V. Comédie), La Chaussée, eut le premier
l'idée de donner au public des pièces ofi"rant à la
fois l'intérêt de la tragédie et le piquant de la
comédie : au lieu de princes et de seigneurs, les
personnages y sont de simples bourgeois ; au lieu
d'actions héroïques et d'infortunes légendaires, ce
sont les événements, les sentiments, les passions
de la vie commune qui attachent et qui touchent
le spectateur, non sans que de temps à autre un
incident comique vienne le faire sourire.
Cette innovation fut repoussée d'abord comme
contraire à toutes les traditions classiques : la sé-
paration complète des genres était, comme la règle
des trois unités, un de ces dogmes dont l'esprit
français ne pouvait concevoir alors le renverse-
ment. D'ailleurs La Chaussée n'avait pas assez de
talent pour forcer l'admiration, même avec l'appui
que donna Voltaire au genre nouveau, dans lequel
lui-même fit quelques essais.
Diderot tenta avec plus de succès l'application
de la même idée dans le Fils naturel et le Père
de famille. Sedaine écrivit la meilleure pièce du
genre, le Philosophe sans le savoir (1765); enfin
Beaumarchais dans Eugénie, dans les Deux amis
(1770), et dans la Mère coupable (1792), acheva
d'introduire chez nous le drame bourgeois.
Mercier, auteur de plusieurs pièces du même
genre, fut en outre un des premiers promoteurs du
drame historique.
-En Allemagne, la fin du xviii^ siècle et le com-
mencement de celui-ci furent marqués par l'avène-
ment du drame, tel que le conçurent Leasing,
Goethe et Schiller (V. Allemagne, Littérature, au
Supplément).
Victor Hugo lança en 1827, dans la préface de
Cromwell, le manifeste du drame nouveau, qu'il
caractérisait par l'alliance des deux éléments si
longtemps séparés, le tragique et le comique, le
sublime et le grotesque, et qui rompt avec toutes
les règles étroites de l'ancien théâtre classique, en
introduisant une liberté de formes, une ampleur
d'action, une variété de tons, une richesse et une
mobilité do style jusqu'alors inconnues. Hernani
(1830) et Ruy Blas (1838) sont les deux œuvres
3a
DROIT ADMINISTRATIF — 610
DROIT ADMINISTRATIF
capitales de ce théâtre de Victor Hugo, qui compte
en outre Lucrèce Borgia (183;}), Marion Delorme
(1831), Le roi s'amuse (1832). Presque en môme
temps paraissaient les grands drames historiques
d'Alexandre Dumas, qui eussent pu balancer le
succès des drames de Victor Hugo si l'auteur avait
eu, comme écrivain et comme penseur, des qualités
plus solides, un goût plus sûr et moins de facilité.
Depuis lors, le drame sous ses différentes formes,
et particulièrement le drame bourgeois, n'a pas
disparu de notre scène; mais il n'a pas conservé
la grande popularité qu'il eut de 1830 à 1848; il
s'est rapproché de la comédie de mœurs et semble
à peine s'en distinguer aujourd'hui. "
DROITADMINISTUATIF.— Législation usuelle,
II, IV. — 1. DÉFINITION. — Le droit administratif
comprend l'organisation administrative à ses di-
vers degrés, les matières administratives, c'est-à-
dire l'ensemble des objets auxquels se rattachent
les services administratifs, enfin le jugement des
contestations auxquelles peut donner lieu le con-
flit entre l'action de l'administration et les in-
térêts des particuliers; c'est ce qu'on nomme le
contentieux administratif.
2. Organisation administrative. — Administra-
tion CENTRALE. — Si l'actiou administrative à ses
divers degrés et dans ses différentes applications
doit appartenir à un fonctionnaire unique, il im-
porte qu'à côté de l'administrateur chargé d'agir
se trouve un conseil qui l'éclairé de ses avis ; de
là la distinction de l'administration active et de
l'administration délibérante, distinction qui se re-
trouve aux divers degrés de la hiérarchie. Au cen-
tre, l'action administrative appartient au président
de la République et aux ministres ; auprès d'eux
est placé le conseil d'Etat, corps délibérant.
Principes constitutifs; centralisation; hiérarchie.
— L'administration centrale donne l'impulsion aux
divers rouages de l'organisation administrative ;
elle exerce son contrôle sur les actes émanés des
autorités locales et sur la gestion des intérêts
locaux ; ce contrôle de l'administration centrale
constitue ce qu'on nomme la centralisation admi-
nistrative. L'impulsion donnée par l'administra-
tion centrale se transmet et s'étend aux divers
points du territoire par des agents subordonnés
hiérarchiquement les uns aux autres.
Division administrative de la France. — Au
point de vue administratif, la France se divise en
départements, arrondissements, cantons et com-
munes. Le département et la commune ne sont pas
seulement des circonscriptions administratives ;
ils forment des personnes morales, pouvant avoir
des droits et des obligations : le département et
la commune peuvent être propriétaires, créanciers,
débiteurs. L'arrondissement et le canton n'ont
point le caractère de personnes juridiques : ce sont
de simples divisions administratives. Le canton n'a
point d'administration particulière ; cette subdivi-
sion administrative présente toutefois de l'intérêt
à plusieurs points de vue: le conseil de révision
pour le recrutement de l'armée se tient au chef-
lieu de canton ; chaque canton nomme un con-
seiller général, et au moins un conseiller d'arron-
dissement.
3. Administration du département. — L'admi-
nistration du département se compose du préfet,
du secrétaire général de la préfecture, qui repré-
sentent l'administration active, du conseil de pré-
fecture et du conseil général qui forment l'admi-
nisiration délibérante.
Préfet. ^ Les préfets sont nommés et révoqués
par le président de la République sur la proposi-
tion du ministre de l'intérieur. Bien que dépen-
dant plus particulièrement de ce département mi-
nistériel, le préfet concentre dans ses mains les
diverses branches des services publics, recrute-
ment, travaux publics, instruction publiqtie, etc.;
il reçoit et fait exécuter les ordres et les instruc-
tions de tous les ministres. Le préfet a deux or-
dres d'attributions : tantôt il est agent du gouver-
nement, tantôt il représente le département.
Attributions du préfet comme agent du gouver-
nement. — Le préfet est chargé, comme agent du
gouvernement, d'assurer dans le département
l'exécution des lois, décrets et règlements ; il
nomme et révoque un certain nombre d'agents de
l'administration ; il représente le domaine de l'Etat
devant les tribunaux.
Attributions du préfet comme représentant h
département. — La gestion des intérêts du dépar-
tement appartient au conseil général et à la com-
mission départementale, délégation du conseil
général. Le préfet est chargé de l'instruction des
affaires intéressant le département; il propose au
conseil général les mesures qu'il juge utiles ; il
suit l'exécution des décisions prises par le conseil
général et la commission départementale.
Tutelle administrative [Décret du 25 mars 1852).
— Un grand nombre d'actes intéressant le dépar-
tement, les communes, les établissements publics,
bureaux de bienfaisance, hospices, etc., sont sou-
mis à l'approbation de l'autorité administrative
supérieure, dont la surveillance prend le nom de
tutelle administrative. Dans la plupart des cas,
cette approbation est donnée aujourd'hui par le
préfet, ce qui, sans faire disparaître le contrôle,
évite les retards et les lenteurs qu'entraînait la
nécessité de recourir à l'administration centrale.
Le préfet exerce ces fonctions de tutelle adminis-
trative sous l'autorité du ministre de l'intérieur.
Secrétaires généraux de préfecture. — H y a
dans chaque département un secrétaire général
nommé par le président de la République. Le se-
crétaire général délivre et signe les ampliations des
arrêtés du préfet; il peut être investi par déléga-
tion de quelques-unes des attributions du préfet;
enfin il peut remplacer le préfet lorsqu'il est absent
ou empêché.
Conseils de préfecture. — 11 y a dans chaque
département un conseil de préfecture, composé
de trois ou quatre membres nommés par le prési-
dent de la République. Le conseil de préfecture
est présidé par le préfet ou par un des conseillers
de préfecture désigné chaque année pour exercer
la présidence.
Attributio7is. — Le conseil de préfecture est
appelé à donner son avis sur un grand nombre
d affaires intéressant le département. Il faut re-
marquer que son rôle est purement consultatif en
matière administrative, et que le pouvoir de déci-
sion appartient au préfet. Le conseil de préfecture
est juge de certaines contestations en matière ad-
ministrative, par exemple les réclamations en ma-
tière de contributions directes, les demandes en
nullité des élections municipales. Lorsqu'il exerce
des attributions contentieuses, le conseil de pré-
fecture a un pouvoir propre, les décisions qu'il
rend ont le caractère et la force de jugements.
Autorisations de plaider. — C'est au conseil
de préfecture que doivent s'adresser, pour obtenir
l'autorisation de plaider, les communes ou établis-
sements publics qui se trouvent engagés dans un
procès en demandant ou en défendant. La com-
mune ou l'établissement public auquel l'autorisa-
tion a été refusée par le conseil de préfecture
peut se pourvoir contre cette décision devant le
conseil d'Etat.
Conseils généraux {Loi du 10 aoiit 1871). —
Le conseil général est un corps électif spéciale-
ment chargé de la gestion des intérêts du départe-
ment.
Composition du conseil général. — Le conseil
général, dans chaque département, se compose d'un
conseiller général par canton. Pour être élu mem-
bre d'un conseil général il faut être âgé de 25 ans,
DROIT ADMINISTRATIF
611 — DROIT ADMINISTRATIF
être domicilié dans le département ou y être in-
scrit au rôle de l'une des quatre contributions
directes. On ne peut faire partie de deux conseils
généraux ou d'un conseil général et d'un conseil
d'arrondissement.
Élection des conseillers généraux. — Les con-
seillers généraux sont élus pour six ans, et se re-
nouvellent par moitié tous les trois ans. L'élection
a lieu par le suffrage universel, dans chaque
commune, sur les listes dressées pour les élec-
tions municipales. Pour être élu au premier tour
de scrutin, il faut la majorité absolue, c'est-à-dire
la moitié plus un des suffrages exprimés et un
nombre de voix égal au quart du nombre des élec-
teurs inscrits. Au second tour de scrutin, la ma-
jorité relative suffit. Les réclamations contre les
élections au conseil général sont jugées par le
conseil d'État.
Sessions des conseils généraux. — Les conseils
généraux ont chaque année deux sessions ordi-
naires : la première s'ouvre de plein droit le second
lundi qui suit le jour de Pâques, la seconde le
premier lundi qui suit le 15 août. C'est dans
cette session d'aoiit que le conseil général nomme
son bureau, composé d'un président, de vice-pré-
sidents et de secrétaires. Les séances du conseil
général sont publiques ; le préfet assiste aux déli-
bérations et doit être entendu toutes les fois qu'il
le demande. Le conseil général peut être convoqué
extraordinairement sur la demande des deux tiers
de ses membres. La nullité des délibérations pri-
ses par le conseil général en dehors de ses attri-
butions est prononcée par décret du président de
la République rendu en conseil d'État.
Attributions des conseils généraux ; diverses es-
véces de délibérations. — Le conseil général
statue définitivement, et sans que l'approbation
de l'autorité supérieure soit nécessaire, sur un
grand nombre d'affaires intéressant le département,
par exemple : l'acquisition, l'aliénation et l'échange
de certaines propriétés départementales, le clas-
sement et la direction des routes départementales
et des chemins de grande communication, la ré-
partition entre les communes des contributions di-
rectes, etc. Les délibérations sur ces différents
objets sont exécutoires par elles-mêmes. Pour
d'autres délibérations, la décision du conseil géné-
ral ne devient définitive qu'autant que, dans les
trois mois qui suivent la clôture de la session, un
décret motivé n'en a pas suspendu l'exécution ;
nous citerons comme exemple les délibérations
par lesquelles le conseil général statue sur les de-
mandes des communes relatives à l'établissement
et au renouvellement de taxes d'octroi. Le conseil
général est appelé à donner son avis sur un grand
nombre d'affaires intéressant le département et
dont la décision appartient à l'autorité supérieure.
Il peut enfin émettre des vœux sur toutes les
questions économiques et d'administration géné-
rale ; mais les vœux politiques lui sont interdits.
Budget départemental; centimes additionnels. —
Le département a son budget spécial, coaiprenant
pour chaque exercice la prévision des dépenses à
faire et des recettes à opérer. La principale res-
source du budget départemental consiste dans les
centimes additionnels. Le conseil général peut,
dans certaines limites fixées par la loi, voter, pour
subvenir aux dépenses départementales, un certain
nombre de centimes qui s'ajoutent au chiffré des
contributions directes, et se calculent à raison de
tant de centimes par franc. Pour suppléer à l'in-
suffisance du produit des centimes additionnels,
il a été créé un fonds spécial appelé fonds com-
mun, qui est réparti chaque année entre les dé-
partements les plus pauvres. Le projet de budget
présenté par le préfet, délibéré par le conseil gé-
néral, est définitivement arrêté par décret du pré-
sident de la liépublique. Le conseil général, à la
fin de Vexercice, c'est-à-dire de l'année budgétaire,
reçoit le compte que rend le préfet des recettes
et dépenses effectuées pendant l'année.
Commission départementale . — La commission
départementale a pour mission, pendant l'inter-
valle des sessions du conseil général, de veiller
aux intérêts du département et de contrôler la ges-
tion du préfet.
Sa composition; ses attributions. — La com-
mission départementale est élue chaque année
parle conseil général à la fin de la session d'août;
elle est composée de quatre membres au moins
et do sept au plus. Lorsque le conseil général
n'est point en session, elle doit se réunir au
moins une- fois par mois. La commission départe-
mentale statue sur certaines affaires, et donne sur
d'autres son avis ; à l'ouverture de chaque session,
elle fait un rapport au conseil général sur ses tra-
vaux depuis la session précédente, et lui soumet
les propositions qu'elle juge utiles.
4. Administration' de l'arro.n'dissement. — Sous-
préfet; ses attributions. — Dans tous les arron-
dissements autres que l'arrondissement chef-lieu,
il y a un sous-préfet nommé par le président do
la République. Le sous-préfet est habituellement
chargé d'instruire les affaires, de correspondre
avec les autorités locales, de transmettre au préfet
le résultat de ses informations en y joignant son
avis. Il a dans certains cas un pouvoir de décision
propre : c'est ainsi qu'il peut délivrer les passe-
ports et les permis de chasse, qu'il règle le bud-
get et les comptes des bureaux de bienfaisance,
qu'il opère le placement des fonds de ces éta-
blissements.
Co7iseil d'arrondissement; sa composition. —
Il existe dans chaque arrondissement un conseil
d'arrondissement, composé d'autant de membres
qu'il y a de cantons dans l'arrondissement, sans
toutefois que le nombre puisse être inférieur à
neuf; si l'arrondissement compte moins de neuf
cantons, ils sont divisés de manière à compléter
le minimum. Le mode d'élection est le même
que pour les conseils généraux ; les membres du
conseil d'arrondissement sont élus pour six ans,
et se renouvellent par moitié tous les trois ans. La
session ordinaire du conseil d'arrondissement se
divise en deux parties : la première précède, la
seconde suit la session du conseil général.
Ses attributioyis . — L'attribution essentielle du
conseil d'arrondissement consiste à répartir, sous
l'autorité du conseil général, les contributions di-
rectes entre les communes. Il a en outre des
attributions consultatives : il peut être appelé à
donner son avis sur toutes les affaires qui intéres-
sent l'arrondissement; il peut émettre des vœux
sur les divers objets sur lesquels le conseil général
est appelé à délibérer, en tant qu'ils intéressent
l'arrondissement.
Pour compléter le tableau de l'organisation ad-
ministrative, nous aurions à traiter ici de l'admi-
nistration municipale. Ce sujet a été développé
au mot Commune, auquel nous renvoyons.
5. Matières admimstratives. —Notions générales
sur les divers services publics. — Après avoir étu-
dié l'organisation administrative, nous avons à
nous occuper des matières administratives, c'est-
à-dire des divers objets auxquels l'administration
doit pourvoir dans un intérêt général. Les matières
administratives comprennent l'organisation de la
force publique, les cultes, les finances, l'instruc-
tion publique, les travaux publics, la voirie, les
règlements relatifs à l'industrie. Chacun de ces
services, placé sous la direction supérieure des
ministres, comprend un certain nombre d'agents,
les uns employés par l'administration pour le ser-
vice intérieur, ayant pour mission d'instruire les
affaires, de préparer les décisions ; les autres
chargés d'un service actif et extérieur. C'est dans
DROIT ADMINISTRATIF - 012 — DROIT ADMINISTRATIF
cette dernière classe que rentrent les ingénieurs
qui dirigent et surveillent les travaux publics, les
agents chargés de la perception des revenus pu-
blics, etc. Chacun des services administratifs a son
organisation particulière.
Nous laisserons de côté, parmi les matières ad-
ministratives, ce qui a rapport à l'armée, à la voi-
rie, aux impôts. On trouvera les développements
sur ces divers points aux mots : Service militaire.
Voirie et Impôts. Nous ne traiterons que des cultes,
des travaux publics, et des règlements relatifs aux
industries dangereuses, incommodes et insalubres.
Quant à l'instruction publique, de nombreux arti-
cles de la I" Partie de ce Dictionnaire en expo-
sent en détail l'organisation.
G. Cultes. — Notio?is sur rorqwiisatioji du
culte catholique. — L'organisation du culte catho-
lique repose sur la division du territoire en un
certain nombre de diocèses qui se subdivisent
eux-mêmes en paroisses. Chaque diocèse a un
archevêque ou éA'èque qui centralise tous les pou-
voirs ecclésiastiques. Les archevêques et évêques,
nommés par le président de la République, reçoi-
vent du pape l'institution canonique. Les arche-
vêques et évêques sont assistés par des vicaires
généraux dont la nomination doit être soumise
par l'évêque à l'approbation du gouvernement. '-
Cures ; paroisses ; succursales. — Les diocèses
sont divisés en un certain nombre de paroisses ou
cures; il y a au moins une cure par canton. Le
curé, ou pasteur de l'église paroissiale, est désigné
par l'évêque, mais doit être agréé par le chef de
l'Etat; il est inamovible et ne peut être révoqué
ou déplacé par l'évêque, sans une sentence rendue
dans les formes canoniques. A côté des cures ou
paroisses se trouvent les succursales, dont les ti-
tulaires portent le nom de desservants ; les desser-
vants sont nommés directement par l'évêque et ne
sont point inamovibles. Les intérêts temporels de
Téglise sont administrés par un conseil de fabri-
que., composé du curé ou desservant, du maire de
la commune et d'un certain nombre de membres
laïques. La fabrique constitue une personne mo-
rale ; elle peut avoir des biens, recevoir des dons
et des legs ; ces dons et legs ne peuvent être ac-
ceptés par la fabrique qu'en vertu d'une autorisa-
tion de l'autorité supérieure.
Cultes non catholiques. — Deux cultes protess*
tants sont reconnus en France : l'Eglise réformée
ou calvinisme, et l'Eglise de la confession d'Augs-
bourg ou luthéranisme. Tout groupe de protestants
ayant un pasteur forme une paroisse ; la paroisse
est administrée par un conseil presbytéral. Les
paroisses se groupent sous l'autorité d'un consis-
toire. Pour le culte Israélite, nous trouvons les
synagogues, réparties en un certain nombre de
consistoires départementaux, au-dessus desquels
est placé le consistoire central qui siège à Paris. Les
ministres des cultes protestants reconnus, et ceux
du culte Israélite, reçoivent de l'État un traitement,
de même que les ministres du culte catholique.
7. Travaux publics. — On appelle travaux pu-
blics les travaux de construction et d'appropria-
tion, de réparation ou d'entretien qui s'exécutent
dans un intérêt général. Ces travaux peuvent être
exécutés pour le compte de l'Etat, du département
ou de la commune, directement ou par des con-
cessionnaires que l'administration se substitue
pour l'exécution.
Servitudes imposées à là propriété privée. —
L'exécution des travaux publies peut entraîner
pour les propriétés voisines certaines charges ou
servitudes. Ainsi les entrepreneurs peuvent être
autorisés à déposer des matériaux sur les terrains
voisins des travaux. Les agents de l'administration
ou les entrepreneurs peuvent être autorisés par
un arrêté du préfet à prendre sur les terrains des
particuliers les matériaux nécessaires aux travaux»
Dans ces deux cas, le particulier à la propriété
duquel un préjudice a été porté peut réclamer
une indemnité qui, en cas de contestation, est
fixée par le conseil de préfecture. Cette indemnité,
lorsqu'il s'agit d'extraction de matériaux, s'étend
à la valeur des matériaux, s'ils ont été pris dans
une carrière déjà exploitée ; elle est limitée au
dégât causé au sol lui-môme, s'il n'y a point de
carrière exploitée dans le terrain.
Expropriation pour cause d'utilité publique. —
L'expropriation pour cause d'utilité publique est
la prise de possession par l'administration, moyen-
nant indemnité, d'une propriété dont la cession est
nécessaire pour l'exécution d'un travail d'utilité
publique. La faculté d'expropriation permet d'écar-
ter les obstacles que pourraient apporter aux pro-
jets d'intérêt général la résistance ou les préten-
tions exagérées des propriétaires atteints par les
travaux.
Formes et procédure de l'expropriation {Loi du
3 mai 1841). — L'utilité publique du travail à
exécuter est déclarée par une loi ou par un dé-
cret rendu en conseil d'Etat. Après la déclaration
d'utilité publique, les ingénieurs dressent un pian
comprenant toutes les propriétés dont la cession
est nécessaire pour l'exécution des travaux. Ce
plan est, pendant huit jours, déposé à la mairie où
chacun peut en prendre connaissance. Les inté-
ressés peuvent soumettre leurs réclamations au
maire ou à [une commission qui se réunit à la
sous-préfecture, \ Ces formalités accomplies, le
préfet désigne par un arrêté motivé les propriétés
qui doivent être cédées, et le tribunal de première
instance prononce par un jugement l'expropriation.
Fixation et paiement de l'indemnité. — Le ju-
gement d'expropriation transfère la propriété de
l'immeuble à l'administration, mais elle ne peut'
se mettre en possession avant que l'indemnité ait
été fixée et payée : le principe est que l'indem-
nité doit être préalable, c'est-à-dire touchée par
le propriétaire avant sa dépossession. Si le proprié-
taire ne s'entend point avec l'administi'ation pour
le chiffre de l'indemnité, elle est fixée par un jury
spécial, appelé jury d'expropriation. Le jury est
choisi par la Cour d'appel ou le tribunal du chef-
lieu judiciaire sur une liste de jurés dressée par le
conseil général pour chaque arrondissement. Lors-
que l'indemnité a été fixée, l'administration paie
le propriétaire, ou, s'il y a des obstacles au paie-
ment, dépose l'indemnité à la caisse des consigna-
tions : alors seulement elle peut prendre posses-
sion de l'immeuble exproprié.
Travaux de dé f crise militaire; servitudes. —
Certaines restrictions particulières sont apportées
! à l'exercice du droit de propriété dans le voisinage
' des places de guerre. Il est interdit, dans une cer-
taine zone autour des fortifications, de bâtir, do
planter des arbres, des haies vives. Autour des
I magasins à poudre, il ne peut être établi de clô-
I tures en bois, des dépôts de bois, fourrages ou
I matières combustibles, etc.
Dessèchement des marais {Loi du 16 septembre
1807). — Au nombre des entreprises' qui présen-
' tent au plus haut degré le caractère de travail
' d'utilité publique, on doit compter le dessèche-
ment des marais. Aussi, lorsque les propriétaires
ne peuvent eux-mêmes procéder à cette opération,
l'Etat peut intervenir, exécuter les travaux lui-
même ou les faire exécuter par des concession-
naires. La concession est accordée par décret
rendu en conseil d'Etat. Les concessionnaires ont
droit, à titre d'indemnité, à une certaine partie de
l'augmentation de valeur qui résulte du dessèche-
ment pour les terrains assainis ; cette indemnité
est à la charge des propriétaires auxquels appar-
tiennent les terres en nature de marais, et ils
peuvent s'en acquitter, soit en argent, soit en
abandonnant une partie de leur i)ropriétc.
DROIT ADMINISTRATIF
613
DROIT PRIVÉ
Milles, minières et cannères. — Les mines, ou
gisements de matières métalliques, charbons, bois
fossiles, bitumes, ne peuvent être exploitées qu'en
vertu d'un décret de concession rendu en conseil
d'Etat. Le concessionnaire paie une redevance
au propriétaire du sol sous lequel s'exploite la
mine. L'exploitation des mines est soumise à la
surveillance des ingénieurs et agents de l'admi-
nistration des mines. Les minières, qui compren-
nent les minerais de fer d'alluvion, les terres py-
riteuses, alumineuses et les tourbes, peuvent être
exploitées K ciel ouvert, moyennant une simple dé-
claration faite au préfet par le propriétaire. Les
carrières, qui renferment des grès, pierres à bâ-
tir, ardoises, marbres, marne, argile, ne peuvent
être ouvertes et exploitées que par le proprié-
taire du sol ou de son consentement. Les carriè-
res exploitées à ciel ouvert sont soumises à la sur-
veillance de la police ; celles exploitées au moyen
de galeries souterraines sont soumises à la sur-
veillance de l'administration des mines.
8. Etablissements dangereux, incommodes et in-
salubres. — Le principe de la liberté de l'industrie
reçoit une restriction nécessaire, lorsque l'exercice
de cette industrie peut nuire à l'intérêt général.
De là les règles spéciales aux établissements clas-
sés sous le nom d'établissements dangereux, in-
commodes ou insalubres.
Division en trois classes. — Ces établissements,
suivant leur nature et les inconvénients plus ou
moins grands qu'ils comportent, sont divisés en
trois classes. La première comprend les établis-
sements qui doivent être éloignés des habitations
à cause de leurs exhalaisons malsaines ou des acci-
dents auxquels ils peuvent donner lieu : tels sont
les abattoirs, les ateliers d'artificiers, etc.; la se-
conde classe comprend des industries dont l'éloi-
gnement des habitations n'est pas absolument né-
cessaire, mais dont il importe de ne permettre la
formation qu'avec certaines précautions: tels sont
les usines à gaz, les raffineries et fabriques de
sucre, etc.; enfin dans la troisième classe rentrent
certains établissements qui sont seulement incom-
modes, mais ne présentent point de danger, et
ne sont pas insalubres ; par exemple, les brasse-
ries, les buanderies, les ateliers pour le battage
et le cardage des laines, etc. La nomenclature
de ces établissements avec la classe à laquelle
ils appartiennent a été faite à différentes reprises
et en dernier lieu par un décret du 31 décembre
1866.
Formes et conditions de l'autorisation ; enquêtes
de commodo et incommoda. — Aucun de ces éta-
blissements ne peut être exploité sans une auto-
risation administrative. Pour les établissements
de première classe, l'autorisation est accordée par le
préfet ; la demande est portée à la connaissance
du public par des affiches qui restent apposées
pendant un mois. Une enquête de commodo et
incommodo est faite par le maire de la commune
où l'établissement doit être formé ; le maire re-
cueille les observations des personnes. intéressées,
et transmet le procès-verbal de l'enquête avec
son avis au préfet qui statue. Les formalités sont
les mêmes pour les établissements de seconde
classe; l'autorisation ne peut être accordée qu'a-
près une enquête de commodo et incommodo,
mais cette enquête n'est pas précédée de l'apposi-
tion d'affiches. Pour les établissements de troi-
sième classe, l'autorisation est accordée par le
sous-préfet ou par le préfet dans l'arrondissement
chef-lieu; il n'y a ni affiches, ni enquête; le sous-
préfet doit seulement demander l'avis du maire.
Oppositions; recours. — Les propriétaires aux-
quels pourrait nuire le voisinage de l'établisse-
ment peuvent d'abord formuler leur opposition
lors de l'enquête de commodo et incommodo . Si
l'autorisation a été accordée, ils peuvent se pour-
voir devant le Conseil de préfecture contre l'ar
rêté d'autorisation. De son côté, l'industriel don
la demande a été rejetée peut déférer au Conseil
d'Etat la décision du préfet, s'il s agit d'un établis
sèment de première ou de seconde classe, et au
Conseil de préfecture la décision du préfet ou du
sous-préfet, s'il s'agit d'un établissement de troi-
sième classe. , [E. Delacourtie.]
DROIT PRIVÉ. — Législation usuelle. VI, VIII.
— 1. Définition et division. — Le droit privé est
cette partie de la législation qui règle les rapports
des particuliers entre eux. Le droit privé traite
des personnes (V. Etat civil), des choses (V. Pro-
priété), des différentes manières d'acquérir et de
transmettre la propriété, enfin des contrats et
des obligations auxquels les contrats donnent nais-
sance. Sous allons parcourir les modes d'acquisi-
tion de la propriété et donner quelques notions
sommaires sur les obligations et les principaux
contrats.
2. Successions [Code civil, art. 718 à 892). —
L'acquisition par succession est la transmission des
biens d'une personne à l'héritier que la loi lui dé-
signe. La succession s'ouvre au décès et ne peut
s'ouvrir qu'à ce moment.
Divers ordres d'héritiers. — Les héritiers sont :
d'abord les enfants et descendants, puis les père
et mère en concours avec les frères et sœurs; les
ascendants et enfin les collatéraux. Les descen-
dants succèdent par représentation , c'est-à-dire
que les petits-enfants, nés d'un fils ou d'une fille
décédée, ont la part qu'aurait leur père ou leur
mère, s'ils étaient vivants. Les frères et sœurs ex-
cluent les parents autres que les père et mère, qui
partagent avec les frères et sœurs ; le père et la
mère ont chacun un quart, les frères et sœurs
prennent le surplus. Lorsque la succession est dé-
volue aux ascendants et aux collatéraux, elle se
divise par moitié entre les deux branches pater-
nelle et maternelle ; dans cliaque ligne, l'ascendant
exclut le collatéral, mais il succède en concours
avec le collatéral de l'autre ligne. Dans chaque
ligne, l'ascendant ou le collatéral le plus proche
est appelé à recueillir la succession.
Successeurs i)V'éguliers. — Après les héritiers
proprement dits, qui sont les parents légitimes
de la personne décédée, la succession est dévolue
à ceux qu'on nomme les successeurs irréguliers :
d'abord aux enfants naturels, qui succèdent en
concours avec les héritiers, puis aux père et mère,
aux frères et sœurs de l'enfant naturel, à l'époux
survivant qui vient après tous les parents légitimes
et naturels, enfin, en dernier lieu, à l'État, qui re-
cueille les successions , lorsqu'elles ne sont ap-
préhendées par personne. Les successeurs irrégu-
liers doivent, pour se mettre en possession des
biens de la succession, obtenir du tribunal de pre-
mière instance un jugement d'envoi en possession.
Différents partis que ('héritier peut prendre relatif
vemeut à la succession, —L'héritier appelé à une suc-
cession peut ou l'accepter purement et simplement :
il est tenu dans ce cas de payer toutes les dettes,
même si elles excèdent Tactil' de la succession; ou
l'accepter sous bénéfice d'inventaire: il n'est alors
tenu des dettes que jusqu'à concurrence des biens,
mais à la condition d'avoir fait inventaire et de
rendre compte aux créanciers ; ou renoncer, et, en
prenant ce parti, l'héritier devient étranger à la
succession : il n'est pas tenu des dettes, mais il
n'a plus aucun droit sur les biens ou valeurs dé-
pendant de la succession. L'acceptation sous béné-
fice d'inventaire et la renonciation se font par une
déclaration au greffe du tribunal. L'héritier a, pour
prendre parti, un délai de trois mois et quarante
jours à compter du jour de l'ouverture de la suc-
cession.
Partages. — Lorsque plusieurs héritiers recueil-
lent une succession, chacun d'eux peut exiger qu'il
DROIT PRIVE
-614 -
DROIT PRIVE
soit procédé au partage. Si toutes les parties senti
majeures et capables et qu'elles s'entendent, elles
peuvent procéder amiablcmeiu au partage, soit par
devant notaire, soit par simple acte sous seing
privé Lorsque parmi les intéressés se trouvent des
incapables, mineurs ou interdits, ou des absents,
ou bien lorsque des contestations existent entre
les héritiers, il doit être procédé judiciairement.
Le partage est ordonné par un jugement du tri-
bunal qui renvoie devant un notaire et statue en-
suite sur les difficultés que peut soulever le travail
du notaire.
3. Donations entre vifs et testaments {Code
civil, nrt. 893 à 11» 0). — Le Code civil ne recon-
naît que deux modes de disposition à titre gratuit :
la donation entre vifs et le testament. La donation
entre vifs est un acte par lequel le donateur (celui
qui donne) se dépouille actuellement et irrévoca-
blement de la chose donnée en faveur du donataire
(celui qui reçoit) qui l'accepte. Par le testament,
le testateur dispose seulement pour le temps où il
ne sera plus, et il peut toujours révoquer les dis-
positions qu'il a faites.
Portion de biens disponible et réserve. — La
faculté de disposer à titre gratuit n'est point illi-
mitée pour ceux qui laissent des enfants ou des
ascendants; une partie de la succession, appelée
la réserve, est assurée aux descendants et aux as-
cendants. La réserve des enfants se calcule ainsi :
elle est de moitié, lorsqu'il j'a un enfant; des deux
tiers, lorsqu'il y en a deux; des trois quarts, lors-
qu'il y a trois enfants ou plus; suivant cette dis-
tinction, la quotité disponible est de moitié, du
tiers ou du quart. Pour les ascendants, la réserve
est du quart pour chaque ligne, et par conséquent
de la moitié de la succession s'il y a des ascen-
dants dans les deux lignes. Les donations ou legs
qui excèdent la quotité disponible peuvent être
réduits à cette quotité sur la demande des héritiers
au profit desquels est établie la réserve.
Formes des do7ialio?is. — Les donations ne peu-
vent être faites qu'en forme solennelle; elles sont
reçues par un notaire assisté de deux témoins ou
par deux notaires ; le donataire doit accepter par
l'acte même ou dans un acte postérieur également
passé par-deVant notaire ; l'acceptation faite paracte
séparé doit être notifiée au donateur. Les donations
d'immeubles ne produisent leur efl'et complot qu'à
la condition qu'elles aient été transcrites au bureau
des hypothèques de l'arrondissement où les biens
sont situés.
Irrévocabilité des donations entre vifs; exceptions.
— La donation entre vifs est irrévocable, c'est-à-
dire que le donateur ne peut se réserver le droit
de reprendre ce qu'il a donné. Trois exceptions
sont admises à ce principe; le donateur peut de-
mander la révocation : lorsque le donataire n'exé-
cute pas les conditions sous lesquelles la donation
a été faite ; lorsqu'il se montre ingrat, en se ren-
dant coupable envers le donateur de mauvais trai-
tements, d'injures graves; enfin, lorsque le dona-
teur n'ayant pas d'enfant vivant lors de la donation,
il lui en survient un postérieurement ; la donation
est alors révoquée de plein droit pour cause de
survenance d'enfant. Notons encore que le dona-
teur peut, sans porter atteinte au principe de l'ir-
révocabilité, stipuler que les biens lui reviendront
en cas de prédécès du donataire seul ou de prédé-
cès du donataire et de ses enfants; c'est ce qu'on
appelle le droit de retour.
Formes des testaments. — La personne qui veut
faire un testament, c'est-à-dire disposer de ses biens
pour le temps où elle ne sera plus, peut se servir de
l'une des trois formes de testament: le testament
par acte public, le testament olographe, le testa-
ment mystique. Le testament par acte public est
reçu par un notaire assisté de quatre témoins ou
par deux notaires assistés de deux témoins ; il est
dicté par le testateur au notaire. Le testament
olographe présente la forme la plus simple do tes-
tament : il suffit qu'il soit écrit en entier, daté et
signé de la main du testateur. Le testament mysti-
que est signé par le testateur, mais peut être écrit
par un tiers ; il est remis clos et scellé par le tes-
tateur, en présence de six témoins, à un notaire
qui dresse un acte de suscription.
Formalités pour Vexécution des testaments. —
Le testament par acte public, à raison de son ca-
ractère d'acte authentique, peut être mis à exécution
aussitôt la mort du testateur, sans aucune forma-
lité. Le testament olographe ou mystique doit, à
la mort du testateur, être présenté au président
du tribunal ; ce magistrat ouvre le testament, s'il
est cacheté, dresse procès-verbal de son état et en
ordonne le dépôt dans l'étude d'un notaire.
Diverses espèces de legs. — Les dispositions tes-
tamentaires, ou legs, peuvent se ramener à trois
formes : le legs universel, le legs à titre universel,
le legs à titre particulier. Le legs universel est
celui qui donne au légataire un droit éventuel à
la totalité des biens de la succession : le légataire
universel doit demander la délivrance aux héritiers
à réserve, s'il y en a ; s'il n'y a point d'héritier à
réserve, le légataire universel n'a aucune formalité à
remplir pour se mettre en possession des biens, lors-
que le testament est authentique : lorsque le testa-
ment est olographe ou mystique, le légataire univer-
sel se fait envoyer en possession par ordonnance du
président du tribunal; le légataire universel esttenu
d'acqtiitter les dettes ainsi que les legs. Le legs à
titre universel est celui qui porte sur une fraction
de tous les biens, la moitié, le quart, sur tous les meu-
bles ou sur tous les immeubles, ou sur une frac-
tion des meubles ou des immeubles. Le légataire
à titre universel doit demander la délivTance aux
liéritiers ou au légataire universel : il est tenu des
dettes en proportion de la part qu'il prend dans la
succession. Tout legs qui n'est ni universel, ni à
titre universel, est un legs particulier ; le légataire
particulier doit demander la délivrance aux liéri-
tiers, au légataire universel ou à titre universel.
Exécuteurs testamentaires . — Le testateur peut
désigner, pour surveiller l'exécution de ses dispo-
sitions, un ou plusieurs exécuteurs testamentaires.
L'exécuteur testamentaire doit faire apposer les
scellés, faire procéder à l'inventaire, provoquer la
vente du mobilier pour acquitter les legs, interve-
nir dans les contestations relatives à la validité du
testament. Le testateur peut donner à l'exécuteur
testamentaire, pendant une année à compter du
décès, la possession ou saisine des valeurs mobi-
lières dépendant de la succession.
Partages d'ascendants. — Les ascendants peu-
vent faire de leur vivant le partage de leurs biens
entre leurs enfants, par acte en forme de donation
entre-vifs ou de testament. Le partage n'est vala-
ble qu'à la condition d'être fait entre tous les enfants
existant au jour du décès et de ne point contenir
au profit de l'un des enfants un avantage plus
considérable que celui qui est autorisé par la loi.
Donations par contrat 'te mariage. — Les dona-
tions faites dans le contrat de maria£:e par des
tiers aux époux sont soumises à des règles parti-
culières : elles ne sont point assujetties à la condi-
tion d'une acceptation par acte authentique; elles
ne sont pas révocables pour ingratitude ; elles
peuvent comprendre les biens à venir et être faites
sous des conditions dépendant de la volonté du
donataire ; elles sont toujours subordonnées à la
condition que le mariage aura lieu.
Donations entre époux. — Les mômes règles
s'appliciuent aux donations que les époux se foin
par contrat de mariage. Les donations que h'.<
époux se font pendant le mariage sont essentielle-
ment révocables : l'époux donateur peut toujonr;
revenir sur la libéralité qu'il a faite. La quotité dis-
DROIT PRIVE
— 615 —
DROIT PRIVE
ponible entre époux n'est pas la même que la
quotité disponible ordinaire : lorsqu'il y a des as-
cendants, les libéralités entre époux peuvent
comprendre la quotité disponible ordinaire, c'est-
à-dire la moitié ou les trois quarts, et en outre
l'usufruit de la portion réservée aux ascendants, la
moitié ou le quart ; lorsqu'il y a des enfants du
mariage, l'époux peut disposer au profit de son
conjoint d'un quart en pleine propriété et d'un
quart en usufruit ou d'une moitié en usufruit ;
lorsqu'il y a des enfants d'un premier mariage, les
libéralités au profit du second conjoint ne peu-
vent excéder une part d'enfant et, dans tous les
cas, le quart, s'il y a moins de quatre enfants.
4. Des contrats (Code civil, art. 1101 à 1386). —
On appelle contrat la convention qui a pour objet
de créer des obligations ou de transférer la pro-
priété. Il y a plusieurs espèces de contrats : la
division la plus importante est celle en contrats
unilatéraux et contrats synallagmatiques. On
appelle contrat unilatéral celui dans lequel une
seule des parties est obligée, comme le prêt; con-
trat synallagmatique, celui dans lequel chacune
des parties est réciproquement obligée, comme la
vente. Le contrat crée toujours des obligations; il
peut aussi transférer la propriété : ainsi dans la
vente, lorsque le contrat porte sur un objet cer-
tain et déterminé, comme une maison, un champ,
un cheval, la propriété est transférée par le seul
effet de la convention.
Obligation; défiiiition. — On appelle obligation
un lien de droit qui nous astreint envers une per-
sonne à donner, à faire ou à ne pas faire quelque
chose ; celui au profit duquel existe l'obligation
s'appelle créancier ; celui qui en est tenu est le
débiteur. L'obligation n'est valable qu'autant qu'elle
a un objet et une cause licite. L'inexécution par
le débiteur de l'obligation ou le retard à l'exécuter
peut entraîner contre lui une condamnation à des
dommages-intérêts, qui représentent le préjudice
causé au créancier par l'inexécution ou le retard
apporté à l'exécution. Dans les obligations de
sommes d'argent, le retard par le débiteur à payer
ne peut entraîner que la condamnation aux inté-
rêts légaux fixés à 5 p. 100 en matière civile, 6 p.
100 en matière de commerce ; les intérêts ne sont
dus, à moins d'une disposition spéciale de la loi
ou d'une convention particulière, que du jour de la
demande en justice.
Diverses espèces dobligations. — Les obligations
comportent diverses modalités : elles sont à terme,
lorsque le créancier accorde au débiteur un cer-
tain délai pour 1 exécution ; conditionnelles, lors-
que l'existence de l'obligation est subordonnée à
un événement incertain : « je m'oblige à vous payer
1,000 francs, si tel navire arrive d'Amérique ; » soli-
daires, lorsque le créancier ayant deux ou plusieurs
débiteurs, il est convenu qu'il pourra demander à
chacun la totalité, mais de telle façon que le paie-
ment fait par l'un libère tous les autres. La solida-
rité est pour le créancier une garantie : il suffit
qu'un seul des débiteurs soit solvable, pour que
le créancier soit assuré d'être payé intégralement.
Extinction des obligations. — Les obligations
peuvent s'éteindre d'abord par le paiement, c'est-
à-dire l'exécution effective de l'obligation. Le paie-
ment peut être fait par le débiteur lui-même ou
par un tiers dans son intérêt; dans ce dernier cas,
le tiers qui fait le paiement peut stipuler qu'il sera
mis au lieu et place du créancier; c'est ce qu'on
appelle payer par subrogation. L'obligation s'éteint
en outre : par la novation, lorsqu'une obligation nou-
velle est substituée à l'obligation primitive; par la
remise de la dette, lorsque le créancier renonce à
son droit; par la compensation, lorsque deux per-
sonnes sont respectivement créancières et débi-
trices l'une de l'autre ; par la confusion, lorsque le
débiteur succède au créancier, ou réciproquement.
Enfin, lorsque le créancier laisse passer trente ans
sans exercer de poursuites, le débiteur peut invo-
quer la prescri ption, qui est un mode d'extinction
de l'obligation.
Des preuves. — A propos des obligations, la loi
a tracé les règles générales suivant lesquelles les
droits de diverses natures peuvent être prouvés en
justice. Le mode ordinaire de preuve est la preuve
résultant d'un acte écrit, ou preuve littérale ; en
matière civile, la preuve par témoins n'est admise
qu'exceptionnellement. La rédaction d'un écrit est
dans la plupart des cas une mesure de précaution
nécessaire pour celui qui veut faire valoir son
droit. Les conventions peuvent être cnnstatéos par
acte authentique ou par acte sous seing privé
Acte authentique. — L'acte authentique est celui
qui est dressé par un officier public avec les so-
lennités requises : les actes notariés sont des actes
authentiques. L'avantage de l'acte authentique est
qu'il fait par lui-même foi de sa date, et qu'il peut,
comme les jugements, entraîner l'exécution, c'est-
à-dire la saisie des biens meubles ou immeubles du
débiteur. Certains actes, la donation, le contrat de
mariage, la constitution d'hypothèque, ne peuvent
se faire que par acte notarié.
Acte sous seing privé. — Toutes les autres con-
ventions peuvent être constatées par un acte sous
seing privé, c'est-à-dire rédigé par les parties
elles-mêmes ou par toute autre personne qu'un
notaire. L'acte sous seing privé est soumis à des
formes qui diffèrent suivant qu'il est destiné à
constater une convention synallagmatique ou une
convention unilatérale. L'acte sous seing privé qui
contient des conventions synallagmatiques doit être
fait en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant
un intérêt distinct, et chacun de ces actes doit
mentionner le nombre d'originaux. Quant aux en-
gagements unilatéraux qui ont pour objet une
somme d'argent, ils doivent être écrits de la main
du débiteur ou porter sa signature avec cette men-
tion : bon ou approuvé, avec la somme en toutes
lettres, le tout écrit de la main du débiteur. La
signature suffit lorsque le billet émane de mar-
chands, artisans, laboureurs, gens de journée ou
domestiques.
Preuve testimoniale. — La preuve par témoins
n'est admise en justice qu'autant que l'importance
du litige n'excède pas cent cinquante francs, ou,
au-dessus de cette somme, qu'autant qu'il existe
un commencement de preuve par écrit, c'est-à-diro
un acte écrit émané de celui contre lequel on de-
mande à faire la preuve, et qui rend vraisemblable
le fait allégué par le demandeur. La preuve testi-
moniale est encore admise lorsqu'à raison de la
nature du fait qui donne lieu au procès le deman-
deur a été dans l'impossibilité de se procurer une
preuve écrite.
5. Notions sur les principaux contrats. — Les
conventions auxquelles peut donner lieu le mouve-
ment des affaires sont d'une infinie variété ; il y a
toutefois un certain nombre de contrats qui se
présentent le plus fréquemment et dont la loi a
tracé les règles. Nous allons rapidement parcourir
les plus importants de ces contrats.
Contrat de mariage ; priiicipes généraux (Code
civil, art. 1387 à 15S1). — Le contrat de mariage,
qui ne doit pas être confondu avec le mariage, est
un acte passé par devant notaire, avant la célébra-
tion du mariage par l'officier de l'état civil, et qui
a pour objet de régler les intérêts pécuniaires des
époux. Aucune modification ne peut être apportée
au contrat pendant le mariage. La loi, tout en
laissant aux époux la plus grande liberté pour leurs
conventions matrimoniales, a groupé sous quatre
formes, qui constituent ce qu'on appelle les régi-
mes matrimoniaux , les règles le plus souvent
adoptées. Ces régimes sont : le régime de commu-
nauté, le régime dotal, la séparation de biens et
DROIT PRIVE
610
DROIT PRIVE
le régime exclusif de communauté. A défaut de
conirat fait par devant notaire, les époux sont ma-
riés sous le régime de la communauté légale.
Régime de communauté. — Sous le régime de
communauté, il existe, outre les biens propres au
mari et ceux propres à la femme, un patrimoine
commun ou communauté. La communauté com-
prend les revenus de tous les biens des époux, les
bénéfices qu'ils peuvent réaliser pendant le ma-
riage, et même, sous le régime de la communauté
légale, tous les biens meubles des époux, y com-
pris ceux qui leur appartiennent au jour du ma-
riage, et ceux qui leur advienncnt par succession
ou donation. Le mari administre la communauté
avec des pouvoirs très étendus; il a aussi l'admi-
nistration des biens personnels de la femme, mais
avec des pouvoirs plus restreints. Lorsque le mari
fait de mauvaises affaires, la femme peut deman-
der sa séparation de biens pour reprendre l'admi-
nistration de sa fortune personnelle. A la dissolu-
tion de la communauté, qui a lieu soit par la mort
de l'un des époux, soit par la séparation de biens,
la femme ou ses héritiers peuvent renoncer à la
communauté, et se soustraire ainsi au paiement
des dettes que le mari a pu contracter. «»
Régime dotal. — Lorsque les époux adoptent le
régime dotal, les biens dotaux, c'est-à-dire appor-
tés par la femme pour subvenir aux charges du
maria'j,e, sont inaliénables à moins que le contraire
n'ait été stipulé : le mari et la femme, conjointe-
ment ou séparément, ne peuvent en disposer. Le
mari a l'administration et la jouissance des biens
dotaux ; la femme conserve l'administration et la
jouissance des biens qu'elle ne s'est pas constitués
en dot, ou biens paraphernaux.
S parution de biens; régime exclusif de com-
munauté. — Les époux peuvent, dans leur contrat
de mariage, stipuler qu'ils seront séparés de biens ;
chacun d'eux conserve l'administration et la jouis-
sance de ses biens personnels. On appelle régime
exclusif de communauté un régime sous lequel le
mari a l'administration et la jouissance de tous
les biens de la femme, mais qui diffère du régime
dotal en ce que les biens de la femme peuvent
être aliénés par elle avec l'autorisation de son
mari.
Vente (Code civil, art. 1582 à 1707). — La vente
esc un contrat par lequel une personne, le ven-
deur, transfère ou s'oblige à transférer la propriété
d'une chose à une autre personne, l'acheteur, qui
s'oblige à payer le prix. La vente est parfaite dès
que les parties sont d'accord sur la chose et sur
le prix; toutefois, pour les immeubles, l'effet com-
plet de la vente est subordonné à cette condition,
que l'acte constatant la vents ait été transcrit au
bureau des hypothèques de l'arrondissement où
l'immeuble est situé. La vente diffère de l'échange,
en ce que dans la vante une chose est livrée contre
un prix en argent, tandis que dans l'échange les
deux parties se livrent respectivement une chose
pour une autre.
Obligations duvendeur ; garantie. — L'obligation
principale du vendeur est l'obligation de garantir
l'acheteur. La garantie a un double objet : l'évic-
tion et les vices cachés de la chose vendue. Lors-
que l'acheteur est dépossédé de la chose en tout
et en partie, il y a éviction, et l'acheteur a un
recours contre son vendeur, duquel il peut exiger
la restitution du prix, le remboursement de tous
les frais qu'il a faits, une indemnité représentant
le dommage que la privation de la chose a pu lui
l'aire éprouver.
Garantie des vices cachés. — Le vendeur doit éga-
lement indemniser l'acheteur à raison des vices ca-
chés de la cliose vendue qui la rendent impropre à
l'usage auquel elle est destinée ou diminuent sa va-
leur. L'action fondée sur les vices cachés doit être
intentée dans un bref délai. Une loi du 20 mai 1838
a réglé cette matière pour les ventes d'animaux
appartenant aux espèces bovine, ovine et chevaline ;
cette loi a énuméré pour ces sortes de ventes les
vices rédhibitoires, c'est-à-dire qui entraînent la
résiliation du marché, et elle a fixé le délai dans
lequel l'acheteur doit agir : ce délai est de neuf
jours en général ; dans ce délai, l'acheteur doit,
sinon intenter son action, du moins s'adresser au
juge de paix du lieu où se trouve l'animal vendu,
afin d'obtenir la nomination d'experts chargés de
constater l'état de cet animal.
Obligations de l'acheteur : paiement du prix. —
L'acheteur est tenu de payer le prix au terme
convenu ; il doit les intérêts du prix du jour de
la vente, si cela a été ainsi convenu, ou tout au
moins du jour où le vendeur lui a fait sommation
de payer. Lorsque l'acheteur ne paie pas le prix
à l'échéance, le vendeur peut faire prononcer en
justice la résolution de la vente.
Transport des ci^éances. — ■ Les créances peuvent,
comme tout autre bien, faire l'objet d'une vente
ou transport. Pour que le transport d'une créarice
produise tous ses effets, il faut qu'il ait été signi-
fié au débiteur, ou que le débiteur l'ait accepté
expressément dans un acte authentique. Le débi-
teur peut valablement payer le créancier primitif
tant que le transport n'a point été accepté ou
qu'il ne lui a pas été signifié. Après la significa-
tion du transport ou son acceptation par le débi-
teur, le cessionnaire devient créancier direct du
débiteur, et le débiteur ne peut valablement payer
qu'entre ses mains.
Louage [Code civil, art. 1708 à 1831). — On
distingue deux sortes de louage : le louage des
choses et le louage d'ouvrage ou d'industrie. Le
louage des choses est un contrat par lequel une
personne s'engage à faire jouir une autre personne
d'une chose moyennant un prix convenu et pour
un temps déterminé. On appelle bail à loyer, le
louage des maisons ; bail à ferme, le bail des biens
ruraux. Le louage d'ouvrage ou d'industrie est un
contrat par lequel une personne loue ses services
à une autre pour un certain temps, ou se charge
d'exécuter un travail pour un prix convenu.
Preuve du contrat de louage. — Lorsque le bail
n'est point rédigé par écrit, et qu'il n'a reçu aucun
commencement d'exécution, la preuve testimo-
niale n'est point admise pour prouver le contrat,
et le seul mode de preuve autorisé est le serment
qui peut être déféré à la partie qui nie le bail. Si
l'existence du bail n'est pas contestée et qu'il y
ait seulement difficulté sur le prix, la preuve se
fait par les quittances antérieures ; s'il n'y a point
de quittance, le propriétaire sera cru sur son
serment, à moins que le locataire ne préfère, pour
déterminer la valeur de la location, provoquer
une expertise dont les frais resteront à sa charge,
si l'estimation dépasse le prix qu'il a offert.
Obligations du bailleur. — Le propriétaire de
la chose louée, ou bailleur, doit livrer la chose
louée au preneur, l'entretenir en état de servir à
l'usage auquel elle est destinée, en faire jouir
paisiblement le preneur. Le bailleur doit faire à
la chose louée les réparations nécessaires : les
grosses réparations faites par le bailleur doivent
être supportées par le locataire sans indemnité, si
elles ne durent pas plus de quarante jours ; lors-
que les travaux dépassent ce temps, le locataire a
droit à une diminution proportionnelle de son
loyer.
Obligations du preneur . — Le preneur doit user de
la chose en bon père de famille, et suivant sa des-
tination ; il est tenu de payer le prix du bail aux
termes convenus ; à défaut de paiement, le bailleur
peut demander la résiliation. Le preneur répond, à
l'égard du propriétaire, de l'incendie survenu dans
les lieux loués, à moins qu'il ne prouve que l'incendie
provient d'un fait de force majeure, comme le feu
DROIT PRIVE
617
DROIT PRIVÉ
du ciel, ou d'un vice de construction, ou qu'il a été
communiqué par la maison voisine. Le preneur
peut céder son bail ou sous-louer, si cette faculté
ne lui a été expressément retirée par la conven-
tion.
Comment finit le bail. — Le bail fait pour une
durée déterminée cesse de plein droit à l'expiration
du temps fixé. Lorsque le bail n'a pas été fait
pour un temps déterminé, chacune des parties
peut faire cesser la location en prévenant l'autre
partie par un congé un certain temps à l'avance.
L'époque à laquelle cessent les locations verbales
et le délai du congé varient suivant l'usage des
diverses localités. Le bail d'un fonds rural fait sans
durée limitée est censé fait pour le temps néces-
saire afin que le fermier puisse récolter tous les
fruits de l'héritage qui lui est affermé.
Société {Code civil, art. 1832 à 187.3}. — La
société est un contrat par lequel deux ou plusieurs
personnes conviennent de mettre quelque chose en
commun, dans le but de partager le bénéfice qui
pourra en résulter. L'apport des associés peut con-
sister en argent, en toute autre valeur ou en indus-
trie. On distingue les sociétés civiles et les so-
ciétés commerciales ; la distinction se fait d'après
la nature des opérations en vue desquelles la so-
ciété s'est formée: la société pour l'exploitation
d'une maison de banque ou d'un fonds de com-
merce est une société commerciale ; la société qui
serait formée pour l'exploitation d'une ferme serait
une société civile. Les règles du Code civil doi-
vent ôtre complétées pour les sociétés commercia-
les par les dispositions du Code de commerce,
art. 18 à 50, et celles des lois spéciales, notamment
de la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés en com-
mandite et anonymes.
Prêt {Code civil, art. 1874 à 1914). — Le prêt,
sous sa forme habituelle, est un contrat par lequel
l'une des parties livre à l'autre une somme d'ar-
gent à la charge par l'emprunteur de rendre la
somme prêtée au terme convenu. Le prêteur peut
stipuler un intérêt, qui ne saurait dépasser 5 0/0
en matière civile, 6 0/0 en matière de commerce (Loi
du 3 septembre 1807). Le fait de prêter habituelle-
ment à un taux qui excède le taux légal constitue
le délit d'habitude d'usure, qui peut être pour-
suivi devant les tribunaux correctionnels.
Dépôt {Code civil, art. 1915 à 19G3). — Le dépôt
est un contrat par lequel on reçoit une chose ap-
partenant à autrui, à la charge de la garder et de
la restituer en nature. Le dépôt est un contrat gra-
tuit : le dépositaire ne peut se servir de la chose
déposée sans la permission du déposant.
Contrats aléatoires {Code civil, art. 1964 à 1983).
— Les contrats aléatoires sont ceux dont le résul-
tat, quant au bénéfice ou à la perte, dépend d'un
événement incertain. Au nombre des contrats aléa-
toires, il faut mentionner : la constitution de rente
viagère, contrat par lequel une personne reçoit
une somme d'argent, à la charge par elle de payer
une rente pendant la vie du créancier ou d'un
tiers; et les diverses applications du contrat d'as-
surance. L'assurance est un contrat qui a pour
but d'indemniser une personne du dommage pou-
vant résulter pour elle d'un événement fortuit ;
on peut assurer contre l'incendie sa maison ou son
mobilier ; les cultivateurs peuvent assurer leurs
récoltes contre la grêle, leurs bestiaux contre la
mortalité.
Mandat {Code civil, art. 1984 à 2010). — Le man-
dat est un contrat par lequel une personne charge
une autre personne de faire quelque chose pour
elle et en son nom. L'acte par lequel le mandat
est donné s'appelle procuration ou pouvoir. Le
mandataire, celui auquel le mandat est donné, doit
exécuter fidèlement sa mission; il est responsable
des fautes qu'il peut commettre dans l'accomplis-
sonient du mandat. Le mandant, celui qui donne
le mandat, doit indemniser le mandataire des dé-
penses que lui a occasionnées l'exécution du man-
dat. Le mandant a toujours le droit de retirer les
pouvoirs qu'il a donnés. Les tiers qui traitent avec
un mandataire doivent avoir soin de s'assurer de
l'existence et de l'étendue de ses pouvoirs, car les
actes faits par le mandataire en dehors de ses pou-
voirs ne lient point le mandant.
Cautionnement {Code civil, art. 2011 à 2043). —
Le cautionnement est un contrat par lequel une
personne s'oblige envers le créancier à acquitter
la dette d'un tiers pour le cas où ce tiers, débiteur
principal, ne paierait pas lui-même. La caution,
poursuivie avant le débiteur principal, peut, si
elle ne s'est pas obligée solidairement avec le dé-
biteur, renvoyer le créancier à poursuivre d'abord
les biens libres du débiteur principal. La caution
qui a payé a son recours contre le débiteur princi-
pal, sur lequel l'obligation doit définitivement pe-
ser.
Transaction {Code civil, art. 2044 à 2058). —
La transaction est un contrat par lequel les parties
terminent une contestation déjà née ou prévien-
nent une contestation à naître. La transaction pré-
sente souvent cet avantage d'épargner aux parties
les frais, les lenteurs, les incertitudes d'un pro-
cès. La transaction doit toujours être rédigée par
écrit : elle a entre les parties l'autorité d'une dé-
cision judiciaire, définitive et irrévocable.
Nantissement (Code civil, a)'t. 2071 à 2091). —
Le nantissement est un contrat par lequel le dé-
biteur remet une chose à son créancier pour sû-
reté de sa dette. Le nantissement appliqué aux
meubles s'appelle gage; il prend le nom d'anti-
chrèse lorsqu'il s'agit d'une chose immobilière.
Pour constituer valablement un gage, il faut un
acte notarié ou un acte sous seing privé enregis-
tré ; la chose donnée en gage doit être remise au
créancier ou entre les mains d'un tiers convenu
entre les parties. Le créancier régulièrement nanti
d'un gage se fait payer avant les autres créanciers
sur le produit de la vente de la chose qui lui a
été donnée en gage.
6. Privilèges et hypothèques {Code civil,
art. 2092 à 2218). — En règle générale, les créan-
ciers ont un droit égal sur les biens de leur dé-
biteur : le prix s'en distribue entre eux propor-
tionnellement au chiffre de leurs créances. Il peut
exister au profit des créanciers certaines causes
de préférence qui leur permettent de se faire payer
avant les autres créanciers : ces causes de préfé-
rence sont les privilèges et les hypothèques.
Privilèges. — Les créanciers privilégiés sont
payés en première ligne et avant même les créan-
ciers hypothécaires. La loi reconnaît des privilèges
généraux qui s'exercent sur les meubles et les
immeubles ; les créances privilégiées sur la géné-
ralité des meubles et des immeubles sont ies frais
de justice, les frais de dernière maladie, les salai-
res des domestiques, les fournitures de subsis-
tances. Un privilège spécial existe au profit du
propriétaire pour le paiement des loyers sur les
objets garnissant la maison louée ou la ferme,
au profit de celui qui a fait des frais pour la conser-
vation d'un objet mobilier, au profit du vendeur non
payé sur la chose vendue, au profit de l'aubergiste
sur les effets du voyageur, au profit du voiturier
sur la chose transportée; enfin le cautionnement
fourni par les officiers publics est affecté par privi-
lège au paiement de sommes qu'ils peuvent devoir
à raison de fautes commises dans l'exercice de leurs
fonctions.
Privilèges spéciaux sur les immeubles. — Les
créanciers privilégiés sur les immeubles sont le
vendeur pour le paiement du prix qui lui est
dû, les cohéritiers ou les co-partageants, sur les
immeubles de la succession pour les créances
qu'ils peuvent avoir à exercer en vertu du partage;
DROIT PRIVÉ
— 618
DROIT PUBLIC
les architectes, entrepreneurs et ouvriers, qui ont
fait des travaux sur un immeuble peuvent avoir,
pour le paiement de ces travaux, un privilège qui
s'exerce sur l'augmentation de valeur apportée par
les travaux à l'immeuble. Les privilèges sur les
immeubles doivent être rendus publics et portés à
la connaissance des tiers par des inscriptions pri-
ses au bureau des hypothèques.
Des hypothèques. — L'hypothèque est un droit
sur des immeubles affectés à, l'acquittement d'une
obligation. Les immeubles seuls sont susceptibles
d'hypothèque. On distingue trois sortes d'hypothè-
ques : les hypothèques légales, judiciaires ou con-
ventionnelles.
Hypothèques légales et judiciaires. — La loi a
créé elle-même une hypothèque au profit de la
femme mariée, pour les créances quelle a à exer-
cer contre son mari, sur tous les immeubles pré-
sents et à venir du mari; au profit des mineurs
et interdits, sur les biens de leur tuteur, pour
garantie de sa gestion ; ce sont les hypothè-
ques légales. L'hypothèque judiciaire résulte des
jugements : tout jugement qui prononce une con-
damnation, entraîne au profit du créancier une
hypothèque sur tous les immeubles appartenant au
débiteur ou qu'il pourra acquérir plus tard.
Hypothèques conventio7melles ; formes de la cons-
titution d hypothèque. — Celui qui veut emprun-
ter et qui est propriétaire d'un immeuble peut
offrir à son créancier comme garantie une hypo-
thèque sur cet immeuble. La constitution d'hypo-
thèque ne peut se faire que par acte notarié ; elle
doit être spéciale, c'est-à-dire indiquer les immeu-
bles sur lesquels elle porte : le débiteur ne peut
hypothéquer d'une manière générale tous ses im-
meubles.
Rang des hypothèques entre elles. — Le rang des
hypothèques se détermine par la date de l'inscrip-
tion ; le premier créancier inscrit est payé le pre-
mier, et ainsi de suite. La loi toutefois dispense de
la formalité de l'inscription les hypothèques légales
des femmes et des mineurs. L'hypothèque légale
de la femme remonte en général au jour du m.a-
riage ; celle du mineur ou de l'interdit, au jour ou
la tutelle a commencé. La dispense d'inscription
pour ces hypothèques cesse lorsque le mariage est
dissous ou lorsque la tutelle cesse : la veuve
ou les héritiers de la femme doivent pren-
dre inscription dans l'année qui suit la dis-
solution du mariage ; le mineur, devenu majeur,
ouïes héritiers du mineur décédé, doivent inscrire
l'hypothèque légale dans l'année de la cessation de
la tutelle. [Loi du 23 mars 1855, art. 8.)
Inscription des hypothèques. — L'inscription
des hypothèques est la mention de l'hypothèque
sur un registre spécial tenu dans chaque arrondis-
sement par un fonctionnaire appelé conservateur
des hypothèques. Les inscriptions prises produisent
leur effet pendant dix années ; le non renouvellement
de l'inscription dans ce délai fait perdre au
créancier le rang que lui attribuait la date de son
Inscription primitive.
Effets de l'hypothèque. — L'hypothèque donne
au créancier le droit d'être payé avant les créan-
ciers qui n'ont point d'hypothèque ; mais le créan-
cier privilégié passe encore avant le créancier
hypothécaire. En outre les créanciers hypothé-
caires ou privilégiés sur les immeubles ont le
droit de suite, c'est-à-dire qu'ils peuvent saisir
l'immeuble qui leur sert de gage même lorsqu'il
est sorti du patrimoine de leur débiteur et qu'il
est passé dans les mains d'un tiers.
Précautions à prendre par le tiers détenteur
d'un immeuble hy/iothéqué. — Cette faculté qui
appartient au créancier hypothécaire de saisir
l'immeuble sorti du patrimoine de son débiteur im-
pose à celui qui acquiert un immeuble hypothé-
qué l'obligation de prendre certaines précautions.
L'acheteur ne peut payer son vendeur, tant qu'il
existe des inscriptions ; car il pourrait être obligé
de payer de nouveau au créancier hypothécaire. Si
le prix n'est pas suffisant pour désintéresser les
créanciers hypothécaires, l'acquéreur peut libérer
l'immeuble en remplissant les formalités de la purge
des hypothèques inscrites. En même temps l'ac-
quéreur, au moyen d'une procédure, appelée purge
légale, s'assure s'il n'existe point sur l'immeuble
des hypothèques dispensées d'inscriptions au pro-
fit de femmes ou de mineurs. Ces deux procédures
ne peuvent se faire que par le ministère d'un avoué.
7. Prescription (Code civil, art. '2219 à 2286). —
La prescription est un moyen d'acquérir ou de se
libérer par un certain laps de temps et sous les
conditions déterminées par la loi. Il y a donc deux
espèces de prescription : la prescription à l'effet
d'acquérir, ou prescription acquisitive, et la pres-
cription libératoire, dont l'effet est d'affranchir le
débiteur de sa dette.
Prescription acquisitive. — Pour acquérir par
prescription la propriété d'un immeuble, il faut l'a-
voir possédé, c'est-à-dire en avoir eu la jouissance
complète et à titre de propriétaire, pendant le
temps nécessaire. Le délai de la prescription est
de trente ans ; ce délai est réduit, lorsque celui
qui prescrit possède de bonne foi et en vertu
d'un acte qui lui aurait transmis la propriété, s'il
avait acquis du véritable propriétaire; celui qui
possède de bonne foi et avec juste titre acquiert
la propriété par une possession de dix ans au
moins, de vingt ans au plus, suivant que le véri-
table propriétaire habite ou n'habite pas dans le
ressort de la Cour d'appel où l'immeuble est situé.
Prescriptio7i libératoire. — L'inaction du créan-
cier, lorsqu'elle s'est prolongée pendant trente ans
depuis l'échéance de la dette, a pour effet de libé-
rer le débiteur, qui peut invoquer la prescription
libératoire. Le délai de la prescription est réduit
pour certaines créances : ainsi l'action des maî-
tres et instituteurs pour les leçons qu'ils donnent
au mois se prescrit par six mois ; les sommes dues
aux médecins, pharmaciens, maîtres de pension, le
prix des marchandises vendues aux particuliers se
prescrivent par un an ; les intérêts des sommes
prêtées, les loyers et fermages se prescrivent par
cinq ans.
Interruption et suspension de la' prescription, —
Le cours de la prescription est interrompu par
des actes de poursuite, par la demande en justice,
par la reconnaissance que le détenteur ou le débi-
teur fait du droit du propriétaire ou du créancier.
La prescription est suspendue au profit des mi-
neurs et interdits ; mais elle recommence à courir
dès que cesse l'incapacité de la personne contre la-
quelle elle s'accomplit. |E. Delacourtie.
DROIT PUBLIC. — Législation usuelle, L —
1. Définitions ET généralités. — Le droit public
proprement dit a pour objet l'étude des droits
primordiaux garantis à tous les citoyens, l'organi-
sation des grands pouvoirs de l'Etat et les rapports
établis entre eux.
Principes fondamentaux. — Droits' garanti.',- et
obligations imposées à tous les citoyens. — Le
premier principe de notre droit public est l'unité
nationale. La France, jadis divisée en provinces
qui possédaient des lois, des coutumes, une orga-
nisation distinctes, est, depuis 1789, soumise dans
toutes les parties de son territoire aux mêmes lois,
à la même organisation, à la même constitution
politique.
Certains droits, considérés comme fondamentaux,
sont garantis à tous les citoyens français. Les
principaux de ces droits sont : 1° l'égalité civile,
c'est-à-dire le droit pour tous d'être admis aux
fonctions et emplois, l'égale répartition de limpôt,
la suppression de tous privilèges de classes ou 1*0
personnes; 2" la liberté individuelle, qui implique
DROIT PUBLIC
— 619 —
DROIT PUBLIC
le droit pour tout citoyen de n'être arrêté ou détenu
qu'en vertu d'un ordre de justice ; 3° l'inviolabilité
du domicile et de la propriété ; 4° la liberté de
conscience ; 6" la gratuité de la justice et la publi-
cité des débats judiciaires ; 6» le vote de limpùt
par les représentants de la nation ; 1" la responsa-
bilité des agents du pouvoir à raison des fautes
qu'ils peuvent commettre dans l'exercice de leurs
fonctions.
A ces droits qui appartiennent à tous les citoyens
correspondent certaines obligations imposées éga-
lement à tous. Les plus importantes sont : l'obliga-
tion du service militaire et l'obligation de payer
l'impôt sous les difTérentes formes établies par les
pouvoirs publics.
Distiîiction des pouvoirs législatif, exécutif et ju-
diciaire. — Tout gouvernement régulier comprend
nécessairement ces trois pouvoirs : le pouvoir lé-
gislatif, qui fait les lois, ou règles générales im-
posées à tous les citoyens ; le pouvoir exécutif, qui
pourvoit à l'exécution des lois; le pouvoir judiciaire,
qui juge les contestations entre les citoyens, pour-
suit et réprime les faits coupables. La distinction
de ces trois pouvoirs est une condition essentielle
de la liberté ; c'est ce que démontre Montesquieu
dans un passage célèbre de VEspnt des lois (liv. XI,
ch. fi) : « Lorsque dans la même personne, dit-il,
ou dans le môme corps de magistrature, la puis-
sance législative est réunie à la puissance exécu-
trice, il n'y a point de liberté, parce qu'on peut
craindre que le même monarque ou le même sénat
ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter ty-
ranniquement. Il n'y a point encore de liberté si la
puissance de juger n'est pas séparée de la puis-
sance législative et de l'exécutrice. Si elle était
jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la
vie et la liberté des citoyens serait arbitraire, car
le juge serait législateur. Si elle était jointe à la
puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force
d'un oppresseur. Tout serait perdu si le même
homme, ou le même corps des principaux, ou des
nobles ou du peuple, exerçait ces trois pouvoirs :
celui de faire les lois, celui d'exécuter les résolu-
tions publiques, et celui de juger les crimes ou les
difl'érends des particuliers. » Ces principes ont
reçu leur application dans les différentes constitu-
tions qui ont régi la France depuis 1789 : toutes
ont consacré la règle essentielle de la séparation
des pouvoirs.
2. Pouvoir législatif. — Le pouvoir législatif
s'exerce par les deux chambres : le Sénat et la
Chambre des députés. La loi n'existe qu'autant
qu'elle a été votée par l'une et l'autre chambre.
Sénat; sénateurs inamovibles, séjiateurs élus
[Loi du 24 février 1875). — Le Sénat se compose
de trois cents membres. Soixante-quinze ont été
élus à vie par l'Assemblée nationale en 1875 : ils
sont désignés sous le nom de sénateurs inamovi-
bles. En cas de vacance par décès ou autrement
d'un siège de sénateur inamovible, le Sénat pour-
voit lui-même au remplacement. Les deux cent
vingt-cinq autres membres du Sénat sont élus par
les départements, dans une proportion qui varie
de deux à cinq par département, suivant l'impor-
tance de la population.
Mode d'élection et durée des fonctions des sé-
nateurs élus. — Les sénateurs des départements
sont élus à la majorité absolue des suflrages et au
scrutin de liste par un collège électoral spécial
réuni au chef-lieu du département. Ce collège élec-
toral se compose : des députés du département,
des conseillers généraux, des conseillers d'arron-
dissement, et d'un délégué élu dans chaque com-
mune par le conseil municipal. Pour être élu sé-
nateur, il faut avoir quarante ans au moins et jouir
de ses droits civils et politiques. La durée des fonc-
tions des sénateurs élus est de neuf années ; ils se
renouvellent par tiers tous les trois ans ; les dépar-
tements ont été divisés en trois séries contenant
un nombre égal de sénateurs, et l'ordre de re-
nouvellement des séries a été déterminé par un
tirage au sort.
Election des délégués sénatoriaux par les conseils
municipnux. —Lorsqu'il y a lieu dans un départe-
ment à l'élection d'un sénateur, les conseils munici-
paux sont convoqués, un mois au moins avant l'élec-
tion^ pour procédera l'élection de leurs délégués.
Chaque conseil municipal nomme un délégué et un
suppléant pour remplacer le délégué en ca^ de refus
j ou d'empêchement. L'élection se fait sans débat,
au scrutin secret, à la majorité absolue ; après
deux tours de scrutin, la majorité relative suffit.
Le conseil municipal peut choisir pour délégué
toute personne ayant la qualité d'électeur dans la
commune, à l'exception des députés, conseillers
généraux et conseillers d'arrondissement qui ont
déjà la qualité d'électeurs sénatoriaux.
Chambre des députés; sa composition {Loi du
1" décembre 1875). — Les membres de la Chambra
des députés sont élus par le suffrage universel au
scrutin individuel. Chaque arrondissement adminis-
tratif nomme au moins un député ; les arrondisse-
ments dont la population dépasse 100 000 habi-
tants élisent un député déplus par 100 000 habitants
ou fraction de 100 000 habitants. L'arrondisse-
ment est alors divisé en autant de circonscriptions
qu'il a de députés à élire. Les députés sont élus
pour quatre ans ; la Chambre se renouvelle inté-
gralement à l'expiration du mandat de ses membres.
Election des députés ; listes électorales. — Pour
participer à l'élection des députés, il faut être ins-
crit sur les listes électorales. Tous les Français,
âgés de vingt et un ans, jouissant de leurs droits
civils et politiques, et ayant six mois de résidence
dans la commune, ont le droit d'être portés sur la
liste électorale.
Confection et révision des listes électorales. —
La liste électorale est dressée dans chaque com-
mune par une commission composée du maire,
d'un délégué de l'administration choisi par le pré-
fet, et d'un délégué du conseil municipal. Il est
procédé chaque année, au commencement de
janvier, à la révision des listes électorales. Tout
citoyen indûment omis peut, dans les vingt jours
de la publication de la liste, réclamer son ins-
cription : de même tout électeur peut demander la
radiation ou l'inscription de toute personne indû-
ment inscrite ou omise. Les réclamations sont
d'abord soumises à une commission, dont la déci-
sion peut être frappée d'appel devant le juge de
paix; la sentence du juge de paix peut enfin être
déférée à la Cour de cassation.
Formes de Vélection. — Lorsqu'il y a lieu de
procéder à une élection, les électeurs sont convo-
qués par un décret du Président de la République.
Le scrutin a lieu un dimanche ou un jour férié et
ne dure qu'un seul jour ; le vote a lieu au chef-
lieu de la commune, à moins qu'à raison de l'im-
portance de la population la commune n'ait été
divisée en plusieurs sections. Les votes sont re-
cueillis par un bureau électoral, présidé par le
maire, l'adjoint ou un conseiller municipal assisté
de quatre assesseurs et d'un secrétaire. Le scrutin
est secret ; les électeurs votent au moyen de bul-
letins préparés en dehors de l'assemblée, sur pa-
pier blanc et sans signe extérieur. Le bulletin est
remis au président qui le dépose dans l'urne ; le
vote est constaté par la signature ou le parafe
de l'un des membres du bureau mis à côté du
nom du votant sur la copie de la liste électorale.
Le dépouillement a lieu immédiatement après la
clôture du scrutin.
Conditions d'éligibilité. — Tout électeur est éli-
gible à l'âge de vingt-cinq ans, à moins de se trouver
dans un des cas d'incompatibilité prévus par la loi :
les militaires et marins en activité de service, les
DROIT PUBLIC
— 620 —
DROIT PUBLIC
fonctionnaires publics, sauf quelques exceptions,
ne peuvent être investis du mandat de députe.
Pour être élu au premier tour de scrutin, il faut
réunir la majorité absolue, c'est-à-dire la moitié
plus un des suffrages exprimés, et un nombre de
suffrages égal au quart des électeurs inscrits. Lors-
qu'aucun candidat no réunit cette double condition,
il est procédé à un second tour de scrutin qui a
lieu le deuxième dimanche qui suit la proclamation
du résultat du scrutin. Au second tour de scrutin,
la majorité relative suffit. La Cbambre des députés
vérifie les pouvoirs de ses membres ; elle juge
souverainement si le député élu était éligible et si
les opérations électorales se sont opérées loyale-
ment et régulièrement.
Pi^oposition, discussion et vote de la loi. — Les
projets de lois peuvent être présentés par le gou-
vernement et portés par lui h l'une ou l'autre
chambre, au Sénat ou à la Chambre des députés.
Les lois de finance seules doivent être soumises
d'abord à la Chambre des députés et votées par
elle avant d'être portées au Sénat. Outre les pro-
jets émanant du gouvernement, chaque Chambre
peut être saisie de projets de lois présentés par
un ou plusieurs de ses membres. Le projet, après
examen et rapport d'une commission, est discuté en
séance publique. La loi votée par le Sénat est
transmise à la Chambre des députés, et récipro-
quement la loi votée par la Chambre des députés
passe au Sénat ; elle ne devient définitive qu'à la
suite du vote des deux Chambres.
Pi^omulgation; comment la loi devient exécutoire.
— La loi votée par les deux Chambres doit être
promulguée par le président de la République. La
promulgation résulte de l'insertion au Journal
Officiel. La loi est exécutoire à Paris un jour après
sa promulgation ; dans l'étendue de chaque arron-
dissement, un jour après que le Journal officiel
est parvenu au chef-lieu de cet arrondissement ;
la date de la réception est constatée par un registre
tenu à la préfecture ou sous-préfecture.
3. Pouvoir exécutif. — Président de la Républi-
que, — Le chef du pouvoir exécutif prend le nom
de président de la République. Aux termes de la
loi du 25 février 187.'), relative à l'organisation des
pouvoirs publics, le président de la République est
élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat
et la Chambre des députés réunis en congrès. Le
président de la République est nommé pour sept
ans ; il est rcéligible.
Ses préi^ogatives. — Le président de la Républi-
que a, concurremment avec les membres des deux
Chambres, l'initiative dos lois. Il nomme à tous
les emplois civils et militaires, dispose de la force
armée •, les ambassadeurs des puissances étrangè-
res son t accrédités auprès de lui. Le président de
la République assure l'exécution des lois, fait, avec
l'assistance du conseil d'Etat, les règlements d'ad-
ministration publique, négocie et ratifie les trai-
tés; toutefois les traités de paix, de commerce,
ceux qui engagent les finances de l'Etat, ou qui sont
relatifs à l'état des personnes ou au droit de pro-
priété des Français à l'étranger, ne sont définitifs
qu'avec l'approbation des deux Chambres. Des dé-
crets du président de la République accordent
les concessions de mines, ordonnent les grands
travaux d'utilité publique, autorisent l'établisse-
ment des octrois, confèrent aux étrangers la natu-
ralisation, etc.
Le président de la République a le droit de faire
grâce, d'accorder à un condamné remise totale ou
partielle de la peine ; l'amnistie, ou remise accor-
dée à toute une catégorie d'individus avant ou
après la condamnation prononcée, ne peut être
accordée que par une loi. Le président de la
République ne peut déclarer la guerre qu'avec
l'assentiment des deux Cliambres.
Rapports avec les Chambres. — Le Sénat et la
, Chambre des députés se réunissent chaque annde
de plein droit le second mardi de janvier. Le pré-
sident de la République peut les convoquer
extraordinairement ; il prononce la clôture des
sessions, peut ajourner les Chambres pendant un
mois au plus ; cet ajournement ne peut être pro-
noncé plus de deux fois dans la même session.
La Chambre des députés peut être dissoute par le
président de la République .sur l'avis conforme du
Sénat. Le président de la République communi-
que avec les Chambres par des messages. Lors-
qu'une loi a été votée par le Sénat et la Chambre
des députés, le président de la République peut,
avant de la promulguer, provoquer, par un mes-
sage moiivc, une nouvelle délibération qui ne peut
être refusée.
^ Mijiistres. — Les ministres sont, sous l'autorité
du président de la République, les chefs de l'ad-
ministration dans les différentes branches de ser-
vices publics; ils sont nommés par le président de
la République et délibèrent en conseil sous sa pré-
sidence ; ils sont responsables; ils ont entrée
dans les deux Chambres et doivent y être en-
tendus toutes les fois qu'ils le demandent. Un des
ministres porte le titre de président du conseil,
et préside le conseil à défaut du présideut de la
République.
Nombre- de nnjiistères. — Les ministères sont
au noml)re de dix : 1° le ministère de la justice;
le ministre de la justice, dépositaire des sceaux
de l'Etat; prend le nom de garde des sceaux;
2° le ministère des affaires étrangères ; 3° le minis-
tère de la guerre ; 4° le ministère de la marine et
des colonies; 5° le ministore de l'intérieur et des
cultes; 0° le ministère des finances; 7° le minis-
tore de l'agriculture et du commerce ; 8" le mi-
nistère des travaux publics ; 9° le ministère de
l'instruction publique et des beaux-arts ; 10° le
ministère des postes et télégraphes.
Attributions et fonctions des ministres. — Les
ministres dirigent le service public qui leur est
confié ; ils suivent l'exécution des lois et décrets ;
nomment et révoquent un grand nombre d'agents ;
préparent les règlements et mesures nécessaires ;
annulent et confirment les décisions prises par
les autorités qui leur sont subordonnées. Tous les
actes du président de la République doivent être
contresignés par un ministre.
Conseil cF Etat. — Le conseil d'Etat est un corps
délibérant, chargé d'éclairer par ses avis l'adminis-
tration centrale, et de statuer comme juge suprême
sur les affaires administratives. Le conseil d'État se
compose de conseillers d'Etat, maîtres des requêtes
et auditeurs nommés par le président de la Répu-
blique.
Attributions administratives. — Le conseil d'E-
tat est appelé à donner son avis sur les règlements
d'administration publique préparés par les minis-
tres, sur tous les décrets qui, d'après la loi, doi-
vent être rendus dans la forme des règlements
d'administration publique, enfin, sur toutes les
questions administratives qui lui sont soumises par
le président de la République ou les ministres. Le
conseil d'Etat peut également donner son avis sur
les projets de loi que l'une des deux Chambres
ou le gouvernement juge opportun de lui ren-
voyer.
Attributions contentieuses. — Le conseil d'Etat
est le juge suprême en matière administrative. Il
connaît, comme juge d'appel, des décisions rendues
par les juridictions administratives, conseils de
préfecture, ministres, etc. Il connaît en outre des
recours formés pour excès de pouvoir, incompé-
tence ou vice de forme, contre les actes de toutes
les autorités administratives. Les décisions du con-
seil d'Etat au contentieux ne sont point de sim-
ples avis, mais de véritables jugements qui ont
par eux-mêmes une autorité pleine et entière.
DROITES ET PLANS — 621
DROITES ET PLANS
Dénomination des actes de Cautorité publique.
Décrets. — Les actes émanant des divers organes
de la puissance publique prennent des noms diflfc-
rents. Les décrets sont les actes qui émanent du
président de la République. On distingue plusieurs
espèces de décrets : les décrets simples, rendus
sur le rapport d'un ministre ; les règlements d'ad-
ministration publique, qui ont un caractère géné-
ral, et sont faits pour assurer l'exécution de la loi
dans les détails qu'elle n'a pu prévoir ; les règle-
ments d'administration publique doivent être soumis
au conseil d'Etat, et l'accomplissement de cette for-
malité est constatée dans le préambule du décret
par ces mots : le Conseil d' Etat entendu. Certains
décrets spéciaux, non réglementaires, par exemple
ceux relatifs aux concessions de mines, à l'établis-
sement des octrois, etc., ne peuvent être rendus
qu'après avis du conseil d'Etat. Ces décrets sont
désignés sous le nom de : décrets reiidus dans la
forme des règlements d'administration publique.
Arrêtés; circulaires ; instructions. — Les actes
faits par les différentes autorités administratives
dans les limites de leurs attributions prennent le
nom d'«;veYes. On dit ainsi: arrêté ministériel,
arrêté préfectoral, arrêté municipal. Les instruc-
tions sont des avis adressés par le fonctionnaire
supérieur à ses subordonnés pour leur expliquer
le sens des lois et des décrets qu'ils ont à appli-
quer, des ordres qu'ils ont à exécuter. Lorsque ces
instructions s'appliquent à toute une catégorie de
fonctionnaires, elles prennent le nom de circulai-
res. Les circulaires et les instructions sont obliga-
toires pour les agents à qui elles sont destinées.
[E. Delacourtie.]
DROITES ET PLANS. — Géométrie, XVllI-XX.—
1. — Trois points qui ne so?it pas en ligne droite
déterminent unplan; car si l'on mène une droite
par deux de ces points, on pourra toujours conce-
voir un plan passant par cette droite; et si on le
fait tourner autour de cette même droite jusqu'à
ce qu'il vienne passer par le troisième point, sa
position sera fixée.
Deux droites qui se coupent déterminent unplan;
car si l'on considère leur point de rencontre et un
point sur chacune d'elles, on aura trois points qui
ne seront pas en ligne droite, et qui déterminent
un plan dans lequel chacune des droites sera con-
tenue, puisqu'elle y aura deux points.
Deux droites parallèles déterminent un plan;
cela résulte de la définition même des parallèles.
2. — L'intersection de deux plans est une ligne
droite. D'abord cette intersection est une ligne ;
et si cette ligne avait seulement trois points qui
ne fussent point en ligne droite, ces trois points
détermineraient un plan qui coïnciderait avec cha-
cun des plans donnés, ces deux plans coïncide-
raient donc eux-mêmes, ce qui est contraire à
l'hypothèse.
Fjg. 1.
3. — Siune droite AO (fig. 1) est perpendiculaire
à deux droiks OB, OC, vassant par son pied daîu
unplan MX, elle est perpendiculaire à toute autre
droite OD passant par son pied dans ce tnême
pla7i. Prolongeons, en effet, la droite AO, de l'au'
tre côté du plan, d'une longueur OA' égale à OA.
Coupons les trois droites OB, OC, OD par une
même droite BC, et joignons AB, AC, AD, A'B,
A'C, A'D. Les droites AB et A'B seront égales
comme obliques, s'écartant également du pied O
de BO perpendiculaire i\ AA' ; de même A'C sera
égal à AC ; les deux triangles BAC et BA'C seront
donc égaux comme ayant leurs trois côtés égaux
chacun à chacun ; et si Ton fait tourner le trian-
gle BA'C autour de BC, il viendra coïncider avec
BAC Mais, dans ce mouvement, le point D n'aura
pas changé de place ; donc les droites A'D et AD
coïncideront. Donc la droite OD qui, dans le
triangle isocèle AD A', joint le sommet D au milieu
O de la base, est perpendiculaire sur cette base ;
et réciproquement AA' est perpendiculaire à OD.
Une droite qui est ainsi perpendiculaire à toutes
les droites passant par son pied dani un plan est
dite perpendiculaire à ce plan ; et le plan est dit
aussi perpendiculaire à la droite.
4. -r- Toutes les perpendiculaires OB, OC, OD
(fig. 2) élevées dans l'espace par U7i même point O
à une droite AA' sont dons un même pian perpen-
diculaire à cette droite. Menons, en effet, un plan
par les droites OB et OC, et un autre par les droi-
tes OA et OD ; ces plans se couperont suivant la
droite OD elle-même, car s'ils se coupaient suivant
une autre droite 01, cette droite 01 étant dans le
plan BOC perpendiculaire à AA' serait perpendi-
culaire à AA' ; on pourrait donc, par un même
point O d'une droite AA', mener, dans un même
plan AOD, deux perpendiculaires 01 et OD à une
droite AA', ce qui est impossible.
5. — Par un même point on ne peut métier
qu'une perpendiculaire à un plan donné. — Sup-
posons, en eflet, qu'on en puisse mener deux. Si
le point est extérieur au plan, les deux perpendi-
culaires et la droite qui joint leurs pieds forme-
raient un triangle dans lequel il y aurait deux an-
gles droits, ce qui est impossible.
Si le point est pris sur le plan même, les deux
perpendiculaires détermineraient un plan qui cou-
perait le premier suivant une droite perpendicu-
laire aux deux premières, ce qui est impossible.
6. — Par un même point on ne peut 7nener qu'un
plan perpendiculaire à une droite donnée. — Si
le point est donné sur la droite même, le plan per-
pendiculaire doit contenir toutes les perpendicu-
laires à la droite menée dans l'espace par le point.
Ce point est donc déterminé et unique.
Si le point est donné hors de la droite ; admet-
tons qu'on puisse par ce point, que nous nomme-
rons O, mener deux plans perpendiculaires à la
droite, lesquels couperont cette droite en des points
A et B ; dans le triangle AOB il y aurait deux an-
gles droits, ce qui est impossible. — On ne peut
pas .supposer que les points A et B coïncident,
car alors on aurait deux plans perpendiculaires à
la droite menés par un même point de cette droite,
ce qui a été reconnu impossible.
DROITES ET PLANS — 622
DROITES ET PLANS
7. — Si par un point O (fig. 3) pris hors d'un
plan MN, on lui mène la perpendiculaire OP et
différentes obliques OA, OB, OC; 1° toute oblique
sera plus longue que la perpendiculaire; 2° deux
l'ig. 3.
obliques qui s'écartent également du pied P de la
perpendiculaire seront égales ; 3" de deux obliques
s'écartant inégalement du pied de la perpendicu-
laii^e, celle qui s'en écartera le plus sera la plus
longue.
1° Joignons AP ; dans le triangle OPA, rectangle
en P, l'hypoténuse OA sera plus longue que la
perpendiculaire OP.
2° Soient PA = PB. Les triangles rectangles
OPA et OPB seront égaux comme ayant OP com-
mun et PA = PB; donc les hypoténuses OA et
OB seront égales.
3° Soit PC > PA. Prenons sur PC une longueur
PB égale à PA et joignons OB, on aura OB = OA.
Mais les trois droites OP, OB, OC étant dans un
même plan, et OP étant perpendiculaire à PC, on
a OC > OB, et par conséquent OC > OA.
Il résulte de ce théorème que la véritable dis-
tance d'un point a un plan est la perpendiculaire
abaissée de ce point sur ce plan.
8. — Si du pied O (fig. 4) d'une droite OA per-
pendiculaire à un plan MN, on abaisse OD per-
pendiculaire sur une droite quelconqueBC tracé'
dans ce plan, et qu'on joigne AD, la droite AD sera
perpendiculaire à BC.
Fig.
Prenons, en effet, CD = BD, et joignons OB, OC,
AB, AC. Les obliques OB et OC seront égales
comme s'écartant également du pied D de la per-
pendiculaire OD. Dès lors les obliques AB et AC
seront égales comme s'écartant également du pied
0 de la perpendiculaire AO. La droite AD a donc
deux de ses points, A et D, à égale distance des
extrémités de BG; donc AD est perpendiculaire
sur BC.
Ce théorème, souvent utile, est connu sous le
nom de théorème des trois perpendiculaires.
9. —Deux droites AO et ET) ij\%. h) perpendicu-
laires à un même plan MN sont parallèles entre
elles. Il faut d'abord démontrer que ces droites
sont dans un même plan. Pour cela joisrnonsOD;
menons, dans le plan MN, la droite BCD perpen-
diculaire à OD, et joignons AD, qui sera perpen-
diculaire sur BC en vertu du théorème précédent.
Mais BC est aussi perpendiculaire à DO et à DE,
puisque celle-ci est perpendiculaire au plan I4N "
les trois droites DO, DA, DE sont donc dans un
même plan; or OA est dans ce plan puisqu'elle y
a deux points O et A. Donc AO et DE sont dans un
même plan. Dès lors elles sont parallèles comme
étant toutes deux perpendiculaires à OD.
Réciproquement : Si deiLX droites AO et DE^on/
parallèles, tout plan WS perpendiculaire à tune,
AO par exemple, est perpendiculaire à l'autre. Car,
si DE n'était pas perpendiculaire au plan MN, on
pourrait, par le point D, mener une perpendicu-
laire à ce plan, laquelle serait parallèle à AO, en
vertu du théorème ci-dessus. On pourrait donc, par
un même point D, mener deux parallèles à une
môme droite, ce qui est impossible.
10. — Deux plans perpendiculaires à une même
droite ne peuvent se rencontrer quelque loin qu'on
les prolonge. Soient, en effet, A et B les points
où la droite perce les deux plans. Si ces deux
plans pouvaient avoir un point commun, que nous
désignerons par O, les droites menées du point O
aux points A et B seraient toutes deux perpendi-
culaires à AB, ce qui est impossible.
Deux plans qui ne peuvent se rencontrer quel-
que loin qu'on les prolonge sont ce que l'on ap-
pelle des plans parallèles.
11. — Les intersections de deux plans parallèles
par un troisième sont parallèles entre elles. Car
si ces intersections, qui sont dans un môme plan,
n'étaient pas parallèles, elles se rencontreraient,
et leur point commun appartiendrait aux deux
plans proposés, ce qui serait contraire à l'hypo-
thèse.
12. — Une droite T), parcdlèle à ime droite D'
située dans un plan P, ne peut rencontrer ce plan
quelque loifi qu'on la prolonge. Car les parallèles
D et D' déterminent un plan qui coupe le plan P
suivant la droite D' elle-même. Si donc la droite D
rencontrait le plan P, ce ne pourrait être qu'en un
point de D', ce qui est impossible.
Une droite qui ne peut rencontrer un plan quel-
que loin qu'on le prolonge est dite parallèle à ce
plan ; et le théorème ci-dessus peut s'énoncer en
disant que toute droHe parallèle à une autre
droite située dans un plan est parallèle à ce plan.
13. -r- Si une droite D est parallèle à un plan P,
tout phniQ mené par la dndteYi coupe le plan P
suiva}it u)ie parallèle à cette droite. Car si ces
droites, qui sont dans un même plan Q, n'étaient
pas parallèles, leur point d'intersection appartien-
drait à la fois h la droite D et au plan P, ce qui
serait contraire :\ l'hypothèse.
14. — Une droite D étant parallèle à un plan P,
si, par un point M de ce plan, on mène une pa-
rallèle D' à la droite D, elle sera contt^nue tout
entière dans le plan P. En effet, menons un plan
par la di-oitc D et par le point M ; ce plan coupera
le plan P suivant une parallèle ;'i la droite D ; cette
intersection devra donc se confondre avec la droite
D', autrement on pourrait, par un même point M,
DROITES ET PLANS
623 — DROITES ET PLANS
mener deux parallèles à une même droite, ce qui I AI et AC faisons passer un plan ; il coupera les
est impos-sible. [
15. — Lorsque deux plans MN et PQ (fig. 6) sont
parallèles, toute droite AB perpendiculaire à l'un
Fif. 6.
d'eux MN, est perpendiculaire à l'autre. Menons, en
effet, dans le plan PQ la droite BD de direction quel-
conque. Si par les droites AB et BD nous menons
un plan, il coupera MX suivant une droite AC,
parallèle à BD. La droite AB perpendiculaire à j aurâ'donc^
MN sera perpendiculaire à AC qui passe par son '
pied dans ce plan ; elle le sera donc aussi à sa
parallèle BD. La droite AB étant perpendiculaire
à une droite quelconque menée par son pied dans
le plan PQ, est perpendiculaire à ce plan.
Corollaires. I. Par un point B pris hors d'un
plan MN, on ne peut lui mener qu'un plan pa-
riillèle PQ. Car si on pouvait en mener un second.
Fis. 8.
plans PQ et RS suivant les parallèles HB et IC. On
AB : BC = AH : Hl
ou, ce qui revient au même,
AB : BC = DE : £F
co qu'il fallait démontrer.
Kemarque. On a aussi la proponion AB : AC =
ils devraient être tous deux perpendiculaires à la j DE : DF.
droite BA abaissée du point B perpendiculairement , 18- ,- S^ deux angles ABC, DEF yfig. 9) ont,
à MN. On pourrait donc, par un même point, me- \ dans l espa'je, leurs cotes parallèles et diriges dan^
ner deux plans perpendiculaires aune même droite,
ce qui est impossible.
IL De"X plans parallèles ù un troisième so^H
parallèles entre eux. Car si l'on mène une per-
pendiculaire au troisième, elle sera aussi perpenr-
diculaire aux deux premiers; or, deux plans per-
pendiculaires à une même droite sont parallèles
entre eux.
IC. — Les portions AC et BD (fig. 7) de deux
parallèles, comprises entre deui plans parallèles
le même sens, ils sont égaux, et leurs plans sont
parallèles.
Prenons BA=ED.BG = EF; etjoignons AB,BE,
CF, AD, DF. Les droites AB et DE étant égales et
parallèles, la figure ABED estun parallélogramme.
Par une raison analogue la figure BCFE est aussi
un parallélogramme. lien résulte AD=-BE = CF.
Par conséquent la figure ACFD est aussi un pa-
rallélogramme, et Ton aAC = DF. Dès lors les
triangles ABC et DEF étant égaux comme ayant
leurs côtés égaux chacun à chacun, il en résulte
que les angles ABC et DEF sont égaux.
Les plans de ces angles sont en même temps
parallèles. Car s'ils ne Tétaient pas, comme le plan
ABC est mené par une droite AB parallèle à DE,
il devrait couper le plan DEF suivant une paral-
lèle à AB et par conséquent à DE: mais comme co
même plan ABC est mené par une droite BC pa-
rallèle à EF, il devrait couper le plan DEF suivant
une parallèle à EF. Ces deux conditions étant con-
tradictoires, il s'en suit que le plan ABC ne sau-
rait couper le plan DEF ; donc ces plans sont pa-
rallèles.
19. — Soit AO (fig. 10) une droite qui rencontre
en O un plan MN. D'un point quelconque A de
cette droite, abaissons sur le plan la perpendi-
culaire AC, et joignons OC. Cette droite OC est ce
que Ton appelle la projection de la droite OA sur
le plan MN.
On peut remarquer d'abord que cette projection
Fis.
MN et PQ, sont égales. Car si, par les deux paral-
lèles AC et BD on fait passer un plan, il coupera
les deux plans MN et PQ suivant deux parallèles
AB et CD. La figure ABDC sera donc un parallé-
logramme, et l'on aura AC = BD.
Remarque. Le théorème subsiste lorsque les deux
parallèles données sont perpendiculaires aux deux
plans MNetPQ; mais alors ces perpendiculaires
mesurent la distance des deux plans, puisque toute
oblique serait plus longue. On peut donc directe
deux plans parallèles sont partout également dis-
tants.
1 7. — Deux droites quelconques ABC, DEF (fig. 8)
sont coupées proportionnel lemeyit par trois plans
parallèles MN, PQ, RS. Menons, en effet, AHI pa-
rallèle à DEF. En vertu du théorème précédent
on aura AH = DEetHI = EF Par les deux droites
DROITES ET PLANS — 624
DROITES ET PLANS
rpste la même quel que soit le point de OA d'où
l'on abaisse la perpendiculaire. Car si BD est une
seconde perpendiculaire abaissée sur MN d'un point
de OA, les deux perpendicuhiires sont parallèles
ri g. 10.
entre elles, et déterminent un plan, qui contient AB
et par conséquent le point O ; l'intersection CD
de ce plan avec le plan MiV passe donc par le
point 0.
L'angle dune droite et d'un plan est Vangle que
fait cette droite avec sa projection sur ce plan.
Ainsi l'angle de OA avecle plan MN est l'angle AOC.
Cet angle est plus petit que celui que ferait OA
avec une autre droite quelconque 01 menée dans
le plan MN par le point O. Car si l'on prend 01
= OC et qu'on joigne BI, les deux triangles OBD
et OBI auront deux côtés égaux chacun à chacun,
savoir OB commun et 01 égal à OC ; mais le troi-
sième côté de l'un, BD, qui est une perpendicu-
laire à MN, est moindre que le troisième côté de
l'autre, BI, qui est une oblique. Il en résulte que
l'angle BOD est moindre que l'angle BOI.
20. — L'angle de deux plans est le plus ou
moin'' d'écart de deux plans qui se coupent.
On donne à un pareil angle le nom d'angle
dièdre (c'est-à-dire à deux faces) ; les deux plans
sont les faces du dièdre, et leur intersection est
Vare'le de ce dièdre. La figure 11 montre plusieurs
dièdres ayant une arête commune OD. Pour de-
signer un dièdre on emploie quatre lettres, dont
les deux extrêmes sont prises respectivement sur
chaque face et les deux intermédiaires sur l'arête.
Ainsi le dièdre formé par les deux plans AODE et
BODF pourra être désigné par AODB; celui qui a
pour faces BODF et CODG pourra être désigné
par BODC; etc.
Pour comparer entre eux les angles dièdres, on
leur substitue les angles plans formés par des
perpendiculaires élevées dans chaque face par un
même point de l'arête. Si, par exemple, OA, OB,
OC sont des perpendiculaires à OD, il suffira, pour
comparer les deux dièdres que nous venons de
nommer, de comparer les angles plans AOB et BOC
qui leur correspondent. On démontre, en effet,
que si l'on prend pour unité d'angle dièdre celui
qui a pour angle plan l'unité d'angle, les angles
dièdres sont proportionnels à leurs angles plans.
Pour cela on montre d'abord que deux angles diè-
dres qui ont des angles plans égaux sont super-
posables : on démontre ensuite que si l'angle plan
d'un dièdre contient un certain nombre de fois
l'unité d'angle plan, le dièdre contient le môme
nombre de fois l'unité d'angle dièdre.
Quand l'angle plan est droit, le dièdre prend le
nom de dièdre droit, et ses deux faces sont dites
perpendiculaires entre elles. Si, par exemple, l'angle
.\0(; était droit, le dièdre AODC serait droit aussi,
et les faces AODE, CODG de ce dièdre seraient
perpendiculaires entre elles.
Deux plans perpendiculaires entre eux sont donc
des plans qui forment un dièdre droit; c'est-à-
dire que si, par un même point de l'arête, on
élève dans chaque face une perpendiculaire à
cette arête, les deux perpendiculaires ainsi menées
forment un angle droit,
21. —Si deux pkmsUyi et OP (fig. 12) sontper.
pendiculaircs entre eux, toute droite AB, menée
dans l'un de ces plans perpendiculairement à leur
intersection OD, est perpendiculaire à l'antre plan.
Car si l'on mène dans le plan MN la droite BC per-
pendiculaire à OD, l'angle ABC sera l'angle plan
du dièdre formé par les deux plans, et sera donc
droit ; ainsi la droite AB, perpendiculaire aux deux
droites OD et BG menées par son pied dans le plan
MN, est perpendiculaire à MN.
Corollaires. I. — Si par un point B de l'inler-
section on élevait une perpendiculaire au plan MN,
elle serait tout entière dans le plan OP. Car, si
elle difl'érait de BA, on pourrait en un même point
d'un plan lui élever deux perpendiculaires, ce qui
est impossible.
IL — Si par un point A, pris dans le plan OP,
on abaissait une perpendiculaire sur le plan MN.
elle serait toute entière dans le plan OP. Car si
elle différait de AB, on pourrait, par un point pris
hors d'un plan, lui mener deux perpendiculaires,
ce qui est impossible.
22. — Tout plan OP (fig. 12), mené suivant une
droite AB perpendiculaire à un plan MN, est lui'
même perpendiculaire à ce plan. Car si l'on mène,
dans le plan MN, la droite BC perpendiculaire à
l'intersection OD, les angles ABC et ABO seront
droits, puisque AB est perpendiculaire au plan MN.
L'angle ABC sera donc l'angle plan du dièdre formé
par les deux plans OP etMN, et puisque cet angle
est droit, les deux plans sont perpendiculaires.
Remarques. — On peut énoncer ce théorème en
disant que tout flan JIN perpendiculaire à une
droite AB située dans un plan OP est perpendicu-
laire à ce plan.
23. — l'oitt plan perpendiculaire à deux pla/is
qui se coupent est perpendiculaire à leur intersec-
tion. Car si, par le point de rencontre des trois
plans, on élevait une perpendiculaire au premier,
elle serait tout entière dans chacun des deux
autres. Elle n'est donc autre que leur intersec-
tion.
24. — La direction verticale est celle que prend
DROITES ET PLANS — 625
DYNASTIES
le fil-à-plomb ; elle est perpendiculaire à la sifrface
des eaux tranquilles dans le lieu de l'observation.
Dans un même lieu les verticales sont donc des
droites parallèles.
On nomme ^lan horizontal tout plan perpendi-
culaire à la verticale. Dans un même lieu toutes
les verticales étant parallèles, il en est de même
de tous les plans horizontaux.
Toute droite menée dans un plan horizontal est
ce qu'on nomme une horizontale. Si, par un point
quelconque d'une horizontale, on mène une verti-
cale, les deux droites seront perpendiculaires eiitre
elles. Réciproquement : toute perpendiculaire à la
verticale est une horizontale.
Deux horizontales qui se coupent déterminent un
plan horizontal. Car si, par leur point de rencon-
tre, on élève une verticale, elle sera perpendicu-
laire à chacune des deux horizontales, et par con-
séquent au plan déterminé par ces horizontales.
— C'est sur ce principe qu'est fondé l'emploi des
nù'eai^a; pour vérifier l'horizontalité d'un plan. V.
Arpentage (instruments d').
Tout plan qui contient une verticale est lui-
même ce qu'on nomme un plan vertical. Par une
droite donnée, on peut toujours faire passer un
plan vertical. Car si, par un point de celte droite,
on élève une verticale, cette verticale et la droite
donnée détermineront un plan qui est vertical.
Deux plans, dont l'un est vertical et Vautre ho-
rizontal, sont toujours perpendiculaires entre eux.
Car si dans le plan vertical on mène une verti-
cale, elle sera perpendiculaire au plan horizontal.
Réciproquement : tout pla7i perpendiculaire à ua
plan horizontal est un plan vertical; car si, par
un point de leur intersection, on élève une per-
pendiculaire au plan horizontal, c'est-à-dire une
verticale, cette droite sera contenue tout entière
dans l'autre plan ; donc celui-ci est vertical.
L'intersection de deux plans verticaux est une
verticale. Car tout plan horizontal, étant perpen-
diculaire à chacun d'eux, est perpendiculaire à leur
intersection ; donc cette intersection est verticale.
Un plan quelconque est coupé par un plan hori-
zontal suivant une horizontale; et toutes les hori-
zontales d'un même plan sont parallèles.
25. — On nomme ligne de plus grande pente
d'un plan une droite menée dans le plan perpen-
diculairement à ses horizontales. On démontre, en
efi'et, pour justifier cette dénomination, que cette
ligne fait avec cette projection sur un plan hori-
zontal un angle plus grand que celui que ferait
toute autre droite du plan considéré avec sa pro-
jection horizontale. Soit MN (fig. 13) le plan con-
sidéré ; AB son intersection avec le plan horizontal
Fig. 13.
BAC ; 10 une perpendiculaire à l'horizontale AB,
dans le planMN; OH la perpendiculaire abaissée
d'un point de 10 sur le plan BAC ; OD une autre
droite quelconque menée par le point O dans le
planMN. Joignons HD ; prenons sur cette droite
une longueur HI' égale àHI,ct joignons 01'. Les
deux triangles lOH et l'OH sont égaux comme étant
tous deux rectangles en H^ et ayant les côtés de
2<~ Partie.
l'angle droit égaux chacun à chacun ; donc l'angle
OI'H est égal à l'angle OIH. Mais l'angle OI'H ex-
térieur au triangle OI'D est plus grand que ODH.
DoncOIH est aussi plus grand que ODH.
[H. Sonnet.]
DYNASTIES.— Histoire générale, XXXIX-XL.
— On appelle ainsi une série de dynastes, c'est-à-
dire de souverains, se succédant par filiation, par
adoption, ou de toute autre manière, et formant
dans le canon des monarques d'un pays un groupe
distinct, qui donne souvent son nom à une période
historique.
Nous énumérerons, dans cet article de récapitu-
lation, les principales dynasties de l'histoire an-
cienne et moderne, en renvoyant pour les détails,
soit à des articles spéciaux qui seront indiqués, soit
aux articles généraux consacrés à l'histoire de cha-
que nation.
Nous laissons de côté les pays de l'extrême
Orient ("V. Orient et Mongols), ainsi que l'Inde*.
Nous ne reviendrons pas non plus sur ce qui a été
dit ailleurs concernant les dynasties des Assyriens,
des Chaldéens, des Egyptiens, des Israélites,
-Nous divisons les temps historiques en deux
grandes sections : les tetnps anciens d'une part,
le moyen âge et les temps modernes d'autre part.
TEMPS ANCIENS.
Perse. — La dynastie nationale des rois de la
Perse ancienne, fondée par Cyrus, porte le nom
d'Achéménides. Le légendaire Achéménès, qui a
servi de héros patronymique à la famille dont sor-
tit Cyrus, paraît être le même que le Djcmchiddu
Zend-Avesta CV. Pe7'se). Les Achéménides régnè-
rent de 636 à 330 avant J.-C.
Après la conquête d'Alexandre, la Perse fit par-
tie de l'empire des Séleucides (V. plusloini; puis
elle devint une province de l'empire des Parthes,
sous la dynastie des Arsacides (255 avant J.-G. à
22G après J.-C). En 226, Artaxerxès, fils de Sas^'
san, renversa la domination parthe et rétablit le
royaume de Perse : ses «uccesseurs forment la
dynastie des Sassariides, contre laquelle curent à
lutter durant quatre siècles les empereurs de
Rome et de Byzance. Le dernier des Sassanides,
Yezdedgerd IIl, fut renversé du trône par les Ara-
bes en 652.
Grèce. — Athènes. Les rois d'Athènes, formant
la dynastie dite Cécropide, sont antérieurs à la
période historique. Cette dynastie tire son nom de
Cécrops, le fabuleux fondateur d'Athènes : c'est à
elle qu'appartiennent entre autres les rois légendai-
res Erechthée, Egée, Thésée, Codrus. — Au si-
xième siècle avant J.-C, Athènes fut gouvernée
par la dynastie des Pisistratides, comprenant Pi-
sistrate et ses deux fils Hipparque et Hippias.
Spa7'te. Sparte eut deux dynasties : l'une légen-
daire, celle des Pélopides, à laquelle appartient
jMénélas ; l'autre historique, celle des HéracUdes.
Toutefois, les origines de la dynastie héraclide
plongent encore dans les temps mythiques; Lycur-
gue lui-même, dont on fait l'oncle du roi Chari-
iaiis, ne semble pas un personnage historique. Ce
n'est qu'à partir du sixième siècle avant J.-C. que
l'histoire de Sparte, comme celle d'Athènes, de-
vient certaine.
On sait que Sparte était gouvernée par deux rois ;
ils étaient choisis dans deux branches différentes
de la famille des HéracUdes, celle des Proclida et
celle des Eurysthénides; Démarate, Agésilas,
Agis 111 étaient des Proclides ; Léonidas, Cléo-
mène III, des Eurysthénides.
Après l'extinction des HéracUdes en 219 avant
J.-C, Sparte fut gouvernée par des tyrans, dont les
Achéens la délivrèrent; bientôt après, elle dut
accepter la domination romaine, comme le reste
de la Grèce.
40
DYNASTIES
— 626 —
DYNASTIES
Macédoine. — La première dynastie des rois de
Macédoine, celle à laquelle appartiennent Phi-
lippe II et son fils Alexandre III le Grand, était aussi
une famille à'Héradides, c'est-à-dire prétendant
descendre d'Hercule. Elle s'éteignit en 311 avant
J.-C, à la mort d'Alexandre Aigus, fils posthume
d'Alexandre le Grand.
Après des luttes entre divers prétendants, la
couronne resta aux descendants d'Antigone, l'un
des généraux d'Alexandre. Cette famille conserva
la couronne jusqu'en 168, année où Persée, dernier
roi de Macédoine, fut détrôné parles Romains.
Royaumes gréco-macédoniens. — Syrie. La dy-
nastie des Séleucides, qui tire son nom de Séleu-
cus Nicator, l'un des généraux d'Alexandre, fonda
en Asie, au commencement du quatrième siècle
avant J.-C, un vaste empire dont la Syrie fut le
centre.
Au bout d'un siècle et demi, la puissance des
Séleucides commença à décliner, leur empire se
démembra, les discordes et l'anarchie l'aftaiblirent
de plus en plus, et enfin la Syrie devint une pro-
vince romaine en l'an 63 avant J.-C.
Egypte. La dynastie des Ptolémées ou Lngides
eut pour fondateur, comme celle des Séleucides,
un des généraux d'Alexandre, Ptolémée, fils de
Lagus ; elle gouverna l'Egypte pendant près de
trois siècles (323-31 avant J.-C). Elle comprend
quatorze souverains qui portent tous le nom de
Ptolémée, et sont distingués les uns des autres
par des surnoms : les principaux sont les trois pre-
miers, Ptolémée Soter, Ptolémée Philadelphe, et
Ptolémée Evergète. Cléopàtre, sœur et épouse de
Ptolémée XII et de Ptolémée XIII, et mère de
Ptolémée XIV Césarion, est le personnage le plus
connu qu'offre cette dynastie.
Rome. — Les sept rois de Rome ne forment pas,
à proprement parler, une dynastie ; ce sont des
personnages légendaires qui symbolisent les
différentes phases de l'histoire de la Rome primi-
tive.
Les empereurs romains, de Jules César à Romu-
lus Augustule, peuvent être partagés en sept sé-
ries, dont les unes sont de véritables dynasties,
tandis que d'autres forment de simples groupes où
l'ordre de succession est souvent déterminé par le
hasard des révolutions. Ce sont :
1. Les douze Césars, comprenant : a) Jules Cé-
sar, Auguste, et les quatre empereurs de la famille
d'Auguste; b) les trois premiers successeurs de
Néron : Galba, Othon, Vitellius ; c) les trois Fla-
viens : Vespasien et ses deux fils;
2. Les Antcmins-, qui se succèdent par adoption,
de Nerva à Marc-Aurèle, et finissent au fils indigne
de ce dernier. Commode. Viennent ensuite les
règnes éphémères de Pertinax et de Didius Ju-
lianus ; ,
3. Les Sévère ou les empereurs syriens, de
Septime Sévère à Alexandre Sévère;
4. Les empereurs de l'époque d'anarchie mili-
taire, commençant à Maxiinin, finissant à Gallien ;
6. Les empereurs illyriens, dont les principaux
sont Aurélien, Probus, Diocléiien, Constantin. Ils
finissent à Julien et à son successeur Jovien ;
0. Les empereurs de l'époque des partages. Ce
sont Valentinien et Valens, puis ïhéodose et ses
deux fils, Honorius et Arcadius.
7 . Les derniers empereurs d'Occident après
Honorius, au nombre de onze, dont le dernier est
Uomulus Augustule, déposé en 476 après J.-C.
MOYEN AGE ET TEMPS MODERNES.
Empire d'Orient ou de Constantinople. — De
Tavènement d'Arcadius (395) à la prise de Constan-
tinople parles Turcs (14ô3j, l'histoire de l'empire
dOrieni embrasse une période de plus de mille
ans. Onze dynasties se succédèrent sur le trône :
1° Maison de Théodose (395-457) ;
2° Première maison thrace (157-518);
3° Seconde maison thrace (518-610), à laquelle
appartient Justinien I" ;
4° Maison des Héraclides (610-717), dont le chci
fut Héraclius ;
5° Maison isaurienne (717-820), qui tire son nom
de Léon IV l'Isaurien ou ITconoclasle ;
6° Maison phrygienne (820-867);
7° Maison macédonienne (867-1081);
8° Maison des Comnènes (1081-1204), à laquelle
appartiennent Alexis I", qui régnait lors de la
première croisade, et Isaac II l'Ange, qui amena
à Constantinople les chevaliers de la quatrième
croisade ;
9° Empereurs latins (1204-1261), des maisons de
Flandre el de Courtenay;
10" Maison des Lascaris (1206-1260), qui régna
à Nicée, pendant que les empereurs latins occu-
paient Constantinople ;
11" Maison des Paléologues (1260-1453), dont le
chef, Michel, reprit Constantinople en 1261, et
dont le dernier représentant fut Constantin XII.
Grèce moderne. — Le royaume de Grèce, consti-
tué en 1832, n'a encore eu que deux souverains,
appartenant à deux familles différentes : Othon \"
de Bavière, renversé du trône en 1862; et
George I^' de Danemark, élu roi en 1863.
Empire ahabe. — Les successeurs de Mahomet
(mort en 632) prirent le titre de khalifes ' ou
vicaires. Les trois premiers califes furent élus au
détriment des droits d'Ali, qui se prétendait l'héri-
tier légitime de Mahomet dont il était le gendre
(origine de la séparation enira sumiites etschiites),
Ali fut le quatrième khalife ; puis vint la dynastie
usurpatrice des Ommiades, qui régna à Da-
mas (fi61-750). Elle fut renversée par AboulAbbas,
tige des Ahbasddes; ceux-ci transférèrent le siège
du khalifat à Bagdad. L'abbasside Al-Rhadi-Billah
céda en, 935 le pouvoir temporel à un chef mili-
taire, YÈmir-al-omrah, et ne garda pour lui et
ses successeurs que le pouvoir spirituel. On vit
bientôt s'élever, sur divers points de l'empire arabe,
des souverains indépendants. Ainsi, en Afrique, un
aventurier qui prétendait descendre de Fatime,
fille de Mahomet, fonda une dynastie nouvelle ; les
Fat imites s'emparèrent de l'Egypte, où ils ré-
gnèrent pendant deux siècles avec le titre de
khalifes (968-1171). En Asie apparut la dynastie
des sultans Gaznévides (!i97), puis celle des sultans
Seldjoukides qui la remplaça (1037). A la domi-
nation des Seldjoukides succéda au xii' siècle
celle des Atabeks, dont les plus connus sont les
Atabeks de Syrie (Noureddin, 1145-1173); puis
celle des Ayoubites, dont le chef, Saladin, renversa
les Fatimites d'Egypte et s'empara de la Syrie.
Enfin arrivèrent les Turcs (V. ci-dessous) ; le
dernier khalife abbasside, Motawakkel, céda au
sultan turc Sélim 1" son titre et ses prérogatives
religieuses (1516).
Apres le renversement des Ommiades, un mem-
bre de cette famille, Abd-el-Rhaman, s'était ré-
fugié en Espagne où il fonda le kkalifai de Cor-
(/oiie. Les Ommiades de Cordoue régnèrent près
de deux siècles (950-1031), puis leur khalifat se
démembra. Vers la fin du xi» siècle, les Almora-
vides du Maroc vinrent fonder en Espagne une
dynastie militaire, à laquelle succéda celle des
Almohades (xii' siècle) et celle des Mérinides (xiii'
siècle). Mais bientôt il ne resta plus aux Maures
d'Espagne que le petit royaume de Grenade, gou-
verné depuis 1235 par la famille des AUiamarides,
et qui disparut en 1492.
Ti;rcs. — Le premier sultan des Turcs fut Osman
ou Otliman, qui se créa vers 1300 un royaume
aux dépens des petits Etats seldjoukides d'Asie-
Mineure. C'est de lui que ses successeurs prirent
le nom à'Osmanlis ou d'Ottomans. Mahomet. Il
DYNASTIES
— G^21 -
DYNASTIES
j'empara de Constantinople (1453), qui est restée
lusqu'à nos jours le siège de la dynastie ottomane.
Perse. — Après la conquête arabe, la Perse fut
soumise aux khalifes de Bagdad, puis aux sultans
gaznévides et seidjoukides, et ensuite à diverses
dynasties mongoles et turcomanes. En 1499 monta
sur le trône la dynastie des Sophis, qui régna
jusqu'en 17;Ui. Après une période d'un demi-siècle
durant laquelle régnèrent des princes divers, la
couronne échut à la dynastie àes Kadjars (179^),
qui occupe encore le trône aujourd'hui.
Italie. — Après Romulus Augustule, l'Italie fut
gouvernée par le roi hérule Odoacre (476-49:^),
puis par les rois Ostrogoths (493-553) et les rois
Lombards (568-774). La couronne d'Italie passa
ensuite à la famille carlovingienne (774-888), et, à
l'extinction de celle-ci, à une série de princes
féodaux, jusqu'au moment où Othon I" de Saxe
s'en empara (951). Les empereurs allemands gar-
dèrent pendant plusieurs siècles le titre de roi
d'Italie. Ce titre fut repris en 1805 par Napo-
léon 1", et en 1860 par "Victor-Emmanuel II, roi de
Sardaigne.
Dans le cours du moyen âge, plusieurs villes ou
provinces d'Italie s'étaient constituées en Etats in-
dépendants, où régnèrent des dynasties particuliè-
res. Ce sont entre autres :
Naples et la Sicile, qui formèrent le royaume des
Deux-Siciles sous les dynasties normande (xii' siè-
cle) et souabe ;,xii^ etxiii siècle). A l'avènement de
la maison à' Anjou au trône de Naples (1266), la Si-
cile se sépara et se donna à des rois de la maison
d'AragoJi : cette dernière réunit en 1435 les deux
couronnes. Après les guerres d'Italie, le royaume
des Deux-Siciies resta aux rois d'Espagne de la
maison à' Autriche ; au xviii' siècle, il se sépara de
l'Espagne sous des rois de la branche espagnole
des Bourbons, qui y régnèrent, avec quelques in-
terruptions, jusqu'en 1860, date de l'annexion de
Is'aples au royaume d'Italie.
Florence, où la famille des Médicis régna de
1429 à 1737 (avec le titre de grands-ducs de Tos-
cane à partir de 1669). A la mort du dernier Médi-
cis, Jean-Gaston, le duché de Toscane passa à la
maison de Lorraine- A utriclie. qui en conserva la
souveraineté jusqu'en 1860 (sauf une interruption
de 18U1 ;\ 1814).
Mibtn, qui fut gouverné par les Visconti de 1277
à 14.S0, et parles ^forza de 1450 à 1535. Le duché
de Milan devint ensuite une possession espagnole,
puis autrichienne (1713). Il lit partie de la répu-
blique cisalpine et du royaume d'Italie ( 1797-18 14 1,
puis revint à l'Autriche comme partie intégrante
du royaume lombard-vénitien. Le Milanais fut
réuni en 1860 au nouveau royaume d'Italie.
Esp.\GNE. — L'Espagne formait au moyen âge
quatre royaumes : Navarre, Léon et Asturies, Cas-
tille, et Aragon.
Navarre. — La Navarre eut une première dynas-
tie de rois nationaux de 857 à 1076. Elle fut en-
suite réunie un moment à l'Aragon, et redevint
indépendante en Ila4. En 1234, la couronne échut
à la dynastie de Champagne, et en 1285 un mariage
la donna aux rois de France. En 1328, la Navarre
redevint un royaume séparé qui passa successive-
ment aux maisons d'Evreux, de t'oix, d'Aragon et
d'Albrei. Henri de Bourbon, fils de Jeanne d'Al-
bret, réunit de nouveau les couronnes de Navarre
et de France; mais le royaume de Navarre ne com-
prenait plus alors que le territoire situé au nord
des Pyrénées, la partie méridionale ayant été con-
quise en 1512 par Ferdinand V le Catholique.
Léon et Asturies. — Ce roj'aume, appelé d'abord
royaume des Asturies, le plus ancien état chrétien
de la péninsule ibérique, fut fondé par Pelage en
718. 11 prit en 761 le nom do royaume d'Oviédo, et
en 913, après un agrandissement, celui de royaume
de Léon et Asturies. Réuni temporairement à la
Castille à deux reprises, il se fondit définitivement
dans ce dernier royaume en 12-30.
Castille. — Le royaume de Castille, fondé en
1034 par Sanche le Grand, roi de Navarre, en fa-
veur de son fils Ferdinand l", fut gouverné d'abord
par une dynastie navarraise, puis ( 1 126-1 36!') par la
maison de Bourgogne, qui réunit au treizième siè-
cle les couronnes de Castille et de Léon. Une troi-
sième maison, celle de Transtamare, régna de
1369 à 1479, date de la réunion de l'Aragon et de la
Castille sous Ferdinand d'Aragon et Isabelle.
Aragon. — Le comté d'Aragon fut érigé en
royaume en 1035 par Ramire, fils du roi de Na-
varre Sanche le Grand. En 1137 arriva au trône la
dynastie de Barcelone, et en 1412 une dynastie cas-
tillane, d'où sortit Ferdinand le Catholique, l'é-
poux d'Isabelle de Castille.
Hoisd'Espag/ie. —Après que le royaume d'Espa-
gne eut été définitivement constitué sous Ferdinand
le Catholique, il eut pour souverains des rois de la
maison d'Autriche (1516-1700), puis de la maison
de liourbon, qui a conservé la couronne jusqu'à
nos jours, avec deux interruptions (de 1808 à 1813,
et de 18t;8 à 1875).
Portugal. — Ce pays, dont Henri de Bourgogne
devint comte en li 95, fut érigé en royaume par
son fils Alphonse P"" en 1139. Il fut gouverné par
des rois de la branche directe de Bourgogne jus-
qu'en 1383, puis par des souverains de la branche
d\4 vis, à l'extinction de laquelle il passa sous la
domination de l'Espagne, Il recouvra son indépen-
dance en l(j40, sous les rois de la maison de Bra-
gatice, qui y régnent encore aujourd'hui.
France. — Pour les dynasties qui ont régné sur
la France, nous renvoyons aux mots Mérovingiens,
Carlovingiens, et Capétiens, ainsi qu'aux articles
consacrés à chacun des principaux souverains
français.
Angleterre. — Après la réunion de l'heptarchie
anglo-saxonne en un seul royaume sous Egbert de
Wessex (827), l'Angleterre fut gouvernée par des
rois saxons, dont la série fut interrompue, au on-
zième siècle, par trois rois dajiois. Après la mort du
dernier roi saxon Harold à la bataille de Hastings,
le trône fut occupé par la dynastie normande (1066-
1 154), puis parcelles àp.sPlantagenets* [\\b'i-\\'èh),
des Tudors' (1485-1603), des S;war;s*(1603-16!-8),
avec un interrègne de 1649 à 1660. Viennent en-
suite Guillaume d'Orange, Anne Stuart^ puis la
dynastie de Hanovre (1714), à laquelle appartient
la souveraine régnante Victoria.
Hollande. — Après que les Provinces-Unies se
furent affranchies de la domination espagnole au
xvi° siècle, elles confièrent le gouvernement à un
stathouder, qui fut pris héréditairement dans la
maison à'0ra7ige ou de Nassau (1559-1795). Le
stathoudérat fut supprime temporairement à deux
reprises, de 1650 à 1672 (Jean de Witt, grand-
pensionnaire), et de 1702 à 1744 (Heinsius, grand-
pensionnaire). De 1795 à 1806, la Hollande forma
la république batave, puis elle fut érigée en
royaume sous Louis Bonaparte (1806-1810), et en-
suite réunie à la France. En 1814, les souverains
alliés constituèrent le royaume des Pays-Bas, dont
la couronne fut donnée à Guillaume I" d'Orange,
fils du dernier stathouder.
Belgique. — La Belgique, après avoir été réunie
au royaume des Pays-Bas en 1814, s'en sépara en
1830, pour former un État indépendant, qui choisit
pour roi un prince de la maison de Saxe-Cobourg,
Léopold \", père du souverain actuel.
Allemagne. — Lors du démembrement définitif
de l'empire carlovingien (.iSS), la Germanie se
donna dos rois dont les deux premiers furent des
princes de la race de Charlemagne, et le troisième
un duc de Franconie. La couronne passa ensuite
dans la maison de Saxe (919-1024) ; le second
prince de cette dynastie, Othon \", reprit le titre
EAU
— 628 —
EAU
d'empereur. A la maison de Saxe succfjdala mai-
son de Fra'(Cow?e (1024-1 125), puis, après un nouvel
empereur saxon, la maison de èouale ou de
U'jhenstauffen (1138-1250), à l'extinction de la-
quelle il y eut un interrègne de vingt -trois ans. La
couronne passa alors à la maison de Habsbourg,
puis, durant le quatorzième siècle, à diverses
autres familles, dont la principale est celle de
Luxembourg. En 1438, la maison de Habsbourg
ou d'Autriche obtint de nouveau la dignité impé-
riale, qu'elle conserva jusqu'en 180G. L'Allemagne
cessa alors de former un empire. En 1815, elle se
réorganisa en Confédération germanique ; et en
isn un nouvel empire allemand, dont 1" Autriche
fut exclue, se reconstitua avec le roi de Prusse
pour empereur.
Autriche. — Lors de la dissolution de l'empire
allemand, en ISOG, se forma l'empire d'Autriche,
sous la souveraineté de la maison de Habsbourg.
Prusse. — La Prusse est devenue un royaume à
partir de 1701 ; ses rois appartiennent à la famille
de HohrnzoUern.
Bavière. — L'électorat de Bavière fut érigé en
royaume par Napoléon \" en 1806 : ses rois appar-
tiennent à la maison dite palatine.
Wurtemberg . — Le duché de Wurtemberg fut
transformé en royaume en même temps que la
Bavière, Les rois actuels sont les descendants des
anciens ducs, qui régnèrent sur ce pays dès les
premiers siècles du moyen âge.
Saxe. — La Saxe est le troisième des royaumes
allemands créés en 1S06 par Napoléon. La famille
qui y règne est la branche cadette ou Albertine de
la maison de Misnic.
Hiinovre. — L'électeur de Hanovre étant devenu
roi d'Angleterre en 1714, le Hanovre demeura uni
à l'Angleterre, même après qu'il eut été érigé en
royaume en 1814. A l'avènement de la reine Vic-
toria (1837), le Hanovre se sépara pour former un
Etat à part, dont le duc de Cumberland, Ernest-Au-
guste, reçut la couronne. Sous le règne de son fils
Georges, le Hanovre fut annexé à laPrusse (1860).
Hongrie. — La dynastie nationale ou à'Arpad
régna de 890 à 1301. Vint ensuite la dynastie d'An-
jou (1308-1386), celle de Luxembourg (1386-1437),
et celle d'Autriche, qui a gardé la couronne jus-
qu'à nos jours, avec deux interruptions, savoir :
de 1440 à 1445, un Jagellon de Pologne; de 1458 à
1526, Mathias Corviii et deux Jagellons de Bohême.
États scaîv"dixavt;s. — Danojiark. — Les dynas-
ties du moyen âge sont celles des Skioldungs\'3H)-
1047), et des Esthrithides (1047-1376). Des rois de
diverses familles régnèrent de 1376 à 1448; c'est
durant cette époque que se fit l'union de Calmar
(1.397), qui reunit pendant plus d'un siècle, avec
quelques interruptions, le Danemark, la Norvège
et la Suède. En 1448 monta sur le trône la maison
d^ Oldenbourg , qui régna jusqu'à 1863; elle a été
remplacée par celle de Sonderbourg-Glucksbourg.
Norvège. — Une dynastie nationale régna en Nor-
vège depuis le onzième siècle jusqu'en 1319 : elle
fut remplacée par celle des Folkungs de Suède,
qui s'éteignit en 1387. Après un interrègne, la
Norvège fut réunie au Danemark (union de Cal-
mar), et eut les mêmes rois que ce pays jusqu'en
1814. A cette date, elle fut jointe à la Suède.
Suède. — Antérieurement à l'union de Calmar,
la Suède fut gouvernée, d'abord par des descen-
dants de Regnar Lodbrog, puis par des princes
des races de Stenkill, de Sverker, d'Eric, et do
Folkung. Pendant la période de l'union, la Suède
se donna plusieurs fois des souverains particuliers
(famille des Sture). Enfin, après l'expulsion des
Danois, régna la dynastie des Wa-su (152.3-16o4),
puis celle de Deux-Ponts (1654-1751), celle de
Holstein-Gottorp (1751-1818), et enfin la dynastie
française de Bernadotte (à partir de 1818).
Pologne. — La première dynastie fut celle des
Piast, qui tire son nom de Piast, duc de Pologne
au neuvième siècle. Le titre de roi fut pris par Bo-
leslas I", vers l'an 1000. La famille des Piast s'étant
éteinte en 1370, fut remplacée par la dynastie
d'Anjou, puis par celle des Jagellons (1386), qui
finit en 1571. La royauté devint alors élective.
Henri de Valois (Henri HI, roi de France), Etienne
Bathori, puis trois rois de la famille suédoise des
Wasa, se succédèrent sur le trône de 1573 à lfi60;
il y eut ensuite deux rois polonais, Micliel Wis-
niowiecki et Jean Sobieski. En 1694, la couronne
fut donnée à l'électeur de Saxe Auguste 11, qui
eut pour compétiteur Stanislas Leszczinski ; vint
ensuite Auguste III de Saxe, puis Stanislas Ponia-
towski, le dernier roi. sous le règne duquel eut
lieu le partage de la Pologne.
RcssiE. — Ruiik, qui "fonda en 962 la princi-
pauté de Novogorod, fut la souche de la première
aynastie russe, qui se divisa bientôt en plusieurs
branches. Celle de Moscou finit par l'emporter sur
les autres, au quatorzième siècle. Les souverains
de la famille de Rurik i^ortaient le titre de grand
duc ; ce fut Ivan IV le 'l'errible qui prit le premiei
le titre de tsar en 1547. Après F éodor, mort en
1598, commence une période de troubles civils qu'
se termine à l'élection de Michel Romanoff en 1613
La dynastie des lîomnnoff' règne encore aujour-
d'hui; mais la ligne directe s'est éteinte en 1762.
et a été remplacée par la branche de Holstein-
Gottorp.
E
ËAU. — Chimie, III ; Hj-gièno, VIII. — Substance
que nous rencontrons sur le globe ou dans l'atmo-
sphère sous les trois états solide, liquide ou gazeux.
La glace fond spontanément à la température
constante de 0°. Ce phénomène est accompagné de
l'absorpiion d'une quantité de chaleur qui devient
latente et qui suffirait pour élever de 79° environ
la température du même poids d'eau liquide. L'eau
peut conserver son état liquide à une température
de plusieurs degrés au-dessous du point de fusion
de la glace. Ce phénomène dit de surfasion est
présenté en particulier par certaines pluies dont
les gouttes se congèlent dès qu'elles touchent le
sol ou un corps solide. L'eau en se congelant rend
libre la chaleur latente qu'elle reprendra pendant
la fusion de la giace formée. En môme temps, elle
i.wgiuciuc de volume avec une force presque irré-
sistible. De là, les efl'ets de rupture de vases con-
tenant de l'eau qu'on expose à la gelée ; de là aussi,
le gel de certaines pierres. Le gel des plantes a
été attribué à la même cause ; mais il faut y voii
surtout un effet physiologique d'un autre ordre
(V. Gel.) La glace et l'eau peuvent à toute tem-
pérature se résoudre en vapeur gazeuse. L'air con-
tient de cette vapeur en toute saison et sous tous
les climats (V. Humidité, Vapeurs). L'eau en sf
vaporisant fait passer à l'état latent une énorme
quantité de chaleur, qu'elle restitue à l'état de
liberté quand elle reprend sa forme aqueuse. Cette
chaleur suffirait pour élever de lO't degrés la tem-
pérature de 6 fois le poids de la vapeur formée ou
condensée. Il en est do même de la glace qui se
vaporise, en notant qu'elle prend en plus toute la
chaleur qu'il lui faudrait pour fondre, alors môme
EAU
— 629 —
EAU
que sa vaporisation est directe sans passage par
l'état liquide.
L'eau est incolore sous un petit volume ; en
grande masse, elle prend une teinte variant du bleu
indigo pur au vert glauque ou au jaune verdàtre,
suivant la nature des substances organiques ou
minérales qu'elle tient en suspension ou en dissolu-
tion. A l'état de pureté absolue, l'eau a une saveur
fade ; elle est d'une digestion difficile ; elle serait
impropre à une alimentation régulière. Pour être
agréable et saine à boire, elle doit être aérée et
renfermer en proportions convenables des sub-
stances salines dont notre organisme a besoin, et
qu'elle prend naturellement au sol. Elle redevient
impropre aux usages domestiques lorsqu'elle ren-
ferme ces substances en proportion trop forte, et
surtout quand elle contient certains produits de
la décomposition des matières organiques.
L'eau était considérée par les anciens comme
un élément entrant dans la constitution de la
nature entière. (V. Corps simples.)
En effet, quand on chauffe fortement une terre
ou une pierre quelconque, il s'en dégage presque
toujours de la vapeur d'eau. Calcinons du papier,
du bois, de la laine, du sucre, de la chair, en un mot
une matière organique quelconque, et la fumée qui
s'en dégagera sera mélangée de vapeur d'eau.
Sans parler de l'énorme quantité d'eau qui re-
couvre les 4/5 du globe terrestre, nous ajouterons
que jusqu'à 6 à 7 mille mètres de hauteur l'air
contient des quantités de vapeurs d'eau extrême-
ment variables qui donnent naissance à tous les
phénomènes aqueux (pluie, neige, orage, brouil-
lard), qui ont pour siège l'atmosphère.
On s'explique donc très bien l'erreur des anciens.
L'eau a une extrême importance, mais elle n'est
point un élément constitutif de tous les corps, et
de plus elle n'est point indécomposable, elle est
elle-même formée de deux corps gazeux considérés
comme simples : l'oxygène et l'hydrogène.
En 1781 le savant anglais Cavendish s'assura
qu'en mettant un corps froid, comme un verre, au-
dessus d'un bec d'hydrogène qui brûle, on recueille
de l'eau ; la combustion de l'hydrogène dans l'air
donne donc de l'eau. Cette expérience si concluante
fut assez mal interprétée jusqu'au moment où La-
voisier et Laplace eurent pu réaliser la" synthèse
de l'eau, c'est-à-dire la fabrication de l'eau en com-
binant l'hydrogène à l'oxygène et en mesurant les
proportions des deux gaz qui se combinaient. C'est
en 1783 que fut faite cette mémorable expérience.
La même année, Lavoisier, faisant passer de la va-
peur d'eau sur du fer chauffé au rouge, vit qu'en
même temps que le fer s'oxydait il se dégageait de
l'air inflammable, c'est-à-dire de l'hydrogène, et
l'illustre chimiste put même refaire la synthèse de
l'eau en combinant de nouveau l'hydrogène recueilli
à l'oxygène fixé par le fer. C'est cette dernière
expérience qu'on fait tous les jours dans la phar-
macie pour obtenir du fer pur et pulvérulent dit
fer réduit par l'hydrogène.
En 1800, quelques années après l'invention de
la pile voltaîque, deux chimistes anglais, Carlisle
et Nicholson, parvinrent à décomposer l'eau en
ses deux éléments gazeux à l'aide de ce nouvel
instrument. En 1805, Humboldt et Gay-Lussar
purent définitivement affirmer que l'eau est formée
par la combinaison de l'oxygène avec de l'hydro-
gène dans la proportion de 1 litre du premier et
2 litres du second. Enfin, en 1843, M. Dumas, opé-
rant avec toute la précision désirable, démontra
que ces deux gaz se combinaient pour former l'eau
dans la proportion de 8 parties en poids d'oxygène
et d'une partie en poids d'hydrogène, ce qui est
conforme d'ailleurs au résultai de Gay-Lussac,
l'hydrogène ayant une densité seize fois moindre
que l'oxygène. La formule chimique de l'eau est
HO ; quelques chimistes l'écrivent H^O»
L'affinité de l'hydrogène pour l'oxygène est con-
sidérable et sa combustion dégage une énorme
quantité de chaleur, celle qu'il faudrait pour élever
de lOO degrés la température de 345 fois environ le
poids de l'eau formée. Cette affinité disparaît ce-
pendant aux températures excessives, telles que
celles qui existent à la surface du soleil. Elle est
moindre que celle des métaux alcalins qui, comme
le potassium et le sodium, décomposent l'eau à
froid. D'autres métaux, tels que le fer, ne décom-
posent l'eau que sous l'influence de la chaleur, à
moins que leur action ne soit favorisée par la pré-
sence d'un acide énergique. Mais les métaux pré-
cieux sont sans action sur elle.
L'eau n'est ni acide, ni basique, elle est neutre ;
cependant elle se combine soit aux acides soit aux
bases pour former des acides hydratés ou des
hydrates d'oxyde; elle décompose même partielle-
ment certains sels peu stables. Elle peut donc se
comporter, suivant les cas. comme un acide ou
comme une base. Elle s'unit avec la plupart des
corps, en dissout un grand nombre, elle joue un
rôle essentiel dans la vie végétale et animale et
dans nos opérations industrielles, comme elle l'a
fait et le fait encore dans la constitution de la sur-
face terrestre. On ne rencontre jamais dans la
nature l'eau à l'état de pureté complète. Pour l'a-
voir à cet état, il faut la distiller avec des précau-
tions spéciales ; mais ses usages sont alors des plus
restreints. Les eaux naturelles les plus pures sont
fournies par les pluies, surtout quand ces pluies
sont prolongées et recueillies sur des surfaces pro-
pres et loin des villes ou des centres industriels.
Elles sont en effet le résultat d'une sorte de distilla-
tion, puisqu'elles sont fournies par la condensation
aérienne des vapeurs qui émanent des eaux ter-
restres. Mais dans leur trajet elles entraînent les
poussières organiques et minérales tenues en sus-
pension dans l'atmosphère ou déposées sur les
toits. Les eaux de sources, de fleuves ou rivières,
de puits, ont en somme la même origine, les
pluies ; mais elles ont pris aux terrains qu'elles
ont traversés des substances solubles et souvent
aussi des matières terreuses ou organiques qu'elles
tiennent en suspension. Leur composition peut
donc être très variable suivant les localités, et leur
limpidité n'est pas un sûr indice de leur bonne
qualité comme eaux potables.
Eaux potables ou eaux douces. — La santé générale
d'un pays, la longévité de ses habitants, l'absence ou
la fréquence de certaines infirmités,. et quelquefois
même de grandes épidémies, dépendent en partie
de la qualité des eaux qu'on y boit habituellement.
Lors de la première invasion du choléra en France,
de graves désordres se sont produits dans cer-
taines communes au détriment de personnes faus-
sement accusées d'avoir empoisonné les puits. La
science a montré que cet empoisonnement peut
être réel, mais qu'au lieu d'être le produit de la
malveillance, il résulte seulement de l'incurie ou
du manque de soins des habitants.
Pour être bonne à boire, l'eau doit être fraîche
et suffisamment aérée pour renfermer de 28 à .30
centimètres cubes d'air en dissolution par litre
d'eau. Elle doit contenir un peu de carbonate de
chaux dissous à la faveur de l'acide carbonique, la
chaux entrant dans la composition des os ; il
doit s'y trouver des traces des sulfates et des
chlorures alcalins ou terreux qui existent natu-
rellement dans le sol ; mais elle doit renfermer le
moins possible de matières organiques, toujours
suspectes.
Au point de vue des substances minérales que
renferment les eaux, leur saveur et leur digestibi-
lité sont les caractères les plus simples pour
constater leurs qualités; mais ils ne suffisent pas
toujours. La manière dont ces eaux se comportent
avec le savon ou dans la cuisson des légumes four-
EAU
— 630 —
EAU
nit également de bonnes indications. Si les lé-
gumes y cuisent mal ou si le savon y forme des
gi'umeaux abondants, c'est que les sels terreux y
sont en excès; l'eau est impropre aux usages do-
niestif|UPs. Si, conservée dans des vases en bois,
elle y acquiert une odeur d'œufs pourris, c'est
qu'elle contient en quantité notable du plâtre ou
sulfate de chaux. Si le même résultat se produit
dans des vases de verre ou de terre, c'est que
l'eau contient, en outre, des matières organiques :
dans l'un et l'autre cas, l'eau est de mauvaise
qualité. Si, au contraire, elle se conserve sans
odeur, si elle cuit bien les légumes, si le savon y
forme des grumeaux peu nombreux et lents à ap-
paraître, l'eau est généralement bonne à boire.
Mais on ne doit pas oublier que le voisinage de
fumiers ou de fosses d'aisances à parois non
éianches peuvent introduire dans des eaux natu-
rellement pures et de bonne qualité des matières
organiques qui en changent bien un peu la saveur,
mais qui n'en allèrent pas toujours la limpidité et
n'agissent pas sur la cuisson des légumes ou sur
la dissolution du savon , alors que cependant
elles peuvent troubler gravement la santé des
personnes qui font usage de ces eaux. Ce danger
peut se révéler en tout temps, mais il peut devenir
l'odouiable en temps d'épidémie.
Les eaux les plus saines sont les eaux prises à
leur émergence du sol, quand les terrains qu'elles
ont traversés ne sont pas exceptionnellement défa-
vorables. On sait en effet que certaines sources
sont tellement chargées de substances salines
qu'elles sont dites minérales et acquièrent des
])ropriétés spéciales. Toutes les eaux de sources ne
sont donc pas également bonnes ; il en est de trop
riches en principes salins; il en est qui en sont
trop pauvres. Les eaux provenant do la fonte des gla-
ciers sont dans ce dernier cas ; et bien que l'on ne
connaisse pas encore exactement le rôle que joue
chaque substance dans notre économie, on com-
prend que l'absorption à dose très faible, mais
continue, de certaines d'entre elles, puisse agir à la
longue en bien ou en mal. Mais une source de
bonne qualité étant donnée, ses eaux sont géné-
ralement à l'abri de toute cause de souillure. Il
n'en est plus ainsi de l'eau des rivières ou des
puits. L'eau des rivières a par elle-même les qua-
lités ou les défauts des sources d'où elle provient;
mais à mesure que l'industrie se développe, et que
les villes tendent à s'assainir, les cours d'eau re-
çoivent des déjections de plus en plus nombreuses
et variées, et la pureté de leurs eaux en éprouve
un dommage croissant. Il en est de même des
puits. Les nappes souterraines qui les alimentent
sont naturellement pures quand elles ne coulent
pas au travers de terrains séléniteux; mais elles
sont facilement contaminées par les infiltrations
des fumiers, des déjections animales, des fosses
d'aisance à parois non étanches ou bien par les
résidus des usines. Ces infiltrations sont très
lentes à se produire jusqu'aux nappes souterraines,
mais aussi leurs effets sont encore plus lents à
disparaître. L'emploi des eaux pluviales ou des
eaux provenant de la fonte des neiges pour l'ali-
mentation doit être considéré comme une ex-
ception qu'il convient d'éviter autant qu'on le
peut.
Dans les campagnes comme dans les villes, on
ne saurait apporter trop de soins dans le choix des
eaux potables et entourer de trop de précautions
la conservation de leurs qualités : c'est tout le
contraire de ce qui a lieu trop souvent. Il est
essentiel d'écarter des eaux alimentaires toute
cause d'altération. Le mal qui résulte de l'emploi
d'eaux de mauvaise qualité frappe d'autant moins
l'attention qu'on y est plus habitué ; il n'en est pas
moins grave. Celui qui résulte de l'altération par
infiltration des eaux primitivement pures est par-
fois très lent à se manifester, et sa cause nous
échappe souvent parce qu'elle s'accuse d'une ma-
nière insensible jusqu'au jour où le danger prend
des proportions anormales ou inquiétantes. En
temps d'épidémie, il convient de redoubler de
précautions et, si on n'a h sa disposition que des
eaux suspectes, de les faire bouillir avant de les
boire en nature ou en infusions.
Eaux viiyiérales, eaux thermales. — Certaines
eaux naturelles doivent à leur température ou aux
substances qu'elles contiennent en dissolution des
propriétés spéciales qui les rendent précieuses
pour la guérison ou le soulagement de diverses
maladies. Les premières sont dites thern^^Ues, les
autres minérales ; mais ces deux qualités sont gé-
néralement associées à des degrés divers, une eau
thermale étant toujours plus ou moins chargée de
substances minérales. Une eau minérale peut de-
voir ses propriétés à une substance peu active par
elle-même, mais s'y trouvant en proportion élevée :
tel est le cas des eaux salées ; ou bien à une sub-
stance très active qu'on n'y rencontre qu'en pro-
portion très faible, comme il arrive pour les eaux
arsenicales.
Les eaux minérales se distinguent en eaux aci-
dulés, eaux alcalines, eaux ferrugineuses, eaux
salines, eaux sulfureuses.
Les eaux acidulés sont assez généralement
froides ou à température peu élevée; elles ren-
ferment de l'acide carbonique dont le volume peut
s'élever de 250 à lOOO centimètres cubes par litre,
et qui s'en dégagent spontanément à l'air ou sous
l'influence d'une faible chaleur. Sous l'action du
gaz acide ces eaux prennent aux terrains qu'elles
traversent des quantités notables de substances
terreuses, chaux et magnésie, ou de substances
alcalines, soude et potasse, qui alors masquent
leurs propriétés acidulés. Leurs qualités changent
beaucoup suivant la proportion et la nature de ces
substances. Les principales eaux acidulés calcaires
et magnésiennes sont celles de Seltz (duché de
Nassau), de Saint-Galmier (Loire), de Boyat, de
Saint-Allyre^ de Cliatehlon (Puy-de-Dôme), de
Soultzmatt (Alsace). Les principales eaux alcalines
gazeuses sont celles de la Bourboide, de Mont-Dore,
de Saint-Nectaire (Puy-de-Uôme;, de Saint-Alban
fLoire), de Vais (Ardèche), à' Lvian (Savoie), de
Viclty (Allier), d'Ems (Nassau).
Les enux alcalines ne renferment pas sensible-
ment d'acide carbonique libre : telles sont en parti-
culier les eaux da Plombières (Vosges), d'Evaux
(Creuse). La silice y est généralement combinée
avec l'alcali.
Les eaux ferrugiiieuses sont extrêmement ré-
pandues; il n'est même guère d'eau minérale qui
ne renferme du fer; on la dit ferrugineuse quand
le métal y entre en proportion notable. A l'air, ces
eaux laissent déposer un précipité ocreux, et elles
ont un peu la saveur de l'encre ordinaire. Elles
sont généralement froides; elles sont souvent aci-
dulés ou chargées d'acide carbonique : telles sont
celles de Spa (Belgique), de Dussang -(Vosges),
d'Orezza (Corse). D'autres contiennent le fer asso-
cié à l'acide sulfurique, à l'état de sulfate de fer :
telles sont celles d'Auteuil, de Passy (Paris), de
Cra7isac (Aveyron). Dans d'autres encore, le fer
est dissous à la faveur d'un acide organique, l'acide
crénique : telles sont celles de Foryes (Seine-Infé-
rieure), de Plombières (Vosges).
Les eaux salines contiennent généralement des
sels de soude, de magnésie, de chaux, associés à
des substances diverses. Les eaux de Krfiizuach,
près Mayence, employées contre la scrofule, con-
tiennent des indurés et des bromures de potassium
et de sodium ; les eaux laxatives de Niederbronn
(Alsace) contiennent beaucoup de chlorures alca-
lins et des traces de bromures et d'iodurcs. Les
eaux à'Epsom (Angleterre), de Secllitz, de Vulhia
EAUX AGRICOLES
631 —
EAUX AGRICOLES
Bohème) doivent leur action à une assez forte pro-
portion de sulfate de magnésie.
Les eaux sulfureuses sont nombreuses en France.
Elles contiennent de l'acide sulfhydrique ou des
sulfures alcalins et se distinguent par leur odeur
d'œufs pourris.
Let eauK de Bagnères, de Luchon, de Barrges.
^ù l'aulerets, à' Eaux-Bonnes, de Saint -Sauveur,
r.'l.ï:.dVl???c7;>-/i?5-/>ams, c'est-à-dire toutes les eaux
thermales des Pyrénées, sont des eaux sulfureuses
naturelles.
Les eaux connues d'Aix-la-Chapelle, à'Uriage
(Isère, à'Aix en Savoie, contiennent accidentelle-
ment de l'acide sulfhydrique. C'est le résultat de la
formation de sulfures de calcium ou de sodium par
l'action désoxydante de matières organiques sur les
sulfates de ces métaux ; l'acide carbonique produit
ensuite la décomposition de ces sulfures en donnant
naissance h un dégagement d'acide sulfliydrique
(d'après Wurtz).
Eau de mer. — C'est une eau, tout le monde le
sait, très riche en chlorure de sodium (sel marin,
sel de cuisine).
Mais elle contient en outre du sulfate de ma-
gnésie, des chlorures de potassium et de magné-
sium, des quantités très appréciables d'iodure et
de bromure, et même des traces d'arsenic à l'état
d'arséniate. Toutes ces substances contribuent à
lui donner sa saveur et son action sur l'économie.
Au reste, la composition des eaux minérales et
par suite de l'eau de mer qui les reçoit toutes, est
loin d'être complètement connue. Grâces aux nou-
veaux procédés d'investigation ouverts par l'analyse
spectrale fV. Spectre), on a pu découvrir dans
certaines eaux, telles que celles de Bourbonne-les-
Bains, considérées comme peu minéralisées, des
substances dont on n'y soupçonnait pas la pré-
sence : la strontiane, la lithine, et deux nouveaux
métaux, le césium et le rubidium.
[A. Jacquemart.]
EAUX AGRICOLES. — Agriculture, IV. —
L'eau est nécessaire à tous les animaux pour que
la fonction dont chacun de leurs organes est chargé
s'accomplisse, et pour que la circulation puisse
opérer le renouvellement des matériaux épuisés
dans l'exercice de ces fonctions. De'plus, elle prend
une part, faible mais réelle, dans leur alimentation
par les matériaux salins qu'elle fournit.
Nous retrouvons dans la végétation ce double rôle
de l'eau, avec cette différence que la part qu'elle
prend dans l'alimentation de la plante est plus ac-
cusée que chez les animaux. Tous les végétaux pui-
sent dans l'atmosphère, sous l'action delà lumière,
une grande partie de leur carbone qu'ils retirent
de l'acide cai'bonique de l'air, et une portion no-
table de leur azote qu'ils prennent aux traces d'am-
moniaque renfermées dans cet air. Mais c'est sur-
tout dans le sol que nos récoltes s'alimentent par
l'intermédiaire de l'eau qu'elles y puisent par leurs
racines. Là où l'eau manque, la végétation s'arrête ;
là où l'eau fournie aux racines est trop pauvre en
substances nutritives, la végétation languit et se
transforme.
Les matériaux que les eaux du sol doivent four-
nir aux plantes ont une double origine, minérale
et organique. L'acide phosphorique, la potasse, la
chaux, sont, entre autres, des éléments essentiels
à nos récoltes ; un sol qui n'en contient pas en quan-
tités suffisantes ou suffisamment solubles, manque
de fertilité. Le chaulage des terres dépourvues de
calcaire les transforme au point de vue de leur
rendement ; et des pays entiers ont perdu leur an-
cienne fertilité, parce que l'enlèvement des récoltes,
sans une restitufion suffisante des matériaux enle-
vés, a épuisé la provision du sol en acide phos-
phorique, en potasse, etc. A côté des matières miné-
rales se placent les produits organiques pour leur
carbone et surtour pour leur azote. Maisàl'encontre
des animaux qui ne peuvent s'alimenter que de
produits organiques tout formés qu'ils détruisent
ou transforment, les végétaux ne peuvent retirer
du sol que les résidus de la combustion des com-
posés organiques antérieurs, dont ils font servir
les matériaux à l'élaboration do nouveaux produits
alimentaires pour l'animal, ou pour l'homme. Ces
résidus sont : l'acide carbonique, provenant de la
combustion du carbone ; l'ammoniaque et l'acide
nitrique, provenant de l'azote des matières organi-
ques. De cette première opposition en naît une se-
conde. La combustion des produits organiques dé-
gage de la chaleur, qu'elle ait lieu dans nos foyers
ou dans l'intérieur de nos organes. L'exercice même
de la vie en nous est donc une cause de production
de la chaleur qui nous est nécessaire. La reconsti-
tution des produits organiques à l'aide des résidus
de leur combustion nécessite, au contraire, l'ab-
sorption d'une quantité de chaleur précisément
égale à celle qui s'est dégagée de cette combustion.
Les plantes doivent donc recevoir du dehors et
emmagasiner la chaleur que l'animal dégagera de
leur combustion. Cette chaleur, elles ne la pren-
nent point à l'air ou aux objets environnants ; elles
la reçoivent des rayons solaires directs ou diffusés
par les nuages. La lumière du jour est donc indis-
pensable à la végétation, comme î'eau et les sub-
stances assimilables qu'elle lui fournit. On dit gé-
néralement : année pluvieuse, année de fourrage,
mauvaise année de récolte en grain. Ce dicton est
le résultat d'une expérience plusieurs fois sécu-
laire, il est vrai. On en conclut que les blés crai-
gnent l'eau plus qu'ils ne la demandent ; cette con-
clusion est basée sur une appréciation inexacte des
faits. On peut faire vivre et prospérer du blé dans
de l'eau, sans terre, mais renfermant l'engrais mi-
néral et azoté nécessaire ; on peut le faire vivre et
prospérer dans une terre suffisamment riche et
arrosée tous les jours. Mais les années pluvieuses
sont des années à ciel chargé de nuages, consé-
quemment de faible lumière : c'est ie défaut de la
lumière, bien plutôt que l'excès d'eau qui nuit alors
aux céréales. Et ce qui est vrai pour le blé l'est
aussi pour toutes les autres plantes. En réalité,
même dans les pays du nord de la France, la terre
manque le plus souvent de l'eau qui lui serait né-
cessaire pendant la belle saison pour en obtenir
des récoltes maxima ; elle en manque tous les ans
dans le midi et le sud-est de la France. Et cepen-
dant, non seulement d'énormes quantités d'eau
sont perdues chaque année pour l'agriculture, mais
elles lui causent trop souvent d'immenses dom-
mages.
Toutefois, il ne faut point aller au delà de la
vérité, et l'on sait que les eaux stagnantes sont
nuisibles aux terres qu'elles recouvrent trop long-
temps. C'est que l'eau est un moyen d'alimenta-
tion et non un aliment à elle seule. Sous l'action
de la lumière la plante expulse par voie de trans-
piration une quantité d'eau en rapport avec son
degré d'éclairement et avec le degré d'humidité du
sol. L'eau ainsi évacuée est pure; elle est rem-
placée par celle que les racines puisent dans le
sol pour lui apporter un nouveau contingent de
matières nutritives. Ce double pouvoir d'évacua-
tion par les feuilles et d'absorption par les racines
est limité comme la lumière (|ui l'excite. Si donc
l'eau puisée dans le sol est peu riche en matières
assimilables, la plante est mal alimentée. Mais,
d'autre part, les détritus organiques du sol ne peu-
vent être absorbés par les plantes qu'autant que
l'action de l'air les a oxydés et transformés en
acide carbonique, en ammoniaque ou en acide
nitrique. Dans un sol couvert par des eaux sta-
gnantes, cette oxydation est arrêtée ; Teau ne
manque pas, mais elle ne fournit pas à la plante
l'aliment nécessaire ou le lui fournit en quantité
insuffisante. Quand la terre est trop sèche, l'oxyda-
ÉBULLITION
632
EBULLITION
tion par l'air est encore suspendue et d'ailleurs le
véhicule fait défaut. Il faut de l'eau, mais il faut
aussi de l'air dans le sol, comme il lui faut encore
des produits organiques oxydables et des sub-
stances minérales que la plante réclame : ce qu'on
nomme engrais, amendements.
Dans les pays de médiocre lumière solaire,
comme le nord et le nord-ouest de la France, les
terres doivent être riches en engrais : l'eau aspirée
par les racines doit être d'autant plus chargée de
matières alimentaires que sa circulation dans la
plante est moins fortement excitée par la lumière:
l'irrigation y produit cependant encore d'excellents
effets. Dans les pays à ciel clair et à vive lumière,
l'eau peut être proportionnellement moins riche
quand elle ne fait pas défaut ; mais comme elle
traverse la plante en quantités considérables, la
somme de matières qu'elle lui fournit après les
avoir enlevées au sol est elle-même très forte. Là,
il faut de l'eau d'abord et beaucoup ; il faut ensuite
beaucoup d'engrais pour obtenir de grandes ré-
coltes en conservant la fertilité du sol.
D'après un rapport de M. Barrai au ministre de
l'agriculture, le produit brut des terres arrosées est,
dans les Bouches-du-Rhône, de 1500 à 3500 francs
à l'hectare, au lieu de 200 àooO ou 600 francs à peine
pour les meilleures terres qui n'ont pas l'avantage
de l'irrigation. Le revenu net de l'hectare des
terres arrosées est, tous frais payés, de 200 i\
500 francs et même davantage, souvent quintuple
de celui des terres similaires non arrosées. La va-
leur de la propriété s'accroît dans une proportion
analogue par le fait de l'introduction des irriga-
tions. Même dans nos pays du nord, les agricul-
teurs savent combien les terres de labour gagnent
à être transformées en prairies permanentes ; et
un judicieux emploi des eaux pluviales et des eaux
courantes, inutiles ou nuisibles en hiver par leur
excès, rendrait cette transformation possible sur
une grande partie du territoire. Là où l'irrigation
n'est pas pratiquée ni praticable, les plantes ne
vivent que de l'eau des pluies, et comme dui-ant
la période d'activité de la végétation les pluies sont
insuffisantes pour leurs besoins, les récoltes puisent
dans les réserves du sol le complément qu'elles y
peuvent trouver. Il importe d'accroître ces réserves
en augmentant par dos labours profonds l'épais-
seur de la couche arable qui les fournit. On accroît
ainsi en même temps le cube de la terre qui con-
court à l'alimentation minérale de la plante. Mais
on commettrait une grave erreur si l'on supposait
que ce moyen peut suffire à lui seul. En augmen-
tant le produit des récoltes, on accroît la somme
des matières fertilisantes qu'on lui enlève chaque
année, et on arriverait à l'épuisement si on ne lui
restituait ces matières par des engrais plus abon-
dants. [Marié-Davy.]
EAUX MÉTÉORIQUES. —Météorologie, VII-IX.
— Eaux du ciel, provenant des pluies, neiges,
grêles, etc. (V. Pluies, Orages).
ÉBULLITION. — Physique, XVIIL — L'ébulli-
tion est la transformation d'un liquide en vapeur,
s'eflectuant tumultueusement au milieu môme du
liquide et sous forme de bulles plus ou moins
grosses qui montent et viennent crever à la sur-
lace. Quand on place sur le feu un vase de verre
contenant de l'eau où plonge un thermomètre, le
vase s'échauffe, transmet la chaleur à son contenu,
et la température du liquide s'élève peu à peu. Il
s'établit dans l'eau un mouvement d'ascension des
parties plus chaudes et plus légères, de descente
des parties plus froides et plus lourdes, dos cou-
rants qu/ répartissent la chaleur et que l'on met
en évidence en jetant dans l'eau un peu de sciure
de bois. On voit bientôt se former au fond du ballon
des bulles de vapeur qui montent à travers le li-
quide et se condensent sans atteindre la surface;
elles rencontrent des couches d'eau de moins en
moins chaudes, dont elles prennent la température,
et leur disparition produit un frémissement, une
agitation du liquide qui fait dire que l'eau chante.
Le thermomètre accuse une température crois-
sante. En même temps, les bulles formées au fond
montent plus haut, se renouvellent sans cesse, et
quand elles viennent crever à la surface, le mou-
vement est tumultueux, le liquide bout. La vapeur,
en arrivant dans l'atmosphère plus froide qu'elle,
repasse à l'état liquide et forme au-dessus du vase
un nuage blanchâtre de gouttelettes excessivement
fines qui se répandent dans l'air.
Si on observe le thermomètre, on constate que
tout le temps de l'ébuUition, il reste absolument
stationnaire, quelle que puisse être d'ailleurs l'ar-
deur du foyer. Et si on recommence plusieurs fois
l'expérience avec le même liquide en se plaçant
dans les mêmes conditions, on retrouve toujours
la même température d'ébullition.
Pour les différents liquides, cette température
change ; elle varie beaucoup de l'un à l'autre; ainsi,
le mercure, pour bouillir, exige une température
supérieure à celle de la fusion du plomb ; tandis
que la chaleur de la main suffit presque pour faire
bouillir l'éther, et que l'acide sulfureux liquide
entre en ébullition au contact d'un morceau de
glace. La température constante à laquelle un
liquide bout sous la pression barométrique de
760 millimètres s'appelle le point d'ébullition.
■Voici ce point pour certains liquides bien connus:
Acide sulfureux — 10°
Éther ordinaire -\- 37°
Sulfure de carbone 47»
Alcool de bois 63"
(Chloroforme 63°
Alcool de vin 79°
Benzine 80°
Acide azotique concentré 86"
Eau 100°
Essence de térébenthine 157°
Acide sulfurique 325°
Huile de lin 316o
Mercure 3(iO'
Soufre 440°
Influence de la pression sur le point d'ébulli-
tion. — Parmi les conditions qui influent sur la
température à laquelle se fait lébullition, la plus
importante est la pression que supporte la surface
du liquide. Les bulles de vapeur, pour se dégager,
ont à vaincre la résistance de l'air ; il faut donc
que leur force élastique soit égale à la pression
de l'atmosphère qui surmonte le liquide. Il est
alors évident que si la résistance de l'air ambiant
augmente, l'ébuUition sera plus difficile, exigera
une température plus élevée ; tandis que si la ré-
sistance diminue. l'ébuUition rendue plus facile
nécessitera une température moindre. Il semble
donc qu'on puisse faire bouillir l'eau à toutes les
températures au-dessous de 100», son point d'é-
bullition sous la pression normale, si on diminue
assez la pression de l'air ambiant, et à toutes
les températures au-dessus de 100°, en rendant
la pression de l'air ambiant supérieure à celle do
l'atmosphère. C'est ce que l'expérience vérifie plei-
nemerit.
1. Ébullition sous des pressions faibles. — Si
l'on dispose d'une pompe pneumatique, il est facile
de montrer que la raréfaction do l'air favorise et
avance l'ébuUition. On place sous la cloche de la
machine un long vase contenant de l'eau, puis on
fait le vide ; quand la pression de l'air dans la
cloche est devenue assez faible pour ne plus dé-
passer la force élastique que prend spontanément
la vapeur, le liquide se met à bouillir comme s'il
était sur des charbons ardents, bien qu'il soit à la
température ordinaire.
EBULLITION
— G33 —
EBULLITION
Si l'on n'a pas de machine pneumatique, on dé-
montre le même fait par l'expérience suivante aussi
simple que frappante :
On fait bouillir de l'eau dans un ballon à long
col de manière à, chasser, par la vapeur qui se dé-
gage, l'air que contient le ballon. On le ferme avec
un bon bouchon ; on le renverse, le col en bas, en
le supportant convenablement et en faisant plon-
ger l'ouverture fermée dans un verre plein d'eau,
afin d'empêcher l'air extérieur de rentrer dans
le ballon. Si alors on verse de l'eau froide sur le
haut du ballon, l'ébullition se produit tumultueuse
à l'intérieur par des bulles qui prennent naissance
dans la masse du liquide et en soulèvent vivement
la surface ; et ce phénomène se reproduit par toutes
les additions d'eau froide sur le ballon tant que
celui-ci n'est pas arrivé à la température ambiante.
C'est une contradiction avec nos idées habituelles,
de recourir au refroidissement pour produire
l'ébullition. L'explication en est simple : l'air ayant
été chassé du vase, il n'y a au-dessus du liquide
que de la vapeur ; si on la refroidit, une partie
se condense, la pression diminue, et l'ébullition
5e trouve favorisée. Quand elle se produit vi-
vement , on peut la faire cesser si l'on jette de
l'eau chaude sur le ballon ; celle-ci en effet, au
lieu de condenser la vapeur intérieure qui est l'at-
mosphère du liquide bouillant, en favorise le dé-
veloppement, augmente sa pression au lieu de la
diminuer.
Sur une haute montagne, l'ébullition de l'eau a
lieu à une température plus basse que dans la
plaine. Ce fait s'explique facilement, puisque la
pression diminue à mesure qu'on s'élève dans
l'atmosphère. Ainsi, aux bains du mont Dore, à
1040 mètres d'altitude, l'eau bouta 90° ; à l'hospice
du Saint-Gothard, à 2075 mètres, elle bout à 92° ;
au sommet du mont Blanc, à 4800 mètres, l'ébulli-
tion se fait à 84".
Comme le point d'ébullition de l'eau dépend de
la pression que supporte le liquide, il peut servir
à mesurer cette pression. Si donc on a constaté
dans deux expériences la température à laquelle
l'eau bout à la base et au sommet d'une mon-
tagne, on en déduira la différence des pressions et
la hauteur de la montagne, comme on aurait pu
l'avoir par le baromètre. Mais pour servir à des
observations de ce genre, le thermomètre doit
accuser de petites fractions de degrés aux abords
de son point 100, car pour une différence de ni-
veau de 10 mètres, le point d'ébullition ne baisse
que de 1/27 de degré.
La facilité de l'ébullition sous des pressions
faibles est mise à profit dans l'industrie, quand il
faut vaporiser prompicment certains liquides,
comme les jus sucrés qu'un trop long contact
avec une source de chaleur pourrait altérer.
2. Ehullition sous de fortes pressions. — Pour
retarder l'ébullition, il suffit d'augmenter la pres-
sion au-dessus de la surface du liquide. On se sert
dans ce cas de la vapeur elle-même ; au lieu
d'opérer dans un vase ouvert où l'eau n'atteindrait
qu'une température de 100", on chauffe l'eau
dans un vase fermé ; alors les vapeurs accumulées
dans la partie supérieure du vase exercent sur le
liquide une pression qui augmente avec la tempé-
rature et qui retarde l'ébullition. Il faut nécessai-
rement que la paroi du vase soit assez forte pour
résister à cette pression croissante. Celui qu'on
emploie dans les cabinets de physique porte le
nom de marmite de Papin. C'est un vase en
bronze, à parois épaisses, que l'on ferme par un
couvercle solidement fixé, après avoir mis de l'eau
dedans. Ce couvercle porte une ouverture fermée
d'une petite plaque supportant un poids. C'est
une soupape de sûreté que la vapeur peut ouvrir
pour s'échapper quand sa force élastique devient
capable de soulever le poids. On peut porter l'eau
dans cet appareil à des températures bien supé-
rieures à 100°; à 123°, si la soupape supporte un
poids correspondant ;\ 2 atmosphères; à 180°, si
les parois peuvent supporter une pression de
10 atmosphères. On a même pu, dans une marmite
assez résistante, chaufl'er assez l'eau pour y fondre
de l'étain ; il fallait pour cela une température de
230° qui correspond à une pression de 27 atmo-
sphères.
L'industrie emploie aujourd'hui beaucoup d'ap-
pareils de ce genre pour y soumettre des subs-
tances à l'action de la vapeur d'eau très chaude ;
tous sont munis d'une soupape de siireté que la
vapeur peut soulever pour s'échapper avant que
sa force soit devenue assez grande pour briser les
parois qui la contiennent.
Autres influenxes qui modifient l'ébullition. —
C'est d'abord la ?tature du vase. L'eau bout plus
facilement et avec plus de régularité dans un vase
métallique que dans un vase de verre. Cela tient
probablement à l'adhérence plus ou moins grande
du liquide aux parois du vase, qui gêne plus ou
moins la formation des bulles de vapeur. Une
expérience due à Gay-Lussac vient appuyer cette
hypothèse : on fait bouillir de l'eau dans un ballon
de verre, et quand elle bout, on retire le vase du
feu; l'ébullition s'arrête; mais si on projette dans
le liquide une pincée de limaille de fer, l'ébullition
reprend aussitôt.
L'adhérence de l'acide sulfurique pour le verre
explique les soubresauts qui se produisent dans
l'ébullition de ce liquide et qui en font une opé-
ration irrégulière et dangereuse; de petits mor-
ceaux de ponce ou des fils de platine mêlés à
l'acide favorisent la formation des bulles de va-
peur, et rendent l'ébullition aussi régulière que
l'est celle de l'eau.
Une autre influence est celle des substances dis-
soutes dans l'eau, qui en retardent l'ébullition ;
ainsi l'eau de mer ne bout qu'à 104°; à 108°, si
elle est saturée de sel. Tandis que quand c'est de
l'air que l'eau tient en dissolution, l'ébullition est
favorisée ; de l'eau complètement privée d'air a pu
être portée jusqu'à l35o sans bouillir.
Applications- — La constance de la température
d'ébullition tant que la pression ne change pas a
servi pour déterminer l'un des points fixes du ther-
momètre. Elle est appliquée souvent quand on
veut maintenir un corps à une température inva-
riable ou ne pas le chauffer au-delà d'une certaine
hmite. Il suffit de le plonger dans L'eau, si celle-ci
ne doit pas l'altérer, ou de le placer dans un vase
plongeant dans de la vapeur d'eau bouillante ou
dans de l'eau que l'on fait bouillir; c'est le prin-
cipe du bain-marie, que l'on applique comme mode
de chauffage pour toutes les substances que la
chaleur directe pourrait altérer.
L'application la plus fréquente est la distilla-
tion.
Distillation. — Son but est de séparer un li-
quide des solides qu'il a dissous, comme l'eau des
sels qu'elle contient pour obtenir l'eau pure ; ou
bien deux liquides dont les points d'ébullition sont
différents, comme l'alcool des corps avec lesquels
il est mélangé dans le vin. Elle consiste essen-
tiellement à faire bouillir le liquide, ou l'élément
le plus volatil, pour le réduire en vapeur, et à faire
repasser celles-ci à l'état liquide. Tout appareil
distillatoire se composera donc de deux parties :
une pour chauffer le mélange, c'est la cornue ou
la chaudière ; l'autre pour recevoir la vapeur et la
ramener en liquide, c'est le réfrigérant ou conden-
seur.
Pour condenser le plus possible de vapeur, on
la fait circuler dans un tube long, contourné en
spirale^ et qu'à cause de sa forme on nomme ser-
pentin. Comme la vapeur a beaucoup de chaleur à
perdre, le refroidissement par son passage dans un
EGHASSIERS
— G34
EGHASSIERS
serpentin en contact avec l'air ambiant serait abso-
lument insuffisant et de peu de durée ; aussi plonge-
t-on le serpentin dans un vase où l'eau froide peut
se renouveler avant d'être chaude, cette eau suivant
dans son trajet une marche inverse à celle do la
vapeur. L'ensemble d'un appareil porte le nom
A'alambic; il sert à distiller l'eau, l'alcool, les es-
sences et un grand nombre d'autres liquides.
Expériences- — Faire bouillir de l'éther, y plon-
ger un thermomètre pour constater son point
d'ébuUition.
Constater le point d'ébuUition do deux mélanges
difiërents d'alcool et d'eau.
Faire bouillir de l'eau un jour où le baromètre est
bas, où il marque par exemple 745, et constater
que le thermomètre marque à peine 99.
S'assurer que, quelle que soit l'ardeur du foyer,
la température reste constante pendant l'ébullit.ion;
que dans un bain-marie à l'eau, la température du
vase intérieur n'excédera pas 100°; que si on rem-
place l'eau par l'huile, on pourra atteindre une tem-
pérature constante de plus de 300°.
Distiller du vin pour chercher dans le liquide
recueilli la proportion d'alcool qui y est contenu.
S'assurer que tout l'alcool a passé à la distillation
quand on a recueilli la moitié du liquide au réfri-
gérant. [Haraucourt.J
ÉCHASSIERS. —Zoologie, XVIII. — Les Echas-
siers sont des oiseaux aux formes généralement
élancées, presque toujours montés sur de longues
jambes, de véritables cc/nisses, qui sont dénudées,
sauf dans la partie immédiatement contigue à l'ab-
domen, et qui se terminent par des doigts grêles
souvent réunis les uns aux autres ou bordés par
une membrane. Grâce à cette organisation, les Echas-
siers peuvent courir avec rapidité sur le sable des
rivages, traverser, sans mouiller leurs plumes, les
ruisseaux et les marais, ou, quand la mer est basse,
se livrer à la pêche des mollusques et des petits
crustacés. En revanche, ces oiseaux ne perchent,
pour la plupart, qu'avec beaucoup de difficulté.
Leurs ailes sont assez développées pour qu'ils puis-
sent traverser les airs d'un vol soutenu, et même
exécuter des migrations lointaines. Quand ils vo-
lent, leurs pattes, au lieu d'être repliées sous le
ventre comme chez les autres oiseaux, sont gé-
néralement étendues en arrière, pour faire con-
tre-poids à la partie antérieure du corps. Celle-ci
est en effet généralement allongée, et la tête
est portée sur un cou mince et flexible, dont les
dimensions sont calculées de telle sorte que l'a-
nimal, sans se baisser, peut facilement prendre
sa nourriture. Le bec varie beaucoup de forme :
il est large et aplati chez les Spatules, excavé en
cuiller chez les Flammants, recourbé vers le haut
chez les Avocettes, ou vers le bas chez les Ibis, long
et droit chez les Bécasses, avec une extrémité
renflée et criblée de trous comme un dé à coudre,
de forme conique et h pointe acérée chez les Hé-
rons et chez les Grues, etc. Quant au plumage, il
n'offre en général que des couleurs ternes, du
brun, du noir, du gris et du blanc ; quelques Ibis,
cependant, ainsi que les Flammants et les Agamis,
se font remarquer par une livrée somptueuse, d'un
rouge éclatant, d'un rose vif, ou d'un vert mé-
tallique.
De caractère triste et d'humeur sauvage, les
Echassiers ne sont guère susceptibles d'éducation,
et ne montrent qu'une intelligence assez médiocre.
Aussi sont-ils peu recherchés comme oiseaux de
volière ou de basse cour : en revanche, plusieurs
d'entre eux, les Râles, les Pluviers, les Bécasses,
sont fort estimés comme gibier.
Les Echassiers sont répandus sur toute la sur-
face du globe : mais les Hérons, les Grues, les Ci-
gognes et les Ibis se trouvent principalement dans
les contrées chaudes et tempérées, tandis que les
Pluviers, les Chevaliers et les Combattants remon-
tent volontiers jusque sous les latitudes boréales.
Ils ont été divisés par Cuvier en 5 groupes princi-
paux, savoir :
1° Les Pressi7'0stres, à bec médiocre, h. jambes
longues et munies seulement de trois doigts, le
pouce étant atrophié ou ne touchant pas le sol.
Dans ce groupe se placent les Outar les, qui
étaient jadis fort communes dans les plaines do
l'est et du centre de la France^; les Pluviers, dont
les uns, comme le Pluvier doré, ont le plumage
moucheté de brun et de jaune, tandis que les au-
tres, comme le Pluvier à collier, portent sur la
poitrine une écharpe brune ; les Vanneaux, à la
tête ornée d'une huppe élégante, au manteau vert
et pourpre ; les Huilriers, au bec et aux pieds rou-
ges, à la livrée pie, etc.
2° Les Cultrirostres, dont le bec est robuste et
tranchant sur les bords, et dont le pouce est assez
développé pour toucher le sol : ils compren-
nent les Cigognes, qui nichent en grand nombre
sur les cheminées des villes d'Alsace, les Hérons,
les Bec-Ouvert, etc.
3" Les Lo?igirostres, au bec grêle, faible, au pouce
court ou même complètement avorté. Parmi eux
sont les Courlis, les Ibis vénérés des Egyptiens,
les Bécasses si recherchées des chasseurs, les Com-
ba liants, dont le col est orné chez les mâles d'une
fraise de plumes, les Mies, qui se coulent avec
une prestesse singulière parmi les herbes des
marécages, etc.
4° Les Macrodactyles ; ils sont, comme l'indique
le nom qu'ils portent et qui est tiré de deux mots
grecs, pourvus de doigts démesurément longs, etsou-
vent bordés de membranes découpées, ce qui leur
permet de courir facilement sur la vase et sur les
herbes des marais. Les Porphyrions ou Poules-
Sullanes, au plumage azuré, et les Foulques, à la
livrée sombre, rentrent dans ce groupe.
5° Les Urévipeûies ou Coureurs, dont les natu-
ralistes modernes font un ordre à part.
Enfin, dans l'ancienne classification, on plaçait
à la fin des Echassiers les Flammants ou Phœni-
coptères, qui doivent probablement être plutôt rap-
prochés des Palmipèdes, ayant comme ces der-
niers les pieds complètement palmés et le bec
muni de lamelles membraneuses.
Les Brévipennes ou Coureurs, que tous les natura-
listes sont d'accord maintenant pour ranger dans un
ordre h part, se distinguent des Echassiers par l'en-
semble de leur organisation, et ne leur ressemblent
guère que par l'allongement de leurs membres pos-
térieurs. Les membres antérieurs au contraire, qui
chez les Echassiers, comme chez la plupart des
oiseaux, sont transformés en ailes plus ou moins
puissantes, sont ici presque entièrement atrophiés;
aussi les Brévipennes ne peuvent-ils s'élever dans
les airs, tandis qu'ils courent sur le sol avec une
grande rapidité. Les plumes qui revêtent certaines
parties du corps affectent la nature des poils ou
des piquants, ou présentent une structure beau-
coup plus simple que celle que l'on observe chez
les autres oiseaux. Les Autruches, qui habitent les
plaines sablonneuses de l'Afrique, les Na>idous,
qui représentent les Autruches dans les steppes
de l'Amérique, les Caso'u-s et les Emeux, qui sont
dispersés à la Nouvelle-Guinée, dans le nord de
l'Australie et dans quelques petites îles voisines,
et les Aptéryx, qui vivent à la Nouvelle-Zélande,
sont actuellement les seuls représentants de ce
groupe, qui comptait jadis des animaux de taille
colossale. Les Autruches et les Casoars, tout en
étant inférieurs, sous le rapport des dimensions,
aux espèces éteintes, atteignent cependant encore
une grandeur remarquable, et sont pourvus de
pattes robustes, admirablement conformées pour la
course. La tête est petite chez l'Autruche et chez
les Nandous, un peu plus grosse et surmontée
d'un casque corné de forme variable chez les Ca-
ECLAIRAGE
— 635 —
ECLAIRAGE
soars : ces derniers ont en outre pour la plupart
le cou dénudé et coloré de teintes plus ou moins
vives. Les Aptéryx, beaucoup plus petits que les
Casoars et les Autruches, diffèrent en outre de ces
derniers par leur bec allongé comme celui d'une
bécasse.
Les plumes d'autruche ont été depuisla plus haute
antiquité l'objet d'un commerce important : mais
jadis, pour se les procurer, on mettait h mort l'ani-
mal, ce qui amenait une diminution très rapide
dans le nombre des représentants de l'espèce,
tandis qu'aujourd'hui on a recours à une méthode
beaucoup plus sage; on élève des autruches en
domesticité dans le sud de l'Afrique et au cap de
Bonne-Espérance, et on les soumet à une exploi-
tation régulière. lE. Oustalet.J
ÉCLAIRAGE. — Quand la température d'un
corps s'élève, il arrive un moment où il devient
incandescent : il est alors lumineux. Si l'incandes-
cence résulte de la constitution même du corps, si elle
est permanente, comme cela a lieu pour le soleil
et les étoiles, le corps est dit lumineux par lui-
même.
La lumière produite à la surface de ces corps se
propage dans l'espace comme le son ; il y a des
ondes lumineuses comme des ondes sonores. Si
ces ondes lumineuses rencontrent un corps qui
n'est pas lumineux par lui-même, une partie de la
lumière est absorbée par le corps, une autre rebon-
dit pour ainsi dire sur le corps et se remet en mou-
vement en sens contraire, comme si elle était émise
par le corps lui-même : c'est le phénomène de la
réflexion ; et le corps qui était obscur, c'est-à-dire
invisible, semble être devenu lumineux lui-même,
il devient visible, il est éclairé.
Le soleil, lumineux par lui-même, est la source
naturelle de lumière qui éclaire les objets terres-
tres. Quand une partie de la terre cesse de rece-
voir cette lumière, elle est obscure ainsi que les
objets qui sont à sa surface ; pour suppléer à cette
lumière naturelle, il faut faire naître une lumière
artificielle qui puisse éclairer et rendre visibles les
corps. Les qualités qu'on devra chercher adonner à
cette lumière artificielle seront celles de la lumière
naturelle, de la lumière du jour . L'art de l'éclairage
consiste à, chercher les procédés propres à pro-
duire une lumière artificielle se rapprochant le
plus possible de celle du soleil.
Cet art s'est borné longtemps à des procédé»
grossiers et insuffisants ; ce n'est qu'à la fin du
dernier siècle que ces procédés se sont perfection-
nés par l'introduction des appareils à double cou-
rant d'air. Comme pour un grand nombre de pro-
cédés industriels, le progrès, activé par le besoin de
bien-être général résultant du nouvel état social,
fut rapide, et les perfectionnements se succédè-
rent sans interruption.
Tous les procédés d'éclairage, à l'exception du
plus récent, l'éclairage électrique, qui est encore
à son début, consistent dans la combustion ignée
(V. CombustioJi) d'un corps solide et plus généra-
lement gazeux. Ces procédés exigent doac la pic-
sence d'un corps combustible. Le corps comburant
est généralement l'oxygène, fourni par l'air, qui en
contient 21 parties, mélangées avec 79 d'azote,
corps neutre qui ne peut que diminuer l'intensité
de la lumière. Les corps combustibles employés
sont en général des corps désignés sous le nom
d'hydrocarbures, ce qui veut dire composés d'hy-
drogène et de carbone. Les hydrocarbures em-
ployés sont : 1° les différentes espèces d'huile :
huile de colza, de navette, de noix, de baleine :
20 les graisses provenant du corps des animaux :
on les désigne sous le nom de suifs ; modifiés, il-
constituent l'acide stéarique ; 3° les huiles di-
schiste, qu'on extrait d'un minerai; 4° les huiles
de pétrole, qu'on trouve à l'état naturel dans
le sol.
Dans les appareils anciens, on employait uni-
quement les huiles de graine ou de baleine et les
suifs à l'état brut. Une mèche plongeait dans
l'huile et le liquide, par la capillarité, montait jus-
qu'à un orifice où la mèche enflammée transfor-
mait l'huile en un produit gazeux plus ou moins
riche en hydrogène. Ce gaz éminemment combus-
tible brûle facilement, mais le charboiî mis en
liberté ou celui produit par la mèche [brûlait très
incomplètement ; par suite, la flamme devenait fu-
ligineuse et peu éclairante ; déplus, la respiration
et l'odorat étaient péniblement affectés par les
produits de cette combustion incomplète.
La chandelle rentrait dans ce système. Elle pré-
sentait un grave inconvénient, c est que la mèche
carbonisée et non brûlée a besoin d'être coupée
fréquemment. Avec la bougie stéarique, formée de
même avec un suif traité par la chaux, mais ayant
une mèche tressée, on évite l'inconvénient" du
mouchage de la chandelle. La bougie présente sur
la chandelle un progrès considérable ; mais malgré
l'abaissement de prix amené par le perfectionne-
ment des procédés, ce mode d'éclairage rentre en-
core dans les éclairages de luxe. Il est bon de dire
que cette industrie si importante aujourd'hui a été
créée par deux savants français, ^LM. Gay-Lussac
et Chevreul, qui prirent le premier brevet en An-
gleterre en juin 1825.
Argand, physicien et chimiste do Genève, sub-
stitua en 1182 aux mèches plates ou rondes, mais
pleines, des anciennes lampes, des mèches cylin-
driques tissées au métier; ces mèches s'adaptaient
à des griffes soudées à un tube mobile et cylindri-
que, glissant à l'aide d'une crémaillère le long d'un
autre cylindre fixe, de manière à pouvoir à volonté
faire monter ou descendre cette mèche. L'huile,
fournie par un réservoir placé un peu au-dessus de
l'orifice où brûle la mèche, l'alimente d'une façon
constante par le principe du vase de Mariette. La
mèche est entourée d'un double courant d'air, l'un
intérieur au cylindre porte-mèche, l'autre exté-
rieur : la combustion ainsi activée empêche le dé-
pôt de charbon.
Un pharmacien français, Quinquet, modifia un peu
la distribution de l'huile et adapta aux appareils
une galerie extérieure sur laquelle on posa un
verre cylindrique, qui régularisait et augmentait
le courant d'air : par ce moyen une grande partie
des produits non brûlés dans les anciens appareils
l'étaient par le renouvellement plus rapide de
l'oxygène ; de plus, les produits de la combustion
étaient entraînés dans la partie supérieure de la
chambre. Les progrès réalisés depuis dans toutes
les lampes à huile n'ont eu pour but que la distri-
bution plus régulière du combustible ; l'idée ingé-
nieuse du bec Argand et du verre formant chemi-
née est restée dans l'application.
Les lampes à huile ont maintenant le réservoir
au-dessous de la mèche; un mécanisme fait mon-
ter l'huile de manière à alimenter la mèche régu-
lièrement, ce qui est très important pour la bonne
(jualité de la lumière.
La lampe Carcel réalise toutes les conditions
d'un éclairage excellent. L'huile monte au moyen
d'un système do pompe mu par un mécanisme ;
mais la délicatesse de l'appareil exige l'emploi
d'huile bien épurée et demande un entretien mi-
!mtieux. Aussi, tout en restant un type de ln-^iière
ïilanche assez régulière pour qu'on puisse la pren-
dre pour unité dans les expériences de photomé-
rrie (mesure de l'intensité des lumières), cette
iampe est d'un prix trop élevé et demande trop
d'entretien pour se vulgariser.
La lampe modérateur, à ce point de vue, a été
un grand progrès : sans avoir toutes les qualités
de la lampe Carcel, elle donne une lumière blan-
■ •he régulière. L'huile, placée dans un réservoir in-
férieur, monte par un tube assez fin sous la près-
ÉCLAIRAGE
- 630 —
ÉCLAIRAGE
sion d'un piston poussé par un ressort en hélice ;
la force du ressort diminuant à mesure que le pis-
ton descend, la force ascensionnelle de l'huile di-
minuerait également : on y obvie au moyen du
jnodéi ateur, formé par une tige qui s'engage dans
le tube de distribution et qui est fixée de laçon à
descendre avec le piston. Au commencement delà
détente, le modérateur empêche l'huile de monter
avec autant de force, et dégage, au contraire, l'ou-
verture à la fin de la détente du ressort, et cela,
progressivement, de façon à obtenir une alimenta-
tion régulière de la mèche. Cet appareil simple
et à bon marché s'est promptement vulgarisé.
Depuis quelques années on a substitué, aux
huiles ordinaires, l'huile de schiste et l'huile de
pétrole.
L'huile de schiste s'extrait du schiste bitumi-
neux que l'on trouve en assez grande quantité aux
environs d'Autun. Cette ville est restée le centre
de la fabrication de cette huile. Cet éclairage, par
son bon marché et la blancheur de sa lumière, a
eu un moment un certain succès à Paris ; mais
l'odeur, ainsi que l'irrégularité de l'approvisionne-
ment, en ont beaucoup restreint l'usage.
L'huile de pétrole, huile minérale naturelle qui
nous vient des Etats-Unis, a pris à son tour une
place importante dans l'éclairage, d'abord à cause
do son bon marché, ensuite par la simplicité des
appareils et du mode d'emploi. La disposition des
appareils doit avoir pour but d'augmenter assez
la température pour transformer rapidement l'hy-
drocarbure liquide en gaz, puis de fournir un ra-
pide courant d'air pour activer la combustion ; une
mèche plongeante suffit pour amener l'huile dans
un bec à capsule qui s'échaulTe rapidement. Ce
produit, comme l'huile de schiste, étant riche en
carbone, donnerait facilement par une combus-
tion imparfaite une grande quantité de noir de
fumée.
Nous venons d'indiquer les principaux modes
d'éclairage par l'emploi des hydrocarbures solides
ou liquides ; il nous reste à parler de l'éclairage au
gaz et de l'éclairage électrique.
Eclairage au gaz. — La distillation de la houille
donne un gaz formé principalement d'hydrogène,
de carbone, et de leurs composés : c'est par cette
distillation qu'on obtient le gaz d'éclairage.
Ce fut Lebon, ingénieur des ponts et chaussées,
qui eut le premier l'idée d'employer à l'éclairage
le gaz provenant de la combustion du bois. Il fit
part de sa découverte à l'Académie des sciences
en 178G, et publia un mémoire relatif à des appa-
reils qu'il appelait thermolampes. Les premiers
furent fabriqués au Havre et ne réussirent pas,
surtout par la mauvaise qualité du gaz employé.
Murdoch, en Angleterre, fit les premières applica-
tions industrielles de la découverte de Lebon. Le
premier établissement éclairé par lui, l'usine de
Bultcn et Watt, près Birmingham, le fut en 1798 ;
et en 1808 seulement l'éclairage au gaz fit son
apparition dans les rues de Londres. Les premiers
essais ne furent faits à Paris qu'en 1816, au passage
des Panoramas, puis au Luxembourg et au pourtour
de l'Odéon, et simultanément à l'hôpital Saint-
Louis, sous l'impulsion du préfet de la Seine,
M. de Chabrol, et sous la direction du chimiste
Darcet. Aujourd'hui la ville entière, les magasins,
les théâtres, beaucoup d'appartements sont éclairés
au gaz. De ce mode d'éclairage si commode^ si
économique, on a déduit encore des appareils de
chauffage, surtout pour les fourneaux de cuisine et
les laboratoires de chimie.
Comme nous l'avons dit, on extrait le gaz de la
houille. L'opération se fait dans des vases clos
appelés cornues; elles étaient autrefois en fonte;
on les fabrique maintenant presque toujours en
terre réfractaire. Ce sont de longs demi-cylindres
aplatis dont la coupe transversale présente la
forme d'un D. Klle.= se composent de deux parties:
le corps et la tète ; celle-ci est fixée par des écrous,
et le joint se fait avec un mélange de terre et de
mastic de fer.
C'est à la tête que s'embranchent les tuyaux
conduisant le gaz. Quand il sort des cornues, il
contient plusieurs matières étrangères au gaz
d'éclairage proprement dit, et dont il faut le dé-
barrasser. On le soumet à deux épurations succes-
sives, qui lui enlèvent du goudron, des produits
ammoniacaux, de l'acide carbonique, et de l'acide
sulfhydrique. Il reste néanmoins toujours un peu
d'acide sulfhydrique, dont la présence est accusée
par l'odeur que répand la moindre fuite de gaz ;
l'inconvénient de cette odeur est en partie com-
pensé par l'avantage de dénoncer cette fuite, qui
pourrait devenir dangereuse par la détonation for-
midable que produit l'inflammation d'un mélange
d'air et de gaz.
Les corps combustibles que contient le gaz
épuré sont de l'oxyde de carbone, de l'hydrogène
et de l'hydrogène protocarboné. L'hydrogène pur
brûle avec une flamme dégageant beaucoup de
chaleur, mais peu de lumière; les deux autres gaz
donnent du charbon qui, brûlant dans la flamme,
la rend plus éclairante.
Cent kilogrammes de houille de Mons donnent
environ 2'i mètres cubes de gaz; les houilles an-
glaises, plus riches en hydrogène, donnent jusqu'à
27 mètres cubes. Le mètre cube de gaz coûte en-
viron Ofr. 30.
Aussitôt après l'épuration, le gaz se rond dans
de vastes réservoirs cylindriques ou gazomètres,
recouverts d'une cloche de même forme qui peut
monter ou descendre au moyen de poulies et de
contre-poids. Sous cette cloche débouchent le
tuyau de production, qui amène le gaz, et le tuyau
de consommation, qui le distribue. Quand le gazo-
mètre est plein, la cloche est à son maximum de
hauteur. Au fur et à mesure que le gaz se con-
somme, la pression sous la cloche diminue, les
contre-poids la font descendre, de sorte que l'écou-
lement du gaz se fait sous une pression con-
stante.
On a étudié avec soin les diamètres à donner
aux tubes de distribution, la nature du métal, la
forme des coudes, au double point de vue de l'é-
conomie et du minimum de résistance à l'écoule-
ment da gaz. Cet écoulement doit se faire avec
une vitesse constante, et pour que le consomma-
teur puisse avoir du gaz à volonté, il faut qu'avant
le compteur il ait une pression de 20 millimètres ;
il faut donc une pression plus forte dans les con
duites, qui doit atteindre .'iO millimètres pendant
l'éclairage. La pression dans l'usine doit être en
proportion , d'après la distance, les montées et
descentes des tuyaux. D'ailleurs pour les cas par-
ticuliers et accidents du terrain, des régulateurs
sont disposés afin de maintenir la régularité de la
distribution.
Dans les premiers temps de l'application du
gaz à l'éclairage des maisons particulières, la dé-
pense était réglée à tant l'heure et le bec. Certains
magasins étaient éclairés jusqu'à dix heures, d'au-
tres jusqu'à onze heures, etc. ; à l'heure dite, l'em-
ploj'é de la compagnie fermait le robinet et l'obscu-
rité se produisait instantanément. Il n'est pas
nécessaire d'insister sur les inconvénients de ce
système. Aujourd'hui la consommation est réglée
par le consommateur lui-môme, au moyen d'un
appareil appelé compteur, qui est poinçonné par
l'administration avant d'être livré au public. Cet
appareil est formé d'une boîte cylindri(|ue renfer-
mant à l'intérieur une caisse rectangulaire à plu-
sieurs compartiments. Le gaz arrive dans une pre-
mière caisse munie d'une ouverture à soupape, qui
n'est ouverte et ne donne passage au gaz que si le
compteur contient l'eau nécessaire. De cette pre-
ECLAIRAGE
C37
ÉCLAIRAGE
mière caisse, il passe dans une seconde à moitié
pleine d'eau, débouche par un tube en f/sous une
cloche, et par son écoulement dans les appareils
détermine la rotation d'un volant, lequel, au moyen
d'une vis sans fin et d'une crémaillère, donne le
mouvement à un arbre vertical ; celui-ci fait mou-
voir les aiguilles de trois cadrans disposés de
façon à marquer les tours, dizaines et centaines de
tours du volant, qui fait d'ordinaire un tour par ICO
litres de gaz consommés.
Les becs les plus employés pour l'éclairage au
gaz sont les becs à double courant d'air, comme les
becs Argand ; puis les becs à fente, donnant une
flamme large et plate appelée papillo7i.
Le bec réglementaire de Paris, dit bec de ville,
consomme 140 litres de gaz à l'heure, la flamme
ayant 67 millimètres de large sur 32 de haut; la
lumière est un peu supérieure à celle de la lampe
Carcel normale, c'est-à-dire ayant un bec Argand de
23°"",5 de diamètre extérieur sur 17 de diamètre
intérieur, la mèche brûlant à blanc, montée k
10 millimètres et consommant 42 grammes d'huile
à l'heure.
L'éclairage au gaz a réalisé d'immenses progrès
comme économie, propreté et facilité d'entretien ;
mais il présente divers inconvénients, entre autres
le danger des explosions, que nous avons déjà
signalé.
Eclairage électrique. — Quinze années après la
découverte de Volta, vers 1S13, Humphry Davy fit
l'expérience suivante, qui a donné naissance à
l'éclairage électrique :
Il prit deux morceaux de charbon rouge, qu'il
éteignit dans le mercure ; les ayant taillés en
pointe, il fit passer entre eux le courant d'une forte
pile ; les deux pointes, au contact, devinrent in-
candescentes; les ayant éloignées l'une de l'autre,
il vit jaillir entre elles un arc lumineux du plus
grand éclat; il put l'agrandir ainsi jusqu'à lO centi-
mètres; à partir de cette distance, l'arc s'éteignait,
et ne pouvait être rallumé qu'au contact.
Tant qu'on n'employa que les piles à un seul
liquide., il fallait, pour produire cet effet lumineux,
une pile de 500 éléments ; on ne songea même pas
à tirer de cette expérience une application indus-
trielle. La lumière ainsi obtenue était égale, quel-
quefois supérieure, à celle du soleil ; elle se pro-
duisait même dans le vide : ce n'était donc pas
une lumière provenant d'une combustion; il y avait
là un fait scientifique nouveau.
Les piles à deux liquides permirent d'obtenir
l'arc lumineux avec un moins grand nombre d'élé-
ments; on essaya dès lors d'en faire des applica-
tions, mais elles furent fort restreintes. Les dif-
ficultés provenaient de la non-permanence du
courant, qui variait d'intensité avec l'appauvrisse-
ment du liquide de la pile; puis du transport mo-
léculaire du charbon qui s'effectuait, sous l'action
du courant, du pôle positif au pôle négatif, trans-
port qui déformait les cônes de charbon et, faisant
par suite varier la distance des extrémités de
l'arc, modifiait l'intensité de la lumière. Celle-ci
devenait scintillante, agissant sur l'œil par sac-
cade ; il n'y avait pas encore là un procédé d'éclai-
rage.
On commença par modifier la construction des
piles de façon à rendre le courant plus constant ;
puis on construisit des régulateurs électriques
pour maintenir les cônes à la même disT.ance.
M. Foucault fil construire le premier appareil, qui
est resté comme type. MM. Serrin, Dubosq, etc.,
en France, et plusieurs savants et constructeurs à
l'étranger, cherchèrent et trouvèrent des modifica-
tions ingénieuses. Dans tous ces appareils, les
charbons, fixés entre des pinces de métal, se rap-
prochent jusqu'au contact par l'effet d'un méca-
nisme à ressort; à cet instant la lumière jaillit, le
courant établi contourne un électro-aimant nui
agit sur un levier, dont le mouvement, contraire
à celui du ressort, écarte lescliarbons et développe
l'arc; celui-ci s'éteignant, le levier cesse d'agir
puisque le courant est interrompu, le ressort re-
prend son action, les charbons reviennent au con-
tact et ainsi de suite. On comprend que le pro-
blème n'est ainsi résolu qu'en partie : la lumière
passe, rapidement il est vrai, successivement d'un
plus grand éclat à un moindre, puis de nouveau
revient à l'éclat maximum ; elle n'a pas de fixité,
les piles ne pouvant fournir lui courant absolu-
ment constant. L'application s'était donc bornée
à des expériences dans les laboratoires de physi-
que pour des analyses spectrales, des épreuves
photographiques, quelques effets scéniques assez
réussis d'ailleurs dans les théâtres, quelques éclai-
rages accidentels pour des travaux de nuit, éclai-
rages très ooùteux, peu commodes à établir, et non
susceptibles de division, ce qui faisait que, même
pour l'esprit si sagace de M. Foucault, l'éclairage
électrique semblait encore bien éloigné d'une appli-
cation simple et économique. En quelques années,
toutes les principales difficultés ont disparu.
Les machines électro-magnétiques qui, depuis
l'invention de labobine Ruhmkorff, se sont modifiées
si rapidement, fournissent maintenant un courant
constant, alternatif. La machine Gramme, modi-
fiée par son auteur, et la bougie Jablochkoff, ont
résolu le problème do l'éclairage électrique et de
la division de l'électricité : la machine, en fournis-
sant la constance et la puissance du courant; la
bougie, en fournissant l'équi-distance par le prin-
cipe naturel qui doit laproduii'e, le parallélisme, et
en permettant à la même machine d'alimenter
plusieurs foyers. Nous ne pouvons décrire ici en
détail ce procédé, qui du reste est encore suscep-
tible de perfectionnement.
Cet éclairage, essayé avec succès sur plusieurs
points de la voie publique à Paris, est aussi em-
ployé dans plusieurs usines, tant à Paris qu'en
province et à l'étranger. Il présente de grands
avantages : l'éclat de la lumière, sa facilité d'em-
ploi, son économie qui n'a pas dit son dernier mot,
— c'est une industrie née d'hii r. Dans les usi-
nes, les avantages hygiéniques sont considérables :
contrairement aux autres procédés, pas de corps
comburant ni de corps combustible, par conséquent
aucune altération de l'air ambiant, aucune forma-
tion de produit gazeux délétère ou incommode.
Enfin, ce qui est remarquable, ce foyer, qui pro-
duit une température suffisante pour fondre comme
cire des fils de platine, ne dégage pas, comme le
gaz et les autres sources de lumière, de chaleur
sensible. Cela s'explique par la nature des rayons
lumineux produits. Le gaz et les autres hydrocar-
bures dégagent de la lumière rouge et jaune, la
lumière électrique des rayons bleus et violets ; or,
en promenant un thermomètre très sensible dans
les couleurs du spectre, on traverse sans échauffe-
ment sensible les raies violettes et bleues, la tem-
pérature commence à s'élever dans la partie verte,
et l'élévation continue en s'approchant du rouge
et de la chaleur obscure.
La température des corps augmentant, la pro-
portion des rayons calorifiques diminue, tandis
que celle des rayons lumineux augmente. Ainsi
l'arc électrique, qui est le plus chaud des foyers,
émet la plus grande quantité de lumière avec le
minimum de chaleur.
On comprendra comment, avec tous ces avanta-
ges, la lumière électrique est appelée à jouer un
grand rôle dans l'éclairage, et pourquoi on lui a
décerné la médaille d'or à l'Exposition universelle.
Nous terminerons cet exposé des procédés d'é-
clairage par un tableau du prix de revient de ces
différents procédés ; nous l'empruntons à l'excel-
lent liictionnaire An M. Labouinje.
[E. Dacosta.]
ECLIPSE
— 638 —
KCLIPSE
SOURCES LUMINEUSES.
VOLUME OU POIDS
DES MATIÈRES CONSOIIMÉkS PAR HEURE
et donnant une liiniii>re
cr|uivalente à une bougie stéarique.
PRIX DE REVIEXT
DE LA LUMIÈRE ÉQUIVALENTE
à 700 bougies stéariques par heure.
Lumière électrique par les appareils ma-
gnéto-électriques
— électrique par la pile Toltaïque de
60 a 80 éléments
»
15 litres.
4e..S2.
5s,60.
5S.18.
los.sg.
lOs.49.
86.26.
De O',10à 0f,20.
De 3 à 5 francs.
3f.20.
3f,85.
4f.
6M0.
12f,60.
2if,20.
32f,40.
— par le gaz de houille
— par l'huile de schiste légère
— par l'hui le de pétrole
— par l'huile de colza épurée
— par le suif
— par les bougies stéarique?
ECLirSE. — Cosmographie, III. — (Etym. : d'un
mot grec signifiant abandon, défection). — Les
éclipses n'épouvantent plus personne, si ce n'est
chez les peuplades sauvages. Elles n'en excitent
pas moins la curiosité, quand elles arrivent au
moment prédit par les astronomes et annoncé
au public par les almanachs. Elles ne sont point
rares, quoiqu'elles passent souvent inaperçues
pour nous : chaque année il y en a deux au moins
et sept au plus, trois ou quatre en moyenne. Dans
un espace de 18 ans 11 jours, il se produit 70
éclipses dont 41 de soleil et 29 de lune, qui re-
viennent à chaque période dans le même ordre.
C'est donc là un phénomène sur lequel l'institu-
teur peut être interrogé dans sa classe et même
au dehors, et s'il n'est pas tenu à en donner la
théorie astronomique, il ne pourrait cependant se
borner à la démonstration sommaire de Périclès
qui, pour rassurer le pilote de son navire effrayé
par une éclipse, lui jota son manteau sur la figure
et lui fit comprendre ainsi que la lune interposée
entre lui et le soleil cachait cet astre à ses yeux.
Au reste, l'éclipsé est un des phénomènes célestes
qui se prêtent le plus facilement à une démons-
tration simple et familière ; tel sera le caractère
de celle que nous allons exposer ici.
Rappelons d'abord (jue le Soleil, éloigné de nous
d'une distance moyenne de .37 millions de lieues
(lieues de 4 kilomètres), a un diamètre qui con-
tient 108 fois celui de la Terre; que la Lune, dont
le diamètre est à peu près le quart seulement de
celui de la Terre, est à 97 mille lieues de nous ;
qu'elle n'est pas lumineuse par elle-même et
qu'elle ne fait que réfléchir la lumière qu'elle re-
çoit du Soleil, comme la Terre et tous les corps de
l'espace. En outre elle tourne autour de la Terre,
en mettant 29 jours et demi pour reprendre la
même position qu'elle occupait par rapport à la
Terre et au Soleil, pendant que la Terre se meut
elle-même autour du Soleil dans l'intervalle d'une
année.
Posons maintenant sur une table, à l'extrémité
de la classe, une lampe allumée qui représentera
le Soleil, et à quelque distance, au sommet d'un
support, une boule qui figurera la Terre. Une
boule plus petite qu'on promènerait circulairemcnt
autour de la précédente, mais à une distance
moindre que la lampe, sera l'image de la Lune.
Lors((ue la Lune est placée derrière la Terre
par rapport au Soleil, ce qui est indiqué par la
position de la petite boule au-deh'i de la grosse, à
rojjposé de la lampe, et un peu en dehors de la
direction de la droy.e qui passerait par les centres
du Siileil et de la Terre, elle nous montre sa
moiiii'; éclaiiée; c'est alors que nous la voyons
avec l'apparence d'un cercle entièrement lumineux
et que nous la nommons pleine lime. Mais si à ce
moment e'I" se trouve sur la ligne passant par
les centres du Soleil et de la Terre, elle ne re-
çoit plus les rayons solaires qui sont arrêtés par
la Terre; elle est obscure au lieu d'être brillante
et ne nous présente qu'un disque noirâtre : c'est
en cela que consiste Véclipse de lune. Si elle se
trouve seulement près de cette direction, il n'y a
qu'une partie plus ou moins grande de sa surface
qui est privée de la lumière solaire ; l'éclipsé de
lune est pa7-tielle. Il est bon d'observer qu'au
commencement d'une éclipse totale, le disque lu-
naire ne passe pas tout à coup de la lumière à
l'obscurité complète ni réciproquement, à la fin, de
l'obscurité à la lumière complète. Il commence à
s'obscurcir sur un bord, et la teinte noire l'envahit
de plus en plus, à mesure que la Lune pénètre de
plus en plus dans l'ombre qui s'étend derrière la
Terre; puis quand elle sort du côté opposé, la
partie obscure se rétrécit graduellement jusqu'au
moment où la Lune, complètement dégagée de
l'ombre, apparaît de nouveau comme un disque
lumineux. La durée de l'éclipsé totale ne dépasse
jamais deux heures.
Quinze jours après le moment où elle était
pleine, la Lune ayant continué à marcher, arrive
dans une sittiation tout opposée à la première,
entre la Terre et le Soleil ; nous avons alors en
face de nous sa moitié qui n'est pas éclairée. Elle
paraîtrait noirâtre, si la terre ne lui renvoyait pas
la lumière qu'elle reçoit elle-même du soleil. Le
disque lunaire prend ainsi une teinte pâle qu'on
nomme lumière cendrée; c'est alors qu'on dit que
la lune est nouvelle. Si dans cette situation elle
est sur la droite joignant les centres du Soleil et
de la Terre, elle cache le Soleil en tout ou en
partie pour le lieu de la terre rencontré par cette
droite et les lieux voisins. Il y a à ce moment
éclipse de soleil, totale pour les uns, partielle seu-
lement pour les autres. La durée de l'éclipsé
totale no dépasse jamais cinq minutes pour le lieu
où on l'observe. Dans certaines éclipses, c'est la
partie centrale du Soleil qui est cachée par la Lune,
et il déborde tout autour sous la forme d'un an-
neau lumineux; l'éclipsé est annulaire. Rien n'est
plus facile à expliquer. Il suffit pour cela de
prendre un sou entre les deux doigts, par deux
bords opposés, de le tenir ainsi devant l'œil
droit, pendant que celui de gauche reste fermé,
et de regarder un grand cercle dessiné en face sur
un mur. Suivant que le sou sera plus ou moins
près do l'œil, il cachera une partie centrale du
cercle plus ou moins considérable.
Il importe de remarquer une difi"érence caracté-
ristique entre les éclipses de soleil et les éclipses
de lune. Dans les premières le soleil est réelle-
ment caché en tout ou en partie îi nos yeux;
dans les autres la Lune reste visible pour nous,
avec la diflérencc qu'elle a perdu momentané-
mont son éclat. Les éclipses de soleil n'arrivent
ECLIPSE
639 —
ECLIPSE
qn'à la nouvelle lune ; celles de lune à la pleine
lune.
Xous compléterons ces explications familières
par une exposition géométrique du phénomène à
l'aide de la figure 1.
Le Soleil immobile dans l'espace est à la partie
supérieure ; h. l'extrémité opposée est la Terre
dcicrivaut autour du Soleil une immense ellipse,
qui n'y est pas marquée, mais dont le plan est
celui de la figure. Au-dessous de la Terre s'étend
un cône dombre déterminé par des droites tan-
gentes à la Terre et au Soleil : on n'en voit que le
commencement. Autour de ce cône se dessine un
espace conique moins obscur, qui va s'élargissant
de plus en plus, et qui est limité par des droites
qui se croisent entre le Soleil et la Terre, en .itaiit
tangentes à leur surface. L'obscurité y décroit
depuis le contour du cône d'ombre jusqu'au bord
opposé. Cet espace est la pénombre (mot latin si-
gnifiant presque ombre). De l'un des points de la
pénombre on n'aperçoit qu'une partie du disque
du soleil. Autour de la Terre on voit la Lune, dans
<|uatre positions différentes, suivie du cône
d'ombre qu'elle projette, enveloppé de la pé-
nombre.
Au bas de la figure, la lune, qui èisÀi plein" pa-
raît noyée dans le cône d'ombre de la terre ; il y a
éclipse totale de lune. L'éclipsé ne serait que par-
tielle, si la Lune se trouvait un peu au-dessus ou
un peu au-dessous du plan de l'orbite terrestre,
représenté par le plan de la figure.
Dans la situation opposée, entre la Terre et le
Soleil, est la nouvelle lune. Son cône d'ombre, at-
teignant la Terre, y couvre une petite calotte, pour
les habitants de laquelle il y a éclipse totale de
soleil. Autour de cette calotte s'étend une zone
ÉCONOMIE POLITIQUE — G4U — ÉCONOMIE POLITIOUG
recouverte par la pénombre de la lune ; c'est pour
les habitants de cette zone que l'éclipsé est par-
tielle.
Quelquefois la Terre, quoique en ligne droite
avec la Lune et le Soleil, est un peu trop éloignée
pour que le cône d'ombre de la Lune puisse l'at-
teindre, comme le montre la figure 2.
Mais les droites qui forment le cône étant pro-
longées plus loin que le sommet, le cône opposé
qui en résulte va couvrir sur la Terre un petit
espace environné d'une zone sur laquelle tombe la
pénombre. Pour les habitants de cet espace, il y a
une éclipse annulaire, en même temps que ceux
de la zone environnante ont une éclipse par-
tielle.
^ Les explications qui précèdent montrent que
l'éclipsé de soleil n'est jamais visible que pour
une petite partie de la surface de la terre. Elle ne
commence pas et ne finit pas au même instant pour
tous ceux qui en sont témoins; ils ne la voient que
successivement, à mesure que la Lune dans sa
marche entraîne avec elle son ombre, qui passe
ainsi d'un lieu à l'autre, jusqu'à ce qu'elle quitte
la Terre. L'éclipsé de lune au contraire est visible
pour tous les lieux qui ont la Lune sur leur
horizon au moment du phénomène.
[G. Bovier-Lapierre.]
ECONOMIE POLITIQUE. — L'enseignement de
l'économie politique tend à se répandre rapide-
ment. Un nombre déjà important de villes ont
commencé à lui donner place dans leurs cours du
soir. L'arrêté du 2 août 1881 l'a introduit dans le
programme des écoles normales d'iustitutcnrs,
à la suite du cours d'instruction morale et civiquw.
D'autre part, des écoles primaires supérieures se
créent de toutes parts, et l'économio politique
figure dans leurs programmes.
Il y a tout lieu de se féliciter de ce mouvement;
car la connaissance des éléments au moins de la
science économique est désormais indispensable à
tous. C'est une des premières conditions de la
prospérité et de la tranquillité publiques, et dans
un pays de démocratie et de suffrage universel la
nécessité s'en accroît chaque jour. L'économie
politique, comme l'a bien dit M. Jules Simon,
n'est pas autre chose que la « science du sens
commun. »
Mais il y a, en même temps, à s'en préoccuper;
car il y a un apprentissage à faire en toute chose,
et « il faut, a dit également M. J. Simon, que
l'économie politique, pour rendre les services
qu'on est en droit d'attendre d'elle, soit bien en-
seignée. »
Or les professeurs, on ne peut se le dissimuler,
sont rares encore, et tous n'ont pas l'expérience
nécessaire. Si ce n'est que demi-mal dans les
sphères élevées où l'on peut, sans grand danger,
se former en pratiquant, c'est un danger réel dans
l'enseignement élémentaire où tout doit être net,
précis et simple. Les éléments, à vrai dire, sont
la moelle de la science, et les maîtres seuls sont
en état de l'extraire avec sûreté.
Nous avons donc cru faire une œuvre qui ne
serait pas inutile en essayant de tracer, en quelques
pages, un résumé des notions essentielles qui
paraissent devoir entrer dans un enseignement
primaire supérieur : c'est, en quelque sorte, une
réduction de l'économie politique, faite par un
vieux professeur à l'usage des jeunes. A chacun à
mettre, selon ses aptitudes et ses goûts, la couleur
et la vie sur cette esquisse.
Les professeurs auront, avant tout, à donner
une idée générale de la science économique et de
son objet : ce qu'ils pourront faire, sans recourir à
des définitions abstraites et toujours insuffisantes,
en appelant l'attention de leurs jeunes auditeurs
sur le fait universel du travail et sur sa nécessité
pour le maintien et l'amélioration de l'existence
humaine. Ils montreront comment l'homme, presse
de besoins auxquels il ne peut donner satisfaction
qu'en s'emparant des objets qui l'entourent et les
appliquant à son usage, se livre d'abord, dans ce
but, à des efforts isolés, puis à des efforts plus ou
moins heureusement concertés avec ses sem-
blables.
Ils saisiront ainsi à sa naissance le fait de la
}iroductio7i , fait propre à l'homme , puisque
l'homme seul, parmi les animaux, non seulement
utilise, en les consommant, les ressources que
fournit la nature, mais en prépare, par une activité
intelligente, le renouvellement et l'accroissement.
Ils y saisiront du même coup le fait, également
propre à l'homme, de l'échange, qui nous constitue
à toute heure et sous mille formes les serviteurs
les uns des autres et fait de l'impuissance de
chacun, grâce au merveilleux mécanisme de la
division du travail, la puissance de tous ; et le
fait corrélatif aussi de la propriété, conséquence
de l'appropriation des choses et récompense de
l'effort par lequel s'opère cette appropriation. Il
importera ici de bien montrer comment cette ap-
propriation, loin de rien enlever à la communauté
primitive, est au contraire la condition nécessaire
de l'exploitation active et féconde par laquelle se
forme graduellement le patrimoine commun. Vhé-
ritage, sans lequel cette œuvre bienfaisante serait
incessamment à recommencer, grâce auquel seul
l'homme est appelé à se survivre à lui-même en
transmettant à d'autres existences le fruit de la
sienne, permettra d'cclaircir encore, en les com-
plétant, ces premières vérités.
Les cléments de la production sont divers; il
conviendra de les indiquer. Il y a la matière, que
ÉCONOMIE POLITIQUE — 641 — ÉCONOMIE POLITIQUE
f
l'homme n'a pas créée et dont il ne peut changer
la substance, mais à laquelle il peut, en y appli-
quant la force dont il est dépositaire, faire subir
des façons diverses et plus ou moins heureuses.
Il y a la science, qui, en étudiant les propriétés de
la matière et en en pénétrant les lois, apprend à
se mieux servir des utilités connues ou à faire
apparaître des utilités jusqu'alors inconnues. 11 y
a les outils, compléments nécessaires de la main
humaine, qui ne sont que de premiers produits
destinés à en obtenir d'autres, et sans lesquels
l'homme serait le plus dépourvu et le plus exposé
des animaux. Il y a la volonté enfin, impulsion de
tout le reste, et la force morale, ressort indispen-
sable de tout progrès même matériel.
La volonté est libre, le travail doit l'être aussi,
et c"est dans la proportion où il l'est que sa fécon-
dation s'accroît avec son énergie. Cn coup d'œil
sur le passé et sur la misère des pays à esclaves
d'abord, puis sur les gênes et les entraves de la
réglementation des industries sous le régime des
corporations fermées, trouvera tout naturellement
sa place à la suite de ces indications.
Les machines ne sont autre chose que des outils,
plus compliqués ou plus puissants; quelle qu'en
soit la nature, leur rôle est le même : faire mieux,
faire plus vite, ou faire avec moins de dépense et
de peine. Ce sont donc les auxiliaires par excel-
lence du travail, qu'elles tendent à développer en
«n variant les formes et en en multipliant les ré-
sultats. Des exemples, puisés dans les industries
connues de tous et empruntés aux faits de chaque
jour, rendront aisément sensible cette influence
bienfaisante et permettront de mettre les élèves
en garde, sans les fatiguer de raisonnements gé-
néraux, contre les apparences trop souvent trom-
peuses qui font voir dans le progrès de l'outillage
un danger pour le travail et pour le salaire.
De même pour le capital, qui devra être examiné
tour à tour dans sa source et dans ses effets, au
double point de vue de celui qui le possède et de
celui qui en est encore privé. On fera voir comment
ce capital, que l'on a trop l'habitude de restreindre
à quelques-unes de ses formes seulement, est en
réalité partout où se trouve une ressource préparée
pour l'usage de l'homme ; et l'on montrera
comment pour le former deux conditions sont né-
cessaires : le travail d'abord, qui est un premier
titre, et l'épargne ensuite, qui en est un second. On
pourra donner à cette occasion quelques aperçus
sur les divers aspects de l'épargne, sur la puis-
sance des moindres économies, et en particulier
sur les caisses d'épargne scolaires.
On expliquera également comment, une fois
formé, le capital devient l'aliment du travail et le
réservoir du salaire ; et l'on fera comprendre, en
prenant toujours ses démonstrations dans les faits,
que toute destruction de capital, sous quelque
forme qu'elle se produise, a nécessairement pour
conséquences un ralentissement du travail, un
amoindrissement de la production et un abaisse-
ment du salaire.
Ni le salaire proprement dit, qui est la rémuné-
ration du travail, ni Y intérêt ou le profit, qui sont
la rémunération du capital ou de l'intelligence, ne
sont livrés au hasard. Ils dépendent, ainsi que le
prix des produits eux-mêmes, de leur proportion
réciproque et de la façon dont ils sont offerts ou
demandés. On s'attachera à donner une idée juste
et claire de cette loi de l'offre et de la demande,
aussi inflexible dans l'ordre économique, qu'elle
domine tout entier, que l'est dans l'ordre physique
la loi de l'équilibre des liquides sous l'action de
la pesanteur; et l'on fera entrevoir, sous cette fa-
talité apparente, l'accord de la justice et de la
prospérité générale, également intéressées à ce
que les besoins les plus vifs soient les premiers
satisfaits et les services les plus désirés les mieux
2e Partie.
rétribués. Toute intervention de la force, soit par
la violence privée, soit par la loi, ne pouvant que
porter atteinte à ce nivellement naturel, est pré-
judiciable; et voilà pourquoi la puissance publique
ne doit intervenir dans les échanges ou les contrats
que pour en protéger et en garantir la liberté et
la loyauté. On pourra donner à ce propos un
aperçu tant des anciennes réglenuatations de prix
et de salaires que des grèves et air.res tentatives
faites pour en modifier anificicllemci.t 7e t;ux; et
l'on spécifiera dans quelles limites et sous quelles
formes les réclamations collectives peuvent être
licites et efficaces, à quel moment elles deviennent
iniques et funestes On aura soin d'ailleurs de
bien marquer le caractère du salaire ; et, tout en
faisant équitablement la part de V association, on
établira bien, d'une part, que le salaire, conversion
volontaire en un forfait du dividende aléatoire du
travail, n'a rien ni de dégradant ni d'oppressif, et,
d'autre part, que l'extension de l'association pro-
prement dite, subordonnée à des conditions di-
verses et parfois irréalisables, ne convient ni à
toutes les industries ni à toutes les situationt .
Elle ne saurait en tout cas être jamais le résultsa
de mesures impératives et générales.
Quelques mots sur les modes divers de coopéra-
tion et de participatio7i pourront ici, selon le
degré de l'enseignement, se trouver plus ou moins
à propos. Des exemples montreront comment les
petits capitaux, en s'unissant comme les gouttes
d'eau pour former un ruisseau, peuvent acquérir
la puissance qui leur manque dans l'isolement, et
comment aussi, lorsqu'ils se livrent sans prudence
à des ambitions exagérées, ils ne font que courir
à leur perte.
Cet exposé, quelque modeste que doive être la
tâche, ne serait pas complet si l'on ne donnait
encore, en quelques mots au moins, une notion
exacte de quelques-uns des phénomènes les
plus usuels, et les plus mal compris souvent.
Au premier rang est la monnaie, dont il est
essentiel de bien définir la nature et le rôle, en
montrant qu'elle n'est ni un signe arbitraire et
une valeur conventionnelle, ni la richesse princi-
pale et le capital par excellence ; mais bien et
tout simplement une des formes aussi réelle que
limitée de la richesse, une marchandise ayant en
elle-même sa valeur reconnue de tous, et investie,
en raison de cette valeur intrinsèque et de cer-
taines qualités spéciales qui la rendent plus par-
ticulièrement propre à cet usage, de la fonction
d'instrument habituel des échanges et de /noyen
d'évaluation entre les autres marchandises. D'où
il suit qu'on ne peut ni se passer de monnaie au
delà d'une certaine limite, ni sacrifier à l'acquisi-
tion indéfinie de la monnaie la possession des
autres richesses plus directement utiles et con-
sommables. Si l'on peut, pour la facilité des
transactions, remplacer plus ou moins le paiement
actuel en espèces par des promesses, ces pro-
messes ne valent, en somme, qu'autant qu'elles
sont réalisables en espèces, comme la monnaie à
son tour est réalisable en produits ou en services :
le papier, supposant la monnaie, ne saurait la
supprimer, ainsi qu'on l'a vainement tenté à di-
verses reprises.
La même observation s'applique au crédit, qui
peut avoir la vertu d'activer la circulation des pro-
duits et par suite la fécondité du travail, mais qui
ne saurait être ni illimité, parce qu'on ne peut
prêter que ce qui existe, ni gratuit, parce qu'on
ne peut se dessaisir d'un avantage qu'en vue d'un
avantage au moins équivalent. Tout prêt, pour être
possible, suppose d'abord l'existence de l'objet
prêté, et tout emprunt, pour n'être pas insensé,
suppose, de la part de celui qui emprunte, l'inten-
tion d'appliquer à cet objet un travail qui en
assurera la reproduction avec accroissement.
41
ÉCONOMIE POLITIQUE — 642 —
ECRITURE
Mais aucun travail, et à plus forte raison aucun
échange, n'est possible sans l'existence de certai-
nes conditions de sécurité, à'ordre, de circulation,
qui ne peuvent être procurées et garanties autre-
ment que sous la forme de se- vices collectifs. Pour
assurer ces services, d'autant plus nombreux et
pins considérables que les sociétés sont plus avan-
cées, des dépenses, pareillement coliecùves, sont
indispensables, et il y faut pourvoir. C'est l'objet
des contriàutions, souvent appelées encore, d'un
mot qui a le tort d'éveiller une idée différente, du
nom d'impôts. Il ne peut convenir, dans un ensei-
gnement élémentaire, d'entrer dans le détail des
diverses formes d'impôts ni de se livrer à une dis-
cussion comparative de leurs mérites respectifs et
des systèmes proposés pour les remplacer. Mais il
est de la pUis grande utilité de bien mettre hors
de doute la vraie nature et le vrai principe des
charges publiques en faisant bien comprendre
qu'elles ne sont pas, comme le disait Turgot,
« une charge imposée par la force à la faiblesse, »
mais bien la rétribution et la compensation d'a-
vantages équivalents : la part de chacun, en d'au-
tres termes, dans l'acquittement des frais généraux
de la société. C'est une cotisation, pour tout dire,
que le progrès des institutions doit rendre, autant
qu'il est possible, proportionnelle à ce que chacun,
b. raison de ses intérêts, recueille de services.
I.îi, comme pour le régime du travail, il existe
un abîme entre les institutions du passé et celles
du présent, quelque imparfaites que soient encore
celles-ci; et il ne sera pas, inutile d'en faire la re-
marque en montrant, par quelques traits au moins,
ce qu'était autrefois l'impôt.
Avant de terminer, et afin d'aller au-devant de
fâcheuses impressions, il conviendra de jeter un
coup d'œil rapide, mais ferme, sur les souffrances
dont les sociétés modernes ne sont pas exemptes,
et de s'arrêter un instant sur le fait douloureux
de la misère.
On rappellera, d'abord, qu'en ce point, comme
en d'autres, le passé n'a pas été supérieur au pré-
sent; et, sans se montrer injuste envers les âges
précédents, sans diminuer en rien ni les maux ni
les fautes du temps actuel, on fera, par quelques-
uns des côtés les plus simples et les plus accessi-
bles, la comparaison de la condition de nos pères
avec la nôtre. On dira, par exemple, ce qu'était la
vie autrefois et ce qu'elle est de nos jours sous le
rapport du logement, de la nourriture, du vête-
ment, des moyens de communication et de trans-
port, de l'instruction, de la salubrité et de la sé-
curité. On énumérera ensuite les principales causes
de la misère, soit publique, soit privée, et en regard
on placera l'indication des principaux remèdes.
D'un côté, c'est le désordre, l'inconduite, l'impré-
voyance, les dépenses inutiles et irréfléchies, le
cabaret avec ses influences fatales, l'oisiveté avec
ses entraînements; et aussi, parmi les circonstan-
ces qui paraissent au premier abord plus étran-
gères à l'action de la volonté individuelle, mais
qui en réalité n'y échappent pas, les crises inté-
rieures et extérieures, les transformations d'outil-
lage, les chômages, les accidents. les maladies; et,
par dessus tout, l'ignorance, source de la plupart
des impuissances et des fautes. De l'autre côté,
c'est l'instruction et la moralité, qui, en donnant à
l'homme plus de valeur et plus d'empire sur lui-
même, le rendent plus apte à se bien diriger et à
se bien employer; l'ordre, l'économie, la modéra-
tion dans les désirs, grâce auxquels, à chances
égales, on tire meilleur parti de ses ressou^ces ;
les institutions de prévoyance, enfin, sous toutes
les formes, assura/ices sur la vie o\x contre les
accidents, sociétés de secours mutuels, caisses de
retraites, bibliothèques, associations d'instruction,
etc qui n'ont pas sans doute la vertu de préserver
toujours du mal, mais qui en atténuent au moins
les conséquences et procurent, dans une mesure
toujours incomplète, mais plus considérable cha-
que jour, le plus précieux de tous les biens, la
sécuiité.
Deux conditions, pour que cette sécurité ne soit
pas à tout instant troublée, sont avant tout néces-
saires : l'ordre intérieur et la paix extérieure. L'un
n'est possible qu'avec des habitudes sérieuses de
respect mutuel et d'obéissance aux lois; l'autre ne
se peut obtenir que par des notions plus justes
des devoirs des nations les unes à l'égard des
autres et des véritables conditions de leur gran-
deur et de leur puissance. Ni les révolutions Di les
guerres, quels qu'en soient les premiers résultats
apparents, ne rapportent en somme ce qu'elles
coîitent, et elles arrêtent plus de progrès qu'elles
n'en réalisent. La solidarité, désormais si visible,
qui unit les uns aux autres non-seulement les
membres d'une même société, mais les diverses
parties du monde civilisé, tend à faire mieux com-
prendre de jour en jour les intérêts communs de
l'humanité ; et l'extension des échanges interna-
tionaux, en mêlant à toute heure les destinées des
nations les plus éloignées, devient l'un des plus
puissants obstacles aux entraînements trop fré-
quents encore de l'esprit d'aventures. On peut,
sans jamais toucher en rien aux questions pendan-
tes, faire comprendre la haute importance de cette
évolution tout économique, et mettre ainsi en relief
le véritable caractère de ces doctrines de liberté
commerciale qui tendent à faire du globe entier,
par une application plus large de la division du
travail, un même atelier et une même famille.
Tout ce qu'il y a d'essentiel dans la science éco-
nomique est, croyons-nous, contenu dans ce rapide
exposé. Nous osons l'offrir, au nom d'une expé-
rience déjà longue, à ceux qui seront appelés à
répandre l'enseignement de cette science, avec
l'espoir qu'il leur pourra être de quelque secours.
[Frédéric Passy, de l'Institut. J
ÉCRITURE etCALLIGRAl'IlIE. — « Le but de
l'instruction primaire étant de mettre tous les en-
fants en possession des premiers instruments
indispensables au développement de leur intelli-
gence, » il est évident que l'écriture en est une
partie essentielle. C'est par l'écriture que nos pen-
sées prennent de la fixité, se classent et se préci-
sent. C'est aussi par l'écriture que nous commu-
niquons avec les absents et que nous étendons au
loin notre influence.
Si de tout temps l'écriture est entrée dans le
programme de l'enseignement primaire, il s'en
faut bien que tous les élèves l'y aient toujours
suffisamment apprise. Quand l'école était placée
dans les réduits obscurs que nous ont dépeints les
rapports de M. Lorain. et des premiers visiteurs
nommés par M. Guizot en 1833, quand le mobilier
n'en consistait qu'en quelques bancs le long des
murs et tout au plus une ou deux tables d'écri-
vains, quand le taux de la rétribution scolaire va-
riait selon que l'élève n'apprenait que la lecture,
ou la lecture et l'écriture, il y avait bon nombre
d'élèves qui quittaient l'école sans savoir écrire,
souvent même sans savoir signer leur nom. On
distinguait alors, entre ceux qui savaient lire, ceux
qui le pouvaient faire seulement sur la lettre moulée
et ceux qui déchiffraient l'écriture. Il n'est pas
bien sur qu'on ne rencontre pas encore, en quel-
ques cantons de la Bretagne, du Limousin ou des
Cévennes, des écoles où les enfants ne doivent
apprendre à écrire que lorsqu'ils, lisent couram-
ment et savent bien leur catéchisme. On trouvait
encore, il n'y a pas quinze ans, des maires et dos
curés qui recommandaiicnt cette gradation dans la
première instruction de l'enfant, et, dans maintes
écoles congréganistes de filles, les petites classes
n'avaient pas de tables à écrire. C'était là surtout
la condition des élèves gratuites ; les familles ne
ÉCRITURE
-- 643 —
ECRITURE
pouvant faire la dépense de cahiers et de plumes,
on n'enseignait pas l'écriture à leurs enfants.
Il n'est plus guère d'écoles dirigées par des maî-
tres iniellip;ents, sortis des écoles normales, où l'on
ajourne l'écriture jusqu'à ce que les élèves lisent
couramment. On comprend aujourd'hui que ces
deux branches doivent marcher ensemble et se
prêter un mutuel concours. Il est bon que le jeune
élève sache, en émettant un son ou une articulation,
tracer le signe alphabétique correspondant, et à ce
sujet nous "ne saurions trop recommander la mé-
thode récemment publiée à la librairie Hachette
sous ce titre : Enseignement simultané de la lec-
ture et de l'écriture (1 livre du maître et 2 livrets
de l'élève). D'ailleurs il existe d'autres méthodes
conçues sur le même plan : celle de M. Magnat,
directeur de l'école des sourds-muets de l'avenue
de Villiers (Sandoz et Fischbacher, éditeurs), et
celles de MM.Mougeol et Théodore (Delagrave, édi-
teur).
L'enseignement de l'écriture se généralisant, on
a dû abandonner les anciens procédés. Autrefois
le maître faisait lui-même en tête de chaque page
ua modèle qui était reproduit jusqu'au bas par l'é-
lève, c'est-à-dire de douze à quinze fois. Parfois il
venait lui prendre la main et le diriger dans le
tracé des lettres difficiles. Il devait aussi tailler
les plumes pour la plus grande partie de la classe.
Aujourd'hui tout ce travail fastidieux lui est enlevé
par la publication à bon marché des cahiers de
calque et des modèles d'écriture, et par l'usage des
plumes métalliques.
Néanmoins il s'en faut que l'écriture se soit
améliorée en proportion des facilités procurées
pour l'enseigner. Beaucoup de maîtres n'y appor-
tent plus autant d'intérêt; ils en font une partie
machinale qu'ils surveillent de loin et ne dirigent
guère. Les élèves copient les modèles sans atten-
tion parce que les défauts dans l'exécution ne
sont point relevés et qu'aucun principe ne leur est
donné pour les guider. Ils voient rarement le maî-
tre tracer devant eux la lettre qu'ils ont manquée
et leur donner la clef d'une écriture régulière.
Autrefois il existait des méthodes d'écriture à
principes bien déterminés. Aujourd'hui il n'y a
guère que des cahiers dont les modèles, quoique
généralement fout soignés, ne sauraient suffire.
Les élèves n'aperçoivent pas la raison des formes
qui leur sont offertes ; ils ne s'intéressent pas à les
reproduire, et on le voit bien par les fautes qu'ils
commettent dans le texte copié.
Une des causes qui nuisent aussi à la bonne
écriture dans les écoles primaires est la multipli-
cation des devoirs à faire dans la famille. On a peu
à peu glissé sur la pente tant reprochée à l'ensei-
gnement secondaire, et les conséquences ont été
les mêmes : l'irrégularité, l'illisibilité de beaucoup
d'écritures. Il y a, à notre avis, une réforme à
opérer sur ce point : il faut restreindre les tâches
toutes mécaniques, pour faire appel à l'invention,
à la réflexion, à la comparaison, et tenir toujours
compte de la netteté et du soin apportés à un tra-
vail écrit rendu moins considérable.
Cahiers et Méthodes d'écriture. — Le nombre
des collections ùe cahiers préparés pour les le-
çons d'écriture augmente de jour en jour. Chaque
librairie classique, chaque maison importante de
papeterie veut avoir la sienne. Nous donnons ici,
par ordre alphabétique d'auteurs, celles dont l'u-
sage est, le plus répandu.
1. V Ecriture pratique démontrée rapidement
par le système de calques et de modèles à imiter:
S cahiers de cursive par Charraux, chez Maugars.
Il n'y a pas de direction pour l'exécution ; la pente
est marquée seulement sur 3 cahiers en lignes
poinlillées.
i. L'Lcrilure des écoles et des familles, par
Clerget, ancien professeur à l'école normale et au
lycée de Dijon, chez Delagrave : 12 cahiers, 6 de
cursive, 1 de ronde, 1 de gothique, 1 d'écriture
française, 1 de bâtarde et d'expédiée et 2 d'écri-
ture allemande.
Les principes de la méthode sont imprimés sur
la couverture des cahiers et réunis dans un album
de modèles gravés avec soin, à l'usage des maîtres.
3. Cours progressif d'écriture contenant des exer-
cices propres à conduire l'élève à une bonne expé-
diée, par V. Colombel, inspecteur de l'enseigne-
ment primaire, chez Fouraut; 10 cahiers, 9 de
cursive dont 5 avec calque en noir, et 1 de bâtarde,
de ronde et de gothique.
Les principes généraux et les directions parti-
cuhères sont contenus en 3 pages de la couver-
ture.
4. Nouvelle méthode d'écriture française, par
Ed. Flament, professeur au lycée et aux écoles
normales de Douai, chez Eugène Belin : 11 cahiers,
8 d'écriture française dont 4 avec calque en bleu
clair, 1 de ronde, 1 de bâtarde et 1 de gothique.
Quelques conseils sur les couvertures.
5. Nouveaux cahiers d'écriture ou modèles gra-
dués imprimés en noir et en bleu, méthode Garnier
frères : 8 cahiers, 7 de cursive et 1 avec des mo-
dèles de ronde et de gothique.
6. Méthode d'écriture des frères des écoles chré-
tiejvies, par F. P. B., chez Godchaux : 12 cahiers,
8 de cursive dont 3 avec calque, 1 de ronde, l de
bâtarde, 1 de gothique et 1 d'exercices variés.
7. Cahiers d'écriture réglés avec modèles gravés
et gradué^, par Godchaux : 12 cahiers, 8 de cursive,
2 de ronde, l de bâtarde, 1 de gothique. Pas de
calque, ligne de pente pointillée sur 4 cahiers de
cursive.
8. Méthode générale d'écritures, par Gédalge
jeune : 12 cahiers, 8 d'anglaise, 2 de ronde, 1 de
bâtarde et i de gothique ; calque en noir sur
2 cahiers et ligne de pente pointillée sur 4.
9. Méthode rationnelle cCécriture, par L. M-aire,
chef d'institution ; chez Aug. Boyer, éditeur: 9 ca-
hiers, dont 6 de cursive, 1 de ronde, 1 de bâtarde
et 1 de gothique. Pas de calque, ligne de pente
sur 4 cahiers.
10. Méthode perfectionnée d'écritu7'e, pa.vTh. Mas-
sicault, en vente chez Bazin (maison Vanblotaque) :
10 cahiers, 7 de cursive, 1 de ronde, 1 de bâtarde,
1 de gothique. Directions pour la position du corps
et la tenue de la plume.
1 1. Cours complet d'écriture, par M'"' A. Quema,
chez Papillon et Herment, 76, boulevard Saint-
Germain: 10 cahiers de cursive, dont 6 avec calque
en bleu, le 7* avec ligne de pente seulement.
12. Cahiers d'écriture conduisant rapidement à
une bonne expédiée commerciale, par Paul Reverdy,
chez Picard-Bernheim : 10 cahiers, 8 de cursive
dont 5 avec calque en bleu, 1 de bâtarde, 1 de
ronde et de gothique.
13. L'écriture rendue facile, par L. Rollin, chez
Th. Lefèvre, rue des Poitevins, 2: 10 cahiers. 7 de
cursive dont 5 avec calque en bleu clair, 1 de bâ-
tarde, 1 de ronde, I de gothique.
1 4 Cahiers préparés d'exercices d'écriture d'après
ta Méthode élémeiitaire de citographie, par J. Tai-
clet, chez Paul Dupont: 10 cahiers de cursive dont
6 avec calque en bistre. M. Taiclet a publié à la
même librairie les conférences qu'il a faites dans
les écoles normales primaires, depuis 1860, sur
l'enseignement de l'écriture.
15. Écriture cursive : nouveaux cahiers Taupier,
chez Hachette : 16 cahiers oblongs, 10 de cursive,
2 de ronde, 2 de bâtarde, 2 de gothique.
M. Taupier avait été chargé, ainsi que M. Tai-
clet, de faire à la Sorbonne, en 1867, une confé-
rence sur l'enseisnement de l'écriture, aux insti-
tuteurs venus à l'Exposition universelle.
16. Cahiers prép.irés pour leçons d'écriture, mé-
thode A.-V. Thiolat, chez Hachette: 8 cahiers; 6 de
ÉCRITURE
— 644
ECRITURE
cursive avec calque, 1 de ronde et de bâtarde, 1 de
gotliique.
1 7. Méthode pratique cTécritvre, par le frère Vic-
torin , chez Godchaux : 12 cahiers, 8 de cursive
dont 5 avec calque en bleu, 2 de ronde, 1 de bâ-
tarde et 1 de gothique.
18. Nouvelle méthode d'écriture des frères Ma-
ristes, chez Hachette: 12 cahiers oblongs, 8 d'an-
glaise dont 5 avec calque en pointillé noir, 2 de
ronde, 1 de gotliique et 1 de bâtarde.
19. Cahiers d'écriture de l'école Monge, par
Crapelet, chez G. Masson : 9 cahiers avec tracés
pour tableau noir et lignes de pente.
20. Méthode d'écriture française, d'après les
procédés du calque et de l'imitation, par Manoury,
chez Hacliette, 12 cahiers in-4 couronne, dont 10
•de cursive, 1 de ronde, et 1 de bâtarde et de gothi-
que. Dans cette méthode, le procédé du calque est
employé d'abord, puis viennent les modèles à imiter.
On ne trouve point dans ces collections un en-
semble de principes rendant compte des proportions
des lettres. Aussi ne faut-il pas y voir de véritables
méthodes comme celles qu'ont publiées MM.Werdet
père etTaupicr à. la librairie Hachette, MM. Régnier
jeune et Clerget à la librairie Delagrave. MM. Colom-
bel et Flamentont bien donné quelques directions
sur l'exécution de leurs modèles, et MM. Massicault,
RoUin, Crapelet et les frères Maristes, sur la po-
sition du corps et la tenue de la plume ; mais il
n'y a pas là un ensemble de principes bien liés.
L'écriture la plus généralement enseignée est la
cursive ou anglaise ; M. Flament seul fait exception
dans toutes les collections énumérées plus haut.
Mais cette cursive n'a pas dans tous les cahiers les
mêmes caractères. Depuis M. Werdet, qui présente
le plus ancien type de l'anglaise (voir aux spéci-
mens, n° 1), jusqu'à MM. Régnier (n° 4) et Colom-
bel (n" 6), elle passe par une série de formes plus
ou moins penchées, plus ou moins arrondies,
MM. Clerget (n" 2) et Taupier (n °5j marquait les
degrés intermédiaires.
La pente qui dans M. Werdet, comme dans les
cahiers du frère Victorin et des frères Maristes,
est la diagonale d'un rectangle ayant 3 de base et
4 de hauteur, s'incline peu à peu et devient chez
MM. Taiclet (n" 3), Taupier et surtout Colombel,
la diagonale même du carré. Les jambages se
trouvent nécessairement plus écartés et les ron-
deurs moins marquées à mesure que la pente aug-
mente. La liaison, au lieu de partir du milieu du
jambage, paît alors du pied même du jambage.
Ce genre a l'avantage de mieux se concilier avec
le besoin d'une écriture rapide, mais on lui reproche
parfois d'être peu lisible et de tenir beaucoup de
place. C'est par réaction que s'est produit le genre
d'écriture des cahiers Flament (n" 7), l'écriture
dite française, mélange de la bâtarde et de la cou-
lée. La pente n'est guère que la diagonale d'un
rectangle ayant 5 de base et 3 de hauteur, et les
formes sont plus lourdes encore que dans la bâ-
tarde pure. Cette écriture est certainement plus
lisible que celle des cahiers Taupier et Colombel,
mais elle est moins propre à l'expédiée, parce
qu'un mot peut rarement s'écrire sans l'elever la
plume. Aussi se répand-elle peu dans les maisons
de commerce, qui lui reprochent encore la forme
lourde de ses chiffres.
Ici, comme en bien d'autres choses, il faut sa-
voir prendre un moyen terme entre les extrêmes,
comme ont fait les auteurs de quelques cahiers.
La ronde et la bâtarde sont, après la cursive,
d'ua usage très courant. Nous donnons des mo-
dèles de ces deux genres, ainsi que de la coulée
et de la gothique, d'après les excellents modèles
de Werdet (n- 8).
M. Flament a modifié la ronde classique en adop-
tant pour les lettres m et n des formes tirées de
a bâtarde, afin de ne pas les faire confondre avec
r«. Nous croyons qu'il ne faut pas mêler ainsi ce
deux genres d'écriture.
La méthode du calque fixe, si employée aujour-
d'hui, ne doit pas être trop généralisée. Elle peut
servir utilement à apprendre aux jeunes élèves la
forme exacte des lettres, mais elle suppose que le
maître a d'abord indiqué la direction selon laquelle
chaque lettre doit être exécutée. Nous ne croyons
pas, par exemple, que ces cahiers puissent lairc
l'objet de devoirs dans la famille : le jeune élève
non guidé ferait souvent de gauche à droite ou de
haut en bas ce qui devrait se faire de droite à gauche
ou de bas en haut.
Il ne faut pas que l'élève soit trop exclusivement
occupé aux cahiers préparés ; il doit s'exercer à
imiter librement des modèles et s'habituer, en
quelque sorte, à marcher sans lisières. Dans les
classes du cours supérieur, les cahiers préparés ne
doivent venir que de temps à autre pour corriger
des formes devenues irrégulières et ramener à l'ap-
plication des principes.
Dans toute leçon d'écriture le maître doit :
1° Rappeler les règles pour la position du corps
et la tenue de la plume ;
2° Faire lire le modèle, qui doit être le même pour
toute la classe;
'6° Montrer au tableau la manière d'exécuter les
lettres les plus difficiles ou celles qui sont le plus
souvent mal formées ;
4° Enfin passer do table en table pour redresser
les positions mauvaises du corps et de la plume et
corriger les formes bizarres,
L'écriture dans les écoles normales primaires.
— Le programme dressé pour l'enseignement dans
les écoles normales primaires, le 31 juillet 1851,
avait fait, selon nous, une place trop grande à
l'écriture. Cela n'a rien d'étonnant sous le régime
de la loi du 15 mars 1850, qui tendait à abaisser le
niveau de l'enseignement primaire Ct à substituer
aux connaissances solides des arts ou des procédés
tout mécaniques.
Il y était dit:
«L'écriture comprendra les cinq genres d'écriture,
qu'on est convenu d'appeler gothique, bâtarde,
ronde, coulée et cursive.
« L'écriture devra toujours être nette et facile
à lire.
« L'écriture cursive, étant d'un usage plus géné-
ral, sera plus particulièrement cultivée.
« Les modèles d'écriture contiendront des ma-
ximes religieuses et morales, des traits remar-
quables de l'histoire de France, ou des notions
scientifiques utiles aux instituteurs et aux élèves.
« Ou exercera les élèves à dresser des états
pareils à ceux qui sont en usage dans les mairies
et dans les écoles, des mémoires, des factures, etc.
« Les élèves donneront tous leurs soins, aussi
bien à l'écriture de leurs compositions et de leurs
rédactions, qu'à celle des pages qu'ils auront à
faire dans la leçon spéciale d'écriiure.
« Il y aura par semaine cinq leçons d'écriture
dans chacune des deux premières années, et deux
dans la troisième.
« On se servira pour ces leçons des cours et
modèles de Werdet, de Taupier et de Taiclet. »
C'était donner beaucoup de temps à l'écriture
quand l'histoire et la géographie n'avaient chacune
qu'une leçon d'une heure par semaine, et dans la
troisième année seulement.
On remarquera que, d'après le règlement du
15 février lSo3, sur les examens pour le brevet de
capacité, comme plus tard dans ceux du 3 juillet
1866 et du 5 janvier 1881, l'épreuve d'écriture ne
porte que sur les trois principaux genres : l'écri-
ture cursive, la bâtarde et la ronde (art. 8). Dès
lors à quoi bon inscrire, au programme des écoles
normales, la gothique et la coulée ?
Dans la circulaire du 10 mai 1855, sur les exa-
K» 1. — CURSIVE WERDET.
-^
o-
Qj^.ap^66>À^^r^ /^yf>tP7zn^yÂ^^6/^t€^ .^é^'^i^ y^^^z^^^, y^ptoûîn^.
K° 2. — CURSIVE CLERGET.
'^^uuz^^lû7^ û^^^€-'
^^:z-<;^^p^2.^cZZ€^ ^
%^
é^L^e^
^/Z^^ .^^Z-i^-
<;::c^9-7^z-<i>'2^-€^.
N"> 3. — CURSIVE TAICLET.
ay/>6/eà.
ci^i^ c^^s^c^
^s.'t..à^^f-^::i^^a-€:^c^
^^^"^^"^^
N° 4. — CURSIVE RÉGNIER.
^''C^'/^l^<^^^^l^e^l^/^
S
^.
^ i^^^^•^x^^;^> ^O-^ /
3.
-Hcx
'-L-^Z^i^
^.û-tT-a-
2:SC^{^
N" O. — CUR5IVE TAUPIEU.
<V 77
-Ty — rr-
LAi
-^-z^^-
N° 6. — CURSIVE COLOMBEL
/
^^-^/^ C<:::>:^^z
'z^^<p'y'^^^^/c^.if■^^4^ c>^^>i:^r-'-^<>^^<>^ <?^ '^^^si^^cyc/t.^
2--ci.^eyZ^>'
N" 7. — MKTQODE FLAME.XT.
r^
y7haa&. zeruJi2ya&.
N° 8. — GENRES d'Écriture d'après werdet.
(Bâtarde, coulée, ronde, gothiques.)
-vanneàer. ^^outoeoù/ey
-eçMf/ieùkiue; -eiwftûiiimie-.
aommc , Îï0urcur$ .
EDENTES
— 649 —
ÉGLISE
mens du brevet, M. Fortoul faisait observer que ,
« l'examen des copies d'écriture dénote, chez pres-
que tous les candidats qui n'ont point passé par
les écoles normales, l'ignorance absolue des prin-
cipes », et il demandait aux commissions « de juger
cette épreuve plus sévèrement que par le passé ».
Il faut bien reconnaître, en effet, que la calligra-
phie, cette partie importante des études des anciens
maîtres d'école, n'est plus aussi en honneur parmi
nos instituteurs. Cependant les administrations
publiques, les maisons de commerce et surtout
les banques tiennent plus que jamais en haute
estime les écritures régulières; elles préfèrent les
formes simples aux fioritures et la lisibilité facile
à l'élégance. Il faut donc ramener l'attention du
personnel enseignant sur cette branche essentielle
des études primaires.
L'arrêté du 3 août 1881 a fixé le nombre des
heures de leçons d'écriture, dans les écoles nor-
males d'instituteurs et d'institutrices, à trois par
semaine en 1" année, et à une par semaine en
2* année ; il n'y en a pas en 3" année.
Une bonne écriture se rattache étroitement au
dessin, et on a remarqué depuis longtemps que
ces deux branches gagnent à être enseignées con-
curremmeni. L'élève rendu attentif à la symétrie,
aux justes proportions des formes géométriques,
le devient aussi au parallélisme des lignes, au
tracé gracieux des courbes composant les majus-
cules : en un mot il s'accoutume à unir l'élégance à
la simplicité. Aussi avons-nous remai-qué à Boston
que les leçons élémentaires de dessin d'après la
méthode AValter Smith s'appuient beaucoup sur
l'étude des formes géométriques entrant dans la
composition des lettres. [ B. Berger.]
' ÉDENTÉS. — Zoologie, XII. — Les Edentés
constituent parmi les mammifères un ordre peu
homogène : quelques-uns, en effet, méritent bien le
nom qui leur a été donné par les naturalistes, et
sont presque complètement privés de dents ;
d'autres possèdent un très grand nombre de ces
organes, qui, toutefois, par leur structure, diffèrent
toujours plus ou moins des dents des autres qua-
drupèdes. Chez certains Edentés, dont le régime
est exclusivement végétal, le museau est court, la
langue épaisse, l'estomac conformé un peu comme
chez les ruminants ; chez d'autres au contraire,
qui se nourrissent d'insectes, le museau est allongé
en forme de groin, la langue filiforme, l'estumac
semblable à celui dune taupe ou d'une musaraigne.
Mais chez tous le corps est plus ou moins difforme,
la démarche gauche et embarrassée.
En tête de l'ordre des Edentés se placent les
Paresseux de lAmérique méridionale, animaux à
la tête arrondie, aux bras longs, aux doigts niun's
d'ongles robustes, à la queue presque atrophiée, à
la fourrure grossière. L'Unau et l'Aï, deux espèces
que l'on voit de temps en temps dans les ménage-
ries, sont, en captivité, d'une lenteur extrême,
mais déploient, paraît-il, à l'état sauvage une cer-
taine activité et grimpent sur les arbres pour dé-
vorer les feuilles et les bourgeons.
Ensuite viennent les Tatous, qui vivent également
en Amérique, et dont la tète, le tronc, parfois
même la queue, sont revêtus d'une cuirasse
constituée aux dépens de la peau et des poils.
Cette cuirasse se compose d'une série de bandes
articulées, de telle sorte que l'animal peut, à
l'approche du danger, se rouler en boule à la ma-
nière des cloportes. Les Tatous, qui étaient repré-
sentes, aux époques antérieures à la nôtre, par
des formes gigantesques, et qui comptent encore
de nos jours des espèces de grandes dimensions,
se nourrissent principalement de cadavres. On voit
fréquemment dans nos jardins zoologiques le Tatou
encoubert, le Tatou cahassou et le ChUnnyphore
tronqué. — D'autres Edentés, les Pmigolins, qui
habitent l'Inde et l'Afrique, ont aussi le corps pro-
tégé en dessus par une carapace, mais celle-ci
offre, au lieu de bandes mobiles, des pièces cor-
nées, imbriquées comme les tuiles d'un toit. —
Les Oryctéropes, au contraire, qui par leur aspect
extérieur méritent assez bien leur nom vulgaire de
cochons (le terre, ne présentent à la surface de leur
corps que des poils clairsemés. Dans leur pays
natal, en Nubie, en Abyssinie et au cap de Bonne-
Espérance, ces animaux passent leurs journées
dans des terriers et ne sortent qu'à la tombée de
la nuit pour se mettre à la recherche des four-
milières, dont ils éventrent les parois avec leurs
pattes et dont ils saisissent les habitants avec leur
langue visqueuse. — Enfin les Fourmiliers de
l'Amérique tropicale, qui se nourrissent aussi de
fourmis, ont les formes moins massives que les
Oryctéropes, le pelage touffu, la queue en panache
et les doigts armés d'ongles puissants.
[E. Oustalet.
ÉDIT. — Histoire générale, X\XIX-XL ; Histoire
de France, XXXVIII-XL. — Ce nom fut d'abord
donné, chez les Romains, à une ordonnance judi-
ciaire rendue chaque année par le préteur ou juge
au moment de son entrée en charge. En l'an 131
de notre ère, sous le règne d'Adrien, le juriscon-
sulte Salvius Julianus, par ordre de l'empereur,
codifia tous les anciens édits prétoriens et en
forma Védit perpétuel, qui devint la base perma-
nente de la jurisprudence romaine.
Le mot édit s'appliquait aussi, à Rome, à une
ordonnance du souverain, et c'est dans ce sens qu'il
a été employé également dans l'histoire du moyen
âge et des temps modernes.
Parmi les édits les plus célèbres, nous citerons :
Védit de Milan (313), par lequel l'empereur
Constantin accorda aux chrétiens la liberté du
culte.
Ucdit de 1037, rendu par l'empereur d'Allema-
gne Henri III, qui déclara les fiefs d'Italie hérédi-
taires, immédiats et irrévocables, et détruisit ainsi
la puissance des grands vassaux dans ce pays.
Védit de Chài.eaubriant (1551), par lequel le
roi de France Henri II proscrivit le culte protes-
tant.
h'édit de Nantes {\b9S), sous Henri IV, qui assura
aux protestants la liberté de conscience et une li-
berté nartielle de culte.
Vêdlt de Paillette (I60'0 qui tire son nom de
Ch. Paulet, secrétaire du Parlement, et par lequel
les membres ae ce corps reçurent le privilège de-
transmettre leur charge à leurs héritiers moyen-
nant le paiement d'une redevance annuelle.
EDOUAUD LE CONFESSEUR. — Histoire gé-
nérale, XVIII. — Roi d'Angleterre, fils d'Eth'elred,
monta sur le trône à l'extinction de la dynastie
danoise (1042). Il était Saxon par son père. Nor-
mand par sa mère, et avait des liens de parenté
avec le duc Guillaume de Normandie : aussi ce-
lui-ci réclama-t-il son héritage lorsqu Edouard
mourut sans enfants en 10G6. Son règne avait été
paisible. Edouard fut un prince pieux, et l'Eglise
l'a mis au rang des saints.
EDOUAUD I", II, m, rois d'Angleterre. —
V. Plantagenet.
EDOUARD IV ET 'V, rois d'Angleterre. — \,
Plantagenet et Guerre des Deux-Roses.
EDOUARD VI, roi d'Angleterre, — V. Tndor.
ÉGLISE (Etym. : du grec ekklcsia ou ekklisitty
assemblée). — Histoire générale, XVI-XXXVIII;
Histoire de France, III-XL. — Nom donné à l'en-
semble des personnes qui professent la foi chré-
tienne.
Nous avons, à l'article Christianisme, fait l'his-
toire de l'Eglise primitive. Lorsqu'un schisme, dont
les origines remontent à la querelle des iconoaas-
tes et à l'élection du patriarche Pliotius à Constan-
tinople, et qui fut définitivement consommé en 1054
(■V. Schismes), eut séparé le siège de Constantino-
EGYPTE
— 650 —
EGYPTE
pie de celui de Rome, l'Eglise chrétienne se trouva
divisée en deux fractions : l'Eglise d'Occident ou
Eglise latine, qui s'appela l'Eglise catholique,
apostolique et romaine, et qui reconnut pour chef
le pape; et l'Eglise d'Orient ou Eglise grecque,
dont le chef fut le patriarche de Constantinople.
On trouvera l'histoire de l'Eglise romaine aux
mots Papauté, Conciles, Hérésies, Schismes, Ré-
forme. Quant à l'Eglise grecque, elle vit se sépa-
rer d'elle successivement l'Eglise grecque tinie, qui
s'est rapprochée de l'Eglise romaine en adoptant
la formule signée au concile de Florence (1439), et
l'Eglise russe, qui se donna dès I58S un patriarche
distinct, celui de Moscou, et dont le chef, depuis
Pierre le Grand, est le tsar de Russie.
Plusieurs communions chrétiennes indépendan-
tes ont aussi pris le nom d'Eglise : telles sont
l'Eglise arméniejine et YEglise copte, qui ont
adopté la doctrine d'Eutychès ou le monophysisme
(V. Hérésies), et les diverses confessions dissi-
dentes qui se sont séparées de l'Eglise romaine
au xvi* siècle : YEglise luthérienne, YEglise /m-
glicane, YEglise calviniste ou réformée, YEglise
presbytérienne (V. Réforme). L'Eglise gallicane ou
Eglise de France, tout en reconnaissant l'autorité
du pape dans les choses spirituelles, avait reven-
diqué dans la célèbre déclaration de 1G82 certaines
franchises connues sous le nom de libertés galli-
cones {\. Louis XIV.)
^EGYPTE. — Histoire générale, III; Géographie
générale, III. — L'Egypte était appelée par ses ha-
bitants Kimit, Kimet, plus tard, par chute du t fémi-
nin, Kîmi, Kime, » la Noire », par opposition au
désert, Dôshirt, Dôs/iir, Dùshi, « le rouge ». Le
Delta et la vallée jusqu'au sud de Memphis étaient
To-mouri, n le pays des canaux », ou To-mih,
« le pays du Nord » ; la vallée depuis Memphis jus-
•qu'à Syène, To-ris ou Patkros, « le pays du Sud »,
Ouïsf, « la Thébaïde ». Les deux parties réunies
formaient Toouï, « les deux pays ». d'oii le titre Niù
tooiiï, « maître des deux pays », pour les rois. Le
nom sémitique Mazor, chez les Assyriens Mou-
s'ourei Mous'ri, Moudrayà chez les Perses, aujour-
d'hui, sous la forme Mvr, nom officiel de l'Egypte
■arabe, était inconnii aux Egyptiens ; le Mizrairn
<les Hébreux en est la forme duelle calquée sur la
division en deux pays des indigènes. Le nom grec
Aigyptos, . d'où Egypte, paraît dériver d'un des
noms communs de Memphis, Haïc-kou-i,tnh, avec
chute du ^féminin Hai-kou-ptnh, « la demeure de
Ptah », appliqué au pays entier.
Géographie aucierme. — L'Egypte est propre-
ment la vallée du Nil, de la première cataracte à
la mer. Au delà de la première cataracte, on ren-
contrait d'abord To-Qonous, la Nubie, puis Koush,
l'Ethiopie. On rattachait d'ordinaire à lEgypte,
vers l'ouest, les Oasis, la vallée des Lacs de Natron
(Ouady Natroun), et même l'oasis d'Ammon
{Syouah); à l'est, le pays montagneux situé entre
le Nil et la mer Rouge, et la côte de la Méditer-
ranée jusqu'au torrent d'Egypte {Oundy'l Arish).
L'Egypte était divisée en nomes ou districts, dont
le nombre et l'étendue varia selon les temps. On
en trouve le plus souvent quarante-quatre, dont
vingt-deux pour la Haute et vingt- deux pour la
Basse-Egypte, chacun d'eux administré par un
gouverneur et ayant son culte local. Les villes
principales étaient : dans le Delta, Mannofri
(Mempiiis), On du Nord (Héliopolis), Poubasti
(Bubastis), Tanis, Mendès, Saï (Saïsj ; dans la
Haute-Egypte, Hâkhninsouten (Héracléopolis), Oun
(Hermopolis), Siout (Lycopolis), Ahowl (Abydos),
Qoubti (Coptos), Ouist ou T. ope (Thèbes, Diospo-
lis Magna), Souannou (Syène) et Abou (Eléphan-
tine).
La race égyptienne pure était blanche, et succéda
à une race noire qui fut en partie refoulée vers
'intérieure de l'Afrique, en partie absorbée dans
la race conquérante. Dans le Delta elle se môla
d'éléments sémitiques et libyens, qui en modifiè-
rent profondément la physionomie. La langue était
apparentée de loin aux langues sémitiques, et pa-
raît se rattacher h une famille encore mal connue
à laquelle appartiennent les dialectes berbères et
certains idiomes, Bishori, Barea, Hadendoa, etc.,
parlés aujourd'hui encore entre le Nil et la mer
Rouge, sur les confins de l'Abyssinie. (Pour l'écri-
ture, V. l'article Hiéroglyphes.)
Religion et morale. — La religion, d'abord po-
lythéiste, ne tarda pas à aboutir à un monothéisme
pratiqué par les classes instruites. Le Soleil, la
Lune, le Nil, autant de dieux différents adorés
selon les lieux sous des noms divers : ainsi le
soleil était Rù à Héliopolis, Anbour dans Abydos,
Hor et Shou dans certaines villes du Delta. Dès
les premiers monuments qui nous aient été con-
servés, tous ces dieux n'étaient plus que des for-
mes secondes, et comme le nom, d'un seul être, qui
les résumait tous et qu'on nommait simplement
« dieu », houtir, ou « le dieu grand ». pa noutir ô/i,
Ptah ou Phtah était le nom de ce dieu à Mcmphi«,
Ammon son nom à Thèbes, Sovek son nom à Om-
bos : l'étiquette changeait, l'ôtre adoré restait le
même. Il était le « un unique, aux bras multiples. »
le « père des pères », la « mère des mères », lo
« vieillard toujours rajeuni. » Unique en substan-
ce, il n'était pas unique en personne, mais se fai-
sait père et mère, mère et fils, et composait une
véritable trinité : Ammon, le père. Moût, la mère,
Khonsou,le fils, à Thèbes; Osiris, Isis, Hor dans
Abydos; Phtah, Sokhit et Imhotpou (hnouthés) :i
Memphis. Ce dieu se crée lui-même 'i chaque ins-
tant de son existence, et, se créant, crée le ciel et
la terre. Sa vie et la vie du monde ne sont donc
qu'une création perpétuelle, et par suite une lutte
perpétuelle contre les puissances mauvaises qui
tondent 5, faire rentrer le monde dans le néant.
C'était la guerre du dieu Soleil contre le serpent
Aphophi, la guerre d'Osiris contre Set-Typhon.
Osiris, surpris en trahison par son adversaire,' dé-
membré par lui, ressuscitait par les soins d'Isis,
et, prenant le nom d'Hor, triomphait à son tour,
mais sans jamais détruire l'ennemi. Sa destinée
divine devenait le type de la destinée humaine.
L'homme, composé du corps, du double (A-«), et de
l'àme, devenait au moment de la mort identique à
Osiris : on disait YOsiris Séti, comme on dit chez
nous défunt .lean. Sous cette forme, tandis que le
corps et le double allaient s'enfermer dans le tom-
beau, où le double continuait une sorte de vie
spectrale, l'âme continuait dans l'autre monde la
série de ses existences ou plutôt de ses devenirs
{khoprioii). Elle avait h lutter contre les puissances
mauvaises, et le chapitre C.\XV du Livre des Morts
nous apprend les vertus qu'elle devait avoir pos-
sédées sur terre afin de pouvoir arriver plu? tard
à la félicité suprême. « Jamais, disait-elle devant
le jury infernal chargé de la juger, jamais je n'ai
commis de péché contre les hommes! Je n'ai pas
tourmenté la veuve ! Je n'ai pas enlevé le lait de
la bouche des nourrissons ! Je n'ai pas porté de
faux témoignage ! Je ne connais pas le mensonge !...
Je n'ai pas calomnié l'esclave auprès de son maître!
Je n'ai pas affamé ! Je n'ai pas fait pleurer ! Je
n'ai pas tué !... Je n'ai pas fait de gains fraudu-
leux!... Je suis pur, je suis pur, je suis pur. » Et
ailleurs, il ajoutait avec plus de force : a J'ai donné
des pains à qui avait faim ! J'ai donné de l'eau à qui
avait soif! J'ai donné des vêtements au nu ».' Le
culte égyptien était peu sanglant : rarement des
victimes, le plus souvent des fleurs et des fruits.
La plupart des cérémonies se pratiquaient dans
l'intérieur des temples, où les profanes n'étaient
jamais admis; à de certains jours seulement, l'ar-
che sainte, qui renfermait parfois l'image du dieu
et le plus souvent ne rcntermait rien, sortait en
EGYPTE
— 651
EGYPTE
procession sur les épaules des prêtres, et parcou-
rait les cours du temple, les rues de la ville, les
campagnes environnantes. Les statues des dieux
avaient tantôt la forme humaine, tantôt la forme
animale, tantôt une forme mixte résultant de la
confusion de l'homme et de la bête. Hor était tan-
tôt un homme, tantôt un épervier, tantôt un homme
à tête d'épervier ou un épervier h tète humaine.
L'animal ainsi choisi devenait le symbole vivant
du dieu, et prenait la dignité d'animal sacré Le
plus connu des animaux sacrés était le bœuf Hapi,
qui procédait à la fois d'Osiris et de Phtah. Vivant,
il était « la seconde vie de Phtah » et « l'âme d'Osi-
ris»; mort, il devenait Osiri-Hapi ou Sérapis. On
le reconnaissait à certaines marques spéciales
qu'il avait sur le corps : la vache qui l'avait porté
passait pour vierge et concevait par une opération
divine. Il résidait pendant sa vie dans le grand
temple de Phtah à Memphis, et après sa mort était
enterré dans le Sérapéum avec les autres Hapis,
ses prédécesseurs.
Mœurs et coutumes. — L'Egypte était un pays
féodal, dont le sol était divisé entre le roi et les
temples ou les princes qui tenaient du roi, à titre
héréditaire, des villes, des portions de nomes et des
nomes entiers. Ces princes {Inq) devaient au roi
un tribut et le service militaire ; les femmes héri-
taient au même titre que les hommes, et faisaient
passer les biens de la famille au mari qu'elles se
choisissaient et h leurs enfants. Ces petites dynas-
ties locales étaient pour la dynastie qui rognait sur
toute l'Egypte un sujet d'inquiétudes perpétuelles.
Quand le souverain vivant avait la main ferme, il
les maintenait dans l'obéissance sans trop de peii>e ;
sinon les princes refusaient le tribut, se déclaraient
indépendants, essayaient de déposséder la famille
régnante et y réussissaient quelquefois. Le reste
de la population se divisait en classes ouvertes,
■que les auteurs anciens ont confondues par erreur
avec les castes. Il est vrai que certaines fonctions
se perpétuaient dans certaines familles, que sou-
vent le fils du prêtre était prêtre et le fils du soldat
soldat; mais ce n'était pas par obligation, c'était
par hérédité d'usage ou de convenance, comme
cheir nous le fils d'un n élecin ou d'un professeur
devient médecin ou professeur à son tour. Les
inscriptions prouvent que toutes les professions
pouvaient se trouver réunies dans la même famille,
et c'est un lieu commun de la rhétorique égyp-
tienne que le scribe, c'est-à-dire, l'homme ins-
truit, arrive à tout. Aussitôt donnait-on les plus
.grands soins à l'éducation des enfants, et les éco-
les publiques étaient-elles fréquentées par les
garçons et par les filles, au moins pendant les épo-
ques brillantes. Les bourgeois, les paysans et les
esclaves n'étaient pas dans des conditions is vie
malheureuse : les ouvriers des grandes villes,
telles que Thèbes et Memphis, souffraient davan-
tage. L'impôt pesait sur la terre et sur les produits
des manufactures, sans qu'on sache au juste dans
quelle proportion. Le commerce se faisait par
échange, ou bien, la monnaie n'étant pas connue,
au moyen de lingots d'or, d'argent et . de cuivre
qu'on pesait chaque fois. L'unité courante était
Vouten, environ 'J2 grammes. Peu d'administrations
ont été a.\i%s,i iiaperassières que l'était l'administra-
tion égyptienne : chaque opération du trésor exi-
geait l'envoi de lettres, de rapports, d'ordres écrits,
dont un grand nombre sont parvenus jusqu'à nous
et nous permettent de rétablir petit à petit fout le
système du gouvernement. La loi était équitable
et douce : elle n'ordonnait que rarement la peine
de mort, et ne connaissait pas les supplices cruels
usités dans tout le reste de l'Orient. Elle était ap-
pliquée par des juges locaux, assistés d'un jury, et
relevant d'un grand conseil suprême dont chaque
membre était élu par un des nomes de l'Egypte.
L'armée se recrutait par les contingents des prin-
ces et des temples, par des levées faites sur les
terres du roi, et par l'adjonction de troupes auxi-
liaires composées de prisonniers noirs ou de mer-
cenaires asiatiques et libyens. Elle comprenait de
l'infanterie de ligne pesamment armée, de l'infan-
terie légère, et des chars. La marine militaire était
formée de matelots indigènes, et en partie d'auxi-
liaires phéniciens. Les monuments nous font con-
naître en détail la vie privée des anciens Egyptiens.
Leurs maisons étaient petites, étroites; leur train
ordinaire et leur nourriture des plus simples. La
famille était très unie ; la polygamie était permise,
mais rarement pratiquée : seuls , les Pharaons
avaient, par nécessité politique, un harem bien
rempli. La femme égyptienne était d'ailleurs aussi
libre que la femme moderne. Elle héritait au
même titre et dans la même proportion que ses
frères, conservait dans le mariage la libre disposi-
tion de ses biens. Son titre comme femme mariée
était 7iibt îït, « la maîtresse de la maison ».
Histoire : l'Egypte pharaonique. — On n'a pas
encore réussi à construire une chronologie abso-
lue qui permette de dire exactement en quelle an-
née avant J.-C. se passa tel ou tel événement de
l'histoire d'Egypte ; mais la chronologie relative
des faits est bien établie. Vers l'an oOOO avant
notre ère, un prince do Tliinis, dans la Moyenne-
Egypte, nommé Mini (Menés), réunit toutes les
principautés indépendantes qui se divisaient le
pays, et en fit un seul État, auquel il fonda une
capitale nouvelle, M-^mpliis. A partir de lui jus-
qu'à la conquête d'Alexandre, l'historien Manéthon
comptait trente dynasties. Le titre officiel de cha-
cun des rois était Souten, « le roi », ou Pherô (d'où
PAa'v;on), littéralement « la grande maison. » Par
une fiction religieuse, il était appelé Si-Râ, « fils
du Soleil », et était censé descendre du dieu.
Les trente dynasties passaient pour ne former
qu'une famille, et cette prétention était justifiée
en partie au moins : le chef de chaque dynastie
nouvelle éi ousait lui-même ou faisait épouser
à ses fils les princesses héritières de la dynastie
précédente. On partage les trente dynasties en
quatre fractions -correspondant à quatre pério-
des : la pcrio'/e Memphite (l'-x" dynasties), pen-
dant laquelle Memphis fut la capitale de l'Egypte ;
la prenâère période Thébaine (xi'^-xvi' dynasties\
séparée par l'invasion des Pasteurs de la seconde
période Thébaine (xvn^-xx° dynasties), périodes
pendant lesquelles Thèbes devint la capitale ;
enfin la période Suite (xxi'-xxx« dynasties), pen-
dant laquelle les différentes villes du Delta, et
surtout Sais, furent le siège des familles régnantes.
Les descendants directs de Mini fournirent les
deux premières dynasties (Thinites), pendant les-
quelles la constitution religieuse et politique de
l'Egypte acheva de se former. A l'ouest les tribus
libyennes, à l'est les nomades du désert, au sud
les nègres d'Ethiopie, furent vaincus et soumis au
tribut; la péninsule du Sinaï fut colonisée pour
l'exploitation des mines de cuivre et de turquoises
qu'elle renfermait, et devint partie intégrante de
l'empire. Sous les trois dynasties suivantes (Mera-
phites), des Pharaons conquérants et construc-
teurs, Snofrou, Khoufi (Khéops). Khâfri (Khe-
phren), Menkourî (xMykérinos), qui édifièrent les
trois grandes pyramides, firent de l'Egypte le pays
le plus puissant et le plus prospère qu'il y eût à
la surface du globe. Non seulement les arts, mais
la littérature étaient florissants : nous avons, de
cette époque, un traité de morale : les Insfruetions
de Phtahhotpou, des livres de médecine, et de
nombreux fragments d'hymnes. Sous la vi<= dy-
nastie (Eléphantine), les expéditions heureuses de
Pipi I'' mirent pour un moment la Nubie, et peut-
être une partie de la côte syrienne, sous l'autorité
immédiate des Pharaons. Mais des troubles éclatè-
rent, pendant lesquels Memphis perdit la prépon-
EGYPTE
— 632 —
EGYPTE
dérance. Le centre de gravité de l'Egypte se dé-
plaça et descendit vers le sud. Il s'arrêta un instant
à Khninsouten (ix* et x' dynasties, Héracléopoli-
taines}, et, après quelques oscillations, vint se
fixer à Thèbes, où il resta près de deux mille ans.
La II* dynastie d'abord, puis la iii'', firent de
Thèbes la capitale du pays entier, vers 3500 avant
J.-C. Tous les souverains delà xii' dynastie furent
à des titres divers des hommes remarquables. Ils
portèrent surtout leur attention vers le Sud. Ou-
sirtasen 1^% Amenemhaît II, Ousirtasen II refou-
lèrent, en un siècle, les tribus qui occupaient la
Nubie, et leur substituèrent des colons égyptiens.
Ousirtasen III fixa la frontière h la seconde cata-
racte. Amenemhaît III régularisa le système des
canaux qui couvraient l'Egypte, et agrandit dans
le Fayoum le célèbre lac Mœris. Sous la xiii« dy-
nastie, la conquête de l'Ethiopie fut achevée jus-
qu'à la qu:itrième cataracte ; mais des guerres ci-
viles afl'aibJirent l'Egypte et la livrèrent presque
désarmée aux pasteurs cananéens (Shos) qui n/j-
naçaicnt la ironiière syrienne. Le chef de ces pas-
teurs, Shalit (Salatis), prit Memphis ; ses succes-
seurs réduisirent les princes tliébains (xv' dynas-
tie), qui se maintenaient encore dans le sud, et ils
lormèrent, sous le nom de Hyk-shos, « rois des
pasteurs », une dynastie nouvelle (xvi'), qui régna
plusieurs siècles sur l'Egypte.
Vers l'an 2000, les princes thébains se soulevè-
rent, et pendant cent cinquante ans (xvir dynas-
tie) reconquirent pied à pied le territoire que leurs
ancêtres avaient perdu. Les Pasteurs chassés
d'Avaris (Ha-ouar) par Ahmôs I"', la xviii' dynastie
ouvrit l'ère des grandes conquêtes. Thoutmôs 1"
soumit la Syrie et pénétra jusqu'à l'Euphrate. Ses
successeurs, et parmi eux surtout Thoutmôs III,
Amenhotpou (Aménophis) II et Amenhotpou III,
portèrent la puissance de l'Egypte à son apogée.
La Mésopotamie, la Syrie, la Phénicie, l'Arabie
Pétrée, les Libyens, toute la vallée du Nil jusqu'à
la région des grands lacs, payèrent le tribut : l'As-
syrie et la Cîialdée elles-mêmes furent entamées
(V. Assyrie). Des guerres religieuses ruinèrent,
après trois cents ans, la grandeur égyptienne. Mais
ce ne fut que pour un moment. Les rois de la
XIX' dynastie, Ramsès I", Séti I'^'', Ramsès II, ra-
menèrent h l'ûb Jissance les provinces qui s'étaient
soulevées ; Ramsès II surtout, le Sésostris des
Grecs, dont le long règne de soixante-sept ans fat
peut-être le temps le plus heureux de l'Egypte.
Mais après Ramsès II, l'invasion des peuples pira-
tes de l'Archipel grec et de l'Asie Mineure, re-
poussée à grand'peine sous Minepl)tah I'' ; puis
l'usurpation de quelques princes ambitieux et
l'invasion des peuples syriens, remirent tout en
question. Ramsès III, le dernier des grands con-
quérants égyptiens, sauva encore une fois l'Egypte.
Sous ses successeurs (xx' dynastie-, le pays, épuisé
par huit siècles de luttes, perdit successivement et
sans secousses toutes ses provinces extérieures.
Les grands-prêtres d'Ammon thébain profilèrent de
la faiblesse des derniers Ramsès pour ceindre la
couronne ; mais les villes du Delta n'acceptèrent
pas leur joug. Tandis que Thèbes et l'Ethiopie
demeuraient aux mains des prêtres d'Ammon,
Memphis et le Delta proclamaient la xxi'' dynastie
(Tanite).
Elle ne fit que passer sur le trône. Le premier
roi de la xxir' dynastie (Bubastite), Shishonq P'',
essaya do recouvrer la Palestine, s'allia avec Jé-
roboam qui venait de fonder le royaume d'Israël,
prit et pilla Jérusalem. Après lui, l'Egypte ne tarda
pas à se diviser en vingt Etats indépendants. Les
ïanites de la x.xin' dynastie, attaqués par les rois
d'Ethiopie descendants des grands-prêtres d'Am-
mon, qui essayaient de reconstituer à leur profit le
royaume des Ramessides (Piônkhi-Miamoun et
KasIito\ cédèrent la place au Saîte Bokenranf
(Bocchoris, xxiv« dynastie), qui lui-môme fut dé-
trôné parShabakou, roi de Napata (Sabacon, Sua).
L'Egypte devint une annexe de l'Ethiopie (xxv*
dynastie). Ses nouveaux maîtres ne surent pas la
protéger contre les Assyriens (V. Assyrie) qui,
après avoir conquis la Palestine, venaient d'arriver
aux confins du Delta. Shabakou fut battu par Sa-
ryoukin à Raphia (720) ; son second successeur,
Taharqou (Téarcon, Tirhakah), fut moins heureux
encore. L'Egypte, conquise par Assourakhéidin
(672), reconquise par Taharqou, envahie de nou-
veau par Assourbanhabal (666), devint un champ
de bataille dont Assyriens et Ethiopiens se dispu-
tèrent la possession. Psamitik !•', de Sais, aidé par
des mercenaires ioniens et cariens, la délivra et
lui donna une dynastie nouvelle (la xxvi*), qui ré-
gna non sans gloire pendant un siècle et quart.
xNéko II, vainqueur de Josiah à Mageddo, vaincu par
Naboukoudouroussour (V. Chaldée) à Karkémisch
(610), ne put conserver la Syrie qu'il avait un moment
reprise ; Ouhabrî 'Apriès, Ouaphrîs) se rendit maî-
tre de la Phénicie et de Chypre et fat détrôné
par Ahmôs II (Amasis). Ahmôs, menacé par les
Chaldéens, puis, après la chute de la Chaldée, par
Cyrus et les Perses {\. Perse), sut maintenir son
pouvoir intact pendant plus de cinquante ans
(ô77-52.'>). L'orage éclata aussitôt après sa mon.
Psamitik III, vaincu à Péluse, pris dans Memphis,
fut détrôné : Cambyse se proclama roi et l'Egypte
devint une province de l'empire perse (S25). Elle
ne se résigna pas à sa défaite. De nombreuses
révoltes sous Darius, Xerxès, Artaxerxès I", pré-
parèrent l'avènement en 408 d'un roi national,
Amyrtasos (xxviii' dynastie, Saîte), auquel succé-
dèrent deux autres dynasties nationales, la xxix* et
la XXX'. La défaite de Nakhtnibf (Nectanébo) par
Ochus ramena les Perses (xxxi* dynastie) pour
quelques années seulement. En 330, Alexandre
conquit l'Egypte, et fonda Alexandrie sur l'empla-
cement du bourg égyptien de Rhakotis.
U Egypte gréco-romaine. — La conquête de l'E-
gypte par les Grecs rendit au pays une nouvelle
vigueur. Après la mort d'Alexandre le Grand, un
de ses généraux, Piolémée, filsdeLagus, maintint
le pouvoir de la famille du conquérant sous le nom
de Philippe Arrhidée et d'Alexandre ^Egus (xxvii*
dynastie. Macédonienne), et après la mort de ce
dernier, prenant le titre de roi, devint le chef de
la dernière des grandes dyi'asties égyptiennes
(xxxiii'), celle des Lagides. Il joignit à la vallée du
ISil la Palestine, la Phénicie, la Cœlésyrie, Chypre,
la Cyrénaîque, les côtes de la Mer Rouge, une
partie des Cyclades. Il développa le commerce, et
fit d'Alexandrie, par la construction du port, le
marché du monde oriental ; par la fondation du
Musée et de la Bibliothèque, le centre de la vie
intellectuelle de l'époque. Ses deux successeurs
Ptolémée II Philadelphe (284-246) et Ptolémée III
Evergète (246-221) portèrent au plus haut point
la puissance égyptienne; après eux la décadence
commence. Ptolémée IV Philopator (221-204),
battit encore Antiochus de Syrie à Raphia, mais
son fils Ptolémée V Epiphane (20i-181) ne fut
sauvé de la captivité que par l'intervention du
sénat romain. Dès lors ce ne furent plus que
guerres civiles et révolutions intérieures. Les Pto-
lémées avaient laissé aux Eg3'ptiens leur admi-
nistration, leur religion et leurs coutumes : ils
avaient pris tous les titres des Pharaons et s'é-
taient bornés à fonder deux colonies, dont l'une,
Alexandrie, dominait le Delta, tandis que l'autre,
Plolémais, commandait la Haute-Egypte. Cepen-
dant, les Egyptiens se soulevèrent plus d'une fois,
et essayèrent de chasser les Grecs pour rétablir
leurs dynasies nationales. Dans la dernière de ces
révoltes, Thèbes, déjà bien réduite, soutint un
siège de trois ans (87-84) après lequel elle fut
détruite par Ptolémée X : désormais, ce ne fut
EGYPTE
633
EGYPTE
plus qu'une cité ruinée, sur l'emplacement de la-
quelle s'élevèrent plusieurs bourgades. Au milieu
de ces troubles, la puissance romaine devenait de
plus en plus menaçante ; Pompée, puis Gabi-
nius, intervenaient officiellement dans les que-
relles de la dynastie. César, assiégé dans Alexan-
drie {47\ faisait et défaisait les rois. La dernière
Lagide, Cléopâtre (52-30), après avoir, par l'ascen-
dant du triumvir Antoine, dominé plusieurs an-
nées sur l'Orient, vaincue avec lui à Actium et
prisonnière d'Auguste, se donna la mort pour ne
pas survivre à la perte de la royauté (30). L'Egypte
fut réduite en province romaine.
Sous la domination des Césars, l'Egypte devint
un des greniers de Rome. Quelques révoltes aus-
sitôt réprimées marquèrent l'agonie de l'esprit
national : l'esprit religieux subsista plus longtemps.
La race indigène s'enfonça dans l'ignorance et
le fanatisme, et les maîtres latins, comme aupara-
vant les maîtres grecs, l'y encouragèrent de leur
mieux. Les grands temples d"Edfou, de Philœ, de
Dendérah, d"Ombos, d'Esnèh, sont le témoignagne
le plus splendide qu'on puisse imaginer de la fer-
veur pieuse de ce dernier âge. Ils n'étaient pas en-
core terminés quand le christianisme survint. Im-
porté de bonne heure à Alexandrie, vers l'an 62
de notre ère, il se répandit de là dans la Haute-
Egvpte. La lutte fut longue entre lui et le vieux
culte. Dès le milieu du ni' siècle, les grandes
constructions de temples étaient arrêtées ; l'Arabe
Philippe est le dernier empereur qui ait fait tran-
scrire son nom en hiéroglyphes. Au temps de
Dioclétienet de Constantin, l'Egypte était plus qu'à
moitié chrétienne, et prenait une part ardente aux
discussions théologiques qui divisaient alorsl'Eglise.
Elle était alors orthodoxe, et les deux évèques
d'Alexandrie, Alexandre, puis Athanase, furent les
défenseurs de la foi contre les Ariens d'abord, puis
contre Julien Moins d'un siècle plus tard, elle se sé-
parait de l'Eglise orthodoxe et embrassait l'hérésie
d'Eutychès (451), qui domine encore aujourd'hui
dans l'Eglise copte. Cependant, la vieille religion,
à peu près anéantie dans le Delta et dans la Thé-
baîde, se maintenait encore à Philœ avec le culte
d'Isis, grâce à la protection de la tribu des Blem-
myes, ennemie de l'empire. Elle ne disparut que
vers 554, dans les dernières années du règne de
Justinien I'^. Quant à la vie politique, elle était
morte depuis longtemps, et l'Egypte n'était plus
qu'un membre inerte de l'Etat byzantin. Envahie
par Chosroës, en C19, et soumise aux Perses pen-
dant dix ans (619-629), elle ne fut reprise par Hé-
raclius I"' que pour tomber bientôt après entre les
mains des Arabes. Amr-ben-el-As, lieutenant du
khalife Omar, l'envahit en 63^, prit Memphis, en
face duquel il fonda Foslât, qui devint plus tard
un quartier du Caire, enleva Alexandrie après un
long siège (611), et fit de l'Egypte une province
de l'empire musulman.
L'Egi//4e arabe et turque. — Elle suivit d'abord
la fortune des khalifes, et fut administrée par des
gouverneurs dépendant des Omme3-ades (661-750)
et des Abbassides \750-870). Colonisée par des tri-
bus arabes et syriennes, une partie de sa popula-
tion devint musulmane : le reste demeura chrétien
et fut d'abord traité avec douceur. En peu d'années,
les Grecs disparurent, et la seule langue qui
subsista à côté de l'arabe, langue des vainqueurs,
fut le copte, dialecte abâtardi dérive de la langue
des anciens habitants du pays. Les Coptes, em-
ployés par les Arabes comme marchands, scribes,
commis aux finances, devinrent riches et prospères.
Vers 870. le gouverneur de l'Egypte, Ahmed-ibn-
Touloun, se souleva contre le khalife de Bagdad et
se rendit indopendant. Sa dynastie, celle des Tou-
lounides, n'eut qu'une courte durée (870-904) ; après
quelques années, elle fut remplacée par les Fati-
mites de Tunis, dont le chef. Moezz, fonda Masr-
el-Qahirah, plus tard le Caire (« la Victorieuse »),
qui devint dès lors la capitale du pays (969-978).
Les premiers Fatimites furent des princes puis-
sants, qui encouragèrent l'agriculture et le com-
merce. Mais à partir de Hakim (99^-1020),"^' le
fondateur de la secte des Druses, leur domination
ne cessa de décliner. En 1096-1100, les Croisés
conquirent Jérusalem et la côte syrienne : leurs
rois Beaudoin l" et Amaury P"' portèrent à plu-
sieurs reprises la guerre dans le DelKi. Après
plusieurs guerres sanglantes, le dernier Fatimite,
réduit à l'impuissance, mourut, laissant pour suc-
cesseur son ministre Salah-eddin (Saladin), qui
fut le chef de la dynastie Eyyoubite (1171-1250).
Vainqueur des chrétiens à îlittin (11S7), Saladin
leur reprit Jérusalem et réunit la Syrie à l'Egypte.
Après sa mort fll93), ses successeurs 3Ialek-el-
Adel (I193-121.S)" et Malek-el-Kamel (1218-12:38),
rognèrent avec éclat. Mais bientôt la milice des
Mameloucks, formée d'esclaves circassiens et turcs
et qui servait de garde aux princes, détrôna les
Eyyoubites et mit son chef Malek-es-Saleh sur le
trône (1240-1249). Ce prince eut à repousser la
neuvième croisade : ce fut lui qui battit à Man-
sourah et fit prisonnier saint Louis (r,49). Après
lui, l'Egypte resta près de trois cents ans sous la
domination des Mamelouks (12i9-1517).
Les Turcs, après avoir détruit l'empire grec, se
.•etournèrent contre l'Egypte. Le sultan Sélim I"
battit successivement les princes mamelouks El-
Ghouri (1501-1516) et Toman-Bey (1517), et fit de
l'Egypte un pachalik turc. Les Mamelouks conti-
nuèrent de dominer, sous l'autorité souvent nomi-
nale d'un pacha, jusqu'à l'arrivée du général
Bonaparte en 1798. Les Français occupèrent l'Egypte
quatre ans (179S-L^OI) sous Bonaparte, Kléber et
Menou. Chassés parles Anglais, ils se retirèrent eu
laissant dans le pays des germes de civilisation
qui ne tardèrent pas à se développer. Un Turc
d'origine macédonienne, Méhémet-Ali, né en 17(;9,
réussit en I8n5 à se faire nommer pacha d'Egypte
par le sultan. Il se débarrassa des Mamelouks par
un massacre en 181 T, et commença résolument la
réorganisation de l'Egypte. Aidé par des officiers
et des ingénieurs français, il créa une armée et
une flotte dont il se servit d'abord pour soumettre
l'Arabie (l.sll-1819), la Nubie, puis plus tard, en
1832, la Syrie. Vainqueur des Turcs à Xisibi en
1839, il fut forcé par les Anglais (1841) à recon-
naître l'auloriié du sultan, et dut se contenter
d'obtenir en Egypte une sorte de vice-royauté
presque indépendante pour lui et ses successeurs.
En même temps, il essayait d'introduire en
Egypte la civilisation européenne, créait des ma-
nufactures, creusait des canaux, établissait des
routes. Après sa mort en 1849 le pouvoir passa à
son petit-fils Abbas (1849-1854), puis à son fils
Said (1854-1803) qui continua l'œuvre commencée
par son pore. La grande entreprise du canal de
Sue/, comn-ftcée sous lui en 1858, n'a été termi-
née (|u'en 1869 sous son successeur Ismaïl. Ce
dei'DJiT a été remplacé en 1879 par son fils
Tewfik.
Géographie de CEgypte actuelle. — Aujourd'hui,
la vice-royauté d'Egypte comprend la Basse-Egypte,
le Said, le Dongolah, et la province de Soudan, à
laquelle des conquêtes récentes ont ajouté le
Darfour et les provinces de l'équateur. Toute la
vallée du Nil, depuis le lac Victoria-Nyanza jusqu'à
la Méditerranée, et tout le pays à l'est du Nil
jusqu'à la mer Rouge, sauf l'Abyssinie, relève du
Khédive : c'est l'empire africain de Thoutmôs III.
Cette vaste étendue de territoire et divisée en pro-
vinces [moudiriyhp) gouvernées par un préfet
[moudir), assisté par un conseil de fonctionnaires
civils, militaires et religieux. Les provinces sont
divisées en cantons administrés par des kaslwfs.
La population est d'environ 17 000 000 d'habitants.
ELAM
— U34 —
ÉLASTICITÉ
dont 5 2^0 000 habitants pour l'Egypte propre, près
de 4O11OOHO pour le Darfour, et le reste réparti
dans les autres provinces du Soudan. La majorité
de la population est musulmane ; dans l'Egypte
proprement dite, on compte quelques cent mille
coptes chrétiens, et environ quatre-vingt mille ca-
tholiques et protestants, la plupart Européens. Le
Soudan renferme, à côté de tribus musulmanes,
un grand nombre de tribus idolâtres.
Les principales villes sont : le Caire, capitale de
la vice-royauté : Alexandrie, le grand port de
l'Egypte sur la Méditerranée ; Port-Saïd et Suez,
aux deux extrémités du canal de Suez ; Beni-souef,
Siout, Kenéh, Assouan, dans l'Egypte propre;
Dongoiah, dans la Nubie; Khartoum et Gondokoro,
dans les provinces du Soudan ; Qossélr, Souakim
Massaouah, Zéla, Berbera, ports importants sur la
mer Rouge et à l'entrée du détroit de Bab-el-
Mandeb. Le Xil et les canaux mettent en rapports
faciles la plupart de ces localités. Depuis plusieurs
années on a construit nombre de chemins de fer.
Outre la ligne d'Alexandrie au Caire et du Caire à
Suez, le Delta possède huit lignes d'importance
moindre. Une ligne partant du Caire, et allant au-
jourd'hui jusqu'au delà de Siout, dessert la Haute-
Egypte. Enfin, on a commencé récemment à con-
struire une ligne qui. partant de la seconde
cataracte, ira aboutir à Khartoum, et de là, s'il y
a lieu, rayonnera dans le Soudan.
L'armée et la flotte, assez nombreuses, sont bien
disciplinées et bien conduites, mais sans qualités
militaires. Le commerce et l'industrie, concentrés
presque entièrement entre les mains du Khédive et
des étrangers, sont assez florissants. Par malheur
les finances ont été mal administrées, et les em-
barras que le Khédive s'est créés par des emprunts
dont il a peine à payer les intérêts, amèneront tùt
ou tard des complications fâcheuses, et peut-être
la ruine de l'empire que la famille de Méhémet-
Ali a fondé sur le vieux sol des Pharaons.
[G. Maspero.]
ÉLAM. — Histoire générale, H. — Chez les
Perses Ouvayâ, chez les Grecs Elymaïs et Susia?ie.
C'est le pays situé à l'est et vers l'embouchure du
Tigre, entre la partie inférieure de ce fleuve, le
golfe Persique et les montagnes qui bordent au
sud le plateau de l'Iran. Le sol, fertile en céréales
dans les parties avoisinant le fleuve, devient boisé
et rocheux à mesure qu'on s'élève vers l'intérieur.
11 est arrosé par plusieurs rivières dont la princi-
pale. rOulaî (Eulœos), va se jeter dans le Tigre.
L'Elam a été de bonne heure le centre d'un em-
pire civilisé, dont la grandeur est contemporaine
du premier empire chaldéen- La race qui Ihabitait
était identique, pour l'origine et la langue, aux
premiers habitants de la Médie et de la Chaldée (V.
Chaldée et Méilie) ; elle employait un système d'é-
criture cunéiforme presque en tout point semblable
au système babylonien (V. Cunéiformes), et qu'on
commence à déchifl'rer sans trop de peine. Les
villes principales étaient Suse (S/iouJian) et Ba-
daka [Madaktou). Vers le xx' siècle avant notre
ère, une des principales tribus de l'Elam, celle
des Kassi (Kossiens, Cissiens), soumit la Chaldée,
et donna à Babylone une dynastie qui a fourni
plusieurs rois célèbres : Khoudour-Nakhounté,
Khammourabi (\' . Chaldée). Chassés de Chaldée, les
rois d'Elam se maintinrent indépendants et fu-
rent, pour les rois de Babylone d'abord, plus tard
pour les rois d'Assyrie, des ennemis redoutables
(V. Assyrie). Us ne furent définitivement soumis à
l'empire de Ninive que par Assourbanhabal, entre
C06 et t)40, et, après la chute de l'empire ninivite^
passèrent aux mains des Chaldéens (025), et bien-
tôt après à celles des Perses (vers 540). Darius I"
fit du leur ville, Suse, une des capitales de l'em-
pire perso.
Tout ce qu'on sait jusqu'à présent de l'Elam
montre que ce pays a joué un grand rôle dans
Ihistoire primitive de l'Asie antérieure. Peut-être
aurons-nous un jour, quand on aura fouillé les
ruines de ses villes, assez de monuments pour nous
permettre de rétablir son histoire. En ce moment,
presque tous les documents que nous avons sur
lui se trouvent dans les textes chaldéens et assy-
riens. ^ [G. Maspero.";
ÉLASTICITÉ. — Physique, V et X. — L'élasti-
cité est la propriété qu'ont les corps de reprendre
leur forme primitive lorsque certaines causes
extérieures l'ont modifiée et que ces causes cessent
d'agir. C'est ainsi qu'une lame d'acier fixée par
une extrémité et libre à l'autre, courbée, puis
abandonnée à elle-même, revient à sa première
position et reprend sa forme après une série
d'oscillations.
Les corps présentent de très grandes différences
au point de vue de l'élasticité; les uns, comme le
caoutchouc, peuvent subir de très grandes défor-
mations et revenir encore à leur premier état;
d'autres, comme l'argile ou la cire, conservent les
diverses formes qu'on leur donne successivement.
On dit que les premiers sont très élastiques, tan-
dis que les seconds le sont très peu ou pas du tout.
L'énergie avec laquelle un corps résiste à une
déformation ou tend à reprendre son premier vo-
lume, d'abord modifié, s'appelle force élastique,
force de ressort ou tension. Si on la considère
comme la mesure de l'élasticité, on est conduit à
considérer comme parfaitement élastiques les
corps tels que les liquides et les gaz, qui re-
prennent toujours leur volume, quelque modifica-
tion qu'on iui ait fait subir, aussi le verre et l'acier
trempé qui reviennent à leur premier état lorsque
la force qui les pressait cesse d'agir et se rompent
quand cette force est trop grande. Les autres corps
ne sont pourvus que d'une élasticité limitée; si
les efl'orts dépassent une certaine intensité, ils ne
reprennent plus leur forme, mais ils conservent
tout ou partie de la déformation qu'on leor a
donnée.
1. Elasticité des solides. — Un corps solide
peut être déformé sous des actions diverses, sui-
vant qu'on le tire, qu'on le presse ou qu'on le
tord; et dans les différents cas, son énergie à
reprendre sa forme primitive est variable ; on a
donc été conduit à distinguer plusieurs genres
d'élasticité; on les désigne sous les noms d'élasti-
cité de tensio7i, de compressioîi, de flexion et de
torsion.
Lorsqu'un fil, spécialement un fil métallique, est
fixé à une de ses extrémités, et qu'on exerce à
l'autre des tractions variables en y suspendant un
poids que l'on augmente graduellement, le fil
s'allonge de plus en plus, tout en restant capable
de reprendre sa première longueur, quand cessera
la force ; à moins que celle-ci n'ait été trop grande
et n'ait déterminé un allongement permanent en
dépassant la limite d'élasticité. L'allongement
temporaire ou élastique est soumis à des lois
simples : il augmente avec la longueur du fil et en
proportion de la charge supportée; mais il est
inverse du diamètre ou de la surface de la section.
On le détermine par l'expérience pour les métaux
usuels, et pour chacun d'eux on a calculé le
nombre de kilogrammes qu'il faudrait faire agir à.
l'extrémité d'un fil de un millimèti'e carré de sec-
tion pour l'allonger d'une longueur égale à la
sienne en supposant que cela fût pliysiquement
possible. Les nombres trouvés ainsi sont les
coef/icie7its d'élasticité des métaux. C'est le fer
qui, toutes choses égales, s'allonge le plus; mais
son allongement est peu considérable : un fil de
fer d'un centimètre carré de section et de 2 mètres
et demi de longueur ne s'augmente que d'ua
dixième de millimètre sous une charge de 100 ki-
logrammes.
ÉLASTICITÉ
653
ELASTICITE
Au lieu de tirer un fil ou une barre prismatique
dans le sens de sa longueur, on peut supposer le
corps appuyé sur une base inébranlable et le
charger d'un ])oids qui le comprime sans le faire
fléchir. On met ainsi en jeu Vélasticité de coin-
pression. Le corps diminue de longueur, sous
l'action de la force comprimante, de la même quan-
tité dont il s'allongerait si l'eflort lui était appliqué
par traction. La force élastique suit les mêmes
variations que dans la tension, et les coefficients
d'élasticité permettent d'en calculer la valeur.
Quand une barre est fixée par une de ses extré-
mités, on peut la déformer en la ployant, et elle
revient à sa première forme quand on n'a pas dé-
passé certaines limites. C'est Vélasticité de flexion,
celle dont les applications sont les plus nom-
breuses. Les différents ressorts dont nous faisons
usage sont des lames fléchies ou roulées en spi-
rale qui, par leur tendance à reprendre leur forme
première quand on les tendues, entraînent avec
elles, par leur force de réaction, les rouages ou
les pièces qu'elles doivent faire mouvoir. C'est
aussi à la flexion que les brins de laine ou de
crin des coussins doivent leur élasticité ; ils
agissent comme de menus ressorts tendus par le
poids supporté. Avec le temps, leur souplesse se
perd, non jias qu'ils aient perdu de leur élasticité;
mais parce que les filaments se sont enchevêtrés,
feutrés, et forment une agglomération où les di-
verses parties entravent mutuellement leur force
de ressort. C'est si vrai qu'on rend au crin et à la
laine leur élasticité première en les cardant ou en
les battant pour les défeutrer.
Enfin on développe dans un fil, en le tordant, une
élasticité spéciale dite de torsion, qu'il est très
facile de rendre manifeste ; elle n'est utilisée que
dans quelques appareils de physique.
Tous ces phénomènes d'élasticité reposent évi-
demment sur les forces moléculaires. L'énergie
qui anime une lame quand elle reprend sa forme
première est occasionnée par le dérangement des
molécules que la courbure a produit; la force
élastique est le résultat, la conséquence du chan-
gement de forme imposé au corps. Alors même
que ce changement est le moins évident, il
existe et peut toujours être rendu sensible. Ainsi
une bille d'ivoire tombée sur une table de marbre
rebondit et remonte presque à la hauteur d'où
elle est descendue, sans qu'elle paraisse avoir
changé de forme. Mais sa force élastique considé-
rable est due à une déformation et au retour
brusque des molécules à leur première position ;
car si la bille tombe sur une surface huilée, elle
marque son contact suivant un cercle et non pas
sur un point, rendant ainsi évident l'aplatissement
momentané qu'elle i subi.
II. Elasticité des liqcides. — L'élasticité des
liquides peut être mise en évidence par deui expé-
riences : une goutte de mercure sur une lame de
verre bien propre, ou une goutte d'eau sur une
surface huilée, prend naturellement la forme sphé-
rique; on peut l'aplatir et l'allonger; mais elle
redevient ronde quand on l'abandonne à elle-
même. Si dans un mélange convenable d'alcool et
d'eau, dont la densité est égale à celle de l'huile,
on dépose de ce dernier liquide, il y prend la
forme d'une sphère parfaite qui, déformée, revient
à sa première forme.
L'élasticité ne peut être développée daas les li-
quides que par la compression. 11 faut de très
grands efforts pour diminuer un peu le volume
d'une masse d'eau ; et celle-ci réagit et renvoie la
pression qu'elle a reçue.
III. Elasticité des gaz. — Loi de Mariotte. —
Les gaz sont éminemment élastiques; quel que
soit l'effort qui les comprime, ils reprennent leur
premier volume quand l'effort a disparu. Une vessie
pleine d'air rebondit quand on la jette à terre.
comme une bille d'ivoire tombant sur un plan de
marbre. Doué de la propriété d'occuper un volume
plus grand, le gaz a une force spéciale dont l'effet
est de dilater son volume, quand il n'y a pas d'ob-
stacles, ou de presser contre les obstacles qui
s'opposent à son expansion. On peut le comparer
à un ressort tendu qui fait effort pour se détendre;
et on nomme force élastique, tension ou pression,
l'efi'ort avec lequel il agit sur les parois du vase
qui le contient ou sur les corps qui y sont plongés.
Dans les circonstances habituelles, la force élas-
tique d'une masse d'air limitée ne se manifeste pas,
parce qu'elle est entravée par la résistance de l'air
environnant : une vessie à moitié remplie d'air
et fermée par une ficelle ne se gonfle ni ne s'aplatit,
parce que la pression de l'air du dehors contre-
balance la force expansive du gaz intérieur; mais
si on place la vessie sous une cloche de laquelle
on enlève l'air à l'aide de la machine pneumatique,
la vessie se gonfle, se remplit et peut même écla-
ter, sous l'effort évident de l'air qui y est con-
tenu.
Les gaz sont très compressibles ; ils diminuent
de volume à mesure qu'on les presse et réagissent
de plus en plus sur les parois des corps qui les
contiennent. On le prouve très facilement en en-
fonçant un piston dans un tube fermé par un bout.
Tout d'abord le piston s'avance dans le tube sans
difficulté, bien qu'il refoule l'air. Mais peu à peu
la résistance s'accroît, et l'effort delà main ne suffit
plus pour la vaincre ; l'air contracté sous un petit
volume gagne en élasticité, sa force de ressort
devient considérable.
Y a-t-il une relation entre les volumes différents
qu'occupe une même quantité de gaz et les pres-
sions qu'on lui fait supporter et qui mesurent sa
force élastique ? Cette question a été résolue expé-
rimentalement par l'abbé Mariotte vers i670; ce
savant est arrivé à formuler cette loi simple et
remarquable qui a conservé son nom : Les volumes
occupés par une méiiie masse de gaz sont en raiso7t
invtrse des pressions supportées, quand la tempé-
rature est invariable. Ce qui veut dire que si une
masse d'air ou d'un gaz quelconque occupe un vo-
lume de 10 litres sous la pression de l'atmosphère,
son volume deviendra 2, 3, 4 10 fois plus
petit si la pression devient 2, 3, 4 10 fois plus
grande; et inversement, le volume deviendra 2, 3,
4 fois plus grand, si la pression devient 2, 3, 4 fois
plus faible.
La vérification de la loi de Mariotte comporte
deux expériences : il faut prouver que la pression
grandit quand le volume diminue et ensuite que la
pression devient plus faible lorsque le volume
augmente.
1° On se sert, pour la première, d'un tube
recourbé à deux branches inégales, la grande ou-
verte et la petite fermée. On y verse une petite
quantité de mercure qu'on amène par tâtonnements
au même niveau dans les deux branches. On em-
prisonne ainsi dans la petite un volume d'air connu
qui se trouve être soumis à une pression égale à
celle de l'atmosphère. On verse alors du mercure
dans la grande branche ; le liquide de la petite
monte peu à peu, bien moins vile , puisque l'air
emprisonné lui oppose sa force de ressort. Quand
l'air n'occupe plus que la moitié de l'espace qu'il
tenait dans la petite branche, que son volume est
devenu deux fois plus petit, on estime sa pression ;
elle est mesurée par la force de l'atmosphère aug-
mentée de toute la hauteur de mercure qui sépare
les deux niveaux, et cette hauteur mesurée esc
égale à la hauteur barométrique du moment. La
pression est donc de deux fois celle de l'atmosphère;
elle est bien devenue deux fois plus grande.
Si le tube est très solide, que sa branche ouverte
soit très longue, on peut pousser plus loin la véri-
fication. Les physiciens modernes l'ont portée
ELASTICITE
— 656
ÉLASTICITÉ
jusqu'à 27 atmosphères d'abord, et depuis jusqu'il
une limite beaucoup plus élevée.
2° Pour montrer que la pression d'un gaz diminue
quand le volume augmente, on se sert d'une cuvu
profonde à mercure, appareil coûteux,, qu'on ne
trouve que dans les cabinets de physique. Mais on
peut lui substituer une cuve à eau d'un mètre de
profondeur et un tube d'un peu plus d'un mètre de
long, divisé en centimètres. On remplit le tube
d'eau jusqu'à 10 centimètres de son ouverture; on
le bouche avec le doigt et on le renverse sur la
cuve à eau où on l'enfonce jusqu'à ce que le niveau
de l'eau dans le tube soit sur le même plan que le
niveau de l'eau dans la cuve. On constate alors que
l'air emprisonné occupe une longueur de 10 centi-
mètres et que sa pression est celle de l'atmosphère
équivalant à une colonne d'eau de 10™3.3. On sou-
lève le tube jusqu'à ce que l'air y occupe exacte-
ment 1 1 centimètres et on mesure la coloime d'eau
soulevée dans le lube ; elle est de O^nS. La pression
du gaz à l'intérieur du tube est donc de .0"'33 — 0"93
ou S^iO. Le volume de l'air est devenu les ~ de
ce qu'il était: la pression est devenue les |A de
W'èZ ou &"40; elle a donc bien varié en raison
inverse du volume.
Cette double expérience répétée sur tout autre
gaz que l'air conduit au même résultat. Tontes les
ma-ses gazeus( s obéissent à la loi de Mariette, c'est-
à-dire qu'à chaque variation de leur volume corres-
pond une variation inverse de la pression avec
laquelle elles agissent sur les parois qui les ren-
ferment.
1. La première conséquence à tirer de cette
loi, c'est qu'une masse de gaz n'est pas suffisamment
déterminée si l'on se borne à indiquer le volume
qu elle occupe et si l'on n'y joint pas la valeur de
la pression ou au moins une indication qui permette
de trouver facilement cette dernière.
Supposons en effet une masse de gaz occupant un
volume
de V litres sous la pression H et prenant un volume
de y — — H'.
V
Le rapport des volumes est — •
H'
Le rapport inverse des pressions est —>
U
et, d'après la loi de Mariotte, on écrit
H '■
ce qui peut se mettre sous la forme
V X H = V X H' ,
c'est-à dire que le produit du volume d'i n gaz par
la press-ion qu'il supporte ou la force élastique
qu'il possède est une quantité constante.
11 est donc nécessaire d'indiquer toujours les
deux facteurs de ce produit constant, pour désigner
suffisamment un gaz. Les volumes s'expriment,
comme pour les liquides, en mètres cubes, en litres
ou en centimètres cubes. Les pressions s'énoncent
en millimètres , lorsqu'elles sont inférieures à la
pression atmosphérique (unité de IGU millimètres),
et en atmosphères et fractions d'atmosphère quand
elles sont supérieures. Ainsi on dit 20 mètres cubes
de gaz d'éclairage à la pression atmosphérique,
■JO litres d'hydrogène à la pression de g40 milli-
mètres et 20 centimètres cubes d'oxygène à la pres-
sion de 4 atmosphères.
Cet énoncé des hautes pressions a l'avantage
d'indiquer de suite approximativement la valeur de !
la force élastique du gaz, si l'on se souvient que !
l'atmosphère presse d'environ 1 kilogramme par j
centimètre carré de surface : de la vapeur à 10 at
mosphères presse donc à peu près de 10 kilogrammes
par centimètre carré.
La connaissance de la loi de Mariotte permet de
déterminer toutes les variations de volume ou de
pression que subit une masse de gaz dont on
connaît le volume et la pression correspondante.
Soit à chercher : Quel volume occupe, sous la
pression de .'>( 0 niiltimètres, une masse Je gaz de
25 litres sous la pression de TGÛ"""?
A la pression de Imm, le volume serait. .. . 25 X '760.
_ oOOmm, le volume est 500 fois moins grand
25 X "^GO
ôOO
= 38 litres
D'une manière générale, des trois quantités
données, deux forment un produit constant, qu'il
suffit de diviser par la troisième pour trouver
l'inconnue :
Produit constant..
Pression nouvelle.
= 25 X 7S0.
500.
Volume cherché
25 X 'GO
500
On résout de môme la question suivante : Quelle
est la force élastique que prend un volume d'air
mesurajit 2i centimètres cubes sous la pression
540 millimètres quand on réduit son volume à
18 centimètres cubes?
Produit constant , . 24 X
Volume nouveau 18
Pression :
24 X 540
18
= 720"'
2. Une deuxième conséquence de la loi de Ma-
riotte, c'est la variation de ia densité d'un gaz sui-
vant le volume qu'il occupe ou la pression qu'il
supporte. De ce que les gaz se compriment faci-
lement, il résulte qu'à volume égal, le poids d'un
même gaz est d'autant plus grand que la pression
est elle-même plus grande; et par conséquent, le
poids spécifique d'un gaz, autrement dit le poids
d'un litre, augmente avec cette pression. On com-
prend alors pourquoi il faut indiquer, avec la den-
sité de chaque gaz, la pression sous laquelle elle
a été mesurée. Et comme la chaleur amène dans
les gaz des changements notables de volume, on a
été conduit à prendre la densité des gaz à une tem-
pérature déterminée aussi bien que sous une pres-
sion indiquée ; on a choisi la température 0" et la
pression de ToO millimètres.
Lmite de la loi de Mariotte. — Un gaz ne peut
pas indéfiniment diminuer de volume à mesure que
la pression augmente. Il arrive un moment où les
molécules sont assez rapproch'.es pour que l'état
gazeux ne soit plus possible ; alors la substance se
liquéfie. Tous les corps gazeux connus ont pu être
amenés à l'état liquide, les uns facilement comme
l'acide sulfureux, le gaz ammoniaque, le gaz acide
carbonique , û'autres plus difficilement comme
l'oxygène, l'azote, l'hydrogène, qui ont longtemps
résisté à toutes les pressions qu'on avait essayées
sur eux. Les uns et les autres n'obéissent plus
exactement à la loi de Mariotte dans le voisinage
de leur point de liquéfaction ; mais cette loi n'en
est pas moins d'une exactitude parfaite dans les
limites où l'on en fait usage, cestà dire pour des
pressions qui. pour les gaz difficilement liquéfia-
bles conmie l'air, ne dépassent pas quinze à vingt
atmosphères.
En général, pour obtenir la condensation d'un
gaz, on le fait dégager dans un tube hermétique-
ment fermé et offrant un faible volume ; la qu^wUtô
ELASTICITE
— 657 —
ÉLECTRICITÉ
de gaz augmentant dans cet espace restreint, la
force élastique croît rapidement, et il se liquéfie
par le fait de sa propre pression ; c'est ainsi du
moins qu'on a amené à l'état liquide l'ammoniaque,
le chlore, l'acide carbonique, et tout récemment
riiydrogéne en ajoutant, pour ce dernier, à une
très forte pression, une température très basse.
Mesure des pressions- du gaz. — Manomètres. _ —
Pour estimer la force élastique des gaz plus ou moins
comprimés, et particulièrement la force de la vapeur
qui met en mouvement les machines, on se sert d'ap-
pareils appelés manomètres. Comme on mesure la
force élastique d'un gaz par la hauteur de la
colonne de mercure qui produirait, sur la môme
surface, la même pression que le gaz, le moyen le
l)lus simple qui se présente, c'est de faire agir le
i;az dans une des branches d'un tube recourbé
contenant du mercure : ce dernier s'élève dans
l'autre branche si la pression du gaz est plus
grande que celle de l'atmosphère; et dans ce cas,
la pression du gaz est égale h la pression atmo-
sphérique augmentée de la colonne de mercure
mesurée verticalement entre les deux niveaux.
C'est là le principe du manomètre à air tiljre.
Qu'il soit formé d'un lougtube recourbé dontlaplus
petite branche peut être mise en communication
avec le récipient contenant le gaz, la seconde
branche étant ouverte et verticale, ou bien qu'il
consiste en un long tube ouvert plongeant dans
une cuvette de mercure dans laquelle le gaz ou
la vapeur vient exercer sa pression, il a toujours
l'inconvénient d'exiger des dipiensions considéra-
bles, de présenter une longueur embarrassante
de 0">,76 par atmosphère, et de rendre diflicile la
lecture de ses indications.
Le manomètre à air comprimé repose sur la loi
de Mariette. C'est un tube fermé par un bout, dont
l'extrémité ouverte plonge dans le mercure d'une
petite cuvette. On y a emprisonné do l'air ; et
quand le gaz ou la vapeur comprimée d'un récipient
vient presser sur le liquide de la cuvette, celui-ci
monte dans le tube on refoulant l'air qui lui oppose
une résistance. On marque sur le tube les points
où la colonne doit s'élever pour indiquer des pres-
sions de 2, 3, 4, atmosphères, etc., dans le récipient.
Cet appareil^ beaucoup plus court que le précé-
dent, a cependant un inconvénient; c'est l'incer-
tiiude dans l'estimation des hautes pressions : on
remarque en effet, si l'on se reporte à la vérifica-
tion de la loi de Mariette, qu'à mesure que les
pressions grandissent, les volumes occupés par
l'air emprisonné diminuent, et les traits qui les
marouent se rapprochent beaucoup les uns des
autres.
Le plus employé des manomètres, c'est le
maJiomètre métaléique, dont le principe est tout
différent. Il consiste en un tube à section ellipti-
q^ae, en laiton mince, courbé et fixé à une de ses
extrémités, tandis que l'autre est en communica-
tion par un levier spécial avec l'aiguille d'un
cadran. La pression vient-elle à augmenter dans
l'intérieur du tube, celui-ci tend à se redresser, la
branche libre tire sur l'aiguille et la fait avancer
sur le cadran. L'appareil est gradué sur un bon
manomètre à air libre ; il donne alors des indica-
tions faciles à lire, et il a sur les deux précédents
le double avantage d'être peu volumineux et très
solide.
Expériences et applications. — 1 . Constater la
différence d'élasticité dune lame d'acier, d'une
même lame de fer, d'une lame de cuivre, d'une de
zinc, d'une de plomb.
2. Ployer une règle de bois ou de métal dans le
sens de son épaisseur, puis dans le sens de sa
largeur; constater que c'est plus difficile dans ce
second cas à cause du déplacement des molécules
les plus éloignées.
3. Ployer une tige fraîche de bois et remarquer
2*^ PAnTIK.
que l'écorce se plisse dans la courbure interne et
se crevasse dans la courbure externe.
4. Laisser tomber sur un plan de marbre deux
billes égales, l'une de plomb, l'autre d'ivoire ;
mesurer l'aplatissement de la première ; laisser
retomber la seconde après avoir huilé le plan et
constater qu'elle s'aplatit momentanément autant
que la bille é>^ plomb.
5. Gonfler des bulles de savon avec de l'air, les
faire tomber sur un tissu bien tendu ; elles rebon-
dissent en le touciiant ; les faire aussi rebondir sur
une couche d'acide carbonique occupant le fond
d'un grand vase.
G. Approcher d'un foyer un petit ballon gonflé,
il augmente de volume jusqu'à faire éclater son
enveloppe.
7. Chercher de combien s'allongerait, sous une
charge de 100 kilgr. , un fil de fer de 10 mètres de
long et fie 3 millimètres carrés de section, le coef-
ficient étant de 18613. [Haraucourt.]
ÉLKCTniClTÉ. — Physique, XXII-XXVIL —
(Etym. : du grec elektron, l'ambre jaune.) — La
partie de la physique qui porte aujourd'hui le
nom à' électricité n'a pris une importance véritable
que depuis le milieu du siècle dernier. Les anciens
n'avaient su apercevoir aucune relation entre les
phénomènes d'attraction exercée sur les corps lé-
gers par les résines préalablement frottées, et ces
autres phénomènes grandioses ^éclair, tonnerre,
foudre) dont nous sommes les témoins pendant
les orages.
I. Premiers phénomènes. — La tradition veut que
ce soit le philosophe grec Thaïes qui ait le premier
appelé l'attention de ses contemporains sur la pro-
priété attractive développée dans l'ambre jaune
ou succin par le frottement ; ce qu'il y a de cer-
tain, c'est que jusque dans les premières années
du XVII' siècle, jusqu'en 1600, année de la publi-
cation du livre du physicien anglais William
Gilbert, la science de l'électricité ne comprenait
que ce fait unique : Le succin frotté attire les
corps légers et les maintient pendant quelque
temps adhérents à sa surface. Gilbert établit le
premier qu'une foule d'autres substances : verre,
gomme laque, soufre, soie, jouissent exactement de
même propriété.
L'Allemand Otto de Guéricke construisit, cin-
quante ans plus tard, la première machine élec-
trique qui ait existé, et qui était composée simple-
ment d'un globe de soufre auquel on imprimait
un mouvement de rotation. Le frottement de la
main contre le globe de soufre provoquait un dé-
veloppement continu d'électricité. Otto de Gué-
ricke obtint avec cet appareil les phénomènes d'at-
traction déjà connus et, en outre, l'étincelle élec-
trique et la traînée lumineuse qui a la même
origine. Il faut aller jusqu'en 1727 pour constater
des découvertes importantes dans le même ordre
de phénomènes. Gray annonça et démontra à cette
époque, par de nombreuses expériences, que tous
les corps de la nature, sans exception : solides,
liquides, gaz, sont susceptibles de s'électriser par
le frottement tout aussi bien que la résine et que
le verre. Seulement, tandis que ces dernières sub-
stances (résine et verre), conservent pendant un
certain temps l'électricité amenée sur elles par le
frottement, ou pour mieux dire ne transmettent pas
à d'autres corps par voie de conductibilité l'élec-
tricité qu'elles ont reçue; au contraire, les métaux,
le bois, etc.. conduisent bien le fluide électrique à
mesure qu'on le développe à leur surface et le
cèdent aux corps avec lesquels ils sont en contact.
En un mot, Gray mit en évidence ce point capital,
qu'au point de vue des phénomènes électriques
les corps de la nature se divisent en deux catégo-
ries : les bons conducteurs de l'électricité (mé-
taux, êtres vivants, etc.), et les mauvais conduc-
teurs (verre, soufre, résine, etc.).
ELECTRICITE
— 658 —
ELECTRICITE
II. Hypothèse des deux fluides. — En 1733-34, Du
Fay, membre de l'Acadcmie des sciences de Paris,
alla pins loin : il établit par des expér-«nces décisives
que rélecaùcité qui se développe sur le verre par le
frottementavecla laine u'a pas la môme propriété que
celle qu'on produit sur la résine en se servant du
même frottoir. Ces expériences, tout h fait nouvelles
à l'époque où furent elle signalées par Du Fay, devin-
rent le point de départ de l'iiypothèse célèbre des
deux fluides électriques, — fluide vitré, fluide rési-
neux, qu'on a nommés plus tard fluide positii,
fluide négatif, — hypothèse que l'on conserve encore
pour l'explication élémentaire des phénomènes
électriques, parce qu'elle donne un moyen com-
mode de grouper les faits et de montrer leur
dépendance mutuelle, mais sur l'insuffisance de
laquelle personne ne se fait aujourd'hui d'illusion.
L'hypothèse dont il s'agit peut être ramenée à la
formule suivante : tous les corps sans exception
renferment un fluide électrique, neutre ; ce fluide
doit sa neutralité à la combinaison de deux élé-
ments distincts : le fluide vitré, le fluide résineux.
Ces derniers ont en efi"et des propriétés antago-
nistes qui se masquent réciproquement. Ils sont
tels que mis en présence et de noms contraires, ils
s'attirent ; mis en présence et de même nom, ils se
repoussent.
III. Bouteille df- Leyde. — Douze ans après la dé-
couverte de Du Fay, en 1746, une expérience de-
meurée célèbre fut réalisée à Leyde par Cuneus
et Musschenbroeck : ces physiciens parvinrent à
condenser l'électricité, et, comme on le disait alors
plaisamment, à la mettre en bouteille. A l'aide
d'un simple flacon de verre, plein d'eau, tenu à la
main et dont l'intérieur était mis en communica-
tion métallique avec le conducteur d'une machine
électrique d'Otto de Guéricke, ils obtinrent des
effets d'une énergie exceptionnelle. Les fortes étin-
celles que l'on produisait ainsi, les secousses vio-
lentes qui se manifestaient dans le corps des ani-
maux traversés par la décharge, purent être
reproduites à volonté avec un dispositif d'appa-
reils très peu compliqué. La bouteille de Leyde
— c'est le nom qu'on donna à l'instrument de
Cuneus et de Musschenbroeck — fut considérée
pendant quelques années comme la merveille de
la physique. La singularité de ses effets frappa
l'imagination du public ; la condensation facile
qu'elle produisait de cette électricité qui n'avait
paru jusque-là qu'une force très faible, provoqua
la curiosité et les investigations des savants ;
Le Monnier (Louis-Guillaume; et l'abbé Nollet sur-
tout varièrent les expériences de mille manières, et
donnèrent à la bouteille de Leyde des formes diver-
ses : l'eau qui la remplissait au début fut rempla-
cée par une feuille métallique, la main qui la sou-
tenait pendant la charge ne fut plus jugée néces-
saire ; on lui substitua une armature de métal com-
muniquant au sol. On passa ensuite de la bouteille
de Leyde ordinaire aux jarres électriques, aux bat-
teries, tous appareils encore utilisés de nos jours
pour donner (quelque idée des puissants effets
de la foudre.
IV. Electricité atmosphérique. — C'est à Benja-
min Franklin qu'est due l'idée de constituer de
vastes condensateurs par l'association de plusieurs
l)outeilles de Leyde. C'est à lui qu'appartient tout
d'abord la réalisation des expériences qui démon-
trèrent l'identité de la foudre et de l'électricité.
Cette identité avait sans doute été soupçonnée
avant lui par l'abbé Nollet et les physiciens de l'é-
poque. Il y avait même eu un essai de démonstra-
tion expérimentale tenté par Dalibard à Marly-la-
■yille. Mais ce ne fut véritablement qu'en 175'.? que
Franklin, par la célèbre expérience du cerf-volant,
armé d'une pointe métallique et dirigé vers un
nuage, vint fixer les idées des savants sur ia cause
vraie des phénomènes orageux.
Dans la seconde moitié du dix-huitième siècle,
l'électricilé se constitua réellement à l'état de
science ; elle devint un chapitre important de la
pliysique générale. Franklin, après avoir établi,
comme nous le disions plus haut, les bases de cette
partie de la météorologie qu'on a appelée Vélec-
tricité atmosphérique, inventa le paratonnerre et
décrivit la meilleure disposition à adopter pour le
rendre efficace. Les travaux entrepris depuis
Franklin, les rapports des commissions académi-
ques en vue d'assurer la protection des édifices
contre la foudre, n'ont modifié que bien peu les
indications que le savant américain avait fournies.
\ . Galvanisme. Pile de Voila. — Dans le même
temps, un médecin de Bologne, Galvani, se livrait
à des études sérieuses sur les contractions spas-
modiques qu'éprouvaient les muscles des animaux
récemment tués, quand on mettait ces muscles en
contact avec certains métaux; il croyait en aperce-
voir la cause dans la production d'une sorte dé-
lectricité, la même qui prenait naissance dans les
centres nerveux et à laquelle les nerfs servaient de
conducteurs. .Volta, professeur à l'Université de
Pavie, répéta en les variant les expériences te
Galvani; il fut conduit à une conclusion touie
différente. Il attribua au passage de l'électricilé
ordinaire dans les muscles les contractions obser-
vées. Cette électricité, selon lui, avait son foyer
de production, non pas dans les ganglions nerveux
principaux, comme l'avait pensé Galvani, mais bien
dans les métaux de nature différente que le mé-
decin de Bologne avait employés pour faire com-
muniquer ensemble les nerfs lombaires et les
muscles des pattes dans une grenouille fraîche-
ment écorchée. Tel a été le point de départ de
cette célèbre théorie du contact que Volta géné-
ralisa depuis en attribuant, dans l'espèce, la
faculté productrice de l'électricité, non pas seule-
ment aux métaux de nature différente, que l'on
fait toucher l'un à l'autre, mais encore à toutes
les substances d'origine quelconque, organique et
inorganique, ofl'rant une constitution ou une com-
position différente, et qui sont en contact immé-
diat.
Les expériences de Volta le conduisirent à la
découverte de la pile qui porta son nom, décou-
verte qui date de la dernière année du dix-hui-
tième siècle (1800), et qui a été l'origine d'appli-
cations si importantes dans les sciences, dans
l'industrie, dans la médecine.
La pile de Volta eut pour point de départ, dans
sa construction, les principes théoriques suivants :
1° Deux métaux différents en contact constituent
une source permanente d'électricité; l'un des mé-
taux est chargé d'électricité positive, l'autre d'élec-
tricité négative. La force particulière, qui naît à la
suite du contact et de ces métaux, et qui provoque
jusqu'à une certaine limite la décomposition du
fluide neutre, a été nommée par Volta foixe e/ec-
tro-motrice ; 2° quand les substances en contact
ne sont changées ni l'une ni l'autre, cette force
électro-motrice conserve une grandeur constante:
que les dites substances soient préalablement olec-
trisées ou qu'elles ne le soient pas, qu'elles soient
ou non en communication avec le sol, elle est me-
surée, dans tous les cas, par la différence des char-
ges électriques qui s'accumulent sur les corps e n
contact.
La conséquence rigoureuse de ces deux principes,
c'est que la charge électrique dans une même pile
doit aller en croissant, à mesure qu'on augmente le
nombre des couples métalliques qui la consti-
tuent {zinc-cuivre dans l'appareil de Volta), mais
à la condition toutefois que ces couples soient
séparés l'un de l'autre, par un corps simplement
conducteur (rondelle de drap imprégnée d'eau
acidulée). De plus, l'une des moitiés de la pile
duit Cire exclusivement chargée d'électricité posi-
ELECTRICITE
— 659 —
ELECTRICITE
tive, l'autre d'électricité négative, et les tensions
de chaque électricité doivent aller en augmentant,
depuis le milieu où les charges ne peuvent être
que nulles, jusqu'aux extrémités nommées pôles
où elles sont maximum.
Toutes les conséquences de la théorie se sont
trouvées vérifiées par l'expérience. La première
pile imaginée par Volta, la pile à colonne, com-
posée de couples zinc-cuivre, superposés et sépa-
rés l'un de l'autre par des disques de drap
humide, fournit en effet tous les résultats qui
viennent d'être indiqués. Le côté de la pile qui se
termine par un zinc est un pôle positif, celui
qui se termine par un cuivre est un pôle négatif;
la charge électrique est nulle au milieu de la pile,
et présente sa plus grande intensité à chaque
extrémité. Quand on met en communication les
deux pôles par l'intermédiaire d'un corps con-
ducteur, un fil de cuivre par exemple, les élec-
tricités de nom contraire qui s'j" trouvaient accu-
mulées se réunissent par la voie conductrice qui
leur est offerte. De là est venue aux premiers
expérimentateurs cette idée, que l'hypothèse des
fluides ne pouvait manquer de faire naître, de l'exis-
tence, dans le fil conducteur interpolaire, d'un
double courant d'électricité : l'un de fluide posi-
tif, marchant dans le fil métallique du pôle zinc au
pôle cuivre de la pile, l'autre cheminant en sens in-
verse, dans le même fil, du pôle cuivre au pôle
zinc. Empressons-nous d'ajouter qu'on est convenu,
et ceci est parfaitement arbitraire, d'appeler sens
du courant, la marche du fluide électrique du
p Me positif, pôle zinc de la pile à colonne, au pôle
négatif, pôle cuivre de la même pile, dans le
fil conducteur interpolaire. En réalité, pour nous
et en dehors de toute hypothèse, la définition
du courant doit être celle-ci: c'est l'état physique
spécial, signalé par despropriétés distinctes, dans
lequel se trouve placé tout corps conducteur qui
réunit les deux pôles d'une pite.
La théorie du contact de Volta, vraie dans le
fond, est trop restreinte, quand on s'en tient à la
formule adoptée par son auteur. Il est démontré
aujourd'hui que toute action chimique, quelle
qu'en soit l'origine, action qui suppose toujours le
contact préalable de deux substances de nature
différente, est accompagnée d'un dégagement d'é-
lectricité. S'il s'agit par exemple d'un métal atta-
qué par un acide, le métal se charge toujours
d'électricité négative, et l'acide d'électricité posi-
tive. Dans la pile de Volta, en particulier, le zinc
est le métal attaqué ; l'acide sulfurique, dont la
rondelle du drap est imprégnée, représente le
corps attaquant : le zinc se charge donc d'électri-
cité négative, et le drap humide d'électricité posi-
tive; le cui\Te de chaque couple n'étant point at-
taqué par l'acide, joue simplement le rôle de corps
conducteur.
La théorie chimique de la pile est fondée sur
des faits d'expérience, qui ne sauraient laisser
aucun doute en ce qui concerne leur interpré-
tation. 'Son seulement elle a rendu compte des
eft-eis produits par l'appareil qu'avait imaginé
Volta, par la pile h colonne, mais encore elle a
conduit les physiciens à améliorer, à perfection-
ner les piles à ce point qu'il est devenu possible
de recourir à leur emploi quotidien, même pour
d'importantes opérations industrielles.
La pile à colonne en effet, et toutes ceU'es qui
en dérivent immédiatement — pile à couronne de
tr.sses, pile à auges, pile de Wollaston, etc,. —
avaient un inconvénient commun : à la suite de leur
mise en activité, le courant auquel elles don-
naient naissance s'affaiblissait de plus en plus
avec rapidité, et au bout de peu de temps, une
demi-heure, une ou deux heures au plus, ce cou-
rant devenait sensiblement nul. On a recherché les
causes de cet affaiblissement en utilisant les don-
nées que fournissait la théorie chimique; on les
a découvertes, et bientôt on a trouvé le moyen de
les supprimer.
VL Piles à courimt co'istant. — Le courant élec-
trique, qui ne peut exister qu'autant que le circuit
dans lequel il va se mouvoir est un circuit com-
plet, un circuit fermé, ne parcourt pas seulement
le fil extérieur interpolaire ; il se complète en tra-
versant tous les corps de nature diverse et plus ou
moins bons conducteurs qui sont interposés sur
son chemin entre les deux pôles dans la pile elle-
même. Dans ce parcours, il trouve de l'eau (HO)
qu'il décompose; il amène l'hydrogone (H) sur le
conducteur non attaqué, le cuivre dans la pile
ordinaire de Volta, et l'oxygène (G) sur le métal
attaqué, le zinc. — Le même eô'et est produit par
ce même courant dans la dissolution saline (sul-
fate de zinc, ZnO, SO?;, qu'il traverse nécessai-
rement dans toute pile voltaïque. De là transport
du zinc Zn) dans le sens du courant, c'est-à-dire
sur le cuivre, et de toute la partie non métallique
(SO^) qui appartenait au sel, en sens contraire du
courant, c'est-à-dire sur le zinc.
Or il résulte de ce transport d'éléments très fa-
cilement oxydables (H et Zn) sur le cuivre que ce
dernier se trouve recouvert d 'une couche métalli-
que attaquable par les acides; que cette couche
est en efiet attaquée; et que dès lors le cuivre,
qui recueillait tout d'abord l'électricité positive de
l'acide, change de rôle et devient au contraire une
source d'électricité négative; un courant de sens
contraire au courant principal prend dès lors nais-
sance. Moins intense que lui au début, il aû'aiblit
d'abord les effets de ce dernier; mais son intensité,
allant toujours en croissant, devient forcément
égale à celle du courant primitif; les deux flui
électriques de sens inverse s'annulent alors l'un
l'autre, et tout se passe à partir de ce moment
comme si le com-ant primitif n'existait pas.
On a remédié à ce grave inconvénient par la
construction des piles à deux liquides, dites aussi
piles à com-ant constant. Sturgeon imagina d'abord
de substituer le zinc amalgamé au zinc ordinaire.
Ce fut la une première amélioration qui a son im-
portance. Glace à l'emploi du zinc amalgamé, l'ac-
tion chimique ne s'exerce point de la part de l'a-
cide sur le métal tant que les deux pôles de la pile
ne sont point réunis par un conducteur distinct. Le
zinc s'use donc en moindre quantité et d'ailleurs,
quand le courant passe, l'attaque du métal est plus
régulière. M. Becquerel construisit, sans s'en
douter, une pile à courant constant qui ne reçut
aucune application; l'honneur de la découverte
revient équitablement au physicien Danieil.
Un élément Danieil est ainsi constitué : vase
cylindrique de grès à l'extérieur, vase poreux ou
sac de toile concentrique à l'intérieur, lame de
cuivre contournée en cylindre, entre le vase de
grès et le vase poreux, et enfin lame de zinc dans
le vase poreux. Une dissolution saturée de sulfate
de cuivre baigne la lame de cuivre et remplit l'es-
pace annulaire compris entre les deux vases ; de
l'eau acidulée remplit le vase poreux et se trouve
en contact par suite avec la lame de zinc
La production de l'électricité dans cet élément
est due, comme toujours, à la cause déjà indiquée :
l'attaque du zinc par l'acide ; le zinc se charge
d'életiricité négative et devient le pôle négatif de
cette pile ; l'acide et le sulfate de cuivre, qui sont
en contact par l'intermédiaire du vase poreux,
recueillent l'électricité positive et la transmettent
au cuivre qui devient ainsi un pôle positif. Où est
donc la différence avec les piles anciennes ? la voici :
L'hydrogène provenant de la décomposition de l'eau
dans l'élément est arrêté par le sulfaife de cuivre
(CuO,S03; qu'il réduit : en cuivre (Cu) qui va se
déposer sur la lame de cuivre, et en SO^ ou SO' -f O
qui va attaquer le zinc. Donc déjà, point d liydro-
ELECTRICITE
- 660
ÉLECTRICITÉ
gène allant recouvrir le zinc. En second lieu, le
sulfate do zinc est, lui aussi, dccouiposé par le cou-
rant, mais le zinc est arrête par le vase poreux;
enfin, pas de dépôt de cuivre possible sur le zinc.
On le voit, les causes d'affaiblissement du courant
ont été éliminées, son intensité doit demeurer sen-
siblement constante.
On a fait varier de bien des manières les dis-
positions adoptées par Daniell. Mais en principe
le mode d'opérer est resté le même. Toujours, dans
les piles nouvelles, l'hydrogène transporté trouve
sur sa route un composé susceptible de réduction
qui l'arrête et l'absorbe : dans la pile de M. Marié-
Davy c'est le sulfate de mercure ; dans la pile de
Grove cost l'acide nitrique, et en môme temps le
cuivre esi remplacé par une lame de platine plon-
gée dans cet acide ; dans la pile de liunsen c'est
encore l'acide nitrique, mais c'est du charbon de
cornue qui est substitué à la lame de cuivre de
l'élément Daniell.
Dans les piles nouvelles comme .dans les piles
anciennes, les éléments voltaiques ont pu être
ajoutés les uns aux autres de manière à augmen-
ter la puissance des effets. Il y a d'ailleurs, quel
que soit l'élément employé, deux modes de grou-
pement possible : le groupement en série et le
groupement en batterie. Dans le premier cas, h'S
éléments sont réunis l'un à l'autre par leurs pôles
de nom contraire. Chaque élément dans la pile en
série a son pôle positif en contact immédiat avec
le pôle négatif de l'élément qui le précède et son
pôle négatif en contact avec le pôle positif de
l'élément qui le suit. Le pôle libre dans le pre-
mier anneau de la chaîne est le pôle positif de la
pile; le pôle libre dans le dernier anneau est le
pôle négaiif. C'est avec la pile disposée en série
qu'on obtient les effets de tension, la lumière
électrique, etc.
Dans le second cas, les pôles de même nom de
tous les éléments qui doivent former la pile sont
réunis ensemble métalliquement, de telle façon
que la pile tout entière n'est autre qu'un élément
unique dont la surface serait égale à la somme des
surfaces de tous les éléments individuels. La pile
dite, cette fois, pile en hatterie, ne produit pas des
effets de tension, mais des effets de quantité : l'in-
candescence de fils fins métalliques, etc.
yïl.Ëlectro-magjiétisine. — Le courant fourni par
une pile quelconque agit à distance sur l'aiguille ai-
luaniée. (-'est là un phénomène desplus remarqua-
bles. Sa découverte est due au physicien danois OEr-
sted, qui le signala au monde savant en 18'20. L'expé-
rience est du reste des plus simples. Le fil de
cuivre qui réunit les deux pôles d'une pile est
placé dans le méridien magnétique au-dessus ou
au-dessous d'une aiguille de déclinaison et parallè-
lement à sa direction ; on voit aussitôt l'aiguille se
dévier et tendre à se mettre en croix avec le cou-
rant. Seulement, son pôle nord ou austral dévie d'une
manière inverse vers l'orient ou vers l'occident,
suivant que le courant est placé au-dessus ou au-
dessous de l'aiguille. Ampère a indiqué un moyen
commode de formuler clairement et dans tous les
cas possibles la loi du phénomène. Pour cela, il
distingue dans le courant un côté droit et un côté
gauche, comme il existe une droite et une gauche
dans le corps de l'homme, et il les définit de la
manière suivante : qu'on suppose un spectateur
couché dans le courant de manière que celui-ci
lui entre par les pieds et lui sorte par la tète;
qu'on suppose en outre que le spectateur regarde
dans tous les cas l'aiguille aimantée; sa droite et sa
gauche seront la droite et la gauche du courant.
Ceci convenu, la loi d'OErsted peut être énoncée
ainsi : Quand un rounuit e*t }>lacf pa' a lèemen/
àwie aujudle de dcclinais''/i et dims so?i voisinage,
cette aiguille se met en croix w ec le courdiit et de
telle façon que son pôle austral se trouve porté
à la gauche dudit courant. Cet énoncé comprend
tous les cas possibles et permet de prévoir à l'a-
vance de quel côté aura lieu la déviation de l'ai-
guille. De même, quand le sens de cette déviation
est connu par un essai direct, on pourra en con-
clure la position de la gauche du courant et par
suite le sens de ce dernier. C'est sur ce principe
qu'a été construit le galvanomètre, instrument
composé essentiellement d'une aiguille de décli-
naison parfaitement mobile placée autour d'un
cadre en bois de forme rectangulaire et à gorge,
sur lequel est enroulé le fil de cuivre dans lequel
circulera le courant. L'aiguille étant, dans son état
d'équilibre, parallèle au long côté du cadre et par
suite au fil conducteur du couiant,sera déviée dans
un sens ou dans l'autre aussitôt que le courant pas-
sera, et le sens de sa déviation accusera le sens-
véritable du courant. De plus la grandeur de cette
déviation permettra d'apprécier, par une gradua-
tion préalable, l'intensité de ce même courant.
L"idée de multiplier ainsi le courant autour de
l'aigui'le en enroulant le fil sur le cadre de bois est
due à Schweigger. L'idée d'augmenter la sensibilité
de l'instrument en employant dans le galvanomè-
tre deux aiguilles solidaires lune de l'autre, paral-
lèles l'une A l'autre et avec leurs pôles de nom
contraire en regard (aiguilles astatiques), est due à
Nobili.
Vlll. Thei^mo-électriciié. — Une découverte de
Seebeck qui date à peu près de la même époque
que celle d'OErsted — Seebeck i8-3,OErsled 1S20 —
celle du courant thermo-électrique, n'a été possible
que glace à la faculté que donnait le galvanomè-
tre de constater le passage des courants et, au be-
soin, dé mesurer leur intensité. Le point de dé-
part de la production de ces courants est celui-ci :
Si l'on chaufl'e, en un quelconque de ses points,
un circuit métallique homogène, il s'établit de part
et d'autre du point chaufl'e des courants égaux et
de sens conti'aire qui s'annulent en se croisant
dans le circuit fermé. Tout se passe alors comme
si aucun flux d'électricité n'avait été mis en mou-
vement. Aucun efl'et d'électricité n'est sensible.
Mais si à droite et à gauche du point chauffé les
métaux sont de nature difl'érente ou bien si le
même méial y possède des structures non iden-
tiques, les courants qui prennent naissance de part
et d'autre du point chaufl'e n'oni pas la même in-
tensité. Ils ne s'animlent plus réciproquement, la
résultante est égale à leur différence, et l'aiguille
du galvanomètre placée dans le circuit est déviée.
C'est surtout en soudant ensemble bout à bout
deux barreaux métalliques d'espèce diflerente' (bis-
muth-antimoine, cuivre-platine), et en chauffant ju
point de soudure (le circuit qui comprend les deux
métaux étant d'ailleurs complété par un fil conduc-
teur), qu'on est arrivé à faire naître des courants
thermo-électriques qui ont été utilisés dans quel-
ques cas pour des expériences de physique. La
pile de Melloni, qui a rendu tant de services dans^
l'étude de la chaleur rayonnante, est précisément
construite d'après ces principes.
La découverte d'OErsted, la science de ïélectro-
magnélisme qu'il a fondée, ont eu la plus grande
portée tant au point de vue des spéculations théo-
riques qu'à celui des applications industrielles.
Pour la première fois, en 1820, on aperçut le lieu
étroit qui unissait le magnétisme à l'électricité. Il
était réservé à un physicien français, à Ampère, de
fondre désormais ces deux sciences en une seule
et d'établir par des expériences décisives cette
vérité fondamentale, que les phénomènes du ma-
gnétisme sont tous explicables par le seul fait de
l'existence de courants électriques dans des condi-
tions bien déterminées.
I\. Electro-ilynaniique. — Il y avait dix mois à
peine que l'expérience d'OErsted était comme, et
déjà Ampère, s'aidant à la fois du calcul et de
ELECTRICITE
— 661 —
ÉLECTRICITÉ
l'expérience, avait créé de toutes pièces l'électro- ' réalisée : un fil de cuivre contourné en spirale et
d!///am/g((e, la science de l'action des courants sur J rendu mobile autour d'un axe vertical , a été
les courants. Cette création a eu cela de très re- parcouru par un courant; aussitôt le petit appa-
marquable qu'elle a été complète dès l'origine : ' reil qu'on a nommé un' sehhiou/e s'est comporté
tout a été calculé, tout a été prévu, et les pbjsi- ' comme l'aiguille aimantée, et sous l'acdou terros-
ciens qui ti la suite d'Ampère se sont occupés ' tre son axe a pris la direction sud-nord et de telle
d'électro-dvnamique n'ont ajouté rien d'essentiel 1 manière que le courant descendant du sélénoîde
à la découverte du savant français. On trouverait marchait de l'est à l'ouest. Les sélénoïdes fixes
peu d'exemples dans les sciences expérimentales [ agissent sur des solénoides mobiles comme le font
de conceptions aussi vastes, embrassant un nombre , des aimants fixes sur des aimants mobiles,
aussi considérable de phénomènes et complète- En un mot, toutes les expériences exécutées
ment réalisées par un seul homme en aussi peu ^ avec les aimants réussissent de la raêiue manière
de temps. avec des sélénoïdes. L'identité du magnétisme et
Les courants agissent sur les courants suivant de l'électricité est aussi bien démontrée qu'il est
des lois très simples : Deux courants parallèles ' possible.
et de même sens s'atlirent. — Deux courants pa- 1 X. In'hiction. — .fusqu'en 1832 les découvertes de
7'allèles etde sejxs contraii-e se repoussent. — Deux i Volta, d'OErstedet d'Ampère avaient permis seule-
courants croisés agissent toujours l'un sur l'autre ment de produire des aimants par l'emploi de cou-
de telle façon que le courant mobile devient par rants électriques. Les électro-aimants ainsi obte-
suite un c uront fixe et de même sens que lui. nus pouvaient même acquérir sous l'influence du
Partant de ces lois que l'expérience vérifiait, Am- courant un haut degré de puissance attractive ?ur
père n'eut pas de peine à rendre compte de la ; le fer doux. Mais on n'avait pas cherché à produire
découverte d'OErsted, et de celle d'Arago, qui, le phénomène inverse, c'est-à-dire à faire naître des
dès 1820, avait montré qu'un courant électrique ' courants par l'action .même des aimants. Un illus-
agit sur le fer doux et le transforme en un aimant tre physicien anglais, Faraday, y est parvenu le
temporaire pendant toute la durée de son action, premier ; il a su reconnaître avec une rare saga-
Voici les points principaux de l'explication qu'il cité dans quelles conditions spéciales cette in-
donna des phénomènes magnétiques : Il n'existe : iluence réciproque des aimants devait se mani-
ni fluide austral ni fluide boréal dans les aimants, i fester par la production de l'électricité dans un
Autour des particules matérielles qui les compo- circuit formé. La branche nouvelle de la science
sent circulent d'une manière permanente des ' qui doit son origine aux travaux de Faraday porte
courants éleciriques tous de même sens. Ces cou- ! le nom à'induction électrique. Voici très sommai-
rants existent déjà dans les substances magnéti- rement l'indication des principales lois établies
ques, fer, acier, etc., avant qu'elles ne soient par le phj'sicien anglais.
aimantées; seulement les courants particulaires I Un courant d'intensité constante, placé à une
n'j' sont pas parallèles ; ils ont une direction quel- distance invariable d'un circuit conducteur fermé,
conque et annulent mutuellement leurs efl'ets. Une n'a sur lui aucune action apparente ; le circuit en
substance magnétique est convertie en un aimant question ne donne aucun signe sensible de cir-
lorsqu'on est parvenu par un procédé convenable à \ culation électrique. Mais vient-on à faire varier
donner aux courants particulaires un sens et une ' par un moyen quelconque l'action du c urant sur
direction fixes, les mêmes pour tous.
La théorie d'Ampère est sortie victorieuse de
toutes les épreuves auxquelles elle a été soumise.
Si l'aiguille d'OErsted se met en croix avec le cou-
rant en portant son pôle austral à la gauche de
ce dernier, c'est parce que les courants particulai-
le circuit ; ;iugmente-t-on ou diminue-t-on l'intensité
propre du courant, augmente-t-on ou diminue -t-oa
la distance qui le"s sépare, aussitôt le circuit est
parcouru par un courant dit courant indicit. Ce
courant induit est de sens contraire au courant
inducteur, si l'action de ce dernier augmente par
res de l'aiguille jouent par rapport au courant ' un accroissement d'intensité ou une diminution de
«lectrique le rôle de courants croisés, et qu'obéis- distance ; il est de même sens que le courant in-
sant aux lois de l'électro-dynamique, ils tournent ducteur, si l'action de celui-ci diminue soit par un
de manière à devenir parallèles et de même sens , affaiblissement d'intensité, soit par un accroisse-
que le courant fixe. Si, dans l'expérience d' A- ment de distance.
rago, un barreau de fer doux devient un aimant I Dans le cas particulier où le courant naît dans
quand on enroule autour de lui un fil de cuivre le fil inducteur, oii il passe par conséquent de
traversé par un courant, c'est que les courants l'intensité zéro à une intensité qui a une certaine
particulaires du fer doux, qui avaient des posi- ' valeur, le circuit induit est traversé par un coû-
tions quelconques eu égard au courant fixe, se di- rant de sens contraire. Quand il finit dans le fil
rigent et s'orientent sous son influence tous de ' inducteur et qu'il passe, par conséquent, d'une in-
la même façon jjour lui devenir parallèles et de ' tensité déterminée à zéro, le circuit induit est par-
même sens, et le barreau de fer doux devient par couru par un courant de sens contraire. Le cou-
suite un aimant véritable ou, comme on l'a nommé, j rant inducteur qui s'approche agit comme le
un électro-aimard. courant qui coiumonce: celui qui s'éloigne comme
Si l'aiguille aimantée librement suspendue se le courant qui finit. Le caractère commun de tous
•dirige et s'oriente du nord au sud soùs l'influence . ces courants induits, c'est de n'avoir qu'une très
de la terre, c'est que celle-ci est traversée par des . faible durée.
courants particulaires cheminant de l'est à l'ouest Or, ce que peut faire le courant électrique
dans des plans à peu près perpendiculaires à l'axe passant dans le fil inducteur, quand on l'appro-
terrestre; les courants de l'aiguille mobile doivent che ou qu'on l'éloigné du circuit formé, n'est-il
donc pour l'équilibre venir se placer parallèlement ' pas probable que l'aimant, qui n'est qu'un en-
aux courants terrestres et avoir le même sens 1 semble de courants, tous parallèles et de même
qu'eux. Dans ces conditions, l'axe de l'aiguille doit sens, pourra l'efTcctucr à son tour par une sem-
so fixer à très peu près dans le méridien. | blable variation de distance? La probabilité d'une
Du reste, si la théorie d'Ampère est vraie, les réponse affirmative était telle que Faraday n'hésita
aimants pourront être remplacés par un ensemble
de courants circulaires rendus solidaires l'un de
l'autre, disposés comme il vient d'être dit au point
de vue du sens et de la direction, et sans que le
fer ou l'acier ou toute autre substance magnétique
aient à intervenir. Cette conception a été en effet
point à tenter l'expérience ; elle réussit au gré de
son désir, [^n aimant qui s'approche d'une bobine
sur laquelle est enroulé un fil de cuivre revêtu
de soie, y développe un courant induit de sens
inverse au courant qui constitue l'aimant; un ai-
mant qui s'éloigne de la même bobine y provoque
ELECTRICITE
— 662 —
ELLIPSE
l'apparition d'un courant induit de sens direct.
Si donc, par une disposition mécanique convena-
ble, on produit la rotation rapide de l'aimant au-
teur d'un axe fixe à une petite distance de ladite
bobine, le pôle excitateur de l'aimant s'éloignera
et se rapprochera tour à tour du circuit formé et
y développera des courants alternatifs directs et
inverses qui s'y succéderont avec une grande ra-
pidité. La bobine sera dans les mêmes conditions
que si les deux extrémités du fil qu'elle porte
communiquaient avec les pôles d'une pile en acti-
vité, seulement avec cette particularité que des in-
terversions périodiques et fréquemment répétées
dans le sens du courant se manifesteront dans le
circuit. Déplus, on imagine sans peine qu'une
disposition puisse être adaptée h l'appareil qui
permette de renverser constamment le sens de l'un
des courants induits de manière qu'ils soient
toujours l'un et l'autre de même sens. Cette dis-
position existe en effet: le petit instrument qui la
réalise porte le nom de conwndateur.
X.I. Machines électro-magnétiques. — Plusieurs
machines fondées sur l'induction électrique ont été
inventées tant en France qu'à l'étranger. Sans
recourir à la pile, sans mettre en jeu les actions
chimiques, on peut actuellement produire et utili-
ser tous les effets des courants électriques : efi'ets
physiques, chimiques et physiologiques. Nous
citerons, en France, la machine de Pixii, à l'étran-
ger celles de Clarke, de Siemens ; la machine ma-
gnéto-électrique de Wilde ; enfin, la machine de
l'Alliance et la machine de Gramme, employées
surtout pour l'éclairage électrique.
Quant à la bobine de Ruhmkorflf, qui a eu son mo-
ment de célébrité, elle doit aussi ses effets aux cou-
rants induits, mais engendrés dans des conditions
tout autres que dans les précédentes machines. Cette
fois, le courant de la pile ordinaire est indispensable
pour la mise en jeu de la machine. La bobine de
EuhmkorlT a deux fils, un gros fil qui servira d'in-
ducteur, un fil fin et très long — de plusieurs
kilomètres de longueur — qui sera le fil in-
duit. Suivant l'axe de cette bobine à deux fils et
dans son intérieur est placé un barreau de fer
doux, que le courant inducteur aimantera par son
passage et désaimantera par son interruption. Ces
aimantations et ces désaimantations successives
auront déjà pour résultat l'apparition de courants
alternativement directs et inverses dans le fil fin.
Mais ce n'est point là la cause productrice essen-
tielle des courants induits. Cette cause réside
dans les interruptions fréquemment répétées du
courant inducteur. Ce courant, qu'une pile formée
habituellement de plusieurs éléments Bunsen,
lance d'une manière continue, dans le circuit induc-
teur, se trcuve mécaniquement interrompu et re-
mis ensuite en activité, et cela à des intervalles de
temps très rapprocliés. Chaque passage du courant
et chaque interruption amène alternativement des
courants induits inverse et direct dans le fil fin.
L'expérience a montré que dans ces conditions,
l'électricité qui parcourt le fil fin possède une
tension exceptionnelle qui se manifeste par de
vives étincelles à travers l'air, par l'incandescence
des fils métalliques, par des effets physiologi-
ques d'une grande énergie. Des deux courants
engendrés, le courant direct a seul une tension
suffisante pour traverser la couche d'air inter-
posée entre les deux bouts de fil fin.
Pour compléter cet aperçu très rapide de la
science électrique, il faudrait indiquer les applica-
tions les plus importantes auxquelles ses progrès
ont donné lieu ; le télégraphe électrique, la galva-
noplastie, la dorure, l'argenture, l'éclairage élec-
trique, l'électro-mécanique. Mais chacune d'elles a
pris une si large place dans la pratique indus-
trielle, qu'il n'est possible de traiter un semblable
sujet qu'en entrant dans des développements un
peu étendus, qui reculeraient outre mesure les
limites de cet article. Il vaut mieux consacrer à
quelques-unes des principales applications de l'é-
lectricité un article distinct. (V. Éctairaqe, galva-
noplastie, télégraphe. [A. Boutan."'
ELEMENTS. — V. Corp.s Simples.
ELISABETH. — V. Ti/dors.
ELLIPSE. — (Etym. : d'un mot srec signifiant
manque, omission.) — Géométrie, XXIV. — Qu'on
attache un fil par ses deux bouts à deux points F
et F (fig. 1) d'un papier fort et bien uni, puis qu'on
tienne le fil tendu avec un crayon à pointe fine,
comme dans la position F'MF. Si on promène le
craj'on ainsi guidé par le fil, et qu'il fasse un tour
complet, il décrit une ligne courbe A'BAB'A' qu'on
nomme ellipse.
De cette construction découle la définition sui-
vante : l'ellipse est une courbe plane fermée, telle
que la somme des distances de chacu?i de ses
points à deux points fixes est constante.
Il est évident que le fil et le crayon prennent
d'un côté de la droite passant par les points F'
et F des positions identiques à celles qu'ils avaient
de l'autre côté; par conséquent les deux parties de
la courbe situées de part et d'autre de cette droite
sont égales. Elles coïncideraient, si la figure était
pliée le long de cette droite : cette droite est donc
un axe de symétrie. La perpendiculaire menée par
le milieu de la droite F'F jouit de la même pro-
priété ; la partie BB' limitée à la rencontre de la
courbe est le } etit axe; la droite A'A est le grand
axe. Le srrand axe est égal à la longueur du fil
employé à décrire la courbe.
Le point O d'intersection des deux axes est le cen-
tre de l'ellipse ; les deux points F et F' sont nommés
fogers. La droite menée d'un foyer à un point quel-
conque de la courbe est appelée rayon veaeur.
Si on rapprochait de plus en plus les deux
foyers, la courbe différerait de moins en moins
d'un cercle. On peut d'après cela regarder le cercle
comme une ellipse dont les deux foyers sont con-
fondus avec le centre.
Quand on a besoin de construire une ellipse, les
axes sont le plus souvent donnés d'avance. On
ramène ce cas au précédent en déterminant les
foyers. Pour cela ayant tiré une droite A'A égale
au grand axe, on élève en son milieu une perpen-
diculaire, sur laquelle on prend des longueurs OB
et OB' égales à la moitié du petit axe. Puis de
l'extrémité B prise pour centre, on décrit avec un
rayon égal à OA un arc qui coupe la droite A'A
en deux points F' et F : ces deux points sont les
deux foyers. On décrit alors l'ellipse, comme pré-
cédemment, avec un fil ayant une longueur égale
au grand axe. C'est ainsi qu'opèrent les jardinieia
pour dessiner dans un parterre une corbeille de
fleurs de forme elliptique.
Première const)'UCtio?i par points. — La cons-
truction à l'aide d'un fil n'est pas très commode
sur le papier; aussi se borne-t-on souvent à dé-
terminer un certain nombre de points de la courbe
et à faire ensuite passer un trait continu par tous
ces points. Pour cela on divise le grand axe en
deux parties par un point quelconque placé entre
ELLIPSE
— 663 —
EMPIRES
les foyers F' et F, par exemple le point I (fig. 2).
Des foyers pris successivement pour centres, on
décrit deux arcs avec la partie AI du grand axe
pour rayon ; puis des mômes centres, avec l'autre
partie A'I pour rayon, on décrit deux arcs dont
chacun coupe en deux points celui des deux autres
qui n'a pas le même rayon que lui; les quatre
points d'intersection ainsi déterminés M et M',
N et N' sont des points de l'ellipse.
En déplaçant le point I entre les foyers F' et F
et en répétant les mêmes constructions, on aura
autant de groupes de quatre points qu'on voudra,
pour déterminer avec assez d'exactitude le contour
de l'ellipse demandée.
Deuxième construction par points. — Voici un
autre moyen assez commode de construire une
ellipse par points, sans compas, à l'aide d'une règle
formée tout simplement par une petite bande de
papier pliée en deux.
Soient A'A et B'B (fig. 3) les deux axes de l'ellipse
à tracer. Ayant plié en deux une petite bande de
papier, on marque sur le pli une distance ca
égile à OA et une distance cb égale à OB. On
place ensuite cette règle de papier en diverses po-
sitions, en ayant soin que le point o soit toujours
sur le petit axe et le point 6 sur le grand axe;
on marque chaque fois le point c sur le papier;
les points ainsi donnés par c sont des points de
l'ellipse.
Tangente à l'ellipse. — La tangente à l'ellipse
jouit d'une propriété qui rend très facile le tracé
de cette droite. Elle fait des angles égaux ai^ec
les deux rayons vecteurs menés au point de con-
Fisr. 4.
Soit la droite T'T (fig. 4) tangente à l'ellipse au
point M; les angles T'MF' et TMF sont égaux. Si
l'on mène MX perpendiculaire à la tangente, cette
droite est ce qu'on appelle normale à l'ellipse au
point M ; elle divise en deux parties égales l'angle
MF que forment les deux rayons vecteurs menés
en ce point.
Origine de la dénomination de foyers. — Suppo-
sons qu'une surface concave d'une forme semblable
à la surface intérieure d'un œuf vide, ait été en-
gendrée par une ellipse tournant autour de son
grand axe, et plaçons à l'un des foyers F' un char-
bon ardent. Un rayon de chaleur tel que F'M ren-
coiitrant cette surface, est réfléchi, et après cette
réflexion il fait avec la normale MN un angle égal
à l'angle d'incidence F'MN; il suit la direction du
rayon vecteur MF. Tous les rayons de chaleur
partis de F' et réfléchis par la surface concave iront
donc se croiser à l'autre foyer F, et là ils produi-
ront une accumulation de chaleur capable d'en-
flammer un corps très combustible, comme un
morceau d'amadou.
Le même phénomène aurait lieu pour les rayons
sonores ; c'est ce qu'on peut observer dans une des
salles du Conservatoire des Arts et Métiers à
Paris, dont la voûte est ellipsoïdale. Deux per-
sonnes qui se tiennent aux deux angles opposés,
peuvent converser à demi-voix, tandis que celles
qui sont dans la salle n'entendent rien de leur
conversation. A l'article Courtjes vsiietles, on a
déjii indiqué quelques applications de l'ellipse.
Ovale. — L'ellipse ne pouvant être tracée d'un
mouvement continu h l'aide d'un compas, on la
remplace le plus souvent par une courbe qui en
diffère très peu et qui se compose d'arcs de cercle
raccordés ensemble.
Cette courbe, nommée ovale, peutêtre construite
de diverses manières. (V. Ovde.)
[G. Bovier-Lapierre.]
ELOCUTION. — y. Style et Composition.
ÉLOQUENCE. — 'V. Discours eî Orateurs.
EMPIRES. — Géographie générale, XVI-X'VII ;
Histoire générale," XXXIX-XL. — (Étym. : du latin
imperium., commandement, domination). — Le mot
empire s'emploie tantôt dans le sens général gue
lui donne son étymologie, et désigne alors la do-
mination exercée soit par un monarque, soit par
une ville ou par un peuple, sur une étendue con-
sidérable de territoire et le plus souvent sur des
nations étrangères : c'est dans ce sens qu'on dit
Vempire athénien, l'empire arabe, aussi bien qup
l'empire romain ou Vempire russe; tantôt il a un
sens plus restreint, et signifie ua État gouverné
par un empereur.
La géographie politique contemporaine nous
présente une dizaine d'empires, qui sont .
1° En Europe: l'empire russe, l'empire d'Alle-
magne, l'empire austro-hongrois, l'empire turc ;
2° En Asie : l'empire des Indes (la reine d'Angle-
terre a pris le titre d'impératrice des Indes en 1877),
l'empire birman, l'empire chinois, l'empire du
Japon ;
3" En Afrique : l'empire du Maroc.
4° En Amérique: l'empire du Brésil.
Voici, par ordre chronologique autant que pos-
sible, la liste des principaux empires mentionnés
par l'histoire universelle ; on y retrouvera, à leur
rang, ceux que nous venons de nommer déjà :
L'empire chinois, dont les annales historiques
commencent vers le xxvii' siècle avant notre ère ;
V. Orient.
L'empire égyptien, qui s'étendit sur une partie
de l'Asie occidentale à l'époque des pharaons des
18* et 19' dynasties ; V. Egypte.
L'empire assyrien ou ninivite, qui dura du xm*
au vn« siècle avant notre ère ; V. Assyrie.
L'empire chaldéen ou babylonien, qui lui succéda,
et qui fut détruit par les Perses au vi' siècle ;
V. Chaldée.
EMPIRES
— GG4 — ENCYCLOPÉDISTES
L'empire perse, fondé par Cyrus au vi"= siècle,
détruit par Alexandre dans la seconde moitié du iv« ;
V. Perse.
L'empire macédonien, dont Pliilippe prépara la
puissance, et qui, après la mort d'Alexandre, se
démembra rapidement; V. Grèce,
L'empire des Séleucides (du m* au i*' siècle),
dont les frontières, au temps de sa plus grande puis-
sance, furent à peu près les mêmes que celles de
l'empire perso ; V. Grèce.
L'empire parthe (du milieu du m' siècle avant
J.-G. au commencement du m' siècle après J.C.),
qui réunit sous sa domination un grand nombre
de provinces enlevées à l'empire des Séleucides ;
\.Pe:se.
L'empire des Sassanides (du m" au vu* siècle
de notre ère), qui reconstitua l'empire perse;
V. Pe?ve.
L'empire romain, qiii s'étendit d'abord sur l'Italie
(m' siècle avant J.-C), puis successivement sur
tout le bassin de la Médiierranée et sur l'Europe
centrale et occidentale. A la fin du iv* siècle de
notre ère, il se partagea en deux moitiés ; V.
