Skip to main content

Full text of "Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire, publié sous la direction de F. Buisson .."

See other formats


^  v^^-/' ;■>j^■::^*v^'-:■■ 


THE  LIBRARY 


The  Ontario  Institute 


for  Studies  in  Education 


Toronto,  Canada 


^^b-.*"  "^  6 


:^ 


\JÀ  A-."'-:  .    ïk 


DICTIONNAIRE 


DE   PÉDAGOGIE 


ET 


D'INSTRUCTION  PRIMAIRE 


iCa=a     ^ 

1.     1 

1970 

FCn  :  . 

-  < 

C  O  R  B  r.  1  L  . 


KT    STEU.     CRETE. 


DICTIONNAIRE 


DE  PÉDAGOGIE 


D'INSTRUCTION  PRIMAIRE 


pcbmf:   sous   i.a    direction  de 


F.   BUISSON 

agrégé    de    l'UniTersité 
Inspecteur    général    de    l'enseignement    primaire 


AVEC   LE    CONCOURS    D  L'N    GRAND    NOMBRE   DE    COLLABORATEURS 

MEMBUKS    DE     L'iNSTITUT,    PUBLICISTES 

FONCTIONNAIRES   DE    l'iNSTRL'CTION   PUBLICITE,    INSPH;CTEURS,  PROFESSEURS 

ET   INSTITUTEURS  DE    FRANCE    ET    DE   L'ÉTRANGER 


ir  PARTIE 

TOME     PREMIER 


DEUXIEME     TIRAGE 


PARIS 


LIBRAIRIE     HACHETTE     ET     C' 

79,      BOULEVARD      SAINT-GERMAIN,      79 

18SG 

Droits  do  traduction  et  de  ri-production  réservés. 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/dictionnairedep12buis 


PRÉFACE 


DE      LA      DEUXIEME      PARTIE 


ViQ  Dictionnaire  de  pédagogie  et  d'instruction  primaire  est  un  recueil  des- 
tiné à  servir  de  guide  théorique  et  pratique  à  tous  ceux  qui  s'occupent  d'en- 
seignement primaire. 

Il  se  compose  de  deux  parties  distinctes,  formant  chacune  un  ouvrage  in- 
dépendant. 

La  PKE.MiÈRE  PARTIE  Comprend  les  doctrines,  la  législation,  l'histoire  de  l'en- 
seignement: c'est,  à  proprement  parler,  un  vaste  traité  de  pédagogie  théori- 
que disposé  sous  la  forme  de  recueil  d'articles  par  ordre  alphabétique. 

La  DEUXIÈME  PARTIE  —  Celle  que  nous  présentons  au  lecteur  dans  ces  deux 
volumes  —  faitl'application  des  principes  pédagogiques  aux  diverses  matières 
de  l'enseignement  et  constitue  ainsi  un  cours  complet  d'instruction  primaire, 
non  pas  à  l'usage  des  élèves,  mais  à  l'usage  des  maîtres. 

Cet  ouvrage  offre  une  sorte  d'encyclopédie  pralique  des  connaissances  né- 
cessaires ou  utiles  à  l'instituteur  et  au  professeur  d'école  normale:  il  est  pour 
eux  ce  qu'est  pour  l'homme  du  monde  le  Dictionnaire  de  la  co?iversation,  ou 
encore  ce  que  sont,  pour  les  professeurs  spéciaux  d'histoire,  de  sciences  ou  de 
littérature,  les  Dictionnaires  de  Bouillet  ou  de  Yapereau. 

Seulement,  tandis  que  ces  dictionnaires  se  composent  d'autant  d'articles 
qu'il  y  a  de  noms  propres  à  recueillir,  celui-ci  divise  la  matière  de  chaque 
enseignement  en  un  certain  nombre  de  groupes  ou  de  chapitres,  formant  au- 
tant d'articles  distincts. 

Ce  n'est  pas  à  proprement  parler  un  dictionnaire  de  mots,  mais  un  diction- 
naire de  leçons.  Autant  il  y  a  dans  chaque  science  de  grands  sujets  à  traiter, 
autant  on  trouvera  d'articles  fournissant  à  l'instituteur  les  éléments  de  la 
leçon  ou  de  la  série  de  leçons  qu'il  y  devra  consacrer.  Cette  disposition  a  l'a- 
vantage d'éviter  un  grand  nombre  de  répétitions  et  de  permettre  une  étude 
plus  approfondie,  plus  ample  et  plus  personnelle  de  chaque  question.  Elle 
serait  incommode  pour  l'homme  du  monde  cherchant  rapidement  une  date  ou 
un  fait;  elle  tromperait  l'attente  d'un  candidat  impatient  d'obtenir  le  ren- 
seignement précis  dont  il  a  besoin  et  rien  de  plus  :  mais  ceux,  au  contraire, 
auxquels  le  Dictionnaire  s'adresse,  l'homme  d'études,  le  professeur  qui  pré- 
pare sa  leçon,  l'instituteur  qui  veut  étendre  et  fortitler  son  savoir,  l'élève 
d'école  normale  qui  achève  et  révise  tous  ses  cours  et  qui  veut  digérer  les 
connaissances  dont  son  esprit  s'est  chargé,  tous  ceux-là  trouveront  dans  ce 
Dictionnaire  le  genre  de  secours  qu'ils  demandent  et  la  distribution  de  ma- 
tières qui  peut  le  mieux,    croyons-nous,   seconder   leurs   studieux   efforts. 


—  II  — 

Veulent-ils  en  effet  entreprendre  tout  d'une  haleine  la  révision  d'un  ordre 
quelconque  d'enseignement,  de  l'arithmétique  par  exemple?  Ils  se  repor- 
tent à  l'article  Arithmétique  ;  cet  article  contient  un  programme  ou  un 
f)lan  du  cours,  qui  leur  indiquera  la  succession  méthodique  des  leçons  et 
e  mot  auquel  ils  trouveront  chacune  d'elles  :  d'abord  Numération,  puis 
Addition,  Soustraction,  etc.,  et  ainsi  de  suite  jusqu'aux  Logarithmes,  aux 
Amortissements,  et  aux  questions  de  Banque.  Veulent-ils  au  contraire  revoir 
non  plus  tout  le  cours,  mais  une  question  spéciale  en  vue  de  l'enseignement  ? 
Ils  recourront,  cette  fois  encore,  au  mot  général  Arithmétique,  chercheront 
dans  le  programme,  qui  est  en  même  temps  la  table  des  articles  spéciaux, 
à  quel  mot  est  traitée  la  question  dont  il  s'agit,  et  trouveront,  dans  l'article 
spécial  indiqué,  non  pas  une  définition  isolée  ou  un  renseignement  de  détail, 
mais  l'ensemble  du  sujet  exposé  avec  les  développements  d'un  enseignement 
complet,  élevé  et  méthodique.  Le  Dictionnaire  leur  donnera  ordinairement 
plus  qu'ils  n'auront  eux-mêmes  à  enseigner  ;  mais  c'est  l'esprit  même  des 
réformes  scolaires  contemporaines  de  ne  pas  proportionner  la  culture  du 
maître  aux  nécessités  étroites  de  son  enseignement  journalier,  mais  à  ce 
qu'il  doit  savoir  lui-même  pour  être  en  état  de  choisir,  parmi  les  connais- 
sances et  parmi  les  méthodes,  celles  qui  répondent  aux  besoins  et  aux  facultés 
de  ses  élèves. 

Nous  avons  donné  en  outre  un  certain  nombre  de  modèles  d'exercices  pra- 
tiques, de  lectures  et  de  dictées,  et  un  choix  de  questions  et  de  sujets  em- 
pruntés aux  examens  du  brevet  de  capacité,  du  certificat  d'études,  et  des 
concours  cantonaux  ;  mais,  pour  ne  pas  dépasser  les  limites  qui  s'imposaient 
à  nous,  il  a  fallu  nous  borner,  et  nous  contenter  de  quelques  spécimens  qui 
suffiront  à  indiquer  aux  maîtres  la  voie  à  suivre. 

Une  entreprise  aussi  considérable  que  la  rédaction  de  cette  espèce  d'ency- 
clopédie de  l'instruction  primaire  exigeait,  pour  être  menée  à  bonne  fin,  le 
concours  d'un  grand  nombre  de  collaborateurs.  Nous  avons  été  assez  heu- 
reux pour  pouvoir  associer  à  cette  œuvre  des  hommes  d'une  compétence 
incontestée,  et  parmi  lesquels  figurent  plusieurs  des  maîtres  de  la  science  ; 
nous  leur  adressons  ici  nos  plus  chaleureux  remercîments  pour  l'appui  qu'ils 
nous  ont  prêté  :  c'est  grâce  à  leur  bienveillante  coopération  que  nous  pou- 
vons offrir  au  personnel  de  l'enseignement  primaire  un  instrument  de  travail 
qui,  nous  osons  l'espérer,  ne  lui  sera  pas  inutile. 


LISTE  DES  COLLABORATEURS 


DE  LA   DEUXIEME   PARTIE 


Alcert  (Paul),  professeur   au  Collège  de  France. 

AsTuuc  (E.-A.),  grand-rabbin  honoraire  de  Belgique. 

Ayer  (Cyprien),  professeur  à  l'Académie  de  Neu- 
cliâlel. 

Banaré    (A.),  capitaine  de  frégate. 

BAnRAL(J. -A.),  directeur  du  Journal  d'agriculture. 

BÉNÉDiTE  iL.),  publiciste. 

Berger  (B.  ),  inspecteur  général,  directeur  du 
Musée  pédagogique. 

Bert  (Paul),  professeur  à  la  Faculté  des  sciences 
de  Paris. 

Bertillon  (Jacques),  publiciste. 

Bertin  (V.),  aide-naturaliste  au  Muséum. 

Bertrand  (G.-E.),  professeur  à  la  Faculté  des 
sciences  de  Lille. 

Bigot  (Ch.),  publiciste. 

Blanchet  (Désiré),  professeur  au  lycée  Charle- 
magne. 

Borel  (Eugène),  directeur  du  bureau  iniernational 
de  l'Union  postale,  à  Berne. 

Bos  (H.),  inspecteur  d'académie. 

Bougueret  (A.),  agrégé  de  l'enseignement  spécial, 
professeur  au  lycée  Saint-Louis. 

BouLART  (R.),  préparateur  au  Muséum. 

Bousquet  (J.),  préfet  des  études  à  l'Ecole  nor- 
male d'instituteurs  de  la  Seine. 

BouTAN  (A.),  inspecteur  général  de  l'enseignement 
secondaire. 

Bovier-La pierre  (G.),  ancien  professeur  à  l'Ecole 
de  Cluny. 

Bréal  (Michel),  membre  de  l'Institut. 

Buisson  (B.),  examinateur  à  l'Université  de  Londres. 

Burat  (E.),  professeur  au  lycée  Louis-le-Grand. 

Burnouf  (Emile),  ancien  directeur  de  l'Ecole  fran- 
çaise d'Athènes. 

Cadet  (F.),  inspecteur  général. 

CANO.\viLLE(Thomas),professeurau  lycée  de  Rouen. 

Carrau  (Ludovic),  professeur  de  philosophie  à  la 
î'aculté  des  lettres  de  Besançon,  maître  de  con- 
férences à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris. 

Carrive  (Pierre),  avocat. 

Clerc  (H.),  inspecteur  primaire  à  Paris. 

CocHERis  (M™''  P.-W.1,  membre  de  la  commission 
d'examen  pour  l'enseignement  de  la  coupe  et  de 
l'assemblage. 

CoMPAYRÉ  (G.),  professeur  de  philosophie  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Toulouse. 

Cougny  (A.),  inspecteur  du  dessina  Paris. 

CucuEVAL  (Victor),  professeur  à  la  Faculté  des 
lettres  de  Paris. 

CuissART  (E.),  inspecteur  primaire  à  Paris. 

Dacosta  (E.),  professeur  libre. 

Dalséme  (J.),  professeur  à  l'Ecole  normale  d'in- 
stituteurs de  la  Seine. 

Danhauser  (A.),  inspecteur  principal  du  chant 
dans  les  écoles  de  la  ville  de  Paris. 

Dastre  (A.),  professeur  suppléant  à  la  Faculté  des 
sciences  de  Paris  et  maître  de  conférences  à 
l'École  normale  supérieure. 


Debidour  (a.),  professeur  h  la  Faculté  des  lettres 
de  Nancy. 

Defodox  (Ch.),  rédacteur  en  chef  du  Manuel  gé- 
7iéral  de  Vinstruclion  publique. 

Dei-acourtie  (E.),  avocat. 

Delon  (Ch.),  professeur  libre. 

Desor  (K.),  professeur  honoraire  de  l'Académie  de 
Neuchâtel. 

Desprez  'Adrien),  publiciste. 

Du  Breiil,  professeur  d'arboriculture. 

Ducoudray   (G.),   bibliothécaire  du    ministère  de 
l'instruction  publique. 

Dupaigne  (A.),  inspecteur   primaire  à  Paris. 

Durand  (C.-F.),  homme  de  lettres. 

DuRUY  (Victor),  mem'ore  de  l'Institut. 

Dussouchet  (J.),  professeur  au  lycée -de  Vanves. 

Feuilleret  (P.),  professeur  au  lycée  de  Bordeaux. 

Flammarion  (Camille),  astronome. 

Foncin  (P.),  inspecteur  général  de  l'enseignement 
secondaire. 

Frary  (Raoul),  publiciste. 

Gasztowtt  (V.),  professeur  libre. 

Georges  (H.),  ancien  chef  d'institution. 

Géraxdo  (A.  de),  publiciste. 

Gérardin  (Alfred),  inspecteur  général. 

Gervais  (H.),  membre  de  l'Institut,  professeur  au 
Muséum. 

Girard  (Maurice),  professeur  agrégé  de  l'Univer- 
sité. 

Gourraigne    (L.-G.),  professeur    au    Ij'cée    Fon- 
tanes. 

Guillaume  (J.),  secrétaire  de  la  rédaction  du    Die 
tiomidire  de  pédagogie . 

Guillemin  (A.),  astronome. 

Hallberg  (E.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres 
de  Toulouse. 

Haraucourt,  professeur  au  lycée  de  Rouen. 

Hément  (Félix),  inspecteur  primaire  à  Paris. 

HiRscH  (Al.-Aug.),  inspecteur  de  l'enseignement 
du  dessin  à  l'administration  des  Beaux-Arts. 

Jacquemart  (A.),  inspecteur  primaire  à  Paris. 

Jalliffier  (B.),  professeur  au  lycée  For.tanes. 

Jannettaz  (E.),  aide-naturaliste  au  Muséum. 

Juglar  (Clément),  économiste. 

Lacombe  (Paul),  publiciste. 

Lafenestre  (Georges),  inspecteur  de  s  beaux-arts. 

Laffo.nt  (M.),  docteur  en  médecine. 

L ARRIVÉ,  publiciste. 

Lataste  (Fernand),  licencié  es  sciences  naturelles. 

LÉGER  (L.),  professeur  à  l'École  des  langues  orien- 
tales. 

Legrand  (J.),  professeur  au  lycée  de  Reims. 

Lehlgeur  <■?.),  professeur  au  lycée  Charlemagne. 

Lenient  (A.),  directeur  de  l'Ecole  normale  d'insti- 
tuteurs de  la  Seine. 

Levasseur  (E."),  membre  de  l'Institut. 

Lindenlaub  (Th.),  publiciste. 

Loiret  (Ch.),  inspecteur  d'académie. 

Lostalot  fC.  de),  inspecteur  d'académie. 


—  IV   — 


M  ABiLLE  (Alfred/,  chef  de  bureau  de  l'instruction 
publique  à  l'Hôtel  de  ville,  Bruxelles. 

Magnabal  (J.-G.),  ancien  chef  de  division  au  mi- 
nistère de  l'instruction  publique. 

Malauce  (A.  de),  publiciste,  secrétaire  perpétuel 
de  la  Société  des  institutions  de  prévoyance  de 
Franco. 

Manuel  (Eugène),  inspecteur  général  de  l'ensei- 
gnement secondaire. 

Marié-Davy,  directeur  de  l'Observatoire  météoro- 
logique de  Montsouris. 

MARIO^J  (H.),  professeur  au  lycée  Henri  IV. 

Martine  (P.),  professeur  au  lycée  Fontanes. 

ÛIarty-Laveaux  (Ch.),  archiviste-paléographe,  pro- 
fesseur d'histoire  littéraire  aux  cours  de  l'Hôtel 
de  ville. 

Maspéro  (G.),  professeur  au  Collège  de  France, 
directeur  au  musée  de  Boulaq. 

Meiss4,s  (G,),  géographe. 

MELotîZAYiQ^>ç.rofesseur  au  lycée  Fontanes. 

Merlet  ({y.^profusseur  au  lycée  Louis- le-Grand. 

Meunier  (StaniajKL  aide-naturaliste  au  Muséum. 

MopTiiLET  (G.  dte^ous-directeur  du  Musée  ar- 
^h^l(S^î^U|eijd^*3illjit-Germain  en  Laye. 

MuLLER  (Luge'fre)';^|Èliotliécaire  à  T Arsenal. 

Oger  4"^.),  professeur  à  Sainte-Barbe. 

Ous'AiftiErifpi^iS'aideJiaturaliste  au  Muséum. 

Parvii.lée  (L.'Et'M/,  céramistes. 

P^ssY  (Frédéric)*?'/fiembre  de  l'Institut. 

PÉCAUT  l^ye),  (J^cteur  en  médecine. 

Peruens'  (F. -T.),  inspecteur  d'académie. 

Perrier  (Edmond),  professeur  au  Muséum. 

Philippon  (G.)  ,  professeur  au  lycée  Louis-Ie- 
Grand. 

Pigeonneau  (H.),  professeur  suppléante  la  Faculté 
des  lettres  de  Paris. 

Poirier  (J.),  aide-naturaliste  au  Muséum. 
Polouere  (Ch.),  correcteur-typographe. 

Pr.ESSARD  (A.),  professeur  au  lycée  Louis-le- 
Grand. 

PuiSEux  (Léon),  inspecteur  généra  honoraire. 


Rambaud  (Alfred),  professeur  à  la  Faculté  des  let- 
tres de  Nancy,  chargé  de  cours  à  la  Faculté  dos 
lettres  de  Paris,  ancien  chef  du  cabinet  du  mi- 
nistre de  l'instruction  publique. 

Raulin  (V.),  professeur  à  la  Faculté  des  sciences 
de  Bordeaux. 

Ravaisson  (FéUx),  membre  de  l'Institut. 

Reclus  (Elle),  publiciste. 

Reclus  (Elisée),  géographe. 

Resbecq  (comte  E.  de  Fontaine  de),  ancien  sous- 
directeur  au  ministère  de  l'instruction  publique. 

Réville  (  Albert  ) ,  professeur  au  Collège  de 
France. 

Risleb  (E.),  directeur  de  l'Institut  agronomique. 

Robin  (Paul),  inspecteur  primaire,  directeur  de 
l'orphelinat  de  Cempuis. 

RoDBY  (Ed.),  chef  d'escadron  d'état-major. 

Roussei.et  (L.),  ancien  secrétaire  de  la  Société 
d'anthropologie. 

RoussELOï  (P.),  ancien  inspecteur  d'académie. 

Rouzé  (G.),  professeur  au  lycée  Louis-le-Grand. 

Saffray  (Ch.),  docteur  en  médecine. 

Sagnier  (H,),  secrétaire  de  la  rédaction  du  Journal 
d'agriculture. 

Sauvage  (E.),  aide-naturaliste  au  ÎMuséum. 

ScH.EFER  (Paul),  professeur  au  lycée  Saint-Louis. 

Schrader  (Franz),  géographe. 

Sonnet  (H.),  inspecteur  d'académie  honoraire. 

Steeg  (Jules),  publiciste. 

Steenstuup  (Johannes),  professeur  â  l'Université 
de  Copenhague. 

TopiN  (Marius),  inspecteur  général  des  biblio- 
thèques populaires. 

Van  Hamel  (A.-G.";,  publiciste. 

Vapereau  (G.)v  inspecteur  général. 

ViLLiERS  (A.),  docteur  es  sciences. 

Vincent  (P.),  inspecteur  primaire  à  Paris. 

ViNOT  fJosepli),  astronome. 

Vtollet-le-Duc  (E.),  architecte. 

Wahl  (Maurice),  professeur  au  lycée  d'Alger. 

Zevoht  (Edgar),  inspecteur  d'académie. 


Les  articles  non  sianés  doivent  être  attribués  à  la  direction  du  Dictionnaire. 


DICTIONNAIRE 

DE  PÉDAGOGIE 


ET  D'INSTRUCTION  PRIMAIRE 


(DEUXIÈME  PARTIE) 


KnL^ô^?^^*^ 


:j^,Q\>^^"'  */ 


SJE^ 


ABDICATIONS.  —  Histoire  générale,  XXXIX.  — 
On  appelle  abdication  l'acte  volontaire  par  lequel 
un  personnage  en  possession  du  pouvoir  suprême 
consent  à  s'en  dépouiller. 

Les  abdications  volontaires,  c'est-à-dire  entière- 
ment spontanées,  sont  assez  peu  fréquentes.  L'iiis- 
toire  ancienne  en  compte  deux  qui  sont  demeurées 
célèbres,  celle  de  Sylla  et  celle  de  Dioclétien. 

Ce  qu'on  remarqua  le  plus  dans  celle  de  Sylla, 
ce  fut  que  l'auteur  des  proscriptions,  qui  avait 
mis  à  mort  des  milliers  de  citoyens  romains,  pris 
un  jour  du  dégoût  du  pouvoir,  ait  pu  mourir  en 
paix  dans  la  retraite  qu'il  s'était  choisie  sans  que 
nul  tentât  de  venger  sur  lui  ses  innombrables  vic- 
times et  de  lui  demander  compte  de  tant  de  sang 
versé  (78  av.  J.-C). 

L'empereur  Dioclétien,  après  un  règne  d'environ 
20  ans,  où  il  avait  organisé  la  défense  du  monde  ro- 
main contre  les  barbares  et  la  nouvelle  constitution 
de  l'Empire,  abdiqua  (en  305  après  Jésus-Christ).  Il 
passa  les  dernières  années  de  sa  vie  dans  ses  jar- 
f?ins  de  Salone  sur  les  bords  de  l'Adriatique.  «  Je 
n'ai  commencé  à  vivre,  disait-il,  que  du  jour  de  mon 
abdication  ;  »  et  comme  un  ami  s'étonnait  de  sa  dé- 
cision :  «  Tu  n'entreprendrais  pas,  lui  écrivait-il,  de 
me  faire  regretter  Rome,  si  tu  voyais  les  belles  lai- 
tues que  je  cultive,  » 

Au  moyen  âge,  la  plus  célèbre  abdication  est 
celle  de  Louis  le  Débonnaire  dans  l'église  Saint- 
Médard  de  Soissons  (83-J).  Mais  ce  ne  fut  qu'une 
humiliante  cérémonie,  imposée  à  ce  prince  faible 
par  des  fils  révoltés. 

Au  XYi'  siècle  se  place  une  abdication  qui  frappa 
d'étonnement  tous  les  contemporains.  Charles- 
Quint,  empereur  d'Allemagne,  roi  d'Espagne,  do- 
minateur de  l'Italie,  maître  des  Pays-Bas,  souverain 
de  presque  toute  l'Amérique  alors  connue,  après 
avoir  pendant  trente  ans  agité  ou  combattu  l'Eu- 
rope, abdiqua  en  1556  et  se  retira  dans  le  monas- 
tère de  Yuste  au  fond  de  l'Estramadure.  Les  mé- 
comptes de  la  politique,  le  chagrin  de  voir  les 
protestants  d'Allemagne  qu'il  avait  crus  domptés  et 
la  France  qu'il  avait  crue  abattue,  s'unir  contre  lui 
dans  un  effort  victorieux,  furent  pour  beaucoup 
2'  Partie 


dans  cette  détermination.  Le  Saxon  Maurice  avait 
failli  l'enlever  dans  Inspruck  et  l'avait  obligé  à  fuir 
à  demi  nu  à  travers  les  monts  et  les  torrents  du 
Tyrol  ;  les  Français  lui  avaient  pris  Metz,  et  il  avait  usé 
inutilement,  pour  reprendre  cette  ville,  une  armée  de 
60  OOO  hommes.  Une  certaine  bizarrerie  qu'il  avait 
dans  l'esprit,  et  qu'il  tenait  de  sa  mère  Jeanne  la 
Folle,  lui  faisait  aimer  ce  contraste  de  la  toute-puis- 
sance et  de  la  retraite  ;  il  voulait  &e  donner  à  lui- 
même  comme  un  avant-goût  du  tombeau.  Il  déposa 
donc,  après  avoir  signé  avec  les  protestants  la  paix 
d'Augsbourg  et  avec  Henri  II  la  trêve  de  Vaucelles, 
tous  ses  pouvoirs  et  toutes  ses  couronnes.  Il  laissa 
l'Empire  à  son  frère  Ferdinand,  le  reste  de  ses 
Etats  à  son  fils  Philippe  II.  Il  continua  néanmoins 
du  fond  de  son  monastère  à  conduire  les  afi'aires 
et  prit  jjusqu'à  sa  mort  (1558)  une  part  active  au 
gouvernement  de  la  monarchie  espagnole. 

Un  siècle  après,  en  1654,  une  autre  abdication 
eut  presque  autant  de  retentissement.  La  reine 
Christine,  à  qui  son  père  Gustave-Adolphe  avait 
laissé  en  1632  la  couronne  de  Suède,  abandonna 
volontairement  le  pouvoir,  se  convertit  au  catholi- 
cisme et  parcourut  l'Europe.  En  France  on  s'é- 
tonna des  étrangetés  de  son  caractère,  de  ce  mé- 
lange curieux  des  goûts  les  plus  nobles  et  les  plus 
relevés  avec  les  passions  les  plus  violentes.  La 
même  femme  qui  avait  appelé  en  Suède  le  philoso- 
phe Descartes  et  qui  assistait  aux  séances  de  l'Aca- 
démie, faisait  décapiter  pour  une  légère  ofifenseson 
écuyer  Monaldeschi.  En  quittant  la  France,  elle 
alla  se  fixer  à  Rome,  où  elle  resta  jusqu'à  sa  mort. 

Le  XIX*  siècle  a  vu  beaucoup  d'abdications,  mais 
bien  peu  qui  fussent  volontaires.  En  1808,  Charles  IV, 
roi  d'Espagne,  et  son  fils  qui  fut  depuis  Ferdi- 
nand VII,  abdiquèrent  en  faveur  de  Joseph  Bona- 
parte. Tous  deux  étaient  alors  sous  la  main  de  Na- 
poléon, qui  s'était  immiscé  dans  leurs  querelles, 
avait  introduit  des  troupes  en  Espagne  et  avait 
attiré  le  père  et  le  fils  à  Bayonne  sous  prétexte 
d'exercer  entre  eux  une  sorte  d'arbitrage.  Charles  IV, 
qui  n'avait  plus  guère  dans  l'âme  d'autre  passion 
que  la  haine  de  son  fils,  abdiqua  sans  trop  de  résis- 
tance. Ferdinand  ne  céda  pas  aussi  facilement,  et  il 

1 


ABEILLE 


—  2  — 


ABEILLE 


fallut  une  véritable  contrainte  pour  l'y  déterminer. 

Six  années  après,  Napoléon  abdiquait  à  son  tour. 
Après  les  inutiles  efforts  tentés  par  lui  dans  la 
campagne  de  France,  voyant  Paris  occupé  par  les 
alliés,  il  résigna  ses  pouvoirs  le  6  avril  1814  en  fa- 
veur de  son  fils  le  roi  de  Rome.  On  ne  tint  aucun 
compte  de  cette  condition  suprême,  et  le  trône  des 
Bourbons  fut  restauré.  Après  le  retour  de  l'île 
d'Elbe  et  la  bataille  de  Waterloo,  une  seconde  abdi- 
cation, conçue  à  peu  près  dans  les  mêmes  termes, 
eut  les  mêmes  résultats.  Cette  fois  encore  Napoléon 
fut  remplacé  par  Louis  XVIII. 

Napoléon  avait  abdiqué  devant  l'invasion.  Char- 
les X,  le  2  août  183ii,  Louis-Philippe,  le  23  février 
1848,  abdiquèrent  devant  la  révolution  victorieuse. 
Tous  deux  désignèrent  inutilement  leur  succes- 
seur :  Charles  X  son  petit-fils  le  duc  de  Bordeaux, 
Louis-Philippe  son  petit-fils  le  comte  de  Paris.  Ni 
l'un  ni  l'autre  de  ces  princes  ne  fut  reconnu  roi. 

Deux  autres  souverains  européens  furent  plus 
heureux  dans  des  circonstances  analogues.  Le  2  dé- 
cembre 1848  l'empereur  d'Autriche,  Ferdinand  I", 
se  sentant  incapable  de  résister  au  mouvement  ré- 
volutionnaire qui  soulevait  alors  ses  Etats,  abdiqua 
,en  faveur  de  son  neveu,  François-Joseph,  qui  règne 
encore  aujourd'hui.  Le  23  mars  1849,  le  roi  de  Pié- 
mont, Charles-Albert,  battu  à  Custozza,  puis  à  No- 
vare  par  les  Autrichiens  qu'il  voulait  chasser  d'Ita- 
lie, abdiqua  en  faveur  de  son  fils  Victor-Emmanuel. 

IMaur.Wahl.] 

ABEILLE.- Zoologie,XXIV.— Les  abeilles  appar- 
tiennent à  la  famille  des  Apididés,  à  laquelle  elles 
ont  donné  leur  nom  [Apis],  famille  qui  elle-même 
fait  partie  de  l'ordre  des  Hyménoptères  (sous-ordre 
des  Aiguillonnés)  :  elles  sont  originaires  des  ré- 
gions chaudes  et  tempérées  de  l'Ancien  Continent. 

Trois  classes  d'abeilles  dans  chaque  espèce.  —  Ces 
insectes  constituent   plusieurs  espèces  distinctes, 


Fig.  3. 


qui  comprennent  chacune  trois  sortes  d'individus  : 
les  mâles,  appelés  aussi  faux  bourdons  (fig.  1),  les 
femelles  fécondes,  nommées 
reines  (fig.  2)  et  les  neu- 
tres, désignées  sous  le  nom 
d'ouvrières  (fig.  3)  ;  ce  sont 
des  femelles  dont  les  organes 
reproducteurs  ont  avorté. 

Caractères  communs  à 
tous  les  individus.  —  Les 
abeilles  ont  quatre  ailes,  par- 
courues par  un  petit  nom- 
bre de  nervures  ;  les  ailes  constituant  la  paire 
postérieure  sont  les  plus  petites.  Leur  tête,  bien 
distincte  du  thorax  et  réunie  au  corselet  par  un 
cou  très-petit,  porte  de  chaque  côté  un  œil  compose 
nssez  grand  ;  on  remarque,  en  outre,  trois  petits 
yeux  simples,  disposés  en  triangle  et  placés  sur  la 
région  antérieure  et  supérieure  du  front.  Les  an- 
tennes sont  filiformes  et  coudées.  Les  palpes  maxil- 
laires sont  formées  d'un  seul  article  ;  les  mâchoires 
et  la  lèvre  constituent  une  sorte  de  petite  trompe 
se  repliant  au-dessous  de  la  tête.  Le  corselet  porte 
trois  paires  de  pattes,  dont  la  postérieure,  chez  les 
ouvrières,  présente  à  la  face  externe  de  l'article 
appelé  jambe  une  petite  dépression  lisse  qu'on 
nomme  corbeille,  et   dans   laquelle  est  déposé  le 


pollen  de»  fleurs  rassemblé  par  l'animal  au  moyen 
du  duvet  fin  et  soyeux  placé  sur  la  face  externe  du 
premier  article  des  tarses  de  la  même  paire  de 
pattes,  organe  que  l'on  désigne  sous  le  nom  de 
brosse.  L'abdomen,  bien  distinct  du  corselet,  est 
très-mobile  et  porte,  chez  les  femelles  et  les  neu- 
tres, un  aiguillon  redoutable,  formé  de  deux  stylets 
à  l'aide  desquels  l'animal  introduit  dans  la  plaie 
qu'il  produit  le  venin  sécrété  par  deux  glandes  en 
tube  situées  à  la  partie  postérieure  du  corps. 

Caractères  spéciaux  à  chaque  sorte  d'individus. 
—  Les  mâles  sont  généralement  plus  gros  que  les 
ouvrières,  ils  ont  le  corps  velu,  manquent  d'aiguil- 
lon et  n'ont  ni  brosses  ni  corbeilles. 

Les  reines  sont  plus  petites  que  les  mâles,  mais 
elles  possèdent  un  aiguillon  plus  long  et  plus  fort 
que  celui  des  ouvrières. 

Enfin  les  ouvrières  se  reconnaissent  à  la  confor- 
mation des  pattes  de  la  paire  postérieure,  qui  leur 
permet  de  recueillir  le  pollen  et  le  nectar  des 
fleurs,  ainsi  que  le  propolis,  sorte  de  substance 
résineuse  (de  couleur  très-variable)  qui  se  trouve 
sur  les  arbres  verts,  les  peupliers,  les  marronniers, 
etc.,  et  avec  laquelle  elles  mastiquent  les  fentes  de 
leur  habitation. 

Travail  des  abeilles.  —  Les  abeilles  ouvrières, 
après  avoir  recueilli  le  suc  des  plantes,  le  soumet- 
tent dans  leur  jabot  à  une  élaboration  particulière 
et  le  dégorgent  ensuite  sous  forme  de  miel,  qu'elles 
déposent  dans  les  alvéoles  de  leur  ruche  pour  ser- 
vir plus  tard  soit  à  leur  nourriture,  soit  à  celle  de 
leurs  larves.  Quant  à  la  cire,  elle  suinte  du  corps  de 
ces  insectes  par  un  certain  nombre  de  pores  glan- 
duleux situés  entre  les  articles  de  l'abdomen  ;  l'ani- 
mal l'emploie  à  la  construction  des  loges  de  sa  ru- 
che, dans  lesquelles  la  reine  doit  déposer  ses  œufs. 

Structure  du  rayon.  —  Ces  loges  forment  des 
amas  de  cellules  hexagonales,  serrées  les  unes 
contre  les  autres,  et  opposées  base  à  base  sur  deux 
rangs  ;  l'ensemble  figure  une  sorte  de  gâteau. 
11  y  a  des  alvéoles  pour  les  œufs  destinés  à  fournir 
des  femelles,  d'autres  pour  ceux  qui  donneront  de 
simples  ouvrières.  Les  œufs  qui  produiront  des 
reines  sont  les  plus  gros.  Une  seule  reine  peut 
pondre,  au  printemps  et  dans  l'espace  de  vingt 
jours  seulement,  près  de  douze  mille  œufs  ;  elle  fait 
plusieurs  pontes  par  an.  Le  nombre  d'alvéoles 
d'une  ruche  est  considérable  ;  la  reine  ne  dépose 
qu'un  seul  œuf  dans  chaque  loge.  Au  bout  de  trois 
ou  quatre  jours  les  œufs  éclosent  et  la  nymphe  qui 
en  sort  deviendra  ouvrière,  mâle  ou  reine,  suivant 
la  nourriture  qu'on  lui  fournira.  Les  larves  qui 
doivent  donner  des  reines  reçoivent  une  pâtée  par- 
ticulière, que  les  naturalistes  nomment jarf/ee  royale, 
mais  dont  la  composition  est  inconnue.  Si  la  larve 
de  reine  vient  à  mourir,  les  ouvrières  choisissent 
une  larve  de  neutre,  dont  elles  agrandissent  la 
cellule,  lui  donnent  de  la  pâtée  royale,  et  la  rendent 
ainsi  féconde. 

Mœurs  et  organisation  en  société.  —  Lorsque  de 
nouvelles  femelles,  c'est-à-dire  des  reines,  naissent 
dans  une  ruche,  une  grande  agitation  ne  tarde  pas 
à  se  produire  ;  celle  qui  avait  précédemment  l'auto- 
rité s'éloigne,  suivie  de  faux  bourdons  et  d'un  nom- 
bre considérable  d'ouvrières.  Cette  colonie  va  s'é- 
tablir ailleurs  ;  elle  constitue  ce  qu'on  nomme  un 
es5ai??i,  réunion  d'environ  25  000  ouvrières  et  700 
bourdons.  Les  jeunes  abeilles  s'emparent  alors  de 
la  ruche.  Il  peut  se  produire  de  la  sorte  trois  ou 
quatre  émigrations  par  an. 

Les  abeilles,  à  l'état  sauvage,  confectionnent  leur 
ruche  dans  les  fentes  dos  rochers  ou  les  cavités 
des  vieux  troncs  d'arbre,  mais  elles  s'établissent 
sans  difficulté  dans  les  ruches  artificielles  préparées 
par  les  soins  des  apiculteurs. 

Espèces  principales.  —  On  connaît  une  douzaine 
d'espèces  d'abeilles,  que  l'on  distingue  aux  couleurs 
de  leur  écusson  et  de  leur  corselet.  L'abeille  com- 


ABRAHAM  — 

mune,  Apis  mellifica,  a  été  acclimatée  sur  diffé- 
rents points  du  globe* 

L'espèce  qui  se  rapproche  le  plus  de  notre  abeille 
domestique  est  l'abeille  italienne,  Apis  Ligurica, 
dont  le  miel  était  autrefois  très-recherché. 

Avant  l'introduction  de  nos  abeilles  de  l'Ancien 
Continent,  le  Nouveau  Monde  possédait  déjà  des 
animaux  d'un  genre  voisin,  les  Mélipones,  dont  les 
nombreuses  espèces  produisent,  comme  nos  abeilles 
d'Europe,  un  miel  de  très-bonne  qualité.  Ces  insectes 
se  distinguent  principalement  des  abeilles  de  l'An- 
cien Continent  par  une  taille  inférieure  et  par  l'ab- 
sence d'aiguillon  chez  les  ouvrières. 

Ces  espèces  sont  donc  inoffensives,  mais  Auguste 
de  Saint-Hilaire  a  signalé  un  Mélipone  qui  laisse 
échapper  par  l'anus  une  liqueur  brûlante. 

Produits  de  la  ruche  :  cire  et  miel.  —  Les  pro- 
duits de  la  ruche  (outre  le  propolis,  quelquefois 
employé  en  médecine  comme  vésicant)  sont  :  1°  la 
cire,  dont  tout  le  monde  connaît  les  usages  variés 
et  la  composition  ;  2°  le  miel,  dont  la  qualité  et  la 
couleur  dépendent  des  végétaux  sur  lesquels  il  a 
été  recueilli  ;  ces  derniers  lui  communiquent  quel- 
quefois des  propriétés  vénéneuses. —  V.  Apiculture. 

[H.  Gervais.] 

Lectures  et  dictées  ;  Manuel  général,  1853,  p.  401  et 
409.  —  Science  pour  tous,  1877,  p.  94  et  t878,  p.  39.  — 
Achille  Comte,  article  Abeilles  dans  l'Encyclopédie  mo- 
derne. —  Frarière,  Les  abeilles  et  l'apiculture,  1855.  — 
Blanchard,  Métamorphoses  des  insectes,  1868.  —  Rendu, 
Les  abeilles,  1873.  —  P.  Gervais,  Éléments  de  zoologie, 
p.  532,  1877.  3"  édition  —M.  Girard,  Les  Abeilles,  1878. 

ABRÉVIATIONS.  —  Connaissances  usuelles,  I. 
—  Les  exercices  auxquels  les  abréviations  donne- 
ront lieu  dans  l'école  primaire,  tantôt  à  l'occasion 
d'une  lecture,  tantôt  dans  le  cours  d'une  causerie, 
tantôt  en  réponse  à  une  question  faite  par  l'élève 
ou  provoquée  par  le  maître,  oeuvent  se  grouper 
comme  suit. 

Mais  il  est  bien  entendu  qu'il  ne  s'agit  pas  d'en 
faire  tout  exprès  l'objet  d'une  ou  de  plusieurs  le- 
çons. Ce  sont  des  explications  incidentes  que  les 
circonstances  feront  naître,  dont  l'à-propos  fera  le 
charme  et  par  conséquent  le  succès. 

1.  Abréviations  d'un  usage  général.  —  Inscrip- 
tions, écriteaux,  affiches  :  par  exemple  les  mots 
C'«  pour  compagnie  ;  succ^,  successeur  ;  52icc»'«,  suc- 
cursale ;  —  les  plaques  des  compagnies  d'assuran- 
ces :  A. M.  (Assurances  Mutuelles); M.  A.  C.  L.  (Mai- 
son assurée  contre  l'incendie)  ;  A«*  G'"  (Compagnie 
d'assurances  générales),  etc.  ;  —  les  initiales  des  che- 
mins de  fer  (quel  instituteur  voudrait  laisser  dire 
que  ses  élèves  voient  passer  tous  les  jours  des  wa- 
gons de  la  ligne  de  Paris-Lyon-Méditerranée  sans 
pouvoir  déchiffrer  les  majuscules  P.-L.-M  ?)  ;  celles 
des  grandes  sociétés  industrielles,  commerciales, 
agricoles,  maritimes  dont  les  noms  se  rencontrent 
dans  la  région. 

Points  cardinaux  et  collatéraux.  —  N.  nord  ;  S. 
sud;  E.  est;  O.  ouest  (il  est  bon  de  noter  que  O 
dans  les  documents  allemands  signifie  précisément 
le  contraire,  l'est  se  nommant  Ôst  en  allemand  et 
YocçXAQniWest)  ;  N.-E.  nord-est;  S.-O.  sud-ouest,  etc., 
S.-S.-E.  sud-sud-est  ;  O.-  N.-O.  ouest-nord-ouest,  etc. 

13°  25'  lat.  N.  ou  long.-O.  se  lira  :  13  degrés 
25  minutes  de  latitude  nord,  ou  longitude  ouest. 

Titres.  —  On  peut  avoir  à  expliquer  les  titres 
princiers  ou  nobles,  comme  S.  M.,  ou  LL.  MM.  (Sa 
Majesté,  Leurs  Majestés);  S.  A.  R.  ouL.Son  Al- 
tesse Royale  ou  Impériale  ;  S.  M.  B.  ou  C,  Sa  Ma- 
jesté Britannique  (roi  ou  reine  d'Angleterre)  ou 
Catholique  (d'Espagne)  ;  S.  H..  Sa  Hautesse  (l'empe- 
reur de  Turquie); S.  E.  (Son  Excellence), titre  qu'on 
donne  encore  quelquefois  aux  ministres;  S.  S.  (Sa 
Sainteté  le  Pape);  S.  Em.  (Son  Eminence,  un  cardi- 
nal), Mgr  (Monseigneur),  etc.  ;  B»"  pour  baron ,  C"  pour 


t  —  ABRÉVIATIONS 

comte,  Mi«  pour  marquis,  etc.  ;  d'autres  titres  plus 
modestes,  mais  aussi  plus  nécessaires  à  connaître  : 
D"'  (docteur),  M«  (maître)  qu'il  ne  faut  pas  confon- 
dre avec  M°"  (madame),  V^e  pour  veuve,  etc. 

Noms  de  baptême.  —  Quelques-uns  seulement 
doivent  se  déchiffrer  par  les  seules  initiales  :  il  ne 
faut  pas  qu'un  de  nos  élèves  reste  bouche  béante 
devant  le  nom  de  J.-J.  Rousseau  ou  de  J .-B.  Rous- 
seau, ni  même  devant  les  initiales  P-P,  Pierre-Paul. 
Il  y  a  aussi  des  prénoms  de  personnages  histori- 
ques qu'il  faut  savoir  lire  couramment  sans  qu'ils 
soient  écrits  tout  au  long  :  P  (aul)-  L  (ouis)  Cou- 
rier; B  (enjamin)  Constant  ;  V  (ictor)  Hugo  ;  A  (dol- 
phe)  'J'hiers,  etc.  Les  lettres  L  ou  H  ou  N  sur  les 
monuments  publics  doivent  l'aider  à  retrouver  le 
nom  de  Louis  XIV,  de  Henri  IV  ou  de  Napoléon. 

On  peut  aussi  avoir  occasion  d'expliquer  quel- 
ques-unes des  abréviations  chères  aux  Anglais  :  Tom 
(pour  Thomas),  Bob  (Robert),  Ben  (Benjamin),  Dick 
(Richard),  Kûte  (Catherine),  etc. 

Monnaies.  —  Une  des  surprises  qui  amusent  le 
plus  les  enfants  est  de  leur  faire  découvrir  que 
toutes  les  pièces  de  monnaie  portent  une  lettre 
qu'ils  n'ont  presque  jamais  remarquée  d'eux-mê- 
mes. Cette  lettre  est  la  marque  de  l'hôtel  des  mon- 
nies  qui  a  fabriqué  la  pièce.  En  voici  la  clef  (en 
se  bornant  aux  sept  hôtels  des  monnaies  qui  sub- 
sistaient en  1852)  :A  Paris;  B  Rouen;  BB.  Stras- 
bourg ;  D  Lyon  :  K  Bordeaux  ;  W  Lille  ;  AM.  Mar- 
seille (M  avec  un  A  figuré  entre  les  branches). 

Correspondance  et  langage  courant.  —  Au  bas 
d'une  page,  T.  S.  V.  P.,  tournez,  s'il  vous  plaît  (ra- 
conter aux  élèves  l'embarras  de  ces  deux  conscrits 
qui,  lisant  à  l'entrée  des  bureaux  de  l'intendance  : 
Fermez  l'i  porte,  s.  v.p.,  se  disputent  sur  le  sens, 
l'un  traduisant  :  Fermez  la  porte  si  vous  pouvez,  l'au- 
tre :  sans  vous  presser). —  N.  B.,  Nota  benè,  notez 
bien;  etc.,  et  caetera,  et  ainsi  de  suite;  —  P.-S.» 
Post-scriptum  (écrit  après  la  signature)  ;  —  c.-à.fj. 
pour  c'est-à-dire  ; —  n»  pour  numéro;  —  7'>"'.  8br«, 
gbre^  Xhre  pour  los  quatrc  derniers  mois  de  l'année. 

Eglise.  —  Tout  enfant  doit  savoir  lire  couram- 
ment verset,  quand  il  voit  %■  ;  répons  quand  il  trouve 
Ri  ;  Notre-Seigneur  ou  Notre-Dame  s'il  rencontre 
N.-S.  ou  N.-D.  ;  et  s'il  passe  devant  un  calvaire,  il 
doit  savoir  que  INRI  signifie  :  Jésus  de  Nazareth  Roi 
des  Juifs  (lesus  Nazarœnus  Rex  ludasorum). 

2.  Abréviations  techniques.  —  On  se  bornera  à 
celles  que  les  élèves  peuvent  avoir  à  rencontrer  : 

Mathématiques.  —  C.  Q.  F.  D.  ou  Q.  E.  D.,  ce 
qu'il  fallait  démontrer  ou  quod  erat  demonstrandum  ; 

—  log.,  logarithme;  —  m.  q.,  mètres  carrés; 
771.  c.  mètres  cubes  ; ./  racine  de  ;  p.  g.  c.  d.,  plus 
grand  commun  diviseur  ;/).  p.  c.  d.,  plus  petit  com- 
mun diviseur,  etc. 

Comptabilité.  —  B.  P.  F.  ;  bon  pour  francs.  — 
C.  0.;  compte  ouvert  ;  —  S/C  ou  V/C,  son  compte 
ou  votre  compte. 

Médecine.  —  Sans  avoir  besoin  de  déchiffrer  une 
ordonnance,  chacun  peut  être  bien  aise,  une  fois 
où  l'autre,  de  savoir  traduire  les  abréviations  les 
plus  ordinaires  :  BM  pour  bain-marie  ;  F.  S.  A.  (fac 
secundum  arteml,  faites  selon  l'art  :  R.  prenez 
(en  latin  recipe,  d'où  le  mot  recette);  P.  E.  parties 
égales;  Q.  S.  quantité  suffisante,  etc. 

Chimie.  —  Ag.  argent;  —  Al,  aluminium;  —  As. 
arsenic  ;  —Au  'du  latin  aurum) ,  or  ;  —  Az  ou  N,  azote  ; 

—  Bi,  bismuth  ;  —  C,  carbone  ;  —  Ca,  calcium  ;  — 
Cl,  chlore;  —  Cu,  cuivre;  —  Fe,  fer;  —  FI,  fluor  : 

—  H,  hydrogène  ;  —  Hg  {hydrargyrum,  vif-ar- 
gent), mercure;  —  lo,  iode;  —  K  (kalium),  potas- 
sium;— Mg,  magnésium;  —  Mn,  Manganèse;  — 
Na  (natron),  sodium  ;  —  Ni,  nickel  ;  —  O,  oxygène  ; 

—  Pb,   plomb.  —  Ph.  phosphate;  —  Pt,  platine; 

—  S.  soufre  ;  —  Si,  silicium  ;  —  Sn,  étain  ;  —  Zn, 
zinc,  etc. 

Musique.  —    Arp.,   arpeggio;    —  B,   basso;  — 


ABSORPTION  — 

Cresc,  crescendo  ;  —  F,  forte  ;  —  FF,  fortissimo.  — 
DG,  da  capo  ;  —  Dim.,  diminuendo  ;  —  P,  piano.  — 
PP,  pianissimo  ;    —  Rinf.,  rinforzando.  etc. 

ABSOKfTlON. —  Physique,  Vil;Cliiraie,I;  Zoolo- 
gie, XXXII  et  Botanique.V  et  VllL— Dans  le  langage 
usuel  on  se  sert  du  mot  absorption  pour  indiquer  la 
pénétration  d'une  substance  liquide  ou  gazeuze  dans 
la  masse  d'une  autre  substance  solide,  gazeuse  ou 
liquide.  C'est  ainsi  que  l'on  dit  communément  :  le 
fer  absorbe  l'oxygène,  le  plâtre  absorbe  l'eau,  le 
charbon  absorbe  les  gaz,  etc.,  etc.  Le  langage  scien- 
tifique exige  plus  de  précision  :  chaque  science, 
tout  en  gardant  le  même  mot  usuel,  lui  donne  une 
définition  spéciale  qui  en  délimite  l'emploi. 

Ainsi,  en  phi/sique,  lorsqu'on  dit  que  le  charbon 
récemment  éteint,  la  pierre  ponce  calcinée,  l'éponge 
de  platine,  etc.,  absorbent  les  gaz,  on  entend  que 
les  gaz  pénètrent  dans  les  interstices,  dans  les  pores 
de  ces  substances.  D'autre  part,  ce  que  l'on  exprime 
en  disant  que  la  craie  absorbe  l'eau,  c'estqu'en  vertu 
de  la  capillarilé  *  l'eau  qui  se  trouve  en  contact 
avec  un  morceau  de  craie  y  chemine  dans  toutes 
les  directions,  y  monte  en  dépit  de  la  pesanteur, 
jusqu'à  ce  qu'elle  en  ait  comblé  tous  les  pores. 

En  chimie  le  mot  absorption  implique  le  plus 
souvent  pénétration  intime,  accompagnée  de  véri- 
table combinaison  :  si  nous  disons  que  du  fer,  en 
s'oxydant,  a  absorbé  de  l'oxygène,  nous  entendons 
que  les  molécules  du  gaz  et  du  métal  se  sont  com- 
binées pour  former  de  l'oxyde  de  fer,  de  la  rouille. 
•  Enfin  la  physiologie  ne  s'occupant  que  des  phé- 
nomènes qui  s'accomplissent  dans  les  êtres  vivants, 
nomme  absorption  un  mode  de  pénétration  des  li- 
quides et  des  gaz  à  l'intérieur  des  tissus  vivants, 
que  les  définitions  de  l'absorption  physique  ou  chi- 
mique ne  suffiraient  pas  à  expliquer. 

1.  Absorption  dans  les  corps  inorganiques.  — 
Absorption  simple  ou  absorption  physique.  —  1°  Ab- 
so}'ption  d'un  gaz  ou  d'un  liquide  par  un  so- 
lide. —  Le  charbon  absorbe  les  gaz,  surtout  ceux 
qui  sont  les  plus  solubles  dans  l'eau,  avec  une 
énergie  d'autant  plus  grande  qu'il  est  plus  poreux. 
On  s'en  assure  facilement  en  agitant,  avec  du  char- 
bon de  bois  en  poudre,  une  eau  de  mare  qui  dé- 
gage une  forte  odeur  d'œufs  pourris  ;  si  on  filtre 
après  quelques  instants  de  contact,  on  obtient 
un  liquide  incolore  et  dépourvu  de  toute  odeur. 
Cette  propriété  décolorante  et  désinfectante  du 
charbon  explique  son  emploi  dans  les  filtres  pour 
les  eaux  bourbeuses  ou  pour  les  eaux  de  citerne, 
elle  rend  compte  de  l'emploi  des  tonneaux  carbo- 
nisés intérieurement  pour  la  conservation  de  l'eau 
dans  les  longs  voyages.  C'est  le  charbon  de  bois  de 
sapin  qui  absorbe  le  mieux  les  gaz,  notamment  la 
vapeur  d'eau  de  l'atmosphère  ;  aussi  augmente-t-il 
rapidement  de  poids  à  l'humidité.  Le  charbon  d'os 
ou  noir  d'ivoire,  en  grains,  possède  une  grande 
puissance  d'absorption  pour  les  matière  colorantes, 
sans  doute  parce  qu'il  est  très-poreux.  Qu'on  agite 
du  vin  avec  ce  charbon  et  qu'on  filtre,  le  liquide 
passe  incolore.  Cette  propriété  est  utilisée  dans  les 
sucreries  pour  débarrasser  les  jus  sucrés  des  prin- 
cipes colorés  qui  les  souillent. 

L'absorption  d'un  liquide  par  un  solide  est  un 
phénomène  aussi  commun.  Tout  le  monde  sait  que 
la  terre  argileuse,  dite  terre  forte,  arrête  l'eau  et 
s'en  imprègne  ;  et  il  y  a  bien  longtemps  que  l'on 
utilise  cette  propriété  absorbante  pour  débarrasser 
presque  sans  frais  les  tissus  de  laine,  notamment 
les  draps,  de  l'huile  dont  on  les  a  imprégnés  pen- 
dant leur  fabrication. 

2°  Absorption  d'un  gaz  par  un  liquide.  —  Les 
phénomènes  naturels  nous  en  offrent  beaucoup 
d'exemples.  L'eau  de  pluie,  dont  l'origine  est  la 
vapeur  qui  s'élève  des  mers,  contient  de  l'air 
quana  elle  arrive  sur  le  sol  ;  elle  a  pris  ce  gaz  à 
l'atmosphère  qu'elle  a  traversée  ;  elle  lui  doit  de 
pouvoir  servir  à  l'alimentation  et  de  n'être  pas  fade 


i  —  ABSORPTION 

et  lourde  comme  l'eau  distillée  de  nos  laboratoires. 

La  pression  augmente  beaucoup  cette  puissance 
d'absorption  :  témoin  la  manière  dont  nous  faisons 
sur  nos  tables  l'eau  de  Seltz  artificielle. 

Absorption- AVEC  combinaison  ou  absorption  chi- 
mique. —  Quand  le  gaz  peut  se  combiner  avec  le 
liquide  qu'on  lui  offre  (V.  Comémawon),  l'absorption 
est  immcdiaie  et  complète.  Ainsi,  l'eau  limpide  de 
chaux,  qu'on  expose  à  l'air  sur  une  soucoupe,  ab- 
sorbe l'acide  carbonique  que  l'air  contient  et  en 
accuse  nettement  la  présence  en  le  fixant  à  la 
chaux  sous  la  forme  d'une  pellicule  blanche  qui 
tombe  au  fond  du  vase.  [C.  Haraucourt.  ' 

2.  Absorption  dans  les  corps  organiques  et  dans 
les  organismes  vivants.  —  L  Car  actèris  G  ÉxÉR  A  ux  DE 
l'absorption  physiologique.  —  L'absorption  dans  les 
tissus  vivants  ne  saurait  se  ramener  ni  à  l'absorption 
physique,  ni  à  l'absorption  chimique.  Si  je  dis  :  l'in- 
testin absorbe  l'eau,  la  peau  absorbe  l'hydrogène 
sulfuré,  les  radicelles  des  plantes  absorbent  l'hu- 
midité du  sol,  faudra-t-il  entendre  par  là  que  l'eau 
passe  au  travers  de  l'intestin  comme  elle  traverse- 
rait un  morceau  de  craie  ?  que  l'hydrogène  sulfuré 
trouve  dans  la  peau  des  interstices  analogues  à 
ceux  du  charbon  ?  que  l'humidité  du  sol  passe  dans 
les  radicelles  comme  eile  s'infiltrerait  dans  de 
l'amidon?  —  La  preuve  qu'il  se  produit  ici  plus 
qu'une  absorption  physique,  c'est  que,  dans  les  tis- 
sus vivants,  l'absorption  a  lieu  au  travers  de  mem- 
branes qui  ne  sont  pas  poreuses;  et  la  preuve  que 
ce  n'est  pas  non  plus  l'absorption  chimique  ordi- 
naire, c'est  qu'elle  n'est  pas  accompagnée  de  com- 
binaison chimique  changeant  la  composition  ou  des 
corps  absorbés  ou  des  corps  absorbants. 

Imbibitio?i.  —  Si  nous  laissons  séjourner  dans 
de  l'eau  pendant  quelque  temps  une  membrane 
desséchée,  comme  un  morceau  de  vessie  de  porc, 
nous  constatons  qu'elle  s'imprègne  de  liquide,  se 
gonfle  et  s'assouplit.  L'eau  à  l'état  de  vapeur  pénè- 
tre également  dans  la  substance  des  membranes 
c'est  sur  cette  propriété  qu'est  fondée  la  constru- 
tion  de  Vhygt'omètre*.  Or  l'intestin  de  mouton,  qui 
sert  à  fabriquer  les  cordes  des  hygromètres  com- 
muns, pas  plus  que  la  vessie  de  porc,  ne  laisse 
apercevoir  au  microscope  les  plus  petits  pores  par 
lesquels  puisse  s'infiltrer  un  liquide  ou  un  gaz.  Ce 
n'est  donc  point  par  une  action  capillaire  que  l'eau 
entre  dans  la  membrane.  Ce  qui  l'y  attire  et 
l'y  fait  pénétrer,  c'est  une  affinité  de  la  matière 
môme  du  tissu.  Aussi,  après  son  imprégnation,  le 
liquide  ne  se  distingue  plus  du  solide  :  c'est  la 
substance  des  fibres,  des  cellules  qui  se  l'est  ap- 
proprié de  proche  en  proche  jusqu'à  ce  que  toute 
la  masse  en  eût  reçu  sa  part  ;  il  n'y  a  pas  eu  com- 
binaison chimique,  mais  combiiiaison  physiologique, 
bien  moins  stable,  puisqu'elle  n'est  entretenue, 
dans  les  tissus  morts,  que  par  des  moyens  artificiels. 

Mais  dans  les  organismes  vivants,  plantes  ou  ani- 
maux, les  tissus  n'accomplissent  leurs  fonctions 
qu'autant  qu'ils  retiennent  une  certaine  quantité 
d'eau  à  l'état  de  combinaison  physiologique,  qu'ils 
en  sont  imprégnés,  imbibés  :  le  mot  J»i6t/jJ</o«  dé- 
signe la  pénétration  d'un  liquide  dans  la  matière 
môme  d'un  tissu  organique  non  poreux.  Ce  n'est 
point  encore  l'absorption,  mais  c'est  une  condition 
indispensable  à  son  accomplissement. 

Diffusion,  osmose.  — .  Au  lieu  d'une  imbibition 
directe  par  contact  immédiat,  il  se  produit  un  phé- 
nomène plus  complexe  si  l'on  place,  par  exemple, 
entre  deux  liquides  ou  entre  deux  gaz  différents 
une  membrane  organique,  telle  qu'un  morceau  de 
vessie  de  porc;  bien  que  cette  membrane  semble 
imperméable,  les  deux  fluides  qu'elle  sépare  se  mê- 
lent plus  ou  moins  vite  par  une  sorte  de  transfu- 
sion réciproque  ou  de  diffusion  qu'on  appelle  os- 
mose *  et  que  nous  étudions  à  ce  mot. 

L'absorption  physiologique  est  une  forme  parti- 
culière de  l'osmose,  une  sorte  d'osmose  continuelle 


ABSORPTION 


—  5  — 


ABSORPTION 


et  naturelle,  qui  est  la  propriété  distinctive  la  plus 
générale  des  tissus  vivants. 

il.  Absohption  dans  les  végétaux.  Botanique,  V, 
VIII.  —  Dans  les  végétaux  que  nous  observons  le  plus 
Bouvent,  l'absorption  se  fait  principalement  par  les 
feuilles  et  par  les  racines.  Les  feuilles  absorbent 
surtout  les  gaz,  tandis  que  les  racines  sont  l'agent 
spécial  d'absorption  des  liquides.  Cependant  les 
feuilles  peuvent  absorber  des  quantités  considé- 
rables d'eau  à  l'état  de  liquide  ou  de  vapeur,  et  sup- 
pléer ainsi  à  l'absorption  insuffisante  d'humidité  par 
les  racines.  Prenez  une  branche  d'arbre  divisée  en 
plusieurs  petits  rameaux  et  plongez  l'un  d'eux  dans 
un  vase  plein  d'eau,  laissant  au  dehors  le  reste  de 
la  branche.  L'eau  absorbée  par  les  feuilles  immer- 
gées se  répandra  dans  les  rameaux  voisins  et  en- 
tretiendra leur  fraîcheur.  —  Pour  le  mécanisme  de 
l'opération,  pour  le  rôle  des  divers  organes  qui  y 
concourent,  V.  les  articles  Feuilles  et  Racines.  — 
D'autres  parties  de  la  plante  peuvent  absorber  les 
liquides  :  tels  sont  les  grains  de  pollen  pendant  la 
floraison  et  les  graines  lors  de  la  germination.  La 
quantité  d'eau  qui  pénètre  dans  un  grain  poUinique 
est  assez  grande  pour  remplir  les  longs  tubes  qu'il 
développe  et  en  déterminer  la  rupture  ;  et  le  volume 
de  ces  tubes  est  énorme,  si  on  le  compare  à  celui 
du  grain  qui  les  produit.  De  même,  les  semences 
qui  vont  germer  absorbent  assez  d'eau  pour  se  gon- 
fler et  faire  éclater  les  enveloppes,  parfois  très-ré- 
sistantes, qui  les  contiennent. 

Essayons  maintenant  d'expliquer  un  des  phéno- 
mènes les  plus  merveilleux  de  l'absorption  dans 
les  végétaux,  le  choix  que  semblent  faire  les  tissus 
végétaux,  les  racines  par  exemple,  parmi  les  sub- 
stances absorbables  qui  leur  sont  offertes. 

En  vertu  des  lois  de  l'osmose,  si  deux  liquides 
semblables  tenant  le  même  sel  en  dissolution  sont 
séparés  par  une  membrane,  il  n'y  aura  diffusion  que 
si  l'une  des  solutions  est  plus  concentrée  que  l'au- 
tre :  la  diffusion  cessera  lorsque  l'équilibre  de  disso- 
lution sera  établi.  Mais  si  l'on  ajoute  à  l'une  des  so- 
lutions un  nouveau  sel,  celui-ci  diffusera  à  son  tour. 

Supposons  que  deux  solutions  séparées  par  une 
membrane  contiennent  de  la  silice,  de  la  soude  et 
de  la  potasse,  et  que,  l'équilibre  de  diffusion  étant 
établi,  il  n'y  ait  plus  absorption  d'un  côté  ni  de 
l'autre.  Si  nous  plongeons  d'un  côté  une  substance 
capable  de  s'approprier  la  silice  par  exemple  et 
non  les  deux  autres  corps,  il  est  évident  que  cette 
substance  introduite  dans  un  des  deux  récipients 
va  déterminer  un  nouveau  courant  d'osmose  et  at- 
tirer en  quelque  sorte  une  certaine  quantité  de 
silice  sans  que  le  même  courant  entraîne  ni  soude 
ni  potasse. 

Or,  voici  ce  qui  a  lieu  dans  les  plantes.  La  ma- 
tière qui  compose  le  squelette  de  leurs  tissus,  la 
cellulose,  tout  en  offrant  toujours  la  même  compo- 
sition chimique,  offre  des  variétés  nombreuses  dans 
les  différents  végétaux  quant  à  la  disposition  molé- 
culaire et  aux  affinités.  Ainsi  la  cellulose  du  blé  pos- 
sède la  propriété  de  fixer  la  silice,  de  sorte  que  la 
sève,  graduellement  épuisée  de  ce  minéral,  peut  en 
recevoir  de  nouvelles  quantités  par  absorption  os- 
motique.  De  même,  la  pomme  de  terre  fixe  et  s'as- 
simile la  potasse  en  la  combinant  avec  sa  cellulose 
qui,  différente  de  celle  du  blé,  a  de  l'affinité  pour 
la  potasse  et  non  pour  la  silice.  C'est  donc  grâce  à 
une  légère  variété  dans  les  affinités  chimiques  de 
leur  cellulose  que  des  végétaux  de  composition  très- 
diverse  prospèrent  dans  un  terrain  qui  baigne  toutes 
les  racines  d'une  solution  identique.  Les  racines 
absorbent  d'abord  cette  solution  minérale  telle 
qu'elle  se  présente,  puis  chaque  espèce  de  cellu- 
lose fixant  l'élément  capable  de  s'y  incorporer  en 
appelle,  pourainsidire,unequantiténouvelle,  à  me- 
sure que  l'équilibre  de  dissolution  se  trouve  rompu 
entre  la  sève  et  le  liquide  qui  baigne  les  racines. 

III.  Absorption  chez  les  animaux.  Zoologie,  XXXIl. 


—  Chez  quelques  animalcules  auxquels  une  orga- 
nisation rudimentaire  a  fait  donner  le  nom  d'à 
nimaux  inférieurs,  l'absorption  est  peu  compliquée  : 
une  fois  qu'un  gaz  ou  un  liquide  a  franchi  leur  en- 
veloppe, il  avance  dans  toute  la  masse,  de  proche  en 
proche,  sans  que  sa  marche  semble  modifiée  par 
la  fonction  d'organes  spéciaux.  Mais  chez  les  ani- 
maux que  nous  observons  communément,  l'absorp- 
tion s'effectue  par  des  organes  distincts. 

Absorption  des  gaz.  —  L'absorption  des  gaz  se 
fait  principalement  par  les  organes  respiratoires 
(sujet  traité  en  détail  au  mot  Respiration).  Elle  peut 
aussi  avoir  lieu  par  la  peau,  surtout  chez  les  batra- 
ciens. Si  l'on  enferme  un  lapin,  un  pigeon,  dans  une 
boite  bien  close,  munie  seulement  d'un  orifice  pour 
laisser  passer  au  dehors  la  tête  de  l'animal,  et  si  l'on 
dégage  dans  la  boite  un  gaz  délétère,  par  exemple 
de  l'hydrogène  sulfuré,  le  sujet  en  expérience  meurt 
bientôt  empoisonné,  bien  qu'il  ait  constamment  res- 
piré, par  les  poumons,  un  air  pur:  il  y  a  donc  eu 
absorption  de  gaz  par  la  peau.  Chez  l'homme  la  peau 
est  le  siège  d'une  respiration  rudimentaire  qui  re- 
présente environ  un  38'  de  la  respiration  pulmo- 
naire :  soumis  à  l'expérience  précédente,  il  suc- 
comberait comme  le  lapin. 

Absorption  des  liquides.  —  'L'épiderme  forme  sur 
notre  peau  un  vernis  protecteur  qui  s'oppose  en 
grande  partie  à  l'absorption  des  liquides  ;  mais  le 
derme  qui  est  au-dessous  jouit  d'une  propriété  ab- 
sorbante très-développée,  que  l'on  utilise  en  méde- 
cine: pour  cela  on  enlève  une  portion  d'épiderme 
au  moyen  d'un  vésicatoirc,  et  l'on  applique  un  re- 
mède soluble  sur  la  partie  dénudée,  qui  l'absorbe 
rapidement.  Cependant  la  peau  intacte  est  preméa- 
ble  aux  liquides.  Dans  un  bain  prolongé  l'épiderme 
s'imbibe,  se  gonfle,  se  ramollit  et  devient  capable 
d'absorption  ;  c'est  pourquoi  l'on  emploie  quelque- 
fois des  bains  médicamenteux.  Sous  l'action  très- 
prolongée  d'un  liquide  chaud,  l'absorption  peut  de- 
venir très-active  :  ainsi  l'on  a  vu  des.  cataplasmes 
trop  fortement  laudanisés  ou  imprégnés  de  décoc- 
tion de  tabac  causer  des  accidents  mortels. 

Absorption  dans  l'appareil  digestif.  —  Après  la 
respiration,  l'absorption  la  plus  importante  chez  les 
animaux  est  celle  qui  a  pour  siège  l'appareil  diges- 
tif, et  qui  ouvre  la  série  de  phénomènes  constituant 
la  nutrition  *.  Elle  s'accomplit  à  travers  une  mem- 
brane  muqueuse  d'une  délicatesse  extrême,  toujours 
imbibée  àe  liquide  et  par  conséquent  dans  les  condi- 
tions favorables  à  l'absorption,  et  a  pour  organes  les 
vaisseaux  chylifères  (V.  Chyle)  et  les  veines. 

Modificateurs  de  l'absorption.  —  Des  expériences 
directes  ont  démontré  que  l'osmose  et  l'absorption 
sont  favorisées  par  une  chaleur  de  \h  à  40  degrés 
et  par  l'action  de  l'électricité  sur  les  fluides  en  pré- 
sence. Chez  les  animaux  l'action  des  nerfs  agit  sou- 
vent de  la  même  manière  que  l'électricité  pour  pré- 
cipiter l'absorption. 

Ainsi  qu'on  devait  le  prévoir,  la  pression  exercée 
sur  un  fluide  accélère  son  passage  à  travers  les 
membranes.  Ainsi,  dans  les  végétaux,  l'évaporation 
qui  a  lieu  à  la  surface  des  feuilles  tend  à  faire  le 
vide  dans  l'intérieur,  de  sorte  que  la  pression  at- 
mosphérique qui  s'exerce  autour  des  racines  et  dans 
l'intérieur  des  tissus  tend  à  faire  monter  la  sève  et 
coopère  à  son  ascension  en  rendant  l'absorption  plus 
active. 

Lorsque  la  quantité  de  liquide  contenue  dans  les 
veines  d'un  animal  a  considérablement  diminué  par 
suite  d'hcmorrhagie,  de  sueurs  ou  d'évacuations 
abondantes,  la  pression  se  trouve  diminuée  dans 
l'intérieur  de  ces  vaisseaux,  tandis  qu'elle  reste  la 
même  à  l'extérieur;  on  remarque  alors  une  notable 
aptitude  à  l'absorption,  et  la  médecine  emploie  sou- 
vent ce  moyen  physiologique  pour  débarrasser  une 
cavité  naturelle,  comme  la  plèvre,  d'un  liquide  qui 
s'y  était  accumulé  pendant  une  maladie  et  en  ob- 
tenir la  résorption,  [D'  SafiVay.J 


ABSTRACTION 


—  6  — 


ABSTRACTION 


3.  Applications  ;  expériences  à  faire  en  classe. 

—  Absorption  des  gaz  par  les  solides.  —  Expé- 
riences aussi  faciles  que  nombreuses  sur  le 
charbon  et  l'argile  ;  déjà  indiquées  dans  notre 
§  1«'. 

Absorption  des  gaz  par  les  liquides.  —  Faites 
brûler  du  soufre  dans  un  grand  verre  ;  quand  le 
verre  est  bien  rempli  de  gaz  sulfureux  ainsi  formé, 
bouchez-le  avec  la  main  et  retournez-lc  sur  Tcau; 
ôtez  la  main,  vous  verrez  l'eau  monter  peu  à  peu 
dans  le  verre,  c'est-à-dire  absorber  une  grande  par- 
tie du  gaz  sulfureux. 

Prouvez  de  même  que  l'eau  absorbe  l'air,  en 
montrant  les  bulles  d'air  emprisonnées  dans  un 
morceau  de  glace.  Montrez  encore  des  bulles  d'air 
dans  une  boisson  gazeuse,  dans  l'eau  de  Seltz,  la 
limonade,  le  cidre,  la  bière. 

Imbibition  des  solides.  —  L'éponge,  le  papier  bu- 
vard, le  morceau  de  pain  qu'on  met  tremper,  etc. 

—  V.  Hygromètre. 
Osmose.  —  V.  ce  mot. 

Absorption  des  liquides  par  les  végétaux.  —  Met- 
tre sous  les  yeux  des  élèves  deux  plantes  sembla- 
bles, égalementvigoureuses,  plantées  dans  des  vases 
d'égale  dimension,  remplis  de  terre  de  même  qua- 
lité. L'une  des  deux  sera  régulièrement  arrosée 
tous  les  jours,  l'autre  non  ;  on  leur  fera  remarquer 
le  dépérissement  rapide  de  celle  qui  n'a  pas  d'eau 
à  absorber.  Faire  germer,  dans  une  chambre  à  tem- 
pérature modérée,  des  grains  de  blé  humides,  posés 
sur  une  soucoupe,  en  renouvelant  l'eau  tous  les 
jours. 

A  bsorption  des  gaz  par  les  végétaux.  —  Répéter 
l'expérience  de  Cloëz.  On  remplit  d'eau  un  grand 
bocal  de  plusieurs  litres  ;  on  y  place  une  plante 
aquatique,  la  petite  lentille  d'eau  par  exemple  ;  on 
le  renverse  sur  une  terrine  d"eau  de  manière  à  le 
conserver  plein,  et  on  le  porte  au  soleil.  On  voit 
aussitôt  les  feuilles  de  la  plante  immergée  se  re- 
couvrir de  bulles  de  gaz,  et  si  l'on  attend  deux  ou 
trois  heures,  le  gaz  a  gagné  le  haut  du  flacon,  où  il 
occupe  un  certain  espace.  On  peut  le  transvaser 
dans  un  petit  tube  et  montrer  que  ce  gaz  est  de 
l'oxygène,  puisqu'il  a  la  propriété  caractéristique 
de  rallumer  un  corps  presque  éteint. 

Montrer  qu'un  dégagement  de  gaz  d'éclairage  par 
exemple  au  pied  d'un  arbuste  ou  sous  les  racines 
d'une  plante  la  tue  rapidement. 

Absorption  chez  les  animaux.  —  A  défaut  d'ex- 
périences directes,  raconter  celles  de  Flourens, 
notamment  le  canard  nourri  d'aliments  où  entrait 
de  la  garance  un  mois  sur  deux  ;  après  sept  ou  huit 
mois  de  ce  régime,  les  os  de  l'animal  présentaient 
des  couches  concentriques  alternativement  blan- 
ches et  rouges  :  celles-ci  correspondaient  aux  pé- 
riodes de  nourriture  à  la  garance. 

Autres  exemples  à  citer  et  à  expliquer  :  l'absor- 
ption du  venin,  qu'on  tâche  d'empêcher  par  la 
succion  ou  la  cautérisation  ;  la  vaccine,  qui  consiste 
à  déposer  dans  une  petite  piqûre  faite  au  bras  une 
goutte  du  liquide  appelé  vaccin  :  ce  liquide  est  tel- 
lement absorbé  par  les  tissus  et  porté  par  le  sang 
dans  tout  le  corps,  qu'il  suffit  à  préserver  de  la 
petite  vérole.  fC.  Haraucourt.] 