Rome.
L'empire romain d'Orient, ou empire grec, appelé
aussi Bas-Empire ou empire byzantin (du iv" auxv*
siècle); V. G'èce et Rome.
L'empire latin de Constantinople, qui se substitua
pendant cinquante-sept ans à l'empire grec (xiii*
siècle) ; V. Croisades.
L'empire romain d'Occident, qui dura de 395 à
476; V. Rome.
L'empire arabe ou des khalifes, fondé au vu*
siècle, partage au VIII^ puis successivement dé-
membré, du x' au xv" siècle; V. Khalifes.
L'empire franc, fondé par Cliarlemagne, qui
régna sous le titre d'empereur d'Occident; défini-
tivement dissous en 887 à la diète de Tribur ; V.
CJiarlemarjne.
L'empire allemand, dont les souverains préten-
dirent aussi reconstituer l'empire d'Occident, sous
le nom de Saint-Empire romain de la nation ger-
manique. Il dura de 963 à 1S06. — Un nouvel
empire allemand, comprenant vingt-cinq États con-
fédérés, s'est formé en ls'il;V. Allemagne.
L'empire mongol, fondé par Gengis-Khan (xiii*
siècle), démembré à sa mort, rétabli par Tamer-
lan (xiV siècle), puis définitivement ruiné. Au
XVI* siècle, Babour, descendant de Tanierlan, fonda
en Inde l'empire dit du Grand-Mogol, qui dura
jusqu'à la conquête de l'Inde par les Anglais au
XVIII* siècle; V. Moiigols et Inde.
L'empire turc ou ottoman, qui se substitua à
l'empire arabe au xiii* siècle, et à l'empire grec
au XV* ; V. Turcs.
L'empire russe, qu'on fait dater du règne d'Ivan
IV le Tc^rrible, lequel prit le premier le titre de
tsar (c'est-à-dire César) en 1547 ; V. Russie.
L'empire français, de 1804 à 1815, et de 1852 à
1870; V. Napoléon I" et Napoléon III.
L'empire d'Autriche, dont l'origine remonte à la
destruction du Saint-Empire germanique par Napo-
léon en 180G ; V. Autriche (au supplément).
L'empire du Maroc, détaché du khalifat des Fa-
timitcs au xi* siècle, et resté depuis lors un État
indépendant; V. Khalifes.
L'empire du Mexique, fondé plusieurs siècles
avant la découverte de l'Amérique, et qui fut dé-
truit par Cortez. De nos jours, deux tentatives ont
été faites pour substituer au Mexique le régime
impérial au gouvernement républicain: celle d'Itur-
bide (1H22) et celle de Maximilien (18G2-186G);
V. Mexique.
L'empire d'Haïti. Cette île, république indépen-
dante depuis la fin du siècle dernier, a formé à
deux reprises un empire nègre, sous Dessalines
(IKO.^-ISUO) et Soulou(iue (1849-1859); V. Hispano-
américaines (Républiques).
L'empire du Pérou, gouverné par les Incas à
l'époque de la découverte de lAmérique, et qui
fut détruit par Pizarre ; V. Pérou.
L'empire du Brésil, autrefois colonie portugaise,
État indépendant depuis 1822 ; V. Portugal.
L'empire anglais des Indes; V. Angleterre et
Inde.
L'empire du Japon, gouverné par le mikado;\.
Orient.
EACYCLOPÉDlSTrs. — Littérature française,
XX. — On appelle de ce nom les écrivains du
dix-huitième siècle qui collaborèrent à YEucyclo-
pédie, et que permet de grouper sous la môme
dénomination, non seulement leur participation à
la grande œuvre de d'Alembert et de Diderot, mais
aussi l'analogie de leurs doctrines, la communauté
de leurs aspirations politiques et philosophiques.
On sait ce que voulait être, dans la pensée de
ceux qui dirigèrent cette mémorable entreprise, le
dictionnaire général des connaissances humaines
qui parut de 17.il à 1771 sous le titre d'Encyclo-
pédie. Cette immense publication n'aspirait pas
seulement à résumer les travaux accomplis, à noter
avec exactitude l'état de la science : elle prétendait
inaugurer un esprit nouveau, donner de l'unité aux
tendances un peu confuses du siècle, être enfin le
programme de l'avenir, le code du progrès, et
selon l'expression d'Henri Martin, la « Bible de
la perfectibilité. »
Mais les En yclopédiste> eurent à lutter contre
des résistances tenaces qui gênèrent la liberté de
leur travail. L'œuvre fut plusieurs fois interrompue.
Dès 1752, après la publication des deux premiers
volumes, l'impression fut interdite par arrêt du
conseil du roi. Les papiers de Diderot furent saisis,
les deux volumes supprimés. Cependant l'année
suivante, grâce à l'influence du directeur de la li-
brairie, Lamoignon de Malesherbes, la cour céda
et la publication reprit en 1' 53, avec le troisième
volume. Pendant six ans le travail des Encyclopé-
distes coniiiiua paisiblement, à peine troublé par
les plaisanteries inoffensives des Palissot et des
Fréron; mais en 1759 un nouvel orage survint,
qui faillit tout perdre. Le conseil du roi, le parle-
ment, l'archevêque de Paris frappèrent à la fois
sur l'Encyclopédie. C'est alors que d'Alembert
découragé se retira de l'œuvre. Diderot, plus per-
sévérant, s'obsiina, et il poursuivit l'impression de
l'ouvrage. Il réussit enfin à le mener à bonne fin
après vingt ans d'efl'orts, à travers les menaces et
: les persécutions, malgré les condamnations répé-
! tées du clergé et les hésitations d'un gouvernement
tantôt complaisant, tantôt hostile.
Exposés à tant de haines, les Encyclopédistes ne
sont pas toujours allés Jusqu'au bout de leur pen-
sée. Ils durent consentir à bien des concessions,
et user de ménagements. « Vous acceptez, leur
écrivait Voltaire, des articles dignes du Joui'nal de
Trévoux. » Diderot fut encore celui qui garda le
plus son franc parler, mais il ne put éviter les mu-
tilations et les coupures que l'imprimeur Lebreton,
en homme prudent, faisait subir à ses épreuves,
même après le bon à tirer. Quand Diderot s'aper-
çut de la fraude commise, il était trop tard pour la
réparer, et il fallut bien qu'il se résignât, non sans
colère. C'est alors que, prenant au sérieux les vagues
avances de Catherine II, il caressa un moment l'idée
de refaire rjE'7îc?/c/o;)ed/e librement et sans réticence,
à l'usage des Russes. « Si je ne refais pas ï'En'-y-
clopé'Ue pour vous, écrivait-il au général Betzky,
ministre de l'impératrice, je ne veux plus en en-
tendre parler. Ou vous l'aurez telle que je la con-
çois, ou elle restera à mes compatriotes telle qu'ils
l'ont voulue Elle n'est encore que trop bonne pour
cette canaille-là! »
Ne prenons pas à la lettre les vivacités de Di-
derot et le jugement irrité qu'il portait lui-mênxe
sur son œuvre. Malgré ses imperfections, VEncrj-
ENCYCLOPEDISTES — 665 — ENCYCLOPÉDISTES
dopédie reste un monument remarquable. Il suffi-
rait, pour en être convaincu, d'énumérer les noms
des'liommes de talent ou de génie qui y mirent la
main. Sous /es ordres de deux généraux en chef.
on vit s'organiser toute une armée de travailleurs,
animée dun même esprit, ou plutôt une vraie
association laïque, une véritable congrégation :
« Je ne serai content, écrivait Voltaire, que lorsque
vous m'apprendrez que les frères dînent ensemble
au moins une fois par semaine. »
Au premier rang des collaborateurs de Diderot
et de d'Alembert, il faut citer pour la philosophie
Voltaire, Helvétius, Condillac, d'Holbach, Jaucourt.
l'un des ouvriers les plus laborieux et les plus
persévérants de YEncyc/o/cdie; pour la littérature,
Marmontel. Duclos, de Bros es, Saint-"Lanibert, Mon-
tesquieu qui donna l'article sur le Goût; pour la
grammaire, Dumarsais; pour la médecine. Barthez;
pour le droit. Boucher d'Argis; pour la théologie,
l'abbé Morellet et le calviniste Polier; pour l'his-
toire, Raynal, Mably; pour l'économie politique,
Turgot, Xecker, Quesnay, Condorcet ; pour la mu-
sique, J.-J. Rousseau, qui écrivit aussi l'article
Écofiomie politique; pour l'histoire naturelle, Buf-
fon, Daubenton; pour les arts et métiers, un ingé-
nieur des colonies, Le Romain, un fabricant
Ij'onnais, Buisson, et Diderot lui-même qui, se
faisant pour la circonstance, grâce à la sonplesse
de son génie, industriel et mécanicien, étudia avec
passion et décrivit avec minutie les instruments
et les machines. De cette multitude d'efforts indivi-
duels devait nécessairement sortir une œuvre col-
lective puissante, d'où l'on a pu détacher, en
réunissant les articles d'un même auteur, des
livres considérables, tels que les Éléments de lit-
térature de Marmontel et le Dictionnaire philoso-
phique de Voltaire.
Le titre exact de cet immense répertoire de la
science du dix-huitième siècle était ainsi conçu :
Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des s iences.
des arts et métiers, par w e socié'é de gens rie
lettres, mis en ordre par Diderot , et quant à la par-
tie mathématique par d'Alembert.
Le prospectus que Diderot publia en 1750, et le
discours préliminn ire que d'Alembert plaça en tête
de l'ouvrage, marquent nettement dès l'abord l'es-
prit des Encyclopédistes. Diderot paraît surtout
préoccupé de la nécessité de joindre aux connais-
pances littéraires et scientifiques les études pra-
siques et les connaissances usuelles. Son but est
de glorifier les arts mécaniques, de vulgariser les
inventions de l'industrie, de préparer les progrès
matériels de l'humanité. « ÎNous nous sommes con-
vaincus, disait-il, de l'ignorance dans laquelle on
est sur la plupart des objets de la vie, et de la
nécessité de sortir de cette ignorance. » Diderot
voulait apprendre aux hommes des classes supé-
rieures le respect du travail manuel, et pour cela
leur raconter l'histoire de l'origine et des progrès
des métiers. D'Alembert prend les choses de plus
baut, et son Discours est un essai de philosophie
générale. Sans doute il résout à la façon de Locke
le problème de l'origine des idées ; il voit dans les
sens le principe de nos connaissances ; mais à côté
des sensations il place le sentiment, le sentiment
du bien, principe de la morale, et le sentiment du
beau, principe de l'art. Quant à la classification qu'il
propose pour les sciences, d'Alembert a peut être
eu tort de reprendre le système de Bacon,- fondé,
comme on sait, sur la distinction des facultés de
l'esprit humain (mémoire, imagination, raison) ;
mais il a corrigé sur plusieurs points la théorie du
philosophe anglais, notamment par le soin qu'il a
pris de marquer le développement historique, la
filiation naturelle et comme la généalogie des
Bcicnces et des arts.
A part les infidélités inévitables d'une exécution
confiée à un si grand nombre d'hommes, parmi
lesquels, à côté d'excellents ouvriers, se trouvaient
quelques manœuvres médiocres, on peut dire que
VEncyclo/é'Ue a tenu les promesses de ses fonda-
teurs. Elle est l'image exacte et l'expression la
plus complète du dir.-hv.itième siècle; elle en pré-
pare les réformes les plus importantes ; elle en
accepte les hardiesses et les erreurs : elle s'empare
de son esprit critique, négatif et novateur; elle est
enfin comme la préface théorique de la Révolution
française.
En politique, les Encyclop distes sont les élèves
de Montesquieu et de Rous eau. Ils attribuent au
pouvoir comme origine le consentement du peuple,
et comme condition de durée, la préoccupation de
l'intérêt général. Us admettent le droit h l'insurrec-
tion contre « le tyran. » a Les hommes n'ont jamais
prétendu se livrer sans réserve à des maîtres ar-
bitraires, ni donner les mains à la tyrannie et à
l'oppression, ni conférer à d'autres le droit de les
rendre malheureux. « (Article Pouvoir). — « La
volonté générale est toujours bonne. » (.\rlicle
Doit). Les Encyclopédistes considèrent la liberté
comme le premier des avantages sociaux. Us pro-
clament la liberté de penser et d'écrire, et ils en
donnent eux-mêmes l'exemple. Ils se défient des
corporations, des corps particuliers qui sont un
danger pour l'État, et qui doivent disparaître dès
qu'ils cessent d'être utiles à la société, cette utilité
sociale étant leur seule raison d'être. Dans l'exer-
cice de la souveraineté, ils distinguent avec Mon-
tesquieu trois pouvoirs, le pouvoir législatif, le
pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire. Comme lui
encore, ils séparent les formes de gotivernement en
trois catégories: les gouvernements monarchiques,
aristocratiques, démocratiques, et manifestent leur
préférence pour un gouvernement mixte, composé
de ces trois éléments.
En philosophie, les Encyclopédistes sont les dis-
ciples de Bacon, de Locke, de Newton, beaucoup
plus que de Descartes. Ils n'admirent guère dans
la philosophie cartésienne que les théories mathé-
matiques. Ils préfèrent la physique à la métaphy-
sique, et se défient des idées pures. Ils admettent
cependant l'existence de Dieu. « L'existence de
Dieu, pour être reconnue, n'aurait besoin que de
notre sentiment intérieur, quand même le témoi-
gnage des autres hoxnmes et celui de la nature en-
tière ne s'y joindraient pas. » (Articles Dieu ctPro-
videiice). Ils critiquent l'idéalisme de Berkeley, et
ne peuvent se résoudre à douter du monde exté-
rieur. Quant aux religions positives, ils prêchent
la tolérance, et la pratiquent eux-mêmes. En ré-
sumé, ils professent dans les questions pliiloso-
phiques un rationalisme ferme, mais discret, et
s'il faut leur reprocher quelques erreurs de doc-
trine, il n'est que juste de reconnaître l'excellence
de leurs intentions. Sans le vouloir peut-être ,
M. Msard a fait de leurs principes le plus bel
éloge en disant: «L'esprit des Encyclopédistes,
c'est la raison se détournant de tout ce qui la dé-
passe et se portant exclusivement sur les choses
dont elle peut se rendre compte : détachant les
yeux du ciel pour s'abaisser vers la terre et s'y
fixer. »
Une des nouveautés les plus importantes de Y En-
cyclopédie, ce fut la place accordée aux questions
économiques. Il serait peut-être difficile de ramener
à une doctrine unique les idées qu'y exposèrent
sur l'agriculture, le commerce et l'industrie les
économistes comme Turgot et les physiocrates
comme Quesnay. Mais tous les Encyclopédistes
sont au moins d'accord pour repousser les privi-
lèges, le monopole des corporations industrielles,
pour réclamer la libre circulation des produits, et
en général la liberté commerciale (articles }Iai-
trise. Jurandes et corporatw}is^. D'antre part les
Encyclopédistes combattirentavec vivacité l'accrois-
sement des biens de main-morte, c'est-à-dire l'ac-
ENGRAIS
— 666 —
ENGRAIS
caparement des richesses par les corporations re-
ligieuses (article Mam-morte). Signalons aussi
leurs vues justes et neuves sur la monnaie, sur
l'intérêt de l'argent, sur l'assiette et la perception
de l'impôt. Malgré des erreurs de détail, les éco-
nomistes de ÏEricyclopr'die ont contribué à consti-
tuer une science nouvelle. Ils eurent le mérite de
placer au-dessus de toute autre considération l'in-
térêt général, et de viser au soulagement des classes
populaires. « Gloire, grandeur, puissance d'un
royaume, que ces mots sont vains et vides de sens
auprès de ceux de liberté, aisance et bonheur des
sujets ! » (Article Impôt).
Comment s'étonner après cela de l'influence que
Y Encyclopédie exerça sur la marche des idées au
dix-huitième siècle ? Comme l'a fait remarquer
M. Pascal Duprat dans son livre sur les Encyclo-
pédistes, elle eut la puissance d'une institution.
« Ce n'était plus un seul homme marchant isolé-
ment à l'assaut des abus ou des préjugés : c'était
une légion qui entrait en campagne et livrait ba-
taille au passé ! »
Les écrivains de la dernière moitié du dix-hui-
tième siècle se sont inspirés presque tous des doc-
trines de V Encyclopédie: ils la citent ou la copient.
Les cahiers de la Révolution ne firent souvent que
reproduire les réclamations des Encyclopédistes.
Mais avant même que la Révolution n'éclatât, un
certain nombre des réformes sollicitées par VEn-
cyclopédie furent consenties par le gouvernement.
La liberté du commerce des grains fut proclamée
dès 1764. Comme intendant de la généralité de
Limoges, et ensuite comme ministre de Louis XVI,
Turgot eut l'occasion de réaliser quelques-uns des
progrès qu'il avait réclamés comme rédacteur de
V Encyclopédie, par exemple la liberté du travail,
et la suppression, momentanée il est vrai, des
maîtrises et des jurandes. Même dans notre siècle
il est permis de dire que l'influence de ÏEncyclo-
pédie est encore vivante, et son positivisme discret
a peut-être inspiré en partie le système d'Auguste
Comte.
En résumé, V Encyclopédie a été un brillant
essai de propagande scientifique. Elle a voulu,
non sans succès, faire servir les connaissances
qu'elle vulgarisait au progrès de l'espèce humaine
et au développement du bien-être matériel. Elle a,
sans doute, commis quelques excès dans l'entraî-
nement de sa critique négative ; mais elle a ra-
cheté ses fautes par son ardent amour de l'huma-
nité, par son zèle pour la liberté, par les vérités
qu'elle a proclamées, comme la souveraineté de
la raison en philosophie, et la souveraineté du
peuple en politique. Dans la Déclaration des droits
de rhomme et dans les oeuvres utiles de la Révo-
lution française, il est impossible de ne pas en-
tendre comme un écno prolongé du grand bruit
que produisit l'Encyclopédie.
[Gabriel Compayré.]
ENGRAIS ET AMENDEMENT.S. — Agriculture,
III. — L'influence des engrais, dans l'exploitation
agricole, n'a pas besoin d'être démontrée. C'est de
l'abondance des engrais dont le cultivateur peut
disposer et qu'il utilise, que dépend la richesse des
récoltes, quelles que soient celles-ci. Le meilleur
moyen d'améhorer les champs, tout en leur deman-
dant des produits abondants, c'est de fumer beau-
coup. La pratique universelle est ici complètement
d'accord avec la théorie. Malheureusement un trop
grand nombre de cultivateurs, tout en déplorant
leur pauvreté en engrais, montrent dans le traite-
ment de ceux qui sont h leur disposition une in-
curie si grande, qu'ils paraissent en ignorer com-
plètement la valeur. Il faut donc insister d'une
manière toute spéciale sur le rôle des engrais, leur
valeur et les moyens d'en tirer le meilleur parti.
Les engrais dont le cultivateur peut disposer sont
de deux sortes : ceux qu'il produit dans la ferme
et ceux qu'il achète. Le fumier est le principal de
la première catégorie ; les seconds forment ce que
l'on appelle les engrais complémentaires, engrais
de commerce. 11 faut donc étudier successivement
le fumier, puis les autres engrais de la ferme, enfin
les engrais commerciaux. L'étude des amendements
viendra ensuite.
Fumier. — On donne le nom générique de fu-
mier aux pailles qui ont servi de litières aux ani-
maux domestiques, qui sont mélangées à leurs ex-
créments, et qui, après ce mélange, ont subi un
degré plus ou moins avancé de décomposition. Le
fumier est donc un mélange d'une composition fort
compliquée, et qui présente des éléments assez dif-
férents suivant les animaux dont il provient, sui-
vant la nature des pailles ou autres végétaux qui
ont servi de litières, suivant encore la constitution
des animaux domestiques et la nourriture qu'ils ont
reçue.
Le fumier le plus ordinaire est celui qui provient
des bêtes à cornes, nourries îi l'étable. Quand* les
bêtes ont reçu une litière suffisante et assez fré-
quemment renouvelée pour absorber toutes le»
déjections, le fumier qu'elles produisent pèse de
300 à 400 kilog. par mètre cube à sa sortie de l'é-
table ; au bout de quelque temps, sous l'influence
du tassement, son poids s'élève de 700 à 800 kilog.
Il renferme alors 70 pour 100 de son poids en eau,
et 22 de matières organiques. D'après M. Boussin-
gault, la richesse en acide phosphorique est de
0.36, et en azote de o.SS) pour 100. Hâtons-nous d'a-
jouter que ces nombres ne sont que des moyennes,
et que, par conséquent, dans les circonstances par-
ticulières, ils peuvent varier dans des limites assez
grandes.
Quand il est sorti de l'étable, le fumier n'est pas
propre à être conduit dans les champs. Enfoui dans
le sol, il ne se décomposerait qu'avec une très
grande lenteur et ne donnerait pas les résultats
qu'on est en droit d'en attendre. Il faut donc lui
consacrer, dans la cour de la ferme, une place
spéciale où il séjourne pendant un certain temps,
et où il doit être l'objet d'un traitement particulier
qui en développe les qualités. De là le tas de fu-
mier, la fosse à fumier, qu'on rencontre dans toutes
les fermes. Rien n'est plus important pour le cul-
tivateur que de soigner son tas de fumier, et ce-
pendant rien n'est plus commun qu'un tas de fu-
mier non seulement mal soigné , mais encore
complètement abandonné et perdant, sous l'œil
même du fermier et sans que celui-ci s'en préoc-
cupe, une grande partie de sa valeur. Cependant
les soins à donner au fumier sont très simples et
n'exigent que peu de travail, mais ils demandent
de la persévérance.
La fosse à fumier consiste en une fosse creusée
à 80 centimètres ou un mètre de profondeur, et
d'une surface variant suivant la quantité de fumier
produite, c'est-à-dire d'après le nombre des ani-
maux qu'on nourrit. La fosse est parfois supprimée,
et l'on se borne à choisir un emplacement bien ni-
velé et sur un point de la cour. Le fond doit être
imperméable, et légèrement incliné dans un sens,
de manière à diriger les liquides qui s'écoulent du
fumier dans une autre fosse, appelée citerne ou
fosse à purin. Ce nom de purin est le nom donné
aux liquides qui sortent du fumier. Il est bon que
la fosse soit abritée ou placée au nord, de manière
à éviter une dessiccation trop grande sous l'in-
fluence du sol. Lorsqu'on n'a pas fait une fosse, il
faut entourer le tas par une rigole qui con-
duit au réservoir à purin le liquide sortant du fu-
mier. Enfin, il convient d'entourer le tas ou la fosse
par un talus de manière à éviter le lavage par
les eaux pluviales venant des autres parties de la
cour.
Il est indispensable que le fumier soit constam-
ment humide, afin que la fermentation puisse s'y
ENGRAIS
— 6G7
ENGRAIS
développer. S'il est bien tassé, et s'il en arrive
chaque jour des étables, cette fermentation ne
devient pas tumultueuse, et il n'y a pas à craindre
de perte par l'évaporation des gaz et des vapeurs.
Les litièrei nouvellement apportées modèrent la
chaleur développée par la putréfaction, et absor-
bent les principes volatils dont il importe d em-
pêcher la déperdition.
Pour que le fumier se fasse bien, il faut que le
tas ne soit ni trop élevé, ni trop bas. La hauteur
maximum doit être de 1 mètre 50 à 2 mètres.
L'enlèvement et le chargement sur les charrettes
pour le transport dans les champs peut alors se
faire facilement.
Le purin doit être recueilli avec le plus grand
soin, comme il a été dit plus haut. On l'emploie à
arroser le tas, soit à l'aide d'une écope, soit avec
une pompe dont il existe aujourd'hui beaucoup de
bons modèles. Trop souvent on voit, dans les
villages ou autour des fermes, le purin se perdre
dans les ruisseaux des chemins. Cette pratique
est absolument déplorable. Le purin est, en effet,
une des parties les plus riches du fumier^ il ren-
ferme la presque totalité des matières salines con-
tenues dans les déjections des animaux et primi-
tivement dans les fourrages. Dans tous les pays
bien cultivés, on attache un grand prix au purin.
La quantité qui n'est pas employée à l'arrosage
du fumier est répandue sur les prairies naturelles
ou artificielles dont elle accroît puissamment la
végétation.
L'arrosage du fumier avec le purin permet de
régler la marche de la fermentation, pour produire
la décomposition convenable suivant qu'on doit
emploj'er le fumier pour telle ou telle nature de
plantes, à l'automne ou à Ihiver, etc.
Un des agronomes français les plus éminents,
M. Girardin, résume comme il suit les conditions
de bon traitement du fumier:
1° Recueillir tout le purin dans un réservoir,
placé de manière qu'il soit facile de reverser, au
besoin, ce liquide sur le fumier ;
2° Ne laisser arriver sur le fumier aucune eau
étrangère ;
3° Garantir le fumier d'une évaporation trop
prompte et des lavages opérés par les eaux plu-
viales ;
4° Tasser fortement le fumier à la surface pour
que l'ammoniaque produite par la fermentation
dans le centre de la masse ne s'en échappe point,
et toucher et remuer le tas le moins possible ;
5° Donner à l'emplacement du fumier une lar-
geur suffisante pour qu'il ne soit pas nécessaire
d'élever les tas à une trop grande hauteur;
6" Faire sur cet emplacement assez de divisions
pour que l'ancien fumier ne se trouve pas toujours
enfoui sous le nouveau;
7° Disposer l'emplacement dételle sorte que les
voitures puissent en approcher facilement, et qu'il
ne faille pas de trop grands efforts pour enlever
les charges un peu lourdes.
L'évaporation des gaz azotés est une des prin-
cipales causes de déperdition du fumier, quand la
fermentation est devenue trop active. On peut
obtenir, à cet égard, d'excellents résultats en ré-
pandant à la surface du tas une légère couche de
sulfate de chaux ou plâtre qui fixe Tammoniaque.
Quelques agriculteurs, et notamment M. de Bé-
hague, se sont très bien trouvés de l'emploi,, dans
le même but, du sulfate de fer ou couperose verte,
qui est employé pour la désinfection des vidanges.
Une excellente pratique consiste aussi à saupou-
drer de temps en temps le fumier, dans les étables,
avec du phosphate de chaux fossile; c'est le meil
leur moyen d'accroître sa richesse en acide phos-
phorique.
Il est nécessaire de ne pas laisser trop longtemps
la même litière, mais d'ajouter à celle-ci tous
les deux jours au moins de la paille fraîche. On
enlève les litières tous les dix ou douze jours. Le
piétinement opéré par les animaux rend la paille
plus molle, la brise, de telle sorte que sa transfor-
mation devient beaucoup plus facile.
Des recherches faites par M. Thenard sur le»
réactions qui se produisent dans le fumier, il ré-
sulte que la masse doit avoir fermenté pour donner
son maximum d'effet utile; mais il est essentiel
que cette fermentation n'ait pas atteint les dernières
limites. Le fumier trop décomposé, transformé en
beurre noir, suivant l'expression consacrée, est en
partie insoluble et a perdu une partie notable de
sa valeur. La pratique permet de constater les
divers états de fermentation, et le point le plus
propice pour l'épandage dans les champs.
\ Pour enlever le fumier, il convient de procéder
' par tranches verticales, et non par couches hori-
' zontales. Par cette manière de faire, on mélange
ensemble les couches de diverse profondeur,
dans lesquelles la décomposition est inégale, et
on obtient une masse plus homogène. Dans les
champs, il est essentiel d'enfouir le fumier le plus
rapidement possible, pour éviter les déperditions,
d'autant plus considérables que l'engrais est resté
plus longtemps étalé sur le sol. Le fumier enfoui
ne perd plus rien.
Quant à la quantité à employer, elle varie, pour
une surface déterminée, suivant la nature du sol,
' la récolte qu'on veut obtenir, celle qui a précédé,
I le soin avec lequel le fumier a été préparé. Mais il
importe plus de se préoccuper du poids que du
volume. Pour un assolement de trois ans, une
bonne fumure, dans le nord, est estimée à 40,000
kilog. par hectare ; une forte fumure, de 50,000 à
I 60,000 kilog. ; une fumure ordinaire à 30,000 kilog.,
1 et une fumure faible à 20,000 kilog. Mais il faut
! ajouter que ces appréciations sont celles des culti-
vateurs les plus avancés. Que de régions dans
! lesquelles les cultivateurs qui emploient 20,000 h
; 25,» 00 kilog. de fumier par hectare pour un assole-
1 ment de trois ans, passent pour faire une bonne et
non une faible fumure.
Autres engi-ais de la ferme. — En dehors du
' fumier, le cultivateur peut se procurer, sans grands
j frais, des quantités assez considérables d'engrais,
en mélangeant ensemble diverses substances qui
se perdent le plus souvent, telles que balayures de
cours, résidus de cuisine, plâtras, feuilles mortes,
limons, matières fécales, mauvaises herbes, débris
I de paille, de fourrages, etc. En stratifiant ces sub-
! stances avec de petites quantités de fumier, on
j forme des composts dont la ricliesse est variable
suivant les substances employées, et est parfois
considérable. Le cultivateur peut ainsi se procurer
de grandes ressources, en partant de ce principe
que, dans une ferme bien administrée, aucune
substance animale ou végétale ne doit se perdre,
1 mais que tout doit être employé à augmenter la
fécondité du sol.
Dans le pays de Caux, d'après M. Girardin, les
cultivateurs ont la vieille habitude de former de
distance en distance, sur leurs champs, des tas ou
' meules d'engrais qu'ils composent avec des terres
ramassées dans les rues et chemins, dans les-
cours des fermes, partout où on en trouve, aux-
' quelles on ajoute parfois un peu de fumier d'étable.
Remués et retournés de temps en temps, arrosés
' avec des purins ou des eaux chargées de matières
' organiques, ces composts peuvent donner d'excel-
lents résultats. Les terres entretenues humides et
mêlées de matières animales ne tardent pas à
acquérir des propriétés fertilisantes remarquables.
Engrais humain. — Les déjections humaines
peuvent être employées soit à l'état naturel, comme
dans le nord de la France, et alors elles portent le
nom d'engrais flamand; soit après un traitement
qui les dessèche et les transforme en poudretie»
ENGRAIS
— 6tJ8 —
ENGRAIS
L'engrais flamand est recueilli, dans les habita-
tions, dans des citernes closes avec soin ; le culti-
vateur l'envoie chercher à la ville dans des ton-
neaux, puis le remet dans une citerne située le plus
souvent au milieu des champs, où il fermente len-
tement pendant plusieurs mois avantd'ctro répandu
sur les champs. Pour l'épandage, on emploie des
tonneaux arroseurs ou des cuves qu'on vide à l'aide
d'écopes. L'engrais flamand est répandu avant ou
immédiatement après les semailles. Ses effets sont
remarquables, à la condition qu'on évite pour l'é-
pandage les jours de fortes chaleurs ou de grandes
pluies, et qu'on choisisse de préférence les temps
couverts ou de brouillard.
La poudrette est obtenue par la séparation des
matières solides et liquides des vidanges, en fai-
sant séjourner celles-ci dans de grands bassins. Les
matières solides enlevées avec des dragues sont
desséchées à l'air. Au bout d'un temps assez long,
€lles forment une poudre brune qui est employée
comme engrais. Ce procédé de fabrication a l'in-
convénient de laisser perdre une grande partie des
principes fertilisants que renferment les matières
fécales.
Engrais de V'iles. — Les boues et immondices
•des rues des villes peuvent être employées comme
engrais avec grand avantage. On en fait un grand
usage dans tout le nord, ainsi que dans le rayon
de Paris. Les boues forment un engrais chaud
très estimé dans la culture maraîchère.
La décomposition des matières organiques qui
«ntrent dans les boues est facilitée par des mani-
pulations qui en font un excellent terreau.
Engrais verts. — Certaines récoltes sont assez
souvent enfouies en vert pour augmenter la ferti-
lité du -sol. Les plantes dont la croissance est
rapide sont les plus propres à cette opération.
Elles doivent être semées dru, de manière h
fournir une plus grande quantité de feuilles et (!e
tigelles.
Enrjrnis commerciaux. — Le fumier de ferme
est l'engrais naturel ; mais il n'est pas suffisant
pour maintenir la fertilité du sol, et surtout pour
en accroître la production. Il no peut, en effet,
restituer à celui-ci qu'une partie des princi-
pes que les récoltes consommées par le bétail
renfermaient , il ne peut rendre les matières con-
tenues dans le blé ou les autres produits ven-
dus aux mai-chés. pas plus que celles qui consti-
tuent la viande du bétail, le lait, etc. L'agriculteur
qui veut augmenter la fertilité de ses champs est
donc obligé de chercher ailleurs des principes
constitutifs de cette fertilité. Tout agriculteur pro-
gressif est donc acheteur d'engrais complémentai-
res du fumier produit dans sa ferme. Les sources
auxquelles il peut s'adresser sont nombreuses, et
il peut choisir suivant les nécessités de son exploi-
tation, les prix d'achats, etc. Le commerce des
engrais a pris, depuis trente ans, un développe-
ment qui est un indice de la marche progressive
de l'agriculture.
On donne parfois aux engrais du commerce la
dénomination d'engrais chimiques, par opposition
au fumier. Cette désignation est tout à fait
impropre, et doit être bannie du langage précis;
«lie n'a, en effet, qu'un résultat, c'est de jeter
de l'obscurité sur le rôle des uns et des autres,
et de faire croire, en faveur des engrais commer-
ciaux, à une puissance spéciale et à un but parti-
culier qu'ils ne peuvent avoir. Leur action varie
suivant leur composition et les conditions dans les-
quelles ils sont employés ; mais ce qui domine la
situation, c'est qu'ils ne peuvent que compléter le
fumier. La question de savoir si les engrais com-
merciaux peuvent remplacer celui-ci est oiseuse
au point de vue pratique. Toute exploitation agri-
cole produit nécessairement du fumier, et elle doit
l'employer ; en outre, c'est l'engrais le plus natu-
rel, et quand même cela ne serait pas, ce ne peut
être que son insuffisance qui force à avoir recours
aux engrais commerciaux. Il n'y a donc pas lieu,
pour l'agriculteur, de se préoccuper de l'agricul-
ture par l'emploi exclusif de ces engrais, d'autant
plus qu'en France les produits animaux étant ceux
dont la valeur augmente le plus, il est sollicite à
en produire davantage et par suite à augmenter la
masse de ses fumiers.
OnsaitfV. Chimie agricole] que les principcsqu'il
est le plus nécessaire de rendre au sol sont l'azote,
l'acide phospliorique, la potasse et la chaux. C'est
donc d'après leur richesse en ces divers princi-
pes et d'après la rapidité de leur assimilation par
les plantes que les engrais commerciaux doivent
être jugés.
Les engrais commerciaux peuvent être divisés,
suivant leur origine, en engrais organiques et en
engrais inorganiques.
Les principaux engrais organiques sont :
1" Le guano du Pérou, formé par l'accumula-
tion de fientes d'oiseaux de mer sur les côtes de
l'Océan pacifique au Pérou. Il se présente sous
la forme d'une poudre grossière, d'une couleur
jaune plus ou moins foncée, avec une forte odeur
ammoniacale. Il est principalement riche en matières
organiques azotées et en phosphates ;
I "2" Les os d'animaux, qui sont une source pré-
cieuse de matière azotée, d'acide phospliorique
et de chaux. Il est donc important de ne pas les
perdre ;
[ 3" Le noir animal, qui est le résultat de la car-
bonisation des os en vases clos, et les cendres
d'os ;
I 4° Le sang desséché^ les débris de laines, de cor-
nes, de matières animales, etc.;
5" Les tourteaux ou gâteaux formés par les ré-
sidus solides que l'on obtient par l'extraction de
l'huile des graines ou des fruits des plantes oléa-
gineuses. Il y a un grand nombre de tourteaux, le
plus souvent désignes sous le nom de la plante
d'où ils proviennent Les principaux sont ceux de
lin, de colza, d'œillette, de cameline, d'ara-
chide, etc. Leur richesse est aussi très variable.
Parmi les engrais inorganiques, les principaux
sont :
1" Les phosphates de chaux fossiles, principa-
loment recherchés pour leur richesse en acide
phospliorique. Les phosphates de chaux se ren-
contrent dans la nature, soit à l'état de coprolithes,
soit sous la forme de gisements stratifiés. Les
principaux gisements en France sont ceux du Pas-
de-Calais, des Ardennes, du Ouercy. Leur richesse
est très variable. Pour être employés, ils doivent
être réduits en farine. L'acide phospliorique s'y
rencontre à l'état de phosphate tribasique de
chaux insoluble dans l'eau.
Pour rendre l'acide phosphorique plus rapide-
ment soluble, on traite les phosphates par l'acide
sulfurique, et on obtient des superphosphates. Les
os peuvent être traités de la même manière pour
donner des superphosphates d'os.
2° Le sulfate d'ammoniaque, qui renferme 20 à
21 p. lot) d'azote. Ce sel est principalement extrait
des eaux des usines à gaz.
3° Le nitrate de soude, qui renferme 15 à 16
p. 100 d'azote. Le Pérou renferme des gisements
considérables de nitrate de soude qui est importé
en Europe pour les besoins de l'industrie et de l'a-
griculture.
Comme beaucoup de branches de commerce, la
vente des engrais commerciaux peut être l'objet
de fraudes parfois difficiles à saisir, et qui sont
d'autant plus dangereuses que le cultivateur livré
à lui-même ne peut s'en apercevoir que lorsque la
récolte est faite. C'est pourquoi une loi, qui date
de 1SGT, a établi des pénalités rigoureuses contre
ceux qui, en vendant ou en mettant en vente des
ÉNIGME
— 669 —
EPHEMERIDES
engrais, auront trompé ou tenté de tromper l'aclie-
tcur, soit sur leur nature, leur composition ou le
dosage des éléments qu'ils contiennent, soit sur
leur provenance, soit en les désignant sous un
nom qui, d'après l'usage, est donné à d'autres sub-
stances fertilisantes. Pour se mettre en garde con-
tre la fraude, le cultivateur a deux moyens : s'a-
dresser à une maison de vente honorablement
connue, et faire analyser les engrais qu'il achète
par un chimiste. Depuis quelques années, il a été
crée en Fçance un grand nombre de stations agro-
nomiques, dont une des attributions est de se
livrer à ce contrôle des engrais commerciaux.
Il faut toutefois faire remarquer que la compo-
sition chimique d'un engrais ne suffit pas toujours
pour en faire apprécier la valeur agricole. Cette
valeur dépend de circonstances extérieures, telles
que la nature du sol. les conditions climatériques,
les plantes auxquelles on les applique, etc. Il est
donc utile, pour apprécier l'eflet utile qu'on peut
retirer d'un engrais, de faire des essais sur une
petite échelle, avant d'en faire l'emploi en grand.
Ces essais sont délicats, mais ils sont nécessaires
pour marcher avec chance de succès.
Ameyidenients. — A côté des engrais se placent
les amendements. On donne ce nom à des sub-
stances qu'on ajoute au sol pour en modifier l'état
primitif. S'il est trop argileux, on lui ajoutera un
élément calcaire ou sihceux ; quand il est trop
calcaire, on ajoute de l'argile ou de la silice, etc.
Les amendements le plus généralement adoptés
sont : la marne, la chaux, le plâtre, les cendres.
La marne est formée d'un mélange de chaux,
d'argile et de sable, dans des proportions variables.
La marne est calcaire, quand elle renferme tJO à
90 p. liiO de carbonate de chaux; elle est argileuse,
quand elle ne contient pas plus de 10 à ^0 p. 100 de
carbonate de chaux. Le marnage convient à pres-
que tous les sols.
La chaux, obtenue en cuisant les pierres calcai-
res, est employée dans les terres argilo-siliceuses.
Elle agit de diverses manières. Outre qu'elle com-
plète les sols pauvres en calcaire, elle détruit l'a-
cidité des terres tourbeuses et des landes, et elle
contribue à la formation de l'humus. Sur quelques
parties des côtes de Bretagne et de Normandie, la
tangue et les sables calcaires retirés de la mer pro-
duisent des résultats semblables à ceux de la
chaux. La chaux est répandue sur les champs
après avoir été mélangée avec quatre à cinq fois
son poids de terre.
Les cendres agissent partout par les sels
de chaux et la potasse qu'elles renferment ; on les
applique principalement sur les sols argileux
qu'elles contribuent à ameublir. On peut employer
à cet effet les cendres de bois lessivées ou non
lessivées, celles de houille, etc. Les plâtres prove-
nant des démolitions, et qui ont été réduits en
poudre, produisent des résultats analogues.
Les amendements produisent un effet d'autant
plus rapide qu'avant d'être employés ils ont été
réduits en poudre plus fine. La pulvérisation des
roches présente des avantages considérables que
M. Menier a mis en lumière il y a quelques an-
nées, en montrant que la dissolution a lieu pro-
portionnellement à l'étendue des surfaces du so-
lide en contact avec le liquide disolvant. La marne,
par exemple, employée en morceaux concassés
très finement, agira avec beaucoup plus de rapidité
que si elle est mise sur le sol en morceaux plus
gros ; il en faudra donc beaucoup moins pour ob-
tenir un efiet déterminé. Il y aura ainsi économie
d'achat, de transport et de main-d'œuvre. C'est
par cette considération qu'il est bon d'achever certe
notice, parce qu'elle est d'un intérêt capital en ce
qui concerne l'emplui des amendi^ments.
[Ufcnry Saunier. 1
ÉMGME. — Connaissances usuelles, XII. — L'é-
nigme est un jeu d'esprit qui consiste à présenter
« la définition d'une chose en termes obscurs, mais
qui, tous réunis, désignent exclusivement leur ob-
jet et sont donnés à deviner. » (Littré.)
L'énigme ayant pour objet de piquer la curio-
sité et par là même d'aic;uiser la sagacité de l'es-
prit, il n'est pas difficile de comprendre l'usage
qu'on en peut faire dans l'enseignement. Sans
devenir un exercice scolaire régulier et continu,
ces jeux d'esprit seront de temps à autre non seu-
lement une agréable distraction et un utile stimu-
lant, mais même un bon petit exercice de gym-
nastique intellectuelle.
On pourra proposer aux élèves des énigmes qui
serviront de récapitulation, sous une forme impré-
vue et piquante, des matières enseignées dans les
différents ordres d'études :
Enigmes grammaticales. — Donner la défi-
nition de l'article, de l'adjectif, du pronom, du
verbe, etc., en y ajoutant tel trait ou tel déve-
loppement que fournira l'imagination, et faire
deviner.
Enigmes littéraires. — Par exemple, on fait
le portrait d'un écrivain, d'après ses qualités
marquantes et quelques traits qui rappellent, sans
les faire trouver immédiatement, le titre de ses
principaux ouvrages : quel est son nom ?
E'igmes historiques. — Exemple : « Nom-
mez un homme sans la hardiesse et le génie du-
quel nous ne connaîtrions ni la pomme de terre,
ni le cacao, ni le tabac, ni le quinquina, etc ; dont
le berceau fut une ville jadis très puissante et
qu'on avait surnommée la Superbe ; qui passa
vingt-cinq années de sa vie sur la mer ; et qui or-
donna en mourant de placer à côté de lui, dans sa
tombe, les fers dont un monarque ingrat l'avait
laissé enchaîner ? »
Eniymes géographiques. — Exemple : « Je sors
d'un glacier, et j'arrose d abord une longue et
fertile vallée : puis je traverse un lac célèbre par.
les paysages encltanteurs qu'offrent ses rives. Bien-
tôt, quittant le pays où je suis né, j'entre dans ma
seconde patrie, à laquelle appartient le reste de
mon cours. J'y baigne une grande ville con-
nue dans le monde entier par la fabrication de
ses admirables soieries, et j'y reçois mon principal
affluent ; puis, changeant de direction pour me
rendre à la mer, distante encore de cent lieues, j&
m'y jette en formant un delta. »
Enigmes chronologiques. — Exemple : a In-
diquez la date de deux événements célèbres qui
sont séparés l'un de l'autre par un intervalle
de trente-trois ans, et dont le premier arriva deux
cent cinquante-deux ans après la mort de Char-
lemagne. »
Enigmes tirées des sciences naturelles. —
Exemple : « Je suis une des substances les plus
utiles que la nature offre à l'homme ; aussi fais je
entrer chaque année des millions dans les caisses
; de tous les gouvernements de l'Europe. Sur la ta-
j ble du millionnaire comme sur celle du plus pau-
, vre paysan, je suis indispensable; mais on nap-
j précie mes services que lorsqu'ils ne se font pas
1 sentir, et si l'on me prodigue, je fais faire la gri-
I mace On me trouve également au sein des flots
do l'Océan et dans les entrailles de la terre. Se-
ra-ce trahir mon incognito que de vous révéler le nom
I par lequel les savants me désignent ? ils m'appel-
I lent chlorure de sodium. «
Etc., etc.
Él'HKMÉRIDES. — Histoire générale, XXXIX-
XL. — (Etym.: du grec éphe'méris, journal, calen-
drier). — Sans aller jusqu'à prétendre que l'his-
toire doive être enseignée sous la forme d'éphé-
mérides, et qu'il faille attendre, par exemple, de
se trouver au jour anniversaire de quehjue grand
événement pour le raco;Uer aux enfants, nous
pensons que l'instituteur frappera plus vivement
EPHEMERIDES
670
EPHEMERIDES
l'imagination de ses élèves, si, de temps en temps,
il fait coïncider avec le retour d'un anniversaire
remarquable le récit historique qui s'y rapporte.
Nous avons réuni ci-dessous un choix dcplicmé-
ridos qui pourront être de quelque utiliic aux
maîtres. Il nous eût été facile d'en donner une
pour cliaque jour de l'année ; nous avons préféré
toutefois nous limiter à un nombre restreint,
parce que notre but n'était que de donner une
simple indication. En pareille matière, d'ailleurs,
il importe moins d'être ou de paraître complet,
chose impossible, que de faire un choix méthodi-
que et raisonné. Chacun pourra, selon ses conve-
nances, allonger notre liste à son gré.
I. — 1338. Le duc de Guise reprend Calais aux
Anglais.
5. — 1071. Commencement du bombardement de
Paris par les Prussiens.
10. — 1778. Mort de Linné.
14. — 1797. Bataille de Pàvoli, gagnée sur les
Autrichiens par le général Bonaparte.
20. — 1790. Création des départements par l'As-
semblée constituante.
21. — 1795. Exécution de Louis XVL
2o. — 1379. Union d'Utrecht, par laquelle se
constitue la république des Sept Provinces Unies.
— 1860. Traité de commerce entre la France et
l'Angleterre ; abaissement des tarifs.
20. — 1077. L'empereur Henri IV s'humilie à Ca-
' nossa devant le pape Grégoire VII.
28. — 814. Mort de Charlemagne.
FÉVRIER.
5. — 1794. Décret de la Convention émancipant
les esclaves dans les colonies françaises.
9. — 1649. Exécution de Charles I", roi d'Angle-
terre.
II. — 1630. Mort de Descartes en Suède.
13. — 1790. La Constituante abolit les vœux mo-
nastiques. — 1791. La Constituante abolit les
jurandes, maîtrises et corporations.
17. — 1673. Mort de Molière. — 1684. Mort de
Pierre Corneille.
18. — 1387. Exécution de Marie Stuart.
2-i. — 1323. Bataille de Pavie. — 1848. Une révo-
lution renverse le trône de Louis-Philippe et
rétablit la république en France.
25. — 1873. Vole par l'Assembl e de Versailles de
la loi qui consacre définitivement l'existence de
la troisième Répu^ 1 que française.
26. — 1848. Le gouvernement provisoire de la
République française abolit la peine de mort en
matière politique.
28. — 615. Supplice de Brunehaut.
4. — 1789. Washington, premier président des
Etats-Unis, entre en fonctions.
6. — 521. L'empereur Constantin rend le dimanche
jour férié.
là. — 1781. Découverte de la planète Uranus par
l'astronome anglais Herschel.
15. — 44 (avant J.-C). Meurtre de Jules César.
18. — 1514. Supplice de Jacques Molay, grand-
maître des Templiers.
20. — 1727. Mort d'Isaac Newton.
22. — 1852. Mort de Gœthe.
30. — 1282. Vêpres siciliennes.
31. — 1014. Entrée des aUiés à Paris.
. — 1791. La Constituante transforme l'église
Sainte-Geneviève en un Panthéon consacré à la
sépulture des grands hommes.
7. — 1793. La Convention établit le système mé-
trique.
10. — 1502. Réunion des premiers Etats-Généraux
à Xoire-Dame de Paris, sous Philippe le Bel.
13 — 1390. Henri IV dorme l'édit de Nantes. —
1093- iMort de La Fontaine.
14. — 1863. Assassinat du président Lincoln.
IG. — 1788. Mort de Bufl'on.
17. — 1790. Mort de Benjamin Franklin.
19. — 1024. Mort de Byron à Missolonghi. s
23. — 1610. Mort de Shakespeare.
27. — 1321. Mori du navigateur Magellan, lue par
les indigènes des îles Philippines. — 1848. Le
gouvernement provisoire abolit l'esclavage dans
ies colonies françaises (V. 5 février et iO mai).
, 30. — 1635. Coup d'Etat militaire de Cromwell
contre le Long Parlement.
M.U.
1". — 1831. Ouverture, à Londres, de la pre-
mière exposition universelle.
4. — 1848. Première séance de l'Assemblée cons-
tituante de la seconde république française.
5. — 1709. Ouverture des Etats-Généraux à Ver-
sailles. — 1821. Mort de Napoléon à Sainte-
Hélène.
6. — 1839. Mort d'Alexandre de Humboldt.
5. — 1796. Bataille de Lodi. — 1842. Accident du
chemin de fer de Versailles,
9. — 1803. Mort de Sciiiller.
11. — 1743. Bataille de Foutenoy. — 1860. Débar-
quement des Mille de Garibaldi à Marsala.
14. — 1610. Assassinat d'Henri IV.
19. — 1645. Bataille de Rocroi.
20. — 1002. Rétablissement de l'esclavage dans
les colonies françaises (V. 5 février et V7 avril).
21. — 987. Mort de Louis V, dernier des Carlo-
vingiens.
24. — 1345. Mort de Copernic.
29. — 1435. Prise de Constantinople par les Turcs.
30. — 1451. Supplice de Jeanne d'Arc. — 1778.
Mort de Voltaire.
JUIN.
4. — 1839. Bataille de Magenta.
6. — 1368. Exécution des comtes d'Egmont et de
Horn à Bruxelles. — 1785. Premier essai des
ballons par Etienne Montgolfier à Annonay.
11. — 1213. La grande charte d'Angleterre signée
à la conférence de Runny-Mead, près Windsor.
14. — 1800. Bataille de Marengo; mort de Desaix.
Le même jour. Kléber est assassiné au Caire.
15. — 1783. Mort de l'aéronaute Pilâtre des Ro-
ziers, à Boulogne.
18. — 1813. Bataille de Waterloo.
19. — 1790. La Constituante abolit les titres de
noblesse. — 1867. Exécution de l'empereur Maxi-
milien à Queretaro.
20. — 1789. Serment du Jeu-de-Paume.
22. — 1635. Le Saint-Ofiice oblige Galilée à se
rétracter.
24. — 1839. Bataille de Solférino.
25. — 1846. Abolition des lois sur les céréales en
Angleterre, et triomphe des libres échangistes,
26. — 1794. Bataille de Fleurus, gagnée par" Jour,
dan sur Co bourg et les Impériaux.
3. — 1778. Mort de Jean-Jacques Rousseau. —
1866. Bataille de Sadowa.
4. — 1776. Déclaration d'indépendance des
Etats-Unis.
5. — 1850. Capitulation d'Alger.
9. — 1709. Bataille do Pultava.
11. — 1702. L'Assemblée législative proclaaue la
patrie en danger.
14. — 1789. Prise de la Bastille.
ÉPHEMERIDES
— 6T1
ÉPIDÉMIES
j5. 1099. Prise de Jérusalem par les Croisés.
Ifj' _ 622. Fuite de Mahomet de la Mecque à
Médine(liéuire).
15. — 1870. Le Concile du Vatican vote le dogme
de l'infaillibilité du pape.
19. — 61. Incendie de Rome par Néron.
20. — 1847. La diète suisse vote la dissolution du
Sonderbund et l'expulsion des Jésuites.
25. — 1830. Charles X publie les ordonnances qui
amènent la révolution de juillet.
27. 1214. Bataille de Bouvines. — 1673. Tu-
renne est tué à Salzbach.
29. 1830. Troisième et dernière journée de la
révolution qui renverse la dynastie des Bourbons.
31. — 1S89. Assassinat d'Henri III par Jacques
Clément.
AOÛT.
1". — 1338. Assassinat d'Etienne Marcel.
2. — 216 (avant J.-C). Bataille de Cannes.
3. — 538 (avant J.-C). Bataille de Chéronée.
4. — 1789. La Constituante abolit le régime féodal.
6. — 1762. Arrêt du Parlement de Paris pronon-
çant la dissolution de la société de Jésus. —
1806. François II d'Autriche abdique le titre
d'empereur d'Allemagne.
9 — 1803. Essai du premier bateau à vapeur sur
la Seine (Fulton). Bonaparte repousse l'inven-
teur.
10. — 1792. Prise des Tuileries par le peuple, et
renversement de la royauté.
16. — 1790. La Constituante décrète l'établisse-
ment du jury.
17. — 1786. Mort de Frédéric II le Grand, roi de
Prusse.
18. — 1303. Le pape Alexandre VI Borgia meurt
empoisonné.
19. — 14. Mort de l'empereur Auguste à Nola en
Campanie. — 1662. Mort de Pascal.
20. — 1672. Massacre du grand pensionnaire Jean
de Witt et de son -rère à la Haye.
22. — 1838. Première dépêche officielle échangée
par le câble transatlantique entre le président
des Etats-Unis et la reine d'Angleterre.
23. — 79. Première éruption du Vésuve, qui dé-
truit Herculanum et Po peï.
24. — 1372. Massacre de la Saint-Barthélémy.
25. — 1270. Mort de saint Louis. — 1819. Mort
de James Watt, inventeur de la machine à va-
peur à tiroir.
26. — 1346. Bataille de Crécy.
SEPTEMBRE.
1". — 1713. Mort de Louis XIV.
4. — 1870. Renversement du gouvernement de
Napoléon III.
5. — 1798. Loi établissant la conscription en
France .
6. — 1685 Mort de Colbert.
8. — 1833. Prise de Sébastopol.
10. — 1419. Assassiiiat de Jean-Sans-Peur au pont
de Montereau.
11. — 1709. Bataille de Malplaquet.
14. — 1321. Mort de Dante Alighieri à Ravenne.
— 1813. Traité de la Sainte -Alliance, auquel
l'Angleterre refuse d'adhérer.
15. — 1797. Mort de Hoche. — 1812. Incendie de
Moscou (du 15 au i7j.
19. — 1336. Bataille de Poitiers.
20. — 1792. Bataille de Valmy.
21. — 1338. Mort de Charles-Quint. — 1792. Pre-
mière séance de la Convention et proclamation
de la République. — 1796. Marceau est tué à
Alikirchen.
23. — 1862. Proclamation du président Lincoln
émancipant les esclaves à partir du l*' janvier
1863.
23. — 1846. La planète Neptune, dont les calculs
de Leverrier avaient démontré l'existence, e's*.
aperçue par l'astronome prussien Galle.
25. — 1799. Bataille de Zurich, gagnée par Mas-
séna sur les Russes.
29. — 310 (avant J.-C ) . Bataille de Marathon.
30. — 331 (avant J.-C.}. Bataille d'Arbèles.
1"='. — 1791. Ouverture de l'Assemblée législative.
7. — 1371. Bataille de Lépante.
12. — 1492. Découverte de l'Amérique. Christophe
Colomb aborde à l'île de Guanahani.
14. — 1066. Bataille de Hasiings.
17. — 1683. Révocation de l'édit de Nantes (V. 13
avril) .
18. — 1737. Mort du savant français Rcaumur,
physicien et naturaliste.
24. — 1793. Troisième et dernier partage de la
Pologne.
25. — 1413 Bataille d'Azincourt. — 1793. La Con-
vention crée l'Institut.
26. — 1268. Supplice de Conradin, dernier des
Hohenstaufen,
27. — 1614. Ouverture des Etats-Généraux, les
derniers avant ceux de 1789.
NOVEMBRE ,
1". — 1733. Tremblement de terre de Lisbonne.
2. — 1789. La Constituante décide que les biens
du clergé sont à la disposition de la nation.
5. — 1688. Guillaume d Orange débarque en An-
gleterre.
0. — 1792. Victoire de Jemmapes sur les Autri-
chiens.
9. — 1799 (18 brumaire). Coup d'Etat de Bona-
parte contre la république. Le même jour, mort
de Washington.
10. — 522 (avant J.-C). Mort de Démosthènes.
13. _ 1003. Massacre des Danois en Angleterre,
le jour de la Saint>Brice.
15. — 1796 Bataille d'Arcole.
21. — 1806. Décret du blocus continental, daté de
Berlin.
22. — 1497. Vasco de Gama double le cap de
Bonne-Espérance.
24. — 1793. Etablissement du calendrier répu-
blicain.
30. — 1794. Inauguration du télégraphe Chappe
par l'annonce de la prise de Condé sur les Au-
trichiens.
2. — 1804. Sacre de Napoléon !«' à Notre-Dame.
— 1803. Bataille d'Austerlitz. — 1831. Coup
d'Etat de Louis-Napoléon contre l'Assemblée na-
tionale.
4. — 1642. Mort de Richelieu.
7. — 43 (avant J.-C. . Mort de Cicéron.
10. — 1320. Luther brûle la bulle du pape.
11. — 1718. Charles XJI de Suède est tué au siège
de Frederickshall.
13. — 1343. Ouverture du concile de Trente.
17. — 1789. La Constituante décrète la création
des assignats.
25. — 800. Cliarlemagne est couronné à Rome
empereur d'Occident.
EPIDEMIES. — Hygiène, m et XVll . — On ap-
pelle épidémie une maladie qui attaque en même
temps, dans le môme lieu, un grand nombre de
personnes à la fois, et qui dépend d'une cause
commune survenue accidenUdlement, comme l'al-
tération de l'air, des eaux, des aliments, etc. Le
caractère accidentel distingue l'épidémie de l'en-
démie. Celle-ci consiste en une maladie locale qui
attaque un grand nombre ou la généralité des
habitants, et qui dépend de causes permanentes
ÉPIDÉMIES
— 672 —
ÉPIDÉMIES
telles que le climat, la nature des eaux, la nourri
ture, les mœurs.
Il existe une classe de maladies qui naissent
dans un foyer limité, se propagent plus ou moins
rapidement e: do diverses manières, frappent les
habitants de toute une contrée, puis s'éteignent
complètement ou i:iiparfaitement pour renaître
lorsque certaines circonstances, encore mal déter-
minées, seront favorables à leur développement
et à leur dissémination : ce sont les maladies
infectieuses et contagieuses. (V. Contagion.)
L'infection diffère de l'empoisonnement ordi-
naire en ce qu'elle résulte de l'imprégnation de
l'organisme par une matière capable de se repro-
duire, de se multiplier presque indéfiniment,
comme se multiplie une simple cellule de levure
placée dans un milieu convenable.
De plus, la maladie infectieuse est spécifique,
c'est-à-dire constitue une espèce bien distincte qui
se reproduit toujours, cliez tous les sujets, avec des
caractères bien tranchés et sous l'influence d'une
cause unique : la pénétration dans l'organisme
d'un poison vivant, ou capable d'organisation, de
vie et de reproduction.
On a donné le nom de contage ou de virus à
ce poison vivant capable de reproduire les mala-
dies infectieuses. On réservait autrefois le nom
de virus aux coiUages qui ne peuvent s'introduire
que par une petite solution de continuité, une
piqûre, une érosion, une blessure si petite qu'elle
soit, c'est-à-dire par inoculation : aujourd'hui la
distinction entre les virus et les contages ne pa-
raît pas fondée.
Quant à la nature des contages, elle n'a pas été
suffisamment reconnue pour que l'on puisse la
déterminer scientifiquement : toutefois des analo-
gies nombreuses tendent à faire supposer qu'ils
appartiennent à des familles de végétaux et d'ani-
maux microscopiques, si petits que les meilleurs
instruments permettent à peine d'en commencer
l'étude, quant à la classification végétale ou ani-
male .
Au point de vue pratique il importe peu que l'on
ait vu et nommé la plante ou l'insecte qui causent
et propagent les épidémies. On est fixé sur ce
point important : l'usage de fruits verts, les bois-
sons froides, ne peuvent engendrer le choléra; la
présence de matières en putréfaction ne peut
engendrer la peste ; les émanations des marais ne
peuvent engendrer la fièvre jaune. Pour que ces
épidémies s'implantent dans une localité, il faut
absolument qu'on en ail apporté le germe, la
semence, le contage spécifique. Mais il est re-
connu également que cette semence d'épidémie
pourra mourir faute d'aliment, faute de circons-
tances favorables à son existence et à sa reproduc-
tion, dans un milieu soumis à d'excellentes con-
ditions hygiéniques, tandis qu'elle prospérera et se
reproduira promptement dans un milieu favorable.
Or, tout ce qui contribue à diminuer la vitalité des
individus, leur force de résistance ; tout ce qui
modifie les propriétés normales de l'air, des eaux,
des aliments, prépare le terrain pour l'acclimate-
ment des épidémies et pour leur dissémination.
Il impoi'te de bien fixer les idées sur ces prin-
cipes fort simples, car toute l'hygiène privée, pu-
blique et internationale des épidémies dépend des
applications pratiques auxquelles ils donnent lieu.
Si les épidémies n'étaient pas causées par un poi-
son vivant, un virus de nature spécifique, il fau-
drait renoncer à toute précaution, à toute mesure
de police sanitaire, et se résoudre à un fatalisme
expectant.
Pour ce motif, nous insisterons sur la définition
difl'érentiolle de trois mots que l'on confond sou-
vent : miasme, virus, contage.
Autrefois on désignait sous le nom de miasme '
tout germe répandu dans lair et capable de doter- 1
miner des maladies. Aujourd'hui on réserve ce
mot pour désigner un agent spécifique qui naît en
deliors de l'homme et ne peut se reproduira dans
l'économie. Tel est le miasme paludéen, qui cause
des fièvres spéciales non transmissibles et que le
malade ne peut importer avec lui dans un nouveau
milieu. Le miasme agit donc sur chaque individu
comme un poison spécifique, mais borne son effet
à l'individu attaqué ; il ne se multiplie pas dans
son organisme, ou s'il se multiplie, il n'en sort
pas pour frapper d'autres victimes.
On appelle indifl'éremment virus et contage des
principes morbides provenant d'un individu ma-
lade et capables de communiquer la même maladie
à un individu sain : c'est cette cu-nmimiicalion
qui constitue la contagion Ainsi la rougeole, 1?
morve, la variole, sont des maladies virulente
qui se propagent par contagion.
On distingue deux grandes classes de virus. Les
virus fixes se propagent directement par contact
d'un individu malade ou d'un objet sur lequel il
s'en trouve une quantité si minime qu'elle soit.
Quelques-uns pénètrent dans l'organisme par un
point quelconque de la muqueuse des yeux, de la
bouche, des poumons, de l'intestin, etc. D'autres
ne peuvent s'introduire que par une petite solution
de continuité, plaie, piqûre, éraillure. c'est-à-dire
par inoculation. Les virus dits volatils se ré-
duisent en particules tellement fines qu'elles se
mêlent très facilement à l'air où elles accompa-
gnent les poussières inertes. Ce ne sont ni des
gaz ni des vapeurs, mais on leur a donné le nom
de volatils pour indiquer leur mode ordinaire de
dissémination. De ce nombre sont les virus de la
diphtérie, du typhus, de la rougeole, etc. Notons
que certaines maladies donnent lieu à deux modes
de propagation. Ainsi la variole se communique
par inoculation et par l'air. On comprend que le
vent peut transporter à de grandes distances les
virus volatils, mais c'est un fait exceptionnel. En
suivant la direction des vents, en étudiant les
changements de direction causés par quelques
obstacles : édifices, rideau d'arbres, collines, on
se rend compte de l'immunité observée quelque-
fois sur un espace très restreint dans un pays
envahi par une épidémie.
Certains virus sont doués d'une vitalité extraor-
j dinaire et peuvent se conserver pendant de lon-
I gués années sans perdre de leur énergie. Ainsi
, l'on vaccine avec du virus de cow-/'OX (vaccin) con-
1 serve dans des tubes de verre. La morve, le char-
I bon, se communiquent après dix ans et plus par
le contact de dépouilles d'animaux atteints de ces
maladies. Le virus de la variole est un des plus
tenaces; c'est ce qui explique comment il est fort
difficile d'éteindre, dans les giandes villes, les
petites épidémies de variole qui sévissent tantôt
dans un quartier, tantôt dans l'autre. L'exhumation
des personnes mortes de la variole devrait être
absolument interdite. Il conviendrait même d'a-
dopter, pour les inhumations, des précautions spé-
ciales. Il est arrivé souvent que des fossoyeurs et
des personnes assistant à des inhumations ont
ainsi contracté la maladie et l'ont propagée daas
tout un district.
La reproduction et la dissémination des virus
semble influencée par une foule de circonstances
climatériques générales ou locales, constantes ou
accidentelles, mais justju'à présent on ne connaît
pas les lois de ces rapports. On constate seule-
ment, d'ordinaire, que la chaleur et l'humidité favo-
risent l'évolution des virus. Cependant celui de
la peste perd son activité dans les sa sons très
chaudes, et les froids rigoureux ne diminuent pas
l'énergie du virus du choléra.
Un individu sain sert souvent à la transmission
de virus qui se sont attachés à ses vôiemenis ou
même à sa peau sans lui causer aucun mal. Par
EPIDEMIES
— 673 —
ÉPIDÉMIES
conséquent ce ne sont pas seulement les malades
qu il importe d'isoler, mais tous ceux qui les ap-
prochent. Et, si l'isolement de ceux-ci n'est pas
praticable, il est indispensable de les soumettre à
•des mesures spéciales de propreté qui diminuent
■de beaucoup les chances de transport do maladies
par leur personne, leurs vêtements ou les objets
à leur usage.
Les virus fixes qui s'introduisent seulement par
voie d'inoculation trouvent peu de sujets réfrac-
taires. L'immunité, en ce qui les concerne, cons-
titue une rare exception. Il n'en est pas de même
pour ceux qui pénètrent par absorption, et sur-
tout pour les virus volatils. Il faut que l'économie
se trouve dans certaines conditions spéciales pour
se laisser envahir par ces ennemis invisibles.
En général le jeune âge, le sexe féminin, la con-
stitution faible, le tempérament lymphatique,
favorisent l'absorption des virus : tout ce qui dé-
range les fonctions et diminue la vitalité peut deve-
nir une cause de prédisposition spéciale.
Outre l'immunité naturelle, encore mal expli-
quée, il yen a une bien déterminée, que l'on
peut produire à volonté : elle dépend d'une modi-
fication de l'organisme causée par une première
attaque de la maladie. Il est rare qu'un même
sujet soit atteint plusieurs fois de variole, de scar-
latine, de rougeole, de fièvre typlioîde. Notons
cependant que pour le choléra, la fièvre jaune, la
dy3senterie,une première attaque, loin de produire
l'immunité, semble prédisposer à un nouvel em-
poisonnement.
Au point de vue théorique comme au point de
vue pratique, il est impossible de s'occuper avec
fruit des épidémies si l'on ne commence par éta-
blir scientifiquement l'existence de causes maté-
rielles, spécifiques, contre lesquelles on puisse
diriger les efforts de l'hygiène privée, publique et
internationale. Or cette détermination scientifique,
cette distinction rationnelle des termes usuels,
sont toutes récentes. Il y a peu d'années, on re-
gardait encore les épidémies comme des maladies
inexplicables, et, sans les attribuer comme autre-
fois à des manifestations de la colère divine, on
se^ complaisait à leur reconnaître un caractère
mystérieux. C'était une excuse de l'ignorance ou
de l'impuissance. Sous l'influence de ce fatalisme,
les mesures sanitaires étaient nécessairement ca-
pricieuses, vexatoires et incomplètes. Leur insuffi-
sance conduisait même à en nier l'utilité.
Aujourd'hui que l'on a fixé la valeur des termes
de la discussion et que l'on appuie chaque asser-
tion sur des données rigoureusement scientifiques,
on peut espérer de voir adopter contre les épidé-
mies des mesures capables de les étoufi"er dans
leur foyer, ou du moins de ne laisser subsister
qu'un seul mode de propagation, la diffusion par
les vents, celle qui offre le moins de danger pour
les épidémies les plus redoutables.
On peut établir entre les maladies infectieuses
et contagieuses les distinctions suivantes :
Les maladies pestilentiel/es n'ont pas de siège
anatomique nettement déterminé, bien qu'elles
donnent lieu à certains accidents localisés; ce sont
le choléra, la peste d'Orient, le typhus des camps
et la fièvre jaune. Ces quatre maladies ne sont
pas inoculables, c'est-à-dire ne sont pas suscepti-
bles d'être développées chez un individu sain en
introduisant sous l'épiderme du pus, du sang
ou un liquide quelconque provenant d'un individu
malade.
Plusieurs malaiies virulentes ont leur siège
principal dans l'abdomen : ce sont la fièvre typhoïde,
la dyssenterie épidémique. On n'a pas réussi à les
inoculer; elles ne semblent pas contagieuses par
contact, mais elles le sont certainement par l'en-
tremise des déjections des malades. La chaleur
€St favorable au développement du poison typhoïde,
2« Partie
qui est absorbé surtout par les individus jeunes
et non acclimates dans les grandes villes. Le poi-
son dyssentérique se propage rapidement partout
où il y a encombrement d'individus sains ou ma-
lades.
Plusieurs maladies virulentes épidémiques se
manifestent spécialement à la peau ; ce sont : la
variole, qui est inoculable, la scarlatine, la rou-
geole et la suette miliaire, dont l'inoculabilité
n'est pas démontrée. Le germe morbide de ces
quatre maladies semble plus actif sous l'influence
de la chaleur. La contagion se produit par le con-
tact de l'individu malade, des vêtements et objets
à son usage, et aussi par l'air de la chambre, de la
maison, du quartier. Il suffit d'ouvrir une porte
ou une fenêtre pour infecter tout le voisinage.
Dans certaines circonstances que l'on n'a pas
encore pu déterminer, un assez grand nombre de
maladies ordinairement isolées deviennent épidé-
miques : ce sont la grippe, la méningite cérébro-
spinale, l'érysipèle, la dyssenterie, l'angine couen-
neuse, le croup, la coqueluche, etc.
L'histoire de la médecine et même l'histoire géné-
rale des peuples nous montrent que les épidémies
diminuent de fréquence et d'intensité à mesure
que progresse la civilisation. Partout ce sont les
classes ignorantes et misérables qui fournissent
aux épidémies le plus grand nombre de victimes.
Par conséquent le premier devoir des individus et
des gouvernements, c'est de combattre les épidé-
mies et de les faire disparaître par la diffusion de
l'instruction et l'augmentation du bien-être. On
peut dire en toute confiance que l'hygiène tuera
les épidémies. Leur propagation n'a rien de mys-
térieux et de fatal ; on est aujourd'hui suffisam-
ment renseigné sur leur nature pour les combat-
tre avec certitude de succès. Mais pour cela il faut
que les particuliers et les gouvernements appli-
quent sans réserve l'adage a Qui veut la fin veut
les moyens. »
Pour les particuliers, on peut résumer ainsi les
règles à observer en temps d'épidémie.
Les poisons épidémiques ne prospèrent que
dans un milieu favorable. Un individu sain, ro-
buste, qui mène une vie régulière et se conforme
aux principes de l'hygiène, est un mauvais terrain
pour les germes morbides. Le plus souvent ils ne
peuvent s'y implanter. Au contraire, l'individu
maladif, affaibli par des excès ou des privations,
dos imprudences passagères, une vive préoccupa-
tion, la peur, etc., offre peu de résistance vitale
aux germes prêts à pénétrer dans toute place mal
gardée. Il importe donc, en temps d'épidémie,
d'observer scrupuleusement les conseils de
l'hygiène, surtout en ce qui concerne le travail, les
fatigues de toute sorte, le sommeil, la nourriture,
les plaisirs, la propreté.
La propreté mérite une mention toute spéciale,
car le grand air, le soleil, l'eau et le savon cons-
tituent les moyens de prévention et de défense les
plus énergiques, en même temps que ce sont les
plus simples. L'humidité et l'encombrement sont
des causes actives de fixation et de propagation
des contages.
Tout en se gardant des préoccupations timorées,
de la peur qui affaiblit, on doit surveiller attenti-
vement sa santé afin de reconnaître, dès le début,
les symptômes d'un malaise qui serait passé ina-
perçu dans d'autres circonstances, mais qui acquiert
une importance toute particulière en temps d'épi-
démie.
Des soins intelligents, ceux du médecin seule-
ment, pourront, dans bien des cas, enrayer le mal
dès son apparition, faire avorter des accidents qui,
livrés à eux-mêmes, auraient suivi leur marche
naturelle et causé une grave maladie. Ainsi le
moindre rhume doit éveiller l'attention en temps
d'épidémie de grippe. Lorsque sévit le choléra, le
43
EPIDEMIES
674 —
EPISTÛLAIRE
plus petit dérangement intestinal appelle une
médication immédiate; dans la grande majorité
des cas, la maladie débute par une simple diar-
rhée que l'on appelle très instement p}-éi7i07ii foire :
si on Tan-ète au début par les préparations d'o-
piutn et autres moyens appropriés, on coupe court
à la maladie. Si dans chaque maison on exerce
cette viîïilance, on peut faire avorter en quelques
jours une épidémie.
C'est surtout pendant les épidémies qu'il faut
se garder de suivre les conseils des commères,
des guérisseurs, ou de perdre un temps précieux
à essayer les remèdes banals de la médecine
domestique sous prétexte qu'ils ne peuvent pas
faire de mal. Une infusion de fleurs de guimauve
peut tuer le malade atteint de diarrhée, en retar-
dant l'administration d'un remède capable d'em-
pêcher le choléra de se déclarer sous sa forme
mortelle.
L'isolement des malades est indispensable. Il
est très important de détruire leurs évacuations par
les procédés aujourd'hui vulgarisés. Le moyen le
plus simple consiste h les mélanger de chlorure
de zinc ou de sulfate de fer. Toutes les personnes
qui ne sont pas appelées par le devoir strict ou
l'utilité immédiate à donner leurs soins au ma-
lade atteint d'une maladie infectieuse et conta-
gieuse, doivent s'abstenir do l'approcher, d'entrer
dans sa chambre, de toucher aux objets à son usage.
Les liens de famille el d'affection cèdent, en ces
circonstances, à un devoir qui prime tout dévoue-
ment et toute charité. Puisqu'il est prouvé qu'une
personne saine peut transporter sur sa personne,
sur ses vêtements, les germes de ces maladies,
c'est commettre une imprudence coupable que de
s'exposer à devenir une source d'infection : le dé-
lit est le même que celui de blessure ou d'homi-
cide par imprudence.
En Angleterre, dès que se manifeste une mala-
die épidémique, les règlements sanitaires sont ap-
pliqués pour contrôler et limiter la liberté indivi-
duelle, .'ii respectée dans ce pays, et pour s'opposer
à toute imprudence de la part de ceux qui entou-
rent le malade. Les tribunaux condamnent sévère-
ment toute personne atteinte de variole, de scar-
latine, etc., qui voyage dans une voiture publique ou
en chemin de fer avant la période où la maladie
cesse d'être transmissible. Un maître est également
poursuivi pour laisser sortir un serviteur qui n'est
pas complètement guéri.
La France est très arriérée pour ce qui con-
cerne l'hygiène publique des maladies infectieuses
et contagieuses, isolées ou à l'état d'épidémie. Il
existe cependant, au moins sur le papier, des
règlements que nous devons indiquer.
D'après une circulaire ministérielle de 1813, il
doit y avoir dans chaque arrondissement, sous le
titre de médecin des épidémies, un médecin chargé
spécialement de suivre le traitement des maladies
épidémiques et de se transporter dans les commu-
nes oîi elles éclatent, à la première invitation qu'il
en reçoit du sous-préfet.
\ussitôt que les malades d'une commune excè-
dent le nombre ordinaire et qu'il y a apparence
d'épidémie, le maire doit en informer le sous-
préfet.
Est-il nécessaire de démontrer que cette marche
hiérarchique rendait inapplicables les bonnes inten-
tions do cette circulaire?
La création des conseils d'hygiène et de salu-
brité en 1848 faisait en partie justice des erreurs
de la réglementation précédente. Puis, en 1851,
une circulaire relia tant bien que mal les attri-
butions dos conseils et celles des médecins d'épi-
démies. Ceux-ci eurent le droit de siéger au con-
scil- Jlais la seule mesure efficace, c'est de donner
l'initiative et les pouvoirs nécessaires aux méde-
cins du service sanitaire.
En pratique, tout est à créer chez nous pour
obtenir un service sanitaire efficace, comparable à
ceux qui fonctionnent aux États-Unis et surtout en
Angleterre. Quel ministre répétera h. notre parle-
ment ces paroles de lord Beaconsfield à la Cham-
bre haute d'Angleterre : n La santé du peuple doit
être le premier soin des gouvernements. »
Les définitions que nous avons données, les
faits que nous avons établis indiquent suffisamment
quelles sont les mesures d'hygiène publique et
internationale qu'il importe d'adopter pour préve-
nir le développement et la propagation des épidé-
mies. Une fois que tous les intéressés se seront
mis d'accord sur ces bases de la discussion, il sera
facile de s'entendre pour la réglementation des
cordons sanitaires, des quarantaines de terre et de
mer, des lazarets, de la circulation des individus et
des marcliandises, des procédés de désinfection.
Espérons que les nouvelles études auxquelles ont
donné lieu les récentes épidémies de fièvre jaune
aux États-Unis et de poste en Russie \ àtcront des
décisions qv.e l'on peut prendre aujourd'hui en
toute connaissance de cause, et qu'on les mettra
immédiatement en pratique. — V. Contaqion.
'{D' Saffray.]
ÉPISTOLAIRE (Genre). — Littérature et style,
IV. — I. Introduction. — L'art d'écrire une
lettre doit compter parmi les plus essentiels ré-
sultats de toute éducation. Car s'il n'est point in-
dispensable d'être poète, orateur ou philosophe,
les relations de la vie nous invitent tous à cor-
respondre avec des parents, des amis, des étran-
gers, en un mot avec les personnes que les affec-
tions, les devoirs ou les intérêts mettent sans cesse
en rapport avec nous. Il importe donc à tous les
âges et à toutes les conditions de pouvoir satisfaire
à ces obligations sociales, et l'on ne saurait s'y
exercer ou s'y préparer trop tôt.
La lettre est de tous les genres le plus souple,
le plus varié, celui qui se prête le moins à des
règles précises : car il s'accommode à tous les
tons, à tous les sujets, à toutes les formes, de-
puis le simple billet tracé par le crayon qui court
jusqu'au rapport officiel dont chaque mot est cal-
culé par la prudence la plus circonspecte ; depuis
ce babillage qui voltige sur des riens, jusqu'aux
considérations littéraires et politiques, morales ou
religieuses.
D'ailleurs les préceptes sont comme des semen-
ces qui ne germent que dans un sol fertile. Écrire,
c'est traduire des idées ou des sentiments. Or, on
n'apprend pas plus à penser qu'à sentir. La nature
y suffit, et l'art ne peut rien sans elle. Avant de
prendre la plume, réfléchissez donc à ce que vous
devez dire : car le plus souvent ce qu'on appelle
indigence d'esprit n'est que défaut d'attention, et
le bon sens est le meilleur des maîtres.
Aussi nous réduirons-nous à ces conseils géné-
raux qui, sans suppléer aux aptitudes heureuses,
les dirigent et préviennent les écarts de l'inexpé-
rience.
Une lettre est une conversation entre absents.
Pour y réussir, figurez-vous donc que vous êtes
en présence de celui qui vous lira, qu'il entend le
son de votre voix, et a les yeux fixés sur les vôtres.
C'est ici surtout qu'on peut dire : Le style, cest
l'homme même. Cela est si vrai que des lettres
d'amis ne devraient pas avoir besoin d'être signées,
tellement la signature se révèle à chaque ligne
par l'accent, l'humeur, le caractère, par tous les
symptômes qui rendent une physionomie indivi-
duelle et distincte. L'écriture même est expressive,
et son allure habituelle peut trahir les qualités ou
les défauts de l'être moral. Le naturel, la simpli-
cité, l'aisance, un tour libre et vif. tel est le mé-
rite principal d'une causerie épistolaire : la parole
ne doit faire qu'un saut de vos lèvres sur le pa-
pier.
ÉPISTOLAIRE
— 675 —
EPISTOLAIRE
Mais il n'en faut pas conclure qu'on peut se
permettre tout ce qui passe par une tète étourdie.
Outre que la rapidité de l'improvisation porte tou-
jours mallieur à qui s'y confie, certaines négli-
gences ne sont pas de mise dans ces entretiens
qui, laissant une trace durable, exigent de la so-
briété, du choix, de la mesure, de la discrétion, de
la tenue et du gotit. Le sans-gène y est aussi dé-
plaisant que la recherche, et tout homme bien
élevé ne doit montrer en ses écrits les plus fami-
liers que le meilleur de lui-même. On se peint
dans ses lettres : faites donc en sorte que votre
image soit sympathique.
Surtout, observez scrupuleusement les bien-
séances. Ne perdez jamais de vue l'âge, le rang,
la condition des personnes : mesurez les distan-
ces; appréciez les rapports ; ayez une idée juste de
ce qui sépare et de ce qui rapproche. On peut se
permettre envers les uns ce qu'il convient de
s'interdire envers les autres ; on ne traite pas un
supérieur comme un égal, ou un subalterne. Les
degrés de parenté comportent aussi des nuances
qui varient suivant les situations ; et, dans l'amitié
même, il faut approprier le ton de sa correspon-
dance à la diversité des caractères ou des circons-
tances. C'est affaire d'instinct, de tact et d'usage.
Un principe résume tous les autres ; le voici : Sa-
chons bien ce que nous sommes et ce que nous
devons à chacun.
Sans énumérer toutes les espèces que comprend
le genre épistolaire, nous allons maintenant pas-
ser en revue celles dont on use le plus ordinaire-
ment.
II. Lettres d affaires. — Concision et précision :
ces deux mots sont toute la rhétorique des lettres
commerciales, litigieuses ou administratives. Elles
doivent aborder immédiatement leur sujet, et aller
droit au but par les voies rapides et simples. Point
d'ambages, point de verbiage, point de plaisante-
ries, point de prétention à l'esprit : le meilleur style
est alors le plus uni, celui qui se borne au néces-
saire. Tout ce qui détourne ou amuse l'attention
serait de trop. Cependant, que la brièveté ne soit
point un laconisme obscur : car le moindre
nuage qui voilerait notre pensée pourrait entraîner
de fâcheuses méprises. Au besoin, il vaut mieux
se répéter, ou du moins insister sur ses intentions,
que de courir le risque de n'être pas entendu. La
clarté est donc ici de première importance, et le
fonds l'emporte sur la forme ; mais n'oublions pour-
tant pas que la correction et le goût ne nuisent
jamais à l'expédition des affaires, et que la langue
française peut suffire à tous les besoins sans être
estropiée par un jargon barbare qui répugne éga-
lement à la grammaire et à la bonne compagnie.
Dans cette classe rentrent les comptes rendus et
les rapports adressés soit à un chef de service, soit
à une assemblée politique, ou à une compagnie
industrielle. Embrasser l'ensemble d'une question,
en résumer les détails sans s'y perdre, ana-
lyser des faits, poser des principes, déduire
des conséquences, ordonner des raisons avec
méthode, conclure avec siireté, être toujours loyal
et adroit, équitable et modéré, surtout lorsqu'il
s'agit des personnes : telles sont les conditions
requises pour ce rôle qui met en jeu la responsa-
bilité et ne s'apprend bien que par la pratique.
Notons, en terminant, que, pour répondre sûre-
ment ù un correspondant, il ne faut jamais s'en
remettre à sa mémoire , fût-elle excellente. La
pièce reçue doit être sous nos yeux : elle nous
donne le canevas de nos idées : elle nous préserve
du péril de supposer ce qui n'est pas, ou d'omettre
ce qui est; elle nous indique ce que nous devons
taire, ce que nous devons dire.
in. Lettres de recommandation. — Il sied de ne
recommander que des gens recommandables. Cela
étant, que ces lettres ne soient ni l'effet dune com-
plaisance banale, ni une monnaie sans valeur dis-
tribuée aux importuns dont on veut se débarrasser
poliment. Directes ou indirectes, froides ou cha-
leureuses, respectueuses, dignes et adaptées aux
occasions, elles débuteront volontiers par des
excuses préliminaires, et se termineront presque
toujours par des remercîments anticipés. Croire au
crédit ou à la bonne volonté de ceux qu'on invo-
que est aussi un moyen de les stimuler, de les
piquer d'iionneur, d'engager leur amour-propre ou
leur bienveillance. La confiance d'un avocat a
quelquefois contribué au succès de sa plaidoirie,
et la réserve elle-même peut être pressante. Tou-
tefois craignons d'être indiscrets, et de compro-
mettre notre client par un excès de zèle.
Sans porter ombrage à la délicatesse des per-
sonnages auprès desquels on intercède, intéres-
sons-nous à notre requête, si nous désirons que
les autres s'y intéressent. Mclons-y ces tours aima-
bles qui ne sont point des civilités de commande,
et disons-nous encore que les ennuyeux sont tou-
jours et partout mal reçus. Une brièveté spirituelle
sera donc de rigueur en bien des cas.
IV. Lettres de sollicitation. — Ces lettres res-
semblant à celles dont nous venons de parler, les
mêmes conseils peuvent leur convenir. Elles en
diffèrent seulement en ce que nous plaidons nous-
mêmes notre propre cause. Le ton de la prière se
réglera sur la nature des intérêts qu'elle fait valoir,
sur la qualité des personnes qui peuvent nous être
utiles, et sur les relations qui existent entre elles
et nous. Les meilleures requêtes senties plus cour-
tes, surtout si elles s'adressent à de hauts fonc-
tionnaires : il faut supposer qu'ils sont très occupés,
et épargner leur peine ou leur temps, en sorte qu'ils
nous lisent rapidement et d'un coup d'oeil. « Dans
mes demandes, disait Voltaire, je tâche d'être
extrêmement bref; car rien n'est plus insupporta-
ble que la prolixité de ces gens qui s'imaginent
qu'un ministre doit oublier le monde entier pour
leurs affaires. » Une pétition qui se fonde sur un
droit incontestable n'en sera pas moins modeste
et persuasive : car il est plus sûr de plaire que
d'exiger ; il y a donc un milieu à tenir entre l'as-
surance et la défiance, entre la fermeté qiii bles-
serait en se montrant impérieuse, et la timidité
qui balbutierait ses titres à voix basse d"un air
embarrassé. N'ayez ni la raideur qui indispose, ni
le trouble qui déconcerte la parole. Adressez-vous
au cœur, au bon sens, à l'équité, à la générosité
de ceux qui vous écoutent. So)-ez respectueux sans
bassesse, poli sans flatterie; et, en inspirant une
opinion favorable sur vous-mêmes, laissez entendre
qu'on n'obligera point un ingrat.
Nous ne dirons qu'un mot des convenances que
supposent les réponses faites aux solliciteurs. Elles
consistent dans l'art ou d'accorder, en ajoutant au
prix de la faveur la bonne grâce d'un empresse-
ment heureux de l'annoncer en termes courtois,
ou de laisser espérer sans pourtant contracter un
engagement, ou de refuser, mais en y mettant les
formes, en sachant appliquer le baume à la bles-
sure, et sans épargner ces regrets bien sentis qui
peuvent être des fiches de consolation. Que de
variétés dans cette dernière classe! Mais passons à
d'autres.
V. Lettres de remer ciment. — Il semble que ce
soient les plus faciles à bien traiter; car elles
comportent une éloquence naturelle aux âmes bien
nées, celle de la reconnaissance. Et pourtant, il ar-
rive trop souvent qu'on sait demander, et qu'après
avoir obtenu, on ne sait pas remercier. Bien qu'il
paraisse superflu d'assujettir îi des règles ce qui
doit être inspiré par un premier mouvement, peut-
être no sera-t-il pas inutile d'indiquer au moins
les bienséances qui s'imposent toujours à l'obligé.
11 devra, selon les cas, apprécier les nuances que
détermine l'importance du service rendu. Tantôt
ÉPISTOLAIRE
— 676
KPISTOLAIRE
on n'accomplit qu'un devoir de civilité qui ne va
guère au delà des politesses qu'on échange dans
le commerce du monde. Tantôt on obéit à un
devoir de conscience : on paie une dette à la-
quelle on ne saurait faillir sans se mépriser soi-
même. Alors il faut l'effusion de tous les senti-
ments généreux qui se tournent en respect, en
affecton, en dévouement. Surtout, point d'apprôt,
point do phrases ; ce serait rendre votre sincérité
suspecte.
Si la reconnaissance doit tressaillir sous cha-
■que ligne de votre lettre, sachez pourtant surveil-
ler une plume rapide ; défiez-vous des traits qui
pourraient paraître excessifs au sang-froid de la
réflexion ; ayez souci de votre dignité ; gardez-vous
d'pmbarrasser par des flagorneries la modestie du
bienfaiteur ou du protecteur. Le talent est alors de
se montrer plus sensible aux procédés dont on est
l'objet qu'à la faveur accordée ou au droit reconnu.
Nous voulons dire par là qu'au lieu de témoigner le
plaisir d'un homme heureux, il vaut mieux ne
laisser voir que la gratitude d'une âme touchée
par la bienveillance d'autrui, et désireuse d'y ré-
pondre par des démonstrations chaleureuses, ou
m*'me par des actes, si l'occasion le permet.
VI. Lettres de compliments eu de condoléances.
— Il n'y a que l'égoïste qui soit indifférent au bon-
heur ou au malheur de ses semblables.
C'est donc se faire tort à soi-même que de garder
le silence, quand il convient de féliciter ou de
plaindre les personnes qui nous touchent par les
liens du sang ou de l'amitié. Si par impossible la
sympathie ne nous y invitait pas, l'intérêt le con-
seillerait : car, pour nous comme pour autrui, les
joies et les souffrances veulent être partagées :
en se communiquant à qui nous approche, les
unes deviennent plus vives, et les autres moins
amères.
S'il s'agit de faire un compliment, qu'il soit
franc et cordial. Mettons-nous à la place de ceux
auxquels il est destiné : entrons, au besoin, mais
sans adulation, dans les faiblesses de leur amour-
propre ; ou plutôt réjouissons-nous de leur bonne
fortune comme si elle nous était personnelle.
Puisque le ton de la lettre dépend de l'événement
qui leur agrée, on ne peut guère recommander ici
qu'une précaution dont l'oubli serait un manque
de tact : c'est de ne jamais faire un retour sur nous-
mêmes dans le cas où nous serions tentés d'en-
vier le bien qui arrive à autrui. Ces arrière-pen-
sées seront refoulées au dedans, ainsi que les es-
pérances intéressées que peut susciter en nous
la situation élevée d'un ami.
Les lettres de condoléance ne doivent être étu-
diées que pour ne point trahir l'étude. Car il ne
faut pas que les larmes paraissent réflécliies, ou
préméditées. Prenez garde aussi d'irriter la dou-
leur en voulant l'adoucir : consolez par le regret,
le souvenir, l'espérance. Surtout soyez naturels,
et pleurez avec qui pleure.
Dans les billets de nouvel an, de fêtes, ou d'an-
niversaires, évitez le lieu commun, la fadeur, les
formules banales qui traînent partout, et ressem-
blent à des circulaires pouvant aller à n'importe
quelle adresse. Que de lettres signées et pourtant
anonymes, parce qu'elles ne révèlent ni le carac-
tère, ni le cœur ni l'espi-it de celui qui les envoie !
Or, ce défaut, qui serait excusable quand on écrit à
des étrangers, un parent, un ami doit en rougir.
VII. Lettres de conseils. — Les conseils sont
toujours délicats à donner, même lorsqu'on les
demande : car, trop souvC:!t, ceux qui nous consul-
tent ont déjà pris une lesolution d'avance; leur
siège est fait, et ils désireui être approuvés plutôt
que contredits. A moins que l'autorité de l'âge, do
la position, do l'expérience, des lumières, et sur-
tout de l'atTectioii ne nous donne le droit de par-
ler haut pour être entendus, ne risquons les avis '
qu'avec circonspection, prudence et réserve, sur-
tout s'ils intéressent les défauts de caractère et ce
fonds d'amour-propre qui existe plus ou moins
en chacun de nous. Fénelon, faisant un jour de la
morale à son neveu, officier aux gardes du roi,
terminait ainsi son petit sermon : « Il faut prier
Dieu, lire de bons livres, voiries gens qui méritent
d'être cultivés, et se cultiver soi-même pour de-
venir capable de tous ses devoirs : je ne prêche
qu'à cause que vous le voulez. » C'est assez dire
qu'il faut, dans ces rencontres, de la souplesse,
de la dextérité, de la politesse, des ménagements,
et surtout une rare bienveillance, capable toutefois
de s'allier à la décision réfléchie qui exerce une
influence sans paraître s'imposer.
Dans le Misanthrope de Molière, Alccste est
plein de bonnes intentions; mais il en compromet
tous les effets par ses brusques incartades, et par
un ton grondeur qui irrite ou blesse ceux qu'il
voudrait rendre meilleurs. Or, on ne fait pas du
bien aux gens malgré eux, et les offenser ne sera
jamais le moyen de les éclairer. Mais, en revanche
n'imitons point les molles complaisances de Phi'
linte, qui, dans l'intérêt de son repos, et par u^
principe d'égoîsme, flatte les défauts qu'il voit d
peur de s'en faire des ennemis, s'efface lorsqu'il
faut se montrer, et, sous prétexte d'être l'ami du'
genre humain, n'aime en réalité que lui-même.
VIII. Lettres de reproches. — Il serait désirable
de n'avoir jamais soit à en recevoir, soit à en écrire.
Mais qui oserait l'espérer? Il y a bien des degrés
dans la plainte comme dans la faute, depuis la
rude semonce qui se met en colère jusqu'à la ré-
primande qui suppose elle aussi chez son auteur
un droit naturel ou acquis de direction, d'influence
morale ou de commandement. Si le blâme est un
devoir, qu'il soit exercé sans faiblesse, mais sans
dureté, de manière à montrer la voie du repentir
au lieu de la fermer. Les leçons les plus sévères
gagnent à être charitables, et agissent plus effica-
cement par la bonté que par la crainte. Elles en-
durcissent leurs victimes, lorsqu'elles ne sont que
l'arrêt d'un juge condamnant un accusé.
Quant au simple reproche, il est sage de le tem-
pérer aussi par la mesure et même la douceur, sur-
tout si l'on relève, entre amis, un tort dont on s'af-
flige. Êtes-vous fondés dans vos griefs, soyez assez
généreux pour ne pas triompher avec supériorité
de vos avantages.
Les mots piquants aggravent ce qu'il faudrait
réparer, et enveniment les blessures qui appellent
des calmants. La plus noble manière de confondre
un coupable est de lui faire sentir par l'indulgence
qu'il a besoin d'être pardonné. Laissez donc voir
votre tristesse plus que votre humeur ou votre
rancune. Atténuez l'âpreté des récriminations pé-
nibles à prononcer ou à entendre. Que la raison im-
pose silence à la passion qui gronde ; agissez de
préférence sur les bons sentiments, au lieu de
mettre en émoi les mauvais. Témoignez par l'accent
de votre langage conciliant que vous désirez un
rapprochement plutôt que des excuses, et offrez
prétexte à ces retours qui font oublier le passé.
Le plus ordinairement, les explications deviennent
des complications nouvelles, et attisent le feu qu'il
est urgent déteindre. C'est de l'huile et non pas
de l'eau qu'on jette sur l'incendie.
Cicéron nous donne un bel exemple quand il
écrit : « Je ne puis me fâcher contre ceux que
j'ainip. Tout ce qui m'est possible alors, c'est de
m'affliger, et j'entends cela à merveille.»
Voilà quelle est l'attitude d'un galant homme en
face d'un ami qui s'est permis un faux pas ou une
chute. Il lui tend la main pour le relever. Ces
réflexions ne sauraient être commentées plus élo-
quemmcnt que par la lettre fière et maguanimo
dans laquelle M">e de Sévigiié, outragée sa.is la
moindre provocation par la fatuité de son cousin
EPISTOLAIRE
— 677 —
EPISTOLAIRE
Bussj'-Rabutin, relève avec une dignité supérieure
l'ingratitude d'un procédé cruel, et, sans rompre
avec un parent, force sa conscience à crier merci.
Il n'en fut pas ainsi de Voltaire et du roi de
Prusse Frédéric, qui, après une séparation ora-
geuse, firent mine de se cajoler encore, comme
auparavant, mais cachaient la griffe sous les ca-
resses, et déguisaient mal par des coquetteries
complimenteuses le levain d'un ressentiment réci-
proque. Combien madame de Sévigné avait plus de
pliilosopliie que ces philosophes!
IX. Lettres d'excuses et de pardon. — Du repro-
che à l'excuse la transition est le repentir. Avez-
vous des torts, avouez-les aux autres aussi sincè-
rement, aussi naïvement qu'à vous-même; c'est
l'unique moyen de les effacer. On ne se tire d'une
position fausse que par la droiture et la bonne foi.
Mais cela est plus facile à dire qu'à faire. Car,
comme dit un poète,
J'ai tort, ce mot, j'ai tort, nous déchire la bouche.
Puisque tous, plus ou moins, nous répugnons à
l'articuler nettement et sans périphrases, permet-
tons à Tamour-propre l'art des circonlocutions ou
des détours honnêtes qui plaident les circonstances
atténuantes.
Mais n'abusez pas de ces subtilités qui finissent
par altérer le sens moral, et ne trompent que vous.
11 est bien plus simple et bi -n plus sur de recon-
naître vaillamment sa faute, au lieu de la pallier
par d'ingénieuses raisons qui ne démontrent que
notre vanité. On peut être humble sans s'abaisser,
et s'accuser en se faisant aimer ou estimer par
cela même qu'on s'accuse. Mais que la franchise
avec laquelle vous vous frappez la poitrine ne soit
pas le sans-façon cavalier de létourderie impudente
et prête aux rechutes. Le badinage ou la légèreté
de ton n'est tolérable que s'il est question d'une
peccadille, d'un mince délit. Alors le proverbe a
raison : Qui a ri est désarmé.
Parmi les lettres d'excuses, je mentionnerai
comme un chef-d'œuvre celle que Mirabeau, détenu
au donjon de Vincennes par l'ordre de son père,
traité par lui plus durement qu'un criminel d'Etat,
écrivit à son oncle pour le conjurer d'intercéder
en son nom, d'avoir pitié de ses maux, de croire à
ses promesses, de lui jeter comme à un naufragé
une planche de salui. Rien de plus touchant que
cette prière. Il y a là l'éloquence du ferme propos
qui a droit à la rémission, ne fût-ce que par ses
larmes suppliantes. Pour ne pas entendre ces cris
partis du cœur, il fallait être impitoyable comme
ce père féodal qui s'intitulait VAmi des Jiommes,
et n'exceptait apparemment que son fils de sa phi-
lanthropie universelle.
Nous n'ajouterons qu'une remarque sur les lettres
de réconciliation et de pardon. Quand on se pro-
pose de faire des avances à qui semble les désirer,
il ne messied pas d'avoir recours à l'enjouement.
Voici un échantillon du genre: c'est un billet d'une
illustre tragédienne, W^" Rachel; il mérite d'être
cité : « Cher Monsieur, on me dit que j'ai chance
do me réconcilier avec vous: je vais bien voir;
voici une petite loge que je vous offre pour ce soir.
Si je vous y aperçois, je jouerai très bien Corneille.
Si vous n'y venez pas, je me vengerai de vous en
jouant encore mieux, afin que vous regrettiez de
n'y être pas venu. »
Enfin, pour terminer, est-il besoin de dire qu'en
accordant un pardon, on devra le plus souvent
faire comprendre la chose sans exprimer le mot ?
Ici, comme dans tout ce qui précède, les conseils
littéraires deviennent donc dts règles de bien-
séance morale. C'est que le goût et la conscience
HP font qu'un, si l'on y regarde de près.
X. Lettres familières. — Aimons la familiarité :
elle rend l'intelligence agile et déliée : elle est
voisine du vrai^elle guérit du maniéré, de l'exagéré,
du solennel, de tout ce qui sonne faux; elle met
l'esprit à l'aise, elle repose, elle soulago, elle est
une école de franchise.
Mais défiez-vous de ses écueils. Que sa liberté
ne dégénère pas en licence, son abandon en sans-
gêne. Qu'elle se conciHe toujours avec l'urbanité,
la polhesse, le savoir-vivre, en un mot le respect
de nous-mêmes et d'autrui. Qu'elle ne soit donc
ni incorrecte, ni triviale, ni évaporée, ni témé-
raire ni indiscrète ; qu'elle glisse légèrement sur
les sujets dont elle cueille la fleur. Qu'elle ait un
sourire avenant pour les plus délicats. Qu'elle
ressemble au mouvement gracieux d'un esprit
flexible, d'une humeur aimable, d'une imagina-
tion heureuse qui s'anime au jeu de la parole,
s'amuse de ses rencontres, et cause pour le plaisir
de causer. En un mot, qu'elle ait de l'agrément,
sans le vouloir, par l'instinct d'un art qui s'ignore.
C'est aux parents, c'est aux amis surtout qu'elle
fera fête. Avec les uns elle sera respectueuse et
attendrie. Avec les autres, elle pourra laisser
trotter la plume, « la bride sur le cou, » mais sans
cesser d'avoir l'œil sur elle, de peur qu'elle ne bron-
clie. Car la fantaisie n'est jamais le droit de parler
à tort et à travers, et il n'y a que sottise dans les
caprices qui offensent la grammaire, la langue, le
bon sens ou le goût.
Le tête-à-tête qui s'établit entre absents par la
correspondance, déconcerte, par l'infinie variété de
ses ressources, toutes les prévisions du guide qui
prétendrait lui servir de mentor littéraire. Avouons
donc ici l'impuissance de la critique. On ne gou-
verne pas l'imprévu. Constatons seulement que les
mille détails de la vie quotidienne sont la matière
des lettres intimes. Il faut qu'elles coulent de source.
Aussi plaignons ceux pour qui elles seraient un
travail. Dès que la veine des confidences est tarie,
sachez vous taire, au lieu de lutter contre votre
silence intérieur. Mais ce péril est peu redoutable.
Car le ?«'■! est volontiers intarissable. Pour ceux,
qui s'aiment, il n'a rien d'importun, et n'en dit
jamais assez. Pourtant n'usons de son éloquence
qu'à huis clos, entre nous, en famille : car, ce cer-
cle une fois franchi, notre moi court le risque de
n'être plus aussi complaisamment accueilli. _ Il est
si rare de trouver un autre novs-même, qui aime
mieux nous entendre parler de nous que de lui !
XI. Lettres descriptives. — Une des variétés de
cette classe est la lettre où l'on raconte une fête,
une cérémonie, des impressions de voyage. Il y
faut de l'esprit, de la couleur, de l'animation, et
surtout l'habitude non pas de voir, mais de regar-
der, non pas d'entendre mais d'écouter, c'est-à-dire
de distinguer dans un tableau, dans un paysage les
traits qui intéressent le plus la curiosité. C'est
l'imagination qui fait vivre une peinture. Plusieurs
formes de langage peuvent désigner un seul objet :
mais une seule le rend visible aux yeux. A vous de
la choisir, au lieu devons contenter de ces termes
vagues et abstraits qui effacent les contours et
énervent la pensée par l'a peu près. Cherchez donc
ou plutôt rencontrez le mot unique, indispensable
et pittoresque, qui éveille en nous comme la_ sen-
sation immédiate de la réalité présente. Le vérita-
ble artiste est celui qui par la magie du style pro-
duit cet effet. On ne l'obtient point par des recettes
de rhétorique : rien de plus impuissant qu'un pro-
cédé d'école. Le sentiment seul peut peindre. Vous
serez donc naturel et original si chacune de vos phra-
ses est comme un mouvement de votre âme, et garde
le souvenir fidèle d'une émotion sincère ; car vous
direz bien ce que vous avez éprouvé vous-même.
La justesse et la vérité sont sœurs. N'oubliez pas
non plus qu'une description ne doitpointressembler
à un procès-verbal ; une analyse exacte et complète
peut être aussi froide qu'ennuyeuse. Le signale-
ment d'un passeport n'est pas un portrait, et une
photographie même est souvent menteuse ou insi-
EPISTOLAIRE
— 678 —
ÉPOPÉE
gnifiante. C'est que l'art consiste dans l'expression,
je veux dire dans le choix des détails qui résument
le mieux la ressemblance, qui dégagent des choses
sensibles la chaleur du sentiment ou la lumière
de l'inielligence, en un mot qui rendent une phy-
sionomie morale. Là est le principal, et tout le
reste ne vaut qu'à titre accessoire : ou il faut le
négliger, ou l'on s'en servira seulement comme un
écrivain se sert du vocabulaire pour rendre ses
idées.
XII. Lettres iiarratives. — Ici le champ est vaste :
car tous les événements humains peuvent entrer
dans le cadre d'un récit épistolaire.
Mais le plus souvent on cause de ces bagatelles
qui voltigent dans l'air que nous respirons. S'agit-
il donc de satisfaire la curiosité mondaine et frivole,
d'être l'écho des mille bruits qui circulent parmi
les salons, de rédiger, en se jouant, la gazette du
milieu que nous habitons, sachons tirer parti de
tout et broder agréablement ces riens qui s'asso-
cient, chemin faisant, à la finesse de la pensée, à
la légèreté de l'ironie, au sérieux même de l'obser-
vateur habile à démêler toutes les nuances des
caractères, à, dessiner des scènes de mœurs, ou à
tracer des croquis comiques. Il faudra donc donner
du corps à l'impalpable, piquer l'attention par des
saillies, l'amuser par des surprises, être alerte,
enjoué, plaisant, saisir les anecdotes au passage,
esquisser des figures, mettre en jeu des personnages,
mêler l'historiette à l'épigrammp, sous-enteadre
des allusions malicieuses, être compris à demi-mot,
enfin faire sourire l'imagination et surtout le bon
sens.
Dans le cas où .la narration serait historique, on
se rappellera qu'elle doit avoir son exposition et
son dénoùment. c'est-à-dire, cette unité d'ensem-
ble qui tient le lecteur en éveil depuis la première
ligne jusqu'à la dernière. Pas de monotonie : les
détails seront choisis et variés. Pas de digression :
courez au but tout d'une haleine, et faites en sorte
que l'intérêt soit de plus en plus vif à mesure que
vous approcherez du terme. Tracez vous donc un
plan qui indique, sans contraindre l'aisance de vos
mouvements, toutes les stations de la route à par-
courir. Mais vous auriez beau appliquer à la lettre
les formules qui encombrent depuis des siècles les
traités de rhétorique où traînent tant de lieux com-
muns, vous ne réussirez qu'à être terne et froid,
si vous manquez de franchise, de délicatesse et de
cette sensibilité qui vous fait trouver un plaisir
dans ce que vous écrivez.
XIII. Lettres morales. — Sans avoir la prétention
d'enseigner et sans dégénérer en dissertation ou
en sermon, une lettre peut s'élever au-dessus des
régions moyennes du style simple, sinon par
la forme qui sera toujours celle de la conversation,
du moins par le fond des développements qui par-
fois abordent les sujets les plus graves. Il en est
comme de ces entretiens dont le ton monte ou des-
cend, suivant la nature des questions que suscite
l'association des idées.
Songez alors que le fauteuil d'un causeur n'est
point une tribune ou une chaire. Les aperçus les
plus profonds ne perdent rien à s'exprimer par ce
langage uni qui ne vise pas à l'effet et s'interdit
toute prétention.
Madame de Maintenon excelle dans l'art d'ins-
truire, de diriger et d'édifier, sans avoir l'air de
prêcher, de faire la leçon ou de soutenir des thèses.
La philosophie de l'expérience est la seule qui con-
vienne ici. Encore faut-il, s'il est possible, y semer
le sel de la sagesse, et ne jamais confondre le genre
ennuyeux ou pédant avec le genre sérieux et austère.
Seulement, que l'esprit ne paraisse qu'à la dérobée,
pour mieux faire valoir des pensées solides.
■^fV'. Les modèles. — Xous venons de nommer
M""= de Maintenon. Mais comment oublier M'"» de
Sévigaé, dont les lettres sont le chef-d'œuvre du
genre épistolaire? Elles en demeurent l'inimitable
modèle. Tendre, enjouée, rêveuse, malicieuse,
compatissante, pathétique et parfois sublime sans
y penser, aussi prompte au sourire qu'aux larmes,
elle raille sans amertume, badine sans licence
comme sans pruderie, prend le ton des sujets les
plus divers avec une souplesse qui ravit, et un
abandon qui défie l'art le plus accompli. Parmi
les Françaises illustres dont la postérité se sou-
vient, nulle ne lui est supérieure par l'imagination,
la sensibilité, la verve d'une gaieté qui coule de
source, enfin par les qualités brillantes qui sont
l'ornement d'une raison solide.
Voltaire est aussi le maître des maîtres, dans
cette mfatigable Correspotidance dont les pages
fugitives, écloses en une heure de caprice ou d'à-
propos, sont pétillantes de verve, et dureront au-
tant que notre langue. Il faut y chercher son por-
trait en même temps que le tableau de la société
qu'il éblouit sans la rendre meilleure.
Au-dessous de tels génies, il faudrait citer en-
core Balzac et Voiture, l'un trop solennel, l'autre
trop coquet, tous deux beaux esprits qui passèrent
leur vie à distribuer des compliments comme des
dragées dans une bonbonnière, et à charmer par
des bagatelles prétentieuses les coteries et les
ruelles où on se diputait leurs moindres billets.
Nous devons leur préférer les écrivains chez les-
quels les pensées naissent de l'âme, et les senti-
ments du cœur. Ils ne manqueront jamais parmi
nous; car le naturel et la sincérité sont le fonds
même de l'esprit français. [G. Merlet.]
ÉPITUE. — Littérature et style, III. — Ce
mot, dans son acception propre, veut dire lettre
missive, et s'applique aux lettres des anciens :
ainsi l'on dit les épitres de Cicéron, les épîtres de
saint Paul.
Mais il désigne aussi, et dans ce cas il s'ap-
plique aux écrivains modernes comme aux écri-
vains anciens, des lettres en vers adressées à quel-
qu'un, et l'on dit les épîtres de Boileau, les épîtres
d'Horace.
Il y a des épîtres satiriques, des épîtres héroï-
ques, des épîtres morales, didactiques; il en est
même d'élégiaques et de passionnées ; telles sont
les Héroïdes d'Ovide et de quelques poètes français.
On comprend dès lors que le ton des épîtres
n'ait point de règles fixes. Cependant les sujets
didactiques sont ceux auxquels on donne le plus
ordinairement la forme de l'épître. Le poète, dans
ce cas, n'a pas eu l'intention d'écrire un traité ré-
gulier sur telle ou telle matière, mais seulement
de présenter les pensées qui lui sont venues à
l'esprit en écrivant.
Parmi les poètes anciens, Horace est celui dont
les épîtres sont le plus connues. La plus célèbre
est celle qui est adressée aux Piso?is, et dans la-
quelle Horace donne les règles de Varf poétique.
Boileau, à l'imitation d Horace, a cultivé l'épître
avec succès : c'est dans ses épîtres qu'il a peut-être
le mieux déployé ses qualités de versificateur noble,
élégant et correct : citons entre autres celle sur le
Passage du Rhi?i, et celle adressée à Racine, qui
est de beaucoup la plus parfaite.
Voltaire a écrit aussi des épîtres, dont quelques-
unes sont des chefs-d'œuvre de grâce aimable et
spirituelle.
La littérature anglaise compte beaucoup de poètes
célèbres par leurs épîtres; mais entre eux il faut
distinguer Dryden, et surtout Pope, qui. lui, aussi,
a été un des imitateurs d'Horace, et dont les Épitres
morales sont généralement con.sidérées comme des
modèles parfaits de ce genre de poésie.
[C.-F, Durand.]
ÉPOl'KE et POÈ.ME ÉPIQUE. — Littérature et
style, III. — Le mot Epopée vient du grec épos,
primitivement récit, discours, plus tard vers, et
de poïeô, faire. 11 signifie donc, d 'après son sens
EPOPEE
— 679 —
EPOPEE
étymologique, récit ou discours en vers. On em-
ployait autrefois le mot épopée ou poème épique
pour désigner les mêmes œuvres. Aujourd'hui on
donne plutôt le nom d'épopées à ces compositions
primitives que la critique moderne a eu la gloire
d'exhumer de la poussière des bibliothèques où
elles gisaient ignorées, et qui, sans réunir tous les
caractères consacrés par la tradition, rentrent évi-
demment dans le genre épique. Le mot de poème
épique s'applique plutôt à ces ouvrages d'une forme
plus littéraire et plus savante, qui ont pour but de
chanter Jles vertus d'un héros, ou de célébrer un
événement important, religieux ou profane, oii
même une aventure badine. Toutes les œuwes si
diverses qui relèvent de l'épopée ou du poème épi-
que peuvent se diviser en plusieurs classes, sui-
vant la nature des sujets qu'elles traitent : 1° épo-
pées primitives et nationales ; 2° poèmes épiques
proprement dits ; 3° poèmes historiques ; 4° poè-
mes religieux ; 5" poèmes divers, satiriques, héroï-
comiques et badins, et poèmes en prose. Nous
nous bornerons à signaler les œuvres principales
dans chaque classe.
I . Epopées primitives et nationales . — On trouve
des épopées chez presque tous les peuples à l'ori-
iîine de leur civilisation et de leur littérature. Elles
ont pour fondement des légendes nationales. Le ré-
cit des hauts faits des anciens héros passe d'abord
de bouche en bouche, en s"augmentant sans cesse
de détails nouveaux et d'exploits extraordinaires,
qui frappent d'admiration les auditeurs et sont ac-
cueillis avec respect par leur naïve crédulité. Au
bout d'un certain nombre d'années paraît un poète
ou plutôt un arrangeur, qui recueille ces légendes
confuses , souvent contradictoires, les réunit, les
coordonne, écarte celles qui sont trop en désac-
cord avec le reste, et en compose un ensemble à
peu près régulier. Puis |le poète disparaît à son
tour, sans laisser souvent son nom i\ son ouvrage,
et celui-ci se transmet de générations en généra-
tions, en se modifiant quelquefois, mais en char-
mant toujours les hommes auxquels il parle de
leurs dieux, de leurs héros favoris, ou qu'il con-
sole de leur misère et de leur abaissement par le
souvenir de leur première gloire et de leurs an-
ciens triomphes. Ces épopées primitives sont
en vers. Rien de plus naturel. L'écriture n'est
pas assez connue, et les matières nécessaires à la
transcription de la pensée sont rares et coiiteuses.
Aussi ces poèmes, souvent considérables, se con-
servent par la mémoire, qui retient mieux les vers
que la prose. Ils sont chantés, et se répandent
peu à peu grâce aux chanteurs qui vont les répé-
ter de village en village, jusqu'au jour où ils sont
fixés par l'écriture d'une manière définitive.
Les épopées les plus anciennes de ce genre que
l'on connaisse appartiennent à l'Inde. Il y en a
deux principales. Le Maltabharata, composé en
langue sanscrite, raconte en 18 livres et en plus
de 200 000 stances les guerres de Kourous (ou
Korovas) et des Pandous (ou Pandavas) et les
exploits de Krichna et d'Ardjouna. On lui donne
pour auteur le poète Vy<àsa, fils du savant Parasara
et de la belle Satyavati, et on place Fépoque où il
fut composé tantôt auxv«, tantôt auxn'= siècle avant
notre ère. Mais comme le nom de Vj-âsa signifie
compilateur, plusieurs savants sont d'avis de voir
dans leMahabharata une œuvre collective et la réu-
nion d'une foule do poèmes particuliers. La se-
conde épopée indienne est le Mmâyana, qui
raconte les exploits de Ràma et sa victoire sur le
géant Ravana, roi de Lanka ou Ceylan. Il se com-
pose de 25 000 vers distribués en T livres. On l'at-
tribue à un poète nommé Valmiki, qui aurait vécu
au \\o avant J.-C. ; d'autres en font l'œuvre de
plusieurs poètes appartenant à la même école.
Beaucoup plus moderne est le Shah-Nameh ,
poème persan composé par le poète Ferdoucy et
qui est écrit en pàrsi ou nouveau persan. Fer-
doucy, qui naquit l'an 940 et mourut l'an 1020
après J.-C, consacra trente années de sa vie à
écrire cette vaste composition de 120 000 vers.
C'est une épopée nationale, une sorte d'histoire
des rois de Perse, qui a servi de modèle à beau-
coup de poèmes du même genre, tels que le Barsu-
Nameh et le Sam-Nameli. Il a été traduit en
français par M. Jules Mohl (Paris, 1838-1850).
Au nord de l'Europe, les Islandais et les Xorwé-
giens ont eu de bonne heure dans leurs Sagas
(récits ou légendes) les éléments d'épopées natio-
nales. Ces chants antiques qui célébraient les
héros indigènes n'ont commencé à être consignés
par écrit que dans la seconde moitié du xi'= siècle,
et ont été au xii' et surtout au xiii* siècle l'objet
de nombreuses additions et imitations. On peut
encore placer au nombre de ces épopées primi-
tives les chansons guerrières du Cid en Espagne, ou
Bomanceros, les chants des Slaves, les ballades
écossaises, les chants des vieux Bretons dans l'Ar-
morique. etc. Mais les plus célèbres et les plus
intéressantes de ces œuvres sont les Nibelungen
allemands et nos chansons de gestes françaises.
Les chants des Xibelungen datent dans leur forme
actuelle de l'an 1210 environ, où ils furent rema-
niés par un poète que l'on appelle, sans raisons
bien convaincantes, du nom d'Heinrich von Ofter-
dingen. C'est l'histoire de la rivalité de Kriemhilt,
sœur du roi des Bourguignons, et de Brunhilt,
souveraine de l'Islande et femme de Gunther, roi
des Bourguignons. Pour venger le meurtre de Sieg-
fried, son époux, assassiné par ordre de Brunhilt,
Kriemhilt attire dans un piège les guerriers de
Bourgogne, et les fait massacrer dans une longue
lutte à la suite de laquelle elle périt elle-même.
Le poème tire son nom du trésor enlevé par Sieg-
fried aux Nibelungen, princes du Nord, et qui glt
enfoui sous un rocher dans le Rhin.
Les chansoîis de gestes françaises sont des poè-
mes qui ont souvent de vingt à trente mille vers
se suivant par tirades de vingt à deux cents vers sur
une seule rime ou assonance. Ils sont formés la
plupart du temps de deux ou plusieurs poèmes sur
le même sujet, que le rédacteur a recueillis et a
juxtaposés plus souvent qu'il ne les a fondus dans
son ouvrage. Ces poèmes se partagent en trois
groupes principaux, suivant la nature des sujets
qu'ils traitent. On a ainsi le cycle français ou de
Charlemagne, le cycle armoricain ou d'Arthur, et
le cj'cle d'Alexandre. Le poème le plus célèbre du
cycle de Charlemagne et de toutes les chunsons de
gestes est la Chanson de Roland. Ce poème de 4 00')
vers raconte la mort du paladin Roland, neveu de
Charlemagne, surpris dans les défilés de Ronce-
vaux, au milieu des Pyrénées, par une armée
innombrable de Sarrasins. Une bataille terrible
s'engage : Roland, l'archevêque Turpin, les douze
pairs de France accomplissent des prodiges de va-
leur. Trois fois Olivier supplie Roland de faire
entendre ce cor ou olifant dont les sons connus
arriveront jusqu';\ Charlemagne, qui est en avant avec
le reste de l'armée française. Roland s'j' refuse ; il
s'y décide trop tard en voyant arriver une nouvelle
réserve de 60 000 ennemis. Mais dans l'effort de
cet appel suprême, il se rompt les veines de la
poitrine. Alors, désespéré de la mort de tous les
siens, il essaie de briser sur un i-ocher son épée,
sa fameuse Durandal, pour qu'elle ne devienne
pas la proie de l'ennemi. Il n'y peut parvenir ; il la
couvre alors de son corps, puis adresse au ciel une
dernière prière que les anges portent à Dieu avec
son âme. Charlemagne, qui a entendu le son du
cor, venge son neveu en détruisant l'armée sarra-
sine et en mettant à mort le traître Ganelon, qui a
fourni aux Sarrasins l'occasion de surprendre la
petite armée de Roland. Telle est l'analyse rapide
de ce poème grandiose qu'anime déjà un sentiment
EPOPEE
— 680 —
EPOPEE
patriotique très marqué, et qui chante la gloire et
le charme de la « douce terre de France ».
2. Poèniff épiques ■'proprement dits. — L'épopée
ou poème épique, dans le sens plus restreint qu'on
attache à, ce mot, est le récit en vers d'un événe-
ment considérable, ou d'une action héroïque, où le
poète introduit le merveilleux pour donner aux
faits plus de grandeur, et frapper plus vivement
l'esprit des lecteurs. Là, comme dit Boileau {Art
poétique, chant III) dans les règles qu'il trace du
poème épique :
lii, pour nous enchanter, tout est mis en usa^e ;
Tout prend un corps, une âme, un esprit, un visage.
Chaque vertu devient une divinité :
Minerve est la prudence, et Vénus la beauté.
Mais comme le récit d'une seule aventure ne
pourrait suffire à de longs développements, le
poète a recours à des épisodes qui soutiennent
l'action, la varient et préparent le dénoûment. Il
ne saurait être question ici de reproduire les pré-
ceptes relatifs à la composition du poème épique
que Boileau, le père le Bossu et tant d'autres ont
indiqués après eux. Ces règles, du reste, sont très
vagues et très générales : elles ne font que consta-
ter les procédés mis en œuvre par les poètes qui
ont le mieux réussi dans ce genre. Elles ne peu-
vent s'appliquer à l'avenir, ni régler d'avance les
formes nouvelles que le génie créateur d'un grand
poète donnera peut-être à l'épopée. Ainsi, au mo-
ment même où Boileau, s'appuyant sur les poè-
mes qu'il connaissait, proscrivait le merveilleux
chrétien « avec Astaroth, Belzébuth, Lucifer », et
s'écriait :
Et quel objet enfin à présenter aux yeux
Que le diable toujours tiurlant contre les cieux.
Qui de votre héros veut rabaisser la gloire,
Et souvent avec Dieu balance la victoire,
au même moment, disons-nous, Milton publiait
son Paradis perdu (V. plus loin), et démentait en
Angleterre lesarrêts rendus en France par Boileau.
Il suffira de signaler à l'attention du lecteur
les parties principales d'un poème : le début, qui
est l'exposition du sujet et est suivi le plus sou-
vent d'une invocation ; la narration, qui forme le
nœud de l'action et est mêlée d'épisodes particu-
liers qui ajoutent à l'intérêt ; enfin le dénoûment^
qui est le triomphe ou la chute du héros du poème.
Nous allons passer en revue, en les analysant
brièvement, les œuvres épiques les plus célèbres.
Ull'ade et YOdyssée, que l'on trouve à l'origine
de la littérature grecque, faisaient partie sans doute
de ces épopées primitives dont nous avons parlé plus
haut. On croit que la forme sous laquelle elles
sout connues aujourd'hui date du vi' siècle avant
notre ère. Depuis cette époque, elles ont été
l'objet de l'admiration universelle, et ont servi de
modèles h tous les poèmes épiques qui ont survécu.
L'Iliade est le récit de la querelle qui s'élève pen-
dant la neuvième année de la guerre de Troie entre
Agamemnon, le chef de l'armée, et Achille, roi des
Myrmidons, le plus vaillant des Grecs. Achille,
irrité de s'être vu enlever par Agamemnon la
captive qu'il aime, refuse de combattre désormais
contre les Troyens. Ceux-ci profitent de son ab-
sence, et Hector, leur chef, vient mettre à son tour
le siège devant le camp des Grecs. En vain on
supplie Achille de revenir au combat. Il ne se
laisse toucher ni par les prières, ni par les pro-
messes, et il ne prend de nouveau part à la lutte
que lorsque son ami Patrocle est tombé sous les coups
d'Hector. Il le venge alors en tuant ceiui-ci et en
traînant son cadavre autour de la ville. Malgré son
ressentiment, il s'apaise cependant en voyant les
larmes du vieux Priam, roi de Troie, qui est venu
le trouver dans sa tente, et il consent à lui rendre
le corps de son fils. De nombreux épisodes, tous
intéressants, remplissent les vingt-quatre chant?
de ce poème qui embrasse seulement un espace de
quarante-sept jours.
Le poème de ïOdi/ssée est attribué également à
Homère, et contient aussi vingt-quatre chants.
Ulysse, roi d'Ithaque, un des principaux parmi les
chefs qui ont pris part à la guerre de Troie, erre de-
puis dix ans sur les mers, écarté sans cesse de sa
patrie par la colère de Neptune, le dieu de la mer,
dont il a aveuglé le fils, le cyclope Polyphème. Après
mille aventures chez les Lotophages, dans la con-
trée habitée par les Cyclopes, chezEole, le roi des
vents, chez les Lestrj'gons, dans l'île de l'enchante-
resse Circé dont les breuvages changent les hom-
mes en bêtes, dans l'île de la nymphe Calypso, il
est jeté sur les côtes de l'île des Phéaciens.
Ceux-ci, charmés de ses récits, lui donnent un na-
vire qui le ramène à Ithaque. Mais les aventures
d'Ulysse ne sont pas terminées. Pendant sa longue
absence, son palais a été envahi par de nombreux
prétendants qui, persuadés de sa mort, veulent
que sa femme Pénélope choisisse parmi eux un
nouvel époux. Aidé de son fils Télémaque et de
quelques serviteurs fidèles, Ulysse, qui est rentré
dans son palais sous l'habit d'un mendiant, sur-
prend les prétendants, les enferme dans la salle
des festins, les tue avec les flèches de son arc ter-
rible et se fait reconnaître de Pénélope.
Le poème le plus célèbre de la littirature latine
est \ Enéide,, composé par Virgife sous le règne de
l'empereur Auguste. Des légendes qui remon-
taient à une époque reculée rapportaient qu'une
colonie de Troyens, conduite par Enéo, était venue
s'établir en Italie après la rume de Troie. Elles-
prétendaient faire descendre d'Enée la famille du
dictateur César, et par conséquent d'Auguste,
son neveu et fils adoptif. Virgile a réuni toutes ces
légendes et en a tiré un heureux parti dans son
poème. Enée s'est embarqué avec tous les Troyen&
qui ont échappé à la destruction de leur ville.
Mais la colère de Junon, l'ennemie acharnée des
Troyens, le poursuit sur mer et l'écarté sans cessa
de ITtalie où les destins l'appellent. Un des épiso-
des les plus intéressants du poème est le IV*
chant, qui raconte les amours d'Enée et de Didon,
reine de Carthage. La volonté de Jupiter arrache
enfin Enée au séjour de l'Afrique et le conduit en
Italie. Après avoir visité aux enfers l'ombre de
son père Anchise, Enée demande au roi Latinus
la main de sa fille Lavinie. Turnus, le roi des
Rutulos, la lui dispute, et commence contre lui
une guerre sanglante qui, après bien des péripé-
ties, se termine par le triomphe d'Ence et la mort
de son rival. Par ce poème qui secondait sa poli-
tique, l'empereur Auguste espérait donner au ré-
gime nouveau qu'il fondait lappui des traditions
les plus anciennes et les plus respectées des Ro-
mains.
Si de l'antiquité classique nous passons aux
temps modernes, nous trouvons en France, outre
les chansons de gestes et les épopées du moyen
âge, un grand nombre de poèmes épiques au
xvi^ et surtout au xviie siècle. Il suffit de citer la
/«Va^icirtf/e de Ronsard, 1'.^ to-jc de Scudéry, \c Saint-
Louis du père Lemoyne, et la Pucelle de Chape-
lain. Mais la Franci':de, malgré quelques beaux
vers, n'a pas survécu à son auteur. Quant aux au-
tres poèmes, on ne les connaît plus guère que par
les critiques de Boileau.
Au xviii'= siècle, Voltaire a essayé de faire revi-
vre ce genre qui appartient plutôt aux époques de
foi et d'imagination naïve, et il a composé la Hen-
■I iade. C'est l'histoire du siège de Paris commence
par Henri III et Henri IV et terminé par le triom-
phe de ce dernier qui est reconnu roi de France.
Voltaire a fait entrer habilement, dans le cadre
qu'il avait choisi, l'histoire des guerres de reli-
gion, les fureurs de la Ligue, le massacre de l.i
ÉPOPÉE
— 681 —
ÉPOPÉE
Saint-Barthélemy, la bataille d'Ivry, le récit des
deux sièges de Paris et de l'horrible famine qui
désola la ville. Mais, malgré de beaux épisodes,
des portraits intéressants et bien dessinés, l'ou-
vrage a un caractère monotone et peu intéressant.
Le merveilleux y a sa place, mais il embarrasse
le poème plutôt qu'il n'en fait l'ornement : la
Religion, la Discorde, le Fanatisme, la Vérité, qui
interviemient, sont de froides allégories qui ne
présentent à l'esprit aucune image facile à saisir, et
remplacent mal les divinités païennes qu'Homère
et Virgile avaient introduites dans leurs ouvrages.
Plus vivante et plus intéressante est la Jérusa-
lem délivrée, composée par le Tasse, poète italien
du xvi« siècle. C'est l'histoire poétique de la fin
de la première croisade. Les chrétiens sont arrivés
sous les murs de Jérusalem et se préparent à lui
donner le dernier assaut. Mais l'Esprit du mal pro-
tège les Musulmans et s'efforce par des enchante-
ments et des sortilèges d'empêcher les chrétiens de
s'emparer de la ville. Dieu lui-même, pour punir
les fautes des croisés, lui permet de les éprouver.
Aussi, à chaque instant, ce sont de nouvelles péri-
péties qui retardent leur succès. Ce qui donne
surtout de l'intérêt au poème du Tasse, c'est que
ses personnages sont vivants et tracés avec une
rare habileté. Du côté des Musulmans, c'est Aladin,
le roi perfide, le farouche Argant, la belliqueuse Clo-
rinde, l'enchanteresse Armide aux dangereuses sé-
ductions. Du côté des chrétiens, c'est le sage Go'le-
froi de Bouillon, l'impétueux Renaud, le tendre et
vaillant Tancrède, sans compter beaucoup d'autres
personnages secondaires dont chacun a sa physio-
nomie propre et son caractère. Enfin, Clorinde est
tuée et reçoit en mourant le baptême de la main
de Tancrède, Argant tombe à son tour, et Godefroi
entre en triomphe dans le temple de Jérusalem.
Quelques années avant le poème du Tasse pa-
raissaient, en Portugal, les Liisiades de Camoëns.
Cette œuvre fut provoquée par l'enthousiasme
qu'excitèrent les découvertes des Portugais sur
les côtes de l'Afrique, surtout quand elles attei-
gnirent et dépassèrent le cap de Bonne-Espérance.
Camoëns, qui lui-même avait vécu aux Indes,
chanta la plus célèbre de ces expéditions, celle de
Vasco de Gama, qui le premier franchit le cap le
plus méridional de l'Afrique et changea son nom de
Promontoire des Tempêtes en celui de cap do
Bonne-Espérance qu'il a gardé. Camoëns décrit
les difl'érents peuples qui habitent les côtes de
l'Afrique, et mêle avec art à son récit l'histoire
du Portugal. On admire surtout dans le troisième
chant les aventures tragiques de la célèbre Inès
de Castro, que don Pedro, fils d'Alphonse IV, roi
de Portugal, avait épousée en secret, et qu'Al-
phonse IV, irrité de cette mésalliance, fit assassi-
ner. Rien de plus touchant que le récit de ses vertus
et de ses malheurs; c'est au jagement des con-
naisseurs la partie la plus intéressante et la mieux
écrite du poème. On cite encore l'apparition du
géant Adamastor, qui essaie vainement par les
menaces qu'il profère et les tempêtes qu'il sou-
lève d'empêcher les Portugais de franchir le cap
de Bonne-Espérance. Mais on est choqué do voir
les Néréides et Thétis, déesse de la mer, in-
tervenir pour récompenser Gama et ses compa-
gnons de leurs fatigues, et Vénus seconder les
efforts des Portugais pour propager la foi chré-
tienne dans les Indes. Ce mélange du christia-
nisme et du paganisme gâte les dernières par-
ties du poème.
3. Poèmes historiques. — On donne ce nom à
des ouvrages composés sur le modèle des poèmes
épiques, mais qui n'admettent pas le merveilleux.
Ils chantent les événements tels qu'ils se sont
passés et les reproduisent avec la fidélité de l'histoire.
Ils empruntent leurs seuls ornements à la grandeur
des faits, à l'éclat des tableaux qu'ils déroulent et
à la beauté du style. Aussi les conditions de ce
genre, si difficiles à remplir, rendent ces poèmes
froids et monotones. La Pliarsale de Lucain, qui
vivait au temps de Néron, est le poème historique
le plus remarquable. C'est le récit de la guerre
civile qui éclata entre César et Pompée, et qui
se termina par la mort de celui-ci et par la dic-
tature de César. Les épisodes sont empruntés
aux divers événements de la guerre. Le poème,
interrompu par la mort de Lucain impliqué dans
une conjuration contre Néron, s'arrête au milieu du
dixième livre. Les descriptions et les discours sont
les plus brillantes parties du poème, qu'animent,
malgré de nombreuses fautes de goût, un souffle
puissant et un généreux amour de la liberté. On
remarque les mêmes mérites dans Y Aroucana,
poème historique de don Alonzo de Ercilla, auteur
espagnol du xvi= siècle. C'est l'histoire de la con-
quête du pays des Araucaniens (près du Chih) par
les Espagnols. Mais la répétition des mêmes faits,
des mêmes luttes sanglantes où ne change que le
nom des chefs, produit la monotonie. Aussi l'œuvre
d'Ercilla ne mérite guère les éloges enthousiastes
que Cervantes lui adresse par amour -propre
national.
4. Poèmes religieux. — On classe sous ce nom
un grand nombre de poèmes qui traitent de sujets
religieux ou touchant à la religion. L'ouvrage du
caractère le plus étrange et le plus admirable en
ce genre est la Divine Comédie de Dante Alighieri,
qui parut en Italie au commencement du xiv^ siè-
cle. Ému des malheurs de son pays, poursuivi par
la haine implacable de ses ennemis politiques, le
Florentin Dante conçoit l'idée d'une épopée extra-
ordinaire où l'enfer, le purgatoire et le paradis
s'ouvriront devant lui tour à tour. L'un lui offrira
ses supplices éternels, l'autre ses peines expiatoires,
l'autre une félicité sans fin, pour punir et récom-
penser les ennemis et les amis de l'Italie, les op-
presseurs ou les défenseurs de sa liberté. Le poè-
me se compose donc de trois parties, l'Enfer, le
Purgatoire, le Paradis. La plus belle est l'Enfer.
Guidé par le poète Virgile, Dante visite l'enfer,
formé de neufs cercles concentriques où les cou-
pables sont soumis à des supplices aussi variés que
leurs crimes. L'imagination de Dante est inépuisa-
ble à dépeindre leurs souffrances. Il place parmi
les damnés ses ennemis, même ceux qui vivaient
encore, et dont quelques-uns, dit-on, se tuèrent
de désespoir pour échapper à la honte que le poète
avait répandue sur eux. Les plus beaux épisodes
sont ceux de Françoise de Rimini, assassinée avec son
amant par un mari jaloux, et le supplice d'Ugolin
et de ses enfants mourant de faim dans la tour où
on les a enfermés. Le Purgatoire et le Paradis,
malgré de nombreuses beautés, offrent moins d'in-
térêt. Les supplices du purgatoire ne différant de
ceux de l'enfer que par l'intensité et la durée, les
descriptions deviennent monotones, et la tliéologie
mêlée à l'astronomie rend fatigante la lecture du
Paradis.
Une inspiration presque aussi élevée a dicté en
1G65 à l'Anglais Milton son poème du Paradis per-
du. Milton a pris pour point de départ de son
œuvre l'histoire de la Genèse. Il raconte en vers-
admirables et animés d'un souffle vraiment poéti-
que la création du monde et celle du premier
homme et de la première femme. Bien n'est plus
gracieux que les épisodes où il dépeint le bonheur
du premier couple dans le séjour de félicité, dans
ce Paradis terrestre qui lui a été donné. Mais ce
bonheur ne saurait durer. Satan en est jaloux.
L'ange déchu, tout meurtri encore de la lutte au-
dacieuse qu'il a soutenue contre les anges restés
fidèles, veut entraîner Adam et Eve dans sa chute.
Il pense trouver un moyen de se venger de Dieu en
perdant les créatures que celui-ri a formées avec
amour. Il tente live, la séduit d'abord, et avec elle:
ÉPOPÉE
— G82 —
ÉQUATIONS
et par elle, il entraîne Adam au péché. Le paradis
est alors perdu, et nos premiers parents n'auraient
plus qu'à se livrer au désespoir, si Dieu ne faisait
briller à leurs yeux l'espérance du pardon et de la
rédemption. On ne saurait trop admirer l'habileté
avec laquelle Milton a rempli un cadre si simple
et si connu. Un critique anglais disait de lui que
la nature avait formé son génie de l'àme d'Homère
et de celle de Virgile. Son style, surtout, qui sait
opposer les images les plus grandioses, la peinture
terrible de la Mort, du Péché, aux tableaux délicieux
de la terre à ses premiers jours, n'a pas été sur-
passé. Quelques fautes de goût déparent seules
cet ouvrage. En vain les Allemands ont voulu lui
opposer au xvni' siècle la Messiade de Klopstock.
Ce poème, qui raconte les miracles du christia-
nisme, la vie et les souffrances du Rédempteur,
offre un caractère plus religieux, mais est moins
intéressant et moins poétique que le Paradis
perdu.
5. Poèmes divers, satiriques, héroï-comiques,
badins ; poèine< en prose. — On rattache encore
au genre du poème épique une foule considérable
de compositions différentes de style et de caractère.
En premier lieu se placent les poèmes satiriques
du moyen âge, le Roman de la Rose et le Roman
du Renart. Le Roman de la Rose (xiii^ siècle) n'est
dans sa première partie qu'une histoire amoureuse,
une longue allégorie remplie de personnifications
bizarres. Il s'agit de la conquête d'une rose qui
représente la femme aimée. Le poète est aidé
ou entravé dans sa tentative par Bel-Accueil, Cour-
toisie, Peur, Jalousie, et par cent autres personnages
aussi impalpables qui dissertent et raisonnent, et
à qui il ne manque que la vie. La seconde partie
du poème a un caractère de satire plus marqué.
L'auteur, Jean de Meung, ne ménage aucune classe
de la société ; il poursuit damères critiques la no-
blesse, le clergé et même la royauté. On sent l'es-
prit moderne qui s'éveille et qui se venge de ses
longs siècles d'oppression avec la seule arme qu'il
a :i son service, l'esprit et la raillerie.
Mais l'œuvre satirique par excellence du moyen
âge est le lloman du Renart, création ou plutôt
compilation gigantesque, œuvre de nombreux poè-
tes dont la plupart sont inconnus, et qui appar-
tiennent les uns à la fin du xii' siècle et les der-
niers au XIV'. Mais tous ces poètes sont réunis
par une inspiration commune, la haine de l'op-
pression et de la tyrannie féodale. Ce poème est
la revanche du faible, la lutte de l'intelligence
contre la force, le triomphe de la ruse sur l'esprit
chevaleresque. En vain Isengrin le loup a pour
lui la puissance et la richesse^ Renart, le héros
du poème, l'emporte toujours sur lui grâce à son
esprit, et finit même par ceindre la couronne.
Le Roland Furieux de l'Italien Arioste, au
xvi« siècle, est le plus célèbre des poèmes héroi-
comiques. Il a pour cadre la croisade fabuleuse
de Charlemagne contre les Sarrasins, et la lutte
des chevaliers chrétiens contre les chevaliers mu-
sulmans sous les murs de Paris. Le plan du poème
finit par disparaître sous la multitude des épisodes
intéressants qui y sont accumulés. Les parties
principales sont la peinture de la folie qui s'em-
pare de Roland en apprenant qu'Angélique qu'il
aime est éprise du beau Médor, le voyage d'Astol-
phe dans la lune à la recherche de la raison de
son malheureux ami, et enfin le mariage de Roger
et de Bradaniante, retardé sans cesse par toutes
sortes de péripéties, d'infortunes et d'enchante-
ments. Aucun poète n'a eu l'imagination plus
Iraîche et plus éclatante que l'Arioste, et n'a su
mieux que lui mêler le sérieux et le plaisant, le
sublime et le familier.
Les poèmes épiques badins sont la parodie de
l'épopée sérieuse. Le plus ancien ouvrage dans ce
genre est la Batrachomyomachie ou combat des
rats et des grenouilles, attribué à Homère, maïs qui
a pour auteur un poète de l'école d'Alexandrie.
On cite encore en Italie le Seau de bois ravi de
Tassoni; en Angleterre la Boucle de c'ieveiuc enle-
vée de Pope ; en France le Lutrin de Boileau, le
Vert-Vert et le Lutrin vivant de Gresset.
On range quelquefois dans l'épopée certaines
grandes compositions en prose, comme le Téléma-
que de Fénelon, et les Martyrs de Chateaubriand.
Ces ouvrages sont trop connus et trop répandus
pour qu'il soit nécessaire d'insister. L'un raconte
les voyages et les aventures de Télémaque à la
recherche de son père Ulysse. L'autre est la pein-
ture de la lutte du paganisme expirant contre le
christianisme, et se termine par le martyre d'Eu-
dore et de Cymodocée.
Nous avons passé en revue un grand nombre de
poèmes de toutes sortes et dans tous les genres :
il eût été facile d'en citer davantage, et de prolon-
ger ces analyses. Nous nous sommes borné à indi-
quer, avec leurs détails principaux, les ouvrages
les plus célèbres dont tout homme qui a reçu une
éducation libérale doit connaître les noms, et dont
il doit avoir lu au moins quelques-uns. Toutefois,
pour bien apprécier leur mérite et tirer un réel
profit de cette lecture, il faut y apporter une cer-
taine préparation, il faut être initié à une multi-
tude de faits, d'idées et de connaissances auxquels
l'instruction primaire seule n'a pas habitué les
meilleurs esprits. Sans parler des épopées orien-
tales et de quelques autres, les chansons de gestes
elles-mêmes, quoique écrites en français, sont
d'une lecture difficile pour quiconque n'a pas fait
une étude spéciale du latin et de notre vieille lan-
gue. Enfin, comme la plupart des poèmes épiques
qui appartiennent aux époques de culture littéraire
se sont inspirés des souvenirs de l'antiquité clas-
sique, il faut s'être familiarisé avec les idées, la
mythologie et la littérature des anciens. Mais aussi,
quand on réunit ces conditions, avec quel plaisir,
avec quel intérêt on lit ces œuvres remarquables,
le plus bel effort du génie humain! Comme on
goûte tantôt l'élévation des pensées, l'éclat du
style, tantôt la finesse, le piquant des détails et
des allusions! C'est pour l'esprit la plus intéres-
sante et la plus saine des récréations et des lec-
tures. [Victor Cucheval.]
ÉQUATIONS. — Algèbre, VII-IX. — \. — Deux
expressions algébriques séparées par le signe =
constituent ce qu'on appelle une égalité; chacune
des expressions ainsi séparées forme un des mem-
bres de l'égalité. On peut, sans troubler une éga*
lité, ajouter une même quantité aux deux membres,
en soustraire une même quantité, multiplier ou
diviser h la fois les deux membres par une même
quantité. On peut faire passer un terme quel-
conque de l'un des membres dans l'autre, à la
condition de changer son signe. Soit, par exemple,
l'égalité
a -{- b = c — d.
Si l'on efface dans le premier membre le terme ô
qui était additif, on diminue ce membre de 5; il
faut donc diminuer aussi de b le second membre,
ce qui donne
a= c — d — 6,
et l'on voit que le terme -\- b a. changé de signe
en changeant de membre.
Si l'on efface dans le second membre le terme
— d qui était soustractif, on augmente ce membre
de d; il faut donc augmenter aussi de d le premier
membre, ce qui donne
a -f rf = c — b,
et l'on voit qu'en changeant de membre, le terme
— d & aussi changé de signe.
ÉQUATIONS
— 683 —
2. — Les égalités peuvent être d'espèces très
différentes. Soit, par exemple, Tégalité
{x + 2) (x — 2) = x2 _ 4.
Quelque valeur qu'on attribue à x, l'égalité est
toujours satisfaite. Une égalité ainsi indépendante
de la valeur des lettres qui y entrent est ce qu'on
nomme une identité.
Soit au contraire l'égalité fort simple
a; + 3 = 8.
On voit aisément qu'elle est satisfaite quand on
y remplace x par 5 ; mais qu elle ne saurait l'être
par tout autre nombre. Une pareille égalité, dans
laquelle x représente une quantité inconnue, est
ce qu'on appelle une équation; et le nombre 5, qui
satisfait à l'égalité, est la valeur de l'inconnue x.
Trouver la valeur que doit prendre l'inconnue pour
que l'équation soit satisfaite est ce que l'on appelle
résoudre l'équation.
.3. — Equations du premier degré à une seule
inconnue. — Une équation ne renfermant qu'une
inconnue est dite du premier degré, lorsque l'in-
connue, n'entrant pas en dénominateur, n'y figure
qu'à la première puissance. Ainsi l'équation
X — 3 X-
= 10
est une équation du premier degré. Pour la ré-
soudre, il suffit de lui faire subir des transforma-
tions très simples. On peut d'abord réduire tous les
termes au même dénominateur, et écrire
(a — 3). 3 (X + 2). 2
6 "*" 6
£2.
ÉQUATIONS
:: = : }-5) dOU X' = 17 5
5 7
i£±i==£+i + 4, d'où x = ll.
4. — Voici quelques exemples de problèmes
conduisant à une équation du premier degré à une
inconnue. Déduire de l'énoncé l'équation qui don-
nera l'inconnue est ce que l'on appelle mettre le
problème en équation ; il n'y a pour cela d'autre
règle que la suivante : Indiquer, à l'aide des
signes algébriques, les calcu/s que l'on aurait à
effectuer si fon voulait vérifier la valeur de l'in-
connue.
I. — Partager 42 en deux parties telles que le
tiers de l'une soit égale au quart de Vautre. Soit x
la première partie ; la seconde sera 42 — x; on
devra donc avoir, d'après l'énoncé :
X 42 — œ
On peut ensuite multiplier tous les termes par 6,
ce qui revient à supprimer le dénominateur commun,
et donne
{x — 3). 3 4- (a; + 2). 2 = 60,
ou, en effectuant les calculs indiqués,
3x — 9 -I- 2a; -f 4 = 60.
On peut ensuite faire passer dans le second
membre les termes — 9 et + 4, ce qui donne
3x + 2x = 60 + 9 — 4,
ou, en réduisant, hx = 65.
On peut enfin diviser les deux membres par 5, ce
qui donne
x = 13.
Sous cette forme l'équation est résolue; il est clair,
en effet, qu'elle est satisfaite par la valeur 13, mise
pour x; et que le nombre 13 est le seul qui y sa-
tisfasse.
Toutes les équations du premier degré à une
seule inconnue peuvent être traitées de la même
manière, ce qui conduit à la règle suivante :
Pour résoudre une équation du premier degré à
une inconnue, il faut: 1° réduire tous les tenues
au même dénomiyiateur ; 2° suppri)7ier le dénomi-
nateur commun; 3° effectuer, s'il y a lieu, les calculs
indiqués; 4° faire passer dans un membre tous les
termes affectés de Viaconnue, et dans . Vautre
membre toui les termes connus; 5° réduire les
termes semblables ; 6° enfin diviser les deux
membres par le coefficient de Vinconnue.
On pourra proposer aux élèves les exemples
suivants :
d'où l'on tire a: = 18 pour la première partie, et
par conséquent 24 pour la seconde; ce qu'il est fa-
cile de vérifier.
II. Un père a .34 ans et son fils en a 6; on de-
mande dam combien d'années Vûge du père serale
triple de Vàqe du fils. Soit x le nombre d'années
cherché. Dans x années l'âge du père sera devenu
34 -1- X, et celui du fils 6 -f x; on devra donc avoir
3i -I- a; = (6 -f œ) 3, d'où x=8,
et, en effet, dans 8 ans le père aura 42 ans et le
fils 14.
III. — Un marchand de vin a acheté une pièce
de vin à raisoji de 0 fr.,75 le litige; et, après y avoir
ajouté 30 litres d'eau, il a vendu le mélange à 1 fr.
le litre, et a gagne ainsi bO fr. Que Ce était la conte-
najice de la pièce? Soit x le nombre de litres qui
exprime cette contenance. Le prix d'achat sera
Ofr.,75 . a;; le prix.de vente sera (a;-t-30). 1 fr.;
on devra donc avoir
(x -f 30). 1' — 0',75. X = 50', d'où x = 240.
La pièce contenait donc 240 litres.
IV. — On a fondu 2 kil. de monnaie d'or fran*
çaise avec 3'',48 de monnaie d'or autrichienne, et
l'on a obtenu un alliage au titre de 0,953; quel
était le titre de Vor autrichien? Soit x le titre de-
mandé. Les 2 kil. de monnaie française contiennent
un poids d'or pur exprimé par 2"^ X 0,9 ou l'',8.
Les 3'',48 d'or autrichien contiennent un poids d'or
exprimé par 3'',48 X x; le poids de l'or pur contenu
dans l'alliage est donc iSS + 3^48. x. En même
temps, le poids total de l'alliage est 2 kil. + 3^,48
ou 5^48. Le titre de l'alliage est le quotient du
poids de l'or pur par le poids total ; on doit donc
avoir
d'où
:a-}-6;
1,8 + 3,48. X
5,48
= 0,953, d'où x = 0,9834....
V. — Deux trains partent en même temps, l'tcn
de Paris, Vautre de Rouen, et vo?it à la rencontre
rua de Vautre, avec des vitesses moyennes respec-
tives de 40 et de 30 kilomèires à Vheure. On de-
mande à quelle distance de Paris ils se croiseront,
sachant que la distaiice de Pai is à Rouen est de
137 kilomètres. Soit x la distance demandée. Le
temps employé par le premier train pour parcou-
X
rir la distance x est exprimé en heures par — ; le
temps employé parle second train pour parcourir la
. . ^ . 137 — X „ .
distance est exprime de ueme par — --- — . Mais
oU
EQUATIONS
— 684 —
ÉQUATIONS
ces deux temps doivent être égaux ; on doit donc
avoir
X 137 — a:
40" 30
-) d'où l'on tire a; = 78'^'",285.
VI. — Un marchand a acheté à 5 fr. le mètre une
certaine quan'ité d'étoffe. Il en a vendu te quart à
raison de 6 fr. le mètre, le quart du reste à 7 fr.,
le cinquième de ce second reste à 8 /;■., et enfin
tout le reste à 9 fr. Il a réalisé ainsi un bénéfice de
221 fr. On demaiide combien il y aviit de mètres
de cette étoffe. Soit x le nombre do mètres deman-
de. Le prix d'acliat est 5 fr. X •!" ou ô x. Le prix
de vente se compose de plusieurs parties. En
premier lieu le quart de a; à raison de 6 fr.,
1 3
ou - X . 6. Il reste cette première fois -r x ; le
quart de ce reste est -- a;, qui a été vendu à raison
10
3
de 7 fr., et a produit —■ x .1. Le second reste est
16
•rX a; OU -^ a;. Le cinquième de ce second reste
4 Itj 16
9
est — X, qui a été vendu à raison de 8 fr., et a pro-
80
^ . î^ „ T, . , 9 9 36
duit — X. 8. Il est reste alors — a; — — a; ou — x,
80 1() 80 80
9
soit — X, nui ont été vendus à raison de 9 fr., et
20 '
9
ont produit— x. 9. L'excès de la somme de ces
prix de vente partiels sur 5 x doit faire 221 fr. ; on
a donc l'équation
i.6x + 1.7x + ^..8a: + |.9.-5x=.22I,
d'où l'on tire x = 80.
5. — Quantités négatives. — Il peut arriver que
la réduction d'une équation du premier de^ré con-
duise, pour l'inconnue, à une valeur numérique
précédée du signe — , comme — 5, — a; c'est ce
que l'on appelle une quantité négative. Une pareille
expression, qui n'a aucun sens par elle-même, in-
dique généralement un vice dans l'énoncé du pro-
blème; elle fait supposer que l'inconnue, si on l'a
regardée comme additive, devrait au contraire être
regardée comme soustractive, ou vice versa. Pour
rectifier l'énoncé, on change a; en — a? dans l'équa-
tion du problème, ou — a; en -|- ar; et l'on cherche
quelle modification il faut apporter à l'énoncé pour
qu il conduise à la nouvelle équation. Comme le
signe de l'inconnue se trouve ainsi changé dans
toute la suite des calculs, on est conduit à la
même valeur que précédemment, mais changée de
signe.
Supposons, par exemple, que l'on demande quel
nombre il faut ajouter aux deux termes de la fraction
8 1
— pour obtenir une fr.action équivalente à -. On
oo o
trouve immédiatement pour l'équaiion du pro-
blème
S-f.r 1
3J + X 6
— 3.
Mais si l'on change x, en — x on obtient la nou-
velle équation
—, " = rî qui donne ar = 4-3.
On rectifiera donc l'énoncé en demandant quoi
nombre il faut rciranclicr des deux termes d-^ la frac-
8 1
tion — pour obtenir une fraction é'juivaiente à- :
Où ' (j
dès lors a; = 3 est bien la solution du problème
car si l'on retranche 3 aux deux termes de la frac-
.5 1
tion donnée, on obtient — qui équivaut en effet à -.
oO 6
Les solutions négatives s'interprètent très facile-
ment quand l'inconnue est susceptible d'être
comptée dans deux sens opposés, comme un gain
ou une perte, un temps compté postérieurement
ou antérieurement à une époque déterminée, une
longueur susceptible d'être portée à la suite d'une
autre dans un sens ou dans le sens contraire. Nous
ne saurions, sans sortir des limites imposées à cet
article, donner des exemples de ce genre d'inter-
prétation.
6. — Mais le besoin de généraliser les formules
a fait introduire les quantités négatives dans le
calcul, d'après les mêmes règles que pour les quan-
tités positives. Ainsi, pour ajouter à g la quantité
— 6, on l'écrit à la suite de a en lui conservant
son signe, et l'on a « — b pour le résultat de l'ad-
dition . De même pour soustraire — è de a, on
l'écrit à la suite en changeant son signe, et l'on a
a -\- b pour le résultat de la soustraction. On a vu
à l'article Algèljre la règle des signes dans la mul-
tiplication et dans la division ; cette règle, intro-
duite par les opérations sur les polynômes, s'étend
aux monômes isolés. Il en résulte que les formules
algébriques s'appliquent non seulement à des va-
leurs entières ou fractionnaires, mais positives,
des lettres qui y entrent, mais encore à des valeurs
négatives de ces mêmes lettres. Cette généralité
est un des caractères de l'algèbre ; mais nous
n'insisterons pas davantage sur ce point, parce
qu'on a rarement à en faire usage dans les ques-
tions de pure arithmétique.
7. — Eqimtioiis du preinier degré à deux in-
connues. — Une équation à deux inconnues est
dite du premier degré lorsque, après qu'on a fait
disparaître les dénominateurs, ces inconnues n'y
entrent qu'à la première puissance et n'j- sont pas
multipliées entre elles. Une pareille équation,
quand on fait passer les termes inconnus dans un
membre et les termes connus dans l'autre, et qu'on
opère les réductions, se présente toujours sous la
forme
ax -\- by =: c (1)
a,h,c étant des coefficients entiers ou fraction-
naires, numériques ou algébriques, positifs ou né-
gatifs.
Si \\n problème à deux inconnues ne' fournissait
qu'une seule équation pareille, la question serait
évidemment indéterminée; car on pourrait, dans
une équation de la forme (1), attribuer à y une va-
leur arbitraire, et l'on en déduirait la valeur cor-
respondante de x. Pour que le problème soit
déterminé, il faut qu'il fournisse deux équations,
s'il comporte deux inconnues. La méthode de solu-
tion consiste alors à déduire de ces deux équations
h deux inconnues une équation ne renfermant plus
qu'une inconnue; c'est ce que l'on appelle éliminer
une inconnue.
Supposons, par exemple, qu'un problème ait
fourni les deux équations
5x' -{-'y = 'Q et 6x — by
17.
On n'altérera pas ces deux équations en multi-
pliant tous les termes de la première par le coeffi-
cient .j de y dans la seconde, et tous les termes de
la seconde par le coefficient 7 de ?/ dans la pre-
mière, ce qui donne
25a; -f 35y = 350 et 42a; — 35^ = 119.
Si l'on ajoute alors ces deux équations membre à
membre, on obtient
67j; = 469,
ÉQUATIONS
685 —
ÉQUATIONS
équation qui ne renferme plus que l'inconnue x, et
d'où Ton tire x = 7. Si alors on remplace x par 7
dans l'une ou l'autre des équations primitives, on
en tire également y = 5.
Si, dans les deux équations, les termes en y
avaient été de même signe, il aurait fallu., après les
multiplications indiquées, les soustraire au lieu de
les ajouter, pour éliminer l'inconnue y. Ce mode
d'élimination, le plus simple de tous, est connu
sous le nom de méthode par multiplication en
croix.
8. — Voici quelques exemples de problèmes con-
duisant à deux équations du premier degré à deux
inconnues.
I. _ On a deux espèces de pièces de monnaie
étrangère : 5 pièces de la première espèce et 2 pièces
de la seconde font 13 />■. ; et 18 p:èces de la pre-
mière surpassent de l'%05 5 joîèce? de la seconde;
quelles sont les valeurs de ces deux espèces de pièces?
En appelant x et y ces valeurs, la première condi-
tion conduit à l'équation
5x + 2?/=13
et la seconde à l'équation
18x = 5!/+l',0o ou ISx — 5y = 1,05.
Pour éliminer?/, on multipliera donc la première
équation par 5 et la seconde par 2, et l'on ajoutera
membre à membre, ce qui donne
61x = 67',10 d'où x = l',10.
Remplaçant ensuite x par l'',10 dans la première,
on en tire y = 'd"^,'b.
II. — Trouver une fraction telle que, si l'on aug-
mente ses deux termes de 3 unités, elle devienne
5
équivalente à —r, et que, si l'on diminue au con-
iraire ses deux termes d'une unité, elle devienne
équivalente à — .
Soient x le numérateur et y le dénominateur de
la fraction cherchée ; les deux conditions de i'énoncé
conduisent immédiatement aux deux équations
y + à
ou, en faisant disparaître les dénominateurs et ré-
duisant à la forme (1) ci-dessus :
6x — 5y = — 3 et ix — Zy = -i- 1.
Multipliant la première par 3, la seconde par 5
et retranchant membre à membre, on obtient
2x=14, d'où x = 7.
Remplaçant alors x par 7 dans une des deux équa-
tions précédentes, on en tire y = Q.
7
La fraction demandée est donc — ; ce qu'il est
facile de vérifier.
III. — U/t bassin reçoit l'eau par un robinet A.
et Veau s'en écoule par un robinet B. St le robinet
A est ouvert pendant 3 heures, et le robinet B pe7î-
dant 4 heures, le bassin contiewira 40 litres de
plus ; si le robinet A reste ouvert pendant 5 heures
et le robinet B pendant 6 heures, la quantité d'eau
aura augmenté de 120 litres. On deoiande combien
chacun de ces robinets débite d'eau dans une heure.
Six est le débit du robinet A, et y celui du robinet
B, les deux conditions de l'énoncé seront exprimées
par les équations
.3x — 4y = 40 et 5x — Gy = 120.
Pour rendre égaux ces deux coefficients de y, il
n'est pas nécessaire ici de multiplier la première
équation par G et la seconde par 4 ; il suffit démul-
tiplier la première par 3 et la seconde par 2, ce qui
donne :
9x— 12y = 120 et lOx— 12!/ = 240,
et, en retranchant la première de la seconde, x= 1 20.
La première des deux équations priiiiitives donne
alors y = 80.
IV". — Sj l'on augmente de I" la base d'un rec-
tangle, mais qu'on diminue sa hauteur de 2™, sa
surface diminue de ô2""T ; si l'on diminue au con-
traire sa base de 2° et qu'on aiLgmente sa hauteur
de 1'", sa -urface iliminue de 7""l;o?i demande sa
base et sa hnutew\ sachant que sa surface a pour
expressio7i le produit de sa base par sa hauteur.
Soient x la base et y la hauteur.
Les deux conditions de l'énoncé sont exprimées
par les équations
(x+l)(y— 2)=xv — 52 et (x -2) (y + l)=X(/— 7.
En efi'ectuant les multiplications indiquées, et
réduisant, on obtient
•2x - y = bO et 2y — x = 5.
Multipliant la première par 2 et ajoutant membre
à membre, il vient
3x = 105, d'où x = 35.
La première des deux équations donne alors
y = 20.
Y. — Un -nombre est composé de deux chiffres
dont la somme absolue est 16; si l'on retourne ce
nombre, il diminue de 18 unités. Quel est ce
nombre?
Soit X le chiffre des dizaines et y le chiff're des
unités. La première condition fournit immédiate-
ment iéquation
x + y = \Q.
La seconde condition est exprimée par
10x + y=10y + X + 18 ou 9x — 9y=18,
ou encore x — y = 2.
11 s'agit donc de trouver deux nombres dont la
somme est 16 et la différence 2 ; on les obtient en
additionnant membre à membre, ou en retranchant,
ce qui donnex = 9 et y =7. Le nombre demandé
est donc 97.
VI. — Un voyageur qui a marché dune manière
régulière pendant un certain nombre de jours
remarque que, s'il avait fait 4 kilomètres de plus
par jour, et qu'il eût marché un jour de moins, il
aurait fait en tout 6 kilomètres de plus; que si au
contraire il avait marché un jour de plus, )7iais
qu'il eût fait 2 kilomètres de moins par jour, il
aurait fait en tout 8 kilomètres de plus. On demande
com'denil a marché de jours, et combien il faisait
de kilomètres par jour. Si x représente le nombre
de jours de marche et y le nombre de kilomètres
faits par jour, les deux conditions du problème
seront exprimées par les équations
(y + 4)(x-l)=xy + 6 et (y — 2)(x + l)=xy-l-8
ou, en simplifiant,
4x — y = 10 et y — 2x=10.
Comme y a le même coefficient numérique dans
les deux équations, mais avec un signe contraire,
on élimine immédiatement cette inconnue en ajou-
tant les deux équations membre à membre, ce qui
donne 2x = 20, d'où x -= 10. Par suite y = 30.
9. — Il peut se présenter une circonstance dont
EQUATIONS
— 686 —
ÉQUATIONS
îl est bon d'être prévenu. Les deux équations pro-
posées étant mises sous la forme ax + 6.y= c, il
peut arriver que les coeftic.ients des deux inconues
soient proportionnels; et alors, en multipliant en
croix, comme il a été expliqué plus haut, les pre-
miers membres des deux équations deviennent
identiques. Il faut alors distinguer deux cas : ou
les seconds membres deviennent identiques aussi,
et, les deux équations se réduisant à une seule, le
problème est iiidtiterminé : ou les membres sont
différents, et alors les équations proposées sont
incompatibles, et le problème n'admet aucune
solution.
Soient, par exemple, les deux équations
IOj: — 2Gy = ?n et lôx — SOy = n.
En multipliant la première par 3 et la seconde
par 2, on obtient
30a: — 18y = Zm et 30a; — 78y = 2n.
Les premiers membres étant identiques^ si 3m est
égal à 2'» il y a indétermination ; si Zm est différent
de 2u il y, a incompatibilité.
10. — Equations du premier deqré à plus de 2
inconnues. — Une équation à plusieurs inconnues
est du premier degré lorsque, après avoir fait dis-
paraître les dénominateurs, les inconnues n'y en-
trent qu'à la première puissance et n'y sont pas
multipliées entre elles. Une équation du premier
degré à trois inconnues, quand on a fait passer tous
les termes affectés de l'inconnue dans un même
membre, les quantités connues dans l'autre, et opé-
ré les réductions, est de la forme
ax + ôy -j- cz=d,
(1)
a, b, c, d étant des quantités connues. Lorsqu'un
problème comporte trois inconnues, il faut qu'il
fournisse trois opérations, car, s'il n'en fournissait
que deux, on pourrait attribuer une valeur arbi-
traire à l'une des inconnues et l'on aurait deux
équations pour déterminer tes deux autres. Sup-
posons donc que l'on ait trois équations du premier
degré entre les trois inconnues x, y, z, on ramène
ce cas à celui de deux équations à deux inconnues,
en éliminant l'une des trois inconnues, s par exem-
ple, deux fois, entre l'une des trois équations et les
deux autres. Quand les inconnues x et y ont été
déterminées, on substitue leurs valeurs dans l'une
quelconque des équations primitives, qui donnera
la valeur de z.
Supposons, par exemple, qu'un problème ait
conduit aux trois équations
2x -f 3y — 2: = 3
■àx — iy + 4z= 14
bx + 2y + Zz = 31
(2)
Si l'on multiplie la première par 2 et qu'on
l'ajoute à la seconde, on obtient
7x + 2î/ = 20.
Si l'on multiplie la première par 3 et la troisième
par 2 et qu'on les ajoute, on trouve
16x+ 132/ = 71.
Ces deux équations en x et y donnent a;^ 2 et
y = 3, et, en mettant ces valeurs dans l'une quel-
conque des équations proposées, on en tire 2 =. 5.
11- — Voici quelques problèmes conduisant à
trois équations du premier degré à trois inconnues :
I. — Un bassin reçoit l'eau par trois robinets.
Si on les ouvre respectivement pendant 2, 3 e< 4
heures, on obtient un débit de 798 litres ; si les temps
sont respectivement 3, 4 ei 2 heun-s, le débit est de
86 i litres, et si les temps sont respectivement 4, 2 et
3 heures, le débit est de 876 litres. On demande
combien chacun des robinets fournit d'eau par
heure? En désignant par x, y, z les trois inconnues,
on a immédiatement les trois équations
2x -f 3y + 4z = 798,
3a; -f 4y -f 22 = 864,
4a; -f 2?/ -H 32 = 876.
En éliminant z deux fois, entre la seconde et les
deux autres, on obtient les deux équations à deux
inconnues
4a; -f 5y = 930,
x-\- 8y=840,
qui donnent x = 120 et ,y= 90. Ces valeurs mises
dans l'une des trois équations primitives donnent
z~ 72.
II. — lin nombre est composé de trois chiffres
dont la somme est 21; si l'on permute les deux
premiers chiffres ù gauche, il auqoteyite de 180; et si
on le retourne complètement, il augmeiite de 396 ;
quel est ce nombre ?
Soit r le chiffre des centaines, y le chiffre des
dizaines et z le chiffre des unités.
La première condition donne
a; + 2/ + - = 21. (1)
La seconde donne
100y + JOx-f ;=r=il00x + 10!/ + z -1-180
ou 80;/ — 90 J = 180,
ou encore y —x ==2. (2)
La troisième fournit l'équation
1002 + 10y + x = lOOx + lOy + z + 396
99z — 99x = 396,
ou plus simplement
2 — a; = 4.
(3)
Ici la méthode d'élimination se simplifie ; car on
tire des équations (2) et (3) :
y = x + 2 et z = X + i,
valeurs qui, substituées dans (1), donnent
a; = 5, d'où y = l et z = 9.
Le nombre demandé est donc 579.
III. Un marchand opère dans son commerce sur
trois qualités de drap : dans une semaine il a vendu
liO mètres de la première qualité et 40 de la se-
conde, et acheté 110 mètres de la troisième; dans
une autre semaine il a vendu 20 mètres de la
première, 100 mètres de la troisième, et acheté 70
mètres de la seconde ; dans une troisième seinaine,
il a vendu 60 mètres de la secojide et 40 mètres
de la troisième, et acheté 30 mètres de la pre-
mière ; la recette a surpasse' la dépense de 116 fr.
la première semaine, de 480 fr. la seco7ide, et de
798 fr. la troisième. On demande le prix d'achat
de chacune de ces trois qualités de drap, sachant
que le prix de vente a dépassé de 20 pour 100 le
prix d'achat.
Soient x, y, z les prix d'achat d'un mètre de cha-
cune de ces qualités de drap ; le prix de vente
s'en déduira en s'augmentant de 20 p. 100,
c'est-à-dire de - ; le prix de vente sera donc pour
chacune -x, - y et r =, ou 1,2j-, l,2y 1,22. Dès
6 5 .1
lors les trois conditions fournies par l'énoncé don-
neront les trois équations :
ÉQUATIONS
— 687 —
ÉQUATIONS
60.1, 2j; + 40.1,2?/ — nOc = 776,
20.1,2a: + 100.1,23 — 70//= 480,
60.1,2y + 40.1,2z — 30a; = 798,
ou 72x + 48y — 110j=776, (1)
24x4- 1203 — 70(/= 480, (2)
72y_^48z — 30a;=798. (3)
On élimine x entre (I) et (2) en multipliant (2) par
3, et retranchant, ce qui donne
470z — 258y = 664 ou 235z— 129;/ = 332.
On élimine x entre (2) et (3) en multipliant (2)
par 6 et (3) par 4, et ajoutant, ce qui donne
792z — 62y = 5592 ou 396z — 31?/ = 2796.
On tire de ces deux dernières ?/= 12 et 3 =: 8 ;
l'une quelconque des équations primitives donne
alors X = lô.
IV. On a trois lingots qui contiennent :
le premier 2 k. d'or, 3 \i.(T argent, 4 k. de cuivre
le second 3 — 4 — ô —
le troisième 4 — 5 — 9 —
Combien fuut-il prendre de chactm d'eux pour
former un quatrième lingot qui contienne
75^ d'or, lOO^' d'argent et 149^' de cuivre?
Soient x, y, z les nombres de grammes de chacun
des trois premiers lingots qu'il faut prendre pour
former le quatrième. On remarque que, dans le
premier lingot, il y a i^ d'or sur ;; -|- 3 + 4 ou 9'',
2
c'est-à-dire que l'or y entre pour -. Dans le se-
cond lingot l'or entre pour — , et dans le troi-
4
sieme pour — . Ce métal entrera en mêmes pro-
lo
portions dans les parties x,y,z qu'on prendra des
trois lingots; on devra donc avoir
2 3 4
~ x-\ V A 3 = 7o.
En raisonnant de même pour l'argent et pour le
cuivre, on obtiendra les équations
12'
18
4 c; q
9^+r2^+r8^'=^^^-
En réduisant tout au dénominateur 36, et multi-
pliant par 36, on met ces équations sous la forme
ix+ 9^-f 83 = 2700, (1)
12x-t- 12(/-fl03 = 3600, ■ (2
161-1-15?/ -1-183= 5364. (3)
En éliminant x entre (1) et (2) et entre (1) et (3),
on obtient :
3?/ -f- 43 = 900 et 3y — 2z = 36,
d'où 3=- 144, puis ?/=l08.
Dès lors l'équation (1) donne x = 72.
12. — Si l'on avait à résoudre quatre équations du
premier degré entre quatre inconnues, on ramène-
rait le problème au cas de trois équations à trois
inconnues, en éliminant l'une des quatre inconnues
trois fois, entre l'une des équations données et les
trois autres.
Nous ne croyons pas nécessaire de développer
ici cette question.
13. — Equations du second degré. — Une équation
aune inconnue est dite du second degré lorsque,
après avoir fait disparaître les dénominateurs,
l'inconnue y entre à la seconde puissance.
La plus simple des équations du second degré
est une équation de la forme x^ =: 49. On voit,
dans ce sens, que x représente un nombre qui,
élevé au carré, donne 49, ainsi a; = 7 est une so-
lution. Mais il est évident que x ^ — 7 en est une
autre, car, d'après la règle des signes, le produit de
— 7 par — 7 est aussi -+-49. On réunit ces deux
solutions en écrivant
x=±:l.
0)
14. Lorsque, dans une équation du second de-
gré, on a opéré toutes les réductions, elle ne peut
contenir que trois espèces de termes : des termes
en x-, des termes en x, et des termes indépen-
dants de X. Telle est par exemple l'équation
3x2 — 7x4-4 = 0, (2)
que l'on peut écrire, en divisant par 3,
7 , 4 „
r + 3=«-
(3)
On ramène la résolution de cette équation à
celle d'une équation de la forme (i) en remar-
7
quant que x^ — - x sont les deux premiers termes
du carré d'un binôme dont le premier terme se-
raitxetlesecond-I;carona:
(^x--j^ = x^--x + -,
49
Si donc nous ajoutons -- aux deux membres
36
de l'équation (3), ce qui n'altérera pas l'égalité,
nous aurons
/ 7\, , 4 49 / 7\, 49 4
(^-6/+3^36' °" (,^-6/=3l-3'
et, par conséquent, en extrayant la racine carrée
des deux membres.
d'où enfin
^-6=-V36~3'
7_^. /49 4
^=6-V^6-3-
On conclut de ce calcul que, dam une éq'ialion
de la forme (3), r inconnue est égale à la moitié du
coeflicient de la première puissance de x, changé
de signe, plus ou moins la racine carrée du cai'ré
de cette moitié, suivi du terme indépendant de x,
p?'is avec un signe contraire à celui qu'il avait
dans le premier membre.
En réduisant sous le signe radical v , on
trouve ^„ y dont la racine est ^ ; les deux valeurs
36 t)
de l'inconnue sont donc
^=6 + 6 = 6 = 3 '' ^=6-6-6-^-
On peut vérifier, en eflfet, que ces deux valeurs
satisfont à l'équation (1).
On pourra proposer aux élèves les exemples
a;2 — 7x4-12 = 0, d'où x = 3 et x = 4.
ÉQUATIONS
688
EQUATIONS
2a;j_9x— 143 = 0^ d'où a: = ll Ct a; = — 6--
7x* + 2x — 185 = 0, d'où x = b et x = — oz-
Sx»— 9x+6=0, d'où x=I et a; = 2.
15. — Il peut arriver, dans ce calcul, qu'on ait
à extraire la racine d'une quantité qui n'est point
un carré exact; on sait que, dans ce cas, la racine
ne peut être obtenue exactement ; c'est ce qu'on
appelle une quantité incommensurable. Mais on
peut en approcher autant qu'on le veut: on peut
toujours trouver deux quantités commensurables,
différant entre elles d'aussi peu qu'on le voudra, et
dont les carrés comprennent entre eux la quantité
dont on veut extraire la racine. Les valeurs appro-
chées ainsi obtenues vont en se rapprochant, et
tendent vers une limite commune qui est ce qu'on
doit entendre par la valeur de la quantité incom-
mensurable.
Nous donnerons pour exemple l'équation
x2— 25a;-f 155 = 0,
d'où l'on tire
25
-\/f
625 ,,, 1h±\jb
15o = •
Si l'on calcule la racine de 5 à un dix-millième
près, on peut écrire
25 db 2,2309
x= ,
ou a;= 13,6154... et x= 12,3815...
IG. — Il peut arriver aussi que, dans la valeur
de X obtenue, le radical porte sur une quantité né-
gative; dans ce cas le problème n'admet aucune
solution. Il n'existe aucune quantité réelle, soit
positive, soit négative, dont le carré soit négatif;
ainsi une expression telle que y — 3, k — 7,
etc.^ ne représente rien de réel; c'est ce que l'on
appelle une quantité imaginaire. Cependant les
valeurs imaginaires obtenues pour x satisfont à
l'équation qui les a fournies, pourvu que l'on con-
vienne d'appliquer aux quantités imaginaires les
mômes règles de calcul qu'aux quantités réelles;
K — 1 étant regardé simplement comme une ex-
pression dont le carré est — l.
On peut même se servir des quantités imagi-
naires pour démontrer certaines propriétés des
quantités réelles; mais ceci n'entre point dans notre
sujet.
17. — Voici quelques exemples de problèmes
conduisant à une équation du second degré à une
inconnue :
I. — Une personne, qui a 1 20 000^ de capital, en
a fait deux parts qui lui rapportent l'une 2 800' par
an et l'autre 2 bOO'; on demande à quel taux la
première est placée, sachant que la seconde e^t pla-
cée à un taux plus élevé de l'.
Soit x le taux demandé. La première part rap-
portant annuellement 2 .SOO', on aura cotte première
part en multipliant l'intérêt par 100 et divisant
par le taux, ce qui donne
28!i000
X
On trouvera de même que la seconde part a pour
expression
250000
x + l '
En écrivant que la somme de ces deux parts
forme le capital de 120 000', on a l'équation
280000 _^ 250000
x + 1
25
x
?+
= 120000
= 12,
ou
ou encore 12x2 — ^ix — 23 = 0,
d'où Ion tire x = i, et une valeur négative étran-
gère à la question.
II. — Partnger 13 en deux parties telles que 2
fois le carré de la première plus 3 fois le carré de
lasecojide fasse ï42.
Soit x la première partie ; la seconde sera 13 — x;
et l'équation du problème sera
2x2 4-3 (13 — x)2 = 242.
Effectuant les calculs et réduisant, on obtient
5j;'^ — 78x-f 205 = 0,
d'où l'on tire x = 5 et x = 10-«
o
III. — Partager li en deux parties telles que la
somme de leurs cubes fasse 407.
Soit x la première partie; la seconde sera 11 — x;
on aura donc
x' + (ll — x)3 = 407,
ou, en développant et réduisant
33xî — 363x-f 924 = 0,
ou encore x^— llx-|- 28 = 0,
d'où l'on tire x=:4 et x = 7.
Ces deux solutions ne correspondent qu'à un
même mode de partage, parce que les deux parts
entrent symétriquement dans le calcul.
18. — Il n'entre pas dans le cadre de cet article
de traiter d'une manière générale des équations du
second degré à 2 inconnues. Nous nous contente-
rons de donner deux exemples de ce calcul :
I. — Trouver la base et la hauteur d'un rec-
tangle saclumt que son périmètre a 38 mètres et que
sa surface C't de 84 mètres carrés.
Soient X la base et y la hauteur; on aura les deux
équations
2x -f- 2î/ = 38 et xy = 84.
La première peut s'écrire x +y = 19, d'où
y = 19 — X.
Si l'on met pour y cette valeur dans la seconde
équation, elle devient
x(19 — x) = 84 ou x2 — 19x -f 84 = 0,
d'où X = 7 et x= 12,
par suite y = 12 et y = 1'
II. — Pour clore un terrain de 360" de tour, on
a employé des planches toutes de même largeur, et
r<,n remarque que si les planches avaient eu 6 cen-
timètres déplus en largeur, on aurait nnplyé 200
pUmches de 7noins. On demande le nombre et la
largeur des planches employées.
Soient X la largeur des planches, exprimée en cen-
timètres, et y le nombre des planches employées ;
on a d'abord
xy = 36000. (1)
La seconde condition est exprimée par l'équation
(x + 6) {y — 200) = 36000.
ou xy + 6y — 200x — 1200 = 36000
Or, en remarquant que, en vertu de l'équation (1),
celle-ci se réduit à
Oî/ — 200x=l200 ou 3y— 100x=600 (2)
EQUILIBRE
— 689 —
ÉQUILIBRE
on en tire x = 0,03 .y — 6, (3)
et, en substituant à x cette valeur dans (1),
y (0,03 . y — 6) = 36000 ou O.OSt/* — 6y = 36000
ou encore y^ — 200y = 1200000
d'où y = 1200, et une valeur négative étrangère à
la question.
L'équation (3) donne ensuite a; = 30.
[H. Sonnet.]
EQUILIBUE. — Physique, III et VIL — L'équili-
bre est l'état d'un corps sollicité par deux ou plu-
sieurs forces qui se détruisent sur une même ré-
sistance ou s'annulent. Un corps peut n'être pas
toujours mis en mouvement par une force qui agit
sur lui ; il suffit qu'au même instant vienne agir
une autre force qui seule produirait un effet égal
et opposé à la première; le corps restera au repos
malgré l'action des forces antagonistes ; on dit,qu'il
est en équilibre.
Tous les corps étant soumis à l'action de la
pesaiiteitr * qui les dirige vers le centre de la terre,
aucun d'eux n'est dans un repos absolu ; ceux que
nous voyons sans mouvement sont simplement en
équilibre : une résistance détruit ou annule pour
eux l'action de la pesanteur, et si cette résistance
vient à cesser, le corps tombe.
La résistance qui s'oppose à la chute des corps
peut afl'ecter trois formes principales : c'est le fil
qui suspend le corps, le plan sur lequel il appuie,
le milieu dans lequel il est plongé. De là, pour le
physicien, la nécessité d'étudier trois cas d'équili-
bre des corps pesants : les corps suspendus, les
corps reposant sur un plan, et les corps plongés.
D'une manière générale, comme il faut que
l'action de la pesanteur soit détruite, et que cette
force, appliquée au centre de gravité, agit dans la
direction verticale, il faut pour l'équilibre, ou bien
que le centre de gravité soit directement soutenu,
ou bien que le corps solide soit soutenu par un
point situé sur la verticale passant par le centre
de gravité.
I. Corps suspendus. — Tout corps solide, sus-
pendu par un point fixe autour duquel il peut tour-
ner, est en équilibre quand son centre de gravité
est sur la verticale menée par le point de suspen-
sion. Il est en effet soumis à la pesanteur, ou
comme sollicité par une force verticale égale à son
poids, appliquée en son milieu sil est homogène,
et d'une manière générale au centre de gravité. Si
la direction prolongée de cette force rencontre le
point de suspension, la résistance due à la solidité
de la partie du corps comprise entre les deux points
équilibre le poids, et celui-cin'a plus d'autre action
que de tendre le fil de suspension qu'on suppose
assez résistant. Le point de suspension peut être
au-dessus du centre de gravité ; dans ce eus, le
corps écarté de sa position d'équilibre y revient
de lui-même après quelques oscillations ; on dit
que l'équilibre est stable. Quand le point de sus-
pension est au-dessous du centre de gravité, pour
peu que le corps soit écarté de la verticale, la force
du poids, n'étant plus détruite par la résistance du
fil, entraîne le centre de gravité le plus bas pos-
sible, le corps tourne, l'équilibre est instable.
L'équilibre est indifférent si le corps est suspen-
du au centre de gravité même.
II. Corps appuyés xur un plan. — Si un- corps
reposant sur un obstacle fixe, un plan horizontal
par exemple, ne touche le plan que par un point,
il faut que la verticale du centre de gravité passe
par ce point. La moindre inclinaison rompt l'équi-
libre et fait tourner le corps. C'est pourquoi il est
si difficile de faire tenir un cône sur sa pointe, un
œuf sur l'un de ses bouts. L'équilibre peut devenir
stable, si le corps, bien que ne reposant que par
un point, est prolongé en dessous du point d'appui
2' Partie.
par des portions lourdes, ou bien si la forme du
corps, comme dans les jouets d'enfants appelés
poussah, est telle qu'un déplacement ait pour
effet d'élever le centre de gravité.
Quand le corps repose sur un plan par deux ou
plusieurs points, il suffit pour que l'équilibre soit
stable que la verticale menée par le centre de gra-
vité rencontre le polygone formé par les points
d'appui et qu'on nomme la base de sustentation.
On s'en rend facilement compte avec une table mu-
nie d'une rallonge à glissières; en chargeant la ral-
longe d'un poids suffisant pour déplacer le centre
de gravité et l'amener hors de la base de sustenat-
tion, on fait tomber la table. L'homme dans la
marche obéit à cette loi d'équilibre ; est-il chargé
d'un fardeau, il se penche en avant pour ramener
la verticale du centre de gravité à passer par la
base. D'une manière générale, l'équilibre sera
d'autant plus facilement rompu que la verticale du
centre de gravité pourra plus facilement soi tir de
la base. Il en résulte que non seulement plus cette
base sera grande, mais encore plus le centre de
gravité sera abaissé, et plus la stabilité sera assurée :
c'est une remarque qu'il ne faut pas perdre de vue
dans le chargement d'un véhicule, pour y placer
dans le fond les corps les plus lourds si on veut
qu'il ne renverse pas quand par hasard il rencontre
un plan incliné.
III. Cù7-ps plongés et flottaiits. — Tout corps plon-
gé dans un liquide est soumis à son poids qui le
presse verticalement de haut en bas et à la poussée
verticale du liquide s'exerçant de bas en haut.
Quand le poids du corps est plus grand que le
poids du liquide déplacé, la force de haut en bas
l'emporte sur l'autre et le corps tombe au fond. Il
reste où on le met si son poids est exactement égal
à la poussée du liquide. Enfin, quand cette dernière
l'emporte sur le poids, le corps remonte et flotte sur
le liquide. A ce moment le poids est entièrement
contrebalancé par la poussée du liquide : c'est ce
que l'on exprime en disant qu'un corps flottant
déplace un poids de liquide égal au sien. On com-
prend, dès lors, que l'on puisse faire flotter sur
l'eau des corps très lourds, comme les métaux, si
par la forme qui leur est donnée ils arrivent à dépla-
cer un poids d'eau considérable capable de contre-
balancer leur poids. On saisit de même l'utilité des
vessies gonflées d'air que les personnes s'essaj'ant
à la nage s'attachent au corps pour se maintenir
sur l'eau sans effort.
Un navire pèse avec sa charge autant que l'eau
qu'il déplace ; il doit donc déplacer plus d'eau dans
une rivière et s'enfoncer plus que dans la mer, puis-
que l'eau salée est plus lourde que l'eau ordinaire.
Il faut donc moins le charger quand il doit remonter
un fleuve.
Si le corps flottant est homogène, comme son
centre de gravité, point d'application de son poids,
est au-dessus du centre du liquide déplacé, l'équi-
libre est instable, kmom?, cependant qu'un déplace-
ment quelconque du corps n'ait pour effet d'élever
le centre de gravité.
Si au contraire, il n'est pas homogène, l'équilibre
devient stable quand le centre de gravité s'abaisse
au-dessous du centre du liquide déplacé. C'est ainsi
que pour maintenir la stabilité d'équilibre des na-
vires ou des bateaux, on charge dans le fond des
objets lourds, et à défaut de marchandises, des
pierres, du charbon, qui constituent le lest destiné
à abaisser le plus possible le centre de gravité et à
permettre au navire d'évoluer sans chavirer.
On a fait une application heureuse de la théorie
des corps flottanis au sauvetage des corps tombés
au fond de la mer, comme les débris d'un vaisseau
naufragé. On leur attache des tonneaux pleins d'eau
ayant l'ouverture en dessous. On introduit par
cette ouverture de l'air qu'on refoule avec des pom-
pes et qui chasse l'eau des tonneaux ; le poids de
44
ÉQUIVALENTS
— G90 —
ceux-ci est alors bien inférieur au poids du liquide
qu'ils déplacent et la poussée, en les soulevant,
soulève le débris, si le nombre des tonneaux est
suffisant.
Expériences et applications. — 1° Prendre une
équerrc isocèle, y marquer le centre de gravité aux
deux tiers de la ligne qui joint le sommet au milieu
du grand côté ; suspendre l'équerre par deux de
ses points successivement ; dans chaque cas, la
direction du fil de suspension passe par le centre
de gravité et peut servir à le retrouver.
2° Faire reposer un cône sur la pointe : on l'y
fait tenir en suspendant par des fils plus longs que
le cône deux billes lourdes, aux extrémités d'un
diamètre de la base ; — suspendre au centre de
gravité d'une petite table un fil à plomb ; poser la
table sur un plan que l'on peut incliner à volonté,
on constate que la table tombe quand la verticale
ne passe plus entre les pieds.
3° Faire flotter sur l'eau un cube creux de fer-
blanc, à arête verticale graduée ; on connaît ainsi
de suite le poids de l'eau déplacée qui est égal au
poids du cube ; — découper, pour en faire une boîte,
une feuille de fer-blanc; la feuille brute s'enfonce
dans l'eau ; soudée en boîte, elle flotte sur l'eau ; —
faire tenir verticalement dans l'eau un tube de verre
fermé par un bout en mettant peu à peu dans le
fond des grains de plomb ou du mercure qui
abaisse le centre de gravité : le tube est lesté, il
est très stable ; le lester également en y mettant
de l'eau, sa stabilité est bien moins grande, le
centre de gravité n'est pas aussi bas.
« [Haraucourt.]
ÉQUIVALENTS. — Chimie, II. — C'est Wollas-
ton, né à Londres en 176G, qui le premier a intro-
duit ce mot dans la science ; il correspond à l'ex-
pression de poids atomiques de Dalton, ou à celle
de nombres proportiomiels employée par Davy.
Quelle que soit aujourd'hui la distinction entre la
signification du mot équivalent et celle du mot
atome, introduit dans la théorie des combinaisons
chimiques par Berzélius, on peut affirmer que si
celui-ci conserve quelque chose d'hypothétique, le
premier est et restera l'expression synthétique des
lois expérimentales les mieux démontrées et les
plus rigoureuses aussi bien que les plus impor-
tantes de la chimie.
Lois expérimentales des équivalents. — Nous allon s
énoncer successivement, et dans l'ordre historique
de leur découverte, les lois sur lesquelles repose
Yïàée àes équivalents. Elle en ressort clairement et
sera mieux comprise que par une définition a ;)riori.
Quand on verse une dissolution de sulfate neu-
tre de potasse dans une dissolution également
neutre d'azotate de chaux, il se forme, par l'é-
change réciproque des acides et des bases, un sul-
fate neutre de chaux et un azotate neutre de po-
tasse .
Ce fait important , connu dès le milieu du
dix-huitième siècle, était formulé de la manière sui-
vante par Wenzel : Les quantités relatives des bases
qui neutralisent un poids donné dun certain acide,
sont exactement celles qui neutralisent un poids
do7iné d'un autre acide. Autrement dit : les com-
binaisons des acides et des bases pour former des
sels se font suivant des proportions définies.
Pour saturer 100 grammes d'acide sulfurique il
faudra toujours 96«%l de potasse anhydre,
63 ,2 de soude,
166 ,1 de bar^..,
57 ,1 de chaux,
86 ,6 d'oxyde de zinc, etc.
P'iur saturer 100 grammes d'acide azotique le
plus concentré possible, il faudra toujours :
li^',! de potasse anhydre,
49 ,2 de soude,
121 ,'i de baryte.
EQUIVALENTS
44«',4 de chaux,
65 ,1 d'oxyde de zinc.
Or ces derniers nombres sont entre eux dans les
mêmes rapports que ceux qui représentent les
poids des mêmes oxydes qui saturent 100 grammes
d'acide sulfurique. Ces différents poids ou plus
exactement ces proportions de bases s'équivalent
donc chimiquement en présence d'un même poids
d'acide.
Par la proportion : n 100 d'acide azotique satu-
rent 74,7 de potasse anhydre, x d'acide azotique
satureront 96, i de potasse anhydre, » on trouve
128,0 pour représenter la proportion d'acide azo-
tique concentré qui équivaut chimiquement à 100
d'acide sulfurique en présence de
9GB',1 de potasse,
03 ,2 de chaux, etc.
Loi de Richter. — Si on plonge une lame de cuivre
dans une dissolution d'azotate d'argent, le cuivre
se dissout et l'argent se précipite, aucun gaz ne se
dégage. Si la liqueur était neutre, elle le restera;
si dans l'azotate de cuivre formé, on plonge une
lame de zinc, ce métal se substituera au cuivre,
sans que la neutralité de la liqueur soit altérée.
On peut donc dire avec Richter : que les quantités
différentes d'oxyde d'argent, d'oxyde de cuivre,
d'oxyde de zinc, qui saturent un même poids da-
cide, contienjient le même poids d'oxygène. On
peut ajouter que les différents poids d'argent, de
cuivre, de zinc qui entrent dans ces proportions
d'oxydes, s'équivalent en présence de ce même
poids d'oxygène et de ce même poids d'acide.
Loi de Dalton ou loi des p> oportions ?nultiples.
— En 1801, Dalton, chimiste anglais, fut amené par
l'étude des gaz hydrogènes carbonés (gaz des ma-
rais, gaz oléfiant), et par celle de l'oxyde de carbone
et de l'acide carbonique, à formuler la loi suivante
qui porte le nom de loi de Dalton ou de loi des
proportions multiples : Quand deux corps se com-
binent en plusieurs proportions de manière à for-
mer ensemble un certain nombre de composés diffé-
rents, les divers poids de F un combinés à un même
poids de l'autre sont entre eux dans des rapports
simples comme l:2;l:3;2:3;l:4;l:5, etc.
Un exemple entre mille fera comprendre cette loi
générale. On connaît cinq composés bien définis for-
més d'azote et d'oxygène seulement. Les poids
d'oxygène qui s'y trouvent combinés à 14 d'azote
sont : 8 ; 2 X 8 ; 3 X 8 ; 4 X 8 ; 5 X 8. Pour s'en
rendre compte, I)alton suppose « que chaque es-
pèce de matière ou corps élémentaire a des atomes
d'un poids invariable, et que la combinaison entre
diverses espèces de matières ou corps élémentaires
résulte de la juxtaposition de leurs atomes. »
C'est l'antique théorie des atomes ressuscitant dans
la science nouvelle, pour expliquer simplement les
bases mêmes de la chimie.
Lois de Gay-Lussac. — Pour former de l'eau, il
faut employer 2 volumes d'hydrogène et 1 volume
d'oxygène; si on met en présence d'autres propor-
tions de ces deux gaz, il restera un excès de l'un
ou de l'autre. L'hydrogène et le chlore, pour for-
mer de l'acide chlorhydrique, se combinent en
volumes égaux, et donnent un volume d'acide qui
est exactement le double du volume de chacun des
gaz. Un volume d'azote et trois volumes d'iiydro-
gène donnent deux volumes d'ammoniaque sans
résidu. (V. Eau, Chlore, .Ammoniaque.) Gay-Lussac,
en généralisant ces observations par des analyses
multipliées, put formuler les lois suivantes que
nous recommandons à l'attention des lecteurs, tout
en les renvoyant aux mots Chimie, Chimie organi-
que, Combinaisojis :
1° Les gaz se combinent en volumes égaux ou en
volutnes qui sont da?is un rapport très simple,
comme : 1 : 2 ; 1 : 3 ; 2 : 3.
ÉQUIVALENTS
— 691 —
ERE
2* // existe un rapport simple entre la somme
des volumes des gaz composants et le volume du
gaz composé.
Il résulte de l'ensemble de toutes ces lois :
l" Que les corps se combinent en proportions
défi7iies, constantes pour les mêmes corps. Autre-
ment dit : la composition d'un corps composé est
toujours faite d'après les mêmes proportions, quel
que soit le mode de préparation.
2" Que les proportions de deux corps différents
capables de saturer séparément un certain poids
d'un troisième C07'ps, seront les mêmes, quel que
soit ce poids ou ce corps.
Ce sont précisément ces proportions qui, rap-
portées à un d'hydrogène, constituent les équiva-
lents des corps simples. Ainsi l'équivalent de l'oxy-
gène est 8 parce que 8 grammes d'oxygène se com-
binent h 1 gr. d'hydrogène pour former de l'eau.
L'équivalent du soufre est 16, parce que 16 gram-
mes de soufre se combinent à 1 d'hydrogène pour
former de l'acide sulfhydrique : 16 de soufre pour-
ront saturer un poids d'un corps quelconque qui
serait saturé par 8 d'oxygène ou par 1 d'hydrogène,
et ce poids sera l'équivalent de ce corps. On dira
que 1 équivalent du fer est 28, parce que 28 de fer
se combinent à 8 d'oxygène pour former du pro-
toxyde de fer et à 16 de soufre pour former du
protosulfure de fer.
Equivalents des corps composés. — L'équivalent
d'un corps composé est égal à la somme des équi-
valents des corps simples qui entrent dans sa com-
position, chacun d'eux étant multiplié par le nom-
bre des équivalents indiqué dans la formule.
(V. Nomenclature.) Ainsi l'équivalent de l'acide
sulfurique, S03,H0 ou SO*H, sera la somme de
16 + 4X8 + 1; celui de l'acide azotique Az05,HO
sera 14 + 6x8+1.
Utilité des équivalents. — Outre l'importance
théorique capitale de la notion d'équivalents, leur
connaissance intervient constamment dans le cal-
cul des poids qu'on emploie ou qu'on veut obtenir
dans les réactions des laboratoires ou dans celles
de l'industrie. Supposons qu'on veuille calculer le
poids de zinc nécessaire pour saturer 1 kilogr.
d'acide sulfurique en formant du sulfate de zinc.
La formule chimique du sulfate de zinc étant
ZnO,S03, celle de l'acide sulfurique HO.SO', nous
dirons : l'équivalent du zinc 33 est à celui de la-
cide sulfurique 49 comme a; est à 1 kilogr., ou
33
a; = —, ou en grammes
6735',4.
Autre problème : Quel est le poids de fer qui se
trouve dans 1 kilog. de sesquioxyde de fer pur? —
La formule de cet oxyde est Fe^O'. Il faudra donc
partager 1 000 gr. en deux parties qui soient entre
elles comme 2 fois l'équivalent-du fer ou 2 X 28
est à 3 fois celui de l'oxygène ou 3 X 8.
Remarque. — Dans notre époque, la théorie
atomique, soutenue en France principalement par
M, Wurtz, a introduit dans la science une notion
nouvelle, celle du poids atomique.
L'équivalent reste la base inébranlable de toute
théorie chimique, mais des considérations théo-
riques qui ont surtout prévalu dans l'étude des
composés organiques (V. Chimie organique) font
considérer l'équivalent d'un grand nombre de corps
comme étant différent du poids de son atome ou
plutôt du nombre qui le représente proportionnel-
lement. Sans entrer ici dans aucun détail sur la
théorie atomique, que bon nombre de chimistes
distingués considèrent encore comme hypothétioue,
nous donnerons cependant l'énoncé de l'a loi d'Am-
père sur laquelle elle s'appuie princioalement :
Des volume-' égaux de deux gaz mesurés dans des
conditions identiques de température et de pres-
sion, contiennent le même nombre d'atomes.
[A. Jacquemart.l
£RE. — Histoire générale, XXXIX-XL. (Etym. :
du latin aéra, môme signification.)
Les différents peuples comptent leurs années à
partir de certaines époques mémorables qu'on dé-
signe sous le nom de commencement de l'ère.
Notre ère a la prétention de remonter jusqu'à la
naissance de Jésus-Christ, bien qu'il ne semble
pas qu'elle ait été en usage dans les actes publics
avant le commencement du huitième siècle, et
qu'elle ait été imaginée pour la première fois par
le moine Denys le Petit, en 532.
Les ères principales sont :
L'ère des Olympiades, usitée dans l'ancienne
Grèce, en l'honneur des jeux Olympiques (776
avant J.-C).
L'ère de la fondation de Rome (753 avant J.-C).
L'ère de Nabo7iassar, adoptée par Ptolémée et
les anciens astronomes (747 avant J.-C),
L'ère chrétienne.
L'ère de la République française (1792).
L'ère des Juifs, qui prétend remonter à la créa-
tion du monde (37G1 avant J.-C).
L'ère vnisulmane, qui remonte à l'époque de la
fuite de Mahomet (622 après J.-C).
Enfin, l'ère ou la période Julienne, adoptée par
les astronomes de nos jours, et ainsi nommée par
Joseph Scaliger, qui l'introduisit dans la chronologie
en 1583, en l'honneur de son père Jules Scaliger.
Pour comprendre cette dernière période, il est
nécessaire d'expliquer certaines autres périodes
qu'il est utile de connaître, parce qu'on les trouve
dans les calendriers. Ce sont :
1° Le Cycle de Méton ou le cycle lunaire. Ce
cycle, de 19 ans, a donné lieu aux Nombres d'or^
ainsi nommés à cause des caractères d'or avec les-
quels on en inscrivit la découverte dans l'ancienne
Grèce. Le nombre d'or d'une année est le nu
méro de cette année dans une période de 19 an-
nées solaires au bout desquelles les phases de la
Lune reviennent dans le même ordre et aux ■
mêmes dates, parce que 19 années solaires font
presque exactement 235- lunaisons. Les fêtes des
Grecs étant réglées d'après les phases de la lune,
on comprend quel enthousiasme accueillit la dé-
couverte de Méton donnant le moyen de reconnaî-
tre dix-neuf années d'avance les époques des fêtes.
En divisant le millésime d'une de nos années, aug-
menté d'une unité, par 19, le reste que l'on trouve
est le nombre d'or de cette année. Ainsi 1878 + 1
= 19 X 98 + 17. 17 est le nombre d'or de 1878,
c'est-à-dire que 1878 est la 17^ année du 99' cycle
de Méton depuis le commencement de notre ère.
Lorsqu'un millésime augmenié de un et divisé par
19 donne pour reste zéro, comme cela est arrivé pour
1880, le nombre d'or ae cette année est 19. 11 est
facile au reste de s'assurer que 19 années de 365
jours 5 heures 48 minutes 47 secondes 5 tierces,
et 235 lunaisons de 29 jours 12 heures 44 minutes
2 secondes 9 tierces, donnent presque le même
temps, et qu'il n'y a que 2 heures 4 minutes 18 se-
condes 72 tierces de différence.
2° Cycle solaire. — Le cycle solaire est une
période de 28 ans au bout de laquelle les mêmes
jours de la semaine reviennent aux mêmes quan-
tièmes de chacun des mois de l'année. Comme
l'année civile commune de 365 jours contient
52 semaines et un jour, si une année a commencé
un lundi, l'année suivante commencera un mardi,
et ainsi de suite. Les mêmes jours de la semaine
reviendraient de cette façon aux mêmes quan-
tièmes du mois au bout de sept ans, s'il n'y avait
pas, dans l'intervalle, une année, quelquefois deux
années bissextiles, qui font reculer chacune les
dates de l'année suivante de deux jours de la se-
maine. Mais au bout de 7 fois 4 ou 28 ans, les
années bissextiles, au nombre de 7, ayant produit
un dérangement de 7 jours en plus que les années
communes, la période est exacte. Pour trouver le
ESCLAVAGE
— 602 —
ESCLAVAGE
cycle solaire d'une année, on ajoute 9 au millésime
de cotte année, on divise le résultat par 28, et le
reste est le cycle solaire. Ainsi l'opération 1878
+ !) = 28 X 67 + 11, fait voir que le chiffre du
cycle solaire pour 1878 est 11, c'est-à-dire que 1878
est la onzième année du soixante-huitième cycle
solaire écoulé depuis le commencement de notre
ère, le premier cycle étant supposé commencer
9 ans avant notre ère.
3" Ind-iction romuine. — C'est une période de
15 années que l'on suppose avoir commencé 3 ans
avant notre ère, et dont on s'est servi depuis l'an
313 jusqu'à l'établissement de l'ère chrétienne.
Cette période ne paraît avoir aucune base astro-
nomique et avoir été imaginée pour éviter de
compter, comme on le faisait auparavant, par les
années de règne d'un empereur ou d'un pape. En
ajoutant 3 au millésime d'une année et divisant
le résultat par 15, on a l'indiction romaine de
cette année. Ainsi 1878 + 3 = 15 X 125 -f 6;
l'indiction romaine de 1878 est 6.
On obtient la période julienne en multipliant
le cycle de Méton, 19 ans, par le cycle solaire,
28 ans, ce qui donne d'abord une période de 5:>2
ans appelée période dionysienne, de Denys le
Petit, son inventeur; puis en multipliant cette
période de 532 ans par l'indiction romaine de 15
ans, ce qui fait 7 980 ans pour la période julienne.
On admet que l'année 1880 de l'ère chrétienne
correspondra à l'an :
6593 de la période julienne,
26;iG des Olympiades,
2C33 de la fondation de Rom_e,
89 de la République française, qui commence le
22 septembre.
5(J4Î des Juifs, qui commence le 6 septembre.
1298 des Musulmans, qui commence le 4 décem-
bre. [J. Vinot.)
ESCLAVAGE. — Histoire générale, XXXIX-XL.
— 1° Cojidition de l'esclove, — « Le besoin réci-
proque que le pauvre a du riche et que le riche a
du pauvre, fit des serviteurs. Mais dans cette sorte
de régime patriarcal, esclaves ou serviteurs, c'est
tout un... Un curieux usage, qui subsista long-
temps dans les familles athéniennes, nous montre
comment l'esclave entrait dans la famille. On le
laisait approcher du foyer; on le mettait en pré-
sence de la divinité domestique; on lui versait sur
la tète de l'eau lustrale, et il partageait avec la
famille quelques gâteaux et quelques fruits. » (Fus-
tel de Coulanges), Le nouveau serviteur acquérait
donc la religion de son maître, mais par là même,
il perdait sa liberté. « Il était attai-hé à la famille
pour toute sa vie et même pour le temps qui sui-
vait sa mort ; » car on l'enterrait dans le tombeau
domestique, et ses enfants continuaient après lui
sa servitude.
Celle-ci était absolue. Les formalités d'achat et
de vente étaient les mêmes pour l'esclave et pour
le bétail ; le maître avait sur lui droit de mort et
de vie; la loi ne le connaissait point, ni pour le
protéger, ni pour le punir. S'il était blessé, tué,
c'était son maître qui recevait une indemnité
comme pour la mort d'un cheval ou le dommage
d'un meuble. Pour lui, point de mariage, point de
paternité ; sa femme, ses enfants étaient, comme
lui-même, à son maître. On l'appelait enfant, puer.
En effet, c'était un mineur, l'enfant de la famille,
toujours incapable de se conduire, pour qui l'on
devait agir ci vouloir. Le maîire était légalement
son tuteur, son père, armé d'un pouvoir sans li-
mite.
Pourtant l'esclave conservait son rang d'homme.
Avec la famille, il assistait aux prières, il prenait
part aux fêtes religieuses ; mort, il avait sa place
au tombeau domestique. Surtout, on le chargeait
souvent d'instruire les enfants du maître, et l'af-
franchissement pouvait le faire légalement citoyen.
C'était donc un homme, mais devenu la propriété
d'un autre homme.
Jamais les anciens n'ont senti le plus faible doute
sur le droit de posséder l'homme, que ne com-
prennent plus les modernes. « Il est évident, dit
Aristote, que parmi les hommes, les uns sont na-
turellement libres et les autres naturellement os-
claves; pour ces derniers, la servitude est aussi
utile que juste. » On la jugeait surtout juste parce
qu elle semblait nécessaire.
En effet, l'esclavage fut la pièce fondamentale
et maîtresse de l'ordre social antique. L'homme
n'ayant encore découvert de machine que lui-
même, sur l'esclave reposaient l'agriculture et
l'industrie, c'est-à-dire la nourriture et l'existence
des sociétés. Aussi l'esclavage est-il plus vieux
que l'histoire même, et le souvenir de son origine
n'est pas parvenu jusqu'à nous. Les monuments
de l'Egypte nous montrent des marchés et des
ateliers de captifs ; la Bible parle des esclaves de
Palestine et de Phénicie; dans Homère, Antinous
menace Ulysse de l'envoyer vendre en Chypre.
2° L'esclavnge en Grèce. — Nous savons par
Thucydide que les esclaves étaient nombreux en
Grèce. A Sparte ils nourrissaient l'orgueilleuse
inaction de leurs maîtres. On lit dans Plutarque
que dans une seule campagne, les Thébains en
enlevèrent 50 Oi'O de Laconie. Presque au niveau
d'esclaves, et plus nombreux encore étaient placés
les Ilotes, descendants des Laconiens vaincus ;
c'étaient des paysans, tenanciers héréditaires, liés
au sol plutôt qu'à leur maître, loin des regards
duquel ils vivaient. Jlais la servitude exaspérait
leur haine séculaire, toujours prête à éclater en
insurrections. Au milieu de leur foule hostile veil-
lait la petite garnison du peuple lacédémonien
Sparte, en effet, ne fut jamais qu'un camp sous les
armes ; aux repas mêmes les citoyens portaient
leur épée. Cette inquiétude était justifiée. A peine
le tremblement de terre de 46^ (av. J.-C.) avait-il bou-
leversé la Laconie, écrasant 20 0' 0 personnes, que
les Ilotes étaient en armes sur le montithome, où
ils résistèrent dix ans. L'Athénien Démostliène
s'étant rendu maître de Pylos, dans la guerre du
Péloponèse, les Ilotes se soulevèrent; Sparte ne
s'en tira que par un massacre Mais les survivarits
restèrent toujours à l'affvit d'un malheur public
pour une révolte nouvelle. Epaminoi.das en peu-
pla sa Messène, plantée comme un poignard au
cœur du Péloponèse.
Athènes, ville de travail, d'industrie et de com-
merce, comptait 400 000 esclaves pour 20000 ci-
toyens. Les négociants de Corinthe en possédaient
plus de 360 000. Mais le besoin même que leurs
maîtres avaient d'eux pour le commerce et l'indus-
trie, la loi du travail qui s'imposait à tous, libres
ou non, enfin des mœurs plus humaines, tempé-
raient ici l'esclavage. Athènes vécut exempte des
mortelles alarmes qui tourmentaient sa rivale.
3" L'escl'ivoge à Rome. — Avec les victoires de
Rome s'étaient multipliés d'effroyables encans
d'esclaves. Car la défaite entraîna toujours en droit
la perte des biens et de la personne. — « Etes-
vous les députés et les orateurs envoyés par le
peuple de la ville pour vous mettre, vous et le
peuple de cette ville, en ma puissance? disait le
consul vainqueur. — Nous le sommes. — Le peuple
de votre ville est-il libre de disposer de lui-même?
— Il l'est. — Vous donnez-vous à moi et au peuple
romain, vous, le peuple de la ville, avec la ville,
la terre, l'eau, les limites, les temples, les biens
meubles, et toutes les choses divines et humaines?
— Nous les donnons. — Et moi je les reçois. »
.\près ce dialogue, le vainqueur était maître ; sui-
vant l'ordre du sénat, il rendait aux vaincus une
partie de leur terre et de leurs biens ou les con-
fisquait eux-mêmes pour les vendre au profit du
trésor public. Dans la première guerre punique
ESCLAVAGE
— 693 —
ESCLAVAGE
on asservit ainsi tous les Siciliens qui ne purent
■se racheter d'une livre d'argent. Après la défaite
d'Antioclius, on mit en vente les 150 OOU habitants
de l'Épire.
Derrière les armées suivaient les marchands
•d'esclaves. Les captifs étaient dirigés vers les mar-
chés, dans les grandes villes, surtout à Délos. Là,
on les exposait nus sur un échafaud qui tournait
sur lui-même. On leur avait blanclii les pieds à la
craie ; ils portaient des écriteaux indiquant leurs
défauts et leurs maladies ; le marchand coiffait d'un
bonnet de laine ceux qu'il vendait sans garantie,
et d'une couronne ceux qui avaient été faits pri-
sonniers de guerre.
Vendu, l'esclave suivait l'acheteur qui l'envoyait
à sa ferme, ou le gardait dans sa maison de ville,
pour le travail de l'industrie ou la domesticité.
Mais la plupart allaient avec les moutons et les
bœufs peupler le désert des Idtifumlia, ces vastes
domaines des patriciens qui ruinèrent l'agriculture
de l'Italie.
Achetés à bas prix, ces esclaves vivaient en im-
menses troupeaux sur les terres des grands pro-
priétaires de Rome, surveillés par l'intendant de
la ferme; chaque mois on leur distribuait du blé,
du sel, avec un peu d'olives et de poisson salé.
Habituellement, ils ne portaient pas de chaînes ;
mais au moindre soupçon d'évasion on les en
accablait sans pitié. Leur situation était si misé-
rable, que ces malheureux « en Sicile étaient obli-
gés d'aller voler sur les grands chemins, armés de
lances et de massues, couverts de peaux de bêtes,
de grands chiens autour d'eux. » (Diodore de
•Sicile.)
Dès le second siècle avant Jésus-Christ, ils con-
stituaient un redoutable danger. En 185, il se
forma en Apulie une conspiration servile et 7 000
esclaves furent misa mort. En 135, les 400 esclaves
du Sicilien Damophilo égorgent leur maître ; ils
s'emparent de la ville d'Enna. De toutes parts leurs
compagnons révoltés viennent se joindre à eux ;
bientôt ils sont deux cent mille et prennent pour
chef le Syrien Eunus, Ils écrasent quatre préteurs
et un consul envoyés contre eux. Mais en 132,
<juelques traîtres livrèrent à Rupilius la citadelle
d'Enna ; Eunus surpris fut étranglé dans son ca-
chot, et d'innombrables supplices rassurèrent les
vainqueurs.
Cependant en 73 (av. J.-C.) les 78 gladiateurs
du Campanien Batiatus s'évadaient de Capoue et
se fortifiaient sur le Vésuve. Victorieux d'un pré-
teur, ils appelaient aux armes les esclaves des
environs, et leur chef Spartacus conduisait 80 000
■soldats vers les Alpes, c'est-à-dire à la liberté.
Mais la vengeance leur tenait au cœur ; ils revinrent
piller l'Italie. Malheureusement la jalousie mit
la division dans leur camp. Forcé par ses soldats
à livrer bataille, « Spartacus se précipita au mi-
lieu des ennemis, et, resté seul par la fuite de
tous les siens, il vendit chèrement sa vie. » (Plu-
tarque.) — V. Guerres serviles.
Depuis Auguste, il n'y eut plus de prises d'armes.
Les esclaves comme les hommes libres s'endor-
mirent dans la langueur de l'empire. Ils eurent
d'ailleurs, par l'adoucissement progressif des
mœurs, une situation peu à peu meilleure ; mais
corrompus par leurs maîtres, ils les corrompaient
à leur tour. A côté d'Esope, de Phèdre, de Térence
et d'Epictète, il faut placer les Chrysogonus, les
Pallas que l'affranchissement ne relevait point de
leur dégradation, et qui devinrent les maîtres du
monde.
4° Résultats de l'esclavage dans Pantiquité. —
La société antique entrait dans une décadence
mortelle. « Le mal réel qui la minait ne tenait ni
au gouvernement, ni à l'administration. C'était un
mal social, et rien ne pouvait en tarir la source, à
moins qu'une société nouvelle ne vînt remplacer
la société antique. Ce mal était l'esclavage. Le
système antique étant fondé sur la guprre, sur la
conquête de l'homme (l'industrie est la conquête
de la nature), ce système devait, de guerre en
guerre, de proscription en proscription, de servi-
tude en servitude, aboutir vers la fin à une dépo-
pulation effroyable. Tel peuple de l'antiquité pou-
vait, comme les sauvages d'Amérique, se vanter
d'avoir mangé cinquante nations. » (Michelet.) Long-
temps les esclaves grecs, carthaginois , syriens
avaient cultivé les arts et l'industrie pour leurs
maîtres; ces peuples usés, on leur substitua les
Germains, les Scythes, des barbares. L'ignorance
de ceux-ci tua l'industrie, qui ne produisit plus;
et la société, comme la terre même, entre des
mains inhabiles et paresseuses, devint absolument
stérile. La désolation couvrit le monde ; le désert
s'étendit chaque jour. La société antique succom-
bait sous la montée de l'esclavage, quand arri-
vèrent les barbares.
5° L'esclavage au moyen âge. — Les esclaves
pourtant ne disparurent point avec l'invasion. Les
lois des Francs, des Wisigoths sont même très
cruelles à leur égard. La femme libre qui épousait
un esclave pouvait être mise à mort ; en tout cas
elle devenait esclave avec son mari.
Mais l'influence du christianisme devait être plus
puissante. Les prédications du clergé, l'exemple
des évoques, les décisions des conciles réformèrent
lentement les mœurs.
Le nombre des esclaves, dont la situation s'adou-
cit graduellement, diminua peu à peu. Au xii" siè-
cle, le concile de Toulouse (1110) parle encore des
ménagements que leur doivent les maîtres ; mais
le silence des Etablissements de saint Louis à cet
égard prouve qu'ils avaient complètement disparu
au siècle suivant. La servitude antique s'était trans-
formée en servage *.
6" Esclavage aux coloni'^s. — Aboli en Europe,
l'esclavage s'introduisit aux colonies. Affamés d'or,
les colons astreignirent les Américains au travail '
des mines. Malgré les ordonnances d'Isabelle de
Gastille pour protéger « ses pauvres Indiens », ceux-
ci furent réduits en servitude. La barbarie fut telle
qu'en 15ii7 60 000 indigènes survivaient à peine à
Haïti des 900 000 que Colomb y avait comptés en
1492. En 151 fi, il n'en restait plus que 14 000, et
beaucoup se tuaient de désespoir. Témoin de ces
misères depuis 1502, Las Casas essaya d'y porter
remède, mais en vain; il fallait des bras pour tirer
du sol les métaux précieux et les productions
coloniales. C'est alors que, suivant l'exemple des
Portugais, on commença d'exploiter l'immense
réservoir de force humaine que contenait l'Afrique.
Rapidement généralisée, la traite des noirs emplit
bientôt les colonies d'esclaves. Chaque année, sur
tous les points de la côte, s'abattaient les navires
européens pour emporter à travers l'Océan leur
cargaison « d'ébène ». En 1786, 350 vaisseaux em-
portèrent plus de 100 000 têtes de bétail humain.
Dans les colonies françaises ces malheureux
étaient livrés au caprice des planteurs jusqu'en
1685. A cette époque fut publié le Code noir.
Malgré sa dureté, ce code imposait aux maîtres
de nourrir et vêtir suffisamment leurs esclaves ; il
ordonnait la punition du meurtre d'un esclave, et
défendait de vendre séparément le mari, la femme
et leurs enfants en bas âge. Mais le noir qui frap-
pait, même légèrement, son maître, sa maîtresse
ou leurs enfants, était puni de mort ; il ne pouvait
porter d'armes, ni devenir propriétaire. L'article
44 l'assimilait à toute autre propriété mobilière.
Enfin une prime de 2 millions était accordée cha-
que année aux armateurs qui faisaient la traite
et dont le centre principal était le port de
Nantes.
7" Abolition de l'esclavage. — Mais le code noir
lui-même, malgré sa rigueur, tomba en désuétude
ESCOMPTE
694 —
ESCOMPTE
avant d'avoir été appliqué. L'arbitraire fut le régime
des nègres jusqu'au 29 août 1703. Quelques mem-
bres de la Convention voulurent s'opposer au
décret d'émancipation, craignant pour nos colo-
nies l'explosion des haines séculaires amassées
dans le cœur des esclaves. « Périssent les colonies
plutôt qu'un principe, » répondit Robespierre, et
Icsclavagc fut aboli. Il reparut après les troubles
de Saint-Domingue et la captivité de Toussaint
Louverture, sous le Consulat. Mais dès lSt4 les
gouvernements français et anglais s'occupèrent de
supprimer la traite. Enfin , après une série de
mesures progressives, le 1" août 183.S il n'y eut
plus d'esclaves dans les Antilles anglaises. L'un
des premiers actes du gouvernement républicain
provisoire de 1848 fut de supprimer l'esclavage
dans toutes les colonies françaises.
Les autres Etats ont peu à peu suivi cet exem-
ple, qui est devenu général depuis l'émancipation
des nègres aux Etats-Unis. Vers la fin de 1859, le
supplice de John Brown, coupable d'avoir pousse
les noirs à s'armer pour leur liberté, avait soulevé
l'opinion. Lincoln, chef des abolitionistes des Etats
du Nord, fut élu président le 6 novembre 1860.
Aussitôt les Etats à esclaves prirent les armes.
Après une guerre terrible, etl'assassinat de Lincoln
(1866;, les esclavagistes furent complètement vain-
cus, et l'esclavage aboli (1866). En 1872, le Brésil
adoptait une loi transitoire pour préparer l'aflfran-
chissement des noirs. Ceux-ci sont devenus libres
le 1" janvier 1878.
8° L esclavage en 1879. — Et pourtant les horreurs
de la traite durent encore, au centre et à l'est de
l'Afrique, malgré le zèle courageux des Livingstone
et des Cameron qui en ont prêché l'abolition au
centre même du continent africain. Chaque année
plus de 100 000 malheureux sont conduits enchaînés
vers Iç rivage de la mer, qu'ils franchissent, sur-
tout par la complicité des autorités égyptiennes.
De là, cette marchandise humaine est répartie et
vendue dans les maréhés de l'Asie musulmane.
Cliaque année « le seul empire égyptien importe
70 000 nègres, le quart seulement de ce qui a été
arraché de ses foyers, les blessures dans la razzia,
les traitements barbares, la fatigue et la fièvre
ayant enlevé les trois quarts des victimes... Avec
ce que consomment l'Arabie, la Berbérie, le Sahara,
et quelques traitants d'Europe, combien les nègres
paient-ils annuellement au Minotaure ? Un million
d'hommes peut-être lui sont jetés en pâture dans
le cours des douze mois. » (O. Reclus.) Et cela,
malgré la surveillance des flottes et des agents de
l'Europe civilisée. [Paul Schàfer.J
ESCOMPTE (Règle d').— Arithmétique, XLIIL—
1. — On nomme Escompte la retenue que l'on opère
sur la somme énoncée dans un effet de commerce
lorsqu'on l'acquitte avant son échéance.
On distingue deux espèces d'escompte : l'es-
compte commercial ou eii dehors, qui est celui
dont on fait usage en France, et l'escompte en de-
dans, usité dans quelques pays étrangers.
Nous parlerons d'abord de l'escompte en dehors.
Cet escompte se calcule comme V Intérêt *. Sup-
posons, par exemple, que l'on ait à faire escompter
un billet de 720' payable dans 90 jours, le taux
de l'intérêt étant de 6 pour 100. On calculera ce
que rapportent 720' à ce taux en 90 jours ; on trou-
vera :
720*. 6. 90
30 000
ou 10',80.
Le banquier prend ordinairement en outre une
commission, qui est de ' pour lOO de la somme
. . 720'
énoncée ; ici ce serait ■- — ou 3',60. Il retien-
200 '
drait donc en tout 10', 80 + 3',60 ou 14',40 ; et
paierait par conséquent 720' — 14',40, c'est-à-dire
705',GC.
Autre exemple : Un billet de 4800' a été so7is-
crit au \*' mars, à une échéance de 90 jours; le
détenteur du billet veut le faire escompter le 17
avril suivant ; quel sera l'escompte, le taux étant
de 5 pour 100 ? Au 17 avril, il y a déjà 47 jours d'é-
coulés depuis la signature du billet, il n'en reste
donc plus que 43 jusqu'au jour de l'échéance. L'in-
térêt de 4800' à 5 pour lOO en 43 jours est
4800'. 5.43
36 000
OU 28',67;
4800
tel sera l'escompte. En y ajoutant -— - ou 24' de
commission, on aura 52',67 pour la somme que le
banquier aura à retenir: il paiera donc au déten-
teur du billet 4800'— 52',67 c'est-à-dire 4747',33.
2. — es. — On établit facilement la formule
de l'escompte en dehors. Soient a la somme énoncée
dans le billet, n le nombre de jours compris entre
la date de la présentation du billet et la date de
son échéance,^ le taux de l'intérêt ; l'escomptée,
calculé comme l'intérêt ainsi que nous venons de
le dire, aura pour expression
a.n.t , a ...
e = ^^-^ + —, (I)
36 000
200'
en tenant compte de la commission du | pour 100.
Cette formule renferme la régie d'escompte, que
l'on peut énoncer de la manière suivante :
Pour calculer l'escompte en dehors, multipliez la
somme éîioncée dans le billet par le nombre de
jours à eowir jusqu'à l'époque de l'écuéance, et
par le taux de l'intérêt, et divisez le produit par
36000.
Ajoutez ensuite le tant pour 100 sur la somme
énoncée, fixé par l'escompteur.
Comme cette formule renferme quatre quantités
variables a, n, t, e, elle peut résoudre quatre pro-
blèmes, suivant celle de ces quatre quantités qui
est inconnue. Ces problèmes, bons comme exer-
cices, sont peu usités dans la pratique. Pour en
donner cependant un exemple, nous supposerons
qu'un billet de 1800', présenté 54 jours avant son
échéance, ait donné lieu à un escompte de 23'85,
y compris une commission de \ pour 100; et que
l'on demande le taux de l'escompte. On remarquera
d'abord que | pour 100 sur 1 800' donne 9'. Si l'on
retranche ces 9' de l'escompte total, il reste 14',^3.
Cette somme résulte de la multiplication de 1 SOO'
par 54 et par le taux, et de la division du produit
par 36000. On a donc
14',85 X 36000 = 1800'.54./
ou, en divisant les deux membres par 1800,
14f,85 X 20 = hk.t.
Il en résulte qu'on obtiendra le taux t en multi-
pliant 14'85 par 20, ce qui donne 297', et divisant
297 par 54, ce qui donne 5',5. Le taux demandé
était donc de 5 *.
3. — C. S. — Nous parlerons maintenant de
l'escompte en dedans. Cette manière de calculer
l'escompte, moins commode que celle qui est
adoptée en France, est cependant plus rationnelle,
comme on va le voir. Paul souscrit aujourd'hui, au
profit de Jacques, un billet payable dans un an, et
représentant une dette de 100' contractée pour un
motif commercial quelconque; sur ce billet il
ajoute aux 100' qu'il doit les intérêts de lnO' pen-
dant un an, soit 6', par exemple, en sorte que la
somme évaluée dans le billet est 106'. Supposons
qu'aujourd'hui même Jacques ait besoin d'échan-
ger ce billet contre do l'argent comptant, il s'a
ESCOMPTE
— 695 — ESPAGNE ET PORTUGAL
drcs'sera à un banquier, qui lui en paiera la valeur ;
mais cette valeur n'est pas 106', le billet ne vaudra
106' que dans un an ; aujourdhui il ne vaut que
100'. montant de la dette contractée par Paul. Sur
l06f, Je banquier retiendra donc 6'; ce sera \ es-
compte en dedans, c'est-à-dire que dans cette ma-
nière d'escompter on considère la somme énoncée
dans le billet comme un capital déjà augmenté de
son intérêt pour le temps à courir; et c'est cet in-
térêt, retenu par l'escompteur, qui constitue 1 es-
compte en dedans. . , • •
Considérons un cas moins simple, celui qui a
été traité à la fin du n» 1 dans l'hypothèse de 1 es-
compte en dehors. Soit donc à escompter en de-
dans un billet de 4 800f payable dans 43 jours, le
taux de l'intérêt étants pour 100. On raisonnera
comme suit : Une somme de 100' produisant 5'
d'intérêt en un an, ou 360 jours, produira en 43
iours -' ^ ^^- ou 0',59722... Sur une somme de
■■ 360
10 ' + 0',59722.. ou 100',59722. ., l'escompteur
devrait donc retenir 0',59722. .. Sur 1' il retien-
0',59722
f, on résoudrait la formule (2), par rapport à l'in-
connue (V. Equations). Si, par exemple, l'inconnue
était le taux, on trouverait
drait
lU0',597ï2'
0',59722.. X 4800'
et sur 4 800' il retiendra
ou 28',49.
100',59722
(Au lieu de 28',67 que nous avons obtenu par l'es-
compte en dehors.)
Avec une commission de \ pour 100, qui s'élè-
verait ici à 24f, on voit que le banquier aurait à
retenir 52',49 et paierait 4800' — 52',49, soit
4747',51.
4.— C. S. — Il est facile d'obtenir par les mpmes
considérations la formule générale de l'escompte
en dedans. L'intérêt de 100' pour n jours au taux t
est (V. Intérêt simple) :
n.t
36Ô*
Sur une somme égale à 100' -f :^) l'escomp-
360'
n.t
leur retiendrait ~ ■> ou, ce qui revient au même,
ooO
sur une somme 360 fois plus grande , soit
36000' -{-n.t, il retiendrait 360 fois plus ou n.^
Sur 1' il retiendrait TTTT:r-^^ : ; et' sur la
somme a il
36000+ n.C
n.n.t
retiendra
360U0 + n.t
a.n.t
36000
t =
{' - m)
la — e -\ 1.7
V ^ 200/
Supposons, par exemple, qu'un billet de 1280'
payable dans 90 jours ait donné lieu à un escompte
de 25',32 y compris une commission de ^ pour 100,
et que l'on demande le taux de l'intérêt, on aura
.36 000 (25'.32 — 6f.40)
On aura donc
36000 -t- n.t
Cette formule contient la règle de l'escompte
en dedans, que l'on peut énoncer ainsi :
Pow obtenir l'escompte en dedans, multipliez
la somme énoncée dans le billet par le nombre de
jours à courir jusqu'à la date de l'échéance et par
le taux de l'intérêt, et divisez le produit par 36 uOO
augmenté du produit du nombre de jours par le
taux.
On voit que la différence entre la règle d'es-
compte en dehors et la règle d'escompte en dedans,
consiste à substituer au diviseur 36 000 le diviseur
36 000 + nf. Il en résulte que l'escompte en de-
dans est toujours moindre que l'escompte en de-
hors.
Si l'on tient compte de la commission de | pour
100, on devra écrire
a.n.t
36000
n.t
+ — .
200
(2)
(1280' — 2o',32 + 6',40),90'
5. — E. N. — Si l'inconnue, au lieu d'être l'es-
compte, était l'une des trois autres quantités a, n,
et, en effectuant, on obtiendra t = 6'.
Nous n'insisterons pas davantage sur l'escompte
en dedans, qui n'a point d'application dans la pra-
tique ordinaire, et qu'il convient plutôt de regar-
der comme un sujet d'exercice algébrique que
comme un sujet d'arithmétique courante.
6. — Exercices. — 1. U?ie personne fuit escomp-
ter (en dehors), au taux de 6 p. 100, loi billet de
liW, payable dans 12 jours; la commission retenue
par le banquier étant de | pour 100, on demande
quelle est la iomme que paiera le banquier. —
(Rép. 1416',24.)
2. On fait escompter {en dehors) un biVet de
540', payable dans iS jours ; on touche 538', 3 i ; on
demande le taux de l'intérêt, cachant que la com-
mission a été de \ pour 100?— (Rép. 5 \.)
3. Un banquier a payé S2¥ ,88 pour un billet
de 840' escompté en dehors; le taux de l'intérêt
était de 6 pour 100, et la commission de | p. 100 ;
on demande combien il y avait de jours à courir
jusqu'à l'échéance. — (Rép. 63.)
4. Calculer l'escompte en dedans pour un
billet de 1 SOQf, payable dans 90 jours; le taux étant
Qpour 100, et la commission^ pour 100. — (Rép.
29f,67.)
5. Un billet de 2250'', payable dans 83 jours,
et escompté en dedans^ a donné lieu à une retenue
totale de 45',05, y compris une com.mifsion de |
p. 100 ; quel était le taux de l'intérêt? — (Rép. 5 |.)
[H. Sonnet.]"
ESPAGNE ET PORTUGAL. — Géographie gé-
nérale, XI\'. — Gréograpliie physique. — Situation.
— Ces deux contrées forment ensemble une pénin-
sule bien tranchée qui, du côté du nord, se rattachf
à la France et au reste de l'Europe par l'isthme des
Pyrénées, et qui tenait à l'Afrique, du côté du sud,
avant que les eaux de l'océan Atlantique se
fussent ouvert vers la Méditerranée un passage,
large de quelques kilomètres seulement, le détroit
de Gibraltar, où elles se précipitent encore avec
une vitesse de 4 à 5 kilom. à l'heure.
Limites. — La Méditerranée, à l'E. et au S. E. ;
l'océan Atlantique, au S. 0., à 10. et au N. O.;
la mer de Biscaye, ou golfe de Gascogne, au nord,
baignent les côtes de la Péninsule, dont le dévelop-
pement est sept fois aussi long que la frontière de
terre qui sépare l'Espagne de la France.
Position astronomigue. — En latitude, les points
extrêmes sont la pointe de Tarifa, au S. O. de
Gibraltar, qui est sous le 36* degré de lat. N., et le
cap Ortégal, situé par 43°.45' au N. de la Galice.
En longitude, le cap Creus, au N. E. de la Catalo-
gne, touche le 1" degré à l'E. de Paris, et le cap
de laRoca, àl'O. de Lisbonne, est àll'SO'àrO. de
Paris.
Forme et superficie. — Mais pour circonscrire à
peu près exactement la Péninsule et en rapprocher
la forme d'une figure géométrique, il faut joindre
le cap Creus au cap Finistère, à l'O. de la Ga-
lice; celui-ci au cap Saint-Vincent, au S. O. du
ESPAGNE ET PORTUGAL — 696 — ESPAGNE ET PORTUGAL
Portugal; le cap Saint-Vincent à la pointe de Ta-
rifa ; Tarifa au cap de Palos, près de Carthagène,
et enfin le cap de Palos au cap Creus. On trace ainsi
un pentagone dont les côtés sont respectivement
tournés vers le N., 10., le S. S. 0., le S. S. E. et
l'E. S. E.
Entre ces limites la superficie de la Péninsule
est de 5S4 301 kil. carrés, dont 494 94G pour l'Es-
pagne et 89 355 pour le Portugal.
Orographie et hydrographie. — Dans son ensem-
ble, la péninsule forme un plateau élevé de plu-
sieurs centaines de mètres au dessus de la mer,
et séparé de celle-ci presque partout par des chaînes
côtières qui dominent les rivages.
Au sud, la Sierra Nevada, qui se développe de
rO. à TE. depuis Gibraltar jusqu'au cap de Gâta,
renferme, avec les Pyréiv'^es, les plus hautes som-
mités de l'Espagne. Leur altitude va jusqu'à
3000 mètres. Entre ces deux hautes chaînes, la
ligne de faîte, qui sépare le bassin de la Méditer-
ranée de celui de l'océan Atlantique, est plutôt, en
général, un simple renflement du sol qu'une véri-
table chaîne. La Sierra do Moncayo, à l'O. deTarra-
gone, et la Sierra de Albarracin, aux sources
opposées du Jiloca, affluent de l'Èbre, du Tage, du
Jucar et du Guadalaviar, les sierras de Alcarraz et
de la Sagra, entre les sources du Guadalquivir et
du Segura, sont les points les plus saillants de cette
ligne de faîte, qu'on désigne dans son ensemble
sous le nom de monts Ibêriens, parce qu'ils sépa-
rent les versants opposés de la péninsule ibé-
rique. (Les anciens habitants, avant la domina-
tion romaine, s'appelaient les Ibères.)
Fleures du versant méditerranéen. — Le long
du littoral méditerranéen, les monts de la Catalo-
gne, des royaumes de Valence et de Murcie, géné-
ralement moins élevés, sont traversés par VEbre,
le Guadalaviar, le Jucar et le Ségiira, qui, formés
sur le plateau, se sont violemment ouvert un pas-
sage vers la Méditerranée.
Versaîit de l'Atlantique. — Le versant de l'A-
tlantique est. bien plus étendu et partagé en plu-
sieurs bassins par des chaînes de montagnes
remarquables.
A l'ouest, ies Pyrénées se continuent par les
monts Cantabres, dont les points culminants, les
Peùa" de Europa, au S. 0. de Santander, dépas-
sent 2 000 mètres. Les monts Cantabres couvrent de
leurs ramifications la province de Santander, les
Asturies et la Galice, et enveloppent les sources
des rivières peu étendues qui sont tributaires de
la mer de Biscaye, et du Minho, fleuve de Galice,
qui forme la frontière entre l'Espagne et le
Portugal.
Un lac occupait autrefois la plus grande partie
de la région au sud des Cantabres. Les monts Can-
tabres au nord, les monts Ibériens à l'E., la Sierra
Morena au sud, les plateaux du Portugal à l'O.,
formaient les limites de cette région lacustre, dont
le Douro, le Tage et le ('>uadiima ont emporté les
eaux vers l'Océan, une fois qu'ils ont réussi à per-
cer vers l'occident les barrières qui forment la
limite naturelle entre l'Espagne et le Portugal.
Ce plateau central de l'Espagne, qui est élevé
en moyenne de 600 ou 700 mètres au-dessus de la
mer, est divisé en deux parties par les montagnes
qui séparent le bassin du Douro de celui du Tage :
la haute Sierra de Guadarrama, qui dresse au nord
de Madrid des cimes de 2 000 mètres, en formant à
cette capitale une ligne de défense du côté du
nord, et qui se prolonge à l'ouest sous le nom de
Sierra de Grcdos, Sierra de Gâta, puis Sierra d'Es-
trella, dans le Portugal. Cette dernière se continue
jusqu'auprès de Lisbonne, où elle se termine par
dus montagnes volcaniques qui n'ont peut-être pas
encore perdu toute leur activité. En 1755, un ter-
rible tremblement de terre renversa Lisbonne, en
y faisant périr 40 ou 50 000 habiunts.
Entre le Tage et leGuadiana, les monts de Tolède
ne forment pas une ligne bien saillante, les pla-
teaux de la Manche se continuant sans interruption
entre le Tage, le Jucar et Je Guadiana. La Sierra
Morena, qui forme le rebord méridional du plateau,
n'a l'apparence un peu élevée que vue des plaines
de l'Andalousie,, au sud. Elle se prolonge, à l'ouest
du Guadiana, en Portugal, sous le nom de Sierra
de Monchique. Celle-ci sépare les plaines de l'A-
lemtéjo, au nord, des riants rivages de l'Algarve.
Entre la Sierra Morena et la Sierra Nevada,
s'étend la fertile Andalousie qu'arrose le Guadal-
quivir.
Divisions naturelles. — A voir sur une carte ces
grands fleuves dirigés de l'est à l'ouest, on pourrait
croire que l'Espagne et le Portugal sont dotés de
belles voies navigables propres h faciliter leurs rap-
ports commerciaux et à préparer leur réunion po-
litique. Il n'en est rien. Quand bien même ces
fleuves rouleraient des eaux plus abondantes, ils
ont un cours trop violent, et traversent pour pas-
ser d'Espagne en Portugal des défilés et des ra
pides infranchissables à la navigation, et qui cons-
tituent précisément les limites naturelles entre les
deux royaumes. La péninsule entière se divise,
du reste, en plusieurs régions bien distinctes. Au
S. O.. lePortw/al, occupant les bassins inférieurs
du Minho, du Douro, du Tage et du Guadiana, au-
dessous de leurs rapides, et tourné vers l'Océan,
où il a joué un si grand rôle maritime. Au sud,
[Andalousie, occupant le bassin du Guadalquivir,
qui a conservé son nom arabe et sur les rives du-
quel s'élèvent encore tant de beaux monuments
dus aux architectes musulmans, tandis que la pro-
vince entière garde le nom des anciens Vandales,
qui la traversèrent au début du moyen âge, avant
d'aller fonder leur empire en Afrique. Dans les
montagnes de la Sierra Nevada, le royaume de
Grenade, tourné vers l'Afrique, dont il est la conti-
nuation naturelle. Le long de la Méditerranée, les
roj'aumes de Murcie et de Valence, et la Cata-
logne dont la vie s'est concentrée sur le littoral.
Dans le bassin de l'Èbre, \ Aragon et la Navarre.
Sur le plateau, la. Nouvelle-Castille et VEstrama-
dure occupant la partie méridionale et la plus
basse, — la Vieille-Castille et le royaume de
Léon, la partie septentrionale et la plus élevée de
l'ancien bassin lacustre dont nous avons parlé.
Dans les njonts Cantabres enfin, où les Romains
ne purent jamais étendre leur domination, les
provinces basques, où se maintiennent les derniers
descendants d'une race d'origine inconnue dont
la langue ne peut être rapprochée d'aucune autre
langue européenne ; les Asturies, où les chrétiens
défendirent victorieusement leur indépendance
pendant la domination musulmane. Enfin, à l'extré-
mité N. O. de la Péninsule, la Galice, dont les
côtes, découpées en profondes sinuosités comme
les fjords de la Norvège, offrent des ports nombreux
et sûrs aux navires venant du large, tandis qu'ils
ne trouvent que difficilement un abri plus au sud
sur la côte sablonneuse et régulièrement unie du
Portugal, qui rappelle celle des landes françaises.
Climat. — Bien qu'entourée de tous côtés par la
mer, l'Espagne ne jouit pas en général des avan-
tages que procure ce voisinage. Arrêtées par les
montagnes côtières, qui enveloppent le plateau cen-
tral, les pluies tombent presque exclusivement
sur les rivages. La Galice et le Portugal sont abon-
damment arrosés. Il y tombe jusqu'à quatre et cinq
mètres d'eau dans une seule année , comme
sous les tropiques. Le versant de la mer de Bis-
caye est aussi rafraîchi par de fréquentes ondées.
Les arbres et les champs y gardent leur verte
parure qui rappelle l'Angleterre. Dans la Castille
et l'Aragon, au contraire, il ne tombe presque pas
d'eau. L'été y est brûlant, l'hiver presque glacial,
à cause de l'altitude de la contrée. On y trouve de
ESPAGNE ET PORTUGAL — 697 — ESPAGNE ET PORTUGAL
Tcritables steppes arides comme les déserts de
l'Asie ou de l'Afrique. Si le sol y porte par places
de superbes moissons, cela tient souvent à des
nappes d'eau souterraines qui rafraîchissent le
sous-sol et les racines des plantes. La contrée
n'offre presque pas d'arbres. Les rivières, à sec
pendant l'été, peuvent alors servir de routes.
Sur le rivage de la Méditerranée, les écarts de
température entre les chaleurs de l'été et les froids
de l'hiver deviennent bien moindres. La végétation,
favorisée par des irrigations très soignées, atteint
un superbe développement, qui a fait la répu-
tation de la huer ta de Valence.
Dans le roj-aume deMurcie, le climat devient vé-
ritablement africain. Les vallées arrosées à grand
peine sont encore admirables. A Elche, sur les
confins du roj'aume de Valence, on trouve une
des rares forêts de palmiers qui croissent en Eu-
rope. Ailleurs ce sont des orangers, des grenadiers,
des bananiers et des nopals, sur lesquels se déve-
loppe la cochenille. A l'ombre des arbres frui-
tiers le sol produit encore d'autres cultures. Mais
sur les plateaux desséchés, on ne trouve que le
sparte ou alfa qu'on récolte maintenant en si
grande quantité sur les plateaux de l'Algérie.
Au pied de la Sierra Nevada, la côte, tournée au
midi, serait encore plus brûlante pendant l'été, si
les neiges, qui fondent sur la montagne, n'y entre-
tenaient un peu de fraîcheur. A Gibraltar, à Ma-
laga, la température moj^enne de l'année s'élève à
17 ou 18», et le séjour des villes devient intoléra-
ble, au moment des grandes chaleurs, pour les
Européens qui se réfugient alors sur les montagnes
voisines. Dans cette région croissent le café, le
coton, la canne à sucre, les arachides et autres
cultures tropicales, et en outre on trouve vivant
à l'état sauvage autour de Gibraltar les singes, que
l'on ne rencontre que dans les pays très chauds.
L'Andalousie, qui se revêt au printemps, ou
plutôt en février, de la plus admirable végétation.
€st briilée en été. On n'y trouve plus d'eau que
dans le lit des rivières. Sur les bords même du
Genil , qui parcourt la vallée si justement vantée
de Grenade, on traverse de véritable* steppes. A
l'oufst de l'embouchure du Guadiana, le rivage
de YAlgarve, abrité au nord par la Sierra de Mon-
chique, porte encore le même nom que les Maures
lui avaient donné en même temps qu'au Maroc,
(pays de l'occident) et de fait les rives des deux
pays se ressemblent. La douceur du climat en
ferait un excellent séjour d'hiver pour les ma-
lades qui vont chercher à recouvrer la santé à
Bladère.
Géograpliie politique et économique. — Géogra-
phie AGRICOLE. — L'Espagne offre des genres de
culture bien dififérents suivant les climats de ses di-
verses régions. Dans la Vieille-Castillc on récolte
beaucoup de blé. Les terres dos environs de Valla-
dolid sont particulièrement fertiles sous ce rapport
et on exporte une partie de leurs grains pour l'An-
gleterre ou pour la France par le port de Santan-
der. L' Aragon et l'Estramadure produisent aussi du
blé, mais, dans toute cette région du centre de
l'Espagne l'agriculture souffre des ravages des
troupeaux transhumants. La finesse de la toison
des mérinos a fait accorder de trop grands privi-
lèges aux producteurs de cette source de riches-
ses pour le pays. Pendant l'hiver leurs moutons
paissent dans les plaines de l'Estramadure, de la
Manche, ou dans ies montagnes de Murcie, puis à
mesure que les pâturages naturels disparaissent
sous l'influence de la sécheresse, les bergers re
montent vers les montagnes des Castilles, de l'A-
ragon, du royaume de Léon et des Cantabres, et
pendant ce parcours leurs troupeaux, pénétrant
librement dans les champs sans clôture, y brou- 1
tent et détruisent des moissons en herbe.
Sur les bords de la Méditerranée, le blé faiti
place au mais, et au riz qui pousse dans les la-
gunes ou albuferas du littoral. On cultive le
seigle dans les Pyrénées, et l'orge dans toutes
les provinces.
L'Espagne produit beaucoup de vins. Dans les
Castilles et l'Aragon, la vigne croît, pour ainsi
dire, sans culture. Mais les vins, mal soignés, em-
magasinés dans des vases en terre ou transportés
dans des outres, sont grossiers, et ne conviennent
qu'à la consommation intérieure. Dans l'Andalou-
sie, au contraire, les vins de Xérès sont très re-
cherchés par les Anglais qui en consomment dans
tous les pays du monde sous le nom de Sherry.
Les vins de Malaga et ceux d'Alicante, sur la côte
de la Médiierranée, sont également très estimés .
On récolte, en outre, dans le royaume de Valence
et la Catalogne, une grande quantité de vins ordi-
naires, qui viennent depuis quelques années en
France suppléer aux vides causés par les ravages
du phylloxéra. Sur la côte de la mer de Biscaye,
le raisin ne viendrait plus à maturité, et le vin est
remplacé comme boisson par le cidre. C'est encore
un des points de ressemblance entre cette région
et la Bretagne française.
L'olivier est très répandu en Espagne sur le
littoral méditerranéen, dans l'Estramadure et l'An-
dalousie, mais, comme pour les vins, les huiles sont
mal fabriquées et peu estimées.
Les fruits de table sont très abondants. Les
oranges de Valence ont une grande réputation,
mais il en vient aussi de Malaga et de l'Andalou-
sie, ainsi que des figues et des grenades. Malaga a
la spécialité des raisins secs. La Catalogne envoie
en France des amandes et des abricots qu'elle
récolte plus tôt que nous.
Malgré la renommée des chevaux andalous,
l'Espagne possède un très petit nombre de ces
animaux. Les mulets et les ânes y soni plus nom-
breux, et la France fournil ;\ l'Espagne une partie
des premiers, entre autres les mules qui font les
attelag-'s de luxe. Les moutons, dont nous avons
déjà parlé, forment le bétail le plus nombreux. On
élève encore t)eaucoup de porcs, en Estramadure
notamment. Les bêtes à cornes se rencontrent sur-
tout dans les pâturages de la Galice, et les navires
anglais viennent en charger des troupeaux entiers
dans les ports de Vigo ou de la Corogne pour les
marchés de l'Angleterre. En Andalousie, les éle-
veurs ont un autre but ; ils produisent ces beaux
taureaux de combat dont les Espagnols sont si
grands amateurs.
En résumé, l'agriculture espasnole est peu avan-
cée : la difficulté des communications, la séche-
resse du climat, les ravages des troupeaux, la
concentration de la propriété entre les mains de
grands propriétaires, les troubles des guerres
civiles, les mauvais errements dans la fabrication
des produits, font surtout obstacle à ses progrès.
Géographie industrielle. — Mines. — L'Espagne
est très riche en productions minérales. Le fer y est
répandu sur un grand nombre de points ; mais les
mines les plus célèbres sont celles des provinces
basques. A Sommorostro, près de Bilbao, la mon-
tagne n'est qu'un immense bloc ferrugineux. C'est
là que s'approvisionnaient les célèbres armuriers
de Tolède. Maintenant l'exploitation en est si
active que les eaux de la rivière de Bilbao sont
constamment rougies jusqu'à la mer par les débris
qu'elles entraînent. Les usines françaises et alle-
mandes s'approvisionnent à Sommorostro, et Portu-
r/alèle, le port de Bilbao, en tire une importance
qui le place au troisième ou quatrième rang parmi
les ports de l'Espagne. Naguère encore, les carlis-
tes, maîtres de cette région, tiraient de là du mine-
rai, que les fourneaux et les forges du voisinage
transformaient pour eux en armes et en projectiles
de guerre. Du côté de la Méditerranée, Cartha-
gène est un autre grand port d'exportation du
ESPAGNE ET PORTUGAL — 698 — ESPAGNE ET PORTUGAL
minerai de fer exploité dans le voisinage et qui
va alimenter les hauts fourneaux de Marseille et
des environs. Alméria est le centre de la produc-
tion minière du versant de la Sierra Nevada, où se
trouvent, avec le fer, du cuivre, du plomb et de l'ar-
gent. Le plomb, généralement uni à l'argent,
forme de très riches gisements sur divers autres
points de l'Espagne. Le plus important est celui
qui groupe plusieurs milliers d'ouvriers, adonnés
à cette exploitation, autour de Linarès, petite lo-
calité du liaut bassin du Guadalquivir, dans la
province de Jaen. On en tire 210 000 tonnes de
minerai par an. Les mines de cuivre étaient
déjà connues et exploitées par les Phéniciens,
les Carthaginois, les Romains. Dans l'ouest de
l'Andalousie, au nord du port de Huelva, les
mines du Rio-Tinto ne renferment pas moins de
300 millions de tonnes de minerai exploitables.
(E. Reclus.) Celles de Tharsis, moins riches, sont
cependant plus activement exploitées ; elles pro-
duisent une grande quantité de pyrites, qui servent
à fabriquer la moitié des .SOO 000 tonnes d'acide
sulfurique, produites annuellement par les usines
de l'Ecosse; et la cinquième partie du cuivre pro-
duit dans le monde entier sort des mines de Thar-
sis. (E. Reclus).
L'Espagne possède à Almaden, au nord de la
Sierra Morena, une des deux mines de mercure
exploitées en Europe. Elle produit 1 200 tonnes de
mercure par an.
Leminerai dezincse trouve notamment dans les
monts Cantabres, et Santander ou de petits ports
voisins en chargent des navires entiers pour les
usines belges de la Vieille-Montagne.
Les principaux bassins houillers sont ceux de
Gijon, dans les Asturies ; de la province de Palen-
cia, dans le royaume de Léon ; de Belmez, au nord-
ouest de Cordoue ; de la source du Ter, dans la
Catalogne.
L'Espagne possède des marais salants à l'em-
bouchure de l'Ebre et aux environs de Cadix, et
en outre des gisements de sel sur plusieurs points
de l'intérieur. Dans la Catalogne, la montagne de
Cardona forme un immense bloc de sel gemme
haut de 100 mètres et dont la masse renferme
300 millions de mètres cubes de sel. (E. Reclus}.
L'Estramadure possède des gisements de phos-
phate de chaux, maintenant très recherché comme
engrais.
On trouve, en Espagne, de nombreuses sources
d'eaux minérales, notamment sur le versant des
Pyrénées et dans les Cantabres.
L'industrie est peu développée dans ce pays. Bar-
celone, toutefois, qui occupe le premier rang sous ce
rapport, renferme d'importantes manufactures de
coton, des fabriques de toiles, de draps, de soieries,
de dentelles, de produits chimiques, de machines,
et des sucreries.
Les manufactures de tabacs, et celle de Séville
au premier rang, occupent un grand nombre d'ou-
vriers. Séville fabrique aussi des porcelaines, et
Cordoue des alcarazas, vases en terre poreuse où
l'eau se rafraîchit. Les armes à feu se fabriquent
dans les provinces basques, ainsi que le choco-
lat, qui jouit dune grande réputation comme celui
de Rayonne.
Géographie commerciale. — L'Espagne ne com-
munique avec la France que par deux chemins de fer
placés à chaque extrémité des Pyrénées: la ligne
de Rayonne à Saint-Sébastien, qui se continue par
Burgos et Valladolid et appartient à la grande ligne
de Paris à Madrid, — et la ligne de Perpignan à Bar-
celone qui suit le littoral de la Méditerranée. Entre
ces deux voies ferrées, le Roussillon communique
aisément avec la Cerdagne espagnole par le col de
la Perche, relativement peu élevé, qui sépare la
vallée de la Têt de celle de la Sègre, et que des-
sert une route carrossable reliant Perpignan à
Lérida. Les deux versants de ce col appartiennent
à la France.
A l'intérieur de l'Espagne, le réseau des che-
mins de fer est encore très peu développé, leur
longueur totale ne dépasse pas 6 000 kilomètres.
C'est à peu près le quart de ce que' nous possé-
dons en France. Et dans ce pays, qui manque de
voies navigables, les voies ferrées sont indispen-
sables au développement de l'agriculture, de l'ex-
ploitation des mines, des manufactures. Mais les
obstacles naturels rendent cette construction très
dispendieuse, et les agitations politiques, si fré-
quentes en Espagne, ont empêché jusqu'à présent
les chemins espagnols d'atteindre un trafic rému-
nérateur pour les capitaux dépensés. Le cliemin du
nord de l'Espagne, entre Saint-Sébastien et Burgos,
traverse continuellement des travaux d'art, tunnels,
ponts, viaducs, dont la destruction par l'armée
carliste a été une perte considérable à laquelle
s'ajoutait l'impossibilité d'exploiter la ligne pen-
dant de .longs mois. Ce même chemin traverse la
sierra de Guadarrama, entre Avila et Madrid, à une
altitude plus élevée que le tunnel du mont Cenis.
C'est par une suite imposante de défilés et de
tunnels à travers la Sierra Morena, qu'au passage
de Despefiaperros on descend de la plaine si mo-
notone de la Manche dans les riantes vallées de
l'Andalousie. Entre Cordoue et Malaga, le chemin
de fer, qui suit le Guadalhorce, ne traverse pas
moins de dix-sept tunnels pour franchir la sierra
côtière.
Ports. — Parmi les ports de l'Espagne, Barcelone
tient le premier rang. C'est une belle ville de près
de 200 000 habitants, l'une des plus importantes
des rivages de la Méditerranée, et l'ancien port du
royaume d'Aragon, qui a joué un rôle prépondé-
rant dans la Méditerranée occidentale, quand il
était maitre de Naples et de la Sicile.
En descendant au sud la côte espagnole, on
trouve Tarragone, aujourd'hui déchue, mais qui eut
peut-être un million d'habitants sous les Romains.
L'Èbre étant obstrué paf une barre à son embou-
chure, c'est un canal, aboutissant au port des
Alfaques, qui sert de débouché à son bassin. Ce.
port est situé au sud de la péninsule formée par
les alluvions de l'Èbre. Un peu au nord de Valence,
Murviédro occupe la place de l'ancienne Sagonte,
riche ville détruite par Annibal.
Valence est, comme Barcelone, une ville indus»
trieuse, de plus de cent mille habitants. Le Grao
lui sert de port. Au delà du cap de la Nao, qui
se projette vers les îles Baléares, Alicante (30 000
hab ) a l'avantage d'être le port le plus rapproché
de Madrid, auquel il est relié par une voie ferrée.
A l'ouest du cap dePalos, Cm'thagène [Ib 000 h&h.),
dont le nom rappelle l'origine carthaginoise, n'est
pas seulement port de commerce pour l'exportation
des minerais. C'est une place forte imprenable au-
trement que par la famine, un excellent port mili-
taire et une escale pour les navires qui de France
se dirigent vers le port d'Oran. Au cap de Gâta, le
rivage tourne à l'ouest pour passer devant Alméria
(27 000 hab.), puis Malaga, le second port de
l'Espagne. C'est une ville de près de cent mille ha-
bitants, dont la fondation remonte aux Phéniciens,
et qui, comme Barcelone, tire son importance de
la richesse des produits de la région voisine et
de son industrie propre. Parmi ses usines on peut
citer ses fabriques et raffineries de sucre. Gi6ra/to*,
isolé sur son rocher, qu'une étroite langue sa-
blonneuse relie à la terre ferme, tout hérissé de
forts et percé de galeries souterraines, d'où lea
canons sont partout prêts à tirer, abrite le pavillon
britannique qui s'y est établi par surprise et qui
surveille jalousement le passage de l'Atlantique
dans la Méditerranée. Des miniers de navires en-
trent chaque année dans son port pour se ravitail-
ler dans ses entrepôts ou y prendre des nouvelles.
ESPAGNE ET PORTUGAL
699 — ESPAGNE ET PORTUGAL
En face de Gibraltar, dans la même baie, Algé-
siras nous rappelle un succès de notre pavillon sur
mer, tandis que, de l'autre côté du détroit, Tra-
falgar a été témoin de la ruine de notre marine
sous le premier empire.
Plus loin. Cadix (60 000 bab.) est une des rares
villes dont la prospérité se soit continuée dans
tous les temps, grâce à sa situation privilégiée.
Bâtie dans une île et occupant une position
avancée à l'extrémité du continent, elle a joué
un rôle important sous les Phéniciens et les
Romains. Plus tard, elle a eu le monopole du
commerce de l'Espagne avec ses riches colonies
d'Amérique. Malheureusement, le Guadalète, qui
débouche près de son port et sur les rives du-
quel s'étendent les riches celliers de Xérès (35 OOO
hab.), y jette beaucoup de sables.
Sur le Guadalquivir, la marée se fait sentir
jusqu'à SéviUe, où remontent les navires de 100
ou 200 tonneaux. Plus bas, les rives marécageuses,
couvertes d'eau pendant les crues, se dessèchent
en été. A l'embouchure du fleuve, sur sa rive
gauche, San Lucar de Barrameda a vu partir en
1519, sous les ordres de Magellan, le premier na-
vire qui ait accompli en entier le tour du globe.
Puis, au delà d'une plage sablonneuse, on rencontre,
sur les deux rives opposées du même petit fleuve,
Palos, où s'embarqua Christophe Colomb pour aller
découvrir le Nouveau-Monde, et Huelva au riche
bassin minier.
Sur la mer de Biscaye, Saint-Sébastien, près de
la frontière de France, est plus fréquenté comme sé-
jour de bains de mer que comme place commerçante.
Santander est le grand port de cette région, parce
qu"au sud de cette ville le passage de Reinosa
ouvre aux Castillans une route facile vers la mer.
Ce passage est utilisé par le chemin de fer de Ma-
drid et Valladolid à Santander. C'est ce qui a fait
rattacher la province de Santander à la Castille
plutôt qu'aux Asturies. Santander a 30 000 habi-
tants. Son port exporte les farines de Castille, les
laines du Léon et des minerais. Les navires trans-
atlantiques, qui se rendent de France dans le
golfe du Mexique, y font escale ; et c'est un des
moyens de transport économique entre Paris et
Madrid. Dans la Galice, le Fei'rol est un excellent
port de guerre, la Corogjie (20 000 hab.) et Vigo
deux ports de commerce.
Les eaux qui baignent ces rivages sont remar-
quablement poissonneuses, probablement à cause
des courants, venus de régions très difl'érentes par
leur climat et leur faune, qui s'y rencontrent, et les
pêcheurs de sardines, notamment, s'y livrent à
une industrie très active.
Grandes villes. — C'est dans l'Andalousie, la
province la plus remplie du souvenir et des
œuvres des Maures , qu'on trouve le plus de
villes considérables à l'intérieur de l'Espagne. Sé-
viUe (80 000 hab.), renommée par la beauté de ses
jardins d'orangers et la gaieté de ses habitants, a con-
servé des Maures la merveilleuse tour de la Giralda.
Elle passe pour la plus belle ville de l'Espagne.
Grenade, qui avait 400 000 habitants sous les
Maures, n'en a plus que 60000. Mais il lui reste le
palais de VAlhambra, le plus beau chef-d'œuvre de
l'architecture arabe^ et la riche vallée du Génil, qui
l'arrose, mérite sa réputation. C'est une des plus
belles huertas de l'Espagne. Cordoue, qui eut un
million d'habitants, une industrie très florissante,
et dont la bibliothèque renfermait les trésors de
science accumulés par les Arabes, ne renferme
plus que 45 000 habitants. Mais il lui reste l'antique
mosquée, le plus beau temple de l'art arabe, dont
les voûtes sont portées par une véritable forêt de
piliers, près d'un millier, provenant de tous les
points de l'empire musulman où se rencontrait un
beau marbre.
Dans l'Aragon, Saragosse, dont le nom est insépa-
rable de la bravoure de ses habitants défendant
leurs maisons pied à pied en 1808 , occupe la
position centrale du bassin de l'Ebre. Au sud-ouest
le Jalon, affluent de l'Ebre, lui ouvre une route fa-
cile vers Madrid. Au nord-est et au nord, la Sègre
et le Gallego, autres affluents de l'Ebre, condui-
sent de Saragosse vers les Pyrénées. Le canal Im-
périal, qui borde la rive de l'Ebre en amont et en
aval de Saragosse, sert à la navigation en même
temps qu'à l'arrosage. Saragosse a de 50 à 600000
habitants.
Dans la région de la Vieille-Castille, Valladolid
(GO 000 hab.) occupe également une position cen-
trale. C'était la capitale des chrétiens d'Espagne,
lorsque les Khalifes * régnaient à Cordoue. A Ségo-
vie, on admire un aqueduc; à Alcantara, sur le
Tage, près delà froniière portugaise, un pont cons-
truit sous l'empereur Trajan, deux beaux spécimens
des œuvres d'art utiles dont les Romains, avant les
Maures, avaient doté l'Espagne. Burgos a une su-
perbe cathédrale.
Dans le bassin du Tage, Madrid (330 000 hab.)
ne doit son rôle de capitale qu'à sa position cen-
trale et au caprice d'un souverain irrité contre
Tolède. Celle-ci, qui fut la capitale des Visigoths
avant la domination maure, et qui était déjà im-
portante sous les Romains, n'a conservé sa supré-
matie qu'au point de vue religieux. Son archevê-
que est le premier de l'Espagne. Mais sa merveil-
leuse cathédrale et ses autres monuments anciens
en font la ville la plus curieuse, peut-être, de
toute la péninsule.
Gouvernement. Population. — L'Espagne forme
une monarchie constitutionnelle et parlementaire.La
religion catholique y domine, mais les autres cul-
tes sont tolérés. Le territoire, est divisé en douze
capitaineries générales correspondant à peu près^
aux régions naturelles ; la Nouvelle-Castille, l'An-
dalousie, Grenade, Valence et Murcie, les îles Ba-
léares, l'Aragon, la Catalogne, la Navarre, les
provinces basques, la Galice, la Vieille-Castille,.
Burgos et l'Estramadure . Ces capitaineries se sub-
divisent en quarante-sept provinces portant le nom
de leur chef-lieu.
La population de l'Espagne s'élève à 16 260 OOO
habitants. Cette faible population est très inégale-
ment répartie sur le territoire. La province la plus
peuplée est celle de Pon^euerfra dans la Galice, surla
rive droite du Minho. Elle renferme 167 habitants
par kilomètre carré. La moins peuplée est celle de
Ciudad Real, qui occupe une partie de la Manche,
au sud de la Nouvelle-Castille. La population kilo-
métrique n'y est que de 13 habitants. La moyenne
de tout le royaume est de 33 habitants. Cette pro-
portion est dépassée sur les rives de la mer de
Biscaye, où Santander, les Asturies et la Galice ont
G3 habitants par kilomètre ; dans la Navarre, la Bis-
caye (Bilbao) etLogrono (haut bassin de l'Ebre)»
où la moyenne est de 43 habitants ; dans Valence
et Murcie où elle est de 41. L'Andalousie avec-
38 habitants, la Catalogne et l'Aragon avec 34, sont
les provinces moyennes. Les Gastilles, Léon et
l'Estramadure, avec 21 habitants, représentent les
régions les moins peuplées. On peut conclure de
ce tableau que contrairement à ce qui se passe
en France, où Paris joue le rôle de pôle d'at-
traction par rapport aux populations, Madrid oc-
cupe la région la moins peuplée de l'Espagne,,
et c'est au pourtour, dans les régions plus humi-
des, au climat plus tempéré, sur les rivages in-
vitant au commerce et aux entreprises maritimes,
que se groupent de préférence les populations.
Ethnologie. — Races primitives. — Les Espa-
gnols actuels sont issus de bien des races diffé-
rentes. La plus ancienne est celle des Ibères, dont
les Basques actuels paraissent être les derniers
représentants, et dont la domination s'étendait sur
toute l'Espagne, le littoral de la Méditerranée jus
ESPAGNE ET PORTUGAL
700 — ESPAGNE ET PORTUGAL
qu'à Gênes, et la Gascogne française, à en juger par
des noms do localités qu'on trouve dans ces ré-
gions et qui appartiennent évidemment à cet
idiome différent de toutes les langues actuellement
parlées en Europe. Les Phéniciens, les Grecs, les
Carthaginois, ont fondé des colonies florissantes
dans la Péninsule, avant que les Romains la
fissent entrer dans leur empire. Dans le flot de
l'invasion des barbares, elle fut traversée par les
Alains qui ont laissé quelques descendants dans le
Portugal, s'ils n'ont point entièrement disparu, par
les Suèves, qui sont les ancêtres d'une partie des
habitants de la Galice, parles Vandales, dont l'An-
dalousie conserve le nom. par les VIsigoths enfin, qui
j- ont fondé un empire durable et florissant jusqu'à
ce qu'ils fussent refoulés à leur tour par les Arabes
et les Maures venus d'Afrique. A côté de ces races
dont le sang s'est plus ou moins mêlé, on trouve
encore en Espagne des juifs, convertis à l'époque
de l'inquisition qui les proscrivait en masse, et des
Gitanes semblables à nos Bohémiens de France, qui,
dans plusieurs villes, forment la population exclu-
sive d'un quartier.
Les habitants des diverses provinces de l'Es-
pagne ont du reste leur caractère propre résultant
des conditions historiques de leur origine, de leur
développement, des conditions climatériques et
économiques dans lesquelles ils vivent.
Les Basques, qui w fusionnent avec aucune au-
tre race, sont très jaloux de leurs privilèges,
de leurs fiioros, comme on les appelle, qui leur
ont été octroyés par les anciens souverains de la
Castille, mais qui doivent disparaître aujourd'hui
dans l'intérêt commun de toute la monarchie.
Les Catalans se rapprochent des Provençaux, avec
qui ils n'ont longtemps formé qu'un seul peuple.
Ce sont des travailleurs actifs et industrieux, van-
tards, querelleurs, mais audacieux et entrepre-
nants pour aller chercher fortune.
Les Galiciens sont aussi portés à l'émigration à
cause de la population surabondante de leur pro-
vince. Ce sont les Auvergnats de l'Espagne ; ils
ont, dans toute l'Espagne, le monopole des mé-
tiers d'hommes de peine, portefaix, etc.
Les Andalous sont ceux qui ont conservé le plus
de sang maure dans les veines. Ils en ont tiré un
très grand orgueil.
Les Castillans, qui sont généralement détestés
des autres Espagnols, sur qui ils ont établi suc-
cessivement leur suprématie, imposent de plus en
plus leur langue à toute l'Espagne, comme ils lui
ont imposé leur domination.
En général, les Espagnols sont de petite taille,
musculeux, sobres, très endurcis à la fatigue, sol-
dats excellents par leur obstination dans la lutte,
par leur résignation pour endurer toutes les pri-
vations E. Reclus). En revanche, ils sont vindicatifs,
superstitieux, souvent cruels.
Possessions extérieures. — L'Espagne a main-
tenant perdu la plus grande partie de l'immense em-
pire colonial qui faisait dire à Charles-Quint « que le
soleil ne se couchait jamais sur ses Etats. » Si elle
on avait tiré d'immenses richesses, 5i milliards de
francs de métaux précieux pendant les deux pre-
miers siècles qui ont suivi la conquête, de 1500 à
1702, elle y avait perdu ses enfants les plus au-
dacieux, et le caractère national se trouvant amolli
par l'indolence, cette grande fortune coloniale a
été pour l'Espagne l'origine de la décadence, dont
elle semble en traiu de se relever.
De ces immenses domaines, où du moins se
conserve encore l'usage de la langue castillane, il
ne reste à 1 Espagne que Cuba et Porto-Rico dans
les Antilles (V. Amérique), les Philippines et
quelques archipels voisins dans l'Océanie (V.
Océanie), les Canaries, des îles dans le golfe de
Guinée et quelques établissements sur la côte du
Maroc (V. Afrique . et enfin les îles Baléares dans
la Méditerranée ; l'ensemble de ces possessions cou-
vre une superficie de 300 000 kil. carrés peuplée
de 8 500 000 habitants.
Iles Baléares. — Les Baléares, qui tirent leur
nom de l'habileté de leurs anciens habitants pour
lancer la fronde, forment une prolongation des
montagnes de l'Espagne méridionale vers le N. E.
Iviça, !a plus rapprochée de la c te, est à 85 kil.
du continont. Près d'Iviça et au sud est la petite
île de Fermentera. Ces deux îles s'appelaient les
Pityuses, à cause des pins qui en couvraient une
partie. Au N. E. d'Iviça viennent successivement
Majorque , la plus grande île du groupe , puis
Minurqne. Les montagnes, qui ne dépassent pas
400 m. d'altitude dans Iviça, forment sur la côte
\. O. de Majorque une sorte de rempart qui s'é-
lève jusqu'à 1 OitO ou 1 oOO mètres, pour s'abaisser
de nouveau dans Minorque. Cette dernière île est
celle qui reçoit le plus de pluie. Les autres, mal-
gré leur situation insulaire, ne sont pas suffisam-
ment arrosées par les pluies, et si on y récolte en
abondance des oranges, des vins, des olives, des
légumes, c'est grâce à des canaux d'irrigation bien
ménagés et à cette activité propre aux habitants,
qui les fait rechercher comme jardiniers dans les
contrées voisines.
Minorque renferme un bon port, celui de Mahon
(1 5000 hab.), qui sert d'escale sur la route de
France en Algérie, car il est situé à peu près sur
la ligne directe qui relie Marseille à Alger.
La capitale de Majorque, Palma, où réside le ca-
pitaine général, a une population plus considéra-
ble (40 000 hab.).
Les îles Baléares jouissent d'un climat salnbre.
et les habitants, en dehors de leurs produits agrico-
les, ne manquent pas d'industrie. Ce sont eux qui
ont donné leur nom aux faïences dites majoliques,
Géographie politique et économique du Portu-
gal. — lié<jio7îs a^jricolex. — Sur la frontière de l'Es-
pagne, le Portugal forme, au nord du Tage, une
région montagneuse, dont la Sierra d'Estrella
renferme les sommets culminants et qui est prin-
cipalement occupée par des pâturages. A l'ouest,
le territoire s'abaisse en formant de petites mon-
tagnes couvertes de cliâtaigniers et des coteaux
revêtus de riches vignobles, au milieu desquels
s'étendent des vallées très fertiles, où l'on cultive
surtout le mais.
L'Estramadure, qui occupe les deux rives du
Tage, renferme des montagnes stériles, un lit-
tiiral sablonneux, mais offrant de riclios marais sa-
lants, et le long du Tage des terres û'alluvion très
fertiles cultivées en riz, en mais, en froment. A
l'est de l'Estramadure, sur la rive droite du Gua-
diana,rAlemtejo offre des plateaux souvent couverts
de landes qui ne conviennent qu'à la culture pas-
torale. C'est là que les troupeaux transhumants
passent l'hiver, tandis qu'ils remontent pendant
l'été dans le Beïra et le Tras-os-mont(^s au nord
du Tage et du Douro.
Enfin l'Algarve, au midi, offre de belles forêts de
chênes et des champs de blé fertiles au-dessus
des jardins du littoral qui regarde l'Afrique.
Productinns agricoles. — La principale produc-
tion du Portugal est le vin. La région qui est sur
la rive droite du Douro, entre ses deux affluents, le
Tua et le Tamega, est si riche en vignobles qu'elle
porte le nom caractéristique de Paiz 'la Vinho.
Les produits en sont exportés par le port de Porto,
dont ils portent le nom, et sont principalement
consommés en Angleterre. Les oranges et les
citrons de Lisbonne et de l'Algarve forment une
source importante de commerce. A ces produits
il faut ajouter les huiles, les noix, amandes, figues
et autres fruits.
Productions minérales. — La principale richesse
minérale consiste dans le sel qu'on recueille en
grande abondance sur les rivages, et particulière-
ESPAGNE ET PORTUGAL
701
ESPAGNE
ment autour de Sétuval, dont la baie s'omTe un
peu au sud de Fembouchure du Tage.
Le minerai de cuivre est activement exoloiié
à San Domingo, entre le Guadiana et son affluent
de gauche, la Chanza, qui sert de frontière aux
deux royaumes de Portugal et d'Espagne. Un che-
min de fer, qui de la mine aboutit au confluent
des deux rivières, sert de débouché à l'exploita-
tion, dont les produits sont ensuite embarqués sur
le fleuve pour gagner l'Océan.
Pêche. — Comme les côtes de la Galice, celles du
Portugal sont le théâtre d'une pêche très active.
On y trouve des sardines, des thons, des huîtres,
dont on élève un grand nombre dans des parcs
pour les expédier ensuite au dehors. Les eaux des
fleuves nourrissent aussi beaucoup de poissons.
Commerce. — La construction des chemins de
fer est encore très peu avancée en Portugal. A
superficie égale, on n'y compte que le quart de
ceux qu'on trouve en France. Lisbonne ne commu-
nique encore avec Madrid que par Badajoz ; il
pourrait être relié directement à la France et ser-
vir de tête de ligne vers l'Amérique pour l'Europe
entière. Les fleuves du Portugal, plus considérables
qu'en Espagne, conviennent à la navigation, et à
leur embouchure se trouvent des ports où les mar-
chandises sont transbordées des bateaux de rivière
sur les navires do l'Océan. Porto (DfiOOO hab.) est
la première ville du royaume par l'importance de
son commerce et de son industrie. Malheureuse-
ment la barre du Douro, sur laquelle il n'y a quel-
quefois que 4 mètres d'eau, en interdit l'accès aux
navires qui ont un tirant d'eau plus fort. Le Douro
est en outre sujet à des crues subites qui j' rendent
la navigation dangereuse. On trouve à Porto, à côté
des immenses celliers, des raffineries de sucre,
des filatures et diverses autres usines.
Lisbonne, la capitale du royaume ("iôû OOO liab.\
est dans une situation admirable. Bien que séparée
de l'embouchure du Tage, de manière à être à
l'abri de l'agitation des vagues et facilement dé-
fendue contre les attaques du dehors (cependant
la flotte française, sous l'amiral Roussin, en a
forcé l'entrée en 1831), elle a devant ses quais une
profondeur de 25 ou 30 mètres d'eau, où peuvent
mouiller les navires les plus forts, et sa rade
immense en peut contenir des milliers. Tandis que
sur la rive gauche s'étendent des marais, les
alentours de Lisbonne, sur la rive droite, sont
escarpés et sont revêtus d'une luxuriante végéta-
tion d'orangers, de palmiers, de nopals.
Gouvernement, population. — Le gouvernement
du Portugal est une monarchie constitutionnelle.
La religion catholique est celle de la majorité des
habitants. La population du royaume est de 4 mil-
lions d'habitants, ou 4i habitants par kilomètre
carré en moyenne. C'est plus qu'en Espagne, c'est en-
core beaucoup moins qu'en France (70 habitants par
kilomètre carré). La population la plus dense est dans
la partie nord-est du royaume, qui alimente une
assez nombreuse émigration. De tous les Européens,
les Portugais, en effet, sont ceux qui s'acclimatent le
mieux dans les pays chauds. Cette disposition e>t
quelquefois attribuée au sang nègre qu'ont introduit
les noirs d'Afrique, ùont un grand nombre ont été
amenés en l'ortugal, avant d'être transportés comme
esclaves en Amérique. Les Maures ne se sont pas
établis en Portugal aussi solidement qu'en Espa-
gne, et y ont laissé beaucoup moins de traces.
Coto' tes. — Par sa situation maritime, le Portu-
gal était appelé à jouer un rôle colonial, aussitôt
que ses marins curent découvert la route de l'Amé-
rique méridionale et celle de l'Inde par le cap de
Bonne-Espérance. Après avoir eu en Orient un
grand empire colonial, ils ont été supplantés pres-
que partout par les Hollandais; et le Brésil, leur
plus belle possession en Amérique, s'est déclaré
indépendant en 1822. Il ne reste actuellement au
Portugal que les îles Açores, Madère, et du cap
Vert dans l'Atlantique, l'île Saint-Tliomas et l'île
du Prince dans le golfe de Guinée, Géba dans la
Sénégambie, une partie de la Guinée méridionale
et le Mozambique dans l'Afrique méridionale
(V. Afriquei ; Diu et Goa dans l'Hindoustan, et
Macao en Chine (V. Asie) ; une partie de l'île Timor
(V. Océanie); en tout 1 82ôi 00 kilomètres carrés,
peuplés de 3C00 0U0 habitants. [G. Meissas.]
Pour l'histoire et la littérature du Portugal,
V. Portugal.
ESFAOE. — Histoire. — Histoire générale,
XXIX. — De l'Espagne surtout on peut dire que
la géographie y régit l'histoire. « Une position
continentale aussi isolée, une forme aussi monta-
gneuse ne sont pas les plus favorables aux com-
munications ni au mouvement. On pénètre diffici-
lement d'Europe en Espagne : la grande muraille
des Pyrénées en ferme l'accès. On ne passe point
aisément d'une partie de l'Espagne dans l'autre ;
les chaînes intérieures s'y opposent. L'isolement
extérieur et l'isolement intérieur sont donc les
caractères généraux de l'Espagne. Pour l'unir au
reste du monde, et pour lier ses provinces entre
elles, il a fallu l'invasion du dehors, et la conquêto
au dedans. » (Mignet.)
Le peuple espagnol est formé d'Ibères auxquels
se sont d'abord mélangés des Celtes : puis quelques
colons grecs de Marseille, des Phéniciens et des
Carthaginois; puis des Romains, qui dominèrent
quatre siècles, durant la fin des temps antiques;
puis des Goths, des Juifs, des Berbers et des
Arabes, dont la défaite en 1492 ferme en Espagne le
moyen âge et la période des invasions. Aux temps
modernes, l'Espagne a étonné le monde pendant
un siècle par sa monstrueuse grandeur, depuis
159R par la rapidité et la profondeur de sa chute.
Antiquité. — V^ pério<le d'mvasio/i. — Les pre-
miers envahisseurs furent les colons carthaginois.
Des comptoirs de la côte orientale s'embarquaient
les lingots d'argent des mines espagnoles, et la
foule des Barbares, Ibères ou Celtes, qu'enrôlaient
pour défendre leur avarice les riches négociants
de Canhage. Plus tard, c'est en Espagne que le
grand Hamilcar fonda l'empire des Barcas, assez
loin de Cartilage pour être indépendant, assez
riche pour payer la populace punique, assez brave
pour fournir une armée contre Rome ; Carthagène en
fut la capitale. La Péninsule soumise jusqu'à lÈbre
devint la base des opérations d'Annibal, malgré
Sagonte, digne déjà de Saragosse. Après son frère.
Asdrubal put s'échapper encore et franchir la
Gaule pour passer en Italie (20.s). Depuis dix ans
les Espagnols, mobiles et pauvres, flottaient entre
les deux partis de Rome et des Parcas. En 202 ils
furent le prix du vainqueur. Mais ce fut pour
Rome deux siècles de guerre acharnée à soutenir.
Les prisonniers, embarqués comme esclaves, per-
çaient la cale du navire et coulaient dans les flots
avec leurs nouveaux maîtres. Un pâtre de la Sierra
Morena, Viriathe, fut neuf ans invincible ; un ins-
tant, il y eut une paix a conclue entre le peuple
romain et Viriathe » ; et le berger battit les légions
jusqu'au jour où on l'assassina (140;. En 134, il
fallut Scipion Emilien, 60 000 légionnaires et la
famine pour réduire à se tuer 4000 Xumantins
emprisonnés dans leur ville. SousSertorius (82-72,,
ils battirent Métellus et Pompée; à Munda (45) ils
affrontèrent César et tinrent une journée sa for-
tune en balance; sous Auguste, ils remuaient
encore dans les gorges des monts Cantabres et dos
Asturies.
Mais, comme le reste du monde, comme Rome
elle-même, ils allaient entrer dans la grande paix
de l'empire. Leurs trois provinces, Lusitanie au
sud-ouest, Béti(iue au midi, Tarraconaise au nrird,
se peuplaient de villes aux noms romains, Mérida,
Cordoue, Séville, Lugo, Saragosse, à côté des an-
ESPAGNE
— 702 —
ESPAGNE
ciennes, Gadès, Carthagène, Sagonte el Rosas. Les
temples, les cirques, les bains, les af|ueducs, les
ponts se multipliaient dans les villes. Depuis 1750
ans, la tour bâtie sur le pont d'Alcantara domine
le Tage de 64 mètres, la hauteur de Notre-Dame.
Livrée au commerce, à l'agriculture, à l'industrie,
la Péninsule était pacifiée; le long des routes ro-
maines, h la suite de ses préteurs, de ses armées,
de SCS publicains, de ses commerçants se répan-
daient partout les idées et la langue du vainqueur.
Fondue dans l'empire romain, l'Espagne lui donna
ses gloires : Pomponius Mêla le géographe, l'agro-
nome Columelle, le rhéteur Quintilien ; Florus
écrivait une histoire romaine ; Martial aiguisait
1500 cpigrammes ; surtout, Sénèque et son neveu
Lucain mirent en latin la raideur sioïcienne et
l'emphase espagnole. Moins d'un siècle après Au-
guste, la province donnait des maîtres à Rome
môme; Trajan (98 après Jésus-Christ) commençait
la dynastie des empereurs espasinols, Adrien, Marc-
Aurèle, dont la vertu réalisa l'idéal antique, enfin
Thcodose qui le dernier tint sous ses lois l'Orient et
l'Occident, de l'Euiihrate à l'Atlantique.
MoYE.N AGE. — '2^ période d'viuasion. — Mais
Théodoso emportait l'empire romain dans sa tombe
En 409 le Ilot dévastateur aes Alains, Vandales et
Suèves roulait des Pyrénées au détroit de Gadès.
Après vingt ans les Vandales partirent pour l'Afrique,
ne laissant d'eux en Espagne que des ruines et le
nom d'Andalousie. Les Suèves étaient refoulés en
Galice et les Alains en Lusitanie par de nouveaux
venus, les Visigoths, établis sur les deu.x flancs
des Pyrénées comme soldats de l'empire. Sans
cesse ébranlée par les discordes des rois et de
l'aristocratie, par la haine des indigènes catho-
liques contre leurs maîtres ariens, rapidement
afl"aiblie par ramollissement des Barbares sous le
soleil du Midi, la nouvelle domination ne fut jamais
bien assise et il suffit d'une journée — celle de
Xérès (7 11) — pour la balayer de la Péninsule devant
les escadrons des Arabes. Arrêtés à Tours en
732, ceux-ci se replièrent derrière le miir glacé des
Pyrénées, et en 752 fut fondé le Khalifat de Cor-
doue. «Ils y introduisirent leur civilisation, qui fut,
comme leur croyance, le résultat d'un emprunt.
Mis en rapport par le commerce avec les juifs de
la Palestine et les chrétiens de la Syrie, ils avaient
enfanté l'Islamisme ; mis en communication par
la conquête avec les Grecs, les Hindous, les Clii-
nois, ils créèrent cette civilisation mélangée, sans
originalité et sans profondeur, mais non sans éclat
ni sans utilité, qui rattacha les unes aux autres les
découvertes de trois civilisations isolées, et rétablit
le mouvement suspendu de l'esprit dans le moyen
âge. » C'est par eux que l'Occident reçut les pre-
miers manuscrits d'Aristote. C'est dans leur voi-
sinage et par leur influence que se réveilla l'esprit
scientifique. Astronomie, géométrie, algèbre, phy-
sique, médecine, géographie étaient alors ensei-
gnées dans de nombreuses écoles espagnoles.
L'agriculture fut cultivée comme une science, et
la fécondité du sol multipliée par des irrigations
merveilleuses ; la vigne, l'olivier, la canne h sucre,
le cotonnier couvraient les provinces méridionales ;
les 100 000 palmiers d'Elche près d'Alicante ont
été plantés par Abd-er-Rhaman. Séville comptait
600UO métiers à tisser la soie au xii^ siècle ; il n'y
en a pas aujourd'hui 20 000 dans toute l'Espagne.
Et la Péninsule reçut encore des mains des Arabes
la poudre à canon, le papier de chiffon, l'art des
préparations chimiques, de la distillation, l'usage
des chifi'res dont nous nous servons aujourd'hui,
les orgues, les horloges à sonnerie, les almanachs,
la boussole, le pendule. De tout cela, nous ne
voyons plus que quelques monuments: la Giralda
de Séville, qui fut un observatoire astronomique et
qui est devenue un clocher catholique, la mosquée
de Cordouc qu'éclairaient 4600 lampes et dont plus
de mille colonnes en marbre soutenaient les 3i
nefs ; surtout l'Alhambra de Grenade avec ses
dentelles de pierre, ses frais jardins, ses claires
fontaines. « Mais ce qui s'arrête recule. Le Khalifat
de Cordouc s était détaché de celui de Bagdad ; les
diverses parties de lEspagne se détachèrent du
Khalifat de Cordoue. Lorsque le lien de la conquête
se brisa, la puissance des lieux reparut, et la na-
ture divisa ce que la force avait un moment ré-
uni. » (Mi'j;net.)Aprèslachute du Khalifat (1044), les
émirs érigèrent leurs provinces en royaumes ; et
l'anarchie livra les débris de l'empire arabe aux
attaques des chrétiens.
Formation territoriale. — Cependant chaque
pas de la décadence arabe avait marqué un progrès
des chrétiens. Dès 711, l'Espagne était devenue
le champ clos des deux religions. Quelques fugitifs
de Xérès, sous le comte Pelage, s'étaient main-
tenus libres dans les gorges des Asturies. Leurs
fils descendaient peu à peu des montagnes ; en
7G0 ils fondaient Oviédo, en 914 Léon, et leur fron-
tière se hérissait de châteaux forts, dont le pays
reçut bientôt le nom de Castille. En même temps
la Marche d'Espagne, fondée par Charlemagne,
devenait le royaume de Navarre ^857), dont le roi,
Sanche le Grand, uni à celui de Léon, frappait sur
le Khalifat de Cordoue l'irréparable désastre de
Kalat-Anosor (1002). Les chrétiens, disent les chro-
niques, se battirent comme des loups affamés. Des
trois fils de Sanche le Grand, l'aîné, Garcias, agran-
dissait la Navarre, le deuxième, Ferdinand, unissait
les royaumes de Léon et de Castille (1037), le troi-
sième, Ramire, prenait l'Aragon sur les Maures
(1035-1063).
Vainqueurs à Tolède, mais vaincus à Zalacca (1086)
par les Maures Almoravides, puis à Uclès (1108), les
Croisés espagnols n'en conquéraient pas moins deux
royaumes nouveaux, en Portugal sous Henri de
Bourgogne (1139), à Valence sous le Cid, qui fut
le Roland de la Péninsule et que chanta le roman-
cero. Désormais les clirétiens, solidement adossés
aux Pyrénées, soutinrent contre les Musulmans
une croisade régulière, grâce aux ordres militaires
deCalatrava(1158), de Saint-Jacques (J 161), d'Alcan-
tara (1176). En 1212, malgré les chaînes qui reliaient
entre eux les premiers rangs des Almohades, mal-
gré le Coran que tenait en main leur émir, les
Maures vinrent se briser sous les haches d'armes
des Espagnols aux Navas de Tolosa. Le destin de
la Péninsule était fixé ; tôt ou tard les Musulmans
en devaient sortir. Dépouillés de Cordoue, de
Séville, de Jaen, de Cadix par les Castillans, de
Valence par les Aragonais, des Algarves par le
Portugal, ils ne possédaient plus en 1248 que Gre-
nade et son territoire.
Mais les barons espagnols, terribles aux Maures,
ne l'étaient pas moins à leurs maîtres. L'anarchie
déchirait les quatre royaumes chrétiens. Les Certes,
formées des députés du clergé, des villes et de la
noblesse, possédaient le pouvoir. En Aragon, le
Justiza, choisi par les barons, surveillait les actes
du roi ; et voici le serment que les sujets prêtaient
à leur prince : « Nous, qui, chacun en particulier,
sommes autant que vous, et qui, tous réunis,
sommes plus que vous, nous vous jurons obéissance
et fidélité, si vous observez nos lois ( t coutumes ;
sinon, non. » Et la liberté du langage ne surpassait
point celle des actes, et les discordes des princes
s'ajoutaient à la désobéissance des barons. Cepen-
dant à la fin du moyen âge (1453), la bannière ara-
gonaise flottait sur les Baléares, la Sardaigne,
Malte, et les Deux-Siciles enlevées aux Angevins
français.
Trois princes ont alors entrepris d'établir l'unité
sous le pouvoir absolu en France, en Angleterre, en
Espagne. Ferdinand d'Aragon fut le Louis XI espa-
gnol. L'unité politique et religieuse de la Pénin-
sule fut le but de ses talents et de sa perfidie.
ESPAGNE
— 703 —
ESPAGNE
Mari d'Isabelle de Castille, il consacre l'union des
deux grands royaumes espagnols par la victoire de
Tore remportée sur les nobles et les Portugais
(1476). En 1492, après onze ans de guerre, il entre h
Grenade ; Boabdil, ledernierdesroismaures,pleure
comme une femme le royaume qu'il n'a pas su dé-
lendre comme un Homme. En 1493, Ferdinand ob-
tient de Cliarles VIII le Roussillon ; en 1512 il con-
quiert la Navarre, dont Ximenès achève la soumis-
sion (1516-1518).
En même temps il transforme la milice des
villes (Sainte Hermandad), et la tourne contre la
noblesse. Il attribue à la couronne la grande maî-
trise des ordres militaires. Enfin il crée l'Inquisi-
tion, organisée par Torquemada. Dix-sept tribunaux
ecclésiastiques, dirigés par le grand-inquisiteur,
veillent sur la conscience religieuse des Espagnols,
ils chassent les Juifs (1492) et les Maures (1499).
Maître de l'Espagne, Ferdinand s'occupa d'éta-
blir sa prépondérance au dehors. En 15()0, il s'alliait
à Louis XII contre le prince aragonais deNaples,
et en 1501 Gonzalve de Cordoue lui assurait l'en-
tière possession de la conquête commune. En 1492
Isabelle avait donné trois navires à Christophe
Colomb ; et celui-ci en retour avait donné un monde
à l'Espagne.
Enfin un habile « système d'alliances politiques »
enfantait le monstre autrichien qui devait au xvi*
siècle écraser l'Europe de sa suprématie. L'Espa-
gnole Jeanne épousait Philippe le Beau d'Autriche
et donnait le jour à Charles-Quint.
Temps modernes. — Apogée de l'Espagne. —
« Charles-Quint (1516-1556) a été le souverain le
plus puissant et le plus grand du xvi« siècle. Issu
des quatre maisons d'Aragon, de Castille, d'Au-
triche et de Bourgogne, il en a représenté les qua-
lités variées et à plusieurs égards contraires,
comme il en a possédé les divers et vastes Etats. »
(Mignet.) « Il était à lui seul une coalition, » dans
laquelle l'Espagne se trouvait fondue et subor-
donnée. Entre ses mains, elle ne fut plus qu'un
instrument puissant pour obtenir la maîtrise du
monde ; elle dépensa sa force au service d'intérêts
qui n'étaient point les siens. Ses trésors et ses
soldats s'usaient à combattre la France, à contenir
les protestants d'Allemagne, à vaincre les Turcs,
à maintenir péniblement le faisceau d'une monar-
chie dans laquelle le soleil ne se couchait jamais.
Aussi, désintéressée des triomphes, qui lui étaient
inutiles, elle partagea la défaite dans la crise
suprême de 1555 qui mit à néant ^œu^Te de
Charles-Quint. En vain le peuple espagnol avait-il
voulu des garanties. Les comuneros vaincus à
Villalar (1521), Padilla fut décapité et avec lui l'es-
prit national. C'est pourtant en Estramadure que
nnt mourir le vieil empereur au bout de ses succès,
de ses forces et de sa vie. De ce règne, l'Espagne
gardait l'Amérique, conquise par Cortez etPizarre,
les Pays-Bas, la Franche-Comté, le Milanais, les
Deux-Siciles, l'alliance de l'Angleterre, dont la reine
Marie Tudor venait d épouser le fils de Charles-
Quint, l'amitié docile des Médicis à Florence, des
Doria à Gênes, l'épée de Philibert-Emmanuel, duc
de Savoie, enfin son nouveau maître, le taciturne et
hautain Philippe II.
C'était l'apogée de l'Espagne, féconde dans les
lettres et les arts comme dans la politique et la
guerre. Herrera « le divin » chantait ses odes su-
blimes; la Vega s'illustrait par ses sonnets avant
de mourir à trente-six ans ; Mendoza donnait son
histoire des guerres contre les Maures. Après eux,
Cervantes (154 7-1616) écrivait son immortel don
Quichote et ses drames moins célèbres; Guillen
de Castro mettait en scène le Cid Campéador qui
inspira notre Corneille ; Lope de Vega composait
ses 1 800 drames ; enfin Calderon méritait d'être
surnommé le Shakespeare espagnol. L'éclat de
la peinture fut postérieur à celui des lettres ;
Velasquez, Zurbaran , surtout Murilio vécurent
au XVII* siècle. Ainsi donc, par sa littérature
comme par ses armées, l'Espagne alors dominait
l'Europe.
« Quand l'Espagne remue, la terre tremble, »
disaient les contemporains. Du fond de l'Escurial,
palais et monastère tout ensemble, Philippe II
remuait le monde, avec l'Espagne pour levier.
Chef du catholicisme armé, confondant le triomphe
de la religion et celui de son ambition même, il
méditait l'asservissement de l'Europe dans l'unité
de son empire et de sa foi. Pour atteindre ce but,
il livrait à l'Inquisition le reste des Maures anda-
lous et il proscrivait avec eux l'agriculture et l'in-
dustrie espagnoles (1568). Don Juan, son frère,
auquel il « permettait la gloire à défaut de la puis-
sance », écrasait les Turcs à Lépante (1571). Lui-
même avait vaincu les Français à St-Quentin (1558),
et signé la paixdeCateau Cambrésis (1559). II allait
conquérir le Portugal (1580). Mais la réforme était
une enclume qui déjà avait usé bien des mar-
teaux. Après Marie Tudor, Elisabeth avait im-
planté le protestantisme en Angleterre et mis à
mort Marie Stuart( 1587). L'invincible Armada diri-
gée contre les Anglais était vaincue par les vents
(1588) ; les Provinces-Unies étaient victorieusement
révoltées sous le prince d'Orange ; enfin, en France,
après les espérances de la Ligue, le triomphe
d'Henri IV obligeait l'Espagne à la paix de Vervins
(1598). La même année mourut Philippe II. L'Es-
pagne s'était épuisée sans retour dans son effort
gigantesque; de fatigue, elle entrait dans sa déca-
dence.
Décadence. — Sous Philippe III (1598-1621),
le repos ne fut que langueur, et l'Andalousie s'ap-
pauvrit encore de 8(tO,000 Maures chassés en
1609. En 1618 commença la guerre de Trente
ans. L'orgueil de Philippe IV 0621-1665) et de
son ministre Olivarez coiitait à leur pays le Por-
tugal (1640), la Hollande (1648), Dunkerque et la
domination des mers dont héritait l'Angleterre,
l'Artois, le Roussillon, la prépondérance en Eu-
rope qui passait à la France (traité des Pyrénées,
1659). Charles II (1U65-1700), impuissant et débile,
était l'image de son empire, démembré par cha-
que guerre (Flandre, 1668, Franche-Comté, 1678)
et dont, sous ses yeux, ses héritiers se disputaient
les lambeaux.
Quand mourut ce pauvre prince, il n'y eut plus
de Pyrénées ; le Bourbon Philippe V allait régner
à Madrid, soutenu par l'amour des Espagnols. La
première fois que les Autrichiens entrèrent à
Madrid, les maisons étaient fermées en signe de
deuil, et l'on ne ramassa point l'or qu'avait jeté
l'archiduc Charles dans les rues. Chassé deux fois
de sa capitale, Philippe y rentra définitivement
après la victoire d'Almanza(1707), et celle de Villa-
Viciosa (1710), qui lui fit un lit de drapeaux autri-
chiens. Mais pour conquérir son roi, l'Espagne
avait perdu toutes ses possessions européennes et
Gibraltar par les traités de 171-3.
Le regret de cette déchéance et l'ambition de sa
reine Elisabeth Farnèse l'entraînaient aussitôt dans
l'intrigue d'Albéroni. Vaincu en 1720, Philippe V
obtint cependant pour ses fils les Deux-Siciles,
(1738), et Parme et Plaisance en 1748.
L'avènement de Ferdinand VI (1746-1759) donna
le pouvoir au ministre Ensenada. Celui-ci ranima
l'agriculture et l'industrie, mil de l'ordre dans les
finances, dans l'administration, et laissa à son suc-
cesseur une armée, 50 vaisseaux et 60 millions
d'économies. Sous Charles III, prince habile et
libéral (1759-17S8), Aranda et Campomanès, s'in-
spirant des idées françaises, essayèrent de renou-
veler l'Espagne. La réforme des couvents, l'expul-
sion des jésuites (1767), désarmèrent l'Inquisition
qui depuis cinq siècles avait expulsé 2 800 000 infi-
dèles et rendu 347 000 condamnations. Le pacte
ESPAGNE
— 704 —
ESPAGNE
de famille flTfill avait donné à l'Espagne la Loui-
siane, mais lui avait coûté la Floride !l'(j-i), que
lui rendit bientôt, avec Minorque. le traité do Ver-
sailles (l78:}i. Après eux, Florida Blanca (Il 74)
fonda un grand nombre de fabriques, favorisa l'a-
? riculture, perça des canaux et des routes, institua
la banque royale.
Mais Cliarles IV (1788-1808) abandonna bientôt
ces réformes pour lutter contre la révolution
française sur les conseils de son mini-tre Godoy.
Vaincu, il signa la paix de Bàle, qui livrait Saint-
Domingue à la France. Dès lors il fut le docile
instrument de Napoléon contre l'Angleterre et le
Portugal. La flotte espagnole périt avec la nôtre à
Trafalgar (1805), et jugeant la nation par son roi.
Napoléon résolut d'annexer la Péninsule à son
empire. En I.S07, Junot conquérait le Portugal ; en
18U8, Napoléon arrêtait à Bayonne Charles IV et
son fils révolté; Joseph, nommé roi d'Espagne, en-
trait victorieux h Madrid. Mais le peuple espagnol
était debout derrière ses montagnes, soutenu par
les Portugais de Wellington, et bientôt Dupont
capitulait à Baylen en 1808. En vain Napoléon lui-
même poussait victorieux jusqu'à Madrid fl809);
Masséna reculait devant les lignes de Torrès-
Vedras (1812), et Joseph perdait la Péninsule à Vit-
toria (1813). La chute de l'empereur délivra le fils
de Charles IV, Ferdinand VU ilsU).
PÉRIODE COXTEJIPORAINE. — 1814-1879. — « La
nation replace sur votre tête la couronne qui
en était tombée, et qu'elle a su reconquérir i
pour vous et sans vous. La patrie ne met à votre '
autorité d'autres limites que celles qui ont été
posées par la charte constitutionnelle. Le jour où
vous les franchiriez, le pacte solennel qu'elle forme
aujourd'hui avec vous serait rompu. » Ainsi parla
à Ferdinand le président des cortès, au nom de
la nation justement fière de ses efi'orts héroïques
pour repousser l'étranger. Ferdinand VII jura
d'observer la Constitution de 1812 ; mais quelques
semaines après, les Cortès étaient dissoutes, l'in-
quisition rétablie, les prisons pleines de patriotes,
et l'Espagne perdait ses colonies insurgées contre
ce régime vers 1820.
La même année Riego souleva l'armée à Cadix;
Ferdinand VII dut ouvrir les prisons et convoquer
les Cortès. Celles-ci, imitant notre grande assem-
blée constituante, déclarèrent les biens ecclésias-
tiques propriété nationale et abolirent les droits
féodaux. Aussitôt la noblesse et le clergé insurgés
appelèrent l'intervention étrangère ; et Louis XVIII
déclara la guerre au nom de la Sainte-Alliance
(1823). « En 1812, répondirent les Cortès, lorsque
l'Europe avait à repousser un conquérant redou-
table, les souverains approuvèrent notre consti-
tution. Ils pensaient alors que la meilleure garan-
tie de l'indépendance est la liberté. Aujourd'hui
tous se réunissent pour étouffer en Espagne la
liberté comme l'indépendance. Nous défendrons
l'une et l'autre. » Mais l'armée française entra à
Madrid, puis à Cadix après la prise du Trocadéro.
Riego fut pendu, avec un grand nombre de libé-
raux. 45,000 Français montèrent la garde autour
du trône de Ferdinand jusqu'en 1828. Ce prince
mourut en 18-33 après avoir aboli la loi salique in-
troduite par les Bourbons.
Deux candidats se disputaient le trône, don Carlos,
frère de Ferdinand, et Isabelle, tille du feu roi, sous
la régence de sa mère Christine. Carlos était sou-
tenu par les partisans de l'ancien régime, nom-
breux dans le nord. Clirisiine dut s'appuyer sur
les libéraux. Le ministre la Rosa rédi£;ea une
constitution (Statut royal de 1834) et signa" la qua-
druple alliance avec l'Angleterre, la France et le
Portugal. Après les discordes des christinos, la
guerre reprit avec énergie contre les carlistes,
et Espartero les contraignit à signer la capi-
tulation de Vergara (1838), qui terminait la lutte
Mais Espartero renversa la régente Christine,.
(1840 , et fut àson tour remplacé par Narvaéz(1843..
La reine Isabelle, devenue majeure, avait rappelé
sa mère ; suivant l'influence française, elle épousa
son cousin François d'Assise et donna sa sœur au
duc de Montpensier, fils de Louis-Philippe (184G .
Jusqu'en septembre 1868, elle a gouverné au
milieu des intrigues. Chassée alors par une inî,ur-
rection militaire victorieuse à Alcolea , elle fit
place à un gouvernement provisoire, dirigé par le
maréchal Prim. La constitution rédigée, Prim
offrit la couronne d'Espagne à un prince de la
famille de Hohen.zollern, et mit ainsi aux prises la
France et l' Allemagne (juillet 1870). En décembre,
Amédée I, fils du roi d'Italie Victor-Emmanuel,
accepta la couronne. Mais après le meurtre du
maréchal Prim et le commencement de l'insurrec-
tion carliste (1872), le nouveau roi abdiqua (février
l''i73), et la république fut proclamée. A la guerre
carliste se joignit bientôt l'insurrection des fédé-
ralistes, concentrés dans Canhagène. Le 3 janvier
1874, le général Pavia dispersa les Cortès et donna
le pouvoir au maréchal Serrano qui reprit Car-
thagène (1874). Mais au mois de décembre, le pro»
I nunciamiento militaire de Sagonte, œuvre du
général Martinez Campos, donna le trône au
fils d'Isabelle, Alphonse XII, et la monarchie
constitutionnelle fut rétablie, avec M. Canovas
del Castillo à la tète du ministère.
[Paul Schâfer.]
Littérature. — Avant de présenter le tableau
de la littérature espagnole, il ne nous paraît pas
hors de propos de jeter un coup d'œil rapide sur
la formation d'une langue que nos voisins d'au-
delà des Pyrénées ont écrite et écrivent encore
avec tant d'élégance, et qu'ils ont portée et répan-
due dans le Nouveau-Monde. Si l'on trouve quel-
ques restes de phénicien, de grec et de carthagi-
nois dans les dialectes de la péninsule ibérique,
on peut néanmoins affirmer, sans crainte d'être
contredit, que la langue latine importée par la
domination romaine y a laissé les traces les plus
durables et a fini, à travers les siècles et par des
transformations successives, par devenir la langue
nationale de l'Espagne. Nous n'avons pas à nous
étendre ici sur les modifications plus ou moins pro-
fondes que les envahisseurs goths et arabes firent su-
bir à la pureté du latin ; ni à montrer comment
du mélange des divers idiomes des populations in-
digènes est sorti le roman vulgaire et le castil-
lan moderne ; qu'il nous suffise d'observer que ce
castillan s'est formé surtout du latin dont il a con-
servé, aver la gravité, une sununie (Je pronoiicia
tion qui n'appartient à aucune des langues néo-
latines.
" Un fait qui ne doit pas être passé sous silence
au début de cet exposé, c'est l'existence et le dé-
veloppement de deux littératures, l'une continua-
tion de l'antiquité savante et classique, l'autre vul
gaire et spontanée, ne devant rien qu'à elle-même.
Celle-là cultivée par les moines, les ecclésiasti-
ques et le petit nombre de séculiers adonnés aux
lettres ; celle-ci appartenant exclusivement au peu-
ple. L'une ne représentant rien du présent et se con-
sumant en vains efforts, l'autre expression des
sentiments populaires, se montrant pleine de vie
et d'espérance. La première finit bien par adop-
ter l'idiome national, mais de mauvaise grâce ; elle
resta le reflet d'une civilisation éteinte, pendant
que la seconde se consacrait au développementd'une
civilisation nouvelle, à l'expression des grands
sentiments du peuple espagnol, la religion, l'hon-
neur et la galanterie, les trois grandes sources de
la littérature au moyen âge ; aussi finit- elle par
faire oublier son adversaire et rester la littérature
vraiment nationale, parce qu'elle était l'expression
des idées, des doctrines, des désirs et des intérêts-
de tous.
ESPAGNE
705 —
ESPAGNE
Le plus ancien monument de la langue espagnole
écrite, moitié latin, moitié espagnol informe, c'est
la confirmation de la Carta-puebla d'Avila (chaite
de répartition des terres, des impôts, des privilèges)
dans les Asturies en 1155. La poésie fait aussi son
apparition vers cette même époque et trouve son
•expression dans le Poème du Cid, dont le principal
personnage est Ruiz Diaz, le Cid Campeador,
ce grand héros populaire de l'Espagne chevaleres-
que. L'auteur nous reproduit les mœurs et les
sentiments de l'époque avec toute la rudesse et la
■violence du caractère national, dans une langue
à moitié développée et se dégageant à peine des
liens du latin, mais avec une liberté et une har-
diesse d'esprit qui s'harmonise bien avec le sujet
principal du poème, la lutte contre les Maures.
Après le Poème du Cid viennent des compositions
anonymes, parce qu'on ne connaît ni les auteurs,
ni le lieu de leur composition : telles sont le L>v7'e
d'Apollonius, la Vie de Notre-Dame, la Vie de sainte
Marie d'Egypte, V Adoî-atinn des trois saints rois ;
puis les treize mille vers de Gonzalo de Berceo, sur
des sujets religieux : la Vie de saint Dominique
de Silos, les Miracles de la Vierge, les Douleu's
de la Vierge, etc., récits appartenant aux idées reli-
gieuses du moyen âge et dont le but était d'exciter
les sentiments de dévotion.
Un des écrivains qui ont le plus contribué aux pro-
grès et au développement de la prose castillane,
•c'est le roi Alphonse le Sage ou le Savant, non seule-
ment par les nombreux ouvrages qu'il composa,
tels que la Chronique générale d'Espagne, une Hi^-
toire universelle, le Livre du Trésor, les Tables
Alphonsines, ï Histoire d'outre-mer, le Spectihon
ou Miroir île tous les droits, le Septénaire ou les
Sept Parties, etc., mais surtout par la Ver.-ioi> de
la Bible en langue castillane dont il fit une langue
nationale en prescrivant son usage dans toutes
les procédures légales. Il avait cependant composé
ses Cantiques en dialecte galicien, et dans ses vers
se retrouvent les traces de la poésie provençale
■dont il aimait d'avoir les représentants à sa cour.
Un autre poète, Juan-Laurent Segura, nous a laissé
dix mille vers sur la Vie d'Alexandre le Grand, his-
toire généralement racontée avec la pesanteur
d'une chronique, mais respirant parfois un souffle
poétique. Des ouvrages d'un neveu d'Alphonse le
Sage, l'un des plus turbulents Espagnols de son
temps, D. Juan Manuel, il ne nous reste que
le Comte de Lucanor, collection de quarante-neuf
apologues, contes et anecdotes. Un contemporain
de D. Juan Manuel, Juan Ruiz, vulgairement ap-
pelé l'archiprêtre de Hita, composa sept mille vers
environ avec une variété de mesure, de ton et
d'énergie jusqu'alors inconnus à la poésie castil-
lane. Ses Cantigas de Serrana sont des chansons
pastorales très animées, à la manière des Pa):to-
j^etas ou Pastorelles des troubadours provençaux.
La couleur de ces poésies est excessivement va-
riée ; l'esprit satirique l'emporte, mais non sans
un mélange de bonne humeur au milieu des contes
et des apologues, exprimés avec un naturel et une
vivacité charmante. Vers i:J50, nous trouvons le
curieux poème intitulé Libro de rabbi don Santob,
qui engage plus dune fois Pierre le Cruel à ne
pas mépriser des conseils, parce qu'ils lui vien-
nent d'un juif. Dans le même manuscrit se lisait
la Doctrine chrétienne, la Vision d'un ermite, la
Danse de la Mort, peinture espagnole saisissante et
pittoresque, et un poème sur Josrph en langue
espagnole et en caractères arabes. Le dernier
de CCS spécimens primitifs de la poésie castil-
lane, c'est le Rimado de Palacio , ayant pour
sujet les devoirs des rois et des nobles dans le
fouvernement de l'Etat, esquisse des mœurs et
es vices du temps, par Pedro Lopez de Ayala, mort
en 1407.
Si l'on veut bien comprendre l'originalité et le
2« Partie.
véritable caractère de la littérature populaire cas-
tillane, au moment où elle prend son essor et se
dégage de l'école provençale, italienne et de cour,
pendant la seconde moitié du quatorzième siècle,
tout le quinzième et tout le seizième, il faut se
reporter aux Romanceros et aux Cancioneros, aux
Chroniques, aux Livres de chevalerie et au théâ-
tre. Il faut, dans les premiers recueils, étudier les
Romances, subdivisées en chevaleresques, histori-
ques, mauresques et relatives à la vie privée et
aux mœurs des Espagnols eux-mêmes, contenues
dans les collections publiées en 1550, 1593, 1597,
1608, dans les Cancioneros de Baena, de Stuniga
de Martinez de Burgos, dans le Cancioneio gêne-
rai de Castilloy publié en 1511. Il faut saisir les
sujets de ces diverses romances dans les chroni-
ques générales, les chroniques royales qui com-
mencent par Alphonse X et se perpétuent jusqu'à
Ferdinand et Isabelle ; voir dans les chroniques
de faits particuliers, El poso hoyiroso, El Segwo
de Tordesillas ; dans celles de personnages parti-
culiers, les chroniques de D. Pedro Niiïo, d'Al-
varo de Luna, de Gonzalve de Cordoue ; dans celles
de voyages, les chroniques de Ruy Gonzalez de
Glavijo, de Christophe Colomb, de Balboa ; enfin
ne pas négliger les chroniques fabuleuses qui
marquent la transition aux fictions romantiques
de chevalerie, fictions qui commençaient déjà à
inonder l'Espagne. En effet, de certaines chroni-
ques aux Livres de chevalerie, il n'y a qu'un pas.
Aussi dès que Montalvo eut traduit ï Amadis
de Gaule, le goût se développa avec une éton-
nante rapidité, en Espagne, pour toutes ces allé-
gories extravagantes, alambiquées, absurdes et
fastidieuses , dont le génie immortel de Cer-
vantes devait plus tard faire bonne et prompte
justice.
Quant au théâtre, ce n'est guère que vers le
milieu du xiii' siècle qu'il prit naissance en
Espagne, sous le patronage de l'Eglise, et par des
sujets religieux. Mais pour apprécier sa valeur,
dans ces temps, il ne nous reste aucun fragment
de ces mystères mimés ou dialogues, et il nous faut
arriver à la seconde partie du xv^ siècle sans rien
trouver qui porte le caractère d'une composition
dramatique profane. Des essais s'aperçoivent dans
les copias de Mingo Revulgo, dans le dialogue de
Cota entre l'Amour et un Vieillard : ce n'est toute-
fois que dans la Célestine qu'on peut voir le point
de départ du théâtre espagnol. Cette œuvre, roman
dramatique plutôt que drame, est une composition
pleine de vie et de mouvement, en vingt et un actes,
où les caractères des personnages sont développés
avec énergie et vérité, en style vif et brillant et
avec toutes les ressources qui constituent le vrai
et le pur castillan. Elle a exercé une véritable
influence sur la fondation du drame national.
Après la Célestine viennent les Représentations
de Juan de l'Encina : ce sont des églogues qui
devaient être représentées devant des protecteurs
et des amis de la Cour, et qui l'ont été réellement ;
puis quarante-deux petits drames du I ortugais Gil
Vicente, et les comédies de Torres Naharro qui,
le premier, appelle les a.zic& j or nadas^ donne
à la pièce six personnages au moins, douze au
plus ; la fait précéder d'un iiitroït ou prologue ;
introduit le rôle du gracioso, observe l'unité d'ac-
tion, et fait reposer l'ensemble sur les mœurs
nationales. Après lui vient Lope de Rueda, auteur
et acteur, donnant, avec ses troupes ambulantes,
des représentations à Séville, à Valence, à. Ségoyie,
et méritant, malgré sa profession de comédien,
d'être enterré dans la grande cathédrale de Cor
doue. Juan de Timoneda recueille les comédies,
les coloquios pastoriles, les pasos que Lope jouait
non pas dans les églises, ni dans les palais des
grands, mais sur les places publiques, suivant le
goût et l'humeur de la multitude, et il fait faire
45
ESPAGNE
706 —
ESPAGNE
quelques pas de plus k l'art dramatique naissant,
comme le prouvent ses lieux aveugles; et par les
efforts de Viruès et de Leonardo de Argensola se
ferme la période primitive du théâtre espagnol, et
l'époque de Lope de Vega et de Caldéron est pré
parée.
Disciple de l'école italienne, Lope de Vega ne
doit sa réputation qu'au drame national, dont il
expose la théorie dans son Art nouveau de faire
des comédies. Il commence par des églogues repré-
sentées devant des grands, par des moralités jouées
dans les cathédrales, et il finit par ces drames
sans nombre, d'une facililé inconcevable, où il
flatte le goût du peuple et établit définitivement
le théâtre national. Que ce soient des comédies
de cape et d'épée, des pièces roulant sur des sujets
historiques fournis par l'histoire ancienne, par
l'histoire contemporaine, par l'histoire nationale
ou par l'histoire étrangère; que ce soient ces
drames si nombreux tires de la vie commune ; les
comédies de ruido et les comédies de apariencins ;
les succès de l'auteur et le goût populaire pour
les représentations profanes alarment l'Eglise
toute puissante qui fait fermer les théâtres. Lope
de Vega s'adonne alors aux comédies qu'il tire de
la vie des saints populaires, aux comédies de
Santos, aux Autos Sacramentales dont la loa,
Yentremes avec la Tarasca, les Giga?ito?ies et les
Carras font les délices de la population madrilè-
gne, les jours de la fête du corpus Christi. Lope
sacrifie tout au goût du public. Pour plaire aux
spectateurs, il foule tout aux pieds, histoire, géo-
graphie, convenances morales, régularité du
drame D'un autre côté il relève ses pièces par
l'intrigue comique, par ses graciosos, ses picaros
qui n'en sont qu'une variété dramatique, par son
style, par le charme de ses vers où il mêle habi-
lement les vieilles romances qui flattent tant l'or-
gueil national.
A côté de ce monarque absolu de la scène appa-
raissent les poètes des écoles de Séville et de
Valence, et les disciples de Lope de Vega qui, pour
se faire une réputation, accourent tous à Madrid,
devenue la capitale de la monarchie espagnole. Au
milieu d'eux nous distinguons Guillen de Castro,
qui inspire le Cid à Corneille; Montalvan, à qui
Rajnouard doit les Templiers; Tirso de Molina,
dont le Burlador de Sevi/la est le type primitif du
Don Juan joué sur toutes les scènes d'Europe et
parmi nous entre autres dans le Festin de Piei^e
de Molière ; Alarcon, dont la Verdad sospechosa
sert de modèle au Meiitcur; et tous ceux qui,
appartenant au clergé ou à la noblesse, et ne
voulant pas être connus, composent pour la scène,
sous la dénomination discrète de higenios de esta
corte .
Le rival le plus éminent de Lope de Vega n'est
pas Cervantes, qui appelait ce roi du théâtre un
monsiruo de la natiiraieza, mais bien sans contre-
dit D. Pedro Caldéron de la Barca. Ce poète, dis-
tingué dans les concours poétiques dès l'âge de
vingt ans, se vit attaché à la cour sous le règne
do Philippe IV, avec l'obligation de fournir des dra-
mes aux théâtres royaux. Durant une existence
de quatre-vingts ans, il écrivit un grand nombre de
pièces pour Tolède, pour Séville, pour Madrid, loas,
entremeses, autos, toutes allégoriques, tirées tantôt
des Ecritures saintes, tantôt mêlées h. l'histoire
nationale ; des comédies de Saiitos, des comédies
dévotes, des comédies de cape et d'épée. Si, dans
les drames de Lope, on peut voir paraître Adam et
Eve vé/us à la française et les Espagnols débarquer
sur les côtes de Hongrie, on peut dire que l'his-
toire et la géographie sont également absentes dans
les pièces de Caldéron. Coriolan est un général de
Poniulus, le Danube coule entre la Suède et la
Russie, Jérusalem est située sur les bords de la
mer. Malgré ces erreurs, Caldéron charmait son
public. Ses drames sont remplis d'aventures ex-
traordinaires, de retours de fortune inattendus, de
déguisements, de duels, de méprises de tout genre.
Pour augmenter la vivacité de l'action et l'intérêt
des personnages, il met en jeu des ressorts incon-
nus jusqu'à lui. Il représente surtout les Espagnols
de son temps, avec des allusions flatteuses pour les
personnes et en rappelant des événements agréa-
bles pour les auditeurs tant de la cour que de la
ville. Plus que tout autre, dans une versification
riche et harmonieuse, il provoque la curiosité et
attire l'attention par la peinture extravagante de
l'amour, de la jalousie, du point d'honneur, des
droits domestiques portés au suprême degré de
l'exagération
Pendant que le théâtre s'élève à une hauteur qui
a pu être égalée depuis, mais qui n'a pas été dé-
passée, tous les autres genres littéraires se déve-
loppent à leur tour soit en poésie, soit en prose.
L'épopée produit \'Arauca?ia d'Ercilla , que Vol-
taire a fait connaître à la France; les Larmes d'An-
gélique, dont Cervantes aurait pleuré la perte, et
ces immenses compositions épiques sur les exploits
de Charles-Quint, de D. Juan d'Autriche, de Fer-
nand Certes, qui arrivent jusqu'à OOOoO vers. A
côté de l'épopée nationale,, nous trouvons les tra-
ductions de Vlliade de ÏÉnéide, de Dante et du
Tasse, et les épopées burlesques de VAsneida, de la
Mosquea et de VEjitien^o de la gâta de Juan
Chrespo , « l'enterrement de la chatte de Juan
Chrespo. »
La poésie lyrique s'étudie surtout dans les re-
cueils si connus des Romanceros, dans les accents
des troubadours provençaux, soit à la cour d'Ara-
gon, soit à la cour de Castillc et aux Jeux Floraux
de Barcelone ; dans les vers des frères Manrique et
des Urreas ; dans les sonnets, les copias, les can-
zones de toute une pléiade de poètes que l'influence
de l'Italie partage en deux écoles: l'une qui préfère,
comme fray Luis de Léon et Fernando de Herrera,
l'ancien mètre castillan, pour reproduire des senti-
ments populaires vraiment espagnols, et où se trou-
vent les défenseurs de l'espiii national Cristobal
de Castillejos, Villegas ; l'autre, qui est conduite
par Boscan et Garcilaso de la Vega, ces pétrar-
quistes qui introduisent dans leurs compositions
les mesures et les formes préférées des Italiens •
Les Lamentaciones de Silvestre, les Silves de Rioja,
les Endecltas de Quevedo, et les élégies de Villegas
nous font connaître les transformations du genre
élégiaque, pendant que les vers de Saa de Miranda
nous déroulent les occupations de la vie champêtre
et que les églogues de Lope de Vega nous initient
à la vie pastorale de la Péninsule ; pendant que les
preguntas y respuestus ingénieuses ou puériles,
savantes ou absurdes nous donnent, avec quelques
traités, le vrai caractère de la poésie didactique
à cette époque, depuis les six cents proverbes du
Marquis de Santillane jusqu'aux vingt-quatre mille
refrains de Juan Yriarte.
Jusqu'au règne de Juan II, le dialecte castillan
s'était contenté d'étendre sa domination sur tou-
tes les autres provinces de l'Espagne, et de se
substituer au galicien, au provençal, au catalan.
On n'avait jusque là rien fait, ou presque rien, pour
l'enrichir, l'élever et le purifier. Sous le règne de
Juan II, le style commence à être regardé comme
une chose importante ; le choix des mots, comme le
premier pas ver.o son amélioration. Il avait été
grave, digne et pittoresque, mais peu riche. Juan
de Mena prit hardiment les mots qui répondaient
à sa pensée partout où il les trouva, soit dans le
latin, soit dans d'autres langues, etle vocabulaire
castillan acquit par son travail plus d'étendue, plus
de vigueur, plus de noblesse et plus de variété.
Dès lors Palencia peut composer son dictionnaire,
Antonio de Lebrija sa grammaire, un inconnu, son
Dialogue des langues, pour nous faire coimaître
ESPAGNE
— 707 —
ESPAGNE
l'origine et le caractère de l'idiome castillan et le
sens des mots fixés par l'usage de Tolède. Avec cet
instrument ainsi perfectionné, Francisco de la Torre
peut nous donner sa Vision deleitable; Hurtado de
Mendoza, %on Laznrillo de Tor'xes, roman satirique
du genre picaresque qu'ont suivi le Guzman d'Ai-
farache, le Grand Tacano, le OU Blas. La prose
pastorale peut, par la Galatée de Cervantes eXÏAr-
cadie de Lope, nous tracer les ravissants tableaux
de la vie champêtre, nous initier aux récréations
que prenaient les esprits à la cour de Philippe II
et de Philippe III, et permettre à Gongora de faire
école, avec les Cultoristos, ou amis d'un style
ridiculement cultive, et les Cojiceptistos, ou par-
tisans de toutes les extravagances dans la pensée
et l'expression ; le roman historique peut trouver
son véritable caractère dans les Guerres civiles de
Grfïi'ide, par Ginez Perez de Hita. Alors peuvent
paraître les livres de chevalerie, dont les récits sin-
guliers charmaient tant les esprits, et dont un des
derniers est le Diablo çojuelo, « le Diable boiteux » ;
alors le genre épistolaire, si varié dans les lettres d'un
auteur vrai ou supposé, Fernand Gomez de Cibda-
real, de Fernando del Pulgar,de Christophe Colomb,
prend un autre caractère dans la correspondance
do sainte Thérèse, d'Antonio Perez, ce ministre de
Philippe II qui a, un des premiers, introduit en
France le goût de la langue espagnole. La compo-
sition historique peut aussi révéler les qualités qui
distinguent les Annales de Zurita, la Guerre de
Grenad'i de Mendoza, les historiens des Indes et
la Conquête du Mexique d'Antonio de Solis. La
prose didactique peut nous donner le Helox de
prijicipes, « l'Horloge des princes, » d'Antonio do
Guevara, dont l'objet est de placer sous les yeux de
Charles-Quint le modèle d'un prince plus parfait
qu'aucun autre de l'antiquité par sa sagesse et sa
vertu ; le Guide des Pêcheurs, de Luis de Grenade,
livre traduit dans toutes les langues ; les œuvres
des mystiques et les traités politiques à l'usage des
seigneurs et des princes.
Enfin c'est dans ce castillan que Cervantes nous
fait lire son Persiles et Sigismonde, ses Nove/as
ejemplares, ces contes qui respirent une fraîclieur
puisée au sol vigoureux du caractère national,
pages écrites avec une richesse de langue, une vi-
gueur et une grâce telles qu'ils sont restés sans
rivaux pour le succès. C'est dans ce castillan qu'il
a écrit son inimitable Don Quichotte, livre sans
rival pour le fond et pour la forme, que le monde
entier lit et relit dans ses innombrables traductions,
sans pouvoir décider ce qu'il y a de plus admira-
ble, ou de l'intelligence raffinée de Don Quichotte,
ou du bon sens populaire de Sancho Panza.
Un changement politique porte en 170ô un prince
français. Philippe, duc d'Anjou, sur le trône d'Espa-
gne. Philippe V aimait les lettres, il connaissait
toute l'influence qu'elles peuvent exercer sur la régé-
nération d'un peuple. Un de ses premiers soins
fut de fonder des sociétés savantes, l'Académie
royale espagnole, l'Académie d'histoire, et il favorisa
le développement des institutions analogues. Alors
il s'opéra, en Espagne, un travail d'émancipation
intellectuelle par l'influence française. D. Ignacio
Luzan fonda un système poétique sur les doctrines
critiques d'après Boileau et Lebossu. D. Benito
Feijoo publia son Théâtre critique et ses Lettres
érudites. Ferdinand VI fit des efforts pour combat-
tre l'esprit d'incrédulité, d'intolérance et de su-
perstition ; il favorisa les académies du Bon" Goût
et les réunions littéraires. Le règne de Charles III
donna des résultats sensibles par l'amélioration
des plans d'étude, la réorganisation de l'éducation
populaire, l'élévation de l'instruction publique et
l'introduction de nouvelles méthodes d'enseigne-
ment. L'expulsion des Jésuites laissa plus de li-
berté à l'esprit, comme le prouvent la Juvenlud
riu7ifan te du P. Isla, son Hisioire du fameux
prédicateur Fray Gé)~undio et son Gil Blas.
Sedano, Sanchez et Sarmiento font revivre les an-
ciens maîtres par leurs travaux de littérature et
de linguistique. Moratin le père adopte les opi-
nions de Luzan et réforme le goût de ses conci-
toyens. Dans le salon de la Fonda de San Sébas-
tian on discute librement les productions littéraires
des autres nations et les moyens d'élever la culture
intellectuelle du peuple espagnol. Cadahalso pu-
blie sa charmante satire des Eruditos d la Violeta,
Yriarte et Samaniego donnent leurs collections de
fables, pendant que d'autres écrivains se précipi-
tent vers l'école française du xviii* siècle. Mais
une réaction s'opère. Melendez fonde l'école de
Salamanque, suivie par Diego Gonzalez Forner,
Iglesias, Cienfuegos. L'invasion française arrive et
alors apparaissent les âmes fermes des Jovellanos
Muiioz, Leandro Moratin, Quintana, que les vi-
cissitudes de la politique et les faiblesses de Fer-
dinand VII envoient sur la terre d'exil.
Le règne d'Isabelle semble ouvrir une ère litté-
raire nouvelle, et des écrivains remarquables se pro-
duisent dans tous les genres. L'art dramatique est
surtout d'une fécondité remarquable, soit qu'il
mette en scène les imitations des pièces étrangères,
traduites et arregladas, c'est-à-dire accommodées au
goût d'une nation qui n'a ni les mœurs, ni les usages
des autres, soit qu'il représente aux yeux des contem-
porains les vices et les travers du temps dansdes œu-
vres des plus originales. C'est ainsi que Martinez de la
Rosanous AonnelSi Mère au bal et la fille à la maison,
Abeii Humeya qu'il fait représenter à la Porte-Saint-
Martin, qu'Eugenio Ochoa traduit Hernani, que
Ventura de la Vega donne El hombre de Mundo,
Hartzenbusch les Amants de Téruel, et Breton de
los Herreros ses cent cinquante comédies. Tous
les genres sont cultivés et ont leurs représentants,
Campoamor avec son poème de Colo7i et ses Dolora<,
Zorilla avec ses Orientales et son poème de Gra-
nada, le marquis de Pezuela avec sa traduction du
Tasse, Espronceda avec \e Diablo Mundo, le duc
de Rivas avec le Moro exposifo, Quintana avec
ses odes et ses Vies des Espagnols célèbres, le
marquis de Molins avec ses poésies lyriques, An-
tonio Arnao avec ses hymnes et ses meloncolias ;
V. Ruiz Aquileraavec ses satires. Balmès, Donoso Cer-
tes, le comte deToreno, le marquis de Pidal repré-
sentent la prose historique et philosophique ; Ama-
dor de los Rios, Eugénie Ochoa, l'histoire littéraire ;
Fernandez y Gonzalez, surnommé l'Alexandre
Dumas de l'Espagne, i écilia Bohl, sous le pseudo-
nyme de Fernand Caballero, Antonio de Trueba
avec ses Cuentos color de rosa , Cuentos campesinos,
le roman historique et le roman de mœurs con-
temporaines ; José de Larra. le spirituel Figaro,
par ses articles satiriques, Ramon Mesonero Roma-
nes par ses Escenas matritenses, la critique politi-
que et littéraire ; enfin les discours de réception
aux Académies, au lieu d'être de brillants tournois
de critique et d'éloges durécipendiaire, nous four-
nissent des pages des plus instructives sur la lan-
gue, la littérature, l'histoire nationale et l'écono-
mie politique.
Telle est l'esquisse de ce vaste tableau de la
littérature espagnole dont nous ne donnons que
les lignes principales. En indiquant les traits des
personnages qui ressortent dans les divers grou-
pes, nous avons cherché à faire saisir le caractère
de l'ensemble, composition qui ne peut être con-
nue et appréciée que par l'étude des livres spé-
ciaux s'occupant de l'histoire littéraire. C'est
par ces derniers qu'on peut connaître les dé-
tails et s'expliquer comment l'Espagne, en conser-
vant sa part d'originalité, a subi l'influence des
civilisations diverses avec lesquelles les événements
politiques la mettaient en contact, comment elle
a, à son tour, exercé la sienne sur les autres, pro-
duit les œuvres remarquables que l'Angleterre et
ESPECES
— 708 —
ETAIN
l'Allemagne rééditent de nos jours et qui sont
aussi, en France, l'objet des études les plus inté-
ressantes. [J. G. Magnabal.]
ESPÈCES. — Zoologie, III; Botanique, XIV. —
L'espèce est l'unité dans le classement en histoire
naturelle. Au-dessous il n'y a que des variétés ; au-
dessus, il y a des genres, des familles, des ordres. Le
genre est l'assemblage de plusieurs espèces présen-
tant quelques points de contact; la famille, l'assem-
blage de plusieurs genres, et ainsi de suite. Entre le
genre et l'espèce, on admet quelquefois des sous-
genres ; entre le genre et la famille, la tribu au be-
soin ; entre la famille et l'ordre, le sous-ordre, etc. Le
nombre de genres dans une famille ou d'espèces
dans un genre est indéterminé. Les naturalistes
ont donné de nombreuses définitions du mot es-
pèce. Cuvier dit : « L'espèce est la collection de
tous les êtres organisés, nés les uns des autres ou
de parents communs et de ceux qui leur ressem-
blent autant qu'ils se ressemblent entre eux. »
« L'espèce, dit Geoffroy Saint-Hilaire, est une col-
lection ou une suite d'individus caractérisés par
un ensemble de traits distinctifs dont la transmis-
sion est naturelle, régulière et indéfinie dans l'état
actuel des choses. » « L'espèce, suivant Lamarck,
est la collection des individus semblables que la
génération perpétue dans le même état, tant que
les circonstances de la situation ne changent pas
assez pour varier leurs habitudes, leurs caractères
et leurs formes. » « L'espèce, dit d'autre part
Agassiz, est le dernier terme de classification au-
quel s'arrêtent les naturalistes, et cette dernière
division est fondée sur les caractères les moins
importants, comme la taille, la couleur et les pro-
portions. »
On voit combien ces définitions, que nous pour-
rions multiplier, varient entre elles. C'est qu'en
effet la définition de l'espèce est la base même des
diverses théories monogéniste ou polygéniste sur
l'origine et l'évolution des êtres organisés ; tandis
que les uns considèrent 1 espèce comme une chose
formée, créée de toute pièce, immuable, les autres
la considèrent comme la résultante momentanée
d'une série de modifications, de transformations
toujours actives. C'est ainsi que la difficulté de dis-
tinguer entre les espèces et les variétés, la gradation
si parfaite des formes dans certains groupes, et
l'analogie des productions domestiques ont conduit
Lamarck et ses successeurs à leurs conclusions sur
les cliangemonts graduels des espèces. Nous avons
exposé ces théories dans nos articles Darwinisme
et Transformisme. Voyons quels sont les princi-
paux arguments mis en avant par les monogénistes
pour soutenir l'unité et l'immutabilité de l'espèce.
« Lorsque, dans une espèce, un trait individuel
s'exagère et franchit une limite d'ailleurs assez
mal déterminée, il constitue un caractère exception-
nel distinguant nettement de tous ses plus proches
voisins l'individu qui le présente. Cet individu
constitue une variété... Celle-ci peut donc être
définie : un individu ou un ensemble d'individus
appartenant à la même génération sexuelle qui se
distingue des autres représentants de la même
espèce par un ou plusieurs caractères exception-
nels... Lorsque les caractères propres à une variété
deviennent héréditaires, c'est-à-dire lorsqu'ils se
transmettent de génération en génération aux
descendants du premier individu modifié, il se
forme une race. Celle-ci sera donc l'ensemble des
individus semblables appartenant à une même es-
pèce, ayant reçu et transmettant par voie de géné-
ration sexuelle les caractères d'une variété primi-
tive. Ainsi ["espèce est le point de départ; an miliou
■des individus qui la composent apparaît la variété;
quand les caractères de cette variété deviennent
héréditaires, il se forme une race... Les unions
sexuelles chez les plantes comme. chez les animaux
peuvent avoir lieu entre individus de même espèce
et de même race, ou bien de même espèce, mais
de races différentes, ou bien enfin d'espèces diffé-
rentes. Dans les deux derniers cas, il y a ce qu'on
appelle un croisement. Ce croisement lui-même
prend des noms différents selon qu'il a lieu entre
races ou entre espèces différentes. Dans le premier
cas il constitue un métissage; dans le second cas
une hybridation. »
Dans les deux règnes, le métissage peut s'ac-
complir en dehors de toute intervention de
l'homme ou être dirigé par lui ; il est par consé-
quent naturel ou artificiel. Les résultats en sont
aussi certains que ceux de l'union entre individus de
même race; bien plus, dans certains cas, la fécon-
dité s'accroît ou reparaît sous l'iniluence de ce croi-
sement. Dans l'hybridation les résultats sont bien
différents. « L'homme, en détournant, en trompant
des instincts supérieurs, a pu multiplier les croise-
ments entre espèces. Mais il n'a pu reculer les limi-
tes fort étroites auxquelles s'arrête ce phénomène.
Pas une union féconde n'a eu lieu d'une famille aune
autre ; de genre à genre elles sont extrêmement
rares ; d'espèce h, espèce même elles sont loin
d'être nombreuses, fait d'autant plus remarquable
que l'hybridation animale date de loin. Le mulet
était connu des Hébreux antérieurement au temps
de David, et des Grecs à l'époque d'Homère ; les
titires et les musmo7is, produit du croisement du
bouc avec la brebis et du bélier avec la chèvre, ont
reçu leurs noms distinctifs des Romains.
« L'infécondité, ou si l'on veut la fécondité
restreinte et très rapidement bornée entre espèces,
l'impossibilité pour les forces naturelles livrées à
elles-mêmes de produire des séries d'êtres inter-
médiaires entre deux types spécifiques donnés,
est un de ces faits généraux que nous appelons une
loi. Ce fait a dans le monde organique une valeur
égale à celle que l'on attribue avec raison à l'at-
traction dans le monde sidéral. C'est grâce à cette
dernière que les corps célestes gardent leurs dis-
tances respectives et suivent leurs orbites dant;
l'ordre admirable qu'a révélé l'astronomie.
« La loi d'infécondité des espèces produitle même
résultat et maintient entre les espèces, entre les
groupes divers, chez les animaux et les plantes,
tous ces rapports qui, aux âges paléontoiogiqucs
aussi bien qu'à, notre époque, font un si merveil-
leux ensemble de l'empire organique. Supprimez
par la pensée dans le ciel les lois qui régissent
l'attraction et voyez aussitôt quel chaos ' Supprimez
sur la terre les lois du croisement et voyez quelle
confusion! Je ne sais guère où elle s'arrêterait.
Après quelques générations, les groupes que nous
appelons genres, familles, ordres et classes auraient
à coup hûr disparu ; les embranchements ne sau-
raient tarder à être atteints. Il ne faudrait certai-
nement pas un grand nombre de siècles pour que
le règne animal, le règne végétal présentassent le
plus complet désordre. Or l'ordre existe dans l'un
et dans l'autre depuis l'époque où les premiers
êtres organisés sont venus peupler les solitudes de
notre globe ; il n'a pu s'établir et durer que grâce
à l'impossibilité où sont les espèjes de se fusionner
les unes dans les autres par des croisements indif-
féremment et indéfiniment féconds. » (A. de Qu
trefages, l'Espèce humaine.)
Si l'on compare cet éloquent plaidoyer à celui
dont Darwin a accompagné l'exposé de ses théo-
ries, on verra que les deux partis défendent leur
cause avec la même hauteur d'idées et une égale
appareijce de vérité. [Louis Rousselet.l
ESTOMAC. — V. Digestion.
ÉTAIiN. — Chimie, \IX. — (Etym : du latin
stannum ; en grec, l'étain s'appelle kassitéros).
Formule chimique : Sn ; équivalent rapporté à
l'hydrogène = 59. (V. Nomenclature.)
Ce métal était connu dès la plus haute antiquité.
On ne l'a jusqu'ici trouvé à l'état natif que dans
ETAIN
— 709 —
ÉTAT CIVIL
la Bolivie et la Guyane française ; le plus souvent,
on le rencontre à l'état de bioxyde (cassitérite).
Dans ce cas, il est généralement accompagné
d'autres métaux tels que l'antimoine, l'arsenic, le
zinc, le cuivre, etc. — L'Espagne, la Bolicme, la
Saxe et le Chili en fournissent des quantités très
considérables. Les anciens le liraient de la pres-
qu'île de Cornouailles, où se trouvent encore les
mines d'étain les plus riches de l'Europe; de là le
nom d'iles Cassitérides donné aux Iles Britanniques
par les Grecs.
La couleur de l'étain rappelle beaucoup celle de
l'argent, dont il a presque l'éclat; impur, il prend
une teinte bleuâtre ou grise. Fondu, on peut le
faire cristalliser par un refroidissement lent. Il est
très malléable, et sa réducùon en feuilles d'une
extrême minceur ne lui ôte rien de cette propriété.
qu'il partage avec le plomb. Ainsi travaillé, il prend
le nom de tain, et est employé dans l'industrie
pour étamer les glaces; un peu plus épais, il sert
à envelopper les tablettes de chocolat. Lorsqu'on
tient entre les doigts une lam-e d'étain et qu'on la
frotte pendant quelques instants, elle répand une
odeur désagréable caractéristique ; si on la plie
assez fortement, elle fait entendre un bruit parti-
culier que l'on désigne sous le nom de an de
l'étain. Il fond à 228o.
A la température ordinaire^ ce métal ne s'altère
pas au contact do l'air; il faut le porter à une
température de près de 200° pour voir une mince
pellicule d'oxyde se former à sa surface. L'acide
sulfurique rre l'attaque qu'aux environs de 150°,
tandis que l'acide nitrique étendu d'eau le décom-
pose avec une très grande rapidité.
Les alliages de l'étain avec d'autres métaux sont
surtout intéressants à étudier à cause des nom-
breux services qu'ils rendent chaque jour, soit
dans l'industrie, soit dans la vie commune. Le
bronze des canons, dont la résistance et la ténacité
sont très considérables, est composé de 90 parties
de cuivre pour 10 parties d'étain. Cet alliage a de
plus l'avantage de n'être pas sonore. Veut-on, au
contraire, faire des cloches, des tams-tams ou des
cymbales, il suffit d'augmenter la proportion d'étain
jusqu'à 20 parties de ce métal pour 80 parties de
cui-sTO ; on obtient de cette façon une substance
d'une sonorité remarquable. Pour la fabrication
des miroirs de télescopes, on se sert d'un alliage
contenant 67 parties de cuivre et 33 d'étain ; les
mesures (litre, décilitre, centilitre) des marchands
de vin sont formées de 82 p. d'étain et de 18 p. de
plomb.
Le métal anglais, dont on fait des couverts, est
composé de ItJO p. d'étain, 8 p. d'antimoine, 1 p.
de bismuth et 4 p. de cuivre.
On donne le nom de fer-blanc à des plaques
de fer recouvertes d'une couche d'étain. Cette
combinaison est utilisée pour la confection d'un
grand nombre d'ustensUes de ménage. L'opération
qui consiste à recouvrir d'étain une plaque de fer
porte le nom à'étamage. Après avoir nettoyé avec
du sable et essuyé l'objet que l'on veut étamer, on
l'enduit d'une légère couclie de graisse, et on le
trempe dans un bain d'étain recouvert lui-même
de graisse fondue destinée à empêcher l'oxydation,
en présence de l'air, de l'étain en fusion. Betiré
du bain, le fer étamé est nettoyé avec du son ou
de préférence avec du sel ammoniac. Le mode
d'étamage du cuivTe diffère peu de celui que nous
venons d'indiquer. On ajoute souvent à l'étain
un dixième et même davantage de son poids de
plomb : cet étamage présente quelques dangers
pour l'hygiène publique.
Le fer-blanc, comme l'étain, se conserve indéfi-
niment sans s'oxyder, à la condition toutefois qu'il
n'y ait aucune solution de continuité. Si, par
hasard, l'air est en contact avec une très petite
portion de fer, l'oxydation marche avec une grande
rapidité, plus vite même que si le fer n avait pas
été étamé.
Au-dessous de la couche superficielle de l'étain,
se trouve une surface cristallisée qui est un alliage
de ce métal et de fer, et qu'on peut mettre à dé-
couvert en lavant légèrement l'objet étamé avec
l'eau régale (mélange d'acide chlorhydrique et
d'acide nitrique). L'aspect brillant de cette surface
lui a fait donner le nom de moiré métallique.
Composés de l'étain. — L'étain forme avec
l'oxygène deux combinaisons : \ oxyde stanneux
(SnÔ) et Vacide stannigue (SnO-) ; ce dernier sert
à donner au verre la couleur blanche. Le proto-
cldorure ou sel détain fSn Cl^), qui s'obtient on
dissolvant l'étain dans l'acide chlorhydrique, et le
bichloiure ou chloride stnn'iigue (Sn CV*), obtenu
en traitant l'étain par le chlore gazeux, ou le proto-
chlorure par l'eau régale, s'emploient dans la tein-
ture. Le deutosidfure d'étaiji ou or tJiufsif s'em-
ploie dans la décoration pour imiter le frottis du
bronze antique. [Larrivé.]
ÉTAT. — Ce mot a, dans la science du droit,
plusieurs acceptions.
Il est d'abord synonyme de nation, et exprime
alors << la réunion des forces particulières sous
une direction commune, l'établissement d'une
puissance publique pour faire exécuter les lois. »
Le gouvernement de la France, tel qu'il est or-
ganisé par les lois constitutionnelles de IST.î,
est républicain. Le pouvoir exécutif est exercé
par un Président nommé pour sept ans, et agis-
sant sous le contrôle de deux Chambres, le Sénat
et la Chnmbre des députés (V. pour les détails de
l'organisation constitutionnelle le mot : Droit pu-
bli'). L'État constitue une personne morale ou
juridique : il peut être propriétaire, créancier,
débiteur; il peut agir en justice.
Dans le droit privé, on appelle état ou état civil
l'ensemble des droits et devoirs qui dérivent pour
uiie personne de sa nationalité, de ses rapports
de famille ou de parenté (V. État civil).
ÉTAT CIVIL. — Législation usuelle, M, 'VII. —
1. DÉFINITION". — L'état civil est la condition juri-
dique de la personne, l'ensemble des droits qui lui
appartiennent et des obligations qui lui sont im-
posées dans la famille et la société. Les droits et
les obligations varient suivant la nationalité de
la personne, son sexe, son âge, selon qu'elle est
mariée ou non mariée, enfant légitime ou enfant
naturel, ascendant ou descendant, capable ou in-
capable. Les faits principaux qui influent sur la
condition légale de la personne sont constatés par
des actes inscrits sur des registres spéciaux; les
actes prennent le nom d'ac/es de l'état civil.
L'ensemble des règles de droit relatives à l'état
civil se trouve dans le Livre I"' du Code civil, inti-
tulé : « Des Personnes, » et qui comprend les ar-
ticles 7 à 515. — Nous allons parcourir successive-
ment les divers titres dont se compose ce li>Te du
Code civil.
2. De LA NATIONALITÉ. (Code civil, art. 7 à 21.)
— Il y a un grand intérêt à connaître la natio-
nalité de la personne ; les étrangers en effet sont
loin d'avoir les mêmes droits que les Français. Les
étrangers ne peuvent exercer certaines fonctions
publiques, ils n'ont point la jouissance des droits
politiques, ne sont point électeurs, ne peuvent
être témoins dans les actes notariés, etc.
Français de naissance. — L'enfant dont le père
est Français a par le fait de sa naissance la qualité
de Français, sans qu'il y ait à distinguer s'il est né
en France ou à l'étranger. L'enfant dont le père
est étranger est étranger comme lui. Toutefois si
l'enfant naît en France et que le père, bien qu'é-
tranger, soit né lui-même en France, l'enfant est
Français du jour de sa naissance; il a seulement
la faculté dans l'année qui suit sa majorité, fixée
par la loi française à vingt et un ans, de réclamer la.
ETAT CIVIL
— 710 —
ETAT CIVIL
nationalité étrangère, s'il aime mieux être étranger
que Français. (Loi du 7 f écrier 1S51.)
Acquisition de la qunlité de Français. — La qua-
lité de Français peut être acquise par l'enfant né
en France d'un étranger, s'il la réclame dans l'an-
née qui suit sa majorité. Cette réclamation résulte
d'une déclaration faite en France à la mairie du
domicile, ou à l'itranger, devant les agents diplo-
matiques ou consulaires français. La femme étran-
gère qui épouse un Français devient française.
Naturalisation. — Tout étranger peut acquérir
la qualité de Français en obtenant la naturalisa-
tion. Pour se faire naturaliser, l'étranger doit avoir
été autorisé par le gouvernement à établir son
domicile en France, et y avoir résidé effective-
ment pendant trois ans depuis cette autorisation.
A 1 expiration de ce délai, un décret du Président
de la République rendu après enquête sur la mo-
ralité de l'étranger, lui accorde, s'il y a lieu, la
naturalisation. L'étranger naturalisé jouit de tous
les avantages attachés à la qualité de Français.
Perte de la qualité de Français. — Le Français
perd sa nationalité, lorsqu'il se fait naturaliser en
pays étranger, lorsqu'il fonde en pays étranger
un établissement autre qu'un établissement de
commerce, et qu'il manifeste l'intention de ne plus
revenir en France, lorsqu'il accepte des fonctions
publiques ou prend du service militaire à l'étran-
ger sans autorisation du gouvernement. La femme
française qui épouse un étranger suit la nationa-
lité de son mari, mais si elle devient veuve elle
recouvre sa nationalité d'origine, à la condition de
venir se fixer en France.
3. Actes de l'état civil {Code civil, art. 34 à
101). — Les faits principaux qui influent sur l'état
civil sont : la naissance, le mariage et le décès.
Ces trois faits sont constatés par les actes de l'état
civil : l'acte de naissance détermine l'âge de la
personne, établit sa filiation et par suite sa natio-
nalité; l'acte de mariage constate le mariage et la
légitimité des enfants; enfin l'acte de décès déter-
mine l'époque do l'ouverture de la succession et
de la dissolution du mariage.
Personnes qui concourent aux actes de l'état
civil. — Les actes de l'état civil sont dressés dans
chaque commune par les maire et adjoints, qui rem-
plissent les fonctions d'officiers de l'état civil.
L'acte est rédigé sur la réquisition des parties
intéressées elles-mêmes, comparaissant devant l'of-
ficier de l'état civil, lorsqu'il s'agit du mariage ;
et sur la déclaration de certaines personnes, lors-
qu'il s'agit des actes de naissance ou de décès.
L'acte est dressé en présence de témoins, qui
doivent être âgés de vingt et un ans au moins et du
sexe masculin ; il n'est pas nécessaire que les
témoins sachent signer, ni même qu'ils soient
Français.
Tenue des registres et rédaction des actes. —
Les actes de l'état civil sont inscrits de suite sur
les registres destinés à les recevoir. Suivant l'im-
portance de la commune, il y a trois registres, un
pour les naissances, un pour les mariages, un
pour les décès; ou un seul registre sur lequel tous
les actes sont portés. Les registres ou le registre
unique sont tenus doubles. A la fin de l'année
un des doubles reste aux archives de la commune,
l'autre est déposé au greffe du tribunal de pre-
mière instance de l'arrondissement : on assure
ainsi d'une manière plus complète la conservation
des registres et des actes qu'ils contiennent. Les
registres sont cotés par première et dernière par
le président du tribunal, c'est-à-dire que chaque
page est numérotée, revêtue du paraphe du ma-
gistrat, que la première et la derjiière feuille
sont indiquées. Ces formalités tendent à rendre
impossibles la suppression, l'addition ou l'inter-
calation de feuillets.
Les actes doivent énoncer l'année, le jour et
l'heure où ils sont reçus, les noms, prénoms, âge,
profession et domicile de tous ceux qui y figurent;
ils doivent être rédigés sans interligne, sans sur-
charge et sans blanc; les ratures et renvois sont
approuvés et signés ; on ne peut y rien insérer par
abréviation, et les dates ne peuvent être mises en
chiffres. L'officier de l'état civil donne lecture de
l'acte aux comparants et aux témoins; il le signe
et le fait signer par les comparants et les témoins ;
s'ils ne savent ou ne peuvent signer, il est fait
mention de la cause qui les empêche de signer.
Extraits des registres; foi qui leur est due. —
L'officier de l'état civil et le greffier du tribunal
peuvent délivrer des copies des actes inscrits sur
les registres déposés aux archives de la commune
ou au greffe du tribunal. Ces copies sont les
extraits des registres de l'état civil. Les extraits
des registres doivent être délivrés à toute per-
sonne qui en fait la demande ; la signature du
maire ou du greffier apposée à l'extrait doit être
légalisée par le président du tribunal ou par le
juge de paix, s'il ne siège pas au chef-lieu du
ressort du tribunal de première instance. Les
extraits régulièrement délivrés et légalisés font
pleine foi de tout ce qui est attesté par l'officier
de l'état civil.
Après les règles générales, il faut indiquer les
règles spéciales aux diverses espèces d'actes.
Actes de naissance; dans quel délai et par qui est
faite la déclaration. — La déclaration de naissance
doit être faite dans les trois jours de l'accouche-
ment; l'enfant est présenté à l'officier de l'état
civil. L'obligation de déclarer la naissance est im-
posée d'abord au père et à la personne chez la-
quelle la naissance a eu lieu, si la femme est
accouchée hors de son domicile, et ensuite aux
médecins, chirurgiens, sages-femmes ou autres
personnes qui ont assisté à l'accouchement. L'o-
mission de la déclaration dans le délai prescrit par
les personnes auxquels cette obligation est impo-
sée peut entraîner la peine de l'emprisonnement
et de l'amende, prononcée par le tribunal correc-
tionnel.
Forme et énonciations de l'acte de naissance. —
L'acte de naissance est dressé par l'officier de
l'état civil en présence de deux témoins ; il doit
énoncer le jour, l'heure, le lieu de la naissance,
le sexe de l'enfant, les prénoms qui lui sont don-
nés, les noms, prénoms, profession et domicile
des père et mère et ceux des témoins.
Actes de décès. — L'acte de décès est dressé
sur la déclaration de deux témoins qui sont autant
que possible les deux plus proches parents ou voi-
sins. Il faut remarquer ici que les déclarants sont
en même temps témoins. L'acte de décès contient
les prénoms, noms, âge, profession et domicile de
la personne décédée et les renseignements que
les déclarants peuvent fournir sur son conjoint si
elle était mariée, sur ses père et mère, sur le lieu
de sa naissance. Aucune inhumation ne peut avoir
lieu sans une autori *ion délivrée par l'officier de
l'état civil, et vingt-quutre heures seulement après
le décès.
Nous ne parlerons point ici des actes de ma-
riage, dont nous traiterons en nous occupant des
formes du mariage.
Autres actes qui figurent sur les registres. —
Outre les actes de naissance, mariage et décès,
les registres de l'état civil contiennent les actes
d'adoption, les reconnaissances d'enfant naturel;
on doit transcrire sur les registres tous les juge-
ments rendus pour tenir lieu d'un acte ou pour
rectifier un acte porté au registre.
Rectification des actes de l'état civil. — Une
fois l'acte dressé et signé, aucune rectification,
fût-ce même une rectification purement maté-
rielle, ne peut être faite par l'officier de l'état civil.
Si l'acte est incomplet ou inexact, s'il contient des
ÉTAT CIVIL
711 —
ÉTAT CIVIL
énonciations erronées, il appartient aux parties
de se pourvoir en rectification devant le tribunal
dans rarrondisscment duquel l'acte a été dressé.
Le jugement ordonnant une rectification est porté
à sa date sur les registres; il en est fait mention
en marge de l'acte rectifié : les extraits délivrés
doivent contenir la mention de la rectification.
4. Du DOMICILE [Code civil, ai't. 102 à lllj. — Le
domicile est au lieu où la personne a son princi-
pal établissement, c'est-à-dire le siège principal de
sa demeure et de ses alTaires. La détermination
du domicile est importante pour la célébration du
mariage, l'ouverture de la tutelle ; c'est au domi-
cile que s'ouvre la succession ; c'est devant le tri-
bunal du domicile du défendeur que les deman-
des en justice doivent en général être formées.
5. De l'absence {Co<ie civil, art. 111 à 143). —
Lorsqu'il y a incertitude sur la vie d'une personne,
on dit que cotte personne est en état d'absence.
Les mesures nécessaires dans l'intérêt des absents
sont ordonnées par les tribunaux. Lorsque l'ab-
sence a duré un certain temps, dix ans au plus,
les personnes intéressées peuvent provoquer la
déclaration d'absence qui est prononcée par le
tribunal après enquête. La déclaration d'absence
entraîne au profit des héritiers présomptifs de
l'absent l'envoi en possession de ses biens.
6. Du MARi.\GE {Code civil, art. 144 à 228). —
Le mariage, tel qu'il est réglé par le Code, est un
contrat civil, dont les formes sont les mêmes,
sans qu'il y ait des distinctions à faire suivant la
croyance religieuse des parties. Le mariage civil
doit toujours précéder le mariage religieux.
Qualités et conditions requises; âge. — L'âge
requis pour le mariage est de dix-huit ans pour les
hommes, de quinze ans pour les femmes. Le ma-
riage peut, pour des motifs graves, être autorisé
avant cet âge en vertu de dispenses accordées par
le chef de l'État.
Consentement des époux. — Le mariage, étant
on contrat, ne peut se former que par le consente-
ment des parties ; il n'y a point de mariage sans
consentement. Ce consentement doit être donné
librement et ne point être entaché d'une erreur
substantielle, comme serait celle sur la personne
qu'on se propose d'épouser.
Consentemtnt des ascendaiits ou de la famille. — Le
mariage n'est valable pour les fils âgés de moins de
vingt-cinq ans, pour les filles âgées de moins
de vingt et un ans, qu'autant qu'ils ont obtenu le
consentement de leurs ascendants. Si les père et
mère existent encore, ils sont appelés l'un et l'au-
tre à donner leur consentement; toutefois, en cas
de dissentiment entre le père et la mère, le con-
sentement du père suffit. Après la mort des père
et mère, le droit de consentir au mariage passe aux
aïeuls et bisaïeuls. S'il y a des ascendants dans les
deux lignes paternelle et maternelle, les ascen-
dants de l'une et de l'autre ligne sont appelés à
donner leur consentement, mais le partage em-
porte consentement, c'est-à-dire que le consente-
ment donné par les ascendants d'une ligne rend
le mariage possible. Le consentement est donné
par l'ascendant présent au mariage ; s'il n'assiste
pas à la célébration, son consentement doit être
constaté par un acte passé par devant notaire. A
défaut d'ascendant, le futur époux, que ce soit un
fils ou une fille, ne peut jusqu'à l'âge de vingt et un
ans se marier qu'avec le consentement de son con-
seil de famille. Le mariage est entaché de nullité
lorsqu'il a été célébré sans le consentement des
ascendants ou de la famille.
Actes respectueux. — L'enfant ne peut jamais se
marier sans avoir demandé conseil à ses père et
mère ou autres ascendants. Lorsque le consente-
ment de l'ascendant n'est plus exifré pour la vali-
dité du mariage, l'enfant doit faire constater le
refus de consentement par un acte que, dans un
langage impropre, on nomme sommation respec-
tueuse, et que la loi appelle acte respectueux.
L'acte respectueux est rédigé par un notaire; cet
officier ministériel se présente au domicile de
l'ascendant pour lui demander les motifs de son
refus. De vingt-cinq à trente ans pour les fils, de
vingt et un à vingt-cinq ans pour les filles, il doit
y avoir trois actes respectueux renouvelés de mois
en mois, et c'est seulement un mois après le
troisième que le mariage peut être célébré ; au-
delà de trente ans pour les fils, de vingt-cinq ans
pour les filles, un seul acte respectueux suffit, et
un mois après le mariage peut avoir lieu. L'absence
d'actes respectueux n'entraînerait pas la nullité du
mariage, mais l'officier de l'état civil qui aurait
procédé à la célébration sans s'assurer que les
actes respectueux ont été faits s'exposerait à une
poursuite et à une condamnation.
Existence d'un premier mariage ; parenté et al-
liance. — On ne peut contracter mariage avant la
dissolution d'une première union. L'existence
d'un premier mariage est une cause de nullité ra-
dicale du second; le fait de contracter un second
mariage avant la dissolution du premier constitue
le crime de bigamie, prévu et puni par le Code
pénal.
Le mariage est prohibé entre certains parents
et alliés. En ligne directe, c'est-à-dire entre des-
cendants et ascendants ou alliés au même de-
gré, le mariage est prohibé. En ligne collaté-
rale, le mariage est prohibé entre le frère et la
sœur, l'oncle et la nièce, la tante et le neveu, et
entre beau-frère et belle-sœur. Toutefois la pro-
hibition du mariage entre parents au degré d'oncle
et de nièce, de tante et de neveu, et celle entre
beau-frère et belle-sœur, peut être levée par des
dispenses accordées pour causes graves parle chef
de l'État.
Formalités antérieures à la célébration; publica-
tions. — Les qualités et conditions nécessaires au ma-
riage étant connues, il faut étudier les formes de la
célébration. Le mariage doit être précédé de deux
publications faites à huit jours dintervalle, le di-
mande, à la porte de la mairie du domicile de
chacun des époux et des ascendants appelés à con-
sentir au mariage. L'officier de l'état civil dresse
acte des publications. Le mariage peut être célé-
bré le troisième jour après celui de la seconde
publication, c'est-à-dire le mercredi suivant. Si le
mariage n'a point été célébré dans l'année, les pu-
blications doivent être renouvelées. Le procureur
de la République de l'arrondissement peut, pour
des causes graves, dispenser de la seconde publi-
cation, jamais de la première. L'officier de l'état
civil, avant de procéder au mariage, doit s'assurer
que les publications ont été faites dans toutes les
communes où elles sont exigées.
Oppositio7is. — Certaines personnes peuvent
s'opposer à la célébration du mariage et faire dé-
fense à l'officier de l'état civil d'y procéder. Le
droit d'opposition appartient aux père et mère,
aux ascendants, puis à défaut d'ascendant, aux
frères et sœurs, oncles et tantes, cousins et cou-
sines germains, aux tuteur et curateur des futurs
époux.
L'opposition est signifiée par exploits d'huissier
à l'officier de l'état civil, qui doit surseoir jus-
qu'à ce que la main levée de l'opposition, pro-
noncée par un jugement ou consentie par l'oppo-
sant, lui soit rapportée.
Pièces que les futurs épowr, doivent produire. —
Pour permettre à l'olficier de l'état civil d'appré-
cier s'il n'y a point d'obstacle au mariage, les fu-
turs époux doivent lui remettre les différentes
pièces dont voici l'énumération : 1° les actes de
naissance des futurs époux; 2° l'acte de consente-
ment des ascendants, s'ils ne doivent point assister
au mariage ; lorsque le consentement n'est plus
ÉTAT CIVIL
— 712
ÉTAT CIVIL
nécessaire à raison de l'âge des futurs époux, il
faudra produire les actes respectueux; s'il n'a plus
d'ascendants, le futur époux devra justifier de leur
décès; 3" si l'un des futurs époux a déjà été marié,
il doit apporter l'acte de décès de son premier
conjoint; 4° les certificats constatant que les pu-
blications ont été faites dans les différentes com-
munes où elles sont nécessaires, et qu'il n'a point
été formé d'opposition, et la main levée des oppo-
sitions, si des oppositions ont eu lieu.
Formes de la célébration du mariage. — Lors-
qu'elles ont fourni toutes les pièces, les parties
peuvent se présenter devant l'officier de l'état ci-
vil. L'officier de l'état civil compétent est celui du
domicile de l'une des parties, et le domicile s'établit
par six mois d'habitation continue dans la com-
mune. Le mariage doit être célébré publiquement,
à la mairie, en présence de quatre témoins. L'of-
ficier de l'état civil, après avoir donné lecture des
pièces produites et des dispositions de la loi rela-
tives aux droits et devoirs des époux, demande à
chacun des futurs époux séparément s'ils veulent se
prendre pour mari et femme. Sur leur réponse
affirmative, il les déclare unis au nom de la loi.
Acte de mariage. — Pour faire preuve du ma-
riage, il en est dressé acte immédiatement, et cet
acte est inscrit sur le registre de l'état civil.
L'acte de mariage doit contenir les noms, prénoms,
âge, profession et domicile des époux, des ascen-
dants qui consentent au mariage et des témoins ;
il doit énoncer les publications, l'acte de consen-
tement au mariage, si les ascendants ne sont pas
présents, les actes respectueux, s'il en a été fait,
indiquer s'il a été ou non rédigé un contrat de
mariage ; enfin constater la déclaration des con-
tractants qu'ils se prennent pour époux et le
prononcé de leur union par l'officier de l'état
civil.
Obligations qui résultent du mariage. — Les
époux se doivent respectivement fidélité, secours,
assistance. La femme est tenue de résider avec son
mari, et de son côté le mari doit procurer à la
femme une habitation convenable et ce qui est
nécessaire pour subvenir à ses besoins. Le mariage
rend la femme mariée incapable de figui-er seule
dans les actes; elle ne peut ni plaider, ni aliéner
ses biens, ni s'obliger sans l'autorisation de son
mari, ou, à son défaut, sans l'autorisation de la jus-
tice. Le mariage impose aux époux l'obligation
de nourrir, entretenir et élever leurs enfants.
Obligation alimentaire. — Du mariage résulte
enfin l'obligation alimentaire qui existe entre les
ascendants et les descendants, et les alliés au même
degré. Les enfants doivent à leurs parents qui sont
dans le besoin des aliments, et réciproquement les
parents doivent venir en aide à leurs enfants, même
majeurs, qui ne peuvent subvenir à leur existence.
La même obligation existe entre beau-père et belle-
mère, gendre et bru. Cette obligation alimentaire
s'exécute le plus souvent par une pension en ar-
gent qui est fixée par les tribunaux, si les parties
ne tombent pas d'accord. La quotité de la pen-
sion se règle d'après les besoins de celui qui la
réclame et les ressources de celui qui la doit.
Lorsque celui qui doit les aliments est hors d'état
de fournir une pension en argent, il peut être au-
torisé à recevoir chez lui la personne qui a droit
aux aliments.
Dissolution du nw7-iage. — Le mariage se dis-
sout par la mort de l'un des deux époux. Aucun
délai n'est imposé au mari avant de contracter une
nouvelle union ; la femme devenue veuve, au con-
traire, ne peut se remarier que dix mois après la
mort de son mari.
Séparation de corpt. — La séparation de corps
ne dissout point le mariage, mais elle relâche le
lien conjugal, eu ce sens que les époux peuvent
vivre et habiter séparément. La séparation de corps
est prononcée par les tribunaux ; les causes qui peu-
vent motiver la séparation de corps sont l'adultère
de la femme ou du mari, les mauvais traitements,
les injures graves dont l'un des époux se rcnct
coupable envers l'autre. La séparation de corps
entraîne la séparation de biens.
7. PATEriMTÉ ET FILIATION {Code cîvH, art. ZH h
342). — Preuve de la filiation des enfants légi-
mes. — L'enfant légitime est celui qui est né de
deux personnes unies en mariage. La filiation de
l'enfant légitime se prouve par son acte de nais-
sance inscrit sur les registres de l'état civil ; à dé-
faut d'acte de naissance, l'enfant peut invoquer la
possession d'état, résultant d'un ensemble de faits
qui prouvent que l'enfant a toujours passé pour
enfant légitime; enfin, moyennant certaines condi-
tions, l'enfant peut être admis à réclamer et à prou-
ver en justice sa filiation.
Reconnaissance des enfants naturels. — La preuve
de la filiation des enfants nés hors mariage résulte
de la reconnaissance du père ou de la mère. Cette
reconnaissance doit être faite par acte authentique,
c'est-à-dire dressé par un officier public. Les offi-
ciers de l'état civil, les notaires peuvent recevoir
les reconnaissances d'enfants naturels.
Légitimation. — Les enfants naturels peuvent
acquérir par la légitimation le titre et les droits
qui appartiennent aux enfants légitimes. La légiti-
mation résulte du mariage des pères et mère, à
condition que préalablement et au plus tard dans
l'acte de mariage ils aient reconnu l'enfant.
8. Adoption {Code civil, art. 343 à 'i'Qi). —
L'adoption a pour but de permettre à ceux qui
n'ont pas d'enfants de se créer une famille. Elle
établit un rapport de paternité et de filiation entre
l'adoptant et l'adopté, qui prend le nom de l'adop-
tant et devient son héritier. L'adoption est reçue
par le juge de paix ; le contrat doit être liomolo-
gué, c'est-à-dire approuvé par le tribunal de pre-
mière instance et la Cour d'appel; puis l'adoption
est inscrite sur les registres de l'état civil du domi-
cile de l'adoptant.
9. Puissance paternelle [Code civil, art. 3*1 à
387). — Droits du père stir la personne de l'e7ifant.
— Le père, durant le mariage, a l'exercice de la
puissance paternelle; il veille sur la personne de
l'enfant; il dirige son éducation; l'enfant ne peut,
sans le consentement de son père, quitter la mai-
son paternelle ; le père qui a contre 1 enfant des
sujets de mécontentement graves peut obtenir, du
président du tribunal de première instance, l'auto-
risation de le faire détenir dans une maison de
correction pendant un temps qui ne peut excéder
six mois. Après la mort du père, la puissance pa-
ternelle passe à la mère devenue veuve.
Droits sur les biens. — Le père a la jouissance'
ou usufruit légal des biens qui appartiennent à
l'enfant. Sur les revenus, le père doit prélever
d'abord ce qui est nécessaire pour élever l'enfant
et lui donner l'éducation qui convient à sa fortune ;
il peut disposer du surplus des revenus. L'usufruit
légal cesse lorsque l enfant a atteint l'âge de dix-
huit ans. Le mèmi' droit appartient à la mère, après
la mort de son mari, mais elle perd l'usufruit en se
remariant.
10. Minorité, tutelle, émancipation [Code civil,
arl. 388 à 487). — Des mineurs. — Le mineur est
l'individu de l'un ou de l'autre sexe qui n'a point
atteint l'âge de vingt et un ans. A vingt et un ans la
personne devient majeure, et acquiert une capacité
complète, sauf en ce qui touche le mariage. Le mi-
neur au contraire est incapable d'agir par lui-même.
Mineurs en tutelle. — Le mineur qui a encore
ses père et mère n'est point en tutelle ; le père,
durant le mariage, est administrateur des biens
personnels de l'enfant. La tutelle s'ouvre au jour
du décès du père ou de la more.
Différentes sortes de tutelle; tutelle légale des
ÉTAT CIVIL
— 713 —
ÉTATS GÉNÉRAUX
père et mère. — Il y a plusieurs espèces de tutelles ;
la première est déférée par la loi elle-même : c'est
la tutelle lc°;ale des père et mère, A la mort de
l'un des deux époux, le survivant devient de plein
droit tuteur des enfants mineurs nés du mariage.
Il y a toutefois certaines règles particulières à la
mère tutrice légale. Le père peut nommer à la
mère un conseil sans le concours duquel elle ne
pourra agir: la mère a toujours le droit de refuser
la tutelle. La mère tutrice qui veut se remarier,
doit, avant son nouveau mariage, réunir le conseil
de famille du mineur; le conseil décide s'il y a lieu
de remplacer la mère comme tutrice ou de la main-
tenir dans la tutelle; dans le second cas, le conseil
de famille doit donner h la femme pour cotuteur
son second mari. La mère tutrice qui n'a pas réuni
le conseil de famille avant de se remarier est de
droit déchue de la tutelle.
Autres espèces de tufelUs. — Le dernier mourant
des père et mère du mineur peut lui nommer un
tuteur ; cette désignation peut se faire par testa-
ment, par acte notarié ou par acte reçu par le juge
do paix. — A défaut des père et mère et de tuteur
nommé par le dernier mourant, la tutelle passe aux
ascendants du mineur, on choisissant l'ascendant
le plus proche, et s'il y a égalité de degré, l'ascen-
dant paternel plutôt que l'ascendant maternel. Lors-
qu'aucune autre tutelle n'est possi'ole, le tuteur est
nommé par le conseil de famille.
Composition du conseil de famille. — Le conseil
de famille se réunit au lieu où la tutelle s'est ou-
verte, c'est-à-dire au dernier domicile du père du
mineur, sous la présidence du juge de paix. Il est
composé de trois parents ou alliés dans la ligne
paternelle et de trois parents ou alliés dans la ligne
maternelle. On choisit dans chaque ligne les pa-
rents ou alliés les plus proches domiciliés dans
la commune ou à la distance de deux myria-
mètres.
Subrogé tuteur. — Il y a dans toute tutelle un
subrogé tuteur qui est nommé par le conseil de
famille. Le subrogé tuteur doit être choisi dans
la ligne à laquelle le tuteur n'appartient pas: si le
tuteur par exemple est un parent paternel, le su-
brogé tuteur ne pourra être qu'un parent maternel
ou un étranger. La mission spéciale du subrogé
tuteur est d'exercer un contrôle sur la gestion du
tuteur ; lorsque la tutelle est vacante, il provoque
la réunion du conseil de famille pour nommer un
nouveau tuteur ; enfin il représente le mineur au
lieu et place du tuteur, lorsque celui-ci a des in-
térêts opposés à ceux du mineur.
Administration du tuteur. — Le tuteur doit, si
le mineur n'a plus ni père ni mère, prendre soin
de sa personne ; il administre ses biens, et le re-
présente dans tous les actes. Il est tenu, avant
d'entrer en fonctions, de faire faire un inventaire ;
il doit faire vendre les meubles autres que ceux
que le conseil de famille l'a autorisé à conserver;
il doit faire fixer par le conseil de famille la somme
à laquelle s'élèvera la dépense annuelle du mineur
et la somme à partir de laquelle il devra faire
emploi de l'excédant dos recettes. Ces deux der-
nières obligations ne sont point imposées au père
ou à la mère qui exerce la tutelle légale. Le tuteur
peut faire seul les actes d'administration ; il con-
sent des baux de neuf années, reçoit les capitaux
du mineur et en fait le placement. L'autorisation
du conseil de famille est nécessaire au tuteur
pour accepter une succession ou y renoncer,' ac-
cepter une donation, demander le partage d'une
succession échue au mineur. Il faut observer que
le mineur ne peut jamais accepter une succession
que sous bénéfice d'inventaire ; ce qui lui donne
l'avantage de n'être tenu des dettes que jusqu'à
concurrence des biens de la succession. Pour em-
prunter, aliéner ou hypothéquer les immeubles
du mineur, le tuteur doit être autorisé par le con-
seil de lamille, dont la délibération est soumise Ji
l'approbation du tribunal de première instance. La
vente, si elle est autorisée, ne peut avoir lieu
qu'en justice, à la barre du tribunil ou par devant
un notaire commis.
Comptes de tutelle. — La tutelle prend fin par
la majorité, par l'émancipation du mineur, ou par
la mort du mineur. Le tuteur, lorsque la tutelle
cesse, doit rendre compte de sa gestion, soit au
mineur devenu majeur, soit au mineur émancipé
assisté de son curateur, soit aux héritiers du mi-
neur. Le tuteur comprend dans son compte toutes
les recettes qu'il a faites et les dépenses dont
l'objet a été utile. Si le compte se balanci> par un
reliquat en faveur du mineur, la somme due par
le tuteur porte intérêts du jour de la clôture du
compte; si le tuteur est créancier, il n'a droit aux
intérêts que du jour do la sommation de payer par
lui faite au mineur. L'action en reddition de compte
se prescrit par dix ans à compter du jour de la
majorité du mineur.
Emancipation. — L'émancipation donne au mi-
neur avant sa majorité une capacité restreinte,
qui lui permet d'administrer lui-même sa fortune.
Le mineur qui se marie est émancipé de plein
droit par le mariage. A quinze ans le mineur peut
être émancipé expressément par ses père et mère;
l'émancipation résulte d'une déclaration faite
devant le juge de paix. Lorsque le mineur n'a plus
ses père et mère, il no peut être émancipé qu'à
dix-huit ans; l'émancipation a lieu en vertu d'une
délibération du conseil de famille. Le mineur
émancipé est assisté d'un curateur qui lui est
nommé par le conseil de famille ; le curateur doit
intervenir lorsque le mineur émancipé fait cer-
tains actes, par exemple lorsqu'il reçoit son compte
de tutelle ou lorsqu'il touche un capital.
11. Interdiction et conseil judiciaire {Code ci-
vil, ai't. 489 à 515 . — Causes de l'interdiction et
de la dation du conseil judiciaire. — La loi pro-
tège non seulement les mineurs, mais aussi les
majeurs qui ne jouissent point de la plénitude de
leurs facultés ou qui se livrent à des actes de
prodigalité pouvant compromettre leur fortune.
Toute personne qui est dans un état habituel
d'aliénation mentale peut être interdite ; un con-
seil judiciaire peut être nommé à ceux qui. sans
être en état de démence, sont faibles d'esprit, et
aux prodigues, c'est-à-dire à ceux qui abusent de
leur capacité en dissipant leur fortune.
Par qui ces mesures peuvent être provoquées. —
Il faut, pour prononcer l'interdiction d'une per-
sonne ou pour lui nommer un conseil judiciaire^
un jugement, qui est rendu après un avis du con-
seil de famille et un interrogatoire que le défen-
deur subit devant le tribunal Tout parent est
recevable à provoquer l'interdiction ou la nomina-
tion d'un conseil judiciaire ; l'un des époux peut
aussi demander l'une ou l'autre de ces mesures
contre son conjoint.
Effets de l'imerdiction et de la nomination du
conseil judiciaire. — La personne dont linterdic-
tion a été prononcée esi frappée d'une incapacité
générale ; tous les actes qu'elle fait postérieure-
ment à l'interdiction sont nuls de droit. L'interdit
est en tutelle comme le mineur; comme lui il a un
conseil de famille et un subrogé tuteur; la tutelle
ûr l'interdit est soumise en général aux mêmes
règles que la tutelle du mineur. — Celui qui est
pourvu d'un conseil judiciaire n'est point, comme
l'interdit, incapable d'agir par lui-même : il a be-
soin seulement pour certains actes déterminés du
concours de la personne que le tribunal lui a nom-
mée comme conseil judiciaire. fE. Delacourtie.]
ÉTATS GÉNÉRAUX. — Histoire de France, XI-
XXX. — Avant la révolution de 1789, assemblées
politiques se tenant à des époques plus ou moins
régulières pour délibérer sur des questions din-
ÉTATS GENERAUX
— 714 ~
ETATS GENERAUX
térêt public. Elles étaient composées des députés
des trois états de la nation : clergé, noblesse,
bourgeoisie; de là leur nom d'Etats.
Origine. — L'origine de ces assemblées paraît
aussi ancienne que la civilisation des nations de
race indo-européenne desquelles nous procédons.
On les trouve à Athènes, à Sparte, à Rome, sous
forme d'assemblée des citoj'ens; en Gaule, d'as-
semblée nationale ; en Germanie, d'as^enlblées
guerrières: Champ de Mars, Champ de Mai. En
Gaule, cette forme de gouvernement particulière
aux sociétés d'hommes d'intelligence active, d'ima-
gination féconde, survécut à la conquête; mais
elle se modifia peu à peu, et finit par disparaître
en même temps que la féodalité, qui l'exclut, se
constitua. Toutefois, les assemblées de seigneurs
et d'évêques, ainsi que les conciles, peuvent être
considérés comme un exemple de la persistance
de l'institution. Dès que la féodalité, qui les avait
détruites, aurait perdu de sa puissance au profit
du roi et du peuple, il était supposable que ces
assemblées reparaîtraient. Il en fut en effet ainsi.
Quand les croisades eurent ruiné les seigneurs et
enrichi le peuple, les villes purent se constituer
en communes et devenir une force que les rois
surent associer à la leur, pour la tourner contre
les seigneurs et aussi contre la papauté qui, à
cette époque, régentait les rois. Aussi, Philippe-
Auguste et saint Louis avaient-ils déjà plus d'une
fois pris conseil des clercs, des barons et des re-
présentants des communes réunis, quand, pour la
première fois, en \'■\^)'2, Philippe le Bel convoqua
les trois États sous le nom à! Etats généraux, qu'ils
gardèrent ensuite.
Caractère, rôle tts Etats. — Les Etats généraux,
quoi qu'ils aient dit ou fait, n'ont jamais eu abso-
lument le caractère d'assemblée nationale, et n'ont
jamais été dans l'Etat un pouvoir permanent et
régulier. En 1856 et en 1484, ils essayèrent de
proclamer la périodicité de leurs sessions et leur
convocation à époque fixe; mais les rois surent se
soustraire à ces obligations et affectèrent toujours
de considérer les Etats comme un secours, extrême
et dernière ressource, qu'ils appelaient aux heures
critiques, propre seulement à voter des subsides,
quelques services d'ordre général qu'ils en reti-
rassent d'ailleurs. Dans cette lutte de prétentions
contraires, les Etats, surtout ceux de 1356, fail-
lirent l'emporter; mais le manque d'habileté et de
capacité politiques, la crainte de contrarier le roi
que le tiers regardait comme son protecteur, quel-
quefois le défaut de concorde, et toujours, peut-
être, la faiblesse de l'esprit public, retardèrent la
victoire de la nation jusqu'en 1789, malgré le véri-
table héroïsme que montrèrent souvent les membres
du tiers.
Convocation; travaux. — Dès la première con-
vocation des Etats, toute une procédure fut créée.
Le roi les convoquait par lettres pate?ites, adressées
aux gouverneurs et aux baillis, qui avertissaient les
nobles, les clercs, les bourgeois et les vilains.
Pour ces derniers, l'élection était à deux degrés :
réunis d'abord dans chaque ville ou bourg, ils ré-
digeaient leurs doléances et nommaient des élec-
teurs qui, au chef-lieu du bailliage, composaient un
cahier unique de doléances et désignaient les dé-
putés. Arrivés au lieu de réunion fixé par le roi,
les députés de chaque ordre nommaient séparé-
ment leurs présidents et leurs greffiers. Le roi
alors, dans une séance plénière, prononçait quel-
ques mots et faisait exposer sa volonté par son
chancelier. L'orateur du clergé répondait d'abord,
ensuite celui de la noblesse, enfin celui du tiers.
Les ordres se séparaient pour examiner les cahiers,
former des cahiers provinciaux, puis un cahier
unique pour tout le royaume, et pour voter les
impôts. Une deuxième séance plénière était encore
enue, et l'assemblée dissoute sans qu'on eût ré-
pondu aux doléances. Elles n'étaient pas absolu»
ment dédaignées pourtant, car elles ont inspiré les
meilleures réformes de la royauté. Telle est la
façon dont les choses se passaient communément,
à part les quelques modifications que le temps et
les circonstances rendaient nécessaires.
Histoire. — C'est à l'occasion d'un différend
entre le pape et lui que Philippe le Bel convoqua
pour la première fois les Etats, en 1.3u2. Boni-
face VIII « qui faisait revoir sur le saint-siège les
grandes facultés de Grégoire VII ft d'Innocent III,
renouvelait leurs prétentions à la domination univer-
selle. » De son côté, Philippe entendait être le seul
maître en France. Il avait ordonné une taxe [mal-
tôte) de la cinquantième partie des biens de tous
ses sujets nobles et non nobles, ecclésiastiques et
laïques. Le pape y vit un empiétement sur les droits
de l'Eglise, et déclara dans une bulle qu'il excom-
munierait tout clerc qui paierait la taxe sans son
autorisation, comme tout laïque qui l'exigerait des
clercs La querelle s'envenima au point que le pape,
dans la bulle Ausculta fili. menaça le roi, qui ré-
pondit par la convocation des Etats Généraux. Le
premier cri de ceux-ci fut un cri d'indépendance
nationale. Ils avaient plus d'un grief à reprocher à
Philippe, mais ils surent faire taire leurs senti-
ments personnels, pour ne voir que la nation
qu'ils voulaient indépendante de toute puissance
extérieure. Le clergé se soumit; les nobles, unis
aux bourgeois, écrivirent aux cardinaux pour pro-
tester « contre les déraisonnables entreprises de
« celui qui est à présent au siège et gouverne-
« ment de l'Eglise. » Mais elle est du tiers seul,
cette fière déclaration : « A vous, très noble prince,
« notre cher sire Philippe, h vous supplie et re-
« quiert le peuple de votre royaume que vous
« gardiez la souveraine franchise de cet Etat qui
« est telle que vous ne reconnaissez de souverain
« en terre, hors Dieu. » — Avec cet appui, Phi-
lippe soutint la lutte et l'emporta.
Convoqués pour la même cause en 1303, les
Etats renouvelèrent les mêmes assurances au roi.
En 1308, ils sanctionnèrent l'arj-estation des Tem-
pliers. En 1314, ils soutinrent le roi contre l'aristo-
cratie. En l.'ilT et en 1328, ils se prononcèrent pour
la loi salioue.
La réunion de 1338, qui fit peu de bruit, fut l'une
des plus importantes du xvi^ siècle. Elle proclama
le libre vote de l'impôt en décidant « que les rois ne
« lèveront désormais aucuns deniers exiraorai-
« naires sans l'octroi des trois Etals et qu'ils en
« prêteront le serment à leur sacre. » Malheu-
reusement le t>erment ne fut pas tenu par les rois,
et les Etats ne surent pas ou ne purent pas le faire
respecter.
Toutefois, en 1351, le roi Jean, pressé par les
Anglais, eut besoin de subsides, et réunit les
Etats qui les lui votèrent. Ces subsides ayant été
inutilement dissipés, il fut obligé de les rappeler
en 1355.
Irrités de la dilapidation qui avait été faite et
enhardis par la fausse position du roi, les Etats
firent une grande et nouvelle chose : ils substi-
tuèrent la nation au roi et prirent en main l'admi-
nistration. Ils votèrent l'établissement d'une
monnaie invariable et la suppression du droit de
chevauchée ; puis 5 millions de livres parisis pour
l'entretien d'une armée de 30 000 hommes. Cette
somme devait provenir d'un impôt sur le sel et
d'un impôt de 8 deniers par livre sur toute chose
vendue; et, chose remarquable, cet impôt devait
être payé par toutes les classes de la nation, même
par le roi. Une commission de 9 membres fut
chargée au nom des Etats de surveiller l'emploi des
fonds et de faire exécuter les mesures prescrites.
Ces impôts ne purent être recouvrés et furent rerr:»
placés en 1356 par un impôt sur le revenu qui ne
réussit guère mieux. Les Etats s'étaient bien mis
ETATS GENERAUX
7!o —
ÉTATS GENERAUX
en face du roi comme ses égaux, ainsi qu'en té- j
moigne la fin de Tordonnance royale : « Voulons |
« et avons o<troyé auxdites gens qui nous ont
« octroyé lesdits subsides que les Chartres données
a à Saint-André soient et demeurent en leur force
« et venu. »
135G, 1357, 1358. — Après le désastre de Poi-
tiers, le dauphin Charles réunit aussitôt les États
Il Paris. Les malheurs effroyables qu'avaient causé
limpéritie et les désordres du roi et de la noblesse,
avaient porté à son comble l'irritation du peuple
auquel s'allia le clerg ■. Sous l'influence de leurs
chefs, Jacques, archevêque de Lyon ; Jean de
Craon, archevêque de Reims; Valérien de Luxem-
bourg; Jean de Picquigny, gouverneur d'Artois;
liobert le Coq, archevêque de Laon ; Etienne
Marcel, prévôt des marchands de Paris; de ces
deux derniers surtout, qui paraissent avoir inspiré
et dirigé toutes les délibérations, de réformateurs
les États devinrent révolutionnaires, et pendant un
instant eurent vraiment le caractère d'assemblée
nationale.
Dès le début, ils annoncèrent clairement leurs
intentions, en déclarant fièrement « qu'ils ne be-
« soigneraientpoint tant que les gens du conseil du
« roi fussent avec eux, » et en accusant, non sans
raison, les officiers de la couronne « de n'.voir eu
« égard dans les conseils qu'ils avaient donné, ni
« à la crainte de Dieu, ni à l'honneur du Souve-
« rain, ni à la misère du peuple ; de n'avoir eu en
« vue que leur intérêt particulier, s'occupant uni-
o quement du soin d'acquérir des possessions,
« d'arracher des dons excessifs, de se faire confé-
« rer les uns aux autres ou à leurs amis les di-
u gnités et les charges, et surtout d'avoir caché au
o roi la vérité. » Ce langage hardi fut suivi d'efl'et.
En 1357, le dauphin lut obligé de rendre une
grande ordonnance dont voici les principales dis-
positions :
Les États se rassembleront deux fois par an ;
en leur absence, trente-six élus assisteront le
prince ; d'autres élus seront envoyés dans les pro-
vinces pour surveiller les fonctionnaires de tout
ordre. Les impôts seront votés et levés par les
États, qui en surveilleront l'emploi. Les monnaies
seront invariables. Tout homme sera armé ; les
nobles ne devront plus guerroyer entre eux; les
soldats ne seront payés que par les États. La jus-
tice sera rendue sans grands frais et sans retard.
Le droit de prise et de chevauchée sera aboli.
Cette ordonnance était bien toute une révolution
qui plaçait le roi sous la tutelle des États et met-
tait entre les mains de ceux-ci ou de leurs délé-
gués toute l'administration de la France, car, dit
Froissard : « Ces trente-six personnes devaient être
« souvent à Paris ensemble pour ordonner des
« besoignes du rojaumc, et toutes matières se
« devaient rapporter par ces trois États ; et de-
« vaient obéir tous prélats, tous seigneurs, toutes
« communautés des cités et des bonnes villes à ce
a que ces trois États ordonneraient. »
Cependant, après avoir feint de céder à la vo-
lonté des États, le dauphin s'efforçait d'annuler
les effets de l'ordonnance de réformation, et d'em-
pêcher les trente-six commissaires d'agir. Alors,
poussés par Marcel, les Parisiens se révoltèrent et
massacrèrent les maréchaux de Champagne et de
Normandie, principaux conseillers du dauphin,
dans son appartement et sous ses yeux (22 février
1358). Effrayé, le dauphin sortit de Paris et alla ^e
mettre à la tête de la noblesse qui, ainsi que
le clergé, avait presque cessé de paraître aux
Etats, et se disposa à revenir sur ia capitale, dont
Marcel organisa la défense. C'est à ce moment
que les paysans du nord de la France tentèrent
la grande insurrection qu'on appelle la Jacquerie*.
Les Parisiens firent un moment cause commune
avec les paysans; mais ceux-ci furent promptemeni
écrasés par la noblesse. Bientôt après, Marcel fut
assassiné (!"' août 1358} et tous les fruits de la ré-
volution furent perdus.
Aucune autre assemblée des Etats n'eut plus
jamais autant d'importance et surtout ne montra
autant de hardiesse. Institués pour venir en aido
au pouvoir royal, on les verra maintenant déchoir
à mesure que celui-ci grandira, puis disparaître
complètement pendant près de deux siècles (1G14-
178S)), c'est-à-dire pendant que le pouvoir du roi
sera absolu et incontesté. Néanmoins de 1358 à
1014 ils furent encore bien des fois convoqués.
En 1359, ils repoussèrent le traité conclu par
Jean avec Edouard. En 13(i9, sous Charles V, ils dé-
cidèrent que l'appel des barons du midi contre le
prince de Galles devait être reçu. En 1413, sous
Charles Vf, ils approuvèrent la fameuse ordon-
nance cabo'.hienne, rédigée par les docteurs de
l'Université. En 1430 et en 1444, tout en aidant
Charles VI i accomplir ses utiles réformes, ils ab-
diquèrent en quelque sorte entre les mains du roi,
en établissant une taille perpétuelle qui permit à
celui-ci de se passer d'eux désormais, pour pour-
voir aux nécessités de la guerre. En 14G8, sous
Louis XI, ils décidèrent à Tours que la Nor-
mandie ne pouvait être distraite du domaine royal
et que, suivant l'ordonnance de Charles V, le
frère du roi n'avait droit qu'à une rente de 12000
livres.
En 1484, pendant la jeunesse de Charles VIII,
on put croire un instant que les grands jours de
1357 étaient revenus. Les Etats furent élus dans
des conditions toutes nouvelles où l'esprit de la
France moderne s'affirmait déjà. Ils n'eurent plus
rien de féodal. « On convoqua fa totalité des habi-
tants libres du royaume, paysans aussi bien qu'ec-
clésiastiques, nobles et gens des villes, à l'exception
de ce qui restait des serfs. Les hommes libres de
toutes les paroisses furent invités à envoyer des
délégués au chef-lieu des prévôtés, où ces délé-
gués choisirent entre eux des électeurs qui allèrent
nommer des députés dans les chi.'fs-lieux des bail-
liages ou des sénéchaussées. Les élections dans le
tiers se firent ainsi à trois degrés. Les ecclésiasti-
ques et les nobles élurent directement leurs dépu-
tés, sans que les évêques et les grands b.trons
eussent plus de droit que les autres. Il y eut ainsi
complète égalité dans chacun des trois ordres,
comme s'ils eussent été trois démocraties à côté
l'une de l'autre. »
L'assemblée se réunit à Tours, le 15 janvier. Ses
revendications furent aussi complètes que le temps
le comportait, et ses cahiers de doléances rédigés
sans la moindre faiblesse. L'attention du roi fut
appelée sur tout : religion, finances, armée, jus-
tice, administration. Cependant aucune réforme
ne fut réalisée. L'esprit public était trop faible et
l'assemblée ne se sentait sans doute pas poussée
par la nation. Il ne résulta de sa réunion que le
vote de la taille, la constitution du conseil du roi,
et d'éloquents et hardis discours, parmi lesquels
celui du sire Philippe de la Roche Pot, où se trou-
vent ces paroles bien étonnantes pour l'époque :
« La royauté est une fonction, non point un héri-
« tage, et ne doit point, à l'instar des héritages,
« être nécessairement confiée à la garde des tu-
« teurs naturels, des plus proches du sang
<t L'histoire nous enseigne et j'ai appris de mes
« pères, qu'au commencement les rois furent
« créés par la volonté du peuple souveroui. On
« élevait au rang suprême les plus vaillants et les
« plus sages, et chaque peuple élisait ses chefs
« pour son utilité Quiconque possède par
« force ou autrement, sans le consentement du
« peuple, le gouvernement de la chose publique,
a n'est qu'un tyran et un usurpateur du bien
» d'autrui. »
Jnsdu'en 1(;14, les assemblées qui suivirent n'ont
ÉTATS GÉNÉRAUX
716 —
ÉTATS-UNIS
rien de rpmarqnablo. En 1506, les Etats de Tours
décidèrent Louis XII à casser les traités de Blois
et à refuser sa lille à Charles d'Autriche pour la
donner à François d'Angoulênie, qui fut Fran-
çois I"^. C'est dans la même session qu'ils donnè-
rent à ce bon roi le titre de Père du Peuple.
François ]" et Honri II, souverains absolus déjà,
ne convoquèrent pas les Etats, qu'on ne voit repa-
raître que lorsqne les guerres de religion eurent
tout mis en pci'il. En 15G0, sous Cliarles IX, ceux
d'Orléans présentèrent au chancelier de l'Hôpital
de remarquables cahiers qui inspirèrent les ordon-
nances royales sur le commerce et l'industrie. Ceux
do I5TG, de lôSS et de lô!)3 ne peuvent être con-
sidérés comme de véritables Etats, une partie de
la nation seule y ayant été représentée. Les pre-
miers, réunis à Blois, furent une assemblée de li-
gueurs factieux qui répondit brutalement à Henri III
de veiller à l'extermination de l'hérésie. Les se-
conds ne sont célèbres que par l'assassinat du duc
de Guise et du cardinal de Lorraine, auquel ils
poussèrent peut-être le même roi par l'excès de
leur audace et de leurs insultes. Enfin, les troisiè-
mes, réunis à Paris et connus sous le nom d'Etats
de la Ligue, où l'on proposa l'abolition de la loi sa-
lique en faveur de la fille de Philippe II, et où on
finit par donner la couronne au cardinal Charles
de Bourbon, oncle d'Henri IV, furent rendus ridi-
cules et odieux par la satire Ménii'pée.
Henri IV ne convoqua pas les Etats ; ce n'est que
pendant les troubles qui suivirent sa mort que la
régente Marie de Modicis crut devoir les appeler en
1614. Mais la royauté avait trop grandi. Ces der-
niers Etats no furent que la parodie de l'institution
et paraissent bien pâles auprès de leurs devanciers.
Le tiers y fut continuellement humilié par les
deux autres ordres. Pourtant on ne peut nier qu'il
ait fait quelques efl'orts pour s'y faire écouter, ni
que ses demandes témoignent qu'il renfermait de
suffisantes capacités, à qui tout le mal était connu.
Il eut même le courage d'y dire « que les trois or-
dres étaient trois frères, enfants de leur mère
commune la France; que l'ordre nobiliaire, quoi-
qu'il fût comme l'aîné du tiers, ne le devait donc
pas mépriser ; qu'il se trouvait bien souvent que,
dans les familles, les aînés ravalaient les maisons
et les cadets les relevaient et les por; aient au plus
haut point de gloire. » Mais ce n'étaienl que des
paroles, prononcées sous la pression d'un outrage,
qu'on retirait bientôt après pour reprendre une
posture plus humble. Dans ces conditions l'assem-
blée ne pouvait qu'être impuissante. Aussi n'en
reste-t-il guère que quelques vers, sorte de pro-
phétie renfermée dans le quatrain suivant :
O noblesse, ô clergé, les aînés de la France,
Puisque l'honneur du roi si mal vous soutenez,
Puisque le Tiers-Etat en ce point vous devance,
Il faut que vos cadets deviennent vos aines.
Le temps de la révolution n'était effectivement
pas venu, car c'est de Vhonieur du roi et non de
yii.onneurnntionnl (\\x"\\ s'agit encore. Il fallait que
l'exercice de la royauté absolue eût accumulé assez
de misères sur la France pour que l'esprit public
se formât et pour que la nation donnât à ses repré-
sentants mission de s'emparer de la souveraineté
et de reprendre, en l'accommodant aux temps mo-
dernes, la tradition de la vieille Gaule. Ce fut
l'œuvre des Etats Généraux de 1789, qui surent
être une véritable assemblée nationale (V. Révolu-
tion française),
A consulter : Recueil général des Estais tenus en
France, i65l, in-4 ; — Savaron, Chronologe des Etats-
Généraux, 161S, in-8; — Rathery, Histoire des Etats-Gé-
néraux, 1845, in-8; — Recueil de Meyer, publié en 17S9 ;
— Histoire des Etats-déuéraux, par" Picot, ouvrage cou-
ronné par l'Académie française, 1872, in-8.
[P. Vincent. J
ÉTATSUMS. — Géographie générale, IV; His-
toire générale. XXIX ; Littératures étrangères, XIII.
— 1. Géographie physique. — Situntion. Limites.
— Les Etats-Lnis de l'Amérique Septentrionale, qui
s'étendent depuis VOcéon Atlantique jusqu'à 10-
céan Pacifique, sont séparés des possessions bri-
tanniques de Y Amérique anglaise, au nord, par le
Saint-Laurent (avant d'atteindre Montréal, le Saint-
Laurent cesse d'être Li limite entre le Canada et
les États-Unis, et le Canada s'étend sur les deux
rives du fleuve), et par les grands lacs auxquels il
sert d'écoulement, et du Mexique, au sud, par le
Rio-Grande-del-Xortc. Le golfe du Mexique, dans
lequel tombe ce fleuve, baigne leurs côtes méri-
dionales. A l'espace ainsi délimité il faut ajouter
l'ancienne Amériaue russe, aujourd'hui territoire
a'Alaska, que les Etats-Lnis ont aulieLC en istiî.
Nous en parlerons à part.
En' latitude ils sont compris entre 25" de latitude
nord, ce qui correspond à Canton, à Bénarès et au
Sahara africain, et 49° de latitude nord, ce qui cor-
respond à Paris. En longitude, ils sont compris
entre 70° et 127° à l'ouest de Paris.
Étendue. — Leur superficie est de 7,6C0,000 kil.
carrés. En y ajoutant les l,500,<i00 kil. carrés du ter-
ritoire d'Alaska, on trouve pour l'Union tout entière
une étendue supérieure à celle du Brésil. La Russie
et la Chine forment seules de plus vastes empires.
Côt''s, golfes, îles, fleuves : 1" Océan Atlantique.
— Du côté de l'Atlantique, les traits les plus sail-
lants du littoral sont, en descendant du nord au sud,
la baie de Massachusetts abritée par le cap Cod,
l'île Longue [Long-island] qui s'étend au devant de
New- York et de l'embouchure de YHudson, la baie
de Delnware, qui reçoit le fleuve de même nom,
celle de C/iesopeake où débouchent la Susquehanna,
le Pntomnc et le Jamei River; le cap Hattera?,
formé par une rangée de cordons littoraux bas et
sablonneux, qui séparent de la pleine mer les baies
de la Caroline du nord, et enfin la presqu'île de
la Floride, qui sépare le golfe du Mexique de l'A-
tlantique et se termine au sud par le cap Sa/de.
Avec les fleuves que nous venons de nommer,
les principaux cours d'eau rjne les Étais-Unis en-
voient directement à l'Océan Atlantique, sont In-
Connecticut, au nord de Long-UIand, elle SavaniiahCf
qui sépare la Caroline de la Gcoririe.
2° Golfe du Mexique. — Sur le golfe du Mexique,
le littoral est généralement bas et marécageux,
séparant souvent des lagunes de la pleine mer.
Les principaux cours d'eau que reçoit le golfe à
l'est du Mississipi, sont YApalachicola, qui sépare
la Géorgie de l'Alabama, et le fleuve qui a donné
son nom à ce dernier état. Puis \\enX\G Misdssipi,
le premier fleuve des États-Unis par l'importance
de son débit (en moyenne "20 000 mètres cubes par
seconde, c'est-à-dire 8 à 9 fois le Rhône) comme
par la longueur de son cours [b 000 kil. depuis la
source du Mississipi dans le lac de la Biche, jus-
qu'au golfe du Mexique, et 1 600 kil. de plus en
remontant à la source du Missouri'.
Les alluvions qu'il dépose à l'embouchure sur
la barre, à travers laquelle les ingénieurs ont bien
de la peine à maintenir le passage libre pour les
grands navires, allongent sans cesse son delta ^S0
à 100 mètres par an) et lui donnent la forme d'un
cap avancé dans le golfe. A l'ouest du Mississipi
débouchent, sur un littoral couvert de lagunes, les
fleuves du Texas, le Brazos et le Colorado, et enfin
le Rio-Grande.
3° Océan Pw ifique. — Du côté du Pacifique,
l'île anglaise de Vancouver est séparée du territoire
américain de Washington par le détroit de Juan de
Fuca, où débouche le Frnser, le fleuve aux placers
d'or de la Colombie anglaise. Puis vient l'estuaire
de YOrégon aux eaux puissantes, la baie de San-
Francisco, réputée comme une des merveilles du
monde et où débouche le Sacramento. Les eaux
ETATS-UNIS
717 —
ETATS-UNIS
delà Califormie méridionale, d'une partie de l'Utali,
de l'Arizono et des territoires voisins se déversent
dans l'Océan P;icifique par le Colorado, qui a son
embouchure dans le golfe de Californie sur le ter-
ritoire mexicain.
4° Le Saini- Laurent. — Outre les fleuves que
les États-Unis envoient au Pacifique, au golfe du
Mexique et à l'Atlantique, ils sont arrosés par d'au-
tres rivières qui sont des tributaires des lacs Supé-
rieur, Michigan, Huron, Ërié et Ontario, ou des
affluents directs du Saint-Laurent, de manière à
être toutes entraînées par ce fleuve dans l'Atlan-
tique.
5° La baie àHuihon. — La Rivière rouge à\x nord,
dont les sources sont voisines de celles du Mississipi,
mais qui coule en sens Inverse de ce fleuve, va se
déverser par le lac Winnipeg et le fleuve Nelson
dans la baie d'Hudson Le territoire des Etats-Unis
se partage donc en quatre versants principaux :
celui de l'Atlantique, celui du golfe du Mexique,
celui du Pacifique et celui de la iDaie d'Hudson.
Grand bassin intérieur. — Il comprend en outre
un vaste bassin fermé compris entre les montagnes
Rocheuses, les bassins de lOrégon, du Sacramento
et du Colorado, et qui ne communique avec aucune
mer.
Le Mississipi. — Le bassin du Mississipi comprend
la plus grande partie des États-Unis. Ses deux prin-
cipaux affluents : à droite, le Missouri, que lui en-
voient les Montagnes Rocheuses; à gauche, TO/i/o
qui se forme dans les Alleghanys, sont eux-mêmes
de grands fleuves comparés à nos cours d'eau de
l'Europe. Le iMissouri se grossit lui-même du Yellow-
stone, du Nebrask'i,à\i Kansas, toutes rivières des-
cendant des 5Iontagnes Rocheuses pour se réunir à
sa rive occidentale. Sur sa rive gauche ou méridio-
nale, rOhio reçoit le Kentucki/, le Cumberland, le
Tennessee, et sur sa rive droite, le Wabash. Avant
de se grossir des eaux du Missouri et de l'Ohio, le
Mississipi, qui est navigable depuis Saint-Paul, sur
les confins du Minnesota et du Wisconsin, reçoit
sur sa rive gauche ou orientale le WisconstU et
Ylllinois.
Le Missouri, dont le cours est plus long que celui
du Mississipi proprement dit, est aussi d'un volume
plus considérable. Le fleuve formé de la réunion
du Missouri et du Mississipi roule au pied des
monts Ozark, qui le forçaient autrefois à former
une chute puissante comme le Niagara et où il
s'est ouvert un passage, puis il mélange ses eaux
bourbeuses aux eaux limpides de l'Ohio. Dès lors,
son cours devient tortueux, il s'en détache un
grand nombre de branches secondaires appelées
bayous, qui courent d'une manière indécise dans
la plaine basse, marécageuse, malsaine, brûlée
pendant l'été par un soleil torride. Pour se défen-
dre contre les inondations, on est obligé de main-
tenir le fleuve entre de hautes digues, dont la
rupture amène trop fréquemment des désastres et
des épidémies. Remplissant sans cesse son lit des
dépôts qu'il charrie, malgré sa profondeur de 8 à 15
mètres et sa largeur de 2 à 3 kilomètres, le fleuve
va toujours en s'exhaussant et domine le pays
environnant comme le Pô le fait en Lômbardie.
11 reçoit encore à droite, sur sa rive occidentale,
deux grands cours d'eau, VArkansas et la Rivière
Rouge du sud. Comme le Mississipi lui-même,
cette dernière rivière charrie une grande quantité
d'arbres déracinés dans les plaines de l'Ouest. Des
radeaux, des îles flottantes, se forment et se défont
ainsi, au gré des courants et des obstacles qu'ils
rencontrent. Enfin le Mississipi arrive à la Nouvelle-
Orléans, qui, par les lacs voisins Pontchartrain et
Borgne, communique avec le golfe du Mexique, tan-
dis que le fleuve continue encore pendant une tren-
taine de lieues avant de mélanger ses eaux troubles
à celles du golfe.
Autres fleuves. — Pour être moins considérables
que le Mississipi, d'autres fleuves des États-Unis
n'en sont pas moins imposants. Avant de former
l'admirable port de New- York, l'Hudson passe au
pied de hautes et superbes falaises renommées
sous le nom de palissades. Le Delaware permet
aux navires de mer de remonter jusqu'à Phila-
delphie. Le Colorado roule pendant dos centaines
de kilomètres au fond de Carions dune sauvage
grandeur, àplusieurs centaines de mètres au-dessous
des plateaux qui le bordent. L'Orégon, beaucoup
plus abondant, a aussi ses dalles, falaises grandioses
revêtues de magnifiques forets.
Montagnes. Monts Alleghanys. — Les monts
Alleghanys OM Apalaches sont les premières cimes
qui frappent les yeux des Européens débarquant
dans un des ports de l'Atlantique. Ils s'allongent
en chaînes multiples et parallèles, orientées du
nord-est au sud-ouest, et qui, par leur apparence
et leur constitution géologique, rappellent le Jura.
Leur altitude moyenne est de 1000 à 1200 mètres,
leurs sommets les plus élevés atteignent 2000
mètres. Ils séparent le bassin des fleuves aboutis-
sant directement à l'Atlantique ou au golfe du
Mexique de ceux du Saint-Laurent et de l'Ohio.
Au nord des États-Unis, il n'y a pas de ligne de
faîte bien tranchée entre les rivières qui descendent
au Mississipi et celles qui aboutissent aux grands
lacs.
Montagnes Rocheuses. — Mais à l'ouest, les Mon-
tagnes Rocheuses forment l'arête principale du con-
tinent. C'esc un énorme bourrelet, plus rapproché
de l'Océan Pacifique que de l'Atlantique, et dont
l'altitude absolue est considérable ; mais vues des
prairies qui s'étendent à leur pied, elles semblent
moins imposantes qu'on ne s'y serait attendu à
cause de l'altitude où l'on se trouve déjà. Les monts
Pike et Long, dans le Colorado, sont des géants
comparables à notre Mont Blanc. Les Montagnes
Rocheuses, riches en métaux précieux, renferment
des sites si pittoresques par leur végétation fores-
tière, les sources jailUssantes, les geysers, les cas-
cades qui s'y rencontrent, que le Congrès desEtats-
Unis a résolu de les conserver à l'admiration des
générations futures, en en faisant des Parcs natio-
naux, que doivent respecter la hache du bûcheron
et le pic du mineur.
Sierra Néva'hi. — A l'ouest du bassin intérieur,
le long de la côte du Pacifique, s'élève une chaîne
dont les sommets sont encore plus élevés que ceux
des Montagnes Rocheuses. C'est la chaîne des Cas-
ca<ies, continuée au sud par la Sierra Nevada, où
les monts Whifney et Shasta, pour ne citer cjue les
plus remarquables, atteignent de 4 à 5000 mètres.
Ce sont les cimes les plus élevées de toute l'Union.
Le chemin de fer du Pacifique franchit cette
chaîne par des cols de 2500 mètres de hauteur, où
l'on ne sait ce qu'on doit admirer le plus de la
magnificence du paysage, ou de la hardiesse avec
laquelle les ingénieurs y ont élevé leurs travaux
d'art.
Les monts Ozark, dont nous avons parle à propos
du Mississipi, s'étendent du nord-est au sud-ouest
depuis Saint-Louis sur le Mississipi jusqu'au Texas:
Ils ne paraissent élevés qu'à cause des plaines basses
qu'ils dominent.
Climat. — A latitude égale, la différence^ est
grande entre le climat de l'Amérique et celui de
l'Europe. Le nouveau continent est beaucoup plus
froid que l'ancien.
A New-York, situé sur le parallèle de Naples, la
température moyenne n'est pas plus élevée qu'à
Paris. En outre, l'écart entre les froids de Ihiver
et les chaleurs de l'été est bien plus considérable
de l'autre côté de l'Atlantique que dans notre pays.
C'est que le long des côtes américaines de l'Atlan-
tique descend un courant froid venant du pôle, au
lieu des flots échauffés du Gulf-Stream qui viennent
élever la température sur les côtes occidentales da
ÉTATS-UNIS
— 718 —
ETATS-UiNIS
TEurope. Aucune montagne ne sépare les froides
régions du pùlo des bords du golfe du Mexique,
et les vents glaces font sentir leur influence pen-
dant l'hiver sur tout le bassin duMississipi jusqu'à
la Nouvelle-Orléans. L'élévation du sol dans toute
la région qui s'étend entre les Montagnes Roclieuses
et la Sierra Nevada est une autre cause d'abaisse-
ment de la température. Mais sur le versant du
Pacifique, abrité contre les frimas du pôle, on re-
trouve un climat d'autant plus analogue h celui de
l'Europe, que le littoral en est récliauffé par le
courant du Koiiro-Sivo, venu des côtes du Japon
à travers le Pacifique, et tout à fait analogue au
Gulf-Stream.
La quantité de pluie reçue par le sol varie aussi
beaucoup d'une région à l'autre des États-Unis.
Sur les côtes du golfe du Mexique et de la Flo-
ride, l'eau versée en abondance par des orages
diluviens comme entre les tropiques, remplit des
cours d'eau, des lacs, des marais nombreux,
près desquels sévit la fièvre jaune, fléau de la
race blanche, mieux supporté par les nègres. Les
côtes du Pacifique reçoivent des pluies très fré-
quentes, d'autant plus abondantes qu'on avance
vers le nord, et qui y entretiennent u)ie superbe
végétation. Les montagnes retiennent aussi sur
leurs sommets une grande masse de neige ou de
pluie.
Du côté de l'Atlantique, les nuages, pompés par
le soleil dans les flots du Gulf-Stream, se conden-
sent à la rencontre des vents froids venant du
pôle, et tombent sur le littoral en pluies abon-
dantes. 11 en résulte que cette région n'est pas
seulement la plus rapprochée de l'Europe : c'est
encore celle où les premiers émigrants anglais ou
hollandais se fixèrent le plus volontiers, parce
qu'ils y retrouvaient un climat analogue à celui
qu'ils venaient de quitter. C'est cette abondance
de pluies qui fait l'importance des fleuves en-
voyés par les Alléglianys à l'océan Atlantique,
malgré le peu d'étendue de leur bassin. Ayant à
tomber d'une grande hauteur sur un faible par-
cours, ils forment une série de cascades qui n'of-
frent pas seulement des tableaux pittoresques, mais
qui, ingénieusement mises h profit par les Amé-
ricains, leur fournissent de nombreuses et puis-
santes forces motrices. Les cliutes d'eau du seul
Etat du Maine équivalent, dit-on, au travail que
pourraient effectuer 24 millions d'hommes dans
la force de l'âge travaillant vingt-quatre heures
par jour.
Sur le versant opposé des AUéghanys, le bassin
de rOhio est encore suffisamment arrosé et ofi're
des terres très fertiles. Mais à mesure qu'en avan-
çant vers l'ouest on s'éloigne de la mer, le climat
devient de plus en plus sec. Le nord du bassin du
Mississipi forme une vaste prairie, ancien domaine
du bison, qui se couvre rapidement aujourd'hui de
fermes. C'est le fond d'un ancien lac remontant au
temps où le Mississipi se déversait dans l'Atlan-
tique par le Saint-Laurent. La terre y est prodi-
gieusement fertile et fournira longtemps encore
des récoltes sans réclamer d'engrais. Mais en
descendant au sud, on trouve les mauvaises terres
du Nébraska, les solitudes du désert américain et
les plateaux monotones du Llann est'icado, sur les
confins du Texas et du Nouveau Mexique, où liio-
rizon offre une si grande uniformité qu'on ne sau-
rait s'y retrouver sans les pieux qui jalonnent ia
route. Les rivières qui s'y forment reçoivent si peu
d'eau de pluie, que souvent leur large lit se trouve
entièrement à sec, malgré l'étendue du bassin
qu'elles drainent.
A l'ouest des Montagnes Rocheuses, dans l'Ari-
zona, où les cactus forment la végétation Ja plus ré-
pandue, la sécheresse est encore plus grande, et
c'est ce qui explique la disette d'eau duColorado,
qui ne verse pas dans le golfe de Californie plus
d'eau que la Seine, malgré son cours de 2500 kilo-
mètres.
L'Uiali participe aussi à cette sécheresse, tandis
qu'au nord, le bassin de 1 Orégon est couvert de
forêts où la végétation atteint un développement
superbe, et qu'îi l'ouest, la Californie est une des
régions les plus heureuses de la terre pour la dou-
ceur du climat, la fertilité du sol, la richesse miné-
rale, la magnificence de la végétation. C'est là qu'on
trouve ces séquoias gigantesques âgés de milliers
d'années, dont le tronc est assez gros pour qu'un
cavalier puisse circuler achevai dans l'intérieur de
l'arbre abattu comme dans un tuimel, et dont la
cime dépasse les plus hauts monuments de la
terre.
Régions physiques. — Les Etats-Unis se divisent,
d'après ce qui précède, en trois grandes régions phy-
siques : à l'est, le versant de l'Atlantique ; au centre,
la plaine du Mississipi; à l'ouest, la haute région
des Montagnes Rocheuses et de la Sierra Nevada.
Chacune de ces régions se subdivise à son tour
en plusieurs groupes d'Étals ou de territoires. (Les
territoires ne sont admis au rang àEtat par le
congrès, que lorsqu'ils ont atteint une certaine
population.)
A l'est, les Etals riverains de l'Atlantique com-
prennent trois groupes, savoir :
Au nord, les Etats de la Nouvelle-Angleterre, an
nombre de six : Maine, New-Hampsliire, Vermont,
Massachusetts, Rhode-Island et Connecticut.
Au centre, depuis Long-Island jusqu'à la baie
de Chesapealie. cinq Etats : New-York, New-Jersey,
Pennsylvanie, Delaware, Maryland, et le district de
Colombie, avec la capitale fédérale, Washington.
Au midi, cinq Etats : la Virginie, la Caroline du
nord, la Caroline du sud, la Géorgie et la Floride.
Les Etats de la plaine centrale qui s'étend de-
puis les lacs du nord jusqu'au golfe du Mexique,
comprennent aussi trois groupes : au nord, cinq
Etats riverains des lacs : l'Ohio, l'Indiana, l'IUi-
nois, le Wisconsin et le Micliigan ; au sud, entre
l'Ohio, le Mississipi et les AUéghanys, cinq Etats :
la Virginie occidentale, le Kentucky, le Tennessee,
l'Alabama et le Mississipi ; à l'ouest, sur la rive
droite du Mississipi, cinq Etals : le ^linnesota,
riowa, le Missouri, l'Arkansas et la Louisiane.
La grande région des Montagnes Rocheuses, qui
comprend plus de la moitié du territoire de l'U-
nion, se subdivise orographiquement en quatre
groupes d'Etats ou de territoires. Trois Etats et
deux territoires occupent la haute plaine, par où
l'on s'élève depuis les rives du Mississipi et du
Missouri jusqu'au pied des Montagnes Rocheuses.
Ce sont : le Dakota (terr.), le Nébraska, le Kansas,
le territoire indien, et le Texas. Trois territoires
et un Etat occupent la région montagneuse propre-
ment dite. Ce sont : les territoires de Montana, de
Wyoming, et du Nouveau-Mexique, et le Colorado.
Trois territoires et un Etat occupent le bassin in-
térieur. Ce sont : les territoires d'Idaho, d'Utah
et d'Arizona, et l'Etat de Nevada. Enfin, deux Etats
et un territoire couvrent le littoral du Pacifique.
Ce sont : le territoire de Washington, et les Etats
d'Orégon et de Californie.
2. Géographie agricole et industrielle. — -Agri-
cullure. — Les Etats-Unis sont un pays très ri-
che sous le rapport agricole, A l'est, depuis l'océan
Atlantique jusqu'au Mississipi, au nord, le long
du Saint-Laurent et des lacs, les premiers émi-
grants trouvèrent le sol revêtu presque p.irtout de
superbes forêts. Au delà, jusqu'aux Montagnes Ro-
cheuses, c'était la prairie, où les Indiens chassaient
le bison. Aujourd'hui, les forêts de l'est sont bien
éclaircies, si bien que le Congrès songe à régler
leur exploitation pour ne pas dépouiller l'Union
de cette source de richesses. Les principales
essences qu'on y rencontre sont les cèdres et
cyprès de la Floride, de la Caroline, et de la Vir-
ETATS-UNIS
— 719 —
ÉTATS-UNIS
ginie, l'érable à sucre, le chêne, le noyer, le pla-
tane, le charme.
Dans ces forêts nouvellement défrichées, dans
la prairie que n'avait jamais entamée le soc
de la charrue, le sol fertile produit de superbes
moissons. La terre ne fait pas défaut aux cmi-
grants qui se portent de plus en plus à l'ouest sur
des espaces encore inoccupés. Aidé par de puis-
santes et ingénieuses machines, chacun d'eux en-
semence et moissonne un domaine étendu, où il
trouve des ressources abondantes pour sa per-
sonne et de nombreux produits à exporter. A la
variété des climats répond aussi la variété des
cultures. Le mais et le froment sont les deux prin-
cipales. Le domaine du premier comprend pres-
que tout le territoire de l'Union, sauf la région
des montagnes, mais est surtout répandu dans le
bassin de l'Ohio, où il sert à engraisser les milliers
de cochons qu'on abat annuellement à Cincinnati
(Porcopolis) . On estime à 2 milliards et demi ou
3 milliards de francs la valeur de la récolte an-
nuelle du maïs sur le territoire -de l'Union. Le
froment avec les autres céréales donnent un pro-
duit presqu'aussi élevé. Le froment domine dans
la Nouvelle-Angleterre, dans la région des lacs et
les plaines du Haut-jMississipi, dont Chicago est le
grand entrepôt, et dans la Californie. Le seigle,
l'orge, l'avoine remplacent le froment dans les
terres plus froides ou moins fertiles. Le riz a fait
la réputation de la Caroline, la canne à sucre fait,
avec le coton, la fortune de la Louisiane.
Le coton couvre les Etats du ^lississipi, d'Ala-
bama et de Géorgie. La Nouvelle-Orléans est le
plus grand entrepôt du monde pour ces balles qui
vont alimenter les filatures de .Manchester, de
Rouen et de Mulhouse. Au nord, les plantations
de coton font place à celles de tabac, qui s'éten-
dent sur les deux versants des Alléghanys depuis
l'océan Atlantique jusqu au Mississipi. La Virgi-
nie, le Maryland, le Kentucky, le Tennessee pro-
duisent des espèces variées très estimées des fu-
meurs. C'est le chanvre qui est cultivé comme
textile dans cette région du tabac. Il donne des
produits importants dans la plaine de l'Ohio et du
Mississipi.
Les Etats du sud produisent les fruits des tro-
piques, les oranges, les limons, les grenades.
Mais c'est en Californie qu'on récolte les meilleurs
vins. Bien que la vigne croisse à l'état sauvage
dans les Etats de la Nouvelle Angleterre, ce qui
fit appeler ce pays Vinland par les navigateurs
Scandinaves qui y abordèrent deux siècles avant
Christophe Colomb, elle n'y mûrit pas ses fruits,
et c'est le houblon qui y est cultivé pour fabri-
quer la bière et remplacer le vin.
Le bétail est très nombreux aux États-Unis. Les
pâturages ne manquent ni dans les montagnes du
nord-est. où l'on fabrique beaucoup de fromages,
ni en Californie, où l'on produit une énorme
quantité de laine, ni dans la prairie du centre,
autrefois domaine du bison. Là on élève de gran-
des quantités de bœufs, de porcs, de moutons,
pour saler leur viande, fondre leur suif, et expé-
dier en outre leurs cuirs et leurs laines, en atten-
dant que les moyens de transport deviennent assez
rapides et économiques pour qu'on puisse amener
en Europe le bétail vivant. Les Américains aiment
beaucoup les chevaux; ils en possèdent une grande
quantité, et la race en est renommée pour la ra-
pidité de son allure au trot. La production du
foin, du beurre, du fromage, du lait est évaluée
annuellement à 3 milliards.
Mines. — Les États-Unis tirent des richesses
immenses de leurs mines, qui comprennent à la fois
les métaux les plus précieux et les plus utiles.
Les bassins houillers y occupent une région
douze fois plus étendue qu'en Europe. Ils sont
compris entre les Alléghanys et les hauts pla-
teaux du Nébraska, du Kansas et du Nouveau-
Mexique. Le territoire de Washington et l'Orégon
possèdent, en outre, des bassins isolés de ceux-ci.
Bien qu'on n'en retire pas annuelleniejit autant de
combustible que dos puits de la Grande-Bretagne,
les houillères des Etats-Unis semblent être, avec
celles de la Chine, les plus riches dépôts du globe
en combustible minéral. Pour l'importance de
l'extraction, elle viennent immédiatement après
celles de l'Angleterre. A cette 'source de richesse
s'ajoute l'huile de pétrole, qui jaillit en Pennsyl-
vanie de puits creusés sur le versant occidental
des Alléghanys en quantité si prodigieuse que le
pays en a pris le nom de j'Uys de l'huile.
Le fer, dont l'extraction est plus importante que
celle de l'or même, abonde dans les Alléghanys et
sur les bords du lac Supérieur, où existent en
même temps des dépôts de cuivre pur, uniques au
monde. Ce dernier métal se trouve en outre dans
le Missouri. Le plomb est exploité dan- le haut
bassin du Mississipi, le Michigan, le "\Visconsin,
rillinois, l'Iowa, le Missouri ; le sel dans l'Utah.
Les métaux précieux, bien que se rencontrant
le long des Alléghanys, se trouvent en abondance
surtout à l'ouest des Montagnes Rocheuses; l'or
dans la Californie, le Colorado et les États voisins,
qui en produisent pour 500 millions de francs par
an. Cependant ce produit est en diminution depuis
quelques années. L'argent a été trouvé en si gran-
de quantité dans le Nevada, que la valeur relative
de ce métal a baissé sur les grands marchés mo-
nétaires d'Améiique et d'Europe. La Californie
produit 2 millions de kilogrammes de mercure, qui
serventà extraiie l'or des sables aurifères et viennent
faire concurrence en Europe aux produits d'Alraa-
den et d'idria.
Manufactures. — Pendant longtemps les Amé-
ricains se sont contentés de vendre à l'Europe
les matières premières fournies par leur pays et
d'en tirer en échange des produits manufactu-
rés. Mais depuis la guerre de sécession, pour amor-
tir l'eiTroyable dette contractée par l'Union , ils
ont frappé les produits étrangers de droits d'im-
portation énormes. Il en est résulté de tels avan-
tages pour leurs manufactures que celles-ci se sont
considérablement multipliées et développées. Non
seulement elles sont aujourd'hui en état de sou-
tenir la concurrence étrangère sur les marches
américains, où elles sont protégées par les droits
douaniers, mais elles expédient leurs marchan-
dises sur les marchés de l'Asie, de l'Australie,
de l'Europe même, pour prendre la place des
produits anglais, français ou allemands. C'est
surtout dans les états de la Nouvelle Angleterre
et dans les villes que se. concentrent les manufac-
tures. Elles fabriquent des étoffes de laine, de
coton qui rivalisent avec celles d'Angleterre, des
soieries comme à Lyon ou à Zurich, de la cordon-
nerie, des objets en cuir, de la quincaillerie, des
armes, des machines à coudre qu'aucun construc-
teur n'a encore pu dépasser, de l'horlogerie
comme en Suisse et en Franche-Comté, des ma-
cliines outils, des machines à vapeur aussi puis-
santes qu'agiles. Le Massachusetts est le premier
État de l'Union pour ses filatures et ses étoffes de
laine et de coton. Le Connecticut occupe ce rang
pour les soieries, et les rubans de soie de Patter-
son, dans le New-Jersey, ont valu à cette ville d'être
appelée par les Américains le Lyon des États-Unis.
A côté de ces manufactures proprement dites, on
trouve, près de l'Atlantique, de nombreuses mino-
teries qui expédient en Europe des barils de fa-
rine.
La Pennsylvanie, gçâce aux mines de houille et
de fer qui s'y rencontrent, a des hauts fourneaux,
des forges considérables. Pittsbourg, au confluent
del'Alléghany et du Monongahéla, qui s'y réunissent
pour former l'Ohio, mérite d'être comparé à Bir-
ÉTATS-UNIS
— 720 —
ÉTATS-UNIS
mingham ou à Sheffield pour son activité métallur-
gique, et a déjà plus de 100,000 habitants. Philadel-
phie est la première ville manufacturière de l'U-
nion et la seconde pour sa population, grâce aux
usines diverses qu'elle renferme pour le travail des
métaux, i ses filatures et à ses fabriques d'étoffes
et de confections. Pittsbourg et Philadelphie fa-
briquent des locomotives pour l'Amérique entière
et pour quelques pays étrangers.
En dehors de cette région manufacturière, Chi-
cago et Cincinnati ont de grands établissements
pour abattre et dépecer les bestiaux et préparer
les divers produits qu'on en retire. Dans les plan-
tations de la Louisiane, on écrase les cannes qui
donnent le sucre. Dans les forêts de la Caroline
on prépare du goudron , de la térébenthine, de
la poix. Le Maine a des scieries nombreuses et
d'importants chantiers de construction maritime.
Chicago fabrique des machines agricoles qui sont
exportées dans le monde entier.
llne petite ville de l'Illinois, Elgin, fabrique mé-
caniquement des montres avec un outillage si per-
fectionné que la production est d'une montre par
jour et par ouvrier.
L'industrie de la pêche s'exerce activement sur
les côtes. L'État de Delaware, entre les deux baies
de Delaware et de Chesapeake, est particulièrement
favorisé sous ce rapport. XuUe part au monde
l'ostréiculture n'est aussi développée que dans la
baie de Chesapeake, d'où l'on retire annuellement
40 milliards d huîtres. Le long des côtes de l'Oré-
gon et du territoire de Washington, on poursuit
les phoques. Les États-Unis envoient en outre en
Europe beaucoup de homards, de saumons, et au-
tres poissons conservés en boîtes.
3. Commerce. — Voies navigables. — Il est peu
de pays au monde aussi bien desservis que les
Etats-Unis par les voies de communication natu-
relles. L'Amazone et le Parana sont navigables
pour les navires de mer h de plus grandes distances
de l'océan que les fleuves de l'Amérique du nord.
Mais le Missouri, qui porte bateau presque depuis
sa source, offre la plus longue ligne de navigation
fluviale du globe. Par le Saint-Laurent et les lacs,
les grands navires remontent jusqu'au fond du lac
Supérieur, et lorsque pendant l'hiver les glaces
barrent cette route aux expéditeurs de Chicago, ils
ont, pour y suppléer, le canal qui relie leur ville
avec le Mississipi, ou le canal du lac Erié qui, tour-
nant les Alléghanys par le nord, îe joint à l'Hud-
son. Le Saint-Laurent, le Mississipi, le canal de
l'Erié avec l'Hudson, forment les trois grandes
lignes de navigation intérieure des Etats-Unis. Mais
ce ne sont pas les seules. L'Hudson est encore
relié par le lac Champlain et la rivière Pàchelieu,
qui sert de déversoir à ce lac, avec le bas Saint-Lau-
rent. Plusieurs canaux relient le lac Erié avec la
rive droite de l'Ohio. Sur tous ces fleuves, l'Hud-
son, rOhio, le Mississipi, le Missouri, les stea-
mers luttant de vitesse transportent continuelle-
ment passagers et marchandises, tandis que sur
leurs rives et d'un bassin à l'autre courent les
trains rapides de chemins de fer, dont le réseau
forme une infinité de mailles de plus en plus ser-
rées, surtout dans les Etats de l'est.
Chemins de fer. — Ce réseau est aujourd'hui de
125,000 kilomètres, les o/G du réseau européen
pris dans son entier, plus de trois fois la circon-
férence de la terre à l'équateur. La ligne la plus
remarquable relie New- York, sur l'Atlantique, à
San Francisco, sur le Pacifique. D'autres chemins
doubleront bientôt cette ligne en reliant svir d'au-
tres points les deux océans.
Grandes villes et ports de l'intérieur. — C'est
le long des fleuves, ou sur les rives de la mer,
que se trouvent les villes les plus populeuses et
les plus commerçantes. Chicago, sur la rive méri-
dionale du lac Michigan et dans l'Etat d'IUinois,
offre le plus prodigieux exemple du rapide déve-
loppement de quelques cités américaines. En 1813,
elle n'avait que 550 habitants. Mais les émigrants
commençant à se porter dans ces régions du Far-
VVest, elle est devenue, grâce à sa situation, un
immense entrepôt pour leurs grains, leurs farines,
leurs salaisons qu'elle expédie chaque jour en
Europe. Dévorée par un immense incendie en 1S71,
elle s'est relevée de ses cendres avec une rapidité
surprenante. On estime sa population aciuelle à
plus de 400,001» habitants. Son commerce est le
double de celui do Marseille, son entrepôt de
grains le premier du monde après celui de Londres.
Sur la même rive du lac Michigan, Milwa'jkee,
dans l'état de Wisconsin, a déjà 100,000 habitants.
Détioit, dans l'état de Michigan, sur le canal qui
relie le lac Huron au lac Erié, a 80,000 habitants.
Sur la rive méridionale du lac Erié se rencontrent
successivement de l'ouest à l'est dans l'Etat d'Ohio:
Toledo avec 30,000 habitants, dont le port est relié
par des canaux avec Cincinnati et avec le bas
Ohio par la rivière Wabash ; puis Cîeieland. ville
de 100,000 habitants, qui est reliée par canaux
avec Pittsbourg; enfin, dans l'Etat de New-York,
Bu/f'alo, qui est encore plus peuplée, grâce à sa
position à l'extrémité du canal de l'Erié et au voi-
sinage de la frontière du Canada, qui en font
l'entrepôt du commerce de ce pays avec New-York.
Sur le lac Ontario, la plus grande ville, Rochester,
dans l'état de New-York, a déjà plus de 80,000 ha-
bitants.
Le canal de l'Erié rejoint l'Hudson à Troi/, qui a
une cinquantaine de mille âmes. En descendant le
fleuve, on passe devant Albany, la capitale de
l'Etat de New-York, dont la population dépasse
80,000 habitants. Et enfin on arrive à New- York,
que nous décrirons avec les ports de l'Atlantique.
Le long de l'Ohio se trouvent : Pittsbourg, dont
nous avons déjà parlé, puis Cincinnati, la métro-
pole de l'Etat d'Ohio et de toute la région voi-
sine, où plus de V00,(i00 habitants se sont groupés ;
Lonisville, dans le Kentucky, qui en renferme
plus de I0ii,0()0.
Le Mississipi arrose deux villes considérables,
toutes deux d'origine française : Saint-Louis du
Missouri, située un peu en aval du confluent
de la rivière de ce nom, au centre du bassin
du Mississipi, actuellement la troisième ville de
l'Union par sa population de 450 ou 500,000 habi-
tants, autrefois l'entrepôt du commerce des four-
rures des territoires de l'ouest, aujourd'hui entre-
pôt de leurs grains, de leurs salaisons, de leur
bétail et des produits manufacturés ou des denrées
coloniales qu'ils reçoivent en échange ; et la Nou-
velle-Orléans, qui a grandement souffert pendant
la lutte des états confédérés du sud contre les
fédéraux du nord, mais qui est encore le centre
du commerce du bas Mississipi et des Etats rive-
rains du golfe du Mexique, et renferme plus de
200,000 habitants. Nous avons dit que le cotonet
le sucre étaient les principales denrées expédiées
par son port, qui est un des premiers de l'Union.
Grands potts de yner. — On ne trouve sur le
golfe du Mexique d'autre port important que celui
de Mobile (3(i,o00 hab.), à l'embouchure de l'Ala-
bama et dans l'Etat du même nom.
Sur l'Atlantique, les ports sont excellents et
nombreux. Charleston (50,000 hab.) exporte le
coton et les bois de la Caroline. Richmond, sur le
James Hiver, qui débouche dans la baie de (chesa-
peake, est un peu plus peuplé. Cette ville est la
capitale de la Virginie, et pendant la guerre de la
sécession elle était le chef-lieu de la confédération
du sud, ce qui en a fait l'objet d'une lutte san-
glante entre les deux armées opposées.
Washington, sur le Potomac, la capitale de l'U-
nion, n'est qu'à une petite distance de Richmond.
Elle renferme 110,000 habitants. Baltimore, dans
ETATS-UNIS
— 721 —
ÉTATS-UNIS
le Maryland,au nord de la baie de Chesapeake, a près
•de ;.00 OdO habitants. Philadelphie, sur la Delaware,
•où les Américains ont récemment célébré le cen-
tième anniversaire de la proclamation de leur indé-
pendance, en renferme plus de 800 000. Où trou-
Ter ailleurs qu'en Angleterre un paj-s où les
grandes agglomérations humaines se touchent
d'aussi près? C'est en quelques heures que le che-
min de fer traverse successivement Richmond,
Washington, Baltimore, Philadelphie, New-York.
Kew-York.— Cette dernière ville porte fièrement
le nom de « cité impériale ». Sa position est
unique au monde. Dix jours suffisent maintenant
aux steamers partant du Havre ou de Liverpool
pour se rendre à New- York. En trente-six heures,
le chemin de fer conduit de là à Chicago. Par
i'Hudson, New-York communique, ainsi que nous
l'avons expliqué, avec la région des lacs et le
Canada. Les plus gros navires jettent l'ancre dans
ce fleuve aux eaux profondes dont l'embouchure
est protégée contre les tempêtes de l'Océan par
l'île de Long-Island qui la couvre à l'est. Entre
cette île et la terre ferme s'ouvre au nord-est le dé-
troit qu'on nomme rivière de l'Est, et qu'on vient
récemment de débarrasser des bancs de rochers
qui l'encombraient, pour ouvrir aux navires une
route plus directe vers l'Europe. Les quais de la
rivière de l'Est et de I'Hudson se couvrent de plus
en plus de docks, d'usines, de constructions de
toute nature, qui agrandissent sans cosse la ville.
Entre ces deux rivières, la ville proprement dite
de New- York a déjà plus d'un million d'habitants.
Brooklyn, qui lui fait face dans Long-Island et lui
est relié par un pont suspendu des plus hardis
audacieusement jeté sur la rivière de l'Est, en a
oOO,000. Hoboken et Jersey-Cit)/, bâtis dans l'Etat
de New-Jersey, sur la rive droite de I'Hudson. ren-
ferment à eux deuK une centaine de mille âmes.
A quelques kilomètres de là, Newo7'k, dans le
même État, est encore plus peuplé. Cela fait un to-
tal de près de 1 700 000 habitants pour l'agglomé-
ration New-Yorkaise. Dès aujourd'hui c'est la ville
la plus considérable et le premier port de l'Amé-
rique. Si elle continue à s'accroître aussi rapide-
ment qu'elle l'a fait depuis le commencement de
ce siècle, elle surpassera bientôt Paris, et peut-être
un jour Londres.
Au nord de New-York, New-Haven, dans le Con-
necticut, a 50 000 âmes ; Providence, dans le Rhode-
Island, 100 OOO et d'importants ateliers de con-
struction ; Boston, dans le Massachusetts, 350 000.
C'est une ville très industrielle, la seconde place de
l'Union pour l'importance de son commerce. En
même temps, elle a mérité le surnom d'Athènes
américaine à cause des établissements scientifiques
qu'elle renferme. C'est à Cambridge, l'un des fau-
bourgs de Boston, que se trouve l'université d'Har-
vard. Dans le Maine, où l'industrie des construc-
tions navales est très développée, Portland, la ville
et le port les plus considérables, ne dépasse guère
30 000 habitants.
Du côté du Pacifique, l'activité commerciale se
concentre à S an- Francisco, qui, simple bourgade en
1848, est devenue, grâce à la découverte des pla-
cers californiens, une des grandes et riches villes
du globe. Elle renferme 150 ou 200 OOd habitants,
dont un grand nombre de Chinois. Elle est le
terme du grand chemin de fer transatlantique et le
port d'attache des steamers qui relient les États-
Unis au Japon, à la Chine, à l'Australie, à Panama.
De San-Francisco à Yokohama, dans le Japon, la tra-
versée du Pacifique est d'une vingtaine de jours,
le double de celle de l'Atlantique entre New-York
et l'Angleterre.
Marine. — La marine de commerce est une des
plus importantes du monde. Elle comprend environ
25 000 navires jaugeant 4 millions de tonnes. C'est
«nviron quatre fois la marine marchande de la
2e Partie.
France, les deux tiers de celle de la Grande-Breta
gne, mais la moitié de celle de l'ensemble des di-
verses colonies anglaises. Cette marine comprend
plus de 4000 bateaux à vapeur, dont le tonnage dé-
passe à lui seul celui de toute la marine de com-
merce française. 3 000 navires de 500 à 600 ton-
neaux chacun, en moyenne, se livrent au com-
merce de long cours, 20 000 de cent tonneaux cha-
cun, au cabotage ; 2 000 navires, dont la plus
grande partie ne sont que des barques, s'occupenr
à la pêche côtière, à la pêche de la morue sur le
banc de Terre-Neuve ou à la poursuite de la ba-
leine dans les mers arctiques.
Commerce extérieur. — Parmi les pays étran-
gers, c'est l'Angleterre qui tient le premier rang
par l'importance de ses relations commerciales avec
les États-Unis. Elles sont cinq fois aussi considé-
rables que celles de l'Allemagne ou de la France
qui viennent à peu près au même rang l'une et
l'autre. L'Amérique anglaise, les Antilles, la Chine
et le Japon, la Belgique, le Brésil, les Pays-Bas,
l'Espagne se suivent ensuite.
Les principaux objets d'exportation sont en pre-
mière ligne le coton, les grains ou farines, puis
les salaisons et les conserves, les métaux pré
cieux, les grai-sses, huiles et résines, le tabac, les
machines et outils, les bois, les cuirs ouvrés, les
tissus. Les Américains importent en échange des
denrées coloniales, des vins et liqueurs, des tissus,
des matières colorantes, des cuirs bruts, des textiles
à filer pour leurs manufactures, des bijoux, des
articles de mode ou de fantaisie.
IV. Population. — On trouvera à l'article his-
torique ci-dessous, le mode de développement de
l'Union américaine et l'origine de chacun des
États qui la composent. Nous parlerons seulement
ici des races qui forment sa population et de leur
distribution géographique.
Les Indiens. — Tout en étendant leurs frontières,
les Américains avaient plus d'une conquête à faire
à l'intérieur de leur territoire. Chassés par les
colons européens de leurs anciens terrains de
chasse, refoulés sans cesse par le flot des nouveaux
immigrants, usant sans doute des ruses et de la
cruauté inhérentes à leur état d'infériorité relati-
ve, mais perfidement dépouillés de territoires dont
les traités leur avaient solennellement reconnu la
possession, les Indiens ont courageusement lutté
pied à pied pour défendre le sol dont ils étaient les
légitimes possesseurs contre une civilisation qui
est la mort de leur race. Transportés à l'ouest du
Mississipi, dans un pays qui a pris d'eux le nom d<i
territoire indien, campés dans des réserves où la
chasse ne leur fournit plus des ressources suffi-
santes, obligés de prendre des habitudes laborieuses
et sédentaires dont ils sont incapables, ils vont en
dépérissant. Peut-on voir s'éteindre sans un re-
gret, sous prétexte qu'ils appartiennent à une
race inférieure, ces hommes qui possédaient les
nobles vertus du courage personnel, de la loyauté,
du respect de leurs chefs, et dont les Français,
pendant qu'ils occupaient le Canada et la Louisiane,
avaient fait des alliés si utiles et si fidèles?
Immigration. — La population des Etats-Unis,
qui était de 4 millions d'habitants en 1776, de .S
millions en 1800, de 32 millions en 1860, de :V>
millions au dernier recensement de 1870, doit
dépasser aujourd'hui 40 millions. C'est l'immigra-
tion qui a été la principale cause de cet accroisse-
ment. Insignifiante jusqu'en 1820, elle a amené
depuis sur le territoire américain plus de 9 milHons
de têtes. Sur ce nombre la moitié vient du royau-
me de Grande-Bretagne et d' Irlande. Il est sans
doute parti des ports de la Grande-Bretagne beau-
coup d'émigrants de nations étrangères; cependant
les famines de l'Irlande ont été suivies d'un exode
considérable vers les États-Unis. L'Allemagne a
envoyé les deux tiers environ de ce qu'avait fourni
ETATS-UNIS
— 722 —
ETATS-UNIS
l'Angleterre, près de 3 millions d'émigrants. La part
de la France et celle des Etats Scandinaves, à peu
près équivalentes, ne sont que la dixième partie du
contingent de l'Allemagne, 300 000 environ. Puis
I viennent la Suisse, l'Italie, l'Autriche, l'Espagne, la
, Russie, les Pays-Bas et la Belgique. Tous les Etats
i de l'Europe ont donc pris part au peuplement de
l'Union américaine.
Les Chinois. — Depuis quelques années, la Chine
et le Japon, entrant dans le courant des relations
des peuples de l'Europe et de l'Amérique, ont en-
voyé à leur tour des émigrants aux Etats-Unis, sur-
tout dans la Californie, sur les bords du Pacifique.
L'envahissement des Chinois est même devenu si
considérable que les Californiens réclament du
congrès leur exclusion ou le refus d'en admettre
de nouveaux. Aucun blanc ne peut soutenir la con-
currence que lui font ces Chinois. Vivant de rien,
n'ayant ni femmes ni enfants à entretenir, ils se
contentent du plus modeste salaire, ne reculent
devant aucune tâche. Ils ont construit une grande
partie du chemin de fer du Pacifique, glanent
dans les placers abandonnés par les blancs comme
trop pauvres, font d'excellents domestiques, des
blanchisseurs, des hommes de peine, et arrivent,
grâce à leur remarquable talent d'imitation, à re-
produire les divers objets dus à l'industrie euro-
péenne ou américaine. Par leur travail, leur écono-
mie, ils amassent des épargnes considérables qu'ils
emporteront dans leur pays natal, où ils sont résolus
à rentrer vivants ou morts. Les navires qui font le
service do San-Francisco en Chine emportent à
chacun de leurs voyages une cargaison de cercueils
de Chinois qui, en quittant leur patrie, se sont fait
garantir à l'avance le retour de leurs cendres dans
la terre des ancêtres. C'est en Californie et surtout
à San-Francisco que les Chinois sont nombreux. Dans
les Etats du sud, ils remplacent aussi sur les plan-
tations les noirs que fournissait autrefois la traite
et qui ne travaillent plus depuis que l'abolition de
l'esclavage leur a rendu la liberté.
Après les Etats de l'Europe et la Chine, l'Amé-
rique anglaise du Nord a fourni aussi à l'Union
américaine un assez grand nombre d'émigrants
attirés par les manufactures des Etats voisins de
leur pays, mais qui rentrent chez eux, quand les
crises industrielles rendent de nouveau le travail
agricole plus profitable. On trouve, du reste, dans
la variation de l'immigration aux Etats-Unis, le reflet
des crises qui ont agité l'ancien ou le nouveau
monde. Avec les progrès de la navigation à vapeur
rendant les voyages moins longs et moins péni-
bles, les famines et les révolutions politiques chas-
sant de chez eux les Européens, la découverte de
l'or en Californie appelant les mineurs et les aven-
turiers, l'immigration augmente sans cesse de 1820
à 1860. La guerre de la sécession amène un ralen-
tissement pendant les années qui suivent 1860.
Mais avec le retour de la tranquillité en Amérique,
correspondant aux guerres qui imposent le service
militaire obligatoire dans plusieurs États de l'Eu-
rope, l'immigration prend des proportions considé-
rables. Il arrive près d'un demi-million de personnes
aux Etats-Unis en 1872. Mais depuis cette année
une crise industrielle sévit dans ce pays et le
chiffre des émigrants détournés par les déboires de
leurs prédécesseurs va sans cesse en s'abaissant.
Les Yankees. — Les hommes d'origine anglo-
saxonne dominent aux Etats-Unis, mais les Alle-
mands, les Scandinaves, les Français et autres Eu-
ropéens se fondent rapidement avec eux en une
race spéciale, celle des Yankees, qui se distingue
par une activité fiévreuse, la hardiesse poussée jus-
qu'à la témérité, un amour effréné du lucre et la
présomption la plus vaniteuse, mais aussi par une
indépendance personnelle absolue.
Population actuelle. Races différentes. — Sur les
40 millions d'âmes que renferment actuellement
les Etats-Unis, on compte 58 millions de blancs
nés en Amérique, 5 millions de noirs ou de mu-
lâtres, 5 millions et demi d'étrangers nouvellement
immij;rés fdont 2 millions et demi d'Anglais, 1 mil-
lion et demi d'Allemands, 1 demi-million d'Euro-
péens d'autres nations, 1 demi-million de Canadiens)
et enfin 400,000 Indiens.
Distribution de la population. — Avec une su-
perficie de " 659 000 kilomètres carrés sans comp-
ter l'Alaska, la population kilométrique moyenne
des Etats-Unis n'était en 1870 que de 7 habitants.
Elle est très inégalement répartie. Les Etats rive-
rains de l'Atlantique, au sud de la Nouvelle-Angle-
terre, renferment une population quatre fois plus
dense que la moyenne. Dans la Nouvelle-Angle-
terre, où la proportion est un peu plus faible,
le Massachusetts renferme 72 habitants par kilomè-
tre. C'est l'Etat le plus peuplé de l'Union comme
densité, avec le Rhode-Island qui compte plus de
64 habitants par kilomètre. La moyenne de l'Union
correspond aux Etats riverains de l'Atlantique du
sud, oa au bassin central du Mississipi. La popula-
tion la plus clairsemée se trouve dans les Monta-
gnes Rocheuses.
Les races sont aussi inégalement réparties. Les
Indiens sont cantonnés dans leur territoire, les
Chinois en Californie ; les noirs, répandus dans
toute l'Union, sont groupés principalement dans le
sud. L'emportant en nombre sur les blancs dans
la Caroline du Sud, ils sont à égalité avec ceux-ci
dans la Louisiane, l'Alabama, le Mississipi, la Flo-
ride, et presque aussi nombreux que les blancs,
quoique en nombre inférieur, dans la Géorgie et la
Virginie. Ce sont ces divers Etats qui ont voulu se
séparer de l'Union en 1860 pour conserver dans l'es-
clavage les noirs nécessaires à leurs cultures. Les
hommes de couleur jouissent aujourd'hui des
mêmes droits politiques que les blancs. Mais
quoique siégeant dans les assemblées, ils sont aussi
dédaignés des hommes du nord que de leurs an-
ciens maîtres du sud.
Le territoire d'Alaska. — A l'extrémité nord-ouest
du continent américain, l'ancienne Amérique russe,
devenue le territoire d'Alaska, occupe une éten-
due triple de la France, où errent 70 ou 75 000
Indiens, Esquimaux, Tchouktchis ou autres. La
pointe de Barrow, qui en forme le point le
plus rapproché du pôle, s'avance sur l'Océan
Glacial au delà du 71' degré de lat. Le cap du
Prince de Galles, qui fait vis-à-vis sur le détroit
de Behring au cap Oriental, pointe extrême du con-
tinent asiatique, dépasse le 170° à l'ouest de Pa-
ris. Au sud l'ancienne Amérique russe descend
jusqu'au 55° de lat. Le littoral est bordé de nom-
breux archipels. Au sud-ouest la presqu'île d'Alaska
se continue par la chaîne des îles Aléoutiennes, qui
sépare ia mer de Behring du grand océan Pacifique
et va rejoindre le Kamtchatka. C'est sans doute la
route par laquelle les indigènes trouvés en Améri-
que par Christophe Colomb avaient passé du con-
tinent asiatique dans le Nouveau Monde. Dans la
mer de Behring, au littoral découpé par plusieurs
presqu'îles, débouche le Youkon, fleuve puissant
de 2 ou 3 kilomètres de largeur, qui roule ses
eaux impétueuses, après la débâcle des glaces, à
travers un pays désert et inhospitalier. Sur les
bords du Pacifique, le mont Saint-Elie et le mont
Beautemps dressent à 5000™ d'altitude leurs cimes
majestueuses d'où descendentd'immenses glaciers.
Cependant ce pays est moins inclément que ne
pourrait le faire croire sa latitude. L'air y est
réchauffé sur le littoral par le courant chaud venu
des côtes du Japon. Les côtes sont montagneuses
et couvertes de belles forêts, malheureusement
ensevelies dans la brume. La pêche des phoques,
des baleines et des morues, sur l'Océan, des sau-
mons dans les rivières, la chasse des bêtes à four-
rures, constituent avec les bois et les mines quel-
ÉTATS-UNIS
723 —
ÉTATS-UNIS
ques ressources pour les habitants clairsemés qui
y séjournent.
V. Conclusion. — La guerre de sécession, qui a
désolé l'Union pendant plusieurs années, y a
amassé bien des ruines et engendré d'implacables
inimitiés. Les habitants du nord reprochent aux
anciens confédérés d'avoir causé par leur rébellion
tous ces désastres et l'effroyable dette qui en a été
la suite. Ceux-ci se plaignent à leur tour de la
dure oppression que font peser sur eux leurs vain-
queurs. La violence des passions dans toutes les
querelles politiques et dans les luttes sociales, par-
fois sanglantes, que commencent à faire naître les
crises industrielles, est faite pour donner quelque
inquiétude aux amis les plus optimistes de l'Union.
Mais on vante avec raison les institutions poli-
tiques des États-Unis, et le respect que leur té-
moignent tous les partis ; l'intérêt que la nation
entière porte au développement de l'instruciion
publique ; la libéralité avec laquelle les riches par-
ticuliers encouragent les travaux scientifiques et
les voyages de découvertes, ou dotent leur patrie
des institutions les plus utiles. Il y a là l'indice
de qualités morales qui semblent promettre encore
un bel avenir à une nation dont le développement
a été si hâtif, qu'on n'en trouverait pas un second
exemple dans l'histoire. [G. Meissas.]
VI. Histoire. — L'histoire des Etats-Unis remonte
au XVI"' siècle, au temps où des colonies européen-
nes vinrent successivement s'établir sur les côtes
occidentales de l'Atlantique. Les institutions de la
grande république et les crises qui ont marqué le
premier siècle de son existence s'expliquent par les
caractères si divers des peuples qu'elle réunit sur
son immense territoire. On y trouve représentées
toutes les races non seulement de l'Europe, mais
du monde entier. Ce sont d'abord les Anglo-Saxons
avec un double esprit : puritains et indépendants
au nord-est, monarchistes et féodaux au sud; les
Hollandais, les Suédois et surtout les Allemands,
dans les Etats du centre et de l'ouest, tous repré-
sentant les diverses sectes protestantes; les Fran-
çais venus de la Louisiane et du Canada, les Irlan-
dais répandus partout,et les Espagnols de la Floride,
du Nouveau Mexique et de la Californie, professant
le catholicisme. Enfin dans les réserves ou jetés
çà et là subsistent les anciens maîtres du sol, les
Peaux-Rouges ou Indiens ; sur les rives de l'océan
Pacifique affluent les Chinois; et partout se ren-
contrent les représentants de la race noire. Aussi
est-il vrai de dire que les Etats-Unis ne sont pas
une nation, mais un monde.
On peut distinguer trois périodes dans leur his-
toire : la première, de 15"24 à 1688, est l'époque
de la colonisation ; la seconde, de 1688 à 17S3, est
celle de la lutte des colonies entre elles et avec
leur métropole; enfin la troisième, de 17.s3 à nos
jours, est la période d'organisation et d'exten-
sion.
Les premiers établissements des Européens dans
l'Amérique du Nord furent ceux des Espagnols,
au sud, sur les côtes du golfe du Mexique, et ceux
des Français, au nord, près de l'embouchure du
Saint-Laurent.
En 1512, le jour de Pâques fleuries. Ponce de
Léon aborda en Floride, venant de Porto-Rico, et
en 1531 Ferdinand de Solo découvrit les bouches du
Mississipi. Les deux premières villes furent Saint-
Augustin, fondée en Floride, sous le 30« degré de
latitude, par Malendez, en 1565, et Santa-Fé, dans
le Nouveau Mexique, due à un moine du nom de
Ruyz.
Le roi de France François !«■• avait chargé, en
1524, le Florentin Verazzini de reconnaître les
côtes de l'Atlantique entre la Delaware et le cap
Cod. En 1534, Jacques Cartier pénétra dans le
Saint-Laurent et le remonta jusqu'à l'île où il
fonda Montréal. Plus tard, Samuel (^hamplain
étendit les possessions de la Nouvelle-France et
fonda Québec, en l(i04, dans une importante si-
tuation.
Sous l'inspiration de l'amiral Coligny, des hu-
guenots français tentèrent, en 1562, de s'établir
en Floride avec Jean Ribault de Dieppe, mais ils
furent bientôt après exterminés par le gouverneur
espagnol Malendez, qui se faisait dans le Nouveau
Monde l'exécuteur des desseins de Philippe II
contre le protestantisme.
Pendant le règne d'Henri VIT, Jean Cabot
avait exploré pour les Anglais les côtes de l'A-
mérique du Nord, mais ce ne fut qu'en 1585, sous
le règne d'Elisabeth, que sir 'Walter Raleigh vint
tenter un essai de colonisation au sud de la baie
de Chesapeake. Il donna au pays, en mémoire de
sa souveraine, le nom de Vii'ginie, mais son essai
resta infructueux.
Jacques I", successeur d'Elisabeth, concéda par
lettres patentes les terres comprises entre le 34»
et le 45' degré de latitude nord, à deux compa-
gnies dites de Londres et de Plymouth ; la pre-
mière eut du 34* au 38* degré, la seconde du 41*
au 45*. Il restait un espace intermédiaire que par-
courut sir Henri Hudson en 1G07 et où vinrent s'é-
tablir des colonies hollandaises (New-York, d'abord
Nieuw- Amsterdam) et des colonies suédoises (New-
Jersey).
Le premier établissement de la compagnie de
Londres eut lieu, en 1607, sous la conduite de
Christophe Newport qui fonda, en Virginie, la
ville de Jamestown.
La compagnie de Plymouth céda des terres aux
puritains qui avaient quitté l'Angleterre en 1608
et avaient passé à Amsterdam, cherchant un lieu
où ils fussent plus libres de professer leur foi. C'est
le 21 décembre 1620 que leur navire May-Floioer
(Fleur de mai) vint aborder auprès du cap Cod sur
les rochers où s'éleva bientôt la ville de Plymouth.
Ils donnèrent naissance à l'Etat de Massachusetts, et
la ville de Boston fut fondée en 16-30 par leur gou-
verneur John Winthrop. Ces colons sont restés
célèbres sous le nom de Pilqrim Fathers : ce sont
réellement les pères de la Nouvelle-Angleterre, et
leur influence a toujours été considérable dans la
république américaine.
Pas plus que Calvin à Genève, les puritains ne
pratiquaient la tolérance religieuse. En 1635, ils
chassèrent un jeune ministre, Roger Williams,
pour ses opinions hétérodoxes. Le fugitif trouva
asile chez les Indiens de la baie de Narragansett,
et fonda la ville de Providence. Bientôt il y fut
rejoint par mistress Anne Hutchinson, persécutée
pour le même motif que lui. Ce fut le commence-
ment du Rhode-Island.
Le Connecticut fut aussi colonisé à la même
époque, et les fondements des villes de Hartford et
de New-Haven y furent jetés.
En 163,.', Georges Calvert, plus connu sous le
nom de Lord Baltimore, qui était catholique ro-
main, obtint de Charles I'^"' des terres sur les bords
du Potomac. Il y fonda l'état de Maryland et la
ville de Baltimore, le premier archevêché catholi-
que des Etats-Unis.
Un homme d'un grand nom dans l'aristocratie
anglaise, William Penn, qui appartenait à la secte
des amis ou des quakers, reçut du roi Charles II,
en paiement d'une dette de l'Etat envers son
père, une concession de terres à l'est de la De-
laware. De là sortit l'état de Pensylvanie (1682)
et la ville de Philadelphie. Penn montra beaucoup
d'humanité et de justice envers les Indiens et
accueillit les proscrits de tous les cultes.
La colonie de Jamestown, en Virginie, eut des
commencements difficiles par suite des rivalités
entre les colons et des déprédations des Indiens.
L'esclavaa;e y pénétra en 1620 : vingt nègres ame-
né? par un vaisseau hollandais furent vendus aux
^.TATS-UNIS
— 724 —
ETATS-UNIS
planteurs de tabac. Les gouverneurs de la colonie,
nommés par le roi d'Angleterre, exerçaient un pou-
voir despotique et tenaient le peuple dans l'igno-
rance. L'un d'eux, le trop célèbre Berkeley , disait
en 1676 : « Je rends grâces à Dieu de ce qu'il n'y
a ici ni écoles publiques ni imprimerie, et j'espère
bien qu'il en sera encore ainsi dans cent ans. »
Précisément cent ans plus tard, la Virginie éman-
cipée se donnait une constitution républicaine :
elle joua un rôle glorieux dans la guerre de l'in-
dépendance, et eut l'honneur de donner aux États-
Unis Washington et Jefferson.
Les Carolines furent colonisées en 1G6-3 par lord
Clarendon et sept autres gentilshommes, et la
Géorgie en fut détachée au profit de James Oglc-
thorpe (1732). Ces états du sud avaient un régime
monarchique et féodal, qui contrastait avec le
régime libéral et démocratique des états du
nord.
A côté des colonies anglaises, il existait sur le
Saint-Laurent fCanada) et dans les vallées de l'Ohio
et du Mississipi (Louisiane) des établissements
français dont les droits avaient été reconnus par
le roi Charles 1" dans le traité de Saint-Germaiii-
en-Laye (I(;32). Les Français avaient su gagner
l'amitié des Indiens, re qui leur donnait un avantage
sur les Anglais, toujours si durs envers les races
inférieures.
Les deux peuples devaient nécessairement se
trouver en lutte à l'ouest des monts AUéghanys.
.\ussi chaque fois que la guerre éclatait en Europe
entre la France et l'Angleterre, les colons du Ca-
nada se précipitaient avec les Indiens sur la Nou-
velle-Angleterre et l'état de New- York.
Trois guerres précédèrent la grande lutte connue
sous le nom de guerre de sept ans. qui amena, sous
Louis XV, la chute de la puissance coloniale de la
France. En Amérique, on les appelle la guerre du
roi Guillaume (1688-I696i, la guerre de" la reine
Anne (170.?-171â) et enfin celle du roi Georges
(1744-1748). Elles correspondent aux guerres que
nous appelons, en France, de la ligue d'Augsbcurg,
de la succession d'Espagne, et de la succession
d'Autriche. Le traité d'Utrecht (1713) enleva à la
France l'Acadie et Terre-Neuve, et celui d'Aix la-
Chapelle (1748) la possession de Louisbourg dans
l'île du cap Breton.
La guerre dite de Sept ans, qui entraîna la perte
du Canada et des soixante établissements que La
Salle avait formés sur le cours de l'Ohio et du
Mississipi (Louisiane), commença en 1754 à pro-
pos de la possession du fort Duquesne, au con-
fluent de l'Alléghany et du Monongohela, là où se
trouve aujourd'hui l'importante ville de Pittsbourg.
Les colons de la Virginie et de la Pensylvanie
voj-aient avec peine aux mains des François cette
clef de la vallée de l'Ohio. Il y eut d'abord des
négociations, auxquelles furent mêlés Georges
Washington et Benjamin Franklin, mais elles ne
purent empêcher l'ouverture des hostilités. Les
deux partis se disputaient aussi le fort Niagara
entre les lacs Erié et Ontario, Ticonderoga au
nord du lac Champlain, et enfin Québec.
Les Français montrèrent beaucoup de valeur,
mais l'héroïque Montcalm ne reçut pas du gouver-
nement de Louis XV les secours nécessaires. Qué-
bec tomba aux mains des Anglais le 13 septembre
1759 et Montréal l'année suivante.
Le traité de Paris (1763) enleva à la France
tout ce qu'elle possédait encore sur le continent
américain, moins la Nouvelle-Orléans. Le territoire
de la Louisiane fut partagé entre l'Angleterre et
l'Espagne.
Les tribus indiennes alliées de la France, sous un
chef nommé Poniiac, reprirent la guerre avec furie
après le traité de Paris et, envahissant les pos-
tes anglais à l'ouest de l'Ontario, elles portèrent
partout la dévastation; mais bientôt Poniiac tomba
assassiné par un des siens, et les colonies anglaises
furent alors libres de s'étendre vers l'ouest.
Ces colonies, qui jusque-là avaient formé treize
États distincts, différents de religion, de mœurs et
d'intérêts, avaient appris dans la guerre du Canada
a s'unir contre un même ennemi. Elles forniai-'nt
une population de plus de deux millions d'hommes,
efplusieurs villes étaient d'importantes places de
commerce. Elles avaient d'habiles officiers et pou-
vaient au besoin défendre leurs droits
L'Angleterre, à qui la guerre de Sept ans avait
coûté des sommes énormes, voulut établir sur les
colonies des taxes diverses. Celles-ci revendiquèrent
le droit de ne payer que les impôts qu'elles au-
raient votés ; or elles n'étaient pas représent'}es
au parlement anglais. Elles se plaignaient aussi du
préjudice que leur causait l'acte de navigation de
1660, qui leur interdisait le commerce par d'autres
navires que ceux de la métropole.
L'établissement du droit de timbre en 1765 sou-
leva les Anglo-Américains. Les délégués de neut
colonies se réunirent à New-York en octobre, et
rédigt-rent une déclaration des droits qui fut comme
le prélude de la fameuse Déclaration de l'indépen-
dance. La loi sur le timbre fut retirée, mais en juin
1707 des taxes nouvelles frappèrent le thé, le
papier, le verre, etc. Des troupes furent envoyées
d'Angleterre pour occuper le Massachusetts, qui
était le centre de l'opposition. Des émeutes eurent
lieu à Boston et dans la Caroline du Nord, et le sang
coula. Des cargaisons de thé venant d'Angleterre
furent pillées ou jetées à la mer.
Un congrès colonial tenu à Philadelphie le 5 sep-
tembre 1774 vota une adresse au roi et à la nation
anglaise et, en attendant la réponse, il décida
la suspension de tout commerce avec la métro-
pole.
La guerre devenait inévitable. Elle commença
par l'escarmouche de Lexington 'avril 1775) et par
l'engagement plus sérieux de Bunkers-Hill, près
de Boston, le 1" juin. Les Américains y prirent la
conscience de leur force, et ils s'encouragèrent à
la lutte.
Le second congrès colonial, alors réuni, nomma
George Washington général en chef. En accep-
tant cette redoutable mission, ce grand patriote fit
connaître qu'il renonçait à tout traitement pour ne
pas ajouter aux charges de ses concitoyens. Quatre
jours après la bataille de Bunkers-Hill, il arrivait
au camp devant Boston et y trouvait 14000 hommes
sans organisation et sans discipline.
Le 4 juillet 1776 , la cloche d'Indépendance
Hall, à Philadelphie, fit connaître que le congrès
avait adopté la Déclaration de V Indépendance
rédigée par Thomas Jefferson, et elle appela tous
les citoyens à la défendre parles armes. Les treize
colonies confédérées, devenues dès lors les Etats-
Unis d'Amérique, furent reconnues par la France,
l'Espagne et la Hollande. Elles obtinrent, grâce à
Franklin, leur habile représentant à Paris, lappui
de la France qui trouvait une occasion de venger
les désastres de la guerre de Sept ans. Lafaj'ette
était accouru dès 1776 comme volontaire, et en 177S
un corps d'armée conduit par Rochambeau dé-
barqua enAmérique(V. Guerre d'Amérique, p. 930).
Pendant six années, Washington soutint la lutte
avec une infatigable persévérance, au milieu de
difficultés de tout genre. Les forces de l'Angleterre
se renouvelaient chaque année et s'accroissaient
de troupes allemandes. Les ressources financières
manquaient à Washington, et un de ses lieutenants,
Arnold, trahissait la cause nationale. Sa persévé-
rance triompha enfin, et la capitulation de York-
Town (octobre 1781) lui livra l'armée anglaise. La
paix ne fut conclue que le 3 novembre i783 par le
traité de Versailles. Fidèle à ses engagements,
Wasliington se retira alors à sa terre de Mont-
Vernon en Virginie.
ETATS-UNIS
— 723 —
ÉTATS-UNIS
Il fallait organiser la Republique. La constitu-
tion fut rédigée en 178" et soumise à l'accepta-
tion des divers États.
Le pouvoir législatif est confié au Congrès,
composé du Sénat et de la Chambre des repré-
sentants. Les sénateurs sont nommés pour six ans
par les législatures des divers États ; chaque État,
quelle que soit sa population, fournit deux séna-
teurs. Les représentants sont élus par le peuple
pour deux années, en nombre proportionnel h la
population de chaque État.
Le pouvoir exécutif est confié à un Président
nommé pour quatre années par le Collège électo-
ral. Les membres de ce collège sont élus par le
peuple de chaque Etat, en nonibre égal h celui de
ses représentants et sénateurs. Le président com-
mande en chef les armées de terre et de mer, et
en cas de décès il est remplacé par un vice-pré-
sident élu en même temps que lui. Le président
a 'e droit de veto sur les lois votées par le Con-
grès. Mais si chaque Chambre, à la majorité des
deux tiers des voix, confirme de nouveau la loi
ainsi repoussée, le veto du président est annulé.
Dans chaque État, il y a une législature parti-
culière formée d'un Sénat et d'une Chambre des
représentants, un gouverneur élu chargé du pou-
voir exécutif, et des tribunaux élus. Chaque État
est rézi par sa Constitution propre.
La Constitution fédérale ne peut être modifiée
qu'à la majorité des deux tiers des voix du Congrès
et des trois quarts des législatures de chaque Etat.
Dans ces conditions, il y a déjà eu quinze amen-
dements à la Constitution de 1 787.
Georges Washington fut élu président à l'unani-
mitc en janvier 1789, avec John Adams comme
vice-président. Réélu en 1792, Washington refusa
en 1796 une troisième réélection. Il recommanda
à ses concitoyens comme un objet de la plus haute
importance les institutions destinées à propager
les lumières : a Plus l'opinion publique, dit-il,
ti7'e de force de la nature du gouvernement, plus
elle doit être éclairée. »
Aux treize premiers Etats (New-Hampshire,
Massachusetts, Rhode-Island, Connecticut, New-
York, New-Jersey, Pensylvanie, Delaware, Mary-
land, Virginie, Caroline du Nord, Caroline du Sud,
Géorgie), où le recensement de 1790 constata une
l>opulation de 3 920 000 habitants, vinrent s'ajouter
l'Etat de Vermont (1791) et celui de Tennessee
0796). Le troisième État admis dans l'Union fut le
Kentucky (1799).
Sous la présidence de John Adams, la guerre
faillit éclater entre la France et les États-Unis, à
cause du refus des Américains d'entrer dans une
ligue contre l'Angleterre. Le renversement du
Directoire par Bonaparte apaisa le conflit.
Georges '.V'ashington mourut le 14 décembre
1799, à l'âge de 67 ans. Il est resté le type de
l'homme d'Etat loyal et dévoué, « le premier dans
la paix, le premier dans la guerre, le premier dans
le cœur de ses concitoyens. » L'anniversaire de sa
naissance est, dans l'Union, un jour de fête natio-
nale.
Le census de 1800 constata la prospérité de
la République : la population était montée à plus
de 6 millions; le nombre des bureaux de poste, de
75 à OO^i ; les exportations, de 20 millions à 61 mil-
lions de dollars.
En décembre 1800, le congrès se réunit pour la
première fois à Washington, capitale de la Confédé-
ration, bâtie sur les bords du Potomac, entre le
Maryland et la Virginie. La population de cette
ville était alors de 8 à 9 000 habitants.
Thomas Jefferson fut le troisième président. Son
administration dura huit années : elle fut marquée
par l'acquisition de la Louisiane espagnole, que
l'Espagne avait rendue à la iTiinceen I8.w, et que
(iapoléon vendit aux États-Unis en 1803 naoyennant
15 millions de dollars. Ce territoire, beaucoup plus
étendu que l'État qui porte actuellement le même
nom, comprenait le Missouri avec Saint-Louis.
L'Ohio fut admis dans l'Union en 1802. Une expé-
dition heureuse fut dirigée contre le bey de Tripoli
qui avait capturé des vaisseaux de l'Union et jeté
les équipages dans les fers. La guerre que se
faisaient alors la France et l'Anglet'irre porta ua
grand dommage au commerce des États-Unis.
Sous la prcsid'ince de Madison, la guerre fut dé-
clarée à l'Angleterre le 19 juin 18)2, et le major«
général Dearborn fut nommé commandant en rnef.
Elle eut surtout pour théâtre ie Canada, et se ter-
mina par le traité de Gand ;u décembre 1814).
Tous les partis saluèrent la paix avec joie. La
Louisiane (1812) et l'Indiana (1816) furent admis
dans l'Union.
Monroë fut le cinquième président (1817-1825) r
il traita avec l'Espagne pour l'acquisition de la
Floride, et le nombre des États fut porté à vingt-
quatre par l'admission duMississipi, de l'Ilinois, de-
l'Alabama, du Maine et du Missouri (1817-1821).
Quand les colonies espagnoles rompirent leurs
liens avec la métropole, le président déclara dans
son message de 1822 que n^ toute entreprise faite
par une puissance européenne pour établir en Amé-
rique un gouvernement colonial serait combattue
par les Etats-Unis ». C'est ce qu'on a appelé depuis
la doctrine de Monroë : elle fut invoquée dans la
malheureuse tentative de l'établissement d'un em-
pire au Mexique sous Maximilien (1864). En 1824,
Lafayette fit aux Etats-Unis un voyage marqué par
des "démonstrations enthousiastes. A l'occasion de
l'admission du Missouri dans l'Union, il fut décidé
que l'esclavage ne serait pas reconnu au nord de la
limite méridionale du nouvel Etat '36 degrés 30'.,
qui est la ligne de séparation entre la Virginie et la
Caroline du Nord, et entre le Kentucky et le Ten-
nessee.
L'administration honnête de John Quincy Adams
disparaît entre celle de Monroë et de Jackson.
Ce dernier (1S29-1837) montra une grande énergie
et prévint les tentatives de sécession qui se mani-
festaient déjà dans la Caroline du Sud à propos des
tarifs de douane. Le vice-président Calhoun attacha
son nom à cette doctrine, que tout Etat a le droit
de déterminer jusqu'où il lui convient d'obéir au
pouvoir fédéral. Elle fut vigoureusement combattue
par le grand orateur du Massachusetts, Daniel
Webster. La prolongation des privilèges de la Ban-
que nationale, contre laquelle se prononça le pré-
sident, causa aussi une crise financière des plus
graves. L'Union s'augmenta de deux nouveaux
Etats, l'Arkansas et le Michigan (1836^.
Du président Jackson date le système de rotation
d'après lequel à chaque élection de président se
renouvelle entièrement le personnel administratif.
Les trois présidents suivants : Van Buren,Harrison
et Tyler, passèrent au pouvoir ''1837-1845) sans se
signaler par des actes importants. La question
financière divisait toujours les esprits. Les Mor-
mons, qui s'étaient établis d'abord dans le Mis-
souri, puis dans l'Illinois, durent s'enfuir devant
la répulsion que soulevait la polygamie, et ils pas-
sèrent sur les bords du lac Salé, dans l'Utah. La
Floride et l'Iowa furent admis dans 1 Union il845).
James Polk fut le onzième président. L'Union
s'augmenta en 1846 du Texas et du Wisconsin.
L'annexion du Texas amena une guerre contre le
Mexique, guerre qui eut pour théà're le Mexique
et la Californie. Le général Scott s'y distingua et
entra à Mexico le 14 septembre 1847. La paix fut
conclue en juillet 1848, et le Rio Grande devint la
limite entre les deux puissances : l'Union y gagna
le Nouveau-Mexique et la Californie, qui formèrent
deux nouveaux Etats.
Sous la présidence du général Taylor (1849-1850)
une grande agitation fut causée par la question de-
ÉTATS-UNIS
— 726 —
ÉTATS-UNIS
l'esclavage, à propos de l'admission de la Calirorme
dans l'Union. Un compromis, inspiré par Henri
Clay, eut lieu entre les deux partis ; mais une de
ses clauses excita bientôt de nouvelles difficultés :
c'était celle qui donnait le droit d'arrêter les es-
claves fugitifs en tout Etat et de les livrer à leurs
maîtres. Plusieurs fois les Etats du nord refusè-
rent de s'y conformer. A cette époque eut lieu une
expédition des flibustiers contre Cuba, et le Japon
ouvrit ses ports aux navires des Etats-Unis. Mort
en 1850, Taylor fut remplacé par le vice-président
Fillmore.
L,a présidence du général Picrce (1853-1857) fut
marquée surtout par les débats auxquels donna
lieu la question de l'esclavage, h propos de la
formation de deux nouveaux territoires, le Kan-
sas et le Nébraska. Une violente contestation
se produisit entre les États du sud et du nord, à
propos du maintien de la limite septentrionale des
Etats à esclaves. Sous le président James Bu-
chanan, deux incidents donnèrent à ce différend le
caractère le plus grave. Dred Scott, esclave fugitif
arrêté dans le Minnesota, prétendait être libre, mais
la Cour suprême admit la réclamation de son
maître et décida que nul esclave ni ses descen-
dants ne pourraient devenir citoyens des États-Unis.
John Brown, homme libre du Kansas, s'empara de
l'arsenal de Harper's Ferry, appelant à lui les esr
claves. Cette tentative échoua ; Brown fut pris et
exécuté comme traître (1859).
L'élection présidentielle de 1860 se fit donc
sur la question de l'extension de l'esclavage.
Abraham Lincoln, du parti anti-esclavagiste, fut
élu, et de ce moment les États du sud résolu-
rent leur séparation. Ils étaient au nombre de
sept : la Caroline du Sud, le Mississipi, la Floride,
l'Alabama, la Géorgie, la Louisiane et le Texas.
Leurs délégués, réunis à Montgomery dans l'Ala-
bama, proclamèrent l'indépendance des Etats con-
fédérés d'Amérique, avec JefTerson Davis pour
président. Les hostilités commencèrent parla prise
du fort Sumter par les confédérés.
Une guerre civile de quatre années couvrit les
États-Unis de ruines et de sang. La Virginie, la
Caroline du Nord, le Tennessee et l'Arkansas s'é-
taient joints à la confédération du Sud. A l'appel de
Lincoln, convoquant sous les armes 75000 hommes,
300 000 volontaires du Nord étaient accourus. Du
côté des sécessionnistes se distinguèrent les géné-
raux Evans, Beauregard et Lee, et du côté des fédé-
raux Mac-Clellan, Butler, Sherman, Sheridan, et sur-
tout Grant; dans la marine, le capitaine Senimes
surVAlabamu causa de grands dommages au com-
merce du Nord, mais l'amiral Ferragut força les
passes du port de Mobile. Lincoln, réélu en 18G4,
continua de lutter avec une confiance inébranlable
pour le maintien de l'Union, et il venait de voir
tomber Richmond aux mains de Sheridan et de
Grant, quand le poignard d'un assassin frappa le
second fondateur de l'Union (avril 18G5).
Le vice-président André Johnson prit alors le
pouvoir exécutif. Les circonstances étaient des plus
difficiles : une dette de 3 milliards de dollars avait
été contractée, et le congrès avait déclare qu'elle
serait intégralement payée; en outre il fallait
licencier une armée nombreuse et opérer la re-
constitution de l'Union en réparant peu à peu dans
le Sud les ruines de la guerre civile. André John
son se trouvait peu propre à cette tâche. Il fut
constamment en lutte avec le congrès, qui le mit
en accusation ; mais la majorité des deux tiers des
voix ne put être réunie contre lui. Sous son ad-
ministration eurent lieu la fin de l'expédition des
Français au Mexique, l'acquisition de l'Alaska ou
Amérique russe, et le traité de commerce avec la
Chine.
Le général Grant fut élu en 1868 comme dix-
huitième président. Alors eurent lieu l'achèvemeat
de la grande ligne de chemin de fer du Pacifique
qui réunit New- York à San-Francisco, le règlement
de l'indemnité due par l'Angleterre pour les dom-
mages causés par VAlahama, et enfin la grande
exposition du centenaire de l'Indépendance.
Malheureusement des faits de corruption se révé-
lèrent contre des membres du congrès et des per-
sonnes de la famille du président. D'un autre
côté, la guerre contre les Sioux s'était rallumée et
avait donné lieu à la défaite du général Custer.
Les républicains ne triomphèrent que difficile-
ment dans l'électian du président Hayes (1876).
La candidature de Garfield (1880) fut une candi-
dature de conciliation : mais en juillet 1881 le
nouveau président tomba victime de l'attentat de
Guiteau. Il a été remplacé par le vice-président,
M. Arthur. L'Union avec ses 38 Etats et ses 10 ter-
ritoires compte aujourd'hui 40 raillions d'habi-
tants. La tâche est devenue difficile de diriger
cette nation composée d'éléments fort disparates,
mais elle n'est pas impossible à ceux qui sauront
s'inspirer des grands exemples de Washington et
de Lincoln.
Vil. Littérature. — Ce n'est pas lorsqu'une so-
ciété lutte pour se constituer un territoire et se
créer des moyens d'existence qu'elle peut produire
une littérature. Elle est alors toute à l'action ; les
loisirs lui manquent pour donner à ses pensées une
forme réfléchie. On ne saurait donc s'attendre à
trouver une littérature aux Etats-Unis pendant la
période de la colonisation. Cependant les Filgrim
Fathers, dans le soin qu'ils apportaient à l'étude de
la Bible, avaient un puissant moyen de culture intel-
lectuelle. Leurs ministres connaissaient les langues
anciennes et tenaient l'instruction en haute estime.
C'est à eux que l'on doit la fondation, en 1636,
de l'univcrsitij de Cambridge, aux portes de Bos-
ton, appelée Harvard Collège^ du nom d'un vé-
nérable pasteur qui légua à l'établissement sa
bibliothèque et 700 dollars. Yale Collège, à New-
Haven dans le Connecticut, fut créé en 1702 dans
de semblables conditions. C'est de ces deux foyers
que la vie intellectuelle s'est répandue dans toute
la Nouvelle-Angleterre. Une imprimerie fut dès le
commencement établie à Boston : on y imprima
les Psaumes pour le culte, et une traduction de
la Bible en dialecte indien due à John Eliot.
Quelques années après, le savant Cotton Mather
(1623-1728) publia sous le titre de Magnalia Christi
americana une histoire des établissements des
puritains, et dans un discours éloquent il rendit
hommage à la mémoire d'Ezekiel Cheever, le pre-
mier maître de latin qu'eut le Nouveau-Monde.
Dans le New -Jersey, le professeur Jonathan
Edwards (1703-1738) publia un livre de philoso-
phie : Recherches sur (a liberté de la volonté,
qui est resté très estimé. Les quakers ne négli-
geaient pas non plus l'instruction dans la fen-
sylvanie, et au mois de décembre 1683 on si-
gnale la première école de Philadelphie, tenue par
Enoch Flovver dans une hutte en planches. La
charie donnée par William Penn, en 1711, organi-
sait un comité de surveillance des écoles et pro-
clamait ce principe que « la prospérité et le bien-
être d'un peuple dépendent dans une large mesure
de la bonne éducation de la jeunesse »,
Quand les colonies combattirent pour défendre
leurs droits méconnus et conquérir leur indépea-
dance, des hommes éminents soutinrent cette no
ble cause par leur parole et par leurs écrits. Ce
fut surtout l'époque des publicistes et des orateurs.
Au premier rang figure Benjamin Franklin, né à
Boston en 1706, mort à Philadelphie en 1790, qui
s'éleva de la condition la plus humble à une grande
renommée politique et scientifique. Ses écrits,
traduits dans toutes les langues, sont un modèle
exquis de simplicité et de bon sens. Puis vien-
nent deux hommes qui travaillèrent activement
ETATS-UNIS
— 727
ETATS-UNIS
à l'organisation de la république américaine :
Thomas Jefifcrson, le glorieux rédacteur de la
Déclaration de l'Indépendance, et Alexandre Ha-
milton qui, après avoir exposé dans le Fédéra-
liste les principes do la constitution, organisa sous
Washington les finances de l'Union. Patrick Henry
est resté célèbre par son éloquence, et surtout par
le discours véhément qu'il prononça contre l'acte
du timbre dans le congrès colonial de 1774.
Les lettres de George Washington et celles de
mistress John Adams présentent le plus grand in-
térêt et méritent d'être citées comme des mo-
dèles.
Cette époque compta aussi un poète, Joseph
Hopkinsonj qui composa l'hymne patriotique Hail
Columbia.
La société américaine, une fois constituée, ne
tarda pas à produire dans tous les genres des écri-
vains remarquables. Si leurs écrits révèlent par-
fois quelque inexpérience ou une imitation trop
marquée des littératures européennes, on y sent
cependant un amour viril de la liberté, un géné-
reux dévouement à toutes les grandes causes.
Toutefois les États-Unis n'ont pas produit de
poètes épiques et dramatiques. Ils concentrent leur
admiration sur le Paradis perdu de Milton et sur
les drames de Shakespeare. Mais ils comptent
beaucoup d'imitateurs de Tope, de Thomson ou de
Wordsworth.
William Cullen Bryant est le plus célèbre, et il
vient de mourir à un âge avancé avec le titre de
poète national. Après lui viennent Henr}' Wads-
worth Longfellow, qui a donné, entre autres
poèmes estimés, Evangéline et une traduction de
la Diviîie Comédie du Dante ; James Russell
Lowell, John G. Whittier, Xathaniel P. Willis,
tous originaires de la Nouvelle-Angleterre ; enfin
Edgar Poe, de Baltimore, et les sœurs Alice et
Phcebé Cary, de Cincinnati. Dans leurs vers, ils
célèbrent surtout les merveilles de la nature et
la puissance du Créateur.
Dans le genre fantaisiste ou humoristique, on
distingue surtout Bret Harte et Joaquin Miller :
ils avaient vécu en Californie et se sont plu à
peindre les aventures de la vie des mineurs et
des pionniers.
Pour les ouvrages en prose, deux noms populai-
res se présentent tout d'abord : Fenimore Coopcr
(1789-1851), qui s'est placé dans le roman à côté de
Walter Scott, et dont les œuvres ont été traduites
en français : le Pilote, la Prairie, le Dernier des
Mohicajis sont ses ouvrages les plus connus ; puis
M"' Stowe (Harriet Beecher) qui a produit une si
grande émotion en 1852 par la publication de la
Cabaîie de l'oncle Tarn, et qui a donné depuis
d'autres romans estimés. On peut citer ensuite
Edgar Poe, déjà nommé, plus connu comme con-
teur que comme poète ; et Nathaniel Hawthorne,
esprit fécond et aventureux en même temps qu'é-
crivain élégant. Enfin au-dessous de ces quatre
écrivains un grand nombre d'essayistes ou de con-
teurs : Bayard Taylor, mistress Le Vert, miss
A. Wetherell, auteur du l'aste Mo?ide, miss Louise
Elcott, Edward Haie, Trowbridge, etc.
Le genre historique a beaucoup attiré les hom-
mes de lettres d'Amérique. Outre le désir qu'ils
avaient de célébrer leurs grands hommes, ils vou-
laient pénétrer les secrets de la politique euro-
péenne et prémunir leurs compatriotes contre les
fautes des monarchies. Washington Irving .(1783-
1859J a acquis une grande popularité par sa Vie de
Washington et l'Histoire de New- Y rk. Le Massa-
chusetts a produit comme une pléiade d'historiens
qui devinrent ministres des Etats-Unis auprès des
diverses puissances de l'Europe : George Bancroft,
Lothrop Motley, William Prescott, enfin George
Ticknor. Leur talent d'écrivain s'est développé et
s'est surtout poli dans le contact avec les lettres
européens et ils ont contribué à faire appeler
Boston l'Athènes du Nouveau-Monde.
La discussion des intérêts publics ne pouvait
manquer de susciter des orateurs éminents. Ce
n'était pas seulement dans le Congrès qu'ils se
faisaient entendre ; ils parlaient souvent dans les
grandes assemblées populaires, et c est là surtout
f[u'ils montraient leur éloquence. Le Massachusetts
est la terre classique des orateurs comme des his-
toriens. Il a produit successivement : Wendell
Philipps, qui fut en 1836 un des grands promo-
teurs de l'agitation contre l'esclavage ; Daniel
Webster, l'éloquent adversaire de la doctrine sépa-
ratiste de Calhoun, et l'orateur du centenaire de la
naissance de Washington ; Alexandre et Edouard
Everett, amis d'Horace Mann et propagateurs de
l'instruction populaire ; enfin Charles Sumner, qui
est mort récemment honoré de tous les partis.
L'éloquence du barreau compte aussi en Amé-
rique des noms illustres ; trois sont ceux d'hom-
mes nés dans la condition la plus humble : William
Wirt, du Maryland, qui fut attorney-général ;
Henry Clay, de la 'Virginie, élu cinq fois président
du Congrès ; enfin le grand Abraham Lincoln, de
l'Illinois, le plus illustre de tous.
Le journalisme tient de près au barreau. Le
plus distingué des publicistes américains est
Horace Greeley, fils d'un pauvre fermier du New-
Hampshire, qui se fit par son travail un nom dans
les lettres et fonda un grand journal de New-York,
la Tribune. Il fut le concurrent du général Grant
à l'élection présidentielle de 1872.
On sait combien sont nombreuses en Amérique
les diverses communions religieuses. Il est donc
fort difficile à un prédicateur, si distingué qu'il soit,
de se l'aire un grand nom en dehors de son église.
Cependant trois pasteurs unitariens de Boston ont
acquis une réelle célébrité tant par leur caractère
que par leur éloquence; ce sont Channing (1780-
1842), Théodore Parker (ISIO-ISGÛ) et Emerson ,
ce dernier, retiré aujourd'hui à Concord, a aban-
donné la prédication pour s'occuper de philosophie '
et de littérature.
La chaire catholique a eu, dans Mgr Hughes,
archevêque de New- York, mort en 1804, un contro-
versiste remarquable. Mais le plus célèbre prédi-
cateur des États-Unis est actuellement Henry Ward
Beecher, recteur de Plymouth-Church, à Brooklyn,
frère de M'"'^ Beecher Stowe. Sa réputation égale
en Amérique celle du P. Lacordaire en France.
L'enseignement a toujours compté aux États-
Unis des hommes distingués. L'Université d'Har-
vard revendique comme sien le grand professeur
Louis Agassiz, mais il lui a été donné par la
Suisse romande. A côté de cet esprit éminent,
la science américaine peut justement placer le
professeur Mitchell, fondateur de l'observatoire
de Cincinnati ; le commandant Maury, célèbre par
ses travaux d'hydrographie ; James Dwigh Dana,
un grand géologue; Asa Gray, un savant bota-
niste : tous ont écrit des ouvrages estimés. Dans
les lettres, on trouve Lindley Murray, auteur
d'une grammaire très suivie; Noah Webster, dont
le dictionnaire se trouve partout, sous tous les
formats ; Joseph Addison Alexander, du séminaire
de Princeton, qui connaissait jusqu'à vingt-cinci
langues ; White, le savant éditeur des œuvres de
Shakespeare ; Whitney, professeur de sanscrit à
Yale-College ; Francis March, dont les travaux sur
l'anglo-saxon sont fort estimés, etc.
A côté de ces savants, nous devons placer une
pléiade d'esprits élevés, de nobles cœurs qui tra-
vaillent à l'instruction populaire. Depuis le mou-
vement suscité par Horace Mann, en 1837, les
États-Unis ont toujours compté des propagateurs
dévoués des common schools. Il suffira de citer
d'abord Henrj' Barnard, le grand éditeur en Amé-
rique de tous les ouvrages de pédagogie ; John
ETHNOGRAPHIE
— 728 —
ÉTOILES
Eaton, l'habile directeur du Bureau d'éducation de
Washington : les professeurs Phelps, Wickersham,
Calkins, Monroë, Swinton, Sholdon, qui, par leurs
ouvrages, répandent les meilleures mélhodes d'en-
seignement ; enfin des surintendants comme
B131. Philbrick, de Boston; Kiddie, de New-York ;
Harris, de Saint-Louis ; Rickoff. de Cleveland, etc.,
dont les rapports annuels sont autant de plai-
doyers en faveur de l'éducation populaire, ré-
pandus à des milliers d'exemplaires.
Au delà de l'Atlantique, la poursuite des pro-
grès matériels est énergique, fiévreuse; néanmoins
la vie intellectuelle et morale s'y développe, et l'on
ne saurait désespérer de l'avenir d'un pays qui
s'avance vers ses destinées avec cette noble devise :
Dieu et liberté. [B. Berger.]
ETUAOGRAPHIE, ETIINOLOGIi:. — On con-
fond souvent ces deux termes, qui représentent
chacun une des parties de l'étude des peuples.
M. Littré dit : « L'ethnographie est la science qui
a pour objet l'étude et la description des divers
peuples. L'ethnologie traite de l'origine et de la
description des peuples. » En fait, ces deux sciences
ne sont elles-mêmes que des branches de l'an-
thropologie, et l'ethnographie n'est que le complé-
ment de l'ethnologie. Tandis que cette dernière
envisage les peuples dans leurs généralités, étudie
leur groupement, leur formation sociale, leurs
idées philosophiques ou religieuses, l'ethnographie
s'occupe spécialement des détails : elle examine la
tribu, elle étudie les mœurs, les coutumes, les
rites, les costumes, le gouvernement, la langue.
Dictée ethiioloi/ique, — « Le type sémite est
l'un des plus répandus, à l'état d'infiltration en
quelque sorte. Les anciens Assyriens, Syriens,
Phéniciens et Carthaginois, et les modernes Arabes
et Juifs, sont rangés sous ce chef. Une langue po-
lysyllabique, à flexion, mais sans relation de vo-
cabulaire ni de grammaire avec les langues aryen-
nes, en forme le principal lien ethnique. Rawlinson
décrit en ces termes le type représenté sur les
monuments assjTiens : « Le front droit, mais pas
élevé, le sourcil plein, l'œil grand et en forme
d'amande, le nez aquilin, un peu gros du bout 'et
trop réprimé, la bouche ferme et forte avec des
lèvres assez épaisses, le menton bien formé, la
chevelure abondante et la barbe fournie, l'une et
l'autre noires, tout cela rappelle les traits princi-
paux des Juifs, plus particulièrement de ceux des
contrées méridionales. » Les traits moraux du
Sémite sont également caractéristiques : une acti-
vité dévorante sur mer chez les Phéniciens, sur
terre chez les Israélites ; l'amour du gain, qui en-
gendre leur esprit commercial; une vie nomade
(interrompue chez les Hébreux, de la prise de Jé-
richo à la destruction de Jérusalem), et qui se
perpétue encore avec les modifications introduites
par la vie sociale; l'égoisme de secte, l'attachement
à leurs institutions séculaires, le besoin d'un Dieu
propre, national, exclusif. » (P. Topinard, VAnlhro-
polofjie).
Dictée etlmographique. — « Le nom de Banjari ou
Lombadi est appliqué dans toute l'Inde à une tribu
ou pour mieux dire à un peuple dont la seule oc-
cupation consiste à transporter d'un point à un
autre, au moyen de bœufs, des approvisionnements
de grains soit pour leur compte, soit pour celui
des gouvernements ou des particuliers. Ces Ban-
jaris alimentent ainsi toutes les provinces de la
péninsule. Ils exercent depuis un temps immémo-
rial ce commerce et sont revêtus par la tradition
d'un caractère presque sacré ; ce sont eux, en effet,
qui accourent à l'aide d'un pays frappé de disette,
et leurs immenses caravanes apportent partout
l'abondance. En temps de guerre, ils occupent une
position que je ne pourrais mieux comparer qu'à
celle conférée aux ambulances par la convention
de Genève. Leurs convois circulent à travers les
j années belligérantes sans avoir à craindre aucune-
I attaque et sans que l'on cherche à les détourner
de leur destination. Le parti qui les attaquerait
se verrait bientôt abandonné à lui-même, sans
espoir de se ravitailler. Ces Indiens sont absolu-
ment nomades et ne se fixent jamais dans les-
villes ; l'été, ils campent sous des tentes ; l'hiver,
dans des huttes de branchages.
« Les Banjaris sont une superbe race d'hommps.
Leurs traits bien dessinés et fins, leur nez aquilin,
leurs cheveux longs et bouclés leur donnent une
ressemblance frappante avec les Bohémiens ou Tsi-
ganes dont ils représentent probablement le tronc
primitif. Grands, bien faits, doués d'une force
musculaire remarquable, ils sont courageux, fiers^
et mènent une existence laborieuse et rarement
exempte de danger. Leur costume est celui des
chameliers rajpouts : la longue tunique et le
turban tressé. Leurs armes sont la lance, le tarwar,
le bouclier, quelquefois le matchlock, et souvent
aussi la rondache, la masse et la grande épée à-
deux mains accrochée en sautoir. Ils ont le mono-
pole d'une belle race de chiens, grands lévriers
poilus, avec lesquels ils chassent le sanglier, le
loup et même le tigre.
a Les femmes Banjaris, quelquefois très belles,
sont toujours remarquables par leur haute stature
et leurs admirables proportions. Leur allure
est généralement un mélange de grâce et de
fierté inimitable. Elles sont vêtues d'un corsage qui
couvre tout le buste en en dessinant nettement les
formes, et d'un large jupon plissé tombant à mi-
jambe ; une large draperie recouvre la tête et enve-
loppe tout le corps. Chaque femme porte sur elle
les épargnes de son mari sous forme de bijoux
d'or et d'argent, tels que pendants d'oreilles et de
nez, bagues et chaînes de coiffure ; autour de son
cou s'enroulent de nombreux colliers de coquil-
lages ; ses bras, du poignet au coude, sont cachés-
par de larges cercles d'ivoire teint en rose ou en
bleu ; enfin ses chevilles supportent de lourds an-
neaux de métal ornés d'une infinité de grelots.
L'existence de la femme Banjari est encore plus
pénible que celle de l'homme ; c'est elle qui guide
les bœufs, leur donne la provende, trait les va-
ches et fait la cuisine de la famille.
a II est peu de spectacles aussi pittoresques que
celui de ces caravanes en marche, avec leurs
milliers de bœufs escortés par ces hommes à l'al-
lure guerrière, et ces femmes étrangement parées.
Toute la famille est là : le nourrisson pendu au cou
de sa mère, les jeunes enfants juchés sur les va-
ches laitières, qui portent en outre les ustensiles
déménage; au vieillard, membre du conseil, est
réservé l'honneur de monter quelque maigre poney
de petite taille. Les bœufs n'ont ni selle ni licou ;
leur chargement, placé dans un double sac, est
simplement jeté en équilibre sur le dos. Quelques-
uns portent des glands rouges et des cloches de
bronze pour écarter les bêtes féroces. En tête de
la troupe marche un magnifique taureau, couvert
de draperies éclatantes, de sonnettes et d'orne-
ments en cauris : c'est le bœuf Hattadéo, le dieu-
des Banjaris. C'est lui qui dirige la marche de la
caravane ; le lieu où il s'arrête sera celui du cam-
pement. C'est à ses pieds que l'on apporte les ma-
lades, que les femmes répandent les offrandes de
lait pour détourner des leurs ou de leur troupeau
la peste et les maladies, et que se célèbrent les
unions ; à cela se borne le système religieux des
Banjaris. Ils enterrent les corps de ceux d'entre
eux qui meurent avant le mariage et brûlent les
cadavres des gens mariés. » (L'hulf des Rajah-).
[Louis Rousscieî.]
ÉTOILES. — Cosmographie, V et VI. — 1. Fixité
ylafiiie, ciassificatioii, nombre des étoiles. — On
donne, en astronomie, le nom d'étoiles à cette mul-
titude de points lumineux, de dimensions appa-
ETOILES
— 729 —
ETOILES
rentes insensibles, qui sont disséminés dans la
voûte céleste, et dont le caractère distinctif est de
conserver pendant un long intervalle de temps
les mêmes positions, les mêmes distances rela-
tives.
C'est à cette invariabilité, qui du reste n'est
point absolue, que les étoiles ont dû l'ancienne dé-
nomination d'étoiles fixes ou simplement de fixes,
par opposition aux étoiles errantes ou plmètes. Le
déplacement de celles-ci sur la voûte céleste est
sensible dans l'intervalle de quelques nuits ou
même dans une seule nuit. La lune, le soleil, les
comètes subissent de pareils déplacements dus,
comme les mouvements des planètes, à la com-
binaison de leurs mouvements propres avec le
mouvement de translation de la terre.
La raison de cette dilTérence entre les étoiles et
les planètes est l'immensité de la distance qui sé-
pare les étoiles de la terre et de tout le système
du monde solaire. Cette distance est infinie pour
ainsi dire en comparaison de celles des planètes et
du soleil à la terre. Il est bon de faire observer
que ce caractère de fixité des étoiles a eu et a en-
core une haute importance en astronomie ; pour
les anciens comme pour les modernes, les étoiles
ont servi et servent encore de points de repère
pour la mesure précise des mouvements plané-
taires. ^
Tout "le monde peut constater que les étoiles
sont très inégales en éclat lumineux ; et, pour les
distinguer aisément les unes des autres, on les
classe en ordres ou grandeurs, qui vont en dé-
croissant de la 1" à la G° ou '", pour les étoiles
visibles à l'œil nu. Comme le télescope fait dé-
couvrir, dans le ciel, un nombre considérable d'é-
toiles encore plus petites, les astronomes ont con-
tinué, pour ces étoiles télescopiques, le même
mode de classification, dont retendue varie avec
la puissance des instruments. On enregistre dans
les catalogues jusqu'aux étoiles de IH* à 14= gran-
deur : on est même parvenu à distinguer des
étoiles dont le rang, à cette échelle, est le 20*.
Le nombre des étoiles visibles à l'œil nu, dans
le ciel entier, est beaucoup moindre qu'on ne se
l'imagine communément. En se basant sur les ca-
talogues d'Argelander et de Heis pour le ciel boréal,
et du docteur Gould pour l'hémisphère austral, on
arrive à un total de 8 000 à 10 000 étoiles (le maxi-
mum dépend de la vue plus ou moins perçante des
observateurs).
Quant au nombre total des étoiles visibles dans
les télescopes, il se chiffre par millions ; il va
d'ailleurs en croissant à mesure qu'on descend
l'échelle des grandeurs : Argelander évalue à
13 000 celui des étoiles de 7' grandeur, à 40 000
celles de la 8* grandeur, à 142 000 celles d > la 9=.
Siruve porte à 20 millions le nombre total des
étoiles visibles dans le télescope de 20 pieds de
sir W. Herschel. Un astronome français, M. Cha-
cornac, évaluait enfin ù 77 millions le nombre des
étoiles des 1:$ premières grandeurs.
2. Constellations. — La fixité apparente des
étoiles est cause que les groupes formés par
les étoiles voisines les plus brillantes conservent
pendant des siècles une configuration invariable.
Depuis la plus haute antiquité, ces groupes
arbitraires ont reçu des dénominations parti-
culières ; ce sont les constellations de la voûte
céleste, dont l'usage s'est conservé jusqu'à
nos jours parce qu'il est commode pour indiquer
la région du ciel où se trouve tel ou tel astre
donné.
Ce n'est pas le lieu de faire l'énumératlon
complète des 117 constellations aujourd'hui re-
connues et qu'on trouve tracées sur les cartes ou
sur les globes célestes. 48 de ces groupes appar-
tiennent exclusivement à l'hémisphère boréal,
54 à l'hémisphère austral et 15 sont situées à la
fos sur les deux hémisphères. On en trouvera la
liste dans tous les traites de cosmograpnie.
C'est une première étude qui captive assez ai-
sément les enfants que celle qui consiste à re-
connaître, dans le ciel, les constellations les plus
importantes : la petite et la grnncte Ourse formant
chacune, par leurs sept étoiles principales, une
figure semblable : la Polaire sera surtout à noter,
comme le pivot autour duquel tourne le ciel
entier, et comme le point d'où l'on peut partir
pour retrouver, par des alignements aisés à retenir,
les étoiles des constellations circumpolaires et
successivement celles de la zone équatoriale visi-
bles sur l'horizon du lieu, la Chèvre dans le Go-
cher, le Bouvier et Arcturus, le Cygne, la Lyre,.
Pégase, Andromède, Persée. En variant la saison
ou l'heure, on verra défiler ainsi toutes les étoiles-
du ciel, le Lion, le Petit et le Grand Chien, Orion,
le Taureau. Dès que les principales étoiles de
première et de seconde grandeur seront ainsi re-
connues dans leur situation relative, cela suffira
pour retrouver tous les autres détails que la mé-
moiic aurait de la peine îi retenir; une petite carte
du ciel aidera à ces recherches, ou encore un globe
céleste.
3. Mouvement diurne; coordonnées des étoiles.
— Par le fait de la rotation du globe terrestre sur
son axe, d'occident en orient, toutes les étoiles
semblent entraînées dans un mouvement commun,
uniforme, de sens contraire au premier, c'est-à-
dire d'orient en occident. Chaque étoile décrit
en 24 heures sidérales, ou ce qui revient au
même, en l'3 heures ôG minutes de temps moyen,
un cercle autour de deux points du ciel qui pa-
raissent immobiles, les pôles. Plus l'étoile consi-
dérée est éloignée du pôle de son hémisphère,
plus le cercle qu'elle décrit est grand ; le cercle
maximum est celui que décrivent les étoiles si-
tuées à égale disiunce des deux pôles, c'est-à-
dire sur l'équateur céleste.
Pour un même lieu, dont la latitude n'est
ni 11° ni 90°, le ciel se divise en trois zones, l'une
comprenant les étoiles qui restent toujours sur
l'horizon, ne se levant ni ne se couchant jamais :
c'est la zone circumpolaire boréale, dans l'hémi-
splière nord ; la seconde zone, séparée de la pre-
mière par le cercle de perpétuelle apparition,
comprend les étoiles qui coupent l'horizon dans
leur mouvement diurne, c'est-à-dire se lèvent et
se couchent; la troisième zone renferme les étoi-
les qui ne se montrent jamais au-dessus de l'horizon
du lieu : c'est la zone circumpolaire australe, pour
l'hémisphère nord.
Cette description sommaire du ' mouvement
diurne pourra être présentée aux élèves d'une fa-
çon très précise, et le maître insistera sur le pas-
sage au méridien qui partage en intervalles égaux
le temps que met une étoile à parcourir l'arc de
sa trajectoire compris entre son lever et son cou-
cher : pour les étoiles circumpolaires, il y a deux
passages au méridien, l'un supérieur et l'autre
inférieur.
La position d'une étoile quelconque se définit
par deux coordonnées : l'une, la déclinaison, est
l'arc do grand cercle mesurant sa distance à l'é-
quateur céleste ; l'autre, Vascoision droite, est
l'angle formé par le cercle de déclinaison ou le
cercle horaire de l'étoile et un cercle horaire qui
passe par le point équinoxial du printemps, ou
point vernal. Le cercle horaire d'une étoile passe
par l'étoile et par les pôles célestes ou l'axe du
monde. En un jour sidéral, le mouvement diurne
li.i fat faire une révolution entière, ou 300", de
sorte qu'en une heure sidérale, il parcourt 15°. Les
passages successifs des divers cercles horaires par
le plan du méridien s'-efïeciuent à des heures d 1-
férentes, et si, pour compter ces heures, on se
sert d'une pendule réglée sur le passage du point
ÉTOILES — 730 —
vernal au méridien, l'heure du passage d'une étoile
convertie en degrés, minutes et secondes d'arc,
donnera précisément l'ascension droite de cette
étoile. On comprend donc l.i raison de la dénomi-
nation de cercle liorab'c, appliqué au cercle « n
question. On fera aisément comprendre ces notions
aux élèves, si l'on possède un globe céleste, ou si
l'un fait saisir l'analogie complète qui existe entre
les pôles, l'équateur, les cercles horaires et les pa-
rallèles célestes, et les pôles, l'équateur, les méri-
diens et les parallèles géographiques. La déclinai-
son coirespond alors à la latitude terrestre, et
l'ascension droite à la longitude.
Les astronomes rapportent aussi les positions
des étoiles à l'écliptique et aux pôles de l'éclipti-
que : les coordonnées qui y correspondent sont,
dans ce cas, la longitule et la latitude célestes,
qu'il ne faut pas confondre avec la déclinaison et
l'ascension droite.
4. Parallaxes et distances des étoiles. — Les
étoiles, on l'a vu plus haut, sont situées à des dis-
tances de la terre immensément grandes, si con-
sidérables même que la plupart peuvent être con-
sidérées comme infinies.
On est parvenu, toutefois, à en mesurer ap-
proximativement un certain nombre. Nous les rap-
portons dans un tableau qu'on trouvera plus loin,
mais auparavant il nous paraît très utile de faire
voir comment il est possible à l'instituteur de
donner une idée nette de la façon dont on peut
mesurer de telles distances.
Quand nous examinons un objet éloigné, puis
que nous nous déplaçons d'une quantité suffisante
relativement à sa distance, nous observons qu'il
semble se déplacer lui-même: il va vers la gau-
che, si nous nous portons à droite ; vers la droite,
si nous nous portons à gauche; il semble monter
si nous nous approchons de lui, descendre vers
l'horizon, si nous nous éloignons. Tout cela revient
à dire que le raj'on visuel, qui marque la direc-
tion de l'objet par rapport h nous, change de place
avec nous. L'angle d'une direction avec la direction
suivante est ce qu'on nomme une parallaxe.
La parallaxe d'un objet éloigné dépend évidem-
ment et de sa distance à nous et de la grandeur de
notre déplacement en comparaison de cette dis-
tance ; or la géométrie permet de calculer la dis-
tance d'après le déplacement et d'après la pa-
rallaxe.
Sur le globe, nous pouvons nous déplacer de
manière à mettre entre deux observateurs une
distance qui ne peut jamais dépasser, en ligne
droite, le diamètre même de la Terre, mais qui est
suffisante pour mesurer la parallaxe de la Lune,
l'astre leplusvoisin do nous. On est parvenu ainsi à
calculer les parallaxes des planètes et celle du
Soleil, avec de grandes difficultés, il est vrai, parce
que les distances du Soleil et des planètes sont
déjà si considérables que leur parallaxe est d'une
extrême petitesse.
En appliquant aux étoiles la même méthode, on
ne peut trouver aucune parallaxe sensible. La base
dont il vient d'être question est tout à f.iit insuf-
fisante ; en un mot, les dimensions du globe ter-
restre sont des quantités trop petites pour qu'on
puisse, par des déplacements à sa surface, consta-
ter aucun changement apparent dans les positions
Telativcs des étoiles.
Heureusement, la Terre se meut autour du
Soleil, et nous avec elle, de sorte qu'en six mois
nous nous éloignons de manière à mettre entre
nos deux positions extrêmes une distance de près
de 300 millions de kilomètres. Telle est la base
à l'aide de laquelle les astronomes ont essayé de
mesurer les distances des étoiles. Même avec un
tel déplacement, le plus grand nombre des étoiles
n'ont pas donne de parallaxe sensible. Leurs dis-
tances sont donc le plus souve it comme infinies
en rayons de
en années
'orbite terrestre.
de la lumière.
226 000
3 ans 5
551 000
8 — 7
8io fiOO
12 — 8
1 33 ■ 000
21 — 0
i 375 000
21 — 3
1 55" 000
24 — 4
1 628 000
25 — 3
i 950 COO
30 — 6
4 300 000
70 — 3
ETOILES
en comparaison de cette distance énorme de .300
millions de kilomètres.
Cependant on a réussi pour quelques-unes, et
l'on a trouvé que la plus rapprochée était à une
distance au moins égale à 200 OOO fois la distance
du Soleil à la Terre, ou à 200 000 fis 148 raillions
de kilomètres. L'étoile en question est l'étoile dési-
gnée par la lettre grecque a (alpha) dans la con-
stellation australe du Centaure.
Donnons maintenant quelques distances calculées
et évaluées, soit en rayons de l'orbite de la Terre,
soit en années de la lumière, c'est-k-dire d'après
le temps que met la lumière à venir de ces étoiles
jusqu'à nous, avec la vitesse de 300 000 kilomètres
par seconde :
DISTASCES
a Centaure
61e Cygne
d Dragon
a Lyre
Sirius
i Grande Ourse.
Arcturus
Polaire
Chèvre
Il ne faut pas oublier que ces étoiles sont cer-
tainement parmi les plus rapprochées. Les plus
petites, celles que les télescopes les plus puissants
parviennent seuls à discerner dans les profondeurs
du ciel, sont à des distances incomparablement
plus grandes. Il en est dont la distance est telle,
que la lumière met certainement des milliers d'an-
nées à parvenir jusqu'à la Terre.
5. Les étoiles sont des soleils. — Une consé-
quence immédiate ressort de ce fait, que la distance
des étoiles dépasse des centaines de mille fois la
distance du Soleil : c'est qu'il est de toute impos-
sibilité que la lumière dont elles brillent soit em-
pruntée au Soleil, et réfléchie vers nous. En sup-
posant le Soleil lui-même reculé à la distance de a
du Centaure, il aurait à peu près l'éclat d'une des
moins brillantes parmi les étoiles de première
grandeur ; éloigné jusqu'à Sirius, il serait à peine
visible à l'œil nu. Comme d'ailleurs les étoiles les
plus brillantes, vues dans les télescopes les plus
puissants, se réduisent à des points lumineux de
dimensions tout à fait insensibles, il est nécessa re
d'admettre que leur éclat est celui d'une lumière
qui, comme la lumière du Soleil, est duc à l'in-
candescence de la matière qui les compose.
Les physiciens, en analysant cette lumière à l'aide
du prisme, en la comparant à la lumière solaire,
ont du reste mis cette vérité hors de toute con-
testation. Ils sont allés plus loin : ils ont pu re-
connaître la nature ciiimique des substances dont
l'incandescence produit la lumière dei étoiles.
Dans un grand nombre, le gaz hydrogène prédo-
mine : en outre, elles contiennent divers métaux,
le fer, le magnésium, le sodium, etc.
Les couleurs des étoiles sont loin d'être identi-
ques, ainsi qu'on peut s'en assurer en lés compa-
rant entre elles, à la simple vue. Un grand nom-
bre paraissent blanches; d'autres sont rouges;
d'autres, jaunes, vertes, bleues. On pense que la
couleur est un indice de la plus ou moins haute
température des atmosphères incandescentes ou
photosphères des étoiles, et aussi probablement
de la nature des éléments chimiques prédominants
dans chacune d'elles .
Si les étoiles sont des corps célestes semblables
à notre soleil, disséminés dans l'espace à des dis-
tances mutuelles comparables à la distance qui
sépare le soleil des étoiles les plus voisines, l'ana-
logie nous porte à les considérer comme autant de
systèmes pareils au nôtre. Il est donc probable que
ETOILES
— 731 —
ETYMOLOGIE
des planètes plus ou moins nombreuses, des sa-
tellites de ces planètes, et des comètes, circulent
autour de chaque étoile, suivant les lois de gravi-
tation qui régissent les corps du monde solaire. On
a du reste des preuves directes de l'existence de
la loi de gravitation dans le monde sidéral.
6. Etoiles doubles et multiples. — En effet, en
étudiant au moyen de télescopes puissants les
étoiles qui paraissent isolées, on a découvert ce
fait important qu'un certain nombre d'entre elles
sont formées de deux ou même de plusieurs étoiles
séparées. C'est ce qu'on nomme les étoiles doubles
et les étoiles midtiplei, et l'on donne cette déno-
mination à tous les couples ou associations d'étoiles
dont les composantes ne sont éloignées l'une de
l'autre que d'un petit nombre de secondes (32").
On connaît aujourd'hui des milliers d'étoiles
doubles, triples, etc. l! y a un sièc e, on ne con-
naissait qu'une vinîtaiio d'étoiles doubles; les
catalogues actuels en contiennent plus de 10 000.
A la vérité, tous les couples d'étoiles doubles ne
sont pas nécessairement des couples p>'ys'que<:,
c'est-à-dire des groupes de deux étoiles réellement
voisines et associées. H en est qui ne se trouvent
ainsi réunies que par un effet d'optique ou de
perspective, et on donne à ces groupes apparents
le nom de couples optiques.
On distingue en général les étoiles doubles
physiques des étoiles doubles optiques en ce nue
les composantes des étoiles doubles physiques ont
un mouvement propre de même amplitude et de
même sens ; mais le caractère le plus important
est celui qui provient de l'observation du mouve-
ment de révolution de l'une d'elles autour de l'au-
tre. Il est prouvé aujourd'hui que de tels mouve-
ments ont lieu, et l'on a calculé les périodes de
révolution de plusieurs systèmes. Leurs durées
varient entre un quart de siècle, et des centaines
d'années. Tout prouve que les lois de ces mouve-
ments de deux soleils ont lieu selon les principes
de la gravitation universelle, tout comme les mou-
vements planétaires.
7. Etoiles variables et temporaires. — Nous ter-
minerons cet aperçu sur l'univers sidéral par
quelques mots sur les étoiles dites variables.
Ce sont des étoiles dont l'éclat change, aug-
mente ou diminue, tantôt d'une façon périodique
et régulière, tantôt d'une façon brusque, irrégu-
lière et sans périodes déterminées. La première
qu'on ait observée ainsi (en 1.d9G) est une étoile de
la Baleine, qu'on nomme pour cette raison la mer-
veilleuse [mii-a). Tous les onze mois environ, elle
passe par une série de phases alternativement
croissantes et décroissantes, jusqu'à devenir invi-
sible à l'œil nu. Une autre étoile, Algol (de Persée),
effectue ses variations périodiques avec la plus
grande régularité, tous les 2 jours 20 heures 49
minutes. On connaît aujourd'hui près de 100 étoi-
les variables dont les périodes sont connues et
varient entre deux jours environ et plusieurs an-
nées.
Ces variations dans l'éclat lumineux des étoiles
de ce genre sont-elles dues à des changements
physiques analogues à ceux des taches de notre
soleil, ou à des mouvements de rotation qui font
que l'astre tourne successivement et périodique-
ment vers nous des faces différentes, inégalement
lumineuses; ou encore, tiennent-elles à des occul-
tations ou éclipses que des satellites obscurs pro-
duisent en circulant autour de l'étoile et en la
masquant comme la lune nous masque le soleil
pendant des écUpses ? Les savants sont partagés
à cet égard, bien que la seconde des trois hypo-
thèses semble la plus vraisemblable.
A des époques, d'ailleurs assez rares, on a vu
aussi apparaître et briller dans le ciel, avec un
grand éclat, des étoiles jusqu'alors inconnues. Ce
sont les étoiles temporaires, dont la plus célèbre,
la Pèlerine a été observée par Tycho-Brahc, en
1572. Il y a une douzaine d'années, une étoile a fait
ainsi son apparition dans la Couronne boréale. L'é-
tude de sa lumière a prouvé que l'accroisse-
ment d'éclat était dû à une combustion subite de
gaz hydrogène, qui n'a d'ailleurs duré qu'un temps
limité : la nouvelle étoile est redescendue à la
neuvième grandeur, où elle persiste depuis cette
époque.
Ainsi, le ciel est loin d'être, comme le croyaient
les anciens, le domaine dos choses incorruptibles
et immuables. Les étoiles ne sont pas fixes; on
a constaté qu'un grand nombre sont affectées de
mouvements propres en divers sens, qui, à cause
de l'énormité de la distance, ne deviennent sensi-
bles qu'au bout de longues années, et ne sont
mesurables qu'à l'aide des observations les plus
précises. Elles ont des mouvements de rotation et
de révolution; et enfin, comme le soleil, elles
sont sujettes à des changements physiques, quel-
ques-unes à des révolutions soudaines.
Notre étoile, le soleil, n'échappe pas à la loi
commune. Il se meut dans l'espace, entraînant
avec lui son cortège de planètes, de satellites et
de comètes, vers une direction qui est celle des
étoiles de la constellation d'Hercule, et avec une
vitesse approximative de 7*'',6 par seconde.
[A. Guillemin.]
ETYMOLOGIE.- Grammaire, VIII. —'Létymo-
lof/ie, qui a pour objet la recherche de l'origine
des mots et leur véritable signification, a fait
depuis trente ans de très grands progrès.
C'est aujourd'hui une véritable science, qui a
ses règles fixes, durables, et qui procède dans ses
recherches d'après des principes certains , avec
l'histoire, In phonétique et la coir.par'iison comme
instruments d'étude (V. l'article Etymolvoie dans
la I " Partie).
Cette science évidemment ne saurait être in-
troduite dans l'enseignement de nos écoles pri-
maires.
3Iais, à côté de Yétyrnologie savinte, qui, pre-
nant le mot tel qu'il existe aujourd'hui, remonte
le cours des âges, retrouve les diverses formes
par lesquelles il a successivement passé, et établit
ainsi son origine et sa signification primitive, fon-
damentale, il j- a une autre étymologie, usuelle,
facile, qui, étudiant les mots dans leur composi-
tion, permet de les grouper par familles et de
passer alors du sens de 1 un à la signification de
tous les autres. Cette éiymologie praiiqîte, tout
à fait à la portée des enfants des écoles primaires,
est éminemment propre à rendre compte de la
fonction de nos mots, de leur orthographe, du
sens intime et de la portée de chacun d'eux, des
rapports et des différences de sens qui peuvent les
réunir ou les séparer.
C'est cette étymologie-là que nous voudrions
voir enseigner dans nos écoles, et que plusieurs
systèmes d'organisation pédagogique ont déjà fait,
du reste, entrer dans leurs programmes.
Xous allons exposer comment, à notre avis, l'in-
stituteur pourrait donner cet enseiû'nement. Nous
prendrons chaque division, c'est-à-dire chaque cours
en particulier, montrant l'esprit, le ton qui con-
vient pour chacun, et indiquant aussi les limites
dans lesquelles le maître devra se renfermer.
Cours élémentaire.
Nous n'aurons pas, dans le cours élémentaire, de
leçons d'étymologie spéciales ; nous ne ferons point
ces exercices de signification de mots à des heures
régulières, fixées à l'avance. Ces notions se donne-
ront quand l'instituteur le jugera opportun ou
utile, à propos d'une lecture, d'une dictée, d'une
classe de grammaire le plus souvent; quand il se
présentera, par exemple, un mot dont le sens
pourrait ne pas être compris des enfants, ou bien
ÉTYMOLOGIE
— 732 —
ETYMULOGIE
lorsque le mode de composition, l'origine de ce
mot pourraient prés«nter quelque intérêt.
Nous venons, je suppose, de rencontrer dans la
lecture, dans la dictée ou dans l'exemple de gram-
maire cité par un enfant le mot battre. Nous fai-
sons écrire ce mot au tableau noir. Puis, après en
avoir fait donner la si/nifiatiou, nous demandons
aux enfants s'ils ne connaissent pas quelques mots
encore ressemblant beaucoup à celui-là. « N'avez-
vous pas rencontré souvent, leur dirons-nous, ne
vousêtes-vous pas servis vous-mêmes d'expressions
semblables à celle-là, et par le sens et par la com-
position, c'est-à-diie par les lettres qui les for-
ment? — Voyons, cherchons ensemble. Comhntire,
débattre, rebottre, aijattre: ne sont-ce pas là des
mots qui ont tous l'air d'être formés de Ijnttre? —
Cherchons encore. — Comment appelle-t-on l'action
que font parfois de mauvais enfants qui se battent?
Une batterie. — Et lorsque ce sont deux armées
ennemies qui se rencontrent et qui se disputent la
victoire? Une Ijaliilie. — Et lorsque les deux
armées n'ont pas engagé toutes leurs forces, lors-
qu'une partie seulement de ces armées s'est
battue, ce qui arrive ordinairement avant une
grande bataille ? Un combat. — Cherchez donc
encore? » Et les enfants, à l'envi, nous donnent:
biitailler, batailleur, bataillon, battue, batteur,
battement, battoir, etc. Tous les composés et les
dérivés du verbe battre défilent avec rapidité.
Après avoir ainsi fait écrire cette série de mots
et donné leur signification, en montrant comment
le sens primitif de frapper, exprime par le mot
battre, se retrouve dans tous, modifié dans les uns
par la syllabe qui les termine: batt^v^, batto\n,
etc., dans les autres par celle qui précède le
simple, comme combattre, mibattre, etc., l'institu-
teur envoie un autre enfant au tableau.
« Voyons, dit-il, essayons de recommencer pour
le vaoimontfKpie, que nous avons aussi rencontré
dans notre dictée, ce que nous venons de faire pour
le mot battre. Et d'abord, ne connaissez-vous pas
un mot plus simple, plus petit que montagne, et
qui lui ressemble beaucoup ? car, dans la recherche
de ces réunions de mots, il faut toujours com-
mencer par le simple, par celui qui très proba-
blement a servi ;\ former, à composer les autres.
Qu'est-ce donc qu'une montagne ? Voulez-vous
rappeler la définition que nous avons étudiée en
géographie ? — Une montagne, c'est une grande
élévation de terre ou de rocher qui domine un
pays. — Vous connaissez des montagnes? Quelles
sont les plus remarquables de France ? — Les Alpes,
les Pjrénées, les Cévennes. — Toutes ces montagnes
occupent, vous l'avez vu sur la carte, une grande
étendue : c'est une suite d'élévations qui tiennent
l'une à l'autre. Lorsr(u'on veut désigner une de ces
masses détachée des autres; si l'on veut parler,
par exemple, d'un point, d'un sommet de ces mon-
tagnes, de quel mot se sert-on? Quel est, par
exemple, le point le plus élevé des Alpes? —
C'est le Mont-Y^\M\c.
» Pour désigner lin des sommets, une des éléva-
tions particulières d'une chaîne de montagnes, on
emploie donc le mot mont, qui est, en effet, le
terme le plus général et le plus simple. Ecrivez le
mot mont et cherchons tous les mots formés avec
lui. »
L'expérience nous a appris que les enfants
prennent goût bien vite à ces exercices et à ces
recherches; et tous les composés et les dérivés
de mont sont immédiatement trouvés et écrits
au tableau: mont, montueux, montagne, mon-
tagneux, montagnard, moîiticiile, monter, mon-
tant, montée, monteur, monture, promontoire,
amont, démonter, démonteur, remonter, surmon-
ter, etc., etc.
Quand les enfants ont fait ainsi deux ou trois
collections de mots de ce genre, ils sont aptes à
comprendre ce que c'est qu'une famille de mots.
« Vous savez bien, leur dira l'instituteur, ce que
c'est dans le monde qu'une famille? On appelle
ainsi la réunion des personnes du môme sang, des
parents, comme le père, la mère, les enfants, les
frères, les sœurs, les nièces, les neveux, les cou-
sins, qui souvent vivent en communauté sous un
même chef, le père de la famille. Or, vous avez
remarqué qu'il y a presque toujours entre les indi-
vidus d'une même famille une certaine ressem-
blance physique, soit dans les traits du visage, le
geste, le son de la voix, etc., ce qu'on appelle un
air (le famille, et aussi une ressemblance morale,
résultant de la conformité des idées, des penchants,
de ce qu'on appelle en général le caractère. Et
cette communauté d'origine est parfois tellement
indiquée qu'en apercevant un individu pour la
première fois, nous jugeons tout de suite qu'il doit
appartenir à telle famille, que nous connaissons,
dont nous avons été à même d'étudier le type, les
mœurs, les habitudes.
» Eh bien, continue l'instituteur, regardez un
peu tous ces mots que nous avons écrits sous le
mot battre. Ne retrouvez-vous pas, dans tous, les
lettres principales et la prononciation du mot
battre? C'est là leur ressemblance phgsiqne. Ne
voyez-vous pas aussi, d'après l'explication que nous
avons donnée du sens, de la signification de cha-
cun d'eux, que tous renferment également l'idée de
battre? C'est leur ressemblance morale. Tous ces
mots peuvent donc être considérés comme venant,
comme formés du mot battre: le mot battre est
leur père, et ils en constituent la famille, r
La même analogie de forme et de signification
se retrouve entre tous les mots de la seconde
série: c'est la famille du mot mont.
Nous n'irons pas plus loin dans le cours élémen-
taire. Nous nous garderons bien de faire quoi que
ce soit qui ressemble à de la science. Nous ne nous
servirons pas môme des mots techniques affixes,
préfixes et suffixes. Non; les enfants savent ce que
c'est qu'une syllabe: cela suffit. Nous dirons: tes
syllabes qui commencent ou les syllabes initiales,
les syllabes qui terminent les mots ou les tep.mi-
NAisoNs. Mais nous ne laisserons pas de donner,
ou mieux, de faire découvrir aux enfants le sens
de ces syllabes, qui viennent ainsi modifier le sens
du mot primitif, du simple.
Ainsi, nous voulons, par exemple, faire com-
prendre aujourd'hui le sens de la syllabe initiale in
(éveillant une idée de négation). Nous envoyons
un élève au tableau, et nous lui faisons écrire les
mots suivants sur une même colonne verticale:
égal, abordable, fidèle, humain, certain, salubre,
etc.; puis, en regard, les mots inégal, isabor-
d'ible, l'sf.df'le, iy/iumai7i, iscertai7î, lysalubre, etc.
Nous demandons d'abord le sens des premiers, et
nous aidons, par des exemples, les enfants à le
trouver. Immédiatement après, ils nous donnent
eux-mêmes, sans embarras aucun, le sens des com-
posés de la seconde colonne, et ils en déduisent la
signification de la syllabe initiale i.\.
Voulons-nous, un autre jour, rechercher la modi-
fication de sens apportée à un mot primitif par la
terminaison able, un enfant écrit au tableau, sous
la dictée du maître ou de ses condisciples, les mots
suivants : ozwable, Iou.\ble, instxBLE, /aisABLE,
blàmATiLE, détestADLE, agréARLE, etc. Et rien n'est
plus facile au maître que de faire découvrir à ses
élèves que la terminaison able marque une dispo-
sition, une aptitude, une manière d'être, une qua-
lité; que le sens peut en être rendu par l'expres-
sion: qu'on peut ou qu'on doit: «/«jable, qu'on doit
aimer ; bldm able, qu'on doit blâmer ; fais.KULE, qu'on
peut faire, etc.
C'est à cela que devront se borner les exercices
étymologiques dans la division élémentaire. La fa-
cilité avec laquelle les enfants réunissent les mots
ÉTYMOLOGIE
733
ÉTYMOLOGIE
d'une même famille les éclairera sur l'orlliographe
et le sens de beaucoup d'expressions; un mot de
cette famille qu'ils connaissent suffira pour les
mettre sur la voie. Quant aux syllabes initiales et
aux terminaisons des composés et des dérivés,
comme elles sont en somme peu nombreuses, ils
les rencontreront très souvent les unes et les
autres : leur signification so gravera facilement
dans leur esprit.
Le maître, bien entendu, dans ces notions qu'il
paraîtra donner d'une façon tout à fait imprévue,
sans ordre et sans méthode arrêtée à l'avance,
suivra cependant une marche régulière, un plan
logique et raisonné ; mais l'élève ne sera point
averti. Il ne s'imaginera jamais qu'il suit un cours
méthodique et régulier; il ferade l'étymologie sans
le savoir, comme M. Jourdain faisait delà prose :
excellent moyen pour apprendre avec intérêt et
retenir sans effort.
Voici plusieurs mots encore dont la famille
pourra être recherchée, ainsi que nous venons de
l'indiquer :
PoKT : porte, portier, portail, portique ; porter,
porteur; apporter, apport; rapporter, rapporteur;
colporter, colporteur; déporter, déportation; em-
porter ; remporter ; exporter, exportation ; impor-
ter, importation, etc.
Pose : poser ; composer, composition ; décompo-
ser, décomposition, dccomposabîe, indécomposable ;
déposer ; imposer ; proposer ; supposer,
supposable... ; transposer etc.
Ecrire: écrit, écriture, écritoire, écriteau; écri-
vain ; décrire, description, indescriptible ; ins-
crire ; prescrire ; transcrire ; etc.
La nature et le genre des exercices d'applica-
tion, par lesquels le maître s'assure que ses
élèves ont compris et retenu, varieront naturelle-
ment.
Ainsi, tantôt il fera chercher, comme nous l'a-
vons fait plus haut, tous les mots d'une famille et
fera trouver et formuler la définition, la significa-
tion de ces composés et de ces dérivés; tantôt, au
contraire, il donnera la signification d'abord et fera
trouver le mot.
Nous empruntons à la grammaire Larive et
Fleury deux modèles de ce dernier genre d'exer-
cices :
1. Trouver les mots de la famille de mont dési-
gyiant ou signifiant:
Un petit mont... — Une élévation de terre très
élevée et tenant ordinairement à d'autres éléva-
tions semblables... — Aller au haut d'un mont, se
transporter en un endroit plus élevé... — La qua-
lité d'un pays où il y a beaucoup de montagnes...
— Un habitant des montagnes... — Une pièce de
bois, une colonne en pierre ou en fer posée verti-
calement et soutenant une partie transversale... —
L'endroit par où l'on monte sur une montagne...
— La partie du cours d'un fleuve située au-dessus
du point où l'on est... — Un ouvrier qui monte
les bijoux... — L'action de monter une machine,
un appareil... — Désassembler les pièces dont
une machine est formée... — Monter de nou-
veau.., etc.
2. Remplacer par un terme de la famille du mot
FLEUR /es expressions suivantes:
Une petite fleur. — L'époque où les plantes
fleurissent. — Celui qui cultive, qui vend ou qui
fabrique des fleurs. — La déesse des fleurs. — La
qualité de ce qui est dans un état prospèrei —
Perdre ses fleurs. — L'action de fleurir de nou-
veau, etc.
Cours intermédiaire ou moyen.
Dans le cours intermédiaire, comme nous nous
adressons à des élèves déjà préparés par les exer-
cices du cours élémentaire, nos leçons présente-
ront un caractère plus régulier, plus suivi. Nous
ne chercherons plus :\ dissimuler la méthode: les
classifications, au contraire, apparaîtront; et l'élève
découvrira, dans les exercices qui lui seront donnés,
la logique et la filiation des idées qui existaient
déjà dans ceux du cours précédent, mais qu'il n'a-
vait pas remarquées.
Les leçons seront très simples encore, très pra-
tiques toujours ; et le plan que nous suivrons ne
sera que le développement sagement restreint de
celui que nous avons adopté pour le cours élémen-
taire.
Supposons, par exemple, que nous donnions
notre première leçon sur les familles de >?«of5. Nous
prendrons le même exemple que celui que nous
avons choisi pour le premier cours, la famille du
mot battre : batterie, battement, battoir, batteur,
bataille, combat, bataillon, combattre, débattre,
rebattre, abattre, s'ébattre, etc.
Tous ces termes étant écrits au tableau, comme
nous l'avons exposé précédemment: « Voici des
mots, dirons-nous, que nous avons reconnus ap-
partenir à une même famille, parce qu'il y avait
entre eux tous une ressemblance de forme et de
sens. Voulez-vous dire en quoi consiste d'abord la
ressemblance malérielle, la ressemblance de forme
qui existe entre eux? — C'est que les lettres
principales du mot battre et sa prononciation se
retrouvent dans tous; plusieurs même ont dans
leur composition le mot battre tout entier. —
Pourriez-vous dire maintenant en quoi consiste
la ressemblance de sens; quelle est Y idée com-
mune renfermée dans tous ces mots? Et pour cela,
rappelons-nous la signification que nous en avons
donnée. Une batterie, c'est?.... une querelle où l'on
se bat, une réunion de gens qui se batte?it, ou
bien encore une rangée de pièces de canon qui bat-
tent un mur. — Un battoir, c'est... ? un instrument
avec lequel on bat le linge; — un batteur? c'est
l'homme qui bat habituellement; — le mot 6a-
/az7/e exprime?.... l'action de deux armées qui se
battent. Dans l'origine, ce mot désignait le corps
d'armée qui allait se battre, et ce sens est resté
au mot bataillon, partie d'un régiment, d'un
coi'ps de troupe. — Combattre, comhat?... action
de se battre mec son ennemi; — débattre?... lut-
ter, contester, discuter; — rebattre?... battre de
nouveau; — ébat, ébattement, s'ébattre?.,, pren-
dre ses ébats, se livrer aux caprices de la joie,
comme si on se battait pour jouer, etc., etc.
« C'est donc aussi ce mot battre, vous le voyez,
qui représente également l'idée commune éveillée
par tous les termes de cette famille. Eh bien, le
mot battre, que nous pouvons considérer comme
étant l'origine de tous les autres, qui se retrouve
ainsi dans tous les mots de la même famille, et qui
exprime l'idée commune qui sert à les grouper,
est ce qu'on appelle la racine, ou mieux le ra-
dical de cette famille.
« Maintenant, examinons les différences qui dis-
tinguent tous ces mots les uns des autres.
« Et d'abord, au point de vue de la forme, quelle
différence remarquez-vous? Les premiers sont
tous formés de la même racine batt....; mais ils
sont terminés par une syllabe difi'érente: erie,
ment, oir, eur, aille, 07i... et les derniers, au con-
traire, ont chacun, devant le radical battre, une
syllabe différente: com., dé, re, etc. — Eh bien, la
différence de sens que nous venons de remarquer
entre tous ces mots tient justement à la présence
de ces diverses syllabes, qui modifient ainsi la ter-
minaison du mot ou précèdent le radical.
« Les syllabes ou particules que l'on place en
tète des mots radicaux: pour en modifier le sens,
comme coin, dé, re, etc., s'appellent initiales ou
PRÉFIXES ; celles que l'on ajoute à la fin des mots
radicaux, et qui en modifient la forme et la signi-
fication, comme : erie, ment, oir, eur, aille, etc.,
s'appellent terminaisons, désinences ou suffixes.
ETYMOLOGIE
— 734 —
ETYMOLOGIE
« Les mots comme batterie, bataille, batteur, bat-
toir, batteme7it , etc., formés ainsi du radical
battre par le changement de la syllabe finale
par l'addition d'un suffixe à la racine, se nom-
ment des DÉRIVÉS, et le mot battre, par rapport
à eux, s'appelle primitif. Les mots formés par
l'adjonction d'un préfixe, comme combattre, dé-
battre, rebattre, abattre, etc., sont des compo-
sés, et, par rapport à eux, le mot battre se nomme
simple. »
Ainsi, les mots se forment les uns des autres
par cléiivaiion ou par composition : c'est là toute
la science étymologique que nous étudierons dans
l'école primaire. L'usage a donné aux élèves la
signification de la plupart de nos primitifs et de
nos si7np les ; quand ils connaîtront la valeur des
préfixes et des suffixes , ils pourront déjà décou-
vrir eux-mêmes l'exacte signification d'une grande
quantité de mots.
Le maître, après ces explications, ou dans une
leçon suivante, pourra faire reproduire, à propos
de la famille des mots mont, port, pose, éonre,
que nous avons fait connaître précédemment, tou-
tes les notions qu'il vient de donner. Il fera, par
exemple, inscrire tous les mots de ces familles au
tableau, puis il les fera ranger sur deux colonnes :
dans l'une seront les dérivé i, dans l'autre les
co7)iposés, et il pourra classer ensuite tous ces mots
selon leur espèce : noms, adjectifs, verbes, parti-
cipes et adverbes.
Après ces notions préliminaires, sans cesser d'é-
tudier, comme nous l'avons dit, les familles de
mots à mesure que l'occasion se présente dans les
dictées, dans les lectures et les leçons de gram-
maire, l'instituteur, avec les élèves du cours
moyen, pourra passer en revue, à certains jours,
d'une façon régulière et méthodique, les princi-
paux éléments de la dérivation et de la composi-
tion.
Il prendra, l'un après l'autre, les principaux
suffixes ainsi que les préfixes les plus usités ; il
en fera connaître la valeur, le rôle qu'ils jouent
dans la composition et la dérivation des mots, et
il mettra ainsi, peu à peu, graduellement, ses
élèves à même de comprendre le sens exact et
précis de la plus grande partie des termes de notre
langue. ,
Dans l'étude de ces éléments, le maître ira na-
turellement plus loin qu'il ne l'a fait dans le cours
élémentaire. Ainsi, dans l'exemple d'initiales que
nous avons pris précédemment, pour le premier
cours, nous n'avons considéré que le préfixe in ayant
le sens négatif. Avec les élèves du cours moyen,
le maître fera d'abord voir les différentes formes
de ce préfixe : im dans immérité, impatient ; il
dans illettré, illimité; ir dans irresponsable, ir-
réligieux, etc. ; puis il donnera les autres sens de
ce préfixe : e7i ou dans, comme incarcérer, incor-
porer; vers, à, sur, contre, comme incliner (pen-
cher vers), etc.
Voici un exemple de la marche et de l'ordre que
l'on peut suivre dans la détermination des mots
d'une môme famille, emprunté aux Etudes sur la
signification des mots de Michel.
Soit à étudier le mot inactivité. L'examen du
mot conduit à la racine act, d'où acte, actif,
action, acteur, actuel, etc. ; acte, actif, mènent à
activer, comme activer à actionner. Acte et action
rappellent naturellement agir, agile, agent, d'où
une nouvelle forme de racine, ag. L'étude des
mots de cette forme : agir, agiter, agencer, con-
duit aux verbes exiger, transiger, intriguer, qui
s'en rapprochent par la signification et par la
forme, et manifestent une troisième forme de ra-
cine, iG. Ces trois formes ag, act, ig, constituent
comme les trois branches d'une même famille
parfaitement mises en apparence dans le tableau
suivant;
ag ir, issant, i...
ag encer, ençant ,
dé s ag encer
1. ag.
agile, agilité, agilement,
ageut, agence, agenda,
agencement.
agitation, agitateur.
adage.
ambages.
2. act;
acte, acteur, action.
actif, activement, activité.
actuel, actuellement, actualité.
coaction, coactif.
exaction, enacteur.
exact, exactement, exactitude.
inactif, inactivité.
inexact, inexactement, inexacti-
tude.
réactif, réaction, réactionnaire,
réacteur.
rétroaction, rétroactif, rétroac-
tivement, rétroactivité.
3. ig.
exigence, exigeant, exigible,
inexigible, inexigibilité.
act ionner. ......
co act
in act
ré ag ir, issant, i...
rétro ag ir
ex i"-
transaction, transacteur.
quadrige (conduit par quatre
chevaux). Ménage (men,
mens, maison, table; con-
duite de la table, de la mai-
son).
dém;igogue , de démos , le
peuple. Pédagogue, pédant,
de pals, enfant ; qui conduit
les enfants.
Voici un autre modèle encore du même exercice,
tiré de la nouvelle grammaire de Chassang:
: ■ _
DEnlTES
DEBITES
lUCIXK.
(avec ou sans altération
de
^ "s ~ -
de la
racine).
dérivés.
1
icap-uche.
capuch-on.
cap-ucin,
cap-ote,
cap-ucine.
1. cap..
cap-ital,
cap-oral.
cap-araçon,
cap-illaire,
cap-itale,
cap-italiser.
2. cab . .
i
cab-oche.
capit-ation,
capit-eiix.
a-cab-it.
C\P....
idée de;
3. capit.
dé-capit-er,
capitaine,
dé-capit-ation.
tète.) {
'
capituler,
chap-eau.
capitul-alion,
rù-capitul-er,
chapel-ier,
ch.ipel-leric,.
chape-ron.
récapltul-atioii
1. ckap.f
chap-e,
chap-it'>au,
chap-ilre.
chape-Ile,
cbape-let,
chapcl-ain.
5. chef.
6. chej).
chep-tel.
Nous donnons ces familles entières : le maître
saura subordonner le nombre et la nature des
termes dont il devra s'occuper au degré de force de
ses élèves. Pour beaucoup d'écoles, ces tableaux
complets ne pourront être certainement établis
qu'avec les élèves du cours supérieur.
Comme pour le cours élémentaire, du reste,
les exercices seront aussi très variés.
Nous pourrons proposer, par exemple, svir la
ETYMOLOGIE
— 735 —
ETYMOLOGIE
famille d'un mot donné, une série d'expressions,
de périphrases, que l'élève devra remplacer par
un mot de cotte famille.
Ainsi, h propos du mot vent, nous demanderons
les termes exprimant les idées suivantes :
« Faire du vent (impersonnel). .. Un appareil qui
sert à renouveler l'air dans un appartement
Pratiquer des ouvertures pour faire circuler
l'air Se rafraîchir la figure en agitant
l'air L'instrument dont on se sert pour s'é-
venter L'ouvrier qui fabrique l'insirument à
l'aide duquel on s'évente L'ouverture par
laquelle la baleine et les autres cétacés rejettent
l'eau qu'ils ont absorbée. .. . »
Voici maintenant la liste des principaux affixes,
pré/ixfs et suffixes, qui peuvent faire l'objet des
leçons du maître dans le second cours. Cette liste
est prise, en partie, dans la grammaire de Leclair
et Rouzé (Cours supérieur) :
Composition des mots. — Préfixes.
a, ab, abs, — ad, af, ag, al, am, an, ap, ar, as, at, —
anté, — anti, — arcbi, — bis, bi, bin, bar, bcr, ba, be,
— circon, ciicuin, circu, — com, con, co, col, cor, — contra,
contre, contre, — de, dé, dis, — e, ex, ef, es, esse, — eu, em,
— entre, — extra, — for, fors, — in, im, ig, il, ir, — inter,
— mal, mau, mé, mes, — né, non, — ol, op, oc, of, — outre,
— par, — per, — pré, pro, por, pul, pour, — re, ré, red, —
se, — sou, sous, — sub, sup, suc, suf, sug, su, subter, —
super, soubre, sur, sus, — U'a, trans, très, tré, — ultra.
Dérivation des mots. — Suffixes.
able, ble, ibie, bile, — ade, — âge, — aille, — aire, ier,
er, — al, el, — an, ein, en, — ant, ante, — ard, arde, —
asse, — asser, — at, — àtre, — cide, — eau, elle, olle, —
el, elle, — ence, — er, — er, ère, — erie, — escenee, —
escent, ente, — esse. — et, ée, ave, aie, oie, — et, ette, é,
— eur, euse, — eux, euse, — ose, — u, — fier, fication,
Ccateur, — fique, fice, — fuge, — ie, — ien, ienne, — ier,
ière. — if, ive, — ille, — iller, — in, ine, — ion, — ÏQue,
— ir, — is, ise, iser, — isme, — iste, — itie, ice, esse, —
ment, — oïde, — oir, cire, — ois, oise, — on, — ot, otte, —
té, — teur, triée, — tare, sure, ure, — ude, — ule, — ure.
Le maître, afin de jeter un peu de variété et de
vie dans ses leçons, saisira toutes les occasions
d'intéresser ses élèves par quelques ét3'mologies
curieuses ou instructives, propres à éclairer sur
le véritable sens d'un mot ou de nature à corriger,
à rectifier une erreur. Cela certes ne lui sera pas
difficile.
Qu'on demande aujourd'hui, par exemple, à
l'un des premiers élèves de nos écoles ce que c'est
qu'un faubourg. D décomposera facilement ce
mot, mais, trompé par l'apparence, il croira que la
première syllable vient de l'adjectif faux, et il dira
que c'est « une réunion de maisons ou de rues
qui paraît être un bourg et qui n'en est pas un,
que cette réunion de maisons précède seulement
le bourg. » S'il a fait avec soin les exercices d'é-
tymologie pratique dont nous venons de donner
plusieurs spécimens, il saura que fan vient de for,
fors, qui veut dire hors, et q\ie faubourg , autrefois
forsbourg, forbourg, désigne un bourg bâti hors
de l'enceinte d'une ville ; comme forfaire signifie
faire quelque chose hors des bornes du devoir, de
l'honneur ; comme se fourvoyer veut dire aller
hors de sa voie; hormis, qui est mis hors de
compte, etc. La véritable orthographe de faubourg
devrait donc être fobourg .
L'origine et la signification du mot chapelet
n'embarrasseraient probablement pas moins beau-
coup d'élèves, même des élèves des cours su-
périeurs.
Le chape/et, comme son nom l'indique, n'était
primitivement qu'un petit chapeau, qu'une coiffure
légère de fleurs placée sur la iéte. La couronne ou
rosaire qu'on mettait sur la tète de la sainte Vierge
prit ce nom, qui plus tard désigna également
cette couronne mobile de grains enfilés qui rap-
pellent le nombre des Ave Maria et des Pater que
l'on doit dire.
.Vous pourrions citer ainsi bien des exemples
d'étymologie, très curieux et très intéressants ;
1©^ recueils que nous avons indiqués dans la pre-
mière partie de cet ouvrage en contiennent de
très nombreux choix.
Cours supérieur.
Les élèves du cours supérieur, ayant déjà vu
les matières du cours élémentaire et du cours
moyen, seront aptes à recevoir des notions plus
développées, plus complètes sur les origines et la
formation de notre langue.
Dans le cours moyen, par exemple, le maître
n'a parlé que d'une façon générale des préfixes
et des terminaisons; il a fait étudier les principales
seulement. Il potirra maintenant s'étendre davan-
tage.
Il fera distinguer aux élèves le radical de la ra-
cine; il leur expliquera le rôle, il leur donnera les
différentes formes de l'un et de l'autre ; il pourra
même leur faire étudier quelques radicaux dérivés
du latin et du grec_, les plus importants, ceux qui
sont la souche de nos plus nombreuses familles.
Cette connaissance, certainement, n'est pas indis-
pensable, mais elle ne présente non plus aucune
difficulté sérieuse ; et elle donne de grandes facili-
tés pour la recherche des radicaux français.
Voici, par exemple, une liste d'éléments dont la
signification pourra faire l'objet d'études intéres-
santes et utiles. Le maître s'aidera, dans ses re-
cherches, des ouvrages que nous avons déjà eu
l'occasion de citer, et entre autres, de la Lexico-
logie française de Sardou.
Eléments l.mixs : 1" Uriv^, duo, très, quatuor,
quinque, sex, s^ptem, octo, novem, decem, centum,
mille, bis, multo, semi [mi), primus {prim, prin,
prior, pri);
2° Ambo, sequus, cœdere [cide), colère (cote),
ferre [fero, laiton), forma, fugere (fuge), loqui
[loque, locu'), magnus [major, maximus), mamis
[manu'', vorare.
Éléments grecs : 1" ^, amphi, ana, anti, apo,
cata, dia, épi, eu, hyper, hypo, meta, para, péri,
pro, syn;
2" Alonos, dis, treîs, tetra, pente, hex, hepta
[hebd], octo [oct), ennéa, deçà, dodeca, icos, heca-
ton [hect, hecto], polys, hemi;
Z" Algos (algie), anthropos, arche [arch, archie,
arque), autos, baro, biblos [biblion), kakos (caco),
chéir [chir], chronos, kratos (cratie, crate, cra-
iique), kyklos [cycle), démos, gaster, gê [géo),
grapho [graphe, graphie, graph), helios, haima
[héma, hémo), héteros, hiéros, hippos, homo9, hydor
[hydr, hydro), idios, eïdos [ido], lithos, logos, mi-
kros (i7iicro), rnelron, misos, }iaus, néos, nomos
[■iiome,nomie), oïde [d'eïdos), orama,orthos, oxys,
pas (pnsa, pan), pais [païdos, paîdéia, véd, pathos
ip-ithé). phagéin [phage, phagie), philos, phéro
'phore), physis, pteryx (ptéron), pyr [pyros],
sko/jéô (scope, scopie], sophia, staô, stéréos, straios,
lechnê, théos, thermos, topo:, typos, ergon [urgie),
zôon.
A propos des initiales ou préfixes, l'instituteur
distinguera les prépositions séparables des parti-
cules insi'parables et donnera le rôle, la classifica-
tion et le sens des préfixes les plus usités, préfixes
français, préfixes latins et préfixes grecs.
Il entrera dans le même détail sur la nature et
le rôle des désinences, qui comprennent les termi-
naisons ; il exposera les modifications apportées
par ces désinences aux noms, aux verbes, aux par-
ticipes et aux adjectifs.
En expliquant le mécanisme de la formation des
mots, il signalera la dérivation des verbes comme
la plus riche ; il montrera, à côté des dérivés du
participe présent et du participe passé, ceux non
moins nombreux de cette autre forme, que nous
avons déjà rencontrée dans les exercices du cours
ÉTYMOLOaiE
736 —
ÉTYMOLOGIE
moyen, mais sur laquelle nous ne nous sommes
pas arrêtés et qu'on pourrait appeler le supin, parce
qu'elle se tire imni<3diatemcnt du supin latia, en
supprimant la terminaison um de ce dernier.
Le supin latin n'est autre cliose que notre parti-
cipe passe pris substantivement, comme notre par-
ticipe lecé dans le levé des plans.
« Le verbe agi?-, par exemple, vient du latin
agere, doni le supin est actum. Retranchez la ter-
minaison iim, il reste pour supin français ad, qui
n'est pas un mot français, mais qui forme acteur,
action, actif, activité, activer, etc. Céder vient de
cedere qui fait au supin cessum; et de ce dernier
nous tirons cess.qui n'est pas français non plus, mais
qui formera cesnon, cesse, cesser, i:essatio7i, etc. »
Enfin, dans l'étude ûcs familles d; >nots, le maître
fera voir comment un C"mposé peut recevoir un se-
cond et même un troisième ;;re/ÎJe pour former des
composés secondaires et tertiaires; comment l'ad-
dition d'une nouvelle désinence donne de même
des àérwés secondaires et tertiaires ; il distinguera
]es juxtaposés des composés, et indiquera la marche
à suivre pour trouver le radical et pour ordonner
le tableau d'une famille.
Ce sera un spectacle intéressant pour nos grands
élèves de voir se dérouler, sous la subordination
d'une racine commune, d'abord les dérivés directs,
puis les branches particulières se rattachant au
mot primitif par la communauté étymologique.
« Ainsi se déroulera sous ses yeux le tableau gé-
néalogique de notre idiome, l'échelle des idées, à
partir du radical auquel tous les dérivés sont su-
bordonnés. Il verra ainsi comment, en partant d'une
idée simple et procédant par la logique naturelle,
l'esprit a formé des classes et des groupes, et
amené des gerbes d'idées ; comment l'espèce se
subordonne au genre, le particulier à l'espèce;
comment, enfin, la racine étant posée, on voit,
grâce à la sève qui s'épanche et circule, sortir tour
à tour la tige, les branches, les rameaux, tout ce
qui constitue, si l'on peut parler ainsi, la germina-
tion d'une langue, d (Mazure.)
Nous avons donné, dans le cours moj-en, plu-
sieurs exemples de familles de mots justifiant
pleinement ce qui précède. Voici un tableau plus
complet encore, tiré de l'ouvrage déjà cité de Michel.
C'est le tableau de la famille du mot faire.
VEUCES, PARTICIPES
(1
Faire : faisant, fait,
faç oiin er, ant, é. . .
fac ilit er, ant, é... .
fac
fact u rer, ant, d. . . .
fée ond er
t'ai néant er, ant, é.
(2
af fai
contre fai re, sant, t.
-VOilS, ADJECTIFS, ADVERCEsI
dé fai re, sant, t
for fai re, . . .. t
re (faç) onn er, ant, é.
par fai re
re fai rc, sant, t
satis fai re, sant, t
bien fai re, sant, t
mal fai re, sant, t
mé fai re
manu (fact) ur er, ant, é. .
faiseur, faisable, infaisable.
façon, façonnier.
facilité, facile, facilement.
faculté, facultatif.
l'actuie, facteur, faction, fac-
tieux, factioauaire, facto-
rerie, factotum, factice.
fécond, fécondation, fécon-
dateur, fécondité, infé-
condité.
fainéant, fainéantise.
affaire, affairé,
contrefaçon, contrefacteur,
contrefaiseur.
défaite,
forfait, forfaiture.
parfait, imparfait. (Voyez
plus bas: perfection, etc.)
satisfaction , satisfacloire ,
satisfaisant.
bienfait, bienfaiteur, bien-
faisant, bienfaisance.
malfaiteur, malfaisance,
malfaisant.
méfait.
manufacture, manufacturier.
VEllUEb, PARTICIPES
con fi re, sant, t.
décon fi re, t .
ef fi
of fi ci er, ant, é.
pro fi ter, ant, é.
suf fi re, sant . .
arti fi.
acidi fi er, ant, é.
déi fi er, ant, é.
édi fi er, ant, é.
faisi fi er, ant, é.
justi fi er, ant, é.
modi fi er, ant, é.
niorJi fi er, ant, é.
raorbi fi
muni fi
mysti fi er, ant, é.
noii fi er, ant, é.
ossi fi er, ant, é.
paci fî er, ant, é.
ponti ti er, ant, é.
puri fi er, ant, é.,
putré fi er, ant, é..
pani fi er
(juali fi er, ant, é.,
rami fi er, ant, é. .
rare û er, ant, é..
recti fî er, ant, é
rubé fî er, ant, é
sacri fî er, ant, é
sancti fi er, ant, é.
scienti fi
signi fi er, ant,.é. ..
simpli fi er, ant, é.
solidi (i er, ant, é.
spéci fi er, ant, é.
stupé fi er, ant, é.
torré fi er, ant, é.
tumé fî er, ant, é.
véri fi er, ant, é.
vitri fi er, ant, é.
vivi fi er, ant, é.
versi fî cr, ant, é.
(4
af fect er, ant, é
af fect ionn er, ant, é..
dé fect
ef fect u or, ant, é
indé fect
per fect ionn er, ant, é..
ré fect,
pré fet..
>.01I<. ADJECTIFS, ADVERBES
confiture, confiturier, con-
fiseur, confiserie,
déconfiture.
efficace, efficacité, efficace-
ment, inefficace, ineffica-
cité, inefficacement,
office, officiant, officiai, offi-
cialité, officier, officine,
officinal, officiel, officieux,
officiellement, officieuse-
ment,
profit, profitable,
suffisance, suffisant, suffi-
samment, insuffisance, in-
suffisant, insuffisamment,
artifice, artificier, artifii;lel,
artificieux, artificielle-
ment, artifîcieiisemcnt.
acidification, acidifiable.
déification,
édifice, édification, réédifier,
réédification.
falsification, falsificateur,
justification, justifiable, jus-
tificatif,
modification, modificatif.
mortification,
inorbifique.
munificence.
mystification, mystificateur.
notification,
ossification.
pacification, pacifique, paci-
ficateur, pacifiquement,
pontife, pontificat, pontifical,
P'jntificalement.
purification, purificatoire,
putréfaction, putréfait.
panification,
qualification, qualificateur,
qualificatif,
ramification.
laréfaction, raréfactif, raré-
fiant,
ectificalîon.
rubéfaction, rubéfiant,
sacrifice, sacrificateur, sacri-
ficature.
sanctification,
cientifique , scientifique-
ment,
signification, sigoificsilf, iii-
sijinifiance, insignifiant,
simplification,
solidification.
spécification, spécifique, spé-
cifiquement,
stupéfaction, stupéfait,
torréfaction,
tuméfaction,
vérification, vérificateur, vé-
rifiable.
vilrification, vitrifialilo.
vivification, vivifiqu'-, révi-
vifier, révivificHliun.
versification, versificateur.
affectation, affcctatif.
affection, affectueux, affec-
tueusement.
défection, défectuosité, dé-
fectueux, défectif, défec-
tueusement.
effet, effectif, effectivement,
ineffectif.
indéfeclibilité, indéfectible.
perfection , perfectionne-
ment, peifectibililé, per-
fectible, imperfection, im-
perfectibilité, imperfecti-
ble.
réfection, réfectoire.
préfet, préfecture.
ËTYMOLOGIE
— 737 —
ETYMOLOGTE
L'examen attentif de ce tableau permet de se
rendre compte de l'ordre suivi pour le dresser.
Etabli en deux colonnes, comme celui de la fa-
mille de aqir, dans le cours moyen, il se divise en
quatre séries :
La première présente l'ensemble des mots déri-
vés soit de la racine primitive fai, soit des racines
modifiées par la forme du participe présent fais et
du participe passé fait, soit d'autres formes de la
même racine, fac, fact, fec. Deux autres formes de
racines, /?, fect, n'étant employées que précédées
d'initiales pour former des mots composés, se
trouvent dans les séries suivantes.
La seconde série présente, par ordre alphabé-
tique des préfixes, les mots composés avec les
racines . précédentes et tous les dérivés qui en
naissent.
La troisième et la quatrième série contiennent,
dans un ordre analogue, les composés, les dérivés
et les juxtaposés des racines fi et fect, qui ne sont
employées que précédées de préfixes.
Ce grand nombre de mots appartenant à une
seule famille, ayant tous une idée commune par le
radical, et des nuances diverses par les préfixes et
les désinences, montre l'avantage de la connais-
sance des familles de mots, « puisque l'étude bien
faite d'un seul radical met en évidence les accep-
tions d'une série de mots considérable, et en fait
saillir graduellement la valeur et les nuances par
le rapprochement méthodique auquel celte étude
donne lieu. »
Dans cette troisième partie du cours, l'instituteur
s'attachera aussi à faire appliquer aux élèves les
principes qu'ils ont étudiés, de façon à ce qu'ils
puissent se rendre compte de la vraie valeur des
mots et en corriger même quelques-uns, qui sont
mal à propos usités.
Ainsi, comme le dit M. B. Jullien dans son cours
supérieur de grammaire, on verra que c'est à tort
que l'on appelle bouillotte un petit vase en cuivre
étamé pour faire bouillir de l'eau ; le véritable nom
est une bouilloire, la terminaison où-e indiquant
l'instrument ou le lieu d'une action. La bouillotte
est un jeu de cartes.
De même, quand des enfants s'élancent les uns
après les autres sur un bassin glacé ou sur un ruis-
seau congelé, sur un terrain couvert de neige dur-
cie, ils y font, non pas une glissade, comme on le
dit ordinairement, mais une glissoire. La glissade,
d'après le sens de la terminaison ade, est l'acte
de celui qui glisse : chacun des glisseurs en fait
successivement une grande quantité.
Le lieu où l'on se promène est encore un pro-
me7ioir, et non une promeriade : « J'ai étendu mes
promenoirs sans qu'il m'en ait coûté beaucoup »,
écrit M™* de Sévigné à son cousin Bussy. En effet,
elle avait acheté des terres, et allongé les allées où
elle se promenait. Si elle avait dit : « J'ai allongé
mes promenades », Bussy aurait cru que sa santé
s'étant fortifiée, elle allait se promener plus loin
qu'auparavant. Cet exemple est curieux, ajoute
M. Jullien, parce qu'il montre que si le langage
ordinaire prend, par figure, certains mots pour
d'autres d'un sens très voisin ou analogue, si l'on
dit très bien, par exemple, nous avons de jolies
promenades uutow de cette ville, au lieu de jolis
promenoirs, il y a cependant des cas où cette sub-
stitution ne peut plus se faire sans inconvénient ; et
alors il faut reprendre le mot propre, même quand
il est moins usité.
Les jours de la semaine où l'on peut travailler,
les jours non fériés, sont de môme des jours ouora-
bles. c'est-à-dire où l'on peut ouvrer (faire œuvre
de ses mains, se livrer à son travail), et non pas,
comme on ledit souvent, des jours ouvriers.
En outre, de même que dans le cours moyen,
bien entendu, et aussi dans le cours élémentaire,
l'instituteur donnera de temps en temps des
2» Partik.
étymologies intéressantes, curieuses, historiques
ou anecdotiques, ayant trait, autant que possible,
à des faits qui se sont passés dans le pays ou dési-
gnant des localités voisines, connues de l'enfant.
Les noms de plusieurs rues de Paris offrent ains'
l'exemple de noms substitués à d'autres par igno-
rance ou par corruption de terme. La rue nommée
aujourd'hui rue aux Ours est dans ce cas. Au xiii*
siècle, cette rue était habitée en général par des
rôtisseurs; c'était la rue oit l'on cuit les oës, la rue
où l'on cuit les oies; plus tard elle fut simplement
désignée par le nom de rue as oës, as ouës : c'est
aujourd'hui la rue aux Ours.
Nous disons en parlant de quelqu'un qui est allé
fort loin, qui tarde à revenir : « Il est allé je ne
sais où, au diable au vert. » Que signifie cette lo-
cution : au diable au vert?
Il y avait autrefois un château voisin de Paris,
qui s'appelait le château de Vauvert. Ce château
passait, au xiii* siècle, pour être habité par des
revenants. En 1258, Louis IX en fit don aux Char
treux pour y fonder un couvent. Pendant quelque
temps encore, la crédulité populaire prétendait que
le diable n'avait point abandonné le manoir, et
qu'on y entendait, certains jours, des bruits insolites
et étranges. Les curieux s'y rendaient, et, comme
beaucoup ne revenaient guère qu'à la fin de la
journée, fort tard, on disait alors de quelqu'un qui,
sorti depuis quelque temps, tardait à rentrer : « 11
est sans doute allé au diable de Vauvert. » c'est-à-
dire voir le diable de Vauvert ; puis on a dit aller
au diable Vauvert, et enfin aller au diable au vert.
La rue qui conduisait à cette abbaye s'appela natu
rellement la rue d'Enfer.
L'origine du mot pataquès [pas-t-à qui est-ce),
qui désigne une faute grossière de liaison dans la
conversation ou la lecture, n'est pas moins curieuse.
Voici comment la raconte M. Larousse. Un jeune
homme se trouvait, dans une loge du Théâtre-Fran-
çais, à côté de deux dames d'une toilette fort bril-
lante, mais dont la conversation répondait peu à
leur parure. Ce jeune homme aperçoit à terre un
mouchoir brodé. Il le ramasse, et, s'adressant à
l'une de ses voisines : « Madame, lui dit-il, ce mou-
choir est sans doute à vous? — Non, monsieur,
répond-elle, il n'est point-z-à moi. — Il est
donc à vous, madame? dit-il à l'autre. — Non,
monsieur, répondit celle-ci, il n'est pas-T à moi.
— Ma foi, reprend le jeune homme, en se tour-
nant vers le parterre, il n'est pas-T-à l'une, il n'est
point-z-à l'autre, je ne sais vraiment-z-alors pas-t-a
qu'est-ce. » — L'aventure fit grand bruit, et la
réponse du jeune homme parut si plaisante que
l'on donna le nom de pas-t-à qu'est-ce (pataquès) à
toute liaison faite contrairement aux lois de l'usage,
soit au moyen d'un t, soit au moyen d'un s.
Analyse étymologique.
Quelques exercices d'analyse étymologique pour-
ront de temps en temps permettre au maître de
faire réviser dans les trois cours, proportionnelle-
ment aux développements donnés, les notions étu-
diées.
Cette analyse consiste à décomposer les mots
d'une phrase par rapport à l'étymologie, c'est-à-
dire à indiquei les primitifs et les dérivés, les sim-
ples et les composés, à revenir des diverses bran-
ches au tronc et à la racine, quelquefois à indiquer
les divers rejetons d'un mot donné. •
En voici un exemple, emprunté au cours de
M. Jullien, et qui a pour texte une phrase de Mon-
taigne : Certes, c'est un sujet merveilleusement
vain, divers et ondoyant, que P homme; il est ma-
laisé d'y fonder un jugement constant et uniforme»
Certes, adverbe, mot simple et primitif. On ea a tiré les
mots certain, certitude, certifier, certificat, etc., et les
composés incertain, incertitude .
Ch, est, mots simples.
47
EUPHORBIAGÉES
— 738 —
EUPHORBIAGÉES
Vu, mot simple et primitif, a formé unième, unité, unir,
union, unique, et les composés réunir, réunion, désunir,
désunion.
Sujet, autrefois subjet ou subjeet, mot composé de sub,
qui veut dire sous, de-^sous, et de jet, venu de jeter. Le sujet
est donc proprement ce qui esl jeté dessous, c'est-à-dire ce
sur quoi l'on travaille. — Sujet a formé le dérivé sujétion,
et les composés assujettir, assujettissement.
Merveilleusement, dérivé de merveilleux, par la termi-
naison adverbiale ment. — Merveilleusement, par sa ter-
minaison, signifie plein de merveilles; merveille a formé
le composé s'émerveiller.
\ain, e, mot simple et primitif, a formé les dérivés
vainement, vanité, vaniteiix, se vanter, vantard, vanterie,
et les composés s'évanouir, évanouissement.
Divers, se, mot composé de di, particule inséparable, et
de vers, venu de vertir, tourner ; divers signifie donc, au
propre, çui se tourne d'un coté et d'un autre. — lia formé
les dérivés diversion, diversité, diversement, diversifier.
Ondoyant, du verbe ondoyer, tiré lui-même du mot onde;
il a formé ondoiement.
Que, le, mots simples.
Homme, mot simple, qui a formé beaucoup de dérivés
comme hommage, humain, humanité, humaniser, et de
composés comme inhumain, inhumanité, surhumain.
Il, est, mots simples.
Malaisé, mot composé de mal pris comme préfixe, et de
aisé venu de aise.
De, y, mots simples.
Fonder, mot simple, dérivé de fond, a formé lui-même les
dérivés fondation, fondateur, fondement, fondamental et
le composé refonder.
Un, mot simple.
Jugement, mot simple dérivé de juge et de juger, par la
terminaison substantive ment; juge a formé plusieurs com-
posés comme adjuger, forjuger, préjuger.
Constant, mot compose du préfixe co, com, con, et du
participe hypothétique stant (venu du verbe radical ster).
qu'on retrouve dans le dérivé stance et dans les composés
constance, inconstance, inconstant, circonstance, distant,
distance, instant, instance, instamment, prestance, sub-
stance, substanter, substantiel, rester, restant.
Et, mot simple.
Uniforme, mot composé de un et de forme, qui lui-même
a produit plusieurs composés adjectifs comme conforme,
difforrre, informe, rfforme, uniforme, et les substantifs
dérivés conformité, difformité, réformation, uniformité.
Ces notions d'étymologie intéresseront vivement
nos élèves, cela n'est pas douteux. Elles jetteront
un jour tout nouveau sur l'étude encore si aride de
la grammaire ; elles donneront la clef de bien des
anomalies apparentes ; elles justifieront aux yeux
des élèves des orthographes qui, jusqu'à ce jour,
leur avaient paru inexplicables ; elles répandront
l'intérêt et la vie dans tous les exercices de langue :
lecture, dictées, analyses, récitations, etc.
Complétées par quelques exercices de synonymie,
elles feront acquérir aux élèves cette netteté dans
les idées et cette clarté dans l'expression dont nous
parlions au début de l'article, et sans lesquelles
il est impossible de bMi parler et de bien écrire.
Puis, la rectitude que l'intelligence gagnera par ce
travail, la souplesse d'esprit qui en sera nécessai-
rement la conséquence, ne seront pas sans effet sur
les travaux et les progrès ultérieurs des élèves;
et c'est ainsi que se justifiera pleinement le mot
de Platon : « La connaissance des mots conduit à
la connaissance des choses, »
(Les ouvrages qui peuvent ètie utilement consultés ont
été indiqués à l'article Étymologie de la l'* Partie.)
[A. Lenient.]
EUPHORBIAGÉES. — Botanique, XXV. — Les
Euphorbiacées sont des Phanérogames dicotylé-
donées angiospermes. Les pétales de leurs fleurs
sont libres ou nuls, indépendants du calice et in-
sérés sous l'ovaire. Chaque fleur ne contient qu'un
petit nombre d'étamines. Réunies aux antidesmées
et aux forestiérées, elles forment la classe des
Crotoninéos de Brongniart.
Caractères botaniques. — Le volume des graines
des euphorbiacées varie depuis celui d'un grain de
mil (euphorbes indigènes, mercuriales) jus(|u'à celui
d'une petite noix (noLx de Bancoul ou aleurites).
Ces graines sont arrondies, à surface chagrinée.
plus rarement lisse (ricin) ; en général, elles pré-
sentent vers leur micropyle une sorte de coiffe
celluleuse sèche, nommée caroncule; le tégument
de ces graines, très épais, fort dur, contient sou-
vent de grandes quantités de carbonate de chaux;
il protège un embryon droit à cotylédons larges
et plans ou à cotylédons semi-cylindriques ; cet
embryon est presque toujours enveloppé par un
albumen abondant, charnu, oléagineux. Rarement
la radicule de lembryon correspond au micropyle
de la graine ; cette particularité Ta fait qualifier
d'embryon hétérotrope.
La racine des euphorbiacées est fibreuse, par-
fois tubéreuse (Jatropha Manihot) ; elle renferme
un suc laiteux très acre, surchargé de caoutchouc,
d'amidon, et de principes vénéneux.
La tige des euphorbiacées est dressée, de di-
mensions et de consistance variables. Dans les
espèces des pays tempérés, elle est généralement
petite, herbacée, terminée par une ombelle de
rameaux dont l'ensemble constitue l'inflorescence,
ou bien elle se ramifie dès la surface du sol et
chaque branche se termine elle-même par une om-
belle. Dans les régions tropicales, certaines euphor-
biacées présentent une tige ligneuse dont les di-
mensions ne le cèdent en rien aux troncs les plus
gros et les plus élevés ; d'autres ont une tige
charnue épaisse, triangulaire, quadrangulaire ou
cylindrique, avec ou sans cannelures longitudi-
nales ; cette tige donne à la plante la physionomie
d'une plante grasse. Les côtes des tiges de ces
euphorbiacées dites cactiformes présentent des
épines géminées ou solitaires, droites ou recour-
bées, très acérées. Le sommet de ces tiges grasses
est souvent revêtu d'une sorte d'étoupe blanche
ou grise, dont l'origine est mal connue ; cette per-
ruque a fait désigner ces euphorbes sous le nom
vulgaire de têtes de vieillards. Quelle que soit sa
forme, la tige des euphorbiacées contient un suc
analogue à celui de la racine.
Un petit nombre d'euphorbiacées (Xylophylla)
présentent des rameaux fasciés, c'est-à-dire adhé-
rents entre eux sur une longueur variable, d'ap-
parence foliacée, que l'on appelle cladodes.
Les feuilles des euphorbiacées sont alternes,
opposées ou verticillées, sessiles ou pétiolées,
souvent accompagnées de stipules. Leur limbe est
entier, ou denté, à nervation pennée ou palmée.
Dans les euphorbiacées cactiformes, les feuilles,
très petites, écailleuses, sont caduques.
L'inflorescence des euphorbiacées est axillaire
ou terminale ; parfois elle consiste en une ombelle
dont les rameaux plusieurs fois bifurques se ter-
minent par des cymes i^euphorbes indigènes) ;
d'autres fois c'est une grappe, ou un épi (ricin),
ou encore une cyme bipare (épurge).
Les fleurs des euphorbiacées sont monoïques
(ricin, etc.) ou dioiques (mercuriale), exceptionnel-
lement hermaphrodites.
Dans les cas où la fleur mâle a pli>s d'une éta-
mine, elle présente un calice et parfois aussi une
corolle; les étamines sont alors au nombre de cinq,
dix, ou en nombre indéfini ; libres (mercuriale) ou
adhérentes par leurs filets ; ces étamines adhé-
rentes sont disposées en groupes plus ou moins
éloignés les uns des autres chez le ricin ; chez les
ricinocarpus, elles forment une seule masse cen-
trale. — Dans le genre Euphorbe, la fleur mâle ne
se compose que d'une seule étamine, accompagnée
parfois d'une écaille ; un grand nombre de ces
fleurs mâles monostaminées se groupent autour
d'une fleur femelle ; tout cet ensemble est protégé
par une double enveloppe diversement colorée, qui
ressemble de loin à une fleur. — La déhisccnco
des anthères se fait par une fente longitudinale
antérieure ou latérale, ou par un pore oblong.
La fleur femelle se compose d'un pistil protégé
par un calice, accompagné ou non dune corolle.
EUPHORBIACÉES
— 739 —
EUPHORBIACEES
Ce pistil est formé de trois carpelles cohérents et
verticiUés, surmontés d'une colonne centrale ou
style, qui se divise en autant de brandies qu'il y a
de carpelles. Les ovules, au nombre de un ou deux
dans cliaque loge de l'ovaire, sont anatropes et
bitégumentés, pourvus d'un riche réseau vasculaire
dans la région commune à la secondine et au nu-
celle, à micropyle long et très sinueux. Le fruit
des euphorbiacées est une capsule dont chaque
loge, à la maturité, s'ouvre par une fente longi-
tudinale. Exceptionnellement, le fruit du mance-
nillier est une drupe comparable à une petite
pomme.
Classification des Euphorbiacées- — M. Millier
d'Argovie a classé les Euphorbiacées de la manière
suivante :
coTTtÉDOXs sEsii-cTLixDRiQUES. — Sténolohées.
Loges ovariennes biovulées ; calice à préfloraison valvaire 1 Calétie'es.
Loges ova-
riennes
unioTU -
ées ....
Loges ova-
riennes
biovulées
Li^es ova-
riennes
uniovu -
lèes ....
Calice à préfloraison valvaire 2 Ampérées.
Calice à préfloraison quinconciale 3 Jiicinocarpées.
coTïLKDOss PLvxs. — Plat'jlobées,
Calice à préfloraison valvaire 4 EndoUées.
Calice à préfloraison quinconciale 5 Phyllanthées,
Calice à préfloraison valvaire 6 Acalyphées. . .
Anthères infléchies dans le bouton 7 Crotonées ....
Calice à
préflo-
raison
quin-
con-
ciale .
8 Hippomanées . .
Anthères ^ involucre unisexuel.
dressées
dans le
bouton. J Involucre l Fleurs mâles polyandres 9 Daléchampiées.
bi-seiuel | Fleurs mâles monandres 10 Euphorbiëes,,,
Mercuriales, îlaurelle
ou Tournesol, Ri-
cin, Aleurites.
Croton.
Mancenillier, Sablier,
Manioc, Arbre à
suif, Siphonia ou
Hévé.
Euphorbes.
Usages des Euphorbiacées. — 1° Genre Eu-
phorbe. — A. Euphorbes grasses. — L' Euphorbe
des ancieiis ^Afrique, Arabie, Inde), l'Euphorbe des
Canaries, l'Euphorbe officinale (Ethiopie .donnent
par incision de leur tige un suc emploj'é comme
vésicant. — h'Euphorbe résinifère (montagnes
avides du Maroc, Mogador) fournit la gomme-résine
d'euphorbe. Cette substance est importée en Eu-
rope par la voie de Mogador ; elle se présente à
l'état de larmes irrégulicres, jaunâtres, demi-
transparentes, friables, percées de deux trous,
dans lesquels on retrouve les aiguillons géminés
de la plante ; cette gomme-résine est un caustique
■violent, employé autrefois comme vésicant ; son
activité surpasse celle de la cantharide. Réduite
en poudre, elle provoque l'éternuement ; l'énergie
avec laquelle elle agit l'a fait à peu près complète-
ment abandonner.
B. Euphorbes à figes et feuilles normales. —
Le suc de presque toutes nos euphorbes indigènes
est purgatif. La partie corticale de la racine de
beaucoup d'entre elles peut être employée comme
yomitif . La plus connue et la plus usitée, VEpurge,
fournit en outre, par compression de ses graines,
une huile purgative délaissée aujourd'hui à cause
des accidents fréquents de régurgitation qu'elle
provoquait.
h3.V3iC\nQ Aal'Eup^iorbe ipecacuanha (Amérique
septentrionale) ast très-employée comme vomitif.
— h'Euphorbe à feuilles de thym est employée
dans l'Inde comme vermifuge pour les enfants en
bas âge. — V Euphorbe à feuilles de millepertuis
(Amérique tropicale) est eniploj'ée efficacement
contre la dyssenterie. — h'Euphorbe balsami lue
fournit un suc très recherché des hnbitants des
îles Canaries, qui l'emploient à la préparation d'une
gelée alimentaire. — h'Euphorbe à feuilles coton-
neuses laisse échapper de ses blessures un suc
tellement vénéneux que les Caraïbes y plongent
leurs flèches pour les empoisonner. — h'Euphorbe
phosphorescente donne un suc phosphorescent
dont les sorciers brésiliens se barbouillent le vi-
sage lorsqu'ils veulent en imposer dans les céré-
monies nocturnes.
2" Genre Mercuriale.— ^ La Mercuriale annuelle
ou foirole, qu'on rencontre fréquemment dans les
jardins, autour des maisons, est employée en
lavements comme laxatif, en cataplasmes comme
émoUient. Cuites dans l'eau légèrement salée et
lavées à l'eau bouillante, les feuilles de la mercu-
riale annuelle sont mangées en Allemagne en
guise d'épinards, la coction ayant suffi pour les
débarrasser de leurs principes purgatifs.
La Mercuriale vivace est beaucoup plus active
que la mercuriale annuelle ; elle croît dans les
bois; on la distingue de sa congénère par sa tige
moins élevée et légèrement velue. Introduite dans
l'estomac, elle peut provoquer de graves accidents.
•3° Maurelle ou TOURNESOL. — Cette plante croît
dans le midi de la France, en Espagne, en Italie et
dans tout le Levant. De ses fruits et de ses rameaux
fructifères, on extrait une matière colorante rouge.
Cette matière, répandue sur des carrés de toile
grossière, se vend sous le nom de tournesol en
drapeaux. Pour fabriquer le tournesol en dra-
peaux, on récolte les rameaux fructifères avec leurs
fruits ; le tout est écrasé, fortement pressé ; il s'en
écoule un suc vert; les drapeaux y sont plongés,
puis exposés dans des cuves de pierre à l'action
de vapeurs ammoniacales diluées ; ils y deviennent
rouges. On répète cette opération une seconde,
puis une troisième fois; finalement, on fait sécher
les drapeaux. Ce tournesol est employé pour co-
lorer les fromages de Hollande, des pâtes, des
conserves, et même des liqueurs.
4° Genre Excœcaria. — L'Excœcaria Agalloca,
ou arbre aveuglant des îles Moluques, est un
arbre de haute taille dont le bois est très recherché
à cause de sa couleur brun-rougcâtre, tachetée de
noir ; le suc de cet arbre est tellement vénéneux
qu'une goutte suffit pour provoquer la cécité ;
c'est à cette propriété que la plante doit son nom
vulgaire.
5" Genre Mancexillier. — Le mancenillier de
l'Amérique intertropicale est un arbre dont la tige
laisse suinter un suc laiteux, tellement vénéneux
que son contact sur la peau provoque des brûlures
profondes. Le fruit du mancenillier rappelle de
loin une petite pomme ; sa chair, tendre, est gor-
gée de principes vénéneux qui en font un poison
violent. Les propriétés toxiques du suc et des fruits
du mancenillcr ont été l'origine de fables encore
aujourd'hui très répandues, bien qu'elles aient été
démenties par Joseph Jacquin, C'est ainsi qu'on
EUPHORBIAGEES
— 740 —
EUPHORBIAGEES
prétendait que le voyageur imprudent qui s'endor-
mait à l'ombre du manceniilier ne se réveillait
plus, que la pluie ou la rosée qui en lavait les
feuilles, venant à tomber sur la peau, produisait
l'effet d'un vésicatoire.
6° Genre Hlra ou Sablier. — Le latex duSnblie)'
élastique est encore plus vénéneux que celui du
manceniilier^ son compatj-iote. Boussingault et
Rivero, qui voulurent en faire l'analyse, rien que
pour s'en être approchés, furent atteints d'crysi-
pèle. Le fruit du Sablier est une capsule compo-
sée de douze à dix-huit coques renfermant cha-
cune une graine de couleur brique, dont la grosseur
et la forme rappellent celle d'une graine de courge.
A la maturité, toutes ces coques se fendent longi-
tudinalement en deux valves ; ces dernières se sé-
parent avec fracas; le bruit produit équivaut à un
coup de pistolet. Le fruit du Sablier, cueilli ai-ant
sa maturité complète et bouilli dans l'huile, perd
son élasticité; débarrassé de ses graines, qu'on ex-
trait par un orifice qui se produit naturellement à
la partie supérieure de chaque loge, autour de la
colonne centrale, il sert de sablier. C'est de là
qu'est venu le nom vulgaire de cette plante.
7° Genre Siphonie ou Hévé. — La Siphonie
élastique ou Hévé de la Guyane est un arbre de
16 à 20 mètres de hauteur ; le diamètre de son
tronc peut atteindre 0™80 centimètres. Son suc
laiteux se concrète à l'air en une masse élastique
nommée caoutchouc. Pour obtenir le caoutchouc,
on pratique des incisions dans le tronc de l'hévé.
Les Indiens ont l'habitude d'appliquer couche par
couche, sur des moules en terre, le caoutchouc
encore très fluide. Les moules les plus employés ont
la forme d'une gourde ou d'un oiseau. Les Indiens
n'appU(|uent une nouvelle couche de suc sur la
forme que lorsque les couches précédentes sont
complètement sèches. Quand ils jugent que l'épais-
seur du caoutchouc est suffisante, ils cassent le
moule intérieur et en font sortir les débris par un
orifice pratiqué tout exprès. On fabrique avec le
caoutchouc des tissus élastiques, des étoffes et des
chaussures imperméables. "Tout le caoutchouc du
commerce ne provient pas exclusivement de l'hévé
de la Guyane ; diverses plantes, appartenant les
unes à la famille des Morées ou à celle des Artocar-
pées, les autres à la famille des Apocynées, en
fournissent des quantités notables.
8° Genre Manihot ou Manioc. — Parmi les nom-
breuses espèces du genre Manioc, deux seulement
sont utilisées; ce sont le Manioc doux et le Ma-
nioc amer; tous deux sont cultivés dans toute la
région intertropicale de l'Afrique et de l'Améri-
que. La racine du Manioc doux ne renferme au-
cun principe vénéneux : elle se mange cuite à l'eau
ou sous la cendre. La racine du Manioc amer
renferme un suc très vénéneux. Pour s'en débar-
rasser, on dépouille la racine de sa partie corticale,
puis on la réduit en pulpe au moyen d'une râpe ;
la pulpe est placée dans un sac de palmier, sus-
pendu par une de ses extrémités à une forte tra-
verse horizontale ; à l'autre extrémité du sac est
suspendu un seau fort lourd. L'élongation du sac,
aidée au besoin par une torsion, comprime la
pulpe ; le liquide qui s'en échappe s'accumule dans
le seau. Quand la pulpe a perdu tout le sue qu'elle
renfermait, sans l'extraire du sac qui la contient,
on la fait sécher en suspendant le sac dans la che-
minée. Pulvérisée, elle fournit Xsl farine de manioc.
Le liquide recueilli dans le seau a entraîné ce que
l'on appelle la fécule de manioc; on la sépare du
liquide en décantant ce dernier ; on la lave à plu-
sieurs reprises, puis on la fait sécher. Ces deux
produits, la farine et la fécule de manioc, sont
employés l'un et l'autre comme aliments légers.
La fécule, que les indigènes appellent Moussaci.e ou
Cipipa, est viuidue en Europe comme arrow-root,
lorsqu'elle n'a subi aucune préparation, et sous le
nom de tapioca, lorsqu'elle a été séchée préalable-
ment sur des plaques métalliques fortement chauf-
fées. La racine de manioc, râpée, pressée, séchée
et tamisée, puis légèrement torréfiée, porte le nom
de couaque et se mange en potage. Cette même
racine râpée et pressée, puis étendue encore hu-
mide sur une plaque de fer chauffée, se cuit, et
forme un biscuit nommé pain de cass'ive,
9° Genre Ricin. — Le Mirin commun est une
plante annuelle de deux à trois mètres de hauteur,
dont les belles feuilles paimatifides lui ont fait
donner le nom de P(dma C/u-isti. Ses graines d'un
brun noir, marbré de gris, renferment un albu-
men charnu dont on extrait, par simple expres-
sion à froid, une huile purgative très employée au-
jourd'hui; on la désignait autrefois sous le nom
d'huile de Palma Chnsti. Les Chinois, en séparant
soigneusement les embryons et les albumens des
graines de ricin, retirent de l'albumen une huile
douce comestible, nullement purgative, et de l'em-
bryon une huile purgative extrêmement énergique.
C'est cette dernière qui donne au mélange vendu
dans notre pays sous le aom d'huile de ricin ses
propriétés spéciales. L'huile de ricin du commerce
provient en grande partie des ricins cultivés aux.
environs de Nîmes; on en importe aussi de l'A-
mérique, du Sénégal et de l'Inde. Le nom de ricin
vient de la caroncule qui surmonte le micropyle
de la graine ; cette caroncule ressemble, en effet,
à la tique des chiens vulgairement nommée ricin.
Le Ricin arborescent di'hhiqyïe est considéré, de-
puis Wildenow, comme une espèce différente de
notre ricin commun.
10° Genre Jatropha. — Les graines du Jatro-
pha Cunas (Amérique tropicale) fournissent une
huile employée dans la fabrication des savons fins.
Cette huile est purgative comme celle du ricin,
mais ne peut être utilisée comme médicament,
parce que les graines qui la fournissent sont
rances quand elles arrivent en Europe.
11° Genre Croton. — Le Croton Tiglium est un
arbuste des îles Moluques dont toutes les parties-
sont purgatives. Ses graines, appelées grains de
Tilly, renferment une huile fixe très employée en
pharmacie, soit comme purgatif, soit comme rubé-
fiant. Il suffit d'en frotter l'abdomen pour purger
fortement; mais en même temps elle soulève à la
surface de la peau une grande quantité de pustu-
les pleines de sérosité. Cette action corrosive mon-
tre qu'il ne faut l'employer à l'intérieur qu'avec
les plus grandes précautions.
L'écorce du Crotm Eliduria, arbrisseau des An-
tilles, vendue dans le commerce sous le nom d'é-
corce d-'. Ca^cardle, a des propriétés stimulantes,
toniques, fébrifuges qui la font employer contre les
vomissements et la dyssenterie.
Outre ces genres principaux, nous mentionne-
rons encore quelques espèces remarquables.
Varbre à suif de In Chine (Stiliàigia sebifera),
aujourd'hui naturalisé dans la Caroline, a des grai-
nes recouvertes d'une substance cireuse, blanche,
employée pour la fabrication des chandelles vé-
gétales.
Des graines de Varbre à Vhuile du Japon [Elœo-
cocca veiTucosa), on retire une huile propre h
l'éclairage.
Les graines de Wilenrites triloba, désignées aux
Moluques et à Ceylan sous le nom de noix de
Bancoul, renferment une amande comestible dont
on retire aujourd'hui de très grandes quantités
d'huile.
L'écorce de YAndassu, grand arbre du Brésil,
jetée dans un cours d'eau ou dans un étang, eni-
vre les poissons, que les Indiens prennent alors à
la main. A la cuisson, le principe vénéneux dispa-
raît et les poissons peuvent être mangés sans au-
cun danger.
VEmblic, arbrisseau du Malabar, donne un fruit
EUROPE
— 741 —
EUROPE
•comestible, vendu autrefois en Europe sous le nom
de Mirobalan Emblic, et employé aujourd'hui par
l8S Indiens pour le tannage des cuirs.
Les fruits du Rottlera tinctoria sont recouverts
-d'une poussière rouge utilisée dans l'Asie méridio-
nale pour teindre la soie en rouge. Cette substance
■est nommée Kaniala.
Aux euphorbiacées, Brongniart rattachait les
Buxώes. dont le type le plus connu est le huis.
Le bois de buis est jaune, dur, compacte, suscep-
tible d'un beau poli ; la finesse de son grain le fait
employer pour la gravure sur bois.
' fC.-E. Bertrand.]
EUROPE. — Géographie générale, VII^ VIII, IX,
XI\. — Configuration généi-ale, portion géogra-
phique. — Considérée dans sa configuration géné-
rale et au point de vue de sa position géographique
sur le giobe, l'Europe n'est qu'un appendice de
l'Asie : elle lient à cette partie du monde comme
une presqu'île à un continent. L'isthme est formé
par rOural, longue chaîne d'environ 2 000 kilom.,
d'unehauteur moyenne de! imh 1 C00m.,et d'une
largeur de SO à lliO kilom. L'Europe est la plus
grande (si on laisse on dehors l'Afrique) des pé-
ninsules rattachées à l'immense tronc asiatique.
Considérée en elle-même comme un continent à
part. l'Europe reproduit, dans des proportions
moindres, les formes essentielles de l'Asie. Comme
cette partie du monde, elle a au centre une grande
chaîne de montagnes, les Alpes, qui forme le
noyau de presque tout son système orographique,
et qui est, pour ainsi dire, son épine dorsale, son
ossature centrale. C'est autour de cette ossature
que le tronc se développe, et c'est autour d'elle
que les membres s'étendent et viennent s'articuler
au tronc principal : telles sont la Grèce, l'Italie,
l'Espagne avec le Portugal, le Jutland et la Scan-
dinavie. Mais tandis que le tronc asiatique est un
quadrilatère qui ne présente à la mer que deux
côtés, dont l'un appartient aux régions arctiques,
le tronc européen forme un triangle qui de 1 Ou-
ral, sa base, au golfe de Biscaye, son sommet, va
en diminuant de largeur, de telle sorte que la partie
orientale seule, c'est-à-dire les plaines de la Russie,
prolongement occidental des plaines asiatiques,
présente une grande masse de terres. Il en résulte
que les presqu'îles européennes sont mieux déta-
chées que celles de l'Asie, découpées par des gol-
fes plus nombreux et plus profonds, et que, par
suite, le tronc lui-même est accessible par mer
sur une étendue de côtes relativement plus grande.
On peut dire de l'Europe ce que Montesquieu dit
de la Grèce : « C'est une grande péninsule dont
les caps semblent avoir fait reculer les mers, et
les golfes s'ouvrir de tous côtés, comme pour les
recevoir encore. » {Esp7^it des lois, XXI, 7.) L'Eu-
rope, en eff'et, offre un développement de côtes
dont n'approche, proportion gardée, aucune autre
partie du monde. Pour3 2ô8 kilom. carrés de terre
ferme, elle a ' kilom. 1,2 de côtes; pour la même
étendue de côtes, l'Amérique et l'Australie ont
4000 kilom. carrés de terre ferme, l'Asie 5 600,
l'Afrique 8 400. Cette riche articulation, si favo-
rable aux communications, à l'échange des idées
et des produits, a puissamment contribué à mul-
tiplier et à développer les centres de culture et de
commerce. C'est par là surtout que l'Europe est
devenue et est destinée à rester le principal foyer
-de la civilisation.
Cette civilisation rayonne sur le monde «ntier
autant par la position géographique de l'Europe
que par l'activité expansive de ses peuples. Elle
€st, en effet, le véritable centre de l'univers. En
contact avec l'Asie par sa frontière orientale, elle
communique encore avec elle par la mer intérieure
qui la rapproche au sud plutôt qu'elle ne la sépare
de l'Afrique, qu'elle touche presque par ses trois
presqu'îles méridionales ; à l'ouest, l'océan Atlan-
tique ne forme entre elle et l'Amérique qu'un
étroit canal, si on le compare au Pacifique dont
l'immensité présente, entre l'Amérique et l'Asie,
comme un abîme qui va s'élargissant à partir du
détroit de Behring, où les deux continents ne se
rapprochent que par leurs extrémités les plus in-
cultes et les moins peuplées.
Latitudes et lon,itu'les ; dimensions; bo>nes.-»
Le point le plus septentrional de l'Europe est le
cap Nord, par 71° latitude: le point le plus mé-
ridional est le cap Matapan, par 36" latitude ; le
plus occidentalest le cap Roca par 12° longitude
ouest ; le plus oriental, l'Oural, près de la source
de la rivière Kara, par 6-3° longitude est. Elle
s'étend donc sur 35 degrés de latitude et sur 75
de longitude. Sa plus grande longueur, du cap
Saint-Vincent à l'embouchure de la Kara, est de
5ÔGÔ kilom.; sa plus grande largeur, du cap Xord
au cap Matapan. de -3 860 kilom. De ce dernier cap
elle est encore éloignée de 1 450 kilom. de la zone
torride, et par le cap Nord, elle ne s'étend que de
495 kilom. dans la zone glaciale arctique : elle est
donc située presque tout entière dans la zone tem-
pérée du nord. Elle est bornée au nord par l'océan
Glacial arctique, à l'ouest par l'océan Atlantique,
au sud par la Méditerranée, l'Archipel, le détroit
des Dardanelles, la mer de Marmara, le Bosphore
ou détroit de Constantinoplo, la mer Noire et le
Caucase; à l'est, par la mer Caspienne, le fleuve
et les monts Oural, et ia Kara. De ce côté, les
anciens plaçaient la limite de l'Europe et de l'Asie
au Don [Tanais). La ligne de démarcation moderne
a l'avantage de marquer plus complètement et plus
nettement la séparation des deux parties du monde.
Toutefois il convient de remarquer que des deux
côtés le sol offre les mêmes caractères : au nord,
ce sont les toundras, immenses marécages glacés
qui, par les plus fortes chaleurs d'été, ne dégèlent
qu'à un demi-pied de profondeur; au sud, ce sont
les steppes. Dans ces plaines désolées, où errent
les Samoyèdes et les Kirghiz, l'Europe et l'Asie
semblent se confondre.
Mers, golfes, détroits. — Des cinq océans, deux
seulement baignent l'Europe : l'océan Glacial arc-
tique et l'océan Atlantique.
L'océan Glacial pénètre par la mer Blanche et
ses golfes (golfe de Dvina, d'Onega, de Kandalas-
kaia) dans l'intérieur aes terres et forme, avec
elle, les presqu'îles de Kanin et de Kola.
L'océan Atlantique baigne toute la côte occiden-
tale de l'Europe depuis le cercle polaire arctique
jusqu'au détroit de Gibraltar. Il forme quatre mors
ouyertes et trois mers intérieures. Les quatre mers
ouvertes sont : l» la mer du Nord avec les golfes de
Murray et de Wash sur la côte de la Grande-Bre-
tagne ; du Zuyderzée, de DoUart et de Jahde sur
les côtes de Hollande et d'Allemagne; le Skager-
Rack et le Cattégat entre le Jutland et la Scandi-
navie ; 2° la mer a'Irlande, avec le canal du Nord et
le canal de Saint-Georges ; a° la Manche ou le
Canal, avec le détroit du Pas-de-Calais ; 4° le golfe
de Gascogne ou de Biscaye. Les trois mers inté-
rieures sont : 1° la mer Baltique, ouverte à l'ouest
par trois détroits : le Sund, le grand et le petit
Belt ; puis enfermée entre la Suède, le Danemark,
la Russie et l'Allemagne, où elle forme les golfes
de Bothnie, de Finlande, de Ri.ça ou de Livonie, et
de Dantzig. et les lagunes de Stettin, du Frische-
Haff et du Kurische-Haff: 2° la mer Méditerranée,
qui communique avec l'océan Atlantique par le dé-
troit de Gibraltar. Elle se divise^ en deux grands
bassins, séparés par une ligne tirée du cap Bon, sur
la côte de la régence de Tunis, au cap Boco à
l'extrémité sud-otiest de la Sicile. Dans le bassin
occidental, elle forme les golfes de Valence (canal
des Baléares), du Lion et de Gènes, le détroit de Bo-
nifacio entre la Corse et la Sardaigne, la mer Tyr-
rhénienne entre ces îles et l'Italie, et le détroit de
EUROPE
742 —
EUROPE
Messine entre l'Italie et la Sicile. Dans le bassin
oriental, elle forme le golfe de Tarente, la mer
Ionienne avec les çiolfes de Patras, de Lépante
(ou de Corinthe), d'Arta; le canal d'Otrante; la
mer Adriatique, avec les golfes de Manfrédonia,
de Venise, de Trieste et de Fiume; la mer Egée ou
l'Archipel, avec les golfes de Nauplie, d'Egine, de
Volo,de Salonique, de Contessa ou de Rendina, et
d'Enos; la mer du Levant, qui baigne la côte asia-
tique entre les îles de Rhodes et de Chypre ; 3° la
mer Noire, avec les Dardanelles, la mer de Marmara,
le Bosphore ou détroit de Constantinople, le dé-
troit d'Iénikalé ou de Kertch, la mer d'Azof et la
mer Putride.
Presqu'îles, îles, caps. — Nous avons déjà men-
tionné les principales presqu'îles de l'Europe,
dont elles formentenviron la cinquième partie. Par-
tout, à l'aide de ces nombreuses articulations, la
mer alterne avec la terre ferme. Dans l'océan Gla-
cial se détachent les presqu'îles de Kanin et de
Kola, entre lesquelles pénètre la mer Blanche; entre
l'océan Atlantique, la mer du Nord et la mer Balti-
que, la Scandinavie avec les caps Nord, Lindesness
et Falsterbo, et le Jutland avec le cap Skagen ;
dans la Manche, les presqu'îles de Normandie (Co-
tentin), avec le cap de la Hague, et de Bretagne
avec la pointe Saint-Matthieu ; entre l'Atlantique
et la Méditerranée, la presqu'île des Pyrénées avec
les caps Finistère, Roca, Saint-Vincent, Trafalgar,
Palos et Creuz; entre la mer Tyrrhénienne et
l'Adriatique, la presqu'île de l'Apennin avec les
caps Spartivento et Leuca, et l'Istrie avec le cap
Promontore; entre l'Adriatique, la mer Ionienne et
l'Archipel, la presqu'île des Balkans et du Pinde,
terminée par le cap Matapan ; entre la mer Noire
et la mer d'Azof, la Crimée.
L'Europe n'est pas moins riche en îles (495,000
k. c). Dans l'océan Glacial : les îles Lofoden, Kal-
gouef, Vaigatch, Nouvelle-Zemble, et Spitzberg,
qui porte sa limite septentrionale au 80° latitude.
Dans l'océan Atlantique : les îles Farôer, l'Islande
sous le cercle polaire arctique et sur le chemin de
l'Amérique; les îles Britanniques (Shetland, Orca-
des, Hébrides, Grande-Bretagne, Irlande, Scilly).
Dans la mer d'Irlande : Man et Anglesey. Dans la
mer du Nord : Texel, Helgoland. Dans la mer Bal-
tique : Seeland, Fionie, Laaland . Bornholm ;
OEland,Gothland; Oesel, Dago, Aland;Rugen, Use-
dom, Wollin. Dans la Manche : Wight, Aurigny,
Guernesey, Jersey. Dans le golfe de Gascogne :
Ouessant, Sein, Belle-Ile, Noirmoutiers, île d'Yeu,
Ré, Oléron.Dans la Méditerranée : Baléares, Corse,
Sardaigne, Elbe, Sicile, Lipari, Egades, Malte. Dans
l'Adriatique et la mer Ionienne : îles Dalmates ou
Illyriennes, îles Ioniennes. Dans l'Archipel : Can-
die, Cyclades, Négrepont, Lemno, Imbro, Tasso.
Le relief du sol, montarpies, plateaux, plaines,
volcans, lacs. — Une ligne droite, tirée des bords
de l'Ems au cap Apcheron sur la mer Caspienne,
partage le tronc continental en deux régions dis-
tinctes : au nord sont les pays de plaines, au sud
les pays de montagnes.
Les plaines occupent deux tiers du continent.
Au nord-ouest, elles s'étendent jusqu'à la mer, et
même au delà. De ce côté, jusqu'à une assez
grande distance, la mer est moins profonde que les
lacs de la Suisse, et les côtes qu'elle baigne sont
si basses qu'il faut les protéger par des digues.
Les plaines qui s'abaissent vers la mer Baltique
sont bordées d'un côté de lagunes (lagunes de Stet-
tin, des Frische et Kurische-Haflf), de l'autre d'in-
nombrables lacs (Ladoga, Onega, Saîma, Pei-
pous, etc.). Celles de l'est, qui vont se confondre
au nord de la mer Caspienne avec les steppes de
l'Asie, se terminent sur l'Océan Glacial et la mer
Noire par des côtes plus élevées de quelques cen-
taines de pieds que l'intérieur.
Les montagnes de l'Europe a'ont pas l'aspect
imposant, gigantesque de celles de l'Asie ou de
lAmcrique. L'altitude du Mont-Blanc, point cul-
minant df's Alpes (4 810 m.), ne dépasse guère
que la moitié de celle du mont Everest (8 840 m.)
dans l'Himalaya, et n'atteint pas aux deux tiers du
Sorata (7 500 m.) dans les Andes ; en Afrique
même, sous l'équateur, le Kilimandjaro dresse sa
cime plus haut dans la région des neiges éternelles
(6115 m.). Mais dans aucune des parties du monde
les montagnes n'alternent aussi régulièrement avec
les plaines, et n'exercent, par suite, une aussi sa-
lutaire influence sur le climat, en formant de vé-
ritables lignes de partage des courants atmosphé-
riques.
Nous avons dit que les Alpes forment le noyau
du système orographique de l'Europe. Du haut du
Mont-Blanc on voit l'arête se développer avec ses
ramifications depuis la Méditerranée et la vallée du
Rhône à l'ouest jusqu'à l'Adriatique et aux plaines
du Danube à l'est, sur une superficie de plus de
264 000 kilom. carres. D'un côté elle se lie à l'A-
pennin qui traverse la péninsule italienne, de l'au-
tre aux Balkans et au Pinde qui traversent la
péninsule gréco-turque. Sous la même latitude à
peu près s'élèvent aux extrémités de l'Europe deux
chaînes qui présentent cette analogie de s'étendre
entre deux mers : dans l'est, le Caucase, dont le
plus haut sommet, l'Elbrouz (5660 m.), appartient
au versant asiatique; dans l'ouest, les Pyrénées,
qui culminent au mont Maladetta (pic Nethou,
3 482 m.). Elles se lient parles monts Cantabre8,leur
prolongement occidental, à la chaîne Ibérique dont
les contre-forts constituent les plateaux des deux
Castilles et dépassent au sud, avec la Sierra Nevada
(Cumbre de Mulhacen, 3 570 m.), l'altitude des Pyré-
nées.
Les plaines du Danube et les vallées du Rhin et
du Rhône séparent les montagnes de l'Europe mé-
ridionale de celles de l'Europe centrale. Ces der-
nières forment de l'est à l'ouest les groupes sui-
vants : 1° les Karpathes, qui décrivent un grand
arc de cercle replié sur le Danube entre Orsova et
Presbourg, se liant d'une part au système des
Balkans par les Alpes et le plateau de Transylva-
nie, au défilé des Portes-de-Fer ; de l'autre au
plateau de Bohême par les monts Beskides et
Sudètes ; 2° le quadrilatère des montagnes qui bor-
dent ce dernier plateau : hauteurs de Moravie,
Forêt de Bohême, Erzgebirge et monts des Géants ;
3° les montagnes de l'Allemagne centrale, d'un
côté entre le Danube, le Main et le Rhin : le Fich-
telgebirge, le Jura Franconien, les Alpes de Souabe
et la Forêt-Noire ; de l'autre, entre le Main, la
Saale et le Rhin : le Frankenwald, le Thuringer-
wald et le Harz; 4° le Jura, entre l'Aar et le
Rhône; 5" les Vosges, entre le Rhin et la Moselle;
6° les monts Faucilles, le plateau de Langres et la
Côte-d'Or, avec la forêt de l'Argonne et des Ar-
dennes, les monts du Morvan et le plateau d'Or-
léans, entre les vallées de la Seine et de la Loire ;
7° les Cévennes et les monts d'Auvergne, princi-
pal relief du plateau central de la France, avec le
Plomb de Cantal, le Puy-de-Sancy et le Puy-de-
Dôme.
En dehors de ces différents systèmes qui se lient
les uns aux autres, à l'extrémité orientale des vastes
plaines de la Russie, au delà de la mer Baltique et
de la Manche, s'élèvent trois groupes isolés : l'Oural,
aux confins de l'Asie ; les monts Kiôlen, entre la
Norvège et la Suède ; les monts Grampians, Pen-
nins et Cambriques, dans la Grande-Bretagne.
Le sol de l'Europe ne recèle plus de foyer de
feux souterrains qu'aux deux extrémités du conti-
nent. Dans le midi une traînée de volcans s'étend
à travers la Méditerranée : les principaux sont le
Vésuve (1 150m.), près de Naples, et l'Etna (3 340 m.)
en Sicile. L'île Stromboli, la plus septentrionale
des Lipari, et l'île Santorin, une des plus méridio-
EUROPE
— 743 —
EUROPE
nales des Cyclades, sont également volcaniques.
Dans le nord, aux confins des régions arctiques,
l'Islande est couverte de volcans' en activité, dont
le plus considérable est l'Hékla fl560 m.). Cette
île renferme aussi des sources d"eau bouillante,
dont l'une, le grand Geyser, jaillit à une hauteur
de 29 mètres. Un grand nombre de volcans éteints
ont laissé leurs traces dans les montagnes du cen-
tre de l'Allemagne et de la France (monts d'Au-
vergne).
L'Europe n'a qu'un grand lac qui puisse être
considéré comme une mer intérieure, et elle le
partage avec l'Asie : c'est la mer Caspienne
(46 3250 kilom. carrés), dont les eaux sont salées.
Les autres peuvent se partager en quatre groupes :
1° ceux de Russie : lac Ladoga, le plus grand du
continent (18 270 kil. c), Onega, Peîpous, Ilmen,
Bielo,etles nombreux lacs répandus entre la mer
Blanche et les golfes de Bothnie et de Finlande ;
2° ceux de Suède : lacs Wener (5 215 kil. c), Me-
lar,Wetter, Hielmar ; 3° ceux d'Ecosse et d'Irlande :
Loch Lomond, Lough Neagh ; 4" ceux de la région
des Alpes : lacs Balaton (G60 kil. c), Neusiedl
(Hongrie) ; Léman ou de Genève, le plus grand de
la Suisse (578 kil. c), de Constance, des Quatre-
Cantons, de Zurich, de Neuchàtel (Suisse), de Garde
(360 kil. c), de Côme, Majeur (Haute-Italie).
Ligne de partage des eaux; versants, bassins ;
fleuves et rivières. — Une suite de hauteurs,
traversant transversalement l'Europe de la pointe
de Tarifa à la mer de Kara, forme sa ligne de par-
tage des eaux. Elle se compose de la Sierra Ne-
vada, de la chaîne Ibérique, des monts Cantabres
depuis la source de l'Ebre, des Pyrénées occiden-
dentales et centrales jusqu'au pic de Carlitte, des
Corbières occidentales, des Cévcnnes, de la Côte-
d'Or. du plateau de Langres, des monts Faucilles,
du Ballon d'Alsace, du Jura septentrional et cen-
tral , du Jorat , des Alpes Bernoises , Lépon-
tiennes, Grises, Algaviennes, des hauteurs qui
couronnent le lac de Constance, de la Forêt-
Noire jusqu'à la source du Danube, des Alpes de
Souabe, du Jura Franconien, du Fichtelgebirge, de
la Forêt de Bohême, des hauteurs de Moravie,
des Sudètes et des Karpathes occidentales jusqu'à
la source du Dniester, des collines de Pologne, du
plateau de Valdai, des monts Uvvalli et de l'Oural
septentrional.
Cette ligne de faite partage l'Europe en deux grands
versants, abaissés, l'un vers les mers qui la bai-
gnent au nord et à l'ouest, l'autre vers celles qui
la baignent au sud et à l'est. Chacun de ces ver-
sants est subdivisé par des arêtes hydrographi-
ques, qui se rattachent à l'arête principale, en un
certain nombre de versants secondaires et de bas-
sins entre lesquels ces montagnes distribuent les
eaux dont elles sont les réservoirs.
L'Europe est admirablement arrosée. Découpée
de tous les côtés par de nombreuses mers inté-
rieures et par des golfes profonds, elle n'a pas de
fleuve qui approche, pour la longueur de son cours,
du Mississipi (6 600 kil.), du Nil (6 380 kil.), de l'A-
mazone (5 710 kil.), du Yang-tse-Kiang (5 200 kil.).
Son système fluvial, comme son système orographi-
que, est loin d'avoir les vastes dimensions de ceux des
autres continents. Mais dansaucunepartie du monde
les eaux ne sont aussi également distribuées dans
toutes les directions ; aucune n'a un aussi grand
nombre de fleuves et de rivières navigables.
Ceux dont le cours est le plus long appartienjient
au versant de l'est, où le tronc a son principal déve-
loppement. A l'exception d'un seul, tous le parcou-
rent dans le sens de sa plus grande largeur, c'est-
à-dire du nord au sud, et arrosent les vastes plaines
qui s'étendent au nord de la mer (îaspienne et de
la mer Noire ; ce sont : le "Volga, le plus grand
fleuve de l'Europe (3 190 kil.), l'Oural (1 710 kil.),
qui se jettent dans la mer Caspienne ; le Don
(1 200 kil.), dans la merd'Azof ; le Dniepr (1 780
kil.), le Dniestr (800 kil.), dans la mer Noire. Le Da-
nube est le seul fleuve de ce versant qui coule dans
le sens de la plus grande longueur du tronc, dont
il forme la grande artère méridionale (2 820 kil.).
La forme péninsulaire du versant du sud ne
permet pas un développement considérable aux
cours d'eau qui l'arrosent : la Maritza (475 kil.),
la Stronma ou Karasou, le Vardar, la Vistritza, la
Salambria, dans l'Archipel; le Pô (653 kil.),
l'Adige (445 kil.), dans l'Adriatique ; le Tibre
(370 kil.), l'Arno, dans la mer TjTrhénienne. Seul
le Rhône, dont le bassin appartient au tronc con-
tinental, approche de 1 000 kil. (810 kil.). L'Ebre,
le plus grand fleuve de la presqu'île des Pyrénées
sur ce versant, n'a que 616 kil.
Le versant occidental, dont l'extrémité sud-ouest
appartient seule àlaformation péninsulaire, va s'é-
largissant depuis la pointe de Tarifa jusqu'aux
montagnes d'où descend l'Elbe : le Guadalquivir
(5-20 kil.), le Guadiana (780 kil.), le Tage (883 kil.),
le Duero ("172 kil.), la Garonne (594 kil.), la Loire
(1 100 kil.), dans lOcéan ; la Seine (683 kil.), dans
la Manche ; la Meuse (053 kil.), le Rhin (1 300 kil.),
le Wescr (520 kil.). l'Elbe (1 195 kil.), dans la mer
du Nord. A ces grandsbassins fluviaux il faut ajouter
les bassins secondaires: l'Adour, la Charente, la Vi-
laine, la Somme, l'Escaut, l'Ems, et les cours d'eau
do la Grande-Bretagne et de l'Irlande : la Tamise,
l'Ouse, l'Humber, le Forth, dans la mer du Nord;
la Severn, la Clyde et le Shannon, dans TOcéan.
A partir de la source de l'Elbe, la ligne de faîte
s'infléchit vers le nord-est jusqu'au plateau de
Valdaî, puis à l'est jusqu'à l'Oural septentrional,
parallèlement à la mer Baltique et à l'océan Gla-
cial, qui, pénétrant dans le tronc continental par le
golfe de Finlande et par la mer Blanche, ne per-
mettent pas un grand développement au système
fluvial du versant du nord. Les principaux fleuves
sont: l'Oder (890 kil.), la Visiulc (I 040 kil.), le
Niémen (853 kil.), la Duna (1 040 kil.), la Neva
(66 kil.), qui sert d'écoulement au lac Ladoga, la
Dvina (1 190 kil.), la Petchora (965 kil.).
Quant aux cours d'eau de la péninsule Scandi-
nave, ils forment un groupe à part, partagé entre
le versant du Skager-Rak. auquel appartiennent
le Glommen et la Gotha-Elf, et celui du golfe
de Bothnie, où se jettent la "Tornéa. la Lulea, la
Pitéa, rUméa, l'Angermann-Elf, la Liusna-Elf etla
Dal-Elf.
Climat; flore et faune. — L'Europe est la seule
partie du monde qui ne touche sur aucun point à
la zone torride, dont la pointe de Tarifa, par
30° lat., est éloignée de 12 1/2 degrés ; et elle
n'a dans la zone glaciale que son extrémité sep-
tentrionale, 6 à 7 degrés. Elle est donc située
presque tout entière dans la zone tempérée du
nord. Les 7/9"°" du continent sont au-dessous de
100 mètres d'altitude et 1/30"°* seulement s'élève
au-dessus de 1 000 mètres. Ces conditions géné-
rales de température, relatives à l'altitude et à la
latitude, sont modifiées par difi'érentes influences
particulières. La principale est celle de la mer
qui touche l'Europe et la pénètre sur une si
grande étendue de côtes. La mer s'échauffe plus
lentement que la terre sous l'action des rayons
du soleil, mais elle conserve plus longtemps la
chaleur emmagasinée. La différence y est moins
grande entre la chaleur du jour et celle de la nuit,
entre l'été et l'hiver. Le climat maritime, par
suite, est relativement chaud en hiver, froid en
été. La température des deux saisons est ainsi
adoucie par le voisinage de l'Océan. Les îles Bri-
tanniques ont rarement de la neige en hiver, et le
froid n'y descend guère au-dessous de 12". Dans
les îles Fârôer, il gèle à peine en hiver, par con-
tre l'été est si froid qu'il y tombe parfois de la
neige. L'Atlantique communique, en outre, aux
EUROPE
— 744 —
EUROPE
contrées qu'il baigne, la chaleur que le Gulf-
stream, auquel ses eaux servent de lit, apporte
des régions incertropicales, où il a sa source, et
dont l'influf^nce se fait sentir jusque sous les lati-
tudes boréales. Il suit de là qu'à mesure qu'on
s'éloigne de la mer, c'est-à-dire qu'on s'avance
dans la direction de l'est, la température va s'a-
baissant. Les vents de l'ouest, qui arrivent d'une
mer chaude sur les côtes de l'Europe, exercent la
même influence. En s'élevant sur les monts Scan-
dinaves, ils se refroidissent ; l'humidité dont ils
se sont chargés, en passant sur l'immense bassin
de l'Atlantique, se résout en pluie et en neige.
Arrivés à Test de ces montagnes, ils ont perdu ce
quils contenaient d'eau : cest pourquoi les pluies
diminuent en Europe à mesure qu'on s'éloigne de
la mer, c'est-à-dire dans la direction de l'ouest à
l'est. Or la pluie tempère les froids de l'hiver ainsi
que les chaleurs de l'été : pour cette raison encore,
les uns et les autres augmentent de l'ouest à l'est.
L'éloignement des grandes masses d'eau de la
zone tempérée n'est pas la seule cause des rigou-
reux froids d'hiver et des chaleurs sèches d'été qui
régnent dans les plaines du nord-est. Les uns et
les autres y sont apportés encore par le vent d'est
oui souffle de la Sibérie. De ce côté l'Europe subit
l'influence du contact de l'Asip. Elle subit de même
au sud celle du voisinage de l'Afrique. Mais la
Méditerranée tempère l'ardeur des vents brûlants
qui soufflent de ce continent, et qui se font sentir,
par moments, en Espagne, la plus chaude des trois
péninsules méridionales, et en Italie, où ils passent
même quelquefois par-dessus les Alpes. Toutefois
les montagnes qui séparent ces péninsules du
tronc continental sont d'importantes lignes de
partage de climats entre le versant méridional et
le versant septentrional.
La flore et la faune de l'Europe sont en harmo-
nie avec sa géographie physique, et ne présentent,
comme elles, que des types moyens, adoucis par
la nature du sol et l'influence du climat. Les es-
pèces aux formes giiiantcsques manquent dans le
règne végétal comme dans le règne animal. La terre
n'a pas la fertilité exubérante des contrées inter-
tropicales ; elle ne produit pas ces plantes au jet
puissant, aux couleurs éclatantes, aux parfums
pénétrants, et elle ne recèle dans son sein qu'une
très petite quantité de métaux précieux. L'espèce
des bêtes féroces n'y est représentée que par l'ours,
le lynx et le loup, dont le domaine est assez res-
treint. Mais elle produit en abondance les plantes,
les animaux et les métaux utiles. Tous les genres
de céréales s'y récoltent : l'orge, le seigle et
l'avoine jusque vers la limite de la zone glaciale, le
blé jusqu'au &!" degré, le maïs et le riz jusqu'au 42'.
La vigne réussit jusqu'au 5'2«, dans des conditions
spéciales Enfin le palmier, cet arbre tropical, le
dattier, le giroflier, le figuier, l'olivier, le citron-
nier, l'oranger trouvent la chaleur qui leur est né-
cessaire dans les trois péninsules méridionales et
sur les côtes de la Méditerranée.
Superficie; population; co>nparaison avec les
autres parties au monde. — La superficie de l'Eu-
rope est de 9868 842 kilom. carrés. Elle est quatre
fois et demie plus petite que l'Asie, quatre fois
plus petite que l'Amérique, trois fois plus petite
que l'Afrique, et elle n'a guère qu'un million de
kilom. carrés de plus que l'Australie. Elle est
donc la plus petite des parties du monde, cette
dernière exceptée.
Sa population est de 312 millions et demi d'ha-
bitants, soit 32 par kil. carré. Mais elle est très
inégalement répartie ; la Belgique, où la densité
de la population est la plus forte, en compte I8I ;
la Scandinavie, où elle est la moindre, 8 par
kilom. carré. Au quatrième rang des parties du
monde pour la superficie, l'Europe est au deuxième
rang pour la population : après l'Asie, qui a 800
millions d'habitants, mais avant l'Afrique, qui en a
environ 200 millions, l'Amérique, qui n'en a que
85 millions, et l'Australie qui en a 4 1/2.
Races et religions. — Trois races principales
peuplent l'Europe : I' la race latine, à l'ouest et
au sud (France, Espagne, Portugal, Italie, Rou-
manie, partie de la Suisse et de la Belgique) : 98
millions; 2» la race germanique, au centre et an
nord-ouest (Allemagne, partie de l'Autriche, de la
Suisse et de la Belgique, Pays-Bas, États Scandi-
naves, Angleterre) : 94 millions; 3° la race slave, à
l'est (Russes, Polonais. Tchèques, Wendes, Mo-
raves, Serbes, Croates, Slovènes, Dalmates, Monté-
négrins, Bulgares) : 82 millions.
A ces trois grandes familles de la race caucasi-
que il faut ajouter : 4° les Grecs (partie méridio-
nale de la péninsule des Balkans et du Pindci
Candie, Cyclades) : 2 millions et demi; 5" les Al-
banais ou Arnautes (Albanie, Epire) : 1 million et
demi ; 6° les Celtes (Bretagne, pays de Galles, Ir-
lande, Haute-Écosse) : 10 millions; 7° les Letton»
ou Lithuaniens, sur les golfes de Finlande et de
Riga : 2 millions.
Ces sept peuples, qui forment les 16/17""" de la
population européenne, appartiennent à la race
caucasique, et parlent des idiomes qui se rattachent
à la grande langue indo-européenne.
Viennent ensuite: S" les Basques ouEuskariens,
dans les Pyrénées occidentales : 1 million ; 9° les
Finnois (Magyares ou Hongrois, Finnois, Livo-
niens, Esthoniens, Lapons, Samoyèdes) : 12 mil-
lions et demi ; 10° les "Tatars-Mongols (Turcs,
Tatars, Kalmouks), dans la presqu'île des Balkans
et dans la Russie méridionale : environ 4 millions
et demi; 11" les Juifs, dispersés dans toute l'Eu-
rope: 5 millions ; 12" les Tziganes, d'origine hindoue
(Hongrie, Turquie, Espagne) : un demi-million.
Le christianisme domine presque universellement
en Europe. Il se divise en trois grandes commu-
nions : l°le catholicisme romain, dans le sud et le
sud-ouest, parmi les peuples de race latine : 148
millions ; v° le protestantisme, au centre et dans le
nord, parmi les peuples de race germanique : 72
millions : 3° le catholicisme grec, dans l'est, parmi
les peuples de race grecque et slave : 69 millions.
Le reste appartient au judaïsme : 5 millions, à
l'islamisme : 7 millions, et à des sectes diverses.
Les États; formes de gouver7iemrnt; superficie,
population, densité de la population. — L'Europe
est divisée en 23 États, savoir : 1° quatre empires :
la Russie avec le grand-duché de Finlande, mo-
narchie absolue; l'Allemagne, empire fédératif et
constitutionnel, composé de 25 États confédérés,
dont trois villes libres, et de la province d'Alsace-
Lorraine; l'Autriche-Hongrie, empire constitution-
nel ; la Turquie, monarchie absolue, avec la Roumélie
orientale , province autonome ; 2* onze royaumes
constitutionnels ; dans le nord : Suède avec Nor-
vège, Danemark; dans l'ouest : Belgique, Pays-Bas
ou Hollande avec le grand-duché de Luxembourg,
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande ; au
sud : Portugal, Espagne, Italie, Grèce, Roumanie,
Serbie ; 3° quatre républiques : France, Confédé-
ration suisse, république d'Andorre, enclavée entre
la France et l'Espagne, république de San Marino,
enclave de l'Italie ; 4" quatre principautés : Monté-
négro, Bulgarie, Liechtenstein, Monaco.
Chacun de ces Etats est, dans ce dictionnaire,
l'objet d'un article géographique spécial. Toutefois,
le Danemark, la Suède ei la Norvège forment un
seul article : Scandinaves (Etats) ; le Portugal est
réuni, pour la géographie, à VEspng?ie ; la Grande-
Bretagne et l'Irlande sont décrites au mot Angle-
teit'e, qui entre davantage dans l'usage courant ; la
Belgique, par un accident de mise en p.iges, a dû
être renvoyée au supplément ; tous les Etats de la
Péninsule des Balkans, Roumanie, Serbie, Bulgarie
et Monténégro, font avec la Turquie l'objet d'un
ÉVAPORATION
— 745 —
ÉVAPORATION
même article. On parlera d'Andorre et de Monaco
en même temps que de la Frawce, et de San-Marino
dans Xltalie.
ÉTATS.
SUPERFICIE.
POPULATION.
DEXSITÉ
de la
population.
Russie (ayec la Fin-
kil. carrés.
5 381704
761010
622 440
539 816
528 572
500 443
314 931
296 323
274 303
127 584
89 623
63 865
50 123
48 637
41 390
3S237
32 973
29 455
9 433
493
178
68
15
habit.
74 000 000
6 300 000
37 300 000
42 700 000
37 0(10 000
16 500 000
34 100 000
27 800 000
7 100 000
5 400 0it0
4 000 000
1 83 0 000
1 450 000
1 700 000
2 800 000
2 000 000
4 oOO 000
5 300 000
286 000
18 000
8 700
7 800
7 000
h. par kil. c.
14
8
51
79
70
33
78
94
23
42
43
29
29
35
67
51
119
181
30
33
49
94
94
Suède et Norvèj^e..
Autriche-Hongrie. .
Allemagne
Grande Bretagne et
Italie
Turquie avec la Rou-
niélio orientale . .
Pays-Bas
Monténégro
Liechtenstein
San Jlarino
Monaco
[Félix Oger.]
ÉV.4PORATIOX — Physique, XVII. — L'évapo-
ration est le passage d'un liquide à l'état gazeux,
s'efifectuant lentement à la température ordinaire,
par la surface du liquide seulement, c'est-à-dire
sans aucune agitation de la masse. La plupart des
liquides et même quelques corps solides s'évapo-
rent, passent spontanément à l'état de vapeurs, à
une température inférieure à leur point d'ébuUi-
tion. Ce passage est très facile pour quelques-uns
que l'on dit volatils, comme l'éther, la solution
d'ammoniaque, le sulfure de carbone. D'autres
n'émettent des vapeurs qu'en très faible quantité
et très lentement: tel est le mercure. D'autres
enfin ne paraissent pas en émettre du tout à la
température ordinaire, comme l'acide sulfurique
concentré et les huiles grasses. Parmi les corps
solides qui se réduisent très facilement en vapeurs
se rangent l'iode et le camphre.
Ce phénomène de l'évaporation d'un liquide à
l'air est facile à mettre en évidence pour l'éther
et pour l'eau. Si on verse dans une soucoupe ou
une assiette l'un de ces deux liquides, il disparaît
promptement en vapeurs invisibles ; pour l'éther,
ces vapeurs révèlent l^ur présence par l'odeur
qu'elles répandent; pour l'eau, en petite quantité,
elles sont insensibles ; mais dans la nature, celles
qui s'élèvent des immenses nappes liquides qui
constituent les mers forment les brouillards et
les nuages, retombent en neige ou en pluie sur la
terre ferme, alimentent constamment les sources
et entretiennent la dépense des eaux continentales.
Plusieurs circonstances favorisent l'évaporation.
La première est Vétendue de la surface du liquide.
Puisque la vapeur ne se forme spontanément qu'à
la surface, il est évident que pour une même
quantité de liquide, la vapeur produite sera d'au-
tant plus grande dans le même temps que le li-
quide sera étalé sur une plus large surface. On
sait fort bien que pour faire sécher du linge, c'est-
à-dire pour faire évaporer l'eau qu'il retient, il
faut l'étendre sur un cordon plutôt que de le
laisser en tas. Et quand on veut retirer économi-
quement le sel des eaux de la mer, on les amène
dans des bassins peu profonds, mais très vastes,
où l'évaporation les concentre rapidement et finit
par leur faire déposer le sel qu'elles renferment.
Une deuxième condition favorable à l'évapora-
tion, c'est Vélévation de la température du liquide.
Plus celui-ci est chaud, plus est grande la force
élastique de sa vapeur*, plus il se forme de va-
peur dans le même temps. C'est pour cette raison
qu'on fait chauffer les liquides dans des vases
larges, lorsqu'on veut achever promptement leur
cvaporation et faire déposer le solide qu'ils rete-
naient en dissolution. L'été, pendant les chaleurs,
le sol et les plantes se dessèchent sous les rajons
ardents du soleil; l'évaporation à la surface des
feuilles est si active que les plantes se fanent si on
ne les abrite pas ou si on ne leur rend pas par
l'arrosage l'eau dont elles sont privées et qu'elles
ne trouvent pas dans le sol en quantité suffisante
pour réparer leurs pertes.
Enfin la sécheresse de l'air et son renouvellement
sont deux causes qui activent puissamment l'éva-
poration. Si l'air était parfaitement calme, la cou-
che qui recouvre la surface du liquide à évaporer
arriverait bientôt à saturation, et toute évaporation
cesserait. Au contraire, si l'air est agité, il emporte
avec lui la vapeur qui se forme, et le liquide se
trouve toujours en contact avec de l'air d'autant
plus propre à en recevoir une nouvelle quantité
qu'il est plus sec. L'expérience de chaque jour
confirme ces faits ; le linge ne sèche pas vite dans
un grenier fermé, ni les jours où l'air est humide,
tandis que les vents secs et chauds le sèchent
très rapidement Quand l'air est chargé de vapeur
d'eau, la transpiration cutanée, qui n'est qu'une
évaporation constante dont la peau de notre corps
est le siège, s'effectue difficilement ; on en éprouve
un malaise que l'on attribue à tort au poids de
l'air en disant que le temps est lourd.
Un corps liquide ne peut passer à l'état de gaz
qu'à la faveur d'une certaine quantité de chaleur
employée à effectuer le travail du changement
d'état. Quand on le chauff'e et qu'on l'amène à
Yébullition*, toute la chaleur qu'on lui fournit
une fois qu'il bout est insensible au thermomètre;
elle est tout entière employée à vaporiser le li-
quide. La vapeur, pour se former et se maintenir,
a donc besoin dune assez grande quantité de cha-
leur qui n'accroît pas sa température. 11 en résulte
que toutes les fois qu'un liquide s'évapore sans
recevoir directement d'un foyer la chaleur néces-
saire, la vapeur qui se forme emprunte cette cha-
leur ou aux corps voisins ou aux couches liquides
qui restent, et détermine ainsi un abaissement de
température. L'évaporation est donc une cause de
ref'oidisseme7it. Qu'on verse sur le dos de la main
quelques gouttes d'éther, on sent de suite un
froid assez vif, en même temps que le liquide dis-
paraît; c'est la rapide évaporation qui est la cause
du refroidissement. L'huile ordinaire n'occasionne
pas cette impression, parce qu'elle n'est pas vola-
tile ; mais des liquides qui s'évaporent encore
plus rapidement que l'éther, comme l'acide sul-
fureux, produisent un froid considérable.
On utilise ce froid produit par l'évaporation
pour congeler l'eau. Leslie a réalisé la congélation
de l'eau dans le vide de la machine pneumatique.
Aujourd'hui on fait la glace en grand en profitant
du refroidissement produit par l'évaporation rapide
de l'acide sulfureux liquide ou de l'ammoniaque,
et on glace les carafes à l'aide d'une petite pompe
pneumatique, provoquant par le vide une évapo-
ration extrêmement active qui entraîne un refroi-
dissement vif et rapide.
Dans le midi, on maintient le vin frais en été
en le mettant dans des vases en terre poreuse que
l'on appelle alcarazas; le liquide suinte légèrement
à travers les pores de la terre, en sorte qu'à la
EXERCICE
— 746 — EXERCICES GRAMMATICAUX
surface il se fait une évaporatlon continue que
l'on peut encore activer en suspendant le vase
dans un courant d'air. On peut de même partout
rafraîchir les boissons en enveloppant d'un linge
mouillé les bouteilles ou les carafes qui les con-
tiennent; pour peu que l'agitation de l'air active
l'évaporation du linge mouillé, le refroidissement
est notable.
L'abaissement de température amené par l'éva-
poration nous commande quelques précautions
hygiéniques. Lorsqu'on est en sueur, on court
quelque danger à se découvrir et surtout à se
placer dans un courant d'air, parce que la sueur,
en se vaporisant, absorbe de la chaleur au corps,
et d'autani plus que l'évaporation est plus active.
Qui ne connaît les frissons qu'on éprouve au sortir
d'un bain, même chaud? C'est la mince couche
d'eau dont le corps est couvert qui en est la cause ;
son évaporacion nous enlève une partie de notre
chaleur naturelle, et les frissons ne cessent que
quand le corps est essuyé.
Expériences. — 1. Verser sur une soucoupe
une certaine quantité d'éther, et sur une seconde
soucoupe une égale quantité d'eau, abandonner les
deux liquides à l'évaporation, et constater le temps
qu'ils mettent à disparaître.
2. Mettre du camphre dans le fond d'un flacon
un peu large, boucher le flacon et l'abandonner
dans un lieu à une température douce ; après
quelques semaines, le corps solide se trouvera en
grande partie fixé au bouchon et à la paroi supé-
rieure du vase.
3. Mettre de l'alcool dans une assiette et autant
du même liquide dans une fiole non bouchée et
constater la rapidité de l'évaporation dans chaque
cas.
4. Entourer le réservoir d'un thermomètre d'un
linge mouillé et constater l'abaissement de tem-
pérature qui se produit. Faire tourner ce thermo-
mètre d'un mouvement de fronde, l'abaissement
est encore plus considérable.
5. Mettre de l'éther dans une capsule de cuivre
mince reposant sur quelques gouttes d'eau, sur
une petite planchette de sapin ; souffler sur l'éther
pour activer son évaporation ; après quelques mi-
nutes, l'eau se congèle autour de la capsule et la
fixe à la planchette.
6. Mettre un peu d'alcool dans un verre bien
propre, souffler sur la surface du liquide pour le
faire évaporer promptement : on voit l'extérieur
du verre se couvrir d'une buée de vapeur d'eau
atmosphérique qui peut même se transformer en
givre si le refroidissement dure quelque temps.
[Haraucourt.]
EXERCICE. — V. Gymnastique.
EXERCICES GRAMMATICAUX. — Grammaire,
XXVII. — On appelle exercices, en grammaire,
tous les devoirs ou compositions donnés pour fami-
liariser les élèves avec les règles. La grammaire
est la théorie, les exercices sont l'application. Ces
applications peuvent varier à l'infini , selon la
règle à étudier, le degré d'intelligence des élèves,
ou la volonté du maître. Aussi chaque année voit
paraître un nombre considérable de petits livres
destinés à faciliter le travail de nos instituteurs en
leur indiquant la tâche de chaque classe et de cha-
que jour. Quelques-uns traitent spécialement de
la conjugaison des verbes ; d'autres s'occupent sur-
tout des participes ; d'autres embrassent toutes les
difficultés de notre langue. Tous ont renoncé depuis
longtemps à la méthode cacographique en usage
autrefois. On n'écrit plus des phrases comme
celles-ci : Que d'hommes , comme les plantes,
vÉGETTENT OU Ont vÉGETTÉ sur Cette terre!... La
prospérité ne l'avait point anflé, l'adversité ne
l'abdattit pas; ou des devinettes comme celle-là :
La courroie de ton ^ac n'est pas aussi fobt que
CELUI nu MIENNE ,* IL rompva avant celui du men.
Nous n'inventons rien ; ces phrases sont là, sous
nos yeux. Quelle était l'impression des enfants en
lisant ou en copiant des phrases aussi barbares ?
Quel souvenir en restait-il dans les jeunes esprits,
et quelle fâcheuse influence cette orthographe
fantaisiste ne devait-elle pas avoir sur la mémoire
des yeux?
Nous n'avons pas la prétention de donner ici
un plan d'exercices ; d'excellents livres en ce genre
ont paru depuis quelques années. Nous allons seu-
lement passer en revue les différents moyens em-
ployés pour amener l'application des règles de la
grammaire et développer l'intelligence des élèves.
Pour atteindre ce double but, il faut avoir recours
à deux sortes d'exercices : les exercices d'applija-
ti'oi et les exercices d'invention. Tous les deux
peuvent se faire oralement ou par écrit. Nous in-
sisterons surtout sur les exercices écrits, que le
maître peut, du reste, presque toujours faire répé-
ter de vive voix.
Exercices d'application. — Pour familiariser les
enfants avec les formes de l'orthographe usuelle,
il est bon de leur faire copier d'abord de petits
textes en prose, renfermant quelques notions uti-
les, une pensée morale, une anecdote intéressante
et à leur portée. Le même texte peut être copié
et recopié plusieurs fois, et si l'élève l'apprenait
par cœur ce serait tout profit.
Quand l'écolier sait à peu près par quels signes
on représente tel ou tel son, on passe aux exercices
d'application proprement dits. Il est bien entendu
que l'exercice doit répondre exactement à la leçon
qui vient d'être récitée et expliquée en classe.
Cela dit, venons à l'application des règles de quel-
ques parties du discours.
Pour le nom, par exemple, on peut, dans un texte
copié ou dicté:
1" Faire souligner d'un ou de deux traits les
noms communs ou les noms propres, masculins ou
féminins, au singulier ou au pluriel;
2" Faire relever les noms dans deux colonnes
différentes, selon leur genre ou leur nombre ;
à" Écrire dans une colonne à part, au singulier,
tous les noms qui sont au pluriel, et réciproque-
ment. On peut faire de même pour les noms com-
posés et pour les noms dérivés de langues étran-
gères ;
4° Faire suivTe, dans le texte même, chaque
nom masculin ou féminin du nom féminin ou mas-
culin correspondant, etc.
Pour l'adjectif, on peut :
1° Faire souligner les adjectifs;
2° Faire souligner d'un trait les adjectifs qua-
lificatifs , de deux traits les adjectifs détermi-
nutifs ;
3° Écrire dans une colonne à part, au féminin,
tous les adjectifs qui sont employés au masculin,
et réciproquement ;
4° Même exercice pour la formation <iu plu-
riel;
5° Écrire en toutes lettres les nombres contenus
dans le texte ;
6° Remplacer par un tiret les adjectifs possessifs,
les adjectifs démonstratifs, etc., et les faire réta-
blir par les élèves.
Pour le verbe, on peut:
1° Mettre après chaque verbe le chiffre 1, 2, 3 ou
4, selon la conjugaison à laquelle il appartient ;
2° Écrire un texte, où les verbes sont mis à l'in-
finiiif, en remplaçant l'infinitif par le temps et la
personne convenables;
3° Mettre après chaque verbe les lettres n, p, r,
n, ou î'»», selon qu'il est actif, passif, réfléchi,
neutre ou impersonnel ;
4.° Souligner d'un trait les temps simples, de deux
traits les temps composés ;
5° Dans un texte choisi, faire mettre le sujet et
le verbe au pluriel. Ex. : « le loupesf an animal;»
EXERCICES GRAMMATICAUX
747
EXPERIENCES
écrivez : « les loups sont des animaux;» etc. Ce
genre d'exercices a l'avantage d'amener en même
temps l'application de toutes les règles d'accord.
Il est bon aussi de transposer le texte en rempla-
çant un sujet masculin par un sujet féminin, en
changeant le nombre, la personne, le temps, etc.
Ex. : au lieu de « une vieille reine..., » écrivez : « un
vieux roi ...» , etc. — « Les éléphants sont naturelle-
ment fort doux..., » écrivez: «l'éléphant est, etc. «
— « Le renard est fameux par ses ruses.., » écrivez:
« Je suis fameux par mes ruses, etc. » ;
6° Pour la conjugaison des verbes neutres, faire
remplacer les tirets {il — tombé) par l'auxiliaire
avoir ou être, etc.
Ces exercices peuvent tous être faits oralement
sur un livre ou au tableau, mais ce dernier mode
est préférable, parce qu'on peut mieux surveiller
l'attention des élèves.
Exercices d'iiivention. — On appelle exercices
d'invention les exercices qui font un appel à l'intel-
ligence, à l'imagination des élèves, et qui, sans
exiger l'application de telle ou telle règle gramma-
ticale, les forcent à ijiventer, à tirer quelque chose
de leur propre fonds. Ces exercices sont peut-être
encore plus variés et en tous cas moins arides que
les exercices d'application. Qu'on demande à un
enfant de composer une phrase entière sur un seul
mot donné, comme nous le voyons faire dans quel-
ques ouvrages récents, nous doutons que la réponse
soit satisfaisante. Il faut procéder lentement et
avec ordre ; exiger trop d'abord est le sûr moyen
de n'avoir jamais rien. Voici, selon nous, la marche
à suivre avec des enfants d'une dizaine d'années:
1° Supprimer dans un texte tous les adjectifs
qualificatifs et faire remplir les places vides par
des adjectifs, au choix des élèves. Ex: « L'enfant....
mérite de... récompenses. »
2" Supprimer les adjectifs déterminatifs et les
faire rétablir par les élèves. Ex: a L'élève studieux
aura... récompense. »
:i° Supprimer les pronoms devant les verbes et
les faire rétablir par les élèves : « Le loup est glou-
ton; se nourrit de chair. » — « Notre livre est
perdu ; devez le chercher. »
4" Supprimer le sujet, ou le verbe, ou le com-
plément direct dans une proposition, en ayant soin
de donner des phrases très simples où l'enfant
puisse aisément saisir la relation des idées. Ex. :
1° « Les.... construisent leur nid; » — 2° « Les
oiseaux.... leur nid; » — 3° « Les oiseaux con-
struisent ; » etc.
Pour les élèves plus avancés, on peut faire tran-
scrire en prose une fable de La Fontaine, en exi-
geant que la morale soit développée.
Enfin on peut, en partant des éléments les plus
simples d'une proposition, le sujet et le verbe par
exemple, faire ajouter successivement au sujet un
qualificatif ou un déterminatif, au verbe un adverbe,
un complément direct, un complément indirect,
un complément circonstanciel ou même une pro-
position incidente. Ex: L'enfant aime ; ajoutez
un qualificatif au sujet : L'enfant bon aime ;
ajoutez un déterminatif: Cet enfant bon aime.... ;
mettez au verbe un modificatif: Cet enfant bo7i
afwe TENDREMENT ; un Complément direct: Cet
enfant bon aime tendrement sa mère, etc., etc.
C'est la méthode suivie dans nos lycées pour ap-
prendre aux élèves à mettre un vers latin sur ses
pieds; elle serait heureusement appliquée, selon
nous, pour apprendre à écrire une phrase, sinon
avec élégance, du moins avec correction.
Après la composition des phrases, nos élèves pas-
seront à des exercices de style plus étendus, à la com-
position proprementdite,dontils trouveront les prin-
cipes et les règles dans leur petit cours de rhétorique.
On a parlé ailleurs de la dictée *, des exercices
d'analyse grammaticale * et d'analyse logique * ;
nous n'y reviendrons pas. Disons seulement
quelques mots des exercices étymologiques qui
ont pris place depuis peu dans nos écoles.
Exercices étymologiques . — Rien de plus utile
pour donner à l'enfant le sens précis des mots et
des nuances qui les distinguent, que l'étude des
dérivés et des composés. On sait combien il est
difficile en général de définir un mot. Cet embarras
cessera vite pour l'élève, si son maître l'habitue à
remonter du mot dérivé au mot primitif, ou à des-
cendre du simple au composé.
Ainsi de labourer, qui est proprement travailler
{labornre) sont dérivés : labour, le travail par
excellence, le travail de la terre ; laboïirage, ré-
sultat de l'action marqué par le suffixe âge ; la-
boureur, celui qui fait l'action, désigné par le suf-
fixe eur; labowahle, ce qui peut être labouré, état
marqué parle suffixe ab/e, etc. Le sens de ces trois
suffixes âge, eur, able, une fois connu, l'élève ne
sera plus embarrassé pour définir des mots tels
que assembler, assemblage, assonbleur, plier,
pliage, plieur, pliable, etc. On pourrait aisément
multiplier ces exemples, et si l'on songe que, sur
12(100 mots français d'origine populaire, on compte
environ 4 000 mots simples et 8 000 dérivés, on
verra quelle place importante cette sorte d'exercice
doit prendre désormais dans l'enseignement gram-
matical. [J. Dussouchet.]
EXPKRIEKCES. — Physique, I-XXXII; Chimie,
i-xxvn.
Des expériences en général. — Dans le langage
scientifique, on appelle expériences les opérations
par lesquelles le savant reproduit, dans des condi-
tions de simplicité relative, les phénomènes natu-
rels pour en étudier les lois, ou même en crée
artificiellement, en réalisant des dispositions qui ne
se trouvent point dans la nature. Par exemple, en
introduisant une goutte d'eau dans le vide d'un
baromètre, on en obtient l'évaporation dans des
conditions particulières, qui permettent d'appré-
cier la force élastique de la vapeur par l'abaisse-
ment qu'elle produit de la colonne de mercure.
Ordinairement la chute des corps, même des
plus lourds, est contrariée par la résistance de l'air;
mais si on les fait tomber dans un tube de verre
où a été fait le vide, on réalise un phénomène
simple, que la nature ne nous offre pas, et il
est alors possible de constater que sans la résis-
tance de l'air tous les corps tomberaient avec la
même vitesse. Les physiciens produisent aujour-
d'hui un grand nombre de phénomènes, tels que
la lumière électrique, par exemple, les prépara-
tions de galvanoplastie, l'électro-magnétisme, etc.,
qu'ils ont été méthodiquement amenés à décou-
vrir, par des séries d'expériences purement arti-
ficielles ; et les chimistes possèdent et produisent
dans leurs laboratoires des centaines de corps,
dont aucun échantillon naturel ne se trouve à la
surface de la terre. Cette manière d'étudier la
nature est toute moderne, les anciens ne la pra-
tiquaient pas ; à peine observaient-ils, et les alchi-
mistes du moyfn âge, qui travaillaient beaucoup,
il est vrai, expérimentaient mal. Aujourd'hui elle
règne exclusivement dans les sciences physiques.
On l'appelle l'expérience ou la Méthode expé-
rimentale. Elle se complète évidemment de l'ob-
servation. Depuis la découverte de la circulation
du sang par Harvey, au xvii' siècle, la méthode
expérimentale a pris possession de la physiologie,
dont elle a fait depuis, avec les travaux de Lavoi-
sier, Bordeu, Bichat, Magendie, Claude Bernard,
comme de la physique et de la chimie, une vérita-
ble science exacte.
On ne l'eût pas cru il y a moins d'un demi-
siècle, l'expérience est même venue en aide aux
astronomes ; en effet, après la belle et célèbre
expérience de Foucault, faisant voir, pour ainsi
dire, tourner la terre, au moyen de son immense
pendule suspendu à l'intérieur de la coupole du
EXPÉRIENCES
— 7i8 —
EXPERIENCES
Panthéon, voici qu'il y a une vingtaine d'années deux
pliysiciens allemands. Bunsen et Kirchoff, démon-
trent que l'observation des raies du spectre décèle
la nature des plus infimes parcelles des substances
répandues dans la source de lumière qui a produit
le spectre ; ce qui permet aujourd'hui de faire l'a-
nalyse chimique des étoiles situées à des distances
de la terre que notre esprit ne peut se figurer.
Dans les sciences appelées plus spécialement
naturelles, la botanique, la zoologie, la minéra-
logie, l'expérience cède plus touvent la place à
l'observation proprement dite ; néanmoins, tout le
monde dans la science connaît les beaux travaux
de M. Paul Bert sur la greffe animale, ceux do
M. Pasteur sur les conditions de développement
des gerpies qui sont dans l'air ou dans les sub-
f tances fermentescibles, etc. ; on peut voir,
dans les galeries de minéralogie du muséum de
Paris, la reproduction artificielle des principales
pierres précieuses de la nature, par MM. Daubrée,
Descloiseaux, Friedel, etc. ; enfin l'analyse chimique
des aérolithes nous a fourni les plus précieux ren-
seignements sur leur origine.
Expériences de physique. Historique.— Certaines
expériences, quoique souvent très simples, sont
restées célèbres à cause de leur importance, ou
par les conséquences qu'on en a tirées. C'est ainsi
(|u'on dit : Vexpérience de Torricelli, pour rappe-
ler l'invention du baromètre ; les expériences de
Lavoisier sur l'air et sur l'oxygène ; les expériences
de Galvani et de Volta, pour rappeler les origines
de la pile électrique ; l'expérience d'Œrstedt, les
expériences d'Ampère, de Dmnas, de Faraday,
d'Arago, etc.
Au point de vue du but à atteindre, il n'y a en
physique que deux sortes d'expériences : premiè-
rement, celles qui servent à produire un phéno-
mène; deuxièmement, celles qui ont pour but d'en
mesurer les éléments pour en trouver la loi. Ces
dernières exigent presque toujours des appareils
délicats, et une o;rande habitude dans l'art de l'ex-
périmentation. Comme exemple des premières,
nous citerons toutes les expériences qu'on peut faire
avec une bonne machine électrique à frottement,
ou avec une pile puissante.
Pour les secondes, citons la mesure de la dilata-
tion des corps par la chaleur, l'étude dos raies du
spectre solaire, ot enfin, par dessus tout, les expé-
riences de Coulomb pour mesurer les lois des at-
tractions et des répulsions électriques, dans les-
quelles ce physicien a, comme on l'a dit, mohtré un
véritable génie dans la mesure des petites forces.
L'art des expériences ne s'acquiert que par une
longue habitude ; on peut aussi dire qu'on naît
expérimentateur. Cet art exige en effet non seule-
ment une intelligence divinatoire et un grand es-
prit d'observation, mais beaucoup de coup d'œil et
une grande habileté dans les doigts. Comme l'a
dit. un grand savant, pour être chimiste ou phy-
sicien, il faut savoir scier avec un couteau et limer
avec une scie.
Expériences de chimie. Historique. — En chi-
mie, les expériences se font avec des appareils
moins chers, moins compliqués, et, dans beaucoup
de cas, exigent moins d'habileté ; aussi, dès le
moyen âge, la chimie est-elle entrée dans la voie
expérimentale ; il est vrai de dire que les expériences
étaient très imparfaites alors: les alchiaiistes, ne
sachant ni recueillir, ni mesurer les gaz, négli-
geaient une partie importante de leurs opérations.
Aujourd'hui les expériences de chimie se font,
principalement oans le haut enseignement des
facultés, du muséum, du Collège de France,
avec des appareils tout à fait perfectionnés. Le
caoutchouc, qui remplace le liège, donne des fer-
metures hermétiques ; le fourneau à gaz remplace
presque toujours le charbon, et l'invention du
chalumeau permet aux chimistes d'essayer des
réactions à des températures qui dépassent 2 000
degrés.
Au point de vue de l'enseignement, en peut
dire qu'ily a trois sortes d'expériences chimiques :
1" Celles qui mettent en évidence un phénomène
nouveau, ou qui montrent d'une façon plus frap-
pante un phénomène naturel : telles sont les
expériences de combustion dans l'oxygène, la dé-
tonation d'un mélange d'hydrogène ci d'oxygène,
la combustion du potassium, sur l'eau, celle de
l'antimoine et de l'arsenic dans le chlore, la pré-
paration du gaz des feux follets (hydrogène phos-
phore) qui s'enflamme spontanément à l'air, etc. ;
2" Celles qui ont pour but l'analyse ou la syn-
thèse, c'est-à-dire la mesure des éléments consti-
tuants d'un corps composé ; nous citerons comme
exemple : l'analyse de l'air par Lavoisier, l'ana-
lyse de l'eau par Carlisle et Nicholson, sa syn-
thèse par Dumas et Boussingault, et en somme
toutes les analyses et les synthèses (V. Chimie et
Chimie organique). C'est la partie la plus difficile
de la chimie expérimentale; elle exige des appa-
reils bien montés et une grande habitude de la
part de l'expérimentateur ;
3° Enfin, les expériences qui servent à préparer
un corps simple ou compose, comme la prépara-
tion du fer pur, celle du phosphore, de l'acide
carbonique, du gaz d'éclairage, de l'éther, l'extrac-
tion d'un alcaloïde, etc. Les expériences de chi-
mie se font dans un creuset, quand on est obiigé
d'opérer à une haute température et qu'on n'a à
s'occuper que du résidu fixe qui restera; dans une
cornue, quand, en même temps, on veut recueillir
les produits volatils ou gazeux qui prendront
naissance ; dans des cornues ou dans des flacons
à tubulures auxquels sont adaptés des tubes, lors-
qu'on fait agir ou qu'on produit des gaz à chaud
ou à froid ; enfin, dans beaucoup de cas, par exem-
ple lorsqu'on fait agir un liquide sur un solide
pulvérisé, ou deux liquides l'un sur l'autre sans
s'occuper des produits gazeux, l'expérience se fait
tout simplement dans une capsule.
Expériences à faire dans les cours. — Nous ne
parlerons pas ici des recherches dont on s'occupe
dans les laboratoires du haut enseignement : elles
exigent une habitude très grande, une variété con-
sidérable d'appareils, et une précision de détails
qu'on ne peut apprendre que dans ces laboratoires
mêmes ; tout cela est en dehors du but que nous
nous proposons ici. Nous nous contenterons d'in-
diquer un certain nombre d'expériences que l'on
peut faire facilement et avec des appareils ou des
instruments peu coûteux, soit dans un cours pro-
fessionnel ou un cours d'adultes, soit même dans
une conférence mondaine.
Ph/sique. — L'expérience du pendule, qu'on
peut faire partout avec une simple ficelle et une
pierre, ne doit jamais être négligée; l'auditoire s'y
intéresse beaucoup, et elle ne présente ni difficulté,
ni danger. On pourra aussi démontrer la poussée
de l'air, même sans machine pneumatique, au
moyen d'un tube de Torricelli ou d'un verre à
boire, ou d'une éprouvette remplie d'eau et fermée
par une simple feuille de papier. Une cornue por-
tant un tube à dégagement plong»^ dans l'eau suf-
fira, en la chauffant, pour montrer la dilatation des
gaz. Avec une siiuple boussole, quelques mètres de
fil de cuivre et une pile, il est facile de répéter la
mémorable expérience d'OErstodt ; avec un second
aimant à la main, on pourra aussi montrer la diffé-
rence des deux pôles d'un aimant, etc.
En verre taillé ou un prisme suffira pour obtenir
le spectre.
Nous pourrions citer ainsi cent expériences et des
plus importantes, qu'un maître ingénieux peut faire
facilement, presque sans ressources, devant un au-
ditoire peu versé dans la science.
Chimie. — Avec une dépense de 40 ou 50 francS'
EXPLOITATION
— 749 —
EXPLOITATION
il est possible de se procurer de quoi répéter plu-
sieurs fois les expériences de combustion dans
l'oxygène, dans le chlore, dans la vapeur de soufre ;
de préparer plusieurs gaz combustibles, l'hydro
gène, le gaz d'éclairage, le chlore, l'hydrogène
phosphore; de montrer l'action des acides et celle
des bases sur le tournesol ; l'action des acides sur
les bases, d'un acide sur la craie, de l'ammoniaque
sur les sels de fer, de cuivre, etc.
Nous conseillerons de choisir, autant que cela
est possible avec un laboratoire aussi peu fourni,
des expériences qui aient un rapport direct avec
des phénomènes naturels bien connus, afin que la
satisfaction ne soit pas exclusivement pour les yeux,
mais aussi pour l'intelligence, car autrement l'élève
ne verrait là que des choses amusantes.
C'est en faisant l'expérience même et pendant
qu'il l'explique, que le maître doit rappeler les
rapports qu'elle a avec tel ou tel phénomène na-
turel; il n'oubliera pas non plus, s'il y a lieu, de
citer les industries où elle est faite plus en grand,
en donnant quelques détails surja difTorcnce entre
celle qu'il fait dans le laboratoire et celle de l'usine.
Nous n'avons pas à parler des expériences do
physiologie animale ou végétale ; elles exigent des
connaissances acquises et spéciales, et ne peuvent
être tentées avec fruit que par des personnes aux-
quelles cet article n'est point destiné.
[Alfred Jacquemart.]
EXPLOITATION (Systèmes d'). — Agriculture,
XII. — Le but du propriétaire du sol est d'en tirer
la plus grande somme possible de revenu. A cet
effet, il doit choisir un mode d'exploitation qui
lui assure le plus d'avantages, dans les conditions
où il se trouve placé. S'il est agriculteur lui-même,
il pourra exploiter directement son domaine : c'est
ce qu'on appelle le faire-valoir direct. Si le pro-
priétaire n'est pas agriculteur, ou s'il est placé
loin des terres qu'il a acquises, il peut avoir re-
cours à un système de location ; il y en a beaucoup
d'espèces. Les locations les plus usitées en France
sont le fermage et le métayage. Il faut donner
quelques détails sur chacun de ces systèmes
d'exploitation.
Faire-valoir direct. — Le faire-valoir direct n'a
pas besoin de définition ; c'est la situation du pro-
priétaire exploitant lui-môme son domaine à ses
risques et périls. La plupart des petits propriétai-
res, en France, cultivent eux-mêmes leurs terres;
ils savent, dans ces conditions, tirer le plus grand
parti du sol. On peut affirmer que le développe-
ment de la moyenne et de la petite culture est
une des causes qui ont exercé la plus heureuse
influence pour l'augmentation de la production
agricole du pays. Presque toujours le petit proprié-
taire s'enrichit par le travail et par l'économie.
L'épargne est le plus souvent consacrée par lui à
l'acquisition de nouvelles terres quand l'occasion
se présente ; de telle sorte qu'en fait la propriété,
au lieu de se morceler sans cesse, comme on le
dit parfois, de tomber en poussière, suivant une
expression de M. Passy, tend sans cesse à se re-
constituer, entre de nouvelles mains, il est vrai.
L'exploitation directe d'un domaine exige la pré-
sence presque continuelle de son propriétaire.
Dans la petite culture c'est la loi commune. Mais
dans la grande culture, pour une raison ou pour
«ne autre, le propriétaire n'agit pas toujours ainsi.
De là, pour un grand nombre d entre eux, l'habi-
tude d'avoir recours à des agents spéciaux- con-
nus sous le nom de régisseurs. Ce sont des agents
salariés qui sont chargés, sous la direction du pro-
priétaire, de la gestion de la culture, des achats, des
ventes, etc. L'activité et la probité sontdeux qualités
indispensables pour le régisseur; en même temps, il
est nécessaire qu'il ait des connaissances sérieuses
dans la pratique des choses agricoles. Pour activer
le zèle des régisseurs, un certain nombre de pro- '
priélaires ont pris l'habitude de les intéresser par
un certain bénéfice dans les produits de l'exploita-
tion, en dehors des appointements fixes qui leur
sont attribués. Le régisseur est ainsi poussé à
rechercher les meilleurs moyens d'augmenter la
production du sol, .\ la fois dans son propre in-
térêt et dans l'intérêt du propriétaire. L'application
de ce système est d'ailleurs facile quand la comp-
tabilité est tenue en bon ordre.
Fermage. — Le fermage peut être défini : une
cession temporaire d'un dcmaine par son proprié-
taire à un homme qui l'exploite à ses risques et
périls, et paie chaque année une redevance fixe.
Les obligations réciproques du propriétaire et du
fermier sont consignées dans un bail qui devient
la loi entre les deux parties.
Dans le système du fermage, le propriétaire
reste tout à fait étranger à l'exploitation de son
domaine ; il reçoit un revenu fixe, déterminé
d'avance, et toujours le même, que les récoltes
soient abondantes ou non. En dehors du paie-
ment du revenu , le fermier est substitué au
propriétaire dans la direction du domaine. Il doit
avoir un capital assez important, représenté surtout
par le matériel de culture et par le bétail qu'il
entretient sur l'exploitation. De son habileté dé-
pendent à la fois sa propre prospérité, et l'augmen-
tation de la valeur du domaine. Le fermier est
ainsi un véritable industriel pour lequel la terre
est le principal instrument de travail.
le fermier doit avoir fait un apprentissage
complet de la pratique agricole, et par conséquent
être capable de diriger avec fruit l'exploitation
qu'il prend à sa charge. S'il n'a pas l'habileté
nécessaire, non seulement il marche à sa ruine,
mais il compromet en même temps les intérêts
du propriétaire, en épuisant la richesse du sol par
des cultures mal ordonnées.
En outre, le fermier doit avoir à sa disposition
un capital de culture proportionnel à l'étendue de
l'exploitation qu'il prend et au système de culture
qu'il veut suivre. Pour maintenir et surtout pour
augmenter la fertilité du sol, il ne faut pas crain-
dre de faire à celui-ci des avances; c'est même la
condition indispensable du succès.
Le fermage est assurément la méthode d'exploi-
tation du sol qui est la plus répandue dans les
pays les plus riches. C'est celle qui est consi-
dérée comme le plus favorable au progrès agricole.
Mais l'usage de ne faire que des baux d'une assez
courte durée, neuf années en moyenne, est un
grave inconvénient.
En effet, il arrive que le fermier qui, pendant les
premières années, a fait des avances pour la cul-
ture, cherche, dans celles qui précèdent la fin du
bail, à retirer ces avances, et épuise la terre dans
une proportion plus ou moins considérable. Pour
obvier à ces inconvénients, le meilleur moyen se-
rait d'adopter des baux de longue durée, de vingt
ans, qui assureraient au fermier tout le temps
nécessaire pour retirer légitimement tout le fruit
de ses etforts et de son travail. D'un autre côté,
avec un bon fermier, le propriétaire serait certain
de voir sa terre augmenter progressivement de
valeur, sans qu'il lui en coûtât rien. On a aussi
proposé d'introduire dans les baux une clause re-
lative aux indemnités qui pourraient être attribuées
au fermier pour les améliorations permanentes
effectuées par lui; mais les difficultés d'évaluation
de la valeur exacte de ces améliorations ont jus-
qu'ici empêché cette idée d'entrer dans la pratique.
Métnyage. — Le métayage est un système
d'exploitation intermédiaire entre le faire-valoir
direct et le fermage. C'est une véritable associa-
tion entre le propriétaire du sol et l'exploitant ; .
par cette association, l'un et l'autre concourent,
dans une proportion et d'une manière déterminées
à la production agricole.
FABLE
— 750
FABLE
La meilleure définition du métayage a été don-
née par le comte de Gasparin dans les termes
suivants: a Le métayage est un contrat par lequel,
quand le tenancier n'a pas un capitil ou un crédit
suffisant pour garantir le paiement de la rente et
des avances du propriétaire, celui-ci prélève cette
rente par parties proportionnelles sur la récolte de
chaque année. » Ainsi le métayer ne paie p:is de
redevance fixe; il partage avec le propriétaire,
tantôt par moitié, tantôt dans une autre propor-
tion, les produits du sol. Le propriétaire fait les
avances pour l'achat du cheptel vivant et du maté-
riel, parfois même pour les engrais ; le métayer
donne son travail et celui de sa famille, et il paie
la main-d'œuvre. Dans le système du métayage,
un domaine d'une certaine étendue est le plus
souvent partagé en métairies restreintes, dont
chacune est cultivée par un métajer et sa famille,
aidé par un ou deux ouvriers. Le propriétaire a
ainsi sa participation directe dans autant d'exploi-
tations distinctes.
On a souvent considéré le métayage comme une
pratique surannée, incompatible avec le progrès
agricole. Cette idée, dans sa généralité, est con-
traire à la vérité. Sans doute le métayage est la
forme la plus usitée de location des terres dans les
régions où l'agriculture est le moins prospère,
mais cela tient à l'absence générale de capitaux
dans ces contrées, et par suite à l'impossibilité de
trouver de bons fermiers. Mais quand le proprié-
taire est éclairé, qu'il s'occupe activement de dé-
velopper ses métairies, il obtient souvent des ré-
sultats tout à fait remarquables. La direction est
dans sa main. Si cette direction est bonne, les mé-
tairies prospéreront ; si elle est mauvaise ou si elle est
nulle, elles se traîneront péniblement dansl'ornière.
Dans le premier cas, il y a naturellement accrois-
sement de revenu pour le propriétaire.
Si l'on consulte les recensements de la popula-
tion agricole en France, on constate que le mé-
tayage va en diminuant, sans que le système du
fermage paraisse prendre une extension notable-
ment plus considérable. Ce fait tient à l'augmen-
tation du nombre des petits propriétaires cultivant
eux-mêmes leurs terres. Beaucoup de métayers
sont passés, durant les trente dernières années,
dans cette nouvelle catégorie. Aujourd'hui, sur 100
cultivateurs, en France, on compte 69 propriétaires
exploitant directement leurs terres, 10 métayers
ou colons et 21 fermiers. C'est dans les régions du
nord-est et de l'est que le système du fermage est
le plus répandu ; le métayage domine au contraire
dans les régions de l'ouest, du sud-ouest et du
sud. En outre, il est la règle presque générale pour
la culture des vignes.
[Henry Sagnier.]
F
FABLE. — Littérature et style, lïï. — « La
fable , dit l'Académie , est un récit dans le-
quel on cache une vérité, une moralité sous le
voile de quelque fiction. » C'est une fiction dont
l'imagination fait tous les frais, du moins où un
fond vrai se trouve modifié par des circonstances,
des détails imaginaires, et qui donne un corps
à la pensée, des formes sensibles à des objets
immatériels. « Fable, dit un auteur du xiii« siècle,
est uns contes que l'om dit des choses qui ne
sont pas voires (vraies) ni voirescmblables, si
comme la nef (navire) qui vola parmis l'air lon-
guement. »
La fable se distingue du simple apologue en ce
qu^'elle est un genre littéraire, une petite pièce
ayant sa vie propre. Il ne faut pas non plus la con-
fondre avec le conte. Le conte est un récit de quel-
que anecdote vraie ou imaginaire où ne figurent
que l'homme, les dieux, les génies. La fable fait
intervenir aussi les animaux, les choses inani-
mées. Dans La Fontaine, \e Héron est une fable, la
Fille est un conte. Le sujet est le môme, ainsi que
la moralité ; les acteurs dilTèrent.
L'élément dramatique est nécessaire à la fable,
aussi bien que la leçon de morale : le poète s'ef-
l'ace et laisse la parole à ses héros qui deviennent
des personnages. La Fontaine l'a dit avec une au-
torité qui fait loi : c'est
Une ample comédie à cent actes divers
Et dont la scène est l'univers.
La fable rappelle par des allusions perpétuelles
les acteurs correspondants du monde humain.
L'allusion élargit le cadre, l'applique aux hommes.
Les animaux deviennent sire Lion, dame Belette,
dom Pourceau, maître Renard, sa Majesté fourrée
le Chat, Jeannot Lapin, fils oU neveu de Pierre ou
de Guillaume ; c'est un vrai monde qui a des ca-
pitales : Ratapolis était bloquée. Il y a là une
représentation indirecte mais constante de la vie
humaine.
La fable remonte à la plus haute antiquité. On
a quelquefois attribué son origine à l'esclavage :
l'esclave, qui n'osait dire ce qu'il pensait, a traduit
ses sentiments dans la fable ; le faible, contraint à
déguiser ses leçons ou ses conseils, a eu recours
h l'apologue et, sous le couvert ingénieux d'une
agréable fiction, a su faire entendre une vérité pé-
rilleuse. Tout cela est vrai. Mais la fable a une
origine plus haute et plus universelle ; dans l'his-
toire de l'humanité elle date de plus loin. Elle
tient à l'esprit humain môme, elle est née de ce
besoin naturel que l'homme a toujours éprouvé
d'exprimer, soit dans les arts, soit dans la poésie,
ses pensées avec des emblèmes, des images. La
fable est avant tout une œuvre d'imagination
dans le sens propre du mot : c'est le bon sens popu-
laire qui, aidé de l'imagination, avant d'être sti-
mulé par a Nécessité l'ingénieuse, » a constitué la
fable originaire.
Quoi qu'il en soit de ses origines psychologiques,
historiquement la fable est née en Orient. L'Orient,
terre de mythes et de légendes non moins que de
despotisme et do servitude, s'est toujours entouré
d'images et de fictions : ses religions, ses tradi-
tions en sont pleines; outre l'anthropomorphisme
ou la figuration humaine du monde idéal, la mé-
tempsycose y est née : dans cette croyance, les
animaux sont les frères de l'homme et lui don-
nent des conseils. L'Asie, qui inventa la fable, l'a
transmise à la Grèce. Esope connut-il les fables
de l'Indien Pilpay, de l'Arabe Lokman, les apolo-
gues de l'Hébreu Salomon? La question est
oiseuse : il importe peu qu'Esope ait reçu ces
fables sous leur forme arrêtée. Il est évident
qu'elles couraient de paj's en pays, colportées
par la curiosité publique, popularisant par leurs
fictions agréables les vérités qu'elles voulaient en-
seigner. La fable est de tous les temps et de tous
les lieux. Elle a fleuri partout, mais c'est en
France qu'elle a trouvé son complet épanouisse-
ment : nul n'a égalé Vinimitable La Fontaine.
M. Taine distingue trois phases ou époques dis-
tinctes dans la fable. Elle n'est tout d'abord
qu'une leçon de morale pure et simple : la morale
n'en est pas seulement le fond principal, elle y est
FABLE
751 —
FABLE
tout : la fable n'est encore qu'un récit nu, court,
sans ornements ; c'est une forme populaire de la
))liilosopliic ou de la rhétorique. Doctes, senten-
tieuscs, lourdes, telles apparaissent les premières
fables. Enfantines, naïves, celles de la seconde
époque bégaient et balbutient d'un ton monotone
dans les conteurs du moyen âge. Légères, ailées,
poétiques au troisième âge, « elles s'envolent
comme cet essaim d'abeilles qui s'arrêta sur les
lèvres de Platon endormi et qu'un Grec aurait vu
se poser sur les lèvres souriantes de La Fontaine. »
C'est l'âge d'or de la fable, où l'esprit humain a
peut-être cueilli ses fleurs les plus riantes.
La fable ne doit-elle être qu'en vers ? Supporte-
t-elle la prose ? La poésie offre à la fable les plus
grands avantages : elle diminue l'amertume des
vérités parfois piquantes que son divin langage
adoucit sans les émousser ; elle les fait même en-
trer plus profondément dans l'esprit, et c'est une
vérité banale que le rythme du vers et, chez les
modernes, le retour régulier de la rime, aide sin-
gulièrement la mémoire. Une foule de vers de La
Fontaine sont devenus proverbes et rappellent
sans effort h l'esprit, sous une forme vive et popu-
laire, la sagesse dos nations : aussi, malgré l'auto-
rité et l'exemple de Patru, même do Fénelon, sem-
ble-t-il aujourd'hui que la question soit hors de
discussion, et qu'après La Fontaine la poésie seule
puisse désormais convenir à la fable.
Les anciens voulaient que la fable fût courte,
ils avaient raison : la leçon ne porte qu'à la con-
dition de ne pas plus fatiguer l'esprit que de rebu-
ter l'amour-propre. La brièveté est l'âme de la fa-
ble, a dit La Fontaine à qui appartient toujours le
dernier mot en cette matière. Quintilien voulait
même qu'elle ne comportât que peu de mots. Un
académicien de notre siècle n'a consacré que qua-
tre vers à chacune de ces fables : c'est une affec-
tation puérile. La fable est un poème en minia-
ture, et toute extension disproportionnée y est un
grave défaut ; mais il ne faut pas que la peur dun
mal nous fasse tomber dans im pire. Quelqu'un
s'est-il jamais plaint que, dans sa jolie fable le
Rat de ville et le Rat de^ champs, Horace ait dé-
passé de beaucoup les limites d'Esope et de Pllèdre ?
Et si La Fontaine avait à la lettre suivi le pré-
cepte de Quintilien, dont la postérité a heureu-
sement réformé l'arrêt, nous n'aurions ni les
Animaux malades de la peste, ni le Chêne et le
Roseau, ni les Deux Pigeons, ni même le Corbeau
et le Renard, et tant d'autres chefs-d'œuvre de
récit, d'action et de dialogue.
La fable doit rejeter tout ornement qui pourrait
détourner l'attention de la morale : même une
certaine négligence ne lui messied pas, a dit Ar-
nault. Le style est familier sans être choquant,
gracieux sans être efféminé, badin et riant sans
bassesse. Variant avec les sujets, il prend tous les
tons, et, de même que dans la comédie, s'élève
parfois jusqu'au sublime (/(? F/ei7/a?-rf et les Trois
jeujies hommes). Les rapprochements historiques,
les réflexions profondes ou piquantes y peuvent
trouver place, à la condition d'y être amenées na-
turellement.
Deux coqs TiTaient en paix : une poule survint,
Et voilà la guerre allumée.
Amour ! tu perdis Troie
(Les Deux coqs. YII, 13.)
Qui désigné-je, à votre aTÎs,
Par ce rat si peu secourable?
Un moine ? Non, mais un dervis.
Je suppose qu'un moine est toujours charitable.
(Le Rat qui s'est retiré du monde. VU, 3.)
Cette variété rend difficile de donner des règles
à la fable. Le genre d'ailleurs en comporte-t-il do
bien rigoureuses ? La Fontaine a fait des fables
oîi les règles ne sont pas observées, et Lamotte le
lui reproche doctement : cependant les fables les
plus défectueuses de La Fontaine ont un charme,
un intérêt que n'ont pas les plus régulières de
Lamotte. L'artifice de la fable consiste à déguiser
la sagesse de la leçon sous un air de naïveté :
c'est le secret de La Fontaine, que Lamotte n'a
point connu. La naïveté est donc la qualité maîtresse
du style, mais elle ne se conquiert pas. Quant à la
composition, il n'y a qu'une règle à observer,
mais celle-ci est invariable et ne doit jamais être
enfreinte : c'est de conserver les convenances du
sujet et les mœurs de chaque personnage ; le lion
ne saurait être timide, le lièvre courageux, la bre-
bis agressive, et par conséquent leur langage doit
se conformer à leur caractère et ne s'en écarter
jamais.
La fable n'est pas seulement un plaisir délicat de
l'esprit, elle est un enseignement utile. Elle doit
donc contenir une moralité: cela ne fait aucun
doute. Les plus anciens fabulistes sont des mora-
listes : « L'apologue, dit encore La Fontaine, est
composé de deux parties, dont on peut appeler
l'une le corps, l'autre l'âme. Le corps est la fable,
l'âme, la moralité. » Le corps doit être le plus
apparent; l'âme doit animer tout le récit, sans se
montrer à nu, sans lever le voile au moins jusqu'à
la fin. Les anciens pensaient autrement: chez eux
la donnée philosophique était tout; le récit, le
drame n'était qu'un moyen, non le but; ils le né-
gligeaient, ils l'abrégeaient pour arriver plus vite
à la conclusion morale. « Tout le progrès de la
fable, a-t-on dit avec raison, consiste dans le ren-
versement de ces deux éléments. » La moralité doit
être claire et ressortir directement du fait môme
mis en scène. Sa place n'a qu'une importance se-
condaire. Phèdre, La Fontaine la mettent indifle-
remment avant ou après l'apologue. Mais il est pré-
férable de l'exprimer que de la laisser deviner au
lecteur, comme le voulait Lamotte. La leçon (|ui
ménage et flatte notre amour-propre est trop utile
pour qu'on se prive de ce fécond et facile ensei-
gnement. Aussi Platon, qui chasse Homère de sa
P.épubhque, y a donné à Esope une place hono-
rable. Et "Voltaire a dit justement : « Les belles
fables de l'antiquité ont ce grand avantage sur
l'histoire, qu'elles présentent une morale sensible:
ce sont des leçons de vertu, et presque toute l'his-
toire est le succès du crime. »
Avec tous ces mérites, les fables ne pouvaient
pas ne pas trouver place dans les écoles; de tout
temps, en tous lieux elles sont entrées pour une
large part dans l'instruction et l'éducation de l'en-
fance. Quintilien recommande comme premier
exercice littéraire de faire raconter les fables aux
enfants dans un langage correct et simple, et de
les écrire ensuite avec soin en conservant la même
simplicité: ce qui consiste premièrement h. faire
rompre le vers, puis à le traduire en d'autres mots,
et enfin à le paraphraser avec plus de hardiesse,
tantôt en abrégeant, tantôt en amplifiant, con-
servant toujours le sens du poète. Et il ajoute que
l'enfant qui arrive à réussir dans ce travail ne
peut manquer de réussir à tout autre. Sans doute
les enfants seuls n'en tireront pas tout le fruit, ils
n'y apercevront pas la leçon qui y est voilée; mais
si elle leur est montrée, ils la saisiront plus claire-
ment que dans l'histoire. Un maître habile saura
bien les y aider, et les initier à ces exercices qui
offrent autant d'intérêt que de profit et qui sont à
la portée des plus jeunes.
Les principaux fabulistes sont, dans l'Inde, Bidpal
ou Pilpay; en Arabie, Lokmann; dans l'Asie
Mineure et en Grèce, Esope, dont les fables ont
été remaniées et mises en vers par le Syrien Ba-
brias, qui vécut vraisemblablement au troisième
siècle de notre ère. A Rome, on trouve des fables
chez différents écrivains, mais il n'y a de fabuliste
FACULTÉS DE L'AME
7o2 — FACULTÉS DE L'AME
proprement dit que Phèdre. Au moyen âge, les
fabliaux iV. ci-dessous) tiennent le milieu entre la
fable et la nouvelle. Les Romans de Rennrt sont
une fable continue. Marie de France, Rutebœuf,
Gilles Corrozet, Guill. Haudent, Guill. Guéroult,
Marot, Régnier ont écrit des fables en français.
La Fontaine a surpassé tous ses devanciers : en
les imitant, il a mérité le nom d'inimitable. Après
lui Lamotte, Florian, Aubert, Le Bailly. Arnault ;
et, de nos jours, Andrieux, Aimé Naudet, Vien-
net, Lachambaudie, ont montré de la grâce, du
naturel, de la vivacité, de l'esprit. L'Italie semble
tenir le premier rang après la France dans la
fable avec Alberii, Baldi, Passeroni, Pignotti, Ber-
tola, Casti. Les Allemands estiment les fables de
Gellert, L. Gessner, Lessing. Les Anglais citent
avec éloge Gay. Dodslcy, Tli. Moore ; les Espa-
gnols, Th. de Ynarte, Samaniego; les Polonais,
Kranicki ; les Russes, Kriloff, à qui les meilleurs
juges s'accordent pour donner la seconde place
après La Fontaine.
Fabliau. — On appelait fabliau (diminutif de
fahlc), dans les premiers âges de la poésie fran-
çaise, du XII' au XIV" siècle, un récit, générale-
ment plaisant, parfois dramatique, plus étendu
que la fable proprement dite ; les trouvères y
donnaient carrière à leur malice et à leur esprit
satirique, ou cherchaient à intéresser par le récit
d'une aventure touchante. Le fabliau fut d'abord
en vers ; ce n'est qu'à partir du xv' siècle que la
forme rimée fit place à la prose.
Ce genre, léger de forme, mais souvent grave
de sens, avec sa variété de sujets, de tons et d'al-
lures, reflète à merveille les événements, surtout
l'impression qu'ils ont produite sur les contempo-
rains, les idées, les modifications successives du
caractère national. Il excelle à mettre en relief,
en les frondant, les mœurs, les opinions, les
usages, les préjugés, les travers, la manière d'être
et de vivre de nos pères. La société du moyen âge
s'y retrouve tout entière, peinte parfois un peu en
déshabillé, mais vraiment sur le vif. C'est, en de-
hors de l'histoire officielle, une mine abondante de
détails précieux qui ne se trouvent que là.. C'est
aussi la source qui fournit au grammairien les
plus riches documents pour l'étude de notre langue
primitive.
Il n'y a pas que les historiens et les philologues
qui y trouvent leur compte. La Fontaine y a puisé
largement, en homme qui, riche de son fonds, ne
craignait pas de prendre son bien où il le trouvait.
Les étrangers ne l'ont pas dédaigné: Boccace y a
pris le sujet de ses meilleurs contes et des plus
fins. Marot, Rabelais, Voltaire, tous les écrivains
de tradition gauloise y ont fait de larges emprunts.
La comédie s'en est inspirée, à l'exemple de Molière
qui doit, entre autres, quelques scènes du Malade
imaginaire à la Bourse pleine de sen^! de Jean
Legallois d'Aubepierre, l'idée première du Médecin
malgré lui au Vilain Mire, et le sujet de Georges
Dandin à un épisode du Dolopathos. Boileau, ainsi
que La Fontaine, a emprunté la jolie fable de
VHuitre et les Plaideurs au fabliau les Trois dames
qui trouvèrent un anel. Le fameux conte de Zadig,
de Voltaire, est en partie tiré du fabliau l'Ermite.
La comédie, la fable se sont enrichies des dé-
pouilles du fabliau, sans l'appauvrir. De nos jours
encore, l'opéra-comique, la féerie y trouvent sans
cesse des sujets nouveaux d'intrigues légères et
enjouées, des chants ou des prétextes à décors. Le
fonds en est inépuisable, et La Fontaine aurait pu
dire du fabliau avec non moins de raison que de
l'apologue :
... Ce champ ne se peut tellement moissonner
Que les derniers venus n'y trouvent à glaner.
[A. Pressard.]
FACULTÉS DE L'ASIE. — Psychologie et mo-
rale, IL — Avant d'étudier et de classer les facul-
tés, c'est-à-dire les diverses puissances, les diver-
ses fonctions de l'âme, il est nécessaire de définir
l'âme elle-même, d'en déterminer l'idée, et aussi
d'indiquer l'origine, d'esquisser l'histoire de cette
idée.
Avant d'être considérée, ainsi qu'elle l'est aujour-
d'hui, comme le principe immatériel des phénomè-
nes moraux, l'âme a été conçue sous une multitude
de formes. Chez les peuples primitifs, il semble
que la croyance à l'âme ait été suscitée par les
phénomènes du rêve et par les manifestations de
la vie. D'une part, frappés de revoir dans leurs
songes, comme si elles vivaient encore, comme si
elles étaient réellement présentes, les personnes
que l'espace ou la mort séparaient d'eux, les sau-
vages ont été naturellement conduits à croire aux
iantômes et aux esprits. D'autre part, la puissance
cachée qui anime l'homme vivant, qui s'évanouit
quand il meurt, a dû être prise de bonne heure
pour un principe distinct et indépendant du corps.
L'âme vitale, l'âme fantôme, telles sont les deux
formes qu'affecte le spiritualisme grossier des
peuples enfants. Pour eux l'âme n'est pas le privi-
lège de la nature humaine : il y a une âme chez
l'animal, il y en a même une chez la plante. De
même qu'elle a débuté par le polythéisme dans sa
conception de Dieu, l'humanité a commencé par
le polyanimisme dans sa conception de l'âme. Les
races primitives considèrent volontiers les ani-
maux comme les semblables de l'homme, leur
attribuent des âmes immortelles et croient à un
paradis des bêtes. Les Esquimaux, dit-on, enter-
rent dans la tombe des petits enfants une tête de
chien, afin que l'âme du chien serve de guide vers
le séjour des bienheureux à l'enfant encore inca-
pable de se conduire.
On a cru longtemps à l'âme des arbres. Du temps
de saint Augustin, les Manichéens croyaient encore
que les plantes possèdent des principes sensi-
bles et intelligents. Bien plus, les choses elles-
mêmes, les objets inanimés, les pierres, les outils,
les armes passaient à l'origine pour avoir des âmes.
Chez les Fidgiens, dans l'Océanie, le paradis reçoit
les âmes des haches, des ciseaux, quand ces in-
struments se brisent au service des hommes. En
résumé, au début de la pensée humaine, l'âme a
été considérée comme un principe universel, inhé-
rent à tous les êtres : principe de permanence et
de forme dans les choses inertes, principe de vie
et de sensibilité chez les animaux et les plantes.
Mais ces âmes multiples, l'imagination sensible
des hommes les a longtemps conçues comme ma-
térielles. Chez les premiers philosophes grecs, l'âme
humaine est de même nature que les éléments de
l'univers: tantôt on la confond avec l'air, tantôt
avec le feu. Avant Platon, on ne s'élève guère à la
notion de la spiritualité. Ce qui frappe surtout les
premiers théoriciens de l'âme, c'est qu'elle est un
principe de mouvement: aussi fait-on d'elle quelque
chose d'ailé et de mobile. Le papillon sert de sym-
bole à l'âme, et le mot psyché a les deux sens. De
même Démocrite se représente l'âme comme un
atome sphéroïde, parce que les corps ronds se
meuvent plus aisément et glissent à travers les
choses. Du reste, la conception matérialiste de l'âme
n'est pas seulement le fait des âges primitifs: on
la retrouve jusque chez les premiers docteurs de
l'Église chrétienne. Tertullien, Arnobe, saint Iré-
née, saint Justin, croient que l'âme est un corps,
bien qu'ils lui promettent une destinée immortelle:
tant il est vrai que l'intelligence est condamnée î»
tâtonner et ne s'élève que péniblement au-dessus-
des idées sensibles. Chez les Chinois, quand un
homme est mort, on fait des trous dans la toiture
pour que l'âme puisse s'envoler; chez certaines
peuplades sauvages, on pratique, dans la même
intention, une ouverture dans le cercueil. Même
FACULTÉS DE L'AME — 753
FACULTÉS DE L'AME
aujourd'hui, dans quelques parties de l'Europe, on
a conservé l'habitude de laisser la porte ou la fenê-
tre ouverte dans la cliambre du mort.
L'homme ne s'est élevé que lentement à la con-
ception d'une âme absolument immatérielle et
distincte du corps. Un philosophe grec, Platon, un
])ère de l'Église, saint Augustin, un philosophe
français. Descartes, sont les vrais fondateurs du
dogme de la spiritualité. Pour Platon, l'âme est
dans le corps comme un prisonnier dans sa cellule,
ou comme un pilote dans un bateau. Saint Augustin
déclare que a l'âme n'a aucune qualité corporelle,
comme la dimension, la forme ou la couleur... A la
matière seulement appartient l'étendue. Tout ce qui
n'est pas matière et qui cependant existe s'appelle
proprement esprit. » Enfin Ôescartes. avec plus de
précision encore et de force, a insisté sur la distinc-
tion fondamentale de la matière et de l'esprit, de
l'étendue et de la pensée : si bien que Malebranche,
un cartésien, pouvait dire à la fin du xyii" siècle :
« On a le droit d'affirmer avec assurance que l'on
n'a point assez clairement connu la différence de
l'âme et du corps que depuis quelques années.»
Mais il restait encore et il restera toujours beau-
coup à faire, même après les efforts de Descartes,
pour éclaircir et compléter la notion de l'âme. La
science moderne n'a sans doute pas réussi à résou-
dre tous les problèmes qu'implique l'étude de la
nature morale de l'homme, mais elle a rectifié
sur plusieurs points les erreurs du spiritualisme
cartésien. Descartes avait le tort de confondre l'âme
avec la pensée, de sorte que dans son système il
ne pouvait être question de l'âme des bêtes, qui ne
pensent point. Descartes se trompait aussi quand
il faisait de la conscience le caractère essentiel de
l'âme ; mieux informée, la psychologie nouvelle
n'hésite pas à attribuer à l'âme un grand nombre
de phénomènes inconscients. Enfin Descartes, n'of-
frant à l'activité de l'âme d'autre domaine que le
monde intellectuel des idées, la concevait comme
un principe trop désintéressé de la vie physique,
trop étranger à la nature , trop affranchi de
l'organisme. On sait aujourd'hui que l'âme, quelle
que soit la nature de son essence, participe, soit
par les influences qu'elle exerce, soit par celles
qu'elle subit, à toutes les fonctions de la vie.
Voici donc quelle est, dans ses traits généraux,
pour le spiritualisme contemporain, la conception
de l'âme : 1° L'âme est une force immatérielle,
mais en même temps liée à des organes matériels,
conditionnée à des lois physiques. Le philosophe
qui serait tenté d'oublier cette corrélation est fort
exposé à ce qu'une fatigue cérébrale, attachée à
tout effort prolongé, ne lui rappelle, au beau mi-
lieu de ses méditations, que le cerveau prend, lui
aussi, sa part du travail de l'intelligence. Qui donc
songerait à rééditer aujourd'hui ce que M. Barthé-
lémy Saint-Hilaire écrivait, il y a trente ans, dans
sa Prefaci à la Psychologie d'Aristote : « Je crois
que la physiologie n'a rien à faire dans un traité
de l'âme » ? 2" L'âme est une force active qui a
ses énergies propres, sa spontanéité indépendante,
mais que limitent et déterminent non seulement
les conditions intérieures du tempérament, mais
les conditions extérieures de la société et du climat,
du miUeu moral et du milieu physique où elle est
appelée à vivre. 3° L'âme enfin esi une force indi-
viduelle, qui développe peu à peu dans le cours
de la vie sa personnalité, mais que dominent au
début et que modifient en partie les lois encore
mystérieuses de l'hérédité. Ce que nos pères ont
senti, ce qu'ils ont pensé, ce qu'ils ont fait il y a
cinq cents ans, il y a mille ans peut-cire, tout cela
se retrouve en nous dans une certaine mesure, tout
cela agit à distance sur noire caractère, sur la forme
de nos âmes.
Quelle que soit d'ailleurs la théorie adoptée sur
la nature intime de l'âme, ce qui est certain pour
2« Partie.
tous les penseurs, à quelque école qu'ils appar-
tiennent, c'est qu'il y a dans l'être iiumain un cer-
tain nombre de manifestations morales, distinctes
des phénomènes physiologiques, et qui constituent
le domaine propre de la psychologie. Ces phéno-
mènes, qui se succèdent durant toute la vie, et
que le sommeil seul vient suspendre ou tout ati
moins ralentir, ont cette qualité commune qu'ils se
révèlent immédiatement à nous par le sens intime :
ce sont des états conscients ou qui peuvent le de-
venir. Notre raison les rattache tous à un même
principe, que nous concevons comme une cause et
comme une substance, comme la cause qui les
produit, comme la substance dont ils sont les modi-
fications successives.
Mais quoiqu'ils aient tous pour caractère d'être
connus ou de pouvoir être connus par la conscience,
sans tomber sous les sens, les phénomènes moraux
présentent, si on les examine de près, certaines
diversités qui permettent de les diviser et de les
distribuer en plusieurs catégories. Ces catégories
ont pris le nom de familtés. Elles sont à l'âme ce
que les propriétés sont à la matière inanimée et
les fonctions aux corps organisés.
11 ne saurait être question en effet de prendre
les facultés, comme on l'a fait autrefois, pour des
entités indépendantes, pour des forces distinctes
qui seraient comme des intermédiaires entre l'âme
et ses opérations. Les facultés ne sont que des
dénominations générales et abstraites, sous les-
quelles les psychologues rangent, pour la commodité
de leurs expositions, les familles de faits analogues
qu'ils ont distinguées dans l'âme.
Rappelons brièvement les divers essais de classi-
fication qui ont tour à tour été proposés. Dans
l'antiquité, Platon distinguait déjà trois parties dans
l'âme : l'intelligence ou la raison {nous, logos), le
cœur ou le courage, source des passions nobles et
élevées J/iymos), le désir ou la sensibilité inférieure
{éiiitht/mia). Aristote, à son tour, après avoir ac-
cordé une âme végétative à la plante et une âme
sensitive à l'animal, semble reconnaître chez
l'homme quatre facultés principales : 1° l'inclina-
tion ; 2» la faculté motrice ; 3° la volonté ; 4° l'in-
telligence.
Au xvii= siècle, chez Descartes et ses disciples,
nous voyons les facultés ramenées à l'entendement
et à la volonté : la sensibilité est omise. D'autre
part, Bossuet confond la volonté et l'entendement
sous la même dénomination d'opérations intellec-
tuelles, et établit une classe à part pour les opéra-
tions sensitives.
C'est en Allemagne et au siècle dernier, chez les
psychologues à peu près ignorés de l'époque qui
s'étend entre Wolf et Kant, que pour la première
fois a été établie avec quelque précision la distinc-
tion aujourd'hui banale des trois formes de l'âme :
la sensibilité, l'intelligence et la volonté. Niée par
les sensualistes qui, comme Condillac, ne veulent
voir dans les phénomènes psychologiques que les
transformations d'un fait primordial unique, qui se-
rait la sensation, la division triple des facultés mo-
rales a été admise par la plupart des autres philo-
sophes. Kant lui-même s'est conformé à ce principe
de division, en écrivant la Critique de la Raison
pure, la Critique de la liais"7i pratique et la Criti-
que duJi'g-'ment, qui correspondent précisément à
l'intelligence, à la volonté ou à l'action, au plaisir
ou à la peine, c'est-à-dire à la sensibilité. Reid, il
est vrai, revient à la théorie cartésienne en distin-
guant seulement les facultés actives et les facultés
intellectuelles : il fond la sensibilité en partie
dans l'intelligence, qui comprendrait les sens et les
émotions du goût, en partie dans les facultés acti-
ves, auxquelles il faudrait rattacher les sentiments
affectueux ou malveillants. Mais, de plus en plus,
et malgré les tentatives isolées de quelques pen-
seurs qui comme les phrénologues, proposent des
48
FACULTÉS DE L'AME — 754 —
FALSIFICATIONS
classifications beaucoup plus compliquées et plus
longues, les philosophes des écoles les plus diver-
ses, les positivistes comme les spiritualistes, ceux
qui doutent de l'existence de l'âme, comme ceux
qui y croient le plus fermement, se mettent d'ac-
cord pour diviser la science mentale en trois dé-
partements. C'est ainsi que M. Bain, l'un des plus
illustres représentants de la psychologie anglaise
contemporaine, admet les trois classes suivantes :
1* le sentiment, qui comprend les plaisirs et les
peinps : Ins mots éinotinn, passion, afTnctinn, sont
des synonymes du sentiment ; 2» la volition ou
volonté ; 3" la pensée, intelligence ou connaissance ;
les sensations se rangent en partie dans la classe
du sentiment, en partie dans celle de la pensée.
On a donc quelque droit de considérer comme
définitive la division classique des trois facultés de
l'âme, sensibilité, intelligence, volonté. Ces trois
attributs épuisent la définition de l'esprit, et l'âme
peut être considérée comme une force qui sent, oui
pense et qui veut : ce qui revient simplement à dire
qu'elle se manifeste successivement nar des senti-
ments ou sensations, par des pensées, par des vo-
lontés.
Il est bien entendu d'ailleurs qu'en fait les divers
états de conscience qui constituent la série des
événements de l'âme n'existent guère isolément et
ne sont pas indépendants les uns des autres. Les
lacultés collaborent et s'entr'aident; les phénomènes
se mêlent et se confondent, au point qu'il est pra-
tiauement difficile, sinon impossible, de les isoler,
d'établir entre eux une ligne de démarcation abso-
lue. Ainsi l'intelligence s'associe à tous les actes de
l'âme. Il n'y a pas de plaisir ou de peine, d'afi'ec-
tion ou d'aversion qui n'implique plus ou moins
l'idée de l'objet agréable ou désagréable, aimé ou
déteste. De même il n'y a pas de volonté qui ne
suppose la connaissance vague ou précise de l'acte
Qu'on est résolu à accomplir et des motifs pour
lesquels on s'y est déterminé. Il est rare que l'âme
existe dans un état exclusif : mais les nécessités
ae l'explication exigent que le psychologue sépare
dans la théorie ce qui est uni dans la réalité.
Ajoutons que chaque classe ou chaque faculté
comprend un grand nombre de faits, analogues
sans doute et semblables par certains côtés, puis-
qu'on peut légitimement les rattacher à un même
principe, mais qui présentent aussi de notables
difi'érences. Cette diversité est attestée par la mul-
titude de mots que l'usage a consacrés pour dési-
gner sous leurs formes multiples et dans leurs dé-
licates nuances les trois faits essentiels de l'âme.
A la sensibilité, par exemple, se rapportent les in-
clinations, les penchants, les émotions, les pas-
sions, les affections, etc., de sorte que la difficulté
est surtout, une fois les trois grandes catégories
déterminées, d'y établir des subdivisions exactes et
appropriées. (V. Intelligefice, Sensibilité, Volonté.)
11 ne nous reste plus qu'à indiquer les caractères
distinctifs de chaque faculté. Pour faire comprendre
ces différences, le mieux est peut-être de s'en rap-
porter à l'expérience personnelle de chacun, et de
donner des exemples. La chaleur que procure le
soleil, le parfum qu'on respire auprès des fleurs,
la saveur douce du miel, l'émotion que cause la
vue d'un beau tableau, la douleur qu'on ressent en
perdant un ami. voilà des sensations et des senti-
ments. La perception de la forme d'un objet, le
souvenir d'un événement passé, l'image qu'on garde
dans l'esprit d'un monument, d'un paysage, l'idée
d'une qualité commune à un grand nombre d'êtres,
comme la méchanceté ou la vprtu, les raisonnements ;
de la géométrie, voilà des faits intellectuels. Enfin }
les actes que l'homme accomplit lorsqu'il marche, ,
lorsqu'il court, lorsqu'il mange, lorsqu'il parle, j
lorsqu'il écrit, voilà des faits qui ont tous pour |
cause initiale la volonté. Tout homme qui compa- i
rera ces trois séries de phénomènes trouvera de I
lui-même dans sa conscience les raisons qui em-
pêchent de les confondre, et de cette comparaisor.
sortira une définition exacte des trois faculté;:. La
sensibilité est le pouvoir d'aimer et de haïr, par
suite d'éprouver du plaisir ou de la peine ; l'intel-
ligence, la faculté de connaître, de comprendre ;
la volonté, la faculté d'agir avec réflexion.
L'intelligence étant le fonds commun de tous les
phénomènes moraux, peut-être est-ce par elle qu'il
faut commencer quand on veut clairement aperce-
voir la nature des facultés ; une fois qu'on aura
bien compris ce qu'est un phénomène intellectuel,
il sera facile de saisir ce qu'y ajoutent dans certains
cas la sensibilité et la volonté. Or, le fait intellec-
tuel consiste essentiellement à se représenter un
objet sensible ou abstrait, simple ou composé, par-
ticulier ou général. A ce phénomène qui implique
toujours une certaine dualité, la dualité du sujet
pensant et de l'objet pensé, la sensibilité ajoute
une émotion toute subjective, tout intérieure, où
notre âme seule est en jeu. Enfin, si la volonté
intervient, l'âme manifeste des caractères tout
nouveaux , ceux d'une force qui se développe
spontanément par elle-même, trouvant dans ;es
ressources propres le principe de son activité
La légitimité de la distinction des facultés ne
saurait donc faire de doute pour personne : mais il
faut se garder d'attacher à cette œuvre de classi-
fication plus d'importance qu'elle ne mérite. Ce qui
est autrement intéressant pour le psychologue,
c'est de décrire minutieusement les faits, afin de
les ramener, non pas seulement aux classes qui
les comprennent, mais aux lois qui les gouvernent.
[Gabriel Compayrc.J
FALSIFICATIONS. — Hygiène, IX.XVÏI. —
Dans le sens le plus large du mot, on entend par
falsific'ition l'addition volontaire à une matière
quelconque d'un produit étranger, dans un but de
fraude et de lucre. Le mot adultération se prend
dans la même acception.
Il y a souvent lieu d'étendre le sens des mots
adultération et falsification. Ainsi le mélange d'une
matière altérée, c'est-à-dire qui a subi spontané-
ment ou accidentellement une détérioration plus
ou moins considérable, à une quantité de môme
matière saine, constitue évidemment une falsifi-
cation.
Dans certaines circonstances, la falsification,
tout en ayant pour but le lucre, ne constitue une
fraude que si elle est déguisée. Ainsi l'on vend
communément sous le nom de soutirage un mé-
lange de vins — supposés chacun sain et pur —
dont les qualités et les défauts se mitigent de
manière à former une boisson salubre et plus
agréable que chacun des vins employés à cette
sorte de fabrication. C'est là une pratique admise
dans le commerce ; elle est utile, et ne constitue
une fraude que si l'on vend le soutirage pour un
vin de cru : une telle falsification est considérée
comme innocente. En fait, le mélange de vins na-
turels de divers crus n'est pas plus coupable que
celui du lait de plusieurs vaches, — à moins de
stipulations contraires.
Mais les choses ne se passent pas toujours aussi
simplement. On ajoute du tartrate neutre de po-
tasse, du tannin, du sucre, de l'alcool, à des vins
acides, gras, amers, faibles. Ce sont des produits
étrangers, par conséquent il y a falsification. Mais
ces produits existent naturellement dans le vin.
Au lieu de les employer en nature, ce qui est sou-
vent le plus commode, on pourrait se servir de
vins riches en ces matières pour opérer un simple
mélange. Le résultat final serait le même : masquer
ou corriger les délauts d'un produit naturel. Si le
mélange est permis pour les soutirages, pourquoi
défendrait-on l'emploi du tartrate neutre dépotasse,
du tannin, du sucre, de l'alcool'?
Pour ce qui concerne le sucre et l'alcool de vin
FALSIFICATIONS
— 755 —
FALSIFICATIONS
on a reconnu l'importance et l'innocuité de leur
addition à certains moûts et même à certains vins
faits; les Cliambres ont été saisies de projets de loi
tendant à dégrever l'alcool et le sucre destinés à
cet usage. Voilà donc des falsifications qui seraient
sanctionnées par la loi.
Mais la loi permettra-t-elle aussi le plâtrage?
Les avis sont partagés quant à l'opportunité de
cette pratique, qui introduit assurément dans le
vin un produit étranger, lequel y devient du sulfate
de potasse, sel légèrement purgatif.
Ces exemples, que nous pourrions multiplier in-
définiment, suffisent pour urouver que dans les
questions de falsification il y a lieu très souvent à
interprétation ; que les coutumes établies et géné-
ralement connues, la nature des suDstances em-
ployées, le but de leur emoloi, les résultats obte-
nus, sont autant de circonstances qu'il laut ap
précier pour conclure.
Aous venons de voir que certaines falsifications
sont utiles, innocentes et légales. On devrait ré-
server à ces opérations le nom de manifjulatlm, le
seul qui exprime exactement une préparation en
vue de l'amélioration, de la mise en vente d'un
produit. On dit déjà d'ailleurs : des vins travaillés.
Le Champagne est de ce nombre, et cependant per-
sonne ne s'est avisé de dire que c'était un vin fal-
sifié.
Si les manipulations n'avaient pas dégénéré en
falsifications coupables et dangereuses, les légis-
lateurs n'auraient pas eu à s'en occuper. Mais l'ap-
pât du gain a fait inventer mille moyens de déna-
turer les produits, de les substituer les uns aux
autres, de manière à tromper l'acheteur. Dans ces
cas il y a toujours tromperie sur la qualité de la
marchandise vendue, ce qui constitue un délit, un
vol ; souvent il y a aussi un crime véritable, équi-
valent aux coups et blessures et à l'homicide par
imprudence. C'est ce qui arrive toutes les fois que
l'on ajoute à une substance alimentaire un produit
capable de nuire à la santé. Notons d'ailleurs que
ces additions criminelles n'éveillent pas d'ordinaire
l'attention des consommateurs. Le mal se fait in-
sensiblement, graduellement, l'empoisonnement
est assez lent pour ne pas causer d'alarmes, et l'on
attribue à d'autres causes les symptômes auxquels
il donne lieu. Au point de vue de la justice, quelle
différence y a-t-il entre tuer un homme en dix ans
ou lui faire prendre d'un coup une dose mortelle de
poison ? On pourrait dire que dans le premier cas le
crime mérite un châtiment plus sévère, parce que
le coupable avait plus de chances d'échapper à la
loL
Il résulte des enquêtes partielles auxquelles
donnent lieu les procès et auxquelles se livrent,
d'office, les conseils d'hygiène et de salubrité,
que notre législation sur les falsifications est en-
core incomplète et laisse impunis un grand nom-
bre d'abus .
Si une législation simple et facilement applica-
ble faisait cesser les fraudes sans nombre qui sont
devenues courantes dans presque tous les com-
merces et les industries, tout le monde y gagne-
rait au point de vue matériel et moral.
Nous ne pouvons passer ici en revue les falsifi-
cations auxquelles sont soumises les substances
alimentaires et les boissons. Le sujet comporterait
un gros livre. Nous devons nous borner à signaler
celles qu'il importe le plus de connaître dans la
vie pratique.
Le sujet des falsifications, trop riche même en
restant dans les limites du sérieux et du vrai, a
souvent été agrémenté d'anecdotes plus ou moins
fantaisistes. Il ne suffit pas qu'un filou éhonté ait
fabriqué du café avec de la terre glaise moulée,
du lait avec de la cervelle de veau, des truffes avec
du mérinos, pour que l'on présente ces exceptions
comme des fraudes courantes et ordinaires. Mieux
' vaut se Dorner à indiquer celles qui donnent lieu
j à des abus fréquents dans le commerce de détail.
I Farines. — La falsification la plus commune
consiste à mélanger les différentes qualités saines
ou avariées. Le commerce reconnaît quatre quali-
tés qui diffèrent par la blancheur et par la propor-
tion de gluten qu'elles contiennent. Les deux pre-
mièrps seulement conviennent à la fabrication du
pain blanc.
Dans les terres mal entretenues et cultivées sans
soin, les céréales sont souvent envahies par des
plantes dont les graines se trouvent mêlées, lors
de la moisson, avec celle du blé, de l'orge, etc.
Les plus communes sont le Melampyrurn arvvnse
(Mélampyre des champs, blé de vache, rougelle) ;
— le Lychnis githago (nielle des blés) qui donne
au pain un goût acre ; — le Siîiapis arvensis (mou-
tarde sauvage, que les boulangers appellent chico
ti") ; — le Lolium tumutvntum (ivraie^ , la plus
dangereuse de ces graines malfaisantes.
Si les grains n'ont pas été parfaitement nettoyés,
ces graines sont moulues avec eux et donnent à la
farine, avec un goût désagréable, des propriétés
nuisibles, surtout pour les enfants.
Dans les années de cherté excessive, on falsifie les
farines de blé avec celles de mais, d'orge, d'avoine,
de seigle, de riz, de féverolles, de pois, avec de la
fécule de pommes de terre, etc., etc. Ces mélan-
ges n'ont rien de dangereux, mais constituent une
fraude. Le pain fait avec une farine de blé addi-
tionnée de farine de féverolles perd en apparence
sans perdre en qualités nutritives ; mais l'addition
de fécule diminue notablement la valeur nutritive
d'une farine.
On a quelquefois ajouté aux farines des poudres
de plâtre, de craie, de chaux, etc., mais cette
fraude est trop facile à reconnaître pour qu'on s'y
livre régulièrement. Il suffit pour la découvrir de
délayer un peu de farine suspecte dans une grande
quantité d'eau, de laisser reposer un instant et de
décanter. Les poudres minérales se reirouyent au
fond du vase ; on les isole complètement par de
nouveaux lavages.
Souvent on ajoute un peu d'alun aux farines
pour les rendre plus blanches. Pour le découvrir,
on délaye un peu de farine dans de l'eau, on filtre,
on évapore presque à siccité et le liquide offre
une saveur astringente particulière.
Pain. — Le prix du pain devrait être basé sur
sa richesse en gluten ou matière azotée. Il est dé-
sirable qu'un règlement régularise, à ce point de
vue, le commerce de la boulangerie. Alors on au-
rait le droit de s'opposer à la pratique journalière,
qui consiste à vendre au même prix des produits
dont la valeur varie de 30 à 40 p. 100. Il ne serait
pas plus difficile de titi^er les farines que les al-
cools. Aujourd'hui les falsifications de la farine de
blé dur par l'addition de farine de blé tendre
échappent aux mesures administratives, et causent
un grave détriment aux travailleurs.
L'adultération la plus redoutable à laquelle on
ait soumis le pain est l'addition de sulfate de cui-
vre. Il est ^Tai que la quantité employée ordinaire-
ment est très faible, et que, répartie uniformément
dans la pâte, elle ne pourrait causer, aux adultes
surtout, aucun accident sérieux, si ce n'est peut-
être par un usage très longtemps prolongé. Mais il y
a danger éndent à permettre l'introduction d'une
substance vénéneuse dans un aliment, surtout
lorsque la manipulation est confiée à des person-
nes ignorantes et sans responsabilité.
Pour reconnaître la présence du cuivre dans le
pain, il faut recourir à une analyse minutieuse,
attendu que le son en contient naturellement et
qu'il y a toujours du son dans le pain bis. Mais
s'il s'agit de pain bien blanc, une goutte de solu-
tion aqueuse de cyanure jaune de potassium suffit
pour déceler le cuivre ajouté, en produisant une
FALSIFICATIONS
— 756 —
FALSIFICATIONS
teinte rose jaunâtre dès que la proportion de sul-
fate de cuivre atteint un dix-millième.
Lait. — On s'est ingénié, dans les villes, à cacher
de diverses manières les deux fraudes auxquelles
on y soumet le lait: l'écrémage et le mouillage.
On y a ajouté de la gomme, du sucre, de la dex-
trine, de la gélatine, des blancs d'œuf battus, qui
produisent une mousse à laquelle on donne le nom
de crème. Cependant on peut dire qu'aujourd'hui la
fraude se borne à enlever tout ou partie de la
crème et à étendre d'eau le lait pur ou écrémé.
Ces deux fraudes se font chez tous ceux qui
vendent ou manipulent le lait. On les constate
chez le producteur, chez le ramusseury chez le
crémier.
Voici les moyens usuels de reconnaître le lait
pur de qualité moyenne : aucun dépôt ; pas de flo-
cons ou de grumeaux pendant l'ébuUition ; pelli-
cule épaisse, consistante, en refroidissant ; pro-
portion de crème variant de 8 à 10 p. lOO, au bout
de 24 heures, pour le lait non bouilli.
Les marchands ont l'habitude de verser dans le
lait, sous le nom de conservatfW\ une solution de
bicarbonate de soude dans de l'eau. La proportion
ordinairement employée introduit un demi-gramme
de ce sel par litre de lait. Celte quantité est insigni-
fiante pour un adulte qui ne consomme pas plus
d'un tiers à un demi-litre de lait par jour, mais elle
peut offrir des inconvénients pour les enfants
et pour les adultes qui suivent un régime lacté.
beurre. — On ajoute quelquefois au bourre de
l'amidon, de la farine, de la pulpe cuite de pom-
mes de terre, du fromage blanc; mais ces falsifi-
caiions sont trop grossières pour être dangereuses.
On les découvre immédiatement en faisant fondre
le beurre : les matières étrangères se déposent.
Les fraudes les plus communes consistent en des
mélanges de suif, de stéarine, de saindoux. La
simple fusion peut servir à reconnaître ces falsi-
fications. Ainsi, le beurre fond à une chaleur moin-
dre que le suif et la stéarine ; puis en refroidissant
il se fige à une température plus basse. Si l'on
chauffe, jusqu'à roussir, le beurre suspect, l'odeur
caractéristique peut aussi déceler le mélange.
Le beurre pur fond sur la langue sans y pro-
duire, comme les autres corps gras solides, une
sensation de granulation. Si on le lisse avec un
couteau, on produit une surface plus nette, plus
unie, que s'il est mélangé.
Des industriels sont parvenus à incorporer mé-
caniquement au beurre jusqu'à la moitié de son
poids d'eau. Lorsque le vol est poussé aussi loin,
on le reconnaît au peu de cohésion de la masse
qui se désagrège très aisément.
Lorsque la proportion de sel dans les beurres
dit S"/o;s dépasse 8 p. 100, cette substance y a été in-
troduite en vue d'augmenter le poids et l'hu-
midité.
Il est fréquemment d'usage de colorer le beurre
qui est naturellement pâle. Si l'on n'emploie que
des couleurs inoffensives, il n'y a là qu'une fraude
vénielle, car le beurre se goîite d'ordinaire avant
de l'acheter ; la couleur constitue une qualité de
convention.
Depuis quelques années on fabrique avec de la
graisse de bœuf, dont on élimine la stéarine, un
composé vendu sous les noms de margarine,
oléi) margarine, beurrine, etc. Ces corps gras sont
inoffensifs quand ils sont bien préparés, mais on
a largement profité de leur ressemblance avec le
beui're pour les mêler en proportions très varia-
bles avec le produit naturel. La fraude est très
facile à reconnaître au microscope. Le goût la
révèle assez sûrement, ainsi que le lissé, et sur-
tout la fusion à une haute température, qui déve-
loppe l'odeur des graisses.
Vin. — Il faudrait un livre pour décrire les fal-
sifications du vin. furmi relies qui diminuent seu-
lement ses qualités, citons l'addition d'eau, de
sucre, d'alcool, de cidre, de poiré. On essaye de
remédier à ses défauts naturels ou de lui donner
des qualités factices au moyen de l'acide tartrique,
du tannin, de la craie, du plâtre, de l'alun, du car-
bonate dépotasse, etc., etc. On le colore avec des rai-
sins dits teinturiers, avec une infusion de betteraves
rouges, des baies de myrtille, de sureau, dhièble,
le bois d'Inde, etc. Depuis quelques années on
emploie pour colorer les vins la fuchsine. Cette
matière est inoffensive quand elle est chimi-
quement pure, mais celle du commerce contient
un peu d'arsenic.
Pour donner du goût ou de l'âpreté aux vin&
mouillés, on y ajoute de l'alun, du sulfate de fer,
de l'acide sulfurique.
A mesure que se développe et se raffine la
science des falsifications, on trouve aussi des
moyens pratiques et sûrs de les découvrir. Pour le-
vin, il faut recourir aux experts chimistes. La Sf'ule
règle que puissent se poser les particuliers, c'est
de n'acheter cette boisson que dans des maisonS'
connues pour leur honnêteté, et de. ne pas se
laisser séduire par un bon marché qui cache
presque toujours une fraude et très souvent un
danger.
Vinaigre. — Le vinaigre résulte d'une fermen-
tation spéciale (acétique) du vin, du cidre, du poiré,,
de la bière, etc. Le meilleur provient du vin ; c'est
le plus fort et celui qui se conserve le mieux. Il
offre une odeur franche, un peu éthérée, une saveur
acide sans âcreté.
Dans le commerce, on altère le vinaigre en
l'allongeant d'eau, puis on le rehausse au moyen
d'acides tartrique, nitrique, sulfurique, etc; on lui
donne du montant en y faisant macérer des graines
de moutarde, de pyrèthre, de piment, etc. Enfin
on le mélange de vinaigre obtenu par la fermenta-
tion du glucose, ou même d'acide pyroligneux {vi-
naigre de bois; obtenu par la distillation sèche des
végétaux ligneux.
Tout vinaigre bon marché doit être suspect.
Eaux-de-vie. — Les falsifications qui n'ont pour
but que de tromper sur le degré d'une eau-de-vi&
ou de lui donner un arôme, un bouquet factice^
sont exemptes de danger. Mais il n'est point inno-
cent de mêler à l'eau-de-vie de vin des alcools-
d'industrie, qui renferment toujours des substances
toxiques et produisent une ivresse beaucoup plus
dangereuse sous tous les rapports que celle du
vin ou de l'eau-de-vie vieille de bonne qualité. La
même observation s'applique aux liqueurs.
Huile d'olive. — Ce produit d'un prix assez élevé
est souvent mélangé d'huiles d'œillette, de na-
vette, de sésame, d'arachide, etc. Le mélange-
d'huile d'œillette (huile blanche, huile de pavot)
constitue la fraude la plus commune. On la recon-
naît aisément en agitant l'huile à essayer. Dans
l'huile d'olives pure, les bulles d'air ne demeurent
pas emprisonnées, tandis qu'elles persistent et
forment chapelet dans le mélange. L'huile d'olive
se fige entre 6 et 8 degrés, tandis que celle d'œil-
lette reste liquide bien au-dessous de 0".
Chocolat. — Ce produit, lorsqu'il est pur, se-
compose de parties à peu près égales de sucre et
de graines de cacaoyer (cacao) torréfiées et broyées.
Le cacao vaiie beaucoup de qualité et de goût sui-
vant la provenance, le mode de récolte, de pré-
paration, etc. Le chocolat pur épaissit très peu
pendant la cuisson. Tout chocolat qui devient nota-
lolement épais a été additionné de farine ou de
fécule. Ces matières lui donnent un goût pâteux
et une odeur spéciale. L'addition de mélasse se
découvre au goût et à l'odeur de la décoction. Le
cacao naturel contient environ la moitié de son
poids do matière grasse (beurre de cacao). Quel-
quefois on l'extrait pour la remplacer par une su'o-
stance de moindre valeur, comme le suif de veau.
FECULE
— 757 —
FECULE
la moelle de bœuf, l'huile, etc. Si l'on ajoute au
cacao torréfié des noisettes grillées, des amandes,
il faut recourir à des procédés compliqués pour
découvrir la fraude; mais quand il s'agit de coques
ae cacao broyées, de sciure de bois en poudre,
•d'ocre. etc., iï suffit de dissoudre le chocolat sus-
pect dans de l'eau et de décanter: les matières
■ajoutées forment un dépôt qu'on isole complètement
par des lavages.
Café. — Le café en grains est assez souvent ma-
nipulé pour faire aisparaiire des traces d'avaries
■en mr^r. On le lave, on le sèche et on le colore avec
de l'indigo, du sulfate de fer ou du bleu de Prusse.
Des lavages enlèvent assez facilement cette colora-
tion artificielle.
Un grand nombre de marchands vendent du café
■grillé recouvert (enrobé) de caramel pendant la
torréfaction. Il y a lieu de défalquer la différence
<ie prix du caramel et du café. Cet enrobage offre
■du reste l'avantage de former sur chaque grain un
Terni qui conserve l'arôme ; de plus il donne à l'in-
fusion une couleur foncée qui plaît h l'œil, mais
le goût du caramel dénature celui du café.
Quelquefois on mélange au café moulu du marc
•de café épuisé. Pour s'en assurer, on fait une infu-
sion concentrée et on l'évaporé. Le bon café donne
environ le tiers de son poids d'extrait ; si la
proportion est moindre, on doit soupçonner une
fraude.
La falsification la plus commune du café moulu
consiste à le mélanger de poudre de racine de
chicorée. Pour découvrir cette fraude, vous faites
tomber doucement à la surface d'un verre d'eau un
peu de café à examiner, puis vous laissez en repos
quelques minutes. La chicorée, qui absorbe l'eau
beaucoup plus facilement que le café, s'aloui'dit la
première et tombe au fond du liquide qu'elle colore
bientôt en jaune-brun. Après l'infusion à chaud,
on distingue facilement les parcelles de chicorée
de celles du café, parce qu'elles sont molles, spon-
gieuses, se laissent aisément écraser.
L'addition de chicorée au café est tout à fait
inofi'ensive. Bien plus, il serait à souhaiter que
l'usage s'en répandît de plus en plus, afin de dimi-
nuer la consommation de cet excitant dont on fait
un usage abusif. Son emploi est d'ailleurs très
économique. [D' Satîray.]
F.iTALlSMK. — V. Volonté.
FKCL'LE. — Chimie, XXIL — (Etym. : du latin
fxx, lie). — On appelle fécule la substance blanche
que l'on rencontre en abondance dans les pommes
de terre, les marrons dinde, les fèves, les haricots,
«te., ainsi que dans les graines des céréales, telles
que le blé, l'orge, l'avoine ; mais la fécule extraite
des céré-ales est mélangée à de grandes quantités
de gluten et s'appelle plus spécialement amidon.
L'amidon s'extrait principalement du blé, et la fé-
•cule des pommes de terre.
Caractères de la fécule. — L'amidon et la fécule
ne diffèrent pas essentiellement; ils ont la même
formule, c'est-à-dire la même composition, Ci^HioOi'',
et les mêmes caractères chimiques ; ils bleuissent
l'un et l'autre par l'iede et forment un empois avec
l'eau ; ce sont là leurs caractères spécifiques com-
muns. Le grain d'amidon est plus ou moins irrégu-
lièrement sphérique, celui de fécule est plus allon-
gé et plus gros.
Constitution de la pomme de terre d'après Payen .
Eau 75 67
Fécule 20 »
Epidémie, cellulose 1 GO
Albumine et matières azotées di-
verses 1 ôO
Malamide et matières grasses. ... 0 22
Sucre, huile essentielle, sels divers
à bases minérales 1 01
La fécule se trouve dans les cellules de la pom-
me de terre ; il faut les déchirer pour l'en extraire,
le lavage ne suffit pas. Quand les pommes déterre
ont été nettoyées et décortiquées, puis râpées de
manière à être réduites en pulpe très ténue, on
lave la matière dans un tamis sous un filet d'eau ;
la fécule passe à travers le tamis, entraînée par
l'eau ; on la dessèche et on la broie ; on peut ainsi
en préparer soi-même quelques kilogrammes.
Extraction de la fécule en grand. — On com-
mence par faire barboter les' po-Times de terre
dans de grands cylindres tournant dans l'eau ; le
nettoj'age terminé, on enlève mécaniquement l'en-
veloppe corticale, qui a une constiiution assez sem-
blable au liège et qui noircirait la fécule. Les
pommes de terre sont ensuite râpées mécanique-
ment, puis lavées sur des tamis en toiles métalli-
ques.
La fécule recueillie est égouttée dans des baquets
à jour et en'fin desséchée sur une aire en plâtre.
Elle contient encore après cela 45 p. H'O d'eau.
C'est la fécule verte à\x commerce ; elle est ensuite
divisée en pains, puis soumise dans l'étuve à un
courant d'air chaud; elle ne contient plus alors
que 18 p. 100 d'eau.
Action des acides sur leî fécules. — La fécule,
chauffée dans de l'eau acidulée par de l'acide sul-
furique ou de l'acide clilorhydrique, puis desséchée
à U)8", devient soluble dans l'eau. Si l'action des
acides et de la chaleur se prolonge, la fécule se
transforme en dextrine (V. Amidon), puis en glucose
(V. Sucre).
Si, après avoir chauffé de la fécule à 110°, on la
traite par un mélange de deux parties d'acide
sulfurique et d'une partie d'acide azotique con-
centré, on obtient une poudre explosible appelée
pyroxam. Chaufi'éc longtemps avec de i'acide azoti-
que, la fécule, comme la dextrine et le sucre, se
transforme en acide oxalique.
Action des bases. — L'empois de fécule ne se
forme dans l'eau que vers 75° ; au contraire, dans
la potasse ou la soude il se fait à froid, parce que
l'alcali gonfle et déchire les enveloppes foliacées du
grain de fécule.
Conservation de l'empois- — En été principale-
ment, il est assez difficile de conserver l'empois de
fécule ou d'amidon ; on y ajoute du sulfate de cui-
vre, de l'alun, du chlorure de zinc; cette dernière
substance est préférable.
Usages des fécules. — Aujourd'hui on fabrique
des Quantités considérables de glucoses par l'action
des acides étendus sur la fécule 'V. Amidon et Su-
cre). On fabrique en plus grande quantité
encore et de la même manière la dextrine, qui sert
à encoller les tissus et à épaissir les couleurs. On
fait entrer les fécules, mélangées à des savons de
résines, dans la composition du papier. Depuis
quelque temps on se sert de fécule en poudre nour
saupoudrer les moules où on coule les statues de
bronze ; elle empêche la matière d'adnerer au
moule et remplace ainsi avantageusement la pous-
sière de charbon de bois qui était nuisible aux
ouvriers. Dans les laboratoires, la fécuie est le
réactif de l'iode et des iodures (V. Amidon). En
médecine on l'emploie contre les affections dar-
treuses ; enfin elle fait partie d'un nombre consi-
dérable de produits alimentaires : tapioca, pâtis-
series, biscuits. 11 faut se rappeler néanmoins
qu'elle n'est pas un aliment nutritif, n'étant point
azotée : c'est un aliment respiratoire ("V. Ali-
ments) .
Les résidus de pulpes do pommes de terre, pro-
venant de la préparation de la fécule, salés et mé-
langés à du fourrage, constituent une excellente
nourriture pour les bestiaux.
Les eaux des féculeries, d'une odeur si repous-
sante, sont aujourd'hui mélangées à du sulfate de
chaux îplàtro), puis utilisées comme engrais.
FEMMES
— 758 —
FEMMES
PaÎ7i de fécule. — Les farines employées à faire
lo pain sont surtout formées de gluten et d'ami-
don; on a essayé de faire du pain îi base de fécule
exclusivement, mais on obtient un produit très
imparfaitement nutritif ; néanmoins dans beaucoup
de pays, surtout lorsque le blé est cher, on mé-
lange à la pâte destinée à la fabrication du pain
une bouillie de pommes de terre cuites, qui donne
au pain une très belle apparence et le conserve
frais sans en changer sensiblement ni le goût ni les
qualités. [Alfred Jacquemart.]
FEM.MES. — Histoire générale, XXXVIII. ' —
L'histoire de la condition des femmes chez les dif-
férents peuples et dans les difi'érents âges du
monde est l'histoire même de la civilisation. Leur
■•/ondition s'est toujours ressentie de l'état social où
filles vivaient, et réciproquement, l'état social s'est
modifié selon la condition qui leur était faite. Car
c'est la femme qui donne à la famille son vrai ca-
ractère, et l'organisation de la famille n'influe pas
médiocrement sur les institutions civiles et poli-
tiques et sur le niveau moral des nations.
Il est difficile de dire exactement quelle était la
condition des femmes dans les siècles antérieurs à
l'histoire, puisqu" aucun monument n'est arrivé jus-
qu'à nous de ces origines obscures de notre race. On
peut néanmoins en reconstituer quelques traits, d'a-
bord par certainiiS traditions que l'antiquité a recueil-
lies, et puis par l'analogie probable des temps pri-
mitifs avec l'état des peuplades barbares que les
voyageurs ont découvertes dans les temps modernes.
La famille n'existait pas; on ne connaissait pas le
mariage.
Le père étant inconnu, les enfants appartenaient
à leur mère; en certains pays, on les attribuait plus
tard h l'homme auquel ils ressemblaient le plus.
Dans plusieurs îles de la Polynésie, c'est le nom
de la mère que les enfants portaient ; c'est par
les femmes que se comptaient les généalogies. En
môme temps que ces mœurs réduisaient les femmes
à une honteuse abjection, elles leur créaient une
sorte d'indépendance dont on retrouve vaguement
les traces. Les premiers peuples étaient nomades,
toujours en course pour pourvoir à leurs besoins;
les femmes prenaient leur part des travaux de la
pèche, de la chasse et même de la guerre. La tribu
des Amazones, dont parlent lijs anciens, ne paraît
pas avoir été une simple fable : il y a du vrai au
fond de ces récits qui montrent la femme libre,
guerrière, enrégimentée pour le pillage et le combat.
On rencontre encore aujourd'hui des régiments de
femmes soldats chez certains rois noirs de l'Afrique.
Mais l'indépendance ne pouvant être fondée chez
de tels peuples que sur la force, on peut affirmer
que le lot habituel de la femme était la servitude,
et qu'elle était astreinte à tous les travaux gros-
siers, pénibles, dont les hommes se dispensaient.
L'Indien, en dehors des combats, passe sa vie à
fumer et à dormir; la femme est chargée de le
nourrir; elle est l'esclave et la bête de somme.
L'un des progrès les plus considérables et les
plus féconds fut la constitution de la famille ; elle
dut coïncider avec la fin de la vie nomade, avec la
résolution de s'établir à demeure et de cultiver le
sol. Les premières habitations stables abritèrent
les premiers foyers domestiques. Ce n'est plus
maintenant la femme qui donne son nom aux en-
fants, c'est l'homme, c'est le père. La propriété
crée l'héritage; l'héritier devient l'objet de la solli-
citude ; c'est en lui que se prolongent la possession
et la jouissance du bien acquis. La femme gagne
en sécurité et en dignité ; elle donne à l'homme
son héritier; elle devient l'épouse, la mère de
famille.
Alors commence ce qu'on peut appeler l'état pa-
triarcal.Depuis lors, le père est le maître.le monarque
àf. son petit royaume, le dieu de son petit monde;
tout gravite autour de lui, tout dépend de sa volonté.
Vivant, on lui obéit; mort, il est l'objet d'un culte.
Il trace autour de son domaine et de sa famille
une limite infraiichissable. Sa femme, ses fils, ses
filles, ses esclaves, ses troupeaux et ses champs sont
à lui au même titre. Il en fait ce qu'il lui plaît ; il
fait vivre ou mourir à son gré. 11 vend et il achète
selon ses besoins et ses goûts. Sa femme, il l'a
achetée ; il a payé une dot à un autre père de fa-
mille pour l'avoir; si elle ne lui donne pas de fils,
il en prend une autre : il a des enfants de ses
concubines. Néanmoins, c'est la première femme
qui reste l'épouse, qui est considérée comme la
mère, qui jouit du respect et des honneurs dus
à la compagne du maître. Prenez les tableaux de
la période patriarcale que vous trouvez dans la
Bible, voyez la famille d'Abraham, d'Isaac, de Ja-
cob, et le rang élevé qu'y occupe la mère de fa-
mille, Sara, Rebecca, Piacliel. Les récits d'Homère
dans Vlliadt et ï Odyssée ne sont pas moins
significatifs : Hécube, l'épouse de Priam, An-
dromaque, l'épouse d'Hector, Pénélope, l'épouse
d'Ulysse, sont entourées de déférence et de
respect; elles prennent part au conseil; elles
exercent une sorte d'autorité; tous s'inclinent
devant elles. Les grands tragiques grecs nous
montrent par leurs héroïnes Alceste, Clyiemnestre,
Electre, Antigène, Iphigénie, la place considérable
que la femme occupait dans les traditions popu-
laires, dans la famille des chefs et même dans la
vie publique.
Dans les grandes monarchies despotiques de
l'Orient, qui sont pour ainsi dire l'état patriarcal
s'étendant h. des peuples entiers, faisant de multi-
tudes immenses la famille et la propriété d'un
seul, les femmes ont participé à l'abaissement
universel. Les hommes réduits à l'état de trou-
peau, les femmes perdaient toute individualité et
toute indépendance ; la polygamie les ravalait au
même degré d'abaissement où le despotisme faisait
descendre les hommes. Les plus riches avaient le
pluî de femmes comme ils avaient le plus de mou-
tons ou de chevaux. Le sérail des rois est l'une des
marques de leur rang et de leur opulence. Le
monde oriental n'a guère changé à cet égard ;
les mêmes institutions ont conservé les mêmes
mœurs.
Là au contraire où la vie patriarcale s'est déve-
loppée dans le sens politique et a fait place à un
état social plus avancé, là où la cité s'est constituée
par l'association des familles, la femme a conservé
la dignité que lui avait conférée son titre d'épouse,
titre que lui garantissait la monogamie imposée par
la législation des républiques anciennes. Mais en
même temps la femme rentre dans l'ombre, elle
s'enferme dans la maison ; elle n'a plus d'autre
domaine que le gynécée (appartement des femmes) ;
la vie publique, où elle faisait jadis des échappées,
lui est interdite maintenant, étant réservée exclu-
sivement aux hommes. Arrêtons-nous par exemple
dans la cité d'Athènes, ce point lumineux de la
Grèce, le type immortel de la société antique la
plus cultivée, la plus raffinée. La femme y est
considérée comme une mineun? ; elle ne sort ja-
mais de tutelle. Elle est d'abord sous la puissance
de son père, puis sous celle de son mari, et, en cas
de veuvage, elle dépend de l'héi'itier de son père
ou, à défaut, de l'héritier du mari. Elle ne dispose
jamais de ses biens. Son père la cède à un époux
avec une dot; l'époux à son tour peut l'aliéner en
cédant à la fois la dot et la femme ; les deux ne se
séparent pas, et c'est même là une des causes qui
rendaient le divorce assez rare à Athènes. Le ma-
riage était obligatoire; le père ou le tuteur qui ne
mariait pas une fille était puni par les lois ; c'est
lui qui choisissait l'époux, car la jeune fille, en-
fermée dans son gynécée, ne connaissait personne.
Dans cette retraite dont elle ne pouvait sortir qu'à
des jours déterminés, pour des processions veli-
FEMMES
— 759 —
FEMMES
gieuses, avant comme après son mariage, elle s'oc- j
cupait aux ouvrages domestiques, surveillait les
esclaves, vivait dans l'ignorance et l'isolement. Le
mari, le père, les frères ne venaient pas animer
la maison, n'y apportaient pas un élément d'intérêt !
et d'entretien : ils passaient presque toute la journée
en plein air, dans les rues et sur l'agora (place
publique), où ils siégeaient comme magistrats,
où ils agissaient comme membres de l'assemblée
politique dont tous les citoyens faisaient partie ;
ils consacraient le reste de leur temps aux exer-
cices du corps ou de l'esprit et aux représentations
théâtrales. Leurs joyeux festins se prolongeaient
assez avant dans la nuit en compagnie de femmes
qui n'étaient ni ne pouvaient être leurs filles, leurs
épouses ou leurs mères: c'étaient les courtisanes,
nommées « hétaïres » (compagnes), femmes de
conduite légère, quelques-unes d'un esprit cul-
tivé, s'intéressant aux lettres et à la philosophie,
de manières séduisantes, d'une beauté digne de
cette patrie des arts, mais qu'un Grec n'eût jamais
consenti à introduire dans sa famille.
Voici comment Xénophon décrit le rôle de la
femme grecque, de l'épouse légitime : « Elle doit
ressembler à la reine des abeilles : ne pas sortir de
la maison,, exercer une active surveillance sur les
esclaves, leur distribuer leurs tâches, recevoir les
provisions et les disposer en ordre, mettre avec
soin de côté ce qui n'aura pas été employé, ranger
les ustensiles de cuisine et les tenir propres, etc. »
Au fond la condition de la femme dans la Grèce
ancienne, même à Athènes, ne différait pas essen-
tiellement de celle de l'esclave, qui du reste était
généralement traité à Athènes avec douceur. Le
plus grand philosophe de l'antiquité , Aristote ,
classait la femme entre l'esclave et l'enfant, et
la croyait aussi incapable qu'eux de se conduire
elle-même. L'infériorité intellectuelle et morale
que les Grecs attribuaient à la femme devait rester
chez eux un obstacle insurmontable à son affran-
chissement.
D'Athènes passons à Rome. Ici la femme est
dans une sujétion plus complète encore. L'homme,
père et mari, est le maître sans réserve. 11 a droit
de vie ou de mort, sans exception, sur tous les
membres de la famille: la femme coupable est
exécutée dans un coin de la demeure. A en juger
par les lois, cette condition de la femme est ter-
rible ; il en était autrement dans la réalité. La
femme romaine, la mère de famille, la matrone,
vit dans sa maison, comme la femme grecque, mais
elle n'y est pas aussi rigoureusement renfermée;
elle sort, couverte d'un long voile et accompagnée
de ses gens qui écartent les importuns ; elle assiste
aux repas, aux fêtes, aux spectacles. Sa chambre est
le centre de la maison romaine ; c'est la salle com-
mune dans laquelle on reçoit les amis et les hôtes,
où brûle le foyer de famille, où les dieux lares
ont leur autel, où sont placées les images des
aieux. C'est là qu'elle rassemble les serviteurs,
qu'elle préside à l'éducation des enfants, qu'elle
confectionne les ouvrages de laine. On lit cette
simple et sévère épitaphe sur quelques tom-
beaux de matrones romaines : « Elle a -été bonne
fileuse, pudique et gardant le logis. » Voici le
tableau que fait le poète Ovide de l'intérieur de
Lucrèce, la femme de Tarquin Collatin : « Elle
filait; devant son lit se trouvaient des corbeilles
remplies de laine moelleuse. A la faible lueur
d'une lampe, ses servantes tissaient l'ouvrage
qu'elle leur avait partagé. Elle leur disait d'une
voix douce : Hâtez-vous, mes filles, il nous faut
envoyer au maître au plus vite ce manteau fait
de notre main. » Dans une comédie de Plaute, une
femme tient ce langage : « Ma dot. c'est la chasteté,
la pudeur et la crainte des dieux; c'est mon amour
pour mes proches, c'est d'être soumise à mon époux,
bienfaisante aux bons, serviable aux gens de cœur, »
On sait le mot historique de Cornélie, la mère des
Gracquos. Comme une dame de la Campanie venait
de lui montrer ses riches parures et lui demandait
en échange à voir les siennes, la fille du grand
Scipion la conduisit au berceau où dormaient ses
deux fils, Caius et Tibérius : « Voici mes bijoux, »
dit-elle.
Peu à peu, cette simplicité de mœurs s'altéra.
On vit les femmes prendre part à toutes les dé-
bauches qui amenèrent la décadence de la P»épu-
blique. Les odieuses fêtes appelées Bacchanales
se signalèrent par les déportements non seulement
de courtisanes ou d'esclaves, mais de femmes
libres, de matrones romaines. Les lois se multi-
plièrent contre le luxe, contre l'adultère, contre la
débauche, et à mesure qu'elles semblaient témoi-
gner un souci plus grave de la moralité publique,
elles accusaient, au contraire, une chute de plus
en plus profonde. Le divorce était devenu un jeu.
L'exemple de la corruption la plus éhontée était
donné par les femmes du plus haut rang. Sans
insister sur les mœurs abominables qui ont dés-
honoré les premiers siècles de l'Empire romain,
on peut se demander où se serait arrêtée cette
décadence sans l'apparition du christianisme et
l'invasion des barbares, deux événements qui ont
singulièrement relevé la condition des femmes dans
le monde.
Ce n'est pas que chez les Juifs, au milieu des-
quels la religion chrétienne a pris naissance, la
condition des femmes fût bien différente de celle
qui lui était réservée dans les républiques ancien-
nes. Elle y était sans doute traitée avec égards ;
le mariage y était en honneur; l'adultère y était
très sévèrement puni. Mais la polygamie, institu-
tion commune à tout l'Orient, y était permise,
sous la réserve de ne pas prendre de femmes
étrangères. Le divorce était extrêmement facile; il
suffisait que le mari renvoyât sa femme en lui
donnant une « lettre de divorce », pour que le ma-
riage fût rompu. Après la mort du mari, s'il ne
laissait pas d'enfant, la veuve appartenait au /rère ou
au plus proche parent de l'époux, obligé de l'épouser
pour « susciter lignée à son frère. » L'idéal que les
Hébreux se faisaient de la femme, de la mère de
famille, ne s'éloigne pas extrêmement de celui
que nous venons de remarquer chez les Romains
ou les Grecs. Un petit poème acrostiche, placé à
la fin du livre des Proverbes, trace le tableau sui-
vant : « La femme vertueuse est à plus haut prix
que les perles ; son mari triomphe dans toutes les
luttes par la confiance qu'elle lui inspire. Elle se
lève avant le jour pour assigner leur tâche à ses
servantes, et ne laisse pas sa lampe s'éteindre la
nuit. Elle tient en main la quenouille et le fuseau,
tisse des tapis, des vêtements de pourpre pour sa
famille et des ceintures qu'elle vend aux mar-
chands de la Chaldée. De ses économies elle achète
des champs et plante des vignes. Elle étend sa
main secourable vers le pauvre. Vêtue de force et
de beauté, elle marche en riant au-devant du len-
demain. Elle ouvre la bouche avec sagesse et des
paroles pleines de grâce planent sur ses lèvres.
Ses fils se lèveront pour la bénir ; son mari fera
son éloge ; elle arrivera à la gloire ! » S'il faut en
croire l'Ecclésiaste, cet idéal était rarement réalisé,
et la femme était habituellement tenue en médio-
cre estime : a La femme, dit-il, est plus redouta-
ble que la mort: son cœur est un piège et ses
mains sont des filets. Un homme entre mille, oui,
j'en ai trouvé un ; mais une femme entre toutes,
non ! 1)
Cette opinion de l'infériorité de la femme s'est
prolongée très longtemps chez les Juifs. On se
rappelle le mot un peu dur de Jésus : « Femme,
qu'y a-t-il entre toi et moi? « L'apôtre Paul, juif
de Cilicie, déclare que la femme doit être subor-
donnée à l'homme comme l'homme l'est au Christ,
FEMMES
— 760 —
FEMMES
son chef; il veut que les femmes se taisent
dans les assemblées ; il considère le mariage
comme une faiblesse et comme une concession,
comme un obstacle ;i la sainteté parfaite. Cette
idée s'est développée et aggravée dans les premiers
siècles de l'Église au point de jeter sur la femme
une sorte de défiance, en la faisant considérer
comme une occasion de chute dont les saints
devaient s'éloigner avec crainte.
Néanmoins il y avait dans le christianisme nais-
sant des inspirations d'une autre nature, qui de-
vaient donner à la femme une place plus haute et
plus digne d'elle. En effet, il établit avec une
«ntière clarté l'égalité de toutes les âmes devant
Dieu, sans distinction do sexe, de classe ou de
nation. Il consacre le mariage par la bénédiction
divine, et il en déclare l'indissolubilité. Il condamne
absolument la polygamie. Il assigne un but sublime
à toute existence humaine; il ne confine pas la
femme dans la pratique des devoirs inférieurs,
mais il l'appelle à pratiquer, comme l'homme, les
plus nobles vertus, à s'élever, comme lui, par la
foi, aux plus hautes spéculations et à participer au
même titre que lui au salut éternel. Le mari et la
femme occupent le même rang dans la famille
chrétienne, ont la môme autorité sur les enfants,
la même responsabilité morale, les mêmes devoirs
réciproques d'amour et de fidélité.
Ce progrès serait resté longtemps à l'état d'excep-
tion et n'aurait modifié que bien lentement la con-
dition des femmes, au milieu de la corruption de
l'Empire romain , sans l'intervention de peuph^s
nouveaux, qui couvrirent de ruines le sol de la
civilisation, balayèrent sous leur impétueux torrent
les sciences, les arts et les religions du vieux
monde, mais y déposèrent aussi les germes de
mœurs nouvelles, et à certains égards plus pures.
Le plus considérable de ces peuples, les Germains,
a imprimé en partie ces mœurs au monde nouveau
<iui s'est formé sur notre Europe du mélange de la
civilisation antique avec le jeune sang des barbares.