ABSTRACTION.— Psychologie,  XI.— De/!«i<!o?2. 

—  Ce  mot  peut  désigner  soit  une  de  nos  facultés 
intellectuelles,  soit  l'opération  de  cette  faculté. 
Abstraire,  c'est  considérer  isolément  dans  un  ob- 
jet un  de  ses  caractères;  c'est  concevoir  une  qua- 
lité sans  la  substance  à  laquelle  elle  appartient  ou 
une  substance  sans  ses  qualités,  comme  si  l'une 
pouvait  exister  sans  l'autre.  Par  exemple,  je  puis, 
en  examinant  un  lis,  ne  remarquer  que  sa  blan- 
cheur, sans  songer  à  sa  forme,  à  son  parfum,  à  sa 
grandeur,  etc.  La  blancheur,  ainsi  prise  à  part,  est 
une  idée  abstraite. 

L'abstraction  comme  l'analyse  (V.  I'"^  Partie)  dé- 
compose l'objet  ;  mais,  tandis  que  l'analyse  divise 


cet  objet  s'il  est  réel  en  parties  réelles  aussi, 
l'abstraction  en  détache  non  des  parties  effec- 
tivement séparables,  mais  des  qwdités  qui  ne 
peuvent  en  être  isolées  que  mentalement  et  ficti- 
vement. 

Son  rôle  et  son  usage.  —  Cette  définition  même 
fait  comprendre  le  rôle  de  l'abstraction  dans  la  vie 
intellectuelle.  Elle  y  représente  un  certain  travail 
mental,  qui  suit  celui  de  la  simple  observation 
sensible,  une  opération  plus  délicate  où  l'esprit 
doit  déployer  une  certaine  activité  propre.  Sans 
l'abstraction,  il  n'y  aurait  pas  de  généralisation 
possible,  et  partant  pas  de  science. 

Mais  de  ce  qu'on  ne  débute  pas  par  l'abstrac- 
tion, de  ce  qu'elle  se  manifeste  après  la  percep- 
tion *,  il  ne  s'ensuit  pas  que  l'abstraction  soit  moins 
naturelle  à  l'esprit  humain  que  l'observation  par 
les  sens.  Pour  venir  en  second  lieu,  elle  n'en  vient 
pas  moins  aisément,  moins  spontanément.  Loin 
d'être  un  procédé  artificiel  d'un  emploi  rare  et 
difficile,  c'est  un  besoin  de  l'esprit  dès  qu'il  com- 
mence à  penser,  un  besoin  de  la  parole  dès  qu'elle 
nait  sur  les  lèvres.  Tout  homme  fait  sans  cesse 
des  abstractions,  sans  y  prendre  garde.  Un  philo- 
sophe français  du  commencement  de  ce  siècle, 
Laromiguière,  disait  spirituellement  :  les  cinq  sens 
sont  des  machines  à  abstraire.  En  effet,  chaque 
sens  ne  nous  fait  percevoir  qu'une  seule  qualité  à 
la  fois  ;  nous  percevons  ainsi  les  qualités  séparées 
les  unes  des  autres,  distinctes  entre  elles  et  dis- 
tinctes de  l'objet  en  qui  elles  résident,  abstraites 
enfin  par  le  seul  fait  de  cette  division  du  travail 
qu'opèrent  nos  cinq  sens.  Ecouter,  c'est  abstraire 
(ies  qualités  sonores  ;  regarder,  c'est  abstraire  des 
qualités  lumineuses,  et  ainsi  du  reste. 

Parler  c'est  aussi  abstraire  ;  car  le  langage  con- 
siste dans  le  fait  môme  de  créer  des  mots  dont 
chacun  représente  et  fixe  non  pas  un  groupe  con- 
fus d'idées,  mais  une  idée  prise  à  part.  A  l'excep- 
tion des  noms  propres  qui  désignent  une  seule 
personne  ou  une  seule  chose  sans  énoncer  aucun  de 
ses  divers  attributs,  tous  les  mots  sont  le  résultat 
d'une   abstraction. 

Mais  il  importe  (surtout  pour  les  besoins  ulté- 
rieurs de  la  pédagogie)  de  faire  voir  les  diverses 
manières  dont  s'accomplit  l'abstraction. 

Double  série  d'opérations  parallèles  résultant  de 
l'abstraction.  —  Par  cela  même  qu'elle  consiste  à 
séparer  les  qualités  des  substances,  l'abstraction 
fait  naître  dans  notre  esprit  deux  ordres  d'idées  qui 
se  complètent  mutuellement  et  qui  désignent , 
d'une  part,  lessu6sfa?2cesdépouillées  de  leurs  qua- 
lités, ce  .qui  n'existe  pas  dans  la  réalité  ;  d'autre 
part,  les  qualités  isolées  de  leurs  substances,  ce 
qui  n'existe  pas  davantage. 

A  la  première  série  correspondent  les  noms  ou 
substantifs,  à  la  seconde  les  qualificatifs  de  toute 
sorte. 

La  première  série  constitue  l'ordre  du  concret, 
la  seconde  l'ordre  de  Vabstrait. 

Trois  degrés  de  cette  double  série. —  Dans  ces  deux 
séries  l'abstraction  passe  par  trois  degrés,  qu'on  pour- 
rait par  analogie  3Lppe\cr  positif, comparidif  et  super- 
latif, et  qui  correspondent  aux  trois  grandes  notions 
logiques  :  indicidu,  espèce,  gem^e.  L'esprit  considère 
d'abord  ce  qu'il  y  a  de  plus  particulier  et  de  plus 
complexe,  l'individu;  puis  il  lait  des  individus 
semblables  un  premier  groupement,  qui  est  l'es- 
pèce; puis  de  plusieurs  espèces  rapprochées  il 
constitue  une  collection  plus  vaste,  une  classe  tout 
à  fait  générale,  un  genre. 

Ces  trois  degrés  se  retrouvent  aussi  bien  dans 
l'abstrait  que  dans  le  concret.  Sans  entrer  plus 
avant  dans  le  détail  do  cette  double  et  parallèle 
formation  des  idées  concrètes  et  abstraites,  nous 
résumons  les  deux  séries,  en  regard  l'une  do 
l'autre,  aux  trois  degrés  ,  dans  le  tableau  sui- 
vant : 


ACADEMIE 

L'esprit,  considérant  la  snasT^ncs  sans  ses  attributs, 
a  des  idées  couckètbs  à  trois  degrés  : 

1"  degré.  —  Il  crée  les  nomx  propres  (désignant  l'individu 
sans  ses  qualités)  et  le  verbe  substantif  (affirmant  l'exis- 
tence sans  les  manières  d'être). 

2*  degré.  —  Il  crée  les  7ioms  communs  (convenant  à  plu- 
sieurs individus  considérés  comme  semblables). 

3'  degré.  —  Il  crée  les  noms  collectifs  (réunissant  en  une 
seule  classe  plusieurs  êtres  réels  et  résumant  en  un  seul 
mot  plusieurs  noms  communs). 


7  —  ACADÉMIE 

L'esprit,  considérant  I'attbibut  sans  sa  substaocc, 

a  des  idées  abstraites  à  trois  degrés  : 

1"  degré.  —   Il  crée  les  adjectifs  (désignant  des  qualités 


sans  l'être  qui  les  possède)  et  les  verbes  attributifs  (dési- 
gnant l'acte  ou  l'état  sans  l'être  qui  en  est  le  sujet). 

2«  degré.  —  Il  crée  les  noms  abstraits  (désignant  des  qua- 
lités considérées  comme  si  elles  étaient  des  substances). 

3"  degré.  —  Il  crée  les  termes  généraux  (noms  et  détermi- 
natifs  de  toute  sorte  groupant  en  une  seule  abstraction 
plusieurs  idées  abstraites  et  résumant  en  un  seul  terme 
générique  plusieurs  noms  abstraits). 


EXEMPLES  : 

î»    DEGHB. 

Ordre  du  Concret  (scbstances), 


Noms  propres. 

M.  Dupont,  M"=  Blanchard,  Paul,  Pauline. 

Azor,  Minet,  Jacquot. 

Seine,  Khin,  Oise,  Loiret. 

Hoche,  Marceau,  etc. 

Pierre.  Jean.  Louise,  Marie. 

N..„  N...,  >'...,  etc. 


Noms  communs. 
hommes,  femmes,  enfants, 
chiens,  chats,  perroquets, 
fleuves,  rivières,  ruisseaux, 
soldats,  capitaines,  colonels,  etc. 
enfants,  élevés,  garçons,  filles, 
laboureurs,  marchands,  citoyens. 


Ordre  de  l'Abstrait  (qualités) 


A  djectifs  et  verbes. 
blanc,  rouge,  pâle,  éclatant, 
rond,  large,  long,  épais, 
solide,  dur,  mou,  fragile, 
bon,  charitable,  courageux,  pieux,  sincère. 

courir,  marcher,  sauter,  danser, 
labourer,  semer,  moissonner, 
échanger,  vendre,  acheter,  gagner,  perdre, 
aimer,    haïr,    désirer,     admirer,     espérer, 

craindre, 
toucher,  regarder,  écouter,   travailler,  lire, 

frapper,  crier,  parler,  partir,  arriver. 


Noms  abstraits. 
blancheur,  rougeur,  pâleur,  éclat, 
rotondité,  longueur,  largeur,  épaisseur, 
solidité,  dureté,  mollesse,  fragilité. 
bonté,  charité,  courage,  piété,  sincérité. 

course,  marche,  saut,  danse. 

labourage,  semailles,  moisson. 

échange,  achat,  vente,  gain,  perle. 

amour,    amitié,    haine,    désir,    admiration, 

espérance,  crainte, 
tact,    regard,  ouïe,   travail,    lecture,   coup, 

cri,  parole,  départ,  arrivée. 


3°  DEGaÉ. 


Noms  coUectifi- 

humanité, 
règne  animal, 
réseau  fluvial, 
régiment,  armée, 
classe,  école. 
peuple. 


Termes  généraux. 
couleur 

surface,  volume,  étendue, 
consistance, 
vertu. 

mouvement. 

agriculture. 

commerce. 

sentiment,  émotion,  passion. 

action. 


Comme  il  est  facile  de  le  voir  par  cet  aperçu, 
de  même  que  tous  les  substantifs  n'ont  pas  la  même 
extension,  toutes  les  idées  abstraites  ne  sont  pas 
également  abstraites.  Avoir  l'idée  d'une  chose 
blanche  ou  rouge,  c'est  un  commencement  d'ab- 
straction ;  concevoir  l'idée  de  blancheur  ou  de  rou- 
geur, c'est  une  abstraction  plus  forte,  déjà  plus 
éloignée  de  ce  qui  tombe  immédiatement  sous  les 
sens  ;  concevoir  enfin  l'idée  tout  à  fait  générale  de 
couleur,  c'est  l'abstraction  consommée  :  l'idée  gé- 
nérale est,  dans  l'ordre  des  qualités,  l'équivalent 
du  nom  collectif  dans  l'ordre  des  substances. 

C'est  à  cette  marche  progressive  dans  l'abstrac- 
tion que  correspond  exactement,  en  pédagogie,  la 
marche  progressive  que  nous  indiquons  pour  l'é- 
ducation intellectuelle  (V.  Abstraction  dans  la 
I"  Partie). 

ACADE."»IIE  FRANÇAISE.  —  Littérature  fran- 
çaise, IX  ;  Histoire  de  France,  XXIV.  —  «  Les  Acadé- 
mies, dit  Voltaire  da.is  son  I nclionnaire  philoso- 
phique, sont  aux  anciennes  universités  ce  que  lâge 
mûr  est  à  l'enfance,  ce  que  l'art  de  bien  parler  est  à 
la  grammaire,  ce  que  la  politesse  est  aux  premières 
leçons  de  civilité...  Telle  esiV  Académie  française.» 

Il  avait  existé  chez  nous,  à  diverses  reprises  et 
sous  diverses  formes,  des  sociétés  littéraires,  dont 
quelques-unes  avaient  porté  le  nom  déjà  ancien 
^académie  (V.  I"  Partie).  La  plus  célèbre  avait 
été  la  Pléiade,  fondée  par  Ronsard  et  Baîf. 

Origine  de  l'Académie  française.  —  En  1630,  un 
conseiller  secrétaire  du  roi,  Valentin  Conrart,  réu- 
nit chez  lui  un  petit  groupe  d'hommes  instruits 
et  amis  des  lettres,  parmi  lesquels  l'abbé  de  Bois- 
robert.  Celui-ci  eut  l'occasion  de  parler  des  tra- 
vaux de  la  société  au  cardinal  de  Riclielieu.  Frappé 
immédiatement  des  services  que  pourraient  rendre 
aux  lettres  françaises  ces  études  en  commun  pour- 
suivies par  de  bons  esprits,  le  cardinal  fit  offrir  par 
Boisrubert  à  la  société  naissante  sa  protection.  Le 


13  mars  1634,  la  docte  compagnie  rédigea 'ses  sta- 
tuts, que  Richelieu  et  approuva;  le  2.janvier  1635, 
elle  fut  constituée  sous  le  nom  à'Acidémie  fra?içaise 
par  lettres  patentes  du  roi  ;  elle  réunit  bientôt  les 
■iO  membres  dont  elle  devait  se  composer. 

Critique  du  Cid.  —  L'Académie  dut  reconnaître 
presque  aussitôt  après  sa  fondation  que  la  protec- 
tion d'un  maître  aussi  absolu  que  le  cardinal  ne  lui 
laissait  pas  toute  son  indépendance.  Richelieu,  qui 
avait  la  faiblesse  d'être  jaloux  de  Corneille,  demanda 
à  l'Académie  de  se  prononcer  contre  le  Cid. 

Les  académiciens  ne  partageaient  pas,  semble-t-il, 
les  préventions  du  cardinal;  ils  mirent  plusieurs 
mois  à  le  satisfaire  ;  un  d'entre  eux,  poète  alors 
célèbre  et  dont  Boileau  s'est  souvent  moqué,  Cha- 
pelain, auteur  de  la  Pucelle,  fut  chargé  de  rédiger 
les  Sentiynents  de  r  Académie  sur  le  Cid  [l&^t^^.C  cta.[t 
une  critique  minutieuse  de  ce  chef-d'œu\Te  ;  Riche- 
lieu la  trouva  trop  indulgente,  le  public  infiniment 
trop  .sévère. 

Travaux  de  l'Académie;  Dictionnaire.  —  Malgré 
ce  début  malheureux,  l'Académie  ne  tarda  pas  à 
faire  reconnaître  l'utilité  et  l'importance  de  ses  tra- 
vaux. Dès  1638,  elle  s'occupait,  sur  le  plan  projeté 
par  Chapelain,  du  Dictio?maire  de  la  langue  fran- 
çaise. C'est  Vaugelas  qui  fut  chargé  de  sa  rédaction, 
travail  pour  lequel  Richelieu  lui  avait  assigné  une 
pension  de  20o0  livres.  La  1'=  édition  parut  en 
Iti94.  L'Académie  avait,  on  le  voit,  travaillé  assez 
lentement,  et  l'on  excuse  les  épigrammes  que  cette 
lenteur  lui  valut. 

On  sait  qu'un  des  membres  de  l'Académie,  Fure- 
tière,  entreprit  de  faire  à  lui  seul  un  Dictionnaire. 
L'assemblée  indignée  raya  de  la  liste  de  ses  mem- 
bres un  collègue  qu'elle  accusait  d'indélicatesse. 

L'œuvre  de  Furetière,  qui  n'est  pas  sans  mérite, 
ne  parut  que  deux  ans  après  la  mort  de  son  auteur, 
on  1G90,  mais  quatre  ans  avant  le  Dictionnaire  do 
l'Académie,  qui  ne  l'effaça  pas  complètement. 


ACADEMIE 


8 


La  deuxième  édition  du  Dictionnaire  de  l'Acadé- 
mie parut  en  1717,  latroisièmeen  1740;  laquatrième, 
«  la  seule  importante  pour  l'iiistoire  de  notre  lan- 
gue, »  dit  Villemain,  publiée  sous  la  direction  de 
Duclos,  parut  en  I7l'6,  la  cinquième  en  1798,  la 
sixième,  précédée  d'un  discours  de  Villemain,  en 
1835.  Une  septième  édition,  confiée  à  M.  Sylvestre 
de  Sacy,  a  paru  en  1877.  ^  i 

Outre  ce  dictionnaire  qui,  remanié,  corrigé,  rendu 
plus  parfait  à  chaque  nouvelle  édition,  fait  aujour- 
d'hui autorité,  l'Académie  s'était  proposé  de  pu- 
blier une  grammaire,  une  rhétorique  et  une  poéti- 
que. 

Le  Traité  de  la  grammaire  française  fut  seul 
publié  (1707)  ;  la  rédaction  en  avait  été  confiée  à 
Régnier-Desmarais. 

L'Académie  a  depuis  1858  entrepris  un  Diction- 
naire historique  de  (a  langue  française^  dont  deux 
fascicules  ont  paru. 

Discours  de  réceotion.  —  C'est  de  1 660  que  date 
l'usage  des  discours  de  réception.  Pendant  long- 
temps il  fut  de  règle  de  faire  entrer  dans  ces  discours 
l'éloge  de  Richelieu,  fondateur  de  l'Académie,  du 
chancelier  Seguier.  son  second  protecteur,  et  de 
Louis  XIV,  ce  qui  imposait  à  l'orateur  un  cadre  et 
des  développements  de  convention.  Voltaire  contri- 
bua par  ses  justes  railleries  à  faire  abandonner  cette 
étiquette  ;  aujourd'hui  le  discours  du  récipiendaire 
se  borne  h.  l'éloge  de  son  prédécesseur  et  à  une  sorte 
d'étude  littéraire  sur  le  genre  où  il  a  excellé. 

Concours  et  prix.  —  Un  des  principaux  services 
que  rend  l'Académie  française  à  notre  littérature  na- 
tionale est  de  récompenser  et  en  quelque  mesure  de 
diriger  les  efforts  des  écrivains  qu'elle  juge  dignes 
d'encouragement  et  qu'elle  croit  devoir  recomman- 
der à  l'opinion  publique. 

C'est  à  l'un  de  nos  premiers  écrivains  du  xvii*  siè- 
cle, Jean-Louis  de  Balzac,  que  revient  l'idée,  blâmée 
par  les  uns,  approuvée  par  les  autres,  de  couronner 
les  meilleurs  ouvrages  littéraires.  Il  fonda  en  1654 
un  prix  d'éloquence  religieuse.  Pellisson  créa  plus 
tard  un  prix  biennal  de  poésie  ;  d'autres  suivirent. 
Mais  le  plus  généreux  des  donateurs  fut  Montyon  *, 
qui  légua  à  l'Académie  une  somme  de  600  000  francs 
dont  le  revenu  devait  être  partagé  chaque  année  en- 
tre l'auteur  d'un  a  ouvrage  dont  il  pourrait  résul- 
ter un  plus  grand  bien  pour  la  société  »  et  «  un 
Français  pauvre  qui  se  serait  fait  remarquer  par  un 
acte  de  vertu  ».  C'est  le  plus  populaire  des  prix  que 
l'Académie  décerne  dans  la  séance  annuelle  du 
25  août. 

Aujourd'hui  et  grâce  à  de  nouvelles  et  nombreu- 
ses libéralités,  l'Académie  décerne  une  vingtaine 
de  prix  dont  voici  la  liste  : 

PRIX   AKNCELS. 

1»  Prix  d'éloquence  sur  un  sujet  donné; 

i*  k.  un  ouvrage  utile  aui  mœurs  (prix  Montyon); 

3«  Prix  de  Tertu,  lOOO  fr.    (prix  Montyon); 

A'  Prix  de  vertu,  de  dévouement,  etc.  (prix  Souriau); 

5»  Prix  devertu,  6  médailles  de  600  fr.  (prix  Marie  Lasne]  ; 
_  6»  Actes  de  courage  ou  de  dévouement,  1000  fr. .  i  fonda- 
tion Gemond)  ; 

7°  Au  morceau  le  plus  éloquent  sur  l'histoire  de  France 
(prix  Gobert); 

8»  Pour  le  meilleur  ouvrage  historique  publié  dans  l'an- 
née précédente  (prix  Thérouane); 

9°  Prix  Marcelin  Guerin  (5000  fr.),  ouvrage  propre  à 
élever  les  idées,  les  mœurs,  les  caractères; 

10»  Prix  Archon-Dospérouses  (4000  fr.),  affecté  aux  ou- 
vrage   de  philologie  française; 

11"  Prix  Maillé-Latour-Landry  pour  encourager  un  écri- 
vain à  suivre  la  carrière  des  lettres. 

12«  Prix  de  vertu,  350  fr.  (prix  Laussat). 

PRIX   BIENNAUX. 

1"  Prix  de  Jouy  (1500  fr.).  ouvrage  ayant  pour  objet  l'é- 
tude des  mœurs  actuelles  de  la  France; 

2°  Prix  .Morabine  (SnOÙ  fr.),  récompense  d'un  acte  de  pro- 
bité, ou  pour  venir  en  aide  à  des  personnes  ayant  suivi  la 
carrière  des  lettres  ou  de  l'enseiiinemcnt. 


ACCENTUATION 

PRIX    TRIENItÀl'X. 

t"  Plusieurs  prix  de  vertu  (foudalion  Honoré  de  Sussy, 
legs  de  ïOO  000  fr.)  j 

i"  Prix  Thiers  pour  l'encouragement  de  la  littérature  et 
des  travaux  historiques  (3o(/û  fr.)  ; 

3°  Prix  Guizot  (3000  fr.),  un  ouvrage  historique  publié 
dans  les  trois  anuées  précédentes; 

4"  Prix  Jules  Janin  (3o00  fr.),  traduction  d'un  ouvrage 
latin. 

PRIX    QClNQtlKWniL. 

Prix  Botta  (revenu),  ouvrage  publié  dans  les  cinq  »nnécs 
précédentes  sur  la  condition  des  femmes. 

Organisation  de  l'Académie.  —  L'Académie  pro- 
cède au  remplacement  de  ses  membres  par  un  scru- 
tin secret.  Elle  a  un  secrétaire  élu  à  vie  qui  porte 
le  nom  de  secrétaire  perpétuel  (cette  fonction  a 
été  remplie  au  xyiii»  siècle  par  Duclos,  D'Alembert, 
Marmontel  ;  dans  celui-ci  par  Suard,  Raynouard, 
Auger,  Andrieux,  Arnault,  Villemain,  Patin  ;  elle 
l'est  depuis  1877  par  M.  Camille  Doucet). 

Un  moment  supprimée  sous  la  Révolution,  l'Aca- 
démie française  fait  partie  depuis  1803 de  l'Institut- 
Le  dernier  acte  d'intervention  et  de  pression  de  la 
part  du  gouvernement  qu'elle  ait  eu  à  subir  fut 
une  ordonnance  du  21  mars  1816  qui,  en  lui  ren- 
dant son  ancien  nom,  éliminait  quinze  de  ses  mem- 
bres et  lui  imposait  neuf  académiciens  choisis  par 
le  roi.  Depuis  lors,  l'illustre  assemblée  a  conservé 
sans  atteinte  ses  privilèges  et  son  indépendance  du 
pouvoir,  condition  de  son  prestige  littéraire. 

Influence  de  l'Académie.  —  Quelques  critiques 
qu'elle  se  soit  attirées,  nul  ne  peut  méconnaître  la 
haute  influence  qu'a  exercée  l'Académie  sur  l'es- 
prit français,  le  grand  nombre  d'illustrations  diver- 
ses qu'elle  a  contenues  dans  son  sein,  les  heureux 
effets  de  la  tradition  qu'elle  s'est  efforcée  de  créer 
et  de  maintenir  dans  la  langue  et  dans  la  littéra- 
ture, les  utiles  encouragements  qu'elle  a  prodigués 
aux  ouvrages  sérieux. 

On  a  néanmoins  répété  souvent  avec  amertume 
que  si  l'on  faisait  la  liste  dos  écrivains  de  premier 
mérite  qui  n'ont  pas  fait  partie  de  l'Académie,  l'his- 
toire de  ce  41*  fauteuil  éclipserait  sans  peine  l'é- 
clat de  la  plupart  des  40. 

Au  XVII*  siècle.  Descartes,  Pascal  et  Molière,  pour 
ne  citer  que  les  plus  grands  ;  au  xviii*,  J.-J.  Rous- 
seau, Diderot,  Beaumarchais  ;  au  xix»,  Paul-Louis 
Courier,  Balzac,  Lamennais,  Béranger,  Michelet 
ne  furent  pas  de  l'Académie. 

Voici  à  titre  de  curio.sité  la  liste  des  40  acadé- 
miciens qui  siégeaient  en  1877  sous  la  coupohî 
du  palais  Mazarin,  dans  l'ordre  et  avec  la  date  de 
leur  élection  : 

Thiers  (18.33)  ;  —  Mignet  (1836}  ;  —  Victor  Hugo 
(1841)  ;  —  Noailles  (ls49)  ;  —  Désiré  Nisard  (1850); 
—  Dupanloup  (1854)  ;  — Sylvestre  de  Sacy  (1854j  ;  — 
Legouvé  (18a5)  ;  —  Falloux  (1856)  ;  —  Emile  Augier 
'1857)  ;  —  Laprade (1858);  — Sandeauf  1858);  —duc 
de  Broglie  (1862);  —  Feuillet  (1862  ;  —  Dufaure 
1863)  ;  —Doucet  (1865)  ;— Cuvillier-Fleury(l866)  ; 
-JulesFavreil867);—Autrann868);— Claude  Ber- 
nard (1868)  ;  —  Haussonvlllo  (1869)  ;  —  Champagny 
(1869)  ;  —  Barbier  (1869)  ;  —  Ollivier  (1870)  ;  —  Mar- 
mier  (1870)  ;  —  Duvergier  de  Hauranne  (1870)  ;  — 
duc  d'Aumale  (1871);  —  Littré  (1871;;  —  Camille 
Rousset  ,1871);  —  Loménie  (1871);  —  Saint-René 
Taillandier  (1873)  ;  —  Viel-Castel  (1873  :  —  Mézières 
(1874);  —  Alexandre  Dumas  fils  (1874)  ;  —  Caro 
(1874)  ;  —  John  Lemoinne  (  1875)  ;  —  J.  B.  Dumas 
'1875);  —  Jules  Simon  (1875);  —  Charles  Blanc 
(1876)  ;  —  Boissier  (1876)  ;  —  V.  Sardou  (i  877). 
[Ch.  F.  Durand.] 
Pour  les  autres  Académies,  V.  dans  la  I^^  Partie 
le  mot  Institut  et  l'article  relatif  à  ['Académie  des 
sciences  morales  et  politiques. 

ACCENTUATION.  —  Grammaire,  VL  —  L'ac- 
centuation est  la  manière  d'employer  les  accents. 
L'accent  (du  latin  accentus,  intonation)  est  pro- 
prement l'élévation  de  la  voix  sur  une  syllabe  ou 


ACCENTUATION 


—  9  — 


ACCENTUATION 


sur  un  mot.  Par  une  confusion  regrettable,  nous 
appelons  aussi  accents  quelques  signes  orthogra- 
phiques qui  chez  les  Grecs  sen'aient  bien  à  mar- 
quer l'élévation  de  la  voix  sur  une  syllabe,  mais 
qui  chez  nous  ne  servent  qu'à  modifier  le  son  des 
voyelles. 

Il  y  a  trois  sortes  d'accents  :  l'accent  tonique, 
l'accent  grammatical,  l'accent  oratoire.  Nous  allons 
les  passer  en  revue,  et  nous  ajouterons  quelques 
mots  sur  Y dLCzenX  provincial,  qui  n'est  pas  une  qua- 
trième sorte  d'accent,  mais  une  modification  le  plus 
souvent  incorrecte  apportée  aux  trois  autres  par 
des  particularités  de  prononciation  et  d'intonation 
propres  à  chaque  contrée. 

ACCENT  TONIQUE. 

Règles  générales  de  l'accent  tonique.  —  Défi- 
nition. —  On  ne  prononce  pas  avec  la  même  force 
toutes  les  syllabes  d'un  mot  ;  ainsi,  quand  nous 
disons  :  aimez,  cha.ntons,  nous  prononçons  la  der- 
nière syllabe  plus  fortement  que  la  première, 
tandis  que,  dans  aime,  chante,  nous  appuyons 
sur  la  première.  Cette  élévation  de  la  voix  sur 
une  syllabe  particulière  dans  chaque  mot  s'ap- 
pelle accent  tonique,  et  la  syllabe  ainsi  prononcée 
s'appelle  syllabe  accentuée  ou  tonique.  Les  autres 
sont  dites  inaccentuées  ou  atones;  ainsi  dans  ai- 
mable, ma  est  la  syllabe  accentuée  ;  ai  et  ble  sont 
atones. 

Place  de  l'accent  tonique.  —  En  latin,  l'accent  se 
trouvait,  ou  sur  l'avant-dernière  syllabe,  la  pénul- 
tième (amare,  fi?n're),  ou  sur  celle  qui  la  précédait, 
Y  antépénultième  (amabilis,  senstbilis). 

Comme  l'accent  latin,  l'accent  français  n'a  que 
deux  places,  mais  ce  ne  sont  pas  les  mêmes  :  il 
porte  sur  la  dernière  syllable  toutes  les  fois  que 
c'est  une  syllabe  pleine,  qui  se  prononce  entière- 
ment :  aimer,  &nir  ;  —  sur  Y  avant-dernière  quand 
la  dernière  a  un  e  muet  :  aimable,  sensible. 

Persistance  caractéristique  de  l'accent  sur  la 
même  syllabe  qu'en  latin  dans  les  mots  d'origine 
populaire.  —  L'accent  reste  en  français  sur  la 
même  syllabe  qu'il  occupait  en  latin  :  telle  est  la 
loi  générale  pour  les  mots  formés  par  le  peuple  et 
dont  l'existence  est  antérieure  au  douzième  siè- 
cle ;  de  jîorticus,  on  a  fait  porche  ;  de  wiobilis, 
meuble  ;  de  grammatica,  gramrwaire. 

Plus  tard  les  érudits  ont  formé  de  ces  mêmes  mots 
latins  des  mots  français  qui  en  ont  conservé  plus 
exactement  la  forme  extérieure,  mais  qui  ont  changé 
la  place  de  l'accent  :  por^que,  moôfle,  grammatical. 

Les  mots  populaires  (qui  sont,  on  le  voit,  plus 
contractés  que  les  mots  savants)  s'en  distinguent  : 
1*  par  cette  persistance  de  l'accent  sur  la  même 
syllable  qu'en  latin  ;  2*  par  la  suppression  de  la 
voyelle  brève  qui  précède  la  tonique  :  3°  par  la  chute 
de  la  consonne  médiane,  c'est-à-dire  de  la  consonne 
placée  entre  deux  voyel'es  dont  la  seconde  appar- 
tient à  la  syllabe  tonique. 

Exemples  :  Suppression  de  la  voyelle  brève  : 

bon(i)tateiti,       bonté.  sepfalrare,  sevrer. 

clar(i)tatetn,      clarté.  popfu)lus,  peuplier. 

pos(i)tura,  posture.  pop(ujlatus,       peuplé. 

Chute  de  la  consonne  médiane  : 


Au(K)ustus,       août. 
confi(d)entia,     conliance. 


do(t)are,  douer. 

deli(c)tatus,       délié. 


Influence  de  l'accent  tonique  sur  l'orthographe.  — 
Quand  l'accent  tonique  est  sur  la  dernière  syllabe, 
l'avant-dernière  peut  être  muette  :  élever  ;  mais 
lorsque  la  dernière  est  muette,  l'avant-dernière. 
qui  est  alors  la  syllabe  tonique,  doit  être  néces- 
sairement sonore  :  élève.  On  pressent  toutes  les 
conséquences  de  cette  règle  pour  l'orthographe. 

D'une  façon  générale  et  comme  principe  détor- 
minant  soit  la  formation  des  mots,  soit  leur  ortho- 
graphe, il  faut  reconnaître,  comme  le  fait  M.  Ayer 
dans  sa  Phonologie  de  la  langue  française,  que  la 


voi-^elle  accentuée  tend  toujours  à  prendre  un  son 
plein,  à  se  renforcer  en  quelque  sorte  par  la  pro- 
nonciation, avec  ou  sans  modification  orthographi- 
que apparente.  Ainsi  on  écrit  de  même  un  parent 
et  ils  garent,  un  couvent  et  elles  couvent,  on  pres- 
se/?^ et  ils  pressent  ;  la  prononciation  suffit  à  mar- 
quer la  place  différente  de  l'accent  tonique.  Mais 
le  plus  souvent,  pour  figurer  ce  renforcement  de  la 
syllabe  accentuée,  l'orthographe  fait  subir  à  cette 
syllabe  une  légère  modification  :  la  recherche  de 
ces  différentes  modifications  est  l'objet  des  règles 
particulières  de  l'accent  tonique,  elles  dérivent 
toutes  du  principe  général  que  nous  venons  d'in- 
diquer. [B.  Berger.] 

Règles  particulières  de  l'accent  tonique.  —  Le 
grand  principe  qui  a  présidé  à  la  formation  de  notre 
langue  au  moyen  âge  est  que  la  syllabe  accentuée 
est  toujours  renforcée  :  X"  ou  par  une  diphthong  ai- 
son  de  la  voi/elle;  2°  ou  par  un  redoublement  de 
consonnes  ;  3"  ou  par  un  accent  grammatical. 

Bien  des  règles  de  notre  orthographe,  qui  sem- 
blent incohérentes  ou  bizarres,  tirent  de  ce  seul 
principe  leur  explication. 

r  Diphthongaison.  —  Le  latin  famés  devient 
faim  ;  vocem  devient  \'oix  ;  mobilis,  meichle  ;  mori, 
mourir;  absolvere,  absoudre,  lepus,  lièvre,  etc. 
IMais  la  dérivation  ramène  ordinairement  la  voyelle 
simple  et  primitive  en  déplaçant  l'accent  tonique  ; 
ainsi  ai  redevient  a  :  f/im,  affamé.  —  eu  rede- 
vient o:  meuble,  mobilier;  cœur,  cordial;  —  oi  re- 
devient 0  :  voix,  vocal  ;  —  ou  redevient  o  ou  u  : 
absoudre,  absolution  ;  m»  urir,  mortel  ;  sourd,  sur- 
dité ;  —  ie  redevient  e  :  lièvre,  levrette,  etc. 

La  dérivation  aide  en  ce  cas  à  découvrir  quelle 
doit  être  l'orthographe  de  la  voyelle  accentuée  ; 
ainsi  les  trois  sons  ai}i,  ein,  in  dans  pain,  serein, 
fin  se  ressemblent  pour  l'oreille  et  peuvent  em- 
barrasser un  écolier  ;  le  doute  cessera  pour  lui  s'il 
peut  se  rappeler  les  dérivés  de  chacun  de  ces  mots  ; 
pain  s'écrira  par  ai,  puisqu'il  a  pour  dérivé  pane- 
tier  ;  serein  par  ei,  puisqu'il  a  pour  dérivé  sérénité 
et  fî}i  par  i,  puisqu'il  a  pour  dérivé  finesse. 

'1"  Redoublement  de  cojisoune.  —  Souvent  la  syl- 
labe accentuée  est  renforcée  par  un  redoublement 
de  sa  consonne  :  le  cas  est  surtout  fréquent  pour 
les  lettres  l,  n,  t.  Chien,  chienne  ;  fol,  fo/le  ;  sujet, 
sujette.  Cette  loi  avait  déjà  été  entrevne,  il  y  a  près 
de  200  ans,  par  Régnier  Desmarais,  qui  disait  :  «  C(! 
redoublement  a  lieu  d'ordinaire  immédiatement 
après  la  voyelle  sur  laquelle  esi  le  siège  de  l'acceni  ; 
mais  il  n'a  plus  lieu  si  l'accent  passe  de  la  pénul- 
tième à  la  dernière.  On  écrit  chape//e  et  chape/ain.» 

Le  redoublement  disparaît  ordinairement  dans 
les  dérivés  :  chandeWe,  chande/ier  ;  éche//e,  éche- 
lon. Mais  il  reparaît  quand  la  dernière  syllabe  de- 
vient muette,  c'est-à-dire  inaccentuée  :  appeler, 
j'appe//e  ;  je^er,  je  iette.  On  voit  qu'il  7i'y  a  jamais 
deux  syllabes  muettes  de  suite  dans  un  mot  français. 
Cette  loi  trouve  d'innombrables  applications  dans  la 
dérivation  des  mots,  dans  la  formation  du  féminin  des 
noms  et  des  adjectifs,  et  dans  les  apparentes  irrégu- 
larités d'orthographe  des  verbes  de  la  première  con- 
jugaison. Les  noms  terminés  par  ien,  en,  redoublent 
le  n  final  pour  conserver  à  la  voyelle  sa  sonorité  : 
chie«  ne,  Europée»  ne.  Il  en  est  de  même  de  la  plu- 
part des  adjectifs  terminés  pare/,  icn,  et,  comme  : 
paterne/,  ancie??,  net,  qui  par  la  même  raison  font 
au  féminin  :  paterne//e,  ancienne,  nette.  Ce  redou- 
blement persiste  dans  le  corps  du  mot,  quand  la 
voyelle  qui  suit  la  syllabe  primitivement  accen- 
tuée  est  muette  :  ne/,  ne//e,  ne//ement,  etc. 

Contrairement  à  cette  loi,  suivie  d'une  manière 
inconsciente  mais  uniforme  parle  peuple,  on  trouve 
quelques  mots,  comme  prunelle,  cannelle,  nou- 
velle, etc.,  qui  font  prune//ier,  canne//ier,  nouve/- 
/iste  avec  deux  /  ;  mais  ce  sont  des  mots  relativement 
récents  dans  la  langue,  où  ils  ont  été  importés  par 
les  savants.  Enfin,  il  ne  faut  pas  ramener  à  cette 


ACCENTUATION 


10  — 


ACCENTUATION 


règle  des  motscomme  rébellion,  flagellation,  etc., 
dérivés  de  primitifs  latins  où  se  trouvaient  déjà 
les  deux  /  ;  rebe/Zionem,  flage/Zationcm. 

Les  verbes  de  la  première  conjugaison  terminés 
en  eler,  eter,  ont  l'accent  sur  i'avant-dernière  syl- 
labe à  l'indicatif  présent,  puisque  la  dernière  devient 
muette  ;  ils  redoublent  alors  le  /  ou  le  ^  ;  appeler, 
j'appelle  ;  jeter,  ia  ]ette.  Mais  le  redoublement  dis- 
parait quand  l'accent  passe  sur  la  dernière  ;  de  là 
cette  irrégularité  apparente  dans  la  conjugaison  des 
diverses  personnes  :  je  iette,  tu  jettes,  nous  je^ns, 
vous  jetez,  ils  je^^ent  ;  j'appe//e,  tu  appe//es,  nous 
appe/ons,  vous  appe/ez,  ils  appe//ent  ;  ce  redouble- 
ment persiste  même  dans  le  corps  du  verbe  quand 
la  voyelle  qui  suit  est  muette  :  je  jetterai,  j'appe/- 
/erai,  bien  que  l'accent  tonique  soit  alors  sur  la 
finale  oi,  toujours  d'après  la  loi  qui  interdit  deux 
syllabes  muettes  de  suite. 

3°  Acce>it  grave  ou  aigu.  —  La  troisième  manière 
de  renforcer  la  tonique  est  de  placer  un  accent 
grave  sur  lavant-dernière  syllabe  quand  elle  est  ac- 
centuée ;  on  le  supprime  quand  elle  est  atone.  Le 
français  a  fréf^uemment  recours  à  ce  signe  ortho- 
graphique pour  renforcer  la  syllabe  accentuée  où 
entre  la  voyelle  e;  c'est  pourquoi  l'on  écrit  :  tiède, 
remède,  nègre,  avec  un  accent  grave,  et  tiédir,  re- 
médier, négresse,  avec  un  accent  aigu.  On  en  trouve 
de  nombreux  exemples  dans  la  formation  du  fémi- 
nin des  substantifs  et  des  adjectifs  ;  ainsi  ouvrier, 
é:olier,  jardinier,  etc.,  prennent  un  accent  grave 
au  féminin  pour  conserver  sa  sonorité  à  la  voyello 
accentuée  :  ouvrière,  écolière,  jardinière.  Il  en  est 
de  même  des  adjectifs  léger,  étranger,  passa- 
ger, etc.,  qui  font  légère,  étrangère,  passagère,  avec 
iin  accent  grave.  Il  faut  ajouter  à  ces  adjectifs  en  er, 
les  six  adjectifs  :  complet,  concret,  discret,  secret, 
inquiet  et  replet,  qui  au  féminin  prennent  un  accent 
grave  sur  la  syllabe  tonique  au  lieu  de  redoubler  la 
consonne.  Ces  mots,  introduits  en  français  par  les 
savants,  ne  se  sont  point  plies  aux  règles  du  re- 
doublement qu'obsers'e  notre  langue  pour  les  mots 
d'origine  populaire. 

Les  verbes  de  la  première  conjugaison  qui  ont 
un  accent  aigu  sur  I'avant-dernière  syllabe,  quand 
la  dernière  est  accentuée,  comme  céder,  posséder, 
exagérer,  régner,  changent  l'aigu  en  grave  quand 
la  dernière  est  atone,  c'est-à-dire  quand  l'accent 
tonique  passe  de  la  dernière  à  I'avant-dernière  syl- 
labe ;  ex.  :  céder,  je  cède  ;  posséder,  je  possède,  etc.; 
l'accent  grave  persiste  même  dans  le  corps  du  mot 
quand  la  syllabe  suivante  est  muette  :  je  céderai, 
tu  posséderas,  etc.  Il  n'y  a  d'exception  à  cette  règle 
que  pour  les  verbes  en  é^r,  qui  prennenttoujours  un 
accent  aigu:  créer,crée;  agréer.agrée. Cette  exception 
s'explique  par  la  raison  que  ée  ne  forme  qu'une 
syllabe,  Ve  muet  ne  comptant  pas  à  la  fin  du  mot. 
Dans  les  verbes  en  éger,  comme  siéger,  alléger, 
on  écrivait  autrefois  il  siège,  j'allège  avec  l'accent 
aigu;  mais,  comme  le  dit  M.  Littré,  cette  irrégu- 
larité orthographique  n'étaic  pas  d'accord  avec  la 
prononciation,  qui  donne  à  celte  désinence  le  son 
de  l'è  ouvert  et  non  celui  de  l'é  fermé.  Aussi 
aujourd'hui  l'Académie  a-t-elle  fait  rentrer  ces 
verbes  dans  la  règle  générale  :  on  écrit  donc  il  siège, 
j'allège  avec  l'accent  grave,  de  même  qu'il  laut 
écrire  collège,  cortèg",  et  non  plus  collège,  cor- 
tège. On  peut  rapprocher  de  l'ancienne  ortho- 
graphe de  l'indicatif  présent  des  verbes  en  ègcr, 
la  première  personne  des  verbes  en  er,  quand  ils 
sont  conjugués  interrogalivement  :  chanté-je? 
ainié-je?  Le  pronom  fait  alors  réellement  partie 
du  mot,  et,  en  vertu  du  principe  que  nous  avons 
énoncé  plus  haut,  la  syllabe  finale,  qui  était  muette 
et  atone  dans  :  je  chant'?,  j'aime,  devient  sonore 
et  accentuée  dans  :  chanté-je,  aimé-je.  Ici  le  ren- 
forcement de  la  syllabe  tonique  se  marque,  comme 
autrefois  dans  l'indicatif  présent  des  verbes  en 
é^e>-,parun  accent  aigu  et  non  par  un  accent  grave. 


Les  verbes  de  la  première  conjugaison  qui  ont 
un  e  muet  à  lavant-dernière  syllabe  de  l'infinitif, 
comme  lever,  mener,  changent  cet  e  muet  en  è  ou- 
vert quand  la  dernière  syllabe  devient  muette, 
parce  que  l'accent  tonique  passe  alors  sur  I'avant- 
dernière  :  je  lève,  je  mène.  Il  en  est  de  même  de 
quelques  verbes  en  eler,  eter,  qui,  au  lieu  de  redou- 
bler /  ou  t,  prennent  un  accent  grave  sur  la  syl- 
labe tonique  :  peler,  je  pèle  ;  acheter,  j'achète.  Nous 
regrettons,  avec  M.  Littré  et  la  plupart  des  gram- 
mairiens, que  ces  verbes  fassent  exception  à  la  règle 
du  redoublement  exposée  dans  le  paragraphe  pré- 
cédent ;  à  part  modeler,  celer,  geler,  haleter,  dont 
l'irrégularité  peut  s'expliquer  par  l'étymologie  (mo- 
àèle,  ce/are,  ge/are,  hali^are) ,  les  autres  verbes 
n'ont  rien  qui  justifie  cette  anomalie. 

L'emploi  de  l'accent  grave  et  le  redoublement  de 
la  consonne  sont  deux  procédés  graphiques  ten- 
dant au  même  but  :  le  renforcement  de  la  voyelle 
accentuée.  On  se  bornait  au  moyen  âge  à  le  mar- 
quer par  la  prononciation  ;  aujourd'hui  qu'il  est 
nécessaire  de  l'indiquer  par  un  signe  extérieur,  il 
conviendrait  de  s'arrêter  à  l'un  de  ces  deuxmoyeus 
orthographiques,  au  lieu  d'hésiter  entre  l'un  et 
l'autre,  et  il  serait  à  souhaiter  que  l'Académie 
française,  choisissant  ou  le  redoublement  de  la  con- 
sonne, ou  l'accent  grave,  l'appliquât  uniformément 
à  tous  les  verbes  en  eler,  eter. 

Exercices. 

Sur  les  règles  générales.  —  1.  Prendre  nne 
phrase  quelconque  du  livre  de  lecture  et  demander 
pour  chaque  mot  quelle  est  la  syllabe  accentuée. 

2.  Faire  remarquer  la  différence  de  prononcia- 
tion correspondant  à  la  différence  d'accent  tonique 
entre  les  suivants  et  d'autres  analogues  : 

un  afQuenf,    ils  af/7uent.  aiguë,  aigue-marine. 

un  pareî!<,      elles  se  parent,     un  expédioi/,  ils  expédient, 
le  président,  qui  président.       pij'îlre,  je  piquerai. 

3.  Montrer  que  l'accent  tonique  change  de  syl- 
labe en  passant  du  primitif  aux  dérivés  : 

riche,  ricAesse,  richement  foile,  fo/ie,  follement. 

fin,  fini,  défini,  définie/.  règle,    régie,   régulière,  rè- 

ancie»,  ancienne,  ancienneté',  glemeni,  régularisé,  régu- 

anciennemenf.  WtTtment. 

solde,  solder,  soldai  solda-  peuple,  peuple',    population, 

iesque.  popuiaire,  popularise. 

4.  Souligner  les  syllabes  atones  dans  : 

crime,  criminel,  criminalilé,     force, /"orçat, /bWeresse,  ren- 
incrimiaée.  forcée. 

4  bis.  Pourquoi  peut-on  faire  rimer  souvent  avec  : 
un  couvent  et  non  avec  :  elles  couvent?  —  avec 
auvent  et  non  avec  :  ils  se  sauvent  ? 

Pourquoi  :  on  pressent,  on  ressent,  ne  riment-ils 
pas  avec  ilspressent,  ils  caressent,  quoiqu'ils  s'écri- 
vent de  même? 

Peut-on  faire  rimer  l'une  avec  l'autre  deux  syl- 
labes atones? 

Sur  ladiphthoxgaisox.  —  5.  Donner  des  mots  de 
la  même  famille  que  les  suivants  et  montrer  le 
changement  qu'a  subi  la  syllabe  accentuée  du  mot 
primitif. 

Ex.  :  de  lièvre,  sont  dérivés  :  lévrier,  levraut, 
levrette;  de  meule,  moulin,  moulinet,  etc. 

I.  ie  devient  e  : 

lièvre,     lévrier,    iBvraut,  matière,  matériaux. 

levrette.  pied,   pédestre,  pédestre- 

cliâlaignier,  c/iàa^'jrneraie.  ment,  pédale. 

chevalier,  chevalerie,  che-  pierre,     perron,     perré, 

valeresque.  pemère. 

iièwre, fébrile,  fébrifuge,  bien,  bénir. 

II.  ai  devient  a  : 
panier.  solidaire,       solidarité. 


pain, 

vain,  vanité'. 

étain,  et  amer. 


vulgaire,        vulgariser. 
germain,       germaniime. 


ACCENTUATION 


11  — 


ACCENTUATION 


clair,  clarté.  grammaire,  grammatical. 

fairo,  famine.  sain,  santé. 

notaire.  notariat.  salaire,  salarié. 

Tolontaire,  volontariat.  séminaire,  séminariste. 

naître,  natal.  contraire,  contrarier. 

braise,  brasier.  commissaire,  commissariat. 

humain,  humanité.  gain,  gagner, 

caisse,  cassette.  littéraire,  littérature. 

III.  e  devient  a  : 

sel,   salin,  saler,  salure,  frère,   fraternel,  fraternité. 

mer,  marin,  marée.  7iei,  nasal,  naseau,  nasiller. 

mère, maternelle,  maternité,  nef,  naval, 

f  ère,  paternel,  paternité,  clef,  clavier. 

IV.  eu,  œu,  œ  deviennent  o  ou  ou  : 

seul,    solitude,    solitaire,  couleur,  coloris,  colorer. 

œuvre,  ouvrier,    ouvrage,  cœur,  cordial,  cordialité. 

vœu,  votif.  neuf,  »i  ou  «eau,  7i  ou  yeautf. 

peuple,  population.  bœuf,  bouvier. 

meilleur,  améliorer.  preuve,  prouver. 
ÛGMT,  fl  oraison,  fl  o  rissant. 

V.  ou  devient  o  on  u  : 
absoudre,       absolution.         pouls,  pvilsation. 
résoudre,        résolution.         sourd,  surdité. 

VI.  e  devient  ie  ou  i  : 

■venir,  je  viens,   viendrai,    lettre,  littéraire,  littérature. 
bref,    brièvement,    brièveté,     cercle,  circulaire. 

VII.  ai  devient  e  : 
vilain,  vilenie.  graine,  grenier. 

VIII.  Changements  divers  dans  la  syllabe  accentuée  : 
doigt,  digital.  ministèro,   ministériel. 

veiller,  teiVZeur.  voix,  voeu/, 

fleuve,  fluvial.  raie,  rayoH. 

pouvoir,  pourra.  cuir,  ro;'iace. 

6.  Faire  sur  un  certain  nombre  des  exemples  pré- 
cédents une  courte  phrase  où  entreront  le  mot 
simple  et  l'un  de  ses  dérivés.  Ex.  :  Un  chaiidelier 
sert  à  porter  la  chandelle;  —  étamer,  c'est  re- 
couvrir d'une  couche  à'étain  la  surface  d'un  mé- 
tal, etc. 

Sur  le  redoublement  de  consonne.  —  7.  Faire 
une  liste  de  dérivés  de  chacun  des  mots  suivants, 
et  dire   pourquoi  chaque  dérivé  n'a   qu'une   con- 
sonne là  où  le  primitif  en  avait  deux. 
chandeHe  ,    —     chandelier,    cerve/le,  —  cervelas, écervelé. 

Chandeleur.  semeHe,  —  (res)semeler. 

étince/le,  —  étinceler.  chapelle,  —  chapelain, 

dentelle,  —   dentelé,   dente-    charrette,  —  charreter,  char- 

lure.  retée,  charrelier. 

éche/le,  —  échelon. 

8.  Former  ie  féminin  des  mots  suivants  : 
chien,  essentiel, 

gardien,  ofQciel, 

comédien,         usuel, 
prussien,  net, 

réel,  poulet. 


européen,  ministériel, 

citoyen,  solennel, 

magicien,  paternel, 

formel,  brunet, 

naturel,  rondelet. 


9.  Dans  les  mots  ci-dessous,  pourquoi  la  con- 
sonne l  est-elle  quelquefois  redoublée  ?  (Elle  l'est 
chaque  fois  que  la  voyeile  suivante  est  atone.) 
muselons,  musellent.  muselleront, 
ruisselant,                  ruissellent,  ruisselleront, 
denteler,                    dentelles,  dentellera, 
chancelèrent,            chancellent,               chancelleraient, 
attelage,                     attelle,                        attellerons, 
nivelâmes,                 nivelle,                      nivellement. 

10.  Dans  les  mots  ci-dessous,  montrer  que  la 
consonne  t  se  redouble  quand  la  voyelle  suivante 
est  atone. 

je  tèrent,  caque  taient,  feuille  t  terez, 

Jjstant,  empaquetterons,      feuilleter, 

je/tent,  empaqueter,  cacheter, 

caque  t  teras,  feuille  t  te,  cache  t  tent. 

Sur  l'accent  gr.we  ou  aigu.  —  11.  Former  le 
féminin  des  mots  suivants  et  dire  pourquoi  il  porte 
un  accent  grave. 

vacher,  dernier,  boucher,  régulier, 

berger,  complet,  boulanger,        guerrier, 

léger,  discret,  écolier,  concret, 

hospitalier,      inquiet,  passager,         secret. 


12.  Dans  les  mots  ci-dessous,  quand  faut-il  l'ac- 
cent grave,  quand  faut  il  l'accent  aigu  ?  (Le  premier 
quand  la  syllabe  qui  suit  est  atone,  le  second  dans 
le  cas  contraire.) 

empi  è  te,  ce  dassent,  toi  e'rance, 

empi  é  tons,  obs  è  dent,  Tén  é  rous, 

empi  è  tement,  obs  é  dèrent,  \éu  è  re, 

complétant,  différassent,  lacérer, 

complète,  ditîèreras,  libérera, 

interpréteras,  espérant,  libérateur, 

interprétâmes,  espèrent,  modériez, 

s  é  chant,  ait  é  ra,  mod  é  re, 

s  é  ches,  ait  é  res,  accél  é  ré, 

c  é  deront,  toi  é  reraient,  accél  è  re. 

13.  Dans  les  mots  ci-dessous,  que  deviendra  Te 
du  radical  verbal,  quand  la  voyelle  suivante  sera 
atone  ?  (Il  prend  l'accent  grave.) 

ach  e  ter,  ach  è  terons.  g  e  1er,  g  è  le. 

mart  e  lions,  mart  é  le.  s  e  mons,  s  é  me. 

mod  e  1er,  mod  é  le.  cr  e  vaient,  cr  é  ve. 

menions,  mèneraient.  levâmes,  lèvera. 

14.  Souligner  d'un  trait  la  syllabe  ent  atone  et  de 
deux  traits  la  syllabe  eut  quand  elle  peut  rimer 
avec  ant  (c.-à-d.  est  accentuée)  dans  ces  vers  : 
Mais  qui  peut  dans  sa  course  arrêter  ce  torrent.' 
Achille  va  combattre  et  triomphe  en  courant. 

[Racine.] 
On  entendait  le  bruit  de  cent  mille  soldats, 
Les  roulements  des  chars,  les  coursiers  qui  hen- 

[nissew', 
Les  ordres  répétés  qui  dans  l'air  retentissent. 
Ou  le  bi'uit  des  drapeaux  soulevés  par  les  vents. 
Qui,  dans  les  camps  rivaux,  flottaient  à  plis  mou- 

[vants. 
Je  sens  en  moi  certain  agent; 
Tout  obéit  dans  ma  machine 
A  ce  principe  intelligent  : 
Il  est  distinct  du  corps,  se  conçoit  nettement. 

I^La  Fontaine.] 
Mais  pourquoi  pour  ces  gens  un  intérêt  si  grand. 
Vous  qui  condamneriez  ce  qu'en  eux  on  reprend! 

[Molière.] 
Au  moins  dix  ans,  mon  père,  accordez-moi  dix  ans, 
Et  je  vous  comblerai  d'honneurs  et  de  présents. 
[C.  Delavigne.] 

ACCENT   GRAMMATICAL. 

L'accent  grammatical  sert  à  modifier  le  son  des 
voyelles. 

Le  français  emploie  trois  sortes  d'accents  :  l'ac- 
cent aigu  (  '),  l'accent  grave  ( '' )  et  l'accent  cir- 
conflexe (  '^  ). 

Il  ne  faut  pas  confondre  l'accent  grammatical  et 
l'accent  tonique  ;  le  premier  se  marque  dans  l'é- 
criture, le  second  se  fait  seulement  sentir  dans  la 
prononciation,  (-es  deux  accents  se  trouvent  quel- 
quefois sur  la  môme  syllabe,  comme  dans  bon^é, 
succès,  /"ete,  mais  c'est  une  coïncidence  toute  for- 
tuite.'Ainsi,  l'accent  tonique  dans  féie,  est  sur  la 
syllabe  surmontée  d'un  accent,  et  dans  fête»'  sur 
la  syllabe  qui  suit. 

1°  Accent  aigu.  —  L'accent  aigu  se  place  seule- 
ment sur  les  é  fermés  :  né,  aimé;  excepté  dans 
les  mots  terminés  en  et,  ez  et  e?'  lorsque  »•  y  est 
muet  :  eïïef,  nez,  aimer.  Cet  accent  sert  à  marquer 
la  suppression  de  Vs  initial  dans  les  mots  tels 
que  :  état  (statum),  épi  (spica),  épice  (.species), 
échelle  (scala),  écrin  (scrinium),  étable  (stabulum), 
étude  (studium),  etc.  (A.  Brachet,  Dictiomiaire 
étymologique,  p.  216.) 

2°  Accent  grave.  —  L'accent  grave  se  place  sur 
les  voyelles  a,  e,  ou.  Il  se  met  sur  les  è  ouverts  : 
prophète,  succès  ;  sauf  quand  l'e  est  suivi  de  deux 
consonnes,  comme  dans  :  pes^e,  terre,  trompette  ; 
ou  qu'il  termine  le  mot  et  est  suivi  d'un  r  sonore, 
comme  dans  :  fer,  hive?'.  On  excepte  aussi  les  mo- 
nosyllabes les,  }nes,  tes,  ses,  est,  es.  Il  sert  à  dis- 
tinguer (les  article  de  dès  préposition,  où  adverbe 


ACCENTUATION 


—  12  — 


de  on  conjonction;  à  préposition  de  a  verbe;  là 
adverbe  de  la  article  ou  pronom.  On  le  place  aussi 
sur  les  mots  çà,  déjà,  et  sur  les  composés  de  la  : 
holà,  delà,  voilà. 

L'accent  grave  sert  à  marquer  la  suppression  de 
Vs  dans  quelques  mots  :  centième  (centesimus), 
huitième  (octeiimus),  comme  nèfle (mespilum),  etc. 

Les  mots  terminés  en  ége  :  collège,  cortège,  etc., 
gardaient  autrefois  l'accent  aigu  ;  l'Académie  les 
écrit  aujourd'hui  avec  l'accent  grave, co//è^e,cor^è^e. 

Enfin,  comme  on  Ta  vu  plus  haut,  l'accent  grave 
se  met  sur  l'e  de  l'avant-dernière  syllabe  d'un  mot 
quand  ce  mot  est  terminé  par  une  syllabe  muette  : 
lève,  mène,  fièvre,  tiède,  cède  ;  mais  il  est  supprimé 
ou  remplacé  par  un  accent  aigu  quand  la  syllabe 
suivante  devient  sonore  :  lever,  mener,  fiévreux, 
tiédir,  céder. 

3°  Accent  circonflexe.  —  L'accent  circonflexe  se 
place  sur  toutes  les  voyelles  a,  e,  i,  o,  u,  eu,  ou, 
quand  ces  voyelles  sont  longues  et  qu'il  y  a  con- 
traction ou  suppression  de  lettres. 

Il  indique  la  contraction  de  deux  voyelles  dans 
les  mots  suivants  :  âge  (que  l'on  écrivait  autrefois 
aage),  bâiller  (baailler),  câble  (caable),  soûl  (saoul), 
vêler  (veeler),  flûte  {ûaùie),  piqûre  (piquure),  mûr 
(mewr),  sûr  (seur),  crû  (crew),  dû  (àeu),  jeûne 
(jewne)  ;  ou  la  suppression  d'un  e  muet  après  une 
voyelle  dans  :  dévoî/ment,  abo?'ment,  goîté,  remer- 
cJment,  etc.,  mots  que  l'on  écrit  aussi  avece;  dé- 
vouement, aboiement,  etc.  (Ayer,  Grammaire  com- 
parée, p.  24.) 

Mais  l'accent  circonflexe  sert  le  plus  souvent  à 
marquer  la  suppression  d'un  s  ;  «pre,  bâton,  arrêt, 
be'te,  fe'te,  abîme,  épitre,  apdtre,  côte,  brî<ler.  hù- 
che,  gOMt,  croûte,  etc.,  que  l'on  écrivait  autrefois  : 
aspre,  bavton,  arrest,  be^te,  fe^te,  abisme,  epi^tre, 
apostre,  coste,  brusler,  busche,  gou.ft,  crou^te. 
«  Cet  s  fut  prononcé  jusqu'au  treizième  siècle,  puis 
il  disparut,  mais  en  allongeant  la  voyelle  qui  le 
précédait,  et  on  eut  alors  la  prononciation  en  ê  : 
bête,  fête,  tête.  Cependant,  bien  qu'il  ne  se  pro- 
nonçât plus,  cet  s  persista  plusieurs  siècles  encore 
dans  l'écriture  ;  toutes  les  éditions  du  Dictionnaire 
de  l'Académie  française  jusqu'en  174i>  écrivent 
encore  beste.  fexte.  teste,  et  Bossuet,  Racine,  Boi- 
ieau,  etc.,  n'écrivaient  pas  autrement.  »  (Brachet, 
Nouvelle  grammaire,  p.  19.)  Cet  s  étymologique 
reparaît  souvent  dans  les  dérivés  :  aspérité,  bas- 
tonnade, bestial,  festin,  etc. 

C'est  cette  suppression  de  la  lettre  s  qui  amène 
l'accent  circonflexe  à  certaines  personnes  des  ver- 
bes :  fûtes  (latin  fuistis),  fût  (fuisset),  eûtes 
(ha(b)uistis).  eût  (ha(b)uisset),  aimâtes  (amastis),  etc. 
Dans  fûmes,  eûmes  (luimus,  ha(b"iuimus),  qui  n'a- 
vaient point  de  s,  l'accent  circonflexe  est  une  er- 
reur du  seizième  siècle  et  une  faute  contre  l'éty- 
mologie. 

Cet  accent  sert  enfin  à  distinguer  l'un  de  l'autre 
deux  mots  qui  s'écrivent  de  même,  bien  qu'ayant 
des  acceptions  difi"érentes  :  mrftin  et  matin,  fore't  et 
foret,  niîir  et  raur,  iû  et  tw,  nôtre  et  notre,  etc.  : 
différences  d'orthographe  qui  s'expliquent  par  l'é- 
tymologie  de  chacun  de  ces  mots,  sauf  pour  jiotre 
et  7iôtre,  votre  et  vôtre,  dont  l'orthographe  est 
difi"érente  bien  qu'ils  aient  la  même  origine.  «  Le 
latin  nostrum  donna  le  vieux  français  nostre,  qui 
remplaça  régulièrement  s  par  un  accent  circonflexe 
marquant  l'allongement  de  la  voyelle,  d'où  nôtre, 
comme  teste,  beste  sont  devenus  tête,  bête.  —  Nôtre, 
vôtre  (dans  le  nôtre,  le  vôtre)  sont  donc  les  vraies 
formes  ;  mais  ces  mots  se  sont  allégés  et  abrégés 
quand  nôtre,  vôtre  précédaient  immédiatement  un 
nom,  sur  lequel  se  portait  naturellement  tout  l'ef- 
fort de  l'accent  tonique.  Au  lieu  de  dire  ndtre 
âme,  qui  eût  été  réguUer,  mais  sans  relief,  on  allé- 
gea l'adjectif  pour  reporter  tout  l'efl'ort  de  la  voix 
sur  le  substantif,  d'où  :  7ioti'e  âme.  »  (Brachet, 
Nouvelle  grammaire,  p.  96.) 


ACCENTUATION 


Exercices. 


15.  Indiquer  quel  est  le  sens  des  mots  suivants, 
selon  que  la  voyelle  est  longue  ou  brève. 

malin,  gros  chien  de  garde.  matin,  première  partie    du 

jour. 

forét,  ieiTain  plante'  de  tois.  (orei,  instrument  pour  percer, 

pêcheur,  celui  qui  pêche,  pécheur,  qui  commet  des  pé* 

chés. 

mur,  parvenu  à  maturité',  mur,  ouvrage  de  maçonnerie. 

bât,  espèce  de  selle.  bat,  verbe  battre. 

châsse,  coffre  contenant  des  chasse,   poursuite    des  ani- 

reliques.  maux  sauvages. 

fût,  tonneau  pour  mettre  le  fut,  verbe  être. 

vin. 

tâche,  travail  à  faire.  tache,  marque  qui  salit, 

acre,  qui  est  piquant  au  goût,  acre,  mesure  agraire, 

td^he,  sommet  d'un  édifice.  l»\\.e,  chose  formée,  exécutée. 

crû,  verbe  croitre.  cru,  verbe  croire. 

dû,  verbe  devoir.  du,  article  mis  pour  de  le. 

jeûne,   privation  de  nourri-  jeune,  peu  avancé  en  âge. 

ture. 

sûr,  certain,  digne  de  con-  sur,  qui  a  vn  goût  acide. 

fiance. 

16.  Donner  des  mots  de  même  famille  que  les 
mots  suivants  qui  gardent  ïs  et  qui  par  conséquent 
n'ont  pas  l'accent  ciixonflexe. 

arrêt,  arrestation.  Pâques,  pascal. 

apôtre,  apostolique.  -vêpres,  vespéral. 

épitre,  épistolaire.  rêtir,  veste. 

bâtonncr,  bastonnade.  é-rèque,  épiscopal,  épiscopat. 

hôpital,  hospitalier.  pâtre,  //auteur,  pastoral. 

côte,  costal,  accoster.  intérêt,  intéresser. 

iéle,  teston  [monnaie  qui  re-  protêt,  prolester. 

présentait  la  tête  du  roi.)  bête,  bestial,  bestiaire. 

fête,  festival,  festin.  prêtre,  presbylère. 

forêt,  forestier.  blâme,  blasptiéme. 

baptême,  baptismal,  goût,  déguster, 

ACCENT  ORATOIRE. 
Tandis  que  l'accent  tonique  s'exerce  sur  les 
syllabes  d'un  mot,  l'accent  oratoire  s'applique  aux 
mots  composant  la  phrase.  Par  diverses  inflexions 
de  voix,  par  un  ton  plus  ou  moins  élevé,  il  ex- 
prime les  affections  diverses  dont  celui  qui  lit 
ou  qui  parle  est  agité,  et  les  communique  à  ceux 
qui  l'écoutent.  Le  discours  est  en  effet  une 
espèce  de  chant,  a  dit  Cicéron,  et  comme  la  musi- 
que, il  a  sa  tonalité,  son  diapason,  ses  modulations. 
Qu'il  s'agisse  de  prose  ou  vers,  l'accent  [oratoire 
ou  prosodique)  est  l'art  d'approprier  pour  ainsi 
dire  les  nuances  de  la  voix  à  celles  de  la  pensée 
ou  du  sentiment.  «  On  interroge,  on  répond,  on 
raconte,  on  fait  un  reproche,  on  querelle,  on  se 
plaint;  il  y  a  pour  tout  cela  des  tons- différents  ;  et 
la  voix  humaine  est  si  flexible  qu'elle  prend  natu- 
rellement, et  sans  eff'ort,  toutes  les  formes  propres 
^  caractériser  la  pensée  ou  le  sentiment.  Elle  s'é- 
lève ou  s'abaisse,  elle  se  fortifie  ou  s'afl'aiblit.  Tou- 
tes les  passions,  en  un  mot,  ont  leur  accent  :  et  les 
degrés  de  chaque  passion  pouvant  être  subdivisés 
à  l'infini ,  de  là  il  s'ensuit  que  l'accent  oratoire  est 
susceptible  d'une  infinité  de  nuances,  qui  ne  coû- 
tent rien  à  la  nature  et  que  l'oreille  saisit,  mais 
que  l'art  ne  saurait  démêler.  »  (Abbé  d'Olivet, 
Traité  de  la  prosodie  française.) 


ACCENT  PROVINCIAL. 

On  désigne  sous  ce  nom  l'intonation  propre  à 
chaque  province  et  difi'érente  de  l'intonation 
du  bon  parler  de  Paris,  prise  pour  règle.  C'est 
dans  ce  sens  qu'on  dit  que,  pour  bien  parler,  il 
ne  faut  pas  avoir  d'accent ,  c'est-à-dire  qu'il  ne 
faut  avoir  aucun  de  ces  accents  propres  à 
la  province  ;  car,  dans  un  sens  général,  il  faut  bien 
avoir  un  accent,  puisqu'il  est  impossible  de  parler 
sans  accentuer  ce  qu'on  dit.  11  y  a  autant  d'accents 
en  France  que  nous  avons  de  provinces  ;  on  peut 
môme  soutenir  que  la  prononciation  varie  d'une 


ACCIDENTS 


—  13  — 


ACCIDENTS 


ville  à  l'autre.  Aucune,  du  reste,  ne  peut  se  vanter 
de  parler  d'une  manière  absolument  pure  ;  à  Paris 
môme,  les  sons  mouillés  gn  et  ill  sont  souvent  dé- 
naturés par  le  peuple,  qui  prononce  i'ifoble  pour 
ignoble,  td/ieur  pour  tailleur,  pdye  pour  paj71e,  etc. 

Les  principaux  accents  que  l'on  peut  signaler  en 
France  sont  :  l'accent  normand,  l'accent  picard, 
l'accent  gascon,  l'accent  provençal,  l'accent  bour- 
guignon, qui  correspondent  à  autant  de  dialectes. 
L'un  allonge  les  syllabes,  l'autre  donne  partout 
au  c  un  son  dur  et  aspiré,  l'autre  traîne  sur  les 
voyelles  ou  prononce  tous  les  e  comme  des  «  fer- 
més ;  défauts  qu'il  faut  éviter  ou  du  moins  corriger 
par  la  fréquentation  assidue  des  gens  qui  parlent 
correctement.  [J.  Dussouchet.] 

ACCIDENTS-— Hygiène,  XIIL— Les  enfants  sont 
sujets  aux  accidents  de  toute  sorte,  par  suite  de 
leur  impétuosité  et  de  leur  inexpérience.  Parmi  les 
accidents  il  en  est  un  grand  nombre  qui  font  partie, 
pour  ainsi  dire,  de  la  vie  de  l'enfant,  contre  lesquels 
il  doit  s'aguerrir,  qu'il  n'apprend  à  éviter  que  par 
sa  propre  expérience,  et  au  prix  de  petites  douleurs 
qui  lui  valent  d'utiles  leçons  :  telles  sont  les  chu- 
tes, contusions,  égratignures,  piqûres,  coupures, 
brûlures  légères.  Une  sollicitude  exagérée,  inintel- 
ligente, porte  souvent  les  parents  à  priver  l'enfant 
de  toute  activité,  de  toute  initiative,  pour  le  mettre 
à  l'abri  de  ces  petits  malheurs  ;  mais  l'enfant  élevé, 
comme  l'on  dit,  dans  du  coton,  est  exposé,  dans  la 
suite,  à  de  plus  rudes  expériences,  contre  lesquelles 
il  se  trouve  sans  défense  comme  sans  courage. 

Une  foule  d'accidents  légers  sont  inévitables  ;  le 
mieux  est  donc  d'en  prendre  son  parti,  et  d'obliger 
les  enfants  à  la  philosophie  en  feignant,  au  besoin, 
la  plus  grande  indifférence  pour  les  petites  odyssées 
dont  ils  viennent,  tout  en  pleurs,  raconter  les  pé- 
ripéties. 

Mais  la  vigilance  des  parents,  des  maîtres,  doit 
ôtre  sans  cesse  en  éveil  pour  éviter  des  accidents 
graves,  et  s'ils  n'ont  pu  les  prévenir,  il  importe  qu'ils 
sachent  en  apprécier  la  nature  et  l'importance,  y 
remédier  eux-mêmes  dans  les  cas  les  plus  simples, 
donner  avec  intelligence  les  premiers  soins  en  at- 
tendant l'arrivée  du  médecin. 

Nous  allons  passer  en  revue,  par  ordre  alphabé- 
tique, les  accidents  les  plus  fréquents,  ceux  qu'il 
importe  le  plus  de  bien  connaître,  en  indiquant 
la  médication  à  suivre.  Un  article  spécial  sera  con- 
sacré à  l'Asphyxie.  On  trouvera  aussi  quelques 
indications  aux  mots  Alcooliques  {Boissons),  Poi- 
sons, Tabac. 

BRULURE.  —  Qu'elles  soient  causées  par  la  proxi- 
mité d'un  brasier  ardent,  par  la  flamme,  un  char- 
bon en  ignition,  un  métal  chauffé  ou  un  liquide 
caustique,  les  brûlures  peuvent  se  diviser  en  trois 
degrés,  qui  comprennent  la  rubéfaction,  la  vésica- 
tion  et  Y escarrification.  Dans  le  premier  degré  il 
y  a  seulement  rubéfaction  ou  rougeur  de  la  peau 
comme  dans  l'application  d'un  sinapisme,  mais  la 
douleur  est  vive  et  l'épiderme  tombe  au  bout  de 
quelques  jours.  Dans  le  deuxième  degré  l'effet  est 
comparable  k  celui  d'un  vésicatoire  :  il  se  forme  des 
ampoules  pleines  de  liquide  ;  la  partie  supérieure 
de  la  peau,  en  se  reformant,  laisse  voir  quelque- 
fois une  cicatrice  froncée  peu  apparente.  Dans  le 
troisième  degré  toute  l'épaisseur  de  la  peau  et  sou- 
vent les  tissus  qu'elle  recouvre  sont  frappés  de 
mort  ;  la  partie  ainsi  détruite  se  nomme  escan-e. 
Un  cautère  produit  une  brûlure  de  ce  genre. 

La  gravité  d'une  brûlure  dépend  moins,  dans  bien 
des  cas,  de  sa  profondeur  que  de  son  étendue.  Chez 
les  enfants  surtout,  la  rubéfaction  d'une  portion 
considérable  du  corps  peut  amener  la  mort.  La 
suppuration  qui  succède  à  la  chute  des  escarres 
affaiblit  souvent  le  malade  au  point  de  le  faire  suc- 
comber. 

Le  traitement  est  toujours  très-simple.  Pour  le 
premier  degré,  eau  fraîche  en  bain  ou  en  lotions, 


puis  application  de  coton  cardé.  Pour  le  deuxième 
degré  il  faut  piquer  et  vider  les  ampoules  et  ap- 
pliquer sur  la  peau  l'épiderme  décollé,  puis  recou- 
vrir d'un  linge  mouillé  que  l'on  rafraîchit  souvent. 
Lorsque  la  douleur  est  calmée,  on  recouvre  de  coton 
qu'on  laisse  en  place  jusqu'à  guérison,  c'est-à-dire 
pendant  dix  à  douze  jours  ;  lorsqu'il  s'imbibe  de 
sérosités,  on  le  couvre  de  couches  nouvelles.  A  dé- 
faut de  coton,  on  peut,  au  moins  provisoirement, 
employer  de  la  farine  de  blé.  Quant  aux  brûlures 
du  troisième  degré,  elles  réclament  les  soins  d'un 
médecin  ;  on  ne  peut,  en  l'attendant,  qu'employer 
les  lotions  d'eau  fraîche  et  soutenir  les  forces  par 
des  boissons  toniques  chaudes,  ne  contenant  pas 
d'alcool. 

Rappelez-vous  surtout  qu'il  n'y  a  pas  de  remède 
contre  la  brûlure,  que  l'on  doit  se  borner  à  rafraî- 
chir et  à  empêcher  le  contact  de  l'air  :  la  nature 
fait  le  reste.  Le  liniment  oléo-calcaire,  composé 
d'eau  de  chaux  et  d'huile  d'olives,  la  gelée  de  gro- 
seilles, la  pulpe  de  pomme  de  terre,  ne  possèdent 
aucune  vertu  propre,  mais  agissent,  en  se  dessé- 
chant, comme  la  farine  et  le  coton;  ils  s'opposent 
au  contact  de  l'air:  de  là  vient  leur  réputation. 

CHARBON.  —  Le  cfiarbon  ou  anthrax  malin  se 
confond  souvent  avec  la  pustule  maligne  ;  on  le 
distingue  cependant  de  cette  dernière  en  ce  qu'il 
peut  se  développer  spontanément,  tandis  que  la  pus- 
tule maligne  résulte  toujours  de  la  contagion  occa- 
sionnée par  les  animaux  atteints  du  charbon  ou  par 
leurs  dépouilles. 

La  pustule  maligjte  est  une  inflammation  gan- 
greneuse de  la  peau  causée  par  le  contact  ou  l'ino- 
culation du  sang  ou  des  humeurs  d'animaux  sur- 
menés ou  atteints  du  charbon  :  elle  est  souvent 
produite  par  la  piqûre  d'une  mouche  qui  trans- 
porte avec  elle  le  venin.  A  une  petite  vésicule  suc- 
cède une  plaque  grisâtre  autour  de  laquelle  la  peau 
s'enflamme  et  forme  bourrelet  :  ce  centre  gangre- 
neux s'élargit  rapidement,  et  l'inflammation  s'étend 
à  mesure  ;  bientôt  se  manifestent  les  symptômes 
d'une  maladie  grave,  abattement,  peau  et  langue 
sèches,  pouls  petit  et  fréquent,  syncopes  et  mort, 
dans  un  délai  de  deux  à  huit  jours.  Quelquefois, 
mais  rarement,  la  gangrène  se  limite  d'elle-même 
et  le  malade  guérit.  Ce  qui  distingue  surtout  le 
charbon  de  la  pustule  maligne,  c'est  que  la  maladie 
commence  par  du  malaise,  de  l'abattement,  des 
douleurs  au  creux  de  l'estomac,  une  tendance  à  la 
syncope.  Il  se  forme  une  petite  tumeur  bleuâtre  au 
milieu,  rouge  à  sa  circonférence,  recouverte  de  vé- 
sicules qui  se  rompent  et  laissent  voir  la  peau  mor- 
tifiée. La  gangrène  gagne  rapidement  du  terrain,  la 
fièvre  devient  intense,  la  langue  est  sèche  et  noire 
et  le  malade  meurt  dans  la  torpeur  ou  le  délire. 

Pour  le  charbon  plus  encore  que  pour  la  pustule 
maligne,  il  faut  agir  dès  le  début  et  appeler  immé- 
diatement un  médecin.  En  son  absence,  dès  que  la 
maladie  est  reconnue  par  la  formation  de  la  plaque 
dure  entourée  d'une  auréole  rouge  et  vésiculeuse, 
il  faut,  sans  hésiter,  pratiquer,  en  croix,  sur  la  pla- 
que, deux  incisions  longues  de  deux  à  trois  centi- 
mètres, profondes  de  quatre  à  cinq  millimètres, 
faire  saigner  les  plaies  et  les  cautériser  deux  ou 
trois  fois  avec  une  forte  lame  de  couteau  rougie  au 
feu.  De  la  charpie  imbibée  de  vitriol  (acide  sulfu- 
rique)  ou  d'ammoniaque  pure  remplacerait,  à  la 
rigueur,  la  cautérisation  par  le  fer  rouge.  Le  point 
le  plus  important,  c'est  d'inciser  en  proportion  des 
progrès  du  mal,  et  de  cautériser  jusqu'aux  parties 
saines. 

CONGÉLATION.  —  Le  froid  produit  sur  nos  tissus 
des  efl"ets  analogues  à  ceux  de  la  chaleur,  la  peau 
se  rubéfie,  se  couvre  d'ampoules,  il  peut  même  se 
former  des  escarres.  Dans  la  congélation  ou  gelure 
à  tous  degrés,  on  doit  éviter  de  réchauffer  rapide- 
ment la  partie  atteinte:  il  faut  la  baigner  ou  la  lo- 
tionner  avec  de  l'eau  à  cinq  ou  six  degrés  qu'on 


ACCIDENTS 


—  1/1 


ACCIDENTS 


élève  graduellement  jusqu'à  18  à  20  degrés.  On  ad- 
ministre, en  même  temps,  des  boissons  aromatiques 
chaudes. 

Pour  les  engelures,  le  moyen  préservatif  consiste 
à  se  frotter  les  pieds  et  les  mains  dès  le  commen- 
cement de  riiiver  avec  de  la  neige  ou  de  l'eau  très- 
froido,  et  à,  ne  s'approcher  du  feu  qu'avec  précau- 
tion, lentement,  quand  les  extrémités  ont  été  sou- 
mises au  froid.  Lorsqu'il  y  a  des  crevasses  ou  des 
ulcérations,  la  glycérine  réussit  souvent  à  les  gué- 
rir; si  elles  résistent,  on  les  cautérise  avec  un 
crayon  de  nitrate  d'argent. 

CONTUSION.  —  La  contusion  est  produite  par  le 
choc  ou  la  pression.  Dans  les  cas  les  plus  simples 
il  y  a  seulement  rupture  de  petits  vaisseaux  au- 
dessous  de  la  peau,  et  le  sang  qui  en  sort  produit 
Vecchymose,  tache  bleuâtre  qui  passe  par  le  verdâ- 
tre  et  le  jaune  à  mesure  que  le  sang  extravasé  est 
résorbé.  Quelquefois  il  se  forme  une  tumeur  molle 
remplie  de  sang  épanché. 

Le  traitement  de  la  contusion  consiste  à  favoriser 
la  résorption  du  sang  et  à  éviter  l'inflammation. 
Pour  les  simples  ecchymoses  les  compresses  d'eau 
froide  suffisent  d'ordinaire,  mais  dans  les  cas  un 
peu  graves  il  vaut  mieux  employer  les  cataplasmes 
de  farine  de  graine  de  lin  ou  de  mie  de  pain.  Lors- 
qu'il y  a  une  bosse  sanguine,  le  mieux  est  d'ouvrir, 
par  la  ponction,  une  issue  au  sang  extravasé  dont 
la  présence  pourrait  produire  un  abcès.  Quant  aux 
résolutifs  populaires,  infusion  de  boule  de  Nancy, 
eau  blanche,  eau  salée,  arnica,  s'ils  sont  inutiles, 
ils  sont  au  moins  inoffensifs.  En  stimulant  la  cir- 
culation, ils  peuvent  même  activer  la  résorption. 

CONVULSIONS.  —  Les  jeunes  enfants  sont  très- 
sujets  aux  convulsions.  Chez  eux  ce  n'est  pas  tou- 
jours un  symptôme  alarmant,  puisqu'elles  résultent 
fréquemment  d'une  colique,  d'une  piqûre  d'épingle, 
d'une  frayeur,  d'un  accès  de  colère  et  du  travail  de 
la  dentition.  Mais  comme  elles  peuvent  avoir  pour 
cause  un  désordre  grave  du  cerveau  ou  de  la  moelle 
épinière,  annoncer  une  maladie,  comme  la  petite 
vérole,  il  est  prudent  de  prendre,  à  leur  sujet, 
l'avis  du  médecin. 

Les  convulsions  qui  sont  dues  à  un  dérangement 
passager  disparaissent  souvent  lorsque  l'on  débar- 
rasse l'estomac  ou  l'intestin  en  faisant  vomir  ou 
en  purgeant  légèrement  ;  dans  beaucoup  de  cas  il 
suffit  d'appliquer  sur  le  ventre  et  l'estomac  des 
flanelles  chaudes  ou  de  placer  l'enfant  dans  un  bain 
chaud. 

Pour  les  adultes,  les  convulsions  exigent  d'ordi- 
naire un  traitement  médical.  Tout  ce  que  l'on  peut 
faire,  en  attendant,  c'est  de  desserrer  les  vêtements 
et  de  placer  le  malade  dans  des  conditions  où  il  ne 
puisse  se  blesser.  On  pourra  essayer  aussi  l'appli- 
cation de  flanelles  chaudes  et  donner  quelques  tas- 
ses de  boisson  aromatique  chaude,  sans  alcool, 
pourvu  que  la  personne  puisse  boire  sans  efTort.  Il 
est  inutile  ou  imprudent  d'aller  plus  loin. 

CORPS  ÉTRANGERS.  —  Nous  ne  nous  occuperons 
que  des  corps  étrangers  qui  pénètrent  accidentel- 
lement dans  l'œil,  dans  le  nez  ou  dans  l'oreille. 
»i  Lorsqu'un  corps  étranger,  cil,  grain  de  poussière, 
moucheron,  s'est  introduit  entre  l'œil  et  la  pau- 
pière, faites  incliner  fortement  la  tête,  de  sorte  que 
les  larmes  ne  puissent  plus  s'écouler  par  le  nez, 
puis,  comprimant  légèrement  les  paupières,  faites- 
les  glisser  latéralement  sur  l'œil  en  même  temps 
qu'elles  exécutent  un  mouvement  de  clignotement 
rapide  :  les  larmes  entraîneront  d'ordinaire  le  corps 
étranger.  S'il  résiste,  le  plus  simple  est  de  rouler 
entre  les  doigts  im  fragment  de  papier,  de  l'humec- 
ter de  salive,  et  de  s'en  servir  pour  faire  glisser  le 
corps  étranger  entre  l'œil  et  la  paupière.  Si  un 
fragment  de  verre  ou  de  métal  de  forme  anguleuse 
avait  pénétré  dans  les  tissus,  on  essayerait  d'abord 
do  le  dégager  par  une  pression  douce  autour  du 
point  de  pénétration,  des  mouvements  oscillatoires 


légers,  et  enfin,  s'il  y  a  lieu,  au  moyen  d'une  petite 
pince. 

S'il  s'agit  d'un  caustique  solide  ou  liquide,  em- 
ployez immédiatement  l'eau,  en  abondance,  car  le 
temps  manque  pour  préparer  une  eau  acidulée  con- 
tre les  alcalis,  une  eau  alcaline  contre  les  acides.  II 
faut,  dans  ces  cas,  ouvrir  de  force  l'œil  et  y  faire 
tomber  un  filet  d'eau  continu.  Surtout,  pour  peu 
que  le  cas  présente  de  gravité,  n'hésitez  pas  à  appe- 
ler le  médecin,  et,  en  l'attendant,  n'employez  que 
l'eau  fraîche  en  lotions  ou  en  compresses. 

COUP  DE  SOLEIL.  —  C'est  la  forme  la  plus  légère  et 
la  plus  ordinaire  de  Vinsolation  ;  il  consiste  en  une 
simple  brûlure  de  la  peau  et  ne  réclame  pas  d'autre 
traitement.  Mais  s'il  se  déclare  de  la  fièvre  et  des 
signes  de  congestion  cérébrale,  en  attendant  le  mé- 
decin, appelé  sans  retard,  un  bain  de  pieds  très- 
chaud,  des  boissons  acidulées,  non  alcooliques,  des 
applications  d'eau  froide  sur  la  tête,  voilà  tout  ce 
que  vous  devez  considérer  comme  de  votre  com- 
pétence. 

COUP  DE  SANG.  —  On  désigne  ainsi  une  congestion 
du  cerveau  distincte  de  Vapoplexie  en  ce  qu'elle 
n'est  jamais  compliquée  par  la  rupture  de  petits 
vaisseaux  sanguins,  mais  dans  le  langage  usuel  on 
confond  sous  le  nom  de  coup  de  sang  la  congestion 
cérébrale  et  l'apoplexie.  Notons  cependant  qu'il  y  a 
une  espèce  d'apoplexie  causée  par  le  manque  de 
circulation  dans  le  cerveau  et  que  le  médecin  peut 
seul  la  reconnaître.  Le  traitement  étant  difl"érent,  on 
voit  qu'il  importe  d'avoir  promptement  un  aviséclairé. 

Les  émotions  vives,  la  chaleur,  les  vêtements  trop 
serrés,  les  excès  peuvent  occasionner  le  coup  de 
sang.  On  éprouve  d'abord  des  maux  de  tête,  des 
troubles  de  la  vue,  des  bourdonnements  d'oreilles  ; 
mais  souvent  l'attaque  commence  brusquement,  le 
malade  tombe  sans  connaissance,  le  pouls  est  plein 
et  dur,  la  face  rouge  et  comme  gonflée. 

Les  secours  provisoires  sont  les  suivants  :  bain  de 
pieds  jD?'is  debout,  s'il  se  peut,  dans  un  vase  profond, 
purgation,  boissons  acidulées,  compresses  d'eau 
froide  sur  la  tête,  position  assise  dans  le  lit.sinapis- 
mes  aux  jambes  et  aux  cuisses.  —  Ne  jamais  faire 
respirer  de  l'ammoniaque,  de  l'éther,  etc.;  maintenir 
la  chambre  fraîche  et  la  venUler  régulièrement. 

ENTORSE.  —  Ce  mot  appelle  immédiatement  à  l'es- 
prit, surtout  dans  les  campagnes,  l'idée  de  re- 
noueur  ou  rebouteur  auquel  on  se  plaît  à  reconnaî- 
tre une  compétence  spéciale  pour  ces  sortes  d'acci- 
dents. Parmi  les  rebouteurs  il  y  en  a  qui  sont  de 
simples  charlatans,  dont  les  soins  entraînent  des 
dangers  sérieux  ;  il  y  a  en  a  d'autres  qui  ont  appris 
la  bonne  méthode  de  traiter  une  entorse  et  qui 
réussissent  souvent,  mais  qui  sont  incapables  d'un 
diagnostic  sans  lequel  on  s'expose  à  confondre  avec 
la  simple  foulure  une  luxation  ou  une  fracture. 

En  supposant  qu'il  y  ait  entorse  simple,  c'est-à- 
dire  distorsion  violente  d'une  articulation  quelcon- 
que, —  celle  du  cou-de-pied  étant  d'ailleurs  la  plus 
fréquente  —  voici  ce  qu'il  faut  faire  s'il  s'agit 
du  pied.  Avec  les  deux  mains  légèrement  huilées, 
pressez  méthodiquement,  lentement,  les  tissus 
des  orteils  vers  la  jambe,  comme  si  vous  vouliez 
en  exprimer  et  faire  remonter  tout  le  sang  et  aug- 
mentez graduellement  la  pression  sans  arriver  à 
causer  une  vive  douleur.  L'engorgement  fondra 
pour  ainsi  dire  sous  les  doigts.  Roulez  alors  une 
longue  bande  un  peu  serrée  qui  embrasse  le  pied  et 
l'articulation  ;  exigez  un  repos  complet  dans  la  po- 
sition horizontale  ;  arrosez  de  temps  à  autre  la  bande 
avec  de  l'eau  fraîche,  s'il  y  a  inflammation,  et  cessez 
dès  qu'elle  disparaît,  sous  peine  de  causer  un  rhu- 
matisme. Quand  il  n'y  a  plus  trace  d'engorgement, 
cessez  le  massage,  mais  continuez  l'application  d'un 
bandage.  Surtout  que  le  repos  soit  prolongé  au  delà 
do  la  guérison  apparente  et  suivi  d'un  exercice  gra- 
dué que  l'on  suspendra  au  premier  symptôme  de 
fatigue  ou  de  douleur. 


ACCIDENTS 


IS 


ACCIDENTS 


FBACTURE.  —  Le  chirurgien  est  seul  compétent 
pour  reconnaître  une  fracture  et  poser  l'appareil 
convenable.  Tout  ce  que  l'on  peut  faire  en  attendant 
sa  venue,  c'est  de  maintenir  le  mieux  possible  les 
parties  atteintes  dans  leur  position  naturelle  et  de 
combattre  l'inflammation  par  des  compresses  d'eau 
fraîche. 

FURONCLE.  —  C'est  une  petite  tumeur  inflamma- 
toire qui  se  forme  dans  l'épaisseur  de  la  peau  et  que 
l'on  nomme  vulgairement  clou.  Au  bout  de  huit  à 
dix  jours  le  sommet  bleuit,  le  sang  décomposé  forme 
du  pus  qui  se  fait  jour  en  désorganisant  la  peau.  11 
faut  alors  presser  autour  de  la  base  du  furoncle  pour 
faire  sortir  le  bourbillon  formé  de  pus  durci  mêlé 
aux  tissus  désorganisés.  On  appelle  anthrax  bénin, 
pour  le  différencier  de  l'anthrax  charbonneux,  une 
tumeur  formée  par  la  réunion  de  plusieurs  fu- 
roncles. 

Un  coup  de  lancette  ou  de  canif  ouvrant  le  furon- 
cle dès  qu'il  est  bien  formé  arrête  son  développe- 
ment, permet  une  guérison  plus  prompte,  suivie 
d'une  cicatrice  moins  apparente  que  si  elle  succède 
à  une  perte  de  substance  de  la  peau.  Si  Ton  ne  veut 
pas  y  recourir,  on  doit  éviter  l'emploi  des  onguents 
et  user  seulement  de  cataplasmes  émollients.  Une 
moitié  de  citron,  appliquée  dès  le  début,  peut  faire 
avorter  le  furoncle  et  en  tout  cas  en  restreint  consi- 
dérablement l'étendue.  Sous  peine  de  récidives 
l'apparition  d'un  furoncle  indique  le  besoin  d'un 
purgatif  répété  à  deux  ou  trois  jours  d'intervalle. 

HÉMORRHAGIE.  —  L'abondance  et  la  richesse  du 
sang,  comme  sa  rareté  et  sa  fluidité  trop  grandes, 
produisent  des  hémorrhagies,  actives  dans  le  pre- 
mier cas,  passives  dans  le  second.  Quelle  que  soit 
la  cause  de  l'écoulement  sanguin,  on  s'occupera  d'a- 
bord de  l'arrêter  par  les  applications  froides,  as- 
tringentes, les  boissons  acides  froides,  les  sinapis- 
mes  destinés  à  appeler  le  sang  vers  d'autres  régions. 
Mais  le  traitement  sera  tonique  après  une  hémor- 
rhagie  passive  et  débilitant  dans  le  cas  contraire. 

Le  saignement  de  nez  est  fréquent  dans  la  jeu- 
nesse et  même  dans  l'âge  mûr.  C'est  souvent  un 
dérivatif  naturel  qui  préserve  d'une  congestion  céré- 
brale, et  dans  ce  cas  on  doit  laisser  couler  le  sang 
assez  longtemps.  Chez  les  sujets  faibles  il  convient, 
au  contraire,  de  l'arrêter  le  plus  tôt  possible.  'Voici 
les  moyens  les  plus  simples  et  les  plus  efficaces  : 
situation  assise,  la  tête  droite,  les  bras  élevés  ;  un 
bain  de  pied  chaud  ;  compresses  d'eau  froide  sur  la 
base  du  nez  ;  application  froide  entre  les  épaules, 
comme  une  clef,  un  morceau  de  marbre,  une  com- 
presse d'eau  fraîche  ;  renifler  de  l'eau  froide  dans 
laquelle  on  a  dissous  un  peu  d'alun,  ou  simplement 
de  l'eau  vinaigrée  ;  respirer  lentement  et  vigoureu- 
sement par  la  narùie  d'où  le  sang  s'écoule,  ou  par 
les  deux  s'il  y  a  double  hemorrhagie  et  laisser 
échapper  l'air  par  la  bouche.  Le  médecin  seul  peut 
employer  convenablement  le  tamponnement  des 
narines. 

Lorsque  l'hémorrhagie  provient  d'une  plaie  pro- 
duite par  une  piqûre,  une  coupure  ou  une  déchirure, 
si  le  sujet  est  robuste,  l'écoulement  peu  abondant, 
continu  et  de  couleur  foncée,  il  est  bon  d'attendre 
qu'il  cesse  naturellement.  Dans  le  cas  contraire  il 
importe  de  l'arrêter  sans  retard,  surtout  si  un  jet 
intermittent,  d'un  rouge  vif,  indique  que  le  sang 
sort  d'une  artère.  Pour  arrêter  le  sang  on  cherche 
à  réunir,  en  les  comprimant,  les  bords  de  la  plaie  et 
les  tissus  atteints,  ou  bien  on  tamponne  avec  de  la 
charpie,  tout  en  exerçant  une  pression  constante. 

La  syncope  qui  survient  souvent  pendant  une 
hemorrhagie  abondante  fait  cesser  l'écoulement,  et 
dans  ce  cas  on  ne  doit  pas  chercher  à  exciter  le 
blessé  pour  lui  faire  reprendre  ses  sens. 

Si  la  charpie  sèche,  l'amidon,  les  compresses  bien 
froides  n'arrêtent  pas  l'écoulement,  on  aura  re- 
cours aux  astringents  en  poudre,  comme  l'alun  ou 
le   sulfate  de  fer.  Pour  peu  qu'une  blessure  soit 


grave,  surtout  si  une  artère  est  ouverte,  on  appel- 
lera immédiatement  le  chirurgien,  qui  dispose  de 
moyens  plus  énergiques. 

INDIGESTION.  —  Il  est  souvent  facile  d'arrêter  une 
indigestion  dès  qu'on  en  éprouve  les  premiers 
symptômes  :  pesanteur,  rapports  désagréables,  nau- 
sées, mal  de  tête.  Les  boissons  chaudes,  aromati- 
ques, surtout  le  tilleul,  remplissent  bien  ce  but. 
S'il  y  a  tendance  à  vomir,  le  mieux  est  de  débarras- 
ser promptement  l'estomac,  et  l'on  facilitera  le 
vomissement  en  chatouillant  la  gorge  avec  une 
plume  ou  avec  le  doigt  :  le  résultat  est  souvent  plus 
complet  si  l'on  commence  par  boire  quelques  verres 
d'eau  chaude  sans  sucre.  Les  coliques  cèdent  à  des 
lavements  d'eauun  peu  chaude  et  à  des  applications 
chaudes  sur  le  ventre,  flanelles  ou  cataplasmes.  On 
se  privera  d'un  ou  deux  repas  après  l'indigestion 
pour  éviter  une  récidive.  L'alcool  en  excès  est  une 
cause  fréquente  d'indigestion,  et  même  en  faible 
quantité  il  ne  peut  prévenir  ni  guérir  le  mal. 

LUXATION.  —  Lorsque,  après  une  chute,  un  coup, 
un  effort,  on  suppose  qu'une  articulation  est  luxée, 
c'est-à-dire  que  les  os  ont  été  disjoints  et  ne  se 
trouvent  plus  dans  leur  rapport  normal,  on  doit  se 
.  hâter  d'appeler  un  chirurgien.  En  l'attendant,  le  re- 
pos et  l'eau  froide  sont  les  seuls  moyens  à  employer, 
Surtout  n'appelez  pas  un  rebouteur,  car  la  moindre 
imprudence  peut  compromettre  la  guérison. 

MORSURES.  — V.  ci-dessous  Plaies  envenimées. 

PANARIS.  —  Lorsqu'il  s'agit  d'un  panaris  superfi- 
ciel nommé  vulgairement  tourniole  ou  mal  d  aven- 
ture, rejetez  tous  les  onguents  préconisés  autour  de 
vous,  calmez  l'inflammation  par  des  cataplasmes  de 
mie  de  pain,  portez  le  l/ras  en  écharpe,  et  dès  qu'un 
point  blanchâtre  indique  le  siège  de  la  suppuration, 
percez  avec  un  canif,  videz  bien  le  petit  abcès  et 
renouvelez  au  besoin  cette  opération  à  peine  dou- 
loureuse. Dans  le  panaris  profond  les  tissus  en- 
flammés se  trouvent  étranglés  entre  des  parties  ré- 
sistantes ;  de  là  une  douleur  très-vive.  L'abcès  livré 
à  lui-même  ou  traité  par  les  onguents  se  développe 
lentement,  ronge  les  tissus  et  peut  causer  la  gan- 
grène. On  réussit  quelquefois  à  faire  avorter  le  pa- 
naris par  des  compresses  d'eau  glacée  et  en  main- 
tenant la  main  aussi  élevée  que  possible  pour 
empêcher  l'afflux  du  sang.  Mais  aussitôt  le  mal  bien 
déclaré  il  n'y  a  qu'un  remède,  l'incision.  Plus  tôt 
elle  sera  pratiquée,  plus  vite  on  sera  soulagé  et 
guéri.  Il  est  prudent  de  ne  confier  qu'au  médecin 
cette  opération  qui  exige  une  main  sûre  et  des  con  ■ 
naissances  anatomiques. 

PIQURES.  —  V.  ci-dessous  Plaies  envenimées. 

■PLAIES.  —  Toute  solution  de  continuité,  pi- 
qûre, coupure,  déchirure ,  constitue  une  plaie. 
Nous  ne  nous  occuperons  que  des  cas  très- 
simples  qui  ne  réclament  pas  les  soins  d'un 
chirurgien.  Si  la  plaie  ne  saigne  pas,  ce  qui  arrive 
surtout  pour  les  piqûres,  il  est  bon  d'exciter  l'é- 
coulement d'un  peu  de  sang  par  des  compresses 
d'eau  chaude  et  une  pression  très-modérée  des  tis- 
sus. Dans  les  cas  de  coupure,  de  déchirure,  on  la- 
vera la  plaie  et  l'on  retirera  tous  les  corps  étran- 
gers qui  ont  pu  y  pénétrer,  puis  on  la  sécliera,  on 
emploiera  au  besoin,  pour  arrêter  le  sang,  l'alun  ou 
le  sulfate  de  fer  en  poudre,  puis  on  rapprochera 
les  parties  aussi  exactement  que  possible.  Dans  les 
cas  les  plus  simples,  il  y  aura  réunion  immédiate, 
soudure  des  tissus  ;  autrement,  il  s'établira  une 
suppuration  et  une  formation  de  tissu  nouveau  qui 
constituera  une  cîCG^rzce.  Pendant  la  suppuration,  le 
raeillcurpansementconsisteàlaverà  l'eau  tiède. puis 
à  recouvrir  de  coton  cardé.  S'il  y  a  inflammation, 
on  la  combattra  par  des  applications  d'eau  froide. 
Si  la  plaie  ne  cicatrise  pas  promptement,  si  elle  se 
couvre  de  végétations  molles,  bleuâtres,  on  l'avi- 
vera lors  du  pansement  avec  de  la  poudre  d'alun, 
et  mieux  on  la  cautérisera  légèrement  avec  un  crayon 
de  nitrate  d'argent. 


ACGIDEiNTS 


—  16  — 


ACCLIMATATION. 


PLAIES  EXVENIMÉES.  —  Les  piqûres  de  guê- 
pes ou  d'abeilles,  lorsqu'elles  sont  isolées,  ne  ré- 
clament d'autres  soins  que  des  lotions  d'eau  pure 
ou  vinaigrée.  Si  le  dard  est  dans  la  plaie,  ce  dont 
il  faut  toujours  s'assurer,  on  le  retire  en  le  soule- 
vant au  moyen  d'une  aiguille  ;  on  évite  ainsi  de 
presser  le  réservoir  et  de  faire  pénétrer  plus  de 
venin  dans  la  plaie.  Si  les  piqûres  sont  nombreu- 
ses, elles  peuvent  causer  des  troubles  nerveux 
graves  et  un  véritable  empoisonnement.  On  a  re- 
cours à  des  compresses  d'eau  vinaigrée  très-froide, 
et  mieux  à  un  mélange  composé  de  100  parties 
d'eau  pour  5  d'ammoniaque,  que  l'on  emploie  en 
lotions,  en  bains  ou  pour  mouiller  des  compresses. 

La  piqûre  des  sc"rpions  cause  très-rarement  la 
mort,  même  dans  les  pays  les  plus  chauds.  Elle 
produit  une  vive  douleur  accompagnée  de  gonfle- 
ment, de  fièvre,  de  frissons,  de  nausées.  Le  traite- 
ment consiste  à  ouvrir  la  plaie  avec  un  canif  et 
à  la  cautériser  avec  un  fer  rouge  ou  de  l'ammo- 
niaque. 

La  morsure  de  la  vipère  produit  une  douleur 
aiguë,  accompagnée  d'inflammation  de  la  peau, 
qui  se  couvre  d'ampoules.  A  ces  premiers  accidents 
succèdent  de  l'engourdissement  avec  sensation  de 
froid,  des  taches  bleuâtres,  des  nausées,  des  vo- 
missements, des  selles  bilieuses,  des  maux  de 
tête,  de  la  fièvre,  des  évanouissements,  du  délire, 
quelquefois,  mais  rarement  suivi  de  mort.  D'ordi- 
naire, les  symptômes  alarmants  se  calment  au  bout 
de  quelques  heures,  ou  de  quelques  jours  au 
plus. 

Aussitôt  après  la  morsure,  efforcez-vous  d'empê- 
cher l'absorption  du  venin.  Pour  cela,  placez  une 
ligature  entre  le  point  blessé  et  le  cœur,  s'il  s'agit 
d'un  membre,  ou,  dans  d'autres  régions,  exercez 
une  pression  circulaire  avec  les  mains,  avec  un 
verre,  ou  un  bol.  En  brûlant  un  peu  de  papier,  de 
coton,  de  paille,  dans  le  verre  ou  le  bol  et  en  l'ap- 
pliquant immédiatement  sur  la  partie  on  forme  une 
ventouse  sèche  très-utile.  Mais  cela  ne  suffit  pas. 
Il  faut,  le  plus  tôt  possi'Ae,  ouvrir  la  plaie,  la  com- 
primer pour  la  faire  saigner  ou  la  couvrir  immé- 
diatement d'une  ventouse,  puis  la  cautériser  soit 
avec  un  gros  clou  ou  un  couteau  rougi  au  feu,  soit 
avec  un  liquide  caustique  :  ammoniaque,  eau  forte 
ou  huile  de  vitriol  (acide  sulfurique),  dont  on  im- 
bibe des  brins  de  charpie.  On  traite  ensuite  la 
plaie  comme  une  brûlure,  et  l'on  administre  des 
boissons  chaudes  légèrement  alcooliques. 

Les  plaies  les  plus  redoutables  sont  celles  que 
produit  la  morsure  à' animaux  enrag es, cYàen?,,  chats, 
loups  ou  renards.  —  V.  Rage. 

La  rage  se  déclare  chez  le  chien  entre  la 
sixième  et  la  douzième  semaine  après  la  morsure  : 
chez  l'homme,  entre  la  quatrième  et  la  quinzième  se- 
maine. Les  cas  d'incubation  de  la  maladie  pen- 
dant plusieurs  années  se  rapportent  à  une  maladie 
nerveuse  différente  de  la  rage  communiquée  par  le 
chien. 

On  ne  connaît  pas  encore  de  remède  contre  la 
rage,  et  cependant  les  paysans  de  tous  les  pays 
prétendent  posséder  quelques  secrets  pour  guérir 
cette  terrible  maladie.  Mais  il  y  a  un  préservatif 
assuré,  infaillible,  c'est  la  cautérisation  immédiate 
et  complète  de  la  plaie.  Après  une  morsure  tant 
soit  peu  suspecte,  sans  perdre  une  minute,  posez 
s'il  se  peut  une  ligature  entre  la  partie  mordue  et 
le  cœur  pour  retarder  la  circulation,  ou  du  moins 
comprimez  circulairement  les  tissus  et  faites-les 
saigner  le  plus  possible. 

Pendant  ce  temps,  vous  faites  chauffer  à  blanc  un 
fer  quelconque  de  forme  étroite  et  allongée,  fer  à 
pUsser,  tringle,  gros  clou  ;  quand  il  est  prêt,  vous 
l'enfoncez  jusqu'au  fond  de  la  plaie  et  le  laissez 
s'y  éteindre.  Le  fer  rouge  est  préférable  aux  caus- 
tiques liquides  et  cause  moins  de  souffrances.  La 
cautérisation    immédiate   et    complète    détruit   le 


virus  et  fait  disparaître  tout  danger  :  il  ne  reste 
plus  qu'à  soigner  la  brûlure.  [D'  Saffray.] 

ACCLIMATATION   —  ACCLIMATEMENT.    — 

Zoologie,  V;  botanique,  XXX.  —  De  ces 
deux  mots,  qui  sont  synonymes  l'un  de  l'autre,  celui 
d'acclimatement  est  le  plus  ancien  ;  on  l'emploie 
plus  spécialement  aujourd'hui  pour  désigner  l'en- 
semble des  modifications  qui  s'opèrent  dans  l'or- 
ganisme de  l'homme,  lorsque  ce  dernier,  changeant 
de  climat,  est  obligé  de  se  plier  à  de  nouvelles 
conditions  physiologiques.  On  distingue  deux 
sortes  d'acclimatement  :  l'un,  appelé  petit  accli- 
matement, signifie  que  l'individu  s'est  mis  en  har- 
monie avec  les  nouvelles  conditions  qui  lui  sont 
imposées  ;  l'autre,  désigné  sous  le  nom  de  grand 
acclimatement,  veut  dire  que  non-seulement  l'in- 
dividu s'est  fait  au  chmat  du  nouveau  pays  qu'il 
habite,  mais  encore  qu'il  y  a  fait  souche,  c'est-à- 
dire  que  sa  race  s'y  est  reproduite  pendant  plu- 
sieurs générations. 

Le  mot  acclimatation,  au  contraire,  est  particu- 
lièrement employé  depuis  quelques  années  pour 
indiquer  l'intervention  de  l'homme  dans  l'acte 
d'acclimater,  intervention  qu'il  a  exerc<^e  tout  à  la 
la  fois  sur  les  animaux  et  les  végétaux  et  qui,  dans 
beaucoup  de  cas,  a  été  couronnée  d'un  plein  succès. 

Avant  d'énumérer  les  principaux  résultats  ob- 
tenus par  l'homme  dans  l'art  d'acclimater,  il  nous 
paraît  utile  d'indiquer  quelques-unes  des  condi- 
tions les  plus  propres  à  assurer  le  succès  d'une 
acclimatation.  Des  lois  naturelles,  et  non  le 
simple  hasard,  ont  présidé  à  la  distribution  des 
corps  vivants  sur  la  surface  du  globe,  et  si  nous 
voyons  des  animaux,  comme  le  chien  et  le  chat, 
être  aujourd'hui  pour  ainsi  dire  cosmopolites,  et 
des  plantes,  comme  le  blé,  le  seigle,  etc.,  croître 
à  la  fois  en  Afrique  et  en  Laponie,  il  ne  faudrait 
pas  en  tirer  cette  conclusion  qu'elles  y  ont  existé 
de  tout  temps  et  que  tous  les  climats  sont  favo- 
rables à  l'existence  et  à  la  propagation  des  diffé- 
rentes espèces.  Tous  les  animaux  et  tous  les  végé- 
taux subissent,  en  effet,  à  des  degrés  différents, 
l'influence  des  climats,  et  l'homme  lui-même,  mal- 
gré les  nombreuses  ressources  dont  il  dispose,  ne 
peut  s'y  soustraire  complètement.  Des  conditions 
climatiques  données  sont  donc  nécessaires  à 
la  multiplication  des  animaux  et  des  végétaux,  et 
cette  multiplication  ne  peut  s'effectuer  d'une  ma- 
nière régulière  qu'autant  que  les  êtres  trouvent 
dans  les  nouvelles  régions  où  ils  sont  appelés  à 
vivre,  un  climat  à  peu  près  identique  à  celui  de 
leur  lieu  d'origine.  On  peut  donc  se  faire  une 
idée  des  nombreuses  précautions  que  l'homme  est 
obligé  de  prendre  pour  lui-même  lorsqu'il 
change  de  contrée,  et  les  soins  qu'il  est  contraint 
de  prodiguer  aussi  bien  aux  animaux  qu'aux  végé- 
taux, lorsqu'il  veut  tenter  de  les  acclimater,  sont 
encore  plus  variés. 

Toute  transition  brusque  de  climat  entraine 
presque  toujours  avec  elle  des  perturbations  orga- 
niques telles,  que  l'être  qui  les  subit  ne  tarde  pas 
à  dépérir,  quelquefois  même  à  succomber.  Ou  si 
par  hasard  il  résiste,  on  ne  tarde  pas  à  constater 
en  lui  ou  dans  sa  lignée  des  modifications  souvent 
profondes,  modifications  qui  se  traduisent  tantôt 
par  une  augmentation,  tantôt  par  une  diminution 
de  la  taille,  ou  bien  encore  par  l'atrophie  ou 
l'excès  de  développement  d'un  certain  nombre  de 
ses    organes. 

Il  semble  donc  que  le  meilleur  moyen  d'arriver 
à  des  résultats  heureux,  lorsque  les  espèces  à 
introduire  dans  un  pays  proviendront  d'un  lieu  où 
le  climat  sera  très-différent  de  celui  dans  lequel 
elles  seront  appelées  à  vivre  et  à  se  reproduire,  se- 
rait de  les  habituer  progressivement  à  leurs  nou- 
velles conditions  d'existence  en  créant  des  sta- 
tions intermédiaires,  dans  lesquelles  un  séjour  plus 
ou  moins  prolongé  permettra  à  ces  espèces  de  four- 


ACCLIMATATION 


—  17  — 


ACCLIMATATIOxN 


nir  de  nouveaux  sujets,  qui  eux-mêmes  étant  de- 
venus assez  forts,  et  pour  ainsi  dire  préparés, 
pourront  être  expédiés  dans  une  station  plus  rap- 
prochée de  celle  qui  deviendra  leur  demeure  dé- 
finitive . 

Il  ne  faut  pas  non  plus  négliger  de  tenir  compte 
des  mœurs,  des  habitudes,  de  l'âge  et  de  l'état  de 
santé  des  animaux  sur  lesquels  on  veut  expérimen- 
ter; il  faut  en  essayer  autant  que  possible  la  do- 
mestication préalable.  Lorsqu'on  a  aflCaire  à  des 
végétaux,  on  étudiera  la  nature  du  sol  où  ils  vi- 
vaient, puis  on  recherchera  quelles  sont  les  meil- 
leures conditions  que  doit  remplir  le  terrain  sur 
lequel  on  les  place,  pour  en  assurer  l'entretien, 
la   propagation   et  le  perfectionnement. 

Le  croisement  des  différentes  races  exotiques 
avec  celles  de  notre  pays  pourra  aussi,  dans  cer- 
tains cas,  être  un  puissant  auxiliaire  de  l'acclima- 
tation, et  l'on  pourra  obtenir  de  la  sorte  des  métis 
présentant  des  caractères  de  supériorité  incontes- 
tables sur  les  sujets  qui  leur  auront  donné  nais- 
sance. 

Acclimatement  de  l'homme.  —  L'homme,  ainsi 
que  nous  l'avons  déjà  vu,  est  soumis  aux  mêmes 
lois  que  celles  qui  régissent  tous  les  êtres  qui  peu- 
plent le  globe.  Bien  qu'à  première  vue  il  semble  pou- 
voir passer  presque  impunément  et  sans  transition, 
grâce  à  la  rapidité  des  moyens  de  locomotion  dont 
il  dispose  aujourd'hui,  des  régions  les  plus  froides 
aux  contréesles  plus  chaudes,  il  n'en  subit  pas  moins 
l'influence  des  climats.  C'est  ainsi  que  li's  Euro- 
péens qui  émigrent  aux  Antilles,  au  Sénégal,  dans 
l'Inde,  et  même  plus  près  de  nous  en  Egypte  et 
en  Algérie,  sont  habituellement  décimés  sous  ces 
différents  climats  par  toutes  sortes  de  maladies, 
tandis  qu'ils  vivent  et  se  propagent  aux  Etats-Unis, 
par  cela  seul  que  ce  pays  et  celui  qu'ils  ont  quitté 
font  partie  d'une  zone  dont  les  ditïérents  points 
sont  sensiblement  isothermes,  c'est-à-dire  d'une 
température  moyenne  à  peu  près  identique.  Les 
Circassiens  et  les  Nègres  transportés  en  Égj-pte 
n'ont  jamais  pu  faire  souche  dans  cette  con- 
trée. 

L'histoire  nous  apprend  aussi  que  les  différents 
peuples  qui  habitent  actuellement  l'Europe  sont 
d'origine  asiatique,  probablement  du  plateau  cen- 
tral de  ce  continent,  et  que  ce  n'est  que  graduelle- 
ment et  par  une  longue  suite  de  siècles  qu'ils  ont 
acquis  les  différents  caractères  distinctifs  qu'ils 
présentent  de  nos  jours. 

Acclimatation  des  mammifères.  —  Beaucoup 
d'espèces  de  mammifères,  répandues  sur  tous  les 
points  du  globe,  y  ont  été  apportées  par  l'homme  : 
d'autres,  mais  en  plus  petit  nombre,  s'y  sont  accli- 
matées spontanément,  comme  le  rat  noir  et  le 
surmulot  :  le  premier  de  ces  animaux,  originaire 
de  l'Asie  Mineure,  s'est  répandu  en  Europe  au  re- 
tour des  croisades,  d'où  il  a  envahi  ensuite,  ainsi 
que  quelques  autres  de  nos  espèces  parasites, 
presque  tous  les  points  du  globe. 

Au  nombre  des  espèces  les  plus  répandues  par 
les  soins  de  l'homme  se  rangent  nos  animaux  do- 
mestiques, qui,  amenés  d'Asie  par  les  Aryas,  ont 
été  transportés  ensuite  jusqu'aux  points  les  plus 
reculés  de  la  terre. 

Le  cheval,  qui  semble  avoir  eu  pour  premier  ha- 
bitat l'Asie  centrale,  mais  dont  les  ossements  se 
retrouvent  à  l'état  fossile  sur  beaucoup  de  points 
de  l'Europe,  s'est  étendu  de  cette  première  contrée 
dans  tout  l'ancien  continent.  II  a  été  importé  en 
Amérique  par  les  premiers  Espagnols  qui  ont  foulé 
le  solde  ce  continent,  et  il  s'y  est  si  bien  acclimaté, 
que  son  espèce  y  forme  de  nos  jours  d'innombra- 
bles troupeaux  errant  à  l'état  sauvage  dans  les  vastes 
plaines  du  Brésil,  du  Chili,  de  la  Plata,  etc. 

Le  bœuf,  la  cUèvre,  se  sont  également  répandus 
dans    les    deux  Amériques,    et   le    mouton     que 
l'Australie  ne  possédait  pas.  s'y  est  multiplié  à  un  | 
2»  P\nTTF. 


tel  point,  que  cette  contrée  fournit  aujourd'hui  de 
la  laine  à  tous  les  marchés  du  monde. 

Le  chien  est  aussi  un  des  mammifères  cosmopo- 
lites, et  l'acclimatation  en  a  beaucoup  modifié 
les  caractères.  Citons  encore,  parmi  les  animaux 
que  l'on  retrouve  sur  presque  toute  la  surface  du 
globe,  le  'porc,  le  chat,  le  lainn,  le  cochon  d'Inde 
ou  cobaie,  etc.,  toutes  espèces  ayant  pour 
l'homme  une  utilité  incontestable,  et  parmi  ceux 
introduits  en  France,  Vi/ack,  originaire  des  mon- 
tagnes du  Thibet,  dont  les  métis  obtenus  par  le 
croisement  d(;  cet  animal  avec  différents  sujets 
de  nos  races  bovines  deviendront,  lorsqu'ils  seront 
plus  répandus,  d'une  très-grande  utilité  pour  la 
culture  de  nos  régions  montagneuses;  Yhémione 
enfin,  qui  se  reproduit  très-facilement  dans  nos 
parcs,  mais  dont  la  domestication  laisse  encore  à 
désirer. 

Mammifères  qu'il  serait  utile  d'acclimater.  — 
Au  nombre  des  mammifères  dont  on  a  essayé  l'ac- 
climatation dans  notre  pays,  nous  avons  à  citer  : 
parmi  les  Jumentés,  le  zèbre  et  le  daw,  que  l'on  est 
quelquefois  parvenu  à  dompter  et  à  atteler;  tous 
deux  sont  originaires  de  l'Afrique.  Parmi  les  Ru- 
minants, signalons  le6w/]^e  au  pelage  dur  et  épais, 
déjà  très-abondant  dans  toute  l'Italie,  après  lui, 
les  nombreuses  espèces  de  la  tribu  des  antilopes, 
tels  que  le  bubale  du  nord  de  l'Afrique,  le  canna 
ou  àlan  du  Cap,  le  caama  de  la  même  contrée,  le 
nyl-yau,  de  nombreuses  gazelles,  etc.,  etc.,  anisi 
que  les  différents  Cervidés,  entre  autres  le  renne, 
originaire  de  l'Europe  et  de  l'Asie  septentrionale; 
enfin  les  Camélidés,  que  tout  le  monde  connaît  :  le 
chameau  et  le  dromadaire  de  l'Asie  Mineure, 
répandus  aujourd'hui  dans  toute  l'Afrique,  où  ils 
rendent  de  si  grands  services  aux  peuplades  no- 
mades, enfin  le  Lama,  au  poil  fin  et  soyeux,  si 
abondant  dans  les  Cordillères,  depuis  la  S'onvelle- 
Grenade  jusqu'au  Chili,  animal  dont  l'acclimata- 
tion dans  nos  régions  montagneuses  rendrait  les 
plus  grands  services.  Seul  le  pécari  de  tous  les 
Porcins  pourrait  présenter  quelque  utilité. 

Les  Marsupiaux  de  l'Australie  ne  doivent  pas 
être  omis  :  au  premier  rang  est  le  kanguroo 
^prononc.  kam/ourou),  dont  le  pelage  fin,  serré  et 
soyeux  est  aujourd'liui  recherché  en  pelleterie  ;  sa 
chair  passe  pour  délicate.  Le  phascolome  ne  serait 
pas  moins  précieux. 

Acclimatation  des  oiseaux.  —  La  classe  des  oi- 
seaux est  une  de  celles  qui  nous  offrent  le  plus 
grand  nombre  de  cas  d'acclimatation.  Presque 
toutes  nos  espèces  domestiques,  le  coq,  le  paon, 
diverses  sortes  de  faisans  qui  se  font  toutes  re- 
marquer par  la  beauté  de  leur  plumage,  le  ca- 
nard, etc.,  etc.,  sont,  en  effet,  originaires  de  l'Asie 
Mineure  ou  de  la  Cliine.  L'Afrique  septentrionale 
nous  a  fourni  la  pintade,  la  Californie  nous  a  dotés 
du  cbllin,  et  nous  avons  emprunté  à  l'Amérique 
\oie  et  le  dindon. 

Beaucoup  d'autres  espèces  qui  nous  viennent 
des  différents  points  du  globe  se  reproduisent 
également  dans  nos  volières  et  dans  nos  parcs, 
mais  leur  domestication  ne  peut  être  encore  con- 
sidérée comme  complète  ;tels  sont  :  l'autruche,  ori- 
ginaire de  l'Afrique  centrale  et  si  recherchée  pour 
ses  plumes,  et  le  ca-^oar  qui  nous  vient  d'Australie. 
On  doit  également  citer  le  trngopan  de  l'Asie  mé- 
ridionale, le  féléf/alle  d'Australie,  Yargus  de  la 
Chine,  Yoie  d'Egypte,  le  canard  mandarin  de  l'Asie 
orientale,  le  camo^d  de  la  Caroline  et  un  certain 
nombre  d'autres  oiseaux  utiles  ou  de  simple 
ornement. 

Acrli>nafatio7i  des  poissons.  —  Nous  n'avons  que 
peu  do  chose  à  dire  sur  la  classe  des  poissons. 
Le  transport  de  ces  animaux  présente,  en  effet, 
des  difficultés  telles,  qu'on  n'a  pu  importerjusquici 
en  Europe,  ou  inversement  exporter  d'Europe  sur 
les  différents  points  du  globe,  qu'un  petit  nombre 

2 


ACCLIMATATION 


—  18  — 


ACETIQUE 


d'espèces,   qui  pour  la  plupart  n'ont  pas  répondu 
aux  espérances  qu'on  avait  fondées  sur  elles. 

Il  faut  cependant  mentionner  parmi  les  espèces 
acclimatées:  1°  lepoisson  rouge  on  cypr  m  de  '  hhie, 
qui  fut  apporté  pour  la  première  fois  en  France 
sous  le  règne  de  Louis  XV  ;  2"  le  silure,  qui,  d'abord 
localisé  dans  le  nord  de  l'Europe,  se  trouve  au- 
jourd'hui dans  le  Rhin;  3"  la  perche,  que  l'on  a 
acclimatée  dans  les  eaux  de  l'Amérique  du  Nord 
et  jusqu'en  Australie.  Diverses  sortes  de  truites 
ou  de  saumons  ont  été  aussi  importées  en  Europe 
ou  exportées  d'Europe. 

La  carpe  elle-même,  ce  précieux  poisson,  si 
abondant  dans  nos  eaux  douces,  n'y  a  pas  existé  de 
tout  temps  :  ce  n'est  que  sous  le  règne  de  Fran- 
çois I"  qu'elle  a  été  introduite  en  France. 

Acclimatation  des  invertébrés.  —  La  grande  di- 
vision des  invertébrés  nous  offre  aussi  quelques 
cas  d'acclimatation.  Le  bombyx  du  mûrier,  dont  le 
cocon  fournit  la  soie  employée  dans  l'industrie,  est 
originaire  de  la  Chine.  Il  en  est  de  même  du  bom- 
byx du  ricin,  de  celui  du  chêne  et  de  ce  papillon 
aux  nuances  délicates  qu'on  voit  maintenant  volti- 
ger au  printemps  sur  nos  promenades  et  dans  nos 
jardins  :  le  botnbyx de l'ailante,  dont  le  cocon,  assez 
volumineux,  fournit  une  soie  quil  serait  possible 
d'utiliser.  —  Les  abeilles  d'Europe  ont  été  portées  j 
sur  tous  les  points  du  monde  et  ont  réussi  à  s'ac- 
climater dans  beaucoup  d'endroits.  On  cherche 
également  à  introduire  sur  notre  continent  les 
mélipones  qui  vivent  dans  l'Amérique  et  qui  ont 
l'avantage  d'être  dépourvues  d'aiguillon. 

Ces  utiles  espèces  ont  été  importées  ou  multi- 
pliées par  l'homme  en  Europe,  mais  il  est  d'autres 
insectes,  comme  les  blattes  et  les  tei^mites,  qui  se 
sont  acclimatés   pour  ainsi  dire  contre  sa  volonté. 

Parmi  les  Annélides,  nous  citerons  la  sangsue 
médicinale,  dont  la  thérapeutique  fait  un  usage 
continuel  et  qu'il  est  si  utile  d'introduire  partout 
où  pénètre  l'homme. 

Enfin,  parmi  les  Mollusques,  V/mi/re,  dont  la  cul- 
ture a  fait  de  si  grands  progrès . 

Acclimatation  des  végétaux.  —  Les  flores  comme 
les  faunes  tendent  h  s'appauvrir  à  mesure  qu'on 
avance  vers  les  pôles  ;  les  végétaux  au  contraire 
comme  les  animaux  devieiuient  d'autant  plus  nom- 
breux qu'on  approche  davantage  de  l'équateur.  Les 
continents  étant  séparés  les  uns  des  autres  par  de 
grands  espaces  comblés  par  les  mers,  on  conçoit 
qu'il  est  très-difficile,  sinon  impossible,  aux  diffé- 
rents animaux  terrestres  de  franchir  ces  obstacles; 
il  en  est  de  même  pour  les  chaînes  de  montagnes  ou 
les  fleuves  qui  limitent  les  différentes  régions  de 
ces  vastes  territoires.  De  là  une  distribution  géogra- 
phique en  général  bien  tranchée  pour  les  différents 
groupes  d'animaux  ;  mais  il  n'en  est  pas  de  même 
pour  les  plantes  dont  les  graines  sont  emportées 
au  loin  par  les  vents,  par  les  flots,  et  dont  les 
oiseaux  eux-mêmes,  ainsi  que  les  insectes,  se  char- 
gent de  favoriser  le  transport. 

L'homme  a  lui  aussi  exercé  son  influence  dans 
les  changements  apportés  aux  lois  naturelles  de 
la  distribution  géographique  des  végétaux.  Dans 
beaucoup  d'endroits  il  a  détruit  les  espèces  nui- 
sibles, partout  il  a  essayé  d'y  substituer  celles 
qu'il  a  jugées  capables  de  pouvoir  contribuer  à  son 
bien-être.  Les  végétaux  utiles  de  l'Amérique  inter- 
tropicale,  dont  le  développement  exige  une  cIki- 
leur  élevée,  ont  été  portes  dans  l'Inde,  en  Afrique, 
dans  le  nord  de  la  Nouvelle-Hollande,  etc.,  etc.  ; 
Inversement,  ceux  de  ce  dernier  continent  ont  été 
introduits  soit  en  Américjue,  soit  en  Afrique,  soit 
en  Asie  ouenEurope;  malheureusement,  danscetle 
dernière  contrée,  on  est  obligé  de  les  confiner  dans 
des  serres,  où  on  leur  fournit  artificiellement  la  cha- 
leur et  l'humidité  nécessaires  pour  prolonger  leur 
existence.  Nous  avons  emprunté  à  l'Amérique  le 


maïs,  la  pomme  de  terre,  la  patate  encore  peu  ré- 
pandue, ainsi  que  le  tabac  dont  l'usage  tend  à  se 
propager  de  plus  en  plus.  La  partie  septentrionale 
de  ce  continent  nous  a  fourni  aussi  le  magiiolia,  un 
de  nos  plus  beaux  arbres  d'ornement,  le  robinier, 
introduit  enFrance  en  IGOn  par  Jean  Robin,  le 
séquoia  de  Californie ,  aujourd'hui  acclimaté  en 
Alsace.  Le  Paulownia  vient  du  Japon  ;  d'autres  ar- 
bres ou  arbustes  sont  originaires  de  la  Chine,  tels 
que  les  bambous  et  différents  pa/wn'ers;  le  marron- 
nier vient  de  l'Inde  ;  Yarbre  de  Judée,  de  l'Asie 
Mineure.  Les  deux  espèces  de  gigantesque  pla- 
tane communes  chez  nous  sont  originaires  l'une 
du  Levant,  l'autre  de  la  Pensylvanie,  etc. 

Si  l'on  comparait  la  flore  actuelle  de  notre  pays 
avec  ce  qu'elle  était  à  l'époque  des  Gaulois  avant 
la  conquête  romaine,  ou  même  à  une  époque  plus 
rapprochée  de  nous,  vers  la  fin  du  moyen  âge,  par 
exemple,  on  serait  frappé  des  acquisitions  innom- 
brables faites  dans  cet  intervalle  de  quelques  siè- 
cles. Pour  apprécier  les  conquêtes  faites  successi- 
vement par  les  hommes  qui  ont  habité  notre  pays, 
il  faut  se  reporter  à  l'époque  glaciaire  et  songer 
qu'alors  le  sol  qui  est  aujourd'hui  la  France  était 
presque  complètement  dépourvu  de  végétaux. 

[H.  Gervais  et  R.  Boulart.] 

Dictée.  —  «  C'est  l'Asie  qui  nous  a  fourni  les 
meilleures  espèces  de  pois,  les  haricots,  les  len- 
tilles, les  melons.  C'est  de  l'Asie  que  nous  vient 
la  luzerne. 

«  L'Amérique  nous  a  donné  la  pomme  de  terre, 
riche  présent,  dont  nous  ne  connaissons  pas  encore 
assez  le  prix. 

'(  C'est  de  l'Asie  et  de  l'Afrique  que  nous  avons 
tiré  une  grande  partie  de  nos  arbres  fruitiers,  tels 
que  le  cerisier,  l'abricotier,  le  pêcher,  le  figuier, 
l'amandier,  l'oranger,  le  grenadier,  le  mûrier,  l'oli- 
vier, etc. 

«  A  peine  le  sol  de  la  France  fournissait-il  pri- 
mitivement quatre-vingts  espèces  d'arbres,  et  nous 
en  comptons  aujourd'hui  plus  de  2-50  espèces  dif- 
férentes, dont  un  grand  nombre  est  assez  accli- 
maté pour  meubler  nos  campagnes,  border  nos 
grandes  routes,  décorer  nos  jardins  et  occuper 
utilement  des  terrains  abandonnés  depuis  long- 
temps comme  stériles. 

«  Si  des  arbres  nous  passons, aux  fleurs,  nous  en 
trouverons  une  multitude  qui  n'appartient  pas  à 
notre  climat.  Les  jacinthes,  les  anémones,  les  re- 
noncules, les  semi-doubles,  les  tubéreuses,  les  li- 
las,  les  roses  et  une  multitude  d'autres  qui  sont 
l'ornement  de  nos  jardins,  sont  autant  de  présents 
que  nous  avons  reçus  des  différentes  parties  du 
monde  :  la  culture  et  le  perfectionnement  les  a 
rendues  propres  à  notre  sol.  » 

(Rapport  du  députéBoisset  à  la  Convention  (11  dS) 
sur  l'établissement  de  jardins  des  plantes  dans 
les  départements.) 

ACETiyUE  (Acide).  ~  Chimie  XXIII.  —  (Etym. 
du  latin  acetu)?i,  vinaigre.) 

Nature  et  propriétés  de  l'acide  acétique.  —  On 
nomme  ainsi  le  principe  actif  du  vinaigre,  la  sub- 
stance qui  donne  au  vinaigre  sa  saveur  et  son  mor- 
dant. 

L'acide  acétique  (C'H^O*)  se  produit  soit  par  la 
calcination,  en  vase  clos,  de  matières  organiques, 
soit  par  la  fermentation  acide  des  liqueurs  alcoo- 
liques. (V.  Vinaigre  et  Fermentutitin.)  Il  est  solide 
au-dessous  de  17°  :  cristallisable  en  grandes  lames. 
Il  bout  à  120".  Sa  densité  est  1,08.  Son  odeur  est 
piquante  et  acide. 

Lorsqu'on  le  fait  bouillir  dans  une  petite  capsule 
et  qu'on  approche  de  ses  vapeurs  un  corps  en- 
flammé, celles-ci  s'enflamment  elles-mêmes  et 
brûlent  avec  une  flamme  pâle. 

L'acide  acétique  est  corrosif  ;  mis  en  contact  avec 
la  peau,  il  détruit  l'épiderme,  et  produit  une  vive 
rougeur  et   une  vésicule.  Il  entre   dans  diverses 


ACIDE 


—  19  — 


ACIDE 


préparations  médicinales.  On  le  fait  respirer  en 
cas  de  sjncope  pour  ranimer  les  sens.  Pour  le  con- 
server et  le  porter  sur  soi,  on  l'introduit  dans  de 
très-petits  flacons  de  verre,  que  l'on  a  préalable- 
ment  remplis  de  cristaux  de   sulfate  de  potasse. 

On  l'emploie,  dans  quelques  industries,  notam- 
ment dans  la  photographie. 

Acétates.  —  Les  sels  formés  parla  combinaison  de 
l'acide  acétique  avec  une  base  sont  tous  solubles 
dans  l'eau,  tous  aussi  décomposés  par  l'acide  sul- 
furique  ou  par  la  chaleur  rouge.  Les  principaux 
sont  :  l'acétate  d'alumine,  mordant  très-employé 
dans  la  teinture  et  l'impression  sur  toile  ;  — 
l'acétate  neutre  de  cuivre  ou  verdet  (teinture  en 
noir  sur  laine)  ;  —  le  sous-acétate  de  cuivre, 
vert-de-gris  ou  verdet  de  MojitpeUier.  qu'on  pré- 
pare en  grand  dans  le  département  de  l'Hérault 
en  abandonnant  à  l'air  des  lames  de  cuivre  alter- 
nativement empilées  avec  des  couches  de  marc  de 
raisin  ;  au  bout  de  quelques  semaines  le  métal  se 
recou\Te  de  croûtes  d'un  bleu  verdàtrc  qu'on  racle 
et  qu'on  pétrit  en  boules  ;  on  se  sert  de  ce  vert  de 
gris  pour  la  fabrication  de  la  couleur  dite  vert  de 
Schweinfurt  ;  c'est,  ainsi  que  le  précédent,  un  poi- 
son dangereux  ;  —  plusieurs  acétates  de  plomb, 
tous  vénéneux,  mais  dont  l'un,  sous  le  nom  A'ex- 
trait  de  Saturne  ou  eau  blanche,  est  très-employé 
comme  médicament  externe. 

Éther  acétique.  —  En  distillant  un  mélange 
d'acide  sulfurique  et  d'alcool  sur  un  acétate,  on 
obtient  un  liquide  incolore,  doué  d'une  odeur 
éthérée  très-agréable,  bouillant  à  74°  C'est  ce  qu'on 
a  appelé  Yét/ier  acétique.  On  le  rencontre  en  petite 
quantité  dans  certains  vins,  ainsi  que  dans  le  vi- 
naigre ,  [A.  Jacquemart.] 

ACIDE.  —  Chimie  II.  —  [Etym.  du  latin  aci- 
dus,  qui  a  la  saveur  du  vinaigre.) 

Défiiiitio?i.  —  On  nomme  ainsi  tout  composé  qui 
agit  d'une  façon  comparable  à  celle  du  vinaigre. 
Mais  cette  analogie  avec  la  saveur  piquante  du  vi- 
naigre n'est  pas  un  caractère  constant  et  univer- 
sel de  ces  corps.  Au  moment  où  se  constitua  la 
nomenclature  chimique,  on  croyait  que  tout  acide 
était  le  résultat  de  la  combinaison  d'un  métal- 
loïde avec  l'oxygène,  d'où  ce  nom  même  d'oxygène 
(générateur  des  acidesj.  Depuis  lors  on  a  reconnu 
qu'il  existe  des  acides  sans  oxygène  et  on  doit  se 
borner  à  la  définition  expérimentale  des  acides 
d'après  les  trois  caractères  suivants. 

Caractères  distinctifs.  —  1.  Mettons  dans  un 
verre  quelques  gouttos  d'huile  de  vitriol  (acide 
sulfurique)  ;  plongeons-y  du  papier  bleu  de  tour- 
nesol, il  rougit  immédiatement  ;  lavons  ensuite  ce 
papier  avec  une  dissolution  de  potasse,  ou  avec  de 
l'eau  de  chaux,  ou  avec  de  l'alcali  volatil  (ammo- 
niaque), il  redevient  bleu.  La  première  substance 
est  un  acide,  les  autres  des  bases. 

2.  Versons  goutte  à  goutte  de  l'acide  sulfurique 
dans  de  la  potasse  (qui  est  une  base),  il  se  pro- 
duira entre  ces  deux  corps  une  combinaison  ;  il  ne 
restera  plus  dans  le  vase  ni  acide  sulfurique  ni 
potasse,  mais  une  liqueur  sans  action  sur  la  cou- 
leur du  tournesol,  et  qui  donnera  par  l'évaporation 
un  sel  cristallisé  :  ce  sera  du  sulfate  de  potasse. 

•3.  Décomposons  ce  sel,  le  sulfate  de  potasse,  en 
y  plongeant  pendant  qu'il  est  à  l'état  liquide  les 
deux  pôles  d'une  pile  voltaîque  ;  ses  deux  éléments 
se  sépareront:  la  potasse  se  portera  au  pôle  néga- 
tif (pôle  zinc)  et  l'acide  sulfurique   au  pôle  positif. 

Ainsi,  un  acide  est  un  corps  qui  rougit  le  tourne- 
sol, —  qui  se  combine  aux  oxydes  métalliques 
pour  former  des  sels,  —  et  qui,  quand  ceux-ci  sont  dé  ■ 
composés  par  l'électricité,  se  porte  au  pôle  positif. 

Classification  des  acides.  —  1.  Au  point  de  vue 
de  leur  composition,   les   acides    se    divisent  en 

ACIDES   MINÉRAUX   et  en  ACIDES   ORGANIQUES. 

Les  ACIDES  MINÉRAUX  sout  lormés  par  la  combi- 
naison d'un  corps  simple  soit  avec  l'oxygène  (oxa- 


cides), soit  avec  l'hydrogène  (/lydracides).  Les  acides 
ORGANIQUES  Contiennent  tous  de  l'hydrogène,  du 
carbone  et  de  l'oxygène  ;  quelques-uns,  en  outre, 
de  l'azote. 

Les  oxacides  peuvent  être  plus  ou  moins  oxygé- 
nés: celui  qui  l'est  le  plus  se  désigne  parle  nom 
du  corps  simple  suivi  de  la  désinence  ique,  celui 
qui  l'est  le  moins  se  termine  en  eux.  On  indique 
les  degrés  intermédiaires  à  1  aide  des  préfixes 
hypo  (au-dessous;  et  hyper  ou  per  (au-dessus).  Ainsi  : 

Acide  hypochloreux Cl  0 

—  chloreux Cl  0^ 

—  hypochlorique.    .......  CIO* 

—  chlorique Cl  O^ 

—  perchlorique. . Cl  O'' 

Combinés  en  proportion  définie  avec  l'eau,  les 
oxacides  se  nomment  acides  hydratés  ;  dans  le  cas 
contraire,  acides  anhydres  (sans  eau)  ou  anhydrides. 

Les  ht/dracides  prennent  le  nom  du  corps  simp  le 
combiné  à  l'hydrogène  en  y  ajoutant  la  terminai- 
son hydrique:  le  chlore  et  l'hydrogène  donnent 
l'acide  chlorliydi  ique. 

Les  acides  organiques,  bien  que  se  distinguant 
des  acides  minéraux  parce  qu'ils  se  produise  nt  na- 
turellement dans  des  matières  organiques,  ne 
s'en  séparent  pourtant  pas  d'une  façon  absolue, 
puisque  l'on  est  parvenu  à  en  produire  un  certain 
nombre  artificiellement. 

On  appelle  acides  coiijugués  ou  copules  ceux  dans 
lesquels  à  un  ou  plusieurs  atomes  d'hydrogène 
on  a  pu  substituer  même  nombre  d'atomes  d'un 
autre  corps.  Ainsi  dans  l'acide  acétique,  sans  chan- 
ger les  propriétés  de  l'acide  simple  (C^H^O^).  on 
peut  par  substitution  remplacer  3  des  4  atomes 
d'hydrogène  par  3  de  chlore  et  on  obtient  un 
acide  trichloracétique  (C^HCPO^). 

Etat.  —  Les  acides  peuvent  se  présenter  sous  les 
trois  états  :  la  plupart  sont  liquides  à  la  tempé- 
rature ordinaire  (acides  sulfurique,  azotique,  acé- 
tique, etc.)  ;  les  acides  carbonique,  chlorhydrique, 
sulfureux,  sulfhydrique,  fluorhydrique,  etc..  sont 
gazeux;  l'acide  tannique,  l'acide  siliciquc,  l'acide 
oxalique,  etc.    sont  solides. 

Pour  le  rôle  des  acides  dans  la  nature,  V.  notam- 
ment les  articles  Char'ion,  Silice;  pour  leur  rôle 
dans  l'industrie,  V.  surtout  les  articles  Soufre, 
Azote,  Chlore,  Acétique  [Acide),  Fluor,  Tartre, 
Ci/anogèae. 

Expériences  à  faire  en  classe.  —  1°  Montrer 
l'action  des  acides  minéraux  ou  organiques  les  plus 
usuels  sur  la  teinture  de  tournesol  :  vinaigre, 
j-us  de  citron,  liquide  sécrété  par  les  fourmis 
rouges,  jus  d'oseille  ou  d'alleluia. 

2°  Montrer  l'action  des  acides  les  plus  forts  sur 
les  métaux:  plaque  de  cuivre  rongée  par  l'eau 
forte,  Qu  mieux  tournure  de  cuivre  attaquée  par  le 
même  acide  et  donnant  naissance  à  une  liqueur 
bleue  (azotate  de  cuivre),  limaille  de  fer  attaquée 
par  l'acide  sulfurique  donnant  naissance  au  vitriol 
vert. 

3"  Montrer  l'action  des  acides  sur  les  matières 
organiques  :  peaH,  barbes  de  plume  jaunies  par 
l'acide  azotique,  morceau  de  bois  plongé  dans  l'a- 
cide sulfurique  et  tout  noirci  quand  on  l'en  retire  . 

4"  Montrer  l'avidité  de  quelques  acides  pour 
l'eau:  fumées  blanches  de  l'acide  chlorhydrique, 
augmentation  de  température  d'un  vase  d'eau  dans 
lequel  on  verse  de  l'acide  sulfurique.  [N.B.  ne  pas 
opérer  en  sens  contraire,  ne  jamais  verser  l'eau 
dans  l'acide  sulfurique.] 

5"  Montrer  leur  affinité  pour  les  bases,  verser 
quelques  gouttes  d'acide  oxalique  ou  citrique 
dans  de  l'eau  où  se  trouve  la  plus  faible  quantité 
de  chaux  :  il  se  précipite  une  petite  poussière 
blanche  (oxalate  ou  citrate  de  chaux). 

6°  Montrer  que  des  acides  incolores  forment 
souvent    des     combinaisons     colorées    (quelques 


ACOTYLÉDONES 


—  20 


ACOTYLEDONES 


gouttes  de  tannin  dans  une  dissolution  étendue 
de  vitriol  vert  donnent  au  liquide  une  couleur  vio- 
lette ;  —  acide  carbonique  se  combinant  avec  la 
chaux,  la  soude,  l'oxyde  de  cuivre,  etc.) 

[A.  Jacquemart.] 

ACOTYLÉDONES,  S.  f.  pi.,  ou  Acotylédoné,  ée, 
adj.  —  Botanique  XXVII  et  XXVIII.  —  {Eiym. 
j)lantes  sans  cotylédon.) 

Les  plantes  qui  se  reproduisent  par  des  spores, 
germes  dépourvus  de  cotylédons,  forment  dans  la 
méthode  de  lussieu  la  troisième  grande  division 
du  règne  végétal. 

Ce  groupe  renferme  les  plantes  les  plus  simples, 
les  unes  réduites  à  une  seule  cellule,  d'autres 
filamenteuses  et  formées  de  cellules  placées  bout 
à  bout  :  d'autres  aussi,  plus  perfectionnées,  sont 
pourvues  d'un  support  et  d'expansions  foliacées, 
et  enfin  les  plus  élevées  en  organisation  sont 
de  consistance  ligneuse  et  renferment  des  élé- 
ments vasculaires  et  fibreux  localisés  dans  cer- 
taines régions  de  leur  axe.  Les  derniers  représen- 
tants de  ce  groupe  sont  si  semblables  aux  der- 
niers êtres  du  règne  animal,  qu'il  est  impossible 
de  les  en  distinguer  et  que,  d'après  tel  ou  tel  na- 
turaliste, un  même  individu  est  décrit  comme  ani- 
mal ou  comme  végétal  ;  les  vibrions  par  exemple, 
filaments  droits  ou  spirales  qui  se  meuvent  dans 
certains  liquides  organiques,  comme  la  salive  et 
le  lait  teinté  de  bleu,  sont  ou  des  algues  ou  des 
infusoires. 

Les  acotylédones  sont  asexuées  ou  sexuées  : 
celles  qui  sont  unicellulées  se  multiplient  par  la 
scission  de  la  cellule  qui  les  constitue,  c'est-à-dire 
que  cette  cellule  s'étrangle  par  sa  partie  moyenne 
et  que  bientôt  les  deux  parties  ainsi  distinctes  se 
séparent  et  deviennent  chacune  un  être  nouveau  : 
celles  qui  sont  plus  élevées  d'organisation  se  re- 
produisent au  moyen  de  sjsores*  naissant  dans  des 
cavités  comparables  aux  ovaires  des  plantes  sup- 
périeures.  mais  qu'on  nomme  spormii/cs  :  les  spores 
subissent  l'action  de  corpuscules  appelés  anthéro- 
zoïdes, qui  remplissent  par  conséquent  la  fonc- 
tion du  pollen  des  dicotylédones  et  des  monoco- 
tylédones  ;  et  les  organes  dans  lesquels  se  for- 
ment les  anthérozoïdes  appelés  aniliéridies  corres- 
pondent aux  anthères  des  étamines.  Les  anthéro- 
zoïdes sont  le  plus  souvent  microscopiques,  glo- 
buleux, pourvus  d'un  ou  deux  filaments  mobiles 
à  l'aide  desquels  ils  se  soutiennent  et  nagent 
dans  l'eau.  Quand  les  anthérozoïdes  ont  agi  par 
contact  sur  la  spore,  celle-ci  s'entoure  d'une  paroi, 
et  donne  naissance  en  se  développant  à  une 
plante  semblable  à  celle  dont  elle  est  issue. 

On  observe  chez  les  acotylédones  des  généra- 
tions alternantes  :  c'est  le  cas  des  mousses  et  dos 
fougères,  c'est-à-dire  que  la  spore  fécondée  ne  re- 
produira pas  en  germant  un  végétal  ayant  la  forme 
de  la  plante  mère,  mais  un  être  tout  différent  dont 
les  germes,  après  développement,  auront  cliacun 
les  formes  primitives.  Dans  aucun  cas  chez  les 
acotylédones.  les  organes  de  la  reproduction  ne 
sont  comparables  aux  fleurs  ;  ils  sont  toujours  pe- 
tits et  souvent  cachés  dans  la  profondeur  des 
tissus  :  d'où  le  nom  de  cryptogames,  signifiant 
reproduction  cachée,  par  lequel  Linné  désignait  ces 
plantes  (embranchement  de  la  cryptogamie). 

L'embranchement  des  acotylédones  comprend 
les  classes  suivantes  :  algtics,  champignons,  li- 
chens, hépatiques,  mousses,  fotigcres,  lycopo- 
diacées,  équisétacées,  etc.,  dont  nous  allons  étu- 
dier les  principales  seulement  avec  quelques 
détails. 

Classe  des  algues.  —  Les  algues  commencent  par 
les  formes  les  plus  petites  et  les  plus  simples  du 
règne  végétal,  mais  elles  atteignent  en  se  perfec- 
tionnant un  haut  degré  d'organisation  et  fréquem- 
ment des  dimensions  et  une  masse  si  consi- 
dérables,  qu'il    nous    faudra,   pour    les  retrouver 


ensuite,  arriver  jusqu'aux  classes  supérieures  du 
règne  végétal.  Toutes  les  plantes  de  cette  classe 
sont  aquatiques  :  elles  se  montrent  dans  les  eaux 
douces  ou  marines  sous  forme  de  lames  décou- 
pées sur  leurs  bords,  de  tubes,  de  filaments  simples 
ou  rameux,  aux  couleurs  verdâtres,  brunes  ou 
rouges,  ne  consistant  quelquefois  qu'en  une 
masse  gélatiniforme,  se  fixant  souvent  aux  rochers 
par  leur  base  élargie  ou  divisée  en  griffes  Quel- 
ques-unes présentent  des  formes  élégantes  et  les 
teintes  plus  vives,  quelles  conservent  quand  elles 
sont  hors  de  l'eau  et  collées  sur  les  feuillets  de 
l'herbier  ;  leurs  organes  de  reproduction  sont  si- 
tués soit  à  l'intérieur,  soit  à  l'extérieur  de  la  plante. 
Principaux  genres  :  1°  les  conferves  ou  algues  des 
i  eaux  douces  sont  des  plantes  gélatineuses  ou  fila 
menteuses  dont  quelques-unes  ressemblent  à  de 
]  gros  crins  de  cheval  ;  —  2"  les  ulves,  remarquables 
parce  que  l'ulve  intestinale,  par  exemple,  coït 
aussi  bien  dans  les  ruisseaux  que  dans  la  mer,  sont 
'  des  algues  herbacées,  vertes,  rameuses  ;  3°  les 
varechs  ou  fucus,  communs  sur  nos  côtes,  sont 
des  lanières  coriaces,  de  couleur  vert  olive,  pourpre 
dans  leur  jeune  âge  ;  ils  vivent  attachés  sur  les  ro- 
chers Un  grand  nombre  d'algues  très-simples, 
comme  les  navicules,  les  diatomées,  les  bncillaires 
microscopiques,  les  unes  vivantes,  les  autres  fos- 
siles, sont  remarquables  par  la  forme  extrêmement 
j  élégante  et  régulière  qu'afl'ecte  leur  carapace  sili- 
I  ceuse.  Quelques  algues  présentent  enfin  de  l'inté- 
rêt à  cause  de  leur  utilité  :  les  varechs  contiennent 
de  l'iode  qu'on  peut  extraire  et  qui  sert  en  méde- 
cine, et  la  mousse  de  Corse,  vermifuge,  très-effi- 
cace pour  les  enfants,  est  également  un  varech  de 
j  la  Méditerranée. 