Comme les Grecs et les Latins, les Germains n'ad-
mettaient pas la polygamie ; tout au plus était-elle
permise aux seuls princes, « comme une marque de
noblesse. » La femme occupait chez eux un haut
rang, y était revêtue d'une sorte de dignité morale
que les anciens ne lui avaient attribuée qu'aux
temps héroïques. Dans la famille, au conseil, dans
les mystères de la religion, comme mère, comme
femme, comme prêtresse, elle était partout écou-
tée, respectée, suivie. Et elle le méritait. « Chez
ce peuple, dit Tacite, les mariages sont chastes.
Les femmes sont enveloppées de leur pudeur
comme d'une forteresse. L'adultère y est extrê-
mement rare et puni des châtiments les plus sé-
vères. La séduction n'y est pas décorée de noms
flatteurs; le vice n'y prête pas à rire. » Voici com-
ment le même auteur dépeint la vocation et la
vie de la femme chez ces peuples : « Chez les
Germains, ce n'est pas la femme, c'est le mari qui
apporte la dot. Les parents et les proches vien-
nent pour en apprécier la valeur. Elle ne consiste
pas en frivolités, en parures pour la fiancée ; ce
sont des bœufs, un cheval bridé, un bouclier avec
la hache et l'épée. De son côté la femme apporte
des armes à son mari. Telle est la cérémonie
sacrée. Sous de tels auspices, la femme devient
la compagne des travaux et des périls de son
mari ; elle est appelée, dans la paix et dans les
combats, à oser et à souffrir comme lui. C'est ainsi
<iu'il lui faudra vivre ; c'est ainsi qu'il lui faudra
mourir. »
Cette communion de pensée et d'existence entre
le mari et la femme créait évidemment à celle-ci
une situation bien supérieure h celle qu'elle avait
dans la société romaine de l'empire. Les barbares
ne la croyaient pas frappée d'infériorité intellec-
tuelle et morale, mais, sauf la force physique.
l'estimaient leur égale. Aussi, « ils l'associaient
à tous leurs périls, ils l'appelaient à toutes leurs
fêtes. Dans ces banquets décrits par les scif/as,
où la harpe et la corne remplie de bière circu-
laient tour à tour dans les rangs des convives ,
les femmes prenaient place à côté des hommes :
c'étaient elles qui remplissaient les coupes et sou-
vent qui présidaient aux festins. C'étaient elles
encore qui recevaient l'étranger et le faisaient
asseoir à la table hospitalière. Elles suivaient leurs
époux ou leurs Irères dans leurs expéditions
aventureuses, et partageaient avec eux les plaisirs
de la chasse ou les fatigues des camps. Le Ger-
main marchait avec plus de plaisir au-devant du
péril quand il sentait derrière lui sa femme ou sa
sœur ; il se croyait mieux protégé par leur mysté-
rieuse influence que par son casque et son bou-
clier, et quand il se voyait près de périr, il s'ima-
ginait que leur nom murmuré tout bas suffisait
pour attirer sur lui la faveur des dieux et le sau-
ver du danger. On retrouve, même après l'invasion,
des traces naïves de cette croyance, et, au vi* siè-
cle, on voit Gélimcr appeler les femmes dans son
camp pour relever le courage abattu de ses sol-
dats. » (P. Gide.)
On trouve là les origines du culte chevaleresque
consacré à la femme par le moyen âge. Cette rude
époque de barbarie et d'ignorance, qui fut le rè-
gne de la force brutale, vit naître une institution
qui avait pour principes la protection des faibles
et l'obéissance à la femme : c'est la chevalerie.
Les chevaliers se déclaraient les très humbles
esclaves de leur dame; pour elle ils accomplis-
saient les plus longs voyages, les plus rudes
travaux ou les plus périlleux exploits. C'est dans
ses mains qu'ils prêtaient serment ; ils se paraient
de ses couleurs. Les tournois, jeux guerriers de
cet âge, nous font voir d'une manière sensible la
condition éminente qui était faite alors à la femme.
Ces pas?es d'armes étaient le rendez-vous de tout
ce que la noblesse comptait d'illustre et de vaillant.
Elles avaient toujours lieu sous les yeux et sous
la présidence des dames. « Des dames et des de-
moiselles amenaient quelquefois sur les rangs ces
fiers esclaves attachés avec des chaînes qu'elles
leur ôtaient au moment de s'élancer dans la lice.
Le titre d'esclave ou de serviteur de la dame que
chacun nommait à haute voix en entrant au tour-
noi était un titre d'honneur qui ne pouvait être
acheté par de trop nobles exploits. Il était regardé'
par celui qui le portait comme un gage assuré de
la victoire et un engagement à ne rien faire qui ne
fût digne d'une qualité si distinguée. A ce titre
les dames daignaient joindre ordinairement ce
qu'on appelait une faveur ou enseigne ; c'était une
écharpo, un voile, un nœud, une boucle, quelque
pièce de leur vêtement ou quelque ouvrage tissu
de leurs mains, dont le chevalier ornait son ar-
mure. » (Sainte-Palaye.)
Les dames présidaient aussi à des tournois d'un
autre genre, des tournois poétiques, des « cours
d'amour » : tels furent à Toulouse les jeux flo-
raux (restaurés au xvi' siècle par Clcmonc^ Isaure).
Enfermées dans leurs chàieaux-forts, elles s'entou-
raient de ménestrels, de troubadours qui leur ré-
citaient ou leur écrivaient leurs poèmes, et elles
acquéraient ainsi une instruction qui manquait à
leurs rudes époux.
La féodalité leur permettait d'hériter des titres et
domaines à défaut de descendance mâle, et l'on a vu
des dames gouverner dune main vigoureuse leurs
propres États, lever des troupes, faire la guerre,
prendre une part importante dans l'administration
des royaumes et dans la destinée des peuples. Ce
serait ici le moment de nommer notre Jeanne
d'Arc*, cette héroïque personnification de la patrie
française, si cette glorieuse fille du peuple n'était
pas une exception, non seulement dans son temps.
FEMMES
— 761 —
FEODALITE
maïs dans l'histoire, une apparition aussi brillante
que fugitive.
Ce culte chevaleresque de la femme, qui s'est
continué dans la o galanterie » française, n'était
pourtant pas le dernier mot du progrès. Il plaçait
quelques femmes trop haut — car elles ne sont
pas plus supérieures qu'inférieures à l'homme —
et laissait toutes les autres trop bas. Il n'accordait
aux femmes que le sceptre de la grâce, et à quel-
ques femmes seulement, à celles que leur nais-
sance avait élevées au-dessus des autres. Le reste
du sexe était généralement tenu en profond
dédain, regardé comme indigne et incapable de
s'élever au-dessus des plus humbles travaux du
ménage. Un auteur du xvi^ siècle, faisant le procès
aux femmes, a résumé ses griefs en neuf chefs
d'accusation, et il ajoute en y applaudissant :
« MonseigneurSaint Augustin disait que la femme
est une beste qui n'est ni ferme ni stable, et nour-
rissante de mauvayseté. » On trouverait chez les
écrivains une foule de passages où l'on reproche à
la femme d'être légère, variable, cruelle, indis-
crète, etc., etc., défauts dont on pourrait dire
sans crainte avec le fabuliste : « Bon nombre
d'hommes sont femmes sur ces points. » Mais ce
sont là railleries sans conséquence. Sous une
forme badine, le mot de Chrysale dans Molière
était plus sérieux, lorsqu'il déclarait, se faisant cer-
tainement l'interprète de l'opinion commune,
qu'une femme en sait toujours assez
Quand la capacité de son esprit se hausse
A connaître un pourpoint d'avec un haut-de-chausse.
En effet, tout est là. Ce n'est pas la nature, ce
ne sont plus aujoura'hui les lois, c'est l'éducation
qui seule établit entre les deux sexes une diffé-
rence de niveau. Ils ont sans contredit des apti-
tudes différentes, mais d'égale valeur en réalité.
Instruisez les femmes et négligez l'instruction des
hommes, ceux-ci ne tarderont pas à tomber dans
un état d'infériorité d'autant plus sensible qu'au-
jourd'hui ce n'est plus la force du poignet, mais
celle de l'intelligence et de la volonté qui décident
toutes les questions. Aussi le devoir le plus impé-
rieux de la société moderne à l'égard des femmes,
et le seul moyen de les placer au rang qui leur
revient de droit naturel, est-il de développer au-
tant que possible les moyens d'éducation pour leur
sexe aussi bien que ceux qui sont destinés au sexe
masculin. C'est l'intérêt bien entendu de la société
elle-même, car il est impossible de méconnaître
l'influence considérable qu'exercent les femmes
sur leurs enfants, leurs époux et leur entourage :
cette influence, provenant d'esprits attardés et
ignorants, s'exerce contre la vérité et le progrès;
l'écart dans la culture intellectuelle des deux sexes
est une cause de troubles, de tristesses, de divi-
sions et de recul. Qu'au contraire les fils et les
maris soient encouragés et soutenus par la femme
instruite, développée dans le même sens qu'eux,
et la marche de la civilisation s'accélérera au bé-
néfice de tous. C'est dans cette absolue communion
intellectuelle et morale des deux sexes que se
trouve, à notre avis, la plus haute émancipation
que puisse ambitionner la femme.
Déjà, à l'heure actuelle, la condition extérieure
de la femme s'est améliorée sensiblement. La tu-
telle du mariage ne pèse plus sur elle du même
poids : si elle ne jouit pas dans cet état d'une
absolue liberté, c'est que les devoirs de la famille
commandent un certain partage d'attributions qui
n'est pas une sujétion, mais une raisonnable orga-
nisation du travail. Veuve ou sans époux, la femme
est maîtresse de ses biens comme de sa personne,
et jouit des mômes droits civils que l'homme.
Quoique plusieurs carrières soient encore fermées
a l'activité des femmes, combien ce siècle n'en
a-t-il pas vu ouvrir devant leurs pas! Elles peuvent
gagner honorablement leur vie dans certaines admi-
nistrations, dans le commerce, l'industrie, l'en-
seignement, la science, les arts libéraux, et tra-
verser le monde, respectées de tous, sans autres
protecteurs que la loi, le progrès des mœurs et la
dignité de leur conduite.
Quelques-unes vont jusqu'à réclamer pour elles
le droit de suffrage politique, et même l'éligibi-
lité. Nous n'avons pas à nous prononcer ici sur ces
innovations qui paraissent encore fort éloignées de
notre époque, et qui seraient sans contredit (peut-
être plus en apparence qu'en réalité) le dernier
degré possible des conquêtes sociales de la femme.
[Jules Steeg.]
Fr?îELO>*. ~ V. Férflon dans la l" Paktie.
FliOD.4LITÉ. — Histoire générale, XVIII ; His-
toire de France, VII-.\V. — (Etym. : Des deux
mots germains fee, salaire, et od, bien, propriété.)
— On appelle de ce nom un système de relations
politiques et sociales qui tient une large place dans
l'histoire de tous les peuples européens, car ce
système, avec des différences secondaires, a été
commun à tous.
En France, le système féodal apparaît comme
entièrement formé à la fin du ix* siècle. Il est en
pleine vigueur de cette époque au xm* siècle,
temps auquel les rois d'un côté, les communes de
l'autre, commencent à le miner; sa décadence se
précipite au xv^ siècle, par l'invention des armées
permanentes, par l'usage dos armes modernes, la
poudre et le canon ; et néanmoins il en subsiste
des restes fort onéreux aux populations jusqu'en
août 1789, où la révolution française anéantit ces
restes d'un seul coup.
Si on le considère alors qu'il est entier et flo-
rissant, au XI' siècle, par exemple, ce système se
montre très complexe, et on lui trouve plusieurs
aspects assez différents.
I! n'y a en France aujourd'hui qu'un gouverne-
ment, et tous les nationaux obéissent sans par-
tage à ce gouvernement unique. L'administration
s'exerce sans doute par un grand nombre de mains,
des fonctionnaires levant l'impùt, d'autres ju-
geant les procès, d'autres accomplissant des fonc-
tions diverses ; mais cette multiplicité d'agents ne
détruit pas 1 unité fondamentale, parce que tous
font ce qui leur est ordonné et ne font que
cela. Ce type de gouvernement existe depuis la
destruction du système féodal ; il a été même le
I principal agent de cette destruction. Il existait
j également avant la formation du système féodal.
Inventé par les Romains, maintenu à grand' peine
jusqu'à Charlemagne et dans ses parties essentiel-
lesseulement,il fut, après ce grand homme, détruit
par le système féodal. C'est dire que ce dernier se
présente dans l'histoire comme l'opposé, comme la
négation du gouvernement unique et uniforme
pour tous, tel que l'antiquité romaine et le monde
moderne l'ont également conçu. Dislocation de ce
que nous appelons l'Etat, dispersion des pouvoirs pu-
blics entre une multitude de per.-onnes les exer-
çant en leur propre nom et dans leur propre inté-
rêt, c'est bien là, en effet, l'aspect le plus saillant
et le plus important du régime féodal.
Au moment où il est pleinement établi, c'est-à-
dire vers le xi° siècle, la France offre, pour un
esprit moderne, le spectacle le plus singulier; elle
apparaît toute découpée en petits Etats qui souvent
n'excèdent pas la grandeur d'une paroisse rurale,
et sont quelquefois moindres. Le maître de chacun
de ces empires en miniature, le seigneur, habite
une maison fortifiée sise sur quelque escarpement,
ou entourée de fossés remplis d'eau. C'est un sol-
dat que ce maître; il est habitué à manier le glaive
et la lance, à monter le cheval de guerre, à porter
la cotte de mailles, et il vit entouré d'autres sol-
dats qui tiennent garnison permanente dans son
château. En rapport avec l'étendue de la seigncu-
FÉODALITÉ
— 762 —
FEODALITE
rie, cette garnison n'est pas nombreuse en géné-
ral; cependant, elle suffit à maintenir dans l'o-
boissance un peuple où nul n'est autorisé en temps
ordinaire à porter des armes, et surtout n'est
familiarisé avec leur maniement; ce qui n'empê-
che pas, la guerre survenant, que les hommes
libres de la seigneurie, et même, en un besoin ur-
gent, les serfs, ne soient appelés au cliâtoau, enrô-
lés, armés, et contraints de suivre la bannière de
leur seigneur. C'est que ce seigneur a droit de
vivre avec les seigneurs voisins ses égaux sur le
pied qu'il veut ; il est le maître de rester en paix
ou de faire la guerre contre eux, exactement
comme un roi absolu ; et c'est là pour la seigneu-
rie une première possibilité de guerre. Mais en
second lieu, et en sus des entreprises conçues par
le seigneur pour son propre compte, il se peut
que le seigneur soit reqiiis de faire la guerre pour
le compte de son suzerain. Retenons ce mot, il
nous met en présence d'un des traits les plus ori-
ginaux du système.
Règle générale (nous verrons les exceptions tout
à riieurej le seigneur a un suzerain; cela signifie
qu'il existe un second seigneur dit suzerain, qui
est d'une certaine manière au-dessus du premier,
envers qui le premier, appelé vassal dans la lan-
gue du temps, est tenu à remplir certaines obli-
gations.
Le vassal est tenu d'abord, nous venons de le
dire, à faire la guerre pour son suzerain, et à ses
côtés, quand celui-ci le requiert. Secondement, il
est tenu de se rendre au château du suzerain pour
garnir sa coia\ c'est-à-dire pour y faire l'office de
juge conjointement avec les autres seigneurs qui
dépendent du même suzerain. Ce tribunal de sei-
gneurs subordonnés, sous la présidence du suze-
rain, juge spécialement les disputes et les procès
qu'ont entre eux les seigneurs.
Il est tenu à Vhommage. Cela signifie que lors-
que le vassal, à la mort de son père, entre en pos-
session de la seigneurie, il doit se rendre encore
au château du suzerain, et reconnaître son infé-
riorité, sa vassalité, suivant un cérémonial déter-
miné. A cette occasion, le vassal paie au suzerain
un droit de mutation appelé le relief ou l'acapt,
selon les pays ; c'est un impôt dont la valeur égale
les revenus produits dans une année par la sei-
gneurie vassale. Quand le suzerain vient à mourir,
l'hommage est réitéré par le vassal entre les mains
du nouveau suzerain.
Ces devoirs du côté du vassal, ces droits du côté
du suzerain, ne croyons pas qu'ils fussent atta-
chés à la personne de l'un et de l'autre. C'étaient
aux seigneuries et aux domaines matériels qu'ils
adhéraient. La hiérarchie était entre les terres,
non entre les personnes; ou, si l'on veut, elle n'é-
tait entre les personnes qu'en raison de ce que ces
personnes détenaient les terres. Le vassal n'a qu'à
délaisser la terre sujette, le fief vassal ou servant,
il ne doit plus rien ; il est tout à fait libre de sa
personne à l'égard du fief suzerain ou dominant;
tandis, que d'autre part, le fief suzerain continue
à réclamer du fief servant, entre les mains du nou-
veau possesseur, les services accoutumés. La vas-
salité, la suzeraineté sont choses si peu personnel-
les, si ten^iennes, quon voit souvent un seigneur
être vassal pour une terre et suzerain pour une
autre terre à l'égard d'un second et même sei-
gneur.
Ce n'est pas tout : voici un suzerain ; il se peut,
et cela même se présente généralement, que ce
suzerain soit vassal d'un autre suzerain et rien
n'empêche que ce dernier ne dépende d'un qua-
trième encore plus haut placé ! Le cas le plus
commun, c'est que la seigneurie tout à fait infé-
rieure, élémentaire, si l'on peut dire, a par dessus
elle deux suzerains, l'un immédiat, l'autre médiat.
Ainsi toute seigneurie était comme un ainieau.
haut ou bas placé, dans une chaîne. Toutes ces
chaînes se terminaient dans un petit nombre de
mains vraiment suzeraines, en ce sens qu'elles
étaient pleinement indépendantes : le duc de Bre-
tagne, le duc de Normandie, le comte de Toulouse,
le duc d'Aquitaine et le roi de France. Encore les
premiers étaient-ils censés être avec ce dernier
dans un certain rapport de vassalité ; mais il n'y
avait pas de leur part dépendance réelle et effec-
tive, au moins au beau temps de la féodalité, au
xii" siècle; la suzeraineté générale du roi sur
toute la France n'était alors qu'une sorte d'idéal
juridique.
Examinons d'un peu plus près le seigneur chez
lui. Nous avons déjà vu que c'est un guerrier,
une sorte de capitaine. En même temps il est juge,
tant au civil qu'au criminel. Si de bonne heure le
seigneur se fait remplacer généralement à son
tritmnal par un magistrat dont il dispose, c'est
toujours au nom du seigneur que ce magistrat
rend la justice, qu'il décide entre deux parties, qu'il
condamne un voleur à la potence; et les amendes,
les confiscations qu'il décerne, sont pour le sei-
gneur.
Le seigneur légifère, soit seul, soit avec des
conseillers qu'il choisit comme il veut; la coutume,
c'est ainsi que s'appelle alors la loi, le seigneur la
recueille souvent de la bouche du public, mais
parfois aussi il la modifie, il la crée. Le seigneur
administre, il ouvre des routes, réglemente le
commerce, régente l'industrie, surveille l'agricul-
ture. Le seigneur lève des impôts, c'est là un office
qu'il ne néglige pas ; et comme il est l'Etat, c'est
à lui qu'il applique le produit de l'impôt.
Enfin, et ceci est un des points les plus singu-
liers du régime, ce petit Etat est, aux mains du
seigneur qui le gouverne, un domaine au moins
autant qu'un Etat; le caractère de propriétaire
vient s'ajouter assez bizarrement dans la personne
du seigneur au caractère de gouvernant ; et ce
dernier n'est pas celui des deux qui y prédo-
mine.
Imaginez que la seigneurie est divisée en deux
parties soumises à un régime différent. L'une
d'elles, la moindre, qui comprend le château et
s'étend autour de lui plus ou moins loin, n'a de
fruits, de récoltes que pour le seigneur; c'est le
domaine direct dont le seigneur a la propriété inté-
grale, et que pourtantil fait cultiver d'une façon assez
singulière, car les habitants de la seigneurie sont
tenus de le travailler pour rien, de donner à cette
besogne tant de journées chaque semaine ; ces
prestations s'appellent les corvées. L'autre part de
la seigneurie est aux mains des habitants sous des
conditions assez diverses. Il y a des hommes libres
qui ne doivent pour leur tenure que le cens, qui
est probablement l'ancien impôt jadis établi par
le gouvernement romain, dont le gouvernement
féodal a hérité. D'autres paient le cens et la rente,
comme si leur tenure avait été détachée du do-
maine direct, et donnée à ferme perpétuelle, car la
rente est une sorte de prix de fermage. D'autres,
à qui on donne le nom de serfs, paient annuelle-
ment un impôt assez fort, d'un chiffre déterminé,
tandis que d'autres, encore plus malheureux, sont
taxés à la volonté du seigneur, en même temps
qu'ils ne sont libres ni quant au mariage, ni quant
à la disposition de leurs biens. Tous enfin, hommes
libres et serfs, paient un impôt appelé la taille,
en quatre ou cinq occurrences déterminées (guerre
— mariage de la fille du seigneur — quand le fils
aîné du seigneur est armé chevalier — quand le
seigneur est prisonnier — ou qu'il part pour la
croisade). Tous paient encore des impôts indi-
rects, péages et tonlieux, pour la circulation et la
vente des marchandises.
Ce régime si étrange pour un Français du,
XIX* siècle, et d'autant plus étrange qu'on y réflé-
FEODALITE
— 763
FER
chit davantage, quelles causes l'ont pu produire?
comment s'esi-il formé? Convenons que l'obscurité
règne encore sur les origines de toutes ses par-
ties, plus épaisse seulement sur quelques-unes
d'entre elles. On s'esplique assez bien l'évolution
qui a privé le gouvernement central de ses pouvoirs
au bénéfice d"une multitude de seigneurs. Ces
partages du pays qui se faisaient à chaque mort du
souverain entre ses enfants, sous les Carlovingiens,
et les guerres continuelles suites de ces partages
entre les princes, mais par dessus tout les incur-
sions réitérées, multipliées detous côtés des pirates
normands, finirent, en rendant les communica-
tions périlleuses et partant très rares, par rompre,
pour ainsi dire, les liens qui rattachaient ensem-
ble les diverses parties du pays. Les gouverneurs
de provinces, de cantons, ces fonctionnaires qu'on
appelait alors ducs, marquis, comtes, vicomtes, en
profitèrent pour se rendre peu à peu indépen-
dants. Leur grand moyen pour cette fin, ce fut
d'obtenir que leurs enfants leur succédassent dans
leurs fonctions, ce qui leur fut accorde souvent
en fait avant de l'être en droit par le capilulaire
de Quierzy en 87 7 (sous Charles le Chauve^. Ainsi
ce qui avait été une mission publique devint une
propriété privée. Dans le même temps et par les
mêmes causes , l'hérédité s'établissait dans un
autre ordre fort important de relations. Les rois
barbares, tant Mérovingiens que Carlovingiens, qui
d'abord possédaient en France, dans tous les can-
tons, ces immenses étendues de terre qui avaient
appartenu au fisc, c'est-à-dire à l'Etat, sous les Ro-
mains, s'en étaient peu à peu dépouillés, donnant
tantôt à l'un, tantôt à l'autre un domaine plus au
moins grand, à charge de service militaire et de
services spéciaux îi leur cour. Ces dons de terre
s'appelaient des bénéfices. Ils furent d'abord tem-
poraires, révocables, tout au plus viagers ; mais
enfin, comme les fonctions publiques, ils devinrent
héréditaires. Ainsi l'Eiat perdu la disposition des
fonctions publiques et celle des terres qui avaient
été publiques. Avant ces pertes, il en avait fait une
autre plus considérable peut-être et qui pourrait
bien avoir fait plus que toute autre cause pour le
mener à sa ruine: il avait perdu à peu près entiè-
rement la jouissance des impôts.
Dès que les rois barbares furent convertis au
catholicisme, ils commencèrent à doter l'Eglise, sur-
tout en fonds de terre, exemple d'abord suivi par
les grands propriétaires barbares. Non seulement
les rois donnèrent à l'Eglise des biens considéra-
bles, mais ils leur accordèrent dans ces biens une
situation exceptionnelle qu'on appellait Yimmunité.
Au fond c'est la pleine indépendance à l'égard de
l'Etat L'évêque, l'abbé, immunes, sont rois chez
eux; ils jugent les habitants de leurs terres; ils
lèvent sur eux l'impôt et se l'appliquent; ils admi-
nistrent; aucun officier royal ne doit, sous aucun
prétexte de service public, s'immiscer dans leurs
aflaires. Qu'est-ce que cela, sinon le type de gou-
vernement qui tout à l'heure avec la féodalité pré-
vaudra partout? N'est-il pas visible que voilà posé
devant les yeux des grands propriétaires laïques
et des grands fonctionnaires le modèle d'indépen-
dance qu'ils s'eflForceront tous d'atteindre! Et non
seulement l'immunité de l'Eglise a dû être un
exemple hautement contagieux et influent, mais un
autre effet considérable est certainement sorti de
là. Les populations voyaient dans les évêques, les
abbés, à cette époque, plus de douceur, de raison,
d'honnêteté que dans les princes et les grands
laïques; dépendre des premiers pour le gouverne-
ment et pour l'impôt dut être le rêve de tous;
comment le réaliser ?en se donnant soi etses terres,
au moins en apparence, à l'Eglise. Celle-ci trou-
vait son compte à accepter, à recevoir ces biens,
ces domaines en propriété nominale, et à les asso-
cier par là à son immunité, piiisqu'à défaut de la
propriété réelle et plénière, elle en avait au moins
la souveraineté et qu'elle en retirait l'impôt.
En voilà assez pour s'expliquer la ruine du pou-
voir central, de l'Etat proprement dit. Les autres
aspects, secondaires par rapport à celui-ci, du régi-
me féodal, tels que la subordination des fiefs entre
eux, et les relations des seigneurs avec leurs sujets,
sont loin de pouvoir être encore rapportés à leurs
c:iuses certaines, qui peut-être remontent beaucoup
plus loin qu'on ne le croit, ayant leurs dernières
racines dans le régime antique du clan gaulois,
ou do la communauté de village en Germanie.
D'ailleurs les limites de cet article nous interdisent
de nous engager dans ces recherches laborieuses.
[PaulLacombe.]
FER. — (Etym.. : du latin ferrum; en grec, le
1er s appelle i'idt;?'i>i). — Connaissances usuelles
XI.
1 . Extraction, préparation et usages industriels
du fer. — Le fer est un métal généralement d'un gris
foncé ou b eu, se rapprochant de la couleur de
l'argent quand il est pur. Son poids spécifique est
en moyenne 7,7, c'est-à-dire que le décimètre
cube de ce corps pèse 7*. 7. Il s'oxyde facilement à
l'air sous l'influence de l'humidité, et donne la
rouille. On le garantit contre cette action destruc-
tive en le galvanisant, c'est-à-dire en le recouvrant
d'une couche de zinc qui ne s'oxyde pas à l'air à
la température ordinaire. C'est un des métaux ma-
gnétiques, c'est-à-dire attirés par l'aimant et sus-
ceptibles de devenir eux-mêmes des aimants ; nous
reviendrons plus loin sur cette propriété.
En dehors de ces propriétés physiques et chi-
miques, le fer en possède beaucoup d'autres qui,
au point de vue industriel et pratique, le mettent
au premier rang parmi les métaux.
A ce point de vue les qualités du fer sont : 1° Sa
dureté, qui varie avec la quantité plus ou moins
grande de carbone qu'il contient et le procédé
employé pour sa préparation. Cette dureté diminue
quand on le chauffe. Il est fusible, mais avant de
fondre il devient assez mou pour prendre sous le
marteau toutes les formes et être percé facilement;
il peut même, au rouge blanc, se souder à lui-
même sans laisser trace de cette soudure ; — 2° Sa
malléabilité, c'est-à-dire la propriété qu'il possède
de pouvoir être réduit en feuilles plus ou moins
minces, depuis la tôle avec laquelle on forme les
tuyaux de poêle, jusqu'aux plaques plus épaisses
employées dans la fabrication des chaudières pour
les machines à vapeur, ou celles plus épaisses
encore qui servent à blinder les vaisseaux cui-
rassés ; — 3° Sa fusibilité quand il est à l'état de
fonte, qui permet de le couler dans les moules
pour la fabrication des ustensiles de toute sorte,
des statues, des colonnes si utiles dans la cons-
truction ; — 4° Sa ductilité, propriété de pou-
voi: être réduit en fils plus ou moins fins (art de
la tréfilerie) ; — 5" Enfin sa ténacité, propriété,
quand il est réduit en fils, de pouvoir supporter
des poids assez considérables sans se rompre.
Le fer se trouve en grande quantité dans le sol
à l'état de combinaison, principalement uni à
l'oxygène, au carbone, au soufre.
On appelle fer natif celui qu'on rencontre en
grains isolés dans les pierres qui tombent de
l'atmosphère. Ces chutes de pierres sont assez fré-
quentes; en France, la première qui ail été offi-
ciellement constatée est celle de la pierre dite de
l'Aigle (26 avril 180'!). Le fer s'y trouve allié à
deux autres métaux, le nickel et le chrome.
On rencontre aussi, presque à la surface du sol et
sur des terrains de toute nature, même sur la terre
végétale, dos blocs de fer, dit fer erratique. Ces
dépôts, d'après leur situation, doivent provenir
aussi de l'atmosphère; d'ailleurs plusieurs chutes
de 1er erratique ont pu être observées près d'A-
gram en Croatie (16 mai 1751), à Lahore en In-
FER
— 7G4 —
FER
doustan (?fi mai 1621). Le plus célèbre de ces gi-
sements a été découvert à Jcniséisk en Sibérie :
ce bloc de fer erratique, connu sous le nom de
fer de Pallas, pesait 70ii kilogrammes. (Il a été
trouvé par Pallas, célèbre naturaliste et voyageur,
né à Berlin en 1741, mort en 1811.) On en connaît
maintenant plusieurs autres: à Olympa, près Saint-
lago, un bloc pesant 1 4 OUO kilogrammes ; un avitre
de 19 000 kilogrammes près de Durango, au Mexi-
que; et enfin de plus considérables encore sur les
bords du Sénégal.
Les principaux minerais de fer que l'on exploite
sont d'abord le fer o'iVyzs^e, sesi]uioxyde de fer. gris
à l'état cristallisé, rouge plus ou moins foncé dans
les autres états. Il constitue des dépôts souvent
considérables, quelquefois même des montagnes
entières comme en Laponie, dans le Brésil et sur
quelques points de la Bretagne. C'est un minerai
très important, donnant des fers très purs; il en
existe des mines à l'île d'Elbe, ainsi que dans
l'Ardèche et dans les Vosges. Quelques variétés
terreuses sont emploj'écs dans la fabrication dos
couleurs communes, le rouge de Prusse, l'ocre
rouge ; les plus argileuses forment la sanguine et
Ihs crayons rouges ; enfin les variétés stalacliques
qu'on nomme hématites sont recherchées pour
faire les brunissoirs qui servent à polir l'or et
l'argent. Ce minerai donne environ 69 p. 100 de
fer.
Un second minerai, également un sesquioxyde
de fer, est désigné sous le nom de limonife, fer hy-
draté, ou mine de fer en grains. C'e^t une substance
brune ou jaune, donnant par calcination de l'eau et
un résidu d'oxyde rouge. La limonite se trouve dans
les terrains de sédiment, puis dans les cavités et les
fentes du terrain jurassique ; aussi ce minerai
alimente-t-il les usines de Normandie, du Berry,
de la Bourgogne, de la Lorraine et de la Franche-
Comté. Il donne environ .''5 p. l<i(t de fer; les va-
riétés terreuses mélangées à l'argile et à l'alumi-
nium forment l'ocre jaune.
Le troisième minerai à l'état d'oxyde est Vaimant,
ou fer oxydé magnétique. Il est formé de peroxyde
de fer, combiné avec du protoxyde. Il contient
jusqu'à "i'I p. 100 de métal : c'est par conséquent
le minorai le plus riclio. L'aimant appariii'iit en-
tièrement aux terrains de cristallisation ; il est
quelquefois disséminé en cristaux dans diverses
roches, d'autres fois il se présente sous forme de
montagnes entières. C'est particulièrement en
Norvège et en Suède que ce minerai est abondant.
Il donne le fer le plus pur; c'est le seul qui four-
nisse le bon acier fondu.
Le seul minerai important pour la fabrication du
fer, on dehors des oxydes, est le carbonate de for.
Il est connu en minéralogie sous le nom de fer
carbonate, fer spathique, mine d'acier. Il se pré-
sente dans les gisements sous forme de rognons,
en dépôts mamelonnés, et aussi sous la forme de
tiges de plantes; enfin en masses lamellaires, et
quelquefois sous la même forme que dans la limo-
nite en grains. En France, on exploite des mines de
cette espèce en Dauphiné et dans les Pyrénées.
Les variétés compactes et terreuses de ce minerai,
qu'offrent les terrains houillers, se trouvent sur-
tout en Angleterre. Leur exploitation est facilitée
par le voisinage des mines de houille. En France
on les exploite aussi aux environs de Saint-Etienne
et dans l'Aveyron.
En Angleterre, le minerai, essentiellement du
fer carbonate, est grillé. Sa teneur est de 40 p. IdO,
son prix de revient varie entre r,50 et 2',ô0
les 100".
En France, le minerai est lavé ; sa teneur est en
moyenne de 86 p. Kio, son prix de revient, charrois
compris, est de i',.32 les lOU".
Nous donnerons brièvement une idée du traite-
ment qu'on fait subir au minorai pour obtenir le
fer sous les différents états où il est livré à l'indus-
trie.
Il existe deux méthodes principales, la méthode
catalane et la méthode du haut-fourneau.
Dans la première, on extrait directement le for
du minerai; elle ne peut être appliquée avanta-
geusement qu'à certains minerais très riches et
d'une nature particulière. La transformation s'o-
père dans des fourneaux qui n'ont pas une grande
hauteur; on y mélange du charbon de bois et du
minerai; un vif courant d'air, lancé par des
tuyères, active d'abord la combustion ; puis, pen-
dant les diverses phases de l'opération, il est réglé
de manière à modifier la nature du fer obtenu
d'après la nature du feu et la quantité de carbone
laissé en combinaison avec le fer.
Les fers fabriqués par cette méthode sont connus
dans le commerce sous les noms de fer ordinaire,
fer fort, et acier naturel ou fer cédât.
Voici le prix de revient de 100' de fer forgé dans
une usine de l'Ariège pour 1,000 feux faits pendant
l'année :
310" de minorai G',20
302" de charbon 24 ,76
Main-d'œuvre et frais généraux. . 9 ,67
40',6:i
La seconde méthode, dite des hauts fourneaux,
tire son nom de la forme et des dimensions des
fourneaux employés ; elle consiste dans la transfor-
mation du minerai en fonte, puis dans l'affinage ou
le puddlage de la fonte, c'est-à-dire la fabrication
du lor ou de l'acier.
On mélange le minerai (oxyde de fer) avec du
charbon et un fondant qu'on appelle castine s'il
est de nature calcaire, et erbue s'il est de nature
argileuse. Un courant d'air puissant, lancé par une
tuyère qui est alimentée par une machine souf-
flante, traverse le mélange, active la combustion,
et aide aux combinaisons. Le principe général
consiste à désoxygéner le fer par l'action du car-
bone, de laquelle résultent de l'acide carbonique et
de l'oxyde de carbone qui se transforme lui-même
en acide carbonique. Les couches successives ayant
ainsi des températures différentes, une partie du
carbone s'unit au fer et forme le carbure de fer,
appelé funte.
Les produits obtenus dans les fourneaux sont la
fonte et les laitiers, résidus provenant des matiè-
res contenues dans le minerai et le fondant. Quand
l'opération est bien conduite, les laitiers contien-
nent une quantité insignifiante de fer ; on les
utilise quelquefois pour la fabrication de briques
communes.
On allume d'abord du charbon dans le fourneau;
puis, lorsqu'il est suffisamment chaud, on intro-
duit par la partie supérieure et par couches, ou
préalablement mélangés, le minerai, le fondant et
du charbon. On emploie soit du charbon de bois,
soit du coke, soit enfin de la houille sèche; on
semble renoncer au bois vert ou desséché dont on
avait d'abord préconisé l'usage.
Quand le laitier arrive à la partie inférieure ap-
pelée creuset, on le fait couler par une ouverture
pratiquée au-dessus dune plaque de fonte appelée
dame. Quand il est relire et l'ouvcriure fermée, la
fonte remplit le creuset ; on pratique des ouver-
tures sur les coins pour la laisser couler et for-
mer des sortes de lingots appelés gueuses, quand
la fonte doit servir à l'affinage. Dans le cas où la
fonte est employée à la construction de divers
ustensiles, vases, chenets, grilles, etc., les ou-
vriers puisent la fonte à l'aide de poches ot de cuil-
lères spéciales, et la portent dans les moules
Les fontes contiennent de 2 à ô p. loO de car-
bone, c'est-à-dire que dans 100 kil. de fonte, il entre
98 ou 9ô kil. de for et :; ou 5 kil. de carbone. On
FEU
— 765 —
FER
distingue denx espèces de fonte, la fonte grise et
la fontu bianclie ; par leur mélange on obtient les
tontes intermédiaires. Si la fonte a été refroidie
brusquement, elle est blanche : c'est la fonte trem-
poe. Si, au contraire, elle est refroidie lentement,
elle donne la fonte grise ou fonte recuite.
Le prix de revient de la fonte en France est
donné dans le tableau suivant :
Minerai, 300" 3',97
Castiiie, 80* 0 ,16
Cliarbon, 110* 7,70
Main d'œuvre et frais généraux. . . . 3 ,17
lô' »
Mais dans les usines considérables le prix peut
descendre jusqu'à 11 fr.
La fonte grise est facile à travailler, elle supporte le
choc du marteau, fond diflicilement ; mais une fois
fondue elle devient très liquide, et sert à la fabri-
cation des objets en fonte. La fonte blanche, au
contraire, est difficile à travailler, cassante, facile
à fondre, mais alors elle reste peu fluide. Elle sert
à l'affinage pour la fabrication du fer et de l'acier.
Pour cette nouvelle transformation, on fait fondre,
dans des fourneaux spéciaux, la fonte blanche ; on
obtient dans le creuset une masse molle, vis-
queuse, appelée loupe. Quand elle est de dimen-
sion suffisante, on la soumet à l'action de mar-
teaux puissants et de laminoirs spéciaux. C'est
ce qu'on appelle le cinglage de la loupe ; on fait
ainsi sortir les matières étrangères, appelées sco-
7'ies ou battitures.
Les métliodes d'affinage varient suivant les con-
trées ; nous n'entrerons pas dans d'autres détails,
qui sont du ressort des traités spéciaux.
On tend depuis quelques années à substituer à
l'affinage le puddlage, procédé anglais. Il consiste
à faire recuire la fonte dans des fours dits f^urs
à /luddler. Ils sont de deux espèces : les fours
pleins, et les fours à air ou fours bouillants; les
derniers sont les plus employés. L'opération con-
siste à faire fondre la fonte avec des battitures et
des scories riches, et à brasser le tout, à force de
bras, jusqu'à ce que la fonte perde son carbone.
Quand le fer a pris nature, on forme des balles
appelées loupes, on les cingle, puis on les sou-
met au laminoir à plusieurs reprises : c'est ce
qu'on appelle le corroyage du fer. On obtient ainsi
le fer marchand.
Ce nouveau travail augmente le prix du fer de
8 fr. pour 100 kil. pour le fer corroyé, et de 10 fr.
environ pour la fabrication des rails .
Il nous reste à dire quelques mots de l'acier, du
fer battu, du fer-blanc et du fer doux.
Acier. — L'acier est un composé de fer et de
carbone, contenant seulement 1 ou 2 p. 100 de
carbone. Ses propriétés physiques sont à peu près
les mêmes que celles du fer ; ce qui le caractérise
essentiellement, c'est la dureté qu'il acquiert à la
trempe et qui le rend propre à la confection des
outils. Les différentes espèces d'acier ont des ca-
ractères généraux semblables, mais diffèrent entre
elles par des qualités qui dépendent du minerai,
des matières employées, et surtout du mode de
fabrication. Les espèces principales sont : l'acier
naturel, obtenu directement en réduisant le mi-
nerai (méthode catalane ; l'acier de cémentation,
obtenu par la carburation du fer; l'acier de forge,
obtenu par l'affinage incomplet de la foute ; enfin
l'acier fondu.
Nous avons déjà parlé de l'acier naturel ; l'acier
de cémentation s'obiieni en carburant le fer forgé,
dans des fours spéciaux, sous l'influence prolongée
d'une haute température, en présence du charbon.
Pour un four recevant une charge de ITtji'O'', l'opé-
ration dure 17 jours. Voici le tableau du prix de re-
vient de l'acier de cémentation anglais pour 100* :
9!)* de fer ii',GO
.^Sôde charbon 0 ,30
Chauffage à la houille 0 ,8o
Main-d'œuvre et frais généraux. . 2 ,43
4 8', 13
On fabrique aussi de l'acier puddlé ; le procédé
diffère de celui employé pour le fer par la cons-
truction du four et la conduite de l'opération. Le
travail doit être lent, et fait sous une très liante
température. L'acier obtenu, on le lamine pour la
fabrication des ressorts de voiture, on l'étiré en
barres pour le livrer au commerce et à la serru-
rerie, ou bien on le corroie.
L'acier de cémentation se prêtant difficilement à
l'étirage et au corroyage, on emploie l'acier fondu,
dont la découverte est due à Benjamin Huntsman,
qui fonda le prcmie- établissement près de
Sheffield en 1740. Nous indiquerons seulement,
parmi tous les procédés, celui de Bessemer, qui
permet d'obtenir dans la meilleure condition éco-
nomique de grandes masses d'acier fondu, en
traitant directement les fontes, obtenues au moyen
d'hématites rouges très pures. Cette m Jthode con-
siste à faire passer un courant d'air dans la fonte
liquide, courant qui au lieu de refroidir la masse
liquide, l'échaufl'e au contraire par la combustion
des matières oxydables.
Le prix de lOÛ" d'acier fondu est de 70 fr.
Fer battu. — Il est employé pour la fabrication
d'ustensiles de ménage. On l'obtient en emboutis-
sant le fer sur une suite de matrices, se rappro-
chant graduellement de la forme définitive; on
soumet le fer à l'action de puissants balanciers
ou mieux à l'action d'une presse hydraulique,
moins dangereuse pour l'ouvrier et évitanl.les chocs
qui produisent des déchirures ; on l'étame ensuite
au moyen de bains d'étain.
Fer-blanc. — Il s'obtient au moyen de feuilles
de tôle découpée et soumise à un étamage spécial.
On commence par décaper le métal au moyen de
l'acide hydro-chlorique, puis on sèche les feuilles
dans un four, où on les porte au rouge sombre ;
on les laisse refroidir à l'air, et on les passe au
laminoir. On les lave, on les essuie, puis elles
sont séchées dans une atmosphère à vapeur pour
ôter l'air. On trempe les feuilles dans de la graisse
fondue et bouiUanie, et eiiliii dans un bain d'étain
foiidu, où on les laisse environ une heure et demie.
Fer pur, fer doux. — Pour obtenir du fer
chimiquement pur, on fait passer un courant
d'hydrogène sur du sesquioxyde de fer, chauffé
dans un tube de porcelaine : la réaction donne
de l'eau et du fer métallique pur très divisé.
Le métal ainsi obtenu est trop divisé pour être
employé ; on le prépare pour le commerce en
faisant fondre, dans un creuset réfractaire, de la
limaille de fer avec un cinquième de son poids de
sexquioxyde de fer ; on recouvre de terre pulvé-
risée, et on chauffe dans un fourneau au coke
alimenté d'air ; on obtient un culot métallique
fondu, dit fer doux.
Ce fer pur, dit fer doux, a la propriété de s'ai-
manter instantanément sous l'action d'un courant,
et de perdre instantanément aussi son aimantation
dès que le courant est interrompu. Cette propriété
sert de base à la théorie et à la construction des
électro-aimants et des télégraphes électriques.
Le fer ordinaire ou l'acier s'aimantent au contraire
plus difficilement, mais peuvent conserver très long-
temps leur aimantation. [E. Dacosta.]
2. Propriétés chimiques du fer. — Chimie, XVIII.
— Le fer ^F<?) n'est pas seulement le métal le plus
employé dans les arts et dans l'industrie, il est
aussi, à l'état de combinaison, l'un des corps les
plus importants de l'écorce minérale du globe,
dont il forme les 2/100 à l'état d'oxyde. On l'y ren-
contre aussi à l'état de sulfure (pyrite), d'arsé-
FER
— 766 —
FER
uiure, etc. Le fer se trouve dans le sang de tous
les animaux à sang rouge ; le sang d"un homme de
trente ans en contient environ 2 grammes : il est
fixe principalement dans les globules du sang, qui
lui doivejjî leur couleur rouge; c'est pour cela
qu'aujourd'hui on ordonne le fer comme fortifiant
sous différentes formes : fer dialyse, phosphaté,
lactate de fer, etc. Enfin on trouve du fer dans
presque toutes les cendres de végétaux ; la plu-
part de nos terres jaune d'ocre doivent leur cou-
leur au peroxyde de fer hydraté.
Propriétés ihimiques du fer. — Dans la classifi-
cation chimique des métaux, qu'on trouve dans
tous les traités, et qui a pour base la facilité plus
ou moins grande avec laquelle ceux-ci s'oxydent
en présence de l'air, soit à cliaud, soit à froid, ou
décomposent l'eau à froid, à chaud, ou en présence
des acides (V. Métaux), le fer est rangé dans la
troisième famille avec le zinc, le nickel et le cobalt.
En effet, le fer décompose l'eau au rouge sombre,
en produisant de l'hydrogène, ou bien à froid en
présence de l'acide suifurique ou de l'acide chlo-
rhydrique. C'est donc un métal extrêmement
oxyaabie ; s'il se trouve en contact avec un corps
incandescent, un morceau d'amadou, par exemple,
il brûle vivement quand on le plonge dans ioxy-
gène pur (V. Oxygène) ; au rouge blanc, il brûle
dans l'air en lançant des étincelles comme dans
l'oxygène. Le fer est incontestablement le plus
oxydable de tous les mélaux usuels; c'est même là
son plus grand défaut pour un grand nombre d'u-
sages, et c'est ce qui a fait imagmer le fer étarné,
le fer galvanisé, etc.
Oxydation du fer à Pair humide. — Tout le
monde sait que lé fer exposé à l'air humide se
rouille promptement et profondément; le morceau
finit par être complètement transformé en rouille;
une petite tache de rouille sur un couteau s'étend
en largeur et en profondeur comme un ulcère. Il
n'en est pas de même du zinc, de i'étain, etc. ; ces
métaux se recouvrent aussi d'une couche d'oxyde
à l'air humide, mais celle-ci les protège ensuite
contre une oxydation ultérieure et plus profonde,
comme le ferait une couche de vernis. Que se
passe-t-il donc au contact du fer et de l'oxygène
humide? L'étude chimique de la rouille de fer a
permis aux chimistes de se rendre compte de cette
action complexe La rouille est formée de carbonate
de fer mélangé à du carbonate d'ammoniaque ; la
première parcelle d'oxyde formée constitue, avec le
fer, un élément galvanique qui décompose l'eau;
l'oxygène mis en liberté oxyde le fer, tandis que
l'hydrogène naissant se combine à l'azote pour
former de l'ammoniaque ; puis, au contact de l'a-
cide carbonique de l'air, il reforme du carbonate
de fer et du carbonate d'ammoniaque.
Oxydes de fer. — On connaît quatre oxydes de
fer dont la composition est représentée par ies
formules suivantes (V. Nomenclature) :
FeO ou protoxyde de fer, appelé encore oxyde
ferreux ;
Fe^O* ou oxyde magnétique ; c'est la pierre d'ai-
mant si répandue en Suède et qui donne le bon
fer qui nous vient de ce pays ;
Fe^O' ou sesquioxyde, appelé encore peroxyde de
fer et oxyde ferrique ;
FeO^ ou acide ferrique ; ce corps n'a été obtenu
qu'à l'état de combinaison ; M. Frémy i'a préparé
à l'état de ferrate de potasse en projetant du
nitre dans un creuset porté au rouge et conte-
nant de la limaille de fer.
Protoxyde de fer. — Quand on verse une base
alcaline dans une dissolution de sulfate de
protoxyde de fer (couperose ou vitriol vert), on
obtient un précipité gélatineux verdâtre ; c'est de
l'hydrate de protoxyde de fer ; à l'air il devient
presque instantanément rouge en passant à l'état de
sesquioxyde. (ie n'est que par les sels qu'il forme
avec les acides, que cet oxyde de fer est important,
Sesquioxyde de fer. — C'est le composé ferrique
le plus répandu dans la nature ; à l'état anhydre,
il constitue le fer oligiste des minéralogistes. On
trouve le sesquioxyde anhydre en lames minces
dans les fissures volcaniques; il porte à cet état ie
nom de fer spéculaire. En masses compactes, d'un
rougo intense, c'est IdiSanguine ou V/térnatite rouge.
La limonite est encore un sesquioxyde de fer
très abondant et recherché comme minerai; son
aspect est quelquefois luisant, plus souvent terne;
sa couleur est jaune, quelquefois noire; la limonite
se rencontre aussi en prismes obliques, quelque-
fois eu cubes ou en octaèdres.
Préparation du sesquioxyde de fer. — Quand
on calcine du vitriol vert (sulfate de protoxyde de
fer) pour obtenir l'acide suifurique dit de Saxe,
on obtient comme résidu une poudre d'un rouge
brun qu'on appelle colcothar; c'est du sesquioxyde
de fer anhydre.
On obtient le sesquioxyde hydraté (Fe^O^aHO)
en versant de l'ammoniaque dans une dissolution
de perchlorure de fer. Il apparaît alors à l'état gé-
latineux ; c'est ainsi qu'on l'emploie comme contre-
poison de l'arsenic.
Le safran de mars apéritif est un mélange
d'hydrate de sesquioxyde de fer et de carbonate
de fer, obtenu en précipitant une dissolution de
sulfate de protoxyde de fer par le carbonate de
soude; ce safran desséché donne le safran de
mars astringent, qu'on employait autrefois en mé-
decine.
Action du soufre sur le fer. — Le soufre, comme
l'oxygène, se combine facilement au fer. Une
piaque de tôle rougie se perce facilement quand
on applique à sa surface un morceau de soufre.
Un mélange humide de fleur de soufre et de li-
maille de fer s'échauffe au bout de quelques heures
en donnant un dégagement de vapeur d'eau; il se
forme du sulfure ue fer : c'est ce qu'on appelle le
volcan de Lémery, parce que le savant de ce nom
avait essayé d'expliquer les volcans en se basant
sur cette curieuse expérience.
Sulfures de fer. — Les sulfures de fer sont très
abondants ; ils portent le nom général de pyrites.
Le plus important est le bisulfure, qu'on appelle
pyrite martiale; il est cristallisé en cubes ou en
dodécaèdres: il est lourd, brillant et fait feu au
briquet. Certaines variétés blanches s'effleurissent
à l'air en s'oxydant et en se transformant en sul-
fate. Il résiste à l'action des acides. Aujourd'hui
ces pyrites sont grillées pour donner de l'acide
sulfureux qu'on dirige dans les chambres de plomb
où se fabrique l'acide suifurique : le résidu est du
sulfate de fer anhydre, pulvérulent et blanc qui
sert à la fabrication de la couperose. A cause de sa
couleur jaune brillante, la pyrite a été autrefois
employée dans la joaillerie ; on a retrouvé dans
les tombeaux péruviens des miroirs faits de pyrites
polies, qu'on appelle miroirs des Incas.
Dans les laboratoires on prépare souvent du
protosulfure de fer en chauffant une bouillie for-
mée de limaille de fer, de fleur de soufre et d'eau.
On obtient ainsi une poussière noire qui est attaquée
facilement par les acides et sert à préparer l'hy-
drogène sulfuré.
Actiondu chlore sur le fer. — En faisant passer un
courant de chlore sur du fer chauffé dans un tube
de porcelaine, on voit sortir à l'extrémité du tube
des vapeurs jaunâtres de sesquichlorure de fer
(Fe-C13), et on trouve le même produit cristallisé,
mais brillant, dans les parties froides du tube. Si
on remplace dans cette expérience ie chlore par
de l'acide chlorhydrique sec et gazeux, on obtient
des écailles blanches nacrées de protochlorure
de fer.
En mettant des clous en excès dans de l'acide
chlorhydrique étendu, on obtient le protochlorure
FER
— 767 —
FERDINAND
de fer à l'état de dissolution, et en faisant passer
un courant de chlore dans cette dissolution, la
liqueur passe du vert au jaune on se transformant
en sesquichlorure. On obtient encore celui-ci en
dissolvant le sesquioxyde de fer dans l'acide
chlorhydrique.
Usages du sesquichlorure de fer. — On l'emploie
en médecine pour l'usage interne. Il sert aussi en
chirurgie pour arrêter les hémorrhagies, car il
coagule immédiatement le sang; il est employé
sous forme de teinture alcoolique à la dose de
quelques gouttes. Son usage a été considéré sou-
vent comme dangereux ; bon nombre de médecins
ne l'emploient pas.
Action de l'iode sur le fer. — L'iode attaque le
fer instantanément à froid ; il se forme de l'iodure
de fer. C'est en voyant ses cornues de fer se cor-
roder et se détériorer rapidement que Courtois,
fabricant de produits chimiques, a été amené, en
en cherchant la cause, à découvrir l'iode en 1811.
L'iodure de fer est employé en médecine ; il a les
propriétés du fer et celles de l'iode.
Action des acides sur le fer. — L'acide sulfuri-
que, à froid comme à chaud, dissout rapidement
le fer ; il se dégage de l'hydrogène et il reste du
sulfate de protoxyde de fer (gonflement des
iérostats).
L'acide azotique étendu dissout le fer en for-
mant de l'azotate de protoxyde de fer ; mais non
seulement 1 acide concentré ne l'attaque pas, il le
rend passif, c'est-à-dire que le fer qui a été
plongé dans l'acide azotique concentré n'est plus
ensuite attaqué par l'acide étendu, si ce n'est au
moment où on le touche avec un fil de cuivre.
L'acide chlorhydrique, comme nous l'avons dit,
dissout le fer à froid et à chaud en formant du
chlorure de fer.
Sulfate de protoxyde de fer, vitriol vert ou
couperose verte. — C'est un sel très anciennement
connu. On l'obtient, nous l'avons déjà dit, ou en
grillant les pyrites, ou en les exposant à l'air, au
vent et à la pluie, ou bien encore en dissolvant du
fer dans l'acide sulfurique étendu. C'est un sel
cristallisé vert, qui a pour formule FeO,60',7HO.
II se dissout dans l'eau, et cette dissolution, au
contact de l'air, se trouble et brunit ; il se pro-
duit alors du sulfate de sesquioxyde de fer. Chauflé
dans une capsule, le sulfate de protoxyde de fer
fond dans son eau, abandonne une quantité con-
sidérable de vapeur, et donne un résidu blanc qui
a pour formule FeO,50'jHO; il peut reprendre de
l'eau, alors il redevient vert.
Le sulfate de fer qui a perdu six équivalents
d'eau se décompose à une température plus élevée ;
il donne de l'acide sulfureux, de l'acide sulfurique
de Nordhausen, et un résidu de colcothar (rouge
d'Angleterre, sesquioxyde de fer).
Usages du sulfate de protoxyde de fer. — Ce
sel a de nombreux usages. Il est employé comme
mordant en teinture ; il sert à précipiter l'or à l'é-
tat de division chimique. On l'emploie concurrem-
ment avec le vitriol bleu (sulfate de cuivre ou
couperose bleue) pour chauler le blé ; on en extrait
l'acide sulfurique fumant de Saxe; enfin, sa pro-
priété de noircir en présence du tannin à l'air
l'a fait depuis longtemps employer dans la prépara-
tion de l'encre ordinaire et de la plupart des cou-
leurs noires et grises. On l'emploie quelquefois
en médecine comme astringent.
Prussiate jaune de potasse ou cyanoferrure de
potass'um. — On appelle ainsi un sel double
formé de cyanure de fer et de cyanure de potassium.
(Y. Cyanogè?ie.)
Le prussiate jaune est, comme son nom l'indi-
que, un sel jaune, contenant à l'état de cristaux
12, 8 pour 100 d'eau. On le rencontre dans le
commerce en masses cristallisées quelquefois con-
sidérables : à l'exposition de 1878, nous avons pu voir,
à l'exposition de la maison Plazanet de Paris, une
masse de ce sel magnifiquement cristallisée pesant
plus de GO kilog. On en voit souvent d'assez beaux
échantillons à la vitrine des pharmaciens.
Préparation. — On l'obtient en grand en chauf-
fant dans des chaudières de fer un mélange de
carbonate de potasse et de charbon provenant de
la calcination de matières organiques azotées
(cornes, poils, morceaux de cuir, chiffons de
laine, etc.).
On agite la masse avec des ringards ; quand la
réaction est terminée, on traite par l'eau bouillante,
on filtre, on fait évaporer et cristalliser. A New-
castle, en Angleterre, on en fabrique de grandes
quantités en faisant agir l'azote de l'air sur du
charbon chauffé et imprégné de potasse.
Usages du prussiate jaune. — Le prussiate
jaune sert à fabriquer le bleu de Prusse ; en effet,
cette couleur d'un si grand usage s'obtient direc-
tement en versant une dissolution de prussiate
jaune dans un sel de sesquioxyde de fer. Si on
verse la dissolution dans du sulfate de protoxyde de
fer, le bleu de Prusse ne se forme que lentement
à l'air. Le prussiate jaune sert aussi à fabriquer
le cyanure de potassium, employé en médecine et
en photographie.
Quand on fait passer un courant de chlore dans
une dissolution de prussiate jaune, on obtient du
prussiate rouge qui a la propriété de donner immé-
diatement du bleu de Prusse avec le sulfate
de fer.
Caracières des sels de fer. — Les alcalis don-
nent dans les sels de fer à base de protoxyde un
précipité gélatineux blanc verdâtre qui se redis-
sout dans un excès d'alcali ; dans les sels à base
de sesquioxyde, le précipité est couleur de rouille.
Les uns et les autres précipitent en noir par le
sulfliydrate d'ammoniaque ; les premiers noir-
cissent à l'air en présence du tannin, les seconds
donnent un précipité noir. L'action du tannin, ainsi
que celle du prussiate jaune, sont tout à fait ca-
ractéristiques pour les sels de fer. Tout le monde
sait, du reste, que les couteaux, les ustensiles en
fer noircissent au contact de la sciure de bois, des
artichauts et de toutes les substances qui con-
tiennent les moindres traces de tannin.
[Alfred Jacquemart.]
FERDINAND. — Nous complétons par les ar-
ticles ci-dessous, consacrés aux principaux souve-
rains de ce nom, les leçons d'histoire générale dont
le numéro d'ordre est indiqué à la suite de chaque
nom.
1» Allemagne.
Ferdinand I d'Autriche, — Histoire généralei
XXII et XX VII, — frère puîné de Charles-Quint *,
devint roi de Hongrie et de Bohême en ].i26, reçut
le titre de roi des Romains en 1531, et fut élu em-
pereur en IÔ56 après l'abdication de son frère. Son
règne, qui ne dura que huit ans, ne présente pas
d'événements remarquables. Il mourut en 15f!4.
Ferdinand II, — Histoire générale, XXIII et
XXVil, — de la branche de Styrie, petit-fils du
précédent. de\int empereur en 1619, à la mort, de
son cousin Maihias. La Guerre de Trente a;is* venait
d'éclater. Ferdinand, prince habile et ambitieux,
élevé par les jésuites, sut se servir de l'épée de
Wallensiein pour accrultre l'autorité impériale
d'abord, et ensuite pour se défendre contre les
Suédois. Mais quand il eut fait tuer Wallenstein
(l6i4), et que Rich' lieu lUt déclaré à son tour la
guerre à la maison d'Autriche, les choses chan-
gèrent de face. Ferdinand II ne vécut pas assez
pour voir la fin de cette longue lutte; il mourut
en 1637.
Ferdinand III, — Histoire générale, XXIII et
XWII, — fils et successeur du précédent, se vit
forcé par les succès des Suédois et des Français à
FERDINAND
— 7G8 —
FERiMENTATION
négocier la paix de Westplialie, qui termina la
guerre de Trente ans (1G48). Par les nioditications
que ce traité amena dans la situation intérieure de
l'Allemagne, l'autorité impériale fut presque en-
tièrement annulée. Ferdinand III mourut en 1657,
laissant la couronne à son fils Lcopold *.
2" Autriche.
Ferdinand I, — Histoire pénérale, XXVI et
XXVII, — second empereur d'Autriche, succéda
en 1835 à son père François \" *. Son règne fut
paisible jusqu'en I84B; n.ais cette année-là éclata
l'insurrection de Galicie, qui fut l'occasion de san-
glants massacres, et ;i la suite de laquelle la Répu-
blique de Cracovie fut annexée à l'Autriche. En
1847, l'Italie, où l'Autriche possédait le royaume
lombard-vénitien, commença à s'agiter ; enfin en
1848 éclatèrent coup sur coup les insurrections de
Vienne, de Milan, de Venise, de Cracovie. Ferdi-
nand se réfugia à Innsbruck, après avoir promis
la convocation d'une Assemblée constituante. Cette
assemblée se réunit à Vienne en juillet, et Ferdi-
nand revint alors dans sa capitale. Mais une nou-
velle insurrection éclata quand l'empereur voulut
faire la guerre aux Hongrois. Ferdinand abandonna
de nouveau \ ienm; (octobre), qu'il fit bombarder
par Windischgraetz Peu après, il abdiqua en fa-
veur de son neveu François-Joseph (2 décembre
1848), empereur régnant.
3° Espagjie.
Ferdinand V le Catholique. — Histoire géné-
rale, XXI et XXIX. — Né en 1462, fils de Jean II,
roi d'Aragon et de Sicile, ce prince épousa en
1469 Isabelle, héritière de Ca^iille. Isab'-llo devint
reine de Castille en 1474, mais les Castillans ne
permirent pas à son époux de prendre le titre de
roi. En 1479, Ferdinand hérita dis Etats de son
père; puis, avec les forces réunies de l'Aragon et
de la Castille, il chassa les Maures de Grenade
(1492). En lôOi, il enleva Naples aux Français.
Ainsi fut fondée la puissance espagnole. A la mort
d'Isabelle (1504), l'union de la Castille et de l'Ara-
gon fut rompue un moment, Philippe d'Autriche,
gendre d'Isabelle et époux de Jeanne la Folle,
ayant été proclamé roi de Castille. Mais ce prince
mourut en I50G, et la couronne de Castille passa
alors su:' la tête de Ferdinand, qui s'appela désor-
mais Ferdinand V. En 1512, il conquit la Navarre
espagnole. A sa mort (151G), il légua à son petit-
fils Charles toutes ses couronnes, accrues encore
des possessions américaines qu'avait données à
l'Espagne le génie de Christophe Colomb.
Ferdinand le Catholique établit dans ses Etats
l'inquisition, consolida le despotisme royal, et par
sa politique habile, mais peu scrupuleuse, fit de
l'Espagne une grande puissance. « C'est à lui que
nous devons tout », disait de lui Piiilippe II.
Ferdinand VI, — Histoire générale, XXV et
XXIX, — fils et successeur de Philippe V *, de la
maison de Bourbon, régna de 17i(; à 1759. Il eut
pour ministre le marquis de la Ensenada, qui fit
d'utiles réformes dans l'administration et encou-
ragea l'industrie et le commerce. Il mourut sans
enfants, laissant le trône à son frère Charles III *.
Ferdinand VII, — Histoire générale, XXVI et
XXIX, — fils et successeur de Charles IV*, devint
roi en 18(J8 par l'abdication de son père, qu'avait
amenée un soulèvement populaire. Mais Napoléon
l'ayant attiré, ainsi que son père^ à une entrevue
à Bayonne, le retint prisonnier, et donna la cou-
ronne d'Espagne à Joseph Bonaparte. Les Espa-
gnols se soulevèrent; les Coriès, réunies à Cadix,
ne vouluri'Ht pas reconnaître d'autre roi que Fer-
dinand VII, et rédigèrent une constitution libérale,
qui fut promulguée en 1812. Après avoir vainement
cherché à soumettre l'Espagne, Napoléon fut forcé
par SCS revers à rendre la liberté à Ferdinand VII,
qui rentra à Madrid en 1814. Aussitôt qu'il fut
rétabli sur le trône, ce prince abolit la constitution
de 1812, qu'il avait juré de maintenir, rétablit
l'inquisition, et persécuta cruellement les libéraux.
Les colonies d'Amérique s'étaient révoltées: il ne
put les remettre sous son obéissance. Bientôt une
insurrection libérale éclata en Espagne même
(182:), et Ferdinand, feignant de céder, prêta de
nouveau serment à la constitution de 1812; mais
ayant obtenu contre ses sujets l'appui de la Sainte-
Alliance, il put, grâce aux troupes que lui envoya
le gouvernement de Louis XVIII, écraser le parti
libéral et reprendre le pouvoir absolu (1823). En
1830, il abulit la loi salique, que les Bourbons
avaient introduite en Espagne, assurant par là sa
succession à sa fille Isabelle, née la même année.
Don Carlos, frère du roi, protesta, et ses partisans
prirent les armes: ainsi commença la longu'- série
des soulèvements carlistes. Ferdinand VII mourut
en 18)3, laissant la régence à sa veuve Marie-
Christine.
Fi:um.\(;e. — V. Exploitation (Systèmes d').
FKUMENTATION, FERMENT. — Chimie, XXIII.
— Il n'y a pas dans la langue scientifique de mots
ayant acquis une plus grande importance que les
mots fermentai io7i et ferment, aussi bien à cause
du grand nombre de phénomènes divers auxquels
ils s'appliquent aujourd'hui, que parce que les tra-
vaux qui ont été faits à noire époque sur ce sujet,
principalement ceux de M. Pasteur, en rattachent
rinterpi"étation à une des questions capitales de
la philosophie naturelle : la question de l'origine
de la vie, qu'on appelle encore quelquefois la
question des générations spojitanées.
Historiijue. — Il est très probable que la fer-
mentation de la bière, du jus do raisin, de pom-
mes, etc., étaient connus dès la plus haute anti-
quité, au delà même des temps historiques. Au
moyen âge, les mots fermeîitation et ferment
sont souvent employés. Arnaud de Villeneuve dit
que l'âme est un ferment, « qu'elle vivifie le corps
de l'homme, ainsi que le ferment anime le corps
mort et altéré par la nature ». Ainsi, au commen-
cement du xiv« siècle, la décomposition putride
d'un cadavre était appelée une fermentation.
Au xvi= siècle. Van Helmont, célèbre alchimiste,
reconnaît que le gaz de la combustion (acide car-
bonique! est le même que celuide la/'er»ie?iio(ici?i,
qu'il définit : « la mère de la transmutation, divi-
sant les corps en atomes excessivement petits. »
Il affirme en outre que la fermentation a besoin
de l'air : « Une grappe de raisin non endommagée
se conserve et se dessèche ; mais une fois que
l'épiderme est déchiré, le raisin ne se conserve
plus, se mettant à fermenter : c'est là le commen-
cement de sa métamorphose Le moût de vin,
le suc des pommes, des baies, du miel, etc., éprou-
vent, sous l'influence du ferment, comme un mou-
vement d'ébuUition, dû au dégagement de ce gaz.
Ce gaz, étant comprimé avec beaucoup de force
dans les tonneaux, rend, les vins pétillants et
mousseux. » A côté de ces observations exactes,
on trouve des affirmations qui touchent au gro-
tesque. <i L'eau de fontaine la plus pure, dit Van
Helmont, mise dans un vase imprégné de l'odeur
d'un ferment, se moisit et engendre des vers.
Les odeurs qui s'élèvent du fond des marais pro-
duisent des grenouilles, des limaces, des sangsues,
des herbes... Creusez un trou dans une brique,
mettez-y de l'herbe de basihc pilée, appliquez une
seconde brique sur la première, de façon que le
trou soit parfaitement couvert, exposez les deux
briques au soleil, et, au bout de quelques jours,
lodeur de basilic, agissant comme ferment, chan-
gera l'herbe en véritables scorpions. » Ce qu'il y
a de plus curieux, c'est que Van Helmont affirme
l'avoir vu. Continuons à le citer : « Si l'on com-
prime une chemise sale dans l'orifice d'un vaisseau
FERMENTATION
— 769 —
FERMENTATION
contenant des grains de froment, le ferment sorti
de la chemise sale, modifié par l'odeur du grain,
donne lieu à la transmutation du froment en sou-
ris après vingt et un jours environ. »
Ainsi, au xvi« siècle, les mots ferment g\. fermen-
tation représentent quelques observations exactes,
mais aussi des idées vagues et quelquefois extra-
vagantes. Néanmoins il semble que l'alchimiste
cache dans ces énormités le sentiment qu'il y a
dans les fermentatio7is et dans les fermf.nts quel-
que chose d'inconnu, de profondément caché, mais
dont la découverte expliquerait bien des choses .
A la fin du xvii' siècle, la découverte du micros-
cope vint révéler aux savants, dans certaines eaux,
sur la terre, et principalement dans l'air, l'exis-
tence d'un monde vivant nouveau, celui des infi-
niment petits. Cette grande découverte, aidée
des progrès de la chimie et de l'habileté des expé-
rimentateurs modernes, a aujourd'hui en grande
partie déchiré le voile épais qui a recouvert, jus-
qu'au milieu de ce siècle, les phénomènes si nom-
breux, si variés, que l'on désigne sous le nom de
fermentation.
Nous allons résumer ici, le plus succinctement
et le plus clairement possible, les faits principaux
sur lesquels la lumière a été portée depuis vingt
ans; mais auparavant, c'est un devoir pour nous
de dire que les travaux qui ont presque exclusive-
ment contribué à faire connaître ces phénomènes
si obscurs, si importants à tous les points de vue,
sont dus à un Français, M. Pasteur. De l'aveu des
savauts étrangers les plus distingués, par ses
expériences et par les conclusions qui en résul-
tent, M. Pasteur s'est mis au premier rang parmi
les illustrations de la science au xix= siècle.
Définition d'une fermentation. — On appelle
aujourd'hui fermentation toute transformation
qui s'accomplit dans une substance organique,
animale ou végétale, sous l'influence d'êtres vivants
(animaux ou végétaux) toujours microscopiques,
qu'on appelle des ferments. M. Schiitzenberger,
professeur de chimie au Collège de France, spécifie
davantage l'action des ferments en disant que :
« les fermentations ne sont que des cas particu-
liers choisis dans l'ensemble des phénomènes chi-
miques dont les organismes vivants sont le siège ;
elles se présentent à nous, ainsi que toutes les
réactions biologiques, comme des manifestations
de la force spéciale qui réside dans ces organis-
mes, ou plutôt dans leurs éléments cellulaires. »
Ailleurs le même savant définit une fermentation :
Une réaction chimique dans laquelle un composé
organique {la matière fermentescible) se modifia
dans un sens déterminé sous l'influence d'im nuire
composé organique [le ferment) qui ne fownit rie?i
dv sa propre substance aux produits de la réac-
tion, ceux-ci étayit formés uniquemeni aux dépens
de la matière fermentescible.
Conditions générales des fermentations. — Pour
qu'une fermentation se produise, il faut toujours
la présence d'un ferment vivant, une certaine hu-
midité, une température qui soit supérieure à 0"
et inférieure, généralement du moins,' à lOO". La
présence de l'air n'est point toujours nécessaire à
la fermentation, comme on l'avait cru d'abord
d'après l'expérience suivante qui est due à Gay-
Lussac : on introduit quelques grains de raisin
mûr dans une éprouvette pleine de mercure et
complètement purgée d'air ; on les écrase au
moyen d'une baguette de verre, le jus n'éprouve
aucun changement; mais dès qu'on y laisse péné-
trer quelques bulles d'air, la fermentation com-
mence, le mercure est refoulé par le gaz acide
carbonique, et on trouve que le jus transformé
n'est plus sucré, mais qu'il contient de l'alcool.
Toutes les fois qu on tuera le ferment, ou qu'on
en suspendra la vie par un moyen quelcon(|ue
(température trop basse ou trop élevée, action des
2' Paktie.
substances chimiques dites antiseptiques, etc.), or
empêchera ou on arrêtera une fermentation. C'est
là le principe général de la conservation des vian-
des, conserves, etc. (V. Conserves alimentaires.)
Ferme7itutio7i alcoolique ou vineuse. - L'expé-
rience que nous avons rappelée ci-dessus prouve
ce qu'on savait depuis longtemps, que dans la fer-
mentation alcoolique le sucre du moût (jus de
raisin, de pommes, etc.) est transformé en alcool
et en acide carbonique C'est Lavoisier qui a le
premier interprété ce phénomène au point de vue
chimique ; et Gay-Lussac en a donné la formule :
C12HH01' -f HO
sucre eau
alcuol acide carbonique.
En 1856, M. Dubrunfaut fit voir que la quan-
tité d'alcool et d'acide carbonique n'était pas tou-
jours en rapport avec celle du sucre qu'on avait
mis fermenter. M. Pasteur démontra depuis que,
sur 100 parties de sucre, 95 seulement se conver-
tissent en alcool et en acide carbonique, 4 parties
du reste donnent de la glycérine (V. Corps gras)
et de l'acide succinique, et la centième se porte
sur la levure qui prend naissance dans la fermen-
tation. Le phénomène est donc plus complexe que
ne semblait l'exprimer l'équation chimique donnée
par Gay-Lussac.
Levure de bière. — La transformation d'une
liqueur sucrée en alcool et en acide carbonique
s'accomplit sous l'action du ferment connu sous
le nom de levure d". bière ; aussi l'étude de ce
ferment a-t-il été le point de départ des travaux de
M. Pasteur.
Cagiiiard de Latour et Schwann ont les premiers
étudié la levure de bière sans pouvoir expli-
quer son rôle dans la fermentation alcoolique. La
levure, d'après M. Pasteur, est un organisme vivant
qui consomme pour vivre de grandes quantités
d'oxygène ; en présence du sucre elle peut se
passer de l'oxygène de l'air, parce qu'elle décom-
pose le sucre en mettant en liberté de l'oxygène
qui sert à sa respiration. Il y a donc, comme le dit
M. Schiitzenberger, un rapport évident entre la
fermentation et le développement ou la nutrition
de la levure. Des expériences remarquables font
voir qu'il y a d'autres ferments que la levure ca-
pables de produire la fermentation alcoolique. Dans
les fruits qui n'ont pas eu le contact de l'air, dans
les grains d'orge abandonnés au sein de l'eau, il
s'établit une fermentation incontestable ; ce serait
dans ce cas, d'après Frémy, la cellule vivante elle-
même, grâce à son activité spéciale, qui serait le
ferment. Quoi qu'il en soit du rôle de la leviire,
elle est constituée par un végétal microscopique
en forme de cellule plus ou moins ronde, renfer-
mant un liquide et portant à l'intérieur de ses pa-
rois une couche mucilagineuse.
« Si l'on observe pendant plusieurs jours, dit
M. Regnault, le système de globules qui ont ac-
quis leur développement complet, on reconnaît
qu'il se forme à l'intérieur de chaque globule des
granules beaucoup plus petits, dont le mouvement
rapide prouve qu'ils nagent dans un liquide. Après
un temps suffisant, ce liquide intérieur s'est com-
plètement transformé en granules. »
Quand la leviire a été desséchée dans le vide ou
fortement refroidie, elle est sèche, dure, et inca-
pable de provoquer la fermentation ; mais si on la
mouille avec de l'eau tiède, elle retrouve immédia-
temment ses propriétés.
La bonne levure fraîche, comme on doit l'em-
ployer pour faire fermenter le pain, a l'aspect
d'une masse demi-solide, grise, d'une odeur de
bière, d'une saveur amère ; elle rougit le papier
de tournesol. Une température de 100" lui enlève
ses propriétés en tuant le ferment. Les acides, les
alcalis et tous les agents antiseptiques (antipu-
trides), produisent le môme efiet.
4J
FERMENTATION
— 770 —
FEUILLE
Diverses espèces de ferments et de fevi)ientntio7ï<.
— Le nombre des phénomènes de transformation
des substances organiques, qu'on désigne aujour-
d'iiui sous le nom de fermentation, est immense.
Toutes sont caractérisées par l'espèce du ferment
qui leur donne naissance, ainsi que par la nature
des produits qui résultent de la fermentation.
Outre la fermentation alcoolique (fermentation
dujus de raisin, du cidre, du poiré, de la bière, etc.),
nous citerons principalement:
La fermentation lactique, par laquelle le sucre
de lait est transformé en acide lactique (acide du
lait iou!-né, aigri) ; le ferment lactique est constitué
par de petits globules très courts, isolés ou en
masses, mais beaucoup plus petits que les cellules
de la levure de bière.
La fermentation butyrique, qui produit l'acide
butyrique, cause de l'odeur du beurre rance.
La fermentation acétique, dont le produit est le
vinaigre ou acide acétique, qui résulte de l'oxyda-
tion de l'alcool sous l'influence d'un ferment végétal
appelé Myco'lerma aceti ou vulgairement « mère de
vinaigre ». Les anguillules du vinaigre constituent
un ferment de nature animale qui prend souvent
naissance pendant la fabrication du vinaigre
d'Orléans.
La fermentation visqueuse, qui donne à certains
vins une consistance huileuse.
On considère aussi comme une véritable fermen-
tation l'action de la pepsine du suc gastrique sur
les aliments qui passent dans Testomac, ainsi que
celle de la ptyaline de la salive sur les aliments
amylacés. (V. Aliments.)
Origine des ferments. — Quand M. Pasteur eut
démontré, par des expériences aussi indiscutables
que variées, que toutes ces transformations chimi-
ques qu'on regardait comme spontanées étaient l'œu-
vre des ferments, et qu'il ne se produisait jamais
d'altération au sein d'une liqueur organique quel-
conque, .pourvu qu'elle fût pure de tout ferment,
il fut amené à conclure que les ferments se trou-
vaient, quelques-uns du moins, répandus à profusion
sur la terre et principalement dans l'atmosphère.
Ils y sont charriés dans toutes les directions, semés
partout, vivent et se développent quand, par ha-
sard, ils tombent sur une substance qui leur con-
vient. Cette explication générale des fermentations
est à peu près universellement admise aujourd'hui,
sous le nom de paîispermie, grâce aux travaux de
M. Pasteur, et en opposition avec la théorie dite
des générations spontanées, qui supposait que les
ferments prenaient spontanément naissance au
sein des substances en fermentation où on les ren-
contre. Quelle que soit la vérité absolue sur l'origine
de la vie à la surface de la terre, on ne peut guère
contester, après les expériences de M. Pasteur,
que toutes les fois que nous voyons apparaître des
êtres vivants au sein des matières organiques en
décomposition, ils proviennent d'oeufs, d'ovules,
de germes qui s'y sont déposés antérieurement.
Non seulement la panspcrmie explique tous les
phénomènes de ce genre, mais grâce à elle,
ÂL Pasteur a pu prévoir qu'il était possible d'em-
pêcher certaines transformations nuisibles que
subissent les vins, en considérant celles-ci comme
des fermentations dont il fallait tuer le ferment;
et il a complètement réussi dans cette voie Ainsi
beaucoup de vins facilement altérables se conser-
vent lorsqu'ils ont été portés à 60', parce que cette
température a rendu le ferment inactif.
L'idée de M. Pasteur, sans être admise dans
toutes les conséquences qu'il en tire, a pris un
rôle prépondérant dans l'explication des phéno-
mènes, si obscurs jusqu'ici, que présentent les ma-
ladies virulentes et épidémiques ou contagieuses
(V. Épidémies.)
Elles seraient dues, cela paraît du moins dé-
montré pour la plupart, à des ferments de na-
ture spéciale, propagés par l'air, par leau ou
par des objets quelconques ayant été en commu-
nication avec un animal contaminé ; et, chose sin-
gulière, mais qui a une grande importance dans
l'explication de certaines particularités que pré-
sentent les maladies dont nous parlons, certains
ferments capables de se développer chez tel ani-
mal en l'empoisonnant, restent inertes et inoffen-
sifs chez un autre d'une espèce différente. Ces
maladies se propagent donc comme les para-
sites. Le docteur Klein a pu reconnaître dans les
germes de la variole ovine des microphytes défi-
nis qui croissent et se multiplient avec une rapi-
dité effrayante dans les canaux et tissus de la
peau. Le célèbre médecin William Budd, dans son
beau travail sur la fièvre typhoïde, s'exprime ainsi :
« Il est humiliant de penser que de tels désastres
sont dus à l'action d'un organisme auprès duquel la
moisissure qui pousse sur un morceau de bois pourri
est un être supérieur. » M. Pasteur a déjà dé-
montré, en s'appuyant sur des preuves péremptoi-
res, que plusieurs maladies étaient dues à la pré-
sence d'organismes, par exemple la maladie des
vers à soie, le choléra des poules, le charbon. Il
en a trouvé l'organisme producteur, il l'a cultivé
pendant des jours, des mois, il Ta même fait se re-
produire, et a inoculé à volonté à des animaux
la maladie dont ce petit organisme était le repré-
sentant et la cause.
Il n'est pas nécessaire d'ajouter que bien des
points restent et resteront obscurs, peut-être long-
temps encore, dans ces questions d'une utilité pra-
tique qui n'a dégale que leur importance philoso-
phique; néanmoins, il faut admettre aujourd'hui
que M. Pasteur y a projeté une vive lumière, et
qu'il a ouvert de nouvelles voies aux investiga-
tions de la science. [Alfred Jacquemart.]
FEUILLE. — Botanique, VH. — (Etym. : en
latin foliwn, en grec phyllon.)
1. Définition. — On appelle feuilles ceux des
appendices de la tige qui présentent un plan de
symétrie passant par l'axe de l'organe qui les porte.
On peut ajouter, comme caractère complémentaire,
(|ue dans l'angle formé par la tige et la feuille, on
remarque très souvent des bourgeons uxillaires
symétriquement disposés de part et d'autre du
plan médian de la feuille. Ces bourgeons axillaires
se développeront ou non ultérieurement ; ils ti-
rent leur nom de leur position dans Vaisselle de
la feuille, car c'est par ce mot aisselle (en latin
axilla), que l'on désigne l'angle que la feuille fait
avec la tige.
2. Extérieur de la feuille; nomenclature de ses
parties. — Une feuille, considérée isolément,
comprend : 1° une lame terminale, mince, verte,
nommée limbe (en latin, limbus) ; 2° un pédoncule
grêle, généralement cylindrique, le pétiole (en la-
liii petiolus). Le limbe est fixé à l'extrémité supé-
lieure du pétiole ; ce dernier s'attache à la tige par
son extrémité inférieure, très souvent élargie et
qu'on désigne alors sous le nom de gaine (vagiîia).
La disposition que nous venons de faire connaître
a pour but de donner plus de mobilité au limbe
dont la surface, perméable aux gaz, se trouve ainsi
en contact avec un nouveau milieu qu'elle n'a
pas épuisé. Chacune des parties de la feuille peut
ne pas se développer. Une feuille sans pétiole est
dite sessile ; l'absence de limbe fait désigner la
feuille sous le nom de ptiyllode.
La /.'hyliodtîiation des feuilles se produit de
deux manières, selon qu'elle s'opère sous l'influence
d'un milieu sec, ou sous l'influence de l'eau. La
phyllodination dans un milieu sec, ou plus brièvc
ment la pltyllodination sèche, s'observe dans tous
les climats où l'air est très sec et la lumière très
intense. La lumière, en agissant directement sur
la chlorophylle de la feuille, provoque une trans-
piration dont l'intensité, dans ces climats, ne se-
FEUILLE
— 771 —
FEUILLE
rait pas en rapport avec le développement de l'ap-
pareil aquifère des plantes, si leurs feuilles
pourvues de limbe recevaient directement l'action
du soleil. Réduites à leur pétiole, et transformées
en lames verticales, mobiles, très minces, à sur-
face solide peu perméable, les feuilles ne reçoivent
jamais directement l'action des rayons solaires;
leur transpiration ne dépasse donc pas la puis-
sance de l'appareil aquifère qui les alimente. Cette
disposition du teuillage des arbres se voit sur-
tout en Australie ; c'est elle qui donne aux forêts
de ce pays cet aspect singulier si désagréable aux
voj^ageurs européens. Au sein des forêts les plus
épaisses, le sol est inondé de lumière pendant
tout le jour ; car les feuilles suivent le mouvement
du soleil, en tournant sur elles-mêmes, à mesure
que cet astre se déplace, de façon à ne jamais lui
présenter que leur tranche ; le feuillage ne donne
donc pas d'ombre ; ajoutons à cela que la lumière
frappant directement la surface blanche cireuse
du tronc de tous ces arbres, se disperse en tous
sens, et éclaire jusqu'au moindre recoin. Comme
exemple de végétaux à phyllodes secs, citons les
Eucalyptus, les vrais acacias.
La pht/llodinatio7i humide s'observe sur les
plantes immergées dans l'eau, lorsque la profon-
deur de ce liquide augmente et surtout lorsque
son courant devient plus rapide. La feuille se pré-
sente alors sous deux aspects ; ou bien réduite
exclusivement au pétiole transformé en un long
ruban ; ou bien composée d'un pétiole court et
d'un limbe réduit à ses nervures, et figurant une
touffe de filaments grêles flottant côte à côte. La
feuille la plus singulièrement modifiée par son
séjour dans l'eau est celle de VOuvivandru fenes-
tralis, de Madagascar, dont les côtes anastomosées
sont séparées par des espaces vides, et forment des
dessins , qui l'ont fait comparera une dentelle.
Certains végétaux présentent des feuilles de
formes très différentes sur le même pied ; ce phé-
nomène, qui a quelques rapports avec la phyllo-
dination, est connu sous le nom de polymorphose
des feuilles.
Il y a peu à dire sur la forme du pétiole ; le
plus souvent il est cylindrique, d'autres fois légè-
rement aplati, avec ou sans côtes saillantes; par-
fois aussi sa face supérieure est concave, sa face
inférieure est convexe. Lorsque la base très élargie
du pétiole entoure la tige, la feuille est dite e7igui-
nante (ex. les graminées). On appelle ligules les
expansions foliacées qu'on remarque à la face su-
périeure du pétiole (ex. le blé) ; ces ligulesreçoivent
le nom de gaîne, lorsqu'elles entourent la tige
(ex. la bistorte) ; il ne faut pas confondre cette
gaîne provenant des ligules avec la gaîne formée
par l'élargissement du pétiole, bien que toutes
deux soient désignées par le même mot. On ap-
pelle stipules des expansions foliacées des bords
de la base du pétiole (ex. les rosacées). Les sti-
pules peuvent être persistants ou caducs; lors-
qu'ils sont persistants, ils prennent parfois l'appa-
rence d'épines fex. /'arbre de Judée ou Gleditschia
ferox, l'épine-vinette).
La lame ou limbe est étalée; ses lignes de maxi-
mum d'accroissement sont indiquées intérieure-
ment par des filaments appelés faisceaux fibro-
vasculaires, dont la présence s'accuse à l'extérieur
par des côtes saillantes qu'on appelle nervures.
Ces filaments ou faisceaux forment la charpente
solide de la feuille ; ils sont symétriquement dis-
posés par rapport à un plan médian qui passe
par l'axe de la tige. La distribution des nervures
dans les feuilles se rapporte à deux grands types.
Dans le premier, les nervures, très nombreuses,
sont toutes parallèles les unes aux autres; c'est à
peine si quelque petit filet secondaire va del'une à
l'autre, les mettant en communication. Ce mode de
distribution des nervures, qu'on appelle nervation
parallèle, a été considéré comme un des caractères
importants des végétaux monocotylédonés. Des ner-
vures peu nombreuses, abondamment ramifiées, et
s'unissant fréquemment l'une à l'autre, tel est le
second mode de nervation, que l'on a qualifié de
nervntion réticulée ; ce mode de nervation est re-
gardé comme plus particulièrement propre auxvégé-
taux dicotylédones.
Dans la nervation réticulée, on a distingué trois
principales manières d'être :
1° La nervation pennée, dans laquelle, a'une
nervure médiane, partent des nervures secondaires
généralement groupées par paires et à des hau-
teurs différentes; cette disposition, qui rappelle
celle des barbes ou pennes d'une plume sur son
rachis, lui a valu le nom de pennée
2" La nervation palmée, dans laquelle la nervure
principale et les nervures secondaires, en nom.bre
variable, sont également développées et partent
toutes d'un même point, à peu près comme les
doigts s'écartent de la paume de la main.
3" La nervation pédalée. Celle-ci débute comme
la nervation palmée, c'est-à-dire que trois nervures,
une médiane principale et deux secondaires laté-
rales, partent d'un même point; mais les nervures
qui s'insèrent sur les deux secondaires ne se déve-
loppent que d'un côté de celles-ci, du côté exté-
rieur.
L'emploi des caractères tirés de la nervation
est d'un grand secours aux paléo-botanistes, lorsque
ceux-ci cherchent à déterminer les plantes fossiles
conservées à l'état d'empreintes. MM. de Saporta
et Grand'Eury en France, M. Heer en Suisse,
M. Constantin Ettinghausen à Vienne, ont pu à
l'aide de ces caractères reconstituer la flore des
temps anciens depuis l'époque houillère jusqu'à
nos jours.
Le bord du limbe est tantôt entier, d'autres fois
légèrement échancré. Si les échancrures sont
nombreuses et peu profondes, on les nomme
dents; divisions, lorsqu'elles sont plus prononcées ;
lobes , lorsqu'elles ont un certain volume ; les
feuilles sont alors nommées : feuilles dentées,
feuilles divisées, feuilles lobées, etc. Par opposi-
tion, si le bord de la feuille est continu sans aucun
sinus, la feuille est dite entière et simple. Lorsque
les échancrures d'un limbe sont extrêmement pro-
fondes, que ses lobes sont bien distincts les uns
des autres et rappellent chacun une petite feuille,
la feuille est dite composée; chacun de ses éléments
constituants s'appelle une foliole.
Les découpures d'une feuille ne se produisant
qu'entre ses nervures, les folioles d'une feuille
composée sont disposées comme les nervures se-
condaires, selon les t}'pes : pennés, palmés, pédales ;
d'où les noms de feuille composée pennée, feuille
composée palmée, feuille composée pédalée. La
nervation de chaque foliole rappelle celle de la
feuille entière. De même le contour de la foliole
peut être entier ou échancré. Si le degré de divi-
sion est poussé assez loin pour que chaque foliole
semble à son tour composée de folioles plus pe-
tites, la feuille est dite décomposée. On ne connaît
pas la raison physiologique de la division des
feuilles. En général, sur une même plante, les
feuilles semblent d'autant plus compliquées qu'elles
se sont formées à une époque plus éloignée de la
germination ; toutefois, après avoir atteint un
certain maximum de complication, les feuilles
vont se simplifiant de plus en plus à mesure
qu'elles approchent des fleurs, ou du bourgeon qui
termine la tige, et finalement prennent l'aspect
d'écaillés très réduites ou de pièces brillamment
colorées. C'est sur cette modification des feuilh'v
que repose la théorie de la métamorphose, dont
nous parlerons à l'article Fleur.
Dans quelques cas, la feuille semble manquer,
parce que, réduite à une simple écaille, el!o
FEUILLE — 7
tombe presque aussitôt après son apparition (ex. :
quelques eckinocactus, les opuntia, etc.). Dans
d'autres cas, elle se transforme en une épine
caduque ou non, et sert alors d'organe de dé-
fense.
On appelle préfoliation ou vernation l'arran-
gement des feuilles dans le bourgeon. La vernation
considère chaque feuille soit isolément, soit dans
ses rapports avec ses voisines. Nous résumons en
tableaux synoptiques les remarques qui peuvent
être faites dans l'un et l'autre cas.
1° Vernation considérée dans chaque feuille iso-
lément :
Feuilles planes.
Feuille
pliées
Feuilles
roulées
, \ transvcisalemt-iit. .
eu deux ; , i j- ■ »
\ longitudinalenieiit.
plusieurs fois
une moitié latérale autour de
l'autre
les deux moitiés ( en dehors
roulées égale- |
ment ( en dedans
sur leur côte en manière de
crosse d'évèque
Planes.
Réclinées.
Condupliqupes.
Plissées.
Convolutées.
lîévoluiées.
Involutées.
Circinées.
Feuilles
étalées
Feuilles
pliées
eadeus
2° Vernation considérée quant à la position rela-
livs des feuilles :
/ i^ iouchant seulement par
\ leurs bords juxtaposés Valvaires.
se touchant de même, mais re-
ployant plus ou moins leurs
bords en dedans Indupliquées.
se recouvrant plus ou moins
l'une l'autre par les côtés. . Imbriquées.
une feuille embra.-sant celle
qui est placée vis-à-Tis d'elle
(comme à cheval sur elle) . . Equitantes.
une feuille embrassant seule-
ment la moitié de l'autre. . . Demi-équitantes.
La consistance de la feuille est généralement
molle, charnue; elle devient coriace lorsque la
plante est soumise à une transpiration chloro-
phyllienne intense, eu égard au développement de
son appareil aquifère ; elle devient sèche lorsque
la feuille se réduit à une écaille.
Le revêtement superficiel de la feuille présente
de très grandes variations : ici c'est une substance
cireuse (arbre à huile), là des poils simples ou
rameux ; ailleurs ce sont des glandes pédicellées
ou sessiles, ailleurs encore c'est un mélange de
toutes ces productions.
On désigne sous le nom â'nscidies celles des
régions de la feuille où se localisent les organes
glandulaires, lorsque ces régions sont creusées en
capsules. Les feuilles pourvues d'ascidies sont
fréquemment contractiles en tout ou en partie.
Grâce à cette faculté, elles peuvent saisir les in-
sectes qui viennent se reposer à leur surface; les
captifs sont bientôt englués par une liqueur
visqueuse émise par les glandes de l'ascidie; leur
rapide décomposition au sein de cette liqueur a
fait croire que les plantes pourvues d'ascidies se
nourrissaient de matières animales. M. Darwin a
popularisé cette idée dans sa fameuse théorie des
plantes cani voi-'-a. Les plantes les plus remar-
quables parmi les plantes à ascidies sont les Ae-
pantiies, les Sw' acnia, les Darli gtonia, les utri-
culaires. On rapproche des feuilles à ascidies les
feuilles des Dr sera, des Dionœa. etc.
En général la coloration de la feuille est verte;
les villosités de sa surface ou l'air contenu dans
son intérieur peuvent la faire paraître blanche.
Des substances colorées, encore incomplètement
connues, peuvent lui donner une teinte rouge,
jaune ou bleue, qui font reclieicher ccrtain«
leuillages pour rornementntion. Quelle que soit
la coloration première de la feuille, vers la fin de
sa vie elle devient jaunâtre ; «a chlorophylle ou
2 — FEUILLE
matière colorante verte disparaît, et à sa place se
développe une matière grasse d'une couleur jaune
très belle. La coloration particulière de la feuille,
à cette époque de sa vie, a reçu le nom de teinte
automnale. Lorsque la feuille est encore enfer-
mée dans le bourgeon, elle est blanche, inco-
lore ; telle est aussi la teinte des feuilles dévelop-
pées à l'obscurité dans une atmosphère humide. Les
unes et les autres ne prennent leur teinte verte
caractéristique que sous l'influence des rayons du
soleil, la chlorophylle ou matière verte des
feuilles ne se développant que sous l'action de la
lumière.
La durée de l'existence des feuilles varie beau-
coup d'une plante à l'autre. On les nomme fugaces
ou caduque^ lorsqu'elles tombent peu après leur
formation (plantes grasses), annuelles lorsqu'elles
tombent chaque année; cette chute a lieu en été
dans les pays chauds, en hiver dans les pays froids
et tempérés (magnolias, châtaigniers, etc.). On
les nomme marcescentes lorsque leur chute est
déterminée par le développement des jennes
pousses de l'année suivante (chêne) ; persistantes
lorsqu'elles vivent plusieurs années (arbres verts
ou conifères).
La chute des feuilles se fait de deux façons : ou
bien la feuille se sépare nettement de la tige,
laissant une cicatrice comme trace de sa présence
(platane, etc.) ; ou bien la feuille se détruit sur
place, demeurant adhérente à la tige jusqu'au jour
où une décortication générale de la surface de cet
organe l'enlève en même temps que l'écorce ''pal-
miers). Lorsque la feuille se détruit sur place,
son tissu se désagrège sous l'action des agents
atmosphériques ; ses filaments ou faisceaux devien-
nent libres, et produisent ainsi une filasse très em-
ployée aujourd'hui dans la fabrication de balais en
crin végétal, d'étoffes grossières et de tapis; ce
commerce de fibres végétales a reçu dans ces der-
niers temps une grande extension, depuis qu'on
emploie certaines d'entre elles comme faux cheveux.
3. Anatomie de la feuille. — D'une manière gé-
nérale, la feuille se compose, comme éléments
anatomiques, d'un certain nombre de faisceaux
orientés comme ceux de la tige et presque toujours
réduits à leurs productions primaires. L'intervalle
demeuré libre entre les faisceaux est rempli par
un tissu lâche ou parenchyme ; ce tissu recouvre
également la surface des faisceaux. Le tout est
protégé par une couche épidermique. Chaque
faisceau d'une feuille présente, de sa face supé-
rieure à sa face inférieure : 1" du bois primaire
caractérisé par des trachées ; 2° du liber primaire
caractérisé par des cellules grillagées. Parfois on
trouve intercalée entre le bois et le liber une
mince couche cambiale. (Pour la signification
des mots b'iS, liber, cmnbiwn, parenchyme, etc.,
V. l'article Tissus végétaux.) Lorsque la structure de
la feuille se simplifie, le nombre de ses faisceaux
diminue, en même temps que la quantité des élé-
ments ligneux et libériens de chacun d'eux. Au
contraire, lorsque la structure de la .''euille se
complique, le nombre de ses faisceaux augmente,
et dans chacun d'eux la zone cambiale produit une
certaine quantité de bois secondaire et de liber
secondaire; le bois secondaire sera placé entre la
zone cambiale et le bois primaire; le liber secon-
daire sera placé entre la zone cambiale et le liber
primaire. De môme, le parenchyme de la feuille 5
structure cumpliquée se différencie en zones de
structure et de rôle très difl'orents. Vers la face
supérieure de la feuille, c'est une réunion de
cellules prismatiques serrées les unes contre les
autres, toutes gorgées de chlorophylle; c'est Ib
(|ue sous l'action de la lumière blanche se produi-
s(mt les sub.e^tances assimilables et les matières de
réserve, hydrates de carbone comme l'amidoii, If
glucose, ou carbures d'hydrogène comme les huiles.
FEUILLE
773 —
FEUILLE
Tcrs la face inférieure de la feuille, le parenchyme
foliaire est une réunion de cellules rameuses lais-
sant entre elles des vides considérables, et ne se
touchant Vune l'autre que par quelques po.ints;
c'est \k que se fait la circulation active des gaz
dans l'intérieur de la plante. La zone supérieure
du parenchyme foliaire a été nommée parenchyme
en palissade, la zone inférieure a reçu le nom de
pavenchrjme rameux. Entre les deux zones, on
rencontre parfois une zone de cellules très allon-
gées, en rapport intime avec les appareils aquifère
et circulatoire de la feuille, et que pour cette raison
on a nommé tissu de transfusion. — Outre ces
éléments, quelques feuilles présentent encore dans
leur parenchyme, près de la surface épidermique
et dans le voisinage des faisceaux, des amas de
fibres à parois très épaisses, qu'on appelle des
fibres mécaniques. Ces derniers éléments sont au-
jourd'hui très recherchés, car ils fournissent à l'in-
dustrie d'excellentes fibres textiles. Ex. : V agave,
Valfa, etc. (Pour plus de détails sur cette struc-
ture du parenchyme foliaire, voyez l'article Tissus
végé taux.) Enfin l'épiderme des feuilles à struc-
ture compliquée peut être différent d'une face à
l'autre de la feuille.
Tout ce que nous venons de dire delà structure
de la feuille s'applique surtout à la structure de
son limbe. La structure du pétiole, quand cet organe
existe, est toujours plus simple que celle du limbe;
on y retrouve les mêmes éléments ; toutefois il
arrive souvent que les faisceaux y sont disposés
sur une ligne circulaire, au lieu d'être étalés dans
un même plan. Les faisceaux du pétiole viennent
de la tige, et, d'une manière générale, on peut dire
que les faisceaux de la feuille ne sont que les
terminaisons supérieures des faisceaux de la tige.
— Si les faisceaux de la feuille, à leur sortie de la
tige, sont tous parallèles entre eux et situés dans
un même plan, ils cheminent côte à côte, se divi-
sant peu, s'anastomosant encore moins; il en ré-
sulte pour la feuille une apparence rubanée et une
base qui embrasse largement la tige; la feuille est
engainante (graminées, ombellifères). — Si les
faisceaux de la feuille, tout en restant parallèles
entre eux, sont réunis dans un espace restreint, ils
s'y disposent comme ils peuvent ; la feuille, toujours
composée pennée, présente un long pétiole cylin-
drique (cycadées). — En dernier lieu, si une
feuille de grande surface ne reçoit de la tige
qu'un très petit nombre de faisceaux, ceux-ci, dans
leur parcours, se divisent un très grand nombre
de fois, s'anastomosent fréquemment et la feuille
appartient au type à nervation réticulée (lierre).
— Les trois exemples que nous venons de voir
montrent suffisamment qu'en étudiant la distribu-
tion des faisceaux dans le pétiole, et la manière
dont ils s'y ramifient, on a pu trouver d'excellents
caractères pour reconnaître la feuille et même les
principales formes de feuilles, parmi tous les or-
ganes d'apparence foliacée dont la signification
morphologique était demeurée jusqu'alors douteuse.
Nous ne pouvons montrer ici l'application détaillée
de ces caractères, dont l'emploi demande des con-
naissances botaniques très approfondies. A titre
d'exemple, nous dirons pourtant que c'est en fai-
sant usage de cette méthode qu'il a été possible de
distinguer les cladodes ou tiges aplaties, des ph'jl-
lo'ies ou pétioles aplatis.
Pour en finir avec l'anatomie de la feuille, un
mot de l'origine de cet organe et de son dévelop-
pement. La feuille se montre d'abord comme un
mamelon cellulaire hémisphérique à la surface du
point de végétation de la tige; bientôt le sommet
de cet organe cesse de croître, et c'est surtout vers
sa région inférieure, près de son point d'insertion
sur la tige, que son accroissemeni semble localisé.
Ce que nous venons de dire de la feuille par rapport
à la tige n'aurait qu'à être répété de la foliole par
rapport au pétiole, pour avoir l'histoire de la for-
mation des parties d'une feuille composée. S
4. Physiologie de la feuiUe. — Les principaux
rôles que la feuille est appelée à jouer dans la
vie de la plante sont : 1" le rôle d'organe d'absorp-
tion de l'air et de la lumière ; 2° le rôle d'organe
de transpiration ; 3" le rôle d'organe de réserve ; ce
dernier allant presque toujours de pair avec le
rôle d'organe de dissémination; 4° le rôle d'organe
de protection et de défense; 5° le rôle d'organe
de natation ; 6° le rôle d'organe préhenseur ou
suspenseur. Quelques mots d'explication sur cha-
cun de ces rôles.
I. Plusieurs faits ont montré que la feuille peut
être considérée comme Vorgane d'absorption de
l'air et de la lumière. 1° Lorsqu'on fait passer
de l'air à travers les membranes épidermiques su-
périeure et inférieure d'une feuille, ce passage
s'effectue très rapidement, et le gaz qui a traversé
n'a plus la même composition après qu'avant le
passage. En examinant ensuite ces surfaces, on
trouve qu'elles sont pourvues d'orifices très petits
dont les bords sont garnis de glandes spéciales,
de nature subéreuse ; chacun de ces petits appa-
reils a reçu le nom de stomate; ce sont eux qui
modifient la composition de l'air quand c^ -'•^ les
traverse. En opérant dans de mauvaises oOnaitions
sur des membranes mourantea, on avait été con-
duit à penser que l'écoulement de l'air à travers
les épidermes des feuilles se faisait plus rapidement
par une membrane continue que par une membrane
perforée et garnie destomates. Ce ne sont là que
les résultats d'expériences défectueuses et que
contredit formellement l'observation de membranes
bien vivantes. 2" La répartition des stomates à la
surface des feuilles est encore une preuve indi-
recte du rôle de ces organes. Dans les feuilles
naj^eantes, les stomates sont localisés à la face supé-
rieure de la feuille ; sur les feuilles submergées, h
respiration aquatique, les stomates font défaut,
soit qu'ils ne se développent qu'incomplètement,
soit qu'ils ne se développent pas du tout. 3° On
doit à M. Carreau, de Lille, d'avoir montré que les
gaz qui entrent dans la plante sont l'oxygène, l'a-
zoto ; que les gaz qui s'en échappent sont l'azote, la
vapeur d'eau et l'acide^^ carbonique, le volume
d'oxygène disparu étant rigoureusement égal aii
volume d'acide carbonique produit. Toutes les fois
qu'on fait l'expérience dans une atmosphère limitée,
on n'observe aucune variation de volume. L'addi-
tion d'une petite quantité de potasse caustique
qui absorbe l'acide carbonique suffit à montrer le
changement subi par cette atmosphère. L'échange
gazeux caractérisé par une absorption d'oxygène
et une émission d'acide carbonique, qui se fait à
toute époque de la vie de la plante, est ce que
l'on appelle la respiration végétale; elle ne diffère
en rien de la môme fonction chez les animaux.
4° Dans les plantes pourvues de chlorophylle et
soumises à l'action de la lumière blanche, le phé-
nomène de la respiration végétale est complètement
masqué par un autre phénomène de siutrition : La
chlorophylle absorbe la lumière blanche, et la
transforme en chaleur obscure ; cette propriété dé-
termine la combinaison directe de l'acide carboni»
que et de l'eau ; il en résulte des hydrates de
carbone et des hydrogènes carbonés ; la produc-
tion de ces deux sortes de substances est toujours
accompagnée de la mise en liberté d'une certaine
quantité d'oxygène qui s'échappe par les stomates.
A la lumière directe du soleil, lorsque celle-ci offre
une intensité suffisante, les plantes vertes semblent
rejeter de l'oxygène et absorber de l'acide carbo-
nique; c'est à ce phénomène qu'on a quelquefois
donné le nom de respiration diurne des plantes,
bien qu'il diffère complètemeut de tous les phéno-
mènes respiratoires. La distinction de ces deux
phénomènes n'est possible que depuis les recher-
FEUILLE
774 —
FEUILLE
ches de M. Wiesncr sur le rôle de la chlorophylle
dans les plantes. Jusqu'à ce jour, en acceptant
■rosso modo le résultat d'expériences mal dirigées,
les pliysiologistes, à la suite de Bonnet et de
Théodore de Saussure, répétaient à Tenvi que
les plantes vertes présentaient deux respirations:
l'une nocturne, caractérisée, comme la respiration
animale, par une absorption d'oxygène et une émis-
sion d'acide carbonique ; l'autre diurne, ne com-
mençant que lorsque la lumière solaire avait acquis
une intensité suffisante, et caractérisée par une
absorption d'acide carbonique et une émission
d'oxygène. Cette respiration diurne des végétaux a
été invoquée pendant longtemps comme un des
caractères difl'érentiels entre les végétaux et les
animaux. (V. Végétal, p. 2270).
II. Le rôle que les feuiilex jouent dans la trans-
piration des plantes n'est connu que depuis les
expériences deM. Vesque(1876"-1877). Nous n'entre-
rons pas ici dans tous les détails de l'expérimenta-
lion de ce savant; nous nous contenterons d'indi-
quer les principaux résultats de ses recherches.
1° Chez une plante donnée, la transpiration ne
commence qu'à une température déterminée. La
transpiration augmente à mesure que la tempé-
rature s'élève, et cela jusqu'à une température
déterminée, qu'on peut considérer comme la limite
maxima des températures les plus élevées que
puisse supporter la plante ; toute température plus
élevée que cette limite maxima amène rapidement
la mort de la plante, en provoquant chez elle une
sorte de fièvre caractérisée par des variations brus-
ques dans les quantités de liquide absorbées pen-
dant un même temps.
2" La transpiration des plantes s'effectue dans
une atmosphère sèche aussi bien que dans un
milieu saturé de vapeur d'eau, et par là les phé-
nomènes de transpiration, c'est-à-dire de perte
d'eau, se distinguent complètement des simples
phénomènes d'évaporation.
3° La lumière blanche agit sur la transpiration
comme une élévation de la température, ce qui
s'explique, puisque M. Wiesner a montré que la
chlorophylle a pour rôle de transformer la lumière
blanche en chaleur obscure.
■ 4" Un refroidissement trop intense, quoique de
courte durée, engourdit la plante. Si l'on soumet
alors celle-ci aux températures entre lesquelles elle
transpire habituellement, elle ne fonctionne plus;
son activité ne se réveille qu'à une température
supérieure à la température maxima qu'elle pou-
vait supporter dans les conditions normales. Une
fois qu'elle est rentrée en activité, sa transpiration
s'accélère, bien qu'on laisse la température aller
en diminuant, et ce n'est qu'au bout de quelques
heures seulement que la plante reprend son état
normal.
Les conséquences immédiates de ces résultats
sont des plus importa)ites. Elijes imposent aux
essais d'acclimatation cette condition sme qiia 7ion
que toute tentative d'acclimatation d'une plante
soit précédée de la détermination préalable des
limites supérieure et inférieure de température
entre lesquelles cette plante est en activité. En
outre, elles révèlent chez l(>s plantes une sensibi-
lité beaucoup plus grande que celle qu'on leur
attribue généralement.
III. Lorsque la feuille doit jouer le rôle d'or-
gajie de réserve, son parenchyme prend un dé-
veloppement considérable, eu égard au volume
de ses faisceaux, et c'est dans les cellules ou
les alvéoles du réservoir ainsi formé que s'accu-
mulent l'amidon et l'eau (ce liquide étant toujours
retenu par des substances analogues à la gomme).
Lorsqu'au rôle d'organe de réserve s'ajoute pour
la leuille le rôle (J'ûr//fl?2e dissémi7iateur, il se
développe sur la surface de cette feuille des
points de végétation accidenicls ou bourgeons
adventifs ; elle se détache alors facilement de la
lige, roule sur le sol, et produit une nouvelle
plante lorsqu'elle trouve les conditions favorables
à sa végétation [Bryophyllum).
L'horticulture a su tirer parti de cette propriété
de certaines feuilles pour multiplier rapidement
plusieurs végétaux rares ou très recherches (6e-
gouias). Cette opération s'appelle le bouturage par
feuille.
IV. Pour jouer le rôle d'organe protecteur, la
feuille se réduit souvent à une simple écaille dont la
consistance, la coloration et le revêtement cireux
suffisent à assurer la conservation des parties
jeunes qu'elle recouvre (écailles des bourgeons
des arbres à fouilles annuelles). Lorsque la feuille
doit jouer un rôle actif dans la défense de la plante,
ou bien elle se transforme en épine (plantes gras-
ses), ou bien sa surface ou ses bords se garnissent
d'épines (houx, épine-vinette, etc.). Plus rare-
ment, ce même but est atteint par l'apparition, à
la surface de la feuille, de glandes émettant des
liqueurs corrosives ; et, selon les plantes, ou bien
ces glandes très petites, séparées les unes des
autres, sont terminées chacune par un poil très
aigu qui se brise dans la plaie en même temps
que le liquide de la glande s'y épanche [ortie) ; ou
bien les glandes sont réunies, et leur ensemble se
cache au fond d'une coupe ou. d'un entonnoir à
couvercle mobile, piège toui préparé pour l'im-
prudent qui vient irriter la feuille [népentliès,
sai'racenia). Ces plantes à pièges, et quelques au-
tres dont les feuilles exécutent des mouvements
très étendus^ et qui sont citées comme exemples de
plantes extrêmement sensibles, ne présentent en
réalité que des phénomènes de turgescence sur
lesquels nous reviendrons à l'article Vc'/élat
(p. 2''74).
V. Pour jouer le rôle û organe de natation, tout
ou partie du parenchyme foliaire se creuse de
lacunes qui s'emplissent d'air; chaque lacune est
séparée de ses voisines par des cloisons étanches;
les plus volumineuses sont situées à la face infé-
rieure de l'organe ; toutes ces lacunes communi-
quent entre elles par des pertuis extrêmement
éiroits qui permettent pourtant à l'air de circuler
de l'une à l'autre ; mais dès que l'eau entre dans
l'une d'elles, toutes les cloisons se gonflent et les
pertuis se ferment hermétiquement, empêchant
l'eau de pénétrer plus avant. Dans le Pontederia,
la région de la feuille qui est transformée en or-
gane de natation est la partie inférieure du
pétiole ; dans YHgdrocJiaris nwrsus rante, c'est le
point d'insertion du pétiole sur le limbe qui est
transformé en vessie natatoire ; dans le Piditi
stratiotes, c'est le limbe tout entier.
VI. Pour remplir le rôle d'orgajie préhenseur,
certaines nervures de la feuille perdent leur
parenchyme, et, ainsi réduites à l'état de filaments
grêles, elles s'enroulent autour des corps voisins,
les enserrent de leurs spires, ou s'accolent à leur
surface par des pelotes adhésives ; ces organes
préhenseurs des plantes sont désignés sous le nom
de vrilles.
5. Appendices. — On étend quelquefois la
qualification de feuilles aux appendices membra-
neux de l'axe des cryptogames vasculaires. Ces
organes qui sont caractérisés par l'absence de plan
de symétrie, par des variations continuelles de
forme, pendant toute la durée de leur vie, diffè-
rent à tous égards des appendices de la tige que
nous venons de faire connaître. Leur étude est
trop incomplète encore pour qu'il soit utile de
nous y appesantir; on les désigne maintenant sous
le nom de frondes.
Quant à la phgllotaxie, c'est-à-dire l'arrange-
ment des feuilles sur la tige, nous en dirons
quelques mots en faisant connaître la tige *.
[C.-E. Bertrand.]
FIGURES — "'
FIGUKES DE STVJLE. — Littérature et style,
V. — Quand l'homme se sert de la parole ou
de l'écriture pour communiquer aux autres sa
pensée, sa première préoccupation est de se fa.ire
comprendre.
Aussi, son style (nous entendons par ce mot la
manière soit parlée, soit écrite, dont il exprime sa
pensée) doit avant tout être clair. Il faut donc ap-
porter le plus grand soin, quand on parle ou quand
on écrit et surtout quand on enseigne, à donner
à son style la clarté 'et toutes les qualités qui s'y
rattachent, la correction du langage et la précision
des termes.
Autrement, on risque de n'être pas compris, et
l'on s'expose à se voir adresser ces reproches que
le moraliste La Bruyère adressait au xyii"" siècle à
l'un de ses contemporains : « Que dites-vous?
comment? Je n'y suis pas : vous plairait-il de re-
commencer? J'y suis encore moins ; je devine
enfin : vous voulez, Acis, me dire qu'il fait froid ;
que ne disiez-vous : il fait froid? Vous voulez
m'appreiidre qu'il pleut ou qu'il neige; dites : il
pleut, il neige. Vous me trouvez bon visage, et
vous désirez de m'en féliciter ; dites : je vous trouve
bon visage. Mais, répondez-vous, cela est bien uni
et bien clair : et d'ailleurs, qui ne pourrait pas
en dire autant? qu'importe, Acis? Est-ce un si
grand mal d'être entendu quand on parle, et de
parler comme tout le monde? » Le même défaut
provenant du manque de clarté et de simplicité
est encore spirituellement critiqué par ces vers du
poète Maynard (158i-I64G) :
Mon ami, chasse bien loin
Cetie noire rhétorique .
Tes écrits auraient besoin
D'un devin qui les explique
Si ton esprit veut cacher
Les belles choses qu'il pense,
Dis-moi, qui peut t'empècher
De te servir du silence?
Mais, si l'homme n'a besoin que d'être clair et
correct pour exprimer les idées simples qui se
présentent d'elles-mêmes à son esprit, et pour être
compris de ses auditeurs, il n'en est plus de même
quand il éprouve un sentiment plus vif, et quand
il veut agir d'une manière plus profonde sur l'es-
prit de ceux auxquels il s'adresse. Son style change
alors de nature; tout en restant clair et correct,
il prend une allure moins froide, plus rapide, et
qui correspond mieux aux sentiment • secrets qu'il
a dans l'àme ou qu'il veut faire p.'-'tager aux au-
tres. Alors on voit s'introduire dans la phrase des
tournures plus éloquentes, plus imagées, que les
grammairiens et les auteurs de traités d'éloquence
ont appelées Figures de style. Ce ne sont pas,
comme on l'a dit quelquefois, des manières de parler
éloignées de celles qui sont naturelles et ordinai-
res. Non : rien n'est plus naturel et plus ordinaire
que les figures de style. Il s'en rencontre dans
l'entretien le plus simple et le plus familier. Le
pêcheur qui, regardant la mer, s'écrie : « Il y a
vingt voiles à l'horizon », pour dire « il y a vingt
bateaux, » fait une figure de style, sans s'en douter,
et s'exprime cependant d'une façon claire et natu-
relle. Il y a longtemps que Dumarsais a dit qu'il
se faisait plus de figures, en un jour, à la Halle,
que dans plusieurs séances de l'Académie française.
Seulement, ces manières de parler sont plus vives
et expriment la pensée d'une façon plus saisis-
sante. Comment peindre d'un mot le sommeil
d'un enfant harassé de fatigue? Si vous dites: « il
don, » vous rendez le fait d'une manière froide et
molle; mais vous faites une figure, sans le savoir,
en disant : « il est plongé dans un -piofond som-
meil. » Et cette figure si simple, si ordinaire, ex-
prime plus énergiquement votre pensée.
On partage les figures de style en deux grandes
c'.asscs : 1" les finurc^ de pensées; 2" les fujuves
75 — FIGURES
j '/'? mots. Nous nous bornerons à indiquer ici les
I figures principales, saqs avoir l'intention d'en
dresser une nomenclature complète, et en ren-
voyant aux traités spéciaux de littérature, où l'on
a souvent multiplié les divisions sans réel profit
pour l'esprit.
I. Figures de pensées. — On donne le nom de
figures de pensées aux figures qui tiennent à la
tournure donnée à la pensée et qui subsistent in-
dépendamment des mots que l'on emploie. Par
exemple, Vapostrophe est une figure de pensée,
parce que la figure subsiste toujours, que l'auteur
s'écrie : « 0 Fabricius ! qu'aurait pensé votre grande
àme?... » ou qu'il mette d'autres mots, en conser-
vant le même mouvement, et qu'il dise par exem-
ple avec le poète Gilbert : « Salut, champs que
j'aimais!... » On partage les figures de pensées en
trois classes :
1" Figures qui tiennent à la passion, c'est-à-dire
qui sont inspirées par un mouvement violent de
lâme : ce sont Y interrogation, Vapostrophe, Vexcla-
m/ition, Vépiphonème ou réflexion sentencieuse,
Vvonie, l'hyperbole ou expression exagérée de la
pensée, la litote, qui est, au contraire, l'atténua-
tion de la pensée.
".;'' Figures qui tiennent à l'imagination : la pro-
sopopée, qui fait parler même les objets insensibles
et les personnifie; Vhypotypose ou tableau qui met
sous les yeux la scène qu'on raconte ; la compa-
raison.
;i° Figures qui se rapportent plutôt au raisonne-
ment : ce sont la gradation, où l'expression devient
de plus en plus forte, ou s'abaisse au contraire
par degrés ; la prolepse, qui prévient adroitement
l'objection pour la réfuter d'avance; la. prétérition,
qui dit les choses en ayant l'air de vouloir les
passer sous silence ; la réticence, qui est une inter-
ruption momentanée de la phrase, pour rendre l'i-
dée plus forte en la faisant deviner ; l'antithèse,
qui oppose les mots aux mots, les pensées aux
pensées ; la périphrase, qui décrit l'objet au lieu de
le nommer, ou le désigne par une ou plusieurs de
ses qualités.
Quelques-uns de ces termes s'expliquent d'eux-
mêmes ; d'autres ont besoin d'exemples qui mon-
trent avec précision en quoi la figure consiste et
ce qui la distingue des autres figures. Aussi le pas-
sage suivant, où Marmontel s'est étudié à réunir le
plus grand nombre possible de figures de pensée,
aura l'avantage d'en faire connaître les noms et
l'emploi. « Essayons, dit-il, de réunir toutes les
figures dans le langage d'un homme du peuple ;
supposons qu'il est en colère contre sa femme :
« Si je dis oui, elle dit non ; soir et matin, nuit
et jour, elle gronde {accumulation et antithèse).
Jamais, jamais de repos avec elle [répélilion). C'est
une furie, un démon (hyperbole). Mais, malheureuse,
dis-moi donc (aposti-ophe) : que t'ai-je fait {inter-
rogation) ? 0 ciel 1 quelle fut ma folie en t'épou-
sant exclamation) ! que ne me suis-je plutôt noyé
optatioji ou souhait) ! Je ne te reproche, ni ce que
tu me coûtes, ni la peine que je me donne pour te
suffire iprétérinon) ; mais je t'en prie, je t'en con-
jure, laisse-n:oi travailler en paix {obsécration ou
prière) ; ou que je meure si... {réticence). Tremble
de me pousser à bout {imprécation] ! Elle pleure !
ah ! la bonne àme ! Vous allez voir que c'est moi
qui ai tort {ironie). Eh bien, je suppose que cela
soit. Oui, je suis trop vif, trop sensible {co7icessio>i).
J'ai souhaité cent fois que tu fusses laide. J'ai
maudit, détesté ces yeux perfides, cette mine trom-
peuse qui m'avait afi"ûlé astéisine, ironie qui dé-
guise le blâme sous le voile de la louange, et réci-
proquement). Mais dis-moi si, par la douceur, il ne
vaudrait pas mieux me ramener (communication).
Nos enfants, nos amis, nos voisins, tout le monde
(énumérution) nous voit faire mauvais ménage. Ils
entendent tes cris, tes plaintes, lus injures (accv-
FIGURES
770 —
FIGURES
mulation)
dont tu m'accables ; ils t'ont vue les
yeux égares, le visage en feu, la tête échevelée, me
poursuivre, me menacer {description] ; ils en par-
lent avec frayeur. La voisine arrive, on le lui ra-
conte: le passant écoute et va le répéter (In/po-
typose). Ils croient que je suis un méchant, un
brutal, que je te laisse manquer de tout, que je to
bats, que je t'assomme (gradmion). Mais non, ils
savent bien que je t'aime, que j'ai bon cœur, que
je désire te voir tranquille et contente [correction .
Va, le monde n'est pas injuste : le tort reste à
celui qui Ta {épiphonème ou sentence). Hélas . ta
pauvre mère m'avait tant promis que tu lui resscni-
blerais 1 Que dirait-elle ? que dit-elle ? car elle voit
tout ce qui se passe. Je crois l'entendre qui te re-
proche de me rendre si malheureux : « Ah ! mon
pauvre gendre, dit-elle, tu méritais un meilleur
sort (/))•' sfpopée) !»
II. Figures de mots. — Par opposition aux
figures de pensées, on appelle figures de motx les
figures qui dépendent des mots que l'on emploie,
de sorte que si les mots sont ou changés ou dé-
placés, la figure disparaît. On partage les figures de
mots en deux classes : 1" les figures de mots
proprement dites ou figures de construction ; T les
trojies.
1" Les figures de const7-uction, comme leur nom
l'indique, dépendent de la construction de la
phrase et de la disposition que l'on a donnée aux
mots. Il y a figure de construction, lorsque, sans
violer les lois de la grammaire, on s'écarte de li
tournure rigoureusement grammaticale.
Telle est ['Inversion, dont voici un exemple em-
prunté à Bossuet : « Restait cette redoutable infan-
terie de l'armée d'Espagne . »
L'ellipse supprime dans la phrase des mots que
l'esprit supplée facilement :
Je t'aimais inconstant, qo'aurais-je fait fidèle"} (Racine.)
La pensée est plus rapide et plus vive que si Ra-
cine avait dit : « qu'aurais je fait, si tu avais été
fidèle ? »
La syllepse fait accorder un mot avec l'idée plu-
tôt qu'avec le mot auquel il se rapporte :
Entre le pauvre et vous, vous prendrez Dieu pour juge;
Vous souvenant, nnon iils, que, caché sous ce lin,
Comme eux vous fûtes pauvre, etcorame eux orplieliu. Racine.']
Comme eux se rapporte à l'idée collective des
pauvres, au lieu de s'accorder avec le mot exprimé
au premier vers.
Le plonasme a pour but d'insister sur une
idée ; il ajoute ce que la grammaire rejette comme
supei-flu, et répète plusieurs fois le même mot :
Je l'ai vu, dis-je, vu, Je mes propres yeux vu,
Ce qui s'appelle vu. (Molière.)
C'est de même pour insister sur l'idée qu'on
répète certaines particules conjonctives ou cer-
tains pronoms personnels. Cette figure s'appelle
conjonction:
On égorjie à la fois les curants, les vieillards.
Et la ?œur et le frère,
Et la fille et la mère,
Le fils dans les bras de son père ! (Racine.)
La figure opposée à celle-là, où l'on supprime
au contraire les particules pour donner plus de
rapidité à la pensée, s'appelle disjonction :
l-rançais, Anglais, Lorrains, que la fureur rassemble,
Avançaient, cuinbattaient, frappaient, mouraient ensemble.
(Voltaire.)
T Les tropes sont les figures qui changent la si-
pnification des mots. On les nomme ainsi du mot
grec tropê qui veut dire changement. Dans toutes
les langues, il y a beaucoup de mots qui ont deux
sens. Ils ont d'abord leur sens propre ou primitif,
c'est-à-dire, qui exprime l'objet ou l'idée pour les-
quels ils ont été créés. Il> ont ensuite an sens
dérivé, quand on les emploie pour désigner un
autre objet ou une autre idée. Ainsi le mot « ber-
ceau » signifie au sens propre un lit d'enfant;
mais quand on dit « un berceau de verdure, » on
détourne le mot de son sens primitif pour l'appli-
quer à une certaine disposition du feuillage qui n'a
qu'une ressemblance lointaine avec un berceau
d'enfant. Cette modification du sens primitif est
ce que l'on appelle an trope. Voici les principaux
tropes :
La métaphore est une figure par laquelle on fait
passer un mot de sa signification propre à une
autre signification, en vertu d'une comparaison qui
se fait dans l'esprit. Toute métaphore renferme
donc une comparaison, mais elle ne la développe
pas, elle ne fait que l'indiquer. Quand Homère dit
d'Achille : « il s'élance comme un lion, » il fait une
comparaison; quand il dit : (t ce lion s'élance, » il
fait une métaphore.
Vallégorie est une métaphore continuée. Elle
arrête l'esprit sur les idées et les images qui doi-
vent saisir l'imagination ou toueher le cœur. Ainsi
La Fontaine fait une allégorie en comparant la
prospérité passagère d'un courtisan à un voyage
accompli sur mer par un beau temps:
Lorsque lur cette mer on vogue à pleines voiles,
yu ou croit avoir pour soi IfS vents et les étoiles,
11 est bien malaisé de régler ses désirs :
Le plus sage s'endort sur la foi des Zéphirs I
La catachrèse, ou mot contre l'usage, est une
espèce de métaphore à laquelle on est réduit,
faute de trouver dans la langue un terme qui
exprime sa pensée, C'est ainsi qu'on dit un cheval
/ti-ré d'argent: une feuille de papier; aller à che-
val sur un bâton.
La m-tonymie est un changement de nom. Elle
consiste : 1° à prendre la cause pour l'effet, quand
on dit les travaux de Mars, pour les travaux de la
guerre; 2° à prendre l'eff'et pour la cause : « la forêt
n'a plus d'ombre, » pour dire que les arbres n'ont
plus de feuilles ; 3° à mettre le contenant pour le
contenu : « cette coupe est empoisonnée, » pour
dire le vin contenu dans la coupe ; 4° le signe pour
la chose signifiée : « quitter la robe, » pour dire
renoncer à la magistrature ; 5° à employer le mot
abstrait pour le concret; exemple :
Que ton effronterie a surpris ma vieillesse ! (Corneille.)
pour dire : Tu es un effronté qui a trompé un
vieillard comme moi.
La synecdoque vient d'un mot grec qui signifie
compréhension. C&si une métonymie qui fait entrer
dans un mot tantôt plus, tantôt moins qu'il ne com-
porte. Elle désigne 1° le genre pour l'espèce : les
mortels pour les hommes ; 2° la partie pour le tout :
cent voiles pour cent vaisseaux ; et le tout pour la
partie : " le peuple qui boit la Seine; » 3° le sin-
gulier pour le pluriel: Y Américain pour les Amé-
ricains; 4° le nom de la matière pour la chose qui
en est faite : « Vairain sacré qui retentit, » pour
désigner la cloche.
L'antonomase, ou substitution de mot, remplace
un nom commun par un nom propre, ou un nom
propre par un nom commun; on dit un Cicéron
pour désigner un bon orateur, ou bien l'on met-
['orateur romain au lieu de nommer Cicéron.
L'antiphrase dit le contraire de la vérité. Les
anciens appelaient les furies du nom d'Euménides,
qui veut dire déesses bienveillantes. C'est par an-
tiphrase qu'on dit: « modeste comme un Gascon. »
C'est par antiphrase aussi qu'on avait appelé Plii-
lopator [qui aime son père', un Ptolémée d'Egypte
qui avait empoisonné son père.
Les exemples de figures de construction et de
mots que nous avons cités suffisent à montrer com-
bien l'emploi des figures est ordinaire. Il est même
FIGURES — "
des cas où elles sont nécessaires : et certaines
idées ne peuvent s'exprimer qu'avec leur concours.
Telles sont les idées abstraites. Elles ont besoin
d"être matérialisées, en quelque sorte, par les mots
dont on se sert, pour arriver jusqu'à l'esprit. Com-
ment même caractériser le style d'un écrivain,
sans avoir recours à des figures? Qu'est-ce que
dire d'une phrase: elle est dure, froide, languis-
sante? ou bien, le style en est vif, rapide, etc..
sinon faire des comparaisons abrégées avec des
objets matériels, ou des êtres animés, auxquels ces
épithètes sembleraient devoir convenir exclusive-
ment? Ne sont-ce pas des figures, les expressions
suivantes auxquelles nous sommes tellement ha-
bitués que nous ne les remarquons même pas: « la
P'hiétration de l'esprit, la rapidité de la pensée, la
dureté du cœur; Y aveuglement des passions; le
poids de l'autorité; le joug du despotisme; la
/leur de l'âge, la glace de la vieillesse, le fardeau
dos années; bouillir d'impatience, être einvré de
colère, glacé d'effroi ; se be' cer d'espérances,
flotter entre la crainte et l'espoir, » etc. Il ne faut
donc pas médire des figures de grammaire et de
rhétorique, comme on le fait trop souvent par
ignorance ou par irréflexion. Quelques-unes ont, il
est vraij des noms étranges pour les personnes
qui n'ont pas étudié les langues anciennes, mais
toute science a besoin de ses mots techniques, et
il est plus facile de se moquer des catnchrèses que
de s'en passer. Que seraient, en effet, l'éloquence
f't la poésie, si l'art n'avait pas à sa disposition
cette ressource précieuse qui, seule, donne de la
force et de la vivacité à l'expression du sentiment
et de la pensée?
Hâtons-nous toutefois de faire des réserves. Il
est facile d'abuser des figures et de les employer
d'une façon vicieuse. C'est un défaut que de bons
écrivains eux-mêmes n'ont pas toujours su éviter.
On connaît le mot d'Henri IV : « Je veux que tous
les dimanches, chaque paysan puisse mettre la
poule au pot. » Est-il rien de plus déplacé que do
rendre cette pensée par ces périphrases ambi-
tieuses :
Je veux que dans ces jours consacrés au repos,
L'hôte laborieux des modestes hameaux,
Sur sa tab'e moins humble, ait, par ma bienfaisance,
Quelques-uns de ces mets réservés à l'aisance.
On cite encore comme exemple de périphrases
énigmaiiques ces vers où de Belloy, l'auteur de la
tragédie le Siège deCalais (l'tiô), a voulu dire que
les habitants de la ville, pressés par la famine, ne
trouvent même plus de chiens pour se nourrir :
I-e plus vil aliment, rebut de la misère.
Mais aux derniers abois ressource horrible et chère,
De la fidélité respectable soutien,
.Manque à l'or prodigué du riche citoyen.
L'auteur "a reculé devant le mot chien, il a cru
embellir ses vers, il a fait une phrase ridicule, on
peut même ajouter : inintelligible. Cependant ii
connaissait ces vers si justes de Molière où Alceste,
le misanthrope, critique avec tant de raison l'abus
des figures et s'exprime ainsi :
Ce style figuré, dont on fait vanité
Sort du bon cara'"'èie et de la vérité;
Ce n'est que jeu de mots, qu'affectation pure.
Et ce n'est point ainî-i que parle la nature.
L'emploi abusif des figures, le goût pour les pé-
riphrases, se remarquent souvent dans la conver-
sation et le style des personnes qui ont une demi-
instruction, surtout si elles se trouvent en présence
de gens plus instruits. Elles veulent montrer
qu'elles sont aussi initiées au beau langage, et ne
point paraître au-dessous de leurs interlocuteurs.
Au lieu de se contenter d'exprimer simplement
des idées simples, elles vont alors cherciier des
tournures prétentieuses et guindées, elles usent
M — FLEUR
de métaphores et de périphrases alambiquées. Elles
croient éblouir leurs auditeurs, elles les font rire
à leurs dépens. Elles ne peuvent se résigner à
dire Pans : elles l'appellent la capitale de la
France, le foyer des lumières. Si elles écrivent au
maire de leur village, elles trouvent vulgaire de le
désigner par son titre, elles le traitent de preniier
inagistrat municipal. Enfin elles espèrent qu'on
leur supposera d'autant plus de science et d'esprit,
qu'elles parleront d'une façon moins simple et
moins naturelle. C'est de leur part un manque de
jugement; La Bruyère ajoute même : un manque
d'esprit.
Aussi nous ne pouvons mieux conclure cet article,
qu'en reproduisant la fin du passage cité plus haut,
où ce grand écrivain donne de si sages conseils, et
sous une forme si piquante, à ceux qui ne veulent
pas parler simplement, qui emploient à tort et à tra-
vers les figures de style. « Une cliose vous manque,
dit-il, Acis, à vous et à vos semblables, les diseurs
de phébus (paroles prétentieuses) ; vous ne vous
en défiez pas, et je vais vous jeter dans l'ctonne-
ment. Une chose vous manque, c'est l'esprit: ce
n'est pas tout; il y a en vous une chose de trop,
qui est l'opinion d'en savoir plus que les autres :
voilà la source de votre pompeux galimatias, de
vos phrases embrouillées et de vos grands mots
qui ne signifient rien. Vous abordez cet homme, ou
vous entrez dans cette chambre ; je vous tire par
votre habit, et je vous dis à l'oreille : no songez
pointa avoir de l'esprit, n'en ayez point, c'est votre
rôle : ayez, si vous pouvez, un langage simple, et
tel que l'ont ceux en qui vous ne trouvez aucun
esprit; peut-être alors croira-t-on que vous en
avez. » [Victor Cucheval.]
FLEUR. — Botanique. VIII. — On appelle fleur,
chez les végétaux phanérogames, une réunion d'or-
gaufs repi'o ucteurs, accompagnés ou non d'enve-
loppes destinées à les protéger. L'ensemble des
pièces protectrices d'une fleur est désigné sous le
nom de périanthe.
1. Organes reproducteurs. — Les organes repro-
ducteurs, chez les végétaux phanérogames, sont
de deux ordres : les organes mâles (c') désignés sous
le nom d'étamines, les organes femelles (?) désignés
sous le nom de pistils.
['ne étamine est formée de deux parties : un
pédicelle de longueur variable, nommé ftlet, por-
tant une glande nommée anthère. Cette glande est
creusée de deux ou trois sacs, dans lesquels sont
contenus les gravis de pollen. Le tissu qui agglu-
tine les loges de l'anthère reçoit le nom de co>i-
nectif. Les grains de pollen sont de petites cel-
lules libres ou agglutinées par deux, par quatre,
par huit ou en plus grand nombre ; une agglomé-
ration de grains de pollen est une ; 0/ inie. Chaque
grain de pollen présente une paroi cellulaire sou-
vent différenciée en zones douées de propriétés
différentes : les zones extérieures, rigides, imper-
méables, désignées parle mot exme; les zones in-
térieures, élastiques, perméables, nommées intine.
Le contenu protoplasmique des grains de pollen,
ou substance fécondante du végétal, est souvent
désigné sous le nom de fovilla. A l'époque de la
fécondation, les parois des sacs de l'anthère se
perforent ou se déchirent pour mettre en liberté
les grains de pollen : cette opération a reçu le nom
de pollinisation. En général, les anthères d'une
fleur sont indépendantes les unes des autres; par-
fois néanmoins elles sont plus ou moins adhéren-
tes, et sont alors dites si/ngénèses. Les filets de
plusieurs étamines voisines sont ordinairement li-
bres; plus rarement ils adhèrent les uns aux
autres : alors ils sont dits adelp'œs. Selon que les
étamines d'une fleur, ainsi adhérentes par leurs
filets, forment un, deux, ou plusieurs groupes,
elles sont dites mono, di, polgadelphes. Le trans-
port du pollen sur le pistil peut s'opérer à l'aida
FLEUR
— 778
FLEUR
du vent : fréquemment alors les grains de pollen sont
pourvus d'ailes; ou bien, ce qui semble la règle
générale dans la nature actuelle, ce transport a
lieu par les insectes, lorsque ceux-ci viennent bu-
tiner dans les fleurs ; plus rarement le pollen est
lancé sur le pistil par le mouvement de contracti-
lité que possèdent quelques étamines.
La partie essentielle glandulaire du pistil est
nommée ovule. Cette glande se montre soit comme
un mamelon cellulaire arrondi, sans enveloppe
spéciale ; soit plus ordinairement comme un ma-
melon revêtu par un ou deux replis membraneux
nés de sa base. Le mamelon cellulaire central de
toute glande femelle, si simple soit-il, est le nu-
ceile ; les téguments qui le revêtent parfois ont
reçu, l'extérieur le nom de primiiie, l'intérieur
celui de secondine. Il importe de signaler cette
différence entre la nomenclature et la réalité, à
savoir que lors du développement des replis tégu-
mentaires de l'ovule, celui des deux replis qui se
forme le premier est la secondine. Lorsque l'ovule,
au lieu de présenter deux enveloppes protectrices
spéciales, n'en présente qu'une, celle-ci est dési-
gnée par le nom de tégument, sans qualificatif.
L'ouverture de la coupe formée par la primine
s'appelle exostome; celle de la secondine, endos-
tome. L'ensemble de l'exostome et de l'endos-
tome forme le canal micropi/laire; l'orifice exté-
rieur de ce canal est appelé micropyle. Lorsque
l'endostome et l'exostome ne se correspondent pas
directement, l'ovule est hétérotrope. La base de
l'ovule s'appelle hile. Tout ovule droit est dit ortho-
trope ; les ovules com-bés sont dits anatropes. Les
ovules orthotropes ne se rencontrent que très
rarement en dehors du groupe des végétaux pha-
nérogames gymnospermes. Dans les ovules ana-
tropes, on appelle raphé les faisceaux qui se
répandent dans l'ovule, chaliise le point d'épa-
nouissement de ces faisceaux dans l'ovule. Les
cellules sécrétées par les glandes ovulaires se
nomment vésicules embryonnaires : ce sont des
cellules à parois épaisses, presque fluides, qui se
laissent facilementperforer par le boyau poUinique.
:Deux cas doivent être soigneusement distingués
dans l'étude des parties accessoires de l'appareil
pistillaire, selon que l'ovule joue en plus de son
rôle particulier celui d'appareil collecteur et incu-
bateur des grains de pollen, ou selon que ce rôle
est rempli par un organe particulier, distinct des
ovules et les enveloppant. Lorsque l'ovule joint à
sa fonction particulière le rôle d'appareil collec-
teur et incubateur des granules polliniques, nous
avons affaire aux végétaux phanérogames gymno-
spermes : dans l'autre cas nous avons affaire aux
végétaux phanérogames angiospermes. Chez les
végétaux gymnospermes, à l'extrémité supérieure
du nucelle se forme, par déchirement des tissus
de cette région de l'ovule, une cavité dans laquelle
les grains de pollen viennent s'accumuler ; ce n'est
qu'au bout de plusieurs mois qu'ils semblent sor-
tir de leur torpeur, et qu'ils émettent les boyaux
polliniques (V. Conifères). Chez les végétaux an-
giospermes, les ovules sont enfermés dans une
cavité désignée .sous le nom à! ovaire. Les parois
de l'ovaire se prolongent en un tube ou style,
terminé supérieurement par une coupe ou cornet,
le stigmate. La surface de la coupe stigmatique
est couverte d'un duvet papilleux formé de très
petites glandes, qui laissent exsuder une liqueur
sucrée et visqueuse à laquelle les grains de pollen
adhèrent fortement. Cette humeur provoque bien-
tôt le gonflement, puis la germination des grains
de pollen. Le boyau pollini(iuo, émis par le pollen
à la surface du stigmate, parcourt le canal stylaire
dans toute son étendue ; il est nourri pendant ce
trajet par le tissu du style ; il entre dans la ca-
vité ovarienne ; et selon que les ovules enfermés
dans cotte cavité sont orthotropes ou anatropes.
le tube pollinique descend directement dans les
micropyles, ou bien il suit la paroi ovarienne et
rampe sur les ovules avant de pénétrer dans leur
intérieur. La région glanduleuse de l'ovaire qui
porte les ovules est nommée placenta.
On rencontre souvent, à la base du pistil, des
glandes à nectar, ou nectaires, qui sécrètent un
suc mielleux : ces organes spéciaux, de même que
les vives couleurs qu'oiïre d'ordinaire le périanthe,
ne sont pour la plante que des moyens d'attirer
les insectes, dont l'intervention facilite le transport
du pollen sur le stigmate.
2. PériantJie. — Par le nom de périanthe, nous
avons désigné l'ensemble des pièces qui servent à
protéger spécialement les organes reproducteurs
des plantes; chaque pièce du périanthe est un
tépale. Lorsque les pièces d'un périanthe se lais-
sent facilement distinguer en enveloppes exté-
rieures vertes et enveloppes intérieures brillam-
ment colorées, la partie extérieure du périanthe
est nommée calice et ses pièces constituantes sont
alors des séimles; la partie intérieure du périanthe
a nom corolle, et les pièces de la corolle sont nom-
mées pétales. Extérieurement à la corolle et au
calice, on trouve parfois des enveloppes accessoires
nommées calicules, dont les pièces constituantes
ont nom bractées, bractéoles, etc. Toutes les pièces
f|ue nous venons de nommer peuvent exister ou
faire défaut; ce dernier cas est connu sous le
nom ûapétali'^; lorsque ces pièces existent, elles
peuvent être libres et indépendantes, ou au con-
traire elles peuvent adhérer entre elles sur une
longueur variable. Lorsque les pièces d'un calice
sont adhérentes, celui-ci est dit gamosépale ou
^mais très improprement) mon^>sépale ; lorsque les
pièces d'un calice sont libres, celui-ci est nialysé-
pale; on dit parfois, mjis à tort, polysépale. Lors-
que les pièces de la corolle sont adhérentes, celle-
ci est gamopétale (ou monopétalei ; lorsque ces
mêmes pièces sont distinctes, la corolle est dialy-
pétate {ovl polg pétale).
.3. Disposition des parties dans la fleur. — Ré-
duite h sa plus grande simplicité, la fleur ne com-
prendra qu'une étamine ou qu'un pistil; plus com-
pliquée, chaque fleur contiendra un certain nombre
d'organes mâles ou d'organes femelles; si elle se
complique encore, les organes reproducteurs seront
enveloppés par un périanthe ; enfin, comme der-
nier terme de complication, dans l'intérieur d'un
périanthe différencié en calice et corolle, nous
trouverons les organes reproducteurs des deux
sexes, étamines et pistil. Selon que les fleurs sont
unisexuées, ou au contraire qu'elles réunissent
les deux natures d'organes reproducteurs, elles
sont, dans le premier cas, diclines, dans le second,
hermaphrodites.
Les plantes à fleurs diclines sont divisées en
plantes monoïques et eu plantes dioiques, selon
que les fleurs à étamines et les fleurs à pistil sont
portées par le môme pied ou qu'elles sont portées
sur des pieds différents.
Dans une fleur aussi compliquée que possible,
on rencontre, en allant de la périphérie au centre :
1° le calice; 2° la corolle; 3" les étamines, dont
l'ensemble a reçu le nom à'androcée ; 4° au centre
de la fleur, les pistils, dont la réunion forme le
(jynécée. Les pièces de chacune des régions d'une
fleur complète sont disposées tantôt sur un, tantôt
sur plusieurs rangs ; chaque rang a reçu le nom de
veriicille floral. Les pièces de chaque verticille
floral sont disposées tantôt sur un cercle, tantôt
sur une ligne spirale. Quelle que soit leur disposi-
tion, il est de règle qtie les pièces de deux verti-
cilles floraux consécutifs alternent régulièrement
entre elles; aussi les pétales alternent avec les sé-
pales, les étamines avec les pétales, etc., et par
suite les étamines sont généralement superposées
directement aux sépales.
FLEUR
— 779 —
FLEUR
La règle ci-dessus offre pourtant un assez grand
nombre d'exceptions. Certaines dispositions parti-
culières de quelques fleurs méritent d'être men-
tionnées; telles sont : les androcécs didynames^
composés de quatre étamines, dont deux sont plus
grandes que les autres ; les androcées tétradynames,
composés de six étamines, dont quatre sont plus
longues que les deux autres ; les androcées gynan-
dres, ainsi nommées parce que les anthères sont
fixées sur la surface des pistils adhérents entre eux.
Dans une fleur on nomme réceptacle la surface
sur laquelle s'insèrent les différentes parties de la
fleur. On distingue trois modes principaux dans la
disposition de l insertion des pièces d'une fleur :
1° Vinsertio7i hypouyne, dans laquelle les étamines
viennent s'insérer sur le réceptacle au-dessous du
gynécée: les ovaires sont dits libres ou supères;
2° Vinserlion épigyne, dans laquelle les étamines
viennent s'insérer cm sommet du gynécée : les
ovaires sont alors adhérents ou infères; 3° V inser-
tion périgyne, que M. Brongniart a réunie à l'inser-
tion êpigyne, dans laquelle les étamines sont insé-
rées sur ia corolle et autour du gynécée. Ce dernier
mode d'insertion, assez mal défini, sert de transition
entre l'insertion épigyne et l'insertion hypogyne.
Selon les formes particulières qu'affectent le ca-
lice et la corolle, certaines fleurs ont reçu des
noms spéciaux; mais cette nomenclature est beau-
coup trop compliquée pour trouver place ici.
4. Théorie de In métamorphose. — En exami-
nant une fleur de nymphéa, de magnolia ou de
renoncule, on remarque facilement qu'on passe
pour ainsi dire par une transition insensible des
feuilles les mieux caractérisées de la plante aux
bractées; de celles-ci, toujours par une gradation
des mieux ménagées, on passe aux sépales du ca-
lice, puis aux pétales de la corolle, et enfin aux
étamines. Si, par une cause quelconque, le déve-
loppement de la fleur est entravé, on remarque
souvent, à la place des étamines, de petites feuil-
les. Ce que nous disons des étamines arrive éga-
lement pour les sépales, les pétales, les brac-
tées ; il semble donc légitime de conclure de
cette étude superficielle que les bractées, les sé-
pales, les pétales, les étamines ne sont que le ré-
sultat de la transformation des feuilles de la
plante. En raisonnant par continuité , nous se-
rions conduits à admettre que les pistils sont
formés par des feuilles reployées en cornet et
portant sur leurs bords les ovules. Cette manière
de voir semble d'ailleurs pleinement justifiée par
de nombreux exemples de pistils remplacés par
des feuilles dont les bords étaient garnis de corps
comparables à des ovules, voire même de vérita-
bles ovules. Toutefois, il faut bien le dire, cette
théorie de la constitution foliaire de la fleur est
loin d'être démontrée pour toutes les fleurs. Elle
est due en partie aux observations de Gœthe, et a
été complétée par les travaux de Moquin-Tandon,
d'Auguste Saint-Hilaire, qui ont admis qu'une
pièce quelconque de la fleur pouvait, quand besoin
était, se dédoubler radialement et tangentielle-
ment, ou au contraire se souder aux pièces voi-
sines. Toute métamorphose qui a pour eS'et de
rendre à une pièce de la fleur la structure foliaire
primitive, est appelée métamorphose régressive;
inversement toute métamorphose qui a pour effet
d'élever pour ainsi dire le degré de transformation
d'un organe, est appelée métamorphose transgres-
sive; tel serait le cas pour un pétale transformé en
étamine.
Puisque le gynécée, de même que l'androcée,
est composé de feuilles transformées, la manière
dont ces folioles se réunissent entre elles pré-
sente quelque intérêt. En premier lieu les feuil-
les ovariennes, nommées carpelles, repliées en
cornet, sont adhérentes l'une à l'autre par leur face
inférieure; il en résulte un gynécée pluriloculaire
(à plusieurs loges ou compartiments), dans lequel
les ovules occupent l'angle central de chaque loge.
La placentation, c'est-à-dire la disposition des ovules
sur le placenta, est dite axile; les styles sont d'ail-
leurs plus ou moins confondus en une colonne
unique. D'autres fois les carpelles non fermés adhè-
rent les uns aux autres par leurs bords, les ovules
sont insérés sur les parois d'une grande cavité
centrale ; l'ovaire est uniloculaire, et la placentation
est pariétale. On distingue encore sous le nom de
placentation centrale libre une disposition dans la-
quelle, au centre d'un ovaire uniloculaire, on voit
se dresser une colonne libre chargée d'ovules.
Jusqu'ici la théorie de la métamorphose n'a pas
expliqué cette disposition d'une manière satisfai-
sante.
En résumant notre sentiment sur la théorie de
la métamorphose, nous dirons qu'elle ne nous
paraît pas rendre suffisamment compte des faits
observés.
5. Diagramme de la fleur. — On appelle dia-
gramme ou plan de la fleur un dessin sur lequel
les différentes pièces de la fleur sont indiquées
dans l'ordre et les rapports qu'elles aff'ectent dans le
bouton. Selon les auteurs, les diagrammes donnent
plus ou moins de détails sur la fleur qu'ils repré-
sentent ; plus ils donnent d'indications, plus ils
sont compliqués. Les points principaux à indiquer
sont : 1° le nombre des pièces de chaque verticille
floral; 2° les rapports des pièces entre elles dans
le bouton; 3° la déhiscence des anthères; celles-ci
sont dites inirorses lorsqu'elles s'ouvrent vers le
gynécée, extrorses lorsqu'elles s'ouvrent vers la
corolle; 4° le nombre des loges de l'ovaire; 5° la
placentation ; 6° l'orientation par rapport à l'axe
qui porte les fleurs.
6. Fleuraison. — La fleuraison ou la production
des fleurs est déterminée par diverses Influences
telles que l'âge du sujet, une disposition naturelle
qui lui vient de ses ancêtres, la fatigue, le pince-
ment, la taille en vert. Parmi les influences exté-
rieures qui influent peut-être le plus sur la fleu-
raison, il faut citer au premier rang la chaleur. La
durée de la fleuraison varie d'une espèce à l'autre;
dans certains genres elle est très rapide ; ailleurs
elle dure presque toute l'année : telle est la vigne
dans les pays chauds. En dressant dans un pays
déterminé la liste des plantes selon l'époque à la-
quelle chacune d'elles fleurit, on forme un calen-
drier de Flore. De même, si l'on note les heures
auxquelles les diS'érentes fleurs s'épanouissent
dans la journée, on a une horloge de Flore. Linné
a qualifié de fleurs éqidnoxiales certaines fleurs
qui peuvent s'ouvrir et se fermer plusieurs fois ;
les équinoxiale'i sont diurnes ou nocturnes selon
qu'elles s'ouvrent le jour ou la nuit; ces alterna-
tives d'épanouissement et de fermeture des fleurs
sont désignées parfois sous le nom de sommeil des
plantes. Un petit nombre de fleurs seulement se
montrent sensibles à l'état hygrométrique de l'air :
tel est le Calendula pluvialis. L'épanouissement
des fleurs est souvent accompagné de l'émission
d'odeurs et de chaleur; ainsi, d'après M. Rivière,
le Cuttleya bulbosa fait sentir son odeur suave de
six heures à onze heures du matin; YAnyrecum disti-
chum est odorant de onze heures du matin à six heu-
res du soir; Y Amorp/v phallus Rivieri répand une
odeur infecte jusqu'au moment de la pollinisation.
Quant h la production de chaleur pendant la fleu-
raison, M. Duchartre, Lamarck, et Sénebier dès
1777, ont constaté un excès de température de 9°
sur le milieu ambiant dans une inflorescence
à' Arum Italicum; Hubert vit le thermomètre diifô-
rentiel dépasser 2à° dans une inflorescence de Co-
locasia Boni, autre espèce d'aroîdée.
Pour tout ce qui concerne la disposition des
groupes de fleurs, V. Inflorescence.
[C.-E. Bertrand.]
FLUOR
— 780 —
FORCE
FLUOR. — Chimie, VIII. — Ce nom, emprunté
à l'ancienne chimie, avait autrefois une .signi-
fication vague ; on l'appliquait aux acides très
liquides et à certaines substances minérales so
lides, mais susceptibles de fusion, comme le spatii
fluor. On disait même «/cfl/« volatil fluor, pour dé-
signer l'ammoniaque en dissolution dans l'eau.
Les diverses significations de ce mot venaient de
son étymologie latine (le verbe fluo, qui veut dire
couler) .
Aujourd'hui on appelle fluor, en chimie, un
corps simple de la famille du chlore, dont les pro-
priétés sont très peu connues, parce qu'on l'isole
très difficilement et qu'il attaque tous les corps
avec lesquels il vient à être en contact. M. Louget
et M. Frémy passent cependant pour l'avoir isolé.
Il est gazeux.
Spath fluor. — On donne en minéralogie le nom
de spath fluor hune pierre blanche assez commune,
dont la composition chimique est «analogue à celle
du chlorure de calcivm, le chlore de celui-ci s'y
trouvant remplacé par le fluor. Le spath fluor est
donc un fluorure de calcium. Quand on le traite
par l'acide sulfurique concentré, après l'avoir pul-
vérisé, il s'en dégage, même à froid, mais surtout
quand on chauffe tant soit peu, des vapeurs blan-
châtres qui attaquent instantanément le verre; ce
sont des vapeurs d'acide fluorhydrique s'hydratant
€n arrivant à l'air; il reste, dans le vase où l'opé-
ration s'est faite, du sulfate de chaux. La réaction
€st tout à fait analogue à celle qui se passe quand
on traite un chlorure par l'acide sulfurique ; c'est
ce qui a fait considérer les fluorures comme con-
tenant un radical simple de la famille du chlore,
avant môme qu'on ne l'eût isolé.
Acide fluorhydrique. — On l'appelait autrefois
acide fluorique, parce qu'on le supposait oxygéné.
C'est un gaz qu'on peut obtenir facilement liquide,
ou bien en dissolution dans l'eau ; liquide, il bout
à 25° et donne à 1 air d'épaisses fumées blanches,
très piquantes et mauvaises à respirer. Une goutte
de l'acide liquide tombant dans l'eau y produit un
petit sifflement. Les vapeurs d'acide fluorhydrique
attaquent instantanément le verre en le décompo-
sant, ainsi que la porcelaine et les métaux avec
lesquels il forme des fluorures qui ont de grandes
analogies chimiques avec les chlorures, les bro-
mures, les iodures et même avec les cyanures.
Préparution de l'acide fluorhydrique. Gravure
sur verre. — On a utilisé la très rare propriété
qu'a ce corps d'attaquer le verre et la silice pour
graver sur verre. On s'en sert surtout pour
graver les cloches, les éprouvettes, les thermo-
mètres.
Pour obtenir l'acide fluorhydrique liquide, on
chaufi'e un mélange de spath fluor pulvérisé et
d'acide sulfurique dans une cornue de plomb, for-
mée de deux parties qu'on adapte hermétique-
ment après l'introduction de ces matières dans la
partie inférieure de la cornue; le col recourbé est
refroidi dans de la glace; on chaufi'e doucement au
bain de sable. On remplace quelquefois le spath
fluor par de la créolitke, fluorure double d'alu-
ininium et de sodium, assez commun au Groen-
land.
L'acide ainsi obtenu est conservé dans des fla-
cons de plomb, ou mieux encore dans des flacons
de guttapercha. Quand on veut l'avoir en dissolu-
tion, on met quelques gouttes d'eau dans la partie
refroidie du col de la cornue. Quand on veut
l'obtenir à l'état de vapeur pour graver sur verre,
on chauffe le même mélange au bain de sable,
dans une capsule de plomb au-dessus de laquelle
on expose, les objets préparés.
Il est bon, dans toutes ces opérations, d'avoir les
mains gantées de gants de caoutchouc, car l'acide
fluorhydrique irrite fortement la peau.
Pour graver sur verre, on recouvre l'objet d'une
mince couche de cire ou d'un vernis spécial appelé
vernis des graveurs, puis avec un burin d'acier on
enlève la cire ou le vernis sur les traits qui
forment le dessin que l'on veut obtenir. Le verre,
étant mis à. nu, sera attaqué par l'acide, et restera
intact sous la couche de cire, qu'on enlève après
l'opération par un lavage à l'essence de térében-
thine. Les dessins ainsi obtenus sont opaques et
très visibles. Si, au lieu d'exposer l'objet ainsi pré-
paré : ux vapeurs anhydres d'acide, on lave le dessin
avec la dissolution aqueuse du même acide, l'action
sur le verre est différente : les traits sont creux,
mais transparents et beaucoup moins visibles que
par le premier procédé.
Action de l'acide fluorhydrique sur l économie
animale. — C'est le plus énergique des poisons
dits irritants. Une goutte qui reste quelques se-
condes sur la peau y produit une inflammation ;
un peu plus tard il s'y forme une pustule profonde,
entourée d'une auréole rouge, et enfin un ulcère
qui ne guérit qu'après une longue suppuration.
Si les mains restent trop longtemps exposées à
son action, il se produit, à l'extrémité des doigts,
un gonflement très douloureux qui peut durer
plusieurs heures (Wurtz). Etendu d'eau, il perd,
comme les autres acides, la plupart de ses qualités
dangereuses. [Alfred Jacquemart.]
FUIE. — V. Digestion.
FORCE. — Physique, II. — On nomme force
toute cause qui met en mouvement un corps
d'abord au repos ou qui le ralentit et l'arrête s'il
était en mouvement. Il est facile de se convaincre
que chaque fois qu'un corps se meut, il y a une
cause particulière en dehors de lui qui a déterminé
ce changement dans son état: si l'on arrête l'eau
f|ui va frapper une roue de moulin, celle-ci cesse
de tourner et ne reprend son mouvement que
quand l'eau retombe sur ses palettes ou qu'on agit
sur 'elles d'une autre manière. Il n'est pas moins
évident qu'un corps en mouvement ne peut pas,
de lui-même, modifier ce mouvement, et que s'il se
ralentit ou s'arrête, c'est que des résistances exté-
rieures sont venues s'interposer ; il suffit de faire
rouler la même boule d'abord sur un sol caillou-
teux, puis sur un plancher uni, puis enfin sur un
plan poli, et de constater que son mouvement est
rendu plus facile à mesure que les aspérités dimi-
nuent. On peut donc énoncer ce principe expéri-
mental, que tout corps est impuissant à modifier
de lui-même son état de mouvement ou de repos;
et les forces peuvent être définies les causes de
mouvement ou de modification du mouvement.
Les forces difi'èrent entre elles par leur origine.
Elles peuvent provenir de l'action musculaire de
l'homme ou des animaux, de l'action d'un corps
déjà en mouvement qui en rencontre un autre,
comme dans le cas d'une quille qui se meut sous
l'action de la boule qui l'a frappée. Ou bien encore
c'est l'élasticité qui entre en jeu, comme dans un
ressort d'acier tendu qui se déroule. Enfin ce peut
être la cause inconnue de l'électricité qui provoque
le mouvement des corps légers, ou celle des ai-
mants capables d'attirer le fer et l'acier.
Quelle que soit leur diversité d'origine, les forces
produisant toutes le même effet sur les corps, c'est-
à-dire le mouvement ou l'arrêt du mou\ement,
peuvent être comparées les unes aux autres. Qu'un
petit chariot soit placé sur une table, on pourra
lui imprimer un certain mouvement en le poussant
avec la main, en le tirant à l'aide d'un poids sus-
pendu à une corde passant sur une poulie et fixée
au chariot par une de ses extrémités; le môme
mouvement pourra encore être obtenu par un
ressort tendu poussant le petit chariot et même
par un aimant attirant un morceau de fer convena-
blement placé. Ces forces pourront être plus gran-
des les unes que les autres. Ce sont donc des
quantités que 1 on peut mesurer en les comparant
FORCE
— 781 —
FORCE
f
à l'une d'entre elles prise pour unité. C'est la
pesanteur que l'on a choisie pour terme de compa-
raison. Suivant leur volume et leur nature, les
corps pèsent plus ou moins, produisent par l'effet
de leur poids des pressions ou des tractions plus
ou moins considérables. On prend pour unité de
force l'effort avec lequel un poids de 1 kilogramme
tend le cordon auquel on le suspend, de sorte
qu'une force qui en agissant de bas en haut sou-
tient un poids de 10 kilogrammes est égale à 10 fois
l'unité de force. On peut donc évaluer les forces
en kilogrammes: tout se réduit à connaître com-
bien il faut de kilogrammes pour obtenir la même
pression ou la même traction que celle développée
par la force à mesurer.
Pour effectuer cette comparaison , bien des
moj'ens peuvent être employés ; le plus simple est
de prendre le dunamomètre ou peson à ressort.
C'est une lame d'acier recourbée en forme de V,
dont les deux branches se rapprochent quand on
les tire, et reprennent leur première distance, en
vertu de leur élasticité, quand on les abandonne.
A l'extrémité de chaque branche est fixé un arc
de cercle en fer qui passe librement dans l'autre
branche, et dont l'un d'eux porte une graduation
qui indique le rapprochement des deux branches.
On suspend le peson par un de ses crochets, et en
mettant à l'autre successivement des poids de 2,
3, 4 kilogrammes, etc., on marque sur l'arc les
points où s'est arrêtée la branche. Après cette gra-
duation, pour évaluer une force il suffit de la faire
agir au crochet où étaient les poids : elle rapproche
les deux branches comme le faisait le poids auquel
elle est équivalente. En modifiant la forme et la
puissance de cet appareil, on a pu estimer des
forces très diverses et trouver que l'effort muscu-
laire des deux mains d'un homme tirant sur le
ressort est d'environ 50 kilogrammes, que l'effort
de traction d'un cheval approche de 300 kilog.
Dans toute force on distingue trois choses : l'in-
tensité, c'est-à-dire l'énergie avec laquelle la force
agit et que l'on exprime en kilogrammes ; \e point
d'application, c'est-à-dire le point du corps sur
lequel la;, force produit directement son effet; la
direction, ou la ligne droite suivant laquelle la force
tend à entraîner et entraîne réellement son point
d'application si elle agit seule sur le corps.
Il résulte de ces notions que Ton peut repré-
senter les forces par des lignes droites. Le point
de départ de la ligne indique le point d'applica-
tion, sa direction donne celle que la force ferait
suivre au corps, etenfin sa longueur contient autant
de fois une longueur unité que l'intensité de la
force contient de fois l'unité de force, c'est-à-dire
le kilogramme.
Forces concourantes et i^ésultante. — Il arrive le
plus souvent que le même corps est sollicité à la
l'ois par plusieurs forces : ainsi une voiture attelée
de trois chevaux, un bateau tiré à l'aide de cordes
par deux hommes marchant sur les rives opposées
d'un canal; dans ce cas, le corps ne prend qu'un
seul mouvement, bien qu'il obéisse à la fois à tous
ceux que chaque force seule lui imprimerait. Ce
mouvement unique pourrait lui être communiqué
par une force unique convenablement choisie ;
c'est cette force, qui à elle seule pourrait produire
le même effet que toutes les autres, qu'on appelle
leur résultante; celles-ci sont les composa'/ tes. Dans
bien des cas, la résultante n'existe pas réellement,
elle n'est qu'idéale ; mais sa considération " aide
beaucoup à l'étude de l'effet des forces.
Il est de toute évidence que quand plusieurs
forces concourantes, c'est-à-dire appliquées au
même point, ont la même direction, leur effet
s'ajoute intégralement, et leur résultante, dirigée
comme elles, est égale à leur somme. Si les forces
qui concourent sont, les unes d'un sens, les autres
dn sens opposé, leur résultante e-: égale h la
somme des unes diminuée de la somme des autres,
et elle est dirigée dans le sens de la plus grande
somme. Cela résulte de ce que chacune des forces
agit comme si elle était seule. Il est en effet facile
de se convaincre par l'expérience que l'action d'une
force sur un corps ne dépend en aucune manière
de rétat que ce corps a pu recevoir auparavant
d'autres forces: tout le monde sait que les diffé-
rentes pièces d'une montre continuent à se mou-
voir de la même manière les unes par rapport aux
autres quand on fait subir à la montre un déplace-
ment, comme lorsqu'on la laisse au repos.
Quand deux forces concourantes font entre elle»
un angle, leur résultante est représentée en di-
rection et en grandeur par la diagonale du paral-
lélogramme ayant pour côtés les longueurs qui
représentent ces forces. Cet important théorème,
que l'on démontre en mécanique, peut être vérifié
par l'expérience avec facilité. Le cas le plus simple
est celui où les deux forces, que nous appelons F
et F', font entre elles un angle de 90° ; le parallé-
logramme devient un rectangle, et sa diagonale, qui
donne la direction de la résultante R des deux forces
primitives, peut être facilement calculée. Si, en
effet, on suppose pour F une intensité de 5 kilog.,
pour F' 12 kilog., la diagonale sera \ 5* + 12*
ou 13 kilog. Le corps soumis à l'action de ces
deux forces suivra donc la direction de la diago-
nale du rectangle qu'elles forment, et il sera tiré
avec un effort équivalent à 13 kilogrammes.
Lorsqu'on sait trouver la résultante de deux forces
appliquées au même point, on peut avoir celle de
trois, quatre, cinq forces, etc. ; il suffit de prendre
d'iibord la résultante de deux d'entre elles; puis,
comme elle remplace les deux premières, on cher-
che sa résultante avec la troisièiiie force et ainsi
de suite. On arrive ainsi à comprendre comment
toutes les forces qui agissent sur un corps peuvent
être ramenées d'abord à deux, et ensuite à une
seule qui est la résultante de toutes.
On peut se proposer le problème inverse : dé-
composer une force unique en deux autres de
directions données, situées dans son plan, et ca-
pables à elles deux de produire le même effet que
la première. Il suffit, pour obtenir la longueur de
chacune, de mener par l'extrémité de la force
unique deux parallèles aux directions données qui
les limitent. La décomposition d'une force en deux
autres est d'un usage continuel pour reconnaître
l'action d'une force qui n'agit pas dans la direction
du mouvement que suit son point d'application.
Ainsi un bateau est halé obliquement à l'aide d'un
câble sur lequel on agit do la rive, et cependant il
reste constamment parallèle au rivage et ne suit
pas la direction de la force qui agit sur lui; c'est
que sans cesse de l'intérieurj à l'aide du gouver-
nail, on fait naître une force perpendiculaire à la
rive qui n'a d'autre effet que de tenir le bateau
sur une direction et non de le faire avancer. Cette
dernière force et celle qui représente le mouve-
ment du bateau sont les deux composantes capa-
bles de remplacer la force appliquée le long du
câble, la seule que l'on voie.
La décomposition d'une force en deux autres de
directions données se résout avec facilité graphi-
quement ou par le calcul, quand on connaît l'angle
de ces deux directions et celui que l'une d'elles fait
avec la force à remplacer.
Forces parallèles. — Les forces qui agissent sur
un corps solide peuvent avoir des directions paral-
lèles : c'est le cas des deux plateaux d'une balance,
qui représentent l'un et l'autre une force verticale
appliquée à l'extrémité du fléau; c'est aussi le cas
des deux traits d'un cheval tirant sur un palonnier.
On ne peut songer à chercher la résultante par le
moyen précédemment indiqué pour les forces con-
ciurantes. la construction d'un parallélogramme
FORCE
782 —
FORCE
n'est pas possible. On a trouvé que ia résultante
de deux forces purallèles a une intensité égale à
leur somme quand elles sont de même sens, à leur
difféi-ence si elles so>it de sens inverse; elle est pa-
rallèle aux forces et so}i point d'application par-
tage la distance da deux autres en deux parties
inversement proportionnelles aux forces. Pour
fixer les idées, supposons deux forces parallèles et
de même sens aux extrémités d'une barre A B ;
l'une F de 5 kilog. appliquée en A; l'autre F' de
9 kilog. appliquée en B. La résultante aura une
intensité de 5 + 9 ou U kilog. ; elle sera appli-
quée du côté de la plus grande force, c'est-à-dire
du côté de B; et pour trouver son point d'applica-
tion, on partagera la longueur AB en 2 parties,
l'une valant 5 du côté de B, l'autre valant 9 du côté
de A.
On peut d'ailleurs facilement vérifier ce résultat
par l'expérien e. On prend une règle légère por-
tant 14 divisions égales de A vers B. On suspend
un poids de 5 hectogrammes en A, un autre de
9 liectogrammes en B. Il faut accrocher le dyna-
momètre à la division 9 de la règle et y suspendre
celle-ci ; l'instrument accuse, pour la résultante des
deux poids, un poids de 14 hectogrammes.
Quand les forces parallèles sont de sens con-
traire, il peut arriver qu'elles soient égales en
intensité: alors leur résultante est nulle; et comme
chaque force a néanmoins son action intégrale, si
le corps n'est fixé que par un point, les deux forces
ont pour efi'et de le faire tourner autour de ce
point; cet ensemble prend le nom de couple. Il
suffit au corps sur lequel un couple est appliqué
de deux points fixes pour annuler l'effet des
forces.
On peut composer en une seule, non seulement
deux forces, mais un grand nombre de forces pa-
rallèles ; il suffit de chercher la résultante des deux
premières, de la composer avec la troisième, et
ainsi de suite. Ce problème présente quelque in-
térêt dans le cas où l'on considère les actions de
la pesanteur sur les différentes parties d'un corps.
Le point d'application de la résultante de toutes
ces actions est le point qu'il faut soutenir pour
que le corps ne tombe pas; c'est lui qui suit tou-
jours la verticale quand le corps tombe ; c'est, en
un mot, le ce?itre de gravité.
Les forces comparées par leurs effets. — Au lieu
de ne considérer les forces que dans leur intensité
et de ne les mesurer que par des poids, on peut
les comparer par tous leurs effets. Elles ne sont
agissantes que quand elles déplacent leur point
d'application dans leur direction propre; on dit
alors qu'elles travaillent. Un poids aussi lourd
qu'on voudra, soutenu par un support fixe, est sans
effet, il ne travaille pas. Une boule qui roule sur
un plan horizontal est également sans effet, puisque
son poids , qui agit de haut en bas , ne fait pas
descendre le corps. Qu'un cheval soit attelé à un
mur inébranlable, il pourra, en tirant, dépenser
une force considérable, mais son effet sera nul
puisqu'il n'y aura pas de déplacement du point
d'application. Il y a donc lieu de considérer les
forces d'après les mouvements qu'elles impriment
aux corps sur lesquels elles agissent.
Quand une force n'agit sur un mobile que pen-
dant un temps extrêmement court, elle est dite
i7istantanée ; elle imprime au corps un mouvement
qui est uniforme, si aucune autre cause ne vient le
modifier.
Si au contraire la force agit pendant un temps
plus ou moins long, on dit qu'elle est continue,
comme la pesanteur ou la pression du vent sur les
voiles d'un navire. Le mouvement produit ne peut
pas alors être uniforme, il se modifie à chaque
instant; et si la force continue est constante, il
s'accélère ou se retarde uniformément sous son
action.
On ne considère comme agissantes que le» forces
qui accompagnent sans cesse le corps en mouve-
ment, et on les suppose constantes, car on peut
toujours les ramener à l'être si elles ne l'étaient
pas, en partageant en petites parties le temps de
leur action.
Les forces constantes peuvent alors être com-
parées par le travail qu'elles produisent, la quan-
tité de mouvement qu'elles développent, ou la force
vive, autrement dit l'énergie, qu'elles possèdent.
Le travail est le produit de l'intensité de la
force ou de la résistance vaincue, exprimée en ki-
logrammes, par le chemin qu'a parcouru le point
d'application sur la direction de la force, exprimé
en mètres. On se rend compte, en effet, que la
force dépensée croît en proportion du parcours et
qu'elle croît aussi en proportion de la résistance
surmontée. Une force de lo kilogr. transportant
à 4 mètres la résistance sur laquelle elle agit, dé-
veloppe un travail exprimé par 15X4. Un poids
de l.D kilogr. tombant de 4 mètres de hauteur a
acquis une certaine vitesse sous l'action de la pe-
santeur; celle-ci a produit un travail aussi repré-
senté par 15 X 4. Une autre force de li kilogr.
transportant sa résistance à 5 mètres a produit un
travail équivalent 12 X 5.
L'unité de travail est le kilogr ammètre, ou la force
nécessaire à élever à un mètre de hauteur un poids
d'un kilogr. Dans les fortes machines, on se sert
dune unité plus considérable, le cheval-vapeur, qui
vaut 75 kilogrammètres, et quand on parle d'une
machine à vapeur de 10 chevaux, on veut dire que
la force avec laquelle la vapeur y agit sur les orga-
nes moteurs est égale à celle qui élèverait un poids
de 750 kilogr. à 1 mètre de hauteur en une seconde.
La quantité de mouvement est une idée moins
simple que l'idée de travail. C'est le produit de la
masse du corps sur lequel agit une force con-
stante, par l'accélération que cette force lui imprime.
Pour comprendre comment ce produit peut ser-
vir à mesurer ou à comparer les forces, il faut re-
marquer que de deux forces constantes F et F', la
seconde doit être double de la première si elle
imprime à une même masse une accélération dou-
ble, et triple de cette première si elle agit surung
masse trois fois plus grande pour produire une mêm^
accélération. On conclut facilement que si la force F ■
agit sur une niasse triple et lui imprime une accé-
lération double de celle que la force F imprime à
unemasse unité, la force F' devra être 3 X'* ou6fois
plus forte que la force F. Elle est donc mesurée,
par rapport à la première, par le produit de la
masse par la vitesse imprimée au mobile.
La force vive, ainsi appelée par Leibnitz, par
opposition au nom de force morte qu'il appliquait à
une force ne produisant pas de mouvement, est le
produit de la masse du corps en mouvement par
le carré de sa vitesse. A un poids double d'un
boulet heurtant un mur correspond un choc de va-
leur double ; à une vitesse double correspond un
choc de valeur quadruple ; de sorte que de deux
boulets, l'un double de l'autre et marchant avec
une vitesse double du premier, la puissance d'effet
du second sera 2 x 2^ ou 8 fois plus considéra-
ble que celle du premier.
On rattache facilement la force vive aux deux
notions précédentes en y introduisant la notion
du temps : elle représente alors le double du tra-
vail que la force accomplit pendant une seconde
en agissant sur un corps entièrement libre. Mais
elle a sur l'expression de travail et sur celle de
quantité de mouvement un avantage, c'est de dési-
gner la puissance mécanique ou, comme on dit
souvent, l'énergie qu'une force peut développer,
totalement ou en partie, quand elle agira, tandis
que les deux dernières expressions ne convien-
nent qu'à l'étal d'activité de la force agissante.
Réaction. — Chaque fois qu'un corps soumis à
FORETS
783 —
FORETS
l'aclion d'une force agit sur un autre pour le
presser, le distendre ou le mettre en mouvement,
le second réagit dans un sens directement opposé
sur le premier et avec la même intensité. Ei ce
résultat a lieu aussi bien dans l'état de mouve-
ment que dans l'état d'équilibre. Ainsi un homme
qui fait monter un poids de lOO kilog. en tirant
une corde qui passe sur une poulie, exerce un
effort égal seulement à lOO kilog. (si l'on néglige
le frottement de la poulie), comme s'il ne faisait
que soutenir le poids sans l'élever. Si la corde qui
soutient le poids est attachée à un obstacle fixe,
ce dernier représente par sa résistance l'effort
exercé. Un aimant attire le fer; si le fer est fixe,
c'est l'aimant qui marche; s'ils sont tous deux mo-
biles, sur deux flotteurs de liège, ils marclient
l'un vers l'autre. Ainsi donc, comme Newton l'a
le premier précisé, quand deux corps agissent l'un
sur l'autre, la réaction est égale et contraire à
l'action.
Expériences et applications. — 1. Enlever à la
main un corps lourd. Pour estimer l'effort ainsi
exercé, faire passer sur une poulie suspendue la
corde attachée à ce corps et, au bout libre de la
corde, attacher un petit plateau où l'on mettra des
poids jusqu'à ce que le mouvement d'élévation du
corps soit, sous l'influence de ces poids, à peu près
le même qu'il était.
2. Placer deux aimants de manière qu'ils fas-
sent un angle, et vers le sommet de l'angle une
petite balle de fer ; en supprimant successivement
l'action de chaque aimant, constater que la balle
obéit à l'aimant resté ; quand les deux aimants
agissent ensemble la balle suit une direction que
l'on marque et que l'on reconnaît être la diago-
nale du parallélogramme construit sur les deux
premières directions.
3. Tirer un corps à deux, suivant deux directions
angulaires : le corps suit une direction plus voi-
sine de la plus grande force que de l'autre.
4. Faire passer une corde sur deux poulies
fixes suspendues à une certaine distance l'une de
l'autre; suspendre au milieu de la corde un poids
de 4 kilogrammes, à l'une des extrémités 1 kilo-
gramme et à l'autre un poids de 2 à 3 kilogram-
mes qui établisse l'équilibre. Faire mouvoir les
deux poids extrêmes et constater la direction
que suit le poids central.
5. Suspendre à un dynamomètre une romaine
chargée et déjà équilibrée qui porte sur son pla-
teau un poids de 4 kilogrammes. Constater qu'elle
indique au dynamomètre ce poids, augmenté de
celui de son curseur et de celui de la romaine, et
que ces trois forces verticales ont ainsi une résul-
tante égale à leur somme.
6. Poser sur un support une règle légère dont
les deux bouts sont inégalement chargés, et vérifier
que le point d'appui partage la règle en deux par-
ties inversement proportionnelles aux poids.
7. Pour vérifier le mouvement qu'imprime à un
corps un couple, suspendre à une liceîle un vase
muni à sa portion inférieure de deux tubes dia-
métralement opposés, recourbés et ouverts. Verser
de l'eau dans le vase : elle s'écoule par les deux
ouvertures latérale^., et le vase tourne d'un mou-
vement continu rHaraucoun.]
FOUETS. — Botanique, II, XVI. — Définition. —
Les forêts sont de grandes réunions d'arbres qui
couvrent de vastes étendues de terrain On dési-
gne sous le nom de bois les forêts de nioindre
surface. Dans les pays civilisés, les arbres dont la
réunion constitue la forêt sont cultivés surtout en
vue de la matière ligneuse qu'ils produisent ; ce
n'est que rarement qu'on leur demande des écor-
CBB ou du liège .
Développement et étendue des forêts. — Depuis
longtemps, on a remarqué que l'étendue des fo-
rêts qui couvrent un pays est en raison inverse
de sa civilisation. La Gaule était revêtue d'un
manteau continu de forêts, alors que ses habi-
tants étaient encore sauvages. Peu à peu, la popu-
lation augmentant, ses besoins ont grandi, les ar-
bres ont été abattus d'une façon aveugle et désor-
donnée ; les forêts amoindries ont graduellement
reculé leurs limites, et beaucoup d'entre elles
ont disparu. La disparition des forêts entraîne avec
elle, dans nombre de localités, la stérilité du sol,
les brusques variations de température, et par
suite les inondations. Si l'on en juge par l'histoire
de la Grèce, de l'Italie et du nord de l'Afrique,
il semble que la décadence des nations qui habi-
taient ces contrées ait coïncidé avec la disparition
complète des forêts qui les couvraient.
La surface totale du territoire français recou-
verte par les forêts est actuellement de plus de
neuf millions d'hectares, sur lesquels six millions
d'hectares appartiennent à des particuliers ; deux
millions appartiennent à des communes, et un
million cent cinquante mille hectares environ au
Domaine. Le revenu de ces forets est aujourd'hui
de quarante millions de francs.
Essences forestières. — Les principales essences
que l'on rencontre dans les forets de l'Europe
centrale sont : le hêtre, le chêne, le charme, le
bouleau, le tremble, le sapin, le pin sylveslre,
ï épine, \q coudrier, le mélèze, ïérable et Vacacia.
Le bois. — Le grand développement de l'axe ou
tige des végétaux que nous venons de nommer,
développement qui leur vaut le nom d'arbres, est
la conséquence delà production abondante et lonp;-
lemps continuée de la substance qu'on appelle
bois ou lirjneux.
N'ayant pas consacré d'article spécial à l'étude du
bois, nous entrerons ici dans quelques détails sur
la structure du tissu ligneux (V. aussi Tissus vé-
gétaux), les propriétés des différents bois, et leurs
principaux usages.
Si pour reconnaître la position et la structure
du bois ou ligneux qui entre dans la constitution
d'un arbre, nous pratiquons une section transver-
sale dans la tige de celui-ci, nous rencontrons en
allant du centre à la périphérie :
1° Un tissu central composé de grandes cellu-
les à parois minces au moins pendant les premiers
temps de la vie, mais qui peu à peu épaissit ses pa-
rois ei prend une consistance parfois très solide ;
ce tissu se nomme rnoelle ou médulle interne ;
2° Un cercle de tiibes très étroits qui présen-
tent dans leur intérieur un ou plusieurs filaments
enroulés en spirale ; chacun de ces tubes s'appelle
trachée, et leur ensemble forme Yétui médullaire ;
la présence de ces éléments n'est facile à consta-
ter que dans les tiges encore jeunes ;
.1° Autour du cercle médullaire, on distingue une
série d'anneaux concentriques adhérents les uns
aux autres ; chaque anneau est le résultat de la
végétation d'une année : c'est un composé de fibres
très allongées et de tubes volumineux ou vais-
seaux. Les vaisseaux sont d'autant plus volumi-
neux et d'autant plus nombreux qu'ils se sont
formés au commencement de la végétation. Inver-
sement, les fibres sont d'autant plus nombreuses
et par suite d'autant plus étroites qu'elles se for-
ment plus près du temps pendant lequel la végé-
tation est interrompue : hiver pour les pays froids,
saison sèche pour les pays chauds. Selon les con-
ditions dans lesquelles la plante végète, la zone
ligneuse qui se forme chaque année est plus ou
moins épaisse; dans les sapins de Norvège, son
épaisseur ne dépasse pas un millimètre. De l'iné-
gale densité des diverses régions de chaque
couche annuelle résulte une différence d'aspect
entre le bois d'hiver d'une année et le bois de
printemps de l'année suivante. Telle est l'origine
des zones concentriques que l'on remarque sur la
section transversale du bois des arbres de nos forêts.
FORETS
784
FORETS
On nomme bois l'ensemble de ces fibres et de ces
vaisseaux. On appelle bois de cœur ou duramen le
bois le plus anciennement formé, c'est-à-dire celui
qui entoure la moelle ; et aubier le bois nouvelle-
ment formé,, celui des dernières années.
4° Vient ensuite une zone de ti-xu générateur
ou cambium, qui fournit chaque année une couche
de bois par sa face interne, et une couche de liber
ou écorce fibreuse par sa face externe.
5° Extérieurement à la zone cambiale, on trouve
Y écorce fibreuse, puis le liège ou suber ; ce dernier
tissu résulte de l'activité d'une zone génératrice
appelée phellogène.
Pour terminer la nomenclature des différentes
parties de la tige des arbres, il faut encore citer
les lames parenchymateuses qui vont de la moelle
à l'écorce, en traversant toute l'épaisseur de la
zone ligneuse dans le sens d'un rayon, et que l'on
nomme rayons médullaires.
La disposiliim des fibres et des vaisseaux, leurs
dimensions, fournissent des moyens de distinguer
les bois les uns des autres ; ainsi le chêne, le chà-
taignier, ont des vaisseaux très gros ; ceux de
l'orme et du fî'éne le sont un peu moins ; viennent
ensuite, par ordre de grandeur, ceux du bouleau,
des éi^ables ; les conifères sont complètement dé-
pourvus de vaisseaux. Quand le calibre des vais-
seaux diffère peu de celui des fibres, on a des
bois homogènes : tels sont ceux du charme, de
Vérable et des bois blancs.
Quand le diamètre interne des vaisseaux et des
fibres est sensiblement le même, et que de plus il
est très petit, on a des bois susceptibles d'un
beau poli {poirier). Les bois composés de fibres
longues groupées en faisceaux, comme cela se voit
chez le chêne, sont très propres à la fente.
Les principales propriétés physiques et mécani-
ques des bois qu'il nous importe de connaître sont :
leur densité, leur résistance et leur puissance ca-
lorifique.
La densité réelle de la matière ligneuse est un
peu supérieure à celle de l'eau ; on le montre en
jetant dans l'eau une pincée de sciure de bois: au
bout de quelque temps, on la voit descendre au
fond du vase. Les bois en bloc ne flottent à la sur-
face de l'eau que parce qu'ils contiennent une
quantité d'air notable. Voici les densités apparentes
des principales essences de bois : chêne, 0,86 à
0,78 ; pin, 0,80 àO,4S ; frêne, 0,78 à 0,69 ; châtaignier,
0,65; hêtre, 0,84 i 0,64; alisier blanc, 0,75; érable
sycomore, 0,74 ; charme, 0,69; bouleau, 0,54 ; aune,
0,47 ; orme, 0,68 ; saule, 0,41 ; peuplier, 0,41 ; peu-
plier d'Italie, 0,i3. La densité dune même essence
varie avec le climat, le sol, l'exposition, l'âge et la
partie de larbre que Ton considère ; elle est
plus grande au midi qu'au nord, dans les terrains
secs que dans les sols humides, au cœur et à la partie
inférieure d'un ai bre qu'à l'aubior et aux rameaux.
Les qualités du bois au pointdc vue delà résistance
se laissent diviser en résistance à l'écrasement, résis-
tance à la rupture et fi.ssifjilité. Rondelet rapporte
qu'un cube de ciiône sur la face supérieure duquel
on place des poids dont la pression s'exerce dans
le sens des fibres, ne s'écrase que sous une charge
d'environ 400 kilogrammes par chaque centimètre
carré de surface pressée. La résistance à l'écrase-
ment décroît avec la hauteur delà pièce comprimée,
la surface pressée demeurant constante. Dans la
pratique, par mesure de prudence, malgré la grande
résistance des pièces de bois à l'écrasement lon-
gitudinal, on ne leur fait guère supporter qu'une
cliarge permanente égale seulement au dixième
de celle qui occasionnerait leur rupture.
La résistance d'une pièce de bois à la rupture
transversale est bien inférieure à sa résistance à
l'écrasement. Pour s'en faire une idée, on place
une pièce de bois sur deux appuis éloignés et on
dispose des poids soit sur son milieu, soit dans
toute sa longueur. Selon la pression exercée, trois
cas peuvent se présenter : 1" la pièce, après avoir
fléchi sous la pression, reprendra sa position pre-
mière lorsque le poids cessera d'agir ; 2" la pièce
pressée restera plus ou moins infléchie après l'en-
lèvement du poids; 3° elle se rompra. Dans le
premier cas, la pièce de bois a repris sa forme eu
vertu de son élasticité; dans le second, cette pro-
priété a été altérée partiellement ; dans le troi-
sième, le nombre de kilogrammes qui occasionne
la rupture représente la limite de rc-istance des
bois à la flexion. D'après M. Chevandier, un ma-
drier de sapin de 4"°, 25 de long, sur 0"',245 milL
de large, et G", 055 mill. d'épaisseur, se rompt
sous une charge de 900 kilogrammes appliquée en
son milieu, la distance des appuis étant de 3 mètres.
Ln chevron de chêne de 4 mètres de long, de 0"',075
mill. de large et de 0",(i8 cent, d'épaisseur se rompt
sousune pression de o^Okilogrammes appliquée en
son milieu, la distance des points d'appui éunt àtt
■\ mètres. Il semble donc d'après cela que les bois
résineux et les bois blancs possèdent une plus
grande élasticité que les bois secs et durs.
Si l'on frappe la section supérieure d'une bûche
placée debout, du tranchant d'une hache lancée
avec une force suffisante, la bûche se fend dans
sa longueur. On a donné le nom de fissibilité à la
facilité plus ou moins grande qu'ont les bois d'être
fendus dans le sens de leur longueur. Le degré
d'humidité et la température exercent une grande
influence sur celte propriété. Les bois verts venus
sur un sol fertile sont les plus faciles à fendre
selon leur longueur. Les essences très propres à
la fente sont le sapin, \& pin^ le châtaignier ; cel-
les qui se fendent assez bien sont le chêne, le
hêtre, le frêne, Vaune, le saule. Les bois qui so
fendent mal sont : X'orme, le poirier, le churm".
La puissance calorifique des bois, c'est-à-dire la
quantité de chaleur qu'ils dégagent en brûlant,
dépend du carbone et de l'hydrogène qu'ils renfer-
ment en excès. D'une manière générale on peut
dire que les bois les plus denses sont ceux qui dé-
gagent le plus de chaleur ; c'est ce que montre le
tableau suivant dont nous empruntons les éléments
à M. Frézard :
DES BOIS.
Chêne rouvre
Charme
Sapiu
Aune
Pin
PO!D=;
du stère
de boi
sec
3S0
370
312
291
2b6
NOUBRE
de calories
contenues
dans
UD stère.
1614319
15320; 2
1 586376
13U3054
114U373
R-iPPORT
de la puissance
Calorifique
des bois entre eux,
celle du
rondia de cbéne
étant 1.
1,00
0,94
0,8â
0.80
0.70
Dans le commerce les asscrtimcnis de bois de
chauffage sont connus sous les noms : l" de bois
neuf : c'est celui qui arrive par bateau ou par
charroi; il est subdivisé en bois pelard, dont l'é-
corce a été enlevée pour faire du tan, et bois cou-
I ert, qui n'a pas été écorce ; ce dernier, comme
puissance calo ifique, est inférieur au bois pelard ;
v» de boi<i flot é, qui se transporte par train ou à
bûches perdues par les rivières. Le bois flotté qui
n'a fait qu'un court trajet dans l'eau est dit bÀs
de gravier.
11 importe aussi, pour bien apprécier les pro-
priétés calorifiques du bois, de tenir compte de la
manière dont la chaleur se dégage. Péclet a re-
marqué que les bois durs ne brûlent d'abord qu'à
leur sur.acc ; les gaz inflammables contenus dans
la bûche se consument peu après l'introducilou
FORETS
785 —
FORETS
du bois dans le foyer ; le centre du bois séchauffe
et toute la bùclie est transformée en une masse
incandescente. Pour ces raisons, les bois durs sont
recherchés pour le chauffage des appartements.
Les bois légers se déchirent sous l'action de la
chaleur, le charbon brûle tout entier en même
temps que les gaz, l'air les pénétrant de toutes
parts. Les industries où l'on a besoin d'une chaleur
vive et d'une flamme longue et incessante, comme
/a boulangerie, n'emploient que des bois légers.
Les causes qui peuvent modifier les propriétés
physiques et mécaniques des bois sont ou acciden-
telles ou permanentes ; les premières sont plutôt
désignées sous le nom de défauts.
Les principaux défauts du bois sont : la rou-
lure, la gélivure ou géliure, la cadranure. la tor-
SÎ071, la iitnure, la pourriture sèche. On entend par
roulure la séparation de deux couches annuelles
contiguës sur tout ou partie de leur circonférence ;
elle se produit au pied de l'arbre et ne s'étend pas
sur une longueur de plus de deux mètres. Aucun
signe visible à l'extérieur n'indique cet accident.
La géliitre est une fente longitudhiale qui va du
centre à la périphérie de l'arbre, où elle se mani-
feste d'une manière visible sous forme d'un double
bourrelet. La géliure se produit par les froids in-
tenses, principalement au pied des arbres, et sur une
longueur assez grande. Une pièce géliée est tou-
jours de mauvaise qualité. La cadranure consiste
en fentes qui vont du centre à la circonférence du
bois ; ces fentes se distinguent de celles qui pro-
viennent de la dessiccation du bois par leurs teintes
noirâtres ; la cadranure se manifeste sur les ar-
bres dépérissants, et coïncide toujours avec un
commencement de pourriture. Lorsque les fibres
d'un arbre décrivent autour de son axe des héli-
ces ou spires plus ou moins allongées, ces bois
sont dits tors ou virants; ce défaut se reconnaît
extérieurement parce que les cannelures de l'é-
corce semblent tordues autour de l'arbre. La
htnure consiste dans la présence de couches
ligneuses parenchyraateuscs très développées en-
tre des zones ligneuses fortement épaissies. La
pourriture sèche est une maladie qui attaque les
arbres et qui a pour effet de transformer la partie
attaquée en une poussière fine.
Les causes permanentes de détérioration des bois
sont dues à la présence des substances albumi-
neuses dont ils sont imprégnés; même après une
dessiccation prolongée, le retour de l'humidité suf-
fit à provoquer leur décomposition et par suite la
désorganisation des tissus ligneux. La présence
des substances azotées contenues dans l'intérieur
des bois les rend sujets à être attaqués par les
insectes, scolytes, etc. Un grand nombre de cham-
pignons et de bactériens attaquent le bois et le
détruisent; les principaux sont le bacillus amylo-
bacter et Yachhja lignicoln. Pour préserver les
bois des causes permanentes de destruction, on
pratique l'opération connue sous le nom de con-
seivation des bois. On doit à M. Boucherie les pre-
mières tentatives de ce genre. Ayant remarqué
que les arbres conservent leur force d'aspiration
plusieurs jours après l'abattage, quand on a soin
de leur laisser une quantité suflisante de bran-
ches garnies de feuilles, M. Boucherie plongea
l'extrémité inférieure d'un arbre, placé dans ces
conditions, dans une solution de pyrolignite de
fer ; en trois jours, ce sel avait imprégné to.utes
les fibres de l'arbre. On ne tarda pas à reconnaître
quH l'oxyde de fer, produit par la décomposition
du pyrolignite, altère le bois; ce sel ne possédait
pas d'ailleurs des propriétés toxiques assez mar-
quées pour éloigner les vers et les tarets ; en ou-
tre, la manipulation de ces grandes pièces de bois
rendait l'usage de ce procédé bien dispendieux :
on y renonça bientôt. Depuis lors, M. Boucherie a
remplacé le pyrolignite de fer par le sulfate de
^8 Par tie.
cuivre. Malheureusement ce dernier sel coûte chcp
et rend le bois difficile à travailler. Les pièces de
bois débitées en grume sont injectées sous l'in-
fluence d'une forte pression. MM. Légé et Fleury-
Pironnet emploient un autre procédé. La pièce à
préparer est placée dans un large et long cylindre en
cuivre; on fait passer un courant de vapeur d'eau
dans ce cylindre, puis on y fait le vide pour faire
sortir l'eau et les gaz du tissu ligneux ; après quoi,
on fait pénétrer le sulfate de cuivre sous une pres-
sion de dix atmosphères ; en trois quarts d'heure
l'opération est terminée. Par ce procédé, la prépa-
ration d'un mètre cube de bois ne coûte que sept
francs. 11 est à remarquer que plus un bois a de
propension à s'allérer, plus il s'imprègne rapide-
mont de sulfate de cuivre.
Erploitaiion des bois. — La série des opéra-
tions dont l'ensemble constitue l'exploitation d'une
coupe de bois peut se résumer ainsi qu'il suit :
1° l'abattage, 2° le façonnage, 3" {.enlèvement des
produits. Disons tout'de suite que par le nom de
coupe on entend la partie d'une forêt dont le pro-
duit doit être recueilli dans l'année. Dans une
exploitation régulière, la forêt est divisée en un
certain nombre de coupes; et ce n'est guère que
tous les vingt-cinq ans que la cognée repasse sur
les mêmes points.
Passons rapidement en revue les diverses opéra-
tions d'une exploitation. Avant de procéder k l'a-
battage proprement dit, on commence par nettoyer
le terrain en enlevant toutes les plantes rampantes
telles que ronces, etc. Ce premier travail, sans ré-
sultat au point de vue de la vente, puisque ces
menus liés en bnttes se vendent à peine le prix
qu'ils ont coûté pour la façon, a pour but de dé-
gager la circulation. Dans les terrains humides, la
première exploitation d'un tronc de taillis doit être
faite à 15 ou 20 centimètres du sol; de cette ma-
nière on évite la pourriture de la souche et on
provoque la formation de jets vigoureux et nom-
breux. Dans les terrains secs, sablonneux, le. taillis
doit être coupé plutôt au-dessous qu'au-dessus du
sol. Le bois doit être coupé lorsque les liquides
nourriciers ont cessé de circuler dans la plante.
L'expérience a montré que lorsqu'il s'agit d'abattre
des bois blancs sur un terrain humide, il vaut
mieux le faire en février et mars. S'il s'agit de bois
durs sur des terrains secs, on choisira octobre et
novembre. Le bois abattu est réuni en ramiers ou
tas. Sur les quinze mois que dure l'exploitation
d'une coupe, l'abattage doit être fini le 15 avril, si
on ne fait pas d'écorce, et le 15 mai, si on écorce
les chênes. Le taillis doit être abattu ras de terre.
La futaie de moins d'un mètre de circonférence,
pouvant reproduire des rejets qui, sous le nom de
ci'pces, donnent, à la coupe suivante, beaucoup de
bois de perches, il importe, pour favoriser la pousse
des rejets : 1° de ne pas détacher l'écorce de la
souche, 2° de donner à la surface de l'entaille de
cette souche une forme convexe, afin d'empêcher
l'eau d'y séjourner. Pour les futaies qui dépassent
un mètre de circonférence, à hauteur d'homme, on
coupe l'arbre en tranchant ses racines; on fait ainsi
les copeaux dans ces derniers organes au lieu de
les faire dans la tige, et souvent, par cette précau-
tion, on obtient une pièce d'un classement supérieur
dans la marine. Une fois l'arbre abattu, il convient
d'arracher complètement ses racines, puis on
comble le vide, et sur la terre ameublie on fait une
nouvelle plantation. Kn principe, quelle que soit
la taille de la futaie, l'abattage et les copeaux qui
en résultent doivent toujours être pris dans la aitée
de l'arbre, ou comme nous l'avons vu, si la souche
doit rester improductive, dans les racines.
Avant d'entailler l'arbre pour le faire tomber, il
convient de couper, sur l'arbre debout, les branches
dont la grosseur, le poids ou la position pour-
raient provoquer dos cassures dans la chute. La
50
FORETS
780 —
FORETS
chute d'un arbre doit se faire dans un sens déter-
miné par des circonstances telles que ie vent,
l'entourage à préserver, les branches à ménager.
Le façonnage ou Vutilisalion des produite d'une-
coupe a pour but la meilleure préparation possibio
des bois abattus. Comme indications générales, nous
nous contenterons de mentionner les principaux
usages des bois de taillis et des bois de futaie. Les
plus gros brins de taillis servent à faire des sabots ;
3n recherche pour cet usage le bouleau et le hêtre ;
on emploie parfois, à défaut de ces deux essences,
l'aune et le tilleul ; le chêne et le charme sont re-
jetés comme trop fissibles. Les bois de hêtre et de
bouleau ne sont employés h l'usage que nous ve-
nons d'indiquer qu'après avoir subi un commence-
ment de fermentation. Les brins de taillis de 13
à 15 centimètres de circonférence sur 2 à 3 mètres
de longueur sont transformés en perches ou con-
vertis en échalas ; parfois ils servent à faire des
claies. Les essences les plus recherchées pour ce
dernier usage sont l'aune et le tilleul. La condi-
tion exclusive de durée pour ces bois est l'enlève-
ment de récorce sitôt après l'abatage. Les tiges
grêles sont mises en bourrées ou transformées en
hnrls; ce dernier usage, qui décuple la valeur
qu'elles auraient en bourrées, n'est applicable que
dans les forêts situées à proximité des rivières. Le
reste du bois est transformé en bois à brûler, en
charbonnettes, ou en fagots. Les bois durs, tels que
le chêne, le hêtre, n'exigent, pour être transformes
en bois à brûler, que d'être sciés à la longueur en
usage dans le pays; les bûches de bois blanc doi-
vent être fendues aux mois d'avril et de mai pour
leur permettre de sécher; cette opération, qui leur
fait perdre la moitié de leur poids, est indispen-
sable, pour qu'ils puissent brûler en dégageant
quelque chaleur. Un stère de bûches régulières
pouvant servir à faire des pieux ou des tuteurs se
vend en moyenne douze francs en foret. Un stère
de houpiers irréguliers vaut de sept à dix francs.
Lorsque le chêne abonde dans le taillis d'une forêt,
il y a lieu de l'écorcer; tout morceau dont le volume
peut remplir la main de rabatteur doit être écorcé ;
les brins destinés à l'écorçage ne doivent être
abattus qu'en mai. Au-dessous d'un diamètre de
20 centimètres, les brins de bois ne peuvent plus
servir qu'à faire des fagots, des cotrets, des char-
bonnettes, ou des liourrées si les ramilles sont trop
abondantes. Les belles pièces de bois de futaie
doivent être ofl'ertes à la marine ; si elles manquent
de longueur, on les transformera en n,errains, en
lattes, ou en bois de sciage et alors, selon le grain
du bois, on en fera du parquet, de la membrure ou
de la phniche; ce n'est que dans les besoins
extrêmes qu'on les transforme en bois de charpente.
Les futaies de hêtres soigneusement réservées sont
transformées en larges plateaux, en moules^ en
meubles, ou en traverses de chemin de fer; grâce
à des injections de sulfate de cuivre, la durée de
ces tra\ erses est illimitée.
LUnlèvemeat des produits ou la vidange d'une
coupe doit être fait le plus rapidement possible.
Le Code forestier accorde à l'exploitant jusqu'au
l.S avril de l'année qui suit l'exploitation. Le passage
des voitures et des hommes dans une cou})e, qui
peut se faire impunément tant que la végétation
est endormie, cesse d'être possible dès le mois de
mai, lorsque la végétation a repris son cours. L";id-
minisiration des Domaines, pour éviter les dégâts
occasionnés par le passage des exploitants dans his
coupes, fait abattre et façonner sur place les pro-
duits et les fait porter immédiatement sur les
bhemins. Ses coupes sont toujours vidées dès le 1
mois de juin et parfois dès le mois de mai. elle
gagne ainsi une année, et évite la destruction d'un i
grand nombre de sujets dans la coupe future.
Four terminer l'exploitation, il ne reste plus qu'à I
assainir la coupe, curer les fossés, en ouvrir" do '
nouveaux, puis repeupler les vides, places à char-
bon, ou terrains remués par l'arrachage.
Administration îles forêts. — Les bcis soumis
au contrôle forestier de l'Iitat, en France, sont di-
visés en triages, hrigwles et cantonnements. Le
triage est une surface de forêt de h à 000 hectares,
dont le surveillant s'appelle garde. Quatre triages
forment la brigade, dirigée par un brigadier. Le
' antonnement est une réunion de brigades qui
contient de 6 à lOOiiO hectares de forêts, sous la
surveillance d'un garde général; ces derniers agents
se recrutent parmi les élèves de l'Ecole forestière;
ils surveillent les gardes, les semis, les plantations,
le-i travaux de routes, l'arpentage, le balivage et le
;vco/e?/ie'/?/ des coupes. Des inspecteurs poursuivent
les délits devant les tribunaux. Les conservateurs
réunissent tout le contrôle des diverses parties du
service, et relient toutes les parties de l'adminis-
tration au directeur général. L'Algérie a un service
foreiiier spécial.
Liège. — A propos des forêts de l'Algérie, nous
dirons quelques mots de l'exploitation du liège.
Le chêne-liège ou surrier, en latin quercus su-
ber, est l'arbre qui produit tout le liège exploité.
On le cultive eii Algérie, dans toute l'Europe mé-
ridionale, et dans quelques départements français,
en particulier dans le Lot-et-Garonne et dans les
Landes. Le chêne-liège doit être semé sur un sol
mi-partie argileux et mi-partie sableux; il craint
l'humidité ; on ne peut songer à le repiquer ; tou-
tes les tentatives faites en ce sens n'ont amené
que des déceptions.
Lorsque le chêne-liège atteint sa vingtième
année, on enlève sa première écorce nommée
caion. Le canon n'est propre qu'à faire du feu.
Dix ans plus tard, on enlève de nouveau î'écorce
du chêne ; cette nouvelle écoi ce ou recof-n n'est
propre qu'à faire des flotteurs pour les filets des
pêcheurs. A quarante ans, l'arbre donne ses pre-
miers produits marchands, encore sont-ce des
rebuts de jeunesse. C'est seulement à partir de
cinquante ans que le revenu de l'arbre devient
régulier, et qu'il va dès lors sans cesse s'amclio-
rant. Pour écorcer le chône-iiège, un ouvrier
fend I'écorce à coups de hache de haut en bas
en un certain nombre de points, puis perpendicu-
lairement à cette direction ; la surface de l'arbre
est ainsi découpée en un certain nombre de pla-
ques. Les fentes terminées, l'ouvrier introduit en-
tre la peau et le liber le bout aiguisé du manche
de sa hache ; l'arbre se laisse assez facilement
dépouiller. Deux ouvriers sont nécessaires pour
peler un arbre. Les écarces sont mises en tas ou
marc.
En moyenne tous les dix ans un chêne-liège
produit de 20 à 30 kilogrammes de liège mar-
chand. Les chênes-lièges sont très sensibles aux
froids, aussi sont-ils fort éprouvés par les hivers
rigoureux. Un ennemi non moins redoutable pour
eux, c'est le Bombyx dispar, qui les dépouille par-
fois complètement de leur feuillage.
Les quelques plantes qui produisent du liège
en quantité un peu considérable, en dehors du
chêne-liège, sont l'aristoloche subéreux, et la va-
riété d'orme champêtre dite subéreuse ; encore
pour cette dernière plante croit-on que son liège
est une maladie de sa surface.
Forêts des territoires extra-européens. — On
n'a guère de données sur les forêts autres que
celles de l'Europe. Toutes présentent ce caractère
commun (|u'elies sont spontanées; la culture ou
l'exploitation régulière de l'homme n'y intervient
nullement: aussi un grand nombre d'entre elles
sont-elles menacées de disparaître chaque jour de-
vant les défrichements entrepris par les colons
européens. De toutes les essences forestières de
rAmorif|ue du Nord, les Conifères sont les plus
abondants et les plus développés; on trouve en
FORÊTS
— 787
FORETS
core dans les gorges des Sierras de la Californie
des WelUngtonia gigantesques dont la hauteur
dopasse 80 mètres.
Les principales essences forestières de l'Amé-
rique du sud appartiennent aux Térébinthacées,
aux Malvacées et aux Palmiers. Les lianes ou végé-
taux grimpants y prennent un développement
extraordinaire. La forêt africaine est caractérisée
par de nombreux Palmiers et par le Baobab. Les
forêts de l'Australie nous présentent les gigan-
tesques Eucalijptus, les Protéacées, les vrais Aca-
cias, toutes plantes à feuillage persistant, à bois
résineux, souvent odoriférant et incorruptible ; la
forêt australienne diffère de toutes les autres parce
que, par suite d'une disposition spéciale des feuilles
de ces nombreux Eucalj-ptus et Acacias (V. Feuille;.
la lumière du soleil peut pénétrer jusque dans les
fourrés les plus épais. On désigne souvent les
forêts de l'Afrique et de l'Amérique du sud sous
le nom de forêts vierges. [C.-E. Bertrand.]
Notions de sylviculture. — Agriculture, XX. —
Les forêts sont naturelles ou artificielles. Les
premières sont celles que l'homme n'a pas créées
et qui se sont maintenues d'âge en âge sur une
surface donnée. Les secondes sont celles qui ont
été créées par des semis faits de main d'homme
sur des terrains incultes ou vagues, ou sur des
parties de forêts détruites par une cause ou une
autre.
L'étendue des forêts est très variable dans les
diverses parties de la France. Dans quelques ré-
gions, les anciennes forêts ont été à peu près tota-
lement détruites. Néanmoins la proportion de bois
que compte notre pays est d'environ 17 pour K Û
de la surface totale. Les départements qui comptent
la plus grande superficie boisée sont, par ordre
d'importance: la Meuse, le Var, la Haute-Saône, la
Drôme, les Landes, le Doubs, la Côte-dOr, le Jura,
les Vosges, les Alpes- Maritimes, l'Isère, l'Ain ;
ceux, au contraire, qui ont les plus faibles surfaces
boisées, sont : le IV'ord. le Pas-de-Calais, le Cal-
vados, les Côtes-du-Xord, lUe-et-Yilaine, les Deux-
Sèvres, la Creuse, la Mayenne, la Loire-Liférieure,
le Morbihan, la Corrèze, la Manche, le Finistère ei
la Vendée. Les masses forestières les plus éten-
dues sont : la forêt d'Orléans (Loiret), qui couvre
4ô,ô50 hectares; celle d'Esterel (Var), avec 26,847
hectares; celle de Fontainebleau (Seine-et-Marne),
avec 22,298 hectares; celle de Chaux (Jura), avec
19,50-3 hectares; celle de Compiègne (Oise), avec
14,385 hectares; celle de Rambouillet (Seine-et-
Oise), avec 12, S 18 hectares; celle de Larum (Basses-
Pyrénées), avec 12,000 hectares.
En Europe , les pays les plus boisés sont la
Suède, la Russie, la Bavière et l'Autriche ; ceux
dans lesquels les défrichements ont pris les plus
grandes proportions sont la Grèce, l'Italie, l'Es-
pagne, le Portugal, les Pays-Bas et les Iles-Bri-
tanniques. Le Nouveau Monde compte une étendue
forestière beaucoup plus considérable que l'ancien
continent. Les défrichements ont encore respecté
la forêt vierge sur d'immenses étendues ; mais,
dans quelques parties de l'Amérique du Nord, les
anciennes forêts ont déjà diminué daus des propor-
tions très considérables.
L'exploitation d*^s forêts est une science parti-
culière qui demande des connaissances spéciales.
11 ne peut donc être question ici que de donner
quelques principes généraux sur l'importance des
forêts, leurs produits et les méthodes adoptées
pour en tirer profit.
L'importance des forêts, au point de vue agri-
cole, est très grande Leur influence est, en effot,
immense sur le climat, et par suite sur la produc-
tion du sol. C'est d'abord par l'atténuation des va-
riations de la température que cette influence se
produit; il résulte, en effet, d'observations prolon-
gées faitf's avec soin, que si les variations de tem-
pérature se font sentir sous bois comme en pays
découvert, elles se produisent plus lentement et
leurs écarts sont moins grands. La forêt agit, en
outre, pour attirer la pluie et condenser l'humidité ;
il résulte des observations de Becquerel que le sol
forestier reçoit un quart de plus d'eau de pluie que
les autres terrains; cette pluie infiltrée lentement
dans le sol alimente les sources. On voit celles-ci
souvent tarir quand la forêt est dùfiichée
En même temps qu'elles assurent l'alimentation
des sources, les forêts^ dans les parties supérieures
des bassins et des fleuves, empêchent la formation
et le grossissement subit des torrents qui amènent
le terrible fléau des inondations. Elles retiennent
les eaux surabondantes et ne les écoulent que len-
tement; tandis que, si ces eaux tombent sur un
sol dénudé, celui-ci n'en absorbe qu'une faible
proportion, et le reste grossit les rivières, et les
fait trop souvent déborder. Un des ingénieurs qui,
en France, ont le plus étudié ces questions, SurrcU,
conclut ainsi dans son étude sur les torrents :
« Partout où il y a des torrents récents, i| n'y a
plus de forêts, et partout où on a déboisé, des
torrents récents se sont formés. Les forêts sont
capables de provoquer l'extinction des torrents
déjà formés. » L'intérêt public commande donc la
conservation des forêts de montagnes, et dans
beaucoup de cas la reconstitution de celles qui ont
été détruites avuc une imprévoyance tout à fait
regrettable.
tn autre avantage des forêts, c'est qu'elles amé-
liorent la couche arable du sol sur lequel elles
végètent. Les racines vont puiser dans les couches
inférieures du sol la nourriture dont les arbres ont
besoin, tandis que les feuilles et le menu bois qui,
chrque année, tombent à la surface, s'y décom-
posent et augmentent la proportion d'humus de
la couche superficielle. C'est une observation qui
a été faite souvent, que les anciennes forets dé-
frichées donnent pendant plusieurs années de très
belles récoltes, sans qu'il soit besoin d'avoir recours
à des entrais.
Quels sont les sols qui conviennent le mieux à
la culture forestière ? La question ne se pose pas
pour les montagnes : on vient de voirie rôle salvi-
taire que les forêts sont appelées à y jouer. Mais
ailleurs, il en est autrement, et il faut rechercher
dans quelles conditions les forêts sont le plus
utiles, soit au point de vue général du pays, soit
au point de vue particulier du propriétaire du sol.
M. Bouquet de la Grye, conservateur des forêts,
a parfaitement exposé ces conditions dans les ter-
mes suivants : « Les pays couverts de forêts dont
le sol est d'excellente ((ualité, dit-il, seraient plus
prospères si on défrichait ces forêts pour y faire
des céréales ou des matières premières de l'indus-
trie. Le seul cas où il y ait intérêt à conserver ces
forêts en bon terrain est celui où elles sont consti-
tuées d'arbres susceptibles de produire des bois
d'œuvre supérieurs, car ces bois sont rares et leur
production mérite certains sacrifices. L'intérêt des
nations commande donc de défricher les forêts dont
le sol est de très bonne qualité, sauf à consacrer
à la production des bois d'œuvre une surface suf-
fisante pour satisfaire aux besoins du pays. Par
contre le môme intérêt commande de planter en
forêts les sols de mauvaise qualité, lesquels ab-
sorbent une main-d'oeuvre hors de proportion avec
les produits qu'ils donnent. Mais si l'on est d'ac-
cord sur ces principes, on ne l'est pas en général
sur leur application. La rémunération du capital
ligneux est encore trop faible pour notre généra-
tion qui, désireuse de jouir promptt.ment, aime
peu les rtiboisnments. Dans les pays de montagne,
où la terre arable est entraînée chaque année par
les pluies, le cultivateur préfère peiilre ce capital
plutôt que de le sauver par un sac. iiice de reboi-
sement qui en assurerait la conservation. Par
FORETS
— 788
FORETS
contre, il est toujours disposé à défricher ; il ne
regarde pas le plus souvent si le sol est bon par
lui-même, il ne voit qu'une richesse d'humus ac-
cumulée par le fait de la végétation forestière
richesse qu'il peut réaliser en quelques années.
Quand il a défriché, et par suite épuisé cette pro-
vision d'humus, le sol, réduit à ses éléments mi-
néralogiques ordinairement très peu fertiles, est
laissé inculte et devient aride et improductif. Le
particulier qui a défriché dans de telles conditions
peut s'être enrichi, mais le pays s'est certainement
appauvri. Aussi, quand on dit qu'il faut défricher
les terres de bonne qualité, il est bien entendu
qu'il ne s'agit que des terres susceptibles de don-
ner encore de bonnes récoltes, quand elles auront
perdu leur provision d'humus ; ces terres devien-
nent chaque jour plus rares, attendu que l'agricul-
ture est contrainte, par suite du renchérissement
de la main-d'œuvre, à abandonner les terres mé-
diocres, pour reporter tous ses moyens sur les
bonnes terres qu'elle soumet à une culture in-
tensive. Le défrichement des forêts de plaine si-
tuées sur un sol de bonne qualité est déjà si avancé
en France, qu'on peut prévoir l'époque prochaine
où la culture forestière sera confinée dans les sols
absolument impropres à tout autre mode d'exploi-
tation. » Dans ces derniers sols, des résultats très
importants ont déjà été obtenus par le boisement
des landes ou terrains incultes, notamment dans
quelques parties de la Picardie, dans la Sologne et
dans les landes de Gascogne (départements de la
Gironde et des Landes).
Les arbres qui composent les forêts sont divisés
en deux grandes catégories : 1° les essences dites
feuillues, qui se dépouillent chaque année de leur
feuillage : 2° les essences résineuses ou à feuilles
persistantes, qu'on désigne encore sous le nom
d'arbres verts.
A la première catégorie appartiennent le chêne,
le hêtre, le frêne, lorme, le charme, l'érable, le
bouleau, etc.; à la seconde, le« sapin, les diverses
espèces de pin, le mélèze, l'épicéa, etc., pour ne
parler que des arbres qui croissent le plus com-
munément en Europe.
Chacune de ces essences préfère, pour son dé-
veloppement complet, certains climats, certiiins
terrains, ou une altitude déterminée. Ainsi le liê-
tre se plaît particulièrement dans les climats tem-
pérés, sur les sols frais et divisés ; le bouleau, au
contraire, supporte beaucoup mieux les froids,
s'élève à toutes les hauteurs, et se contente de
toutes les natures de terrains, pourvu qu'ils ne
soient pas excessivement compactes.
Il est rare, pour ne pas dire à peu près impos-
sible, de rencontrer une forêt formée par une seule
espèce d'arbres. Le plus souvent, elle est compo-
sée par des mélanges d'arbres feuillus ou rési-
neux, dont les proportions varient dans chaque
circonstance. Néanmoins les mélanges les plus fré-
quents sont le chêne avec le hêtre ; le hêtre avec
les autres bois durs, comme l'orme, le frêne, le
charme et l'érable ; le hêtre avec le sapin ; le sapin
avec le pin et le mélèze ; le pin sylvestre avec le
mélèze. Il faut toutefois faire remarquer que, sous
les hautes latitudeà de notre hémisphère, la plu-
part des essences disparaissent successivement, et
que, dans les forêts du nord, le bouleau domine
presque exclusivement.
On donne le nom de sijivicuHure à l'art de cul-
tiver les forêts. Celles-ci peuvent être divisées en
trois sortes, d'après la méthode d'exploitation
adoptée :
1° Les taillis, ou forêts dont la reproduction s'o-
père principalement par les rejets de souches et
les drageons. Ce système repose sur la faculté que
possèdent les souches d'un grand nombre de vé-
gétaux ligneux d'émettre des bourgeons qui se
développent autour do celles-ci, lorsque la tige a
été coupée. Les bourgeons qui se dévelop-
pent au niveau du sol sont les plus vigoureux,
parce qu'ils émettent des racines qui leur
donnent une vie indépendante. C'est pourquoi,
dans l'exploitation des taillis, on coupe toujours
les souches le plus près possible du sol. Les ar-
bres feuillus seuls peuvent être cultivés en taillis,
car les arbres résineux ne poussent pas de bour-
geons à leur base. Les arbres feuillus de nos cli-
mats sont presque tous propres à être exploités
en taillis.
2» Les futaies, c'est-à-dire les forêts dans les-
quelles la reproduction se fait par la voie du
semis naturel, et où les arbres se développent
dans les conditions naturelles de leur existence.
Ce système, qui est le s'^ul à adopter pour les
résineux, est également très bon pour les arbres
feuillus. Au fur et à mesure que les arbres se
développent, on en diminue par des éclaircies le
nombre existant sur une surface donnée
3° Les taillis composés, dits encore taillis sous
futaies ou futaies sur taillis. Ce système est une
combinaison des deux précédents. Il f>st caractérisé
par ce fait que la reproduction naturelle des bois a
lieu à la fois par semences et par rejets. On ré-
serve pendant plusieurs périodes de l'exploitation
d'un taillis des perches ou baliveaux destinés à
former de grands arbres. Le taillis composé donne
donc à la fois les produits de la futaie et ceux du
taillis.
Les règles de l'exploitation sont variables suivant
chacune des espèces de forêts. Mais, dans presque
tous les cas, une forêt doit être divisée en un cer-
tain nombre de parties qui correspondent au
nombre d'années qui séparent chaque coupe de
bois. Oii donne le nom de y évolution à cette pé-
riode de temps, et celui d'amértagement à l'opéra-
tion qui divise ainsi la forêt.
Pour les taillis, la durée des révolutions à adopter
varie beaucoup suivant les sols, les climats, les
essences et les besoins du commerce. Les souches
ne conservent pas indéfiniment la faculté de pousser
des rejets, et il faut faire dépendre la durée des
révolutions de cette faculté. Les durées les plus
communément adoptées, d'après cette règle, sont
de vingt à trente ans pour les taillis de bois durs,
de quinze à vingt ans pour les taillis mélangés, et
de huit à douze ans pour les taillis de bois blancs
et de châtaigniers.
Quand on crée un taillis composé, on laisse à
chaque exploitation un nombre déterminé de bali-
v.aux (on appelle ainsi des brins ayant l'âge du
taillis). La durée de l'exploitation des taillis est
d'ailleurs la même que dans le cas du taillis simple.
Mais afin que les arbres réservés ne forment pas,
après plusieurs exploitations, un couvert trop épais
qui détruirait le taillis, on élimine, à chaque révo-
lution, un certain nombre d'anciens baliveaux,
qu'on choisit parmi ceux qui présentent des signes
de dépérissement. L'habileté du forestier consiste
à bien apprécier ces arbres et à établir une propor-
tion convenable entre les sujets à conserver ou à
abattre, et la nature du sol, de l'essence et le
climat. Dans le commerce, le bois des arbres des
futaie.^ sur taillis est généralement plus estimé que
celui des arbres des futaies pleines.
L'exploitation des futaies peut se faire de diverses
manières Dans les futaies dites pleines, lorsque
les jeunes arbres ont atteint un certain développe-
ment, ils se gênent mutuellement; on procède
alors à ce qu'on appelle un nettoiement, qui consiste
à enlever les arbres les moins vigoureux de ma-
nière à donner plus d'espace aux autres; ce pre-
mier nettoiement s'opère généralement lorsque la
futaie a ;itteint dix ans. On procède à des nettoie-
ments semblables de dix en dix ans. Au bout de
irente ans, cette opération porte le nom i'éclaircie ;
elle se fait dès lors à des intervalles moins rap-
FORETS
780
FOSSILE
proches. Lorsque la futaie a atteint Tàgc d'être
exploitée, on comnience les coupes dites de régé-
hération. La première se fait plus ou moins con-
sidérable suivant les essences; une deuxième et
une troisième la suivent à des intervalles réglés
d'après la force du jeune plant qui se développe
pour remplacer la futaie qui disparaît. La durée
des révolutions dépend des essences ; elle varie
surtont suivant la production annuelle du bois. Dans
ce système, une forêt est divisée généralement en
un certain nombre de cantons d'étendue variable,
suivant la rapidité de la croissance dans chacun
d'eux, ft qui sont successivement régénérés pen-
dant la révolution. Ces divisions sont faites de ma-
nière à obtenir une production sensiilement égale.
Un autre mode d'exploitation des fut aies est celui dit
de jardinage. Il consiste à abattre cluque année dans
toute l'étendue d'une forêt les arbres dépérissants,
de manière à ne laisser aucun vide, mais à per-
mettre aussi aux jeunes brins de se développer
d'une manière régulière. Il présente des avantages
sérieux pour les forêts d'une faible étendue, sur-
tout parce qu'il maintient toujours le massif, sans
laisser le sol découvert.
Quelle est l'influence des diverses méthodes
d'exploitation des forêts sur la valeur des bois ?
Les futaies produisent ce qu'on appelle les bois
d'oeuvre, c'est-à-dire les pièces propres à la con-
struction, à la menuiserie, etc. Les branches des
arbres fournissent des bois de chauffage et des
fagots. Les taillis donnent, de même, des rondins
pour le feu ; leurs produits peuvent aussi servir
comme bois de sciage, merlains, lattes, échalas, etc.
En ce qui concerne les bois d'œuvre, la qualité des
bois varie sensiblement suiY,'int le sol, le climat,
ou l'exposition. En généial, les bois provenant des
futaies sur taillis ont une qualité supérieure à
celle des bois de futaies pleines ; toutes les autres
conditions étant égales d'ailleurs, le grain est plus
serré et le bois esc plus dense.
C'est en hiver que se font généralement les
travaux d'exploitation des forêts. Dans cette saison
la main-d'œuvre est moins rare ; puis, comme la
végétation est en repos, les dégâts que le travail
produit toujours sur les jeunes arbres sont beau-
coup moins considérables. On discute souvent sur
l'influence que l'époque d'abaiage exerce sur la
qualité et la conservation des bois ; on prétend
presque partout que les bois abattus en sève sont
moins bons que ceux abattus hors sève. Des expé-
riences scientifiques n'ont pas été faites pour jus-
tifier ou condamner cette opinion.
Un grand nombre d'ennemis s'attaquent aux fo-
rêts. Ceux qui y font le plus de dégâts sont les
insectes multiples qui vivent aux dépens des
arbres.
Il reste à parler des produits accessoires de la
forêt.
L'écorce de chêne figure au premier rang de ces
produits. On sait que cette écorce renfe)-me, en
grande proportion, une substance appelée ta7mi?i,
qui jouit de la propriété de conserver le cuir.
L'écorce de chêne a une valeur relativement consi-
dérable, et dans les forêts en taillis où cette es-
sence est en proporticn notable, on a toujours
soin de procéder à l'écorçage quand on abat le
taillis. L'écorçage doit se faire en pleine sève,
autrement l'écorce ne se séparerait pas régulière-
ment de l'arbre. Il faut donc n'abattre les taillis
ou les baliveaux à écorcer que quand la sève est
en mouvement, et enlever l'écorce aussitôt après
l'abatage. L'écorce est immédiatement séchée, puis
livrée à la tannerie. Le rendement d'un hectare
do taillis varie de 200 h 360 kilogrammes d'écorce
sèche, suivant la qualité du taillis. Depuis quel-
ques années, on a imaginé un système dit décor-
çage à la vapeur, qui permet d'opérer en toute
taison Le bois écorcé prend le nom de bois pelard.
Les écorces d'autres arbres que le ciîône renfer-
ment aussi du tannin et sont parfois exploitées.
C'est ainsi qu'en Russie les écorces de bouleau
sont employées pour la préparation des cuirs dits
de Russie, caractérisés par leur odeur spéciale.
Avec l'écorce, le produit accessoire principal des
forêts est le charbon de bois. On trouvera au mot
Charbon des détails suffisants pour qu'il soit inu-
tile d'insister ici.
Les pins, et surtout le pin maritime, donnent
de leur côté un produit accessoire d'une grande
importance : c'est la térébenthine. Les procédés
employés pour recueillir cette substance ont été
décrits à l'article Conifères. [Henry Sagnier.]
Ouvrages à consulter : Guide du Forestier, par Bou-
quet de la Grye ; Culture des Arbres, par Lorenz et Parade.
FOSSILE. — Géologie, IV. — Ce mot est la tra-
duction du latin fossilis, venant de fossum, supin
de fodere qui signifie fouir. Les fossiles sont donc
les objets enfouis. De fait on donnait anciennement
ce nom à tout ce qui était enfoui dans le sein de la
terre. Bernard Palissy, mort en 1589, écrivait: « Fos-
siles sont les matières minérales pour lesquelles re-
couvrer faut creuser la terre. » Depuis lors on a dit
couramment charbon fossile, sel fossile, etc., pour
désigner le charbon et le sel qu'on tire de la terre.
Mais la science, en s'agrandissant et en se déve-
loppant, a entraîné avec elle la nécessité d'un lan-
gage plus précis. Le sel fossile est devenu sel
gemme ; le charbon fossile, suivant sa nature, a
été nommé lignite, houille ou anthracite. Pour
toutes les matières minérales, le mot fossile se
trouve trop général et trop vague ; aussi son em-
ploi dans ce sens tombe-t-il en désuétude.
Actuellement on ne donne le nom de fossile
qu'aux débris ou traces des êtres organisés qui ont
vécu dans les temps géologiques, et qui par con-
séquent sont enfouis dans les diverses couches ou
assises qui constituent la croûte terrestre. Comme
les êtres organisés, dont ils sont les restes, les
fossiles se divisent «en deux grands groupejs: les
fossiles végétaux et les fossiles animaux.
Toutes les parties des êtres organisés ne se ren-
contrent pas également à l'état fossile. Dans les
végétaux, ce sont les bois, les graines et les feuilles
qui se présentent le plus liabiiuellement. Les fruits
charnus et les champignons mous ne laissent pas
de traces. Dans les animaux, les parties molles,
d'une décomposition facile et rapide, ne se fossi-
lisent à peu près jamais. Au contraire, les parties
dures, solides, pierreuses, comme les os et les co-
quilles, se retrouvent en très grande abondance
dans le sein de la terre. Les coquilles forment par-
fois b. peu près à elles seules des couches entières
et même des assises assez puissantes, comme les
faluns.
Les chairs des grands animaux n'ont été trou-
vées fossiles que très exceptionnellement, dans
les assises les plus superficielles et les plus ré-
centes géologiquement parlant ; encore faut-il
qu'une cause toute particulière de conservation,
le froid, intervienne. C'est ainsi que dans les boues
glacées du nord de la Sibérie, on a parfois trouvé
des mammouths et des rhinocéros à narine cloi-
sonnée si bien conservés, que les animaux car-
nassiers se sont nourris de leurs chairs. Hors ce
cas tout spécial, on ne trouve pas complets de
grands vertébrés fossiles, et tout ce qu'on a
annoncé comme des hommes ou des animaux pé-
trifiés, chairs et os, doit être relégué dans les bi-
zarreries, les accidents, les jeux de la nature. Au
commencement de ce siècle, on montrait à Paris
un homme à cheval pétrifié. La pièce fit un certain
bruit. C'était tout simplement une grosse concré-
tion de grès de Fontainebleau, qui, par un efl'et du
hasard, avait pris des formes qui figuraient assez
bien un homme à cheval. Il faut se tenir en gai'do
contn^ ces illusions.
FOSSILE — 700 —
Les fossiles, tant végétaux qu'animaux, ne sont
donc en général que des débris d'êtres organisés
qui, pour la reconstitution des espèces, nécessitent
des études sérieuses . C'est cette reconstitution
qui a fait la grande gloire de Cuvier. Avec quel-
ques ossements recueillis dans les carrières à
plâtre de Montmartre, il est arrivé à refaire des
animaux d'espèces complètement éteintes.
Les fossiles peuvent avoir gardé leur état na-
turel. Ainsi le têt calcaire de coquilles terrestres
et surtout marines se retrouve souvent parfaite-
ment conservé, si bien conservé que parfois l'as-
pect nacré de l'intérieur, et les ornements colorés
de l'extérieur, existent encore. Les os aussi se con-
servent très bien. On retrouve même de la géla-
tine dans certains d'entre eux d'un âge géologique
fort ancien. Ainsi l'on raconte qu'à une certaine
réunion de savants italiens, on servit un potage
fait avec des ossements d'ichtliyosaure, grand
reptile des mers jurassiques. Mais \i faut ajouter
que s'il y avait un peu de gélatine dans ce fameux
bouillon, il y avait encore plus de bitume.
D'autres fois les fossiles ont changé complète-
ment de composition. On dit alors qu'ils sont pé-
trifiés. Ces transformations se font lentement; c'est
pour cela que les matières qui se décomposent
rapidement ne se pétrifient pas. Pour que la pétri-
fication ait lieu, il faut qu'une molécule pierreuse
ait le temps d'arriver pour remplacer successive-
ment chacune des molécules organiques à mesure
qu'elles se détruisent. Parmi les fossiles figurent
fréquemment des bois silicifiés. Cela tient à ce
que ces bois se sont trouvés dans des conditions
telles que des molécules de silice pouvaient se
substituer aux molécules du bois à mesure que
celles-ci se décomposaient. Ces dernières venues
ont si bien pris le lieu et place des autres, que le
fossile, en changeant complètement de composi-
tion, n'a pas changé de forme et d'organisation.
Certaines coquilles se sont métamorphosées ainsi
en limonite ou peroxyde de fer liydraté, etc.
Autrefois on confondait assez volontiers les
fossiles et les pétrifications. Il ne doit pas en être
ainsi. Les pétrifications ne sont qu'une manière
d'être de certains fossiles. Les fossiles forment un
tout, les pétrifications simplement une partie de ce
tout.
Il y a aussi les pseudo-pétrifications ; ce sont
les remplissages et les moulages. Quand un débris
organique, comme une coquille, présente un vide,
ce vide se remplit habituellement de matières
étrangères qui en prennent exactement la forme.
Si la partie organique vient à disparaître, il ne
reste plus que le remplissage auquel on applique
aussi par extension le nom de fossile. C'est ainsi
que dans le calcaire grossier dont Paris est bâti, on
rencontre très souvent des espèces de tire-bou-
chons en. calcaire compacte. Ce sont des remplis-
sages d'une coquille turriculée qu'on nomme cérite.
Dans la craie, les remplissages en silice repro-
duisent exactement l'intérieur de certains oursins.
Ces remplissages peuvent parfois remplacer avan-
tageusement les matières molles qui ne se con-
servent pas. Dans les gisements de phosphorites,
si activement exploités pour l'agriculture, on ren-
contre beaucoup d'ossements fussiles : et les rem-
plissages intérieurs des crânes ont permis d'étudier
le cerveau de nombreux animaux actuellement
éteints.
Parfois le débris organique, après avoir été en-
foui, se décompose et disparaît, laissant purement
et simplement un creux. Des matières étrangères
peuvent venir remplir ce creux et reproduire
exactement la forme extérieure du débris orga-
nique disparu. C'est tout simplement un mou-
lage.
Il arrive aussi que le creux ne se remplit pas.
On a dans ce cas un fossile que l'on pourrait
FOSSILE
appeler négatif, qui ne donne que l'empreinte du
débris oi'ganique. Pour l'étudier, il est toujours
loisible de faire un moulage dans le creux.
Mais un très grand nombre de fossiles ne se pro-
duisent que sous forme de simples empreintes
plates, intercalées dans des roches plus ou moins
feuilletées. C'est la manière d'être de presque
tous les fossiles végétaux. On les rencontre
aplatis dans le sol comme dans les feuillets d'un
herbier.
Nous venons de faire l'énumération des fossiles
proprement dits. Il faut y ajouter ce qu'on a
nommé les fossiles physiologiques. Ce sont de
simples manifestations d'êtres organisés. Les plus
communes sont les perforations de roches par les
mollusques saxicaves. Certaines espèces de mol-
lusques ont l'habitude de percer les roches des
bords de la mer pour s'y loger. Les mollusques et
leurs coquilles ont habituellement disparu ; seule-
ment les perforations restent et suffisent pour dé-
montrer l'existence des animaux qui les ont pro-
duites. Les fossiles physiologiques ont d'autant
plus d'importance que parfois ils nous révèlent
des populations animales dont nous n'aurions ja-
mais eu connaissance sans eux. Ainsi la surface
de certaines couches de grès nous montre les
traces d'un grand nombre d'annélides et de vers
qui ont complètement disparu : il ne reste d'eux
que les marques laissées par leur passage sur le
sable fin et humide du rivage. De même des
l'mpreintes de pas sur le sable ont révélé, dans
des terrains fort anciens, toute une population de
grands reptiles, d'espèces variées, dont on n'a pas
encore retrouvé les os.
Enfin on range aus.si, par extension, parmi les
fissiles, sous le nom de fossiles météorologiques
ou physiques, des ondulations produites sur le
sable fi:i par les vagues des temps anciens, et
des empreintes de gouttes de pluie laissées égale-
ment sur le sable par les orages des époques
géologiques.
L'étude des fossiles est devenue si vaste et si
importante qu'on en a fait une science à part, la
jalé'iTitoloçjie. Elle nous montre que les plantes
et les animaux qui ont laissé leurs débris dans les
diverses couches géologiques appartiennent à des
espèces et même à des genres complètement dis-
parus. Pourtant, plante ou animal fossile n'est pas
toujours synonyme, comme certaines personnes le
croient, de plantes et d'animaux éteints. Dans les
couches superficielles, les dernières formées, on
trouve des fossiles appartenant à des espèces en-
core vivantes.
Généralement, les fossiles varient suivant le
niveau des couches dans lesquelles on les ren-
contre ; aussi ont-ils été d'un très grand secours
pour classer les divers terrains. On a dès lors
donné le nom de fossiles caractéristiques à ceux
qui dans chaque terrain sont tout à la fois les
plus abondants, les plus tranchés et les plus spé-
ciaux.
11 ne reste plus qu'à parler de l'importante
question de l'homme fossile. Cette question, quia
si fort agité les esprits, il y a un certain nombre
d'années, est pourtant bien simple. Elle se réduit
à savoir si l'homme a vécu avant la fin des périodes
géologiques. Ces périodes ont fini avec la dispari-
tion des grands animaux éteints, l'éléphant an-
tique, le mammouth, le rhinocéros de Merck, celui à
narine cloisonnée, le mégacéros, etc.; avec l'ex-
tinction des volcans du centre de la France; avec
la fusion des glaciers qui avaient envahi une bonne
partie de l'Europe ; avec la disposition actuelle des
terres et des mers, et la distribution des animauT
et des plantes que nous voyons de nos jours. On
a trouvé les débris de l'homme et surtout de
son industrie dans les mômes assises qui con-
tiennent l'éléphant antique, le mammouth et le
FOUDRE
— 791 —
FOUDRE
rhinocéros. Des ossements humains ont été retirés
des dernières coulées du volcan de Denise, près
du Puy. Les alluvions quaternaires, préglaciaires
et glaciaires, ont fourni en abondance des silex
taillés par l'homme. A cette époque une vaste
mer couvrait tout le nord de la Russie et de
l'Allemae,ne ; l'Angleterre était réunie à la France.
Enfin les" œuvres de l'homme ont été rencontrées
en France abondamment associées .'i des ossements
de renne, de saïga, de tétras, toute une faune
qui aciuellement ne se retrouve plus que vers le
pôle. On doit donc en conclure que l'homme fos-
sile existe bien réellement. [G. de Mortillet.]
FOUDRK. — Météorologie, XT. — Décharge
brusque et violente de l'électricité des nuages sur
un objet terrestre. Cette décharge est toujours
accompagnée de lumière, de chaleur, de bruit et
d'efl'ets mécaniques exigeant quelquefois une très
grande puissance d'action.
Le trajet de l'électricité est rendu subitement
lumineux, ce qui constitue Véclaù; dont le nom
est devenu le symbole d'une courte durée. La
durée de l'éclair est en effet tellement courte
qu'elle échappe aux moyens de mesure les plus
délicats ; mais elle laisse néanmoins dans l'œil
une impression prolongée qui n'est pas sans dan-
ger pour la vue. Les cas de cécité complète et
irrémédiable, produits par un vif éclair, ne sont
pas très rares.
L'éclair n'est jamais rectiligne. Son trajet est
toujours irrégulier et sinueux; £rïl'S les lignes
brisées, à angles très peu ouverts, par lesquelles
on le représente souvent, et que l'on voit quelque-
fois dans le ciel, ne sont qu'un effet de perspective.
Les objets terrestres traversés par la foudre sont
portés brusquement à une température d'autant
plus élevée qu'ils offrent à son passage une plus
grande résistance. La sève des arbres peut en être
brusquement volatilisée, ce qui les fait éclater
comme une chaudière à vapeur surchauffée et les
réduit en fragments projetés au loin. Les corps
plus secs, moins conducteurs du fluide et plus
combustibles, peuvent prendre feu. Le sol sableux
et sec peut être fondu sur une épaisseur qui at-
teint jusqu'à près d'un mètre, mais sur une faible
largeur, ce qui produit les fiilgurites. Des murs
entiers ont été arrachés en bloc de leur fonde-
ment et transportés à distance. Chaque coup de
foudre un peu violent a son histoire propre, ses
effets variant suivant la nature des objets qu'il
frappe. Mais ses tours et détours qui semblent
quelquefois si compliqués sont dus à ce que l'éclair
n'est pas toujours simple ; qu'il se partage
assez souvent en plusieurs branches frappant si-
multanément des objets divers, quelquefois assez
éloignés l'un de l'autre. Cette ramification de l'é-
clair est surtout sensible quand un nuage se dé-
charge vers le haut de l'atmosphère sans frapper
le sol.
Tout éclair est accompagné d'un bruit sec plus
ou moins intense et d'une très courte durée, mais
dont l'impression sur l'oreille peut se continuer
quelques instants. Ce bruit se propage- dans l'air
avec une certaine lenteur, en sorte qu'il frappe à
un moment de plus en plus reculé les oreilles de
plus en plus éloignées de son lieu d'origine. Un
effet semblable se produit quand c'est le lieu de
production du bruit qui s'éloigne de nous. Un éclair
peut avoir quelquefois plusieurs kilomètres de
longueur. Tous les points de son parcours sont les
lieux d'origine de bruits simultanés se propageant
dans l'air avec la vitesse commurie à tous. Chaque
oreille recevra donc d'abord l'impression du bruit
parti du point le plus rapproché de l'éclair, puis
successivement de tous les autres jusqu'au plus
éloigné, ce qui produit pour nous l'impression d un
bruit prolongé. Le bruit se propageant dans l'air
avec une vitesse de .3 50 mètres, un éclair dont les
deux extrémités seraient :\ des distances de notre
oreille différant entre elles de 3 400 mètres, pro-
duirait un bruit instantané mais qui nous arrive-
rait en détail pendant lO secondes. Si l'éclair était
rectiligne, le bruit perçu serait uniformément
décroissant en intensité ; mais l'éclair étant sinueux,
il se compose de parties qui s'éloignent rapidement
de nous et dont le bruit nous arrive en détail, et
d'autres parties moins fuyantes dont le bruit nous
arrive en bloc. Si l'on joint à cola les échos, on
comprendra comment un bruit physiquement ins-
tantané peut se traduire pour nous en un roule-
ment quelquefois très prolongé.
Notre corps est bon conducteur de l'électricité.
11 peut donc être frappé par un coup de foudre
mortel sans qu'aucune lésion apparente se mani-
feste à l'œil, et les histoires d'hommes réduits en
cendres parla foudre sont vraies comme des contes
de fées. C'est le système nerveux qui est profon-
dément atteint, au point de cesser temporairement
ou définitivement ses fonctions. Cependant, à, l'en-
trée ou à la sortie, le passage du fluide peut se
localiser et produire une brûlure circonscrite ;
d'autres fois le fluide peut en partie longer la peau,
surtout dans les points où elle est en contact avec
des corps bous conducteurs ; il y trace alors une
sorte de sillon analogue à celui que produirait un
fer chaud. Si la vie persiste, l'inflammation envahit
les points brûlés, qui sont lents à guérir.
11 n'est pas rare qu'une personne soit tuée par
la foudre sans avoir été directement frappée par
elle ; elle a éprouvé ce qu'on nomme choc en retour.
Le corps s'électrise sous l'influence d'un nuage
fortement chargé ; au moment où le nuage se dé-
charge, l'électricité du corps retourne brusque-
ment dans le sol, etce mouvement du fluideproduit
dans les nerfs un mouvement réflexe plus ou
moins intense. C'est à cette cause du moins que
sont dus les sauts, les écarts, que l'on attribue à
la peur chez les chevaux, les bœufs et tous les
animaux dont le corps est volumineux et les jam-
bes grêles. Des effets semblables sont 'produits
chez l'homme que l'on dit être lancé par la foudre,
quand il l'est en réalité par la contraction violente
et inconsciente des muscles de ses jambes. La
commotion peut être mortelle sans laisser d'autres
traces matérielles ; mais l'absence de ces traces sur
un corps directement foudroyé a fait démesuré-
ment étendre les cas mortels de choc en retour.
Le public ne fait pas de difl'érence entre le choc
direct et le choc en retour, et dans les cas graves
il n'a pas grand tort.
Le nombre des personnes tuées annuellement
parla foudre en France est assez élevé; il peut
varier suivant les années de 4it à 110 ; il est d'en-
viron 80 en moyenne. 11 est très inégalement ré-
parti sur la surface de la France. Certains départe-
ments n'en présentent que des cas extrêmement
rares ; d'autres, en pays de montagne, en ont, au
contraire, des cas nombreux. Les accidents mor-
tels sont peu fréquents dans les villes ou les mai-
sons habitées; la plupart surviennent dans les
champs, sous des arbres. Aussi recommande-t-on
en temps d'orage d'éviter l'abri des arbres. C'est
une recommandation rendue superflue par son exa-
gération. Quiconque reçoit une forte averse sur le
dos est avant tout préoccupé de ciierchcr un cou-
vert ; il choisit naturellement un arbre s'il n'en
voit pas d'autre : le danger très éventuel, quoique
réel, est effacé parl'incommodité présente, qui elle-
même n'est pas dépourvue d'un danger d'autre
nature. Mais presque toujours les personnes fou-
droyées sous un arbre étaient appuyées au tronc.
Toute décharge électrique ayant lieu sur un arbre
se concentre dans le tronc pour se rendre à la terre.
Ce tronc offre une voie souvent insuffisante au
passage du fluide, et si un corps humain est en
contact avec lui, il en prend sa part. Les brûhires
FRACTIONS
— 792 —
FRACTIONS
du dos chez les personnes atteintes n'ont pas d'au-
tre origine. Abritez-vous donc sous un arbre si
vous ne trouvez pas mieux ; mais ne vous appuyez
pas au tronc ; tenez-vous en à distance et autant
que vous pourrez accroupi sur le sol. Dans les
masures même éloignez-vous des murs : le danger
alors sera réduit au minimum et tellement faible
qu'il ne mérite pas qu'on s'en occupe.
Au reste, la peur de l'orage n'est pas un simple
effet de poltronnerie. Les mouvements de l'électri-
cité atmosphérique impressionnent plus ou moins
fortement certaines natures nerveuses, alors môme
qu'il n'y a aucune menace d'orage; et cette faiblesse
organique grandit à mesure que la santé s'affai-
blit, ou mieux, comme on dit vulgairement, que
les nerfs prennent le dessus. — V. Oraf/ex.
[Maric-Davy.]
FOURRAGE. — V. Prmries.
FRACTIONS. — Arithmétique , XIX-XXV. —
l._ Pour évaluer une quantité moindre que
l'unité, il faut recourir à une unité plus petite.
Lorsqu'on dit que de tel lieu à tel lieu il y a trois
quarts de lieue, on exprime que la distance dont il
s'agit est plus petite que l'unité, qui est ici la
lieue, ci qae pour l'évaluer il faut concevoir qu'on
au. aivisé la lieue en quatre parties égales, ou
quarts, et qu'on en ait pris trois. De même, si un
écolier qui a une page à faire, dit qu'il en a déjà
fait les deux tiers, il exprime qu'il n'a fait qu'une
partie de la page, qui sert ici d'unité, et que pour
évaluer ce qu'il a fait, il faut supposer qu'on a
divisé la page en trois parties égales, ou tiers, et
qu'on a pris deux de ces parties. — On donne le
nom de fraction à toute quantité moindre que
l'unité et évaluée de cette manière, c'est-à-dire
en supposant qu'on a divisé l'unité en un certain
nombre de parties égales, et qu'on a pris un cer-
tain nombre de ces parties, moindre que le pre-
mier. Si, par exemple, on suppose qu'on ait divisé
l'unité en douze parties égales et qu'on ait pris
sept de ces parties, on aura la fraction sept dou-
zièmes; si l'unité a été partagée en cinq parties
égales et qu'on en ait pris quatre, on aura la frac-
tion quatre cinquièmes.
On voit qu'il faut deux nombres pour énoncer
une fraction: l'un, qui exprime en combien de par-
ties égales l'unité a été partagée, s'appelle le
dénominateur, parce que c'est lui qui donne aux
parties de l'unité leur dénomination ; l'autre, qui
exprime combien on a pris de ces pai-ties, se
nomme le numérateur. Ainsi, ànnssept douzièmes,
le dénominateur est douze, et le numérateur est
sept; dans quatre cinquièmes, le dénominateur est
cinq, et le numérateur esX. quatre.
Le numérateur et le dénominateur sont ce que
l'on appelle les deux termes do la fraction.
2. — Pour écrire une fraction en chiffres, on
écrit le numérateur au-dessus du dénominateur, en
les séparant par un trait horizontal. Ainsi, sept
douzièmes s'écrira
1-2'
quatre cinquièmes s'écrira de même | ; et ainsi
de suite.
Pour énoncer une fraction écrite, on énonce
d'abord le numérateur, puis le dénominateur, que
l'on fait suivre de la terminaison ièmes. Ainsi les
fractions
5 11 13
12
18
s'énoncent cinq septièmes, onze douzièmes, treize
dix'huitièmes ; et ainsi des autres.
Il y a exception pour les fractions dont le déno-
minateur est -l, 3 ou 4 : on dit demie au lieu de
deuxième, tiers au lieu de troisième, et quart au
lieu de quatrième.
Il faut remarquer qu'une fraction exprime tou-
jours le (luotient de son numérateur par son déno-
minateur; ainsi | exprime le quotient de 3 par 5,
car prendre 3 fois le cinquième de l'unité est évi-
demment la même chose que prendre le cinquième
de 3 unités ; de môme g exprime le quotient de 7
par 8, etc.
Réciproquement, le quotient de deux nombres
entiers peut s'écrire sous la forme d'une fraction
qui a pour numérateur le dividende, et pour déno-
minateur le diviseur. Ainsi le quotient de 5 par 12
est j^^; le quotient de 8 par 9 est |; et ainsi de
suite.
Cette considération sert à compléter le quotient
d'une division qui ne se fait pas exactement. Soit,
par exemple, à diviser S9 par 7 ; le quotient est
12, et il reste 5. Mais puisque la 7*= partie de 89
est 12, pour 84, on complétera le quotient 12 en y
ajoutant la 7° partie du reste 5, c'est-à-dire -^, en
sorte que le quotient complet sera 12 |. En géné-
ral, on complétera le quotient en y ajoutant une
fraction ayant pour numérateur le reste, et pour
déjiominateur le diviseur. Ainsi le quotient de 251
par 17 est 14 j| ; et ainsi de suite.
3. — Lorsqu'après avoir divisé l'unité en un cer-
tain nombre départies égales, on prend toutes les
parties, il est clair qu'on obtient l'unité tout en-
tière. Ainsi |, || . j-, ne sont que des expressions
qui, sous forme fractionnaire, représentent l'unité.
L'unité peut donc être mise sous la forme d'une
fraction, dont le numérateur et le dénominateur
sont égaux.
On peut mettre sous une forme analogue l'en-
semble de plusieurs unités. Supposons, par exem-
ple, qu'on ait 3 unités, et qu'on divise chacune
d'elles en 7 parties égales ; — l'ensemble de ces 3
unités comprendra 3 fois 1 septièmes, c'est-à-dire
21 septièmes, et pourra par conséquent s'écrire
211
7
C'est ce qu'on appelle mettre un nombre entier
sous forme fractvmnaire. Pour faire cette opéra-
tion, on voit qu'il faut multiplier le nombre e?itier
par le dénominateur qu'on a choisi, et écrire au-
dessous du produit ce déno77ii'i a leur. Ainsi 5 unités
réduites en douzièmes donneront ||; en vingtiè-
mesij^y-; en cinquièmes ^'; et ainsi de suite.
Onpeut de la sorte réduire un nombre entier
suivi d une fraction en une seule expression ayant
la forme fractionnaire. Soit, par exemple, 3 unités
et ^ ; on pourra d'abord réduire les 3 unités en
septièmes, ce qui donne, comme on l'a vu, ^; et
en y ajoutant *, on aura en tout y, puisque 21 et 4
font 25, quelle que soit la dénomination des parties
d'unité dont il s'agit. De môme, 4 unités et ^ donne-
ront Il plus^, ou||. On voit que pour réduire
en une seule expressio7i fra tionnaire un nombre
entier stiivi d'une fraction, il faut multiplier le
nombre entier par le dénommatew de la fraction,
ajouter au produit le numérateur, et écrire au-
dessous de la somme le dénominateur de la fraC'
tion.
Ainsi 8 | revient à ^ ; 1 1 | revient à ^ ; 4 | re-
vient à ^- ; etc.
4. — Réciproquement, si l'on considère une
expression, telle que p , dans laquelle le numéra-
teur surpasse le dénon\inateur, on reconnaît que
ce n'est point une fraction proprement dite, mais
ce que l'on appelle une expression fractionnaire.
11 est facile de la remettre sous la lorme d'un
nombre entier suivi d'une fraction ; car elle con-
tient autant de fois l'unité que 12 est contenu
FRACTIONS — "
dans 53; en faisant la division, on trouve pour
quotient 4 et pour reste 5; l'expression proposée
revient donc à 4 unités, suivies de ^. C'est ce que
l'on appelle ext?'aire les entiers d'une expression
fractioiDiaire ; pour cela on voit qu'il faut diviser
le numérateur par le dénominateur : le quotient
exprime les entiers, et le reste est le numérateur
de la fraction qu'il faut y joindre, et qui a le même
dénominateur que l'expression proposée. On trou-
vera ainsi que les expressions fractionnaires
18
4'
24
11'
36
52
13
etc ,
reviennent respectivement à
etc.
5. — Quand on augmente le numérateur d'une
fraction (ou d'une expression fractionnaire) san^
toucher à son dénominateur, la fraction augmente.
Car les parties de l'unité restant les mêmes, on en
prend un plus grand nombre.
Si l'on multiplie le tiumérafeur d'une fraction
par un nombre quelconque, la fraction est multi-
pliée pat ce nombre. Car si l'on multiplie, par
exemple, le numérateur par 3, 4, 5, etc., sans tou-
cher au dénominateur, les parties de l'unité restant
les mêmes, on en prend 3 fois, 4 fois, 5 fois plus,
etc. Ainsi la fraction | devient 4 fois plus grande
quand on multiplie son numérateur par 4, ce qui
donne ^^.
A l'inverse : Si l'on diminue le numérateur sans
toucher au dénominateur, la fraction diminue.
Si l'on divise le numérateur par un certain
nombre, la fraction est divisée par ce nombre. Ci,
par exemple, étant donnée la fraction If , on di-
vise son numérateur par 4, ce qui donne ^, on
obtient une fraction 4 fois plus petite.
6. — Quandon augmente le dénominideur d'ime
fraction sans toucher so?i numérateur, la fraction
diminue. Car on prend toujours le même nombre
de parties, mais ces parties sont plus petites
puisque l'unité en contient davantage.
5e l'on multiplie le dénominateur par un nombre
quelconque, ta fraction est rendue ce même nombre
ae fois plus petite. Car, si Ion multiplie, par
exemple, le dénominateur par 3, 4, 5, etc., les
parties de l'unité sont rendues 3,4,5 fois plus
petites ; et, puisqu'on en prend le même nombre,
la fraction est rendue 3,4,5 fois plus petite.
Ainsi, étant donnée la fraction |, si l'on multiplie
le dénominateur par 3, on obtient la fraction ^^
qui est 3 fois plus petite.
A l'inverse : Si l'on divise le dénominateur sans
toucher au numératmcr, la fraction augmente.
Si l'on divise le dénominnieur par un certain
nombre, la fraction est multipliée par ce nombre.
Soit, par exemple, la fraction ^ ; si l'on divise soji
dénominateur par 3, ce qui donne g , on obtient
une fraction 3 fois plus grande. Car l'unité étant
divisée en 3 fois moins de parties, les parties sont
3 fois plus grandes; et l'on en prend toujours le
même nombre.
7. — Si l'on multiplie à la fois les deux termes
d'une fraction par un même nomlire, la fraction
ne change pas de valeur. Car si elle est rendue un
certain nombre de fois plus grande en multipliant
son numérateur, elle est rendue le même nombre
de fois plus petite en multipliant son dénomina-
teur. Ainsi les fractions
is m s*)
33'^^^'
sont toutes équivalentes ; car toutes se déduisent
2
4
G
10
14
18
:o
3'
G'
'?
Ï5'
sT'
rr
30
48
24
16
12
8
60'
30'
■M '
15'
10
!3 — FRACTIONS
de la première en multipliant les deux termes par
2, 3, 5, 7, 9, 10, 11. etc.
Si l'on divise à la fois les deux termes d'une
fraction par un même nombre, la fraction ne
change pas de valeur. Car si elle est rendue un
certain nombre de fois plus petite en divisant son
numérateur, elle est rendue le même nombre de
fois plus grande en divisant son dénominateur.
Ainsi les fractions
etc.,
sont toutes équivalentes; car toutes se déduisent
de la première en divisant les doux termes par 2,
3, 4, 6, 12, etc.
8. — Il résulte de ce qui précède qu'une même
fraction peut se présenter sous une infinité de for-
mes équivalentes. Il importe donc, pour la facilité
des calculs, de savoir trouver la plus simple de
ces formes équivalentes ; c'est ce que l'on appelle
réduire une fraction à sa plus simple exp7'ession .
Étant donnée une fraction, on ne peut obtenir une
forme équivalente et plus simple qu'en divisant les
deux termes par un môme nombre. On obtiendra
donc la forme la plus simple en divisant les deux
termes par le plus grand nombre qui puisse les di-
viser à la fois, c'est-à-dire par leur plus grand com-
mu7i diviseur (V. Diviseurs). Les quotients obtenus
seront alors premiers entre eux, et la fraction sera
réduite à son expression la plus simple.
Soit donnée, par exemple, la fraction
1080
12G0
On trouve que le plus grand commun diviseur de
ses deux termes est 180, et si l'on divise ces deux
termes par 180, on obtient la fraction équivalente
6
On trouvera de même que les fractions
220 385 576 HSS 2274
528' 490' 624' 3465' 34ll
sont respectivement équivalentes à
5 H 1_2 12 2
Î2' Î4' 13' 35' 3
9. — On peut avoir à transformer des fractions
données en d'autres fractions équivalentes qui aient
le même dénominateur; c'est ce que l'on appelle
réduire des fractions au mêrne dénominateur.
Considérons d'abord deux fractions, par exemple
2 et |. On les réduira au même dénominateur en
multipliant les deux termes de chacune d'elles par
le dénominateur de l'autre. Car, d'une part, les frac-
tions n'auront pas changé de valeur, puisque les
deux termes de chacune auront été multipliés par
un même nombre, et, d'autre part, le dénominateur
sera devenu le même, puisque 7 X 8 et 8 X "^ sont
des produits égaux. En effectwant, on trouvera
24 35
Ainsi, pour réduire deux fractions au même dé~
nominateur, il suffit de multipliei- hsdevx termes
de chacwe parle dénominateur de l'autre.
10. — Considérons, en second lieu, un nombre
quelconque do fractions, par exemple,
12
17
31
'' 36
On les réduira au même dénominateur en multi-
pliant les deux termes de chacune par le produit
FRACTIONS
— 794
FllAGTlONS
dos dénominateurs de toutes les autres. Car elles
n'auront pas changé de valeur, et elles auront pour
dénominateur le produit des nombres 12, 18, 24,
3i;, lequel ne dépend pas de l'ordre dans lequel les
fractions sont multipliées. On trouve ainsi :
777GO
18GG24 '
114048
1S66;'4
1S6G24 '
100704
186G2i
Mais, dans la plupart des cas ordinaires, on
peut obtenir un dénominateur commun plus simple,
à savoir le plus petit commun multiple des déno-
minateurs donnés. Ces dénominateurs, dans l'exem-
ple actuel, étant décomposés en leurs facteurs pre-
miers (V. Diviseurs), reviennent à
i2.3, 2.32, 23.3, 22.32;
leur plus petit commun multiple est donc 23.32 ou
72. Pour réduire en 72'*|"';s chacune des fractions
donnée^, on divisera 72 par le dénominateur, et
l'on multipliera le numérateur par le quotient
oblonu. Le quotient de 23.3- par 2^3 est 2.3 ou
6 ; on multipliera donc le numérateur de la pre-
mière fraction par G, co qui donne 3'».
Lo quotient (Je •,;3 32 par 2.32 est 22 ou 4 ; le
produit de 11 par 4 est 44.
Le quotient de 23.32 par 23.3 est 3 ; le produit
de 17 par 3 est 51.
Enfin le quotient de 23.32 par 22.-32 est 2; le pro-
duit de 31 par 2 est G2.
Les fractions proposées sont donc respective-
ment équivalentes h
30
44
72'
72
C2
72'
et elles se trouvent ainsi réduites à un dénomina-
teur beaucoup plus simple.
On trouvera, de la même manière, que les frac-
tions
_7_ n 23 ^
10' 20' 3U' 45'
peuvent être remplacées par
84 99 138 164
18O' IbO' 180 ' 180
11. — Voddition des fractions (ou des expres-
sions fractionnaires) suppose quelles aient le
njcme dénominateur, car on ne peut ajouter entre
elles que des quantités de même espèce et de
même dénomination.
Pour additionner des fraction? de même déno-
minateur, il suffit évidemment de faire la somine
des numérateurs, et de donner à cette somme le
d'îiominateur commun. Soit, par exemple, à addi-
tionner les fractions
7 5
T- et -- ;
18 18 '
la somme sera 7 dix-liuitiênies, plus 5 dix-hui-
tièmes, ou 12 dix-huitièmes, soit
12
18
Il reste à réduire cette fraction, ce qui donne ^.
On a donc
7 , 5»
r8 + ï^' =
Si la somme obtenue surpassait l'unité, il fau-
drait en extraire les entiers. Si, par exemple, on
lait la somme des fractions ~ et ^, on trouve ~,
c'est-à-dire 1 unité et^.
12. — Lorsque les fractions à additionner n'ont
pas le môme dénominateur, il faut commencer par
les réduire au même dénominateur. Soit, par
exemple, à additionner ï et g ; ces fractions re-
viennent à 1^ et II, dont la somme est ||, ou 1
unité j-|.
Soient de même les fractions |^ ^^ ^o- P'Cduites
au même dénominateur, elles deviennent || et |i,
dont la somme est || ou 1 unité f-^, ou encore
1 unité p.
On peut avoir à additionner un nombre quel-
conque de fractions ; la règle à suivre est toujours
la suivante : réduire les fractions données au
même dénominateur, faire la somme des numéra-
teurs, donner à cette somme le dénominateur
commun, extraire les entiers, s'il y a lieu, et ré-
duire la fraction à sa plus simple expre5i»ion.
Soient proposées, par exemple, les fractions
12 3 4 5
2' 3' V V G'
en les réduisant au même dénominateur, on trou
vcra
30 40 4ô 48 50^
00 ' Go' Go' Go' GO'
Kl somme des numérateurs est 213; la somme
demandée est donc^, ou, en extrayant les en-
tiers, 3||, ou enfin, en réduisant la fraction à sa
plus simple expression, 3 |A.
On trouvera de même, en appliquant la règle,
o G
+ A =
13. — Si l'on avait à additionner des nombres
entiers accompagnés de fractions, on ferait d'abord
la somme des fractions, et. si cette somme conte-
nait des entiers, on les ajouterait à la somme des
Oi)tiers. Soient, par exemple, îi additionner les
quantités
3
ni
On trouvera que la somme des fractions est
|v ou 2 unités ^. On ajoutera donc 2 unités à la
somme des nombres entiers 4, 3, 9 et 11, ce qui
(ionnera 29 ^.
On trouvera de môme que 8 | et 9 -g donnent
pour somme 18 l|.
14. — On pourra exercer les é èvcs à vérifier
les égalités suivantes :
3
5
+ 1 =
iH
40
7
12
+11=
60
2
5
4_
15
17 . 11
12'^18"^24 * 72
15^20^aO^40
1+1+1+1 '
?,+
37
40
'l + *h
10
1 *> 3 4 =»
23
Nous donnerons, à la suite de la soustraction des
fractions, quelques énoncés do problèmes condui-
sant à des additions et à des soustractions de frac
tions.
FRACTIONS
795 —
FRACTIONS
15. La soustraction des fractions exige, comme
l'addition, que ces fractions aient le môme déno-
minateur. On retranche alors le plus petit numé-
rateur du plus grand, on donne au reste le déno-
minateur commun, et Von réduit, s'il y a lieu, la
fraction obtenue à sa plus simple expression.
Pour soustraire, par exemple, f^ de i|, on re-
tranchera 5 de 11, ce qui donne 6 ; on écrira au-
dessous le dénominateur commun, ce qui donne ^■.
et, en réduisant cette fraction à sa plus simple
expression, on obtiendra 1 pour la différence des
deux fractions proposées.
On trouvera de même que y| — ^ = ^ ou |.
Quand les fractions données ont des dénomina-
teurs dififérents, il faut commencer par les réduire
ou même dénominateur. Soit par exemple à retran-
cher \ de g ; on réduira ces deux fractions au déno-
minateur 40, ce qui donnera ^ ci f§; en retran-
chant 16 de 35, on obtient pour reste 19 ; la différence
des deux fractions proposées est donc |^.
On trouvera de même que | — | ^ îV-
16. — On peut avoir à soustraira un nombre
entier suivi d'une fraction d'un autre nombre entier
suivi d'une fraction.
Si la fraction qui accompagne le plus petit nom-
bre est la plus petite des deux, on retranchera la
plus petite fraction de la plus grande, et l'on join-
dra la différence de ces fractions à la différence des
nombres entiers. Soit, par exemple, à soustraire
3 I de 7 ||. La différence des fractions est ^, et
celle des nombres entiers est 4; le résultat de l'o-
pcration est donc 4 j^.
Mais si la fraction qui accompagne le plus petit
nombre est la plus grande, on ne peut plus opérer
ainsi. Après avoir réduit les deux fractions au
même dénominateur, on ajoute à la plus petite,
pour rendre la soustraction possible, une unité
mise sous forme de fraction ayant ce dénomina-
teur commun ; on opère la soustraction des frac-
tions ; mais, en passant à la soustraction des en-
tiers, il faut ajouter une unité au plus petit nombre,
pour compenser celle qui a été ajoutée à la fraction
accompagnant le plus grand.
Soit, par exemple, à retrancher 3 | de 11 |. En
réduisant les fractions au même dénominateur on
les change en || et J-^. Ne pouvant retrancher 32
de 15, on ajoutera à la fraction H une unité sous
la forme ^, ce qui donnera ||. On retranchera
alors II de ||, ce qui donne ||. Mais il faudra
ajouter une unité au plus petit nombre entier 3,
et retrancher 4 de 11, ce qui donnera 7. Le ré-
sultat de l'opération sera donc 7 |~.
On trouvera de même que la différence en-
tre 6 A| et 17 I est 10 ||.
Remarque. — On a souvent à retrancher une
fraction de l'unité. Soit k retrancher, par exem-
ple, Y5 de 1, on retranchera -^ de ^f, ce qui don-
nera ^. On voit qu'il faut prendre pour numéra-
teur de la fraction cherchée la différence entre les
deux termes de la fraction proposée, et écrire au-
dessous le dénominateur de cette fraction.
*- ^ i±- 1
= ITT : et ainsi de
Ainsi 1 —
suite.
On s'appuie sur ce fait pour démontrer q-ue lors-
qiyn ajoute un même nombre aux deux, term-is
d'une fraction, ou d'une expression fractionnaire,
elle se rapproche de l'uniti'; elle augmente par con-
séquent, si c'est une fraction, et diminue, au con-
traire,''si c'est une expression plus grande que
l'unité. En effet, quand on ajoute un même nom-
bre aux deux termes d'une fraction, ou d'une
expression fractionnaire, la différence des deux
termes ne chango pas, mais le dcnominatour
augmente ; il en résulte que la différence entre
l'unité et la fraction ou expression fractionnaire
proposée conserve le même numérateur, tandis
que son dénominateur augmente ; cette différence
va donc en diminuant.
Ainsi les fractions |, f , |, |, etc., vont en se
rapprochant de l'unité. Il en est de même des
expressions fractionnaires |, |, |, |, etc.
17. — Exercices et problèmes. — Soustraire |
de l (Rép. ^)
Soustrai7'e l de \^ (Rép. ^^)
Soustraire 4| de 11 | (Rép. 7 ||)
Soustraire 4 | c/e 1 1 | [l\ép. 6 |i)
Un voyageur a fait successivement J, i, i e< |
du chemin qu'il avait à faire ; quelle portion de
ce chemin a-t-il à faire encore ? [Rép. ^)
Un ouvrier, qui avait à faire 25 mètres d'un cer-
tain ouvrage, en a fait successivement 4 |, 5 A, 3 1,
6 i; qu'i lui resie-t-il à faire encore? (Rép. 5 |)
Trouver le résultat du calcul indiqué ci-dessous:
4|-3|+7A_5|+2l (Rép.5f|)
Trouver le résultat du calcul suivant :
5i-4l-f 3i-2| (Rép.l^)
Comparer les deux quantités { + jq el l + ^
(Rép. : elles sont égales.)
Cotnparer les deux quantités ^ + 1 ^"^ § — ^
(Rép. : elles sont égales.)
De combien la quantité ^ -\- ji surpasse-t-elle
la quantité } — {^1 (Rép. ff)
18. — Pour multiplier une fraction par un nom-
bre entier, on a vu qu'il suffit de multiplier son
numérateur par ce nombre entier, ou, si cela est
possible , de diviser son dénominateur. • Soit, par
exemple , à multiplier ^ par 8 ; on pourra multi-
plier le numérateur par 8 , ce qui donne || ; on
peut aussi diviser le dénominateur par 8, ce qui
donne |.
Les fractions || et | sont, en effet, équivalentes ;
on s'en assurerait en réduisant la première à sa
plus simple expression.
On trouvera de même que -^ multiplié par
donne || ou ^ ; que -Jg multiplié par
ou|; que I multiplié par 11 donne ^; etc.
Remarque. — On peut remarquer que pour mul-
tiplier une fraction par son dénominateur, il suf-
fit de le supprimer, car le quotient de ce dénomi-
nateur par lui-même est l'unité.
Ainsi, 8 fois | donnent ï ou 5; 12 fois -\ don-
nent 7 ; 15 fois ^ donnent 8 ; etc.
19. — Lorsqu'il s'agit de multiplier un nombre
entier par une fraction, il est nécessaire d'étendre
le sens qu'on a attribué jusqu'alors au mot multi-
plier.
Soit à multiplier 20 par | ; on entend par là
prendre les | de 20, ou 3 fois le 5* de 20 ; ce qui
donne 12. De même, multiplier 16 par |, c'est
prendre les g de IG, ou 7 fois le 8* de 16, ce qui
donne 14. Et ainsi de suite. Multiplier un nombre
entier par une fraction, c'est prendre une poriion
du multiplicande exprimée pur le multiplicateur,
ou diviser le multiplicande pat le dénominateur,
et multiplier le quotient par le numérateur. Pour
multiplier, par exemple. 13 par |, il faut prendre
le quart de 13, ce qui donne ^^-, et multiplier ce
donne —
FRACTIONS
796
FRACTIONS
résultat par 3, ce qui donne ^^ ou 9 |. On aurait
pu multiplier d'abord le nombre 13 par le numéra-
teur 3, et diviser le produit par le dénominateur4;
le résultat eût été le môme En général on peut
dire que, pour multiplier un nombre entier pur
une fraction, il faut multiplier ce nombre enner
par le numérateur, et diviser le produit par le
dénominateur. Ainsi
12x| = f = 10; 18X^ = ^= 10|;
^xi = f =3i;etc.
L'observation faite ci-dessus montre qu'o/i obtient
le même résultat en vniltipiidnt un nombre eiitier
par wie fraction qu'en multipliayit la fraction pur
le nombre entier.
•20. — Mais on peut se demander pourquoi l'opé-
ration qui consiste à prendre, par exemple, les |
do "0 porte le nom de multiplication, puisqu'elle a
pour effet de donner un résultat plus petit que le
multiplicande. On a été conduit à cette dénomina-
tion par une raison d'analogie. Si le mètre d'une
étoffe coûtait 20 fr., pour obtenir le prix de 2, 3,
4 mètres, etc., il faudrait multiplier 20 fr. par 2,
3, 4, etc. Si l'on veut obtenir le prix de | de mètre,
il faut évidemment prendre les | de 20 fr. On a
conservé le nom de multiplication à l'opération qui
résout le même problème, que le multiplicateur
soit un nombre entier on une fraction. On peut
d'ailleurs réunir les deux cas dans une même défi-
nition en disant : la mulnplicaiion est hne opéru-
tioti qui a pour but de trouver un nombre, appelé
produit, qui soit composé avec le multiplicande
comme le niultipdcalmr est composé avec l'unité.
Si le multiplicateur se compose d'un certain nom-
bre do fois l'unité, le produit se composera du
même nombre de fois le multiplicande; si le mul-
tiplicateur est une fraction de l'unité, le produit
sera la même fraction du multiplicande.
21. — Soit maintenant à multiplier une fraction
par une fraction, par exemple | par |. C'est, d'a-
près la définition, prendre les | de 1, ou répéter
3 fois le 5*= de g. On divisera | par 5 en multi-
pliant son dénominateur par 5, ce qui donne
9X5
et l'on répétera ce résultat par 3 en multipliant
par 3 son numérateur, ce qui donne
8X3
9X5'
24
On voit que, pour micltiplier deux fractions
l'une par Vautre, il suffit de multiplier les numé-
rateurs entre eux et les dénominateurs entre eux,
et de réduire ensuite la fraction obtenue à sa plus
simple expression, s'il y a lieu. On trouvera ainsi
que
i£ _ i_
252 ~ 18
7 10
1~^ 2Ï
On peut remarquer que, d'après cette règle,
l'ordi'e des facteurs est indifférent, car on aura
toujours pour numérateur le produit des numéra-
teurs, et pour dénominateur le produit des déno-
minateurs.
Remarques. — I. Le produit d'une fraction par
une fraction est ce qu'on appelle quelquefois une
fraction de fraction.
II. Si l'on multiplie une fraction par l'expression
fractionnaire inverse, on obtient pour produit
l'unité. Ainsi
><5 =
= 1
22. — On peut avoir à multiplier un nombre en-
tier suivi d'une fraction par un autre nombre entier
suivi d'une fraction. Le plus simple, dans ce cas,
est de réduire chaque entier et la fraction qui l'ac-
compagne en une seule expression fractionnaire,
et d'opérer comme pour des fractions. Soit, par
exemple, à multiplier 4 | par 3 g. On commencera
par substituer à ces expressions les expressions
équivalentes x^^ ^' ^^ en les multipliant terme
îi terme on obti<?ndra
19 X 11
4x3'
200
12"'
-T^
On peut avoir à faire le produit d'un nombre
quelconque de fractions ou d'expressions fraction-
naires , on fera le produit des deux premiers fac-
teurs, on multipliera ce produit par le troisième
facteur, puis ce nouveau produit par le quatrième
facteur, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on ait em-
ployé tous les facteurs. Supposons, par exemple,
que les facteurs soient
:> :'4 112
8' 25' " 3' '^ ô' 3
5 24 10 25 2
b x!o 3 () 3
le produit définitif aura pour numérateur le pro-
duit de tous les numérateurs, et pour dénominateur
le produit de tous les dénominateurs; ceseradonc
5 . 24 . 10 . 25 . -.' „ , ^ , 5
- — — -, ou, en effectuant, 5--
8 . 2.5 . o . D . .^ y
Le résultat est indépendant de l'ordre aes fac-
teurs .
23- — Exercices et problèmes. — Quel est le
produit de ^ par 1 ? (Rép. 1 \.)
Quel est le produit de 15 par |? (Rép. 10)
— - 36 par II (Rép. 25 f
— —1806 par j| (Rép. 1106)
- - A par il (Rép. i)
A par II (Rép.l)
- - 8fpar6| (Rép. 68 i)
- 2^x|x^x|f (Rép.A)
Une fontaine fournit par heure 15 hectolitres ^]
combien fournira-t-elle en 3 heures ^^ (Rép. 57 hec-
tolitres.)
Un voyageur fait régulièrement les | d'une licue
en une heure; quel chemin fera-t-il en 5 heu-
res Y^ (Rép. 4 lieues |.)
On tire d'un tonneau les | de la quantité de
liquide qu'il contenait, puis les | de ce qui reste,
puis encore les | de ce second 7'este, enfm le ^ du
dernier reste ; on demande quelle fraction de la
quantité de liquide primitive renferme encore le
toîineau après cette dernière opération? (Rép. g^.]
24. — Pour diviser une fraction par un nom-
bre entier, il suffit de mulliplier son dénomina-
teur par ce nombre entier, ou, si cela est pos-
sible, de diviser S07i numérateur. Ainsi le quo-
28 ''S 28
tient de — par 7 est jr^ — -, c'est-à-dire — -■> ou
4;) 4d X 7 315
bien — ; ces deux expressions sont, en eflfet, équi-
valentes.
On verrait de même que le quotient de || par S
est^.oUgV
25. — Quand le diviseur est une fraction, il est
nécessaire, pour bien saisir le sens de l'opération.
FRACTIONS
797 —
FRACTIONS
de se rappeler cette définition générale de la divi- j ^ • ^ ^ ^ 7x8x6
sion : cette opération a pour but, étant donne un j
produit de deux facteurs, et l'un de ces factews,
de trouver l'autre facteur. Soit, par exemple, à
diviser 8 par |, D'après la définition, si l'on con-
naissait le quotient, en le multipliant par | on au-
rait le dividende 8. Il en résulte que les 1 du
quotient cherché étants, par conséquent \ du quo-
tient vaut le tiers de 8 ou ^, et les f du quotient,
ou le quotient tout entier, vaut 5 fois |, c" est-à-
(Rép. è)
(Rép. 13i)
(Rép. M)
(Rép. 1 \)
(Rép. 1 ^,,)
dire
X 5 40 ._, 1
-^OUy, SOltlS-.
On peut remarquer que, pour obtenir le quo-
tient demandé, on a opéré comme s'il s'agissait de
multiplier 8 par |, c'est-à-dire par la fraction divi-
seur renversée. On trouvera de même que le quo-
r 15 X 9
lient de 15 par- est — r — > c'est-à-dire 27.
y o
•26. — Soit maintenant à diviser une fraction
par une fraction ; par exemple ^ par | ; le raison-
nement sera le même que ci-dessus. D'après la
définition, le quotient cherché, multiplié par |, doit
donner pour produit ■—', on peut donc dire :
les 4 du quotient valent ^ ; donc 4 du quotient
8 5
vaut 4 fois moins, ou -l et les r du Quo-
lo X 4' 3
tient, c'est-à-dire le quotient tout entier, vaut
r e • I 8X5
5 fois plus ou -: -•
*^ l-i X 4
On voit que, pour trouver le quotient demandé,
il faut multiplier ^ par |, c'est-à-dire par la frac-
tion diviseur renversée. On trouve |^ ou |.
, 14
On verrait de même que le quotient de —
7 14 X 9 2
4X3X6
29. — Exercices et problèmes.
Trouver le quotient de || par 8.
- - npar\
— — 8 par I
- - Il P«'' f
— — 11 { par 8 \
On a payé 12 francs | pour 8 mètres 1/2 d'étoffe;
quel est le prix du mètre? (Rép. 1 franc |.)
Un voyageur, marchant tiniformément, a fait
;'>ô lieues en 6 jours | ; quel chemin faisait-il par
jour? (Rép. 5 lieues |.)
Pour faire un certain ouvrage, un premier ou-
vrier demande 5 jours | ; u?i second le ferait en
G jours, et un troisième en 4 joia-s 4 ; quel temps
emploieraient-ils à faire le même ouvrage s'ils
travaillaient ensemble [sms se gêner mutuelle-
ment}? (Rép. 1 jour |.)
30. — Une fraction décimale, ou un nombre
décimal, peuvent toujours être mis sous la forme
d'une fraction ordinaire, ou d'une expression frac-
tionnaire ordinaire. Ainsi les quantités
0,75 1,327 29,4308
peuvent s'écrire :
75 1327 294308 ,
' lOUO
100
lOOuO
et l'on voit aisément que, pour opérer celte trans-
formation, il suffît de supirimer la virgule et
d'écrire, au-dessous du nombre ainsi obtenu,
l'unité suivie d'autant de zéros qu'il y avait de
décimales. Cela résulte de la définition même des
nombres décimaux.
31. — Une fraction ordinaire peut quelquefois
être exactement convertie en une fraction déci-
male. Cela a lieu quand son dénominateur ne
En résumé, on voit que pour diviser un nombre
quelconque, entier ou fractionnaire, par une frac-
tion, il faut multiplier le dividende par la frac- '' contient d'autres facteurs premiers que les fac-
tio7i diviseur renversée. leurs 2 ou 5. Soii, par exemple, la fraction y?^.
On peut remarquer que si le diviseur est une i Le dénominateur revient à 2 . ô^ ; on voit dès lors
fraction proprement dite, le quotient sera plus I qu'en multipliant les deux termes par 2^, on ob-
grand que le dividende; il sera au contraire plus i tiendra 2^ ..S^ ou 10^, c'est-à-dire une puissance de 10;
petit si le diviseur est une expression fractionnaire | la fraction sera donc convertie en une fraction
plus grande que l'unité
27. — Si l'on a à diviser un nombre entier ac-
compagné d'une fraction par un autre nombre
entier accompagné d'une fraction, on réduira
chaque nombre entier et la fraction qui l'accompa-
gne en une seule expression fractionnaire, et l'on
opérera comme pour les fractions. Soit, par exem-
ple, à diviser 3 | par 4 |, ou ^ par ^, le quotient
10 X 6 , , J. 60 4
sera —■> c est-à-dire rr ou -•
3 X 2d (o 5
On verrait de mêms que le quotient de 6 | par
6 I est {|.
28. — Les règles de la multiplication et de la
division des fractions démontrent que pour diviser
un nombre, enti",rou fracti tinaire, successivement
pur plusieurs fractions ou expressions fractvya-
naires, on peut le diviser far leur produit. Soit,
par exemple, à diviser ~ par |, et le quotient par | ;
7 3 7x8
si l'on divise d'abord - par - on aura ■; ■ : et si
4 * 8 4X3'
l'on divise ce premier quotient par ï, on obtien-
, 7 X 8 X 6 _ . „ ... 7 , , .,
dra . „ — r- Or si 1 on divise 7 par le produit
décimale
19 X 4
°" ïm °" ^'^'^-
4x3x5
3
3x5
effectué de - et de -■> c'est-à-dire par ? on
8 G "^8X0
On verrait de même que les fractions
7 21 90 111 893
S ' "Ô ' -U'5 ' 500 ' 2500 '
reviennent à
0,875 , 0„^25 , 0,7G8 , 0,222 , 0,3572.
32. — Dans tout autre cas, une fraction ordi-
naire ne peut être convertie exactement en irac-
tion décimale; mais on peut obtenir une fraction
décimale, ou un nombre décimal, qui en diffère
aussi peu qu'on le voudra. Soit proposée, par
exemple, la fraction f . Cette fraction exprime,
comme on l'a vu, le quotient de son numérateur
par son déno ninateur. Cherchons à évaluer ce
quotient en décimales :
40
50
10
0,57 1428a7 1428,.
30
20
CO
4:
FRACTIONS
— 798 — FRANÇAISE (LANGUE;
Le diviseur 7 n'étant pas contenu dans 4, on
-cuve 0 pour le chiffre des unités du quotient, et
il reste 4. Ces 4 unités valent 40 dixièmes, dont
la 'i' partie est 5 dixièmes, que l'on peut écrire au
quotient, et il reste :> dixièmes. Ces 5 dixièmes
valent 50 centièmes, dont la 1" partie est 7 cen-
tièmes, que l'on peut écrire au quotient, et il
reste 1 centième, qui vaut 10 millièmes, dont la 7'^
partie est 1 millième, qu'on écrira au quotient,
et il restera 3 millièmes, etc. F.n continuant ainsi
on obtiendra au quotient autant de chifTres dé-
cimaux qu'on voudra. ^lais l'opération ne se ter-
minera pas, et l'on n'obtiendrai que la valeur ap-
prochée de â à 1 dixième, 1 centième, 1 millicmo
près, etc., suivant qu'on aura calculé 1, 2, 'à déci-
males, etc.
33. C. S. — L'opération ne saurait se terminer ;
car les restes étant nécessairement moindres que le
diviseur 7, au bout de 7 opérations au plus, on
retombera sur un des restes déjà obtenus; ce reste
fournira un dividende partiel déjà obtenu; et, à
partir de ce moment les opérations se reprodui-
ront dans le même ordre indéfiniment. Le quotient
sera donc illimité, et de plus il sera périoùiqio;.
c'est-à-dire que les chiffres se reproduiront indé-
finiment dans le même ordre. Dans l'exemple ci-
dessus, la période se compose des chiffres .s:ii2S.
Si l'on opère de même pour les fractions ^ et ^,
on trouvera
0,545454...
et 0,296296296.
Pour la première, la période est 54 ; pour la
seconde c'est 296. Ces fractions sont ce que l'on
appelle des fractions périodiques.
Mais si l'on opère de même pour les fractions -^^^
et ^, on trouvera
0,3545454.
et 0,01297297297.,
se compose d'autant de 9 qu'il y a de chiffres dans
la période.
Soit donnée, en second lieu, une fraction pério-
dique mixte, par exemple
0,62457457457
Transportons la virgule à gauche de la première
période, ce qui revient à multiplier la fraction pé-
riodique par 100, nous obtiendrons
457
62,457457457 ou 62 -f —
ou, en réduisant l'entier en fraction
62 X 999 + 457
999
Mais, au lieu de 02 X 999, on „ peut écrire
62 X 1000 — 62 ; il vient donc
(•.2000
457
999
62 62'.57 — 62
- °>^ 999
Ce sont encore des fractions périodiques, mais
elles diffèrent des premières en ce que la période,
au lieu de commencer immédiatement après la
virgule, ne commence que quelques rangs après,
en sorte que la première période est précédée de
chiffres dits irréguliers, qui ne font point partie de
la périodicité. On dit, dans le premier cas, que la
fraction est périodique simple, et, dans le cas
actuel, qu'elle est périodique mixte.
34. ('.. S. — La théorie complète et rigoureuse
des fractions périodiques sort du cadre de l'ensei-
gnement primaire. Mais on peut au moins, par
des considérations fort simples, obtenir la règle
pour résoudre cette quesiion. Étant donnée une
fraction périodique simple ou mixte, trouver la
fraction ordinaire qui l'a produite et qu'on appelle
sa fraction générah-ic-.'.
Constatons d'abord que si l'on réduit en déci-
males les fractions |, g*g, g-gg, etc , dont le déno-
minateur ne contient que le chiffre 9, on obtient
les fractions périodiques
0,1111.,
0,01010101... , 0,001001001001..
Cela posé, soit donnée d'abord une fraction pé-
riodique simple, par exemple
0,457457457....
On peut la regarder comme le résultat do la mul-
tiplication de u,00100i00l ... . par^57; elle équi-
vaut donc à |||.
On verrait de même que 0,737373... équivaut
à II, c'est-à-dire qu'e<«e fraction pénodique simple
a pour fraction génératrice une irattion dont le
numérateur est la période et dont le dénominateur
Et comme ce résultat est 100 fois trop fort,
puisqu'on a multiplié par 100, la valeur réelle de
la fraction périodique proposée est
62457 — 62
On verrait de même que 0,85 45454.... équi-
, 854 — 8 ,. , ,, , ,
vaut à — — — — 5 d ou 1 on peut conclure qu une
fraction périodique mixte a pour fraction généra-
trice une fraction dont le numérateur tsi la diffé-
rence entre la partie non périodique suivie de la
période (d la partie non périodique, et don' le dé-
nominateur se compose d'autant de 9 qu'il y a de
chiffres dans la période, suivis d'autant de zéros
qu'il y a de chiffres daJis la partie non pério-
dique.
35. — On démontre qu'une fraction ordinaii-e
réduite en décimales donne lieu à une fraction
périodique simple lorsque, ramenée à sa plus sim-
ple expression, elle ne contient à son dénominateur
ni le facteur 2 ni le facteur 5; et elle donne lieu
à une fraction périodique mixte lorsque son déno-
minateur contient les facteurs 2 ou 5 avec d'autres
facteurs étrangers à la base 10. Nous ne pouvons
donner ici la démonstration de ce fait, qu'il est
facile de vérifier. [H. Sonnet.]
FRAAÇAISE (Langue). — Littérature française,
L — L'histoire de la langue française est deve-
nue, de notre temps, une véritable science, qui
souvent s'aide de Ihistoire politique, qui par-
fois aussi l'éclairé et l'explique, mais qui néan-
moins a son existence propre et son domaine par-
ticulier.
Ce domaine est même fort étendu. Vhistoire de
l 'a langue française se compose de deux parties :
I l'une, chronolog qie, comprend son orrgine, sa
\format'uin, son développement: l'autre, çéographi-
I gue, embrasse l'énumération et l'histoire particu-
lière de chacun de nos dialectes et patois français
I •classés par anciennes provinces.
, Cette vaste histoire est loin d'être achevcn;
elle se continue, se complète chaque jour, la
seconde partie surtout présente encore de nmu-
breuses lacunes. Nous nous contenterons ici d'es-
quisser l'histoire chronologique de la langue
française.
Notre langue se rattache à la famille des la7i-
yues indo-airopéenncs, dont voici un tableau très
sommaire :
FRANÇAISE (LANGUE)
Sanscrit (ancienne langue de l'Inde).
Zend (persan).
Grec.
— 790 —
FRANÇAISE (LANGUE)
Langues
indo-
germa-
niques
ou indo-
euro-
péennes
langues
romanes
ou néo-la-
tines (is-
sues du la-
tin après
l'invasion
des
Barbares)
italien,
espagnol.
langage
parlé
dans l'an-
cienne
France.
lanfjue d'oc
ou ancien
provençal
au midi de
la France.
langue d'oïl
au nord
de la France
Langues
germa-
niques
Langues
slaves
Celtique
i allemand,
danois,
suédois,
anglo-sason ou anglais.
! russe,
polonais.
( parlé dans la Bretagne française, le
< pays de Galles, quelques parties de
1 l'Irlande et de l'Ecosse.
Le français a été considéré comme formé de
quatre éléments : i° l'élément celtique ; 1" l'élé-
ment grec; 3" l'élément latin ; 4" l'élément germa-
nitjue.
1° Le celtique, dont les restes se retrouvent dans
le bas-breton, ayant été l'idiome de la plus grande
partie de la Gaule avant la domination romaine, a
été longtemps regardé comme la source principale
tant de notre vocabulaire que de notre système
grammatical. Mais à mesure que la science éty-
mologique est devenue plus rigoureuse, une part
de moins en moins considérable a été faite à
l'élément celtique. On ne le retrouve guère avec
quelque apparence de certitude que dans des
noms de plantes ou d'animaux indigènes {bruyère,
alouelty., cormoran, goëland, pinson), de vents
[galerne), d'ustensiles servant aux usages domes-
tiques [banne* barrique, claie, cruche, râteau),
de boissons [cervoise); certains termes, tels que
dune, combe, relatifs à la configuration du sol,
se sont conservés soit à l'état de mots isolés, soit
comme partie intégrante de noms géographiques.
On voit que le contingent fourni par le celtique
est peu de chose ; encore l'aut-il remarquer que
l'introduction de ces mots dans notre langue a
souvent été indirecie. Plusieurs d'entre eux, lati-
nisés par les Romains, nous sont revenus par
cette voie détournée.
2° Le grec a passé, auprès de beaucoup de phi-
lologues des deux derniers siècles, pour avoir
joué dans la formation de notre langue un rôle
considérable. On pouvait croire en efl'et, en ne
consultant que la vraisemblance, que le grec,
parlé en Gaule bien avant le latin, dans les ancien-
nes colonies du littoral de la Méditerranée, avait
dû se répandre, se propager et laisser des traces
assez profondes. Une observation attentive n'en a
signalé aucune. Les mots grecs, fort nombreux
d'ailleurs, qui se sont introduits dans notre langue
dès l'origine, y sont entrés par l'intermédiaire du
latin. Quant àceux quiontpénétré dansle français
sans avoir d'abord été adoptés par les Romains, ils
ne datent que de la Renaissance ; c'est alors aussi
que les sciences et les ans ont commencé à former
pour leur usage, à l'aide d'éléments grecs, des
mots techniques, qui, en réalité, n'appartiennent à
aucune langue.
3° Le latin est la principale, et même, bien peu
s'en faut, l'unique source du français. Non seule-
ment il nous a fourni la plus grande partie de notre
vocabulaire, mais, ainsi que nous venons de le
voir, la plupart des mots qui nous sont venus d'au-
tres idiomes n'ont pénétré dans le nôtre que par
son intermédiaire ; enfin, et c'est ce qui prn\ive
le mieux notre étroite dépendance à son égard,
nous lui devons tous les termes abstraits et Dure-
ment grammaticaux, tels que les articles, pronoms,
adjectifs démonstratifs, possessifs, numéraux, qui
sont pour ainsi dire l'outillage de toute langue.
Ce serait peu de savoir que le français vient du
latin, si l'on ne savait aussi comment il en vient.
Le latin dont notre langue s'est formée n'est
point celui de Cicéron et de Virgile. Ce langage
littéraire, un peu artificiel, n'a jamais été parlé
par le peuple. A côté, ou plutôt au-dessous, il y
en avait un autre, celui des paysans et des soldats;
l'existence en est connue avec certitude, mais les
échantillons en sont rares. Néanmoins, quelques
fragments d'anciens textes antérieurs à l'époque
où l'étude de la littérature grecque a transformé
la littérature latine, certains passages des comédies
de Plante, et surtout bon nombre d'expressions et
de tours tirés des inscriptions, peuvent nous en
indiquer la iiature.
Quand une même idée se trouvait exprimée en
latin par deux mots diff"érents, l'un littéraire, l'autre
populaire, c'est toujours le mot populaire qui est
entré dans notre langue, ainsi qu'on le voit par
les exemples suivants :
LATIN LITTKUAIRB. LATIN POPCLAIRK. FRANÇAIS
Verberare. Batuere. Battre.
Equiis. Caballus. Cheval.
Hebdoraas. Septimana. Semaine.
Les mots du latin littéraire, appartenant h la
première colonne, ont aussi apporté plus tard d'une
manière indirecte leur contingent au français,
'.'est ainsi que nous retrouvons verbera7'e dans
réverbérer, equus dans équit'itwn, iicbdomas dans
hebdomadaire ; mais il importe de bien remarquer
que ces dérivés appartiennent, non à la période de
formation de notre langue, mais à'celle de son dé-
veloppement.
En elTet, non seulement le français s'est formé du
latin, mais il s'en est formé deux fois, et chaque
fois par un procédé différent.
La première formation ou formation populaire,
qui se distingue par un caractère instinctif, spon-
tané, a été purement orale. Les mots latins, enten-
dus par des oreilles peu délicates, répétés par des
bouches inexpérimentées, ont par cela seul changé
de nature, et ce latin, estropié, modifié, est devenu
du roman. Nos mots français populaires ne sont
donc en définitive que des mots latins mal pro-
noncés.
Le centre des mots s'abrégeait, se contractait
d'après des lois secrètes que la philologie moderne
a su découvrir; mais l'accent tonique latin, persis-
tant à travers tous ces changements, protégeait
la syllabe qui en avait été aiïectée (V. Accent).
C'est ainsi, par exemple, qu'epistola devenait épistre,
apostolus, apostre (puis épitre, apôtre, dans le cou-
rant du xvii= siècle, quand on supprima les s qui
ne se prononçaient point et qu'on y substitua des
accents).
Cette formation populaire eut lieu au jour le
jour, au hasard, suivant le besoin. Elle laissa dans
notre vocabulaire bien des lacunes ; souvent, par
exemple, elle créa un substantif, sans se préoc-
cuper d'en tirer un adjectif, dont on pouvait à la
rigueur se passer. Plus tard, ces vides furent en
partie comblés, mais par un pi'océdé très différent
du premier. On possédait épitre et apôtre, mais on
manquait d'adjectifs qui permissent de caractéri-
ser le style des épîtres, la doctrine des apôtres.
Le latin avait pour cela epistular/s, apostulicus ; on
lui emprunta ces adjectifs, et pour les introduire
dans notre langue, on se contenta de les trans-
crire sans rien modifier dans le corps du mot et
en changeant seulement la terminaison.
Cette seconde formation, qui s'exécute à l'aide
du secours des yeux et la plume à la main, sans
que l'oreille ni la voix y aient aucune part, est
appelée, par opposition à la formation populaire,
formati'ûi savante, parce qu'elle est particulière
FRANÇAISE (LANGUE)
800
FRANÇAISE iLANGUE)
aux érudits et surtout aux traducteurs. Leur pro-
cédé n'a d'ailleurs rien de scientifique. Au con-
traire, tandis que l'instinct populaire, obéissant à
une tradition constante, modifie les mots de façon
•i conserver l'accent latin, les érudits n'en tien-
nent aucun compte dans leur calque informe, dont
la fidélité n'est qu'apparente.
Souvent cette double formation, populaire et
savante, s'est exercée tour à tour sur un seul et
même mot latin. C'est ainsi, par exemple, que
fragilis a donné d'abord frêle, puis fragile Dans
un petit traité spécial, publié en 1683, un érudit
obscur, Cathei'inot, appelait déjà ces doubles for-
mes les doublets de In langue, nom que la science
moderne leur a définitivement appliqué. — (V.
Doublet.)
Il importe de bien remarquer que, contraire-
ment à ce qu'on serait d'abord tenté de croire, la
forme la plus ancienne frêle) est plus différente
que la plus récente fragile] du latin fragilis.
Quoi qu'on trouve d^ très bonne heure quelques
mots à forme savanie, c'est seulement au xiv"= siè-
cle qu'ils commencent à devenir nombreux, et ils
se multiplient tellement à la Renaissance qu'on
s'explique l'erreur d:s critiques, qui ont long-
temps cru qu'ils dataient tous de cette époque.
Quant aux mots de formation populaire, ils sont
tous antérieurs au xii^ siècle.
Ces deux courants du langage sont du reste de-
meurés distincts à bien des égards. Le peuple
continue, même de nos jours, à n'employer que
li;s mots qu'il a faits ; à peine comprend-il les au-
tres, jamais il ne s'en sert. Si, dans les grandes
villes, il affecte parfois d'en prononcer quelques-
uns, c'est avec une sorte d'' stentation, et presque
toujours sans en sentir la véritable portée. Les
instituteurs doivent donc être continuellement en
éveil à l'égard de cette langue savante, et avoir
soin d'expliquer tous les mots de ce genre qu'ils
emploient. t>
4° Vêlement germanique est, après l'élément
latin, celui qui a eu la plus grande part dans la
formation de notre langue. D'après M. Brachet, il
ne nous a pas fourni moins de 450 mots, mais, de
même que pour le celtique et pour le grec, un
grand nombre de ces termes ont passé par le latin
avant d'entrer dans le français.
Le plus important, sans contredit, est celui de
franc, signifiant au propre libre, qui est devenu le
nom des Francs et des Français ; plusieurs autres
ont aussi un grand intérêt historique ; les uns rappel-
lent les institutions introduites par les Germains:
fief, alleu, gabelle, ban; les autres, les titres des
fonctions en usage parmi eux : maréchal, marquis,
aénéchal, écheviu.
Du mélange, ou plutôt, suivant la pittoresque
expression de Sainte-Beuve, du « broiement » de
ces éléments divers, s'est formé Vancien français,
qu'on a nommé langue d'oïl k cause du mot qui
signifiait oui dans cette langue. C'est le même
motif qui a fait donner à la langue méridionale le
nom de langue d'oc, qui a servi à désigner une de
nos anciennes provinces.
L'ancien français commence avec le serment
prononcé par Louis le Germanique, en 842, et s'é-
tend jusqu'au xiv"' siècle.
Son vocabulaire varie avec les localités où il est
parlé. Il se divise en divers dialectes, jusqu'à ce
que le langage de l'Ile de France devienne enfin
le français moderne, et que les dialectes se trou-
vent réduits au rôle secondaire de patois.
Mais ce qui le caractérise plus encore que son
vocabulaire, c'est sa constitution grammaticale,
intermédiaire entre celle du latin et celle du fran-
çais moderne. Nous en expliquerons la nature à
l'article Grammaire Insforique.
Déjà dans celte première époque, notre langue, à
cause de sa facilité, de sa clarté, était l'objet de
la prédilection des étrangers. On ne saurait passe
sous silence le témoignage important, si souvent,
mais, quelquefois, si iuexactement cité, deBrunetto
Laiini, le maître de Dante, qui explique ainsi,
dans la préface de sa vaste encyclopédie intitulée
Il Livres don trésor, le motif qui lui a fait choisir
la langue française : « Se aucuns demandoit por
quoi cist livres est escriz en romans, selonc le
langage des François, puisque nos somes Ytaliens,
je diroie que ce est por .ij. raisons : l'une, car nos
somes en France ; et l'autre, porce que la par-
leure est plus delitable et plus commune à toutes
gens. »
L'étude de notre langue suffirait pour reconsti-
tuer l'histoire des passions, des goûts, de l'état mo-
ral de la nation. La large place qu'y tiennent les
termes d'art militaire, de chasse, de fauconnerie,
d'astrologie, nous instruisent de ses prédilections,
de ses divertissements, de ses erreurs. Bien des
mots qui appartenaient dans l'origine à un de ces
vocabulaires techniques ont pris actuellement un
sons tellement éloigné de leur point de départ,
qu'il faut une étude assez attentive pour les y ra-
mener. Qui devinerait du premier coup que niaii
s'est dit d'abord de l'oiseau pris au nid, hagard du
faucon de haie, et qu'ascendant a désigné an-
ciennement le signe du zodiaque qui montait à
l'horizon au moment où l'on faisait l'horoscope
d'un enfant qui venait de naître?
Quant aux termes étrangers qui se superposent
peu à peu aux mots anciens comme les alluvions
au sol primitif, ils pourraient servir presque
autant à l'histoire du pays qu'à celle de la langue.
P.'u nombreuses au moyen âge, où l'on n'a guère
à citer que les mots orientaux rapportés des croi-
sades, ces acquisitions se multiplient outre me-
sure à partir de la Renaissance.
Après les guerres d'Italie, les termes empruntés
à ce pays se multiplient de telle sorte qu'Henri
Estienne croit devoir protester contre cet engoue-
ment dans ses Deux dialogues du nouveau langage
français italianizé et aiUrement desgwzé
Au xvn* siècle, à partir du mariage de Louis XIII
avec Anne d'Autriche, on voit dominer les in-
fluences espagnoles auxquelles notre littérature
doit le Cid.
Les guerres d'Allemagne introduisent un cer-
tain nombre de mots vulgaires tirés des langues
germaniques. Il faut bien se garder de confondre
ces importations récentes, accidentelles, avec
celles que nous avons signalées à l'origine même
de notre langue.
La Révolution, l'Empire, la Restauration, en mo-
difiant très profondément notre ancienne constitu-
tion politique, ont introduit dans le gouvernement,
dans l'administration, dans les finances, un grand
nombre de mots anglais dont quelques-uns, tels
que budget (ancien français boulgette, petite
bourse), ne sont que des emprunts faits antérieu-
rement à notre langue.
Nos troupiers ont rapporté d'Algérie et accom-
modé à leur usage un assez grand nombre de mots
arabes ; mais tout cela n'est rien à côté de cette
multitude infinie de termes étrangers que les
courses, le sport, comme on dit, les excursions,
les voyages, les explorations géographiques amè-
nent à chaque instant. Par bonheur, grâce au
goût, de jour en jour plus développé, pour la fidé-
lité historique, pour la couleur locale, ces mots
conservent leur forme primitive, s'altèrent très
peu, ne se francisent pas et passent dans la lan-
gue sans s'y acclimater et sans en changer sensi-
blement le caractère.
La liste d'ouvrages à consulter qui suit se di
vise en trois parties : 1° histoire de la langue fran-
çaise; 2" glossaires de l'ancien français; 3" recueih
de textes spéciatix. Peut-être sera-t-on tenté de
croire que nous aurions pu nous en tenir à la
FRANCE
— 801 —
FRANGE
première partie de ces indications, qui paraissent
«eules appartenir au sujet. Ce serait se méprendre
■sur le véritable caractère de l'étude historique de
notre langue : elle doit surtout être pratique, elle
doit être faite sur les textes. Les énumérer tous
serait faire le tableau complet de notre littéra-
ture ; il en est beaucoup d'ailleurs qui ne sont pas
accompagnés des secours nécessaires. Nous nous
sommes doue borné à indiquer les recueils d'ex-
traits en usage dans les classes, et quelques édi-
tions d'ouvrages anciens accompagnées de lexi-
ques. C'en est assez pour prendre une connaissance
déjà très sérieuse de notre langue. — \. Gram-
tmire historique.
Ouvrages à consulter. — i° Histoires : J.-J. Am-
père, Essai sur la formation de la langue française (édit.
revue par P. Meyer); — F. Génin, Des variations du lan-
gage français depuis le xii* siècle; — Fr. Wey, Histoire
des révolutions du langage en France; — Edelestand du
Uéril, Essai philosophique sur la formation de la langue
française; — E. Liltré, Histoire de la langue française,
2 Tol. ; — Hipp. Cocheris, Origine et formation de la lan-
gue française ; — Préfaces et introductions du Dictionnaire
de Littré; de la Gran<maire historique et du Dictionnaire
étymologique de Brachet.
2° Glossaiubs : Lacombe, Dictionnaire du vieux langage
français, 1767-i774, 2 toI. in-8»; — Roquefort, Glossaire
4e la langue romane, 1808-1820, 3 vol. in-S"; — Glossaire
français, (dans le tome Vil de l'édition du Glossaire de du
■Cange publiée à la librairie Didot) ; — Lacurne Sainte-
Palaye, Dictionnaire historique de l'ancien langage fran-
çais (en cours de publication).
3* Tkxtbs : La chanson de Roland, éd. classique de
M. Léon Gautier; — La conquête de Constantinople, de
Villehardouin, et la \ie de saint Louis, de Joinville, pu-
bliées par M. N. de Wailly, accompao:nées dun travail
grammatical et d'un glossaire qui en rendent l'élude fort
abordable. Pour les classes, on peut se servir des Recueils
suivants : Gust. Merlet, Origines de la littérature française
du IX* au xvii« siècle. 2 vol. in-S" ; — trois recueils de Moi-
neaux des éa-ivaiiis du iw* siècle, publiés par MM. B achel,
Darmesteter et HatzfeUI, Merlet; — enfin, dans la coUeclion
<li'5 Grands écrivains de la France, publiée à la librairie
H.i"''i'»tte , les écrivains du xvii' siècle, qui sont accompa-
gnés de lexiques spéciaux.
[Ch. Marty-Laveaux.]
FRANCE (Géographie). — Géographie de la
France, I-VII, X. — I. Généralités. — Situation
astronomique. Points extrêmes. Dimensions. Forme.
Frontières. S"perficie. — Traversé par le 45' pa-
rallèle de lat N., notre pays, sur le globe, est
situé à peu près à égale distance du pôle et de
l'équateur. Entre Dwikerque. voisine du 51', sur
la mer du Nord, et le ca/i Cerbère, qui termine
les Pyrénées, du côté de la Méditerranée, par
42° 20' de lat., sa plus grande longueur, dans le
«ens du méridien, esi de 975 kilom. Dans le sens
de sa longitude, sa largeur entre la pointe :>aint-
Mathieu, au nord de la rade de Brest, et le
mont Donon où sa frontière nord-est se sépare
des Vosges, est de 890 kilom. seulement.
La France est régulièrement orientée par rap-
port à ces deux lignes, qui se croisent dans le voi-
sinage de Paris, sa capitale. En joignant, aux quatre
points cités plus haut, r< mbouchure de la Bidus-
soa, dans le golfe de Gascogne, et celle de la
Raya, dans la Méditerranée, auprès de Menton,
on obtient les six sommets d'un hexagone qui
circonscrit à peu piès entièrement le territoire
français.
Sur trois côtés de cet hexagone, au nord-ouest, '
à l'ouest et au sud-est, la France baigne dans
trois mers; la Manche, Vocéan Atlantique .et la
Méditerranée. Sur deux autres côtés, les i'i/ré-
névs, au sud-ou'-st. les Alpes, le Jura et les l'oj-
ges, à l'est, lui forment des frontières naturelles.
Le côté nord-est seulement est une limite conven-
tionnelle, ei la plaine de la Flandre, les plateaux
du Hainaut ou di'S Ardennes se continuent indis-
tinctement de chaque côté oe la frontière.
La diagonale de l'hexagone entre la pointe Saint-
Mathieu et l'embouchure de la Roya, dirigée du
2e Partie.
nord-ouest au sud-est, forme la plus longue ligne
, qu'on puisse tracer sur le territoire français. Elle
mesure 1Û80 kil. A ses deux extrémités correspon-
dent en même temps les points extrêmes de la
France en longitude : 7° de long. 0. pour la pointe
Saint-Mathieu; 5° "20' de long. E. pour le point le
, plus à l'est du département des Alpes-Maritimes,
un peu au nord-est de l'embouchure de la Roya.
La diagonale qui réunit l'embouchure de la
Bidassoa au mont Donon jouit à son tour d'ur.e
propriété remarquable. C'est au sud-est de cetti'
Ugne que se trouvent tous les systèmes de mon-
tagnes, Vosges, Jura, Alpes, Cévennes, Plateau
central et Pyrénées, tandis qu'au nord-ouest on
ne remarque plus que le» chaînes peu élevées qui
séparent entre eux l'-s bassins des dive.s affluents
de la Manche et de l'Océan.
Comprise dans ces limites, la superficie de la
France, avec l'ile de Corse, est d ô2.s 57:! kil. car-
rés, la 18* partie de l'Europe, la 255° partie des
terres émergées du globe.
II. Orographie. — C'est au pourtour du terri-
toire français que se trouvent les massifs de mon-
j tagnes les plus considérables, avec les cimes les
plus élevées, les Aipes et les Pyrénées.
Les Alpes ont été décrites à part dans ce dic-
tionnaire (V. Alpes).
Les Pyrénées. — Les Pyrénées se développent
sur une longueur de 450 kilom. environ entre
l'océan Atlantique et la Méditerranée. Elles ne
forment pas une chaîne unique, mais semblent être
les deux morceaux d'une chaîne, dirig'e de louest-
nord-ouest à l'est-sud-est, qui aurait été disloquée
, dans son milieu. A l'est, les Pyrénées orientales
j vont du val d'Aran, où la Garonne prend sa
I source, jusqu'à la Méditerranée, sur laquelle elles
se terminent par le cap Creus. A l'ouest, les Py-
rénées occidentales commencent au sud du val
d'Aran. et se relient aux Cantabres espagnols.
Par leur altitude, qui est en moyenne de 1500
mètres, mais dépasse rarement 3000 mètres, les
Pyrénées sont un des systèmes de montagnes les
plus considérables de l'Europe. Leurs contreforts,
régulièrement distribués au nurd et au sud de
l'arête principale, comme les foiiûles d'une feuille,
couvrent en largeur une vingtaine de lieues. De
même que U plupart des montagnes de notre
hémisphère, elles tournent vers le midi, du cùié
de rEsp<igne, leurs pentes les plus abruptes. La
neige n'y séjourne pas longtemps pendant l'été, et
on ne trouve pas dans les Pyrénées de vastes et
superbes glacier?, comme dans les Alpes.
Ce n'est pas sur l'arête principale, mais dans le
voisinage et en dehors de celle-ci, que s'élèvent
les principales sommités des Pyrénées. Le Mont
Perdu (3:^50 m.), à la source du gave de Pau, le pic
de Néthou {'iiOO m.) qui est la plus hauto cime du
groupe de la Maladetta et de toutes les Pyrénées,
le pic Pusets (3365 m.), qui en est voisin, s'élève.it
tous trois sur le territoire espagnol, au sud de la
grande chaîne. Au nord de celle-ci et du côté
français, on trouve le pic du MlH d'Ossau (2900 m.)
au sud de i'au ; le pic du Midi de Bigorre (287 5 m. j,
où s'élève maintenant un observatoire météorologi-
que; le mont Canigou (2785 m.), dans les Pyrénées
orientales.
S'il est relativement facile de traverser les Py-
rénées vers leurs deux extrémités, entre Bayonne
et Pampelune, ou entre Perpign :;n et Barcelone,
on ne trouve au contraire dans le centre de la
chaîne, entre le pic du Midi d'Ossau et le Val
d'Andorre, que cimes et ports fort élevés (on
nomme po7-t, dans les Pyrénées, les cols ou pas-
sages). Aucune route carrossable n'y a encore été
ouverte. C'est dans cette partie de la chaîne qu'on
visite le Vignemide, la plus haute cime des Pyré-
nées françaises (3300 m.), au fond de la vallée de
Cauterets; le magnifique cirque de Gavarnie, où
51
FRANGE
— 802 —
FRANCE
Be forme le gave de Pau, et la brèche de Roland,
qui en est voisine.
Parmi les contreforts que les Pyrénées occiden-
tales projettent sur le territoire français, il faut
signaler, autour du pic du Midi de Bigorre, le cône
d'éboulement que limitent la Garonne à l'est et le
gave de Pau à l'ouest, et où les rivières de la Gas-
cogne et du Béarn creusent leurs vallées diver-
gentes.
Les Pyrénées orientales projettent entre l'Ariège
et l'Aude un chaînon peu élevé, mais qui forme
l'origine de la ligne de partage des eaux entre le
bassm de l'Océan et celui de la Méditerranée.
A l'est de ce chaînon, les Corbières couvrent de
leurs ramiflcationsle pays entre l'Aude et l'Aglv; le
Canigou domine sur ses versants opposés les val-
lées de la Tet et de la Tech ; tandis qu'au sud de
ce dernier cours d'eau, la chaîne principale se
prolonge sous le nom d.4/6éres jusqu'au bord de
la Méditerranée.
Les Cévennes. — C'est près de Castelnaudary, au
col de Naurouze, dépression remarquable, où le
bassin de la Garonne et celui de l'Aude ne sont
séparés que par un faîte de moins de lOi» mètres
d'altitude, que les Pyrénées se rattachent aux
Cévennes et à la grande ligne de partage des eaux.
Depuis le col de Naurouze jusqu'à la source de
l'Hérault, cette ligne porte les noms de Montagnes
Noires, monts de l'Éspiriouse, monts (ia7Tigues.
Leur altitude va en s'élevant de 500 à un millier
de mètres. Leur direction générale est de l'ouest à
l'est. Leurs pentes tournées au sud sont raides
et généralement déboisées. Au nord, au contraire,
s'étendent les plateaux auxquels on donne le nom
de causses, et qui sont séparés entre eux par les val-
lées profondes où roulent le Tarn et ses affluents.
Les Cévennes proprement dites ne commencent
qu'à la source de l'Hérault, pour finir à la source
de la Loire. Leur direc ion est du sud au nord-
nord-est, leur altitude de lôdO à 18U0 mètres.
Leur point le plus remarquable est le mont
Luzère (17(i(» m.), où se touchent presque les sour-
ces du Tarn et du Lot, affluents de la Garonne, de
l'Allier, affluent de la Loire, du Chassezac, de
l'Allier et du Gardon, tributaires du Riiùne. Au
nonl-ouest, entre le Lot et l'Allier, les monts de
la Margeride {\b()^ m. . rattachent la Lozère au
Cantal et au système des monts d'Auvergne. Au
nord, les monts du Velaii projettent leurs carieux
soulèvements volcaniques entre l'Allier et la Loire.
A l'est, les Cévennes s'abaissent en pentes raides
vers le Rhône, dont les tributaires (Ardèche, etc.)
ont un cours rendu torrentiel par la rapidité de
leur chute.
Au ii,07it Mézenc, d'où descend la I-oire, com-
mencent les monts du Vivarais, (|ui se terminent
par le mont Pilât, près de Saint-Éiienne. La ligne
de faîte s'abaisse alors considci-ablcment pour
laisser passer la route de Saint-Éiienne à Lyon.
De l'autre côté de cette dépression, les monts du
Lyorinais n'ont plus que quelques centaines de
mètres d'élévation. Il en est de même des monts
du Beaujolais et du Chai-olai^ qui leur font suite.
Ce sont des collines couvertes de vignobles, plutôt
que de vraies muntagnes. An passage du canal du
Centre, près de Montchanin, leur altitude n'est
que de 3l ) mètres.
Au delà commence la Côte-d'Or, si célèbre par
ses grands crus. Le point culminant, le mont
Tasselot, entre Dijon et la source de la Seine,
dépasse à peine tiOU mètres.
Depuis la source de la Seine jusqu'à celle de la
Meuse, le plateau de Lnngres, où l'Aube et la
Marne naissent au milieu des forêts, ne dépasse
pas iOO mètres.
La ligne de faîte se recourbe alors à l'est avec
ses monts FaMcà7e5, qui séparent les sources oppo-
jées 'de la Saône et de la Moselle et de leurs
premiers tributaires. Les monts Faucilles n'on
que de 400 à ôOO mètres d'altitude, et seront bien-
tôt franchis, près d'Épinal, par le nouveau canal
de l'Est, qui doit relier la Meuse, la Moselle et la
Saône.
Les Faucilles se rattachent, du côté de l'est,
aux Vosges, dont le Ballon d'Alsace (1.50 m.),
au-dessus de Belfort, forme, le saillant le plus
prononcé. Tandis que les Vosges s'étendent au.
nord entre le Rhin et la Moselle, la ligne de par-
tage des eaux descend au sud pour rejoindre le
Jura. On donne le nom de trouée de Belfort au
plateau qui relie les Vosges et le Jura, et où les
eaux se divisent entre l'Ill, affluent du Rhin, et le
Doubs, tributaire du Rhône. C'est là que passe
aujourd'hui la nouvelle frontière entre la France
et l'Allemagne.
Le Jura. — Le Jura ne se compose pas de grou-
pes étoiles comme les Alpes, ou d'une chaîne uni-
que comme les Pyrénées. Il est formé de bourre-
lets parallèles les uns aux autres, qui s'abaissent
par gradins du côte de la plaine de la Bourgogne,
tandis que la chaîne la plus élevée tombe presque
à pic sur les lacs de la Suisse occidentale et la.
vallée de l'Aar, qui leur sert de débouché du côté
du Rhin. Ses sommets les plus élevés sont au sud,,
au-dessus du lac de Genève, où la Dôle et le Re-
culet atteignent de 1600 à 1700 mètres. Le Jura
estcouveit de pâturages, où l'on fabrique des fro-
mages excellents, et de superbes forêts de sapins.
La masse de la chaîne est constituée par un calcaire
blanc grisâtre, appelé calcaire jurassique. Les eaux
qui y tombent coulent dans des vallées parallèles
aux chaînes principales, jusqu'à ce qu'elles trou-
vent pour s'échapper un point de rupture, qui
porte le nom particulier de cluse. La direction du
Jura est du sud-ouest au nord-est. Il sépare le
bassin du Rhône de celui du Rhin, et appartient
par conséquent à la grande ligne de partage des
eaux de l'Europe. Il forme aussi en partie la fron-
tière entre la France et la Suisse.
Au sud du lac de Genève, ce sont les Alpes qui
séparent la France de la Suisse, puis de l'Italie.
Au nord de Belfort, la frontière entre la France et
l'Allemagne est formée par les Vosges.
Les Vosges. — Ce sont des ballons aux formes
arrondies, boisés et couverts de pâturages comme
le Jura, mais constitués par des granits et des grès
rouges, dits vosgiens, qui leur donnent un aspect
plus grandiose. Cependant leur cime la plus éle-
vée, le Hallon de GuebwU/er, sur le territoire al-
sacien, dépasse à peine 1 400 mètres. La direction
des Vosges est au nord-nord-est. Leur pente la
plus inclinée est à l'est, du côté de la plaine de
l'Alsace. Elles forment la frontière depuis le 6a/-
lon d'Alsace iusqn au mont Donon (looO m. envi-
ron}, à la source de la Sarre. Mais les eaux qui
s'écoulent par leurs versants opposés vont toutes
regagner le Rhin, soit directement, soit par son
affluent la Moselle.
Le plateau rentrai. — Entre la Loire et le Lot, af-
fluent de la Garonne, la France centrale forme un pla-
teau élevé que dominent quelques groupes de mon-
tagnes remarquables. Les monts <l'Auvergne, dont
le Puy-de-Dôme, le Moid Dore, elle Plomb du Cail-
lai constituent les principaux noyaux, sont d'ori-
gine volcani(|ue et se dressent du nord au sud
entie le bassin de la Loire et celui de la Dordo-
gne. Le Mont Dore, avec ses 1886 mètres d'altitude,
est la cime la plus hante d ■ l'intérieur de notre
pays. Le Plomb du Cantal est presque aussi élevé.
A l'ouest, la ligne de faîte entre les deux bassins
de la Loire et de la Garonne se continue par les
monts de la Marche et du Limousin (80(i m.), si
bien nommés plateau de Millevaches, à cause des
troupeaux qui y pâturent. Puis, au delà de la dé-
pression c|ui laisse passer la route de Tours à Bor-
deaux, la ligue de faite a une nouvelle saillie pro-
FRANCE
803 —
FRANCE
noncce dans le plateau de Gatine (280 m.), entre
la Sèvre nantaise et la Vendée.
Au sud des monts d'Auvergne, le plateau cen-
tral porte les monts d'Aubrac (1500 m.), couverts
de troupeaux de moutons, sur la rive dmite du
Lot. Puis, au delà des monts de la Margeride et
du Velay, dont nous avons déjà parlé, les monts
du Forez forment, entre la Loire et l'Allier, une
cliaîne de partage, dont quelques sommets s élè-
vent jusqu'à 1300 mètres.
Le Morvan. — Entre la Loire et la Seine se dresse
l'important massif granitique du Mot van, tout
couvert de forèis et rempli de gracieux ruisseaux
aux eaux murmurantes. Le Morvan se rattaclie du
côté de l'est à la Côte-d'Or et à la ligne de partage
des eaux. Son point culminant, entre Autun et
Château-Chinon, atteint 850 mètres.
Mais le sol s'abaisse rapidement entre l'Yonne
et la Loire. Les deux bassins de la Seine et de
la Loire ont été facilement reliés dans cette ré-
gion par les canaux du Nivernais, de Briare et
d'Orléans. Le plateau d'Orléans est une plaine et
non pas un système montagneux.
Le Perche. — Au delà du plateau d'Orléans, on
retrouve dans le Perche, entre les sources oppo-
sées de l'Eure, affluent de la Seine, du Loir et de
l'Huisne, tributaires de la Loire, un terrain très
mouvementé. Entre les sources de l'Orne et de la
Mayenne, l'altitude de quelques sommets dépasse
400 mètres.
La Bretagne. — Ce soulèvement se prolonge
au nord-ouest pour former le noyau de la pres-
qu'île de Cotentin, et à l'ouest pour former les
montagnes de la Bretagne. Au delà de la dépres-
sion où passe le canal dllle-et Rance, entre Rennes et
Saint-Malo, les monts granitiques de Men»', au sud
de Saint-Brieuc, atteignent 35U mèires. Les m ma-
gnes d Arrée, qui vont finir sur la rade de Brest,
et les montagnes Noires, qui dominent la baie de
Douarnenez de leurs rudes escarpements, ont aussi
plus de oOO mètres. Ce sont des plateaux sauvages
couverts de landes, de bruyères et de mauvais
pâturages.
L'Argonne et les Ardennes. — Entre la Meuse
et l'Aisne et autres tributaires de la Seine, la
ligne défaite est peu élevée. Mais VArgonne, entre
Verdun et Sainte-Menehould, mérite d'être citée
k cause de son importance comme ligne de dé-
fense en cas d'invasion. Au nord, l'Argonne se
continue par les plateaux froids et boisés des
Ardennes, qui s'étendent jusqu'en Belgique.
in. Hydrographie. — Le Rhône, la Loire et la
Garonne ont chacun un bassin nettement circons-
crit. On n'en pourrait dire autant de la Seine, qui
a été facilement relice aux fleuves voisins. De plus,
les principaux affluents de ce fleuve, au lieu de le
grossir successivement en divers points de son
cours, viennent converger vers Paris, qui se trouve
ainsi mis en communication naturelle et directe
avec la Flandre et la Belgique, la Champagne et
la Lorraine, la Bourgogne et le bassin de la Loire,
la Normandie et la mer. C'est celte position excep-
tionnelle qui a fait de Paris un centre d'attraction
et lui a valu le rôle de capitale A ce pôle d'at-
traction on peut, au contraire, opposer le pôle de
répulsion du plateau central, où la rudesse du
climat rend la vie pénible aux hommes, et où les
vallées, qui en descendent vers les divers points
de l'horizon, les invitent à aller chercher forxune
dans des pays plus favorisés du ciel.
La Seine. — Le bassin de la Seine couvre
"800 kil. carrés, la septième partie de la France
environ, entre les bassins de la Loire, du Rhône, de
la Meuse, de l'Escaut, de la Somme et de l'Orne,
ou autres fleuves secondaires. Depuis sa source,
située dans les montagnes et le département do
la Côte-dOr, jusqu'à son embouchure dans la
Manche entre le Havre etHonfleur, le fleuve par
court 800 kil. et descend de 470 mètres. Sa di-
rection générale est du sud-est au nord-onest ;
mais les hauteurs de la Brie lui font décrire une
grande courbe vers le sud, entre le confluent de
l'Aube et Paris ; et depuis cette ville jusqu'à la
mer, la Seine parcourt de nombreux méandres
entre les collines qui la bordent à droite et à
gauche.
Par la régularité de son débit, qui ne descend
jamais trop bas (à Paris, 250 m. c. par seconde pour
le débit moyen, 75 m. c. àl'étiage, 45 m. c. au mini-
mum), par la nature de son lit, débarrassé de ro-
ches ou obstacles gênant la navigation, par la fai-
blesse de son courant, que les bateaux remontent
sans grandes difficultés, la Seine se prête admira-
blement aux besoins du commerce. Elle est naviga-
ble sur plus de 650 kil., depuis Bar-sur-Seine, au
moyen du canal de la Haute-Seine; les navires
de fort tonnage remontent maintenant depuis
la mer jusqu'à Rouen ; et on se propose , au
moyen de nouveaux travaux, d'obtenir un tirant d'eau
de 3 mètres jusqu'à Paris, pour permettre à cette
ville de recevoir directement ses approvisionne-
ments venant d'outre mer. De plus, un canal com-
mençant à Tancarville, en amont de l'estuaire ma-
ritime, conduira directement dans le port du
Havre les bateaux de rivière venus de tous les
points du réseau de la navigation intérieure et
auxquels leur construction ne permettrait pas
d'affronier les dangers de l'embouchure du fleuve.
Paris, Rouen et le Havre formeront alors effec-
tivement « une seule ville dont la Seine sera la
grande rue ».
(les trois villes sont les trois principaux centres
de commerce et de population bâtis sur les bords
de la Seine. En amont de Paris, celle-ci arrose
Troyes ; Montereau-fault- Yonne, au confluent de
l'Yonne ; Moret. où aboutit le Loing et le canal
qui conduit à Briare et Orléans sur la Loire ;
Melun; Corbeil, où aboutit l'Essonne ; Charenton,
où arrive la Marne. Entre Paris et Rouen, la Seine
dessert les usines de Saint-Denis et d'Argenteuil,
passe au pied de Saint-Germain, à Poissy, Mantes,
Vernon, Élbeuf.
Affluents île la Seine. — Les principaux affluents
de la rive droite sont l'Aube, qui aboutit entre
Méry et Nogent-sur-Seine; la Marne; ïOise (gros-
sie de \ Aisne), qui tombe entre Saint-Germain et
Poissy ; VEpte, qui baigne Gournay et Gisors.
A gauchr", la Seine reçoit : VVo7nie, le Loing, VEs-
sonne qui descend du plateau d'Orléans ; l'Kure,
qui descend du Perche et arrose Chartres et Lou-
viers ; la Hille, qui passe à Laigle et Pont-Aude-
mer et aboutit dans Testuaire du fleuve à Quil-
lebœuf.
La Marne, le plus long des affluents de la Seine
(nOO kil.), coule du sud au nord par Langres,
Chaumont, Saint-Dizior ; puis à l'ouest par Vitry,
où aboutissent la Saulr grossie de VOrnam et le
can.il de la Marne au Rhin qu'ils alimentent,
Chàlons-sur-Marne, Epernay, Meaux. La Marne
reçoit, par sa droite, VOurcq en amont de Meaux,
et par sa gauche le Morin venant de Coulommiers,
entre Meaux et Lagny.
LOise n'a que 300 kil. de parcours. Mais, pour
[ la navigation, c'tst le plus important des af-
fluents lie la Seine. Elle naît en Belgique, près de
la frontière française , coule à l'ouest jusqu'à
G lise, puis an sud-ouest jusqu'à son confluent.
Elle passe par la Fère, Tergnier, où aboutit le
canal d'^ Crozat venant de la Somme, Chauny,
Compiègne, où elle reçoit, par la gauche, l'Aisne,
le plus important de ses tributaires, Creil et
Poiitoise.
L'^isrie,presque aussi longue que l'Oise (280kil.),
conle au nord-nord-ouest depuis sa source jus-
qu'au point de réunion avec le canal des Arden-
nes, entre Vouziers et Attigny. Elle se dirige en-
FRANCE
— 804 —
FRANCE
suite à l'ouest par Rethel, Berry-au-Bac, où
aboutit le canal de l'Aisne à la Marne, et Soissons,
au-dessus duquel elle se grossit de la Vesle,
la rivière de Reims.
L'Yonne, un peu moins longue que l'Aisne, se
forme dans les monts du Morvan, descend au nord-
nord-oucst par Clamecy, où arrive le canal du
Nivernais ; Gravant, où elle reçoit par sa droite
la Cure, rivière d'Avallon ; Auxerre; la Roche,
où débouche VA7'monçon avec le canal de Bour-
gogne. Un peu en amont de la Roche, l'Yonne
reçoit, toujours par sa droite, le Serein, qui passe
à Chablis. Toutes ces rivières grossissent rapide-
ment lorsque des pluies tombent sur le sol grani-
tique et imperméable du Morvan. L'Yonne, après
avoir passé encore à Joigny et à Sens, apporte à
la Seine une masse deau plus considérable que
celle du fleuve lui-môme. C'est aussi du côté de
l'Yonne que se trouve la ligne de navigation la
plus suivie, le canal de Bourgogne.
Le Loing, qui vient de Montargis, tire son im-
portance des canaux qui joignent la Loire, à Briare
et à Orléans.
Bassins secondaires au nord de la Seine. —
Tributaires de la Manche. — Au nord de la Seine,
les principaux cours d'eau que reçoit la Manche,
sont : V Arques, qui tombe dans le port de Dieppe ;
lu Brede, qui aboutit au Trcport, après avoir
formé la séparation entre les deux départements
de la Seine-Inférieure et de la Somme ; la Somme,
qui naît près de la grande ville industrielle de Saint-
Quentin, où convergent les canaux réunissant la
Somme, l'Oise et l'Escaut; puis coule à travers
une vallée remplie de tourbières, où sont la place
-forte de Péronne, la grande ville d'Amiens, et enfin
Abbeville, d'où un canal maritime aboutit à la
large baie qui se découvre au loin à marée basse.
Au nord de la Somme, ÏAuthie forme la limite
entre les deux départements de la Somme et du
Pas-de-Calais ; la Canche passe à Montreuil, la
Liane à Boulogne.
Tributaires de la mer du No>d. — VAa. —Dans
la mer du Nord tombe VAa, qui passe à Saint-
Omer et sépare les deux départements du Pas-de-
Calais et du Nord jusqu'à son embouchure à
Gravelines. L'importance de l'Aa vient des com-
munications navigables qu'il établit entre les ports
de Calais, Gravelines et Dunkerque, d'une part,
avec les canaux du Nord et du Pas-de-Calais, qui
conduisent à Paris ou en Belgique.
L'Escaut. — L'Escaut, qui n'appartient à la
France que par une petite partie de son cours,
naît dans le département de l'Aisne, au nord de
Saint-Quentin, et se dirige au nord par Cambrai
et Valenciennes, avant d'entrer en Belgique. Il se
g!OSsit h gauche de la Sensée et, sur la frontière de
la Belgique, de la Scaipe, qui passe à Arras, à Douai
et à Saint-Amand. L'affluent le plus considérable
de l'Escaut, la Lys, a aussi sa source en France,
au-dessus d'Aire dans le Pas-de-Calais. Elle reçoit
à droite la Deule, et forme, sur une partie de son
cours, la frontière entre le département français
du Nord et la province belge de Flandre occi-
dentale.
L'Escaut, la Sensée, la Scarpe, la Lys et la
Deule sont tous canalisés.
La Meuse. — Le bassin de la Meuse n'occupe,
en France, que la dixième partie de celui de la
Seine. Le fleuve, qui se forme au nord du plateau
de Langres, coule entre deux chaînes de hauteurs
voisines et parallèles entre elles, qui le séparent,
à droite, du bassin de la Moselle, et, à gauche, de
ceux de la Marne et de l'Aisne. Sa direction géné-
rale estau nord-nord-ouest; la longueur de son par-
cours en France est de 4.0 kil. environ, dont la moitié
navigable. Il passe à Neufchâleau, Domrémy, Vau-
couleurs , célèbres dans notre histoire nationale,
à Pagny, où il se sépare du nouveau canal de l'Est
et traverse celui de la Marne au Rhin, à Cora
mercy, Verdun, où le lit de la Meuse commence à
devenir naturellement navigable, à Bazeilles, en
amont duquel il reçoit, par la droite, le Chiers,
qui vient des plateaux boisés du Luxembourg; k
Sedan, de triste mémoire ; à Mézières, Charleville,
et Givet, où il entre en Belgique. La vallée qu'il
parcourt entre ces deux dernières villes est réputée
pour les sites pittoresques qu'elle offre. Entre Sedan
et Mézières aboutit le canal des Ardenncs, qui se
joint à l'Aisne. Le nouveau canal de l'Est, suivant
ou absorbant la Meuse depuis Pagny jusqu'en
Belgique, établira bientôt une communication
facile entre cet État et les départements de l'est
de la France.
La Sambre. — Le plus grand affluent de la Meuse,
la Sambre, prend sa source en France, sur la li-
mite des départements de l'Aisne et du Pas-de-
Calais, et baigne Landrecies et Maubeuge en France,
avant d'entrer en Belgique. C'est un important
élément de notre réseau navigable.
Bassins secondaires de la Manche a l'ouest de
LA Seine. — Parmi les fleuves secondaires qui tom-
bent dans la Manche, à l'ouest de la Seine, il faut
citer : la Touques, qui parcourt la fertile vallée
d'Auge, passe à Lisieux et aboutit dans la mer
entre Trouville et Deauville; la Dites, à l'embou-
chure de laquelle Guillaume le Conquérant réunit
la flotte qui le conduisit faire la conquête de l'An-
gleterr'e, en 1066; VOme, qui prend sa source au
nord d'Alençon, passe à Séez, Argentan et Caen,
d'où un canal conduit les navires dans la Manche;
la \l7'e, qui parcourt de gracieuses campagnes et
de fertiles herbages, passe à Saint-Lô, et tombe dans
la mer à Isigny; la Douve, qui passe à Carentan. De
l'autre côté du Cotentin, la baie du Mont Saint-
Micliel reçoit la Sée, qui vient d'Avranches, la Sé-
lune, le Couesnon, qui passe à Fougères et Pontor-
son, et sépare le département de la Manche de ce-
lui d'Ille-et-Vilaine.
La Rance. — La Rance, le cours d'eau le plus
important du versant septentrional de la Bretagne,
descend des monts de Mené dans les Côtes-du-Nord,
coule à l'est, puis au nord, se relie par un canal
avec l'ille et la Vilaine, passe à Dinan, et forme un
estuaire large et profond avant de tomber dans la
mer entre Saint-Servan et Saint-Malo, sur sa rive
droite, et Dinard, sur sa rive gauche.
Au delà de la Rance, il n'y a plus, jusqu'à
l'océan Atlantique, que de petits cours d'eau ; l'Jr-
guenoji, qui tombe dans la baie de la Fresnaye, le
Trieux, qui passe à Guingamp, les petites rivières de
Saint-Brieuc, de Lannion, de Morlaix, qui mettent
ces villes en communication avec la mer.
Bassins secondaires de l'Atlantique. — Du côté
de l'océan Atlantique, la rade de Brest reçoit
l'Aune ou rivière de Châteaulin, qui vient des mon-
tagnes d'Arrée. Les montagnes Noires alimentent
VUdet, qui passe à Quimper, et le Scorff, qui
tombe dans la mer à Lorient, à la droite du Blacet.
Celui-ci naît dans le département des Côtes-du-
Nord, forme, de même que l'Aulne, lOust et l'Isac,
affluents de la Vilaine, et l'Erdre, tributaire de la
Loire, une partie du canal de Nantes à Brest, passe
à Pontivy et tombe dans l'Océan entre Lorient et
son annexe Port-Louis.
La Vilaine. — La Vilaiiie, le plus long fleuve de
la Bretagne (220 kilom.), prend sa source dans le
département de la Mayenne, coule à l'ouest par
Vitré et Rennes, où elle reçoit, sur sa droite, Yllle,
descend au sud jusqu'à Redon, où elle se grossit
à droite de VOust, reçoit un peu plus loin, sur la
rive opposée, VIsuc, tourne à l'ouest, et tombe dans
l'Océan, au-dessous de la Roche-Bernard, où elle
est franchie par un magnifique pont.
La Loire. — La Loire occupe le centre de la
France ; c'est le plus long de nos fleuves (près de
1000 kilom.), et son bassin couvre plus de la cin-
FRANCE
— 805 —
FRANGE
quième partie de notre pays. Mais rirrégularité de
son dùbit,les caprices de son cours, le peu de pro-
fondeur de son large lit, l'erepêchent de former la
plus importante artère fluviale de la France, conime
la carte pourrait le faire croire à première vue.
La Loire naît dans les Cévennes, près du Mczenc,
au pied du Gerbier-des-Joncs, ancien volcan qui fait
partie des monts du Vivarais. Sa source est à
liOO m. d'altitude. La Loire descend rapide-
ment, entre les monts du Vivarais et du Velay qui
la poussent au sud, à louest, et enfin au nord,
et près du Puy elle n'est déjà plus qu'à lOO m.
Dans toute cette partie supérieure de son cours, elle
ne reçoit que des torrents. A Saint-Rambert, près
de Saint-Etienne, elle débouche dans la plaine du
Forez, où elle forme encore des rapides. A Roanne,
par 275 m., elle entre définitivement en plaine,
et devient navigable grâce à un canal latéral. A
droite les monts du Lyonnais la séparent de la
Saône, à gauche les monts du Forez se dressent
entre elle et son affluent l'Allier. A Digoin, elle re-
çoit le canal du Centre qui vient de la Saône et qu'a-
limente la Bourbince, affluent de VAitoux. Celui-ci,
descendu de la Côte d'Or, passe par Autun et a son
confluent un peu en aval de Digoin. Le fleuve tourne
alors à l'ouest, puis au nord, reçoit à Decize VAron,
qui alimente le canal du Nivernais, puis se dirige à
l'ouest vers Nevers, où tombe la Nièvre. 1
C'est un peu en aval de cette ville, par 172 m.
d'altitude, que la Loire se grossit de Y Allier, dont
elle prend la direction vers le nord.
Le fleuve occupe dès lors un large lit, où il pro-
mène ses eaux capricieuses. Tantôt on n'y voit que
de maigres filets d'eau laissant entre eux de vastes
[flages de sable, tantôt c'est un courant impétueux
qui déborde même par-dessus ses digues pour
envahir les campagnes voisines. On a vu la Loire
rouler jusqu'à 3u0 fois le volume d'eau auquel ,
ello se réduit pendant son étiage. A Orléans, elle
n'a quelquefois que le tiers de ce que la Seine
amène à Paris à l'époque de ses p'.us basses eaux. ^
Entre Nevers ot Orléans, la Loire reçoit à gauche,
en face de Fougues, YAuLois. qui alimente une
branche du canal du Berry. Elle passe ensuite à la
t'.haiité, au pied de la colline de Sancerre, à Gosne,
àBriare,où aboutit le canal conduisant à la Seine, à
Gien, où elle tourne de plus en plus à l'ouest.
A Orléans débouche un nouveau canal. C'est le
point le plus septentrional que la Loire atteigne
dans son cours, celui où elle se rapproche da-
vantage de Paris et du cours de la Seine. Aussi
Orléans a-t-il toujours eu une grande importance
commerciale et stratégique. j
A partir d'Orléans, la Loire coule au sud-ouest; elle
reçoit bientôt à gauche \q Loiret, qui n'est proba-
blemfnt qu'une dérivation souterraine du fleuve.
Elle 'laisse Beaugency et Blois sur sa rive droite,
Amboise sur sa rive gauche, et passe à Tours,
bâtie entre la Loire et le Cher, son affluent de
gauche. Ces deux rivières, qui pendant les inonda-
tions enveloppent entièrement la ville, se réunissent
ordinairement entre Tours et Langeais. Bientôt
après, la Loire reçoit, du même côté, l'Indre, qui
vient des montagnes de la Marche par La Châtre, ,
Châteauroux et Loches. LTndre et l'affluent suivant 1
de la Loire, la yie?ine, drainent la Brenne, con-
trée marécageuse couverte détangs, qui s'étend
dans l'ouest du département de l'Indre. I
Au confluent de la Vienne, la Loire se retourne ^
au nord-ouest jusque près des Ponts-de-Cé. Dans l'in-
tervalle, elle passe à Saumur, où tombe le Thouet,
qui vient des hauteurs de la Gatine et se grossit
de la Dive.
La Maine, formée à Angers de la réunion du Loir,
de la Sarthe et de la Moyenne, tombe dans la Loire
sn dessous des Ponts-de-Cé. Le fleuve coule dès
lors à l'ouest, laisse à gauche Chalonnes et ses
mines de houille, à droite Ancenis, arrive à Nantes,
où il reçoit à gauche la Sèvre Nantaise, et à droite
VErdre avec le canal de Nantes à Brest. Les gros
navires ne remontent plus à Nantes, qui a con-
servé néanmoins les maisons de commerce et les-
usines.
La Loire, poursuivant son cours, embrasse l'île
d'Indret, où se fabriquent les machines de la ma-
rine nationale de guerre. VAcheneau lui amène à
gauche les eaux du lac de Grand-Lieu. Du même
côté se trouve Paimbœuf, l'ancien avant-port de
Nantes , aujourd'hui délaissé pour Saint-Nazaire^
dont on a récemment creusé le port sur la rive
opposée.
Affluents delà Loire. — V Allier, le plus long des
affluents de la Loire (3TS kilom.), partage son allure
torrentielle. Né dans laforêt de Mercoire, entre les
monts de la Margeride et le mont Lozère, il des-
cend rapidement dans une gorge étroite et pitto-
resque, entre les monts du Velay, à droite, et ceux
de la Margeride, à gauche. Sa direction générale est
au nord. A Brioude, il débouche dans la fertile
plaine de la Limagne, reçoit, en dessous des mines
de houille de Brassac, VAlagno?! que lui envoie le
Cantal, passe à Issoire, reçoit un peu au-dessus de
Vichy la Dore, qui vient d'Ambert et s'est elle-même
grossie de la Durolle. C'est ce dernier petit torrent
qui met en mouvement les usines de l'industrieuse
ville de Thiers. De Vichy, l'AUier arrive à Saint-Ger-
main des Fossés, se grossit à gauche de la Sioule que
lui envoie le versant occidental du Puy-de-Dôme,
passe sous le beau pont de Moulins, et se réunit à la
Loire près de Saincaize, en dessous de Nevers.
Le Cher naît sur les plateaux qui reUent les
monts de la Marche à ceux de l'Auvergne. Il coule
au nord vers Moniluçon, où commence le canal da
Berry. A Saint-Amand il reçoit à droite la Mar-
maiide, dont la vallée conduit le canal vers Bourges-
et vers la Loire Le Cher se retourne alors au nord-
ouest, puis à l'ouest, sa direction définitive, et reçoit
à Vierzon, par sa droite, YYèvre, grossie de V.iuron^
Ces deux dernières rivières se. réunissent à Bourges,
ville en amont de laquelle le canal du Berry est
alimenté par l'Auron, pour suivre ensuite l'Yèvre
jusqu'à Vierzon. Le Cher reçoit encore à droite la
Sauldre, qui passe ;' Romorantin et draine les eaux
d'une partie de la Sologne, contrée couverte d'é-
tangs, de bruyères, de terres peu fertiles ; puis il
passe sous le château de Chenonceau et se jette
dans la Loire en dessous de Tours. Nous avons dit,
à propos de cette ville et du cours de la Loire, com-
bien ses inondations sont dangereuses.
La Vienne, presque aussi longue que l'Allier, naît
sur le versant septentrional du plateau de Mille-
vaches, coule à l'ouest par Limoges, Saint- Junien,
se retourne au nord, passe à Confolens, à Châtelle-
rault, où elle se grossit par la gauche du Clain, la
rivière de Poitiers. La Vienne reçoit ensuite à droite
la Creuse. Celle-ci naît aussi au plateau deMilleva-
ches, coule au nord-ouest par Aubusson, Argenton
et Le Blanc, se grossit, à droite, de la Petite Creuse
qui vient de Boussac, et à gauche, de la Gartnnpe
qui passe à Montmorillon. En dessous du confluent
de la Creuse.laVienne tourne au nord-ouest et passe
à Chinon, avant de se réunir à la Loire.
Le Loir se forme dans le Perche et coule au sud-
ouest par Châteaudun, Vendôme et la Flèche avant de
se réunir à la Sarthe. Celle-ci, née vers l'extrémité
septentrionale du Perche, descend au sud-ouest jus-
qu'à Alençon, tourne au sud, passe au Mans, où elle
reçoit par la gauche l'Huisne qui vient de Nogenl-
le-Rotrou, décrit de nombreuses sinuosités au sud-
ouest et au sud, passe à Sablé, reçoit par la gau-
che le Loir, et se réunit à la Moyen e au-desSus
d'Angers.
La .Mayenne se forme à l'ouest d'Alençon, dans
les collines qui relient le Perche au Cotentin,
coule à l'ouest, puis au sud par Mayenne, Laval et
Chàteau-Gonthier. Elle se grossit à droite del'Oud.nt
FRANCE
— 806 —
FRANGE
qui passe à Segré, et prend le nom de Maine à
Angers en se réunissant à la Sarthe.
Bassins SECONDAiRESENTKE la Loire et la Garonne.
— Entre la Loire et la Garonne les principaux fleuves
DÔtiers sont, du nord au sud: le Lai/, qui reçoit à
droite ['Yon, dont le chef-lieu du département de
la Vendée tire son nom actuel, la Roclie-sur-Yon ;
la Sèvre Niortaise, qui passe à Niort et reçoit à
droite la Vendée venant de Fontenay-le-Comte; la
Charente, le plus considérable des cours d'eau
entre la Loire et la Garonne.
La Charente prend sa source dans les monts du
Limousin, près de Rochechouart, coule au nord-ouest
jusqu'à Civray, redescend au sud jusqu'à Angoulême,
coule ensuite à l'ouest, puis au nord-ouest par Jarnac,
Cognac, Saintes, Taillebourg et Rochefort, où elle
est assez profonde pour recevoir des vaisseaux de
gtierre. La Charente reçoit à gauche, au-dessus d'Aii-
goalêmej la Tardoir^e grossie du Bundiat, dont une
pa-te du cours est souterraine. La Touvre, qui se
jci it à la Charente près d" Angoulême après un
cours de quelques kilomètres seulement, et qui
f it mouvoir les usines de Ruelle, semble être l'is-
sue de ces eaux disparues du Bandiat.
Plus loin la Charente se grossit, à droite, de la
Boutonne, qui passe à Saint-Jean d'Angély. La
Charente a parcouru plus de 350 kilomètres lors-
qu'elle débouche dans la mer en face de l'Ile
dOléron.
Vis-à-vis de la pointe méridionale de cette île
aboutit le petit fleuve de la Seudre, qui finit à
Marennes.
La Garonne. — La Garonne, dont le bassin couvre
en France près de 80 OUO kilomètres carrés, naît
dans le val d'Aran en Espagne, surle revers méridio-
nal des Pyrénées orientales. Elle décrit une courbe,
au sud, à l'ouest, puis au nord, avant d'entrer en
France au Pont-du-Roi, par 600 m. d'altitude.
C'est dès lors une rivière flottable, qui se grossit
bientôt de la Pique de Luchon. A Montréjeau, elle
reçoit par la gauche la ISeste, et se retourne au
nord-est pour gagner Muret et Toulouse. Dans ce
trajet, elle reçoit à droite plusieurs affluents impor-
tants : liiSalat, qui passe à Saint-Girons ; ÏAriège, qui
traverse, du sud au nord-nord-ouest, le département
auquel il donne son nom, en arrosant Ax, Tarascon,
Foix et Pamiers. A Toulouse, la Garonne se joint
au canal du Midi venant de la Méditerranée, et qui
se prolonge vers l'ouest par le canal latéral. Le fleuve
prend la direction du nord-ouest, reçoit par la gauche
les rivières descendues du plateau de Lannemezan
à travers les coteaux de l'Armagnac : la Save, qui
passe à Lombez, la Gùno7ie, VAr7'ats, le Gers, qui
arrose Aucli et Lectoure, la Baïse, qui passe à
Co idomet Mirande. Toutes ces rivières descendent
en éventail à travers le remarquable cône d'éboule-
ment que limitent à l'est le cours de la Garonne, et
à l'ouest celui de l'Adour. Sur sa rive droite, la
Garonne se grossit du Tarn, arrive devant Agen,
où le canal latéral passe de la droite à la gauche du
fleuve, reçoit le Lot à Aiguillon, passe à Tonneins,
Marmande, La Réole. A Castets finit le canal la-
téral, et la navigation se poursuit dans le lit du
fleuve. A Bordeaux, la largeur de la Garonne est
de 600 m. La marée s'y fait sentir et y pousse
les navires de mer à 100 kilomètres de l'Océan.
Après Marseille et le Havre, c'est notre port de
commerce le plus important. En dessous de Bor-
deaux, la Garonne va en s'élargissant encore. Au
Bec d'Ambez, elle reçoit par la droite là Dordog7ie,
le plus long et le plus considérable de ses affluents,
et change son nom contre celui de Gironde.
La Gironde laisse ensuite à droite Blaye et, sur
la rive opposée, Pauillac, qui sert d'avant-port à
Bordeaux et où s'arrêtent les plus grands navires.
Du même côté, la rade du Verdon, près de l'em-
bouchure, est abritée du large par la pointe de
Grave, qui marque la borne méridionale de l'es-
tuaire. Vis-à-vis se trouve Royan avec ses bains de
mer. Au milieu du fleuve, la tour de Cordouan
porte le phare qui en signale l'entrée.
Affluents de la Garonne. — Le Tarn, qui prend
sa source au mont Lozère, coule d'abord dans une
vallée profonde, encaissée par les plateaux des
Causses. Il passe près de Florac, et à Millau où il
reçoit la Dourbie, descendue des Cévennes. Plus
bas et toujours sur la môme rive arrive la Bour-
don, grossie de la Sorgue de Saint-Afi'rique. Con-
tinuant sa course vers l'ouest, le Tarn passe à Albi,
Gaillac, Rabastens, Saint-Sulpice, où tombe YAgout.
Celui-ci, qui vient des monts de l'Espinouse, se
grossit à Castres du Thoré, qui dessert les draperies
de Mazamet, et en dessous de Lavaur, du Dadou.
Au delà du confluent de l'Agout, le Tarn prend
la direction du nord-ouest, que suivait son af-
fluent, passe à Montauban, reçoit, par la droite,
VAvey7'on, et tombe dans la Garonne en dessous de
Moissac.
UAveyron, qui naît dans les Causses, coule à
l'ouest par Rodez, Villefranche, descend au sud jus-
qu'au confluent du Vi'iur, dont la source, voisine de
la sienne, est dans le Levezou, puis coule à l'ouest
jusqu'à sa réunion avec le Tarn.
Le Lot prend sa source au nord du mort Lozère,
d'où descendent vers les quatre points de l'ho-
rizon tant de rivières difl'érentes. Il coule à
l'ouest par Monde et Espalion, reçoit à Enraygues
la Truyère, qui contourne au nord les mon; s d'Au-
brac, dont le Lot vient de suivre le versant sud.
Cette rivière reçoit ensuite, à droite, le Celé, rivière
de Figeac, passe à Cahors, décrit de tris nom-
breux méandres entre cette ville et Villemuve, et
tombe dans la Garonne à Aiguillon, après 480 kilom.
de cours.
La Dordogne, un peu plus longue, naît au Mont
Dore, en Auvergne, coule dans une gorge sinueuse
et profonde souvent bordée de hautes colonnades
de basaltes, reçoit à gauche la Cère, qui descend
du Cantal à traveis une des plus pittoresques
vallées de l'Auvergne. A partir de ce confluent, la
Dordogne coule à l'ouest, et reçoit, par la droite, la
Vézére, descendue du plateau de Millevaches avec son
tributaire le plus important, la Corréze. Cette der-
nière passe àTuUe et à Brives, les deux villes les plus
considérables du département auquel elle donne
son nom. La Vézère passe aux Eyzies, petite com-
mune où l'on a retrouvé des restes remarquables
de l'âge du renne. La Dordogne réunie à la Vézère
passe à Bergerac, Castillou, Libournc, où elle porte
des vaisseaux marchands amenés par la marée, et
où elle se grossit, par la droite, de l'Isle. Celle-ci,
qui arrose l'érigueux, descend des monts du Limou-
sin, de même que la Dronne, qui se réunit à elle à
Coutras.
Bassins secondaires dd golfe de Gascogne. — Les
cours d'eau tributaires de l'Océan, au sud de la
Garonne, sont : le Leyre, rivière de la plaine des
Landes, qui aboutit dans le bassin d'Arcachon ;
VAdour, dont l'embouchure actuelle est voisine de
Bayonne ; la Isivelle, qui tombe dans le port de
Saint-Jean de Luz ; et la Bidossoa, qui forme la fron-
tière entre la France et l'Espagne. Toutes ces ri-
vières descendent des Pyrénées.
L'Adour. — VAdotir est d'abord un torrent, qui
naît à l'est du pic du Midi de Bigorre, au Tour-
malet, par 19.30 m. d'altitude. Il descend rapi-
dement au nord dans la vallée de Campan, traverse
Bagnères, débouche en plaine, se partage en plu-
sieurs branches, qui arrosent les vertes prairies de
Tarbes, reçoit, à droite, VArras, tourne au nord-
ouest, puis à l'ouest, passe à Aire, Saint-fever, re-
çoit, à droite, lâMidouze, rivière de Mont-de-Marsan,
descend au sud-ouest, reçoit, en dessous de Dai,
par sa rive gauche, le Luy, et un peu plus loin le
Gave de Pau, qui roule plus d'eau que l'Adour
1 même, puis la Bidouse, et enfin la Nive qui conflu*^
FRANGE
— 807 —
FRANGE
4 Bayonne. L'Adour forme à son embouchure une
barre difficile à franchir et qui nuit au commerce
du port de Bayonne.
Le Gave de Pau, qui descend de Gavarnie par
Argelès, débouche en plaine à Lourdes, tourne au
nord-ouest, passe à Pau, Orthez, reçoit à Peyre-
horadele Gave d'Olnron, grossi du Saison, qui arrose
Mauléon, et se réunit près de là à l'Adour, après
un cours de 175 kilom., près de la moitié de celui
de ce fleuve.'
Bassins secondaires de la Méditebranée. — Les
Pyrénées envoient à la Méditerranée: le Tech, qui
coule entre les Albères, au sud, et le Ganigou, au
Jiord, et passe à Céret; la Tet, qui descend du pic
•de Carlitte comme l'Aude, passe au pied du fort
de Mont-Louis, à Prades et à Perpignan; ÏAgly,
■qui arrose Rivesaltes. Toutes ces rivières coulent
de l'ouest à l'est.
L'Aîide coule au contraire du sud au nord par
Quillan etLimoux jusqu'à Garcassonne. Elle se joint
là au canal du Midi, puis tourne à l'est, laisse Nar-
bonne sur sa droite, et tombe dans la mer au sud
•de Béziers.
L'Orb, qui traverse cette dernière ville, vient des
monts Garrigues au nord de Lodève, coule au sud- 1
•ouest par Bédarieux jusqu'à sa réunion avec le
Jau7', puis tourne brusquement au sud-est, direc-
tion qu'il conserve jusqu'à la mpr.
VHérauH naît au mont Aigoual dans les Cé-
vcnnes, et descend rapidement au sud par Ganges,
Pczénas et Agde. Près de cette dernière ville il
tombe dans la Méditerranée.
A l'exception du Lez, qui sort d'une source im-
portante près de Montpellier, tous les cours d'eau
•de cette région des Cévennes, auxquels il faut ajou-
ter la Vidourle. qui passe près de Lunel et d'Aigues-
Mortes, ont l'allure éminemment torrentielle et
grossissent énormément à la suite des orages,
pour rester ensuite presqu'à sec plusieurs mois de
l'année.
A l'est des Bouches-du-Rhône, Vétang de Berre
reçoit ÏArc, qui passe près d Aix, et sous l'aqueduc
de Roquefavour.
L'Argens, traversant en sens opposé, de l'ouest
à Test, le département du Var, tombe dans le golfe
de Fréjus. Le Var, qui formait la frontière entre
la France et le Piémont avant l'annexion du comté
de Nice, prend sa source à 1800 m. dans des
gorges sauvages voisines du pic de l'Enchastraye,
où les Alpes Maritimes se soudent aux Alpes Cot-
tiennes. Il descend lapidement au sud, tourne à [
l'est, passe au Puget-Théniers.rpprend la direction j
du sud, que lui imprime son affluent la Tinée, et '
parcourt une vallée tout encombrée des galets qu'il '
a roulés dans ses crues, avant de tomber dans la
Méditerranée à l'ouest de Nice. '
Le Rhône. — Le Rhône, dont le bassin occupe
plus de lOU 000 kilom. carrés, en aies neuf dixièmes
seulement en France. Il naît en Suisse, au pied du
col de la Furca, à l'ouest du Saint-Gothard, traverse
Je canton du Valais, où il se grossir de nombreux
torrents, que lui envoient les glaciers des Alpes
Bernoises et des Alpes Pennines, forme à Marti-
gny un coude prononcé qui le renvoie au nord- i
ouest dans le lac de Genève, dont la rive méridio- |
nale appartient pour la plus grande partie à la
France.
A sa sortie du lac par 375 m. d'altitude, le I
Rhône traverse Genève, et reçoit, par sa gauche, I
VArve impétueuse, qui descend du mont Blanc par '
Ghamonix et Bonneville et dont les eaux laiteuses
•courent un certain temps à côté des eaux azurées
sorties du lac avant de s'y mélanger.
Le Rhône s'engage bientôt dans les gorges du
Jura, disparaît en partie dans leurs crevasses cal-
caires en formant ce qu'on appelle la perte du '
Jihône, reçoit àBellegarde la pittoresque Valserine,
<)ui coule entre deux chaînes du Jura, devient
navigable à Seyssel, tout en gardant un cours ra-
pide, reçoit à gauche le Fier, par où se déverse 1.!
lac li' Annecy. A Culoz, le canal de Savières lui
amène les eaux du lac du Hoiirget, à travers une
vallée marécageuse, où le Rhône passait autrefo 3
pour se déverser par la vallée de l'Isère.
Le Rhône continue à couler vers le sud-sud-ouest
jusqu'au confluent du Guiers, qui descend de la
Grande-Chartreuse. Là il retourne au nord-ouest,
puis à l'ouest, raçoit à droite VAin : celui-ci,
comme les autres livières du Jura, coule du nord
au sud entre des rangées de montagnes parallèles,
et se grossit de la Hienne. la rivière des deux indus-
trieuses petites villes de Morez et de Saint-Claude.
A Lyon, le Rhône reçoit du nord la Saône, le
plus important de ses nfAuents, et prend la direc-
tion que suivait celle-ci vers le sud.
A droite, il côtoie de près le pied des montagnes ,
et n'en reçoit que des affluents de petite étendue,
de pente très rapide, d'allure éminemment torren-
tielle, le plus souvent à sec, mais roulant quelque-
fois plus d'eau que le fleuve lui-même. A gauche,
s'étendent les plaines du Bas-Dauphiné, puis du
Comtat.
A Givors tombe le Gier, qui alimente un canal
réunissant les usines si actives de Saint-Chamond,
Rive-de-Gier et Givors. Plus loin et sur la rive gau-
che se trouvent Vienne, puis Tain, avec les vigno-
bles célèbrps de l'Ermitage, qui fait vis-à-vis à Tour-
non dans l'Ardèche sur la rive droite. Entre Tain et
Valence tombe VIsère. Entre Valence et Montélimar,
la Drame, qui descend des Alpes par Die et Crest. se
réunit au fleuve vis-à-vis du confluent de VOiivèze,
la petite rivière de Privas. Le Rhône laisse ensuite
sur sa droite h^ Teil avec ses carrières de ciment,
et la petite ville de Viviers. A gauche, il est res-
serré par les roches de Donzère. Là on passe du
climat de la France centrale dans la région médi-
terranéenne caractérisée parla culture de l'olivier,
la limpidité du ciel, et aussi quelquefois le souffle
glacé du mistral, qui incline au sud-est la cime d( s
arbres. Au Pont-Saint-Esprit arrive VArdèche, vn
des torrents les plus dévastateurs de la France.
Dans la plaine d'Orange arrivent, sur la rive droite,
la Cèze, qui vient des Cévennes par Bessèges, et
sur la rive gauche, VAygves qui passe à Nyons.
A Sorgues, au-dessus d'Avignon, tombe la rivière
qu'alimente la célèbre fontaine de Voucluse. Le
Rhône passe au pied du rocher qui porte l'ancien
palais des papes à Avignon, et reçoit, à quelques
kilomètres plus bas, la Durayice. Il descend au
sud-ouest jusqu'au confluent du Gard, qui vient
des Cévennes par Alais. Le Rhône coule ensuite
au sud, entre Beancaire et, Tarascon, puis se par-
tage à Arles en deux grandes branches, à droite le
petit Hhône, à gauche le grnni Rhône, comprenant
entre elles l'île marécageuse de la Camargue. C'est
le grand Rhône qui, par le canal Saint-Louis, se
rattache au golfe de Fos. L'embouchure du fleuve
est obstruée par une barre et s'est déplacée de
nombreuses fois, suivant les obstacles que lui
opposent les alluvions qu'il a lui-même charriées,
quand elles ne sont pas balayées par les courants
marins.
Le Rhône est le fleuve de France qui roule en
moyenne la plus grande masse d'eau, entre 2000 et
3000 mètres cubes par seconde. Son débit est quel-
quefois dix fois plus considérable. Mais la rapidité
de la pente (plus de 50 cent, par kilomètre), môme
en dessous de Lynn, le rend impropre à la naviga-
tion à la remonté. Il entraîne, lui ou ses affluents,
des masses énormes d'alluvions arrachées aux
pentes des montagnes, et roule des cailloux qui
encombrent son lit et en rendent la profondeur
très irrégulière. Les eaux s'écoulent trop vite et
se promènent sur un lit trop large pour que cette
profondeur soit jamais considérable. Si le fleuve
grossit au printemps par la fonte des neiges et
FRANCE
808 —
FRANCE
rausedesinondationssouventdésastreuses, àlafin des pentes rapides ou elle entraîne les terres et
rio l'hiver il est souvent trop faible pour porter les cailloux, la Durance s étale, dès quelle est
bueau môme h. la descente. libre, sur un vaste lit c!e galets qui a jusqu'à 2 ki-
iffluent- (lu R/iône. — La Saône, au contraire, lomettes de largeur. Recouvrant dune épaisse
est une rivière tranquille et de débit régulier, qui couche de graviers les champs qu'elle cnvahn dans
oiïre entre Lvon et le centre de la France une ses crues, 'A\n les rend stériles, mais fertilise, par
magnifique li^ne de navigation. Elle naît dans les contre, les terres où les canaux de dérivation con-
monts Fauci'les, descend au sud, reçoit bientôt à : duisent ses eaux chargées d alluvions. Sur sa
.-auche le Coney, qui doit alimenter le nouveau droite, la plaine de Cavaillon forme un jardin
Tanal de l'Est destiné à relier la Moselle etla Saône. | admirable. A gauche, elle alimente les canaux de
Celle-ci coule au sud-ouest vers Gray. où elle Craponne et des Alpines, qui vont irriguer les
devient navi^^able: reçoit à gaucho VOupio», qui Bourlies-dii-Rliône et ramener un peu de verdure
descend du Ballon d'Alsace et sépare ies dépar- sur la Grau, vaste plaine de cailloux que la Durante
lements du Doubs et de la Haute-Saône. La Saône a charriés. De ce côté aussi, la Durance alimente
arrive ensuite à Auxonne, reçoit, à Saint-Jean de le canal de Marseille, qui fournit d'eau cette ville
Losne, VOuche, la rivière de Dijo-, que suit le et les campagnes voisines.
canal de Bourgogne, et à Verdun le Dou/js, dont le \ Le Rhin. — Le Rhin ne coule plus en France
cours est presque aussi long que la Saône entre sa | depuis la perte de l'Alsace Lorraine ; mais notre
source etson embouchure (plus de 400 kilomètres). I pay« lui envoie la Moselk, le plus important de
A Chalon tombe la Dheiaie, qui alimente le canal ses affluents. . ^ . „ „
du Gentre et plus loin, sur la rive gauche, la La Moselle naît sur le versant nord du Ballon
Si'ille qui passe h. Louhans. La Saône passe ensuite d Alsace, descend au nord-ouest par Remiremont
àMâcon Villefranche, Trévoux et Lyon. Sur sa r;ve et Epmal. Entre ces deux villes, la i olog-e lui
gauche 'elle côtoie dans la partie inférieure de son apporte le tribut des lacs de Longemer et de Gé-
cours le plateau des Dombes, pays couvert d'é- mrdwer. A Epinal arrivera bientôt le nouveau canal
tant's qui, alternativement, sont vidés et mis en | do 1 Est, j.dgimnt la Saône par le Coneii avec la
culuire ou remplis à nouveau et empoissonnés. ! Moselle et la Meuse. D'Epmal, la Moselle de>cend
Le Loubs naît près de la frontière de la Suisse, \ au nord, puis tourne à l'ouest, reçoit à gauche le
coule au nord-est, traverse le lac de Saint- Point, Madon, qui vient de Mirecourt, passe à Toul, re-
d.^scend par une cluse à Pontarlier, coule de nou- ' tourne su nord-est jusqu'à Frouard, où elle reçoit
veau au nord-est, franchit au-dessous de Morteau ' la Meurthe. De Frouard, la Moselle descend par
un saut d'une trentaine de mètres, forme frontière ! Pont-à-Mousson vers Metz, où elle reçoit par la
droite la Seille, qui, dans une partie de son cours,
forme frontière entre la France et l'Allemagne. La
Moselle, après avoir traversé Metz, Thionville et
Trêves, se réunit au Rhin, à Goblentz.
La Meurthe naît sur la frontière des Vosges et
de l'Alsace, descend au nord, puis au nord-ouest
par Saint-Dié, Baccarat, Lunéville, où arrive la
Vezouse, qui met en mouvement les usines de
Girey. La Meurthe, que suit dès lors le canal de
la Marne au Rhin, tourne à l'ouest et passe par
Nancy avant de se réunir à la droite de la Mo-
selle.
IV. Etude des frontières de la France. — FnoN-
TiÈHEs MARITIMES. — La Mer du Nord. — La frontière
de la France, sur la mer du Nord, commence à
quelques kilomètres à l'est de Dunkerque et suit
la direction de l'ouest -sud- ouest jusqu'au cap
Gris-Nez, qui s'élève au-dessus du détroit du Pas-
de-Calais. Le rivage de la mer du Nord est formé
de dunes basses et sablonneuses, qui ont vulu son
nom à la ville de Dunkerque. Il n'y tombe que le
petit fleuve de TAa, débouchant dans la mer à
Gravelines, entre Dunkerque et Calais. La pre-
mière de ces deux villes a joué un rôle militaire
^ ^ ^ _ important dans nos luttes contre l'Angleti'rre.
entre le massifduPelvoùx et le Dévoluy, etqui'roçoit } Maintenant c'est un de nos ports de commerce le»
k;i-mème la Romanche, venue de l'Oysans. L'Isère, ' plus fréquentés. Calais, à cause de son voisinage
grossie du Drac, tourne au nord-ouest, puis au sud- de l'Angleterre, est le point de passage généra-
ouest, en débouch:int de la régii n des montagnes ' lement préféré par les voyageurs qui se rendent à
qu'elle continue à suivre par sa rive gauchi'. Elle Douvres.
passe ainsi près de Saint-Marcellin et à Romans, en ' La Manche. — Au cap Gris-Nez commence la côte
recevant dans l'intervalle la Dowbrc, la rivière ' de la Manche. D'abord dominée par les colhnes du
de Pont-cn-Royans, très utile aux irrigations. 1 Boulonnais, elle est génerali^ment sablonneuse, et
La Durance nait au mont Genèvre, descend au ' dirigée du nord au sud jusqu'à l'embouchure de la
sud par Briançon , Mont-Dauphin et Embrun, ■ Sonmie. L'important port de Boulogne, les estuaires
entre la France et la Suisse, puis entre en Suisse,
jusqu'à ce qu'il soit renvoyé par le mont Terrible
vers l'ouest. Rentré en France, il perce le Lomont
vers le nord, reçoit par la droite VAllnine, qui
vient de Montbéliard et que suit le canal du Rhône
au Rhin. A partir de ce confluent, le Doubs des-
cend au sud-ouest par Baume-lcs-Dames, Besan-
çon et Dôle, se grossit, au-dessous de cette ville et
par la gauche, de la Loue, et tombe dans la Saône
à Verdun. A partir de Dôle, le canal venant du
Rhin et qui côtoie le Doubs ou emprunte son lit,
se continue jusqu'à Saint-Jean de Losne vers le
canal de Bourgogne.
L'Isère a, au contraire, un cours torrentiel. Elle
naît dai.s les Alpes Grées à plus de 2000 m.
d'altitude, àoscend par Moutiers et Albertville la
haute vallée ac Tarantaise, entre ies montagnes
qui la renvoient successivement au nord, au sud-
ouest, au nord, puis au sud-ouest. A Chamousset,
l'Isère reçoit par sa gauche l'Arc, qui parcourt la
vallée de Maurienne, empruntée par la route et le
chemin de fer du mont Genis. L'Isère descend en-
suite au sud-sud-ouest à travers l'admirable vallée
du Graisivaudan, reçoit à Grenoble le plus terrible
de ses affluents, le Drac, qui descend du Champsaur,
tourne à l'ouest, reçoit à gauche VUbnye, qui
parcourt la vallée de Barcclonnette ; descend au
si'.d, se grossit à Sisteron du Buech, le plus consi-
dérable de SOS affluents de droite, dont le chemin
<!e for de Marseille à Grenoble emprunte la vallée.
Aux Mces, débouche sur la rive gauche de la Du-
de la Tanche, de l'Anthie et de la Somme, en
forment les traits principaux.
De la Somme à la Seine, le rivage est orienté
au sud-ouest. Entre la Somme et la Biesle, com-
mencent les falaises qui bordent tout le pajs de
Caux. Ce sont des murailles d'une centaine de
. ance la B'/eo?(?ie, la rivière de Digne. Plus bas et ' mètres de hauteur, qui s'élèvent verticalement
du même côté arrive le l'errfo//, qui arrose Castel- au-d'ssus des flots. Constamment battues et dé-
lane,scparelesdépartementsdesBassts-Alpt>setdu molies par les vagues, elles s'éboulent peu à peu,
A'ar, et alimente d'eau la ville d'Aix. A Mirabeau, et tandis que les matières crayeuses entrant dans
la Durance débouche des montagnes. Roulant sur ; leur composition sont entraînées par les eaux, les
FRANCE
— 80D
FRANCE
sileT, qui y forment des couches nombreuses,
sont roulés, arrondis et disposes en cordons régu-
liers de galets tout le long du litr( rai. De distance
»Mi distance, la falaise est entaillée par une vallée,
où s'est bâti un village, ou un port à l'embouchure-de
quelque rivière. Le Tréport, sur la Bresle, Dieppe,
sur la rivière d'Arqnes, Saint-Valery-en-Caux, Fé-
camp, sont les principaux. Entre Fécamp et le
Havre s'avancent le cap d'Antijer et surtout le
cap de la Hève, dont les phares à longue portée
signalent à distance l'entrée de notre grand
port.
Comme port, le Havre jor.it d'un précieux avan-
t.ige. Les courants de marée montante et descen-
dante s'y rencontrent et s'y soutiennent de telle
sorte qu'à chaque marée les eaux restent hautes
pendant près de trois heures, et l'entrée comme la
sortie dos navires de grandeur ordinaire peut avoir
lieu pendant tout ce temps.
Le rivage du Calvados, sur la rive gauche de la
Seine, est sablonneux et bordé de collines d'une
faible élévation. Sa direction générale est de l'est
il l'ouest. Honfleur, à l'embouchure de la Seine,
Trouville et Deauville, à celle de la Touques, Dives,
sont les principaux ports à l'est de l'embouchure de
rOrne. A l'ouest de ce fleuve, la côte est. abitée
par les rochers sur lesquels périt le Calva'Ios,
qui a donné son nom à ces écueils et au départe-
ment.
A l'ouest de la baie d'Isigny et de Carentan,
commence la péninsule du Cotentin, qui s'avance
;ia nord dans la Planche. Le pays de Caux h l'est, le
(lotontin à l'ouest, le Calvados au sud limitent In
haie de la Seine. Le Cotentin, dont la côte orion-
tale est bordée par les rochers de la Hougue, près
d' squefs Tourville perdit une grande bataille na-
vale en l(i92, se termine au nord-est par la pointe
de Barfleur, au nord-ouest par le cap de la Hague.
Lntre les deux se creuse la rade de Cherbourg,
abritée par une digue dont la construction a exigé
ai longs et coîiteux travaux.
Peu de mers sont parcourues par des courants
aussi violents et semées d'autant d'écueils que la
partie de la Manche séparant le Cotentin des îles
anglo-normandes. C'est là qu'on trouve, entre les
îles de Jersey et de Guernesey, le passage nommé de
il Déroute. Ces rivages du Cotentin n'offrent qu'un
petit nombre de ports ; le principal est celui de
Granville. Au sud-ouest du Cotentin s'ouvre la baie
du Mo7it Saint-Michel, dont les immenses grèves se
découvrent au loin à la marée basse, tandis que
les flots battent de toutes parts à marée haute les
murs de l'abbaye -forteresse. A ^cue^t de cette
baie, Cancale est connu par ses pêcheries d'huîtres.
Le rivage de la Bretagne, découpé de nombreuses
sinuosités, se dirige à l'ouest. Les grandes plages
de sable, dominées par des roches granitiques,
bordées de nombreux écueils que les flots ont
détachés du continent, constituent les principaux
caractères de cette côte. Là débouche la Rance.
entre les ports de Saint-Malo et de Saint- Servan, à
l'est, et les bains de Dinaid. à l'ouest. Puis la baie
de la Fresnaye, le cap Frchi 1, la baie de Saint-Brieuc,
les îles nombreuses qui avoisinent le phare de
Bréhat, les estuaires des rivières de Tréguier, de
Lannion, forment les principaux accidents des
C6tes-du-Nord.
Le Finistère n'est pas moins découpé. Du côté
de la Manche, on y remarque le débouché de la
rivière de Morlaix, Saint-Pol de Léon et Roscoff,
puis les nombreux havres ou ports qui ont gardé
les vieux noms bretons d'Aber-Vrach, Aber- Be-
noît, j
Il y a 1200 kilom êtres environ, mesurés le long ;
de la côte, depuis la frontière de la Belgique ,
jusqu'à l'entrée de l'Aïkinlique. j
Il y en a 900 depuis ce dernier point jusqu'à la
Bidassoa. où commence le territoire espagnol.
' U Atlantique. — Le Finistère forme du côté de
l'Océan deux péninsules remarquables : au nord,
celle de YArmorique, terminée par la poi/i^e Saint-
Mathi'u; au sud, celle de Curnouailles, dont la
pointe du Raz est le point le plus avancé vers l'oc-
• cident. L'île d'Ouessa?it, séparée du continent par
le passage du Four, qui est semé d'îlots et
d'écueils, prolonge au large la péninsule armori-
I caine. L'île de Sein, l'ancien .«éjour des druidesses
] chnrgées par leurs prières et leurs sacrifices de
calmer les flots en furie, forme de même une vigie
avancée de la pointe du Raz. Entre les deux pointes
de Saint-Maihieu et du Raz s'étend le golfe de
Ylroise, qui aboutit à la rade de Brest et à la baie
de Duuarnt'Tiez, séparées l'une de l'autre par la
presqu'île de Crozon.
La rade de Brest, dont l'entrée étroite ou goulet
est hérissée de forls, fornip un des plus beaux
j ports du monde. Après Toulon, c'est le plus grand
arsenal militaire de la France. Là débouchent la
Penfeld, bordée d'établissements de la marine,
l'Elorn ou rivière de Landerneau, l'Aulne qui vient
I de Châteaulin.
I La baie de Douarnenez, très pittoresque avec
ses roches, ses grèves, ses douze cents hameaux
! de pêcheurs, ses eaux constamment sillonnées par
! les bateaux qui y poursuivent la sardine, a été
j comparée à la baie de Naples.
La baie d'Audiei ne, qui borde la presqu'île de
! Cornouailles au sud-ouest, entre la pointe du Raz
[ et la pointe de Penmarch, est constamment
battue par les flots. C'est près de la pointe du Raz
qu'on trouve la petite baie justement nommée baie
des Trépassés.
A la pointe de Penmarch, le rivage se recourbe
à l'ouest. Les îlots de Glenans couvrent le dé-
bouché de l'Odet, rivière de Qnimpcr, et la baie
de la Forest avec Concarneau, dont les habitants
se livrent à la pèche de la sardine et ont de su-
perbes parcs à poissons. Plus loin, l'île de Groix
défend l'entrée du Blavet, sur lequel est Lorient,
préfecture maritime avec son annexe Port-Louis.
Après le çolfe profond et étroit de ÏEtel, le rivage-
projette la presqu'île de Quibei on, qui rappelle un
triste épisode des guerres de Vendée et semble
donner la main à la grande île de Belle-Ile, qui la
prolonge au sud. A l'est de Quiberon s'ouvre la
rivière d'Auray, puis le golfe du Morbihan, rempli
de parcs aux huîtres et que la presqu'île de Buiz
sépare de l'esiuaire de la Vilaine. Entre Belle-Ile
et la Vilaine, s'élèvent les îles de Houat et Haédic.
La côte descend au sud jusqu'à la pointe du
Croisic, qui limite au nord le chenal de la Loire.
Là s'étendent les salines du Croisic et du Pouli-
guen, et plus à l'est s'ouvre le port de Saint-Na-
zaire, l'avant-port de Nantes. La pointe de Sai>it-
Gildas limite au sud l'estuaire de la Loire et le
sépare de la baie de Bowgieuf. Celle-ci est abritée
du large par l'île de Noirmoutiers, qui n'est séparée
du continent que par un goulet étroit et assez
peu profond pour être passé à sec à marée basse.
La côte sablonneuse de la Vendée court directe-
ment au sud-ouest. En face d'elle s'élève l'ile
à'Yeu. Les alluvions et plutôt encore le soulève-
ment du sol ont comblé peu à peu l'ancien golfe
de Poitou, dont l'anse de Y Aiguillon, où débouche
la Sèvre niortaise, forme aujourd'hui le dernier
reste. A partir de cette baie, le rivage français
descend directement au sud jusqu'à l'embouchure
de la Bidassoa. Devant la côte de la Charente-In-
férieure s'étendent les deux grandes îles de Ré et
à'Ulénm. Le Pertuis breton sépare la première du
port de la Rochelle.
Le Permis d'Antioche passe entre les deux îles
et conduit à l'embouchure de la Charer.te, dont
l'îlot à'Aix défend l'entrée. Entre l'île d'Oléron et
Marennes, le Pertuis de Maumussoti est parcouru
par des courants violents.
FRANCE
— 810 —
FRANCE
La pointe de la Coubrp, au nord, la pointe de
Grave, au sud, limitent l'estuaire de la Gironde, !
dont la Tour de Cordouan éclaire au loin le chenal
d'entrée. A partir de la pointe de Grave commence
le rivage des Landes, couvert de dunes sablon-
neuses qui reculeraient incessamment devant les
flots et empiéteraient sur le continent, sans l'-s
plantations de pins maritimes avec lesquelles on
est parvenu à les fixer. Derrière ces dunes, les eaux
se ramassent en étangs que d'étroits canaux dé-
versent ensuite à travers les dunes dans l'Océan.
'Vétanq de Carcans et celui de Locannu sont au
nord du bassin d'Arcachon, qui communique avec
l'Océan par un chenal maritime. Ce bassin est
bordé de parcs pour élever les huîtres, et les fo-
rêts de pins, dont il est entouré, en rendent le
séjour très sain pour les malades en hiver, et
oflrent des ombrages en été aux étrangers qui y
viennent prendre des bains de mer. Au sud d'Ar-
cachon sont les étangs de Cazau, de Biicarosse,
^' Aureilhan et quelques autres plus petits.
Aucun port ne s'ouvre sur cette côte des Landes
battue par les vents violents du golfe de Gasco^/ne.
Le Vieux-Boucau a servi d'embouchure à l'Adour
pendant trois cents ans, avant que les travaux de
Louis de Foix l'eussent rejeté dans son lit actuel, h
la fin du XVI' siècle. Avant de suivre le chenal du
Vieux-Ecucau, l'Adour débouchait plus au sud dans
la fosse du Cap Hreton, dont les eaux profnndes
ofi'rent encore un bon abri aux navires, à une
dizaine de kilomètres au nord de l'embouchure
actuelle. Au sud de cette dernière, le rivage fran-
çais se relève avec les rochers de Biarritz, et se
recourbe au sud-ouest à partir de Saint-Jean-de-
Luz pour finir sur la rive droite de la Bidassoa.
La Méditerranée. — Le rivage français sur la
Méditerranée a ()25 kilomètres de développement.
Entre les Pyrénées et les Bouches-du-Rhùne, il
«st caractérisé par des cordons snblonneux de peu
de largeur, qui séparent de la Méditerranée dos
-étangs salés, et que les courants y ont déposés en
courbes régulières, de manière à faire empiéter
progressivement le rivage sur les flots. L'étang de
Saint-Nazaire, entre le Tech et la Tet, ceux de
Levcate et de Sijean, entre l'Agly et l'Aude, ceux
■de Thau, de Mngiielonne, de Maw/uio, entre
l'Hérault et la branche occidentale du Rhône, sont
les principaux de ces étangs, qui communiquent
avec la mer par des graus ou étroits passages. La
ville de Narbonne communique par le canal de la
Robine, qui traverse l'étang de Sijean, avec le
port de la Nouvelle. Entre l'Aude et l'Hérault,
î'Orb débouche dans la mer en dessous de Béziers.
La miintagne volcanique d'Agde se dresse à l'em-
bouchure de l'Hérault. Le cordon littoral qui sé-
pare l'étang de Thau de la Méditerranée porte le
chemin de fer du Midi et la ville de Cette, qui
forme le port français de la Méditerranée le plus
commerçant après Marseille.
Toute cette région éprouve un soulèvement gé-
néral, et telle ville qui fut autrefois un port actif,
comme Narbonne sous les Romains ou Aigues-
Morte au temps de Saint-Louis et des croisades, se
trouve maintenant à plusieurs kilomètres à l'in-
térieur des terres.
Entre les deux grandes branches du Rhône, Vile
de la Camargue est en grande partie occupée jiar
les étangs ou des pâturages marécageux et salés.
La population s'enfuit de ce séjour hanté par
la fièvre, et dont le sol est encore trop salé
pour produire de riches récoltes. A l'est du
tirand Rhône, le golfe de Fos, aux eaux profondes
et tranquilles, reçoit le canal Saint-Louis, qui se
joint au fleuve en amont de la barre. Le rivage
redevient montueux au cap Couronne , se re-
courbe du nord au sud devant la rade de Marseille^
•que les îlots du château d'If, de Pomègue et Ra-
tonneau abritent contre les vents de l'ouest, puis
tourne à l'est et au nord-est en formant plusieurs
promontoires escarpés. Au pied du bec de l'Aigle
s'ouvre le port de la Ciotat. Derrière le cap Si-ié
s'étend la rade de Toulon, notre premier port mi-
litaire, avec la Seyne et ses grands établissements
de constructions maritimes. La rade d'ilypres est
enveloppée par la presqu'île de Giens, à l'ouest,
les îles Porquerolles, Port-Crns et du Levant, au
sud, dont l'ensemble forme les iles d'Hyéres. Au
pied des montagnes des Maures, le petit golfe de
Saird-Tropez est fréquenté par les pêcheurs de
corail, de thon et d'anchois. A l'embouchure de
l'Argens, le golfe de Fréjus était la station princi-
pale de la flotte romaine sur les côtes de la Gaule.
Aujourd'hui la ville est à i kilom. dans l'intérieur
des terres. C'est plus loin, autour de Nice, que la
foule se porte de nos jours pour trouver un séjour
d'hiver favorisé par un doux climat, un ciel serein,
des paysages riants et embaumés par une végéta-
tion luxuriante. Cannes, sur le golfe de la Na/'Oute,
vis-à-vi? des f/e* de L^rins. le golfe Jnunn, où dé-
barqua Napoléon revenant de l'île d'Elbe, Antibes,
ne semblent former qu'une seule rue bordant le
littoral d'une suite ininterrompue de villas et
d'hôtels. A l'est du Var, qui marquait la frontière
française jusqu'en 18G0, Nice est à la fois une
grande ville commerçante et le séjour préféré des
Anglais. Villefranche a une rade profonde où
stationnent généralement des navires de guerre
étrangers. Monaco, qui forme enclave dans le ter-
ritoire français, attire les étrangers par sa maison
de jeu et ses fêtes, qui constituent le principal
revenu du souverain de cet Etat minuscule. Enfin
Menton, que la France lui a acheté en 18()0, est
tout entouré de bosquets de citronniers, des fruits
desquels on fait un commerce immense, et offre
aux malades le climat le plus doux peut-être de tout
le littoral.
l'"R0NTii:RES DE TERRE. — Lps Pyrénécs. — Au sud,
la frontière qui .'^épare la France de l'Espagne sur
une longueur d'environ ô7(i kilomètres, commence
1 par suivre la Bidassoa; puis s'appuyant sur la
montagne de la Rhune, au sud de Saint-Jean-de-
Luz, elle décrit une grande courbe entre 1 1 Bidas-
soa et la Nive, avant de rejoindre la haute chaîne
des Pyrénées occidentales. Elle suit, à très peu de
chose près, la ciète de cette chaîne jusqu'au pic
de Néthou, puis tourne au nord entre le val
d'Aran et la vallée de Luclîon, traverse la Garonne
au Pont-du-Roi, et suit dès lors la chaîne des Py-
rénées orientales. A la limite des départements de
l'Aiiège et des Pyrénées-Orientales et du Val d'.\n-
dorre, la frontière descend au sud dans la vallée
de la Sègrc et donne ainsi h la France une partie
du versant espagnol de la Cerdagne. Par contre,
I le teri'itoire espagnol de Livia est entièrement en-
j clavc dans le département français des Pyrénées-
' Orientales. Le fort de Mont^ouis, dans la haute val-
j iée (lu Tet, défend le passage du col de la Perche
' parcouru par la route de Perpignan â Lerida A l'est
I de la vallée de la Sègre, les Albères forment la fron-
tière naturelle jusqu'au cap Cerbère, sur la Mé-
diterranée.
Le Val d'Andorre forme une république indé-
pendante enclavée entre la France et l'Espagne.
Tout entouré de hautes montagnes, ce pays est
arrosé par la Balire, tributaire de l'Ebre par la
Sègre. .'^a superficie est de GnO kilomètres carrés,
sa population de lO â VI 000 habitants. Les pâtura-
ges, du minerai de fer et des eaux thermales consti-
tuent, avec la cotitrebande, toutes les ressources
des habitants, que leur constitution place depuis
plusieurs siècles sous la suzeraineté collective du
gouvernement français et de l'évêque espagnol
d'Urgel.
Les Alpes. — Au sud-ouest, depuis Menton jus
qu'à un point de la grande chaîne des Alpes voi-
sin de la source de la Vésubie, tributaire du Var
FRANCE
811 —
FRANCE
la frontière séparant la France de l'Italie traverse
suivant une ligne de convention les montagnes et
les vallées qui servent de contreforts au grand
massif alpin. Depuis là jusqu'au mont Blanc, la
frontière suit constamment la crête, décrite à l'ar-
ticle Alpes, qui sépare les affluents du Pô, à l'est,
de ceux du Rhône, à l'ouest. A partir du mont Blanc,
la frontière, entre la France et le Valais suisse,
suit la crête qui sépare les affluents directs du
Rhône, à l'est, et ceux de la Dranse de Thonon, ou
de l'Arve, à l'ouest. Elle tombe sur le lac de Genève
à Saint-Gingolph, passe par Evian, Thonon, Yvoire,
puis enveloppe le canton de Genève, traverse le
Rhône, et va gagner le Jura, entre Saint-Claude
(Jura) et Nyon (canton de Vaud). La frontière dite
des Alpes a 720 kilomètres entre Menton et Ge-
nève.
Le Jura. — La frontière du Jura a 290 kilomè-
tres environ entre Genève et Belfort. Elle suit
le Haut Jura, puis le cours du Doubs, entre les dé-
partements du Jura et du Doubs et les cantons de
Vaud, Neuchâtel et Berne, laisse le Doubs décrire
le coude de Sainte-Drsanne en territoire suisse,
passe entre Montbéliard et Porrentruy, traverse la
trouée de Belfort entre le bassin du Doubs et i
celui du Rhin, et atteint les Vosges au Ballon
d'Alsace. j
Les Vosges et la frontière du nord-est. — La
limite entre la France et l'Alsace, depuis 1871,
suit la crête des Vosges jusqu'au mont Donon sur
une longueur de 150 kilomètres, puis tourne au
nord-ouest entre la Sarre et la Vesouze, affluent
droit de la Meurthe. Elle traverse, à Avricourt, le
chemin de fer de Paris à Strasbourg, gagne la Seille,
passe sur la rive gauche de la Moselle, tourne au
nord, entre Metz et Briey, et atteint le territoire
du Luxembourg, près de la source de l'Alzette. 11
y a '2'lh kilomètres entre le mont Donon et la fron-
tière du Luxembourg. La France ne touche le
Grand Duché que sur 13 kilomètres.
Près de Longwy commence la frontière belge, qui
se continue jusqu'à Dunkerque sur une longueur de
550 kilomètres et qui est toute de convention, cou-
pant les cours d'eau et les plateaux au lieu de s'y
appuyer. C'est pour défendre la France de ce côté
qu'on a élevé les places fortes de Montmédy, sur
le Chiers; Sedan (aujourd'hui démantelé), Mezières
et Givet, sur la Meuse ; Rocroy. sur le plateau des
Ardennes ; Maubeuge et Landrccies, sur la Sambre ;
Cambrai, Bouchain, Valenciennes et Condé, sur
l'Escaut ; le Qucsnoy, entre ces deux cours d'eau ;
Lille, sur la Deule ; Douai et Arras, sur la Scarpe ;
Aire et Saint-Venant, sur la Lys ; Bergues, Dun-
kerque, Calais et Gravelines, près de la mer, qui
ont eu à subir tant de sièges et ont vu tant de
combats livrés sous leurs murs.
V. Climat. — Les vents. — Située à égale distance
du pôle et de l'équateur, la France est soumise à la
double influence des vents échauffés dans la région
cquatoriale etdes vents glacésdupôle.Les premiers,
s'élevantà cause de leur température, tendentà être
remplacés par les vents froids que leur plus grande
densité rapproche de la terre. Mais en s'éloignant
vers le iiord.les vents du sud conservent la vitesse de
rotation du globe à l'équateur dans le sens de l'ouest
à l'est, plus rapide que celle des parallèles plus
septentrionaux. Ils s'inclinent donc vers l'est. Par
contre, les vents polaires s'inclinent à l'ouest. Notre
pays est donc normalement soumis à un double
■courant de vents chauds venant du sud-ouest- et de
vents froids venant du nord-est. Mais cette régu-
larité est singulièrement troublée par une foule de
circonstances locales, les obstacles qu'opposent les
montagnes au passage des vents, et les difiTérentes
modifications qu'apportent à la température d'un
lieu et à la circulation de l'air, l'altitude, l'exposi-
tion, le voisinage de la mer ou des montagnes
chargées de glaciers. Dans toute la partie occiden-
tale de la France, les vents de l'ouest et du sud
ouest l'emportent en fréquence sur les vents du
nord-est. Les premiers, pompant sur l'Atlantique
de grandes masses de vapeurs, viennent se conden-
ser à leur arrivée sur nos côtes, plus froides que
les régions dont ils sont issus. Ils nous amènent la
pluie, tandis que les vents du nerd-est sont froids
et desséchants. Les vents du sud-ouest perdent de
leur humidité à mesure qu'ils s'éloignent de la
mer, et donnent de moins en moins de pluie;
toutefois, à la rencontre des montagnes encore plus
froides que nos côtes, ils éprouvent une nouvelle
condensation et c'est là que le sol est le plus for-
tement arrosé.
Les pluies. — La moyenne de la pluie en France
est de 80 centimètres par an. C'est ce que re-
çoivent les Landes, par exemple. La quantité d'eau
de pluie n'est plus que de 50 à GO centimètres
dans le bassin moyen de la Loire et de la Seine
plus éloigné de l'Océan, de 40 à 50 centimètres
dans la Champagne Pouilleuse, qui est la région la
moins arrosée de la France. Dans les Pyrénées,
au contraire, il tombe 1™,50, l'",80, et jusqu'à
2 mètres sur certains points des Cévennes.
Le bassin du Rhône. — Dans le bassin du Rhône,
à l'est de ces dernières montagnes, le régime des
vents change. Le mistral, qui se glace sur leurs
Sommets, souffle avec violence du nord-ouest sur
le Comtat et les Bouches-du-Rhône pendant une
grande partie de l'année. Cette région reçoit aussi
du nord-est les vents froids des Alpes, et, en sens
inverse, le vent brûlant qui apporte le sable du
Sahara par-dessus la Méditerranée, le sirocco.
Saison des pluies. — La saison des pluies varie
aussi dans les différentes régions. C'est pendant
l'hiver qu'il pleut en abondance sur les côtes de
l'Atlantique. L'est et le centre de la France re-
çoivent de la pluie au printemps et en été, tandis
que dans le midi il ne pleut généralement pas avant
l'automne, sauf dans les régions montagneuses.
Les températures. — La température moyenne
de la France est de 11" centigrades. La diagonale
(iui traverse la France depuis Nice jusqu'à la baie
d'Isigny la partage en deux parties : au nord- est,
une région plus froide que la moyenne; au sud-
ouest, une région plus chaude. C'est principalement
à cause de l'influence de l'Océan et du Gtdf Stream
qui en réchauffe les eaux, que dans l'ouest de la
France la température moyenne est plus élevée
que dans l'est à latitude égale. Les lignes iso-
tliermes descendent ainsi vers le sud, de l'ouest à
l'est, d'autant plus fortement qu'elles se rappro-
chent d'un massif de montagnes refroidissant la
température, s'élèvent au contraire vers le nord
dans la vallée de la Loire ouverte aux vents
d'ouest, et dans celle de la Saône tournée vers la
Méditerranée.
On sait que la température d'un pays s'élève
quand on avance vers le sud, à cause de l'incli-
naison moins forte sous laquelle le soleil échauffe
le sol. Mais elle diminue à mesure qu'on s'élève
au-dessus du niveau de la mer. On a calculé
qu'une augmentation de 140 mètres dans l'altitude
correspond dans notre pays à un rapprochement
de 1° vers le pôle, comme cause diminuant la tem-
pérature moyenne. Tandis qu'au pied du mont
Venioux l'olivier mûrit ses fruits dans les plaines
du Comtat, le sommet, à 190i) m. d'altitude, ne
porte plus que les herbes de la Finlande.
Les points de la France où la température
moyenne s'élève le plus sont les environs de Nice,
placés en espalier sur le bord de la Méditerranée
et abrités des vents du nord par les Alpes. Les
régions les plus froides (en dehors des montagnes)
sont en Lorraine, loin- de l'influence de la mer.
Ce ne sont pas les points soumis à des hivers
également rigoureux et à des étés également
chauds, qui offrent la même température moyenne.
FRANCE
— 812 —
FRANCE
La ligne isochimène moyenne, qui passe par tous
los points où la température moyenne de liiiver est
aussi la moyenne de l'iiiver de toute la France
(_|- G» centigrades), est beaucoup plus inclinée sur
L's parallèles que la ligne isotherme moyenne. Au
lieu d'aller d'Isigny à Nice, elle descend du Pas-
de-Calais vers Caen, passe entre Blois et Orléans,
descend au sud, en laissant au nord-est le massif
central, coupe la vallée du Rhône en dessous de
Lj'on et gagne la Casse Provence.
La ligne isolhère moyenne, au contraire, qui
passe par les points où la température moyenne
de l'été (-|- 18°) correspond à la moyenne de toute
la France, suit à pou de chose près le parallèle
qui va de l'embouchure de la Loire à Bâle, en
laissant au nord la Sologne, refroidie par ses
étangs, et le Morvan, refroidi par son altitude et
ses forêts.
Division de la France en pégions climatérioues.
— C'est d'après le régime des vents, des pluies,
d'après la distribution et le degré des températures
qu'on a partagé la France en sept climats différents.
Climat armoricain. — Le climat armoricain com-
prend la Bretagne, dont il porte le nom, la \orman
vents y sont violents et y amènent de la pluie
pendant l'automne sur le versant occidental, pen-
dant l'été sur le versant septentrional.
Zo'ies rie l'iiranger, de l'olivier, du mais, de la
vigne. — On peut également partager la France
en zones susceptibles de produire telle ou telle
plante. Au midi la zone de l'oranger, où les oran-
ges et les citrons mûrissent en pleine terre, ne
comprend qu'une étroite bande de littoral autour
de Perpignan à l'ouest, d'Hyères et de Menton,
à l'est du Rhône.
L'olivier ne produit également de fruits qu'à une
petite distance de la Méditerranée. Les Corbières
et les Cévennes limitent à l'ouest et au nord-ouest
cette zone, qui remonte la vallée du Rhône jusqu'à
Viviers et Donzère, celle de la Durance jusque
vers Sisteron, et suit le pied des Alpes.
Le maïs et la vigne ont aussi besoin de chaleur
pour venir à maturité. Ces deux plantes, par con-
séquent, craignent le voisinage de l'Océan, qui
modère los chaleurs de l'été et surtout celles de
l'automne. Aussi la limite septentrionale de Id
zone du mais, partant de l'Océan vers l'embou-
chure de la Sèvre nantaise, remonte-t-elle'au nord
die une petite partie de la Picardie, le Maine^ la en s'éloignant de la mer. Le mais mîirit en Tou-
Touraine et l'Anjou. Il est caractérisé par l'influence [ raine et même en Alsace ; en Franche Comté, il forme
très grande du voisinage de la mer. Les pluies y une des bases importantes de l'alimentation. Le
sont très fréquentes et occupent près de la moitié plateau central est naturellement trop froid pour
des jours de l'année, sans tomb.^r en averses con- cette culture.
sidérables. Les froids de l'hiver sont modérés par , La vigne s'étend plus au nord que le mais. On
l'influence de l'Océan, et des plantes délicates, qui n'en trouve pas en Bretagne, au nord de l'embou-
ne sauraient supporter la gelée, y poussent en ' chure de la Loire; mais il y en a au nord de Paris
pleine terre. Les chaleurs de l'été ne sont pas trop jusque sur la montagne de Laon, en Champagne
fortes. Cette région renferme les plus beaux lier
bages naturels de la France.
Climat séqwmien. — Le climat séquanien, qui
comprend le bassin de la Seine en amont de
Rouen, la Picardie, la Flandre et l'Artois, et une
partie de la Champagne, a des hivers plus rigou-
reux, des étés plus chauds que la région armo-
ricaine.
Climat vosgien. — A l'est de la France, sous le
climat vosgien, il tombe beaucoup de neige pon-
dent les vins sont renommés, et en Lorraine.
VL Géographie agricole. — Régions agricoles.
— Pour les cmcours agricoles, la France est par-
tagée en treize régions, où les départements sont
groupés d'après leur voisinage, leur climat, la na-
ture de leurs cultures principales.
CÉnÉALES ET C0LTCRLS ANNEXES. — Le froment.
— La base de l'alimentation en France, c'est le
blé, dont le froment constitue l'espèce la plus es-
timée. Le nombre d'hectares ensemencés en fro-
dant l'hiver, les étés sont brûlants ; les v'ents [ ment et le rendement moyen de cette cultur'3 ont
d'ouest, déjà desséchés depuis l'Océan, n'amènent constamment augmenté dans notre pays depuis le
pas beaucoup de pluies. Mais la bise du nord-est, ! commencement de ce siècle. La récolte moyenne
en abaissant brusquement la température, con- 1 dépasse aujourd'hui 100 millions d'hectolitres, pro-
dense l'humidité à>: l'atmosphère en pluie pendant duits par G millions et demi d'hectares. Cette cul-
i'été, en neige pendant l'hiver. ture s'étend sur les terres riches dans toute la
Climat ■'•h0'/anie7i. — Le climat rhodanien corn- France. Mais ce sont les départements du Nord et
prend le bassin du Rhône au-dessus de Viviers. [ de l'Aisne, la Beauce, la Brie, le pays de Caux en
La température y est très variable, suivant que Normandie, l'Anjou, la vallée de la Garonne, la
le vent souffle du sud, ou au contraire du nord Limagne en Auvergne et en Bourbonnas, qui
et des m niagnes. Il tombe beaucoup de neige et J offrent à la fois le plus d'hectares cultivés propor-
de pluie sur les Alpes, les Cévennes, le Jura, qui tionnellement à leur superficie et le rendement le
forment la ceinture du bassin. Les orages sont ' plus considérable.
fréquents aux moments où se rencontrent des cou- 1 Le seigle. — Le seigle convient aux terres froi-
rants atmosphériques opposés. La végétation est des, sablonneuses. 11 occupe surtout le massif
très active partout où s étend l'irrigation. central de la France, à l'inverse du froment. On
Climat méditerra7iée?i. — An sud de cette région,] en récolte de 25 à 30 millions d'hectolitres, sur
'e climat méditerranéen comprend la Provence, 2 millions d'hectares.
le Comtat Venaissin, la plaine du bas Languedoc
et du Roussillon Cette région est caractérisée
par l'ardeur du soleil, l'élévation de la tempéra-
ture. Malgré la rareté des jours pluvieux, le sol
reçoit sous forme d'orages une quantité de pluie
suffisante pour être très fertile.
Llimnt girondin. — Le climat girondin, qui rè-
gne sur les bassins de la Garonne, de l'Adour, de
Lorge. — L'orge occupe 1 million d'hectares
dont le produit s'élève à 20 millions d'hectolitres.
On le cultive principalement dans les pays du
nord et de l'ouest, qui, ne récoltant pas de vin,
boivent de la bière ou du cidre. L'orge est consommé
par los brasseurs ou est donné aux animaux.
On ne s'en sert presque plus pour faire du pain.
Lavoine. — L'avoine réussit surtout dans le nord
la Charente, et sur le Poitou, est exposé à l'in- de la France, où elle trouve l'humidité nécessaire
fluence maritime comme le climat armoricain, à son développement et est principalement consom-
i\lais les pluies y sont généralement moins abon- [ mée par les chevaux. La récolte totale est les trois
dantes que dans celui-ci, et le soleil y a beaucoup quarts de celle du froment, soit 75 millions d'hec-
plus d'ardeur. Les étés y sont chauds. j tolitres sur 3 millions et demi d'hectares. Quelques
Chma' central. — Le plateau central de la ' ré;;ions isolées, comme les montagnes du Tarn,
rrance a un climat particulier et plus rude que produisent aussi beaucoup d'avoine avec laquelle
celui des régions qui l'entourent. La neige y cou- on élève une grande quantité de volailles.
vre le sol pendant plusieurs mois du l'année. Les , Le maii. — Le mais est cultivé en grande quaa-
FRANGE
— 813
FRANGE
au pied des Pyrénées, autour de Pau, de Ton-
se et de Bordeaux, et dans la Franche-Comté. I!
tité
louse
sert à l'alimentation des hommes, à l'engraisse-
ment des porcs et de la volaille. Coupé en vert, il
donne un très bon fourrage, qu'on peut même con-
server en silos pour le faire consommer pendant
l'hiver.
Le sarrasin. — Dans les pays à sol très pauvre,
mais à climat humide, comme la Bretagne, le massif
central, la Sologne, on cultive encore du sarrasin,
dont les hommes se nourrissent, qu'ils donnent
à la volaille, ou qu'ils enfouissent comme engrais.
La p Jinme de terre. — Après le blé, c'est la
pomme de terre qui sert le plus à l'alimentation
des paysans en France. On en récolte de 100 à
150 millions d'hectolitres, dans la région du nord-
est, où Epinal est le principal marché aux fécu-
les de France, dans le nord, les départements
qui avoisinent Paris ou Lyon, la vallée de la Basse-
Loire, l'Auvergne, le Poitou.
Les légumes. — Les légumes croissent dans les
terrains naturellement humides ou arrosés. C'est
autour de Paris, où l'approvisionnement de la
ville exige beaucoup de légumes, qu'on trouve
le plus de maraîchers. Ils ont là de l'engrais en
abondance, et, avec baaucoup de travail, ils tirent
de leur sol une masse énorme de produits qui
se succèdent rapidement les uns aux autres. Le
long des côtes humides de l'Océan et de la
Manche on cultive aussi beaucoup de légumes.
Bordeaux approvisionne Paris de primeurs. Xantes
fabrique beaucoup de conserves de légumes. Les
jardiniers de Roscofif, dans le Finistère, sont célè-
bres par 1' urs produits, qu'ils envoi nt à Paris ou
en Angleterre, comme on le fait aussi à Saint-Malo,
dans la Normandie, en Flandre et en Artois.
Soissons dans l'Aisne est connu par ses haricots
secs, Avignon par ses lentilles.
La bettei aie. — La betterave, qui sert à la
nourriture des animaux plus qu'à celle des hommes,
est principalement cultivée pour la production du
sucre. Cette fabrication, exigeant des usines consi-
dérables, ne s'est encore établie que dans les dépar-
tements les plus riches du nord de la France, le
Nord, l'Aisne, le Pas-de-Calais, la Somme, l'Oise,
Seine-et-Marne, Seine-et-Oise, Seine-Inférieure.
Les prairies. — Les bestiaux qui produisent la
viande se nourrissent dans des pâturages. On dis-
tingue les prairies naturelles, où Ihumid.té du
sol est suffisante pour qu'il produise de l'herbe
d'une manière continue, et les prairies artificielles,
où les herbes fourragères sont semées pour un
petit nombre d'années sur une terre précédem-
ment labourée.
Les pays de la France les plus riches en prairies
naturelles sont la Bretagne et la Normandie, où la
verdure est entretenue par les brouillards et le
voisinage de la mer; le plateau central, arrosé par
les orag s, les vallées de la Saône, de la Loire, de
la Garonne, les pentes des Pyrénées et du Jura, les
sommets des Vosges, la Flandre maritime récem-
ment conquise sur la mer.
Les prairies artificielles accompagnent les riches
cultures de la Normandie, de l'Ile-de-France, de
la Picardie, de l'Orléanais, du Maine, de l'Anjou,
de l'Ibère.
On estime que les prairies artificielles couvrent
2 200 000 hectares en France, et les prairies natu-
relles un peu moins du double.
Landes et pâtii. — Six mildons d'hectares restent
en outre à l'état de pâtis ou de landes fournissant
nn pâturage aux animaux, mais improj^res à être
fauchés pour donner du fourrage. Ou trouve ces
landes, en partie couvertes de bruyères, dans le
département français auquel elles donnent leur
nom ; en Bretagne, dan^ les Cévennes, sur les
pontes des Pyrénées, en Sologne.
Bétail. — Races bovine^. — Les vaches et les
bœufs élevés pour leur laitage ou leur viande se
distinguent en plusieurs races difTcrentes. Pour la
boucherie, ce sont l^s bœufs du Nivernais et de la
Normandie qui occupent le premier rang. Les
premiers sont généralement de race charolaise à
robe blanche. Les vaches normandes sont meilleures
laitières ; elles fournissent le beurre disigny et du
Bessin, dont le commerce est considérable, et celui
de Gournay dans le pays de Bray ; les fromages de
Camembert, Livarot, Pont-l'Evèque, en Basse-Nor-
mandie, de Neufchàtel et de Gournay dans la
Haute-Normandie. La race flamande fournit aussi
beaucoup de lait et de beurre. La race bretonne
se distingue des précédentes par sa petite taille
et sa sobriété, réunies néanmoins à un ■ grande
puissance laitière. Le beurre de Bretagne, notam-
ment celui de la Prévalaye, est trè.s estimé.
La race rouge de Salers, en Auvergne, les races li-
mousine et du Mézenc, au pourtour du plateau
central, nai-sent sur les pâturages naturels de la
montagne et sont ensuite engraissées pour la bou-
cherie dans les pays plus riches, notamment dan^
l'Anjou où les bœufs de Cholet sort renommés. Le
fromage du Cantal forme une grande partie de
1 alimentation des Auvergnats. En Franche-Comté,
les vaclies, qui se rapprochent des espèces trapues
de la Suisse, donnent des from;iges dits de Gruyère.
Les races des Pyrénées, des Vosges, des Ardennes
sont bonnes pour le trait. Dans les Vosges, on
fabrique le fromage de Gérardmer.
Il y a en tout Ï'I millions de bètes à cornes en
France.
Races ovines. — Les moutons sont deux fois plu5
nombreux. A l'inverse des bœufs, l'humidité ne leur
convient pas. Aussi les élèvc-t on dans les monta-
gnes et sur les pâturages secs de la plaine, dans les
plaines de la Champagne, de llle-de France et du
Berry, dans le bassin méridional du Rhône, dans
les Cévennes et au pied des Pyrénées. Au nord di-
la Loire, on se nourrit généralement de bœuf comme
viande ue boucherie ; au midi, c'est le m >uion qui
domine. On a introduit en France des espèces de
laine fine, des mérinos, pour exploiter l'animal au
point du vue de la laine comme à celui de la viande.
Mais la concurrence des laines étrangères fait qu'on
se porte plus spécialement maintenant su ■ les es-
pèces propres à l'engiaissemeut. En général, les
petites races de Sologne et des montagnes, nourries
sur les landes ou dans des pâturages aux herbes
aromatiques, fournissent de la viande plus délicate
que les grosses races. La race de Larzac, entre
Millau et Saint-Afl'rique, donne du lait avec lequel
on fabrique le fromage de Roquefort.
L'Etat possède des bergeries modèles destinées
à l'amélioration des races, à Rambouillet et à
Montcavrel (Pas-de-Calaisj, comme il possède une
vacherie modèle à Corbon (Calvados).
Rac-^s porcines, — On élève des porcs dans toute
la France, à cause de la facilité avec laquelle ils se
nourrissent, de la rapidité de leur engraissement,
de la nourriture substantielle que leur viande pro-
duit, de l'aptitude à la salaison et à la conserva-
tion qu'elle présente. Il y a en France 5 millions
de porcs, principalement dans les pays où le lait
abonde, la Bretagne, ia Normandie, la Picardie, la
Lorraine, le Maine, le Poitou, le Limousin, le Pé-
rigord, le Bourbonnais, la Bourgogne, le Lyonnais,
le Vivarais, l'Albigeois.
Les chèvres, — Les chèvres sont des animaux
de montagnes, mais elles y commettent de grands
ravages, quand elles sont trop nombreuses. La
région où elles abondent le plus en France est
autour de Lyon, où elles fournissent le fromage
estimé i.u Mont Dore. On en trouve aussi dans
presque tous les pays pauvres, où il n'y a pas de
vaches de petite taille, le Berry, le Roussillon, la
Savoie, le comté de Nice. Il y en a en tout 1 ôOO OOu
dans notre pays.
FRANCE
— 814 —
FRANCE
Les volailles. — Les volailles sont répandues
sur tout notre territoire. Dans la Flandre, l'Artois,
la Picardie, la Normandie, abondent les poules,
dont on exporte les œufs en grande quantité pour
l'Angleterre. Le Maine et la Bresse sont renom-
més pour leurs volailles grasses La vallée de la
Garonne, le Poitou, l'Anjou, le Berry, ont des trou-
peaux de dindes et d'oies. Les canards viennent
de Rouen et de la vallée de la Saône, les pigeons
de celle de la Garonne. C'est avec du foie gras
d'oies que l'on fabrique les pâtés de Toulouse.
Le miel. — C'est en Bretagne que l'on récolte le
plus de miel, mais le meilleur comme qualité
vient des forêts de Savoie et du Jura, où abondent
les sapins ou les mélèzes. Le miel de Narbonne,
celui du Gâtinais (Montargis sont renommés.
lioces chevalines. — Les chevaux n'entrent pas
en grande quantité dans l'alimentation, mais ils
servent d'animaux de trait dans beaucoup de pays
où ,1s offrent sur les bœufs l'avantage ae la rapidité.
Les chevaux s'élèvent sur out dans les pays d'her-
bages. Ceux de la Flandre et de l'Artois, du Bou-
lonnais notamment, sont réputés pour leur force
musculaire.
La Normandie produit des chevaux de luxe réu-
nissant la force à la légèreté. Le Perche possède
une race très remarquable, qui dégénère en dehors
de celte région. Ses étalons et ses juments sont
excessivement forts et en même temps ont l'allure
rapide. Ce sont les mrilleurs chevaux de poste
pour traîner les diligences, les omnibus et autres
lourds véhicules.
La Bretagne élève sur ses landes une race de che-
vaux très sobre, mais de très petite taille. Dans les
Côtes-du-Nord, on trouve en môme temps des che-
vaux très forts, propres au service des omnibus.
Les Ardennais sont une race rustique et résis-
tante, qui est excellente pour traîner les pièces
d'artillerie.
Les races de Tarbes et du Limousin sont de pe-
tite taille et de formes assez fines. On retrouve
dans la Camargue des petits chevaux infatigables
comme les chevaux arabes, dout ils semblent avoir
du sang.
Sur les trois millions de chevaux que possède la
France, la p'us grande partie naît et sert dans
le nord du pays. Dans le midi on se sert surtout
de bœufs ou de mulets.
Les mulets, les ânes. — Les plus forts mulets
sont produits dans le Poitou, qui fournit à l'Es-
pagne une partie de ses attelages de luxe. On
en élève aussi dans les Pyrénées et les Alp s. Les
ânes abondent dans les pays pauvres, à cause de
leur sobriété et de leur résistance à la fatigue.
Il y a en tout moins d'un million d'ânes ou de mu-
lets en France.
hépurtitio7i du bétail en France. — Si l'on veut
juger de l'état de l'agriculture dans un départe-
ment d'après le nombre d'animaux qu'il nourrit,
on constate que ce sont les pays voisins de la
Manche et de l'océan Atlantique, au nord de la
Loire, qui sont les plus avancés sous ce rapport.
Ce sont eux qui ont le plus d'herbages. Et l'en-
grais produit par ces animaux permet en même
temps de récolter d'abondantes moissons quand le
sol s'y prête. Les cultivateurs ont. en outre, l'a-
vantage, notamment en Bretagne, de recueillir au
bord de la mer beaucoup de varechs, qui leur
fournissent une autre sorte d'engrais pour fertili-
ser leurs terres.
Les vins. — La France tire un énorme produit
de la vigne. Non seulement le vin est la boisson la
plus répandue dans notre pays, mais c'est aussi
l'élément le plus important de notre exporta-
tion.
Le Bordelais et la Sainionge. — Les principaux
centres de production sont d'abord le Bordelais,
où l'on récolte les vins rouges et blancs les plus
estimés de la France, la Saintonge où l'on brijie
les vins pour obtenir l'eau-de-vie de Cognac, l'Ar-
magnac (Gers), où l'on fabrique aussi beaucoup
d'eau-de-vie.
Le Languedoc. — Dans le Bas-Languedoc, le
département de l'Hérault est celui où 1 on récolte
le plus de vin de toute la France. La vigne y occupe
presque toutes les terres et le rendement à l'hec-
tare est en même temps considérable. Dans l'Hé-
rault, on fabrique beaucoup d'eau-de-vie et d'alcool
pour l'industrie; on y récolte, ainsi que dans le
Gard, l'Aude et les Pyrénées-Orientales, des vin»
de consommation directe, ou propres à être mé-
langés à d'autres vins moins riches en alcool. Cette
a la spécialité de fabriquer des vins cuits imitant
ceux de Madère ou d'Espagne. Lunel et Frontignan
sont connus pour leurs vins muscats.
La Bourgogîi". — La Bourgogne forme la troi-
sième grande région viticole. L'est là qu'on trouve
les célèbres vins de la Côte-d'Or, groupés autour
de Beaune et de Dijon, les vins du Maçonnais et
du Beaujolais, de bonne consommation courante,
et ceux de l'Yonne ou de Basse-Bourgogne, de qua-
lité plus commune.
L't Champagne. — La Champagne, au contraire,
ne produit que des vins de luxe. Reims et Epernay
fabiiquent dans leurs caves immenses des raillions
de bouteilles de vin mousseux qui sont exportées
dans le monde entier.
Le Centre et les autres rt'girms vtticoles. — La
France, au sud de la Loire, possède presque par-
tout des vignes. Dans le centre, l'Orléanais produit
des gros vins dont on fabrique en partie du vi-
naigre. Le long de la Loire et du Cher, on récolte
des vins dont les meilleurs sont envoyés à Bor-
deaux. Ce grand port d'exportation des vignobles
français attire à lui les vins de Touraine, ceux du
Quercy (Cahors) et de Béziers, pour les envoyer
au dehors sous le nom de Bordeaux.
Dans le Jura, on récolte des vins dont plusieurs
sortes sont mousseuses comme le Champagne. Le
long du Rhône on récolte des vins estimés, mais
très capiteux, à Saint-Pcray vis-à-vis de Valence, k
l'Ermitage vis-à-vis de Tournon, à Côte-Rôtie vis-à-
vis de Vienne. Depuis quelques années le phyllo-
xéra a causé dénormes ravages dans tout le bassin
du Rhône. Le département de Vaucluse, notamment,
où le fléau a pris naissance, a été obligé d'arracher
toutes ses vignes. On estime à 2 millions et demi
d'hectares la quantité de vignes que possède actuel-
lement la France, et à 60 millions d'hectolitres leur
production moyenne en vin.
Le cidre. — Dans les pays où ne mûrit pas le rai-
sin, on boit du cidre. La Normanitie, avec ses
vergers de pommiers abrités du vent de mer par
des rangées de hêtres ou d'ormes, est le pays pro-
ducteur par excellence de cette sorte de boisson.
La Bretagne et la Picardie viennent ensuite.
La bière. — Dans le Nord on boit de la bière.
La Flandre et la Lorraine renferment de nombreuses
brasseries, de même que Paris et Lyon. Le hou-
blon, qui sert à fabriquer la bière, est récolté en
Flandre, en Lorraine et en Bourgogne.
On estime à 1500 millions de francs la valeur
moyenne de la production vinicole de la France, à
180 millions celle de la bière, à 100 miJions celle
des eaux-de-vie et alcools, à !»o millions celle du
j cidre. On fabrique de l'eau-de-vie avec du vin,
I ou du cidre, ou en distillant des betteraves, de»
I pommes de terre, des mélasses, résidu de la fa-
brication du sucre.
1 Autres culti res — Les fruits de table mûrissent
surtout dans le Midi, qui produit seul les ormges,
, citrons et grenades, et qui est le preiuier à récolter
! les raisins, les ligues, les pêches, les abricots.
■ L'Auvergne produit beaucoup de cerises et d'abri-
cots, qui servent à fabriquer des pâtes de fruits.
, Apt, dans le Vaucluse, a la spécialité de la con-
FRANGE
815 —
FRANCE
fiserie des melons, patates, oranges ou cédrats.
Les amandes vertes ou sèches se récoltent en Pro-
vence. Les pommes et les poires mûrissent plus ,
au nord. La Touraine et l'Anjou approvisionnent ^
ces bateaux qui arrivent à Paris chargés de pommes |
au début de l'hiver. Certaines localités. Agen et
Chinon, ont la spécialité des pruneaux. On en fa-
brique beaucoup, ainsi que des brignoles, vn Pro-
vence. 1 es noix, qui sont mangées directement ou
servent à faire de l'huile, en même temps que le
bois des noyers est recherché en ébénisterie, crois- j
sent surtout en Dauphiné et en Savoie, sur les j
pentes inférieures des montagnes, eu Périgord et i
dans tout le centre de la France.
Les truffes. — Les truffes, qui sont uu comes-
tible de luxe, ont une antique réputation dans le |
Périgord. Mais ce sont le Vaucluse et les Basses- j
Alpes qui en récoltent maintenant la plus grande i
quantité, grâce aux plantations de chênes truffiers ,
faites pour en favoriser le développement. |
Lci châtaignes, — Les châtaignes sont au con- (
traire un aliment très commun. Elles croissent |
dans des terrains granitiques ou siliceux, sur les I
montagnes des Cévennes et du Vivarais où l'on ré- ,
coite les marrons de Lyon, dans le Périgord, le i
Limousin et l'Auvergne, et dane le Var qui produit
les marrons du Luc. Comme bo s, le cliàtaignier est
surtout exploité en taillis pour faire des cercles de
tonneaux, des échalas de viiines ou de clôtures.
Forêts. — Les forêts couvrent en France près
de 9 millions d'hectares, la sixième partie de notre
territoire. Elles sont très étendues dans les dépar-
tements du nord-est, la Lorraine, les Aidennes, la
Bourgogne, la Franche-Comté. Aussi est-ce à Nancy
qu'on a placé l'École forestière. Dans IfS Vosges
elles occupent plus du tiers du département, et
les deux cinquièmes de celui des Landes, où on a pu
utiliser un sol rebelle à la culture par des plantations
de pins maritimes qui s'opposent à l'envahissement
dn sable de la mer et donnent un abondant produit
de résine.
Parmi les départements très boisés, il faut encore
citer les landes du département de la Gironde,
l'Ariège, le Var, où les monts des Maures et de
lEstérel sont couverts de pins.
Le Nivernais, la Basse-Bourgs gne et la Champagne
approvisionnent Paris en bois de chauffage, dont
les bûches, jetées dans les ruisseaux qui descen-
dent des forêts, sont formées plus tard en trains de
bois et arrivent à Paris par la Seine. C'est dans le
Jura qu'on trouve les plus belles forêts de sapins;
c'est au contraire dans lOuest, le Poitou et le
Perche que sy trouvent les plus beaux chênes. Le
chêne-liège ne réussit que dans lu Midi, et particu-
lièrement dans le Roussillon.
En dehors des grandes régions forestières, on
admire auprès de Paris, dans la forêt de Fontaine-
bleau, des arbres parvenus à un degré rare de vé-
tusté et de croissance.
Les forêts de Compiègne, de Villers-Cotterets,
de Chantilly abritent beaucoup de gibier sous
leurs épais ombrages.
La forêt d'Orléans, en partie défrichée, était la
plus étendue de France.
Depuis quelques années, on a commencé en
France à reboiser des régions montagneuses des
Alpes, des Cévennes, et des Pyrénées, où les forêts
sont les meilleures défenses contre le ravinement et
les inondations. On a aussi planté de grandes
étendues incultes de la Sologne ou de la Chanipa2;ne
en pins pour en utiliser le sol et le fertilis' r à la
longup.
En dehors des forêts, on a en France de nom-
breuses plantations darbres isolés ou par petits
groupes. Le pays de Caux produit ainsi les plus
beaux hêtres, qu'on trouve ailleurs mélangés aux
sapins dans les forêts du Jura ou du Daupliiné. Les
peupliers, qui fournissent le bois blanc de l'usage
le plus répandu en dehors des régions du sapin'
croissent dans presque toutes les vallées, le long de
la Loire ou de la Saône notamment. Dans beaucoup
de campagnes et surtout dans l'Ouest, les champs
sont entourés de haies dont les branches fournis-
sent du bois de chauffage et de la feuille sèche
pour les moutons pendant l'hiver. Le chêne, le peu-
plier, l'orme, le frêne, le ch;irme conviennent à cet
usage. Ce sont les essences les plus répandues sur
notre sol.
Le mûrier. — Il y a un arbre dont la feuille
forme le principal produit: c'est le mûrier, dont la
feuille verte nourrit le ver à soie. Il est localisé
dans le Midi, et particulièrement dans la vallée du
Rhône, au sud de Lyon.
Les graines oléngineuses. — Nous avons dit plui
haut quelle était la région de l'olivier, dont le fruit
donne l'huile comestible la plus répandue en France
avec celle de noix. Les autres huiles, qui se con-
somment sous le nom d'huile d'olive ou servent
à l'éclairage et aux autres usages industriels, sont
fournies par le colza, la navette, ou l'oeillette.
Le colza est cultivé surtout en Normandie, dans le
Calvados, l'Eure et la Seine-Inférieure, dans la
Picardie, l'Artois, la Flandre et le département de
l'Aisne. On en récolte aussi autour de Lyon et de
Nantes. En Bourgogne, le colza fait place à la na-
vette. Dans le Nord, la Flandre et l'Artois, l'œilleite
occupe de vastes espaces et alimente en partie l'in-
dustrie des nombreux moulins à vent qui tournent
autour d'Arras et de Lille.
Le lin. — On fait aussi de l'huile avec le Un, qui
toutefois e-t plus utile comme textile. On en cul-
tive dans tous les départements humides qui bor-
dent la INIanche et l'Océan (sauf le Calvados, le
Morbihan et la Girondej, et au pied des Pyrénées.
Les régions qui en produisent le plus sont le nord
de la France, la Bretagne, la Saintonge, la vallée
de la Garonne. C'est avec le lin qu'on fabrique les
fils les plus fins et qu'on tisse les tissus les plus
délicats, dentelles, batistes, ou autres toiles de
luxe.
Le chanvre. — Le chanvre sert au contraire à la-
fabrication des fortes toiles destinées à la voilure,
à la fabrication des sacs, au linge de ménage. C'est
dans l'ouest de la France qu'on cultive le plus le
chanvre. L'Anjou, le Maine, le Poitou la Saintonge
en produisent une grande quantité. On en trouve
aussi dans toutes les terres très fertiles, presque
autour de chaque maison, dans les pays où les
ménagères n'ont pas entièrement perdu l'usige de
filer pendant l'hiver. Le chanvre du Gi aisivaudan
(vallée de l'Isère) est particulièrement renommé
pour sa beauté.
Le tabac. — Le tabac ne peut être cultivé
qu'avec l'autorisation et sous la surveillance de
l'administration. Quelques départements ont seuls
cette permission. Le tabac est surtout répandu
dans la vallée de la Garonne autour des manufac-
tures de Toulouse, Tonneins, Bordeaux et Berg'-rac.
On en produit aussi dans les départements de la
frontière du nord et du nord-est pour combattre la
contrehande.
Les subst'inces tinctoriales. — Avant les progrès
réalisés par la chimie indu-trielle. qui tire mainte-
nant toutes les couleurs des résidus de la fabrica-
tion du gaz d'éclairage, on cultivait en grande
quantité la garance, dont on tire un rouge très
beau et très solide, dans le Comtat Venaissin et
l'Alsace. Maintenant cette culture disparaît de plus
en plus des pays dont elle a fait la fortune. C'est
avec justice qu'on a élevé sur le rocher d'Avignon
une statue au Persan Althen, pour avoir introduit
cette utile culture en France.
Le safran, qui donne une couleur jaune, est un
peu cultivé dans le Gâtinais (Montargis); le pas-
tel, qui donne du bleu, dans l'Albigeois et le Gers.
VII. Géographie industrielle. — Les bassins
FRANCE
816 —
FRANCE
HOUiLLERS. — La houille est le pain de l'industrie
depuis l'invention des macliinos à vapeur. Anssi la
richesse d'un pays en houillères corrospond-elle gé-
néralement à sa puissance commerciale et au dé-
veloppement de ses manufactures et d ses diverses
autres industries. Les pays d u monde les plus riches
en houille >ont au premier rang l'Angleterre, puis
les États-Unis et rÂllemaijne, qui seront peut-être
tous dépa>sés un jour par la Chine, si on se met
à exploiter sérieusement ses immenses dépôts de
combustibles minéraux.
Bassi?i de Valenciennes. — Le bassin houiller le
plus important de France est celui de Valenciennes,
qui continue les dépôts de la Belgique et s'étend
dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais.
Il produit annuellement 6 millions de tonnes.
Anzin. près de Valenciennes, est le siège principal
de cette exploitation, qui s'étend à l'ouest par
Aniche et Douai jusqu à Lens et BuUy-Grenay, au
nord d'Arras.
Bassin de la Loire. — Autrefois, c'était le bassin
de la Loire ou de Saint-Éiitnne qui fournissait le
plus de houille en France. Bien qu'ayant perdu le
premier rang, il produit à peu près 4 millions de
tonnes. Les couches contrastent par leur épaisseur
avec les couches nombreuses mais très minces du
bassin de Valenciennes. Le charbon de Saint-
Étienne se délite aussi beaucoup plus (|ue les autres,
mais se prête parfaitement à la fabrication des
agglomérés de houille qu'un brùle sur les locomo-
tives ou les paquebots, à cause de la facilité qu'ils
offrent à l'emmagasinement. Le bassin de Saint-
Étienne s'éiend du sud-ouest au nord- est depuis
Firmiiiy jusqu'à Givors au bord du Rhône, par le
Chambon, Saint-Étienne, Saint- Chamond^ Rive-de-
Gier.
Biisin d'Alais. — Le troisième grand bassin
houillcT est celui d'Alais au pied des Cévennes,
dont la Grand'Combe, près d'Alais, et Bessèges
sont les principaux centres d'exploitation. Il fournit
près de 2 millions de ïonnes.
Bossiii de Commentrif. — Commentry, près de
l'inùusuielle ville de Montluçon, fournit plus d'un
million de tonnes, auxquelles s'ajoutent dans le voi-
sinage les 320 000 d'Ahun, sur la Creuse, entre
Aubusson et Guéret. les 200 000 de Saini-Éloy,
entre Commentry et Gannat, et les produits de
quelques autres mines moins considérables.
Bassin du Creusot. — Le bassin du Creuset,
dont les puits sont creusés au Creuset, à Blanzy
et Montceau, fournil 850 000 tonnes, auxquelles
Tiennent s'adjoindre i50 ou 160 000 tonnes extraites
à Epinac.
Bassin d'Aubin. — Le sixième grand bassin,
celui d'Aubin dans l'Aveyron, fournit plus de
700 UOO tonnes qui sont brîilées dans les usines de
Decazeville et autres des alentours, ou emportées
par le Lot à Bordeaux.
B issins Sf^condaires. — En dehors de ces grands
bassins, il faut citer celui de Graissexsac dans l'Hé-
rault, qui doiuie 300 oiiO tonnes; celui de Ca^'WîQMX,
au nord d'Albi, qui n'est guère moins considé-
rable; celui de Brassac, à l'entrée de l'Allier dans
le département du Puy-de-Dôme, qui produit plus
de 200 000 tonnes, et quelques autres petits bas-
sins de l'Auverg e que le manque de communica-
tions empêche d'exploiter activement; les mines
de Decize, dans la Nièvre, dont la production dé-
passe i 60 000 tonnes.
Tous ces gîtes houillers, à part Valenciennes,
sont groupés autour du plateau central de la
France.
En dehors de cette région, les bassins à'Aix
(Provence; et de Manosqun donnent 400 000 tonnes
de lignite, brûlées dans les usines de Marseille.
La Mure, dans l'Isère, et quehjues l calités de la
Savoie, fournissent lUO ou 200 000 tonnes d'an-
thracite, combustible impropre à la fabrication du
coke , mais remplaçant la houille dans les autres
usages où elle sert de combustible.
Ro>ic/iarnp, au pied sud-ouest du Ballon d'Al-
sace, donne 250 000 tonnes de houille. C'est la
seule houillère de la région du nord-est, depuis la
perte du riche bassin de la Sarre en 1871. Dans
l'ouest, le Maine fournit 125 000 tonnes d'anthra-
cite entre le Mans et Château-Gonthier. Elles
servent principalement à chauffer les fours à chaux
de la région, où l'agriculture réclame cet amende-
ment. La Basse-Loire, entre Angers et Nantes.
{Chrilon^es), donne '15 000 tonnes de houille, la
Vendée ( Vouvant) une cinquantaine de mille.
La France tire donc de ses mines V ou 18 mil-
lions de tonnes de houille environ ; elle en con-
somme la moitié en sus, qu'elle fait venir d'Angle-
terre, de Belgique ou de la Prusse Rhénane. De-
puis le commencement du siècle, l'extraction et la
consommation ont été sans cesse en s'accroissant,
et ces chiffres . n'ont par conséquent qu'une va-
leur momentanée.
La tourbe. — La tourbe fournit un autre com-
bustible minéral usité dans les usages domestiques
plutôt que dans l'industrie. Les grandes tourbières
sont dans la vallée de la Somme, de l'Oise, de
l'Essonne, sur certains plateaux de montagnes des
Vosges ou du Jura, et dans le département de
l'Isère. Dans la Loire -Inférieure, entre Savenay et
Guérande, s'étend une région remplie de tourbe
qu'on nomme la Grande-B> ière.
Les asphaltes. — Les asphaltes, qui sont une
autre sorte de charbon minéral, s'exploitent à
Seyssel dans l'Ain.
Les mines métalliques. — Le fer. — Le métal
dont le minerai est le plus répandu en France,
c'est le fer. Fondu avec de la houille ou du charbon
de bois dans les hauts-fourneaux, il donne la fonte.
La fonte est à son tour convertie en fer ou en
acier par un nouvel emploi du charbon, ou bien
elle est fondue et moulée pour donner divers
objets. Le fer est travaillé dans les forgf^s pour
donner des lames ou du fil de fer; les ateliers de
construction le découpent et assemblent les pièces
qui constituent les machines ou la charpente des
construction?. Ces diverses sortes d'ateliers, con-
sommant beaucoup de combustible, se groupent
naturellement autour des puits de mines, ou bien
dans les ré-ions forestières, quand ils emploient
du charbon de bois. Celui-ci, plus coûteux, donne
en revanche du fer de qualité supérieure à celui
qui est obtenu au moyen de la houille ou du coke.
Les ateliers ne traitent pas seulement les minerais
français; ils emploient encore beaucoup de mine-
rais étrangers et se placent alors près des ports
d importation, où ils peuvent aussi s'approvision-
ner de combustibles.
Les principaux gîtes de minerai de fer en France
soin en premier lieu dans le département de
Meurthe-et-Moselle, autour de Nancy, malgré les
pertes territoriales de la France. La forêt do Haye,
entre Toul et Nancy, n'est pour ainsi dire qu un
énorme bloc de minerai. Ce département fournit
à lui seul 700 OUO tonnes de minerai de fer, le
quart de la production totale française.
Les Ardennes et la Haute-Marne donnent à peu
près la moitié à eux deux de ce que fournit Meurthe-
et-Moselle. Le Berry, et notamment les environs
de Bourges, fournissent beaucoup de minerai de
fer en yrans, qui est très estimé et abondant
(275 00O tonncsi. On en retrouve d'analogue dans
les Landes. Privas et la Voulte, dans 1 Ardèche,
donnent Au. fer iligiste (sorte d'oxyde de fer^;
AUevard, dans l'Isère, du fer spathique, qui est do
qualité supérieure. Les Pyrénées-Orientales et
l'Ariège renferment de Vhémntite, qui est le plus
riche des minerais de notre territoire.
La Franche-Comté, le Boulonnais, la Bourgogne
la Bretagne, le Poitou, le Périgord donnent aussi
FRANCE
— 817
FRANCE
diverses sortes de minerais. Beaucoup de ces ex-
ploitations sont abandonnées depuis les traités de
commerce, qui ont permis d'introduire en France
■des minerais étrangers de qualité supérieure, et
ont fait éteindre beaucoup de hauts fourneaux de
notre pays. L'Espagne, l'Algérie, l'île d'Elbe sont
les grands fournisseurs de la France sous ce rap-
port.
La fonte et les forges. — La fabrication de la
fonte et le travail du fer se fait surtout dans
Meurthe-et-Moselle. Aux environs de Nancy on
voit de tous côtés des hauts fourneaux. Liverdun,
Frouard ont des forges importantes. C'est le dé-
partement qui produit le plus de fonte, en briilant
la houille du bassin de la Sarre, que lui amène la
batellerie par les canaux de la Marne au Rhin et
de la Sarre.
Le Nord fabrique aussi beaucoup de fonte,
et on y trouve, outre les usines de Lille et
des environs, qui produisent des machines, celles
de Denain et Anzin, de Maubeiiye, et l'établisse-
ment de Marquise dans le Pas-de-Calais.
Les Ardennes, la Meuse renferment de petits
établissements pour le travail du fer. La Haute-
Marne est un des grands centres de production, et
un des principaux marchés. Saint-Dizier est le
centre de celte industrie.
L'importance des forges de Franche-Comté a
bien diminué depuis les traités de commerce.
Fraiscms, entre Dôle et Besançon, a des forges et
hauts fourneaux. Audincourt, près de Montbéliard,
a la spécialité de fabriquer une grande partie de
la quincaillerie française, ustensiles de cuisine ,
serrares, ferrures de bâtiments. Plombières et
Baiiis , dans les Vosges, fabriquent aussi divers
objets en fer, et on retrouve des ateliers analogues
sur plusieurs points de la France, dans les Ardennes
notamment, dans la Haute-Saône et le Nord, où
l'on fond les fourneaux de fonte.
Laigle, dans l'Orne, fabrique les épingles et les
aiguilles. Les villages des environs ù'Abbeville
sont peuplés de serruriers.
La Côte-d'Or possède entre autres les forges de
Chdtillon. Saône-et-Loire est un des départements
les plus actifs pour ce genre de travail. Le Creusot
possède n hauts fourneaux, plus qu'on n'en sau-
rait trouver réunis nulle part ailleurs. Ses forges,
«es ateliers de construction en font l'établissement
le plus considérable de France et un des plus im-
portants du monde. L'Allier possède les forges de
Commentry et celles de Montluçoa, le Cher celles
de Mazières, près de Bourges, où l'on a fondu les
pièces des halles centrales de Paris.
Entre Lyon et Saint-Etienne, Givors, Sainl-Cha-
mond, Rive-d>'-Gier, Terre-Noire fabriquent beau-
coup de fer. C'est surtout la région où se fabriquent
presque exclusivement les aciers pour les armes,
l'artillerie, le blindage des navires. SaiJit-E tienne
possède les principales manufactures d'armes à
feu. L'Ardèche et le Gard forment un autre groupe
important. La Voulte et le l'ouzin dans l'Ardèche
ont des hauts fourneaux. Alais et Bessèges fabri-
quent de l'acier, Beaucaire a d'importants hauts
fourneaux pour fondre le minerai importé par la
Méditerranée, de même que Marseille, où les be-
soins de la marine ont fait établir en outre des
forges considérables. Dans l'Isère, Allevard a la
spécialité des aciers pour la coutellerie et les res-
sorts de voitures.
Dans les Pyrénées-Orientales et lAriège, comme
dans d'autres pays de montagnes ou riches en fo-
rêts, on fait surtout des fers au bois. C'est le cas
des Landes, de la Nièvre; cependant ce dernier
déparlement possède les importantes forges de
Fowxhambaull, Decize, Imphy, où l'on brûle de
la houille. La marine de l'Etat possède à Nevers des
établissements considérables pour la fabrication de
«es ancres, de ses câbles, de sa clouterie.
le Partie.
Les besoins des grandes villes ont fait établir
aussi des forges dans leur voisinage. On trouve
des fonderies et des ateliers de construction dans
la banlieue de Paris, ainsi qu'à Saint-Denis, Ar-
genteuil et MoJitataire sur l'Oise, près de Creil.
Au travail du fer se rattache la coutellerie, qui
se fait à Thiers, dans l'Auvergne, pour les articles
communs ; à Langres, à Chatellerault pour la cou-
t»^llerie plus soignée. Paris a. la spécialité des ins-
truments de chirurgie, dont il exporte une très
grande quantité.
Les armes blanches se font à Saint-Etienne et
à Chatellerault, où il y a une manufacture natio-
nale ; les armes à feu à Saint-Etienne et Tulle, où
se trouvent aussi des manufactures nationales; les
canons sont fondus par l'Etat à Ruelle (Charente)
et hNevers pour la marine, à Bourges et à Tarbes
pour l'armée de terre, et dans les diverses grandes
usines privées, telles que le Creusot et Bessèges.
Autres métaux. — Les métaux autres que le fer
sont peu abondants en France. On exploite le plomb
argentifère à Puiitgibaud dans le Puy-de-Dôme, à
Vialui dans la Lozère, à Largenfière près de Brian-
çon. L'argent en est séparé à Marseille, qui a la
spécialité de cette industrie pour les minerais
français et beaucoup de minerais étrangers.
Le cuivre existe à Che^sy et Sain-Bel entre Lyon
et Tarare, mais le minerai en est surtout employé
pour la fabrication de l'acide sulfurique. Le manga-
nèse est exploité à Romanèche, entre Mâcon et Lyon.
L'étain existe en petite quantité dans le Limousin,
le zinc dans les Cévennes, l'or dans les torrents
des Pyrénées ou le Rhône; mais tous ces métaux
n'alimentent aucune exploitation importante. C'est
au dehors que la France s'en approvisionne. Le
Havre reçoit du Chili, de Suède ou d'Angleterre,
les cuivres bruts qui sont travaillés dans les usines
de cette ville, de Rouen, de Romilly près des
Andelys, de Biache-Saint-Vaast près d'Arras, de
«livet dans les Ardennes, de ^aint-Denis. Bor-
deaux tire de l'Amérique du sud les cuivres qui
sont travaillés à Toulouse. Marseille approvisionne
les usines de Vienne et du Vaucluse.
Minéraux divers. — Le sel et les produits chi-
miques. — Le sel, qui se rapproche des métaux
par sa nature, mais qui est indispensable à la nour-
riture de l'homme et des animaux, est recueilli
dans les marais salants qui s'étendent sur les bords
de l'Océan depuis Guérande, au nord de l'embou-
chure de la Loire, jusqu'à l'embouchure de la Gi-
ronde, et sur les bords de la Méditerranée dans les
départements de l'Aude, de l'Hérault, du Gard, des
Bouches-du-Rhône, et sur quelques points du Var,
Malgré la richesse inépuisable de ces eaux, qui
fournissent le sel de cuisine et plusieurs autres
sels ou produits chimiques employés dans l'in-
dustrie, la France (avant la guerre de 1871) em-
ployait moins de sel provenant de cette source
(600 000 tonnes) que de sel gemme extrait des
mines (800 000 tonnes). Nancy est le grand centre
de celles-ci. Une partie en a été cédée à la Prusse
{Dieuze notamment), mais nous conservons Saint-
Nicolas et Rosières entre Nancy et Lunéville. Dans
le Jura, Salins et Lons-le-Saunier ont tiré leur
nom du sel qu'on y exploite. Il en est de même
de Salies dans le Béarn. On a ouvert depuis quel-
ques années, dans la Haute-Saône, des puits qui
promettent d'être très riches.
Les produits chimiques se fabriquent dans les
grandes villes ou leur banlieue, Paris, Lyon, Lille,
Marseille, Rouen, partout où une industrie active
en réclame l'emploi, ou bien sur les bords de la
mer, quand ils sont fournis par l'évaporation de ses
eaux.
Les savons sont fabriqués à Marseille, Nantes
pour les usages industriels et domestiques, à Pai is
pour la toilette. Paris a aussi la spécialité des
autres articles de parfumerie, spécialité qu'il par-
52
FRANGE
— 818 —
FRANGE
tage avec Grasse, située au milieu des plantes
aromatiques.
Pai'is est aussi le principal centre de fabrication
des bougies.
Sources minérales. — Les sources minérales em-
ployées parla médecine sont diverses et nombreuses
en France . Dans les Pyrénées, on peut surtout citer :
les Eaux lionnes, les Eaux Chaudes, et Saint-Chris-
tau, prèsd'Oloron, dans les Basses-Pyr(3nées; Cau-
terets, Saittt-Sauveur, Baynèresde-BifjorrH et lia-
règ< s, dans les Hautes-Pyrénées; Dax. dans les
Landes ; Bagnères-de-Luchon, dans la Haute-Ga-
ronne ;^a; et ylz</!/s dans l'Ariège; Amélie-Les-Bains,
dans les Pyrénées-Orientales.
En Auvergne, le Mojit-Dore, la Bourboule, Saint-
Nectnire, Royat, près de Clermont-Ferrand, dans
le Puy-de-Dôme; Chaudesaigues, dans le Cantal,
dont l'eau est assez cliaude et assez abondante
pour êire employée par les habitants à chauffer
leurs maisons.
Dans le Bourbonnais, Vichy possède les eaux
les plus fréquentées de France, et en exporte cha-
que année des millionsde bouteilles dans le monde
entier. On trouve, dans le même département,
Bou' liOn-V Archambault et Néris.
Saint-Ga/mier, dans la Loire ; Condillac et Die,
dans la Drôme; Diffue et Aix en Provence, Bala-
ruc, dans THérault, sont isolés de ces divers
groupes.
Dans l'Isère, Uriage, Atlevurd, la Mothe-le -
Bains; dans la Savoie, Aix-les- Bains; dans la
Haute-Savoie, Saint-Gervais et Evion, ont comme
les eaux des Pyrénées l'avantage de réunir l'at-
trait pittoresque du pays à leurs qualités théra-
peutiques.
Il en est de même des eaux des Vosges : Luxeuil.
Plombières, connues depuis fort longtemps, Vittel
et Cojitrexeville. Bour/j07ïne-les -Bains, sur le pla-
teau de Langres, convient aux blessés.
Forges, dans la Seine-Inférieure, a des eaux fer-
rugineuses ; Saint- Amcmd, dans le Nord, des
boues. Les eaux sulfureuses d'Enghien sont fré-
quentées à cause de leur voisinage de Paris.
A ces divers groupes, il faut ajouter Bngnols
dans rOrne, Ecaux dans la Creuse, Cransac dans
l'Aveyron, et de très nombreuses autres sources
qui ne sont pas encore fréquentées.
Les bains salés, pris près des mines de sel ou
dans la mer sur toutes nos côtes, sont d'un usage
de plus en plus répandu. Le Tréport. Dieppe, Saint-
Valéry, Féca»ip, Etretat, dans la Seine-Inférieure;
Trouville, VilUrs, Cabourg, Arromanches, dauiS le
Calvados, Dinard vis-à-vis de Saint-51alo, sont fré-
f|uentés par les Parisiens. Les rivages de Bretagne
sont aussi visités pour leurs sites pittoresques.
Por»ic, près de Nantes, Boyan et Arcachon, près de
Bordeaux, ont la clientèle de ces deux grandes
villes, liiarritz a pour lui le voi^niage des Pyré-
nées et de l'Espagne, et son ciel méridional, qui en
fait un séjour cosmopolite dans la saison avancée.
Matériaux de construction. — Les pierres de
taille. — Les pierres de taille se trouvent géné-
ralement auprès des grandes villes, car leur pré-
sence est une des raisons qui ont facilité le dé-
veloppement de celles-ci. Dans les régions comme
le Nord, où l'on n'a pas de pierres, on construit en
briques ; mais pour tous les édifices de luxe, la
pierre est toujours préférée et tirée du dehors,
Paris est bâti sur des carrières, qui forment sous
une partie de la rive gauche de la Seine des cata-
combes. On extrait encore de la pierre de taille
et du moellon facile à débiter dans la plaine de
Cliàlillon, près de Saint-Denis ; dans la vallée de
l'Oise à Crril, Chantilly, Pontoise; dans la vallée
du Loiiiw, à Château-Landon, entre Fontainebleau
et Montargis.
La liourgopine est la région de la France qui
fournil les plus belles pierres pour l'exportation.
Tonnerre en fournit de très belles, et jouit en outre
de l'avantage de les expédier facilement sur le
canal de Bourgogne. Caen, a de son côté de fort
belles pierres qu'on expédie par mer en Angle-
terre ou en Amérique. Les bords de la Meuse, en
Lorraine, fournissent des pierres de très grosse
taille. Dôle, dans le Jura, et ïEchaillon. dans l'Isère,
ont une sorte de pierre susceptible de prendre un
beau poli comme le marbre.
Le marbre. — Celui-ci, qui ne sert que pour
l'ornementation extérieure des monuments ou la
décoration intérieure des appartements, et pour la
statuaire, a ses plus beaux échantillons dans les
Pyrénées, où l'on cite particulièrement les carrières
de Campan et de Sarrancolin, dans les Hautes-
Pyrénées, et de Suint-Béat, dans la Haute-Garonne.
Les Alpes fournissent aussi de beaux spécimens de
marbres liclies. Les marbres communs viennent
des Ardeyines, de MauLeuge dans le .Nord, de Bou-
logne, dans le Pas-de-Calais, et de Sablé dans la
Sarthe.
Les ardoises. — Les ardoises, qui servent à la
couverture des maisons, viennent presque exclusive-
ment d'Angers, des Ardennes, et du Finistère.
Les granits et autres pierres dures. — Les granits,
qui servent pour les constructions maritimes, pour
les dallages de trottoirs, viennent de Bretagne, du
département de la Manche et particulièrement des
lies Chnusey,et aussi des Vosges. Quelques pierres
d'origine volcanique, telles que les basaltes, servent
aussi à bâtir les maisons dans les pays où on les
exploite, et sont exportées pour les constructions
exigeant une grande résistance à l'usure. Ainsi,
Volvic, dans le Puy-de-Dôme, près de Piiom, exploite
les laves des anciens volcans voisins. La ville
à'Agde est bâtie en pierres volcaniques noirâtres qui
donnent aux maisons un grand air de tristesse,
les grès, qui servent au pavage, mais font de mau-
vaises pierres de construction, sont tirés de la
forêt de Fontainebleau et de quelques collines
voisines.
La chaux, etc. — La chaux, qui sert à faire le
mortier et à réunir entre elles les diverses parties
d'une construction, est cuite dans des fours ré-
pandus partout où le calcaire se rencontre.
Quand le calcaire et le combustible se trouvent
voisins, on cuit la chaux pour amender certains
sols. C'est ce que nous avons dit plus haut à pronos
de l'anthracite du Maine.
Le plâtre, qui forme un très bon agglomérant,
est beaucoup plus rare. Le meilleur se fabrique
auprès de Paris, à Argenteuil, Vaujours, Mon-
treuil, Clamart.
Le ciment est nécessaire dans les constructions
exposéesàl'eau.Les meilleurs viennent de iio?</o^ne,
de Vassy (près Avallon), de Pouilly ^Côte-d'0^), de
Grenoble et ses environs, du Teil, près de Viviers,
de Moissac.
Les pierres meulières, qui sont employées pour
lesconstructions, sont répandues sur divers points.
Mais c'est la Fer/«-so2/5-./oz<«/;'e, dans Seine-et-Marne,
qui a la spécialité de fournir les irrosses meules de
moulin. Cette exploitaiion y entretient une indus-
trie considérable, qui exporte ses produits dans
tout le monde civilisé.
Les briques, poteries, cristaux et engrais miné-
rattx. — On trouve dans bien des régions diflfé-
lenies la terre glaise dont on fabrique les tuiles et
les briques. Celles de Bourgogne sont particuliè-
rement estimées. On en fabrique aussi beaucoup
auprès des ports de mer de la Manche, où la houille
importée d'Angleterre sert à cuire la terre trouvée
sur place, et où les tuiles, les briques, les tuyaux
de drainage fournissent aux navires un fret de re-
tour plus avantageux que des galets.
En Bourgogne, en Normandie et dans le Nord,
on trouve de l'argile plastique servant à la fabri-
cation des poteries communes. Dans la Haute-
FRANCE
— 819 —
FRANCE
Vienne, les dépôts de kaolin ont développé l'indus-
trie de laporct^laine, qui y a son principal centre.
C'est hSoint-Yrieix que s'approvisionnent en terres
les fabriques de Limoges, de Vierzon et de Mehim
dans le Cher, de Nevers, de Bordeaux.
La manufacture nationale de Sèvres jouit de la
plus grande réputation pour la finesse de ses pâtes
et la perfection artistique do ses produits.
Les faïences plus comfnunes que la porcelaine,
mais susceptibles de décoration artistique , se
font à Creil, Montereau, Gien et Paris. Briare a
la spécialité des perles et boutons en porcelaine.
Le sable produit par la pulvérisation des grès,
comme à Fontainebleau, est exploité pour la fabri-
cation du verre.
C'est auprès des houillères que se groupent les
verreries qui font une grande consommation de
combustibles. Rive-rfe-Gier et ses environs dans
le bassin de Saint-Etienne, Aniche dans le Nord,
et Alais sont les principaux centres de cette in-
dustrie, fournissant des verres à vitre et des vases
de toutes sortes. Les verreries à bouteilles se
trouvent quelquefois près des forêts, à Soissons,
dans les Vosges et le Jura.
Sai7it-Gobain, dans l'Aisne, a une réputation
considérable pour sa fabrique de glaces; Baccarat,
dans Meurthe-et-Moselle, pour sa cristallerie.
Autour de ces grandes usines, C/uami/, dans
l'Aisne, Cireij, dans Meurthe-et-Moselle, préparent
les produits chimiques qu'elles emploient, et trans-
forment en engrais les déchets de fabrication.
Les Ardennes et les autres départements de
Champagne et de Bourgogne, rangés en cercle au-
tour de Paris, ont des dépôts de phosphate de
chaux très précieux comme engrais. La ïouraine
a ses faluns servant au même usage.
Industries ai.imextaires. — La minoterie, les
conse)ves alimentaires. — Les moulins, qui trans-
forment le blé en farine, sont répartis sur les
cours d'eau de tout leterritoire, ou dans les plaines
où le vent fait tourner leurs ailes. Mais les gran-
des usines de meunerie sont concentrées auprès
des grandes villes. Corbeil. Étampes, Dourdan,
manipulent les blés de la Beauce et de provenance
plus lointaine. Meaux et Coulommiers servent de
débouché aux fermes de la Brie. Gray, dans la
Haute-Saône, Moissac, dans Tarn - et - Garonne ,
Poitiers ont aussi des moulins considérables. Les
grands ports comme ^^larseilb', le Havre, }\antcs
et Bordeaux ont des moulins à vapeur pour mou-
dre les blés de provenance étrangère, dont ils
expédient les farines au dehors ou au dedans, sui-
vant l'abondance ou la faiblesse de la récolte, tan-
dis que les issues sont généralement consommées
en France.
C'est aussi dans les ports et à Paris qu'on fa-
brique les conserves alimentaires de viandes, de
légumes ou de poissons, qui se consomment sur
les navires ou pendant l'hiver Nantes et Bordeaux
ont cette spécialité. Les sardines mises en boîtes
à Nantes sont pochées sur les côtes de Bretagne.
A Marseille on prépare le thon et les anchois de la
Méditerranée.
Troyes est renommée pour la charcuterie ;
Bavo?ine pour les jambons; Lyon et Arles pour les
saucissons. Une foule de villes ont des spécialités
gastronomiques dans le détail desquels nous ne
pouvons entrer. Paris fabrique du chocolat pour
une grande partie du monde. Cette ville renferme
aussi les raffineries de sucre les plus considérables
qui existent. Marseille, Nantes, le Havre, raffinent
les sucres venant des colonies.
Les isdustrius de l'habillement. — Le coton. —
Le coton est aujourd'hui la matière la plus utilisée
pour le vêtement de l'homme. Importé en France
des Etats-Cnis, du Brésil, de l'Inde, de l'Egypte, il
est d'abord filé, puis tissé, seul pour fabriquer les
cotonnades, ou mélangé à la laine pour donner des
tissus de nouveautés. Mulhouse, en Alsace, était
avant 1870 le principal centre des filatures et de
l'industrie du coton en France. Une grande partie
des industriels de cette région ont transporté leurs
établissements sur le versanl_français des Vosges,
à Giromngny, Remiremont, Épinal. Ils fabriquent
du fil à coudre, des calicots, des jaconas, des étoffes
fines.
Rouen, au contraire, qui est le centre le plus con-
sidérable pour l'industrie du coton en France,
depuis la perte de Mulhouse, a la spécialité des
étoffes grossières à bon marché, les rouenneries et
les guinées destinées 5, l'exportation en Afrique.
Les usines du groupe rouennais sont dispersées
dans la ville et les localités environnantes. La
petite rivière de Cailly, qui tombe dans la Seine
en aval de Rouen, est admirablement utilisée par
une foule de manufactures à qui elle fournit sa
force motrice.
Fiers, dans l'Orne, a la spécialité des coutils.
Dans le nord, Lille fabrique beaucoup de fil à
coudre, et Sai?if-Quenti>i des mousselines ou au-
tres étoffes de coton, Amiens des velours de
coton.
Cette région de la France est un des centres les
plus actifs pour ce genre de fabrication. Il en est
de même do Tarare et de Roanne, son annexe,
qui ont la spécialité des tarlatanes et mousselmes
à rideaux.
Le chanvre et U lin. — Le chanvre et le lin sont
produits en quantité insuffisante dans notre pays
pour l'approvisionnement des manufactures qui
les mettent on œuvre. La Piussie nous en fournit
de grandes quantités. L'Inde nous envoie du jute,
sorte de textile très utilisé depuis quelques années.
C'est dans le nord de la France, la Noviaandie et
le Maine, qu'on file et tisse le plus de lin. Les den-
telles de Valencien7i''s, les batistes de Cambrai
sont faites en fils très fin de lin. Diinkerque a la
spécialité du jute ; Amiens fabrique des sacs et
autres tissus communs, Saint-Quentiii du linge
damassé.
Dans le Maine, le Mans, Laval, Mamers fabri-
quent de grosses toiles. La Basse-Normandie en
fait de plus fines pour linge de ménage.
L Anjou et la Bretagne emploient le chanvre à la
fabrication des grosses toiles à voiles et autres.
Voiron. dans l'Isère, utilise le beau chanvre du
Graisivaudan.
Dans les Vosses, les habitants de Gérardmer
sont presque tous tisserands et fabriquent, avec
des fils importés du Nord, dos toiles de ménage
qu'ils blanchissent sur leurs prés.
La laine. — Le travail de la laine s'est d'abord
établi dans les régions riches en moutons, la Nor-
mandie, la Champagne, le Languedoc, le Berry.
Maintenant les laines indigènes n'alimentent qu'en
partie la fabrication. L'Australie, Buenos-Ayres,
le Cap de Bonne Espérance senties grands fournis-
seurs du monde entier.
Roubaix, dans le Nord, fabrique une énorme
quantité de nouveautés où la laine, la soie et le
coton se trouvent mélangés. Elbeuf ei Louviers, en
Normandie. Abbeville, dans la Somme, fabriquent
des draps de genres variés. Sedan, au contraire, a
la spécialité des draps les plus fins, Reims, celle
des flanelles. Les draps épais viennent du midi, de
Vienne, en Dauphiné, de Mazamet, Lodève et
C'ircassomic dans le Languedoc. Orléans fabrique
les couvertures, ChâteaurouJC- et Romorantin les
draps de troupes.
Les tapis vieimentde Roubaix, Tourcoing, Nîmes
pour les sortes courantes ; d'Aubusso?i et de Beau-
vais pour les tapis de luxe. L'Etat a deux manu-
factures, celle de Beauvnis, et celle des Gobelins à
Paris, dont les produits sont réservés aux édifices
nationaux ou offerts en cadeaux aux souverains
éu-angers. Paris fabrique les châles de cachemire
FRANCE
820 —
FRANGE
La soie. — Le travail de la soie est concentré
dans le bassin du Rhône, qui produit les cocons,
ou reçoit par le port de Marseille les soies d'Italie,
du Levant, de la Chine et du Japon. Alais, dans le
Gard, Aiibenas, dans l'Ardèche, Crest, dans la
Drôme, Avignon, dans le Vaucluse, sont les prin-
cipaux marchés de soie indigène, iyon fabrique les
soieries de luxe mélangées d'or et d'argent, les
velours, les taffetas. Un grand nombre de métiers
travaillent pour les magasins de Lyon dans la
campagne et les départements voisins. Saint-
Etienne et Saint-Chamond fabriquent les rubans.
En dehors de cette région, Paris fabrique la
passementerie, qui rentre dans les articles dits de
Paris, et Tours les étoffes d'ameublement.
Bonneterie, broderies, dentelles. — La bonne-
terie, qui comprend les bas et les divers tricots,
se fait à Troyes pour le coton, à Amiens, pour la
laine, à A'^iwiC-, pour la soie.
La peluche pour les chapeaux de soie vient de
Lyon, mais les feutres se font surtout dans le midi,
en Provence.
La broderie se fait à la main dans les monta-
gnes des Vosges et autour de Nancy, à la mécani-
que à Tarare et Saint-Quentin.
Les dentelles se font dans les campagnes voisi-
nes du Pïiy-cn-Velay, à Hayenx et à Caen, le
tulle à Saiut-Pierre-tès-Calais.
Les ta7ineries. — Les peaux sont tannées dans
toute la France, mais surtout à Paris, où se fait une
si grande consommation de viande, et dans les
ports de mer, le Havre, Bordeaux, Nantes, qui
importent les peaux de la Plata. Pont-Audemer
dans le voisinage du Havre a de grandes tanneries;
Annonay et Grenoble travaillent les peaux de chè-
vre, et Millau celles d'agneau pour la ganterie.
Paris, Bordeaux, Reiuies, Blois fabriquent des
chaussures pour l'exportation.
Industries de luxe — Parii a la spécialité des
objets de luxe, l'orfèvrerie, la joaillerie, la bijoute-
rie. L'horlogerie se fait surtout en Franche-Comté,
à Besançon, à Morez où l'on fabrique en même
temps des tourne-broches, verres de lunettes et
autres objets de précision, à Beuucourt, près de
Montbéliard, où l'on fait de l'horlogerie commune.
Saint-Nicolas d' A lier mont, près de Dieppe, fait
des horloges et des appareils de télégraphie élec-
trique.
La tabletterie en bois vient de Saint-Claude,
celle en ivoire de Dieppe, qui a conservé cette
spécialité depuis le temps où ses navires abor-
daient les premiers sur les côtes du golfe de
Gumée.
Paris et Lyon fabriquent les papiers peints ;
les meubles se font au faubourg Saint-Antoine à
Paris, à Bordeaux et à Nantes pour l'exportation,
les instruments de musique à Pai is et à Mirecourt
(Vosges).
I Papiers. — Les papiers se fabriquent générale-
ment dans les pays de montagnes, où l'on trouve
à la fois des eaux très pures et des forces motri-
ces économiques. Angoulême en fournit beaucoup.
Annonay, dans l'Ardèche, les environs de Greno-
ble [Rives,Voiron), produisent les plus belles pâtes.
Essonne, près de Corbeil, possède la fabrique la
plus considérable pour l'approvisionnement de
Paris. Il y a en outre beaucoup de papeteries dans les
Vosges, le Jura, aux environs de Coulommicrs, où
le Marais a la spécialité de fournir le papier des
billets de banque et des titres de valeurs mobilières
pour la plupart des pays du monde. Tous ces pa-
piers se fabriquent à la machine sur la toile sans
fin. Le papier filigrane à la main se fabrique en-
core à Ttiiers, où l'on travaille pour le timbre et
les cartes à jouer.
Géographie commerciale. — Les canaux et les
chemins de fer, qui servent au transport des mar-
chandises à l'intérieur de la France, ont été l'objet
d'articles spéciaux dans ce Dictionnaire, et nous
avons indiqué dans l'hydrograpliie le point de dé-
part de la navigation sar les rivières. Les roules
déterre, dont on augmente chaque jour le nombre,
ne servent plus guère que d'annexés à ces voies
économiques de transport, les canaux et rivières
navigables et les cliemins de fer, sauf dans la ré-
gion des Alpes. On trouve à l'article concernant
cette chaîne la nomenclature des routes qui traver-
sent ces montagnes et relient la France à l'Itali' ,
Ports de commerce. — La mer du Nord. — C'est
par mer que se fait la plus grande partie du com-
merce extérieur de la France.
Dunkerque est notre premier port sur la mer du
Nord. Ses relations sont principalement dirigées
du côté de l'Angleterre, de la Hollande, de la
Russie. Il importe les matières premières nécessai-
res aux filatures et autres manufactures de la
Flandre, de la houille, des graines oléagineuses,
des bois, et exporte au contraire des céréales et
autres substances alimentaires pour l'Angleterre,
des tissus et des sucres pour les pays lointains.
Gravelines n'est qu'un port de peu d'importance,
recevant des bois et de la houille et réexpédiant
des approvisionnements en Angleterre.
La Manche. — Calais et Boulogne offrent un
grand mouvement, à cause des voyageurs qui y
passent chaque année le détroit au nombre de plu-
sieurs centaines de mille, et des échanges de mar-
chandises qui s'y font constamment entre Paris et
Londres. Les paquebots, passant de Douvres à Ca-
lais, peuvent accoster les quais de ce port à toute
heure. Boulogne communique régulièrement avec
Folkestone, qui lui fait vis-à-vis de l'autre côté du dé-
troit, et avec Londres par la Tamise. Boulogne est en
même temps un port de pèche très actif, qui fournit
en partie Paris. De plus, Calais et Boulogne, de
même que Saint- Valéry-sur-Somme, approvision-
nent les nombreuses manufactures et usines de
leur voisinage en matières premières, houille et
bois de construction.
Le Tréport est un port de pêche.
Dieppe se livre aussi activement à cette occupa-
tion, et est en même temps un de nos grands ports
de commerce. Déjà important avant la fondation du
Havre, il a l'avantage d'être le point du littoral le plus
voisin de Paris, et le plus rapproché de la li^ne
droite reliant Londres avec Paris ou avec Rouen.
Des paquebots relient régulièrement Dieppe avec
New-Haven, et avec Grimsby, à l'embouchure de
l'Humber. Les Anglais y apportent leurs houilles
pour l'approvisionnement des environs et de Paris,
les Norvégiens les bois et les fontes de Suède.
En retour, on emporte en Angleterre les modes
de Paris et les envois des Halles pour le marché
de Londres; des céréales, des briques et poteries,
des galets pour les fabriques de faïences et de
terres cuites anglaises.
Saint-Valéry-en-Caux arme pour la pêche du
hareng et de la morue. Sous ce rapport, Fécamp
est le premier port de France.
Rouen a été construit sur la Seine, au point de
rencontre de la navigation fluviale et de la naviga-
tion maritime. Grâce aux travaux d'endiguement
faits sur la Seine pour en approfondir le chenal,
ce port reçoit des navires d'un tonnage de plus en
plus fort, qui viennent approvisionner Paris, Rouen
et les usines de cette région. Rouen a des relations
avec l'Angleterre, l'Amérique, la côte de Guinée.
Avant la construction des chemins de fer, cette
ville recevait par mer les vins de Bordeaux desti-
nés à la consommation de Paris.
Mais de tous temps, Rouen a eu un avant-port
plus rapproché de la mer.
Lillebonne, au temps des Romains, Harfleur au
moyen âge, le Havre depuis François I*', ont suc-
cessivement joué ce rôle, à mesure que les atter-
rissementsdu fleuve et de la mer et les dimensions
FRANCE
— 821 —
FRANGE
plus grandes données aux navires obligeaient à
chercher un port plus rapproche de la pleine mer.
C'est h grands frais qu'on maintient actuellement
à l'entrée du port du Havre la profondeur et la
largeur exigées par les grands paquebots modernes.
Le Havre est aujourd'hui notre premier port de
commerce après Marseille ; ses relations s'étendent
à toutes les parties du monde. La marine y réclame
sans cesse de nouveaux bassins, de nouveaux
quais, qui prennent peu à peu la place de l'an-
cienne ville el refoulent plus loin les habitants et
les usines.
On débarque au Ha^Te les cotons de la Nouvelle-
Orléans, les blés de New-York et de Chicago, les
peaux et les laines de la Plata, de l'Uruguay ou
(lu Brésil, les cuivres du Chili, les cafés du Brésil
et de Bourbon, les cacaos du Venezuela, l'indigo
de l'Inde ou du Guatemala, les sucres et les tabacs
de la Havane, les pétroles de la Pensylvanie, les
bois de teinture du Mexique et du Brésil, les sa-
laisons de New-York, Chicago, Cincinnati, les
houilles et les métaux d'Angleterre, les bois de
Norvège, et une foule d'autres marchandises dont
le maniement entretient une activité continuelle.
La plupart de ces marchandises sont réexpédiées
dans l'intérieur du pays, mais beaucoup sont
manufacturées au Havre même, qui a des raffine-
ries de sucre, des fabriques de produits chimiques,
une manufacture de tabacs, des huileries, de-
forges, et tend de plus en plus à devenir une
grande ville industrielle en môme temps qu'un
grand entrepôt de commerce.
Le Havre a des services réguliers de navigation
qai le relient à tous les ports principaux de la
côte française, et en outre à Soutliampton et Liver-
pool en Angleterre, à Lisbonne, à Rotterdam,
Hambourg zt Saint-Pétersbourg. Des paquebots,
aussi vastes et somptueusement aménagés que
r. pides dans leur marche, partent du Havre pour
New-York, les Antilles, l'isthme de Panama, Rio
de Janeiro et la Plata, l'Inde et la Chine.
Sur la rive gauche de la Seine, Hori fleur fait le
commerce des bois de Norvège, et expédie en An-
gleterre une grande quantité d'œufs, de volailles, de
)u-ovisions alimentaires diverses produites par la
Basse-Normandie. Il en est de môme de Trouviîle,
qui est en même temps port de pêche, de Cacn
qui communique avec la mer par un canal, de
Careutan et à'Isigny, qui exportent surtout du
beurre.
Cherbourg, qui est un de nos cinq ports militaires,
fait un commerce assez actif pour desservir les be-
soins de son arsenal et de ses chantiers de cons-
truction, et communique aussi régulièrement avec
l'Angleterre. L'admini-tration de la marine est
partagée entre les cinq préfectures maritimes, qui
sont en même temps les ports militaires où l'on
arme les navires de l'État : Cherbourg, Brest,
Lorient, Rochefort et Toulon.
Granville arme surtout pour la pêche de Terro-
Xeuve, et se partage avec Saint-Malo le commerce
des îles Normandes, d'où l'on passe en Angleterre.
Saint-Malo, avec son annexe Sai7it-Se)'van, expédie
beaucoup de légumes et de provisions dansce pays,
et arme pour la grande pêche. Les côtes de Bre-
tagne sont peuplées ae pêcheurs qui fournissent
à notre marine les meilleurs équipages. Les pois-
sons de toutes sortes abondent dans ces parages
couverts de rochers, de bas-fonds, où les prairies
sous-marines leur offrent une nourriture abondante.
Morlaix, Douarnenez, Concameau (ces deux
derniers sur l'Atlantique) sont les principaux
ports d'expédition de cette sorte de produits.
U0céa7i Atlantique. — Brest, notre grand arse-
nal maritime sur l'Océan et le siège de l'école
navale, n'a pas réussi jusqu'à présent à devenir un
port de commerce considérable, ni à servir de
point d'attache aux grands paquebots transatlanti-
ques, ainsi qu'on avait tenté de le faire un moment.
Lorient, autre préfecture maritime, est bien dé-
chu comme importance commerciale depuis le
temps où on l'avait fondé pour en faire le siège de
la compagnie des Indes. C'est là, que se trouvent
maintenant les principaux établissements de l'ar-
tillerie de marine.
Nantes a la même situation sur la Loire que
Rouen sur la Seine. Mais tandis que les gros
navires arrivent à Rouen, Nantes est de plus en
plus délaissé pour Saint-Nazaire, d'où le chemin
de fer amène les matières premières dans ses
usines. Nantes reçoitdes Antilles des sucres qu'elle
raffine, des cafés, des épices. L'Angleterre lui fournit
la houille, la Norvège et la Hollande les bois. En
retour elle expédie des sucres raffinés, des laina-
ges et des modes, des farines, des conserves di-
verses. Les navires de la compagnie transatlanti-
que partent régulièrement de Saint-Nazaire pour
la Guadeloupe, la Martinique, et l'isthme de Pa-
nama, d'une part; Santander, en Espagne, Saint-
Thomas des Antilles, la Havane, la Véra-Cruz, au
Mexique, de l'autre.
Les Sables d'Olonne, La Rochelle, Tonnay-Cha-
rente expédient les produits agricoles de la contrée
et surtout les vins et eaux-de-vie des Charentes,
mais n'offrent pas une grande activité. Rochefort
est une préfecture maritime.
Bordeaux, au contraire, est le premier port de
France du côté de l'Océan, et il doit sans doute
cette importance à son grand commerce de vins, qui
fournit aux navires un fret de retour avantageux
trouvant un écoulement facile dans tous les pays du
monde. Il faut y ajouter les céréales de la vallée de
la Garonne. En échange Bordeaux reçoit des peaux
qu'il transforme en chaussures, de la morue, des
sucres, du café, des denrées coloniales. Il est aussi
le port d'attache des paquebots, qui en partent ré-
gulièrement pour le Brésil, la Plata, 'Valparaiso du
Chili, et Calîao du Pérou, en touchant à la Coro-
gne et Vigo en Espagne, à Lisbonne, à Dakar,
au Sénégal ; pour Santander, en Espagne, les Ca-
naries, les Antilles, le Venezuela et l'isthme de
Panama. Les navires qui ne peuvent pas remonter
la Garonne jusqu'à Bordeaux s'arrêtent sur la rive
gauche de la Gironde à Pauillac.
Rayonne fait surtout du commerce avec les
ports voisins d'Espagne, qui lui expédient des mi-
nerais.
La Méditerranée — Porf-Ve7id)-es, La Nouvelle,
au débouché du canal de la Robine, qui vient de Nar-
bonne, Agde, à l'embouchure de l'Hérault, ne font
qu'un petit commerce de cabotage alimenté sur-
tout par les vins de la région. Port-Vendns a du
moins l'avantage d'un port en eau profonde, où
peuvent se réfugier par les gros temps les navires
d'un grand tirant d'eau.
Cette, au contraire, a un commerce assez actif
avec l'Algérie, l'Espagne et l'Iialie. Les vins, les
eaux-de-vie, le sel alimentent principalement son
exportation. En retour elle importe des bois, des
bestiaux, des grains, de la laine, des minerais
de fer.
Le Rhône n'a pas de grand port en amont de
son embouchure, comme Rouen, Nantes et Bor-
deaux sur la Seine, la Loire et la Garonne La
navigation y est trop difficile- Cependant Arles a
été métropole des Gaules au temps des Romains
et capitale de royaume au moyen âge, et la foire de
iieaucaire devait son importance à ce que le^ mar-
chands y arrivaient par mer de tout le bassin de la
Méditerranée.
Toutefois, c'est en dehors du delta du fleuve et
de ses att'^rrissements que Marseille a été fondée
plusieurs siècles avant notre ère, et ce port n'a
cessé depuis de croître en importance. Le com-
merce ne l'a pas encore déserté pour le port Saint-
Louis, à l'embouchure du canal de même nom, sur
FRANCE
— 822 —
FRANCE
le golfe de Fos. Les Mnrtir/nes et le port de Bouc,
situes de part et d'autre du chenal qui met en
communication avec la Méditerranée la magni-
fique rade intérieure de l'étang de Berre, ne sont
que de petits ports de cabotage.
Marseille attire tout à elle. C'est aujourd'hui notre
premier port de commerce. La conquête de l'Algérie
et l'ouverture du canal de Suez lui ont imprimé une
activité extraordinaire. On trouve réunis dans le vieux
port de Marseille des marins de toutes les nations
riveraines de la Méditerranée. Ses quais étant deve-
nus trop étroits, on a taillé sur la rade môme les bas-
sins du nouveau port, séparés de la pleine mer par
des jetées de construction artificielle. C'est dans
ce nouveau port que stationnent les bateaux à
vapeur, si nombreux à Marseille. Sur l'efTectif de
la marine à vapeur française, plus de la moitié
appartient au personnel de Marseille.
Cette ville communique régulièrement avec la
Corse et l'Algérie, Barcelone et Carthagène, en Es-
pagne. Gènes, Livourne. Civita Vecchia, \aples et
Messine, en Italie ; Malte ; le Pirée, Syra, et
Smyrne dans la mer de l'Archipel ; Constantinople,
Trébizonde et Odessa, dans la mer Noire ; Beyrouth
et toute la côte de Sj-rie : Alexandrie et Port-Saïd, en
Egypte. C'est de Marseille que partent les beaux
navires qui s'en vont jusqu'à Chang-hai en Chine
et Yokohama au Japon, par Suez, Aden, l'île de
Ceylan, Singapore, Saigon et Hong-kong, en des-
servant par des lignes annexes notre colonie de la
Réunion ; Pondichérj' et nos établissements de l'Inde;
Madras et Calcutta. Marseille a d'autres services
sur la Xouvelle-Orléans et les Antilles, le Brésil
et la Plata, pour ne parler que des vapeurs les plus
réguliers.
Les docks de cette ville emmagasinent des cen-
taines de mille tonnes de marchandises les plus
diverses. L'Algérie y envoie ses blés, ses bes-
tiaux, ses minerais ; l'Italie, des soies, des huiles :
l'Espagne, des minerais, des fruits. Là arrivent
les blés du Danube, de la Russie méridionale, de
l'Egypte ; les minerais de la Sardaigne, de l'île
d'Elbe et de la Sicile ; les arachides de la côte d'Afri-
que ; l'indigo de l'Inde, les tiiés de la Chine, les
soies du Japon, les peaux du Levant, le chanvre et
les suifs de la Russie.
Sous le rapport du mouvement de la naviga-
tion (3 500 COO tonnes en ajoutant les entrées et
les sorties d'une année), comme au point de vue
de l'effectif de la marine de ses armateurs y'H)Q 000
tonnes), Marseille est à elle seule presque l'équivalent
de nos deux autres ports les plus importants, le Havre
(2 350 000 tonnes entrées ou sorties, 135 000 ton-
nes pour sa marine) et Bordeaux (1 360 000 tonnes
entrées ou sorties, 134 OOU tonnes pour sa marine).
(La marine marchande française a en tout un mil-
lion de tonnes, dont les trois quarts en navires à
YOiles. 11 y a 95 OOO matelots pour en faire le service.!
Marseille est le siège de la Compagnie des forges
et clvmtlers de la Méditerranée, qui a d'importants
ateliers dans cette ville, à la Seyne, sur la rade de
Toulon, et au Havre. Les Messageries maritimes y
forment la principale compagnie de navigation. Tous
ses services aboutissent à Marseille ou à Bor-
deaux. La Compagnie transatlantique, qui peut
seule lui être comparée, a des services au Havre,
Saint-Nazaire et Bordeaux.
A l'est de Marseille, le petit port de la Ciotat
renferme les chantiers de construction et de répa-
ration des Messageries maritimes.
Ti'Ul'jH, notre premier port de guerre depuis la
conquête de l'Algérie, est en même temps port de
commerce pour tous les transports qu'exige le
service des nombreux ateliers de la marine mi-
litaire.
S'int-Tropez, Autibes ne sont que de petits
ports dont les pêcheurs recherchent le thon, les
anchois et le corail.
Nice a un mouvement plus important, alimenté
par l'exportation des huiles et l'importation des
céréales.
M':7iton. notre dernier port sur la Méditerranée,
a la spécialité d'envoyer chaque année des mil-
lions de citrons aux Etats-Unis.
Progi-ès du commerce fronçais. — Depuis cin-
quante ans, le commerce français n'a cessé de s'ac-
croître, sauf de courts temps d'arrêt causés par des
guerres ou des crises politiques, avec le développe-
ment des moyens de transport facilitant les éclian-
ges, routes, canaux, chemins de fer, vaisseaux à va-
peur, avec la conclusion des traités de commerce
abaissant les droits de douane ou de navigation, et
garantissant les intérêts des négociants dans les
pays étrangers, avec les progrès de la science
découvTant sur les divers points du globe de nou-
velles matières utiles à l'homme, ou enseignant à
tirer un parti plus avantageux de celles qui étaient
déjà connues. Notre commerce total était de 2 mil-
liards et demi en i847, de 5 milliards en 1855,
de plus de 8 milliards en 1867 ; il dépasse mainte-
nant 9 milliards.
Population. — La population de la France, qui
était de lUOO'JOnO habitants en 1700, de 27 445 0('0
en 1800, de 38 000 000 en 1866 avant la perte de
l'Alsace et de la Lorraine, est descendue à
3f. 100 000 en 1872. pour remonter à 36905 788 au
receasement de 1S70 et à 37 672 048 à celui de
18S1. Cela fait en moyenne 71 habitants par kilo-
mètre carré.
Cette population est groupée surtout autour des
grandes villes, Paris, Lyon, Marseille (la Seine
a 5844, le Rhône 265, les Bouches-du -Rhône
lie habitants de population spécifiquel ; dans les
régions industrielles du Nord et de la Normandie
(Nord 282, Pas-de-Calais 124, Somme 89, Seine-
Inférieure 135, Calvados 80), sur les côtes de
Bretagne où la population s'accroît à chaque re-
censement (Finistère 101).
Elle est très faible dans les pays pauvres de
montagnes (Basses-Alpes 19, Hautes-Alpes 22,
Lozère 'JS), stériles comme les Landes ;32 , la So-
logne (Loir-et-Cher 43), la Champagne lAube 42,
Haute-Marne 41).
Cette population comprend un peu plus de 36 mil-
lions de Français, et 800 000 étrangers domiciliés
en France.
Les Belges sont les plus nombreux de ceux ci,
près de la moitié. On les trouve attachés aux
travaux de l'agriculture et de l'industrie dans les
départements compris entre leur pays et Paris.
Les Italiens sont plus de 150 000, surtout employés
comme terrassiers dans les entreprises de travaux
pubhcs, ou faisant le commerce en Provence.
Les Espagnols, les Suisses sont de '50 à 60 000
pour chaque peuple; les Anglais, 30000 seulement.
Le reste comprend des représentants de presque
toutes les nations du globe.
La religion catholique est celle de la majorité
des Français (35 ;î87ntO au recensement de 1872).
Il y a 580 OOO protestants, cantonnés surtout dans
le Gard, la Lozère, l'Ardèche. au pied des Céven-
nes, dans le Poitou, la Franche-Comté et le Dau-
phiné. Les israélitos sont 50 OdO environ.
Pour compléter la description de la France,
V. les mots : Algérie, Alpes, Canaux, Chemi7is de
fer. Colonies, Départements, Droit administratif,
Provinces.
La Corse. — Sitwdion. — Cette île, que traver-
sent le 7° de long. E. de Paris et le 42" de lat.
N., est située dans la Méditerranée à 170 kilomè-
tres au sud-est de l'extrémité de la côte française,
du côté de l'Italie. A l'est, elle regarde la Tosca)te,
dont elle n'est séparée que par un intervalle de
90 kilomètres, et est baignée par la mer Tyrrhé-
nienne. Au sud, elle est séparée de l'île de Sar-
daigne par le détroit de Bonifaco, large seulement
FRANGE
— 823 —
FRANGE
ie quelques kilomètres, et occupé par des îlots
rocheux, tristement célèbres par le naufrage de la
frégate française la Sémillante, pendant la guerre
de Crimée. Au nord s'ouvre le golfe do Gênes,
cité dont l'île de Corse a longtemps dépendu.
Forme et superficie. — La Corse, allongée du nord
au sud, a ISO kilomètres de longeur dans le sens du
méridien ; sa plus grande largeur ne dépasse guère
80 kilomètres. Au nord, elle se termine par la pé-
ninsule étroite du cap Corse^ longue d'une trentaine
de kilomètres. Au nord et à l'ouest, la côte, dominée
par de hautes montagnes, baigne dans une mer
profonde, sur laquelle s'ouvrent d'excellents ports
et des golfes qui découpent les contours de l'île en
sinuosités nombreuses. Les golfes de Saint-
Florent, de Calvi, de Galeria, de Porto, de Sagone,
à'Ajaccio sont les plus remarquables. A l'est, au
contraire, la côte, régulièrement dirigée du sud au
nord, est couverte de lagunes, de côtes basses et
sablonneuses, où ne s'ouvrent que les deux ports
de Bastia et de Porto- Vecchio.
Entre ces limites, la superficie de la Corse est
de 8747 kilomètres carrés. C'est un des départe-
ments français les plus étendus.
Orographie et hydrographie. — La Corse est
parcourue par une haute chaîne de montagnes,
dont l'axe suit à peu près les contours de la côte
occidentale, sur laquelle elle projette de nombreux
contreforts, et dont les points culminants, les
monts Cinto et Rotondo, voisins de Corte, dépassent
2G00 mètres. La neige ne couvre pourtant pas ces
sommets d'une manière permanente, à cause de la
douceur du climat de l'île. Sous ce rapport, la
Corse tient le milieu entre la Provence et l'Algérie,
comme elle leur sert de trait d'union par sa situa-
tion géographique.
Du côté de l'est, les pentes des montagnes sont
plus allongées ; là coulent les cours d'eau les plus
importants de l'île, le Golo et le Tavignano, dont les
apports, comblant peu à peu les sinuosités du rivage,
oat contribué à lui donner sa régularité actuelle.
Toutes les rivières de l'île ne sont du reste que
des torrents qui ne sont même pas flottables.
Climat et productions. — On partage la Corse en
trois climats d'après l'altitude des lieux. Au-dessous
de 600 à 600 mètres croissent les oliviers, qui sont
une des principales ressources de l'île, les arbres
fruitiers de la France, et en outre, dans les vallées
abritées, les orangers, citronniers et grenadiers.
L'agriculture est très arriérée. On pourrait cultiver
avec profit la canne à sucre et le coton, surtout
quand des plantations d'eucalyptus auront rendu
la côte orientale habitable, en la mettant à l'abri
de l'influence paludéenne des lagunes qui la cou-
vrent en grande partie. Sous le second climat, qui
règne entre 600 et 1600 ou 1700 mètres, et qui
est l'analogue du climat moyen de la France, la
Corse possède des forêts étendues, dont les châtai-
gniers et les superbes pins laricios forment les es-
sences les plus précieuses. Le troisième climat
■est plus froid et ne convient qu'à une végétation
forestière de plus en plus maigre. Une grande par-
tie de l'île est couverte par des maquis, fourrés im-
pénétrables qui ne donnent pas de bon produit
forestier et fournissent un asile aux malfaiteurs.
Industrie. — L'industrie est presque nulle en
Corse; le sol renferme de beau marbre analogue à
celui de Carrare, des granits et des porphyres pro-
pres aux constructions, des mines de fer et de plomb,
à peine exploitées. On pêche du corail sur les cô-
tes. Le commerce exporte des huiles, des vins, des
châtaignes, des oranges, des fruits secs, des bois
de construction.
Sur une population de 272 000 habitants, le dé-
partementnerenfermequedeuxvilles, d'importance
à peu près égale: Bastin, siège d'une cour d'appel,
capitale militaire et principal port de l'île ; Ajaccio,
le chef-lieu du département, qui a vu naître
Napoléon I". Elles ont l'une et l'autre ISCOO habi-
tants. [G. Mcissas.]
Pour le programme du cours de géograpliie de
la France et sa division en leçons, V. l'article
Géographie de la France.
FUANCE (Histoire). — Histoire de France, I-XL.
— Populations préhistoriques. — Nos ancêtres ne
sont pas seulement les Gaulois à la longue cheve-
lure; en fouillant le sol, on trouve les vestiges
certains d'une race qui les avait précédés. Ils ne
paraissent pas l'avoir détruite; il est plus probable
qu'ils fusionnèrent avec elle. Les écrivains clas-
siques, latins ou grecs, ne parlent pas de ces
vieilles populations. La Gaule fut longtemps p uir
eux la contrée mystérieuse. Il fallut la con(|Uéiir
pour la connaître. César est en effet le premier qui
fournisse des renseignements précis et des ma-
tériaux Dour l'histoire.
Les Gaulois. — César distingue trois régions
dont les habitants différaient par l'origine et le
langage ; au centre, de la Garonne à la Seine, s'éten-
daient les Celtes; au nord étaient les Belges, plus
Germains que Gaulois; au sud des populations
ibères ou ligures. Les Gaulois n'en étaient plus à
l'état sauvage; lis savaient cultiver le sol, exer-
çaient certaines industries, faisaient le commerce
au bord des rivières et des fleuves. Mais la plus
grande partie de leur pays était couverte d'épaisses
forêts ; pour villes ils n'avaient que des camps gros-
sièrement fortifiés. Leur esprit souple et vif était
prompt à s'assimiler les choses nouvelles, mais
encore fallait-il qu'on les leur enseignât ; les Ro-
mains furent leurs éducateurs.
On admire l'héroïsme de Vercingéforix ; il ne
faut pas trop déplorer sa défaite. La Gaule au
temps de César n'était pas une nation. Elle se par-
tageait en cités ou tribus toutes ennemies entre
elles; les plus puissantes asservissaient les autres ;
au sein même des tribus existaient des partis ri-
vaux toujours prêts à faire appel aux étrangers. Ce
pays divisé avait éveillé les convoitises d'un voisin .
redoutable. Déjà le Suève Arioviste avait passé le
Rhin, la Germanie s'ébranlait derrière lui. La con-
quête romaine devança et prévint la conquête
barbare.
Gnule romaine. — La bonne administration des
Romains, leur admirable politique, rendirent défi-
nitifs les résultats de leur victoire. Soumis à un
impôt modéré qu'ils percevaient eux-mêmes, admis
peu à peu au titre et aux droits de citoyens, les
Gaulois ne songèrent jamais à se détacher de l'em-
pire. En moins d'un siècle leur pays s'était trans-
formé, des routes le traversaient de toutes parts,
des villes opulentes remplaçaient les anciennes
bourgades. La paix encourageait les progrès du
travail. Les Romains avaient importé non-seule-
ment leurs industries, mais aussi leurs arts et leur
littérature. Les écoles gauloises rivalisaient avec
les meilleures de l'Italie. Les deux peuples s'étaient
si bien pénétrés qu'on ne les pouvait distinguer
l'un de l'autre ; il n'y avait plus de Gaulois, mais
des Gallo-Romains. On parlait partout la langue
latine.
Cette prospérité dura jusqu'après les Antonins,
puis la décadence romaine commença. Au qua-
trième siècle, la Gaule souffrait des mêmes maux
qui affligeaient le reste de l'empire. La lutte du
christianisme et du paganisme avait laissé un
grand trouble dans les esprits. Accoutumés à voir
dans l'empire romain un ennemi, les chrétiens ne
lui témoignaient qu'aversion ou indifférence. La
majorité de la population, ruinée par les guerres
civiles et par l'aliénation de la petite propriété,
ne cherchait qu'à se soustraire à l'impôt.
Les barbares. — Les barbares qui se pressaient
aux frontières firent alors irruption de tous côtés.
La Gaule, qu'on avait dégarnie pour garder l'Italie, /
fut traversée du nord-est au sud-ouest et horrible- /
FRANGE
— 824
FRANGE
ment ravagée par l'invasion de 406. Les Suèves,
les Alains et les Vandales s'en allèrent en Espagne;
d'autres peuples, entrés avec ou après eux, Bur-
gundes, Wisigoths, Francs, se fixèrent sur le sol
gaulois. En 451, le patrice Actius parvint à les
grouper pour repousser l'ennemi commun Attila.
Le terrible roi des Huns fut défait dans les champs
catalauniques, mais ses vainqueurs n'étaient guère
moins barbares que lui.
Clovis. Les Mérovinqiens. — Le chef d'une des
hordes franques établies dans le nord, Clovis, fit
avec le clergé gallo-romain une fructueuse al-
liance. Il épousa d'abord la catholique Clotilde,
puis se convertit lui-même. Les évoques l'aidèrent
à détruire les autres chefs barbares, tous acquis à
l'hérésie arienne. Il enleva le Midi aux Wisigoths,
et prépara dans l'Est la ruine des Burgundes que
ses fils achevèrent. Il réunit ainsi à peu près toute
la Gaule sous sa domination. Ses descendants, les
Mérovingiens, ne furent pas les souverains paisi-
bles d'un État régulier. La brusque introduction de
l'élément barbare avait complètement bouleversé
la société. Les coutumes franques, burgundes se
mêlaient et se heurtaient avec la législation ro-
maine. Il n'y avait pas eu de dépossession systé-
matique exercée contre les anciens habitants, mais
les guerres, les violences ne laissaient aucune sta-
bilité à la condition et à la propriété de chacun.
La corruption des mœurs s'était aggravée des vices
nouveaux apportés par les Germains; les rois mé-
rovingiens donnaient l'exemple, ils se massacraient
entre eux ou s'énervaient dans la débauche. Le
niveau des intelligences baissait rapidement: les
grands homhies du temps étaient de pauvres chro-
niqueurs comme Grégoire de Tours ou Frédégaire.
Il semblait que la civilisation totit entière se fût
abîmée dans le naufrage de l'empire romain.
Les Carlovingiens. — De l'aristocratie franque
sortit une famille énergique. Maires du palais ou
ducs d'Austrasie, les Carlovingiens combattirent
victorieusement les incommodes voisins du nord
et de l'est, Frisons, Saxons, Bavarois; au sud ils
arrêtèrent net l'invasion musulmane. L'un d'eux,
Pépin, fit tonsurer en 752 le dernier Mérovingien,
et prit la couronne.
Charlernagiie. — Charlemagne, son fils, fut un
grand homme ; il refoula ou dompta les Lombards,
les Saxons, les Slaves, les Avares; il alla attaquer
chez eux les Musulmans d'Espagne. Quand on lui
donna en 800 la couronne impériale, il avait bien
réellement reconstitué l'empire. Il procura à ces
populations de l'Occident, foulées depuis si long-
temps, quelques années de repos. Groupés autour
de lui et sous sa protection, Alcuin, Pierre de
Pise, Clément réveillaient les intelligences endor-
mies, créaient des centres d'études. Le savoir des
maîtres eux-mêmes était bien confus et borné, mais
ils firent des disciples. On reprenait l'offensive
contre l'ignorance aussi bien que contre les bar-
bares.
L'empire de Charlemagne ne dura pas beaucoup
plus que sa vie. Il était difficile de tenir groupés
sous un même chef des peuples de race et de langue
différentes. Il était surtout difficile que le pouvoir
central se fît partout obéir. Louis le Débonnaire
hâta la ruine en laissant avilir dans sa personne la
majesté impériale. En 84-J l'unité se brise, non
pas en trois grandes nations, mais en une foule de
petits fragments. La féodalité commence.
Féodalité. — Il y avait déjà longtemps qu'elle
se formait. La propriété du sol, l'unique richesse
de ce temps, s'était concentrée dans les mains de
quelques-uns: leudes germains, descendants des
sénateurs gallo-romains, grands dignitaires de
l'église. Les mêmes hommes, sous les noms de
ducs et de comtes, représentaient l'autorité impé-
riale et exerçaient en son nom tous les pouvoirs.
Ils s'habituèrent à se transmettre de père en fils
I leurs fonctions avec leurs biens. Quand l'empire
j se fut dissous, ils n'obéirent plus à personne. Ils
\ furent souverains là où ils étaient propriétaires,
et dans leurs provinces ils étaient propriétaires
partout. Le peuple, surtout dans les campagnes,
était pour toutes choses dans leur entière dépen-
dance. Les invasions et les ravages de nouveaux
barbares, Sarrazins au sud. Normands au nord.
Hongrois à l'est, resserrèrent encore des liens déjà
si étroits. Sur toutes les hauteurs se dressèrent des
châteaux qui, construits pour la défense, servirent
à la domination.
On peut dire que le régime féodal, après s'être
lentement développé, s'est épanoui victorieusement
pendant le neuvième siècle, le dixième et le on-
zième. C'est là une des plus tristes périodes de
l'histoire. La foule des opprimés, serfs, vilains,
manants, fouille péniblement un sol qui ne lui
appartient pas. Il lui faut subir les aides, les cor-
vées, les tailles et toutes ces extorsions qu'on
appelle les droits féodaux. Même à ce prix la sécu-
rité n'est pas garantie. Les seigneurs, toujours
en guerre, pillent, ravagent et tuent. De temps en
temps se produit une de ces famines dont le chro-
niqueur Raoul Glaber a laissé le lugubre tableau.
Les campagnes sont misérables et désolées, les
villes, repliées sur elles-mêmes, se cachent derrière
leurs murailles. La violence des puissants se dé-
chaîne librement.
L'Eglise. — L'Eglise était devenue féodale
comme tout le reste de la société. Ses chefs,
évêques, abbés, prieurs, avaient, comme les barons
laïques, des suzerains et des vassaux. Ils me-
naient la même vie agitée et violente. Quelquefois
ils se souvenaient que les canons interdisent de
verser le sang, et on les voyait dans les bataillcs^
assommer les ennemis à coups de massue. Cepen-
dant une partie du clergé régulier échappa à cet
entraînement. Il attirait à lui tous les hommes du
peuple qui se sentaient le désir d'échapper à leur
triste condition ; les ambitieux d'humble naissance
n'avaient pas d'autre voie pour arriver aux gran-
deurs. En même temps, aux âmes timides qu'ef-
frayait le tumulte du siècle, il offrait la paix
rarement troublée de ses cloîtres. Là fut le der-
nier asile des lettres; à défaut d'autre science, on
s'exerçait à copier les manuscrits anciens; c'est
ainsi que tant de chefs-d'œuvre échappèrent à la
destruction-
Un pape sorti des monastères, l'altier Gré-
goire VII, entreprit la réforme de l'Eglise, et lança
l'interdit contre les plus puissants des princes.
Suppléant aux lois absentes, les terreurs reli-.
gieuses servirent à réfréner les passions; la trêve
de Dieu imposa la paix aux guerroyeurs du on-
zième siècle.
Les croisades. — Mais l'inHuence ecclésiastique
apparut surtout dans les croisades. Des foules
innombrables se ruèrent sur l'Orient pour arra-
cher aux infidèles la Palestine et le Saint-Sé-
pulcre. Après des luttes acharnées, le pays disputé
resta aux Musulmans. Cependant ce n'était pas
en vain que tant de sang avait coulé. Les chré-
tiens apprirent beaucoup à l'école de leurs enne-
mis ; ils rapportèrent des industries, des sciences,
des idées nouvelles. Les Vénitiens, les Génois, les
Pisans, les Marseillais commencèrent dans les
ports du Levant un commerce qui dure encore. La.
croisade contribua aussi à rapprocher les classes :
associés aux mômes entreprises, compagnons de
gloire ou d'infortune, le seigneur et le serf se
regardèrent, l'un avec moins de mépris, l'autre
avec moins de crainte. La féodalité s'était d'ailleurs
affaiblie, beaucoup dos siens restaient couchés sur
les champs de bataille lointains, et ceux qui reve-
naient ne pouvaient reprendre leurs biens engagés
ou vendus. La richesse et avec elle la puissance
passaient en d'autres mains.
FRANCE
— 825 —
FRANCE
Les communes. — Lo mouvement des commune?,
plus directement que les croisades, changea la
forme de la société Dans les villes, où ils pou-
vaient se compter et trouver une force dans leur
nombre, les hommes du peuple se concertaient,
se liaient par un serment solennel. Ils demandaient
alors à pris d'argent ou arrachaient par la force
une charte de commune. Désormais les droits de
chacun étaient réglés, la date et le clufifre des re-
devances fixés; ilny avait plus de place pour l'ar-
bitraire ; c'était, dans le cercle étroit des relations
féodales, le régime constitutionnel comme nous le
comprenons. Chaque cité devint ainsi une petite
république, s'administrant elle-même, ayant ses
finances, ses magistrats, ses assemblées. Une véri-
table vie politique s'y développait, on apprenait à
délibérer sur les affaires communes, au signal du
befi'roi on courait aux armes ; les opprimés résignés
étaient devenus de fiers citoyens.
Progrès de la royauté. — L'indépendance com-
munale disparut dans le grand courant qui em-
portait la France vers l'unité. Aux Carlovingiens
ruinés avait succédé une autre dynastie : les ducs
de France étaient devenus rois. A peine acceptés
comme chefs par les seigneurs les plus proches,
sans action sur les autres, inconnus même de
quelques-uns, les premiers Capétiens semblèrent
désireux de régner sans bruit. Autour d'eux tout
s'agitait : les papes et les empereurs luttaient
pour la suprématie, les Normands allaient conqué-
rir dfs royaumes en Italie et en Angleterre, l'Oc-
cident chrétien courait à la croisade. Pendant ce
temps les rdis de France, immobilts dans leur
étroit domaine, regardaient avec mélancolie les
donjons féodaux qui leur barraient l'horizon.
Louis VI. — Louis VI secoua cette inertie ; ses
contemporains l'ont surnommé VEveillé. Bien
conseillé par son ministre Suger, il fut en mouve-
ment tout son règne, réprimant autour de lui les
petits barons, s'en allant faire sentir le poids de
son sceptre aux plus lointains feudataircs. Les
hommes libres s'accoutumèrent ainsi à voir dans
le roi un justicier suprême vers lequel ils se tour-
naient; les seigneurs apprirent à obéir.
Lo/'.is Vil. — Le puissant Henri Plantagenet, roi
d'Angleterre, respecte en Louis Villa personne de
son suzerain ; celui-ci, malgré l'inégalité de la lutte,
se maintient contre lui sans trop de désavantage.
Plillippe-Auguste. — Plnlippe-Auguste, toujours
en vertu de la suprématie féodale, cite devant sa
cour Jean Sans- "Terre, le fait condamner, et, en
exécution de la sentence, occupe la Normandie,
l'Anjou et l'Aquitaine. La croisade contre les Albi-
geois, à laquelle il ne s'associe point, prépare la
réunion du Midi à la couronne. Pendant que se
forme le territoire, l'esprit national s'éveille et cé-
lèbre la victoire de Bouvines.
Sabit Louis. — Saint Louis ne fit point de con-
quêtes ; il abandonna même en partie celles de
Philippe-Auguste ; il travailla pourtant plus que
personne à l'unité monarchique ; le droit romain
introduit en France, les guerres privées interdites,
la juridiction roj-ale étendue à toutes les affaires,
c'étaient là des atteintes mortelles portées à la
féodalité. Le caractère du roi et la vénération
qu inspirait sa personne contribuèrent au succès
de sa politique; nul n'osait lui résister, et le
respect faisait ce que la force n'eût pu accomplir.
Il dominait les autres princes de toute la hauteur
de ses vertus ; grâce à lui, le roi de France fut le
premier personnage de la chrétienté.
Philippe IV. — Personne ne ressembla moins h
Louis IX que Philippe IV ; à sa manière il pour-
suivit cependant les mêmes résultats. Ses légistes
garrottèrent de leurs liens subtils l'indocilité
féodale. Violent et perfide en Flandre, inique h
l'égard des Juifs et des Templier?, faux monnayeur
au besoin, tout son règne ne fut qu'une âpre ;
chasse à l'argent. C'est que la royauté avait dc3
besoins nouveaux; le domaine royal, démesuré-
ment étendu, avait son administration compliquée
et coûteuse., dont le Parlement était le centre.
L" Tiers-État. — Sous ce prince tjTannique
eurent lieu les premières réunions d'États-Géné-
raux. A la vérité, s'il convoqua les députés des
villes, ce fut moins pour les consulter que pour
leur extorquer des subsides ; mais l'importance de
ces assemblées devait grandir. Ce qui est digne de
remarque, c'est que les classes populaires, dès 1&
commencement du xiv*^ siècle, envoyaient leurs-
représentants siéger auprès de la noblesse et du
clergé. Elles s'étaient accrues en nombre et en ri-
chesse ; la sécurité et l'ordre une fois rétablis, la
vie sociale avait recommencé, les villes se déve-
loppaient par l'industrie et le commerce. Dans les
campagnes la condition des paysans s'améliorait;
en 1315 un édit de Louis X autorisa les serfs à
racheter leur liberté. On était loin des misère»
du X' siècle.
Guerre de Cent ans. — Ces progrès se trouvèrent
violemment airêtés par l'avènement des Valois et
la guerre de Cent ans. Nourris des cliimères d'une
fausse chevalerie, dépourvus de tout sens politique,
Philippe VI et son fils Jean gaspillent follement
leurs ressources dans les fêtes et les batailles.
Après Crécy les provinces du nord, après Poitiers
le sud et le centre sont affreusement ravagés. Il y
eut quelque répit sous Charles V, n^ais la clémence
de Charles VI rouvrit l'ère lamentable des désas-
tres. Armagnacs et Bourguignons s'entre-déchirè-
rent, la guerre civile fit plus de ruines que la.
guerre étrangère. Cependant l'Anglais reparaissait,
triomphait à Azincourt, prenait Rouen, prenait
Paris. Les princes, la reine, le roi signaient le
traité de Trojcs qui livrait la France à Henri de
Lancastre. Dans les châteaux du centre, le Dauphin
promenait sa joyeuse insouciance et perdait gaî-
ment son royaume.
La royauté s'abandonnait elle-même. Le peuple
intenint. Au milieu de ces épreuves, le sentiment
national avait grandi. Déjà après Poitiers une vaste
malédiction s'était élevée contre la noblesse, et la.
Jacquerie s'était déchaînée. Quelques bourgeois-
hardis avec Etienne .Marcel avaient essayé de trans-
férer le pouvoir à la nation représentée par les
États-Généraux; ils succomberont, mais leurs idées
survécurent. Aux plus sombres jours de Charles VI,
les auteurs de 1 ordonnance cabochienne renouve-
lèrent la même tentative et avec le même insuccès.
La foule ne les comprenait pa'= ; elle n'était pas
encore capable de se laisser conduire par des
théories politiques et des opinions raisonnées.
Mais elle suivit d'instinct l'élan passionné qui en-
traînait Jeanne d'Arc. La paysanne de Domrémy,
avec son âme simple et forte, avec sa vaillance faite
de pitié et de colère, parut comme l'incarnation du
patriotisme. Elle détruisit le prestige qui était la
principale force des Anglais. Elle périt sur le bû-
cher de Rouen, mais elle avait rendu aux Français
la confiance et la victoire, qui ne les quittèrent
plus. En lJô3, de toutes leurs conquêtes les Anglais
ne conservaient que Calais.
Charlrs VII et Louis XI.— La guerre de Cent
ans était finie, mais la France était épuisée. Dans
les violents efforts qu'il avait fallu faire, l'unité
politique s'était comme disloquée. Sortis de la
famille royale, les princes apanages se retour-
naient contre elle ; toute une féodalité turbulente
s'agitait dans les provinces. L'œuvre des grands
Capétiens était à recommencer. Charles VII trouva
Jacques Cœur pour lui reconstituer ses finances et
Jean Bureau qui lui organisa une armée. Lé roi eut
dès lors des ressources assurées qui le dispen-
saient de recourir à ses sujets, et une force mili-
taire qui lui permettait d'imposer ses volontés. II
n'y avait pas de muraille si épaisse où les canons
FRANCE
— 826
FRANGE
ne pussent faire de brècbe, et la Praguerie fut
aisément réprimée.
Louis XI, manqua d'abord tout compromettre;
les fautes de ses ennemis le servirent mieux que
sa propre habileté. Le plus dangereux des grands
vassaux, Charles de Bourgogne, alla se briser
contre les Suisses, la maison d'Anjou s'éteignit, la
Bretagne affaiblie n'eut plus la force de défendre
son indépendance. A l'intérieur, l'exemple des Ne-
mours et des Saint-Pol terrifiait la noblesse. Pen-
dant ce temps la nation se relevait, les trêves mar-
chandes de Solcure et de Pecquigny favorisaient
les transactions, les postes royales s'organisaient,
et l'imprimerie était introduite en France. Avec
la prospérité générale on vit reparaître l'idée
d'un gouvernement libre. En li84, dans un lan-
gage qu'on ne devait plus parler ensuite qu'en
I7S9, Philippe de la Roche conseilla aux Etats-
Généraux de saisir le pouvoir.
(. harles Vlll. Guerres d'Italie. — Charles VIII
commença les guerres d Italie et donna ainsi à la
politique française une fausse direction qui fut
obstinément suivie. Pendant près d'un siècle on vit
les armées feançaises renouveler les mêmes tenta-
tives inutiles, déboucher des Alpes, conquérir le
Milanais et reperdre le tout en cherchant à s'é-
tendre dans le royaume de Naples. Mieux eût
valu surveiller les progrès de la maison d'Autriche,
qui prenait alors un accroissement formidable.
Quand Charles-Quint eut réuni l'Espagne, l'Alle-
magne, les Pays-Bas et l'Amérique, la France se
trouva réduite à la défensive. Elle parvint, non sans
peine, sous le règne de François Is^ à préserver
son existence ; avec Henri II elle reprit Calais sur
l'Angleterre et gagna sur l'Allemagne les Trois-
Évèchés lorrains.
Royauté absolue. — Le seul avantage réel que la
royauté retira de ces guerres, ce fut de transformer
son pouvoir et de le rendre absolu. La noblesse ne
se révoltait plus : ce qu'elle avait de meilleur ser-
vait iidèlemeftt à la tête des armées, comme Bayard,
Fleuranges, Louis d'Ars. Les autres, devenus cour-
tisans, formaient autour des princes une domesti-
cité brillante ; le concordat signé par Léon X avait
■mis le clergé à la discrétion des rois; les parle-
ments considéraient le souverain comme la loi vi-
vante, le peuple payait les impôts et n'en contrôlait
pas l'emploi. En tète de ses ordonnances,
François 1" put placer cette formule significative :
« Car tel est notre bon plaisir. »
Renaissance et Réforme. — La France participa
au grand mouvement des esprits qui a illustré
le XVI' siècle. Elle eut, comme l'Italie, sa renais-
sance des lettres et des arts, comme l'Allemagne
sa réforme religieuse. L'une entraînait l'autre. Les
imaginations vives, éprises de l'antiquité, avaient
horreur du sombre moyen âge ; les esprits exacts
remontaient aux origines, examinaient les textes,
et demandaient compte à l'Église des altérations de
la foi. Ce fut par les érudits comme Rabelais ou
Dolet, par les poètes, Marguerite de Navarre et
Clément Marot, que les doctrines luthériennes
furent introduites en France. La royauté hésita
d'abord, puis se prononça contre les novateurs.
Inaugurées sous François P% les persécutions re-
doublèrent pendant le règne de Henri II; elle n'ar-
rêtèrent point les progrès de la réforme française,
-à laquelle Calvin donna alors sa doctrine originale
■et sa forte organisation.
Guerres de religion. — En 1559 la couronne fut
placée sur la tête d'un enfant; les rivalités d'ambi-
tion s'ajoutèrent alors aux querelles religieuses,
€tles guerres civiles éclatèrent. Des deux côtes on
y porta un égal acharnement; les passions étaient
les mêmes, la frénésie du fanatisme armait un pro-
testant pour assassiner Guise et un catholique pour
égorger Condé. Tous oublièrent qu'ils étaient Fran-
çais en appelant, qui les Espagnols, qui les Alle-
mands et les Anglais. Au milieu de ce déchaîne-
ment, les derniers Valois se succédaient dans
l'impuissance ; François II mourait après avoir eu
le spectacle des tueries d'Amboise; Charles IX
disparaissait dans l'horreur de la Saint Barthélémy ;
Henri III en butte au mépris général, sentait son
royaume -lui échapper, et tombait sous le couteau
de Jacques Clémeni en assiégeant sa capitale.
Ileiiri IV. — Henri IV est resté le plus populaire
des rois de France, et ce n'est pas sans raison.
Avec sa physionomie ouverte, son entrain guer-
rier, sa bonhomie qui pour être fine n'était pas
moins sincère, il était de ceux qui plaisent à notre
nation. Il lui rendit d'ailleurs les plus signalés
services. En 1580, il trouvait la guerre civile dans
tout son fou, la division et l'anarchie partout,
l'Espagnol allié de ia Ligue essaj^ant de se trans-
former on maître, l'indépendance menacée, lunité
compromise. Il fallait un grand coeur pour essayer
de tout rétablir.
Le Béarnais, qui avait guerroyé jusqu'alors à la
tête de quelques bandes, s'improvisa général et
politique. Devant l'intérêt supérieur de la patrie,
il inclina ses préférences personnelles; l'ancien
chef des huguenots se montra le roi de tout le
monde. Luttant, négociant, battant les uns, ache-
tant ou séduisant les autres, il ramena toute la
France à lui. Philippe II, lassé, traita à Vervins ;
la Ligue avait vécu. L'édit de Nantes, sage accom-
modement entre les religions ennemies, fut comme
la paix à l'intérieur. L'Espagnol chassé, la guerre
civile finie, on se mit résolument au travail pour
refaire la France. Finances, armée, justice, agri-
culture, on retrouve partout la main de Sully.
Tout cela se tenait d'ailleurs : l'agriculture avait
surtout besoin de sécurité, l'armée et la justice
devaient y pourvoir, et il fallait pour les entretenir
de bonnes finances. Probe, économe, sévère, le
bon Sully avait d'ailleurs quelque étroitesse d'es-
prit. H ne voyait rien en dehors de labourage et
pâturage. L'intelligence plus ouverte de Henri IV
favorisa la création des industries, même des in-
dustries de luxe. Les routes furent réparées, des
ponts, des canaux construits. Le seizième siècle,
si bouleversé et si tragique, finissait dans l'apaise-
aient.
Ric/ielieu et Mazarin. — Il y eut quelques der-
nières convulsions de guerre civile après le
meurtre de Henri IV, et plus tard sous la régence
d'Anne d'Autriche. Richelieu en 1624, Mazarin en
1653 mirent fin aux troubles et maintinrent l'auto-
rité royale. Il existe plus d'un rapport entre ces
deux ministres : de caractères très différents, l'un
dur et hautain, l'autre souple et insinuant, ils tra-
vaillèrent successivement à une même œuvre. Leur
politique étrangère fut habile et heureuse. Plaçant
au-dessus des préjugés religieux l'intérêt national,
Richelieu défendit, comme l'eût fait Henri IV
lui-même, les puissances protestantes contre l'ab-
sorption autrichienne. Après avoir lancé Gustave-
Adoli'he, il intervint directement dans la guerre
de Trente Ans. Mazarin utilisa les généraux et
les diplomates formés sous son prédécesseur. Aux
traités de Westphalie et des Pyrénées, il obtint
les résultats que celui-ci avait poursuivis : l'abais-
sement politique de la maison d'Autriche, la
réunion à la France des provinces nécessaires à
son unité : Alsace à l'est, Artois au nord, Rous-
sillon et Cerdagne au sud-ouest.
Mais ces succès furent payés bien cher. L'admi-
nistration intérieure des deux cardinaux fut op-
pressive et vexatoire ; sans tenir compte des
misères du peuple, on s'ingéniait sans cesse à
établir de nouveaux impôts ; l'opposition du Par-
lement, sous la régence d'Anne d'Autriche, avait
quelque i-aison d'être. L'un et l'autre, mais sur-
tout Riclielieu, furent trop portés à confondre la
liberté avec la rébellion. Il était nécessaire do ré-
FRANGE
— 827 —
FRANGE
primer les turbulences de la noblesse, mais fallait-il
pour cela étouffer toute vie locale sous une centra-
lisation excessive ? Richelieu et Mazarin prépa-
rèrent les voies au despotisme de Louis XIV; ils
préparèrent aussi les fautes et les malheurs que ce
despotisme devait engendrer.
Lettres et arts au xvii* siècle. — Cette première
moitié du xvii' siècle a eu sa part de grandeurs
intellectuelles. Malherbe, Balzac, l'Académie fran-
çaise travaillèrent à fixer la langue dont se servi
renten maîtresDescartes, Pascal, Corneille. Le Dis-
cours de la Méthode, les ProvincUdes, le Cid ont
précédé l'avènement ou tout au moins le gouver-
nement de Louis XIV. Dans le même temps, les
illustres artistes de l'école française. Poussin, Le-
sueur, Claude Lorrain, produisaient leurs chefs-
d'œuvre.
Le règne de Louis XIV est surtout remarquable
par l'étonnante profusion de grands écrivains qu'il
présente. Ce nest pas sans quelque raison qu'on
en a fait l'époque classique de la littérature fran-
çaise. Molière, Racine, la Fontaine, Bossuet se dé-
tachent au premier rang; un peu en arrière se
pressent Fénelon, M""' de Sévigné, la Rochefou-
cauld, la Bruyère, Boileau, Bourdaloue, S' Simon.
L'éloquence éclatante, la grâce familière, la force
comique, le bon sens judicieux, la pénétrante ana-
lyse ou la peinture animée des passions, n'ont
jamais trouvé une forme plus achevée et une
expression plus parfaite.
Colbert. — A Colbert bien plus qu'à Louis XIV
revient l'honneur d'avoir favorisé cette glorieuse
cclosion. Le ministre morose fut l'obscur ouvrier
des splendeurs du règne. Il répara les finances,
créa de toutes pièces une industrie, lança des
compagnies de commerce, organisa une marine. Il
no fut pas un novateur; l'emploi des chambres de
justice pour les finances, de la protection pour
l'industrie, du monopole pour le commerce, mon-
tre qu'il partageait les idées de son temps. Mais
son activité mettait tout en mouvement, et rien
n'échappait à sa vigilante attention. Lui aussi
d'ailleurs contribua à fonder l'absolutisme monar-
chique, dont il put apprécier avant sa mort les
désastreux effets.
Louis XIV. — Louis XIV imposa l'obéissance à
tout le monde; noblesse, clergé. Parlement^ Etats
provinciaux, personne n'éleva plus la voix ; même
les élections municipales furent supprimées. Il se
servit de ce pouvoir sans limites pour gaspiller par
un faste ruineux et par des entreprises démesu-
rées les ressources qu'avait amassées Colbert.
Reprenant pour son compte les ambitieux projets
de la maison d'Autriche, il parut bientôt en Europe
comme un ennemi public et souleva contre lui
toutes les nations. Pendant que la révocation de
l'édit de Nantes enlève à la France sa population
protestante, les guerres de dévolution, de Hollande,
de la ligue d'Augsbourg, de la succession d'Espa-
gne la ruinent et l'épuisent. La conquête de deux
provinces, Flandre et Franche-Comté, est assuré-
ment quelque chose ; mais si l'on considère l'im-
mensité des efiforts, la quantité de sang répandu,
on trouve que le résultat est hors de proportion. Le
peuple qui souffrait en jugea ainsi, et fit des feux
de joie aux funérailles du grand roi.
Louis XV. — La décadence de la monarchie a
commencé avec le dix-huitième siècle; elle se pré-
cipite sous Louis XV. Au début même du règne,
le système de Law et sa catastrophe bouleversent
les fortunes et les idées, la noblesse se déshonore
dans les orgies de la Régence, le clergé subit à sa
tête un cardinal Dubois. Au gouvernement des roué'S
succède celui des favorites : les ministres sont
élevés ou renversés, les alliances conclues, les
guerres engagées, par un caprice des Pompadour
•et des Dubarry. Louis XIV avait eu au moins le
prestige de la gloire militaire, Louis XV ne re-
cueille que la honte et les désastres ; les colonies
sont perdues, la marine détruite ; l'Angleterre, la
Russie, la Prusse grandissent en Europe pendant
que la France décroît. A l'intérieur, les luttes avec
les Parlements, les querelles toujours renaissantes
du jansénisme détruisent dans les esprits le res-
pect de l'Eglise, de la magistrature et de la royauté
elle-même.
Mouvement des idées au xviii* siècle. — La lit-
térature a changé de caractère ; moins soigneuse
de la forme qu'au siècle précédent, elle remue
plus d'idées. Enhardie par le progrès des sciences
physiques et naturelles, elle veut tout connaître,
tout examiner, tout juger. Voltaire, Rousseau, Di-
derot, BufTon, Montesquieu, si différents par la
nature de leur esprit, attaquent tous ensemble le
vieil édifice des croyances. lis contestent l'autorité
au nom de la raison. Une puissance nouvelle s'é-
lève, l'opinion publique, et elle juge avec sévérité
les choses et les hommes. L'opposition est complète
entre les institutions et les idées.
Etat social sous l'ancien régime. — Ce ne sont
pourtant pas seulement les théories philosophiques
(jui ont préparé la Révolution. L'ancien régime,
qui heurtait si fort le sentiment public, n'était pas
plus d'accord avec les intérêts généraux. La masse
de la population roturière ployait sous le triple
faix de 1 impôt royal, des droits féodaux et de la
dîme ; la grande propriété ecclésiastique ou noble
accaparait la meilleure partie du sol; le travail
industriel était un privilège ; on comptait par cen-
taines de mille les hommes sans moyens d'exis-
tence réguliers : mendiants, braconniers, contre-
bandiers. Pendant que le peuple soufi'rait d'une
misère chronique, la bourgeoisie s'inquiétait de la
gestion des finances et réclamait des comptes.
Origines <ie la Révolution. — Choiseul sous
Louis XV, sous Louis XVI Turgot et Necker es-
sayèrent de sauver la monarchie en la réformant.
Ils échouèrent l'un après l'autre. Malgré la droi-
ture de ses intentions, Louis XVI ne sut pas mieux-
que son grand-père défendre ses ministres contre
les intrigues de cour ; la légèreté de Marie-An-
toinette rendit la royauté de plus en plus impo-
pulaire. Tout semblait conspirer à une catas-
trophe : les tentatives de réforme qui tenaient
l'opinion en éveil, les résistances du Parlement
dont les esprits étaient émus, la guerre d'Améri-
que qui donnait le spectacle d'un peuple défen-
dant victorieusement ses droits. En même temps
les embarras du trésor, qui dataient de Louis XIV,
allaient croissant, le déficit se creusait comme un
gouffre. A la fin, la royauté, ne sachant plus où se
prendre, convoqua les États-Généraux et déposa
devant eux son bilan, La Révolution commençait.
Assemblée constituante. — Les députés du Tiers
transformèrent les États-Généraux en Assemblée
nationale constituante, et entreprirent de traduire
en lois les principes de liberté et d'égalité énoncés
dans la Déclaration des droits de l'homme. Il
s'agissait de refaire de fond en comble la so-
ciété française. La Constituante ne fut pas infé-
rieure à sa tâche : elle al olit les droits féodaux,
les dîmes, les privilèges et les distinctions de
classe ; elle releva au rang des citoyens les dissi-
dents religieux et les serfs ; en établissant l'égalité
dans les successions, en attribuant à la nation les
biens détenus par le clergé, elle prépara une ré-
partition meilleure de la propriété foncière ; les
corporations fermées disparurent et le travail ia-
duscriel fut accessible à tous.
Dans l'ordre politique, on substitua au pouvoir
absolu les garanties d'un régime constitutionnel.
Une Assemblée nationale partageait avec le roi le
pouvoir législatif et contrôlait l'exercice du pou-
voir exécutif. Partout, dans les départements qui
avaient remplacé les provinces, dans les districts,
dans les communes, les administrateure furent
FRANCE
— 828
FRANGE
choisis par les citoyens. Une magistrature élective,
une hicrarcliie de tribunaux savamment établie,
l'institution du jury, étaient des gages de sécurité
pour les intérêts privés et la liberté individuelle.
Résistances contre ta Révolution. — Les classes
privilégiées, qui avaient d"abord partagé l'entraî-
nement général, revinrent très vite à des sen-
timents contraires. Louis XVI s'associa à leurs
résistances. Les projets de contre-révolution for-
més par la cour, en juillet et en octobre, ne firent
que précipiter la marche des événements. En 1791,
Louis XVI fut arrêté au moment où il cherchait à
s'enfuir. Les conseillers imprudents Cjui l'avaient
si mal servi soulevèrent alors contre la France les
souverains étrangers. L'agitation intérieure, entre-
tenue par une partie du clergé, menaça de dégé-
nérer en guerre civile. L'Assemblée législative, qui
avait succédé àla Constituante, voulut sévir contre
les rebelles, et exigea du roi une attitude énergi-
que vis-à-vis des États voisins. Mais Louis XVI,
tout en déclarant la guerre à l'Empereur et aux
émigrés, entretenait avec eux des relations suivies.
On devinait cette complicité, et l'on s'en indi-
gnait comme d'une trahison. Au manifeste inso-
lent de Brunswick répondit la journée du 10 août :
la royauté constitutionnello fut renversée.
Co?wention nationale. — A la fin de 1792 et
surtout en 179.3 la situation de la France parut
terrible. A l'Autriche et à la Crusse, déjà unies
contre elle, se joignaient l'Angleterre, la Hol-
lande, l'Espagne et le Piémont. L'invasion fran-
chissait les frontières. L'anarchie désorganisait
toute défense : la Vendée, la Bretagne, la Nor-
mandie, Lyon, Bordeaux, Marseille, Toulon se sou-
levaient. La Convention, avec une indomptable
énergie, fit face partout ; elle écrasa les révoltes
intérieures ; elle trouva des soldats . des armes,
des généraux, elle fit violence à la victoire. Nos
troupes entrèrent en Allem.Hgne, en Belgique, en
Hollande, la guerre reflua sur le territoire ennemi.
La Convention souva la France; mais malgré ses
travaux législatifs et ses grandes créations, elle
prépara la ruine de la République. Par un vérita-
ble suicide, elle immola parmi ses membres les
meilleurs et les plus grands. Des hommes qui
avaient fait la révolution, la Terreur tua les uns
et démoralisa les autres. Quand la crise fut pas-
sée, les ambitieux et les intrigants n'eurent plus
afiaire qu'aux honnêtes gens médiocres que leur
médiocrité même avait sauvés. Le peuple, si ar-
dent aux premiers jours, se retira peu h peu de la
lutte et s'assoupit dans l'indifférence.
Directoire. — Lancées au pas de charge, les
armées françaises continuent à travers lEurope
leur course victorieuse, mais l'histoire intérieure
pendant le Directoire se dégrade et s'abaisse. PJus
de caractères, des trompeurs ou des dupes ; la
corruption des mœurs s'étale avec cynisme ; l'im-
punité étant presque assurée, on ne prend plus la
peine de se cacher pour conspirer. Le gouverne-
ment, impuissant, sans argent, sans autorité, use
des mêmes moyens que ses adversaires, et répond
aux conspirations par des coups d'Etat. Enfin ,
trahi par ses propres chefs, il est renversé le 18
brumaire. Un attentat heureux fonda ainsi la dic-
tature du général Bonaparte.
Consutat. — Le Consulat servit de transition
eatre la République, dont il se disait une forme,
et l'empire qu'il préparait. Le Code civil, ébauché
par la Constituante, la Convention et les Cinq
Cents, est terminé par le Conseil d'État ; mais
d'autre part le Concordat, qui rétablit un culte
officiel, la Légion d'honneur qui tend à reconsti-
tuer une noblesse, la centralisation administra-
tive, la suppression de la liberté d'écrire, sont con-
traires à l'esprit de la Révolution. La nation
accepte tout sans manifester de résistance; elle
ne souhaite plus que la paix et le repos, et les
attend du premier consul. Ces espérances sem
blent d'abord se réaliser ; après Marengo et Hohen-
linden, l'Angleterre et l'Autriche déposent les
armes. Mais la joie est de courte durée ; et c'est
au milieu des préparatifs d'une nouvelle guerre
que le Consulat se transforme en Empire.
Empire. — Le génie guerrier semble personni-
fié dans Napoléon, mais non le génie politique. En
Europe il eut des sujets, jamais d'alliés. L'orgueil
de sa force lui faisait dédaigner l'équité et aussi
la prudence. Il croyait tout dénouer à coups de
victoire. Longtemps le succès lui donna raison.
Ulm, Austerlitz, léna, Friedland, Wagram brisè-
rent les coalitions européennes. En Ibll, FEm-
pire comprenait 130 départements; autour de lui
s'étendait une zone d'Etats dépendants : le royaume
d'Italie reconnaissait pour chef Napoléon, il gou-
vernait la Suisse comme médiateur, la confé-
dération du Rhin comme protecteur. L'Autriche
et la Prusse, diminuées, affaiblies, obéissaient pas-
sivement aux volontés de leur vainqueur.
Cette colossale puissance était bien fragile.
L'Angleterre, depuis qu'elle avait détruit à Tra-
falgar la marine française, demeurait maîtresse
des mers. L'Espagne, secourue par elle, repoussait
avec fureur la royauté de Joseph Bonaparte. A
l'autre bout de l'Europe, la Russie s'apprêtait à re-
devenir ennemie pour rester indépendante. Parmi
les souverains, les anciens, môme l'empereur
d'Autriche, son beau père, étaient hostiles à Na-
poléon ; les nouveaux, Murât, Jérôme, n'existaient
que par lui. Les peuples, blessés dans leur patrio-
tisme, atteints dans leurs intérêts par le blocus
continental, détestaient la domination française.
L'opinion générale était contre Napoléon.
En France même, on était bien revenu de Fen-
tlioiisiasme des premiers jours. Jamais peut-être,
même sous l'ancien régime, on n'avait subi un
pareil despotisme. C'est par une audacieuse im-
posture que Napoléon s'est présenté comme le con-
tinuateur de la Révolution. Son règne en fut la
négation. Un corps législatif votant en bloc les
budgets, un sénat servile enregistrant mécanique-
ment les sénatus-consultes, voilà ce qui restait du
régime représentatif; les prisons d'Etat, rétablies
en 1809, recevaient, sans jugement, les citoyens. Ni
liberté politique, ni liberté de la presse, ni liberté
individuelle. L'égalité ne recevait pas de moins
graves atteintes. En fondant l'empire, Napoléon
s'était entouré d'une hiérarchie de grands-officiers,
une cour complète avait été organisée. Dans la
nation même, des faveurs nombreuses étaient
accordées, dans la répartition de l'impôt, à la pro-
priété foncière et aux classes les plus riches. Le
sénatus-consulte d'aoiit 1S06, en autorisant les
substitutions et les majorais, détruisait Fégalité
dans les successions.
Pendant que la littérature officielle s'éver-
tuait sans réussir à produire une œuvre remar-
quable, tous les libres esprits se réfugiaient dans
l'exil. Les grands écrivains de ce temps, qu'ils
soient absolutistes comme de Maistre, catholiques
comme Chateaubriand, libéraux comme M"" de
Sîaël et Benjamin Constant, sont d'accord pour
combattre le régime impérial. La bourgeoisie les
approuve en silence. Les classes populaires com-
mencent à supporter impatiemment la consci-iption
et les droits réunis.
Chute de l'e/npire, — Les désastres de 1812
furent comme un signal longtemps attendu. L'un
après l'autre, tous les Etats se prononcèrent contre
Napoléon. L'Europe entière marcha dans la sixième
coalition. En 1813 l'Allemagne est perdue, en
1814 les alliés entrent en France. Vaincu après
avoir accompli des prodiges de génie militaire.
Napoléon abdique et se retire à l'ile d'Elbe. La
tentative suprême de 1815, dont les fautes des
Bourbons avaient rendu possible l'éphémère succès.
FRANCE
— 829 —
FRANÇOIS r
I
procure à la France une seconde invasion et des
conditions de paix plus dures. Elle perdit toutes
les conquêtes, non seulement de l'Empire, mais
aussi de la République. Le résultat d(^ tant de
guerres, d'une si effroyable dépense d'hommes,
était en définitive un amoindrissement terri-
torial.
Restauration. — La Restauration débuta mal.
Elle revenait sous la protection des armées étran-
gères, et semblait ramener avec elle tous les pré-
jugés et toutes les rancunes du passé. En I8i4
elle s'aliéna l'opinion, d'abord bien disposée pour
tout ce qui n'était pas l'Empire; en 18 1 5, elle to
léra les excès de la terreur blanclie. Mieux inspiré
enfin, Louis XVIII renvoya la Chambre introuvable,
€t essaya de gouverner en appliquant sincèrement
la Charte. Pendant une période d'environ quatre
années, on eut des élections libres, une presse
afifranclîie de la censure et justiciable seulement
<lu jury ; on obtint des puissances l'évacuation
anticipée du territoire. Le parti ultra- royaliste
criait à la trahison; il profita de l'assassinat du
duc de Berry pour renverser le ministère Dessolcs-
Decazes, et reprit le pouvoir.
Le ministère Villèle fut une entreprise métho-
diquement menée contre l'œuvre de la Rcvolu-Jon.
La loi électorale fut changée ; la presse, pour la-
quelle la censure avait été rétablie, fut menacée
de la loi de justice et d'amour; la loi sur le mil-
liard d'indemnité aux émigrés avait pour objet de
reconstituer les grandes fortunes, la loi sur les suc-
cessions de les maintenir en rétablissant le droit
d'aînesse. On tendait ainsi à refaire l'ancien régime,
en lui donnant un caractère théocratique qu'il
n'avait jamais eu. L'absolutisme religieux multi-
pliait ses manifestations, s'emparait de l'instruc-
tion publique et faisait présenter la loi du sacri-
lège.
Lettres, sciences., industrie. — Mais il était trop
tard pour ramener à son ancienne forme la société
française. L'espi-it de la Révolution l'avait trop pro-
fondément pénétrée. La littérature du dix neu-
vième siècle, d'abord religieuse et monarchique
avec son grand prosateur Chateaubriand et ses
jeunes poètes Hugo et Lamartine, était insensible-
ment amenée aux idées libérales. Le goût pour le
passé avait donné naissance à l'histoire qui, indiffé-
rente avec de Barante, doctrinaire avec Guizot,
devenait démocratique avec Augustin Thierry, Qui-
net, Mignet et Thiers. Tout en redoublant d'ardeur
dans leur lutte contre la tradition classique, les
chefs de la nouvelle école se séparaient de leurs
anciens amis politiques ; le romantisme s'intitulait :
le libéralisme en littérature. Les sciences pour-
suivaient leurs progrès théoriques, mais en même
temps appliquaient leurs découvertes à l'industrie :
la navigation à vapeur, l'éclairage au gaz, le télé-
graphe et bientôt les chemins de fer. les innom-
brables machines, multipliaient la production, fa-
cilitaient les échanges, activaient la circulation
économique. A la faveur d'une paix générale et
durable, le commerce prenait une extension jus-
qu'alors inconnue. Ainsi se formait une richesse
mobilière toute aux mains de la bourgeoisie. La
liberté du travail, la division de la propriété, l'éga-
lité civile, conquêtes de la Révolution, produisaient
leurs résultats : « La démocratie coulait à pleins
bords. »
Révolution de 1830. — Le courant était irrésis-
tible. Le ministère Villèle fut brisé en essayant de
l'arrêter. Après le court intervalle du ministère
Martignac, le parti ullra-royaliste recommença la
lutte. L'opposition résista avec une discipline et
un ensemble qui la rendaient invincible. Vaincu
dans les élections, le ministère Polignac essaya
d'un coup d'Etat. La révolution de juillet répondit
aux ordonnances, et le vieux Charles X dut re-
prendre le chemin de l'exil.
Louis-Philippe. — Louis-Philippe d'Orléans,
appelé au trône par la Chambre des députés, pro-
mit de gouverner selon la Charte et tint parole.
Mais s'il ne chercha pas à revenir en arrière, il ne
voulut ou ne sut pas marcher en avant. Il serait
injuste de méconnaître les résultats obtenus pen-
dant les dix-îiuit années de son règne. Au dehors,
la paix fut soigneusement maintenue, et les armées
françaises purent être employées à continuer la
conquête de l'Algérie, commencée sous Charles X.
A l'intérieur, le mouvement intellectuel se déve-
loppait, et l'éclatante maturité du siècle répondait
aux promesses de son début. En écoutant les
débats des Chambres et les polémiques de la presse,
la nation s'habituait au régime parlementaire et à
la liberté politique. La richesse publique conti-
nuait de s'accroître, les routes, les cliemins vici-
naux, les voies ferrées se construisaient de toutes
parts.
Cette prospérité matérielle était réelle, mais elle
inspira trop de confiance et d'illusions aux hommes
d'Etat de ce temps. Croyant avoir donné satisfac-
tion aux intérêts, ils ne voulurent rien céder aux
idées. Il était bon d'aimer la paix, mais il ne fallait
pas, pour la conserver, prendre en face de l'Europe
et surtout de l'Angleterre une attitude humiliée
et soumise. L'appui de la bourgeoisie censitaire
était assurément précieux, mais ce qu'on appelait
le pays légal n'était pas tout le pays. Les écoles
socialistes agitaient les difficiles questions de la
propriété, du capital, du travail, et trouvaient dans
les souffrances des classes ouvrières de terribles
arguments. L'opposition républicaine, quelquefois
imprudente et passionnée, mais généreuse et hardie,
réclamait pour tous les citoyens l'admission aux
droits politiques. La gauche dynastique, qui aurait
voulu qu'on fît face à l'Europe dans la question
d'Orient, demandait des réformes à l'intérieur. La
résistance, personnifiée par Guizot, l'emporta dans
les conseils de Louis-Piiilippe, et la monarchie de
juillet tomba. La révolution de 1S48, au milieu
des troubles anarchiques et des violences d'une
prompte réaction, allait établir le suffrage univer-
sel, seule application véritable du principe de la
souveraineté nationale. [Maurice Wahl.]
Pour la distribution des matières du cours d'his-
toire de France, V. l'article Histoire de France, où
Ion trouvera le programme de ce cours et l'indi-
cation des articles spéciaux auxquels ce programme
renvoie.
FRAKCE ( LiTTÉRATCRE ). — Y. Littérature
française.
FUAIVÇOIS. — Nous complétons par les arti-
cles ci-dessous, consacrés aux principaux souve-
rains de ce nom, les leçons d'histoire de France
et d'histoire générale dont le numéro d'ordre est
indiqué à la suite de chaque nom.
1° France.
François I". — Histoire de France, XVI-XVII.
— François d'Angoulême (1515-1547), petit-fils de
Jean d'Angoulême et arrière-petit-fils du duc
Louis d'Orléans, était beau, fort et brave ; son ar-
mure de Marignan, que l'on voit au Louvre, est
d'un homme de six pieds. « Il avait le regard
bienveillant et doux, le sourire gracieux, les ma-
nières séduisantes. » Quand, à vingt ans, il devint
roi, « c'était un vaillant et brillant enfant gâté. »
Boisy, son gouverneur, s'était appliqué à faire de
lui c( un chevalier bien dressé aux mœurs et à tous
les mérites chevaleresques, mais sans lui faire
faire de plus sérieuses études, ni le préparer à la
tâche du gouvernement (Guizot). » D'ailleurs
François avait grandi sous l'influence de deux
femmes qui l'aimèrent passionnément, sa sœur
aînée, la « Marguerite des Marguerites, » et sa
mère, Louise de Savoie, ambitieuse et corrompue,
avide de plaisir, d'argent et de pouvoir.
FRANÇOIS I"
— 830
FRANÇOIS V
Marignax et le Concordat — Les deux prédéces-
seurs du jeune roi avaient ouvert le cliemin de l'Iia-
lie. Et les séductions de la l'éiiinsuie, arts, plaisirs
et prouesses, devaient eue irrésistibles sur un
prince de vingt ans. Six mois à peine s'étaient écou-
lés df'puis son avènement, que le roi avait renouvelé
les traités de l,ouis XII avec Henri Mil, A'enise, le
pape et Charles d'Autriclie. Les Suisses seuls se
montraient résolus à soutenir le duc de Milar.^
Maximilien Sforza; 20 00U d'entre eux gardant lus
Alpes, il fallut chercher un passage inconnu.
L'armée se dirigea vers le col de Largenticre.
Pietro Navarro construisit des ponts sur les pré-
cipices; les soldats traînèrent leurs canons dans
la neige; et l'on déboucha dans la vallée de Sa-
luées. François poussa vers Milan, jusqu'au village
de Jlarignan. Le 13 septembre 1515, les sons « du
taureau dUri et de la vache d'Unterwalden » an-
noncèrent la bataille. Ce fut, comme le dit le vieux
Trivulce, un combat de géants ; trente fois la gen-
darmerie française vint se heurter aux piques des
Suisses. François !"■ eut la vi-ière de son casque
percée d'une pique, et passa la nuit à cheval, à
quinze pas de l'ennemi. Enfin le lendemain, après
une lutte de vingt-huit heures, les Suisses plièrent.
Le roi victorieux voulut être armé chevalier par
Bayard sur le champ de bataille. « Certes, ma
bonne épée, s'écria le chevalier sans peur et sans
reproche, tu seras bien gardée comme relique pour
avoir aujourd'hui donné à si beau et puissant roi
l'ordre de la chevalerie. » Décidément ce n'était
plus la royauté sage et bourgeoise de Cliarles V,
de Charles VII et de Louis XL C'étaient bien
plutôt les traditions brillantes mais dangereuses
de la noblesse féodale et de la chevalerie qui ré-
gnaient sur le roi de France.
Cette victoire inaugurait brillamment le nouveau
règne. Maximilien Sforza fut interné en France.
Les Suisses conclurent la paix et promirent au roi
des mercenaires ; Léon X vint conférer à Bologne
avec le vainqueur. Le pape offrit à François d'en-
lever aux fidèles l'élection des évèques et des
abbés, dont la nomination serait désormais dévolue
au roi; il réclamait en échange l'abolition de la
Pragmatique. Ce fut le concordat de lôl'o, et la fin
des libertés gallicanes. Comme le parlement s'op-
posait à ce traité : « Je sais qu'il y a dans mon
parlement des fous turbulents et téméraires, dit
le roi; je sais qu'ils voudraient s'ériger en sénat
de Venise. Qu'ils se mêlent de la justice... Il
n'y a qu'un roi en France. » Et l'édit fut enre-
gistré violemment. C'était rompre avec la bour-
geoisie, à qui la royauté devait presque tous ses
progrès.
En un an de règne, François s'était donc fait
connaître tel qu'il fut toute sa vie : brave et
glorieux, mais imprudent, mobile et despotique,
homme de plaisirs plutôt que d'alTaires et de tra-
vail. Tel était le prince qui devait faire face aux
complications de la politique européenne, naissante
au xvp siècle. Jusque-là les nations avaient vécu
sur elles-mêmes, absorbées dans le travail de
leur formation intérieure. Elles allaient désormais
lutter au dehors pour agrandir leur domaine ou
maintenir leur indépendance. L'Europe se trouvait
au seizième siècle en face de la puissance autri-
chienne grandissante, de la Renaissance et de la
Piéforme. Ces trois événements ont rempli le régie
et la vie de François l'".
FuaxçoisI"et Charles-Quint. — La rivalité de ces
deux princes était inévitable. Ils étaient opposés
de caractère tout ensemble et d'intérêts. « Doué
d'un sens naturel supérieur, d'un esprit pénétrant,
d'une rare fermeté de caractère, Cliarles s'apprê-
tait à regarder la fortune en face, sans s'enivrer
de ses faveurs, sans se troubler de ses disgrâces.
Sa gravité et sa hauteur d'âme sont telles, dit un
contemporain, qu'il semble tenir l'univers sous ses
pieds. fMignct). » Et de fait, le jeune prince pré-
tendait à la monarchie universelle. Pour posséder
l'Occident, il ne lui manquait que la France et
l'Allemagne. L'Allemagne devait fermer autour de
la frontière française le cercle menaçant de sa
prodigieuse domination. Son grand-jit-re, l'empe-
reur Maximilien, venait de mourir (lôlO). Francfort,
où se réunissaient les électeurs, fut donc le pre-
mier champ de bataille des deux rivaux, déjà en
rivalité, malgré le traité de Noyon (lôlG), pour
Naples et le Milanais,
François promettait aux Allemands une croisade
contre les Turcs; mais Charles se réclamait de
son grand-père. Tous deux faisaient assaut d'argent.
Enfin le seul électeur incorruj/tible, Frédéric le Sage,
entraîna ses collègues, et après avoir refusé pourlui-
même le trône impérial, vota pour le petit-fils de
JL.iximilien, « vrai prince allemand, disait-il, dontle
choix lui semblait le plus naturel en droit et le plr s
convenable en fait, dans l'état de l'Europe. » Le
roi Charles I*"" d'Espagne devenait Charles-Quint.
Première guerre (lô21-Iô2C). — François cacha
son dépit, mais prépara la guerre, en recherchait
ralliaiicc du roi d'Angleterre Henri VIII. Les deux
souverains se rencontrèrent entre Guines et Ardre.=.
Le roi de France avait fait construire une ten.e
immense, en forme de sphère, et toute en drr.p
d'or. L'intérieur était de velours bleu ciel scnic
d'étoiles d'or. Les seigneurs imitaient la ma-
gnificence du maître; plusieurs « portaient sur
leurs épaules leurs moulins et leurs prés, » qu'ils
avaient dépensés en riches parures. Mais François
eut beau faire montre de chevalerie en se rendant
seul au camp d'Henri VIII, celui-ci partit peu
après pour Gravelines, où il vit Charles-Quint. Et
l'empereur acheta Wolsey, ministre et favori du
monarque anglais.
Néanmoins François fit envahir la Navarre, qui
fut aussitôt reperdue. Lautrec, son général en Italie,
se laissa chasser de Milan; heureusement Bayai d
arrêta Charles-Quint derrière les murailles en
ruines de Mézières. En 1522, la haine de Louise de
Savoie fit encore perdre à Lautrec la bataille de la
Bicoque ; la reine-mère s'était fait remettre les
^00 000 écus destinés à solder les Suisses; ceux-ci
exigèrent de leur général « argent, congé ou ba-
taille. "Lautrec, forcé d'attaquer dans de mauvaises
conditions, fut complètement vaincu.
En 1523, Louise de Savoie fut encore cause de la
trahison du connétable. Charles de Bourbon pos-
sédait le Bourbonnais, l'Auvergne, le Forez, la
Marche, le Beaujolais ; il avait épousé Suzanne
de Bourbon, petite-fille de Louis XI ; François I*^'
l'avait fait connétable. Et ses talents étaient au
niveau de sa fortune : en 1512, l'armée l'avait
voulu pour successeur à Gaston de Foix; à
Marignan, on lui avait dû en partie le gain de
la bataille. Depuis, il avait gouverné le Milanais
avec une habile énergie. Mais sa hautaine indé-
pendance avait fait dire à Henri VIII : « Si j'a-
vais un pareil sujet, je ne lui laisserais pas long-
temps la tête sur les épaules. » Jusque-là, le duc
avait servi loyalement le roi. La rancune de Louise
de Savoie, dont il refusa brutalement la main, à la
mort de sa femme, devait le conduire à la révolte.
Dépouillé injustement de tous ses biens par un
arrêt du parlement, qu'avait dicté la reine-mère,
il se vit tenté par Charles-Quint qui lui offrait sa
sœur. Dès lors il conspira. Un traité d'alliance
fut signé par lui à Montbrison avec Henri VIII et
l'empereur. On lui promettait de lui faire un
royaume avec des morceaux de la Franco. Le roi
averti, Bourbon dut fuir à Besançon, ville impé-
riale. En vain François fit ofl'rir « au redoutable
fugitif la restitution immédiate de ses biens, le
remboursement de ce qui lui était dû (Mignei). » —
a II est trop tard, » répondit Bourbon, et il re-
joignit Charles-Quint.
FRANÇOIS r
— 831 —
FRANÇOIS r
Mais dans ses provinces héréditaires mêmes, la
fidélité ne fut pas un instant ébranlée.
En lô"24, Bourbon, qui « avait repris dans la coali-
tion par sa supériorité naturelle la considération
et rai;torité que lui avaient fait perdre son in-
succès » et la défiance de Cliarles-Quint, résolut de
conduire en Provence l'armée espagnole. Il vain-
quit d'abord à Biagrasso, où Bayard fut mortelle-
ment blessé. Informé de sa blessure, Bourbon
accourut: a Bayard. mon ami, dit-il, je suis bien
déplaisant de votre inconvénient. — Il n'y a point
de pitié à avoir sur moi, répondit celui-ci: je meurs
ayant fait mon devoir; mais j'ai pitié de vous, de
vous voir servir contre votre roi, votre patrie et
votre serment. » Peu après, le héros mourut,
admiré des ennemis mêmes.
Cependant la France était envahie; heureuse-
ment Marseille répondit avec des boulets aux som-
mations de Bourbon. Et les Espagnols reculèrent
bientôt devant François I" qui amenait une armée.
Leur route était jonchée de morts et de mou-
rants, d'armes et de bagages. François pour-
suivit les fuyards jusqu'à Pavie que défendait Leyva.
La ville était à bout, quand parurent Bourbon
et Pescaire avec les soldats de Charles-Quint.
« Mes enfants, s'écria Pescaire, toute la puissance
de l'empereur ne vous donnerait pas demain un
morceau de pain. Si donc vous tenez à mander
demain, marchons au camp des Français. » L'ar-
tillerie semblait nous devoir donner la victoire ;
mais François masqua ses propres canons par une
charge maladroite. Chabannes, Bonnivet, La Tré-
moille tombèrent sous les yeux du roi, qui, blessé
au visage, aux bras, aux jambes, combattait tou-
jours. Enfin il dut se rendre. « De toutes choses,
Il ne me demeure que l'honneur et la vie, qui est
sauve, » écrivit-il ii sa mère, en lui confiant la régence
du royaume {15"25). Bientôt emmené à Madrid,
il y fut tenu étroitement emprisonné. Charles-
Quint se proposait de le biiser par ces rigueurs
pour lui faire accepter de dures conditions. Mais
François voulut abdiquer ; bientôt il tomba malade,
et Charles eut peur de perdre son prisonnier. Par
le traité de Madrid conclu aussitôt (15". G), le roi
de France renonçait à tous ses droits sur la Bour-
gogne, la Franche-Comté, l'Artois, la Flandre, Mi-
laoj Naples. Il livrait ses deux fils comme otages,
jusqu'à la complète exécution de ces clauses ri-
goureuses. Il promettait d'épouser Eléonore, sœur
de Charles-Quint.
Deuxième gutrre (1526-29). — « Je suis encore
roi, » s'écria François en sautant sur la rive fran-
çaise de la Bidassoa. Et la joie de vivre libre,
le désir d'une prompte revanche, les sympathies
de l'Europe, inquiète des progrès autrichiens, lui
firent presque aussitôt oublier les conventions de
Madrid. Dès 1526, il convoquait les Etats de Bour-
gogne, qui refusaient de se donner à l'Espagne. Il
signait le traité de Cognac avec le pape, le duc de
Milan et Venise contre l'empereur. — « Le roi, votre
maître, dit Charles à l'ambassadeur français, a fait
méchamment et lâchement de ne pas m' avoir gardé
la foi que j'ai de lui. » — « \ous disons que vous
avez menii par la gorge, et qu'autant de fois que
vous le direz, vous mentirez... Par quoi, assurez-nous
le champ et nous vous porterons les armes; la honte
de tout délai du combat, sera vôtre, répondit Fran-
çois. « L'empereur accepta le cartel. Mais les deux
rivaux « cherchaient plutôt à conserver des appa-
rences chevaleresques, qu'à mettre sérieusement
en pratique les exemples de leurs aïeux. » C'est
l'Italie qui fut leur champ-clos.
Bourbon venait d'y succéder à Pescaire ; les Im-
périaux étaient dans un profond désarroi. L'an-
cien connétable courut ramasser en Allemagne
15 000 lansquenets luthériens, enchantés de servir
sous lui et contre le pape. Leur chef Frondsberg
apportait une chaîne d'or pour étrangler Clé-
ment VU. a Je vous ferai tous riches, ou mourrai
à la peine, » leur avait dit Bourbon; et il conduisit
tumultueusement ces bandes affamées au pillage
de Rome. Il y fut tué, des la première heure
de l'assaut, d'une arquebusade. Mais la solda-
tesque victorieuse prit le pape et jouit de la ville ,
hommes et choses, pendant trois mois. Ce fut
pire qu'au temps des Vandales. L'indignation
éclata dans la chrétienté, et décida enfin Fran-
çais I" à agir. Lautrec franchit les Alpes, emporta
Pavie, délivra Clément VII, et assiégea Xaples de
concert avec le Génois André Doria, « si grand ami-
ral qu'il semblait que la mer le redoutât, » dit un
contemporain, ^lais la fierté de Gènes et de son
grand citoyen déplut à François. Le roi complota
d'enlever par surprise la flotte génoise. Doria
averti traita avec l'empereur, et les Français s&
trouvèrent cernés dans les Deux-Siciles, sans
vivres, en proie aux maladies. Lautrec mourut de
la peste, et les débris de l'armée capitulèrent.
Le Milanais fut encore perdu. Heureusement
les progrès de Soliman sur le Danube obligèrent
Charles-Quint à traiter. Marguerite d'Autriche,
tante de l'empereur, et Louise de Savoie négo-
cièrent à Cambrai la paix des Dames (152'').
François, trahissant ses alliés, Venise, Florence,
Ferrare, renonçait à l'Italie, épousait Eléonore
d'Espagne, et payait deux millions d'écus pour la
rançon de ses fils.
Troisième guérie (153C-37). — Désormais, Fran-
çois, instruit par ses revers, résolut de diriger
contre l'empereur une guerre moins brillante, mais
plus redoutable. Appuyé sur l'Angleterre, il en-
treprit de soutenir les adversaires de la maison
autrichienne, les protestants d'Allemagne et les
Turcs. C'était amasser encore des ferments de
guerre, qui firent explosion en 15^6, à la mort
de Maximilien Sfûrza. Charles-Quint envahit la
Provence. Mais le connétable de Montmorency
changea cette province en désert. Pendant deux mois,
l'empereur promena dans le pays désolé ses bandes
affamées, que décimait obscurément la ra-ge des
habitants. Au retour, il avait perdu 20 000 hommes.
Quelques ravages en Champagne et en Picardie
n'avaient pas eu meilleur résultat. On signa une
trêve à A"ice il5;3"!, après avoir célébré à Aigues-
Mortes des fêtes splendides. François môme ,
naguère si ardemment ennemi de Charles, lui
offrit gratuitement le passage à travers la France
pour marcher contre Gand révoltée ; Charles ac-
cepta (lr.39).
Le fou du roi, Triboulet, écrivait sur son re-
gistre le nom de l'empereur. — « Que diras-tu, si
je le laisse passer, dit le roi. — J'effacerai son nom
et mettrai le vôtre à sa place." — Pourtant, Fran-
çois, ( n échange de ce service signalé, se contenta
de vagues promesses, qu'oublia Charles, aussitôt
la frontière franchie. "Triboulet avait eu raison.
Quatrième guerre. — Ce fut la cause d'une
quatrième et dernière guerre. Encouragé par
le désastre des Espagnols devant Alger fl54l),
François renouvela son alliance avec Soliman,
dont la flotte vint hiverner à Toulon, au scan-
dale de la chrétienté il542). Cependant Charles-
Quint avait pénétré en Champagne jusqu'à Eper-
nay , et Henri VIII emportait Boulogne. Paris
était en alarmes. Mais l'empereur recula devant
40 000 hommes de milices nationales, et le comte
d'Enghien vainquit à Cérisoles (1544). Montluc
était venu demander la permission de combattre;
il entraîna le roi. « Fou enragé que tu es, lui dit
un ministre, tu seras cause du plus grand bien qui
puisse arriver au roi, ou du plus grand mal. » Ce
fut une victoire, suivie delà paix de Crespy (1544).
François gardait la Bourgogne et le Piémont, pris
au duc de Savoie Un an avant de mourir, François
signa encore la paix avec l'Angleterre (1540).
Trente ans de guerres incohérentes n'avaient
FRANÇOIS r
— 832 —
FRAxNÇOIS r
eu de résultat ni pour la France ni pour le roi.
« Heureusement pour l'éclat de son règne et
l'honneur de son nom, François avait eu d'autres
désirs et d'autres goûts que ceux de la politifjue
vaniteuse et imprévoyante qu'il pratiquait avec des
alternatives de témérité et de faiblesse, plus nui-
sibles au succès de ses desseins qu'à sa renommée
personnelle, qui se relevait incessamment par
l'éclat de son courage, les élans généreux, bien
que superficiels, de son âme, et le charme de son
esprit, animé d'une sympathie sincère pour toutes
les belles œuvres humaines dans les lettres, les
sciences, les arts, et pour tout ce qui honore et
embellit la vie humaine ^Guizot). »
François I" et la Renaissance. — Tous les sou-
verains du xvi^ siècle « honorèrent les artistes,
François l" les aima. Les exilés italiens trouvaient
en lui une consolation, la plus grande, il les imi-
tait. Les Italiens en revanche avaient fait pour
lui des merveilles (Michelet.) » Dispersés par les
guerres d'Italie, un grand nombre étaient venus
s'abriter à l'hospitalité du roi chevalier. Le Rosso,
le Primatice lui construisirent Fontainebleau; An-
dréa del Sarto lui donna son admirable Charité qui
est au Louvre ; Vinci, que François appelait son
père et dont il recueillit, dit-on, le dernier soupir,
vint mourir à Clou, près d'Amboiso. Le roi promet-
tait à Cellini a de l'étouffer dans l'or. » Fontaine-
bleau, Chenonceaux, Chambord, Saint-Germain
demeurent aujourd'hui les témoins de leur faveur
et de leur reconnaissance. Et près d'eux, à leur
exemple, se formèrent les Français : Pierre Lescot
traçait le plan d'un nouveau Louvre, commencé
■en 1541, et construisait la fontaine des Innocents,
dont Jean Goujon sculptait les délicieuses figures.
Plus lentes à mûrir, les lettres se formaient peu
à peu dans le commerce assidu de l'antiquité.
Chassés de Constantinople en li5.3, les savants
grecs s'étaient dispersés dans l'Occident ; en
échange de l'hospitalité, ils ouvraient leurs mains,
pleines des trésors antiques. Les Français avaient
rapporté de la péninsule italienne les germes de
la civilisation renaissante. Jean Lascaris, Guil-
laume Petit, Jean et Martin Dubellay, Guillaume
Budé, Vatable étalent les maîtres éminents des
études anciennes. Avec leur concours, François
fonda le Collège royal, origine du Collège de
France, où il créa successivement des chaires de
grec, d'hébreu, de mathématiques, de langues
orientales, d'éloquence latine, de philosophie la-
tine et grecque. Robert Estienne, établi par le roi
Tue Jean de Bcauvais, imprimait les trésors des
écrivains antiques, que se disputaient les modernes.
Et les lettres françaises commençaient à fleurir.
François donnait l'exemple, dans des vers médio-
cres. Sa sœur Marguerite de Valois eut souvent un
sentiment vrai, un esprit libre et gracieux dans
son Heptamé7'o?i, dont les récits décrivent les
mœurs contemporaines, et dans ses vers, les Mar-
guerites de la Marguerite des Princesses. Mais
deux hommes surtout font la gloire de cette pre-
mière période de la Renaissance : Marot et Rabe-
lais. Pour la première fois avec Marot, « nous
sommes en France, en terre et en langue fran-
çaises, en plein esprit français, de la cour et de
la bonne compagnie ; poète d'esprit, plutôt que de
génie et de grand talent, mais tout plein de grâce
ei de gentillesse (Sainte-Beuve.) « On lui doit des
poésies diverses et une traduction des psaumes
que chantent encore les protestants.
« Rabelais (1495-1553) erra en France et en
Europe de ville en ville et de profession en pro-
fession, de bonne en mauvaise et de mauvaise en
bonne fortune. » Il finit, sous Henri II, curé de
Meudon, par la protection du cardinal du Bellay.
François I"', avant de mourir, avait permis la pu-
blication de son Garguntua et de son Pantagruel.
« Au fond et au-delà de leurs apparences, la vie
et le livre de Rabelais sont une image vraie et vive
de la fermentation morale et sociale de son temps,
temps à la fois d'innovation et de résistance, de
décadence et de renaissance (Guizot.) »
Fbançois I*f ET LA RÉFoitME. — « Quc le maître
de la maison, en vue d'une moisson nouvelle,
envoie des ouvriers nouveaux et diligents Mon
cher Guillaume, Dieu renouvellera le monde et
vous le verrez. » Ainsi parlait le vieux savant
Lefèvre d'Étaples au jeune dauphinois Guillaume
Farel. Ces deux hommes représentaient en France
les deux premiers aspects de la Réforme. Lefèvre
avait pour amis Briçonnet, Marguerite de Valois,
et par intervalles le capricieux François lui-même.
Farel devait répandre dans le peuple tout le trouble
que semait Luther en Allemagne. Le premier
martyr du protestantisme français, Jean Leclerc, de
Meaux, périt ajirès d'horribles supplices (1525)
pendant la captivité du roi. Il fallut, peu après,
le retour de François pour arracher au Parlement
Louis de Berquin. Mais en 1528 quelques héréti-
ques vinrent briser la tête à une statue de Notre-
Dame; Berquin, abandonné du roi, malgré Mar-
guerite, fut repris et mourut sur le bûcher. Depuis
l.i29, la conduite de François àl'égarddes hérétiques
fut subordonnée aux nécessités de sa politique
extérieure. Tour à tour allié par besoin ou hostile
par croyance aux protestants d'Allemagne, il toléra
ou persécuta alternativement les protestants de
France. Durant son règne, 81 condamnations à
mort pour crime de religion furent exécutées.
En 1534, en six mois, il y en avait eu 102 pronon-
cées à Paris, mais la plupart des victimes avaient
fui. Et ces rigueurs ne faisaient que stimuler le
zélé des hérétiques, soutenus déjà par Calvin.
Le dernier acte de persécution et le plus atroce
de ce règne est le massacre des Vaudois de Mé-
rindol et de Cabrières. Depuis le xiii' siècle, les
disciples du marchand lyonnais Valdo vivaient pai-
sibles dans une vallée des Alpes. Les progrès de la
Réforme attirèrent sur eux l'attention. Le 18 no-
vembre 1540, le Parlement d'Aix ordonna « que les
maisons seraient démolies et rasées, les caves
comblées, les bois coupés et abattus, que les terres
de ceux qui avaient habité dans Mérindol ne pour-
raient être affermées à qui que ce fût de leur
famille ou de leur nom. m L'exécution n'eut lieu
qu'en 1545, sous les ordres du baron d'Oppède.
Trois villes et vingt-deux villages furent détruits,
trois mille personnes massacrées, après d'ignobles
violences ; beaucoup d'enfants furent vendus
comme esclaves L'indignation fut violente, et le
roi lui-même ordonna une enquête. Mais il
mourut avant de l'avoir vue accomplir.
Ainsi, vis-à-vis de ses deux adversaires, Charles-
Quint et la Réforme, François niontra la même
mobilité, pratiqua la même politique incohérente
et indécise. Il vieillit malade, triste et décou-
ragé, sentant lui-môme la vanité de son œuvre.
« Pendant trente-deux ans, il avait projeté, tenté,
guerroyé, négocié,... changeant sans cesse de
but, de cause, d'alliés. Et dans ce mouvement
incohérent, il n'a su conquérir ni l'Empire, ni
l'Italie; il n'a ni grandi, ni pacifié la France
(Guizot.) » [Paul Schâfer.]
François II. — Histoire de France, XVIII, —
fils aîné et successeur de Henri II, monta sur le
trône en juillet 1559, à l'âge de moins de seize ans.
On lui avait fait épouser l'année précédente la
jeune Marie Stuart. Son règne, qui ne dura que
dix-huit mois, fut rempli par les querelles de
deux maisons rivales, les Bourbons et les Guises;
les passions religieuses, violemment surexcitées,
servirent de prétexte à une lutte dont le but réel
était la possession de l'autorité, l es Guises, oncles
de Marie Stuart, étaient tout puissants à la cour;
l'un des Bourbons, Louis de Condé, organisa une
conjuration dans laquelle entrèrent un grand
FRANÇOIS
— 833
FREDERIC
nombre de gentilshommes huguenots : il s'agissait
d'enlever le jeune roi du château d'Amboise, où il
lésidait, pour le soustraire ainsi à Finfluence des
Guises, qui auraient été exilés. Mais le complot fut
découvert, et de sanglantes exécutions affermirent
pour un moment le pouvoir de la maison de Lor-
raine (mars 15f)0). Condé sauva sa tête en prenant
parti contre ceux-là mêmes qu'il avait invités à
conspirer. Toutefois bientôt les réformés s'agitèrent
de nouveau, et une prise d'armes parut imminente.
En vain Michel de l'Hôpital, que la reine-mère, Ca-
therine de Médicis, venait de faire nommer chan-
celier, essaya-t-il de s'interposer entre les partis :
de part et d'autre on voulait agir. Les Guises prirent
les devants : ils firent arrêter Condé (octobre), et
obtinrent contre lui une condamnation à mort,
comme complice des conjurés d'Amboise. L'Hôpi-
tal refusa de signer la sentence ; et quelques
jours plus tard, François H mourut sans postérité
(5 décembre 1560). C'était son jeune frère Charles,
enfant de dix ans, qui héritait de la couronne; le
pouvoir échappait ainsi aux mains des Guises pour
passer à celles de Catherine de Médicis. Condé fut
remis en liberté; et la politique du nouveau règne
sembla, pendant un moment trop court, vouloir
s'inspirer des principes de tolérance que repré-
sentait le chancelier de l'Hôpital. — V. Char-
les IX et Guerres de religion.
2° Allemagne.
François U, — Histoire générale, XXVI-XXVH,
— dernier empereur d'Allemagne, fils de Léo-
pold U, succéda à son père comme roi de Bohême
et de Hongrie (l"92y , puis comme empereur.
Louis XVI, son oncle par alliance, dut lui déclarer la
guerre en avril 1792 : c'était la réponse à l'inso-
lente prétention de la cour de Vienne d'obliger le
peuple français à renoncer aux réformes accomplies
par l'Assemblée constituante. On trouvera ailleurs
(V. Réuolution française et Directoire) les détails
de la guerre de la première coalition. Les armées
de l'empereur furent presque constamment battues ;
et enfin, en 1797, il dut accepter le traité de
Campo-Formio, que lui imposa le général Bona-
parte, et par lequel il renonçait à la Belgique et
au Milanais, mais obtenait en échange Venise et
la Dalmatie. S'étant joint à la seconde coalition,
il fut encore vaincu, et conclut la paix de Lunéville
nSOi). Enfin, ayant repris les armes en 1805, il
se vit, après la bataille d'Austerlitz, obligé de re-
noncer au titic d'empereur d'Allemagne. Réduit
au gouvernement de ses Etats héréditaires, il ne con-
serva que le titre d'empereur d'Autriche, et s'appela
dès lors François l". \\ déclara de nouveau la
guerre à la France en 1S09, pendant que Napoléon
était occupé en Espagne : la victoire de Wagram
le contraignit à la paix, et l'année suivante, il lui
fallut donner au vainqueur la main de sa fille Marie-
Louise. Mais après les revers de la campagne de
Russie, il se tourna de nouveau contre Napoléon,
et joignit ses troupes à celles des alliés qui envahi-
rent la France en 1S14. \\ régna jusqu'en 1835,
ayant pour premier ministre le comte de Met-
ternich, qui fut l'un des principaux inspirateurs
de la politique de la Sainte-Alliance.
3° Autriche.
François I". — Y. ci-dessus François II {Alle-
magne).
FRAA'CS. — Histoire de France, HL — V. Bar-
bare < , Clovis, Mérov ingiens.
FRKDERIC. — Nous consacrons ci-dessous une
courte notice à ceux des souverains de ce nom dont
le règne occupe une place importante dans l'his-
toire générale.
1° Allemagne.
Frédéric !•' Barberousse, — Histoire générale,
XIX et XXVIl, — neveu et successeur de Conrad lU I
2' Partie,
de Hohenstaufen, fut le deuxième empereur de la
maison de Souabe. Son élection fut le résultat d'une
transaction entre les Gibelins et les Guelfes: le
chef de ces derniers, Henri le Lion, rentra dans
ses droits sur les duchés de Saxe et de Bavière,
dont son père Henri le Superbe avait été dépouillé
sous Conrad IV. Toutefois ces duchés furent di-
minués, le premier du margraviat de Brandebourg,,
transformé en fief immédiat, et dont le possesseur,
Albert l'Ours, devint la tige des électeurs de Bran-
debourg; le second, de l'Autriche, qui fut érigée
en duché relevant directement de l'empire : ce fut
là l'origine des deux plus puissants Etats de l'Alle-
magne moderne.
Durant la plus grande partie de son règne, Fré-
déric Barberousse lutta pour établir l'autorité im-
périale en Iialie. Après avoir fait reconnaître sa
suzeraineté aux rois de Danemark, de Pologne et
de Hongrie, il passa les Alpes, détruisit Tortone
qui lui avait refusé obéissance et se fit couronner
roi d'Italie à Pavie. Pour gagner le pape Adrien IV,
il lui livra le réformateur Arnaud de Brescia, qui
fut brûlé (1 155) ; ensuite Frédéric reçut la couronne
impériale des mains d'Adrien, malgré la résistance
des Romains, qui attaquèrent ses troupes pendant
la cérémonie du sacre.
Après le retour de Frédéric en Allemagne, les
villes italiennes montrèrent des velléités d'indé-
pendance. Les Milanais aidèrent les habitants de
Tortone à relever leurs murs. Frédéric revint alors
en Italie avec une armée formidable (1158), et éta-
blit dans les villes des podestats, magistrats char-
gés d"y exercer l'autorité en son nom. L'autorité
de ces lieutenants impériaux parut insupportable
aux libres communes italiennes: bientôt Milan et
Crème se soulevèrent. Frédéric fit le siège de
Crème, qui dura sept mois, puis celui de Milan,
qui dura deux ans. L'empereur tira des Milanais
une vengeance terrible: leur ville fut rasée (1162).
Cependant Adrien IV était mort : on vit alors
en présence un pape gibelin, Victor IV, et un pape
guelfe, Alexandre III. Alexandre se fit le défenseur
des libertés de l'Italie. Dès que Frédéric fut re-
tourné en Allemagne, les villes italiennes du nord
formèrent la Ligne lombarde (1164), qui se plaça
sous la protection du pape ; Milan fut rebâti, et une
ville nouvelle, .\lexandrie, fut construite pour me-
nacer Pavie, l'alliée de l'empereur. Frédéric re-
passa de nouveau les Alpes ; mais cette fois la for-
tune lui fut contraire : il ne put prendre Alexandrie,
et peu après vit son armée réduite de moitié par
la défection de Henri le Lion, qui l'abandonna pour
retourner en Allemagne. L'empereur voulut néan-
moins livrer bataille à la Ligue lombarde : il fut
complètement défait à Legnano (1176). Il dut alors
signer une trêve et reconnaître Alexandre III. La
cause de l'autorité impériale en Italie était déci-
dément perdue; quelques années plus tard, le
traité de Constance (1183) vint consacrer les droits
que les villes italiennes avaient conquis par leur
héroïque résistance (V. Communes, p. i66).
En Allemagne, du moins, Frédéric était resté
tout-puissant. Il punit Henri le Lion de sa félonie
en lui enlevant ses deux duchés, qui furent donnés,
la Bavière à Othon de Wittelsbach, et la Saxe à un
prince de la maison de Brandebourg.
En 1189, Frédéric Barberousse prit la croix, en
même temps que Philippe- Auguste et Richard Cœur
de Lion ; mais il n'arriva pas jusqu'en Palestine : il se
noya en traversant la rivière Sélef, en Cilicie (1190).
Frédéric Barberousse est resté le plus populaire
parmi les souverains de son pays. La légende a fait
de lui le type de César allemand, et le symbole
glorieux de l'unité de l'Allemagne. Le vieil em-
pereur n'est pas mort, disent les lieder des bords
du Rhin ; il est endormi dans les souterrains d'un
château mystérieux, et il doit en sortir un jour
pour triompher des ennemis de son peuole, et restau-
53
FREDERIC
— 834 —
FRONDE
reries splendeurs du Saint-Empire germanique. —
V. Holienslaufen.
Frédéric II — Histoire générale, XIX et XXVII,
— appartenait comme Frédéric Barberousse, son
grand-père, à la maison de Souabe, dont il fut la
personnalité la plus remarquable. A la mort de son
père Henri VI(ll97), qui lui laissa le royaume des
Deux-Siciles, il n'avait que quatre ans, et ne pou-
vait prétendre à la couronne impériale. Deux
compétiteurs se la disputèrent : Pliilippe de
Souabe, oncle du jeune Frédéric, et Otlion de
Brunswick, fils de Henri le Lion, et chef du parii
guelfe. Ce dernierroçut l'appui du pape Innocent III,
et, après l'assassinat do Philippe {l"208i, fut una-
nimement reconnu. MaisOlhon montra bientôt vis-
à-vis du Saint-Siège les mômes prétentions que
les empereurs gibelins; alors Innocent III l'excom-
munia, et donna la couronne à Frédéric (1212). Ce-
lui-ci toutefois ne fut véritablement empereur qu'a-
près la mort d'Othon de Brunswick, arrivée en 1218.
Jusqu'à la fin du pontificat d'Innocent III, dont
il avait été le pupille, Frédéric II resta le docile
protégé de l'Église. Mais bientôt la lutte recom-
mença, plus violente que jamais, entre l'empe-
reur et la papauté. Italien par sa mère Constance
et par son éducation, Frédéric apporta dans cette
lutte les ressources d'un esprit délié et rompu
aux habiletés de la politique. Au retour d'une croi-
sade entreprise pour obéir à l'impérieux pape
Grégoire IX, et dans laquelle il se fit céder Jéru-
salem par le soudan d'Egypte (1229), il trouva une
partie de l'Italie soulevée: avec l'aide de ses sujets
sarrazins de Sicile, il battit ses adversaires. Mais, quel-
ques années plus tard, son propre fils Henri se révolta
contre lui à l'instigation du pape et avec l'appui
des villes de Lombardie; Frédéric, obligé de re-
prendre les armes, vainquit la ligue lombarde à
Corte Nuova (1237), et détruisit à la Meloria la
flotte des Génois, alliés du pape (1241). Grégoire IX
mourui la même année; après deux ans d'interrè-
gne, il fut remplacé par Innocent IV. Le nouveau
pape ne se montra pas moins animé que son pré-
décesseur contre le parti gibelin. Il fit déposer l'em-
pereur dans un concile tenu à Lyon (12 15), et prê-
cha une croisade contre lui. En apprenant la déci-
sion du concile, Frédéric, saisissant sa couronne,
l'afl'ermit sur sa tête et s'écria : « Elle n'en tombera
pas avant que des flots de sang n'aient coulé. «
Ses dernières années se consumèrent dans une
lutte stérile ; trahi par son chancelier l'ierre des
Vignes, et poursuivi sans relâche par la haine
d'Innocent IV, qui voulait anéantir la race des Ho-
henstaufen, il ne put venir à bout de pacifier l'I-
talie. Le chagrin que lui fit éprouver la captivité
de son fils Enzio, fait prisonnier par les Bolonais
en 1249, acheva de l'accabler; et il mourut l'année
suivante.
Frédéric II aimait les lettres et les arts ; c'est à
sa cour de Palcrme, en Sicile, que naquit la poésie
italienne. Il fonda l'université de i\aples, encou-
ragea le progrès des sciences, et fut peut-être l'es-
prit le plus libre et le plus éclairé de son temps.
Avec lui finit la puissance des Hohenstaufen. —
V. Hohenstaufen.
2" Prusse.
Frédéric I" — Histoire générale, XXV, XXVII,
— fut le premier roi de Prusse. C'est en 1700 que
l'empereur l.éopoldl" autorisa l'électeur de Bran-
debourg à prendre le titre de roi en échange d'un se-
cours de dix mille hommes contre la Franci'.
Frédéric I" encouragea les sciences, les arts et
l'industrie, et régna jusqu'en 1713.
Frédéric n le Grand, — Histoire générale, XXV,
XXVll, petit-fils du précédent et fils de Frédéric-
Guillaume I", monta sur le trône en I7i0. Ses
querelles avec Marie-Thérèse au sujet de la Silé-
sie, et les longues guerres qu'il eut à soutenir
contre l'Autriche et les alliés de cette puissance,
de 1740 à 1715, et de 1756 à 176:5, sont racontées
aux mots (ii'crre de l<i succession d'Autriche et
Guerre de Sept tins. Il y déploya le génie mili-
taire d'un grand capitaine. Durant les dix années
de paix qui précédèrent la dernière de ces guerres,
Frédéric, par une administration habile, avait
élevé son royaume à un haut degré de prospérité,
et sa cour, à laquelle il avait appelé Voltaire et un
certain nombre d'autres écrivains et de savants,
était devenue le plus brillant foyer des lettres en
Europe. Quand le traité d'Hubertsbourg (1763) lui
eut assuré définitivement la possession de la Silé-
sie, il continua, pendant les vingt-trois dernières
années de son règne, l'œuvre de l'organisation in-
térieure de la monarchie prussienne, dont il fit
l'une des premières puissances de l'Europe. Poli-
tique peu scrupuleux, il fut l'instigateur du pre-
mier partage de la Pologne, grâce auquel il put
s'annexer un territoire qui réunissait la province
de Prusse à ses autres Etats. Il mourut en 1786.
Frédéric II a laissé des poésies et divers écrits
philosophiques et politiques ; tous ses ouvrage»
sont en français. — V. Prusse, ainsi que l'article
Frédéric II dans la T' Partie.
Frédéric-Guillaume I, II, III et FV- —V. Prusse.
FUOID. — Y. lempÉrature.
lllO>'I)E. — Histoire de France, XXIII. — La
Fronde fut la guerre civile qui troubla la France,
durant'la minorité de Louis XIV*, sous le ministère
de Mazarin *. Cette guerre, commencée pour des
causes sérieuses, fut conduite d'une manière si
frivole qu'on la compara à un jeu d'enfants. Ou
oublia la grandeur des intérêts qui s'agitaient, les
souffrances qu'elle causa, la guerre étrangère qui
vint s'y mêler. Première tentative essayée poui*
établir un gouvernement régulier, et en mémo
temps dernier réveil de la féodalité, elle marqua la
fin des guerres civiles sous la monai chie et fut comme
un lointain prélude de la Révolution de 1789.
Ses causes multiples et compliquées se rédui-
sent, lorsqu'on y regarde de près, à l'ambition du
parlement de Paris qui, profitant de la convocation
trop rare des États généraux, s'arroge le droit de
les suppléer; aux souffrances du peuple, victime
du désordre des finances et accablé d'impôts ; enfin,
au dépit de quelques grands seigneurs, jaloux de
la puissance de Mazarin, et qui mettent leur épée
au service du parlement et du peuple sans trop se
soucier ni de l'un ni de l'autre.
Le ministère du cardinal Mazarin avait été heu-
reux de 164« à 1648, et les succès remportés par les
armées françaises dans la guerre de Trente ans *
avaient voilé la faiblesse, le désordre de l'ad-
ministration financière. VÉdit du toisé (1644),
qui remettait en vigueur un vieil édit relatif à la
défense de bâtir, en dehors de certaines limites,
dans les faubourgs de Paris, et qui exigeait une
contribution des propriétaires oublieux de l'ancieu
édit ; VÉdit du tarif, qui réglait à nouveau les
droits d'entrée sur les vivres et les marchandises
dans Paris (1646', excitèrent des plaintes accueillies
avec faveur par le parlement. Tenu i\ l'écart de la
politique sous Richelieu, mais appelé par la reine
Anne d'Autriche à se prononcer en lii43 sur la
question de régence, le parlement s'efforçait de
limiter l'autorité du premier ministre et de se faire
considérer comme le conseil souverain de la nation.
La révolution d'Angleterre qui mettait, à la même
époque, aux prises le parlement anglais et le roi
Charles I", rendait plus hardi le parlement de
Paris, qui n'avait pourtant qu'une analogie nomi-
nale avec le grand corps composé, en Angleterre,
des représentants élus de la nation.
Loin de calmer l'irritation des magistrats du
parlement, qui refusaient d'enregistrer les édits re-
latifs aux impôts nouveaux, ^lazarin blesse le par-
lement lui-même par la création de douze nouvelles
FRONDE
— 835 —
FRONDE
charges de maîtres des requêtes, et, modifiant l'im-
pôt de la Paulette (V. Édits) , exige de tous les magis-
trats Tabandon de quatre années de leurs gages.
Le parlement de Paris, malgré une exception faite
en sa faveur, s'entend alors avec les magistrats des
autres Cours souveraines, le Grand Conseil, la
Chambre des comptes, la Cour des aides, et rend,
le ri mai 1G4S, un célèbre arrêt àX\, Arrêt lïunion,
qui formait de toutes ces cours souveraines un
seul et même corps, menaçant pour l'autorité
royale. I.es députés des quatre cours tiennent des
séances dans la chambre dite de Saint-Louis, et, agi-
tant les plus graves questions, semblent vouloir éta-
blir un gouvernement constitutionnel. La reine in-
terdit cesassemblées ; puis, au milieu de ces troubles,
le mot de fronde devient un mot de ralliement.
Suivant certains mémoires (Mademoiselle de Mont-
pensier), Bachaumont aurait mis ce mot à la mode
«n se servant de l'expression «Je fronderai » ; selon
d'autres, le mot aurait été une allusion peu bien-
veillante à la timidité des magistrats que l'on com-
parait à des enfants jouant « à la fronde, » se jetant
des pierres dans les fossés, mais prompts à se dis-
perser dès que paraissait le lieutenant-civil. Quoi
qu'il en soit, on chanta bientôt :
Un vent de Fronde
S'est levé ce matin ;
Je ciois qu'il groude
Contre le Jlazarin.
La victoire de Condé b. Lens (20 aoiît 1648) dé-
cida Mazarin à, tenter un coup d'autorité. Le jour
même du Te Deum célébré en l'honneur de cette
victoire i26 août 1648), il fit arrêter trois magis-
trats, Blancménil, Broussel, et Viole. Le peuple se
soulève; Paris se hérisse de barricades (27 aont^ ;
partout retentit le cri de Liberté et Broussel. Le
parlement va en corps au Palais-Royal réclamer la
liberté de ses membres, et son président Matlneu
Mole montre autant de fermeté devant la reine que
de dignité au milieu de la populace menaçante.
Anne d'Autriche cède. Tout semble terminé.
Mais le parlement poursuit l'œuvre qu'il a entre-
prise: par sa Déctarution du 22 octobre 1648, il
intervient dans le gouvernement de l'État, et reven-
dique sa souveraineté en matière de procès : aucun
de ses arrêts ne pourrait être cassé. Des princes,
Conti, frère de Contlé, le duc de Longueville, le
duc de Beaufort, le duc de Bouillon, le vicomte de
Turenne, le duc de la Rochefoucauld, soutiennent
le Parlement. Anne d'Autriche, ett'rayée, quitte
Paris en secret avec le jeune roi (6 janvier 1649),
et la guerre commence.
Des femmes romanesques ou intrigantes, les
duchesses de Longueville, de Chevreuse, de Bouil-
lon, viennent avec leurs enfants habiter l'Hôtel d"
Ville et se présentent comme gages de la bonne
foi de leurs maris. « On vit alors, » écrit Paul de
Gondi, plus tard cardinal de Retz, l'un des princi-
paux acteurs de la Fronde, « on vit un mélange
d'écharpcs bleues de damos, de cuirasses, de
violons, dans les salles de l'Hôtel de Ville, de tam-
bours et de trompettes sur la place, spectacle qui
se trouve plutôt dans les romans qu'ailleurs. »
Les bourgeois parlent en campagne, se font battre,
et rentrent dans Paris, au milieu des huées et des
chansons. Ce fut la première période de la Fronde,
dite Fronde parlement(nrp, période bouffonne où
tout se tournaii en raillerie, et qui aboutit à la paix
de Ruel (11 mars 1649).
Le prince de Condé avait défendu Mazarin et la
cour. Son orgueil choqua ensuite le ministre et la
reine. L'éloignement dans lequel on voulut le te-
nir le décida à se rapprocher des seigneurs du parti
de la Fronde. Mazarin fit alors (18 janvier lO.'jO)
arrêter le vainquour de Lens, son frère Conti et
le duc de Longueville. Il les fit conduire à Vincen-
Jies, et de là au Havre. Mais les seigneurs parti-
sans de Condé soulevèrent les provinces : uno
autre Fronde commença, la Fronde féodale, la
jeune Fronde. Turenne se joignit aux Espagnols,
mais il fut battu près de Rethel par le maréchal
du Plessis-Praslin (décembre 1660).
Mazarin, pourtant si habile, ne sut pas regagner
les parlementaires après avoir mécontenté les sei-
gneurs. Paul de Gondi, n'obtenant pas le chapeau
de cardinal qui lui avait été promis, et se croyant
joué, rapprocha les princes et le parlement e^'unit
les deux Frondes. L'exil de Mazarin fut réclamé
par les magistrats comme par les seigneurs avec
une unanimité qui força le ministre à plier. Maza-
rin alla lui-même délivrer le prince de Condé, et
se retira à Cologne (G février 1651), attendant la
division de ses ennemis.
Cette division ne tarda pas à se produire. Les
seigneurs ne voulaient que recouvrer leur anciev — e
indépendance. Condé se brouilla avec les parle-
mentaires etrésolutde se rendre le maître du pouvoir
avec l'appui des Espagnols. Il alla en même temps
soulever la Guyenne, l'Anjou et le Poitou. Mazarin
rentre aussitôt en France avec une petite armée,
et promène le jeune roi dans les provinces du
Centre pour affermir leur fidélité. Condé accourt
du midi, surprend les quartiers de l'armée royale
à Bléneau (Yonne), le 7 avril 1652 ; mais ses suc-
cès sont arrêtés par Turenne que Mazarin a ramené
au parti du roi. Condé se dirige alors sur Paris.
Turenne le suit. La haine que les Parisiens nour-
rissaient contre Mazarin les disposait à souhaiter le
succès de Condé. Le 2 juillet 1652, les deux grands
généraux se mesurèrent devant la porte Saint-An-
toine. L'armée de Condé, fort maltraitée, trouva
un refuge dans Paris grâce à Mademoiselle, fille de
Gaston d'Orléans, qui lui fit ouvrir les portes et
fit tirer le canon de la Bastille contre les troupes
royales. Mais Condé resti peu de temps à Paris,
où il laissa s'accomplir un odieux mass;icre des
jiartisans de Mazarin à l'Hôtel de Ville, et alla re-
joindre les Espagnols. Le parlement comprit enfin
que les seigneurs ne luttaient que pour satisfaire leur
orgueil, leur esprit d'aventure, et se souciaient peu
des libertés publiques. 11 négocia avec la cour, ob-
tint une satisfaction par l'éloignement momentané
de Mazarin (août lG5v), et le roi rentra dans Paris
après avoir publié une amnistie. Au mois de mars
1653, Mazarin revint triomphant; le parlement
s'inclina devant lui ; la véritable guerre de la
Fronde était terminée.
Toutefois on peut la regarder comme se prolon-
geant jusqu'en 16.j9 ; mais cette dernière période
fut plutôt la continuation de la lutte contre l'Espa-
gne. Condé, devenu le chef des Espagnols qu'il avait
tant de fois vaincus, perdit son bonheur au milieu
des armées étrangères. Il fut chassé de la Picar-
die par Turenne (1653), forcé de lever le siège
d'Arras (1654), et fut enfin battu, près de Dunker-
que, à la journée des Dunes (1G58), qui décida
l'Espagne à signer le traité des Pyrénées (1659).
La Fronde eut pour résultat de démontrer
l'impuissance de la noblesse à renouer ses an-
ciennes ligues, et la division des classes en
France, division qui empêchait ces classes d'ob-
tenir de la royauté des garanties sérieuses de
liberté. Louis XIV sortit triomphant de cette lutte,
qui le disposa à abuser de sa victoire et à exercer
un pouvoir absolu. Le parlement, un moment
maître de l'autorité, se vit réduit à ses fonctions
judiciaires, humilié même par Louis XIV au point
d'être obligé d apporter ses registres pour qu'on
y déchirât tous ses arrêts rendus pendant la Fronde.
Cette guerre, si st'ricuse dans ses motifs, mais si
follement conduite, aboutit donc à un asservisse-
ment de la noblesse, de la magistrature, du peuple,
asservissement qui enfla l'orgueil de Louis XIV, puis
de Louis XV, et rendit de plus en plus inévitable
la Révolution de 1789. (Gustave Ducoudray.]
FRUIT
— 836 —
FRUIT
FRUIT. — Botanique, XI, XII. — (Etym. : du
latin fnictus').
1. béfinition. — On appelle />"Mi? le résultat de
la transformation de l'ovaire postérieurement à la
fécondation. La paroi ovarienne prend alors le nom
de pericar/ic ; les ovules contenus dans l'ovaire
deviennent les graine^. Les plantes sans ovaire
n'ont donc pas de fruit: tel est le cas des phanéro-
games gymnospermes.
Parfois le mot f-"iiit est employé dans un sens
restrictif, et sert à désigner seulement le péricarpe ;
dans ce qui suit, à l'exemple de plusieurs bota-
nistes éminents, ce sera dans ce sens restreint
que nous prendrons le mot fruit. (Pour tout ce qui
concerne Vovaire, se reportei- à l'article Fleur;
et pour ce qui touche la graine, \oir ce mot.,
2. Organisation du fruit. — Puisque le péri-
carpe n'est que l'ovaire accru, il en reproduit l'or-
ganisation, à moins que, postérieurement à la
fécondation, il ne se soit opéré dans cet ovaire des
développements spéciaux ou dos suppressions plus
ou moins complètes de ses parties constituâmes.
En général on distingue dans l'épaisseur du péri-
carpe trois zones ou couches :
1° Une zone externe superficielle nommée épicarpe,
ou peau du fruit;
2° Une zone superficielle interne, d'épaisseur
très variable et de consistance souvent ligneuse :
c'est le noyau ou eiidocarpe ;
3° Entre ces deux zones, une couche de consis-
tance assez molle, quia recules noms à^mésocarpe
ou de chair.
Lorsque le fruit est uniloculaire, les trois cou-
ches du péricarpe s'enveloppent régulièrement
l'une l'autre ; mais dans les fruits à plusieurs loges,
l'endocarpe forme la paroi propre des cavités inté-
rieures, dont l'ensemble est ensuite embrassé par
le mésocarpe et l'épicarpe (ex. : pomme, poire,
nèfle, etc. ). Toutes les parties du péricarpe, qu'elles
doivent devenir molles et charnues ou dures et
résistantes, sont dues au développement de tissus
de même nature que le liège ou suber ; ces tissus
se forment entre les régions superficielles de l'o-
vaire et le système de ses faisceaux nourriciers.
Cette organisation est un remarquable exemple
d'emprunt physiologique, puisque souvent dans les
fruits les tissus subéreux, essentiellement protec-
teurs, fournissent un appoint aux organes de réserves
et à l'appareil disséminateur. A mesure que ces tis-
sus spéciaux se développent dans le fruit, le sucre
s'y accumule, tandis que les acides, le tannin, l'a-
midon y diminuent ; c'est ainsi que des raisins qui
contenaient, au 29 août 1874, sur 100 grammes de 1
substance, 5^' 4 de sucre et 3^' 1 d'acide, contenaient | donnons son nom usuel et un exemple
idont la graine est souciée au péricarpe .... Caryopse (ci. Blé).
dont la graine est libre dans le péricarpe . Achaine (ex. Sarrazin).
avec une ou doux ailes membraneuses Sainare (ex. Onné).
charnus Drupe (ex. Pêche, Cerise)
le 7 octobre suivant IS^-^G de sucre et 1«'20 d'acide.
3. Déhiscence des fruits. — Pour laisser échap
per les graines qu'ils enveloppent, bon nombre de
fruits s'ouvrent à la maturité: ils sont déhiscents.
La déhiscence s'opère par division du fruit en
pièces distinctes qu'on nomme des valves. Celles-
ci se détachent l'une de l'autre aux sutures. Les
sutures sont distinguées en vraies et fausses sutu-
res. Les sutures vraies correspondent aux bords
des carpelles unis pour former la cavité ovarienne.
Les fausses sutures sont des lignes de rupture qui
coupent longitudinalement les carpelles à l'époque
de la maturité.
Par opposition aux fruits déhiscents, il en existe
un très grand nombre qui ne s'ouvrent pas à la
maturité : ces fruits sont dits iwléliiscents. Dans
ce cas les graines ne peuvent devenir libres que
par la désorganisation du péricarpe.
On a distingué trois modes de déhiscence des fruits:
1° hSi déhiscence poricide ou apicilaire. Dans ce
cas, un ou plusieurs trous se forment vers l'extré-
mité supérieure du fruit (ex. réséda, muflier,
pavot, œillet);
2» La déhiscence transversale. Elle résulte d'une
rupture transversale circulaire du péricarpe, sans
rapport avec les feuilles carpellaires qui entrent
dans la constitution du fruit fex. mouron rougej.
3° La déhiscencs valvaire. Cette dernière s'ac-
complit de trois manières différentes : a) Dans la
déJdscence valvaire septicide, les carpelles cons-
tituants se séparent à la maturité par dédouble-
ment des cloisons communes (ex. tabac) ; 6) Dans
la déhiscence valvaire loculicide, l'ouverture du
fruit se fait au milieu de la paroi externe de chaque
loge de l'ovaire (ex. tulipe) ; c) Dans la déhiscence
valvaire septifrage, les parois externes des loges
de l'ovaire se détachent des cloisons rayonnantes
et de la columelle centrale. Ce dernier mode de
déhiscence est assez rare (ex. acajou).
A la maturité du fruit, certains péricarpes déhis-
cents s'ouvrent brusquement avec une force assez
grande pour projeter les graines enfermées dans
leur intérieur à une grande distance (ex. balsamine,
Hura crepitans ou sablier).
4. Classification des fruits. — Chaque forme de
fruit a reçu des botanistes et du vulgaire un nom
particulier. Ces noms sont assez nombreux pour
qu'on ait cru devoir entreprendre un classement
des fruits. Parmi toutes les classifications proposées,
nous adopterons de préférence celle de M. P. Du-
chartre, comme étant la plus claire et la plus sim-
ple. Dans le tableau synoptique ci-joint, en regard
de l'ensemble des caractères d'un fruit, nous
FnuiTS
apocarpés
ou
unicarpellés
indéhiscents
à une ou
deux graines
déhiscents et
généralement
à plusieurs
graines i de
plus ils pré-
sentent
déhiscents
Fhcits
syncarpés
ou
pluricarpellés
ind hiscents
i^L'emplni ri-
goureux de
ces six der-
niers noms
est assez dif-
ficile).
une seule fente à la maturité Follicule (ex. Pivoine).
deux fentes à la maturité Légume ou Gousse (ex. Haricot).
s'ouvrant par deux valves lonititudinales Silique et Silicule (ci. Colza).
s'ouvrant transversalement Pyxide (ex. Mouron).
sans aucun des Cciractères précédents Capsule.
fruit provenant d'un ovaire supère. dont les loges et
les graines sont en partie atrophiées; sa base est
enfermée dans une cupule Gland (ex. Chêne).
fruit provenant d'un ovaire supère à mésocarpe charnu,
à endocarpe membraneux formant plusiv.ui'S loges
séparables sans déchirement Orange.
fruit provenant d'un ovaire infère et dont la consis-
tance va diminuant de la périphérie au centre Melon ou Pépon.
fruit provenant d'un oviiire infère à péricarpe coriace
et à deux séries de loges superposées Grenade ou Balauste.
fruit provenant d'un ovaire infère et complètement
chanm Baie (ex. Groseillier).
Iiuit provenant d'un ovaire infère et à peu près com-
plètement charnu; l'endocarpe seul est membraueux. Pomme ou Poire.
FUSION
— 837 —
FUSION
Linné désignait encore par les noms de fruits
^gréyés et de fruits antho':arpés deux classes de
fruits quimcriientd'ètre mentionnées. La première
de ces classes, celle des fruits agrégés, comprend
les ensembles de fruits apocarpés qui succèdent' à
une seule fleur. La seconde comprend des inflo-
rescences fortement accrues : ce sont des assembla-
ges de fruits, d'enveloppes florales, de réceptacles,
voire même de bractées ; les fruits antliocarpés ne
sont donc pas réellement des fruits dans le sens
de la définition de ce mot. Parmi les fruits antlio-
carpés nous mentionnerons le cÔ7ie ou strobile des
pins ; le sycone ou figue, fruit du figuier ; enfin le
syncarpe, dont on peut citer comme exemple le fruit
du mûrier, de l'ananas, de l'arbre à pain.
5. Rôles du fruit.— Le fruit a, dans la vie de la
plante, un triple rôle à remplir : 1° Il protège la
graine; 2° il en provoque la dissémination ; ;j° il sert
à fixer la graine au sol . De ces trois rôles, le dernier
est le moins important. Ce que nous avons dit de
la structure du finit et de l'origine de ses tissus
montre suffisamment que cet organe est un appareil
protecteur pour les graines enfermées dans son
intérieur. Au point de vue de la dissémination des
graines, il y a lieu de distinguer les fruits secs et
les fruits charnus : les premiers provoquant la dis-
sémination directe des graines; les ; econds ayant
besoin, pour disséminer leurs graines, de l'inter-
vention des animaux.
Par le fait seul de sa chute sur le sol h quelque
distance de la plante qui l'a produit, le fruit pro-
voque la dissémination des graines qu'il contient.
Souvent au poids du fruit viennent se joindre, pour
accroître sa puissance de dissémination : 1° des
productions pileuses ; 2" des aigrettes (pissenlit) ,
3° des ailes ( une aile dans l'orme, deux ailes chez
l'érable) ; 4" la rupture brusque du fruit avec élas-
ticité. Ces expansions pileuses, ces aigrettes, ces
ailes ne se développent à la surface du fruit que
chez les fruits secs.
La plupart des fruits charnus, possédant un goût
sucré, ou quelque odeur balsamique, ou encore
quelque propri .té nutritive stimulante ou excitante,
sont ingérés par les animaux. Tous ces fruits char-
nus présentent sous leur enveloppe molle un noyau
ligneux très solide qui contient les graines à son
intérieur. La coque ligneuse de ces fruits résiste
à l'action des sucs de l'appareil digestif ; elle est
évacuée avec les fèces. On remarque souvent que
les graines des plantes ainsi organisées n'entrent
facilement en germination que quand le noyau qui
les protège a traversé certains organismes ani-
maux.
Quant à la manière dont les fruits fixent la graine
au sol, ils agissent : 1° par leur poids ; 2° en offrant
à l'humidité du sol une grande surface d'adhérence.
Aussi toutes les dispositions qui ont pour effet
•d'augmenter la puissance disscminative du fruit
en augmentant sa surface augmentent-elles du
même coup sa puissance comme organe de fixation
des graines. [C.-E. Bertrand.]
FUSION. —Physique, XVL — On appelle fusion
le passage d'un corps solide à l'état liquide quand
il a lieu sous l'influence de la chaleur. Un- morceau
de glace porté dans un milieu dont la température
est supérieure à 0° devient liquide; le plomb ou
le verre suffisamment chauffés fondent et coulent.
Ce changement d'état s'effectue aussi pour certains
corpsparlcur mélange avec des liquides appropriés:
on l'appelle alors dissolution. Le sucre ou le salpê-
tre, l'alun et la plupart des sels minéraux dispa-
raissent quand on les agite avec l'eau; le coton-
poudre perd l'état solide dans un mélange d'éther
et d'alcool. Les doux phénomènes, bien que diffé-
rents en apparence, ont assez de points communs
dans les circonstances qui les accompagnent et dans
les lois qui les régissent pour qu'en physique on
ne les sépare pas. Leur étude commune peut s'y
intituler : premier changement d'état des corps ou
passage des solides à l'état liquide.
La plupart dos corps solides peuvent être fondus
lorsqu'on les chauffe convenablement. La solidité
ou la liquidité pour une même substance dépend
uniquement pour ainsi dire de sa température.
Mais il y a une différence très grande entre les corps
au point de vue de la température à laquelle s'ef-
fectue ce changement d'état.
Un grand nombre de substances sont très facile-
ment fusibles à des températures peu élevées :tels
sont la glace, le phosphore, le suif, la cire, l'acide
stéarique; d'autres exigent plus de chaleur, ainsi l'é-
tain, le plomb, le zinc; la plupart des métaux ne fon-
dent qu'à la température élevée des feux de forges,
comme l'argent, l'or, le fer. Le platine ne coule
qu'à la plus forte température que l'homme sache
produire. Lo nombre des corps infusibles devient
d'autant moindre que nous trouvons des moyens
de chauffage plus énergiques ; tel corps regardé au-
trefois comme infusiblc peut aujourd'hui être fondu ;
tel autre qui résiste à nos moyens actuels ne résis-
terait probablement pas à des foyers plus violent:,
que ceux dont nous disposons. Nous pouvons donc
dire que tous les corps solides deviendraient liqui-
des si nous pouvions les porter à une température
suffisamment élevée.
Il faut en excepter les substances qui se décom-
posent par la chaleur avant de changer d"état,
comme le bois, la corne et beaucoup de corps
d'origine organique. Lorsqu'on les chaufl'e à l'air
libre, lis se transforment, disparaissent en gaz, brû-
lent en un mot et ne laissent comme résidu que
leur portion minérale; l'air est venu aider h leur
décomposition. Certaines matières minérales échap-
pent à la fusion pour une raison analogue; telle
est la craie ou la pierre calcaire ; elle ne fond pas
dans le four du chaufournier; elle donne comme
résidu la chaux : c'est qu'elle a subi une décompo-
sition et perdu le gaz carbonique qui était l'une de
ses parties constituantes. Que l'on renferme cette
craie dans un vase métallique très solide, dans un
canon de fusil, comme le fit Hall, et qu'après avoir
hermétiquement ferme le vase, on le chauffe forte-
ment, l'acide carbonique n'aura plus d'issue pour
s'échapper; celui qui se produira d'abord, ne pou-
vant se dégager, fera pression et empêchera la
décomposition de la craie. Celle-ci fondra sans alté-
ration ; et si on la laisse refroidir lentement, on
lui trouvera, lorsqu'on i'aura retirée du tube,
l'aspect du marbre compact à cassure cristal-
line, preuve évidente qu'elle était devenue li-
quide.
Lois de la fusion. — La ftision d'un corps solide
est assujettie à deux lois : 1° La température à la-
quelle fond une substance est toujours la même
dans toutes les circonstances ; on la nomme le
poi7it de fusion ; 2" Pendant toute la durée de la
fusion, la température reste constante.
Qu'on mette sur le feu un vase plein de glace,
celle-ci entrera en fusion à la température 0°, ni
avant ni après; et quelle que soit l'ardeur du
foyer, le thermomètre plongé dans la glace indi-
quera seulement la température zéro, tant qu'il y
aura de la glace à fondre.
La connaissance du point de fusion des différen-
tes substances peut présenter de l'intérêt, non
seulement pour comparer leur fusibilité, mais
même pour juger de leur pureté. En effet, tant
que la substance est pure, son point de fusion reste
le même; si elle est associée à des matières étran-
gères, son point de fusion s'élève ou s'abaisse ;
et on peut affirmer qu'une substance est mêlée de
corps étrangers quand elle ne fond pas à son point
de fusion normal.
Voici, dans l'ordre des températures croissantes,
les points de fusion d'un certain nombre de
corps :
FUSION
— 838 —
FUSION
Mercure
Essenoc de térében-
thine
Glace
Huile d'olive
Beurre
Suif
Phos|iliore
Cire vierge
Cire blanche
Acide sféariqvie
Soufre. .
Camphre
Etain
Point de
fusion
en dcgr.
centiçr.
70°
111°
175°
230»
Point de
Subslonces. '„"^jf°
en dogp.
centigr.
Bismuth 26C»
Plomb 320»
Zinc 422°
Antimoine 432
Bronze
Argent
Cuivre
Fonte blarch''.
— firise . . .
Or...:.
Acier 1400°
Fer doux IjOIi»
Platine iiOOO»
900»
1000»
1 000»
iOoO»
1100»
i2.ï0°
On voit par ce tableau que les diverses subs-
tances entrent en fusion à des temjioratures très
différentes de l'une à l'autre. Le mercure, liquide à
la température ordinaire, doit être refroidi j\isqu'à
40° au-dessous de zéro; alors il a l'aspect du plomb
solide et peutêtre martelé comme ce dernier métal.
Les alliages, formés par la combinaison plus ou
moins intime des métaux entre eux, oiïrent une
particularité remarquable : ils sont en général plus
facilement fusibles que chacun des métaux qui les
constituent. Mais on ne peut indiquer leur point
de fusion avec précision, parce qu'il varie avec leur
composition et même avec leur mode de fabrica-
tion. La soudure des plombiers, formée de 2 d'é-
tain avec 1 de plomb, fond à 196°, alors que l'étain,
le plus fusible des deux métaux, ne fond qu'à 230°.
Le plus curieux à ce point de vue est l'alliage de
Darcet, formé de S de bismuth alliés à 5 de plomb
et à 3 d'étain : il fond à 100°, dans l'eau bouillante,
c'est-à-dire à une température bien inférieure à
celle qui peut fondre le plus fusible des trois mé-
taur. entrant dans sa composition.
Fiisioji visqueuse. — Les corps fusibles peu-
vent être partagés en deux groupes distincts :
1° ceux qui par l'action de la chaleur deviennent
franchement liquides, coulent aussi facilement que
l'eau, comme la glace, la cire, le plomb^ le fer ;
2° ceux, au contraire, qui se ramollissent avant de
devenir liquides, prennent un état visqueux qui
n'est plus l'état solide et n'est pas encore l'état li-
quide, peuvent s'étirer en fils : tel est le verre. On
profite de cette propriété pour courber, souffler,
mouler le verre; pendant qu'il est mou, on lui
donne la forme qu'on désire et qu'il conservera
en reprenant l'état solide.
Le soufre présente les deux espèces de fusion ;
à 111°, il est bien liquide et coule comme de l'eau ;
chauffé davantage, à 220°, il devient visqueux, s'é-
paissit fortement, et si on essaye de le couler dans
l'eau il y tombe sous forme d'un filet continu. Le
brusque refroidissement lui donne des propriétés
particulières : il reste quelque temps mou, élastique,
susceptible d'être étiré en fils. Mais il perd peu à
peu sa transparence et son élasticité pour reprendre
la forme solide opaque du soufre ordinaire. Il en
est de môme do toutes les substances à fusion vis-
queuse, et en particulier du verre. En vieillissant,
il perd sa transparence et devient peu à peu opaque.
Les ustensiles de verre recueillis dans les tombes
antiques semblent couverts à la surface d'une sorte
d'étamage imperméable à la lumière ; on dit que le
verre s'est dévitrifié.
Chaleur latente de fusion. — La température
d'un corps qui fond reste la même pendant toute
la durée de la fusion : voilà la seconde loi du phé-
nomène Qu'on mette sur un feu vif un vase con-
tenant du suif dans lequel plonge un thermomètre,
on voit la température monter jusqu'à 33° ; arrivé
à ce point, le thermomètre reste stationnaire, quelle
que soit l'ardeur du foyer. La fusion s'effectue, et
tant qu'elle dure le thermomètre se maintient in-
variable. Toute la puissance delà source de chaleur
n'a momentanément qu'an effet, rendre la fasion
plus rapide.
Qu'est devenue la chaleur que le foyer a
sans cesse fournie au vase, puisqu'elle n"a pas
d'action sur le thermomètre? Elle a été employée à
séparer les molécules du corps solide, à les main-
tenir à la distance nécessaire pour la liquidité;
elle a accompli un travail mécanique, et c'est la
raison pour laquelle elle n'a pas agi sur le thermo-
mètre; le travail de la liquéfaction l'absorbant
tout entière, elle ne peut en produire un autre
dans le môme temps, en dilatant le liquide du tube
thermométrique. On la croyait autrefois dissimulée
dans le corps fondu, et on lui avait donné le nom
de chaleur latente, par opposition au nom de cha-
leur s'-nsi/jle réservé à celle qui impressionne nos
organes et nos appareils. On conserve encore cette
dénomination, bien qu'on sache que la chaleur né-
cessaire à la fusion n'est ni cachée ni dissimulée,
puisqu'elle révèle sa présence par des effets évi-
dents, par le travail diificile de la dissolution, de
la séparation des molécules du corps qu'elle fait
changer d'état.
L'invariabilité du point de fusion de la glace,
observée déjà en 176:3 par Black, a été mise à profit :
les physiciens s'en servent pour déterminer l'un
des deux points fixes des thermomètres, et ils en fout
le point de départ des divisions de l'échelle de ces
appareils.
La connaissance de la chaleur de fusion de la
glace, c'est-à-dire de la quantité de chaleur né-
cessaire h 1 kilogramme de glace pour passer à
l'état d'eau, a une très grande importance pour
l'explication des phénomènes météorologiques qui
dépendent de l'eau congelée. Sa recherche expéri-
mentale, facile à réaliser d'ailleurs, va nous per-
mettre de définir l'unité de chaleur et de donner
le principe de la méthode employée pour comparer
les quantités de chaleur.
Mélangeons 1 kilogramme d'eau à 60° avec 1 ki-
logramme d'eau à 20° : un thermomètre placé dans
le mélange indique 40° pour la température com-
mune aux 2 kilogrammes, c'est-à-dire exactement
la moyenne entre les deux températures. L'eau la
plus chaude s'est refroidie en cédant de la chaleur
à la plus froide. Le kilogramme d'eau à 60°, qui
s'est refroidi jusqu'à 40", a abandonné la chaleur
qu'il avait prise pour passer de 40° à 60° ; et cette
chaleur a élevé le second kilogramme de 20° à 40°.
On est donc autorisé à dire qu'il a fallu la même
quantité de chaleur pour élever 1 kilogramme
d'eau de 20° à 40° que de 40° à 60°. Et comme
l'expérience réussit aussi bien entre des limites de
températures plus rapprochées et prises n'importe
où dans l'échelle thermométrique de 0 ' à 100°, on
est en droit d'en conclure que l'eau a un échauffe-
ment régulier. On la prend alors comme terme de
comparaison et on définit l'unité de chaleur, que
l'on appelle calorie, ta quantité de chaleur néces-
saire pour élever \ kilofiramme d'eau d'un degré.
Si l'on mélange 1 kilogramme de glace à zéra
et réduite en minces fragments avec 1 kilo-
gramme d'eau à 79°, toute la glace fond, mais la
température finale du mélange est 0°. Qu'est devenue
alors la chaleur fournie par l'eau chauffée à 79° et
qui se retrouve à zéro? Elle a servi à fondre le kilo-
gramme de glace ; elle a passé de l'état de chaleur
sensible à celui de chaleur latente employée à la
fusion du corps solide. On en conclut que la
chaleur nécessaire pour fondre I kilogramme de
glace sans élever sa température pourrait élever
1 kilogramme d'eau de 79° : c'est ce que l'on
exprime quand on dit que la chaleur latente de
fusion de la glace est de 79 calories.
Ce nombre ne frappe pas suffisamment l'esprit
et ne donne peut-être pas de prime abord une
idée nette de l'énorme quantité de chaleur qu'il
faut à la glace pour passer à l'état d'eau. Quels effets
FUSION
839
FUSION
thermométriques produirait cette chaleur de fusion
^i elle devenait chaleur sensible ? Elle pourrait
porter à près ds TOU", c'est-à-dire au rouge, 1 kilo-
içramme de fer. Ainsi chaque kilogramme . de
glace qui se fond aux rayons du soleil absorbe,
pour se liquéfier et sans augmenter sa tempéra-
ture, autant de chaleur qu'un kilogramme de fer
chauffé au rouge dans un feu de forge.
La neige qui'couvre le sol l'hiver, et les sommets
des hautes montagnes perpétuellement, est très
lente à fondre. L'une des causes et la principale,
c'est la grande quantité de chaleur latente néces-
saire pour la fusion. Cette lenteur règle la dé-
pense des eaux continentales qui prennent leur
source dans les torrents formés de la fonte des
neiges des cimes élevées ; la distribution aux
plaines est graduelle, à moins que la température
n'ait trop accéléré la fusion en restant quelque
temps élevée au commencement du printemps.
Diiso/ut'.on. — La dissolution est le passage
d'un corps solide à l'état liquide par l'influence
d'un liquide approprié qu'on nomme dis-solvant.
C'est, à tous égards, un cas particulier de la fu-
sion. Dans le solide qui se dissout, les molécules
se séparent, deviennent libres, acquièrent la mo-
bilité qui constitue l'état liquide, tout comme elles
le feraient par l'action de la chaleur. De même
que certains corps n'ont pu encore être fondus,
faute d'une température suffisamment élevée, de
même quelques autres n'ont pu être dissous faute
d'un dissolvant. Comme il y a deux fusions, la fu-
sion ordinaire et la fusion visqueuse, il y a égale-
ment deux genres de corps solubles, ceux qui
deviennent franchement liquides comme le sucre
ou le s:lpêtre, et ceux qui restent sirupeux comme
les gommes; et cette remarque trouve son inté-
rêt dans le retour à l'état solide.
L'analogie des deux phénomènes est plus com-
plète encore. Il faut fournir de la chaleur au solide
que l'on fond, pour l'avoir liquide. Le solide qui se
dissout en a besoin également, et si on ne lui en
donnepas.il enprendauxcorpsvoisinsqu'il refroidit
ou à lui-môme. Il faut, en effet, pour dissocier
les molécules, une certaine quantité de chaleur la-
tente ; si le corps se la prend à lui-même, elle ne
compte plus comme chaleur sensible, c'est comme
si on l'enlevait, et le corps accuse un refroidisse-
ment. D'après cette remarque, l'eau sucrée de-
vrait être plus froide qu'avant la dissolution du
solide ; mais le sucre absorbe assez peu de chaleur
dans sa fusion, pour que ce refroidissement ne soit
pas apparent. "Toutefois il n'en est pas de même de
tous les sels, et l'azotate d'ammoniaque, jeté et agité
dans son poids d'eau, abaisse la température du
mélange de plus de 20°. La neige et le sel de cuisine
mélangés se liquéfient sans le secours d'un foyer ;
il faut cependant à la neige beaucoup de chaleur
pour fondre ; il en faut également au sel pour de-
venir liquide; aussi ce mélange se refroidit-il con-
sidérablement en accomplissant sa double fusion.
D'une manière générale, toutes les fois que deux
corps solides peuvent se liquéfier mutuellement,
ou qu'un corps solide se dissout dans un liquide.
il y a transformation dune partie de la chaleur
sensible en chaleur latente indispensable à la fu-
sion. Mais en même temps que les molécules du
corps solide se dissocient et produisent un abais-
sement de température, une seconde influence,
l'action chimique, peut entrer en jeu; comme elle
est toujours une cause de chaleur, si elle est puis-
sante la dissolution dégage de la chaleur au lieu d'en
absorber. Tel est le cas du mélange d'une partie de
neige avec quatre parties d'acide sulfurique. La
neige se fond, ce qui est une source de froid; mais
la combinaison chimique de l'acide avec l'eau pro-
duit une quantité de chaleur considérable, et le
résultat final est une élévation de température de
près de 100°. Avec les deux mêmes corps, mais en
proportions inverses, le résultat change ; la chaleur
latente absorbée, portant sur quatre fois plus de
matière, est bien plus considérable, tandis que la
chaleur de combinaison est plus faible, et en défi-
nitive on constate un abaissement de 20°. Ainsi
la dissolution est un phénomène complexe, dans
lequel il faut considérer la transformation physi-
que, cause d'un abaissement de température, et la
combinaison chimique, cause de chaleur: suivant
que l'un des deux effets l'emporte sur l'autre, le
mélange se refroidit ou s'échauffe.
Les mé'anges réfrigéran 's dont on se sert pour
abaisser artificiellement la température sont fon-
dés sur l'absorption de chaleur latente nécessaire
à la liquéfaction d'un corps solide qui se dissout.
Le plus fréquemment employé est le mélange à
parties égales de se! marin et de neige ou de glace
pilée ; il abaisse la température de 20°. Il peut
servir pour faire des boissons glacées dans la sai-
son chaude.
Le mélange de quatre parties de chlorure de cal-
cium cristallisé en poudre avec trois parties de
neige peut servir à faire congeler le mercure.
La glace et la neige ne sont pas nécessaires à la
production artificielle du froid par dissoluiion. On
peut également employer parties égales d'azotate
d'ammoniaque et d'eau, ou encore huit parties de
sulfate de soude ou sel de Glauber, arrosées de
cinq parties d'acide chlorhydrique. On se sert de
l'un ou de l'autre dans de petits vases où l'on
plonge les corps que l'on veut refroidir et que l'on
nomme glacières artificielles.
Solidification. — ,La solidification est le phénomène
inverse de la fusion : c'est le passage d'un liquide
à l'état solide, se produisant par un refroidissement
convenable, ou bien par la disparition du dissol-
vant dans le cas des corps dissous. Elle a lieu
pour chaque corps à une température déterminée,
la même que le point de fusion, et restant invariable
pendant toute la durée du phénomène. Elle est
accompagnée d'un dégagement de chaleur provenant-
de la chaleur latente qui repasse à l'état sensible
L'eau devient glace à zéro, de môme que la glace
devient eau à zéro. Le plomb fond à 320% il rede-
vient solide au même point. Il suffit de simples
observations thermométriques pour constater ce
fait et vérifier la constance de la température pen-
dant toute la solidification. Cette constance est
précisément due au dégagement de la chaleur
latente accompagnant le passage à l'état solide, et
si de l'eau mise dans un mélange réfrigérant cesse
d'abaisser sa température en se prenant en glace,
c'est que la chaleur dégagée par les portions qui
se congèlent compense celle qu'enlève le réfri-
gérant. Si étrange que cela puisse paraître au
premier abord, il reste établi que la formation de
la glace est accompagnée d'un dégagement de
chaleur. La lenteur avec laquelle elle prend nais-
sance l'hiver trouve là son explication.
On peut constater directement le développement
de chaleur sensible qui a lieu au moment de la
solidification. Lorsqu'on place dans un lieu tran-
quille, dont la température est de plusieurs degrés
au-dessous de zéro, comme cela arrive l'hiver, ud
vase contenant de l'eau dans laquelle plonge un
thermomètre, il arrive que cette eau reste liquide
jusqu'à 8 et 10° au-dessous de zéro ; mais alors le
moindre ébranlement en détermine la congélation
subite, et aussitôt le thermomètre plongé dans le
liquide remonte à zéro.
Un fait du même genre, mais plus frappant par
la température développée, se produit avec les
sels dissous. On fait dissoudre à chaud, vers 33*,
du sulfate de soude dans de l'eau, tant que celle-ci
peut en tenir. Quand elle est saturée, on la fait
bouillir quelques instants dans le ballon qui la con-
tient; elle se sursature. Pendant que le ballon est
plein des vapeurs de la solution, on le bouche et
GALLINACES
— 840 —
GALLINACES
on le laisse refroidir. Le liquide ne se solidifie
pas, bien qu'il contienne plus de sel qu'il n'en peut
contenir normalement. Mais quand le ballon est
froid, si on vient à le déboucher, le liquide se prend
instantanément en un bloc solide, et il s'échauffe
assez pour que la main qui le touche en sente la
chaleur.
Changements de volume ficcrmpngnani les chan-
gements d'état. - La plupart des corps, au mo-
ment où ils se liquéfient, subissent un accroisse-
ment de volume subit. L'acide stéarique des bougies
augmente d'environ onze centièmes au moment où
il devient liquide ; le soufre, le cuivre, fe plomb,
l'étain, la cire, une foule d'autres, se conduisent
d'une façon analogue. Il est évident que ces sub-
stances qui se dilatent en se liquéfiant diminueront
de volume par la solidification ; versées fondues
dans des moules, elles donnent en effet des masses
poreuses.
Mais il y a quelques corps qui se comportent
d'une manière tout opposée, qui se dilatent en
devenant solides: telle est la fonte de fer, telle est
l'eau. Cette propriété rend la fonte précieuse pour
le moulage ; en se solidifiant elle reproduit les dé-
tails les plus fins des moules.
Quant à l'eau, il suffit de remarquer que la
glace flotte pour conclure qu'elle occupe un volume
plus grand que l'eau qui lui a donné naissance :
sa dilatation, au moment de la congélation, est en
effet de un douzième de son volume. Tout le monde
sait que les carafes qu'on laisse pleines d'eau
rhiver se brisent si l'eau se congèle. La glace
formée dans le goulot d'abord joue le rôle d'un
bouchon, et quand la congélation de la masse sur-
vient, le volume ne pouvant se dilater, les parois
cèdent et se brisent. Cet accroissement s'opère avec
une force considérable que l'on évalue à ■ 000 kilo-
grammes par centimètre carré de la surface. Sous
cette poussée énorme, les bassins en maçonnerie
se crevassent, les tuyaux de conduite se fendillent,
les rochers se brisent; delà l'expression populaire:
« il gèle à pierre fendre. » C'est à la même cause
qu'il faut attribuer la destruction des plantes par
les grands froids: l'eau se congèle dans leurs vais-
seaux et en déchire les parois délicates. Des vases
de fer bien pleins, hermétiquement fermés, et
exposés à la gelée, ne résistent pas malgré leur
solidité : ils se fissurent, accusant ainsi la puissance
énorme avec laquelle le corps tend à augmenter
son volume en devenant solide.
Applications et expériences. — 1. Constater la
fusibilité de l'étain en chauffant une feuille d'étain
étendue sur une feuille de papier au-dessus de
charbons allumés : l'étain fond avant que le papier
ne soit carbonisé. — Mettre en évidence la facile
fusion du plomb en chauffant un morceau de ce
métal dans une cuillère de fer au-dessus d'un
foyer : le métal devient rapidement et franchement
liquide.
2. Faire fondre d'une part de l'acide stéarique
des bongios, d'autre part le même corps mélangé
d'abord de suif : constater que le point de fusion
du second liquide est plus faible que celui du
premier.
3. Faire l'alliage de Darcet par fusion du mélange
des métaux, le couler. Après refroidissement, en
prendre un morceau et le suspendre dans le col
du ballon où Ton fait chauffer de l'eau; l'alliage
tombe goutte à goutte dans l'eau quand elle est
bouillante.
4. Chauffer par le milieu, dans des cendres
chaudes, un tube de verre rempli de sable ; le tube
se ramollit : on peut soulever peu à peu ses deux
extrémités en les rapprochant et donner au tube
la forme d'un U i-égulier. — Chauffer du soufre
dans un creuset de terre, jusqu'à ce que le corps
devienne pâteux, le verser de haut dans une terrine
d'eau : on forme ainsi le soufre mou, qui abandonné
à l'air redevient peu à peu cassant. — Constater
que du sucre d'orge perd sa transparence primi-
tive au bout de quelques Jours, et de mou et plas-
tique qu'il était, redevient cassant.
5. Laisser fondre dans un verre de la glace pul-
vérisée ou de la neige où plonge un thermomètre.
En mettre sur un foyer dans un vase une égale
quantité. Constater que la température de fusion
est la même dans les deux cas, que le foyer ne
fait qu'activer la li(iuéfaction.
6. Dissoudre du sucre, ou mieux du salpêtre ;
d'un autre côté faire une dissolution de gomme
arabique. Filtrer chacun des liquides pour con-
stater leur différence de liquidité. Les évaporer
séparément avec lenteur: le salpêtre en reprenant
l'état solide cristallise; la gomme, après le départ
de son dissolvant, donne une masse sèche sans
forme régulière.
7. Faire l'un des mélanges réfrigérants indiqués.
y plonger un tube de verre ferme par un bout et
contenant un peu d'eau. On le retire contenant un
cylindre de glace. — Mélanger une partie de sel
de cuisine avec trois parties de neige; la masse
fond et accuse 17° au-dessous de zéro; c'est le
zéro du thermomètre Fahrenheit.
[Haraucourt.]
G
GALLICISMES. — 'V. Idiotismes.
GALLINACÉS. — Zoologie, XVIL — Pour ne
pas sortir des données d'un programme élémen-
taire et pour ne pas multiplier les subdivisions,
nous avons traité, à l'article Echasners, des autru-
ches, des casoars, etc., qui pour tous les natura-
listes modernes forment un ordre à part; de
même, dans le présent article, à la suite des Gal-
linacés, nous placerons encore, suivant l'ancienne
classification de Cuvier, les Pigeons, qui s'éloi-
gnent cependant des poules, des dindons et des
perdrix par , leur structure intime et» par leurs
mœurs.
Les Gallinacés (les Pigeons étant mis à part)
constituent un groupe naturel, parfaitement déli-
mité, groupe bien digne d'intérêt, puisqu'il ren-
ferme un grand nombre d'espèces utiles, que
l'homme a su réduire en domesticité et dont la
chair entre pour une large part dans notre alimen-
tation. En général, les Gallinacés ont les formes
massives, le corps épais, les pattes robustes, les
ailes courtes, la queue tantôt fort réduite, tantô:
singulièrement allongée ou recourbée gracieuse-
ment en faucille. Ils volent assez mal, ce qui
n'empêche pas certains d'entre eux d'exécuter des
voyages lointains. Leur bec est de longueur mé-
diocre, voûté en dessus, et muni à sa base d'une
partie membraneuse dans laquelle sont percées les
narines. La livrée varie beaucoup suivant les es-
pèces et suivant les sexes : elle offre tantôt des
teintes terreuses, brunes, noires ou jaunâtres, qui
permettent à l'oiseau de se dissimuler au milieu
des sillons, tantôt au contraire des couleurs mé-
talliques, du bleu, du rouge pourpre, du vert glaté
d'or. Les mâles ont toujours un costume plus
somptueux que les femelles; leurs pattes sont
souvent armées d'éperons et leur tète est fréquem-
ment ornée de crêtes et de pendeloques, c'est à-
GALLINACES
— 841 —
GALLINACÉS
dire de lambeaux de chair diversement découpés,
et qui, recevant une grande quantité de sang,
prennent une coloration très intense, surtout lors-
que l'oiseau est animé par la colère, ou par quel-
que autre passion.
Nous laisserons de côté les Hoccos et les Pé7ié-
lopes d'Amérique, dont la tête est surmontée
parfois d'un panache de plumes frisées et d'un
casque corné, les Toléga/les et les Mégapodes de
rOcéanie et de la Nouvelle-Hollande, qui amon-
cellent du fumier et y déposent leurs œufs pour
les faire éclore au moyen de la clialeur développée
par la fermentation; les Francotins d'Afrique, qui
ressemblent un peu à nos cailles; bref une foule
d'oiseaux exotiques qui n'ont pas encore été do-
mestiqués, et qui, par conséquent, ne méritent pas
d'attirer notre attention au même degré que cer-
taines espèces européennes ou asiatiques.
Parmi celles-ci nous citerons d'abord les Fai-
sans, qui présentent une variété de formes vrai-
ment extraordinaire, mais qui se rattachent
néanmoins les uns aux autres par un air de fa-
mille. Les faisans ont l'Asie centrale pour patrie
d'origine, et l'espèce vulgaire^ le Faisan corinniin,
se trouve encore à l'état sauvage sur les bords de
la mer Caspienne. Il fut, dit-on, introduit en Grèce
à la suite de la célèbre expédition des Argonautes
dans la Colchide. Son nom latin, Phasianus. signi-
fie oiseau du Phase (fleuve qui arrose la Colchide).
En France il peuple surtout les grandes forêts
de l'État, où son éducation exige toujours beau-
coup de soins. Les p; rties supérieures de son
corps sont d'un brun marron nuancé de pourpre, de
roussâtre et de blanc; sa tête est d'un vert sombre,
sa gorge d'un vert beaucoup plus brillnnt et comme
irisé, sa poitrine d'un pourpre glacé de noir, son
ventre d'un roux plus ou moins vif ; sur les
grandes plumes de sa queue et de ses ailes des
marques roussâtres, brunes, ou noirâtres, se déta-
chent sur un fond brun ou gris olivâtre ; enfin
les j'eux, d'un jaune vif, sont entourés d'une mem-
brane rouge. Par son ds nuancé de noir, de jaune
et de blanc, son ventre noir, sa tête variée de vert
et de fauve, sa gorge verte à reflets %'iolets, et son !
col orné d'un cercle blanc presque complet, le
Faisan à collier se distingue facilement de l'es-
pèce vulgaire. Depuis quelques années une troi-
sième espèce, introduite en Europe à une époque
beaucoup plus récente, tend à s'acclimater dans j
notre pays : c'est le Faisan vénéré, au manteau
beaucoup plus clair, offrant un mélange de jaune ]
et de rouge cuivré, à la tête blanche avec le tour
des yeux d'un rouge vif, à la queue démesurément '
allongée et du même ton que le dos, avec des j
marques foncées. Mais, en dépit de la beauté de '
son plumage, cette espèce ne peut lutter, sous le |
rapport de la richesse des couleurs, avec le Fai-
san doré, qri provient des montagnes de la Chine.
Ce magnifique oiseau a la tête surmontée d'une
huppe jaune d'or, le cou revêtu d'une fraise oran- '
gée, maillée de noir, le dos vert, la croupe jaune, '
le ventre d'un rouge éclatant, los ailes rousses '
avec une tache bleue, la queue très longue, re-
courbée, d'un brun tacheté de gris. Le pluma^ie
que nous venons de dépeindre est, bien entendu,
celui du mâle, car la femelle porte un costume
fort modeste, teinté de brun et de jaunâtre. Chez
le Faisan argenté, la livrée est pour ainsi dire
mi-partie, tout le dessus du corps et la queue
■étant d'un blanc d'argent, tandis que les parties
inférieures sont d'un noir de velours. Autour des '
yeux s'étend un espace dénudé, d'un rou2;e ver-
millon, et du sommet de sa tête s'élève une huppe
de l'aspect le plus élégant. Le Faisan de tady
Amherst offre un mélange bizarre de caractères et
rappelle h la fois le faisan doré et le faisan ar-
genté ; son chef porte une huppe rouge et blanche
son cou et ses épaules sont recouverts d'un ca-
mail de plumes vertes bordées de noir, sa poi-
trine et son ventre sont d'un blanc pur, ses ail's
nuancées de brun noir et de blanc, et sa queue,
très développée, ornée à la base de plumes rougj^,
est barrée de vert sur fond blanc. Mais nous ne
pouvons évidemment décrire successivement ici
toutes les espèces de faisans que l'on voit mainte-
nant dans les jardins zoologiques ou même chez
de simples particuliers, et nous citerons seule-
ment pour mémoire le Faisan de Wallich. le
Faisan de Sœmmering,, le Faisan versiclore, le
Faisan prélat, le Faisan de Vieillot, le Faisan de
Sv:inhoe, etc.
Los Coqs appartiennent à la même famille que
les Faisans. Dans llnde et à l'île de Java on en
trouve plusieurs espèces, le Coq de Sonnerat, le
Coff Bankiva, et le Co/ Ayamala^^, qui ont été tour
à tour considérés comme la souche de notre coq
domestique. Mais d'après des recherches récentes,
il paraît établi que celui-ci descend d'une race
autochthone dont les caractères étaient à peu près
les mêmes que ceux de notre Coq gaulois ou
Coq de ferme, et dont les restes ont été retrouvés
dans des cavernes à ossements ou dans des sé-
pultures anciennes. Le Coq de Sonnerat se re-
connaît facilement aux plumes de son cou termi-
nées par des sortes de disques, le Coq Bankiva à
son camail à plumes dorées et effilées, le Coq
Ayani'ila^ à sa crête sans dentelures, à sa gorge
pourvue d'un petit fanon, et à sa collerette d'un
vert cuivré, vari • de noir ; quant au coq gaulois,
il est tellement connu qu"il n'est pas nécessaire
d'en donner une description minutieuse. Sa co-
loration varie du reste; mais on le reconnaît tou-
jours à sa collerette de plumes effilées, à ses
ergots puissants, à sa crête festonnée, d'un rouge
vif, aux deux appendices charnus, de même cou-
leur, qui accompagnent le bec inférieur, et à sa
queue dont les plumes, au nombre de quatorze,
sont disposées suivant deux plans inclinés, les
deux médianes dépassant toutes les autres.
A côté de ces variétés, il y a un certain nombre
de races de coqs assez bien délimitées. Tels sont
le Coq cochiîic/iinois, le Coq de BrU'/es, le Coq de
com'at, le Coq de Campine,\Q Coq de Crèvecœw,
le Coq de Dorking, le Coq huppé, le Coq nègn', le
Coq "Uin, etc. La race cochinchiaoise, qui a été
introduite en Europe il y a une trentaine d'années,
et qui est actuellement fort répandue dans les
fermes du centre de la France, se distingue par sa
forte taille et par la coloration de son plumage,
généralement assez uniforme, blanc, rougeàtre ou
jaune ocreux. La mce de Bruges est estimée à
cause du grand nombre d'œufs que la poule pro-
duit, presque sans interruption, depuis le mois
de janvier jusqu'au mois de septembre ; elle difi"cre
peu de la race commune. La race dite de combat
est au contraire sans grande utilité au point de vue
alimentaire ; elle n'a été créée par l'homme que
pour servir à des jeux cruels : à Java, aux Philip-
pines, et, chose triste à dire, en Angleterre même,
on fait en eff"et combattre en champ clos les coqs
de cette race, et on excite leur valeur naturelle
en les grisant avec des liqueurs alcooliques. La
race de la Campine est très féconde et passe pour
avoir une chair délicate. La race de Crèvecœw,
originaire du département de la Drôme, est géné-
ralement de couleur noire, avec la tête huppée; elle
s'élève facilement, acquiert en peu de temps un dé-
veloppement considérable etpond beaucoup d'œufs :
aussi est-elle recherchée par les éleveurs. La race
de Oorhing se fuit remarquer par la singulière
conformation de ses pattes, terminées par cinq ou
même six doigts au lieu de quatre comme chez
les autres Gallinacés et chez la grande majorité
des oiseaux. Dans la race hupnée, la crête est
remplacée par une touffe de plumes ; dans la race
n^gre, la peau et les os eux-mêmes présentent une
GALLINACES
— 842 —
GALLINACES
coloration noire fort étrange: enfin dans la race
naine, la taille est réduite à des proportions fort
minimes. Les poules naines sont fréquemment
employées pour lincubation des œufs de fai-
sans.
Toutes ces races, la race de ferme surtout, se
montrent peu difficiles dans le choix de leur nour-
riture; la consommation d'une poule a été estimée
par certains auteurs à fiO grammes, par d'autres à
120 ou même l^'O grammes de blé ou d'avoine par
jour; mais on peut diminuer la quantité de grain,
et par suite réduire notablement la dépense, en
établissant des verminières. c'est-à-dire des fosses
où l'on accumule des matières en décomposition
afin de faire développer des asticots dont les poules
sont très friandes. Il faut éviter pour l'établisse-
ment d'un poulailler les terrains bas et humides,
sur lesquels les oiseaux ne tarderaient pas à con-
tracter des rhumatismes, et il est nécess^àre d'ac-
corder à chaque poule au moins 25 centimètres
cubes d'air respirable.
Une poule bonne pondeuse peut produire pen-
dant quatre ans environ, à raison de 50 œufs par an.
Tantôt on abandonne l'œuf à la mère, tantôt on
le !ui retire, soit pour le livrer à la consommation,
soit pour le faire éclore artificiellement dans des
appareils nommés co"veiises, que Ton maintient à
une température constante et correspondant à
colle du corps de la poule. Au bout de 21 jours
environ d'incubation, les poulets percent la coquille
avec un petit appendice carré dont la pointe de
leur bec est munie, et, à peine éclos, sont en état
de prendre leur nourriture. Toutefois celle-ci doit
consister d'abord en grain émietté, en larves de
mouches, etc.. le bec du jeune oiseau n'étant pas
assez fort pour prendre des graines dures.
D'autres oiseaux du groupe des Faisans n'ont pu
jusqu'à ce jour être acclimatés en France : tels
sont les Crossoplilons ou Faisans oreillards, ainsi
nommés parce que leur tête est ornée de chaque
côté d'une touffe de plumes dirigées en arrière ;
les Trnpognns ou Satyres, dont les mâles pré-
sentent l'aspect le plus étrange, aj-ant la gorge
revêtue d'une sorte de rabat brillamment coloré et
la tête surmontée de deux prolongements en forme
de cornes ; et les Lophophores, magnifiques oiseaux
dont tout le corps resplendit de teintes vertes, cui-
vrées ou dorées.
Les Paons, qui appartiennent à une deuxième fa-
mille de Gallinacés, ne sont pas plus que les
Faisans originaires de nos contrées ; ils y ont été
introduits à une époque fort reculée, probablement
à la suite des campagnes d'Alexandre le Grand.
Du temps des Romains ces oiseaux étaient déjà fort
recherchés, et, au moyen âge, ils paraissaient avec
honneur sur les tables royales. On en distingue
deux espèces : le Pao7i cornmwi, qui a pour patrie
l'Inde septentrionale, et le Paoji spicifère, qui vient
de Java, de Malacca et de l'Indo-Chine. Ces deux
espèces se distinguent facilement par la forme de
la huppe, dont les plumes sont effilées chez le Paon
spicifère, mais garnies de barbes dans toute leur
longueur; à tige grêle et à extrémité élargie en
palette chez le Paon commun. Ce dernier a
d'ailleurs la gorge et le cou d'un bleu vert {bbu de
pnon] presque uniforme, tandis que le Paon spi-
cifère a ces mêmes parties couvertes de sortes d'é-
cailles vertes, frangées d'or et de bleu. D'autres
difl'érences se remarquent dans la coloration du
dos, des grandes pennes des ailes et de la queue et
de leurs couvertures. Dans les deux espèces, du
reste, les couvertures de la queue, c'est-à-dire les
plumes qui chez tous les oiseaux cachent l'inser-
tion des pennes caudales, prennent un développe-
ment extraordinaire et changent de nature, leurs
barbes se séparant sauf vers l'extrémité, où elles
constituent des croi>sants ou des disques. Ceux-ci,
grâce aux jeux de la lumière, paraissent ornés
[ d'yeux, d'anneaux concentriques légèrement colo-
rés, qui produisent un effet admirable lorsque
l'animal. /ais'i"t la roue, redresse les plumes de
' la partie postérieure de son corps.
j Le ramage du paon n'est malheureusement pas
d'accord avec son plumage, et ne consiste qu'en un
! cri désagréable c^uk l'oiseau fait entendre particu-
[ lièrement lorsque le temps se met à la pluie.
Les Dindons sont de la même famille que les
Paons.
I Le Dindon commun est originaire des Etats-
Unis, et a été introduit en Europe vers le milieu
du xvi" siècle. Par la beauté de son plumage, d'un
noir verdâtre, à reflet métalliques, cet oiseau
poun-ait prendre place immédiatement après les
Paons et les Faisans, si sa tête n'était pas défigurée
par des verrucosités, des excroissances charnues,
qui chez le mâle acquièrent un développement
singulier et affectent la forme de pendeloques,
d'un rouge cramoisi. Dans leur pays natal, sur les
bords du Mississipi, les Dindons vivent en petites
bandes, à la lisière du bois, et se nourrissent de
graines. Ils font leurs nids sur le sol, avec quel-
ques feuilles, et y déposent une douzaine d'œufs.
En captivité, ces Gallinacés varient beaucoup de
couleur ; quelques-uns sont d'un brun-noirâtre,
d'autres d'un blanc pur. Lorsqu'ils sont convena-
blement engraissés, ils peuvent atteindre un poids
de 10 à 11 kilogrammes. Les petits sont plus diffi-
ciles "à élever que les poulets et les canetons, et re-
doutent beaucoup le froid ; on est obligé de les
nourrir dans les premiers jours avec du pain trempé
et des œufs durs, et de les entourer des plus grands
soins jusqu'à ce qu'ils aient pris le rouge, c'est-à-
dire jusqu'au moment où leurs caroncules ont
poussé. A l'état adulte, les mâles sont fort mé-
chants et se battent fréquemment. Lorsqu'ils sont
en colère, ils redressent leurs caroncules qui sont
fortement injectés de sang. Ils font la roue à la
manière des Paons.
Il y a une seconde espèce de dindon, le Dindon
ocellé, qui habite une région fort restreinte de l'Amé-
rique centrale et qui est beaucoup plus remarqua-
ble que le dindon vulgaire ; malheureusement
jusqu'à ce jour elle est fort rare encore, même dans
nos jardins zoologiques, et n'a pu conséquemment
être acclimatée dans les basses-cours.
Les Pintades ressemblent un peu aux dindons
par la peau dénudée qui couvre leur tête et qui se
prolonge souvent en forme de crête ou de barbil-
lons; mais elles n'ont jamais un plumage à reflets
métalliques. Leur livrée est en général variée de
noir et de blanc, et une espèce seulement, la Pin-
tade vulturine, offre de magnifiques teintes bleues.
Ces oiseaux habitent l'Afrique, et se tiennent de
préférence dans les endroits marécageux. L'espèce
vulgaire provient du Sénégal, et était déjà acclima-
tée en Europe dans l'antiquité. Les Romains faisaient
grand cas de la chair des pintades, qui est en efl'et
fort savoureuse. Dans les basses-cours on voit sou-
vent des pintades d'un gris pâle ou même d'un
blanc pur. En captivité ces oiseaux sont d'un carac-
tère fort querelleur et ne vivent pas en bonne har-
monie avec les autres volatiles
Une troisième famille de Gallinacés, celle des
TÉTRAONiDÉs, a pour représentant principal le Grand
tétras, ou Coi de bruyère, qui vit dans les forêts-
de sapins sur les montagnes des Alpes et des.
Vosges ; il se nourrit en été de framboises, de
myrtilles, de fruits de ronce, en hiver de chatons
de bouleau, de baies de genévrier et de bourgeons
de conifères. C'est un animal fort défiant et qui n'a
jamais pu être gardé en captivité. Le plumage du
mâle est d'un gris ardiusé très foncé et rayé de
noir, celui de la femelle d'un ton fauve, strié de
brun.
La Gelinotte ou Poule des coudriers est de taille
sensiblement plus forte qu'une perdrix, et porte
GALLINACES
— 843 —
GALLINACES
une livrée variée de brun, de blanc, de gris et de
roux. Sa queue est ornée, à quelque distance de
1 extrémité, d'une large bande noire. Le mâle a la
gorge noire et la tête huppée. Les mœurs de cette
espèce rappellent celles du coq de bruyère, et sa
chair est également très estimée.
Les Lagopèdes, qui se reconnaissent à leurs
pattes em'plumées jusqu'aux doigts, sont aussi fort
recherchés comme gibier. Ils vivent de préférence
dans les régions froides, et subissent en hiver un
changement complet de plumage ; ils passent du
brun au blanc presque pur.
Les Perdrix ont au contraire les tarses et les
doigts nus. La Perdrix grise, qui habite l'ouest et
le nord de l'Europe, mesure environ -30 centimètres
de long. Son plumage roux, raj'é de brun et de noir
sur la tète et sur les ailes, passe au fauve sur le
front, les joues et la gorge, et au gris cendré, rayé
de zigzags noirs, sur la poitrine ; chez le mâle un
large croissant rougeâtre marque le haut de l'ab-
domen ; sa queue est variée de roux, de blanc, de
noir et de gris. Chacun sait que les perdrix sont
des oiseaux très sociables, qui forment de petites
troupes, des compagnies, et qui se tiennent dans
les champs de blé. Elles font leur nid à terre et
pondent des œufs d'un gris verdâtre. Les petits se
nourrissent de larves de fourmis, tandis que les
adultes sont granivores. On chasse la perdrix grise
au chien d'arrêt.
Autrefois la Perdrix rouge n'habitait pas les
mêmes régions que la perdrix grise, mais aujour-
d'hui elle tend à remplacer cette dernière dans
plusieurs localités, parce que, se retirant volontiers
dans les bois, elle échappe plus facilement à ses
ennemis. Sa livrée est assez riche : le dessus du
corps est d'un brun verdâtre, le front gris-bleuâtre,
la nuque gris-rougeâtre, les joues, la gorge et le
haut du cou d'un blanc pur; une bande noire par-
tant des yeux descend en croissant sur la poitrine
et se résout en arrière en une multitude de petites
taches; les flancs sont cendrés, avec des marques
rousses, blanches et noires ; les pennes des ailes
sont brunes, bordées de fauve; celles de la queue,
les unes d'un gris brunâtre, les autres rouges. Le
bec et les pieds sont rouges au lieu d'être cendrés
comme chez la perdrix grise.
On voit encore en France, principalement dans
le midi, la Bartavelle ou Perdrix de roche, qui est
plus grande que la perdrix rouge et de couleur plus
cendrée.
Enfin les Cailles, dont on connaît plusieurs
genres, sont représentées chez nous par une espèce
de petite taille, dont le plumage est extrêmement
difficile à décrire, offrant en dessus un fouillis do
traits blancs et de taches rousses sur un fond bru-
nâtre. Cet oiseau arrive en France au printemps et
vit isolé dans les champs ; il pond de huit k douze
œufs, assez volumineux et fortement tachés de
brun noir sur fond roux. A l'automne il nous
quitte, et s'associant à de nombreux compagnons,
exécute, malgré la faiblesse et l'imperfection de
ses ailes, des voyages lointains, en Egypte, au
Sénégal, et dit-on, jusqu'au Cap de Bonne-Espé-
rance. On prend souvent les cailles au filet, et on
les garde en captivité pour les engraisser.
Les Pigeons. — Les pigeons méritent à tous
égards de con.stituer un ordre particulier. Ils dif-
fèrent en effet des Gallinacés par leur structure
intime et par la conformation de leur bec et de
leurs pattes aussi bien que par leurs mœurs. Ils vo-
lent bien et nichent pour la plupart sur les arbres ;
ils vivent en couples parfaitement unis ; ils per-
chent facilement; ils ne se vautrent pas dans la
poussière, à la manière des Gallinacés. Enfin leurs
petits, qui naissent dans un état d'imperfection
extrême, sont pendant assez longtemps incapables
de pourvoir eux-mêmes à leur nourriture; ils reçoi-
vent du bec de leurs parents une sorte de bouillie.
à demi fluide, qui est sécrétée par les parois du
jabot, et qui joue le rôle du lait dans l'alimentation
des jeunes.
On trouve des pigeons dans toutes les parties du
monde et il est presque inutile de dire que, sui-
vant les régions, ils atTectent des formes particu-
lières. Do IJi une multitude d'espèces, les unes de
grande taille, comme les Pigeons mangeurs de
fruits ou Carpophages de l'Océanie, les autres
extrêmement mignonnes, comme les Colombes pas-
seriries de l'Amérique ; les unes revêtues de teintes
grises, blanches et fauves, avec quelques reflets
métalliques sur la tête, la gorge ou les ailes,
comme les PigeoJis biset et ramier de nos pays,
les autres d'un vert rehaussé de rouge vif, de jaune
d'or, comme les Ptilopes de la Nouvelle-Guinée et
des îles avoisinantes. La plupart de ces pigeons,
grâce à la conformation de leurs pattes, peuvent se
poser facilement sur les branches; quelques-uns
cependant semblent destinés à vivre sur le sol et
sont plutôt marcheurs C[\xq percheurs ; tels sont les
magnifiques Gouras que l'on voit actuellement
dans tous les jardins zoologiques, et qui se recon-
naissent facilement à leur grande taille, à leur tête
ornée d'une crête de plumes élégamment découpées,
à leur livrée d'un gris bleuté et d'un brun rougeâtre.
En France, on ne compte que quatre espèces de
pigeons vivant à l'état sauvage, savoir : le Pigeon
ramier ou Palombe, le Pigeon colombin, le Pi-
geon biset ou de roche, et la Tuurterdle des buis.
Le Pigeon ramier a la têie cendrée, la nuque
d'un vert doré, les côtés du cou marqués d'un crois-
sant blanc, la poitrine d'une teinte vineuse, les
ailes grisâtres liserées de blanc, le reste du plumage
cendré. Il arrive au printemps dans nos régions,
et l'cpart en automne pour des climats plus doux.
Dans les forêts c'est un oiseau très farouche, mais
dans les jardins publics des grandes vilks, à Paris
par exemple, où il se sent protégé, il montre la
plus grande familiarité et vient prendre sa nourri-
ture jusque dans la main des promeneurs.
Le Colombin est plus petit que le ramier et a
le plumage d'un gris plus ardoisé, les côtés' du cou
d'un vert chatoyant, sans taches blanches, et les
ailes marquées de taches noires. Il se tient dans
les bois, et fréquente surtout nos départements de
l'est et du midi.
Le Biset, on Pigeon de roche, se plaît, comme son
nom l'indique, dans les endroits rocailleux; il se
distingue facilement de l'espèce précédente par sa
croupe d'un blanc pur, tranchant sur la couleur
bise du reste du plumage, et par ses ailes ornées
d'une double bande noire. Il émigré en automne,
comme le colombin et le ramier, et est alors l'objet
d'une chasse fort active. C'est du biset que sont
issues certainement la plupart des races de nos pi-
geons domestiques, races qui sont actuellement au
nombre de deux cents environ. Nous citerons seu-
lement les principales :
1° Les Pigeons mondain^, bien étofi"és, de
nuances variables, mais ressemblant au biset par
leurs caractères généraux ;
2° Les Pigeons boulants ou grosse-gorge, chez
lesquels le jabot acquiert un volume inusité et
peut se gonfler d'air lorsque l'oiseau fait la roue ;
3° Les Pigeons queue de paon, dont la queue-
très développée, redressée, et même rejeiée en
avant, acquiert un nombre de plumes considérable;
4° Les Pigeons turbits ou à cravate, qui sont
ainsi nommés parce que les plumes de leur gorge
sont frisées en forme de jabot, et qui ont parfoiâ^
les pattes fortement emplumées;
5° Les Pigeons culbutants qui, en volant, exé-
cutent dans les airs des culbutes répétées, cau-
sées par une sorte de vertige, une affection céré-
brale ;
6° Les Pigeons iionnain^^ ou jacobins, dont le col
est entouré d'une véritable fraise;
GALLINACES
— 844 —
GALVANOPLASTIE
7° Les Pigeons tambour, à la voix retentis-
sante ;
8° Les Pigpons pies, au plumage varié de roux,
<Je noir, de bleu et de blanc;
9° Les Pigeons hirond'4/es, au corps blanc, avec
la tête et les ailes colorées, et les pattes générale-
ment emplumces;
10° Les Pigeons volants ou messagers, qui ne
diffèrent pas beaucoup du biset par leurs formes,
et qui sont utilisés pour le transport des dépêches.
Ces oiseaux ont, comme chacun sait, rendu d'im-
portants services pendant le siège de Paris en em-
portant, attachées à une des pennes de leur queue
et roulées dans un tuyau de plume, des photo-
graphies microscopiques de lettres, de dépêches
officielles. On en élève maintenant un grand nom-
bre, dans des colombiers militaires.
li" Les Pigeons à caroncules, véritablement hi-
deux à voir, avec leur bec surchargé à la base
d'excroissances verruqueuses et leurs yeux cerclés
de rouge, etc., etc.
La Tourterelle des bois est de taille plus faible
que les pigeons ramier, biset et colombin, et
porte un manteau fauve^ varié de noir; elle a le
€0u bleu avec une tache noire et blanche de cha-
que côté. Elle arrive chez nous au printemps et
fait son nid dans les bois les plus sombres, qu'elle
fait retentir de ses roucoulements.
On voit souvent dans nos volières une autre
espèce, la Tourtei-elle à collier, qui est originaire
d'Afrique.
En Amérique, et particulièrement aux Etats-
Unis, vivent des Pigc'-ns voyageurs qu'il ne faut
pas confondre avec la race domestique qui porte
le même nom. Ces pigeons voyageurs ou Ectopistes
ont la tête d'un bleu ardoisé, le dessus du corps
d une teinte analogue, avec des taches brunes et
noires, le cou de nuances chatoyantes, vertes,
dorées ou pourprées, le ventre et les pennes la-
térales de la queue d'un blanc pur, les pennes
médianes noires. Ils \ivent de fruits d'érable,
d'orme, de chêne, de bouleau, de grains de riz ou
de froment, et exécutent, du golfe du Mexique à
la baie d'Hudson, des migrations extraordinaires,
aussi bien par leur étendue que par le nombre des
individus, migrations qui paraissent provoquées
non par la marche des saisons, mais par le besoin
de nourriture. Le célèbre naturaliste américain
Audubon, dont les calculs méritent toute con-
fiance, n'estime pas à moins de 1,115,136,000 le
nombre de pigeons qui composaient des bandes
qui passèrent un jour au-dessus de sa tête. L'Ec-
topiste voyageur est probablement le Pigeon qui a
le vol le plus rapide ; il parcourt vingt-cinq lieues
à l'heure, ou un mille à la minute, ou vingt-huit
mètres environ par seconde.
Tous les Pigeons pondent des œufs d'un blanc
pur, à coquille lisse et luisante. Les petits naissent
fort débiles, à peine couverts d'un faible duvet; ils
doivent, comme nous l'avons dit, être nourris par
leurs parents. De là résultent dans l'élovHge des
pigeons domestiques des difficultés que l'on ne
rencontre pas dans l'élevage des poulets et des
canetons. Une fois arrivés à l'âge adulte, les pi-
geons demandent encore certains soins, leur de-
meure doit être entretenue dans un état de pro-
preté absolue, leur nourriture ne doit pas être trop
échauffante, etc. ; mais ces soins sont largement
récompensés par le produit que donne la vente
des jeunes pigeons. Depuis un siècle le prix de
ceux-ci s'est considérablement accru, en raison du
morcellement de la propriété et des lois restric-
tives qui ont amené la suppression de la plupart
des grands colombiers. En effet, quoique les pigeons
en liberté se nourrissent plutôt de vcsces que de
bon grain, on a cru devoir interdire de laisseï' va-
guer ces oiseaux dans les champs avant la rentrée
des récoltes, ce qui force les propriétaires à les tenir
enfermés une partie de l'année, et ce qui rend
l'élevage en grand à peu près impossible.
[E. Oustalet.]
GALVANOPLASTIE. — Physique, XXIV. — La
galvanoplastie est l'art d'appliquer une couche
métallique sur une matière quelconque au moyen
de la pile électrique. Elle repose sur la propriété
qu'ont les courants électriques de décomposer les
dissolutions salines. Quand le dépôt métallique se
moule exactement sur les objets sans y adhérer,
qu'il en reproduit tous les détails et peut s'< n
séparer, c'est la galvanoplof^tie proprement dite;
quand au contraire le dépôt formé est adhérent,
qu'il constitue une couche protectrice faite d'un
métal inaltérable ou précieux, c'est l'électro-chimic,
dont l'argenture et la dorure sont les plus inté-
ressants exemples.
Ces deux applications de l'électricité sont toutes
récentes ; elles ne datent que de 18;j8. Au commen-
cement de ce siècle, Volta, presque immédiate-
ment après la découverte de sa pile, avait bien
réussi à décomposer une dissolution saline et à
déposer le métal, au pôle négatif; mais le courant
électrique dont il disposait était trop peu régulier
pour que le dépôt opéré pût présenter de l'homo-
généité ; ce n'est qu'avec le courant constant fourni
par les piles à deux liquides, notamment la pile de
Daniell, qu'on a pu obtenir des dépôts métalliques
réguliers, homogènes, ductiles, présentant en un
mot l'aspect et les propriétés des métaux ordi-
naires. La première observation a été toute for-
tuite; elle est de Jacobi, et entre des mains moins
expérimentées elle serait vraisemblablement restée
sans résultats, tandis que le savant physicien russe
en a fait la base d'une industrie nouvelle. Jacobi
avait fait construire une pile de Daniel! (V. Elec-
tricité) en enjoignant au fabricant de n'y employer
que du cuivre très malléable et très pur. Or, quand
il l'eut fait marcher quelque temps, il remarqua
que les lames de cuivre étaient devenues ru-
gueuses et qu'on pouvait en détacher de petites
lamelles cassantes. Amené à observer de près ces
lamelles, il put se convaincre que c'était un dépôt
moulé sur la surface primitive des lames et en re-
produisant tous les accidents, traits de lime, érail-
lures et coups de marteau. C'était donc du cuivre
provenant du sulfate décomposé par le courant et
qui présentait assez de ténacité pour qu'on pût le
confondre avec le cuivre laminé. Il recommença
l'expérience en la variant de plusieurs manières ;
en remplaçant la lame de cuivre ordinaire par
une plaque gi-avée, il obtint un dépôt de cuivre
offrant en relief l'empreinte très exacte des dessins
gravés en creux sur la plaque originale. Le prin-
cipe de la galvanoplastie était trouvé.
1. Galvanoplastie proprement dite. — La re-
production en cuivre d'une médaille nous servira
d'exemple pour expliquer les appareils employés
et le mode opératoire suivi dans cette industrie,
qui copie les bas-reliefs, les statues, les planches
gravées, tous les objets d'art, avec une fidélité
d'exécution qu'aucun autre moyen ne permet
d'égaler.
On attache l'objet au pôle négatif d'une pile à
courant constant, d'un élément de Bunsen ou de
Daniell. On le plonge dans une dissolution saturée
à froid de sulfate de cuivre, où plonge également
le fil positif de la pile, terminé par une plaque de
cuivre d'une surface au moins égale à la surface
même de la pièce à reproduire. La première con-
dition h, remplir, c'est que la surface à recouvrir
de cuivre soit conductrice de l'électricité sur toute
son étendue et qu'il y ait communication métalli-
que bien assurée entre elle et le fil du pôle né-
gatif. 11 est évident que pour ne reproduire qu'une
face et pouvoir plus tard séparer la reproduction
de l'objet, il faut avoir au préalable r 'couvert
l'autre face d'un corps mauvais conducteur, de
GALVANOPLASTIE
— 845 —
GALVANOPLASTIE
cire jaune par exemple. Aussitôt que les deux
pôles de la pile sont plongés dans la dissolution,
h quelques centimètres seulement l'un de l'autre,
le courant passe, le sulfate de cuivre est décom-
posé, le cuivre se porte sur l'électrode négatif et
recouvre la médaille en tous ses points, pénétrant
dans toutes les parties creuses, même les plus
délicates. En même temps, l'oxygène et l'acide
suH'urique se rendent au pôle positif, et attaquent le
cuivre qui se dissout peu à peu et reforme du sul-
f'te, en sorte que lo liquide primitif conserve le
nième état de concentration. Cet appareil, qui
nxessite un vase à décomposition distinct de la
pile fournissant le courant, porte le nom à'appa-
reil composé. La plaque métalli(|ue qui se dissout
au pôle positif, à mesure que le métal de la disso-
lution est porté au pôle négatif, est appelée l'anode
soluble.
Quand il ne s'agit que de déposer du cuivre, on
monte l'appareil avec un seul vase dans lequel on
met la dissolution de sulfate de cuivre. On y plonge
un vase poreux ou un sac en forte toile contenant
une lame de zinc et de l'eau acidulée. Un fil de
cuivre attaché au zinc extérieurement se recourbe
et plonge dans le sulfate de cuivre où il tient sus-
pendu l'objet à recouvrir. On a ainsi une sorte de
pile de Daniell dans laquelle le zinc se dissout peu
il peu, en même temps que le cuivre du sulfate
dissous se porte sur l'objet qui y est plongé. C'est
ïupp'ireil shnpte, contenant à la fois la source
électrique et le liquide à décomposer. Il présente
las'antage de permettre plusieurs reproductions à
Id fois, car on peut faire la cuve extérieure de
gi-andes dimensions et y plonger plusieurs vases
po-eux ; mais le bain s'y épuise à mesure que le
métal se dépose, et il est de toute nécessité de
1; maintenir saturé; on y suspend alors des sa-
chets en mousseline remplis de cristaux de vitriol
bleu.
Quel que soit l'appareil employé, le résultat dé-
pend beaucoup de la force du courant électrique ;
quand celui-ci est trop faible, le dépôt de cuivre
est cristallin; quand le courant est trop fort, le
dépôt est pulvérulent et cassant. L'appareil fonc-
tionne convenablement quand les particules de
cuivre, se déposant les unes sur les autres, s'agrè-
gent avec force et forment une couche métallique
d'un rouge rose, bien unie, bien lisse, d'une con-
sistance égale à celle du métal forgé.
Emploi des moides. — 11 est souvent impossible
d'opérer directement sur l'objet lui-même, soit que
l'on craigne de l'altérer, soit qu'il fasse partie d'un
Dbjet qu'on ne saurait exposer à l'humidité. 11 faut
dans ce cas en prendre une empreinte avec une
matière plastique, en faire un moule et le rendre
conducteur de l'électricité.
On fait des moules avec de la cire à cacheter, de
la stéarine, du plâtre, de la gélatine, un alliage
facilement fusible, et enfin avec la gutta-percha.
L'alliage fusible s'emploie pour les médailles de
cuivre ou de bronze. On le prépare en fondant
8 parties de bismuth, 8 de plomb et 3 d'étain. Le
mélange est liquide à 108°, on le coule dans un
couvercle de boîte en carton et on le remue avec
un fil de fer jusqu'à ce qu'il prenne une consistance
un peu épaisse; alors on applique dessus la mé-
daille que l'on presse jusqu'à ce que tout soit
refroidi. Le moule en creux obtenu peut être im-
médiatement employé ; il donne une empreinte
de cuivre exactement semblable à la face de la
médaille qu'il a copiée.
Le plâtre et les autres matières plastiques s'em-
ploient d'une façon analogue. Le moule en plâtre
doit, une fois fait, être recouvert d'une légère
couche de cire ou de stéarine fondue qui lui fasse
perdre sa porosité.
La gutta-percha est aujourd'hui la substance la
plus employée. Ramollie sous l'influence de la cha-
leur, elle peut être appliquée à chaud sur les objets,
soit à la main, soit à l'aide d'une presse, et repro-
duit avec perfection tous les détails. Elle a de plus
l'avantajie d'être inaltérable dans les bains acides
ou alcalins que l'on emploie.
Pour rendre conductrice de l'électricité la sur-
face des moules, on la frotte avec un pinceau im-
prégné de plombagine en puudre impalpable, jus-
qu'à ce qu'elle ait acquis partout le brillant métal-
lique. On peut encore l'humecter d'une dissolution
de nitrate d'argent et l'exposer au gaz sulfhydrique
qui y dépose une pellicule de sulfure d'argent bon
conducteur de l'électricité.
Les moules métallisés se recouvrent de cuivre
aussitôt qu'ils font partie de l'appareil simple ou de
l'appareil composé.
Applicaltons principales. — L'emploi du moule
métallisé, qui permet d'obtenir une ou plusieurs
reproductions très fidèles d'un objet, alors même
qu'on ne pourrait pas opérer directement sur celui-
ci, a beaucoup étendu les tipplications de la galva-
noplastie.
On ne s'est pas borné à reproduire des médailles
ou autres petits objets analogues, on a fait des
pièces de grandes dimensions comme les bas-reliefs
de la colonne Trajane, dont chacun mesure un mètre
carré. Moulés en plâtre, à Rome, sur la colonne de
marbre qui a près de 50 mètres de hauteur sur
4 mètres de diamètre, ils ont été obtenus en cui-
vre avec une grande perfection. On a reproduit
aussi des statues, d'abord en les moulant en plu-
sieurs parties destinéesàêtre obtenues séparément
et à être ensuite rapprochées et soudées : c'est
ainsi que la maison Cliristofle a fait pour la ville-
de Marseille une statue de Notre-Dame de la Garde
qui mesure 9 mètres de hauteur, et dont le cuivre,
déposé galvaniquement sur une épaisseur de
4 millimètres et demi, ne pèse pas moins de 3,500
kilogrammes. On est enfin arrivé à obtenir d'une
façon très satisfaisante les bustes ou les statues
avec un seul moule, à réaliser la galvanosplastie
en ronde-bosse, et à appliquer les produits, fabri-
qués à l'art de la décoration des monuments.
Mais l'application la plus courante de la galva-
noplastie, c'est celle qui en est faite à la typogra-
phie.
Typographie galvanique. — On peut, par l'action
du courant électrique, fabriquer des planches unies
en cuivre à l'usage des graveurs, et obtenir des
reproductions des planches gravées.
La planche unie que l'on obtient en faisant
recouvrir de cuivre galvanoplastique une première
lame qui sert de moule, est préférée par le graveur
au cuivre du commerce; elle ne contient pas,
comme celui-ci, des métaux étrangers qui rendent
inégale l'action de l'eau-forte, et le travail du burin
y est plus facile et plus régulier.
La reproduction des planches gravées sur cuivre,
sur acier ou sur bois, rend chaque jour à l'impri-
merie des services inappréciables ; grâce à elle, on
conserve intacte l'œuvre de l'artiste, qui se trou-
vait autrefois perdue après le tirage d'un certain
nombre d'épreuves ; et en fournissant, en métal
dur, des planches identiques à l'original, elle per-
met un tirage qui ne connaît plus de limites.
Pour reproduire la gravure sur bois, on en prend
l'empreinte avec la gutta-percha, on la métallisé
et on l'expose au bain galvanoplastique. Après
quelques heures, on a une coquille ou cliché très
exact, mais d'une faible épaisseur. Pour lui donner
de la solidité, on l'entoure d'un châssis, et on y
coule un alliage analogue à celui des caractères
d'imprimerie : on le rend ainsi assez dur pour ré-
sister à un tirage de 5t),000 épreuves.
C'est ainsi que sont faites aujourd'hui la plupart
des gravures de livres. Mais pour reproduire,
avec toute la fidélité désirable, les planches de cui-
vre gravées, on n'en prend pas de moule : c'est
GALVANOPLASTIE
— 846 —
GALVANOPLASTIE
la planche elle-même que Ton plonge dans le
bain pour en faire une copie en relief, avec laquelle
«n reproduira une ou plusieurs copies de 1 origi-
nal. On peut ainsi obtenir un certain nombre de
clichés durs d'une même gravure et en tirer,
comme pour les timbres-poste, par exemple, des
milliers par jour, tous absolument semblables,
malgré la multiplicité des détails et la finesse du
dessin.
Enfin c'est la facilité d'obtenir par la galvano-
plastie autant qu'on le veut de planches identiques
les unes aux autres qui a permis d'obtenir à bon
marclié les épreuves en couleurs, les chromo-li-
thographies, et les belles cartes géographiques. On
fait, du même dessin, quinze à vingt planches ou
plus s'il le faut, d'une justesse de report qu'il se-
rait difficile d'obtenir autrement, et chacune sert h
imprimer une couleur ou une nuance. La grande
carie géologique de France a été ainsi faite.
2. Électro-chimie. — Recouvrir un métal com-
mun ou un objet quelconque métallisé d'une
couche d'un métal moins facilement altérable, assez
mince pour ne pas changer les détails de la sur-
face, capable cependant de résister au frottement,
et présentant une adhérence parfaite, tel est le but
de l'éleciro-chimie.
L'orfèvrerie et la bijouterie , qui emploient
l'argent et l'or, cherchaient depuis longtemps
le moyen de substituer à l'or le cuivre doré,
plus solide et aussi inaltérable que le métal pré-
cieux. On dorait bien au mercure, avant l.siO,
en déposant sur les pièces métalliques un amal-
game d'or, les chaufl"ant pour chasser le mercure
et laisser l'or qu'il no restait plusj qu'à polir, Mais
le mercure en vapeur altérait rapidement la santé
des ouvriers doreurs. Aussi, quand deux ans après
la découverte de la galvanoplastie, M. de la Rive
d'abord, Elkington et de Ruolz ensuite, vinrent
proposer le courant électrique pour la dorure et
l'argenture, leur procédé fat-il immédiatement mis
en pratique ; c'était une oeuvre d'humanité aussi
bien qu'une découverte scientifique importante.
M. de la Rive avait trouvé le uioyen de déposer
l'or en décomposant par le courant électrique une
dissolution de chlorure d'or ; mais la couche mé-
tallique formée manquait d'adhérence. Elkington
en Angleterre, de Ruolz en France, proposèrent
presque simultanément d'employer le cyanure
d'or ou d'argent dissous dans le cyanure de potas-
sium : la couche métallique offrait alors une adlié-
rence parfaite et toutes les qualités physiques du
métal déposé.
M. Christofle se fit l'acquéreur des deux brevets
et fonda à l'aris la grande orfèvrerie qui porte son
nom. On y produit une immense quantité d'ob-
jets argentés ou dorés, dont les uns, comme les
couverts, les décors de table, répondent aux be-
soins économiques de notre temps, et dont les
autres peuvent satisfaire par leur perfection le goût
le plus élevé. En vingt-cinq ans, on y a déposé lOOOOit
kilogrammes d'argent. Nous résumerons ici briè-
vement les points essentiels de cette fabrication.
Argc ture. — L'appareil employé pour l'argen-
ture est toujours Voppnrcil composé^ c'està dire
une cuve contenant la solution métallique à décom-
poser et une pile distincte. La cuve contient une
solution de cyanure d'argent dans le cyanure de
potassium en excès. Le pôle positif de la pile
communique à des tringles métalliques qui tien-
nent suspendues dans le bain les plaques d'ar-
gent servant d'anodes soluLles. Le pôle négatif se
rend à d'autres tringles, isolées des premières, qui
suspendent les objets à argenter.
Ces objets doivent subir une préparation, un dé-
capage, qui les débarrasse dos matières grasses
dont la fabrication et le contact les ont recouverts
et de la couche d'oxyde qui empêcherait le dépôt.
La manière dont on y procède varie avec la nature
de l'objet ; il faut, d'une façon générale, rendre
l'objet bien propre^ le laver à l'acide, à grande eau
ensuite, et le sécher à la sciure de bois.
On le passe au bain d'argenture. Après quelques
instants, il est recouvert d'une mince couche
d'argent très homogène. On en laisse augmenter
l'épaisseur, suivant l'ohjet, jusqu'à ce que le métal
déposé ait un poids déterminé : pour les couverts,
par exemple, le trentième du poids d'un couvert
d'argent massif.
Au sortir du bain, les pièces séchées sont mates;
on leur fait subir deux opérations pour les finir :
le gratte-bossage qui consiste à, les frotter vive-
ment avec une brosse de fils de laiton tournant
rapidement afin de donner un commencement
de poli, et le vernissage qui achève le poli par le
frottement au moyen de pièces d'acier.
La dorure galvanique s'effectue d'une manière
tout à fait analogue ; il n'y a qu'une différence,
c'est que le bain est chauffé à environ 70 degrés :
le dépôt est alors meilleur qu'à froid.
Les premières pièces que l'on ait argentées ou
dorées étaient en cuivre ou en laiton ; c'est en effet
sur le cuivre ou ses alliages que les métaux pré-
cieux adhèrent le mieux. Aujourd'hui, lorsqu'on
veut argenter ou dorer une pièce d'un métal quel-
conque, on commence par la recouvrir d'une très
légère couche de cuivre, dans un bain galvano-
plaslique, après quoi seulement on la passe au
bain d'argent.
Dépôt iC autres métaux. — Le succès de l'argen-
ture a fait essayer les dépôts d'autres métaux, que
l'on effectue aujourd'hui avec succès. .Ainsi on re-
couvre le fer d'une couche de nickel très brillante
et bien moins altérable ; on pratique l'étamage
galvanique; on dépose une couche de zinc sur les
fils de fer télégraphiques et sur les nombreuses
pièces de fer qui doivent entrer dans les construc-
tions en contact avec l'eau. On est même parvenu,
en emploj-ant deux solutions métalliques mélan-
gées, à provoquer des dépôts d'alliages définis
comme le laiton et même le bronze. Enfin on s'est
servi du courant électrique pour avoir les métaux
purs. Nous ne pouvons pas donner ici le détail de
ces diverses opérations; il suffit d'en avoir indiqué
le principe. Mais nous décrirons, pour terminer, le
cuivrage de la fonte, à cause de son utilité et de
ses nombreuses applications. La fonte, exposée à
l'air humide, s'altère en effet profondément en se
couvrant de rouille ; tandis que le cuivre dont on
la recouvre ne subit qu'une attaque superficielle,
qui forme un vernis ou patine protégeant les
couches sous-jacentes et donnant aux objets et la
durée et l'aspect recherché du bronze.
Le cuivrage de lu fonte présentait des difficultés.
On ne pouvait y employer le bain de sulfate de
cuivre, parce que ce liquide attaque le métal et
empêche le dépôt d'être adhérent ; et cependant
c'est le composé de cuivre le moins coiiteux, par
suite le seul qui pouvait permettre d'obtenir éco-
nomiquement des dépôts d'une certaine épaisseur.
On a enfin réussi à pouvoir s'en servir en protégeant,
comme le fait M. Oudry à Auteuil, les pièces de
fonte ou de fer au moyen d'un enduit inattaquable
aux acides, et que l'on rend conducteur par la plom-
bagine pour y effectuer ensuite le dépôt galvano-
plastique. C'est par ce procédé qu'ont été cuivrés
les candélabres des lanternes à gaz des rues et des
boulevards, les fontaines monumentales de la place
de a Concorde, et bien des pièces de fonte devant
servir d'ornements extérieurs à des con>tructions
diverses II est probable qu'on l'appliquera dans
l'avenir aux fers et aux fontes que l'on emploie
.Tujourd'hui en si grande quantité dans les cons-
tructions monumentales^
Expériences. — 1. Entourer une pièce de mon-
naie, bien décapée, d'un fil de cuivre qui y soit
bien appliqué; recouvrir d'une légère couche de
GAMME
— 847 —
GAULE
cire fondue l'une des faces et le pourtour. Attacher
la pièce au til négatif (lame de zinC/ d'une pile de
de Bunsen, et la plonger dans un verre contenant
une dissolution saturée de vitriol bleu. Plonger
dans la même dissolution le fil positif, muni d'une
lame de cuivre. Constater qu'un dépôt régulier
s'effectue sur la face découverte de la pièce. Lui
laisser gagner de l'épaisseur, puis le détacher : on
constatera qu'il reproduit très fidèlement tous les
traits du modèle.
2. Faire un moule en plâtre d'une médaille, en
coulant du plâtre gâché très clair sur la médaille
posée dans le fond d'une petite boîte en carton.
J.e plâtre une fois sec, détacher la médaille; on
voit en creux, sur le plâtre, les reliefs de l'objet.
Sécher ce moule à un feu léger, le couvrir d'une
très légère couche de cire fondue, pour le rendre
imperméable. Le couvrir de plombagine que l'on
étend et que l'on rend lisse et brillante avec un
pinceau, et, après l'avoir entouré d'un fil, le sus-
pendre dans un bain galvannplastique d'un appareil
composé ou bien dans le vase à sulfate de cuivre
d'une pile de Daniell. On obtient un dépôt qui,
détaché du moule, reproduit identiquement la mé-
daille. [Haraucourt.]
GAMMÉw — 'V. Musique. .
GAULE. — Histoire de France, I. — 'l. Géo-
graphie de la Gaule. — La Gaule, ainsi appelée j
d'un mot celtique qui veut dire forêt, avait pour'
limites naturelles le Var {yarus\, les Alpes [Alpes),
le Rhin (Rhenus), la mer du Nord [Germaniiiim
Mare), le Pas-de-Calais (Fretum Gallicum), l'O-
céan Atlantique [Oceunus], les Pyrénées {Pyrenei
montes), et la mer Méditerranée [internum ou Me-
diterraneum Mare) .
Ce vaste territoire, fermé par des frontières na-
turelles, coupé de montagnes et de collines facile-
ment accessibles, sillonné de fleuves qui descendent
à toutes les mers, doté d'un sol fertile et d'un cli-
mat tempéré, occupant enfin, dans l'ancien conti-
nent, une position centrale par rapport aux mers
européennes, a toujours paru un pays privilégié.
« Il semble, dit le géographe Strabon, qu'une pro-
vidence tutélaire éleva les chaînes de montagnes,
rapprocha les mers, traça et dirigea le cours de
tant de fleuves, pour faire un jour de la Gaule le
lieu le plus florissant du globe. »
2. Popiilations primitives. — Les habitants, dé-
signés sous le nom général de Gaulois, apparte-
naient à trois grandes familles : les Celtes ou Gaèli,
les Belgps ou Kymris, les Ibères ou Vascons.
Les Ibères, le premier des peuples qui ait
envahi la Gaule, étaient probablement venus
de l'Afrique et de l'Espagne. Leur origine est
encore inconnue, et il est difficile de les rattacher
par l'ethnographie ou la langue à une branche des
races humaines. Ils occupèrent d'abord tout le pays
au sud de la Loire, puis furent refoulés, sous le
nom à' Aquitains, au sud de la Garonne, et sous le
nom de Ligures salyens, au sud de la Durance.
Leur langue s'est conservée aujourd'hui encore
parmi les populations vasconnes ou basques qui
habitent une partie des Pyrénées.
Les Celtes faisaient partie de cette grande émi-
gration de peuples qui, venus à une époque in-
connue du centre de l'Asie, s'établirent dans Its
différentes contrées de l'Europe. Tandis que les
autres races s'arrêtèrent en Grèce, en Italie ou
dans l'Europe centrale, les Celtes, poussant tou-
jours devant eux. ne s'arrêtèrent que devant
l'Océan, et ils se fi.xèrent dans le nord-ouest de la
Gaule, dans la Bretagne, l'Ecosse et l'Irlande. Les
populations actuelles de la Bretagne, du pays de
Galles et de l'Irlande conservent encore dans leur
idiome les souvenirs de l'ancienne langue celtique
ou gaélique.
Les Be'ges ou Kgtnris sont les derniers venus
des trois grands peuples envahisseurs. Ce n'est que
vers l'an 600 qu'ils franchirent le Rhin, sous la
conduite de leur chef Hu le Puissant, et occupèrent
tout le nord de la Gaule jusqu'à la Loire, refoulant
devant eux les populations ibériennes et cel-
tiques.
A ces trois grandes familles se mêlèrent quelques
colonies étrangères venues par mer, celles des
Phéniciens et des Grecs.
Les Phéniciens, attirés par les produits naturels
du sol, avaient débarqué sur le littoral méditerra-
néen, sous la conduite, dit la tradition, de Magusan
ou Hercule Conducteur. Peu à peu ils pénétrèrent
dans l'intérieur en se servant pour leur commerce
de l'admirable disposition des fleuves gaulois ; ils
fondèrent des comptoirs et des entrepôts, et même
plusieurs villes dans la basse vallée du Rhône,
telles que Nîmes (^emetmng) et Alais [Alesia).
Bientôt les Grecs, rivaux des Phéniciens, vinrent
leur disputer l'exploitation des richesses de la
Gaule méridionale. On attribue aux Rhodiens la
fondation d'une certaine Pihodcmusia, près du
Rhône, et de Rhodon (Rosas) en Espagne. Les
Ioniens se fixèrent ensuite au milieu des popula-
tions salyennes et fondèrent Marseille {Mogsilia)
où émigrèrent de nombreuses colonies de Pho-
céens.
A la suite de ces invasions, la situation géogra-
phique des différents peuples qui habitaient la
Gaule, à l'époque où les Romains franchirent les
Alpes, peut être établie de la manière suivante :
1° Race gaélique, occupant les hauts plateaux
du centre et de l'est. Elle compte vingt-deux peu-
ples groupés en trois confédérations : 1° Arver.ies
(Auvergne), capitale Gergovie (près de Clern ont) ;
peuples principaux : //e/y!e«s (Ardèchei, Vellaves
^Velay), Cabales (Gévaudan), Rutèfies (Rodez), Ca-
durques (Cahors), Nitiubriges (Agen); 2° Eduens,
capitales Bibracte (Autun^ et Noviodunum (Nevers);
peuples principaux : Mandubiens (Alise dans la
Côte-d'Or , Ambarres (Ambérieux), Ségusiens (Lyon
et Roanne), Bituriges (Bourges) ; 3° les Séquiines,
capitale Vesontio (Besançon).
2° R.\cE GALLO-KV.MRIQLE, occupaut le ccutre et
l'ouest de la Gaule. Elle comprend deux confédé-
rations : 1° les Aulesci, dont dépendent les L'éno-
mans (Maine actuel) et les Eburovices (Evreux) ;
2° les Cités armoricaines, qui renferment les
Namnètes (.Nantes), les Vénètes (Vannes), les Re-
dons (Rennes), les Abrincates (Avrancliesj, les
t/«e//es (Coutances), les Lexoviens (Lisieux) ; plus
un certain nombre de peuples indépendants dont
les principaux étaient les Pétrocoriens (Périgueux),
les r.emovices (Limoges), les Satitones (Saintes),
les Pict'ives (Poitiers), les Andégaves (Angers), les
Turones iTours), les Carnutes ^Chartres), les Sé-
nonais (Sens), les Lingons (Langres).
3° Race kymrique ou belge, habitant depuis la
Marne jusqu'au Rhin. Elle se compose de vingt-
trois peuples dont les principaux sont les Leuci
(Toul), les Mi^diomatrices (Metz), les Rémi ^Reims),
les Sucssions (Soissons), les Hellovaques (Beauvais),
les Calèt'-s (Calais), les Ambiens (Amiens^, les
Atrébates (Arras), les Morins (Boulogne), les Tré-
vères (Trêves), les Eburons (Liège), les Nerviens
(Cambrai), les Ménupiens (Cassel), les liataves
(bouclies de la Meuse et du Riiin).
4" Race ibérienne, qui comprend les Aquitains,
entre la Garonne, le golfe de Gascogne et les Py-
rénéeSj et les Ligures, divisés en Ibéro-Ligures,
depuis la Garonne et les Pyrénées jusqu'au Rhône,
et en Celto-Ligures, du Riiône et de l'Isère aux
Alpes.
b" Race grecque, répandue sur le littoral médi-
terianéen, où elle a fondé de nombreuses colonies,
Marseille, Monaco (Portus llerculis Monœci), ISice
(iVî' â? :), Amibes (Anti/jolis), Agde [Agatha).
3. Migrations gauloises. ~ La Gaule, envahi©
par tant de peuples, envoya à son tour de nom-
GAULE
— 848 —
GAULE
breuscs bandes d'émigrunts ou de guerriers hors
dp son lerritûire. Peu atucliés au sol, qu'ils cul-
liv;iient mal, les Gaulois changeaient de résidence
suivant leur caprice ou les hasards des combats.
Les discordes intestines et le goût des aventures les
poussèrent souvent hors de leur pays. C'est ainsi
qii ils allèrent s'établir au delà des Pyrénées et des
Alpes, en Espagne, en Italie, en Grèce, sur les
bords du Danube et jusqu'au centre de l'Asie Mi-
neure.
Ils s'établirent en Espagne, à une époque in-
connue, sous le nom de Celtibériens (mélange de
Celtes et d'Ibères), et fondèrent la célèbre ville de
Kumance, qui devait résister avec tant d'héroïsme
aux Romains. Plus au sud, une colonie gauloise,
les Ctltici, se fixa à l'extrémité de la Lusitanie.
Une peuplade gallique, les Ombriens ou Ambra
(les Vaillants;, passa les Alpes, versJ'an 14(iO avant
Jésus-Christ, occupa toute la vallée du Pô et la
partie centrale de l'Italie Cet empire gaulois fut
renversé vers le xi'= siècle par les Etrusques, et les
débris des Ombriens furent refoulés dans le pays
qui a gardé le nom d'Ombrie. Vers l'an 600, un
chef des BiLuriges, Bellovèse, entraîna avec lui une
foule de Gaulois, Bituriges, Eduens, Arvernes, qui
fuyaient l'invasion des Kymris, et vint enlever aux
Etrusques le pays situé au nord du Pô. Peu après,
de nouvelles bandes, composées de Carnutes, Cé-
nomans, Boïens, Lingons, suivirent la route des
premiers envahisseurs et s'établirent dans toute la
vallée du Pô. Les Gaulois, vainqueurs des Etrusques,
fondèrent les villes de Milan [Medio:anum),
Brescia (Brixia), Vérone, Bologne {Bo7i07iia]. En-
traînés par leur humeur conquérante, ils fran-
chirent bientôt les Apennins et se répandirent
dans l'Etrurie et la Campanie. Ils se trouvèrent
ainsi en présence du peuple dont la puissance
naissante menaçait déjà l'Italie, les Romains, avec
lesquels ils engagèrent des guerres longues et
acharnées. Ils défirent les légions romaines au
combat de l'Allia, s'emparèrent de Rome (o90), et
])riient part à tous les soulèvements des Etrusques
et des Samnites. Vaincus à leur tour par les Pio-
mains au lac Vadimon en 28;(, à Télamone en 225,
les Gaulois perdirent la plupart de leurs villes, Se?ia
Gallica (Sinigagîia), Ariminium (Rimini), Milan,
CYQ\xione,Placentia (Plaisance), qui devinrent des
colonies romaines. L'arrivée d'Annibal arrêta la
conquête romaine, et les Gaulois s'enrôlèrent en
foule dans l'armée carthaginoise pour lutter contre
leur mortel ennemi. Après la deuxième guerre
punique, Rome subjugua toutes les colonies gau-
loises dans la vallée du Pô jus(|u'au revers oriental
des Aipes. Tout le nord de l'Italie fut réduit en
province romaine vers l'an 101 avant J.-C, et prit
le nom de Provi7ice gauloise cisalpine, puis, plus
tard, celui de Gallii togata, parce que là toge, vê-
tement des Romains, y remplaça la saie, vêtement
des Gaulois.
A l'époque où Bellovèse avait franchi les Alpes,
d'autres bandes gauloises, sous la conduite de
Sigovèse, passèrent le Haut-Rhin et s'engagèrent
dans la grande forêt qui couvrait alors toute l'Al-
lemagne du sud. Ces Gaulois descendirent la vallée
du Danube ei arrivèrent sur les frontières de la
Macédoine. On rapporte d'eux cette fière réponse
à Alexandre, qui leur demandait ce qu'ils redou-
taient le plus : Il Nous ne craignons que la chute du
ciel, mais nous estimons par-dessus tout l'amitié
d'un homme tel que toi. » — « Les Celtes sont
fiers, « répondit le futur vainqueur des Perses.
Après la mort d'Alexandre, les Gaulois envahirent
la Macédoine, mettant tout à feu et à sang sur
leur passage. Ils furent cependant vaincus sous
les murs de Delphes, grâce, disaient les Grecs,
au secours de Diane et d'Apollon. Divisés en plu-
sieurs bandes, ils allèrent, les uns jusque dans la
Bohême, les autres en Asie Mineure, où ils fondè-
rent le royaume de Galatie, qui, même après la
conquête romaine, conserva longtemps les mœurs
et la langue de la Gaule.
4. Mœurs, gouvernement, religion des Gaulois.
— Ces expéditions expliquent le caractère des
Gaulois, leur courage, leur amour des aventures.
« Le Caractère commun de cette race, dit Strabon,
c'est qu'elle est irritable et folle de guerre,
prompte au combat, du reste simple et sans mali-
gnité. Si on irrite ces Uommes, ils marchent droit
à l'ennemi et l'attaquent de front, sans s'informer
d'autre chose. Aussi, par la ruso. on en vient faci-
lement à bout. Toutefois, par la persuasion, ils se
laissent facilement amener aux choses utiles; ils
sont susceptibles de culture et d'instruction litté-
raire. Forts de leur haute taille et de leur nombre,
ils s'assemblent aisément en grande foule, simples
qu'ils sont et spontanés, prenant volontiers en
main la cause de celui qu'on opprime. »
Diodore de Sicile ajoute : « Les Gaulois sont de
grande taille, ont la peau blanche et les cheveux
blonds. Quelques-uns se coupent la barbe et
d'autres la laissent croître modérément; mais les
nobles se rasent les joues et laissent pousser les
moustaches, de manière qu'elles leur couvrent la
bouche. Ils prennent leur repas, non point assis
sur des 'sièges, mais accroupis sur des peaux de
loup et de chien Les Gaulois sont d'un aspect
effrayant; ils ont la voix forte et rude; ils parlent
peu, s'expriment par énigmes et affectent dans leur
langage de laisser deviner la plupart des choses.
Ils emploient beaucoup l'hyperbole, soit pour se
vanter eux-mêmes, soit pour abaisser les autres.
Dans leurs discours, ils sont menaçants, hautains
et portés au tragique ; mais ils ont de l'intelligence
et sont capables de s'instruire Les Gaulois
portent des vêtements singuliers ; ils ont des tu-
niques bigarrées de différentes couleurs, et des
chausses qu'ils appellent braies. Avec des agrafes,
ils attachent à leurs épaules des saies rayées d'une
étoffe à petits carreaux multicolores, épaisse en
hiver, légère en été. Ils ont pour armes défensives
des boucliers aussi hauts qu'un homme, et que
chacun orne à sa manière. Comme ces boucliers
servent non seulement de défense, mais encore
d'ornement, quelques-uns y font graver des figures
d'airain en bosse et travaillées avec beaucoup
d'art. Leurs casques d'airain ont de grandes
saillies et donnent à ceux qui les portent un aspect
fantastique. A quelques-uns de ces casques sont
fixées des cornes; à d'autres, des figures en
relief d'oiseaux ou de quadrupèdes. Ils ont des
trompettes barbares, d'une construction particu-
lière, qui rendent un son rauque et approprié au
tumulte guerrier. Les uns portent des cuirasses de
maille de fer; les autres combattent nus. Au lieu
d'épces, ils ont des espadons suspendus à leur
flanc droit par des chaînes de fer ou d'airain.
Quelques-uns serrent leur tunique d'une ceinture
d'or ou d'argent. Leurs épées ne sont guère moins
grandes que le javelot des autres nations, et leurs
sRimies, lourdes piques qu'ils lancent, ont les
pointes plus longues quu leurs épées. >'
Quand les Gaulois ne se livraient pas au plaisir
de la guerre ou de lâchasse, ils menaient la vie de
pasteurs et d'agriculteurs. Ils nourrissaient de
nombreux troupeaux de bétail dans les prairies na-
turelles et les forêts de la Gaule ; ils cultivaient
l'orbe, l'avoine, le seigle, plus tard le froment et
la vigne. Leur industrie était encore primitive ; ce-
pendant les anciens leur attribuent l'invention de
la charrue à roues, celle du crible à crin et celle
des tonneaux de bois pour renfermer le vin. Ils
apprirent aussi à exploiter les mines, à tisser, à
brocher et à teindre les étoffes.
Toutes les peuplades gauloises furent d'abord
soumises à un gouvernement théocratique . Les
druides, ou hommes des chênes, à la fois prêtres,
GAULE
— 849 —
GAULE
philosophes, astronomes, médecins, devins, ré-
gnaicni par la puissance de la superstition. Ils en-
seignaient à leurs initiés la doctrine orientale de la
co-existence éternelle de l'esprit et de la matière;
ils croyaient à la métempsycose ou transmigration
des âmes, et avaient une notion confuse d'un autre
monde. Au fond de leurs forêts, ils offraient des
sacrifices humains^ égorgeaient les victimes sur les
dolmens, ou les entassaient dans de gigantesques
statues d'osier auxquelles ils mettaient le feu.
Quant au peuple, ils lui enseignaient un polythéisme
assez grossier. Les principaux dieux, ceux qui re-
cevaient à peu près partout les hommages, étaient :
Canuel, le génie de la guerre ; Tarann, le dieu du
tonnerre ; Arduinna, la fée des grands bois ; Ten-
tâtes, l'artisan du monde ; Ognius, le dieu de la
poésie et de l'éloquence, représenté avec des
chaînes d'or qui sortaient de sa bouche pour lier
ses auditeurs ; enfin Hésus le terrible, dieu m5-sté-
rieux et suprême, que ses adorateurs appelaient le
seigneur de la forêt.
Les chefs de tribus, insurgés contre les druides,
détruisirent leur puissance et la remplacèrent par
une aristocratie militaire. Les prêtres ne furent
plus que les devins des armées; les bardes, qui
chantaient jadis les louanges de la divinité, devin-
rent les parasites des rois. Luern, roi des Arvernes,
laissait un barde courir à côté de son char d'ar-
gent, célébrant ses exploits et tendant la main.
Mais la domination des chefs de clans était
lourde, capricieuse et tyrannique. Elle parut sur-
tout insupportable aux habitants des villes, quand
l'industrie et le commerce leur eurent donné
quelque aisance. Aidés par les druides, ils dépos-
sédèrent l'aristocratie de son pouvoir liéréditaire,
et la remplacèrent tantôt par un magistrat ou
vergobret annuel, tantôt par un sénat souverain,
tantôt enfin par une assemblée populaire. Il y eut
des peuples isolés, des peuples unis par une al-
liance étroite ou fraternité, des peuples patrons
ou clients d'autres peuples.
5. La Gaule conquise par les Romains. — Maî-
tres de la Cisalpine, les Romains ne tardèrent
pas à franchir les Alpes. Marseille sollicita leur
intervention en Gaule. Menacée par les tribus
ligures, cette ville appela à son secours les légions
romaines. Après avoir vaincu les Ligures et dé-
livré Marseille, les Romains continuèrent la guerre
pour leur propre compte, soumirent les peuplades
gauloises entre le Rhône et les Alpes, et établirent
une première colonie à Aix {Aqux Sextiœ)eu \Vù.
Désormais ils intriguèrent auprès des tribus tou-
jours jalouses et prêtes à en venir aux mains ; ils
s'allièrent avec les Eduens contre les Allobroges et
les Arvernes, battirent ces deux peuples (121), et,
de l.;0 à 118, subjuguèrent le pays entre le Rhône
et les Pyrénées. La colonie de Narbonne {Sai'bo
Alartius, devint la capitale de la Province romaine.
Cette nouvelle conquête fut bientôt menacée par
une invasion de peuples germaniques, les Cim-
bres et les Teutons. Après avoir ravagé ce pays !
pendant cinq ans, ces tribus furent exterminées
par Marins à Aix 'Wl et à Verceil (101). Mais la |
Gaule ne devait échapper aux Germains que pour i
tomber tout entière ôous la domination romaine.
En 58 avant J.-C, les Suèves pénétrèrent, sous la
conduite d'Arioviste, dans la vallée de la Saône. '
Les Eduens et les Séquanes implorèrent le se- i
cours des Romains. A cette époque les Helvètes
(Suisses) se préparaient à traverser la Gaule' pour
aller s'établir sur les bords de l'Océan. Le gou- '
verneur de la province romaine, Jules César, se '
chargea de repousser les Helvètes et do chasser
les Suèves. Dans une première campagne (58,, cet
homme de génie termina deux guerres formida-
bles : il arrêta les Helvètes par une grande bataille
sur les bords de la Saône, et les contraignit h.
retourner dans leur pays ; puis il se tourna contre
2*^ Partie.
Arioviste, qui, vaincu et blessé, repassa le fleuve
avec les débris de son armée et rentra dans les
forêts de la Germanie.
Le libérateur de la Gaule voulut en être le maî-
tre. Les Belges, inquiets de voir les légions ro-
maines si près de leur territoire, s'armèrent
contre César. Celui-ci défit sur les bords de l'Aisne
la coalition de ces peuples, puis il soumit chacun
d'eux. Les Suessions, les Bellovaques, les Am-
biens, les Nerviens reconnurent successivement
son autorité. Pendant ce temps, un de ses lieute-
nants, Crassus, parcourait avec une seule légion
le pays compris entre la Seine et la Loire, sans
rencontrer de résistance. Après cette seconde
campagne, la Gaule semblait soumise (57).
Mais l'année suivante, César apprit que toute
l'Armorique était soulevé -. Il accourut et détruisit
la flotte des Venètes (Morbihan) dans une grande
bataille navale près de Vannes. Deux de ses lieu-
tenants continuaient en même temps la conquête :
Labiénus soumettait les Aulerques (Le Mans), les
Eburoviques (Evreux), les Unelles (Saint-Lô , les
Lexoves (Lisieux), tandis que Crassus, franchis-
sant la Garonne, s'emparait de presque toute
l'Aquitaine (56).
Les incursions des Germains et des Bretons d'outre
Manche donnaient aux Gaulois des secours contre
les Romains. César comprit que pour n'être pas
troublé dans sa conquête, il fallait isoler la Gaule
de la Bretagne (Angleterre) et de la Germanie. Dans
deux campagnes successives, la quatrième et la
cinquième (55 et 54), il fit des expéditions au delà
du Rhin et de la Manche, vainquit les Bretons et
les Germains, et montra ainsi aux Gaulois qu'ils
n'avaient rien à attendre de leurs voisins. Cepen-
dant un vaste complot, préparé par le chef éburon
Ambiorix et par le Trévire Indutiomar, souleva
toute la Gaule. Une légion fut massacrée, et un
lieutenant de César, Q. Cicéron, fut assiégé dans
son camp par GU,000 Gaulois. César, averti du dan-
ger par un esclave gaulois, accourt d'Amiens et
dégage Cicéron, sans pouvoir s'emparer d' Ambio-
rix, qui se retira en Germanie. Indutiomar fut
vaincu et tué par le lieutenant Labiénus (54-53).
Ce danger était à peine conjuré, qu'une nouvelle
insurrection compromit la conquête romaine. Ce
qui avait perdu les Gaulois, c'était leur désunion
et leur rivalité. En 52, ils résolurent de se liguer
contre l'ennemi commun ; les députés de tous les
peuples jurèrent de prendre les armes dès que le
signal leur en serait donné. Le signal partit du
pays des Carnutes (Chartres), ("eux-ci se portèrent
sur Genabum (Gien ou Orléans), et massacrèrent
tous les Romains qui s'y trouvaient. La nouvelle,
criée dans les champs, suivant l'usage, passa de
village en village, et parvint en Auvergne avant la
fin du jour.
Il y avait alors à Gergovie un jeune chef d'anti-
que et puissante famille, nommé Vercingétorix.
Epris de l'indépendance et plein d'une haine pa-
triotique contre l'étranger, il avait travaillé secrè-
tement à susciter des ennemis aux Romains. A la
nouvelle des événements de Genabum, il descen-
dit de la montagne avec les siens, et proclama
dans Gergovie la liberté de la Gaule. Pendant toute
une année il tint tète à César ; chassé d'Avaricum
(Bourges), il repoussa son ennemi de Gergovie, le
poursuivit vers le nord, fut battu sur les bords de
la Saône et s'enferma dans la ville d'Alesia (Alise-
Sainte-Reine, dans la Côte-d'Or), où l'armée ro-
maine l'assiégea.
A l'appel de Vercingétorix, la Gaule entière se
leva; 25 ' 000 hommes marchèrent au secours
d'Alesia. Mais César avait creusé des fossés, élevé
des murailles, planté dos lignes de pieux du côté
de la ville et du côté de la campagne : tout l'ef-
fort des assaillants échoua contre les retranche-
ments. Lorsque tout espoir fut perdu, Vercingé-
GAULE
— 850 —
GAULE
torix pensa que sa mort suffirait peut-être au vain-
queur, et que ses compagnons pourraient être épar-
gnés. II monta sur son cheval de bataille, revêtu lui-
même de sa plus riche armure, sortit de la ville
et traversa au g:alop l'intervalle des deux camps ;
arrivé au pied du tribunal où. se tenait César, il
sauta de cheval, et, sans prononcer une parole, il
prit .son épée, son javelot et son casque, et les jeta
aux pieds du Romain. A la vue d'une si grande in-
fortune si noblement supportée, César resta froid
et cruel. Il fit garrotter le vaincu, l'envoya à Rome,
et le fit décapiter six ans plus tard.
Une septième campagne (51) soumit les révoltes
partielles chez les Carnutes, les Rellovaques (Beau-
vais), les Cadurques (Cahors). César, irrité par la
longueur de cette guerre, fit un terrible exemple:
il fit trancher les mains à tous les défenseurs de
la ville d'Uxellodunum.
6. La Gaule romaine. — La Gaule était désor-
mais conquise. César avait consacré à cette œuvre
huit années, dix légions et les inépuisables res-
sources de la puissance romaine et de son génie.
Rome s'appliqua à faire Oublier à la Gaule sa
défaite. L'empereur Auguste, pour eflFacer les an-
ciennes relations des peuples et les vieux souve-
nirs, changea les limites des provinces et le nom
de plusieurs villes. Il divisa la Gaule en quatre
provinces : la Narbojinaise, prenant son nom de
Narbonne sa capitale; V Aquitaine, agrandie jusqu'à
la Loire ; la Celtique ou Liionnaisf, au centre, en-
tre la Loire, le Rhône, le Rhin, la Marne, la Seine
et la mer ; la Belgique, au nord. De cette dernière
province en furent détachées ensuite deux autres :
la Germanie supérieure o\x première, entre le Rliin
et les Vosges, et la Germanie inférieure: ou
deuxième, dans la basse vallée du Rhin. Le nombre
des provinces gauloises varia souvent; à la fin de
l'empire, il était de dix-sept. L'église chrétienne,
en s'établissant dans la Gaule, adopta cette division
civile; elle plaça des évêques métropolitains dans
les capitales des provinces, et des évêques dans
les cités. Les provinces étaient gouvernées par des
proconsuls et des présidents, qui recevaient les ordres
du uicaiVe des Gaules, résidant à Arles, subordonné
lui-même au préfet du prétoire établi à Trêves.
Voici le tableau des provinces, métropoles et cités:
PROVINCES
MÉTROPOLES
CITÉS
1. Lyonnaise première
2. Lyonnaise deuxième
3. Lyonnaise troisième
4. Lyonnaise quatrième
Lyon
llouen
Tours
Sens
Autun, Langres, Cliâlon, Mâcon.
Bayeui, Avranches, Évrcux, Séez, Lisieux, Coutanccs.
Le Mans, Rennes, Angers, Nantes, Quimper, Vannes, Saint-Pol-de-
Léon, Mayenne-
Chartres, Auxerre, Troyes, Orléans, Paris, Meaux.
Metz, Toul, Verdun.
Soissons, Châlons-sur-Marne, Saint-Quentin, Arras, Tournai, Cam-
brai, Senlis, Beauvais, Amiens, Thérouanne, Boulogne.
Strasbourg, Spire, Worms.
Tongres.
Nyon, Avenche, Bàle, Windisch, YTerdon, Augst, Port-sur-Saône.
Martigny.
Genève, Grenoble, Die, Valence, Aoste, Vaison, Orange, Cavaillon,
Avignon, Arles, Marseille.
Clermont-Ferrand, Rodez, Albi, Cahors, Limoges, Javols, Saint-
Paulien.
Agen, Angoulême, Saintes, Poitiers, Périgueux.
DdX, Lectoure, Saint-Bertrand-de-Comminges, Couscrans, Lescar,
Aire, Besas, Tarbes, Oloron, Auch.
Toulouse, Béziers. Nimcs, Lodève, Uzés.
Apt, Riez. Fréjus, Gap, Sisteron, Antibes.
Digne, Chorges, Castellane, Senez, Glandève, Cimiez, Yence.
Trêves
Reims
Mayence
Cologne .....
Besançon
Moustiers
Vienne
Bourges
Bordeaux. . ..
Eauze
Narbonne
Ail
7. Germanie première
8. Germanie deuxième
10. Alpes Grées et Pennines. . ..
13. Aquitaine deuxième
. i,UY pupuia c
15. Narbonnaise première
16. Narbonnaise deuxième
Embrun
Rome mit tout en œuvre pour organiser la Gaule
et se l'attacher, tout en prenant des mesures qui
devaient paralyser les velléités de résistance.
L'empereur Auguste créa des villes nouvelles, et
dépeupla celles qui avaient joué un grand rôle
dans la guerre de l'indépendance ; il entretint la
jalousie des cités en leur donnant des privilèges
inégaux ; il fit camper dans le pays dix légions
pour le contenir et le protéger ; il attaqua le drui-
disme, et admit, au contraire, les dieux populaires
de la Gaule parmi ceux de l'empire romain; enfin,
il introduisit dans le pays les arts, la langue et
la civilisation de l'Italie. Malgré tant d'efforts et
de précautions, les Gaulois ne se résignèrent pas
à la soumission. Sous le règne d'Auguste, il y
eut dans la province Narbonnaise un soulèvement
promptement réprimé. Sous Tibère son succes-
seur, l'augmentation des impôts provoqua une
révolte. C'était un grand mouvement qui devait
soulever la Gaule entière sous la direction de
Sacrovir ei de Florus. Mais la légèreté et la pétu-
lance gauloise l'empêchèrent de réussir. Toutefois
l'habile Tibère mesura la grandeur du péril ; il ne
punit personne, et se garda bien d'entretenir des
ressentiments qu'il importait d'étouffer.
Sous l'empereur Vesj)asien, les excès des gou-
verneurs et les persécutions dirigées contre les
druides provoquèrent un soulèvement presque gé-
néral. Le Batave Civilis, qui avait été soldat et
portait le titre de citoyen romain, entraîna ses
compatriotes pour satisfaire une vengeance per-
sonnelle, et les unit avec la tribu germanique des
Bructères, par l'entremise de leur prophétesse
Velléda. En même temps, Classicus et Tutor à
Trêves, Sabinus à Langres essayèrent de rétablir
l'indépendance. Mais Sabinus, qui prétendait des-
cendre de César, voulait être proclamé empereur
des Gaules; les Bataves et les Belges désiraient
un gouvernement militaire ; les habitants des
grandes villes du centre souhaitaient de conserver
la civilisation de Rome en rejetant .sa domination,
et n'avaient que haine et mépris pour la barbarie
des Belges et des Germains. Nulle entente, et par-
tant nul succès. Sabinus, vaincu, se réfugia dans
un souterrain avec sa femme Eponine, si célèbre
par son dévouement conjugal. Il y vécut neuf ans;
puis il sortit, fut saisi, amené à Rome et con-
damné à mort par l'empereur Vespasien. En vain
Eponine présenta-t-elle à l'empereur les enfants
qu'elle avait élevés dans les ténèbres ; elle n'ob-
tint rien, que le droit de mourir avec son époux ;
Vespasien fut impitoyable pour un homme qui
avait pris la pourpre et qui se disait le descenilant
de César. Céiialis, son général, pénétra dans l'ile
des Bataves, et Civilis cessa sa résistance, quand ou
lui eut payé assez cher sa soumission (6'J ap. J.-C,j.
GAULE
— 831 —
GAZ
La Gaule fut tranquille et heureuse sous les
Antonins. Adrien la visita et y laissa de grandio-
ses souvenirs. Il bâtit les arènes de Nîmes, le pont
du Gard, la basilique de Plotine ; aidé par les as-
semblées provinciales qu'il se plaisait à consulter,
il soulagea les villes obérées, secourut les pauvres,
adoucit la condition des esclaves ; il reçut de la
reconnaissance du pays le titre de restaurateur
des Gaules. Ses successeurs, Antonin le Pieux et
Marc-Aurèle, firent reconstruire Naibonne incen-
diée, et décorèrent de beaux monuments la Nar-
bonnaise et l'Aquitaine.
A l'époque des trente tyrans ;ni« siècle}, la
Gaule se sépara momentanément de l'empire, tout
en conservant avec soin le dépôt de la civilisation
romaine : Posthumus, Victorinus, Victoria, la .Vè?v
des Camps, l'armurier Marius, "Tétricus enfin, fu-
rent des princes gaulois indépendants. Aurélien,
vainqueur de Tétricus, repoussa les Alamans
qui avaient passé le Rhin ; Probus chassa les
Francs et employa ses soldats à replanter les vi-
gnes sur les coteaux du Lyonnais et de la Bour-
gogne. Trois Gaulois, Carus, Carinus etNumérien,
lui succédèrent sans pouvoir ni repousser les "bar-
bares, ni contenir l'indiscipline des armées, ni
soulager la misère afl'reuse des populations.
Les serfs ruraux finirent par se révolter contre
un gouvernement rude aux sujets et impuissant
devant l'ennemi, et contre des propriétaires qui
exigeaient les redevances avec d'autant plus de du-
reté qu'ils étaient eux-mêmes à moitié ruinés. Les
insurgés, qui portèrent le nom de Uayuudes ou
manants, s'établirent dans des postes fortifiés,
d'où ils bloquaient les villes. Ils choisirent deux
empereurs, Alianus et Amandus, qui battirent
monnaie et se conduisirent comme des princes
indépendants. Cette révolte, commencée comme
les guerres serviles de la Sicile ou comme la Jac-
querie du xrv« siècle, eut la même marche et la
même fin. L'eii pereur Maximien arriva avec des
troupes régulières, dissipa cette multitude indisci-
plinée, accorda des amnisties partielles, et bloqua
les plus déterminés dans leur camp de Saint-Maur,
au confluejit de la Seine et de la Marne. Le camp
fut pris d'assaut ; Alianus et Amandus périrent
en combattant, et la Bagaudie parut étouft'ée. Ce-
pendant il resta une population errante, proscrite,
qui prit possession des forêts. Au V siècle, lors-
que les Vandales renouvelèrent les calamités in-
fligées au III' siècle parles Alamans et les Francs,
une nouvelle et plus violente révolte éclata, et le
patries Aétius la réprima par le fer et le feu,
comme Maximien avait réprimé la première (435).
7. La Gaule chrétienne. — L'époque de l'intro-
duction du christianisme dans la Gaule est incertaine.
S'il faut en croire les légendes conservées encore
dans le midi de la France, le christianisme fut
apporté dans notre pays, dès la troisième année
après la mort de Jésus-Christ, par sainte Marthe,
sainte Madeleine et saint Maximin, qui débarquè-
rent sur les côtes de Provence. Une opinion plus
certaine considère saint Pothin et saint Irénée,
disciples de saint Polycarpe, comme les premiers
apôtres de la Gaule ; ils fondèrent l'église de Lyon,
vers le milieu du ii' siècle. Le paganisme romain
essaya de noyer dans le sang les idées chrétiennes.
Mais le sang des martyrs fut une semence de pro-
sélytes, et l'église de Lyon continua de grandir et
de s'illustrer par les lumières de ses docteurs. Le
pape Fabien envoya en Gaule sept évêques-, tous
animés d'un zèle ardent pour le salut des âmes.
Ils se partagèrent le pays : Paul resta à Narbonne.
Trophime se rendit à Arles, Saturnin à Toulouse ;
Martial et Catien s'engagèrent dans la région occi-
dentale et enseignèrent, le premier à Limoges, le
second à Tours; enfin, Denis vint à Paris où il
subit le martyre sur la colline de Montmartre.
Ainsi, malgré les persécutions, le christianisme
f s'étendit peu à peu sur toute la Gaule. Ses pro-
grès augmentèrent encore sous les règnes de
Constantin et de Théodose, qui se montrèrent
favorables à l'rglise chrétienne (édit de Milan,
3 13). Lorsque les peuples germaniques envahirent
la Gaule, toutes les populations gallo-roûiaines
étaient converties à la religion nouvelle.
A consulter : Strabon, Géographie; Diodore de Sicile,
Bibliothèque historique; César, Commentaires de la guerre
des Gaules; Amédée Thierry, Histoire des Gaulois; De-jar-
dins, Géographie de la Gaule romaine; et les histoiiena
contemporains, Henri Martin, ilichelet, Victor Duruj, etc.
[D. Blanchet.]
Lectures et dictées. — La Gaule indépend<î~'e, la
Gaule romaine : t. La Pairie, de Th.-H. Barrau, pages 137-
140, 144. — Ibères et Celtes : v. Histoire romaine, par Vic-
tor Duruy, page 7. — Dolmens : v. Récits de L'histoire de
France, par Courgeon, page 239 (appendice). — Jlenhirs,
ou monuments de pierre brute : v. La Xature, a' année,
page 2.30. — Dolmens et menhirs de Locmariuquer, etc.:
T. La Nature, 3' année, 2» semestre, page 250. — Sépulture
d'un Gaulois inhumé sur son char, par G. Tissandier : v. La
Nature, 5' année, 2" semestre, page 2sl. — Les Gaulois en
Italie : v. Histoire rcmaine. par V. Duruv, p;ige 72, —
Bataille de l'Allia : t. Récits de l'histoire àe France, par
Courgeon, page 32. — Guerre des Gaules : v. Histoire
romaine, par V. Duruy. page 291. — Vercingétorix :
V. Récits de l'histoire de France, par Courgeon, page 71,
— Siège de Gergovie : Id., page 74. — Siège d'Alesia :
Id., page SO. — La Gaule sous les premiers empereurs ro-
mains : Id., page 108. — Lutèce (Paris) : Id., pages 89,
168. — L'Armorique : Id., page 215. — L'évêque Pothin :
page 133. — Attila et sainte Geneviève : Id., pages 221,
224.
GAZ. — Physique, I et IX. — Van Helmont, qui
s'est servi le premier de l'expression gaz, l'em-
ployait à désigner la vapeur invisible qui s'échappe
du jus de raisin en fermentation. On l'applique au-
jourd'hui à toute substance qui a les propriétés
physiques de l'air, et on définit les gaz des corps
qui tendent toujours à augmenter de volume, qui
remplissent complètement l'espace dans lequel on
les renferme, et dont l'expansion n'est Umitée que
par un effort extérieur comme la résistance des
parois d'un vase. Tels sont l'air, la vapeur d'eau,
le gaz qui sert à l'éclairage, le gaz carbonique qui
s échappe de l'eau de selz.
Les t;az représentent l'un des trois états de la
matière; c'est celui que la chaleur fait prendre en
définitive à toute substance soumise à son action:
la glace chauffée devient de l'eau, et celle-ci à son
tour, par l'action de la chaleur, passe à l'état de
corps invisible, insaisissable, ayant la mobilité de
l'air. Cette eau invisible est un gaz ; elle en possède
la propriété essentielle, c'est-à-dire l'expansion in-
définie de son volume ; dans le langage ordinaire
on l'appelle vapeur'; mais dans le langage scien-
tifique, vapeur et gaz ne diffèrent pas; et si l'on
conserve ces deux expressions pour dé.signer le
même état de la matière, c'est que l'usage, établi
sur un examen superficiel, a fait longtemps désigner
sous le nom de vapeur l'état aériforme des sub-
stances qui nous sont le plus ordinairement connues
liquides ou solides, comme l'eau, l'alcool, le soufre,
l'iode. On dit encore vapeur d'eau, d'alcool, d'iode,
de soufre, tandis que l'on dit gaz ammoniaque, gaz
carbonique pour désigner deux substances dont
l'état habituel est l'état aériforme ; mais l'expé-
rience a depuis longtemps prouvé que l'ammo-
niaque liquide se résout en gaz comme l'eau en
vapeur, et que ces deux substances sont uesgaz au
même titre lune que l'autre.
Moyen de constatfr l'existence des gaz — Les
gaz sont aussi nombreux que les solides et les
liquides, mais ils n'ont pas comme ces derniers des
propriétés saillantes qui permettent de les dis-
tinguer facilement les uns des auC^xv Comme ils
n'ont pas de forme, ni de volume défini puisqu'ils
remplissent tout l'espace que»* leur ofl're, ils
n'accusent pas leur présence d'une manière sen-
GAZ
852 —
GAZ
Bible , à moins qu'ils ne soient odorants ou colorés.
Il y a peu de gaz colorés ; ce sont le chlore avec sa
teinte verte, la vapeur d'iode avec sa belle couleur
violette, les vapeurs d'un brun roux qui surmon-
tent l'acide azotique fumant ou qui se dégagent
dans l'action de l'eau-forte sur le cuivre. Ces gaz
sont visibles dans les flacons qui les contiennent.
Les autres sont invisibles, à moins toutefois que
l'humidité qu'ils prennent à l'air ne leur donne
l'apparence d'un léger brouillard. Ceux qui possè-
dent une odeur bonne ou mauvaise révèlent par
là leur présence. Ainsi on est prévenu qu'une fuite
de gaz d'éclairage parfaitement invisible s'est pro-
duite dans un appartement, quand on en sent l'odeur
désagréable en y entrant. On sait de même que
le soufre produit en brûlant un gaz invisible, parce
que ce gaz provoque la toux si on le respire.
Mais quand le gaz est à la fois incolore et ino-
dore, comme l'air répandu autour de nous, on ne
peut le mettre en évidence qu'en lui faisant occuper
la place que tenait avant lui un liquide comme l'eau
ou le mercure; et c'est aussi ce moyen qui est
employé pour recueillir et transvaser les gaz que
l'on veut conserver ou étudier. On remplit d'eau
un grand verre ou une éprouvette, dans une terrine
ou dans une cuve ; on soulève le verre en lui te-
nant son orifice immergé on amène un tube re-
courbé au-dessous de cet orifice, et s'il vient un gaz
par ce tube, soit parce que Ion souffle par le bout
libre, soit parce que le tube est mis en communi-
cation avec un appareil d'où se dégage une sub-
stance aériforme, on voit le gaz faire bouillonner
l'eau, monter en bulles à travers le contenu du
verre et par suite de sa grande légèreté gagner
le haut du vase et le remplir en faisant écouler
l'eau peu à peu dans la cuve.
Propriétés phi/siques des gaz. — Tous les gaz
ont à pea de ciiosc près les mêmes propriétés
physiques: ils sont pesants, compressibles et très
mobiles; on les étudie en prenant pour type le
plus commun de tous, l'air atmosphérique ^V. Air).
On constate le poids des gaz comme on constate
celui de l'air, en équilibrant sur une bonne ba-
lance un grand ballon vide d'air et en cherchant
l'augmentation de poids qu'il a subie quand il a
été rempli du gaz sur lequel on opère. Le poids du
gaz est généralement faible; il ne s'élève au plus
qu'à quelques grammes par litre ; l'hydrogène, le
plus léger de tous, ne pèse que neuf centigrammes
environ (V. Densité).
Les gaz obéissent donc à la pesanteur comme
les liquides et les solides, et si la plupart s'élèvent
dans l'air, comme le brouillard et la fumée, c'est
qu'ils sont plus légers que le gaz atmosphérique.
Les conditions d'équilibre des masses gazeuses
sont semblables à celles qui régissent les liquides;
elles sont en effet fondées sur la mobilité des mo-
lécules, qui est commune à, ces deux espèces de
corps. "Tous les principes de V hydrostatique* peu-
vent donc s'appliquer aux gaz. Ainsi la pression
exercée en un point d'un- masse gazeuse se trans-
met intégralement à tous les autres points, et elle
reste toujours proportimnelle à la surface que l'' n
considère. C'est cette transmission de la pression
en tous sens qui rend sphérique la bulle de savon
ou l'ampoule de verre ramollie au feu dans laquelle
on insuffle de l'air.
Il faut également pour qu'il y ait équilibre que
la pression soit la mêoie dans toute l'étendue d'une
même tranche horizontale. Cette pression, indé-
pendante de la forme des vases, va en augmentant
à mesure qu'on passe des tranches supérieures aux
tranches inférieures. Dans nos vases, l'augmenta-
tion est insensible; mais dans les grandes masses
de gaz, comme Vaimosphère, elle se manifeste aux
f'-.fl'érentes hauteurs avec des valeurs diverses. L'é-
uide de cette pression el de ces variations a été
laite aux mots AtmospJùie et Baromètre.
L'analogie des liquides et des gaz au point de
vue des conditions d'équilibre est plus complète
encore; le principe d'Archimède s'applique aussi
aux giiz : tout corps plongé dans l'air ou dans un
autre gaz qui n'agit pas chimiquement sur lui,
éprouve de la part du gaz une poussée verticale,
une perte de poids, égale au poids du gaz qu'il
déplace. On démontre le fait expérimentalement à
l'aide d'une petite balance sensible qui suspend à
un bout une grosse boule creuse de cuivre et à
l'autre une petite boule pleine du môme métal ; les
deux boules se font équilibre dans l'air. Mais
quand on place la balance sous le récipient de la
machine pneumatique et qu'on fait le vide, on voit la
grosse boule l'emporter sur l'autre Elle pèse plus
que la petite, et si dans l'air elle paraissait du
même poids, c'est que l'air lui faisait perdre da-
vantage.
Ce principe a d'importantes applications et de
curieuses conséquences. Ce sont d'abord les aéros-
tats* et tous le* corps qui s'élèvent spontanément
dans l'air jusqu'à ce qu'ils aient trouvé une couche
d'air de même poids que le leur. C'est l'erreur
plus ou moins grande dont est entaché le poids de
toute substance que l'on a pesée dans l'air, et la
nécessité, pour avoir le poids absolu, d'opérer dans
le vide, au moins pour fixer les unités qui doivent
servir de poids étalons.
Les gaz se difi'érencient des liquides surtout par
la propriété qu'ils ont de posséder une force de
ressort que l'on appelle leur force élastique et
avec laquelle ils pressent sans cesse en tous sens
sur les parois qui les renferment. C'est leur pro-
priété essentielle, caractéristique. Ses variations
sont liées par une loi importante, la loi de Mariotte,
exposée à l'article Éasticité; les changements que-
la chaleur y apporte ont été indiqués au mot Di-
latation.
Mélange des gaz entre eux et avec les liquides. —
La plupart des liquides mélangés se séparent,
quand ils n'ont pas d'action chimique les uns sur les
autres, et ils se superposent par ordre de densité,
les plus lourds occupant la partie inférieure du vase
qui les contient. 11 n'en est pas de même d<^s gaz :
deux gaz d'inégale densité occupent tous deux tout
l'espace qui leur est offert ; et si même ils sont
dans des vases distincts, ne communiquant que par
une petite ouverture, ils finissent par se mélanger
complètement après un temps plus ou moins long.
Cette propriété des gaz de se répandre dans ua
espace, qu'il soit vide ou déjà rempli d'un autre
gaz, constitue leur diffusion.
Chaque gaz prend la pression qu'il aurait si
l'espace où il se répand était vide, et la pression
du mélange est la somme des pressions de cha-
cun des gaz considéré comme occupant seul le vase :
telle est la loi de la diffusion, établie par l'expé-
rience. On en tire cette conséquence, c'est que la
prassiou exercée par l'air humide est la somme des
pressions de l'air sec d'une part et de la vapeur
d'eau d'autre part, chacun de ces deux gaz occu-
pant tout le volume considéré. Si donc on con-
state une pression barométiùque de 745""" un
jour où l'air est saturé de vapeur d'eau, à la tempé-
rature de -10°, comme on sait qu'à cette tempé-
rature la vapeur d'eau seule a une force élastique
de ai""", on en conclut qu'un mètre cube du
mélange contient lOdO litres de vapeur d'eau à la
pression de 31°"" et lOOi» litres d'air sec à la pres-
sion de 745 — 31 ou 714, et l'on peut facilement en
calculer le poids, montrer qu'il est inférieur à celui
d'un mètre cube d'air sec à la pression de 745, et
vérifier ainsi ce fait important que l'introduction
de la vapeur d'eau dans l'air fait baisser la coloime
barométrique.
Lorsqu'on met de l'eau en contact avec un gaz,
elle en dissout une proportion plus ou moins
grande suivant la nature du gaz : l'air, l'azote.
GAZ
— 853 —
GEL
l'oxygène se dissolvent très peu dans l'eau ; tandis
que l'ammoniaque, l'acide sulfureux, l'acide chlor-
hydrique sont absorbés en très grande quantité,
comme si à l'absorption physique s'ajoutait un
phénomène chimique. En étudiant expérimentale-
ment ce phénomène de l'absorption du gaz par les
liquides, les physiciens sont parvenus à formuler
une loi simple : c'est qu'un volume donné de li-
quide dissout toujours un même volume de gnz,
quelle que soit 'a pression sous laquelle la disso-
lution s'est opérée, le volume du gaz dissous étant
évalué à la pression sous laquelle la dissolution
s'est faite.
Ainsi un litre d'eau dissout un litre d'acide
carbonique à la pression ordinaire ; à la pression
de six atmosphères il en dissoudra encore un
litre, mais un litre à la pression de six atmosphè-
res, ce qui équivaut à six litres sous la pression
ordinaire, ou à un poids de gaz six fois plus con-
sidérable.
Il résulte de cette loi que lorsqu'on aura une
dissolution aqueuse d'un gaz faite sous une cer-
taine pression, si on diminue celle-ci, une partie
du gaz se dégagera. C'est ce qui arrive quand on
débouche une bouteille de vin de Champagne, de
limonade ou de bière. Dans le liquide, la dissolu-
tion du gaz s'est faite sous une pression de plu-
sieurs atmosphères. Le bouchon enlevé, la pression
n'est plus qu'une atmosphère, et la plus grande
partie du gaz se dégage avec effervescence.
Si la dissolution du gaz est placée dans une at-
mosphère indéfinie qui ne contienne pas de ce gaz,
c'est comme si on la plaçait dans le vide : le gaz
dissous s'échappe en totalité. Ce fait se remarque
sur les dissolutions des gaz autres que ceux de
l'atmosphère quand on les expose à l'air ; au bout
d'un certain temps, elles ne contiennent plus que
de l'air atmosphérique.
L'eau exposée à 1 air dissout une petite quantité
des gaz dont l'air est formé; et comme l'oxygène
est plus soluble que l'azote, l'air dissous est plus
riche en oxygène que l'air ordinaire.
On extrait facilement de l'eau l'air qu'elle a dis-
sous. Il suffit de chauffer un litre d'eau dans un
ballon complètement plein muni d'un tube égale-
ment rempli et se rendant sous une éprouvette :
l'air vient occuper la partie supérieure de l'é-
prouvette.
Pendant l'hiver, quand l'eau se congèle, l'air
<iissous reste emprisonné dans la glace et produit
les bulles que l'on aperçoit dans ce solide.
Expériences. — 1° Produire de la vapeur d'iode
dans deux ballons très différents de volume, en
chauffant dans chacun une parcelle égale du solide:
la vapeur violette remplit chacun d'eux entièrement.
2° Constater qu'une vapeur odorante, comme
celle de l'éiher, se répand dans tout l'espace où le
liquide est placé ; qu'une solution d'ammoniaque
ou d'acide sulfureux perd après peu de temps les
propriétés qu'elle devait au gaz.
3" Faire briller du soufre dans un vase où l'on
envoie de l'air; quand ce vase est plein de gaz sul-
fureux, le renverser sur l'eau : ce liquide monte
dans le vase à mesure qu'il dissout le gaz.
[Haraucourt.]
GAZ DE L'ÉCLAIKAGE. — Chimie, IV. — Si
l'on approche un corps enflammé de la mèche
d'une bougie, le corps gras qu'elle contient se fond,
se décompose en gaz, carbures d'hydrogène qui
prennent feu. La chaleur développée par leur
combustion liquéfie de nouvelle matière grasse
qui monte par capillarité dans la mèche, s'y dé-
•compose, s'enflamme, et ainsi de suite. L'idée théo-
rique qui guida Lebon (V. Eclairage) fut de sépa-
rer les deux opérations de décomposition et de
combustion. Cela lui permit d'utiliser des matiè-
res hydro-carbonées d'un prix inférieur à celui
■de l'huile et de la graisse ; Lebon employa d'abord
la houille, et l'on est toujours revenu à cette ma-
tière première après en avoir essayé un grand
nombre d'autres. Le procédé gêné al est de chauf-
fer la matière grasse ou bitumineuse dans un vai-e
clos, cornue demi-cylindrique en métal ou en ar-
gile. Il se dégage des matières goudronneuses, qui
se condensent les premières, des vapeurs fournis-
sant des liquides divers, et des gaz combustibles et
autres. Dans le cas de la houille, le goudron {coal-
tar) est utilisé comme préservatif des bois, des
maçonneries exposées à l'humidité, des métaux ;. il
fournit par la distillation beaucoup de substances,
benzine, acide phénique, etc., d'où sont dérivées
des matières colorantes* sans nombre, l'aniline et
ses dérivés. Les liquides condensés après cela sont
alcalins, et forment aujourd'hui la source unique
de l'ammoniaque utilisée par l'industrie. Les gaz
contiennent, outre ceux qui sont combustibles,
une certaine quantité d'acides caibonique et suif-
hydrique que l'on absorbe à l'aide de la chaux ou
mieux d'un mélange de chaux et de sulfate de fer»
et un peu d'azote, qui reste mêlé au gaz de l'é-
clairage et est sans importance.
La composition moyenne du gaz de l'éclairage
de la houille est :
Hydrogène 25,3
Hydrogène proto-carboné. . 57,4
Bicarbure d'hydrogène.... 8,5
Oxyde de carbone 7,4
Azote = 4,4
Le résidu de la distillation de la houille est le
coke.
Quand on distille du bois, les produits impor-
tants sont, outre le charbon, les liquides qui four-
nissent l'acide acétique (vinaigre radical), et l'al-
cool méthvlique (esprit de bois). Le gaz est rare-
ment utilisé pour l'éclairage ; le plus souvent on
le brûle immédiatement pour continuer la réac-
tion.
En faisant arriver de lavapeur d'eau sur la houille,,
on augmente la quantité d'hj'drogène ; on utilise
ainsi industriellement une des préparations de ce
gaz. On a môme proposé dans certains cas de fa-
briquer de l'hydrogène pur, qui donne plus do
chaleur mais moins de lumière. On lui redonne,
s'il y a lieu, le pouvoir écliirant en mettant dans
la flamme un pinceau de fil de platine, ou en fai-
sant barboter le gaz dans des carbures liquides et
volatils.
Un procédé intéressant consiste à faire arriver
sur la houille ou môme sur du coke chauffé au
rouge des eaux grasses provenant des cuisines
ou d'autres industries; son succès pratique dé-
pend de circonstances locales qui ne se présentent
que rarement. [P. Robin.]
GEL. — Météorologie, IIL — Action de geler,
inverse de dégel. Le gel se manifeste par des effets
divers suivant les ol)jets qu'il frappe et les con-
ditions dans lesquelles il se produit. La plupart de
ces effets dérivent de la double propriété que pos-
sède l'eau de se solidifier par le froid et en môme
temps d'augmenter de volume par le fait même de
sa congélation.
Le sol gelé devient dur par la solidification de
l'eau qui l'imprègne ; mais en même temps il se
gonfle. Les divers éléments qui le composent su-
bissent individuellement le même effet; leur cohé-
sion première n'en paraît pas diminuée tant que la
glace réunit leurs éléments, mais au dégel les pro-
grès de la désagrégation sont plus ou moins appa-
rents. Il est des roches que la gelée détruit ainsi
avec rapidité; on les dit gélives; il en est d'autres
qui ne s'altèrent que par leur surface extérieure,
souvent même d'une manière presque insensible.
Les composés nitreux qui se forment dans l'air et
qu'entraînent les pluies aident à cette action lente
du temps à laquelle rien ne résiste.
GEL
— 854 —
GENRE
Les gelées succédant à un labour ont donc sur
les terres compactes et nues un effet très avanta-
geux : elles les désagrègent, et augmentent leur
provision de substances minérales assimilables par
les plantps; par contre, les jeunes blés peuvent se
trouver déchaussés d"une manière fâcheuse, si le
rouleau ne vient à la fin de Ihiver rendre au sol le
degré de compacité nécessaire.
On a supposé pendant longtemps que le gel des
plantes était d'une nature physique, analogue au
gel du sol ou des pierres ; que l'eau dont ces plantes
sont imprégnées, se dilatant par sa congélarion,
amenait la diiacération des tissus, puis leur mort.
Les détonations qu'on entend au milieu des forôls
pendant les hivers rigoureux sont, en effet, dues
à la dilatation de Taubier de l'arbre produite par
la congélation de la sève qu'il contient. Le cœur, ne
subissant pas une extension pareille, se trouve for-
tement tiraillé vers Textérieur, et finit par éclater.
La fente ainsi produite est tantôt transversale et
tantôt cj'lindrique ; dans le premier cas, elle peut
s'étendre par impulsion jusqu'à l'aubier : elle con-
stitue la geHvure ; dans le second cas elle forme la
roulure. Ces effets, souvent, ne peuvent être con-
statés qu'après l'abatage du bois.
Mais on se trompe quand on attribue la broiiis-
sure ou la champelure à cette cause purement phy-
sique. La brovissiire ou brûlure des jeunes bour-
gi'ons et des fleurs, la champelure ou désarticula-
tion et chute des fruits, des feuilles, des jeunes
rameaux sous l'action du froid, sont des effets d'or-
dre physiologique et non physique. On voit, en
effi't, des plantes qui sont transformées en un gla-
çon dont les pointes font hernie au dehors en tra-
versant leurs tissus déchirés, sans qu'au dégel
C ux-ci aient subi un dommage irréparable ; il en
e.-t d'autres, au contraire, qui meurent de froid
avant que la température soit descendue à 0° et,
par suite, bien avant que leur sève se soit con-
gelée.
Il en est des plantes comme des animaux. Cer-
tains êtres, des ordres les plus inférieurs, peuvent
être congelés sans périr; d'autres périssent bien
avant la congélation. De même que nos organes
essentiels ne peuvent s'échauffer au delà de i3°
ou 44° sans que la mort s'ensuive, de même ils
ne peuvent se refroidir impunément au-dessous
d'un certain degré bien supérieur à zéro. Il im-
porte de remarquer, toutefois, que dans ce dernier
cas la mort de l'organe est souvent bien plus à
craindre comme effet consécutif d'un réchauffement
trop rapide que comme effet direct du froid. Aussi
prescrit-on, quand on est en présence d'un homme
dont un membre a été gelé, d'éviter de l'approcher
du feu et même de l'introduire dans une pièce un
peu chaude. Il faut réveiller la circulation par des
frictions prolongées, et surveiller son retour. Notre
organisme est fait pour lutter contre le froid, en
activant la production de chaleur interne à me-
sure que la déperdition do cette chaleur devient
elle-même plus active. Nous pouvons succomber
dans la lutte, quand nos provisions de combustible
intérieur sont insuffisantes ou épuisées; mais si
elle peut reprendre, elle le fait avec une violence
qui devient elle-même une autre source de dan-
ger, en exposant à des inflammations suivies de
gangrène.
Les plantes ne sont pas douées de la môme fa-
culté ; leur production de chaleur interne est
extrêmement limitée, et leur température propre
suit toujours de très près le degré de chaleur
qu'elles doivent au milieu extérieur; cette tempé-
rature peut varier entre des limites très étendues ;
et cependant on constate pour elles, comme pour
nous, que le dégel est souvent plus à craindre que
le gel. Si sur des plantes en plein air, telles que
le tabac, on touche avec le doigt chaud une feuille
gelée, la partie touchée se désorganise, tandis que
le reste de la feuille, se dégelant lentement à l'ai
froid, ne souffre pas. Les pommes, les pommes de
terre, les raves, les choux, peuvent geler sans
grand dommage pourvu qu'ils dégèlent avec len-
teur. Un physiologiste, Sachs, explique ce fait en
supposant que les matières albuminoides dont l'in-
térieur des jeunes cellules est tapissé, et la cellu-
lose dont leur membrane est formée, se concrètent
par le froid, et que leur eau de constitution s'en
sépare comme il arrive à l'empois d'amidon qu'on
expose au froid. Les cellules ont alors une grande
tendance à se vider. Tout mouvement de la sève y
étant suspendu aux basses températures, le mal
peut y rester latent. En se réchauffant lentement,
la cellule peut reprendre son premier état; mais
si la circulation reparaît brusquement avant que
cette reconstitution ait pu s'opérer, la cellule se
vide et sa mort survient. Le danger est d'autant
plus grand que la plante est plus jeune, plus gorgée
d'eau et d'un plus faible volume. [Marié-Davy.l
GEI.ÉE BLA>'CIIE. — Météorologie, III. —
Rosée qui se dépose sur les objets terrestres des-
cendus, par le rayonnement nocturne, à une tem-
pérature inférieure à 0". La vapeur, en se con-
densant, prend alors la forme d'aiguilles cristallisées
qui rappellent les formes de la neige.
La gelée bla^iche est une preuve que la plante
qui l'a reçue est desrendue au-dessous de 0»,
qu'elle a été gelée plus ou moins profondément.
Elle exige en outre pour se produire une certaine
humidité de l'air et du sol. Elle succède souvent à
des temps pluvieux et chauds qui ont activé la
végétation. Ce sont les circonstances de son appa-
rition qui la rendent si redoutable pour nos ré-
coltes. Un ciel naturellement ou artificiellement
couvert empêche sa formation ou diminue le mal
qu'elle produit, en ralentissant le réchauffement
comme il ralentit le refroidissement.
[Marié-Davy.]
GEMMES. — 'V. Pierres précieuses.
GE>'UE. — Grammaire, IX. — On divise tous
les êtres en deux grandes classes : les p^rsonyies
et les choses, et dans les personnes la langue
distingue le sexe; c'est ce qu'on appelle en gram-
maire le genre. Il y a deux genres : le masculin
pour les hommes, et le féini?ii?i pour les femmes.
Les choses n'ont pas de sexe ou de genre naturel;
mais le français ne marque pas dune manière spé-
ciale le genre neutre, c'est-à-dire l'absence du genre,
ot tous les substantifs désignant des choses re-
çoivent un genre gramynatical qui les distingue,
comme les noms de personnes, en noms masculins
et noms féminins.
La distinction du genre se marque de trois ma-
nières différentes :
10 Dans les noms de personnes, par des noms
complètement différent^, comme l'homme, la
femme ; le père, lu mère, ou qui ne diffèrent que
par la terminaison, le féminin étant formé du
masculin par Taddition de e ou de esse, comme le
cousi7î, la cousinE; le nègre, la ?îégrESSE ;
2° Par la flexvn de gen>e de l'adjectif et des
mots qui font fonction d'adjectifs (articles, certains
noms de nombre, pronoms adjectifs et participes),
par exemple : le grand garçon, la gran le maison ;
mon fils, ma fille ; un livre intéressant, uie plume
gâtée ;
:io Et surtout par les pronoms personnels de la
troisième personne, par exemple : il part, elle part ;
on /e voit, on la voit.
Dans la langue, les animaux, surtout ceux dont
le sexe nous est complètement indifférent, sont
assimilés aux choses, et le même mot, masculin
ou féminin, désigne en même temps le mâle ou la
femelle, comme le renne, le serpent ; la s uris, la
vipère. Pour préciser le sexe, on est obligé d'ajou-
ter les mots mâle ou femelle : le renne mâle, le
renne femelle, ou, en supprimant le mot femelle.
GÉOGRAPHIE
— 800 —
GÉOGRAPHIE
d'attribuer au mâle toutes les fonctions qui appar-
tiennent exclusivement à la femelle : le renne
allaite.
En revanche, les noms des animaux domestiques
et de quelques animaux sauvages distinguent aussi
le sexe, soit par des mots différents : Le coq, la
poule; soit par un simple changement dans la ter-
minaison : l'ours, roursE; l'âne, l'ûnESSE.
Le latin avait trois genres : le masculin, le fé-
minin et le neutre. Le français a adopté le mascu-
lin et le féminin. Il a conservé du neutre sa forme
et son idée dans quelques parties du discours, par
exemple dans les pronoms, où l'on doit distinguer le
masculin le : Etes-vowi son ami? Je le suis, du
neutre le : Etes-V'US mère ? Je le .^uis; mais le
neutre du substantif a entièrement disparu, et les
mots de ce genre en latin ont passé au masculin,
dont la forme, au moins pour la deuxième dé-
clinaison, se rapproche le plus de celle du neutre.
Enfin on doit remarquer que certains mots
prennent un genre différent suivant leur emploi,
c'est-à-dire le plus souvent selon qu'ils passent du
singulier au pluriel, du sens propre au sens figuré,
comme un bel orgue, de belles orgues; la foudre a
éclaté, c'est un foudre de guerre. Un plus grand
nombre de substantifs changent de genre en chan-
geant de signification : les uns sont des noms con-
crets, qui restent concrets en changeant de genre,
comme la manche et le manche ; la Champngne et
le champagyip ; les autres sont des noms abstraits
qui, en changeant de genre, prennent une signifi-
cation concrète, comme la cr. tique et le critique.
^V. pour les détails les articles Substantif, Ad-
jectif, Pronom.) [C. Ayer. |
Ouvrages à consTilter : Ayer, Grammaire comparée
et Grammaire usuelle de la langue française.