I      Classe  des  champignojis.  —  Vu  l'importance  de 
I  cette  classe,  un  article  spécial  lui  est  consacré  au 
mot  Champigiion. 

Classe  des  lichens.  —  Les  lichens  sont  des  plan- 
tes sèches  et  coriaces  vivant  sur  les  rochers,  sur  les 
]  écorces  d'arbres  et  sur  la  terre   humide.  Elles  se 
!  présentent  sous  la  forme  de  croîites  membraneuses, 
j  foliacées,  et  quelquefois  de  simple  poussière.  Ces 
I  plantes  fournissent  des  espèces  employées  en  tein- 
turerie. Quelques-unes  servent  d'aliments  aux  peu- 
ples septentrionaux  ;  les  Islandais,  par  exemple,  les 
mêlent  à  leur  farine  après  les  avoir  lavées,  séchécs 
et  pulvérisées,  et  les  rennes  se  nourrissent  pres- 
que exclusivement  de  ces  végétaux.  —  Le  liclten 
d'Island'^  et  le  lichen  pulmonaire,  qui  croit  sur  le 
chêne,  sont  employés  en  médecineà  cause  de  leurs 
propriétés  pectorales.  —  V.  Lichens. 

Classe  des  7/iousses.  —  Qui  ne  connaît  ces  élé- 
gants végétaux  qui  forment  le  tapis  moelleux  et  vert 
des  bois,  qui  poussent  sur  les  rochers,  sur  l'ccorce 
des  arbres  et  parfois  même  au  fond  des  eaux  lim- 
pides. Examinée  de  près,  on  reconnaît  dans  une 
mousse  une  vér'tnble  tiçe  simple  ou  rameuse, 
sur  laquelle  s'insèrent  de  peiites  fcLiilles  .«es- 
siles,  pointues,  entièrement  cellulaires,  mais  au 
milieu  desquelles  des  cellules  plus  allongées 
ébauchent  des  nervures.  La  coloration  verte  des 
mousses  est,  comme  dans  les  végétaux  supérieurs, 
due  à  la  présence  de  la  chloroiihylle.  Les  or- 
ganes mâles  des  mousses  sont  contenus  dans  des 
anthéridies  situées  à  l'aisselle  des  feuilles  et 
mêlées  de  filaments  stériles,  tandis  que  le?  or- 
ganes femelles  ou  sporanges  sont  des  urnes  coif- 
fées d'un  véritable  capuchon  et  supportées  par 
de  longs  pédoncules  à  l'extrémité  des  tiges.  — 
V.  Mousses. 

Classe  des  Fougèi'cs.  —  Les  fougères  sont  de 
belles  plantes  herbacées  dans  nos  climats,  mais 
souvent  arborescentes  dans  les  tropiques,  où  elles 
s'élèvent  à  la  manière  des  palmiers.  Leur  tige, 
aérienne  dans  les  pays  chauds,  est  souterraine  dans 
les  contrées  tempérées.  Les  expansions  foliacées 
qu«   porte  l'axe  aérien  se  nomment  des  frondes  ; 


ACOUSTIQUE  —  21 

elles  sont  alternes  et  profondément  découpées, 
pliées  et  roulées  en  crosse  quand  elles  sont  jeunes  ; 
elles  portent  sui*  leur  face  inférieure  des  spores 
nues  ou  préservées  sous  une  écaille  nommée  sore: 
ces  spores  en  tombant  sur  le  sol  germent  et  don- 
nent naissance,  non  pas  à  un  individu  reproduisant 
la  fougère  telle  que  nous  la  connaissons  à  l'ombre 
de  nos  forêts,  mais  à  un  végétal  rampant,  enfon- 
çant des  crampons  dans  le  sol,  et  laissant  tomber 
entre  sa  face  inférieure  et  la  terre  des  anthérozoïdes 
et  des  corpuscules  femelles  qui  se  rejoignent.  C'est 
de  l'organe  femelle  ainsi  fécondé  que  naîtra  de 
nouveau  une  fougère  ;  nous  avons  donc  encore  en 
ces  végétaux  un  exemple  de  génération  alternante. 

—  Ces  acotylédones  ne  présentent  plus  seulement 
un  tissu  cellulaire,  et  il  existe  à  la  périphérie  de 
l'ase  une  région  où  abondent  les  vaisseaux  et  les 
fibres. 

Principales  espèces.  —  I"  La  fougère  commune, 
dont  la  tige,  coupée  transversalement,  présente 
vaguement  l'image  d'un  aigle  à  deux  tètes.  —  2"  Le 
l-olypode  commun  ou  de  chêne  croît  en  touffes  sur 
les  troncs  d'arbres  surtout.  —  3°  La  scolopendre 
offici?iale  ou  langue  de  cerf  végète  dans  les  puits, 
les  fentes  de  rochers,  dans  les  lieux  humides  et 
couverts.  —  4°  Le  capillaire  noir  se  voit  dans  les 
haies  et  sur  les  vieilles  murailles. 

Les  feuilles  de  fougère  sont  employées  comme 
litières  pour  les  bestiaux,  les  parties  souterraines 
contiennent  un  principe  amer  astringent. 

La  tige  souterraine  sert  d'aliment  aux  habitants 
de  quelques  contrées:  k  la  Nouvelle-Hollande,  à  la 
Nouvelle-Zélande,  à  la  Tasmanie  et  autres  îles  de 
cette  partie  du  monde,  dans  certaines  provinces 
de  la  Russie;  mais  ces  végétaux  ne  fournissent 
qu'un  aliment  féculent  grossier  et  peu  substantiel, 
ce  qui  contribue  à  la  chétive  constitution  des  ha- 
bitants de  rOcéanie.  —  Il  n'y  a  pas  de  fougère  vé- 
néneuse. 

Autres  classes  d'acoti/lédonées.  —  Les  lycopodia- 
cées  tiennent  des  fougères  et  des  mousses  ;  la  pous- 
sière de  leur  sporange  formée  de  spores  est  jaune 
et  se  nomme  soufre  végétal,  à  cause  de  la  propriété 
qu'elle  a  de  s'enflammer  ;  elle  est  emploj^ée  dans 
les  feux  d'artifice.  Les  équisétucées  ou  prèles  sont 
dos  plantes  marécageuses  nommées  vulgairement 
queues  de  cheval,  imprégnées  de  silice,  ce  qui  les 
rend  propres  à  polir  le  bois  et  même  les  métaux. 

—  Les  fougères,  les  lycopodiacées  et  les  prèles  ont 
joué  un  rôle  important  parmi  les  végétaux  dont  les 
débris  ont  formé  la  houille. 

Avis  aux  maîtres.  —  C'est  dans  les  promenades 
qu'on  peut  attirer  l'attention  des  enfants  sur  ces  vé- 
gétaux, leur  montrer  les  algues  qui  croissent  dans 
les  cours  d  eau,  dans  les  mares,  sur  les  rochers, 
aux  bords  de  la  mer  ;  les  lichens  qui  tapissent  les 
pierres  les  plus  arides;  les  mousses  dont  les  or- 
ganes reproducteurs  très-éléganls  sont  faciles  à 
voir  à  la  fin  du  printemps;  les  fougères  des  mu- 
railles ou  des  bois.  Quant  à  l'étude  des  champi- 
gnons, il  ne  faut  la  pratiquer  qu'avec  prudence, 
ef  n'affirmer  qu'en  parfaite  connaissance  de  cause. 

Il  n'y  a  guère  d'ouvrages  élémentaires  sur  les 
acotylédones  ;  toutefois,  on  peut  consulter  \' Histoire 
des jilantes  de  Figuier,  les  Éléments  de  Botanique, 
rédigés  conformément  aux  progi-ammes  pour  l'en- 
seignement secondaire  spécial  par  le  docteur  Mar- 
chand, etc.  [G.  Philippon.] 

ACOUSTIQUE.  —  Physique  XXVIII.  —  {Ëtym. 
du  grec  acousticos,  qui  peut  être  entendu.) 
^  Cette  partie  de  la  physique  étudie  les  sons, 
c'est-à-dire  les  causes  des  impressions  que  nous 
percevons  par  l'organe  de  l'ouie.  Elle  examine 
leur  mode  de  production,  la  manière  dont  ils  se 
propagent  ou  se  transmettent,  leurs  différentes  qua- 
lités et  les  principaux  appareils  qui   les  donnent. 

1.  Production  du  son.  _  Le  son  est  toujours 
produit  par  une  série  de  mouvements   de  va-et- 


ACOUSTIQUE 


vient  très-rapides,  exécutés  par  un  corps  sonore- 
On  donne  le  nom  de  vihratio'is  k  ces  mouvement? 
alternatifs,  et  on  prouve  par  l'expérience  que  tout 
corps  qui  produit  un  son  accomplit  des  vibrations. 
Quand  une  corde  de  violon  résonne,  elle  paraît 
renflée  en  son  milieu;  ce  sont  les  rapides  excur- 
sions qu'elle  accomplit  à  droite  et  ;\  gauche  de  sa 
première  position,  en  un  mot  les  vibrations,  qui 
lui  donnent  cet  aspect  ;  elle  le  perd  d'ailleurs  à 
mesure  que  le  son  s'éteint.  Si  on  frappe  une  clo- 
che ou  un  timbre,  ils  produisent  un  son  ;  on  rend 
visibles  leurs  mouvements  vibratoires  en  appro- 
chant d'eux  une  bille  d'ivoire  suspendue  par  un  fil  ; 
la  bille  est  lancée  par  le  corps  vibrant  et  le  frappe 
h  coups  répétés  en  retombant  sur  lui.  louche-t- 
on la  cloche  ou  le  timbre  avec  la  main,  on  arrête  le 
mouvement  vibratoire,  et  le  son  cesse  ;  mais  quand 
le  corps  est  doué  d'une  certaine  puissance,  que  le 
contact  de  la  main  n'est  plus  suffisant  pour  étouffer 
le  mouvement,  on  éprouve  un  vif  trémoussement 
tant  que  dure  le  son.  Il  résulte  de  cette  remar- 
que que  les  corps  élastiques  seuls,  surtout  les  gaz 
et  les  solides,  seront  sonores. 

2.  Propagation  du  son.  —  Pour  parvenir  à  l'or- 
gane de  l'ouïe  et  l'impressionner,  les  vibrations 
du  corps  sonore  ont  besoin  d'un  milieu  qui  les 
transmette  et  fasse  participer  l'oreille  à  cet 
état  de  trépidation  du  corps  qui  est  le  point  de 
départ  du  son.  C'est  le  plus  souvent  l'air  atmos- 
phérique qui  est  ce  milieu  propagateur;  s'il  man- 
que, si  le  corps  vibre  dans  un  espace  privé  d'air 
ou  de  tout  autre  milieu  pondérable,  les  vibrations 
existent,  mais  elles  sont  silencieuses,  sans  effet  sur 
l'oreille.  C'est  ce  que  l'expérience  confirme.  Dans 
un  grand  ballon  est  suspendue  une  clochette  par 
des  filaments  de  coton  non  tordus  ;  on  entend  la 
cloche  tinter  quand  on  agite  l'appareil  ;  mais  si  on  a 
enlevé  l'air  du  ballon,  on  voit  le  battant  frapper  la 
clochette  par  l'agitation,  mais  on  n'entend  plus 
rien  ;  on  peut  laisser  rentrer  l'air  :  alors  le  son 
renaît  d'abord  faible,  puis  plus  fort  à  mesure  que 
le  ballon  se  remplit. 

Le  son  est  donc  d'autant  plus  faible  que  l'air  est 
plus  raréfié;  il  doit  être  plus  faible  au  sommet  des 
montagnes  que  dans  les  vallées,  aux  hautes  ré- 
gions de  l'atmosphère  que  sur  le  sol.  Saussure  a 
constaté  en  effet  qu'au  sommet  du  mont  Blanc  la 
décharge  d'un  pistolet  ne  produit  pas  plus  de  bruit 
qu'un  pétard  dans  la  plaine,  et  Gay-Lussac  avait 
remarqué  l'extrême  faiblesse  de  sa  voix  quand  il 
était  à  "OOu  mètres  de  hauteur  dans  sa  célèbre  as- 
cension aérostatique. 

fo  L'air  est  lui-même  en  vibration  quand  il  trans- 
met un  son.  Le  tremblement  des  vitres  pendant 
les  violents  coups  de  tonnerre,  qui  ont  déterminé 
dans  l'air  de  puissantes  vibrations,  en  est  une 
preuve  frappante.  Si  on  tient  une  membrane  ten- 
due, saupoudrée  de  sable,  dans  le  voisinage  d'un 
corps  sonore  qui  rend  un  son  fort,  le  sable  sautille, 
se  rassemble  suivant  certaines  configurations,  accu- 
sant ainsi  les  vibrations  qui  le  frappent. 

Les  liquides  et  les  solides  transmettent  aussi  le 
son,  même  mieux  encore  que  les  corps  gazeux.  Un 
plongeur  entend  sous  l'eau  les  bruits  du  rivage.  On 
perçoit  nettement  hors  de  l'eau  le  bruit  qu'on  pro- 
duit en  frappant  l'un  contre  l'autre  deux  cailloux 
plongés.  Dans  une  chambre  fermée,  les  bruits  du 
dehors  sont  sensibles.  On  applique  l'oreille  à  terre 
pour  entendre  les  décharges  lointaines  de  l'artille 
rie  que  l'air  n'apporte  pas,  ou  le  roulement  d'une 
voiture  éloignée.  On  se  fait  entendre  des  sourds 
quand  on  leur  parle  dans  un  tuyau  dont  ils  pres- 
sent le  bord  entre  leurs  dents.  Mais  si  les  corps  so- 
lides élastiques  transmettent  bien  le  son,  les  corps 
mous,  pulvérulents,  en  filaments,  l'étoupe,  la  sciure 
de  bois,  la  mousse,  les  étoffes  ne  le  transmet- 
tent pas. 

Ainsi,  deux   conditions  sont   nécessaires,   indis- 


ACOUSTIQUE 


—  22  — 


ACOUSTIQUE 


pensables  pour  que  nous  entendions  un  son,  d'une 
part  un  corps  matériel  en  vibration,  d"une  part  un 
aiilieu  élastique  entre  le  corps  sonore  et  noire 
oreille. 

2°  Vitesse  du  son.  —  L'observation  journalière  ap- 
prend que  le  son  ne  se  propage  pas  instantané- 
ment, qu'il  met  un  temps  appréciable  pour  deve- 
nir sensible  en  un  point  éloigné  du  lieu  où  il  s'est 
produit.  Le  chasseur  que  l'on  voit  de  loin  dans  la 
plaine  court  déjà  ramasser  son  gibier  quand  on  en- 
tend le  coup  de  fusil  qu'il  a  tiré.  Mais  tous  les 
sons,  si  différents  qu'ils  soient  les  uns  des  autres, 
se  propagent  avec  la  même  rapidité,  puisque  le 
morceau  d'ensemble  d'un  orchestre  a  le  même 
caractère  de  loin  que  de  près  ;  tous  les  sons  ont 
donc  la  môme  vitesse. 

La  vitesse  d'un  son  est  l'espace  qu'il  parcourt 
en  une  seconde.  Pour  la  trouver,  on  produit,  en 
un  lieu  éloigné  et  visible  dont  on  connaît  exacte- 
ment la  distance,  simultanément  un  son  et  ime 
lumière  ;  on  note  exactement  le  temps  qui  s'écoule 
entre  l'apparition  de  la  lumière  et  la  perception  du 
son,  et  on  divise  l'espace  connu  par  le  nombre  de 
secondes  observé.  Des  expériences  précises  faites 
par  les  savants  de  l'Académie  des  sciences,  il  ré- 
sulte que  le  son  parcourt  dans  l'air  ,340  mètres  par 
seconde.  Dans  l'eau,  la  vitesse  est  plus  de  quatre 
fois  plus  grande  :  le  son  y  parcourt  14-35  mètres  par 
seconde.  La  vitesse  est  bien  plus  considérable  en- 
core dans  les  solides  :  on  l'estime  à  près  de  4000 
mètres. 

3°  Transmission  du  mouvemem  sonore.  —  Le 
mouvement  sonore  se  transmet  à  la  fois  dans  tous 
les  sens,  tout  autour  du  centre  d'ébranlement  qui 
l'a  produit.  Mais,  pour  comprendre  son  mode  de 
transmission,  il  convient  de  l'étudier  d'abord  dans 
un  long  cylindre  à  l'entrée  duquel  est  placée  une 
lame  vibrante,  qui  se  déplace  rapidement  d'avant 
en  arrière  et  de  la  sorte  rend  un  son.  Dans  la 
première  moitié  de  sa  vibration,  la  lame  exerce 
sur  l'air  du  cylindre  une  série  de  compressions  qui 
vont  d'abord  en  augmentant  pour  diminuer  ensuite 
et  qui  se  communiquent  d'une  tranche  à  l'autre 
comme  se  transmet,  par  une  série  de  billes  d'i- 
voire, le  choc  imprimé  à  la  première.  C'est  la  mo- 
dification de  l'air  qui  se  déplace  et  s'avance,  mais 
non  pas  l'air  lui-même.  Chaque  tranche  du  canal 
acquiert  sur  place  les  états  de  condensation  de  la 
colonne  modifiée  :  celle-ci  prend  le  nom  d'onde 
condensée.  Quand  la  lame  vibrante  revient  à 
son  point  de  départ,  accomplit  la  seconde  partie 
de  sa  vibration,  la  couche  d'air  en  contact  avec 
elle  se  dilate  ainsi  que  les  couches  suivantes, 
et  il  en  résulte  une  07ide  dilatée,  qui  chemine  à 
la  suite  de  l'onde  condensée  ;  lune  et  l'autre  se 
trouvent  h  340  mètres  de  leur  point  de  départ 
une  seconde  après  l'instant  où  elles  ont  pris  nais- 
sance. Dans  un  milieu  indéfini,  les  choses  se  pas- 
sent de  la  même  manière  ;  seulement  les  ondes, 
au  lieu  de  cheminer  d'un  bout  à  l'autre  du  cylin- 
dre, se  développent  sur  des  sphères  concentri- 
ques. Rien  ne  donne  mieux  une  idée  de  ce  double 
mouvement  que  les  ondulations  qui  se  forment  sur 
une  nappe  d'eau  tranqtiille  autour  du  point  où  est 
tombée  une  pierre.  Les  cercles  s'étendent  en  for- 
mant chacun  un  bourrelet  et  un  sillon  ;  mais  en 
chaque  point  les  molécules  de  l'eau  ne  font  que 
monter  et  descendre,  et  ce  n'est  que  l'ondulation 
qui  se  transmet  ;  un  corps  flottant  révèle  les  agi- 
tations verticales,  mais  il  ne  change  pas  de  place. 

On  comprend  que  l'impulsion  sonore  aille  s'affai- 
blissant  à  mesure  quelle  s'éloigne  de  son  point 
d'origine  ;  elle  se  distribue  en  efi'et  dans  une  masse 
d'air  de  plus  on  plus  grande.  Mais  si  on  la  force 
à  transmettre  son  mouvement  à  des  couches  d'air 
d'égal  volume,  à  parcourir  un  cylindre,  elle  s'affai- 
blira infiniment  moins  et  pourra  dès  lors  rester 
sensible  à  de  grandes  distances.  C'est  la  raison  de 


l'emploi  du  porte-voix  et  des  tuyaux  que  l'on  éta- 
blit d'un  étape  à  l'autre  d'une  grande  habitation 
pour  transmettre  les  ordres. 

4°  Réflexion  du  son.  —  Les  ondes  sonores  chan- 
gent de  marche,  quand  elles  rencontrent  un 
obstacle;  elles  reviennent  sur  elles-mêmes  quand 
elles  étaient  perpendiculaires  à  la  surface  fixe 
qu'elles  ont  frappée,  ou  bien,  et  c'est  le  plus  sou- 
vent, elles  suivent  une  direction  angulaire  avec  la 
première.  C'est  le  phénomène  de  la  réflexion,  au- 
quel obéit  tout  corps  élastique  envoyé  contre  un 
obstacle.  Quand  le  son  est  réfléchi,  on  entend  d'a- 
bord le  son  direct,  puis,  après  un  intervalle  de 
temps  plus  oti  moins  long,  les  ondes  réfléchies  ap- 
portent une  seconde  fois  le  son.  h'éc/io  est  cette 
répétition  d'un  son  plus  ou  moins  afi'aibli,  qui  pa- 
raît venir  de  derrière  l'obstacle  où  s'est  faite  la 
réflexion. 

Quand  l'observateur  fait  lui-même  parler  l'écho, 
c'est-à-dire  quand  il  émet  les  sons  que  l'écho  doit 
répéter,  il  faut  qu'on  puisse  mener  du  point  où  il 
est  une  perpendiculaire  à  l'obstacle,  et  que  la  dis- 
tance soit  assez  grande  pour  séparer  le  son  de  re- 
tour du  son  direct.  Si  les  ondes  directes  et  les  on- 
des réfléchies  se  superposent  en  partie,  parce  que 
la  différence  de  leurs  trajets  n'est  pas  suffisante, 
le  son  est  unique,  mais  confus  :  il  y  a  résonnance, 
phénomène  fréquent  dans  les  longs  corridors,  les 
grandes  salles  nues,  les  églises. 

Les  conditions  de  sonorité  des  salles  de  concert 
ou  de  classe  dépendent  de  la  manière  dont  leurs 
parois  réfléchissent  les  sons. 

3.  Qualités  du  son.  —  Quand  l'ébranlement  du 
corps  sonore  est  instantané  ou  irrégulier,  le  son 
est  simple,  non  continu,  confus  ;  c'est  un  bruit,  ou 
une  explosion  s'il  est  fort  et  subit;  Mais  quand  le 
mouvement  est  continu,  que  les  vibrations  sont 
nombreuses  et  régulières,  d'égale  durée  et  persis- 
tantes, le  son  est  agréable  à  l'oreille  :  c'est  un  son 
musical.  Il  a  alors  trois  qualités  :  la  hauteur,  l'in- 
tensité et  le  timbre. 

La  hauteur  est  la  qualité  qui  fait  dire  un  son 
aigu  ou  grave  ;  elle  dépend  du  nombre  des  vibra- 
tions ;  c'est  le  caractère  fondamental  des  sons  mu- 
sicaux. 

L'tntennté  est  le  degré  de  puissance  ou  de  force 
du  son  ;  elle  tient  à  l'amplitude  des  vibrations. 

Le  timbre,  c'est  la  qualité  qui  fait  qu'un  même 
son,  de  même  force  et  de  même  hauteur,  nous  im- 
pressionne difi'éremment,  suivant  la  nature  de 
l'instrument  qui  l'a  prorîuit. 

4.  Principaux  corps  producteurs  des  sons.  —Dans 
les  instruments  de  musique,  on  utilise  les  vibra- 
tions de  l'air  dans  les  tuyaux  et  les  instruments  à 
vent,  et  celles  de  quelques  corps  solides,  comme 
les  cordes,  les  verges,  les  plaques  et  les  membranes. 

Les  verges  ou  lames  sont  employées  pour  le  dia- 
pason à  branches  et  les  boîtes  à  musique  ;  les 
membranes  dans  le  tambour  et  la  grosse  caisse  ; 
les  plaques  dans  le  tam-tam  et  les  cj'mbales. 

Vibrations  des  cordes.  —  Les  cordes  sont  ten- 
dues par  leurs  extrémités,  dans  un  cadre  comme 
dans  la  harpe,  ou  sur  une  caisse  sonore  qui  ren- 
force le  son  comme  dans  le  violon,  la  guitare,  le 
piano.  On  les  pince  ou  on  les  frotte  avec  l'archet, 
pour  leur  faire  rendre  les  vibrations  transversales 
qui  produisent  les  sons. 

Le  nombre  des  vibrations,  et  avec  lui  la  hauteur 
du  son,  dépend  de  la  longueur,  de  la  grosseur,  de 
la  nature  de  la  corde  et  de  la  force  avec  laquelle 
elle  est  tendue.  Dans  le  piano,  chaque  corde  ne 
peut  donner  qu'un  son  ;  mais  dans  le  violon  l'ar- 
tiste modifie  à  son  gré  et  multiplie  les  sons  en  di- 
minuant convenablement  la  longueur  des  portions 
de  corde  que  le  coup  d'archet  fait  vibrer. 

Tuijaux  sonores  et  instruments  à  vent.  — Dans 
les  tuyaux,  c'est  une  colonne  d'air  qui  vibre 
par  les  chocs  répétés  que  le  gaz  subit  à  l'entrée. 


ACTIONS 


—  23  — 


ACTIONS 


On  les  dit  à  embouchure  de  flûte,  quand  le  courant 
d'air  se  brise  contre  un  biseau;  à  anche,  quand  la 
cause  des  vibrations  est  une  peiite  iamele  que  le 
courant  d'air  agite  vivement.  C'est  surtout  la  lon- 
gueur et  la  manière  dont  le  tube  est  ouvert  sur  sa 
paroi  latérole  (jui  modifient  le  son  dans  les  tuyaux 
et  dans  les  instruments  à  vent  si  nombreux;  ces 
derniers  prcsenîent  nombre  de  trous  et  de  clefs  qui 
servent  à  obtenir  les  différents  sons  ;  un  seul,  le 
cor  de  chasse, n'en  porte  pas;  aussi  ne  peut-il  don- 
ner que  quelques  sons  déterminés. 

5.  Exercices  et  expériences.  —  I.  Constater  le 
mouvement  vibratoire  :  l»  par  une  lame  serrée  dans 
un  étau  et  écartée  brusquement  de  sa  première  po- 
sition ;  2°  en  promenant  un  diapason,  armé  d'un 
stylet  et  rendant  un  son,  au-dessus  d'une  plaque 
de  verre  noircie  ;  3°  en  frottant  avec  un  archet  le 
bord  d'un  grand  verre  à  demi  plein  d'eau  et  appro- 
chant une  épingle  de  sa  paroi  :  on  voit  les  rides  de 
l'eau  et  on  entend  les  chocs  répétés  contre  l'épingle. 

II.  Produire  un  son  fort  devant  un  piano  dé- 
couvert,l'instrument  le  continue. 

Suspendre  une  montre  dans  une  cloche  qu'on 
enfonce  sous  l'eau;  on  entend  le  son. 

Transmettre  un  son  à  distance  à  l'aide  d'un  fil  tendu. 

S'assurer  qu'à  la  sortie  d'un  long  tuyau  de 
fonte  on  entend  deux  fois  un  son  produit  à  l'entrée. 

Estimer  la  distance  à  laquelle  se  trouve  un  chas- 
seur en  comptant  les  secondes  écoulées  entre  l'ap- 
parition de  la  lumière  et  l'audition  du  coup  de  fusil. 
—  Même  calcul  pour  un  orage. 

Observer  un   ébranlement  produit  dans  une  eau 


Banque  prélève  sur  ses  b-^néfices  6  p.  100  du  capi- 
tal nominal  des  actions,  et  y  ajoute  les  |  du 
reste  ;  le  troisième  tiers  étant  destiné  à  former  en 
réserve.  Ce  dividende  <(;  paie  par  semestre. 

Les  actions  du  Comptoir  d'escompte  sont  au 
nombre  de  40,000;  leur  valeurnominale  estdeSOOfr. 
Pour  former  le  dividend.^,  le  comptoir  prélève  sur 
ses  bénéfices  4  p.  100  de  la  valeur  nominale  des 
actions,  et  y  ajoute  les  |durfste  ;  le  quatiièm'i  quart 
forme  su  réserve.  Le  dividende  se  paie  annuellement. 

Los  actions'  du  Crédit  foncier  sont  au  nombre 
de  GOOOU,  dont  la  valeur  nominale  est  de  500  fr. 
Pour  former  le  dividende  annuel,  la  Compagnie 
prélève  sur  ses  bénéfices  5  p.  100  de  la  valeur  no- 
minale des  actions,  et  y  ajoute  les  |  du  reste  ; 
le  dernier  cinquième  forme  la  réserve. 

Les  actions  du  Crédit  mobilier  sont  au  nombre 
de  120000;  leur  valeur  nominale  est  de  500  fr. 
Pour  former  le  dividende  annuel,  la  Société  prélève 
sur  ses  bénéfices  5  p.  100  du  capital  nominal  des 
actions,  et  y  ajoute  les  ^  du  reste,  diminué  lui- 
même  préalablemoni  de  5  p.  100. 

Beaucoup  d'entreprises  industrielles  sont  fondées 
sur  des  combinaisons  analogues. 

2.  Les  actions  peuvent  donner  lieu  à  divers 
types  de  problèmes. 

En  premier  lieu  :  Connaissant  le  bénéfice  annuel 
de  la  Compagnie,  on  peut  demander  de  calculer  le 
dividende  par  action. 

Supposons,  par  exemple,  que  le  bénéfice  annuel 
de  la  Banque  de  France  ait  été  de  24  000000  fr.  On 


tranquille   et  suivTe  attentivement  sa  propagation    calculera  d'abord  le  bénéfice  par  action  en  divisant 


et  même  son  retour.  —  En  faire  un  second  avant 
l'extinction  du  premier  et  constater  qu'ils  coexistent 
sans  se  troubler  dans  leur  marche. 

Appuyer  un  diapason  sur  une  table  ou  une  boîte 
pour  renforcer  le  son. 

Calculer  la  distance  à  laquelle  il  faut  se  trou- 
ver d'un  obstacle  pour  que  l'écho  répète  une  ou 
plusieurs  syllabes. 

III.  Faire  frapper  les  dents  d'une  roue  sur  une 
plaque  fixée  par  son  extrémité  ;  compter  les  bruits, 
quand  le  mouvement  est  lent  ;  constater  un  son 
musical  quand  le  mouvement  est  rapide  et  la  pos- 
sibilité de  connaître  le  nombre  des  vibrations. 

Faire  vibrer  une  corde  et  constater  la  diminution 
de  l'amplitude  à  mesure  que  le  son  s'affaiblit. 

IV.  Vérifier  ce  fait  que  la  longueur  d'une  corde 
tendue  ou  d'un  tuyau  est  plus  petite  pour  les  sons 
plus  aigus.  [Haraucourt.  I 

ACTIONS.  —  Arithmétique  XL VI.  —  On  nomme 
atioii  une  part  dans  le  fonds  social  et  dans  les 
intérêts  d'une  Compagnie.  Tout  propriétaire  d'une 
ou  plusieurs  actions  prend  le  nom  A^actiomiaire  : 
et  la  part  annuelle  de  bénéfice  distribuée  à  chaque 
actionnaire  pour  chacune  des  actions  qu'il  possède 
est  ce  que  l'on  appelle  le  dividende.  Ce  dividende  se 
paie  le  plus  souvent  par  semestre. 

Les  actions  peuvent  être  ?iominatives  ou  an  por- 
teur; dans  le  premier  cas,  elles  changent  de  pro- 
priétaire par  voie  de  transfert  comme  les  rentes 
(V.  ce  mot)  ;  dans  le  second,  elles  passent  de  maii^ 
en  main,  comme  le  billet  de  banque,  par  la  simple 
remise  du  titre.  Les  actions  sont  dites  libéréfs 
lorsque  leur  valeur  d'émission  a  été  intégralement 
versée  dans  la  caisse  de  la  Compagnie.  Les  actions 
ont  presque  toujours  une  valeur  commerciale  su- 
périeure à  leur  valeur  nominale  ;  cette  valeur 
commerciale,  qu'on  appelle  \&  cours  des  actions,  est 
cotée  chaque  jour  à  la  Bourse,  et  le  revenu  qu'elles 
produisent  est  inscrit  dans  une  colonne  spéciale  du 
bulletin.  Quelques  exemples  feront  comprendre  la 
nature  de  ce  genre  d'opérations  et  les  principaux  pro- 
blèmes d'arithmétique  auxquels  il  peut  donner  lieu. 

1.  Les  actions  de  la  Banque  de  France  sont  au 
nombre  de  91  250,  dont  la  valeur  nominale  est  de 
1000    fr.   Pour    former    le    dividende    annuel,    la 


24  000  000  fr.  par  91250,  nombre  des  actions,  ce  qui 
donne  263'',01.  On  prendra  donc  les  6  p.  100  de  la 
valeur  nominale  1  000  fr.,  c'est-à-dire  60  fr.  ;  on  re- 
tranchera ce  nombre  de  263"',01,  ce  qui  donne 
203'^01  dont  on  prendra  les  \.  soit  135'%34  ;  le 
dividende  par  action  sera  donc  60  fr.  -|-  135'',^4,  soit 
195'%34. 

Supposons  de  même  que  le  bénéfice  annuel  du 
Crédit  foncier  ait  été  de  2  000  000  fr.  On  aura  le 
bénéfice  par  action  en  divisant  2  000  000  fr.  par 
60  000,  ce  qui  donne  SS'^SS.  La  valeur  nomi- 
nale d'une  action  étant  500  fr.,  on  en  prendra  les 
0  p.  100,  soit  25  fr.  ;  retranchant  ces  25  fr.  de 
33'',33,  on  obtient  pour  reste  8'%33,  dont  les  |  font 
6'",66.  Le  dividende  cherché  est  donc  25  fr.,  -|-  6'',66 
ou31'S66. 

3.  On  peut,  au  contraire,  se  proposer  le  problème 
inverse  :  Coiviaissant  le  dividende,  calculer  le  bé- 
néfice total  de  la  Cnmpagiie. 
'  Supposons,  par  exemple,  que  le  dividende  du 
Comptoir  d'escompte  ait  été  de  41  fr.  La  valeur 
nominale  d'une  action  étant  de  500  fr.,  les  4  p.  100 
de  cette  valeur  donnent  20  fr.  Si  l'on  retranche  ces 
20  fr.  .du  dividende  41  fr.,  le  reste  21  fr.  représen- 
tera les  T  du  bénéfice  par  action  ;  ce  bénéfice  est 
donc  le  quotient  de  21  fr.  par  ?,  c'est-à-dire  28  fr.  ; 
et  le  bénéfice  total  est  le  produit  de  28  fr.  par  40  000, 
noiubre  des  actions.  On  trouve  ainsi  1  120  000  fr. 
Stipposons  de  même  que  le  dividende  du  Crédit 
mobilier  ait  été  de  "  2  fr.  La  valeur  nominale  d'une 
action  étant  de  500  fi-.,  les  5  p.  100  de  cette  valeur 
donnent  25  fr.  Si  l'on  retranche  ces  25  fr.  du  divi- 
dende 72  fr.,  le  reste  47  fr.  représentera  les  ~ 
du  bénéfice  par  action,  préalablement  diminué  des 
5  p.  100  ou  du  20"  de  sa  valeur,  c'est-à-dire  que 
47  fr.  représentera  les  ^  des  i|,  ou  les  i^  du 
bénéfice  par  action.    On  obtiendra  donc  ce  dernier 

en  divisant  47  fr.  par  |^,  ce  qui  donne  54'',9707 

ou  54"', 97  environ.  Le  bénéfice  total  s'obtiendrait 
en  multipliant  ce  résultat  par  60  000,  nombre  des 
actions  :  ce  qui  donne  3  298  242  fr. 

4.  Un  problème  que  l'on  a  fréquemment  à  ré- 
soudre est  cfdui  qui  consiste  à  trouver  à  quel  taux 


ACTIVITE 


—  24 


ACTIVITE 


on  a  placé  son  argent  en  achetant  des  actions  à  un 
cours  donné,  connaissant  le  dividende  unraiel. 
C'est  une  simple  règle  de  trois  (V.  ce  mot). 

Si, par  exemple, on  a  acheté  des  actions  du  Comptoir 
d'escompte  au  cours  de  809  fr  ,  et  que  le  dividende 
ait  été  de  4l'',à0,  on  aura  à  résoudre  cette  question  : 

Si  80!)  fr.  ont  rapporté  'il^'iGO,  que  rapporteiaient 
100  fr.  ?  Multipliant  41'', 50  par  100,  et  divisant  le 
produit  par  8i)'.),  on  trouve  pour  le  taux  demandé 
5^129...  ou  à  peu  près  5^13. 

Pareillement,  si  l'on  a  acheté  des  actions  du  che- 
min de  fer  du  Nord  au  cours  de  1007''',50  et  que 
le  dividende  ait  été  62  fr.,  on  dira  : 

Si  1007'''.50  ont  rapporté  62  fr.,  que  rapporte- 
raient 100  fr.  ?  Multipliant  6-2  par  100,  et  divisant  le 
produit  par  I00T^50,  on  obtient  pour  le  taux  du 
placement,  e'^l.'JS...  ou  à  peu  près  ()'%15. 

h.  Enfin  on  peut  avoir  à  résoudre  un  problème 
dans  lequel  figurent  à  la  fois  des  actions  et  des 
rentes.  Tel  est  le  suivant:  Au  9  octobre  1777.  In 
rente  ;5  p.  100  était  au  cours  de  69,  et  les  actions  du 
Crédit  foncier  étaient  cotées  64l",25.0n  demande 
quel  devrait  être  le  dividende,  et  par  suite  le  béné- 
fice de  la  Compagnie,  pour  qu'il  y  ait  avantage  à 
choisir  le  second  placement  /  Il  faut  d'abord  cher- 
cher quel  devrait  être  le  dividende  pour  que  les 
deux  placements  fussent  également  avantageux  : 
c'est  une  simple  règle  de  trois. 

Si  00  fr.  rapportent  :>  fr.,  que  rapporteront 
641''',25  au  même  taux  ?  Multipliant  G4l''^,2.5  par  3 
et  divisant  le  produit  par  69  (ce  qui  revient  à  divi- 
ser 641'^25  par  23),  on  trouve  27'', 88.  Tel  devrait 
être  le  dividende.  Il  faut  en  déduire  le  bénéfice  de 
la  Compagnie.  La  valeur  nominale  dune  action 
étant  500  fr.,  les  5  p.  100  de  cette  valeur  donnent 
25  fr.  ;  si  l'on  retranche  ces  25  fr.  du  dividende 
27'',88,  le  reste  2''',88  représentera  les  |  du  bénéfice 
par  action  ;  on  aura  donc  celui-ci  en  divisant  2'"', 88 
par  |,  ce  qui  donne  ;i''^,60.  Par  suàte,  le  bénéfice 
total  sera  le  produit  de  3'%60  par  GO  000,  nombre 
des  actions,  ce  qui  donne  2  160  000  fr.  Il  faudrait 
donc,  en  définitive,  que  le  bénéfice  de  la  Compagnie 
dépassât  cette  somme  pour  qu'il  y  eût  avantage  à 
acheter  plutôt  des  actions  que  des  rentes. 

[H.  Sonnet]. 

ACTIVITÉ.  —  Psychologie  XVI.  —  {Etym.  puis- 
sance ou  faculté  d'agir.) 

D'après  certains  systèmes  philosophiques,  l'ac- 
tivité serait  le  caractère  universel  des  êtres.  Agir 
serait  synonyme  d'exister.  Telle  est,  par  exemple, 
la  doctrinede  Leibniz,  qui  jusque  dans  la  matière 
la  plus  inerte  prétend  voir  des  forces  agissantes. 
Écartons  ces  hypothèses  métaphysiques  et  con- 
tentons-nous de  reconnaître  avec  le  sens  commun, 
que  l'activité  appartient  à  un  grand  nombre  d'êtres, 
sinon  à  tous. 

L'activité  se  présente  donc  sous  un  grand  nombre 
d'aspects,  selon  la  nature  des  êtres  où  elle  se  ma- 
nifeste. Mais,  avant  d'indiquer  ces  différentes  for- 
mes, il  est  possible  de  donner  une  définition  gé- 
nérale de  l'activité,  c'est-à-dire  d'analyser  les  élé- 
ments communs  que  renferme  toute  activité, 
quelle  qu'elle  soit. 

Définition  générale  de  Vactivité.  —  Le  premier 
fait  qui  nous  frappe  dans  un  être  doué  d'activité, 
c'est  qu'il  change.  Les  changements  d'état,  la 
feuille  ou  la  fleur  qui  se  déploie  sur  une  tige  vé- 
gétale, les  mouvements  qui  s'accomplissent  dans 
les  membres  d'un  animal,  la  succession  des  senti- 
ments et  des  pensées  qui  se  suivent  dans  la  con- 
science humaine,  toutes  ces  modifications  trahissent 
l'activité.  Mais  ces  changements  seraient  inexpli- 
cables, s'ils  n'étaient  pas  les  résultats  des  mouve- 
ments d'une  force  intérieure,  force  physique  dans 
les  corps  en  général,  force  vitale  dans  la  plante, 
force  motrice  chez  les  animaux,  force  intelligente 
chez  l'homme.  Le  second    élément   compris   dans 


l'idée  d'activité,  c'est  donc  la  conception  d'une 
puissance  cachée  qui  se  développe,  et  qui  en  se 
développant  détermine  un  changement.  Enfin,  on 
ne  comprendrait  pas  que  cette  force  obéit  ainsi  à 
la  loi  du  mouvement,  du  changement  incessant,  si 
l'on  n'admettait  pas,  en  troisième  lieu,  que  néces- 
sairement ou  librement ,  aveuglément  ou  avec 
conscience  d'elle-même,  elle  tend  à  un  but  '  et  à 
une  fin.  La  plante  fleurit  pour  se  reproduire,  l'a- 
nimal se  meut  pour  satisfaire  son  appétit  et  ses  di- 
vers besoins  physiques  :  l'homme  agit  pour  atteindre 
le  but  qu'il  désire  et  qu'il  conçoit.  Là  inconsciente, 
ici  réfléchie,  l'activité  peut  toujours  être  définie  : 
/"  développement  d'une  force  qui  tfud  à  une  fiu. 

Différentes  formes  de  l'activité.  —  Le  végétal 
qui  naît,  croît  et  meurt,  agit  en  un  sens  ;  mais 
cette  activité  est  sourde  et  obscure,  elle  ne  se  rend 
nullement  compte  d'elle-même.  Déjà  chez  l'ani- 
mal nous  rencontrons  une  activité  plus  haute, 
plus  complète  :  l'animal  qui  se  meut,  qui  a  des 
désirs  et  qui  le  sent,  qui  possède  une  certaine 
conscience  de  lui-même,  l'animal  souffre  et  jouit  ; 
son  activité  est  déjà  consciente  à  quelque  degré  ; 
mais  enfermée  dans  un  cercle  infranchissable,  elle 
est  uniforme,  aveugle,  elle  se  répète  dans  des 
actes  toujours  les  mêmes  :  c'est  cette  activité 
qu'on  appelle  Vinstinct. 

L'homme  résume  en  lui  toutes  les  formes  infé- 
rieures de  l'activité  et  y  en  ajoute  d'autres.  A 
l'activité  végétative  de  la  plante,  à  l'activité  ins- 
tinctive de  l'animal,  il  joint  une  activité  qui  lui  est 
propre,  activité  réfléchie,  pleinement  consciente 
d'elle-même,  qui  sait  où  elle  va,  qui  connaît  le  but 
qu'elle  poursuit,  qui  délibère  avant  de  le  poursuivre, 
qui  calcule  les  moyens  les  plus  sûrs  de  l'atteindre, 
qui  enfin  se  détermine  librement  par  sa  propre  ini- 
tiative :  c'est  Vactivité  volontaire  ou  la  volojité. 

Les  instincts  jouent  un  grand  rôle  dans  la  vie 
humaine,  chez  l'enfant  surtout,  alors  que  la  raison 
n'est  pas  encore  éveillée.  L'action  de  téter,  le 
mouvement  des  yeux  qui  cherchent  la  lumière,  tous 
les  premiers  actes  de  l'enfant  sont  les  manifesta- 
tions de  ces  forces  irréfléchies,  dont  l'ensemble 
constitue  Vactivité    spontanée    ou   Vinstinct. 

Chez  l'homme  mûr,  l'instinct  s'eff'ace  sans  dispa- 
raître tout  à  fait,  pour  faire  place,  soit  aux  déter- 
minations réfléchies  de  la  volonté,  soit  aux  mouve- 
ments involontaires  de  V habitude  :  troisième  mode 
de  l'activité  humaine.  Elle  est  irréfléchie,  machi- 
nale, aveugle,  comme  l'instinct,  elle  en  a  tous 
les  caractères  apparents.  Aussi  l'a-t-on  appelée  la 
seconde  7iature  de  l'homme.  Et  d'autre  part,  cer- 
tains philosophes  modernes  tendent  à  croire  que 
les  instincts  ne  sont  que  les  habitudes  acquises 
par  nos  ancêtres  et  transmises  selon  les  lois  de 
l'hérédité  psychologique.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'habi- 
tude ne  diffère  do  l'instinct  que  par  son  origine. 
Tandis  que  l'instinct  naît  avec  nous,  l'habitude 
s'acquiert.  Elle  est  le  résultat  d'une  action  plu- 
sieurs fois  répétée.  L'instinct  est  comme  le  ber- 
ceau, le  premier  éveil  de  la  volonté  :  l'habitude, 
au  contraire,  c'est  la  volonté  endormie. 

Considérée  dans  ses  caractères  intrinsèques,  l'ac- 
tivité humaine  afi"ecle  donc  trois  formes  :  l'instinct, 
la  volonté,  l'habitude.  Mais,  si  nous  l'envisageons 
dans  les  objets  auxquels  elle  s'applique,  le  corps, 
l'intelligence,  le  caractère,  nous  aurons  une  autre 
division  :  Vactivité  physique,  Vactivité  intellectuelle, 
Vactivité  morale.  De  ces  trois  domaines,  le  pre- 
mier est  celui  où  se  développe  surtout  l'instinct. 
C'est,  au  contraire,  la  volonté  qui  domine  dans  les 
deux  autres,  puisqu'elle  est  le  principe  de  l'atten- 
tion de  l'esprit  et  de  l'énergie  du  caractère. 

Sous  ses  difl'érentes  formes,  l'activité  est  le  fond 
de  la  nature  humaine  :  nous  ne  vivons  physique- 
ment et  moralement  que  parce  que  nous  agissons 
de  manière  ou  d'autre.  Et,  lorsqu'elle  s'exerce 
dans  le  sens  de  nos  énergies  naturelles,  elle  est  une 


ADDITION  —  i 

source  de  plaisir.  La  douleur  n'est  qu'une  activité 
contrariée.  Aussi  les  philosoplies  modernes  s'ac- 
cordent-ils à  dire,  avec  Voltaire,  que  le  bonheur  est 
dans  l'action.  L'activité  est  notre  nature  et  notre 
bien.  [Gabriel  Compayré.l 

ADDITION.  —  Arithmétique  IV.  —  {Étym.  du 
latin,  addere,  ajouter.) 

Addition  des  aombues  extiers.  —  Opération  qui 
a  pour  but  de  réunir  en  un  seul  nombre  toutes  les 
unités  contenues  dans  deux  ou  plusieurs  nombres 
donnés.  On  ne  peut  additionner  que  des  unités  de 
même  espèce  ;  le  résultat  de  l'opération  se  nomme 
la  somme  ou  le  total. 

(Dans  le  Cou7's  élémentaire,  —  sur  lequel  nous 
n'avons  pas  à  insister  ici  —  on  pourra,  on  devra 
même  introduire  l'idée  d'addition  par  quelques 
problèmes  enfantins,  tels  que  ceux-ci  : 

Auguste  a  obtenu  2  bons  points  le  lundi,  .3  le 
mardi,  1  le  mercredi,  2  le  vendredi  et  2  le  sa- 
medi; combien  a-t-il  eu  de  bons  points  dans 
la  semaine? —  Réponse  :  10  bons  points. 

Ou  bien  : 

Henri  a  8  billes,  Charles  5  billes,  Louis  6  billes, 
et  Jacques  3  billes;  si  on  les  mettait  toutes 
ensemble  combien  cela  ferait-il  de  billes  ?  — 
Réponse  :  22  billes.) 

1.  Pour  pouvoir  faire  une  addition,  il  est  néces- 
saire de  savoir  par  cœur  la  somme  de  deux  nombres 
quelconques  d'un  seul  chiffre.  Ces  résultats  sont 
contenus  dans  le  tableau  ci-dessous,  auquel  on 
donne  le  nom  de  table  d'addition. 

012  345G789 

123456789  10 

234  5G7       8910  11 

3  4      5  G      7       8       9     10     11  12 

4  h      G  7       8      9     10     11     12  13 

5  G       7  8      9     10     11     12     13  14 

6  7       8  9     10     11     12     13     14  15 

7  8      9  10     11     12     13     14     15  10 

8  1)     10  11     12     13     14     15     16  17 
0     10     11  12     13     14     15     IG     17  18 

Pour  le  former,  on  écrit  sur  une  première  ligne 
horizontale  les  caractères  0,  1,  ;>,  etc.,  jusqu'à  9. 
On  forme  une  seconde  ligne  horizontale  en  ajou- 
tant une  unité  à  chacun  des  nombres  écrits  dans  la 
première.  On  forme  une  troisième  ligne  en  ajou- 
tant une  unité  à  chacun  des  nombres  de  la  seconde, 
et  ainsi  de  suite,  jusqu'à  ce  qu'on  ait  écrit  la  der- 
nière  ligne   horizontale  commençant   par  9. 

11  est  très-facile  de  trouver,  à  l'aide  de  cette  table, 
la  somme  de  deux  nombres  d'un  seul  chiffre  :  on 
cherche  dans  la  première  colonne  verticale  le  pre- 
mier des  deux  nombres  donnés,  et  l'on  suit  la  ligne 
Horizontale  commençant  par  ce  nombre  jusqu'à  ce 
qu'on  soit  arrivé  à  la  colonne  verticale  commençant 
par  le  second  nombre  donné  ;  le  nombre  placé  à  la 
rencontre  de  ces  deux  lignes  est  la  somme  que  l'on 
cherche. 

Soit,  par  exemple,  à  trouver  la  somme  des  nom- 
bres 7  et  8.  On  part  du  nombre  7  inscrit  dans  la 
première  colonne  verticale  ;  on  suit  la  ligne  horizon- 
tale commençant  par  s,  jusqu'à  ce  qu'on  soit  arrivé 
à  la  colonne  verticale  commençant  par  7  ;  le  nombre 
15  placé  à  la  rencontre  de  ces  deux  lignes  est 
la  somme  des  nombres  7  et  8. 
Cette  table  devient  inutile  dès  que  les  commen- 
çants sont  suffisamment  exercés. 

2.  11  faut  ensuite  exercer  les  élèves  à  faire  l'ad- 
dition de  plusieurs  nombres  d'un  seul  chiffre,  ce 


1  —  ADDITION 

qu'ils  peuvent  faire  dès  qu'ils  savent  la  numéra- 
tion ;  car,  s'il  s'agit,  par  exemple,  d'ajouter  les 
nombres  7,  8,  6,  5,  la  somme  des  deux  premiers 
étant  15,  on  y  ajoutera  G  en  comptant  jusqu'au 
Çf  nombre  après  15,  ce  qui  doinie  21  ;  et  l'on  ajou- 
tera 5  à  ce  dernier  en  comptant  jusqu'au  5'^  nombre 
après  21,  ce  qui  donne  20.  On  exprime  rapidement 
l'opération  en  disant  :  7  et  S.  15  ;  et  G,  21  ;  et  5,  2G. 
3.  Soit  maintenant  à  faire  la  somme  de  plusieurs 
nombres  entiers  quelconques,  par  exemple  des 
nombres  4572, 1863,  8731,  5120  et  7022.  La  méthode 
consiste  à  faire  successivement  la  somme  des  uni- 
tés, la  somme  des  dizaines,  la  somme  dos  cen- 
taines, etc.  Pour  cela  écrivons  les  nombres  don- 
nés les  uns  au-dessous  des  autres,  de  manière  que 
les  unités  de  même  ordre  se  correspondent  : 

4572 

1863 

8731 

5120 

7022 


27308 

Faisons  d'abord  la  somme  des  unités,  en  disant  : 
2  et  3,  5;  et  1,  G;  et  2.  8.  Cette  somme  étant  in- 
férieure à  10,  nous  l'écrirons  telle  que  nous  l'avons 
trouvée,  au-dessous  de  la  colonne  des  unités.  Fai- 
sons de  même  la  somme  des  dizaines,  en  disant  : 
7  et  G,  13  :  et  3,  IG  ;  et  2.  18  ;  et  2,  20.  Cette 
somme  équivaut  à  2  centaines  ;  nous  écrirons 
donc  0  sous  la  colonne  des  dizaines,  pour  en  tenir 
la  place,  et  nous  retiendrons  les  2  centaines  pour 
les  joindre  à  la  colonne  des  centaines,  en  disant  : 
2  de  retenue,  et  5,  7  ;  et  8,  15;  et  7,  22  ;  et  1,23. 
Cette  somme  se  composant  de  3  centaines  et  de 
2  mille,  nous  poserons  3  au-dessous  de  la  colonne 
des  centaines,  et  nous  retiendrons  les  2  mille  pour 
les  joindre  à  la  colonne  des  mille  en  disant  :  2  de 
retenue,  et  4,  6;  et  1,  7;  et  8,  15;  et  5,  20;  et 
7,  27.  \ous  poserons  les  7  mille  sous  la  colonne 
des  mille,  et  nous  écrirons  les  2  dizaines  de  mille 
à  la  gauche  du  chiÔ're  7  :  ce  qu'on  exprime  quelque- 
fois en  disant  que  l'on  avance  2,  parce  que, l'opéra 
tion  se  poursuivant  de  droite  à  gauche,  on  avarice 
réellement  en  écrivant  le  chiffre  2  à  la  gauche  du  7. 

On  suivrait  la  même  marche  pour  additionner 
des  nombres  entiers  quelconques  ;  de  là  cette  règle  : 

Pour  adcUtioJiner  des  nombres  entiers,  on  les 
écrit  les  uns  au  dessoîis  des  autres  de  manière  que 
les  unités  de  même  ordre  soient  dans  une  mêiue 
colonne  verticale;  on  lire  un  trait  au-dessous  du 
dernier  nombre  pour  le  séparer  du  résultat;  et  l'on 
fait  successivement  la  somme  des  unités  contenues 
dans  chaque  colonne,  en  commençard par  la  droite; 
si  la  somme  obtenue  ne  dépasse  pas  9,  on  l'écrit, 
telle  qu'on  l'a  trouvée,  au-dessous  de  la  colonne 
additionnée  ;  si  la  somme  dépasse^  unités  de  l'ordre 
co7isidéré,  elle  contient  des  unités  de  cet  ordre,  et 
des  dizaines;  on  p'.se  les  unités  au-dessous  de  la 
colonne,  et  l'on  retient  les  dizaines  pour  les  reporter 
à  la  cblo?inc  suivante;  et  l'on  continue  ainsi  jusqu  à 
ce  qu'on  ait  additiomié  la  dernière  colonne  à  gau- 
che, dont  on  écrit  la  somme  au-dessous  de  cette 
colonne,  telle  qu'on  l'n  trouvée. 

4.  On  nomme  preuve  de  l'addition  une  seconde 
opération  que  l'on  exécute  pour  vérifier  l'exactitude 
de  la  première.  La  méthode  la  plus  simple  consiste 
à  recommencer  l'opération,  en  ayant  soin  d'addi- 
tionner chaque  coloiuio  de  bas  en  haut,  si  l'on  a 
d'abord  additionné  de  haut  en  bas  ;  on  ne  coiu't 
pas  ainsi  le  risque  de  retomber  coiistamment  dans 
les  mêmes  fautes.  Si  l'on  obtient  la  même  somme, 
il  y  a  présomption  que  l'opération  a  été  bien  faite. 
Cette  seconde  opération  est,  en  effet,  plutôt  une 
épreuve  qu'une  preuve. 

On  peut  encore,  surtout  lorsqu'on  a  beaucoup 
de  nombres  à  additionner,  les  partager  en  plusieurs 
groupes;  additionner  séparément  chaque  groupe, 


ADJECTIF 


26  — 


ADJECTIF 


et  additionner  ensuite  les  sommes  partielles  obte- 
nues ;  on  doit  retrouver  ainsi  le  même  total  :  cette 
méthode  est  surtout  employée  par  les  comptables 
ot  dans  le  commerce. 

Si  l'on  considère,  par  exemple,  le  dernier  des 
exemples  numériques  proposés  ci-dessus,  on  voit 
que  la  somme  des  quatre  premiers  nombres  est 
10  80-3,  et  que  la  somme  des  trois  derniers  est 
2  776;  en  additionnant  ces  deux  sommes  partielles, 
on  retrouve  bien  la  somme  totale  13  579. 

On  pourra  proposer  aux  élèves  les  exemples 
suivants  en  faisant  additionner  tour  à  tour  de  haut 
en  bas  et  de  bas  en  haut  : 


1683 

678 

1197 

354-2 

156 

846 

871 

339 

1973 

3903 

01 

:!0:. 

U099 


123-i 


i321 


1568 

136 

8354 

1579  745 

4631  791 

246  1483 

3544  o02 

10000  13579 

Problèmes.  —  I.  Charlemagne  est  né  en  742,  et 
a  vécu   72  ans  ;  en  quelle  année  est-il  mort  ? 

Réponse  :  en  814. 

II.  En    1872,    la  population  du    département  de 
Seine-et-Oise  était  répartie  ainsi  qu'il  suit  dans 
ses  six  arrondissements  : 
Arrondissementde  Versailles.. . .     237671    lK;b. 

—  Corbeil 71217  — 

Étampes...  39761  — 

—  Mantes 56122  — 

—  Pontoise 108432  — 

—  Rambouillet.  60977  — 

Quelle  était  la  population  totale   du  départe- 
ment? 
Réponse  :  580180  habitants. 

III.  II  a  été  consommé  à  Paris,  dans  une  année, 
les  quantités  de  boissons  suivantes  : 

Vins  en  cercles 3  694500  hectol. 

—    en  bouteilles 20182      — 

Alcools  et  liqueurs 132407      — 

Cidres,  poirés  et  hydromels.         98718      — 
Quelle  a  été  la  consommation  totale? 
Réponse  :  3945  807  hectolitres. 

IV.  La  population  des  colonies  françaises  est  ré- 
partie approximativement  de  la  manière  sui- 
vante : 

Algérie 3455000  h ab. 

Sénégal 243000      — 

Réunion 183000      — 

Iles  voisines  de  Madagascar.. .         26000      — 

Colonies  de  l'Inde 2{)0  000      — 

Cochinchine 1 156000      — 

Nouvelle-Calédonie  et  dépen- 
dances   59200      — 

Saint-Pierre  et  Miquelon 4000      — 

Guadeloupe 140000      — 

Martinique 155000      — 

Guyane 20000      — 

Quelle  est  la  population  totale  de  ces  colonies? 
Réponse  :  4  701  200  habitants.         [H.  Sonnet.] 
ADJECTIF.  —  Grammaire,  XI.  —    Éty^n.  du  la- 
tin adjectivus,  qui  ajoute  à.  Ce  mot  n'était  jamais 
employé    seul  chez    les   grammairiens  latins;    ils 


disaient  :  numen  adjectivum  {nom  adjectif),  c'est- 
à-dire  nom  additionnel,  nom  qui  s'aioute  au  nom 
substaiitif . 

LEÇON    ET   DÉVELOPPEMENTS 

A  l/USAGE  DU  MAITRE 

Définition.  —  L'adjectif  est  un  mot  que  l'on 
ajoute  au  nom  :  1'  soit  pour  exprimer  la  qualité 
d'une  personne  ou  d'une  chose  ;  2"  soit  pour  res- 
treindre, préciser  et  déterminer  le  sens  d'un  nom  ; 
par  exemple,  quand  on  dit  :  un  cheval  noir,  le  mot 
noir  indique  comment  est  le  cheval  :  noir  est  un 
adjectif.  Dans  mon  cheval,  le  mot  mon  indique  spé- 
cialement l'animal  qui  m'appartient,  et  restreint 
ainsi  le  sens  du  mot  cheval  en  le  déterminant  :  c'est 
aussi  un  adjectif. 

Trois  dosées  d'adjectifs.  —  On  distingue  trois 
sortes  d'adjectifs:  les  Sidiectik  qualificatifs,  les  ad- 
jectifs détertnt/iati/s  et  les  adjectifs  indéfinis. 

Les  ADJECTIFS  QUALIFICATIFS  expriment  Seulement  la 
qualité  ou  manière  d'être.  Ex.  :  table  ronde,  plume 
légère,  grand  chêne.  Les  mots  rf'nde,  légère,  grand, 
sont  des  adjectifs  qualificatifs,  ils  marquent  une 
qualité  des  substantifs  table,  plume,  chêne. 

Les  ADJECTIFS  DÉTERMINATIFS  précisent  l'objet  dé- 
signé par  le  nom  auquel  ils  se  rapportent  : 
Ex.  :  mon  livre,  cette  maison.  Los  mots  mon,  cette 
sont  des  adjectifs  déterminatifs,  puisqu'ils  servent 
h.  indiquer  d"une  manière  précise  le  livre,  la  niai- 
non  dont  on  parle. 

Les  ADJECTIFS  INDÉFINIS  marquent  que  le  nom 
est  employé  d'une  manière  vague  et  générale. 
Ex.  :  chaque  pays,  plusieurs  hommes,  certain  au- 
teur. Les  mots  chaque,  plusieurs,  certain,  qui 
restreignent  le  sens  général  des  substantifs  pays, 
hommes,  aideur,  mais  sans  les  déterminer  d'une 
manière  bien  précise,  sont  des  adjectifs  indéfinis. 

Un  illustre  grammairien  de  la  fin  du  xviii'  siècle. 
Beauzée,  a  établi  entre  les  différentes  sortes  d'ad- 
jectifs une  distinction  aussi  nette  et  aussi  pra- 
tique qu'elle  est  vraie  philosophiquement.  «  Les 
adjectifs,  dit-il,  sont  destinés  à  être  joints  aux  noms 
pour  en  modifier  la  signification.  Or  il  n'y  a  que  deux 
choses  qui  puissent  être  modifiées  dans  cette  signi- 
fication, savoir  :  l'eïenf/Me  et\dco)»préhe77.sioji.  De 
là  deux  sortes  d'adjectifs  :  les  uns.  destinés  à  modi- 
fier l'étendue  des  noms,  sans  rien  ajouter  à  la 
compréhension,  indiquent  positivement  l'applica- 
tion du  nom  aux  individus  auxquels  il  peut  conve- 
nir dans  les  circonstances  actuelles  :  mo7i,  ton,  ce, 
cet,  deux,  chaque,  etc.  (adjectifs  déterminatifs  et 
adjectifs  indéfinis)  ;  les  autres,  destinés  à  modifier 
la  compréhension  des  noms  sans  rien  déterminer 
sur  l'étendue  ajoutent  à  cette  compréhension  une 
idée  accessoire  :  blanc,  rouge,  can^é,  rond  (adjec- 
tifs qualificatifs).  » 

I.  ADJECTIFS  QUALIFICATIFS. 

Du  genre  dans  les  adjectifs.  —  Règle  générale. 
—  Pour  former  le  féminin  dans  les  adjectifs,  on 
ajoute  un  e  muet  au  masculin  :  méchant,  mé- 
chante ;  saint,  sainte. 

Quand  le  masculin  est  déjà  terminé  par  e,  comme 
dans  sage,  maigre,  large,  l'adjectif  ne  change  pas 
au  féminin  :  enfant  sa^e,  fille  sage. 

Origine  de  cette  règle.  —  L'e  muet,  signe  du 
féminin  en  français,  vient  de  Va,  signe  du  fémi- 
nin en  latin  pour  une  classe  nombreuse  de  noms 
et  d'adjectifs:  {divijivs,  divin;  divin  a,  (/irmE).  Mais 
les  Romains  avaient  deux  classes  d'adjectifs,  les 
uns  avec  une  terminaison  en  t^s  pour  le  masculin 
[bonvs)  et  en  a  pour  le  féminin  {bonx';  les  autres 
[gardant  la  même  terminaison  pour  les  deux 
genres  (ex.  :  grand/s,  fortw  au  masculin  et  au  fé- 
minin'. A  l'origine,  le  français  se  conforma  exacte- 
ment à  cette  distinction  :  il   ne   donnait  la  lermi- 


ADJECTIF 


97 


ADJECTIF 


raison  e  qu'aux  féminins  latins  en  «  (bona,  bonne)  ; 
il  laissait  les  autres  semblables  aux  deux  genres, 
un  grand  homme,  une  grand  femme,  de  même 
qu'en  latin  :  grand/.s  homo,  grand;?  fcmina.  C'était 
là  la  règle  générale  au  onzième  siècle  ;  on  disait 
une  mère  grand,  une  âme  immortel,  une  roche 
^ort,  parce  qu'en  latin  grandis,  immortalis,  f'or- 
tis,  etc.,  n'avaient  qu'une  terminaison  pour  les 
deux  genres. 

Le  xiii*  siècle,  ne  comprenant  plus  le  motif 
de  cette  distinction,  commença  à  adjoindre  à  ces 
adjectifs  Ve  au  féminin  et  écrivit  gronde,  mor- 
te/ie.  forte,  comme  il  écrivait  bonne,  hlaiiche.  etc. 
L'ancien  usage  persista  cependant  dans  quelques 
expressions  usuelles,  telles  que  grand  route, 
qrand  mère,  etc.  :  les  grammairiens  du  seizième 
siècle,  croyant  qu'ici  grand  était  une  abréviation 
de  gran<le.  introduisirent  à  tort  une  apostrophe 
(d'où  l'orthographe  grand'mère)  pour  marquer  la 
suppression  de  cet  e,  qui  en  réalité  n'avait  jamais 
existé.    (Brachet,    Nouvelle   grammaire). 

On  retrouve  encore  quelques  traces  de  cet  usage 
dans  les  mots  :  lettres  loi/aur,  fonts  baptismaux 
{fonts  pour  fontaines  était  féminin),  et  dans  ces 
noms  de  ^ille  :  Hochefort,  Granville  (pour  Grand- 
ville),  Grandcombe.  etc. 

Évidemment  il  faut  se  conformer  à  l'usage  qui 
veut  qu'on  écrive  aujourd'hui  grand'mère,  grand' 
tante,  grand'rue,  grand" chose,  mais  il  n'est  pas 
inutile  de  se  rendre  compte  de  cette  anomalie. 

RÈGLES  PABTiccLiÈRES.  —  1.  Redoublement  de  la 
consonne.  —  Les  adjectifs  en  el,  eil,  H,  en,  on,  et, 
otet  les  adjectifs  terminés  par  s  doublent  en  général 
au  féminin  la  consonne  finale  /,  ?i,  t,  s,  avant  de 
prendre  l'e  muet  :  cruel,  cruelle;  —  pareil,  pa- 
reille; —  gentil,  gentille;  —  ancieji,  ancienne; 
bon,  bonne;  —  muet,  muette;  —  sot,  sotte;  — 
gras,  grasse;  —  épais,  épaisse,  —  profés,  professe. 

Ce  redoublement  des  consonnes  a  été  amené, 
tantôt  par  les  exigences  de  la  prononciation,  tan- 
tôt par  la  simple  imitation  des  féminins  en  elle  et 
en  ette.  Pour  les  adjectifs  en  el,  en.  et,  le  redou- 
blement sert  à  renforcer  la  voyelle  accentuée 
(Voir  Accentuation)  et  à  conserver  à  l'e  sa  sonorité. 

Les  féminins  de  tous  les  adjectifs  en  on  et  de 
quelques  adjectifs  en  ot  a  été  calqué  sur  celui  des 
adjectifs  en  el,  e?i,  et.  Plusieurs  adjectifs,  tels  que 
dévot,  idiot,  manchot,  font  leur  féminin  sans  re- 
doubler la    consonne  :  dévote,    idiote,   manchote. 

Les  Sidiecûîs  gras,  gj'os,  épais,  etc.,  redoublent 
la  consonne  finale  ;  sans  cela,  le  s  se  trouvant  entre 
deux  voyelles  prendrait  le  son  du  z  :  il  le  prend, 
par  exemple,  et  toujours  à  l'imitation  du  latin, 
dans  le  féminin  do  ras,  clos,  etc.,  parce  qu'on  dit 
en  latin  rasa,  clausa,  d'où  rase,  close,  tandis  qu'on 
dit  crassa,  spissa,  d'où  grasse,  épaisse,  etc. 

Les  adjectifs  bemi,  jumeau,  nouveau,  fou,  mou 
et  vieux  font  au  féminin  belle,  jumelle,  nouvelle, 
folle,  molle  et  vieille.  Ces  adjectifs  s'écrivaient  au- 
trefois au  masculin  bel,  jumel,  nouvel,  fol,  mol, 
vieil.  Ces  formes  s'emploient  encore  aujourd'hui 
devant  les  noms  qui  commencent  par  une  voyelle 
ou  une  h  muette  :  bel  homme,  nouvel  an,  fol  or- 
gueil, mol  édredon,  vieil  ami. 

2.  Féminin  marqué  par  l'accent  grave.  —  Les 
adjectifs  en  ier,  tr,  et  les  six  adjectifs  complet, 
concret,  discret,  inquiet,  replet,  secret,  né  re- 
doublent pas  la  consonne  finale,  mais  prennent  un 
accent  grave  sur  l'e  qui  précède  le  r  ou  le  t  :  alticr, 
altiére;  —  étranger,  étrangère;  —  complet,  com- 
plète iV.  Accentuation). 

3.  Féminin  des  adjectifs  terminés  par  x.  —  Les 
adjectifs  terminés  par  x  changent  x  en  se  au  fémi- 
nin :  heureux,  heureuse  :  — jaloux,  jalouse.  Faux, 
roux,  doux,  font  au  féminin  fausse,  rousse,  douce. 

X  à  la  fin  des  mots  [dix,  six)  et  même  au  milieu 
des  mots  (soixante)  a  le  son  de  s  ;  de  là  l'ortho- 
graphe ancienne  dous,  faus,  rous,  dont  le  féminin 


était  régulièrement  fausse,  rousse.  Dans  doux, 
le  double  s  (ss)  a  été  remplacé  par  son  équivalent 
c  doux  qui  se  trouvait  déjà  du  reste  en  latin 
(dulcem) . 

-4.  Féminin  des  adjectifs  terminés  par  f.  —  Les 
adjectifs  termines  par  f,  comme  vif,  bref,  naïf, 
forment  leur  féminin  en  changeant  /"en  ve  :  crain- 
tive, brève,  neuve. 

Ces  adjectifs  viennent  en  général  de  primitifs 
latins  qui  avaient  un  v  au  radical  :  vivum,  brevem, 
novum  ;  la  finale  sourde  U'H,  em  étant  tombée,  v 
est  devenu  f  en  français,  aucun  mot  de  notre  lan- 
gue n'étant  terminé  par  un  v.  Mais  le  t-  reparaît 
quand  on  ajoute  une  voyelle  à  l'adjectif  :  neuf, 
neuve  —  ère/,  brève.  Il  en  est  de  même  pour  les 
substantifs  :  nerf,  nerveux  —  bceuf,  bouvier,  etc. 

5.  Féminiii  des  adjectifs  tei^minés  par  c.  — 
Blanc,  franc,  sec,  frais  font  au  féminin  blanche, 
franche,  sèche,  fraîche. 

Turc,  public,  caduc  changent  c  en  que  au  fémi- 
nin :  turque,  publique,  caduque.  —  Grec  fait 
grecque.  —  Long  fait  longue. 

Si  le  c  final  donne  au  féminin  les  deux  termi- 
naisons che  et  qne.  c'est  que  la  terminaison  latine 
ca  devient  en  français  tantôt  che,  tantôt  que.  Pré- 
cédée d'une  consonne  en  latin,  comme  dans  arca, 
furca,  elle  devient  che  :  arche,  fourche;  de  là  le 
féminin  sèche,  du  latin  sicc  i.  Les  mots  d'origine 
germanique,  blanch,  franco,  fresc,  latinisés  en 
blanco.  franco,  fres^a,  ont  suivi  la  même  règle 
(frcsca  a  d'abord  donné  fresche,  puis  fraîche).  Pré- 
cédée d'une  voyelle  en  latin,  comme  dans  veridica, 
juridica,  la  terminaison  ca  devient  que  :  véri- 
dique,  juridique;  de  là  les  féminins  publique,  ca- 
duque, de  puolica,  caduca.  Si  l'on  n'avait  ajouté 
que  l'e  muetà^w6/îc,  caduc,  on  aurait  eu  en  fran- 
çais publiée,  caduce,  qui  auraient  perdu  le  son  dur 
du  c;  pour  le  consen'er,  on  a  remplacé  c  par  son 
équivalent  qu.  C'est  par  la  même  raison  que  lo7ig 
fait  longue  et  non  longe.  Turc  et  grec  ont  suivi  la 
môme  règle,  mais  grec  a  gardé  le  c  pour  conserver 
à  l'e  un  son  ouvert. 

6.  Féminin  des  adjectifs  terminés  par  éur.  — 
Les  adjectifs  en  eur  forment  leur  féminin  de  qua- 
tre manières.  1°  Les  uns  suivent  la  règle  géné- 
rale et  ajoutent  un  e  au  masculin  :  majeur,  ma- 
jeure, —  antérieur,  antérieure  ;  2°  d'autres,  et  ce 
sont  les  plus  nombreux,  changent  eur  en  euse  : 
voleur,  voleuse,  —  trompeur,  trompeuse  ;  3°  d'au- 
tres changent  eur  en  eresse  :  vengeur,  vengeresse  — 
chasseur,  chasseresse;  4°  d'autres  enfin  changent 
teur  en  trice. 

Les  adjectifs  qui  forment  leur  féminin  par  un  e 
muet  sont  au  nombre  de  douze  et  viennent  tous  de 
comparatifs  latins  :  majeur  {major,  plus  grand), 
mineur  {minor,  plus  petit),  inférieur  {inferior, 
plus  au-dessous),  etc.  Quant  au  suffixe  eu^c,  il 
Cist  assez  récent  dans  l'histoire  de  la  langue  et  ne 
remonte  guère  qu'au  quatorzième  siècle  ;  à  l'origine 
de  la  langue,  le  véritable  féminin  des  mots  en  eur 
était  eresse  :  pécheur,  pécheresse;  vengeur,  veyige- 
resse;  devineresse,  défenderesse,  demanderesse. 
Plus  tard,  ce  suffixe  fut  remplacé  par  la  forme 
euse,  mais  il  a  persisté  dans  cinq  ou  six  mots  ;  et 
tandis  qu'on  dit  chanteur,  chanteuse,  on  a  gardé 
la  vieille  forme  dans  :  enchanteur,  enchanteresse. 