GÉOGRAPHIE. — Définition et objet. — La
géographie est, d'après Littré, « la science qui a
pour objet de connaître les différentes parties de la
superficie de la terre, d'en assigner les situations
réciproques et d'en donner la description. »
Divisions. — Il faut distinguer d'abord: la géo-
graphie g nerale, appliquée ei comparée.
Géographie générale. — Les divisions ordinai-
rement admises de la géographie générale sont :
1° la géographie mathématique; 2° la géographie
physique; 3" la géographie politique.
L Géographie mathématique. — Elle étudie notre
globe d'une manière abstraite, sans tenir compte
des phénomènes inorganiques ou organiques dont
il est le siège. Elle peut se subdiviser elle-même
en plusieurs sections:
1° Géographie astronomique. Elle considère la
terre comme un astre, une planète ; elle étudie
sa forme, marque sa place dans l'univers, fait con-
naître ses mouvements sur elle-même et autour
du soleil, en déduit l'importante théorie du jour et
de la nuit, des saisons et des climats, qui peut être
considérée comme le grand régulateur de la vie
à la surface du globe.
Un globe terrestre, des appareils de cosmographie
facilitent singulièrement l'étude de la géographie
astronomique. (V. Cosmographie.)
2" Géographie géodésique. La géodésie qui, sui-
vant le sens même de ce mot, partage la terre
en figures géométriques, est à certains égards une
partie de la géographie. Elle mesure la terre, prise
dans son ensemble, grâce à un tracé purement ima
ginaire de cercles méridiens et de cercles parallèles
à l'équateur divisés en degrés. Il est fâcheux qu'au
lieu de diviser ces différents cercles en 360 degrés,
on n'ait pas adopté la division plus naturelle de
100 degrés, et que tous les peuples ne se soient pas
encore entendus pour l'adoption d'un premier mé-
ridien commun.
La surface d'une sphère n'étant pas développable
Bur un plan, il a fallu adopter un système de pro-
jections pour représenter sur des cartes la figure
du globe terrestre.
On appelle chorographie la mesure figurée sur
une carte de toutes les parties d'une contrée, d'une
région; topographie, celle d'un pays très limité en
étendue, et plan celle d'une petite portion de ter-
rain. Il importe de bien connaître les instruments
u.sités pour le levé des cartes et des plans. — V. Car-
tographie et Arpentage.
On peut considérer comme une annexe de la
géographie mathématique, la géographie nautique
qui permet aux marins de se reconnaître en mer
et nécessite l'emploi d'instruments spéciaux.
On ne doit pas négliger enfin la comparaison des
diverses mesures itinéraires employées par les
divers peuples.
II. Géographie physiqTjT). — Il faut entendre par
là cette partie de la géographie empruntée aux
sciences physiques et naturelles, qui étudie le sol
et sa configuration, les eaux, l'atmosphère, la ré-
partition des minéraux, des végétaux, des animaux.
Elle a pour objet les manifestations innombrables
de la nature à la surface de notre planète, l'homme
excepté.
Elle comprend:
1° La géographie géologique, qui donne une idée
sommaire de la disposition des terrains et de leur
formation, des corps fossiles qu'on y rencontre.
(Emploi de cartes géologiques). — V. Géologie.
2" La géographie physique proprement dite. Celle-
ci passe en revue les continents, les plaines, les dé-
serts, les plateaux, les montagnes {orographie), en
explique l'origine, en mesure l'altitude; elle néces.-
site l'emploi de cartes en relief. Elle décrit encore
la formation de la neige, son accumulation dans les
parties élevées et froides des continents, l'origine et
les mouvements des glaciers, le cours des eaux {hy-
drographie), les sources, les fontaines, les torrents,
les rivières, les fleuves, le travail incessant qu'ils
accomplissent, les eaux minérales et tliermales, les
lacs, les marais. Elle montre l'étendue des mers,
en mesure la profondeur (instruments de sondage),
la température, les mouvements superficiels, ex-
plique les courants, les marées, la construction ou
l'érosion des rivages. Elle étudie les volcans et les
tremblements de terre {sismographie), les soulève-
ments et les affaissements du sol.
3° La géographie météorologique, qui est la géo-
graphie de l'air, des courants atmosphériques, des
vents, des ouragans, des nuages, des pluies, des
orages, des climats. Il faudrait une section à part
pour le magnétisme terrestre, dont la boussole ré-
vèle la puissance. La connaissance pratique de
divers instruments tels que le baromètre, le ther-
momètre, le pluviomètre, l'anémomètre est indis-
pensable à l'étude de cette partie de la géographie.
— V. Météorologie.
4" La géographie botanique, qui enseigne le grou-
pement naturel des plantes, leurs migrations, leur
cxiension ou leur dégénérescence, la flore propre
à chaque région.
5° La géographie zoot^gique, qui montre la dis-
tiibution des espèces animales, leurs progrès ou leur
décadence, leur acchmatation hors de leur pays
d'origine, leur domestication.
in. Géographie politique. — On pourrait l'ap-
peler d'un mot la géographie de l'homme. Il suffira
d'indiquer rapidement les principaux aspects de
cette partie de la science géographique dont le
classement méthodique est fort difficile :
Population. Sa distribution, sa densité, ses mou-
vements. ^Tableaux graphiques indiquant d'une
manière sensible ces divers détails.)
Races. Leurs caractères, leurs types, leurs apti-
tudes. (Dessins représentant les traits des piinci-
paux types.)
Maladies propres aux divers climats, aux diverses
régions. C'est la géographie médicale.
GÉOGRAPHIE
856 —
GEOGRAPHIE
Langue, usages, coutumes, littérature, arts,
scienros. croyances des divers peuples.
Organisation sociale, politique, gouvernement,
administration, frontières, villes principales. C'est
la géographie politique proprement dite.
Histoire ou géographie historique. (Cartes histo-
riques.)
Monuments. (Cartes préhistoriques, archéolo-
giques.)
Produits agricoles et mdustriels ; commerce ,
monnaies, voies de communication. On fait quel-
quefois de cette partie de la géographie une branche
à part sous le nom do rjéographie économique.
Géographie appliquée. — La géographie ne se
boine pas à des vues d'ensemble. Les divisions in-
diquées plus haut ne sont pas seulement celles de
la science; elles sont applicables à la description
de toutes les parties de la terre, d'un continent,
d'un État, d'un lieu déterminés. On pourra tracer
d'après la même méthode le tableau de l'Afrique,
par exemple, et le portrait de la moindre commune
de France. Voici ce qu'on pourrait appeler le ca-
nevas de cette description:
1. Situation (longitude, latitude), orientation, su-
perficie: Géographie mathématique.
2. Nature du sol, relief, cours d'eau; climat,
flore, faune : Géographie physique.
•3. Population, race, langue, coutumes; divisions
administratives ; souvenirs historiques, monuments :
Géo'jrapJne politique.
4. Agriculture, industrie, commerce: Géographie
économique.
Cette table des matières de la description d'une
simple bourgade n'est autre chose, on le voit, que
la table des divisions de la science même. A propos
des moindres détails il est donc possible de rap-
peler (grâce à cette concordance) les principes et
les lois de la géographie générale. C'est \h pour un
maître instruit un moyen puissant d'intéresser un
auditoire.
Géographie comparée. — Elle examine, dans un
certain nombre de pays ou de régions, ou dans un
même pays, une même région, l'état comparé d'une
classe de phénomènes ou de produits du travail
humain déterminés. Exemples: la description des
glaciers des Alpes, des gisements houillers d'Amé-
rique, des chemins de fer européens, des grandes
lignes de navigation ; l'étude des divers habitats
de la race blanche, de la répartition des religions
asiatiques ou des langues slaves, appartiennent h
la géographie comparée.
Cette branche de la géographie est fort intéres-
sante; elle se prête aussi bien à des recherclies
savantes qu'à des exposés familiers.
Rapports de la géographie avec les autres
sciences. — On voit par cette rapide énumération
que la géographie met plus ou moins à contribution
toutes les sciences. Elle touche à l'astronomie, à la
géométrie, à la géologie, à la physique, à la chimie,
à la météorologie, à la botanique, à la zoologie,
à l'ethnographie, à la linguistique, à la statistique,
au droit, à l'économie politique, à l'histoire, à l'ar-
chéologie. Elle en est distincte néanmoins parce
qu'elle applique toutes les notions dont elle s'em-
pare h un objet déterminé, la description de la
superficie du globe. Ayant à représenter le monde
terrestre en raccourci, elle résume et condense tout
le savoir humain. Mais elle n'invente rien ; elle se
contente de comprendre, de classer et de peindre.
Ses qualités essentielles sont la clarté, la méthode,
l'exactitude.
Histoire de la géographie. — Peuples anciens
de l'Orient. — Les connaissances gcographi(iues
des anciens étaient très bornées. Chaque peuple
s'est imaginé d'abord qu'il était l'humanité tout
entière ou du moins qu'il formait à lui seul un
monde supérieur ceint de contrées inhospitalières
■ et enveloppé de tribus barbares. Delphes était pour
les Grecs l'ombilic du globe, et aujourd'hui encore
les Chinois nomment leur empire « l'empire du
milieu. » La géographie, qui est la science de la
surface totale de notre planète, est restée dans
l'enfance tant que les peuples isolés et ennemis
n'ont pas dépassé le cercle d'un étroit horizon.
La géograpiiie mathématique seule, qui se lie à
l'étude des astres, a pu dans l'antiquité même
faire quelques progrès. Les Egyptiens ont orienté
leurs pyramides; ils notaient à peu près exacte-
ment les solstices et les équinoxes. Les Assyriens
étaient aussi d'habiles astronomes, mais on a beau-
coup exagéré l'importance de leurs découvertes.
Les fables et les superstitions les plus grossières
s'y mêlaient h quelques idées justes. Les Hébreux
croyaient que la terre repose sur des fonde-
ments perdus dans l'abîme, que le soleil sort d'un
foyer de lumière pour aller se plonger chaque soir
dans les ténèbres. Les Indous considéraient la
terre comme un vaste bouclier supporté par des
éléphants ayant eux-mêmes une tortue pour pié-
destal.
Grecs. — Les Grecs, au temps d'Homère, n'étaient
guère [plus avancés. Cependant, c'est l'honneur de ce
petit peuple d'avoir essayé le premier, dans le do-
maine géographique, comme dans la plupart des
autres sciences, de rechercher librement et ration-
nellement la vérité. Thaïes enseigna la sphéricité
de la terre et sut mesurer les latitudes. Hérodote,
esprit positif et pratique, donna l'exemple de
voyages scientifiques. Au temps de Platon, les
lettrés ne s'efl'rayaient nullement de l'idée des
antipodes, et l'usage des cartes de géographie
était devenu habituel. Pythéas de Marseille calcula
exactement, à quelques secondes près, la latitude
de sa ville natale. Aristote donna comme preuves
de la rotondité de la terre le contour de l'ombre
projetée sur la lune pendant les éclipses de ce sa-
tellite et le déplacement de l'étoile polaire par rap-
port à l'horizon quand on s'avance du sud au nord.
Les conquêtes d'Alexandre contribuèrent à étendre
le domaine des connaissances géographiques des
Grecs ; ce despote intelligent confia même à Xéarque
le soin de reconnaître le littoral de la mer Erythrée,
des bouchf's de l'Indus à celles de l'Euphrate.
Eratosthène déclara que la région équatorialc de-
vait être habitée, et entreprit la mesure d'un arc
du méridien. Hipparque fut l'inventeur des pro-
jections dans le tracé des cartes.
Romains. — La domination romaine, étendue à
tous les pays voisins de la Méditerranée, favorisa
les progrès de la géographie. Auguste oidonna le
relèvement topographique et le mesurage général
de l'empire. Toutefois, même sous les Romains, la
géographie resta avant tout une science grecque.
Le plus grand géographe de l'époque romaine,
Strabon, qui vivait vers 50 av. J.-C, écrivit en grec
une géof/raphie ou description du monde connu de
son temps; elle est divisée en 17 livres qui nous
sont parvenus presque en entier. L'Histoire natu-
relle de Pline l'Ancien contient aussi beaucoup de
renseignements intéressants, puisés à des sources
grecques en majeure partie, mais compilés sans
ordre et sans critique. Alexandrie, située au point
de contact des civilisations grecque, romaine et
orientale, devint le centre naturel des études
géographiques. Ptolémée, Grec de Péluse, qui vivait
vers liO après Jésus-Christ, amassa des matériaux
énormes et enregistra dans sa Géographie jusqu'à
8000 noms de lieux. Le goût des itinéraires était
alors très répandu. Malheureusement la décadence
de l'empire entraîna l'abaissement des études, et
les Pères de l'Eglise eurent le tort de combattre
les doctrines cosmographiques, qui leur parais-
saii nt en contradiction avec les livres saints.
Lactance déclara que la notion des antipodes était
une mauvaise plaisanterie, et saint Augustin lui-
même entreprit de la réfuter.
GÉOGRAPHIE
— 857 —
GÉOGRAPHIE
itoyen âge. — Tandis que les peuples de l'Eu-
rope rétrogradaient peu à peu vers l'ignorance, les
Arabes conservèrent le dépôt du savoir géogra-
phique des anciens; par leurs conquêtes dans la
Haute-Asie et l'Africiue, grâce à leurs voyageurs, à
leurs marchands, ils ajoutèrent au domaine précé-
demment connu des contrées nouvelles . Au
IX' siècle, le khalife de Bagdad Al-Mamoun fit me-
surer un arc du méridien. Au xi', un Arabe d'Es-
pagne, Edrisi, construisit une sphère et un plani-
sphère terrestre pour un roi de Sicile. îlaçoudi,
Aboul-Féda sont aussi des géographes de valeur,
dont le nom mérite d'être conservé.
Cependant, au xiii' siècle, un véritable réveil
géographique se manifeste dans l'Europe chré-
tienne. Les expéditions des Normands, les croisades,
qui mêlent les peuples et révèlent aux Occidentaux
des pays dont ils avaient à peu près perdu la mé-
moire, les courses aventureuses des navigateurs
italiens et catalans, auteurs de curieux routiers
de mer ou portulans, l'influence des Arabes, un
retour marqué vers l'étude de l'antiquité, favo-
risent ce mouvement intel'cctuel. Roger Bacon
expose, d'après Arisiote, la sphéricité de la terre.
Les voyages de Benjamin de Tudèle en Orient, de
Jean du Plan de Carpin et dt- Rubruquis chez les
Tartares, et surtout du Vénitien Marco Polo en
Mongolie et jusqu'au Japon, sont comme la préface
dos grandes découvertes modernes.
Roiaissance ; \\i^ sièc'e. — La Renaissance fut hâ-
tive et solennelle dans les sciences géographiques.
Dès la fin du xv^ siècle, deux grands pas sont faits
en avant. Les Portugais, suivant la trace de nos
hardis marins de Dieppe, avaient employé ce siècle
presque entier à longer la côte occidentale de
l'Afrique. En i486, Barthélémy Diaz atteignit le
cap de Bonne-Espérance, et douze ans après, Vasco
de Gama, tournant cet obstacle extrême du vieux
continent, abordait dans l'Inde après avoir traversé
l'Océan Indien. En lidi, un grand homme inspiré
par une science profonde et une foi énergique, le
Génois Christophe Colomb, franchissait l'Océan
Atlantique et découvrait le Xouveau-Monde. Dès
lors, l'élan est donné, et l'homme, longtemps confiné
dans un coin de sa planète, prend conscience de
l'étendue réelle de cet empire dont il est tout en-
semble le maître et le prisonnier. Balboa aperçoit
l'Océan Pacifique ; le vaisseau de Magellaa fait le
tour du monde ; Fernand Cortez au Mexique,
François Pizarre au rérou,Orellana sur l'Amazone,
Jacques Cartier au Canada reculent les bornes de
l'inconnu: la géographie écrite enregistre les con-
quêtes de la géographie agissante et militante re-
présentée par les grands voyageurs. Le premier ou-
vrage moderne de géographie descriptive est celui
de l'allemand Sébastien Munster (1544). Le premier
atlas moderne est le Thealrum mundi du Flamand
Abraham Oertel d'Anvers (1570,; le second, celui
d'un autre Flamand, Gerhard Kaufman, dit Mercator.
XYii' siècle. — Au xvii' siècle le mouveuient con-
tinua, moins rapide, il est vrai, et moins brillant
qu'au xvi*. Les missionnaires se répandirent en
Asie, en Amérique ; ils servirent les intérêts de la
science, en travaillant à la propagation de leur foi.
Les Hollandais avec Tasman reconnurent un troi-
sième continent, l'Australie, déjà entre\Tie par les
Portugais. Les Anglais avec Hudson et Baffln s'a-
venturèrent à travers les glaces de l'Océan boréal.
Mais c'est dans la partie scientifique de la géogra-
phie que les progrès furent le plus marqués. La
mesure des longitudes en mer fut rendue :.isée
par l'emploi des montres. Le célèbre Galilée, bien
que condamné en cour de Rome, démontra que
c'est la terre qui tourne autour du soleil. De nou-
velles tentatives eurent lieu, notamment celie de
Picard, pour la mesure d'un arc du méri'li'^'i.
Sanson, d'Abbeville, fonda la cartographie fran-
çaise.
xviii*s/èc/e. — Au xviii' siècle, Guillaume Delisle,
de Paris, entreprit la réforme de nos canes en-
core grossières et fort inexactes: il leur donna la
précision mathématique. Son œuvre fut continuée
et perfectionnée par un autre Parisien illustre,
d'Anville. L'Académie des sciences envoya Clairaut
et Maupertuis en Laponie. La Condamine, Godin
et Bouguer au Pérou, pour mesurer la longueur de
divers degrés de longitude et obtenir ainsi la con-
naissance de la forme exacte de la terre faplatie au
pôle, renflée à l'équateur). Le naturaliste suisse
Jacques Scheuchzor appliqua le baromètre à la
mesure des hauteurs. Le Français Buache imagina
la division des continents en bassins, système utile
dont il eut le tort d'exagérer l'importance. Cassii.i
de Thury. petit-fils de l'astronome de ce nom,
dressa la première carte topographique de France.
En même tpmps, les voxages se multipliaient et
prenaient de plus en plus le caractère il'explora-
tions scientifiques. Le Danois Mebuhr allait étudier
l'Arabie. Le Français Bnugainville, l'Anglais C.onk
(mort aux îles Sandwich en 1779) parcouraient en
tout sens l'Océan Pacifique, et découvraient les
archipels polynésiens. Lapérouse, d'Albi, à la fin du
siècle, marchait sur leurs traces et périssait mas-
sacré à Vsnikoro 'Nouvelles-Hébrides). L'Angleterre
envoyait Vancouver à la côte nord-ouestd'Amérique.
Bruce recherchait, en Abyssinie,les sources du Nil
bleu, et Mungo Park révélait les nègres du Soudan.
Volney en Syrie, la Société Asiatique dans llnde,
la mission de Gmelin et Pallas en Sibérie, celles de
Mackenzie dans l'Amérique circumpolaire, d'Azara
dans l'Amérique du sud, enfin et surtout les grands
voj-agcs d'un Allemand qui a écrit en français et
qui était par sa mère issu d'une famille française,
Alexandre de Humboldt, contribuaient à étendre,
à préciser, à répandre et à rendre peu à peu popu-
laires les notions géographiques.
xrx' siècle. — Il était réservé au xix' siècle de cons-
tituer définitivement la géographie comme science
et d'achever la conquête géographique du globe.
Dans toutes les directions, d'intrépides voj-agenrs,
appartenant à toutes les nations civilisées, sont les
ouvriers et trop souvent les martyrs de cette œuvre
héroïque. Si l'on croit que la poésie est bannie de
notre temps, qu'on lise le récit de ces expéditions
qui montrent l'homme aux prises avec le froid po-
laire ou la fièvre des tropiques, en lutte avec les
sauvages ou les bêtes féroces, supportant la faim,
la soif, rinsofnnie,les mauvais traitement?, bravant
les assauts de tous les éléments ou la ligue (ies
pires passions humaines, pour atteindre un but dé-
sintéressé entre tous, la connaiss.ince de la vérité.
D'autres mobiles, il est vrai, se joignent à celui-là
chez quelques explorateurs : l'amour de rhuman\ié,
le patriotisme, l'appât de la gloire, ou tout prosaï-
c^uement le désir de faire fortune. Mais le culte de
la science pure a toujours inspiré et soutenu nos
grands voyageurs contemporains, et ce ne sera pas
un mince honneur pour notre siècle que d'en être
le père.
Anglais et Américains se sont disputé la route
du pôle Nord sans avoir pu encore atteindre le
pôle lui-même. Après Ross, Parry et le capitaine
Franklin (disparu en 1.S4G et dont on a retrouvé
récemment la trace , Mac-Clure déci uvrit en 1850
le passage du Nord-Ouest. Les Américains Kane et
Hayes, les Autrichiens Payer et Weyprecht, les
ont dépassés les uns à l'ouest, les autres à l'est du
Groenland.
Au pôle sud on n'a rien tenté depuis la circum-
navigation du Français Dumont d'Urville et de l'An-
glais Ross (l8:38-ls42).
Dans l'Amérique septentrionale, les progrès de
l'émigration européenne, le tracé des grandes li-
gnes de chemin de fer, les excursions hardies des
Canadiens français ou des Yankees, l'exploitation
de l'or ont hâté la solution d'une foule de problè-
GÉOGRAPHIE
— 858 —
GÉOGRAPHIE
mes géographiques, et nous avons maintenant
d'excellentes cartes de régions absolument inha-
bitées et ignorées au début de ce siècle.
On peut en dire autant, mais à un degré moin-
dre, de l'Amérique latine depuis qu'elle est deve-
nue le siège d'États indépendants. Le Chili, le
Brésil, la République argentine, celle de Vene-
zuela attachent une importance croissante aux
études géographiques que des savants européens,
Français pour la plupart, ont acclimatées chez eux.
Le canal de Panama contribuera certainement à
favoriser ce progrès.
L'Australie, qui comptait à peine quelques dé-
portés anglais en 1788, est aujourd'hui partagée
en États civilisés, de langue anglaise- La première
traversée des déserts de l'intérieur a été faite en
IsGl par Mac Douall Stnart. La Tasmanie, la
Nouvelle-Zélande sont également bien connues
depuis qu'elles sont devenues pays anglais. La
France a contribué de bon côté à l'étude des îles
et des peuplades polynésiennes (Taîti, la Nouvelle-
Calédonie, etc.). La Nouvelle-Guinée seule est en-
core aux trois quarts ignorée.
En Asie, l'Inde a été mesurée géodésiquement
par ses maîtres les Anglais ; l'IndoChlne est
mieux connue depuis l'expédition française de
Lagrenée et Garnier. L'archipel indo-malais sert
(]o texte aux recherches savantes de ses patients
colons les Hollandais.
La Chine et surtout le J;ipon^ reliés à l'Europe
et aux États-Unis par des lignes régulières de pa-
quebots, s'ouvrent peu à peu à nos regards éton-
nés. Derrière l'Hhnalaya, dont plusieurs pics ont
été mesurés, le Tibet, la Mongolie ont été récem-
ment encore explorés par le voyageur russe
Prjévalski.
Mais c'est en Afrique surtout que la science a
triomphé. Tout d'abord c'est par le Niger (Djoliba)
quf les Anglais l'attaquèrent. La mission de Clap-
perton en 1822, puis celle des frères Lander,
révéleront une partie de cet immense bassin.
L'expédition de Richardson, Overweg et Barth, puis
celli' du malheureux Vogol, assassiné en isô'i,
ouvrirent une autre partie du Soudan. Déjà, de-
puis 18-iO, la France avait pris pied en, Algérie, et
bientôt ses voyageurs Berbrugger, Duveyrier par-
coururent le Sahara, que le jeune Caillié, venant
de Tombouctou, a seul traversé à l'ouest en 18"28.
D'autres points d'attaque .étaient l'Egypte, gouver-
née par Méhémet-Ali qui ordonnait des expéditions
sjir le haut Nil; l'Abyssinie, que deux Français,
les frères d'Abbadie, ont pour ainsi dire exhumée;
la côte de Zanzibar, que dominent les monts
Keiia et Kilimanjaro ; enfin la colonie du Cap, d'oii
paitait en 1849 l'immortel missionnaire protestant
anglais, David Livingstone. On lui doit l'explora-
tion du bassin du Zambèze et de presque toute
l'Afrique australe ; il est mort victime de son dé-
vouement à la science en 1873. Des Anglais aussi,
Burton, Speke, Grant, Baker ont découvert à la même
époque les grands lacs de l'Afrique équatoriale
qui servent de réservoir aux eaux du Nil Blanc.
Enfin, de nos jours et comme sous nos yeux, l'A-
méricain Stanley, auquel l'Écossais Cameron avait
ouvert la voie, a traversé de part en part l'Afri-
que centrale et révélé un autre grand fleuve, le
Congo . Un jeune Français, M. Savorgnan de Brazza,
a remonté l'Ogooué ; un Portugais, M. Serpa
Pinto, renouvelant un exploit probablement accom-
pli jadis plusieurs fois par des négociants ses
compatriotes que guidait uniquement l'intérêt de
leur commerce, a franchi les vastes espaces qui
séparent les deux côtes de l'Afrique australe, au
sud de l'itinéraire de Stanley. Sauf une tache
blanche qui subsiste encore sur nos cartes entre le
Niger et le Congo, on peut considérer désormais
le continent africain comme connu.
Reste l'exploration des fonds de la mer. Elle
commence à peine. La pose des câbles transatlan-
tiques en a donné l'idée. Plusieurs voyages
spéciaux, notamment ceux du Porcupine et du
Challenf/er, ont été entrepris récemment pour cette
étude délicate, qui achèvera de nous donner une
idée exacte du relief du globe.
On peut être assuré que désormais la conquête
scientifique de notre planète ne s'arrêtera pas. Une
noble émulation associe pour le succès de cette
œuvre grandiose tous les peuples civilisés, et même
des nations réputées hier barbares, telles que le
Japon. Des sociétés de géographie ont été fondées
partout à l'image de la Société de géographie de
Paris, la plus ancienne de toutes (1821). En France
seulement, Lyon, Bordeaux, Marseille, Oran,
Montpellier, Rouen, Nancy, et à la suite de Bor-
deaux, Bergerac, Périgueux, Mont-de-Marsan,
Agen, ont des sociétés de ce genre. Des clubs de
touristes, dits clubs alpins, ont été fondés dans la
plupart des pays de montagnes. Le goût des voya-
ges se répand de plus en plus. Des caravanes sco-
laires sont organisées pour nos jeunes collégiens.
Les congrès de géographie, les expositions géo-
graphiques se multiplient.
Outre les ouvrages savants et spéciaux, des atlas,
des revues, des récits de voyages contribuent à
répandre le goiît de la géographie.
Il importe de seconder ce mouvement qui tend
à rapprocher les peuples, à les instruire par la
comparaison et l'expérience, et par conséquent à les
améliorer, comme aussi d'encourager l'étude de
plus en plus sérieuse et précise d'une science qui
éveille l'imagination sans l'abuser, éclaire les inté-
rêts légitimes du négociant ou de l'industriel,
fournit des renseignements précieux à l'homme
politique, satisfait les plus nobles curiosités, et ne
saurait, sans mentir à elle-même, avoir d'autre de-
vise que celle de la vérité. [P. Foncin.]
Pour l'enseignement à l'école primaire, nous
divisons la géographie en deux grandes sections : la
idéographie de la France et la Géographie générale.
Voici le programme que nous avons adopté pour
chacune de cis deux sections; on y trouvera l'indi-
cation des articles de ce dictionnaire auxquels ren-
voient les différents chapitres :
Géographie de la France.
L — Géographie physique. Côtes et frontières.
— V. France.
n. — Orographie. — V. France, Alpes, Glaciers.
Ilf. — Hydrographie. — V. France, Caiiaux.
IV. — Géographie historique. — V. France, Pro-
vinces.
V. — Géographie politique et administrative. —
V. France, Départements, Droit admiiiistratif ,
Droit public.
VI. — Géographie agricole. — V. France, Ca-
dastre.
VII. — Géographie industrielle et commerciale.
— V . France, Canaux, Chemins de fer.
VIII. — Algérie. — V. Algérie.
IX. — Autres colonies. — V. Colonies françaises.
X. — Révision générale.
Géographie générale.
I — Notions générales. Maononionde. Le dobe.
— V. Gcogruijliif, Gioùt{Constitntion du), Mappe-
monde, Océans, Marées, Cartographie.
II. — Asie. — V. Asie, Inde, Orient [ertréme).
III. — Afrique. — V. Afrique, Algérie, Eggpte.
IV. — Amérique du Nord. — V. Amérique, États-
Unis.
V. — Amérique du Sud. — V. Amérique.
VI. — Océanie et Australie. — V. Océanie, Aus-
tralie.
VII. — Europe physique. — V. Europe, Alpes^
Glaci'.'7^s.
GÉOGRAPHIE
— 859 —
GÉOGRAPHIE
VIII. — Europe politique. — V. Europe et les
articles consacrés aux divers Etats européens.
I\. — Europe industrielle et commerciale. — V.
Europe, et les articles consacrés aux divers Etats
européens.
X. — Etude spéciale des principales contrées de
l'Europe. Angleterre, Ecosse et Irlande. — V. .4^2-
gleterre.
XI. — Allemagne. — V. Allemagne.
XII — Autriche-Hongrie. — V. Autriche.
XIII. — Italie. — V. Itolie.
XIV. — Espagne et Portugal. — V. Espagne.
XV. — Suisse, Belgique, Hollande. — V. Suisse,
Belgique 'au supplément , l'ays-Ba^.
XVI. —Danemark, Suède et Norvège. — V. Scan-
iHnaves {Etats).
XVII. — Empire russe —V. Russie.
XVIII. — Turquie, Roumanie, Serbie, Monténé-
gro, Grèce. — V. Turquie et Grèce.
XIX. — Révision de l'Europe et de ses colo-
nies.
XX. — Révision générale.
Xous donnons en outre ci-dessous quelques pro-
grammes officiels français et étrangers.
I. — PROGRAMMES FRANÇAIS-
I. — ANCIEN PROGRAMME DU DÉPARTEMENT DE LA
SEINE (1S68).
COURS ÉLÉMENTAIRE.
I. — 1, 2, 3. Préparation à l'étude de la géo-
graphie. — L'école, la rue, le quartier, la com-
mune, l'arrondissement , le département ; les
champs, les bois, les rivières, les montagnes. —
Ce que c'est que voyager par terre, par eau. — Les
quatre points cardinaux. — De la carte : tracer
ai tableau noir un plan du quartier de l'école, et
faire voyager les élèves sur ce plan, avec la ba-
guette. — Carte sommaire des environs de la
ville ou du village. — Idée de la boussole.
II. — 4, 6, (>. Kojn'-nclature géographique. —
Expliquer^ sur la carte de France, les principaux
ternies de la nomenclature géographique : monta-
gne, chaîne de montagnes, plateau, vallée; lac,
Ûeuve, rivière; cap; presqu'île, île. — Mer, golfe,
baie, détroit.
III. — 7, 8, 9. La Mappemonde. — Démons-
tration familière de la forme de la terre. — Les
terres et les eaux. — Les cinq parties du monde.
— Les grands océans. — Les plus grandes chaînes
de montagnes et les plus grands fleuves de la terre.
— Les trois grandes races humaines.
IV. — 10, 11, 12. La France. — Bornes. — Prin-
cipales chaînes de montagnes. — Les cinq grands
fleuves. — La capitale, les villes les plus impor-
tantes.
COURS MOYEN.
I. — 1, 2, 3. Retour sur les notions de Cosmo-
graphie élémentaire, avec développements. —
Axes, pôles, grands et petits cercles, équateur,
méridiens, degrés; longitude et latitude d'un lieu.
II. — 4. Distinction de la géographie phi/sigue
et de la géographie politique. — Explication des
principaux termes de la géographie politique : état,
province, district, comté, canton, département, etc.
III. — 5 à 8. — Grandes divisions du globe. —
Asie, .Afrique, Amérique. Océanie. — Description
sommaire des côtes. — Système général des mon-
tagnes; grands fleuves. — Etats et villes princi-
pales. — Colonies et établissements européens. —
Principaux objets d'échange avec l'Europe.
IV. — 9, 10, 11. EiROPE. Géographie physique.
— Ligne de part ige des eaux et montagnes qui s'y
rattachent; volcans; fleuves et rivières principales,
lacs. — Description sommaire des côtes : mers,
golfes, déuoits, îles, etc.
V. — 12, 13, 14. Géographie politique. — Etats
du Xord, du Centre et du Sud. — Capitales : rai-
sons diverses de leiir établissement. — Nations
latines, g'^'rmaniques, slaves. — Langues principa-
les. — Religions, gouvernements, population. _ —
Principales productions du sol et de l'industrie.
— Grands ports de commerce.
VI. — l.S, 16, 17. France. — Géographie physi-
que. — Tracé des frontières et des côtes. — Ligne
de partage des eaux ; montagnes qui s'y rattachent.
— Bassins des grands fleuves. — Leurs princi-
paux affluents. — Les grands canaux. — Les che-
mins de fer.
VII. — 18, 19. Géograyihie politique. — Ce que
c'était qu'une ancienne province. — Ce que c'est
qu'un département, un arrondissement, un canton,
une commune; une division militaire ; un arche-
vêché, un évêché ; une cour impériale ; une aca-
démie. — Ce que c'est qu'une route impériale,
une route départementale, un chemin de grande
communication, un chemin vicinal.
VIII. — 20, 21, 22, 23, 24. Le^ anciennes pro-
vinces, les départements. — Division de la France
en provinces. — Division en départements : chefs-
lieux (étudier la place des départements sur la
carte, à l'aide du cours des fleuves et des rivières
ou de la direction des montagnes dont ils portent
le nom). — Algérie : ses divisions. — Indication
des autres colonies françaises.
IX. — 25. L'dustrie et commerce. Zones de cul-
ture et de production. — Grands centres d'indus-
trie. — Voies de commerce entre la France et les
cinq parties du monde.
COURS SUPÉRIEUR.
I. — 1 à 5. Révision générale des matières du
Cours élémentaire et des matières du Cours inter-
médiaire.
II. — 6 à 10. Fr.\nce. Géographie physique. —
Notions très sommaires sur le climat et la forma-
tion géologique du sol. — Ligne de partage des
eaux, chaînes de montagnes et ramifications prin-
cipales. — Fleuves et rivières divisés p.ir bassins.
— Tracé des frontières et description des côtes.
III. — 11 à 16. Géographie politique. — An-
ciennes provinces. — Epoqties et circonstances de
leur réunion à la Couronne. — Départements :
chefs-lieux et sous-préfectures. — Origine et but
de la division en départements. — Concordance
de l'ancienne et de la nouvelle division.
IV. — 17, 18. Géographie agricole et industrielle.
— Division de la France en grandes régions phy-
siques. — Régions des forêts ; régions des céréa-
les ; régions des principales cultures industrielles.
— Régions de la vigne, du pommier à cidre, du
houblon, de l'olivier, du mûrier. — Régions favo-
rables à l'élevage. — Les grands marchés agri-
coles. — Géographie industrielle. — Carrières et
mines principales. — Régions des grandes usines.
— Régions de l'industrie du chanvre, du coton,
de la laine, de la soie. — Industries diverses. —
Principales villes manufacturières.
V. — 19 à 22 Géographie commerciale. — Voies
de communication : fleuves et rivières, canaux,
chemins de fer; leurs relations avec les grandes
voies du continent européen. — Voies de commu-
nication maritime entre la France et les différen-
tes parties du monde. Ports de commerce : impor-
tations et exportations.
VI. — 23 à 25. Colonies. Algérie : limites, mon-
tagnes, cours d'eau; provinces, villes principales.
— Productions. — Autres colonies.
VU. — 26 à 30. Géographie admijiistrative. —
Divisions administratives : départements, arron-
dissements, cantons, communes. — Divisions mi-
litaires, maritimes, ecclésiastiques, universitaires,
judiciaires, financières ; raisons d'être de ces divi-
GÉOGRAPHIE
860 —
GEOGRAPHIE
•sions. — Administration centrale et gourerne-
ment. — Population
II. — PROGRAMMES ACTUELS TES ÉCOLES MATER-
NELLES, UES ÉCOLES PlilMAlRES ET DES ÉCOLES
NORMALES.
A. Écoles rndternelles.
(Décret du 2 août 18S1 et arrêté du 28 juillet 1882.)
SECTION DES PETITS ENFASTS.
^enfants de 2 à 5 ans.)
Demeure et adresse des parents, nom de la
commune. Petits exercices sur la distance; situa-
tion relative des différentes parties de l'école.
La terre et l'eau.
Le soleil (le levant et le couchant),
SUCTIOX DES ENFANTS DE 5 A 7 ANS.
(classe enfantine.)
Causeries familières et petits exercices prépa-
ratoires servant surtout à provoquer l'esprit d'ob-
servation chez les petiis enfants en leur faisant
simplem(>nt remarquer les phénomènes les plus
ordinaires, les principaux accidents du sol.
B. Ecoles primaires.
(Arrêté du 27 juillet 1882.)
COrRS ÉLÉMENTAIRE.
Suite et développement des exercices du pre-
mier âge.
Les points cardinaux non appris par cœur,
mais trouvés sur le terrain, dans la cour, dans
les promenades, d'après la position du soleil.
Exercices d'observation : les saisons, les princi-
paux phénomènes atmosphériques, l'horizon, les
accidents du sol, etc.
Exp'ication des termes géographiques (monta-
gnes, fleuves, mers, golfes, isthmes, détroits, etc.),
en partant toujours d'objets vus par l'élève et en
procédant par analogie.
Préparation à l'étude de la géographie, par la
méthode intuitive et descriptive :
1° La géographie locale (maison, rue, ha-
meau, commune, canton, etc.);
2° La géographie générale (la terre, sa forme,
son étendue, ses grandes divisions, leurs subdi-
"visinns).
Idée de la représentation cartographique : élé-
ments de la lecture des plans et cartes.
Globe terrestre, continents et océan.
Entretiens sur le lieu natal.
COURS MOYEN.
Géographie de la France et de ses colonies :
Géographie physique ;
Géographie politique, avec étude plus appro-
fondie du canton, du département, de la région.
Exercices de cartographie au tableau noir et sur
cahier, sans calque.
COCnS SUI'ÉRTECR.
Révision et développement de la géographie de
la France.
Géographie ph}^sique et politique de l'Europe.
Géographie plus sommaire des autres parties
du monde.
Les colonies françaises.
Exercices cartographiques de mémoire.
G. Ecoles normales a'institideurs
et d'institutrices.
(Programmes du 3 août 1881.)
PREsiiÈnE ANNÉE (1 heurc).
Notions préliminaires. — Etude générale de la
terre. -— Notions élémentaires de cosmographie.
— Explication des termes géographiques. — Lec-
ture des cartes.
Géographie de la France. — Géographie physi-
que. — Description des côtes et des frontières do
terre. — Orographie et hydrographie. — Géogra-
phie historique et admiui-trative : anciennes et
nouvelles divisions. — Gouvernement, adiuinis-
tion centrale, départementale et communale. —
Géographie agricole, commerciale et industrielle.
— Voies de communication : chemins de fer, ca-
naux, services maritimes.
Géographie de l'Algérie et des colonies fran-
çaises. — Géographie physique et administrative.
— Produits du sol et de l'industrie. — Importa-
tion et exportation.
Notions sommaires sur l'Europe et sur les dif-
férentes parties du monde.
DECxiÈME AN^ÉE (1 hcurc).
Géographie physique des différentes parties du
monde, moins l'Europe. — Etude générale des
continents et des océans : forme des continents.
— Grands systèmes orographiques et hydrographi-
ques. — Courants atmosphériques et marins. —
Les races humaines. — Les régions de l'équateur,
des tropiques et des pôles.
Géographie politique. — Étude particulière des
principaux États de l'Asie, de l'Afrique, de l'Amé-
rique et de rOcéanie (Chine, Japon, Indo-Chi e,
Empire britannique des Indes, Asie russe, Egypte
et côtes septentrionales de l'Afrique, Étate-lnis,
Australie, et principales colonies européennes).
TROISIÈME ANNÉE (1 hcUre).
Géographie de l'Europe, y compris la France
(révision). — Etude générale de l'Europe. — Des-
cription physique. — Etude particulière de chacun
des Etats : géographie physique, administrative,
agricole, commerciale. — Gouvernement. — Re-
ligion.
Histoire sommaire des découvertes géographi-
ques.
II.- PROGRAMMES ÉTRANGERS.
A. — Ecoles primaires.
I.— BELGIQUE.
Premier degré. — l^e année. — 1. Les points
cardinaux. Manière de s'orienter par l'observation
de la position du soleil. Exercices.
! 2. Plans. La salle de cla-se, l'école : a) enseigner
la lecture du plan : b] faire tracer 1° les parties
principales du plan, 2° les directions cardinales.
3. Premières notions de nomenclature géogra-
phique enseignées dans les promenades et les ex-
cursions.
I 2<= année. — 1. Les points cardinaux. Les points
intermédiaires. Orientation. Exercices.
2. Plans. La rue, l'aggloméré, le territoire com-
; munal : a) enseigner la lecture des plans simpli-
fiés ; b) faire tracer 1° les parties principales de
I chaque plan, 2° les directions cardinales et celles
! qui indiquent les points intermédiaires.
I 3. Entretiens sur le lieu natal : faits géographi-
; ques et nomenclature, productions naturelles,
occupations des hommes, industrie et commerce.
— Promenades, excursions.
4. Première idée du canton.
5. Horizon visuel, forme de la terre, la terre est
isolée dans l'espace : premières observations, ex-
plications familières.
6. Montrer sur la sphère : a) les terres et les eaux ;
b) Les cinq parties du monde et les grands océans.
7. Montrer sur la sphère la Belgique et les pays
qui la bornent.
Decxième DEGr.É. — 1. Exercices sur la sphère
terrestre, a) Révision des premières notions (en-
seignement des formes géométriques, degré infé-
rieur) : centre, r.nyon, dianièiro, grands cercles,
hémisphères, petits cercles, b] Notions nouvelles:
GÉOGRAPHIE
— 8G1 —
GE0GRAPHI2
axes, pôles, méridiens, équateur, parallèles ; cer-
cles polaires, tropiques, zones.
2. Plans et cartes, a) Faire lever, par les élèves,
le plan de la cour de l'école, le plan de la rue ;
faire orienter ces plans. 6) Lecture d'une série
graduée de planchettes relatives au territoire com-
munal (planchettes du Dépôt de la guerre, spc-
cialoment préparées pour l'enseignement élémen-
taire), c) Le canton ; lecture de la carte, d) Faire
tracer, de mémoire, par les élèves, divers croquis
relatifs à la carte du territoire communal et à
celle du canton. Faire apprécier les distances.
3. Divisions générales du globe : les cinq parties
du monde et les gi'ands océans.
4. Bornes des cinq parties du monde enseignées
sur la sphère. — Queiques grands voyages sur la
sphère (celui de Coloiiib, de Magellan, etc.), en
vue de familiariser les élèves avec la connaissance
des grandes divisions du globe. — Montrer, sur
la sphère et sur la carte, les États les plus impor-
tants de l'Europe avec leurs capitales.
5. La Btlyique. a) Bornes, forme, étendue,
population; comparer avec d'autres pays, b) Ex-
plication des principaux termes de la géographie
politique: commune, canton, arrondissement, pro-
vince, etc. c) Diision de la Belgique en provin-
ces. Bornes et chef-lieu de chaque province, d Géo-
graphie physique sommaire. Aspect général ;
ijlaiiies, colUneh, plateaux, vallées. Lignes de par-
iai;e des eaux, bassins des fleuves. Cours de l'Es-
caut et de la Meuse, avec indication des princi-
paux affluents. Habitants, langues, e) Description
détaillée de la province natale. Faire tracer de
mémoire la carte de la province et divers croquis.
Troisième degré. — 1. Répétition des exercices
sur lu sphère terrestre. Orientation au moyen de
la boussole et par l'observation de l'étoile polaire.
Latitude, longitude. Détermination d'un point sur
la surface de la sphère. Mesure des distances sur
la sphère. Dimensions de la terre.
Idée du mouvement de rotation et du mouve
ment de révolution de la terre.
Notions sur les phases de la lune, les éclipses
et les comètes.
2. Cartes. Exercices sur les planchettes du
Dépôt de la guerre. Exercer les élèves à se servir
du plan d'une ville.
Faire tracer divers croquis.
Idée de la construction d'une mappemonde et
d'un planisphère.
3. La Belgique. Répétition du cours précé-
dent. — Étude plus développée de la géographie
physique. Productions importantes des trois rè-
gnes. Régions agricoles. Grands centres d indus-
trie. Commerce : voies de communication par
terre et par eau, ports, marchandises importées,
marchandises exportées.
Dc-bcription sommaire de chacune des neuf pro-
vinces.
Croquis et cartes à dessiner de mémoire. Exer-
cer les élèves à se servir du Guide officiel des
voyayi-urs sur les chemins de fer de Belgique.
4. L'Europe. Descripiion sommaire des côtes,
mers, golfes, détroits, grandes îles.
Principaux p.iys d'Europe : boi-nes, gouverne-
ment, grandes villes, richesses naturelles, indus-
trie, relations commerciales avec la Bel.ique.
5. Notions générales très succinctes sur l'Asie,
l'Afrique, l'Amérique etl Océanie. Quelquesgrands
voyages dont l'itinéraire sera dessiné à la craie
sur la sphère noire.
6. Lectures géographiques faites à domicilet
II . — BAVIÈRE.
Classe préparatoire et première classe. — C'est
par l'enseignement iniuitif que se fera le mieux,
dans ces deux classes, la préparation à l'enseigne-
ment ultérieur de la géographie et des autre»
branches réaies. Cet enseignement intuitif sera
donné simultanément aux deux classes; on le divi-
sera en cinq groupes, savoir: 1° l'école; 2" le
corps humain ; 3" la maison paternelle ; 4° la na-
ture ; il" la localité où se trouve l'école. L'ensei-
gnement aura un côté matériel et un côté moral;
le côté matériel comprend l'énumération, la no-
menclature et la classification des objets, ainsi que
leur usage, leur description, et leur comparaison
entre eux; le côté moral rattache à ces observa-
tions des leçons morales.
Deuxième classe. — Prenant pour point de
départ la fontaine du village, les collines avoi-
sinantes, le village lui-même, le maître donne
aux élèves l'idée d'un ruisseau , d'une rivière ,
d'un étang, d'un lac, de la mer, d'une île ; celle
d'une montagne, d'une chaîne de montagnes,
d'une plaine, d'une vallée ; celle d'un bourg et
d'une grande ville. Les élèves apprennent à con-
naître les quatre points cardinaux, et déterminent
l'orientation du presbytère, de la maison d'école,^
de l'église; ils nomment les différents métiers
exercés dans la localité, les autorités locales, etc.
Avec l'aide d'une bonne carte, et après explication
de la manière de la dresser, ils étudient les traits
géographiques principaux de la province où se
trouve leur commune, et l'étude s'étend ensuite
peu à peu à lensemble du royaume.
Troisième classe. — On donne aux élèves des
notions générales sur la géographie de l'Allemagne,
sur celle de l'Europe et des autres continents,
ainsi que sur la sphéricité de la terre, sur ses
mouvements de rotation et de translation, sur le
jour et la nuit, les saisons, les phases de la lune, etc.
En parlant de l'Asie, on étudie spécialement la Pa-
lestine, avec l'aide de la carte, en insistant sur les
fleuves, montagnes et localités mentionnés dans
la Bible. [Programme pour la procince du Haut-
Palatinat, du 21 septembre 1869.)
III. — PRUSSE.
Dans l'école primaire complète à six classes,
Renseignement de la géographie commence avec la
troisième année scolaire. On se sert du dessin au
tableau noir, du globe terrestre et de la carte.
Quatrième classe (2 heures). — Notions prélimi-
naires expliquées au moyen de la description de-
la localité habitée par les élèves et du district dont
elle fait partie.
Troisième classe (2 heures). — Répétition et
complément de ce qui a été étudié dans la qua-
trième classse. Description de la Prusse.
Deuxième classe (2 heures). — Répétition et dé-
veloppement de ce qui a été étudié dans la troi-
sième classe. Description détaillée de l'empire
allemand, et description abrégée des autres États
de l'Europe.
Première classe (2 heures). — Répétition et dé-
veloppement des matières déjà enseignées. Outre
la géographie de la Prusse et de l'Allemagne, les
élèves étudient celle de l'Autriche et des autres
pays d'Europe. Ils apprennent à connaître- dans les
autres continents, les pays principaux, les villes
importantes, les fleuves et les chaînes de mon-
tagnes; leur attention est surtout dirigée sur les
pays qui jouent un rôle marquant par leur his-
toire, leur civilisation ou leur commerce interna-
tional.
La géographie mathématique comprend l'étude
des points suivants: 1° l'horizon; 2» les diverses
manières de représenter la terre; les lignes qui
servent à la diviser; 3° les preuves de la sphéri-
cité de la terre; 4"' les saisons et les zones; 5° no-
tions sur les étoiles fixes; 6° notions sur le soleil
et la lune ; 7" notions sur le calendrier. [Programme
I du là octobre 1872.)
GEOGRAPHIE
862 —
GEOGRAPHIE
IV. — GRAXD-DUCHE DE SAXE-WEIIIAR.
Degré inférieur. — L'étude de la géographie, à
ce degré de l'enseignement, est réunie à celle des
sciences naturelles. Les élèves apprennent à con-
naître, au moyen de leçons de choses, les divers
objets qui forment le domaine de ces sciences.
Degré moyen. — Ici la géographie et les sciences
naturelles se séparent. Les élèves étudient la
géographie du grand-duché et celle de l'Alle-
magne.
Degré supérieur. — Etude de l'Europe et des
autres continents à l'aide de la carte et du globe.
Notions de géographie mathématique. [Prugramme
du 20 mars 1875.)
V . — SUISSE.
CANTON DE BERNE.
L'étude de la géographie commence avec la
quatrième année scolaire, au deuxième degré d'en-
seignement.
Deuxiiîjie degré. Quatrième année. — Etude du
lieu natal et du district.
Cinquième et sixième années. — 1° Le canton
de Berne (limites, étendue, montagnes, rivières,
parties du canton, districts^ localités, population) ;
2" la Suisse en général.
TROisiiiiiE DEGRÉ. — Premier cours. — Les can-
tons de la Suisse : aperçu sommaire.
Deuxième cours. — L'Europe : aperçu som-
maire.
Troisième cours. — Les notions les plus impor-
tantes sur les autres continents, sur la terre, le
soleil et la lune. (Programme du 28 février 1878.)
CANTON DE VAUD.
Degré inférieur. — Pour les élèves de ce de-
gré, l'enseignement de la géographie est compris
dans les exercices d'intuition et de langage.
Situation des points cardinaux. Description de
la localité. Principaux édifices, places, rues, voies
et chemins, en indiquant leur direction à partir de
la maison d'école; maisons de campagne, ha-
meaux, cours d'eau, forêts, montagnes, etc.
Etude élémentaire du plan de la commune.
Première explication, à l'aide de la planche noire,
sur la manière dont on figure, sur la carte, le ter-
rain, les distances et l'orientation.
Ce cours intuitif devant servir d'introduction
à l'étude de la géographie, on en profitera pour
donner aux élèves les notions générales nécessaires
à l'intelligence de cette science ; on aura soin sur-
tout de leur expliquer le sens des termes techni-
ques. Ainsi, à propos des rivières, on apprendra
à l'élève ce qu'on entend par la source, le lit, la
rive droite, la rive gauche, l'embouchure, le con-
fluent, une cascade, etc.
Degré intermédiaire. — Continuation des exer-
cices intuitifs du premier degré, en les éten-
dant à la géographie du district. Etude topogra-
phique du district : montagnes, plaines, cours
d'eau, etc. Climat. Productions naturelles. Indus-
trie. Enumération des cercles et des communes.
Etude sommaire du canton de Vaud, puis de la
Suisse, essentiellement au point de vue de la géo-
graphie physique. Etendue, limites, chaînes de
montagnes et leurs ramifications principales, pla-
teaux, vallées, cours d'eau, lacs, climats, princi-
pales productions naturelles.
Etude générale de la mappemonde, si possible
au moyen d'un globe terrestre. Pôles, méridiens,
parallèles, équateur, tropiques, cercies polaires.
Division en deux hémisphères et en cinq conti-
nents. Océans et leurs dépendances (mers, golfes
et détroits). Configuration et étendue des conti-
nents. Presqu'îles et lies qui s'y rattachent. Prin-
cipales îles et groupes d'îles isolés.
Dans cette enumération on ne s'attachera qu'aux
points principaux, l'étude des détroits et points
accessoires étant réservée au degré suivant.
Degré supérieur. — Géographie physique de
l'Europe. Bornes. Etendue. Océans. Mers. GoTes
et détroits. Iles et presqu'îles. Montagnes, pla-
teaux, plaines basses, fleuves et lacs. Les obser-
vations relatives au climat, aux pruductions ciu
sol, aux végétaux et aux animaux seront exposées
au fur et à mesure dans l'étude des diverses
contrées.
Géographie physique de l'Asie, de l'Afrique, de
l'Amériqi.e et de l Océaiiie. Le maître suivra pour
cette étude l'ordre indiqué pour la géographie de
l'Europe ; mais il ne relèvera que les traits les plus
importants, en évitant soigneusement d'entrer dans
trop de détails.
Géographi': politique de l'Europe. Données gé-
nérales sur la population. Étude sommaire des
divers États. Population, langues, religions, gou-
vernement, climat, productions naturelles (mmé-
raux, végétaux et animaux), industrie et commerce.
Capitales, villes et lieux les plus remarquables.
Géographie politique df^s autres continents, en
s'attachantplus spécialementaux États qui, par suite
des relations commerciales, nous offrent le plus
d'intérêt (États-Unis, colonies européennes, etc.).
Etude détaillée de la Suisse. Géographie phy-
sique et topographique. Géographie politique. Sta-
tistique, histoire, mœurs, industries, religion et
gouvernement.
La géographie mathématique s'enseigne à part,
sous le nom de cosmographie ou jiotions de sphère.
[Programme du 20 février 1868.)
VI . — ÉTATS-UNIS.
(Écoles de Saiut-Louis de Missouri.)
Première année. — Dans le 3* et le 4* trimes-
Ires, on donnera oralement des notions sur l'orien-
tation et la position géographique, en commençant
par des localités familières, et en conduisant gra-
duellement l'élève à concevoir l'idée d'une carte et
des grandeurs et distances relatives.
Deuxième année. — Suite de l'enseignement
oral avec l'aide de la carte. \" trimestre : position
et distance de localités et de villes connues. 2* ^ i-
mestre : montagnes, plaines et cours d'eau ; posi-
tion et dimensions. 3* trimestre: océans et distri-
bution des eaux ; continents et distribution des
terres. 4* trimestre : forme de la terre, et princi-
pales divisions politiques de l'Amérique et de
l'Europe. On choisira soigneusement les laits essen-
tiels, et on évitera de donner de trop nombreux
détails.
Troisième année. — Étude du manuel intitulé Pre-
rnière géographie. — 1" trimestre (p. 1-1 9j : plaines,
déserts, oasis, collines, montagnes, volcans, val-
lées, sources, fleuves, lacs, cataractes, continents,
îles, presqu'îles, isthmes, mers, golfes, détroits,
océans, cartes, boussole; forme de la terre, sa
dimension, ses mouvements; parallèles, méri-
diens, etc. On aura le plus grand soin de donner
aux élèves des idées claires du sens des termes
techniques employés en géographie. Conversations
à propos des images contenues dans le manuel.
2" trimestre (p. 19-35) : climats, flore et faune
des divers climats, races d'hommes, état social,
mœurs; description des deux hémisphères, des
océans, et de l'Amérique du Nord. 3* trimestre
(p.35-'9) : carte de l'Amérique du Nord; descrip-
tion et cartes des États-Unis, de la Nouvelle-
Angleterre, et des États du Centre. \* fritn stre
(p. 49-61) : description et cartes des États du
sud et de l'ouest.
Quatrième an.sée. — Suite de l'étude de la l're-
mière ué graphie. — 1"' trimestre (p. 61-73):
description et cartes de l'Amérique du Sud et da
GÉOGRAPHIE
— 863 —
GEOGRAPHIE
l'Europe. 2* trimestre fp. 73-85) : description et
cartes de TAsie, de l'Afrique et de l'Océanie. —
Étude du manuel intitulé Géographie de- éodes
publiques. 3' trimestre (p. l-ll) : notions élémen-.
taires de géographie mathématique, physique et
politique, comme préparation à l'étude de la géo-
graphie descriptive ; forme de la terre, preuves ;
mouvements de la terre, inclinaison de son axe,
points cardinaux, circonférence, diamètre, cercles
■ de latitude et de longitude, méthode pour déter-
miner la position d'un lieu, zones et leurs saisons,
jour et nuit; cartes, globes et leur usage; distribution
de la terre et des eaux ; termes techniques rela-
tifs aux lacs et aux fleuves ; climats, végétation,
animaux, races d'hommes; état social, gouverne-
ment, religion, industrie, k' trimestre l'p. 17-291:
description et cartes des deux hémisphères, de
l'Amérique du Xord, et des États-Unis. La des-
cription comprendra les points suivants : 1° limi-
tes ; 2° étendue; 3" cours d'eau et lacs; 4° divi-
sions politiques ; étude spéciale de chacune de
ces divisions, sous le rapport : 5° du climat ; 6° de
la flore; 7° de la faune; 8° de la population;
9° du gouvernement; lO" de la religion; ir de
réducation; 12° de l'histoire ; la description détail-
lée des subdivisions de chaque État comporte lé-
tude : 13° des productions; 14° des villes.
Cinquième année. — Suite de l'étude de la
Géogriiphie des éc- les publ ques. — 1" trimestre
{p. 29-iG): description et cartes des États bordant
la rive occidentale du Mississipi, et de tous ceux
qui sont situés à l'est de ce fleuve. 2« trimesti-e
(p. 46-60) : description et cartes des territoires
et des États situés à l'ouest de ceux qui bordent la
rive droite du Mississipi, et des grandes routes de
commerce des États-Unis ; description et cartes
des possessions anglaises, du Mexique, de l'Amé-
rique centrale et des Antilles ; on donnera une at-
tention particulière à la carte commerciale, et on
fera souvent des questions de récapitulation.
3' trimestre (p. 59-71) : description et cartes de
l'Amérique du sud, de l'Europe, et étude détaillée
de la Grande-Bretagne et de l'Irlande. La géogi a-
phie de l'Europe est la plus importante après celle
des Etats-Unis ; elle devra être apprise à fond et
fera l'objet de répétitions fréquentes, i' trim'Stre
(p. 71-Sô) : description détaillée et cartes de l'Eu-
rope occidentale et centrale, et de l'Asie.
Sixième année. — Suite de l'étude de la Géogra-
phie des écoles publiqw^s. — i" trimestre (p. 85-
96) : description et cartes de l'Afrique et de l'O-
céanie, ainsi que du commerce maritime du globe.
2* trimesti e (répétition des p. 1-33) : notions
techniques, description et cartes des deux hémi-
sphères de l'Amérique du Nord, des États-Unis, de
la Nouvelle-Angleterre. 3' tnmestre (répétition des
p. 3o-65) : description et cartes des États du Centre,
da Sud et de l'Ouest, de» possessions anglaises,
du Mexique, de l'Amérique centrale, des Antilles,
et de l'Amérique du sud. 4' trimestre (répétition
des p. 65-'j6) : description et cartes de l'Europe,
de l'Asie, de l'Afrique et de l'Océunie.
Dans cette répétition on accordera une attention
spéciale aux cartes et au questionnaire qui s'y
trouve joint; on consacrera à létude des cartes un
temps égal à celui qui sera employé à l'étude du
texte.
Septième année. — Révision topique de l'ensem-
ble de la géographie, durant les quatre trimestres.
Dans cette revue, on prendra d'abord les notions
techniques, latitude, distribution de la terre et des
eaux, climats, races, productions, etc., et on les
appliquera aux diverses localités qui ont été étu-
diées dans la géographie descriptive. Par exemple,
on demandera d'mdiquer les lacs .salés de tous les
continents, toutes les chaînes de montagnes des
deux hémisphères, tous les pays qui produisent du
coton ou du blé, tous ceux où on trouve le cha-
meau ou l'éléphant, etc. Par cette méthode de ré-
vision topique, les connaissances acquises dans
l'étude de la géographie descriptive se graveront
mieux dans la mémoire.
Huitième année. — Continuation de la revue to-
pique de la géographie, durant les 2' et 3' tri'nes-
tre'!, de la même manière que l'année précédente.
{Progi'amme de 1876.)
B. — Ecoles normales.
I. — AUTRICHE.
(Programme commun aux deux seies.)
Premier eariîiée (2 heures,). — Le globe terrestre
et les cercles qui y sont tracés, comme moyen de
déterminer la position géographique d'un lieu.
Disiribuiion de la terre et des eaux à la surface de
la terre ; continents et océans, leuis dimensions et
leurs limites. L'Asie, l'Afrique, les pays d'Europe
riverains de la Méditerranée. — Exercices de car-
tographie.
Deuxième année (2 heures'. — Le reste de l'Eu-
rope, avec une étude particulière de l'Europe cen-
trale ; l'Amérique et rAustrali3. — Exercices de
cartographie.
Troisième année (2 heures). — Géographie de
l'Autriche-Hongrie, et en particulier de la province
où se trouve l'école. — Exercices de cartographie.
Quatriènte année. — Méthodique spéciale de l'en-
seignement de la géographie, et particulièrement
de la géographie locale (Heimatkunde).
Étude des principes fondamentaux de la géogra-
phie physique et mathématique; explication des
projections les plus employées. Récapitulation du
cours entier.
On aura soin, à tous les degrés de l'enseigne-
ment, d'exercer les élèves à la lecture des cartes,
et de rattacher d'une manière vivante l'étude de
la géographie à celle de l'histoire.
[Programme du .26 mai 1874.)
II. — ITAUE.
(Programme commun aux deux sexes.)
Première classe. — 1° Forme de la terre. Rota-
tion diurne. Axes, pôles, équateur. Points cardi-
naux.
Méridiens, parallèles; degrés de longitude et de
latitude.
2° Mouvement annuel de la terre. Obliquité de
l'écliptique. Tropiques et cercles polaires ; climat
astronomique; zunes; saisons.
La terre et la lune, en relation avec le système
solaire.
3° Globes terrestres ; cartes géographiques.
Echelles principales. Mesures itinéraires.
4° Aspect général du globe. Eaux et terres.
L'océan et ses divisions principales. Mers, golfes,
canaux, détroits.
Continents : parties du monde, îles, presqu'îles,
isthmes, archipels.
0° Elévations, montagnes, chaînes, défilés, ver-
sants, vallées, plaines, plateaux, steppes, déserts.
Sources, rivières, fleuves, lacs. Climat physique.
6° Races humaines, et leur distribution dans les
diverses parties du monde. Famille, tribu, peuple,
nation, état, monarchie tempérée, république, con-
fédération.
Religions : monothéisme^ polythéisme, fétichisme.
Cinlisation.
Deuxième classe. — 7° De l'Europe en général.
Situation absolue et relative. Configuration, di-
mensions. Orographie et hydrographie. Iles et
archipels. Climat et productions.
Population. Principales divisions ethnographi-
ques.
8° Situation relative. Limites. Industrie et com-
GEOGRAPHIE
— 864 —
GEOLOGIE
merce. Capitales et villes remarquables. Forme de
gouvernement et religion des Etats européens.
9" L'Italie. Situation absolue et relative. Confi-
guration. Dimensions. Orographie et hydrographie.
Régions. Iles. Volcans. Climat et productions. Popu-
lation.
10° Division politique de l'Italie Territoires
dépendant d'Etats étrangers. Etats italiens : répu-
blique de San Marino, Etat pontifical, royaume
d'Italie (ce programme a été rédigé antérieurement
à 1870J. Population, constitution, divisions admi-
nistratives, forces de terie et de mer, industrie,
commerce, importation et exportation.
Troisième classe. 11° Révision des matières en-
seignées dans les classes précédentes.
Afrique. Position relative. Limites, îles, volcans,
isthmes, détroits, caps principaux, climat et pro-
ductions, montagne^, fleuves, déserts. Etats de la
cùie et leurs capitales. Colunies et possessions eu-
rojiéennes.
13° Asie. Position relative. Limites, îles et archi-
pels, isthmes, détroits, presqu'îles et caps princi-
paux, climat et productions, systèmes de monta-
gnes, fleuves, lacs, déserts et steppes. Etats et leurs
ca, itales. Colonies et possessions européennes.
13° Amérique. Position relative. Limites, îles,
isliim s, détroits, presqu'îles, caps principaux, cli-
mat et productions, systèmes de montagne, volcans,
fleuves, lacs. Etals et leurs capitales. Colonies et
possessions européennes.
14° Océanie. Nouvelle-Hollande. Archipels.
Colonies et possessions européennes. [Programme
du 10 octobre 1867.)
III. — PRUSSE.
(Écoles normales d'instituteurs.)
Troisième classe (2 heures) . — Notions essentielles
sur la géogr.iphie locale (Heimaihskiinde) et la géo-
graphie générale. Éiuùe sommaire de la surface
terrestre. Les quatre continents extra-européens.
Lecture des cartes.
Deuxième claxs'' (2 heures). — L'Europe, l'Alle-
magne. Géographie mathématique. Indications sur
la manière de donner l'ens ignement géographique,
modèles de leçons, et leçons d'essai.
Première classe (1 heure). — Continuation de la
méthodologie : emploi de l'atlas, des cartes mura-
les, des globes, du tellurium, et d'autres moyens
intuitifs.
Chaque élève doit posséder un bon atlas, et s'en
servir pendant les leçons. {Programme du 15 octo-
bre 1872.)
IV. — ROYAUME DE SAXE.
(Écoles normales d'inotituteurs.)
Sixième et cinquième classe (2 heures chacune).
— Notions préliminaires. Géographie locale. La
Saxe. Etude sommaire de la terr • en général et de
l'Europi; en particulier; étude de l'Allemagne.
Qunt' ième et troisièmn classe (2 heures chacune).
— Géographie détaillée de 1 Europe, étude plus
ajiprofondie de l'Allemagne. Continents extra-euro-
péens.
Deuxième classe (2 heures). — Géographie phy-
sique et mathématique.
Pre)n ère classe. — Pas d'enseignement de la géo-
graphie.
(Écoles normales d'institutrices.)
Cinquième classe (2 heures) . — Géographie phy-
sique et politique de l'Allemagne. Eiude sommaire
du reste de l'Europe et des autres continents.
Quatrième classe (2 lieuresj. — Géographie dé-
taillée, physique et politique, de l'Europe, avec '
étude comparative spéciale de l'Allemagne et de la
Saxe.
Troisième dusse (2 heures). — Géographie phy-
sique et politique des autres continents.
Deuxième classe (1 heure). — Suite et fin du
programme de la 'A* classe. Eventuellement, com-
mencement de la géographie physique générale.
Première classe > 1 heure) — Géographie physique
et mathématique [Programme du 'l'a janvier 18^2).
Y. — SUISSE,
(h^cole normale des Régentes du Jura Bernois, à Delémont.
Première année (4 heures) — 1. Notions géné-
rales. — Définition des termes qui ont rajiport
aux eaux, aux terres et aux continents. La terre
envisagée comme menibie du système >olaire. Ma-
nière d'en représenter le tout et les parties. Géo-
graphie physique du globe. Orographie. Hydro-
graphie. De l'homme 1 1 des Etats.
2. Géographie physique, politique et historique
de l'Europe. Etude très détaillée de la Suisse et du
Jura bernois en particulier.
3. Cartes et exercices au tableau exécutés de
mémoire.
4. Compositions géographiques dont les sujets
seront puisés dans la géographie nationale.
Deuxième aimée (4 hourcs). — 1. Géographie
phy.-ique, politique et historique de l'Asie, de
i'Afritiue, de l'Amérique et de l'Océanie, d'après
un plan conforme à celui qui a été suivi pour la
description de l'Europe.
2. Cartes et exercices au tableau exécutés de
mémoire.
3 Compositions géographiques sous forme de
voyage. — La géographie mathématique (sphéricité
de la terre, ses mouvements, saisons, calendriers,
latitude et longitude, etc.) est comprise dans le
cours de cosmographie. [Programme du 21 fé-
vrier 18G3.)
GÉOLOGIE.— (Étym. : du grec^e', terre.et logos,
discours, science). — La science ainsi nommée a
pour but de faire connaître celles des propriétés de la
terre que l'inaccessibilité des autres astres ne permet
pas d'y étudier. Elle s'occupe de la configuration
détaillée de sa surface, de la description des ma-
tériaux qui la composent, de celle des phénomènes
qui s'y passent de nos jours, qui s'y sont passés
depuis le commencement de son existence comme
masse isolée dans l'espace, et de ceux mêmes qui
semblent devoir s'y passer dans les siècles futurs.
Elle exige des connaissances assez étendues en mi-
néralogie et en paléontologie.
Comme la plupart de celles qui l'ont précédée,
cette science n'a offert pendant longtemps qu'une
suite d'hypothèses plus ou moins vraisemblables,
une série de systèmes plus ou moins ingénieux,
dont les auteurs, se livrant sans réserve à leur ima-
gination, se sont bien souvent égarés. Dépoarvues
de la lo'.ite-puissante assistance de l'observation et
de l'analyse, ces théories, quelque séduisantes
qu'elles fussent d'ailleurs, étaient loin de pouvoir
constituer une science exacte ; l'évidence des faits
énoncés n'étant pas appuyée sur des chiffres, tout
en elles se trouvait réduit à de pures spécu-
lations.
De nos jours, les choses ont changé d'aspect; la.
géologie, grâce à de Saussure, à Hutton, à Werner, à
de Humboldt, à Léopold de Buch, à Guvier, à
L. Cordicr, aux Brongniart, à Élie de Beaumont, à
Constant Prévost, à Lyell, à Buckland, pour ne
citer que les plus illustres, n'est plus une science
de simples conjectures ; elle est devenue une
science de faits, de raisonnement et de calcul, qui,
non contente de nous dévoiler les secrets de la
terre inanimée, nous fait suivre pas à pas les phéno-
mènes qui se produisent incessamment à la sur
face du globe, et déroule à nos regards les traces de*
GÉOLOGIE
— 865 —
GEOLOGIE
grandes révolutions qui, à plusieurs reprises suc-
cessives, ont déchire les parties superficielles de
la terre en mille endroits divers ; qui ont fait sur-
gir des montagnes là où d'abord étaient des plai-
nes, et amené des mers dans des lieux où s'éle-
vaient jadis des continents.
De telles recherches semblent, au premier abord,
8e rapporter exclusivement au règne minéral, ou
aux divers terrains, métaux et roches, qui se ren-
contrent, soit à la surface de la terre, soit à
différentes profondeurs. Mais, en poursuivant ces
investigations, on est bientôt conduit à l'examen
des changements successifs qui ont eu lieu dans
l'ancien eut de la surface et de l'intérieur de la
terre, et des causes qui ont occasionné ces chan-
gements. Bientôt aussi, chose plus singulière en-
core et plus inattendue, on se trouve engagé dans
des recherches relatives tant à l'histoire de la
création animée, et des diverses familles d'animaux
et de plantes qui, dans les temps anciens, ont, à
différentes époques, habité la surface du globe,
qu'au moment précis de l'apparition de l'homme et
à la marche du développement de son industrie
et par suite de sa civilisation dans les périodes
antéhistoriques ou préhistoriques, comme on dit
aujourd'hui.
Au point vue pratique, la géologie, en enseignant
à l'agriculteur à distinguer les différents terrains
qui constituent la partie superficielle de la terre,
le met à même d'approprier à chacun d'eux le
mode de culture qui lui convient le mieux, et lui
donne par là le moyen d'accroître la richesse
nationale, tout en augmentant son bien-être parti-
culier. Elle fournit les indications qui peuvent
seules conduire, soit à des recherches certaines et
fructueuses des richesses minérales contenues
dans le sein de la terre, soit à leur extraction et à
leur aménagement. Et par richesses minérales, il
faut entendre, non pas seulement les matières
précieuses, mais tous les minéraux utiles, tels que
les minerais métalliques, les pierres à bâtir, les
argiles à poteries et briques, les matériaux ser-
vant à la construction et à l'entretien des routes, les
marnes employées par l'agriculteur pour l'amende-
ment des terres, etc. Si la géologie ne conduit pas
toujours à la découverte des gîtes, elle préserve
du moins de toute fausse direction, et apprend à
donner aux indices, aux apparences extérieures,
leur valeur réelle. Elle donne aussi les moyens de
prévoir à l'avance quels seront les matériaux ren-
contrés dans les tranchées ou souterrains destinés,
soit au passage des canaux ou des chemins de fer,
soit aux travaux de fortification des places de
guerre ; elle permet ainsi d'établir des devis de
travaux présentant un degré d'exactitude qu'ils ne
pourraient avoir autrement. La géologie donne
encore des notions souvent très précises sur les
chances de réussite des projets de puits artésiens,
et sur la profondeur à laquelle il est nécessaire de
pousser les forages, pour rechercher les nappes
d'eau ascendantes.
Les anciens avaient étudié laborieusement les
mouvements et les positions des corps célestes , ds
avaient fait quelques progrès dans l'investigation
des règnes animal, végétal et minéral; mais l'his-
toire ancienne du globo était un livre fermé pour
eux, quoique écrit en caractères les plus frappants
et les plus imposants; ils étaient inconscients même
de son existence.
« Un potier de terre, qui ne savait ni latin. ni
grec, fut le premier qui osa dire dans Paris, à la
face de tous les docteurs, que les coquilles fossiles
étaient de véritables coquilles déposées autrefois
par la mer dans les lieux où elle se trouvait alors;
que des animaux et surtout des poissons avaient
donné aux pierres fig^irées toutes leurs différentes
figures, etc., et il défia hardiment toute l'école d'A-
fistotc d'attaquer ses preuves. C'est BernardPalissy,
2« Partie.
saintongeois, aussi grand physicien que la nature
seule puisse en former un ; cependant son système
a dormi près de cent ans, et le nom même de l'au-
teur est presque mort. » Ainsi s'exprimait Fonte-
nelle(,//is^o»'e de l'Académie des sdences] en 1675, en
parlant d'un homme qui se voua à l'observation de
la nature, et qui arriva le premier à des idées saines
sur les phénomènes géologiques. Les travaux de
Palissy toutefois n'eurent pas pour objet la descrip-
tion du sol de la France.
Il y a un ou deux siècles à peine, le sol était en-
core un sujet d'étudos inconnu des naturalistes et
même des voyageurs ; il semblait qu'il n'existât pas,
et qu'il n'y eût que les animaux et les végétaux
qui le couvrent, qui fu-sent dignes d'attention.
Dans le règne minéral, on ne recueillait et on n'exa-
minait que les matières utiles ou remarquables par
leurs apparences extérieures.
Des d'iux grands naturalistes dont le nom domine
le dix-huitième siècle, Linné ne poussa pas ses in-
vestigations au delà de la minéralogie, encore dans
l'enfance par suite de l'absence des connaissances
chimiques, et Buffon n'étudia guère le règne miné-
ral que pour y chercher des preuves à l'appui de sa
théorie de la terre. Mais au même moment, en 174(1,
Guettard, qui avait le sentiment de ce que devait
être la géologie, publiait la première carte géologi-
que, qu'il intitulait : Carte miriéi alogique où l'on
Voit la nature et la situation des terrains qui tra-
versent la France et l'Au'^fe'.erre, titre qui expri-
mait un nouvel ordre d'idées, qui devait amener
d'immenses progrès dans la science, et une préci-
sion inconnue jusqu'alors dans les observations lo-
cales. « Je me suis proposé, dit-il {Mémoires de
l'Académie de ssciences pour 1746], de faire voir par
cette carte qu'il y a une certaine régularité dans la
distribution qui a été faite des pierres, des métaux
et de la plupart des autres fossiles ; on ne trouve
pas indifféremment dans toutes sortes de pays
telle ou telle pierre, tel ou tel métal; mais il y a
de ces pays où il est entièrement impossible de
trouver des carrières ou des mines de ces pierres
ou de ces métaux, tandis qu'elles sont très fré-
quentes dans d'autres, et que, s'il ne s'y en trou-
vait pas, on aurait plus sujet d'espérer d'y en
rencontrer qu'autre part. >> Guettard comprend déjà
la structure du sol de la France septentrionale ; il
trace sur ses deux cartes trois bandes continues en-
tourant à la fois Paris et Londres. La plus inté-
rieure, ou bande sab.'euse, correspond aux terrains
tertiaires ; la moyenne, ou bande marneuse, corres-
pond assez bien au terrain crétacé ; la plus exté-
rieure, ou bande schisteuse ou métallique, comprend
tous les terrains plus anciens.
L'idée de Guettard, d'une portée si immense,
fut complètement méconnue de ses contemporains,
peut-être parce que son auteur était et resta tou-
jours tr p en arrière de Linné et de Buflfon, dans
ses travaux sur les corps organisés. Guettard ne
paraît pas avoir Jamais songé à rechercher l'âge re-
latif des différents terrains qu'il avait reconnus.
Cinq ans plus tard, en 17ôl, dans un voyage en Au-
vergne, il est tellement frappé de la ressemblance
de certaines roches de Volvic et du Mont-Dore avec
les produits volcaniques du Vésuve, qu'il u'hésito
pas à annoncer l'année suivante à l'Académie !a
découverte importante qu'il vient de faire d'anciens
volcans dans le centre de la France.
Werner, nommé en 1775 professeur de minéra-
logie à l'école des mines de Freyberg, en Saxe, diri-
gea son attention, non seulement sur la composi-
tion et les caractères extérieurs des minéraux,
mais aussi sur la f/éognosie ou leur position natu-
relle dans les roches particuUères, ainsi que le
groupement de ces roches, leur distribution géo-
graphique et leurs relations variées. Mais Werner
n'avait pas voyagé dans des contrées éloignées ; il
avait simplement exploré une petite partie de l'Al-
55
GÉOLOGIE
— 866
GEOLOGIE
lemagne, et il s'était persuadé que la surface en-
tière de noire planète et toutes les chaînes de
monlagncs du monde étaient faites sur le modèle
de sa propre province. Le principal mérite du sys-
tème de Werncr consista à diriger l'attention de
ses élèves sur les relations constantes de superpo-
sition de ceutains groupes minéraux, quoiqu'il eut
été précédé dans la découverte de cette loi géné-
rale par plusieurs géologues italiens.
En nSS le capitaine Barrât publia la première
carte géologique véritable, celle de la Corse, sur
laquelle les terrains de nature et d'âge relatifs ana-
logues sont figurés par des couleurs spéciales. Dans
sa légende, la couleur rouge indique les montagnes
graniteuses; la couleur jaune, les roches calcaires,
schisteuses, etc., du deuxième ordre; le jaune
foncé, les calcaires de nouvelle formation.
De Saussure publia ses Voyages dans les Alpes
en 1786. Il annonça que les poiidingues de Valor-
sine s'étaient déposés horizontalement et que les
montagnes ont dû subir de grands bouleversements.
Quelques années après, Ramond, dans ses Voya-
ges au Mont- Perdu, exposa la structure des Pyré-
nées et fit voir que les hautes sommités sont for-
mées par des calcaires à fossiles, fait inconnu dans
les grandes chaînes.
Un géomètre anglais, pauvre et inconnu, William
Smith, publia en 1790 un tableau des couches bri-
tanniques dans lequel, quoiqu'il n'eût pas commu-
niqué avec Werner, il était arrivé aux mêmes vues
sur les lois de la superposition des roches strati-
fiées ; il s'était assura que l'ordre des différents
groupes n'était jamais interverti, et qu'ils pouvaient
être identifiés en des points lort éloignés par leurs
fossiles organisés particuliers. Il se livra à l'exécu-
tion d'une carte géologique de l'Angleterre entière,
qui fut terminée en ISl.), monument du talent ori-
ginal et de persévérance extraordinaire, car il avait
exploré le pays entier à pied, sans être guidé par
des observations antérieures, sans l'aide de com-
pagnons de travail, et il avait réussi à séparer en
divisions naturelles la série compliquée des ro-
ches britanniques. Plusieurs des dénominations
de Werner et de Smith sont encore employées au-
jourd'hui et consacrent leurs droits de priorité.
Les temps étaient proches où la géologie devait
s<' constituer à l'état de science ; car la rénovation
de l'histoire minérale de la terre date de l'étude
sérieuse des corps organisés fossiles, étude que
Lamarck et G. Cuvier commencèrent dans les
premières années de notre siècle; le premier en
1802 par un Mémoire sur les fossiles (mollusques)
des environs de Paris, le second en 1804 par un
Mémoire sur les animaux des p/âtrières de Paris.
C'est alors seulement que les n-aturalistes surent
trouver et attribuer tout l'intérêt qu'elles méri-
taient, à ces pierres sur lesquelles, en faisant leurs
hypothèses plus ou moins contraires à la vérité,
Ils avaient marché depuis Aristote et Théophraste,
c'est-à-dire pendant vingt-deux siècles, sans presque
daigner y jeter un simple regard. A partir de ce
moment, il y eut des géologues, seuls capables de
déchiffrer leur signification exacte.
En avril 18I0, Cuvier et Alex. Brongniart lurent
à l'Institut leur Essai sur la géographie minéralo-
gique des e?ivirons de Paris, dans lequel se trouve
établie pour la première fois la succession des
espèces animales au sein des couches et leur im-
portance pour caractériser celles-ci. En 1821.
Al. Brongniart donna son mémoire Snr les carac-
tères zoologiques des formations qui lui ont per-
mis de reconnaître les terrains crétacés sur les
hautes sommités des Alpes.
En 18-22, d'Omalius d'Halloy publia son E»sai
d'une carte géologique des Pw/s-Bas et de la Finance,
établie d'après ses projjrcs observations, celles de
Coquebert do Montbret.ct <1('S renseignements four-
nis par un grand nombre dingcnicurs des mines.
En 1827, L. Cordicr donne son Essai sur la tem-
pérature de l'inté)'ieur de la terre, où il établit
comme principe fondamentil de la géologie la
fluidité ignée primitive du globe. Constant Prévost
lit à l'Académie plusieurs mémoires, où il établit
le synchronisme des dépôts et des formations et
la théorie des affluents fluviatiles, basée principa-
lement sur l'étude du sol des environs de Paris.
En 182.S, Elle de Beaumont rajeunit, en les pla-
çant dans les terrains jurassiques, des terrains des
Alpes qu'on avait crus primitifs, et que Brochant,
avait déjà reportés en 1 soS dans les terrains de tran-
sition. En 1 829, il publia ses liecherches sur quelques-
unes des révolutions de la surface du globe, fondées
sur ses nombreuses études du sol de la France.
Dès 1822, le gouvernement avait décidé l'exécu-
tion d'une carte géologique de la France, sur une
assez grande échelle. Brochant de Villiers, qui en
avait déjà présenté le projet en 1811, fut chargé d'en
diriger l'exécution, confiée à MM. Dufrénoy et Elle de
Beaumont. La fin de 1841 a vu apparaître la carte
et le premier volume de l'Explication de la carte
géographique de la France, comprenant une ma-
gnifique introduction ; le deuxième a paru en 1849,
et la première partie du troisième en 1873.
En 1S40, M. d'Orbigny a entrepris la Paléonto-
logie française, description des Mollusques et
liai/oimés fossiles de la France. Les terrains créta-
cés et jurassiques sont encore seuls traités. Depuis
sa mort, arrivée en 1857, divers collaborateurs
continuent plus ou moins lentement cette impor-
tante publication, qui a joué un rôle si considé-
rable dans le développement des études paléonto-
logiques en France.
Ouvrages à consulter : Beudant, Cours élémentaire
d'histoire naturelle, minéralogie et géologie ; Boubée ,
Géologie élémentaire ou Manuel de géologie; Lambert,
Cours élémentaire de géologie à l'usage des lycées; Lcy-
nicrie, Eléments de minéralogie et de géologie; Raulin.
Eléments de géologie, année prép., I«,II",III" années ; Marié-
Davy et Soni'ol, Eléments de géologie. IV» année; Lambert.
Nouoeau guide du géologue, géologie générale de la
Fra7ice. [V. Raulin.]
PROGRAMME DU COURS DE GÉOLOGIE.
Voici le programme suivi dans ce Dictionnaire
pour le cours de géologie, avec l'indication des ar-
ticles auquels il renvoie :
I. — Définition de la géologie ; son origine, sa
place dans les sciences, son histoire. Constitution
générale du g obe : noyau incandescent, croûte
terrestre, enveloppe atmosphérique. — "V. Géolo-
gie, Globe [Conslilutiou du).
II. — Des roches : roches ignées, roches sédi-
mentaires ou aqueuses. Stratification ; filons ;
failles; combustibles minéraux. — Roches, Com-
bustibles.
III. — Des soulèvements et de leur théorie ; fer-
ra.ition des chaînes de montagnes. Classification
di;s leri-ains. — V. Soulèvements, Terrains {Clas-
sification i/es).
IV. — Notions sur les fossiles. — 'V. Fossiles, Pa-
léontolugie. Vie. Organisés [Etref), Régnes, Végétal.
V. — Terrains plutoniens ; granit, porphyre, etc.
V. Plutoniens {Terrains), Primitifs [Terrains) , Mé-
tamorphiques (Roches).
VI. — Terrains primaires. Formations silu-
rienni', (iévoniemie, carbonifère. — V. Primaires
[Terrains;, Houille.
Vil. — Terrains secondaires. Formations tria-
sique, jurassique, crétacée. — V. Secondaires
[Terrains],
VUl. — Terrains tertiaires. Formations éocène^
miocène, pliocène. — V. Tertiaires (Terrai7is).
IX. — Terrains quaternaires. Alluvions ancien-
nes : glaciers, blocs erratiques; cavernes à osse-
ments, brèches osseuses. — V. Quaternaires (Ter-
GÉOLOGIE
— 867 —
GÉOMÉTRIE
rains), Aîluvions, Blocs erratiques, Glaciers, Ani-
ihciux domestiques. Préhistoriques [Populations),
li'ices humaines, Darwinisme.
X. — Phénomènes géologiques de l'époque ac-
tuelle. AUuvions récentes; pliénomènes de trans-
port; glaciers. Clialeur centrale; tremblements de
turre; soulèvements et abaissements partiels; phé-
nomènes volcaniques : sources thermales et eaux
minérales; puits artésiens. — V. AUuvions, Gla-
ciers, Globe (Constitution du). Tremblements de
tzrre. Soulèvements, Volcans, Eau, Puits.
PR03RAMME OFFICIEL
DES ÉCOLES NORMALES FRANÇAISES D'INSTITUTEURS
ET d"l\STITUTRICES.
(Airêté du 3 août 1881).
PREMIÈRE ANNÉE.
Notions sur la constitution du globe. — Sources
thermales. — Geysers. — Tremblements de terre.
— Volcans. — Origine des chaînes de montagnes
Roches ignées fondamentales. — Roches stra-
tillées ou de sédiment. — Animaux et végétaux
fossiles. — Indication des principales roches que
l'on trouve à la surface du sol, ou qui sont mises
à découvert par les travaux des carrières, des
mines, des galeries souterraines, etc.
DEUXIÈME ANNÉE.
(La ï' année de l'enseignement des sciences naturelles
est entièrement consaci-ée à la zoologie).
TROISIÈME ANNÉE.
Phénomènes géologiques actuels. — Modifica-
tion continue du sol.
PROGRAMME ÉTRANGERS.
1. — BELGIQUE.
EC0i.ES NORMALES D'INSTITUTEURS ET d'INSTITUTRICES.
(L'cnseiguemeat de la géologie se donne en 4" année,
concuiremment avec celui de la minéralogie.j
Introduction : Définition de la géologie.
Actions géul'jgiqnes actuelles.
a. Extei-nes. Vent. Formation des dunes.
Eaux courantes. Infiltration, solution, sources.
Érosion, transport, creusement de vallées.
Dépôts, aîluvions, deltas.
Giaciers.Formation, regel, mouvement, moraines.
Mers. Érosion des côies.
Dépôts physiques. Triage des matériaux ; argi
les, sables, galets, schistes, grès, conglomérats.
Dépôts chimiques. Sel gemme, calcaire.
Formations organiques. Tourbe, madrépores,
Stratification des dépôts,
t. Interîles. Mouvements du sol : mouvements
lents; tremblements de terre.
Changements de niveau, inclinaison des couches.
Plissements, failles, formation des montagnes.
Volcans. Geysers et filons.
Éruptions : cendres et laves, roches plutoni-
ques et métamorphiques.
Etude des terrains.
a. Age relatif; stratigraphie; fossiles, compa-
;raison avec les êtres actuels.
b. Terrains azoiques. Granit, schistes cristallins,
c. Terrains prim.iires.
Age des invertébrés; terrains de l'Ardenne.
Age des poissons; terrains dévouions.
Age des plantes ; terrains carbonifère et houiller.
'/, Terrains secondaires. Age des reptiles; ter-
rain liasique et terrain crétacé.
e. Terrains tertiaires. Age des mammifères;
sables, argiles, calcaire et grès,
f. Terrains quaternaires et récents. Age de
l'homme.
g. Conclusion. État primitif du globe; refroi
di'Sement et construction de la surface ; dévelop-
] ement successif des êtres organisés.
Observations. — 1. Le professeur aura soin de
rendre intuitives les leçons sur les phénomènes
géologiques au moyen d'expériences en classe et
d'observations faites pendant les excursions.
2. Il évitera de surcharger la mémoire des élè-
ves de noms de fossiles. Il se contentera de
montrer et de faire reconnaître les fossiles ca-
ractéristiques des terrains.
3. Il aidera les élèves à former une petite col-
lection de minéraux, de roches et de fossiles.
II. — SUISSE.
ÉCOLB KORIIALE DES RÉGENTES DU JURA. BEBl^OIS, A DELEHOST.
(L'enseignement de la géologie occupe le 2* tri-
mestre de la deuxième année.)
Objet et utilité de la géologie. Composition de la
croûte terrestre ; stratifications. Caractères des ro-
ches ; fossiles. Classification des couches. Origine
et révolutions du globe. Races disparues. Aperçu
géologique delà chaîne du Jura.
GÉOMÉTRIE. — Science qui traite do la forme
des corps et de la mesure de l'étendue. La géomé-
trie élémentaire n'étudie que les formes suscepti-
bles d'une définition simple, et que, pour cette
raison, on appelle corps géométriques.
1. Chaqu" corps est séparé de l'espace sans bor-
ne qui l'environne par une limite que l'on appelle
sa surface. Il y a des corps qui ne sont terminés
que par une surface unique, comme une boule, un
œuf; ily a au contraire des corps qui sont terminés
par plusieurs surfaces distinctes; ainsi un pion de
jeu de dames est terminé par trois surfaces distinc-
tes ; un dé à jouer est terminé par six surfaces
distinctes. Quand un corps est ainsi terminé par
plusieurs surfaces distinctes, ces surfaces se ren-
contrent deux à deux suivant une limite commune
que l'on appelle une ligne; ainsi les trois surfaces
qui terminent un pion du jeu de dames se ren-
contrent suivant deux lignes, les six surfaces qui
terminent un dé à jouer se rencontrent suivant
douze lignes. Il peut arriver que deux lignes se
rencontrent; elles ont alors une limite commune
que l'on appelle un jDomf. Ainsi, dans le dé à jouer,
les lignes de la surface déterminent par leur ren-
contre huit points distincts.
Une fois les idées de surface, de ligne, de point,
ainsi acquises par la vue des objets réels, on peut,
par cette faculté de notre esprit que l'on appelle
abstraction, imaginer des surfaces qui n'appanien-
neat à aucun corps, des lignes qui n'appartiennent
à aucune surface, des points qui n'appartiennent à
aucune ligne.
L'étendue d'un corps, ou la portion de l'espace
qu'il occupe se nomme son volume; l'étendue
d'une surface se nomme son aire ; l'étendue d'une
ligne se nomme sa longueur; un point n'a rigou-
reusement aucune étendue.
2. La plus simple de toutes les lignes est la
ligne droite: un fil tendu, quand on fait abstrac-
tion de son épaisseur, en donne une idée assez pré-
cise. On la définit en disant que c'est la ligne la
plus courte que l'on /iw.sse mener d'un point à un
autre. Cette définition semble assigner des limites
à la ligne droite ; mais rien n'empêche de la pro-
longer dans les deux sens par la pensée; et c'est
toujours d'une droite indéfinie que l'on parle
quand on n'exprime pas formellement le con-
traire.
On appelle ligne brisée une ligne composée de
portions de lignes droites ; ces portions de lignes
droites sont les côtés de la ligne brisée.
On appelle ligne courbe, une ligne brisée dont
les côtJs sont infiniment petits et en nombre infi-
niment grand. La géométrie élémentaire n'étudie
j que la plus simple des lignes courbes, la circon-
I J'érence du cercle dont il sera question plus
! loin.
GEOMETRIE
— 8C8 —
GEOMETRIE
3. La plus simple de toutes les surfaces est le
j)lan- la surface d'une eau tranquille et de peu
d'étendue en donne une image -ensible. On la défi-
nit en disant que c'est une surface sur laquelle Une
ligne droite peut s'appliquer f.xactemi'.nt dans tous
les sens. Les plans ou surfaces planes que l'on a
à considérer dans la pratique ont toujours une
étendue limitée; mais rien n'empêche de les pro-
longer dans tous les sens par la pensée; et c'est
toujours d'un plan i7idéfini que l'on parle quand on
n'exprime pas formellement le contraire.
On appelle surface brisée une surface composée
de différentes portions de plan ; ces portions de
plan sont les faces de la surface brisée.
On appelle surface courbe une surface brisée
dont les faces sont infiniment petites et en nombre
infiniment grand. La géométrie élémentaire n'étudie
que trois surfaces courbes: le cylindre, le tône et
ia sphère, dont il sera question plus tard.
4. — L'étude de la géométrie se divise en deux
parties principales: la Géomi'trie plane et la Géo-
métrie dons tespace. La première a pour objet les
propriétés des lignes et des figures tracées sur un
plan, et les mesures de longueurs et d'aires qui
en dépendent. La seconde s'oc; upe des propriétés
des surfaces, de la forme des corps géométriques,
et des mesures d'aires et de volume qui s'y ratta-
chent.
5. — On nomme axiome ïine vérité évidente par
elle-même et qui n'a pas besoin de démonstration.
Un théoi cme est une vérité qui ne devient évidente
qu'à l'aide d'une démonstration. On nomme pos-
tulat une vérité moins évidente qu'un axiome,
mais qu'on peut demander d'accepter sans le se-
cours d'une démonstration. Un corol'aire est une
vérité accessoire qui ressort de la démonstration
d'un théorème. Un lemme est un théorème pré-
paratoire destiné à faciliter la démonstration d'un
théorème plus important. Un problème est une
question qu'il s'agit de résoudre en s'appuyant sur
des théorèmes établis. Les théorèmes, postulats,
corollaires, lemmes et problèmes portent aussi le
nom commun de propositions.
L'ensemble des opérations graphiques qu'il faut
exécuter pour d'montrer un tliéorème ou pour
résoudre un problème, est ce que l'on appelle
une constmction.
On emploie en géométrie les signes abrcviatifs
de V Algèbre *, dont la plupart sont déjà usités dans
l'étude de l'arithmétique.
6. — Ces préliminaires forment la matière de la
preniière leçon de géométrie. Nous donnons ci-
dessous le programme du cours entier, en ren-
voyant, pour les développements, aux articles de ce
dictionnaire désignés en italiques dans le pro-
gramme lui-même.
PROGRAMME DU COURS DE GÉOMÉTRIE
IL — Ligne droite. Sa mesure. Emploi de la
règle. Ligne brisée. Théorème sur les lignes brisées
qui ont les mêmes extrémités. — V. Lignes.
IlL — Cercle. Centre; rayon, diamètres, arcs.
Usage du compas. Division de la circonférence.
Mesure des arcs. — V. Lignes.
IV. — Angles; leur évaluation en degrés ; leur
construction à l'aide du rapporteur. Angle droit,
aigu, obtus. Angles supplémentaires, complémen-
taires. Angles adjacents ; angles formés autour d'un
point. — V. Lignes.
V. — Perpendiculaires et obliques. Lieu géomé-
trique des points également distants de deux points
donnés. Equerre. Distance d'un point à une droite.
Bissectrice d'un angle, lieu des points également
distants de ses côtés. — V. Lignes.
VL — Perpendiculaires dans le cercle. Perpen-
diculaire abaissée du centre sur une corde. Tangente
au cercle. Contact de deux cercles. — V. Lignes.
\\l. — Parallèles. Toute perpendiculaire à une
droite est perpendiculaire à ses parallèles. Dis-
tance de deux parallèles. Pi'opriété des sécintos;
angles alternes-internes, angles correspondants.
Tracé des parallèles. Angles qui ont leurs côtc3
parallèles ou perpendiculaires. — V. Lignes.
VIII. — Parallèles dans le cercle. Arcs intercep-
tés par deux parallèles. Angles inscrits. Segment
capable d'un angle donné. — V. Lignes.
IX. — Lignes proportionnelles Quatrième pro-
portionnelle. Division d'une droite en parties pro-
porticynnellos à des nombres ou à des lignes don-
né.<t. — V. Lignes proportionnelles.
X. — Lignes proportionnelles dans le cercle.
Sécantes issues d'un môme point. Moyenne pro-
portionnelle. Division d'une droite en moyenne
et extrême raison. — V. Lignes proportionnelles.
XI. — Triangle. Base, hauteur. Somme des
angles. Caractère d'égalité des triangles. Construc-
tion des triangles. — V Polygo7ies.
XII. — Triangles semblables. Caractère de simi-
litude. — V. Polygones.
XIII. — Quadrilatères . Trapèze , parallélo-
gramme, rectangle, losange, carré. — Y. Poly-
gones,
^ XIV. — Polygones. Somme des angles. Carac-
tères d'égalité. Caractères de similitude. Notions
sur la symétrie. — V. Polygone-'.
XV. — Polygones réguliers. Ils sont inscripti-
bles et circonscriptiblcs au cercle. Construction
du carré, de l'hexagone, du triangle, du déca-
gone. Assimilation du cercle à un polygone régulier.
Rapport de la circonférence au diamètre. Mesure
de la circonférence; mesure de la longueur d'un
arc. — V. Polygones réguliers.
XVI. — Mesure des aires : rectangle, parallélo-
gramme, triangle, trapèze, polygone quelconque,
polygone régulier, cercle, secteur. — V. Airey.
XVII. — Comparaison des aires. Aires des
polygones semblables. Carré de l'hypoténuse. Pro-
blèmes sur la comparaison des aires. — V. Air-.s.
Géométrie dans l'espace.
XVIII. — Un plan est déterminé par trois points
non en ligne droite. Perpendiculaires et obliquas.
Théorème des trois perpendiculaires. — V. Druitei
et plans.
XIX. — Droites et plans parallèles. Intersec-
tion de deux plans parallèles par un troisième.
Angle d'une droite et d'un plan. — V. Droites et
plans.
XX. — Angle dièdre. Sa mesure. Plans per-
pendiculaires entre eux. Directions verticale et
horizontale. Ligne de plus grande pente d'un plan.
— V. Droites et plans.
XXI. — Notions sur les angles trièdres et sur
les angles polyèdres. — V. Polyèdres.
XXII. — Tétraèdre. Pyramide. Pyramide tron-
quée. — V. Polyèdres.
XXIII. — Prisme. Parallélipipède. Polyèdre
quelconque. — V. Polyèdres.
XXIV. — Corps ronds : cylindre, cône, splière.
Courbes usuelles. — V. Corps ronds, Courbes
usuelles, Ellipse, Ova'e, Parabole, Spirale.
XXV. — Mesure des surfaces, cylindrique, coni-
que et sphérique. — V. Surfaces courbes.
XXVI. — Comparaison des mêmes surfaces.
Similitude. V. Surfac''s courbes.
XXVII. — Mesure des volumes. Volume des po-
lyèdres. Cubage des solides. — V. Volumes^ Cubage.
XWIII. — Volume des corps ronds. Jaugeage
dos fûts. — V. Volu)}ies, Jaugeage.
XXIX. — Comparaison des volumes. — V. To-
lu7)ies.
XXX. — Notions sur la similitude des po-
lyèdres et sur celle des corps ronds. — V. Polyèii es
et Corps ronds. [H. Sonnet.]
GÉOMÉTRIE
— 8G9 — GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE
Ce Dictionnaire contient, en outre, des notions
élémentaires de trigonométrie, d'arpentage, de
péométrie descriptive et de cartographie. V. les
articles TriyOïV'métrie, Arpentage (et ceux aux-
quels il renvoie). Géométrie descriptive, Plans
cotés, Cartographie ,
PROGRAMMES OFFICIELS FRANÇAIS.
ÉCOLES PRIMAIRES.
(Arrêté du 27 juillet 1882.)
Cours élémentaire. — Simples exercices pour
faire reconnaître et désigner les figures régulières
1' s plus élémentaires, carré, rectangle, triangle,
ci^^cle.
Différentes sortes d'angles.
Iiiée des trois dimensions.
Nutions sur les solides au moyen de modèles
en relief.
Exercices fréquents de mesure et de comparai-
son des grandeurs par le coup d'œil; appréciation
approximative des distances et leur évaluation en
mesures métriques.
Cours moyen. — Étude et représentation gra-
phique au tableau noir des figures de géométrie
plane et de leurs combinaisons les plus simples.
Notions pratiques sur le cube, le prisme, le
cylindre, la sphère, sur leurs propriétés fonda-
mentales; applications au système métrique.
CoLRS suPÉuiEUR. — Notions sommaires sur la
géométrie plane et sur la mesure des volumes.
Pour les garçons : Application aux opérations
les plus simples de l'arpentage. — Idée du nivel-
lement.
ÉCOLES NORMALES d'INSTITUTECRS.
(Programmes du 3 août 1S81.)
Première année (1 heure par semaine). — Géo-
métrie pl'iTie. — Les deux premiers livres de Le-.
gendre. — Lignes proportionnelles. — Similitude.'
DeuxiIime année ['2 heures par semaine). — Géo-
nn'trit plane (suite). — Polygones réguliers. — i
Circonférence. — Mesure des aires. _ |
Géométrie dans l'espace. — Droite perpendi-
culaire à un plan. — Parallélisme des droites et
des plans. — Angles dièdres. — Plans perpendi-j
culaires. — Propriétés fondamentales des augles ,
trièdres. — Polyèdres. — Mesure des volumes.
Troisième année (3 heures par semaine). — Géo-
métrie dans l'espace (suite;. — Cône, cylindre,'
sphère. — Notions très sommaires de trigonomé- j
trie.
Application de la géotnétrie. Levé des plans. —
Méthode générale employée pour lever un
plan. — Polygone topographique. — Levé des
déiails. — Construction d'un plan sur le papier. — j
É:lielle. — Signes conventionnels. — Planchette
et boussole. — Problèmes topographiques. |
Arpent'ige. — Opérations faites directement sur
le terrain. — Evaluation dos surfaces sur les
)ilans dessinés. — Problèmes d'arpentage. —
l'ian cadastral. |
Nivellement. — Listruinents usuels (niveau et
mire). — Registre des nivellements. — Courbes ,
d'; niveau. — Plans cotés. — Echelle de pente ,
d'une droite, d'un plan.
Plans et cartes to^-ogruphiques. — Signes con- 1
ventionnels et nomenclature en usage dans les
caries topographiques. — Lecture des cartes. — |
Carte de l'Elat-major français. — Exercices sur
le terrain. — Promenades topographiques.
ÉCOLES normales d'INSTITUTRICES.
(Programmes du 3 août 1881.)
Deuxième et troisième années. — Notions très
élOmentaires de géométrie plane : mesure des
surfaces. — Mesure des volumes.
PROGRAMMES ÉTRANGERS.
I. — PRUSSE.
ÉCOLES T^ORXALES.
troisième chisse (:' heures). — Théorie du
triangle, du parallélogramme et du cercle. Pro-
blème de construction.
Deuxième classe (2 heures). — Théorie des
figures équivalentes et des figures semblables, et
manière de les calculer. Stéréométrie.
Preniière classe. — Dans la leçon d'arithmétique,
une partie du temps est employée à la répétition
de la géométrie, ainsi qu'à la théorie de son ensei-
gnement.
il. — SUISSE.
ÉCOLES PRIMAIRES DC CA:<T0X DE BEH^TE.
Premier degré. — Au premier degré, la percep-
tion et la représentation des éléments des formes
géométriques a lieu, soit dans les leçons d'instruc-
tion, soit dans celles d'écriture et de dessin.
Decxième degré, — Cinquième année. — A.
Eléments de l'étendu'\ — Perception intuitive de
ces éléments (solides, surfaces, lignes, points;.
Formation des lignes, des surfaces et des solides
par le mouvement générateur des éléments (points,
lignes, surfaces et solides).
B. Ligne droite. — Direction des lignes droites
déterminées par des points ; les différentes direc-
tions dans l'espace ; direction des lignes relative-
ment l'une à l'autre. Mesures de longueur; mesu-
rage des lignes droites. Problèmes pratiques.
Sixième année. — A. A»gle, carré, rectangle et
triangle. — Formation, idée et propriétés géné-
rales. Problèmes pratiques.
B. Ev duatioîi des •surfaces. — Mesures de su-
perficie, mesurage du carré, du rectangle et du
triangle. Problèmes pratiquL's.
Troisième degré. — Septième année. — Parallélo-
gramme, trapèze et polygone.
Huitième année. — Prisme. — Perception des
angles dièdres et polyèdres. Formation et pro-
priétés du prisme. Mesurage de la surface du
prisme. Mesures de volumes. Cubage du prisme.
Problèmes pratiques.
Neuvième onnée. — A. Cercle. — Formation et
propriétés. Mesurage du cercle.
B. Cylindre. — Mesurage de la surface et cubage
du cylindre.
{Remarque. — Eu égard aux besoins pratiques
de la vie, on fera procéder à de nombreux mesu-
rages et cubages d'objets réels.)
GÉOMÉTRIE DESCRIl'TIVE — L But et uti-
lité de la géométrie descriptive. — Si nous vou-
lons, par exemple, représenter un parallélipipède
rectangle^ comme un livre fermé, une boîte de
compas, etc., nous dessinons la figure 1 et nous
disons que le parallélipipède rectangle est un so-
lide ayant pour bases deux rectangles égaux et
parallèles, et pour faces latérales, quatre rectangles
perpendiculaires sur les premiers.
rsous avons fait un dessin perspectif (V. Per-
spective)qm imite assez bien le solide en question,
mais qui n'est pas conforme à la définition, puisque,
au lieu de six rectangles que l'on devrait voir, il y
en a deux seulement, et (juatre parallélogrammes.
Si nous voulons, par exemple, représenter un
cylindre, comme un tube, une colonne, etc., nous
dessinons la figure 2 et nous disons que le cylindre
est un corps rond qui a pour bases deux cercles
parallèles et égaux.
Ici encore, le dessin n'est pas exact puisque les
bases sont des ellipses au lieu d'être des cercles.
Prenons maintenant deux plans formant un angle
dièdre droit, l'un horizontal, l'autre vertical, et
plaçons un parallélipipède rectangle sur le pre-
mier : l'empreinte du solide, c'est-à-dire sa vue en
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE —8-0— GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE
plan ou projection horizontale, donnera sa lon-
gueur et sa largour ; faisons glisser ensuite le so-
lide contre le plan vertical : son empreinte sur ce
plan, c'est-à-dire sa vue en
élévation ou projection verti-
cale, donnera sa longueur et
son épaisseur, de sorte que les
deux vues réunies donneront
exactement les trois dimen-
sions du solide. Enfin, faisons tourner le plan ver-
tical de manière à le rabattre sur le prolongemerit
du plan horizontal : nous obtenons les deux vues
vis-à-vis l'une de l'autre sur un même plan.
Ces différentes cons-
tructions sont indiquées
par la figure 1 bis, qui
représente une vue en
plan et une vue en éléva-
tion d'une boite de com-
pas.
En opérant de la même
manière pour le cjlin-
are, on obtient la figure 2 bis, que le lecteur com-
prendra facilement.
Nous avons fait, en second lieu, de la géométrie
descriptive, c'est-à-dire du dessin au moyen de la
méthode des projections.
Nous voyons, par ces deux exemples simples,
que le dessin ordinaire, quoique représentant les
corps d'une façon frappante pour l'œil, même le
moins exercé, est insuffisant pour en reproduire
exactement la forme et les dimensions, tandis que
la méthode des projections, qui exige une étude
d'initiation, donne les images et les dimensions
exactes des corps.
Uavt des projections, comme on disait autrefois,
existe depuis qu^ les hommes bâtissent di's édi-
fices et construisent des machines. Toutes les fois
qu'il a fallu confier à un ouvrier l'exécution d'un
claveau pour une voûte ou l'assemblage de deux
pièces de bois, on a dû lui donner une vue en élé-
vation et une vue en plan de ces objets, afin qu'il
en connût les dimensions exactement. Mais ce qui
était, à l'origine, un art à l'usage des architectes
et des appareilleurs, est devenu, en outre, une
science, appelée géométrie descriptive, à l'usage de
tous, aussi bien du savant que du constructeur.
C'est l'illubtre Monge qui a posé les bases de cette
science et qui sen est servi pour résoudre les
problèmes les plus intéressants.
La géométrie descriptive a donc un double but :
1° Représenter e.raclement des figures fie l espace
au moyen de dessins tracés sur un seul plan;
2" résoudre tous les problèmes relatifs à ces figures.
Examinons rapidement la représentation des figures
géométriques au moyen de la géométrie descrip-
tive, en commençant par la figure la plus simple,
qui est le point.
II. Le point. — Pour consti'uire les projections
d'un point de l'espace sur deux plans, l'un hori-
zontal et l'autre vertical, on ubaisie de ce point
une perpendiculaire sur chaque plan; après quoi,
SI l'on rabat le plan vertical sur le prolongement du
plan horizont'd, en le faisant tourner autour de
l'arête du dièdre droit, les deux projections du
point sont sur une même perpendiculaire à cette
arête, qu'on appelle lignt de terre.
La figure 3 représente, en perspective, un point
A de l'espace ainsi que le rabattement du plan
vertical sur le plan horizontal et les projections a,
a' de ce point. La figure 3 Lis représente les pro-
jections du même point.
PloTi. ! vertùiaL-
I , ■
1, ifjTv^ d^, icrre-
' A\
I
Flan. /LO^ùu^Titat
Fig. ù liis.
Les deux perpendiculaires Aa et Art' sont les
lignes projetantes du point A ; elles forment un
plan qui est perpendiculaire aux deux plans de
projection et, par suite, à leur intersection LT. Ce
plan est indiqué par le rectangle Aa'aa qui coupe
LT au point a et dans lequel
Aa = a'oL, Aa' = aa,
d'où ces deux règles importantes :
)" La distance d'un point à sa projection hori-
zontale est égale à la distance de sa projection ver-
ticale à la ligne de terre;
2* La distance d'un point à sa projection verti-
cale est égale à la distance de sa projection hori-
zontale à la ligne de terre.
Problème. — On veut mettre en projection un
point A de l'espace, situé à 5 mètres au-dessus du
plan horizontal et à 3 mètres en avant du plan
vertical, et un point B de l'espace, dont les
distances correspondantes sont 2 mètres et 4 mè-
tres.
Il suffit de porter, sur une perpendiculaire, en un
point quelconque a de la ligne de terre (fig. 4),
une longueur représentant 5 mètres au-dessus de
cette ligne de terre et une longueur de 3 mètres
en sens contraire, puis de porter, sur une autre
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE — 871 —
perpendiculaire à LT, en un point ^ ( flg. 5), deux
longueurs représentant 2 mètres et 4 mètres.
GEOMETRIE DESCRIPTIVE
Une ligne droite peut occuper plusieurs posi-
tions particulières par rapport aux plans de pro-
,*•
h.
Fig. 4.
Fig. 7 bh
Fiç. 3.
jection. Ainsi, elle peut ôtre parallèle au plan ho-
rizontal et oblique au plan vertical 'Ex. : la lirine
ab, a'b', fig. 8); elle peut être parallèle
III. Les lignes. — Pour 'Construire les jrojections
d'une ligne quelconque de Vespacc, on délermine
les projections d'un certain nombre de points, qw \ _
l'on réunit ensuite par un trait continu. Dans le "
cas particulier d'une ligne droite, il suffit de pro-
jeter deux points et de les joindre.
ab, a'b', fig. 8); elle peut être parallèle
vertical et oblique au plan horizontal 'Ex. :
^ ab, a'b', fig. 9) ; elle peut être parallèle ai
au plan
la ligne
aux deux
-T
plans de projection et, par suite^ à la ligne de
terre (Ex. : ab, a'b', fig. 10); elle peut être per-
j pendiculaire au plan horizon'.al et reposer sur ce
plan horizontal Œx. : n, a'b' . fig. 11). ou perpendi-
culaire au plan horizontal sans toucher ce plan
I (Ex. : a, a'b', fig. 12); elle peut être perpendicu-
laire au plan vertical et être appliquée ou non
contre ce plan vertical Ex. : ab, a', fig. 13); enfin
■Ainsi les figures G et 6 bis représentent, en
perspective et en projection, une courbe quel-
conque ABC de l'espace, et les figures 7 et 7 bis
représentent de la môme manière une ligne droite
AB de l'espace.
a>
b'
Fig. Il,
î-,
elle peut être située dans un plan dit de profil,
c'est-à-dire perpendiculaire aux deux plans do
projection (Ex. : ab, a'U , fig. 14 et 14 bis).
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE — 872 — GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE
traces du plan. Exemple, le plan PMN, fig. 17 et
17 bis.
Fig. 14.
I^' Les polygones. — Pour construire les pro-
jections rl'nn contour polygonal quelconque, il
su/'/it (le déterminer et de joindre les projections de
tous les sommets de ce contour.
Fig. 13 bis.
Ainsi les figures 15 et 15 bis représentent en
perspective et en projection un hexagone régulier
construit sur le plan vertical, et les figures 16 et 16
bis un cercle tracé sur ly pian horizontal.
V. Le plan. — Si Ton coupe le dièdre droit re-
présentant les plans de projection par un plan illi-
mité passant par un point quelconque de la ligne
de terre, on obtient, comme intersections, deux li-
gnes droites illiinitées qui se rencontrent évidem-
nicnisiir cette ligne de terre, et qu'on appelle les
Fig. 17 6(4-.
Les plans employés dans les problèmes théoriques
sont génévaXameni illimités ai fictifs, ou si l'on veut
transparents, c'est-à-dire qu'ils n'empêchent pas de
voir les figures situées au-dessous ou en arrière ;
tandis que, dans les applications, les plans, qui
forment les faces des solides, sont nécessairement
limité^ et supposés opaques, c'est à-dire qu'ils
cachent certaines parties des figures, que l'on repré-
sente en tndts ponctués. Ainsi la ligne ah, ab',
figures précédentes, est vue bien que située en
arrière du plan PM\.
Le plan, comme la ligne droite, peut occuper
plusieurs positions particulières par rapport aux
plans de projection.
Si un plan est parallèle à l'un des plans de pro-
jection, il n'a pas de
trace sur ce plan, et
sa trace sur l'autre
est parallèle à la li-
gne de terre. Exem-
ple , le plan PM.\,
parallèle au plan ve^
M N
Fi?. IS bis.
tical et représenté par sa trace horizontale M.\^
parallèle à LT, figure 18 et 18 6îv.
Lorsqu'un plan est parallèle à la ligne de terre»
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE — 873 — GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE
ses deux traces sont parallèles à cette ligne de
terre. Exemple, le plan PM, PIM , ligures 19 et 19
Ois.
M
Fis. 19 bis.
Lorsqu'un plan est perpendiculaire à l'un des
plans de projection, sa trace, sur l'autre plan, est
perpendiculaire à la ligne de terre. Ainsi, dans les
figures 20 et 20 bis, le plan PMN est perpendicu-
Fig. 20.
1>I-
Fi g. 20 ôici.
laire au plan horizontal et le plan PiMjNj perpen-
diculaire au plan vertical. Quant au plan PjMgN^.
qui a ses traces en ligne droite, c'est un plan de
p- ofil, perpendiculaire aux deux plans de projec-
tion.
Remarque. — Il arrive quelquefois, après 1©
rabattement du plan vertical, que les deux traces
d'un plan quelconque se trouvent en ligne droite
sans être perpendiculaires à la ligne de terre: c'est
lorsque ces traces font, avant le rabattement, des
angles supplémentaires avec la ligne de terre.
Fig. 21.
Ainsi, dans la figure 21, si l'on suppose que
PMT + TxMN= 2 droits.
l'angle PMT, qui est contenu dans le plan vertical,
ne change pas de grandeur dans le rabattement et
l'on obtient une ligne droite PMN pour les traces
du plan (figure "2 : his^ .
Fig. 21 Us.
VI. Les cor.ps géométriques. — Le but principal
de la géométrie descriptive est la représentation
des figures qui ont du relief. L'étude du point, de
a ligne et du plan conduit naturellement à cette
représentation et forme ce qu'on peut appeler
l'alphabet de la science intéressante qui nous
occupe. Nous avons déjà mis un parallélipipède et
un cylindre en projection ; nous allons étudier
d'autres solides isolés, tels que le prisme, le cône
et la sphère, puis nous terminerons cette revue
rapide par la mise en projection de corps as-
semblés .
La figure 22 représente un prisme hexagonal
régu'\er reposant sur le plan horizontal: la projec-
tion horizontale est la base supérieure en vraie
grandeur; la projection verticale ou élévation se
compose de trois faces latérales du prisme, l'une
en vraie grandeur parce qu'elle est parallèle au
plan vertical, les deux autres réduites parce qu'elles
sont obliques à ce plan.
Si l'on fait tourner le prisme précédent autour
de son axe de manière à l'amener dans la position
indiquée par la figure 23, la projection horizontale
est toujours l'hexagone de base, mais, en projection
vi-rticale, les arêtes irivisitles, c'est-à-dire situées
en arrière du solide, no se trouvent plus vis-à-vis
des arêtes visibles, situées en avant, et doivent
être indiquées par des lignes ponctuées.
La figure 2-i représente un cône droit reposant
sur le plan horizontal, et la figure 25 une sphère
ayant 12 millimètres de rayon, dont le centre est
à îO^^au-rlcssus du plan horizontal et à lô""" en
avant du plan vertical.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE — 874 — GEOMETRIE DESCRIPTIVE
VII. Application. — Projections d'une ferme de
charpente
Les toits des maisons sont soutenus de distance
en distance par des pnns de bois verticaux appelés
fermes, qui vont d'une gouttière à l'autre et qui sont
généralement composés des pièces suivantes repré-
Fig. 22.
Fig. a.
sentées en projection horizontale et en projection
verticale : le tirant A, S', qui s'appuie sur les murs
et qui a pour effet de détruire les forces compo-
fig. 24 lig. 25.
santés horizontales provenant du poids de la toiture
et tendant à renverser les murs en dehors; le poin-
çon B'B', pièce verticale qui pénètre dans le milieu
■~y^^^
K.-^
^
uAn
r^>i
\^
-v^U
-.^
Fig. 26.
du tirant par un tenon simple, et qui est relié avec
ce tirant par une bande de fer deux fois recourbée,
appelée étrier; les deux ar h nié trier s, C,G', qui sont
deux pièces latérales, parallèles aux lignes de plus
grande pente du toit, pénétrant dans le tirant pir
un embrèvement avec encastrement, et dans le
GEORGES
— 875 —
GERMAINS
poinçon par un embrèvement simple ; les pannes,
R.R', placées sur les arbalétriers suivant la lon-
gueur du toit, de manière à relier les ferme - entre
elle- ; \esjambettes, D', petites pièces verticales des-
tinées à soutenir les arbalétriers, dans lesquels elles
pénètrent par un embrèvement avec encastrement;
les contre-fiches, E', pièces perpendiculaires aux
arbalétriers, dans lesquels elles pénètrent par un
tenon simple, en même temps qu'elles sontobliques
au poinçon dans lequel elles pénètrent par un em-
brèvement simple ; là panne faitière, F, F', c'est-à-dire
la panne la plus élevée, qui forme le faitoge du
toit, traverse le poinçon et a pour section droite un
pentagone irrégulier, dont deux côtés siiivent l'in-
clinaison du toit; les tasseaux ou chnntignolles, G',
petites pièces de bois clouées sur les arbalétriers,
dans lesquels elles sont légèrement embrévées, et
destinées à empêcher le glissement des pannes ;
les sablières, L,L', pièces de bois horizontales placées
suivant la longueur des murs dans une entaille
pratiquée aux extrémités des tirants ; les chevrons,
M,M', pièces de bois inclinées suivant la pente du
toit, s'appuyant sur les pannes et pénétrant, par
des embrèvements simples, en haut, dans le poinçon,
en bas, dans la sablière ; les coyaux, N,N', petites
pièces clouées au bas de chaque chevron et s'ap-
puyant sur les murs ; les chanlattes, P,P', pièces
de bois horizontales clouées sur les coyaiix suivant
la longueur des murs, et ayant pour section droite
un triangle.
Toutes les pièces représentées en coupe, ainsi
que les murs, sont marquées par des hachures.
[A. Bougueret.]
GEORGES I, II, III, et IV, rois d'Angleterre.
— V. Angleterre et Hanovre.
Gi:kmai>'S. — Histoire générale, XIII-XVI,
XXVII. — Les Germains formaient, comme les
Celtes, les Slaves, les Hellènes, les Latins, un
rameau de la race indo-européenne. Il n'est pas
possible de préciser l'époque à laquelle ils s'éta-
blirent dans le paj s auquel les anciens donnèrent
leur nom. La Germanie n'était alors qu'une vaste
forêt, limitée à l'ouest et au sud par le Rhin et le
Danube. Les tribus germaines vivaient surtout de
la chasse et de l'élève des troupeaux ; pourtant elles
connaissaient aussi l'agriculture. L'historien romain
Tacite a écrit un livre souvent cité sur les mœurs
des Germains ; mais le tableau qu'il en trace
semble plutôt l'œuvre d'un rhéteur éloquent que
celle d'un observateur.
Les peuples de la Germanie apparaissent pour
la première fois sur la scène de l'histoire, lors de
la grande migration des Cimbres et des Teutons,
un peu plus d'un siècle avant notre ère. Ces deux
tribus germaines, reculant, disait-on, devant un
débordement de la Baltique, franchirent le Danube
et se répandirent dans la Norique et la Pannonie
(Autriche, Styrie, Hongrie), qu'elles ravagèrent;
de là elles passèrent en Helvétie et en Gaule, et
battirent près du Rhône plusieurs armées ro-
maines. Enfin, voulant pénétrer en Italie, elles se
divisèrent en deux bandes ; les Cimbres se diri-
gèrent vers l'est à travers l'Helvétie, pour descendre
la vallée de l'Adige, pendant que les Teutons es-
sayaient d'entrer en Italie par le midi de la Gaule.
Marius battit les Teutons à Aix i'102\ et l'année
suivante, il extermina les Cimbres à Verceil.
Cinquante ans plus tard, les RoMains se retrou-
vèrent en contact avec les Germains. César, in-
vesti du proconsulat des Gaules, se trouva dans sa
province en face du chef suève (souabe) Arioviste,
qui prétendait établir ses guerriers sur le territoire
gaulois. César le repoussa de l'autre côté du
Rhin (58); et bientôt, franchissant lui-même le
fleuve, il intimida pour un moment les tribus ger-
maines.
La Gaule conquise, Rome eut les Germains [lour I
Toiâins. Sous le règne d'Auguste, Drusus et Tibère i
firent plusieurs expéditions en Germanie, afia
d'assurer la sécurité des frontières ; Drusus pénétra
jusqu'à l'Elbe. Mais peu après se formèrent au
sein des peuplt^s germains deux confédérations
menaçantes pour la puissance romaine, celle des
Marcomans à l'est s'étendant sur la Bohême et
les pays environnants), et celle des Chérusqufs à
l'ouest (entre l'Elbe et le Rhin). Le chef des Ché-
rusques, Hermann ou Arminius, surprit au delà du
Rhin, dans la forêt de Teutobourg, trois légions
romaines commandées par Varus, et les détruisit
'an 9 de notre ère). Les Romains, durant plusieurs
années, furent réduits \ se tenir sur la défensive;
enfin Germanicus passa de nouveau le Rhin, et
vengea par ses victoires la défaite de Varus. Les
Germains eux-mêmes, par leurs divisions, favori-
sèrent la politique de Rome : les Marcomans et les
Chérusques en vinrent aux mains; les Marcomans
furent vaincus et leur confédération détruite; les
Chérusques à leur tour virent leur puissance tom-
ber après la mort d'Hcrmann.
Les Germains demeurèrent à peu près tranquilles
durant le reste du premier siècle et le règne des
premiers Antonins. Pendant ce temps, Rome orga-
nisait la partie de la Germanie qu'elle avait défini-
tivement conquise, sur la rive gauche du Rhin ;
elle en forma deux provinces : la Germanie pre-
mière, capitale Mayence ou Moguntiacum. et la
Germanie deuxième, capitale Cologne ou Colo?iin
Agrippina. Les Romains occupèrent même un ter-
ritoire situé au delà du Rhin, et désigné sous le
nom de deciimates agri; il était protégé contre
les incursions des barbares par un mur que fit
construire Adrien, et qui s'étendait des bords du
Rhin, près de Wiesbaden, jusqu'au confluent du
Xaab et du Danube.
Sous Jlarc-Aurèle, les Marcomans et les Quades
passèrent le Danube, et ravagèrent la Pannonie et
l'Illyrie. Commode acheta la paix de ces redouta-
bles voisins. Mais bientôt la Germanie tout entière
prit une attitude menaçante. « Les anciennes li-
gues des Chérusques et des Marcomans étaient
dissoutes, mais d'autres plus formidables les
avaient remplacées. Les Alamans, mélange de di-
verses tribus suéviques, avaient formé, dans le
sud-ouest de la Germanie, un peuple belliqueux et
hardi ; et au nord des Alamans, entre le Mein, le
Rhin et le Weser, les Chauqucs, les Amsibares,
les Chérusques, les Chamavcs, les Bructèies, les
Cattes, les Attuariens et les Sicambres avaient
donné naissance à la confédération des Fraiics,
qui attaqueront sans cesse les postes du bas Rhin,
comme les Alamans menaceront ceux du haut
Rhin et de la Rhétie. Enfin, au nord-ouest, se
montraient, depuis les frontières dos Chérusques
jusqu'à la péninsule cimbrique, les Saxons, qui,
séparés de la Gaule parles Francs, iront en piller
les côtes sur leurs barques. A l'est, les Goths
sont déjà arrivés sur le Danube et remplacent,
mais d'une manière plus dangereuse pour Rome,
les Daces vaincus par Trajan, comme les Francs
et les Alamans ont succédé aux anciennes ligues
des Chérusques et des Suèves. » (Duruy.)
Pendant le troisième et le quatrième siècle, les
empereurs romains eurent à lutter sans relâche
contre les incursions germaines. Parmi ces
guerres où les légions romaines cherchaient en
vain à fermer la frontière à un ennemi infatigable,
citons la campagne où Alexandre Sévère perdit la
vie ; celle où Aurélien, alors simple tribun aux
ordres de l'empereur Gordien III, remporta sur les
Francs une victoire célébrée par une chanson mi-
litaire qui nous a été conservée ; les invasions dos
Alamans sous Valérien et sous Aurélien devenus
empereurs; les campagnes du vaillant Probus, qui
transporta des Francs au bord de la mer Noire et
d'autres Germains en Grande-Bretagne, et à qui
la Germanie doit l'introduciion de la vigne ; l'expé-
GERMINATION
— 876 —
GLACIERS
dition de Julien, sous Constance, contre les Francs
et les Alamans ; la grande prise d'armes de tonte
la Germanie sous Valentinien ; la guerre contre les
Alamans sons Gratien.
Au cinquième siècle, sous la pression de peuples
nouveaux venus d'Asie, toute la Germanie se pré-
cipita sur l'empire romain. Cette fois le choc fut
irrésistible (V. Barbares). Ici commence une
nouvelle période de l'histoire des peuples germa-
niques ; en s'établissant sur le territoire romain,
ils vont entrer dans la civili^•ation.
GEBMINATIOX. — V. Graie.
GIVRE. —Météorologie, IV.— L'eau, et _ sur-
tout sa vapeur, peuvent se refroidir de plusieurs
deirrés au dessous de 0° sans se congeler, tant
qu'elles restent à, l'abri du contact de certains
corps et en particulier de la glace. Les gouttes de
pluie, dans cet état de surfusion, venant à tomber
sur le sol ou sur les objets terrestres, plantes
ou autres, s'y congèlent subitement et produi-
sent des verglas quelquefois désastreux, comme
celui du 2ft janvier 1.S78 à Paris. La production du
givre est due au dépôt de la vapeur d'eau, qui per-
siste dans l'air même pendant les plus grands froids,
et qui peut cristalliser peu à peu autour des aiguilles
de glace {gelée blanche) qui recouvreiit les corps,
sans que ces corps soient plus froids qu'elle. La
gelée blanche s'accroît, par dépôis successifs, de
givre ayant le même aspect, et la limite qui sé-
pare ces deux ordres de phénomènes est peu dis-
tincte. La gelée blanche est peu durable : formée
sur la fin des nuits, elle disparaît généralement
dans le jour; si elle se prolonge avec les froids,
elle devient du givre, et peut acquérir alors un
volume considérable. — V. Gel, Gelé': blanch".
[Marié-Davy.]
GLACIERS. — Géograpliie générale VII; Géo-
graphie de la France II ; Géologie, IX, X.
I. Les glaciers actuels. — Les glaciers sont l'un
des grands attraits des hautes montagnes; il n'est
que naturel, dès lors, qu'ils excitent la curiosité et
l'admiration de tous les amateurs du pittoresque.
Les Alpes, sous ce rapport, sont privilégiées
entre toutes les chaînes de montagnes de l'Hurope,
non pas que les glaciers fassent défaut dans d'au-
tres chaînes, mais parce qu'ils descendent ici à des
niveaux relativement bas, ce qui permet de péné-
trer sans difficulté jusque sur leurs flancs et même
de se promener à leur surface sans courir aucun
danger, comme par exemple au glacier de Grinden-
wald, au glacier des Bois ou mer de glace de
Chamonix.
Malgré cela, leur popularité est de date relati-
vement récente. Au commencement de ce siècle,
le célèbre géographe Ebel étonnait le monde par
sa description des glaciers de l'Oberland, tant ils
étaient ignorés ou peu connus. Il est vrai qu'avant
lui l'illustre de Saussure avait fréquenté les gla-
ciers du Mont-Blanc et du Mont-Rose, et décrit
plusieurs particularités de leur allure, tout en
cherchant à se rendre compte de leur structure et
des modifications qu'ils subissent dans leur cours
vers les régions inférieures. Mais ces données,
quoique exposées avec une rare clarté, n'étaient
guère sorties du cercle des hommes de scii'uce ;
elles étaient restées étrangères au public en gé-
néral, do même que les descriptions plus anciennes
de Scheuchzer et de Griiner.
Quant aux autres chaînes de montagnes, leurs
glaciers n'étaient connus que d'une manière vague,
ce qui explique le peu de documents qui existent
sur leurs dimensions ou môme sur leur position
exacte. Aussi bien sont-ils, pour la plupart, limités
aux flancs des sommités et ne descendent guère
dans les grandes vallées. Comme leur aspect est
bien dififôrent de celui des grands glaciers des
Alpes, n'étant en quelque sorte que des lambeaux
de glace appliqués aux flancs des hauts sommets,
on en a fait un type à part : les glaciers de second
ordi e, par opposition aux grands glaciers qui oc-
cupent le fond des vallées : les glaciers de premier
ordre. Les glaciers (serneilhes) des Pyrénées,
ainsi que ceux du Caucase, sont pour la plupart des
glaciers de second ordre.
Une autre particularité très significative des gla-
ciers consiste dans le fait que ce sont eux qui,
alimentent les grandes rivières. Les principaux
fleuves du centre de l'Europe se rattachent aux
glaciers des Alpes; tels sont: le Rhône, l'Isère,
l'Aar, la Reuss, la Linth, le Rhin, l'Inn, et, sur le
revers méridional : l'Ac'.ige, l'Adda, le Tessin, les
deux Doiriîs. On se représente difficilement ce que
seraient les pays qu'arrosent ces grands cours
d'eau qui portent la fertilité dans toutes les di-
rections, si les Alpes n'existaient pas, ou si elles
n'étaient pas assez élevées pour empêcher la neige
de se fondre et la transformer en glace. A coup
sûr, l'Europe centrale serait mal partagée à tous
les points de vue, si les glaciers venaient un jour
à disparaître.
Si les glaciers sont limités aux hautes monta-
gnes, c'est parce que celles-ci pénètrent dans des
régions où la température est sensiblement plus
froide que dans les plaines. C'est dire qu il s'agit
d'un phénomène climatologique résultant à la fois
de l'altitude et de la latitude des lieux. Si les Alpes
étaient situées à 20° plus au sud, elles n'auraient
pas de glaciers ; c'est ainsi que dans l'Himalaya les
glaciers ne descendent pas au delà de 3,000 mètres,
malgré leur puissance et leur étendue; et quant
à l'Afrique, qui possède de hautes montagnes dans
les régions équatoriales, on n'y a pas signalé jus-
qu'ici, que nous sachions, des amas de glace de
quelque importance.
Que si, au contraire, on se transporte dans le
Nord, on y verra les glaciers non seulement des-
cendre jusqu'à la mer, mais recouvrir d'immenses
plateaux, si bien que plusieurs des glaciers du
Groenland et du Spitzberg sont aussi développés en
largeur qu'en longueur. Le glacier de Humboldt,
dans le détroit de Smith, présente un front de
111 kilomètres. De même, dans l'hémisphère aus-
tral, les turres polaires sont presque entièrement
couvertes de glaces. Dans l'Amérique du sud, qui
est un continent exceptionnellement froid, les
glaciers des Andes descendent jusqu'à la mer
dans le golfe de Penas et dans celui d'Erie, par
40" et 48» latitude sud. Or, en Europe, il faudrait
remonter de 2(i° plus au nord pour rencontrer, en
Norvège, par 67", des glaciers qui arrivent jusqu'à
la mer.
La température n'est cependant pas l'unique
cause de la grandeur des glaciers; leur étendue
sous nos latitudes dépend aussi dans une certaine
mesure de la configuration des montagnes. Si un
massif de montagnes est profondément creusé, de
manière à ce que les vallées forment à leur origine
de vastes réservoirs en forme de grands cirques,
il s'y formera des amas considérables de neige
provenant non seulement de celle qui tombe di-
rectement, mais surtout de celle qui est chassée
par le vent des sommets environnants. Cette neige,
en s'imbibant d'eau, devient grenue et forme ce
que l'on appelle les névés. Peu à peu ces névés se
transforment en véritable glace, ce qui fait que les
montagnards ont de tout temps distingué entre la
portion inférieure, qui est le glacier proprement
dit, et le névé (en allemand /îr?j), qui est une neige
à peine consolidée. Ce névé est en quelque sorte
le nourricier du glacier. Plus il sera puissant et
son étendue considérable, plus le glacier aura la
cliance de s'étendre au loin. Le glacier d'Aletsch,
de beaucoup le plu-^ grand des Alpes (il n'a pas
moins de 25 kilomètres, bien qtie situé sur le ver-
sant méridional, où les autres glaciers sont en gé-
néral moins étendus que sur le versant nord), n'at-
GLACIERS
877 —
GLACIERS
teint de si grandes dimensions que parce qu'il est
alimenté par tiois grands cirques qui s'éialent au
pied de la Jungfrau, de l'Aletsclihorn et des
Fiescberhôrner. Il est évident qu'il descendrait
encore plus bas, s'il était situé sur le versant
nord des Alpes, parce qu'il viendrait s'y ajouter un
autre facteur, celui de la fonte moins abondante,
par suite de l'exposition au nord.
D'après ce qui précède, on pressent que si les
glaciers sont si intimement liés à la question du
climat, ils devront ressentir aussi les efTets de
l'inégalité de la température suivant les années et
les saisons. Si l'hiver a été humide, de manière à
faciliter l'entassement de grands amas de neige
dans le cirque, le glacier, qui est comme l'émis-
saire solide du névé, se trouvera largement ap-
provisionné; la température n'aura pas la force de
fondre autant de glace qu'il s'en écoule, et le gla-
cier avancera, surtout si l'été n'est pas très chaud.
Si, au contraire, les neiges n'ont pas été abondantes
et que l'été suivant soit chaud, la quantité de
glace fondue sera plus considérable que l'alimen-
tation, et le glacier diminuera. Ce n'est pas à dire.
pourtant, qu'il recule, pas plus qu'un bâton de cire
que l'on approche d'une flamme ne recule, lorsque
par suite de l'intensité de celle-ci la distance entre
la cire et la flamme augmente.
S'il arrive que les mêmes conditions météorolo-
giques persistent pendant plusieurs années consé-
cutives, que les hivers soierjt neigeux et les étés
froids, le glacier avancera. Si, au contraire, les
hivers sont peu neigeux et les étés chauds, le gla-
cier se retirera. Il y a longtemps qae ces alternan-
ces ont été observées par les montagnards des
Alpes, qui en ont fait une légende, en prétendant
que les glaciers s'avancent pendant sept ans et
reculent pendant sept ans. 11 est évident que cette
appréciation, qui figure dans presque tous les
guides des Alpes, n'est que le produit de l'imagi-
nation montagnarde.
Il nous resterait à indiquer par quel mécanisme
les glaciers, qui cependant sont des corps solides,
peuvent se mouvoir et progresser toutes les an-
nées dune quantité déterminée. Cette question,
depuis longtemps controversée, n'a pas encor''
trouvé une explication définitive. Comme ce n'es:
pas ici le lieu de discuter des hyp thèses, nous
nous bornerons à rappeler les principales théories
qui ont été proposées.
Une première théorie, qui a été longtemps
accréditée, admettait que le glacier glissait simple-
ment sur son fond, étant poussé par les masses
de névé qui sont entassées à son origine.
Une deuxième théorie admet qu'il avance par
l'effet de la congélation de l'eau dans les petites
fissures de la glace ; la dilatation produite par ce
phénomène déterminerait la progression, en aug-
mentant le volume de la glace.
Une troisième envisage la glace comme un corps
plastique et visqueux qui avancerait à la manière
d'une coulée de bitume ou de poix, invoquant à
l'appui le fait que la progression est plus rapide au
milieu du glacier que sur les bords.
Ce qui est certain, c'est que la progression est
en raison de l'épaisseur des masses; c'est pour
cela qu'un glacier progresse plus rapidement au
milieu, là où son épaisseur est la plus considérable,
que sur ses bords. Ce facteur est môme plus im-
portant que celui de la pente. Par la même rai-
son, les glaciers de premier ordre avancent pins
rapidement avec une pente très faible que les gla-
ciers de second ordre avec une pente très forte.
C'est ainsi que le glacier de l'Aar, qui n'a qu'une
inclinaison de -3 degrés, avançait, en 1S4".Î, de près
d'un pied par jour, tandis que les petits glaciers
suspendus au flancde la vallée progressentbeaucoiip
plus lentement, malgré une pente décuple, se com-
portant ainsi, en quelque manière, comme les cours
d'eau qui progressent en raison de leur section,
les grandes rivières coulant plus vite avec une
pente faible que les petits ruisseaux avec une
pente très forte.
II. Les ariciens glaciers. — Si les glaciers ac-
tuels sont attrayants pour le touriste, pour l'artiste
et pour le physicien, ils ne sont pas moins inté-
ressants pour le naturaliste et le géologue, au point
de vue de l'histoire de la terre. Il n'y a pas long-
temps que l'on se doute du rôle considérable
qu'ils ont joué dans l'économie de notre globe.
C'est en Suisse, près des glaciers actuels, que
l'on a entrevu pour la première fois les transfor-
mations qu'ils ont subies pendant le cours des âges.
Le mérite en revient en premier lieu à de simples
chasseurs de chamois.
Voici de quelle manière. Les glaciers sont flanqués
à leur extrémité, ainsi que sur leur côté, de grands
amas de pierres qui, tombées des cimes qui en-
tourent les cirques ou bassins supérieurs, sont
entraînées par le mouvement du glacier et forment
ces remparts que l'on désigne sous le nom de
moraines. Ces dernières sont de deux sortes : les
moraines su}^erficieUes, composées des débris qui
restent à la surface du glacier, et les mi r-aines
profondes, composées de ceux qui ont glissé :-ous
le glacier ou qui sont tombés au fond des crevas-
ses. Ces derniers sont en général usés, arrondis,
marqués de rayures et de stries, provenant du
frottement du sable qui fait ici l'effet d'un émeri
sous la pression du glacier.
Quand un glacier viem à se retirer, le rempart
qui tapisse son extrémité ne suit pas le glacier
dans sa retraite, mais reste en place comme le
témoin de son stationnement antérieur. Lorsque
ce rempart n'est séparé de l'extrémité actuelle du
glacier que par une distance peu considérable, il
saute aux yeux qu'il doit se rattacher aux oscilla-
tions de ce dernier. Xul doute qu'il ne s'agisse là
d'une ancienne étape ; il suffit d'ailleurs d'exami-
ner la composition de ces digues pour être con-
vaincu qu'elles sont identiques à la moraine ter-
minale, c'est-à-dire, composées à la fois de blucs
anguleux provenant de la moraine superficielle et
de cailloux arrondis appartenant à la moraine pro-
fonde.
C'est ce qu'avaient observé, au commencement
de ce siècle, près du glacier de Kaltwasser, les
chasseurs de chamois du Simplon. Ils avejtirent
de ce fait l'ingénieur Venetz, qui en saisit d'em-
blée toute la portée. Il comprit que si le glacier
avait stationné autrefois à quelque cent mètres
plus bas, il pouvait tout aussi bien s'être étendu
plus loin ; et il se demanda si certains amas
de dépôts meubles, qu'il avait remarqués sur les
flancs de la vallée à une distance considérable, ne
seraient pas également d'anciennes moraines.
L'examen ne ta;da pas à confirmer cette prévi-
sion. Venetz fit part du fait à son ami, M. de
Charpentier, directeur des salines de Bex, aussi
éminent comme géologue que comme botaniste.
Esprit hardi et profond, M. de Charpentier com-
prit qu'il y avait là le germe de toute une révolu-
tion géologique. Il se mit à examiner les dépôts
analogues qui se trouvent accumulés non seule-
ment dans les vallées transversales, mais aussi
dans la grande vallée du Rliône, et bientôt arriva
à la conclusion que le Valais lui-même avait été
envahi jadis par un immense glacier, et que les
blocs de granit de Monthey, qui jusque là avaient
paru si énigmatiques, n'étaient que les débris de
son ancienne moraine.
Les moraines cependant ne devaient pas être le
seul argument à l'appui de la nouvelle hypothèse;
les parois de rochers elles-mêmes allaient lui ve-
nir en aide. Quand on pénètre dans les vallées des
Alpes, surtout dans «elles de la région graniti((ue,
on est frappé de voir que les rochers sont usés et
GLACIERS
— 878
GLOBE
arrondis, de manière à présenter des formes qui
rappellent plus ou moins ces nuages ballonnés
[cuinu us) qui portent on Suisse le nom de moicioiis,
ce qui avait engage de Saussure à les désigner sous
le nom de roches mout'ûinées. Or, il se trouve que
ces formes arrondies, marquées souvent de canne-
lures très distinctes dans le sens de la pente des
vallées, sont, elles aussi, dues à l'action du glacier,
qui, en frottant contre les parois, y trace ces re-
marquables sillons au moyen des' cailloux et des
grains de sable incrustés dans la glace et qui agis-
sent comme des burins.
Ces roches moutonnées et burinées s'élèvent
souvent fort au-dessus de la surface des glaciers
actuels (au glacier de l'Aar jusqu'à GOO m.), sans
atteindre pourtant le sommet dos cimes encais-
santes. Celles-ci sont au contraire aiguës et den-
telées, ce qui permet de déterminer, au moyen de
celte limite des roches moutonnées, l'épaisseur que
l'ancien glacier avait à l'époque de sa plus grande
puissance.
Ainsi naquit la théorie glaciaire, qui ne devait
pas tarder à se substituer à l'ancienne théorie du
déluge ou des courants diluviens. L'explication
scientifique venait prendre la place de la théorie
légendaire.
On comprit bientôt que si cette explication était
vraie pour le Valais, elle devait l'être aussi pour
les autres vallées des Alpes; elle fut en effet con-
fii'mée de la manière la plus éclatante par des obser-
vations faites simultanément dans la vallée de l'Aar,
du Mont-Rose et de Chamonix.
.Tusque là les observations n'étaient pas sorties des
limites des Alpes; mais comme des phénomènes
analogues avaient été observés ailleurs, on fut na-
turellement conduit à élargir le champ de l'obser-
vation; on ne tarda pas à se convaincre que le
transport de blocs granitiques gisant sur les flancs
du Jura avait dû seflectuer de la même manière
que celui des blocs du Bas-Valais; qu'ils devaient
être, eux aussi, d'origine glaciaire. Mais, pour que
cela fût possible, le glacier avait an s'étendre du
Valais jusquau Jura, en traversant le lac Léman.
Il fallait, en d'autres termes, que la grande vallée
suisse tout entière eût été recouverte par les
glaces.
Ceci étant admis, les géologues français, qui
avaient pris une large part aux travaux de leuis
collègues suisses, ne tardèrent pas à constater les
mêmes phénomènes sur le sol de la France. Les
travaux de Collomb établirent la présence d'anciens
glaciers dans les Vosges, tandis que M. Martins
reconnut que les g aciers des Pyrénées s'étaient
étendus au loin dans la plaine; enfin, M. Faisan
démontra que l'ancien glacier du Rhône n'avait
pas été limité par le Jura, mais qu'il avait pénétré,
à travers celte chaîne, jusqu'aux environs de Lyon,
où se trouvent une quantité de blocs venus des
Alpes.
Que des doutes se soient élevés dans l'esprit de
bien des géologues sur l'existence d'une nappe de
glace se prolongeant depuis les sources du Rliône
jusque dans le Lyonnais, il n'y a là rien de sur-
prenant, surtout si l'on considère la faible incli-
naison que devait avoir cette nappe glacée com-
parée k la pente des glaciers actuels. Il y avait là,
en effet, de quoi prêter à la critique. Il paraissait
impossible, aux yeuv d'hommes d'ailleurs très com-
pétents, qu'une calotte de glace pût se mouvoir ainsi
sur une pente équivalant à une minime fraction
de degré. Une allure pareille est sans doute bien
différente de celle des glaciers actuels, dont les
plus unis ont au moins quelques degrés de pente.
Et pourtant on se trompait en proclamant l'im-
possibilité d'un pareil transport par les glaces. Si,
au lieu de prendre pour terme de comparaison les
glaciers actuels des Alpes, on avait établi la com-
paraison avec les glaciers du nord, on se serait
bientôt convaincu que ce que l'on prétendait
être une impossibilité en Suisse était la règle au-
jourd'hui dans les régions polaires. La Suisse était,
aune certaine époque géologique, recouverte d'une
nappe de glace semblable à celle du Groënhind.
De même, les Pyrénées, les Vosges et la Forêt-
Noire étaient entourées d'une immense ceinture
de glaciers qui débouchaient de toutes les vallées.
La Scandinavie se trouvait à peu près dans les
mêmes conditions que le Groenland de nos jours.
Il en était de même, jusqu'à un certain point, des
Iles Britanniques : les glaciers venaient de tous
côtés y rejoindre la mer et mêler leurs débris
moralniquus aux sables du rivage.
Cette période glaciaire ne devait cependant pas
durer. Les glaces finirent par se fondre, à mesure
que le climat se réchauffait. Mais une fonte pareille
n'a pu s'effectuer sans produire d'immenses tor-
rents, qui ont eu nécessairement pour effet de re-
muer et de remanier les débris de la moraine pro-
fonde, que le glacier avait laissés sur place, et
qui présentent aujourd'hui cet aspect particulier
.que l'on a décrit sous le nom de paysage morai-
nique. Ces eaux tumultueuses devaient en outre
être chargées d'un fin limon, à l'instar des eaux
qui s'échappent des glaciers actuels. Ce limon se
déposa dans les plaines basses. Telle est en particu-
lier l'origine des limons de la vallée du Rhin icœss],
ae ceux des plaines de la Hongrie, de la Bresse,
de la plaine lombarde, des grandes plaines de
rinde et en général des districts les plus fertiles
de notre continent, ainsi que de ceux des deux
Amériques.
Si l'on considère que ces inondations, par les-
quelles s'est terminée la période glaciaire, ont été
générales, on conçoit qu'à mesure qu elles enva-
hissaient toutes les plaines qui n'étaient pas occu-
pées par les glaciers, elles ont dû faire périr une
grande partie de l'humanité d'alors, ainsi que bon
nombre des animaux contemporains, dont les débris
sont enfouis dans ces limons : ceci étant aujourd'hui
un fait acquis, on se demande si la tradition d'un
déluge universel,' qui s'est conservée dans les deux
hémisphères, ne trouverait pas son explication
rationnelle dans ces inondations glaciaires qui ont
eu lieu simultanément dans toutes les parties du
globe? Si l'homme des cavernes en a été le témoin,
il n'y aurait rien de surprenant qu'il en eût gardé
et transmis le souveuir, malgré son infériorité, car
il s'agit de la plus grande crise que la terre ait
subie depuis qu'elle est habitée.
Ajoutons que si la période glaciaire a été froide,
triste et mélancolique pour l'homme primitif, qui
habitait les cavernes des districts non envahis par
les glaces, elle a en revanche préparé la terre pour
devenir l'habitation de l'homme civilisé, en dotant
la surface des continents de terrains ifertiles qui
devaient faciliter le bien-être de notre race. Qu'on
enlève, parla pensée, sur une carte géologique, les
surfaces qui sont composées de terrains glaciaires
et quaternaires, et l'on verra que l'on a supprimé
du même coup les terres les plus fertiles, les vrais
greniers d'abondance, sans lesquels l'Europe ne
pourrait pas suffire à l'alimentation de sa popula-
tion actuelle. [E. Desor.]
GLUBt: (Constitution du). — Géologie, 1; Géo-
graphie générale, I — Forme. — La terre n'est pas
un globe parfait, mais un sphéroïde aplati vers les
pôles et renflé à l'équateur, dont les principale*
dimensions sont :
Circon férence polaire 40 000 kil.
Circonférence équatorials. .. . 40 070 —
Différence
70
Diamètre polaire
Diamètre équatorial. . . . ,
Différence. .,
1 ,7:52 kil,
}'2 7.^4 —
rz
GLOBE
— 879 —
GLOBE
Cette dernière différence constitue l'aplatissement
des pôles, qui est de 1/209, insensible à l'œil, puis-
<iu'ii ne serait que de 3""», 3 pour une sphère de
de 1 mètre de diamètre.
Mouvements. — La terre tourne sur elle-même dé
l'ouest à l'est en '2Z^ 66'4u". La vitesse de rotation
de la surface atteint son maximum à l'équatcur,
où elle est de 46I'".9 par seconde; elle est plus
«grande que celle du son dans l'air, qui n'est que
de 331", elle est les s/lO de la vitesse maximum
d'un boulet de 12 kilogrammes, qui peut atteindre
519 mètres.
Comme toutes les autres planètes, la terre
tourne autour du soleil de l'ouest à l'est, dans un
orbite elliptique dont le soleil occupe un des foyers
et dont les dimensions sont les suivantes :
Grand axe 314 000 000 kil.
Petit axe 3U4 Odd 000 —
Excentricité 10 000 000 ou 1/30
La durée de la révolution est de 36ô jours 1/4 ou
une année. La vitesse de translation dans l'orbite
n'est pas uniforme ; elle est accélérée dans le voisi-
nage du soleil et ralentie dans l'éloignement ; elle
possède ce caractère de simplicité reconnu et établi
par Kepler, que les aires décrites par le rayon vec-
teur en temps égaux sont égales (loi commune à
toutes les planètes) ; la vitesse moyenne est de
30'', S par seconde, soixante fois celle du boulet de
12 kilogrammes.
Formation du globe terrestre. — Les études de
toutes sortes faites jusqu'à présent sur la terre
par les astronomes, les physiciens, les chimistes
et les naturalistes, indiquent qu'au moment où
elle a commencé à exister comme astre distinct,
elle était, comme l'a si bien dit A. Leymerie, à l'état
de fluidité probablement visqueuse ou pâteuse. En
efl'et si, dans l'origine, les choses étaient telles, la
niasse terrestre a dû chercher d'abord à prendre
la forme sphérique, en vertu de l'attraction qui
sollicitait toutes ses molécules, et même à se dispo-
ser intérieurement en couches concentriques de
densité progressivement décroissante du centre à
la surface. Mais dans le moment môme où elle
commençait à se former et à s'individualiser ainsi
dans le système solaire, tout prouve que la terre
recevait une impulsion dont nous ne chercherons
pas l'origine. Cette impulsion seule aurait eu pour
effet de lui faire parcourir, d'un mouvement uni-
forme, un espace rectiligne indéfini, si l'attraction
du soleil n'était venue courber cette ligne, la fermer
même, et enfin la modeler en ellipse, ainsi que
cela devait être en Tertu des lois de la méca-
nique.
L'impulsion initiale donnée au globe ne passait
pas par son centre de gravité, car, s'il en eût été
ainsi, cet astre se fût contenté de ce mouvement
de révolution autour du soleil; il est évident que
la force impulsive n'a pas eu le temps, pour ainsi
dire, de choisir un point d'application aussi parti-
culier; elle a accepté le premier qui s'est présenté
en une partie quelconque du mobile, qui a dû
prendre par conséquent, outre son mouvement de
translation révolutionnaire, un mouvement de ro-
tation autour d'un axe passant par le centre ; mais
alors la matière visqueuse de la terre a dû obéir
à la force centrifuge qui naît de tout mouvemt^nt
de ce genre, c'est-à-dire s'aplatir aux pôles et se
renfler vers l'équateur.
Il est d'autant plus probable que les choses se
sont passées ainsi, que plusieurs grands géomètres
ayant cherché à calculer la valeur de l'aplatisse-
ment que notre globe aurait subi dans cette hypo-
thèse, sont arrivés à un nombre très voisin de celui
que l'observation a fait découvrir.
La forme sphéroîdale du globe avec ses pôles apla-
tis, et jusqu'à la valeur même de l'aplutissement,
s'expliquent donc très bien si l'on admet la fluidité
originaire du globe; mais ce grand fait n'indique
pas suffisamment si cette fluidité doit être attri-
buée à l'eau ou au feu. On doit toutefois pencher
vers cette dernière opinion, par suite de l'impossi-
bilité d'iriiaginer raisonnablement un liquide assez
abondant et assez énergique pour tenir en dissolu-
tion, ou même à l'état de bouillie, toutes les roches
de la terre; car il ne faudrait pas songer aux mers
actuelles, dont le volume est si faible relativement
à celui du globe, qu'elles seraient à peine capables
d'humecter seulement une partie des roches que
nous connaissons; ces roches d'ailleurs sont géné-
ralement insolubles.
On se demandera peut-être où étaient les mers
dans cet état originaire du globe; car elles ne pou-
vaient se maintenir à l'état liquide sur une masse
incandescente? La réponse est facile. Ces eaux
étaient dans l'atmosphère, avec une infinité d'autres
matières plus ou moins volatiles ou vaporisables
dont elle a été purgée depuis.
La terre, ainsi placée au milieu de l'espace, de-
vait rayonner vivement vers les espaces célestes,
malgré l'épaisse atmosphère dont elle était enve-
loppée, et perdre rapidement une portion de sa
chaleur primitive ; et cette déperdition dut devenir
bientôt assez considérable pour que sa surface se
consolidât d'une manière persistante. De là l'ori-
gine de l'écorce terrestre, d'abord très mince, puis
de plus en plus épaisse par l'adjonction de nou-
velles couches solides.
Pendant ce refroidissement continu et progressif,
il est arrivé un moment où la température de la
surface de la croûte et celle de l'atmosphère ont
permis aux vapeurs de se condenser, de tomber
sur la terre, de s'y maintenir à l'état liquide.
Si l'on cherche à se figurer ce que pouvait être
le liquide aqueux provenant de la condensation
d'une atmosphère très chaude, chargée de toutes
sortes de matières, et tombant sur la croûte ter-
restre, naguère encore incandescente, on verra
que sa température devait être très élevée et qtt'il
devait tenir en solution des substances variées.
Qu'on se représente maintenant ces eaux dissol-
vantes et violemment agitées, se mouvant à la
surface du globe pour se précipiter dans les dé-
pressions, afin d'y constituer ces grands amas
d'eau que nous appelons les mers, on concevra
sans peine qu'elles ont dû agir puissamment, soit
par érosion, soit par solution, sur les roches déjà
consolidées, en se charger de matières qu'elles ont
dû déposer ensuite dans les bassins, où s'exerçaient
sans doute également des réactions chimiques
susceptibles de produire des précipit-és. Ces réac-
tions d'ailleurs devaient être considérablement
favorisées et augmentées par le concours des ef-
fluves thermo-minérales provenant de l'intérieur
du sol. De là l'origine et la formation des pre-
miers dépôts de sédiment. Enfin, un sol moins
aride ayant paru à la surface de la terre par
un refroidissement avancé et par la présence
permanente des eaux suffisamment refroidies,
l'atmosphère étant débarrassée de ses éléments
volatils, la vie a pu s'établir, et notre globe a
commencé à offrir des animaux et des végétaux.
Dans le temps où ces dépôts s'opéraient, avant
même l'époque de leur première formation, la
croûte terrestre a dû être incessamment fracturée
et modifiée dans son relief par des actions prove-
nant de la masse fluide. En effet, dans les premiers
temps, où la partie solide de la terre ne consistait
qu'en une pellicule appliquée sur un immense
sphéroïde en fusion agité par des espèces de ma-
rées, par des émissions de gaz, etc., ces réactions
devaient être très fréquentes. Plus tard, la croûte
terrestre s'étant épaissie, elles se sont opérées
à des intervalles moins rapprochés. Aujourd'hui
elles ne se manifestent plus que pai do faibles
GLOBE
— 880 —
GLOBE
indices (volcans, eaux thermales, tremblements de
terre), et cependant tout nous porte à croire
que dans l'état actuel des choses, l'épaisseur de
la croûte n'est qu'une faible partie du rayon ter-
restre. Toutes les évaluations qui ont été faites par
les auteurs restent au-dessous de 1/20, rapport qui
correspond à vingt lieues métriques.
Composition. — Les corps simples, au nombre
de (i5, sont bien loin de se présenter aussi abon-
damment les uns que les autres dans l'écorce ter-
restre ; d'après leur ordre d'abondance. Elle de
Beaumont les répartit en six groupes de la manière
suivante :
1» j Oxvgène 0.45
(2/3)1 Silicium 0.22
oo i Aluminium. .. . 0.07
HIK\- Calcium 0.06
^^"^i\ Magnésium .... 0.06
oo 1 Potassium 0.03
fl/iorj Sodium 0.03
^*'*"'( Carbone 0.03
(1/20)
50
1 200',
Soufre 0.02
Hydrogène .... 0.02
Fer O.ol
Manganèse 0.003
Chlore... 0.001,
Fluor... 0.001 l„.f.
Azote.... 0.001 ("•""*
Phosphore 0.001 )
Les 45 autres éléments, constituant un sixième
groupe, ne forment qu'une fraction imperceptible.
Parmi les 500 csiièces minérales reconnues par les
minéralogistes, il s'en faut de beaucoup que toutes
soient également abondantes ; vô seulement concou-
rent d'une manière notable à la formation des ro-
ches ou masses qui composent l'écorce terrestre.
Ce sont, suivant E. de Beaumont, les suivantes,
dont les proportions ont été indiquées par L. Cor-
dier :
Quartz 0.34
Orlliose
All>iie 0 ,,
Ryaculithe , "
Labradoiite )
Mica 0.04
Talc L
CWorite „ „'
Siéatite "•"*
Serpentine )
Amphibole 1
Pyroxene ' 0.04
Diallage \
Argile 0.03
Calcaire ) ^ „-
Dolomie i ^'-^^
Gypse j
^''/'i-i'"" 0.01
Sel gemme 1
Combustibles )
D nsité. — La pesanteur relative moyenne, re-
cherchée à l'aide des observations astronomiques
sur les influences des corps célestes les uns sur les
autres, et de la direction du fil à plomb dans le
voisinage des montagnes, a été trouvée cinq fois
celle de l'eau. Toutes les matières principales
formant les parties de la terre qui uuus sont abor-
dables ont une densité variant entre 2 et 3.
Roches ignées,
Talschiste 2.70
Micaschiste 2. 75
Gneiss 2.66
Granité 2.63
Porphyre 2.64
Serpentine 2.00
Trachyte 2 65
Basalte 5. Ou
Lave de Yolvic 2.32
Moches de sédiment.
Schiste-ardoise.. 2.65
.irgiles 2.20
Grès 2.65
Marbres 2.70
Calcaire liais 2.40
Calcaire grossier 1.80
Anthracite 1.46
Houille grasse 1 . 28
Suivant L. Cordier, on peut fixer la densité
moyenne de l'écorce terrestre à 2,70.
L'augmentation de densité pour l'intérieur ne
peut être attribuée à la diminution de volume que
les corps éprouvent par la pression, tout énorme
que soit celle-ci, car on sait que cette diminution
est très minime, l/i500 du volume ; d'ailleurs les
effets de la pression sont probablement compensés
par l'augmentation de volume produite par la tem-
pérature, qui est si élevée dans les parties cen-
trales, ainsi que le dénote l'incandescence des
laves que rejettent les volcans. Il n'y a que les
métaux et leurs composés dont la densité atteigne
et dopasse celle de la teire. On peut donc affirmer
que les entrailles de celle-ci recèlent des éléments
métalliques en bien plus grande quantité que le»
parties superficielles.
Magnétisme terrestre. — Si l'aiguille aimantée a
une direction en chaque point de la surface de la terre,
c'est parce que celle-ci jouit de propriétés magné-
tiques qui en font un véritable aimant ou barreau
aimanté, ayant des pôles attractifs dans les régions
polaires. Le pôle magnétique boréal de la terre, vers
lequel se dirige l'extrémité bleue de la boussole, a
été fixé par Ross en lb30 au N. de la baie dHud-
son, sur la côte occidentale de Boothia-Félix. Le
pôle magnétique austral a été fixé par Dumont dUr-
ville, en 1840, au S. de l'Australie et de la terre
Adélie. Les points précis sont les suivants :
Pôle boréal.
Long, occid. de Paris. 99» 7' | Latitude boréale 70' 5
Pôle austral.
Long, orient, de Paris 134° 0' | Latitude australe .... 72° 0'
L'équateur magnétique, placé à peu près à égale
distance des pôles, est oblique par rapport à l'équa-
teur terrestre ; les deux points de croisement, qui
portent le nom de nœuds, sont situés à peu près à
l'opposé l'un de l'autre. Les nœuds et les points
de plus grand écartement ont été ainsi fixés, pour
1825, par Duperrey:
Nœud Pacifique, au nord des
lies Fidji long, orient. 180°.
Écart, septent. à l'ile Socotora long, orient. 52», lat. bor. 12».
Nœud Atlantique à San-Tomé long, orient. 3".
Écart, mérid. au N.-O. de Rio-
Juneiro long, occid. 50°, lat. aust. 15*»
Tel était l'état magnétique de la terre en 1825;
mais il n'est pas stable, ainsi que le démontrent les
variations des boussoles. Ainsi, à Paris, la déclinai-
son, qui était de 11° à l'E. en 1580, était arrivée à
22°34 à rO. en l!il4 : en 1878 elle n'est plus que
17"'. L'inclinaison, qui était de 75° en 1671, n'est plus,
en 1878, quede65°40'. Les variations séculaires que
l'on constate depuis 1576 seraient expliquées par la
supposition d'un noyau ferrugineux magnétique,
emporté un peu moins rapidement que l'écorce
extérieure dans le mouvement de rotation de la
terre autour de son axe et de ses pôles.
Les terres, les eaux, l'atmosphère- — La terre,
envisagée d'une manière générale, se compose
de trois parties : une masse formée d'un noyau
central plus ou moins fluide, enveloppée par l'é-
corce terrestre solide, dans laquelle se passent les
phénomènes ignés ou plutoniens; une enveloppe
incomplète aqueuse (mers, lacs, fleuves, etc.j, qui
est le siège des phénomènes aqueux ou neptuniens;
enfin une enveloppe complète guzeuse (atmo-
sphère), dans laquelle se passent les phénomènes
aériens ou éoliens.
Terres. — Sur le sphéroïde terrestre, elles for-
ment seulement 1/4 de la surface, tandis que les
mers en occupent les y/4. Les mers et les terres
sont très inégalement distribuées dans les deux
hémisphères polaires; les mers forment les ItjS
de l'hémisphère boréal, et les 7/8 de l'hémisphère
austral.
Les terres sont ordinairement divisées en ancien
et nouveau continent, dont ou fait cinq p;iriies :
l'Europe, l'Asie, l'Afiique, l'Amérique et l'Ocea-
nie. Cette division n'a rien de naturel, les terres,
abstraction faite des îles grandes et petites, étant
séparées par les mers eu sept massifs comme il
suit :
A.NXIEN CONTINENT.
1° L'Europe ei l'.isie, entre lesquelles il n'y a
aucune séparation ;
2° L'Afrique, qui tient à l'Asie par l'isthme de
Suez;
3° L'Australie, reliée à l'Asie par la chaîne in-
terrompue di.s îles asiatiques.
GLOBE
NOUVEAU CONTINENT.
— 881 —
GLOBE
4° L'Amérique du Nord ;
5° L'Amérique du Sud, liée à la précédente par
l'istbme de Panama ;
TERRES CIRCUMPOLAIRES.
6» Enfin les terres boréales, dont la principale
est le Groenland ; elles sont reliées par les glaces
polaires ;
7° les terres australes, reliées également par
une calotte de glace.
Les terres forment dans l'hémisphère boréal deux
grands massifs, l'Amérique du Nord d'une part, ot
l'Europe et l'Asie de l'autre. Le premier de es
massifs a un appendice dans l'hémisphère austral,
c'est l'Amérique du Sud ; le second en a deux,
l'Afrique rt l'Australie.
La surface des terres découvertes se partage en
trois sortes de régio:is : les montagnes, les pla-
teaux et les plaines.
Les montagnes sont des surfaces extrêmement
accidentées, à pentes en général rapides ; elles
s'élèvent au-dessus des mers, des plaines et de^
plateaux qui les environnent, et dominent jusqu'à
d'assez grandes distances les contrées où elles
sont situées, par les hauteurs en général fort con-
sidérables qu'elles atteignent.
Elles se divisent en deux catégories, qui ont des
natures et des origines fort différentes : les
montagnes solitaires ou monts, et les chaînes de
montagnes. Les monts sont des masses en général
circulaires, dont la forme approche de celle d'un
cône très surbaissé ; ils sont situés à la surface
des plaines et des plateaux. Le Vésuve, l'Etna
sont des monts situés dans les plaines de Naples
ou de la Sicile ; le mont Dore, le Cantal sont des
monts situés sur le plateau du centre de la
France. Le Chimborazo est un mont placé sur les
hauts plateaux de la chaîne des Andes, au Pérou,
et dont les partie? supérieures portent des neiges
perpétuelles sous l'équateur.
Les chaînes de montagnes sont des masses
elliptiques, fort allongées suivant uiie direction,
présentant une crête plus ou moins ondulée,
foimée de pics séparés par des cols, et de cha-
que côté de laquelle se trouvent les versants.
Tantôt la chaîne est simple, comme dans la partie
occidentale des Pyrénées ; tantôt elle est multiple
et formée de chaînons parallèles, comme dans le
Jura et dans la portion des Alpes située entre la
Suisse et le Piémont. Le plus souvent les chaînes
de montagnes sont assez élevées pour porter des
n' iges perpétuelles sur leurs sommités. La chaîne
de montagnes la plus élevée du globe est celle de
l'Himalaya, qui atteint 8s40 mètres au mont
Gaourisankar.
Les plateaux sont des surfaces horizontales ou
à peu près, dominant les plaines qui les en-
tourent ou bien les mers, et dont la hauteur est
assez grande. Le plateau de l'intérieur de la France
a une hauteur moyenne de 6'i0 à 1 000 mètres ;
celui des Ardennes a de 400 à 600 mètres; celui de
la Guyenne atteint de 500 à 600 mètres.
Les plaines sont dps surfaces horizontales ou à
peu près, entourées ou limitées sur plusieurs de
leurs côtés par des surfaces plus élevées. Les plai-
nes qui communiquentdircclement avecla mer sont
peu élevées au-dessus de son niveau ; telles sont
en France celles du sud ouest, dont l'altitude
varie de 20 à 400 mètres, et celles du nord, qui s'é-
lèvent de 100 à 300 mètres.
Les montagnes, les plateaux et les plaines sont
sillonnés, soit séparément, soit plusieurs ensem-
ble, par des dépressions du sol que l'on désigne
sous le nom de vallées, et qui le plus souvent sont
parcourues dans leur longueur par des cours d'eau.
Leur fund possède généralement une pente on-
2' Partie.
tinue, rapide dans les parties supérieures, et qu;
devient plus faible à mesure qu'on s'approche da-
vantage de la terminaison de la vallée, soit à la mer,
soit à une plaine fermée intérieure. Quelques val-
lées présentent des irrégularités dans la pente de
leur fond; çà et là il y a des dépressions auxquel-
les est due la formation des lacs qui se trouvent
sur le trajet des cours d'eau.
Eaux. — Bassins hydrograjhiques. — Les eaux
pluviales qui arrosent la surface des terres se
déversent presque toutes par les fleuves dans deux
grands bassins océaniques ; mais la répartition est
fort inégale.
Le bassin Indo-Pacifique ne reçoit pas de très
grands fleuves; la ligne de partage des eaux est
rapprochée de ses bords, excepté dans l'Inde. En
effet, les montagnes Rocheuses et les Andes sont
très r;ipprochées de la côte occidentale des deux
Amériques ; et la ligne de partage dans l'A-
sie et l'Afrique n'est pas non plus très éloi-
gnée des côtes orientales de ces deux conti-
nents.
Le bassin Atlantique, au contraire, reçoit les
eaux qui tombent sur les trois quarts au moins des
terres découvertes. En efl'et, la moitié septentrio-
nale de l'Asie et de l'Europe y verse ses eaux ;
une grande partie de celles de l'Afrique s'y déver-
sent aussi, et enfin les deux Amériques y envoient
la presque totalité des eaux qui tombent à leur
surface. Il reçoit encore les eaux provenant de la
fusion des neiges qui tombent sur toutes les terres
boréales.
Pourtant les eaux qui tombent à la surface des
terres n'ont pas toutes la possibilité de se rendre
à l'un de ces deux grands réservoirs ; il y a d'im-
menses surfaces dont les eaux se rassemblent pour
former des mers ou lacs intérieurs sans com-
munication avec les océans. Ces bassins et leurs
réservoirs sont tantôt au niveau général des océans,
tantôt ils sont à des hauteurs très différentes, soit
au-dessus, soit au-dessous.
Orographie sous-maiine. — Une exception, à la
surface des terres découvertes, c'est l'existence de
dépressions fermées un peu étendues, sans com-
munications avec le bassin des mers par des vallons
ou vallées. Mais les dépressions isolées sont,
on peut le dire, l'état normal pour les parties
recouvertes par les eaux, tout aussi bien couran-
tes que tranquilles, douces que saumâtres et sa-
lées.
Le sol sous- marin n'offre que de grandes surfaces
presque unies, descendant en pentes plus ou moins
douces de la côte vers l'intérieur de la mer et pré-
sentant de grandes ondulations semblables à celles
du fond des bassins dans lesquels se sont déposés
les différents terrains stratifiés, pendant les diver-
ses périodes géologiques. Il présente également la
plus grande analogie avec la surface supérieure de
ces dépôts, surtout tertiaires, comme celui delà
plaine des landes de Gascogne, abstraction faite
même des légers vallons qui la sillonnent ; les pen-
tes vers la pleine mer seraient souvent insensibles
à l'œil même exercé ; car beaucoup sont encore
moins fortes que celles qui sont tolérées sur les
chemins de fer.
La Méditerranée forme comme une immense cu-
vette ; en effet, du détroit de Gibraltar dont la pro-
fondeur n'atteint que 396 mètres, son hassin_ occi-
dental dépasse " .jOii mètres entre les îles Baléares,
la Corse, la Sardaigne et l'Algérie ; dans le bassin
oriental les profondeurs sont beaucoup plus gran-
des : 3 lO'i mètres entre Rhodes, la Crète et Alexan-
drie; 4 600 mètres à ItS kilomètres à l'est de
Malte. On croit n'avoir pas rencontré le fond dans
l'océan Indien par 13 000 mètres de profon-
deur.
Mers. — Les mers, qui occupent une si vaste sur^
face dans l'hémisphère austral, où elles entourent
56
GLOBE — 8g
complètement les terres australes, remontent vers
le pôle nord, entre les massifs terrestres qui y éta-
blissent trois grandes divisions : l^ l'Océan Atlan-
tique, partie comprise entre l'Europe, l'Afrique et
les deux Amériques, qui se divise en arctique au
nord de l'Islande ; septentrional et méridional, sé-
parés par une ligne tirée du cap Vert au cap San
Roque; il remonte au delà du pôle et va rejoindre
le cercle polaire boréal ; 2' l'Océan Pacifique, entre
les deux Amériques, l'Asie et l'Australie, divisé en
septentrional et méridional par les archipels Salo-
mon, Fidji, de Cook, de la Société, des îles Basses,
jusqu'à l'île de Pâques; il remonte jusqu'au cercle
polaire boréal ; 3' l'Océan Indien, entre l'Australie,
l'Asie et l'Afrique, qui remonte seulement au tro-
pique du Cancer.
Ces deux derniers communiquent entre eux, tou-
tefois, par de larges ouvertures au travers des îles
asiatiques ; de sorte que, à vrai dire, il n'y a que
deux bassins : le bassin Atlantique et le bassin
Indo-Pacifique. Ces deux bassins, réunis au pôle
austral, ne communiquent entre eux vers le pôle
boréal que par le détroit de Behring, de 50 kilomè-
tres environ de largeur.
Les eaux des océans sont claires et limpides,
excepté près des côtes où l'agitation des vagues dé-
tache sans cesse des particules terreuses et les en-
traîne jusqu'à une certaine distance. Dans le voisi-
nage de l'embouchure des fleuves aussi, les mers
présentent souvent des teintes diverses dues aux
matières apportées par ces courants d'eau et qui
sont transportées souvent au loin par les courants
marins. Ainsi la mer à l'embouchure de la Gironde
est souvent jaune, et cette teinte se répand assez
loin le long de la côte, vers le sud. La rivière des
Amazones trouble souvent les eau\ de l'Atlantique
dann certaines directions jusqu'à SUO kilomètres de
l'embouchure. La mer Jaune, en Chine, a reçu son
nom de la coloration due à des causes semblables.
Quant à la mer Rouge, c'est à la grande quantité
de polypiers et d'animaux rouges de diverses es-
pèces qui peuplent son fond qu'elle doit sa déno-
mination.
Dans les endroits où l'eau de la mer est le plus
limpide, il paraît que la lumière ne pénètre cepen-
dant pas à une grande profondeur. Une obscurité
presque complète paraît déjà régner à une centaine
de mètres, et il est assez probable qu'il ne vit plus
qu'un très petit nombre d'espèces soit animales,
soit végétales, au-dessous de ce niveau.
L'eau de la mer a une densité un peu supérieure
à celle de l'eau ordinaire, par suite des matières
salines qu'elle tient en dissolution. Comme la pro-
portion de ces matières ou le degré de salure de la mer
présente peu de différences dans les divers océans, la
densité varie fort peu aussi. Toutefois dans les mers
polaires, la congélation de l'eau, qui produit de la
glace douce, pourrait bien augmenter momentané-
ment en hiver la salure ; mais les différences de
densité occasionnent des courants qui rétablissent
l'équilibre. Mais lorsqu'on été les glaces viennent à
fondre, l'eau douce, plus légère, se maintient à la
surface et y diminue notablement la salure et la
densité, comme le montrent les chiff'res sui-
vants :
Latitude Densité Salure
Océan Atlantique septentrional.... 2o° 30' 1.0289 42.6
— équatoi'ial » » 1.Ù2S3 »
— méridional 23° 1.0279 39.2
Mer Arctique à 434 nictres 80» 26' 1.0271 38.0
— à la surface >> » 1.0197 i:8.3
— près des glaces » » 1.0006 »
On peut conclure de la quantité de sel marin
coritenu dans un litre d'eau de l'Océan que la quan-
tité existant dans toutes les mers formerait, si on
la supposait étalée sur le globe, une couche de plus
de 10 mètres de hauteur.
l — GOMMES
Atmosphh'e. — Elle forme à la surface des ter-
res et des eaux un véritable océan sans lacunes,
de 100 kilomètres environ de hauteur, au fond du-
quel nous sommes plongés et dans lequel nous ne
pouvons nous élever, à 8 ou 10 kilomètres, qu'en
gravissant de hautes montagnes ou bien par des
ascensions en ballon. Elle fait équilibre, au niveau
de la mer, aune colonne de mercure de '60 mil-
limètres, et à celte pression, qui est une moyenne
dans les zones tempérées, le point d'ébuUition de
l'eau pure est à 100" du thermomètre centigrade
Quand on s'enfonce dans les mines au-dessous du
niveau de la mer, la pression augmente et le point,
d'ébuUition est retardé. Au contraire, lorsqu'on
s'élève dans l'atmosphère, la hauteur de la partie
qui exerce la pression diminuant, celle-ci dimi-
nue, et on voit s'abaisser d'une part le mercure
dans le tube barométrique, et de l'autre le point
d'ébuUition de l'eau dans le tube du thermo-
mètre. Au sommet du Mont-Blanc, qui a 4S15
mètres d'altitude, l'eau entrerait en ébuUition
à .S3°,9.
Les courants qui agitent l'atmosphère ont pour
efl'et d'augmenter ou de diminuer la pression, et
par suite d'accélérer ou de retarder l'ébullition de
l'eau. Ainsi à l'Observatoire de Paris, à 65 mètres
d'altitude, où la pression varie entre 719 et 781
millimètres, le point d'ébuUition oscille entre 98°
et 100'',8 ; différence, 2", 8.
La densité de l'atmosphère décroît à mesure
qu'on s'élève, en progression géométrique, de sorte
que, mathématiquement parlant, la hauteur de
cette masse aériforme est infinie; mais comme, ar-
rivée à un certain point, la densité est infiniment
faible, on est porté à conclure qu'il y a réellement
une limite au delà de laqueUe l'atmosphère devient
tout à fait nulle pour nos sens. Toutefois, cela ne
peut arriver qu'à une distance considérable, car
nous savons par les phénomènes du crépuscule
qu'à des hauteurs de 60 à 90 kilomètres, l'air a.
encore une densité assez considérable pour réflé-
chir la lumière du soleil à la surface de la
terre.
La composition de l'air est partout la même, au
moins pour les deux éléments essentiels, oxygène et
azote ; ce qui n'a rien de surprenant eu égard au
mélange des diverses couches qui est opéré conti-
nuellement par les vents. C'est ce qu'ont démontré,
en 1841, les analyses, faites par M. Dumas, d'air
recueiUi simultanément à Paris et en Suisse, à de
grandes différences d'altitude; les quantités
d'oxygène ont été les suivantes sur 100 parties en
poids :
Analyses. Extrêmes. Moyenne»
5 au Faulhorn, à 2 700-° 22 85 à 23 10 22 f 7
4 à Berne, à SS.ï"' 22 89 à 23 00 22 95
3 à Paris, à ôo--» 23 00 à 23 07 23 04
Mais les proportions de vapeur d'eau et d'acide
carbonique sont beaucoup plus variables.
fV. Raulln.]
GOMMES. — Chimie, XXIV. — On donne le
nom général de gommes à un très grand nombre
de substances, plus ou moins différentes par leurs
propriétés, mais qui ont toutes pour caractère
commun d'exsuder de certains arbres, soit sponta-
nément, soit par suite d'une incision faite dans
leur écorce. Toutes ces substances se solidifient
en arrivant à l'air ; on peut donc dire que toutes
les gommes sont solides.
Propriétés et caracières. — Les gommes ont la
même composition, CisHioO*", que les substances
(imylarées (V. Amido7i), mais elles ne sont poii:t
des principes immédiats comme celles-ci. (V. Chi-
mie organique.)
Elles se gonflent et se dissolvent dans l'eau,
oui devient filante et collante "n acquérant
GOMMES
— 883 —
GRAINE
•une consistance particulière appelée consistance
g'^>mmeuse. Les matières dites mucilugineuses,
extraites d'un grand nombre de végétaux, et
•qu'il ne faut point confondre avec les gommes,
se ronflent dans l'eau sans s'y dissoudre. Traitées
par l'acide azotique, les gommes se transforment
en acide mucique (c'est là leur caractère chimique
distinctif). Par ce traitement, elles donnent ans>i
de l'acide oxalique, voire même de l'acide saccha-
rique et de l'acide tartrique. Exposées au soleil
«u à la chaleur, elles subissent certaines trans-
formations et deviennent moins solubles dans
l'eau.
Les gommes sont des substances concrètes, in-
cristallisables, d'une saveur fade, sans aucune
odeur; la plupart sont jaunâtres, d'autres sont
blanches ou presque incolores; pures, presque
toutes les gommes sont translucides.
On les rencontre dans le commerce sous divers
aspects : tantôt, comme la gomme arabique, en
petites masses arrondies, de la grosseur d'une
grosse noisette, à cassure conchoïde et vitreuse,
de couleur blonde ou rouge ; tantôt, comme la
gomme adragante, en rubans tortillés ou en pla-
■ques plus ou moins larges et chagrinées à leur sur-
face.
On distingue trois espèces de gommes : la
%omvc\e arabique , la gomme adragante et la gomme
du pays.
Gomme arabique. — La gomme arabique, comme
son nom l'indique, nous venait autrefois exclusi-
vement de l'Arabie ; aujourd'hui presque toute
celle que l'on consomme en Europe vient du Sé-
négal.
Elle se dissout en toutes proportions dans l'eau ;
cette dissolution dévie à gauche le plan de polari-
sation de la lumière ; mais après avoir subi l'action
de l'acide sulfurique, elle le dévie à droite CV'. Pola-
risation). Cette gomme contient 80 p. 100 d'un prin-
cipe immédiat auquel elle doit ses propriétés et
qu'on appelle arabine. D'après les travaux de
M. Frémy, il faudrait considérer la gomme ara-
bique comme un mélange des sels de chaux et de
potasse d'un acide qu'il a appelé acide gummique.
Cet acide, le savant chimiste du Muséum l'a isolé.
sous la forme d'une masse amorphe d'un blanc lai-
teux, devenant vitreux par dessiccation. Porté à
une température de 120 à 160°, il devient insoluble
dans l'eau en se convertissant en acide méta-
gummique.
Les métagummates, qui sont insolubles dans
l'eau froide, se convertissent de nouveau en gum-
niates solubles par l'ébullition avec ce liquide
(^^'urtz). On savait depuis longtemps que la céra-
sine, principe insoluble des gommes de pruniers
•et de cerisiers, se convertissait par l'ébullition en
arabine ou principe soiuble des gommes. Les tra-
vaux de M. Frémy nous expliquent cette propriété
par la transformation des métagummates en gum-
mates.
D'après M. Fermond, une solution de gomme
arabique conservée pendant longtemps se convertit
«n une matière sucrée particulière.
Desséchée à 100°, la gomme arabique a la même
composition que le sucre de canne, C'-Hi'O'i; à
130°, elle prend celle de l'amidon, Ci-'HioOiO;
traitée par l'acide sulfurique à chaud, elle devient
•du glucose, Ci»HnOii.
La gomme arabique a de très nombreux usages.
En pharmacie, elle est la base des pâtes dites de
jujube, de lichen, etc. ; elle est employée comme
adoucissant dans les maladies inflammatoires, soit
en poudre, soit en sirop; elle sert comme inter-
mède pour administrer les résines, le camphre, les
huiles fixes ou volatiles. Dans l'industrie on en
fait une consommation énorme pour la fabrication
des vernis, principalement des vernis de voiture,
dans l'apprêt des étoffes, le vernissage des estampes
coloriées, le collage du papier, la préparation des
couleurs, etc.
Gomme adragante. — Cette gomme provient de
plusieurs espèces d'astragates, principalement de
Vastragak ven-s. Elle ne se dissout point complè-
tement dans l'eau, mais s'y gonfle en donnant un
sirop très épais et très consistant. Elle contient
des traces de substance amylacée, aussi bleuit-nlle
par l'iode; son principe essentiel, qui en forme les
45 centièmes, est Vadrogantinr, appelé aussi bas-
iorine parce qu'il constitue l'élément principal de
la gomme de Bassora. La bassorine pure, gonflée
dans l'eau, donne une belle gelée transparente qui,
bouillie avec de l'acide sulfurique, se transforme
complètement en glucose cristallisable.
La gomme adragante est blanche, un peu élas-
tique, difficile à pulvériser; on la rencontre dans
le commerce en rubans gomme fine vermiculéel,en
plaques (gomme en plaques). Elle sert dans l'in-
dustrie pour l'apprêt de^ cuirs et des tissus; en
pharmacie, dans la confection des pastilles et des
loochs; elle entre aussi dans la fabrication des
crèmes et des gelées.
Les gommes dites pseudo-adragant.de Bassora,
de Sasia, qu'on rencontre dans le commerce, ser-
vent à falsifier la gomme adragante, qui coûte gé-
néralement assez cher.
Gomme du pays. — Cette gomme est produite
par plusieurs rosacées de notre pays, le cerisier,
l'abricotier, le prunier ; on l'appelle encore gomme
7iostras. On la rencontre le long de l'écorce, dont
elle exsude naturellement par les moindres cre-
vasses; elle est en masses agglutinées, irrégu-
lières, transparentes, d'un brun jaune, plus ou
moins salies par des matières étrangères; elle se
dissout difficilpment dans l'eau. Son principe do-
minant s'appelle la cérasine ; il paraît être de
même nature que la bassorine Les chapeliers em-
ploient la gomme du pnys mélangée h la gélatine
pour apprêter les feutres.
Gommes résines. — Les gommes résines sont des
mélanges naturels de résines et de gommes di-
verses. Elles proviennent de végétaux ombellifères
qui poussent dans les régions tropicales ; en
général, elles sont plus riches en résine qu'en
gomme. Elles sont insolubles dans l'eau et se dis-
solvent à chaud dans un mélange d'alcool et d'eau.
On en connaît un nombre considérable de variétés ;
leurs propriétés et leurs usages varient comme leur
origine.
Nous renvoyons le lecteur, pour plus de détails
sur les gommes résines, à l'article Résines.
[Alfred Jacquemart.]
GOUT. — Y. Sens.
GOUVERNEMENT. — "V. Droit pblic.
GRAINE. —Botanique, XII. — (Etyra. : du latin
grana, corruption féminine de granum, le grain.)
Défiiiition. — On appelle graine ou seme?ice le
résultat de la transformation de l'ovule sous l in-
fluence de la fécondation. Il n'y a donc de graines
(jue chez les végétaux pourvus d'ovules; par con-
séquent, on ne rencontre des graines que chez les
végétaux pfianér' games.
Nomen'Hnture des parties de la graine. — Puis-
que la graine n'est autre chose que l'ovule tr?ns-
formé sous linfluence de la fécondation, nous de-
vons retrouver, dans la nomenclature des diverses
parties de cet organe, plusieurs des noms employés
dans celle des parties de l'ovule. Ainsi on appelle
micropy e l'orifice extérieur du canal micropyLiire
de l'ovule ; ce point marque le sommet de la graine,
quelle que soit la forme de celle-ci. comme il mar-
quait le sommet de l'ovule. Selon les cas, près du
micropyle, ou à quelque distance de ce point, "a
remarque une tache ou cicatrice, d'étendue très
variable, nommée liile ou ombilic; c'est là qu'était
fixé le cordon funiculaire ou ombilical qui reliait
l'ovule au pistil ; le bile marque toujours la oase
GRAINE
— 884 —
GRAINE
de la graine. Dans un très petit nombre de plantes
seulement (gymnospermes, polygonées, quelques
monocotylédonées), le hile et le micropyle sont
diamétralement opposés l'un à l'autre, la graine
est droite comme l'ovule qui Fa produite. Plus or-
dinairement le hile est placé près du micropyle.
la graine est courbée.
Parties cont Huantes de la graine. — Dans une
graine, on distingue deux parties : l'une externe,
nommée spermuderme ou tégument séminal, qui
résulte de la transformation des enveloppes do
l'ovule ; l'autre interne, désignée sous le nom
d'amande, qui s'est formée dans ce que l'on ap-
pelle le sac enibrijonnaire.
Que le spermoderme doive son origine à un tégu-
ment ovulaire unique ou bien à la transformation
d'une prlmine et d'une secondine, on essaie souvent
de le subdiviser en deux assises scparables mécani-
quement après un séjour plus ou moins prolongé de
la graine dans l'eau. L'assise extérieure, dure, for-
tement colorée, a reçu le nom de testa; la zone
intérieure, délicate, membraneuse, transparente,
incolore, s'appelle tegmen. Une étude approfondie
a montré qu'il n'y a pas lieu de distinguer le testa
du tegmen, ou plutôt que ce qu'on exprimait par ces
mots désignait, en passant d'une graine à une
autre, des couches d'origine tout à fait différente.
Les tissus du spermoderme appartiennent toujours
à la classe des tissus épidermiques ou subéreux ;
ils sont fortement gorgés de cellulose, de matières
résineuses rouges ou noires, de cristaux d'oxalate
de chaux, plus rarement de carbonate de chaux.
Lorsque le spermoderme, en plus de son rôle
d'organe protecteur de la graine, doit jouer un rôle
important dans la dissémination de ce corps, il
présente une série de transformations remarqua-
bles sur lesquelles il convient d'appeler l'attention.
Deux cas sont à distinguer, selon que la dissé-
mination est directe ou qu'elle est indirecte.
Lorsque la dissémination est directe, c'est-à-diro
quand elle a lieu dans l'air, les tissus superficiels
de la graine émettent soit des prolongement--
pileux (Ex. : les graines du cotonnier, chez les-
quelles ces poils ne sont autre chose que la sub
stance appelée coton) ; soit des ailes membraneu-
ses tantôt unilatérales (Ex. : dyckia), tantôt bilaté-
rales (Ex. : tulipes), plus rarement disposées sur
trois côtés (Ex. : moringa). Ces tissus superficiels,
uniquement destinés à augmenter le volume et la
surface de la graine sans augmenter sensiblement
son poids, sont toujours formés d'éléments à pa-
rois très minces dans lesquels l'air a remplacé le
contenu cellulaire. La couche d'air ainsi immobi-
lisée protège très efficacement la graine contre
les variations de température, et aussi contre
Thumidiié. Le plus souvent, sous les zones super-
ficielles dont nous venons de parler, on rencontre
une couche cellulaire dure, très solide, formée de
prismes juxtaposés dont l'axe est perpendiculaire
à la surface de la graine. Cette couche profonde
est plus spécialement destinée à la protection de
la graine. Toutefois il arrive que le spermoderme
ne se divise pas ainsi en couche superficielle con-
sacrée à la dissémination et en couche profonde
protectrice.
Lorsque la dissémination est indirecte, c'est-à
dire quand les graines ne peuvent être dissé-
minées au loin que par l'intermédiaire des ani-
maux, les tissus superficiels de la plupart d'entre
elles se gorgent de substances sucrées, souvent
très parfumées ; de plus leur surface présente des
teintes très brillantes ; attirés par les vives cou-
leurs rouges, orangées ou noires, par la matière
sucrée qui recouvre les graines, ou par leur par-
fum, les animaux les dévorent ; les amandes re-
couvertes de l'assise protectrice résistent à l'action
des sucs de l'appareil digestif et sont rejetées au
dehors avec les fèces.
Le spermoderme est souvent appelé à fournir h
la graine l'organe qui doit fixer ce corps au sol.
Tout ce qui a servi à accroître la surface dissémi-
natrice, comme les ailes, les poils, sert aussi à
augmenter la surface de contact de la graine et du
sol humide. Parfois, dans le but d'augmenter l'ad-
hérence de la graine avec le sol, on remarque
que les couches superficielles du spermoderme
sont susceptibles de se transformer sous l'in-
fluence de l'eau liquide en une sorte de gelée ou
de mucilage très adhésif (Ex. : le mucilage pro-
duit par la graine de lin). Un dernier dispositif
des moyens de fixations des graines nous est ofl'ert
par les lythrariées, chez lesquelles la surface du
spermoderme est couverte de poils contractiles,
qui, se tordant et se détordant sous l'influence des
variations de l'état hygrométrique de l'air, pénè-
trent dans ie sol et y fixent la graine.
L'amande comprend généralement deux parties :
1° Uembryim, qui représente la nouvelle individua-
lité végétale, et qui résulte de l'action du pollen
sur l'une des vésicules embryonnaires; 2° une ré-
serve nutritive plus ou moins développée, qui a
pris naissance près de l'embryon dans l'intérieur
du sac embryonnaire. Cette réserve nutritive est
nommée albumen, parce qu'on l'a comparée à l'al-
bumine de l'œuf de la poule.
Dans un embryon on distingue une région cen-
trale axile qu'on nomme tigelle ou axe hypocoti/lé.
Cet axe se fixe au sac embryonnaire par un prolon-
gement filiforme très délié nommé siispens<:ur ; la
limite idéale du suspenseur et de la tigelle est
quelquefois désignée sous le nom de radicule,
parce qu'on supposait que cette partie en s'allon-
geant donnait la première racine ou pivot. La ra-
dicule n'existe pas ; quelques ouvrages descriptifs,
par laisser-aller de langage, désignent la tigella
entière sous le nom de radicule. A l'extrémité su-
périeure de la tigelle, on trouve un bourgeon plus
ou moins développé : c'est la geinniule, aussi appe-
lée plumu/e. A la base de la plumule, selon les
plantes, on remarque un nombre variable d'expan-
sions appendiculaires nommées cotylédons. En gé-
néral il n'y a qu'un ou deux de ces appendices :
de là la distinction des végétaux en vé2;i''taux dico-
tylédones et monocotylédonés. Toutefois, dans
quelques dicotylédones gymnospermes, le nombre
des cotylédons de l'embryon peut s'élever jusqu'à "2 1 ,
sans qu'on puisse considérer ces lanières comme
les lobes de deux cotylédons très divisés. La forme
des cotylédons varie, selon qu'ils doivent servir de
réservoir pour les matières nutritives accumulées
pour l'embryon, ou qu'ils ne doivent servir qu'à
l'absorption. Les cotylédons se présentent comme
des corps de très grand volume, mais de très petite
surface, lorsqu'ils sont transformés en réservoirs ;
au contraire, ce sont des organes foliacés de très
grande surface, lorsqu'ils jouent surtout le rôle
d'organes absorbants.
Chez un grand nombre de végétaux, l'embryon,
dans la graine mûre et tombée sur le sol, est beau-
coup moins développé que nous ne l'indiquons
ci-dessus ; ainsi chez les orchiiées, l'embryon se
montre comme un globule celluleux informe dans
lequel on ne reconnaît ni tigelle, ni cotylédon,
ni gemmule. Les pyrola, les monotropa ont des
embryons encore moins développés.
L'albumen ou la réserve nutritive qui entoure
l'embryon est un tissu cellulaire dont tous les élé-
ments sont gorgés de substances nutritives. Selon
les plantes, la substanre ainsi mise en réserve est
de l'amidon, de la cellulose, des matières aleuri-
ques. A ces trois natures de substances corros-
pomleni à peu près les dénominations a/6îime« amy-
lacé ou farineux; albumen ligneux ou corné;
albumen Ituilcux ou cliarnu. Le tissu qui forme
l'albumen a pris naissance dans le sac embryon-
naire : c'est cette origine surtout qui le caractérise.
GRAINE
— 885 —
GRAINE
On désigne quelquefois l'albumen sous le nom
â'e)idosp''ij7ie, pour le distinguer d'une autre ré-
serve nutritive qui a pu se développer entre le sac
embryonnaire et le spermoderme dans les tissus
du nùcelle (voir ce qui est dit de l'ovule à l'ar-
ticle Fleur). Dans les graines ainsi constituées, la
réserve nutritive du nucelle est appelée /)i^rw/»/°rme.
On dit que les plantes dont la graine est pourvue
simultanément d'un endosperme et d'un périsperme
ont deux albumens ; tels sont le nénuphar, le poivre.
Lorsqu'une graine a deux albumens, l'intérieur,
l'cndosperme, est toujours aleurique ; l'extérieur,
le périsperme, toujours amylacé. En général l'al-
bumen est d'autant moins développé que l'embryon
l'est davantage, et vice ver>a. En principe, il sem-
ble que la quantité d'albumen placée à la disposi-
tion de l'embryon suffit et au delà à permettre à
l'embryon, lors de la germination, d'atteindre le
moment où il sera suffisamment développé pour se
suffire à lui-même.
Les rapports de position de l'embryon et de l'al-
bumen dans la graine méritent d'être indiqués.
L'embr3-on peut être complètement entouré par
l'albumen : tel est le cas du ricin ; ailleurs, comme
dans le blé, l'embryon est couché sur l'albumen.
L'embryon du ricin est dit iiitraii e, celui du blé
est extraire. Plus rarement l'embryon^ toujours
extraire, entoure l'albumen à la manière d'une
bague : tel est l'embryon courbé de la belle de
nuit.
Un très petit nombre de plantes, parmi lesquelles
nous citerons seulement les orangers et les ardisia,
présentent plusieur embryons dans chaque graine ;
c'est que plusieurs vésicules embryonnaires ont
été fécondées simultanément.
Le spermoderme peut manquer chez quelques
graines mûres : tel est le cas des véroniques, des
justicia Cette disparition du spermoderme, qui
n'a pas toujours manqué, tient à des phénomènes
de développement dans le détail desquels nous ne
pouvons entrer ici. Plus ordinairement le spermo-
derme, et par suite la graine, est pourvu d'une
enveloppe accessoire, sorte de cupule développée
aux dépens du funicule et qui revêt la graine
comme d'un capuchon. Ces enveloppes accessoires
sont désignées sou- le nom d'ariUes; selon leur
consistance et leur disposition, les arilles sont secs,
charnus, pileux ; citons comme exemple les fusains,
et surtout les ravenala et les urania, plus connus
sous le nom d'arbres du voyageur. Les arilles sont
surtout des organes de dissémination. On désigne
par les noms de strophioles, de caroncules quelques
productions superficielles de la graine, sans impor-
tance.
Pour résumer toute cette description de la grai-
ne, il nous semble qu'on peut la considérer comme
consistant dans la réunion : 1° d une individualité
nouvelle engourdie, enkystée aux premières pha-
ses de son développement ; 2° d'une réserve nutri-
tive préparée pour subvenir aux premiers besoins
de la jeune plante; le tout recouvert et protégé
par une coque imperméable à la lumière, à l'eau et
à l'air. On peut donc dire que la graine est un kyste
chargé de disséminer au loin les nouvelles indivi-
dualités végétales.
Germiivttion de la graine. — La dissémination
€st terminée ; les graines tombées sur le sol s'y
fixent, leurs tissus s'imbibant d'eau peu à peu.
Selon les plantes, l'eau met un temps plus ou
moins long à traverser le spermoderme et à' at-
teindre l'embryon. Si les conditions extérieures
sont favorables, c'est-à-dire si la température est
assez élevée, si l'oxygène arrive en abondance, si
l'humidité est abondante, l'embryon augmente de
Tolume et bientôt provoque la rupture du spermo-
derme. L'embryon est aidé dans ce travail par
l'augmentation brusque du volume de tous les
tissus de l'ovule qui ont été transformés en tissus
cornés gélifiables lors de la maturation de la
graine. Une fois le spermoderme ouvert, l'extré-
mité inférieure de la tigelle s'avance au dehors, se
courbe vers le sol; c'est à cet instant seulement
qu'a lieu la rupture du filament suspenseur qui
fixait l'embryon au sac embryonnaire. Selon les
plantes, la partie inférieure de la tigelle qui s'en-
fonce ainsi dans le sol pour y fixer la jeune plante
est plus ou moins développée ; bientôt on voit sur-
gir, de l'intérieur des tissus de cette partie de la ti-
gelle, la première racine. Les débris des tissus de
la tigelle qui enveloppent le point d'insertion de
la première racine forment la coléorrhize. Cette
première racine remplit tout de suite son double
rôle d'organe fixateur et d'organe absorbant. Plus
rarement, comme dans les bégonias, la tigelle en
touchant le sol se tubérifie et se fixe au sol par de
petits poils qui remplacent les racines, et per-
mettent à la jeune plante de se développer en at-
tendant la production de ces organes. Exception-
nellement, comme dans les cuscutes, il ne se
développe jamais de racine à la partie inférieure
de la tigelle.
Une fois la jeune plante fixée au sol, lorsque la
première racine commence à se développer, l'em-
bryon essaye de délivrer sa gemmule. A cet effet,
la région inférieure dos cotylédons s'allonge beau-
coup ; la gemmule, toujours placée entre les cotylé-
dons, est entraînée hors du kyste embryonnaire,
puis les bases des cotylédons s'écartent et l'axe du
bourgeon gemmulaire s'élance verticalement. Se-
lon que les cotylédons doivent demeurer dans la
graine pour absorber l'albumen ou au contraire
quitter le spermoderme et s'étaler dans l'air pour
y verdir et y jouer le rôle de feuilles, on dit que
les cotylédons sont dans le premier cas hypogés,
dans le second épigés. Lorsque les cotylédons sont
épigés et qu'ils sont libres, la gemmule se dégage
simplement par l'écartement des cotylédons qui
l'enserraient; fréquemment alors, dès que la pre-
mière racine fonctionne comme organe absorbant,
la jeune plante, renfermant toujours un excès d'eau,
laisse échapper ce liquide qui s'écoule à l'état de
gouttelettes par des stomates aquifères, véritables
tistules déterminées à l'extrémité des cotylédons
par la réplétion aqueuse. Lorsque l'embryon laisse
ses cotylédons enfermés dans le spermoderme
pour absorber la réserve nutritive, selon la nature
de celle-ci, l'absorption se fait de deux manières ;
l'albumen est-il aleurique, un ferment soluble
semblable à la diastase agit sur l'aleurone et la dé-
compose en graisse et albumine; en quelques
heures, toute la réserve nutritive est dissoute ; la
germination de ces graines, dès qu'elle a com-
mencé, doit être très rapide. Lorsque la réserve
nutritive est composée de matières amylacées et
surtout de cellulose, l'embryon dissout l'albumen
de proche en proche; la germination peut alors
durer un temps très long.
Les causes nécessaires pour provoquer la germi-
nation sont, avons-nous dit : 1° une certaine humi-
dité ; 2° une quantité de chaleur déterminée; 3° la
présence de l'oxygène. Tout ce qui tend à accroître
l'intensité d'une de ces trois conditions accélère
le travail germinatif; il importe pourtant pour
chacune d'elles de ne pa^ dépasser certaines li-
mites. Certains corps, tels que les solutions chlo-
rées très étendues, accélèrent beaucoup la germi-
nation ; jusqu'ici on ne peut donner de ce fait une
explication suffisante.
Les graines conservent plus ou moins longtemps,
selon les espèces, la faculté de germer. Quelques-
unes ne germent que si on les sème aussitôt après
les avoir récoltées, à moins pourtant qu'on ne les
stratifié. Pour stratifier des graines, on les dispose
dans des pots par couches minces; celles-ci alter-
nent avec des assises peu épaisses de terre très
léïère ou de sable entretenu légèrement humide.
GRAINE
— 886 —
GRAMINEES
Les semences ainsi disposées subissent lentement
un commencement de germination et peuvent en-
suite être semées après plusieurs semaines ou
quelques mois. Par opposition à cette première
catégorie de graines, il en est qui conservent pen-
dant des années la faculté de germer, soit quand
elles sont gardées h l'air libre, soit surtout lorsque
des circonstances fortuites en ont amené l'enfouis-
sement à une grande profondeur. D'après Alpli. de
Candolle, après vingt-cinq ans (1831 à ISôCj, sur
:!6S espèces de graines 17 seulement ont germé;
Home prétend que des graines de seigle ont germé
au bout de 150 ans. Sans ajouter foi aux récits des
observateurs qui affirment avoir vu germer les
grains de blé trouvés dans les sarcophages des
momies égyptiennes, on peut citer, lors du dessé-
cbement récent du lac de Harlem, la germination
de graines enfouies dans la vase depuis le dou-
zième siècle.
Utilité des graines pour l'agriculture. — La
production des graines est un des principaux buts
de l'agriculture, et bon nombre des végétaux
qu'elle cultive n'ont de valeur que par là. C'est le
cas de toutes les graminées : blé, seigle, avoine,
orge, riz; de quelques légumineuses : pois, hari-
cots, lentilles; des plantes oléagineuses : arachide,
olive, colza, œillette, sésame. Certaines graines
sont consommées crues, comme les noix, les noi-
settes, les amandes, les pistaclies.il est des graines
exotiques qui sont l'objet d'un immense commerce :
telles sont celles du cacaotier et du caféier. Cette
grande importance des graines au point de vue
agricole ou industriel s'explique par leur compo-
sition ; elles sont toujours gorgées de substances
azotées et phosphorées, de sorte que sous un
petit volume, l'homme et les animaux y trouvent
une nourriture des plus substantielles. Ces ma-
tières alibiles varient suivant l'espèce de graines;
celles qui s'y montrent le plus fréquemment et
qui y dominent sont : l'amidon, l'aleurone, le
gluten, le sucre, des huiles fixes et volatiles. Il
est des graines qui contiennent des substances
très actives connues sous le nom d'alcaloïdes ;
telle est la fève de Saint-Ignace, nommée encore
noix vomique, dont on retire la strychnine et la
brucine.
Con'ervation de': graines. — Pour conserver les
graines, surtout les graines de céréales, il faut
éviter : 1° la moisissure et la fermentation; 2" l'at-
taque des animaux nuisibles^ insectes ou rongeurs.
Deux systèmes sont en présence : le système al-
gérien ou système des silos, dans lequel le grain
parfaitement séché reste immobile dans un souter-
rain complètement clos ; et le système européen
ou système des greniers, qui consiste à prévenir
la destruction des graines en les agitant fréquem-
ment, ce qui empêche la fermentation de s'établir
et dérange les insectes. Pour conserver les graines
en silos, il faut : l" que les graines soient très sè-
ches au moment de l'emmagasinage ; 2° qu'aucune
humidité eiiérieure ne puisse les atteindre; 3° que
la fermeture soit hermétique ; 4° que la tempéra-
ture soit uniforme et comprise entre 12° et 0".
En Afrique, il est possible d'employer le système
des silos à cause du remarquable état de sic-
cité des graines, qui ne contiennent jamais plus de
8°/o d'eau. En Suède, en Norvège, et dans le nord
de la Russie, pour conserver les graines en silos,
on les fait passer préalablement dans des étuves
dont la température varie entre 57° et (j->° centigra-
des. D'après M. Thury, les meilleures dispositions
àprendre pour installer un silo sont : 1" faire des
silos de 100 hectolitres seulement; 2° donner à la
voûte une forme ovoïde et rétrécir un peu le fond ;
3^ loger les silos entièrement sous le sol, de ma-
nière à avoir au moins un mètre de terre sur les
Toutes ; 4° garnir l'ouverture d'un revêtement de
bois pour éviter la dégradation des graines à l'em-
magasinage. Pour remplir les silos, il faut : 1° avoir
des graines très sèches; 2° garnir le fond du silo
de paillassons ; 3" descendre dans le silo un four-
neau de charbon de bois bien allumé de façon à dis-
siper l'humidité et à remplir le silo d'acide carbo-
nique; 4° faire passer les graines sur un crible
incliné d'où elles tombent dans le silo et tasser les
graines pendant l'emmagasinago. Quand le silo est
plein, on le ferme hermétiquement, on le plâtre et
au besoin on le goudronne.
Quant au système des greniers, il y a d'abord le
grenier ordinaire, dans lequel les graines sont agi-
tées de temps à autre à la pelle. Dans le Limousin
et la Bretagne, les graines passées au tarare et bien
sèches sont enfermées dans de grandes jarres en
terre, ou dans des caisses, ou dans des sacs. Les
sacs sont ensuite dressés en lignes isolées. Depuis
la fin du siècle dernier, on a donné le nom de gre-
niers à des appareils qui sont plutôt des réservoirs
de grains ; tels sont : le Vallery, sorte de cylindre
tournant dans lequel le grain est agjté facilement;
le grenier Salaville, sorte de réservoir traversé par
des tuj'aux au moyen desquels on peut ventiler et
au besoin noyer le grain dans une atmosphère dé-
létère ; le grenier Sinclair et le grenier Pavy : ces
derniers sont de grands coffres verticaux bien ven-
tilés, pourvus de compteurs et d'ascenseurs. La
plupart de ces détails sur la conservation des
graines sont empruntés à M. L. Gossin, l'agronome
bien connu. [C.-E. Bertrand.]
GRAMI>'ÉES.— Botanique, XXV. — Dé/îwî7fO?î.—
Les Graminées sont des plantes dont l'embryort
monocotylédoné très développé est appliqué sur la
surface de l'albumen par une large expansion dor-
sale nommée écusson ou scutelle. Leurs tiges, aé-
riennes, sont arrondies ; de distance en distance,
elles portentdes nœuds renflés d'oùpartent des feuil-
les à gaine très ouverte, disposées en ordre disti-
que. Leurpérianthe est nul. Leurs organes repro-
ducteurs sont protégés par des glumes et des
glumelles. Cette famille forme, avec celle des Cy-
péracées, la classe des Glumacées de Brongniart.
Caractères botaniques des graminées. — La
graine des graminées n'est jamais libre ; elle est
toujours soudée à un péricarpe papyracé dont on
ne peut la séparer mécaniquement; un tel assem-
blage forme le fruit désigné par le nom de Ca-
njopse (V. Fruit).
Dans l'intérieur de la graine on rencontre un
embryon très développé et un albumen également
très développé. L'embryon des graminées présente
sur !e dos de son cotylédon, directement appliquée
contre l'albumen, une grande expansion, scutelle
ou écusson, qui sert àabsorber l'albumen pendant
la germination. Quelques botanistes, et en particu-
lier M. 'VanTieghem, regardent l'écusson comme
le véritable cotylédon, et le cotylédon comme une
sorte de ligule qui protège la gemmule. L'albumen
est toujours amylacé chez les graminées. Cepen-
dant les cellules tout à fait extérieures de ce tissu
sont dépourvues damidon ; on lesappelle quelque-
fois les cellules à gluten. La durée de la faculté
germinative des graines de graminées est très
grande (V. Graine).
Leur germination s'accomplit dans un temps
très court; elle est favorisée par une élévation de
température.
Pendant la germination, sous l'action du ferment
diastasique qui provoque la dissolution de l'ami-
don, la graine se charge de glucose; cette proprié-
té est mise à profit pour fabriquer des liqueurg
alcooliques à l'aide de ces graines. Pour atteindre
le sol lors de la germination, les premières raci-
nes percent la paroi du caryopse près de son point
d'attache.
Dans la plante développée, les racines sont fasci-
culées, grêles, très tortueuses. La tige présente
les tailles les plus diverses, depuis 5 ou 6 centL
GRAMINÉES
— 887 —
GRAMINEES
mètres de haut jusqu'à 10 mètres et plus
(bambou) ; elle est fistuleuse, herbacée, plus rare-
ment dure comme dans le roseau et le bambou, et
toujours fortement incrustée de silice à sa surface ;-
le plus souvent cette tige est ramifiée dès la base,
et forme ce que les agriculteurs nomment le talle-
ment.
Les feuilles, distiques, se prolongent inférieure-
ment en une longue gaine qui enveloppe la tige
sans souder ses deux bords ; au sommet de la gaine
se trouve une ligu'e sèche et translucide. Sauf
dans les bambous, où le limbe se rétrécit inférieu-
rement en pétiole, cet organe se montre toujours
comme une lame linéaire parcourue dans sa lon-
gueur par un très grand nombre de nervures paral-
lèles.
Les fleurs sont disposées en épillels, qui se
groupent en épis ou en panicules (V. Inflores-
cence) . Les épillets sont uniflores ou pluriflores, et
selon les genres, toutes les fleurs de Tépillet sont
complètes ou incomplètes ; ces dernières, dites
imparfaites, occupent dans Tépillet une situation
déterminée ; ce caractère a servi à la distinction
des deux grands types de cette famille. L'épillet
tout entier est enfermé entre deux feuilles que Ton
appelle les glumes, l'inférieure embrassant la
supérieure. Chaque fleur de lépillet est aussi pro-
tégée par deux feuilles, l'extérieure impariner\iée,,
l'intérieure ayant un nombre pair de nersTires :
chacune de ces deux feuilles est appelée paillette.
et leur ensemble est nommé glumelle ou halle.
Plus itiférieurement, on rencontre à la base des
organes reproducteurs soit deux, soit trois petites
' écA\\\Qi Si'ççQléQ^ paléo' es ,squamules OMglumellules .
dans lesquelles on voit généralement le véritable
périanthe des graminées. L'androcée comprend
trois étamines à longs filets, à anthères biloculaires
qui, après leur déhiscence, écartent leurs deux
loges; dans quelques genres, comme la flouve.
une des étamines peut manquer; chez le nard
celtique, on ne retrouve plus qu'une étamine; in-
versement on en trouve six dans le riz, et jusqu'à
dix-huit dans les bambous. Le pistil des graminées
est unique ; l'ovaire, uniloculaire, à parois très
épaisses, renferme un seul ovule légèrement
courbé; il porte directement deux très longs stig-
mates plumeux insérés à quelque distance l'un de
l'autre. La fécondation des fleurs de graminées se
fait en quelques heures, et la maturation de la
graine est assez rapide ; aussi beaucoup d'entre
elles sont-elles annuelles.
On divise les graminées en treize tribus. Il fau-
drait entrer dans des détails trop circonstanciés
pour faire connaître chacune d'elles.
Usage des Graminées. — L Plantes nuisibles. —
Cette famille renferme un très petit nombre de
plantes nuisibles ; presque toutes au contraire
sont utiles à l'homme ou aux animaux. Parmi les
plantes nuisibles nous citerons d'abord Yivrii",
dont les fruits mêlés à ceux des autres céréales
(blé, seigle, etc.l provoquent chez l'homme l'i-
vresse, le vertige ou des vomissements. La méli-
que bleue, lorsqu'elle est en fleurs, provoque chez
les bestiaux le gonflement ; cette plante est com-
mune dans les pâturages et les forêts, et il ne se
passe pas d'année où elle n'occasionne des accidents.
La fétuque à quatre dents de Quito est un poi-
son très actif. Avec des propriétés beaucoup
moins énergiques, le rhizome de guilno ou bromus
catharticus du Chili est un purgatif violent.
n. Plantes utiles. — 1° Chien lent. — Le rhizome
du chiendent est employé en infusion comme apé-
ritif; deux variétés sont usitées, le chiendent pied
de poule et le chiendent commun.
2° Canne de Provence ou. grand roseau i.irundo
donax). —Ses tiges servent à faire des instruments
à Tent ; ses rhizomes charnus ont un goût très su-
cré; on les emploie pour combattre la fièvre de
lait au moment du sevrage. Avec les tige» du ro-
seau commun [Arundo phragmites], on fabrique
des tapis et des nattes ; ses panicules coupés avant
la floraison servent à faire des balais. Le roseau
iiromatique de l'Arabie ISchœnanthe officinale)
sert de fourrage et de litière pour les chameaux,
dont il est la seule ressource dans les déserts de
l'Arabie ; ses feuilles ont une saveur résineuse,
amère, des plus désagréables ; c'est un sudorifique
qui peut rendre de grands services.
3° Le vétiver, surnommé chie^-dent des Indes,
produit un rhizome dont on fait un grand commerce;
cette partie de la plante possède une odeur extrê-
mement forte, qui la fait employer pour préserver
les étoffes des attaques des insectes. L'essence de
vétiver très diluée est la base d'un très grand
nombre de parfums.
4° Canne à sucre {Saccharum officinarum). —
La canne à sucre et le sucre sont connus de temps
immémorial dans l'Inde et en Chine. La canne à
sucre fut importée en Europe par les généraux qui
avaient accompagné Alexandre dans son expédition
des Indes; elle fut conservée à grands frais dans
les jardins des riches Athéniens, puis importée en
Sicile et en Italie; jusqu'au xv^ siècle, les Véni-
tiens vendirent le sucre, usité comme médica-
ment seulement, à toute l'Europe septentrionale.
La canne à sucre fut plantée à Madère en 1401 ;
elle y prospéra, et de là gagna les Canaries et l'île
-Mint-Thomas. En 1506, Pierre d'Arrança porta la
canne à sucre à Hispaniola, aujourd'hui Saint-Do-
mingtte ; en 1518, cette île possédait déjà vingt-huit
sucreries : on prétend que les magnifiques palais
io Madrid et de Tolède, bâtis par Charles-Quint
furent paj'cs avec le seul produit des droits impo-
sés sur les sucres d' Hispaniola. La canne à sucre
ne fleurit pas en Amérique.
Dans l'Indoustan, la canne à sucre vient de bou-
tures qu'on plante à la fin de mai et qu'on récolte
l'année suivante en février avant la floraison. En
Amérique, la canne à sucre se multiplie également
par boutures, mais sa maturation y exige de quinze
à vingt mois. Dans l'Inde comme en Amérique,
les tiges coupées au ras du sol émettent des reje-
tons dont la maturité s'efi'ectue dans l'année; le
même plant repousse jusqu'à cinq fois, après quoi
oti le détruit, on retourne le cliamp, et on y re-
plante de nouvelles boutures. Le sommet des tiges
de la canne à sucre, beaucoup moins riche en su-
cre que le reste de cet organe, sert à faire les nou-
velles boutures.
Pour extraire le sucre des cannes, les tiges mises
en bottes sont écrasées, puis soumises à l'action
d'une presse hydraulique; les résidus ou bagasses
sont séchés et employés comme combustible, ou
mis à fermenter ; c'est de là qu'on extrait par
distillation une liqueur alcoolique appelée rhum.
Le suc exprimé des cannes, ou vesou, est chauffé
jusqu'à 110° pour déterminer la coagulation des
matières albuminoides qu'il contient, puis concen-
tré jusqu'à consistance sirupeuse ; alors on l'unit
à la chaux pour produire du saccharate de chaux,
matière qui peut se conserver indéfiniment sans
s'altérer, et dont on extrait le sucre à loisir par les
mêmes procédés que pour la betterave. "Tout le
sucre de canne produit est expédié en Europe et
mêlé au sucre extrait de la betterave.
5° Sorgho. — La tige contient une assez forte
proportion de sucre cristallisable ; il est cultivé
dans les environs de Marseille pour la fabrication
de l'alcool.
6° Bambou. — Toutes les parties du bambou sont
utiles ; la tige est employée pour faire des cannes,
des étuis, des vases extrêmement légers et très
solides, des meubles et des charpentes légères,
voire même des conduites pour les eaux ; les
jeunes pousses sont comestibles. Dans l'Inde, les
graines sont employées à la nourriture de la volaille.
GRAMMAIRE
— 8S8 —
GRAMMAIRE
Les autres graminées, comme le blé [Triticum
sntivum), le ^eigl' (Socale céréale), Vorge (Hordeum
vulgaré), V avoine {Avena saliva), le riz [Oryza sa-
tiva), le mois (Zea maïs) ou blé 'le Turquie, sont
cultivées pour leurs fruits ; leurs tiges, sauf celles
du maïs, forment une paille employée aux usages
les plus variés, litière, paillassons, tapis, chapeaux,
etc., voire même à la fabrication du papier. Outre
leurs usages alimentaires, les fruits de toutes ces
plantes, broyés, puis délayés dans l'eau et soumis
à la fermentation, produisent des liqueurs alcooli-
ques très employées dans les pays du nord (eau-
de-vie de grains) et dans les pays tropicaux (rack).
Toutes ces plantes sont originaires de l'ancien con-
tinent, à l'exception du maïs qui nous vient de
l'Amérique. — V. Blé&i Céréale:^.
[C.-E. Bertrand.]
GBAMMAIRE. — Ce mot se rattache, par l'in-
termédiaire de la basse latinité, à la racine qui
exprime l'idée à'éo-ire, et dont un dérivé, gramma,
désignait, chez les Grecs, les caractères de l'al-
phabet. Entre les lettres, qui représentent les
éléments des mots, et les mots eux-mêmes, ainsi
que leurï formes diverses et leur emploi, il y a une
relation tellement étroite, que le terme qui dési-
gnait les caractères de l'écriture servit à former le
nom des maîtres qui apprenaient aux enfants à les
tracer, et, par une extension toute naturelle, le
nom de la science même qui a pour objet l'étude
du langage.
Si l'on veut remonter aux origines les plus loin-
taines d'où sortit, en Occident, la science gramma-
ticale, et, en même temps, avoir une idée de ce
que la fantaisie ingénieuse du plus brillant des
philosophes grecs pouvait imaginer sur cette ma-
tière, à une époque où l'on avait perdu le secret
de la synthèse qui a préside à la formation des
langues indo-européennes, il faut lire le dialogue
que Platon a composé sur la propriété des noms.
Parmi les explications, parfois très justes, beau-
coup plus souvent spécieuses, que Socrate donne
à Cratyle sur la formation de la langue grecque,
plus d'une, hélas! ressemble à ces étymologies si
justement discréditées dont se moquait Voltaire, et
atteste avec quelle facilité les plus puissants
esprits peuvent s'égarer lorsque, dans une étude
aussi positive que celle du langage, ils substituent
à la méthode scientifique leurs conceptions et leurs
impressions individuelles.
Platon avait donné à ses explications sur l'ori-
gine et la propriété des noms la forme agréable
du dialogue. Plus sévèrement exposées chez son
disciple Aristote, les théories qui se rapportent à
la constitution du langage ne forment point cepen-
dant un corps de doctrine complet. Le tout, comme
le fait observer M. Mûller, se réduit à une sorte
d'ébauche grammaticale. Platon avait distingué le
notn et le verbe comme parties constitutives du
discours. Aristote y joignit les conjonctions et les
articles ; il observa également la distinction des
nombres et des cas. En un mot, les principaux
éléments de la grammaire avaient été trouvés par
les philosophes grecs; mais ils les avaient exposés
sans les soumettre à une méthode rigoureuse, dans
des livres qui n'avaient nullement pour objet l'en-
seignement de la grammaire. Pour trouver une
grammaire véritablement digne de ce nom, il faut
aller la demander à cette fameuse école d'Alexan-
drie, qui rendit à l'étude des lettres et des sciences
de si éclatants services. Parmi les philologues les
,plus illustres du Musée, nous devons surtout citer
Denys le Thrace, qui vint à Rome enseigner les
lettres grecques environ cinquante ans avant Jésus-
Christ, et publia la première grammaire qui ait été
composée pour un enseignement vraiment pratique.
Il faut nommer aussi le savant Apollonius, qui
vivait au ii" siècle de notre ère, et que la duroté
de son caractère, ou peut-être même de son style.
avait fait surnommer le Dyscole, c'est-à-dire, te
difficile.
Pour ce dernier, dont les ouvrages représentent
certainement le plus haut degré de perfection où
soit arrivée, dans l'antiquité, l'étude du langage, la
grammaire est avant tout une science d'observation.
Apollonius considère la grammaire comme un en-
semble de règles fondées sur l'élude exacte des
faits, et destinée à un but essentiellement pra-
tique, qui est de corriger le mauvais usage (Egger,
Apolhmius Dyscole).
La lecture des ouvrages qui nous restent de ce
célèbre grammairien montre que les mots dont se
compose la langue grecque avaient été soumis,
par les philologues de l'école d'Alexandrie, à une
classification rigoureuse. Les termes dont ils se
sont servis pour désigner les différentes parties du
discours, enseignes par Denys le Thrace à la jeu-
nesse romaine, et transmis, sous leur forme latine,
par les grammairiens de Rome à ceux de la Re-
naissance, sont ceux-l;i mêmes dont nous nous
servons encore aujourd'hui. A part quelques modi-
fications et quelques découvertes de détail (V. Loi-
seau, Histoire des progrès de la grammaire, édit.
E. Thorin), la science grammaticale ne fit point
à Rome de notables progrès. La critique scrupu-
leuse qui avait présidé aux travaux de philologues
tels que les Aristarque, les Denys, les Apollonius,
la finesse et même la subtilité de leurs analyses,
ne laissaient guère de progrès à faire, dans une
science d'observation comme la grammaire, aux
conceptions pures de l'esprit.
Nous indiquerons tout à l'heure la cause de
cette impuissance. Nous expliquerons du même
coup comment il se fait que, malgré la finesse et
la pénétration de leur esprit, des grammairiens
tels que les Solitaires de Port-Royal, les Dumar-
sais, les Beauzée, les Condillac ont si peu élargi
le cadre dans lequel les philologues d'Alexandrie
avaient renfermé la science grammaticale. Dé-
pourvus des notions qui leur auraient permis d'é-
tendre ce domaine, ceux que l'on a nommés parmi
nous les grammairiens philosophes ont entrepris
de le sonder et de le creuser dans toutes les di-
rections : mais ce fut trop souvent aux dépens de
la clarté. L'embarras et l'obscurité des définitions
qui résultèrent de cet examen minutieux du lan-
iiago; l'abus des termes abstraits; la subtilité des
distinctions; en un mot, tous ces défauts que Ton
a justement condamnés en bloc sous le nom de
niétaphusique, ne tardèrent pas à amener une
réaction dont Lhomond fut le représentant le plus
célèbre; réaction qui, naturellement, dépassa le
but et entretint, contre les améliorations les plus
louables, des préventions que la grammaire com-
parée voit à son tour se dresser devant elle.
Quoi que l'on pense à cet égard, voici à quoi
avaient abouti toutes les recherches et toutes les
études de vingt siècles : il y a dix ans, en France,
toutes les grammaires connues dans nos écoles se
composaient encore, comme au temps de Denys
le Thrace, de deux parties distinctes : 1° la lexico-
logie, c'est-à-dire l'énumération des parties du
discours, avec le tableau des formes sous lesquelles
petivent se présenter les parties variables ; 2° la syn-
taxe, c'est-à-dire l'exposé des règles qui président
à l'emploi et à l'arrangement des mots.
Mais on chercherait en vain, dans tous ces ou-
vrages, l'explication des formes diverses que les
mots peuvent revêtir. Ainsi, pour nous borner à la
langue française, aucun grammairien n'exposait
l'origine de notre pluriel ; aucun ne rendait
compte des prétendues anomalies que la forma-
tion de ce pluriel présente ; aucun n'expliquait
l'origine des formes multiples qui constituent la
conjugaison. Enfin, dans les langues classiques,
nul n'exposait pour quelle cause le sujet se met,
en latin , au nominatif, tandis que le complé-
GRAMMAIRE
— 839 — GRAMMAIRE COMPARÉE
ment direct se met à l'accusatif, questions qui,
d'ailleurs, étaiiMit également insolubles pour les
Denys et les Apollonius.
Tel était l'état d'ignorance absolue où se trou-
vaient les grammairiens sur les problèmes les
plus importants de la science qu'ils enseignaient,
quand apparut la première publication d'un homme
qui a renouvelé de toutes pièces les principes de
la grammaire. Nous voulons parler de François
Bopp, que M. Bréal nous a fait connaître dans
cette traduction magistrale où il a quelquefois
rectifié la doctrine du maître, et qu'il a considé-
rablement enrichie, dans les préfaces et dans les
notes, de considérations et de vues^ qui lui sont
personnelles. (G'-ammaire comparée, éd. Hachette.)
François Bopp, qui naquit à Jlayence, le !4 sep-
tembre 17KI, n'est pas pour nous un étranger.
Lorsqu'il eut appris les langues classiques et les
principaux idiomes de l'Europe moderne, il vint
à Paris vers 1812, et y passa quatre années, qu'il
consacra à l'étude du sanscrit, de l'arabe, du
pnrsan et de l'hébreu. Il était impossible qu'un
esprit aussi obseri'ateur que celui de Bopp ne
fût point frappé des ressemblances que présen-
taient ceux de ces idiomes qui se rattachent à
une origine commune, ressemblancesqu'avaient sai-
sies des esprits beaucoup m^ins bien préparés. Ap-
pliquant donc le système de la comparaison aux lan-
gues classiques ainsi qu'au sanscrit, et étudiant, à ce
point de vue, les formes de la conjugaison, F. Bopp
démontra que les formes si diverses que présen-
tent les verbes ont pour origine l'intervention de
préfixes et de suffixes qui, exprimant par eux-
mêmes les idées de persomies, de modes, et de
temps, se sont, avec les siècles, intimement sou-
dés aux racines verbales, en perdant, dans ce rap-
prochement, toutes les lettres qui auraient rendu
le contact moins intime. 11 d.montra de même
que les flexions qui caractérisent les cis, et qui
étaient si longtemps restées inexplicables, sont
également formées de particules qui indiquaient,
en général, la situation des individus ou des
objets dans l'espace, par rapport à celui qui les
considère.
Cette découverte fit, dans la grammaire, une
véritable révolution. Aux théories que les esprits
les plus ingénieux avaient imaginées à priori,
elle substitua des faits dûment constatés et con-
firmés encore par les conséquences qui s'en dé-
duisent tout naturellement dans la syntaxe. En un
mot, le secret de la synthèse séculaire qui avait
amené peu à peu l'agglutination des racines dans les
langues indo-européennes, était trouvé, et la gram-
maire renouvelée dans ses fondements. Faut-il donc
s'étonner que l'Allemagne ait célébré comme une
fête nationale le cinquantième anniversaire de la
première publication de Bopp?
Et cependant, en France, dans ce pays où Bopp
est venu achever ses études, des esprits timorés,
que les innovations inquiètent, contestaient et
contestent encore l'influence que peuvent exercer
ces découvertes au point de vue de la pra-
tique 1 Comme si ce n'était pas une vérité de sens
commun, que la mémoire retient bien plus fidèle-
ment les formes que l'intelligence a analysées et
comprises I Comme si le jugement des enfants ne
devait pas forcément s'exercer avec plus de recti-
tude et de sécurité, lorsqu'à une foule de règles,
inexpliquées dans leur principe, groupées le plus
souvent au hasard, et tout embarrassées d'excep-
kions et d'anomalies, on substitue quelques grands
ït larges principes que l'esprit le moins pénétrant
déduit tout naturellement de quelques faits positifsl
Comme si. enfin, la dignité de celui qui enseigne
et de celui qui écoute n'avait pas tout à gagner à
fette révolution qui substitue au mécanisme l'exer-
àce de rintelliîrence !
Souhaitons donc, pourl'honneur de l'enseignement
I français, que l'on renonce le plus tôt possible chez
' nous à ces méthodes incomplètes et surannées,
i qui n'expliquent rien, déroutent l'esprit des en-
fants par la multiplicité des exceptions, et rédui-
sent l'étude de la grammaire à un exercice de mé-
moire ennuyeux et fatigant; souhaitons-le mainte-
nant surtout que nous avons des livres très bien
faits pour ménager la transition de l'ancienne doc-
trine à la nouvelle. MM. Ghassang, Bailly. Leclair,
Brachet sont entrés résolument dans la voie ré-
cemment ouverte, et aujourd'hui officiellement
reconnue comme la seule qui mérite le nom de
méthode : nons ne risquerons point de nous égarer
en suivant des guides aussi éclairés et aussi pru-
dents.
La grammaire, telle que l'ont constituée les
partisans de la méthode historique, se compose de
trois parties :
1° Une partie entièrement nouvelle, la phonéti-
que ou ph>no>ogi';, qui étudie tous les change-
ments qu'ont subis les sons, et, par suite, les let-
tres qui les représentent, soit dans la même langue,
soit dans les langues congénères. C'est sur cette
étude que repose la vraie science étymologique.
Elle rend compte de ces changements en les rame-
nant à quelques lois naturelles, et prépare ainsi
l'explication des flexions, en même temps qu'elle
rend compte de ces prétendues exceptions qui
fourmillent dans les anciennes grammaires ;
2° La lexicologie, qui présente le catalogue, mais
le catalogue expliqué, des formes que prennent les
mots variables, ainsi que le tableau des mots dits
invariables, dont elle indique l'origine ;
3° Enfin la syntaxe, dont les principes généraux
se tirent d'eux-mêmes des affixes qui caractéri-
sent les cas et les modes.
L'esprit humain n'avait pas attendu les décou-
vertes dont nous avons parlé tout à l'heure, pour
élever une prétention beaucoup plus haute que
celle qui a été réalisée par la gram >,(nre co^tparée.
Alors que les lois de la phonétique étaient encore
inconnues parmi nous, des philosophes, armés de
leur seule intelligence, prétendaient trouver, dans
la constitution même de leur esprit, les lois géné-
rales de toute grammaire. L'ensemble de ces re-
files, communes h tous les idiomes parlés sur la
terre, constituerait la grammaire général'^. Mais
on conçoit que le nombre de ces principes com-
muns diminuerait toujours à mesure que l'on étu-
dierait des langues plus nombreuses, et que la
grammaire générale ne serait jamais finie tant
qu'il resterait une langue b. connaître. Du reste,
la pratique de l'enseignement n'est guère inté-
ressée au succès de ces investigations lointaines,
dont les résultats seront d'une application d'autant
plus restreinte que l'étude aura été plus complète.
V. Grammaire française.
[C. Rouzé.l
GRAMMAIRE COMPARÉE. — Nous avons ex-
posé, à l'article Grammaire, les diverses péripé-
ties qu'a traversées, depuis ses premières investi-
gations, l'étude du langage. L'importance de la
révolution qu'a faite, dans cette étude, la gram-
maire comparée, ainsi que les brillantes destinées
qui lui sont forcément réservées, nous oblige à
rappeler l'origine de cette science nouvelle, à en
démontrer l'autorité, à en exposer enfin, à l'aide
de quelques exemples frappants, l'esprit, la mé-
thode et la portée.
Tandis que la grammaire empirique des Grecs
et des Latins se contentait d'exposer et de classer
les faits, sans aborder aucune des questions que
soulève la constitution intime du langage; tandis
que la grammaire phil':sophique des modernes,
considérant chaque idiome isolément, cherchait la
solution des problèmes grammaticaux que cette
langue soulève, dans la raison pure ou dans la cons-
titution de l'esprit humain, la grammaire compa-
GRAMMAIRE COMPARÉE — 890 — GRAMMAIRE COMPARÉE
rêe, regardant chaque idiome comme un membre
qui doit forcément se rattacher aune famille dont il
reproduit, au milieu de toutes les différences de
détail, les traits généraux et caractéristiques, cher-
che dans le rapprochement, dans la comparaison
de tous ces idiomes congénères, la cause et l'ex-
plication des faits particuliers que présente chacun
d'eux. De là son nom de Grammaire comparée. Un
exemple que nous allons tirer de la famille à la-
quelle appartient la langue française montrera
combien les prétentions de cette science sont lé-
gitimes.
Environ trois mille ans avant notre ère, les an-
cêtres de notre race étaient encore concentrés sur
les hauts plateaux de cette partie de l'Asie que l'on
a nommée l'Arie, et qui s'étend à l'ouest de la
chaîne de l'Hindou-Kousch. Devenus trop nom-
breux, les Aryas furent forcés de se disperser et
d'aller chercher au loin des établissements plus
vastes et plus commodes. Les uns, suivant les con-
tre-forts occidentaux des montagnes qui leur fer-
maient l'accès du Tibet et de la Chine, allèrent s'é-
tablir dans l'Inde, où ils formèrent les castes su-
périeures de ce pays. D'autres se fixèrent dans la
Média et dans la Perse. Les tribus les plus nom-
breuses enfin, se dirigeant vers l'ouest, et conti-
nuellement pressées par de nouvelles migrations,
vinrent peupler l'Europe et donnèrent naissance,
d'un côté, aux Celtes, aux Scandinaves, aux Ger-
mains, aux Slaves, qui se fixèrent définitivement
dans la région du Nord ; et de l'autre, aux Pélasges,
aux Hellènes et aux autres tribus qui peuplèrent
l'Espagne, l'Italie et la Grèce.
La langue que parlaient toutes ces peuplades
se modifia diversement avec les siècles, sous l'in-
fluence du climat et de la civilisation, et devint,
dans l'Inde^ le sanscrit, cette langue sacrée qui,
morte aujourd'hui comme le latin parmi nous, a
été soumise depuis des siècles, parles Brahmanes,
à l'analyse la plus délicate et la plus minutieuse ;
elle donna naissance, dans l'Iran, à l'idiome que
nous ont révélé Anquetil-Duperron et E. Burnouf,
e; dans lequel es'^exposée la doctrine du réforma-
teur Zoroastre.
En Europe, à l'exception du basque, du finnois,
du hongrois et du turc, qui se rattachent à une
autre famille, tous les idiomes qui se parlent au-
jourd'hui sont la forme nouvelle que le temps a
donnée à la langue primitive des tribus aryennes.
Quelques-unes de ces langues, comme le français,
l'italien, le portugais, l'espagnol, s'appellent néo-
latines ou romanes, parce que, dérivées principale-
ment de la langue qui se parlait jadis à Rome,
elles ne sont pour ainsi dire qu'un aspect nouveau
sous lequel la langue latine continue de parcourir,
dans l'Europe occidentale, la série de ses méta-
morphoses.
Il ne nous reste aucun monument de la langue
que parlaient primitivement les tribus aryennes.
Mais, bien que nous ne puissions rattacher les
langues modernes à leur origine commune, il nous
suffira de rapprocher quelques-unes des expres-
sions qui, répondant à un des premiers besoins de
l'homme, ont dû sortir les premières de la bouche
des Aryas, pour établir avec la plus complète évi-
dence la parenté des langues indo-européemies.
Ainsi, pour ne citer que deux exemples caracté-
ristiques, le mot jnère, ce mot qui nous vient avant
tous les autres sur les lèvres, se dit, en sanscrit,
viatri ; en persan, madcr ; en grec mêler ou mater ;
en latin, mater; en allemand, mutler; en slavon,
7nnfi; en celtique, mathair. Il faudrait être bien
difficile pour exiger une ressemblance plus saisis-
sante.
Passons maintenant à un ordre d'idées tout
différent. Le nombre neuf, dont la conception
même indique un degré de civilisation déjà avancé,
et remonte par conséquent à une époque très éloi-
gnée de l'origine commune, est tiré, dans toutes
les langues indo-européennes, de l'adjectif qui si-
gnifie nouvenu : c'est, en quelque sorte, le nombre
ou le chiffre récemment trouvé et encore iOMineuf,
ce qui tendrait à établir que la numération s'était
longtemps arrêtée à huit. Or, nouveau se dit, en
sanscrit, nuva; en persan, nev; en grec, 7ieos ; en
latin, novus; en allemand, neu ; en slavon, nov ;
en celtique, nua. Et, par une conséquence toute
naturelle, dans tous nos idiomes modernes, le
nombre neuf et l'adjectif nouveau présentent la
plus frappante analogie, quand ils ne sont pas,
comme en français, absolument identiques.
Ces ressemblances, qu'il est impossible d'attri-
buer au hasard puisque les dernières se rattachent
à l'expression d'une idée abstraite, montrent bien
que toutes les langues indo-européennos ne sont
que des variétés, des états plus récents d'un
idiome antique, auquel elles se rattachent comme
à une commune origine. Il est, dès lors, légitime
de prétendre qu'en rap])rochant deux ou plusieurs
langues congénères, on pourra tirer, de cette
comparaison, l'explication de mille faits gramma-
ticaux qui échapperaient à 1 analyse ou qui reste-
raient inintelligibles si on les envisageait isolé-
ment.
Par exemple, nous lisons dans nos grammaires
classiques, que la troisième personne du singulier
des verbes se termine par un t. Ainsi : il aimaii ;
il fiiiissaii; il recevaiT; il rendaiT. Mais, si nous
examinons la troisième personne du singulier du
présent de l'indicatif, nous voyons surgir deu
irrégularités :
« H aime; il finit; il reçoit; il rend. »
Supposez que les langues anciennes nous soient
inconnues, et que la pratique de la comparaison
nous soit impossible, les formes il aime, il rend,
deviennent inexplicables, et nous sommes forcés
de les ranger au nombre des anomalies. Bien plus,
nous ne pouvons pas même expliquer l'origine
de cette règle qui dit que le t est la finale carac-
téristique de la troisième personne. Les grammai-
riens de Rome n'en savaient pas plus long sur ce
sujet ; et s'ils ont réparti les verbes latins en
quatre conjugaisons, c'est que, ne connaissant pas
les idiomes qui auraient pu leur révéler la consti-
tution intime de leur langue, et, par conséquent,
se trouvant incapables de résoudre les formes
verbales en leurs éléments, ils ont pris pour base
de leur classification les anomalies apparentes et
nous ont ainsi légué ces divisions arbitraires qu'il
sera bien difficile d'extirper de l'enseignement.
Grâce à la comparaison, le fait grammatical
dont nous parlons se révèle dans toute sa simpli-
cité.
Nous avons appris, en effet, en comparant le
latin et le grec avec les idiomes congénères de
l'Asie, que la troisième personne du singulier se
forme en ajoutant au radical, qui contient la si-
gnification du verbe, un suffixe pronominal ti, qui
représente la troisième personne, et signifie par
conséquent ;/ ou elle. Je prends, par exemple, le
radical ama, qui exprime l'idée d'aî?«e>; j'y ajoute
le suffixe pronominal ti, et je forme ainsi une
troisième personne du singulier que représente
avec la plus grande exactitude notre forme fran-
çaise aime-t-il. Seulement, dans aime-t-il, qui est
pour aimet-il, le pronom sujet se trouve exprimé
deux fois : il est représenté d'abord par la lettre T,
qui n'est point, comme on le dit souvent, une
lettre euphonique, puisqu'il y a eu un temps où
l'on écrivait il aimet ; il est, de plus, exprimé par
le pronom il, que l'on ajouta devant le verbe sous
l'influence de deux causes : 1° parce que l'on avait
perdu le sens des désinences personnelles, qui ne
sont autre chose que les pronoms sujets; 2° parce
que ces syllabes finales se trouvant après la voyelle
accentuée, et dès lors forcément destinées à s'as-
GRAMMAIRE COMPARÉE — 891 — GRAMMAIRE FRANÇAISE
sourdir ou à se perdre en passant du latin en fran-
çais, il fallut bien, pour être compris, exprimer
le pronom avant le verbe, surtout quand on se trou-
vait obligé d'employer des formes aussi identiques
pour l'oreille que yaime, tu aimes, il aime, ils
aiment!
Ainsi, grâce à la comparaison, nous avons appris
à de'composer le verbe en deux éléments fonda-
mentaux : le radical et la désinence personnelle.
De plus, en remontant de quelques siècles dans
notre histoire, nous avons trouvé cette forme an-
cienne « il aimet », qui fait rentrer le verbe oiiner
dans le concert des autres conjugaisons. Si nous
considérons d'autre part que le d final de « il
rend » est une dentale moj'enne, dont la présence
amène naturellement, et en vertu d'une loi pho-
nique, la suppression du t qui n'est lui-même
qu'une dentale ténue, nous aurons du même coup
ramené les quatre formes citées plus haut à un
type unique. Et comme il serait facile de ramener
de même toutes les autres personnes à un seul
modèle, nous avons démontré, non plus à priori,
mais par des faits patents, incontestables, « qu'il
n'y a en réalité qu'une seule conjugaison «, et
que toutes les variétés, comme toutes les anoma-
lies apparentes, s'expliquent naturellement, soit
par l'influence de certaines lois que la gram-
maire comparée expose dans la phonétique, soit
par l'histoire des péripéties qu'a traversées la
langue.
Comment expliquer, par exemple, la diversité de
formes que présente le verbe aller, où nous voyons,
dans un même temps : je vais, nous allons, ils vo?ît,
et où le futur, firai, difi'ère si profondément du
présent, je vais, ou de l'infinitif ? Rien n'est plus
«impie cependant. La grammaire comparée nous
apprend que cette irrégularité apparente se re-
trouve dans toutes les langues et se rattache à une
cause commune. Partout, en effet, la conjugaison des
verbes les plus fréquemment usités s'est formée
du mélange de radicaux différents qui, traduisant
tous une môme idée générale, pouvaient indiffé-
remment s'employer les uns pour les autres, et ont
ainsi concouru à la formation d'un même verbe.
Ainsi, le verbe aller, au présent de l'indicatif, est
formé de deux radicaux différents, empruntés au
verbe vadere, qui nous a donné je vaif, tu vas, il
va, ils vont {vado, vadis. vadit, vndunt), et au ver-
be adnare, d'où nous avons tiré jîous allons, io"s
allez, par des modifications qu'explique très clai-
rement la phonétique. Le futur, de son côté, est tiré
d'un autre verbe laiia ire, qui veut dire aussi aller.
Si nous avons tout d'abord essayé de mettre en
lumière les découvertes que la comparaison a per-
mis de faire dans la constitution intime des verbes,
c'est qu'il nous a paru intéressant de rappeler que
ce sont des linguistes formés à l'école de Paris
qui, dix-huit cents ans après la mort de Cicéron,
ont révélé la structure mystérieuse d'une langue
qui était restée pleine d'énigmes pour Cicéron lui-
même, comme le grec l'avait été pour Démosthène.
Guidée par la comparaison, l'analyse a fait des
découvertes tellement délicates et tellement im-
prévues, que cet aperçu serait par trop incomplet
si nous ne citions au moins un exemple de syn-
thèse, où nous verrons se réunir les idées de per-
sonne, de voir, de temps et de mode.
Si nous analysons cette phrase : « Puissions-
nous être aimés ! •>, nous y trouverons d'abord une
idée principale, représentée par le radical du- par-
ticipe aimés. D'un autre côté, la réunion de ces
mots ét7-e aimés, nous présente l'action d'aimer
comme soufferte, ou passive. De plus ce terme pas-
sif, être aimés, est modifié par l'idée d'un souhait.
d'un désir, qu'exprime, en grec, le mode que l'on
appelle optatif (du latin optnre, qui signifie sou-
haiter) : le français traduit ici cette idée par la
forme puissions-nous. Mais ce souhait, ce désir, est
relatif au moins à deux personnes^ une personne
qui parle et une personne dont il est parlé, les-
quelles, réunies, sont représentées par la première
personne du pluriel. Enfin, un souhait entraîne •
forcément avec lui l'idée d'un temps à venir, d'un
futur. Eh bien, si nous analysons la forme grecque
qui traduit « puissions-nous être aimés », nous y
trouverons l'expression de toutes ces idées, réunies
dans une sj-nthèse des plus curieuses. Cette forme,
transcrite en caractères romains, serait « philè-thè-
S0-I-MÉ-TH.4», que nous divisons par de petits tirets
pour la commodité des explications qui vont sui-
vre.
Si nous étudions cette forme, en commençant
par la fin, nous y trouverons :
1° Deux pronoms : mé-tha, qui correspondent aux
pronoms français moi et il, et sont tout simple-
ment des modifications de mi et de ti, que nous
avons déjà vus plus haut;
2° L'expression modale de Voptatif, représenté
par la voyelle i, que l'on a empruntée au radical
du verbe grec i-emai, qui signifie désirer ;
3° L'expression du futur, dans le suffixe sa, qui
ist tiré du futur e-so-mai du verbe grec qui si-
gnifie être;
4° L'indication de la voix passive, dans le suf-
fixe thê, emprunté à un verbe primitif qui a donné
aux Allemands leur verbe thim, et aux Anglais
leur verbe do. qui tous deux signifient faire;
5° Enfin, le radical jihilé, que nous trouvons
dans les mots philanthj^ope, Théophile, et qui
exprime l'idée d'aimer.
De sorte que si nous traduisons philêthêsoimé-
ihn en partant de la désinence et en remontant
vers le radical, nous aurons lUtéralement : lui et
MOI PUISSIONS-NOUS DEVOIR ÊTRE FAITS AIMÉS, élé-
ments qu'a combinés et fondus ensemble le tra-
vail d'une synthèse cent fois séculaire.
Quand la grammaire comparée ne servirait
• lu'à nous révéler, avec une pareille lucidité, la
constitution intime des langues classiques, il fau-
drait déjà la préférer à toutes les autres méthodes
qui, n'expliquant rien, laissent constamment en
suspens l'intelligence au lieu d'en faire l'auxiliaire
de la mémoire. Mais la comparaison n'est pas
moins utile à la connaissance de notre idiome,
puisque l'état où nous le voyons aujourd'hui est
la conséquence d'un état antérieur qu'il est abso-
lument indispensable d'étudier si l'on veut ré-
soudre les problèmes que présente sa forme ac-
tuelle.
Les limites dans lesquelles nous sommes obligés
de nous renfermer ne nous permettent pas d'insis-
ter plus longuement sur ces détails. Nous pensons
en avoir assez dit, pour démontrer combien les
principes sur lesquels repose la grammaire com-
parée sont supérieurs à toutes les doctrines que
nous a léguées le passé. La pratique de cette mé-
tiiode, qui fait de la grammaire une histoire natu-
relle du langage, en prouvera mieux encore l'excel-
lence ; et, en dépit de toutes les oppositions, le
jour n'est pas éloigné où les vieilles grammaires,
religieusement déposées dans nos bibliothèques
comme des documents précieux, ne seront plus
consultées que par ceux qui voudront étudier,
'/'après les monuments, l'histoire de la gram-
maire. [C. Rouzé.j
GRAM.MAIRE FRANÇAISE. — On fait remonter
l'origine de ce mot au grec gramma, qui veut dire
lettre, et qui a donné y;'am»zaj'?'e par l'intermédiaire
du suffixe latin aria. La grammaire serait donc,
d'après l'étymologie, la simple connaissance des
lettres de l'alphabet ou l'art de lire et d'écrire.
Mais cette science des lettres est bien vite devenue
la science des mots et des lois qui les régissent,
soit dans la langue parlée, soit dans la langue écri-
te. Envisagée à ce point de vue général, la gram-
maire touche à tout : à la métaphysique, à la mo-
GRAMMAIRE FRANÇAISE — 892 — GRAMMAIRE FRANÇAISE
raie, à la philosophie, à la rhétorique, à la poésie,
etc. Chez les Grecs, les philosophes Platon et
Aristote, les rhéteurs de l'école d'Alexandrie ; chez
les Latins, Varron, Cicéron, Qiiintilien, pour ne
citer que les plus illustres, mêlent k leurs hautes
spéculations philosophiques ou à leurs préceptes
du rhétorique de curieuses recherches grammati-
cales. A l'époque de la Renaissance, les Dubois,
les Ramus, les Estienne, et plus tard Lancelot, Ré-
gnicr-Desmarais, Dumarsais etc.. distinguent à
peine la grammaire de la philosophie et de la rhé-
toriqHO. C'est qu'en effet il y a une liaison si in-
time, des rapports si étroits entre l'idée proprement
dite et les signes qui la représentent, que le gram-
mairien, qui ne doit s'occuper que des signes^ est
souvent forcé d'étudier aussi l'idée.
De nos jours, le domaine de la grammaire a des
bornes plus précises et son rôle dans l'enseiirne-
mcnt est mieux défini. Le grammairien (du moins
dans la plupart des livres destinés aux élèves) a
renoncé depuis longtemps :i ensi igner la philosopliic
et la rhétorique du langage ; il relève les formes
naturelles de notre langue, les tours usités par nos
meilleurs écrivains, et il en tire des principes géné-
raux qui indiquent le bon usage sans avoir la
prétention de le régler. On peut même dire que la
grammaire, il y a une vingtaine d'années, bien décline
de ses anciennes aspira' iuns, n'était plus qu'une
sorte de procès-verbal de l'usage, une espèce de code
pénal :ipplicable aux écoliers, où l'on ne lisait plus
que cet arrêt répété à l'infini sous une forme peu
variée : Dite^, lie dites pas ;...il ne fout pas dire...
mois il faut dire, etc. Réduite à celte sèche nomen-
clature, la grammaire française surchargeait la mé-
moire sans développer l'intelligence. A force de
poser des questions sans les résoudre, elle habi-
tuait les élèves 5, répéter machinalement des cho-
ses qu'ils ne comprenaient pas et que, ayons le cou-
rage de l'avouer, les maîtres eux-mêmes ne compre-
naient guère.
La grammaire historique * est venue jeter un peu
d'air et de lumière à travers la poussière de nos
vieux rudiments. M. Ayer en Suisse, M. Brachet en
France ont les premiers tenté de faire bénéficier
notre enseignement classique des découvertes ré-
centes de la philologie- De nombreux imitateurs
ont suivi leurs traces, et la méthode historique, que
l'on avait longtemps accusée d'être obscure pour
des enfants , a enfin pénétré dans l'école. En donnant
la raison de chaque règle, l'explication de toutes
les bizarreries de notre syntaxe, elle a réveillé en
Fi ance le goût des études grammaticales et donné
à l'enseignement de notre langue, avec un côté
nouveau et attrayant, un point de départ sérieux,
une base solide et inébranlable. Pourquoi dit-on
grand'mère et nonpas^)'fln(/e wi'?re? pourquoi orgue
a'-t-il deux genres? d'où vient le t qu'on trouve dans
aime-1-il, chante-j-il? pourquoi former le pluriel
avec un s, pourquoi pas avec un n ou un p ? etc.
Autant de questions qui se trouvent résolues par la
grammaire historique. «L'usage présent, dit M. Bra-
chet, dépend de l'usage ancien et ne s'explique que
par lui ; dès lors quoi de plus naturel que de faire
servir l'histoire de la langue à l'explication des
règles grammaticales, en remontant depuis l'usugo
actuel jusqu'au moment où elles ont pris nais-
sance?» C'est une satisfaction pour l'esprit; bif'n
plus, c'est un secours pour la mémoire; ce que l'on
comprend bien se retient plus facilement, et l'élève
se rappelle d'autant mieux les règles de la gram-
maire qu'elles ont déjà un point d'appui dans son
intelligence. C'est cette méthode que les Allemands
emploient depuis longtemps dans leurs écoles pour
l'enseignement de la langue nationale. C'est la
méthode inverse qui avait été suivie en France jus-
qu'à ce jour.
Xous n'avons pas besoin d'ajouter que c'est la
méthode suivie pour les questions «le grammaire
que nous avons traitées dans ce Dictionnaire. Par-
tout nous avons soigneusement donné l'explica-
tion de chaque terme grammatical. L'enfant com-
prendra mieux ces mots trop abstraits, si l'on a
soin de lui donner leur sens populaire ; conjonction
et ■ lision, par exemple, ne sont pour lui que des
termes à peu près inintelligibles : il les retiendra
mieux quand on lui aura dit que conjonction signi-
fiait chez les Romains union, et qu'é/?'sK'n voulait
dire écrasement . parce que dans Vetision la voyelle
élidée est en effet écrasée et remplacée par l'apos-
trophe.
Nous avons commenté et expliqué les définitions,
rendu compte des règles et des exceptions Sans
doute, pour bien comprendre ces règles souvent
bizarres 'iui nous viennent directement des Latins,
il faudrait) connaître les éléments de la langue la-
tine; mais ce secours nous manque pour les écoles
primaires. Cette lacune sera bientôt comblée, du
moins pour les maîtres, puisqu'on parle d'instituer
un cours de latin dans le:< écoles normales. En
attendant que cette réforme ait porté ses fruits, on
peut toujours donner les explications qui sont à la
portée des enfants, celles qu'on peut tirer de l'his-
toire même du français et qui ne demandent, pour
être comprises, aucune connaissance des langues
jinciennes. C'est ainsi que nous avons étudié
la formation des substantifs, des adjectifs, des
verbes, etc., tirés de mots déjà existant en
français, sans remonter jusqu'à leur origine la-
tine.
L'enseignement de la langue maternelle se divise
naturellement en deux parties : 1° La théorie ou
grammaire proprement dite; '1° V application ou
exercices d' orthographe et d'analfise.
De plus, une grammaire complète comprend gé-
néralement trois cours que les élèves doivent par-
courir en six ans, soit deux années par cours. La
grammaire {t/iéorie et application) peut donc être
divisée en trois parties de la manière suivante:
1° Cours ÉLÉMENTAIRE. — 1° Théorie. Étude abrégée
des parties du discours ; règles de la formation du
féminin et du pluriel; conjugaison des verbes régu-
liers ; premières règles d'accord du nom, de l'ad-
jectif, du pronom et du verbe, avec les principes de
l'analyse gramm.iticale. — '2" Application. Lecture et
copie de textes choisis dans lesquels on fera distin-
guer successivement les parties du discours. —
Exercices sur la formation du féminin et du plu-
riel. Phrases à conjuguer. Premières règles d'accord
de la syntaxe. — Analyse grammaticale élémen-
taire.
2° Cours ixtermédiaire — 1° Théorie. Etude dé-
taillée des parties du discours, des mots primitifs
et de leurs dérivés — racines, préfixes et suffixes ;
conjugaison des verbes irréguliers ; différentes
sortes de verbes ; emploi des auxiliaires, du parti-
cipe ; emploi des signes de ponctuation ; distinction
sommaire des propositions en propositions princi-
pales et propositions subordonnées ou dépendantes;
principales règles d'accord et de régime ; analyse
grammaticale détaillée ; éléments de l'analyse logi-
que et de l'analyse étymologique; étude des homo-
nymes et des idiotismes les plus usités. — 2» Ap-
plication. Dictées sur l'orthographe d'usage. Dictées
de règles, rarement en phrases détachées. Exercices
oraux et écrits sur les règles vues. Application des
signes de ponctuation. Définition des mots. Chan-
gements de sens amenés par les préfixes et les suf-
fixes. Analyse étymologique. Analyse grammaticale.
Analyse logique. Exercices sur les homonymes. Pe-
tites compositions de style.
3" Cours supérieur. — 1° Théorie. Retour sur les
parties du discours étudiées à un point de vue plus
élevé, plus philosoi)hique, comprenant tous les dé-
veloppements de la syntaxe d'accord et de la syn-
taxe de régime ; syntaxe des propositions isolées
ou réunies en ph.vasi^s- application de toutes les
GRAMMAIRE FRANÇAISE — 893 — GRAMMAIRE FRA.NÇAISE
règles de l'analyse logique et de l'analyse étymolo-
gique. Etude approfondie des homonymes, des idio-
tismes et des synonymes. — T Applkatioji. Dictées
sur l'orthographe d'usage et sur les principales dif-
ficultés de la syntaxe. Exercices oraux et écrits sut
le sens des mots, sur leur origine et leur dériva-
tion. Exercices sur les homonymes et les synony-
mes. Commentaire philologique et grammatical sur
les auteurs. Compositions de style.
Ce programme est, du reste, à peu près celui qui
est suivi dans les écoles de la ville de Paris, et
nous n'aurions pas mieux demandé que de nous y
conformer, si les exigences typographiques de cet
ouvrage ne nous eussent obligé d'y renoncer. En
effet, sans parler de la place, qui nous a été forcé-
ment mesurée, il nous était difficile de faire sur
chaque mot trois études séparées, applicables aux
trois cours de grammaire, sans entrer dans un sys-
tème de redites, de parenthèses et de renvois aussi
encombrants qu'inutiles. Nous avons préféré dire
tout d'une haleine ce qui concernait chaque article,
en ayant soin seulement d'indiquer les développe-
ments à l'usage des maîtres. A eux de distinguer ce
qui dans ces développements pourra intéresser leurs
élèves.
Chaque instituteur connaît mieux que personne
les enfants auxquels il s'adresse, leur degré de
force, leur aptitude, surtout leur bonne volonté ;
il saura mesurer les explications à l'intelligence de
son jeune auditoire. Nous n'avons pas voulu non
plus donner, comme certaines grammaires, la pâture
de chaque année, de chaque mois, même de cha-
que classe, soit comme théorie, soit comme appli-
cation.
Nous avons compté sur l'initiative du maître,
qui doit, sans doute, suivre pas à pas le pro-
gramme officiel, mais qui doit surtout s'inspirer
des nécessites du moment, tantôt insister sur un
point qui n'a pas été compris ou revenir sur
un autre qui a été oublié, tantôt courir à une
règle importante ou passer rapidement sur des
axiomes rebattus, sur des vérités banales. C'est
là le programme d'un maître éclairé , le pro-
gramme naturel et logique qui doit au besoin cor-
riger les arrêts trop absolus de tout programme
officiel. Enfin, si l'on nous demande quelle est la
meilleure grammaire, nous répondrons sans hési-
ter: celle du maître. Certes les ouvrages qui ont
paru sur ce sujet da.ns ces derniers temps témoi-
gnent tous, à différents points de vue, d'un pro-
grès réel dans l'enseignement. Les méthodes, ra-
jeunies, sont plus rationnelles et plus pratiques,
la grammaire française est étudiée de plus liaut,
ses règles sont plus sûrement exprimées et mieux
comprises. Mais le moindre défaut de tous ces
livres excellents, c'est d'être des professeurs
muets. Il faut que le professeur soit un livre qui
parle. Il faut que sa parole vivifie l'enseignement
du manuel, qu'elle le commente, qu'elle rexplii[ue,
qu'elle se substitue à l'auteur absent pour déve-
lopper sa pensée t^t la traduire sous la forme la
plus accessible aux élèves. Que le maître ne soit
jamais esclave du livre ; celui-ci n'est qu'un ins-
trument qui vaut plus ou moins selon la main dans
laquelle il est tombé. Le programme donne les
grandes lignes à suivre ; la grammaire fournit la
formule brève, concise, qui doit pénétrer dans la
mémoire des élèves et s'y fixer.
Surtout, que le maître arrive préparé, avec un
plan bien arrêté d'avance, afin que chaque classe
Boit remplie par une leçon intéressante, qui soit
en même temps un retour sur ce qu'on a déjà vu
et un pas en avant dans ce qui reste à voir. Dans
cotte tâche laborieuse, pour obéir aux exigences
d'un enseignemeni quotidien, l'instituleura besoin
d'un ouvrage plus complet que celui qu'il a entre
les mains. Il doit savoir beaucoup, même pour
enseigner peu. Il lui faut des développements, des
commentaires étendus et variés sur chaque parti»
de la grammaire ; il faut qu'il ait sous la main la
solution de toutes les difficultés, la réponse à toute»
les questions, enfin une sorte de vade-tn'Ciwi gram-
matical où il puisse trouver en toute occasion tous les
éléments d'une explication attrayante et utile. T/1
est le but de notre travail ; but idéal, que nous
n'avons pas la prétention d'avoir atteint.
Voici l'exposé du plan que nous avons suivi pour
le cours de grammaire française théorique et pra-
tique donné dans ce Dictionnaire. On retrouvera
chaque article à son ordre alphabétique.
PROGRAMME DE GRAMMAIRE
L'enseignement du français se divise en deux
parties : 1° la Théoine ou Grammaire proprement
dite ; 2o l'Application ou exercices d'orthographe et
d'analyse.
THÉORIE.
I. Gramm.ure. — Différentes qualifications ajou-
tées à ce mot. Exposé rapide de ce qu'on en-
tend par : 1" Grammaire générale ; 2° Grammaire
comparée ; 3" Grammaire historique; 4° Grammaire
puiiiculière ou grammaire française. — V. Gram-
maire, Grammaire compa7'ée, Gra>nm'dre histo-
rique, Grammaire française, Langue maternelle.
II. GRAMMAIRE FRANÇAISE. — La grammaire passe
du simple au composé, des lettres aux mots, des
mots aux propositions, puis aux phrases. De là
trois parties de la grammaire : l'étude des lettres,
l'étude des mots, l'étude des propositions et des
phr/:ses — V. Grammarc française.
III. Phonétique ou étude des lettres. — La
grammaire n'apprend pas seulement à écrire, elle
apprend aussi à parler correctement. Pour bien
écrire et bien parler il faut donner à chaque son
sa valeur réelle, et connaître les lettres, la pro-
nonci'ition, Y accentuation et Vétymologie; tel est
le but de la phonétique. — V. Phonétique.
Lettres. — Qu'est-ce qu'on appelle lettres ?
— Différence du son et de la figure. — La réunion
de toutes les lettres s'appelle alphabet. — L'al-
phabet se divise en deux parties : les voyelles et
les consonnes. — Voyelles simples, combinées. —
Diphihongues. — Voyelles nasales. — Consonnes
simples, consonnes composées. — Consonnes gut-
turales, dentales, labiales, liquides, nasales ; con-
sonne double; consonne aspirée. — V. Lettres.
IV. Prononciation. —Les lettres réunies forment
des syllabes. — Son des lettres. — Quantité- —
influence de l'accent tonique sur la quantité. —
Syllabes longues ou brèves. — Remarques sur la
prononciation des voyelles; sur la [irononciaiioa
des consonnes. — Changements survenus dans la
prononciation. — V. PronO' dation. Contraction.
V. Lecture. — Principes d'épellation. Lecture
expressive. — V. Lecture, Déclamation.
VI. Accentuation. — Définition du mot accent
en général. — Accent tonique, son influence
sur la formation de la langue et sur l'orthogra-
phe. — Renforcement de la syllabe accentuée. —
.\ssourdissement des syllabes atones. — Accent
grammatical : aigu, grave, circonflexe. — Accent
oratoire. — Ce qu'on appelle accent provincial.
— V. Acceutunf'on, Déclamation.
VII. Orthographe. — Orthographe de règle,
orthographe d'usage. — Quelles sont les causes
d'irrégularité de notre orthographe? — Quelles
transformations a-t-elle subies ? — Quelles réfor-
mes a-t-on tenté d'y introduire ? — Orthographe
phonétique. — Orthographe étymologique. —
Quelles seraient les modilicatiuns les plus dési-
rables anjourd'hui ? — Remarques sur 1 orthogra-
phe d'usage. - Majuscules. — Signes orthogra-
phiques : accents, tréma, apostrophe, cédille,
trait-d'union. — V. Orthographe.
VIII. i>YMOLOGiE. — Coup d'œil historique sur
GRAMMAIRE FRANÇAISE — 894 — GRAMMAIRE FRANÇAISE
cette partie de la science des langues. — Utilité
de l'étymologie pour parler notre langue avec
précision et pour en connaître l'orthographe. —
Notions succinctes appuyées sur des exemples. —
Racines. — Familles de mots. Mots primitifs, dé-
rives, composés. Diminutifs, préfixes, suffixes. —
V. Etymologie, Déclinaison, Dérivation, Doublets.
IX. Lexicologie ou étude des mots. — La
lexicologie étudie les mots pris isolément. —
Différence entre la phonétique et la lexicologie.
— Division des parties du discours. — Chaque
mot peut être considéré dans sa nature (lexicolo-
gie proprement dite) ; dans sa formation (etymolo-
gie) ; dans ses rapports avec les autres mots
^syntaxe). De là trois divisions pour chaque par-
tie du discours: 1° lexicologie; 2» etymologie;
3» syntaxe. — V. Lexicologie, Parties du discours,
IVoM ou SUBSTANTIF. — 1° LcxicoIogic. — Dé-
finition. — Noms communs, noms propres. —
Noms concrets, noms abstraits. — Noms collec-
tifs. — Noms composés. — Noms indéfinis. — Du
genre ; remarque sur le genre de quelques noms.
— Formation du féminin dans les noms. — Du
nombre dans les noms. — Noms à double pluriel.
— Noms invariables. — Pluriel des noms dérivés
des langues étrangères. — Pluriel des noms com-
posés. — Pluriel des noms propres. — 2" Etymo-
logie : Origine des noms communs, des noms
propres ; formation des substantifs. — Noms dé-
rivés des substantifs, des adjectifs et des verbes.
— 3° Syntaxe. — Emploi du nom dans la propo-
sition. — V. Nom, Genre, Sywaxe.
X. Article. — 1° Lexicologie et etymologie :
Définition. — Article défini, article indéfini. —
Xombre. — Genre. — Elision. — Contraction. —
2" Syntaxe : Emploi de l'article. — V. Article, Syn-
taxe.
XI. Adjectif. — \° Lexicologie : Définition. —
Adjectifs qualificatifs, déterminatifs, indéfinis. —
Formation du féminin dans les adjectifs qualifica-
tifs. — Nombre. — Degrés de signification dans
les adjectifs. — 2" Etymologie : Formation des
adjectifs a\ par composition, 6) par dérivation. —
Adjectifs déterminatifs : adjectifs numéraux, dé-
monstratifs, possessifs. — Adjectifs indéfinis.
— 3" Syntaxe : Emploi de l'adjectif. — V. Adjectif,
Comparaison {<legrês de), Syntaxe.
XII. Pronom. — 1° Lexicologie et etymologie :
Définition. — Origine. — Pronoms personnels, dé-
monstratifs, relatifs, indéfinis. — Adjectifs em-
ployés comme pronoms ; pronoms, adjectifs. —
^" Syntaxe : Emploi du pronom. — V. Pronom,
Syntaxe.
Mil. Verbe. — 1° Lexicologie : Définition. —
Verbes transitifs et verbes intransitifs. — Verbe
actif, — passif, — réfléchi, — neutre, — imperson-
nel. — Radical. — Terminaison. — Nombre. —
Personne. — Modes. — Temps. — Conjugaison. —
Auxiliaires. — Emploi des auxiliaires dans la con-
jugaison. — Verbes conjugués interrogativement.
— Remarque sur ce qu'on appelle la formation
des temps. — Remarque sur la conjugaison des
temps simples. — Conjugaison du verbe passif, —
du verbe réfléchi, — du v rbe neutre, — du verbe
impersonnel. — Verbes irréguliers et verbes dé-
fectifs. — 2° Etymologie : Formation des verbes
a) par composition ; b) par dérivation. — 3" Syn-
taxe : Emploi du verbe. — V. Verbe, Conjugaison,
Modes. Temps, Syntaxe.
XIV. — Participe. — Lexicologie, etymologie et
syntaxe : Définition. — Formation. — Distinction
(lu participe présent et de l'adjectif verbal. — Par-
ticipe passé. — Règles générales. — Règles parti-
culières. — V. Participe, Syntaxe.
XV. — Adverbe. — 1° Lexicologie : Définition.
— Difl'érentes sortes d'adverbes. — Mots employés
adverbialement. — Locutions adverbiales. — 2° Eiy-
raologie : Adverbes formés par composition et par
dérivation. — 3» Syntaxe: Emploi de quelques ad-
verbes. — V. Atlverhe, Syntaxe.
XVI. — Préposition. — 1° Lexicologie et etymo-
logie : Définition. — Différentes sortes de prépo-
sitions ; leur origine. — Locutions prépositives ;
leur origine. — 2» Syntaxe: emploi de quelques
prépositions. — V. Préposition, Syntaxe.
XVII. — Conjonction. — 1° Lexicologie et ety-
mologie : Définition. — Diverses sortes de conjonc-
tions ; leur origine. — Mots qui peuvent être ad-
verbes et conjonctions. — Distinction de que pro-
nom relatif, de que adverbe ou conjonction. —
'■1° Syntaxe: Emploi de quelques conjonctions. —
Influence de la conjonction sur le mode du verbe.
— V. Conjo7ictio7i, Syntaxe.
XVIII. — Interjection. — Lexicologie et ety-
mologie : Définition. — Interjections simples ; locu-
tions interjectives. — Leur origine. — V. Interjec-
tion.
XIX. — Syntaxe. — Définition. — Division :
\° Syntaxe des mots ou étude de la proposition.
2° Syntaxe des propositions.
Syntaxe des mots. — Sujet, verbe, attribut,
complément. — Syntaxe d'accord ; syntaxe de ré-
gime. — Revue des parties du discours : substan-
tif, article, adjectif, etc. — V. Syntaxe.
XX. — Syntaxe des propositions. — Propositions
simples, propositions composées. — Proposition
principale, dépendante. — Analyse logique. — Em-
ploi des modes et des temps dans les propositions
subordonnées. — N.Syntaxe,Analyse,Construction.
XXI. — Idiotismes. — Définition. — Exemples
de gallicismes. — V. Idiotismes.
XXII. — Homonymes et paronymes. — i" Ho-
monymes : Définition. — Différence entre les sy-
nonymes et les homonymes. — Homograph( s. —
Homophones. — Principaux homonymes. — 2° Pa-
ronymes : Définition. — Paronymes prochains. —
Paronymes éloignés. — Curieux exemples de paro-
nymes éloignés.
Synonymes. — Définition. — Synonymes à raci-
nes identiques. — Sj'nonymes à racines difl'éren-
tes. — Importance de l'étude des synonymes pour
apprendre l'orthographe. — V. Homonymes, Paro-
nymes, Synonytnes.
XXIII. — Locutions vicieuses. — Exemples de
locutions à éviter. — Barbarisme?. — Solécismes.
— V. Locutions vicieuses.
XXIV. — Prosodie. — Eléments de prosodie fran-
çaise. — Différentes sortes de vers, etc. — V. Pro-
sodie.
XXV. — Ponctuation. — Règles pour bien ponc-
tuer. — Emploi de la virgule, du point-virgule, du
point, des deux points, des points de suspension,
d'exclamation, d'interrogation. — Des guillemets.
— De la parenthèse. — Du tiret. — V. Ponctuation.
XXVI. — Analyse. — Définition. — Division :
analyse étymologique, analyse grammaticale, ana-
lyse logique. — Exemples. — Abus à éviter. —
V, Analyse.
application.
XXVII. — Exercices grammaticaux. — Liste et
modèle de tous les genres d'exercices grammati-
caux recommandés pourdivers degrés. — Exercices
oraux, écrits, d'invention, de transposition, de gen-
re, de nombre, de poésie à mettre en prose, d'c-
tymologie, de décomposition des mots, etc. —
V. Exercices grammaticaux, Étymoloyie.
XXVIII. — Dictées. — Définition. — Comment
faut- il dicter? — Ce qu'il faut dicter. — Comment
on peut corriger la dictée. — V. Dictée-!.
XXIX. — Révision et applications d'orthogra-
phe. — V. Orthographe et Exercices grammaticaux.
XXX. — Exercices d'analyse. — V. Analyse.
[J. Dussouchet.]
Outre le programma ci-dessus, qui est celui au-
quel se rapportent les articles consacrés à la gram-
GRAMMAIRE FRANÇAISE — 895 — GRAMMAIRE FRANÇAISE
maire française dans ce Dictionnaire, nous repro-
duisons le texte de l'ancien programme des écoles
du département de la Seine, du programme officiel
des écoles primaires et normales, et de quelques
programmes étrangers.
ANCIEN PROGRAMME
DES ÉCOLES DU DÉPARTEMENT DE LA SEIKE.
COCRS ÉLÉUENTAIRE.
Toute leçon est expliquée par le maître avant
d'être donnée à étudier aux élèves.
L'exposition de la leçon est faite au tableau noir
sur des exemples choisis par le maître. Les défini-
tions et les règles sont tirées de l'explication do
ces exemples.
Les exercices d'application comprennent d'abord
■des mots représentant des êtres ou des choses que
l'enfant connaît, ensuite de petites phrases sur des
notions usuelles. Ces mots et ces phrases sont
écrits par tous les élèves sur leurs cahiers, tandis
que l'un d'eux ou que le maître lui-même les écrit
au tableau noir.
Dans les exercices de conjugaison, le verbe doit
toujours faire partie d'une phrase simple et courte.
Le maître profite des exercices d'application pour
corriger les expressions et les tournures incorrectes
employées par les enfants dans leurs conversations
journalières.
Ociobt^e.
Lettres, voyelles et consonnes ; les trois sortes
dV.
Syllabes et mots.
Novemb7'e.
Nom. — Exemples ; définition. — Nom propre et
nom commun.
Décembre.
Nom masculin, féminin ; singulier, pluriel.
Exercices d'application.
Janvier,
Règle générale de la formation du pluriel dans
les noms.
Exercices d'application.
Fétrier.
Adjectif. — Exemples ; définition.
Formation du fémmin ; règle générale.
Formation du pluriel; règle générale.
Exercices d'application.
Mars.
Accord de l'adjectif avec le nom. — Exercices
d'application et d'invention.
Avril.
Verbe. — Exemples ; définition.
Exercices d'application et d'invention sur le nom
et l'adjectif.
Mai.
Conjugaison des verbes auxiliaires.
Exercices d'application et d'invention sur le nom,
l'adjectif et le verbe. — Propositions simples.
Juin.
Exercices d'application et d'invention sur le nom,
l'adjectif et le verbe.
Exercices de conjugaison (verbes réguliers).
Juillet-Août.
Exercices d'application et d'invention sur le nom,
l'adjociif et le verbe.
Exercices de conjugaison (verbes irréguliers les
plus usités).
COURS MOYE.N.
L'enseignement du français a pour but non
seulement la connaissance de la langue, mais en-
core la culture de l'intelligence et le développe-
ment du sens moral.
Tous les exemples doivent donc être expliqués à
ce triple point de vue.
L'objet de la leçon est d'abord exposé au tableau
noir.
Le maître part des exemples pour amener les
élèves à en déduire les définitions et les règles.
Tout exemple, tout exercice, quelque élémentaire
qu'il soit, doit comprendre l'énoncé d'une propo-
sition complète.
Les devoirs d'application seront courts et corri-
gés avec soin.
Les dictées, également courtes, seront emprun-
tées aux auteurs classiques : elles auront trait à des
questions morales, historiques, géographiques,
agricoles, commerciales, etc.
Les exercices de rédaction ont lieu toute l'année.
Simples et gradués, ils ont d'abord pour objet la
composition de petites phrases sur des sujets con-
nus de l'enfant ; ils comprennent ensuite le récit
d'un trait d'histoire, le résumé d'une lecture, des
lettres familières, etc.
Octobre.
Les dix parties du discours. — Mots variables
et mots invariables. — Idée de îa proposition.
Le xom. — Exceptions à la règle générale de la
î'ormstion du pluriel. — Noms composés et noms
propres.
Article. — Elision et contraction.
Exercices d'application et d'invention sur le nom
et l'article.
Novernbre.
L'adjectif. — Principales exceptions à la règle
générale de la formation du féminin et du pluriel.
— Ditïérentes sortes d'adjectifs. — Règles d'accord.
Exercices d'application et d'invention sur lé nom
et l'adjectif.
Décetnbre.
Le pronom. — Différentes sortes de pronoms. —
Règles d'accord.
Exercices d'application et d'invention sur le nom,
l'adjectif et le pronom.
Janvier.
Verbe. — Remarques sur l'accord du verbe.
Sujets et compléments. — Mode, temps, nombre
et personne.
Exercices d'application et d'invention.
Février.
CoxjLG.«soN. — Radical et terminaison.
Diff'érentes sortes de verbes.
Exercices d'application et de conjugaison.
Mars.
Formation des temps. — Verbes réguliers et
verbes irréguliers.
Exercices d'application.
Avril.
Participe. — Participe présent et adjectif verbal.
— Participe passé ; règles générales d'accord.
Exercices d'application.
Mai.
Adverbe, préposition, conjonction et interjec-
tion. — Exemples; définitions. — De la fonction
de chacun de ces mots dans le discours. — Signes
de ponctuation.
Exercices d'application.
GRAMMAIRE FRANÇAISE — 896
Juin.
Révision générale. — Exercices d'application.
Juillet-Août.
GRAMMAIRE FRANÇAISE
Continuation de la révision générale et des
exercices d'application.
cours supérieur.
Applicatio?! raisonnée des règles de la gram-
maire. — Dictées tirées des textes classiques ft,
révision des règles sur ces dictées. — Indication
du sens propre et du sens dérivé des mots.
Exercices de rédaction b"un genre simple. —
Description d'un objet usuel ; récit d'un trait
d'histoire ou d'un fait de la vie privée; compte
rendu d'une promenade utile ; analyses ; lettres
familières, etc.
Octobre.
Étude de la proposition. — Termes essentiels:
sujet, verbe et attribut. — Compléments. — Pro-
position principale, proposition subordonnée, pro-
position incidente. — Phrase.
(Se tenir aux principes fondamentaux de l'ana-
lyse logique.)
Ponctuation.
Novembre,
Syntaxe d'accord ; syntaxe de régime.
Nom. — Etude des principales difficultés que
présentent le genre et le nombre de certains
noms. — Pluriel des noms propres, des noms em-
pruntés aux langues étrangères et des noms com-
posés.
Article. — Emploi et suppression de l'article.
Exercices de composition.
Décei/ibre.
Adjectif. — Fonction, place et complément des
adjectifs. — Accord de Tadjectif.
Des adjectifs déterminatifs. — Emploi et accord
des adjectifs numéraux, possessifs et indéfiais :
vingt, cent, même, tout, quelque, etc.
PnoNOM. — Emploi des pronoms en général.
— Principales remarques auxquelles donne lieu
la construction ou l'accord des pronoms person-
nels, démonstratifs, possessifs, conjonctifs et in-
définis.
Exercices de composition.
Janvier.
Verbe, — Accord du voibe avec son sujet : prin-
cipales exceptions à la règle générale. — Complé-
ments des verbes. — Emploi des auxiliaires.
Emploi des modes eides temps. — Concordance
des temps du subjonctif avec ceux de l'indicatif et
du conditionnel.
Exercices de composition.
Février.
Participe. — Participe présent et adjectif verbal.
— PiCgles générales et remarques particulières sur
l'accord du participe passé.
^loTS invariables. — Principales remarques
auxquelles donne lieu l'emploi des mots invaria-
bles.
Exercices de composition.
Mars.
Notions d'étymologie usuelle, ou étude des élé-
ments qui constituent la signification des mots :
racines et radicaux ; initiales ou préfixes, dési-
nences ou terminaisons. — Dérivés et composés ;
familles de mots, — Synon3mes.
Exercices de composition.
Avril-Mai-Juin-Juillet-Août.
Révision générale et exercice de composition.
PROGRAMMES
DES ÉCOLES PRIMAIRES ET NORMALES.
(Nous exti'ayons des programmes de renseigii»:ment de la
langue niateruelle la partie qui se rapporte plus spéciale-
ment à l'enseigoemeot grammatical.)
ÉCOLES PRIMAIRES.
(Arrêté du 27 juillet 1882.)
Cours élémentaire. — Notions premières don-
nées seulement sur le nom i^le nombre, le genre),
l'adjectif, le pronom, le verbe (premiers éléments
de la conjugaison).
Idée de la formation du pluriel et du féminin ;
— de l'accord de l'adjectif avec le nom, du verbe
avec le sujet.
Idée de la proposition simple.
Exercices oraux. — Questions et applications
notamment au cours de la leçon de Icctu. e, ou de
la correction des devoirs. Interrogations sur le
sens, l'tîmploi, l'orthographe des mots du texte lu.
Epellation de mots difficiles.
Exercices écrits. — Dictées graduelles d'ortho-
graphe usuelle et d'orthographe de règles. Petits
exercices grammaticaux de forme très varice.
Exercices d'analyse. — Analyse grammaticale
(le plus souvent orale, quelquefois écrite).
Décomposition de la proposition en ses termes
essentiels.
Cours moyen. — Grammaire élémentaire. —
Les dix parties du discours. — Conjugaisons. —
Notions de syntaxe.
Règles générales du participe passé. Notions
sur les familles de mots, les mots dérivés et com-
posés. Principes de la ponctuation.
Exercices oraux. — Elocution et prononciation.
Interrogations grammaticales.
Exercices écrits. — Dictées prises autant que
possible dans les auteurs classiques et sans re-
cherche des difficultés grammaticales.
Exercices d'invention, de construction de phra-
ses; homonymes, synonymes.
Correction mutuelle des dictées et des exercices
par les élèves.
Exercices d'analyse. — Analyse grammaticale,
surtout orale. — Analyse logique, bornée aux
distinctions fondamentales.
Cours supérieur, — Révision de la grammaire
et de la syntaxe.
Etude de la proposition et des principales sortes
de propositions.
Fonction des mots dans la phrase.
Principales règles relatives à l'emploi des modes
et à la concordance des temps.
Cas difficiles que présente l'orthographe de cer-
tains noms, pronoms, adjectifs, verbes irréguliers.
Notions d'étymologie usuelle et de dérivation.
Exercices oraux. — Suite et développement des
exercices d'élocution.
Exercices écrits. — Dictées prises dans les au-
teurs classiques et sans recherche des difficultés
grammaticales,
Exercices sur la dérivation et la composition
des mots, sur l'étymologie, sur l'application des
règles les plus importantes de la syntaxe.
Exei-cices d'analyse. — Questions d'analyse
grammaticale à propos de cas difficiles rencontrés
dans la lecture.
Exercices oraux d'analyse logique.
icoles normales,
(Programmes du 3 août ISSl).
PiiEMiÈRE ANNÉE. — Etude de la grammaire
française.
Deuxième et troisième années. — Révision ap-
pr'ofondie des partie^ les plus importantes du
cours de première année, en y ajoutant des notions
GRAMMAIRE FRANÇAISE .-897— GRAMMAIRE HISTORIQUE
historiques sur l'origine de certaines règles (Par
exemple : Origine des pluriels en aux; — L'ad-
jectif é'/'fl?2û?; — Origine du futur et du condition-
nel ; — Origine des adverbes en ment; — Adver-
bes de forme plus simple : bien, mal, fort, clair;
— Signification primitive des mots comme per-
sonne, aucun, rien, jamais, pas, point, etc.)
Suffixes et préfixes actuellement en usage pour
la formation des mots. — Différentes manières
dont sont formés les mots composés.
Notions détymologie. — Mots d'origine popu-
laire et mots d'origine savante. — Doublets. —
Mots d'origine étrangère.
Notions historiques sur la formation de la lan-
gue fi-ançaise. — Les anciens dialectes; ce qui en
reste dans les patois. P.jrenté du français avec les
autres langues néo-latines.
Exercices sur le vocabulaire. — Dictées servant
d'application aux règles de la grammaire. — Ana-
lyses grammaticales et analyses logiques (orales).
PROGRAMMES ÉTRANGERS
ITALIE.
ECOLES PR1HA1U1£3.
^Degré inférieur, 2 classes ; degi-é supérieur, 2 classes.)
Degré inférieur. — 1" class'\ — L'enseignement
de la grammaire proprement dite ne commence pas
encore.
2* classe. — Les parties du discours. Conjugaison
des verbes auxiliaires et des verbes réguliers au
moyen de phrases bien choisies tant au point de
vue grammatical qu'au point de vue moral. Con-
naissance élémentaire de la proposition.
Degré supérieur. — Z^ classe. — Changements de
forme des substantifs et des adjectifs. Conjugaison
des verbes irréguliers et défectifs. Emploi des
parties du discours, exercices oraux d'analyse
grammaticale. Connaissance de la phrase et règles
de la ponctuation.
4* classe. — Résumé de l'enseignement précé-
dent, avec exercices pratiques,
SUISSE.
ÉCOLES FRIMAIRES DU CANTON DE VÀUD
Degré inférieur. — Etude élémentaire du nom
ou substantif, du verbe, de l'article, de l'adjectif,
du pronom personnel. Règles essentielles sur le
genre et sur le nombre. Formation du pluriel dans
les adjectifs. Accord du substantif et de l'adjectif.
Conjugaison des temps simples de l'indicatif des
verbes e'tre et avoir et des verbes de la 1" conju-
gaison. Ce dernier exercice se fera tantôt verbale-
ment, tantôt par écrit, en ajoutant au verbe soit un
attribut, soit un complément direct, indirect ou
circonstanciel.
Etude d'un recueil abrégé de mots. Exercices
nombreux d'orthographe. Thèmes. Copies, etc.
Degré intermédiaire. — Syntaxe. — Etude de
la proposition simple. Proposition incomplexe. Pro-
position complexe, c'est-à-dire avec un ou plusieurs
compléments.
Lexicologie. — Des différentes espèces de noms.
Des différentes classes d'articles, soit adjectifs dé-
terminatifs. — Adjectifs qualificatifs. — Pronoms
et leur classification. — Verbes. — Conjugaison
d'un grand nombre de verbes par propositions
d'abord aux temps simples, puis aux temps com-
posés de l'indicatif; première, deuxième, troisième,
quatrième conjugaison. — Prépositions. — Adver-
bes. — Homonymes les plus importants.
Exercices d'invention en rapport avec l'étude
de la proposition simple et des diverses espèces de
mots.
Etude d'un recueil de mots plus étendu que
dans le degré inférieur. Nombreux exercices d'or-
thographe.
Degré supérieur. — Syntaxe. — Suite de l'é-
tude de la proposition. Proposition composée, par
coordination et par subordination.
Lexicologie. — Etude de la conjonction, de l'ad-
verbe conjonctif, du pronom relatif. — Modes du
verbe employés dans les propositions composées.
— Subjonctif. Conditionnel. Infinitif. Participes.
Conjugaisons par tous les temps et à tous les mo-
des des verbes réguliers et des irréguliers.
Exercices d'invention en rapport avec l'étude de
la proposition composée et de la lexicologie.
Permutatioji des propositions, soit exercices
sur les modifications qu'elles peuvent subir aux
divers points de vue du nombre, du genre, de la
personne, du temps, etc.
Récapitulation analytique et méthodique de la
lexicologie et de la syntaxe.
Thèmes nombreux pour familiariser les élèves
avec les règles essentielles de la grammaire.
Pour les élèves les plus avancés.
Étude des principales difficultés et anomalies
que présentent le nombre et le genre dans les
noms. Noms collectifs. Substantifs composés. —
Irrégularités dans la formation du féminin des ad-
jectifs. — Emploi des pronoms le, la, en, y, tout,
chacun, etc. — Participe présent et adjectif verbal.
— Remarques particulières sur l'accord du par-
ticipe passé. (Participe passé des verbes réfléchis ;
— suivi d'un infinitif ; — avec les pronoms le, en ;
— entre deux que, etc.). — Principales règles sur
l'emploi des temps de l'indicatif et du subjonctif.
— Difficultés dans l'emploi de quelques mots in-
variables (adverbe, préposition, conjonction). —
Ponctuation. — Principaux synonymes. — Locu-
tions vicieuses les plus communes.
GttAMMAlRt: HISTORIQUE DE LA LANGUE
FRANÇAISE. — Grammaire, L — Etudiée dans
toute son étendue, elle a pour objet la connaissance
approfondie de notre langue, depuis son origine
jusqu'à nos jours; restreinte à son utilité pratique
et pédagogique, elle éclaire les règles de la langue
d'aujourd'hui par l'histoire de la langue d'autrefois,
et permet d'expliquer bien des irrégularités appa-
rentes, qui ne sont que des débris du langage des
époques antérieures.
Quoique le français soit sorti presque tout entier
du latin — V. Française {Langue), — le système
grammatical des deux langues diffère sur plusieurs
points essentiels.
Les noms latins avaient des cas, c'est-à-dire des
chutes, des terminaisons différentes, selon le rôle
qu'ils jouaient dans la phrase.
La série de ces cas se récite d'après différents
modèles qu'on appelle déclinaisons. Voici, comme
exemple, le singulier de la seconde déclinaison:
Nominatif. . . Paulw, Paul
Tocatif Paule, Paul !
Génitif PauU', de Paul
Accusatif... Faulum. Paul
Datif Paulo, à Paul
Ablatif Paulo, par Paul
(sujet) : Paulus verberat, Paul frappe,
(quand on appelle) : Paule ! vetii, Paul ! Tiens,
(complément d'un nom) : liber PauU, le livre de Paul,
(complément diiect) : Petrus verberat Pcuduyn. Pierre frappe Paul.
(complément indii cet): rfo Pau/o, je donne à Paul. .... , _, ,
(autre complément indh'ect, souvent accompagne d une préposition) : vocatus a Paulo,
appelé par Paul.
On voit qu'en français les rapports du nom avec
ie n.ste de la phrase sont indi(iués, soit par sa
place, soit par des prépositions, tandis qu'en latin
2» Partie.
le changement de terminaison suffit pour les ex-
primer.
On nomme langues synthétiques celles
57
qui,
GRAMMAIRE HISTORIQUE — 898 — GRAMMAIRE HISTORIQUE
comme le latin, expriment les divers rapports des
mots par un simple changement de leur termi-
naison ; langues analytiques, celles qui, comme le
français, se servent pour rendre ces rapports de cer-
tains mots particuliers.
Dans le latin populaire, le système assez com-
pliqué de la déclinaison était moins bien observé
que dans le latin littéraire ; il le fut plus mal encore
dans le bas latin, et les prépositions vinrent sup-
pléer aux terminaisons incorrectes. Ce sont toutes
ces altérations si nombreuses du vocabulaire et
de la grammaire de la langue latine qui l'ont enfin
entièrement transformée et ont donné naissance
à Vancien français.
Cette langue, moins synthétique que le latin,
moins analytique que le français moderne, est la
transition de l'un à l'autre. Les noms s'y décli-
naient, mais, par suite de simplifications succes-
sives, les cinq déclinaisons latines k six cas s'étaient
trouvées réduites, dans le français du douzième au
quatorzième siècle, à une seule, modelée sur le
type de la seconde déclinaison latine. Le mot niw\
par exemple, s'écrivait ainsi:
Avec s au nominatif sino;ulier Murs (murus).
Sans s à l'accusatif singulier Mur (raurum).
Sans s au nominatif pluriel Mur (mûri).
Afcc s à l'accusatif pluriel Murs (muros).
Cette nouvelle déclinaison, désignée par M. Ray-
nouard sous le nom de Règle de l's, fut assez
inexactement suivie pendant le treizième siècle, et
cessa tout à fait d'être en usage au quatorzième;
et comme la forme du nominatif, n'indiquant que
le sujet, revenait beaucoup moins souvent que
celle de l'accusatif, qui représentait tous les com-
pléments, ce fut elle qui disparut.
La lettre s, après n'avoir été à l'origine qu'un
débris de la déclinaison latine, devint ainsi par la
suite la marque caractéristique du pluriel.
Il n'est pas plus difficile d'expliquer comment
cheval a fait au pluriel chevaus, puis chevaux. Une
loi constante de notre ancienne langue veut que,
soit dans le corps des mots, soit h la fin, ïl s'a-
doucisse en M devant une consonne, et que, par
conséquent, al devienne au. C'est ainsi qu'autre a
été tiré du latin al ter, qui a conservé sa forme dans
les mots de création plus récente, tels que altomer.
L'e muet qui termine la plupart des noms et tous
les adjectifs féminins français est la transcription
affaiblie de Va qui en latin était affecté au même
usage: '<■ rosa, rose; hona, homie. » Cependant, en
latin, certains adjectifs n'avaient point d'à final
au féminin. Ceux de la troisième déclinaison ne
variaient pas en changeant de genre: « regalis,
royal et royale ; grandis, grand et grande; fortis,
fort et forte, u Dans l'ancien français, ces mêmes
adjectifs n'ont eu, comme en latin, qu'une seule
terminaison pour les deux genres; de là les locu-
tions : « lettres royaux » (terme de chancellerie
qu'un trouve dans les Plaideurs de Racine) ; grand'
mère, grand'messe, où l'on a tardivement introduit
une apostrophe pour remplacer un e qui en réalité
n"a jamais existé; « se faire fort », comme terme
de droit, aussi bien en parlant d'une femme que
d'un homme.
Lorsqu'au quatorzième siècle l'e muet s'est gé-
néralisé comme signe du féminin, l'usage s'en est
éteiKlu à tous les adjectifs, sauf les exceptions très
restreintes que nous venons de signaler.
L'e muet fut tellement regardé comme le signe
propre du féminin, que l'instinct populaire attribua
souvent, contrairement à l'étymologie, ce genre à
certains mots, demeurés néanmoins masculins dans
quelques-unes de leurs acceptions. C'est ainsi
qu'orbe (de hordeum) ne s'est maintenu du masculin
qu'au stîns médical et pharmaceutique: orge mondi,
orge ^jerlé.
De toutes les parties du discours, le pronom est
celle qui a le plus conservé les traces de la con-
stitution grammaticale latine. Quand on dit: « Paul
doit parler en faveur de Pierre ; /'/ le lui a promis, »
les trois premiers mots de la dernière proposition
ne sont que des cas différents du pronom de la
troisième personne : il est nominatif et sujet, le,
accusatif et complément direct, lui, datif et com-
plément indirect. Il faut remarquer de plus que le.
qui ne se rapporte ni à un nom masculin, ni à un
nom féminin, mais h toute une phrase, appartient
à ce troisième genre que la grammaire latine
appelle neuter (ni lun, ni l'autre;, neutre, et que
la grammaire française a refusé d'admettre, bien
qu'il existe réellement dans notre langue.
Avec un tel point de départ, on résout sans peine
la question si longtemps controversée: une femme,
à qui l'on demande si elle est malade, doit-elle
répondre: « je la suis », ou: « je le suis »? Il est
évident qu'il faut dire: « je le suis »; ce pro-
nom le, bien que sa forme se confonde avec celle
du pronom masculin, est en réalité neutre et signi-
fie cela, ce que vous avez dit, c'est-à-dire malade.
On arrive par ces études à expliquer d'une façon
certaine et définitive une quantité de petits pro-
blèmes insolubles par les autres méthodes.
Autrui ne s'emploie pas comme sujet, disent les
grammairiens. Ils ont raison, mais ils n'expliquent
pas le motif de celte prétendue anomalie. D'or-
dinaire une seule des deux formes de la déclinaison
de l'ancien français s'est conservée, la forme du
régime ; ici autre, forme du sujet, et autrui, forme
du régime, se sont conservées toutes deux, et cha-
cune a gardé quelque chose de son emploi pri-
mitif.
Pourquoi dit-on l'on, avec un véritable article,
déguisé sous le nom de lettre euphonique? parce
que l'on, l'om, ou l'hom n'est autre chose que
l'homme employé dans un sens général et indéfini.
Le caractère analytique de la langue française
est très marqué dans le verbe. En latin, quelques
formes de la conjugaison se composent de plu-
sieurs mots. Ces espèces de locutions verbales sont
beaucoup plus fréquentes dans les verbes français.
La voix passive, qui en latin a une forme particu-
lière, amor (je suis aimé), est traduite en français
par des formes composées et par conséquent n'existe
pas à titre de conjugaison.
L'habitude prise au seizième siècle de calquer la
grammaire française sur la grammaire latine a
surchargé outre mesure les paradigmes de nos
verbes. 11 est évident que les conjugaisons de-
vraient consister uniquement dans les temps sim-
ples, groupés par analogie de forme, et qu'il fau-
drait donner un seul tableau des locutions verbales,
identiques pour toutes les conjugaisons, au lieu
de les répéter quatre fois.
Quant aux règles de la formation des temps,
complètement fausses comme théorie, elles sont inu-
tiles dans la pratique. Les temps de nos verbes ne
se forment pas les uns des autres, chacun d'eux
est tiré d'un temps correspondant du verbe latin.
Il n'y a d'exceptions que pour le futur et le con-
ditionnel.
Le futur a été formé directement de Yinfiûiti*
français et iw présent de T indicatif d\i verbe aLoir :
je chanterai, je chanter ai. Quand nous disons :
fai à chanter, il y a également dans cette phrase
une idée de futur. Elle est, dans un ordre inverse,
la transcription exacte du futur français.
Le cou'iitionnel est formé, de la même manière,
de Vinfinitif chanter et de la terminaison de l'im-
parfait de l'indicatif du verbe avoir : Je chanter
{av)ais.
Ces deux temps sont les seuls qui soient réelle-
ment formés de l'infinitif par un procédé particu-
lier aux langues romanes; tous les autres sont cal-
qués sur le latin.
Dans les verbes de l'ancien français (V. ConjU'
GRAMMAIRE HISTORIQUE — 899 —
GRECE
gaison), Ys était exclusivement affectée à la se-
conde personne, la première ne la recevait point.
On disait fe voy, tu vois, comme on dit encore
faime, tu aimes. Au seizième siècle, Ronsard ré-
clama pour les poètes la faculté d'ajouter une s à la
première personne lorsque le vers l'exigerait. On
prit peu à peu 1 habitude de la placer à peu près
constamment devant les mots commençant par une
voyelle. En 166!!, dans un même vers de Y Alexandre
de Racine, on trouve la première personne du pré-
sent de l'indicatif du verbe croire, orthograplaiée
de deux manières^ conformément h. cette règle :
Ouy, croyez... — Je croy tout. Je vous crois invincible.
Aujourd'hui c'est la suppression de Vs qu'on
regarde comme une licence poétique.
Le t qui caractérise la troisième personne a dis-
paru de beaucoup de verbes où il figurait jadis ;
mais il s'y rencontre encore, dans les phrases in-
lerrogatives, sous forme de lettre euphonique :
va-t-il.
On pourrait être surpris du grand nombre à'ad-
vertes en ment que renferme notre langue, si l'on
n'en connaissait l'origine. Le substantif latin fé-
minin mens (esprit), qui avait pris le sen^; de façon,
manière, employé à l'ablatif avec un adjectif, bonu
mente (de bonne manière), ne forma plus dans
l'ancien français qu'un seul et même mot : f)on-
nement. A cause du genre du mot mens, les adjec-
tifs qui entrent dans la composition de ces adver-
bes y figurent toujours au féminin. Il n'y a
d'exception que pour les adjectifs tirés d'adjectifs
latins appartenant à la troisième déclinaison, qui,
ainsi que nous l'avons remarqué plus haut, n'a-
Taient qu'une terminaison pour les trois genres :
prudtmment; encore la plupart de ces adjectifs
ayant fait, au quatorzième siècle, leur féminin en
e muet suivant la règle générale, les adverbes se
trouvèrent modifiés, et l'on dit royalement, gran-
dement, fortement.
D'ordinaire on attribue également le nom d'ad-
verbe de négation à non, ne, pas, point, gouttp,
personn', mie, miette, rten, f'tc. Il ne faut accep-
ter cette dénomination commune que sous bénéfice
d'inventaire, car ces divers mots sont de nature
essentiellement diflTérente : ne et non ont seuls le
caractère de véritables négations ; les autres, pas,
point, mie, sont de purs noms, exprimant une pe-
tite quantité, et employés d'une manière indéfinie
pour servir de complément à la négation. Rien,
lui-même, n'avait pas à l'origine un sens négatif.
Tiré de rem, accusatif du latin res, il signifie pri-
mitivement chose. « Je n'ai )-ien, » c'est-à-dire je
n'ai chose quelconque.
Dans une revue si rapide, nous ne pouvons
qu'indiquer les faits principaux; l'important est
de signaler l'utilité, l'intérêt de ces études, et sur-
tout d'en préciser le caractère. Comme l'a dit
M. Bréal : « La grammaire traditionnelle formule
ses prescriptions comme les décrets d'une volonté
aussi impénétrable que décousue; la grammaire
historique fait glisser dans ces ténèbres un rayon
de bon sens, et au lieu d'une docilité machinale,
elle demande à l'élève une obéissance raisonnable. »
C'est dire combien ville convient à notre temps ;
mais il importe qu'elle soit le principe et l'âme
même de l'enseignement, qu'elle le renouvelle, et
surtout quelle le simplifie. Se contenter de la su-
perposer aux anciens traités, ajouter cet étage nou-
veau au vieil édifice grammatical, en en laissant
subsister le plan, ce serait surcharger la mémoire
des élèves sans profit pour leur intelligence et leur
raison.
Ouvrages à consulter. — E. Egger, Notions élémen-
taires de grammaire comparée, pour servir à l'étude des
trois langues classiques. — Fréil. Diez, Grammaire des lan-
guei routanes, 3 vol. iri-S" (f réduction française par MM. Gas-
ton Paris, Bracbct, etc.). — Brachet, Grammaire historique
de la langue française. — Marty-Laveaux, De renseigne-
ment de notre langue; Grammaire historique. — A. Chas-
sang, X'ouvelle grammaire historique, cours supérieur. —
Camille Chabaoeau, Histoire et théorie de la conjugaison.
— Obry, Etudes historiques sur le parti' ipe passé français
et sur les verbes auxiliaires. — Schweighaeuser, De la né-
gation dans tes langues romanes du midi et du nord de la
France. ("Ch. Marty-Laveaux.]
GRAVITATION. — V. Pesanteur et Attrac-
tion. ^
GHECE (Géographie). — Géographie générale,
XVIII. — I. Généralités. — Situation. — Le
royaume de (jrèce, reconstitué il y a un demi-
siècle, à la suite de la guerre de l'indépendance,
et augmenté en 1881, comprend l'extrémité méri-
dionale de la péninsu'e des Balkans, et un cer-
tain nombre d'Iles dans VArchipel et la mer
loîiienne.
Limites actuelles.— La. Grèce continentale touche
au nord à la Turquie d'Europe, depuis le mont
Olympe, sur l'Archipel, jusqu'au golfe d'Arta,sur
la mer Ionienne. La frontière commune part de
l'embouchure delà Salambria. aux environs du 40"
de latitude, se tient, dans sa partie oripntalp, un
peu au nord du cours de ce fleuve, en donnant à
la Grèce la plus grande partie de la Thessalie.
Depuis la chaîne du Pinde, la frontière descend,
au sud-ouest, le long de l'Arta, jusqu'au golfe de
ce nom, sur la mer Ionienne.
L'Archipel, à l'est, et la mer Ionienne, à l'ouest,
baignent les côtes de la Grèce et y découpent des
péninsules et des golfes nombreux et remarqua-
bles.
Le golfe de Corinthe, qui s'ouvre sur la mer Io-
nienne, et dont le fond n'est séparé du golfe d'Egine,
sur l'Archipel, que par un isthme de quelques kilo-
mètres, sépare la Grèce en deux parties bien dis-
tinctes : au nord, la Homélie, qui tient à la Turquie,
et au sud la péninsule de Péloponèse ou Morée.
Cette péninsule se termine au sud sur la Médi-
terranée par trois presqu'îles montagneuses éten-
dues comme les trois doigts d'une main ouverte.
Celle du milieu est formée par la chaîne du ;\Iagne
ou du Taygète, dont les cimes sont parmi les plus
élevées de la Grèce (près de 2 500 mètres), et qui
finit sur la mer par le cap Matapan, le point le
plus méridional de la Grèce (36°,26' environ).
Dimensions et superficie. — Depuis ce point jus-
qu'à celui de la chaîne du Pinde où la Grèce s'a-
vance le plus au nord, il y a trois degrés et demi
en latitude. Il y a un peu plus de trois degrés de
longitude entre le point ùe la côte d'Acarnanie qui
touche à Sainte-Maure, dans les îles Ioniennes, et
l'extrémité orientale de la Béotie, vers l'île d'Eubée.
Entre ces limites extrêmes, la superficie de la Grèce
continentale est de 55.5ii0 kilomètres carrés, peu-
plés d'un million et demi d'habitants.
Les îles renferment de leur côté 450000 habitants
sur 9 000 kil. carrés.
II. Géographie physique. — Orographie. — La
Grèce est une des contrées les plus montagneuses
de l'Europe. La chaîne du Pinde (2 500 mètres d'al-
titude) se dirige du nord- ouest au sud-est, en pro-
jetant des ramifications qui forment à l'ouest, sous
le nom de monts d Etolie et à'Acartianie, un vé-
ritable fouillis, couvert de bois et de pâturages fré-
quentés seulement par les bergers et leurs trou-
peaux. A l'est, un contrefort du Pinde, la chaîne
de VŒta, borde la vallée du Sperchius, tributaire
du golfe de Zeitoun ; c'est entre la côte du golfe
de Zeitoun et le pied septentrional de l'OEta que
se trouve le défilé des The^'mopyles. La chaîne,
s'inclinant ensuite au sud-est, se prolonge en
massifs isolés le long du canal étroit qui sépare
l'île d'Eubée du continent. A l'extrémité méridio-
nale de ces massifs s'étend la plaine de Marathon.
Un second contrefort plus méridional est com-
posé de groupes distincts qui portent tous des nomi
fameux : le Parnasse, au pied duquel on venait con-
GRECE
— 900 —
GRECE
STilter, à Delphes, l'oracle d'Apollon ; VHéHcon, le
séjour des Muses ; le Cithéron, où fut exposé OEdipe ;
puis les montagnes des environs d" Athènes, le Pen-
télique avec ses carrières de marbre d'où sont sor-
tis les monuments de la ville, le mont Hymette, cé-
lèbre par son miel, le Laurium enfin, qui avait des
mines dargent, et où l'on exploite actuellcmenl
des amas de scories riches en plomb et en argent
que les anciens avaient délaissées.
C'est avec raison qu'on a comparé la Grèce à une
série de chambres dont les montagnes forment les
cloisons, et d'où il est aussi difficile de sortir qu'il
a été pénible d'y entrer. Invincible quand tous ses
peuples étaient unis, la Grèce formait naturelle-
ment une juxtaposition de cellules où chaque na-
tion trouvait tout ce qui était nécessaire à son indé-
pendance et à son développement, la plaine propre
à produire les moissons, le rivage par où elle entre-
tenait son commerce, la montagne qui fournissait
des bois à sa marine, des pâturages à ses trou-
peaux, des vins, des huiles à sa consommation, des
marbres à ses artistes.
Entre les deux contreforts orientaux du Pinde
s'ouvre la plaine de Béotie, contrastant par son
climat humide et sa feruliié avec les rochers brûlés
du soleil qui constituent le sol de l'Attique.
La Morée n'est pas moins montagneuse que
la Romélie. Une chaîne, qui ferme au sud
l'isthme de Corinthe et contribue à faire de la Mo-
rée la citadelle de la Grèce, s'étend tout le long
du golfe de Corinthe depuis celte ville jusqu à
Patras. A l'est, une deuxième chaîne, formant l'os-
sature de la péninsule de Laconie, borde de près
le golfe de Nauplie. Au centre s'élève le plateau
àÂrcadie, froid et sauvage dans sa partie supé-
rieure, et s'inclinant à loueit vers la plaine d'Elide
par de riantes vallées. Au sud se dresse la chaîne
du Taygète, dont nous avons déjà parlé, et le mont
Irhôme. citadelle de la Messénie. La péninsule de
TArgolide, entre le golfe de Nauplie et celui d'A-
thènes ou dEgine, est également montagneuse, à
lexception de la partie occupée par la plaine d'Argos.
Iles de l'Archipel. — Les montagnes de la Grèce
se continuent au-dessous des flots et se relèvent
dans les îles voisines. La grande île à.'Eubée ou de
Nègrepont, qui s'allonge du nord-ouest au sud-est
le long des rivages de la Locride, de la Béotie et de
l'Attique, est parcourue par une arête parallèle aux
monts de l'Attique et qui semble se rattacher, au
nord, aux monts Othrys, et au sud, aux Cy:iades
i,e/jteutr tonales, Ândroi, Tinos, M'^coui. Au nord de
TEubée, les Sporades se rattachent au Pélion de
Thessalie.
De toutes les Cyclades, Zéa, Thermia, Séripho,
Sipha7ito,h. l'ouest ; Syri. au centre ; Paras, Naxos,
is'io, Amourgo, à l'est ; Milo, Suntorin. au sud, on
n'en saurait citer aucune qui ne soit montagneuse
et escarpée comme Ics rivages voisins de la Grèce.
La dernière, Santorin. d'origine volcanique, est en-
core soumise aux éruptions, qui, depuis quelques
années, ont singulièrement accru son étendue.
Iles loiiieîines. — Les îles Ioniennes, qui n'ont été
rendues par l'Ang'eterre au royaume de Grèce
que depuis une vingtaine d'années, sont parcou-
rues, comme la Grèce continentale et les Cyclades,
par des montagnes dirigées du nord au sud. La plus
septentrionale, Cor/oi, s'étend en face de la côte
turque d'Epire, jusque près du lO*^ degré de lati-
tude. Puis vient la petite île de Paxo. Leucade ou
Sainte-. iJaure est un peu au sud du golfe d'Arta,
assez près du rivage d'Acarnanie pour y être ratta-
chée par un pont. Théaki, l'ancienne île d'Ithaque,
célèbre par l'histoire d'Ulysse, touche presque à
Cé/jhalonie, la plus étendue des îles, qui tait face
à l'entrée du golle de Corinthe. Devant les rivages
de Morée s'élève Zante, la fleur du Levant, di-
saient les Vénitiens qui doniinèrent longtemps
dans ces parages.
Enfin au sud de la Laconie, Cérigo, l'ancienne
Cythère, sert de trait d'union entre la Lacoi.io et
l'ile de Crète. Cette dernière, malgré la nationalité
srecque de ses habitants, fait encore partie de
l'empire ottoman.
La multitude de ces îles a puissamment contri-
bué à la vocation maritime des Grecs. Les Cyclades
entre la Grèce et l'Asie-Mineure, la Crète entre le
Péloponèse et l'Egypte ou la Lj'bie, les îles Ionien-
nes entre la Grèce et l'Italie, partagent la route
en courtes étapes, où les navires trouvent un re-
fuge, tandis que des sommets qui les couronnent
on aperçoit sans peine le rivage opposé. Dans l'an-
tiquité comme de nos jours, plusieurs de ces îles^
ofi'rant des entrepôts sûrs pour les marchandises,
et des citadelles inexpugnables pour leurs défen-
seurs, ont renfermé des populations très nom-
breuses que leur sol étroit n'aurait pu nourrir, mais
qui tiraient du commerce maritime toute leur
fortune.
Côtes de la Grèce. — Outre ses îles aux ports
nombreux, la Grèce, par le découpement de ses
rivages, offre une étendue considérable de côtes.
En suivant le littoral de l'Archipel depuis le golfe
de Volo, on rencontre d'abord le go fe de Zeitoun,
ancien golfe Maliaque), comblé peu à peu par les
alluvions du Sfeyxhius, qui ont déjà élargi l'ancien
défilé des Thermopyles. On suit ensuite le ca7ïat
de l'Euripe, séparant l'Eubée du continent ; il est
parcouru par des courants violents, et sa largeur
se réduit à une soixantaine de mètres devant
Chalcis, la capitale de l'île, qu'un pont réunissait
depuis longtemps à la Grèce.
A l'ouest du cap Suriium, aujourd'hui cap Co-
lonne, où fument les cheminées des usines du
Laurium, le golfe d'Athènes se creuse au nord-
ouest vers l'isthme de Corinthe. C'est dans ce golfe
que se trouvent les îles à'Egine et de Sa'.amine,%\
célèbres dans l'histoire. Vis-à-vis de la dernière
s'ouvrent les ports du Pii-ée et de Phalère, que
de longs murs réunissaient à leur métropole,
Athènes. C'est là que se pressent les souvenirs les
plus célè'Dres de la Grèce, Athènes avec ses mo-
numents, Eleusis connue par ses mystères, ilégare,
puis l'ancienne ville de Corinthe, maîtresse du pas-
sage de l'isthme, à travers lequel les anciens Grecs
ont plus d'une fois traîné leurs navires ei qu'on
est en train d'ouvrir aux vaisseaux modernes.
La presqu'île' de VArgolide, qui appartient au
Péloponèse, s'étend, comme celle de l'Attique, au
sud-est, entre le golfe d'Athènes ou d Ej^ine, à
l'est, et celui du Nauplie, à l'ouest. Dans le premier
de ces golfes, on remarque, sur les côtes de l'Argo-
lide, l'ilot de Poros, siège des forces militaires de
la marine grecque; à la pointe de l'Argolide, les
îles à'Hydra et de Spezzia rappellent les hauts
faits de la guerre de l'indépendance.
Naufdie, au fond du golfe qui porte son nom, a
été appelé le Gibraltar de la Grèce. Cette place
forte servit de capitale au nouvel Etat à ses dé-
buts.
Au sud du Péloponèse s'ouvrent les deux golfes
de Laconie et de Messénie, ou de Mar,ithonisi et de
' oron, du nom des villes principales assises sur
leurs rivages. Dans le premier de ces golfes dé-
bouche YEurotas, dont l'importance ne vient pas de
l'abondance de ses eaux, mais des souvenirs histo-
riques qui s'y rattachent. A l'ouest de la Messénie,
vis-à-vis de lilot de .'^phactérie, s'ouvre la rade de
Nai.a'in, où les flottes française et anglaise réunies
assurèrent l'indépendance de la Grèce moderne
par la destruction de la flotte ottomane (18t27).
Les rivages de l'Elide, sur la mer Ionienne, sont
moins découpés que ceux qui bordent l'Archipel ;
là débouche YAlphée ou liouphia, le fleuve le
plus considérable du Péloponèse.
La première baie du golfe de Corinthe, au nord-
est de la Morée, emprunte sou nom de golfe de
GRECE
— 901 —
GREGE
Patras à la ville la plus commerçante de la
Grèce, qui s'élève sur ses bords. Puis les deux
côtes opposées de l'Acliaîe et de l'Acarnanie se
rapprochent, les navires n'ont qu'un étroit pas-
sage entre les deux châteaux de Romélie et de Moi-
rée qui semblent se toucher. Immédiatement
après, on entre dans les eaux de Lépante ou Nau-
pacfe, où don Juan d'Autriche anéantit jadis la flotte
turque (1571). La ville cfui donna son nom à cette
grande victoiro. de la Croix sur le Croissant n'est
qu'une pauvre bourgade de la côte de Romélie. Sur
le même rivage, Gala.iidi est un important chantier
de constructions navales. Enfin, au fond du golfe,
on a rebâti depuis peu d'années la Nouvelle Co-
rinthe, le tremblement déterre de 1858 ayant dé-
truit l'ancienne bourgade située dans l'intérieur
de l'isthme.
A la sortie du golfe, on laisse au nord les lagunes
au milieu desquelles Missolonghi forme une place
inexpugnable, illustrée par la vaillance des Grecs
durant la guerre de l'indépendance. Près de là
débouche ÏAchéloûs, le fleuve le plus considérable
de la Grèce, à qui ses eaux blanchâtres ont valu le
nom d'Aspro-Potamo (fleuve blanc).
Hydrographie. — Les cours d'eau de ce pays,
dont nous avons déjà nommé les principaux, n'ont
du reste qu'une importance relative ou une célé-
brité historique. Aucun d'eux ne roule des eaux
abondantes, et bien souvent pendant l'été leur lit ne
se reconnaît qu'aux bosquets de lauriers-roses et
aux autres arbustes, dont ils abreuvent les racines
quand ils ne sont pas ainsi desséchés.
Malgré la beauté habituelle de son ciel, et sa la-
titude méridionale, la Grèce est couverte de trop
hautes montagnes et environnée par trop de riva-
ges pour que les nuées ne s'y condensent pas en
pluies. Le Taygète et quelques cimes du Pinde
restent le plus souvent couronnés de neige. Plus
que la côte de l'Archipel, celle de la mer jfonienne
est battue par les orages, et c'est à juste titre qu'on
avait placé dans cette région du Péloponèse, à
Olympie, le sanctuaire de Jupiter, maître du
tonnerre.
Mais les montagnes calcaires de la Grèce renfer-
ment, comme celle du Jura français, du Karst
d'Illyrie, et des Alléghanys aux Etats-Unis, de nom-
breux goufi"res où les eaux se perdent par des
issues souterraines. Lorsque ces débouchés vien-
nent à se fermer, les eaux montent dans les bas-
sins de réception où elles se réunissent, et produi-
sent des inondations, des déluges partiels. Puis,
lorsque les issues viennent à se rouvrir, ces lacs
temporaires se dessèchent et le sol est de nouveau
propre à se couvrir de moissons. L'ancien lac Co-
dais de la Béotie, aujourd'hui lac Topolias, fournit
l'exemple le plus remarquable de cette sorte de
lacs. Il possède des émissaires dont le cours est en
partie souterrain, et telle source, dont l'origine est
ainsi mystérieuse, forme dès son apparition au jour
une rivière plus considérable que tel autre fleuve
voisin, dont le bassin extérieur semble cependant
plus étendu.
III. Géographie agricole, industrielle et commer-
ciale. — Agriculture. — L'état de l'agriculture est
fort arriére en Grèce. Comme dans la plupart des
contrées qui bordent la Méditerranée, les monta-
gnes y sont déboisées, et le sol, dénude par l'écou-
lement des eaux, n'offre généralement qu'un roc
stérile ou recouvert d'une mince couche de terre
végétale. Le pays tire du dehors les céréales né-
cessaires à sa subsistance. En revanche, il produit
des vins, des huiles. Minerve, la déesse des Athé-
niens, avait l'olivier comme symbole. Les raisins
dits de Corinthe, mais que produisent surtout les
îles Ioniennes, forment le principal objet du com-
merce d'exportation. 11 faut y joindre des peaux,
des figues, du tabac, de la noix de galle, de la soie
■et un peu de coton.
Industrie, — L'industrie est encore à peu près
nulle: la Grèce tire du dehors et principalement
d'Angleterre les objets manufacturés, tissus ou
autres, dont elle a besoin. L'usine du Laurium est
le seul établissement métallurgique important. On
ne trouve guère de fabriques qu'au Pirée et dans
l'île de Syra. L'Attique et plusieurs îles des Cycla-
des, Paros entre autres, renferment de riches car-
rières de marbre, qu'on peut exploiter dans le voi-
sinage de la mer. Mais partout ailleurs les moyens
de transport manquent. Les routes n'existent pas
en Grècp. et le royaume ne possède encore que
73 kilomètres de chemin de fer, entre Athènes et le
Pirée, et de Volo à Larissa, en Thessalie.
Commerce et marine. — Comme au temps où
les Grecs allaipnt semant leurs colonies sur tous
les rivages de la Méditerranée, le commerce mari-
time fait encore leur principale richesse. Ils pos-.
sèdfnt près de 12 000 navires montés par pins de
Î8 000 marins, qui sont les caboteurs Ips plus éco-
nomiques de tout le bassin de la Méditerranée. Le
royaume de Grèce ne suffirait pas à alimenter
leurs transports, mais ils se font d'autant plus fa-
cilement les facteurs des pays étrangers que des
Grecs ont fondé de puissantes maisons de com-
merce et acquis des fortunes considérables dans
tous les ports de la Méditerranée, à Marseil'e aussi
bien qu'à Trieste, àConstantinople, à Smyrne ou à
Odessa. Tandis que le royaume ne renferme r>as
2 millions d habitants, on compte près de 3 millions
de Grecs vivant à l'étranger, mais animés du plus
grand patriotisme et apportant à la cause com-
mune l'apnui de leur fortune et de leur activité.
IV. Géographie politique. — Fo/mliitio?i. — Mal-
gré toutes les invasions que la Grèce a subies, les
diverses nationalités slave, turque et latine s'y
sont fondues presque entièrement dans le vieux
fond hellénique. La religion chrétienne, dite ortho-
doxe, est le culte presque exclusivement suivi. Le
grec moderne diffère peu du grec ancien par le
vocabulaire ; où trouver ailleurs l'exemple d'une
langue se perpétuant aussi longtemps? Les bergers
albanais, qui passent alternativement d'un côté à
l'autre de la frontière, dans les montagnes du Pinde,
forment toutefois un groupe distinct, de même que
les Italiens qui sont restés dans les îles Ioniennes
depuis l'occupation vénitienne, et quelques familles
françaises de l'île de Naxos, dont l'établissement
remonte au temps des croisades.
Distrihution de la j'Opulafion. — Les îles Ionien-
nes forment la partie la plus prospère de la Grèce;
c'est aussi celle où la population est la plus dense,
99 habitants par kil. carré à Céphalonie, 95 à Corfou.
102 à Zi' te.
Les Cyclades, moins peuplées, n'ont qu'une cin-
quantaine d'habit !nts de population spécifique. En
résumé, près du quart de la population totale,
460 000 sur 1 980 000, habite les îles, dont la su-
perficie n'est que le septième de tout le royaume,
9?00 kilomètres carrés sur 65 000.
Dans le Péloponèse, la population spécifique est
ae 33 à 34 habitants ; elle n'est que de 22 à 23 dans
la Romélie.
La Grèce forme une monarchie constitutionnelle
et héréditaire, gouvernée actuellement par un roi
choisi dans la famille royale de Danemark. Le
royaume est divisé en seize nomaichies. La Ro-
mélie forme six nomarchies, dont trois dans le
nouveau territoire acquis en 1881 : Acarnanie et
Etoile, Phthiotide et Phocide, Altique et Béotie,
Larissa, Trikala et Arta. Le Péloponèse forme cinq
nomarchies : l'Arcadie, au centre; l'Achaïe et
Elide, au nord-ouest, l'Argolide et Corinthie, au
au nord-est, la Messénie, au sud-ouest, et la Laco-
nie, au sud-est. Les îles de l'Archipel se par-
tagent entre deux nomarchies, celle de l'Eubée et
celle des Cyclades. Les îles Ioniennes forment trois
nomarchies : Corfou, Céphalonie et Zante,
GREGE
902 —
GRECE
Principales villes. — Athènes, la capitale, si cé-
lèbre par les hommes illustres qu'elle a vus naître
les grands faits dont elle a été témoin, les monu-
ments dont on s'est plu à l'embellir, possède de nos
jours une école où de jeunes savants français étu-
dient l'histoire de la Grèce ancienne, surtout par
les fouilles qu'ils font faire, et les monuments
qu'ils remettent au jour. Avec son port du Pirée,
Ailiènes renferme maintenant plus de 80O!)0 babi-
tants. Patras, dont nous avons dit l'importance
commerciale, n'en a que 25 ou 30 000. Corfou, ca-
pitale de l'île de ce nom, dont les divers possesseurs,
Vénitiens, Russes, Français, Anglais, ont successi-
vement augmenté les fortifications pour en faire
une citadelle inexpugnable, en renferme presque
autant Si/ra, dans l'île du même nom, au contre
des Cyclades, tire une grande importance commer-
ciale de ce que les lignes de navigation à vapeur
en ont fait leur point de croisement sur les routes
d'Athènes à Smyrne et de Marseille à Constanti-
nople; sa population dépasse 20 000 liabitants.
Souvenirs historiques. Conclusion. — Ce sont là
les villes qui. de nos jours, ont la plus grande
importance économique. Mais combien d'irambles
bourgades portent des noms illustres; combien de
lieux aujourd'hui déserts furent l'emplacement de
cités ren 'Uimées ! Le voyageur qui parcourt la
Grèce n'est pas seulement frappé par la beauté
incomparable du ciel, la limpidité de l'atmosphère
à travers laquelle les montagnes se revotent des
teintes les plus riches, les lignes harmonieuses
du paysage. 11 ne peut pour ainsi dire faire un
pas sans toucher à un souvenir de l'histoire ou
de la mythologie, sans effleurer quelque reste d'un
monument antique. Dans r.\rgolide, c'est Mycènes
avec ses énormes murs cyclopéens; dans l'Arcadie,
Mantinée, où mourut Epaminondas : dans la Bootie,
Leuctres, théâtre du premier triomphe de ce héros,
et Platée, où les Perses furent battus comme à
Marathon et à Salamine. Dans la Laconie, voici
Sparte qui se reconstruit à nouveau sur son an-
cien emplacement, au bord de l'Eurotas; et tout au-
près, Mistra, la ville du moyen-âge, qui rappelle la
domination des croisés francs en Morée.
L'artiste n'a pas moin- à glaner que l'historien,
Nul n'a encore su élever un temple plus beau que
le Parthénon, et quelle œuvre de la statuaire est
plus parfaite que la Vénus de Milo, qui orne notre
musée du Louvre? Quel contraste entre tant de
chefs d'œuvre et des souvenirs si illustres, et l'état
actuel du pays, si arriéré encore au point de vue
matériel et moral. Les habitants des campagnes
sont plongés dans une profonde ignorance, et le
brigandage, comme le prouvent des exemples en-
core trop récents, n'a pas entièrement disparu.
[G. Meissas.]
GRÈCE (Histoire). — Histoire générale. VI-X,
XVI-XX, XXXIV.
I. La Grèce ancienne. — Populations primitives.
Origines. — Les Péiasges, peuple à peine connu,
furent peut-être les premiers habitants de la Grèce.
C'est aux Péiasges que l'on attribuait les murs cy-
clopéens, ces monuments dont les ruines gigan-
tesques excitaient Tadmiration de leurs descen-
dants. Après eux vinrent les H'^llène^, qui donnèrent
leur nom au pays: ils prétendaient descendre
d'Hellen, père de trois fils, Dorus, iEolus et Xuthus ;
de ce dernier naquirent Ion et Achasus. Issus d'une
souche commune, Doriens, Eoliens, Ioniens et
Achéens se répandirent de la Thessalie dans la
Hellade, le Péloponèse, les îles et jusqu'en Asie
Mineure. Les luttes entre les descendants d'Hellen,
la prépondérance des Doriens et des Achéens sur
les deux autres races, celle des Achéens sur les Do-
riens, appartiennent au domaine de la fable ; les
annales de la Grèce avant le viii* siècle n'offrent
aucune certitude historique; le siège de Troie, les
travaux d'Hercule, les malheurs de Laïus et d'OEdipe,
d'Agamemnon et d'Oreste ont fourni de brillants
développements à la mythologie : l'histoire ne peut
que les enregistrer.
A partir de la première olympiade '776 av. J.-C),
la chronologie existe et par suite l'histoire, mais en-
core mêlée à la légende jusqu'à l'époque des guerres
médiques (500).
Il suffira d'indiquer rapidement le? événements
antérieurs à cette date et de tracer le tableau du
nïonde grec à l'âge héroïque : les poètes suppléent
ici aux historiens et permettent d'indijuer les prin-
cip;;ux traits de celte civilisation primitive.
La constitution du gouvernement ressemble à
celle de la famille : à la tête de chaque Etat, pres-
que de chaque cité, est un roi, à la fuis chef de
guerre, juge et prêtre. Son pouvoir n'est limité
que par l'influence des principaux membres de la
cité ou de l'association, et par l'autori'é du sénat
ou conseil des princes. Dans la famille, la puissance
paternelle est respectée, la femme est la compagne
vénérée sinon l'égale de l'homme; les enfants mâles
se partagent également l'horitage du père. Dans la
société les mœurs sont rudes et cruelles. On ne
croit qu'à la force, la guerre est partout. C'est dire
que l'industrie existe à peine ; l'agriculture est très
primitive, le commerce est aux mains des étran-
gers.
Entre ces mille sociétés divisées d'intérêts, ri-
vales d'influence, y a-t-il une unité? Oui, celle du
nom et de la langue; colle-ci est une sous la di-
versité des dialectes. Quant aux aoiphidy nies,
elles constituent un lien assez lâche et moins poli-
tique que religieux. L'assemblée amphictyonique,
réunissant les pruicipales races hellènes, se tenait
aux Thermopyles ou à Delphes, près du sanctuaire
vénéré d'.\pollûn, aux oracles souvent menteurs,
mais toujours respectés. La célébration solennelle
des jeux à Olympie, à Gorinthe, à Némée ou àDel-
phes, établissait encore un rapprochement entre
tous les descendants du mythique Hellen.
Cii/oniei. — Cependant l'amour, le sentiment
même d'une patrie commune était alors si faible
que les migrations étaient fréquentes. A l'est, à
1 ouest, au sud, partout se portait le mouvement
de la colonisation, qui commença dès le xii' siècle.
Des Eoliens s'établirent dans la Mysie, dans les îles
de Lesbos, de Ténédos, et donnèrent leur nom au
pays où se fondèrent Smyrne, Larisse,Egée, Pitané.
Vers le milieu du xi' siècle, les Ioniens occupèrent
la région comprise entre IHermus et le Méandre,
le littoral et les îles^ où s'élevèrent Milet, Samos,
Ephèse, Colophon, Chios, Phocée, etc. Les Doriens
se répandaient à la même époque dans les îles de
Mélos, Cythère, Crète, Cos, Rhodes, et dans la Do-
ride. Bientôt les Grecs atteignirent la Cilicie et
Chypre, la Chalcidique, la côte de Thrace, Thasos,
la Chersonèse, la Propontiiie, le Bosphore et le
Pont-Euxin : ils fondèrent Sestos, Chalcédoine, By-
zance, Tomes et Panticapée. En Egypte ils avaient
un comptoir à Naucratis ; en Lybie un établisse-
ment à Cyrène dans la Pentapole; et un véritable
empire dans la Sicile et dans l'Italie, où le nom de
Grande Grèce sub^sta longtemps et perpétua le
souvenir d'une éclatante mais éphémère civilisa-
tion.
Sparte au temps de Lycurgue. — Le vi* siècle est
l'époque la plus brillante de la colonisation grecque:
Athènes et Sparte, les deux cités maîtresses de la
Grèce, furent célèbres bien avant cette époque.
A Sparte, Lycurgue, s'il faut admettre son exis-
tence, paraît au x" ou au ix« siècle ; de retour dans
son pays, après de longs voyages, il réussit à l'arra-
cher à l'anarchie et à lui imposer une réforme ra-
dicale ; les attributions de l'assemblée populaire
sont réduites, celles du sénat sont étendues ; cinq
éphores ou inspecteurs deviennent plus puissants
que les deux rois soumis à leur surveillance, con-
finés dans les exercices du culte et le commande-
GRÈCE
— 903 —
GRÈGE
ment des armées. Les seuls Spartiates ont des droits
politiqu s : malgré leur petit nombre, chaque jour
plus réduit, ils dominent les Périèques, libres ha-
bitants de la Laconie, mais non citoyens, et ex-
clus du gouvernement; ils font cultiver leurs terres
par les Hilotes, véritables serfs de la glèbe, admis
pourtant dans les armées, mais impitoyabl -ment
massacrés au premier symptôme de révolte. Ly-
curgue, s'il n'établit pas légalité de fortune entre
les Spartiates et les Périèques, comme Taftirme
Plutarque, inspira l'usage des repas en commun,
bannit peut-être les monnaies d'or et d'argent, in-
terdit le travail aux citoyens astreints aux exercices
militaires, au séjour dans les casernes publiques
jusqu'à un âge avancé, mal nourris, à peine vêtus
et endurcis jusqu'à la férocité par une éducation
contre nature. Les femmes, élevées presque aussi
rudement, eurent une grande influence sur ce
peuple de soldats. Lycurgue n'avait créé qu'une
armée, petite par le nombre, mais redoutable par
son organisation rigoureuse et son patriotisme
exalté jusqu'au fanatisme. Lancés sur la Messéiiie,
les Spartiates triomphent, malgré l'héroïque résis-
tance d'Aristodème et d'Aristomène. Une première
guerre de vingt années (743-7^3), une seconde pres-
que aussi longue (685-068) leur assurent, après les
glorieux épisodes du mont Iihôme et du mont Ira,
la possession d'une riche province qui double leur
territoire. Les Argienssont battus après les Messé-
niens (547), et la moitié du Péloponèse subit la
domination lacédémonienne.
Athènes au temps de Solon, de Pisisfi'ate, et de
Clisthène (ti04-ôOU). — Athènes fut d'abord gou-
vernée par des rois. Au xii' siècle la royauté est
abolie, après la mort de Codrus. Le roi est rem-
placé par un archonte; plus tard l'archontat de-
vient annuel, et les archontes sont au nombre de
neuf. La constitution était tout aristocratique : les
lois furent écrites par l'archonte Dracon, qui en fit
un code d'une excessive sévérité (624).
Des troubles violents éclatent dans l'Attique ;
comme à Rome, les pauvres étaient réduits en es-
clavage par les riches, leurs créanciers ; un noble
athénien est nommé archonte unique en 594 et
chargé de rétablir l'ordre. C'était Solon.
Solon, déjà célèbre comme poète, avait composé
des vers sur la misère du peuple; général, il avait
repris l'île de Salamine dont les Mégariens s'étaient
emparés. Son premier acte fut d'abolir toutes les
dettes antérieures, de rendre à la liberté tous les
débiteurs vendus comme esclaves, et d'abaisser de
27 p. lOU le titre de la drachme, de telle sorte que
le débiteur de 100 drachmes put s'acquitter avec 73.
Puis il partagea tous les hommes libres en qua-
tre classes suivant leur revenu. La première four-
nissait les archontes et les magistrats, la 2° les ca-
valiers, la 3' l'infanterie pesamment armée, la 4'
l'infanterie légère. Les arcliontes et les sénateurs
étaient élus par l'assemblée populaire ; un sénat de
400 membres fut chargé de préparer les lois que
votait le peuple. Un code civil et pénal compléta
ces dispositions eu encourageant et en protégeant
le travail.
Après toutes ces réformes, Solon voj'agea long-
temps, visita l'Egypte, Chypre, Sardes, mais à son
retour trouva la ville déciiirée par les discordes
(560). Il devait mourir deux ans plus tard.
Pisistrate s'était emparé par surprise de l'Acro-
pole et gouverna la ville jusqu'à sa mort, de 5G0 à
527. Deux fois il fut exilé et deux fois il rentra dans
Athènes, où du moins sa tyrannie s'exerça sous des
formes assez douces : Hérodote, Thucydide, Aris-
tote s'accordent pour lui décerner cet éloge.
Hippias et Hipparque, ses fils, lui succèdent. Le
second est assassiné par deux jeunes Athéniens,
Harmodius et Aristogiton (514;. Hippias vengea son
frère par de nombreuses exécutions, mais fut chassé
d'Athènes par les Spartiates unis aux habitants ré-
voltés, et la démocratie fut établie (510).
Le chef du parti démocratique, Clisthène, élar-
git les bases de la constitution de Soluu, donna
le droit de cité à tous les habitants libres de l'At-
tiqiie, quelle que fût leur origine, et divisa le ter-
ritoire en dèmes ou bourgs qui. réunis sans être
contigus, formèrent les tribus au nombre de dix.
C'était un moyen d'empêcher la formation de toute
faction locale et de prévenir les guerres civiles. Il
porta le sénat à i.00 membres (50 par tribu). Il
imagina Vostracisme, c'est-à-dire le bannissement,
au moyen d'un vote inscrit sur une coquille, du ci-
toyen dont les visées ambitieuses ou la popularité
semblaient un danger pour la paix de l'Etat. L'exil
devait durer dix ans ; mais cette peine, qui ne fut
appliquée que dix fois en cent ans, n'eut jamais
cette durée. Ces réformes démocratiques exci-
tèrent les défiances des Lacédémoniens. Ils ten-
tèrent de rétablir Hippias qu'ils avaient détrôné,
s'unirent aux Béotiens et aux habitants de Chalcis
et d'Egine, pour renverser Clisthène; leurs ten-
tatives furent vaines; partout ils furent repoussés.
C'est alors quHippias sollicita l'appui des Perses
et provoqua la première guerre médique.
Si l'histoire d'Athènes et de Sparte est fort obs-
cure dans cette première période, celle des autres
Etats grecs l'est encore davantage. A l'exception
de Sparte où la constitution énergique de Lycurgue
maintint toujours le pouvoir de l'aristocratie, il
y eut pour toutes les cités plusieurs phases suc-
cessives dans le gouvernement : à l'époque ho-
mérique , ce sont des rois de droit divin qui
gouvernent; le prestige religieux disparaissant,
l'autorité revient à des oligarchies aristocratiques,
dont l'orgueilleuse dureté soulève les peuples; des
tyrans populaires renversent l'aristocratie, et bien-
tôt un régime de démocratie pure triomphe pres-
que partout La Grèce semble ainsi nous offrir un
des premiers exemples de ces évolutions gouver-
nementales que nous retrouvons presque identi-
ques dans le monde moderne.
Première guerre médique (500-'j90). — Avec les
guerres médiques (5(jO), nous entrons dans une ère
mieux connue.
Les colonies grecques de l'Asie Mineure, d'abord
soumises par Crésus, roi de Lydie, étaient tombées
sous la domination de Cyrus, roi de Perse (544).
L'île de Samos, qui avait gardé plus longtemps
son indépendance, fut soumise également par
Darius, troisième successeur de Cyrus. Mais l'é-
chec que le a grand roi « avait éprouvé dans son
expédition contre les Scythes réveilla le sentiment
de la liberté dans les colonies asservies, qui im-
plorèrent le secours des Athéniens. Athènes, in-
téressée dans l'affranchissement des Grecs d'Asie,
répondit à cet appel. Les débuts de la guerre fu-
rent malheureux pour les Grecs. La ville de Milet
fut prise par les Perses et tous les habitants mâles
furent tués (495). Darius envoya Mardonius contre
Athènes : mais une tempête dispersa l'expédi-
tion (492).
Sparte et Athènes, oubliant leurs anciennes ri-
valités, s'unissent alors à la vue du danger com-
mun, et entraînent dans leur ligue un grand nombre
de villes grecques : l'idée de la patrie commune se
fait jour pour la première fois en Grèce. D'ailleurs
la présence et les menées d'Hippias auprès de
Darius étaient faites pour éveiller les craintes des
Athéniens.
La seconde expédition des Perses, composée
d'une flotte considérable, bien pourvue d'hommes
et de provisions, avait pour chefs Datis et Arta-
pherne, auxquels s'était joint l'ambitieux Hippias.
Elle s'empara de plusieurs îles qu'elle saccagea.
Elle débarqua enfin à Marathon, à huit lieues au
nord-est d'Athènes. Mais les dix-huit années de li-
berté qu'avait procurées à Athènes la constitution
de Clisthène avaient fait de cette cité le rempart de
GRÈCE
— 904 —
GREGE
l'indépendance hellénique. Miltiade, chef militaire
ëminent; Thémistocle, général habile à suivre les
inspirations d'un véritable génie militaire, mais po-
litique ambitieux et sans scrupules, Aristide enfin,
à qui ses vertus méritèrent le surnom de Juste,
commandaient alors l'armée athénienne. L'alarme
était grande à Athènes; Sparte, obéissant à cer-
taines superstitions, ne voulut pas envoyer immé-
diatement les secours qu'on lui demandait: 10,000
Athéniens seulement, soutenus par 1000 Platéens,
durent essuyer le choc de l'innombrable armée
perse. Ils furent complètement victorieux (490), et
l'effet moral de la victoire de Marathon fut immense.
Athènes en garda une confiance et un orgueil exa-
gérés, mais qui devaient produire de grandes
clioses. Miltiade, à qui la victoire était due, eut le
malheur d'éprouver un échec devant l'Ile de Paros,
et fut condamné par ses concitoyens ingrats à
une amende de 50 talents ; il mourut, laissant à
son fils Cimon le soin de la payer.
Deuxième guerre méilique (i90-479). — Darius
humilié meurt en 485 ; son fils Xerxès veut le ven-
ger : il prépare une nouvelle expédition contre la
Grèce. Hérodote estime à plus de 5 millions d'hom-
mes le nombre de ses soldats ; il en faut beaucoup
rabattre, et songer surtout que cette cohue n'était
qu'un ramas informe de nations différentes, diver-
sement armées, et incapables de recevoir une di-
rection unique. Cette armée passa l'Hellespont sur
deux ponts de bateaux, une première fois détruits
par la tempête, puis reconstruits entre Sestos et
Ab} dos. Tout semblait promettre une victoire facile.
Les peuples grecs, effrayés par l'approche de Xerxès,
faisaient leur soumission ou se montraient peu dis-
posés à seconder la résistance que préparaient
Athènes et quelques villes du Péloponèse. Heu-
reusement, un des rois de Sparte, Léonidas, gardait
avec quelques milliers d'hommes, dont 300 Spar-
tiates d'élite, le défilé des Thermopyles, pendant
que l'armée navale, commandée par le Spartiate Eu-
rybiade et l'Athénien Thémistocle, occupait le cap
Artémisium. Mais l'armée des Perses força le pas-
sage des Thermopyles, malgré l'héroïque défense
des yOO Spartiates, aidés de 700 Thespiens trop ou-
bliés par l'histoire. La Grèce septentrionale tout
entière était à la merci du vainqueur. Delphes se
défendit bravement ; les Thébains se joignirent aux
Perses ; les Athéniens abandonnèrent leur ville et
se réfugièrent à Salamine. La flotte grecque quitta
le cap Artémisium et vint se concentrer dans le dé-
troit de Salamine. La position était excellente et ne
permettait aux Perses de déployer contre les Grecs
■qu'une partie de leurs immenses forces navales.
Aussi la bataille, engagée sur le conseil de Thémis-
tocle, se termina-t-elle par une victoire décisive
des Grecs (480). Xerxès jugea prudent de repasser
l'Hellespont; mais il laissa en Grèce 300 000 hommes
sous la conduite de Mardonius. Celui-ci alla prendre
ses quartiers d'hiver en Thessalie.
Ce fut un immense soulagement pour la Grèce,
qui oublia trop vite ce qu'elle devait aux Athéniens -
Mardoniiis put en effet rentrer en Attique l'année
suivante sans que les Péloponésiens fissent rien
pour l'arrêter, et les Athéniens furent forcés d'a-
bandonner une seconde fois leur ville. Enfin les
Spartiates se mirent en marche ; les Athéniens et
d'autres peuples se joignirent à eux, et l'armée de
la Grèce, forte de 110 000 hommes environ, lutta
contre Mardonius qui s'était fortifié près de Platée,
battit le général perse qui fut tué, s'empara de son
camp et ne permit qu'à quelques fuyards de rega-
gner l'Asie (479). Pendant que Pausanias, régent
de Sparte, triomphait à Platée, la flotte grecque,
commandée par le roi de Sparte Léotychidas et
l'Athénien Xanthippe, père de Périclès, remportait
un grand succès à Mycale sur la côte asiatique. La
•<Jrèce, délivrée des envahisseurs, allait devenir
conquérante à son tour.
Hégémonie d'Athènes. — Les Athéniens eurent
pour premier souci de rebâtir leur ville, et ils y
parvinrent en dépit des efforts jaloux des Pélopo-
nésiens, grâce à l'habile temporisation de Thémis-
tocle. Ce grand citoyen augmentait en même temps
la flotte athénienne, et appelait dans la cité nou-
velle les étrangers ou métèques, qui y apportèrent
leur activité commerciale. La trahison du régent
de Sparte Pausanias, qui rêvait de se faire roi de
toute la Grèce, en s'appuyant sur le roi de Perse,
ayant été découverte, le vainqueur de Platée fut
mis à mort. Les Athéniens y gagnèrent d'obtenir
le commandement général des forces navales de la
Grèce. Athènes alors devient l'alliée et comme la
tutrice de toutes les colonies asiatiques qu'elle a
délivrées ; une fédération maritime s'organise, à
l'instigation d'Aristide, et chaque ville fédérée paie
à la communauté un tribut en argent ou en vais-
seaux (^76). Peu après (471), le vainqueur de Sala-
mine, Thémistocle, dont l'arrogance et la cupidité
excitaient le mécontentement des Athéniens, est
exilé; impliqué dans la conspiration de Pausanias,
il se réfugia en Perse. 11 fut accueilli avec faveur
par Artaxerxès, et il termina ses jours en Asie-
Mineure, tandis que l'intègre Aristide mourait à
Athènes, si pauvre que l'Etat dut se charger des
frais de ses funérailles.
Troisième guerre m,édique. — Privée do ces
deux grands hommes, Atliènes ne cesse cependant
pas de grandir. Forte de l'appui des villes confé-
dérées, qu'elle savait réduire à l'obéissance quand
elles tentaient d'échapper à sa tutelle despotique,
elle porta la guerre en Asie. Cimon, fils de Mil-
tiade, vainquit les Asiatiques sur terre et sur mer,
aux bouches de l'Eurymédon, en Pamphylie (466).
Ce succès n'empêcha pas le vainqueur d'être frappé
d'ostracisme (461) pour avoir soutenu le parti aris-
tocratique dans la discussion soulevée par la re-
construction des longs murs. Rappelé en 452,
Cimon battit encore une flotte phénicienne, et
mourut, laissant à Callias l'honneur de signer avec
les Perses une convention glorieuse pour Athènes.
Ce traité reconnaissait l'indépendance de toutes les
cités grecques de l'Asie et laissait la flotte athé-
nienne maîtresse de la mer (449). Une trêve de
trente ans fut conclue en 445 avec Sparte, que
mettait en défiance la suprématie de sa rivale.
Tous ces succès extérieurs n'allaient pas sans
des réformes intérieures. La constitution se déve-
loppa outre mesure dans le sens démocratique. Le
sort fut chargé de désigner les magistrats ; le
pouvoir judiciaire passa aux tribunaux populaires,
formés chacun de 500 jurés désignés également par
j le sort. Six mille citoyens employaient chaque an-
' née à juger le meilleur de leur temps. Une solde
' de trois oboles (47 centimes environ) était affectée
I à chacun des juges pour chaque jour où il siégeait.
C'était toute une révolution opérée par Périclès,
I malgré les efforts de Cimon. Périclès y trouvait la
satisfaction de son ambition ; les citoyens celle de
leurs intérêts personnels , mais les villes alliées,
[ obligées de venir jusqu'à Athènes pour y faire ju-
! ger leurs procès et leurs différends, contraintes de
contribuer de leurs deniers aux embellissements
! de la puissante cité, souffraient impatiemment le
joug. Des révoltes fréquentes se produisaient, écra-
sées, comme celle de Samos (44(i), avec la dernière
rigueur. Tout l'éclat dont Athènes brillait à cette
époque cachait donc une situation pleine de périls,
et qu'on oublie trop facilement, quand on se laisse
éblouir par le merveilleux développement artisti-
que et littéraire qui se produisit alors.
[ Siècle de Périclès. — Périclès (494-429), qui a
mérité l'e donner son nom au cinquième siècle
avant l'ère chrétienne, était né en 494. Fils de Xan-
thippe, le vainqueur de Mycale, et formé de bonne
I heure à l'art oratoire, il domina facilement dans
' Athènes, grâce aux ressources de sa seule élo-
GRECE
— 90o —
GRÈCE
quence. L'époque de sa toute-puissance se place
entre l'exil de Thucydide, qui avait succédé à Cimon
comme chef du parti aristocatique (444) et qu'il ne
faut pas confondre avec l'historien du même nom,
et le commencement de la guerre du Péloponèse. Il
s'appuya sur le peuple qu'il fascina par ses discours,
par ses largesses, par la construction d'admirables
monuments. II fit d'Athènes comme le centre de
la civilisation, la capitale de l'intelligence et de
l'art (V. l'article sur les lettres et les arts en Grèce).
Il fut plus puissant qu'un roi, et il mourut pau-\Te,
«ans avoir augmenté d'une drachme le bien qu'il
avait hérité de son père. Après la prise de Sa-
mos, qui mit le comble b. sa popularité, il secou-
rut CorcjTe révoltée contre Corinthe, dont Sparte
embrassa la querelle. Il provoqua ainsi la guerre
du Péloponèse.
Guerre du Péloponèse jusqu'à la paix de Nicias
(431-421). — Depuis longtemps les Lacédémoniens
désiraient humilier leurs brillants voisins. La révolte
<le Corcyre soutenue par Atliènes leur en fournit
l'occasion. Si la puissance militaire des Péloponé-
siens semblait plus redoutable, les Athéniens
étaient sans rivaux sur la mer. Les hostili-
tés commencèrent par les ravages respectifs
des Spartiates dans l'Attique et des Athéniens
sur les côtes du Péloponèse. Périclès condui-
sait la flotte de ces derniers, et à son retour il
prononça l'éloge des guerriers morts pour la pa-
trie. Malheureusement, la peste qui sévit alors
dans Athènes et fit tant de victimes l'emporta lui-
même, et ses compatriotes ne trouvèrent pas un
général capable de le remplacer (429).
Après sa mort la guerre se généralise, et toutes
les villes grecques semblent vouloir y prendre part
avec une violence inouïe.
L'historien Thucydide trace un magnifique tableau
des deux factions qui divisent alors chaque ville
grecque, les partisans de l'aristocratie invoquant
les Lacédémoniens, les démocrates appelant à eux
les Athéniens.
La peste finissait à peine que les Spartiates allè-
rent assiéger Platée, alliée d'Athènes; ils s'en em-
parèrent après la plus vive résistance (429). Les
Athéniens répondirent à cette agression en enle-
vant à leur tour Potidée. Ils portèrent même la
guerre dans le Péloponèse, en Messénie, et en-
fermèrent une armée lacédémonienne dans l'île
de Sphactérie (425). Le chef de la démocratie
athénienne, Cléon, se laissa nommer général, par-
vint à tuer ou à prendre les Spartiates ainsi blo-
qués, et victorietix, ne poussa qu'à la continuation
de la guerre. Elle fut signalée par le désastre de
Délium, où Socrate sauvales jours de Xénophon, et
par celui d'Amphipolis, où les deux chefs de chaque
camp, Cléon et Brasidas, furent tués. Cette double
mort rendit la paix possible. Elle fut conclue pour
50 ans par les soins de Nicias (421). C'était la on-
zième année de la lutte, et tous les Etats grecs
étaient épuisés et ruinés ; mais la querelle de Sparte
et d'Athènes restait aussi indécise que le premier
jour. Moins d'un an après, les intrigues d'Alcibiade
avaient fait reprendre les hostUités.
Expédition de Sicile (2* période de la- guerre
du Péloponèse, 421-413). — Né vers 450 d'une
noble famille, Alcibiade était le plus beau et le plus
intelligent des Athéniens. Après mille folies de
jeunesse, il se flattait de jouer un grand rôle dans
la guerre : la paLx de Nicias sembla le lui interdire.
Il devint alors le chef des belliqueux, comme Nicias
était celui des pacifiques. Il décida Athènes à s'u-
nir à Argos, jalouse de Sparte ; les Spartiates,
vainqueurs à Mantinée (418), firent échec à cette
politique, et Alcibiade se tourna d'un autre
■côté.
Les colonies grecques de Sicile étaient en pleine
prospérité. Mais des querelles entre Ioniens et
Dorions provoquèrent l'intervention d'Athènes. La
ville d'Egeste, pressée vivement par les habitants
de Syracuse, implora le secours des Athéniens.
Alcibiade fit décider l'expédition, malgré les efforts
de Nicias. Toutes les forces, toutes les ressources
d'Athènes furent prodiguées dans le hasard de
cette seule entreprise. Catane et Naxos tombèrent
aisément au pouvoir des Athéniens (415). Syracuse
même allait être assiégée, lorsque Alcibiade reçut
l'ordre de rentrer à Athènes pour répondre à une
accusation capitale : la mutilation des Hermès ou
statues de Mercure, accomplie dans la nuit qui
avait précédé son départ. Il se sauva à Sparte, où
il conseilla de fortifier la citadelle de Décélie,
dans l'Attique, et de secourir les Syracusains.
Gylippe, en effet, conduisit des secours à ces der-
niers, battit Nicias seul, puis Nicias et un autre
général, Démosthène, accouru avec de nouvelles
forces athéniennes. Après ce désastre, Démosthène
proposa de s'enfuir avec les navires ; mais Ni-
cias fit prévaloir l'idée d'une retraite par terre.
Malheureusement une crainte superstitieuse le
retint trente jours encore, jusqu'au retour de la
pleine lune : ce retard entraîna la ruine de
l'armée athénienne (\\^).
Fin de h guerre du Péloponè.^^e. Lei Trente à
Athèn':■s{^1^2-i'^Z]. — Le désastre de Sicile surexcita
l'ardeur de tous les peuples ennemis d'Athènes, qui
eût été perdue, si elle se fût découragée. Une heu-
reuse victoire, remportée près de Milet, rabattit
pour un temps l'audace de ses ennemis (412). Une
révolution aristocratique eut lieu dès 410 à Athènes
même, mais le parti démocratique reprit le dessus
et rappela Alcibiade qui, mécontent des Lacédé-
moniens, s'était réfugié près des Perses. Son retour
fut le signal de nouvelles victoires; il battit à
Cyzique la flotte péloponésienne, et s'empara de
Byzance et de Chalcédoine (408). En 407, il rentra
triomphalement dans sa patrie, à laquelle il avait
fait tant de mal, et redevint l'idole du peuple.
Mais l'alliance de Cyrus le Jeune, satrape d'Asie
Mineure , avec Lysandre, amiral lacédcmonien,
devait porter ses fruits. Les Athéniens, battus
devant Ephèse, destituent Alcibiade. et nomment à
sa place dix généraux, qui remportèrent sur le Spar-
tiate Callicratidas la victoire des îles Arginuses;
l'année suivante, Lysandre ayant repris le com-
mandement des forces de Sparte, surprit la flotte
athénienne à l'embouchure de la petite rivière
d'iEgos Potamos, dans l'Hellespont, et la détruisit
complètement. Cette victoire termina la guerre du
Péloponèse. Athènes bloquée dut se rendre après
six mois de siège (404). Sparte abusa de sa vic-
toire; dans les villes alliées d'Athènes, toutes
les démocraties furent supprimées et remplacées
par un gouvernement de dix personnes [décarchies)
assistées d'un harmoste ou commandant lacédé-
monien. Les longs murs d'Athènes furent démolis,
les fortifications rasées ; Lysandre enfin abolit la
démocratie athénienne et confia tous les pouvoirs
à trente individus, connus sous le nom des Trente
tyrans.
Ils firent régner la terreur dans Athènes, à force
d'assassinats et de proscriptions. Mais des exilés
du parti démocratique, avec Thrasybule à leur
tête, ayant réussi à s'emparer du port de Muny-
chie, forcèrent les Trente à abdiquer. Thrasybule
proclama une amnistie générale (403), et la consti-
tution démocratique fut rétablie.
Ce fut quatre ans plus tard qu'à la suite d'un
déplorable procès, Socrate fut condamné à boire la
ciguë (399).
Alcibiade, qui avait tant contribué à l'abaisse-
ment de sa patrie, s'était réfugié près de Pharna-
baze, en Phrygie : ce satrape le fit tuer.
Retraite des lix-.MiUe. — La mémorable expédi-
tion des Dix-Mille prend place immédiatement après
la guerre du Péloponèse. Cyrus, second fils de Da-
rius Nothus, roi de Perse, voulant détrôner son frère
GRÈCE
— 906 —
GRECE
Artaxerxès, avait pris à sa solde 10 000 merce-
naires grecs; un jeune Athénien, Xénophon, qui
s'était joint à l'expédition comme volontaire,
nous en a laissé le récit Vainqueurs à Cu-
naxa (401:, mais privés, par la mort de Cyrus, de
l'appui des troupes barbares, qui se débandèrent,
les Grecs commencèrent, sous la conduite de gé-
néraux improvisés, cette magnifique retraite qui
dura deux ans et les a immortalisés dans la pos-
térité. La faiblesse de l'empire persan, la supé-
riorité du génie grec, étaient démontrées avec
éclat par la retraite des Dix-Mille : la leçon ne fut
perdue ni pour Agésilas, ni pour Alexandre.
Hrgémonie de Sjjart". Agésilas. — La supréma-
tie sur les affaires de la Grèce, ou hégémojtie, avait
passé à Sparte, qui la conserva pendant une tren-
taine d'années. La domination Spartiate, pliis vio-
lente et plus oppressive que ne l'avait été celle
des Athéniens, ne tarda pas à soulever les mêmes
résistances.
Le nouveau roi de Sparte, Agésilas, envoyé en
Asie Mineure au secours des villes grecques in-
quiétées par les Perses , déploj'a les qualités
d'un grand général. Il fit deux campagnes victo-
rieuses, mais fut bientôt rappelé en GrrCî où
Sparte avait à lutter contre tous les peuples
grecs soulevés contre elle. L'argent asiatique
n'avait pas peu contribué à cette révolte^ qu'ex-
pliquait d'ailleurs le despotisme lacédémonien.
Les alliés grecs avaient réuni à Corinthe une
armée considérable. Une première bataille fut
indécise ; Agésilas, de retour d'Asie, défit les coi-
fédérés à Coronée (394) ; mais la flotte gréco-per-
sane battit la flotte lacédémonienne devant Cnide
et la détruisit. Athènes alors, enhardie, refit ses
fortifications, grâce à l'or de Pharnabaze 393 ;
et du traité qui avait suivi le désastre d'^Egos
Potamos, il ne resta plus que le souvenir. La
guerre n'en continua pas moins, acharnée, mais
indécise, autour de Corinthe, entre Agésilas et l'A-
thénien Iphicrate. Heureusement pour Sparte, le
Lacédémonien Antalcidas réussit à détacher le
« grand roi » de l'alliance avec les confédérés, et
conclut avec Artaxerxès un traité qui porte son
nom. Ce traité stipulait que toutes les villes grec-
ques d'Asie seraient remises sous la dépendance
du roi, et que toutes les villes grecques d'Europe
seraient libres et autonomes, ce qui signifiait que
toute ligue, toute alliance de nature à inquiéter
Sparte leur était interdite. Les cités grecques du-
rent s'incliner devant les forces énormes dont dis-
posaient les Spartiates et les Perses, et accepter
ce traité (387). C'était un pas en arrière dans l'his-
toire de la Grèce ; l'hellénisme reculant en Asie,
éparpillant ses forces en Europe, s'éloignait de
plus en plus de cet idéal qu'il ne devait jamais
atteindre : l'unité nationale dans la liberté muni-
cipale. Voilà ce qu'avait amené la politique égoïste
et étroite d'Agcsilas et de Sparte.
Sparte eut beau, dans la suite, donner cours à
ses rancunes contre Thèbes, relever Platée, châtier
Mantinée de la froideur de ses services '.-'Mh), elle
n'en voyait pas moins Athènes reprendre des forces
et ressaisir les principaux éléments de sa domina-
lion maritime. Sparte alla même jusqu'à s'empa-
rer d'Olynthe dont elle était jalouse, et à jeter
dans les bras de la Macédoine la confédération
fondée par cette ville, boulevard de la Grèce
contre les puissances du Nord. Mais son hégémo-
nie touchait à sa fin.
Thèbes, depuis trois ans soumise à Lacédé-
mono , se soulève à la voix d'un jeune exilé,
Pélopidas, rentre furtivement dans sa patrie (S'iO).
Les Spartiates veulent ressaisir leur conquête et
la guerre se rallume. Athènes, suivie par soixante-
dix villes, se déclare l'alliée des Thébains, et pen-
dant quatre ans (378-374) la guerre se poursuit
sans résultats décisifs. A ce moment, Athènes se
rapproche de Sparte, par un traité particulier :
la lutte se circonscrit entre Sparte, qui voulait
dicter à tous les Ktats ses lois, et Thèbes. qui se
refusait à abdiquer sa domination sur les cités
béotiennes.
Hégémonie de Thèbes (.371-361). — Deux héros
thébains illustrèrent cette lutte acharnée : Pélo-
pidas et Epaminondas. Les soldats de Sparte
avaient envahi la Béotie, où ils éprouvèrent quel-
ques revers. Thèbes fut ensuite mise hors la loi
par les représentants des principales villes grec-
ques réunis à Lacédémone. Elle répondit à cette
exclusion par la grande victoire de Leuctres, fruit
des habiles dispositions d'Epaminondas (37 1). Tous
les alliés de Sparte, comme il arrive, se détachè-
rent d'elle; Mantinée, détruite par Lacédémone,
fut rétablie ; Tégée et toutes les villes arcadiennes
renversèrent leur gouvernement oligarchique et for-
mèrent le projet d'une confédération. Epaminondas,
qui suivait ce mouvement, envahit la Laconie, mais
n'osa pas attaquer Sparte, qu'Agésilas avait mise
en état de défense ; il se contenta de bâtir à l'en-
trée du défilé qui mène en Laconie une place-forte
destinée à empêcher les entreprises de Lacédé-
mone contre le Péloponèse : c'était Méga' ^jolis.
11 fonde en même temps Messène, sur le mont
lihôme, et en fait le refuge des Hilotes, ruinant
ainsi Sparte dans son propre empire.
Athènes toutefois s'inquiétait des progrès des
Thébains, tant la jalousie fut toujours l'âme de
la politique dans toutes ces petites cités grecques.
Elle joignit ses forces à celles des Spartiates, ses
éternels ennemis. Ce fut un moment de répit dans
la décadence rapide de Sparte. Tlièbes n'en gar-
dait pas moins la suprématie, suprématie reconnue
même par le a grand roi », que ces rivalités fai-
saient l'arbitre des villes grecques. Il arriva pour
Thèbes ce qui était arrivé pour ses deux rivales :
elle aima mieux étendre ses conquêtes que les
fortifier. De plus elle eut le malheur de perdre
Pélopidas, au combat de Cynoscéphales (364), dans
une guerre contre le tyran de Phères en Thessalie.
Epaminondas, de son côté, succomba sur le champ
de bataille de Mantinée, théâtre de sa glorieuse
victoire sur les Spartiates (3(i2). La mort de cet
homme illustre, hibile général autant qu'incorrup-
tible citoyen, amena la pais, toutes choses restant
en l'état où elles étaient avant la guerre (36 1). Thè-
bes alors retombe dans son obscurité première;
Sparte est humiliée et affaiblie, et, malgré l'éclat
dont brille encore Athènes, la Grèce serait une
proie facile pour une puissance entreprenante. La
.Macédoine fut cette puissance.
Philippe de Macédoine. — La Macédoine était un
vaste pays, situé au nord de la Grèce, entre la
Thessalie, l'Epire, l'illyrie, la Péonie, la Thrace et
la mer Egée. L'influence grecque y dominait, grâce
aux nombreuses colonies qui s'y étaient établies.
Des rois habiles surent profiter des querelles in-
testines de la Grèce pour y assurer leur influence ;
mais l'histoire de la Macédoine commence, en réa-
lité, avec Philippe II, quarante-et-unième succes-
seur du fabuleux Caranus, premier roi de ce pays.
Philippe, élevé en Grèce, avait approfondi de
bonne heure les défauts et les qualités du carac-
tère grec. Athènes venait de sortir affaiblie de la
guerre sociale ou guerre des alliés, et avait dû re-
connaître l'indépendance des cités auxquelles elle
avait imposé son protectorat (355). Philippe en pro-
fita pour s'emparer d'Amphipolis, de Pydna, de
Potidée. Par ses armes et par son or, il se préparait
de longue main à soumettre la Grèce. Il essaya
même une intervention directe, à l'occasion de la
ivo\&\(imegiterre sacrée., en détruisant les Phocidiens
qui avaient pillé le temple de Delphes (355), et en
se faisant proclamer vengeur d'Apollon (363) par
le conseil amphictyonique. Mais il se trouva en
présence d'un redoutable adversaire. L'Athénien
GREGE
— 907 —
GRÈGE
Démostliène (né en 385), après des débuts difficiles
comme orateur, se posa en adversaire résolu des
projets ambitieux qu'il soupçonnait dans Philippe
(première Philippique, .3nl). Le roi de Macédoine,
•an moment arrêté, envahit la Chalcidique et me-
nace Olynthe, que Démosthène ne peut faire se-
courir (les Otynthiennes) : l'or de Philippe endor-
mait toutes les défiances; Olynthe succombe en
3h8; le boulevard de la Grèce au nord était ren-
verse. Philippe est chargé, à la suite d'une ambas-
sade dont faisaient partie Eschine et Démosthène,
de terminer la guerre sacrée. Il y parvient et ex-
clut les Phocidiens du conseil amphictyonique,
pour j' entrer lui-même avec voix prépondérante
(346). Il était alors au faite de la puissance, et
les Athéniens eux-mêmes le regardaient presque
comme un libérateur. Huit ans après, Eschine,
une de ses créatures, l'appelle, au nom du con-
seil amphictyonique, contre les Locriens d'Am-
phissa, qui avaient labouré le champ cirrhéen, con-
sacré à Apollon : c'est la quatrième gue'-re sacréi-.
Philippe en profite pour s'emparer d'Elatée, qui
lui donnait la clef de la Grèce. A cette nouvelle,
les Athéniens ouvrent les yeux. Ils se lèvent à la
▼oix de Démosthène, s'unissent aux Thébains, et
vont se faire battre à Chéronée (■538). Mais le roi
de Macédoine ne veut pas brusquer la situation ; il
recherche la popularité ; aussi épargne-t-il Athènes ;
à Corinthe il propose contre les Perses une expédi-
tion commune, dont on le proclame généralissime
(337). Pendant les préparatifs de cette entreprise, il
répudie Olympias, mère d'Alexandre, pour épouser
Cléopâtre, fille d'Attale, un de ses généraux. C'est
à ce moment qu'il périt assassiné au milieu d'une
cérémonie publique (336). Il laissait à son fils un
pouvoir absolu et une armée redoutable, dont la
fameuse phalange formait la force principale.
Son œmTe est difficile à juger. Il est certain
qu'il commença \' hellmisation du monde ancien,
achevée par son fils Alexandre ; mais cette diffu-
sion de l'hellénisme ne se fit quaux dépens des
anciennes capitales de la Grèce. C'est ce qui jus-
tifie les efforts patriotiques de Démosthène.
Alexandre le Grand. — Dès l'avènement d'A-
lexandre, les Thraces, les Triballes, les Illjriens se
soulevèrent ; mais ils furent aussitôt battus. Les
Grecs eux-mêmes, excités par Démosthène, cou-
rurent aux armes, et Tlièbes massacra la garnison
macédonienne. Thèbes, bientôt reprise, fut rasée,
à l'exception de la maison qui avait appartenu au
poète Pindare, et la Grèce soumise. Le vainqueur
réunit l'assemblée des Grecs à Corinthe, et y reçut
le commandement d'une grande expédition contre
la Perse (335).
On trouvera à l'article Alexandre le récit de
cette expédition mémorable, dont le résultat fut la
destruction de la puissance barbare qui avait si long-
temps menacé la Grèce, et la fondation d'un em-
pire macédonien sur les ruines de celui de Darius
Codoman.
L'œuvre d'Alexandre n'était pas de celles qui doi-
vent demeurer entières ; ses conquêtes furent bri-
sées après sa mort en plusieurs morceaux ; mais,
comme le disait Bayle, « les morceaux en furent
bons. »
La Grèce depuis la mort d'Alexandre j'isqu'à la
mort de Pyrrhus. — La nouvelle de la mort d'A-
lexandre fit tressaillir la Grèce, qui s'était tenue
tranquille pendant les onze années de ses campa-
gnes asiatiques. Athènes fut l'âme d'un vaste sou-
lèvement auquel s'associèrent toutes les villes grec-
ques, à l'exception de Sparte ; Antipater, battu aux
ïhermopyles, dut reculer jusqu'en Macédoine.