Quant  à  la  forme  euse.  elle  est  calquée  sur  le 
latin  féminin  osa,  qui  devient  régulièrement  euse 
en  français,  comme  or  est  devenu  eur  :  épineuse 
{spinosa). 

Le  latin  avait  en  outre  pour  marquer  le  féminin 
une  forme  en  trix,  qui  a  donné  trice  en  français 
dans  les  mots  savants  :  accusatrice  {accusatricem), 
impératrice  {imper atricem),  et  sur  ce  modèle  notre 
langue  a  créé  bienfaitrice  de  bienfaite>(r,  protec- 
trice de  protecteur,  etc.  (Brachet,  Nouvelle  gram- 
maire.) 

Féminin   des  adjectifs  en  gu.  —   Les  adjectifs 


ADJECTIF 


—  28 


ADJECTIF 


terminés  en  gu  forment  leur  féminin  en  guë  :  aigu, 
aiguë;  nmlngu.  ambiguë;  c'est-à  dire  qu'on  place 
un  tréma  sur  Ve  muet. 

Ce  tréma  sur  Ye  indique  qu'il  faut  ici  prononcer 
uë  et  ne  point  confondre  aiguë,  ambiguë,  etc.,  avec 
!es  motstels  que  bague,  aigue-marine,  etc.,  dans 
lesquels  ne  est  tout  à  fait  muet. 

Fiirnininx  reprenant  la  consonne  étymologique.  — 
Les  adjectifs  bénin,  malin,  favori,  coi,  font  au 
féminin  béjiigne.  maligrie,  favorite,  coite. 

Bénin  ei  malin  viennent  du  latin  benignum, 
malignum.  et  le  gn  latin  qui,  dans  ces  mots,  s'é- 
tait réduit  à  la  finale  n,  redevient  gn  en  français 
dans  bénigne,  maligne  (de  benignn.  maligna),  parce 
qu'il  est  suivi  dans  ce  cas  d'une  voyelle  qui  occupe 
la  dernière  place  du  mot.  Favorite  et  coite  repren- 
nent au  féminin  le  t  qui  est  tombé  au  masculin, 
et  qu'on  retrouve  dans  l'italien  favorito  et  le  latin 
quiet  um. 

Tiers  fait  tierce.  Le  mot  latin  tertius  (troisième) 
a  perdu  sa  terminaison  en  français  et  est  devenu 
fiers;  mais  le  féminin  tertia  a  été  remplacé  par 
e  muet,  et  a  donné  tierce,  comme  prudentia,  gra- 
tia,  etc.,  ont  ûonné  prudence,  grâce,  etc. 

Du  nomtire  dans  les  adjectifs.  —  Règle  géxé- 
RALE.  —  Le  pluriel  des  adjectifs  se  forme  comme 
celui  des  noms,  c'est-à-dire  en  ajoutant  un  s  au 
singulier  :  grand,  grands;  sainte,  saintes;  pru- 
dent, prudents. 

Quand  ^'adjectif  est  déjà  terminé  au  singulier 
par  s  ou  X,  i'.  ne  change  pas  au  pluriel  :  des  arbres 
gros,  des  hommes  lieureux. 

Exceptions.  —  1°  Les  adjectifs  en  eau  prennent 
X  au  pluriel  :  beau,  beaux,  —  nmiveau,  nouveaux. 

2°  Les  adjectifs  en  ou  et  en  eu  prennent  .<;  au 
pluriel  :  fou.  fous,  —  mou,  mous,  —  bleu,  bleus. 
Cependant  Hébreu  fait  Hébreux  avec  un  x. 

-3°  L'adjectif  totit  perd  le  t  au  pluriel  :  tous. 

4°  Les  adjectifs  terminés  en  al  ont  le  pluriel  en 
aux  :  loyal,  loyaux,  —  légal,  légaux,  —  égal, 
égaux. 

Les  adjectifs  arbitral,  austral,  automnal,  bancal, 
boréal,  colossal^  conjectural,  diamétral,  doctoral, 
ducal,  expérimental,  fatal,  frugal,  glacial,  immé- 
morial, instrum-nt'il,  jovial,  ma'/istral,  naval, 
pastoral,  pénal,  sentimental,  théâtral,  original,  et 
un  petit  nombre  d'autres  d'un  usage  peu  fréquent, 
forment  leur  pluriel  en  ajoutant  un  s  :  arbitrais, 
australs,  etc. 

(Voir  pour  la  formation  du  pluriel  dans  les  ad- 
jectifs ce  que  nous  avons  dit  à  la  formation  du 
pluriel  dans  les  noms*}. 

Degrés  de  signification  dans  les  adjectifs.  — 
Il  y  a  trois  degrés  de  signification  dans  les  adjec- 
tifs :  le  positif,  le  comparatif  et  le  superlatif. 

Le  positif  est  l'adjectif  même  :  Moji  chtval  est 
noir;  noir,  qui  annonce  simplement  une  qualité, 
est  au  positif. 

L'adjectif  est  au  comparatif  quand  il  exprime  la 
qualité  avec  une  idée  de  comparaison.  Le  compa- 
ratif se  forme  en  ajoutant  plus  à  l'adjectif  quand 
on  veut  marquer  la  supériorité  :  Mon  cheval  est 
vlus  noir  que  le  vôtre  :  —  moins,  quand  on  veut 
marquer  l'infériorité:  J/c<?j  c/(-yo/  est  moiris  noir 
que  le  vôtre  ;  —  aussi,  quand  on  veut  marquer 
l'égalité  :  Mon  cheval  est  aussi  noir  que  le  vôtre. 

De  là  trois  sortes  de  comparatifs  :  le  comparatif 
de  supériorité,  le  comparatif  d'infériorité  et  le 
comparatif  d'égalité. 

L'adjectif  est  au  superlatif  quand  il  exprime  la 
qualité  au  plus  haut  degré  :  Mo7i  cheval  est  très- 
noir; —  voici  le  plus  noir  de  vos  chevaux. 

Le  premier  superlatif  [très-noir]  est  dit  superla- 
tif absolu,  parce  qu'il  n'y  a  pas  comparaison  avec 
d'autres  chevaux.  Le  second  {le  plus  noir)  est  dit 
superlatif  relatif,  parce  qu'il  y  a  comparaison,  re- 
lation avec  d'autres  chevaux. 

On  l'arme  le  superlatif  absolu  en  ajoutant  à  l'ad- 


jectif </■?.?, /"or^,  bien,  extrêmement,  et  le  superla- 
tif relatif  en  ajoutant  le  plus,  le  moins. 

Les  degrés  de  comparaison  sont  un  pur  lati- 
nisme qui  ne  devrait  à  aucun  titre  figurer  dans  une 
grammaire  de  la  langue  française.  Nous  n'avons  en 
réalité  que  trois  comparatifs,  qui  nous  sont  venus 
tous  formés  du  latin  :  meilleur  (de  melior),  qui  sert 
de  comparatif  à  //o«;;5fre  (de joe/or),  comparatif  de 
mauvais;  moindre  (de  minor).  comparatif  de /jeh'/*. 
Ajoutons  encore  deux  comparatifs  latins  :  major 
plus  grand )  eX  senior  {plus  vieux) ,  qui  sont  restés 
en  français  comme  substantifs  dans  maire  et  sei- 
uneur,  mais  ils  ont  perdu  leur  sens  originaire. 

Nous  avons  encore  en  français  quelques  compa- 
ratifs latins  qui  ont  à  peu  près  perdu  chez  nous  le 
sens  du  comparatif,  mais  qui  ne  peuvent  être  pré- 
cédés   de  plus;  ce  sont  :   majeur,  mineur,  anté- 

■  rieur,    i-itérieur,    citérieur,    inférieur,  postérieur, 

!  ultérieur,  extérieur,  supérieur.  La  langue  français'? 

I  a   aussi    formé    quelques   superlatifs  en  issime.  à 

'  l'imitation  des  Latins  :  séréyiissime,  richissime,  ra- 
rissime, illustrissime,    etc.    Telle   est  l'origine  du 

!  substantif  ^e;2era/w5t/ne. 

I  Formation  des  adjectifs.  —  Avec  les  adjectifs 
qu'il  avait  reçus  du  latin,  le  français  en  a  formé 
d'autres  par  les  mêmes  procédés  qu'il  emploie  pour 
former  les  noms,  c'est-à-dire    par   compositioyi  et 

I  par  dérivatio7i. 

i  1"  Par  composition.  —  Soit  en  réunissant  deux 
adjectifs  simples,  comme  aigre-doux,  soit  en  pla- 
çant devant  les  adjectifs  simples  un  préfixe  (V.  Ety- 

I  mologie;  qui  leur  donne  un  sens   nouveau  ;    ainsi 

I  bienheureux,  mallionnête   sont  composés   des  ad- 

I  jectifs    heureux .  honnête,   et   des   préfixes    bien. 

I  mal.  Les  préfixes  les  plus  usuels  sont  :  arctii,  anti, 
bien,  demi,  in,  mal.  sous,  sur,  ultra.  Ai^chifou, 
fl??^ireligieux,    èfenfaisant,    demi-noir,   fwconstant. 

I  mailieuvenx,    sous-ma.Tin,  surhumain,   ultra-roja- 

I  liste. 

2°  Par  dérivation.  —  En  ajoutant  un  suffixe  soit 
à  l'adjectif,  soit  au  substantif,  soit  au  verbe.  Ex.  : 

I  bleuâtre,  de  bleu,  —  courageux,  de  courage.  — 
pensif,  dépenser.  On  ajoute  surtout  aux  adjectifs 
déjà  existants  les  suffixes  àtre,  asse,  et,  elet,  aud, 
ot.  Ex.  :  gris,  grisâtre,  —  bo7i,  bonasse,  —  lo7ig, 
longuef,  —  maigre,  ma.igTelet,  —  lourd,  loui-daMcr. 
vieil,  vieillot. 

Aux  substantifs,  les  suffixes  eux,  ain,  in,  é,  er, 
u.  Ainsi,  de  courage  on  forme  courageux,  de 
monde  monda/«,  à'enfant  enfantai,  à'àge  âgé.  de 
mensonge  mensonger,    de  fourche  fourchu. 

Aux  verbes,  les  suffixes  able.  ible.,  ard.  if.  .\insi 
de  comparer  on  forme  compara6/e,  de  corriger 
conigiole,    de  piller  pilla?'rf,  de  penser  pensi/". 

II.  ADJECTIFS  DÉTERMINATIPS. 

On  distingue  trois  sortes  d'adjectifs  détermina- 
tifs  :  les  adjectifs  numéraux,  les  adjectifs  démons- 
tratifs, les  adjectifs  possessifs. 

1»  Adjectifs  numéraux  ou  noms  de  nombre. 

Les  adjectifs  numéraux  sont  ceux  qui  marquent  le 
nombre,  l'ordre  ou  le  rang.  Il  y  a  deux  sortes  d'ad- 
jectifs numéraux  :  les  adjectifs  numéraux  cardi- 
naux et  les  adjectifs  numéraux  ordinaux. 

I.  Les  ADJECTIFS    MMÉRAUX    CAP.DI.XAIX    SOnt    CCUX 

qui  expriment  le  nombre  ou  la  quantité,  comme 
un,  deux,  trois,  quatre,  dix,  quarante,  cent,  mille, 
million,  milliard,  etc. 

Le  mot  numéral  est  dérivé  du  latin  numerus. 
nombre  :  les  adjectifs  numéraux  sont  donc  des  ad- 
jectifs de  nombre,  ou  comme  disaient  les  anciens 
grammairiens  :  des  noms  adjectifs  de  nombre  :  du 
là,  par  abréviation,  noms  de  nombre.  La  division 
en  adjectifs  cardinaux  ei  adjectifs  ordinaux  nous 
vient  des  Latins  qui  donnaient  le  nom  de  nutneri 
cardinalrs  aux  nombres  fondamentaux,  les  nom- 
bres cardinaux  étant  en  efl'et  les  gonds  {cardines). 


ADJECTIF 


—  59  — 


ADJKCTÎP 


la  base  de  toute  numération  ;  et  le  nom  de  Jiii- 
meri  ordinales  aux  nombres  ordinaux  qui  mar- 
quent le  rang,  Vordre  [ordinem.) 

Excepté  zéro  qui  nous  vient  des  Arabes,  tous  les 
autres  adjectifs  numéraux  sont  empruntés  au  la- 
tin, puisque  c'est  aux  Romains  que  nous  devons 
notre  sj'Stème  de  numération.  On  disait  autrefois, 
et  l'on  dit  encore  dans  la  Suisse  romande  et  dans 
quelques-unes  de  nos  provinces  du  Midi,  septante 
pour  soixante-dix,  huitayite  pour  quatre-viiigts, 
nouante  pour  quatre-vingt-dix .  Quatre-vingts  si- 
gnilii!  quatre  fois  vingt,  et  nos  pères  disaient  de 
même,  t7'ois  vingts  pour  60,  six  vi7igts  pour  120, 
etc.  Cette  manière  de  compter  par  vi?igt  a  laissé 
des  traces  dans  quelques  locutions,  telles  que  : 
l'hôpital  des  Quijize-Vijigts  (c'est-à-dire  15  fois 
20  ou  300 ,  cette  maison  ayant  été  fondée  par 
saint  Louis  pour  recueillir  300  chevaliers  aveugles 
au  retour  de  la  croisade.) 

Les  noms  de  nombre  cardinaux  sont  invariables  ; 
le  valet  des  onze  ;  la  commission  des  trente.  Il 
faut  en  excepter  un,  viyigf  et  cent. 

Un  fait  au  féminin  une  :  deux  coffres  et  une 
boite. 

Remarque.  —  Il  ne  faut  pas  confondre  un  article 
indéfini  avec  un  adjectif  numéral. 

Vingt  et  cent  ne  varient  point  comme  genre, 
mais  ils  peuvent,  dans  certains  cas,  varier  comme 
nombre. 

\  ingt  et  cent  prennent  un  s  lorsqu'ils  sont  pré- 
cédés d'un  autre  nombre  qui  les  multiplie  :  quatre- 
vingts  hommes,  deux  cents  soldats. 

Mais  ils  sont  invariables  quand  ils  sont  eux- 
mêmes  suivis  d'un  autre  nom  de  nombre  :  quatre- 
\mgt-trois,  deux  cent  trente. 

Ils  sont  encore  invariables  lorsqu'ils  sont  em- 
ployés comme  adjectifs  numéraux  ordinaux  :  page 
quatre-\\ugt,  Ya7i  huit  cent  (c'est-à-dire  J^age 
quatre-vingtième,  l'an  hidt-centième. 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  nos  pères  comp- 
taient par  vingtaines  ,  comme  on  compte  encore 
aujourd'hui  par  centaines  ;  c'est  cette  habitude  de 
regarder  vingt  et  cent  comme  des  unités  particu- 
lières et  non  comme  des  nombres  pluriels  parleur 
propre  nature  qui  a  amené  cette  addition  de  Vs 
dans  quatre-vingts,  quinze-vingts,  et  deux  centî. 
trois  cents,  etc.  Suivis  d'un  autre  nom  de  nombre, 
ces  mots  ne  sont  plus  considérés  comme  des  unités 
et  suivent  la  règle  générale  ;  de  là  leur  invaria- 
bilité. 

Mille  est  invariable  :  la  retraite  des  Dix-mille. 
Mais  il  change  de  forme  quand  il  exprime  la  date 
de  l'année,  le  millésime  ;  on  l'écrit  alors  mil  :  L'un 
mil  huit  cent  soixante-quinze. 

On  écrit  mille  en  parlant  des  années  qui  ont 
précédé  l'ère  chrétienne  :  Saûl  mourut  l'an  mille 
quarante  avant  Jésus-C.'irist. 

Mille,  mesure  de  chemin,  est  substantif  et  prend 
la  marque  du  pluriel  :  lieux  milles  d'Angleterre 
font  un  jjeuplus  de  t?^ois  kilomètres. 

Mille  ne  vient  pas  du  latin  mille  qui  a  donné 
mil  (Comme  ille  a  donné  il),  mais  du  pluriel  millia. 
De  même  qu'en  latin,  mille  s'emploie  pour  un  seul 
millier  d'objets,  et  7nillia  pour  plusieurs  milliers. 
le  vieux  français  disait  mil  hommes  et  deux  mille 
chevaux  ;  cette  distinction  de  mil  comme  singulier 
et  de  mille  comme  pluriel  s'est  plus  tard  éteinte 
eu  français,  non  sans  laisser  de  trace  dans  les 
expressions  où  l'on  n'indique  qu'un  seul  millier, 
telles  que  mil  huit  cent  soixante,  etc. 

Million,  milliard,  et  les  unités  supérieures  sont 
regardés  comme  substantifs- et  prennent  la  marq\ic 
du  pluriel  :  deux  millions,  cinq  milliards. 

II.    Les     ADJECTIFS   NL.MÉR.41X    ORDINAUX     SOUt   CeUX 

qui  marquent  l'ordre,  le  rang,  comme  premier,  se- 
cond ou  deuxième,  troisième,  quatrième,  dixième, 
centième,  etc. 
Ces  adjectifs  se  forment  en  ajoutant    ième  aux 


adjectifs  cardinaux;  ainsi  ^ro/s,  troisième;  sept, 
septième;  vingt,  vingtième,  etc.  Quand  l'adjectif 
cardinal  est  terminé  par  e  muet,  cet  e  s'élide  : 
quat7'e,  i{na.trième ;  onze,  onzième.  Neuf  change  f 
en  V  :  neuî;ième.  Ci7\q  prend  un  u  avant  ième  : 
cinquième,  parce  que  le  q  est  toujours  accompa- 
gné de  Vu  dans  le  corps  d'un  mot. 

Ce  suffixe  ième  {iesf7ie  dans  le  vieux  français) 
vient  du  suffixe  latin  esimus.  Centesimus  a  donné 
centes7nus,  d'où  ce7itiesme.  puis  centiè7ne. 

Le  français  adopta  à  l'origine  les  adjectifs  ordi- 
naux latins  :  de  primus  (premier)  ,  secundus 
(deuxième),  tertius  (troisième)  ,  quartus  (qua- 
trième), çî/i/i^îw (cinquième),  sexius  (sixième),  etc., 
il  tira  priine  ou  pre7nicr,  second,  tiers,  quart, 
quint,  sixte,  etc.  On  retrouve  encore  ces  anciennes 
formes  dans  quelques  rares  locutions  :  de  prime 
abord,  le  tiers  élat,  fièvre  tierce,  Charles-C^mnt, 
Szs/e-Quint.  La  Fontaine  a  dit  :  un  quart  voleur 
survint,  c'est-à-dire  un  quatrième  voleur.  —  Plus 
lard,  notre  langue,  au  lieu  d'employer  des  adjectifs 
ordinaux  empruntés  au  latin,  en  tira  de  son  propre 
fonds  en  ajoutant  ième  aux  adjectifs  cardinaux  : 
d'où  le  système  actuel  {deuxième,  troisiè77ie,  qua- 
trième, etc.).  qui  supplanta  l'ancien  vers  la  fin  du 
moyen  âge  ;  sauf  pour  pre7nier  et  pour  scco7id,  qui 
persistèrent  parallèlement  à  unième  et  k  deuxième. 

Unième  ne  s'emploie  que  dans  les  nombres  com- 
posés :  vingt  et  unième.  Seco7id  se  dit  générale- 
ment quand  on  ne  parle  que  de  deux  personnes 
ou  de  deux  choses  ;  deuxièi7ie  quand  on  parle  de 
plusieurs. 

No7ns  de  7i07nb7'e  collectifs  et  partitifs.  —  Aux 
adjectifs  numéraux  il  faut  rattacher  :  1°  les  noms 
de  nombre  qui  marquent  une  certaine  quantité, 
tels  que  dizaine,  ce7itai7ie,  douzaine,  etc.  ; 
2°  les  mots  qui  servent  à  multiplier,  tels  que  :  le 
double,  le  t7'iple,  le  décuple,  le  centuple  ;■  Z"  les 
mots  qui  marquent  les  parties  d'un  tout  :  lequai't, 
le  tiers,  la  de7nie,  etc. 

Les  adjectifs  collectifs  diza;7îe,  ce7itaine,  etc., 
se  forment  en  ajoutant  aine  aux  adjectifs  cardi- 
naux :  /mit,  huitflme,  douze,  douzaine  ;  nous  ver- 
rons plus  loin  (article  Nom)  que  .x,  s,  z  avaient 
autrefois  à  peu  près  la  même  valeur  à  la  fin  des 
mots  :  de  là  dizai7}e.  pour  dixaine. 

Emploi  des  adjectifs  cardinaux  au  lieu  des  o?'- 
dinaux.  —  Pour  la  plus  grande  rapidité  du  dis- 
cours, et  dans  certains  cas  où  ce  n'est  pas  l'idée 
d'ordre  ou  de  rang,  mais  le  chifi're,  le  numéro  lui- 
même  qui  préoccupe  l'esprit,  on  emploie  les  adjec- 
tifs cardinaux  à  la  place  des  ordinaux  :  1°  pour  dési- 
gner une  heure,  une  date  :  il  est  une  heure,  le 
deux  novembre  ;  2°  pour  désigner  le  rang  d'un 
souverain  dans  une  dynastie  :  Charles  douze,  Louis 
quatorze  ;  3"  pour  désigner  la  page,  le  chapitre,  le 
livre  d'un  ouvrage  :  page  trois,  chapit/'e  quatre, 
livre  deux. 

L'adjectif  premier  fait  exception  dans  les  deu^ 
premiers  cas  ;  on  dit  le  premier  juillet,  François 
premier,  et  non  le  wn  juillet,  François  un. 

Adjectifs  démonstratifs. 

Les  adjectifs  démonstratifs  sont  ceux  qui  servent 
à  montrer  la  personne  ou  la  chose  dont  on  parle  : 
ce  château,  ce  héros. 

Les  adjectifs  démonstratifs  sont  : 

Ce  pour  le  masculin  :  ce  livre  ; 

Cette  pour  le  féminin  :  cette  table  ; 

Ces  pour  le  pluriel  des  deux  genres  :  ces  livres. 
ce*  tables. 

On  met  cet  au  lieu  de  ce  devant  les  mots  qui 
commencent  par  une  voyelle  ou  une  h  muette  :  cet 
enfant,  cet  homme. 

Démonstratif  déi-ive  de  demo7\slrare  qui  veut 
dire  désigner,  mo7itrer.  Ces  adjectifs  servent  donc 
à  montrer  des  objets  présents  ou  à  rappeler  ceux 
dont  on  a  parlé.  —  Ce  vient  du  pronom  latin  eccis- 


ADJECTIF 

tum  qui  donna  d'abord  en  français  icest,  puis  cest, 
d'où  cet,  sur  lequel  on  a  formé  le  féminin  cette, 
comme  nette  de  net.  Ce  est  un  affaiblissement  de 
cet  devant  un  mot  commençant  par  une  consonne. 

Adjectifs  possessifs. 

Les  adjectifs  possessifs  sont  ceux  que  l'on  met 
devant  le  nom  pour  indiquer  à  qui  appartient  l'ob- 
jet désigné  par  ce  nom  :  mon  ciieval,  to7i  livre 
(c'est-à-dire  le  cheval  qui  est  à  moi,  le  livre  qui  est 
à  toi). 

Les  adjectifs  possessifs  sont  : 

1°  Quand  l'objet  appartient  h,  une  seule  per- 
sonne : 

c; T„       (  masculin  :  mon,    ton,    son. 

Singulier.,   j  ^.^.^^^^^     .  ^^'    ^^   '    ^^ 

Pluriel des  deux  genres  :   mes,     tes,     ses. 

2°  Quand  l'objet  appartient  à  plusieurs  personnes 
en  même  temps  : 

Singulier  fdes  deux  genres)  :     notre,  votre,  leur. 
Pluriel  (des  deux  genres)  :      nos,      vos,     leurs. 

Possessif  signifie  qui  marque  la  possession  :  ces 
adjectifs  déterminent  donc  le  substantif  en  y  ajou- 
tant une  idée  de  possession.  Ils  correspondent  aux 
pronoms  personnels  tnoi,  toi,  soi  ou  lui,  etc.  iMon 
désigne  un  possesseur  de  la  première  personne  du 
singulier  ;  ton,  un  possesseur  do  la  seconde  per- 
sonne; son,  un  possesseur  de  la  troisième  ;  notre, 
un  possesseur  de  la  première  personne  du  pluriel, 
etc. 

Votre  s'emploie  par  respect  au  lieu  de  ton,  ta, 
en  parlant  à  une  seule  personne. 

Remarque.  —  Mon,  ton,  son,  s'emploient  au  fé- 
minin au  lieu  de  mu,  tu,  sa,  devant  un  mot  qui 
commence  par  une  voyelle  ou  une  h  muette  :  mon 
âme,  ton  épée,  son  humeur. 

On  emploie  dans  ce  cas  mon,to?i,  so7i,  pour  éviter 
le  choc  que  produirait  la  rencontre  des  deux  voyel- 
les, si  l'on  disait  ?na  dme,  mu  épée,  etc.  Le 
français  du  temps  de  saint  Louis  réservait,  au  con- 
traire,»io?2  pour  le  masculin  et  ?«o  pour  le  féminin, 
mais  traitait  ma,  ta,  sa,  comme  nous  traitons  In, 
c'est-à-dire  qu"il  élidait  Va  et  disait  m'âme,  t'épée, 
s'a?nie,  comme  nous  disons  l'ài/ie,  l'épée,  l'amie. 
C'est  vers  le  xiv'  siècle  que  cet  usage  de  l'élision 
fut  remplacé  par  l'usage  moderne  qui  substitua 
mo7i,  (on,  son,  h  ma,  ta,  sa.  —  Mais  une  trace  du 
vieux  français  persiste  encore  dans  l'expression 
m'amie  (pour  ma  amie),  qui  s'est  plus  tard  cor- 
rompue en  tna  mie,  d'où  ta  mie,  sa  mie,  etc. 

Tous  ces  adjectifs  sont  tirés  dos  adjectifs  latins 
correspondants  : 

meum,      lyieam      —  mon,  ma. 
tuum,        tuam       —  ton,    ta. 
suum,        iutan       —  son,    sa. 
nostrum,  nostram  —  notre, 
vostrum,  vostram  —  votre. 

Leur  \ient  du  génitif  pluriel  illorum  (deux)  : 
aussi  était-il  invariable  autrefois. 

ni.  ADJI  CTIFS  INDÉFINIS. 

Les  adjectifs  indéfinis  sont  ceux  qui  marquent 
que  le  nom  est  employé  d'une  manière  vague  et 
générale.  Ex.  :  aucune  lettre  n'est  arrivée;  quelque 
malheur  nous  menace. 

Ces  adjectifs  sont  :  aucun.,  autre,  certain,  cha- 
que, maint,  même,  nul,  plusieurs,  quelconque, 
quelque,  ici,  tout. 

Les  adjectifs  indéfinis,  comme  leur  nom  l'in- 
dique, ajoutent  au  nom  une  idée  vague,  indéfinie, 
et  ne  peuvent  par  conséquent  être  rangés  dans  la 
classe  des  adjectifs  déterminatifs,  dont  le  but  est 
justement  de  préciser  le  sens  du  nom  auquel  ils 
sont  joints. 

La  plupart  de  ces  adjectifs  ont  une  origine 
.atine.    Aucun  s'écrivait  autrefois  alqun  et  alcun. 


m 


ADJECTIF 


nieos,  nieas  —  -mes. 
tuas,  tuas  —  tes. 
suos,  suas  —  ses. 
nosiros,  7iost7-as—  nos. 
voslros,  vostras —  vos. 


C'est  un  composé  de  niques,  comme  chacune  est 
un  composé  de  chaque  et  quelqu'un  de  quelque.  — 
Alque  (venu  du  latin  aliquis)  signifiait  quelque; 
alcun  est  donc  l'équivalent  de  quelqu'un.  Ce  mot 
avait  un  sens  tout  à  fait  affirmatif  et  l'on  en  trouve 
de  nombreux  exemples  :  Avez-vous  entendu  aucun 
discours  qui  vous  le  fit  croire  ?  —  La  Fontaine  a 
dit  :  Phèdre  était  si  succinct  qxHaucuns  l'en  ont 
blâmé. 

Autre,  en  vieux  français  altre,  vient  du  latin  aller, 
qu'on  retrouve  dans  le  verbe  altérer.  Il  a  formé 
le  mot  autrui,  qui  était  un  cas  régime  et  qui  veut 
dire  proprement:  de  l'autre.  On  disait  autrefois  : 
l'autrui  cheval,  pour  le  ckevd  dun  autre.  Encore 
aujourd'hui,  c'est  un  pronom  qui  ne  s'emploie  que 
comme  complément  :  le  bien  d'autrui  (le  bien  d'un 
autre) . 

Chaque,  au  treizième  siècle  chasque  et  plus 
anciennement  chesque,  est  le  latin  quisque  qui  se 
réunit  à  unus  ;  quisque  unus  a  donné  chacun. 

Même  a  passé  successivement  par  les  formes 
medisme,  medesme,  mesme,  même  et  vient  du  bas- 
latin  metipsimum,  forme  contractée  elle-même  de 
metipsissimum  (tout  à  fait  moi-même). 

Maint  vient  de  l'allemand  mancli,  qui  signifie 
nombreux. 

MODELES  D'EXERCICE  S- 
Adjectifs  qualificatifs. 

FORMATION     DU     FÉMIMN. 

1°  Le  maître,  suivant  le  degré  d'instruction  de  sa 
classe,  lira  ou  fera  lire,  écrira  au  tableau  noir  ou 
dictera  le  morceau  suivant  ;  puis  il  y  fera  rechercher 
les  adjectifs  qualificatifs. 

«  Le  paresseux.  —  Autant  la  nature  nous  a  paru 
vive,  agissante,  exaltée  dans  les  singes,  autant  elle 
est  lente,  contrainte  et  resserrée  dans  ces  pares- 
seux ;  et  c'est  moins  paresse  que  misère  :  c'est  dé- 
faut, c'est  dénùment,  c'est  vice  dans  la  conforma- 
tion :  les  yeux  obscurs  et  couverts,  la  mâchoire 
aussi  lourde  qu'épaisse,  le  poil  plat  et  semblable 
à  de  l'herbe  sèche,  les  cuisses  mal  emboîtées  et 
presque  hors  des  hanches,  les  jambes  trop  courtes, 
mal  tournées  et  encore  plus  mal  terminées;  point 
de  pieds,  point  de  pouces,  point  de  doigts  séparé- 
ment mobiles  ;  mais  deux  ou  trois  ongles  excessi- 
vement longs,  recourbés  en  dessous,  qui  ne  peu- 
vent se  mouvoir  qu'ensemble,  et  nuisent  plus  à 
marcher  qu'ils  no  servent  ù  grimper  ;  la  lenteur, 
la  stupidité,  l'abandon  de  son  être,  et  même  la 
douleur  habituelle,  résultant  de  cette  conformation 
bizarre  et  négligée  ;  point  d'armes  offensives,  ou 
défensives,  nul  moyen  de  sécurité,  pas  môme  en 
grattant  la  terre  ;  nulle  ressource  de  salut  dans  la 
fuite  ;  confinés,  je  ne  dis  pas  au  pays,  mais  à  la 
motte  de  terre,  à  l'arbre  sous  lequel  ils  sont  nés  ; 
une  voix  plaintive  et  par  accents  entrecoupés  qu'ils 
n'osent  élever  que  la  nuit  :  tout  annonce  leur  mi- 
sère. —  BUFFON.   » 

Les  élèves  pourront  soit  désigner  oralement,  soit 
souligner  les  adjectifs  qualificatifs,  soit  les  relever 
et  les  inscrire  sur  le  cahier,  sur  l'ardoise  ou  au  ta- 
bleau noir  en  les  disposant  en  deux  colonnes,  le 
féminin  en  regard  du  masculin.  Ex.  :  vif  —  vive-, 
agissant  —  agissajite,  etc. 

2"  Faire  composer  de  petites  phrases  dans  cha- 
cune desquelles  un  des  adjectifs  suivants  qualifiera 
un  nom  féminin. 

Ancien.  — Bon.  —  Complet.  —  Cruel   —  Discret. 

—  Épais.  —  Fol.  —  Gentil    —  Gras.  —   Gros. 

—  Inquiet.   —    Muet.    —  Ras.  —   Secret.  — 
Sot.  —  Violet. 

Antérieur.  ~  Boudour.  -  Corrupteur.  —  Créa- 
teur. —  Enchanteur.  —  Étranger.  —  Exté- 
rieur. —  Flatteur.  —  Grossier.  —  Léger.  — 
Majeur.  —  Meilleur.  —  Menteur.  —  Moqueur. 


ADJECTIF 


_  ?.!   — 


ADJECTIF 


Vendeur.  — 


—  Producteur.  —   Trompeu 
Voleur. 

Blanc.  —  Caduc.  —  Captif.  —  Doux.  —  Envieux. 

—  Faux.  —  Fugitif.  —  Grec.   —  Jaloux.   — 
Long.  —  Malin.  —  Neuf.  —  Public.  —  Roux. 

—  Sec.   —  Turc.  —  Vieux. 

Exemple  :  Les  élèves  désireux  de  s'instruire  étu- 
dient l'histoire  ancienne.  —  J'aime  ma  bo?ine 
mère,  etc. 

2"  Faire  composer  de  petites  phrases  dans  cha- 
cune desquelles  entreront  au  moins  deux  adjectifs 
choisis  dans  la  liste  qui  précède. 

Exemple  :  ancien,  bon.  —  Les  bons  vins  sont 
toujours  fort  anciens. 

3°  Dicter  le  morceau  suivant  avec  les  tirets  qui 
remplacent  les  adjectifs,  puis  la  liste  des  adjectifs 
placée  au-dessous.  Les  élèves  devront  remplacer 
chaque  tiret  par  l'adjectif  correspondant  en  le 
faisant  accorder  avec  le  nom. 

«  Descuiption  de  la  Bétique  [note pour  le  maitre: 
c'est  aujourd'hui  l'Andalousie,  province  d'Espagne 
arrosée  par  le  Guadalquivir,  autrefois  nommé  BétisJ  : 

«  Le  fleuve  Bétis  coule  dans  un  pays  —,  et  sous 
un  ciel  — ,  qui  est  toujours  —  :  les  hivers  y  sont 
— ,  et  les  —  aquilons  n'y  soufflent  jamais.  L'ardeur 
de  l'été  y  est  toujours  tempérée  par  des  zéphyrs  — , 
qui  viennent  adoucir  l'air  vers  le  milieu  du  jour. 
Ainsi  toute  l'année  n'est  qu'un  —  hymen  du  prin- 
temps et  de  l'automne,  qui  semblent  se  donner  la 
main.  La  terre,  dans  les  vallons  et  dans  les  campa- 
gnes — ,  porte  chaque  année  une  —  moisson.  Les 
chemins  y  sont  bordés  de  lauriers,  de  grenadiers, 
de  jasmins,  etd'  —  arbustes  toujours  —  et  toujours 
— .  Les  montagnes  sont  couvertes  de  troupeaux, 
qui  fournissent  des  laines  — ,  recherchées  de  toutes 
les  nations.  H  y  a  plusieurs  mines  d'or  et  d'argent 
dans  ce  —  pays  ;  mais  les  habitants,  —  et  —  dans 
leur  simplicité,  ne  daignent  pas  seulement  compter 
l'or  et  l'argent  parmi  leurs  richesses.  —  Fénelon.  » 

Adjectifs  à  placer  : 

fertile,  rigoureux,  double,  fines, 

doux,  rafraîchissants,  autres,  beau, 

serein,  heureux,  verts,  simples, 

tièdes,  unies,  fleuris,  heureux. 

4°  Donner,  comme  devoir,  à  dresser  une  liste 
de  vingt  adjectifs  formant  leur  féminin  par  le  re- 
doublement de  la  consonne  qui  précède  Ye  muet. 

5"  Demander  quels  sont  les  adjectifs  en  et  qui 
n'ont  pas  le  féminin  en  ette. 

G"  Combien  y  a-t-il  d'adjectifs  terminés  en  x  qui 
ne  fassent  pas  leur  féminin  en  se  ? 

7°  Faire  composer  deux  phrases  sur  chacun  des 
quatre  modes  de  fonnation  du  féminin  des  adjectifs 
en  eur. 

S"  Quel  est  le  masculin  des  mots  vengeresse  — 
chasseresse  —  traîtresse  —  impératrice  —  favorite 
—  enchanteresse  —  sorcière  —  lectrice  —  folle  — 
dévote  —  s^mte  —  vase.  1 

FORMATION    DU  PLURIEL. 

1°  Écrire  au  tableau  ou  dicter  les  phrases  sui- 
vantes en  commençant  par  l'adjectif;  l'élève  rem- 
placera le  tiret  par   l'adjectif  indiqué  et  le  fera 
accorder  en  genre  et  en  nombre  avec  le  nom. 
fr;-2î;iaZ).ll  faut  toujours  éviter  avec  soin  les  mots 

(jU-h  et  — . 
(Glacial).  Les  vents  du  nord  sont  — ;  ceux  de 

l'ouest  sont  pluvieux. 
{Commercial).  Les  Anglais  ont  des  agents  —  dans 

toutes  les  parties  du  monde. 
{Brutal).   La  valeur   seule  ne  fait  que  des  —  ; 

la  raison  fait  les  braves. 
(Austral).   Lisez  tout  ce   que  les  voyageurs  ont 

écrit  sur  les  terres  — . 
(Ba?ial.   Vassal).On  appelait  fours  —  des  fours 

construits  pai-  les  seigneurs,  et  auxquels  tous 


les  —  étaient  forcés  de  venir  cuire  leur  pain. 
{Glacial).  L'ours  blanc  des  mers  —  transporte 
dans  les  climats  tempérés  meurt  de  nostalgie 
au  bout  de  quelques  mois. 
(Naval).  Les  derniers  grands  combats  —  que  la 
France  ait  livrés  sont   ceux  d'Abouklr   et  de 
Trafalgar. 
(Septentrional.  Boréal).  C'est  dans  les  contrées 
—  que  les  phénomènes  lumineux  appelés  au- 
rores —  sont  le  plus  fréquents. 
2°  Dicter  d'abord  les   adjectifs  ci-dessous,  puis 
le  morceau  suivant  avec  les  tirets  ;  les  élèves  de- 
vront remplacer  chaque  tiret  par  l'adjectif  corres- 
pondant, en  le  faisant  accorder  avec  le  nom 

premier,  lent,  petit,  mignon, 

élégant,  pénible,  large,  petit, 

grand,  nombreux,  maigre,  blanc, 

nuisible,  aride,  court,  brillant, 

inutile,  méridional,  semblable,        court, 

long,  tigré,  petit,  noir, 

incertain,  long,  droit,  souple. 

«  La  girafe.  —  La  girafe  est  l'un  des  — ,  des  plus 
—  et  des  plus  —  animaux,  et  sans  être — ,  elle  est  en 
même  temps  l'un  des  plus  — .  Ses  jambes  de  devant 
sont  une  fois  plus —  que  celles  de  derrière  ;  aussi  sa 
démarche  est  — ,  ses  mouvements  sont  —  et — . 
L'espèce  en  est  peu  —  et  a  toujours  été  confinée 
dans  les  déserts  —  de  l'Afrique  — .  Sa  peau  est  — 
comme  celle  de  la  panthère,  et  son  encolure  est  — 
comme  celle  des  chameaux.  Elle  a  la  tète  et  les 
oreilles  — ,  les  pieds  — ,  les  jambes  — ;  celles  de 
derrière  sont  fort  — .  Sur  la  tête,  près  des  oreilles, 
olle  a  deux  éminences  —  à  deux  —  cornes  — .  Elle  a, 
comme  le  cerf,  la  bouche  — ,  les  dents  —  et  — ,  les 
yeux  — ,  la  queue  —  et  garnie  de  poils  —  et  —  à 
son  extrémité.  —  Buffon.  » 

DEGRÉS  DE  SIGNIFICATION    DANS    LES  ADJECTIFS 

r  Ecrire  au  tableau  OU  dicter  le  morceau  suivant. 
Les  élèves  souligneront  d'un  trait  les  comparatifs, 
de  deux  traits  les  superlatifs. 

«  l'a.\e.  —  L'âne  n'est  point  un  cheval  dégénéré  ; 
il  n'est  ni  étranger,  ni  intrus  ;  et  quoique  sa  no- 
blesse soit  moins  illustre,  elle  est  tout  aussi  bonne, 
tout  aussi  ancienne  que  celle  du  cheval  :  pourquoi 
donc  tant  de  mépris  pour  cet  animal  plus  patient, 
plus  sobre  et  plus  utile  que  bien  d'autres  ?  L'âne 
abandonné  à  la  grossièreté  du  dernier  des  valets 
ou  à  la  malice  des  enfants,  bien  loin  d'acquérir, 
ne  peut  que  perdre  par  son  éducation  ;  il  est  le 
jouet,  le  plastron  des  rustres  qui  le  conduisent  le 
bâton  à  la  main,  qui  le  frappent,  qui  le  surchar- 
gent, sans  ménagement  :  on  ne  fait  pas  attention 
que  l'âne  serait  le  plus  beau,  le  mieux  fait,  le  plus 
distingué  des  animaux,  si  dans  le  monde  il  n'y 
avait  point  de  cheval.  Cependant  il  est  de  son  na- 
turel aussi  humble,  aussi  patient,  aussi  tranquille, 
que  le  cheval  est  fier,  ardent,  impétueux  ;  il  souffre 
avec  constance,  et  peut-être  avec  courage,  les  châti- 
ments les  plus  injustes  ;  il  est  très-sobre  et  sur  la 
quantité  et  sur  la  qualité  de  la  nourriture  ;  il  se 
contente  des  herbes  les  plus  dures,  les  plus  désa- 
gréables. Mais  il  est  très-délicat  sur  l'eau  :  il  ne 
veut  boire  que  de  la  plus  claire  et  aux  ruisseaux 
qui  lui  sont  connus.  —  Buffox.  » 

2"  Dicter  les  phrases  suivantes,  en  indiquant  le 
comparatif  de  supériorité  par  l'abréviation  sup., 
d'égalité  par  ég.,  d'infériorité  par  inf.  Les  élèves 
devront  former  les  divers  comparatifs. 

La  vertu  est  (sup.)  précieuse  que  l'or. 

L'Asie  est  (ég.)  grande  que  l'Europe  et  l'Afrique 
réunies. 

Le  remède  est  [sup.)  mauvais  que  le  mal. 

Ce  n'est  pas  être  bon  que  d'être  (sup.)  bon  qu'un 
méchant. 

Le  dégât  fut  (sup.)  petit  qu'on  ne  l'avait  dit. 

La  Belgique  est  (ég.)  grande  que  la  Hollande. 


ADJECTIF 


—  32  — 


ADJECTIF 


Le  naufrage  et  la  mort  sont  (m/.)  funestes  que 
les  plaisirs  qui  attaquent  la  vertu. 

L'Europe  est  à  peine  [ég.)  vaste  que  l'Australie. 

S"  Dicter  les  phrases  suivantes,  en  indiquant  le 
superlatif  relatif  par  l'abréviation  rel.  Et  le  super- 
latif absolu  par  ahs.  Les  élèves  devront  former 
les  superlatifs. 

La  durée  du  temps  pendant  lequel  les  eaux  ont 
couvert  nos  continents  a  été  {uhs.)  longue. 

La  Russie  est  [rel.)  grande  des  seize  contrées  de 
l'Europe,  la  Grèce  est  à  peu  près  [rel.)  petite, 
l'Angleterre  est  peut-être  [rel.)  riche. 

La  Suisse  est  certainement  [rel.)  beau  pays  de 
l'Europe  ;  la  Russie  est  [rel.)  triste  à  habiter 
dans  les  contrées  du  nord. 

Les  Lapons  sont  les  hommes  [rel.)  petits  de  l'Eu- 
rope. 

L'homme  est  [rel.)  bon  et  [rel.)  méchant  des 
animaux. 

Le  département  de  la  Seine  est  [rel.)  petit,  mais 
[rel.)  populeux  de  la  France. 

La  fourmi  n'est  pas  prêteuse  :  c'est  là  son  [rel.) 
petit  défaut. 

Le  [rel.)  bon  maître  est  celui  qui  étend  ses  soins 
jusqu'à  [rel.) petit  de  ses  domestiques. 

Adjectifs   déterminatifs, 

1°  ADJECTIFS   KrjIÉRAUX. 

1°  Dicter  OU  écrire  au  tableau  le  morceau  suivant, 
en  indiquant  les  nombres  en  chiffres  ;  l'élève  les 
écrira  en  lettres. 

«    Ce    QCE    COUTE   LE    SIÈGE  d'UNE  GRANDE  VILLE.   — 

La  ville  de  Turin  était  assiégée  en  170C  par  46 
escadrons  et  100  bataillons  commandés  par  le  duc 
de  La  Feuillade,  qui  attendait  pour  récompense  le 
bâton  de  maréchal  de  France.  L'imagination  est 
eflrayée  du  détail  des  préparatifs  de  ce  siège. 

«  On  avait  fait  venir  140  pièces  de  canon  ;  et  il  est 
à  remarquer  que  chaque  gros  canon  monté  revient 
à  environ  2000  écus.  Il  y  avait  110  000  boulets, 
lOG  000  cartouches  d'une  façon  et  300  OOo  d'une 
autre,  21  000  bombes,  27  500  grenades,  15  000  sacs 
à  terre,  30  000  instruments  pour  la  mine,  1  200  000 
livres  de  poudre.  Ajoutez  à  ces  munitions  le  plomb, 
le  fer  et  le  fer-blanc,  les  cordages,  tout  ce  qui  sert 
aux  mineurs,  le  soufre,  le  salpêa-e,  les  outils  de 
toute  espèce.  ï\  est  certain  que  les  frais  de  tous  ces 
préparatifs  de  d(;struction  suffiraient  pour  fonder 
et  pour  faire  fleurir  la  plus  nombreuse  colonie. 
Tout  siège  de  grande  ville  exige  ces  frais  im- 
menses ;  et  quand  il  faut  réparer  un  village  ruiné, 
on  le  néglige.  —  Voltaire.  » 

2°  Dicter  ou  écrire  au  tableau  le  morceau  suivant, 
en  indiquant  les  nombres  en  chiffres.  L'élève  les 
écrira  en  toutes  lettres. 

«  Les  vagues.  —La  surface  de  la  mer  est  rarement 
calme.  D'ordinaire,  les  vents  soulèvent  l'eau  ma- 
l'ine  en  vagues  plus  ou  moins  hautes,  qui  parfois 
se  déroulent  l'égulièrement  et  souvent  aussi  se 
heurtent  et  se  croisent.  C'est  un  spectacle  gran- 
diose que  ces  plissements  de  l'onde  par  un  temps 
paisible,  alors  que  pas  un  soufile  n'agite  les  voiles  : 
hautes,  bleues,  sans  écume,  les  masses  liquides 
se  succèdent  à  200  ou  300  mètres  d'intervalle, 
passent  en  silence  sous  le  navire,  et,  pourchassées 
par  d'autres  ondes,  vont  se  perdre  au  loin  dans 
l'espace.  La  hauteur  des  vagues  n'est  point  la 
même  dans  toutes  les  mers  ;  elle  est  d'autant  plus 
considérable  que  le  bassin  est  plus  profond  et  que 
la  surface  est  plus  liDrement  parcourue  par  les 
vents.  D'après  quelques  navigateurs,  on  rencontre- 
rait parfois,  à  quelques  milles  au  sud  du  cap  de 
Bonne-Espérance,  des  vapucs  de  30  et  33  mètres  de 
hauteur,  au  fond  desquelles  les  navires  descendent 
comme  dans  une  vallée.  Au  milieu  de  l'Atlantique 
du  nord,  les  vagues  de  tempête  sont  de  6  à  9 
mètres,  et  dans  la  Méditerranée  de  3  à  5  mètres  et 
demi.  Mais  lorsqiie  le  vent  souffle  avec  violence  et 


marche  au  taux  formidable  de  100  milles  à  l'heure, 
c'est-à-dire  quatre  fois  la  marche  de  nos  locomo- 
tives, les  vagues  atteignent  une  hauteuretune  puis- 
sance incroyables.  On  a  vu  des  trombes  d'eau  s'é- 
lever jusqu'à  25  mètres  au-dessus  du  phare  d'Ed- 
dystone  ;  la  masse  qui  se  soulève  ainsi  autour  de 
l'édifice  ne  peut  être  moindre  de  2000  à  3000 
mètres  cubes,  Pt  pèse  autant  qu'un  navire  à  trois 
ponts.  Avec  une  pareille  force,  le  déplacement  de 
blocs  qui  nous  semblent  énormes  n'est  qu'un  jeu 
pour  les  vagues  de  tempêtes.  A  Cherbourg,  des 
canons  ont  été  déplacés;  à  Biarritz,  des  blocs  de 
36  OnO  kilogrammes  ont  été  rejetés  sur  la  plage. 
En  1699,  lors  du  tremblement  qui  agita  la  Ja- 
maïque et  les  mers  voisines,  les  vagues  se  précipi- 
tèrent à  l'assaut  de  la  ville  de  Port-Royal,  et,  dans 
l'espace  de  trois  minutes,  recouvrirent  plus  do 
2  500  maisons  d'une  couche  de  10  mètres  d'eau;  les 
navires  furent  jetés  çà  et  là  dans  les  campagnes,  et 
la  frégate  le  Cygne  vint  échouer  sur  un  toit  à  plu- 
sieurs milles  du  rivage.  —  D'après  E.  Reclus.  » 

2"   ADJECTIFS  DÉMONSTRATIFS. 

Dicter  ou  écrire  au  tableau  le  morceau  sui- 
vant; les  élèves  devront  remplacer  les  tirets  par 
l'adjectif  démonstratif. 

«  La  PRIÈRE  DU  MATix.  —  Quaud  nous  étions  ré- 
veillés dans  nos  petits  lits,  que  le  soleil  si  gai  du 
matin  étincelait  sur  nos  fenêtres,  que  les  pas  des 
serviteurs  résonnaient  depuis  longtemps  dons  la 
maison  et  que  nous  attendions  impatiemment  notre 
mère  pour  nous  lever,  elle  montait,  elle  entrait,  le 
visage  toujours  rayonnant  de  —  bonté,  de  —  ten- 
dresse qu'elle  nous  a  toujours  témoignée  ;  elle 
nous  embrassait  dans  nos  lits  ;  elle  nous  aidait  à 
nous  habiller  ;  elle  écoutait  —  joyeux  petit  ra- 
mage d'enfants  dont  l'imagination  rafraîchie  ga- 
zouille au  réveil,  comme  un  nid  d'hirondelle  ga- 
zouille sur  le  toit  quand  la  mère  approche,  puis 
elle  nous  disait  :  «  A  qui  devons-nous  —  bonheur 
dont  nous  allons  jouir  ensemble?  C'est  à  Dieu. 
c'est  à  notre  Père  céleste.  Sans  lui,  —  beau  soleil 
ne  serait  pas  levé  ;  —  arbres  auraient  perdu  leurs 
feuilles  ;  —  gais  oiseaux  seraient  morts  df^  faim  et 
de  froid  sur  la  terre  nue,  et  vous,  mes  pauvres  en- 
fants, vous  n'auriez  ni  lit,  ni  maison,  ni  Jardin 
pour  vous  abriter  et  vous  nourrir,  vous  réjouir 
toute  votre  saison  !  Il  est  bien  juste  de  le  remer- 
cier pour  tout  ce  qu'il  nous  donne  avec  —  jour, 
de  le  prier  de  nous  donner  beaucoup  d'autres  jours 
pareils.  »  Alors  elle  se  mettait  .à  genoux  devant 
notre  lit,  elle  joignait  nos  petites  mains,  et  sou- 
vent, en  les  baisant  dans  les  siennes,  elle  faisait 
lentement  et  à  demi-voix  la  courte  prière  du  ma- 
tin, que  nous  répétions  avec  ses  inflexions  et  ses 
paroles.  —  Lamartine.  » 

3°  adjectifs  possessifs. 

1°  Lire  ou  dicter  le  morceau  suivant  et  faire  en- 
suite souligner  ou  analyser  verbalement  les  adjec- 
tifs possessifs. 

«  Le  PAON".  —  Si  l'empire  appartenait  à  la  beauté 
et  non  à  la  force,  le  paon  serait,  sans  contredit,  le 
roi  des  oiseaux  ;  il  n'en  est  point  sur  qui  la  nature 
ait  versé  ses  trésors  avec  plus  de  profusion  :  la 
taille  grande,  le  port  imposant,  la  démarche  fière, 
la  figure  noble,  les  proportions  du  corps  élégantes 
et  sveltes,  tout  ce  qui  annonce  un  ùire  de  distinc- 
tion lui  a  été  donné  ;une  aigrette  mobile  et  légère, 
peinte  des  plus  riches  couleurs,  orne  sa  tête,  et 
l'élève  sans  la  charger  ;  son  incomparable  plumage 
semble  réunir  fout  ce  qui  flatte  nos  yeux  dans  le 
coloris  tendre  et  frais  des  plus  belles  fleurs,  tout 
ce  qui  les  éblouit  dans  les  reflets  pétillants  des 
pierreries,  tout  ce  qui  les  étonne  dans  l'éclat  ma- 
jestueux de  l'arc-en-ciel  :  non-seulement  la  nature 
a  réuni  sur  le  plumage  du  paon  toutes  les  cou- 
leurs du  ciel  et  de  la  terre  pour  en  faire  le  chef- 


ADJECTIF 


33  — 


ADVERBE 


d' œuvre  de  sa  magnificence,  elle  les  a  encore  mê- 
lées, assorties,  nuancées,  fondues  de  son  inimitable 
pinceau,  et  en  a  fait  un  tableau  unique,  où  elles 
tirent  de  leur  mélange  avec  des  nuances  plus  som- 
bres ctde leurs  oppositions  entre  elles  un  nouveau 
lustre  et  des  effets  de  lumière  si  suoumes  que 
notre  art  ne  peut  ni  les  imiter  ni  les  décrire. 

«  Tel  paraît  à  nos  yeux  le  plumage  du  paon  lors- 
qu'il se  promène  pasible  et  seul  dans  un  beau 
jour  de  printemps  ;  mais  si  quelque  vive  passion 
l'agite,  alors  toutes  ses  beautés  se  multiplient,  ses 
yeux  s'animent  et  prennent  de  l'expression,  son 
•aigrette  s'aaite  sur  sa  tête  et  annonce  l'émotion 
intérieure;  les  longues  plumes  de  sa  queue  dé- 
ploient, en  se  relevant,  leurs  richesses  éblouis- 
santes ;  sa  tête  et  son  cou,  se  renversant  noble- 
ment en  arrière,  se  dessinent  avec  grâce  sur  ce 
fond  radieux,  où  la  lumière  du  soleil  se  joue  en 
mille  manières,  se  perd  et  se  reproduit  sans  cesse, 
€t  semble  prendre  un  nouvel  éclat  plus  doux  et 
plus  moelleux,  de  nouvelles  couleurs  plus  variées 
et  plus  harmonieuses.     Buffox.  » 

2°  Dicter  ou  écrire  au  tableau  le  morceau  sui- 
vant. Les  élèves  devront  remplacer  chaque  tiret 
par  un  adjectif  possessif- 

«  Lk  pince.\u  uu  Titien.  Mon  père  tr.ivqiHait  à 
un  grand  tableau,  et  il  était  au  haut  de  l'échelle 
qui  lui  servait  à  peindre,  lorsque  les  liallebardiers, 

—  pique  à  la  main,  ouvrirent —  porto  et  se  ran- 
gèrent contre  le  mur.  Un  page  entra  et  cria  h  haute 
voix  :  «  César  !  »  Quelques  minutes  après,  l'empe- 
reur parut  roide  dans  —  pourpoint,  et  souriant 
dans  —  barbe  rousse. 

«  —  père,  surpris  et  (;harmé  de  cette  visite  inat- 
tendue, descendit  aussi  vite  qu'il  pouvait  de  — 
échelle  ;  il  était  vieux;  en  s' appuyant  h,  la  rampe, 
il  laissa  tomber  —  pinceau. 

«Tout  le  monde  restait  immob'le,car  la  présence 
de  l'empereur  nous  avait  changés  en  statues.  — 
père  était  confus  de  —  maladresse  et  de  —  len- 
teur ;  mais  il  craignait,  en  se  hâtant,  de  se  blesser. 
Charles  Quint  fit  quelques  pas  en  avant,  se  courba 
lentement  et  ramassa  le  pinceau.  «  Le  Titien,  dit- 
il,  mérite  bien  d'être  servi  par  César.  »  Et  avecune 
majesté  NTaiment  sans  égale,  il  rendit  le  pinceau  à 

—  père,  qui  mit  un  genou  en  terre  pour  le  rece- 
voir.   A.  DE  Mdsset.  » 

ADJECTIFS  INDÉFINIS. 

1"  Lire  aux  élèves,  phrase  à  phrase,  le  morceau 
suivant,  et  faire  chercher  les  adjectifs  indéfinis. 

«  La  PÈCHE  DES  PERLES.  —  Les  huîtres  perlières 
sont  très-abondantes  sur  toutes  les  côtes  de  l'île  de 
Ceylan  ;  on  en  fait  la  pèche  dans  les  mois  de  fé- 
"Viier,  mars  et  avril.  Chaque  plongeur,  ayant  à  la 
main  une  petite  corde,  dont  l'autre  extrémité  est 
tenue  par  plusieurs  rameurs  de  la  barque  ù  laquelle 
il  appartient,  et  un  sac  où  il  met  les  huîtres,  des- 
cend au  fond  de  la  mer,  grâce  à  une  pierre  qui  lui 
sert  de  lest  et  qui  est  attachée  à  une  corde  que 
tienaent  aussi  les  hommes  delà  barque.  Ilramasse 
alors  rapidement  les  quelques  huîtres  qui  sont  à 
sa  portée,  puis,  après  être  reste  trois  ou  quatre 
minutes  sous  l'eau,  il  agite  la  petite  corde  :  à  ce 
signal  on  le  remonte.  Cette  opération,  que  chaque 
homme  répète  jusqu'à  cinquante  et  soixante  fois 
par  jour,  est,  comme  on  le  conçoit  facilement,  des 
plus  pénibles,  et  il  n'est  pas  rare  de  voir  certains 
plongeurs,  au  moment  où  ils  sortent  de  l'eau,  rendre 
le  sang  par  le  nez  et  les  oreilles.  On  rejette  à  la 
mer  les  huîtres  qui  ne  contiennent  point  de  perles; 
les  autres  sont  rassemblées  dans  des  fosses  où 
elles  ne  tardent  pas  à  mourir;  on  les  ouvre  alors 
et  on  en  retire  li!s  perles. 

a  On  fabri(iue  dans  le  commerce  de  fausses  perles 
avec  les  écailles  ae  l'ablette,  que  l'on  dissout  dans 
l'alcali  ;  on  obtieiit  ainsi  une  pâte  nacrée   que  l'on 
moule  en  petites  boules.    Boutet  de  Mo.nvel.  » 
2c  Pabtie 


2"  Faire  composer  des  phrases  où  certain  soit 
adjectif  qualificatif  et  d'autres  où  il  soit  adjectif 
indéfini. 

3°  Questions  comme  celles-ci  :  Lequel  est  le  plus 
employé  aujourd'hui  maint  ou  plusieurs?  —  Est-ce 
que  le  mot  aucun  signifie  iiul'.'  Quand  et  comment 
cmploie-t-on  aut7-e  et  autrui?  —  V.  Pronom  indé- 
fini et  Syntaxe.     [J.  Dussouchet.l 

ADULTES  (Certificat  d'études  primaires  des 
cours  d').  —  Sujets  donnés  aux  examens.  V.  Cer- 
tificat d'études. 

ADVKRBE.  —  Grammaire,  XV.  —  {Etym.  du  la- 
tin adcerbium,  qui  signifie  auprès  du  verbe,  parce 
que  ce  mot  se  place  d'ordinaire  auprès  du  verbe). 

L'adverbe  est  un  mot  qui  sert  à  modifier  la  signi- 
fication du  verbe,  de  l'adjectif  ou  d'un  autread- 
verbe.  Ex.  :  Le  cheval  court  l'/^e;  cette  rose  est  <;'é5- 
belle;  cet  enfant  marche  très-lentement. 

On  distingue  sept  espèces  d'adveibes  :  ce  sont 
les  adverbes  de  lieu,  de  temps,  de  manière,  de 
quantité,  d'affirmation,  àe  négaiion,  de  doute. 

l"  Les  principaux  adverbes  de  lieu  sont:  ici,  là, 
y,  où,  en,  loin,  ailleurs,  deçà,  delà,  partout,  çà, 
dessus,  dedans,  dehors,  etc. 

Ex.  :  Je  partirai  d'ici  pour  aller  partout  oie  tu 
voudras  ;  restez  là  ;  allons  ailleurs. 

Les  adverbes  de  lieu  sont  composés  d'un  seul 
mot,  comme  là,  y,  oie,  en,  ou  de  deux  mots,  comme 
dedans  de  de  et  de  dans:,  partout  [de  par  et  de 
tout,  dessous  (de  de  et  de  sous). 

2°  Les  principaux  adverbes  de  temps  sont  :  quand, 
depuis,  souvent,  toujours,  maintenant,  jamais,  dé- 
sormais, dorénavan',  aujourd'hui,  demain,  hier, 
jadis,  alors,  longtemps,  enfin,  plutôt  etc. 

Ex-,  :  J'irai  demain;  illit  toujours. 

Ces  adverbes  sont  composés  :  ou  d'un  seul  mot, 
comme  liier,lovs,  quand,  puis;—  ou  de  deux  mots, 
comme  longtemps  (de  long  et  de  temps),  aussitôt 
(de  aussi  et  de  tôt  ,  ensuite  {de  en  et  de  suite). 

Les  adverbes  formés  d'un  seul  mot  viennent  : 
1°  tantôt  dun  seul  mot  latin,  comme  hier  de  hei'i 
(hier),  quand  de  quando  {quand),  puis  de  post 
(après;  ;  —  2°  tantôt  de  deux  mots  latins,  comme 
encore  de  l^anc  horam  (à  cette  heure),  jadis  dejam 
diu  il  Y  a  déjà  longtemps),  etc. 

Remarque.  —  1"  Jamais  et  désormais  «ont  for- 
més de  mais,  venu  de  magis,  qui  signifiait  plus, 
comme  dans  la  locution  populaire  n'en  pouvoir 
mais.  Jamais  \ent  donc  dire  n'éjà  plus.  Désormais 
(mot-à-mot  dès  cette  heure  en  plus)  et  dorénavant 
fmot-à-mot  de  cette  heure  en  avant)  signifient  pro- 
prement :  à  d'iter  de  cette  heure. 

■  2°  Dans  aujourd'hui,  hui  est  le  latin  hodie  {au- 
jourd'hui); ce  mot  est  donc  un  pléonasme,  puis- 
qu'il signifie  liiiéralemeiit  au  jour  d' aujourd'hui. 
Le  vieux  français  est  resté  dans  le  terme  de  palais  : 
d'Imi  en  un  an. 

Z" Plutôt  n'est  pas  synonyme  déplus  tôt.  En  deux 
mots  il  signifie  avant,  exprime  une  idée  de  temps  et 
est  l'opposé  déplus  tard  :  Il  est  parti  plus  tôt  que 
vous.  Plutôt  en  un  seul  mot  exprime  une  idée  de 
pi  éférence  :  Plutôt  la  mort  que  le  déshonneur. 

Ces  deux  mots  n'étaient  à  l'origine  qu'un  seul 
mot  (plutôt),  que  l'orthographe  a  postérieurement 
séparé  en  doux  locutions. 

•i"  Les  ADVEiiBPS  DE  MANIÈRE  so  forment  à  l'aide 
d'un  adjectif  féminin  auquil  on  joint  la  terminaison 
ment  :  il  mourut  courageusement  {c'est-h-dive  d'une 
manière  courageuse^  ;  il  vécut  sagement  (c'est-à- 
dire  d'une  manière  sage). 

Pour  créer  des  adverbes,  la  langue  française  a 
adopté  l'ablatif  du  mot  latin  me7îs,  qui  signifie 
esprit,  mais  qui  avait  pris  chez  les  écrivains  de 
l'empire  le  sens  de  manière,  de  façon.  Cet  ablatif 
)nente  joint  à  un  adjectif  au  féminin  donna  l'ad- 
verbe français  en  ment  :  Bonn  mente,  cara-mente, 
dovota-mente,  —  Bonne-ment,  chère  ment,  di'note- 
nicnt. 

3 


ADVERBE 


—  34  — 


ADVERBE 


Les  adjectifs  terminés  en  ent,  anf,  font  leurs 
adverbes  en  emment,  nmmen^  :  prudetit,  Tprudem- 
ment,  —  obligfn«/,  ohWgpamynent. 

Le  français  forme  encore  des  adverbes  de  ma- 
nière en  employant  dans  certains  cas  Vadjectif 
simple  :  chaniev  juste,  voir  clair,  parler  bas,  etc. 

Les  adverbes  de  mnniève  en  ment  ont.  comme 
les  adjectifs  dont  ils  dérivent,  les  trois  degrés  de 
signification  :  claii-ement,  plus  clairement,  très- 
cluirement. 

Les  adjectifs  employés  comme  adverbes  ont  éga- 
lement les  trois  degi'és  de  signification  :  chanter 
juste,  plus  juste,  très-juste. 

Les  adverbes  bien  et  mal  forment  leurs  degrés 
de  signification  irrégulièrement  :  bien  fait  au  com- 
paratif mieux,  au  superlatif  le  mieux  ;  —  mal  fait 
pis,  ou  plus  mal,  —  le  pis,    ou  le  plus  mal. 

b"  Les  principaux  adverbes  de  quantité  sont  : 
assez,  trop,  peu,  beaucoup,  très,  tant,  guère,  etc. 
Ex.  :  Il  parle  peu  ;  —  il  récite  trop  vite.  Beau- 
coup est  composé  de  beau  et  de  coup  et  a  le  sens 
de  l'adverbe  latin  multnm,  qui  avait  donné  moult 
(boaucoupi  à  notre  vieille  langue.  Guère,  qui  si- 
gnifie beaucoup,  a  servi  à  former  la  locution  v'a 
guère  (c'est-à-dire:  il  n'y  a  pas  longtemps),  qu'on 
écrit  aujourd'hui  en  un  seul  mot,  naguè)e. 

6°  Les  principaux  adverbes  d'affirmatiox  sont 
oui,  certes,  vraiment,  etc.  Ex.  :  Viendrez-vous  ? 
Oui.  —  Cette  pensée  est  vraiment  belle. 

Oui  était  oïl  dans  le  vieux  français.  On  sait  que 
ce  mot  oïl  a  servi  à  désigner  au  moyen  âge  la  lan- 
gue qui  se  parlait  au  nord  de  la  Loire,  comme  oc 
désignait  celle  qui  se  parlait  dans  le  midi.  Oïl  avait 
pour  correspondant  Kert/iz/(non),  devenu  en  français 
moderne  7ienni,  comme  oïl  est  devenu  oui. 

'"  Les  principaux  adverbes  de  négation  sont 
non,  ne,  pas.  point,  rien.  Ex.  :  Non,  je  ne  \euxpa-s. 

Non  vient  du  latin  non  (non),  qui  a  donné  le  vieux 
français  nen,  abrégé  en  ne  dans  le  français  mo- 
derne. 

Nous  n'avons  réellement  que  deux  adverbes  de 
négation,  non  et  «e;  les  autres  mots,  tels  que  pas, 
point,  goutte,  etc.,  ne  sont  que  des  substantifs 
un  pas,  un  point,  une  goutte,  employés  adverbia- 
lement, comme  termes  de  comparaison. 

Chacun  sait  que,  pour  donner  plus  de  force  à  l'ex- 
pression de  nos  jugements,  nous  les  accompagnons 
volontiers  d'une  comparaison  {pauvre  comme  Job. 
/or/ comme  un  lion,  etc.),  ou  d'une  estimation  (cet 
objet  ne  vaut  pas  un  SQu).Dcmtmepa9,  point,  mie, 
goutte,  etc.,  furent  employés  à  l'origine  d'une  ma- 
nière sensible,  c'est-à-dire  placés  dans  une  com- 
paraison où  ils  avaient  une  valeur  propre  :  Je  ne 
marche  pas  (c'est-à-dire  je  ne  fais  pas  un  pas],  — 
je  ne  vois  point,  (je  ne  vois  pas  môme  un  potnt\  — 
je  ne  mange  mie,  —  je  ne  bois  goutte  (je  ne  bois 
pas  une  goutte). 

Rien,  du  latin  rewz,  était  un  substantif  dans  l'an- 
cien français  et  gardait  le  sens  originaire  de  chose  : 
une  heUe  riens  (res  .  Il  a  perdu  son  sens  étymolo- 
gique par  l'habitude  que  l'on  avait  de  construire 
ce  substantif  avec  7ie  pour  former  une  expression 
négative. 

8°  Les  principaux  adverbes  de  doute  sont  peut- 
être,  probaljlement.  Ex.  :  Il  sera  probablement  ici 
demain. 

Peut-être  est  une  ellipse  pour  cela  peut-être,  ce 
qui  nous  explique  pourquoi  l'on  peut  mettre  que 
après  cetadvnrbc.  [Peut-être  que /e  viendrai,  c'est- 
à-dire  celn  peut  être  que  je...,  eic) 

9°  On  apijolle  locution  adverbiale  une  réunion 
de  mots  équivalant  à  un  adverbe  :tels  sont  :  à  l'envi, 
au  delà,  en  deçà,  tout  à  fait,  point  du  tout,  etc. 

A  l'envi  signifie  proprement  à  qui  mieux  mieux, 
du  latin  inviiwm,  (jui  s'oppose  à,  d'où  le  sens  de 
concurrence,  de  rivatilé.  On  voit  que  ce  mot  a 
perdu  un  t  et  non  un  e  et  ne  doit  point  Ctre  rat- 
uché  au  substantif  e/ii/-i'«. 


Modèles  d'exercices. 

lo  Dicter  le  morceau  suivant  et  faire  ensuite 
dresser  la  liste  des  adverbes  avec  l'indication  :  adv, 
de  temps,  de  lieu,  etc.  Ex.  :  guère,  adv.  de  quan- 
tité ;  jamais,  adv.  de  temps,  etc. 

n  PoMPÉi.  —A  Rome,  l'on  ne  trouve  guère  que  les 
débris  des  monuments  publics  ;  mais  à  Pompéï 
c'est  la  vie  privée  des  anciens  qui  s'offre  à  vous 
telle  qu'elle  était  ;  le  volcan  qui  a  couvert  cette 
ville  de  cendres,  la  préservée  des  outrages  du 
temps  ;  jamais  des  édifices  exposés  à  l'air  ne  se 
seraient  ainsi  maintenus,  et  ce  souvenir  enfin  s'est 
retrouvé  tout  entier.  Les  peintures,  les  bronzes, 
étaient  encore  dans  leur  beauté  première,  et  tout 
ce  qui  peut  servir  aux  usages  domesliques  est  con- 
servé d'une  manière  effrayante.  Les  ampliores  sont 
encore  préparées  pour  le  festin  du  jour  suivant, 
la  farine  qui  allait  être  pétrie  est  encore  là.  Les 
restes  d'une  femme  sont  encore  ornés  de  parures 
qu'elle  portait  dans  le  jour  de  fête  que  le  volcan 
a  troublé,  et  ses  bras  desséchés  ne  remplissent 
plus  le  bracelet  de  pierreries  qui  les  entoure 
encore. 

«  On  ne  peut  voir  nulle  part  une  image  aussi  frap- 
pante de  l'interruption  subite  de  la  vie.  Le  sillon 
des  roues  est  visiblement  marqué  sur  les  pavés 
dans  les  rues,  et  les  pierres  qui  bordent  les  puits 
portent  la  trace  des  cordes  qui  les  ont  creusées 
peu  à  peu.  On  voit  encore  sur  les  murs  d'un  corps 
de  garde  les  caractères  mal  formés,  les  figures 
grossièrement  esquissées  que  les  soldats  traçaient 
pour  passer  le  temps,  tandis  que  ce  temps  avan- 
çait pour  les  engloutir.  Quand  on  se  place  au  mi- 
lieu du  carrefour  des  rues,  d'où  l'on  voit  de  tous 
les  côtés  la  ville  qui  subsiste  encore  presque  en 
entier,  il  semble  qu'on  attende  quelqu'un,  que  le 
maître  soit  prêt  à  venir  ;  et  l'apparence  même  de 
vie  qu'ofi're  ce  séjour  fait  sentir  plus  tristement 
son  éternel  silence.    M°"  de  Staël.  » 

2°  Dicter  ou  écrire  au  tableau  les  phrases  sui- 
vantes, en  faisant  souligner  aux  élèves  les  adjectifs 
employés  adverbialement. 

Depuis  tantôt  deux  ans  je  vis  en  cet  endroit. 

Mal  couché,  mal  vêtu,  buvant  chaud,  mangeant 
froid. 

Je  veux  qu'on  me  distingue,  et,  pour  le  trancher 
net, 

L'ami  du  genre  humain  n'est  point  du  tout  mon 
fait. 

L'arbre  tient  bon,  le  roseau  plie. 

On  paye  bien  cher  le  soir  les  folies  du  matin. 

Légère  et  court  vêtue,  elle  allait  à  grands  pas. 

Rire  trop  haut  est  un  ridicule  et  une  sottise. 

L'empereur  romain  Vitellius  a  dit  cette  odieuse 
parole  :  le  cadavre  d'un  ennemi  sent  toujours 
bon. 

Qui  pense  et  raisonne  toujours  juste  devrait  agir 
toujours  bien. 

Vous  vous  récriez  bien  fort,  si  l'on  vous  accuse 
d'ingratitude  envers  les  hommes, et  vous  ne  vous 
souciez  nullement  d'être  ingrats  envers  Dieu. 

Oui,  vous  m'ouvrez  les  yeux. 

Je  commence  à  voir  clair  dans  cet  avis  des 
cicux. 

3°  Dans  les  phrases  suivantes,  faire  remplacer 
les  mots  en  italique  par  un  adverbe. 

Saint  Louis  a  gouverné  avec  sagesse. 

Jugez  avec  prudence  si  vous  voulez  juger  avec 
justice. 

Si  vous  voulez  vivre  longtemps,  vivez  de  la  ma- 
nière la  plus  sobre  que  vous  pourrez. 

La  tortue  qui  marche  ayec  lenteur  arrive  parfois 
plus  vue  que  le  lièvre. 

Cette  jeune  fille  répondit  avec  finesse. 

La  pluie  est  tombée    avec  abondance. 

Le  vont  soufflait  avec  violence. 

Les  Français  soutinrent  d'une  manière  intrépide 
le  choc  des  ennemis. 


ADVERBE  — 

Il  vaut  mieux  gagner  peu  d'une  manière  hon- 
nête que  de  devenir  riche  d'une  manière  mal- 
honnête. 

4"  Dicter  aux  élèves  ou  écrire  au  tableau  le  mor- 
ceau suivant,  en  leur  faisant  souligner  d'un  trait  les 
adverbes ,  de  deux  traits  les  locutions  adver- 
biales. 

«  Description  d'Orléans.  —  La  Loire  est  près 
de  trois  fois  aussi  large  à  Orléans  que  la  Seine 
l'est  à  Paris  :  l'horizon  est  très-beau  de  tous  les 
côtés.  De  chaque  côté  du  pont  on  voit  conti- 
nuellement des  barques  qui  vont  à  voiles  ;  les 
unes  montent,  les  autres  descendent.  Rien  n'em- 
pêche qu'on  ne  les  distingue  toutes  :  on  les 
compte,  on  remarque  à  quelle  distance  elles  sont 
les  une?  des  autres  ;  c'est  ce  qui  fait  une  des 
beautés  du  fleuve  :  en  effet,  ce  serait  dommage 
qu'une  eau  si  pure  fût  entièrement  couverte  par 
des  bateaux.  Les  voiles  de  ceux-ci  sont  fort  amples  : 
cela  leur  donne  une  majesté  de  navires,  et  je  m'i- 
maginai voir  le  port  de  Constantinople  en  petit. 
D'ailleurs  Orléans,  à  le  regarder  de  laSologne,  est 
d'un  bel  aspect.  Comme  la  ville  va  en  montant,  on 
•  la  découvre  presque  tout  entière.  Le  Mail,  et  les 
autres  arbres  qu'on  a  plantés  en  beaucoup  d'en- 
droits le  long  du  rempart,  font  qu'elle  paraît  à 
demi  fermée  de  murailles  vertes  ;  et  à  mon  avis 
cela  lui  sied  bien.  Vous  saurez  pourtant  que  le 
quartier  par  où  nous  descendîmes  au  port  est  fort 
laid,  le  reste  assez  beau;  des  rues  spacieuses, 
nettes,  agréables,  et  qui  sentent  leur  bonne  ville. 
Je  n'eus  pas  assez  de  temps  pour  voir  le  rempart, 
mais  je  m'en  suis  laissé  dire  beaucoup  de  bien, 
ainsi  que  de  l'église  Sainte-Croix.  Enfin  notre 
compagnie,  qui  s'était  dispersée  de  tous  les  côtés, 
revint  satisfaite.   —  Lafontai.ne.  » 

5°  Faire  relever  aux  élèves,  soit  sur  cahier,  soit 
au  tableau,  les  adverbes  en  italique  du  morceau 
suivant,  en  indiquant  les  adjectifs  d'où  ils  sunt  tirés. 
Ex.  également,  de  égal,  etc. 

«  Le  hérov.  —  Le  bonheur  n'est  pas  également  dé- 
parti à  tous  les  êtres  sensibles  ;  et  la  nature  elle- 
même  paraît  avoir  négligé  certains  animaux  qui. 
par  imperfection  d'organes,  sont  fatalement  con- 
damnés à  endurer  la  souffrance.  Enfants  disgraciés, 
nés  dans  le  dénùment  pour  vivre  dans  la  priva- 
tion, leurs  jours  pénibles  se  consument  dans  les 
inquiétudes  d'un  besoin  toujours  renaissant.  Souf- 
rir  et  patienter  sont  évidemment  leurs  seules  res- 
sources, et  cette  peine  intérieure  trace  tristement 
son  empreinte  jusque  sur  la  figure. 

«  Le  héron  nous  présente  limage  d'une  vie  de 
souffrance,  d'anxiété,  d'indigence.  Ayant  seulement 
l'embuscade  pour  tout  moyen  d'industrie,  il  passe 
des  heures,  des  jours  entiers  à  la  môme  place,  im- 
mobile, au  point  de  laisser  douter  si  c'est  un  être 
animé.  Lorsqu'on  l'observe  attentivement  di\ a z  une 
lunette,  car  Ù  se  laisse  rarement  approcher,  il  pa- 
raît comme  endormi,  posé  sur  une  pierre  ,  le 
corps  presque  droit  et  sur  un  seul  pied,  le  cou  or- 
dinairement replié  le  long  de  la  poitrine  et  du 
ventre  ;  et,  s'il  change  d'attitude,  c'est  pour  en 
prendre  une  encore  plus  contrainte  en  se  mettant 
en  mouvement.  Il  entre  dans  l'eau  jusqu'au-des- 
sous du  genou,  la  tête  entre  les  jambes,  pour 
guetter  au  passage  une  grenouille,  un  poisson  : 
mais,  réduit  à  attendre  que  sa  proie  vienne  s'of- 
frir à  lui,  et  n'ayant  qu'un  instant  pour  la  saisir. 
il  doit  nécessairement  subir  de  longs  jeûnes,  et  fré- 
quemment périr  d'inanition  ;  car  il  n'a  pas  l'instincc, 
lorsque  l'eau  est  couverte  de  glace,  d'aller  pru- 
demment chercher  à  vivre  dans  des  climats  plus 
tempérés.  Lorsqu'on  prend  un  liéron,  on  peut  le 
garder  quinze  jours  sans  lui  voir  chercher  ni 
prendre  aucune  nourriture  ;  il  rejette  même  cons- 
tamment celle  qu'on  tente  de  lui  faire  avaler  :  sa 
mélancolie  naturelle,  augmentée  sans  doute  par  la 
captivité,  l'emporte  apparemment  sur  l'instinct  de 


3  —  AEROLITHES 

sa  conservation.  L'apathique  héron  semble  se  con- 
sumer sans  languir  ;  il  périt  sans  se  plaindre  et 
sans  apparence  de  regret.  D'après  Blffox.  » 

6°  Exercer  les  élèves  à  former  des  adverbes  de 
mmiière  avec  les  adjectifs  suivants  : 

l'inviolable,  autre,  furieux,  héroïque, 

absurde.  brave,  fin,  honorable, 

abusif,  brutal,  fier,  rapide, 

actuel,  candide,  fertile,  sincère, 

admirable,  cavalier,  ferme,  sobre, 

adroit,  certain.  intérieur,  soigneux, 

agile,  charitable,  intime,  solide, 

aigre,  chaste,  intrépide,  prompt, 

ambitieux,  chiche,  invincible,  sage, 

amer,  clair,  ironique,  sain, 

ample,  lionnète,  habile,  saint, 

ancien,  honteux,  grand,  secret, 

âpre,  froid,  doux,  plat, 

arbitraire,  frais,  direct,  petit, 

"2°  abondant,     différent,       fréquent,  évident, 

ardent,         imprudent,   innocent,  constant, 

brillant,        prudent,       insolent,  méchant, 

pesant,         obligent,       arrogant,  apparent, 

concurrent,  conséquent,  violent,  suffisant. 

7°  Faire  composer  de  courtes  phrases  où  l'élève 
aura  à  choisir  entre  plus  tôt  ou  plutôt. 

[J.  Dussouchet.J 

AEROLITHES.  — Météorologie,  XIII.  —  (Etym. 
du  grec  lifhos,  pierre,  et  aéros,  de  l'air,  c'est-à-dire 
pierres  qui  tombent  de  l'air.)  On  les  a  primitive- 
ment désignées  du  nom  de  pierres  météoriques  ou 
de  météorites,  parce  que  l'on  croyait  qu'elles  se  for- 
maient dans  l'atmosphère. 

Les  aérolithes.  les  bolides  et  les  étoiles  filantes 
ont  une  commune  origine.  Ce  sont  de  très-petits 
corps  célestes  qui  circulent,  comme  la  terre,  autour 
du  soleil,  ou  qui  voyagent  dans  les  espaces  à  la 
manière  des  comètes,  et  que  leur  extrême  peti- 
tesse rend  invisibles  dans  les  conditions  ordi- 
naires. Mais  s'ils  passent  assez  près  de  la  terre 
pour  traverser  notre  atmosphère,  ils  s'y  échauf- 
fent par  l'effet  de  leur  énorme  vitesse  et  devien- 
nent lumineux. 

Tant  qu'ils  restent  dans  les  hautes  régions  de 
l'atmospiicre,  ils  nous  apparaissent  comme  un 
point  lumineux  semblable  à  une  étoile  qui  se  dé- 
tacherait du  ciel  pour  le  traverser  rapidement  etdis- 
paraitre  bientôt  :  d'où  le  nom  d'étoile  filante'. 

S'ils  pénètrent  plus  avant  dans  l'air,  ou  si  leur 
volume  est  plus  considérable,  leur  diamètre  appa- 
rent est  sensible  à  l'œil  :  l'étoile  filante  devient 
un  bolide.  On  a  vu  des  bolides  éclairer  le  ciel 
d'une  lumière  assez  vive  pour  être  perçue  en  plein 
jour.  Souvent  ils  sont  accompagnés  d'une  traînée 
lumineuse  qui  persiste  après  leur  passage;  sou- 
vent aussi  ils  éclatent  avec  un  bruit  qui  peut  être 
entendu  sur  de  grandes  régions  de  la  surface  ter- 
restre. Leurs  éclats  en  tombant  sur  le  sol  consti- 
tuent les  aérolithes. 

Les  pierres  météoriques  ont  été  connues  de 
toute  antiquité.  Les  plus  vieilles  légendes  en  font 
mention.  Les  auteurs  grecs,  latins  et  autres  ont 
enregistré  avec  soin  de  nombreuses  chutes  de  mé- 
téorites, et  plusieurs  de  ces  pierres  ont  été  mises 
au  rang  des  divinités,  dont  on  les  considérait  comme 
des  ém:inations 

Malgré  ces  nombreux  témoignages,  les  savants 
du  siècle  dernier  révoquaient  en  doute  les  chutes 
de  pierres  météoriques,  lorsque,  le  'ifi  avril  180-3, 
une  pluie  de  pierrf'S  eut  lieu  en  plein  jour,  près 
de  l'Aigle,  dans  le  département  de  l'Orne.  M.  Biot 
fut  chargé  de  faire  une  enquête,  il  fut  cons- 
taté que  sur  un  terrain  d'environ  10  kilomètres  de 
long  sur  4  kilomètres  de  large  il  était  tombé  deux 
à  trois  mille  pierres,  dont  la  plus  grosse  pesait  i" 
livres.  Depuis  cette  époque  décisive,  on  a  dressé 


AEROSTATS 


3G  — 


AÉROSTATS 


le  catalogue  de  toutes  les  chutes  de  météorites 
consignées  par  les  auteurs  anciens  et  modernes  : 
on  recueille  avec  soin  toutes  les  observations  con- 
temporaines; on  réunit  dans  les  collections  pu- 
bliques des  échantillons  des  pierres  météoriques 
qui  sonV  analysées  et  classées  d'après  leur  com- 
position Le  Muséum  de  Paris  et  lÉcole  des  Mines 
sont  très-riches  en  produits  de  cette  origine. 

Les  météorites  ont  toutes  Taspect  d'un  fragment 
recouvert  d'une  sorte  de  vernis  mince  dû  à  la  fu- 
sion superficielle  du  corps  produite  par  la  haute 
température  et  la  pression  résultant  de  son  énorme 
vitesse.  Cette  vitesse  peut  aller,  en  effet,  jusqu'à 
30  et  môme  60  kilomètres  par  seconde,  du  moins  à 
l'origine  ;  elle  se  ralentit  énormément  à  mesure 
que  le  corps  ou  ses  fragments  pénètrent  plus  avant 
dans  l'atmosphère,  et  cela  d'autant  plus  que  les 
''agments  sont  plus  petits. 

Les  météorites  sont  quelquefois  composées  de 
fer  métallique  compacte  et  presque  pur  :  il  est 
extrêmement  rare  qu'elles  n'en  contiennent  pas 
des  traces  sensibles;  entre  ces  deux  ternies 
extrêmes,  la  décroissance  dans  la  proportion  de  fer 
passe  par  tous  les  degrés. 

Les  météorites  exclusivement  composées  de  fer 
associé  à  une  petite  proportion  de  nickel  sont  re- 
lativement très-rares  ;  on  a  pu  les  travailler  direc- 
tement pour  en  faire  des  armes  :  fers  de  flèches, 
haches,  épées.  D'autres  fois,  la  proportion  de  nic- 
kel et  autres  corps  est  assez  forte  pour  rendre  le 
fer  cassant  sous  le  marteau.  Plus  souvent,  le  fer 
forme  une  masse  dans  laquelle  sont  englobés  des 
grains  pierreux,  ou,  inversement,  la  pierre  forme 
une  gangue  parsemée  de  grenailles  de  fer  plus  ou 
moins  volumineuses  et  abondantes. 

Parmi  les  météorites  dépourvues  de  fer,  il  s'en 
trouve  qui  renferment,  outre  du  charbon  liljre,  des 
composés  de  carbone,  d'hydrogène  et  d'oxygène, 
analogues  à  ceux  de  la  chimie  organique,  sans 
qu'on  soit  aucunement  en  droit  d'en  conclure  que 
ces  composés  aient  eu  pour  origine  la  vie  sous 
l'une  quelconque  de  ses  formes.  Mais  on  comprend 
qu'avec  une  pareille  composition  les  météorites 
portées  à  l'incandescence  puissent  laisser  après 
elles  une  traînée  lumineuse  persistante.  Au  reste, 
le  fer  à  lui  seul  peut  déjà  produire  un  semblable 
effet,  et  il  est  rare  que  le  microscope  ne  décèle 
pas  dans  les  poussières  de  l'air  quelques  grains 
arrondis  de  fer  météorique  provenant  des  bolides 
ou  des  étoiles  filantes.  On  peut,  il  est  vrai,  objecter 
aux  observations  faites  dans  l'air  de  Paris  que  ces 
granules  ont  pour  origine  les  usines  où  on  tra- 
vaille le  fer;  mais  on  en  trouve  dans  l'air  des  ré- 
gions les  plus  éloignées  de  ces  usines,  et  M.  Tis- 
sandier  en  a  rencontré  dans  des  terrains  géolo- 
giques bien  antérieurs  à  la  présence  de  l'homme 
sur  la  terre.  [Marié-Davy.] 

AÉROSTATS.  —  Physique,  XIII.  —  Les  aéros- 
tats ou  brillons  sont  les  appareils  qui  peuvent  s'é- 
lever dans  l'air,  lis  se  composent  toujours  d'une 
enveloppe  légère,  mais  suffisamment  résistante, 
remplie  d'un  gaz  moins  lourd  que  l'air  atmosphé- 
rique. On  leur  fait  souvent  supporter  une  na- 
celle où  s'installent  les  aéronautes  avec  les  divers 
accessoires  nécessaires  à  leur  manœuvre. 

Il  faut  que  le  poids  du  gaz  qu'ils  contiennent, 
augmenté  du  poids  de  l'enveloppe  et  des  acces- 
soires, soit  inférieur  au  poids  do  l'air  qu'ils  dé- 
placent. Alors  un  ballon  gonflé  et  retenu  sur  le  sol 
est,  par  rapport  à  l'atmosphère,  comme  un  mor- 
ceau de  liège  retenu  au  fond  d'un  vase  plein  d'eau. 
Le  ballon  comme  le  liège  ont  un  poids  moindre 
que  la  poussée  qu'ils  subissent  (V.  Arcininéda); 
ils  tendent  à  s'élever  avec  une  force  égale  à  la  dif- 
férence de  ces  deux  quantités  On  donne  le  nom 
de  force  osceiision  ^elle  h  cette  différence. 

C'est  le  .'i  juin  17S3,  à  Annonay.  que  fut  lancé 
le  premier  ballon,  par  les   frères  Montgolfier.  Ce 


ballon,  fait  en  toile  recouverte  de  papier,  était  une 
sphère  d'environ  12  mètres  de  diamètre,  présentant 
à  sa  base  une  large  ouverture  ;  on  alluma  au-des- 
sous un  feu  de  paille,  et  quand  il  fut  plein  d'air 
chaud,  plus  léger  que  l'air  ordinaire,  il  s'éleva  à 
une  hauteur  de  plus  de  lOOiJ  mètres  aux  acclamations 
de  la  foule  rassemblée  pour  cette  curieuse  expé- 
rience. L'appareil  pesait  215  kilogr.  et  emportait 
avec  lui  une  charge  de  200  kilogr.  Le  nom  de 
mo7itgolfières  est  resté  depuis  aux  ballons  gonflés 
avec  de  l'air  chaud. 

Cette  découverte  des  frères  Montgolfier  excita 
partout  un  grand  enthousiasme,  et  quand  le  pro- 
fesseur Charles  eut  donné  l'idée  de  substituer  à 
l'air  chaud  le  gaz  hydrogène  (14  fois  et  demie 
plus  léger  que  l'air),  les  ascensions  en  ballon  de- 
vinrent plus  faciles  et  plus  nombreuses. 

Il  est  facile  de  se  rendre  compte  de  la  force  as- 
censionnelle d'un  ballon.  S'il  est  gonflé  avec  l'hy- 
drogène, un  mètre  cube  de  ce  gaz  pesant  seule- 
ment 90  grammes  et  tenant  la  place  d'un  mètre 
cube  d'air  qui  pèse  1293  grammes,  c'est  par  mètre 
cube  une  difi'érence  ou  une  poussée  de  l,2iio 
grammes;  quand  le  ballon  présente  un  volume  de 
lOO  mètres  cubes,  que  son  enveloppe  et  ses  acces- 
soires pèsent  50  kilogr. ,  c'est  donc  encore  avec  une 
force  de  70  kilogr.  qu'il  est  poussé  dans  les  airs.  Gon- 
flé avec  l'air  chaud  ou  avec  le  gaz  d'éclairage,  il  a, 
pour  le  même  volume,  une  force  moins  grande  ; 
on  augmente  alors  sa  grosseur  pour  augmenter  sa 
force  ascensionnelle.  Aujourd'hui  on  ne  gonfle 
plus  à  l'hydrogène  que  les  petits  ballons  en  bau- 
druche ou  en  caoutchouc  qui  servent  de  jouets 
aux  enfants;  ce  gaz  passe  trop  facilement  au  tra- 
vers des  parois  qui  le  contiennent.  On  a  renoncé 
aussi  aux  montgolfières  et  à  l'air  chaud,  excepté 
pour  quelques  ballons  lancés  dans  les  fêtes  pu- 
bliques. C'est  le  gaz  d'éclairage  qui  est  toujours 
employé. 

Le  ballon  que  l'on  veut  remplir  est  ordinaire- 
mont  en  taffetas  rendu  imperméable  par  une  lame 
de  caoutchouc  interposée  ;  il  est  terminé  par  un 
boyau  qui  sert  à  y  amener  le  gaz.  Il  porte  sa 
nacelle  suspendue  à  un  filet  qui  le  recouvre.  On 
le  retient  solidement  sur  le  sol  pendant  le  gonfle- 
ment, et  on  ne  le  gonfle  pas  entièrement,  car,  à 
mesure  qu'il  s'élève,  la  pression  de  l'air  diminuant, 
le  volume  du  gaz  intérieur  s'accroît  et  il  pourrait 
faire  éclater  l'enveloppe.  On  met  dans  la  nacelle 
où  montera  l'aéronaute  des  sacs  de  sable  qui 
constituent  le  lest;  ils  sont  utiles  d'abord  pour 
diminuer  la  vitesse  au  départ  et  ensuite  pour  les 
manœuvres  de  l'appareil.  Le  ballon  gonflé  s'élève 
sitôt  qu'il  est  débarrassé  de  ses  liens,  jusqu'à  ce 
(|u'il  arrive  à  une  couche  d'air  telle  que  le  poids 
de  l'air  déplacé  soit  ép;al  au  poids  de  la  machine. 
Si  l'aéronaute  veut  s'élever  plus  haut,  il  jette  du 
lest  et  allège  ainsi  son  appareil.  Pour  descendre, 
il  ouvre  une  soupape  qui  laisse  sortir  du  gaz  et 
rentrer  de  l'air  plus  lourd.  Il  juge  de  la  hauteur  à 
laquelle  il  est  parvenu  et  du  sens  de  son  mouve- 
ment vertical  par  un  baromètre  qui  baisse  à  me- 
sure que  le  ballon  monte. 

Parmi  les  ascensions  aérostatiques  les  plus  cé- 
lèbres, il  faut  citer  celle  que  Gay-Lussac  exécuta 
en  18ii4  et  dans  laquelle  il  parvint  à  une  hauteur 
de  7000  mètres.  Depuis,  on  en  a  fait  beaucoup 
d'autres  en  vue  d'étudier  les  différentes  couches 
de  l'atmosphère  et  la  décroissance  de  la  tempé- 
rature à  mesure  qu'on  s'élève  dans  les  airs.  Une 
des  dernières  et  des  plus  célèbres  ascensions 
scientifi(iues  est  celle  du  Zénith  ,\'.  la  dictée  3  ci- 
dessous].  On  s'est  maintes  fois  servi  des  ballons 
captifs  pour  faire  des  observations  sur  les  posi- 
tions du  l'ennemi  en  temps  de  guerre.  Déjà  sous 
linspiralion  de  Guyton  do  Morveau,  IrL  convention 
avait  créé  une  compagnie  d'aérosticrs,  commandés 
par  Coutelle,  qui  rendit  des  services  notamment  it  la 


AEROSTATS 


37 


AEROSTATS 


bataille  de  Fleurus,  le  26  juin  170».  On  a  utilisé 
les  ballons  pour  sortir  d'une  ville  investie,  notam- 
ment pendant»  le   siège    de   Paris    en    1870. 

Les  voyages  aérostatiques  appliqués  aux  obser- 
vations atmosphériques  sont  nombreux  et  les  expé- 
riences répétées  ;  des  chercheurs  tenaces  appliquent 
leurs  efforts  à  la  découverte  des  moyens  de  diriger 
les  ballons  ;  le  succès  n'a  pas  jusqu'ici  répondu  à 
leurs  espér3Lnces:  h  7iavigation  aé}'ie7me  est  encore 
b.  l'état  de  problème  sans  solution.  [Haraucourt] 

LECTURES  ET  DICTÉES. 

1.  Le  premier  ballon  à  gaz.  —  «  Le  1"  décembre 
1783,  la  moitié  de  Paris  se  pressait  aux  environs 
du  château  des  Tuileries.  Un  physicien  très-habile, 
le  professeur  Charles,  devait  faire  une  ascension, 
non  plus  en  montgolfière,  mais  avec  un  globe  de 
soie  gonflé  à  l'aide  du  plus  léger  des  gaz  connus, 
le  gaz  hydrogène.  Charles  avait  créé,  pour  ainsi 
dire  tout  d'une  pièce,  l'art  de  l'acrostation.  C'est, 
en  effet,  à  cette  occasion,  qu'il  imagina  la  sou- 
pape, la  nacelle,  le  filet  qui  supporte  et  soutient  la 
nacelle,  le  lest,  l'enduit  de  caoutchouc,  le  tissu  du 
ballon,  enfin  l'usage  du  baromètre;  c'est  le  talent 
dont  il  fit  preuve  alors  qui  a  préservé  sa  mémoire 
de  l'oubli,  car  on  n"a  rien  changé  et  on  n'a  presque 
rien  ajouté  depuis  cette  époque  aux  combinaisons 
ingénieuses  de  ce  savant  physicien. 

«  Le  programme  de  cette  ascension,  qui  devait 
avoir  lieu  dans  le  jardin  des  Tuileries,  avait  été 
annoncé  par  la  voie  des  journaux,  et  une  sous- 
cription de  10000  francs  avait  été  ouverte  et 
presque  immédiatement  remplie.  —  A  midi,  les 
corps  académiques  et  les  souscripteurs,  qui 
avaient  payé  leur  place  quatre  louis,  furent  intro- 
duits dans  une  enceinte  particulière  construite  tout 
exprès  autour  du  bassin.  Les  simples  souscripteurs 
à  trois  francs  le  billet  se  placèrent  où  ils  purent, 
dans  tout  le  reste  du  jardin.  A  l'extérieur,  les  fe- 
nêtres, les  combles  et  les  toits  de  toutes  les  maisons 
voisines  étaient  garnis  de  monde  ;  les  quais  qui 
longent  les  Tuileries,  le  pont  Royal  et  la  place 
Louis  XV  étaient  également  couverts  d'une  foule 
immense.  Une  garde  nombreuse  environnait  la 
superbe  machine,  maintenait  l'ordre  et  facilitait  les 
manoeuvres.  Le  ballon,  gonflé  de  gaz  et  déjà  prêt 
à  partir,  se  balançait  mollement  dans  l'air.  C'était 
un  globe  de  taffetas  à  bandes  alternativement 
jaunes  et  rouges.  Le  char  placé  au-dessous  était 
bleu  et  or  ;  il  était  suspendu  à  environ  vingt  pieds 
au-dessous  du  ballon  par  un  filet  qui  embrassait  le 
globe  depuis  son  pôle  supérieur  jusqu'à  l'équateur. 
On  avait  mis  en  évidence  des  pièces  d'artillerie 
sur  la  principale  terrasse,  et  un  grand  pavillon 
arboré  sur  la  coupole  du  palais  des  Tuileries  devait 
servir  de  signal  aux  savants  chargés  de  faire  des 
observations  exactes  et  d'appliquer  le  calcul  à  cette 
brillante  expérience. 

«  Enfin  le  premier  coup  de  canon  retentit.  Tout 
est  prêt  pour  le  voyage,  la  nacelle  est  lestée,  on 
la  charge  des  approvisionnements  et  des  instru- 
ments nécessaires.  Pour  connaître  la  direction 
du  vent,  on  croit  devoir  lancer  un  petit  ballon  de 
soie  verte,  de  deux  mètres  de  diamètre.  Charles, 
qui  tient  ce  petit  ballon  à  l'aide  d'une  corde, 
s'avance  vers  Etienne  Montgolfier  et  le  prie  de 
vouloir  bien  le  lancer  lui-même.  —  C'est  à  vous, 
monsieur,  répondit  le  modeste  inventeur  des 
aérostats,  qu'il  appartient  de  nous  ouvrir  la  route 
des  cieux.  Le  public  saisissant  toute  la  délicatesse 
de  cette  allusion  s'empressa  d'applaudir.  Le  petit 
aérostat  d'essai,  qui  ressemblait  à  une  émeraude. 
s'envola  vers  le  nord-est,  faisant  reluire  au  soleil 
ses  brillantes  couleurs.  Le  canon  se  fait  entendre 
une  seconde  /ois  ;  on  brûle  de  fortes  amorces  de 
poudre,  et  l'on  met  en  évidence  les  signaux  sur 
le  dôme  des  Tuileries.  Les  deux  braves  acronautes, 
Charles  et  son  compagnon  Robert,  prennent  place. 


la  dernière  corde  est  coupée  et  le  ballon  s'élève 
majestueusement  dans  les  airs.  L'admiration  et 
l'enthousiasme  éclatent  de  toutes  parts  en  applau- 
dissements immenses,  les  soldats  ranges  autour  de 
l'enceinte  présentent  les  armes,  les  officiers  saluent 
de  leurs  épécs,  et  la  machine  continue  de  s'élever 
au  milieu  des  acclamations  de  trois  cent  mille  spec 
tateurs. 

«  Arrivé  à  la  hauteur  du  parc  de  Monceau,  le 
ballon  resta  un  moment  stationnaire  ;  il  vira 
en  quoique  sorte  de  bord,  se  retourna  sur  lui- 
même,  et  suivit  ensuite  la  direction  du  vent.  —  Il 
traversa  une  première  fois  la  Seine  entre  Saint- 
Ouen  et  Asnières  ;  la  passa  une  seconde  fois  non 
loin  d'Avgenteuil  et  plana  successivement  sur 
Sunnois,  Franc onville,  Eau-Bonne,  Saint-Leu-Ta- 
verny,  Villiers  et  l'Ile-Adam.  Après  un  trajet  d'en- 
viron trente-six  kilomètres,  en  s'abaissant  ou  en 
s'élevant  à  volonté  au  moyen  du  lest  qu'ils  jetaient, 
les  voyageurs  s'arrêtèrent  à  trois  heures  et  demie 
dans  la  prairie  de  Nesle,  non  loin  de  la  maison 
d'un  gentilhomme  anglais  qui  survint  peu  de  temps 
après  avec  le  duc  de  Chartres  et  le  duc  de  Fitz- 
James,  partis  de  Paris  sur  d'excellents  chevaux,  et 
qui  avaient  suivi  le  ballon  sans  le  perdre  de  vue. 
En  passant,  à  Sannois  les  aéronautes  s'étaient  abais- 
sés jusqu'au  niveau  du  sol  pour  demander  aux 
paysans  quel  était  le  lieu  où  ils  se  trouvaient.  Plus 
loin,  au-dessus  de  l'Ile-Adam,  ils  avaient  engagé 
une  conversation,  à  l'aide  de  leur  porte-voix,  avec 
les  gens  du  prince  de  Conti,  dont  l'Ile-Adam  était 
la  propriété.  Dans  l'air,  quand  ils  se  virent  hors 
de  la  portée  des  observateurs  de  Paris,  ils  avaient 
mangé  et  bu  avec  délices.  A  leur  descente  dans 
la  prairie  de  Nesle,  Robert  quitta  la  nacelle,  et 
Charles  repartit  seul  dans  l'atmosphère,  et  parvint, 
en  moins  de  dix  minutes,  à  une  élévation  de  près 
de  4000  mètres.  Là  il  se  livra  à  de  rapides  obser- 
vations de  physique  Une  demi-heure  après,  le  bal- 
lon redescendait  doucement,  à  environ  huit  ki- 
lomètres de  son  second  point  de  départ.  «  Je  vous 
confisque,  lui  cria  alors  le  gentilhomme  anglais 
qui  l'avait  intrépidement  suivi  de  Paris  à  Nesle  ; 
vous  êtes  sur  ma  terre,  vous  m'appartenez.  »  Et,  à 
peine  la  nacelle  avait-elle  touché  la  terre,  qu'il 
s'empara  de  Charles  et  le  conduisit  à  son  château, 
où  il  passa  la  nuit.  Le  lendemain,  le  roi  accorda 
une  pension  de  deux  mille  livres  au  savant  et 
intrépide  aéronaute.  —  (Bescherelle,  Histoire  des 
ballons.)  » 

2.  Le  premier  aéronaute.  —  Le  19  septembre 
!  78-3,  un  des  frères  Montgolfier,  fabricants  de  papier 
d'Annonay  (province  de  Vivarais),  était  admis  à  ré- 
péter à  Versailles,  devant  le  roi  Louis  XVI,  l'expé- 
rience aérostatique  qu'il  avait  faite,  pour  la  première 
fois,  trois  mois  auparavant  dans  sa  ville  natale.  Une 
mojitgolfière  fut  lancée  aux  acclamations  d'une 
foule  immense. 

Les  préparatifs  de  l'ascension  avaient  pour  té- 
moin anxieux  un  jeune  physicien  qui,  lorsque  l'aé- 
rostat s'enleva,  sauta  sur  un  cheval  qu'on  lui  avait 
tenu  tout  prêt,  et  se  lança  au  galop  dans  la  direc- 
tion que  suivait  le  globe  aérien.  Un  intérêt  très- 
grand  s'attachait  pour  lui  à  certain  détail  de  l'ex- 
périence. On  avait  suspendu  au-dessous  de  la 
montgolfière  une  grande  cage  dans  laquelle  un 
mouton  était  enfermé,  avec  un  coq  et  un  canard. 

Le  jeune  phjsicien  était  curieux  de  savoir  com- 
ment le  mouton  supporterait  le  voyage.  Quand  il 
se  fut  assuré  que  le  séjour  dans  les  hautes  régions 
n'avait  pas  laissé  à  cet  innocent  quadrupède  la 
moindre  marque  d'incommodité,  il  n'eut  plus  ni 
paix  ni  repos  avant  d'avoir  accompli  lui-même  un 
trajet  aérien. 

Il  monta  d'abord  dans  un  ballon  captif,  qui  fut 
un  jour  gonflé  au  faubourg  Saint-Antoine. 

Un  mois  plus  tard,  le  2l  avril  I78i,  s'élevait  du 
château  de  la  Muette,  au  bois  de  Boulogne,  une 


AÉROSTATS 


38  — 


AEROSTATS 


colossalo  mongolfière,  dans  la  nacelle  de  laquelle 
avait  pris  place  notre  enthousiaste;  il  s'appelaii 
François  Pilatre  des  Rosiers  ;  il  avait  avec  lui  un 
de  ses  amis,  le  marquis  d'Arlandes. 

Le  ballon  vint  passer  sur  Paris,  en  émerveillant 
la  population,  et  alla  s'abattre  sur  la  liutte-aux- 
Cailles. 

Dès  lors,  Pilatre  des  Rosiers  (on  de  Rozier)  de- 
vint le  héros  à  la  mode  :  il  fut  applaudi,  fêté,  célé- 
bré en  prose  et  en  vers  ;  les  faiseurs  d'anagrammes, 
à.  force  de  remuer  les  lettres  de  son  nom,  et  à  l'aide 
de  quelques  légers  suppléments,  y  trouvèrent  cette 
légende  :  T.  es  le  pr.  roi  des  airs  (tu  es  le  premier 
roi  des  airs). 

Or,  pendant  que  Pilatre  se  bornait  à  renouve- 
ler ses  ascensions,  il  arriva  qu'un  rival  non  moins 
audacieux,  Blanchard,  fit  en  ballon  la  traversée  du 
bras  de  mer  qui  sépare  la  France  de  l'Angleterre, 
entre  Douvres  et  Calais.  A  la  première  nouvelle 
de  cet  événement,  Pilatre,  comme  si  sa  gloire  (^n 
eût  été  diminuée,  annonça  qu'il  ferait,  lui,  la  tra- 
versée beaucoup  plus  longue  et  par  conséquent 
plus  dangereuse  de  Boulogne  à  Londres.  On  eut 
beau  lui  démontrer  qu'il  s'exposait  gratuitement  à 
la  plus  funeste  aventure  :  rien  ne  put  le  dissua 
der.  Il  prétendait,  du  reste,  avoir  inventé  un  nou- 
veau système  d'aérostation  qui  consistait  à  accou- 
pler deux  ballons,  l'un  à  gaz  hydrogène,  l'autre  à 
air  chaud,  La  montgolfière  avec  son  réchaud  était 
placée  juste  au-dossous  du  ballon  h  hydrogène.  Le 
physicien  Charles  lui  dit  que  c'était  placer  une 
mèche  allumée  sous  un  baril  de  poudre. 

Les  préparatifs  furent  très-longs;  les  vents 
étaient  toujours  contraires  ;  l'enveloppe,  conservée 
dans  un  endroit  humide,  commençait  à  s'endomma- 
ger. Puis  les  rats  se  mirent  à  la  dévorer,  il  fallut 
toute  une  armée  de  chiens  et  de  chats  pour  les 
écarter  on  dut  môme  faire  venir  des  hommes  qui 
battaient  du  tambour  pendant  toute  la  nuit  pour 
écarter  les  rats.  Au  dernier  moment  un  ouragan 
furieux  éclate  et  les  magistrats  de  la  ville  s'op- 
posent au  départ.  Enfin  le  ili  juin  KS.^,  à  septheures 
du  matin,  Pilatre  et  un  jeune  savant  de  la  ville 
qui  s'appelait  Romain  montent  dans  la  machine. 
Un  officier  supérieur,  le  marquis  de  la  Maisonfort, 
s'élance  vers  le  ballon,  jette  un  rouleau  de  200 
louis  dans  le  chapeau  de  Pilatre,  met  le  pied  dans 
la  nacelle  en  le  suppliant  de  le  laisser  partir  avec 
eux.  L'aéronaute  le  repousse  en  lui  disant  :  Nous 
ne  sommes  sûrs  ni  du  temps  ni  de  la  machine  ;  je 
ne  puis  vous  accepter.  Et  Vaéromontgolfière,  — 
c'était  le  nom  de  ce  double  ballon,  —  s'éleva  dans 
les  airs  et  prit  bientôt  la  direction  de  la  mer. 

Elle  était  à  peine  à  quatre  ou  cinq  cents  mètres 
d'altitude  que  la  foule  vit  avec  effroi  le  ballon  à  gaz 
se  dégonfler  et  retomber  sur  la  montgolfière  et 
toute  la  machine  descendre  avec  une  épouvan- 
table rapidité.  Les  uns  prétendirent  avoir  vu  une  co- 
lonne de  flamme,  d'autres  assurèrent  que  le  bal- 
lon avait  éprouvé  une  violente  secousse  après 
s'être  approché  d'un  petit  nuage  blanchâtre  sans 
doute  chargé  d'électricité.  Ce  qui  se  passa  en 
réalité,  nul  ne  peut  le  dire.  On  courut  à  l'endroit 
où  cette  masse  d'étoffe  venait  de  s'abattre,  et  l'on 
trouva  sur  la  côte,  h  cinq  quarts  de  lieue  de  Bou- 
logne, parmi  les  débris  de  la  nacelle,  Pilatre 
mort,  Romain  rendant  le  dernier  soupir.  —  (D'après 
la  Mos'i'ique.) 

3  La  dernière  et  la  plus  haute  ascension  en 
ballon,  —  «  Le  jeudi  l.î  avril  I8'5,  à  11  h.  ;i5  dn 
matin,  l'aérostat  le  Zénith  s'élevait  de  terre,  à  l'u- 
sine à  gaz  de  la  Villctte. 

«  Crocé-Spinelli,  Sivel  et  moi  avions  pris  place 
dans  la  nacelle  Trois  ballonnets  remplis  d'un  mé- 
lange d'air  à  ~o  p.  100  d'oxygène,  d'après  les  pro- 
portions indiquées  par  un  "savant  physiologiste, 
M,  Paul  Bert,  étaient  attaché?  au  cercle.  Cet  appa- 
reil, dans  les  hautes  régions  de  l'atmosphère,  devait 


fournir  aux  voyageurs  l'oxygène  nécessaire  à  l'en- 
tretien de  la  vie,...  Plusieurs  baromètres,  plu- 
sieurs thermomètres,  un  spectroscope,  des  ju- 
melles, des  boussoles  complétaient  le  matériel 
scientifique  de  l'expédition,  JVous  avions  plusieurs 
sacs  de  lest,.  , . 

«  L'ascension  s'exécute  d'abord  avec  une  vitesse 
de  2  mètres  environ  à  la  seconde;  elle  se  ralentit 
légèrement  à  ;iôO:t  mètres,  pour  augmenter  à  5000 

mètres A  4  00  mètres,  nous   commençons  à 

respirer  de  l'oxygène,  non  pas  que  nous  sentions 
encore  le  besoin  d'avoir  recours  au  mélange 
gazeux,  mais  uniquement  pour  nous  convaincre 
que  nos  appareils  fonctionnent  bien, . . . 

«  A  l'altitude  de  7000  mètres,  à  1  h.  20,  j'ai 
respiré  le  mélange,  et  j'ai  senti,  en  elTet,  tout  mon 
être,  déjà  oppressé,  se  ranimer  sous  l'action  de  ce 
cordial;  j'avais  encore  la  force  de  l'inscrire  sur  mon 
carnet.  A  cette  hauteur,  Sivel,  qui  était  d'une  force 
physique  peu  commune,  commençait  à  fermer  les 
yeux  par  moments,  à  s'assoupir  même  et  à  devenir 
pâle.  Mais  cette  âme  vaillante  ne  s'abandonnait 
pas  ;  il  se  redressait  avec  l'expression  de  la  fermeté, 
et  il  jetait  le  lest  pardessus  bord  pour  atteindre  des 
régions  plus  élevées.  Sivel  était  monté,  l'an  der- 
nier, à  ".300  mètres.  Il  voulait,  cette  année,  monter 
à  8000  mètres.  Crocé-Spinelli  continuait  ses  obser- 
vations au  spectroscope  avec  une  grande  ardeur  ; 
il  paraissait  rayonnant  de  joie. 

a  J'arrive  à  l'heure  fatale  où  nous  allions  être 
saisis  par  la  terrible  influence  de  la  rareté  de  l'air. 
A  7000  mètres,  nous  sommes  tous  debout  dans  la 
nacelle.  Sivel,  un  moment  engourdi,  s'est  ranimé. 
«  'Voyez,  me  dit  Crocé-Spinelli,  comme  ces  nuages 
sont  beaux!  »  C'était,  en  efi"et,  un  spectacle  sublime 
qui  s'ofi"rait  à  nos  yeux.  En  se  penchant  en  dehors 
de  la  nacelle,  on  apercevait,  comme  au  fond  d'un 
puits,  la  surface  terrestre  qui  apparaissait  dans  les 
abîmes  de  l'atmosphère.  Le  ciel  était  d'un  bleu 
limpide.  Cependant  le  froid  commençait  à  nous 
saisir.  Nous  avions  mis  nos  couvertures  sur  nos 
épaules.  J'avais  les  mains  glacées  ;  je  voulus  mettre 
mes  gants  de  fourrure,  mais,  pour  les  prendre 
dans  ma  poche,  il  fallait  un  efl'ort  dont  je  n'étais 
déjà  plus  capable.  Sivel,  qui  était  resté  un  instant 
comme  pensif  et  immobile,  nous  demande  à  tous 
deux  s'il  faut  jeter  du  lest.  Je  lui  réponds  :  Comme 
vous  voudrez;  Crocé  lui  dit:  Oui,  Sivel  saisit  son 
couteau  et  coupe  successivement  trois  cordes  qui 
fermaient  trois  de  nos  cinq  sacs  de  lest  ;  les  sacs 
se  vident,  et  nous  montons  rapidement. 

M  Vers  7500  mètres,  l'état  d'engourdissement  où 
l'on  se  trouve  est  extraordinaire.  Le  corps  et  l'es- 
prit s'affaiblissent  insensiblement  sans  qu'on  en 
ait  conscience  On  ne  soufi're  en  aucune  façon  ;  au 
contraire,  on  éprouve  une  joie  intérieure,  on  de- 
vient indiff'érent,  on  ne  pense  plus  au  danger,  on 
monte  et  on  est  heureux  de  monter.  Le  vertige  des 
hautes  régions  n'est  pas  un  vain  mot  ;  mais,  autant 
que  j'en  puis  juger  par  mes  impressions  person- 
nelles, ce  vertige  apparaît  au  dernier  moment  ;  il 
précède  immédiatement  l'anéantissement  subit, 
inattendu,  irrésistible. 

«  Appuyé  dans  l'angle  de  la  nacelle,  je  ne  tardai 
pas  à  me  sentir  si  faible  que  je  no  pouvais  même 
tourner  la  tête  pour  regarder  mes  compagnons. 
Bientôt,  je  veux  saisir  le  tube  à  oxygène,  mais  il 
m'est  impossible  de  lever  le  bras.  Cependant,  je 
puis  ouvrir  les  yeux  et  regarder  le  baromètre  ;  je 
vois  l'aiguille  dépasser  la  pression  380  ;  je  veux 
m'écrier:  «  Nous  sommes  à  8,ii(i0  mètres!  »  mais 
ma  langue  est  comme  paralysée.  Tout  à  coup,  je 
ferme  les  yeux  et  tombe  absolument  inerte.  Il  était 
environ  i  h.  et  demie. 

«  A  2  h  8,  je  me  réveille  ;  je  m'aperçois  que  le 
ballon  descend  avec  une  grande  rapidité.  J'ai  pu 
couper  un  sac  de  lest  pour  ralentir  la  descente  et 
écrire  sur  mon  carnet  :  «  Température  —  S"  ;  près- 


AFRIQUE 


—  39  — 


AFRIQUE 


«ion,  315.  Nous  descendons.  Sivel  et  Crocé  encore 
évanouis  au  fond  de  la  nacelle.  Descendons  très- 
fort.  » 

«  A  peine  ai-je  écrit  ces  lignes,  qu'un  tremble- 
ment me  saisit,  je  retombe  anéanti.  Quelques  mo- 
ments après,  je  me  sens  secoué  par  le  bras,  et  je 
reconnais  Crocé  qui  s'est  ranimé  :  «  Jetez  du  lest, 
me  dit-il,  nous  descendons.  »  Mais  c'est  à  peine  si 
je  puis  ouvrir  les  yeux  ;  je  me  rappelle  seulement 
que  Crocé  a  jeté  du  lest,  des  couvertures  et  l'aspi- 
rateur (appareil  destiné  à  des  expériences  chi- 
miques sur  l'air;  il  pesait  17  kilogrammes)  ;  mais 
aussitôt  je  retombe  dans  une  inertie  plus  complète 
■qu'auparavant  ;  il  me  semble  que  je  m'endors  du 
sommeil  éternel. 

«  Que  s'est-il  passé  ?  Il  est  certain  que  le  ballon 
délesté  et  très-chaud,  par  conséquent  rendu  très- 
léger,  est  remonté  encore  une  fois  dans  les  hautes 
régions. 

«  A  3  h.  et  demie  environ,  je  rouvre  les  yeux, 
je  me  sens  affaissé,  mais  mon  esprit  se  ranime.  Le 
ballon,  cette  fois,  descend  avec  une  vitesse  ef- 
frayante ;  la  nacelle  est  balancée  fortement.  Je  me 
traîne  sur  les  genoux  et  je  tire  Sivel  par  le  bras 
ainsi  que  Crocé. 

«  Sivel,  Crocé,  réveillez-vous  !  »  Point  de  ré- 
ponse. Mes  deux  compagnons  étaient  accroupis 
dans  la  nacelle,  la  tête  cachée  sous  leurs  couver- 
tures. Je  rassemble  mes  forces  et  j'essaye  de  les 
relever.  Sivel  avait  la  figure  noire,  les  yeux  ternes  ; 
Crocé,  la  bouche  ensanglantée. 

«  Nous  étions  encore  à  (lUi^O  mètres  d'altitude. 
Il  restait  dans  la  nacelle  deux  sacs  de  lest  que  j'ai 
jetés.  Bientôt  la  terre  se  rapproche  ;  je  veux  saisir 
mon  couteau  pour  couper  la  cordelette  de  l'ancre  : 
impossible  de  le  trouver.  J'étais  comme  fou  ;  je 
continuais  à  appeler  :  »  Sivel  !  Sivel  1  » 

«'  Enfin,  j'ai  pu  mettre  la  main  sur  un  couteau  et 
détacher  l'ancre  au  moment  voulu.  Le  choc  à  terre 
fct  d'une  violence  extrême.  Le  ballon  sembla  s'a- 
platir, mais  le  vent  l'entraîna.  L'ancre  ne  mordait 
pas,  et  la  nacelle  glissait  à  travers  champs.  Los 
corps  de  mes  malheureux  amis  étaient  cahotés  çà 
et  là,  et  je  croyais  à  tout  moment  qu'ils  allaient 
tomber  de  l'esquif.  Enfin,  j'ai  pu  saisir  la  corde  de 
la  soupape;  le  ballon  se  vide  et  s'accroche  à  un 
-arbre.  11  était  quatre  heures.  En  mettant  pied  à 
terre,  je  me  suis  affaissé  ;  j'ai  cru  que  j'allais  re- 
joindre mes  amis  dans  l'autre  monde. 

«  La  descente  du  Zénith  a  eu  lieu  dans  les 
plaines  de  Ciron  (Indre),  à  250  kilomètres  de  Paris, 
à  vol  d'oiseau. . . . 

«  ....  J'ai  la  persuasion  que  Crocé-Spinelli  et 
Sivel  vivraient  encore  s'ils  avaient  pu  respirer 
l'oxygène,  ils  auront  comme  moi  perdu  subite- 
ment la  faculté  de  se  mouvoir.  Les  tubes  à  oxygène 
-auront  échappé  de  leurs  mains.  Mais  ces  nobles 
victimes,  ces  soldats  de  la  science  ont,  en  mou- 
rant, montré  les  périls  de  la  route,  afin  qu'on  sache, 
^près  eux,  les  prévoir  et  les  éviter.  —  Gaston  Tis- 
sandicr.  »  —  (Extrait  de  la  Kature,  n"  du  l^'  mai 
1815.) 

AFIUQUE.  —Géographie  générale,  III.—  Cette 
partie  du  monde  doit  son  nom  à  celui  d'une  peu- 
plade Berbère  (les  Afri),  qui  habitait  le  territoire  de 
Carihage  :  son  nom  fut  étendu  par  les  Romains 
non-seulement  à  la  partie  du  liaoral  qu'ils  avaient 
•conquise,  mais  à  tout  le  continent.  (Les  Grecs  ap- 
pelaient l'Afrique  Libye,  du  nom  d'une  autre  peu- 
plade Berbère). 

1.  Situation.  Limites.  Forme.  Superficie  et  po- 
pulation. —  L'Afrique  forme  une  vaste  presqu'île 
triangulaire  rattachée  à  l'Asie  par  l'isthme  de 
Suez. 

boimes.  —  Au  nord,  la  Méditerranée  la  sépare 
de  l'Europe,  qu'elle  louche  presque  en  face  de  Gi- 
braltar; à  l'ouest,  ses  côtes  sont  baignées  pai- 
l'océan  Atlantique;    et  à  l'est,    par  la  mer  des 


Indes  et  la  mer  Rouge  qu'un  canal  maritime  rat- 
tache depuis  18G9  à  la  Méditerranée,  à  travers 
l'isthme  de  Suez 

Situation.  —  Le  cap  Blanc,  au  nord-est  de  la 
Tunisie,  est  situé  par  37"  20'  de  lat.  nord,  et  le 
cap  des  Aiguilles,  au  sud  de  la  colonie  du  Cap,  est 
voisin  du  .'iô"  de  lat.  Sud.  A  l'ouest,  le  cap  Vert 
s'avance  au  milieu  de  l'Atlantique  jusque  près  du 
20°  de  long.  Ouest,  tandis  qu'à  l'est  le  cap  Gar- 
dufui,  au  nord-est  du  pays  des  Somaulis,  atteint 
presque  le  4"j''  de  long.  Est 

Distances  extri^mes.  —  H  y  a  8000  kilom.  pour 
traverser  le  continent  africain  du  nord  au  sud  et 
un  peu  moins,  7800  environ,  pour  le  parcourir 
de  l'ouest  à  l'est  entre  ses  limites  extrêmes. 

Superficie  et  popul'itioa  —  La  superficie  du 
continent  africain  est  de  300()UO;iO  de  kilom. 
carres,  trois  fois  celle  de  l'Europe,  56  fois  celle  de 
la  Franco,  et  sa  population  est  vaguement  estimée 
à  ','00  millions  d'individus. 

Forme  du  c  ntiaent.  —  11  suffit  de  jeter  un  coup 
d'œil  sur  la  carte  d'Afrique  pour  remarquer  com- 
bien sa  masse  est  compacte,  au  lieu  d'être  décou- 
pée comme  l'Europe  par  des  golfes  qui  viennent 
faire  pénétrer  partout  l'heureuse  influence  du 
voisinage  de  la  mer. 

Côtes.  —  Le  golfe  de  Guinée  sur  l'océan  Atlan- 
tique et  les  deux  Syrtcs  sur  la  Méditerranée  sont  les 
seuls  golfes  remarquables  de  l'Afrique.  Aussi  le 
développement  des  côtes  de  l'Afrique  tout  entière 
ne  dépasse  pas  2700  i  kilom  ,  tandis  que  l'Europe, 
qui  est  trois  fois  plus  petite,  a  :^3000  kilom.  de 
limites  maritimes,  sans  compter  les  îles  Britanni- 
ques. 

2.  Climat.  Orographie,  hydrographie.  —  L'équa- 
teur  traversant  par  le  milieu  le  continent  afri- 
cain, l'hiver  règne  au  cap  do  Bonne-Espérance 
pendant  l'été  de  l'Algérie,  et  réciproquement. 

Zone  des  pluies.  —  Au  centre,  une  bande  large 
d'une  quinzaine  de  degrés  en  latitude  reçoit  pen- 
dant dix  mois  de  l'année  des  pluies  très-abondantes 
qui  y  versent  une  masse  énorme  d'eau. 

Zones  tropicales.  —  De  part  et  d'autre  de  cette 
bande  régnent  les  zones  tropicales,  où  il  pleut 
pendant  six  mois  d'été,  et  qui  s'étendent  jusque 
vers  le  17'  degré  de  latitude.  En  dehors  des  tro- 
piques, au  contraire,  c'est  pendant  l'hiver  que  la 
terre  reçoit  un  peu  de  pluie. 

Les  deux  grands  déserts.  —  Mais  entre  les  zrnes 
tropicales  et  les  pays  à  pluies  hivernales,  le  Snlc  ra, 
dans  l'hémisphère  septentrional,  et  le  Kalohari, 
dans  l'hémisphère  austral,  ne  reçoivent  que  des 
vents  qui  ont  perdu  toute  leur  humidité  avant 
d'arriver  jusqu'à  eux  et  ces  deux  pays  sont  voués 
par  leur  sécheresse  aune  irréparable  stérilité. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  d'après  sa  latitude 
01  les  pluies  ou  les  vents  qu'il  reçoit  qu'on  pont 
Juger  du  climat  d'un  pays.  Il  faut  encore  tenir 
compte  de  l'altitude. 

.]:ontagnes.  —  Au  nord,  V Atlas  forme  un  puiS; 
sant  massif  de  montagnes  dont  les  chaînes  courei' 
parallèlement  à  la  Méditerranée  depuis  le  Marof 
jusqu'à  la  Tunisie.  Quelques-unes  de  leurs  cimes 
atteignent,  dit-on,  iOOO  mètres  dans  le  Maroc;  mais 
la  plupart  ne  dépassent  pas  '-000  mètres. 

A  l'ouest,  les  montagnes  de  Kong  se  dressent 
entre  la  Guinée  et  le  Soudan  dans  des  régions 
à  peu  près  inconnues.  A  l'est,  les  monts  d'A/jys- 
sinie  ressemblent  à  nos  Alpes  d'Europe  et  ren- 
ferment en  outre  de  nombreux  volcans,  dont  les 
cratères  éteints  forment  aujourd'hui  de  charmants 
lacs. 

C'est  presque  sous  l'cquateur  que  les  monts  Lu- 
puta  (on  nonmie  ainsi  la  chaîne  qui  borde  la  mer 
des  Indes)  dressent  les  cimes  bs  plus  gigantesques 
de  l'Afrique  le  Kénid  et  le  Kdimand/aro), \o\sincs 
de  COOO  mètres.  De  l'autre  côté  du  continent,  à 
l'ouest,  les  monts  Caméron   s'élèvent  auprès  du 


AFRIQUE 


—  /iO  — 


AFRIQUE 


gnlfe  de  Guinée  et  dominent  l'Océan  dune  hauteur 
de  4000  mètres. 

Plateau  de  l'Afrique  australe.  — Dans  l'Afrique 
australe,  on  s'élève  de  la  côte  jusqu'aux  plateaux 
de  l'intérieur  par  une  succession  de  terrasses  qui 
bordent  la  mer  d'assez  près.  Au  pied  de  ces  ter- 
rasses le  littoral  est  chaud,  humide,  malsain.  Mais 
quand  on  a  franchi  cette  zone  néfaste,  on  arrive 
sur  un  plateau  d'une  altitude  moyenne  de  1000 
mètres  environ  qui  est  parfaitement  salubre,  grâce 
à  cette  élévation. 

Ce  plateau  do  l'Afrique  australe  reçoit  près  de 
l'équateur,  comme  nous  l'avons  dit,  des  masses  énor- 
mes d'eau  qui  s'accumulent  dans  des  lacs  immen- 
ses, tout  récemment  découverts  par  les  Européens, 
et  de  ces  réservoirs  sortent  des  fleuves  qui  sont 
rangés  parmi  les  plus  considérables  du  monde. 

Lacs  et  fleuves.  —  Ainsi  les  fleuves  d'Afrique 
doivent  leur  origine  à  l'abondance  des  pluies  tro- 
picales plutôt  qu'aux  glaces  accumulées  sur  les 
montagnes,  comme  c'est  au  contraire  le  cas  pour  le 
Rhône  ou  le  Rhin.  Mais,  de  même  que  ces  derniers, 
ils  traversent  au  début  de  leur  cours  des  lacs  qui 
servent  à  régulariser  leur  débit,  et  pour  francliir 
les  montagnes  qui  forment  les  rebords  du  plateau 
central,  ils  traversent  des  cataractes,  ainsi  que  le 
Rhin  le  fait  à  Schaflfhouse. 

Jmcs  des  trois  versants.  —  Le  Nil  blanc  traverse 
successivement  les  deux  grands  lacs  que  les  An- 
glais ont  nommés  lacs  Victoria  et  Albert.  Né  au 
midi  de  l'équateur,  il  ne  finit  que  dans  la  Médi- 
terranée. Le  lac  'Tanganyika,  et  ses  voisins  les 
lacs  Bangouéolo  et  Moéro,  se  déversent  dans 
l'océan  Atlantique  par  le  Zaïre  ou  fleuve  du  Congo. 
Le  lac  Nyassi  ou  Maravi  s'écoule  par  le  Shiré 
dans  le  Zambèze,  grand  affluent  de  la  mer  des 
Indes. 

Au  centre  de  l'Afrique  septentrionale  s'étend 
un  bassin  fermé,  celui  du  lac  Tchad.  Le  lac 
Tchad  reçoit  son  principal  affluent.,  le  Schari,  du 
sud-est.  On  n'en  connaît  pas  encore  l'origine. 

Fleuves  des  trois  versants.  —  r  Versant  de  hi 
Méditerranée.  —  Les  monts  de  l'Atlas  ne  donnent 
naissance  qu'à  des  torrents  ;  le  seul  grand  fleuve 
méditerranéen  est  le  Nil  (nous  parlons  plus  loin  de 
son  cours  supérieur). 

2°  Versant  de  l'Atlantique.  —  Les  monts  Kong 
reçoivent  une  masse  plus  considérable  d'eau.  De 
là  descendent  le  Sénégal,  la  Gambie  et  d'autres 
cours  d'eau  moins  importants  qui  courent  à  l'ouest 
vers  l'océan  Atlantique,  tandis  que,  né  près  de 
leurs  sources,  le  Niger  décrit  un  vaste  demi-cercle 
avant  de  finir  dans  le  golfe  de  Guinée.  Le  Niger 
reçoit  de  l'orient,  dans  la  partie  inférieure  de  son 
cours,  un  affluent  considérahle,  la  Binoiié  ou 
Tc/iadda,  dont  l'origine  est  inconnue.  On  ne  connaît 
pas  non  plus  la  source  de  ÏOgououai,  fleuve  con- 
sidérable qui  finit  dans  l'Atlantique  au  sud  de 
notre  établissement  du  Gabon,  presque  sous 
l'équateur.  Les  derniers  voyages  de  Caméron  et 
de  Stanley  ont  identifié  le  puissant  fleuve  du 
Congo  avec  \c  fleuve  sorti  des  lacs  Tanganyika  et 
Bangouéolo.  Pour  achever  la  nomenclature  des 
grands  fleuves  de  ce  versant,  nommons  le  fleuve 
Orange,  dont  le  lit  est  trop  souvent  h  sec.  Le 
fleuve  Orange,  né  dans  les  monts  Drakenberg,  au 
nord-est  de  la  colonie  du  Cap,  sépare  celle-ci  du 
pays  des  Holtcntots. 

;r  Versant  de  la  Mer  des  Indes.  —  Les  seuls 
fleuves  à  nommer  sont  :  le  Zambèze,  qui  tombe 
dans  la  mer  des  Indes,  en  face  de  l'île  de  Mada- 
gascar, et  le  Limpopo,  un  peu  plus  au  sud. 

3.  Contrées  et  peuples  de  l'Airique.  —  I-  lîi> 
GioN  MÉDiTiiP.UANKENNE.  —  Burljurie.  —  Lc  littoral 
méditerranéen,  entre  l'Atlanticiue  et  la  Grande 
Syrtc,  porte  le  nom  de  Barbarie  ou  Berbéric,  ;i 
cause  des  Bcrbcrs  qui  forment  le  fonds  le  plus 
ancien    de    sa  population.    Partagée    aujourd'hui 


entre  l'empire  du  Maroc, T^/^eHe  *,  colonie  fran- 
çaise et  le  beylik  de  Tunis,  qui  relève  de  la  Tur- 
quie, cette  contrée,  qui  a  servi  de  grenier  aux  Ro- 
mains, est  susceptible  d'une  grande  prospérité. 
D'un  bout  à  l'autre,  elle  offre  trois  régions  distinctes 
parallèles  à  la  Méditerranée  :  au  nord,  le  Tell,  le 
pays  des  céréales,  d'autant  plus  fertile  qu'il  est 
plus  arrosé  ;  au  milieu,  las  hauts  plateaux  couverts 
de  pâturages,  pouvant  en  grande  partie  être  défri- 
chés, jouissant  au  surplus,  grâce  à  leur  altitude, 
d'un  climat  moins  énervant  que  le  Tell  ;  au  sud, 
enfin,  le  Sahara  (algérien),  brûlé  par  l'ardeur  du 
soleil,  mais  couvert  de  la  plus  belle  végétation 
dès  que  la  sonde  y  fait  jaillir  de  l'eau.  C'est  le  pays 
des  dattes  par  excellence,  dans  les  oasis. 

Tripolitnine.  Egypte.  -  La  Tripolitaine,  l'Egypte 
et  la  Nubie,  qui  ont  été  habitées,  dès  l'antiquité  la 
plus  reculée  à  laquelle  remontent  nos  souvenirs, 
par  des  nations  civilisées  et  prospères  ne  sont  guère 
favorisées  aujourd'hui  par  leur  climat.  C'est  la  véri- 
table continuation  du  Sahara;  il  ne  pleut  presque 
jamais  dans  ce  pays,  et  le  Nil  n'y  reçoit  aucun 
affluent.  En  dehors  de  sa  vallée  et  du  delta  formé 
par  ses  bouches  que,  chaque  année,  le  fleuve  fé- 
conde de  son  limon,  on  ne  rencontre  en  Egypte  que 
déserts  pierreux  et  montagnes  pelées. 

Cependant  l'Egypte  possède  les  deux  villes  les 
plus  considérables  de  toute  l'Afrique  :  le  Caire, 
sa  capitale,  est  une  des  plus  belles  villes  de 
l'Orient,  et  Alexandrie,  son  principal  port  sur  la 
Méditerranée,  est  une  des  rares  métropoles  de 
l'antiquité  qui  aient  conservé  jusqu'à  nos  jours  un 
rang  considérable  par  l'importance  de  son  com- 
merce. 

Depuis  le  percement  de  l'isthme  (/^  Swez,  l'Egypte 
se  trouve  sur  le  grand  chemin  de  l'Europe  vers  les 
Indes  et  l'extrême  Orient.  Par  le  Nil,  elle  com- 
mande la  route  la  plus  sûre  pour  arriver  aux 
grands  lacs  de  l'Afrique  australe  Le  vice-roi 
d'Egypte,  qui  dépend  nominalement  du  sultan  de 
Constantinople,  a  étendu  depuis  peu  ses  domaines 
le  long  de  la  mer  Rouge,  dans  le  Soudan  et  1p pays 
des  grands  lacs,  laissant  à  son  suzerain  l'aride 
Tripolitaine. 

Le  voyageur  qui  remonte  le  Nil  est  frappé  par 
la  grandeur  des  ruines  qui  l'arrêtent  à  chaque 
pas.  Là  s'élevaient  Thèbes  et  Memphis,  et  tant 
d'autres  villes  aux  palais  et  aux  nécropoles  im- 
menses, dont  les  nombreuses  inscriptions  ingé- 
nieusement déchiffrées  nous  racontent  l'histoire 
d'il  y  a  3  ou.  4  mille  ans  (V.  Hiéroglyphi's).  Là 
s'élèvent  encore  les  gigantesques  pyramides,  té- 
moins du  succès  des  armes  françaises.  A  droite  et 
à  gauche,  jusqu'aux  limites  atteintes  par  l'inonda- 
tion, tout  est  en  culture.  Les  fellahs  ne  se  lassent 
point  de  travailler,  le  fleuve  de  féconder,  le  sol 
de  produire  des  céréales,  du  sucre  et  du  coton,  q\ii 
font  la  fortune  du  pays.  (Pour  l'histoire,  V.  l'ar- 
ticle Egypte.) 

II.  Le  Sahar\.  —  Au  midi  de  notre  Sahara  algé 
rien  commence  le  vrai  Sa/inra,  ou  grand  désert, 
qui  s'étend  jusque  vers  le  lf>«  degré  de  latitude. 
11  ne  pleut  jamais  dans  le  Sahara.  Le  sol  n'y  offre 
de  végétation  que  dans  quelques  oasis.  Les  puits 
y  sont  rares,  et  l'eau  en  est  souvent  fétide.  Les 
caravanes  ont  en  outre  à  redouter  dans  cette  tra- 
versée les  surprises  des  Touaregs  pillards,  qui 
parcourent  ces  solitudes  sur  leurs  rapides  et  in- 
fatigables méharis  (sorte  do  chameaux). 

Cependant  le  Sahara  n'ofTre  pas  partout  l'aspect 
d'un  sol  uni  et  sablonneux  comme  le  serait  le  fond 
d'une  mer  desséchée.  On  y  rencontre  des  dunes 
dont  les  vents  désagrègent  et  réunissent  tour  à  tour 
les  éléments.  Et  môme  il  s'y  trouve  une  région 
montagneuse,  VAho'/gnr,  assez  élevée  pour  con- 
denser les  nuages  en  pluies  et  même  en  neige.  Ce 
pays  offre  des  vallées  fertiles,  des  pâturages  et 
,dcs   eaux    courantes.    Là   commence    i'iyhargar. 


AFRIQUE 


—  41  — 


AFRIQUE 


grand  fleuve  aujourd'lmi  ensablé,  mais  dont  on  suit 
distinctement  la  vallée  sur  une  longueur  do 
IdOO  kilomètres,  jusqu'à  la  dépression  de  l'Oued 
Rir,  près  de  Tougourt,  en  Algérie. 

III.  Le  Soudan.  —  Au  midi  du  Sahara,  on  entre 
dans  le  Soudrai  ou  pai/s  des  nègres.  Le  sol  y  re- 
devient très-fertile;  aussi  la  population  en  est-elle 
considérable.  Elle  forme  plusieurs  États  prospères, 
dont  le  plus  puissant  est  celui  des  Foulahs  ou 
Fellatalis,  à  l'ouest  du  lac  Tchad.  Au  sud-est,  le 
vice  roi  d'Egypte  a  récemment  annexé  à  ses  do- 
maines le  Kofdofan  et  le  Darfour.  Au  sud-ouest 
les  vapeurs  anglais  sillonnent  déjà  le  Niger  pour 
ouvrir  ces  parages  au  commerce  britannique. 

IV.  Région  dk  l'Atlantique.  —  Sénégambie.  — 
A  l'ouest  du  Soudan,  de  nombreux  cours  d'eau 
descendent  de  cascade  en  cascade  vers  les  établis- 
sements que  les  Français,  les  Anglais  et  les  Por- 
tugais ont  formés  le  long  du  Sénégal  et  de  la  Gam- 
bie. Ces  colonies  sont  réputées  par  l'insalubrité  de 
leur  climat  chaud  et  humide.  Les  blancs  et  les 
mulâtres  même  y  meurent  sous  les  rayons  d'un 
soleil  trop  ardent  ou  frappés  par  la  fièvre  qu'y 
engendrent  les  pluies  diluviennes  suivies  d'un 
retrait  trop  rapide  des  eaux  après  les  inondations. 

Côte  de  Guinée.  —  Toute  la  côte  de  Guinée 
n'offre  pas  de  conditions  plus  favorables  aux 
Européens.  Pas  de  ports  pour  les  navires, 
une  côte  basse,  sablonneuse,  assaillie  par  des 
lames  gigantesques,  que  les  naturels  seuls  ont 
l'habileté  de  franchir  sur  leurs  légères  embarca- 
tions ;  et  derrière  cette  côie,  des  lagunes,  qui 
forment  un  rempart  de  plus  aux  pays  de  l'inté- 
rieur. Mais  ce  pays  renferme  trop  de  riches  pro- 
duits pour  échapper  à  l'activité  des  trafiquants 
anglais,  français,  portugais,  allemands.  Pendant 
longtemps  les  négriers  y  ont  exercé  leur  honteux 
trafic.  Aujourd'hui,  on  y  va  chercher  de  la  poudre 
d'or,  et  surtout  des  arachides  {graines  oléagi- 
neuses). Les  Européens  ont  donné  au  littoral  le 
nom  de  côte  d'or,  côte  d'ivoire,  côte  des  graines, 
suivant  les  principaux  produits  qu'ils  y  vont  de- 
mander. Là  des  Américains  philanthropes  ont 
fondé  la  colonie  de  Libéria  pour  y  établir  les 
nègres  affranchis  aux  États-Unis.  Par  contre,  il  est 
impossible  de  trouver  rien  de  plus  cruel  que  les 
peuples  du  Da/iomry,  les  Acha7îfis  à  qui  les  Anglais 
ont  infligé  récemment  une  répression  terrible, 
et  les  autres  peuples  noirs  qui  habitent  cette  con- 
trée. Adonnés  aux  superstitions  du  fétichisme  le 
plus  grossier,  ils  sont  gouvernés  par.  des  chefs 
sanguinaires  qui  célèbrent  chaque  événement  im- 
portant de  leur  vie  par  des  hécatombes  horribles. 
Les  Frai.çais,  et  surtout  les  Anglais,  possèdent 
quelques  établissements  sur  la  côie  septentrionale 
du  golfe  de  Guinée.  Au  sud  de  l'Equateur,  dans  la 
Guinée  méridionale,  les  Portugais  possèdent  les 
pays  de  Congo,  d'Angola,  de  Benguéla  et  de  Mos- 
samédès  qui  occupent  sur  le  littoral  une  étendue 
d'une  douzaine  de  degrés  en  latitude  depuis  l'em- 
bouchure du  Zaïre. 

y.  Bassin  du  Nil  :  Le  Nil  Bleu,  Abyssinie.  — 
Au  sud  de  la  Nubie,  le  littoral  de  l'Abyssinie,  sur 
la  mer  Rouge,  est  brûle  par  une  chaleur  torride. 
Le_  contraste  n'en  est  que  plus  grand  entre  ces 
points  et  les  hauts  sommets  des  Alpes  abyssi- 
niennes. Aussi  voit-on  se  succéder  dans  ce  pays 
les  productions  les  plus  diverses  suivant  les  alti- 
tudes qui  leur  conviennent.  Les  pluies  tropicales 
et  la  fonte  des  neiges  y  gonflent  les  torrents  qui 
roulent^  jusqu'au  Nil  Bleu  leurs  eaux  impétueuses 
au  fon''  de  gorges  profondes  et  découpent  ainsi 
le  pays  en  terrasses  distinctes,  de  manière  à  en 
former  autant  de  forteresses  naturelles,  favorables 
aux  luttes  intestines  qui  déchirent  la  contrée.  Sou- 
vent en  lutte  avec  les  Egyptiens,  les  Abyssins  ou 
Ethiopiens,  suivant  l'antique  appellation  du  pays, 
ont  réussi  jusqu'à  présent   à  maintenir  leur  indé- 


pendance, et  à  conserver  le  christianisme  qu'ils  ont 
fort  anciennement  reçu  et  singulièrement  altéré, 
au  milieu  de  l'invasion  croissante  des  populations 
musulmanes. 

Le  Nil  Blanc.  —  C'est  à  Khartoum,  entre  15°  et 
16°  de  latitude,  que  le  Nil  Bleu,  descendu  d'Abyssi- 
nie,  se  réunit  au  Nil  Blanc,  venu  des  pays  équato- 
riaux,  au  sud-ouest.  Le  Nil  Blanc,  est  bordé,  en 
amont  de  Khartoum,  par  des  populations  fort 
denses,  malgré  les  ravages  qu'y  a  faits  la  chasse  aux 
esclaves,  et  qui  s'adonnent  à  l'agriculture  ou  à 
l'élevage  des  troupeaux. 

A  mesure  qu'on  se  rapproche  de  l'équateur,  la 
végétation  devient  plus  vigoureuse.  Le  fleuve  se 
couvre  d'une  épaisse  végétation  flottante,  où  l'on 
perd  la  trace  de  son  courant  et  qui  forme  aux  ba- 
teaux un  obstacle  insurmontable,  où  il  faut  s'ou- 
vrir un  passage  comme  dans  une  forêt  vierge. 
L'hippopotame  pullule  dans  ces  eaux,  les  cro- 
codiles se  cachent  dans  la  vase,  d'où  s'échappent 
des  myriades  de  moustiques,  l'éléphant  et  le  rhi- 
nocéros se  frayent  un  chemin  au  travers  des  hautes 
herbes  qui  les  dérobent  aux  regards  des  chasseurs. 
Nulle  part  les  arbres  des  forêts  n'atteignent  de 
plus  belles  dimensions.  Au  lieu  de  cette  disette 
d'affluents,  qui  caractérise  le  Nil  dans  son  cours 
inférieur,  un  grand  nombre  de  rivières  considé- 
rables viennent  converger  ensemble  vers  le  10*  de- 
gré de  latitude.  A  l'est,  le  Sobat,  dont  la  source 
nous  est  inconnue  ;  au  sud  la  branche  principale 
du  Nil  Blanc,  qui  vient  des  grands  lacs;  au  sud- 
ouest  et  à  l'ouest  enfin,  plusieurs  cours  d'eau  im- 
portants, nés  dans  des  pays  inconnus,  ou  venant 
des  pays  des  Niam-Niam  et  des  Mombouttous.  Ces 
pays  ne  sont  encore  fréquentés  que  par  les  mar- 
chands d'ivoire,  traitants  qui  joignent  malheureu- 
sement presque  toujours  à  leur  commerce  celui 
des  esclaves.  La  fertilité  en  est  admirable.  Au  midi 
de  cette  région  coule  l'Ouellé,  rivière  considérable, 
qui,  venue  du  sud-est,  ne  nous  a  encore  laissé 
voir  ni  sa  source,  ni  son  embouchure.  De  ce  côté 
vivent  les  Akkas,  remarquables  par  leur  taille  de 
nains. 

VI.  RÉGION  DES  GRANDS  LACS.  — En  amont  des  ma- 
récages, le  Nil  Blanc  coule  dans  une  admirable 
vallée,  au  pied  de  hautes  montagnes  qui  brisent 
plusieurs  fois  son  cours  par  des  rapides,  et  d'où 
l'on  aperçoit  au  sud  la  belle  nappe  du  lac  Luta- 
Nzigué  (ou  Albert),  qui  s'étend  jusqu'à  l'équateur. 

Le  Lutanzigué  ou  Albert.  —  Son  orientation 
générale  est  du  nord-est  au  sud-ouest.  Il  a  près 
de  200  kilom.  de  longueur  sur  60  ou  80  de  largeur. 
A  l'ouest,  il  est  bordé  de  hautes  montagnes  inex- 
plorées, à  l'est,  il  reçoit  le  Nil  Somerset  qui  lui 
apporte  les  eaux  du  lac  L'kerewé.  Entre  les  deux 
lacs,  les  eaux  franchissent  successivement  les 
chutes  du  Ripon,  le  petit  lac  Ibrahim  et  la  belle 
cascade  de  Murchison. 

Lac  Ukeréwé  ou  Victoria-Nynnza.  —  Il  est 
alimenté  par  deux  affluents  principaux  :  au  sud,  le 
Schimiyou  descendu  du  massif  du  Kilimandjaro,  et 
à  l'ouest,  le  Kadjera,  sorti  aussi  d'une  région  al- 
pestre, où  le  mont  Gambaragara  n'aurait  pas  moins 
de  4  à  5000  mètres.  Le  lac  L'kerewé  est  lui-même 
à  une  altitude  de  1120  mètres.  Aussi,  bien  que  sous 
l'équateur,  on  y  jouit  d'un  climat  parfaitement 
salubre  pour  les  Européens  Cette  mer  intérieure, 
large  d'une  cinquantaine  de  lieues  dans  chaque- 
sens,  renferme  de  nombreuses  îles. 