Mais il reprit bientôt la campagne, disloqua la
confédération après sa victoire de Crannon, et força
Athènes à la paix. Le grand Démosthène, réfugié
dans le temple de Neptune à Calaurie, s'empoi-
sonna (322).
Polysperchon, devenu régent de Macédoine à la
mort d'Antipater (319), cherche à se populariser
en Grèce. Il rétablit partout le gouvernement dé-
mocratique, et met à mortPhocion, coupable d'être
l'ami de son compétiteur Cassandre, et coupable
surtout, aux j^eux des exilés qui rentraient à,
Athènes, d'avoir peut-être jugé la Grèce indigne
de la liberté. Mais ce mouvement dura peu. L'oli-
garchie fut rétablie par Cassandre, fils d'Antipater,
qui mit à la tête des affaires athéniennes un ami
de Phocion, Démétrius de Phalères (317-307). Le
fils d'Antigone, qui régnait en Asie Mineure, le
jeune Démétrius Poliorcète (le preneur de villes),
s'empara d'Athènes, proclama la liberté et l'auto-
nomie de cette ville, qui ne fut jamais déclarée
libre aussi souvent que depuis le jour où elle cessa
de l'être.
Ce hardi général dut bientôt retourner en Asie
pour y défendre Antigone son père, menacé par la
coalition des autres héritiers d'Alexandre. Il fut battu
à Ipsus en Phrygie et Antigone y fut tué (301). Revenu
en Grèce, il s'empara de la Macédoine à la mort
de Cassandre, dont un des fils avait imprudemment
invoqué son secours. Il resta maître de ce pays,
malgré les attaques incessantes de PjTrhus, roi
dEpire, jusqu'en 286. Mais il eut le tort de vou-
loir reprendre les Etats asiatiques de son père, et
échoua contre Séleucus, qui le retint captif jusqu'à
sa mort. Lysimaque, roi de Thrace, devenu maître
de la Macédoine, alla à son tour attaquer Séleucus ;
il fut vaincu et tué à Cyi-opédion. Peu après, la
domination de la Macédoine échut au fils de Dé-
métrius Poliorcète, Antigone de Goni. Le vaste
empire macédonien se trouva alors définitivement
partagé en trois royaumes : la Macédoine, la Syrie
et l'Egj-pte.
L'influence macédonienne en Grèce, protégée
directement par des garnisons placées dans les
cités, ou indirectement par la suprématie d'une
faction dévouée aux intérêts des rois de Macé-
doine, devait durer jusqu'aux jours de l'invasion
romaine. Et cependant la Grèce était encore ca-
pable d'efforts personnels. Les Gaulois, établis
depuis trois siècles au nord de la Macédoine, en-
vahirent son territoire en 279, tournèrent les Ther-
mopyles, échouèrentdevant la vigoureuse résistance
des Grecs à Delphes, et durent revenir épuisés et
amoindris vers les bords du Danube '278).
D'autres événements troublèrent encore le repos,
de la Grèce. Pyrrhus, roi d'Epire (318-2';2), dé-
trôné par Cassandre, avait reconquis son roj^aume
en 295. Entreprenant et ambitieux, il avait tenté
une folle expédition contre la Sicile et l'Italie, et
n'était revenu en Epire que pour y former de
nouveaux projets. Il attaqua le roi de Macédoine
antigone de Goni, le poursuivit dans le Pélopo-
nèse, et échoua devant Sparte ; il venait de se ren-
die maître d'Argos, quand il mourut frappé à la
tête d'une tuile qu'avait lancée contre lui la main
d'une vieille femme (272). Antigone redevint maître
de son royaume, où sa dynastie se maintint jusqu'à
Il conquête romaine.
Toute cette période de l'histoire grecque est sin-
gulièrement confuse et troublée. La Macédoine est
maintenant rentrée dans les limites modestes où
elle avait été enfermée avant Alexandre ; toutefois
elle cherche encore à assurer sa prépondérance
sur la Grèce ; la Grèce, à son tour, cherche k échap-
per à la Macédoine ; mais elle appelle Rome à son
secours. Ce fut sa ruine.
La L>gue achéenne. Aratus (272-313). — Sous
les premiers rois de Macédoine, et au milieu des
discordes civiles, les villes de r.\chaîe, district de
la Grèce situé sur la côte du Poloponèse qui borde
le golfe de Corinthe, avaient fondé une ligue qui
n'était que le renouvellement d'une alliance plus
ancienne, et qui allait prendre de l'importance.
Aratus de Sicyone fit entrer sa ville natale dini
GRECE
908 —
GRÈCE
la ligue achéenne, à laquelle il chercha à donner
un caractère national ; il y agrégea ensuite Corin-
the (243). Athènes suit cet exemple, et chasse sa
garnison macédonienne. Malheureusement la Ligue
ne combattait pas seulement pour l'indépendance,
elle cherchait à faire triompher l'aristocratie dans
toutes les cités. Elle se trouva en présence de la
Ligue étolienne, fondée sur le principe démocra-
tique et bientôt puissante. Dès 238, les Etoliens
s'avancèrent en armes jusqu'à l'isthme de Corinthe ;
ils furent repoussés par Aratus. Mais les Achéens
eurent ensuite à lutter contre Sparte. Le roi Agis
(244) avait essayé de ramener les Spartiates à la
législation de Lycurgue. Cette entreprise, d'abord
bien accueillie, coûta finalement la vie à son au-
teur (2il). Son collègue Léonidas régna seul alors,
et transmit bientôt la couronne à son fils Cléo-
mène. Celui-ci, loin d'écouter les propositions d'A-
ratus, qui avait espéré l'entraîner dans la Ligue,
fit la guerre aux Achéens et les vainquit; puis il
reprit l'œu^Te d'Agis. Il l'acheva, rétablit les lois
de Lycurgue (225), reprit l'ancien système des con-
quêtes, et allait écraser complètement les Achéens
quand Aratus, tremblant pour son œuvre de l'unité
grecque, se jeta dans les bras d'Antigone Doson,
roi de Macédoine. Ce dernier accourt en Grèce, et
arrête les Spartiates au brillant combat de Sellasie
(222). L'Arcadien Philopœmen avait décidé, par une
manœuvre hardie, de la défaite des Spartiates. La
Macédoine rentrait triomphante en Grèce. Aratus
fut une de ses premières victimes. Le successeur
d'Antigone, Philippe III, qu' Aratus avait appelé h
son aide contre les Etoliens, le fit emipoisonner.
Dès lors Philopœmen dirige la Ligue achéenne. Il
eut à la protéger à la fois contre les attaques des
tyrans de Sparte, Machanidas et Nabis, et contre
les menées des Romains. Ceux-ci, fidèles à l'an-
tique politique du Sénat, encourageaient partout
les discordes.
Les Romains en Sicile (412-200). Les Romains 'n
Grèce (J 15-18;^). — La défaite des Athéniens en
Sicile avait exalté l'orgueil des S5Tacusains ; les
Carthaginois avec Annibal envahirent alors l'île si
longtemps convoitée. SSélinonte, Himéra, Agrigente
même (40!}-i06\ tombèrent successivement en leur
pouvoir. Ces événements rendirent maître de
Syracuse le tj-ran Denys, qui régna d'abord par la
terreur, en s'appuyant sur les vainqueurs , et se
retourna ensuite contre eux. Il parvint à les chas-
ser complètement de la Sicile (3'J6). De tels succès
lui permirent d'écraser toutes les autres colonies
grecques, avec l'aide des Lacédémoniens ; mais cet
habile tjTan meurt en 367, laissant le pouvoir à son
fils Denys le jeune. Celui-ci fut renversé par son
oncle Dion, qui professait des idées libérales, et ne
sut pas les appliquer. Dion assassiné laissa la place
libre à Denys, qui vengea par des flots de sang ré-
pandu sa défaite antérieure. Les Syracusains, écra-
sés par Denys, pressés par les Carthaginois, récla-
ment les secours de Corinthe, leur métropole. Le
Corinthien Timoléon arrive, débarrasse les Syracu-
sains de Denys, chasse les Cartliaginois, rétablit la
constitution "démocratique non seulement à Syra-
cuse, mais encore dans toutes les colonies grecques
de Sicile, et meurt en pleine gloire en 336. Après
lui son œmTe est continuée par Agathocle, mais
avec des moyens plus violents. A la suite d'une
inutile expédition contre Carthage, Agathocle fait
la paix avec sa puissante rivale, et meurt en 289.
Dix ans après sa mort, Syracuse est obligée d'ap-
peler Pyrrhus à son secours contre les Carthaginois
^278); plus tard elle renonce à la démocratie et
met sur le trône Hiéron, qui régna sagement
jusqu'en 216. La première guerre punique chasse
enfin les Carthaginois de Sicile, et les Romains
occupent toute la partie occidentale de l'île.
En 212, Rome continue sa conquête, s'empare
de SjTacuse, malgré les efforts d'Archimède, et à
la fin de la deuxième guerre punique la Sicile en-
tière n'était plus qu'une province romaine adminis-
trée par un préteur. C'était le prélude de la con-
quête de la Grèce par les Romains.
Le jeune Philippe III de Macédoine avait eu l'im-
prudence de s'allier à Annibal ; Rome battit sa
flotte aux bords de l'Aotis (214), et sa victoire lui
attira l'alliance de tous les Etats démocratiques,
jaloux de la Ligue achéenne. Puis, fidèle à sa po-
litique de désorganisation chez les peuples qu'il
veut conquérir, le Sénat romain annonce le projet
d'afiTranchir les Grecs. Le consul Flamininus, aidé
par les aristocrates qui ne voulaient plus de Phi-
lippe, et par les démocrates qui n'en avaient jr.-
mais voulu, écrase le roi de Macédoine à Cynoscé-
phales (lyT), lui prend la Thessalie et lui impose un
tribut. Aux jeux Isthmiques de Corinthe, il proclame
solennellement l'indépendance de tous les peu-
ples qui avaient été soumis à Philippe. C'était une
fiction, une apparence, dès lors qu'il laissait vivre
au cœur du Péloponèse le tyran Nabis, qui devait
lentement dissoudre ou briser le faisceau de la
confédération (I9.ï).
Les Etoliens, mécontents, appellent à leur aide
Antiochus, roi de Syrie, homme présomptueux et
faible, qui ne put empêcher les Romains de fran-
chir les Thermopyles, et dut se sauver en Asie
fl91). La Ligue étolienne avait cessé d'exister.
La Ligue achéenne aurait encore pu, grâce à
Philopœmen, sauver l'indépendance de la Grèce,
si Rome l'avait permis ; mais Rome laissa la Ligue
s'épuiser contre Sparte qui avait fait défection,
puis contre Messène; Philopœmen, le dernier des
Grecs, mourut dans une expédition contre un par-
tisan des Romains, Dinocrate, qui le fit prison-
nier et le condamna à boire la ciguë (l8-<). Ce
grand citoyen avait rêvé de faire de la Grèce une
nation ; il eut le triste honneur de périr à l'œuvre ;
la Grèce était perdue.
Conquête de la Grèce par les Romains (183-146). —
Le Sénat put alors appliquer sa politique et avoir
partout des créatures. Il y eut bien encore quelques
efforts tentés contre les progrès de la domination
étrangère. Le roi de Macédoine. Persée, essaya de
lutter ; il fut écrasé par Paul-Emile à la bataille de
Pydna (168). Les cités grecques envoient des am-
bassadeurs pour féliciter Rome de sa victoire ; un
d'entre eux, Callicrate, en profite pour indiquer
au Sénat ceux de ses concitoyens qui résistent k
l'influence romaine : la proscription ne se fit pis
attendre ; désormais la Grèce libre n'existe plus
que de nom. Un dernier mouvement, démagogique
celui-là, fut comme le dernier spasme de l'indé-
pendance grecque à l'agonie. Critolaiis, élustratèi,e
de la ligue achéenne, proclame la guerre contre les
Romains; l'assemblée générale de Corinthe ratifie
sa décision. Mais Métellus taille en pièces, à Scar-
phée, la faible armée des Grecs; son successeur
Mummius remporte k Leucopétra un second succès
sur Diéus, successeur de Critolaûs, et entre dans
Corinthe qui est complètement détruite (li6). Les
dépouilles de Corinthe sont envoyées à Rome ; les
villes insurgées sont démantelées; quelques-unes
deviennent tributaires, et le territoire de Corinthe
est révmi au domaine romain {ager romanus). La
Grèce allait former désormais une province romaine :
c'était le juste châtiment de ses divisions intestines.
La Grèce sous la domiiiation romaine. — Devenue
province romaine, la Grèce prend le nom d'Achaïe.
Elle demeure longtemps tranquille, épuisée pas-
ses anciennes divisions ; elle tente un nouvel effort
pour recouvrer son indépendance avec Archélaûs,
iiénéral de Mitluidate; mais Archélaiis est vaincu
pa;- Sylla à Orchomène et .i Chéronée (87). La Grèce
alors est administrée par un préteur. En l'an 5(î on
la retrouve réunie à la Macédoine sous l'autorité
de Calpurnius Pison. Auguste l'en sépare définitive-
ment et en fait une des onze provinces sénatoriales ;
GREGE
909 —
GRECE
son histoire se confond dès lors avec celle de l'em-
pire. Sous Constantin, elle devient chrétienne et
elle forme, avec la Macédoine, le diocèse de Macé-
doine, qui fait partie de la préfecture d'IUyric. -
Après ïbéodose, l'empire est définitivement par-
tagé, et la Grèce fait partie de l'empire a Orient,
dont Constantinople devient la capitale.
II. La Grèce au moyen âge. — Théodose mou-
rut à Milan le 17 janvier 395. Son fils Arcadius
lui succéda en Orient ; la Grèce faisait partie de
son empire. Le Wisigoth Alaric, attiré par Rufin,
ministre d'Arcadius, se jette sur les provinces eu-
ropéennes de l'empire, que Stilicon, ministre
dHotiorius, défend contre la barbarie. Maître
d'Athènes, Alaric pénètre dans le Péloponèse, se
fait battre au mont Pholoé, et n'en obtient pas
moins du faible Arcadius un établissement en
Illyrie. La race de Théodose le Grand finit en ioS
avec Pulchérie, sœur de Théodose II ; Marcien, un
brave soldat, continue à régner jusqu'en 457. En
4 75, sous Zenon l'Isaurien, un incendie détruit le
Jupiter Olympien de Phidias et la Vénus de Praxi-
tèle, dont Constantinople s'était emparée.
Les événements qui intéressent directement la
Grèce deviennent de plus en plus rares : en 726
Léon m l'Isaurien ayant interdit le culte des
images, une révolte éclate dans les Cyclades et
dans la Grèce où pullulaient les moines : la mer
Egée était appelée la Mer Sainte ; l'insurrection
fut comprimée et les images disparurent. Vingt
ans plus tard, les Slaves du Danube envahirent la
Macédoine, la Hellade et le Péloponèse, où leur
race se conserva pendant des siècles (746).
Au IX* siècle, l'Asie Mineure tombe au pouvoir
des Arabes: Nicéphore ne sait pas tenir tête à
Hai-oun-al-Raschid, qui s'avance jusqu'à Héraclée
en Bilhynie (SOo), et en 806, l'empereur devient
tributaire du calife. Sa mort en 8l 1 laisse pendant
deux ans les provinces européennes à la merci des
Bulgares et de leur chef Crumne. La mort de
Crumne délivra la Thrace (814). En 824, des pirates
d'Espagne enlèvent à l'empire grec la Crète, où
ils fondent Candie qui donnera son nom à l'île en-
tière. Pendant deux années (840-841), l'Asie .Mineure
est ravagée tour à tour par l'empereur Théophile
et par les Musulmans qui y exercent dliorribles
cruautés. Sous Basile I"^' le Macédonien (807 -880),
fondateur d'une dynastie qui conserva le trône un
siècle et demi, les généraux du calife de Bagdad,
battus en Orient et sur les côtes d'Italie, dévastent
le Péloponèse, et enlèvent enfin Syracuse aux Grecs
(88<i) : il y avait cinquante- quatre ans que les mu-
sulmans avaient pénétré dans la Sicile. Un empe-
reur corrompu. Léon le Philosophe, fils et succes-
seur de Basile l"', compose un traité de tactique et
des sermonSj pendant que les Slaves, Serviens et
Croates, fondent de nouveaux établissements au
nord-ouest des provinces européennes, et que le roi
bulgare Siméon ravage les terres de l'empire
autour deThessalonique. En 904, ce sont les Russes
d'Oleg qui pénètrent par la mer Noire dans le
Bosphore, forcent le port de Constantinople et
mettent à feu et à sang les environs de la ville ;
lu même année, Thessalonique est prise et pillée
par une bande de pirates sarrasins sous le com-
mandement d'un renégat grec de Tripoli. Le règne
de Constantin Porphyrogénète, peintre, architecte,
auteur (912-959), n arrête pas l'invasion ; Andrinople
est prise par Siméon en 914, Constantinople est
menacée en 923 ; la Paphlagonie, le Pont, la' Bi-
thynie sont ravagées par le Russe Igor, successeur
d'Oleg (9 il) et époux de la célèbre Olga, qui prit
le nom d'Hélène après son baptême à Constanti-
nople (955).
Nicéphore Phocas ne put enlever la Sicile aux
Musulmans, mais il les chassa de la Cilicie et leur
reprit Chypre et la Syrie (9GG,, porta ses armes jus-
qu'à Nisibe, ravagea la Mésopotamie et fit trembler
le calife dans Bagdad (968). Sous le règne des deu\
petits-fils de Constantin Porphyrogénète, Basile II
et Constantin VllI, Sarrasins et Bulgares dévastent
pendant dix années (976-1J8G; la Thrace, la Macé-
doine, la Thessalie et la Grèce. Au xi" siècle, l'em-
pire grec perd l'Italie médionale, conquise par les
Normands. En 11 46, Roger II de Sicile répondra aux
récUimations de Constantinople par la prise de
Corfou, l'attaque de Céphalonie, de Nègrepont, de
Corinthe et d'Athènes. Les Comnène, qui occupent
le trône depuis 1057, voient le Turc Soliman, ar-
rière-petit-fils de Seldjouk, fixer sa résidence àNicée
dans la Bithynie grecque en 1074, puis à Iconium
dans la Lycaonie en 1082. Toute l'Asie Mineure,
moins Trébizonde, était tombée sous le joug musul-
man, et en 1092, Alexis Comnène dut appeler à son
aide les Occidentaux et le pape, L'Europe et le Saint-
Siège entendirent cet appel : la première croisade
eut lieu en 1096. Ces expéditions n'arrêtèrent ni
la décadence ni le démembrement de l'empire
d'Orient ; elles faillirent précipiter sa chute. La
quatrième aboutit à l'établissement d'un empire
franco-byzantin sur les rives du Bosphore (1204) :
un comte de Flandre devint empereur, un marquis
de Montferrat roi de Thessalonique, un maréchal
de Champagne duc d'Athènes ; les Vénitiens sont
seigneurs « d'un quart et demi de l'empire grec. »
Les Grecs se maintiennent en Asie, à Nicée, k
Trébizonde, dans quelques provinces européen-
nes, et en 1261 Baudouin II, le dernier empe-
reur latin, est chassé de Constantinople par Michel
Paléologue. Sous Jean I" (1359), les Turcs pas-
sent l'Hellespont, enlèvent aux Grecs Gallipoli,
la clef de l'Europe, et pénètrent en Thrace. Les
derniers princes de la maison des Paléologue, Ma-
nuel II, Jean II et Constantin XII, sont impuissants
contre l'invasion musulmane. Constantinople suc-
combe le 27 mai 1453 : son dernier empereur
meurt sur la brèche. En 14.^8, les deux frères de
Constantin XII sont dépouillés de la Morée, Co-
rinthe et Athènes sont prises; en 1401 l'empire
de Trébizonde succombe à son tour ; l'année sui-
vante, c'est l'île de Lesbos qu'une trahison livre à
Mahomet II; Venise ne peut sauver Nègrepont
(14 TU) malgré son alliance avec Rome, Naples et
la Perse ; les Génois ne sont pas plus heureux :
Cafi'a, la clef de la mer Noire, leur est enlevée en
1476. Mahomet II mourut sans avoir vu réussir
ses projets contre Rhodes, mais la Grèce était au
pouvoir des Turcs, et elle supporta leur joug jus-
qu'à la fiLi du xv!!!*^ siècle.
II). La Grèce moderne et contemporaine. —
En 1766, une insuneciion des Monténéi^rins, sou-
tenus par les Busses, fut comprimée. Les Maino-
tes de Morée (1769-1777) ne furent pas plus
heureux, et les Souliotes d'Albanie, qui firent re-
connahre leur indépendance en 1792, malgré les
efforts d'Ali de Teiâelen, pacha de Janina, furent
exterminés en 1.S04.
Les Serbes, révoltés depuis 1806, sont réduits en
1813, et leur chef Czerni Georges se retire en
Russie.
Ces tentatives isolées ne pouvaient aboutir : un
soulèvement général éclata en 1821. L'hétérie ou
association formée à la fin de 1814 à Odessa avait
préparé lafifranchissement de la Grèce avec la
complicité des Russes, des Anglais, maîtres des
îles Ioniennes, et les ardentes sympathies de la
France; elle prend pour chef en 18;'0 Alexandre
Ypsilanti, qui pousse les Grecs dans les bras du
pacha de Janina révolté contre la Porte. A l'appel
d'Alexandre, les Grecs do Morée massacrent les
Turcs et prennent pour chel Démétrius Ypsilanti
(1821).
La Porte veut réduire l'insurrection par la ter
reur ; le patriarche de Constantinople et quatre
évoques sont mis à mort, les chrétiens sont mas-
sacrés en Thrace, en Macédiiine et en Asie Mi-
GRECE
— 910 —
GRÈCE
Heure. Les insulaires de Psara, de SpetzïD, d'Hydra
s'arment pour la cause de l'indépendance ; la
Mer Sai)!te se couvre de légers navires qui harcè-
lent la flotte ottomane; mais le mouvement man-
que d'unité et de direction. Le sénat convoqué
par Mavromicalis n'a ni prestige, ni autorité ;
Alexandre Ypsilanti, battu dans les provinces da-
nubiennes, se réfugie en Autriche ; Démétrius,
proclamé stratège, est bientôt privé du comman-
dement. Malgré ces divisions, les Grecs remportent
quelques succès à Nauplie de Malvoisie, à Nava-
rin, à Cassandra, à Tripolitza qui devient le siège
de leur gouvernement provisoire. Le congrès d'E-
pidaure, ouvi-rt le 15 décembre 1821 par Démétrius
Ypsilanti et Mavrocordato, prépara la rédaction de
l'acte d'indépendance, qui fut promulgué le 27 jan-
vier xsri.
Les Turcs n'avaient songé d'abord qu'à réd\xire
Ali de Têbulen, qui fut lâchement assassiné dans
une conférence que lui avait proposée Kourschid-
pacha (5 février 1K22); maîtres deJanina, ils mar-
chèrent sur Missolonghi, où Mavrocordato s'était
réfugié et fortifié après sa défaite à Arta ; ce pre-
mier siège fut illu^^tré par le dévouement de Mar-
cos Botzaris, qui mourut comme Lconidas aux
Thermopylcs (juillet 182H). Cet héroïque sacrifice,
les exploits de Miautis et ceux de Canaris, qui avait
fait sauter le vaisseau amiral du capitan pacha
en 1822, la prise de Nauplie en janvier 1823.
excitaient dans une partie de l'Europe un vif en-
thousiasme. Le plus grand poète de l'Angleterre,
lord Byron, prodiguait aux Grecs sa fortune, ses
conseils, malheureusement peu écoutés, et sa vie;
il mourut à Missolonghi le 19 avril 1825. L'ambition
des chefs grecs, la rivalité de Colocotroni, Condou-
riotis et Mavrocordato, paralysaient tous les efforts.
L'intervention du vice-roi d'Egypte fut encore plus
funeste à la cause hellénique. En i825 Ibrahim,
fils de Méhémet-Ali, prend Candie, touche à Modon
et à Navarin, pendant que Reschid-pacha parcourt
l'Acarnanie et l'Etolie, pénètre au cœur de la Mo-
rée et s'empare de Tripolitza ; Missolonghi suc-
combe à son tour le 22 avril 18?t;. La cause de
l'indépendance semblait fort compromise : elle fut
sauvée par l'intervention des puissances occiden-
tales (convention de Londres, 6 juillet 1827).
Le 20 octobre 1827 les flottes combinées de la
Russie, de l'Angleterre et de la France détruisirent
à Navarin la flotte turco-égyptienne. L'année sui-
vante, une expédition française, sous les ordres du
général Maison, débarrassa la Morée des troupes
indisciplinées du pacha d'Egypte Ibrahim. Après
qu'une armée russe, franchissant les Balkans, eut
pénétré jusqu'à Andrinople, l'indépendance de la
<ïrèce fut enfin reconnue par la Porte (18J9).
La Grèce émancipée s'était constituée en répu-
blique, le 24 janvier 1828, sous la présidence de
Cape d'Istria. Celui-ci ayant été assassiné (1811),
les puissances transformèrent la Grèce en royaume,
«t placèrent sur le trône Othon, second fils du roi
de Bavière (1832). Après trente années de règne,
ce prince fut renversé par une révolution (1862), et
la couronne fut donnée à un fils du roi de Dane-
mark, qui règne actuellement à Athènes sous le
nom de Georges P'. | Edgar Zevort.]
GRÈCE (Lettres et arts). — Littératures étran-
gères, IV- VI ; Histoire générale, VI- X. — Poésie. —
Le jioème épique. — La poésie étant la première
forme sous laquelle se produisent les œuvres litté-
raires, l'étude des œuvres poétiques de la Grèce
doit précéder celle des monuments de la prose.
Les Grecs plaçaient, avant Homère, des poètes
d'origine divine, Orphée, Musée, Linus; ces pre-
miers éducateurs des peuples, chantres harmonieux
qui adoucissent les tigres et les lions, appartiennent
à la Icgp.nde ; mais l'auteur de V Iliade et de V Odyssée
appartient déjà à l'histoire. Dans l'Iliade il chante
« la colère d'Achille, fiis de Pelée, colère funeste
qui causa bien des maus aux Acliéans. » Mettant
en scène tous les héros chers à la Grèce, montrant
tous les peuples, toutes les cités, aux prises avec
les Troyens, Homère composa un poème vraiment
patriotique et national, une œuvre qui allait droit
au cœur de la foule à qui elle s'adressait : c'est
là le grand intérêt de l'Iliade. C'est en outre un
tableau à la fois exact et brillant des temps hé-
roïques, c'est la peinture d'une société remar-
quable par la rudesse de ses mœurs, la violence
et la sincérité de ses passions.
De la Grèce héroïque, et naissante, et sauvage,
Dans Homère à nos yeux Tit la parfaite image.
(André Cbemeb, l'Invention.)
L'Odyssée appartient au cycle (cercle, série de
poèmes relatifs à un même événement) des Re-
tours; on comprenait sous ce titre le récit des
aventures des héros du siège de Troie, après la
prise de la ville. L'Odyssée est l'histoire d'Ulysse
depuis la chute de Troie jusqu'à son retour et son
triomphe définitif à Ithaque sa patrie. Les Grecs
croyaient qu'Homère était parvenu à la vieillesse
quand il composa cette seconde épopée, d'une ins-
piration plus douce, qui renferme plus de pein-
tures de la vie intérieure, dont le récit est plus
mesuré et plus calme.
L'Odyssée offre un autre intérêt; son héros,
Ulysse, est le véritable type du Grec, par l'intel-
ligence, les ressources de l'esprit, l'éloquence insi-
nuante qui rend presque jalouse Minerve elle-
même, surtout par la patience et le sang-froid.
Toujours imité, jamais surpassé, Homère a servi
de modèle aux chantres inspirés de tous les âges
et de tous les pays : on a eu beau contester l'exis-
tence du vieil aède, il vit toujours :
Trois mille ans ont passé sur la cendre d'Homèrâ
Et depuis trois mille ans Homère respecté
Est jejjne encor de gloire et d'immortalité.
(André CHÉmra.)
La poésie didactique. — Hésiode, d'Ascra en Béo-
tie, qui fut peut-être contemporain d'Homère, essaya,
dans sa Théogonie, de systématiser les croyances
religieuses de son temps. Dans les Travaux et les
Jours, il célébra le travail, l'agriculture, le com-
merce, l'accomplissement du devoir.
La poésie li/rique. — La poésie lyrique, qui a de
si intimes rapports avec l'élévation morale et reli-
gieuse des peuples (Villemain, Essai sur le génie
de Pindare), ne pouvait être étrangère aux Grecs.
L'accord de la poésie, de la musique et de la danse
n'exista que chez eux et chez quelques peuples
orientaux. C'est de 700 à 460 avant notre ère que
la poésie lyrique fleurit en Grèce, pendant la lutte
entre la tyrannie et la démocratie, qui aboutit au
triomphe de la liberté. Les rois disparus, l'épopée
est muette ; les peuples occupent la scène, et les
poètes lyriques sont leurs interprètes : ces poètes
sont des combattants comme Alcée, des sages
comme Selon, Théognis et Pythagore, des âmes
vindicatives comme Archiloque, l'inventeur de
l'iambe, des âmes douces et sensuelles comme
Anacréon, passionnées comme Sappho, mélancoli-
ques comme Mimnerme, ou éprises de la gloire
comme Pindare de Thèbes, le dernier et le plus grand
de tous. Le concours empressé de la Grèce entière,
des îles, des colonies, à Olympie, à Corinthe, à Del-
phes, àNémée, partout où l'on dispute unecouronne,
telle est la matière offerte à Pindare et ses émules.
L'œuvre de ceux-ci n'est pas venue jusqu'à nous, mais
les I hauts de victoire ( Epinicin) de Pindare nous font
partager l'émotion des foules qui se pressaient aux
jeux isthmiques ou néméens ; ils nous font entendre
ces acclamations con'uses, ces applaudissements
qui emplissaient le stade, ils nous montrent ces
couronnes, ces statues, tous ces honneurs publics
prodigués aux vainqueurs, aux vainqueurs a qui n'ai-
GRÈCE
— 91 1 —
GRÈCE
maientrien tant que la gloire, » et qui préféraient
à tout une ode de Pindare. Cette ode ne célébrait
pas seulement le héros obscur de la course uu du
pugilat, mais surtout la cité qui lui avait donné
naissance, les dieux ou les demi-dieux qui l'avaient
l'ondée, les traditions, les légendes qui entouraient
son origine. Là était l'intérêt de ces chants que
toute la Grèce répétait, et r.ui firent décerner au
poète thébain le titre glorieux d'hôte public d'A-
thènes.
Callinus et Tyrtée, qui brillèrent au septième
siècle avant Jésus-Christ, se servirent du vers de
cinq p'eds nommé élégos, qui donna son nom à
l'élégie. Simonide (cinquième siècle) fut le rival de
Pindare.
Poésie dramatique. — C'est à Athènes que na-
quit la tragédie, au commencement de ce cinquième
siècle qui fut une des plus glorieuses époques de
l'histoire de l'esprit humain. Le triomphe de la
démocratie, l'exaltation de la victoire sur les Perses
ont surexcité toutes les énergies, échauffé toutes
les imaginations : c'est à ce moment si favorable,
dans un milieu si propice, que la tragédie sort d'un
chœur en l'honneur de Dionysos. En Thrace, la
fête du dieu de la vigne était célébrée par des
femmes : animées d'une sorte de délire, elles s'éga-
raient dans les montagnes, portant des torches
dans leurs mains, le cou enlacé de serpents, frap-
pant des cymbales, poussant des cris sauvages.
Les Ménades couraient en longs cheveux épars
Et chantaient E-voé, Bacchus et Thyonée
Et la voix des rochers répétait leurs chansons.
(André CHLMEn, Egl. lî.)
Introduit dans l'Attique, ce culte prit un caractère
moins violent : Dionysos fut souvent confondu avec
Apollon; c'est à l'une de ses fêtes, les Dionysies,
que se chantait le chant du bouc (le bouc, por-
rantun panier de figues, étaitconsacré à Dionysos),
d'où sortit la tragédie. Thespis détacha du chœur
un personnage, Eschyle en ajouta un second;
chaque personnage put se dédoubler, grâce au
masque : la tragédie existait. Chaque jour elle se
dégagea davantage de la légende de Dionysos ;
mais elle continua d'emprunter ses sujets aux
annales de la race hellénique.
Les mythes de Prométhée et d'Hercule, le fabu-
leux voyage des Argonautes, les sièges de Thèbes
et de Troie, les légendes qui s'y rattachent, four-
nissent à Eschyle, à Sophocle, à Euripide des mo-
tifs inépuisables : ils n'y ajoutent que l'élément
dramatique, la magie du style, la peinture éternel-
lement rajeunie du cœur humain, et leur conception
du destin, de la fatalité, qui fait de Phèdre, de Médée,
d'Oreste et d'Œdipe, des personnages d'un inté-
rêt si poignant. La poésie dramatique, nous l'avons
dit, est née à Athènes. Les trois grands tragiques
de la Grèce sont des Athéniens; Eschyle (520-455)
est né à Eleusis, Sophocle (495-405) à Colone, Eu-
ripide (480-406) à Salamine. Après eux la décadence
de l'art dramatique est si profonde que le poète
comique Aristophane, dans sa comédie des Gre-
nouille-, traite leurs successeurs de « rejetons sans
énergie, babillards comme des hirondelles, corrup-
teurs du goût et qui tombent brisés de fatigue après
avoir composé un chœur. »
Poésie satirique. — En ce genre, la Grèce fut très
inférieure à Rome; elle n'a pas produit de poètes
satiriques proprement dhs. Archiloque, moins cé-
lèbre par son Hymne à Hercule nue par ses mor-
dantes invectives, assouvit une haine personnelle
contre Lycambe, mais ne créa pas un genre nou-
veau. La satire se réfugia au théâtre : Aristophane
en est l'unique représentant.
Ménandre, fort inférieur à Aristophane, fut le
créateur de l^ Comédie nouvelle, qui sortit du décret
des Trente tyrans supprimant la parabase, c'esi-à-
dire le discours direct du poète aux spectateurs, en
interdisant de mettre en scène un personnage vi-
vant (404). Si .Ménandre n'a ni la force comique,
ni l'éclatante poésie de l'auteur des Guêpe--, des
iVu(ie? et des Oiseaux, il a plus d'art, de goût et de
mesure.
Poésie pastorale. — Ce genre, qui ne convient
guère qu'à un peuple jeune et naif, a eu, dit-on, pour
premier représentant Diornos, qui vécut en Sicile.
Son nom seul a survécu avec celui de Daplmis, le
héros de ses poèmes, dont le souvenir se retrouve
dans Théocrite, dans Virgile, dans André Chénier.
Thcocrite, qui vécut 300 ans avant Jésus-Chri*t. est
déjà maniéré et factice. Il brilla dans cette cour
des Ptolémées qui vit naître la critique littéraire
avec Aristarque ; ses « petits tableaux, " ses
idylles sont le chef-d'œuvre de l'art alexandrin.
Il chante
. . . . les moissons joyeuses, les troupeaux
Bêlants ou mugissants, les rustiques pipeaux.
(André CHKXiaa, Egl. I.)
L'apologue. — C'est en Orient que prit sans
doute naissance l'apologue. Le Phrygien Esope
(5<i0 av. J.-C.) n'en fut probablement pas le créa-
teur ; il en fut certainement la victime. Les habi-
tants de Delphes, auxquels il avait fait entendre des
critiques blessantes, le condamnèrent à mort
comme impie et sacrilège. On prétend que Socrate,
accusé d'impiété comme Esope, employa les der-
niers temps de sa vie à mettre en vers les apolo-
gues du Phrygien. Le genre ne fut jamais popu-
laire on Grèce. La liberté de tout dire y était assez
grande pour qu'il ne fût pas nécessaire de dissi-
muler la vérité sous le voile de l'allégorie.
Prose. — Histoire. — Notre étude de la poésie
devait précéder celle de la prose, comme le poète
, celui qui crée) a précédé l'historien (celui qui sait).
Pour les Grecs, le Père ou l'Homère de l'histoire,
c'est Hérodote. Il raconte le grand duel de la Grèce
et de l'Asie, Marathon, Salamine et Platée, mêlant
la fable au récit d'événements que tous connais-
saient. Les Grecs donnèrent le nom d'une muse à
chacun des livres de son histoire : pour eux, Héro-
dote était encore un poète.
Thucydide, plus grave, plus digne du titre d'his-
torien au sens moderne de ce mot, ne recherche
que la vériié nue, dédaigne les agréments du récit,
les fictions, l'intervention divine. Contemporain de
la guerre du Péloponèse, il en a saisi et il en expose
les caractères essentiels; il juge les hommes avec
équité, il conserve aux événements leur véritable
physionomie : c'est l'historien politique après l'his-
torien poète.
Xénophon, continuateur de Thucydide, fit de
l'histoire une simple narration destinée à soutenir
un système de philosophie politique.
C'est encore à l'école de Thucydide qu'appartient
Polybe, le fils de Lycortas, qui fut stratège de la ligue
achéenne après Philopœmen. Exilé sur les bords du
Tibre pendant quinze années, il put étudier à loisir
la politique du Sénat, discerner les causes de la
grandeur de Rome, de la faiblesse de ses rivaux ;
si les Romains ont triomphé, c'est qu'ils possédaient
le génie politique et la suite dans les projets, c'est
que chacun suburdonnait son intérêt à l'intérêt géné-
ral. Polybe est un historien philosophique; assistant
aux plus grands événements, la chute de la Grèce,
de Carthage, de Numance, il en expose les raisons
avec une remarquable sagacité : son livre, tout
mutilé qu'il est, reste un monument de la puis-
sance d'induction appliquée aux faits de l'histoire.
Bien après Polybe, Lm ien donna une théorie de
la manière d'écrire l'histoire : la critique et la
science y tiennent peu de place, mais la forme y a
une importance considérable.
En dehors de l'histoire poétique, de l'histoire
politique et de l'histoire philosophique, il faut
GRÈGE
— 912 —
GREGE
signaler l'histoire biographique, dont Plutarque
nous offre un modèle intéressant. Dans ses Vies
parallèle ., il fait œuvre de curieux, recherchant
les détails les plus minimes sur 1 homme privé ; il
fait œuvre de patriote, opposant volontiers un Grec
à un Romain ; il fait surtout œuvre de moraliste,
allant « chercher au fond les signes de 1 amo, »
comme dit Amyot. C'est par ce côté qu'il a été si
goûté, surtout en France, où on a pu dire qu'il était
w le pain des forts. » Plutarque est le dernier des
écrivains grecs qui ait une réelle valeur. Ses no-
bles enseignements ne furent pas perdus : un de
ses neveux, le philosophe Sextus, fut le maître de
Marc-Aurèle.
Eloquence. — Ici encore il faut citer Homère :
on retrouve dans l'Iliade des modèles achevés de
tous les genres d'éloquence ; mais l'éloquence ne
joua un rôle actif dans les destinées du peuple
grec, ne devint un moyen de gouvernement, qu'a-
près les guerres médiques. » Tout dépendait du
peuple, a dit Fénelon, et le peuple dépendait de la
parole. »
Périclès ne fut un si remarquable huwuie d'Etat
que parce qu'il était un grand orateur :
Ici de Périclès
La voix, l'ardente voix, de tous les cœurs maîtresse.
Frappe, foudroie, agite, épouvante la Grèce.
(André Cb^nieb, V Invention.)
Cette éloquence lui permit de conserver vingt
ans un pouvoir presque absolu dans la plus soup-
çonneuse des démorraties.Nousnepouvons malheu-
reusement juger de cette puissance oratoire qu'à
travers Thucydide, qui a revêtu de son style le
discours de Périclès prononçant l'éloge des ci-
toyens morts pour la patrie.
Le représentant le plus complet de l'éloquence
en Grèce , c'est Démosthène. Homme d'Etat ,
ambassadeur, guerrier, patriote, il eut toutes
les connaissances, tous les dons que Cicéron
exigeait de l'orateur. Il eut à lutter à la fois
contre des traîtres comme Eschine et Déniade,
contre des citoyens honorables mais aveuglés
comme Phocion, contre des ennemis politiques
acliarnés dans des procès où il y allait de la vie ;
et il n'évita ni une accusation de vénalité, ni la
condamnation, ni l'exil. Les Athéniens ne lui rendi-
rent justice qu'après sa mort : ils gravèrent ces mots
sur sa tombe : « Démosthène, si tu avais eu une
« force égale à ton éloquence, jamais le Mars de
« Macédoine n'aurait soumis la Grèce. »
A côté de Déuiostliène il faut placer, dans cette
brillante floraison de l'éloquence, Isocrale, rhé-
teur élégant, harmonieux, mais un peu froid ; Isée,
à la diction véhémente et serrée; Lysias, Hypé-
ride, Eschine lui-même, qui fut quelquefois di-
gne do son glorieux rival. Démosthène ne fut pas
seulement le plus illustre, il fut le dernier repré-
sentant de l'éloquence athénienne : la ruine de
l'indépendance nationale renversa la tribune ;
l'agora, qui avait entendu l'admirable invocation
aux mânes des guerriers morts à Marathon, re-
devint muette : la parole était aux rhéteurs.
L'éloquence ne renaquit en Grèce que sous une
forme nouvelle : l'apologétique. Dans son Tableau
de l'éloquence ch?'étienne au quatrième siècle,
Villemain a signalé le^ trésors enfouis dans les
in-folio des Pères de l'Église. Saint Jean Chryso-
stome fut 1 3 Démosthène de ces orateurs chrétiens.
Romau. — Si les Grecs, si artistes pourtant,
n'ont rien produit en ce genre qui vaille la peine
d'être mentionné, c'est que leur religion, leur his-
toire légendaire étaient un tissu d'aventures mer-
veilleuses. L'expédition des Argonautes, le siège
de "Troie, les Retours, l'Odyssée elle-même, ne
sont-ils pas de véritables romans, plus dramatiques,
plus touchants que les amours de Daphnis et
do Chloé, d'Authia et d'Abrocômc?
Philosophie. — La philosophie, le dernier venu
des genres littéraires de la Grèce, parla en vers,
jusqu'au jour où l'enseignement socratique lui
donna sa langue naturelle, la prose, « ce mâle outil
et bon aux fortes mains, » qui fut manié avec tant
de charme par Platon, avec tant de force par
Aristote.
L'art grec vit tout entier dans Platon, dans ses
dialogues qui se déroulent avec tout l'intérêt d'un
petit drame. Aristote, plus didactique, est bien
moins littéraire ; mais ceux de ses écrits qui sont
venus jusqu'à nous n'étaient peut-être que les notes
du professeur ou de ses élèves.
Dans cette rapide revue des poètes et des pro-
sateurs grecs, nous avons laissé de côté bien des
noms d'écrivains connus, quelques-uns même d'é-
crivains illustres : c'est que leurs œuvres sont per-
dues, c'est qu'elles ont eu moins d'influence sur le
monde hellénique, c'est en dernier lieu qu'elles
sont un miroir moins fidèle de cette société, si vive,
si brillante, si complexe, qui s'est si souvent trans-
formée, et qui pourtant nous offre encore les
types divers que la littérature et l'art ont immor-
talisés.
La littérature grecque moderne. — Après l'ère
chrétienne, la littérature grecque se confond avec la
littérature byzantine; au xvi* siècle on ne peut
guère citer que des grammairiens, Chrysoloras,
Lascaris, etc. ; au xvii*, Vincent Cornaro, l'auteur
d'un médiocre roman de chevalerie ; au xviii' les
copistes des littératures étrangères.
Une véritable renaissance littéraire se déclara
au xix^ siècle : Coray, un philologue, Philippidis,
un historien, et des poètes comme Rigas, Salomos,
Christopoulos, les deux Soutzos, Rangavis furent à
la tête du mouvement. Ces efforts sont honorables,
mais les Grecs modernes sont loin encore de l'ori-
ginalité, de la perfection de leurs ancêtres ; ceux-ci
ont été les éducateurs et les modèles des Romains
d'abord, plus tard des peuples modernes: aucun
genre nouveau n'a été créé depuis eux, et en plu-
sieurs, comme l'ode pindarique, la tragédie, l'épo-
pée, ils sont restés inimitables.
L'art grec. — La mythologie. — La mythologie
est intimement mêlée à la littérature et à l'art grec,
et la première condition pour comprendre les
j œuvres du génie grec, c'est de se pénétrer des
croyances religieuses de cette époque; il faut se
rendre compte des conceptions symboliques des
Grecs, car c'est avec leur valeur représentative que
les dieux et les déesses paraissent dans la poésie
et dans l'art. L'union entre la tradition religieuse
et les œuvres littéraires ou artistiques est si étroite,
que la décadence date du jour où les symboles
sont oubliés ou méprisés par les poètes et les
sculpteurs. Quand on eut tiré du symbole tout ce
qu'il contenait, il n'y eut plus qu'à copier ou à
dénaturer les types : cette révolution date de la fin
du V* et du commencement du iv* siècle avant l'ère
chrétienne.
La mythologie comprend non seulement l'his-
toire fabuleuse des dieux et des héros, mais encore
la science des traditions religieuses et poétiques.
Un mot résume toute la religion hellénique: Van-
thropomorp/iisme, c'est'h-dive lu croyance religieuse
à l'existence de dieux ayant la forme et les pas-
sions humaines. L'Iiomme se crée des dieux à son
image sous l'influence de l'imagination et de la
sensibilité ; les notions, d'abord confuses, se pri ci-
sent, les traits se fixent, grâce au génie des poètes,
au ciseau des artistes, et Jupiter, Minerve, Mercure
deviennent des êtres réels, vivant et agissant,
comme Priam, Pénélope ou Achille. Au début la
religion des Grecs est un pur naturalisme: le
culte des forêts, l'adoration des montagnes, des
vents, des fleuves se retrouvent encore dans
Homère, mêlés aux légendes des héro» et des
ilipux. Zeus était alnj's le Dieu suprême, le pèi'ô
GREGE
— 913 —
GRÈCE
•des choses vivantes {Zeus Pater, chez les Romains
Jupiter). On plaçait son trône sur la cime nei-
geuse des montagnes : sur le mont Dicté en Crète,
sur le Lycée en Arcadie, à Dodone en Epire où le
chêne et le hêtre lui étaient consacrés.^ A son culte
était associé celui de la Terre mère, Déméter, nom
que Ton donnait à Cérès. Un feu perpétuel brûle
sur l'autel de la déesse à Mantinée, comme sur
celui de Vesta à Rome : c'est elle qui fait naître
les moissons ; sa fille Perséphone (Proserpine),
personnification de la puissance végétative, fut
donnée pour épouse au dieu du monde souterrain.
Héra, la Junon des Romains, épouse de Zeus, n'é-
tait à l'origine que la vierge céleste qui régnait à
Argos.
Kronos (Saturne), symbolisant le sol, et Hadès
(Pluton), dieu des espaces souterrains et des morts,
■étaient en opposition avec Zeus, le dieu du ciel.
Hophaestos iVulcain) personnifiait le feu des vol-
cans ; c'était le grand artisan de l'univers ; on l'a-
dorait à Lemnos, où l'on forgeait des armes.
Pan et Hermès personnifiaient le principe de la
génération.
A ces dieux primitifs s'ajoutèrent successivement
une foule de divinités apportées par les différents
peuples qui s'établirent en Grèce. Astarté ou
Aphrodite (Vénus), « fille de l'onde amère, » dont
l'image ornait la proue des navires, est d'importation
phénicienne, comme Melkari qui se transforma en
Hercule. Poséidon (Neptune) le dieu de la mer, dont
la légende fit l'époux de Déméter, et Athéné Mi-
nerve), qui avait l'oUvierpour emblème, venaient de
l'Asie ; Aihéné n'était que la vierge inféconde, avant
de devenir, sous la forme de Pallas, le symbole de
la sagesse. De l'étranger vinrent encore Dionysos
(Bacchus), le dieu de la vigne, Artémis (Diane) au
culte homicide, et Ares (Mars), le dieu du carnage.
La dernière et la plus remarquable de ces impor-
tations religieuses fut celle d'Apollon, le fils de
Latone, honoré d'abord sur l'Olympe et à Délos,
avant de l'être dans la vallée de Tempe et à Del-
phes. C'est Apollon qui personnifia l'inspiration des
vers, de la musique et des arts, avec la révéla-
tion de la pensée divine, c'est-à-dire tout le génie
grec.
Le polythéisme grec n'était pas renfermé dans
un dogmatisme étroit ; il échappa au naturalisme
primitif pour se spiritualiser ; chacun put substituer
à la personnification des forces de la matière celle
des qualités morales que l'on s'empressait d'accor-
der aux dieux à mesure que les progrès de la civi-
lisation les faisaient naître chez les hommes. Ce-
pendant la trace du naturalisme resta toujours
sensible : Jupiter était en même temps le maître
de l'Olympe et l'air qui enveloppe la création,
Apollon le soleil même, Neptune l'océan; la Naïade
n'était pas seulement la déesse des grottes humi-
des, c'était la source elle-même. Cette confusion
n'enlevait rien à la flexibilité de l'anthropomor-
phisme : les ressources qu'il offrait à l'art et à la
poésie étaient innombrables. Nous avons cité les
principaux dieux; une liste complète serait inter-
minable : après les grands dieux venaient les dieux
secondaires des forêts et des eaux; les Océanides,
les Néréides, les Tritons, les Muses, les Parques,
les Furies, ces ministres inexorables des vengean-
ces célestes, sans parler du Destin, divinité aveugle,
supérieure à tou^ les autres dieux et qui finira par
conduire la philosophie à la conception d'un dieu
unique. La philosophie, fille rebelle du polythéisme,
tua ce culte sans influence morale, sans action sur
les âmes, qui ne parlait qu'aux yeux, qui ne s'adres-
sait qu'au poète et à l'artiste, mais qui eut au
moins la vertu de les faire grands entre tous.
L'architecture grecque. — L'architecture grecque
sut toujours se subordonner la peinture et la
sculpture, comme l'art grec tout entier, qui ne
•sacrifia jamais l'ensemble aux détails. Les plus an-
2* PARTIE.
ciens monuments qu'elle nous ait laissés sont les
murs cyclopéens, blocs de pierre entassés sans
ordre apparent (murs de Tirynthe, de Gorinthe),
auxquels succédèrent les constructions polygonales,
comme celles de Mycènes, en pierres taillées, et les
constructions en pierres carrées, comme le tré-
sor des Atrides (tombeau d'Agamemnon à My-
cènes).
On ignore la date de l'apparition des ordres en
Grèce ; l'ordre dorique est le plus ancien. Les tem-
ples doriques primitifs sont lourds et massifs
(temple de Némésis à Rhamnonte) ; mais bientôt,
sans rien perdre de sa force et de sa majesté, l'édi-
fice prend des proportions plus harmonieuses et
plus belles : le Parihénon et le temple de Thésée
à Athènes, le temple de la Concorde à Agrigente
en Sicile, sont les plus parfaits modèles de l'ordre
dorique.
L'ordre ionique, qui fit son apparition au vi* siècle
avant J.-C., a plus d'élégance et de légèreté que
l'ordre dorique (temple de Diane h Ephèse).
Après l'invasion des Perses, il fallut de toutes
parts relever les monuments publics et privés ;
comme l'Europe après l'an UOO, la Grèce, après
les guerres médiques, se revêtit d'une blanche
robe de temples, aux formes harmonieuses, qui se
détachaient au soleil sur l'azur du ciel. Dans ces
demeures, vraiment dignes des dieux, comme dans
les théâtres, les odéons, les propylées, les porti-
ques, le marbre remplace la pierre et l'on accumule
toutes les ressources de l'art arrivé à son plus haut
développement. C'est le siècle de Périclès, que l'on
devrait appeler aussi le siècle de Phidias. Le tem-
ple de Thésée, à Athènes, datait de Cimon ; sous
la direction de Phidias, Ictinus élève le Parthé-
non, etMnésiclès, les Propylées. Le temple d'Eleu-
sis, commencé par Corœbus, est continué par Méta-
gènes. Les ouvrages d'utilité publique couvrent
toute la Grèce et les îles : ce sont des salles de
musique, des hippodromes à gradins, des galeries,
des théâtres contenant jusqu'à 150,00u specta-
teurs.
A partir de 404 fprise d"vthènes par Lysandrei,
l'architecture n'est plus qu'au service des particu-
liers : les maisons reconstruites deviennent plus
luxueuses, les rues sont élargies, le Pirée est
rebâti.
Alexandre transporta l'art grec en Asie^ et le
génie d'Athènes asservie rayonna encore sur le
monde : à Antioche, à Alexandrie, l'influence de
l'art grec est sensible ; cette période est celle de
l'ordre corinthien, dont l'invention est attribuée à
Callimaque, plus riche mais moins élégant que l'or-
dre ionique. Sous la domination romaine, les arts
de la Grèce continuèrent à régner exclusivement,
en conservant toute leur originahté ; l'architecture
byzantine n'apparut qu'à la fin de l'empire.
La peinture grecque. — Nous pouvons juger l'ar-
chitecture grecque par les monuments qu'elle nous
a laissés : nous n'avons pour apprécier la peinture
que les jugements des anciens.
La peinture grecque naquit peut-être à Gorinthe
etàSicyone, où les potiers ornaient déteintes plates
leurs vases gro>siers. Ce ne fut qu'après les guerres
médiques qu'elle se dégagea de la céramique et
de la sculpture, et elle n'atteignit la perfection
qu'à l'époque d'Alexandre. Polygnote, contempo-
rain de Cimon et de Périclès, s'essaya dans les
temples de Thésée, dans ceux de Delphes et de
Platée, dans la Pinacothèque d'Athènes, avant de
représenter la prise de Troie, le départ des Grecs
et l'évocation des morts par Ulysse sur les murs
de k Lesché à Gnide, la lutte des Mèdes et des
Perses dans le Pœcile, à Athènes. Micon et Panœ-
nos, frère de Phidias, furent les collaborateurs de
l'oiygnotc. Apollodore, son successeur, par une
savante distiibution des ombres et de la lumière, fit
faire à la peinture un pas décisif.
GRÈGE
— 914 —
GRIMPEURS
Maîtres de presque tous les procédés de leur art,
les peintres du cinquième siècle, Zeuxis, Parrhasius,
Tiniantlie, purent rechercher et atteindre l'expres-
sion, la gradation des sentiments. Au quatrième
siècle. Pamphyle eut pour élèves Protogènes et
Apelie. Ce dernier est considéré comme le plus
grand peintre de l'antiquité; nature tendre, peut-
être sensuelle, il consacra son pinceau à la repro-
duction des figures de femmes ou de dieux aux
formes presque féminines : la Vénus Anadyomène
fut son chef-d'œuvre.
Après Alexandre, la peinture grecque comme
l'architecture se répand en Orient, puis en Italie
où elle rencontre une rivale^, !a mosaïque, et où
elle se réduisit à la décoration des villas et des
maisons. Abandonnée aux esclaves qui peignaient
pour leurs maîtres, elle tomba, sous l'empire, dans
le plus entier discrédit.
La sculpture grecque. — Les statues des dieux,
telles furent les premiers et longtemps les seuls
monuments de la sculpture grecque : les sj'mboles
de la religion hellénique, multipliés à l'infini, se
prêtaient à tous les besoins de l'imagination comme
à toutes les diversités d'exécution; il suffisait de
laisser à chaque divinité ses attributs essentiels,
l'arc et la flèche à Apollon, le trident à Nep-
tune, etc. L'artiste restait libre d'idéaliser son mo-
dèle, et les plus grands étaient ceux qui parve-
naient à représenter, sous la forme corporclls, les
conceptions immatérielles, les qualités morales de
l'esprit.
L'art plastique ne commença à décliner que lors-
que les sculpteurs voulurent représenter les pas-
sions humaines dans toute leur intensité ; ils excel-
lèrent pourtant dans les statues, dans les bustes,
comme ils avaient excellé dans la sculpture sym-
bolicjue : mais l'homme ne peut avoir la calme
beauté, la sérénité sublime des personnages divins ;
de là l'infériorité de la statuaire grecque à partir
du quatrième siècle.
Les lions de Mycènes sont, avec les statues en
bois des divinités, les plus anciens ouvrages de la
sculpture grecque : ces ébauches grossières se fa-
briquaient dans l'Attique et h Egine. C'est un Cre-
tois, établi dans l'Attique, Dédale, qui fit faire à
l'an ses premiers progrès en u animant ses statues »,
c'esl^à-dire en leur ouvrant les yeux, en détachant
les jambes et les bras jusqu'alors adhérents au
corps. Ces perfectionnements furent adoptes à Si-
cyone ei dans 1 île de Rhodes. Pendant les guerres
médiques, le génie grec s'affine au contact de l'Asie ,
et se débarrasse définitivement des entraves hiéra-
tiques; des familles, des cités entières se passion-
nent pour l'art de Dédale, qui atteint enfin le na-
turel et l'expression de la vie : l'usage des jeux,
des luttes athlétiques ofi're aux yeux la forme
humaine dans toute sa souplesse et sa mobilité.
Les ouvrages de cette époque sont nombreux :
ce sont surtout des bas-reliefs et des terres cuites ;
les statues en or et en matières précieuses étaient
plus exposées à la spoliation ; elles y ont rare-
ment écliappé. Les œuvres venues jusqu'à, nous
senties bas-reliefs de Sélinonteet d'Assos, la Vesta
Giusiiniani, l'autel des douze dieux (au Louvre) et
les sculptures d'Egine [h. la glyptothèque de
Munich.)
La période qui précéda la guerre du Péloponèse,
c'est-à-dire l'administration de Cimon et de Péri-
clès, fut l'âge d'or delà sculpture grecque : les frises
du Parthénon, œuvre de Phidias, la statue de la
déesse, toute d'ivoire et d'or, et le Jupiter d'Olym-
pie en Elide, furent le dernier mot de l'art ; après la
guerre du Péloponèse, il abandonne la représenta-
tion des dieux impassibles et sévères, de Jupiter,
de Minerve, de Junon ; Bacchus, Apollon, l'Amour,
Vénus, sont les modèles les plus fréquents d'une
époque plus sensuelle et qui recherche moins l'ex-
pression surnaturelle de la divinité que celle de ses
formes juvéniles. Phidias (Pallas du Parthénon),
Polyclète (Doryphore et Junon d'Argos;, Puly-
gnote, Callimaque, Alcamène (Aphrodite des Jar-
dins), Socrate le philosophe, appartiennent à la pre-
mière époque; Scopas de Paros, Lysippe, Praxitèle
et leurs élèves, à la seconde. L'Apollon citharède
de Scopas, les Niobides de Scopas ou de l'raxitèle,
le Satyre ou Faune de Praxitèle, le Sauroctone du
Louvre, l'Hercule Farnèse de Lysippe, sont les
principales œuvres de cette école, moins forte qu'é-
légante, moins idéaliste que voluptueuse.
Après Alexandre, l'art se vulgarise et transforme
toutes les maisons en musées ; les sculpteurs, comme
les architectes et les peintres, deviennent des déco-
rateurs pleins de goût et de raffinement : c'est à
peine si un ou deux noms de sculpteurs ont sur-
nagé ; l'art semblait être à la portée de tout le
monde. Le Laocoon,le Gladiateur d'Agasias au Lou-
vre, le Taureau Farnèse sont les seules œuvres à
citer, avec le colosse de Rhodes dû à un élève de
Lysippe, Charès.
Après la conquête, presque tous les artistes grecs
émigrent à Rome, enrichie des dépouilles de TA-
chaie; dans cette nouvelle patrie, qui n'eut pas le
sentiment de l'art au même degré que les Grecs,
qui ne connut ni leur finesse, ni leur délicatesse
exquise, la décadence est complète : les procédés
matériels se perfectionnent à tel point que Zéno-
dore peut fondre le colosse d'airain de Néron (36
mètres), mais l'inspiration s'éteint, l'idéal dispa-
raît : sauf dans la colonne Trajane et les statues
de Nerva (au Vatican) et de Marc-Aurèle lau Capi-
tole), la sculpture ne connaît plus ni l'élégance, ni
le fini, ni la justesse des proportions ; du reste,
elle se réduit volontairement à la représentation
des empereurs et des impératrices : les bustes de
cette époque, surtout ceux de femmes, sont innom-
brables. L'invasion barbare porta le ciernier coup
à l'art grec ; mais l'art chrétien ne le remplaça pen-
dant quelques siècles que pour s'effacer de nou-
veau devant lui.
La musique grecque. — Le système musical des
Grecs a été se perfectionnant depuis l'origine jus-
qu'au cinquième siècle; les instruments primitifs,
la flûte dH Pan et l'écaillé de tortue, ont faif- place
à la niagadis à vingt cordes. Ce développement mu-
sical s'accomplit parallèlement à celui de la pf>ésie
lyrique et de la danse. L'instrumentation était si
perfectionnée qu'Aristote énumère jusqu'à treri.te-
trois instruments à vent. On sait quelles fouhss
empressées réunissaient les concerts privés, les
odéons, ces conservatoires de l'antiquité, et leiS
grands concours de musique. Bien que nous nC
connaissions que très imparfaitement le système
musical des Grecs, on peut affirmer que le goût de
la musique était inné chez cette race si admirable-
ment douée, comme celui de la peinture, de la
sculpture, de tous les arts qui ont trouvé en Grèce
d'immortels interprètes. [Edgar Zevort.]
GRl.HPEURS. — Zoologie, XV. — Les oiseaux
que Cuvier a rangés dans un ordre à part, sous le
nom de Grimpeurs, se distinguent de la foule des
passereaux par un certain nombre de caractères et
entre autres par la conformation de leurs pattes. ^
Leurs doigts, en effet, sont dirigés deux en avant
et deux en arrière, ce qui leur permet de saisir les
branches avec beaucoup de force, de s'accrocher aux
aspérités de l'écorce, et parfois même de grimper
verticalement, avec une grande agilité, le long du
tronc des arbres.
En tête de cet ordre des Grimpeurs se placent
naturellement les Perroquets, auxquels certains
naturalistes, comme de Blainville Ci le prmce Ch.
Bonaparte, ont assigné un rang encore plus élevé,
les mettant en tête de toute la série orni-
thologique.
Les perroquets ont le bec très duret très robuste
avec la mandibule supérieure fortement recourbée
GRIMPEURS
— 915 —
GRIMPEURS
et prolongée en un crochet au-dessus de la mandi-
bule inférieure, qui est coupée carrément à l'extré-
mité; leur langue charnue, ou plutôt coriace, est
faite plutôt pour écraser des graines que pour ap-
précier la saveur des aliments, et leur larynx, très
compliqué, leur donne la faculté dimiter avec une
assez grande perfection la voix humaine et les cris
des autres animaux. Ils grimpent avec facilité sur
les arbres, se suspendent souvent aux branches
avec leur bec en prenant les poses les plus bizarres,
et se servent de leurs pattes pour porter à leur
bouche les fruits et les graines dont ils font leur
nourriture. Leur plumage offre généralement des
teintes éclatantes, du vert, du rouge, du bleu ou
du jaune vif, et leur tête est parfois surmontée
d'une petite huppe. Ils vivent en troupes plus ou
moins nombreuses dans les contrées tropicales, en
Afrique, en Asie, en Amérique et surtout en Ocea-
nie où chaque île, pour ainsi dire, possède une
espèce particulière de perroquets.
On les divise naturellement, pour la commodité
de l'étude, en un certain nombre de groupes, dont
les principaux sont :
1" Les Ai^as, au bec énorme, aux joues souvent
dénudées, à la queue longue et étagée, au plumage
ordinairement multicolore ;
2'Les Perruches, de taille plus faible que les Aras,
à lirrée moins brillante, généralement d'un vert
relevé par quelques taches rouges ou jaunes;
3'^ Les Cacatoès, à la queue courte, carrée, h la
tête ornée d'une huppe élégante ou d'un cimier
qtie l'oiseau peut redresser à volonté ; ces perro-
quets sont quelquefois de couleur sombre, plus
souvent d'un blanc rosé, ou d'un blanc pur avec
quelques plumes jaunes ou orangées ;
4° Les Perroquets pi^oprement dits, qui ressem-
blent aux Cacatoès par leur queue courte, mais qui
sont dépourvus de huppe; leJacquot om Perroquet
gris à queue rouge d'Afrique, que l'on voit souvent
en cage, peut être considéré comme le type de ce
groupe.
Quelques perroquets, et entre autres les Aras,
les Cacatoès, les Microglosses, les Nestors et les
Strigops ou Perroquets- chouettes de la Nouvelle-
Zélande, rivalisent de grandeur avec les oiseaux de
proie ; d'autres au contraire, comme les Loriquetf
des Moluques et les Nositenies de la Nouvelle-
Guinée, peuvent être comparés pour la taille à nos
plus petits passereaux.
Les Pics, eux, sont des Grimpeurs par excellence.
Ils peuvent monter verticalement ou en spirale sur
le tronc des arbres les moins rugueux, et sont aidés
dans ces mouvements de progression parleur queue,
composée de plumes à tiges rigides, sur laquelle
ils peuvent s'arc-bouter. Ils ont un bec puissant, de
forme conique, avec lequel ils fendent l'écorce, en
élargissent les fissures, afin de découvrir les insec-
tes et les larves dont ils font leur nourriture et qu'ils
saisissent adroitement avec leur langue. Celle-
ci est généralement épineuse à l'extrémité, enduite
dune salive gluante, et peut, grâce à une disposition
ingénieuse, être projetée subitement à une assez
grande distance. En détruisant les larves de coléo-
ptères qui rongent le bois, les pics rendent des
services incontestables ; on les accuse cependant de
nuire aux forêts en creusant de larges cavités dans
des arbres qui ne sont que légèrement attaqués,
et pour ce motif on leur déclare, dans la plupart
de nos départements, une guerre assez injuste.
En France on trouve plusieurs espèces de pics.
La plus grande est le Pic noir, qui a presque la
taille d'une corneille, et dont le plumage est tout
noir, sauf sur la tête, qui est couverte par une
calotte rouge beaucoup plus étendue chez le mâle
que chez la femelle. Il se tient de préférence dans
les forêts de conifères, et se nourrit d'abeilles, de
guêpes, de fourmis et de larves d'insectes xylo-
phages. Le Pic vert ou Pivert, qui est beaucoup
plus commun dans nos forêts que le précédent, est
sensiblement plus petit et porte une livrée verte
en dessus, blanchâtre en dessous, avec une bande
jaune sur le croupion et une calotte rouge sur le
sommet de la tête (chez le mâle). Il creuse dans le
tissu d'un chêne un trou où il dépose au printemps
cinq à six œufs d'un blanc pur. Son cri ordinaire
est dur et précipité, et son chant d'appel ressem-
ble un peu à un éclat de rire ; en outre, dans cer-
tains cas, et surtout, disent les gens delà campagne,
lorsque le temps se met à la pluie, le pivert fait
entendre un son plaintif et traîne. Enfin le Pic
épeichette ou Petit épeiche, de taille encore plus
faible que le Pic vert, est moins répandu chez
nous que les deux précédents et habite plutôt le
nord de l'Europe et la Sibérie. Le dos et les ailes
sont variés de noir et de blanc, la tête est ornée,
au moins chez le mâle, d'une calotte rouge, le front
est blanc, de même que le dessous du corps, et les
joues sont ornées de moustaches noires.
En Amérique, en Asie et en AIrique vivent beau-
coup d'autres espèces de pics, de formes variées;
mais en Australie on ne connaît point de représen-
tants de cette famille.
Tout à côté des pics se placent les Torcols, qui
doivent leur nom à l'habitude singulière qu'ils ont
de tourner la tète en tous sens, et de prendre des
poses bizarres. L'espèce qui vit en France est
d'assez petite taille et porte, comme tous ses con-
génères, un plumage d'un brun terreux, rayé trans-
versalement de noir.
Les Coucous ont des formes plus élancées que
les pics, un bec beaucoup moins robuste, largement
fendu, un peu arqué en dessus, des ailes longues,
une queue très développée et des pattes courtes.
Leur plumage est parfois tout noir, d'autres fois
roux ou gris cendré, quelquefois d'un vert doré
étincelant. Le Coucou vulgaire de France ne pré-
sente pas à tous les âges la même livrée ; jeune,
il offre du brun foncé, du roux et du blanc sur son
plumage; adulte, il a le dessus du corps d'un gris
foncé, la gorge et la poitrine plus claires, le ventre
marqué de raies transversales noires. Il arrive au
printemps dans nos contrées et fait aussitôt reten-
tir les bois de son chant monotone. Il se nourrit
principalement de chenilles. Chacun sait que la
femelle de cette espèce, mère dénaturée, ne couve
pas elle-même ses œufs, mais va les déposer un à
un dans les nids de certains petits oiseaux, du
merle, du rouge-gorge, de la fauvette. Ceux-ci ne
s'aperçoivent pas de la fraude ou du moins la tolè-
rent; ils couvent l'œuf étranger avec les leurs,
et élèvent avec leur progéniture le jeune coucou;
mais trop souvent celui-ci récompense bien mal le
dévouement de ses parents d'adoption, il abuse de
sa force pour rejeter hors du nid ses petits compa-
gnons, et quand il est assez fort il abandonne le
nid pour aller rejoindre ses véritables parents, qui
n'ont pas quitté le canton et qui achèvent son
éducation.
Les Barbus, qui vivent en Afrique, en Asie et
en Amérique, doivent leur nom aux soies roides qui
environnent la base de leur bec robuste. Us portent
presque tous une livrée éclatante.
Les CouRoucous ou Trogons sont encore plus
remarquables par la beauté de leur plumage, où
des teintes métalliques, vertes et dorées s'associent
à du rouge vif, à du jaune orangé, à du noir, à du
blanc argenté. Malheureusement ce plumage n'est
pas bon teint, et si les teintes métalliques se con-
servent sans s'altérer, les autres, le rouge et le
jaune surtout, passent rapidement à la lumière,
chez les individus qui figurent dans les collections.
Il paraît que, même chez les oiseaux vivants,
lorsque le plumage a été détrempé par la pluie,
ces teintes délicates disparaissent momentanément,
sauf à se régénérer par la suite. Les anciens Mexi-
cains recherchaient déjà les magnifiques plumes
GUERRES
— 916 —
venes du Cowoucou resplendissant, qui de nos
jours encore sont fort estimées comme objet de
parure. [E- Oastalet.]
GlERBES. — Nous donnons, dans le présent
article de révision, la liste, non de toutes les guerres
quoffre riùstoire universelle, mais de celles qui
sont connues sous un nom spécial et qu'on peut
être tenté de chercher au mot Guerres dans un
dictionnaire. Pour celles qui ne figurent pas dans
cette énumération, — et de ce nombre sont beau-
coup de guerres très importantes, telles que les
campagnes d'Alexandre, les guerres de conquête
des Arabes, les Croisades, les guerres de la Répu-
blique et du premier Empire, etc., — le lecteur
devra consulter, au mot Histoire, le programme du
cours d'histoire générale et d'histoire de France :
il y trouvera l'indication des articles généraux et
spéciaux consacrés à chaque pays et à chaque pé-
riode.
Nous faisons suivre, dans la liste qu'on va lire,
le nom de chaque guerre d'un renvoi annonçant un
article donné ci-dessous à la page indiquée. Ces
articles sont de deux sortes : les uns, traitant d'une
guerre qui forme par elle-même un tout, un cha-
pitre à part dans l'histoire, sont des narrations aussi
complètes que notre cadre nous a permis de le faire
(par exemple, Guerres servi/es. Guerre dei Deux
Roses, Guerre de Trente Ans, Guerre d Amérique) ;
les autres, relatifs à des guerres racontées ailleurs,
sont un simple ri.emento destiné à coordonner sous
une forme aussi brève que possible un ensemble de
faits, quelquefois épars dans plusieurs articles, ou
même à rappeler seulement le nom, la cause, la
durée et l'issue d'une guerre et à indiquer l'article
où on en trouvera le récit (par exemple, Guerres
médiq'^es, Guerre^ puniques. Guerre de Bourgogne,
Guerre de dévolution, Guerre de la succession
d'Espagne).
Nous avons rangé les guerres par ordre chrono-
logique, et nous avons conserve ce même ordre
pour le classement des articles qui suivront ci-
dessous. Au moyen des renvois indiquant le chiffre
de la page, le lecteur trouvera chacun de ces arti-
cles plus facilement que si nous avions observé
l'ordre alphabétique.
LISTE DES GUERRES FIGURANT DANS LE PRÉSENT
ARTICLE
HISTOIRE .\^XIE^^"E.
Guerre de Thèbes ou des Sept chefs (V. ci-
dessous).
Guerre des Épigones (Id.).
Guerre de Troie (Id.).
Guerres de Messénie (Id.).
Guerres médiques (V. p. 917).
Guerre du Péloponèse (Id.).
Guerres sacrées (Id.).
Guerres puniques Id.).
Guerre mexpiable (Id.).
Guerres de Macédoine Jd.).
Guerre de Numance Jd.).
Guerre de Jugurtha (Id.).
Guerre sociale (V. p. 9i8).
Guerre de Mithridate (Id.).
Guerre des pirates (Id.).
Guerres serviles (Id.).
Guerre des Gaules (V. p. 919).
Guerre civile (Id.).
Guerre de Modène (Id.).
MOYEN AGE.
Guerre de Cent Ans (V. p. 919).
Guerre des Hussites (V. p. 024).
Guerre des Deux Roses (Id.).
Guerre de Bourgogne (V. p. 926).
Guerre folle (IdT).
GUERRES
TEMPS MODERNES.
Guerres d'Italie (V. p. 025).
Guerre des paysans (\. p. 92G).
Guerres de religion 'Jd. ;.
Guerre des Trois Henri V. p. 927).
Guerre de Trente Ans Id.).
Guerre de dévolution (V. p. 932).
Guerre de Hollande (Id.).
Guerre de la ligue d'Augsbourg (Id.).
Guerre de la succession d'Espagne (V. p. 933).
Guerre de la quadruple alliance (Id.).
Guerre de la succession de Pologne (V. p. 934).
Guerre de la succession d'Autriche (Id.).
Guerre de Sept Ans (V. p. 93:).
Guerre d'Amérique V. p. 9'''9).
Guerre d'Espagne ^V. p. 941).
Guerre de lOpium (V. p. 942).
Guerre d'Orient (Id.).
Guerre d'Italie (Id.).
Guerre du Mexique ,V. p. 043%
Guerre de la Sécession ;Id.).
Guerre de Thèbes ou des Sept chefs. — Histoire
générale, VI. — Une légende grecque racontait
qu'après l'exil volontaire d'OEdipe, roi de Thèbes,
ses deux fils, Etéocle et Polynice, s'étaient dis-
puté la royauté. Polynice, aidé de six autres chefs,
vint assiéger Thèbes où son frère exerçait le pou-
voir royal. Etéocle et Polynice se tuèrent en com-
bat singulier. Après la mort des deux « frères enne-
mis », les Thébains mirent en déroute l'armée des
assiégeants, et se donnèrent pour roi Créon. Ces
événements se seraient passés au treizième siècle
avant notre ère. Cette légende célèbre a fourni
à. Racine le sujet de sa première tragédie, intitulée
la Tl'ébaide ou les Frères ennemis.
Guerre des Épigones. — Histoire générale, 'VI.
— Elle est la suite de celle des Sept Chefs. Les Epi-
gones, c'est-à-dire les fils de ces sept chefs, firent
contre Thèbes une nouvelle expédition pour venger
la mort de leurs pères, et prirent la ville après de
sanglants combats. Thersandre, fils de Polynice,
devint roi de Thèbes.
Guerre de Troie. — Histoire générale, VI. —
La guerre de Troie appartient, comme celle de
Thèbes, à l'époque légendaire de la Grèce. Il n'est
pas possible de déterminer jusqu'à quel point des
faits historiques peuvent se trouver mêles, dans
cette légende, aux créations de l'imagination popu-
laire.Les calculs chronologiques qui placentla prise
do Troie en l'an 1184 avant notre ère ne reposent
sur aucune donnée certaine. Les aventures d'Achille
et des autres héros grecs qui allèrent assiéger la
cité du roi Priam ont été chantées dans l'un des
admirables poèmes attribués à Homère, VIliade;
on trouvera une courte analyse de ce poème à l'ar-
ticle Ep'ipée.
Guerres de Messénie. — Histoire générale,
VI, Vil. — Guerres entre les Spartiates et leurs
voisins les Messéniens. On en distingue trois. La
première (de 743 à 723 avant notre ère) eut pour
théâtre les environs du mont Iihôme, sur lequel les
Messéniens avaient construit une forteresse que
défendit pendant de longues années le héros Aris-
todème ; mais après sa mort, les Spartiates prirent
Iihôme et soumirent la Messénie. Cinquante ans
plus tard, le Messénien Aristomène appela aux ar-
mes ses compatriotes, et battit plusieurs fois les
Spartiates, qui ne retrouvèrent leur assurance
qu'aux accents btUiqueux du poète Tyrtée : ce fut
la seconde guerre (685-008). Aristomène, enfermé
dans Ira, s'y maintint onze années, mais fut enfin
obligé de quitter la Messénie, qui retomba au pou-
voir de Sparte. Ces deux premières guerres ont un
caractère légendaire. Il n'en est pas ainsi de la
troisième, qui appartient en plein à la période his-
torique : en i6i, à la suite d'un tremblement de
terre qui avait défruit en partie la ville de Sparte
GUERRES
— 917
GUERRES
les Messéniens se révoltèrent. Ils battirent à Sté-
njklaros une armée Spartiate ; mais les révoltés
se virent ensuite contraints de se retirer sur le
mont Ithôme, où ils furent assiégés; ils se défen-
dirent vaillamment, et lorsqu'ils durent enfin ca-
pituler, ils obtinrent de pouvoir quitter le Pélo-
ponèse avec leurs familles; l'amiral athénien
ïolmidès les établit à Naupacte, sur le golfe de
Corinthe (455).
Guerres médiques. — Histoire générale, VIT.
— Guerres entre les Grecs et les trois rois de
Perse ou de ]\IéJie, Darius, Xerxès et Artaxersès,
dans la première moitié du cinquième siècle avant
notre ère. On en compte trois. La première com-
mence àla révolte des villes precques d'Ionie (501),
et se termine à la bataille de Marathon (i90}. La se-
conde commence à l'expédition entreprise par Xerxès
contre la Grèce (480) et se termine aux batailles de
Platée et de Mycale (479). La troisième comprend
les campagnes des Athéniens en Thrace, en Asie et
à Chypre, et se termine par le traité de 44'J, qui
reconnut la liberté des Grecs d'Asie et donna à
Athènes l'empire de la mer. — V. Grèce.
Guerre du Péloponèse. — Histoire générale ,
VIT. — Guerre entre Athènes et Sparte, qui se
termina par la défaite d'Athènes. Presque tous les
peuples de la Grèce y prirent part. La plupart des
îles et des villes grecques d'Asie, ainsi que les
Acarnaniens, les Platéens, les Thessaliens, étaient
du parti d'Athènes; les Spartiates avaient pour
eux tous les Péloponésiens, excepté les Achéens
et les Argiens, et de plus les Corinthiens, les
Béotiens, les Phocidiens, les Étoliens. La guerre
dura de 431 à 404, avec une interruption de 421
à4l5. Pour les détails, V. Grèce.
Guerres sacrées — Histoire générale, VI, VIII.
— Nom donné chez les Grecs à quatre guerres
dont le prétexte fut un sacrilège commis à l'égard
du dieu Apollon de Delphes.
Première guerre (G04-595). — Les Phocidiens
de Crissa avaient offensé l'oracle d'Apollon à
Delphes. Le conseil amphictyonique décida de leur
faire la guerre. Après une longue lutte, les villes
de Crissa et de Cirrha furent prises et détruites.
Seconde guerre. — Les Phocidiens s'étaient em-
parés de l'administration du temple de Delphes, à la-
quelle les Delphiens prétendaient avoir seuls des
droits. Sparte envoya à Delphes une expédition, et
les Phocidiens furent chassés (448) ; mais quand les
Spartiates furent repartis, les Athéniens intervin-
rent et remirent de nouveau Delphes entre les
mains des Phocidiens.
Troisième guerre. — Les Phocidiens ayant la-
bouré des champs consacrés à Apollon, le conseil
amphictyonique leur déclara la guerre (357). Les
Phocidiens se défendirent énergiquement. Philippe
de Macédoine profita de cette occasion pour inter-
venir dans les affaires grecques : se posant en dé-
fenseur de la rehgion, il combattit les Phocidiens,
les vainquit et se fit ensuite donner leur place
dans le conseil des amphictyons (346).
Quatrième guerre. — Philippe avait besoin d'un
nouveau prétexte pour entrer en Grèce avec son
armée. Son agent, l'orateur Eschine, fit voter par
les amphictyons une rutre guerre sacrée contre
les Locricns, qui depuis deux siècles cultivaient
une terre appartenant à Apollon (339). Philippe
reçut le commandement de l'expédition ; mais quand
il eut franchi les Thermopyles, au lieu de combattre
les Locriens, il s'empara d'Élatée, déclara la guerre
à Athènes, et se rendit maître de la Grèce par la
victoire de Chéronée (338). — V. Grèce.
Guerres puniques. — Histoire générale, XII.
— Guerres entre Rome et Carthage. Leur nom
vient du mot \dXin punicus, signifiant carthaginois.
Il j' en eut trois. La première (•J6i-'241) eut pour
théâtre la Sicile, le nord de l'Afrique, et la Méditer-
ranée. La seconde (219-201)fut presque entièrement
remplie par l'expédition d'Annibal en Italie, et sa
termina parla victoire de Scipion l'Africain à Zama.
La troisième (149-146) aboutit à la destruction de
Carthage après un long siège, et à la réduction de
l'Afrique septentrionale en province romaine. —
V. Rome.
Guerre inexpiable ou guerre des mercenaires.
— Histoire générale, XII. — Après la première
guerre punique, les mercenaires à la solde de Car-
thage, n'étant pas payés depuis longtemps, se
révoltèrent (241). Ils entraînèrent dans leur ré-
volte les villes africaines, et Carthage se vit bien-
tôt dans un péril si extrême, qu'elle fut réduite
à demander des secours à Hiéron de Syracuse
et même aux Romains. L'habileté d'Amilcar Barca la
sauva : il réussit à enfermer la principale armée des
mercenaires dans le défilé de la Hache, et l'y détruisit
par la famine et par la trahison ; une autre armée
fut anéantie dans une bataille. Les atrocités com-
mises par les Carthadnois dans la répression de
cette formidable révolte parurent si monstrueuses
à l'antiquité elle-même, qu'elle donna à cette lutte
sanglante le nom de guerre inexpiable.
Guerres de Macédoine. — Histoire générale,
XII. — On appelle ainsi les guerres qui eurent
pour conséquence la réduction de la Macédoine en
province romaine. On en compte quatre.
Première guerre. — Philippe III, roi de Macédoine,
avait fait alliance avec Annibal pendant la seconde
guerre punique. Les Romains envoyèrent en Illyrie
une légion qui le battit (21'i), puis ils armèrent
contre lui la ligue étolienne, le tyran de Sparte
Machanidas, le roi de Pergame Attale. La guerre dura
jusqu'en 205, sans succès bien marqués de part ni
d'autre, et se termina par un traité stipulant qu'au-
cun des deux partis n'attaquerait les alliés de l'autre.
Deuxième guerre. — Philippe avait recommencé
la lutte contre les alliés de Rome, malgré le traité.
Le sénat romain lui déclara la guerre (200). Les
deux premières campagnes dirigées contre le roi de
Macédoine restèrent sans résultat; mais Flami-
ninus, nommé consul, gagna la ligue achéenne, et
détruisit l'armée de Philippe à Cynocéphales (197).
Le roi n'obtint la paix qu'à des conditions humi-
liantes ; et les villes grecques, soumises précé-
demment à l'influence macédonienne, furent toutes
déclarées libres par un décret que Flamininus fit
proclamer aux jeux istbmiques (l96).
Troisième guerre. — Philippe était mort sans avoir
pu venger sa défaite. Son successeur Persée, après
de longs préparatifs, recommença la guerre (172),
Il tint tête aux Romains pendant quatre ans ; enfin
Paul Emile, nommé consul, prit le commandement
de l'armée envoyée contre lui, et le défit complète-
ment à Pydna (168). Persée, fait prisonnier, mourut
en captivité.
Quatrième guerre. — L'aventurier Andriscus, se
donnant pour fils de Persée, souleva la Macédoine
contre les Romains en 152. Il fut battu et pris
par Cécihus Métellus (148). Quelques années plus
tard, un nouveau soulèvement ayant eu lieu, le
sénat, après l'avoir comprimé, réduisit la Macédoine
en province (142). — V. Grèce, Macédoine et Rome.
Guerre de Numance. — Histoire générale ,
XII. — La ville de Numance, près des sources du
Douro, fut le dernier boulevard de la résistance des
Espagnols aux légions romaines après l'assassinat
de Viriathe. Les Numantins tinrent en échec pen-
dant huit ans tous les généraux que Rome envoya
contre eux. Enfin Scipion Émilien, le destructeur
de Carthage, vint mettre en personne le siège de-
vant Numance (134). Après une résistance déses-
pérée, les habitants brûlèrent leur \ille et se jetè-
rent dans les flammes. Cervantes a célébré l'héroiçme
des Numantins dans une tragédie (/« Numancin)
qui est un des chefs-d'œuvre du théâtre espagnol.
— V. Espagne et Rome.
Guerre de Jugurtha. — Histoire générale.
GUERRES
— 918 —
GUERRES
XII. — Jugurtha, petit-fils de Massinissa, roi de Nu-
midie, ayant fait mourir ses cousins Hiempsal et
Adherbal afin de régner seul, Rome lui déclara la
guerre ( l 11 ) . Il corrompit le général qu'on envoya con-
tre lui ; étant venu ensuite à Rome, où il fit assassiner
un autre de ses compétiteurs, il acheta l'indulgence
des magistrats, et put retourner en Afrique en lais-
sant à Rome cet adieu célèbre : « Ville vénale, il ne
te manque qu'un acheteur assez riche ! » Le sénat
envoya de nouveau contre lui une armée, com-
mandée par Métellus (109). La guerre traîna en
longueur. Ce fut Marius, le futur vainqueur des
Cimbres, qui l'acheva. Jugurtha, vaincu, se réfugia
chez Bocchus, roi de Mauritanie; celui-ci le livra
aux Romains, en vertu d'un traité dont le négocia-
teur fut Sylla, lieutenant de Marius (l 06). Jugurtha,
enfermé dans la prison souterraine du Capitole, y
mourut de faim. L'histoire de la guerre de i u^uriha
a été écrite par Salluste. — V. Rome.
Guerre sociale. — Histoire générale, XII et
Vni. — Ce nom, qui signifie en latin guerre des
alliés, est donné, dans l'histoire romaine, à la révolte
des peuples italiens contre Rome, qui dura de 90
à 88, et qui fut comprimée par Sylla. L'histoire
de la guerre sociale a été écrite par Prosper
Mérimée. — V. Rome.
On appelle aussi guerre sociale, dans l'histoire
grecque, le soulèvement des alliés maritimes
d'Athènes contre cette ville (357). Après une lutte
qui dura trois ans, Athènes fut contrainte de re-
connaître l'indépendance de ses anciens alliés. —
V. Grèce.
Guerre de Mithridate. — Histoire générale,
XII. — Mithridate VII, roi de Pont, après avoir
agrandi ses États héréditaires par la conquête de la
Paphlagonie et de la Galatie, se trouva en conflit
avec les Romains qui voulurent l'empêcher de s'em-
parer de la Cappadocc et de la Bitliynie. Déclarant
la guerre à Rome au moment où celle-ci se voyait
menacée par la révolte des Italiens, il conquit rapi-
dement toute l'Asie Mineure, et fit massacrer tous
les Romains qui s'y trouvaient (88); puis il entraîna
dans son parti la Gi'èce, où il envoya son général
Archélaiis. Sylla marcha contre lui, prit Athènes
(86), battit Archélaiis h Chéronée et un autre lieu-
tenant de Mithridate à Orchomène. et passa ensuite
en Asie Mineure. Mithridate demanda la paix et
restitua ses conquêtes (84). Mais, quelques années
plus tard, il reprit les armes (75). Cette fois ce fut
LucuUus qui reçut le commandement des légions
romaines: il pénétra dans le Pont, et obligea
Mithridate à se réfugier auprès du roi d'Arménie
Tigrane, qui fut vaincu à son tour par les Romains.
Pompée, qui succéda à Lucullus, poursuivit
Mithridate jusque dans le Caucase. Mais pendant
que Pompée allait conquérir la Syrie, l'infatigable
Mithridate, qui avait retrouvé une armée, entrait
dans le royaume du Bosphore cimmérien (Crimée),
qu'il voulut soulever contre Rome. Son propre fils
Pharnace se révolta alors contre lui, et Mithridate,
se voyant sur le point d'être livré aux Romains, se
tua à Panticapée (63). — V. Rome.
Guerre des pirates. — Histoire générale, XII.
— Après la mort de Sylla, des pirates, établis
dans quelques îles de la Méditerranée et sur les
côtes de Cilicie, infestèrent les mers. Le proconsul
Servilius, envoyécontre euxen 77, les combattitinu-
tilement pendant trois ans. Les pirates, toujours
plus redoutés, s'allièrent à Mithridate et à Sertorius.
Antonius et Métellus cherchèrent à les détruire,
maïs sans remporter de succès décisifs. Enfin, Pom-
pée, investi à cet eftct d'une mission extraordi-
naire, entreprend de purger la Méditerranée de
ces -insaisissables ennemis quialïamaient Rome («7).
Il brûle leurs vaisseaux, détruit leurs forteresses, et
les poursuit jusque dans la Cilicie, leur dernier re-
paire : trois mois lui suffirent pour terminer cette
campagne, qui rendit son nom populaire.— V. fio??je.
Guerres serviles- — Histoire générale, XII. —
On donne ce nom aux luttes que Rome eut à sou-
tenir à plusieurs reprises contre les esclaves ré-
voltés.
Nombreuses furent les tentatives de soulèvement
parmi les malheureux que la servitude vouait au
dur labeur agricole et au régime impitoyable de
Yergastule, ou aux misères avilissantes de la ty-
rannie domestique. Dès Tan -ilo avant l'ère chré-
tienne, c'est-à-dire à une époque où l'histoire de
Rome est encore à demi légendaire, les esclaves
conspirent pour incendier la ville ; le complot est
dénoncé par deux traîtres, les conjurés sont mis à
mort. En l'an 21", pendant la deuxième guerre pu-
nique, autre complot à la suite duquel vingt-cinq
esclaves sont mis en croix. En l'an 198, révolte des
esclaves dans le Latium ; ils s'emparent de deux
villes ; un préteur est envoyé contre eux, et les
révoltés sont massacrés. En Tan 196, autre révolte
en Etrurie : l'envoi d'une légion est nécessaire
pour comprimer le soulèvement. En l'an 185, on
découvre que la confrérie religieuse dite des Bac-
chanales sert de manteau à une vaste conjuration
servile ; le sénat, effrayé, fait périr des milliers d'es-
claves à Rome et dans loute l'Italie. Enfin, un
demi-siècle plus tard, éclate en Sicile la première
grande insurrection des esclaves.
Première guerre sercile. — Il y avait à Enna,
ville située au centre de la Sicile, un grand pro-
priétaire nommé Damophile, dont les domaines
étaient couverts de nombreux troupeaux d'escla-
ves. Un jour, poussés à bout par la cruauté de leur
maître, ceux-ci se révoltent et massacrent Damo-
phile et sa famille, n'épargnant que sa fille qui leur
avait montré autrefois de la pitié (134). Ils entrent
ensuite dans la ville, s'en emparent, et mettent à
mort tous les citoj^ens. Aussitôt le mouvement se
propage dans les campagnes et dans les villes voi-
sines. L'armée des insurgés, forte déjà de plu-
sieurs milliers d'hommes, met à sa tête un esclave
syrien nommé Eunus. Celui-ci avait acquis un
grand ascendant sur ses compagnons, en se don-
nant pour prophète et faiseur de miracles : il je-
tait des flammes en parlant, prodige qu'il exécutait
au moyen d'une noix remplie de soufre allumé,
cachée dans sa bouche, l'our mieux assurer
son prestige, Eunus prend le diadème, et s'entoure
de l'appareil royal des monarques orientaux ; il
emprunte aux despotes de son pays natal jusqu'à
leur nom, et s'appelle désormais Antiochus, roi des
St/riens. Bientôt la Sicile entière, sauf quelques
cités fortifiées, est aux mains des révoltés; deux
cent mille esclaves y avaient brisé leurs chaînes ;
ils tuaient leurs maîtres, ou les faisaient esclaves
à leur tour. Les travailleurs libres eux-mêmes, les
prolétaires, font cause commune avec les insurgés.
La nouvelle de la révolte de Sicile se répandit ra-
pidement dans le monde entier; partout les es-
claves frémirent. Il y eut des soulèvements par-
tiels en Italie, réprimés aussitôt par des exécutions
sanglantes ; dans les mines d'argent de l'Attique,
et sur le grand marché d'esclaves de l'île de Délos,
où des forces supérieures eurent également raison
de la révolte ; enfin en Asie Mineure, où les ban-
des d'esclaves insurgés, ayant à leur tête un chef
nommé Aristonicus, qui prenait le titre de roi de
Pergame, tinrent en échec pendant plusieurs années
les légions romaines. Le philosophe grec Blossius
de Cumes, qui avait été, dit Plutarque, l'ami et le
conseiller de Tibérius Gracchus, s'était retiré,
après la mort du célèbre tribun (en 133), auprès
d' Aristonicus; quand ce dernier fut vaincu, Blos-
sius se tua.
Rome réussit L empêcher toute communication
entre les divers foyers d'insurrection ; la Sicile,
isolée et réduite à elle-même, était dès lors con-
damnée à succomber, malgré les succès que les ré-
voltés avaient remportés d'abord sur les armées
GUERRES
— 919 —
GUERRES
romaines. Une des places-fortes occupées par les
esclaves, Tauroménium, fut prise par la famine,
après que les assiégés eurent mangé leurs fem-
mes et, leurs enfants ; un peu plus tard, Enna,
qui servait de centre à l'insurrection, fut livrée
par trahison. La chute de ces deux citadelles as-
sura la victoire des Romains. Tous les esclaves
révoltés qui furent pris périrent dans les suppli-
ces. Le a roi Antiochus », qui s'était réfugié dans
une caverne avec son cuisinier, son boulanger,
son baigneur et son bouffon, fut fait prisonnier et
tué dans son cachot (132). Il ne resta de la formi-
dable armée servile que quelques bandes qui se
sauvèrent dans les montagnes.
Deuxième guerre. — Un second soulèvement
éclata en Sicile quelques années plus tard (lOi). Ce
fut de nouveau près d'Enna que la révolte com-
mença, et, comme la première fois, les insurgés
prirent pour chef un Syrien, lesclave Salvius,
■qui se donna le nom du monarque alors régnant
en Syrie, et s'appela le roi Tryphon. Les trou-
pes romaines envoyées contre les révoltés furent
battues. Tandis que la révolte grandissait dans
l'intérieur de l'île, une autre insurrection éclatait
sur la côte occidentale ; elle était dirigée par un
Milicien nommé Athénien, qui dans son pays avait
été chef de brigands. Athénien était un habile sol-
dat; il donna à sa troupe une bonne organisation
militaire, n'armant que les hommes forts et exercés,
et emploj'ant les autres à travailler pour l'armée ;
il se montra humain envers les habitants des cam-
pagnes et les prisonniers, et remporta de grands
et rapides succès. Donnant ensuite une preuve
remarquable d'intelligence politique, il reconnut
volontairement le roi Tryphon pour son supérieur
hiérarchique, et évita ainsi toute discorde entre les
insurgés. Pendant quatre années, les bandes de
Salvius et d'Athénion tinrent la campagne, bat-
tant les armées romaines à chaque rencontre ;
mais Salvius périt dans un engagement, et peu de
temps après un consul gagna sur Athénien une
bataille où il tua en combat singulier le brave
Cilicien (100). Les révoltés furent alors traqués
dans les montagnes; d'immenses massacres signa-
lèrent la victoire des Romains. Quelques cen-
taines d'esclaves, pris vivants, avaient été envoyés
à Rome pour être livrés aux bêtes dans le cirque:
mais ils trompèrent l'attente de leurs bourreaux, en
se tuant les uns les autres ; leur chef égorgea le
dernier survivant, puis se frappa lui-même.
Troisième guerre. — Celle des révoltes serviles
qui a laissé les plus tragiques souvenirs est la troi-
sième et dernière, celle de Spartacus (73-71). Cette
fois, ce fut l'Italie môme qui fut le théâtre de la
lutte. Il y avait dans plusieurs villes des établisse-
ments nommés écoles de gladiateurs, où l'on dres-
sait les esclaves au maniement des armes pour les
jeux sanglants de l'arène. Un jour, à Capone, une
troupe de soixante-quatorze esclaves gladiateurs
brisa les portes de V école qui lui servait de prison,
et se réfugia sur le Vésuve. A la tête de cette
petite bande se trouvaient un Thrace nommé
Spartacus et un Gaulois nommé Crixos. Ils n'a-
vaient d'autres armes que des bâtons pointus ;
mais ayant surpris et défait un corps de trois
raille hommes qu'on avait envoyé contre eux, ils
purent s'armer des dépouilles des ennemis vaincus.
Leur troupe se grossit rapidement de tous les es-
claves fugitifs de l'Italie. Ils battirent une armée
romaine, et alors, ayant atteint le chiffre de
100,000 hommes, ils se trouvèrent complètement
maîtres de l'Italie méridionale. Mais l'insurrection
manquait d'unité; les esclaves d'origine hellénique
«t orientale marchaient sous les ordres de Sparta-
cus, qui se montra aussi distingué par sa grandeur
d'âme et sa générosité que par sa bravoure et ses
talents stratégiques ; mais ceux de race gauloise et
germaine voulurent faire bande à part, et cette divi-
sion permit aux Romains de remporter des succès
sur des corps détachés. Spartacus n'en infligea pas
moins de sanglantes défaites à plusieurs consuls
romains ; puis il voulut passer en Sicile, où les
esclaves n'attendaient que sa présence pour se
soulever une troisième fois. Il négocia avec des pi-
rates, qui devaient le transporter dans l'île, lui et
ses compagnons; mais les pirates, achetés par les
Romains, reçurent de Spartacus le prix du pas-
sage, et ensuite lui refusèrent leurs vaisseaux. Le
préteur Crassus, qui avait suivi Spartacus dans la
Calabre, essaya de l'y renfermer; il fit construire
par ses légionnaires une muraille fortifiée longue
de quatorze lieues, qui coupait la presqu'île dans
toute sa largeur. Mais Spartacus force cette mu-
raille durant une nuit neigeuse, et rentre en Italie.
Rome tremble : toutes les troupes des provinces
sont rappelées pour combattre ce redoutable ad-
versaire. La victoire des Romains fut facilitée par
la division qui continuait à régner parmi les révol-
tés ; divers corps isolés purent être écrasés en dé-
tail ; et enfin Spartacus lui-même fut tué dans une
action décisive (71). On extermina peu à peu, eu
battant les montagnes, les restes des bandes in-
surgées.
La lutte avait été atroce de part et d'autre. Les
esclaves, exaspérés par de longues souffrances et
abrutis par la servitude, n'avaient pour la plupart
cherché dans leur triomphe passager que de san-
guinaires vengeances et les jouissances de l'orgie ;
les maîtres, rendus plus féroces encore par la
peur, firent expier à leurs victimes, dans d'horribles
supplices, le crime d'avoir brisé leurs chaînes; sur
la seule route de Capoue à Rome, six mille croix
portant des cadavres d'esclaves annoncèrent au
passant l'œuvre sanglante de la justice romaine.
— V. Esclavage. [J. Guillaume.]
Guerre des Gaules. — Histoire générale, XII;
Histoire de France. II. — Nom donné aux sept
campagnes que Jules César accomplit, de 58 à 51,
pendant son proconsulat des Gaules, et qu'il a
racontées dans ses Commentaires. — V. Gaule et
Home.
Guerre civile. — Histoire générale, XIII. —
Ce nom s'applique spécialement, dans l'histoire
romaine, à la lutt? entre Jules César et le parti
du sénat ou de Pompée, lutte dont les batailles
de Pharsale, de Thapsus et de Munda forment
les principaux épisodes. Elle dura de 49 à 45, et
se termina par le triomphe complet de César sur
les pompéiens. César a écrit lui-même l'histoire
de la première partie de la guerre civile. ^- V. Rome.
Guerre de Modène, — Histoire générale, XIV.
— Un an après le meurtre de César, Antoine
était allé assiéger dans Modène le proconsul Déci-
mus Brutus, l'un des meurtriers du dictateur. Oc-
tave, fils adoptif de César et rival d'Antoine, ac-
cepta du sénat la mission d'aller porter secours à
Décimus Brutus. Accompagné des deux consuls
Hiriius et Pansa, Octave marcha contre Antoine,
qui fut vaincu dans deux batailles et dut s'enfuir
vers les Alpes (43). Les deux consuls ayant été
tués dans le dernier engagement. Octave, revenu
à Rome, se fit donner le consulat : ce fut le com-
mencement de sa fortune politique. II allait bien-
tôt s'allier à celui qui avait d'abord été son adver-
saire, et former avec lui et Lépidus le second
triumvirat. — V. Rome.
Guerre de Cent Ans. — Histoire de France,
XII-XIV ; Histoire générale, XIX, XXVIU. — On dé-
signe sous ce nom la longue lutte qui mit aux pri-
ses la France et l'Angleterre durant un siècle, de
1336 à 1436, sous les règnes de Philippe VI* de 'Va-
lois, Jean II * le Bon, Charles V * le Sage, Charles
VI * l'Insensé et Charles VII *. Cette guerre peut
se diviser en quatre périodes.
GUERRES
— 920 —
GUERRES
1" PÉRIODE {1336-1364). Du début des hostilités
à la mort dn roi Jean.
Situation de la France et de l'Angleterre. — Le
fils aîné de Philippe IV* le Bel, Louis X* le Hutin,
était mort en 1316, et son fils posthume, Jean h^, le
suivit au tombeau la même année. Louis laissait en-
core une fille, Jeanne, à l'occasion de laquelle se pré-
senta pour la première fois en France la question de
la succession des femmes au trône. Philippe V *,
second fils de Philippe le Bel, se fit sacrer roi au dé-
triment de sa nièce, et fit ensuite ratifier sa prise
de possession du trône par les États Généraux *,
qui déclarèrent les femmes inhabiles à succéder à
la couronne. Entre autres raisons données à l'appui
de cette décision, ils se fondèrent sur ce passage
de l'Evangile où il est dit : « Les lys ne travaillent
ni ne filent, et cependant Salomon dans touie sa
gloire n'a pas été vêtu comme l'un d'eux ; » ils en
concluaient que « le roj aume des lys ne devait
point tomber en quenouille. » Plus tard, les légis-
tes cherchèrent un argument plus solide pour mo-
tiver l'exclusion des femmes du trône, et invoquè-
rent un texte de l'ancienne loi des Francs Saliens,
qui ordonnait que « la terre salique ne fût point
recueillie par les femmes, et que l'hérédité tout
entière fût dévolue aux mâles. » Cette assimilation
de la couronne à la terre salique était inexacte, et
d'ailleurs la loi salique avait cessé depuis long-
temps d'être en vigueur; néanmoins les légistes se
trouvèrent cette fois d'accord avec le sentiment
national, qui leur donna raison: en effet, l'admis-
sion des femmes au trône eût entraîné le danger
de voir la couronne de France passer par mariage
aux mains d'un étranger. Philippe V fut donc re-
connu roi sans contestation.
Il mourut sans enfant mâle en 1322, et eut pour
successeur son frère Charles IV * le Bel, qui ne
laissa pas non plus de postérité masculine.
A la mort de Charles IV (1328), il ne restait de
la descendance directe de Philippe le Bel que des
femmes. Les filles de Philippe V et de Charles IV
n'élevèrent pas de prétentions à la couronne ; mais
deux autres princesses aspiraient à recueillir l'hé-
ritage de la dj'nastie capétienne. C'étaient d'une
part Jeanne, la fille do Louis le Hutin ; d'autre
part, une fille de Philippe IV, Isabelle, devenue
reine d'Angleterre par son mariage avec Edouard II.
La loi salique fut invoquée de nouveau, et ce fut
un neveu de Philippe l- Bel, Philippe VI de Valois,
qui monta sur le trône (V. à l'article Capétiens le
tableau généalogique). Il dédommagea la fille de
Louis X en lui cédant la Navarre ; quant à la
reine d'Angleterre, qui réclamait au nom de son
fils Edouard III, ses droits, si elle en avait, ne
pouvaient venir qu'après ceux de Jeanne, qui re-
présentait la branche aînée. Aussi Edouard III pa-
rut-il renoncer à toute prétention ; il vint même
rendre hommage à Philippe de Valois pour la
Guyenne, fief anglais qui relevait de la couronne
de FranC'3.
Telle était la situation au moment où éclata la
querelle qui donna naissance à la guerre de Cent
Ans.
Causes de la guerre. Affaires de Flandre et de
Bretagne. — Los puissantes communes flamandes
avaient chassé leur comte, Louis de Nevers. Ce-
lui-ci, vassal du roi de France, réclama l'appui de
Philippe VI, qui battit les Flamands à Cassel (13-S).
Bientôt après, le roi d'Ecosse David Bruce, allié
de la France, ayant été chassé par son rival Balliol
avec l'aide des Anglais, Philippe, à titre de repré-
sailles, obligea les Flamands à chasser tous les
marchands anglais. Edouard III répliqua par l'in-
terdiction d'exporter en Flandre les laines d'An-
gleterre (1336). Cette mesure devait ruiner l'in-
dustrie des Flamands ; aussi se soulevèrent-ils à
la voix de Jacques Artevelt, le grand patriote de
Gand, chassèrent de nouveau leur comte, et enga-
gèrent Edouard III à faire valoir ses droits à la
couronne de France, leur intérêt étant de l'avoir
pour suzerain plutôt que Philippe de Valois.
Edouard hésita longtemps ; enfin il passa la mer,
fit sanctionner ses prétentions à la couronne de
France par l'empereur Louis de Bavière, à la diète
de Coblentz (1338), puis commença à guerroyer
contre Philippe de Valois. Une flotte de 140 vais-
seaux castillans et génois, à la solde de la France,
fut détruite par Edouard à l'Écluse (1340) ; mais
bientôt le vainqueur, abandonné par ses alliés de
Flandre et d'Allemagne, dut conclure une trêve de
deux ans.
Sur ces entrefaites, une guerre éclata en Bre-
tagne entre deux prétendants à la succession de
ce duché, Charles de Blois et Jean de Montfort.
Philippe VI se prononça en faveur de Charles de
Blois, dont le rival demanda l'appui des Anglais.
Ce fut une occasion pour Edouard de recommencer
la lutte; à l'expiration de la trêve, il fit une des-
cente en Bretagne; mais l'intervention du pape
amena une nouvelle suspension des hostilités
(1344).
Bataille de Crécy. — L'exécution de quinze che-
valiers bretons accusés d'intelligence avec l'Angle-
terre, et que Philippe de Valois fit saisir en trahi-
son et décapiter, mit de nouveau la Bretagne en
feu. Edouard III reprit les armes et passa en France.
Il s'avança jusque près de Paris, en ravageant tout
sur son passage ; puis, forcé de reculer, il attendit
à Crécy l'armée de Philippe de Valois qui le ser-
rait de près. La position d'Edouard était difficile ;
il avait trois fois moins de troupes que son ad-
versaire. La brillante chevalerie française se croyait
sûre de la victoire ; son indiscipline la perdit.
« Le roi ni les maréchaux ne pouvaient être
maîtres de leurs gens, car il y avait si grand
nombre de grands seigneurs, que chacun voulait
là montrer sa puissance ; et ils chevauchèrent en
cet état, sans arroi et sans ordonnance, si avant
qu'ils approchèrent leurs ennemis. » (Froissart.)
L'armée anglaise était presque entièrement com-
posée d'infanterie ; elle soutint sans broncher le
choc des chevaliers, qu'elle mit en déroute après
on avoir fait un gia'id massacre. La vaillance féo-
dale s'était brisée contre la discipline de la milice
à pied (1346).
La victoire de Crécy permit à Edouard III de
mettre le siège devant Calais, la clef de la France.
Prise de Calais. — Les habitants de Calais se
défendirent héroïquement pendant onze mois, sans
que Philippe de Valois, que le désastre de Crécy
avait profondément abattu, osât essayer de les se-
courir. La famine les contraignit enfin de se rendre.
Edouard voulait les mettre tous à mort; ses barons
intercédèrent en faveur des malheureux assiégés.
« Eh bien, seigneurs, dit le roi, je ne veux mie
être seul contre vous tous. Allez dire au capitaine
de Calais qu'il me livre six des plus notables bour-
geois de la ville ; qu'ils viennent la tête nue, les
pieds déchaussés, la hart au cou, les clefs de la
ville et du château dans leurs mains : je ferai d'eux.
à ma volonté, je prendrai le reste à merci. »
Le gouverneur de Calais réunit les bourgeois,
leur fait part de la volonté du roi d'Angleterre. Un
morne silence règne d'abord dans l'assemblée ;
|)uis un bourgeois notable, Eustache de Saint-
Pierre, prenant l'initiative d'un sublime dévoue-
ment, parle en ces termes : « Seigneurs grands et
petits, grand pitié et grand meschef serait de lais-
ser mourir un tel peuple qui ci est, par famine ou
autrement, quand on y peut trouver aucun moyen ;
et serait grand aumône et grand grâce envers Notre
Seigneur qui de tel meschef les pourrait garder.
J'ai si grande espérance d'avoir pardon de Notre
Seigneur, si je meurs pour ce peuple sauver, que
veux être le premier et me mettrai volontiers en
GUERRES
— 921 —
GUERRES
chemise, à nu chef et la hart au cou, en la Lisrci
du roi d'Angleterre. »
Le généreux exemple d"Eustache de Saint-Pierre
trouve aussitôt des imitateurs. Jean d' Aires, Jac-
ques et Pierre de Wissant déclarent qu'ils se
joindront à messire Eustache. Les deux derniers
bourgeois nécessaires pour compléter le total des
six victimes expiatrices furent désignés par le sort
parmi plus de cent candidats qui briguaient Tlion-
neur d'être choisis.
Quand les six bourgeois furent arrivés au camp
ansilais, Edouard ordonna de les mettre à mort sur-
lu-champ, « car moult haïssait les habitants de
Calais, pour les grands dommages et contraires
qu'au temps passé sur mer lui avaient fait. » Quel-
ques seigneurs voulurent intercéder; il leur im-
posa silence « en grinçant des dents. » La reine
d'Angleterre, qui se trouvait dans le camp, émue
de ce spectacle, demanda à son tour la grâce des
prisonniers, en se jetant aux genoux de son mari.
« Le roi attendit un petit ;\ parler, et regarda la
bonne dame sa femme, qui plorait à genoux moult
tendrement. Si lui amollia le cœur, et si dit :
« Ah ! dame, j'aimerais trop mieux que vous fus-
« siez autre part que ci. . . Tenez, je vous les donne ;
« si en faites votre plaisir. » La bonne dame dit :
« Mon seigneur, très grand merci. »
» Lors se leva la reine, et fit lever les six bour-
geois, et leur ôta les cordes d'entour leur cou, et
les emmena avec elle dans sa chambre, et les fit
revêtir et donner à dîner à tout aise ; et puis donna
à chacun six nobles (pièces d'or), et les fit con-
duire hors du camp à sûreté. » (Froissart.)
La clémence d'Edouard III s'arrêta là. La popu-
lation de Calais eut la vie sauve, mais elle dut éva-
.cuer la ville, où fut établie une colonie anglaise.
Fin du règne de Philippe VI. — Une trêve fut
conclue la même année : mais la France n'en jouit
guère : elle fut désolée par la peste noire, qui ra-
vagea la plus grande partie de l'Europe (1348). La
mauvaise administration de Philippe accrut encore
les maux de la guerre et de la contagion ; pour sub-
venir à ses folles dépenses, il altéra plusieurs fois
les monnaies, et établit à perpétuité l'impôt du sel
ou gabelle, si odieux au peuple. Il mourut en 1-350,
après avoir fait l'acquisition du Dauphinc ; le titre
de dauphin fut depuis lors porté par les fils aînés
des rois de France.
Jean le Bon. Hataille de Poitiers. — Le fils et
successeur de Philippe, Jean II, fut surnommé /e
toi par des courtisans qui regardaient la prodiga-
lité comme la première vertu d'un roi. Il se montra
cruel, orgueilleux et incapable comm^ son père. Il
débuta par l'assassinat du comte d'Eu, connétable
de France, et par l'emprisonnement de Charles de
Navarre, fils de Jeanne et petit-fils de Louis le Hutin,
qu'il fit traîtreusement enlever à la table même du
dauphin son fils, parce qu'il se défiait de lui. Les
partisans de Charles de Navarre appelèrent les An-
glais. Le Prince Noir, fils aîné d'Edouard III, partit
de la Guj'enne avec une armée, et s'avança vers
la Loire. Jean marcha à sa rencontre, et le cerna
près de Poitiers. Le roi de France avait cinquante
mille hommes, le Prince Noir n'en avait que huit
mille ; les Anglais paraissaient perdus. Le Prince
Noir essaya de négncier ; il offrit de rendre ses
conquêtes et ses prisonniers, s'engageant en outre
à ne pas porter les armes contre la France pendant
sept ans. Jean refusa; il voulait une victoire pour
laver la honte de Crécy, et engagea le combat. Mais
la chevalerie française ne s'était pas corrigée des
défauts qui avaient amené sa défaite dix ans aupa-
ravant ; elle était restée indisciplinée, imprévoyante
et présomptueuse. Malgré sa bravoure, l'armée de
Jean se fit battre à plate couture ; le roi fut fait
prisonnier avec plusieurs milliers de chevaliers :
le nombre des captifs était plus grand que celui
des vainqueurs. Le Prince Noir traita son adver-
saire vaincu avec la plus chevaleresque courtoisie,
et l'envoya à Londres.
Etats généraux de 1357. Etieiine Marcel. La Jac
querie. — La royauté et la noblesse s'étaient mon-
trées incapables, non seulement d'administrer l'E-
tat, mais même de le défendre contre l'étranger;
c'était maintenant au peuple à sauver la France.
Les Etats Généraux, convoqués par le dauphin
Charles, qui avait pris la régence, exigèrent le
renvoi des ministres du roi Jean, la mise en liberté
de Charles de Navarre, illégalement détenu, de
nombreuses réformes dans l'administration, et la
création d'un conseil de régence, composé de trente-
six commissaires nommés par les Etats et choisis
en nombre égal dans les trois ordres. Le dauphin
parut céder : il publia la grande Ordonnance de
ré/ormation de mars 1357, qui établissait le régime
de la monarchie constitutionnelle, en remettant
toute l'autorité réelle aux mains des Etats Géné-
raux, dont le roi ne ferait plus qu'exécuter la vo-
lonté. L'auteur principal de cette hardie tentative
de révolution démocratique était Etienne Marcel,
prévôt des marchands de Paris, l'orateur le plus
écouté des Etats. Mais cet essai de gouvernement
de la nation par la nation était prématuré : la bour-
geoisie des villes n'était pas encore assez forte
pour tenir tête à elle seule à la royauté et à l'aris-
tocratie, et le peuple des campagnes, sans l'appui
duquel les bourgeois devaient succomber, n'était
pas né à la vie politique.
Le dauphin était résolu à ne pas tenir sa parole ;
il rassembla des troupes, intrigua pour diviser le
parti de Marcel, et se crut bientôt assez fort pour
résister ouvertement au Conseil des trente-six ; il
publia quatre ordonnances qui altéraient de nou-
veau les monnaies. Les Parisiens, qui s'étaient or-
ganisés en milice portant un chaperon rouge et bleu
comme signe de reconnaissance, s'insurgèrent con-
tre ce manque de foi ; l'hôtel du dauphin fut en-
vahi, deux de ses ministres tués sous ses j'eux ; le
dauphin se jeta aux genoux de Marcel, lui demanda
la vie, et promit obéissance aux décisions des com-
missaires des Etats (22 février 1358j. Quelques se-
maines après, il s'enfuit de Paris, se retira à Meaux,
y rassembla une armée, et par ses intrigues par-
vint à diviser les Etats Généraux ; la noblesse se
rapprocha de lui, et mit à prix la tête de Marcel.
L'astucieux Charles de Navarre, sorti de prison,^
était à la tête d'un troisième parti : espérant profi-
ter de la crise pour arriver au trône de France, au-
quel il prétendait avoir plus de droit que les Valois,
il s'alliait tantôt aux Parisiens, tantôt à leurs adver-
saires.
A ce moment, les paysans des envii-ons de Paris
et du nord de la France se soulevèrent contre leurs
seigneurs. L'existence du malheureux peuple des
campagnes était intolérable. « Les nobles, faits
prisonniers à Poitiers et renvoyés sur parole, près
suraient cruellement leurs vassaux pour payer
leur rançon. Des compagnies d'aventuriers anglais
navarrais, brabançons, pillaient les routes et les
campagnes, brûlaient les chaumières, torturaient
les paysans. Des barons se mettaient à la tête de
ces brigands. Les paysans se réfugiaient dans les
villes, dans les îles des fleuves, dans les souter-
rains qui existent encore et où ils s'entassaient
avec leurs outils et leurs bestiaux. » (Lavallee.) Jac-
ques Bonhomme, après des siècles d'inerte rési-
gnation, se redressa tout à coup : ses représailles
furent terribles. Cent mille paysans brûlèrent les
châteaux et massacrèrent les nobles (mai 1 358). Mais
à peine armés et sans organisation, ils ne purent
résister aux forces du dauphin et du roi de Na-
varre, qui s'unirent contre eux ; ils furent écrasés
et impitoyablement exterminés ; il ne resta de la
Jacquerie que des ruines fumantes et des campa-
gnes dépeuplées.
Les bourgeois de Paris avaient fait un moment
GUERRES
— 922
GUERRES
cause commune avec les paysans révoltés. Quand
ceux-ci furent vaincus, Marcel et son parti se trou-
vèrent isolés, hors d'état de tenir tôte au daupliin,
qui bloquait la capitale. Dans cet embarras, Marcel
négocia avec Charles de Xavarre, lui offrant la cou-
ronne en échange de son alliance. Mais avant que
le Navarrais eiit pu pénétrer dans Paris, Marcel fut
tué par des partisans du dauphin (.30 juillet 1-358).
Trois jours après, Paris était livré aux troupes
royales. « Tous les magistrats, les amis de Marcel,
les partisans de la liberté, périrent sur l'échafaad ;
un grand nombre d'autres furent proscrits ou dé-
pouillés de leurs biens. Le dauphin abolit toutes les
ordonnances rendues sous l'influence des Etats,
rétablit ses conseillers, donna tous les offices à ses
-créatures, et rendit enfin le pouvoir loyal plus
absolu qu'avant le mouvement. » (Lavallée.)
Traité de Irrétigny. — Le roi Jean avait d'abord
négocié une trêve de deux ans avec les Anglais: en
1359, las de sa captivité, il signa à Londres un traité
•qui livrait à l'Angleterre la moitié de la France.
Cette honteuse convention fut rejetée par les Etats
Généraux; alors Edouard 111 débarqua à Calais et
marcha sur Paris. Le dauphin n'essaj'a aucune ré-
sistance ; mais les Anglais, décimés par la maladie
■€t manquant de vivres, se découragèrent bientôt,
et un traité de paix définitif fut conclu à Bréiigny.
Edouard III renonçait à toute prétention à la cou-
ronne de France ; en revanclie il recevait en sou-
veraineté directe le Poitou, la Saintonge, l'Aunis,
l'Angoumois, le Limousin, le Périgord, le Quercy,
le Rouergue, l'Agénois, le Bigorre, le Ponthieu,
Calais, Guine, Montreuil. Jean recou^Tait la liberté
moyennant une rançon de trois millions d'écus
{136n).
Malgré la paix conclue entre les souverains, les
populations continuèrent à souffi-ir tous les maux
de la guerre. Des bandes de soudards, les grandes
compagnies, pillaient les provinces, et le paiement
de la rançon du roi épuisa les dernières ressources
du pays. Jean mourut en i:'.64 à Londres, où il était
retourné se constituer prisonnier en remplacement
de son fils le duc d'.\njou, qui, remis en otage aux
Anglais, s'était évadé. Un an avant sa mort, il avait
donné en apanage à son quatrième fils Philippe le
duché de Bourgogne, vacant par l'extinction de la
maison qui l'avait possédé jusqu'alors.
2' PÉRIODE (1364-1380). — Règne de Charles V.
Duguesdin et les grandes companmes. — Le
dauphin Charles succéda à son père. L'histoire l'ap-
pelle Charles V le Sage, et, politiquement parlant,
il mérita ce nom : autant ses deux prédécesseurs
•avaient montré d'impéritie brutale, autant il fit
preuve d'habileté, d'entente des affaires, de dissi-
mulation et de ruse. Il était venu à bout, par la
diplomatie et la trahison, du mouvement démocra-
tique de 1357 ; il lui restait à se débarrasser des
bandes armées qui rendaient impossible une admi-
nistration régulière du royaume, et à resagner sur
les Anglais les territoires que le traité de Brétigny
leur avait cédés.
Mais Charles V n'était pas un prince guerrier ; il
lui fallait un homme d'épée qu'il pût mettre à la
tète de ses armées. Il le trouva : ce fut le soldat
de fortune Bertrand Du Guesclin, chevalier breton.
Le premier exploit de Du Guesclin fut une victoire
remportée sur le roi de Navarre, à Cocherel ; Char-
les \ se vit délivré par là du dangereux voisinage
d'un compétiteur au trône.
Le roi de France chargea ensuite son futurconné-
table de débairasser le pays des grandes compagnies
qui l'infestaient. Du Guesclin appela à lui tous ces
larouches aventuriers, et les conduisit en Espagne
faire la guerre au roi de Castille, Pierre le Cruel.
Cliemin faisant, la horde de Du Guesclin rançonna
le pape h. Avignon ; puis elle détrôna le roi castil-
lan, et le remplaça par son frère Henri de Trans-
tamare. Mais le Prince Noir, qui gouvernait la
Guyenne, intervint en faveur de Pierre ; il passa
les Pyrénées avec une armée, et vainquit Henri de
Transtamare à la bataille de Navarete (1367), où
Du Guesclin fut fait prisonnier. Le Prince Noir garda
deux ans le chevalier breton en captivité ; enfin il
lui rendit la liberté moyennant rançon. Aussitôt
, libre, Du Guesclin retourna en Espagne, et avec son
aide, Henri de Transtamare gagna la bataille de
Montiel qui lui rendit la couronne (1369).
La guerre avec les Anglais recommence. — Du-
rant ce temps Charles V s'était préparé à l'action
contre les Anglais. Il avait noué des intelligences
avec les seigneurs français sujets de l'Angleterre,
cherché des alliances, rempli son trésor. Le moment
venu, il profita du mécontentement causé en
Guyenne par les exigences fiscales du Prince Noir;
et accueillant les plaintes des seigneurs gascons
comme s'il eût encore été suzerain de ce pays, il
cita le prince anglais à comparaître devant lui.
« J'irai, répondit le prince Noir, mais ce sera le
bassinet en tête et 60,000 hommes en notre com-
pagnie 5) (1369).
Charles V envoya alors une déclaration de guerre
à Londres ; Edouard III répliqua en reprenant le
titre de roi de France. Le traité de Brétigny était
déchiré.
Il n'y eut pas cette fois de grandes batailles;
Charles recommandait à ses capitaines de les éviter.
La guerre, au lieu de se concentrer en une opéra-
tion stratégique unique, était partout où les Anglais
possédaient un territoire. Les Français eurent gé-
néralement l'avantage; ils reprirent le Ponthieu,
le Quercy, la Picardie ; le Prince Noir, il est vrai,
fit une vigoureuse résistance, et brûla Limoges, que
le duc d'Anjou avait enlevé aux Anglais; mais après
ce dernier succès, il abandonna la partie ; la ma-
ladie l'avait usé avant l'âge ; il se retira en Angle-
terre, où il mourut
Fin du règne de Charles V. — Vainement les
Anglais tentèrent encore trois expéditions contre
la France. Charles V, enfermé dans son hôtel de
Saint-Pol. d'où il voyait la fumée des villages in-
cendiés, laissait faire l'ennemi, qui s'épuisait en
efforts stériles. Puis, lorsqu'il jugeait le moment
favorable, il prenait 1 offensive. Du Guesclin, nommé
connétable, chassa les Anglais de Bretagne et de
presque toute la Guyenne. Il termina sa glorieuse
carrière au siège de Chàteau-Randon, dans les Cé-
vennes. CharlesVmourutdeuxmoisplus tard (1380).
A ce moment, les Anglais ne possédaient plus en
France que cinq villes : Calais, Brest, Cherbourg,
Bordeaux et Bayonne.
Une trêve, signée quelque temps après, mit fin à
cocte seconde période de la guerre de Cent Ans.
3« PÉRIODE (1380-1422,. — Règne de Charles VI.
Mouvements populaires dans les premières an-
nées du règne. Folie du roi. — Charles VI n'avait
que douze ans lorsqu'il succéda à son père. L'é-
tablissement de nouvelles taxes amena, dès la pre-
mière année de son règne, un soulèvement des
villes de la France du Nord. Le jeune roi et ses
oncles durent traiter avec les Parisiens révoltés
(insurrection dite des Maillotins), et promettre le
retrait des nouveaux impôts.
A ce même moment, les communes flamandes
étaient aussi insurgées contre leur comte. Philippe
Artevelt de Gand, fils du tribun populaire Jacques
Artevelt, était à la tête du mouvement. Il y avait
entente entre les communes flamandes et les com-
munes françaises. Charles VI. voyant la royauté
sérieusement menacée, se joignit au comte de
Flandre contre les Gantois et leurs alliés. La ren-
contre décisive eut lieu à Rosebeke : Artevelt fut
tué, et les Flamands essuyèrent une déroute com-
plète (138"2). Cette victoire sauva la royauté et la
noblesse ; car si les Flamands eussent eu le Hes--
GUERRES
— 923 —
GUERRES
sus à Rosebeke, Paris, Rouen, Beauvaisj, Reims,
Troyes, Orléans se fassent aussitôt soulevés : « si
le roi de France eût été déconfit en Flandre, on
peut bien croire que toute noblesse et gentillesse
eût été perdue en France et autant bien aux au-
tres pajs. » (Froissart.) Le roi victorieux rentra k
Paris en maître, et punit les villes françaises de
leurs velléités d'indépendance en leur enlevant
leurs institutions municipales, et en envoyant au
supplice les bourgeois les plus notables.
Durant les années suivantes, la guerre avec l'An-
gleterre recommença à plusieurs reprises, mais
sans amener d'événements importants. Un projet
de descente en Angleterre fit faire d'immenses
préparatifs (1386), puis fut abandonné. En IS&'s,
sous l'influence de sages ministres, Charles VI
conclut avec les Anglais une trêve de trois ans.
On sait comment Charles perdit subitement la
raison, en traversant la forêt du Mans à la tête de
son armée, qu'il conduisait contre le duc de Breta-
gne (1392). Il n'eut plus que de rares moments de
lucidité, et le gouvernement tomba aux mains de
son oncle le duc Philippe de Bourgogne.
En 1395, une nouvelle trêve de vingt-huit ans fut
conclue avec l'Angleterre. Richard II, fils du
Prince Noir, avait succédé à Edouard III en 1377 ;
il épousa une fille de Charles VI, et il sembla que
la longue lutte entre les deux nations rivales était
enfin terminée.
Armagnacs et Bourguignons. — Philippe de
Bourgogne étant mort (1404), Louis d'Orléansj frère
du roi, s'empara du gouvernement; il excita un mé-
contentement général par les taxes exorbitantes qu'il
imposa au peuple. Le fils de Philippe de Bourgo-
gne, Jean-sans-Peur, épousa la cause populaire.
Une lutte de trois ans s'engagea entre les deux ri-
vaux. Ils parurent enfin se réconcilier ; mais le duc
de Bourgogne voulait le pouvoir pour lui seul, et
fit assassiner Louis d'Orléans (li07). Les Parisiens,
qui haïssaient ce prince, applaudirent, et Jean
resta maître du gouvernement. Il rendit à Paris
ses libertés communales, et chercha aussi à se
concilier l'amitié des Flamands, devenus sujets des
ducs de Bourgogne depuis I3s4.
En face du parti bourguignon ou populaire, il se
forma un parti aristocratique dirigé par le comte
d'Armagnac, un des plus puissants seigneurs du
Midi. Les Armagnacs s'avancèrent contre Paris, ra-
vageant les campagnes; Jean leur résista, appuyé
sur les Flamands. Les deux partis se disputèrent
l'alliance des Anglais : ce furent les Bourguignons
qui l'obtinrent. A Paris, la corporation des bou-
chers était à la tête du parti bourguignon ; elle
avait pour chef principal Jean Caboche; de là le
nom de faction des Cabochiens qui lui fut donné.
Pendant quelques mois, les bouchers furent les
maîtres de Paris. Si leur domination fut brutale,
elle eut un bon côté : VOrdonnance cabocldenne
de 1413, rédigée par les bourgeois parisiens avec
le concours de l'Université, édicta de sages ré-
formes dans l'administration du royaume. Mais
ia division s'étant mise parmi les Parisiens, les
Armagnacs en profitèrent pour rentrer dans la
capitale. Le duc Jeaa, qui s'était montré incapable
de gouverner, s'enfuit en Flandre, et Paris, traité
en ville conquise, subit une dure répression. L'or-
donnance cabochienne fut cassée.
Les Lancastre. Reprise de la Guerre de Cent
Ans. Azincourt. — Pendant que ces choses se pas-
saient en France, l'Angleterre avait subi un chan-
gement de dynastie : Richard II avait été renversé
du trône en 1399 par son cousin Henri IV de Lan-
castre. Le fils de celui-ci, Henri V, devenu roi
en 1413, résolut de profiter des troubles qui agi-
taient la France, pour recouvrer les conquêtes d'E-
douard III. Il demanda l'exécution du traité de
Brétigny, avec la main de Catherine, fille de Char-
les VI. Les Armagnacs refusèrent au nom du roi ; |
Henri V débarqua alors en France avec une ar-
mée. La noblesse française s'avança à la rencontre
des Anglais, sûre de la victoire ; son outrecui-
dance et sa témérité n'aboutit qu'à renouveler les
désastres de Crécy et de Poitiers : les 120,000 hom-
mes d'Henri V mirent en déroute à Azincourt la
superbe armée des Armagnacs, quatre fois supé-
rieure en nombre (1415). Toutefois le roi d'An-
gleterre ne se sentit pas assez fort pour continuer
sa marche en avant, et repassa le détroit.
Assassiiiat de Jean-suns-Peur et traité de Troyes.
— La défaite d'Azincourt avait rendu le parti ar-
magnac plus odieux encore à ses adversaires ; mais
soutenue par le dauphin, cette faction n'en resta
pas moins maîtresse de Paris, où elle exerça une
tyrannie intolérable. Jean-sans-Peur, qui depuis ies
événements de 1413 s'était tenu à l'écart, et qui
n'avait pas paru à Azincourt, s'allia alors avec la
reine Isabeau de Bavière, ennemie des Armagnacs:
une conspiration ouvrit les portes de Paris aux
Bourguignons, trois mille Armagnacs furent mas-
sacrés ; le dauphin Charles se sauva, tandis que
Jean et la reine Isabeau faisaient une entrée triom-
phale dans la capitale (1418).
Cependant Henri V avait débarqué en France
une seconde fois, et pris Rouen. Le danger com-
mun parut rapprocher le duc de Bourgogne et le
dauphin : Jean-sans-Peur se rendit à une entrevue
que ce dernier lui avait demandée, à Montereau;
mais il y fut assassiné (1419).
Ce meurtre, loin de servir la cause du dauphin,
lui aliéna la plus grande panie de la France. Le
nouveau duc de Bourgogne, Philippe le Bon, s'allia
aux Anglais pour venger son père ; les Parisiens,
de leur côté, disaient : « Plutôt les Anglais que les
Armagnacs. » Isabeau et Philippe de Bourgogne
négocièrent, au nom de l'insensé Charles VI, le
traité de Troyes, qui fut solennellement ratifié par
les États Généraux (1420). Ce traité laissait à Char-
les VI le titre de roi de France; à la mort de ce
monarque, Henri V devait lui succéder, à titre
d'époux de Catherine ; l'Angleterre et la France
seraient ainsi unies sous le même roi, mais cha-
que pays garderait ses institutions nationales.
Quant au dauphin exclu du trône, les deux parties
contractantes s'engageaient à continuer la guerre
contre lui.
Le midi de la France ne reconnut pas ce traité ;
mais le Nord, et surtout Paris, salua la paix avec
enthousiasme, et accepta sans répugnance la pers-
pective de voir un jour Henri V, prince sage et li-
béral, remplacer sur le trône de France la triste
dynastie des Valois.
Pourtant la lutte était loin d'être finie ; elle al-
lait continuer en changeant de caractère.
Le dauphin, autrefois méprisé, se trouva de-
venu, contre les Anglais, le représentant de l'indé-
pendance nationale ; et le parti armagnac, qui n'a-
vait été jusqu'alors qu'une faction aristocratique,
devint peu à peu le parti français.
Avènement d'Henri VI et de Charles VII. —
Henri V avait continué une guerre d'escarmouches
contre le dauphin, qui s'était retiré au midi de la
Loire. Mais moins de deux ans après le traité de
Troyes, une maladie emporta brusquement le roi
d'Angleterre, qui ne laissa pour héritier qu'un fils
au berceau. Le malheureux Charles VI suivit son
gendre dans la tombe quelques mois plus tard, et
alors s'exécuta la clause du traité de Troyes qui
déshéritait le dauphin : le fils d'Henri V fut solen-
nellement proclamé roi de France et d'Angleterre
à Paris même, sous le nom d'Henri VI. Le dauphin
(Charles VII) n'en prit pas moins le titre de roi de
France, tandis que ses adversaires l'appelèrent par
dérision le roi de Bourges (1422).
IV* PÉRIODE (1Î22-1436). — Règne de Charles VII.
Progrès des Anglais. Siège d'Orléans. — Les
GUERRES
— 924 —
GUERRES
années 1422 à 1428 sont remplies par une série de
guerres locales, de combats partiels qui enlèvent
successivement à Charles VII presque tout ce qu'il
possédait encore au nord de la Loire. Lui, retire
dans ses châteaux, ne s'occupait que de ses plai-
sirs ; « jamais on n'avait vu perdre plus gaiement
un royaume », disait La Hire, un de ses capitaines.
Les Anglais, au contraire, avaient un chef habile,
le duc de Bedford, oncle de leur jeune roi, chargé
de la régence pendant la minorité de Henri VI.
Enfin le comte de Salisbury vint assiéger Or-
léans, dont la prise eût ouvert aux Anglais le che-
min du Midi (14"J8). Un si pressant danger réveilla
le sentiment de solidarité nationale dans les provin-
ces non encore conquises : La Rochelle, Angers,
Tours, Poitiers, Bourges, le Bourbonnais, l'Auver-
gne, le Languedoc envoyèrent des secours aux Or-
léanais. Mais la déplorable ./oM?'?2ee des Hnreng^, où
les plus illustres dievaliers de Charles VII sont mis
en déroute par une poignée d'Anglais, enlève
tout espoir aux assiégés : ils négocient en vue
d'uTie capitulation.
Jeanne d'Arc. — A ce moment suprême paraît
celle qui devait sauver la France. En Jeanne d'Arc *
s'incarne un sentiment nouveau, le sentiment de
la patrie ; la guerre, féodale jusqu'ici, va devenir
une guerre nationale. La pieuse et vaillante
paysanne de Vaucouleurs se rend à la cour de
Charles VII, qu'elle décide à lui confier le comman-
dement d'une petite troupe. Elle entre dans Or-
léans, en fait lever le siège (14"2ïi)5 conduit Charles
VII à Reims et l'y fait sacrer : puis, regardant sa
mission comme achevée, elle veut retourner dans
son village. Mais on refuse de la laisser partir ; l'en-
thousiasme excité par l'héroïne se répand dans
toute la France. Jeanne se résigne à rester. L'année
suivante, elle est prise à Compiègne par les Bour-
guignons, et livrée aux Anglais qui la brûlent à
Rouen le 30 mai I43I (V. Jeanne d'Arc).
Fin de la guerre. — La mort de Jeanne ne ser-
vit pas la cause anglaise. L'élan national était
donné désormais, et le duc de Bedford n'essuya
plus que des revers. Philippe de Bourgogne se
rapprocha de Charles Vll^ et enfin les Anglais,
sentant le terrain leur manquer, consentirent à né-
gocier. Un congrès se réunit à Arras ( 1 43.J) , mais les
Anglais ayant refusé de consentir à ce qu'Henri VI
renonçât à la couronne de France, les négocia-
tions écliouèrent. En revanche, le duc de Bourgo-
gne fit définitivement la paix avec le roi Charles ;
et bientôt les Parisiens, las de la domination an-
glaise, devenue très dure, ouvrirent leurs portes
aux troupes royales, qui y entrèrent le 13 avril 143G.
Cet événement décisif marque la fin de la guerre
de Cent Ans.
Les Anglais possédaient encore la Normandie et
la Guyenne. Ces deux provinces leur furent enle-
vées quuize ans plus tard, et ils ne gardèrent plus
en France que Calais.
Guerre des Hussites. — Histoire générale ,
XX, XXVII. — Quand la Bohême eut appris le
supplice de Jean Huss (1415), elle se souleva. La
diète, réunie à Prague, adressa au concile de Con-
stance une protestation menaçante ; les nobles si-
gnèrent une ligue d'alliance offensive et défensive,
et les prêtres catholiques furent partout chassés.
Les hussites ou partisans de Jean Huss se divisaient
en modérés, appelés calixtlns ou ulraqnistes, qui
se bornaient à réclamer la communion sous le.s
deux espèces; et en radicaux, qui rejetaient en
religion toute autorité autre que celle de l'Evan-
gile, et qui en politique voulaient la république.
Ces derniers, sous la conduite de JeanZiska (c'est-
à-dire le Borgne), prirent pour centre de rallie-
ment la forteresse de Tabor, d'oîi le nom de Ta-
borites qui leur fut donné.
^ Lorsque mourut le roiWenceslas (1419\son frère
l'empereur Sigismond voulut prendre la couronne
de Bohème : mais les hussites refusèrent de le re-
connaître pour roi, et Ziska s'empara de Prague.
Ce fut en vain que Sigismond marcha à plusieurs
reprises contre la Bohême avec des armées formi-
dables, en vain que les légats du pape prêchèrent
la croisade contre les hussites : Ziska semblait
invincible; et quoiqu'il eût perdu son dernier œil
au siège de Raby, il continuait à mener ses trou-
pes au combat avec la môme ardeur. Née d'une
querelle religieuse, la lutte avait pris le caractère
d'une guerre de races : les Slaves de la Bohême
voulaient se soustraire à la domination allemande;
ils cherchèrent et trouvèrent des alliés en Pologne
et en Lithuanie.
Ziska mourut en 1424 ; il eut pour successeurs
les deux Procope, dont le plus célèbre fut Pro-
cope le Grand ou le Rasé, ancien prêtre devenu
homme de guerre. Sous la conduite des Procope.
les bandes bohémiennes, au lieu de se borner à
la défensive, allèrent porter la g\xerre chez leurs
ennemis, et ravagèrent à plusieurs reprises l'Au-
triche, la Saxe, la Franconie, la Silésie.
Bientôt les hussites furent la terreur de l'Alle-
magne ; aussi, lorsqu'un nouveau concile se réunit
à Bàle, et que les députés de la Bohême s'y pré-
sentèrent, les reçut-on avec de grandes marques de
déférence (14?.3). Le concile, pour terminer la
guerre, accorda aux Bohémiens la communion
sous les deux espèces ; et alors la discorde se mit
entre les utraquistes et les taborites. Les premiers
se déclarèrent satisfaits des concessions du concile,
les seconds continuèrent à repousser Sigismond.
Bientôt les deux partis en vinrent aux mains : les
taborites furent complètement défaits à Lipan par
les utraquistes unis aux catholiques, et les deux
Procope périrent dans le combat (1434). Ainsi se
termina la guerre des hussites; et Sigismond,
ayant souscrit aux conditions que lui offraient les
utraquistes, fut reconnu roi de Bohême. Il ne resta
des redoutables taborites qu'une secte pacifique,
les Frères bohèmes ou Frères moraves.
Guerre des Deux Roses. — Histoire générale,
XX, XXVIII. — Nom donné à une guerre civile
d'Angleterre dans laquelle les deux familles d'York
et de Lancastre luttèrent pour la possession du
trône.
Origine. — Edouard III, en mourant (1377), avait
laissé la couronne à son petit-fils Richard II, fils
lIu Prince Noir. Ce dernier avait trois frères, les
ducs Lionel de Clarence, Jean de Lancastre et
Edmond d'York. Le premier ne laissa pour héri-
tière qu'une fille. Philippine de Clarence, qui
épousa Edmond Mortimer, comte de la Marche. De
ce mariage naquit Roger Mortimer, que Richard
II reconnut, en 1385, comme héritier présomptif
du trône, au cas où lui-même mourrait sans posté-
rité. RiclKird ayant été détrôné et, dit-on, assas-
siné par son cousin Henri de Lancastre (fils de Jean
de Lancastre}, en 1399, celui-ci se fit proclamer
roi sous le nom de Henri IV, au détriment de
Roger Mortimer. C'est cette spoliation qui engen-
dra la guerre civile, qui n'éclata que cinquante ans
plus tard. Anne Mortimer, fille de Roger, épousa
Richard d'York, fils d'Edmond d'York et petit-fils
d'Edouard III, et transmit ainsi à la maison d'York
les droits de la branche de Clarence.
Causes immédiates. — Henri VI, petit-fils de
Henri IV de Lancastre, était un prince maladif,
faible d'esprit, presque stupide, à qui le comte de
Suffolk, son favori, avait fait épouser Marguerite
d'Anjou, fille du roi René de Provence. Ce mariage
s'était fait contre la volonté du duc de Glocester,
oncle d'denri VI, qui destinait à son neveu la fiila
du duc d'Armagnac. Marguerite, jeune, ardente,
remplie d'énergie, d'intelligence et d'ambition, ne
pardonna jamais à Glocester de s'être opposé îi
son élévation. Elle se fit un parti puissant et dé-
voué et parvint à faire accuser Glocester de trahi-
GUERRES
— 923 —
GUERRES
son. Ce prince fut arrêté, et on le trouva mort dans
sa prison, le jour même où il devait passer en ju-
gement. Le duc Richard d'York, fils d'Anne Mor-
timer, profita de l'indignation générale que souleva
ce crime, et de l'impopularité qui accablait Henri
VI, dont l'incapacité avait fait perdre aux Anglais
toutes leurs provinces de France, pour réclamer
les droits qu'il tenait de sa mère. Il eut pour
l'aider dans sa revendication son beau-frère et son
neveu, les deux hommes les plus remarquables de
l'époque : le comte de Salisbury et son fils aîné,
Richard de Warwick, à qui l'histoire a donné le
nom de faiseur de Rois. C'est ainsi qu'éclata cette
guerre terrible qui occasionna douze batailles ran-
gées, fit périr un million d'hommes, coûta la vie
à quatre-vingts princes du sang et dévora la plus
grande partie de l'ancienne noblesse d'Angleterre.
Le parti d'York avait pour emblème une rose Ikm-
che, celui de Lancastre une l'Ose rouge; de là le
nom de Guerre des Deux Roses donné à cette lutte
sanglante.
Evénements principaux. — Le duc d'York était
gouverneur d'Irlande, lorsque éclatèrent les pre-
miers troubles; malgré la défense du roi, il revint
en Angleterre et donna le signal de la révolte.
Aidé de Warwick, il vainquit les troupes rojales
àSaint-Albans (1-455), s'empara delà personne du
roi, et se fit proclamer protecteur du royaume;
mais, timide et indécis, il ne profita pas de sa
victoire et laissa Maiguerite ressaisir le pouvoir.
Il reprit les armes et, après un premier succès,
fut vaincu. Mais grâce à Warwick, qui sut lui re-
constituer une armée, il fut de nouveau vainqueur
à Norlhampton (1460), fit une seconde fois le roi
prisonnier, et reprit son titre de protecteur avec
promesse de la couronne à la mon du roi.
Marguerite, dont l'énergie redoublait avec le
malheur, s'était réfugiée dans les comtés du nord
qu'elle souleva. Elle réunit une armée avec la-
quelle elle battit Richard à Wakefield. Le duc
d'York fut tué pendant la lutte et l'un de ses fils
assassiné après le combat. Henri VI recouvra ainsi
la liberté ; mais il vit bientôt se reformer la coali-
tion sous les ordres d'Edouard, fils aîné de Richard
d'York, et de \\'arwick. Le malheureux roi, vaincu
deux lois à Towton (1461) et à Exham (14G4), fut
encore une fois pris, et renfermé dans la tour de
Londres.
Edouard d'York, proclamé roi sous le nom
d'Edouard IV, ne tarda pas à mécontenter beau-
coup de ses sujets, et en particulier Warwick, au-
quel il devait sa couronne. Celui-ci, réfugié à la
cour de Louis XI, se réconcilia avec Marguerite
d'Anjou, à qui le roi de France avait prêté 20 000
écus à condition d'avoir Calais pour gage. Warwick
retourna en Angleterre plus populaire que jamais ; il
battit son cousin Edouard IV à Nottingham (l4"0),
le renversa du trône et rétablit Henri VI. Edouard se
réfugia en Bourgogne, chez son beau-frère Charles
le Téméraire ; mais il ne tarda pas à revenir en
Angleterre où, par un retour de popularité, il eut
bientôt rassemblé une puissante armée ; il rem-
porta la victoire de Barnet (1471), où Warwick fut
tué. Quelques jours après, il battit les troupes de
la reine Marguerite à Towkesbury, et anéantit ainsi
à tout jamais les espérances de la maison de Lan-
castre. Henri VI et Marguerite furent faits prison-
niers ainsi que le jeune prince de Galles leur fils.
Ce dernier fut assassiné quel [ues jours après par
les courtisans d'Edouard, et son père, captif îi la
tour de Londres, ne tarda pas à périr par l'ordre
du vainqueur. Marguerite ne fut mise elle-même
en liberté qu'en i475, sur les instances de
Louis XI.
Les princes de la maison d'York ne devaient
pas longtemps jouir en paix de leur victoire.
Edouard IV mourut en liS'S, laissant deux fils,
Edouard V qui lui succéda, et Richard d'York. Ces
jeunes princes avaient pour tuteur Richard de
Glocester, leur oncle. Celui-ci, après avoir fait
périr par l'assassinat les grands seigneurs pro-
tecteurs de ses neveux, les fit eux-mêmes assas-
siner et s'empara du trône. Il régna deux ans sous
le nom de Richard III ; mais ses ennemis appelèrent
en Angleterre Henri Tudor, comte de Richmond,
qui par les femmes descendait de la maison de
Lancastre. Il vainquit Richard III à la bataille de
Bosworth (14,S,=>).
Richard fut tué dans le combat, et son rival s'em-
para du trône, sur lequel il fit asseoir avec lui Eli-
sabeth d'York, fille aînée d'Edouard IV. Ce mariage,
en unissant les deux familles rivales, mit enfin un
terme à la guerre civile. Ainsi finit la dynastie des
Plantagenets * et commença celle des Tudor *.
fP. Vincent.]
Guerre de Bo\irgogne. — Histoire de France,
XV; Histoire générale, XX et XXXII. — On appelle
ainsi la lutte qui eut lieu entre Charles le
Téméraire, duc de Bourgogne, et les huit cantons
suisses, dans la seconde moitié du quinzième siè-
cle. La guerre, fomentée sous main par Louis XI,
débuta par une invasion des Suisses en Franche-
Comté, où ils battirent à Héricourt une armée bour-
guignonne commandée par Jacques de Savoie
(147^). Le pays de Vaud, qui faisait partie des Etats
de la duchesse de Savoie, alliée de Charles, fut en-
suite mis à feu et à sang par les confédérés (1475).
Le duc de Bourgogne, h la tête d'une nombreuse
armée, franchit alors le Jura pour attaquer les Suis-
ses chez eux ; mais il fut vaincu à Grandçon (mars
1476). Ayant voulu renouveler sa tentative, il subit
une nouvelle défaite à Morat (juin 1476). L'année
suivante, il périt sous les murs de Nancy (V. Char-
les le Téméraire et Suisse).
Le roi Louis XI profila de la mort de son puis-
sant adversaire pour réunir à la couronne de France
la Bourgogne et la Picardie.
Guerre folle. — Histoire de France, XVI. —
Nom donné à une révolte tentée, durant la. mi-
norité de Charles VIII, par le duc d'Orléans et quel-
ques autres seigneurs, avec l'appui de Richard III
d'Angleterre, de Maximilien d'Autriche, et du duc
de Bretagne. La régente Anne de Beaujeu, femme
habile et résolue, lança contre le roi d'Angleterre
un prétendant, le comte de Richmond (Henri VII
Tudor), qui le vainquit à Bosworth ; elle détacha de
la ligue des seigneurs le duc de Lorraine et le
comte d'Angoulème (père de François I"') ; puis elle
envoya dans le midi une armée commandée par le
jeune roi, qui obligea promptemcnt les nobles ré-
voltés de cette région à faire leur soumission.
Maximilien d'Autriche attaque la Picardie ; mais il
est repoussé. Une restait plus à combattre que le duc
de Bretagne. L'armée bretonne, accrue par des ren-
forts autrichiens, anglais et gascons, était comman-
dée par le duc d'Orléans : elle fut vaincue à Saint-
Aubin-du-Cormier (1488), et le duc d'Orléans fait
prisonnier. Cette dernière tentative de la féoda-
lité contre l'autorité royale n'avait abouti qu'à con-
solider définitivement l'œuvre de Louis XI.
Guerres d'Italie. — Histoire de France, XVI-
XVII. — Les guerres par lesquelles les rois de
France essayèrent de conquérir l'ItaUe commencè-
rent sous Charles VllI, et durèrent jusque sous
Henri II. Elles ont été racontées aux articles
Charles VIII, Louis XII, François /" et Henri II.
Nous nous bornons ici à une récapitulation som-
maire.
1° Rè(/ne de Charles VIII. — Charles VIII tenait
de la maison d'Anjou des droits sur le royaume de
Naples. Il passa les Alpes en 1494, entra àNaples
en 1495, puis dut rentrer en France à la hâte
(bataille de Fornoue), en abandonnant sa con-
quête.
•1° Règne de Louis XII. — Louis XII prétendait,
comme petit-fils de Valentine Visconti. à la posses-
GUERRES
— 9i6 —
GUERRES
sion du Milanais. La victoire de Novare le lui donna
lluOO). Il conquit ensuite, de concert avec les Es-
pagnols, le royaume de Naples (1501), qu'il dut
céder à Ferdinand le Catholique par le traité de
Blois (1504j.
Le pape Jules II ayant formé contre Venise la
ligue de Cambrai, Louis XII vainquit en personne
les Vénitiens à Agnadel (1509). Mais Jules II se
retourna ensuite contre la France (Sainte-Ligue),
et malgré la victoire de Gaston de Foix à Ravenne
(1512), l'Italie, après la seconde bataille de Novare
(1513), fut perdue pour nous.
3° Règne du Fravçois I". — François P' regagna
le Milanais par la victoire de Maiignan (15i.'i). Mais
il se trouva bientôt en présence de Charles-Quint,
qui lui disputait l'Italie, et contre lequel il eut à
soutenir quatre guerres.
Première guerre (1521-1526) : Défaite de la
Bicoque (1522), trahison du connétable de Bour-
bon (1523), défaite de Biagrasso et mort de Bayard
(1524), défaite de Pavie et captivité du roi (15-'5),
traité de Madrid (I52C).
Deuxième guerre (1526-1529) : Prise de Rome
par Bourbon qui y est tué (1527), siège de Naples
par Lautrec (1528), défaite de Landriano et perte
définitive du Milanais (1529), paix de Cambrai ou
paix des dames (1529).
Troisième guerre (1536-38) : Invasion de la
Provence par Charles-Quint (1536), trêve de Nice
(1538).
Quatrième guerre (1542-1544) : Bombardement
de Nice par la flotte franco-turque (154<). victoire
de Cerisole (1544), invasion de Charles-Quint en
Champagne et de Henri VIII en Picardie, traité
de Crespy (1544). François I" garde le Piémont,
conquis à Cerisole.
4° Règne d'Henri H. — La guerre entre l'empire
et la France recommença en 1552 ; Henri II s'em-
para des Trois-Evèchés, et le duc de Guise défen-
dit Metz contre Charles-Quint, pendant que la lutte
se renouvelait en Italie, sans autre résultat que la
prise de Sienne, que défendait une armée fran-
çaise, par les Impériaux (1565), et l'occupation mo-
mentanée de la Corse par les Français. Après la
courte trêve de Vaucelles, le duc de Guise essaya
inutilement de conquérir le royaume de Naples
(1557). Les défaites de Saint-Quentin (1557) et de
Gravelines (1559), que ne réparait pas la prise
de Calais (1558), obligèrent la France à traiter : la
paix de Cateau-Cambrésis (1559) mit fin aux guerres
d'Italie.
Guerre des paysans. — Histoire générale ,
XXII, XXVII. — Nom donné à la révolte qui éclata
dans une partie de l'Allemagne en 1525. A plusieurs
reprises déjà, les paysans allemands, durement trai-
tés par leurs seigneurs, avaient essayé de s'insur-
ger ; les prédications des réformateurs religieux
leur fournirent le prétexte d'un nouveau et formi-
dable soulèvement. Les paysans delà Souabe com-
mencèrent par formuler leurs réclamations en douze
articles ; ils demandaient entre autres la diminu-
tion des corvées et des taxes, une justice équitable
pour tous, le retour à la commune des prés et pâtu-
rages occupés par les seigneurs, et appuyaient leurs
demandes de l'autorité de l'Evangile. Luther enga-
gea les princes, par une lettre publique, à se mon-
trer humains envers les paysans, dont certaines ré-
clamations, disait-il, étaient justes ; mais en même
temps il taxait de criminelles les revendications
qui tendaient h l'abolition du servage, et à ce qu'il
appelait « l'absurde doctrine de l'égalité. » Voyant
que les seigneurs ne voulaient rien entendre, les
paysans prirent les armes ; l'insurrection s'étendit
bientôt en Franconie, en Alsace, le long du Rhin;
des villes, et même des chevaliers, firent cause
commune avec les révoltés. Luther alors, se ralliant
complètement au parti des seigneurs, prêcha l'ex-
termination des rebelles. Princes protestants etj
évoques catholiques s'unirent contre l'ennemi com-
mun; les paysans, après avoir brûlé par centaines
châteaux et couvents, furent à leur tour traqués et
massacrés partout. Le théologien Thomas Munzer,
qui mêlait aux revendications politiques et sociales
des paysans des doctrines mystiques, s'était mis à
la tête d'une troupe nombreuse de révoltés. Vaincu
à Frankenhausen, il fut pris, torturé et décapité.
Sa défaite mit fin à l'insurrection.
Guerres de religion. — Histoire de France,
XVIII-XX. — Nom donné dans l'histoire de France
aux guerres civiles qui eurent lieu en France entre
catholiques et protestants dans la seconde moitié
du seizième siècle, et qui se terminèrent par l'édil
de Nantes en 159S.
Causes. — Ces guerres ne furent pas aussi exclu-
sivement causées par la haine que se portaient les
deux partis religieux qu'on est tenté de le croire,
ou mieux qu'on le croit généralement. Catholiques
d'une part, protestants de l'autre n'en sont pasvenus
aux mains uniquement pour assurer la suprématie
à leurs idées religieuses. D'autres causes, et mul-
tiples, ont amené cette lutte épouvantable, mar-
quée par tant d'actes odieux.
Au début de la Réforme, surtout de la Réforme
française que guidait la grande école protestante de
Genève, dont Calvin était l'âme, les protestants
français, avant tout chrétiens, convaincus qu'ils re-
nouvelaient la primitive EgUse, s'étaient donné la
règle suivante : « Accepter le martyre, tendre la
gorge aux bourreaux » ; et ils ajoutaient : « On
vaincra à force de souffrir ». Profonde illusion ! le
christianisme primitif, quoi qu'on ait pu dire, avait
vaincu h l'aide de deux forces : une révolution so-
ciale et l'épée de Constantin.
Longtemps, en effet, les protestants français fu-
rent fidèles à la règle chrétienne. L'exécution de
Berquin, l'exil de Calvin, le massacre des Vaudois,
les Mchers de Meaux sous François 1" ; les persé-
cutions, sous Henri II, pendant lesquelles les hé-
rétiques subirent les supplices les plus horribles,
ne mirent pas les armes aux mains des protestants,
fidèles aux leçons de Calvin qui avait écrit : a Tout
pouvoir vient de Dieu. Les rois sont d'institution
divine Si ceux qui vivent sous des princes
tirent cela à eux pour révolte, ce sera folle spé-
culation et méchante. Bien que ceux qui ont le
glaive soient ennemis de Dieu, il a institué les
royaumes pour que nous vivions paisiblement
dans sa crainte. »
Mais à la mort d'Henri II, la France était pro-
fondément troublée par les divisions des grands.
Les Guises, tout-puissants par la jeune reine, leur
nièce Marie Stuart, voulaient garder le pouvoir quoi
qu'il advînt. La reine-mère, Catherine de Médicis,
ambitieuse et avide, sans croyances, travaillait pour
elle seule en prêtant la main aux uns et aux autres,
Le connétable de Montmorency, vieux courtisan,
incapable et orgueilleux, jaloux des Guises, conspi-
rait de son côté pour tout diriger. Les Bourbons,
le roi de Navarre Antoine, sans énergie, presque
idiot, livré aux femmes ; Louis de Condé, son frère,
brouillon actif, inconséquent, prétendaient à la di-
rection des affaires en leur qualité de plus proches
parents du roi. Le jeune roi, enfant maladif, do-
miné et dirigé par sa jeune femme presque tou-
jours, quelquefois par sa mère, jamais lui-même,
allait d'un extrême à l'autre. Le clergé, le clergé
régulier surtout, était dévoué aux Guises, plus
encore peut-être à Philippe II, roi d'Espagne, qui
rêvait une seule monarchie catholique à la tête de
laquelle il dominerait le monde avec l'aide de l'Inqui-
sition, et troublait toute l'Europe par ses ambitieuses
visées. Enfin la misère générale, la dépravation la
plus grande, leshaines religieuses que lesambitieux
faisaient naître ou entretenaient au sein des clas-
ses populaires, telles sont, en grande partie, les
causes réelles qui mirent aux prises les ^eux moi-
GUERRES
— 927 —
GUERRES
tiés de la France^ malgré les généreux efforts que
firent les plus honnêtes gens du siècle : le chance-
lier de THùpital, catholique, et le grand amiral de
Coligny, aidé de ses deux frères, Dandelot, colonel
de Tartillerie, et le cardinal Odet de Ghâtillon, tous
trois favorables aux protestants.
Caractère. — Comme les causes qui les ont ame-
nées, ces guerres eurent un double caractère poli-
tique et religieux. Elles furent religieuses pour le
peuple, la bourgeoisie et la noblesse de province,
chez lesquels la foi était vive et les sentiments peu
complexes, et pour ceux des grands qui étaient hon-
nêtes, comme Coligny; politiques, pour les grands
seigneurs qui exploitaient les passions populaires
et les faisaient servir à la satisfaction de leur am-
bition. Toutefois, au début, elles sont presque
exclusivement religieuses , et c'est ce qui en
explique l'atrocité. C'est le temps du farouche Mont-
luc et de l'implacable baron des Adrets. La guerre
se fait avec rage : on se bat de ville à ville, de
château à château, de village à village, de maison
à maison. Le frère trahit, assassine son frère. On
tue, on incendie, on pille ; on s'en prend aux choses ;
on dévaste, on brise, on détruit sans pitié ni merci :
statues, tableaux, monuments, rien ne trouve grâce
devant un fanatisme qui s'excite par la lutte même.
La Saint-Barthélémy est le dernier acte et comme
l'explosion suprême des passions religieuses. Jus-
que-là, en effet, on voit beaucoup de combats et
peu de batailles. La Ligue elle-même, dernier refuge
des passions religieuses, aura déjà beaucoup plus
le caractère politique.
A partir de 1572, le caractère presque exclusive-
ment politique de la guerre civile apparaît de plus
en plus. Un parti s'intitule le /;a;-<i des politiques.
C'est qu'en effet les passions, la foi même s'usent
et s'aii'aiblissent, et il vient un temps où chacun,
lassé, songe à se pourvoir et à sauvegarder ses in-
térêts. Désormais la lutte pour les intérêts domine :
Charles IX est mort ; Henri III est sans enfants ;
le duc d'Alençon, quatrième fils d'Henri II, qui
meurt pendant la lutte et avant son frère, n'est
pas marié. La vacance possible du trône met en
mouvement les ambitions, et les compétiteurs sont
plus préoccupés de leur succès possible que des
intérêts religieux de leur parti. Henri de Navarre,
chef protestant, héritier légitime de la couronne,
prépare, par la diplomatie et par les armes, son ar-
rivée au trône. Les Guises, unissant leurs intérêts
à ceux de Philippe II, travaillent à l'avènement d'un
des leurs qui épouserait la fille du roi d'Espagne.
L'assassinat de Henri UI n'est pas autre chose qu'un
acte de cette chasse à la succession. Les grands,
de leur côté, songent avant tout à s'assurer de ri-
ches gouvernements et d'opulentes pensions. En-
fin, dans le peuple et dans la bourgeoisie, comme
il arrive toujours à chaque grand bouleversement,
l'idée d'un gouvernement purement démocratique
se manifeste. Les Seize rêvent une sorte de ré-
publique ultra-catholique; en même temps les
protestants fondent une véritable république re-
ligieuse qui leur fait un Etat politique à part, et
qui, plus tard, aura une telle force que Richelieu
croira utile de la détruire dans l'intérêt de l'unité
nationale. Aussi est-ce surtout l'époque des gran-
des batailles rangées, des sièges, des prises de
villes, des négociations entre les partis et des partis
eux-mêmes avec les souverains étrangers.
Evénements militaires. — A part la conjuration
d'Amboise sous François II, qui ne peut guère être
considérée comme une prise d'armes, les protes-
tants n'ont réellement commencé la lutte qu'après
le massacre de Vassy en 1562, sous Charles IX.
Cette première guerre civile, signalée par la prise
de Rouen, par la bataille de Dreux et par l'assas-
sinat du duc François de Guise au siège d'Orléans,
se termine par la paix d'Amboise en 1563.
Une deuxième prise d'armes eut lieu en 1567.
Les protestants, après avoir tenté d'enlever le roi
à Monceaux et de bloquer Paris, furent défaits à
Saint-Denis, où le connétable de Montmorency,
chef des catholiques, fut tué. La paix de Longju-
meau (1568) fut la conséquence de cette bataille,
où les deux partis avaient remporté chacun un
succès.
Cette paix, oeuvTe de l'Hôpital, ne dura guère et
la lutte recommença. Les catholiques, commandés
par le duc d'Anjou (Henri III), furent vainqueurs
de Coligny à Jarnac (1509; ; vaincus à la Roche-
Abeille , vainqueurs à Moncontour, et enfin battus-
par Coligny, que rien ne lassait, à Arnay-le-Duc '
(1570). Cette victoire de Coligny amena le traité de-
Saint-Germain (1570). C'est pendant la paix qui
suivit ce traité qu'eut lieu le massacre de la Saint-
Barthélémy (1572), œuvre particulière des Guises
et de la reine-mère. Forcés, malgré ce crime, de
lever le siège de la Rochelle (1572;, les catholiques-
sont obligés d'accorder aux protestants une paix
nouvelle sur les bases du traité de Saint- Germain.
Pendant le règne de Henri III, sur lequel Cathe-
rine de Médicis eut une influence absolue, et qui
détestait comme elle les Guises, la guerre conti-
nua malgré les nombreux traités de paix qui sur-
venaient presque chaque année. Les événements
principaux furent la bataille de Dormans (1576),
gagnée par Henri de Guise, fils du duc François ;
l'institution de la Ligue (1576), les victoires de
Guise sur les Allemands venus au secours des pro-
testants, à Vimory et Anneau (1586) ; la bataille de
Centras (1586), gagnée par Henri de Navarre sur
les troupes royales ; la révolte des Parisiens (1588)
contre le roi qui fut obligé de fuir ; l'assassinat de
Henri de Guise et du cardinal de Lorraine à Blois
(1588) ; le siège de Paris par le roi de France et
le roi de Navarre, et enfin l'assassinat de Henri III
(1589).
Henri de Navarre devenu ainsi prétendant légi-
time au trône, la guerre n'est plus qu'une guerre
de succession. Les victoires de ce prince à Arques,
à Ivry, le siège de Paris ( 1590;, ses succès en Norman-
die (1591; n'avancent pas ses affaires autant que les
divisions de ses ennemis, dont il ruine à jamais
les espérances par sa conversion au catholicisme
(1593). Après cet événement, la vraie guerre ci-
vile est finie. Henri IV entre à Paris, et préfère
acheter ses ennemis que de les combattre; ils ne
tardent pas à se montrer tous soumis et satisfaits.
Enfin f édit de Nantes (1598; clôt définitivement
l'ère funeste des guerres de religion.
Conséquences. Les conséquences morales et ma-
térielles de ces longues luttes furent terribles. Le
mouvement littéraire, artistique et scientifique de
la Renaissance fut interrompu et la marche de la
civilisation retardée. La France était dépeuplée,
ruinée. Plus d'un million de personnes avaient
péri ; 9 villes avaient été rasées ; 250 villages brûlés ;
128,000 maisons détruites; la dette publique s'éle-
vait à 345 millions qui en vaudraient 1,500 aujour-
d'hui ; le commerce avait été supprimé ; l'industrie
anéantie ; plus de la moitié des terres arables
laissées en friche. Henri IV et son ministre Sully
firent de leur mieux pour réparer les maux qu'avait
soufferts la France pendant trois générations.
[P. Vincent.]
Guerre des Trois Henri. — Histoire de France,
XIX. — On appelle ainsi la huitième guerre
de religion (qui commença en 1586), parce que les
chefs des divers partis en lutte étaient Henri de
Guise, Henri de Navarre et le roi Henri lU. •—
V. Guerres de reliyion et Henri III.
Guerre de Trente Ans (1618-1648). — Son ca-
ractère. — La guerre de Trente Ans, qui allait cons-
tituer l'Europe moderne sur des bases nouvelles,
continua la lutte, un moment interrompue par la
paix d'Augsbourg, du protestantisme allemand con-
tre l'unité catholique, et l'opposition plus ancienne
GUERRES
028 —
GUERRES
encore du fédéralisme des Etats allemands contre
l'autorité absolue de la maison d'Autriche.
Religieuse à son origine, les victoires de l'Au-
triche sur les Etats protestants, et les empiétements
de l'Empire sur les privilèges des princes en feront
bienlùt une guerre politique.
Restreinte d'abord dans les limites des Etats au-
trichiens, elle deviendraprogrcssivementallemande,
puis européenne. Son principal théâtre est l'Alle-
magne ; mais l'intervention successive des puis-
sances du nord, Danemark et Suède, puis de la
Hollande et de la France, intéressées à défendre
l'équilibre européen , étendra le champ de ba-
taille dans les Pays-Bas, l'Espagne, l'Italie, l'Océan.
Ainsi la guerre de Trente Ans fut à la fois reli-
gieuse et politique, allemande et européenne. On
la parta2:e en quatre périodes, désignées par le nom
des puissances qui successivement luttèrent contre
la maison d'Autriche :
Période palatine, de 1618 à 1623.
Période danoise, de lG-'3 à 1629.
Période suédoise, de 16'29 à 1635.
Période française, de 1635 à 1648.
Ses causes. — Pour comprendre les causes pro-
fondes de la guerre de Trente Ans, dont le soulè-
vement des Bohémiens en 1618 ne fut que le pré-
texte, il faut revenir sur l'histoire de l'Allemagne,
depuis le traité d'Augsbourg (1555), sous les règnes
de Ferdinand I*', de Maximilicn II, de Rodolphe
et de Mathias.
Le successeur de Charles-Quint, Ferdinand I"
(1558-1564), mit son honneur à maintenir en Alle-
magne la paix religieuse. Il réussit à éviter la guerre
civile, mais non à pacifier les esprits : les discussions
théologiques passionnaient les universités d'Iéna et
de Witiciiberg, qui représentaient les deux partis,
les rigides et les modérés, de la secte lutliérienne.
D'autre part, les calvinistes, exclus du bénéfice de
la paix d'Augsbourg, faisaient des progrès ; l'élec-
teur palatin Frédéric III introduisait le calvinisme
dans ses Etats et publiait en 1563 le Catéchisme de
Heic/elberg,(\m devint le formulaire des calvinistes
allemands. Le catholicisme, profitant de ces divi-
sions, reprenait ses forces pour une lutte prochaine.
Le concile de Trente, qui finit en 15G3 après dix-huit
ans de durée, réformait la discipline du clergé catho-
lique et renforçait l'autorité du pape sur les évo-
ques. Les décrets du concile allaient être exécutés
par la célèbre compagnie de Jésus qui, fondée
en 1534 par Ignace de Loyola et adoptée par Paul III
en 1540, devait être, par son organisation et par sa
forte discipline, un redoutable instrument de com-
bat dans les mains de la papauté. Les jésuites éta-
blirent trois universités à Vienne, Ingolstadt et
Cologne, et essayèrent d'arracher l'Allemagne à la
Réforme.
Maximilien II (1564-1576) continua la politique
de son père ; il accorda la liberté de culte à la no-
blesse de ses Etats héréditaires, et mourut en re-
commandant à tous les partis la tolérance reli-
gieuse.
Les difficultés commencèrent avec Rodolphe II
(1576-1612), prince faible et entêté, plus occupé
d'alchimie et d'astronomie que de la direction de
ses Etats. Aussi l'Allemagne fut partout agitée par
de violents conflits qui présageaient une guerre
prochaine : à Cologne, l'archevêque Gebhard, s'étant
converti au calvinisme, voulut séculariser son bé-
néfice, malgré la réserve ecclésiastique; il fut dé-
posé et remplacé par un prince bavarois qui prit
possession de l'archevêché à main armée. A Stras-
bourg, deux évêques se disputaient par les armes
le siège cpiscopal, et la lutte ne se termina qu'en
160i par un compromis qui laissa la victoire au
candidat des caUioliques. Enfin, à Aix-la-Chapelle,
les protestants étaient expulsés par une armée im-
périale.
Les protestants, calvinistes et luthériens, com-
prirent la nécessité de s'unir, et ils formèrent
ï Union évangélique sous la direction de l'électeur
palatin, Frédéric IV, et du roi de France Henri IV
(1608). Les Etats catholiques organisèrent aussitôt,
sous la conduite du duc de Bavière, Maximilien, la
Ligne catholique (1609).
Ainsi les deux partis organisés pour la lutte
étaient en présence. L'ouverture de la succession
de Juliers, disputée par les catholiques et les pro-
testants, aurait certainement fait éclater la guerre,
si Henri IV, allié de ces derniers, n'était mort
en 1610.
En même temps que l'Allemagne se divisait en
deux camps, les Etats mêmes de la maison d'Au-
triche se soulevaient. Rodolphe était obligé de
céder à son frère Mathias le gouvernement de la
Hongrie, de la Moravie et de l'Autriche, et d'ac-
corder à la Bohême les Lettres de majesté, qui con-
firmaient ses libertés religieuses et nationales
(1609).
Sous le règne de Mathias (1612-1619), les diffi-
cultés ne firent que grandir. La Hongrie se ré-
voltait sous la direction de Bethlen Gabor, la
Bohême exigeait de nouvelles concessions. L'empe-
reur, n'ayant pas d'enfant, désigna son cousin Fer-
dinand de Styrie pour son successeur, et lui céda
d'avance les couronnes de Bohême, de Hongrie et
d'Autriche pour mieux assurer son élection. Ce
prince, ambitieux et fanatique, voulait restaurer
le catholicisme et assurer la prépondérance de
l'Autriche. Ce choix indiquait à tous que l'heure
de la tolérance était passée. On se prépara à la
guerre ; un incident la fit éclater en Bohême.
Les protestants avaient bâti un temple sur les
terres de l'évêque de Prague. Le temple fut démoli
par ordre de l'empereur. Les Bohénîiens invoquè-
rent les Lettres de majesté, qui autorisaient les sei-
gneurs protestants à bâtir des églises et des écoles ;
puis, sous la conduite de Mathias de Thurn, ils en-
vahirent le château de Prague, et jetèrent par les
fenêtres deux gouverneurs, Martinitz et Slawata,
accusés d'avoir dicté la réponse défavorable de
l'empereur. La défenestration de PrajUe fut le
signal de la guerre de Trente Ans.
Première période ou période palatine {\Q\i-\&1Z).
— Les Bohémiens révoltés conduisirent la guerre
avec vigueur. Le comte de Thurn occupa rapide-
ment la Bohême, puis, envahissant la Moravie, il
mit le siège devant Vienne. La ville était sans dé-
fense et les barons autrichiens parlèrent de se
rendre: mais l'inflexible énergie de Ferdinand II
donna le temps à un régiment impérial de péné-
trer dans la ville et de la sauver. En même temps
les troupes impériales, victorieuses en Bohême,
marchaient sur Prague. A cette nouvelle, le comte
de Thurn leva le siège et accourut au secours dos
Bohémiens. Libre, Ferdinand alla à Francfort re-
cevoir la couronne impériale (1619).
Les Bohémiens et les calvinistes protestants lui
avaient opposé un rival, l'électeur palatin Frédé-
ric V. Ce prince n'avait aucun mérite personnel,
mais il pouvait assurer au parti protestant, par ses
relations de famille, des alliances utiles. Chef de
l'Union évangélique, gendre de Jacques I" d'An-
gleterre, petit-fils de Guillaume de Nassau, il com-
mit la faute de trop compter sur ces alliances et
pas assez sur lui-même.
Ferdinand II, au contraire, agissait avec vigueur.
Il s'assurait l'appui des trois électeurs ecclésiasti-
ques, du pape, des rois d'Espagne et de Pologne,
et du puissant chef de la Ligue catholique, Maxind-
lien de Bavière. Il détachait du parti calviniste les
princes luthériens, le landgrave de Hesse-Darm
stadt. l'électeur de Saxe, Jean-Georges. Enfin il ga-
gnait à sa cause le ministre français, le duc de
Luynes, qui. par son influence, faisait déposer les
armes à Bethlen Gabor (traité d'Ulm, I620j.
GUERRES
— 929 —
GUERRES
La campagne militaire fut menée aussi rapide-
ment que la campagne diplomatique. Maximilien
•de Bavière et le comte de Bucquoy envahirent k
Kohème avec 50,000 hommes et gagnèrent, près dé
Prague, le combat de la Montagne Blanche. Frédé-
ric V s'enfuit lionteusement, abandonnant la Bo-
hême et ses amis aux vengeances de Ferdinand II
{novembre 1620),
La Bohême fut traitée par Ferdinand avec la der-
nière rigueur ; les Lettres de majesté, furent déchi-
rées; les chefs de la révolte condamnés à mort:
trente mille familles expulsées, et leurs biens con-
fisqués au profit des jésuites. Ce malheureux pays
ne s'est pas relevé de ce coup et ne devait plus
avoir aucune influence politique.
Cette barbare exécution révolta l'Allemagne : la
résistance partit du peuple, et trois aventuriers
défendirent la cause religieuse que les princes
semblaient abandonner. Christian de Brunswick,
épris d'une passion chevaleresque pour la palatine
Elisabeth, petite-fiUe de Marie Stuart, le comte
Ernest de Mansfeld, et enfin le margrave de Bade-
Durlach, se mirent à la tête de bandes nombreuses,
qui, animées du fanatisme religieux ou du désir de la
vengeance, répandirent la terreur dans l'Allemagne.
Ferdinand, soutenu par les secours des Espagnols
et par l'armée bavaroise que commandait l'habile
Tilly, résista victorieusement. Le Palatinat, où la
guerre sévissait avec fureur, fut disputé par les trois
batailles de Wiseloch, de Wimpfen et de Hœchtz.
Brunswick et Mansfeld, vaincus, allèrent tenter de
nouveau la fortune aux Pays-Bas, où ils livrèrent
aux Espagnols le sanglant combat de Fleurus.
Ferdinand II, vainqueur, convoqua à F»aiisbonne
la diète de l'Empire et y fit sanctionner sa victoire
(1623). Le duc de Bavière reçut pour récompense do
ses services le Haut-Palatinat et la dignité électo-
rale. Frédéric V, reconnu coupable de lèse-ma-
jesté, fut condamné à la perte de ses biens et di-
gnités.
Deuxième période ou période danoise (1623-1629).
— La victoire de Ferdinand II, en établissant la
prépondérance de l'Autriche en Allemagne, était
menaçante pour l'indépendance des Etats européens.
La France, à l'époque de la défaite du comte pa-
latin, n'était pas encore en mesure de faire pré-
valoir ses volontés. Mais ce fut un bonheur que les
souverains du Nord fussent assez libres et assez
énergiques pour prendre en mains la défense des
intérêts religieux et politiques de l'Allemagne.
Christian IV de Danemark, lié par sa famille au
comte palatin, avait des motifs personnels de se
mettre à la tête des protestants. De plus, comme
souverain du duché allemand de Holstein, il crai-
gnait pour la possession des biens ecclésiastiques
qu'il avait sécularisés dans ce pays. Nommé capi-
taine-général du cercle de Basse-Saxe, il se disposa
h, entrer en campagne.
Ferdinand II avait fait la guerre précédente avec
l'armée de la Bavière et de la Ugue catholique, et
les secours espagnols ; la conquête du Palatinatétait
due à Tilly, général de la Ligue. Cette fois il voulut
s'affranchir de cette dépendance et avoir une force
militaire soumise à sa seule volonté. Un seigneur
bohémien, Wallenstein, lui offrit de lever une ar-
mée de 50,000 hommes, de l'équiper à ses frais et
de l'entretenir, à condition qu'il en aurait le com-
mandement absolu et qu'il nommerait les officiers.
L'empereur accepta, et Wallenstein, célèbre par. sa
bravoure personnelle, tout-puissant par ses grandes
richesses (l'empereur lui avait donné la propriété
d'immenses domaines confisqués à des seign<'urs
bohémiens, et le titre de duc de Friedandj, fort
de l'autorité impériale, vit accourir sous ses dra-
peaux tous les aventuriers allemands. Il allait or-
ganiser dans de terribles proportions ce brigandage
militaire dont Mansfeld et Brunswick n'avaient que
trop donné l'exemple.
2' PARTIt.
Le plan de campagne formé par le roi de Dane-
mark était habile. Il ordonna à Ernest de Mans-
feld de se jeter sur la gauche, vers l'Elbe, de re-
monter ce fleuve jusqu'en Bohême, de donner la
Kain à Bethlen Gabor et de marcher sur Vienne.
Brunswick devait, à l'aile droite, opérer dans la
vallée du Mein et du Danube. Entre ces deux
ailes, Christian IV remonterait lui-même le Wéser
avec le corps principal de l'armée. Ce plan bien
conçu ne réussit pas. Mansfeld est battu par Wal-
lenstein, sur l'Elbe, au pont de Dessau; cependant,
malgré cet échec, il pénètre en Silésie, défait les
impériaux à Oppeln, s'empare de Ratibor et de
Troppau. Mais la peste décime son armée au mo-
ment où il va rejoindre Gabor ; celui-ci, se croyant
abandonné, conclut une trêve avec l'empereur.
Mansfeld, découragé, poursuivi par Wallenstein, li-
cencie son armée, vend son artillerie, traverse,
avec quelques officiers, la Hongrie et la Dalmaiie,
et vient mourir à Venise.
A l'autre aile, Christian de Brunswick meurt
prématurément, laissant ses conquêtes à Tilly.
Enfin, au centre, le roi de Danemark, battu à
Lutter par Tilly, abandonne au général bavarois
(JO drapeaux et toute son artillerie.
La tentative de Christian IV avait donc été aussi
malheureuse que celle de Frédéric V, Les deux
vainqueurs, Tilly et Wallenstein, répandaient leurs
liordes de pillards dans toutes les pro\inces pro-
testantes. Wallenstein voulut avoir une flotte et des
ports sur la Baltique pour atteindre Christian jus -
que dans ses Etats. Il s'empara de Wismar, des îles
d'Usedom et de Wollin, mais il échoua devant
Stralsund qu'il voulait prendre, disait-il, quand
même elle eût été attachée au ciel par des chaînes
et entourée d'une enceinte de diamant.
Le roi de Danemark s'empressa de signer la paix
pour sauver ses Etats. Par le traité de Lubeck
^mai 1629), il s'engageait à n'intervenir en Allemagne
qu'en sa qu^dité de duc de Holstein.
Mais c'est en Allemagne même que Ferdinand II
voulut retirer le fruit de ses victoires. Il crut que
le moment était venu de frapper le protestantisme.
Il fit paraître, le ô mars 1G29, le fameux édit de
restitution, qui ordonnait à tous les protestants de
se dessaisir des bénéfices dont ils s'étaient emparés
depuis 1555. Ce fut l'occasion de violences extrê-
mes. En même temps Ferdinand dévoilait son am-
bition politique. Wallenstein ne disait-il pas que
l'Allemagne n'avait plus besoin d'électeurs ni de
princes, qu'elle ne devait avoir qu'un maître? Le
prétexte religieux servait donc à fonder une mo-
narchie absolue.
Ce fut un cardinal de l'Eglise romaine, ministre
d'un roi de France, qui combattit la prépondérance
autrichienne établie sur une restauration du catholi-
cisme. La guerre avait commencé par être religieuse
et allemande; avec l'intervention du Danemark elle
était déjà sortie de l'Allemagne et avait pris un
caractère plus politique ; Richelieu la fit politique
et européenne.
Troisième période ou péiiode suédoise (IG'iO-lGZb).
— Le ministre français remporta d'abord sur la
politique autrichienne un succès diplomatique à la
diète de Ratisbonne (KSO). Deux ambassadeurs,
Brulartde Léon et le père Joseph, l'éminence grise,
excitèrent la jalousie de Maximilien de Bavière et
des princes catholiques contre la maison d'Autri-
che. La diète s'émut ; elle demanda et obtint la
destitution de Wallenstein et le licenciement de son
armée. Ferdinand, pour prix d'un tel sacrifice, avait
espéré que le collège électoral nommerait son fils
roi des Romains. Les agents français firent encore
échouer ces espérances. « Un pauvre moine, s'écria
l'empereur, m'a joué, il a mis dans son étroit capu-
chon les bonnets électoraux. »
Richelieu avait humilié et désarmé l'empereur;
il suscita en même temps contre lui le roi de
59
GUERRES
— 930 —
GUERRES
Suède, Gustave-Adolphe. Celui-ci, après avoir re-
commandé sa jeune fille Christine aux Etats da
Stockholm, débarqua en Poméranie. Son armée
était peu nombreuse, mais bien disciplinée, animée
du sentiment religieux et patriotique. Elle contras-
tait avec les bandes de pillards qui suivaient les
aventuriers allemands. Le roi s'assura de la Pomé-
ranie et duMecklembourg, et força les électeurs pro-
testants de Brandebourg et de Saxe à sortir de
leur neutralité et à se joindre à lui.
Cependant Ferdinand II s'inquiétait peu de l'in-
vasion suédoise. « Cette majesté de neige, disait-il,
tondra bientôt au soleil impérial du midi. » Tilly,
son général en chef, parut d'abord justifier sa con-
fiance. Pour frapper un grand coup, il vint mettre
le siège devant Magdebourg, la plus forte place du
nord de l'Allemagne. La ville prise d'assaut s'abîma
dans les flammes. Le Suédois Falkemberg qui la
défendait y mit le feu pour ne pas laisser à Tilly
une place aussi importante.
Gustave, à cette nouvelle, accourut en toute hâte,
entraînant avec lui les Saxons de l'électeur Jean-
Georges. Il rencontra Tilly à Breitenfeld, sur la rive
droite de l'Elster, près de Leipzig, et le battit après
un sanglant combat (163G). La route de Vienne était
ouverte ; avant de s'y engager, le roi de Suède voulut
délivrer l'Allemagne protestante. Pendant que les
Saxons pénétraient en Bohême, il se jeta dans la
vallée du Main, chassa de Francfort la diète des prin-
ces de l'empire, arriva sur le Rhin, où il força les
électeurs de Trêves et de Mayence à se soumettre,
pénétra en Alsace, puis revint dans le bassin du Da-
nube, disposé cette fois à marcher sur Vienne. La
situation devenait critique pour Ferdinand. A ce mo-
ment l'électeur de Saxe, Jean-Georges, s'emparait
de Prague. Tout reposait sur la défense de Tilly
en Bavière. Cet habile général avait établi son
armée sur la rive droite du Lech, dans une forte
position. Mais Gustave franchit la rivière malgré
l'artillerie bavaroise, livra bataille sur l'autre rive
et défit les Impériaux. Tilly tomba mortellement
blessé. Maximilien prit le commandement, mais ne
put ramener son aimée au combat. L'Autriche était
ouverte; les Saxons pouvaient y entrer par la
Bohême, les Suédois par la Bavière (avril I63"2'.
Un homme pouvait sauver Ferdinand, c'était
Wallenstein. Depuis sa disgrâce il vivait en Bohème
dans une fastueuse retraite. Dissimulant son am-
bition, il eut l'air de n'accepter qu'à regret les
oflres de l'empereur. Il put ainsi vendre chèrement
ses services. Ferdinand consentit à tout : Wallenstein
devait avoir une autorité absolue sur son armée ;
il nommerait tous les officiers, lèverait les contri-
butions, serait l'arbitre delà paix ou de la guerre,
enfin il recevrait comme récompense le gouverne-
ment du Mecklembourg. Le nom de Wallenstein
valut à l'Autriche une armée de ..0,000 hommes.
Wallenstein ne défendit pas, comme on pouvait
s'y attendre, la route de Vienne. Il se jeta dans la
Bohême, la reprit aux Saxons, puis, pénétrant dans
la vallée du Main, attaqua la riche ville de Nu-
remberg. Gustave-Adolphe revint sur ses pas pour
la déiendre. Pendant trois mois les deux adversaires
manœuvrèrent pour se surprendre, sans y réussir.
Wallenstein abandonna tout à coup le siège de Nu-
remberg pour marcher sur la Saxe. Jean-Georges,
effrayé, appela Gustave, qui s'empressa d'accourir.
Les deux armées furent de nouveau en présence
dans une de ces plaines saxonnes où se sont livrées
tant de grandes batailles, à Liitzen, entre la Saale
et l'Elster (novembre IG;t2). Le combat était inévi-
table. Gustave commandait l'aile droite de son
armée ; Bernard de Saxe-Weimar, son élève, com-
mandait, à l'aile gauche, les auxiliaires allemands.
Le roi de Suède, après avoir conduit plusieurs char-
ges contre les Impéiiaux, apprit qu'une partie de
son armée était exposée au fende l'artillerie. Il vou-
lut s'emparer des canons ennemis, U'aversa pres-
que seul le champ de bataille, et tomba mortelle-
ment blessé Bernard de Saxe se mit alors à la
tête de l'armée, s'empara de l'artillerie impériale, et
croyait tenir la victoire, quand Pappenheim arriva
et commença une nouvelle bataille. Les Suédois
plièrent devant ces troupes fraîches, mais la mort de
Pappenheim leur rendit courage. Ils reprirent aus-
sitôt l'offensive, et Wallenstein put à peine protéger
la retraite de ses troupes. La mort de Gustave-
Adolphe semblait une perte irréparable pour les
Etats protestants de l'Allemagne et de l'Europe. Le
chancelier Oxenstiern, son ami et son conseiller,
fit reconnaître Christine comme reine de Suède
et continua sa politique. Les généraux Banner et
Bernard de Saxe-Weimar, dignes élèves de Gustave-
Adolphe, poursuivirent la guerre avec un succès
d'autant plus rapide que Wallenstein, retiré en
Bohême, semblait disposé à trahir l'empereur. Lfr
général Piccoloiiiini reçut l'ordre secret de se
défaire du traître. Il s'assura la possession de Pra-
gue, puis il envoyaà Egra, résidence de Wallenstein,
trois hommes de main, Lesly, Butler et Gordon.
Wallenstein fut assassiné avec les principaux offi-
ciers attachés a sa fortune (I63i).
L'empereur confia le commandement de l'armée
à son fils, l'archiduc Ferdinand. Celui-ci, guidé
par deux hommes de guerre remarquables, Gallas
et Piccolomini, gagna sur les Suédois la bataille de
Nœrdlingen. Cette victoire livra TAUemagne à Fer-
dinand II. L'électeur de Saxe conclut au nom des
Luthériens le traité de Prague (1635). Banner et
les Suédois se replièrent en Poméranie.
L'Autriche était une troisième fois victorieuse.
Le moment était venu où la France devait enfin
intervenir ouvertement dans la lutte.
Quatrième période ou période française (163.'--
164s). — La guerre fut précédée d'une admirable
campagne diplomatique qui remplit toute l'année
163 j. Les Suédois devaient recevoir un subside
annuel et être renforcés d'un corps français do
12,000 soldats (traité de Compiègne) ; le duc Ber-
nard de Saxe-Weimar promit son concours moyen-
nant un subside de quatre millions et la cession dfr
l'Alsace (traité de Saint-Germain) ; le landgrave
de Hesse-Cassel, moyennant subsides, fournissait
lO.dOO hommes (traité de Wesel).
On ne pouvait vaincre l'Autriche qu'en frappant
également l'Espagne, dont la politique, depuis IClO,
avait été une conspiration permanente contre la
France. La guerre lui fut solennellement déclarée
en 1635, et Richelieu tourna aussitôt contre elle les
efforts de sa diplomatie. Il s'allia avec les Hollan-
dais (traité de Paris), avec les ducs de Savoie, de
Parme et de Mantoue (traité de Rivoli).
Les préparatifs furent considérables; pendant
plus de dix ans la France allait entretenir sept
armées de terre et deux flottes. La guerre eut
pour théâtre les Pays-Bas, l'Allemagne occiden-
tale, l'Allemagne orientale, l'Italie et l'Espagne.
Le résultat des premières campagnes ne répon-
dit pas aux espérances de Richelieu. Les maréchaux
de Châtillon et de Bi'ézé gagnèrent d'abord aux
Pays-Bas la bataille d'Avein et firent, sous Maës-
tricht, leur jonction avec les Hollandais. Mais, mal
secondés par leurs alliés qui voyaient avec peine
la France s'établir sur la rive de l'Escaut, ils furent
repoussés et bientôt nos frontières furent envahies.
Les Espagnols et les Impériaux, conduits par Jean
de Werth, pénétrèrent dans la Picardie et s'empa-
rèrent de Corbie. La terreur fut si grande à Paris
que Richelieu songea un moment à se retirer der-
rière la Loire Ranimé par les conseils du père
Joseph, il fit de grands préparatifs et chassa les
Espagnols du territoire français. Une invasion des
Impériaux en Bourgogne avait été arrêtée par la
bol le résistance de Saint-Jean de Losne. En Guyenne,
d"l'4iernon repoussait une attaque des Espagnols.
Enfin, au nord de l'AUemague, Banner relevait
GUERRES
— 931 —
GUERRES
l'honneur dos armes suédoises par sa victoire de
Wistock (1637).
Cette même année, Ferdinand II mourut, après
avoir vu le triomphe du catholicisme et de l'Autri-
chû, un moment préparé par ses victoires, mainte-
nant compromis par les succès de la France. Son
fils Ferdinand III continua la même politique, sans
avoir la même conviction ni la même intelligence.
La guerre se poursuivit partout sans avantages
décisifs. Aux Pays-Bas, le cardinal de la Valette
s'empara de Landrecies et de Maubeuge ; mais en
Allemagne, les Suédois étaient repoussés de la
Saxe et de la Poméranie, et en Italie, Rohan, obligé
d'évacuer la Valteline, voyait les duchés de Savoie
et de Mantoue livrés aux intrigues espagnoles.
Aux Pyrénées enfin, le siège de Fontarabie par le
duc de La V'alette et par l'amiral Sourdis, archevê-
que de Bordeaux, dut être abandonné à l'arrivée
d'une armée espagnole.
Toutefois la campagne du Rhin avait été glorieuse
pour nos alliés et profitable pour la France. Ber-
nard de Saxe-Weimar s'était emparé de l'Alsace
après ses victoires de Rheinfeld et de Brisach. Peut-
être songeait-il à se détacher delà France, quand
la mort subite de ce jeune héros de trente-huit
ans, souhaitée à ce moment par Richelieu, livra à
ce dernier ses conquêtes et son armée. Les soldats
de Bernard de Saxe, conduits par Guébriant et Tu-
renne, allaient rejoindre l'armée suédoise, victo-
rieuse à Ghemnitz, pour envahir l'Autriche (1639).
Désormais les succès ne se ralentissent plus.
Dans les Pays-Bas, une attaque des trois maréchaux
de la Meilleraye, de Châtillon et de Ghaulnes nous
donne enfin la capitale de l'Artois, Arras. En Italie,
les trois grandes victoires du comte d'Harcourt à
Gasal, Turin, et Ivrée ramènent la Savoie à notre
alliance. En Espagne, la révolte du Portugal et de
la Catalogne porte un coup mortel à la puissance
de Philippe III. Les Français assurent l'indépen-
dance du nouveau roi de Portugal, Jean de Bra-
gance, et s'emparent de la capitale du Roussillon,
Perpignan (I64'2). En Allemagne, Guébriant, vain-
queur à Wolfenbûttel (1641) et à Kcmpen (16i-J),
occupe l'électorat de Cologne. Banner meurt
après un coup de main hardi sur Ratisbonne, et
son successeur, le paralytique Torstenson, fait une
campagne victorieuse dans la Silésie et la Saxe,
où il gagne sur Piccolomini la bataille de Leip. ig
(1642).
Richelieu mourut la même année, laissant la
France partout victorieuse et léguant sa politique
à un homme digne de la comprendre et de la conti-
nuer, au cardinal de Mazarin.
Les ennemis, réduits si bas en 1642, s'étaient subi-
tement ranimés au bruit de la mort de Richelieu.
La maison d'Autriche, dans les premiers mt'is de
164?, reprit vivement l'offensive en Italie, en Cata-
logne, en Allemagne et surtout dans les Pays-Bas.
Le gouverneur des Pays-Bas, don FrancLsco
de Mellos, envahit la Champagne, et fit investir
par son avant-garde la ville de Rocroi, qui couvre
la frontière du côté des Ardennes. Un général de
vingt et un ans, le duc d'Enghien, commandait
l'armée française forte de 22,000 hommes. Il avait
reçu l'ordre de ne point hasarder la bataille ; mais
il amena l'armée si près du camp ennemi que
toute retraite devenait impossible. Il attaqua les
Espagnols dans la matinée du 19 mai, et se jeta,
à la tête de la cavalerie, sur l'infanterie espagnole.
Quand celte redoutable phalange fut enfoncée, la
bataille fut gagnée. Mellos rallia à grand'peine
les débris de son armée. Cette victoire rejeta les
ennemi sjusque sur le Rhin.
En Allemagne, nous n'avions pas été aussi heu-
reux. Le brave Guébriant avait été battu et tué à
Rothweill, et le comte de Rantzau son succes.-eur,
fut vaincu et fait prisonnier à Tmtiiigen. Tiiienne,
récemment nommé maréchal, fut chargé de réor-
ganiser l'armée vaincue. Mais il ne put empêcher
les impéraux , commandés par Mercy, de prendre
Fribourg, et d'y asseoir leur camp dans une posi-
tion formidable. D'Enghien reçut l'ordre de quit-
ter les i'ays-Bas et de marcher au secours de Tu-
renne. I] attaqua de front les lignes de Fribourg.
L'assaut dura trois jours. Les Français commen-
çaient à plier, lorsque le duc d'Enghien jeta son
bâton de commandement dans les retranchements
ennemis, qui aussitôt furent emportés. Turenne
avait dirigé une vive attaque sur le flanc des en-
nemis. Mercy battit en retraite, laissant ses canons
et ses bagages. Les deux rives du Rhin étaient à
nous depuis Bâle jusqu'à Coblentz (1644).
Après cette victoire, Turenne et d'Enghien s'é-
taient séparés. Tandis que celui-ci allait achever la
conquête de la Flandre, Turenne essayait de se réu-
nir, à travers la Franconie, à Torstenson, vainqueur
à Saucowitz. Mais il fut arrêté et battu par Jfercy
à Marienthal. D'Enghien revint en toute hâte, et
prit le commandement de l'armée du Rhin, ayant
Turenne sous ses ordres. Il attaqua Mercy dans les
plaines de Nœrdlingen. La victoire fut vivement
disputée; Jean de West, avec sa cavalerie bava-
roise, était vainqueur à l'aile gauche ; mais les
bataillons de Mercy furent enfoncés par les Fran-
çais et l'excellente cavalerie weimarienne. Mercy
tomba sur le champ de bataille; il y fut enterré.
Le duc d'Enghien fit graver ces mots sur sa tombe :
Sta, viatov, heroem calcas {\6'ib).
La campagne de 1646 fit le plus grand honneur
à d'Enghien et à Turenne. Le premier complétait
par la prise de Dunkerque la conquête de la Flan-
dre ; le second, par une marche savante, opérait sa
jonction avec Wrangel, successeur de Torstenson,
pénétrait en Bavière, menaçait Munich et forçait
Maximilien à signer un traité de neutralité.
Malheureusement en Italie l'amiral Armand de
Brézé était tué au combat d'Orbitello ; il n'avait
que vingt-sept ans et avait déjà gagné quatre ba-
tailles navales ; la marine française devait déplo-
rer pendant longtemps la perte de ce jeune héros,
digne neveu de Richelieu, beau-frère et rival de
gloire du duc d'Enghien.
Les négociations diplomatiques ralentirent en
1647 les opérations militaires, dont le principal évé-
nement fut l'échec de d'Enghien devant Lérida. Mais
en 164S Mazarin résolut de conquérir la paix par
une campagne décisive. Partout les succès répon-
dirent à ses efforts. En Catalogne, le maréchal
Schomberg s'emparait de Tortose et nous donnait
les bouches de l'Ebre ; en Italie, le maréchal du
Plessis-Praslin remportait la brillante victoire de
Crémone; en Allemagne, Turenne et Wrangel,
apprenant la nouvelle trahison de Maximilien de
Bavière, franchissaient le Daimbe et gagnaient sur
le Bavarois Mélander la victoire de Summershau-
sen. Enfin dans les Pays-Bas le duc d'Enghien,
devenu, par la mort de son père, prince de Condé,
avait la gloire de donner le dernier coup à la
puissance autrichienne, par sa belle victoire de
Lens sur l'archiduc Léopold qui, désespéré, s'en-
fuit à Douai. L'Autriche n'avait plus d'armée I
Les traités de Westphalie. — Depuis 164.3 des
conférences étaient ouvertes dans les villes de
Munster et d'Osnabruck en Westphalie. Les di-
plomates les plus distingués de l'Europe, d'Avaux
et Servien pour la France, Jean Oxenstiern, fils
du chancelier, etSalvius pour la Suède, Trautmans-
dorf pour l'Autriche, le nonce Chigi pour le Saint-
Siège, essayaient de résoudre les difficultés reli-
gieuses et politiques qui avaient fait naître la
guerre de Trente Ans. Le Congrès ne s'ouvrit réel-
lement qu'en 1645, et ce ne fut qu'en 1648, après
de longues résistances, qu'on obtint enfin la paix
si longtemps désirée.
Les innombrables dispositions des traités de
Westphalie se réduisent à trois objets principaux :
GUERRES
— 932 —
GUERRES
!• Conditions politiques européennes; 2" organisa-
tion politique de l'Allemagne ; 3" conditions reli-
gieuses.
1° Le comte palatin, fils aîné de Frédéric V,
recouvra le Bas-Palatinat. Un huitième électoral
fut créé en sa faveur.
Le duc de Bavière garda le premier électorat
qu'avait auparavant le comte palatin, avec le Haut-
Palatinat.
L'électeur de Brandebourg obtint les évêchés
de Mindcn, de Halberstadt et de Gamin; et con-
serva la Poméranie orientale.
Le duc de Mecklembourg-Schwérin reçut les évê-
chés de Schwcrin et de Rotzbourg.
La Sucdo obtint : 1° la Poméranie citérieure y
compris Stettin, les îles de Rûgen et de Wollin, et
les trois bouches de l'Oder ; 2° le port de Wismar
dans le Mecklembourg, l'archevêché de Brème
et l'évêché de Werden. La Suède disposa de trois
voix à la diète allemande.
La France obtint en toute souveraineté les trois
villes et évêchés de Metz, Toul et Verdun, acquis
depuis le traité de Cateau-Cambrcsis ; plus Bri-
sach, le landgraviat de Haute et Basse Alsace, le
Sundgau et la préfecture des dix villes impériales
(Haguenau, Colmar, Schelestadt, Wissembourg,
Landau, Obereinheim, Roshcim, Munster, Keiser-
berg, Turinghein). On voit que Strasbourg et
Mulhouse n'étaient pas compris dans les annexions.
Saverne devait rester neutre.
L'empire ne pouvait élever des forts sur la rive
droite du Rhin, de Bâle à Phllipsbourg.
La France continuait à occuper militairement la
Lorraine, jusqu'à règlement ultérieur avec l'Es-
pagne.
L'empereur cédait à la France ses droits de
souveraineté sur Pignerol.
2° L'indépendance politique des princes alle-
mands était assurée contre l'autorité de la maison
d'Autriche.
L'empereur reconnaissait à tous les Etats d'em-
pire, au nombre de 343 (158 souverains séculiers,
123 ecclésiastiques et 62 villes libres), le droit de
participer à l'administration générale et à la puis-
sance législative, le droit de souveraineté territo-
riale au spirituel comme au temporel, la faculté
de conclure des alliances au dedars comme au
dehors, sauf la réserve illusoire des droits de
l'empire et de l'empereur.
L'Allemagne était donc une fédération d'Etats,
non un empire. Les traités avaient organisé l'anar-
chie politique de ce pays.
3° Les traités complétaient la paix d'Augsbourg.
La religion calviniste obtenait les mêmes avan-
tages que la religion luthérienne. Dans les assem-
blées des députés de l'empire, les deux religions
(protestante et catholique) devaient avoir un nom-
bre égal de représentants ; de même dans la Cham-
bre impériale de Spire.
Le fameux édit de rcstilution était annulé. Les
biens ecclésiastiques étaient rendus à tous ceux
qui les possédaient avant l'année 1624, qui devenait
Vannée normale. Toutefois pour le Palatinat l'année
normale était reportée à 1618.
Telles sont les dispositions essentielles du
traité de Westphalie, le plus grand monument poli-
tique du XVII" siècle. L'Europe centrale réorganisée
sur aes bases nouvelles; la rrance constituée ar-
bitre du maintien du système fédératif en Alle-
magne, et agrandie par la cession de l'Alsace ; la
Suède, notre alliée, faisant contrepoids à l'Au-
triche dans le corps germanique; enfin l'Allema-
gne protestante arrachée à l'Autriche, tels étaient
les magnifiques résultats acquis par la politique
de Henri IV, les victoires du Gustave Adolphe,
Turfnne et Condé, la diplomatie de RicheUeu et
de Mazarin.
Ouvrages à consulter : Schiller, Histoire de la guerre
de trente ans; Gcffroy, Histoire des états Scandinaves;
Himly, Histoire de la formation territoriale et politique de
l'Europe. [D. Blaiichet.J
Guerre de dévolution. — Histoire de France,
XXV^ — Cette guerre, aussi appelée guerre de
Flandre^ eut pour cause les prétentions de Louis
XIV sur les Pays-Bas espagnols, qu'il réclama à la
mort de Philippe IV en vertu du droit de dévolu-
tion : c'était une coutume flamande qui attribuait
aux enfants du premier lit l'héritage de leurs pa-
rents, à l'exclusion de ceux du second lit ; or la
reine de France Marie-Thérèse était fille de la pre-
mière femme de Philippe IV, tandis que le nou-
veau roi d'Espagne, Charles II, était fils d'une se-
conde femme. La guerre, commencée en mai 1667,
se termina en 1668 par le traité d'Aix-la-Chapelle,
qui assura à Louis XIV la possession de douze
places-fortes en Flandre. — V. Louis XIV.
Guerre de Hollande. — Histoire de France, XXV.
— Quatre ans après la conclusion de la paix d'Aix-
la-Chapelle, Louis XIV, irrité contre la république
des Sept-Provinces-Unies, envahit les Pays-Bas
(l'j72j. Mais Guillaume d'Orange, nommé stathou-
der, réussit à obtenir le secours de l'Espagne et de
l'Allemagne (1673). Pendant cinq ans, on se battit
dans les Flandres et le long du Rhin, ainsi que sur
mer. Les principaux événements de cette guerre
sont le passage du Rhin, célébré parBoileau (1672) ;
la conquête de la Franche-Comté, faite en six se-
maines ; l'incendie du Palatinat par Turenne ; la
victoire de Condé sur les Espagnols à Senef (1674) ;
la mort de Turenne à Saltzbach (lo'ô); les batail-
les navales de Stromboli,d'Agousta, où l'amiral hol-
landais Ruyter fut tué, et de Palerme, gagnées par
Duquesne sur les flottes espagnoles et hollandaises
(1676). Enfin, le traité de Nimègue (1678) mit fin à
la lutte : la France obtint la Franche-Comté et la
Flandre, enlevées à l'Espagne. — V. Louis XIV et
Guillaume III.
Guerre de la ligue d'Augsbourg. — Histoire
de France, XXV. — Elle tire son nom de la ligue for-
mée à Augsbourg contre la France (16S6) par les
soins du stathouder de Hollande, Guillaume d'O-
range, ligue à laquelle adliérèrent d'abord les Pro-
vinces-Unies, le roi d'Espagne, l'empereur et la
plupart des princes d'Allemagne, puis le duc de
Savoie, le pape et les autres souverains italiens, et
enfin l'Angleterre après l'expulsion de Jacques II.
La guerre commença en 1688, et dura neuf ans
avec des succès divers. Les principaux capitaines
du côté de la France furent Luxembourg, Catinat,
.Noailles, Villeroi, Vendôme, et sur mer l'amiral
Tourville, les corsaires Duguay-Trouin et Jean
Ban; du côté des coalisés, Guillaume d'Orange et
Eugène de Savoie. Les événements les plus impor-
tants de cette guerre sont le second incendie du
Palatinat, ordonné par Louvois (I689i; la défaite
de Jacques II à la Boyne, en Irlande (1690), et celle
de l'amiral Tourville à la Hougue (1692); les vic-
toires de Luxembourg aux Pays-Bas, à Fleurus
(1690), à Steinkerque (1692) et à Neerwinden (1693),
et celles de Catinat en Piémont, à StafTarde (1690)
et àIaMarsaille(1693) ; la prise de Namur par Louis
XIV en personne, aidé de Vauban et de Luxem-
bourg (1692) ; la victoire de Tourville au cap Saint-
Vincent (lt)93), le bombardement de Saint-Malo
(1693) et l'incendie de Dieppe (1694) par les An-
glais; les succès de Noailles en Catalogne (1694);
le siège et la prise de Namur par Guillaume d'O-
range (16;)6) ; la prise de Barcelone par Vendôme
(1697). Louis XIV, voyant la France épuisée, son-
gea à conclure la paix ; il réussit dès 16'.)6 h. détacher
le pape et le duc de Savoie de la ligue d'Augs-
bourg ; et en l:i97 il signa le traité de Ryswick,
dont les dispositions étaient humiliantes pour lui :
il dut, par ce traité, reconnaître Guillaume d'O-
range comme roi d'Angleterre, renoncer h, toutes
ses conquêtes, restituer à l'Allemagne les villes
GUERRES
— 933 —
GUERRES
que les chambres de réunion avaient annexées à la
France, sauf Strasbourg, rendre au duc de Lor-
raine son duché, et renoncer aux mesures restric-
tives édictées par Colbert contre le commerce hol-
landais. — V. Louis XIV et Guillaume III.
Guerre de la succession d Espagne. — His-
toire générale, XXV; Histoire de France, XXV.
— C'est la dernière guerre du règne de Louis XIV ;
elle eut pour cause le testament de Charles II,
qui donnait la couronne d'Espagne au prince
Philippe d'Anjou, petit-fils de Louis XIV (1700).
Une ligue dans laquelle entrèrent l'Angleterre,
la Hollande, l'empereur Léopold, la Prusse, di-
vers princes allemands, se forma aussitôt contre
la France. Son but était de placer sur le trône d'Es-
pagne l'archiduc Charles d'Autriche, second fils de
l'empereur Léopold, et de donner à l'Angleterre,
à la Hollande et à l'empereur une partie des pos-
sessions espagnoles. La France eut pour alliés la
Savoie et le Portugal, qui l'abandonnèrent bientôt,
et les électeurs de Cologne et de Bavière. Les hosti-
lités commencèrent en 1701. Les principaux géné-
raux, du côté de la France, furent Caiinat, Ven-
dôme, Villeroi et Villars; du côté de la coalition,
le prince Eugène de Savoie et le duc de Marl-
borough.
Voici le résumé chronologique des faits les plus
importants de cette guerre :
1701. Philippe d'Anjou, devenu roi d'Espagne
sous le nom de Philippe Vj entre à Madrid et prend
possession de ses États. Succès d'Eugène en Italie
sur Catinat à Carpi et sur Villeroi à Chiari.
1702. Villeroi est pris à Crémone. Mort de
Guillaume III; Anne Stuart lui succède. Victoire
de Vendôme sur Eugène à Luzzara. Victoire de
Villars sur le prince de Bade à Friedlingen. ]\Iarl-
borough débarque dans les Pays-Bas. Commence-
ment de la révolte des Camisards.
1703. Victoires inutiles de Villars à Hochstasdt
et de Tallard h Spire. Défection de la Savoie et
du Portugal. Les alliés envoient des secours aux
Camisards.
1704. Bataille de Blenheim, ou seconde bataille
de Hochstœdt, gagnée par Eugène et Marlbo-
rough sur Tallard, Marsin et l'électeur de Bavière ;
les Français doivent évacuer l'Allemagne. L'archi-
duc Charles débarque à Lisbonne, et entre en
Espagne; ses alliés les Anglais s'emparent de
Gibraltar. La révolte des Camisards se termine
par un arrangement conclu avec Jean Cavalier.
1703. Mort de l'empereur Léopold; son fils aîné
Joseph lui succède. L'archiduc Charles entre à
Barcelone.
1706. Victoires de Marlborough sur Villeroi à
Ramillies, et d'Eugène sur la Feuillade, Marsin et
le duc d'Orléans, à Turin ; les Français sont con-
traints d'évacuer les Pays-Bas et l'Italie. Les alliés
entrent à .Madrid.
1707. Tentative inutile d'Eugène contre Toulon.
Villars et Vendôme tiennent tète, le premier aux
Allemands sur le Rhin, le second à Marlborough en
Flandre. La victoire d'Almanza rend l'Espagne à
Philippe V.
1708. Victoire de Marlborough sur Vendôme à
Oudenarde. Marlboruugh s'empare de Lille.
Louis XIV négocie avec les alliés; mais ceux-ci
lui imposent des conditions si durts qu'il préfère
continuer la guerre.
1709. Victoire d'Eugène et de Marlborough. sur
Villars et Boufflers à Malplaquet. Reprise des né-
gociations ; Louis XIV offre d'accepter les condi-
tions qu'il avait refusées l'année précédente. Mais
les alliés montrent de nouvelles exigences ; ils veu-
lent que le roi de France chasse lui-même son
petit-fils d'Espagne. Louis XIV répond: « Puisqu'il
iaut faire la guerre, j'aime mieux la faire à mes
ennemis qu'à mes enfants. » Les hostilités recom-
mencent.
1710. Progrès des alliés en Flandre; ils pren-
nent Douai et plusieurs autres places. Victoire de
l'archiduc Charles à Saragosse; il entre à Madrid;
Philippe V se retire à Valladolid. Bientôt cependant
l'archiduc est forcé d'évacuer Madrid, et Philippe y
rentre ; la victoire de Vendôme à Villaviciosa achève
la ruine du parti de l'archiduc en Espagne.
1711. Mort de l'empereur Joseph; son frère l'ar-
chiduc Charles lui succède sous le nom de
Charles VI. En Angleterre, le ministère whig,
partisan de la guerre, est remplacé par un minis-
tère tory, qui entre en négociation avec Louis XIV
en vue de la paix.
1712. Un congrès s'ouvre à Utrecht; toutes les
puissances belligérantes's'y font représenter. Dis-
grâce de Marlborough; l'Angleterre signe une
suspension d'armes. Villars bat Eugène à Denain,
1713. Signature du traité d'Utrecht, aux condi-
tions suivantes : Philippe V est reconnu comme roi
d'Espagne ; il cède Gibraltar aux Anglais. L'empe-
reur reçoit les Pays-Bas, le Milanais, la Sardaigne
et Naples ; le duc de Savoie, la Sicile et le titre de
roi; l'électeur de Brandebourg est reconnu comme
roi de Prusse ; les électeurs de Cologne et de
Bavière, alliés de la France, seront rétablis dans
leurs Etats, dont l'empereur les avait dépouillés ;
la France cède aux Anglais la baie d'Hudson,
l'Acadie, Terre-Neuve et Saint-Christophe ; Louis
XIV s'engage en outre à renvoyer de France le
prétendant Stuart.
L'empereur ne veut pas admettre le traité.
Louis XIV continue la guerre contre lui. Expédi-
tion de Villars en Allemagne.
1714. Les traités de Rastadt et de Bade mettent
fin à la guerre entre la France et l'Allemagne,
^lais l'empereur s'obstine h ne pas reconnaître
Philippe V comme roi d'Espagne.
La guerre de la succession d'Espagne avait
épuisé la France, qui n'en retira aucun avantage,
et qui se ressentit longtemps des lourds sacrifices
que lui avait imposés l'orgueil de son roi. —
V. Louis XIV.
Guerre de la quadruijle alliance. — Histoire
générale, XXV ; Histoire de France, XXVII. —
Le cardinal Alberoni, ministre du roi d'Espagne
Philippe V, avait formé le projet de donner à son
maître la couronne de France, à laquelle Philippe
avait dû formellement renoncer, et de rendre à
l'Espagne les provinces que lui avait enlevées
II', traité d'Utrecht. A cet effet, il noua les fils d'une
vaste intrigue : les Turcs, à son instigation, de-
vaient attaquer l'empereur; le prétendant Jacques
Stuart ferait une descente en Angleterre, et
Charles XII de Suède irait l'y rejoindre et l'aider
à détrôner Georges 1"; enfin, en France, une
conspiration, tramée par l'ambassadeur espagnol
Cellamare, devait enlever la régence à Philippe
d'Orléans.
Avertis des plans d' Alberoni, ceux qu'ils mena-
çaient s'unirent pour les déjouer : par les soins de
l'abbé Dubois, une triple alliance fut conclue en-
tre la France, l'Angleterre et la HolLinde {1717);
l'Autriche y adhéra l'année suivante : ce fut alors
la quadruple alliance. Une guerre générale éclata
aussitôt ; mais elle dura peu, et se termina par
l'échec le plus complet de la politique d' Alberoni.
Les Turcs furent battus à Peterwaradein et à Bel-
grade par le prince Eugène de Savoie; Charles XII
fut tué au siège deFrederikshall en Norvège, avant
d'avoir rien pu entreprendre contre l'Angleterre ;
la flotte que l'Espagne avait donnée au prétendant
Jacques Stuart fut dispersée par une tempête, et
les Anglais en détruisirent les restes ; les Espa-
gnols, qui avaient d'abord conquis la Sicile, furent
forcés de l'évacuer après avoir vu leur flotte anéan-
tie à Syracuse par l'amiral Byng; enfin, la conspi-
ration de Cellamaro fut découverte et les conju-
rés, au nombre desquels était le duc du Maine,
GUERRES
— 934 —
GUERRES
furent arrêtés fl718). En 1719, le maréchal de
Berwick, à la tête d'une armée française, francliit
les Pyrénées, et prit Fontarabie et Saint-Sébas-
tien. Philippe V alors demanda la paix (1720j, et
dut subir les conditions que lui imposa la qua-
druple alliance ; il lui fallut renoncer définitive-
ment à la Sardaigne, à la Sicile, à Naplcs, au
Milanais et aux Pajs-Bas; en revanche l'expecta-
tive des duchés de Parme et de Toscane éiait
promise à un de ses fils. Le duc de Savoie recevait
la Sardaigne en échange de la Sicile, que lui avait
attribuée le traité d'Uirecht, et prenait le titre de
roi de Sardaigne. L'empereur obtenait les Pays-
Bas, le Milanais, iNaples et la Sicile, et reconnais-
sait Philippe V comme roi d'Espagne.
Alberoni fut disgracié, et alla finir obscurément
ses jours en Italie.
Guerre de la succession de Pologne. — His-
toire générale, XXVII. — A la mort du roi de Po-
logne Auguste II de Saxe, le parti national élut
Stanislas Leczinski (1733), qui avait déjà régné de
1706 à 1709 sous la protection de Charles XII de
Suède; le parti russe et autrichien fit élire Au-
guste III. Louis XV avait épousé Marie Leczinska ; il
prit le parti de son beau-père. Mais le cardinal
Fleur}', alors premier ministre, n'envoya en Pologne
que des secours dérisoires, et le roi Stanislas, hors
d'état de résister à son rival, dut revenir en France.
Cet échec dans le Nord fut toutefois compensé
par quelques succès contre l'Autriche en Italie et
sur le Rhin. Les rois d'Espagne et de Sardaigne
s'étaient joints à la France : l'infant don Carlos con-
quit Naples et la Sicile ; l'armée française envoyée
au secours du roi de Sardaigne battit les Autri-
chiens à Parme et à Guastalla. Une autre armée
occupa la Lorraine, puis s'empara de Philipsbourg
malgré les efforts du prince Eugène. La paix de
Vienne (1735) termina la lutte : Stanislas Leczinski
renonçait au trône de Pologne, mais recevait en
compensation les duchés de Lorraine et de Bar,
qui, à sa mort, devaient revenir à la France; le
duc de Lorraine François, époux de Marie-Thérèse
d'Autriche, était déclaré héritier de Gaston de
Médicis, duc de Toscane ; l'infant don Carlos de-
venaii roi de Naplesetde Sicile, et cédait en échange
son duché de Parme à l'empereur; et le roi de
Sardaigne obtenait une partie du Milanais. Enfin,
la pragmatique sanction de Charles VI (V. Guerre
de la succession d'Autriche) était reconnue par
toutes les puissances étrangères. — V. Louis XV.
Guerre de la succession d'Autriche (1740-1748).
— Histoire générale, X\V ; Histoire de France,
XXYII. — L'empereur Charles VI avait succédé
sans contestation à l'empire et aux royaumes de
Bohême et de Hongrie. Son frère Joseph I" avait
laissé deux filles ; mais le testament de Léo-
pold I" excluait les femmes du trône, et déclarait
qu'à défaut d'héritiers mâles de Charles VI. les
filles de Joseph 1", ou de la branche aînée, passe-
raient avant les filles de la branche cadette. Char-
les VI n'avait qu'une fille, celle qui fut plus tard
Marie-Thérèse. Au lendemain même de son avène-
ment, il commença avec les membres de sa famille,
et avec les diètes des différents Etats, une série de
négociations, tendant à renverser l'ordre établi par
Léopold I" et à assurer à la jeune princesse l'héri-
tage intégral de tous les domaines autrichiens. Ces
négociations aboutirent à l'acte célèbre connu
sous le nom de Pragmatique-Sanction.
La Pragmatique, lue dans le Conseil secret de
Vienne le 13 avril 1713, peut se résumer dans les
trois articles suivants :
1° Tous les Etats autrichiens forment un tout
indivisible.
2» Les héritiers mâles de la maison d'Autriche
se succèdent en vertu du droit d'aînesse.
3° A défaut d'héritier mâle, les filles sont appe-
lées à se succéder dans l'ordre suivant : d'abord
celles de Charles VI, puis celles de Joseph I", puis
celles de Léopold I".
Le tableau suivant, qui établit la généalogie de
la maison de Habsbourg, de Léopold 1^' à Marie-
Thérèse, fera mietix comprendre encore les clauses
de la Pragmatique :
LÉOPOLD I'
Maria-.Vntonia f 1692,
ouse de Maximilien-Emmanuel,
électeur de Bavière.
Chaules (VII)-Aleert
de Bavière t 1745.
époux de Marie-Amélie.
Joseph 1" t l'il
Marie-Amélie 1 17o6,
épouse de Charles VU
Albert de Bavière.
Marie-Josèphe t l"o7,
ép. d'Auguste III
de Saxe, roi de Pologne.
Chables VI 7 1740
Mabie-Théhese t 17S0.
L'empereur, après avoir fait enregistrer par le
Conseil sa volonté souveraine, obtint d'abord la
renonciation des princesses intéressées à réclamer
rhéritage en vertu des testaments de Léopold ; il
s'appliqua ensuite à faire ratifier ce pacte de fa-
mille par les différonts pays. Les Etats de la
Basse-Autriche, de la Silésie, de la Bohême, de la
Hongrie y adhérèrent successivement (l72t'-17"J3).
Charles VI fit alors proclamer la Pragmatique à
Milan et dans les Pays-Bas. Restait à obtenir l'ad-
hésion des puissances européennes. La Pragmati-
que fut reconnue en 172'î par la Prusse et la Rus-
sie, en 1731 par l'Angleterre et les Etats généraux
de Hollande, en 1732 par l'Allemagne, en 1733 par
la Pologne. La France, l'Espagne et la Sardaigne
ne donnèrent leur adhésion qu'en 1735, après le
traité de Vienne. Les négociations n'avaient pas
été toujours faciles, et Charles VI avait dii, pour
réussir, faire les plus grands sacrifices. Il avait sup-
primé la compagnie d'Ostende pour rassurer l'An-
gleterre, cédé la Lorraine pour décider la France,
Naples et la Sicile pour gagner l'Espagne. Le
prince Eugène pensait qu'un trésor bien rempli et
une bonne armée auraient été une meilleure garan-
tie que tous ces parchemins.
A la mort de Charles VI (octobre 1740) tous les
souverains oublièrent les traités et violèrent leur
parole. L'occasion semblait favorable pour les
voisins ou les ennemis de la maison d'Autriche.
Marie-Thérèse était la première femme qui régnât sur
l'ensemble des Etats autrichiens ; ces Etats, divisés
par les races, les traditions et la langue, n'avaient
d'autre lien que la personne commune d'un même
souverain. La jeune princesse, mariée à François,
grand-duc de Toscane, n'avait pas même le pres-
tige qu'avait donné à ses prédécesseurs la couronne
impériale.
Cette situation de la maison de Habsbourg était
d'autant plus périlleuse qu'en Allemagne même
un Etat nouveau, déjà puissant, épiait toutes les
occasions pour s'agrandir. La Prusse, âpre à la
conquête, façonnée à la guerre qui était la loi
même de son existence, était gouvernée, depuis
1740, par un jeune roi impatient d'utiliser les res-
sources accumulées par son père et de révéler le
génie qu'il sentait en lui. Frédéric II, sans s'arrê-
ter à des scrupules que sa conscience ne connais-
sait pas, et sans attendre que les puissances euro-
péennes fussent d'accord sur le partage de la mo-
narchie autrichienne, envahit la Silésie avec 30 000
GUERRES
— 935 —
GUERRES
hommes, gagne la bataille de Molwitz et occupe
toute la province (1741). Pour justifier cette agres-
•sion, il fait valoir de prétendus droits de ses ancê-
tres et la nécessité de prendre ses sûretés contre
le démembrement de la succession de Charles VI.
il offre en même temps son alliance à Marie-Thé-
rèse, en échange de la cession de la Silésie.
L'Autriche refusa avec indignation et se prépara à
la résistance.
Cette victoire de la Prusse décida l'Europe, en-
core hésitante, à intervenir. En France, le cardinal
Fleury voulait garder la neutralité ; mais le maré-
chal de Belle-Isle, esprit aventureux et entrepre-
nant, poussait à la guerre. Il imagina un plan de
partage qui adjugeait les Pays-Bas à la France, la
Eohême et la couronne impériale à la Bavière, la Si-
lésie à la Prusse, la Toscane, Parme et les posses-
sions lombardes à l'Espagne et à la Sardaigne. Sa
politique prévalut, et une alliance fut conclue entre
l'Espagne, la France et la Bavière. On a pu contes-
ter l'authenticité du traité de Nymphembourg, qui
stipulait le partage des Etats autrichiens ; mais l'al-
liance contre Marie-Thérèse était formelle.
Trois armées menacèrent Vienne. La première,
sous Maillebois, envahit la Westphalie pour sur-
veiller le Hanovre et assurer la neutralité de
l'Angleterre; la seconde, sous Belle-Isle, suivit le
Danube, et fit sa jonction avec l'électeur de Bavière
Charles-Albert ; la troisième, sous Frédéric II, en-
vahit la Moravie.
Si les coalisés avaient marché rapidement sur
Vienne, la guerre pouvait être aussitôt terminée.
Mais les Franco-Bavarois commirent une faute ca-
pitale. Après avoir pris Lintz sur le Danube, ils
pénétrèrent en Bohême et s'emparèrent de Bud-
■weis, de Tabor et de Prague. Cette diversion
sauva Marie-Thérèse.
Cette jeune princesse de vingt-quatre ans montra
•dans ces redoutables épreuves une énergie et un
courage dignes de sa fortune. Retirée àPi'esbourg,
«lie sut s'assurer le dévouement des nobles hon-
grois, touchés de ses vertus et de ses malheurs.
Quand elle parut dans la diète, avec son enfant,
la couronne de Saint-Etienne sur la tête, le sabre
au côté, tous s'écrièrent : « Mourons pour notre
roi Marie-Thérèse ! » Elle eut bientôt une armée
de 60.000 hommes, bandes faiouches de Croates,
-d'Esclavons, de Dalmates qu'elle jeta sur la Bavière.
Tandis que Charles-Albert se faisait proclamer roi
de Bohême à Prague, et empereur d'Allemagne
à Francfort sous le nom de Charles Vil, les Autri-
•chiens ravageaient son électorat et entraient dans
Munich (1742).
En même temps, la politique de la France subis-
sait de graves échecs. Pour arrêter la Russie qui
était favorable à l'Autriche, nous avions armé la
Suède contre elle. Mais notre alliée se faisait battre
par le général russe Lascy à Wilmanstrand, et
perdait, parle traité d'Helsingfors, toute la Finlande.
La tsarine Elisabeth se déclarait pour Marie-Thé-
rèse (17 i2). En Angleterre le ministre Walpole, ami
de Fleury, était remplacé par lord Carterct, ad-
versaire de la France. Celui-ci promit aussitôt des
subsides à l'Autriche. Enfin le roi de Sardaigne fit
défection, et le roi de Naples, don Carlos, fut
contraint parles Anglais à garder la neutralité.
Un seul allié nous restait, Frédéric II. Nous
allions le perdre. Cet habile politique était loin
d'avoir attaché sa fortune à celle de la coalition
dont il déplorait les fautes : son seul objectif était
la possession de la Silésie, qui lui donnait tout le
cours de l'Oder. Aussi, lorsqu'il eut gagné sur le
prince de Lorraine la bataille de Czeslaw; mai 1T4"2),
il s'empressa de répondre aux avances de l'Autri-
■che. Marie-Thérèse lui céda la Silésie par le traité
de Breslau.
La France restait seule pour supporter le poids
-d'une guerre qui ne devait lui procurer aucun
avantage. Fleury désirait la paix et la demanda.
Mais ses négociations, publiées par le cabinet de
Vienne, ne firent que le rendre ridicule et para-
lysèrent les opérations militaires. Maillebois, inac-
tif dans la Westphalie depuis trop longtemps,
marchait enfin sur la Bohême par la vallée du
Main. Les Autrichiens pouvaient être écrasés sous
les murs de Prague ; mais notre armée fut arrêtée
par un ordre du cabinet de Versailles, qui comp-
tait sur la paix. Les Autrichiens fortifièrent les dé-
filés de l'Erzgebirge. Nos deux armées ne purent se
donner la main. Celle de Maillebois fut rejetée en
Bavière ; celle de Belle-Isle dut se frayer une re-
traite difficile dans la vallée de l'Eger pour ne pas
être prise en Bohême. Ces revers furent au moins
compensés par la belle défense de Chevert dans
Prague. Sommé de se rendre, ce général menaça
de mettre le feu aux quatre coins de la ville et de
s'ensevelir sous ses ruines. Il put quitter la place
avec tous les honneurs de la guerre (janvier 174;i).
Fleury mourut au milieu de ces tristes circons-
tances. Il avait eu le tort grave de ne pas savoir
conserver la paix, puis, quand la guerre fut décla-
rée, de ne pas la faire avec vigueur.
Marie-Thérèse avait combattu seule avec son
peuple contre la coalition. Son courage avait excité
l'admiration de ses alliés, ses succès lui valurent
leur concours. L'Angleterre, la Hollande, la Sar-
daigne se déclarèrent ouvertement contre nous.
Georges II et son fils, le duc de Cumberland. à la
tête d'une a.rraée prngtnatigue, composée d'Angla s,
de Hollandais, de Hessois et d'Autrichiens, des-
cendirent dans la vallée du Main. Ils devaient se
joindre à Charles de Lorraine pour envahir la Lor-
raine et l'Alsace. Le maréchal de Noailles, par
d'habiles manœuvres, avait cerné les Anglais dans
les défilés de Dettingcn ; mais la folle témérité de
son neveu, le duc de Grammont, compromit tout.
Au lieu d'une victoire, ce ne fut qu'une sanglante
bataille restée indécise (juin 1743); cependant
nous pouvions encore nous maintenir dans nos
lignes du Main. Mais de Broglie, qui commandait
sur le Danube, ayant reculé jusqu'au Rhin,
Noailles dut suivre ce mouvement de retraite.
Ainsi la guerre, après avoir été offensive en Bo-
hême et en Allemagne, devenait défensive sur le
Rhin. Les alliés, enhardis par ce succès, resserrè-
rent leur union par le ti'aité de Worms (174-3'. Il
ne s'agissait plus seulement de défendre la Prag-
matique, mais de reprendre l'Italie aux Bourbons
d'Espagne, l'Alsace et la Lorraine à la France, la
Silésie à Frédéric II. Celui-ci ayant appris les
clauses de ce traité, bien qu'elles fussent secrètes,
se rapprocha de la France par le traité de Franc-
fort (I7i4). La France et la Prusse se garantis-
saient leurs conquêtes, s'engageaient à défendre
les Bourbons d'Italie et à opposer h Georges II
d'Angleterre le prétendant Stuart, Charles-Edour.rd
Un changement dans nos plans militaires coïn-
cidait avec ce revirement politique. Le maréchal
de Saxe, pour donner un but précis à la guerre,
faisait accepter par le conseil son projpt d'une in-
vasion dans les Pays-Bas autrichiens; la duclK^sse
de Châteauroux engagea le roi à se mettre à la
tête de l'armée. Les succès dans les Pays-Bas
furent rapides. En quelques jours les Français en-
levèrent Menin, Ypres, Furnes, Courtray. Mal-
heureusement il fallut courir au secours de l'Alsace
menacée par le prince Charles de Lorraine. Le
roi tomba malade à Metz, et il put voir, aux témoi-
gnages d'affection que lui donna la France, com-
bien la royauté était encore populaire. A peine
rétabli, il reprit avec Noailles le commandement
de l'armée. L'Alsace fut sauvée par une diversion
de Frédéric en Bohême. Le prince de Lorraine dut
abandonner le Rhin pour défendre Vienne. On
pouvait retourner sans crainte dans les Pays-Bas.
La mort de notre allié Charles VII de Bavière et la
GUERRES
— 936 —
GUERRES
renonciation de son fils à toute prétention sur la
succession autrichienne (traité de Fuessen, 1745)
semblaient rendre la guerre inutile, puisque la
Pragmatique n'était plus contestée. Mais l'Angle-
terre trouvait que la France était encore trop
puissante, et Louis XV fut forcé de conquérir la
paix.
Tout l'effort de la campagne se concentra dans les
Pays-Bas. L'armée française, commandée par le roi
et le maréchal de Saxe, était forte de 9(i 000 hommes ;
l'armée anglo-allemande comptait 55 000 hommes,
et avait à sa tête le duc de Cumberland, le ma-
réchal de Kœnigsegg et le prince de Waldeck.
La bataille s'engagea dans la plaine de Fontenoy,
dominée par les trois redoutes de Fontenoy, de
Barri et d'Autoing, que le maréchal de Saxe avait
garnies d'artillerie. Les Anglais et les Hollandais
essayèrent vainement d'enlever les redoutes. Le
duc de CumberJand massa alors toutes ses forces
et, malgré les feux croisés de nos batteries, les
lança à l'assaut des hauteurs de Fontenoy. La co-
lonne parvint au haut de la colline. Le capitaine
des gardes anglaises, lord Hay, à la vue de nos
officiers : « Messieurs, dit-il, tirez. « Le comte
d'Hauteroche, lieutenant des grenadiers des gardes
françaises, répondit : « A vous, ^^lessieurs, nous ne
tirons jamais les premiers. « Le combat s'engagea
sur toute notre ligne du centre. Les Anglais,
avançant toujours, paraissaient maîtr^ïs de la posi-
tion. Le maréchal de Saxe, craignant de compro-
mettre la retraite du roi qui assistait à la bataille
du haut d'Autoing, ne voulait pas engager ses ré-
serves. Mais le roi envoj^a les pièces de canons
qui le protégeaient. L'artillerie battit en brèche la
colonne anglaise. Dès ce moment la victoire était
assurée; elle était due surtout à l'artillerie. La
conquête de tous les Pays-Bas autrichiens i^Belgi-
que) en fut la conséquence.
Nos armes étaient partout aussi heureuses que
dans les Pays-Bas. En Italie, le prince de Conti
s'emparait de ^ice et gagnait sur Charles-Emma-
nuel la bataille de Coni. Son successeur, Maille-
bois, battait les Piémontais à Bassignano, enlevait
Alexandrie et tout le ^Montferrat. La même année.
Gênes s'était déclarée pour nous. Don Carlos re-
prenait les armes dans le royaume de Naples et
poursuivait les Autrichiens jusqu'à Bologne. En
Angleterre, le prétendant Charles-Edouard, après
avoir gagné avec les Écossais la bataille de Pres-
ton-Pans, avait pris les villes de Newcastle, de
Manchester et de Lancastre, et marchait sur Lon-
dres. Enfin, en Silésie, Frédéric II s'assurait la pos-
session de cette province par la victoire de Fried-
berg, qui, disait-il, acquittait la lettre de change
que Louis XV avait tirée sur lui à Fontenoy. Il
put alors envahir de nouveau la Bohème, où avec
20 000 hommes il culbuta à Sohr les 50 000 Au-
trichiens du prince de Lorraine. Pendant ce temps
son lieutenant, le prince d'Anhalt, avait fait la con-
quête de la Saxe par la victoire de Kesseldorf.
Frédéric II entra triomphant dans la ville de
Dresde. C'est là qu'il consentit à signer avec Marie-
Thérèse un nouveau traité qui lui cédait la Silésie.
Il reconnaissait l'époux de Marie-Thérèse, Fran-
çois I", comme empereur d'Allemagne (1745).
La France, abandonnée une seconde fois par Frédé-
ric II, vit recommencer alors une période de revers.
En Italie, le désaccord de l'infant don Philippe et
de Maillebois amena la défaite de Plaisance (7 juin
1746) ; l'Italie était perdue pour nous ; Gènes,
notre alliée, sacrifiée, et la Provence envahie. La
défense héroïque de Boufflers dans Gènes et la ré-
sistance de Belle-Isle en Provence sauvèrent notre
honneur de ce côté. On put reprendre l'offensive ;
mais on dut renoncer à passer les Alpes, après
le désastre éprouvé par le chevalier de Belle-Isle
au combat d'Exilles (1747).
En Angleterre, le prétendant avait gagné sur
Georges II la bataille de Falkirk ; mais sa petite
armée, décimée par ses succès mêmes, se fit
écraser à CuUoden (avril 1746). Charles-Edouard,
après cette aventureuse expédition, dut revenir en
France.
Les brillantes victoires du maréchal de Saxe
dans les Pays-Bas compensèrent ces revers. Il
arrêta l'armée du prince de Lorraine, près de la
Meuse, à Raucoux (1747). L'année suivante il pour-
suivait l'offensive jusque dans la Flandre hollan-
daise. La Hollande, effrayée, rétablit le stathoudé-
rat en faveur de Guillaume de Nassau, et unit ses
forces à l'armée anglaise du duc de Cumberland.
Celui-ci, pour empêcher le siège de Maëstricht,
vint li^Tor bataille au maréchal de Saxe, en avant
de cette ville, à Lawfeld, mais il fut délogé de ses
positions (1747*. Maastricht fut bloqué l'année sui-
vante par nos troupes, pendant que le comte de
Lœwendhal s'emparait de Borg-op-Zoom (1748).
La guerre maritime, soutenue avec des forces
insuffisantes, nous avait été fatale. Nous possédions
à peine trente-cinq vaisseaux de ligne contre cent
dix que nous opposait l'Angleterre. Le marquis de
la Jonquière dut combattre avec sLx vaisseaux con-
tre dix-sept à la hauteur du cap Finisterre.
L'amiral de l'Estanduère, avec sept navires, notre
dernière escadre, fut arrêté près de Belle-Isle par
quatorze navires de l'amiral Hawkes. Le courage
de nos marins était admirable, mais impuissant.
Nos riches convois de la Martinique et de Saint-
Domingue étaient interceptés. Londres s'enrichis-
sait de nos dépouilles. Nos côtes mêmes étaient
insultées. Brest et Toulon furent bloqués par les
Anglais, Antibes bombardé, et Lorient faillit être
pris.
En Amérique, nous perdions Louisbourg et l'île
si importante du Cap-Breton, à l'embouchure du
Saint-Laurent.
Aux Indes, la rivalité de Dupleix et de La Bour-
donnais, ces deux hommes de génie qui, unis, au-
raient pu porter un coup mortel à la puissance
anglaise, nous fut funeste. Le second s'était em-
paré de Madras (1746), mais la rendit aux Anglais
pour une riche rançon. Dupleix rompit ce traité et
fil rappeler La Bourdonnais en France. Il fit ou-
blier cette mauvaise action par sa belle défense de
Pondichéry attaqué par les Anglais.
L'Angleterre trouvait la France assez affaiblie ;
notre marine était réduite à deux vaisseaux et notre
dette s'était accrue de l 20u millions. Elle consentit
à la paix.
Louis XV, maître des Pays-Bas autrichiens, de
deux provinces hollandaises, de la Savoie et de
Nice, aurait pu obtenir des conditions avanta-
geuses. Il déclara qu'il voulait traiter « non en
marchand, mais en roi, » ce qui simplifia les né-
gociations et amena le traité d'Aix-la-Chapelle
(octobre 1748).
Louis XV restitua toutes ses conquêtes, obtint
pour l'infant don Philippe, son gendre, les duchés
de Parme, de Plaisance et de Guastalla. rétablit le
duc de Modène et la république de Gênes dans
leurs possessions, et ne demanda pour la France
que la restitution de l'île du tiap-Breton et le main-
tien des fortifications de Dunkerque du côté de la
terre. 11 s'engageait à chasser de son royaume le pré-
tendant Charles-Edouard. L'Angleterre recouvra Ma-
dras et obtint pour quatre ans le droit d'importer
des nègres asiento) et le vaisseau de permission
qui devait lui servir à faire la contrebande dans
les colonies espagnoles. Toutes les puissances
garantirent la succession au trône d'Angleterre
dans la ligne protestante, et le maintien de la
Pragma'ique-Sanciion, sauf la cession de la Silésie
au roi de Prusse et d'une partie du Milanais au roi
de Sardaigne.
Deux États avaient tiré profit de cette guerre :
l'Angleterre, qui restait maîtresse des mers, et la
GUERRES
— 937 —
GUERRES
Prusse, qui, après avoir doublé son territoire, deve-
nait prépondérante en Allemagne, et en Em-ope
puissance de premier ordre. [D. Blanchet.]
Ouvrages à consulter : Frédéric II, Histoire de mon
tomp^. — Le maréchal de Saxe, Lettres et Mémoires. —
A'oltaire. Correspondance. — Macaulay. Essais, Frédéric n.
— Louis Léger, Histoire de V Autriche-Hongrie ; et les His-
toires de France de Henri Martin, Sisruondi, Duruy, etc.
Guerre de sept ans (1756-1763). — La paix de
huit, ans qui suivit le traité d'Aix-la-Chapelle fut
utilisée par les différents États pour réparer les
malheurs de la dernière guerre. Frédéric II, par
ses réformes intelligentes, par le développement
qu'il sut donner aux travaux publics, par la
création de villages sur les terrains conquis le
long de l'Oder, par ses encouragements à l'in-
dustrie et à l'agriculture, augmentait le revenu de
ses États et pouvait entretenir, avec une popula-
tion de cinq millions d'âmes, une armée de i50 000
hommes, tout en donnant à ses sujets une pros-
périté qu'ils n'avaient p?s connue avant lui.
Marie -Thérèse appliquait aussi tous ses efforts
aux soins du gouvernement, et tels furent les heu-
reux résultats de son administration que, malgré
la perte de la Silésie, les revenus de l'Autriche
dépassèrent ceux du règne précédent. L'armée
réorganisée, dotée d'une artillerie qui passait pour
la première de l'Europe, devint aussi redoutable
qu'à l'époque du prince Eugène, et reconnaissante
de toutes les réformes dont la vaillante reine avait
pris l'initiative, fit frapper une médaille à la mère
(les camps. Secondée par un habile ministre, le
pi'ince de Kaunitz, ÎMarie-Thérèse donna à l'ad-
ministration intérieure et à la politique extérieure
une sage et forte direction. La France, troublée par
les querelles religievises du clergé et du Parle-
ment, abandonnée à l'indolence de Louis XV et aux
caprices d'une nouvelle favorite. Madame de Pom-
padour, sut heureusement se relever par ses
propres efforts et prouva qu'elle valait mieux que
son gouvernement. L'agriculture commençait à
lutter contre l'oppression d'un mauvais régime
fiscal. Le ministre Machault avait fait rendre un
arrêté pour la liberté du commerce des grains
dans l'intérieur de la France, et l'abondance régna
dans tous les marchés. Le commerce français dé-
ployait une activité extraordinaire. Dans une seule
année, Lorient avait reçu de la compagnie des
Indes pour 18 millions de marchandises. La France
était puissamment aidée dans tous ses moyens de
prospérité par ses colonies. Les îles de France et
de Bourbon accroissaient leurs cultures. Le Ca-
nada et Saint-Domingue voyaient les fortunes se
développer avec une rapidité merveilleuse. Il en
était de même de la Martinique, de la Guadeloupe,
de Sainte-Lucie, de Tabago. Les négociants de
Nantes, Rennes, Bordeaux etSaint-Malo portaient
en Amérique des capitaux qui, au bout de quel-
ques années, avaient décuplé. Dans l'Hindoustan,
le génie de Dupleix nous conquérait une étemlue
de territoire plus grande que la Fiance. « La
France règne ici, écrivait-il ; quand elle se montre,
on s'incline, n
Notre marine enfin se relevait par les efforts
d'un ministre patriote, Machault (1754), qui avait
résolu de résister h la tyrannie maritime de l'An-
gleterre. Nos ports comptèrent bientôt 60 vais-
seaux de ligne et 31 frégates
L'Angleterre surveillait avec inquiétude ce réveil
de notre puissance maritime ; elle résolut de l'arrê-
ter. Elle était aussi décidée à rompre la paix que
nous paraissions résolus l'i la maintenir. Elle de-
manda et obtint le rappel de Dupleix (I75'() ; elle
détruisit à coups de canon nos forts du Sénégal ;
elle fit enlever les poteaux qui marquaient les
limites de nos possessions dans les Antilles; elle
occupa de force la vallée de l'Ohio, dont la pos-
session était contestée, et fit assassiner un officier
envoyé comme parlementaire, Jumonville. Un
dernier affront fit enfin éclater la guerre : nos
riches convois des colonies, 300 bâtiments de
commerce, furent enlevés à la France sans décla-
ration de guerre (1755). La guerre de Sept ans fut
donc à l'origine une guerre exclusivement mari-
time entre la France et l'Angleterre.
Il eût été désirable qu'elle gardât ce caractère.
Dès le début elle se comphqua malheureusement
d'une guerre continentale. Marie-Thérèse n'avait
pas oublié son ressentiment contre le conquérant
de la Silésie ; on dit qu'elle ne pouvait voir un
Silésien sans pleurer. Elle chercha des alliés et fit
faire des ouvertures au cabinet de Versailles par
son ambassadeur, M. de Kaunitz. Madame de Pom-
padour, gagnée par les flatteries de l'impératrice,
qui n'avait pas craint de l'appeler son amie et sa
cousine, fit signer par l'abbé de Bernis le traité de
Versailles (l" mai 1756^. L'Autriche s'était assuré
d'autres alliés dans le Nord. La tsarine Elisabeth,,
qui avait à se venger des épigrammes trop jus-
tifiées de Frédéric 11 sur sa conduite, l'électeur d&
Saxe, qui haïssait personnellement le roi de Prusse,
avaient signé des traités secretsd'alliance. Frédéric,
qui était au courant de toutes ces intrigues diplo-
matiques, s'était rapproché de l'Angleterre et
avait signé avec 'William Pitt le traité de West-
minster (1750). C'était là une révolution complète
dans la diplomatie européenne. La France soute-
nait, sans profit, son ennemie séculaire, l'Au-
triche; l'Angleterre, plus avisée, comprit que les
victoires de Frédéric II sur le continent étaient
sans danger pour elle, et qu'elle pourrait d'autant
plus facilement conquérir les colonies françaises
que la France se mêlerait davantage au conflit alle-
mand. La guerre de Sept ans commençait donc
pour nous par une grande faute diplomatique ;
elle ne pouvait aboutir qu'à une défaite.
La guerre maritime fut d'abord heureuse. Dans
la ÎMôditerranée, l'amiral la Galissonnière vain-
quit l'amiral Byng. en vue de Minorque, et le
duc de Richelieu enleva d'assaut la forte place
do Mahon. Dans le Canada, les marquis de
Montcalm et de Vandreuil faisaient capituler les
Anglais dans le fort d'Oswégo. L'Angleterre se
redrossa avec vigueur devant ces échecs. Wil-
liam Pitt, le mortel ennemi de la France, prit la
direction des affaires. Le malheureux Byng, cou-
pable d'avoir été vaincu, fut fusillé sur son vais-
seau amiral.
Sur le continent, Frédéric II avait frappé les
premiers coups. Apprenant qu'une redoutable
coalition se préparait contre lui, il ne voulait pas
donner le temps à ses ennemis de se concerter. Il
envahit la Saxe, emporte Leipzig et Dresde, et
met le blocus devant le formidable camp retranché
de Pirna, sur la rive gauche de l'Elbe, où 17,000
Saxons s'étaient fortifiés. Il laisse devant le camp
une partie de son armée, et avec le reste il marche
à la rencontre des Autrichiens. Il les attaque et
les défait à Lowositz (rive gauche de l'Elbe), et
revient devant Pirna où les Saxons, forcés par la
famine, capitulent. Toute la Saxe était conquise.
Frédéric II prend ses quartiers d'hiver en Saxe,
puis envahit la Bohême. Il met le siège devant
Prague, après avoir battu une armée autrichienne
sous les murs de la ville. Mais apprenant que
le maréchal autrichien Daun arrivait avec 60 UOO
hommes, il crut pouvoir renouveler la manœu-
vre qui lui avait si bien réussi à Pirna. 11 laissa
la moitié de son armée devant Prague , et avec
40 00i) hommes il marcha contre Daun. C'était
une témérité. Vaincu à la bataille de Kollin, il
fut obligé d'évacuer la Bohême. Eu même temps
Frédéric apprenait les échecs subis par ses lieute-
nants ou ses alliés. A l'est, les Russes victorieux
à Jœgersdorf, sur la Prégel, s'avançaient dans la
Prusse royale; au nord, les Suédois envahissaient la
GUERRES
— 938
GUERRES
Poméranie prussienne ;à l'ouest, les Français sous
la conduite du maréchal d'Estrée avaient passé
sur la rive droite du Wéser et gagné sur le duc
de Cumberland la bataille d'Hastembeck. Le suc-
cesseur de d'Estrées, Richelieu, avait poussé les
Anglo-Hollandais jusque vers les marais de l'em-
bouchure de l'Elbe, et leur avait fait poser les
armes par la capitulation de Kloster-Seven.
Ainsi, le cercle des armées ennemies se rétré-
cissait de plus en plus autour de Frédéric II. Celui-
ci crut qu'il n'avait plus qu'à mourir en roi, et il
se replia vers la Saxe. Il y réorganisa son armée,
prêt à frapper le premier ennemi qui viendrait
l'attaquer. Les Français se trouvèrent h point pour
lui ménager une trop facile revanche. Notre ar-
mée offrait alors le plus triste spectacle. Le camp
français était encombré de 22 000 chariots de
marchands et de vivandiers ; au moment de livrer
bataille, 6000 maraudeurs étaient hors des rangs.
Les officiers étaient pour laplupart déjeunes cour-
tisans que le caprice de madame de Pompadour
plaçait à la tête de nos armées. Incapacité chez les
chefs, indiscipline chez les soldats, telle était
la situation de l'armée française, en face de l'armée
la mieux disciplinée et la mieux aguerrie de l'Eu-
rope ! Soubise venait de faire sa jonction avec l'ar-
mée allemande et campait sur la rive gauche de
la Saale. Frédéric II résolut de l'attaquer, bien
qu'il n'eût que '20 000 hommes à opposer à 60 UOO
Franco- Allemands. Soubise commit la faute d'aban-
donner ses positions pour se mettre à la poursuite
des soldats prussiens. Frédéric surveillait tout
du haut d'une colline avec un corps d'armée qu'il
avait dissimulé. Il se jeta sur l'armée française
qui .s'avançait en désordre, la battit et fit 7 tiOO
prisonniers. Ce fut le désastre de Rosbach. « Il
est certain, dit Frédéric II dans ses mémoires,
qu'en considérant la conduite des généraux fran-
çais on aura de la peine à l'approuver. Mais la
manière dont la cour de France distinguait le
mérite de ses généraux parut plus surprenante
que le reste : M. d'Estrées, pour avoir gagné la
bataille d'Hastembeck, fut disgracié; M. de Sou-
bise, pour avoir perdu celle de Rosbach, fut dé-
claré maréchal de France. » Il est vrai que l'opi-
nion publique se montra plus sévère et fit sur
Je malheureux général les quatrains célèbres:
Soubise dit, la lanterne à la main :
J'ai beau chercher, où diable est mon armée?
Elle était là pourtant hier matin.
Me l'a-t-on prise ou l'aurais-je égarée ? Etc.
Libre du côté de la Saxe, Frédéric accourt en
•Silésie où le prince de Lorraine venait de s'em-
parer de Breslau. Il déconcerte les Autrichiens par
la rapidité de ses attaques, et ne craint pas, au
cœur de l'hiver, avec une armée inférieure en
nombre, de se jeter sur les deux généraux autri-
chiens réunis, Daun et le prince de Lorraine. Il
les accable à la journée de Lissa qui fut, au dire
•de Napoléon, un chef-d'œuvre de tactique mili
taire. 11 avait tué ou fait prisonniers 40 tiOO hom-
mes, pris 134 canons et b'J drapeaux ; Breslau lui
ouvrait de nouveau ses portes et la Silésie était
reconquise. Ce succès terminait brillamment cette
admirable campagne de 1757.
Les Français, après leur défaite de Rosbach,
avaient ralenti leurs opérations militaires. Un parti
puissant à la cour, ayant à sa tête le cardinal de
Bernis, aurait désiré la paix sur le continent. Ma-
dame de Pompadour appela aux affaires le duc
de Choiseul, partisan décidé de l'alliance autri-
chienne ; et la guerre reprit avec fureur. Elle eut
deux théâtres bien distincts : dans la vallée du
Rhin, les Français combattent contre les Anglo-
Hollandais : dans la vallée de l'Elbe et de l'Oder,
Frédéric II lutte contre les Autrichiens, les Russes
•€t les Suédois.
Le successeur de Richelieu, le comte de Cler-
mont, fut obligé de repasser le Wéser et le Rhin
devant l'attaque soudaine de Ferdinand de Bruns-
wick. Il voulut au moins livrer bataille sur la rive
gauche de ce fleuve; mais il se fit battre près de
Crevelt, laissa aux ennemis 7 000 prisonniers et
se retira en désordre jusque dans les Pays-Bas.
Dans la vallée de l'Oder, Frédéric 11^ maître de
la Silésie, avait poussé l'offensive jusque dans la
Moravie et avait mis le siège devant Olmiitz. Mais
il apprit que les Russes envahissaient le Brande-
bourg. Il remonte en toute hâte vers le nord, force
le général Fermer à lever le siège de Custrin, l'at-
teint dans les plaines de Zorndorf et lui inflige
une sanglante défaite. Le Brandebourg était déli-
vré des Russes; mais les Autrichiens faisaient,
pendant ce temps, de rapides progrès dans la
Saxe. Frédéric II veut sauver cette province, et livre
bataille au maréchal Daun, près du village de
Hochkirchen. Il est vaincu et laisse aux Autri-
chiens le tiers de son armée et 100 canons. Cette
défaite ne compromit pas cependant les résultats
de cette brillante campagne. Frédéric II vaincu
sauvait Dresde, Leipzig, délivrait une seconde
fois le Brandebourg, et ne laissait pas à ses enne-
mis un pouce de territoire.
Avec l'année 1759, le roi de Prusse fut de nou-
veau assailli par de redoutables épreuves. Les Rus-
ses étaient commandés par un général remarqua-
ble, Soltikov, successeur de Fermer. Celui-ci
pénètre dans la marche de Brandebourg par la
victoire de Zullichau qu'il remporte sur un lieute-
nant de Frédéric, le général Wédel. Puis il joint
ses forces à celles du général autrichien Laudon
et s'empare de Francfort. Frédéric veut surprendre
les Austro-Russes dans le forêt de Kunersdorf.mais
il est écrasé par des forces trop considérables,
et II me faut du miraculeux, die Frédéric, pour me
faire surmonter toutes les difficultés que je pré-
vois. »
Sur le Rhin, les opérations avaient été d'abord
heureuses pour les Français. Le maréchal de Con-
tades devait passer le Rhin et le duc de Broglie
s'avancer par leMein pour envahir le Hanovre et
la Saxe. Ferdinand de Brunswick, qui avait voulu
arrêter de Broglie à Bergen, près de Francfort, fut
repoussé. Le mouvement offensif fut vigoureuse-
ment poussé dans la vallée du Wéser. Malheureu-
sement Contades se laissa vaincre par Ferdinand
près de Minden. De Broglie prit le commandement
général de l'armée ; il put se maintenir quelque
temps dans le Hanovre, mais la campagne était
perdue.
En 1760 Frédéric II se tira de la situation criti-
que oii l'avait mis le désastre de Kunersdorf II
avait appris que Soltikov avait craint d'user de sa
victoire, et qu'au lieu de prendre Berlin, il s'était
retiré en Pologne. Lui-même, réduit à faire une
guerre de partisan, avait surpris le général autri-
chien Laudon près de Liegnitz, et lui avait pris
6 000 hommes.' Cependant les Autrichiens et les
Russes, de nouveau réunis, avaient occupé Berlin.
Frédéric II va à leur rencontre; mais à son arrivée
les Russes battent en retraite vers Francfort et les
Autrichiens se replient vers l'Elbe. Il atteint ces
derniers à Torgau, leur fait perdre 20 000 hommes
et leur enlève 50 canons. Encore une fois Frédéric
avait délivré tout son territoire.
Dans la vallée du Wéser et du Rhin, de Broglie
tenait tête h. Ferdinand de Brunswick et se main-
tenait dans la Hesse par sa victoire de Corbach,
Ferdinand pour l'éloigner tenta une diversion vers
le Bas-Rhin ; mais de Broglie garda ses positions
et envoya contre lui le marquis de Castries. Celui-
ci faillit être surpris à Closter-Camp, mais il fut
sauvé par le dévouement du chevalier d'Assas,
capitaine au régiment d'Auvergne. Cet officie.',
envoyé à la découverte, fut tout à coup arrêté par les
GUERRES
— 939 —
GUERRES
régiments ennemis. « Silence, lui crie-t-on, ou tu
es mort! » D'Assas cria : « A moi d'Auvergne,
c'est l'ennemi! » Cet héroïque dévouement nous
valut la victoire.
La campagne de 1761 fut décisive dans la vallée
de l'Elbe et de l'Oder. Frédéric II luttait vaillam-
ment, mais sans avantages marqués, contre les
Autrichiens dans la Silésie et la Saxe, contre les
Russes en Poméranie.
Sur le Rhin, la rivalité de Soubise et de Broglie
nous devait être funeste. De Broglie, après avoir
demandé l'union des deux armées, voulut gagner
seul la bataille de Fillinghausen. 11 fut vaincu par
Ferdinand de Brunswick.
Mais cette année la France remportait un grand
succès diplomatique. Choiseul qui, à la mort de
Belle-Isle, venait de réunir sous sa direction le
ministère de la guerre et celui des affaires étran-
gère, fit signer le pacte de famille. Cette alliance
établissait une union intime entre les membres de
la famille de Bourbon. Louis XV, roi de France,
Charles III, roi d'Espagne et Ferdhiand IV, roi
de Naples, y adhérèrent. On essayait, par cette
ligue des Etats du Sud, d'arrêter les progrès ef-
frayants de l'Angleterre.
La mort de l'impératrice de Russie, Elisabeth,
fut pour la Prusse un événement heureux. Le nou-
veau tsar, Pierre III, admirateur fanatique de
Prédéric II, se hâta de signer la paix. Frédéric
tourna tous ses efforts contre les Autrichiens ; il
les chassa de la Silésie, pendant que le prince
Henri gagnait sur l'armée allemande des cercles la
bataille de Freyberg.
Sur le Rhin, Soubise et d'Estrée livrèrent la ba-
taille indécise de Wilhelmstadt ; dans la Hesse, le
prince de Condé avait engagé quelques combats
sans importance. Les négociations relatives à la
paix avaient partout paralysé les opérations mi-
litaires.
La guerre continentale avait été honorable pour
nos armées; la guerre maritime, si malheureuse-
ment négligée par le cabinet de Versailles, avait
été déplorable. Sur notre littoral et dans les eaux
de l'Europe, nous n'avions subi que des revers.
En 1758, l'amiral Anson avait brûlé nos vaisseaux
•dans le port de Saint-Malo ; mêmes ravages dans le
port de Cherbourg, dont les Anglais firent sauter
les chaussées avec la mine. Il est vrai qu'en Bre-
tagne 15 000 Anglais avaient été délogés de la
forte position de Saint-Caast par l'héroïsme des
paysans bretons. En 1759, l'amiral Leclerc était
vaincu dans le détroit de Gibraltar, à la hauteui'
de Lagos, par l'amiral Boscawen. Enfin, le maréchal
de Conflans, que madame de Pompadour avait
nommé amiral, était battu près de Belle-lsle par
l'amiral Hawke et perdait 21 vaisseaux. Cette ba-
taille resta tristement fameuse sous le nom de
bataille de monsieur de Conflans.
En Amérique, le marquis de Montcalm, aidé par
les habitants du Canada, avait fait de généreux
efforts pour sauver cette belle colonie. Il avait
pris aux Anglais le fort Saint Georges et les avait
vaincus à Ticondéroga ; mais il fut honteusement
abandonné par le gouvernement français qui ne
lui envoya pas un soldat de renfort. Il eut bientôt
à lutter contre une forte armée anglaise comman-
dée par le général Wolf. Il essaya de résister avec
une poignée de soldats et de Canadiens mal armés
contre 40 000 hommes. La bataille s'engagea sous
les murs de Québec, le 12 septembre 1759.
Montcalm et Wolf furent tués. Un an plus tard,
la capitulation de Montréal livrait le Canada aux
Anglais.
Dans THindoustan, les Anglais, conduits par un
homme de génie, lord Clive, avaient fait, depuis la
disgrâce de Dupleix, des progrès considérables.
Le nouveau gouverneur français, Lally-Tollendal,
lutta héroïquement pour arrêter les Anglais. Son
début fut brillant : il prit Goudebour et le fort
Saint-David, et vint mettre le siège devant Madras;
mais il échoua et perdit l'élite de son armée. Il fut
bientôt assiégé lui-même dans Pondichéry, fit une
résistance énergique pendant dix mois, puis réduit
à la dernière extrémité se rendit à discrétion
(1761). Ce fut la fin de notre domination dans
l'Inde.
Les puissances continentales étaient fatiguées de
la guerre. L'Angleterre était satisfaite de notre
ruine coloniale. La paix fut conclue par les deux
traités d'Hubertsbourg et de Paris (1763).
Le traité d'Hubertsbourg, entre la Prusse, la
Russie, l'Autriche, la Pologne et la Suède, remet-
tait les choses dans le même état qu'avant la
guerre. La Prusse gardait la Silésie.
Parle traité de Paris, entre la France, l'Espagne,
le Portugal et l'Angleterre, la France perdait en
Amérique : le Canada, l'île du Cap-Breton, les
bouches du Saint-Laurent, la vallée de l'Ohio, la
rive gauche du Mississipi ; aux Antilles : la Domi-
nique, Saint-Vincent, Tabago, la Grenade et les
Grenadines ; en Afrique : la rivière du Sénégal et
Corée ; en Asie : toutes nos possessions de l'Hin-
doustan, où nous ne gardions que Chandernagor,
Pondichéry, Karikal et Mahé. Toutes ces posses-
sions étaient livrées à l'Angleterre.
La France cédait en outre la Louisiane à l'Espa-
gne pour la dédommager de ses pertes.
L'Espagne cédait à l'Angleterre : Minorque, la
Floride et la baie de Pensacola.
Ce désastreux traité donnait à l'Angleterre la
domination incontestée des mers avec un immense
empire colonial ; il anéantissait nos espérances
coloniales que le génie de Dupleix et de La Bour-
donnais avait fait naître.
Ouvrages à consulter, outre ceux déjà indiqués pour
la guerre de la siiccessiun d'Autriche : Fleury, Histoire
d'Angleterre ; de Rémusat, Etudes sur F Angleterre ; Ma-
caulay. Biographie de Clive; de Saint-Priest, les Français
dans 'l'Inde. [D. Blanche t.]
Guerre d'Amérique. — Histoire générale, XXV;
Histoire de France, XXIX. — Nom donné dans
l'histoire de France à la guerre à la suite de laquelle
les colonies anglaises d'Amérique furent recon-
nues république indépendante sous le nom d'Etats-
Unis d'Amérique.
Préliminaires. — Cette guerre, dont les consé-
quences devaient être si heureuses pour l'Amé-
rique, et qui dura huit ans (1775-1783), éclata
à la suite de longues difficultés d'intérêt. Les co-
lons d'Amérique, pour la plupart Anglais, avaient
un trop profond respect et un trop grand dévoue-
ment pour la métropole pour briser avec elle
sans y être absolument forcés. Dès 1764, l'An-
gleterre, dont les finances avaient été obérées par
la guerre de Sept ans, imposa, sans les consulter,
des taxes fort lourdes à ses colonies. Il y fut ré-
pondu par une première Déclarution des droits de
l'hoihme, basée sur le droit naturel et philosophi-
que, à la manière des écrivains français. En 1765,
une assemblée réunie à Boston protesta contre l'im-
pôt du timbre, elles colonies déclarèrent l'année sui-
vante qu'elles repousseraient désormais tous les
produits industriels d'origine anglaise. Un instant,
le Parlement anglais céda par le conseil de Pitt ;
mais en 1767, il revint à la charge. Une lutte, lé-
gale d'abord, s'engagea ; mais dès 1770, on en vint
aux mains et le sang coula à Boston. L'Angleterre
recula à demi; elle abolit les taxes, moins celle
du thé. Le thé envoyé par la compagnie des Indes
fut jeté à la mer parles habitants de Boston (1773).
Le Parlement mit alors l'interdit sur ce port, et
changea par une loi la constitution du Massachu-
setts, dont Boston était la capitale. Soutenu par les
autres Etats réunis en congrès à Philadelphie^, le
Massachusetts n'obéit pas, et, en septembre l""^*,
le Congrès formula une nouvelle Déclaration des
GUERRES
— 940 —
GUERRES
droits « fondés à la fois sur les lois immuables de
la nature et sur les chartes et lois positives ».
Les hostilités commencèrent; le 19 avril 1775,
les troupes anglaises furent refoulées h. Lexinsrton
et bloquées dans Boston, et au combat de Bun-
ker"s-Hill (17 juin) les généraux anglais purent se
convaincre qu'ils avaient en face d'eux des adver-
saires résolus à vaincre ou à mourir. En même
temps le second Congrès continental faisait acte de
gouvernement en créant un papier-monnaie , en
levant une armée, en ouvrant les portes des co-
lonies à toutes les nations, excepté à l'Angleterre,
enfin en nommant un général en chef, Georges
Washington (16 juin 1775).
Guerre générale. — La guerre éclata alors fran-
chement et s'étendit dans toute l'Amérique du
Nord. Les colons firent appel aux Français du Ca-
nada et envahirent cette province, où ils échouèrent.
L'Angleterre répondit en envoyant en Amérique
des forces imposantes et en excitant les Peaux-
Rougcs à se ruer sur les colonies. Comme s'il était
dans la destinée de la France d'être partout le sol-
dat de la liberté, elle ne devait pas tarder à être
mêlée à la qiiorelle. A partie roi et les ministres,
tout le monde, chez nous, était favorable aux Amé-
ricains. Beaumarchais, déjà célèbre, prit en main
leur cause, et trouva en Turgot un appui jusque
dans le conseil du roi. Grâce à Turgot, les propo-
sitions de Beaumarchais furent acceptées ; on lui
donna un million en secret; il en eut un autre de
l'Espagne, et trois de plusieurs armateurs. Des se-
cours d'argent furent immédiatement envoyés.
En Amérique, la révolution marchait vite ; les
troupes anglaises étaient chassées de Boston, et le
4 juillet 1776, h. la suite de la proposition de Ri-
chard Henry, le congrès signait enfin la Déclaration
d bidépendance des Etats-Unis d'Amérique. « La
déclaration d'indépendance était prononcée par le
congrès au nom des lois de la nature et du Dieu
do la nature. Il y était dit que tous les hommes
ont été créés égaux et doués par le créateur do
droits inaliénables, tels que la vie, la liberté et la
recherche du bonheur ; que, quand un gouverne-
ment ne tend point à ces fins, le peuple est
en droit de le changer et d'en établir un nou-
veau ». Peu après, les Anglais se rendaient maî-
tres, malgré Washington, qu'une série de désastres
ne lassait pas, de New- York et de plusieurs positions
importantes. Pendant ce temps, un autre grand ci-
toyen américain, Franklin, venait en France récla-
mer notre alliance ouverte (décembre l'76).
En 17"7, les secours organisés par Beaumar-
chais, neuf vaisseaux charges d'armes, de munitions
et de volontaires de l'artillerie et du génie, arrivè-
rent en Amérique. Presque en même temps, arri-
vait un autre volontaire bien plus précieux. C'était
Lafayette, jeune officier de vingt ans, grand sei-
gneur de la cour, parti malgré le roi, malgré sa
femme près d'être mère, pour cette croisade de la
liberté. A peine arrivé, il rejoignait Washington, l'ai-
dait à tenir en échec l'armée anglaise dePensylva-
nie, tandis que des lieutenants du général américain
forçaient une autre armée anglaise, venue du Ca-
nada sous le commandement de Burgoyne, à met-
tre bas les armes à Saratoga, dans les forêts du haut
Hudson (17 octobre 1777).
Ce fut peut-être à cette victoire que la jeune P«é-
publique dut son salut. L'impression en fut telle
en France et en Europe que Louis XVI, hésitant
jusqu'alors, consentit à signer le double traité qu'é-
tait venu demander Frankliii (G février 1778). « On
se promettait d'abord de se traiter réciproquement,
dans les relations commerciales, sur le pied de la
nation la plus favorisée et do s'entre-protéger sur
mer ; et, ensuite, on s'engageait à faire cause com-
mune, dans le cas où l'Angleterre romprait avec la
France à cause du pacte de commerce et de protec-
tion générale. » Le roi, retenu par des scrupules
monarchiques, n'avait voulu traiter qu avec cette
restriction : il tenait à être attaqué par les Anglais.
Il n'attendit pas longtemps; l'Angleterre rappela
son ambassadeur. Une proposition de reconnaître
l'indépendance des colonies fut repoussée par le
Parlement anglais, sur les instances du vieux Pitt,
qui mourut quelques semaines après. La guerre
commença immédiatement; elle eût pu être promp-
tement terminée et fort avantageusement pour la
France, si on l'eût menée w'ement et résolument
en portant les armes dans l'Inde, où les Anglais
étaient tenus en échec par un chef musulman,
Hayder-Ali. Mais le roi était faible, le premier mi-
nistre était frivole, celui de la marine était insuf-
fisant, celui de la guerre incapable. Toutefois notre
flotte de Brest remporta la victoire navale d'Oues-
sant, et notre flotte d'Amérique, commandée par
d'Estaing, fit sortir les Anglais de la Pensylvanie,
se porta ensuite aux Antilles, où elle s'empara de
la Dominique pendant que nous perdions Sainte-
Lucie.
Durant l'année 1779, l'Angleterre fit de vigoureux
mais impuissants efforts. Au début, elle s'empara
de la Géorgie, pendant qu'une de nos escadres lui
reprenait notre ancienne possession du Sénégal.
Quelque temps après, le vieux roi d'Espagne s'u-
nissait à la France, et les flottes française et espa-
gnole combinées s'apprêtaient à tenter une des-
cente en Angleterre. Les mesures bien prises par
notre amiral d'Orvillers échouèrent par l'incapacité
du ministre de la marine. Aux Antilles, d'Estaing
faisait la conquête des îles de Saint-Vincent et de
la Grenade, et la campagne se terminait par un très
beau combat où La Mothe-Piquet, avec trois vais-
seaux, osait tenir tête à quatorze vaisseaux anglais,
sauvait la moitié d'une flottille marchande, qu'il
avait mission de protéger, et dégageait ses trois
vaisseaux du milieu de la flotte ennemie. L'année
finissait mal pour l'Angleterre ; elle perdait du ter-
rain dans le nord de l'Amérique, pendant que les
Espagnols lui enlevaient la Louisiane orientale
dans le sud.
Au commencement de 1780, les Anglais reprirent
espoir. Une folle générosité du maréchal de Biron
leur avait rendu leur meilleur amiral, Rodney, re-
tenu en France pour dettes. Cet acte de chevalerie
nous coûta cher. Rodney battit une flotte espa-
gnole, et ravitailla Gibraltar. D'Estaing ayant
échoué en Géorgie à la prise de Savannah, des en-
vieux, jaloux de son mérite supérieur, firent tant
qu'on lui retira le commandement de la flotte des
Antilles pour le donner au comte de Guichen, soldat
admirable, mais amiral médiocre. Attaqué par Rod-
ney, le nouvel amiral dut à la supériorité de ses
forces de n'être pas absolument vaincu. Sur terre,
les Anglais étaient heureux en même temps. Ils
étaient en progrès au sud des Etats-Unis, et une
expédition, partie de New-York, avait pris Charles-
ton dans la Caroline du sud et envahi la province.
Heureusement Lafayette, qui était venu en France
chercher de nouveaux renforts, revint au secours
des Américains, suivi de Rochambeau, à la tête de
5 000 soldats. Cette diversion suffit à arrêter le pro-
grès des Anglais. Des troubles qui éclatèrent à.
Londres pendant cette même année inquiétèrent
la cour et le Parlement, et nuisirent aux expédi-
tions du dehors.
Le gouvernement anglais profita de la peur que
l'émeute de Londres avait faite aux bourgeois pour
obtenir en 1781 de très larges subsides, non plus
cette fois pour attaquer, mais pour se défendre.
D'autre part l'irritation des Anglais était telle qu'ils
traitaient do marchandises de contrebande toute
marchandise pouvant servir à la marine, et arrê-
taient tous les navires neutres frétés pour la
France. Aussi l'appui moral de l'Europe leur man-
qua-t-il absolument, et toutes les puissances eu-
ropéennes, à la suite do la Russie, signèrent-elles
GUERRES
941 —
GUERRES
la ligue de la neutralité armée pour soustraire
leurs vaisseaux aux violences des croiseurs anglais.
Irrités, les Anglais attaquèrent les Hollandais sans
déclaration de guerre. Rodney s'empara de Saint-
Eustache. une de leurs colonies, où il leur prit 16
millions, que La llothe-Piquet enleva ensuite aux
ravisseurs en vue des côtes de l'Angleterre. Pendant
ce temps une flotte franco-espagnole s'emparait
de Port-Mahon, et une flotte française enlevait
l'île de Tabago, puis faisait voile pour les Etats-
Unis, où elle allait contribuer à des opérations
décisives. Les Anglais, commandés par lord Corn-
wa\lis, maîtres de New- York et de la Caroline du
Sud, tentèrent de s'emparer de la Virginie, d'où ils
eussent frappé les Etats-Unis au coeur, s'ils avaient
réussi. Avec une poignée d'hommes, Lafayette
contint Cornwallis, reculant prudemment sans se
laisser entamer et en gardant les communications
avec la Per.sylvanie.
Renforcé ensuite par les Pensylvaniens, il reprit
l'offensive, chassa la réserve anglaise devant lui,
et l'obligea à rejoindre Cornwallis à York-Town.
La l'îotte française ne tarda pas à bloquer les deux
rivières d'York et de James, par lesquelles Corn-
wallis pouvait être secouru. L'amiral anglais
Graves, venu trop tard, fut obligé de se retirer de-
vant l'amiral français Grasse, qui le battit dans un
engagement d'avant-garde. Washington et Ro-
chambeau ne tardèrent pas à arriver. Dans la nuit
du 14 octobre 17«1, deux colonnes d'attaque, l'une
américaine, sous Lafayette, l'autre française, sous
Lemesnil, enlevèrent à la baïonnette deux re-
doutes qui protégeaient Cornwallis. Le l9 du même
mois, le général anglais se rendait prisonnier avec
7,0i)0 soldats, 1,000 matelots, beaucoup de navires
et d'artillerie. L'indépendance des Etats-Unis était
assurée : «■ L'humanité a gagné son procès, écrivit
Lafayette. La liberté ne sera plus jamais sans
asile. « D'autre part, un lieutenant de Washington
avait chassé les Anglais de la Caroline du Sud, et
les Espagnols s'étaient avancés du Mississipi jus-
qu'à la Floride. La guerre d'Amérique était réelle-
ment finie ; les Anglais ne possédaient plus que
New- York, Savannah et Gharleston.
L'année 17S2 fut remplie par la continuation
de la guerre entre la France, l'Espagne et l'Angle-
terre. Le marquis de Bouille prit Saint-Eustache
aux Anglais ; le duc de Grillon leur prit Minorque,
et Suffren, un de nos plus grands hommes de mer,
envoyé dans les Indes pour protéger les Hollan-
dais, gagnait quatre victoires navales et formait
avec le nouveau sultan de Mysore, Tippou-Saib,
un vaste plan pour la destruction de la domina-
tion anglaise dans ces régions, lorsque la paix
l'arrêta.
Pendant ce temps, l'amiral de Grasse, après
quelques succès dans les Antilles, se faisait pren-
dre à la bataille navale des Saintes, où notre flotte
fut écrasée par Rodney. Gibraltar, attaqué par les
forces réunies de la France et de l'Espagne, fut
admirablement défendu par les Anglais, qui surent
le conserver.
Tout le monde était las, et les pourparlers pour
la paix, qui avaient commencé dès i7"?, abouti-
rent enfin en 1783. « Le traité définitif fut signé
le 3 septembre à Versailles. L'Angleterre recon-
naissait l'indépendance des Etats-Unis, £;ardait le
Canada et ses dépendances, nous rendait les pe-
tites îles de Saint-Pierre et de Miquelon, sur la
côte de Terre-Neuve, avec le droit de les fortifier,
mais avec une transaction commerciale qui accor-
dait aux .\nglais le droit exclusif de pêcho sur la
meilleure côte de Terre-Neuve, la côte orientale.
Nous rendions aux Anglais toutes nos conquêtes
des Antilles, excepté Tabago. L'Angleterre n'avait
là à nous rendre en échange que Sainte-Lucie ;
mais elle nous restituait nos places de llnde,
Pondichéry et le reste. Nous gardions le Sénégal,
avec un arrangement pour le commerce de la côte
d'Afrique. L'Angleterre renonçait à nous inter-
dire de fortifier Dunkerque. Ce qui avait pnussé
le ministre, Vergennes , à la paix, c'était l'état
déplorable de nos finances ; nous avions dépensé
I 4u0 millions ; mais c'était en partie sa faute, car
il avait contribué à renverser Necker, qui eût su
trouver des ressources pour aller jusqu'au bout.
L'Angleterre avait dépensé plus du double de la
France, 2 milliards et demi, et ses finances n'é-
taient pas en meilleur état que les nôtres. La paix
faisait peu dhonnour à nos négociateurs ; mais la
guerre en avait fait beaucoup à la France, qui avait
agi d'elle-même et non sous la pression de ses
gouvernants
« Quant au résultat moral et politique de la
guerre, la fondation de la grande République amé-
ricaine, il était immense pour l'avenir de l'huma-
nité. La philosophie du dix-huitième siècle avait
eu sa croisade de la liberté, plus heureuse que les
croisades du moyen âge. Il n'y a rien de plus glo-
rieux pour la France dans toute son histoire, ni de
plus conforme à son génie. Les autres nations ne
font rien de semblable, et il ne faut pas qu'elle
s'en repente, quoique personne ne lui rende ce
qu'elle a fait pour autrui. Elle eût pu dire comme
Jeanne d'Arc à son départ : « C'est pour cela que
« je suis née. » fHenri x^Iartin). [P. Vincent.]
Guerre d'Espagne. — Histoire générale, XXVI,
XXiX ; Histoire de France, XXXIII, XXXIV.— On
appelle ainsi la guerre entreprise par Nipoléon V^
en 180S pour placer sur le trône d'Espagne son
frère Joseph (V. Charles IV, Ferdinand VI [.Napo-
léon l"\. Après avoir arraché à Charles IV et à son
fils Ferdinand leur abdication. Napoléon fait dé-
cerner la couronne à Joseph Bonaparte par la
junte de Madrid; mais en même temps une autre
junte, réunie à SéviUe, proclame Ferdinand VII et
apnelle les Espagnols aux armes. Une insurrection
du peuple de Madrid (2 mai) avait été cruellemnnt
réorimée oar Miirat: mais les autres villt^s d'Es-
pagne se soulèvent et massacrent les partisans de
la France. La victoire de Bessières à Rio-Seco fli
juillet) ouvre à Joseph le chemin de Madrid.
Presque en même temps, Dupont met bas les
armes à Baylen devant les Espagnols de Castanos
(•22 juillet), et l'Andalousie est perdue pour les
Français, qui bientôt doivent reculer partout; le
siège de Saragosse est levé (14 aoùtj ; Junot, me-
nacé par les Anglais de Wellington, évacue le Por-
tugal (convention de Cintra, 2-.' août). A peine
entré à Madrid, Joseph a dû abandonner sa capi-
tale et se retirer à Burgos.
Cependant Napoléon est à Erfurt. A la nouvelle
des revers des armes françaises dans la péninsule,
il accourt lui-même en Espagne (novembre), et
aussitôt les choses changent de face. Les Espa-
gnols sont battus à Burgos par Soult, à Espinosa
par Lefebvre et Victor, à Tudela par Lannos, qui
remet le siège devant Saragosse ; la victoire de
Somo-Sierra \W novembre) achève cette rapide
campagne, et Napoléon entre à Madrid 4 décem-
bre), où il accorde une amnistie et promulgue une
série de décrets abolissant l'inquisition et les
droits féodaux et supprimant les deux tiers des
couvents. « Il fait jouu- l'Espagne, en un jour, de
toutes les conquêtes de la révolution. Mais ses
bienfaits sont ceux d'un étranger armé, et le pa-
triotisme les repou>se. Les moines, menacés dans
leurs privilèges, continuent à entretenir l'exalta-
tion populaire. »
Croyant avoir conquis et pacifié l'Espagne, Napo-
léon retourne à Paris, tandis que Soult bâties An-
glais à la Corogne (19 janvier 1809) et les force à se
rembarquer, et que Joseph fait à Madrid une en-
trée solennelle (22 janvier). Bientôt Saragosse,
après une héroïque défense qu'a dirigée Palafox,
se voit contrainte de capituler (21 février). Mai»
GUERRES
— 942 —
GUERRES
malgré les succès partiels que remportent les
généraux de Napoléon durant les années 1809,
1810 et I8I1, l'Espagne reste indomptable et con-
tinue la lutte; la junte nationale, forcée d'évacuer
Séville qui s'est rendue à Soult (1" février ISIO),
se réfugie à Cadix, où Victor et Soult l'assiègent
inutilement; elle y travaille à la rédaction d'une
constitution libérale, qui est proclamée le 12 mars
1.S12, et que le patriotisme espagnol oppose aux
réformes d'importation étrangère.
Wellington, venant du Portugal d'où Masséna
n'a pu le chasser, rentre en Espagne au commen-
cement de 1812; il remporte sur Marmont une
victoire décisive aux Arapiles (22 juillet 1812), et
occupe Madrid. Mais Soult vient au secours de
Marmont; Wellington bat en retraite, et Joseph
l'out rentrer à Madrid pour quelques mois encore.
L'année 1813 devait voir s'écrouler définitivement
son éphémère royauté. La nouvelle des désastres
de la campagne de Russie redouble l'ardeur des
Espagnols et des Anglais ; Joseph, menacé, quitte
Madrid pour n'y plus rentrer (28 mai I8ia) ; il est
battu par Wellington à Vittoria (21 juin), et les
armées françaises sont rejetées sur les Pyrénées.
Les nouveaux revers qu'il vient d'essuyer en Alle-
magne décident enfin Napoléon à rendre la cou-
ronne d'Espagne à Ferdinand VII, qu'il avait gardé
en captivité et qui fut remis on liberté par le traité
de Valençay (11 décembre 1813).
Ferdinand s'empressa de se rendre à Madrid,
tandis que les Anglais de V\ellingtou, franchissant
la Bidassoa, entraient en France pour y coopérer
à la campagne d'invasion.
La guerre d'Espagne fut une des fautes qui con-
tribuèrent le plus à la chute de Napoléon. —
V. Napoléon I".
Guerre d'Espagne sous la Restauration. — On
désigne également sous le nom de guerre d'Es-
payne la campagne entreprise en 1823 par le
gouvernement de Louis XVIII contre les libéraux
espagnols. A la suite de l'insurrection de ls2u
(V. Ferdinand VII], le roi d'Espagne avait dû re-
noncer au pouvoir absolu et jurer fidélité à la con-
stitution de 1812. Le Congrès des puissances, réuni
à Vérone, décida que la France serait chargée de
rétablir en Espagne la monarchie absolue, en fa-
veur de laquelle se soulevait déjà une partie de la
population, fanatisée par les moines. Une armée
française de 11 5,000 hommes, sous le commande-
ment du duc d'Angoulôme, franchit la Bidassoa
(7 avril 1823), et entra à Madrid le 23 mai sans
avoir rencontré de résistance. Tandis que Bouike
et Molitor allaient réduire la Galice et la Catalo-
gne, le gros de l'armée continua sa marche vers
le sud. Les Certes avaient emmené Ferdinand Vil
de Madrid à Séville, puis à Cadix. Partout, à me-
sure que les libéraux cédaient le terrain, les par-
tisans de l'ancien régime se livraient à d'atroces
vengeances ; le duc d'Angoulôme publia l'ordon-
nance d'Andujar (8 août is23), pour tenter d'ar-
rêter les excès de la réaction absolutiste ; il n'y réus-
sit pas. Le 16 août, l'armée française arrivait
devant Cadix, et le 31, la presqu'île du Trocadéro,
qui commande le port intérieur de cette ville, fut
enlevée d'assaut. Les Cortès alors capitulèrent, et
rendirent à Ferdinand VII le pouvoir absolu (28
septembre). Dès qu'il se vit libre, Ferdinand, vio-
lant ses promesses, annula tous les actes des Cer-
tes, et envoya au supplice ou aux galères les chefs
des libéraux. «Nos soldats revinrent avec la triste
gloire d'avoir remis la nation espagnole sous le
joug de moines barbares et d'un roi inepte et
cruel. » (Lavallée.)
Guerre de l'Opium. — Histoire générale, XXVI.
— L'empereur de la Chine ayant interdit, en
1839, l'importation de l'opium dans ses Etats,
l'Angleterre, atteinte par cette mesure dans ses
intérêts commerciaux, déclara la guerre à l'empire
chinois. Après trois campagnes successives dans
les mers de la Chine, et la prise de Canton et de
plusieurs places fortes, les Anglais obligèrent le
Céleste-Empire à consentir au traité de Nankin
(1842,, stipulant que l'île de Hong-Kong serait
cédée à l'Angleterre, et que cinq ports seraient
ouverts à son commerce.
Guerre d'Orient. — Histoire générale, XXVI;
Histoire de France, XXXVI. — Ce fut à la suite
des prétentions de la Russie, qui réclamait le droit
de protéger les chrétiens du rite grec dans la
Turquie d'Europe, et d'une querelle entre les
Latins et les Grecs au sujet des Lieux Saints, que
cette guerre éclata. La France et l'Angleterre s'u-
nirent pour protéger la Turquie contre l'ambition
russe. Après de longues négociations diplomati-
ques, et lorsqu'une flotte turque avait déjà été
détruite par les Russes à Sinope (30 novembre
I8J3), la déclaration de guerre des trois puissan-
ces alliées, Turquie, France et Angleterre, fut
enfin signifiée à la Russie (27 mars 1854). Tandis
qu'une armée turque sous Omer-Pacha défendait
héroïquement Silistrie, la flotte franco-anglaise
allait bombarder Odessa (avril), et une autre flotte
attaquait et prenait Bomarsund dans la mer Balti-
que. Mais l'expédition dirigée contre Sébastopol
devint bientôt l'objet capital et le nœud de toute
la guerre. Cinquante mille alliés, sous le comman-
dement du maréchal Saint-Arnaud et de lord Ra-
glan, débarquent en Crimée (14 septembre 1854),
battent une armée russe à l'Aima (20 septembre)^
et ouvrent la tranchée contre Sébastopol, que
défendait l'habile ingénieur Totleben. Saint-Arnaud^
mort quelques jours après la victoire de l'Aima,
est remplacé par Canrobert, et après un combat
resté indécis à Balaclava (".'5 octobre), les Russes
sont battus une seconde fois à Inkermann (5 no-
vembre). Les assiégeants passèrent l'hiver de 1854
à 1855 dans leurs tranchées, disputant pied à pied
le terrain aux Russes qui se défendaient avec achar-
nement. Une armée piémontaise et une armée tur-
que vinrent renforcer les alliés. L'empereur Nicolas
étant mort (2 mars 1855), des conférences s'ouvri-
rent à Vienne pour un accommodement; mais elles
n'aboutirent pas. Cependant Pélissier avait rem-
placé Canrobert (16 mai); une nouvelle victoire
sur les Russes à la Tchernaïa enleva aux assiégés
leur dernier espoir; et la prise d'assaut de la
tour Malakiifl" (8 septembre^ ayant rendu la ville
intenable, Sébastopol fut évacué le lendemain par
les Russes. Durant ce temps la flotte alliée avait
continué sa campagne dans la Baltique; elle avait
pénétré dans le golfe de Finlande , et menaçait
Cronstadt ; la Suède s'était jointe à la France et
à l'Angleterre contre la Russie. Alors, grâce à l'in-
tervention de l'Autriche, de nouvelles propositions
d'arrangement furent mises en avant; la Russie les
accepta ; un congrès se réunit à Paris, et le 23 fé-
vrier 1B56 furent signés des préliminaires de pais
qui se transformèrent le 30 mars en un traité dé-
finitif. La Turquie fut placée sous la garantie des
puissances européennes; la mer Noire fut interdite
aux navires de guerre de toutes les nations et le
Danube rendu accessible à toutes les marines ; les
principautés danubiennes restèrent sous la suze-
raineté de la Porte. — V. Napoléon III. Pour la
guerre d'Orient de 1S77, V. Turquie et Russie.
Guerre d'Italie — Histoire générale, XXVI,
XXX ; Histoire de France, XXXVI. — Des négocia-
tions entamées entre le comte de Cavour, premier
ministre du roi de Sardaigne, et l'empereur Na-
poléon III, avaient abouti à un accord contre
l'Autriche, qui possédait en Italie le royaume
lombard-vénitien et exerçait un protectorat plus ou
moins direct sur la plupart des peths princes ita-
liens. Un conflit, d'abord purement diplomatique,
entre les deux puissances alliées et leur adver-
saire, éclata au commencement de 1859. La pro-
GUERRES
— 943 —
GUERRES
position, faite par la Russie, d'un congrès européen
pour régler les affaires d'Italie, n'aboutit pas.
L'Autriche alors envoya au Piémont un ultimatum,
le sommant de désarmer ; le Piémont s'y étant
refusé, l'armée autrichienne passa le Tessin
(2'.) avril) : la guerre était déclarée. L'Europe
restait neutre.
Le 3 mai, Napoléon III publie une proclamation
annonçant que le but de la guerre est de rendre
l'Italie « libre des Alpes à l'Adriatique » ; puis il va
prendre en personne le commandement de l'ar-
mée française, composée de quatre corps sous les
ordres des maréchaux Baraguay d'Hilliers. Canro-
bert, et des généraux Niel et Mac-Mahon. Les
Autrichiens, qui avaient déjà occupé une partie du
Piémont, sont repoussés à Moniebello (20 mai),
puis à Palestre (30 mai) ; pendant ce temps, Gari-
baldi, à la tête de ses corps francs, entre à Varèse
et à Côme. Le combat de Turbigo (3 juin) assure
le passage du Tessin par l'armée française, qui
gagne le lendemain la bataille de Magenta. Napo-
léon III et Victor-Emmanuel entrent à Milan le
8 juin ; le même jour, le corps Baraguay d'Hilliers
remportait la victoire de Melegnano. Les Autri-
chiens se replient de toutes parts. Garibaldi oc-
cupe Bergame, puis Brescia, où entrent à leur tour
(18 juin) les deux souverains alliés. L'empereur
d'Autriche, qui est venu se mettre à la tête de
ses troupes, est vaincu à Solférino (24 juin). Les
alliés, avançant toujours, passent le Mincio, et sont
rejoints par un nouveau corps français qu'amène
le prince Napoléon et que renforcent 10 000 Tos-
cans. Les populations de la Toscane, des duchés
do Parme et de Modène, des villes de la Romagne
et des Légations, se sont prononcées en faveur de
l'unité italienne sous Victor-Emmanuel ; le grand-
duc Ferdinand de Toscane, la duchesse de Parme, le
duc François de Modène ont abandonné leurs Etats.
Une escadre française prépare le siège de Venise.
La Diète germanique s'émeut alors; elle songe à
intervenir en faveur de l'Autriche en mobilisant
les contingents fédéraux sous le commandement
du prince-régent de Prusse. Devant cette manifes-
tation hostile. Napoléon III s'arrête ; il accepte une
suspension d'armes (8 juillet); et à la suite d'une
entrevue avec l'empereur d'Autriche à Villafranca
(11 juillet), les préliminaires de la paix sont si-
gnés. A cette nouvelle, le comte de Cavour, mécon-
tent, donne sa démission. L'Autriche cède la Lom-
bardie à l'empereur des Français, qui la transmet
au roi de Sardaigne ; elle conserve la Vénétie. Un
congrès réuni à Zurich transforme ces préliminai-
res en traité de paix définitif. L'année suivante, Ca-
vour revient au ministère ; des plébiscites sanction-
nent l'annexion de la Toscane et de l'Emilie (Parme,
Modène, Légations et Romagne) au royaume de
Sardaigne ; en retour de cet accroissement de
territoire, Victor-Emmanuel cède à la France Nice
et la Savoie. — V. Italie et Na/^oléon III.
Guerre du Mexitrue. — Histoire générale, XXVI,
XXXVl; Histoire de France, XXXVI. — Guerre en-
treprise en ISGl contre la République mexicaine
par la France, l'Espagne et l'Angleterre. Ces deux
dernières puissances laisseront au bout de quel-
ques mois la France poursuivre seule la campagne
commencée. La prise de Puebla (17 mai 18G3)
amena la reddition de Mexico, où un gouverne-
ment provisoire fut installé. L'archiduc Maximilien
d'Autriche, ayant été élu empereur par une assem-
blée de notables, se rendit au Mexique en 18f;4,-et
prit possession du pouvoir. Mais après le départ
des troupes françaises en i867, Maximilien ne put
se maintenir ; vaincu et fait prisonnier par les ré-
publicains, il fut fusillé à Queretaro le l'J juin
1867. — V. Mexique et Napoléon III.
Guerre de la Sécession. — Histoire générale,
XXXV. — Nom donné à la guerre civile qui a
éclaté en 18UI, aux Etats-Unis, entre les Etats du
Nord et les Etats du Sud, et qui s'est terminée
par la défaite du Sud et par l'abolition de l'escla-
vage.
Causes. — Cette guerre civile, la plus terrible
peut-être qui ait jamais eu lieu et certainement
celle où les plus grands efforts aient jamais été
faits, eut une triple cause : une lutte d'intérêts
matériels, une lutte d'intérêts politiques, une lutte
de principes. Au moment où se constitua la répu-
blique des Etats-Unis, en 1776, l'esclavage y exis-
tait depuis 1C:20. Quel que fût leur désir de voir
disparaître cette iniquité, Washington et Jefferson
n'osèrent pas l'attaquer en face, et, en 1788, lors
de la rédaction de la Constitution de la République
américaine, pour ne pas compliquer les affaires
bien embarrassées de leur Etat naissant, ils laissè-
rent subsister l'esclavage, espérant que le déve-
loppement de la civilisation sufiîrait à le faire dis-
paraître. Loin de se réaliser, leurs espérances
reçurent du temps le plus éclatant démenti : en
1790 le nombre des esclaves n'était que de 697,897 ;
en 1861, époque de la guerre, il y en avait 4 mil-
lions.
Au commencement de l'Union, les Etats du Sud
étaient partisans de l'aboliiion de la traite ; mais les
rôles ne tardèrent pas à être renversés. Le dévelop-
pement de la culture du coton, pour laquelle les
nègres furent d'utiles et peu coûteux auxiliaires,
changea leurs sentiments, tandis que les Etats du
Nord, qui étaient dans des conditions de climat ne
leur permettant pas de tirer profit des esclaves, se
débarrassèrent des leurs et devinrent abolitionnis-
tes. Cependant les esclaves enrichissaient trop le
Sud producteur, et, par suite, le Nord commerçant^
pour qu'il y eût entre eux opposition d'intérêts
mercantiles. La division qu'on vit éclater entre
eux de bonne heure fut causée par la jalousie poli-
tique, ainsi que par les sentiments philanthropiques
dont, en 1831, Garrison se fit l'écho dans son jour-
nal le Libérateur. La jalousie politique des Etats
du Nord avait sa source dans 1 article de la consti-
tution portant que, dans le calcul du chiffre de la
population, servant de base pour déterminer le
nombre de députés que chaque Etat aurait le
droit d'envoyer au congrès, il serait tenu compte
des esclaves, dans la proportion de cinq à trois,
c'est-à-dire que cinq noirs seraient comptés comme
trois blancs. De là, pour le Sud, le désir d'aug-
menter ses esclaves en même temps que celui
de voir s'augmenter le nombre des Etats escla-
vagistes, seul moyen de garder ou de conquérir
la pi'épondérance dans le congrès, et pour le Nord
un désir absolument contraire. Plus d'une fois, la
lutte armée fut près de s'engager, mais les politi-
ques des deux fractions hostiles parvenaient tou-
jours à amener des compromis. C'est à la suite de
l'un d'eux (le compromis du Missouri) que fut tracée
la fameuse ligne M/ison et Dixon, ligne qui suivait
le 06° 30' de latitude, et au nord de laquelle l'es-
clavage était interdit. L'apaisement causé par ces
compromis n'était jamais de lonpue durée, et la
lutte d'influences se ravivait à, chaque annexion
d'Etats nouveaux, esclavagistes ou non. A partir de
l'annexion de la Californie, en 1850, la division
alla s'accentuant chaque année. Un généreux abo-
litioiiniste, John Brown, appela les esclaves à la
liberté et s'empara de l'arsenal de Harper's Ferry ;
mais il fut pris et pendu le 2 décembre is.so. En
même temps l'Union était inondée de publications
de toutes sortes pour et contre l'esclavage. Le fa-
meux livre de madame H. Beecher-Stowe, la Case
de l'oncle Tom, qui plaidait la cause de la liberté
des nègres avec une si généreuse éloquence, était
dans toutes les mains. Le Sud, qui, en 1856, était
parvenu à faire élire un président esclavagiste,
Buchanan, comprit que la victoire resterait au Nord,
si aux élections de 1860 il ne réussissait pas à faire
élire encore un président à son gré. La lutte s'en-
GUERRES
— 944 —
GUERRES
gagea entre deux candidats : Beckinridge, esclava-
{iiste passionné, (|ui voulait faire accorder au Sud
de nouveaux privilèges, et l'illustre Lincoln, dont
le programme était l'émancipation progressive des
esclaves américains.
Lincoln l'emporta au vote du 6 novembre 18G0.
Le prétexte que le Sud cherchait pour rompre
•était enfin trouvé. Menacé dans ses intérêts maté-
riels par l'abolition de l'esclavage, qu'il crut eu
feignit de croire imminente ; atteint dans son in-
fluence politique ; blessé dans le principe qu'il
soutenait, que le nègre est de race inférieure et
doit être soumis au blanc, il se sépara de l'Lniun.
Le 20 décembre 1860, la Caroline du Sud vota
y acte de sécession, et fut bientôt suivie par tous
les autres Etats du Sud, qui, le i février 18G1, un
mois avant l'entrée en fonctions de Lincoln, se
constituèrent en nation indépendante sous le nom
û'Etats Lonfédérés d' Amérique, avec Jefferson Da-
tIs pour président et Bichmond pour capitale. A
l'exception des forts de Charleston, les sécession-
nistes saisirent tous les forts, arsenaux, propriétés
fédérales, situés dans leurs limites. Toutefois une
tentative de compromis fut faite. Elle échoua, et la
guerre commença le 12 avril ISGI- Le premier
coup de canon fut tiré par le Sud sur le fort Sum-
ter à Charleston.
La guerre. — Jamais le monde n'avait vu de
guerre civile ayant de telles proportions et n'avait
assisté à un tel déploiement de forces. Il vint à
chaque parti, mais principalement au Nord, qui,
aux yeux des peuples civilisés, représentait la
cause de la justice et de l'humanité, des auxiliai-
res de toutes les nations. D'avril ls61 au com-
mencement de IS64, la lutte fut soutenue de l'une
et de l'autre pai-t avec une égale énergie et des
succès équivalents. Tout l'héroïsme possible fut
déployé ; tout ce que la science met à la disposi-
tion de la gueri'e fut employé ; tout ce que For per-
met d'acheier, hommes, armes, consciences mêmes,
fut acheté. Le monde entier, spectateur stupéfait
de tant d'efforts, assistait épouvanté à cette lutte
sans précédent et dans laquelle aucun sacrifice
n'était épargné. Pendant l'année l^(;l, les confé-
dérés du Sud, sous la conduite des généraux
Beauregard et Johnstone, gardèrent l'offensive;
ils s'avancèrent jusqu'au Potomac et menacèrent
la capitale fédérale par la victoire de BuH's-Run.
L'année suivante fut plus heureuse pour le Xord :
le général Graut dégagea la ligne du Jlississipi
jusqu'à la Nouvelle-Orléans, pendant que ilac-
Clellan reprenait l'offensive dans les Carolines par
les victoires de Williaraburg. de Fair-Oaks, de
Beaver-Dam, de Gain-Hill ; puis, menacé par la
marche rapide des confédérés sur la ligne du
Rappahannock, il se porta en arrière et couvrit la
ville de Washington, par la grande victoire de
South-Mountain, remportée sur le général Lee.
Son attitude parut pourtant suspecte, et il fut des-
titué et remplacé par le général Burnside. qui fut
-vaincu par Lee le 13 décembre h. Frédéricksburg.
En laG3, le "J janvier, les fédéraux sous le général Ro-
sencrantz furent vainqueurs à leur tour, et le prési-
dent Lincoln profita de ce succès pour faire décré-
ter par le conj!rès l'abolition de l'esclavage. Alors la
lutte devint plus vive, et toute l'année est remplie
par de grandes batailles, tantôt au profit du Nord,
tantôt à celui du Sud, dont les plus célèbres sont
celles de Chancellorsville 2 mai) gagnée par Lee
sur Hooker, et celle de Gettysburg { 1", '.'et 3 juil-
let) gagnée par Meade sur Lee, qui est obligé de
repasser le Potomac.
Chaque parti, successivement vainqueur et
"vaincu, avait vu de nombreuses armées dispa-
raître dans la lutte ; et pourtant, au 3 ' mai l^Gt,
les partis occupaient les mômes positions qu'au
début de la guerre, et il était difficile de savoir
encore qui des deux l'emporterait.
A cette époque les armées rivales étaient réci-
proquement commandées par deux généraux égale-
ment remarquables par leurs capacités et par leur
ténacité, et, jusque-là, tous deux presque constam-
ment heureux dans leurs expéditions : Grant pour
le Nord, Lee pour le Sud. Grant avait pour lieu-
tenants Sherman et Sheridan ; Lee avait Johnson
et En!-:y, tous également habiles et dévoués à la
cause à laquelle ils appartenair:;nt. L'objectif de
Grant, qui voulait terminer la guerre par un grand
coup, était la prise de Bichmond, capitale des
confédérés, défendue par Lee lui-même. Une im-
pétueuse attaque tentée le 17 juin par Grant ayant
échoué, il commença résolument le siège. L'atta-
que et la défense furent conduites avec une habi-
leté et un héroïsme égaux de part et d'autre. Des
prodiges de valeur furent faits par Lee et son ar-
mée; ils éc]iou'"'rent contre la ténacité de Grant,
qui ne reculait jamais d'une semelle, et resserrait
son adversaire dans un cercle de fer, tout en atten-
dant avec patience et confiance l'exécution du plan
de campagne qu'il avait confié à ses lieutenants.
Cette confiance de Grant était aussi partagée
par Lincoln, qui, en novembre 18G4, paraissait si
parfaitement en état de maîtriser la situation, que
le peuple n'hésita point à le nommer pour la se-
conde fois président des Etats-Unis. Cette réélec-
tion imprima à la guerre une nouvelle ardeur.
Sherman et Sheridan opéraient l'un dans le Sud,
l'autre dans le Nord : s'ils arrivaient à rejoindre
Grant sous les murs de Bichmond, c'en était fait
de la cause du Sud. Les lieutenants se montrèrent
dignes de leur général. Sherman, qui occupait
Atlanta en Géorgie, à plus de 160 kilomètres de
Giant, bien qu'il fût tout à fait en pays hostile, at-
teignit le rivage de l'Atlantique le I6 décembre.
De là, appuyé sur la flotte fédérale, il marcha sur
Savannah, dont il chassa le général Hardee et qu'il
occupa le "21. L'éva»uation de Savannah par les
Sudistes fut suivie de celle de Charleston, de Wil-
mington et de Mobile. Au mois de janvier 18G5,
Sherman reprit sa course en avant, et battant tous
les jours Johnson, notamment à Kinslon 10 mars),
à Averysboro (lu), et à Goldsboro (21), il arrivait à
donner la main à son général en chef. Sheridan, de
son côté, n'était pas moins heureux : après de
nombreux combats, dans lesquels il avait anéanti
l'armée d'Early, il rejoignait les deux généraux du
Nord. Toutes les forces des fédéraux étant réunies,
le nioment était venu de frapper un grand coup.
Le l"^ avril, Bichmond fut attaqué de tous les
côtés à la f )is. Malgré son habileté et son incroya-
ble énergie, Lee ne put résister. En deux jours, il
perdit 15,000 hommes et fut obligé d'évacuer la
ville le 3 avril. Poursuivi vigoureusement, il soutint
encore un combat, le 6, à Farmville, dans lequel
le général Evvell se sacrifia pour le salut général.
Ce sacrifice fut inutile, car Lee n'en fut pas moins
obligé de capituler le y avril.
La prise de Bichmond amena la dissolution du
parti du Sud, beaucoup plus promptement qu'on
n<^ l'eût cru, après les efforts qu'il avait faits.
Lincoln, qui se proposait d'user modérément de la
victoire, ne put jouir du triomphe de son parti.
(;omme s'il fallait un martyr à toute grande cause,
il fut assassiné, le 14 avril, par Booth, en même
temps que M. Seward, son premier ministre, était
grièvement blessé par Payne, un autre assassin.
Ce fut le vice-président Andrew Johnson qui prit
les rênes du gouvernement, et eut la gloire de
finir la guerre et d'organiser la paix. Peu de jours
après son installation, le dernier général du Sud,
Johnson, était oblisé de capituler aussi, et, le 10 mai,
Jefferson Davis, président des confédérés, était cap-
turé avec sa famille et envoyé prisonnier à la for-
teresse Monroë.
Ainsi finit cette guerre civile, dans laquelle péri-
rent plus de 500,000 hommes, dont plus de 300,0u0
GUILLAUME
— 945 —
GUILLAUME
pour le Nord et 200,000 pour le Sud, et où furent
dépensés plus de 20 milliards. Mais la cause de
l'humanité était définitivement gagnée, en même
temps que la puissante République américaine re-
constituée. Les sacrifices qu'elle avait faits pour
supprimer l'esclavage étaient immenses ; mais sa
vitalité est telle qu'il n'y paraît pas aujourd'hui.
Eiie a réparé ses pertes, recouvré ses forces, ré-
tabli son unité et repris sa marche ascendante
à l'admiration du monde. On ne se souvient
plus, si ce n'est pour l'admirer, de la plus éton-
nante lutte de l'histoire; on n'en considère plus
que les résultats : l'affranchissement de toute une
race d'hommes et le triomphe d'un principe sacré.
[P. Vincent.]
GUILLAUME. — Nom de plusieurs princes
dont quelques-uns ont joué un rôle important dans
l'histoire d'Angleterre et dans celle des Pays-Bas.
Les notices que nous consacrons aux principaux
d'entte eux sont rangées par ordre chronologi-
que.
Guillaume le Conquérant. — Histoire générale,
XVIII, .XXVIII; Histoire de France, Vlll. — Sep-
tième duc de Normandie, puis roi d'Angle-
terre, fils naturel du duc Robert le Diable, naquit
à Falaise en 1027 et mourut à Rouen en 1087.
Bien que fils naturel, il fut élevé comme un
fils légitime, et son père, mort en Terre-Sainte en
1034, le désigna pour son successeur. Les barons
normands, alléguant son illégitimité, se révoltèrent
en 1035, et pendant toute sa minorité ensanglan-
tèrent la Normandie. Il fut soutenu contre ses
vassaux par Henri 1", roi de France, son suzerain,
et à l'âge de vingt ans il remporta sur Guy de
Bourgogne, son compétiteur, la victoire du Val-des-
Dunes (10 1 7), qui l'affermit sur le trône ducal. Il eut
encore à lutter contre ses propres parents qui
conspirèrent contre lui ; mais il en triompha. Son
suzerain lui-même, jaloux de sa puissance crois-
sante, vint aussi l'attaquer en Normandie avec une
forte armée. II gagna sur le roi la bataille de Mor-
timer (1U54) et celle de la vallée d'Ange (1058),
et le contraignit à faire la paix.
Guillaume avait de trop grandes capacités et
une trop grande ambition pour rester dans ses
limites. A peine était-il débarrassé du roi, qu'il
inquiétait ses voisins et agrandissait ses posses-
sions aux dépens du comte d'Anjou et du duc de
Bretagne. Il allait même poursuivre la conquête
de cette dernière province, quand une occasion
ouvrit à son ambition un champ plus vaste et lui
fit entreprendre la conquête de l'Angleterre.
Edouard le Confesseur, roi d'Angleterre, était
son cousin et son ami. Ce prince, chassé de son
trône par les Danois dans sa jeunesse, avait été
élevé en Normandie. Redevenu roi, il reçut chez lui
son cousin, en 1051, et lui promit son héritage;
mais à sa mort (10G5), il ne tint pas sa promesse
et, poussé par si s snjets, laissa sa couronne à
Harold, grand chef saxon. Cet Harold, venu en
Normandie quoique temps avant, avait été con-
traint par Guillaume de jurer sur de saintes reli-
ques qu'il l'aiderait à devenir roi d'Angleterre. Dès
que Harold fut proclamé roi, Guillaume lui rap-
pela son serment. « 'ai juré, répondit Harold,
mais ce que j'ai promis ne m'appartenait pas, car
ma royauté n'est point à moi, et je ne puis m'en
démettre sans l'aveu du pays. » Guillaume le
traita d'usurpateur et de sacrilège, et en appela
au pape Alexandre II et à toute la chrétienté. Le
pape 1 appuya d'une bulle, et lui envoya un che-
veu de saint Pierre enchâssé dans une bague et
une bannière portant l'image de l'apôtre. Guil-
laume, dans une assemblée générale, sorte de ma-
nifestation du suffrage universel, obtint l'appui de
tous ses sujets. Il fit ensuite appel à tous les
aventuriers de France et d'ailleurs, nobles ou rotu-
riers, promettant à chacun tout ce qu'il deman-
2» Partie.
dait pour le suivre en Angleterre. Il lui vint des
soldats de toutes parts. Il aima une flotte et débar-
qua en Angleterre. Harold accourut à sa rencon-
tre (1066), et fut vaincu et tué à la bataille de
Hastings. Quelques jours après Guillaume entrait
à Londres et se faisait couronner à Westminster,
le jour de Noël. Modéré d'abord, il ne donna à ses
compagnons que les domaines royaux et ceux
des Saxons tués à Hastings; n^ais en butte aux
continuelles révoltes des Anglo-Saxons, il ne re-
cula devant aucun moyen pour assurer sa con-
quête. S'étant fait reconnaître en principe seul
propriétaire du sol, il dépouilla presque tous les
vaincus, pour lesquels il fut sans pitié, et dis-
tribua leurs terres k ses compagnons, dont il
forma une aristocratie féodale, parfaitement orga-
nisée, au-dessous de laquelle il mit tous les Anglo-
Saxons, nobles et non nobles. Il ne jouit pas pai-
siblement de sa victoire. Il fut obligé, en 1072, de
lutter contre le roi d'Ecosse, qu'il contraignit à lui
rendre le service féodal; puis de repousser les
attaques des Danois, et de combattre plusieurs
fois les révoltes de son fils aîné Robert, à qui il
avait confié le gouvernement de la Normandie.
Ses dernières années furent remplies par des luttes
domestiques au milieu desquelles il montra une
modération et une indulgence qu'on n'eût guère
attendues de son caractère emporté et cruel.
Enfin, en 1087, irrité d'une plaisanterie du roi
de France, il lui déclara la guerre : il fut blessé au
sac de Mantes et transporté à Rouen, où il mourut
presque abandonné des siens, obsédé par le sou-
venir de ses crimes.
Les conséquences de la conquête de l'Angle-
terre furent bien funestes à la France, dont le roi
eut dès lors un vassal plus puissant que lui. Elle
fut l'origine de la longue rivalité des deux pays,
qui devait aboutir à la guerre de Cent ans. L'An-
gleterre, au contraire, si grands qu'aient été
les maux qu'elle eut à supporter tout d'abord, y
profita. Guillaume fonda dans ce pays un pouvoir
royal plus fort que partout ailleurs, une organisation
politique plus régulière; il établit une meilleure
administration delà justice et des charges publiques,
et adoucit ainsi la situation des classes inférieu-
res ; par l'extension de la marine et des forces
militaires, il donna à l'Angleterre une importance
beaucoup plus grande parmi les nations de l'Eu-
rope. Enfin, conséquence qu'il n'avait pas prévue
sans doute, les seigneurs normands, obligés de se
serrer autour de lui et de s'appuyer les uns sur
les autres pour le salut commun, ne s'isolèrent
pas, comme le faisaient les nobles en France et
ailleurs, pour vivre en petits rois dans leurs domai-
nes. Ils s'habituèrent à s'entr'aider et à traiter en-
semble de leurs affaires d'intérêt général, préparant
ainsi l'Angleterre au gouvernement représentatif,
qui a fait sa force dans les temps modernes et que
les autres nations lui ont plus ou moins emprunté.
[P. Vincent.]
Guillaume II le Roux. — Histoire générale,
X'* III, XXVni. — Fils de Guillaume le Conqué-
rant, il succéda à son père comme roi d'Angle-
terre en 1087, et s'empara en outre du duché de
Normandie, que possédait son frère Robert, pen-
dant que ce dernier était à la croisade. Ce fut un
prince violent et détesté de ses sujets. Il fut tué
à la chasse par accident, en 1100.
GuUlaume de Nassau-Orange, dit le Taci-
turne. - Histoire générale, X.MI, XXXI. — Né
en l.i3-i; fils du comte de Nassau Guillaume le
\ieux; devenu prince d'Orange en 154i par la
mort de son cousin René de Nassau-Orange, qui
l'avait institué son héritier. A la mort de son père
(155i)), il reçut du roi d Espagne la charge de stat-
lioiuler (lieutenant du souverain) pour les pro-
vinces de Hollande, de Zélande et d'Utrecht. Lors-
qu'cclatèrent les troubles religieux des Pays-Bas
60
GUILLAUME
— 94t5 —
GUSTAVE
il essaya, de concert avec les comtes d'Egmont et
de Horn, de s'interposer entre Philippe II et les
mécontents; mais lorsqu'il apprit la nomination
du duc d'Albe comme gouverneur (ISCI), il se re-
tira prudemment en Allemagne, tandis qu'Egmonl
et Horn montaient sur l'échafaud, et que le gou-
vernement espagnol essayait par les supplices et
les confiscations d'extirper l'hérésie des provinces
flamandes. De hardis insurgés, les queux, bravèrent
toutes les forces du duc d'Albe. Sur le conseil de
Coligny, le roi de France Charles IX crut devoir ap-
puyer la révolte ; il envoya des secours en argent à
Guillaume de Nassau, qui avait embrassé ouverte-
ment le protestantisme. Avec l'argent de Charles
IX, Guillaume leva une armée en Allemagne, ren-
tra dans les Pays-Bas, et commença la guerre
contre les Espagnols (1.^7 2). Aussitôt toutes les
provinces du nord, qui n'attendaient qu'un signal,
se soulevèrent, et choisirent Guillaume pour leur
chef. La lutte fut longue ; Philippe II, voyant que
le duc d'Albe avait échoué, confia successivement
le gouvernement des Pays-Bas à don Louis de
Requesens, à don Juan d'Autriche, à Alexandre
Farnèse. Aucun de ces gouverneurs ne réussit à
triompher de l'énergique résistance de Guillaume,
que nul revers ne pouvait abattre, et qui montrait
les talents d'un grand capitaine et d'un politique
consommé. On annonçait devant le cardinal Gran-
velle, ancien ministre de Philippe II aux Pays-Bas,
que le duc d'Albe avait détruit l'armée du comte
de Nassau : « Le Taciturne est-il pris ? demanda
le cardinal. — Non. — Eh bien, le duc d'Albe n"a
rien fait. » Un moment, on put croire que les dix-
sept provinces qui formaient les Pays-Bas échap-
peraient toutes à la domination espagnole (union
de Gand, 157C) ; mais Alexandre Farnèse réussit,
par son habileté, à obtenir la soumission des pro-
vinces du midi. Alors les sept provinces du nord
se constituèrent à part en république fédéralive,
par l'union d'Utrecht (1579), et choisirent Guil-
laume d'Orange pour leur statliouder. En 1581,
elles se déclarèrent indépendantes de la couronne
d^Espagne.
Philippe II, outré de voir les Sept Provinces-Unies
échapper à sa domination, avait mis à prix la tête
de Guillaume de Nassau, qu'un fanatique assassina
àDelft (1584). Mais, malgré la perte de son chef, la
nouvelle république continua à maintenir son indé-
pendance, que l'Espagne fut enfin obligée de re-
connaître au traité de Westphalie.
Guillauiue de Nassau-Orange ou Guillaume III
d'Angleterre. — Histoire générale, XXIV, XXVIll,
XXXI. — Arrière-petit-fils de Guillaume le Taci-
turne, né en 1650. Le stathoudérat avait été aboli
dans les Provinces-Unies cette même année, et le
pouvoir exécutif confié à des magistrats nommés
grands pensionnaires. Lorsque Louis XIV déclara la
guerre aux Provinces-Unies et envahit leur territoire
(1672), le grand-pensionnaire de Hollande, Jean
de Witt, accusé de trahison, fut assassiné par les
partisans de la maison d Orange, et le jeune Guil-
laume de Nassau fut proclamé stathouder. La si-
tuation des Sept-Provinces semblait désespérée;
elles durent leur salut à l'énergie du chef entre
les mains duquel elles venaient de remettre leurs
destinées (V. au mot Guerres l'article Guerre de
Hollande). A partir de ce moment, Guillaume d'O-
range fut le plus constant et le plus redoutable
adversaire de Louis XIV, contre lequel il organisa
en l68H la ligue d'Augsbonrg. Guillaume avait
épousé Marie, fille de Jacques II, roi d'Angleterre.
Ce dernier ayant irrité ses sujets par ses préten-
tions au pouvoir absolu et son dessein de rétablir
le catholicisme, les mécontents offrirent la cou-
ronne à son gendre : Guillaume d'Orange débartiua
en Angleterre à la tête de 15,000 hommes (1US>),
et entra h Londres sans coup férir, pendant que
Jacques II s'enfuyait en France. Le stathouder des
Provinces-Unies fut alors proclamé roi d'Angleterre
sous le nom de Guillaume III. La révolution de 10^8
consacra le triomphe de la monarchie constitu-
tionnelle, c'est-à-dire le gouvernement du pays
par le Parlement. En môme temps, l'Angleterre
adhérait à la ligue d'Augsbourg, et la guerre do
la coalition européenne contre la France commen-
çait (V. au mot Guen'es l'article Guerre de la
liyue d' Augsboiirg) . La paix de Ryswick (1G97) in-
terrompit la lutte, qui fut reprise quelques années
plus tard à l'occasion de la succession d'Espagne.
Guillaume III ne vit que le début de cette nou-
velle guerre : il mourut en 1702, laissant la cou-
ronne d'Angleterre à sa belle-sœur Anne Stuart.
Comme il n'avait pas d'héritier, le stathoudérat fut
aboli à sa mort dans les Provinces-Unies (pour
être rétabli en 1747). — V. Aiigleterre et Pays-
Bas.
Guillaume IV. — Histoire générale, XXVI,
XXVIII, — roi d'Angleterre, de la maison de Ha-
novre, était le troisième fils de Georges III et le
frère de Georges IV. Il monta sur le trône en
1830, à l'âge de soixante-cinq ans. Pendant les sept
années de son règne, le parti whig occupa presque
constamment le pouvoir. Les principaux faits à
signaler durant cette période sont l'adoption du
premier bill de réforme électorale, proposé par
lord John Russell (1832), et l'agitation, restée d'ail-
leurs sans résultat, entreprise par le patriote irlan-
dais O'Connell pour obtenir le rappel de 1 acte
unissant l'Irlande à l'Angleterre. Guillaume IV,
mort en 1837, a laissé la couronne à sa nièce Vic-
toria.
GUISES. — Histoire de France, XVII-XX. —
Famille princière qui prétendait descendre de
Charlemagne, et qui a joué un grand rôle dans
les guerres de religion du seizième siècle. La tige
de la famille fut Claude de Lorraine, troisième fils
du duc René de Lorraine. Claude fut créé duc de
Guise par François 1" en 1528. Il eut de nombreux
enfants, dont les plus connus sont François de
Guise, tué au siège d'Orléans en 1563; Charles,
cardinal de Lorraine; Claude, duc d'Aumale;
Marie, qui épousa Jacques V, roi d'Ecosse, et fut
la mère de Marie Stuart. François fut le père de
Henri de Guise, dit le Balafré, chef de la Sainte-
Ligue, et du cardinal Louis de Guise ou de Lor-
raine, assassinés tous deux à Blois (1588) ; un autre
fils de François, Charles, duc de Mayenne, succéda
à son frère Henri comme chef des ligueurs, et coiu-
baitit contre Henri de Navarre. Le fils de Claude
d'Aumale, Charles d'Aumale, fut nommé gouver-
neur de Paris par les Seize (1589). Il fut question
un moment de placer sur le trône de France le fils
aîné du Balafré , le jeune Charles de Guise,
qui aurait épousé la fille du roi d'Espagne Phi-
lippe H; mais les ligueurs ne purent s'entendre
entre eux ni avec l'Espagne (Etats de la Ligue,
1593). La famille des ducs de Guise s'est éteinte
en 1675.
GUSTAVE. — Nom de quatre souverains de la
Suède, dont les trois premiers ont eu un règne
marqué par des événements importants. Nous leur
consacrons ci-dessous une courte notice, en com-
plément de l'article historique général qu'on trou-
vera au mot Sc'tndinaves (Et its).
Gustave I" "Wasa. — Histoire générale, XXII,
XXXIII. — Le roi de Danemark Christian II s'était
emparé en 1520 de la Suède, que régissaient à cette
époque des ahriinistr-iteui s dont le dernier fut
Stenon-Sture le Jeune (tué à la bataille de Bogesund).
Dès 1518, Christian s'était fait remettre six otages
choisis dans les princiiiales familles suédoises.
Gustave Wasa, qui était l'un d'eux, réussit à s'é-
chapper, et se réfugia dans les montagnes de la
Dalocarlie. Il y vécut un certain temps caché
parmi hs mineurs ; enfin, s'élant fait connaître,
il souleva les Dalécarliens contre l'oppression da-
HABITUDE
— 947 —
HABITUDE
■noise, marcha sur Stockliolm, et s'en empara
après un long siège (15231. Proclamé roi par ses
compatriotes, il voulut détruire la puissance du
clergé, qui s'était montré favorable aux Danois :
à cet effet, il encouragea la prédication de la doc-
trine luthérienne, et en 1527 il fit prononcer par
les Eta!s généraux réunis à Westeras la séparation
de l'Eglise romaine et la sécularisation des biens
ecclésiastiques. Sous son gouvernement, la Suède
fut prospère ; le commerce se développa et une
alliance fat conclue avec la France en 1542. Après
avoir fait déclarer la rojauté héréditaire dans sa
famille en 1540, Gustave Wasa abdiqua en 15G0
en faveur de son fils Eric, et mourut presque aus-
sitôt après, âgé de soixante-quatre ans. — V. Ré-
forme.
Gustave n Adolphe. — Histoire générale,
XXIII, XXXIII. — Fils de Charles IX et petit-fils
de Gustave Wasa, il monta sur le trône en ICI 1, à
l'âge de quinze ans. Il soutint des guerres heu-
reuses contre le Danemark et la Russie, et était
engagé depuis 1621 dans une nouvelle guerre
contre son cousin le roi de Pologne Sigismond,
lorsque Richelieu, qui désirait tourner les armes
de Gustave-Adolphe contre l'Autriche, réussit à
faire conclure une trêve entre la Pologne et la
Suède (1629). La période danoise de la guerre
de Trente Ans venait de finir. Gustave-Adol-
phe accepte de se faire, après Christian IV,
le champion du protestantisme en Allemagne ; il
débarque en Poméranie à ia tête d'une armée
sévèrement disciplinée (1630). Richelieu, dont il
sert la politique, lui envoie des subsides. Les ra-
pides triomphes de Gustave-Adolphe et sa mort à
Liitzen (1G32) sont racontés à l'article Guerre de
Trente Ans. Dans sa courte carrière, ce prince
montra tous les talents d'un grand capitaine, et
c'est k lui que la Suède dut de devenir pendant
quelque temps une puissance de premier ordre,
II eut pour successeur sa fille Christine.
Gustave III. — Histoire générale, XXV, XXXIU,
— fils et successeur d'Adolphe-Frédéric, régna de
ni à 1792. A peine monté sur le tiônt. il .res-
saisit par un coup d'Etat (1772) les prérogatives
auxquelles la royauté avait dû renoncer à la mort
de Charles XII. Il se servit de son autorité pour
accomplir des réformes utiles. En 1788, il déclara
la guerre à la Russie, qui s'était toujours montrée
favorable aux prétentions de l'aristocratie suédoise;
quoique sa flotte eût été vaincue à Hogland, Gus-
tave voulut continuer la campagne, mais la défec-
tion de ses officiers nobles l'obligea à revenir à
Stockholm, t'n nouveau coup d'Etat contre la no-
blesse (1789) assura alors au roi le pouvoir absolu ;
il recommença la guerre contre la Russie, détruisit
la flotte russe à Swenka-Sund (1790), puis conclut
la paix de Varela. Gustave III se disposait à se
joindre aux souverains coalisés contre la révolu-
tion française, lorsqu'il fut assassiné, dans un bal
masqué, par Ankarstrœm, gentilhomme suédois,
instrument des rancunes de la noblesse (1792).
Gustave rv, — Histoire générale, XXV-XXVI,
XXXIU, — fils de Gustave III, lui succéda en 1792
à l'âge de quatorze ans. C'était un prince faible
d'esprit, qui se rendit bientôt impopulaire. Il
contracta en 1804 une alliance avec l'Angleterre
contre la France : le résultat de cette politique fut
la perte de la Finlande, dont la Russie, alliée de
Napoléon, s'empara en 1808. L'année suivante,
une révolution éclata contre Gustave : il fut con-
traint d'abdiquer. Son oncle, le duc de Suderma-
nie, lui succéda sous le nom de Charles XIII, et,
n'ayant pas d'enfants, adopta comme héritier le
général Bernadotte.
GYMWVSTIQL'E. — V. le même mot dans la
P* partie.
H
HABITATIONS (Hygiène). — V. Maisons.
HABITUDE. — Psychologie, XVI. — On peut
définir l'habitude une disposition on mojiière d'être,
en vertu de laquelle une sensation longtemps pro-
longée ou fréquemment répétée finit par devenir
inconsciente, et une action d'abord accomplie avec
effort devient, par la répétition, d'une exécution pro-
gressivement plus facile, plus précise et plus rapide.
L'habitude se manifeste ainsi par deux effets op-
posés en apparence; elle atténue jusqu'à l'éteindre
la pure sensation ; elle développe et exalte l'acti-
vité. De là la distinction universellement reconnue
entre les habitudes passives et les habitudes
actives.
Si vous demeurez plusieurs semaines ou plusieurs
mois de suite dans le voisinage d'une chute d'eau,
vous arriverez à ne plus en percevoir le bruit :
voilà l'habitude passive. Dans l'apprentissage d'un
instrument de musique, du piano par exemple, le
mouvement des doigts, pénible et lent à l'origine,
acquiert à la longue une agilité, une sûreté parfois
merveilleuse, et s'exécute sans effort et presque
sans réflexion : voilà l'habitude active. On remar-
quera que le même sens est susceptible d'habitu-
des passives et actives, selon que l'activité volon-
taire et réfléchie intervient ou n'intervient pas au
début. Au milieu d'une grande ville, l'oreille du
musicien peut n'entendre qu'à peine le roulement
des voitures ; dans un orchestre, elle saura distin-
guer les parties de chaque instrument, et saisira
entre les sons des nuances dont la délicatesse
échapperait à tout autre.
L'action de l'habitude s'exerce sur toute la nature
vivante ; elle n'a pas de place dans le règne
inorganique. Vous auriez beau, observe Aristote,
lancer dix mille fois une pierre en l'air, elle re-
tombera toujours sur le sol. Mais c'est par habitude
que le jeune arbre, courbé d'une certaine manière
par la main de l'homme, suit dans sa croissance
une direction différente de celle qu'il aurait prise
naturellement. La culture n'est dans bien des cas
qu'une habitude imprimée aux végétaux et trans-
mise par hérédité. On sait l'influence de l'habitude
sur les animaux : elle se manifeste surtout par
l'éducation et par la domestication. Cette influence
est telle qu'on a prétendu expliquer par l'habi-
tude non-seulement tous les instincts, mais encore
la formation et le développement des organes
(hypothèse de Lamarck et de Ch. Darwin) : théorie
e.xcessive sans doute, et qui prête à de graves ob-
jections, mais qui renferme pourtant une part de
vérité.
Le corps humain, comme tout organisme, peut
contracter des habitudes, et l'on ne saurait trop
insister sur l'importance de ce fait au point de vue de
l'hygiène. C'e»t ainsi que certains poisons pris
pendant longtemps à doses régulièrement et insen-
siblement croissantes, peuvent être absorbés,
sans oéril. en quantités souvent considérable!
Mais ce n'est pas tonj urs le cas, et il peiit arriver
HABITUDE
948 —
HABSBOURG
que l'absorption lente d'un poison produise des
désordres qui, d'abord inaperçus, finissent par
être mortels. C'est ce qui fait le danger de l'usage
abusif des liqueurs fortes : l'alcool devient pour
l'organisme un besoin toujours plus impérieux, et
il n'est pas rare que l'alcoolisé meure, victime
d'une habitude plus puissante que sa volonté^
mais dont il eût triomphé facilement au début.
Toutes les facultés de l'âme se développent par
l'habitude, qui se trouve être par là l'instrument
le plus puissant de l'éducation, d'autant plus que
les habitudes contractées dans l'enfance sont à la
fois les plus fortes et les plus durables. Nous avons
observé déjh, en signalant la différence entre les
habitudes passives et les habitudes actives, le rôle
de l'activité volontaire dans l'exercice des sens. Il
en est trois surtout, l'ouïe, la vue et le tact, qui,
impliquant à un degré plus élevé que les deux
autres l'intervention de la volonté, sont capables
de perfectionnements presque indéfinis. Nombre
de perceptions sont en nous le résultat de l'iiabi-
tude : c'est elle qui nous permet d';ipprécier à
l'œil la distance relative des objets, qui primitive-
ment apparaissent tous sur un môme plan, très
voisin de l'organe (expérience de l'aveugle-né opéré
de la cataracte parle chirurgien anglais Cheselden).
C'est elle qui, substituant en quelque sorte un
sens à un autre, remplace pour l'aveugle la vue
par le tact, et lui met véritablement des yeux au
bout des doigts.
La mémoire n'est pas moins tributaire de l'ha-
biîude. On sait quels prodiges elle peut parfois
accomplir quand elle est convenablement exercée.
Mais ici encore, l'effet produit est en raison du dé-
veloppement de l'activité. L'enfant ne retiendra
pas une leçon qu'on lira devant lui, même un j
grand nombre de fois, parce que dans ce cas il est
passif plutôt qu'actif; qu'il la lise lui-même des
j'eux, son attention est déjà plus excitée, les mots,
puis les plirases se fixeront mieux dans l'esprit;
mieux encore s'il lit à haute voix ou transcrit le
morceau qu'il s'agit d'apprendre.
Nous ne pouvons, dans un court article, montrer
le rôle de l'habitude à l'égard de chacune des fa-
cultés en particulier. Il est d'expérience qu'elle
rend plus sûres et plus rapides les différentes opé-
rations intellectuelles : jugement, raisonnement,
abstraction, généralisation. Le mathématicien par-
court pour ainsi dire d'un coup d'oeil l'enchaîne-
ment déductif que forme une démonstration ; il
aperçoit des conséquences, souvent fort éloignées
du point de départ, sans être obligé de passer
lentement par la série di s intermédiaires. L'ima-
gination créatrice elle-même, qui semble, par na-
ture, affranchie de toute discipline, a besoin de
l'habitude. Elle plie l'artiste au joug salutaire des
règles, sans porter atteinte à son originalité: un
travail régulier, opiniâtre, s'il ne tient pas lieu du
génie, permet seul à celui-ci de porter tous ses
fruits. I.es plus grands poètes sont ceux qui se
sont rendus maîtres de l'inspiration. Virgile faisait
tous les matins un petit nombre de vers qu'il cor-
rigeait et perfectionnait dans la journée.
La bonne ou mauvaise conduite de l'homme, par
suite son bonheur ou son malheur, dépendent à
peu près exclusivement de l'Iiabitude. Le vice et
la vertu sont des dispositions habituelles, car, se-
lon le mot d'Aristote, une bonne action ne fait pas
la vertu, pas plus qu'une hirondelle ne fait le
printemps. Si la volonté est la mère de l'habitude,
il est vrai aussi que l'habitude développe et fortifie
la volonté. On peut s'exercer à vouloir, et c'est là,
en quelque sorte, toute la moralité. Il est bien rare
en effet que l'iiomme accomplisse le mal par une
volonté expresse et formelle; la plupart du temps
c'est par faiblesse et entraînement. De là la néces-
sité de créer en soi par l'habitude une volonté
énergique. On y parvient en exerçant une surveil-
lance scrupuleuse et constante, non seulement sur
ses actes, mais sur ses pensées ; en s'interdisanc
toute infraction, si légère qu'elle soit, à la stricte
loi de l'honnêteté, en réprimant dès leurs premiè-
res manifestations les instincts mauvais, en com-
battant, aus>itôt qu'elles ont une tendance à se
former, les habitudes vicieuses, en s'abstenant
même parfois de jouissances permises, pour main-
tenir la volonté dans un état de tension et d'effort.
.Mais l'effort devient à la longue moins pénible et
moins nécessaire, et la perfection morale, idéal
inaccessible, mais dont on peut s'approcher de
plus en plus, c'est l'habitude du bien devenue
une seconde nature, et comme conséquence,
l'heureuse impossibilité de faire le mal.
Souvent une habitude vicieuse est tellement in-
vétérée qu'on ait peu d'espoir d'en triompher en
l'attaquant de front. Dans ce cas, on devra cher-
cher à l'affaiblir lentement, soit en lui refusant
des satisfactions trop fréquentes, soit en faisant
naître d'autres habitudes qui la contrarient. C'est
ainsi qu'un travail régulier est le meilleur remède
contre l'intempérance.
De même que les vices sont de mauvaises habi-
tudes de la volonté, de même les préjugés et les
superstitions sont de mauvaises habitudes de l'es-
prit. Ce sont des associations d'idées qui n'expri-
ment aucun rapport véritable entre les choses, et
qui, une fois formées, soit par une tradition igTio-
rante, soit par de simples analogies fortuites, ont
une tendance à se reproduire et deviennent à la
longue à peu près indissolubles. On les comlat
également par un bon et énergique usage de la
volonté. Tout homme n'est pas capable de décou-
vrir par lui-même la vérité ; mais chacun, même
le plus humble, peut refu-er son assentiment à ce
qui ne lui apparaît pas avec le caractère de l'évi-
dence. .\ussi a-t-on pu soutenir sans trop fie para-
doxe que l'erreur est toujours plus ou moins vo-
lontaire.
Nous n'avons pas à insister ici sur l'importance
de l'habitude au point de vue pédagogique. Faire
contracter à l'enfant de bonnes habitudes, dans
l'ordre intellectuel comme dans l'ordre moral,
voilà toute l'éducation. ^V. Habitude, dans la 1"
partie).
L'habitude a été l'objet de nombreux et impor-
tants travaux philosophiques. Nous citerons parmi
les plus remarquables : un mémoire de Maine de
Biran, couronné par l'Institut ; la thèse sur l'Habi-
tude de M. Félix Ravaisson (Paris, 1838), et le pe-
tit livre de -M. Albert Lemoine, V Habitude et l'ins-
tinct (Paris, 1875, in-lS"}. [L. Carrau.l
H.\BSBOUr.G. — Histoire générale, XIX-XXVII.
— Cette famille a fourni un grand nombre d'empe-
reurs à l'Allemagne, du xm' siècle au xix', et elle
règne encore aujourd'hui sur la monarchie austro-
hongroise. Nous donnons ci-dessous la liste des
souverains appartenant à cette dynastie, en consa-
crant une courte notice à ceux d'entre eux qui
n'ont pas un article spécial dans ce Dictionnaire.
Rodolphe I" de Habsbourg (r273-li91j, le fon-
dateur de la dynastie, appartenait à une famille
noble dArgovie, on Suisse; grâce à son habileté,
il avait réussi à se faire accepter comme protecteur
ou avoué par la plupart des petites communautés
de l'Helvétie allemande. Son élection comme em-
pereur (1273) mit fin au grand interrègne qui du-
rait depuis la mort de Frédéric II de Hohenstaufen.
Il renonça solennellement à toutes les prétentions
des empereurs sur l'Italie, et s'occupa uniquement
à consolider son autorité en Allemagne. Ayant
vaincu en 1278 le roi de Bohème Ottocar qui refu-
sait de le reconnaître, il l'obligea à lui céder l'Au-
triche, la Carniole et la Styrie, et fit de ces pays
une principauté héréditaire qu'il donna à son fils
Albert: telle fut l'origine de la maison d'.\utriche.
Rodolphe contraignitles seigneurs à s'engager par
HABSBOURG
949 —
HABSBOURG
serment à observer la paix publique [Lcavlfrieden),
et déploya beaucoup d'énergie contre ceux qui la
violaient; il détruisit un grand nombre de châ-
teaux habités par des barons turbulents et pillards,
et se fit ainsi aimsr du peuple auquel il assurait
quelque sécurité.
Albert I" d"Autriche(1298-1308),filsdeRodolphe
de Habsbourg, ne put, à la mort de son père, ob-
tenir la couronne impériale ; les électeurs, redou-
tant la puissance naissante de sa maison, portèrent
leur choix sur Adolphe de Nassau. Toutefois celui-
ci ayant été vaincu et tué par Albert à la bataille
de Gelheim (l>'98), le vainqueur, cette fois, se fit
reconnaître comme empereur. Il employa les dix
ai'.nées de son règne à agrandir les domaines de
sa famille, et chercha entre autres à transformer
en sujets de la maison d'Autriche les hommes li-
bres des cantons d'Uri, dt; Schwytz et d'Unlerwald,
ou des AYaldstœtten, en Helvétie (V. Suisse) . Mais les
baillis qui tyrannisaient les montagnards helvétiens
furent chassés (1308), et Albert ayant voulu mar-
cher en personne contre les habitants des Wald-
stœtten, fut assassiné par son neveu Jean de Souabe
au passage de la Reuss. Après lui, la maison
d'Autriche se vit éloignée du trône impérial pen-
dant plus d'un siècle, de 13o8 à 1438.
Albert II (143S-1439), d'abord duc d'Autriche,
puis roi de Bohême à la mort de l'empereur Si-
gismond (1437), dont il avait épousé la fi'lle, dtvint
roi de Hongrie et empereur d'Allemagne l'année
suivante. La couronne impériale, rentrée ainsi dans
lu maison d'Autriche, ne devait plus en sortir. Le
règne d'Albert fut d'ailleurs insignifiant, et ne
dura qu'une année.
Frédéric III (1440-1493^, cousin éloigné d'Al-
bert H, lui succéda comme empereur. — V.
Frédéric l\\.
MaximiUen I" (1493-1519), fils de Frédéric III,
épousa Marie de Bourgogne, fille de Charles le
Téméraire, qui lui apporta en dot les Pays-Bas et la
Franche-Comté. Son fils Philippe-le-Beau, archiduc
d'Autriche et souverain des Pays-Bas, épousa Jeanne
la Folle, fille de Ferdinand V le Catholi(iue et d'Isa-
belle. Ce fut ce double mariage qui porta si haut
la puissance de la maison d'Autriche, et permit à
Charles-Quint, petit-fils de Maximilien, de réunir
les couronnes d'Espagne et d'Allemagne.
Le règne de Maximilien se passa presque tout
entier en tentatives inutiles pour restaurer l'auto-
rité impériale en Italie. Il fit la guerre aux rois de
France Charles VIII, Louis XII et François P"", sans
résultats sérieux ; à ses nombreuses campagnes
au-delà des Alpes il ne gagna que le surnom de
« Maximilien sans argent, » que lui donnèrent les
Italiens. Ses efforts pour donner plus d'unité à
l'Allemagne ont plus d'importance que ses guerres
extérieures. Il fit instituer par la dièie (l4!)5) une
Chambre impériale, tribunal nommé par l'empe-
reur et chargé de punir les violateurs de la paix
publique. L'empire fut divisé en dix cercles, à
la tête de chacun desquels fut placé un directeur.
Celui-ci disposait d'une force militaire spéciale,
4es lansquenets, sorte de gendarmerie chargée de
maintenir l'ordre et de faire exécuter les décisions
<le la diète et de la Chambre impériale.
Charles V ou Charles-Quint (1520-1559), petit-
fils de Maximilien 1"^, lui succéda comme empe-
reur. — V. Charles-Quint.
Ferdinand I" (1556-1504), frère de Charles-Quint
«t son succi^sseur à la couronne impériale. -^ V.
Ferdinand l".
Maximilien 11(1504-1576), fils de Ferdinand I",
auquel il succéda, eut un règne paisible, sauf une
courte guerre contre les sultans turcs Soliman II
et Sélim III II s'appliqua à entretenir la bonne
harmonie entre les protestants et les catholitiues,
en faisant exécuter loyalement le traité d'Augsbourg
qui avait proclamé la liberté de conscience. Grâce
à son gouvernement tolérant et sage, l'Allemagne
jouit de la tranquillité intérieure, au moment même
où les guerres de religion déchiraient la France.
Rodolphe II (Iô76-l6l2), fils aîné et successeur
de Maximilien II, n'imita pas la sage politique de
son père. Occupé d'alchimie et d'astronomie, il
laissa les partis religieux recommencer leurs que-
relles. Les protestants, se voyant menacés, organi-
sèrent ï Union évangéiique (1608), et les catholi-
ques, de leur côté, formèrent l'année suivante la
Ligue catholique; la Bohême exigea et obtint la
garantie de ses libertés religieuses par les Lettres
de m ijesté (1G09;. Rodolphe eut à soutenir diverses
guerres contre les Turcs et les Hongrois de Tran-
sylvanie. Incapable de gouverner, il abandonna peu
à peu l'autorité sur ses états héréditaires, Hongrie,
Autriche, Bohême, à son frère Mathias, qui de-
vait lui succéder comme empereur.
Mathias (1612-1619), frère et successeur du pré-
cédent, termina la guerre de l'empire contre les
Turcs (1015). N'ayant pas d'enfant, il adopta son
cousin Ferdinand de Styrie, qu'il fit couronner roi
de Hongrie et de Bohème. Ce dernier eut en 1618,
avec ses sujets protestants de Bohême, une que-
relle qui fit éclater la guerre de Trente Ans.
Mathias mourut la seconde année de cette guerre.
Ferdinand II, de la branche de Styrie (1619-1637),
successeur de Mathias. — V. Ferdinand IL
Ferdinand III (1637-1657), fils et successeur du
précédent. — V. Ferdinand lll.
Léopoldl" (1658-1705), fils et successeur du
précédent, eut à soutenir contre Louis XIV les
guerres dites de Hollande, de la ligue d'Augsbourg
et de la succession d'Espagne (V.aux mots Guerres
et Louis XIV). Il eut en outre à repousser deux
fois une invasion des Turcs. La première fois, les
envahisseurs furent vaincus à la bataille de Saint-
Gothard en Hongrie (166i), par MontecucuUi ;
Louis XIV avait envoyé à cette occasion à Léopold
un secours de 6000 hommes. La seconde fois, les
Hongrois révoltés s'étaient joints aux Turcs, et
Vienne fut assiégée par Kara-Moustapha. Le roi de
Pologne Jean Sobieski sauva la capitale de l'Au-
triche (10S3), et après plusieurs campagnes sur le
Danube, dans lesquelles se signala en particulier
le prince Eugène de Savoie, les Turcs durent signer
la paix de Carlowitz (1694), qui mit fin à leurs
prétentions sur la Hongrie et la Transylvanie.
Léopold I" mourut en 1705, laissant deux fils qui
px^rlcrent l'un après l'autre la couronne impériale.
Joseph I" (1705-1711), fils aîné de Léopold I" et
son sui cesseur. — V. Joseph l".
Charles VI (17 11-1740), second fils de Léo-
pold l>^r, et successeur de Joseph I'^ Avec lui s'é-
teint la descendance directe des Habsbourg. —
V. Charles VI.
Mai'ie-Thêrèse, fille de Charles VI, épousa le
duc François de Lorraine, devenu empereur en
1745 sous le nom de François l". Elle fut la mère
de Joseph II, de Léopold II, et de Marie-Antoi-
nette. — V. Marie-Tliérèsiu
François I" de Lorraine-Autriche (1745-1765),
d'abord duc de Lorraine, puis duc de Toscane
(V. Guerre de la succcs.-^'on de Po/ogne), épousa
en 1736 Marie-Thérèse, héritière de la monarchie
autrichienne. Après la mort du prétendant Charles
VII de Bavière, en 1745 (V. Guerre de la succession
d'Autriche), François de Lorraine reçut la couronne
impériale, qu'il porta durant vingt ans ; mais il ne
joua jamais qu'un rôle effacé, et laissa l'autorité à
Marie-Thérèse.
Joseph II (1705-1790), fils aîné de François I"
et son successeur. — V. Joseph II.
Léopold II (1790-179J), second fils de François I",
succéda à son père en 1765, comme grand-duc de
Toscane, et à son frère Joseph II, en l79o, comme
empereur. Il fit la paix avec la Turquie (V. Jo-
seph 11), réprima l'insurrection des Pays-Bas, et
HANOVRE
950
HELMINTHES
conclut avec le roi de Prusse Frédéric-Guillaume II
la convention de Pillnitz (17 août 1791j, par la-
quelle ces deux souverains s'engageaient, sur la
demande de Louis XVI et de Marie-Antoinette
(celle-ci était la sœur de Léopold), à rétablir en
France l'autorité royale telle qu'elle existait avant
la convocation des Etats-Généraux de 1789. Mais
Léopold II mourut avant d'avoir pu réaliser ses pro-
jets contre la Révolution française, et ce fut son fils
et successeur François II qui tenta de les mettre
à exécution.
François II (François l" comme empereur d'Au-
triche ; 1792-1835) dernier empereur d'Allemagne
et premier empereur d'Autriche, fils et successeur
de Léopold II. — V. François H.
Ferdinand 1" (1835-1848), fils et successeur de
François I" comme empereur d'Autriche. — V.
Ferdiimndl",
HANOVUE (Maison de). — Histoire générale,
XXV, XXVI, XXVII. — Famille princière qui règne
en Angleterre depuis 1714, et qui lui a donné six
souverains : Georges I" (1714-1727), Georges II
(1727-1760), Georges III (1760-1820), Georges IV
(1820-1S30), Guillaume IV (1830-1837), et Victoria.
Depuis l'établissement du gouvernement parle-
mentaire, l'autorité du monarque n'étant plus que
nominale, la personnalité du souverain régnant
n a plus exercé sur les destinées de l'Angleterre
qu'une bien minime influence. Aussi croyons-
nous inutile de faire pour la maison de Hanovre
ce que nous avons fait pour les autres dynasties an-
glaises, Plantagenets *, Tudors * et Stuarts *, et
nous bornons-nous à renvoyer à l'article général
Angleterre et aux articles spéciaux, Guerre de la
succession d'Autriche, Guen^e de Sept aiis, Guerre
d'Amihique, etc.
HElîRi:ux. — V. Israélites.
HELMINTHES. — Zoologie, XXVII. — (Etym. :
du grec li'dmins, ver). — La classe des Helminthes,
appartenant au sous-embranchement dos Vers,
subdivision de l'embranchement des Annelés, est
composée de vers de formes diverses et dont le
plus grand nombre vivent en parasites au moins
pendant une partie de leur existence. Cette classe
peut se diviser en trois ordres principaux : les
Trématodes ou vers plats, les Cestoïdes ou vers
rubanés, et les Némaioïdes ou vers cylindri-
ques.
Trématodes. — Les Trématodes sont des vers
parasites, eu général plats, rarement cylindriques,
munis dune ou de plusieurs ventouses. Ils sont,
sauf quelques exceptions, hermaphrodites et ovi-
pares. Les jeunes passent le plus souvent par une
scrie de métamorphoses. Les cen-aires, que l'on a
longtemps considérés comme des animaux distincts,
sont des larves de trématodes distoines, qui, après
avoir pénétré dans les tissus d'un être animé,
mollusque, larve d'insecte ou poisson, où elles
s'enkystent, prennent leur forme détinitive dans
l'estomac de l'animal qui avalera leur premier
hôte.
On divise les Trématodes en Distomes, ayant au
plus deux ventouses (ventouses orale et ventrale),
et Polystomes, ayant plus de deux ventouses.
C'est dans le groupe des Distomes que se ren-
contre dans nos climats l'espèce la plus dange-
reuse pour les animaux domestiques, la Fasciola
hepaticn ondouve du foie, qui peut atteindre quatre
centimètres de longueur, deux de largeur et deux
millimètres d'épaisseur. Elle vit dans les canaux
hépatiques des animaux herbivores, surtout des
moutons, chez qui elle occasionne, lorsqu'elle s'y
rencontre en grand nombre, une maladie mortelle
connue sous les noms de clavée, de pourriture, de
cachexie aqueuse, etc.
C'est surtout dans les pâturages humides que
les moutons gagnent cette terrible maladie, régnant
souvent d'une façon endémique et dévastant des
troupeaux entiers. On ne connaît pas encore les
différentes formes larvaires de ce distome ; il est
probable cependant que ses larves ou cercaires
vivent enkystées dans de petites limaces, que les
moutons avalent en broutant l'herbe.
Une seconde espèce, le Distomum laiiceola-
tum, moins dangereuse, et d'une taille plus fai-
ble (un centimètre de long sur un demi-centi-
mètre de large), accompagne presque toujours
la Fasciola hepatica dans les canaux biliaires des
moutons.
Ces distomes ont été rencontrés accidentelle-
ment chez l'homme et en particulier chez des ber-
gers.
Un troisième distome est très fréquent chez
l'homme en Abyssinie et produit parfois la mort.
La plupart des autres distomes vivent dans le
tube digestif des oiseaux aquatiques, des poissons,
des grenouilles.
Les Polystomes vivent presque tous h l'état de
parasite externe sur les branchies et la peau des
poissons ; le polystome des grenouilles se déve-
loppe dans la cavité viscérale des têtards.
Cestoïdes. — Les Cestoïdes sont des vers plats,
rubanés, dont la longueur peut devenir parfois
considérable. Ils sont tous parasites, chaque es-
pèce étant plus spécialement propre à un animal
déterminé. Dans un cestoîdc, on peut distinguer
le scolex, appelé improprement la tête, et les pro-
fjiottis ou anneaux. Le scolex, en général octaédri-
que, est muni de ventouses servant de moyen de
fixation, et souvent aussi d'une ou de deux cou-
ronnes de crochets. Le scolex est suivi d'une
partie amincie, le cou. Le passage du cou à la
chaîne des proglottis se fait insensiblement;
les premiers proglottis, à peine distincts, étant
suivis d'autres de plus en plus nettement diffé-
renciés. Ces proglottis, d'autant plus développés
qu'ils sont plus éloignés du scolex, peuvent être
considérés comme des animaux distincts, herma-
phrodites, analogues à des distomes, et leur en-
semble comme une sorte de colonie.
Dans ces vers, on ne trouve aucune trace d'ap-
pareil digestif. Il n'y a donc ni bouche ni anus.
Les sucs digestifs de l'intestin de l'hôte qu'ils
habitent passent par endosmose à travers les pa-
rois de leur corps.
Les anneaux mûrs, remplis d'œufs, se détachent
en général, au moins dans le groupe des taenias,
et sont ensuite rejetés au dehors.
Les migrations et les métamorphoses par les-
quelles passent les embryons des cestoïdes sont
très utiles à connaître au point de vue de l'hygiène
de l'homme et des animaux domestiques.
Considérons d'abord les taenias. Dans ce groupe,
nous trouvons des tasnias armés, c'est-à-dire mu-
nis d'une couronne de crochets, et des tœnias
inermes, sans couronne de crochets. Tous ont uu
scolex pourvu de quatre ventouses. Parmi les
tœnias armés, le Tsenia soiium, appelé aussi im-
proprement ver solitaire, est un parasite de
l'homme. Ses œufs sont avalés par les porcs avec
les excréments dans lesquels ils se trouvent. Dans
l'estomac de ces animaux, la coque de l'œuf est
dissoute, et l'embryon, armé de six crochets, est
mis en liberté. Grâce à leurs crochets, les em-
bryons traversent les parois de l'estomac et du
tube digestif, arrivent dans les vaisseaux sanguins,
et sont entraînés avec le sang dans les différentes
parties du corps de l'animal. Une fois fixés, ils per-
dent leurs crochets, se transforment en hydatides
ou cysticerques, et le porc est devenu ladre.
Ces cysticerques du porc ladre ont la forme
d'une petite vésicule ovale blanchâtre, munie, sur
un de ses côtés, d'une petite ouverture par la-
quelle peut sortir, en se déroulant comme un doigt
de gant, un petit appendice qui représente exac-
tement une tête de Tœnia soiium avec ses quatre
HELMINTHES
— 951
HELMINTHES
ventouses et armée de ses deux couronnes de cro-
chets. Le développement ne va pas au delà. Si
maintenant le cystiecrque est avalé par un homme,
les sucs de l'estomac digèrent les enveloppes et
la tète du tœnia est mise en liberté ; elle pénètre
dans l'intestin et s'y fixe au moyen de ses ven-
touses et de .-.es crochets. Elle commence alors à
bourgeonner et à produire la série des progloitis,
dont les premiers produits arrivent à maturité
environ trois mois après l'ingestion du cysticer-
que. Ce bourgeonnement du scolex est continu;
aussi un malade atteint du ver solitaire ne peut
être certain d'en être débarrassé que lorsqu'il a
rendu la tête.
Pour éviter le Tsnia solium, il ne faut man-
ger de la viande do porc que lorsqu'elle est bien
cuite.
Les chiens sont aussi atteints de plusieurs es-
pèces de taenias armés, parmi lesquels le Tœnia
cœnurus est surtout fréquent chez les chiens de
berger. Ce taenia est souvent la cause de maladies
mortelles chez les moutons. En effet, les œufs
rendus avec les excréments du chien peuvent être
avalés par les moutons. Ces œufs mettent alors
en liberté des embryons à six crochets, qui tra-
versent les parois de l'estomac et sont entraînés
par le courant sanguin jusque dans le cerveau du
mouton. Là ils se transforment en une vésicule
pouvant atteindre la grosseur du poing. Sur les
parois de celle-ci bourgeonnent un grand nombre
de vésicules plus petites renfermant une tète de
taenia, et comparables au cysticerque ladrique du
porc. La différence qui existe entre le développe-
ment du Tœnin sidium et celui du Téenin cœnurus,
c'est que l'embryon du premier ne peut donner
naissance qu'à ua seul tœnia, celui du second pou-
vant au contraire en produire un très grand nom-
bre.
Cette vésicule ou cœnure du mouton, logée entre
le cerveau et les os du crâne, comprime cet or-
gane et occasionne la maladie toujours mortelle
connue sous le nom de toiirnU. Le chien à son
tour, en mangeant le cerveau du mouton abattu,
s'infeste du tœnia, et le même cycle recommence.
Il est donc nécessaire d'enterrer profondément,
avec de la chaux, si c'est possible, la tète du mou-
tp." mort du tournis, de surveiller le chien qui
garde le troupeau, et de le débarrasser le plus
rapidemeut possible du tasnia si on le remarque
chez lui.
Un autre taenia du chien, le Tsnia echinococcus,
peut devenir dangereux non seulement pour les
animaux domestiques, mais môme pour l'jiomme.
Ce tœnia est très petit, et n'a jamais plus de deux
à trois proglottis, le dernier étant seul entièrement
développé. Les œufs de ce tœnia produisent dans
les poumons et le foie de l'homme et des animaux
..erbivores des vésicules (échinoques) pouvant
bourgeonner de nouvelles vésicules dont l'ensem-
ble peut atteindre le volume d'une tête d'homme.
Sur les parois de ces vésicules bourgeonnent des
tètes de tœnia en nombre immense.
C'est surtout en Islande que l'homme est atteint
de ces échinoques, qui déterminent une maladie
souvent mortelle.
Outre le tœnia arme, on rencontré aussi chez
riiomme un tœnia inerme. et qui provient de cys-
ticerques avalés en mangeant de la viande de
bœuf crue ou peu cuite. Ce tœnia est le Tœnia nie-
diocanellata, qui offre de grandes analogies avec le
T se nia solium, avec lequel il est souvent confondu.
Enfin l'homme peut encore être infesté par un
autre cestoïde, le Bothriocéphale large.
Ce bothriocéphale, le plus grand des cestoïdes,
a un scolex allongé, lancéolé, sans ventouses, et
présentant de chaque côté deux fentes longitudina-
les appelées bothriodies. Ces fentes remplacent les
ventouses. Chez le bothriocéphale, les œufs peu-
vent sortir de l'anneau par un orifice particulier et
tomber directement dans le tube digestif, d'où ils
sont ensuite expulsés. Là, les anneaux n'ont donc
pas besoin de se détacher de la colonie pour que
les œufs puissent être mis en liberté, aussi le bo-
thriocéphale de l'homme peut-il atteindre une lon-
gueur de 15 à 20 mètres. Les observations sur les
phases du développement de ce cestoïde manquent
encore; il est probable cependant que l'embryon
s'enkyste dans des poissons et que par ces derniers
il arrive chez l'homme.
Dans les poissons d'eau douce et en particulier
chez les tanches, on trouve une espèce de cestoï-
des appelés ligules. Ces vers peuvent occasion-
ner parfois une véritable épidémie parmi les pois-
sons.
D'autres espèces se développent dans les raies
et les squales, d'autres encore dans les serpents, etc.
Nématoïdes. — Les Nématoîdes, ou vers ronds,
ont un corps cylindrique, souvent très allongé et
même filiforme. Ils comprennent beaucoup d'espè-
ces non parasites. Ils se différencient des deux
ordres précédents par leur tube digestif qui est
pourvu d'une bouche et d'un anus.
Les Nématoîdes ont les sexes séparés. Les mâles
se distinguent par une taille souvent beaucoup plus
petite que celle des femelles, et par leur extrémité
caudale en général recourbée et munie parfois
d'un ou de deux spicules.
Ces vers sont les uns ovipares, les autres vivipa-
res. Leur développement n'est pas accompagné de
métamorphoses, mais chez un grand nombre d'es-
pèces il y a des migrations.
Citons les espèces qu'il est le plus important de
connaître :
L'Oxyure veryniculaire est ce petit ver blanc qui
se rencontre souvent en nombre considérable dans
le rectum des enfants. Ses œufs arrivent directe-
ment dans l'estomac humain avec les aliments ; là
les embryons sont mis en liberté et se développent
complètement dans le tube digestif. 11 en est de
même du développement des Trichocéphales, qui
vivent dans le cœcum de l'homme.
\j' Ascaris lumbricoid es est ce grand ver d'un blanc
rosé que l'on rencontre dans les intestins de
l'homme et du porc ; ses œufs se développent dans
l'eau ou la terre humide ; l'embryon en sort muni
d'une dent, et s'enkyste probablement dans un
hôte particulier avant d'arriver chez l'homme.
La Trichine, bien connue par les nombreux acci-
dents qu'elle a causés, surtout en Allemagne, est
vivipare; elle pond ses petits dans l'intestin môme
de l'hôte dans lequel elle se trouve. Ceux-ci tra-
versent le tube digestif et vont s'enkyster dans les
muscles. Ils peuvent attendre ainsi plusieurs an-
nées que la chair de leur hôte soit introduite dans
le tube digestif d'un nouvel animal à sang chaud.
Là les enveloppes du kyste sont dissoutes sous
l'action du suc gastrique, et les jeunes trichines
mises en liberté sont transformées au bout de qua-
tre à cinq jours en trichines sexuées ; celles-ci pro-
duisent une nouvelle génération qui émigré dans
les muscles de l'hôte.
L'homme s'infeste de trichine en mangeant delà
viande d'un porc qui lui-même s'est infesté en man-
geant des rats. La plupart des mammifères peu-
vent être infestés de trichine ; les oiseaux seuls en
sont exempts.
La maladie due à ce parasite, d'une taille cepen-
dant excessivement petite, est souvent mortelle, et
toujours très douloureuse.
Dans certaines contrées chaudes, il existe des
nématoïdes qui arrivent dans le corps de l'homme
par l'eau servant de boisson. Quelques-uns sont
très dangereux, par exemple la Pilaire de Médine,
qui s'enkyste dans les muscles sous-cutanés et y
occasionne des tumeurs, et le Dochmius duodena-
lis, commun en Egypte, espèce armée d'une forte
HENRI
— 952 —
HENRI
bouche à rebord corné et denté, qui blesse les pa-
rois de l'intestin, suce le sang d^s vaisseaux intes-
tinaux et occasionne de graves maladies.
Le Strongle géant, qui peut atteindre une lon-
gueur d'un mètre et une largeur de plus d'un
centimètre, habite le rein du chien, du porc. On
l'a trouvé quelquefois chez l'homme.
A côté de ces nématoîdes qui attaquent l'homme
ou les animaux domestiques, et dont les mâles et
les femelles sont toujours séparés, on rencontre
dans les oiseaux de basse-cour une espèce, le
Sy?igamus trachealis, dont le mâle est toujours fixé
sur ie corps de la femelle. Ces vers se développent
et se multiplient dans la trachée des oiseaux, et oc-
casionnent de grandes pertes surtout dans les fai-
sanderies.
Tous les genres de nématoîdes dont nous venons
de parler vivent au moins durant une partie de
leur existence à l'état de parasites. Mais il y en a
d'autres qui vivent toujours hbres. Ces nématoîdes
libres sont surtout abondants dans la mer ; il en
est quelques-uns cependant qui vivent dans les eaux
douces et dans la terre humide. Parmi ces derniers
se trouvent les anguillules, animaux presque mi-
croscopiques. Quelques espèces d'anguillules se
développent dans les liquides en putréfaction,
comme Vanguillide du vinaigt-e; d'autres vivent
aux dépens des végétaux Ainsi la maladie du blé
connue sous le nom de ?iielle est due à des anguil-
lules. Ces vers pénètrent dans la jeune plante, ar-
rivent dans l'épi, s'j' développent et de\àennent
adultes. Ils pondent alors des œufs donnant nais-
sance à des embryons, qui finissent par former le
seul contenu du grain. Ces anguillules jouissent
de 1? propriété de revenir à la vie après avoir été
desséchées.
On voit quel étrange sujet d'étude et de méai-
tation nous est offert par ces animaux dégradés
inclus à l'intérieur des tissus ^1vants, incapables
d'accomplir seuls toutes les phases de leur évo-
lution. Les uns ont des périodes de vie libre et de
vie parasitaire; d'autres, bien plus singuliers
encore, passent d'un animal à un autre, réali-
sant l'idée des métempsycoses ; on a longtemps
ignoré que le même individu subsistait sous ces
formes si distinctes et qu'on attribuait à des es-
pèces très éloignées. Ce sont surtout les consé-
quences hj-giéniques qui doivent nous frapper :
le danger des cohabitations avec certains animaux,
comme les chiens, le soin qu'on doit avoir d'empê-
cher nos animaux domestiques de se repaître d'en-
trailles farcies de cysticerques, la nécessité pour
Ihomme de s'abstenir des viandes et du sang crus
ou peu cuits, de peur de rencontrer des animaux
ladres ou trichines, surtout pour le porc. Les insti-
tuteurs rendront les plus grands services en propa-
geant la connaissance de ces faits, si généralement
ignorés. _ [L. Poirier.]
HE>RI. — Nous consacrons ci-dessous à un cer-
tain nombre de souverains de ce nom, dont le règne
a tme importance historique, des articles spéciaux.
1° Allemagne.
Henri I«- l'Oiseleur, — Histoire générale, XVIII.
— fondateur de la maison de Saxe, fut élu mi de
Germanie à la mort de Conrad I" de Franco-
nie (91^1). Il était à la chasse lorsqu'on vint lui an-
noncer son élection, d'où le surnom qui lui fut
donné. Il conquit la Lorraine, força le roi de Bo-
hême à reconnaître sa suzeraineté, défit à Merse-
bourg (934) les Hongrois qui auparavant rava-
geaient périodiquement 1 Allemagne, et garantit
les frontières en créant les margraviats de Mis-
nie, d Autriche, de Styrie, de Brandebourg, de
bchies%vig. Par 1 institution des buri/s, lieux forti-
h^ ou il obligea une partie de la population rurale
a ûxer sa résidence, et dont les habitants reçurent
!e droit de se gouverner en choisissant leur bourg-
uiestre. il contribua au développement du système
municipal en Allemagne (V. Communes). Il mourut
en 9:i(;, laissant pour lui succéder son fils Ottion I"
le Grand, qui à la royauté devait joindre la cou-
ronne impériale.
Henri II le Saint. — Histoire générale, XVIII,
— cousin d'Othon III, auquel il succéda en 1002,
fit le dernier empereur de la maison de Saxe. Il
eut à disputer la possession de l'Italie à un rival,
Arduin, marquis d'Ivrée, qu'il défit. Il fut le pre-
mier des souverains allemands qui prit le titre de
roi des Romai7i<^. L'Eglise a placé Henri II au
rang des saints à cause de sa piété. 11 mourut en
1024.
Henri ni, — Histoire générale , XVIII, — se-
cond empereur de la maison de Franconie, régna
de 1039 à 1056. « Il fut, de tous les Césars alle-
mands, celui qui fit le meux respecter l'autorité
impériale des deux côtés des Alpes. » (Duruy).
L'élection des papes dépendait alors du bon plai-
■^ir de l'empereur : Henri plaça successivement sur
!e trône pontifical trois prélats allemands. Il eut à
combattre les Bohémiens et les Hongrois qu'il
vainquit ; mais il ne put empêcher les Normands
de s'établir dans l'Italie méridionale.
Henri IV, — Histoire générale, XIX, — fils de
Henri III, lui succéda à l'âge de six ans seulement.
Il devait avoir des destinées bien différentes de
celles de son père. La papauté, sous l'inspiration
de moine Hildebrand, profita de la minorité du
jeune roi de Germanie pour s'affranchir de la tu-
telle où l'avaient tenue jusqu'alors les empereurs;
et Hildebrand. élu pape en lo73 sous le nom
de Grégoire VII, émit la prétention d'élever le
pouvoir du souverain pontife au-dessus de celui
des princes temporels. Lorsque Henri IV , de-
venu majeur, voulut user de la prérogative
qu'avaient toujours possédée les souverains, de
nommer aux charges ecclésiastiques , Grégoire VII
s'y opposa ; et profitant d'une révolte des Saxons
contre le jeune empereur, il enjoignit à celui-ci de
comparaître à Rome pour y rendre compte do sa
conduite. Henri, indigné, répondit à cette somma-
tion en faisant prononcer la déposition du pape par
le synode de Worras ^1076) ; Grégoire, à son tour,
lança contre l'empereur une sentence d'excommu-
nication, et délia ses sujets dti serment d'obéis-
sance. Ainsi commença entre le sacerdoce et l'em-
pire cette grande lutte qui devait durer deux
siècles. Abandonné par la plupart des seigneurs
allemands, Henri s'humilie pour obtenir la levée
du terrible anathème qui l'avait frappé : il vient
au château de Canossa 'près de Reggio, dans l'an-
cien duché de Modène) iiiiplorer le pardon du
pontife. Celui-ci, après l'avoir laissé durant trois
jours attendre à la porte du château, les pieds nus
et en habit de pénitent, consentit enfin à le rece-
voir et à le relever de l'excommunication (26 jan-
vier 1077). Mais les seigneurs révoltés contre
Henri IV ne voulaient plus de lui comme empe-
reur : ils élurent à sa place, avec l'assentiment de
Grégoire VII, Rodolphe de Rheinfelden, qu'on ap-
pela le rot des prêtres {Pfnffenkônig). Henri,
rentré en Allemagne où il avait retrouvé des par-
tisans, fit la guerre à Rodolphe, qui fut tué par
Godefroi de Bouillon à la bataille de Volksheim
1080), créa un antipape, Clément III, puis marcha
contre Grégoire VII. Rome fut prise par les impé-
riaux (1082), et Grégoire ne fut sauvé que par
l'intervention des Normands, qui lui donnèrent un
asile à Salerne. Mais Henri IV ne jouit pas long-
temps de son triomphe : à l'instigation des succes-
seurs de Grégoire VII, ses deux fils se révoltèrent
successivement contre lui. Vaincu par son second
fils Henri, et déposé par la diète de Mayence (1 lO.i),
HenrilV alla mourir misérablement à Liège (110G>.
— V. Papauté et Allemagne (p. 94 et 9ô).
HENRI
— 953 —
HENRI
Henri V, — Histoire générale, XIX, — fils du
précédent, était arrivé au trône en liOô avec l'ap-
pui de la papauté ; mais une fois empereur, i!
refusa de renoncer au droit de donner l'investi-
ture des charges ecclésiastiques, et fit la guerre
aux papes Pascal II et Gélase II. Il conclut enfin,
avec le pape Calixte II, le concordat 'ie Worms,
qui mit fin à la querelle des investitures (1122). Il
riiourut en 1125, et avec lui s'éteignit la maison
de Franconie. — V. Papauté et Concor./ats.