Il  suffit  de  moins  de  doux  mois  pour  se  rendre 
maintenant  du  Caire  aux  grands  lacs,  tandis  que  les 
premiers  Européens  qui  en  ont  entrevu  les  eaux 
avaient  mis  une  année  entière  à  y  parvenir  depuis  la 
côte  de  l'océan  Indien,  en  traversant  d'abord  une 
zone  littorale  des  plus  dangereuses  par  son  cli- 
mat, puis  une  belle  région  bien  boisée  comme  un 
parc  anglais,  une  fois  qu'ils  étaient  parvenus  sur 
le  plateau. 


AFRIQUE 


—  42  — 


AFRIQUE 


Lac  Tanqanyika.  —  Le  premier  des  grands  lacs,  :  végétation  la  plus  luxuriante  et  y  versent  de  nom- 
qiù  ait  été  vu  par  les  Européens  dans  cette  région  breux  affluents.  A  l'ouest,  il  se  déverse  par  le 
est  le  Tanganyika,  découvert  par  l'Anglais  Burton  j  Loukouga  dans  le  Loualaba,  qui  est  la  tête  du  Zaïre 
en  185S.  Depuis  qu'on  l'a  mieux  exploré,  on  a  re-  VII.  Ba-si\  du  Congo.  —  Le  Zaïre  on  Con^o  — 
connu  qu'il  n'avait  pas  moins  de  :'7ôOO  kilom.  carr.  |  Ce  Loualaba  draine  les  eaux  de  plusieurs  lacs  le 
de  superficie,  l'équivalent  de  4  ou  5  départements  Bangouéolo,  le  Moéro  et  bien  d'autres  encore  qui 
français.  La  profondeur  de  ses  eaux  descend  jus-  '  nous  sont  inconnus  ou  dont  les  Européens  n'ont 
qu'à  400  mètres.  Les  tempêtes  y  soulèvent  des  !  appris  que  le  nom.  Toute  cette  contrée  à  l'époque 
vagues  énormes.  Très-étroit  par  rapport  à  sa  Ion-  |  des  pluies  n'est  qu'une  vaste  éponge.  Aussi  à  Nyan- 
gueur,  il  s'étend  du  nord  au  sud-est  entre  de  hautes  goué,  à  plusieurs  centaines  de  lieues  de  l'Océan 
murailles  de  montagnes,    qui  sont  revêtues  de  la    le  fleuve  forme  d-jà  un  cours  d'eau  considérable' 


AFRIQUE  MERIDIONALE 


-de  1000  mètres  de  large  et  de  2  mètres  de  profon- 
deur à  répoque  des  basses  eaux  de  la  saison 
sèche. 

Ce  n'est  que  dans  l'année  1877  qu'au  prix 
des  plus  grands  dangers,  l'Américain  Stanley  en  a 
suivi  le  long  détour  au  nord  de  l'cquateur  pour  le 
voir  se  confondre  à  l'ouest  avec  ce  vaste  estuaire 
du  Zaïre  ou  fleuve  du  Congo  dont  les  eaux  im- 
pétueuses refoulent  au  loin  les  eaux  salées  de 
l'Océan  avant  de  s'y  mélanger.  Au  lieu  des  noms 
différents  que  ce  long  fleuve  prend  successive- 
ment dans  les  divers  pays  qu'il  traverse,  Stanley 
propose  d'adopter  le  nom  unique  de  fleuve  Living- 
stone,  en  mémoire  de  l'illustre  voyageur  qui  s'est 
immortalisé  par  ses  découvertes  dans  ces  régions. 
-'VIIL  Région  de  la  mer  des  Lndfs.  —  Le  long  do 
la  mer  des  Indes,  depuis  le  détroit  de  Bab  el  Man- 


deb  jusqu'au  tropique  du  Capricorne,  on  trouve 
succoss  vement  le  pays  dos  Somaiilis,  celui  dos 
Souahélis  ou  Zanguebur,  et  la  capitainerie  portu- 
gaise de  Mozambique. 

Somaulis  el  Grillas.  —  Les  Somaulis  sont  des 
peuplades  agricoles  dont  le  pays  produit  de  la 
gomme,  du  café,  et  nourrit  des  bestiaux.  Mais, 
musulmans  fanatiques,  ils  sont  encore  assez  bar- 
bares pour  dépouiller  les  naufragés  qui  échouent 
sur  leurs  côtes  et  assassiner  les  voyageurs  qui 
s'aventurent  au  milieu  d'eux.  A  l'ouest,  ils  con- 
finent aux  peuplades  Gallas,  qui  gagnent  de  plus 
en  plus  du  côcé  de  l'Abyssinie  et  qui  sont  aussi 
féroeos. 

Cale  de  Zanguebar.  —  La  petite  île  de  Zanzilmr 
et  plusieurs  points  importants  de  la  côte  appar- 
tiennent à  un    sultan   arabe,  aujourd'hui  sous  le 


AFRIQUE 


—  43  — 


AFRIQUE 


protectorat  britannique,  qui  est  le  plus  puissa-n 
souverain  de  ces  parages.  D'origine  arabe,  il  s'est 
affranchi  de  la  suzeraineté  de  l'iman  de  Mascate,  o.; 
Arabie,  dont  il  relevait  autrefois  ;  il  possède  !  iie 
de  Pemba  et  plusieurs  points  importants  sur  le 
littoral  au  nord  du  Mozambique.  Le  Zanguebar  se 
nomme  aussi  pays  des  Souahélis  du  nom  des  Arabes 
qui  le  peuplent. 

Mozamhiqiie.  — Les  colonies  des  Portugais  dans 
le  Mozambique  (colonies  où  ils  exercent  une  auto- 
rité plus  nominale  que  réelle'  sont,  avec  leurs 
établissements  de  l'Atlantique,  les  derniers  restes 
de  leur  puissance  sur  ce  continent,  qu'ils  ont  les 
premiers  suivi  et  contourné  en  découvrant  la  route 
des  Indes.  Les  Portugais  ont  du  moins  sur  les 
autres  Européens  l'avantage  de  s'accommoder  in- 
liniment  mieux  du  climat  chaud  et  humide  de  ces 
régions  littorales. 

Le  Znmhèze  —  Aucune  élévation  importante  ne 
sépare  le  bassin  du  Congo  de  celui  du  Zambèze. 
On  peut  donc  entrevoir  le  moment  où.  grâce  à  la 
colonisation  de  ce  pays  par  les  Européens,  un 
canal  navigable  pourrait  conduire  des  eaux  de 
l'Atlantique  dans  celles  de  la  mer  des  Indes. 

Le  Zambèze  prend  sa  source  vers  le  20^  de  la- 
titude, dans  le  petit  lac  Dilolo,  beaucoup  plus 
près  de  l'océan  Atlantique  que  de  l'océan  Indien. 
il  s'appelle  d'abord  Liambaie.  Vers  le  milieu  de  son 
cours,  il  s'abîme  tout  entier  de  106  mètres  de  hau- 
teur dans  un  gouffre  profond  formé  par  des  falaises 
basaltiques.  Cette  chute,  que  les  naturels  nomment 
dans  leur  langage  la  fumée  tonnante,  a  reçu  des 
Anglais  le  nom  de  Cataracte  de  Victoria.  La  lar- 
geur du  fleuve,  qui  n'est  pas  là  de  moins  de  2  ki- 
lomètres, les  colonnes  de  vapeur  formée  par  les 
flots  broyés,  qui  s'élèvent  en  tourbillons  au-dessus 
de  la  cascade,  le  bruit  de  tonnerre  qu'elle  fait  en- 
tendre au  loin,  justifient  parfaitement  son  nom 
local  et  la  place  qu'on  lui  a  faite  parmi  les  grandes 
merveilles  du  monde.  Plus  bas,  le  Zambèze  forme 
des  cataractes  moins  imposantes  pour  sortir  du 
plateau,  puis  reçoit  par  le  Shiré  les  eaux  sorties 
du  lac  Njassi  ou  Maravi.  C'est  encore  un  beau  lac 
de  .^00  kilomètres  de  longueur,  sur  les  bords  du- 
quel les  missions  anglaises  ont  récemment  fondé 
un  établissement  pour  arrêter  les  convois  d'esclaves 
qui  traversaient  en  grande  quantité  le  lac  pour 
itre  vendus  sur  la  côte. 

IX.  Afrique  Acstrale.  —  Le  Kala'iari.  —  Du 
Zambèze  au  fleuve  Orange  s'étend  un  pays  en 
grande  partie  occupé  par  le  désert  de  Kalahari. 
C'est  un  vaste  espace  sans  eaux  courantes,  portant 
à  peine  quelques  buissons  de  broussailles  isolés, 
et  dont  le  sable  siliceux,  les  ravins  au  lit  dessé- 
ché rappellent  singulièrement  le  Sahara.  Au  nord 
de  cette  région,  le  lac  Ngami  traverse,  comme  tous 
les  pays  environnants,  unepériode  de  dessiccation. 
A  l'est,  la  mouche /5e/5^  exerce  ses  ravages.  Le  ve- 
nin en  est  mortel  pour  les  chevaux,  les  bœufs  et 
les  chiens,  c'est-à-diro  pour  les  animaux  les  plus 
utiles  à  l'homme,  qui,  lui  du  moins,  échappe  à  ce 
fléau. 

Réjtubliques  des  Boers  et  possessio7îs  britanniques. 
—  Au  sud  du  tropique  du  Capricorne,  les  eaux 
s'écoulent  dans  l'océan  Indien  par  le  Limpopo,  et 
dans  l'Aiiantique  par  le  fleuve  Orange.  C'est  entre 
ces  deux  fleuves  et  vers  le  haut  de  leurs  cours 
v|u  habitent  les  iioers.  Ce  sont  d'anciens  colons 
hollandais  de  la  colonie  du  Cap  qui  se  sont  retirés 
de  ce  pays  depuis  que  le  gouvernement  anglais  s'y 
est  substitué  à  l'ancien  gouvernement  hollandais. 

Les  dcu\répuhliques  du  Transval  et  de  l'Orange, 
qu'ils  avaient  ainsi  fondées,  jouissaient  d'une  si- 
tuation prospère,  grâce  h  l'élevage  des  troupeaux. 
Mais  les  mines  d'or  qu'on  y  a  découvertes,  les 
champs  diamantifères  trouvés  chez  les  peuplades 
cafres  voisines  ont  tenté  l'ambition  des  Anglais,  et 
ils  ont  brutalement  annexé  la  république  du  Trans- 


;  vaal  à  leurs  possessions  de  l'Afrique  australe. 
I  Celles-ci  comprennent  déjà  l'ancienne  colonie 
I  hollandaise  du  Cnp  de  Bonne- Espérance,  l'ancienne 
1  colonie  anglaise  de  Na'a',  le  Transvaal  et  s'étendent 
i  de  plus  en  plus  sur  le  pays  des  Hoientots  au 
nord-ouest  et  sur  celui  des  divers  peuples  cafres 
au  nord  et  au  nord-est. 

Au  sud  du  fleuve  Orange,  le  pays  est  accidenté 
et  forme  une  suite  de  plateaux  herbeux  qu'on  ap- 
pelle les  Karrous  et  qui  offrent,  à  la  suite  des  pluies, 
un  riche  pâturage  aux  immenses  troupeaux  de 
moutons  qui  les  parcourent.  Ce  pays  est,  avec 
l'Australie  et  la  Plata,  la  grande  source  d'appro- 
visionnement en  laine  du  monde  industriel. 

De  terrasse  en  terrasse,  on  descend  aux  rives 
de  l'Océan,  dont  les  flots  viennent  battre  le 
pied  de  la  montagne  de  la  Table,  qui  abrite  le 
port  du  Cap. 

X.  Iles  africaines.  —  On  rattache  à  l'Afrique 
plusieurs  groupes  d'îles  dans  l'un  et  l'autre  Océan. 

Iles  de  l'Océan  A  lanlique.  —  Elles  sont  pour  la 
plupart  d'origine  ignée.  Fertilisées  par  les  cendres 
de  leurs  volcans  et  aussi  par  celles  de  leurs  an- 
ciennes forêts  imprudemment  brûlées,  les  A'^ores 
et  Madère,  qui  appartiennent  aux  Portugais,  les 
Canaries,  qui  sont  espagnoles,  produisent  en  abon- 
dance des  vins  et  des  oranges.  Et  le  climat  doux 
et  égal  qu'elles  doivent  à  leur  latitude  et  à  leur 
situation  maritime  convient  aux  poitrinaires  qui 
vont  y  retrouver  la  santé  Plus  au  sud,  les  iles  du 
Cap  Vert,  qui  sont  portugaises,  souffrent  souvent 
de  sécheresses  rigoureuses.  Dans  le  golfe  de  Gui- 
née, les  îles  espagnoles  de  Fernu?ido-Po  et  à'Anno- 
'  on  et  l'île  portugaise  du  Prince  sont  recouvertes 
de  la  plus  belle  végétation  tropicale,  mais  le  séjour 
en  est  pernicieux.  Les  rochers  de  V Ascension  et  de 
^^ainte-Hélène  jalonnaient  pour  les  vaisseaux  anglais 
la  route  de  l'Inde  par  le  cap  de  Bonne-Espérance. 

Iles  de  la  mer  des  Indes.  —  Le  plus  beau  joyau 
des  possessions  britanniques  de  ce  côté,  c'est  1  île 
Miiurice,  l'ancienne  île  de  France,  perdue  par 
nous  pendant  les  guerres  de  l'Empire.  Avec  l'île 
restée  française  de  In  Réunion  et  le  petit  îlot  de 
Rodrigue,  elle  forme  le  groupe  des  Mascareignes, 
riches  en  café  et  en  canne  à  sucre.  La  France 
qui  possède  dans  l'archipel  Malgache,  les  petites 
îles  de  Miyoite,  Saint- -.Uarie  et  SoSM-Bé,  a  plu- 
sieurs fois,  mais  en  vain,  cherché  à  prendre  pied 
sur  la  grande  île  de  Ma^lagascar;  c'est  une  des  plus 
vastes  de  l'ancien  continent;  elle  a  une  superficie  de 
près  de  COOOOO  kilom.  carrés:  ce  que  serait  la 
France  avec  le  Rhin  pour  limites.  Mais  l'île  Mal- 
gache est  protégée  par  les  lagunes  malsaines  qui 
s'étendent  sur  ses  rivages.  Elle  participe  du  reste, 
grâce  à  sa  latitude,  aux  bienfaits  du  soleil  et  des 
pluies  tropicales.  En  pénétrant  dans  l'intérieur,  on 
arrive  sur  de  hauts  plateaux,  où  les  Ovas,  d'origine 
malaise,  ont  acquis  une  grande  puissance  et  une 
civilisation  relative,  qui  leur  assure  la  prééminence 
sur  les  autres  races  de  l'île. 

A'u  nord  de  Madagascar,  les  Seychelks  sont 
couvertes  de  cocotiers  ;  le  long  du  rivage  du  con- 
tinent, Zanzibar  et  les  îles  voisines  appartiennent 
au  sultan    dont  nous  avons  déjà  parlé. 

\  la  pointe  nord-est  du  pays  des  Somaulis, 
l'île  de  Socotora,  habitée  par  des  Arabes,  est  connue 
par  la  spécialité  qu'elle  a  de  fournir  l'aloès. 

4.  Races  de  l'Afrique.  —  A  quelles  races  appar- 
tiennent les  diverses  populations  qui  occupent 
l'Afrique  ? 

Races  indigènes.  —  Berfers.  —  Deux  races  sem- 
blent y  avoir  existé  de  tout  temps,  les  Herher^  et  les 
Sègres.  Les  premiers  occupent  la  Berbcrie,  ou 
Barbarie,  où  ils  sont  mélangés  aux  Arabes  et  aux 
Européens,  mais  où  les  Kabyles  ont  conservé  dans 
leurs  montagnes  la  pureté  primitive  du  sang, 
comme  ils  y  ont  aussi  longtemps  conservé  leur  in- 
dépendance politique. 


AFRIQUE 


hh  — 


AFRIQUE 


Dans  le  Sahara,  les  Bcrbors  dominent  sous  lo 
nom  de  Maures  et  do  Touinegs^  et  s'étendent  jus- 
qu'au Sénégal  et  au  Niger,  qui  les  séparent  du  pays 
des  noirs. 

D'un  autre  côté,  ils  ont  formé  une  partie  impor- 
tante de  la  population  primitive  de  l'Egypte  et  de 
l'Etliiopie  :  les  Gai  as,  comme  les  Somaults,  ap- 
partiennent à  cette  souche  primordiale. 

Nègres.  —  Les  Nègres  s'étendent  d'un  tropique 
à  l'autre,  sauf  sur  les  rives  de  l'océan  Indien.  De 
ce  côté,  la  fréquence  des  relations  avec  les  Arabes  a 
modifié  le  type  noir  et  donné  naissance  à  des  races 
mixtes  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  Négroïdes. 
Les  Souahélis,  les  Gafres,  aussi  nommés  mécréants 
ou  infidèles  par  les  Musulmans,  dont  ils  refusaient 
d'adopter  les  croyances,  sont  des  négroïdes,  comme 
les  Tibbous  de  la  partie  orientale  du  Sahara,  et  les 
Foulahs  qui  ont  fondé  un  puissant  empire  dans 
l'ouest  du  Soudan. 

Hotientols.  —  Entre  le  tropique  du  Capricorne  et 
le  fleuve  Orange,  on  remarque  les  Hottentots,  qui 
se  distinguent  des  nègres  par  la  couleur  brun- 
olivâtre  de  leur  peau,  par  leurs  traits  presque  chi- 
nois, par  la  singularité  de  leur  conformation  phy- 
sique, enfin  par  leur  langage. 

Races  venues  du  dfhors.  —  Arabes.  —  Les  Arabes 
et  diverses  autres  races  blanches  de  l'Asie  ont  eu 
de  temps  immémorial  des  rapports  avec  la  côte 
orientale  d'Afrique.  C'est  dans  le  Sofala,  au  sud 
du  Mozambique,  qu'on  a  cru  retrouver  le  pays 
d'Ophir  de  Salomon.  Ces  i  apports  ont  été  conti- 
nués par  les  Arabes,  qui  ont  fondé  l'État  de  Zanzibar. 

Mutais.  —  Les  Malais  ont  contribué  en  grande 
partie  à  peupler  Madagascar,  et  on  trouve  aussi 
dans  tous  ces  parages  un  grand  nombre  de  Ba- 
nyans  hindous,  qui  y  font  du  commerce  ou  de  la 
culture. 

^  Européens.  —  Les  Européens  ne  forment  des 
groupes  un  peu  importants  qu'en  Algérie  ou  dans 
l'Afrique  australe,  qui  seules  offrent  des  climats 
convenant  à  leur  tempérament,  avec  le  plateau  de 
l'intérieur,  où  ils  n'ont  pas  encore  fondé  d'éta- 
blissements. 

Préitoniférance  des  Arabes.  —  Mais  de  tous,  ce 
sont  les  Arabes  qui  ont  étendu  le  plus  loin  leur 
influence;  longtemps  avant  les  Européens,  ils 
connaissaient  les  routes  des  grands  lacs,  où  ils  pos- 
sèdent de  nombreux  comptoirs  pour  faire  la  traite 
des  esclaves  et  le  commerce  de  l'ivoire. 

Au  nord,  la  conquête  militaire  Arabe  a  ab- 
sorbé l'Egypte  et  tout  le  littoral  méditerranéen, 
d'où  la  double  influence  politique  et  religieuse  des 
Musulmans  a  rayonné  vers  le  sud.  Les  royaumes 
du  Soudan,  qui  constituent  seuls  des  l'tats  à  demi- 
policés  à  l'intérieur  de  l'Afrique,  ont  embrassé 
l'islamisme. 

Ces  populations  nègres,  au  naturel  craintif,  à 
l'esprit  si  inerte  qu'ils  n'ont  rien  su  créer  par  eux- 
mêmes,  ni  se  soustraire  au  despotisme  sanguinaire 
et  abrutissant  do  leurs  ch^'s,  ni  aux  superstitions 
grossières  du  fétichisme,  ont  cédé  nécessairement 
à  la  domination  de  cette  race  relativement  supé- 
lieure,  qui  n'a  reculé  devant  aucun  moyen  pour 
s'assurer  l'empire  de  ce  riche  pays. 

lirpressi'm  ne  la  traite.  —  Aujourd'hui  les  croi- 
sières européennes  surveillent  rigoureusement  les 
navires  qui  portent  encore  des  esclaves  aux  mar- 
chés de  l'Asie.  Autrefois  un  négrier  pouvail 
acheter  une  cargaison  humaine  pour  quelques 
bouteilles  de  rlium,  et  on  emportait  alors  chaqtii' 
année  des  centaines  de  mille  de  prisonniers  (pii 
étaient  vendus  sur  les  marchés  de  l'Orient,  on 
dans  les  colonies  européennes,  au  Brésil  et  aux 
États-Unis.  Et  combien  ne  périssait-il  pas  de  victimes 
accablées  par  les  privations  et  les  mauvais  traiti'- 
ments  avant  d'arriver  à  la  côte  !  combien  en  mnii- 
rait-ii  dans  les  cales  des  navires  où  on  les  en- 
tassait comme  des  marchandises  ! 


5.  Conclusion:  Avenir  de  l'Afuique.  —  Dans  le 
désir  do  détruire  entièrement  l'esclavage  et  d'ou- 
vrir à  l'exploitation  européenne  les  riches  pays  de 
l'Afrique  australe,  dont  le  climat  salubre  peut 
convenir  à  notre  tempérament  et  le  sol  nous  four- 
nir une  foule  de  produits  utiles,  le  roi  des  Belges 
a  récemment  fondé  une  société  internationale  pour 
l'exploration  de  l'Afrique.  Un  vaste  champ  est 
encore  ouvert  aux  découvertes  européennes.  Entre 
le  Nil  et  le  pays  des  Somaulis  à  l'est,  entre  le  lac 
Tchad,  le  Zaïre  et  le  Nil,  s'étendent  des  pays  en- 
tièrement inconnus,  et  combien  de  lacunes  à  com- 
bler dans  le  reste  du  continent,  malgré  les  voyages 
qui  enrichissent  chaque  jour  nos  cartes  ! 

Les  peuplades  africaines  n'ont  qu'à  gagner,  en 
échappant  au  despotisme  barbare  de  leurs  poten- 
tats, à  être  initiées  à  la  morale  chrétienne,  délivrées 
de  cette  chasse  aux  esclaves  qui  menace  constam- 
ment leur  liberté,  et  leur  met  sans  cesse  les  armes 
à  la  main  les  unes  contre  les  autres,  utilisées  enfin 
dans  des  exploitations  intelligentes  qui  met- 
traient en  valeur  leur  sol  merveilleux.  Combien 
de  richesses  gisent  encore  inexploitées  dans  ce 
beau  pays.  Une  grande  partie  en  est  sans  doute 
encore  ignorée.  Mais  rappelons  que  le  coton,  l'iiï- 
digo,  les  céréales  y  réussissent  parfaitement.  Le 
café  en  est  originaire.  Le  monde  entier  s'y  fournit 
d'ivoire.  La  laine  de  l'Afrique  australe,  la  poudre 
d'or,  les  arachides,  les  huiles  de  palme  et  de  coco- 
tier, et  les  gommes  constituent  les  principaux 
objets  d'échange  avec  les  navigateurs  européens. 
Les  forets  des  zones  tropicales  sont  remplies  d'oi- 
seaux à  la  parure  éclatante,  et  pour  ne  pas  détruire 
entièrement  les  autruches  que  l'on  était  menacé 
de  voir  disparaître  en  les  chassant  trop  dans  les 
déserts,  on  s'est  mis  h  les  domestiquer  et  les  élever 
dans  la  colonie  du  Cap.  On  a  trouvé  du  charbon 
de  terre  le  long  du  Zambèze.  Le  fer  et  le  cuivre 
sont  assez  répandus  pour  que  les  indigènes  eux- 
mêmes  sachent  les  fondre  et  les  travailler  pour 
s'en  fabriquer  des  armes  et  des  ornements.  On  peut 
dire  que  si  l'Afrique  est  la  dernière  partie  du  monde 
initiée  aux  bienfaits  de  la  civilisation,  elle  est  ap- 
pelée néanmoins  à  en  être  une  des  plus  prospères. 

[G.  Meissas.] 

Ou-vrages  à  consulter  :  l"  Pour  le  bassin  du  Nil. 
Ismaïlia,  par  Baker.  Tour  du  Monde,  1873,  1",  volume, 
pages  33-96. 

Au  cœur  de  l'Afrique,  par  Schweinfurt.  Tour  du  Monde, 
1874,  1"  volume,  pages  273-368;  2»  volume,  pages  209-2S8. 

2»  Pour  la  région  des  grands  lacs.  Comment  j'ai 
retrouvé  LivingsUme,  par  Stanley.  Tour  du  Monde,  1S73, 
1=^  volume,  pages  1-96. 

Dernier  journal  de  Livingstone.  Tour  du  Monde,  1875, 
2"  semestre,  pages  l-9.'>. 

Traversée  du  continent  africain,  par  Cameron.  Tour  du 
Monde,  1877,  lof  volume,  pages  1-80  ;  t"  volume,  pages  65-liiO. 

3°  Pour  la  région  de  l'Atlantique.  Croisières  a  la 
côte  d'Afrique,  par  l'amiral  Fleuriot  de  Lang'e.  Tour  du 
A/onde.  i873,  2«  volume,  pages  353-400.  1876,  !•'  volume, 
pages  241-304. 

MODÈLES  D'EXERCICES  GÉOGRAPHIQUES 

Dessin  de  la  carte  au  tableau  noir.  —  Voy.  Car- 
/of/raphie  dans  la  I'*  Partie,  et  Cai'tei  dans  la  II'. 

Questions  géographiques.  —  1"  Sur  la  coftfi- 
ijurutio7i.  —  On  met  sous  les  yeux  des  élèves 
une  carte  d'Afrique  (murale,  ou  dessinée  au  ta- 
bleau noir,  ou  dans  l'atlas),  et  on  leur  demande  à. 
quoi  elle  ressemble.  —  Faire  un  accueil  encoura- 
geant à  des  réponses  diverses  qui  prouvent  que 
l'enfant  a  saisi  par  lui-même  une  ressemblance 
même  grossière.  Les  uns  parleront  de  poire,  d'au- 
tres de  cerf-volant.  Pour  plus  do  précision,  io 
maître  peut  envelopper  les  contours  de  l'Afrique 
.sur  la  carte  par  un  triangle  renversé  ayant  pour 
sommet  le  cap  des  Aiguilles  et  pour  base  la  Mé- 
diterranée ;  il  atteindra  plus  d'exactitude  en  tra- 
çant un  heptagone  dont  le  côté  S.-E.,  partant  du 
cap  des   Aiguilles,  s'étend  le  long  de   la  mer  des 


AFRIQUE  —  ' 

Indes  jusqu'au  cap  Gardafui  ;  le  côte  suivant  va  du 
cap  Gardafui  au  déiroit  de  Bab  el  Mandeb  ;  le  troi- 
sième borde  la  mer  Rouge  jusqu'au  canal  de  Suez  : 
le  quatrième  va  du  canal  de  Suez  à  Gibraltar;  les 
côtés  de  l'Ouest  vont  respectivement  de  Gibraltar 
au  cap  Vert  ;  du  cap  Vert  au  fond  du  golfe  de 
Guinée,  et  le  dernier  du  fond  de  ce  golfe  au  cap 
des  Aiguilles. 

2°  Sur  la  position.  —  Fixer  les  idées  des  élèves 
par  des  questions  qui  les  obligent  à  regarder  et  à 
réfléchir  :  —  L'Afrique  est-elle  dans  riiëmisphèrc 
boréal  ou  dans  l'hémisphère  austral  ?  —  Dans  le- 
quel des  deux  est  la  majeure  partie  de  sa  superfi- 
cie? —  L'équateur  la  traverse-t-il  dans  l'endroit  où 
elle  atteint  sa  plus  grande  largeur  de  l'est  à 
l'ouest?  —  Quels  sont  les  grands  lacs  et  les  fleuves 
principaux  qu'il  coupe  ?  —  Sous  quel  degré  de  la- 
titude. l'Afrique  atteint-elle  sa  plus  grande  largeur 
de  l'est  à  l'ouest  (sous  le  11'  degré  de  latitude.  N.;  ? 

—  Est-ce  le  tropique  du  Cancer  ou  celui  du  Capri- 
corne qui  traverse  l'Afrique  dans  sa  plus  grande 
étendue  ?  —  Quels  sont  les  deux  déserts  situés 
précisément  sous  les  deux  tropiques?  — Lequel  est 
le  plus  grand? 

3°  Sur  les  côtes.  —  Faire  faire  aux  élèves,  d'a- 
bord avec  la  carte,  plus  tard  sans  la.  carte,  un 
voyage  de  circumnavigation  de  l'Afrique,  en  indi- 
quant l'embouchure  des  fleuves  qu'on  rencontre, 
les  caps,  les  principaux  établissements  européens. 

4°  S«?'  l'Iiydrographie  et  l'orographie.  —  En  com- 
bien de  versants  se  partagent  les  eaux  de  l'Afrique 
et  lesquels  ?  —  Quels  sont  les  plus  grands  bassins 
fluviaux?  —  Quelles  sont  les  parties  les  plus 
basses,  quels  sont  les  points  élevés  de  toute  l'A- 
frique ? 

b"  Sur  les  produits.  —  On  charge  un  vaisseau  à 
Marseille,  un  autre  à  Liverpool,  un  troisième  à 
Brème  pour  aller  faire  échange  de  marchandises 
sur  différents  points  de  la  côte  d'Afrique.  Qu'em- 
porteront-ils et  que  rapporteront-ils  ? 

Réponse.  —  Le  premier  portera  de  Marseille  en 
Algérie  des  machines,  des  fers  à  construction,  du 
sucre  raffiné,  des  étoffes,  des  meubles,  et  rappor- 
tera au  retour  des  fruits,  des  primeurs,  du  bétail, 
des  grains,  du  minerai  de  fer,  des  marbres,  des 
peaux.  Il  ira  porter  à  la  côte  de  Guinée  des  coton- 
nades, des  verroteries,  des  perles,  de  petits  mi- 
roirs, des  couteaux,  de  la  quincaillerie,  des  armes 
de  rebut,  des  liqueurs  pour  les  ^'ègres,  des  cos- 
tumes de  parade  pour  flatter  l'amour-propre  des 
chefs,  et  il  en  rapportera  des  arachides  et  de  l'huile 
de  palme  pour  approvisionner  les  savonneries  de 
Marseille,  de  la  poudre  d'or  qui  se  vend  partout. 
Au  Cap  il  chargera  du  vin.  A  la  Réunion,  il  pourra 
porter  des  articles  de  modes  françaises,  des  meu- 
bles, des  machines  et  charger  des  sacs  de  sucre  et 
de  café.  A  Zanzibar,  il  prendra  de  l'ivoire  ;  en 
Egypte,  du  coton,  du  sucre,  des  grains. 

Le  navire  anglais  de  Liverpool  aura  sur  les  au- 
tres navires  l'avantage  de  pouvoir  emporter  la  co- 
tonnade de  Manchester,  qui  est  la  moins  chère  de 
toutes,  et  qui  aura  partout  son  écoulement,  comme 
les  liqueurs,  les  armes  et  la  poudre.  Au  Maroc,  il 
prendra  des  peaux,  à  la  cùte  de  Guinée  des  ara- 
chides, de  l'huile  de  palme  ;  au  Cap,  des  laines;  à 
Maurice,  du  sucre  ;  à  Zanzibar,  de  l'ivoire  ;àSoco- 
tora,  delaloès  ;  en  Algérie,  de  l'alfa,  des  minerais: 
à   -Madère  et  aux  Açores,  des  oranges. 

Le  navire  allemand  emportera  des  cotonnades, 
de  la  bimbeloterie  à  bon  marché,  et  ira  chercher 
des  graines  oléagineuses,  du  riz,  de  l'indigo,  à  la 
côte  de  Guinée  et  au  Gabon  ;  des  laines,  au  Cap,  etc. 

fi"  Sur  les  distaiices  comparées.  —  La  ville  du 
Cap  est-Plie  plus  loin  de  Calcutta  que  de  Liverpool? 

—  (/?.  ;  De  Liverpool). 

En  partant  du  cap  de  Bonne-Espérance  et  allant 
toujours  à  l'ouest,  en  resUnt  à  peu  près  à  la  même 
latitude,  où  irait-on  ?  —  A  Buenos- Ayres.  —  Et  à 


3  —  AGRICULTURE 

l'est?  —  A  Adélaïde,  dans  l'Australie  méridionale, 
et  à  Melbourne. 

De  deux  navires  suivant  ces  deux  routes,  lequel 
arrivera  le  premier?  —  Celui  de  Buenos- Ajres. 

L'île  de  Sainte-Hélène  est  à  1*50  kilom.  de  la 
côte  d'Afrique.  Indiquez  une  distance  équivalente 
dans  la  mer  Méditerranée.  —  [R-  :  De  Gibraltar 
à  Messine,  ou  de  Messine  à  la  côte  de  Syrie,  au 
fond  de  la  Méditerranée;. 

Problèmes  géographiques.  —  La  France  aune  su- 
perficie de  629  UOU  kilom.  carrés,  l'Afrique  de 
yO  200  000.  Combien  de  fois  la  France  est-elle  con- 
tenue dans  la  superficie  de  l'Afrique?  —  {R.:  ôefoisK 

L'Europe  a  une  superficie  de  cent  mille  myriamè- 
tres  carrés.  Combien  de  fois  est-elle  plus  petite 
que  l'Afrique?  —  {R.  :  -3  fois'. 

L'Europe,  pour  une  superficie  de  lOOOOOno  ki- 
lom. carrés,  nourrit  environ  325  700  00)  habitants. 
Si  la  population  de  l'Afrique  avait  la  même  densité, 
combien  entretiendrait-elle  d'habitants?  — R  .  : 
98.3  614  000  hab.)  —  Elle  n'en  a  que  207  000  000  en- 
viron. Quelle  est  la  densité  moyenne  de  la  popu- 
lation par    kilom.   carré.    —   'R.:6,9.) 

Les  cinq  parties  du  monde  comptent  ensemble 
1  439  000  000  d'habitants  environ,  quelle  part  oc- 
cupe l'Afrique  dans  cette  population  totale  ?  — 
{R.  :  14  p.  100,  ou  environ  le  septième.) 

Le  Nil  a  environ  6500  kilom.  de  longueur.  Com- 
bien de  fois  est-il  plus  long  que  la  Seine,  qui  a 
776(10  mètres?  —  \R.  :  plus  de  8  foisi? 

Pour  aller  de  Gibraltar  à  Calcutta  en  faisant  le 
tour  de  l'Afrique,  un  vaisseau  faisant  500  kilom. 
par  jour  mettait  42  jours;  par  le  canal  de  Suez, 
le  même  vaisseau  n'a  que  12  000  kil.  de  route  ;  en 
combien  de  temps  le  fait-il?  —  ^R.  :  24  jours)  — 
Si  la  dépense  moyenne  de  combustible  est  de 
2500  fr.  par  jour  de  vingt-quatre  heures,  quelle  sera 
l'économie  réalisée  ?  ;/i.  ;  4  000  fr.)  ■« 

On  évalue  la  population  de  Madagascar  à  4  0ii0r00 
d'habitants,  et  sa  superficie  à  592  000  kilom.  carrés. 
Si  cette  île  était  relativement  aussi  peuplée  que 
l'Angleterre,  qui  renferme  150  habitants  au  kilom. 
carré  (sans  compter  l'Ecosse  et  l'Irlande),  quelle 
serait  sa  population  ?  —  [R.  :  8SSO0O0U  hab.) 

Le  cap  de  Bonne-Espérance  étant  sous  le  37»  de 
lat.  S.  et  le  cap  Horn  sous  le  57°,  quelle  est  la  dis- 
tance de  l'un  et  de  l'autre  au  pôle  sud?  {R.:  .^830 
kilom.  pour  le  cap  de  Bonne-Espérance  et  36-iO 
pour  le  cap  Horn,  le  degré  valant  environ  1  lO  kilom. 

AGRICULTURE.  —  (r^ti/mologie  :  cuhure  des 
champs,  du  latin,  ager,  ogri,  champ  qui  se  retrouve 
dans  les  adjectifs  agraire  et  agreste.) 

I.  —  PLAN  DU  COURS 

Notions  préliminaires.  — L'enseignement  de  l'a 
griculture  a  eu  autrefois  de  nombreux  détracteurs  ; 
il  n'en  a  plus  aujourd'hui.  On  comprend  partout 
que  l'agriculture  est  une  industrie  semblable  aux 
autres,  et  que  pour  elle,  comme  pour  toutes  les  in- 
dustries, la  science  professionnelle,  obtenue  par 
un  bon  enseignement,  est  la  condition  indispensa- 
ble du  succès.  Aujourd'hui  que  chaque  pays  est 
un  marché  ouvert  aux  produits  de  toutes  les  na- 
tions, que  les  besoins  de  la  consommation  vont  sans 
cesse  en  grandissant,  la  néces-ité  de  produire  da- 
vantage se  fait  de  plus  en  plus  vivement  sentir. 
Ce  résultat  ne  peut  être  obtenu  que  par  la  diffu- 
sion des  notions  positives  sur  les  conditions  de  la 
production  animale  et  de  la  production  végétale. 
Pour  être  bon  agriculteur,  il  faut  beaucoup  savoir  : 
c'est  parce  que  les  exploitants  du  sol  savent  encore 
bien  peu  de  chose,  et  ne  comprennent  pas  toujours 
la  nécessité  de  s'instruire,  qu'il  n'y  en  a  qu'un 
petit  nombre  sachant  s'affranchir  de  la  routine. 

La  science  de  l'agriculture  est  une  science  com- 
plexe. Elle  emprunte  aux  sciences  naturelles,  aux 
sciences  physiques,  et  niêiue  aux  sciences  mathé- 
aiatiqucs,  les  bases  sur  lesquelles  elle  s'appuie. 


AGRICULTURE 


4G  — 


AGRICULTURE 


Elle  met  en  œuvre  leurs  découvertes,  elle  les  ap- 
plique aux  faits  pratiques  de  la  production.  Son 
enseignement  doit  supposer  acquis  par  les  élè- 
ves les  principes  fondamentaux  de  ces  sciences. 
Il  en  est  l'application  dans  la  vie  rurale.  L'ensei- 
gnement de  l'agriculture,  soit  dans  les  écoles  nor- 
males, soit  dans  les  écoles  primaires,  doit  donc  être 
d'abord  subordonné  à  l'enseignement  des  principes 
généraux  de  ces  sciences,  le  suivre  ou  au  moins 
l'accompagner. 

D'un  autre  côté,  dans  un  pays  aussi  vaste  que  la 
France,  où  les  régions  extrêmes  se  distinguent  par 
des  cultures  très-différentes,  l'enseignement  de 
l'agriculture  doit,  en  dehors  des  principes  généraux, 
s'appliquer  surtout  aux  circonstances  locales.  C'est 
ainsi  que  dans  le  Nord  et  dans  l'Ouest  on  donnera 
plus  d'extension  à  l'étude  du  bétail  et  des  cultures 
industrielles,  dans  le  Midi  on  parlera  surtout  de  la 
vigne  et  des  autres  cultures  spéciales  à  cette  ré- 
gion. C'est  l'habileté  du  maître  que  de  savoir  ap- 
proprier son  enseignementauxbesoins de sesélèves. 

L'enseignement  pratique  doit  ici  avoir  une  large 
place.  Dans  ce  but,  un  jardin  doit  être  annexé  à 
l'école,  et  le  maître  doit  y  donner  des  exemples  de 
culture  faite  sur  une  laible  étendue,  mais  se  rap- 
prochant autant  que  possible  des  conditions  de  la 
production  ordinaire.  En  outre,  par  des  prome- 
nades spéciales  faites  au  point  de  vue  agricole,  il 
expliquera  à  ses  élèves,  soit  dans  les  champs  ou  les 
prairies,  soit  dans  les  bâtiments  de  fermes,  au  be- 
soin avec  l'aide  des  agriculteurs,  les  causes  du 
succès  ou  de  l'insuccès  de  telle  récolte,  les  moyens 
de  se  débarrasser  de  tel  ennemi  des  plantes  ou  des 
animaux,  etc  Mais  ici  l'instituteur  doit  procéder 
avec  beaucoup  de  tact  ne  s'appuyer  que  sur  des 
faits  et  des  exemples  bien  choisis,  pour  ne  pas  éveil- 
ler l'esprit  de  déliance  si  prompt  à  naître  dans  les 
campagnes,  soit  contre  des  innovations  qui  parais- 
sent facilement  trop  hardies,  soit  contre  des  théo- 
ries que  l'on  comprend  difficilement. 

Enfin,  un  excellent  moyen  de  répandre  dans 
l'esprit  des  élèves  de  saines  notions  sur  les  choses 
agricoles,  c'est  de  diriger  l'enseignement  général 
dans  ce  sens  au  moyen  de  dictées,  de  lectures, 
de  problèmes  appropriés.  Les  véritables  principes 
de  l'agriculture  s'introduisent  ainsi  sans  fatigue 
dans  l'esprit  des  élèves.  L'enseignement  qui  réussit 
le  mieux  est  souvent  celui  qui  prend  ainsi  la  forme 
la  plus  simple.  L'instituteur  peut,  sans  efforts  di- 
dactiques apparents,  faire  de  cette  manière  une 
grande  partie  de  l'éducation  agricole  de  ses  élèves. 

Programme  détaillé  du  Cours.  —  Après  ces 
aperçus  généraux,  il  faut  donner  le  programme  du 
cours  d'agriculture,  tel  qu'il  doit  être  fait  aux  élè- 
ves des  écoles  normales.  Un  très-bon  programme  a 
été  publié  en  IsGT  par  le  ministère  de  l'instruction 
publique.  C'est  celui  qui  sera  adopté  ici,  avec 
quelques  modifications. 

Ce  programme  est  divisé  en  un  certain  nombre 
de  leçons.  Chacune  de  ces  leçons  forme,  en  quoi- 
que sorte,  une  unité,  à  laquelle  se  rattacheront 
beaucoup  de  détails  qui  trouvei-ont  leur  place  dans 
le  développement  du  cours,  mais  qui  ne  peuvent 
être  indiquées  dans  un  programme  sommaire.  Ce- 
lui-ci doit,  avant  tout,  indiquer  l'idée  générale  de 
l'enseignement. 

Voici  ce  programme  : 

re  Ipço,.  —  Sol.  —  Définition  et  propriétés 
des  ti'rrcs  arables.  —  Classification   des  terrains. 

—  Notions  sur  la  fertilité. 

2c  Ipço  >.  —  Chimie  agricole.  —  Développement 
des  végétaux. 

3<=  /cçcm.  —  Engrais  et  amendements.  —  Engrais 
animaux,  végétaux  et  minéraux.  —  Fumiers.  — 
Causi'S  de  l'efficacité  des  engrais. 

4c  /  ço?i.  —  Préparation  du  sol.  —  Défoncemonis. 

—  Labours.  —  Dessèchements.  —  Drainage.  —  Irri- 
gations. 


5«  leçon.  —  Instruments  de  culture. 

6«  leço}i.  —  Culture  des  céréales.  —  Blé.  — 
.\voine.  —  Orge.  —  Seigle.  —  Sarrasin.  —  Se- 
mailles. —  Entretien  des  récoltes.  —  Moisson.  — 
Uattagc.  —  Conservation  des  récoltes. 

Te  /eçon.  —  Plantes  légumineuses  de  grande  cul- 
turc  . 

se  leçon.  —  Plantes  industrielles.  —  Pommes  de 
terre.  —  Betteraves.  —  Lin.  —  Colza.  —  Hou- 
blon, etc. 

9c  leço?i.  —  Culture  des  plantes  arbustives.  — 
Vignes.  —  Mûriers.  —  Oliviers,  etc. 

iQe  leçon.  —  Fourrages.  —  Prairies  permanentes 
et  artificielles. 

lie  leçon.  —  Assolements. 

120  leçon.  —  Systèmes  d'exploitation.  —  Fer- 
mage. —  Métayage. 

liJe  leçon  —  Le  bétail.  —  Conditions  générales 
de  la  production  animale.  —  Hygiène  des  animaux 
domestiques. 

14*^  leçon.  — Principales  races  d'animaux  domes- 
tiques. —  Espèce  bovine.  —  Espèce  chevaline. 

lôe  leço7i.  —  Espèces  ovine  et  caprine.  —  Ani- 
maux de  basse-cour. 

10°  leçon.  —  Vers  à  soie.  —  Abeilles. 

ne  leçon.  —  Comptabilité  agricole. 

18e  leçon.  —  Constructions  rurales. 

19e  leçon.  —  Jardin  potager.  —  Jardin  d'agré- 
ment. 

20e  leçon.  —  Notions  élémentaires  sur  l'exploita- 
tion des  forêts. 

2le  leçon.  —  Ennemis  de  l'agriculture.  —  Ani- 
maux et  végétaux. 

22e  leçon.  —  Mesures  agraires.  —  Comparaison 
des  anciennes  mesures  et  des  mesures  métriques. 
—  Vente  des  denrées  agricoles. 

Ce  programme  suppose  que  l'enseignement  des 
sciences  dont  les  principes  servent  de  base  à  l'a- 
gronomie, a  précédé  l'enseignement  agricole.  S'il 
n'en  était  pas  ainsi,  quelques  leçons  prélimi- 
naires devraient  être  consacrées  à  cette  étude.  Tou- 
tefois il  est  un  point  sur  lequel  il  sera  néces- 
saire que  le  maître  insiste.  Un  fait  fondamental  que 
l'on  tend  parfois  à  oublier,  c'est  que  l'agriculture 
est  une  industrie.  Comme  toute  industrie,  elle  a 
pour  but  de  produire  le  plus  de  valeurs  avec  le 
moins  de  dépenses  qu'il  est  possible  ;  en  d'autres 
lormcs,  elle  doit  chercher  à  tirer  du  capital  engagé 
dans  l'exploitation  du  sol,  soit  en  argent,  soit  en 
travail,  l'intérêt  le  plus  élevé.  Toute  spéculation 
qui  n'est  pas  conçue  et  exécutée  dans  cet  ordre 
d'idées  est  une  spéculation  fausse,  qui  ne  peut 
amener  que  la  décopàon.  La  conséquence  naturelle 
à  tirer  de  ce  principe,  c'est  que  l'agriculteur,  soit 
dans  le  choix  de  ses  cultures,  soit  dans  l'exten- 
sion à  donner  à  telle  ou  telle  opération,  doit  sur- 
tout s'inspirer  des  circonstances  du  milieu  dans  le- 
quel il  agit.  Si  les  lois  de  la  production  demeurent 
les  mêmes,  et  doivent  être  enseignées,  de  la  même 
manière,  au  nord  comme  au  midi,  à  l'est  comme  à 
l'ouest,  leur  application  est  subordonnée  aux  mille 
circonstances  de  localités,  de  débouchés,  de  voies 
de  communication,  qui  indiquent  à  l'agriculteur, 
dans  chaque  département,  dans  chaque  canton, 
dans  quelle  voie  il  doit  marcher.  L'enseignement 
n'a  pas  à  intervenir  ici  ;  il  ne  peut  ni  provoquer, 
ni  modifier  ces  circonstances:  il  doit,  au  contraire, 
se  guider  sur  leur  étude  attentive. 

Les  cinq  premières  leçons  du  cours  d'agriculture 
sont  les  leçons  fondamentales.  Elles  embrassent 
1  étude  du  sol,  les  lois  du  développement  des  vé- 
gétaux, des  amendements  et  des  engrais,  celle  du 
travail  agricole,  dans  ce  qu'il  y  a  de  plus  général. 
Elles  doivent  être  enseignées  partout  de  la  même 
manièrts  avec  le  plus  grand  soin,  parce  qu'elles 
sont  la  base  même  de  la  vie  agricole.  On  peut  en 
dire  autant  de  la  onzième  leçon  qui  se  rapporte 
aux  assolements,  de  la  douzième  qui  est  consacrée 


AGRICULTURE  —  47 

aux  systèmes  d'exploitation  du  sol,  et  de  celles  qui 
ont  le  bétail  pour  objet. 

-Quant  aux  leçons  qui  se  rapportent  d'une  ma- 
nière spéciale  à  des  cultures  déterminées,  c'est  au 
maître  à  choisir,  parmi  ces  cultures,  celles  qui  sont 
plus  spécialement  répandues  dans  le  département 
où  il  enseigne.  C'est  par  l'observation  des  faits  qui 
Tentourent  qu'il  apprendra  quelles  sont  les  parties 
de  cet  enseignement  qui  conviennent  le  mieux  h 
ses  élèves. 

Livres  à  consulter.  —  Quels  sont  les  livres  qui 
seront  le  plus  appropriés  pour  renseignement 
de  l'Agriculture?  Il  existe  un  grand  nombre  de 
livres  agricoles  ;  comme  dans  toutes  les  sciences, 
il  en  est  de  bons,  il  en  est  de  médiocres,  il  en  est 
de  mauvais.  Pour  chacune  des  leçons,  on  indi- 
quera les  ouvrages  spéciaux  ayant  pour  objet  le 
sujet  traité.  Ici  il  doit  suffire  de  désigner  les  trai- 
tés généraux  qui  sont  unanimement  reconnus 
comme  faisant  autorité.  C'est  d'abord  le  Cnurs 
d'agriculture  de  M.  le  comte  de  Gasparin  (6  volu- 
mes in-8") ,  le  Traité  élémentaire  d'agriculture 
do  MM.  Girardin  et  du  Breuil  (2  volumes),  le  Bon 
Frmier,  par  Barrai,  le  Livre  de  la  ferme  et  des  mai- 
sons (le  campagne,  par  Joigneaux  (2  volumes;,  Y  En- 
cyclopédie de  l  Agriculteur,  par  Moll  et  Gayot  (  1 3  vo- 
lumes in-8). Dans  un  grand  nombre  de  départements, 
il  a  été  publié  des  traités  d'agriculture  spécialement 
appropriés  aux  conditions  locales  ;  quelques-uns 
sont  bons,  mais  beaucoup  sont  incomplets  et  surtout 
ontété  faits  à  un  point  de  vue  trop  empirique. 

En  dehors  de  ces  livres,  il  faut  étudier,  pour  bien 
comprendre  le  mouvement  agricole,  pour  s'initier 
aux  conditions  de  la  production,  VÉconumie  rurale 
de  la  France,  de  M.  Léonce  de  Lavergne,  véritable 
tableau  de  l'agriculture  française  au  xi.x'  siècle. 
Que  l'on  ne  s'étonne  pas  de  nous  voir  recommander 
ici  des  ouvrages  de  longue  haleine  qui  paraîtraient 
au-dessus  de  l'enseignement  élémentaire  de  l'école. 
Pour  bien  enseigner,  il  faut  beaucoup  apprendre, 
et  si  l'instituteur  n'approfondissait  pas  les  princi- 
pes qu'il  doit  donner  à  ses  élèves,  il  courrait  ris- 
que de  ne  leur  inculquer  que  des  notions  vagues,  et 
trop  vite  effacées.  [J.  A.  Barrai.] 

II.—  PROGRAMMES  OFFICIELS  DE  PAYS  ÉTRANGERS 

AUTRICHE.  Écoles  normales  d'instituteurs.  — 
L'agriculture  ne  s'enseigne  que  dans  les  2  classes 
supérieures  de  l'École  normale. 

3*  c^fl55e  (2  heures).  Notions  générales  d'écono- 
mie sociale  et  considérations  plus  spéciales  relati- 
ves à  la  production  agricole  et  sylvicole.  Élève 
du  bétail  :  le  bœuf,  le  cheval,  le  petit  bétail  ;  prin- 
cipes de  physiologie.  Notions  générales  de  pisci- 
culture, de  sériciculture  et  d'apiculture,  avec  exer- 
cices pratiques  en  dehors  des  heures  de  leçons. 

4'  clasfie  (2  heures).  Connaissance  du  sol  ;  étude 
des  conditions  du  sol  dans  la  monarchie  austro-hon- 
groise ;  climatologie  ;  théorie  des  engrais  et  de  leurs 
rapports  avec  la  structure  des  plantes  ;  ustensiles 
agricoles  ;  culture  des  céréales,  des  plantes  fourra- 
gères et  tuberculeuses,  culture  des  arbres  fruitiers. 
Exercice  pratique  dans  le  jardin  de  l'école  en  de- 
hors des  heures  de  leçons.  (Ordonnance  minist.  19 
juillet  1871I.J 

PORTUGAL.  Écoles  normales.  I.  —  L'agriculture 
et  ses  divisions   Petite  et  grande  culture. 

II.  —  Atmosphère  et  instruments  qui  en  font 
connaître  l'état.  Influence  des  climats  sur  les  cul- 
tures. Expositions  et  abris 

III.  —  Eaux  et  leur  origine.  Modes  d'irrigation. 
Assèchement  et  drainage. 

IV.  —  Organes  principaux  des  plantes.  Plantes 
alimentaires  industrielles,  annuelles,  bisannuelles 
et  vivaces. 

V.  —  Terrains  :  leur  nature  et  leurs  différentes 
propriétés  physiques,  en  relation  avec  les  princi- 
paux genres  de  culture. 


AGRICULTURE 


VI.  —  Engrais  minéraux,  végétaux,  animaux. 
Leur  emploi  selon  la  nature  du  terrain  et  des  cul- 
tures. Moyen  d'obtenir  et  de  préparer  les  engrais. 
Travaux  et  instruments  agricoles.  Principales  diffé- 
rences ;  usage  et  avantages  de  ces  instruments. 

VII.  —  Prairies  naturelles  et  artificielles. 

VIII.  —  Animaux  domestiques  utiles  à  l'agricul- 
ture. Espèces  bovine,  chevaline,  ovine  et  porcine. 
Volailles,  vers  à  soie,  abeilles. 

IX.  —  Culture  de  la  vigne.  Arbres  fruitiers,  et 
arbres  dont  le  bois  est  propre  aux  constructions 
ou  utile  comme  combustible. 

X.  —  Organisation  des  services  agricoles. 

XI.  —  Notions  élémentaires  d'horticulture. 

XII.  —  Industries  agricoles.  Fabrication  du  vi- 
naigre, du  vin,  du  pain,  du  fromage  et  du  beurre. 

XIII.  —  Constructions  rurales. 

XIV.  —  Comptabilité  agricole. 
(Programme  de  1874.) 

SUISSE.  —  École  d'agriculture  de  la  Ruti,  canton 
de  Berne. 

1.  Eléments  de  l' agriculture  (2*  semestre,  2  heu- 
res .  —  Exposé  succinct  des  différentes  branches  de 
l'agriculture. 

2.  Culture  des  plantes  (chaque  semestre,  2  heures 
par  semaine).  —  Partie  générale  :  conditions 
physiques  pour  la  réussite  et  le  développement  des 
plantes  ;  exposition,  climat,  sol,  engrais  ;  les  se- 
mailles, les  soins  à  donner  pendant  la  croissance  ; 
la  moisson.  —  Partie  spéciale  :  céréales,  légumi- 
neuses, tubercules,  plantes  du  commerce  et  ser- 
vant à  l'industrie,  fourrages,  culture  des  prairies^ 
viticulture,  arboriculture,  horticulture. 

3.  Exploitation  agricole  (3'  semestre,  1  heure  ; 
4*  semestre,  3  heures).  —  Le  domaine  :  bâtiments, 
immeubles,  champs,  prés,  pâturages,  vignes,  fo- 
rêts, etc.  Droits  réels,  servitudes,  etc.  —  L'exploi- 
tation proprement  dite  :  Force  de  production  du 
sol,  assolement,  fumure,  amendements.  Le  travail  : 
le  travail  manuel,  le  travail  au  moyen  d'attelages 
ou  de  machines.  Le  capital  :  capital  foncier  et  ca- 
pital d'exploitation,  crédit,  produit  net.  L'entrepre- 
neur considéré  comme  propriétaire,  fermier  ou  in- 
tendant. 

4.  Economie  domestique  (?•  et  4'  semestre, 
2  heures).  —  Nourriture,  habillement,  mobilier, 
éclairage  et  chauffage  Le  maître  et  la  maîtresse  de 
maison,  les  domestiques,  les  journaliers, 

5.  Amélioration  et  amendements  du  sol  {%*  se- 
mestre, 1  heure  ;  4"  semestre,  3  heures).  —  La- 
bour avec  la  charrue,  la  herse,  le  rouleau,  etc.  ; 
dessèchements,  drainage,  irrigations  ;  mélanges  de 
terres. 

6.  Ustensiles  et  constructions  (2'  et  4"  semestre, 
2  heures).  —  Ustensiles  et  machines  agricoles, 
Distr  bution  des  bâtiments  d'exploitation  agricole, 
des  différents  matériaux.  Calcul  et  comparaison  des 
frais  de  bâtisse  d'après  la  nature  des  matériaux 
employés  ;  devis  des  frais  de  construction. 

,  7.  Tenue  des  livres  (2°  et  4'  semestre,  2  heures). 
—  La  comptabilité  en  général  et  son  utilité.  La 
tenue  des  livres  en  partie  simple  et  en  partie  dou- 
ble ;  méthode  à  suivre  pour  tenir  on  bon  ordre  le& 
comptes  d'une  exploitation  agricole.  —  En  outre, 
chaque  élève  tient  un  double  des  livres  de  l'exploi- 
tation agricole  de  la  Ruti.  —  Formuluircs  ;  règles 
à  suivre  pour  les  marchés  écrits,  les  baux,  les  con- 
trats d'engagement  des  domestiques  et  les  accords 
pour  des  travaux. 

8.  Elève  du  bétail  (chaque  semestre,  2  heures 
par  semaine).  —  Partie  générale  :  Importance,  ori- 
gine et  histoire  des  animaux  domestiques  ;  produc- 
tion, nutrition  et  soins  généraux.  —  Partie  spéciale: 
(•lève  des  chevaux  ;  races  et  sous-races  ;  leur  uti- 
lité au  point  de  vue  de  l'exploitation  agricole  ;  re- 
production, amélioration,  affouragement  et  soins  à 
donner.  Élève  des  bêtes  à  cornes  :  races  et  sous- 
races  ;  la  manière  de  les  utiliser  pour  eu  obtenir 


AIMANT 


48 


AIMANT 


•du  lait,  pour  la  boucherie,  pour  le  labour,  pour 
l'élevage;  reproduction  et  soins  à  donner.  Élève 
des  races  porcine  et  ovine  et  des  chèvres.  Élève 
-des  espèces  volatiles;  pisciculture  et  sériciculture, 
exposées  en  abrégé  ;  apiculture. 

9.  Art  vétérinaire  (chaque  semestre,  2  heures 
par  semaine).  —  Parties  essentielles  de  l'anatomie 
avec  démonstrations.  Connaissance  extérieure  du 
■cheval  et  des  bètes  à  cornes,  principalement  quant 
aux  maladies  externes  des  différentes  parties  et  au 
mode  de  traitement  ;  maladies  des  sabots  et  des 
pieds  fourches; principes  de  marcchalerie.  Patholo- 
gie générale  et  spéciale  des  animaux  domestiques, 
accompagnée  de  l'indication  des  remèdes  à  em- 
ployer; signes  de  la  gestation  chez  les  animaux  do- 
mestiques, éducation  des  petits. 

10.  Botanique  agricole  (6^  semestre,  2  heures). 

—  Notions  sur  les  plantes  cultivées,  les  fourrages, 
les  arbres  forestiers,  et  sur  les  mauvaises  herbes 
et  les  plantes  vénéneuses, 

WURTEMBERG,  Plaii  d'étudcs  complet  de  l'École 
de  Hûhenheim.  —  On  le  trouve  dans  le  Rapport 
sur  la  loi  du  3  octobre  1848. 

AGROiVOSllE  (É  ymologie,  agros,  champ,  et  no- 
nios,  loi),  science  de  l'agriculture.  «  L'agronomie, 
dit  M.  Chevrcul,  est  la  partie  scientifique  de 
l'agriculture,  la  théorie  de  l'art  d'exploiter  la 
terre  au  moyen  de  la  multiplication  et  du  dévelop- 
pement des  plantes  et  des  animaux  utiles,  en  fai- 
sant le  minimum  de  dépenses  et  le  maximum  de 
recettes.  »  L'agronomie  n'est  pas  une  science  d'un 
caractère  spécilique  propre,  car  elle  emprunte  aux 
sciences  physiques  et  naturelles,  de  même  qu'aux 
sciences  mathématiques,  les  principes  qui  lui  ser- 
vent de  base.  —  On  donne  le  nom  d'agronome  à 
celui  qui  s'adonne  à  l'étude  de  la  science  de  l'a- 
griculture (V.  Agriculture).  [U.   Sagnier.] 

AIMANT.— Minéralogie,  VllI;  Physique,  XXV.  — 
\Etymologie  controversée,  soit  du  verbe  aimer,  par 
une  sorte  d'analogie  entre  l'attraction  physique  et 
l'attraction  morale,  soit  plutôt  du  grec  adamanta, 
diamant,  à  cause  de  la  dureté  de  ces  deux  corps.) 

(MiNÉRALOGit).  —  Pierre  d'aimant.  —  La  pierre 
d'aimant,  magnétite,  fer  oxydulé  naturel,  est  le 
meilleur  minerai  de  fer;  lun  parties  contiennent 
7;!, 41  de  fer,  et  27,59  d'oxygène  :  la  formule  chi- 
mique correspondant  à  cette  composition  s'écrit 
FeO.Fe^Qî,  Ce  minerai  se  trouve  cristallisé  en 
octaèdres  réguliers,  en  dodécaèdres  rhomboidaux, 
dont  les  faces  sont  ordinairement  marquées  de 
stries  profondes,  parallèles  à  leurs  grandes  diago- 
nales. La  poussière,  la  rayure,  en  sont  d'un  beau 
noir.  Toutes  les  variétés  agissent  avec  énergie  sur 
l'aiguille  aimantée  ;  certains  morceaux  possèdent  le 
magnétisme  polaire,  c'est-à-dire  présentent  une 
région  qui  attire  un  des  pôles  de  l'aiguille  et  re- 
pousse l'autre,  une  région  opposée,  qui  repousse 
le  pôle  que  la  première  attirait,  et  vice  Vinâ.  Le 
fer  oxydulé  naturel  est  assez  abondant  pour  former 
des  montagnes  dans  certaines  contrées.  Ces  énor- 
mes amas  fournissent  à  la  Suède  ses  fers  si  esti- 
més {Taberg,  Dannemora).  On  les  retrouve  dans 
lOural,  en  Lapouie.  En  France,  on  exploite  ceux 
de  Combenègre,  dans  les  gneiss  de  l'Aveyron. 
[E.  Jannettaz.J 

(Physique).  —  Aimants  naturels  et  artificiels. 

—  On  appelle  ai^nants  des  corps  qui  attirent  le  fer, 
l'acier  et  quelques  antres  substances.  Le  généra- 
teur de  la  plupart  des  aimants  est  une  pierre  d'un 
brun  foncé  que  l'on  trouve  dans  les  mmes  de  fer 
et  qui  est  elle-même  un  bon  minerai  de  fer,  designé 
par  les  chimistes  sous  le  nom  d'oxyde  ntagnéùquc 
à  cause  de  sa  propriété  ;  c'est  la  p;erre  d'aimant 
dite  cni/umt  naturel.  Les  aimants  ([u'elle  a  contri- 
bué à  former  sont  appelés  amiunts  artificiels.  La 
seconde  cause  génératrice  des  aimants  est  l'élec- 
tricité avec  laquelle  on  produit  les  éitciro-aimun\< 
(V.  Aimantali'ju). 


La  physique  étudie  les  curieuses  propriétés  de 
ces  corps;  elle  constate  les  phénomènes  qui  en 
dépemlcnt;  elle  cherche  à  découvrir  la  cause  de 
leurs  effets;  elle  indique  les  meilleures  formes  à 
leur  donner  pour  l'usage  et  les  différentes  maniè- 
res de  les  produire. 

I.  Propriétés  dls  aimants.  —  1°  La  propriété  la 
plus  anciennement  connue  des  aimants,  c'est  l'at- 
traction qu'ils  exercent  sur  le  fer;  on  la  constate 
en  présentant  un  morceau  de  fil  de  fer  à  une  pierre 
d'aimant  ;  il  y  est  attiré  et  y  reste  fixé,  ou  mieux 
encore  en  roulant  la  pierre  dans  de  la  limaille  de 
fer;  on  voit  celle-ci  s'y  attacher  en  houppes  plus 
ou  moins  longues.  Si  on  prend  un  aimant  artificiel 
allongé,  ce  n'est  qu'aux  extrémités  que  la  limaille 
se  fixe  en  fortes  liouppes;  iln'y  en  a  pas  au  milieu. 
Tous  les  points  ne  jouissent  donc  pas  de  la  force 
d'attraction;  les  deux  qui  attirent  plus  fortement 
que  les  autres  sont  appelés  les  potes  de  l'aimant. 
Cette  attraction  s'exerce  à  travers  toutes  les  sub- 
stances, le  bois,  le  verre,  le  cuivre,  sans  s'affaiblir 
notablement.  On  fait  en  effet  mouvoir  un  fil  de  fer 
placé  sur  une  table  avec  un  aimant  que  l'on  pro- 
mène au-dessous. 

Le  fer  doux,  c'est-à-dire  le  fer  ordinaire,  qui, 
rougi  au  feu  et  plongé  dans  l'eau  froide,  ne  devient 
ni  plus  dur  ni  plus  élastique,  est  un  aimant  ayant 
ses  deux  pôles,  capable  dattirer  d'autres  mor- 
ceaux moius  lourds  que  lui,  quand  il  touche  un 
aimant  naturel  ou  artificiel  ;  mais  il  perd  cette 
propriété  sitôt  que  le  contact  cesse.  On  constate  le 
fait  en  le  saupoudrant  de  limaille  pendant  et  après 
son  contact  avt  c  un  aimant.  L'acier  a  une  propriété 
de  plus,  il  s'aimante  moins  vite  et  moins  fort 
d'abord  ;  mais  il  conserve  après  le  contact  l'aiman- 
tation qu'il  avait: il  devient  un  aimant  permanent; 
l'acier  seul  pourra  donc  servir  à  constituer  les 
aimants  durables. 

2°  Les  actions  des  aimants  les  uns  sur  les  autres 
ne  sont  pas  moins  curieuses  que  leurs  effets  sur 
les  corps  qu'ils  attirent  et  qui  sont  appelés  corps 
magnétiques.  Elles  consistent  en  attractions  et  en 
1  épuisions.  On  les  met  en  évidence  en  employant 
un  aimant  suspendu,  mobile  autour  de  son  milieu, 
dans  un  plan  horizontal  :  c'est  une  aiguille  repo- 
sant sur  un  pivot,  ou  un  fil  d'acier  posé  sur  un 
étrier  de  papier  suspendu  par  des  fils  de  soie,  ou 
même  un  barreau  aimanté  llottant  sur  un  morceau 
de  liège.  Tout  aimant  libre  prend  toujours  la  môme 
direction,  avec  le  même  pôle  du  même  côté;  il  y 
revient  si  on  l'en  écarte,  et  même  si  on  le  retourne 
bout  à  bout  ;  il  s'arrête  à  peu  près  suivant  la  ligne 
nord-sud.  Les  deux  pôles,  qui  attirent  tous  d^ux 
également  la  limaille  de  fer,  ne  sont  donc  pas 
identiques;  on  les  différencie  en  appelant  1  un 
pôle  nord  et  l'autre  pôle  sud,  des  deux  directions 
qu'ils  prennent  d'eux-mêmes. 

L'expérience  prouve  que  deux  pôles  analogues 
ou  de  même  nom  se  repoussent,  et  que  deux  pôles 
de  noms  contraires  s'attirent. 

Quand  au-dessous  d'un  aimant  mobile  on  place 
d'une  manière  quelconque  un  aimant  fixe  plus  fort 
que  lui,  le  premiervient  seplacer  parai. èlemeniau 
second  et  de  manière  que  les  pôles  contraires  soient 
en  regard.  On  a  tiré  de  ce  fait  un  moyen  d'expli- 
quer la  cause  qui  fait  prendre  une  direction  déter- 
minée aux  aimants  suspendus,  et  ou  a  atti-ibué  au 
globe  terrestre  les  propriétés  d'un  vaste  aima:u 
iiyaiit  ses  deux  pôles  magnétiques  et  agissant  sur 
tous  les  aimants  placés  à  sa  surface. 

La  différence  caractéristique  des  pôles  et  leurs 
propriétés  particulières  pernutient  de  les  distin- 
t;uer  facilement  dans  les  aimants.  On  laisse  d'iia- 
iiitude,  au  pôle  nord  des  aiguills  aimantées,  la 
couleur  bleue  que  le  recuit  a  donne  à  l'acier,  tan- 
dis qu'on  bla  ichit  la  moiiié  (pii  se  dirige  au  sud, 

;>"  L'aiguille  aimantée,  libre  sur  son  pivot,  ne  se 
*  dii-ige  pas  exactement  vers  le  nord;  le  plan  qui 


AIMANTATION 


—  49  — 


AIMANTATION 


passe  par  son  axe  fait  avec  le  méridien  géographi- 
que un  angle  auquel  on  a  donné  le  nom  de  décli- 
naison. En  ce  moment,  pour  notre  pays,  cet  angle 
est  de  18  degrés,  c'est-à-dire  que  la  pointe  de  l'ai- 
guille se  dirige  de  ce  nombre  de  degrés  à  gauche 
de  la  ligne  qui  va  au  pôle  nord  de  la  terre.  La  con- 
naissance de  la  déclinaison  d'un  lieu  permet  de 
tracer  la  méridienne  exacte  de  ce  lieu  ;  on  la  me- 
sure à  l'aide  de  la  boussole  (V.  Boussole). 

Quand  l'aiguille,  au  lieu  d'être  libre  dans  un  plan 
horizontal,  l'est  au  contraire  dans  un  plan  vertical, 
elle  s'incline,  la  pointe  nord  vers  la  terre  dans  no- 
tre hémisphère  ;  l'angle  qu'elle  fait  avec  l'horizon 
s'appelle  angle  di'inclmaison.  La  connaissance  de 
cet  angle  est  loin  d'avoir  le  même  intérêt  pratique 
que  celle  de  la  déclinaison. 

IL  Formes  des  aimants.  —  Les  aimants  naturels 
présentent  les  formes  les  plus  diverses  et  sont  gé- 
néralement faibles.  On  les  rend  plus  forts  et  plus 
commodes  en  les  taillant.  On  y  cherche,  à  l'aide 
de  la  limaille  de  fer,  la  position  des  deux  pôles; 
on  polit  deux  faces  parallèles  perpendiculaires  à  la 
ligne  des  pôles;  on  applique  sur  chacune  une  plaque 
de  fer  doux  à  tête  taillée  dépassant  la  pierre,  et  on 
relie  les  deux  plaques  à  l'aimant  par  un  cercle  de 
laiton.  Les  deux  morceaux  de  fer  doux  deviennent 
les  deux  pôles  d'un  aimant  beaucoup  plus  fort  que 
ne  l'était  la  pierre. 

Les  aimants  artificiels  sont  ou  des  aiguilles, 
petites  ou  grandes,  destinées  aux  boussoles,  ou  des 
barreaux  petits  ou  gros,  droits  ou  recourbés,  isolés 
ou  en  faisceaux.  L'expérience  a  montré  que  les 
petits  aimants  sont  proportionnellement  plus  puis- 
sants que  les  gros.  On  réunit  donc  les  petits  bar- 
reaux pour  former  des  faisceaux.  Comme  tous  les 
pôles  de  même  nom  sont  voisins,  on  leur  applique 
un  morceau  de  fer  doux  qu'on  nomme  une  arma- 
ture, qui  en  fait  un  seul  pôle  et  empêche  leurs 
actions  réciproques.  La  forme  en  fer  à  cheval  a 
l'avantage  de  rapprocher  les  deux  pôles  qui  agis- 
sent alors  mutellement  l'un  sur  l'autre  pour  se 
renforcer  et  peuvent  supporter,  par  un  contact  à 
anneau,  un  poids  plus  que  double  de  celui  que 
porterait  chacun  d'eux. 

Exercices  et  applications.  —  1°  Placer  un  ai- 
mant droit  ou  recourbé  sous  une  feuille  de  carton, 
projeter  de  la  limaille  de  fer  sur  la  feuille  ;  on  vé- 
rifie les  pôles  et  on  constate  la  disposition  des 
grains  de  limaille,  qui  se  sont  attirés  les  uns  les 
autres.—  Prouver  que  l'aimantation  s'exerce  au  tra- 
vers des  substances  quelconques,  notamment  en 
présentant  un  aimant  à  de  la  limaille  de  fer  placée 
sous  l'eau  dans  un  vase.  —  Fixer  à  un  aimant  un  fil 
de  fer  doux,  un  second  fil  à  ce  premier  et  ainsi  de 
plusieurs  autres  ;  arracher  le  premier  fil,  tous  les 
autres  tombent,  montrant  ainsi  que  le  fer  doux  n'est 
aimanté  que  pendant  son  contact  avec  un  aimant. 
"2°  Suspendre  une  aiguille  d'acier  aimantée  et  s'en 
servir  pour  reconnaître  les  pôles  d'un  autre  aimant. 
—  Faire  tomber  un  morceau  de  fer  retenu  à  l'un 
des  pôles  d'un  aimant  en  approchant  le  pôle  con- 
traire d'un  second  aimant  qui  neutralise  l'action  du 
premier.  —  Briser  une  aiguille  dacier  aimantée  et 
s'assurer  que  chacun  des  morceaux  est  un  aimant 
possédant  ses  deux  pôles. 

30  Déterminer  le  méridien  d'un  lieu,  quand  on 
connaît  la  déclinaison.  [Haraucourt.] 

^  AIMANTATK»'.  — Physique,XXV.— On  aimante 
l'acier  d'une  manière  permanente,  le  fer  d'une 
manière  temporaire,  1°  par  l'action  des  aimants  au 
contact  ;  2°  par  leur  action  à  distance  ;  3°  et  surtout 
par  l'emploi  de   l'électricité. 

l"  Le  simpkî  contact  de  petits  morceaux  de  fer 
ou  d'acier  avec  l'un  des  pôles  d'un  aimant  suffit  à  y 
développer  l'aimantation  temporaire  ou  permanente; 
mais  on  ne  produit  ainsi,  même  dans  les  petites 
aiguilles,  qu'une  très-faible  force  magnétique  sou- 
vent irrégulière.  Les  résultat»  sont  meilleurs  par 
2»  Partie. 


la  friction  de  l'aimant  sur  le  barreau  d'acier  à  ai- 
manter. Le  contact  est  dit  par  siynple  touche  quand 
on  fait  glisser  plusieurs  fois  le  pôle  d'un  aimant  sur 
le  barreau,  en  ayant  soin  de  marcher  toujours 
dans  le  même  sens.  Il  suffit  pour  les  petites  aiguil- 
les des  boussoles  breloques. 

La  double  touche,  que  l'on  applique  aux  grandes 
aiguilles,  a  lieu  quand  onpromène  sur  le  barreau, 
vers  chacune  de  ses  extrémités,  les  deux  pôles  con- 
traires de  deux  aimants  que  l'on  tient  inclinés  et 
l'un  contre  l'autre  ;  la  force  magnétique  développée 
est  plus  grande. 