Henri VI, — Histoire générale, XIX, — troi-
sième empereur de la famille de Hohenstaufen,
succéda en 1190 à son père Frédéric I" Barbe-
rousse. Il avait épousé Constance, héritière du
royaume des Deux-Siciles, dont il dut faire la con-
quête. II mourut en 1197, laissant ce royaume à
son jeune fils Frédéric ,'plustard Frédéric II). Son
successeur sur le trône impérial fut Othon IV de
Brunswick. — V. Hohenstaufen.
Henri VH. — V. Luxembourg.
2° Angleterre.
Henri I", — Histoire générale, XVIII, — surnommé
Beauclerc à cause de son amour pour les lettres,
troisième fils de Guillaume le Conquérant, suc-
céda en 1100 à son frère Guillaume IL II eut à
défendre sa couronne contre les prétentions de
son frère aîné Robert Courte-Heuse, duc de Nor-
mandie, et du fils de celui-ci, Guillaume Cliton,
que soutenait le roi de France Louis VI. L'événe-
ment principal de son règne fut la pub icaiion
d'une charte où l'on trouve déjà mentionnées
quelques-unes des libertés qui furent inscrites plus
tard dans la Grande Charte d'Angleterre. 11 laissa
en mourant (1135) sa couronne à sa fille Mathilde,
veuve de l'empereur d'Allemagne Henri V ; mais
Etienne, neveu d'Henri \", s'empara du pouvoir au
détriment de Malhilde et de son second mari
Geoffroy Plantagenet.
Henri H et Henri ni. — V^. Plantagenet.
Henri IV, Henri V et Henri VI. — V. Lancastre,
Guerre de Ce?if ans et Guerre des Deux-Roses.
Henri VH, Henri VIII. — V. Tudor et Ré-
forme.
3° Rois de France,
Henri I", — Histoire de France, VIII, — fils
de Robert et petit-fils de Hugues Capet, succéda
à son père en 10-31. Il eut d'abord à lutter contre
sa mère Constance, qui désirait placer la couronne
sur la tête d'un autre de ses fils; Henri réus-
sit à maintenir ses droits, grâce à l'appui du
duc de Normandie Robert le Diable. Il fut sou-
vent en guerre avec ses vassaux, pour la plu-
part plus puissants que lui. Son règne n'offre pas
d'événements importants. Il épousa en 1051 une
princesse russe, Anne, fille de Jaroslav , grand-
•duc de Kief. Il mourut en l(i60, laissant la
couronne à son fils Philippe I". — V. Hugues
Capet.
Henri II, — Histoire de France, XVII — fils
et successeur de Fi-ançois l'% monta sur le trône
en 154T. Il lutta, comme son prédécesseur, contre
Charles-Quint, puis contre Philippe II. Il enleva à
Charles-Quint les trois évêchés (Metz, Toul et
Verdun) ; puis envoya le duc de Guise en Italie
tenter une expédition contre Naples. Une défaite
que les Espagnols firent subir au connétable de
Montmorency à Saint-Quentin (155*) obligea
Henri II à rappeler le duc de Guise, qui s'empara
de Calais (1558); mais une nouvelle victoire des
Espagnols à Gravelines engagea le roi de France à
traiter : la paix de Cateau-Cambrésis (1559! vint
clore définitivement les longues guerres dites d'I-
talie, qui avaient commencé sous Charles VIII. —
V. Guerres d'Italie.
Henri II se montra très rigoureux envers les réfor-
més français ; il voulait se faire pardonner ainsi se»
alliances politiques avec les protestants allemands,
et le scandale que causait sa liaison avec Diane de
Poitiers. Plusieurs édits, entre autres celui de
Chateaubriant (1.551), menacèrent les réformés des
peines les plus sévères ; mais les doctrines de
Calvin n'en firent pas moins, sous ce règne, des
progrès considérables : les protestants « étaient si
opiniâtres et résolus en leur religion, dit un
contemporain, que lors même que l'on était le
plus déterminé à les faire mourir, ils ne lais-
saient pour cela de s'assembler, et plus on en fai-
sait de punition, plus ils multipliaient. » (Castel-
nau). En 1559, le roi fit arrêter en plein Parle-
ment de Paris le conseiller Anne Dubourg, connu
comme calviniste, et lui fit faire son procès ;
Dubourg, condamné à mort, monta sur le bûcher
quelques mois plus tard.
Henri avait épousé Catherine de Médicis, dont il
eut de nombreux enfants : trois de ses fils furent
rois après lui ^François II, Charles I.\, Henri III),
et sa fille Elisabeth épousa Philippe II d'Espagne.
Aux fêtes de ce mariage, Henri II fut blessé dans
un tournoi, et mourut des suites de cet accident
(1559).
Henri III, — Histoire de France, XIX, — troi-
sième fils de Henri II, succéda à son frère Char-
les IX en i57-i. Il avait été élu roi de Pologne
l'année précédente, et se hâta de quitter Cra-
covie pour revenir en France. En ce moment,
catholiques et protestants étaient de nouveau en
ç;uerre (bataille de Dormans, gagnée par Henri de
Guise, 1575; ; mais grâce au duc d'Anjou, frère du
roi, qui s'était mis à la tête du parti des politiques,
un traité de paix, dit paix de Monsieur, fut con-
clu en 157G. Une fraction des catholiques, trouvant
cette paix trop avantagi;u = '; pour les protestants,
s'en montra fort irritée : c'est alors que se forma
la Sainte-Ligue, dont le but avoué était u de main-
tenir les lois et la religion antiques de la monar-
chie. » La Ligue devint immédiatement une puis-
sance redoutable; le dessein secret des ligueurs
était de placer le duc de Guise sur le trône. Le
roi crut déjouer ces projets en se déclarant lui-
même le chef de la Ligue ; mais il n'inspirait pas
de confiance aux catholiques, et ses mœurs Uon-
teuscs le faisaient mépriser de tous. En vain,
pour se concilier les ligueurs, déclara-t-il la guerre
aux huguenots en 15^7 : les Etats Généraux, réu-
nis à Blois, lui refusèrent tout secours financier.
Cependant il remporta quelques succès. Les pro-
testants ayant demandé la paix, Henri crut à la
fois terminer les discordes religieuses et ressaisir
son autorité au moyen de la paix de Bergerac (1577),
qui accordait aux réformés la liberté d'exercer
leur culte dans certaines villes, et prononçait l'a-
bolition de toute confédération particulière : cette
dernière disposition visait spécialement la Ligue.
.Mais le roi ne réussit qu'à mécontenter les catho-
liques, et la Sainte-Ligue n'en subsista pas
moins.
Le duc d'Anjou étant mort en 1584, et Henri III
n'ayant pas d'enfants, l'héritier présomptif de la
couronne se trouva être le chef des protestants,
Henri de Bourbon, roi de Navarre. La perspective
do voir un huguenot sur le trône excita au plus
haut point l'indignation des ligueurs, et le roi se
vit obligé de recommencer la guerre contre le
parti réformé. Henri de Navarre battit l'armée
royale à Centras (1587) ; le duc de Guise, en revan-
che, mit en déroute à Vimory et à Auneau les troupes
que les protestants allemands envoyaient au sec lurs
de leurs coreligionnaires de France. Le roi est bien-
tôt accusé de tiédeur par les partisans des Guises :
Paris, où dominent les ligueurs, s'insurge (Journée
des Barricades, 12 mai 1587), et Henri III est obligé
de s'enfuir de sa capitale. Feignant alors de c Jder
aux exigences de la Ligue, il convoiue de nouveau
HENRI lY
— 954 —
HENRI IV
les Etats Généraux à Blois, y attire le duc de
Guise, auquel il accorde le titre de lieutenant-géné-
ral du loyaume, et le fait assassiner. Il se figurait
« qu'ayant fait tuer le roi de Paris, il était redevenu
roi de France. » C'était mal connaître la violence
des passions soulevées contre lui. A la nouvelle
du meurtre, Paris prend les armes ; Mayenne,
frère d'Henri de Guise, est proclamé lieutenant-
général du royaume à sa place, et la race des
Valois est déclarée déchue du trône. La plupart
des grandes villes imitent Paris. Henri HI se décide
alors, pour vaincre la Ligue, à s'allier aux protes-
tants et à Henri de Navarre. Les deux rois réunis-
sent une armée, et marchent sur Paris, qu'ils as-
siègent. Mais un moine fanatique, Jacques Clé-
ment, assassine Henri III, qui meurt en désignant
Henri de Navarre pour son successeur (1589^.
Henri IV. — V. ci-dessous.
mî?iiUI IV. — Histoire de France, XIX-XX. —
Avènement de Henri IV. — Le 2 août 1589, le
meurtre de Henri III assassiné par le moine Clé-
ment termina d'une manière tragique la dynastie
des Valois. L'héritier le plus direct de la couronne
était le roi de Navarre, Henri de Bourbon, qui des-
cendait d'un fils de saint Louis. Mais depuis qu'il
était héritier présomptif, ses droits étaient contes-
tés avec fureur. Il était le chef du parti protestant,
et la plupart des catholiques redoutaient en lui un
ennemi de leurs croyances.
^tat de la France. Ln Ligue. — Depuis trente
années les passions religieuses avaient déchaîné
en France la guerre civile. Henri III, après avoir
poussé jusqu'au fanatisme la ferveur de sa foi ca-
tholique, s'était vu chassé de sa capitale et forcé de
reconquérir par les armes son roj^aume insurgé
contre lui. La grande association de la Ligue,
formée sous prétexte de défendre la religion, était
devenue un formidable instrument politique aux
mains du roi d'Espagne et des Guises. Elle était
maîtresse d'une partie des provinces et de pres-
que toutes les grandes villes. Dans Paris, elle dis-
posait d'une multitude ardente, exaltée chaque
jour par des prédicateurs fanatiques. Elle avait son
gouvernement, le conseil de l'Union, composé
de 24 membres; son chef militaire, le duc de
Mayenne, lieutenant-général du royaume. A Henri
de Navarre, elle opposait un autre roi, le vieux
cardinal de Bourbon proclamé sous le nom de
Charles X.
Désordre général. — A la faveur de la guerre
civile, le désordre et le trouble s'étaient mis par-
tout. Dans les villes, les bourgeois, organisés en
confréries, formaient des milices, choisissaient des
chefs, prenaient parti. Dans les provinces et dans
les places, les gouverneurs ne reconnaissaient plus
au-dessus d'eux aucune autorité : Mercœur était roi
en Bretagne, dEpernon en Guyenne, Montmorency
en Languedoc. L'unité française semblait se dis-
soudre dans l'anarchie.
Intervention es-pognole. — Ce qu'il y avait de
plus grave, c'était l'intervention des étrangers. Le
roi d'Espagne Philippe II avait travaillé activement
à, la formation de la Ligue ; ses agents avaient
reçu l'ordre de n'épargner ni l'argent, ni les pro-
messes. Une pension avait été servie à Henri de
Guise, elle était continuée à son frère Mayenne.
L'ambassadeur espagnol Bernardine de Mendoça
excitait les chefs catholiques et le peuple de Paris ;
il leur faisait espérer le concours armé de son
maître. Le plan de Philippe II était d'entretenir la
guerre en France, de décider le parti catholique à
se livrer à lui, et d'obtenir ainsi ou la couronne
pour un des siens, ou tout au moins quelques pro-
vinces arrachées dans un démembrement.
Le parti royaliste. — Il semblait impossible
qu'une telle crise se dénouât d'une manière heu-
reuse. Le parti royaliste, déjà affaibli du vivant de
Henri III, était encore diminué par des défections.
Beaucoup de seigneurs catholiques, jusqu'alors
opposés à la Ligue, refusaient de servir un roi
huguenot. Les protestants eux-mêmes marchan-
daient leur concours, et voulaient qu'on donnât
satisfaction à leur exigences les plus impoliiiques
et les plus immodérées.
Caractère de He/a-i IV. — Henri de Navarre
comprit la difficulté do sa tâche et n'en fut point
effrayé. Avec des apparences légères, c'était un
homme de grand esprit et de grand cœur. En 15S9,
il était dans toute la force de l'âge, déjà formé
aux affaires par les rudes épreuves qu'il avait dû
traverser. Prisonnier à la cour des Valois après la
Saint-Barthélémy, il avait appris à se diriger au tra-
vers des périls et des embûches. Plus tard, il avait
fait en Navarre son éducation de roi et de soldat. Avec
une petite armée, il s'était montré à Centras non
plus seulement partisan décidé, mais bon capitaine
et lieureux. Il avait sur le champ de bataille cette
verve intrépide qui enlève le soldat et décide la
victoire. Protestant avant la Saint-Barthélémy,
converti par force au milieu du massacre, revenu
au protestantisme après son évasion de la cour, il
avait conservé peu de passions et peut-être aussi
de convictions religieuses Mais il avait au cœur
l'amour de la France et l'ardent désir de tout pa-
cifier. Dès le début, il eut la vive intelligence de
la situation. Il vit qu'il lui fallait se défendre soli-
dement, faire preuve de force, et en même temps
négocier, tâcher de ramener les indécis. Le chef
de parti devait disparaître et ne plus laisser voir
que le chef de nation.
Premiers actes d'Henri IV. — Les premiers actes
du nouveau roi furent conformes au plan que lui
traçaient les circonstances. Il s'étudia à rassurer
les catholiques, s'engageant à convoquer dans un
délai de six mois un concile national pour son
instruction, ne permettant l'exercice de la religion
protestante que dans les lieux désignés par les
cdits antérieurs. Il maintenait en fonctions le con-
seil de Henri III, n'appelait que des catholiques
aux charges devenues vacantes. Mais l'effet de ces
concessions ne fut pas inmiédiat; beaucoup d'an-
ciens serviteurs des Valois l'abandonnèrent. Avec
une armée réduite et peu d'argent, il ne pouvait
songer h. assiéger Paris. Il détacha quelques trou-
pes en Picardie et en Champagne; avec le reste,
il alla se cantonner en Normandie, où il avait de
nombreux partisans et où il était à portée des se-
cours de l'Angleterre.
Arques et Ivnj. — Mayenne résolut de le pour-
suivre. Les subsides espagnols lui permirent de
former une armée de 2(>,(i00 hommes, et il se mit
en route pour la Normandie, promettant de rame-
ner le Béarnais enchaîné. Henri IV avait établi son
camp dans une bonne position défensive entre le
château d'Arqués et les faubourgs de Dieppe. Il
n'y eut pas à proprement parler de bataille, mais
une série de petits combats qui durèrent douze
jours. Mayenne, vigoureusement repoussé, battit en
retraite. Le roi reprit alors l'offensive, alla brûler les
faubourgs de Paris, et courut les provinces du cen-
tre, en faisant partout reconnaître son autorité. Au
mois de février 1590, il forma le siège de Dreux.
Mayenne, renforcé par des Espagnols que lui ame-
nait de Flandre le comte d'Egmont, s'avança au
secours de cette ville. A la bataille d'ivry, Henri IV
chargea lui-même à la tète de sa cavalerie , et
sa brillante valeur décida de la journée (mai
1590i.
Siège de Paris, — L'investissement de Paris de-
venait possible. Il fut préparé par l'occupation de
Mantes, Vernon, Corbeil, Lagny. Creil, Charenton.
C'étaient les principaux marchés où la capitale
s'approvisionnait par la Seine, la Marne et l'Oise.
Au mois de mai les arrivages se trouvèrent com-
plètement interceptés. A chaque revers les ligueurs
redoublaient de violence ; cette fois ils exigèrent
HENRI IV
— 9oo
HENRI IV
un serment de fidélité de tous les magistrats mu-
nicipaux, des processions armées défilèrent dans
les rues, les prédicateurs firent rage. Mais les vi-
vres manquaient ; malgré les secours distribués-
par Tambassadeur espagnol et par les couvents, la
misère faisait do nombreuses victimes. L'hérnique
obstination des Parisiens allait être obligée de
céder devant la faim. Philippe II ordonna alors au
duc de Parme, qui commandait pour lui aux Pays-
Bas, d'entrer en France et de débloquer Paris.
Alexandre Farnèse, duc de Parme, était un des
premiers tacticiens de son temps. Il manœuvra
avec une habileté supérieure; Henri ne put l'ame-
ner aune bataille, se vit enlever Lagny et Corbeil,
et perdit en quelques jours tout le fruit de la
campagne.
Le duc de Parme en Fronce. — La Ligue avait
dû son salut à Philippe II. Tandis que Farnèse
délivrait Paris, le duc de Savoie en Provence,
Jérôme Lodron en Languedoc, Aguilar en Bretagne
mettaient garnison dans les places et aidaient les
ligueurs à tenir la campagne. En 1592, une nou-
velle intervention du duc de Parme sembla néces-
saire. Henri l'V' serrait de très près Rouen. Cette
fois le général espagnol n'eut pas si bon marclié
de celui qu'il appelait dédaigneusement un cara-
bin. Henri leva le siège de Rouen, mais il faillit en-
lever son adversaire dans son camp de Caudebec.
Farnèse repassa la Seine et ramena non sans
quelque hàtc son armée aux Pays-Bas. Il mourui
l'année suivante, au moment où sa présence deve-
nait indispensable.
Les Etats de la Ligue. Abjuration du roi. — Des
divisions commençaient à s'introduire dans la
Ligue. Mayenne s'était séparé du parti le plus vio-
lent, et avait envoyé au supplice les principaux
des Seize (nom donné aux agents de la Ligue dans
chacun des seize quartiers de Paris). Il convoqua
pour 1593 une réunion des Etats Généraux dans
laquelle on devait décider du sort de la France.
Les élections furent catholiques, mais non pas espa-
gnoles. Les envoyés de Philippe II, qui réclamaient
la couronne pour l'infante Claire-Isabelle, parlèrent
imprudemment de la marier à un prince autrichien.
Une vive opposition se manifesta aussitôt; le parle-
ment invita Mayenne à empêcher que sous prétexte
de religion le sceptre passât dans des mains étran-
gères. Le sentiment patriotique se réveillait. Le
parti des politiques, favorable à une transaction
avec le roi, se fortifiait tous les jours. Henri IV
frappa alors un coup décisif. Le 25 juin 1593, il abju-
rait à Saint-Denis ; il ne sortait pas très convaincu
de l'instruction sommaire qu'il avait suivie pour la
forme, mais il croyait devoir sacrifier ses opinions
personnelles à l'intérêt supérieur de la France. Son
abjuration ne fut pas une défection religieuse, mais
un acte politique.
Fi7i de lu Ligue. — L'eff"et produit fut immense.
Le Saint-Siège, après de longues négociations, leva
l'excommunication autrefois lancée par Sixte-Quint.
On ne pouvait plus combattre Henri au nom de la
religion. En homme avisé, il ne négligea pas les pe-
tits moyens. Sa conversion avait vivement saisi
l'imagination du peuple; il agit autrement sur l'es-
prit des chefs. Dignités, places, pensions, il leur
donna tout ce qu'ils demandèrent pour payer leur
soumission ; Viiry livra Meaux, Orléans et Bourges ;
les troupes royales occupèrent Lyon. A Paris, le
comte de Brissac, moyennant le titre de maréchal
de France, ouvrit les portes le 22 mars 1594. La
Ligue avait perdu sa capitale.
Guerre contre l'Espagrie. — Henri IV poursuivit
avec vigueur les débris du parti. Villars lui rendit
Rouen et le Havre. Charles de Guise se soumit.
Mayenne lui-môme, battu avec l'Espagnol Velasco
au combat de Fontaine-Française, se rallia au vain-
queur. Contre l'Espagne qui restait en armes, le
roi s'aida de l'alliance des Anglais et des Hollan-
dais. Pendant les années 1596 et 1597 on guerroj'a
dans les provinces du nord. Amiens, que les Espa-
gnols avaient enlevé parun coup de main hardi, leur
fut repris dans un siège régulier. Enfin Philippe II
vieilli, fatigué de cette longue lutte qui se pro-
longeait sans résultat, consentit à traiter de la
paix.
Traité de Vervins. — Les négociations s'ouvri-
rent en 1597 par l'entremise du pape. Il y eut
quelques difficultés à propos de la Bretagne, où le
duc de Mercœur refusait de se soumettre, et de la
ville de Cambrai que Henri IV eût voulu neutrali-
ser. Les Hollandais et les Anglais cherchèrent
aussi à entraver une paix qui allait leur enlever
un allié précieux. « Les violons sont payés, il faut
continuer la danse, « disaient leurs ambassadeurs ;
à quoi Henri IV répondait qu'il n'entendait pas
fournir la salle de bal. Il fut convenu avec l'Espa-
gne, par le traité de Vervins '1598), que les choses
seraientremisesen l'état où elles se trouvaient après
la paix de Cateau-Cambrésis. Henri IV rendit le
comté de Charolais, Philippe II les places de Calais,
Ardres, Doullens, le Catelet, le Blavet. A la suite
d'une courte guerre , le traité de Lyon fut si-
gné avec le duc de Savoie (1601) et compléta la
paix de Vervins. Le duc garda le marquisat de
Saluées, dont il s'était emparé en 1588, mais il céda
en compensation la Bresse, le Bugey et le Val-
romoy.
Ledit de Nantes. — Restait à régler la condition
des protestants. Depuis la conversion du roi, ils
manifestaient de vives inquiétudes et semblaient
craindre qu'il ne les traitât comme avaient fait les
Valois. Pour les rassurer, Henri IV rendit l'édit de
Nantes. La liberté de conscience était reconnue
dans tout le royaume, la liberté du culte chez tous
les seigneurs haut-justiciers, dans tous les endroits
où on l'avait admise précédemment, et enfin dans
deux villes par bailliage. Il était permis aux protes-
tants de s'organiser en consistoires, colloques,
synodes provinciaux et généraux. Ils étaient auto-
risés à lever de l'argent pour subvenir aux frais de
leur culte. Pour les prémunir contre tout retour de
persécution, il leur était donné un ensemble de ga-
ranties civiles, judiciaires et politiques. Les garan-
ties civiles consistaient dans le droit d'avoir des ci-
metières, des écoles, des universités à eux, et dans
l'admissibilité aux emplois publics. Pour garanties
judiciaires, on maintenait ou l'on créait dans les
parlements des chambres mi-parties, où figuraient
un certain nombre de magistrats protestants, et des
chambres de l'édit, dont les membres étaient
nommés sur la présentation des réformés. Toutes
les affaires litigieuses où des protestants étaient
en cause devaient être portées devant ces cham-
bres. Enfin, comme gage principal de sécurité, on
leur laissait un certain nombre de villes qu'ils de-
vaient garder huit ans. Ces places dites de sûreté
étaient surtout des places de l'ouest, du sud-ouest
et du ûauphiné. Les plus importantes étaient la
Rochelle, Nîmes, Montauban, Grenoble.
L'édit de Nantes ne contenta qu'à moitié les
réformés; il donna lieu à une vive opposition de
la part d'un grand nombre de catholiques ; le clergé
protesta, les parlements résistèrent. Celui de
Rouen n'enregistra qu'en 1609 l'édit rendu en 1598.
Cette mesure présentait de réels inconvénients,
dont le plus grave était de laisser les protestants
groupés en un corps politique ; ils avaient leurs
assemblées, leurs finances, leurs places-fortes, ils
eurent leurs députés auprès du roi ; ils pouvaient
d'un jour à l'autre avoir encore leurs armées. Mais
Henri IV n'avait pas le choix des moyens. Il fallait
amener les protestants à déposer leurs défiances,
des concessions avaient été nécessaires. La plus
importante de toutes, celle des places de sûreté,
n'était point définitive. Elle était limitée à huit
années. On comptait qu'à l'expiration du terme
HENRI IV
— 956 —
HENRI IV
l'apaisement des esprits serait complet, et que les
reformés n'auraient plus rien à craindre. A tout
prendre, l'édit de Nantes fut un acte de sagesse, un
accommodement imposé aux passions ennemies.
Ce fut la paix à l'intérieur.
Administration de Henri IV. Sully.— La guerre
étrangère et la guerre civile étaient finies, mais la
France était couverte des ruines que l'une et
l'autre avaient faites. Après tant de secousses et
de troubles, il fallait tout un travail réparateur de
réorganisation. Henri IV se mit résolument à
l'œuvre ; il fut bien secondé par les chanceliers
Chiverny et Sillery, par Villeroy et Jeannin dont il
utilisait les services en oubliant qu'ils avaient été
ligueurs. Son collaborateur le plus actif, le mi-
nistre dont le nom est resté associé au sien, ce
fut Sully. Sully était un gentilhomme protestant
d'intelligence assez étroite, mais d'une probité
scrupuleuse, d'un caractère franc et énergique. Ses
qualités d'économie et de régularité devaient être
aussi utiles que les inspirations d'un homme de
génie. .
07-ilre public. Justice. Armée. — Le premier be-
soin était celui de l'ordre et de la sécurité. La
paix religieuse avait déjà facilité la tâche en cal-
mant les passions. La justice fut réorganisée, un
édit de 1597 remit en vigueur les anciennes ordon-
nances d'Orléans, de Blois et de Moulins. L'armée
cessa d'être une menace pour devenir une protec-
tion : il fut interdit aux soldats de courir les cam-
pagnes et de porter des armes à feu en temps de
paix. Pour leur enlever tout prétexte de désordre,
on augmenta leur solde, on créa des maisons de
refuge pour les invalides et des pensions pour les
ofliciers. En même temps l'artillerie, dont Sully
avait été fait grand-maître, était pourvue d'un ma-
tériel et administrée d'une façon régulière. On
commençait à organiser le corps du génie et le ser-
vice des vivres.
Finances. — Sully avait été nommé aussi surin-
tendant des finances. C'était là que la besogne
était surtout ardue. En l.S'JS la dette publique
montait à 19G millions; sur 150 millions qu'on
percevait chaque année, 2() à peine arrivaient au
trésor. On ne peut dire que Sully ait apporté dans
cette administration des vues très originales et
des idées neuves. L'institution d'une chambre ar-
dente chargée de rechercher les crimes de péculat,
1 impôt dit de la paulette établi sur les magistrats,
étaient des moyens fiscaux d'une valeur médiocre.
Ce qui valait mieux, c'était l'attention scrupuleuse
avec laquelle étaient examinés les titres des créan-
ciers de l'Etat; c'était l'activité infatigable du mi-
nistre parcourant lui-même les généralités, dres-
sant un état exact des sommes perçues et assignant
à chacune sa destination spéciale. Les désordres
et les dilapidations devinrent impossibles. A la
fin du règne, 5u millions de biens domaniaux avaient
été rachetés, et une réserve de 4U millions était
déposée dans les caves de la Bastille.
Agriculture. — « Labourage et pâturage sont
les deux mamelles de la France ». Cette parole si
connue résume exactement les idées économiques
de Sully. L'agriculture attira toute sa sollicitude.
La sécurité était rendue aux campagnes, la réduc-
tion de la taille allégea les charges des paysans ;
on déclara que le bétail et les bêtes de trait ne
pourraient être saisis ; on répandit le livre d'Oli-
vier de Serres, le Théâtre d'ayricultnre, où était
résumée toute la science agronomique du temps.
Le commerce des grains déclaré libre et les bé-
néfices qu'il procurait encouragèrent la produc-
tion.
Industrie. — Pour l'industrie Sully n'avait que
des préventions. Il fallut pour en triompher l'in-
tervention personnelle du roi. Henri IV reprit et
fit exécuter lu plan que Lad'emas avait présenté
dans l'assemblée des notables de Rouen pour la
réorganisation des industries de première néces-
sité et la création d'industries de luxe. Pour les
soieries, les tapis, les étoffes précieuses, la France
était tributaire de Venise et de la Hollande. On fit
des plantations de miiriers, on installa des manu-
factures de toiles fines, de dentelles, de tapis, des
cristalleries, des verreries. Les industries qui exis-
taient déjà se relevèrent rapidement grâce au ré-
tablissement des maîtrises, à l'institution de gardes-
jurés chargés de veiller sur les statuts et rè-
glements, et surtout grâce à la création d'une
chambre de commerce pour étudier et répandre
les procédés nouveaux.
Travaux publics. Commerce. — Les travaux
pubhcs n'étaient point négligés ; on réparait les
anciennes routes, on en établissait de nouvelles ;
toutes furent plantées d'arbres. Des ponts furent
rétablis ou construits ; on commença entre la Seine
et la Loire le canal de Briare d'après le système
nouveau à point de partage. Des mines furent
mises en exploitation, des dessèchements de ma-
rais entrepris. Au dehors, des traités de commerce
étaient signés avec 1 Angleterre et la Turquie;
Chaniplain fondait Québec au Canada, et Sully tra-
vaillait à créer une marine.
Conspiratio7is. — Au milieu de ces pacifiques
labeurs, Henri IV était sans cesse en butte à des
conspirations qui menaçaient non seulement son
pouvoir, mais aussi sa vie. La noblesse voyait d'un
mauvais œil l'élévation de Sully et le mouvement
des réformes. Les anciens ligueurs mal corrigés
faisaient cause commune avec les royalistes mé-
contents. En 1g02, il fallut faire décapiter le maré-
chal de Biron, ancien compagnon d'armes du roi,
convaincu de haute trahison. Une autre intrigue
presque aussi dangereuse eut pour principal me-
neur le comte d'Auvergne, fils naturel de Charles
IX. On le mit à la Bastille. Un des principaux sei-
gneurs protestants, le duc de Bouillon, noua des re-
lations criminelles avec l'Espagne ; pour le punir
on l'obligea à recevoir garnison dans sa ville de
Sedan.
Projets de Henri IV. Sa mort. — La main de
l'Espagne était dans tous ces complots. Elle ne par-
donnait pas à Henri IV de défendre contre elle la
Hollande. Sans céder à des passions religieuses
auxquelles il était depuis longtemps étranger,
Henri IV comprenait que la France avait tout in-
térêt à soutenir contre la maison d'Autriche les
Etats protestants. En Allemagne, où la guerre de
Trente ans s'annonçait déjà, les princes réformés sa-
vaient qu'ils pouvaient compter sur le roi de France.
En 1609, à l'ouverture de la succession de Clèves
et de Juliers, il annonça tout haut son intention
d'intervenir et commença ses préparatifs. Si l'on
en croit Sully, il aurait eu alors en tête un projet
démesuié pour remanier l'Europe et l'organiser
en confédération chrétienne. Mais ce projet ne
paraît pas avoir été le fait do Henri IV ; il s agit là
d'une idée personnelle à Sully , trouvée dans ses
papiers et amplifiée plus tard par ses secrétaires.
Les vues du roi étaient plus pratiques; il songeait
simplement à reprendre la grande lutte contre la
maison d'Autriche : il avait des alliés dans le nord
et en Allemagne ; en Italie il s'était assuré le con-
cours du duc de Savoie, de la Toscane et de Ve-
nise ; en Espagne même il entretenait des intelli-
gences avec les Maures des Alpujarras. C'est au
milieu de ces vastes desseins que vint le surpren-
dre le poignard de Ravaillac(14 mai 1610). Dix-sept
fanatiques avaient déjà attenté à sa vie. Le dernier
réussit.
Henri IV avait été surnommé le Grand; il a su
mériter non seulement l'admiration, mais aussi la
sympathie de l'histoiro. Ses faiblesses mêmes sont
restées populaires. Aucun roi de France n'a ac-
compli une lâche plus difficile, aucun n'a été grand
avec plus de bonne grâce. En gardant sa gaité et
HERESIE
— 957 —
HERESIE
son fin sourire, il a terrassé la guerre civile, chassé
l'étranger, et refait en Europe une France prospère,
unie et puissante. [Maurice Wahl.]
Lectures et dictées. — Henri IV et son oeivre.'
— Henri IV, c'est l'Hôpital armé ; sa victoire fut,
après trente-quatre ans d'iiésitation publique, de
tentatives prématurées et de violents retours en
arrirro, celle des principes de l'immortel chance-
lier d(i Charles IX.
Il avait une intelligence universelle, un esprit
souple et pénétrant, des résolutions promptes et
une fermeté inébranlable dans ce qu'il avait résolu.
A la sagesse des hommes pratiques, à cet instinct
qui va droit à l'utile et au possible, qui prend ou
rejette sans prévention et sans passion, au com-
mandement le plus absolu, il joignait la séduction
des manières et une grâce de propos inimitable.
Ses hautes vertus mêlées d'étranges faiblesses ont
fait de lui un type unique de roi à la fois aimable
et imposant, profond de sens et léger de goùis,
plein de grandeur d'âme et de calcul, de sympa-
thies populaires et d'oreueil de race, et toujours,
et avant tout patriote admirable.
Il y a trois choses dans l'œuvre du vainqueur de
la Ligue : l'établissement définitif de la liberté de
conscience et de l'état civil des dissidents, la res-
tauration et le progrès de tout ce qui constitue la
richesse publique, enfin la conception d'une po-
litique française fondée sur le maintien des natio-
nalités et de l'équilibre des puissances européen-
nes...
Le règne de Henri IV est une de ces époques
décisives où finissent beaucoup de choses et où
beaucoup de choses commencent. Placé sur la
limite commune de deux grands siècles, il recueil-
lit tous les fruits du travail social et des expé-
riences de l'un, et jeta dans leur moule toutes les
institutions que devait perfectionner l'autre. Sa
royauté, dégagée de ce que le moyen âge avait
laissé de confus dans son caractère, apparut alors
clairement sous sa forme moderne, celle d'une
souveraineté administrative, absolue de droit et de
fait jusqu'en 17kO, et depuis, subordonnée ou
associée à la souveraineté nationale. Alors se ré-
glèrent d'une manière logique les départements
ministériels, et leurs attributions s'étendirent à
tout ce que réclament les besoins d'une société
vraiment civilisée.
Alors enfin le progrès de la nation vers l'unité
s'accéléra par une plus grande concentration du
pouvoir, et le progrès vers l'égalité civile par l'a-
baissement dans la vie de cour des hautes exis-
tences nobiliaires, et par l'élévation simultanée dos
différentes classes duTiers-Élat. — (Aug. Thieriîv,
E<sai si/r Vhixloire du Ticvs-ntnt).
V. encore dans le tome V des f.ectures '■istori-
ques de M. RafTy, la Bataille d'Ivry, racontée
par Henri IV lui-même (p. 453); Y itjjuraiion de
Henri I V, récit extrait de la chronique de Lestoile
(p. 4.i5 ' ; Henri IV et Sulhj, les -oieries et le luxe,
extrait des mémoires de Sully p. 468).
HÉRÉSIE. — Histoire générale, XXXIX-XL. —
Nous ne pouvons évidemment donner ici qu'un
aperçu très succinct d'un snj<'t et d'une histoire
qui exigeraient des volumes. Xuus nous bornerons
donc a ce qui est essentiel. Le mot hérésie, du
grec hairesis, doit à l'emploi qu'en a fait lÉglise
un sens très distinct de son sens originel. Dans
le grec classique ce mot signifie clto/x, puis opinion ;
de là, il vint à désigner les tendances, les partis et
ce que nous appellerions aujourd'hui les écobs
philosophiques, telles que les platonicien!5, les
épicuriens, etc.
L'hérétique, au sens actuel de ce mot. est un
chrétien qui refuse de soumettre sa foi à l'autorité
de l'Église et s'attache à des doctrines que celle-ci
a anathématisécs.
Il faut distinguer l'hérésie du s hisme (séparation
scission), qui peut n'être qu'une dissidence pure-
ment formelle ou disciplinaire, ne touchant pas
au dogme. Par exemple, au point de vue de la
théologie catholique, l'Église grecque, qui n'admet
pas la suprématie des évèques de Rome, mais qui
maintient tous les anciens décrets des conciles,
serait schismaii'iue plutôt qn'héréique. Cependant
cette distinction théorique s'efface aisément dans
la réalité, puisque de pareilles scissions supposent,
pour ainsi dire nécessairement, de graves diffé-
rences dans la doctrine.
Les empereurs orthodoxes, successeurs de Cons-
tantin, rangèrent l'hérésie parmi les crimes que la
puissance temporelle devait punir par la prison,
la confiscaiion et même par le glaive. Cette étroite
alliance de l'autorité ecclésiastique et du pouvoir
séculier se resserra encore pendant le moyen âge.
Il fut admis alors sans contestation, et Saint-Tlio-
mas dans sa Somme, ainsi que tous les papes et
tous les conciles de cette période, le proclament
sans aucune réserve, que les individus condamnés
par l'autorité ecclésiastique pour leurs opinions
religieuses doivent itre, s'ils y persistent, remis
au bras séculier pour que celui-ci leur applique la
peine corporelle qu'ils ont méritée, ordinairement
la mort. Cette doctrine fut aussi celle de certains ré-
i formateurs protestants du seizième siècle, qui, bien
qu'en révolte eux-mêmes contre l'autorité de Rome,
n'hésitèrent pas à envoyer au bûcher ceux qui
pensaient autrement qu'eux sur telle question de
dogme.
Nous donnons ci-dessous, à titre de mémento his-
torique, la nomenclature des principales hérésies,
et nous la rédigeons du point de vue catholique.
Nous distinguerons trois périodes : les p:-emiers
siècles, le moyen âge, et les temp« modernes.
Premiers siècles. — Les hérésies des premiers
siècles forment trois groupes inégaux d'importance:
1° les hérésies judiBO-chrétiimnes; 2° les hérésies
gnostiques; 3" les hérésies thcologiques proprem.ent
dites.
1° Les hérésies judaeo-chrétiennes furent celles
des communautés juives-chrétiennes qui ne sui-
virent pas le reste de l'Église dans son détachement
du judaïsme et persistèrent à observer plus ou
moins complètement la loi de Moïse. On les dis-
tinguait en deux brauches : les Nazaréens, plus
modérés, et les Ebionites , c'est-à-dire les pauv)-es,
du mot hébreux Ebioiiim ; le prétendu hérésiarque
Ebion, qui aurait donné son nom à la secte, n'est
qu'une invention des écrivains postérieurs. Ils
étaient en assez grand nombre en Palestine, et
surtout sur la rive gauche du Jourd:iin, dans la
Batanée et laDécapole. On perd leurs traces depuis
le septième siècle.
1'° L'influ''nce encore puissante des idéps poly-
théistes et les tendances mystiques et spéculatives
de l'époque produisirent, surtout au second siècle
de notre ère, une éclosion de nombreux systèmes
réunis sous le nom générique de gnosticisnie.
La gxose, ou la connaissance supérieure, privi-
lège des seuls élus, communiquée d'une manière
plus ou moins mystérieuse aux adeptes de ces bi-
zarres doctrines où le sublime et le grotesque à
chaque instant se coudoient, leur adonné leur nom
historique. Il faut renvoyer aux ouvrages spéciaux
ceux ' ui désireraient étudier le docétisme et la hié-
rarchie conipliquée des éous ( très célestes méta-
physiques), qui, entendus de bien des manières,
constituaient le fond commun du gnosticisme.
Il y eut un grand nombre de sectes gnosti(|ues :
les Marcionites, les Carpocraiiens, les Basilicliens,
les Valentiniens, les Ophiies, etc.
On pour ranger dans la même classe le Mani-
c' éisme, originaire de la Perse, système dualiste,
à la fois ascétique en principe et immoral par ses
conséquences, enseigné par le prêtre Mani (iii*
siècle) et qui fut très répandu au cinquième siè-
HÉRÉSIE
958
HERESIE
cle, même en Occident, où il compta un moment
parmi ses adhérents un jeune homme qui plus
tard devait être saint Augustin.
3" Ce fut surtout au sujet de la personne du
Christ que de nombreuses hérésies se produisirent
du troisième au sixième siècle. Les évoques du
troisième siècle se prononcèrent en majorité en
faveur de la doctrine du Verbe, Fils de Dieu, per-
sonnellement distinct du Père, et incarné, devenu
homme pour le salut, du genre humain. Ils con-
damnèrent donc à la fois ceux qui, comme Paul de
Samosate, évêque d'Antiocho, voyaient en Jésus
un homme intérieurement dirigé et illuminé par le
Saint-Esprit, et ceux qui, tels que Noet et Sabel-
lius, effaçaient la personnalité du Fils et voyaient
simplement en lui, comme dans le Père et le Saint-
Esprit, un mode, uue face de l'Etre divin.
IVIais, au quatrième siècle, il s'agit de préciser
sur cette base les rapports du Père et du Fils.
Arius. prêtre d'Alexandrie, et beaucoup d'autres
avec lui, pensaient que le Fils était inférieur au
Père, créé par lui, par conséquent d'une autre es-
sence, n'ayant pas existé de toute éternité, et lui
ayant servi d'instrument intelligent dans l'œuvre
et le maintien de la création. C'est Athanase. évê-
que d'Alexandrie, qui soutint l'opinion approuvée
par le concile de Nicée (325), d'après laquelle le
Fils est co-essentiel, ou consubstantiel, co-éternel
avec le Père. Les Ariens ou partisans de la doc-
trine d'Arius furent très nombreux, comptèrent
parmi leurs partisans des empereurs, des conciles,
et dominèrent môme quelque temps l'Eglise chré-
tienne, au point que, selon l'expression de ^aint
Hilaire, a le monde s'étonna de se trouver arien. »
Toutefois, à partir de l'empereur Théodose faSl),
très opposé à l'arianisme, et bien que plusieurs
peuples germains envahisseurs de l'empire, tels
que les Goths, les Burgundes, les Vandales, etc.,
fussent chrétiens-ariens, la doctrine d'Arius fut
de plus en plus absorbée par celle de Nicée, qui
finit par régner seule (depuis le vie siècle).
Le concile de Constantinople àe 381 condamna
la doctrine de Macédonius, qui contestait la per-
sonnalité du Saint-Esprit, et celle des Apollinai-
res, qui se représentaient le Christ comme un Dieu
incarné sous forme humaine, mais non comme
vrai homme en même temps que vrai Dieu.
Le concile d'Ephèse, en 431, condamna la doc-
trine de Nestorius, qui dirait qu'il y avait dans
Jésus deux personnes, l'homme et le Dieu, aussi
bien que deux natures (origine de V Eglise ?icsto-
rienne d'Asie). En revanche, en -i51 le concile de
Chalcédoine condamna l'opinion d'Eutychès, d'a-
près lequel il n'y a qu'une nature en Jésus-Christ
{mtmophysisme, doctrine d'une seule nature, de-
meurée celle de l'Eglise copte d'Egypte).
Enfin en 680 le concile de Con.siantinople ana-
thématisa la doctrine dos monot/iélites , lesquels
reconnaissaient bien deux natures en Jésus-Christ,
mais n'admettaient en lui qu'une volonté unique.
L'hérésie de Pelage ou Pélagianisme consistait à
nier que le péché d'Adam fût transmissible autre-
ment que par la contagion de l'exemple et impu-
table à sa postérité (v« siècle). Cette doctrine fut
surtout combattue par saint Augustin.
3Ioyen âge. — Les principales hérésies du
moyen âge sont :
1° La doctrine des Bulgares, Cathares, Albigeois,
noms divers donnés à une secte opposée à l'Eglise
romaine, originaire de la Bulgarie, mais qui se
propagea surtout dans le nord de l'Italie et dans
le midi de la France (du ix= au xiii* siècle). Ce fu-
rent ses i)rogiès qui déterminèrent le pape Inno-
cent III à décréter la croisade contre les Albigeois
-et à instituer l'Inquisition. Les Cathares ou .^Mbi-
geois croyaient l'Eglise corrompue, le ministère dos
prêtres illégitime, et mêlaient à leurs idées mys-
tiques sur la vertu purifiante de leurs sacrements
des vues dualistes sur la création et le gouverne-
ment divin du monde.
2° L'hérésie des Vnudois, originaires des Alpes,
remontant au douzième siècle, appelés aussi les
Pauvres de Li/on, secte anti-sacerdotale, cherchant
à vivre selon les préceptes du Sermon de la Mon-
tagne sans recourir aux sacrements de l'Eglise
(massacre de Mérindol et de Cabrières, 1545). Ils se
tondirent à la réforme avec les protestants, et for-
ment encore aujourd'hui une église importante en
Italie.
3» L'hérésie des Hnssites ou frères de Bohême, se
rattachant à Jean IIuss qui prêcha à Prague contre
les abus de l'Eglise (commencement du xv^ siècle)
et qui fut brûlé à Constance en 141.3. Ses parti-
sans se révoltèrent et formèrent pendant assez
longtemps une église nationale indépendante. Leurs
débris, réorganisés au dix-huitième siècle par le
comte de Zinzendorf, formèrent les communautés
industrieuses connues aujourd'hui sous le nom
de Frères Moraves, répandues sur plusieurs points
de l'Allemagne, de la Hollande, de l'Angleterre et
de l'Amérique.
Notons aussi, comme appartenant au moyen âge,
le schisme définitif entre l'Eglise grecque ou orien-
tale et l'Eglise latine ou romaine, survenu à la suite
des démêlés entre les évêques de Rome et ceux de
Constantinople. En 1054 le schisme fut accompli.
Il s'aggrava au point de vue dogmatique du fait
que les Grecs ne voulurent pas reconnaître avec
les Latins la formule ajoutée au symbole dit d'A-
thanase et qui stipule que le Saint-E-^prit procède
du Fils comme du Pèro (e Pâtre Filiogue). L'E-
glise grecque domine aujourd'hui en Grèce, en
Russie, dans la Turquie d'Europe et d'Asie, en
Roumanie, en Bulgarie, etc. — V. Schismes.
Tempi modernes. — Toutes les églises protes-
tantes nées du mouvement réformateur du sei-
zième siècle furent rangées par l'autorité catholi-
que dans la catégorie dos hérésies, puisque toutes
attaquaient les doctrines catholiques sur l'infailli-
bilité de l'Eglise, les sacrements, l'absolution sa-
cerdotale, la justification, le culte des images, la
transsubstantiation, le purgatoire, le culte de
îlarie et des saints, les vœux monastiques, le
sacrifice de la messe, etc., et voulaient substituer
l'autorité de la Bible à celle des conciles et des
papes. Nous terminerons en citant les principales
branches du protestantisme.
1° \S ég\\%& luthérienne o\x de la confession d' A ugs-
bourg (.Allemagne, Alsace, Danemark, Suède,
Norvège Finlande) se rattachant à l'œuvre réfor-
matrice de Martin Luther.
2° L'église réformée, dont Zwingli et Calvin
furent les principaux promoteurs au seizième siè-
cle, se distinguant de la précédente par un culte
plus austère et des idées plus radicales sur la
sainte Cène (Suisse, France, Pays-Bas, Angleterre,
Ecosse, Etats-Unis).
3° Les Sociniens, ainsi nommés de Lelio et
Fauste Socin (xvi' siècle) qui poussèrent encore plus
loin que les luthériens et les calvinistes la ré-
forme des doctrines catholiques et arrivèrent à
enseigner, comme autrefois Paul de Samosate
[\. plus haut), que Jésus était un homme inspiré
par le Saint-Esprit. Ils sont les ancêtres de ceux
que l'on nomme aujourd'hui Unitaires, et qui sont
répandus en Angleterre et surtout aux Etats-Unis.
Los protestants connus en France et en Suisse
sous le nom protestais- libéraux présentent une
grande analogie avec les Unitaires d'Angleterre
et d'Amérique.
C'est surtout au sein du protestantisme anglais
que l'individualisme profire à, la race anglaise a
suscité de nombreuses sectes, vivant à côté de
l'Eglise angliC'iîie ou établie par la Couronne et le
Parlement, qui est celle de l'Etat, jouit de privi-
lèges politiques, et qui a conservé, outre l'épisco-
HIÉROGLYPHES
— 959 —
HIÉROGLYPHES
pat, de nombreuses formes catholiques. Dans ses
cadres, le parti ritualiste cherche à se rapprocher
le plus possible du rituel catholique, tandis que le
parti évui'Çféiique o\xLow Clnirch tend à s'en éloi-
gner. A côté d'elle, nous distinguons l'Eglise pres-
bijfé' ie7i?ie, du type calviniste, repoussant l'épisco-
pai ; les communaLaXés indépendcmtes, qui veulent
l'autonomie entière de la paroisse ; les Univrsa-
listes, ennemis de la doctrine des peines éter-
nelles; les Méthodistes, communautés nombreu-
ses, également du type calviniste, et insistant
surtout sur l'idée de la justification gratuite par
la foi au sang rédempteur de Jésus-Christ; les
Baptisfes (connus en Hollande sous le nom de
Mtîinoiiites), ne se rattachant guère que par
le nom aux anabaptistes du seizième siècle dont
on connaît les fureurs et la fin tragique à Muns-
ter (153 .), et dont la doctrine disiinctive est que
le baptême ne doit être administré qu'aux
adultes ayant l'âge de raison ; les Amis ou Quakers
(« trembieurs », nom dérisoire), organisés par Fox
et Guillaume Penn (1691, 1718) sur des principes
d'une grande largeur, mais avec des formes bizar-
res: ils sont surtout répandus en Amérique (Pen-
sylvanieK On peut citer au^si les Irvingiens, les
PLymouthistes ou Z)ar6ii to,et dautres petites sectes
exaltées, très attachées surtout à l'idée que la fin
du monde actuel et le retour visible du Christ sont
proches.
Les mots de gallicanisme, de jansénisme, de
guiétisme, désignent des opinions spéciales sur
certains points de foi ou de discipline, opinions
qui ont été condamnées par le siège pontifical :
mais on ne les range ordinairement pas parmi les
hérésies proprement dites. [Albert Réville. J
HIÉROGLYPHES. — Histoire générale, IH. —
Ëtym. : de hiéros, sacré, et ijluphô, graver,
sculpter, traduction exacte de rexpression égyp-
tienne skhaïou noutri. dessins [écrits) divins. —
Nom que les Grecs donnèrent aux caractères dont se
servaient les Egyptiens pour écrire les inscrip-
tions gravées sur les murs des temples , df s
palais et des tombeaux; d'une manière générale,
nom de tous les caractères employés par les Egy-
ptiens.
Eléments de L'écriture tiiérogiyphique. — Les
hiéroglyphes égj'ptiens étaient au début des idéo-
grarmnes ou signes cfidée : la figure d'un bœuf
'^fff^ rendait aux yeux l'idée de bœuf, celle d'un
homme ''>^\ l'idée d'homme, celle d'une étoile *
l'idée d'étoile, etc. Mais l'idée se traduit toujours
par un mot pensé ou prononcé. La vue du ùœ'i/',
de l'homme, de l'étoile, su. gérait, à l'esprit de l'É-
gyptien qui les avait dessinés et de celui qui les
voyait, le mot ahou correspondant à l'idée de bœuf,
le mot rôtou correspondant à l'idée d'homme, le
mot siba correspondant à l'idée d'étoile : ahou,
rôtou, siba devinrent la prononciation constante
de "^flj, ^>^, -K. Pour marquer les idées dont
l'expression est un objet matériel, on dessina l'ob-
jet; pour marquer celles qu'on ne peut pas expri-
mer directement de la sorte, on employa des équi-
valents : un homme po? tant la main à la bouche
^J^ pour les idées de boire, manger, parler, ré-
fléchir, prier, etc. ; deux jambes j\ pour les idées
de mouvement ; une hache à sacrifices \ pour l'idée
de ' leu. On eut de la sorte un système d'écriture
dans lequel chaque signe répondait à une idée et
au mot de cette idée : « Vliomme va » s'y serait
exprimé aux yeux par les signes ^^^ y\ ou tî^ ^^^
qui se liraient rôt iou ou ion rôt. Aucune inscrip-
tion égyptienne de ce système n'est parvenue jus-
qu'à nous, mais les inscriptions de toutes les
époques renferment un grand nombre d'idéogram-
mes mêlés aux autres signes.
La langue égyptienne est monosyllabique en
général, c'est-à-dire que la plupart des mots n'y ren-
ferment qu'une syllabe. Cette syllabe est formée ou
bien de deux consonnes avec voyelle médiale, MIR,
ou bien d'une consonne à voyelle initiale. IR, ou
bien d'une consonne avec voyeiie finale, BL Cela
revient à dire que, dans l'écriture, la plupart des
signes d'idée avaient pour son deux consonnes
avec voyelle médiale : ••^c: le hoyau, MIR, ou bien
une consonne avec voyelle initiale : -^at»- l'œil, IR,
ou encore une consonne avec voyelle finale, "Vk
la grue, BL On s'habitua insensiblement à voir
dans ces signes, moins des représentants d'idée
que des représentants de son : ■'ô;::; fut le son MIR,
-«s^ le S071 IR, «^ le son BI. Or la combinai-
son de consonnes MR forme en égyptien plusieurs
racines de sens fort diflTérents : MIR signifie un
hoyou, MIRI signifie aimer et aussi œil, MIROU
signifie lier : au lieu de borner la valeur du signe
•"«S:; à la représentation idéographique du hoyau,
on s'en servit, par extension, pour figurer tous les
mets où se retrouvait la syllabe MIR, et on écrivit
•K::^; MIRI, aimer, '<sz. MIRI, xil, -^ MIROU, lier.
La combinaison IR, outre le sens œil, a aussi le sens
faire : l'œil -«>-, lu IRI, servit à rendre le sens
œil et le sens faire. En un mot, d'idé"graphique,
le signe devint syllaLique. Il avait d'abord servi à
rendre une idée, puis le son d'une idée : il en arri-
vait à ne plus rendre que le son d'une syllabe sans
plus rien retenir de l'idée. Mais ce n'est pas tout.
Les syllabes formées d'une consonne et d'une voj'elle ,
comme <=», RO, la bowjhe, ^»., DOU, la main,
f"^ XI, l'eau, renfermaient un élément constant,
la consonne, R, D, X, qui ne change jamais, et la
voyelle, 0, OU, I, qui, surtout dans les langues
orientales, est toujours des plus mobiles. Les Egyp-
tiens s'habituèrent à séparer l'élément vocalique et
à ne tenir compte que de l'élément immuable de
ce genre de syllabe : dans -=> Ro, ils virent R ;
dans ^w. Dou. D ; dans a~«wv Ni, X : «=-, •^»-, f"^
passèrent à l'état de R, D, X, et l'évolution fut
complète. Le signe, d'abord idée, puis sjllabe, ne
fut plus que lettre, et l'alphabet se trouva in-
venté.
Deux difficultés se présentaient lorsqu'on vou-
lait écrire, avec les caractères ainsi employés, un
texte un peu long. En premier lieu, chaque idée ou
chaque objet avait été exprimé au début par plu-
sieurs termes synonjTnes, dont l'emploi s'était sou-
vent conservé : ainsi le hoyau, *<szz, s'appelait in-
différemment mir ou hon; l'oreille de veau, ^ , se
disait som [sôtm] ou den, etc. Tant qu'il s'agissait
de ■^^S;; idéogramme, peu importait qu'on lût iràr
ou hon : quelque son qu'on choisît, on avait le sens
hoyau, et c'était l'essentiel. Mais supposez qu'on
transcrivît par •'<ic; le son HOX^, pris dans le sens de
vase, qu'il avait également, ou la syllabe HOX du
mot HOXBou, fontaine : le lecteur pouvait être em-
barrassé, ne pas savoir laquelle des deux valeurs
HOX ou MIR il devait choisir, et ne pas comprendre
la plirase. Pour indiquer, dans ce cas, la valeur
qu'il convenait d'adopter, on prit l'habitude d'écrire,
avec le syllabique polyphone, c'est-à-dire suscepti-
ble de prendre plusieurs sons, l'autre des deux
lettres qui répondaient à son énonciation, presque
toujours la seconde. Pour indiquer la valeur ilIR
de ■'^szî on ajouta «=» (R) à •*cc soit "^-^ qu'il
ne faut pas lire MIR -j- R, mais mir, «==- n'étant
là que comme indice de lecture ; pour indiquer le
son HOX, on ajouta a««*a (N) à •^Ss;;::, ^oit '^'^ ou
X '"^^ avec R (H) devant, a««~-a (X) derrière, qu'il ne
faut lire ni HON -j- N, ni H -{- HON -^ N , mais Ao«,
HIEROGLYPHES
X (H) et i""-^ (N) n'étant là que comme indices de
lecture. On nomme ces indices de lecture complé-
ments phonétiques: V W *3st le complément pho-
nétique de -HT prononcé sôm, sôtm; a«*>-a (N) le com-
plément phonétique de ^ prononcé den.
En second lieu, les mots homophones, c'est-à-dire
semblables de sons, devaient devenir la cause d'in-
nombrables erreurs. MIR, placé dans une phrase, y
signifiait-il aimer, lier, charrue ou bien œil? Dans
bien des cas on ne devait savoir comment choisir
entre lier et aimer par exemple. Pour distinguer
les différents sens d'une même racine, on eut re-
cours à des signes idéographiques, auxquels on
donna un emploi nouveau. ^ (MIR) signifiait-i!
lier, on traça derrière le mot l'idéogramme du
li'-n, a ou ^, soit ^ s ou ^ ^; signi-
fiait-il aimer, on traça l'idéogramme des idées de
parole ou de réflexion, '^, soit ^ ^ ; signi-
fiait-il œil, on traçait Vœil pris comme idéogramme,
soit ■''^^ i»».. Ce signe idéographique, nonpio-
noxcé, s'appelle un déterminatif. Les déterminatifs
sont un des éléments importants du système hié-
roglyphique : s'ils n'existaient pas, nous pourrions
à peine lire une inscription.
L'écriture hiéroglyphique se compose donc d'un
mélange de signes idéographiques prononcés ou
idéogrammes, de signes syllabiques, de lettres, et
de signes idéographiques 7ion prononcés détermi-
natifs. Prenons une phrase quelconque :
Les signes "^{T') et --»■ (D) sont des lettres ainsi
que le signe I (A) ; m^ ^st un syllabique, M"N,
dont A>~~A (N) est le complément phonétique ; et le
signe î est le déterminatif des noms de dieu, ici
du nom d'.4wjmo?i. Dans ce qui suit ■==■ (R) et , — i
(A, î) sont des lettres ; O et J sont iléterminatifs,
l'un de l'idée de soh-il, l'autre l'idée de dieu; ^
est un syllabique, SOU, a (T) et a~«~m ^) sont des let-
tres, | e?,\.Y idéogramme prono7icé àe Die«<,NOUTRL
n est répété trois fois pour marquer le pluriel
idéographique, et la phrase entière se lit :
T'oD AM°N-RASo"T^N-NOUTRI'>o;
Dit Ammon-Râ, 7'oi des Dieux.
Alphahet et syllabaires. — Il y a en Egypte un
alphabet dans lequel chaque son a un ou plusieurs
équivalents graphiques :
A !.
A ou À . . 1^.
A ou A... .= — I, ïy.
I M.^v
u ^,\.
VV ou F. . . *
— 960 — HIÉROGLYPHES
B ouV... J.
P 0,0-
M ^-^J'^-
RL .=>,j^.
H ro-
H ou H'., f.
X ou Kh. o.
s -^.P.
Q A.
G. K. ... Z3.
K --^.
T -k, 1=,.
D, T.... -«..
T', TS, DJ, '^.
A cet alphabet se joint un syllabaire, dont voici
un spécimen :
A.
AX..
AÂ..
AB. .
AP. .
AM..
AN..
• V
AR...
AS. . .
. \. \. i ji. •«^, ^:
AT..
. «va.
AD...
. 90C, «3.
B.
BX....
BII'...
BS....
BT
HIEROGLYPHES
961 —
HIEROGLYPHES
Enfin, comme complément, donnons la liste de quelques idéogrammes dont les uns se prononcen*,
les autres servent de déterminatifs :
^— ,, 1° [PE], ciel, plafond; 2' élever, supériorilé.
"^^^ ']T', nuit, obscurité.
o, x°[RÂ], soîell,lumièreouabsencedeluœière;2°division5 du
temps.
•— », pays montagneux, par suite pays étrangers, i'Égj'pte étant
un pays de plaines.
Q, x" circonscription de territoire; a" ville ou village.
^H, nome.
a=i:, ÎHJ» l'eau et toutes les idées d'arrosage, de lavage, de
puriGcation, de soif qui s'y rattachent.
||, le feu, la chaleur, la flamme.
^, J, l'homme et la femme ordinaires.
»' -^» les dieux, les ancêtres, les rois, toutes les personnes
vénérables.
^, toutes les actions : i" de la bouche, 2° de la pensée.
<J^ , le repos, la tranquillité, la faiblesse.
>^, J^, l'adoration.
Le tout forme un ensemble d'environ trois cent
cinquante signes, avec lesquels on peut déchiffrer
sans peine les textes de l'époque classique (XI'-XIIP
dynasties, XVU'-XXVI' dynasties). Les textes plus
anciens renferment un nombre considérable d'idéo-
grammes; les textes récents, ceux surtout de l'é-
poque grecque et romaine, demandent une étude
toute particulière et fournissent, sans compter les
valeurs nouvelles d'anciens signes, près de deux
mille signes entièrement nouveaux.
Ecritures cursives. — Les hiéroglyphes, par la
variété et l'élégance de leurs formes, se prêtent
mieux que tout autre système à la décoration des
monuments. Mais les Egyptiens n'écrivaient pas
seulement au ciseau sur la pierre : ils se servaient
des fibres du papyrus pour préparer un papier sur
lequel ils traçaient les caractères à l'encre noire
et rouge au moyen d'un brin de jonc. L'inexpé-
rience de la plupart des gens, la nécessité d'écrire
rapidement altérèrent la forme des caractères r
l'hiéroglyphe défiguré et abrâgé devint ce qu'on
nomme improprement le caractère hiératique. Ainsi
la chouette M (M) perdit ses pattes et son dos et
devint ^; la. bouche <=> (R) s'ouvrit ^, Vhomme
portant la main à la bovche n^ ne fut plus que
la silhouette de lui-même ^C «c." ^^^ ligatures
relièrent les signes superposés
A a.
ou juxtaposes
I I 1'
Ou,
âji f^'^^^i, Amman,
Les caractères,
r^i î^> t^ W
d'abord tracés avec un jonc assez gros, étaient de
dimensions relativement considérables, par exem-
ple dans le Papyrus Prisse de la Bibliothèque natio-
nale. Ils se rapetissèrent de plus en plus à mesure
qu'on î>'oloigna des premiers temps.
2" Pahtie.
Les exemples ci-dessous (ainsi que ceux qui pré-
cèdent) nous montrent des caractères déjà plus me-
nus; les deux premiers appartiennent à la XIX* dy-
nastie, et le troisième à l'époque gréco-romaine:
MÛ N DÂ KHoPeRU DUT H'eR M PÀ AO
eau une être faire à Soleil le fut.
eW RaN DÀS M NaKHTO
de lui le nom [est] Thébaîde en Force .
KuB eM BaK eM K KHoPRU NeK ARO
d'or épervier en ta transformation Tu as fait.
Le jonc devenant déplus en plus fin et l'écriture
de plus en plus cursive, entre la XX* et la XXVI'
dynastie, il se forma une sorte de tachygraphie du
système hiératique, qu'on appelle l'écriture démo-
tique ou populaire :
W N-AM W AU ToP en MA RaKH eW AN
en lui il ëtait monde du le lieu ne sut lui Point
L'écriture hiératique modifiée fut désormais
employée pour les livres de liturgie ; le démotique
^W
HIÉROGLYPHES
— 962 —
HIEROGLYPHES
'ut employé de préférence pour les besoins ordi-
n lires de la vie, pour la rédaction des contrats et
lies actes de l'état civil, pour les œuvres littéraires,
même sur la pierre à côté de récriture hiérogly-
phique ou hiératique. Vers l'époque grecq\ie et
romaine, on peut dire que chacune des trois écri-
tures répondait à un état différent de la langue :
les hiéroglyphes servaient à écrire la langue
officielle , qui était à la langue usuelle ce
que le latin de l'époque classique est au fran-
çais de nos jours; l'hiératique était l'écriture de la
langue liturgique, le démotique celle de la langue
courante. De là l'emploi sur certains monuments
de deux et quelquefois trois écritures diffci-entes ;
le grec, pour les Grecs établis en Egypte, l'hiéro-
glyphique, forme officielle que devait revêtir tout
acte émané d'une autorité civile et religieuse, le
démotique, qui permettait aux contemporains de
compr.endre le sens du décret rédigé dans la lan-
gue officielle.
Les hiéroglyphes s'écrivent indifféremment de
droite à gauche ou de gauche à droite: l'hiérati-
que et le démotique s'écrivent toujours de droite
àgauciie.
Hi'sfoire de l'écriture hiéroglyphique. — Sur les
plus anciens monuments (vers la IP dynastie, 5000
ans avant notre ère) on trouve déjà le système hiéro-
glyphique complètement formé. Quelques-uns des
blocs de la pyramide de Chéops portent, tracés à la
sanguine, des caractères moitié hiéroglyphiques,
moitié hiératiques, et les tombeaux du temps mon-
trent que les scribes avaient déjà une écriture
cursive pour la comptabilité et pour les œuvres
littéraires. Il faut donc faire remonter l'origine et
les développements de l'écriture hiéroglyphique à
nombre de siècles plus haut, probablement aux
époques qui précédèrent Menés et la fondation de
la royauté égyptienne.
Le dernier nionument que nous connaissions de
l'écriture liiéroglyphique est du temps de l'empe-
reur Philippe dii' siècle après notre ère). Il sem-
ble que l'écriture démoiiquc ait continué d'être en
usage parmi les païens d'Egypte longtemps après
que l'écriture hiéroglyphique eut cessé d'être em-
ployée. Elle fut remplacée chez les chrétiens par
l'alpliabet grec, auquel on ajouta sept caractères
empruntés à l'ancienne écriture pour les sons par-
ticuliers à l'égyptien. Cet alphabet est encore au-
jourd'hui employé par les chrétiens coptes pour
les livres liturgiques; pour les usages courants de
la vie, ils ne se servent plus depuis le commence-
ment du xvii« siècle que de la langue et de l'écri-
ture arabe.
La connaissance des hiéroglyphes une fois per-
due, les peuples de l'Occident ne songèrent à la
regagner qu'à partir du xvi' siècle. La publication
d'un ouvrage du Grec HorapoUon de Nilopolis,
écrivain du m' siècle après notre ère, qui avait
expliqué tant bien que mal une centaine des signes
idéographiques encore usités de son temps, attira
l'attention sur les écritures égyptiennes, mais
arrêta pour longtemps le progrès des études. Les
modernes crurent, comme les Romains et les Grecs
avaient fait avant eux, que l'écriture hiéroglyphi-
que était purement symbolique, et essayèrent
d'appliquer aux inscriptions les valeurs idéogra-
phiques dHorapoUon. Celui de tous qui s'avança le
plus loin dans cette voie fut le jésuite Athanase
Kircher, qui, vers le milieu du xvii« siècle, proposa
un système d'explication symbolique complet. Le
travail sérieux de déchiffrement ne commença
qu'avec notre siècle.
En 179!), un officier du génie, Boussard, chargé
par le général Bonaparte de fortifier Rosette, dé-
couvrit une pierre qui portait trois inscriptions,
l'une mutilée, en hiéroglyphes, deux autres pres-
que intactes, en démotique et en grec : l'inscription
grecque disait expresscmont que les tmis tc\tcs
n'étaient que la reproduction en trois écriture;
différentes d'un même décret rendu par les prêtres
en l'honneur d'un roi Ptolémée et de sa sœur
Cléopâtre. Le monument, pris par les Anglais en
1800, fut déposé par eux au British Muséum où il
est encore aujourd'hui ; mais des copies exactes
des trois inscriptions circulaient déjà dans toute
l'Europe. Le Suédois Ackerblad, alors en mission
diplomatique à Paris, et le Français Sylvestre de
Sacy, furent les premiers à étudier l'inscription.
Dès 1800, ils avaient réussi à reconnaître, dans le
texte démotique, les noms royaux qu'il renfermait,
à déchiffrer quelques mots et à composer un al-
phabet démotique assez exact. Leurs études furent
reprises par le savant anglais Thomas Young, qui,
après avoir examiné à fond l'inscription démo-
tique, s'attaqua résoliiment aux débris hiérogly-
phiques. On savait par les travaux récents du Sué-
dois Zoëga que les noms des souverains étaient
enfermés dans une ellipse ç j qu'on nomme
cartouche, et par ceux du Français Etienne Quatre-
mère, que la langue copte usitée chez les chrétiens
d'Egypte était un dérivé bâtard de l'ancienne langue
égyptienne. Young, sachant que les cartouches de
l'inscription de Rosette devaient renfermer le nom
de Ptolémée, en l'honneur de qui avait été gravée
l'inscription, chercha à retrouver dans le cartouche
les éléments du mot grec
dm
_> et *»
Ptolcmaios , et conclut que
et *» étaient P et T; il prit
pour un signe superflu, donna à .AA la valeur
OLE, à ■£=■ la valeur ma, et à 1 la valeur os, osh.
Un au-
fl
un au- /^
trecar- [ ^
touche vC;
lec-
lui fournit les
tures i = BIR, <=
!^ := E, / — ^ = N
^^ = KE, KEN ; .J, dfc et % étaient, suivant lui,
des signes de remplissage. Le résultat de ses re-
cherches, publié en 1818, fut peu remarqué : il
n'en fut pas de même de celui des découvertes de
François Champollion, qu'on nomme CharapoUion
le Jeune pour le distinguer de son frère aîné Cham-
pollion-Figeac.
Champollion, dès l'enfance, avait étudié les lan-
gues orientales et surtout le copte : l'étude du
copte le conduisit à celle des hiéroglyphes. Après
de longs tâtonnements, il découvrit enfin la clef du
système perdu, et publia sa découverte dans une
Lettre à M Dacier, lue en septembre 1*^2? à l'Acadé-
mie des Inscriptions et Belles-Lettres. Comme Youn g,
il s'attaqua d'abord au cartouche de Ptolémée.
Il admit comme le savant anglais que 1- m valaient
P, T, mais il lut û O, -ks L, ^= M, M f, jl S,
et prouva la légitimité de ses lectures par l'exa-
men du Cartouche
Ce cartouche renfermait J%&, û, i, dont les va-
leurs étaient connues par le cartouch ^ précédent,
soit L,0,P. Il reconnut qu'il s'agissait de Cleo-
pâtre et lut il = K, I = E, V = A, •=> = R.
Le cartouche
déjà lu Bérénice par Young, lui donna ^ = B,
/«•««x =r N, I I = I, ^-^ = S. et celui de
UISPANO-AMÉRICAINES — 0G3
HIS PANO-AMËRICAINES
(v-rvrrl
Mexandros, ajouta les lettres -^^ K, — »— S, ^^ D.
à celles qu'il avait déjà. Le tout lui donna un rudi-
ment d'alpliabet :
JX.
i. B.
-»., A, D, T.
^"^^^ A, K.
:.à, «=:>, L, R.
-=:, M.
qui lui permit de lire d'autres noms et, au moyen
de ces noms, de déterminer la valeur d'autres let-
tres. Dans son Précis du système hiéroglyphique.
qui parut deux ans plus tard, on trouve déjà un
alphabet très étendu et l'indication de quelques
formes grammaticales. Quand il mourut en 1832,
les règles du déchiffrement étaient solidement éta-
blies.
Quelques semaines avant sa mort, on avait créé
pour lui, au Collège de France, une chaire qui a
été successivement occupée par MM. Letronne,
Charles Lenormant, Emmanuel de Rougé, Maspero:
c'est autour de cette chaire que s'est ralliée l'école
française, Nestor L'hôte, Théodule Dévéria parmi les
morts, Mariette, Chabas,Baillet,Lefébure,Grébault,
Guiyesse, parmi les vivants. Tous les pays étran-
gers ont fourni leur contingent à la science égj'p-
tologique : l'Italie, Salvolini, Rosellini, Ungarelli,
Migliarini, Orcurti, aujourd'hui Rossi et Schiapa-
relli ; l'Angleterre, Birch, Goodwin (mort en 1878),
Lepage-Renouf ; la Hollande, Leemans et Pleyte ;
l'Allemagne, Lepsius, Brugsch, Duemichen.Ebers,
Lauth, Éisenlohr, Stern ; la Norvège, Lieblein ; la
Suisse, Naville; la Russie, Golénischeff. Le nombre
des travailleurs augmente de jour en jour, et l'é-
gyptologie, en moins de soixante ans. est devenue
l'une des plus florissantes parmi les sciences orien-
tales. [G. Maspero. 1
HISPAN0-A3IÉR1CAINES (Républiques).— His-
toire générale, XXVI, XXXVI. — On appelle ainsi
les États indépendants qui se sont constitués, au
commencement de ce siècle, par le démembrement
du vaste empire colonial que l'Espagne possédait
dans les deux Amériques. Ce sont: le Mexique;
les républiques de l'Amérique centrale, au nombre
de cinq : Guatemala, Honduras, San Salvador,
Nicaragua, Costa Rica ; la Nouvelle-Grenade, le
Venezuela et l'Equateur, qui lurent réunis tous les
trois, pendant quelques années, en un Etat fédé-
ratif sous le nom de Colombie; le Pérou, la Boli^•ie,
le Chili, le Paraguay, l'Uruguay, et la République
Argentine ou Confédération de la Plata.
On trouvera, dans les articles spéciaux que nous
consacrons au Mexique et au Pérou, quelques indi-
cations sur l'organisation intérieure des colonies
espagnoles d'Amérique et sur leur histoire durant
les xvi«, XVII' et xviii» siècles. Nous n'y reviendrons
pas ici. Le régime imposé par la métropole à ces
colonies était si oppressif, et le mécontentement
qu'il excitait si profond, que l'occasion do secouer
le joug de l'Espagne ne pouvait manquer d'être
saisie avec empressement dès qu'elle se présente-
rait. L'exemple des Etats-Unis, et les idées de li-
berté que la Révolution française avait répandues
partout, contribuèrent à développer chez les co-
lons les aspirations d'indépendance.
1° Période des guerres d'indépendance. —
En 1806, le général Miranda, originaire de Caracas,
qui, après avoir servi en France sous Dumouriez
en 1"'.'3, était revenu dans sa patrie, essaya de sou-
lever le Venezuela, mais sans succès. Une insurrec-
I tion tentée à Quito, dans le Pérou, en 1809, échoua
également.
Mais en 1810 des soulèvements plus sérieux al-
laient éclater. Napoléon, après avoir déclaré les
Bourbons déchus du trône d'Espagne, y avait placé
son frère Joseph ; ce changement "de dynastie
servit de prétexte à la révolte des colonies : en re-
fusant de reconnaître le nouveau roi, c'était en
réalité contre le régime colonial qu'elles s'insur-
geaient. Buenos-Aires donna It- signal, et se dé-
clara indépendante de la métropole ; le Chili chassa
pareillement les Espagnols; au Venezuela, Miranda
leva de nouveau le drapeau de l'insurrection : et au
Mexique, le curé Hidalgo souleva la population in-
digène au cri de: vive Ferdinand VII. L'insurrec-
tion d'Hidalgo fut comprimée en 1811. Au Chili,
le vice-roi du Pérou, Abascal, parvint à rétablir
en lsl.3 l'autorité espagnole au nom de la junte de
Cadix. Les provinces delà Plata, par contre, se trou-
vèrent définitivement émancipées après la victoire
de Las Piedras '1811) : un gouvernement indépen-
dant fut établi àBuenos-Aires, et en 1816 lecongrès
de Tucuman régla la constitution de la République
Argentine, la première en date des républiques
hispano-américaines.
Quant au Venezuela, Miranda y fut d'abord vic-
torieux, et l'indépendance delà colonie fut procla-
mée en 1811. Toutefois les Espagnols reprirent
ensuite le dessus, et Miranda fut fait prisonnier.
Mais il fut aussitôt remplacé par un homme d'un
génie supérieur, Bolivar, qui allait devenir le
Washington de l'Amérique méridionale.
Bolivar avait débuté comme lieutenant de
Miranda, et avait remporté d'abord plusieurs succès
sur les Espagnols. Réduit en 1815 à s'enfermer
dans Carthagène avec ses compagnons d'armes, il
reprit bientôt l'ofifensive, et après la victoire déci-
sive de Boyaca (1819), le triomphe de la cause de
l'indépendance fut assuré dans les provinces de l'O-
rénoque.La même année, au congrès d'Angostura. la
Nouvelle-Grenade et le Venezuela, affranchis tous
deux par Bolivar, s'unirent pour former une seule
république sous le nom de Colombie. La partie
septentrionale du Pérou, avec Quito, échappée
aussi à la domination espagnole, s'unit à la Co-
lombie.
Pendant ce temps, le Chili s'émancipait de son
côté. San Martin, à la tète des forces de la Répu-
blique Argentine, franchit les Andes (1817), battit
les Espagnols à Charabuco(1817) et à Maypu '1818).
et constitua le Chili en république. Un officier
anglais, lord Cochrane, était venu, comme autre-
fois Lafayette. offrir son épée aux insurgés améri-
cains : nommé amiral de la flotte chilienne, il prit
en 1820 Valdivia, le dernier boulevard des Espa-
gnols au Chili.
La même année, le Chili organisa une eipédi
tion contre le Pérou, seule province de leur empire
sud-américain que les Espagnols eussent conservée.
San Martin ,et Cochrane s'emparèrent de Lima
(1821), et l'indépendance du Pérou fut proclamée.
Mais la division se mit entre les vainqueurs : à la
suite de ces querelles, Cochrane donna sa démis-
sion, San Martin se retira en France, et les Espa-
gnols purent rentrer à Lima (18'.?3). Bolivar, ap-
pelé par les Péruviens, accourut à leur secours ;
et la brillante victoire d'Ayacucho (1824\ rempor-
tée par son lieutenant Sucre, obligea les Espagnols
à évacuer définitivement le Pérou. Cette colonie
forma alors deux républiques séparées : le Pérou
proprement dit, et le Haut-Pérou qui prit le nom
de Bolivie en l'honneur de Bolivar (V. Pérou).
Le Mexique, que le curé Hidalgo avait tenté do
soulever en 1810, avait été depuis le théâtre da
deux autres insurreciions également malheureuses.
Enfin en 1821, lorsque la nouvelle de la révolution
d'Espagne parvint en Amérique, un quatrième
mouvement eut lieu ; le général Iturbide, passant
HISPANO-AMKRICAINES
964
HISTOIRE
aux insurgés, devint leur chef, et le Mexique se
sépara définitivement de l'Espagne (V. Mexique).
L'Amérique centrale, qui sous la domination
espagnole formait la capitainerie-générale de Gua-
temala, se souleva aussi en 1821, et après s'être
unie quelque temps au Mexique, s'en sépara pour
constituer un Etat fédératif indépendant.
Il nous reste à parler de deux provinces qui
dépendaient originairement de la vice-royauté de
Buenos-Aires : le Paraguay et l'Uruguay. Le Pa-
raguay s'était rendu indépendant dès 1811, et il
se constitua aussitôt en Etat séparé, sous la direc-
tion du docteur Francia : ce dernier se fit nommer
en 1814 dictateur pour cinq ans, et en 1816 dicta-
teur perpétuel; il conserva ses pouvoirs jusqu'à
sa mort (1840). L'Uruguay, ou la Banda oriental,
fut soustrait à la domination espagnole en 1814
par Artigas, qui y domina jusqu'en 1821, époque
où le Brésil s'empara de Montevideo. Une guerre
entre le Brésil et la République Argentine éclata
en 1825 au sujet de la possession de cette ville
f't se termina en 1828 par la reconnaissance de
Tindépendance de l'Uruguay comme Etat distinct.
Ainsi transformées en républiques autonomes,
les anciennes colonies espagnoles se trouvèrent
malheureusement livrées à des dissensions inté-
rieures ou à de sanglantes rivalités. La Républi-
que Argentine fut déchirée par les longues que-
relles des fédéralistes et des unitaires; le Pérou,
la Bolivie et le Chili se firent la guerre au sujet de
leurs frontières respectives. Bolivar, dont le rêve
était de constituer les Etats-Unis de l'Amérique
espagnole, sur le modèle des Etats-Unis de l'Amé-
rique du Nord, convoqua en 1826 à Panama un
congrès des représentants de toutes ces républi-
ques; mais il ne réussit pas à les amener à une
fédération. Après avoir été revêtu à plusieurs re-
prises du pouvoir dictatorial en Colombie et au
Pérou, il déposa l'autorité et résolut de s'expatrier,
espérant ainsi mettre fiin aux discordes : mais il
mourut en 1 830, au moment où il allait s'embarquer.
2° Les républiques hispano-américaines après les
guerres d'indépendance. — Nous ne parlerons
plus du Mexique ni du Pérou, renvoyant pour ce
qui concerne ces deux Etats aux articles spéciaux
qui leur sont consacrés.
La confédération du Guatemala subsista jus-
qu'en 1839. A cette époque, le Honduras s'en sé-
para et se constitua en Etat indépendant. En 1847,
les quatre autres Etats confédérés, Guatemala,
San Salvador, Nicaragua et Costa Rica, rompirent
le lien fédératif, et depuis ce moment ont formé
des républiques distinctes.
La Colombie se divisa en 1831 en trois républi-
ques séparées : la Nouvelle-Grenade, le Venezuela
et l'Equateur. La Nouvelle-Grenade a repris en
/Sni le nom d'Etats-Unis de Colombie.
La Bolivie, réunie un moment au Pérou en 1836
sous la présidence de Santa Cruz, s'en sépara
bientôt de nouveau. Son histoire n'offre pas d'é-
vénements remarquables, non plus que celle du
Chili, qui est devenu, par son commerce, l'un des
Etats les plus florissants de l'Amérique du Sud.
Dans la République Argentine, après de longues
guerres entre fédéralistes et unitaires, Rosas, chef
du parti fédéraliste, réussit à se faire nommer en
1829 gouverneur de Buenos-Ayres. En 1835, il
s'empara de la dictature, qu'il gardajusqu'en 185'J.
A la suite de démêlés avec la France et l'Angle-
terre, il fut vaincu en 1845 par une flotte anglo-
française, et obligé d'accorder aux navires euro-
péens la libre navigation du Parana. Après la chute
de hosas, Buenos-Aires se sépara de la confédéra-
tion argentine ; mais elle y est rentrée en 1800.
Le Paraguay fut gouverné despotiquement jus-
quen 1840 par le docteur Francia, dont la politi-
que étroite et soupçonneuse avait fermé ce pays
i tous lesetrangois. Lopez, qui succéda à Francia,
rétablit les communications commerciales, et
exerça d'abord paisiblement le pouvoir ; mais
s'étant engagé dans une guerre contre le Brésil
et la République Argentine (1865), il fut vaincu et
tué en 1870.
L'Uruguay, enfin, quoique mêlé presque cons-
tamment aux luttes de ses voisins, a su maintenir
son indépendance, et se trouve aujourd'hui dans
une situation prospère.
V. pour ce qui concerne le développement indus-
triel et commercial des républiques hispano-amé-
ricaines, l'article .(4 weriqrue, pp. 107-111.
HISTOIRE, HISTORIENS. — Littérature et
style, IV; Littératures étrangères, IV-XX ; Littéra-
ture française, V-XXX.
1- L'HISTOIRE.
Les mots historien et histoire viennent du
grec. Dans cette langue, histor est celui qui
connaît un fait ; historia signifie information,
recherche, et, par extension, récit des faits exposé
par celui qui les sait, soit qu'il en ait été témoin
lui-même, soit qu'il les ait appris d'autres per-
sonnes ou à la suite de recherches spéciales. Ces
deux termes ont passé du grec dans la langue latine,
et du latin dans la langue française en gardant le
même sens. L'histoire peut donc se définir, avec
Voltaire : « le récit des faits passés donnés comme
vrais, au contraire de la fable qui est le récit des
faits donnés comme faux. » Elle se propose d'ap-
prendre aux hommes les événements qui se sont
accomplis dans les âges précédents, non seule-
ment pour satisfaire leur légitime curiosité, mais
pour leur donner un enseignement moral. En
leur racontant les vertus et les vices des généra-
tions antérieures, en leur exposant les causes de
la grandeur et de la décadence des empires, elle a
pour but de leur mettre sous les yeux d'utiles le-
çons; elle leur montre comment ils doivent se con-
duire pour égaler la gloire et les succès de leur»
devanciers, ou pour éviter les fautes qu'ils ont
commises et les catastrophes qui en ont été la
conséquence. C'est en ce sens qu'elle acte appelée
par Cicéron « l'école de la vie », et par Tacite « la
conscience du genre humain ». « C'est l'histoire
dit encore Fénelon, qui nous montre les grands'
exemples, qui fait servir les vices mêmes des mé-
chants à l'instruction des bons, qui débrouille les
origines et qui explique par quels chemins les
peuples ont passé d'une forme de gouvernement à
une autre. »
La connaissance de l'histoire, utile à tous, est
donc indispensable à ceux-là surtout que leur talent
ou leur situation appelle à la direction politique de
leur pays. Mais dans une société démocratique
comme la nôtre, qui peut, ou plutôt, qui doit rester
étranger à la marche des affaires publiques? Tous
les citoyens sont électeurs, et par le choix qu'ils
font de leurs représentants dans les conseils mu-
nicipaux, à la Chambre des députés, ou au Sénat,
ils exercent une influence indirecte, mais décisive,
sur la conduite générale du gouvernement. Ils sont
donc tous intéressés à se pénétrer des graves le-
çons de l'histoire, pour éviter le retour des désas-
tres qui ont abattu leur patrie, ou pour en préparer
le glorieux relèvement.
Fondements de l'histoire; critique historique. —
Si l'historien pouvait être le témoin de tous les faits
qu'il raconte, il n'aurait qu'à exposer avec exacti-
tude ce qu'il a vu. Mais comme il s'agit le plus
souvent d'événements anciens, accomplis longtemps
avant sa naissance, qui remontent parfois à l'épo-
que la plus reculée, l'historien qui veut composer
une œuvre sérieuse doit s'assujettir à certaines
règles, fixes et déterminées, qui constituent ce que
l'on appelle la critique historique.
Il doit consulter !• la tradition, c'est-à-dire ces
souvenirs incertains et confus qu'un événement
HISTOIRE
965 —
HISTOIRE
considévable laisse derrière lui, et qui ressemblent
;i ces vagues légères et de plus en plus faibles qui
battent encore la rive du fleuve, longtemps après
que le navire a disparu en soulevant les eaux.
« Les premiers fondements de l'histoire, dit Voltaire,
sont les récits des pères aux enfants, transmis en-
suite d'une génération à une autre. Ils ne sont
tout au plus que probables dans leur origine, quand
ils ne choquent point le sens commun, et ils per-
dent un degré de probabilité à chaque génération.
Avec le tenips, la fable se grossit, et la vérité se
perd. »
L'historien rassemble avec soin ces premières
traditions ; il y joint les légendes, les chants popu-
laires, les poésies nationales, qui ont presque tou-
jours un fait historique pour point de départ. Il
écarte d'abord les détails faux, invraisemblables, et
s'applique à dégager des erreurs la portion de
vérité qui s'y trouve contenue. Il s'aide pour y
arriver de tous les autres renseignements qu'il
peut réunir. Mais s'il ne rencontre que la tradition
pour constater un fait, il le donne comme légen-
daire et douteux : il n"a pas le droit d'en affirmer
l'authenticité. La Chanson de Roland, ce poème
du xi*^ siècle qui raconte le désastre éprouvé à
Roncevaux par l'armée de Charlemagne, est un té-
moignage certain pour lui de la grande émotion
que cette défaite fit ressentir à toute la France.
Mais il n'admet ni les exploits de Roland, ni les
détails de sa mort merveilleuse, ni même l'exis-
tence du fameux paladin. L'arrière-garde de Char-
lemagne fut vaincue à Roncevaux, et la nation en
gémit : voilà le fait vrai qui ressort de la tradition.
Le reste n'est que fables ajoutées par rimagination
populaire et qui ne doivent pas entrer dans une
histoire.
Après la tradition, qui n'ofl're, comme on le voit,
que peu de ressources, l'historien interroge 2° les
monumeiits, c'est-à-dire tous les objets propres à
établir la vérité d'une circonstance, d'un détail
quelconque : les édifices élevés en commémoration
d'un succès ou d'un revers, les statues, les co-
lonnes, les médailles, les inscriptions, les armes,
les ustensiles, en un mot, tous les débris du passé
qui, à un titre quelconque, se rattachent à l'événe-
ment qu'il s'agit de constater. Ces monuments
mêmes, s'ils sont isolés, ne sont pas une preuve
décisive de la vérité, ils n'ont qu'un caractère de
probabilité. On a vu, en eifet, des souverains
élever des statues ou des colonnes triomphales,
faire graver des médailles en souvenir de victoires
qu'ils n'avaient pas remportées, même de guerres
qu'ils n'avaient pas soutenues, comme a fait l'em-
pereur romain Domiiien. Mais si les monuments
se trouvent confirmés par d'autres preuves, de di-
verse nature, ils acquièrent alors un caractère
sérieux d'authenticité ; et l'historien a le droit d'en
tirer parti.
Toutefois, la principale source de l'histoire est
formée : 3" par les relations écrites, composées
soit par les témoins ou les auteurs des faits, soit
par les historiens antérieurs. L'historien digne de
ce nom doit ici suivre des règles fort minutieuses,
dans lesquelles il serait irop long d'entrer. Il doit
s'assurer, avant tout, de l'authenticité des ouvrages
qu'il consulte, de la véracité de l'auteur sur le-
quel il s'appuie. Celui-ci connaissait-il bien les
faits ? pouvait-il les connaître ? était-il de bonne
foi? son ouvrage n'a-t-il pas subi d'altération? une
main étrangère n'y a-t-elle pas fait des additions,
des changements? Ce sont là quelques-unes des
questions que l'historien doit se poser, et, suivant
la réponse, il ajoutera plus ou moins de créance
aux relations écrites auxquelles il emprunte des
documents.
Qualités nécessaires à r historien. — L'énuméra-
lion des conditions principales qui constituent la
critique historique montre déjà quelles nombreu-
ses et grandes qualités sont nécessaires à l'histo-
rien. Mais c'est peu d'avoir rassemblé, pesé, jugé
les faits, il faut les rapporter. Avant tout, l'histo-
rien doit être impartial, non de cette impartialité
froide et impassible qui est de l'indifférence, mais
de cette impartialité qui repose sur l'unique souci
de la vérité. L'historien peut et doit aimer son pays,
avoir des préférences pour telle ou telle cause po-
litique, regretter, déplorer les revers éprouvés par
ceux qui lui sont chers, mais il ne doit pas dissi-
muler leurs fautes, ni changer leurs défaites en
triomphes. « Il évite également les panégyriques et
les satires : il ne mérite d'être cru qu'autant qu'il
se borne à dire sans flatterie, sans malignité, le bien
et le mal. Il n'omet aucun fait qui puisse servir à
peindre les hommes principaux, et à découvrir les
causes des événements, et toute sa critique so
borne à donner comme douteux ce qui l'est, et à
en laisser la décision au lecteur, après lui avoir
donné ce que l'histoire lui fournit. » Si nous ajou-
tons à ces paroles de Fénelon, que le style de
l'histoire doit être simple, clair, grave comme les
événements qu'elle raconte, ému, éloquent dans
certaines circonstances, nous aurons indiqué les
qualités principales nécessaires à l'historien.
Philosophie de l'histoire. — On donne le nom de
philosophie de l'histoire à la recherche des iois du
développement et de la marche des sociétés. Le
voyageur qui visite pour la première fois une cité
grande et populeuse, en parcourt les rues, les
places, les monuments. Puis il monte sur un
édifice élevé ; de cette hauteur il n'aperçoit plus les
détails multiples qui ont arrêté d'abord sa curio-
sité. En revanche, il voit mieux l'ensemble de la
ville, et en distingue d'une manière plus nette
la situation, la configuration topographique. Il
en est de même en histoire. Après avoir étudié
les événements qui se sont accomplis pendant
un grand nombre de siècles, aprèç avoir vu les
guerres se succéder, les crimes, les violences
être trop souvent couronnés de succès, les révolu-
tions précipiter les rois de leurs trônes ou les y
rétablir, les peuples, les contrées changer de maî-
tres par la conquête, ou fonder leur liberté au
prix de leur sang, le lecteur, troublé, s'interroge
avec inquiétude. Il se demande si le hasard et
l'injustice sont les arbitres du monde, si aucune
loi ne préside à la direction de l'humanité. Qu'il
s'élève plus haut alors, qu'il laisse au-dessous de
lui les détails et les faits particuliers, qu'il n'em-
brasse que l'ensemble des choses, et il verra se
dessiner sous l'apparent désordre des évé^ements
qu'il a étudiés une sorte de marche régulière et
progressive de l'humanité.
Ainsi, pour nous borner à notre histoire natio-
nale, la France, à l'époque de la féodalité, est
partagée entre mille petits souverains qui l'op-
priment. Bientôt la royauté grandit au milieu des
comtes et des barons. Elle détruit peu à peu
la puissance des vassaux inférieurs, puis celle
des grands feudataires, et fonde à son profit la
monarchie absolue. Celle-ci arrive à son apogée
sous Louis XIV, et commence aussitôt à décliner.
Enfin, la bourgeoisie et le peuple, qui n'étaient
rien auparavant, s'élèvent à leur tour lentement,
et arrivent à constituer la société actuelle, qui as-
sure à tous l'égalité des droits civils et politiques.
Division de l'histoire. — Pour la commodité de
l'étude, on divise l'histoire en plusieurs périodes
successives ; mais il y a nécessaii-cment un peu
d'arbitraire dans les limites assignées à chaque
période. La division généralement adoptée est la
suivante :
X" h' histoire ancienne, qui comprend l'histoire des
différents peuples de l'antiquité, Inde, Palestine,
Egypte, Assyrie, Babylonie, Perse, Médie, etc. On y
rattache les histoires grecque et romaine. L'histoire
ancienne s'étend depuis l'origine la plus reculée
HISTOIRE
— 9G6
HISTOIRE
jusqu'à la destruction définitive de l'empire ro-
main en 47(i après Jésus -Christ.
2° Le moyi'ix ûfje, qui va depuis l'année 476 jus-
qu'à la prise de Constantinople par les Turcs en
1453.
3° V histoire des temps modernes, qu'on fait géné-
ralement commencer au milieu du quinzième siècle.
4° Enfin, ïhistoire contemporaine, comprenant
les événements qui se sont succédé depuis la Ré-
volution française jusqu'à nos jours.
A un autre point de vue, l'histoire se divise en
histoire universelle, c'est-à-dire qui embrasse tous
les événements arrivés depuis l'origine du monde,
chez tous les peuples ; en histoires générales, qui
comprennent l'histoire des différents peuples pen-
dant une période déterminée, par exemple pendant
le moyen âge, ou dans les temps modernes; et en
histoires particulières, consacrées soit à un pays,
soit même à une époque spéciale de l'histoire d'un
pays. On comprend encore sous cette dernière dé-
signation l'histoire d'une province, d'une ville,
d'une dynastie, d'une famille, etc. L'histoire par-
ticulière s'appelle également histoire ecclésiastique,
diplomatique, parlementaire, législative, judi-
ciaire, admi7iistrative , commerciale, littéraire,
scientifique, etc., selon le sujet spécial que l'his-
torien a choisi.
Genres secondaires en histoire. — L'histoire re-
çoit aussi différents noms suivant la manière dont
elle est composée. Elle s'appelle chronique ou
annales quand l'auteur se borne à raconter rapi-
dement les événements année par année dans l'or-
dre où ils se sont accomplis. Cependant on réserve
plutôt le nom de chroniqueurs aux écrivains du
moyen âge qui exposent brièvement les événe-
ments accomplis avant leur époque et y joignent
ceux dont ils ont été les témoins. Les annales se
rapprochent beaucoup de l'histoire ordinaire.
On appelle mémoires les relations historiques
écrites par ceux qui ont eu part aux événements
qu'ils rapportent, ou en ont été les témoins. La
littérature française est riche en mémoires : on
trouvera plus loin les noms des principaux auteurs
qui se sont distingues dans ce genre.
Les biographies sont le rccit de la vie d'un seul
homme. Celles que Plutarque a consacrées aux
plus grands hommes de la Grèce et de Rome sont
les plus célèbres. Il existe beaucoup de biogra-
phies remarquables par le talent des auteurs qui
les ont écrites. Mais elles sont isolées. Aussi de
bonne heure a-t-on senti le besoin de réunir «t de
résumer en des dictionnaires historiques et bio-
graphiques la vie des personnages qui avaient joué
un rôle important dans l'histoire. Tels furent à
l'origine les dictionnaires de Moréri et de Bayle,
auxquels ont succédé la Biographie universelle des
frères Michaud et la Nouvelle biographie générale
de F. Didot. Ces recueils volumineux ont été ré-
duits de notre temps en des dictionnaires d'un
usage facile, tels que ceux de MM. Bouillet, Vape-
reau, Dezobry et Bachelet, etc. On y trouve résu-
més sous une forme succincte les détails principaux
de la vie de tous les hommes éminents.
Quand l'auteur raconte lui-même sa propre vie,
l'ouvrage s'appelle autobiographie.
On désigne sous le nom d'historiographes des
écrivains chargés spécialement par un roi d'écrire
l'histoire de son règne. Les monarques di3 la
Chine et de l'Orient ont eu des historiographes
dès les temps les plus reculés. En France, le pre-
mier historiographe connu est le poète Alain Char-
ger, sous le règne de Charles VII. Cette charge a
subsisté jusqu'à la révolution française. Les écri-
vains les plus célèbres qui aient rempli cette fonc-
tion sont Mézerai, Pellisson, Racine et Boiloau sous
Louis XlV;-Duclos et Marmontol sous Louis XV.
L ouvrage de Boileau et de Racine a péri dans
un incendie, mais les fragments qui en subsistent
ne font pas beaucoup regretter la perte du reste.
On comprend d'ailleurs que la situation dépen-
dante où se trouve l'historiographe, placé entre la
llatterie ou la suppression de sa pension, comme
il arriva à Mézerai, n'est pas favorable à la com-
position d'une œuvre vraiment historique.
II. LES HISTORIENS.
Les historiens dans l'antiqviité. — 1° Historiens
grecs. — L'histoire apparut en Grèce longtemps
après la poésie, et les premières œuvres qu'elle
inspira ne furent guère que des fables et des légendes
écrites en prose. Mais en 484 avant J.-C. naquit à
Halicarnasse Hérodote, qui apporta dans la manière
d'écrire l'histoire des qualités inconnues de ses de-
vanciers, qu'on appelait les logographes. Hérodote
consacra une moitié de sa vie à visiter l'Egypte,
la Libye, la Babylonie, la Perse, la Grèce, et em-
ploya l'autre moitié à écrire et à lire en public ce
qu'il avait vu. Son ouvrage est partagé en neuf li-
vres, auxquels l'admiration des Grecs donna le nom
des neuf muses. Toutefois, si l'on estime avec rai-
son la précision et la sincérité avec laquelle il
raconte les guerres médiques dont il a été té-
moin, on regrette de le voir rapporter sans criti-
que les légendes les plus invraisemblables et leur
sacrifier des détails qui auraient pour nous plus
d'intérêt.
Quelques années après Hérodote, Thucydide
naissait en Attique (471). Il prit part à la guerre
du Péloponèse comme chef militaire ; mais à la
suite d'un échec, il fut condamné par les Athé-
niens à un exil qui dura vingt ans. Il consacra ce
temps à rassembler les matériaux qui devaient lui
servir à composer VHistoire de la guerre du Pélopo-
nèse, ety employa lesrichessesquelui procurait une
mine d'or située en Thrace. Son ouvrage inachevé
comprend huit livres, et raconte les événements
avec exactitude et régularité, par étés et par hivers,
dans l'ordre chronologique où ils se sont accomplis.
On reproche à Thucydide, avec un peu de séche-
resse et d'obscurité, l'usage de harangues de sa
propre composition qu'il met dans la bouche de
ses personnages. Mais son récit de l'expédition des
Athéniens en Sicile et la description de la fameuse
peste d'Athènes sont d'une éloquence admirable.
L'ouvrage de Thucydide fut publié par Xéno-
phon (né en Attique vers 445), qui en écrivit lui-
même une continuation sous le titre d'Heiréniques.
Les Helléniques sont une œuvre médiocre et par-
tiale. Mais on a de Xénophon un autre livre plus
intéressant, YAnabase, où il raconte l'expédition de
Cyrus le Jeune dans la Haute-Asie et la retraite
des Dix-Mille qui suivit la bataille de Cunaxa.
L'Anabase tient à la fois des mémoires et du li-
vre d'histoire ; le charme principal de ce livre est
dans la simplicité modeste avec laquelle le narra-
teur rapporte les événements terribles auxquels il
a été mêlé.
A Xénophon succédèrent différents historiens,
Ephore,Th6opompe,Tiniée, etc., dont les noms seuls
nous sont connus : leurs ouvrages ont péri. Nous n'a-
vons même que cinq livres et des fragments assez
étendus des quarante livres que Polybe avait com-
posés sous le nom à Histoire générale. Polybe, né
à Mégalopolis vers 206, fut envoyé comme otage
à Rome, où il résida dix-sept ans et où il devint
l'ami de Scipion Emilien. Il s'était proposé d'écrire
l'histoire des conquêtes de Rome, et de faire com-
prendre à ses concitoyens de la Grèce comment
et pourquoi un petit peuple obscur du Latium avait
grandi peu à peu et était devenu le mailre du
monde. Polybe est l'historien politique par excel-
lence, passionné pour la vérité, exact dans le récit
des faits, judicieux dans leur appréciation. C'est
lie tous les historiens anciens celui qui, par ses
(|ualités, se rapproche le plus des historiens mo-
dernes.
HISTOIRE
— 9CT —
HISTOIRE
Bien inférieurs sont Denys d'Ilalicarnasse, qui
composa à l'époque d'Auguste VHistoire ancienne
de Home, dont nous n'avons qu'une partie, et Dio-
dore de Sicile, qui, sous le tiire de Bibliothèque
historique, avait compilé une histoire universelle
en quarante livres. Leur contemporain le géogra-
phe Strabon nous a laissé en dix-sept livres, sous
le nom de Géographie, une véritable encyclopédie
pleine de détails intéressants sur la géographie,
les mœurs et les institutions des anciens peuples.
On peut citer encore Josèphe, Juif né à Jérusalem
l'an 37 de notre ère, qui a écrit l'Histoire de la
guerre de la Judée sous "V^espasien, et un autre
livre intitulé les Antiquités judaïques.
Arrien,né dans les premières années du deuxième
siècle après J. -G. à Nicomédie en Bithynie, a raconté,
sous le titre à'Anabase emprunté à Xénophon,
l'histoire de l'expédition d'Alexandre, qu'il résume
d'après les relations originales qui existaient à son
époque. Cet ouvrage est intéressant, et peut être
placé, pour l'impartialité et le sérieux des recher-
ches, à côté de ceux de Thucydide et de Polybe.
Toutefois, le plus célèbre des historiens de l'é-
poque gréco-romaine est le biographe Plutarque,
né à Chéronée dans la Béotie vers le milieu du
premier siècle de l'ère chrétienne. Il s'était pro-
posé de montrer que la Grèce n'était pas infé-
rieure à Rome. A cet effet, il raconte alternati-
vement la vie d'un Grec illustre et celle d'un Ro-
main qui puisse lui être comparé, opposant par
exemple Alexandre à César et Démosthène à Ci-
céron. Des nombreuses Vies Parallèles qu'il avait
composées, quarante-huit seulement ont survécu.
On peut leur reprocher de n'être pas complètes, de
laisser dans l'ombre des faits souvent considé
râbles et de rapporter bien des anecdotes d'une
authenticité au moins douteuse. Mais comme dit J.-J.
Rousseau, « il a une grâce inimitable à peindre les
grands hommes dans les petites choses ; et il est
si heureux dans le choix de ses traits que sou-
vent un mot, un sourire, un geste lui suffit pour
caractériser son héros. » Les biographies de Plu-
tarque ont rendu son nom justement populaire
même auprès des modernes ; elles ont inspiré plus
d'une fois Shakespeare, et elles ont exercé une
grande influence sur des hommes de guerre
comme Henri IV et Napoléon, ou des écrivains
comme Montaigne, Montesquieu et Rousseau.
2° Historiens 7'omains. — A Rome, l'histoire fut
traitée par les patriciens : c'était le seul genre
littéraire qu'ils pussent aborder sans déroger. Mais
leurs annales, sèches, arides, furent bientôt effa-
cées par les œuvres magistrales que vit éciore la
fin de la république romaine. Le premier en date
parmi les écrivains romains qui méritent le titre
d'historien estSalluste, né en 86, mort l'an 36 avant
notre ère. Salluste débuta par l'histoire de la Cons-
piration de Catilina, où il manque d'impartialité.
Son récit de la Guerre de Jugurtha est bien supé-
rieur; gouverneur de la province d'Afrique, il
avait pu se procurer tous les documents nécessai-
res, et prendre par lui-môme une connaissance
exacte des lieux où les événements s'étaient pas-
sés; en outre, nulle passion politique n'altérait la
justesse de ses appréciations. De son Histoire
romaine écrite en cinq livres, il ne nous reste que
quatre ou cinq ^discours et des fragmenta insi-
gnifiants.
César, né l'an 100, mort le 15 mars 44 avant J,-C.,
raconta en sept livres, sous le nom de Commen-
taires, ses campagnes en Gaule et la difficile con-
quête de cette contrée. Un huitième livre joint aux
Commentaires est attribué à Hirtius, ainsi <iue
les trois livres de Mémoires sur la guerre civile.
Les Commentaires justifient bien leur nom : ce
sont des souvenirs consignés par écrit au jour le
jour, sans prétention, des matériaux amassés à
l'usage de ceux qui voudraient faire plus tard
riiistoire de ces campagnes : mais rien n'égale
leur précision, et on n'a pas surpassé la simpli-
cité, l'élégance et la rapidité du style. Cet ouvrage
est surtout précieux pour les Français, à cause
des renseignements uniques qu'il leur donne sur
la géographie ancienne de leur pays, et sur les
mœurs et le caractère des Gaulois, nos ancêtres.
Nous nous bornerons à mentionner les Vies des
excellents capitaines de Cornélius Nepos, auteur
contemporain de César, mais dont l'ouvrage ne
nous est parvenu qu'en abrégé.
Nous n'avons plus qu'en partie l'Histoire ro-
maine de Tite-Live, né à Padoue l'an 59 avant J.-C.
et mort l'an 18 de notre ère. Sur les cent quarante-
deux livres que comprenait cet ouvrage gigantes-
que, il nous en reste trente-cinq avec des frag-
ments de quelques autres. Mais nous en avons
assez pour pouvoir apprécier cette œuvre considé-
rable, qui excita l'admiration des Romains par
l'éloquence du style et l'ampleur luagistrale des
développements. Toutefois on reproche à Tite-Live
d'être plus orateur qu'historien au sens moderne
du mot, et de sacrifier parfois la vérité au souci
qu'il a de la gloire du peuple romain. Entre deux
récits différents du même fait, il choisit non le
plus autorisé, mais celui qui est à l'avantage de sa
patrie. Loin de s'en cacher, il déclare fièrement
dans sa préface que les peuples vaincus par
Rome doivent se soumettre à cette prétention
avec autant de résignation qu'à son empire.
Après Tite-Live, nous rencontrons des histo-
riens secondaires, auteurs d'abrégés d'histoire ro-
maine, comme Florus et Velléius Paterculus. Quinte-
Curce, qui appartient comme eux à l'époque
classique, écrivit VHistoire des exploits a'Alexun-
dre le Grand. Son ouvrage laisse beaucoup à dé-
sirer sous le rapport de l'exactitude ; c'est une
œuvre de rhétorique pompeuse plutôt qu'un livre
d'histoire.
Justin (u* siècle) n'est que le sec abréviateur de
l'Histoire universelle de Trogue Pompée, écrivain
du I"' siècle. Suétone, auteur des Vies des douze
Césars, vécut sous Trajan et Adrien. Ses biogra-
phies sont remplies d'anecdotes intéressantes.
Mais ce sont des récits sans art, sams méthode et
presque sans style. Ce n'est pas de l'histoire, ou,
comme on l'a dit avec esprit, « c'est de l'iiistoire
d'antichambre, u
Tous ces noms pâlissent auprès de celui de
l'historien Tacite, né vers l'an 52 de notre ère et
mort dans les premières années du règne d'Adrien.
Tacite a composé successivement une étude litté-
raire sur l'éloquence de son temps sous le nom
de Dialogue des orateurs; la Vie d'Agricola, son
beau-père, qui fit la conquête de la (Grande-Bre-
tagne ; les Mœws des Germains, ouvrage précieux
pour la connaissance des peuples qui habitent au
delà, du Rhin ; les Histoires, en quatorze livres,
dont quatre et demi seulement nous sont parve-
nus : cet ouvrage comprenait le récit des événe-
ments accomplis de l'an 68 à l'an 96 de notre ère ;
enfin les Annales, en seize livres, qui commen-
cent à la mort de l'empereur Auguste et racontent
le règne de ses successeurs jusqu'en 68, date de la
mort de Néron ; sur les seize livres des Annales,
quatre sont mutilés et trois sont complètement
perdus.
Malgré les mérites de premier ordre que pré-
sentent les autres ouvrages de Tacite, les An-
nales sont celui qui a rendu son nom le plus
populaire. Un écrivain du xviiie siècle a pu dire
de lui et de cette œuvre : « Dix pages de
Tacite apprennent plus à connaître les hommes
que les trois quarts des histoires modernes en-
semble. C'est le livre des vieillards, des philoso-
phes, des citoyens, des courtisans^ des princes. Il
console des hommes celui qui en est loin : il
éclaire celui qui est forcé de vivre avec c\. )j Ce-
HISTOIRE
— 0C8 ~
HISTOIRE
pendant, on a reproché avec raison à Tacite de trop
écouter sa passion, ses préjugés d'aristocrate ou
d'écrivain. 11 croit le mal et le voit partout, n II a
trop d'esprit, dit Fénelon, il raffine trop ; il attri-
bue aux plus subtils ressorts de la politique ce
qui ne vient souvent que d'un mécompte, que
d'une humeur bizarre, que d'un caprice. » Il man-
que parfois d'exactitude et vise trop à frapper
l'esprit de ses lecteurs par l'originalité de son
style et le tour forcé de ses expressions.
Tacite n'est pas le dernier en date des historiens
romains. Mais on ne trouve après lui que des
compilateurs, des auteurs d'abrégés. Le seul nom
qui mérite d'être mentionné encore est celui d'Ani-
mien Marcellin, qui vécut vers 350 et a raconté
YHistoire de Vempire romain depuis le temps
des Flaviens jusqu'au règne de Valens. Son his-
toire a de la valeur au point de vue de l'exacti-
tude, mais son style se ressent trop de l'époque
de décadence à laquelle il appartient.
Les historiens au moyen âge et dans les temps
modernes jusqu'au dix-huitième siècle. — Moyen
âge. Chroniqueurs. — L'histoire au moyen âge
resta longtemps enfermée dans les cloîtres et se
réduisit à des chroniques succinctes et vides où
les événements religieux occujient la première
place. Il faut en excepter cependant YHistoire des
Francs, par Grégoire, évêque de Tours (639-.^95),
qui va de l'an 417 à l'an 591, et qui est un des
ouvrages les plus précieux pour les premiers
temps de notre histoire. Mais le premier monu-
ment dhistoire écrite par des laïques et en fran-
çais est ï Histoire de In conquête de Constanti-
nople, composée par Geoffroy de Villehardouin,
maréchal de Champagne, né au milieu du dou-
zième siècle et mort en Thessalie vers 1213. Vil-
lehardouin raconte avec naïveté et simplicité les
événements auxquels il a pris part, cette qua-
trième croisade qui, dirigée à l'origine contre les
musulmans, s'arrête en route, s'empare de Con-
stantinople et y fonde un empire français de courte
durée. Son style est grave et concis, ses phrases
sont brèves et nettes. C'est un soldat qui parle,
mais il ne manque pas d'éloquence à l'occasion.
Les descriptions que le rude guerrier d'Occi-
dent fait des richesses des Grecs sont intéres-
santes par le naïf étonnement qu'elles expri-
ment. Ecoutons-le parler du somptueux butin
gagné par les Croisés : « Et fut si grand le gain
faict, que nul ne vous en sauroit dire la fin, d'or et
d'argent, et de vasselement, et de pierres pré-
cieuses, et do samis (velours), et de drap de soie,
et de robes vaires et grises, et hermines, et tous
les chers avoirs qui onques furent trouvés en
terre. Et bien témoigne JofTroi de Villehardouin,
li mareschaus de Champaigne, à son escient pour
vérité, que puis que le siècle fut estoré, ne fut
tant gaigné en une ville. »
C'est encore une croisade, la septième, qui forme
le principal sujet de la chronique de Jean, sire de
Joinville, né en 1223, mort en 1:517. Joinviile sui-
vit Louis IX à la croisade de 1248 ; il fut le confi-
dent de ses pensées, et partagea sa captivité. Il a
raconté dans ses intéressants Mémoires, non seu-
lement l'histoire de la croisade, mais la vie et les
vertus du saint roi. C'est un causeur naïf qui rap-
porte ses expressions et ses souvenirs, et les mêle
de la manière la plus agréable aux grands faits his-
toriques dont il a été témoin. « Et ainsi que j'ai-
lois, dit-il, de Bleicourt à Saint-Urbain, et qu'il
me falloit passer auprès du chastel de Joinville, je
n'osai oncques tourner la face devers Joinville,
de peur d'avoir trop grand regret, et que le cœur
me attendrist, de ce que je laissois mes deux
enfants et mon bel chastel de Joinville que j'a-
vois fort au cœur. » Le style des mémoires de
Joinville ne porte plus la trace de cette espèce de
contrainte qui pèse encore sur l'histojre de Ville-
hardouin. 11 est facile, simple, aisé, et assaisonné
d'un gruiii de fine naïveté champenoise. Son en-
jouement ne l'abandonne pas au milieu des plus
grands périls. « Et désormais que ces villains
Turcs, qui estoient à pié, faisoient presse à ces
héraulx, nous leur courions sus et tantoust s'en-
fuyoient. Et ainsi que nous estions là gardans ce
poncel (pont), le bon comte de Soissons, quand
nous estions retournez de courir après ces villains,
se raillait avecques moy et me disoit : Senneschal,
lessons crier et braire cette quenaille (canaille).
Et par la creffe Dieu, ainsi qu'il juroit, encore
parlerons-nous vous et moy de cette journée en
chambre devant les dames. » S'il arrive à l'élo-
quence, comme dans le récit de la captivité de
saint Louis et dans celui de sa mort, il le doit
moins aux efforts de l'auteur pour rendre son
récit dramatique qu'à l'héroïsme même de Louis
IX et à cette grandeur d'âme qui jamais ne se
démentit.
Le sire de Joinville nous montre le côté touchant
et religieux du moyen âge ; avec le chanoine Frois-
sart (né à Valenciennes vers 1333, mort en 1410),
nous en voyons le côté chevaleresque, batailleur
et frivole. Clerc mondain, grand joueur, beau chas-
seur, ami des coups d'épée, Froissart court le
monde. Il est tour à tour secrétaire de la reine
d'Angleterre Philippe de Hainaut, et trésorier de
l'église de Chimay. Mais il va partout où il y a
des fêtes et des tournois, en Angleterre, en Italie,
en Hollande, en Espagne, payant son hospitalité
en récits où la vérité n'est pas toujours respectée.
Au sortir d'une fête, d'un repas, d'une conversation,
ii prend des notes et raconte ce qu'il a vu ou en-
tendu, indifférent au bien, au mal, et surtout au
sentiment de la patrie. Aussi la Chronique de Frois-
sart, qui s'étend depuis 1326 jusqu'en 1400, est-
elle confuse, mal ordonnée, vagabonde comme
l'auteur, et mêle-t-elle souvent, dans les mêmes
chapitres, aux faits de l'histoire de France, les ren-
seignements sur les pays les plus lointains. Le
style en est souvent traînant, mais il s'anime et
devient leste et facile quand l'imagination de l'au-
teur est vivement frappée. Voici son récit de l'é-
lévation de Duguesclin au rang de connétable :
« Adonc escripsit le roi devers lui et envoya certains
messages qu'il vînt parler à lui à Paris. Quand
messire Bertran se vit spécialement mandé, si ne
se voult mie (pas) excuser de venir vers le roi de
France, pour savoir quelle chose il vouloit .: si se
partit au plus tost qu'il pust, et envo3a la plus
grand part de ses gens es garnisons qu'il avait
conquises; puis chevaucha tant par ses journées
qu'il vint en la cité de Paris où il trouva le roi et
grand foison des seigneurs de son liostel et de
son conseil, qui le recueillirent liement (avec joie)
et lui firent tous grand révérence. Là lui dit et
remontra le roi, comment on l'avoit eslu et advisé
à estre connestable de France. Adonc s'excusa
messire Bertran grandement et saigement, et dit
qu'il n'en estoit mie digne, et qu'il estoit un po-
vre chevalier et un petit bachelier, au regard des
grands seigneurs et vaillans hommes de France,
combien que fortune l'eust un peu advancé. Là lui
dit le roi qu'il s'excusoit pour néant et qu'il con-
venoit qu'il le fust; car il estoit ainsi ordonné et
déterminé de tout le conseil de France, lequel il
ne vouloit pas briser Messire Bertran connut
bien que excusances qu'il sçust faire ni pu?;t mon-
trer ne valoient rien ; si s'accorda finalement à
l'opinion du roi ; mais ce fut à dur et moult envis
(malgré soi). Là fut pourvu à grand joie messire
Bertran du Guesclin de l'office de connestable de
France; et, pour le plus advancer, le roi l'assit
delez lui à sa table; et lui monstra tous les signes
d'amour qu'il put; et lui donna avec l'office plu-
sieurs beaux dons et grands terre et revenus, en
héritages pour lui et pour ses hoirs. Et en cesl«
HISTOIRE
— 909 —
HISTOIRE
promotion mit grand peine et grand conseil le
duc d'Anjou. »
Les Mémoires, aux quinzième, seizième et dix-
septième siècles. — Froissart termine le moyen âge.
Un monde nouveau commence avec Philippe de
Commines, sieur d'Argenton, né en 1445 en Poi-
tou, mort en 1509. Les Mémoires de Commines
ont pour objet les règnes de Louis XI et de Char-
les VIJI, de 1464 à 1498. L'auteur est un politique,
fin, rusé, plein d'admiration pour l'intrigue, et qui
fait de Louis XI son héros. Le roi, qui trouvait en
lui un élève capable de le comprendre, se plaisait
à lui révéler les ressorts de sa politique tortueuse,
et l'initiait à ses projets secrets. Commines, re-
connaissant, a consacré ses mémoires à l'éloge de
Louis XI. Digne contemporain de Machiavel, il
n'a aucun scrupule moral, et il ne blâme que les
actes qui ne réussissent pas. Aussi est-il sincère,
et se propose-t-il d'écrire seulement ce qu'il a vu
par lui-même ou sur des témoins dignes de foi.
C'est à lui que La Fontaine doit la fable de l'Ours
et les deux Compagnons. Les ambassadeurs de
Louis XI faisant de la part de leur maître les
plus belles promesses à l'empereur d'Allemagne
Frédéric III le Pacifique, celui-ci leur répondit
par cet apologue. Commines le reproduit. En voici
la conclusion : « Celui qui avoit été dessus l'arbre
demanda à son compagnon, par serment, ce que
l'ours lui avoit dit en conseil, qui si longtemps lui
avoit tenu le museau contre l'oreille. A quoi son
compagnon lui répondit : Il me disoit que jamais
je ne marchandasse de la peau de l'ours, jusques
à ce que la bête fust morte. »
Le seizième siècle est riche en mémoires.
Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche,
n'a rien écrit. Mais ses mémoires ou plutôt sa bio-
graphie ont été composés par un écrivain anonyme
qu'on appelle le Loyal serviteur, et qui nous a
transmis tous les faits de cette vie héroïque. On
l'a comparé à Joinville, tant il a comme lui de
naïveté, de naturel, et d'élégance dans sasimplicité.
Le gentilhomme breton François de la Noue, dit
Bras de fer (il avait remplacé son bras gauche fra-
cassé par un bras de fer), raconte aussi ses cam-
pagnes dans ses Discours politiques et militaires.
Son style est grave, plein d'originalité et de sail-
lies. 11 était ué en lôlil, et mourut en 159i au
siège de Lamballe, frappé d'une balle au front, et
pleuré d'Henri IV qui avait pour lui la plus grande
estime.
D'un tout autre caractère est Pierre de Bour-
deilles, plus connu sous le nom de Brantôme, né
en Périgord en 1540, mort en 1614. Malgré la défa-
veur que les œuvres légères de Brantôme ont
attachée h son nom, «a verve gasconne fait lire
avec intérêt ses mémoires sur les Personnages
illustres de la France et de Vêtranger, ses Vies des
dames illwiires, etc. Il a parfois des élans de sen-
sibilité qui produisent une vive impression sur
l'âme des lecteurs. On n'a pas surpassé le récit
qu'il fait de la mort de Marie Stuart. Il en avait
connu tous les détails par deux dames attachées
h. la personne de la reine d'Ecosse, et il a atteint
l'éloquence en les reproduisant.
C'est un Gascon aussi et un rude batailleur que
Biaise de Montluc, né en 1501 à Condom et mort
en 1577. S'il écrit ses Commentaires, cette « Bible
du soldat », comme disait Henri IV, c'est qu'il a
soixante-quinze ans, qu'il est estropié de tous ses
membres, défiguré, et obligé de porter un masque
sur le visage. Il a pris part pendant cinquante-
cinq ans à tous les combats des guerres d'Italie et
de religion, n'épargnant ni lui ni les autres. Il
raconte ses combats avec une verve qui leur donne
la vie et le mouvement. Il amuse le lecteur, et le
fait aussitôt après frissonner par le récit des cruau-
tés qu'il a commises de sang-froid, et dont il ne
semble pas avoir conscience.
Agrippa d'Aubigné, né en Saintonge en 1.552,
mort en 1630, est un protestant, ami d'Henri IV
qui le pressa vainement d'abjurer comme lui. Il a
composé un grand nombre d'ouvrages, des poésies
remarquables, des pamphlets et des satires pleins
de verve et d'esprit. Il a écrit en outre une His-
toire universellt', dont la préface est un chef-d'œu-
vre, et des Mémoires ou Histoire de sa vie. Il y
raconte d'une manière vive et animée les épisodes
romanesques de son existence si agitée et si bien
remplie. Mais on est en droit de suspecter sa vé-
racité et ses appréciations empreintes de partia-
lité.
Un des contemporains de d'Aubigné s'est chargé
de rétablir les faits altérés par lui. C'est Pierre de l'Es-
toile, grand audiencier de la chancellerie de France,
né à Paris en 1540, mort en 1611. Dès l'année 1574
jusqu'à sa mort, il a rédigé un journal de tous les
événements qui venaient à sa connaissance. Sa
position à la cour lui a permis de connaître la
vérité dans bien des circonstances, et le recueil
volumineux qu'il a composé sera toujours consulté
avec fruit par les historiens du seizième siècle. Il
ne se préoccupe que de l'exactitude et n'a nul
souci de la beauté littéraire. ■>
Bien que publiés en 1634, les Mémoires de Sully
appartiennent au seizième siècle par le style et
par les événements que l'auteur raconte. Ce fidèle
ami et ministre d'Henri IV, né en 1560 à Rosny, ^
mort en 1641, débute par un rapide exposé de
ses premières années, puis s'étend longuement ;
sur son administration et sa vie politique si inti- ;
moment liées avec celles de son souverain. Ces
mémoires sincères nous rendent Henri IV plus
vivant et plus noble que ne l'eût fait le panégyri-
que le plus habile. 'Toutefois, la forme singulière
sous laquelle il les présente (Sully suppose que
ses secrétaires le font ramentevoir de sa propre
vie) leur ôte du charme et ajoute à leur longueur.
Les mémoires au xvti' siècle ne sont pas moins
nombreux qu'au seizième. Parmi les principaux se
placent ceux de Paul de Gondi, cardinal de Retz,
né à Montmirail en 1614, mort en 1679. On y voit
revivre les intrigues de ce politique aventureux,
et les agitations stériles de la Fronde où il eut une
si grande part. Les portraits abondent dans son
récit et y sont tracés de main de maître. 11 ne man-
que même pas d'éloquence quand il raconte la
journée des banicadns (1648) et qu'il représente
le premier président JMathieu Mole se rendant au
Palais-Royal « au petit pas dans le feu des injures,
des menaces et des blasphèmes » proférés par les
émeutiers.
C'est encore à la Fronde et !i l'histoire d'Anne
d'Autriche que se rapportent les mémoires du duc
de la Rochefoucauld, auteur des Maximes (1C05-
1680), et ceux de madame de Motteville (1621-1689).
Malgré le mérite littéraire du premier, on goûte
mieux la grâce, la sincérité demadamede Motteville.
Son afi'ection pour Anne d'Autriche, à la personne
de laquelle elle fut attachée, la rend parfois prolixe,
mais fait aimer son caractère.
Les mémoires du duc de Saint-Simon, né en 1675,
mort en 1755, et publiés seulement de nos jours,
nous présentent le tableau animé de la fin du
règne de Louis XIV et du commencement du règne
de Louis XV. Saint-Simon obtint sous Louis XIV
le grade de maréchal de camp, mais il ne joua de
rôle politique que pendant la régence du duc
d'Orléans, son ami. Il raconte les événements qui
se passent de 1691 à 1723. Mais la partie la plus
intéressante de ses longs mémoires est la peinture
qu'il fait de la cour et des mille intrigues qui s'y
nouent et s'y dénouent. Ses portraits, surtout, sont
justement célèbres, et ont été plus d'une fois com-
parés à ceux de Tacite. Il ne faut pas lui demander
l'impartialité : il n'a que des sarcasmes pour ses
ennemis et If^s marque de traits de feu « qui em-
HISTOIRE
— 070 —
HISTOIRE
portent le morceau, » pour nous servir d'une de
ses expressions.
Tout autre est le marquis de Dangeau, favori de
Louis XIV, membre de l'Académie française et do
l'Académie des sciences, sans avoir jamais rien
publié. Né en 1638, mort en 1720, il a laissé en
manuscrit un Journal de la cour de Louis XIV
(1680-1720) où il consigne chaque jour ce que le
roi a fait ou dit, n'omettant rien, même les méde-
cines qu'il prend. Ces notes sèches et sans mérite
ont pourtant fourni d'utiles indications aux histo-
riens de Louis XIV.
Nous nous bornerons à mentionner seulement les
mémoires de mademoiselle de Montpensier (la
grande Mademoiselle), nièce de Louis XIII, née
en 1627, morte en 1693, où elle raconte sa vie et
son triste mariage avec le fameux Lauzun; ceux de
madame de Caj^lus, nièce de madame de Maintenon ;
ceux du comte de Grammont, écrits par Hamilton
son beau-frère; ceux de madame de Lafayette
(1634-1693), relatifs à la princesse Henriette d'An-
gleterre, duchesse d'Orléans, et qui rapportent
d'une manière si touchante les circonstances de sa
mort prématurée en 1670; etc.
Nous arrêtons ici cette revue rapide des mé-
moires. Le xviii' siècle en a produit un grand nom-
bre, et déjà le xix^ siècle nous en a donné de très
remarquables, comme ceux de Chateaubriand et de
Guizot. Mais nous n'avons signalé ceux qui pré-
cèdent que parce qu'ils suppléaient à l'absence ou
ù l'insuffisance des Histoires proprement dites.
Nous nous hâtons donc de revenir aux histo-
riens.
Historiens en Italie au xvi' siècle. — Nous trou-
vons d'abord sur notre route en Italie deux histo-
riens célèbres du xvi« siècle. Machiavel, né à
Florence en 1469, mort en 1527, entre autres ou-
vrages a composé une Histoire de Florence de l'JOô
à 1424, dont les Italiens font le plus grand cas et
qu'ils ont comparée aux Ammles de 'Tacite. Dans
ses Discours sur Tite-Live, Machiavel se montre
profond penseur, et ouvre la voie à Montesquieu.
Le compatriote et le contemporain de Machiavel,
Guichardin, né en 1482, mort en 1540, est l'auteur
d'une Histoire d'Italie qui commence en 1490 et finit
en 1534. Cet ouvrage est, de l'aveu des meilleurs
juges, d'un mérite supérieur, et fait autorité au-
jourd'hui pour tous les événements qu'il raconte.
Il a été traduit en français.
Historiens français du xvi° siècle. — En France,
vers la fin du xvi« siècle, un grave magistrat, de
Thou (Paris, 1563-1617), qui eut l'honneur de pren-
dre part à la rédaction de l'éditde Nantes, conçut le
projet non plus d'écrire ses mémoires personnels,
mais de composer une histoire détaillée des faits
qu'il avait pu connaître. Il fouilla les archives, vi-
sita les cliamps de bataille, réunit une masse énorme
de documents officiels et authentiques, et composa
en 138 livre^Y Histoire de mon temps, &\\d,ni de 15i3
à 1607. De Thou a beaucoup des qualités de l'his-
torien ; il est exact, judicieux, éloquent, mais son
ouvrage manque de proportions, et les faits secon-
daires sont présentés avec un luxe de détails qui
nuit aux faits principaux. En outre, il s'est servi de
la langue savante de l'époque, du latin, et cette
circonstance, qui rehaussa la gloire de son œuvre
au xvi' siècle, explique l'oubli injuste où elle est
tombée aujourd'hui.
xvii' siècle. — Cependant l'histoire était fondée
en France. Eudes de Mézerai, né près d'Argentan
en 1610, mort en 1683, pensionné par Richelieu,
nommé historiographe du roi, entreprit d'écrire
l'Histoire de France. Cet ouvrage en 3 vol. in-folio,
qu'il fit précéder d'un abrégé en 3 vol. in- 12, est
remarquable par la justesse et l'indépendance des
idées; mais l'auteur fait trop peu de recherches et
adopte trop facilement des traditions fabuleuses.
On est en droit d'adresser les mômes reproches
à l'Histoire de France du Père Daniel, né h Rouen
en 1649. mort en i728.
L'abbé de Vertot (1635-1735), auteur des /<éyo/M-
tions du Portuçjal, des Hévolutions de Suède, des
Révolutions de la république romaine et de VHistoire
de l'ordre de Malte, a de rares qualités de style,
mais ne brille pas par l'exactitude. « Mon siège est
fait, » disait-il à quelqu'un qui lui apportait des
renseignements précis sur le siège de Pihodes, et
le mot est devenu proverbe.
En revanche, on loue VHistoire ecclésiastique, en
20 volumes, de l'abbé de Fleury, né en 1640 h Paris,
mort en 1723. La sévérité du sujet a nui à la po-
pularité du livre. Mais on lit encore avec fruit les
Mœurs des Israélites et les Mœurs des chrétiens
du même auteur.
Si VHistoire universelle de Bossuet, né à Dijon
en 1627, mort en 1704, n'est au début qu'un abrégé
chronologique, l'illustre évoque montre dans la
troisième partie de son ouvrage, les Empires, les
plus éminentes qualités de l'historien. Ses consi-
dérations sur l'Egypte, les Grecs et les Romains,
serviront plus tard de modèle à Montesquieu et à
tous ceux qui s'occuperont de histoire ancienne.
Historiens du xviii' siècl". — Rollin, né à Paris
en 1661, mort en 1741, publia en 1738 son Histoire
ancienne et son Histoire romaine. Ces deux ouvra-
ges ont eu une vogue extraordinaire ; cependant ils
ne contiennent que des extraits et des traductions
des historiens grecs et latins. Le stylo de Rollin
est simple, naturel, mais ses compilations n'of-
frent ni vues nouvelles ni recherches érudites.
Crévier (1693-1765J, disciple et ami de Rollin, a
continué VHistoire romaine de celui-ci. Il y a joint
une Histoire des enipereurs jusqu'à Coyiituntin,
conçue dans le même esprit. On estime en Crévier
la précision des faits, mais le style lourd et sec
rend la lecture de l'ouvrage fatigante.
La renommée de ces historiens, comme celle de
Dubos (1670-1742), auteur d'ouvrages oubliés, et
celle du président Hénault (1685-1770), auteur de
V Abrégé chro?iologique de l'histoire de France jus-
qu'à la mort de Louis XIV, pâlit devant la gloire
de Montesquieu * et de Voltaire *.
L'auteur des Lettres persanes et de VE^prit des
Lois publia en 1734 un volume assez court inti-
tulé : Considérations sur les causes de ia grandeur
et de la décadence des Romains. Cet ouvrage, ins-
piré par la lecture de Polybe, de Machiavel, de
Saint-Evremond (auteur du xvii« siècle qui a écrit
entre autres des Observations sur Salluste et
Tacite, et sur le génie du peuple romain), et de
Bossuet, est justement célèbre. C'est une vue phi-
losophique de l'histoire romaine qui répond au
titre du livre et qui est conçue dans le véritable
esprit de l'histoire.
En même temps que Montesquieu, Voltaire, tout en
cultivant la poésie, la philosophie, les sciences, abor-
dait l'histoire et la renouvelait. En 1730 il concevait
le projet d'écrire VHistoire du roi de Suède Charles
Xil, et composait un an après, sous ce titre,
un chef-d'œuvre d'exactitude et un modèle de nar-
ration intéressante et animée. Vers 1750 il publia un
ouvrage plus important, VHisloire du Siècle de
Louis XIV, auquel il travailla pondant vingt années.
Maigre certains défauts de composition, ce livre
est devenu classique. On y trouve les renseigne-
ments les plus précis, réunis avec un soin scrupu-
leux et appuyés sur des pièces justificatives.
L'Essai sur les tnœurs et l'esprit des natt.ms, qu'il
écrivit en 1757, est son ouvrage historique le plus
considérable, et le plus original par les vues plii-
losophicjues qu'il y a introduites. Eu revanche, le
Siècle de Louis XV, les Annales de l'Empire, VHis-
toire de la Russie sous Pierre le Grunu, VHistoire
du Parlement de Paris, sont des œuvres inférieu-
res, écrites avec précipitation et partialité.
Raynal, né en 1713, mort en 1796, a publié une
HISTOIRE
971
HISTOIRE
Histoire philosophique et politique des établisse-
ments et du commerce des Ewopéens dans les Deux
Indes, pleine d'erreurs, de lieux communs et de
déclamations ampoulées. Elle eut, lors de son ap-
parition, un instant de vogue, à cause de l'esprit
d'hostilité au catholicisme dans lequel elle est écrite.
L'abbé Barthélémy, né en 1716, mort en 1795, a
écrit sous le nom de Voyage du jeune Anacharsis
une histoire de la Grèce au siècle de Périclès. Son
érudition est sûre, exacte. Quoique le livre ait la
forme d'un roman, c'est un ouvrage qui a une
réelle valeur historique.
Citons enfin, à cause de la popularité dont elle
a longtemps joui, V Histoire de France d'Anquetil
(1723-18U6). Mais ce volumineux ouvrage n'a ni
précision, ni style, et on s'explique difficilement
son succès.
Historiens modernes et contemporains. — Nous
placerons en tète des histoiùens modernes, bien
qu'il appartienne au xviii' siècle, l'Italien Vico, né
à Naples en l(i68, mort en 1740. L'ouvrage qu'il a
publié en 1725, intitulé Principes d'une science
nouvelle relative à la nature commune des nations,
a posé les fondements de la philosophie de l'his-
toire et a exercé une grande influence sur les his-
toriens modernes par la profondeur de ses aperçus.
Nous rapprocherons de lui l'Allemand Herder,
né dans la Prusse Orientale en 174i, mort en 181.3.
L'ouvrage le plus célèbre de cet historien. Idées
sur l'histoire de l'humanité, reproduit quelques-
unes des théories de Vico, moins ses erreurs. Il
montre avec éclat la marche progressive de l'hu-
manité depuis l'antiquité jusqu'à nos jours. Il ne
s'égare que lorsque par de brillantes hypothèses
il cherche à pressentir les desseins de la Providence
et l'avenir réservé à l'homme.
France. — Chateaubriand, né à Saint-Malo en
nus, mort en 1848, n'est pas un historien propre-
ment dit, bien qu'il ait publié en 1831 des Études
ou Discoïirs historiques qu'il devait mettre en tète
d'une histoire de France qu'il méditait. Toutefois
certahies de ses œuvres littéraires, comme le Génie
du christianisnie et les Martyrs, ont attiré l'atten-
tion sur diverses questions historiques et ouvert
des routes nouvelles. Augustin Thierry se plaisait
à attribuer sa vocation à un passage des Martyrs
qui lui avait révélé la véritable histoire de France
à l'époque mérovingienne. Nous avons cité plus
haut \q% Mémoires rf'o«f>'e-to»26e de Chateaubriand,
tableau de son âme et de son siècle.
Sismondi est né à Genève, en 1773, d'une famille
protestante originaire de Pise. Mais il appartient à
la France par le séjour qu'il y a fait, par la langue
qu'il a employée et par ses ouvrages. Il publia d'a-
bord une Histoire des républiques italiemies en
Itj volumes (1807-1818), qu'il compléta en 1.S32 par
une Histoire de la renaissance de la liberté en
Italie. Mais son œuvre principale est l'Histoire des
Français (1824-1842) en 31 vol., monument im-
mense, plein d'érudition, où pour la première fois
furent rédigées les annales des peuples et non les
biographies des rois. Il en fit paraître un. résumé
en deux volumes. II mourut en 1842 avant d'avoir
mis la dernière main à son ouvrage.
Augustin Thierry, né en 1795 à Blois, mort en
185G, publia en 1820 son premier ouvrage, les Le^^rey
sur l histoire de France, où il développait des idées
neuves et profondes qui devaient régénérer notre
histoire. En 1821 parut son Histoire de la conquête
de L'Angleterre 'par les Normands, en 2 vol., faite
sur les documents originaux et à laquelle on ne
peut reprocher que certaines vues systématiques.
Quoique atteint de cécité, il lit paraître en 183'J
Dix ans d'études historiques, et en 1840 ses fa-
meux Récits MérovingieJis, si attrayants et bientôt
si populaires. Son Histoire de la formation et des
virigrès du Tiers-Etat (1853) est plus sévère, mais
est aussi remarquable.
Fr. Guizot, né à Nîmes en 1787, mort en 187 i,
débuta par de nombreux livres en tout genre avant
de se faire une place spéciale en histoire par son
Cours d'histoire moderne, et surtout par l'Histoire
générale de la civilisation en Europe, et l'Histoire
générale de la civilisation en France. Ces deux
derniers ouvrages sont devenus classiques. On y
admire la largeur des idées et la sûreté de l'éru-
dition. Grâce à la méthode originale de l'auteur,
aux conséquences qu'il sait tirer de quelques faits
bien choisis, on assiste à la genèse des sociétés
modernes, et l'on comprend par quelles transfor-
mations elles sont sorties du moyen âge. Guizot a
publié en outre des Mémoires pour servir à l'his-
toire de mon temps, qui ont pour but de raconter sa
vie politique et de justifier les actes de son mi-
nistère ; et l'Histoire de France racontée à mes
petits-enfants, qui a été achevée par M"'' de Witt.
Nous n'avons pas à parler ici du grand rôle poli-
tique joué par Adolphe Thiers, né à Marseille en
1797, mort en 1877. Nous ne parlerons que de
l'historien. De 1823 à 1827 il publia en 10 volumes
l'Histoire de la Révolution française, depuis 1789
jusqu'au 18 brumaire, qui obtint le succès le plus
extraordinaire. Elle compta plus de quinze éditions
en quelques années. On a reproché à l'auteur plu-
sieurs de ses jugements, une certaine tendance à
absoudre le succès, mais on s'accorde à louer la
clarté admirable du style et la connaissance appro-
fondie des faits et de toutes les questions. Ces qua-
lités se font remarquer à un plus haut degré encore
dans l'Histoire du Consulat et de l'Empire, en vingt
volumes, qui fut l'œuvre de sa maturité. L'ouvrage
est trop connu et trop universellement apprécié
pour qu'il soit nécessaire d'insister.
M. Mignet, né à Aix en 1796, s'est révélé comme
historien en 1821 par son Histoire de la Révolution
française de 1789 à 1814, en 2 vol., souvent réim-
primée et traduite dans toutes les langues. Ce ré-
sumé simple, clair, élégant est un chef-d'œuvre.
On retrouve les mêmes mérites dans les autres
œuvres de M. Miguet : Négociations relatives à la
succession d'Espagne, 1836-1842 ; Histoire de Marie-
Stuart, 2 vol., 1851 ; Charles-Quint, son abdication,
son séjour et sa mort au monastère de Saint-Just,
1851, etc.
Jules Michelet, né b, Paris en 1798, mort en 1874,
traduisit d'abord l'ouvrage de Vico, et commença
dès 1837 une Histoire de France en IG vol. (1837-
1867), dont les diverses parties forment en volumes
détachés autant d'histoires distinctes. L'Histoire
de la Révolution française en 7 vol. (1847-1853)
est la continuation de l'Histoire de France. Ce sont
les deux ouvrages principaux de cet historien plein
d'imagination, dont le style brillant et coloré fait
revivre les scènes qu'il raconte. Certaines parties
de ces livres sont des chefs-d'œuvre : telle est
l'histoire de Jeanne d'Arc, celle de Louis XI, la
géographie physique de la France, etc. On re-
proche à son Histoire de la Révolution française
d'être peu exacte dans le détail et trop passionnée.
Edgar Quinet, né àBourg en 1803, mort en 1875,
commença par traduire le livre de Herder sur la
philosophie de l'histoire (V. plus haut), en le fai-
sant précéder d'une introduction. Il publia ensuite
un ouvrage sur la Grèce moderne et ses rapports
avec l'antiquité, puis de nombreuses études sur
les épopées de ditt'érents peuples, enfin des ou-
vrages de toute sorte qui touchent à la fois à la
politique, à, la religion et à l'histoire. Parmi ses
ouvrages historiques proprement dits, nous cite-
rons son Histoire de la campagne de 1815, et son
livre sur la Révolution française.
VaulabcUe, né dans l'Yonne en 1797, mort en 1878.
se fit connaître en 1835 par une Histoire de l'E-
gypte inoderne, de 1801 à 1833, en 2 vol. Mais son
œuvre principale est l'Histoire des deux Restaura-
lions, pleine de recherches, et remarquable par la
HISTOIRE
972
HÎSTOIRE
bonne foi et la sûreté des renseignements. Le ré-
cit de la bataille de Waterloo est un modèle de
narration précise et éloquente à la fois.
M. Henri Martin, né en 1810 à Saint-Quentin,
est devenu populaire par son Histoire de France en
16 ou 19 volumes, que l'auteur a plusieurs fois
refondue et remaniée. C'est l'ensemble le plus com-
plet et le plus précis que nous ayons sur l'histoire
de notre pays. Patriote sincère, esprit libéral, cher-
cheur consciencieux, l'auteur ne livre rien à la con-
jecture, et soumet les faits aux lecteurs sans vou-
loir leur imposer ses opinions personnelles.
Nous aurions à citer encore bien des historiens
français contompoiains; mais nous n'en parlerons
pas, parce qu'ils sont vivants et que leurs œuvres
n'ont pas encore reçu de l'opinion publique cette
sorte de consécration qui nous a permis d'appré-
cier celles de MM. Mignet et Henri Martin.
Italie. — L'historien italien Cantù est né dans le
Milanais en 1805. Entre autres ouvrages, il a publié
une Histoire universelle en 19 vol.. qui a été tra-
duite dans toutes les langues. Elle présente de
nombreuses qualités, mais l'auteur se montre trop
souvent hostile à la Franco et aux idées modernes.
Il a publié depuis une Histoire des cent deimières
minées (1851), et une Histoire des Ualiens (1859).
Angleterre. — Des le dix-huitième siècle, l'An-
gleterre a compté des historiens éminents qui ont
apporté dans l'histoire un esprit véritablement
moderne. Tel est Hume, né à Edimbourg en 1711,
mort en 1776, philosophe et historien, dont l'ou-
vrage le plus célèbre est une Histoire d'Angletei're
qui parut en 1754.
Tel est aussi Robertson, né en Ecosse en 1721,
mort en 1793. On estime son Histoire d'Ecosse
sous Marie et Jacques VI (1759), et son Histoire de
Charles-Quint (1769). Mais son ouvrage le plus
célèbre est YHistoire de VAmérique (1777), re-
marquable par son exactitude, la beauté du style
et l'indépendance des idées.
Gibbon, né à Putney en 1737, mort en 1794, pu-
blia d'abord en français un Es-ai sur l'étude de la
littérature. Son œuvre principale est YHistoire de
la décadence et de la chute de l'empire roynain
(1776-1787), qui a été traduite en français et com-
mentée par Guizot. Elle obtint un grand succès,
grâce à l'exactitude des faits et à l'art avec lequel
ils sont présentés.
Lingard, né près de Lancastre en 1769, mort en
1851, a composé une grande Histoire d'Angleterre
depuis l'invasion des Piomains jusqu'à la révolu-
tion de 1688, qui avait pour but de répondre aux
attaques dirigées par Hume contre les catholiques.
Elle fait aujourd'hui autorité en Angleterre.
Grote, né à Clayhill en 1794, est l'auteur d'une
Histoire de la Grèce en 12 vol., pleine de recher-
ches intéressantes et qui a renouvelé l'histoire grec-
que. Il est mort en 1871.
Le plus célèbre des historiens anglais contempo-
rains est Macaulay, né à Rothey-Temple en 1810,
mort en 1859. Il pubha en 1843 trois volumes inti-
tulés Essais de critique et d'histoire, formés de
biographies qui avaient paru dans différents re-
cueils. Son œuvre principale est YHistoire d'Angle-
terre depuis le règrie de Jacques II, en 4 vol., qui
a commencé à paraître en l!s4S, et a été interrom-
pue par la mort de l'auteur. Elle va jusqu'à la
paix deRyswick. On a publié depuis son Histoire
ae Guillaume III, en 4 vol. Le style surtout a fait
de Macaulay, et même de son vivant, un auteur
classique.
Etats-Unis d'Amérique. — Washington Irving,
né à New-York en 1783, mort en lS5i), est célèbre
surtout par les ouvrages qu'il a consacrés à Chris-
tophe Colomb : Histoire de la vie et des voyages de
Christophe Colomb, 1828; Voyages et découvertes
de Christophe Colomb, 1831. On cite encore la
Conquête de Grenade. 1829; VAlhamhra, 1832;
Mahomet et ses successeurs, 1849. Les Américains
estiment beaucoup la Vie de Washington, en 4 vol.,
qui a paru en 1855. Il est plein d'esprit, d'humour,
et il donne à l'érudition une forme agréable.
Prescott, né h. Salem dans le Massachusetts en
179C, mort en 1859, a écrit plusieurs biographies
estimées. Ses ouvrages principaux sont relatifs à
l'Espagne : Histoire de Ferdinand et d'Isabelle la
Catholique, 3 vol. (1838) ; Histoire de la conquête
du Mexique (1843); Histoire de la conquête du
Pérou (1847). Sa dernière œuvre. Histoire de Phi-
lippe II, en 2 vol. '1855), est inachevée. C'est un
historien consciencieux. On admire l'ordre, la dis-
position de ses ouvrages, ses descriptions pittores-
ques, son style énergique et coloré.
Allemagne. — Niebuhr, Danois d'origine, né à
Copenhague en 1776, mort professeur à Bonn en
1831, est l'auteur d'une célèbre Histoire rom'iine
dont les différentes parties ont été composées à de
longs intervalles. Il a exercé surtout une grande
influence par la critique à laquelle il a soumis l'ou-
vrage de Tite-Live . On peut ne pas admettre
toutes ses conclusions, mais il est impossible au-
jourd'hui de croire à l'histoire des rois de Rome
telle que Tite-Live la raconte.
Ranke, né en Thuringe en 1795, est célèbre par
un livre impartial et judicieux sur les Papes ro-
mains, leur Eglise et leur état au seizième et au dix-
septième siècle. Comme contre-partie il a écrit
l'Histoire de l'Allemagne au temps de la réforme,
en 6 vol., 1839-1847. On a encore de lui quelques
autres ouvrages historiques moins importants.
Raumer, né à Wœrlitz en 1781, est l'auteur d'ou-
vrages divers relatifs à l'histoire et à l'économie
politique. Son œuvre la plus importante est YHis-
toire des Hohenstaufen et de leur temps, 6 vol.,
1820 à 1825, qui eut un grand succès. Il a composé
depuis une grande Histoire de l'Europe depuis la
fin du quinzième siècle (1832-1858). Il est mort en
1873.
M. Gervinus, né àDarmstadt en 1805, a composé
beaucoup de livres d'histoire. L'un des plus célè-
bres est intitulé : Insurrection et régénér'ation de
la Grèce, et parut en 1863. Il a écrit en outre une
grande Histoire du dix-neuvième siècle depuis les
traités de Vienne, qui a été traduite en français
(1864-1868), et qui fait autorité dans la diplomatie.
M. Mommsen, Danois comme Niebuhr, né en
1817, est aujourd'hui professeur à Berlin. Son
principal ouvrage est une Histoire romaine, en 8
vol, (1853-1856J, qui a été traduite en français.
Mommsen est un historien éminent, plein de sa-
gacité et de finesse, mais qui s'abandonne trop à
des hypothèses ingénieuses et sans solidité.
[■Victor Cucheval.]
HISTOIRE GÉNÉRALE, HISTOIRE DE
FRANCE. — Après avoir donné ci-dessus, à l'ar-
ticle//w/oiVe, la définition de l'histoire et quelques
détails sur les principaux historiens, nous plaçons
ici sous les yeux du lecteur les programmes du
double cours d'histoire que contient ce diction-
naire : Histoire générale et Histoire de France.
Nous les faisons suivre du programme officiel
français et de quelques programmes étrangers ;
nous eussions pu donner un plus grand nombre
de ces derniers : nous avons préféré nous borner
à deux ou trois spécimens choisis parxui ceux qui
nous ont paru intéressants.
PROGRAMME D'HISTOIRE GÉNÉRALE
I. — Les premiers hommes. — Extrême Orient.
— \. Préhistoriques {populations}, Races humaines,
Imle, Orient, Moiigols.
II. — Assyrie et Chaldée. — V. Assyrie, Chaldée,
Elnm, Cunéiforme (Ecriture).
III. — Kgypte. — Egypte, Hiéroglyphes
HISTOIRE
973
HISTOIRE
V. Israélites,
IV. — Israélites et Phéniciens
Phéniciens. V. aussi Juifs.
V. — Perses. — V. Perse, Médie, Alexandre.
VI. — La Grèce avant les guen'es médiques. —
V. Grèce. V. aussi Guerre de Thèbes, Guerre des
Epigones, Guerre de Troie, Guerres de Messénie,
Guerres Sacrées.
VII. — Les guerres médiques. — V. Grèce, V. aussi
Guerres Médiques, Guerres de Messénie.
VIII. — Périclès. Guerre du Péloponèse. Déca-
dence de la Grèce. Philippe. — V. Grèce. V. aussi
Siècle de Périclès, Guerre du Péloponèse, Guerre
sociale, Guerres Sacrées, Macédrnne.
IX. — Alexandre et ses conquêtes. — V. Grèce,
Alexandre, Macédoine.
X. — Fin de la Grèce. — V. Grèce, Macédoine.
XI. — Rome jusqu'aux guerres puniques. — V.
Rome.
XII. — Guerres puniques. Troubles civils jusqu'à
Sylla. — V. Rome. V. aussi Guerres Puniques.
Guerre Inexpiable, Guerres de Macédoine, Guerre
de Numance, Guerre de Jiigurtha, Guerre Sociale,
Guerre de Mithridate, Guerre des Pirates, Guerres
Servi les.
XIII. — Le premier triumvirat. César. — V. Rome.
V. aussi Gaule, Germains, Guerre Civile.
XIV. — Le second triumvirat. Auguste. — V. Rome.
V. aussi Guerre de Modène, Gaule, Germains, Siè-
cle d'Auguste.
XV. — Les deux premiers siècles de l'empire
romain. — V. Rome. V. aussi Gaule, Germains,
Christianisme.
XVI. — Le christianisme. Fin de l'empire romain.
Invasion des barbares. — V. P,ot7ie, Christianisme,
Germains, Barbares.
XVII. — Les royaumes germains. Mahomet.
Charlemagne. — V. Barbares, Clovis, Mérovingiens,
Arabes, Mahomet, Khalifes, Charlemagne, Papauté.
XVIII. — Fondation des nations modernes. Féoda-
lité. Croisades. Communes. — V. Féodalité, Che-
valerie, Servage, Croisades, Communes. V. aussi
Normands, Khalifes, Louis le Débonnaire, Charles
le Gi-os, Conrad I", Henri I" l'Oiseleur, Othon I",
Hugues Capet, Edouard le Confesseur, Guillaume
le Conquérant, Louis VI, Louis Vil, Louis IX,
Phiiippe-A uguste, Plantage7iets.
XIX. — Lutte entre la papauté et l'empire. France
et Angleterre. — V. Papauté, Allemagne, Gueri-e de
Cent Ans. V. aussi He7iri IV de Franconie, Henri V,
Hohenstaufen, Frédéric I" Bar berousse, Frédéric II,
Habsbourg. Luxembourg, Plantagenets, Lancastre,
Philippe le Bel, Philippe VI, Jean le Bon, Charles V,
Charles VI, Charles VII, Jeanne d'Arc, Communes.
XX. — Fin du moyen âge. Les Turcs. — V. Moyen
âge, Turquie, Grèce, Mongols, Guerre des Deux-
Roses. V. aussi Louis XI, Charles le Téméraire,
Guerre de Bourgogne, Papauté, Guerre des Hussi-
tes, Luxembourg, Habsbourg, Lancastre, Planta-
genets, Tudors.
XXI. — Commencement des temps modernes. Re-
naissance, inventions, découvertes. — V. Renais-
sance, Inventions, Découvertes, Colonies. V.- aussi
Guerres d'Italie, Siècle de Léon X, Charles VIII,
Louis XII, Habsbourg, Ferdinand le Catholique,
Tudors.
XXII. — Maison d'Autriche. Guerres d'Italie.
Réforme religieuse. Guerres de religion au sei-
zième siècle. — V. Guerres d'Italie, Réforme,
Guerre des pai/sans, Guei^es de religion. V. aussi
François I", Charles-Quint, Mexique, Pérou, Phi-
lippe II, Guillaume le Taciturne, Marie Sluart,
CharleiIX, Henri III, Heîiri IV, Habsbourg, Tudors,
Gustave Wasa, Protestantisme, Siècle {seizième).
XXIII. — De la paix de Vervins à la paix de West-
plialie. — \. Guerre de Trente Ans. \. aussi Henr il V,
Louis XIII, Richelieu, Mazarin, Gustaie- Adolphe,
Jacques I", Charles I", Cromwell, Siècle (dix-
septième).
XXIV. — Louis XIV et son temps. — \. Louis XIV.
V. aussi Mazarin, Guerre de dévolution. Guerre
de Hollande, Guerre de la ligue d'Augsbourg,
Guerre de la succession d'Espagne, Charles II,
Jacques II, Guillaume III, Habsbourg, Charles XII,
Siècle {dix-septième).
XXV. — Dix-huitième siècle. — V. Régences,
Louis XV, Guerre de la quadruple alliance. Guerre
de la succession de Pologne, Guerre de la succession
d'Autriche, Guerre de Sept ans, Marie-Thérèse,
Frédéric II, Louis XVI, Guerre d'Amérique. Révo-
lution française. Directoire. V. aussi Habsbourg,
Charles VI, Charles VII, Joseph II, François II,
Philippe V, Charles III, Charles IV, Charles XII,
Gustave III, Siècle {dix-huitième).
XXVI. — Dix-neuvième siècle.— V. Consulat, Na-
poléon I", Louis XVIII, Charles X, Louis-Philippe,
République, Napoléon III, Siècle {dix-neuvième;,
ainsi que les articles consacrés aux divers pays
(V. ci-dessous) et ceux auxquels ils renvoient.
XXVII. Allemagne et Autriche-Hongrie. —S. Alle-
magne, Prusse, Autriche (au Supplément), Hongrie,
Slaves. V. aussi Germain.-;, Charlemagne, Louis le
Débonnaire, Loîiis le Germanique, Louis II, Char-
les le Gros, Louis III, Louis IV, Conrad I", Henri /«'
l'Oiseleur, Communes, OthonI", Othonll, OthonlII,
Heni'i II le Saint, Conrad II, Henri III, Henri IV,
HeJiri V, Conrad III, Frédéric I" Barberousse,
Henri VI, Othon IV, Frédéric II, Conrad IV,
Hohenstaufen, Habsbourg, Luxembourg, Char-
les IV, Guerre des Hussites, Frédéric III, Chwles-
Quint, Guerre des paysans, Ferdinand I", Ferdi-
nand II, Ferdinand III, Joseph I", Charles VI,
Charles VII, François /«' de Lorraine, Marie-Thé-
rèse, Frédéric I" de Prusse, Frédéric II le Grand,
Joseph II, François II, Ferdinand I" d'Autriche,
XXVIII. — Angleterre. — V. Angleterre. V. aussi
Edouard le Confesseur, Normands, Guillaume le
Conquérant, Guillaume II, Henri I", Plantagenets,
Commu7ies, Guerre de Cent a?is, La7icastre, Guerre
des Deux-Roses, Tudors, Marie Stuart, Jacques I",
Charles !«', Cro77iwell, Charles II, Jacques II,
Stua7-ts, Guillau7ne III, Ha7iovi'e, Guillaume IV,
Guerre de l'opium. Guerre d'Orient.
XXIX. — Espagne et Portugal. — V. Espagne,
Portugal. V. aussi Guerre de Numance, Arabes,
Communes, Ferdinand V, Charles-Quint, Phi-
lippe II, Philippe m, Philippe IV, Charles II, Phi-
lippe V, Ferdinand VI, Charles III, Charles IV,
Fet-dinand VII, Gue7-re d'Espagne.
XXX. — Italie et Papauté. — V. Ro7ne, Italie, Pa-
pauté. V. aussi Guerres pimiques, Guer7^ Inexpia-
ble, Guerres de Macédoi7ie, Guerre dë£\'u77ia7ice,
Guerre de Jugurtha, Guerre Sociale, Guerre de
Mithridate, Guerre des Pirates, Guerres servîtes.
Guerre Civile, Guerre de Modène, Siècle d'Au-
guste, Christianis77ïe, Barbares, No)'t7ia7}ds, Com-
>7iu7ies. Guerres d'Italie (au xvi' siècle), Siècle de
Léo7i X, Guerre d'Italie (au xix* siècle).
XXXI. — Pays-Bas. — Pays-Bas, Belgique (au
supplément). V. aussi Coi7V7iu7ies, Guillaui7ie le
Tacitu7-ne, Guillaume III.
XXXII. — Suisse. — V. Suisse. V. aussi Guerre
de Bourgogne.
XXXiil. — Etats du Nord : Etats Scandinaves, Po-
logne, Russie. — V. Scandinaves [Etats), Russie,
Pologne, Slaves. V. aussi No7'mands, Gustave
Wasa, Gustave-Adolphe, Charles XII, Gustave III,
Gîistave IV, Charles-Jean XIV, Guerre d'Orient.
XXXIV. — Grèce, Turquie, Roumanie, Etats
slaves de la péninsule des Balkans. — V. Grèce,
Tui'quie, Macédoi7ie, Roumanie, Slaves. V. aussi
Guerre de Thèbes, Guerre des Epigones, Gue7're de
Troie, Guerres île Messénie, Guerres sacrées. Guer-
res médiques. Siècle de Périclès, Guerre du Pélopo-
nèse, Guerre sociale, Alexandre, Guerre d'Orient.
XXXV. — Etats-Unis. — V. Etats-Unis. V. aussi
Guerre d'Amérique, Guerre de la Sécession.
HISTOIRE
— 974 —
HISTOIRE
XXXVI. — Colonies et Etats extra- européens. —
V. Colonies, Mexique, Pérou, Hispano-américai-
nes [liépiihiiques], Portugal, Brésil (au Supplé-
ment), Orient [Extrême). V. aussi Gutrre de
l'opium. Guerre du Mexique.
XXXVII. — Commerce, industrie, inventions,
lettres, arts, sciences. — V. Inventions, Com-
merce, Industrie et les articles consacrés aux di-
vers pays et à différents siècles.
XXXVIII. — Institutions politiques et sociales.
— \ . Esclavage, Femmes, Chevalerie, Parlements,
Paysans, Constitutions, Arbitrage international.
XXXIX-XL. — Révision générale. — V. Grèce,
Rome, Moyen âge, Modernes (Temps), Siècle {sei-
zième), Siècle {dix-septième), Siècle {aix- huitième),
Siècle {dix-neuvième). V. aussi Abdications, Con-
ciles, Congrès, Dates, Dynasties, Edits, Eglise,
Empires, Éphémérides, Ere, Guerres, Hérésies,
Invasiojis, Journées, Mythologie, Navigation, Nuits,
Pactes, Population, Régences, Religions, Restau-
rations, Schismes, Traités.
PROGRAMME D'HISTOIRE DE FRANCE.
1° Temps anciens.
I. — Populations préhistoriques de la Gaule.
Les Gaulois, mœurs, religion, institutions. Los
Gaulois en Italie et en Grèce. — V. Préhistoriques
{Populations), Gaule, Rome.
II. — Arrivée des Romains en Gaule; première
province romaine. Jules César et ses conquêtes.
Vercingétorix. Les Gallo-romains. Le christia-
nisme en Gaule. Souverains nationaux du troi-
sième siècle. Fin de l'empire romain. — V.
Gaule, Christianisme, Rome.
11° Époque barbare.
III. — Invasion germaine. Burgondes et Visi-
goths. Les Francs. Triomphe du catholicisme.
Austrasie et Keustrie. Clovis. Rois mérovingiens
jusqu'au milieu du septième siècle. — V. Barbares,
Clovis, Mérovingiens.
IV. — Rois fainéants et maires du palais. Pépin
d'Héristal et prépondérance de l' Austrasie. Charles
Martel. Les Arabes en Gaule. Pépin le Bref et la
papauté. — V. Mérovingiens, Maires du palais,
Papauté.
V. VI. — Charlemagne. Ses guerres. Rétablisse-
ment de l'empire d'Occident. Institutions de Char-
lemagne. Louis le Débonnaire. Démembrement
de l'empire. Charles le Chauve; Charles le Gros.
Naissance de la féodalité. — V. Charlemugne, Louis
le Débonnaire, Char les te Chauve, Charles le Gros.
Féodalité, Louis le Bègue, Louis III.
VII. — Les derniers Carlovingiens et les ducs de
France. Les Normands en Neustrie. Hugues Capet
et le monde féodal. — V. Charles le Siynpie, Nor-
mands, Louis IV, Lothaire, Louis V, Hugues Capet.
111° Époque féodale.
VIII. — Les premiers Capétiens. Conquête de
l'Angleterre. Première Croisade. Les communes
de la France du Nord. Les pays de langue d'oc. —
V. Féodaliti', Hugues Capet et les premiers Cape-
tiens, Guillaume le Conquérant, Crnisades, Com-
munes, Robert, Henri l'^, Philippe I".
IX. X. — Accroissement du pouvoir royal. Louis
le Gros, Louis VII, l'hilippe-Auguste. Conquête
du Midi. Premières rivalités avec l'Angleterre.
Saint Louis ; ses institutions ; ses croisades. — V.
Louis VI, Louis VII, Philippe-Auguste, Albigeois
{Croisarie des), Louis VIII, Philippe III, Louis IX,
Croisades, Communes.
XI. — Philippe le Bel. Guerre de Flandre. Les
légistes. Lutte avec la Papauté. Les Templiers.
LesÉlats-Gcuéraux. Fin des Capétiens directs. — V.
Philippe le Bel, Légistes, Etats -Généraux, Parle-
ments, Papauté, Louis X, Philippe V, Charles IV,
Communes.
XII. — Commencement de la guerre de Cent
Ans. Philippe VI de Valois. Crécy. Jean le Bon.
Poitiers. Les États-Généraux de 1.356. Etienne Mar-
cel et le Tiers-État. La Jacquerie. Traité de Brc-
tigny. — V. Guerre de Cent Ans, Philippe VI, Jean le
Bon, Etat s -Généraux, Tiers-État, Paris, Charles V.
XIII. — Charles V et Duguesclin. Les conquêtes
des Anglais recouvrées en partie. Charles VI; lutte
contre les Flamands. Bourguignons et Armagnacs. —
V. Guerre de Cent Ans, Charles V, Charles VI, Paris.
XIV. — Renouvellement de la guerre. Azin-
court. Traite de Troyes. Charles VII; Jeanne d'Arc.
Fin de la guerre de Cent Ans. Institutions de
Charles VII. — V. Guerre de Cent Ans, Lancastre,
Charles VI, Charles VII, Jeanne d'Arc.
XV. — Louis XI. Lutte contre Charles le Témé-
raire et la féodalité. La royauté victorieuse. Fin du
moyen âge. Coup d'oeil sur les lettres, les sciences
et la civilisation. — V. Louis XI, Charles le Témé-
raire, Guerre de Bourgogne, Moyen âge.
IV Époque de la Renaissance et de la Réforme.
XVI. — Premières guerres d'Italie : Charles VIII,
Louis XII, avènement de François I"'. La Renais-
sance. Inventions et découvertes. — V. Char-
les VIII, Guerre folle, Louis XII, François /<=',
Guert^es d'Italie, Renaissance.
XVII. — François I" et ses guerres avec Charles-
Quint. Henri II ; fin des guerres d'Italie. La Ré-
forme religieuse. — V. François l", Charles-Quint,
Henri II, Guerres d'Italie, Reforme, Protestantisme.
XVIII. — François II et Marie Stuart. Les Gui-
ses. Charles IX et Catherine de Médicis. Guerres
de religion. La Saint-Barthélémy. — V. Guerres de
religio7i, François II, Marie Sfua7^t, Charles IX,
Régences, Guises.
XIX. — Henri III. Suite des guerres de reli-
gion. La Ligue. Fin des Valois. — V. Guerres de
religion, Henri III, Guises, Guerre des trois Henri.
XX. — Henri IV. Intervention de l'Espagne
et de l'Angleterre. Fin des guerres de religion.
Administration de Sully. Tentative d'équilibre eu-
ropéen. — V. Guerres de religion, Henri IV.
XXI. — Lettres, arts, sciences, industrie, etc., au
seizième siècle. — V. Siècle {seizième).
V Le dix-septième siècle et Louis XI V.
XXII. — Louis XIII. Régence de Marie de
Médicis. Richelieu : sa lutte contre les grands, les
protestants, la maison d'Autriche. Fondation de la
monarchie absolue. — V. RégeJices, Louis XIII, Ri-
chelieu, Guerre de Trente Ans.
XXIII. — Mazarin.Fin de la guerre de Trente
Ans. La Fronde. — V. Régences, Mazarin, Guerre
de Trente Ans, Fronde, Louis XIV.
XXIV. — Lettres, arts, sciences, pendant la pre-
mière moitié du dix-septième siècle. — V. Siècle
{dix-septième}. Académie française.
XXV. — Louis XIV. Ses premières guerres.
Pouvoir absolu. Louvois et Colbert. Révocation de
l'édit de Nantes. Guerres de la Ligue d'Augsbourg.
Guerre de la succession d'Espagne. Revers et mort
de Louis XIV. — V. Louis XIV, Guerre de dévolu-
tion, Guerre de Hollande, Guerre de la Ligue
d'Augsbourg, Guerre de la succession d'Espagne.
XXVI. — Lettres, arts, sciences, industrie, etc.,
pendant la seconde moitié du dix-septième siècle.
— V. Siècle [dix-septième). Siècle de Louis XIV.
VI" Le dix-huitième siècle depuis 1715.
XXVII. — La Régence. Law. Louis XV. Mi-
nistère de Fleury. Guerre de la succession d'Autri-
che. Affaires intérieures. — V. Régences, Louis XV,
Guerre de la quadruple alliance, Guerre de la
succession de Pologne, Guerre de la succession
d'Aidriche,
HISTOIRE
— 975
HISTOIRE
XXVin. — Guerre de Sept Ans. Ministère de
Choiseul. Pacte de famille. Décadence de la monar-
chie. Mouvement littéraire, scientifique, philoso-.
phique durant le règne de Louis XV. — V. LouisXV,
Guerre de Sept Ans, Siècle [dix-huitième].
XXIX. — Louis XVI. Essais de réformes.
Guerre d'Amérique. Mouvement intellectuel. Insti-
tutions de l'ancien régime. — Y. Louis XVI, Guerre
d'Amérique, Siècle [dix-huitième).
XXX. — Commencement de la Révolution. La
Constituante. Les émigrés. Constitution de 1791.
La Législative. L'invasion étrangère. Chute de la
royauté. — V. Louis XV l, États-Généraux, Révolu-
tion française. Constitutions.
XXXI. — La République. Convention. Exécu-
tion de Louis XVI. Guerre civile. Terreur. La
coalition repoussée. Division des Montagnards. Le
9 thermidor. Fin de la Convention. — V. Révolution
française, Louis XVI, Constitidions.
XXXII. — Le Directoire. Première campagne
d'Italie. Expédition d'Egypte. Seconde coalition. Le
18 brumaire. — V. Révolution française. Directoire,
Consulat, Napoléon 1".
VII° Le dix-neuvième siècle.
XXXIII. — Constitution de l'an VIII. Seconde
campagne d'Italie. Consulat à vie. Napoléon empe-
reur. Guerres de conquête. Marie-Louise et le roi de
Rome. Campagne de Russie. Revers. Abdication.
Louis XVIII et la Charte. Cent-Jours. Waterloo. —
V. Constitutions, Consulat, Napoléon I", Guerre
(l'Espagne, Louis XVIII.
XXXIV. — La Restauration. Règne de Louis
XVIII. Charles X. Tentatives de retour à l'ancien
régime. Révolution de 18-30. — V. Restaurations,
Louis XVIII, Guei^e d'Espagne, Charles X.
XXXV. — La monarchie de juillet. Ministères
du !■? mai's et du 1 1 octobre ; insurrections. Conquête
de l'Algérie. Ministère du l^r mars. Ministère Gui-
zot. Mouvement réformiste. Révolution de 1848. —
V. Louis-Philippe, Constitutions, Algérie.
XXXVI. — La seconde République. Le second
Empire. La troisième République. — V. République,
Napoléon III, Constitutions.
XXXVII. — Lettres, arts, sciences, inventions,
'Industrie, etc., au dix-neuvième siècle. — V. biven-
ti'ins. Commerce, Industrie, Siècle [dix-neuvième).
XXXVIII-\L. — Leçons de révision. — V. les ar-
ticles généraux France et Paris. V. aussi Ahdi-
cotio7is. Armée, Capétiens, Carlovingiens, Colo-
nies, Concordats. Congrès, Constitntiojis, Dates,
Dette pub/ique. Dynasties, Edits, Eglise, Ere répu-
blicaine (au Supplément), Etats-Généraux, Inva-
sions, Journées, Ligues, Méroviiigiens, Nuits, Pac-
tes, Partvments, Paysa7is, Provinces, Traités.
Voici maintenant le programme d'histoire des
écoles normales françaises d'instituteurs et d'in-
siitutrices, celui des écoles primaires, et deux ou
trois programmes étrangers :
PROGRAMME D'HISTOIRE DES ÉCOLES NORMALES
FRANÇAISES.
po année 4 heures par semaine.
20 année 3 — —
:jo année 2 — —
PREMIÈRE ANNÉE.
Histoire de France.
ler trimestre. — Depuis les origines jusq-u'à
Henri IV.
2" trimestre. — Depuis Henri IV jusqu'à la con-
vocation des Etats-Généraux de 1789.
36 trimestre. — De 1789 à 1875-
DEUXIÈME ANNÉE.
Eléments d'histoire générale.
1" trimestre. (Aperçu d'histoire ancienne.) —
Monde connu des anciens. — Egyptiens, Assy- '
rien« et Babyloniens. — Israélites ; Phéniciens et
Carthaginois ; Perses. — Monuments qui nous
sont restés de ces peuples.
La Grèce. — Temps héroïques. — Sparte et
Aihènes. — Guerres médiques. — Siècle de Péri-
clos. — Socrate. — Epaminondas. — Philippe de
Macédoine. — Conquêtes d'Alexandre. — Réduc-
tion de la Grèce en province romaine.
Rome. — Les rois. — République romaine. —
Les magistratures. — Lutte des plébéiens contre
les patriciens.
Conquête des Romains.
Les Gracques. — Guerres citiles. — César.
Auguste et ses successeurs. — Les Antonins.
Dioclétien. — Constantin et l'Église chrétienne
— Julien. — Théodose.
2° trimestre. (Moyen âge.) — Les Gaulois avant
la conquête romaine et sous l'empire romain. —
Le christianisme en Gaule.
Principales invasions des Germains au v et vi"
siècles. — Les Francs.
Mahomet. — Conquêtes des Arabes.
Charlemagne : ses guerres et son administra-
tion.
Traité de Verdun. — Incursions des Nor-
mands.
Le régime féodal en France et en Europe.
L'empire et la papauté. — Querelle des investi-
tures.
Les croisades.
Conquête de l'Angleterre par les Normands. —
Les Plantagenets. — La grande Charte.
Progrès des populations urbaines et rurales ; If^';
communes et le pouvoir royal en France. —
Louis VI. — Philippe-Auguste. — Saint Louis. —
Philippe le Bel.
Guerre de Cent ans. — Les Etats-Généraux. —
Charles V et Duguesclin. — Jeanne d'Arc. —
Reconstitution de l'unité territoriale de la
France.
Progrès de l'autorité royale, en France avec
Charles VII et Louis XI, en Espagne avec Ferdi-
nand et Isabelle, en Angleterre avec les Tudors.
L'Allemagne et l'Italie à la fin du moyen
âge.
Les Turcs en Europe.
3^ trimestf-e. (Temps modernes.) — Les grandes
inventions du xiV au xvi' siècle. — Les découver-
tes maritimes. — Empire colonial des Portugais
et des Espagnols. — Les marins français.
La Renaissance en Italie et en France.
Guerres d'Italie, rivalité de François lar et de
Charles-Quint.
La Réforme.
Guerres de religion en France. — Pacification
de la France sous Henri IV.
Prospérité de l'Angleterre sous Elisabeth. —
Puissance et décadence de l'Espagne sous Phi-
lippe II.
TROISIÈME ANNÉE.
Eléments d'histoire générale (Suite).
1er trimestre. (1610-1789.) — Guerre de Trente
ans. — Gustave-Adolphe. — Traité de Westphalie.
Richelieu. — Mazarin ; la Fronde.
Louis XIV : son gouvernement et ses guerres.
Révolution de 168S.
Charles XII et Pierre le Grand.
L'Autriche et la Prusse au x\ ni« siècle.
Le gouveri)ement parlementaire en Angleterre.
— Progrès de la puissance anglaise dans l'Inde et
on Amérique.
Guerre de l'Indépendance américaine, — Les
Etats-Unis.
Démembrement de la Pologne.
La France sous Louis XV et Louis XVI. — Les
HISTOIRE
— 97G —
HISTOIRE
philosophes et les économistes. — Turgot. — Les
Etats-Généraux.
Découvertes scientifiques et géographiques au
xvni"= siècle.
Géographie politique de l'Europe en 1789.
2e trimestre. (1789-1830.) — La Révolution
française ; principes, institutions.
Coalition contre la République française. —
Traités de Bàle, de Campo-Formio, de Lunéville et
d'Amiens.
Le 18 brumaire. — Le Consulat : développement
de l'organisation administrative.
L'Empire. — Lutte contre l'Europe. — Les trai-
tés de 1815.
La Sainte-Alliance.
La Restauration. — La Charte.
Guerre d'Espagne. — Guerre de l'Indépen-
dance hellénique. — Emancipation des colonies
espagnoles.
3'= trimestre (1830 à 1875 et révision.) — Révo-
lution de 1830. — Fondation du royaume de Bel-
gique. — Soulèvement de la Pologne. — Etablis-
sement du régime constitutionnel en Espagne et
en Portugal. — Grandes réformes politiques et
économiques en Angleterre. — Progrès des Russes
et des Anglais dans l'Asie. — Conquête et colo-
nisation de l'Algérie.
Révolution de 1848. — La seconde République.
— Le suffrage universel.
jMouvements en Italie, en Allemagne, en Hon-
grie.
Le 2 décembre. — Le second Empire.
La question d'Orient et la guerre de Crimée.
Fondation du royaume d'Italie.
Influence croissante de la Prusse en Allema-
gne. — Dissolution de la Confédération germa-
nique.
États-Unis. — Guerre de sécession. — Aboli-
tion de l'esclavage. — Guerre du Mexique. — Ca-
nal de Suez.
Guerre de 1870. — L'Empire allemand. —
Traité de Francfort.
Constitution républicaine de 1875.
Géographie politique de l'Europe en 1875.
Révision.
PROGRAMME D'HISTOIRE DES ÉCOLES PRIMAIRES
FRANÇAISES.
CLASSE ENFANTINE.
Anecdotes, récits, biographies tirées de l'his-
toire nationale. Explication d'images.
COURS ÉLÉMENTAIRE,
Récits et entretiens familiers sur les plus grands
personnages et les faits principaux de l'histoire
nationale, jusqu'au commencement de la guerre
de Cent ans.
COURS MOYEN.
Cours élémentaire d'histoire de France, insis-
tant exclusivement sur les faits essentiels depuis
la guerre de Cent ans.
Exemple de répartition trimestrielle.
1er trimestre : De 1328 à 1610.
2e trimestre : De 1610 à 1789.
3e trimestre : De 1789 à nos jours.
4e trimestre : Révision.
, COURS SUPÉRIECR.
Notions très sommaires d'histoire générale :
pour l'antiquité, l'Egypte, les Juifs, la Grèce,
Rome; pour le moyen âge et les temps modernes,
grands événements étudiés surtout dans leurs
rapports avec l'histoire de Fi-ance.
Révision méthodique de l'histoire de France ;
étude plus approfondie de la période moderne.
PROGRAMMES ÉTRANGERS
BELGIQUE
ÉCOLES NORMALES DINSTITCTECRS ET d"iX STITDTRCES.
PREMIÈRE ANNÉE.
I. Aperçu très sommaire de l'histoire des peu-
ples DE l'Orient. — Notions géographiques sur
l'Egypte et l'Asie occidentale. Faits les plus sail-
lants de l'histoire des Égyptiens, des Assyriens,
des Hébreux, des Phéniciens, des Mèdes et des
Perses. — Quelques notions sur les monuments,
arts, religions, mœurs et institutions de ces peuples.
II. Histoire grecque. — Notions géographiques
sur la Grèce ancienne.
Eléments de la population. Traits distinctifs du
caractère grec.
Notions de mythologie grecque.
Les mœurs, l'organisation sociale et la religion
dans l'âge héroïque.
La guerre de Troie.
Sparte et Lycorgue.
Athènes et Solon. Les Pisistratides.
Institutions générales de la Grèce : les jeux na-
tionaux et les amphictyonies.
Les guerres médiques.
Hégémonie d'Athènes. Siècle de Périclès : arts,
lettres, sciences et éducation; principaux monu-
ments de l'art grec.
Guerre du Péloponèse.
Hégémonie de Sparte.
Guerre entre Thèbes et Sparte.
Entreprises de Philippe de Macédoine contre
la Grèce (Démosthènes).
Alexandre le Grand. Démembrement de son em-
pire. Influence de la civilisation grecque en Asie.
Ligue achéenne.
Conquête de la Grèce par les Romains. Diffu-
sion de l'esprit grec en Occident.
III. Histoire romaine. — Notions géographi-
ques sur l'Italie ancienne.
Eléments de la population. Traits distinctifs du
caractère romain. Origine probable de Rome
La royauté et ses institutions.
Etablissement de la République; nouvelles in-
stitutions.
Lutte entre les patriciens et les plébéiens.
Principaux faits de la lutte contre les Etrus-
ques, les Gaulois, les Samnites, contre Tarente et
Pyrrhus.
Guerres puniques. Puissance de la République
romaine.
Les Gracques. '
Marins et Sylla.
Conjuration de Catilina.
Pompée, Crassus, César.
Second triumvirat (proscriptions, — guerre en-
tre Antoine et Octave).
Etablissement de l'Empire : Auguste.
Siècle d'Auguste : lettres, arts, sciences, mœurs
et éducation.
Les douze Césars.
Constantin.
Théodose le Grand. Division de l'Empire.
Les grandes invasions des Barbares. Chute de
l'Empire romain d'Occident.
deuxième année.
I. Histoire du moyen âge. — Coup d'œil géné-
ral sur l'état de l'Europe au commencement du
moyen âge. Eléments d'une civilisation nouvelle.
Etablissement des Francs dans la Gaule. Clovis
et la dynastie mérovingienne. Les Maires du Palais.
L'Empire romain d'Orient : Justinien ; son œu-
vre législative.
Mahomet. Progrès de l'Islamisme ; éclat de la
civilisation arabe.
Charlemagne et la dynastie carloviugienne. Dé-
membrement de l'empire de Charlemagne. Los
Normands.
HISTOIRE
— 977
HISTOIRE
La Féodalité dans l'Europe occidentale.
La dynastie capétienne.
Alfred le Grand. Les Normands en Angleterre.
Etat social de l'Europe à la fin du xi^ siècle.
Les Croisades.
Querelle des Investitures. Guelfes et Gibelins.
La grande Charte anglaise.
Origines et progrès de la puissance communale.
Guerre de Cent ans.
Le grand Schisme d'Occident.
Prise de Constantinople par Mahomet IL
Aperçu de l'état intellectuel, social et moral de
l'Europe à la fin du moyen âge.
II. Histoire moderne. — Chute de la féodalité :
progrès du pouvoir royal. Louis XI. Guerre des
Deux Roses. — Ferdinand d'Aragon et Isabelle de
Castille.
Grandes inventions et découvertes. Leur in-
fluence.
Rôle politique de Charles-Quint, de François I"',
de Henri VIII et de Soliman II.
La Renaissance italienne et la Renaissance du
xvie siècle : arts, sciences, lettres, éducation et
pliilosopliie.
La Réforme.
Les guerres religieuses. Philippe II, Elisabeth,
Henri IV.
Guerre de Trente ans.
Révolutions d'Angleterre de 1649 et de 1688 :
établissement du gouvernement constitutionnel.
Richelieu et Louis XIV : le pouvoir absolu en
France et la prépondérance européenne.
Lettres, sciences et arts au xvi= siècle.
Pierre le Grand et Charles XII.
Catherine II, Marie-Thérèse et Frédéric II. (Dé-
membrement de la Pologne.)
Fondation des Etats-Unis d'Amérique.
Lettres, sciences, arts et pliilosopliie au dix-
huitième siècle.
Causes et caractère de la Révolution française
de 1789; son influence sur le développement de
la société moderne. Assemblée constituante. As-
semblée législative. La Convention. Le Directoire.
Le Consulat. L'Empire.
II. Explication du programme des écoles pri-
maires (l«r et 2' degrés).
TROISIÈME ANNÉE.
1. Histoire NATIONALE. — Temps préhistoriques.
Etat de la Belgique avant la conquête romaine.
Conquête de la Belgique par Jules César (Boduo-
giiat, Ambiorix, Induciomar).
La Belgique sous la domination romaine.
La Belgique sous la domination franque.
Partages de l'empire de Charlemagne ; forma-
tion du royaume de Lotharingie.
Les Normands en Belgique.
Exposé du sy.-tème féodal et de ses conséquences.
Origine, organisation et accroissements des
grands fiefs de la Belgique (x" et xi= siècles).
Part prise par les Belges aux croisades.
Les Communes belges : chartes d'affranchisse-
ment; principaux privilèges; organisation inté-
rieure ; commerce (hanse flamande, foires et mar-
chés) ; industrie (organisation des métiers) ; con-
fréries militaires ; prospérité des communes, leur
influence.
Principaux événements de l'histoire intérieure
des grands fiefs de la Belgique pendant le xu^ et
le xiii» siècle (on parlera surtout des princes qui
ont favorisé le développement de la puissance des
communes).
Rivalité entre la noblesse des villes et les mé-
tiers au XIV* siècle : la Maie Saint-Martin, — la
paix d'Angleur, — la paix de Fexhe, — le tribunal
des XXII ; — les lois de Corteuiberg, — charte fla-
mande et charte wallone, — la Joyeuse Entrée,
— décadence de Louvain.
2« t^AKTl
Lutte des communes flamandes contre la France
au xive siècle : Groeninghe, Cassel, Rnosebeck
fBreydel et de Coninck, Zannekin, Jacques et
Philippe Van Artevelde).
Réunion des provinces belges sous la domina-
tion bourguignonne.
Etat politique, social et intellectuel de la Bel-
gique à l'époque de Philippe le Bon.
Lutte des communes belges contre les princes
bourguignons.
Régence de Maximilien (décadence ds Bruges
et commencement de la prospérité commerciale
d'Anvers).
Philippe le Beau (grand conseil de Malines)
Charles-Quint. Triomphe du pouvoir absolu.
Or2;anisation administrative de nos provinces.
Révolution du xvi'= siècle.
Règne des archiducs Albert et Isabelle.
Guerres de Louis XIV en Belgique.
Arts, sciences et lettres en Belgique au xvi' et
au XV ne siècle.
Agneessens. Marie-Thérèse et Joseph II (la ré-
volution brabançonne).
Domination française.
Royaume des Pays-Bas.
Révolution de 1830. LéopoldIe'(la Belgique in-
dépendante).
Léopold II (les fêtes du cinquantenaire).
IL Explication du programme des écoles pri-
maires (3' degré).
QUATRIÈME ANNÉE
I. Histoire contemporaine. — La Restauration.
Les partis politiques.
Indépendance de la Grèce.
Les Révolutions de 18-30. Louis-Philippe.
Les Révolutions de 1848.
Rétablissement de l'Empire en France. Napo-
poléoii III.
Fondation du royaume d'Italie.
Guerre de la sécession d'Amérique.
Guerre de 1866. Dissolution ûe la Confédéra-
tion germanique.
Guerre de 1870-1871 : EtablissementdelaRépu-
blique en France et fondation de l'empire allemand.
Tableau des progrès réalisés au xix'= siècle dans
les diverses sphères de l'activité humaine (lettres,
arts, sciences, industrie, commerce).
IL Explication du programme des écoles pri-
maires SUPÉRIEURES.
III. Récapitulation. — Revision des cours pré-
cédents en procédant surtout par comparaison et
en montrant les progrès de la civilisation. —
Exercices didactiques.
Par des analyses et des lectures, le professeur
fera connaître les travaux historiques les plus re-
marquables, comme ceux de Lenormant, de Mas-
pero, de Grote, de Duruy, de Mommsen, d'Au-
gustin Thierry, de Guizot, de Thiers, de Prescolt,
de Macaulay, de Motley., etc., et ceux de nos
historiens nationau-^i.
N. B. — Il sera fait chaque année une revue ra-
pide des matières enseignées dans le cours précé-
dent.
Le professeur s'attachera à donner à l'ensei-
gnement do riiistuire un caractère intuitif en in-
voquant, à l'appui des faits, le récit d'un contem-
porain, un monument, une inscription, un chant,
un tableau représentant les hommes ou les choses
des temps passés.
L'histoire nationale présentera le tableau de
l'origine et du développement des institutions
nationales, de la condition du peuple et de la
part prise par les Belges aux événements qui ont
narqué les grandes étapes de l'humanité.
ÉCULES FRIMAIRBS.
PREMIER DEGRÉ.
Entretiens familiers ayant pour but de préparer
62
HISTOIRE
- 978 —
HISTOIRE
les enfants à suivre avec fntii les leçons d'his-
toire.
1. La famille. — L'enfant, les parents; souve-
nirs de l'enfant; la vie de famille, ses avantages.
Les degrés de parenté; les ancêtres.
3. L'école — La vie scolaire, l'instituteur. Fon-
dation, construction de l'école : souvenirs impor-
tants se rattachant aux instituteurs et aux élèves
qui se sont distingués après leur sortie de l'école.
3. La commune. — De quoi elle se compose;
es autorités locales.
Aperçu de l'histoire de la commune donné au
moyen d'entretiens sur les monuments, les établis-
sements industriels, les particularités que pré-
sente la commune et les souvenirs qui s'y rat-
tachent.
DEUXIÈME DE'ÎRÉ.
A. — Entretiens familiers ayant pour but de pré-
parer les enfants à suivre avec fruit les leçons
d'histoire.
1. Le temps. — Premières notions. Amener Ten-
faiit à se représenter la durée d'un siècle, de
77iille ans. Idée de continuité.
2. La grande famille humaine. — Principales
races d'hommes; leur distribution sur le globe.
3. L'hoiimie sauvage et l'homme civilisé. — (com-
paraison dans le but de donner une idée de la
transformation des mœurs par le travail et riiitcl-
ligence, ainsi que des avantages de la vie sociale.
On s'attachera surtout aux détails pittoresques et
curieux sur le vêtement, le logement, les armes,
la nourriture, etc.
4. Les générations. — Comment chaque géné-
ration profite des progrès réalisés par celle qui
i'a précédée et réalise des progrès nouveaux : ci-
vilisalinn.
5. Peuples et nations. — Nommer quelques
grandes nations et indiquer où elles habitent.
B. — Premières notions d'histoire nationa'e
contemporuine.
1. Montrer sur le globe la Belgique, ainsi que
les pays limitrophes. — La Belgique est notre p'i-
trie. Nos devoirs envers la patrie.
2. Le roi: la famille royale. — Léopold !"■ ; ré
volution de 1830. Drapeau national, hymne natio-
nal, fêtes nationales.
3. La ISelgique sous le régime hollandais.
4. La Belgique sous le régime français.
TROISIÈME DEGRÉ.
Récils et entretiejis sur les principaux personna-
ges et les grands faits de l'histoire de Bel-
gique.
1. La Belgique ancienne et ses habitants. As-
pect du sol, mœurs et coutumes.
2. Conquête de la Belgique par les Romains.
Boduognat, Ambiorix.
3. Les Francs en Belgique. Clovis. Introduction
du christianisme; monastères.
4. Les Carlovingiens. — Charles Martel. Peiun
le Bref. Charlemagne, son empire, ses institution?.
Partage de l'empire.
.'). Le régime féodal. — Les seigneurs et les
serfs. Châteaux forts. Aspect des campagnes. Les
villes. Grands fiefs de la Belgique.
G. Les croisades. — Godefroi de Bouillon. Bau-
douin de Constantinople.
7. Les communes. — Origines, franchises on
privilèges, corporations, communes riches et puis-
santes. Courte notice sur les princes qui ont la-
vorisé le développement des communes.
8. Le duché de Brabant. Jean le Victorieux.
9. Lutte des communes flamaiides contre le roi
de France. Bataille des Eperons d'or. Jacques et
Philippe Van Artevelde.
10. Avènement de la maison de Bourgogne. —
Philippe le Bon. — Réunion dos provinces belges
sou'. un nième sceptre — Grandes inventions et
découvertes au xv» siècle : imprimerie, boussole,
poudre à canon, découverte de l'Amérique.
11. Charles le Téméraire.
12. Marie de Bourgogne.
12. Charles-Quint.
14. Grands faits do la révolution du xvi" siècle
15. Albert et Isabelle.
16. Marie-Thérèse.
17. Joseph II. La révolution brabançonne.
18. La Belgique sous le régime français.
19. Royaume des Pays-Cas.
20. Révolution de 1830.
21. Léopold 1".
22. Léopold II.
23. Noho?is sur la Constitution belge. — Li-
bertés et droits que la Constitution garantit aux
ij'jlges. — Exposition sommaire de l'organisation
des trois pouvoirs de l'Etat.
r RUSSE.
ECOLE PRlMAinK EI.EMEXTAIKB A SIX CLASSES.
L'enseignement de l'histoire ne commence que
dans la quatrième classe.
çuatriénte dusse ("2 heures;. Les enfants appren-
nent à connaître les noms du souverain et de la
souveraine, du prince héritier, et ceux des hommes
qui en Prusse et en Allemagne se sont illustrés
dans les événements contemporains. On racontera
aux enfants des épisodes de la vie de ces person-
nages, ainsi que les faits les plus importants de
l'histoire de ces dernières années. Ensuite les
élèves feront connaissance, de la même manière,
avec les événements principaux des règnes de
Frédéric-Guillaume IV et de Frédéric-Guillaume 111 ;
les grands hommes de cette époque leur seront
présentés avec leurs traits caractéristiques.
Troisième classe (2 heures). Le programme de la
classe précédente est repris et répété avec plus de
développements.
Deuxième classe (2 heures). On racontera aux
enfants les faits les plus saillants de l'histoire des
premiers rois de Prusse et des princes-électeurs
de la maison de HohenzoUern, avec des notions
générales sur l'histoire ancienne de la Prusse.
Première classe (2 heures). Biographies de per-
sonnages importants de l'ancienne histoire d'Alle-
magne, en particulier celle des principaux empe-
reurs. Comme complément des études faites dans
la classe précédente, on racontera l'histoire du
Brandebourg et de la Prusse d'une manière métho-
dique, mais sans entrer dans de trop grands détails
sur les premiers temps. A partir de l'époque de la
guerre de Trente ans et du règne du Grand Élec-
teur, on donnera les biographies avec détails
et dans l'ordre chronologique, en les rattachant les
unes aux autres, autant que possible, par un récit
historique; on aura soin d'y joindre quelques
notions sur l'histoire de la civilisation, et i)articu-
lièrement sur les inventions et découvertes les
plus iiuportantes. (Programme du 15 octobre 1872.)
SUISSE (canton de Zinicir .
lilcOLB NORMÀLI! D'iNSTITUTTinS.
Première classe (3 heures). — l" La civilisation
des peuples orientaux, comme point de départ du
développement de l'humanité. 2° La vie des Grecs,
et la fusion des cultures grecque et orientale :^
l'époque d'Alexandre. 3° La conquête du monde
par les Romains, et la révolution sociale à l'inté-
rieur de Rome, -i" Fondation d'une culture ce. u uno
religion universelles à l'époque des empereurs ro-
mains. 5° L'invasion des Germains ; fondation
d'Etats romanisés et élévation de la papauté en
Occident ; empire des Arabes en Orient.
DeiLTièine classe (3 heures). — 1° Anéantisse-
in'.^:;t des libertés communales germaniaues h Uiî-
HISTOIRE
979
HISTOIRE
poque caHovingienne. Changements dans l'Eglise,
par la domination universelle de la papauté ; l'art
et la littérature au moyen âge. 2° Evolution de .la
culture du moyen âge, par la Renaissance; déve-
loppement des villes, humanisme, progrès du com-
merce et de l'industrie, essais de réforme dans
l'Eglise, découverte du Nouveau-Monde. 3° Mou-
vements vers la liberté dans l'Etat et dans l'Eglise
— la Réforme et les révoltes des paysans —
combattus et comprimés par la hiérarchie sacer-
dotale et la monarchie absolue.
Troisième classe. — Histoire universelle (2 heu-
res). I» L'époque des révolutions; première vic-
toire de la souveraineté du peuple dans la révolu-
tion d'Angleterre ; les libros-penseurs anglais et la
philosophie française ; formation d'Etats démocra-
tiques et sans religion d'Etat dans l'Amérique du
Nord, i" La Révolution française et son extension
sur toute l'Europe. — Histoire suisse (2 heures).
Résume de l'histoire suisse depuis ses origines
jusqu'à la Réforme.
Quatrième classe. — Histoire universelle (1
heure). 1° Alternatives de réaction et de révolu-
tion, et triomphe progressif des idées libérales.
2° Brillant essor des sciences positives, dévelop-
pement de l'industrie et du commerce, naissance
de la question sociale, nouvelle conception du
monde. — Histoire suisse (2 heures). De la Ré-
forme à nos jours. Dans cet enseignement, aussi
bien que dans celui de la classe précédente, une
place spéciale doit être donnée à l'étude des
constitutions et à celle des mœurs et do l'ctat
socis-l
HISTOIRE IVATUUELLE. — Un Oèsigne S0U8
ce nom la partie des sciences physiques et natu-
relles qui a pour objet l'étude des êtres organisés
ou inorganisés que nous offre la nature. On di-
vise l'histoire naturelle en trois grandes sections
correspondant aux trois règnes animal, végétal et
minéral : ce sont la zoologie, la botanique ot la
minéralogie. La géologie, étudiant à la fois les
divers terrains qui constituent l'enveloppe de
notre planète, et les fossiles végétaux et animaux
contenus dans ces terrains, se rattache par consé-
quent à ces trois sciences, dont elle forme le com-
plément nécessaire ; k partie de la géologie qui
traite des êtres organisés fossiles s'appelle plus spé-
cialement paléontologie.
Les deux sciences qui s'occupent de l'étude
des êtres organisés existant à l'époque actuelle,
la zoologie et la botanique, se subdivisent l'une et
l'autre en trois parties : Vanatomie animale et vé-
gétale, qui étudie la structure des organes ; la
physiologie animale et végétale, qui étudie les
fonctions de ces organes; et la zoologie ou la bo-
tanique descriptive, qui décrit les animaux et les
plantes et en donne une classification méthodique.
La minéralogie, traitant des corps non organi-
sés, ne saurait avoir une partie anatomiqac ni,
physiologique. Toutefois, elle ne se contente pas
d'être purement descriptive : elle étudie aussi la
structure intime des minéraux et certaines de
leurs propriétés, les lois de leur cristallisation,
leur formation dans la sein de la terre, et par là
se rattache à la chimie, à la géométrie et à la
géologie.
Nous consacrons, dans ce Dictionnaire, un grand
nombre d'articles spéciaux aux divers sujets qu'em-
brasse l'histoire naturelle. On trouvera- l'in-
dication de ces articles, ainsi que des notions
générales sur les sciences naturelles, aux mots
Zoologie, Botanique, Anatomie, Physiologie, Clas-
sification, Minéralogie. Cristallographie, Géolo-
gie, Paléontologie. Nous renvoyons en outre,
pour ce qui concerne l'histoire des sciences na-
turelles, et leur place dans l'ensemble des scien-
ces, au mot Naturalistes, ainsi qu à rarliclc g'hié-
ral Sciences.
HOHÊXSTAUFEN. — Histoire générale, XIX,
XXVII. — Nom d'une famille célèbre qui a fourni
six empereurs à l'Allemagne, aux douzième et trei-
zième siècles.
C'est en 1138 que monta sur le trône le premier
des Hohenstaufen, Conrad H! *, qui succéda à
Lothaire de Saxo. Après lui vint son fils F7'éde-
ric /" liarberousse *(1 152-11 90). Celui-ci eut pour
successeur son fils Henri VI * (119J-1197). A la
mort de Henri VI, Philippe*, son frère, disputa la
couronne impériale à Othon IV de Brunswick,
qui finit par l'emporter et régna seul. Mais avec
Frédéric II * (121S-1200), fils de Henri VI, la mai-
son de Hohenstaufen reprend le pouvoir. Toutefois,
le fils de Frédéric II, Conrad /F * (1250-1254), ne
fut pas universellement reconnu, et à la fin du
grand interrègne, la couronne impériale passa
dans la maison de Habsbom-g*. Le dernier rejeton
des Hohenstaufen, Conradin, fils de Conrad IV,
périt sur l'échafaud à Naples en 1268.
Le grand fait historique dont le souvenir est lié
au nom de Hohenstaufen, c'est celui de la lutte
entre la papauté et l'empire; lutte commencée sous
Henri IV de Franconie, mais reprise et continuée
avec un redoublement d'énergie par Frédéric \"
Barberousse et Frédéric II. Cette lutte se com-
plique de la rivalité entre la maison de Ho-
henstaufen et celle des Welfs. Lorsque Conrad
de Hohenstaufen, duc de Souabe, fut élu empe-
reur, il avait eu pour compétiteur Henii li^ Su-
perbe, duc de Bavière, petit-fils de l'Italien Welf ou
Guelfe, de la famille d'Esté. Les disputes entre les
partisans de Conrad et ceux de son adversaire
donnèrent naissance aux factions des Guelfes et des
Gibe(i7it (ce dernier mot est la forme italianisée
de Weiblingen, nom du château patrimonial des
Hohenstaufen); et ces deux termes, qui ne s'ap-
pliquaient à l'origine qu'à la querelle tout alle-
mande entre la maison de Souabe et celle de Ba-
vière, servirent ensuite à désigner, en Italie, les
ennemis et les partisans du pouvoir impérial. Un
troisième facteur, en effet, vient encore s'ajouter
aux prétentions du Saint-Siège et à l'hostilité do
la famille des Welfs : ce sont les aspirations d'in-
dépendance des communes italiennes, qui veulent
s'émanciper de l'autorité de l'empereur. Ainsi, la
lutte dont l'Allemagne et l'Italie sont le théâtre
aux douzième et treizième siècles, est triple : lutte
entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel,
lutte entre la famille de Hohenstaufen et celle des
Welfs ; lutte de l'Italie contre la domination alle-
mande.
De part et d'autre on rencontre de grands ca-
ractères, des intelligences supérieures, des cœurs
héroïques : tels sont Arnaud de Brescia, le réfor-
mateur italien, Frédéric Barberousse, les grands
papes Innocent III et Grégoire IX, Frédéric II ; et
si l'on doit un juste tribut d'admiration à la vail-
lance des villes italiennes défendant leurs libertés,
on ne peut s'empêcher, lorsque l'astre de la mai-
son de Souabe a pâli sans retour, de sympathiser
avec les malheurs de Frédéric II, le plus remar-
quable parmi les souverains du moyen âge, et ceux
du jeune et chevaleresque Conradin.
Nous renvoyons, pour les détails, aux notices
consacrées à chacun des empereurs de la maison
de Hohenstaufen, ainsi ([u'aux articles généraux
Allemagne (p. 91 et 95) et Papauté.
HOLLANDE. — V. Pays-Bas.
HOMONYMES. — Grammaire, XXI. — Les ho'
monymes (du ^v^chomoriymun, composé de homos,
semblable, et de onyma ou onomn, nom; sont des
mots qui se prononcent de la même manière, bien
qu'ils n'aient pas la même signification, comme
abaisse et abbesse, amande et amende.
Bien différents des xi/noni/mes*, qui n'ont entre
eux qu'une ressemblance de sens, les homonymes
ne sf^ ressemblent que par le son. Mais cette sinii-
HOMONYMES
— 980 —
HOMONYMES
litude do son est un dôTaut dans notre langue, qui
y perd de Télégance et de la clarté ; c'est un obs-
tacle presque insurmontable pour ceux qui veu-
lent connaître à fond lorthographe ; c'est une
source de confusions, de méprises ridicules pour
les gens du monde, et de fautes fâcheuses pour les
candidats à nos divers examens.
11 faut distinguer dans les homonymes : 1* les
homographes, c'est-à-dire les mots qui s'écrivent
et se prononcent de la même manière, comme bière
(boisson) et bière (cercueil) ; 2° les homophones,
f'est-à-dire les mots qui se prononcent de la
même manière, mais qui n'ont pas la même or-
thoiiraphe, comme chêne (arbiej et chaîne (suite
d'anneaux).
Les homographes sont tantôt des mots dérivés
de racines différentes et arrivés par une série de
transformations à une forme identique, comme
somme (sommeil), qui vient de sommes, et somme
(total I, qui vient de sianma; tantôt des mots qui
par extension de sens ont été appliqués à des ob-
jets différents, ce qui a fait croire à une différence
d'origine, comme bas, qui est peu élevé, et bas, ce
qui .>ert à couvrir le pied et la jambe ; c'est
alors le même mot avec l'ellipse d'un complé-
ment dans le secoiid cas : nos pères disaient im
bas de chausses, c'est-à-dire la partie inférieure
des chausses.
Nous donnons ci-dessous la liste des principaux
homonymes :
\. A' ord, s. m., accès, voisinage. — Abhorre, v. :
il abhorre .
2. AcJœ, s. f., persil sauvage. — Hache, s. f., co-
gnée.— Hache, V. : il hache.
3. Ais, s. m., planche de bois. —Ait, v. : qu'il ait.
— Es, V. :tu es. — Haie, s. f., clôture d'arbustes.
— Hais, y. :je hais.
4. Air, s. m., fluide, vent. — Air, s. m., physio-
nomie, manière. — Aire, s. f., place. — Aire, s. f.,
nid de laigle. — Ere, s. f., époque. — Erre, v. : il
erre. — Hnire, s. f., chemise de crin. — Hère, s. m. .
pauvre diable. — Erre, s. f. , train, allure : aller
grand'erre.
5. Allier, s. f., rivière. — Allier, v. : faire une
alliance. — Rallier, s. m., buisson.
6. Amande, s. f. , fruit. — Amende, s. f., peine
pécuniaire. — Amende, v. : il s'amende.
7. Are, s. m., mesure agraire. — Aar, s. f., ri-
vière de Suisse. — Art, s. m., talent. — Arrhes,
s. f. pi., gages. — Hart, s. f., lien, corde.
8. Au, aux, article. — Aulx, s. m., pluriel d'ail.
— Eau, s. f., fluide. — Haut, adj., élevé. — 0, oh,
ho, interj. — Os, s. m., partie dure et solide du
corps des animaux.
9. Autan, s. m., vent du midi. — Autant, adv.
d'égalité. — Otant, part. prés, du verbe ôter.
10. Bar, nom de ville. — Bar, s. m., poisson
de mer. — Barre, s. f. , pièce de bois ou de fer. —
linrre, s. f., tribunal. — Barres, s. f. pi., jeu d'é-
coliers.
11. Cal, s. m., durillon. — Cale, s. f., fond d'un
navire, support. — Cale, du verbe caler. — La
Calle, port d'Algérie.
12. Camp, s. m., lieu où l'armée campe. — Caen,
s. m., nom de ville. — Kan ou khan, s. m., chef des
Tartares. — Qua?id, adv. et conj. — Quant, prép.
13. Cane, s. f., femelle du canard. — Canne, s.
f., bâton, roseau. — Cannes, nom de ville.
14. Cap, s. m., promontoire. — Cap (depiedeiV,
loc, des pieds à la tête (en latin caput). — Gapc.
8. f., vêtement.
15. Cent, adj. num. — Sang, s. m., liquide
rouge. — Sans, prcp. — Sent, du verbe sentir.
16. Cène, s. f., repas de J.-C. avec ses apôtres.
— Saine, adj., féminin de sain. — Seine, nom pro-
nre de fleuve. — Senne, nom propre de rivière.
— Scène, s. f. lieu où l'on ioue. — ^eine, s. f., sorte
fie filet.
17. Cens, s. m., impôt. — Sens, n. p. de ville. —
Sens, s. m., jugement. — Sens, s. m., côté.
18. Cep, s. m., pied de vigne. — Ces, adj. dém.
— Ses, adj. poss. — Sept, adj. num. — Saie, s. f.,
vêtement des Gaulois. — Sait, du verbe savoir.
19. Cerf, s. m., bête fauve. — Serre, s. f., lieu
couvert. — Serre, du verbe serrer. — Serre, s. f.,
pied d'un oiseau de proie. — Sert, du verbe ser-
vir.
20. Chair, s. f., substance, aliment. — Chaire,
s. f., tribune. — Cher, adj. quai. — Chère, s. f.,
nourriture, régal. — Cher, n. p, de rivière.
21. Ci, adv. de lieu. — Si, conj. et adv. — Si,
note de musique. — Scie, s. f., instrument pour
scier. — Sis, adj. et part. — Six, adj. num.
22. Cire, s. f., matière molle produite par les
abeilles. — Sire, s. m., seigneur. — Cyr (Saint-),
n. p. de village.
23. Clair, adj., lumineux, éclatant. — Claire, n.
p. de femme. — Clerc, s. m., aspirant ecclésiasti-
que, scribe.
24. Compte, s. m., calcul, mémoire. — Comte,
s. m., titre de noblesse. — Conte, s. m., récit fabu-
leux.
25. Coq, s. m., oiseau. — Coque, s. f., enveloppe
d'un fruit, d'un œuf. — Coke, s. m., charbon de
terre épuré.
26. Cor, s. m., durillon. — Cor, s. m., instrument
à vent. — Cors, s. m. pi., cornes qui sortent des per-
ches du cerf. — Corps, s. m., substance, réunion
d'hommes.
27. Cou, s. m., partie du corps. — Coud, du
verbe coudre. — Coup, s. m., choc d'un corps sur
un autre. — Coût, s. m., prix d'une chose.
28. Cour, s. f., enclos. — Cour, s. f., entourage
d'un roi. — Cours, s. m., mouvement. — Cours, s.
m., promenade publique. — Court, odj. quai., qui
n'est pas long. — Court, du verbe courir. —
Courre, ancien infinitif de courir : chasse à courre.
29. Étaim, s. m., la partie la plus fine de lalaine
cardée. — Etain, s. m., métal. — Eteint, du verbe
éteindre.
30. Etang, s. m., amas d'eau dormante. — Etant,
part. prés, du verbe être. — Ete7id, du verbe
étendre.
31. Faim, s. f., besoin démanger. — Feint, part,
passé du verbe feindre. — Fin, s. f., terme, extré-
mité. — Fin, adj., rusé, délié.
32. Faire, verbe. — Fer, s. m., métal. — Ferre,
du verbe ferrer. — Fère (la), n. p. de ville.
33. Faite, s. m., sommet, partie la plus élevée
d'un édifice. — Faites, du verbe faire. — Fête, s.
f., solennité, réjouissance.
34. Faux, adj., qui n'est pas vrai. — Faux, s. f.,
instrument pour faucher. — Faut (il), du verbe
falloir.
35. Foi, s. f., croyance, fidélité. — Foie, s. m.,
partie du corps. — Fois, s. f., une fois, deux fois.
— Foix, n. p. de ville.
36. Fond, s. m., la partie la plus basse d'un vase.
— Fonds, s. m., terre, propriété. — Fonts, s. m. pi.,
vase sur lequel on baptise. Ce mot vient du pluriel
latin fontes (fontaine), et a été regardé comme
masculin à cause de l'adjectif baptismaux, qui a
été pris par erreur pour un masculin. — Fond,
du verbe fondre.
Zl.For, s. m., intérieur delà conscience. — Fore,
du verbe forer. — Fors, prép., excepté. — Fort,
adj. quai., robuste. —Fort, s. m., lieu fortifié.
38. Frai, s. m., œufs des poissons. — Frai, s.
m., altération des monnaies. — Fraj's, s. m. pi.,
dépenses. — F)-ais, adj. quai., un peu froid. —
Fret, s. m., cargaison d'un vaisseau.
39. Hérault, n. p. de rivière. — Héraut, s. m., celui
qui annonçait dans les cérémonies. — Héros, s.
m. , guerrier illustre. — Héro, n. p. de femme dans
l'antiquité.
•if fleur, s. m., chance heureuse, — Heure, s.
HOMONYMES
— 981
HOMONYMES
r, partie du jour. — Heurt, s. m., choc. — Eure,
n. p. (le rivière.
41. Jais, s. m., substance noire et luisante. —
Jet, s. m., action de jeter, jaillissement. — Geai,
s. m., oiseau.
i'I. Lac, s. m., amas d'eau dormante. — Lack,
s. m., monnaie indoue. — Loque, s. î., gomme. —
Laque, s. m., vernis de Chine.
4:^. L'd, s. m., petit poème. — Lai, adj., laïque.
— Laid, adj. quai., qui n'est pas beau. — Laie, s.
f. , femelle du sanglier. — Laie, s. f., route étroite
dans une forôt. — Laie, s. f., marteau de tailleur
de pierre. — Laù", s. m., alluvions. — Lait, s. m. ,
laitage. — Laye ;Saint-Germain-en-Laj'e). — Les,
art. plur. — Legs, s. m., don par testament. —
Lez, prép., près de : Plessis-lez-Tours.
44. Lice, s. f., champ de course. — lie, s. f.,
femelle d'un chien de chasse. — Lice ou lisse, s.
f., pièce d'un métier à tisser. — Lis, s. m., fleur.
— Lisse, adj., doux, uni.
45. Loir, n. p. de rivière. — Loi>-, s. m., petit
quadrupède. — Loire, n. p, de fleuve.
46. Main, s. f., partie du bras. — Main, s. f., as-
semblage de feuilles de papier. — Maint, adj.,
plusieurs. — Mein, n. p. de rivière.
47. Maître, s. m., chef, possesseur, professeur.
— Mètre, s. m., mesure. — Mettre , verbe.
48. Mon, n. p. d'île. — Ment, du verbe mentir.
— Mans (le), n. p. de ville.
4'). Mante, s. f., manteau de femme. — Mante,
s. f., insecte. — Mantes, n. p. de ville. — Menthe,
s. f., plante odoriférante. — Mente, du verbe mentir.
60. Mer, s. f., vaste étendue d'eau salée. —
Mère, s. f., qui a un ou plusieurs enfants. — Maire,
s. m., magistrat.
51. Maure, n. p. de peuple. — Maur (Saint-), n.
p. de village. — Mord, du verbe mordre. — Mors,
s. m., frein. — Mort, s. f., cessation de la vie.
52. Mou, adj., qui n'est pas dur. — Moue, s. f.,
grimace. — Moût, du verbe moudre. — Moût, s.
m., vin nouveau.
53. Mur, s. m., muraille. — Mûr, adj., arrivé
à la maturité. — Mûre, s. f. , fruit du mûrier.
54. Oing, s. m., graisse du porc. — Oint, du
verbe oindre. — Ouen (Saint-), n. p. de village.
55. Houe, s. f., sorte de bêche. — Houx, s. m.,
arbre. — Août, s. m., le 8* mois de l'année.
.Sfi. Oui, adv. — Ouï, du verbe ouïr. — Ouïe,
s. f., un des cinq sens. — Ouïes, s. f. plur., orga-
nes de la respiration chez les poissons.
57. Pain, s. m., aliment. — Peint, du verbe
peindre. — Pi7i, s. m., arbre résineux.
58. Pair, adj., égal. — Pair, s. m., l'égal du roi.
— Paire, s. f., couple. — Père, s. m. , qui a des en-
fants.— Pe7'd, du verbe perdre. — Pers, adj., cou-
leur entre le vert et le bleu.
59. Palais, s. m., édifice. — Palais, s. m., partie
supérieure de la bouche. — Palet, s. m., pierre
plate et ronde.
GO. Pan, n. p. de dieu. — Pa7i, s. m., partie
d'un habit, d'un mur. — Paon, s. m., oiseau. —
Pend, du verbe pendre.
61. Par, prép. — Pare, du verbe parer. — Part,
s. f,, portion. — Part, du verbe partir.
(i2. Pnu, n. p. de ville. — Peau, s. f., membrane,
enveloppe. — Pô,n.p. de fleuve. — Pot, s. m., vase.
63. Pêne, s. m., partie d'une serrure. — Peine,
s. f., douleur, châtiment — Penne, s. f., grosse
plume.
64. Pinçon, s. m., marque sur la peau. — Pin-
çons, du verbe pincer. — Pinson, s. m., oiseau.
65. Plaid, s. m. , plaidoirie. — Plaid, s. m. , man-
teau écossais. — Plaie, s. f., blessure. — Plait, du
verbe plaire.
66. Poêle, s. f., ustensile de cuisine. — Poêle, s.
m., fourneau. — Poêle, s. m., dais. — Poêle, s. m.,
drap mortuaire.
^h. Poids, s. m., pesanteur. — Pois, s. m., légume.
— Poix, s. f., résine. — Pouah! interj. de dégoût.
68. Poing, s. m., main fermée. — Point, s. m.,
signe de ponctuation. — Point, s. m., instant. —
Point, du verbe poindre. — i oint, adv. de néga-
tion.
69. Pou, s. m., insecte. — Pouls, s. m., mouve-
ment des artères. — Pou-de-soie, s. m., étofi'e de
soie.
70. Près, prép. et adv. — Prêt, s. m., action de
prêter. — Prêt, adj., disposé à.
71. Prie, du verbe prier. — Pris, du verbe
prendre. — Prix, s. m., récompense, valeur.
73. Provin, s. m., rejeton d'un cep de vigne. —
Provins, n. p. de ville. — Provint, du verbe pro-
venir.
73. Raie, s. f., ligne, trace, — Raie, s. f., poisson
de mer. — Rais, s. m., rayon d'une roue. — Rets,
s. m., filet. — Rez, prép., près de.
74. Ré, s. f., note de musique. — Ré, n. p. d'île.
75. Reine, s. f., femme du roi. — Raine, s. f.
(vieux mot), grenouille. — Rêne, s. f., courroie,
guide. — Renne, s. m., cerf du nord. — Remies,
n. p. de ville.
76. Ris. du verbe rire. — Ris, s. m., le rire. —
Ris, s. m., glande de la gorge du veau. — Ris, s. m.,
terme de marine. — Riz, s. m., grain.
77. Ruz, s. m., petit ruisseau . — Rue, s. f., che-
min dans une ville. — Rue, s. f., plante. — Rue
du verbe ruer.
7S. Sain, adj., salubre. — Saint, adj., consacré. —
Sein, s. m., centre, milieu. — Sein, n. p. d'île. —
Seing, s. m., signature. — Ceint, du verbe ceindre.
— cinq, adj. numéral.
79. Sale, adj., malpropre. — Sales (Saint-Fran-
çois de). — Salle, s. f. : salle à manger.
80. Saur, adj., salé et desséché. — Sort, s. m.,
destin. — Sort, du verbe sortir.
81. Saut, s. m., action de sauter. — Sceau, s. m..,
cachet. — Sceaux, n. p. de ville. — Seau, s. m.,
vaisseau pour puiser de l'eau. — Sot, adj., stupide.
82. So7nme, s. f., total, quantité d'argent. —
Somme, s. f., fardeau. — Somiyie, n. p. de rivière.
— Somme, s. m., sommeil. — So}7imes, du verbe
être. — Somme, du verbe sommer.
83.SoM, s. m., monnaie. — Soûl, adj., rassasié. —
Sous, prép.
84. Suie, s. f., matière noire produite par la
fumée. — Suis, du verbe être. — Suif, du verbe
suivre.
85. Taie, s. f., enveloppe d'oreiller, pellicule. —
Tait, du verbe taire. — Tes, adj. poss.^ Têt, s. m.,
tesson.
86. Tai7i, s. m., lame d'étain. — Teint, s. m.,
coloris. — Teint, du verbe teindre. — Tint, du
verbe tenir. — Thym, s. m., plante.
87. Ta7i, s. m., écorce du chêne. — Tant, adv.
de quantité. — Temps, s. m., durée, époque. —
Temps, s. m., température. — Tend, du verbe
tendre.
88. Toîi, adj. poss. — Ton, s. m., inflexion de la
voix, degré des couleurs. — Thon, s. m., poisson de
mer. — To7id, du verbe tondre.
89. Tord, du verbe tordre. — Tors, adj., tordu. —
Tort, s. m., dommage, erreur. — Taure, s. f. (vieux
mot), génisse.
90. Tour, s. m., circuit. — Tour, s. m., machine
à tourner. — Tour, s. m., sorte d'armoire dans les
monastères et les hôpitaux. — Tour, s. f., bâtiment
élevé. — Tours, n. p. de ville.
91. Tournoi, s. m., exercice militaire au moyen
âge. — Tournoie, du verbe tournoyer. — Tournois,
adj., monnaie qu'on frappait à Tours.
92. Trait, s. m., flèche. — T7'ait, s. m., ligne. —
Trait, du verbe traire. — Très, adv. de manière.
9:i. Vain, adj., qui n'a pas de consistance. —
Vainc, du verbe vaincre. — Vin, s. m., jus de
raisin. — yi7igt, adj. numéral. — Vint, du verbe
venir,
HONGRIE
— 982 —
HONGRIE
94. Van, s. m., instrument dosicr pour vanner
le grain. — Ve7id, du verbe vendre. — Vcrd, s. ni.,
eoul'fle d'air.
95. Vaui, n. p. de pays. — Vfiii, dans a vau
l'eau, au courant de l'eau. — Vaut, du verbe va-
loir. — Vaux, plur. de val, s. m. : par monts et par
vaux. — Veau, s. m., petit d'une vache. — Vof,
adj. poss.
96. Ver, s. m., insecte. — Voir, s. m., fourrure
blanche etgrise. — Vert, adj., de la couleur de l'her-
be. — Verre, s. m., verre h boire, voric à vitre. —
Vers, s. m., langage rhythmé. — Vers. prcp.
97. Vice, s. m., défaut. — Vice, suffixe: vice-
roi. — Vis, s. f., instrument qui sert à visser. —
Visse, du verbe visser.
98. Voie, s. f., chemin, moyen. — Voie, s. f.. an-
cienne mesure. — Voix, s. f., son qui sort do la
bouche. — Voit, du verbe voir. — Voua, du verbe
vouer.
99. Vautre, du verbe se vautrer. — Vôtre, pr.
poss.
100. Zest, interj. : entre le zist et le zest. —
Zeste, s. m., pellicule d'orange, séparation mem-
braneuse qui divise les quartiers d'une noix.
Parmi ces homonymes, quelques-uns, comme
saint et ceint, compte et conte, ont toujours le
môme son ; ce sont les plus difficiles à distinguer :
cependant la suite de la phrase, l'adjonction des
articles et des adjectifs en diminuent les inconvé-
nients. D'autres, tels que van et vent, nue et re^y,
sont faciles à reconnaître devant une voyelle.
Dans la liste ci-dessus, nous n'avons pas
fait entrer les mots tels que tâche et tacJie,
forêt Qt foret, que quelques auteurs rangent parmi
les homonymes, quoique ces mots ne puissent
avoir le même son que pour ceux qui prononcent
mal. La plupart des grammairiens et avec eux
L'Académie, dans la septième édition de son dic-
tionnaire, placent ces mots dans une classe à part,
celle Aq% paronymes. — V. Pofonyme.'!.
[J. Dussouchet.J
HONGRIE. — Histoire générale, XXVII. —
Avant 884. — Le territoire compris entre la crête
des Carpaihes, les dernières pentes des Alpes No-
riques, le cours de la Save et la mer, ne fut ja-
mais soumis en entier par les Romains. Auguste
et Tibère y conquirent la Pannonie (rive droite du
Danube), et Trajan le plateau transylvain (pays
îles Daces). Des nombreuses invasions qui succé-
dèrent à l'occupation romaine, les plus importan-
tes furent celles dos Huns et des Avares. Quand
Charlemagne eut détruit ces derniers, divers États
se formèrent sur les débris de leur empire. La
grande Moravie, fondée par les Slaves le long de
la frontière occidentale de la Germanie, s'étendait
à, l'est jusqu'à la ïisza (Thciss) ; d'autres peupla-
des barbares (Bulgares, Khazares, Roumains) habi-
taient le reste du pays sous quatre ou cinq chefs
dilTérents, quand parurent les Hongrois.
C'était un peuple de même race que les Huns et
que les Avares, c'est-à-dire qu'il appartenait à la
grande souche ouralo-altaïquo (branche ouralo-
finnoise, rameau ougrien). Son existence nomade
avait d'abord eu pour théâtre les parties nord de
rOural, puis les rives de la mer Noire, enfin les
plaines qui séparent le Pruth et le Dnieper. 11 est
constaté par l'histoire qu'à l'époque de leur séjour
dans cette dernière contrée, les Hongrois ou Ma-
gyars avaient déjà une sorte de constitution : 1;3
chef élu et les principaux de la nation se liaient
par un engagement réciproque ; une assemblée,
dos magistrats spéciaux surveillaient l'exercice du
pouvoir. A la suite d'une nouvelle migration, dé-
terminée, comme les autres, par des attaques du
dcliors, les Hongrois franchirent les Karpathes, et
pénétrèrent en Hongrie sous la conduite d'Arpad.
De 884 à ,'(( /in <lu xm*^^ siècle. — Quelques an-
nées de gucrri.'s et dn négociations, habilement
cond\iit.es, les rendirent maîtres de ce beau pays.
Ils en occupèrent les plaines, abandonnant ies
montagnes aux races vair.cues, qui bientôt se con-
fondirent avec eux au point de vue politique et
social.
Fondé par Arpad, le nouvel État reçut, sous
Etienne I" (commencement du xi' siècle), une or-
ganisation plus complète. L'autorité souveraine
continua d'être exercée concurremment par les
guerriers (ou noblesse) assemblés ei diète, et par
le chef de la nation, investi, à partir de l'an 1000,
du titre de roi. Ce dernier ne pouvait être élu que
dans la descendance d'Arpad. Les Arpad régnèrent
ainsi quatre siècles.
Les Hongrois ne renoncèrent pas tout d'abord à
leurs habitudes nomades. A la fin du xii" siècle,
beaucoup vivaient encore sous des tentes. Pendant
près de cent ans ils lancèrent des armées de pil-
lards en Grèce, en Italie, en Allemagne, en France
et jusque dans la péninsule ibérique. Mais
après leur désastre à Augsbourg en 965 (V.
Othon le Grand), ils se lassèrent de ces terri-
bles incursions, et peu à peu se renfermèrent
dans les limites de leur territoire, sans trop
môme chercher à l'agrandir. Jusqu'au xiv' siècle,
ils ne firent qu'une conquête importante, celle de
la Croatie et des villes maritimes dalmates (fin du
XI* siècle), se bornant à des guerres obscures
avec leurs voisins (Russes, Bohèmes, Autrichiens,
Vénitiens et Grecs).
Les plus à craindre de leurs ennemis étaient
d'ailleurs ces immenses peuples errants (Kumans,
Tartares, etc.) qui, des steppes de la Russie mé-
ridionale, venaient de temps à autre inonder, par
dessus la muraille des Karpathes, le fertile bas-
sin du Danube hongrois. Les plus terribles furent
les Tartai-es de 1*242. Vaincu, sans armée, le roi
de Hongrie Bêla IV n'eut de refuge, devant leurs
ravages, qu'une île de l'Adriatique.
Ces invasions, en se retirant, laissaient derrière
elles de nombreux prisonniers barbares. On les
employait h peupler les régions désertes. Saint
Ladislas, après sa victoire des bords du Temes
(1090), établit des Kumans dans le Jdszsâg, iwx
pied du Matra. Différents bourgs, dont le nom
commence par Tatdr, furent fondés de luême p:.r
Ladislas IV, au retour d'une campagne contre les
Tartares (1282). Ces premiers rois ouvraient volon-
tiers leurs États aux colons étrangers. Saint Etienne
avait appelé près de lui de nombreuses familles
allemandes (comni. du xi' siècle). Un siècle plus
tard, des émigrés flamands, chassés de leur pays
par l'Océan, reçurent l'oft're de se fixer soit au
pied duTatra, soit sur le plateau transylvain. Leurs
villes industrieuses y subsistent encore. Bêla IV
accueillit avec faveur des Allemands, des Slaves,
et toute une tribu de Kumans (en 1239, 40,000 fa-
milles). Toutefois, cette politique fut souvent une
cause de désordre.
Le désordre, d'ailleurs, était permanent. Tantôt
la guerre civile éclatait entre le roi et quelque
membre de sa famille ; tantôt c'était la nation qui,
mal gouvernée, se soulevait contre son prince.
Une de ces prises d'armes valut même à la no-
blesse une charte fameuse, la bulle d'or, qui, dès
1222, consacra ses libertés. Des troubles si fré-
quents fournirent à plus d'un monarque étranger
l'occasion d'intervenir, pour se poser, de cette
façon, en suzerain de la Hongrie. C'est ainsi que
l'empereur Henri III de Franconio reçut hommage
de Pierre I"', qu'il avait fait remonter sur le trône
(1045). Mais les Hongrois indignes proclamèrent
un autre roi, et l'empereur, repoussé à deux re-
prises, dut renoncer à ses prétentions. Un siècle
plus tard, Manuel Comnène, empereur de Byzance,
renouvela, sans plus de succès, les tentatives de
Henri IH.
Une autre conséquence des discordes intérieures
HONGRIE
- 983 —
HONGRIE
fut rabaissement de la royauté au profit de l'aris-
tocratie. C'est le trait caractéristique du xin'= siè-
cle. Los doinaines de la couronne, source priuci-;
pale des revenus publics, passent alors en foule
aux mains des seigneurs, soit de force, soit par le
besoin qu'avaient les rois de se faire des parti-
sans. Enrichis de ces dépouilles, les grands s'as-
servissent la petite noblesse, oppriment la bour-
geoisie naissante, écrasent le peuple des campagnes.
Sous Ladislas IV, les paysans, faute de bœufs,
s'attelaient eux-mêmes à des chariots qu'on appela,
par ironie, voitures de Ladislas.
II y eut cependant, même en ces premiers
siècles, des époques fécondes, qui préparèrent
l'avenir. Saint Etienne, d'abord, convertit les Hon-
grois au christianisme, non sans violences : l'anti-
que religion, l'adoration des éléments, ne fut
extirpée qu'au bout d'un siècle, après de sanglan-
tes réactions. Un nouveau pas fut fait dans les
années qui finirent le xi' siècle et commencèrent
le xii^. Le système administratif et judiciaire du
royaume fut développé dans de mémorables diètes
sons le chevaleresque Saint Ladislas, et sous son
fils Koloman (surnommé Kônyves, amateur de li-
vres}. Celui-ci, de plus, adoucit les lois pénales
portées par son père, et réforma les finances. Le
règne de Bêla III (lin du xir-' siècle) fut une autre
éclaircie. Ce prince avait été élevé à la cour de
Constantinople, et son épouse Marguerite était
sœur de Philippe I", roi de France. Sous eux. les
mœurs perdirent de leur rudesse ; l'Université de
Paris eut des étudiants hongrois.
Ce fut le dernier beau moment de la Hongrie
sous les Arpad.
Quand leur race fut près de s'éteindre, il sem-
bla que la Hongrie dijt se dissoudre. L'aristocratie,
plus puissante que jamais, se partagea entre plu-
sieurs prétendants. Une guerre civile de trente
années désola le royaume. Toutefois Charobcrt,
arrière-petit-fils de Charles d'Anjou, roi de Naples,
finit par triompher de ses compétiteurs, et régna
sans partage depuis 1318.
De 1.318 à 1382. — Les soixante années qui sui-
virent furent une époque de paix intérieure et de
progrès. Personnifiée par deux hommes supérieurs
(Charobert, puis, de 1342 à l3S2, Louis d'Anjou son
fils), la royauté s'accrut en force et s'entoura de
prestige. Elle agrandit ses ressources militaires, et,
par des moyens quelquefois blâmables, ses res-
sources en argent. Elle veilla aux intérêts de la
bourgeoisie, de la petite noblesse et des grands
(lois de 1352), mais aggrava le sort des paysans par
l'établissement des dîmes seigneuriales et d'autres
impôts. Elle réforma la justice, la monnaie, rendit
la sécurité aux routes, fit des traités de commerce,
conféra des privilèges aux villes, encouragea les
études (Université de Pécs,. L'agriculture et l'in-
dustrie prirent de l'essor; les corporations de métier
se multiplièrent ; des villes se bâtirent. Le com-
merce s'étendit au loin : une des voies principales
du trafic européen passait alors parla Hongrie, dont
plusieurs villes servaient d'entrepôt pour les den-
rées de l'Orient. Avec le bien-être, vint le goût
du luxe, importé d'Italie. Les mœurs se polirent,
et dans les âmes pénétra l'esprit religieux et
chevaleresque de l'Occident.
Cette prospérité du royaume permit h ses maîtres
de soutenir des guerres nombreuses. Trois furent
dirigées contre Venise, qui finit par payer tribut
(1348, 1356, 1377). Louis fit une autre expédition
célèbre en Italie (1-'.51) pour venger son frère,
époux de Jeanne de Naples qui l'avait fait assassi-
ner. La reine s'enfuit, mais ses complices mouru-
rent, et son royaume fut trois ans aux mains des
vainqueurs.
De 1382 à 1458. — Durant la période qui s'écoule
entre la fin de la dynastie d'Anjou (mort de Louis
I", 1382) et l'avènement de Mathias Corvin (liôS)
toutes les classes de la société devinrent la proie
d'une oligarchie opulente, sans frein, et déchirée
par la discorde. Le pouvoir royal fit de vains efforts
pour secouer la domination des grands. D'ailleurs
chacun des princes qui se succédèrent alors
(Sigismond de Luxembourg, Albert d'Autriche,
Vladislas de Pologne et Ladislas V d'Autriche)
ayant encore d'autres Etats à gouverner, la personne
du monarque fut le plus souvent absente du
roj'aume, et l'on s'en soucia d'autant moins. La
longue minorité de Ladislas V fut un autre malheur.
Malgré la désorganisation générale et les souf-
frances particulières, il y avait de la vie dans la
nation, un invmcible élan de progrès, et de grandes
forces en réserve. Elles parurent dans les terribles
guerres de cette époque (Bohème, Venise), surtout
dans les guerres turques, où tant de héros s'illus-
trèrent, et le plus célèbre de tous, Jean Hunyade.
Le premier grand choc des Hongrois et des
Turcs fut la désastreuse bataille de Nicopolis (i:39G,.
En vain Sigismond voulut-il prendre sa revanche
sous les murs de Galambôcz (1428); les incursions
des Ottomans devinrent de plus en plus nombreuses
dans les provinces vassales (Serbie, Valachie) et
même sur le territoire hongrois. Sous Vladislas,
son général Jean Hunyade (Htxnyadi Jânos) ,
comte de Temes, Infligea une première défaite à
leurs bandes en 1441. Ils revinrent k deux repri-
ses, l'année suivante, et furent encore deux fois
battus (Szeben, Va«kapu). En 1443, Hunyade et le
roi conduisirent une armée jusqu'au sommet du
Balkan, gagnèrent cinq victoires et revinrent
triomphants; mais la campagne de 1444 fut mar-
quée d'un grand revers : presque toute l'armée
périt, à Varna, avec le roi. Elu gouverneur du
royaume pendant la minorité du nouveau prince
(Ladislas 'V d'Autriche^ Hunyade recommença bien-
tôt la guerre pour secourir Sc;uiderbeg assiégé ; il
combattit trois jours dans les champs de Kassovo, et
fut encore vaincu (1448j par Amurat.La fortune lui
revint en 1454 : il tailla en pièces une armée turque
entrée en Serbie. Alors, le sultan Mahomet II pré-
parc une expédition formidable : 150,00(1 hommes
et 400 canons viennent mettre le siège devant
Belgrade. Hunyade s'y enferme, fait une défense
héroïque, sauve la ville, la Hongrie, et meurt (1456).
De 1458 '> 1490. — La reconnaissance publique
porta au trône son fils, Mathias Corvin (1458). La
Hongrie atteignit sous ce prince l'apogée de sa
grandeur. Soigneux de ses finances (lois de
1467, etc.), entouré de troupes permanentes qu'il
créa lui-même (armée noire, 1462), il concentra
dans sa main plus de forces qu'aucun de ses pré-
décesseurs, veilla au maintien des lois, punit sans
relâche les exactions c!' s grands, protégea les petits
et les faibles, et fut pleuré du peuple : « Mathias
est mort, disait-on, adieu la justice ! » Sa fermeté,
qui touchait presque au despotisme, provoqua,
dans les premiers temps, de formidables résistan-
ces. Il sut les déjouer à force d'adresse, de promp-
titude et de vigueur. Cependant la civilisation se
répandait. Sans doute, l'approche des Turcs avait
arrêté ce commerce de transit si florissant au
xive siècle; mais l'industrie était prospère, les
beaux-arts commençaient à s'acclimater; on élevait
des palais, des églises ; le souffle de la Pienaissance
arrivait jusqu'à Bude. Une imprimerie (147(i), une
société de savants, une bibliothèque somptueuse
s'y fondaient par les soins du roi. Plusieurs autres
villes ouvraient des écoles.
Grand par les œuvres de la paix, Mathias fut un
des premiers capitaines de son siècle. Malheureu-
sement, son ambition l'engagea dans des guerres
impolitiques avec les rois do Bohême et de Pologne
(1408-1478) et l'empereur Frédéric 111(1477, 1480,
1487). Il conquit la Moravie, la Silésie, l'Autriche,
entra en triomphe îi Vienne; pendant ce temps, les
Turcs dévastaient ses provinces méridionales
HONGRIE
— 984 —
HONGRIE
malgré la nouvelle organisation des frontières et
la glorieuse campagne de Bosnie (1463-1 ifi4).
Kinizsi, enfin, les arrêta (bataille de Kenyérmezô,
147!) .
De 14fiO à 1626. — L'aristocratie, humiliée par
Corvin. prit sa revanche sous les faibles succes-
seurs de ce prince, Ladislas VII et Louis IL Mais
toujours égoïste, oppressive, aveuglée par ses dis-
cordes, elle mit partout le chaos, et dissipa telle-
ment les forces de l'Etat, qu'en 152ii Belgrade
tomba, presque sans obstacle, aux mains des in-
fidèles. La Hongrie était ouverte. Soliman y con-
duisit l'OOOoO hommes. AMohacs, sur le chemin de
Bude, il rencontra le jeune Louis II à peine escorté
de 25 000 combattants ; 22 000 périrent avec le roi
(1526).
Soliman, vainqueur, entra dans Bude, qui fut
saccagé ; mais il ne garda pas ses conquêtes, et se
retira bientôt, comme un fleuve débordé qui laisse
tout en ruines derrière lui.
Mohacs est, pour les Hongrois, l'événement le
plus douloureux de leur histoire. Il inaugura une
ère nouvelle, trois cents ans de larmes, comme dit
un chant populaire. C'en est fait de l'indépendance ;
peu h peu, par morceaux, la Hongrie va passer tout
entière sous le sceptre de la maison d'Autriche ;
mais il y faudra deux siècles.
De 1527 à 1711. — Sombre époque que ces deux
siècles. L'unité du royaume est brisée. Une atroce
guerre civile fl.')28-l.-)30, 153C) le déchire d'abord
en deux lambeaux dont Ferdinand d'Autriche a
saisi l'un, et dont Szapolyai earde l'autre. Soliman,
de son côté, après quatre invasions terribles, repa-
raît une cinquième fois en 1541. Szapolyai venait
de mourir, et son rival se préparait à recueillir sa
succession, en vertu d'un traité convenu d'avance
entre eux (traité de Nagy-Vârad, 1538). Le sultan
fit chasser l'armée de Ferdinand, confirma le jeune
fils de Szapolyai dans la possession des parties
orientales de la Hongrie, et garda pour lui Bude
avec les plaines du centre. Le territoire se trouva
donc coupé en trois: on eut l"la Transylvanie et
ses annexes, sous des princes nationaux, élus par
la diète, et tributaires du sultan ; 2" la Hongrie
turque, gouvernée par des pachas; 3° la Hongrie
des Habsbourgs, monarchie élective jusqu'en 16S7,
absolument distincte (en droit) des autres posses-
sions autrichiennes, et dont, à chaque couronne-
ment, le nouveau roi jurait de respecter l'indépen-
dance.
Ce triple partage fit de la Hongrie un perpétuel
champ de bataille. Les Habsbourgs convoitaient tout
le royaume, surtout la Transylvanie, plus facile à
prendre que \s reste : Ce là, des conflits avec les
Turcs, qui de ieui ;ôté cherchaient à s'étendre, et
des guerres entre l'empereur et les princes de
Transylvanie.
Pendant la première période de la guerre de
Trente ans*, le prince transylvain Bethlen Gabor
prit le parti des protestants d'Allemagne, et tint
à plus d'une reprise les forces de l'empire en échec.
Au milieu du xvii'^ siècle eut lieu une invasion des
Turcs, repoussée par Montecuculli à la journée de
Saint-Gothard (1064). Un peu plus tard, la Hon-
grie autrichienne, irritée par la tyrannie des
Habsbourgs, se révolte sous la conduite du comte
Tôkôli (lt)78), qui s'allie avec les Ottomans :
Vienne est assiégée (1683), mais le roi de Pologne
Sobieski la délivre. Les revers des Turcs entraînent
la ruine de TôkOli, et en 1685 l'insurrection expi-
rait. L'empereur Léopold se vengea par de san-
glantes exécutions, et saisit ce moment pour faire
décréter par la diète l'hérédité du sceptre dans sa
famille (i687). Mais au commencement du x\iii' siè-
cle éclate une autre révolte, celle de Rakoczy :
dlle aboutit, après une lutte de dix années, à une
convention garantissant l'autonomie et la constitu-
1 nn du royaume (1711).
Durant ces deux siècles, la Hongrie orientale
ou Transylvanie, échappée seule à l'oppression
étrangère, continuait la Hongrie du xv* siècle,
dont elle restait comme un débris. Elle n'avait
qu'une demi-indépendance, payantaux Turcs un tri-
but onéreux; mais son gouvernement était au moins
national. Tandis qu'autour d'elle tout tombait en
dissolution, elle se développa selon son génie
propre, sous l'influence de la libre-pensée, dont
elle fut l'asile pendant près de deux cents ans.
L'industrie, les arts, les écoles prospérèrent : et
cette petite contrée pesa, sous Bethlen Gabor,
dans la balance de l'Europe. Mais à partir de 1699
elle fut soumise aux Habsbourgs.
La Hongrie turque eut beaucoup à souffrir.
Elle fut enfin délivrée de la domination musul-
mane par le traité de Carlowitz (1690), qui la
réunit tout entière, sauf le Banat, au royaume où
régnait la maison d'Autriche ; et en 1718, à la suite
des victoires du prince Eugène, le Banat lui-même
fut repris aux infidèles.
De 1711 à 1780. — Durant le xvin« siècle, la
Hongrie eut la paix : d'une part, le royaume était
tout entier sous le même sceptre ; d'autre part, la
modération relative du cabinet de Vienne sup-
prima les révoltes, sauf quelques troubles partiels.
Mais le pays était complètement ruiné. Le gou-
vernement l'aidait bien un peu à se refaire, per-
çait une route, construisait une digue, corrigeait
quelque chose à l'administration. Les progrès n'en
furent pas moins dune lenteur extrême. Un autre
mal qui frappe à cette époque, c'est l'apathie
morale où la nation est plongée. Mille faits en
témoignent. Point, ou presque point de vie politi-
que; dix, treize, quinze années sans diète. Plus
de vie intellectuelle ; la littérature avait eu, au siè-
cle précédent, ui! premier essor plein de promesses:
elle tombe et meurt. La langue môme se corrompt :
bien plus, elle est abandonnée, et l'allemand prend
sa place, tout au moins dans les hautes sphères.
De même, le caractère national se perd dans les
mœurs, dans le costume, et jusque dans le type
des figures.
Marie-Thérèse* hâta de toute son influence cette
éclipse du sentiment hongrois. Elle rêvait, comme
ses prédécesseurs, l'unité politique et religieuse
de ses États, sous le régime du pouvoir absolu.
Mais elle sut voiler ses desseins sous des flatte-
ries et des caresses qui tournèrent la tête aux
Hongrois. Ils s'épuisèrent pour leur souveraine
(guerre de la succession d'Autriche, guerre de Sept
ans), sans voir qu"eu,v-mêmes périssaient comme
nation.
Un phénomène arrêta cette décadence.
De 1780 à 1790. — Déjà Marie-Thérèse avait
cédé, vers la fin de son règne, au courant phi-
losophique du siècle, en adoucissant la condi-
tion des serfs (17G6-67), en supprimant les Jésui-
tes (1770), en réformant l'instruction (1769-1777).
L'alliance du despotisme et de la philosophie
s'acheva dans Joseph II *. Ce prince agit en phi-
losophe, quand il admit la liberté de penser,
proclama la tolérance, et voulut afi'ranchir les
paysans. Mais il fut despote, à l'égard des Hon-
grois, quand il leur imposa l'usage exclusif de
1 allemand jusque dans les écoles ; quand il abolit
l'autorité des cornitats ou districts où tout se
faisait par voie d'élection et de suffrage, pour cen-
traliser l'administration hors du pays, à Vienne,
sous sa main. Il fut surtout despote parla manière
dont il appliqua ses réformes, car il usurpait le
pouvoir : il ne s'était pas fait couronner, il n'avait
pas garanti la constitution, il se passait de dictes.
Li'S Hongrois se réveillèrent enfin de leur tor-
peur. On revint avec passion à l'idiome, au cis-
tume indigènes, à tous les signes extérieurs de la
nationalité compromise. Des subsides da guerre
illégalement perçus (1787-88-89), l'exemple d^s
IIÛNGRTE
985 —
HOUILLE
Pays-Bns et de la France, acnevèrent de monter
les tûtes : Joseph II, sur son lit de mort, prévint
une insurreciion imminente en rétractant ses or-
donnances (17'JO).
D- 1780 à 1825. — L'esprit de progrès, banni
pour jamais du trône, passa aussitôt dans la nation.
Un magnifique élan de réforme saisit la diète de
1790. Mais le cabinet paralysa tout : il tremblait
devant la révolution. Des complots imaginaires,
suivis d'exécutions sanglantes; le vertige des guer-
res n.ipoléoniennes, et plus tard un système com-
plet d'abrutissement intellectuel, replongèrent la
Hongrie dans la mort sociale. Vers 1820, tout espoir
de résurrection semblait disparu. Quelques hommes,
toutefois, des érudits, des poètes, bravant l'indif-
férence, acceptant la misère, travaillaient sans
relâche à ranimer autour d'eux le patriotisme expi-
rant. Ces héros sauveraient-ils l'avenir? Eux-
mêmes doutaient de leur œuvre. Un jour vint,
cependant, où la conscience publique se réveilla.
Les longs crimes du gouvernement, et de récentes
atteintes portées aux lois, déterminèrent alors un
tel mouvement d'opinion, qu'il fallut convoquer la
diète (1825). Une nouvelle ère commença.
De 1825 à 1848. — On vit d'un côté le parti des
réformes, guidé par le comte Széchcnyi, de l'autre
le pouvoir, que soutenait une fraction de la no-
blesse. Les diètes, les assemblées de comitats, la
presse retentiront de discussions. En vain les
élections, habilement travaillées, permirent-elles à
la cour de Vienne d'éluder pendant vingt ans tout
progrès sérieux. En vain eut-elle recours à la ter-
reur, d'abord, puis h la feinte ; les progressistes
gagnaient chaque jour en nombre, en influence;
ils élargirent leur programme, Szécliényi fut dé-
passé, Kossuth prit latète du mouvement. Assu-
rer au royaume sa légitime indépendance, sauver
la nationalité en péril, effacer les abus légués par
le moyen âge, mettre en œuvre les ressources
Inexploitées du pays, et fonder sa grandeur sur le
travail, la justice et la liberté, tels étaient les
vœux de la nation presque entière. Aux élections
de 1847, en dépit de toutes les manœuvres, la vic-
toire demeura pour la première fois h l'opposition.
La diète s'ouvrit au milieu d'une attente générale.
1848 et 1849. — Tout h coup, la révolution de
février éclate à Paris. Vienne se soulève (13 mars),
Pest et Prosbourg frémissent (15 mars).
Electrisées par Kossuth, les deux chambres ont
demandé (4 mars) la suppression des privilèges,
l'abolition des corvées, la liberté de la presse, le
système représentatif, le jury, un ministère natio-
nal. La cour hésite, promet, se rétracte : en vain !
les menaces de l'opinion publique, les instances
du palatin (vice-roi) l'emportent (.31 mars). Le
11 avril, les nouvelles lois, revêtues de la sanction
royale, sont remises à la diète par le monurque en
personne, entouré de sa famille, en séance solen-
nelle. C'était un piège.
La cour voulait à tout prix le retour h l'ancien
ordre de choses. Un moyen excellent était la
îïuerre civile. Or, l'extension de la vie nationale chez
les Hongrois de race portait ombrage, depuis quel-
ques années, à leurs compatriotes serbes, roumains
et croates. On profita de ces malentendus, que
M. de Metternicli avait sagement envenimés. Un
homme sûr, Jellachich, fut nommé ôan (gouver-
neur) de Croatie. 11 fit des armements, refusa
obéissance au gouvernement national de Pcst.
Dans le Banat, on insurgea les Serbes (8 juin), et
l'armée autrichienne, conformément à des ordres
secrets, favorisa l'insurrection tout en paraissant
la comlattre. La diète hongroise prend alors en
mains la défense du pays : bientôt Jellachich et ses
Croates fuient devant les volontaires accourus à
la voix de Kossuth, qui parut, dans ces jours de
crise, la voix même de la patrie.
L'entraînement fut général. En réponse au mani-
feste impérial du 16 octobre, l'armée hongroise mar-
cha au secours de Vienne insurgée, mais elle fut bat-
tue à Schwechat (30 oct.). Vienne tomba (;il oct.),et
les impériaux préparèrent l'invasion de la Hongrie.
Tels furent les commencements d'une guerre où
les Hongrois se couvrirent de gloire. Battus d'a-
bord, puis vainqueurs, ils forcèrent l'Autriche h
demander secours au tsar. Alors, accablés par
des forces doubles, livrés par leur propre géné-
ral Gôrgey, ils posèrent les armes (capitulation
do Vilâgos, août 1849). Kossuth, qui avait été,
sous divers titres, l'âme de la résistance, prit
avec quelques compagnons le chemin de l'exil.
On sait la réaction qui suivit. Le royaume fut
dépecé en provinces autrichiennes. Mais la Hon-
grie devait serelever. A la suite de la guerre de 18GG
entre la Prusse etrAutriche,uneréorganisationdes
Etats formant l'empire des Habsbourg devint né-
cessaire : la Hongrie obtint alors de former un
royaume autonome, avec un gouvernement distinct
de celui de l'Autriche. Depuis ce moment, la
nation hongroise, redevenue maîtresse de ses des-
tinées, n'a cessé de marcher en avant dans la voie
du progrès et des réformes libérales.
j A. de Gérando.]
Pour la géographie de la Hongrie, V. Autriche.
HOUILLE. — Chimie, IV; Géologie, VI. — His-
torique. — La houille est un combustible minéral
provenant de l'altération de végétaux fossiles. Elle
a été connue de toute antiquité par les Chinois, par-
fois utilisée par les Grecs, les Romains, les Gaulois,
mais toujours exceptionnellement. Un préjugé
semi-religieux s'opposait encore h son emploi au
commencement du siècle dernier en Angleterre et
en France. Souvent même on mettait à l'amende,
on emprisonnait les industriels qui voulaient en
faire usage. Sous Charles II d'Angleterre, elle était
sévèrement prohibée. Les choses changent dans la
deuxième partie duxviii" siècle; on en vend publi-
quement sur les quais de Londres et de Paris.
C'est surtout au développement de la machine
à vapeur qu'est due l'immense, et peut-être
excessive extension de son usage. Pour donner
une idée de cette extension, voici l'étendue de la
surface des terrains houillicrs reconnus, en 1864,
et le nombre des millions de tonnes de houille
extraite :
Sljriamètres carrés. Millions de tonnes.
Angleterre 137 86
France .35 10
Autres Etats de l'Europe 73 25
Amérique du Nord 3 000 - 20
Propriétés, orir/nies. — La houille se présente en
fragments d'un noir brillant, parfois rendus irisés
p.ir un mince vernis de sulfure de fer, à cassure
nette, à peu près plane. Sa densité varie de 1,16
à 1,G0. Elle se rencontre surtout dans le terrain
qui a reçu d'elle le nom de terrain houillier ou
carbonifère, et qui se compose de couches de
houille, de schistes, de calcaire et de grès ; et c'est
avec ce dernier minéral qu'elh; se montre le plus
habituellement. On trouve déjà une houille maigre,
voisine de l'anthracite, dans le terrain dévonien,
inférieur au carbonifère, et un charbon minéral de
mauvaise qualité dans les marnes irisées, étage
supérieur au gisement ordinaire. La houille se pré-
sente en couches d'une épaisseur qui varie de
quelques centimètres à 1 ou '2 mètres, et atteint
dans des points exceptionnels jusqu'à 6 mètres.
Ces couches ont souvent la forme de bateau, la
partie centrale d une région étant plus profonde
que le pourtour. Elles ont de plus été plus ou
moins disloquées, repliées, relevées, coupées par
des failles ou brisures. La houille était considérée
jusqu'ici comme provenant directement de la dé-
composition des plantes et des arbres sous l'in-
fluence de la chaleur et de la pression. On fait
HOUILLE
— 986
HOUILLE
souvent une expérience ayant pour but de démon-
trer cette origine. Entre deux galettes humides
d'argile, on comprime fortement une portion de
plante, feuille, fougère, mousse; on laisse sécher
lentement, puis on cuit à une température d'envi-
ron 201) à 30(1°. Après le refroidissement, l'argile
s'est transformé en une sorte de schiste, que l'on
peut fendre, et dans lequel le fragment végétal
est devenu une substance semblable à la houille.
Il était généralement admis que les dépôts de
houille étaient formés par d'immenses forêts, par
des amas de plantes qui s'étaient imparfaitement
carbonisés sur place. M. Mène tend à montrer
que ces couches ont été plutôt formées par des
radeaux flottants de plantes terrestres ou marines
transportées par l'action de la mer dans des golfes
où elles se sont déposées. La transformation de ces
végétaux en houille est plus complexe qu'on ne le
pensait. M. Frémy conclut de longues études sur
les tissus végétaux, que la houille n'est pas une
substance organisée; les empreintes végétales
qu'elle présente se sont produites sur ce corps
com..me sur toute autre matière plastique. D'après
le travail présenté, en 1879, par ce savant h l'Aca-
démie des sciences, les végétaux producteurs de la
houille ont subi d'abord la fermentation tourbeuse
qui a détruit toute organisation végétale ; puis l'ac-
tion combinée de la chaleur et de la pression ont
transformé cette tourbe en matière bitumineuse
plastique, sur laquelle se sont parfois et après
coup imprimées des empreintes d'êtres orga-
nisés.
Los houilles se divisent en houilles grasses, bi-
tumineuses, à longue flamme, et en houilles maigres
anlliraciteuses à courte flamme. Les premières se
ramollissent en brûlant, se soudent, empâtent les
grilles. On les préfère pour la forge, la fabrication du
gaz. Les secondes se ramollissent peu, donnent un
coke dense, brûlent bien sur la grille et sont pro-
pres aux opérations industrielles et métallurgiques
qui exigent une chaleur continue, progressive.
Composition. — La composition élémentaire de
la houille varie beaucoup suivant les échantillons.
Elle contient de 72 à 90 de carbone, de 3 à G d'hy-
drogène, de 2 à 14 d'oxygène, de 0 à 2 d'azote,
parfois jusqu'à 1,25 de soufre, et une quantité de
cendres qui peut se monter jusqu'à 7. Il est prati-
quement plus intéressant de connaître les résultats
de la distillatio.n sèche de la houille. Tandis que
certaines houilles anthraciteuses donnent à peine
8 p. 100 de produits volatils, on en retire jus-
qu'à S2 de riches houilles grasses. La quantité de
coke varie de 30 à 90 p. 100. L'analyse de la houille
à ce point de vue peut se faire en cliaufl'ant dans
un creuset couvert un poids donné de houille, en
pesant le résidu, et enhn les cendres laissées par
le coke brûlé dans le creuset ouvert. Si l'on recher-
che la plus grande précision possible, il faut em-
ployer un creuset de platine placé dans un creuset
de terre beaucoup plus grand. Les produits de
la distillation varient notablement suivant la qua-
lité de la houille et la conduite de l'opération ; ce
sont des gaz, de l'eau ammoniacale, du goudron
complexe.
Citons spécialement, parmi les variétés de chai--
bon fossile, le boghead, formant dans certains dis-
tricts anglais une couche de 4o à 60 centimètres
d'épaisseur. 11 est remarquable par la grande
quantité et le pouvoir éclairant du gaz fourni, et la
pauvreté en carbone de son coke, lequel contient
jusqu'à V/.5 de cendres. La composition immédiate
de la houille n'est pas connue ; on obtient en effet
par des distillations ménagées un grand nombre
de composés, mais on ignore comment ils sont
unis dans le minéral naturel. Les uns le considè-
rent comme un mélange de charbon fossile et
d'une matière bitumineuse ; d'autres comme un
composé unique à proportions très variables.
Exploitation. — Les couches de charbon de
terre, déposées horizontalement, ont subi des défor-
mations, des déplacements par suite des glisse-
ments, des fissures du sol, et se présentent géné-
ralement obliques, parfois presque verticales.
Quand trois sondages ont permis de déterminer la
disposition d'un gîte houiller, on creuse deux
puits verticaux, on les relie par une galerie hori-
zontale de façon à établir la ventilation. On taille
ensuite la houille, suivant les circonstances, en sui-
vant la ligne do plus grande pente de la couche,
ou au contraire des lignes horizontales. On mé-
nage des piliers pour soutenir la voûte des gale-
ries ; on comble les galeries épuisées avec les mi-
nerais, schistes ou grès, que l'on doit tailler en
même temps pour se faire un passage. Les bouil-
leurs, armés d'un pic et d'une lampe de sûreté, tra-
vaillent dans les positions les plus diverses et les
plus gênées sur le dos, le côté, et sont exposés à
une multitude d'accidents, chute de plafonds (culs
de lampe), inondations produites par l'ouverture
subito d'une couche de sable ou autre substance
pénétrée d'eau, et les pires de tous, les explosions
de feu grisou. La houille est pénétrée de gaz
hydrogène carboné dissous ou plutôt occlus, qu'elle
dégage par diffusion à l'air; ce dégagement aug-
mente quand la pression barométrique diminue.
Le gaz carboné produit alors avec l'air un mélange
détonant qui fait explosion dans diverses circon-
stances que l'on ne parvient pas toujours à con-
naître, et que l'on a trop souvent attribuées sans
preuve aux imprudences des ouvriers. 11 se passe
peu de mois sans que l'on soit terrifié par le récit
d'un de ces accidents qui font des dizaines, des
centaines de victimes. 11 n'y a pas en Angleterre
moins de 1 200 victimes par année, en moyenne;
et l'on a calculé qu'aujourd'hui encore, après tant
de progrès, il faut ajouter au prix, de l'exploita-
tion de cent mille tonnes de houille un mineur
mort et au moins un autre invalide.
Usages. — La houille sert à fabriquer le gaz de
l'éclairage, et elle est le combustible par excel-
lence de l'industrie. Le chifi're de sa consommation
peut être considéré comme la mesure de l'activité
industrielle d'une région. Tandis qu'elle est em-
ployée à l'état naturel pour la forge, le chauffage
des chaudières, etc., elle doit le plus souvent pour
les travaux métallurgiques être d'abord carbonisée,
privée de ses produits volatilisables et sulfurés.
Le coke léger est un produit accessoire de la fabri-
cation du gaz ; on en absorbe du reste, pour chauf-
fer les cornues, un tiers de celui qui en sort. Pour
la métallurgie on préfère un coke dense tiré des
houilles maigres ; on l'obtenait autrefois par une
combustion incomplète, analogue à la carbonisa-
tion du bois ; le plus souvent, aujourd'hui, la
houille est distillée, les gaz dégagés servent de
combustible, et tout le coke, produit principal, est
recueilli.
Grâce à l'introduction des excellents fourneaux
en fonte, la houille s'emploie de plus en plus dans
l'économie domestique, pour le chauffage des
appartements, pour la cuisine. Pour utiliser scien-
tifiquement ce combustible à l'état naturel, il fau-
drait se servir exclusivement d'appareils fumivores,
c'est-à-dire tels qu'il ne sorte de la cheminée que
des produits de combustion complète, eau, acide
carbonique. Ces appareils, de forme variable, sont
des grilles à combustion, ayant un mouvement
mécanique et recevant une distribution continue
de houille en arrière ou au-dessous du combusti-
ble déjà chauft'é au rouge, de telle sorte que les
gaz les premiers dégagés y soient complètement
brûlés. Ces appareils, très insuffisamment em-
ployés dans la grande industrie, ne le sont, bien
entendu, aucunement dans les ménages. Il en ré-
sulte dans les grandes agglomérations une fumée
continuelle, qui exerce une influence funestç sur
HOUILLE
987
HOUILLE
le climat, sur le jeu des organes respiratoires, et
ajoutons-le, sur l'humeur des habitants ! Les par-
celles microscopiques de noir de fumée constituent
un noyau surlequ'^I se condensent et s'appuient
les gouttelettes qui forment les nuages, les brouil-
lards. Tout le monde a entendu parler du brouil-
lard brun-rouge de Londres, lequel n'a pas d'autre
origine que les tonnes de noir de fumée jetées
chaque jour dans l'atmosphère humide de cette
ville par les habitants et par les manufacturiers.
Le travail s'interrompt du samedi après midi jus-
qu'au lundi, et quand il a plu un peu le diman-
che matin, on est tout étonne do trouver ensuite
à Londres l'atmosphère aussi pure qu'ailleurs. La
cessation de ce fléau dépend, en ce qui concerne
l'industrie, de l'observation des lois et règlements
sanitaires jusqu'ici plus nombreux qu'obéis ; quant
à l'économie domestique, elle ne devrait jamais
employer la houille naturelle, mais ses deux élé-
ments, le coke et le gaz de l'éclairage, et toujours
avec des conduits pour rejeter au dehors les pro-
duits de la combustion. On pense h tort que soit
ces combustibles, soit les appareils qui les utili-
sent, donnent des maux de tète. L'explication de ce
fait est que par ces nouvelles méthodes on obtient
beaucoup plus de chaleur que par les anciennes
avec des quantités de combustible en apparence
égales, d'où une plus grande sécheresse relative
du l'air. Le remède à cet inconvénient est de n'u-
ser que le combustible nécessaire et d'entre-
tenir la quantité voulue de vapeur d'eau dans les
chambres, en plaçant sur le fourneau un vase plein
d'eau.
Anthracite, lignite. — h'ant/iracite du grec a7i-
thrax, charbon) se distingue de la houille en ce
qu'il briile sans fumée ni odeur : il est composé de
carbone, de silice, de fer, avec traces d'hydrogène
et de matières terrenscs.il est d'une formation plus
ancienne que la houille.
On appelle lignite (du latin lignum, bois) un
charbon fossile analogue à la houille, mais donnant
moins de fumée ; on le rencontre dans les terrains
des formations secondaire et tertiaire.
Avenir de la honille. — En voyant l'exploitation
excessive de la houille pendant ce siècle, les éco-
nomistes ont été portés à, rechercher pendant
combien de temps elle pourrait durer. Des calculs
pessimistes annoncèrent la disparition complète
de ce précieux combustible avant deux siècles.
D'autres, comptant sur ce qui reste encore à dé-
couvrir de gites houillers, sur des perfectionne-
ments probables des procédés d'extraction, et sur
l'imprévu, éloignent cette ruine de plusieurs mil-
liers d'années, et cessent de s'intéresser au sort
de descendants si éloignés. Il est certain, somme
toute, que plus grande est la profondeur où l'on va
chercher la houille, plus grands sont la peine, le
danger, la dépense ; que dans notre époque de
production sans mesure, sans prévision, on a
abusé d'une source de force toujours prête, mais
coûteuse, épuisable tôt ou tard, et que l'on a nota-
blement négligé des forces naturelles gratuites et
inépuisables, mais irrégulièrement intermittentes,
le vent, les cours d'eau, le flux, la chaleur so-
laire. L'humanité agirait autrement si elle savait
et voulait administrer prudemment les richesses
naturelles pour la plus grande utilité du présent
ei de l'avenir. [P. Robiix.j
Lectures et dictées. — La terke a l'époqce cak-
BOMFÈRE. — Pompéi et Herculanum, enfouis sous
la lave volcanique, se drossent aux yeux de l'his-
torien qui décrit les maisons de ces cités gracieu-
ses, et qui voit la foule des morts se réveiller
pour animer les rues aujcmrd'hui désertes et si-
lencieuses; les fossiles de la houille semblent de
môme sortir d'un long repos pour apparaître aux
yeux du géologue; cet autre liistorien de la nature.
A l'évocation de la science, les fougères relèvent
leurs rameaux épais, les lépidodendron s aux lige
élancées et flexibles reprennent vie; les lycopodia-
cées verdoyantes baignent leurs racines dans les
marécages autour d'un tapis de verdure éternel et
sans limites. La terre, d'un pôle à l'autre, est cou-
verte d'un épais manteau de verdure, et les végé-
taux de la houille remontent à la vie de la géologie.
Etrange décor qui embellissait la scène de notre
planète : nos vâgétaux les plus humbles étaient les
plus orgueilleux ; les fougères de notre époque ne
sont plus que les représentants rachitiques des
fougères paléozoîques, et les humbles herbages de
nos marais sont une image en miniature des ro-
seaux gigantesques qui couvraient le sol. Les vé-
gétaux primitifs avaient une uniformité saisis-
sante, quelque chose de grand dans la pauvreté
d'espèces. La nature, prodigue de force et de fé-
condité, semblait avare de variété. Pas de fruits,
pas de fleurs comme contraste dans la monotonie
de nuances ; pas d'animaux terrestres pour ani-
mer de leurs mouvements ces forêts silencieuses.
La vie végétale immobile, éternelle : sur les con-
tinents, çà et là des marécages; plus loin, des
mers étendues. Pas un oiseau ne voltigeait sur les
rameaux épais ; pa* un mammifère ne cherchait
l'ombre sous les feuilles ; l'Océan seul avait de
nombreux habitants. Quelques rares insectes pro-
menaient leurs ailes diaprées, irisées et brillan-
tes, sur ce monde organique; mais la majesté des
forêts n'était troublée par aucun être supérieur;
pas un pied vivant ne froissait la feuille qui se
détachait de sa tige ; pas une souillure sur cette
virginité d'ombrage et de verdure ; pas une pensée
pour contempler l'uniformité de ce monde étrange.
Au centre de l'Afrique, sous les tropiques, il
existe encore quelques forêts dont les arbres of-
frent une analogie frappante avec ceux de la pé-
riode houillière. Livingstone a décrit ces végétaux
singuliers qu'il a découverts au milieu des régions
inexplorées du vaste plateau africain. Mais l'at-
mosphère de ces contrées modernes n'est plus oo
même air chargé d'acide carbonique, si propre à
donner aux végétaux d'autrefois une force et un
développement exceptionnels.
Sous l'influence des rayons solaires, les plantes
de ces temps reculés réduisaient l'acide carboni-
que ; elles s'assimilaient le carbone qui s'y trouve
contenu, et purifiaient ainsi l'atmosphère en la pré-
parant à donner la vie à d'autres êtres plus perfec-
tionnés. Cette réduction de l'acide carbonique
s'opérait avec une absorption de chaleur delà part
du végétal; chaleur emmagasinée, devenue la-
tente, qui ne devait apparaître que le jour où
l'homme brûlerait le noir combustible. Quand on
chauft'e le charbon de terre, il brûle, il se combine
avec l'oxygène de l'air et dégage de la chaleur ; on
peut dire, sans être paradoxal, que cette chaleur
n'est autre que celle des rayons solaires concen-
trés pendant des siècles dans la houille ; ils se
dctragent aujourd'hui pour féconder l'industrie des
sociétés modernes. (G. Tissandier, ta Houille, dans
la Bibliothèque des Merveilles.)
La descente dans les puits des houillères. —
La visite d'une nouillère est toujours fort intéres-
sante, émouvante même pour les novices. On gagne
les chantiers souterrains par le puits. A cheval ou
debout sur une tonne suspendue au câble, on
éprouve au départ comme un sentiment pénible,
cette sensation du vide que produit la descente
dans un puits. La tonne frotte contre les parois;
l'espace est limité et le paraît encore dcvantage,
par suite de l'obscurité. A peine est-on éclairé par
les lampes. L'eau filtre de la roche goutte Ji goutte,
en pluie fine, et parfois l'on su prend à réfléchir
qu'une pierre pourrait tomber des parois et vous
écraser la tête, que le câble, tendu par le poids et
dont on sent les oscillations, pourrait aussi se
rompre ou le fond de la tonne s'ouvrir. Au milieti
HUGUES CAPET
— 988 —
HUGUES CAPET
du puits on songe aune rencontre;, à un accrochage
possible. L'obstacle îranchi, on respire plus aisé-
ment; et bientôt on arrive au terme du voyage,
heureux d'en être quitte à si peu de frais. J'ai vu
des visiteurs refuser de prendre ce chemin pour
descendre dans une mine ; j'en ai vu d'autres se
blottir au fond de la benne, et là rester immobiles
de peur. A l'arrivée, il fallait littéralement basculer
la cuve pour les en faire sortir, et ils ne repre-
naient leurs sens qu'avec peine. Les mineurs font
au contraire cette route deux fois par jour, sans
souci du péril; ils causent et rient dans le trajet :
tels les vieux grognards de l'empire allaient au feu
sans sourciller et gaîment affrontaient la mitraille.
Deux ou trois fois par vingt-quatre heures, mais
d'habitude deux fois, le matin et le soir, les postes
entrent dans la mine. Le spectacle est curieux ;
les ouvriers se pressent en foule, puis, au son de la
cloche, disparaissent en groupes serrés par les
bennes, les cages ou les échelles. On les entend
causer au départ; mais bientôt la voix se perd dans
le puits, ce n'est plus qu'un sourd murmure; on ne
distingue que la pâle lueur des lumières.
Dans quelques mines, on fait la prière avant la
descente. Dans la plupart, on néglige ce soin ; mais
plus d'un travailleur se signe dévotement en par-
tant, et récite à voix basse une invocation à la
Viirge ou à sainte Barbe, la grande patronne des
mineurs. Arrivées au fond, les bandes se séparent
et vont chacune sur leur lieu de travail.
Visitons ces différents quartiers de la mine, en-
trons dans le dédale souterrain. Dans les chantiers
d'abattage, où l'on entend le bruit, où l'on sent
l'odeur de la poudre, se tiennent les piqueurs.
Dans les galeries, les rouleurs, les chevaux se
pressent, les trains vont et viennent. A la place
d'accrochage, c'est le mouvement des tonnes qu'on
suspend ou détache, et le cri des accrocheurs du
fond qui correspondent avec les receveurs du jour.
Les lampes n'éclairent que quelques points, illumi-
nant le visage des hommes, le contour des wagons,
la houille qui brille çà et là; le reste est plongé
dans l'ombre, et néanmoins cet ensemble est animé,
saisissant.
Les galeries en tous sens se croisent comme les
rues d'une ville aux mille détours. Il y a des car-
refours, des places. Chaque voie a son nom et sa
destination; mais comme il n'y a pas de poteaux
indicateurs, on s'y perd les premiers jours, on s'y
retrouve ensuite par l'habitude. Quelques-unes
des galeries, longues, larges, bien ventilées, for-
ment les artères principales, les grandes rues :
c'est le beau quartier de la mine. Les autres sont
parfois basses, étroites, tortueuses, à peine aérées,
mal entretenues, et sujettes d'ailleurs à moins de
durée : ce sont comme de vieux quartiers qui doi-
vent disparaître. Cette ville souterraine est habitée
nuit et jour ; elle est éclairée, mais par des lampes
fumeuses. Elle a des chemins de fer que parcou-
rent des chevaux, des locomotives. Elle a des
ruisseaux, des canaux et des fontaines, sources
d'eau vive dont, il est vrai, on se passerait bien.
Elle a même certaines plantes, certains êtres qui
lui sont propres, et la vie, on l'a dit, semble y re-
vêtir des formes spéciales. C'est la cité noire et
profonde, la cité du charbon, centre animé du tra-
vail. ( L. Simonin, La Vie souterraine.)
HUGUES CAPET ET LES PREMIERS CAPÉ-
TIENS. — Histoire de France, VII, Vlll. — Hugues
Capet fonda, en 987, la troisième dynastie des rois
de France. C'est à l'assemblée féodale de Senlis
que, par l'assentiment des barons, la nouvelle fa-
mille Capétienne fut substituée à la famille des
Carlovingiens. Cette assemblée avait été convoquée
par le dernier Carlovingien, Louis V. pour juger
l'archevêque de Reiras, Adalbéron, qu'il accusait'de
félonie. Louis V étant mort sans enfant, Adalbéron,
qui fut déclaré innocent, proposa aussitôt aux ducs,
aux comtes et aux évoques de choisir on roi
Charles de Lorraine, oncle de Louis V, revendiquait
la couronne. L'archevêque se prononça dans les ter-
mes les plus passionnés contre Charles et pour
Hugues Capet. Aux paroles d'Adalbéron, a mille sou-
venirs s'éveillèrent à la fois et achevèrent de plaider
victorieusement en faveur de Hugues. Où trouver
une race plus populaire ? Son premier ancêtre connu
était ce Robert le Fort qui, en un temps de défail-
lance générale, lorsque les rois et leurs capitaines
abandonnaient la France aux barbares, s'était pré-
senté tout à coup aux populations effarées comme
un libérateur. Son fils Eudes avait monté plus haut
encore : sa défense de Paris en avait fait un héros
national, et il avait mis le comble à sa gloire par
ses victoires de Montfaucon et de Montpensier.
Après lui, Robert, fidèle aux traditions patrioti-
ques de la famille, avait à son tour teint la bannière
des Capétiens dans le sang des barbares du Nord.
Hugues le Grand, le sagace politique, moins soldat,
moins désintéressé, n'en était pas moins resté
populaire pour avoir combattu, à défaut des North-
nians, les Allemands d'Othon. ces autres enne-
mis de la France nouvelle. Hugues Capet conti-
nuait ses glorieux ancêtres par sa bravoure, son
habileté et son patriotisme.il avait singulièrement
flatté l'orgueil de la nation en arrêtant sous les
murs de Paris l'empereur Othon l*' et en infligeant
une désastreuse défaite aux bandes allemandes.
Peuple et Beigneurs étaient d'accord pour le re-
connaître comme le chef naturel du mouvement
féodal. Tous les intérêts nouveaux pouvaient se
réclamer de lui. Sa race, sortie des entrailles mêmes
du sol, représentait le mélange des Gaulois et des
Franks, de la population primitive et de celle qui
l'avait rajeunie ; elle était connue de tous, sous le
chaume du serf attaché à la glèbe, comme sous les
cloîtres du couvent, dans les palais des évêques
comme dans les donjons pendus aux flancs des
montagnes escarpées ; elle s'oflVait à l'imagination
comme une éclatante personnification de la patrie
nouvelle, de la Gaule féodale, affranchie de la lon-
gue servitude romaine et entrant dans la vie libre
sous le nom de France. Hugues Capet, de sa per-
sonne, plaisait à tous. Il était doux et bon à tous,
miséricordieux pour les humbles, ferme pour les
pervers, sachant tenir une épée, mais aussi une
main de justice. Son fils Robert, élevé par le sa-
vant écolâtre de Reims, passait pour un prince ac-
compli, également habile au maniement des armes
et aux exercices des lettres. Chacun des membres
de l'assemblée nationale, grand vassal, vassal,
arrière-vassal, évêque, clerc ou moine, trouvait un ar-
gument en faveur de cette candidature indiquée par
tous les intérêts comme par toutes les sympathies.
» A ces titres éclatants que pouvait opposer le
duc Charles ? Ah ! il avait le droit d'invoquer le
souvenir de ses aïeux, plus illustres encore que
ceux du comte de Paris, si glorieux même que
depuis deux cents ans on n'osait comparer per-
sonne aux Pépins et aux Karls. Mais cette gloire
immense ne faisait que mieux ressortir l'irrémé-
diable décadence commencée avec Louis le Dé-
bonnaire, qui laissa briser l'unité de l'empire ;
continuée ensuite si tristement par Charles le
Chauve, qui ne défendit pas mieux sa royauté
contre les seigneurs que son pays contre l'étran-
ger; par Louis le Bègue, qui paya de sa ruine quel-
ques jours do règne ; par Charles le Gros, dont la
lâcheté révolta sept royaumes ; par Charles III qui
fut un simple d'esprit ; par Louis dOutre-mer,
vaillant soldat qui ne se maintint sur une ombre
de trône que par le secours de l'étranger; et
enfin par Lothaire, qui livra sux Allemands la
France de l'est, la vieille Australie, berceau de
tous les siens. Cette race dégénérée n'avait pas
seulement contre elle le sentiment national, cruel-
lement blessé, mais elle avait surtout les idées
HUGUES GAPET
989 —
HUGUES GAPET
qu'elle personnifiait, ces théories de gouvcnioment
qu'elle avait empruntées à la Rome impériale et
qui étaient la négation formelle du droit nouveau.-
Elle était la centralisation lorsque déjà avait triom-
phé le fractionnement de la souveraineté ; l'unité
lorsque la division était faite ; le passé loi'sque le
présent et l'avenir étaient devenus les plus forts.
Depuis cent ans, elle était combattue, repoussée
comme une contradiction et une menace. Elle n'a-
vait réussi à prolonger son existence factice que
par l'intervention étrangère et le patronage de
l'Eglise : ce double appui venant à lui manquer,
elle ne pouvait plus vivre. La fortune semblait
d'ailleurs s'appliquer à prévenir tout regret popu-
laire, en lui donnant, comme dernier représentant,
ce misérable Charles, souillé depuis dix ans dans
les orgies, sans esprit, sans cœur, sans initiative
ni énergie, incapable de faire violence aux desti-
nées implacables qui avaient condamné sans retour
la monarchie de forme romaine. « (Ernest Morin,
les Comtes de Paris, histoire de l'avènement de In
troisième race. — Nous avons reproduit cette remar-
quable page, parce qu'elle nous paraît résumer les
causes et le vrai caractère de la révolution de 987.)
Toute l'assistance applaudit aux paroles d'Adal-
béron^ et « du consentement commun, Hugues fut
élevé à la royauté. >> Ainsi le chef de la troisième
race dut sa couronne à la volonté des grands feu-
dataires de la France septentrionale. L'avènement
de Hugues Capet marque donc le triomphe de la
féodalité, c'est-à-dire du morcellement et de la
division du pouvoir, sur l'unité monarchique que
les Garlovingiens avaient vainement essayé d'établir.
L'histoire des premiers Capétiens est aussi ob-
scure que celle des derniers Carlovingiens. Hu-
gues Capet ou Chapet ^qui porte la chappe) dut
distribuer des fiefs et des privilèges pour se con-
cilier le clergé et la féodalité de son duché. Char-
les de Lorraine, son compétiteur, l'attaqua, et fut
soutenu par l'archevêque de Reims, Arnoul. Mais
les troupes de Charles commirent tant de dévasta-
tions que son allié Arnoul fut obligé de le frapper
d'excommunication. Hugues reprit Reims, surprit
Charles à Laon et l'emprisonna dans la tour d'Or-
léans avec toute sa famille. Mais il n'en fut guère
plus puissant. Au nord de la Loire, son titre était
reconnu, mais par des barons qui s'appelaient ses
pairs. Au sud de ce fleuve, les nobles vivaient
« sous le règne de Dieu, en attendant un roi. » Ils
agissaient en maîtres sur leurs domaines, et se
faisaient la guerre sans s'inquiéter du seigneur de
Paris. Adalbert de Périgord ayant conquis sur
Guillaume Fier- à-Bras, duc d'Aquitaine, les comtés
de Tours et de Poitiers, Hugues lui envoya ce
message : « Qui t'a fait comte? » — « Qui t'a fait
roi? » répondit le baron, et il garda sa conquête.
Cependant le premier des Capétiens se donna
deux avantages : son alliance intime avec le clergé
lui donna l'appui de la seule puissance capable de
terrasser la force brutale delà féodalité ; et la monar-
chie, jusqu'alors élective, devint héréditaire, parce
que le sacre usurpa sur le droit d'éleclion.
Robert* (996-1031), successeur de Hugues Capet,
était pieux et bon. Comme Louis le Débonnaire,
il faisait de fréquentes prières ; il allait souvent à
l'église de Saint-Denis, en habits royaux, pour
chanter avec les moines. L'riglise répète encore les
hymnes qu'il avait composées : 0 cojistanti't mar-
tyrum! Veni Sancte Spiritus. Il nourrissait tous
les jours trois cents pauvres, et donnait aux men-
diants un libre accès dans sa demeure. Un jour,
l'un d'eux, assis pondant le repos du roi, coupait
les glands d'or de son manteau; Robert se penclia
en disant : « Ami, il faut en laisser pour les autres.»
II avait épousé Berthc de Bourgogne, sa cousine ;
l'Eglise l'excommunia, malgré sa piété, et, aj)r(''s
une résistance de deux années, il se sépara do
Berthe et épousa Constance, filin du comte de Tou-
louse. La reine amena avec elle «ne suite d'Aqui-
tains, dont le costume, les manières et l'esprit
déplurent fort aux Français du nord : « Leurs
armes et les harnais de leurs chevaux étaient éga-
lement négligés, dit un contemporain, leurs che-
veux ne descendaient qu'à la moitié de la tête; ils
se rasaient la barbe, comme des baladins; por-
taient des bottes et des chaussures indécentes;
enfin, il ne fallait attendre d'eux, dans les alliances,
ni foi, ni siireté. » La reine elle-même tourmenta
Robert par son caractère impérieux et acariâtre.
Elle le faisait trembler par ses violences et n'épar-
iïnait ni son fils aîné, qu'elle haïssait, ni ses ser-
viteurs. Un jour, à Orléans, elle reconnut parmi
des malheureux condamnés pour hérésie un prêtre
qui avait été son confesseur ; elle courut à lui et
lui creva un œil avec une broche de fer. Robert
avait fait sacrer Henri, son aîné. Constance sou-
leva ses deux autres fils contre leur père ; le roi
les battit et leur pardonna.
Lorsque le duc de Bourgogne, Henri, fils de
Hugues Capet, mourut sans postérité, le roi reven-
diqua le duché en vertu de la loi des fiefs. Mais
Otto-Guillaume, fils d'un premier mari de la du-
chesse de Bourgogne, réclama l'héritage, et soutint
contre le roi une guerre qui dura quatorze ans.
Klle se termina par un compromis : Robert eut la
la Bourgogne, Otto-Guillaume la Franche-Comté
et le comté de Dijon. Les grands feudataires avaient
peu de respect pour ce prince pacifique et sans
puissance. Il n'est pas étonnant que ce roi si peu
maître dans son royaume n'ait voulu accepter ni
l'Italie pour son fils, nilaLorraine pour lui-même.
Il mourut àMelun, âgé de soixante-dix ans.
Henri I^'* (103Î-1060) eut d'abord à lutter contre
sa mère Constance, qui voulait assurer la Bour-
gogne à son fils préféré, Robert. Henri, aidé par
Robert le Diable, duc de Normandie, battit son
frère à Villeneuve-Saint-Georges, mais lui céda la
Bourgogne pour apaiser la colère de Constance :
Robert fut la tige de la première maison capé-
tienne de Bourgogne, qui porta la couronne ducale
jusqu'en 1361, sans beaucoup d'éclat. Henri vain-
quit ensuite son second frère, Eudes, le fit prison-
nier et l'enferma dans le château d'Orléans. Enfin,
après avoir protégé le jeune Guillaume de Nor-
mandie, le futur conquérant de l'Angleterre, il
l'attaqua et fut vaincu.
Philippe I"* (lOGO-1108) fut plus incapable en-
core que ses prédécesseurs et se montra plus
impuissant. Vaincu à Mantes par son puissant
vassal, Guillaume le Conquérant, roi d'Angleterre,
il fit peser sur ses sujets une brutale tyrannie. Il
vendait les évêchés et les abbayes et détroussait
les voyageurs ; il répudia sa femme, Berthe, pour
épouser Bertrade de Montfort, femme divorcée de
Foulques-le-Réchin, comte d'Anjou. Le pape Ur-
bain II l'excommunia au concile de Clermont (1095),
et Philippe fut obligé de renvoyer Bertrade. A
partir de 1099, vieilli par les excès, il abandonna
le gouvernement à son fils, Louis VI.
Les quatre premiers Capétiens furent les chefs
nominaux de la France. Dans cette période d'un
siècle qui vit l'impuissance complète de la mo-
narchie, deux faits dominent l'histoire: la misère
croissante du peuple et les aventures héroïques de
la féodalité française.
Le dixième siècle fut pour la population des villes
et des campagnes un siècle de fer. La fréquence
des guerres privées, les ravages dos armées féo-
dales sur le plat pays avaient provoqué des famines
terribles : on mangeait l'écorce des arbres, l'herbe
des champs, les cadavres des cimetières. « Le
voyageur, dit le moine Raoul Glaber, assailli sur
la route, succombait sous les coups de ses agres-
seurs ; SCS membres étaient déchirés, grillés au
feu et dévorés ; d'autres, fuyant leur pays pour
fuir aussi la famine, recevaient l'hospitalité sur
HUILES
990
HUILES
les chemins et leurs hôtes les égorgeaient pendant
la nuit pour les manger. » L'excès de la misère
amena Tcxcès du désespoir. Pendant les trois
années qui précédèrent Tan 1000, des pluies tor-
rentielles inondèrent la terre et noyèrent toutes
les semences; la famine redoubla, la lèpre elles
maladies contagieuses décimèrent la population,
et on vit le présent si triste qu'on détourna les
yeux de l'avenir. Les prêtres lurent la prophétie
de l'Apocalypse, qui annonçait la fin du monde au
bout de mille ans. L'an KidO passa, et l'homme
renaquit Ji l'espérance et à la vie. Mais l'Église,
qui avait seule consolé le misérable aux jours de
douleur, garda tout son empire. Institutrice et
directrice des petits qui écoutaient et croyaient
sans discuter, elle entreprit de leur donner la paix
et la sécurité. \
Les guerres privées étaient la cause de bien ;
des malheurs. L'Égli?e, ne pouvant imposer une |
paix durable h une société qui considérait la guerre ;■
comme un droit, résolut de mettre des bornes à
ce mal qu'elle ne pouvait guérir radicalement. Elle
se contenta de placer sous la sauvegarde de la paix
perpétuelle les édifices religieux, les clercs, les
enfants, les pèlerins, les femmes, les laboureurs,
les instruments de travail. Quant aux barons, elle
leur permit de se battre, en leur fixant rigoureu-
sement les jours où ils devaient s'abstenir ; la trêve
de Dieu durait depuis le mercredi au coucher du
soleil jusqu'au lundi au soleil levant ; elle com-
prenait en outre tous les jours depuis le commen-
cement de l'Avent jusqu'à l'octave de TÉpiphanie,
et depuis le commencement des Rogations jusqu'à
l'octave de la Pentecôte. Cette trêve, établie dans
les diverses provinces françaises de lO^il à 1042,
devint bientôt générale dans l'Europe chrétienne.
Pour faire exécuter ses décrets, le clergé se
servait de l'arme terrible de l'excommunication.
Alors les évoques et les prêtres renversaient les
cierges qu'ils tenaient à la main et les jetaient à
terre, et du sein de l'obscurité on entendait reten-
tir les cris de joie du pauvre peuple qui avait
trouvé un protecteur. De telles cérémonies frap-
paient vivement les imaginations, et donnaient
aux serfs le courage de refuser l'obéissance aux
barons excommuniés.
Mais l'Église eut peur d'user l'arme de l'excom-
munication en l'employant trop souvent. Aussi,
avec une admirable habileté, elle prit possession
de la féodalité elle-même : elle en fit la chevalerie.
Elle entoura de cérémonies religieuses l'investiture
du jeune clievalier. Le jeiine, la veille des armes,
les longues prières, les confessions et la commu-
nion étaient la préparation habituelle à la prise
d'armes. Outre le serment de fidélité à son suze-
rain, le jeune chevalier prêtait celui de garder sa
foi intacte, de protéger les faibles et de combattre
les pervers.
Cette époque, qui fut si dure pour le pauvre
peuple, fut au contraire l'âge héroïque de la féo-
dalité. Son histoire est partout : elle est dans les
châteaux féodaux où régnent en souverains les
barons ; elle est à Naples, en Angleterre, en Por-
tugal, où des seigneurs français vont conquérir
des royaumes ; elle est sur le chemin de Jérusa-
lem, où la France marche à la tête de l'Europe
chrétienne pour repousser une nouvelle invasion
musulmane. — V. Féodalité, Chevalerie, GuU-
Icnane le Co7iquérant, Normands, Portugal, Croi-
sades. [Désiré Blanchet.]
IIUILKS. — Chimie, XXIV. — Ce nom s'applique
à des substances bien différentes, autant par leurs
propriétés physiques et chimiques, que par leur
composition.
On dit huiles fixes ou huiles grasses pour dési-
gner les corps gras liquides extraits des végétaux
ou des animaux; et les noms û' huiles essentielles
ou esyenn^s, ou encore d'/iuiles vvlatUcs, s'appli-
quent à des produits végétaux toujours volatils,
k odeurs fortes, pénétrantes, presque toujours
agréables, et d'une saveur acre et caustique ; ces
huiles sont peu solubles dans l'eau, mais très so-
lubles dans l'alcool et principalement dans l'éther.
On donne le nom d'huiles minérales à des hydro-
carbures (hydrogènes carbonés) liquides, extraits
du sol, et qui sont aujourd'hui très employés
comme combustibles, pour chaufl'er et éclairer.
Les huiles médicinales ne sont point des pro-
duits particuliers proprement dits, mais des disso-
lutions de substances médicinales dans une huiln
fixe; c'est le résultat d'une décoction ou d'une
macération, dans l'ôuile d'olive le plus souvent.
Autrefois on donnait même le nom d'huile à tout
ce qui avait l'aspect oléagineux ; c'est ainsi qu'on
disait huile de vitriol pour désigner l'acide sul-
furique, à cause de sa consistance.
Enfin les huiles empyreumatiqucs sont le résul-
tat de la distillation à feu nu de certaines substan-
ces animales ou végétales ; elles ont généralement
une odeur désagréable et caractéristique ; on se
sert encore en médecine de l'huile empyreumati-
que de corne de cerf, qui résulte de la distillation
de la corne de cerf. Les huiles minérales, le pé-
trole, le naphte ne sont, sans doute, que des huiles
empyreumatiqucs naturelles.
Huiles fixes ou huiles gi'osses. — Caractères,
coryiposition, mages. — Ce sont des corps gras
neutres liquides; M. Chevreul, comme nous l'a-
vons dit ailleurs (V. Corps gt-as), en a étudié toutes
les propriétés, et M. Berthelot en a fait la syn-
thèse, et a démontré qu'on pouvait les considérer,
ainsi que tous les corps gras, comme des éthers
composés'.
Toutes les huiles grasses ont un principe immé-
diat commun, qu'on appelle glycérine ou principe
doux des huiles, et qui a été étudié pour la pre-
mière fois par Scheele. Ce corps est un liquide
doux, sucré, incolore, oléagineux, qu'on prépare
aujourd'hui en grand pour diverses industries
(parfumerie, fabrication de la niiro-glycérine, etc.).
Dans les huiles srasses, la glycérine est unie à
diverses substances analogues entre elles, mais
dilTérant tin peu selon l'origine de l'huile. Ainsi,
dans l'huile d'olive, cette substance est l'acide
oléique, et son union avec la glycérine constitue
l'oléine; dans l'huile de palme, l'huile de coco, on
trouve, outre l'oléine, de la palmitine, de la bu-
tyrinc, coniposccs de glycérine et d'acide palmi-
tique ou d'acide butj'rique.
Comme nous l'avons déjà dit à l'article Corps
gras, saponifier une huile, c'est séparer la glycé-
rine de l'acide gras, en la traitant par un alcali
qui forme avec l'acide un savon. Ce dédoublement
exige la fixation d'une certaine quantité d'eau. En
Angleterre, on saponifie l'huile de palme, qui ar-
rive en grande quantité d'Amérique, en la traitant
par la vapeur d'eau surchauffée à 300°.
Caractères gé7iéraux des huiles grasses. — Elles
sont d'une couleur qui varie du jaune brun foncé
au jaune clair, quelques-unes sont incolores ; elles
tachent le papier d'une façon indélébile. Celles cjui
sont d'origine végétale se rencontrent principa-
lement dans les graines; on les en extrait par
pression, à chaud ou à froid; on les épure en les
îjattant avec 2 à 3 pour 100 de leur poids d'acide
sulfurique, et en y dirigeant un courant de vapeur
d'eau. La saveur rance qu'elles prennent quelque-
fois est due à la présence de l'acide butyrique
ou valérique. Toutes les huiles grasses sont plus
légères que l'oau. Quand on les chauffe, elles dis-
tillent eu se décomposant en partie; traitées par
l'acide azotique, elles se décomposant en s'oxydant
aux dépens de l'acide : l'action est quelquefois
très vive et il se dégage de grandes quantité s
de vapeurs rutilantes.
Artion de l'air sur les huiles. — Exposées M'rir,
HUILES
— 991 —
HUMIDITE
les huiles grasses s'oxydeut peu à peu, s'épaissis-
sent quelquefois : ce sont les huiles siccatives ;
telles sont les huiles de lin, de noix, de chènevis;.
elles sont employées dans la fabrication des cou-
leurs et des vernis h. l'huile. Les huiles non sicca-
tives, comme l'huile d'olive, d'amandes douces,
de faîne, de noisette, absorbent aussi l'oxygène,
mais restent liquides et rancissent. Les huiles dis-
solvent le soufre, le phosphore, et se mélangent
au sulfure de carbone et au protochlorure de
phosphore (Wuriz).
Usages des huiles grasses. — Tout le monde
connaît les usages domestiques des huiles d'olive,
de faîne, de noix, de lin, etc. ; l'industrie des savons
en consomme de prodigieuses quantités, ainsi que
celle des conserves, la fabrication des vernis, etc.
Presque toutes les huiles sont employées en
médecine; l'huile de croton, huile acre extraite de
sraines de Tilly des Moluques, est employée à
faire des vésicatoires à la dose dune ou deux
gouttes ; elle est très dangereuse. L'huile de ricin
s'emploie comme purgatif à la dose de 15 à ^0
grammes. L'huile de foie de morue, extraite du foie
de morue en putréfaction, est un agent réparateur
enijiloyé contre le scrofule, la phtisie, le rachi-
tisme ; elle doit sans doute son efficacité aux 3 ou
4 dix-millièmes d'iode qu'elle renferme.
Huiles essentielles ou essences. — Elles se ren-
contrent dans les feuilles, les fruits, les tiges, les
racines; souvent le même végétal en contient
plusieurs. Elles sont quelquefois le produit d'une
fermentation : ainsi l'essence de moutarde ne se
développe que quand on met la graine de mou-
tarde en contact avec l'eau.
Composition des huiles essentielles. — Un grand
nombre sont des hydrogènes carbonés, ne conte-
nant absolument que du carbone et de l'hydrogène ;
celles-là sont très combustibles : telles sont l'es-
sence de térébenthine, G-'^H'^: de citron, C'^H*.
D'autres contiennent en outre de l'oxygène, comme
le camphre de Bornéo, C-^HisQ^; l'essence de
menthe, C^oH^OQ^; celle de cannelle, CiSR^O^;
celle d'amandes amères, C'«H80-. D'autres enfin
contiennent du soufre, par exemple les essences
d'ail, de moutarde.
On donne encore le nom d'huiles essentielles à
certains produits qui chimiquement rentrent dans
la classe des alcools: ainsi l'alcool amylique s'ap-
pelle souvent huile de pomme de terrr, pour rap-
peler que cette substance prend naissance dans la
fermentation des pommes de terre.
Extraction des huiles essentielles. — La plupart
s'obtiennent par distillation dans un alambic de la
substance végétale mélangée à l'eau. Le produit
aqueux de la distillation est ensuite placé dans un
récipient florentin; quand l'essence est moins
lourde que l'eau, elle s'y condense par l'écoule-
ment de celle-ci ; dans le cas contraire, on l'extrait
par le col du récipient. Après la séparation, l'eau
reste parfumée et peut encore entrer dans le com-
merce, comme l'eau de fleur d'oranger. L'essence
de térébenthine s'obtient par la distillation en grand
de la térébenthine ; il reste de la colophane comme
résidu.
L'essence de citron s'obtient par la compression
ou par la distillation de l'écorce de citron ; il en est
de même des essences d'écorce d'orange, de ber-
gamoile, de genièvre, de copahu. Certaines essences
altérables s'extraient par des lavages à l'éther, à
l'alcool ou même au sulfure de carbone.
Usages des huiles essentielles. — L'essence de
térébenthine, do beaucoup la plus importante, est
employée principalement dans la fabrication des
vernis et des couleurs, puis dans le dégraissage des
étoffes ; elle sert à détacher le bois et à proparer
certaines substances qu'elle dissout.
Le camphre a de très nombreux usages, il est |
an;i;)utride et antiseptique; on l'emploie comme i
tel en médecine ; en dissolution dans un mé-
lange d'alcool, d'ammoniaque et de sel de cui-
sine, il forme Veau sédative, si préconisée par
Raspail contre la migraine, les douleurs rhumatis-
males, les contusions, les entorses, etc. Dans l'éco-
nomie domestique, le camphre est employé en pou-
dre pour conserver les fourrures, la laine et la soie.
L'essence de citron est employée dans la parfu-
merie et la confiserie, dans l'économie domestique :
c'est un vermifuge et un cordial. L'essence de
carvi est un stomachique. L'essence de genièvre
est employée comme diurétique ; dans l'industrie
elle sert à parfumer certaines eaux-de-vie. L'essence
d'anis est un stomachique et un digestif.
La plupart des liqueurs aromatiques s'obtiennent
par la distillation de l'alcool avec la plante qui
contient le parfum que l'on veut avoir. Dans la
parfumerie, on se sert beaucoup de l'essence
d'amandes amères, qui ne préexiste pas dans les
amandes, mais qu'on obtient en distillant les tour-
teaux après qu'ils ont séjourné 10 à 12 heures
au contact de l'eau. Ce qui passe à la distillation
contient, outre l'essence, de Tacide benzoîque et de
l'acide cyanhydrique tprussique), qui est un poison
violent; on obtient l'essence pure par une nou-
velle distillation avec de la chaux hydratée et du
chlorure de fer. Cette essence tend à être de plus
en plus remplacée par la nitro- benzine, qui a la
mémo odeur et qu'on obtient facilement par l'action
de l'acide azotique sur la benzine.
Huiles minérales. — On appelle ainsi un certain
nombre de substances liquides noires, brunes ou
jaunes, qu'on rencontre naturellement dans le sol,
et qui sont formées d'hydrogènes carbonés mélan-
gés à. des composés toujours riches en carbone et
en hydrogène, mais contenant aussi de l'oxygène.
On peut séparer ces dififérents produits par des
distillations successives : tels sont les bitumes,
l'asphalte, le pétrole, l'huile de naphte. On est
d'accord pour considérer ces substances comme
le résultat d'une distillation naturelle, et dans -des
conditions plus ou moins connues, des produits
houilliers; cependant on en rencontre dans des
terrains plutoniens et par conséquent antérieurs
au terrain houillier. Le pétrole est de beaucoup le
plus important ; on en fait aujourd'hui partout une
consommation prodigieuse comme combustible, de-
puis que l'on a découvert dans l'Amérique septen-
trionale des sources d'une abondance inépuisable.
On en extrait en France près de Pézénas dans
l'Hérault, au village de Gabian. L'huile de naphte
provient surtout des bords de la mer Caspienne.
[Alfred Jacquemart.]
HUMIDITÉ.— Météorologie, 111; Hygiène, VL
— L'humidité de l'air a pour mesure son état, ou
son degré hi/grométrique, c'est-à-dire le rapport
qui existe entre la quantité de vapeur d'eau réelle-
ment contenue dans l'air et la quantité de vapeur
qui y serait contenue si cet air en était saturé. Ce
rapport ou quotient s'appelle encore degré de sa-
turation.
Le degré hygrométrique ou de saturation, par
cela même qu'il n'est que le rapport de deux ter-
mes dont chacun peut varier d'une manière indé-
pendante de l'autre, ne peut par lui-même fournir
aucune indication précise sur la quantité de va-
peur contenue dans l'air ; il y faut joindre une
autre donnée : la température.
A égal degré hygrométrique, l'air contient beau-
coup plus de vapeur d'eau en été qu'en hiver ; il
est également capable d'en prendre plus en été
qu'en hiver avant d'atteindre la saturation. Mais
l'été n'agit ici que par sa chaleur, et une chaleur
artificielle conduit au même résultat.
On a imaginé divers instruments pour mesurer
la quantité de vapeur d'eau contenue dans l'air.
— 'V. Hygrométrie.
L'humidité agit sur nous de diverses manière».
HUMIDITÉ
Notre corps pord sans cesse de Teau qui baigne
nos organes ; il en perd par la surface interne des
poumons et par la surface extérieure de la peau.
La perte par les poumons est à peu près indé-
pendante de l'état hygrométrique de l'air: elle
ne dépend que de la ((uaniiié de vapeur réelle-
ment contenue dans l'air. L'air qui en sort est à peu
près à une température constante, hiver comme été.
Il emporte avec lui une masse de vapeur finale-
ment à peu près constante aussi ; le supplément
qu'il en a pris dans la poitrine est donc d'autant plus
grand que sa provision première était plus faible,
conséqueniment plus grande en hiver qu'en été.
La perte de vapeur d'eau par la peau est au
contraire plus grande en été qu'en hiver; et
comme la vaporisation de l'eau est une cause de
consommation de chaleur, cette cvaporation cu-
tanée est une source de fraîcheur pour nous. Cet
avantage a toutefois sa contre-partie. Quand, à la
suite d'un exercice un peu fort, ou dans une at-
mosphère chaude et liumide, nous avons besoin de
dépenser un excès de chaleur existant en nous, la
peau fonctionne plus activement pour fournir
l'eau qui, en s'évaporant, nous débarrassera de
cette chaleur. Si alors nous pénétrons dans un lieu
frais ou si nous nous exposons à un courant d'air
intempestif, une réaction se produit en nous qui
n'est pas sans danger. Un séjour habituel ou trop
prolongé dans des lieux frais et Immides n'est
également pas sans exposer à de sérieux inconvé-
nients. L'action est souvent très lente à se mani-
fester, mais la constitution n'en est pas moins
fortement atteinte, et les affections rhumatismales
'ont sou vent pas d'autre origine. Il est bon de
placer un hygromètre dans ces appartements pour
constater leur état et les améliorations que l'aéra-
tion peut y apporter.
L'humidité peut être envisagée à d'autres points
de vue. L'air le plus pur en apparence renferme
encore des corpuscules d'origine organique d'une
excessive ténuité, dont plusieurs paraissent exercer
sur nous une influence des plus fâcheuses quand
la respiration leur permet de pénétrer dans notre
organisme. Il en est ainsi notamment des miasmes
paludéens qui causent les fièvres intermittentes.
Dans certaines vallées dont le sol est en partie
couvert par les eaux, l'air, en se refroidissant gra-
duellement sur le soir, atteint et dépasse même
souvent son degré de saturation : il se forme des
brumes qui tendent h descendre, entraînant avec
elles les miasmes qu'elles rencontrent dans l'at-
mosphère et favorisant ainsi leur absorption par
ceux qui s'y exposent.
On a supposé jusqu'à ces derniers temps que
l'eau du sol, en s'évaporant, pouvait entraîner avec
elle dans l'atmosphère les miasmes de natures di-
verses qui se développent sur la surface des terres
abandonnées ou qu'une culture régulière n'a pas
assainies. Le rôle attribué à l'évaporation en elle-
même paraît exagéré. La vérité est que le nombre
des germes impalpables d'où naissent les moisis-
sures est d'autant plus grand dans l'air que le sol
est plus humide et plus chaud ; mais il n'en est
plus ainsi des miasmes proprement dits. La chaleur
et l'humidité sont encore nécessaires à leur mul-
tiplication; mais le sol ou les objets humides les
retiennent avec une grande énergie ; le vent les
détache p!us aisément d'une surface desséchée. Ce
fait ne contredit en rien ce qui a été dit plus haut
de l'influence des soirées fraîches et humides sur
la propagation des fièvres, mais il a son applica-
tion aux lieux habités. Si les murs en sont humides,
s'ils sont imprégnés de matières organiques, les
miasmes du dehors, ou ceux qui se dégagent de
notre corps, s'y fixent et peuvent y trouver un ter-
rain favorable à leur multiplication; puis les pous-
sières qui s'en détachent par l'effet des frottements
les mêlent à l'air que l'on respire ou aux aliments
l>'J-> — HYDROGENE
que l'on prend. Leur action sur nous peut être
prompte ou lente dans ses manifestations ; elle est
toujours fâcheuse, surtout pour les enfants et les
personnes débiles.
Pour ce motif et pour celui qui naît physique-
ment de l'humidité de l'air et de la fraîcheur, dont
nous avons parlé plus haut, il faut éviter, si on le
peut, d'habiter les logements bas et humides, ou
n'y rester que le moins longtemps possible, surtout
la nuit. Nous condamnerions aussi d'une manière
absolue la présence d'eau stagnante dans le voi-
sinage des habitations; le dépôt de fumiers contre
leurs murs, ou à proximité des puits destinés aux
usages domestiques, ainsi que l'usage, conservé
dans beaucoup de villes, de blanchir intérieure-
ment les murs avec un mélange de colle-forte et
de blanc d'Espagne. Un lait de chaux pure, renou-
velé au besoin plusieurs fois par an, doit seul être
employé dans ce cas. [Marié-Davy.J
HYDROGÈm;. — Chimie, III. — Historique. —
L'hydrogène fut nettement isolé par Cavendish en
1766; il avait été reconnu, mais confondu avec
d'autres gaz inflammables, dès le XVII* siècle, par
Boyle et Boerhave.
Eiat nature/. — L'hydrogène est un des corps
les plus répandus ; il forme en poids le neuvième
de l'eau ; il entre dans la composition du gaz des
marais, du grisou (protocarbure d'hydrogène), et
a été trouvé isolé dans les fumerolles de Toscane et
d'Islande. L'analyse spectrale nous le montre à
une haute température dans les étoiles; c'est lui
qui forme autour de notre soleil ces immenses
éruptions rouges, protubérances aperçues depuis
longtemps pendant les éclipses totales, et dont le
spectroscope permet de constater que cet astre est
constamment entouré. Les étoiles temporaires qui
apparaissent tout à coup dans le ciel sont dues à
des collisions qui portent à l'incandescence des
astres obscurs. Dans les deux derniers cas observés,
la temporaire de la Couronne (1866) et celle du
Cygne (1878), le spectroscope a permis de voir une
large raie noire prouvant que l'astre embrasé était
entouré d'une immense atmosphère d'hydrogène.
Cette raie noire est plus ou moins visible dans le
spectre de toutes les' étoiles, et surtout dans celui
des plus chaudes, des blanches.
Préparation. — On peut obtenir l'hydrogène
1° En décomposant l'eau à froid par un métal alcalin :
K -f HO = KO -f H
L'opération se fait en introduisant un très petit
fragment de potassium ou de sodium dans une
éprouvette contenant un peu d'eau et placée sur la
cuve à mercure.
2° En décomposant l'eau à chaud par un métal
tel que le fer. On fait dans ce cas passer un cou-
rant de vapeur dans un tube en porcelaine conte-
nant du fer chauffé au rouge :
3 Fe -f 4 HO = Fe3 O* -f- 4 HO
Ce procédé est celui qui a été appliqué indus-
triellement. Le fer peut être remplacé par du
chai'bon ; l'hydrçgène est alors mélangé d'acide
carbonique que l'on doit enlever à l'aide de la
potasse ou de la chaux.
V En décomposant l'eau à froid par un métal
oxydable, fer, zinc, en présence d'un acide :
Zn -h HO -f-S03 = ZnO, SO^ -f H
Pratiquement, il faut mélanger à l'acide au
moins cinq ou six parties d'eau pour tenir en dis-
solution le sel formé. L'acide chlorhydrique et les
autres acides hydrogénés en produisent par ia
réaction suivante :
Zn -I- HCl = Zn Cl -f H
C'est là le procédé ordinaire des laboratoirr^.
Il a l'inconvéuitnt de fournir un gaz rendu très
HYDROGENE
993 —
HYDROGÈNE
odorant parla présence d'hydrogène carburé, sili-
cié, parfois même aisénié. Il est dans cet état
d'une purification assez difficile : elle est ;i peine
complète après le passa;ïe du gaz à traveri plu-
sieurs dissolutions métalliques.
4° On obtient un mélange très pur de 3 parties
d'hydrogène et 1 d'azote, en décomposant un courant
de gaz ammoniaque dans un tube chauffe au rouge.
b" Tout produit organique non azoté peut être
considéré comme formé d'acide carbonique, d'eau,
plus de l'hydrogène et du carbone. Donc, en gé-
néral, chauffés avec un alcali caustique, ces corps
forment un carbonate alcalin et dégagent des
carbures d'hydrogène. Dans des cas particuliers on
obtient de l'hydrogène très pur. C'est ainsi que
M. Pictet a obtenu l'hydrogèno destiné à être li-
quéfié en décomposant par la potasse l'acide for-
mique ou plutôt le formiate de potasse :
(C2 H* 0^ = C« 0* -+- 2H) -f n KO. HO
Propriétés ihrjsiques. — L'hydrogène est un
gaz incolore, inodore, sans saveur. Sa densité est
0,009 ; il est 1 i, 6 fois plus léger que l'air. Un litrn,
de ce gaz pèse O^'ÛO ; le volume d'un gramme est
11''', 2. On met cette faible densité en évidence en
se serrant de ce gaz pour gonfler des bulles de
savon qui s'élèvent avec rapidité. Ce gaz a la plus
grande chaleur spécifique, trois fois celle de l'eau;
il a pour la chaleur une conductibilité propre ; son
indice de réfraction moyen est 111. L'eau en dis-
sout à peine l/ôO en volume. La dififusibilité de
l'hydrogène par rapport à l'air, en raison inverse de
la racine carrée des densités, est y li,b ou 3, 8 ;
c'est-à-dire que si deux espaces indéfinis, conte-
nant l'un de l'air, l'autre de l'hydrogène, sont
séparés par une paroi poreuse, pondant qu'un vo-
lume d'air traversera cette paroi, elle sera tra-
versée en sens inverse par 3,8 volumes d'hydro-
gène. Le phénomène se produit également à
travers les substances colloïdes, la gélatine, les
membranes animales, le caoutchouc. Un ballon
gonflé d'hydrogène se dégonfle assez rapidement à
l'air, tandis qu'un ballon rempli d'air et placé
sous une cloche pleine d'hydrogène augmente de
volume. Toutefois la difi'usibilité n'est plus ex-
primée par les mêmes nombres et paraît dépendre
de la facilité de liquéfaction du gaz ; ainsi, tandis
qu'à travers les corps pureux ce rapport est de 5 à
1 entre l'hydrogène et l'acide carbonique, il devient
de ] à 2,5 pour les membranes colloïdes.
L'hydro2:ène entre comme en dissolution dans
certains solides, tels que le fer, le palladium. Ce
phénomène a reçu le nom d'occlusion.
L'hydrogène, réputé permanent ainsi que les
gaz oxygène, azote, bioxyde d'azote, a été liquéfié
et même solidifié en décembre 1S77 par deux sa-
vants poursuivant le môme but. M. Cailletet, ingé-
nieur français, ayant comprimé de l'hydrogène pur
et sec à '-'So atmosphères et l'ayant subitement
laissé se détendre, le froid produit par la diminu-
tion de pression suffit à condenser une partie du
gaz qui apparut sous forme de brouillard, puis en
gouttelettes, s'évaporant en 2 ou 3 secondes. M. Pic-
tet, de Genève, en soumettant ce gaz à une tem-
pérature de 140 degrés au-dessous de zéro et à une
pression de (Î.^O atmosphère?, le vit couler sous forme
de liquide bleu d'acier, faisant en tombant sur le
parquet le bruit d'un fer rouge plongé dans l'eaii. Il
n'a pas encore été possible de conserver l'hydrogène
liquide de manière à on étudier les propriétés.
L'hydrogène chauffé à une haute tempéra-
ture, par exemple par le passage de l'étincelle élec-
trique, donne au spectroscope trois lignes bril-
lantes rouge, verte, violette, correspondant aux
raies C, F, G du spectre solaire. Ces raies sont d'au-
tant plus larges que le gaz est plus comprimé ; leur
épaisseur peut donc donner une idée de la densité
•2« Partix.
de l'hydrogène dans les atmosphères sidérales.
Propi-iiités chimiques. — L'hydrogène est très
combustible ; un jet d'hydrogène brûle dans l'air,
l'oxygène. le chlore. Il forme avec ces corpî des
mélanges qui détonent en présence d'un corps on
igniiion, de l'éponge de platine. Le mélange d'hy-
drogène et de chlore se combine en outre lente-
ment à la lumière dilTuse, et avec une explosion
des plus intenses au moindre rayon du soleil.
Cette intéressante mais dangereuse expérience se
fait en plaçant à l'ombre un flacon renfermant les
deux gaz, et en dirigeant à distance à l'aide d'un
miroir un rayon de soleil sur le mélange explosif-
La combustion d'un gramme d'hydrogène dans
l'oxygène fournit 34 50o calories, et dans le chlore
28 80t) d'après Favre et Silbermann. M. Becquerel
évalue à 1700" sa température de combustion dans
l'oxygène. On s'est servi de cette propriété pour
produire les plus hautes températures en faisant
brûler un mélange de 1 volume d'oxygène et
2 d'hydrogène fait d'avance dans une vessie. Mal-
gré les toiles métalliques placées dans l'ajutage,
ce procédé était très dangereux- Aujourd'hui le
chalumeau oxy-hydrique est formé de deux tubes
concentriques, et le mélange des gaz n'a lieu qu'à
la sortie et au moment même de leur combustion.
Celle-ci est silencieuse si les deux gaz sont en pro-
portion convenable ; un bruit de souiflemeni indique
excès d'hydrogène, de sifflement excès d'oxygène.
Quand on entoure d'un largo tube de verre le
tube effilé à l'extrémité duquel brûle un jet d'hy-
drogène, il se produit souvent un son musical. On
donne à cette expérience le nom d'harmonica chi-
mique. Le son est dû à ce que l'hydrogcne, au lieu
de brûler régulièrement, forme une série d'explo-
sions très rapprochées, tantôt en dehors, tantôt en
d?dans de l'orifice de l'ajutage, ce qui met en
vibration l'air du tube. Ces explosions sont mises en
évidence lorsqu'on regarde la flamme chantante
dans un petit miroir animé d'un mouvement de
rotation rapide autour d'un de ses diamètres. On
peut déterminer la production de cette musique
en émettant les sons à l'unisson desquels peut
se mettre le tuyau sonore. La flamme répond aux
sons produits. De nombreuses expériences ont
été faites sur les flammes chantantes, et on pou-
vait en espérer un résultat téléphonique pratique,
lorsque l'appareil de G. Bell est venu absorber l'at-
tention des savants livrés à ce genre de recherches.
La flamme de l'hydrogène à la pression ordinaire
est incolore ; elle devient visible aux hautes pres-
sions ou quand on y introduit un corps solide,
chaux, fil de platine, carbone résultant de la dé-
composition d une vapeur d hydrocarbure (benzine
ou autre), mêlé à l'hydrogène. Le premier procédé,
chaux placée dans le chalumeau oxy-hydrique, four-
nit la lumière Drummond, la plus intense après la
lumière électrique. Les autres sont utilisés quand
il y a objection contre l'usage du gaz de l'éclairage
ordinaire, toujours un peu sulfureux.
L'hydrogène éteint les corps en combustion qu'on
y plonge ; il asphyxie les animaux sans les empoi-
sonner. Un mélange convenable d'hydrogène et
d'oxygèno est respirable, et à cause de sa faible
densité, il donne une acuité remarquable à la voix
d'une personne qui parle ou chante en l'expulsant
de ses poumons.
L'hydrogène gazeux n'a aucune affinité à froid;
à chaud il décompose des oxydes métalliques, et
c'est là une propriété qui sert à la classification
dos métaux. L'hydrogène occlus a au contraire, à
froid, de grandes affinités, et réduit un grand nom-
bre de sels métalliques et de composés organiques.
Il en est de même de l'iiydrogène dit à l'état nais-
sant. On l'applique en mélangeant, aux substances
sur lequel on veut le faire agir, les matériaux de sa
production, soit zinc et acide sulfurique, soit lo
plus souvent amalgame de sodium,
fi-?
HYDROSTATIQUE
— 994 —
HYDROSTATIQUE
Usages. — Dans les laboratoires l'hydrogène sert
comme agent réducteur, quelquefois comme com-
bustible. Il est fort peu employé dans l'industrie;
il est presque toujours remplacé par le gaz de l'é-
clairage, inférieur sans doute, mais beaucoup moins
cher, pour gonfler les ballons, pour l'alimentation
du chalumeau oxy -hydrique servant à la fusion du
platine, etc., et pour la lumière Drummond.
[P. Robin.]
HYDROPHOBIE. — Ce nom, qui signifie Aor-
reu7' de l'cm, est employé à tort comme synonyme
de rage. En effet, chez le chien enragé, l'aversion
pour la boisson est loin d'être un symptôme con-
stant. V. Rage.
HYDROSTATIQUE.— Physique, VI.— L'hydros-
tatique est la partie de la physique où l'on étudie
les conditions de l'équilibre des liquides et les
pressions qu'ils exercent sur les parois des vases
qui les contiennent.
Les liquides sont les corps tels que l'eau, l'alcool,
le mercure, etc., qui offrent une très grande mobi-
lité dans toutes leurs parties, dont les molécules
ont entre elles si peu d'adhérence qu'elles roulent
les unes sur les autres avec facilité. Kn petite masse
sur un corps solide qu'ils ne mouillent pas, ils pren
nent la forme sphérique; en quantité un peu no-
table, ils n'ont pas de forme propre, ils se moulent
dans le vase qui les renferme; dans tous les cas
le moindre effort suffit pour les diviser. Ils sont
très peu compressibles, c'est-à-dire que de fortes
pressions en diminuent à peine le volume. Ajou-
tons qu'ils sont pesants et nous aurons énoncé
toutes leurs propriétés générales.
Transmission des pressio7is. — De l'extrême
mobilité des molécules liquides résulte un principe
très important par ses conséquences et ses appli-
cations, et qu'on nomme le principe de la trans-
mission de pression en tous sens. En voici l'énoncé,
formulé pour la première fois par Pascal dans son
Traité sur l'équilibre des liqueurs : Si l'on exerce
sur une certaine partie de la surface d'une masse
liquide une pression déterminée, elle se transmet
dans toute la masse, dans toutes les directions, de
telle sorte que la pression totale transmise nor-
malement à une surface double ou triple de celle
qui reçoit directement l'action est elle-même dou-
ble ou triple de celle-ci. Expliquons-le clairement
par un exemple. Soit un liquide remplissant com-
plètement un vase à parois planes; si en un point
se trouve une ouverture circulaire de 10 centimè-
tres carrés fermée par un piston du poids de 10
kilogrammes, tout le liquide sera pressé contre les
parois du vase ; celles-ci seront poussées de dedans
en dehors, et si en un autre point est une seconde
ouverture de 2, 3, 4 fois 10 centimètres carrés, il
faudra y mettre, pour résister à la pression, un
piston de 2, 3, 4 fois 10 kilogrammes.
L'expérience vérifie cette transmission des pres-
sions par les liquides : on sait en effet qu'on
brise une bouteille pleine d'eau en frappant sur
le bouchon, quand celui-ci repose sur l'eau du vase ;
le choc se transmet h la surface liquide et par elle
à tous les points de la paroi^ et le verre n'y ré-
siste pas.
La presse hydraulique, imaginée par Pascal, est
une application du principe qui précède. Que l'on
conçoive deux tuyaux ou corps de pompe de sec-
tions très inégales, 1 et 100 par exemple; que ces
corps de pompe, réunis par un tube de communi-
cation, reçoivent chacun un piston exactement tra-
vaillé, et que l'appareil soit et demeure rempli d'eau.
Si on exerce, à l'aide d'un levier, une pression de
20 kilogrammes sur le petit piston, ctte pression
se transmettra en tous sens dans le liqiiide et par
suite au grand piston qu'elle tendra à soulever ;
celui-ci sera sollicité de bas en haut par une force
de 100 fois 20 ou 2 000 kilogrammes.
En plaçant sur lui un poids moindre que 2 000
kilogrammes, on pourra donc le soulever; ou bien
si l'on y place un corps retenti en dessus par un
obstacle fixe, ce corps sera comprimé comme s'il
eût été chargé directement d'un poids de 2 OuO ki-
logrammes.
L'appareil est monté de manière que le petit
piston tire l'eau d'un réservoir et l'envoie sous le
grand piston; celui-ci est muni d'une plate-forme
qui monte contre des colonnes supportant l'obsta-
cie fixe destiné à arrêter le corps à comprimer.
Une soupape de siireté empêche que la machine
ne se rompe, quand la pression devient trop
grande, et une vis spéciale permet de faire rentrer
l'eau dans le réservoir et de diminuer la pression
pour enlever de l'appareil le corps comprimé.
La presse hydraulique est aujourd'hui d'un usage
fréquent dans l'industrie; on s'en sert pour expri-
mer l'huile des graines oléagineuses, le jus des bet-
teraves, pour comprimer le drap, le papier, les étof-
fes, pour réduire le volume des corps encombrants.
On applique encore la transmission de pression
par l'eau pour essayer les chaudières de machines
à vapeur, les vases et les tuyaux qui doivent sup-
porter de grands efforts. On les remplit d'eau que
ion comprime au moyen d'une pompe foulante,
jusqu'à ce qu'une soupape do sûreté se soulève
sous la pression maximum que l'appareil devra
pouvoir supporter. Le peu de compressibilité de
l'eau est ici mis utilement à profit ; il empêche
tout accident dans le cas où la paroi du vase se
rompt pendant l'essai ; l'eau n'ayant pour ainsi
dire pas diminué de volume par la compression, n'a
pas de force de projection, tandis qu'un gaz en
aurait une très grande dans les mêmes conditions
Equilibre des liquides pesants. — Les liqui-
des abandonnés dans des vases ouverts sont sou-
mis à l'action de la pesanteur. L'eau a une ten-
dance continuelle à tomber ; il est impossible, à
cause de sa grande mobilité, de la niainicnir en re-
pos sur une surface inclinée ^ elle y roule comme
une bille d'ivoire dans le sens de la pente,
et ne s'arrête que quand sa surface est devenue
perpendiculaire à la force qui agit sur elle. La
surface libre dei eaux tra7iquiUes ou de tous
les liquides en équilibre est donc horizontale. On
le reconnaît par l'expérience en remarquant que
l'image d'un fll à plomb, produite par la surface
de l'eau comme par un miroir, est sur le prolon-
gement de ce fil.
Puisque l'eau est pesante, les différentes cou-
ches pressent les unes sur les autres, et il y a lieu
d étudier les pressions exercées par les liquides
en vertu de leur poids sur les dilVérents points de
leur masscj sur le fond et les parois des vases qui
les renferment.
Si l'on divise la masse d'un liquide contenu dans
un vase en tranches parallèles à la surface libre,
c'est-à-dire en tranches horizontales, on se con-
vaincra sans peine que chacune d'elles supporte
le poids de la file de molécules qui est au-dessus,
et que la pression augmente à mesure qu'on des-
cend au-dessous du niveau.
On admettra également sans peine que tous les
points d'une même tranche horizontale doivent
supporter la même pression, puisqu'ils sont h la
môme distance du niveau supérieur et qu'au-des-
sus de chacun d'eux il y a la môme quantité de
molécules liquides pesantes. Enfin, si l'on consi-
dère un élément plan, horizontal, en équilibre
dans la masse liquide, puisqu'il est pressé en des-
sus ou de haut en bas par le poids de la colonne
verticale de liquide située au-dessus de lui, il doit
lètre par une pression égale de bas en haut pro-
venant de l'élasticité des molécules voisines agis-
sant sur lui comme un obstacle fixe; en d'autres
termes, toutes les parties d'une tranche horizontale
d'un liquide su portent de bas en haut une pres-
sion égale à celle quis'exerce de haut eyi bas.
HYDROSTATIQUE
995
HYDROSTATIQUE
Pour vérifier ces faits, on prend un tube de
verre un peu large, ouvert aux deux bouts, dont une
des cxirémités a été rodée et peut être fermée
exactement par une lame de verre qu'on nomme
un obturateur. On applique l'obturateur contre les
bords du tube ; on l'y maintient au moyen d'un fil ;
puis on plonge verticalement le tube ainsi fermé
dans un grand vase d'eau. Quand l'appareil est à
une certaine profondeur, on abandonne le fil; l'ob-
turateur ne tombe pas, mais reste appliqué contre les
bords du tube ; il y est donc retenu par une cer-
taine force agiss-intde bas en haut. Reste à mesurer
cette pression. Il suffit pour cela de verser de l'eau
dans le tube jusqu'à ce que l'obturateur se déta-
che et tombe ; le poids de l'eau ajoutée représente
évidemment la pression cherclièe. Or, la lame ne
se détache que quand le niveau intérieur du li-
quide dans le tube atteint le niveau extérieur.
Alors, l'obturateur supporte en dessus une pres-
sion représentée par le poids d'une colonne d'eau
ayant pour base la surface pressée et pour hau-
teur la distance de cette surface au niveau : c'est
la valeur de la pression de bas en haut comme de
la pression de liaut en bas, sur l'élément liquide
dont l'obturateur tient la place.
Pression sur le fond des vases. — On conçoit
sans peine que l'eau presse de son poids sur le
fond, des vases qui la renferment. Celte pression
est, dans tous les cas, égale au poids d'une colonne
du liquide ayant pour base la surface horizontule
pressée et pour hauteur la distance verticale du
fond au niveau du liquide. D'après cet énoncé,
évident au ppmiier abord pour le cas d'un vase
C5'lindrique à. parois verticales, la pression est in-
dépendante de la forme du vase, indépendante de
la quantité de liquide qu'il renferme ; que !e vase
soit rétréci, renflé, large en haut ou étroit, obli-
que ou droit, peu importe, toutes les fois que le
fond aura la même surface et que le liquide s'élè-
vera à la même hauteur, le fond supportera la
même pression.
Ce résultat pouvait être prévu par le raisonne-
ment. Si l'on considère en effet, à côté d'un vase
cylindrique, un second vase de môme fond que le
premiei-, mais évasé par le haut, comme les molé-
cules liquides n'ont aucune adhérence entres elles,
on peut leur substituer une série de baguettes de
verre posées verticalement; les unes s'appuieront
sur les parois, les autres sur le fond ; ces dernières
seules représenteront par leur poids l'elVort qu'il
faudrait faire pour soulever le fond du vase, c'est-
à-dire la pression sur le fond ; et dès lors si les deux
vases ont leur niveau libre à la môme hauteur, les
deux fonds supporteront la même pression, bien
que le second vase renferme un poids de liquide
plus considérable que le premier. Le vase est-il
rétréci à la partie supérieure, le fond supporte
la même pression que la couche de liquide intini-
ment mince qui le couvre ; mais tous les éléments
de celle-ci doivent être également pressés, ceux du
bord autant que ceux du milieu, tout autant que
ceux qui ont au-dessus d'eux le plus long filet
liquide vertical; la pression totale sur le fond est
donc encore égale à relie du vase cylindrique.
Si invraisemblable que ce fait paraisse au pre-
mier abord, il est mis absolument hors de doute
par l'expérience. On prend trois vases en verre,
eans fond, l'un cylindrique, l'autre évasé, le troi-
sième rétréci. Leurs volumes sont très différents,
mais ils ont le môme diamètre inférieur et les bords
bien plans pour qu'on puisse les fermer exactement
par la juxtaposition d'une lame de verre plane. On
soutient le premier par un support ; on le ferme
avec l'obturateur muni d'un fll et on attache ce iil
au plateaud'une balance, tandisqu'on met des poids
dans l'autre plateau dont l'effet est de tendre le til
et d'appliquer lobiurateur contre le tube. Cela
fait, on verso de l'eau dans le vase jusqu'au moment
où le fond se détache et on marque le niveati
qu'avait l'eau. On recommence l'expérience avec le
second, puis ensuite avec le troisième vase, et on
remarque que le fond se détache pour chacun
quand le liquide atteint la môme hauteur au-des-
sus du fond. La pression était donc bien la même
dans tous trois.
Ainsi, quelle que soit la forme du vase, pour éva-
luer la pression que l'eau exerce sur le fond seul,
on est conduit à la règle simple suivante : chercher
la. surface du fo?id en l'évaluant en décimètres
carrés, mesurer en décimètres la distance verticale
de ce fond au niveau, le produit des deux nom-
bres sera en kilogrammes la valeur de la pression.
Pour tout autre liquide, il faudrait encore multi-
plier par la densité.
Il importe de remarquer que c'est la pression sur^
le fond du vase et rien que sur le fond, la force
avec laquelle le fond tend à se détacher des parois
qui le retiennent, que nous venons d'étudier. Pour
soutenir le vase lui-même ou l'équilibrer sur une
balance, il faudra toujours un poids égal au poids
entier du liquide contenu augmenté du poids du
vase.
Pressions latérales. — Le liquide contenu dans
un vase en presse les parois latérales aussi bien
que le fond ; car si l'on pratique un orifice en
un point quelconque au-dessous du niveau on
constate que le liquide s'élance au deho^^^, preuve
que la tranche liquide qui occupe l'ori.Hce est pressée
de dedans en deliors. De plus, on peut remarquer
que le liquide sort sur une- petite étendue, nor-
malement à la paroi quand celle-ci est mince au-
tour de lorifice, ce qui permet de conclure que la
pression est normale à la surface pressée. En
éloignant l'orifice du niveau, ou en observant la
longueur du jet à mesuro que le niveau baisse, on
reconnaît que la pression grandit avec la distance
du point pressé au niveau du liquide. _
Si l'on ne considère qu'un petit élément d'une
paroi, on voit que la pression supportée est le poids
d'une colonne liquide ayant pour base ce petit
élément et pour hauteur sa distance verticale au
niveau. Et si on applique cette valeur à tous les
éléments d'une paroi plongée, on arrive à trouver
que la pression exercée par l'eau sur une surface
latérale plongée est ie poids d'une colonne d'eau
de cette surface, mais ayant une hauteur qui est la
moyenne distance des différents points au niveau.
Cette pression peut acquérir une très grande
valeur quand les corps immerges sont à une grande
profondeur ou qu'ils présentent une grande sur-
face ; il est très important de la connaître pour les
constructions hydrauliques : toutes les fois quo
l'eau doit être retenue dans un canal, dans un
bassin, une écluse, il faut donner aux parois ou
aux portes de l'écluse, aux vannes ou aux digues,
une épaisseur assez grande pour résister à la
pression souvent très considérable qu'exerce le
liquide.
Vases à réaction. — Les pressions latérales
qu'exerce un liquide sur les parois du vase qui le
renferme peuvent produire parfois ie mouvement
de ce vase, quand celui-ci est assez mobile et que
l'on fait écouler le liquide. Ce mouvement a lieu
en sens inverse de l'écoulement, et l'appareil est
appelé vase à réaction. Supposons qu'un petit vase
rectangulaire en cuivre mince soit porté sur des
roulettes ; si on l'emplit d'eau, les pressions que ce
liquide exercera sur la face d'avant seront exacte-
ment détruites par les pressions opposées de la
face postérieure, et l'équilibre ne sera pas troublé.
Mais que l'on pratique une ouverture dans la face
d'arrière, la pression que supportait la paroi en ce
point sera diHruite ; celle de la face d'avant devien:
dra prépondérante et elle fera avancer le vase en
sens contraire de l'écoulement. On produit habi-
tuellement ce phénomène dans un vase mobile au-
HYDROSTATIQUE
— 99G
HYGIÈNE
tour d'un axe vertical muni de deux tubes recour-
bés par où s'écoule l'eau ; on lui donne le nom
de tourniq' et hydraulique. On a môme consiruii
sur ce principe des roues qui utilisent la force d(
l'eau et qu'on appelle des turbines.
Notons qu'un pareil effet se produit quand un
gaz sort avec force d'un vase mobile qui le ren-
ferme : le recul des armes à feu et le mouvement
des pièces d'artifice sont des phénomènes de ce
genre.
Vases communiquants. — Lorsqu'on étaljlit une
communication entre deux ou plusieurs vases qui
contiennent le même liquide, celui-ci se répand
dans chacun d'eux jusqu'à ce que tous les lâveaur
soient sur le même plan horizontal. Cette proposi-
tion est une conséquence du principe de l'équi-
libre des liquides: si l'on considère dans la portioi;
commune à deux vases une tranche horizontale,
tous les éléments de cette tranche doivent suppor-
ter une égale pression ; il faut donc qu'au-dessus
de chacun d'eux il y ait une même hauteur du
liquide, et par suite " les niveaux supérieurs doi-
vent appartenir au même plan horizontal.
La démonstration expérimentale se fait facile-
ment à l'aide d'un grand vase muni à sa partie
inférieure d'un tube latéral à robinet, sur lequel
on peut fixer successivement des tubps de diverses
formes. On met de l'eau colorée dans le grand
vase, et sitôt que l'on ouvre le robinet, on voit
l'eau monter dans le tube latéral à la même hau-
teur. Quand ce dernier tube n'est pas assez long
pour que 1 eau y atteigne le niveau du réservoir,
le liquide s'écoule ou jaillit avec d'autant plus de
force que le réservoir est plus élevé, mais sans
cependant monter à la hauteur où il monterait
dans un tube, parce que les gouttes qui retom-
bent enlèvent par leur frottement une partie tie
la force de celles qui s'élèvent. C'est ainsi que se
produisent les jets d'eau naturels ou artificiels,
sous quelque forme qu'ils se présentent.
Cette tendance d; l'eau à reprendre son niveau
trouve son application dans le jeu des écluses de
canaux et dans la distribution de l'eau dans une
ville. Dans ce dernier cas, si 10:1 n'a pas à sa dispo-
sition un réservoir naturel à niveau très élevé, on
en construit un que l on remplit à l'aide de ma-
chines I ydrauliiiues. Du fond de ces réservoirs
partent lès tuyaux de conduite qui se ramifient
dans les divers quartiers de la ville, se redressent
pour aboutir aux fontaines publiques et aux étages
des maisons moins clev-îes que le réservoir; l é-
coulement a lieu dans la forme que l'on donne à
l'orifice de sortie du liquide.
Niveau d'eau. — Une autre application intéres-
sante des vases communiquants, c'est le niveau
d'eau, instrument très ancien qui sert à mesurer
la distance verticale de deux points peu éloignés.
C'est un tube de fer blanc, long d'un mètre, re-
courbé à angle droit à ses deux extrémités et ter-
miné par deux fioles en verre. On le place sur un
pied à branches et on le remplit d'eau. Le liquide
y prend un niveau horizontal ; si donc on place
l'œil près d'une des surfaces de l'eau et qu'on vise
l'autre, la ligne de visée est horizontale. Si l'appa-
reil est fixé entre les deux points dont on veai
connaître la différence de niveau, un aide va suc-
cessivement tenir en chaque point une règle ver-
ticale graduée contre laquelle glisse une petite
plaque appelée voyant L'opérateur fait placer ce
voyant sur la ligne horizoniale des deux niveaux
de l'eau. On lit la distance du voyant au sol, et la
différence des deux nombres trouvés donne la
distance verticale de l'un des points au-dessus de
l'autre .
Cas de plusieurs liquides. — Si dans un même
vase on verse plusieurs liquides sans action chi-
mique l'un sur l'autre, comme le mercure et l'eau
ou l'eau et l'huile, le plus lourd gagne Q .fond,
et la surface de niveau de chacun d'eux est hori-
zontale. Il n'arrive pas toujours que deux liquides
de poids différents se superposent : souvent ils se
mélangent intimement, comme l'eau et l'.lcool :
mais dans ce cas encore, on peut faire tenir le plu^
léger en dessus qua.-.d on l'y verse avec précaution.
Dans un vase fermé qui contient des liquides
et de l'air, le gaz occupe toujours le point le plus
élevé. C'est sur ce principe que repose le niveau h
bulle d'air. Un tube très légèrement courbé dans
le sens de sa longueur a été rempli presque entiè-
rement d'alcool, puis fermé. La bulle d'air qui y
reste occupe toujours le point le plus haut du
tube ; elle se place au milieu quand les deux extré-
mités du tube sont sur un plan horizontal. Le
tube est enfermé dans une gaine qui ne laisse voir
que le dessus de la courbure et qui repose elle-
même sur une petite tablette bien dressée. Le
plan sur lequel l'appareil repose est horizontal
quand la bulle d'air est au milieu de la partie vi-
sible. Ce petit instrument est aux mains de tous
les ouvriers qui ont journellement besoin d'établir
l'horizontalité d'un plan.
ExpÉRiE>'CES. — 1. Prendre un vase de fer blanc
ponant deux trous, l'un plus gros vers le bas,
l'autre à la partie supérieure; fermer le premier
avec un bouchon, remplir complètement le vase
d'eau ; mettre le second bouchon sans laisser
d'air en-dessous ; en frappant sur ce dernier on
fait sauter l'autre.
■J. Fermer une des extrémités d'un très large
tube avec une vessie bien tendue ; verser de l'erai
dans le lube, la vessie se bombe au dehors h
mesure que le niveau de l'eau monte,
3. Percer un trou dans la paroi près du fond
d'un vase, fermer cet orifice avec une petite
plaque de bois collée légèrement avec de la cire,
remplir le vase d'eau, la plaque se détache sous
la pression latérale du liquide.
4. Suspendre à une assez longue corde un
flacon plein d'eau portant vers le bas une ouver-
ture fermée par une cheville, la corde est verti-
cale ; retirer la cheville avec précaution, le liquide
s'écoule et le vase penche en sens inverse du jet.
ô. Prendre un long tube doublement recourbé
avec deux branches perpendiculaires à sa lon-
gueur, y mettre de l'eau et constater que quelle
que soit l'inclinaison du tube, une règle posée
dans la direction des deux niveaux de l'eau est
toujours horizontale.
6. Vérifier l'horizontalité d'une surface en pla-
çant un niveau à bulle d'air dans deux directions
perpendiculaires. [Haraucourt.]
HVG1È-\E. — La vie moyenne, en France, n'at-
teint pas 40 ans : c'est moins de la moitié de ce
que peut raisonnablement attendre l'homme
civilisé.
Dans dix départements, sur 100 enfants qui
naissent, il n'en reste plus que 30 au bout de cinq
ans : il serait possible de dimiuuer des deux tiers
cette mortalité infantile, et de la ramener à la
proportion, encore énorme, des département» les
moins éprouvés.
La moiiié duï, jeunes gens inscrits au tableau de
conscription sont refusés pour défaut de dévelop-
pement ou pour infirmités : le nombre des réfor-
més pour cause d'infirmités s'élève à :;9 p. 100 des
inscrits ; on a constaté d'ailleurs que le nombre
des refusés par arrondissement suit à peu près la
proportion des illettrés.
La France occupe lavant-dernier rang en Eu-
rope, pour l'accroissement de la population, et le
dixième rang pour le nombre proportionnel
d hommes de quinze à trenie ans.
Il n'y a pas besoin d'arguments plus nombreux
pour montrer que l'étude de l'hygiène publique et
privée s'impose à noire pays coi:nne condition in-
dispensable de prospérité et de puissance.
HYGIENE
997 —
HYGIENE
En Angleterre el en Italie, on agite sérieusement
la question de créer un ministère de la santé pu-
blique, un véritable ministère d'hygiène. Dans
toutes les capitales, les savants se réunissent
pour fonder des sociétés d'hygiène, en vue do
faire progresser et de vulgariser cette science.
On vient de fonder à Londres, sous le patronagp
de la reine, un musée d'hygiène où figureront les
livres, les appareils et les méthodes d'enseigne-
ment dans tous les pays.
Plusieurs États d'Europe et d'Amérique ont fait
à l'hygiène une place importante dans l'enseigne-
ment élémentaire. Ce sont justement les élèves
des écoles primaires qui ont le plus grand besoin
de l'apprendre, pour l'appliquer, plus tard, dans le
milieu où ils sont appelés à vivre.
On peut enseigner les éléments de toutes les
sciences à un auditoire non préparé, si l'on prend
soin de lui parler comme s'il ne connaissait rien
de ce qu'il faut savoir pour comprendre chaque
point nouveau, et si l'on adopte un langage suffi-
samment familier.
Il y a une hygiène idéale, — celle que l'on en-
seigne d'ordinaire, — qui consiste à exposer dans
quelles conditions de bien-être et de confort doit
s'écouler l'existence, pour se prolonger environ
un siècle, à l'abri des maladies et des infirmités;
c'est l'hygiène des privilégiés, de ceux qui en ont
le moins besoin.
Mais pour être pratique, pour remplir son rôle
de science éminemment sociale, l'hygiène vulga-
risée doit viser moins haut, ou du moins commen-
cer plus bas. Il lui faut prendre les hommes et les
choses tels qu'elle les trouve, c'est-à-dire dans des
conditions générales où presque tout est à faire.
En pareil cas, avant de parler de l'idéal, n'est-il
pas urgent de montrer comment atteindre lo
mieux? Il est à remarquer d'ailleurs, qu'en
hygiène, comme en épargne, il n'y a que le pre-
mier pas qui coûte. Quand un homme a compris
qu'il peut s'améliorer, au physique et au moral.
s'il possède la force de caractère suffisante pour
essayer, cet homme est sauvé.
Un laboratoire d'expériences pour les démons-
trations d"un cours élémentaire d'hygiène pratique
pourrait s'installer d'une façon tout à fait primi-
tive, dont la simplicité serait un charme de plus
pour lés auditeurs que rebute parfois l'aspect des
instruments compliqués. Il n'y aurait aucun incon-
vénient à ce que les appareils fonctionnassent dans
des conditions extra-scientifiques ; ce serait même
un avantage, puisqu'ils seraient destinés à des
expériences applicables à la vie usuelle, dans la-
quelle nous ne sommes jamais limités par les con-
ditions rigoureuses d'expérimentation.
Dans la rédaction des leçons, il serait bon d'a-
dopter, pour chaque expérience, un ordre précis
qui en facilite l'intelligence et en assure le souve-
nir: objet à démontrer, — énumération des pièces
d'appareil à employer, — disposition des appareils,
— manipulation et expérimentation, — déductions
pratiques. Chaque expérience étant ainsi dé
taillée, le maître même peu familiarisé avec les
sciences naturelles s'irait immédiatement capable
de Ic-s répéter, en les animant, selon les circon-
stances, par des commentaires dont l'à-propos dé-
lasse l'attention et vivifie l'impression reçue.
Nous avons adopté, pour l'enseignement de l'hy-
giène ainsi entendue et appropriée à son but 'pra-
tique, la division de cette science en dix- sept
chapitres. Chaque chapitre est lui-même suscepti-
ble de deux ou trois grandes divisions, de sorte
que le cadre général peut suffire à un cours de
30 à 40 leçons.
SOtv'.MAIRE DU COURS.
I. Uhyçiiène, son rôle, son lut, ses moyens d'nc-
tion. — Définition de l'hygiène. Objets de son
étude. Bue et divisions de l'hygiène. Ses moyens
d'action. — V. Hi/giène, Santé, Tempéraments.
Vie humaine (au Supplément).
II. Notions éiémintaires sur le corps humain. —
Structure et composition du corps. Lps fonctions
et leurs organes. — V. Physiologie, Circulation,
Respiration, Absorption, Vue, Ouïe, Chyle, Peau,
Tissus, Organes, Système nerveux.
III. Uair (ituiosphérique. — Propriétés physi-
ques. Composition de l'air. Effets des miasmes, des
émanations, des effluves. — V. Air, Atmosphèi'e,
Contagion, Epidémies,
IV. La lumière. La chaleur. L'électricité. —
La lumière. Son influence sur l'homme. Règles
hygiéniques relatives à la lumière. La chaleur.
Température de l'homme. Température extérieure.
Règles hygiéniques concernant la chaleur et le
froid. L'électricité. La foudre. Erreurs et préjugés.
Effets des orages sur la santé. — \. Lumière, Vie,
Chaleur, Température, Electricité, Foudre, Orages.
V. Les climats. Les saisons. Les milieux. — Les
climats. Circonstances qui constituent un climat,.
Action de l'homme sur les climats. Lesclimats f'e !a
France. La santé en France dans les diversesrégions.
Les saisons. Influence des saisons sur l'honmie. Hy-
giène des saisons. Les milieux. Circonstances qui
constituent le milieu. Influences du milieu. Moyens
de modifier les milieux. — V. Climats, Saisons,
Milieu.
VI. Le sol. Les eaux. — Le sol. Nature des ter-
rains. Conditions de la surface. Configuration.
Circonstances qui modifient la température. Rap-
ports du sol avec les eaux.
Les eaux. L'eau dans la nature. Influence de
l'humidité sur l'homme. Eaux potables. Maladies
causées par les eaux. Règles hygiéniques. — V.
Sol, Eau, Humidité.
VII. Les habitations. — Emplacement. Voisinage.
Exposition. Matériaux. Parties de l'habitation. Le
mobilier. Annexes. Amélioration d'une habitation
insalubre. Ventilation. Chauffage. Eclairage. Pro-
preté des habitations. — V. Nuisons, Chauffage,
Eclairage.
Vill. Les vêtements. La toilette. — Les vête-
ments. Rôle des vêtements. Matières des vêtements.
Les vêlements en France. Appropriation des vête-
ments. Obstacles que rencontre l'hygiène Assai-
nissement. La literie. Moyens d'éluigner ou de
détruire les insectes. La toilette. Structure et fonc-
tions de la peau. Les parasites. Maladies de la
peau produites ou entretenues par la malpropreté.
Erreurs et préjugés. Les bains. Règles hygiéniques.
Bains spéciaux. Soins de la chevelure. So ns des
dents». Soins des ongles. Fards et cosmétiques.
L'eau et le savon. — V. Vêtements, Peau, Parasiti^s,
Propreté.
IX. Les aliments. — Divisions générales. Ali-
ments d'origine animale. Aliments d'origine végé-
tale. Aliments minéraux. Condiments. Falsifica-
tions. Altérations. Conservation. — V. Aliments,
Viande, Condiments, Falsifications, Coi'serves.
X. Les boissons. — Nécessité des boissons. La
soif. Classification des boissons. Rapports entre
les boissons et les aliments. Les eaux potables.
Boissons fermentées. Boissons distillées. — V.
Boisso?is, Eiiu, Alcooliques [Boissons), Vin.
XI. Théorie et pratique de l'alimentation. —
Causes a'usure et de pertes du corps. Ration ali-
mentaire. Cas spéciaux d'alimentation. Hygiène de
la table. Heures des repas. Conditions d'une bonne
digestion. Causes qui entravent la digestion.
Hygiène de la cuisine. — V. Aliments, Assimi-
lation.
XII. Les Stimulants. — Actions des stimulants.
Utilité. Dangers. Agents employés comme stimu-
lants. Boissons aromatiques. L'alcool. Le tabac. —
V. Stimulants, Café, Alcooliques [Doissojis), Alcuo
lisme. Tabac.
HYGIÈNE
— 998
HYGROMETRIE
XIII. L'exercise et le travail. Le repos et le som-
meil. — L'exercice. Les mouvements. L'effort. Les
jeux. La gymnastique. Le travail manuel, intellec-
tuel. Le repos. Le sommeil. — V. Jeux, Travoi'.
Repos, Sommeil. V. aussi dans la l'" Pautie Gym-
nastique.
XIV. Les zens. Les facultés. —.Les sens. Lp'
impressions. Les sensations. Les idées. Les sen-
timents. Ori;anes des sens. La vue. L'ouic.
L'odorat. Le tact. Les facultés. Différentes sortes
d'activité de l'esprit. Influence de la personnalité.
Différentes facultés. Activité intellectuelle. Acti-
vité sensitive. Activité passionnelle. Passions.
Influences réciproque? de l'esprit et du corps.
Hygiène des facultés. — V. Facultés, Intelli-
gence, Idée, Instinct, Sens, Vue, Ouïe, Odorat,
Passions.
XV. Hygiène médicale. — La santé et la ma-
ladie. — La médecine et les remèdes. — Les acci-
dents. Secours urgents. — V. Santé, Maladie,
Accidents, Médicaments, Asphyxie, Syncope,
Racie.
XVI. Hygiène publique et internationale. —
Hygiène publique. Devoirs de l'Etat. Attributions
des autorités. Hygiène des villes. Hygiène des cam-
pagnes. Hygiène internationale. — V. Falsifica-
tions, Epidémies, Contagion, Salubrité publique.
Voiries, Travail, Vaccination.
XMi. Hygiène scolaire. — Ecoles publiques.
L'école. La classe. Le mobilier. L'élève. Maladies
scolaires. Médecine scolaire. Règlements actuels.
Systèmes d'éducation. Education dans la famille.
Education publique. Mode d'éducation en com-
mun. — V. Vue, Ouïe, Contagion, Parasites, Ma-
ladies. V. aussi dans la P* Partie Hygiène scolaire,
Salles de classe. Tenue.
Ce programme renferme le cadre de leçons
d'hygiène suffisamment développées pour un cours
d'école normale.
Pour les adapter à un enseignement moins
élevé, il sera facile d'en éliminer dans chaque cha-
pitre un certain nombre de sujets, jusqu'à ré-
duire les leçons aux notions élémentaires desti-
nées aux petites classes.
Nous avons adopté ce plan, abrégé de notre
plan général, afin de fournir aux maîtres des vues
d'ensemble bien coordonnées et les jalons d'une
étude assez complète de la science hygii'nique.
[£)'■ Safl'ray.]
Lecttires et dictées. — L'importance de l"hv-
GiisNE. — Si quelqu'un doute de l'importance qu'il
y a pour nous à être familiarisés avec les principes
de la physiologie et de l'hygiène, qu'il regarde au-
tour de lui, et qu'il voie combien il pourra trouver
d'hommes et de femmes dans l'âge moyen de la
vie, ou dans un âge avancé, qui soient complète-
ment bien portants. Ce n'est que par exception
que nous rencontrons un exemple d'une vigoureuse
santé conservée dans la vieillesse; à toute heure,
au contraire, nous avons sous les yeux des cas de
maladies aiguës, de maladies chroniques, d'affai-
blissement général, de décrépitude prématurée. Il
n'est peut-être personne qui n'avoue, si vous l'in-
terrogez, qu'il s'est, dans le cours de sa vie, attiré
lies maladies dont la plus siinple notion de physio-
logie l'aurait préservé. Ici, c'est une maladie du
cœur, conséquence d'une fièvre rhumatismale
amenée par l'insouciance à choisir une habitation
convenablement exposée ; là, c'est une vue perdue
pour la vie par un excès d'étude. Hier, il était
tiuesiion d'une personne dont la persistante clau-
dication provient de ce qu'en dépit de la douleur,
t'ile a continué à se servir d'un genou légèrement
blessé. Aujourd'hui, on nous parle d'une autre per-
sonne qui a dû rester couchée pendant des années,
parce qu'elle ignorait que les palpitations dont elle
souffrait étaient un des effets de la fatigue de son
cerveau. Tantôt, c'est une blessure incurable qui
provient de quelque sot tour de force ; tantôt c'est
une constitution qui ne s'est jamais relevée d'un
travail excessif, entrepris sans nécessité. Pendant
ce temps, nous voyons de tous côtés les perpétuel-
les indispositions qui accompagnent la faiblesse.
I Ne nous arrêtons pas sur la souffrance, la lassitude.
' la mélancolie, les peites de temps et d'argent qui
pèsent de cette manière sur nou> ; considérons seu-
lement combien la mauvaise santé empêche que
nous ne nous acquittions de tous nos devoirs, rend
le*; affaires souvent impossibles et toujours plus
difficiles; comment elle produit une irritabilité fa-
tale à la bonne direction dos enfants, comment elle
fait de l'accomplissement des fonctions de citoyen
une impossibilité, et du plaisir une fatigue. N'est-il
pas évident que les péchés contre l'ordre physique,
tant ceux de nos ancêtres que les nôtres, dimi-
nuent plus que toute autre chose la vie complète,
en altérant la santé ; et que, dans une large mesure,
ils font do la vie une infirmité et un fardeau au
lieu d'un bienfait et d'une jouissance?
Ce n'est pas tout. Outre que la vie est ainsi con-
sidérablement détériorée, elle est encore raccour-
cie. Il n'est pas vrai, comme on le suppose, qu'après
un dérangement ou une maladie dont nous guéris-
sons, nous soyons comme auparavant. II n'y a pas
de trouble fonctionnel qui puisse passer en laissant
les choses exactement telles qu'elles étaient aupa-
ravant. L'organisme a reçu une atteinte perma-
nente ; il se peut qu'elle ne soit pas immédiatement
appréciable, mais elle existe, et, ajoutée à d'autres
item de même genre, que la nature n'oublie jamais
d'inscrire dans le compte rigoureux qu'elle tient,
cette atteinte influera sur nous, jusqu'à ce que,
inévitablement, elle abrège notre vie. C'est par
l'accumulation des petites atteintes que les cons-
titutions sont ordinairement minées et détruites
ijien avant le temps. Si nous avons présent à l'es-
prit combien le terme moyen de la vie tombe au-
dessous de la durée possible, nous pouvons nous
rendre compte de l'immense étendue de la perte.
Si, aux pertes partielles de vitalité que produit la
mauvaise santé, nous ajoutons la perte finale, causée
par la mort prématurée, nous voyons qu'ordinaire-
ment une moitié de la vie est jetée par dessus
bord.
Par conséquent, la science qui concourt à la
préservation de soi même en empêchant la perte
de la santé esc d'une importance capitale.
Nous ne prétendons pas que la possession d'une
pareille science remédierait complètement et en
tous cas au mal. Il est évident que, dans la pé-
riode actuelle de notre civilisation, leurs besoins
obligent souvent les hommes à transgresser la loi.
De plus il est clair que, même en l'absence d'une
pareille nécessité, leur inclination les entraînerait
souvent, malgré leurs convictions, à sacrifier un
bien futur à une satisfaction immédiate. Mais nous
prétendons que la véritable science, enseignée
convenablement, ferait beaucoup ; et puisque les
lois de l'hygiène doivent être reconnues avant
d'être pleinement obéies, il faut que la diffusion
de cette science précède et prépare, pour un ave-
nir plus ou moins éloigné, une manière de vivre
plus conforme à la raison. Nous en concluons que
si une vigoureuse santé et l'énergie morale qui
l'accompagne sont pour l'homme les premiers élé-
ments de bonheur, la science qui a pour objet la
conservation de cette santé est une science qui ne
le cède à aucune autre. \Herbert Spencer, De l'é-
ducation intellectuelle, morale et physique.)
HYGRO.niiTiaE. — Physique, .\XI. — L'hygro-
métrie s'occupe de déterminer l'état d'humidité de
l'air (V. Huuiidilé), d'évaluer la quantité d'eau en
vapeur contenue dans l'air ou dans un gaz quel-
conque. Il y a toujours de la vapeur d'eau dans
l'atmosphère même cjuaiid elle paraît le plus trans-
parente, et c'est peu surprenant si l'on songe à
HYGROMETRIE
999 —
HYGROMETRIE
l'immense masse d'eau qui s'évapore journelle-
ment sous l'influence de la chaleur et de la végé-
tation. Les exemples abondent pour mettre en évi-
dence cette présence constante de l'humidiié dans
l'air ; le plus frappant, c'est le dépôt de buée et de
gouttelettes qui se forme sur une carafe d eau très
fraîche dont la température est inférieure à celle
du milieu ambiant. Personne n'ignore d'ailleurs
que dans certains jours le sel gris de cuisine fond
dans les salières comme si on y ajoutait de l'eau.
Nous disons habituellement que l'air est sec
quand l'eau s'y vaporise rapidement, quand les
objets humides se dessèchent promptement, quand
l'air, en un mot, n'est point saturé et qu'il peut
prendre encore de la vapeur aux liquides en contact
avec lui. L'aimons semble humide au contraire si
les objets mouillés ne s'y sèchent que très lente-
ment ou même pas du tout ; alors il est saturé ou
près de l'être; il renferme toute la vapeur qu'il
peut tenir. Le degré d'humidité ainsi déterminé
par l'usage tient donc à l'état de l'air plus ou
moins éloigné de son point de saturation, bien
plus qu'à la quantité absolue de vapeur d'eau qu'il
peut contenir.
C'est qu'en effet cette quantité est très variable
pour le même état, suivant la température. Plus
celle-ci est élevée, plus est grand le poids de la
vapeur nécessaire à saturer l'espace. Si dans une
journée chaude d'été, à une température de 30",
l'air renferme de la vapeur dont la force élasti-
que soit de 10 millimètres, il est loin d'être sa-
turé, puisqu'il contient à peine 10 grammes de
vapeur par mètre cube, alors qu'il pourrait en te-
nir 32; c'est doncde l'air sec. Qu'en hiver, au con-
traire, par un froid de 2°, la force élastique de la
vapeur soit de 4 millimètres, l'air sera presque
saturé ; il suffira de le refroidir d'un degré seule-
ment pour obtenir qu'une partie de sa vapeur
passe à l'état liquide ; ce sera donc de l'air très
humide, et cependant il ne contiendra que 4,7 gram-
mes de vapeur par mètre cube, c'est-à-dire un
poids deux fois et demi moins grand que dans
le premier cas. L'air peut donc être très humide
avec peu de vapeur, s'il est froid, et très sec avec
une plus grande quantité de vapeur s'il est chaud.
Une expérience familière vérifie ce fait : l'hiver,
quand un poêle échaufi'e rapidement l'air d'une
chambre, cet air devient d'une sécheresse incom-
mode tout en contenant toujours la môme quantité
de vapeur, parce qu'il s'éloigne de plus en plus
de son point de saturation.
On définit l'état d'humidité ou Vétat hygromé-
trique de l'air, le rapport entre le poids de vapeur
qu'il contient et celui qu'il contiendrait s'il était
saturé à la même température . Et comme sous
un volume donné le poids d'un gaz ou d'une
vapeur est proportionnel à sa force élastique, on
peut encore définir l'état hygrométrique le rapport
enire la force élastique de lavnpew i0?itenue dans
Voir et la force élastiqwi maxintum pour la viême
température. On a imagine beaucoup de méthodes
pour apprécier l'état hygrométrique : les instru-
ments qui servent à cet usage sont appelés hyyro-
mètres ; on réserve le nom à'hugroscopes à ceux
qui indiquent seulement, dans deux observations
successives, si l'humidité a augmenté ou dimi-
nué.
Hygroscopes divers. — Le premier observateur qui
ait essayé d'apprécier l'état d'humidité de l'air paraît
être le cardinal Cusa au xV siècle : il pesait un
flocon de laine dont le poids augmentait avec l'hu-
midité. Plus tard on s'est servi de l'allongement
des «substances organiques, puis de la torsion de
quelques-unes d'entre elles; dans ce dernier
groupe rentrent les cordes à boyau et aussi la glu-
melle de l'avoine dont le mince filet se tord par
l'humidité. Les cordes à bovau sont employées
dans plusieurs formes d'hygroscopes communs.
Une corde verticale tient suspendu un plateau de
bois dont une moitié se trouve dans l'intérieur
d'une maisonnette en carton ayant deux portes ;
aux extrémités d'un diamètre du plateau sont fixées
deux figurines dont l'une sort et l'autre rentre
quand l'air est humide. Ou bien la corde est en-
roulée sur une petite tige de bois et fixée au capu-
chon mobile d'un moine découpé dans du carton ;
quand il fait sec, la corde tire sur le capuchon
et le personnage est découvert ; quand vient
l'humidité au contraire, la corde en se déroulant
ramène le capuchon sur la tête du moine.
Quelle que soit leur forme, ces appareils n'ont
d'autre but que d'aider à pronostiquer le temps
ou à dire simplement si l'air devient humide ou
sec.
Hygromèti-es. — Les hygromètres sont tous les
appareils pouvant indiquer, par une manipulation
ou une simple lecture, la quantité de vapeur d'eau
réellement contenue dans l'air au moment de
l'expérience. Les uns reposent sur l'allongement,
rendu très sensible, d'une matière organique ; les
autres sur le dépôt par refroidissement de la va-
peur d'eau à l'état de rosée ; un dernier enfin sur
l'abaissement de température qu'éprouve un thei»
momètre mouillé.
Hygromètre à cheveu ou de Saussure. — Las
cheveux dégraissés, peu sensibles aux variations
do température, s'allongent ou se raccourcissent
notablement suivant l'état hygrométrique de l'air:
c'est sur ce fait que Saussure a basé son hygro-
mètre. Un cheveu de ;'.u à 35 centimètres de long,
débarrassé de la matière grasse qui le recouvrait
par un séjour dans l'éther, est fixé par un de ses
bouts à l'extrémité d'un petit cadre en laiton. Le
cheveu descend verticalement, et sa partie infé-
rieure s'enroule sur la gorge d'une poulie et y est
arrêtée. Cette poulie est double, et sur la seconde
gorge passe un fil de soie dans le même sens que
le cheveu et soutenant un poids de "2 à 3 déci-
grammes. Le jeu de l'appareil est facile à saisir.
Le contre-poids tient constamment le cheveu tendu.
Sil 'air devient plus sec, le cheveu se raccourcit, il
fait tourner la poulie dans un sens ; si au contraire
l'air est plus humide, le cheveu s'allonge, le con-
tre-poids tendant le cheveu fait tourner la poulie
en sens contraire. Les mouvements de la poulie
sont rendus sensibles par une aiguille fixée sur
son axe et dont la pointe parcourt les divisions
d'un cadran.
Pour graduer l'instrument, on a marqué sur
le cadran deux points de repère, deux points fixes,
l'un correspondant à l'air absolument sec, l'autre à
l'air très humide. Le premier a été obtenu en sus-
pendant l'appareil dans une cloche sèche reposant
sur une assiette pleine de chaux vive ; on a mis 0
au point où s'est arrêtée l'aiguille. Pour obtenir le
second, l'appareil a été suspendu dans un vase
contenant de l'eau au fond et ayant ses parois
mouillées, en d'autres termes, ayant de l'air saturé
de vapeur. On a mis 100 au point d'arrêt extrême
de l'aiguille. L'intervalle des deux points fixes a
été partagé en cent parties égales qui représentent
les degrés de l'hygromètre.
Bien que le zéro réponde à la séclieresse abso-
lue ou à l'état hygrométrique 0, que le point lOO
corresponde à l'humidité extrême, à l'air saturé
ou à l'état hygrométrique 1, les degrés intermé-
diaires n'indiquent pas l'état hygroiuétrique réel,
mais seulement si l'air est plus ou moins rappro-
ché de son point de saturation. Ainsi le 00' degré
accuse dans l'air plus de vapeur ([ue le 50', moins
que le 70', mais il ne veut pas dire que l'air est aux
(jO centièmes saturé. Si l'on veut que l'appareil de
Saussure indique réellement la quantité de vapeur
d'eau de l'air, il faut le munir d'une table où, en
regard de ses degrés, on puisse trouver l'état hygro-
métrique correspondant. C'est Gay-Lussac qui a
HYGROMÉTRIE
- 4000
HYGROMETRIE
donné le moyen de dresser cette table ; voici
celle qui convient pour les températures voisines
de 10«:
grés
Élat
Degrés
État
^romètre.
hygrométrique.
de
'hjfgromètre.
hjg
rométriqu
0
0,0
79
0,6
22
0,1
85
0,T
39
0,2
90
0,8
53
0,3
95
0,9
64
0,4
100
1.0
72
0,5
Un calcul très simple donne les nombres inter-
médiaires.
Les liygr 0.1) êtres à cheveu sont d'une observa-
tion commode ; mais comme ils sont rarement
comparables entre eux, on ne peut pas compter
d une manière absolue sur l'exactitude de leurs
indications.
Hi/gromètre à condensation. — Quand on définit
l'état hygrométrique le rapport de la force élasti-
que que possède la vapeur d'eau de l'air à la force
élastique qu'elle aurait pour saturer l'espace, le
dernier terme de ce rapport est connu ; on trouve
en effet la force élastique maximum ou de saura-
tion, pour la température à laquelle se trouve l'air,
d.-'ns les tables de Regnault. Reste donc à déter-
miner le premier terme, c'est-à-dire la force élas-
tique de la vapeur au moment de l'expérience.
Le moyen employé consiste à refroidir l'air jus-
qu'au moment où sa vapeur commence à se dépo-
ser en rosée sur un objet froid, et à noter la tem-
pérature à laquelle se produit ce point de rosée :
la force élastique maximum de la vapeur d'eau
pour cette température est la force élastique cher-
chée.
Supposons, en effet, qu'au moment de l'expé-
rience la température de l'air soit de 20°; la table
de Regnault nous apprend que la force élastique
de la vapeur d'eau qui saturerait l'espace serait de
1 7'°'°,4. Pour produire le point de rosée, admettons
qu'il faille refroidir l'air et sa vapeur à 10° : c'est
que la vapeur qu'il contient n'est capable de le
saturer qu'à celte température de 10°; elle n'a
donc que la force élastique correspondante à 1(>°,
c'est à- dire 9°", i ; et par suite l'état hygrométri-
que est dans cet exemple le rapport de 9°"", I à
1T°°,4 ou pr^ ou environ |; l'air n'est donc qu'à
demi saturé.
Les hygromètres qui reposent sur ce principe,
et qui sont appelés hygromètres à condeyisation,
présentent plusieurs formes : le plus précis est
celui de Regnault. C'est un tube terminé à sa base
par un dé d'argent poli ; ce tube contient, de l'é-
iher jusqu'à la hauteur du dé d'argent ; il porte
un thermomètre dans son bouchon et deux petits
tubes coudés dont l'un plonge dans l'éther. On
commence par noter la température; puis on met
le petit tube coudé en communication par u:i long
tube de caoutchouc avec un vase plein d'eau dont
on ouvre le robinet d'écoulement ; on provoque
ainsi un appel d'air qui traverse l'éther et, en fai-
sant évaporer ce liquide, refroidit le tube qui le
contient et l'air ambiant. Au moiuent, où par l'effet
du refroidissement, la vapeur d'eau de l'air se con-
dense, le dé d'argent poli se couvre d'une buée
qui en ternit l'éclat ; on note alors la température
du thermomètre plongé dans l'éther et on a, comme
dans l'exemple précédent, les deux termes du rap-
port qui donne l'état hygrométrique. Cet appareil
est le plus précis que nous ayons; mais il exige
tine manipulation quel<iue peu délicate; aussi,
dans beaucoup de petits observatoires, lui substi-
tiie-t-on lo suivant, comme beaucoup plus com-
mode.
Psychromètre. — Le psychromètre consiste en
deux thermomètres très sensibles montés sur le
même support et dont l'un a son réservoir con-
stamment imbibé d'eau. La température marquée
par ce dernier est inférieure à celle de l'autre.
C'est de l'observation de ces deux températures
que l'on conclut l'état hygrométrique, à l'aide
d'une formule établie par les phj-siciens à la suite
d'un grand nombre d'expériences comparatives.
On comprend sans pt-ine qu'il doit y avoir une
relation entre l'abaissement de température du
thermomètre mouillé et la quantité de vapeur d'eau
que contient l'air, si l'on remarque d'une part que
l'évaporaJon de l'eau exposée à l'air est d'autant
plus forte que l'air est moins humide et, d'autre
pan, qu'une évaporation active ne se produit qu'en
enlevant au liquide qui s'évapore et aux corps voi-
sins une quantité de chaleur dont la disparition
est la cause du refroidissement constaté.
Telles sont les méthodes habituellement em-
ployées pour trouver l'état hygrométrique de l'air.
Il en est encore une, plus précise peut-être, mais
plus longue, qui donne avec exactitude le poids de
viipeur d'eau continue au moment de l'expérience
dans un volume donné d'air. On l'appelle la mé-
tliode chintique; elle consiste à faire passer l'air
sur des substances très avides d'eau, comme l'acide
sulfurique ou le chlorure de calcium. On remplit
deux tubes en U de fragments de pierre ponce
imbibée d'acide sulfurique concentré ; ils sont réu-
nis l'un à l'autre et l'un d'eux à un grand vase
plein d'eau qu'on nomme aspirateur. Si on fait
écouler lentement l'eau de l'aspirateur, l'air est
appelé ; il passe dans les deux tubes et abandonne
toute son humidité au premier qu'il traverse. Il
suffit donc de chercher l'augmentation de poids
de ce tube pour connaître le poids de vapeur d'eau
qui était contenue dans un volume d'air égal à la
portion vidée de l'aspirateur.
Quand on a trouvé, par l'un ou l'autre des pro-
cédés, soit la force élastique de la vapeur d'eau,
soit l'état hygrométrique, on calcule très facile-
ment le poids de vapeur que contient un mètre
cube d'air. La question revient à chercher le poids
de I 000 litres de vapeur, à la force élastique con-
nue et à la température de l'expérience (V. Den-
sité).
L'intérêt des observations hygrométriques et
l'influence de l'humidité de l'atmosphère sur les
climats sont plus particulièrement étudiés à l'ar-
ticle Météorologie.
Expériences. — 1. Abandonner à l'air, sur une
soucoupe, un morceau de potasse caustique, il de-
vient liquide ; un morceau de chaux, il se délite,
s'éteint et tombe en poussière.
2. 3!ettre dans un verre bien sec à l'extérieur
un mélange réfrigérant, le verre se couvre d'une
buée qui ne tarde pas à se changer en glace. —
Souffler sur de l'éther placé dans une capsule de
verre, môme phénomène.
3. Suspendre par une de ses extrémités une
corde à boyau dont l'autre bout porte une aiguille
horizontale mobile au-dessus d'un cadran ; appor-
ter dans le voisinage un vase d'eau à large sur-
face, on constate que l'aiguille marche dans le sens
de la diminution de la torsion de la corde.
i. Constater que les cordes tressées grossissent
en diminuant de torsion par l'humidité, ce qui les
fait diminuer de longueur. — Même observation
sur la toile composée de fils tors entrecroisés, qui
rétrécit étant mouillée.
5. Mettre un hygroscope capucin sous une clo-
che reposant sur une assiette qui contient un peu
d'eau ; le capuchon, d'abord renversé, recouvre la
lète du personnage. [Haraucourt.]
^>-y
v/
•.r •->;
1^
•\;,
^■>..
:•¥:)
^^->-;-
V_',
'^'^V
--V^
4
"K:
%.
-'^i^
■v\
■/:^
^■-••?\-'^
;î-*s
.r/-.
1^
■:V■^rfr';.■■■»K•>:
^m^
■.Vv
*";
--*^<, ^^'l'r^'M-
/!f
f^c
m-
■F^^
; ^f' •'
M
■-^~-- .'^m
s>
éPT
:■:<..
■^.
'Sy^''
v:
•y-:\
"^
r^^:>;
^^':' -JO:.;.;^:-^
•■ ..^.
• ■ ■♦-*'.' „. /