2°  L'aimantation  h  distance  n'a  guère  qu'un  in- 
térêt de  curiosité.  On  peut,  il  est  vrai,  faire  d'un 
fil  d'acier  un  aimant  rien  qu'en  le  plaçant  vertica- 
lement ;  mais  il  ne  conserve  ses  pôles  que  si  on  le 
tord  pendant  qu'il  est  dans  cette  position.  On  attri- 
bue cette  action  à  la  terre  ou  à  l'aimant  qu'on  y 
suppose  exister;  mais  cette  action  est  si  faible, 
qu'on  ne  peut  songer  à  l'utiliser  ;  elle  explique  l'ai- 
mantation que  l'on  remarque  parfois  dans  les  outils 
d'acier  trempé  suspendus  dans  les  ateliers. 

30  C'est  par  l'emploi  de  l'électricité  qu'on  produit 
les  aimants  les  plus  forts.  Veut-on  aimanter  une 
aiguille  à  tricoter,  on  la  place  dans  un  tube  de 
verre  sur  lequel  est  régulièrement  enroulé,  par 
spires  séparées,  un  fil  de  cuivre  recouvert  de  soie  ; 
on  met  les  extrémités  du  fil  en  communication  avec 
une  pile,  et  l'aimantation  de  l'aiguille  se  produit 
instantanément  sous  l'influence  du  courant  électri- 
que. C'est  Arago  qui  découvrit  en  \S10  cette  re- 
marquable action  de  l'électricité  et  c'est  à  Ampère 
qu'on  doit  l'expérience  que  nous  venons  de  décrire. 
Si  on  enroule  le  fll  autour  d'un  morceau  de  tir 
doux,  celui-ci  devient  un  aimant  tout  le  temps  que 
le  courant  passe  dans  le  fil;  on  lui  donne  le  nom 
d' électro-aimant  ;sd^  force  magnétique  cesse  immé- 
diatement quand  le  courant  électrique  cesse  do 
passer.  Rien  ne  s'oppose  à  ce  qu'on  donne  la  forme 
de  fer  à  cheval  au  barreau  qui  devient  ainsi  un  ai- 
mant temporaire  ;  et  puisqu'une  hélice  de  fil  de 
cuivre  enroulée  autour  de  lui  a  produit  une  certaine 
force  magnétique,  on  devra  augmenter  cette  force 
en  multipliant  les  hélices.  On  a  donc  été  conduit  ;i 
enrouler  autour  des  deux  extrémités  d'un  barreau 
droit  ou  courbe  des  bobines  de  fil,  et  on  obtient 
des  aimants  très-puissants  quand  on  fait  traverser 
ces  bobines  par  un  courant  électrique. 

Les  électro-aimants  ont  sur  les  aimants  ordinaires 
deux  avantages  :  ils  sont  plus  puissants,  et  on  peut 
h  volonté  leur  faire  perdre  ou  leur  rendre  instan- 
tanément leur  force.  Leurs  usages  sont  très-nom- 
breux ;  le  plus  important  est  sans  contredit  de 
servir  aux  Télégraphes  *.  La  forme  qu'on  leur  donne 
le  plus  habituellement  est  celle  de  deux  bobines 
dont  les  noyaux  de  fer  sont  réunis  l'un  à  l'autre 
par  une  barre  de  fer  à  une  de  leurs  extrémités, 
tandis  que  l'autre  est  libre  pour  recevoir  le  contact 
ou  l'appareil  qu'elle  doit  faire  mouvoir. 

Les  spirales  régulières  formées  d'un  fil  de  cuivre 
acquièrent  donc  la  propriété  des  aimants  d'attirer 
le  fer  et  l'acier  quand  elles  sont  traversées  par 
l'électricité,  puisqu'elles  deviennent  capables, 
comme  eux,  de  développer  l'aimantation.  Elles  en 
ont  aussi  toutes  les  autres  propriétés.  Quand  elles 
sont  libres  sur  un  pivot,  elles  dirigent  leur  axe  du 
nord  au  sud  ;  et  toutes  les  portions  de  courant  qui 
les  traversent  vont  de  l'est  à  l'ouest,  comme  s'ils 
étaient  appelés  dans  cette  direction  par  un  fort 
courant  électrique  placé  au-dessous  d'eux.  Ces 
spirales  mobiles  s'attirent  et  se  repoussent  comme 
les  aimants  :  elles  ont  comme  eux  la  possibiliti' 
d'agir  à  distance,  c'est-à-dire  de  développer  des 
phénomènes  d'induction.  L'électricité  est  la  cause 
apparente  de  leurs  effets;  c'est  ce  qui  a  conduit. 
Ampère  à  voir  dans  cet  agent  physique  la  source 
de  tous  les  aimants  (V.  Électricité). 
Exercices  et  applications.  —  1"  S'assurer  qu'une 

i 


AIU 


50  — 


AIR 


lame  tranchante,  ordinairement  d'acier,  s'aimante 
rien  que  par  son  contact  avec  un  aimant  naturel 
ou  artificiel.  —  Produire  un  aimant  par  la  touche 
régulière  ou  par  une  friction  quelconque  ;  le  trem- 
per dans  la  limaille  de  fer  et  s'assurer  que  dans  le 
second  cas  les  pôles  sont  irréguliers  et  la  force  ma- 
gnétique bien  moindre. 

2o  S'assurer  que  les  outils  d'acier  suspendus 
vertica'ement  attirent  la  limaille  de  fer  et  agissent 
sur  l'aiguille  d'une  boussole.  —  Faire  un  aimant  en 
tordant  des  fils  d'acier  placés  presque  verticale- 
ment, leur  extrémité  inférieure  vers  le  nord. 

3°  Constater  la  déviation  qu'un  courant  électrique 
fait  subir  à  une  aiguille  aimantée  ;  l'instantanéité 
de  l'aimantation  et  de  la  désaimantation  du  fer 
doux.  —  Faire  un  aimant  en  enroulant  lo  fil  d'une 
pile  autour  d'une  aiguille  dacior,  chercher  les  pô- 
les et  remarquer  qu'ils  sont  toujours  dans  le  même 
rapport  avec  le  sens  de  l'enroulement. 

[Haraucourt.] 

AIR.  —  Physique,  IX.  Chimie,  I.  —  [Étym.  :  du 
grec  et  du  latin  aer,  d'où  aération,  aérien,  et  tous 
les  mots  composés). 

1.  L'air  et  ses  propriétés  physiques.  — V air  est 
un  gaz.  —  C'est  le  gaz  par  excellence,  celui  qui 
enveloppe  la  terre,  qui  sert  à  la  respiration  des 
animaux  et  des  végétaux,  et  dont  la  masse  s'ap- 
pelle Yatmosphère. 

L'air  est  pesant.  —  Cette  propriété  de  l'air, 
comme  de  tous  les  gaz,  était  inconnue  des  anciens. 
Il  faut  venir  jusqu'au  xvii"^  siècle  pour  trouver  la 
preuve  de  la  pesanteur  de  l'air.  C'est  à  Jean  Rey, 
médecin  du  Périgord,  et  à  Galilée,  qu'on  doit  les 
premières  expériences  établissant  la  preuve  de  la 
pesanteur  de  l'air.  On  trouve  dans  l'œuvre  du  sa- 
vant français  ces  lignes  caractéristiques  qui  éta- 
blissent sa  découverte  à  la  date  de  1630  :  «  Rem- 
plissez d'air  à  grande  force  un  ballon  avec  un 
soufflet,  vous  trouverez  plus  de  poids  à  ce  ballon 
qu'à  lui-même  étant  vide.  » 

Galilée,  amené  à  soupçonner  la  pesanteur  de 
lair  pour  donner  la  raison  de  l'élévation  limitée 
de  l'eau  dans  les  pompes,  fit  bouillir  dans  une 
bouteille  une  petite  quantité  d'eau,  boucha  la  bou- 
teille et  la  pesa  ;  puis,  la  débouchant,  il  permit  à 
l'air  de  rentrer  ;  il  vit  alors  augmenter  le  poids  de 
la  bouteille. 

Aujourd'hui,  poui'  montrer  que  l'air  est  pesant 
et  même  pour  déterminer  son  poids,  on  fait  le  vide 
dans  un  grand  ballon  de  10  litres  et  on  le  tare  sur 
une  balance  ;  puis  on  y  laisse  rentrer  l'air  et  on 
voit  que  le  ballon  augmente  de  poids.  Le  dixième 
de  cette  augmentation  représente  approximative- 
ment le  poids  du  litre  d'air.  Ce  poids  est  d'envi- 
ron Ig^3,  à  la  surface  de  la  terre. 

Pression  atmosphérique.  —  Puisque  l'air  est  pe- 
sant, il  en  résulte  nécessairement  que  les  couches 
supérieures  pressent  en  vertu  de  leur  poids  surles 
couches  inférieures,  et  celles-ci  sur  le  sol  ou  les 
objets  qui  les  supportent  ;  de  là  l'existence  de  la 
pression  atmosphérique,  la  nécessité  de  la  con- 
stater et  d'en  évaluer  les  efi'ets  (\ .Baromètre). 

L'air  est  transparent  et  incolore.  —  En  petite 
quantité  l'air  n'a  pas  de  couleur,  il  est  par  suite  invisi- 
ble: d'où  vient  donc  que,  pris  en  grande  masse, il  oftre 
cette  belle  teinte  bleue  qui  fait  croire  à  une  n  voûte 
azurée  »,  double  illusion  d'optique"?  C'est  que  l'air 
n'est  ni  absolument  transparent  ni  absolument  in- 
colore. Il  intercepte  une  partie  des  rayons  lumi- 
neux qui  le  traversent  ;  la  teinte  bleue  des  objets 
est  d'autant  plus  foncée  que  les  objets  sont  plus 
éloignés  (V.  Atmosphère). 

Autres  propriétés  de  l'air;  élasticité,  compres- 
sibilité,  loi  de  Mariotte.  —  V.  Gaz.  [Haraucourt.] 

2.  L'air  et  ses  propriétés  chimiques.  —  Bien 
que  les  alchimistes  eussent  depuis  longtemps  étu- 
dié le  rôle  de  l'air  dans  la  combustion  des  mé- 
taux  et   dans  d'autres   phénomène-,  la  véritable 


explication  n'en  fut  trouvée  que  par  Lavoisier  en 
Fance  et  Priestley  en  Angleterre,  à  la  fin  du  siècle 
denier. 

Lavoisier  avait  chauffé,  dans  un  vase  clos,  du 
mercure  en  présence  d'un  volume  d'air  préalable- 
ment déterminé,  et  cela  pendant  plusieurs  jours, 
puis  il  l'avait  laissé  refroidir.  Le  volume  d'air  avait 
diminué,  celui  du  mercure  avait  augmenté,  ou  plu- 


tôt  le  mercure    s'était  recouvert  d'une  pellicule 
{  rouge  semblable  à  ce  qu'on  appelait  ia  terre  ou  la 
chaux  de  mercure.   C'était  précisément   de   cette 
substance  que  l'illustre  chimiste  anglais  Prietsley 
avait   extrait   quelque   temps  auparavant  un   gaz 
nouveau  ayant  des  propriétés  semblables  à  celles 
de  l'air,  mais  plus  énergiques. 
Lavoisier,  ayant  fortement  chauffé  la  substance 
I  rouge  et  ayant  recueilli  le  gaz  qui  s'en  dégageait, 
vit  le  mercure  redevenir  brillant  et  pur. 
I      L'analyse  de  l'air  était  faite,  et  le  rôle  de  l'air 
I  dans  la  calcination  des  métaux  allait  être  déterminé 
'  pour  la  première  fois  avec  précision  et  certitude. 
Le  gaz  que  le  métal  n'avait  point  absorbé  était  im- 
'  propre  à  la  combustion  et  à  la  respiration  ;  dos 
animaux  qu'on  y  plongeait  mouraient  immédiate- 
ment ;  Lavoisier  le  nomma  et  on  le  nomme  encore 
Yazote. 

L'autre  élément  de  l'air,  celui  que  le  mercure 
s'était  d'abord  approprié  pour  former  avec  lui  la  pel- 
licule rouge,  et  qu'il  avait  ensuite  remis  en  li- 
berté, à  une  température  plus  élevée,  c'était  l'air 
vital,  \'oxijgè7ie.  Les  animaux  y  respiraient  avec 
activité,  une  allumette  y  brûlait  énergiquement. 
ainsi  que  le  charbon,  le  soufre,  le  phosphore,  et  la 
combustion  de  ces  corps  donnait  comme  résultat 
les  mêmes  substances  que  quand  ils  brûlent  dans 
l'air.  Après  ces  expériences,  Lavoisier  pouvait  donc 
dire  que  l'air  contient  deux  éléments  gazeux  : 
l'oxygène  et  l'azote,  le  premier  étant  l'agent  de  la 
combustion  et  de  la  formation  de  la  rouille  à  la 
surface  de  métaux. 

Recueillant  le  gaz  qui  sort  de  la  bouche  pendant 
la  respiration,  Lavoisier  le  trouva  plus  riche  en 
acide  carbonique  et  plus  pauvre  en  oxygène  que 
l'air  aspiré  ;  il  découvrait  aussi  le  rôle  chimique  de 
l'air  dans  ce  phénomène  universel  de  la  vie  ani- 
male, la  respiration. 

Ainsi,  d'après  cet  illustre  chimiste,  «la  respiration 
est  une  combustion  lente  d'une  portion  du  carbone 
contenu  dans  le  sang,  et  la  chaleur  animale  est 
entretenue  par  la  portion  du  calorique  qui  se  dé- 
gage au  moment  de  la  conversion  do  l'oxygène  en 
acide  carbonique,  comme  il  arrive  dans  toute  com- 
bustion de  charbon  ». 

Les  travaux  accumulés  des  savants  sur  cet  impor- 
I  tant  sujet  ont  complété  la  découverte  de  Lavoisier 
,  sans  jamais  en  contredire  le  principe.  Les  nom- 
\  breuses  analyses  de  l'air,  et  principalement  celle 
qui  a  été  faite  Dumas  et  Boussingault  avec  une 
précision  extrême,  ont  seulement  rectifié  les  nom- 
bres trouvés  par  Lavoisier.  Toutes  les  analyses  de 
l'air  reviennent  à  mesurer  exactement  un  volume 
d'air  en  notant  la  température  et  la  pression  au 
moment  de  l'expérience,  puis  à  faire  absorber  l'o- 
xygène par  un  corps  très-oxydable  quelconque  :  par 
le  soufre,  comme  l'a  fait  à  l'époque  de  Lavoisier  le 
grand  chimiste  suédois  Scheele,  ou  par  le  phos- 
phore comme  tout  le  monde  peut  le  faii-e  avec  un 
simple  tube  gradué,  ou  par  le  mercure,  comme 
Lavoisier,  ou  enfin  par  le  cuivre  chauffé  au  rouge, 
comme  l'ont  fait  Dumas  et  Boussingault  ;  on  n'a 
plus  ensuite  qu'à  mesurer  le  volume  de  gaz  res- 
tant, qui  est  l'azote;  l'oxygène  est  mesuré  en  poids 
ou  en  volume.  Les  chiffres  suivants  ont  été  trouvés 
par  les  deux  savants  chimistes  français  et  paraissent 
aujourd'hui  représenter  le  plus  exactement  possi- 
ble la  composition  de  l'air  :  23«%l3  d'oxygène  et 
76«',8;  d'azote  pour  100  grammes  d'air,  ou  en  litres 
20, "J3   d'oxygène  et  7y,07   d'azote   pour  100  litres 


AIRES  —  SI 

L'acide  carbonique  de  l'air.  —  Quand  on  laisse 
exposé  à  Tair  un  vase  rempli  d'eau  de  cliaux,  il  so 
forme  à  sa  surface  une  pellicule  opaque  de  carbo- 
nate de  chaux  ;  en  effet,  si  on  la  ramasse  et  qu'on 
la  traite  par  un  acide,  on  observe  un  dégagement 
avec  efifervescence  d'acide  carbonique.  Ce  gaz  ne 
peut  provenir  que  de  l'air.  En  faisant  passer  un 
courant  d'air  de  plusieurs  centaines  de  litres  dans 
des  tubes  contenant  de  la  potasse  ou  de  la  chaux, 
bases  qui  retiennent  l'acide  carbonique  en  formant 
avec  lui  un  carbonate,  on  peut  déterminer  la  quan- 
tité de  ce  gaz  contenue  dans  l'air. 

D'après  de  Saussure,  l'air  contiendrait  de  4  à  G 
litres   d'acide  carbonique  pour  10  000  litres  d'air. 

Cette  quantité  augmente  dans  les  endroits  habi- 
tés ;  elle  est  un  peu  plus  forte  la  nuit  que  le 
jour.  Elle  est  moindre  au-dessus  des  grands  lacs. 
(V.  Atmosp>ière.)  [A.  Jacquemart.] 

Exercices  et  applications.  —  Matérialité  de  l'air. 

—  1°  Enfoncer  verticalement  dans  l'eau  une  cloche 
ou  an  verre  renversé  ;  on  constate  que  l'eau  n'y  pénè- 
tre pas  ou  presque  pas,  empêchée  qu'elle  est  par 
l'air  dont  le  vase  est  rempli. 

Si  on  incline  le  vase,  l'air  s'échappe  en  bulles 
visibles,  et  l'eau  prend  sa  place. 

'2»  Attacher  une  poire  de  caoutchouc  à  un  tube 
de  verre  coudé  à  angle  droit  et  dont  l'autre  ex- 
trémité plonge  dans  l'eau  et  presser  la  boule  :  l'air 
qui  en  est  chassé  se  dégage  en  bulles  dans  le  li- 
quide. 

3'^  Quand  on  verse  un  liquide  dans  une  bou- 
teille à  l'aide  d'un  entonnoir,  l'écoulement  s'arrête 
(|aand  l'air  ne  peut  pas  sortir  et  qu'il  ne  reste  pas 
d'espace  entre  l'entonnoir  et  le  col  de  la  bou- 
teille. 

Compressibilité  et  élaslicité  de  l'air.  —  On  en- 
fonce un  piston  dans  un  cylindre  fermé  par  un  bout; 
on  éprouve  de  plus  en  plus  de  difficulté  à  mesure 
que  le  piston  approche  du  fond.  Et  si  on  l'abandonne, 
1  air  comprimé  le  repousse  peu  à  peu. 

Transmissio7i  des  pressions  par  l'air.  —  On 
prend  un  flacon  à  deux  tubulures  supérieures  et 
une  latérale:  cette  dernière  et  l'une  des  autres 
sont  coiffées  d'une  lame  de  caoutchouc  fixée  à  leur 
bord;  la  troisième  porte  un  tube  dans  lequel  peut 
se  mouvoir  un  piston.  Si  on  enfonce  le  piston,  on 
voit  les  deux  lames  de  caoutchouc  se  bosseler  vers 
le  dehors,  comme  par  une  pression  venue  de  l'in- 
térieur ;  la  pression  du  piston  s'est  transmise  en 
tous  sens  par  l'air  du  flacon. 

4°  On  réunit  par  un  long  tube  deux  poires  de 
caoutchouc,  l'une  appuyée  contre  un  ressort  de 
timbre,  l'autre  libre;  si  on  presse  cette  dernière, 
la  pression  se  transmet  à  l'autre  qui  appuie  contre 
le  timbre.  C'est  le  principe  des  sonneries  h  air. 

Poids  ifiégal  de  l'air  chaud  et  du  l'air  fioid.  — 
On  entr'ouvre  la  porte  de  deux  appartements,  l'un 
plus  chaud  que  l'autre  ;  l'air  s'y  trouve  comme 
deux  liquides  inégalement  lourds  dans  les  deux 
branches  d'un  même  vase  ;  l'air  froid,  plus  lourd 
que  l'air  chaud,  se  précipite  pour  rétablir  l'équili- 
bre; on  constate  ce  courant  par  une  bougie  allu- 
mée placée  sur  le  pas  de  la  porte  de  communica- 
tion :  la  flamme  s'incline  vers  la  chambre  chaude. 

[Haraucourt-l 

AIRES  (Mesure   des).  —  Géométrie,  XVl/XVII. 

—  [Etym.  du  latin  area,  même  sens). 
On  nomme  aire  d'une  figure  son  étendue  super- 
ficielle. Sa  mesure  est  le  nombre  d'unités  de  sur- 
face qu'elle  contient.  On  prend  pour  unité  de  sur- 
face la  surface  du  carré  qui  a  pour  côté  l'unité  de 
longueur;  en  France  c'est  le  mètre  carré,  ou  l'une 
de  ses  subdivisions.  Dans  les  mesures  agraires 
l'unité  est  Vare,  etc.  (V.  Système  métrique.) 

Pour  mesurer  les  aires,  on  n'a  jamais  à  effectuer 
que  des  mesures  de  longueurs. 

1.  Mesure  du  recta.\gle.— Soit  à  mesurer  l'aire 
du  rectangle  ABCD  (fîg.  1);  et  supposons,  pour  plus 


AIRES 

de   simplicité,  que   sa  base   AB  contienne  5  fois 
l'unité  de  longueur,  et  que  sa  hauteur  AD  con- 
tienne 3  fois  cette  même  unité. 
Divisons  AB  en  5  parties  égales,  et  par  tous  les 


Fig.  1. 

pouits  de  division  menons  des  parallèles  à  AD  ; 
divisons  de  même  AD  en  3  parties  égales,  et  par 
tous  les  points  de  division  menons  des  parallèles 
à  AB.  La  figure  se  trouvera  divisée  en  figures  par- 
tielles qui  seront  des  carrés  ;  car  tous  les  angles 
de  la  figure  sont  droits,  et  tous  les  côtés  de  ces 
figures  partielles  sont  égaux  à  l'unité  de  longueur, 
comme  parallèles  comprises  entre  parallèles  :  ce 
sont  donc  des  unités  de  surface  ;  et,  pour  avoir  la 
mesure  du  rectangle,  il  n'y  a  qu'à,  les  compter.  Or 
le  long  de  la  base  AB  on  compte  autant  de  ces 
carrés  qu'il  y  a  d'unités  de  longueur,  c'est-à-dire 
5  ;  ces  5  carrés  forment  une  bande  horizontale  ;  et 
l'on  compte  autant  de  ces  bandes  horizontales  qu'il 
y  a  d'unités  de  longueur  dans  AD,  c'est-à-dire  3. 
Le  nombre  total  des  carrés  est  donc  le  produit  de 
5  par  3,  c'est-à-dire  15  ;  en  d'autres  termes,  le  rec- 
tangles renferme  15  unités  de  surface,  et  son  aire 
est  exprimée  par  le  nombre  15.  ,> 

Comme  le  raisonnement  qu'on  vient  de  faire  est 
indépendant  des  nombres  5  et  3,  on  voit  que  le 
nombre  d'unités  de  surface  contenues  dans  un 
rectangle  est  égal  au  nombre  d'unités  de  longueur 
contenues  dans  sa  base,  multiplié  par  le  nombre 
d'unités  de  longueur  contenues  dans  sa  hauiour  ; 
ce  qu'on  énonce  d'une  manière  abrégée  en  disant  : 
L'aire  dCun  rectangle  a  pour  mesure  le  produit  de 
sa  base  par  sa  hauteur. 

Supposons,  par  exemple,  que  la  base  ait  121"  et 
la  hauteur  34" ,  l'aire  du  rectangle  sera  de  34  fois  121 
ou  4114  mètres  carrés. 

Si  la  base  a  1",25  et  la  hauteur  0",83  ou  120"'"  et 
83""",  l'aire  du  rectangle  sera  de  83  fois  125  ou 
10  375  centimètres  carrés  ou  l™<i,3'*i75"'i. 

Remarque.  —  Si  la  base  et  la  hauteur  sont  éga- 
les, le  rectangle  devient  un  carré  ;  et,  en  appli- 
quant la  règle  ci-dessus,  on  voit  que,  pour  obtenir 
l'aire  d'un  carré,  il  faut  multiplier  son  côté  par 
lui-même.  C'est  ce  qui  a  fait  donner  le  nom  de 
carré  au  produit  d'un  nombre  par  lui-même. 

2.  Mesure  du  parallélogr.4mme.  —  Soit  ABCD 
(fig.  2)  un  parallélogramme    quelconque.    Par  les 


Fig.  2. 

points  A  et  B  élevons  AH  et  BI  perpendiculaires 
aux  deux  bases.  Les  triangles  rectangles  AHD  et 
BIC  seront  égaux,  car  leurs  hypoténuses  AD  et  BC 
sont  égales  comme  côtés  opposés  d'un  parallélo- 
gramme ABCD,  et  les  côtés  AH  et  BI  sont  égaux 
comme  cotés  opposés  du  rectangle  ABIH.  Or,  si 
de  la  figure  totale  HABG  on  retranche  le  triangle 
AHD,  il  reste  le  parallélogramme  ABCD  ;  et  si,  de 
la  même  figure  totale  HABC,  on  retranche  le 
triangle  BIC,  il  reste  le  rectangle  ABIH. 


AIRES 


AIRES 


Le  parallélogramme  équivaut  donc  au  rectangle. 
Or  celui-ci  a  pour  mesure  le  produit  de  sa  base 
AB  par  sa  hauteur  AH  ;  le  parallélogramme  a  donc 
la  même  mesure,  c'est-à-dire  le  produit  de  sa  base 
AB  par  AH ,  qui  est  sa  hauteur  (V.  Polygones, 
p.  1660). 

Si,  par  exemple,  sa  Dase  a  234""  et  sa  hauteur 
97",  son  aire  aura  pour  expression  2-34  X  9"  ou 
22698  mètres  carrés.  Celte  superficie,  exprimée 
en  mesures  agraires,  serait  2  hectares  26  ares  et 
98  centiares. 

3.  Mesure  du  triangle.  —  Soit  ABC  (fig.  3)  un 


Fig.  3. 

triangle  quelconque.  Menons  CD  parallèle  à  AB. 
et  BÎ)  parallèle  à  AC.  La  figure  ABDG  sera  un 
parallélogramme.  Le  triangle  ABC  en  est  la  moitié  . 
car  les  tricmgles  ABC  et  BDC  sont  égaux  comme 
ayant  leurs  trois  côtés  égaux  chacun  à  chacun 
(VJ'olygones).  Or  le  parallélogramme  a  pour  me- 
sure le  produit  de  sa  base  par  sa  hauteur;  la 
mesure  du  triangle  est  donc  la  moitié  de  ce  pro- 
duit, ou,  ce  qui  revient  au  même,  le  produit  de  sa 
buse  AB  par  la  moitié  de  sa  hauteur  CH,  qui  est 
la  perpendiculaire  abaissée  du  sommet  G  sur  la 
base. 

Si,  par  exemple,  la  base  AB  a  4"°, 96,  et  la  hau- 
teur S^jSS,  l'expression  de  l'aire  sera 

1 .  4'°,96  X  S-DjêS,    ou    A^,d&  X  l",9i 
ou  9m<j  6i<îq  24':?. 

Remarque.  —  On  pourrait  prendre  la  moitié  de 
la  base  et  la  multiplier  par  la  hauteur;  le  produit 
serait  évidemment  le  même. 

4.  Mesure  du  trapèze.  —  Soit  ABCD  (fig.  4)   un- 


trapèze.  Si  l'on  tire  la  diagonale  AC,  on  le  divise 
en  deux  triangles.  Or,  si  l'on  désigne  par  h  la  dis- 
tance des  deux  bases  AB  et  CD,  ce  sera  la  hauteur 
-ommune  des  deux  triangles.  On  aura  donc,  d'après 
théorème  précédent. 


ABC  =  AB  X  ^  A 


et  ACD 


CD  Xj^. 


ABC  -h  ACD  =  ABCD  =  J  A  (AB  4-  CD) 


_  AB  -f-  CD 


h, 


.est-à-dtre  que  l'ave  du  trapèze  a  pour  mesure  la 
demi-S'Hime  de  ses  bases  multipliée  par  sa  hau- 
teur (y .Polygones,  p.  1G60). 

On  sait  que  cette  demi-somme  des  bases  équi- 
vaut à  la  droite  qui  joint  les  milieux  des  côtés  non 
parallèles. 

Si  l'on  a,  par  exemple, 


AB 


128'°,     CD  =  94"    et    ^  =  Sô" 


la  somme  des  bases  étant  222°",  la  demi-somme 
sera  111",  et  l'aire  du  trapèze  aura  pour  expres- 
sion 

lll^X^S"    ou    943i"q. 

En  mesures  agraires,  ce  nombre  équivaudrait  à 
94  ares  35  centiares. 

Remarque.  —  Quand  le  trapèze  est  rectangulaire, 
sa  hauteur  est  la  longueur  du  côté  perpendiculaire 
aux  deux  bases. 

5.  Mesube  d'ux  polygone  quelconque.  —  Pour 
mesurer  l'aire  d'un  polygone  quelconque,  on  peut 
le  diviser  en  triangles,  par  des  diagonales  issues 
d'un  même  sommet,  ou  par  des  droites  menées 
d'un  point  intérieur  à  tous  les  sommets.  La  somme 
des  aires  de  ces  triangles  est  l'aire  du  polygone. 

Mais  il  est  plus  commode  dans  la  pratique  (et 
c'est  le  procédé   qu'emploient  les  arpenteurs)  de 


diviser  le  polygone  en  trapèzes  rectangulaires  et  en 
triangles  rectangles.  Pour  cela  on  joint  les  som- 
mets les  plus  éloignés  A  et  E  (fig.  5),  et  de  tous 
les  autres  sommets  on  abaisse  sur  AE  les  perpei- 
diculaires  B??i,  Cw,  Dp,  Yq,  Gr.  On  mesure  ces  per- 
pendiculaires, ainsi  que  toutes  les  parties  de  AE,  et 
l'on  a  tous  les  éléments  nécessaires  pour  évaluer 
l'aire  des  iriangles  rectangles  et  des  trapèzes  rectan- 
gulaires dans  lesquels  le  polygone  est  décomposé 
y.  Arpentage  ,p.  191), 
6.    JIesure  d'un  polygone  régulier.  —  Si  l'on 


Fig.  6. 

joint  le  centre  0  (fig.  6)  d'un  polygone  régulier 
ABCDEFG  de  n  côtés  à  tous  les  sommets,  on  le 
divise  en  n  triangles  isocèles  égaux  AOB,  BOC,^  etc. 
Pour  évaluer  l'aire  du  polygone,  il  suffit  donc  d'éva- 
luer celle  de  l'un  de  ces  triangles,  et  de  la  répéter 
n  fois.  Le  triangle  BOG,  par  exemple,  a  pour  mesure 

BG  X  5  01,  la  droite  01  étant  l'apothème  CV.  Poly- 
gones réguliers);  l'aire  du  polygone  sera  donc  ex- 
primée par  BG  X  :;  01  X  n,  ou  par  BG  X  «  X  :;  01. 

Or  BG  X  n  représente  le  périmètre  du  polygone  ; 
on  voit  donc  que  l'aire  a'un  p'iygone  régulier  a 
pour  mesure  le  produit  de  son  périmètre  par  la 
moitié  de  son  apothème. 

Prenons  pour  exemple  l'hexagone  régulier.  Si  W 
désigne  le  rayon  du  cercle  circonscrit,  R  représen- 
tera aussi  le  côté  du  polygone,  et  OR  sera  son  péri- 
mètre. Pour  obtenir  soii  apothème,  on  remarquera 
qu'il  est  l'un  des  côtés  d'un  triangle  rectangle  (ana- 


AIRES 


—  53  — 


AIRES 


logue  à  BIO)  dont  l'hypoténuse  est  R  et  l'autre  côté 
de  l'angle  droit -R;  en  appelante  l'apothème,  on  a 

Aî  =  R.  _1r2=^R2,     d'où     h  =  '^- 

4  4  -i 

L'aire  de  rhexagone_a  donc  pour  expression 
-  .  6R  .  ou  '- ,  ce  qui  revient  à  peu  près 

à  2,598  R2. 

7.  Aire  nu  cercle.  —  Un  cercle  peut  être  con- 
sidéré comme  un  polygone  régulier  dont  les  côtés 
sont  infiniment  petits  et  en  nombre  infiniment 
grand;  son  aire  peut  donc  être  mesurée  comme 
celle  d'un  polj'gone  régulier.  Mais  le  périmètre 
devient  ici  la  circonférence  du  cercle,  et  l'apothème 
se  confond  avec  le  rayon  ;  on  peut  donc  dire  que 
l'ai7-e  d'un  cercle  a  pour  mesure  le  produit  de  sa 
circonféi'ence  par  la  moitié  de  son  rayon. 

Si  le  rayon  est  R,  le  diamètre  est  2R,  et  la  cir- 
conférence est  2R  X  TT,  en  désignant  par  n  le  rap- 
port de  la  circonférence  au  diamètre,  ou  3,1415926... 
ou  à  peu  près  3,1416.  L'aire  du  cercle  a  donc  pour 

expression  2R  X  7t  X  ^R  ou  "R*-  C'est-à-dire  qu'on 

obtient  l'aire  du  cercle  en  mvltipliant  le  carré  de 
S071  rayon  par  le  rapport  de  la  circonférence  au 
diamètre. 

Soit,  par  exemple,  R  =  4",  on  aura  pour  l'ex- 
pression de  l'aire  : 

le-nqX  3,1416    ou    50'°'î26'î'!56ci. 

7.  Mesure  d'une  aire  terminée  par  un  contour 
crnviLiGXE  QUELCOXQUE.  —  On  peut  toujours,  par  un 
procédé  analogue  à  celui  que  représente  la  figure  5, 
diviser  la  figure  en  triangles  rectangles  ei  en  tra- 
pèzes rectangulaires  dont  un  seul  côté  est  curvili- 
gne. Et  comme  le  cas  du  trapèze  comprend  celui  du 
triangle,  puisque  c'est  celui  où  l'une  des  bases 
du  trapèze  s'annule,  tout  revient  à  savoir  évaluer 
l'aire  d'un  trapèze  curviligne  tel  que  celui  qui  est 
représenté  par  la  figure  7. 


Fig.  7. 

Pour  y  parvenir,  on  divise  la  droite  al  en  parties 
égales  assez  petites  pour  que,  en  élevant  par  les 
points  de  division  des  perpendiculaires  à  al,  on 
obtienne  des  arcs  AB,  BG,  etc.,  que  l'on  puisse 
regarder  comme  sensiblement  rectilignes  ;  on  n'a  à 
évaluer  alors  qu'une  somme  de  trapèzes  rectan- 
gulaires. Soit  e  leur  hauteur  commune,  et  dési- 
gnons par  ho,  hi,  h^,  .  . .  ,  hn  leurs  bases.  Ces  tra- 
pèzes auront  successivement  pour  mesure 

\e.{K  +  K),    \e{hi  +  h^),    \e{hi  +  h).... 

|e(/jn-l  -f  hn), 

dont  la  somme  peut  s'écrire 

c'cst-à-dirc  qu'i/  faut  prendre  la  demi-somme  des 
bases  extrêmes,  y  ajouter  la  somme  de  toutes  les 
autres  bases,  et  multiplier  le  total  par  la  distance 
de  deux  bases  consécutives. 


8.  On  nomme  aussi  aire  la  superficie  des  surfaces 
courbes  (V.  Corps  ronds).  [H.  Sonnet.^ 

AIRES  (Comparaison  des).  —  Géométrie,  XVII  , 
—  Les  relations  que  cette  comparaison  peut  mettre 
en  évidence  sont  en  nombre  indéfini;  mais  en 
n'insiste  que  sur  celles  qui  sont  d'une  application 
continuelle. 

1.  Le  rapport  de  deux  rectangles  est  égal  au  rap- 
port de  leurs  bases  midtiplié  par  le  rapport  de  leurs 
hauteurs. 

Soient,  en  effet.  A,  B,  H,  l'aire,  la  base  et  la 
hauteur  d'un  rectangle,  A',  B',  H'  les  quantités  ana- 
logues pour  un  second  rectangle  ;  on  aura  (V.  Aires 
[Mesure  des]) 

A  =  B  X  H    et    A'  =  B'  X  H', 

d'où,  en  divisant  membre  à  membre, 
A 
A' 


B  X  H  _  B  ^^  H 
B'  X  H'       B"^  H'  ' 


Corollaires.  —  I.  Si  les  hauteurs  sont  égales,  les 
rectangles  sont  entre  eux  comme  leurs  bases  ;  si  les 
bases  sont  égales,  les  rectangles  sont  entre  eux 
comme  leurs  haideurs. 

2.  Le  rapport  de  deux  parallélogrammes  est  égal 
au  rapport  de  leurs  bases  multiplié  par  le  rapport 
de  leurs  hauteurs. 

Même  démonstration  et  mêmes  corollaires  qu'au 
n"  1. 

3.  Le  rapport  de  deux  t)'i angles  est  égal  au  rap- 
port de  leurs  bases  multiplié  par  le  rapport  de  leurs 
hauteurs. 

Même  démonstration  et  mêmes  corollaires  qu'au 
n"  1. 

4.  Deux  triangles  qui  ont  un  angle  commun  sont 
entre  eux  comme  les  produits  des  côtés  gui  com- 
prennent l'angle  commim. 

Soient,  en  effet,  ABC  et  \mn  (fig.  1)  deux  triangles 
qui  ont  un  angle  commun  A.  Tirons  mC  Les  deux 


Fig.  1. 

triangles  Amn  et  AmC,  ayant  le  sommet  m  commun 
et  leurs  bases  An  et  AC  sur  une  même  hgne  droite, 
ont  même  hauteur,  et  sont  par  conséquent  entre 
eux  comme  leurs  bases.  On  a  donc 

Amn  Aw 

KmC  "  AG* 
Par  une  raison  semblable,  les  triangles  AmC  et 
ABC,  qui  ont  le  sommet  C  commun,  sont  entre  eux 
comme  leurs  bases  Am  et  AB.  On  a  donc 
AmC  __  Am 
ABC  "  AB' 
Si  l'on  multiplie  membre  à,  membre    les   deux 
relations  ainsi  obtenues,  et  que  l'on  supprime  le 
facteur  AmC  devenu  commun  aux  deux  termes  du 
premier  membre,  il  reste 

Amn  _  Am  X  An 
ABC  ""  AB  X  AC* 
Remarque.  —  La  même  proposition  s'applique  à 
deux  triangles  séparés  qui  auraient  un  angle  égal; 
car  on  le  rendrait  commun  en  superposant  les  deux 
triangles  comme  dans  la  figure  1. 

5.  Deux   triangles  semtAables    sont    entre    eux 
comme  les  carrés  de  deux  côtés  homologues. 


AIRES 


54  — 


AIRES 


Soient  A  et  A'  les  aires  de  deux  triangles,  o,  b,  c 
les  côtés  du  premier,  a',  b',  c'  les  côiés  homologues 
du  second.  Les  angles  opposés  aux  côtés  homolo- 
gues a  et  a'  étant  égaux,  on  a,  en  vertu  de  la  pro- 
position du  n"  4  : 

A        6  X  c 


A'' 


0"     T7  =  â;X-;. 


b'  X</    "     A'~  b'  "^  d 

Mais  les  triangles  étant  semblables  ont  leurs  côtés 
homologues  proportionnels  (V.  Po/î/5ro?ie5,  p.  1G62); 

,  c 

on    peut    donc   remplacer   le   rapport  -  par  son 


peut 

4. 


et  il  vient 


A 

A' 


-X- 


ou     —,  = 


Ce  qu'il  s'agissait  de  démontrer. 
On  aurait  de  même 

A         c2  A         «2 

Remarque.  —  On  peut,  au  rapport  de  deux  côtés 
homologues,  substituer  le  rapport  de  deux  hau- 
teurs homologues. 

G.  Théorème  de  Pythagore.  —  Dans  un  triaiigle 
rectangle  ABC  (fig.  2)  le  carré  de  l'hypoténuse 
équivaut  à  la  somme  des  carrés  des  deux  côtés  de 
l'angle  droit. 


Fig.  2. 

Abaissons,  en  effet,  du  sommet  C  de  l'angle  droit 
la  perpendiculaire  CD  sur  l'hypoténuse  AB. 

Le  triangle  ACD,  rectangle  en  D,  a  l'angle  en  A 
commun  avec  le  triangle  total;  ces  triangles  sont 
donc  semblables;  et  l'on  a,  en  comparant  leurs 
cotes  homologues, 


AD 
AG 


Ig  =  Â5'     '^'"^     AC^  =  ADXAB.   (1) 

Par  une  raison  analogue,  le  triangle  BCD  est  aussi 
semblable  au  triangle  total,  et  l'on  a  de  même 


DB 
CB 


CB  =  ÂB'    *^'°^    ^^*  =  DE  X  AB.  (2) 

Ajoutant  membre  à  membre  ces  deux  égalités,  on 
obtient 

ÏC*-fBC*  =  ADX  AB+DB  X  AB  =  (  AD+DB)X  AB 

__     _      _=  AB  X  AB  =  ÂbI 
Or  AC  ,  BG  ,  AB    mesurent  respectivement  l'aire 


des  carres  construits  sur  les  trois  côtés  du  trian- 
gle ;  le   carré   construit  sur  l'hypoténuse  équivaut 
donc  à  la  somme  des  deux  autres. 
(V.  une  autre  démonstration  de  ce  théorème, p.  1 061) 
Corollaires.  —  I.  Les  deux  premières  relations 
démontrent  en  même  temps  que   chnque  côté   de 
l'angle  droit  est  moyen  proportionnel  entre  sa  pro- 
jection  sur  l'injpoténuse  et  iliypoténuse  entière. 
n.  Des  deux  relations  ci-dessus  on  déduit 
IC^        AD  X  AB  _  AD 
BG"  ~  BB  X  AB  ~  BD  ' 
c'est-à-dire  que  les  carrés  des  deux  côtés  AC  et  BC 
de  l'hypoténuse  sont  entre  eux  comme  les  segments 
AD  et  BD  de  l'hypoténuse. 

111.  Les  deux  triangles  partiels,  semblables  au 
triangle  total,  sont  semblables  entre  eux;  et,  en 
comparant  leurs  côtés  homologues,  on  obtient 

êïï  =  i      -      CD^  =  ADXDB 

c'est-à-dire  que  la  perpendiculaire  CD  est  moyenne 
proportionnelle  entre  les  deux  segments  de  l'hypo- 
ténuse. 

1.  Deux  polygones  semblables  sont  entre  eux 
comme  les  carrés  de  deux  côtés  homologues. 

On  a  vu  (V.  Polygones,  p.  16G3)  que  doux 
polygones  semblables  peuvent  toujours  se  décom- 
poser en  un  môme  nombre  de  triangles  semblables 
chacun  à  chacun.  Soit  P  l'aire  du  premier  poly- 
gone, T,  T',  T",  etc.,  les  aires  des  triangles  dans 
lesquels  il  est  décomposé,  A,  B,  C,  etc.,  des  côtés 
appartenant  respectivement  à  ces  triangles  ;  et 
soient  p,  t,  t',  t",  etc.,  a,  b,  c,  etc.,  les  grandeurs 
homologues  dans  le  second  polygone.  En  vertu  de 
la  proposition  démontrée  au  n"  6,  on  aura 

T  _  A2       T'  _  B2       'T 

1  "■  ■^'     7  ~  "P'      t"  ~    c2' 

et  ainsi  de  suite. 

Mais  les  seconds  rapports  étant  tous  égaux, 
puisque  les  polygones  sont  semblables,  il  en  est  de 
même  des  premiers,  et  l'on  peut  écrire 

rp  rrrf  rp// 

1  ^  T  ^  T  ^  '  " 

ou,  en  vertu  d'une  propriété  connue  des  propor- 
tions (V.  Proportions), 

_—  èl 


=  — 


T  +  T  +  T'  -h  ... 

T 

t  +  t'  +1"  +  ... 

t 

ou,  ce  qui  revient  au  même, 

P  _  Af^ 

p        a^ 

Ce  qu'il  s'agissait  de  démontrer. 

Remarques.  —  L  Si  les  côtés  homologues  étaient 
dans  le  rapport  de  1  à  2,  les  surfaces  des  polygo- 
nes semblables  seraient  dans  le  rapport  de  1  à  -4. 
Si  les  côtés  étaient  dans  le  rapport  de  1  à  3,  les 
surfaces  seraient  dans  le  rapport  de  1  à  9.  Si  les 
côtés  étaient  dans  le  rapport  de  1  à  10,  les  surfa- 
ces seraient  dans  le  rapport  de  I  à  lOO.  Et  ainsi  de 
suite. 

Si,  au  contraire,  on  voulait  que  les  surfaces 
fussent  dans  le  rapport  de  1  à  2,  il  faudrait  que 
les  côtés  homologues  fussent  dans  le  rapport  de 

1  à  \  2.  Pour  que  le  rapport  des  surfaces  fût  celui 
de  I  à  3,  il  faudrait  que  le  ragport  des  côtés  ho- 
mologues fût  celui  de  1  à  y  3.  Pour  que  le  rap- 
port des  surfaces  fût  celui  de   1   à  10,  le  rapport 

des  côtés  devrait  être  celui  de  1  à  V'iO.  Et  ainsi 
de  suite. 
IL  Au  lieu  des  côtés  homologues  on  pourrait 


AIRES  —  3Î 

considérer  les   diagonales   homologues,    car   elles  j 
sont  proportionnelles  aux  côtés  homologues. 

8.  Deux  pol'igones  réguliers  d'un  même  nombre 
de  côtés  sont  entre  eux  comme  les  carrés  de  leurs  ' 
rayons  ou  comme  les  carrés  de  leurs  apothèmes.     \ 

Deux  polygones  réguliers  d'un  même  nombre  de  ; 
côtés   sont   des  figures  semblables  (V.  Pob/gones  ■ 
réguliers  ;  et  si  Ton  mène  des  raj'ons  à  tous  les  . 
sommets,  les  triangles  ainsi  obtenus  dans  les  deux 
polygones   sont  des  triangles  semblables,  dont  les 
hauteurs  sont  les  apothèmes  ;  ainsi  les  côtés,  les 
rayons  et  les  apothèmes  sont  proportionnels. 

Si  donc  P  représente  l'aire  du  premier  polygone, 
c son  côté,  R  son  rayon, /i  son  apothème,  etP',  c',R',/i' 
les  quantités  ana'logues  pour  le  second  polygone, 
on  aura  d'abord,  en  vertu  de  la  proposition  du 
n"  7, 

L  _  2. 

P'  "■    c'-' 


) —  AIRES 

Une  seconde  construction  semblable  réduira  le 
quadrilatère  AIDE  à  un  triangle  ;  la  moyenne  pro- 
portionnelle entre  la  base  et  la  moitié  de  la  hau- 
teur de  ce  triangle  sera  le  côté  du  carré  demandé. 


Mais,  puisqu'on  a 


on  peut  écrire 


L  _  51  —  ^ 
P'  ""  R'2  ~~  h'*  ' 

Ce  qu'il  s'agissait  de  démontrer. 

9.  Deux  cercles  so7ît  entre  eux  comme  les  carrés 
de  leurs  rayons,  ou  comme  les  carrés  de  le  rs  dU/- 
metres. 

Car,  si  A  et  A'  désignent  les  aires  de  deux  cer- 
cles, R  et  R'  leurs  rayons,  on  a 

A  =  •âRî     et    A'  =  -R-s, 
d'où 

A   _   7^_  R2 
A'  ~   7:R'2  ~  R's" 
Les  diamètres,  étant  le  double  des  rayons,  sont 
dans  le  même  rapport  ;  en  les  désignant  par  D  et  D', 
on  peut  donc  écrire  aussi 

A   _  D2 
A'  ~  D'2  * 

10.  La  comparaison  des  aires  donne  lieu  à  divers 
problèmes,  dont  les  plus  usités  doivent  être  traités 
ici. 

Construire  un  carré  équivalent  à  un  rectangle 
donné. 

Soient  B  et  H  la  base  et  la  hauteur  du  rectangle, 
et  X  le  côté  du  carré  demandé.  On  devra  avoir 

x2  =  B  X  H, 

c'est-à-dire  que  le  côté  cherché  est  la  moyerine 
proportionnelle  entre  la  base  et  la  hauteur  du  rec- 
tangle (V.  Lignes  proportionnelle-'). 

11.  Construire  un  carré  équivalent  à  un  triangle 
donné. 

Construisez  la  moyenne  proportionnelle  entre  la 
base  et  la  moitié  de  la  hauteur;  ce  sera  le  côté  du 
carré  demandé  (V.  n°  10). 

12.  Co7istruire  un  carré  équivalent  à  un  poly- 
gone donné. 

La  méthode  consiste  à  transformer  d'abord  le 
polygone  donné  en  un  polygone  équivalent  ayant 
un  côté  de  moins.  En  répétant  cette  transforma- 
tion un  nombre  suffisant  de  fois,  on  obtiendra  un 
triangle  équivalent  au  polygone  donné  ;  et  l'on 
sait  (11)  construire  un  carré  équivalent  à  ce  trian- 
gle. 

Soit  ABCDE  (fig.  3)  le  polygone  donné.  Tirez  la 
diagonale  DB,  et  par  le  sommet  C  menez  CI  parallèle 
à  DB,  et  joignez  DI.  Les  triangles  BCD  et  BID  seront 
équivalents  comme  ayant  même  base  BD,  et  aussi 
même  hauteur,  puisque  leurs  sommets  C  et  I  sont 
sur  une  même  parallèle  à  la  base.  Si  donc  on  rem- 
place le  triangle  BCD  par  le  triangle  BID,  on  aura, 
au  lieu  du  polygone  ABCDE,  le  polygone  équiva- 
lent AIDE,  qui  aura  un  côté  de  moins. 


Fig.  3. 

13.  Calculer  le  côté  du  carré  équivalent  à  un 
cercle  donné. 

Soit  R  le  rayon  du  cercle  donné,  et  x  le  côté  du 
carré  demandé,  on  devra  avoir 

a;2  =  77R2, 

d'où,  en  extrayant  la  racine  carrée, 

Or  on  trouve 

\fk  =  v/3,l4l592...  =  1,77-245; 

par  conséquent,  on  aura 

a;  =  R  X  1,77245. 

Si,  par  exemple,  le  cercle  avait  lOC"  de  rayon, 
le  côté  du  carré  de  même  superficie  serait 

100"  X  1,77245    ou    177'",245. 

14.  Coîîsfruire  un  carré  qui  'Oit  à  un  car?'é 
do7i7ié  comme  le  nombre  p  est  au  nombre  q. 

Sur  une  droite  indéfinie  portez  une  longueur  AB 
(fig.  4)  égale  àjs  unités  arbitraires,  et  à  la  suite  une 
longueur  BC  égale  à  5  de  ces  mêmes  unités.  Sur  AC 


Fig.  4. 

comme  diamètre  décrivez  une  demi-circonférence, 
et  élevez  au  point  B  la  perpendiculaire  BD  terminée 
à  cette  circonférence  ;  joignez  AD  et  CD.  Sur  DG 
portez  DE  égal  au  côté  du  carré  donné  ;  et,  par  le 
point  E,  menez  EF  parallèle  à  CA.  La  longueur  DF 
sera  le  côté  du  carré  demandé. 

En  efTet,  le  triangle  ACD  est  rectangle  en  D;  et, 
la  droite  DB  étant  perpendiculaire  sur  l'hypoté- 
nuse, on  a  (6,  CoroU.  II) 


AD-   _  AB 
DG'   "BC 


Mais  les  droites  DA  et  DC  étant  coupées  propor- 
tionnellement par  la  droite  EF,  on  a  aussi 


DF' 


DF  _  AD  ,,   ,       ££J   _   ALT   _  p 

DE  -  DG'  °        DË"^   ~   hU   ~   9' 

La  longueur  DE  étant  le  côté  du  carré  donne,  DF 
sera  donc  le  côté  du  carré  demandé. 
15.  Construire  un  polygone  semblable  à  un  poly- 


AIRES 


—  36  — 


AIRES 


gone  donné  et  qui  soit  avec  lui  dans  le  rapport  des 
nombres  p  et  q. 

Soit  P  l'aire  du  polygone  donné  ;  X  celle  du  po- 
lygone demandé.  On  devra  avoir 

P         ~q' 

Mais  si  a  est  un  des  côtés  du  polygone  donné  et 
X  son  homologue  dans  le  polygone  demandé,  on 
devra  avoir 

X  _  £2 
P  ~    «2* 

En  comparant  ces  deux  égalités,  on  en  déduit 


La  question  est  donc  ramenée  à  construire  le 
côté  X  d'un  carré,  qui  soit  à  un  carré  donné  dans 
le  rapport  du  nombre  p  au  nombre  q.  C'est  le  pro- 
blème ci-dessus. 

Une  fois  le  côté  x  obtenu,  on  construira  sur  ce 
côté,  comme  homologue  de  a,  un  polygone  sem- 
blable au  polygone  donné. 

16.  Construire  un  carré  équivalent  à  la  somme  de 
deux  carrés  donnés. 

Construisez  un  triangle  rectangle  dans  lequel  les 
côtés  de  l'angle  droit  soient  les  côtés  des  deux 
carrés  donnés  ;  l'hj'poténuse  de  ce  triangle  sera  le 
côté  du  carré  demandé. 

17.  Étrint  donnés  deux  polygones  semblables,  en 
construire  un  troisième  qui  leur  soit  semblable  et 
qui  soit  équivalent  à  leur  somme. 

Soient  a  et  a'  deux  côtés  homologues  dos  deux 
polygones  donnés  et  x  le  côté  homologue  du  poly- 
gone demandé.  Les  aires  des  polygones  sembla- 
bles étant  proportionnelles  aux  carrés  de  leurs 
côtés  homologues,  si  l'on  désigne  par  P  et  P'  les 
deux  polygones  donnés  et  par  P"  le  polygone  de- 
mandé, on  aura 


2! 
p 


P' 


X- 


d'où 


a"'  -\-  a'2 


P-i-  P' 


P" 


Mais  dans  cette  dernière  égalité  les  dénominateurs 
sont  égaux;  il  doit  donc  en  être  de  même  des  nu- 
mérateurs. Ainsi  le  problème  est  ramené  à  con- 
struire le  côté  X  d'un  carré  équivalent  à  la  somme  de 
deux  carrés  donnés;  c'est  le  problème  du  n"  16.  Une 
fois  le  côté  X  obtenu,  on  construira  sur  ce  côté, 
comme  homologue  de  a,  un  polygone  semblable 
à  P. 

18.  Tracer  un  cercle  équivalent  à  la  somme  de 
deux  cercles  donnés. 

Soient  R  et  R'  les  rayons  des  deux  cercles  don- 
nés, et  X  le  rayon  du  cercle  demandé.  On  devra 
avoir 

nx*  =  nRî  +  itR'S     d'où    a;2  =  R^  +  R'^. 

Le  rayon  demandé  est  donc  l'hypoténuse  d'un 
triangle  rectangle  dans  lequel  R  et  R'  sont  les 
deux  côtés  de  l'angle  droit. 

19.  On  pourrait  demander  de  construire  un  carré 
équivaleni  à  la  différence  de  deux  carrés  donnés. 

En  appelant  a  et  a'  les  côtés  des  deux  carrés 
donnés,  et  x  le  côté  du  carré  demandé,  on  devrait 
aToir 

a;'  ^  a*  —  a'*, 
ce  qui  suppose 

a-  =  a'*  +  a;'. 

La  question  revient  donc  à  construire  un  trian- 
gle rectangle  connaissant  l'hypoténuse  a  et  l'un 
des  côtés  de  l'angle  droit  a',  ce  que  l'on  sait  faire. 
Le  3*  côté  serait  le  côté  du  carré  demandé. 

Ceci  permettrait  de  résoudre  des  problèmes  ana- 
logues à  ceux  des  n"'  16,  17  et  18,  dans  lesquels 


la   somme   serait   remplacée   par   une  différence. 

[H.  Sonnet.] 

Essai  de  simplification,  à  l'usage  de  l'enseigne- 
ment primaire.  —  En  considérant  un  mètre  carré  divi- 
sé en  100  décimètres  carrés, on  voit  que  le  rapport  en- 
tre les  surfaces  du  décimètre  carré  et  du  mètre  carré 
est  j-*Q,  pendant  que  le  rapport  de  leurs  côtés  est  seu- 
lement j^.  La  fraction  jj^  étant  le  carré  de  la 
fraction  ^,  on  peut  dire  que  le  rapport  des  aires 
des  deux  carrés  est  exprimé  par  le  carré  du  rapport 
des  longueurs  de  leurs  côtés.  Cette  relation  s'appli- 
que à  deux  polygones  semblables  quelconques  ;  de 
là  ce  théorème  :  le  rapport  de  deux  polygones  sem- 
blables est  égal  au  carré  du  rapport  de  leurs  côtés 
homologues,  ou,  ce  qui  est  lamême  chose,  au  rap- 
port des  carrés  de  deux  côtés  homologue?,. 

Nous  le  démontrerons  :  1°  pour  deux  triangles; 
2°  pour  deux  polygones  semblables  d'un  Inombre 
quelconque  de  côtés. 

1''  Soient  deux  triangles  semblables  T'  et  T,  les 
côtés  du  plus  petit  T'  étant  par  exemple  les  |  des 
côtés  homologues  du  plus  grand  T,  ou  comme  on 
dit  pour  abréger,  leur  rapport  de  similitude  étant  | . 

Désignons  par  b'  et  b  deux  côtés  homologues  pris 
pour  bases  dans  les  deux  triangles  et  par  k'  et  li 
les  hauteurs.  Le  rapport  ^  des  hauteurs  est  égal 
à  |,   comme  le  rapport  |-    des  bases. 

On  a  pour  les  aires  des  deux  triangles  : 

r,.,       b'yc^h'        ^        bX  h 
1  _       ^      et  1  _      2 

Divisant  membre  à  membre  la  V  égalité  par  la 
2',  on  trouve 

T. 
ï 


b'  X  h'  _  b'     a; 

bXh         b   '^  h' 


Ou,  en  remplaçant  le    rapport  ^'  par  le  rapport 


égalf^ 


è'2  T'        /b'Y- 


2°  Soient  maintenant  deux  polygones  semblables 
P'  et  P,  ayant  un  rapport  de  similitude  égal,  par 
exemple,  à  |  ;  imaginons  qu'on  mène  les  diagona- 
les de  deux  sommets  homologues.  Le  polygone  P' 
sera  décomposé  en  triangles  a',  b',  c'.,..  et  le  poly- 
gone P  en  autant  de  triangles  a,b,c...  respective- 
ment semblables  à  ceux  de  P'.  D'après  le  cas  pré- 
cédent chacun  des  triangles  a'  b'  c',...  sera  les  |des 
triangles  a,  b,  c...  On  aura  donc 


4 

«Xg, 


puis 


t  =  b>:- 


etc. 


Si  l'on  additionne  ces  égalités  membre  h.  membre, 
on  trouve,  en  mettant  *  en  facteur  commun  : 

a'  4-  è'  +  c'...  =  (a  +  é  -f  c)  X  - 

4  P'        4 

ou     P'  =  P  X  g  ;     ou  encore     p  =  g  ' 

ce  qui  démontre  le  théorème. 

Corollaires.  —  1°  Deux  polygones  réguliers  ayant 
le  même  nombre  de  côtés  sont  semblables.  Le  rap- 
port de  leurs  rajons  et  celui  de  leurs  apothèmes 
sont  égaux  au  rapport  de  leurs  côtés  ;  donc  le  rap- 
port de  leurs  aires  est  égal  au  carré  du  rapport  des 
rayons  ou  du  rapport  des  apothèmes. 

2°  Deux  cercles  étant  deux  figures  semblables,  le 
rapport  de  leurs  aires  est  aussi  égal  au  rapport  des 
carrés  des  rayons  ou  des  carrés  des  diamètres.  — 
On  peut  le  prouver  directement.  Soient  deux  cer- 
cles C  et  C,  leurs  rayons  ;•  et  r'  ;  les  aires  seront  : 

C        r- 

C  =  itrî  et  C  =  T.r  «,  d  ou  ç-,  =  pi- 


ALBIGEOIS  —  o 

Applications.  —  1°  Si  pour  faire  le  dallage  d'uni 
vestibule  on  emploie  des  carreaux  hexagones  régu- 
liers dont  le  côté  est  la  moitié  de  celui  de  carreaux  1 
de  même   forme  qu'on  avait   d'abord   adoptés,  le 
nombre  des  petits  carreaux  à  employer  sera  qua- 
druple du  nombre  des  plus  grands. 

2°  Un  propriétaire  qui  a  le  plan  de  son  domaine 
veut  en  faire  une  copie  qui  n'occupe  sur  le  papier 
que  la  moitié  de  l'espace  couvert  par  le  plan  ;  com- 
ment doit-il  opérer? 

Soit  a  un  côté  quelconque  du  plan  et  x  le  côté 
homologue  inconnu  de  la  copie.  Le  rapport  entre  la 
surface  de  la  copie  et  celle  du  plan  doit  être  égal  au 
rapport  des  cari'és  de  ces  côtés,  et  par  conséquent 
il  est  exprimé  par  ^.  D'un  autre  côté,  il  doit  aussi 
être  égal  à  *. 

On  a  donc 

-  =  -,     dou    x^-  =  j-{l) 

On  peut  maintement  résoudre  la  question  de  deux 
manières  :  numériquement  ou  graphiquement. 

Numériqueinent.  —  Pour  éviter  d'avoir  un  radi- 
cal au  dénominateur,  prenons 

œ'  =  — -   au  heu  de    a;-  =  -^  ; 

ce  qui  donne,  en  extrayant  la  racine  carrée, 

œ  =  f  X  V2.  j 

Ainsi  chaque  côté  de  la  copie  doit  être  égal  à  la 
moitié  du  côté  correspondant  du  plan,  multiplié  par 
V^,  c'est-à-dire  par  1,414,  ou,  ce  qui  revient  au 
môme,  doit  être  égal  à  28  fois  la  10*  partie  du  côté 
du  plan,  si  l'on  se  borne  aux  dixièmes. 

Graphiquement.  —  En  mettant  l'expression  (1) 
sous  la  forme 

on  voit  que  chaque  côté  de  la  copie  doit  être  une 
droite  moyenne  proportionnelle  entre  le  côté  homo- 
logue du  plan  et  la  moitié  de  ce  côté.  Cette  con- 
struction est  très-facile  à  effectuer.  Sur  une  droite 
AB  égale  au  côté  a  et  prise  pour  diamètre  on  dé- 
crit une  demi-circonférence  ;  au  centre  on  élève  à 
ce  diamètre  un  rayon  perpendiculaire  OC,  et  la 
corde  AC  est  le  côté  cherché. 


En  suivant  cette  marche,  il  faudrait  construire 
autant  de  demi-circonférences  qu'il  y  aurait  de  côtés. 
Mais  si  on  observe  que  le  côté  cherché  AG  est  l'hy- 
poténuse d'un  triangle  rectangle  isocèle  dont  les 
côtés  de  l'angle  droit  sont  égaux  à  la  moitié  du  côté 
du  plan,  on  pourra  simplifier  la  construction.  Pour 
cela,  on  prolongera  les  côtés  OC  et  OA  de  l'angle 
droit  AOC  ;  puis,  pour  trouver  le  côté  de  la  copie 
homologue  du  2«  côté  6  du  plan,  on  portera  la  lon- 
gueur b  avec  le  compas  sur  les  côtés  de  l'angle 
droit  à  partir  du  sommet  O.  Soient  OA'  et  OC  ces 
longueurs  ;  la  distance  A'C  sera  le  2'=  côté. 

ALBIGEOIS    (Croisade    des).    —    Histoire    de 


'  —  ALBIGEOIS 

France  X.  —  Vers  la  fin  du  douzième  siècle,  cette 
région  de  la  France  qu'on  appelait  avant  la  révo- 
lution le  Languedoc,  et  qui  avait  Toulouse  pour  ca- 
pitale, présentait  un  spectacle  étonnant  pour  le  reste 
de  la  chrétienté.  On  n'y  pratiquait  presque  plus  le 
catholicisme,  surtout  dans  les  hautes  classes  ;  les 
églises  restaient  désertes,  les  monastères  ne  rece- 
vaient plus  aucun  don  ;  les  prêtres  étaient  mépri- 
sés, au  point  qu'on  les  insultait  souvent  et  qu'ils 
n'osaient  pas  se  montrer  en  public.  Il  ne  se  voyait 
rien  de  semblable  ni  même  d'approchant  dans  les 
autres  pays  de  l'Europe  qui  croyaient  fermement 
en  la  religion  catholique,  respectaient  ses  prêtres, 
et  les  enrichissaient.  Quant  aux  causes  de  cet  état 
particulier  au  Languedoc,  nous  ne  pouvons,  dans 
l'état  actuel  de  la  science,  qu'essayer  des  conjec- 
tures. 

Il  est  certain  que  cette  région  était  à  cette  épo- 
que la  plus  civilisée  de  l'Europe.  Les  troubadours 
y  florissaient.  Nulle  part  on  ne  faisait  aussi  bien  les 
vers,  et,  ce  qui  vaut  sans  doute  mieux  encore,  nulle 
part  il  n'y  avait  autant  de  liberté  politique,  au 
moins  dans  les  villes,  et  autant  d'égalité  entre  les 
classes.  Un  grand  nombre  de  cités,  érigées  en  com- 
munes, étaient  de  petites  républiques,  fort  peu  dé- 
pendantes de  leurs  seigneurs.  On  y  exerçait  tous 
les  arts  de  luxe,  on  y  commerçait  activement,  on 
s'y  amusait  aussi,  et  même  les  mœurs  étaient  à 
quelques  égards  trop  libres  ;  enfin  la  bourgeoisie, 
riche,  cultivée,  y  traitait  presque  de  pair  avec  la 
noblesse. 

Parmi  ces  mœurs  élégantes  et  parfois  dissolues, 
des  idées  nouvelles  au  sujet  de  la  religion  s'étaient 
manifestées;  des  sectes  avaient  pris  naissance. 
L'une  d'elles  professait  des  doctrines  qui  ont 
beaucoup  de  rapports  avec  le  protestantisme  de 
l'Ecosse  :  elle  prétendait  à  faire  revivre  les  mœurs 
des  premiers  chrétiens,  rejetait  l'autorité  du  pape,  la 
hiérarchie  ecclésiastique,  et  considérait  les  dogmes 
comme  peu  importants  comparés  à  la  morale.  Les 
partisans  de  cette  secte  portent  dans  l'histoire  le 
nom  de  vaudois.  Une  autre  secte  s'éloignait  bien 
davantage  des  doctrines  orthodoxes.  Selon  celle-ci, 
le  monde  physique  n'était  pas  l'œuvre  de  Dieu, 
mais  celle  d  un  mauvais  ange.  Dieu  avait  créé  les 
hommes  esprits  purs,  mais  le  mauvais  ange  les 
séduisit  et  enferma  ces  esprits  dans  des  corps  ma- 
tériels ;  de  là  le  mal,  sous  ses  formes  diverses.  La 
terre  où  les  hommes  vivent  dans  la  souffrance  et 
dans  le  péché  est  le  véritable  enfer.  Cependant  le 
règne  du  mal  n'est  pas  éternel  ;  les  hommes  ne  sont 
pas  condamnés  à  vivre  indéfiniment  damnés  :  lis 
remonteront  tous  auprès  de  Dieu,  les  uns  plus  tôt, 
les  autres  plus  tard.  Pour  mériter  le  salut,  il  n'y  a 
qu'un  moyen  :  c'est  de  mépriser  le  monde  et  la  vie, 
de  renier  la  nature  humaine,  de  vivre  autant  que 
possible  comme  un  esprit  pur.  On  peut  par  là  ob- 
tenir à  sa  mort  d'être  enlevé  de  sur  cette  terre 
maudite  et  ravi  au  ciel.  Sinon,  on  revivra  encore 
dans  un  corps  d'homme,  peut-être  même  dans  un 
corps  d'animal,  jusqu'à  ce  que  l'expiation  soit  suf- 
fisante aux  yeux  de  Dieu. 

Remarquons  que  la  doctrine  de  cette  secte  la 
rattachait  au  Manichéisme  (deux  principes,  l'un  bon, 
l'autre  mauvais),  mais  que  sa  morale  aboutissait 
à  la  mortification,  à  l'ascétisme,  comme  la  morale 
catholique  elle-même.  Les  partisans  de  cette  secte 
s'appelaient  eux-mêmes  les  cathares  (du  mot 
grec,  qui  signifie  pur)  ;  les  Français  du  nord  les  ap- 
pelèrent Albigeois,  bien  qu'ils  ne  fussent  pas  plus 
nombreux  dans  le  pays  albigeois  que  dans  le  reste 
du  Languedoc  :  c'est  le  nom  impropre  qui  leur  est 
demeuré  dans  l'histoire. 

Il  ne  paraît  pas  que  la  masse  de  la  population 
languedocienne  fût  vaudoise  ou  albigeoise  ;  les 
partisans  décidés  des  deux  sectes  formaient  partout 
la  minorité;  mais  ils  étaient  bien  vus  du  reste  des 
habitants,  qui  étaient  dégoûtés  du  catholicisme,  ou 


ALBIGEOIS 


-  58  - 


ALBUMINE 


pour  mieux  dire  du  clergé  catholuiue,  surtout  les 
seigneurs.  Ceux-ci,  et  à  leur  tôte  le  comte  do  Tou- 
louse, seigneur  suzerain  du  Languedoc,  favorisaient 
ouvertement  les  hérétiques. 

Il  n'était  pas  possible,  avec  les  idées  de  l'époque, 
que  les  pays  catholiques  souffrissent  patiemment 
de  voir  le  Midi  sortir  du  giron  de  l'Église  ;  mais  il 
fallait  un  promoteur.  Ce  fut  le  pape  Innocent  III. 
Traitant  les  Languedociens  comme  des  musulmans, 
il  provoqua,  en  1208,  une  croisade,  c'est-à-dire  une 
guerre  sainte,  où  les  soldats  étaient  assurés  de 
gagner  la  rémission  de  leurs  péchés,  en  sus  du 
butin  qu'ils  pourraient  faire.  Les  Français  du  nord 
se  croisèrent  en  foule,  les  uns  par  un  zèle  aveugle 
mais  respectable  encore  pour  la  religion,  les  autres 
par  des  motifs  beaucoup  moins  purs.  Notons  bien 
qu'à  ce  premier  moment  leur  suzerain  à  tous,  le 
roi  de  France,  ne  remua  pas. 

Innocent  III,  habile  quoique  violent,  sut  diviser 
ceux  qu'il  menaçait  :  il  persuada  au  comte  de 
Toulouse,  Raymond  VI,  suzerain  des  pays  héréti- 
ques, qu'on  le  recevrait  en  grâce,  moyennant  une 
cérémonie  humiliante.  Raymond  VI,  trompé,  laissa 
écraser  son  vassal  le  plus  puissant,  Roger  VI,  comte 
de  Béziers  et  de  Carcassonne.  La  ville  de  Béziers 
fut  emportée  d'assaut,  et  tout  son  peuple  massacré 
sans  distinction  d'hérétiques  ni  de  catholiques  ; 
c'est  un  des  événements  atroces  de  l'histoire  ;  Car- 
cassonne se  rendit.  Les  prélats  qui  formaient  le 
conseil  de  l'armée  élurent  alors  pour  chef  de  l'expé- 
dition un  homme  dévot,  ambitieux  et  habile,  Simon 
de  Montfort  ;  et  ils  l'investirent  des  États  de  Roger. 
Après  quoi,  la  plupart  des  croisés  retournèrent  chez 
eux  (1209).  L'année  suivante,  au  printemps,  ils  re- 
vinrent. Il  faut  savoir  cette  habitude  pour  compren- 
dre la  longue  impuissance  de  la  croisade  contre  le 
Midi,  d'ailleurs  divisé.  Cette  fois,  on  attaqua  le 
comte  de  Toulouse.  Les  campagnes  de  1210  à  1215, 
pendant  lesquelles  il  n'y  eut  qu'une  grande  bataille 
livrée  à  Moret,  et  gagnée  par  les  croisés,  mais  force 
châteaux  assiégés,  pris  et  repris,  aboutirent  à  la 
dépossession  du  comte  de  Toulouse,  au  profit  de 
Simon  de  Montfort.  L'Église,  par  son  concile  de 
Latran  (en  1215),  consacra  ce  que  la  force  avait  fait. 

Pour  les  hommes  du  Midi  cette  guerre  avait  tou- 
jours été  plus  patriotique  que  religieuse. Raymond  VI 
avaitun  fils  maintenant  en  âge  d'homme  et  qui  était, 
ce  semble,  très-aimé  des  peuples.  Ils  ne  purent 
souffrir  de  le  voir  dépouillé  de  l'héritage  de  son 
père.  De  toutes  parts  les  villes  se  révoltèrent  ; 
les  bourgeois,  les  artisans  reprirent,  pour  ainsi  dire, 
la  guerre  à  leur  compte  et  la  menèrent  très-éner- 
giquement.  Simon,  chassé  de  Toulouse,  fut  tué 
«n  121,s  devant  ses  murs,  durant  un  siège  héroïque; 
lefils  de  Simon,  Amaury,  succéda  à  son  père,  mais 
il  vit  bientôt  qu'il  n'était  pas  de  force  à  soumettre 
ses  prétendus  sujets,  surtout  quand  le  populaire 
Raymond  VII  eut  succédé  de  son  côté,  en  1222,  à 
son  père  Raymond  VI.  Amaury  céda  ses  droits  très- 
contestables  au  roi  de  France  Louis  VIII,  en  1225. 
Le  Midi  était  déjà  bien  épuisé  par  ces  invasions 
annuelles  du  Nord  qui  se  renouvelaient  depuis 
17  ans,  quand  la  cession  d' Amaury  le  mit  en  de- 
meure de  se  défendre  contre  un  ennemi  nouveau, 
bien  plus  redoutable,  contre  le  roi  de  France,  sou- 
tenu par  l'Église,  appuyé  de  son  titre  de  suzerain. 
Raymond  VII  résista  quelques  années,  puis  entra 
en  composition.  Par  le  traité  de  Meaux,  conclu 
en  1229,  Raymond  maria  sa  fille  à  Alphonse, 
frère  du  roi  de  France,  qui  était  alors  saint  Louis. 
Il  donna  tous  ses  États  en  deçà  du  Rhône  à  cette 
fille,  partie  sur-le-champ,  partie  après  sa  mort. 
Au  cas  où  elle  n'aurait  pas  d'enfant,  ces  biens  de- 
vaient revenir  au  roi  de  France.  Effectivement  ce 
mariage  fut  stérile,  et  le  roi  de  France  hérita  du 
Languedoc  en  1271. 

Le  traité  de  Meaux  finit  la  guerre  (sauf  une  courte 
reprise  d'hostilités  en  I2il)  ;  mais  il  ne  finit  pas  la 


I  persécution  ;  au  contraire  :  il  livra  le  Midi  au  despo- 
tisme de  Viiiquisilion.  11  y  eut  dans  toutes  les  villes 
[  importantes  un  tribunal  de  prêtres  acharné  à  la 
poursuite  des  hérétiques.  On  les  brûlait  solennel- 
lement; et  leurs  biens  confisqués  allaient  enrichir 
des  hommes  dévoués  à  l'Église.  A  la  longue,  la 
classe  des  personnes  riches  et  des  seigneurs  fut 
ainsi  renouvelée  :il  ne  resta  peut-être  pas  moitié  de 
l'ancienne  noblesse.  Cependant,  tant  que  Rayniùi.d 
VII  vécut,  les  hérétiques  espérèrent  ;  les  seigneurs, 
dans  les  campagnes,  résistèrent  à  l'inquisition.  Ils 
exerçaient  même  des  représailles,  massacrant  les 
prêtres,  brûlant  les  couvents,  forçant  les  inquisi- 
teurs à  se  retrancher  dans  les  villes.  Mais,  après  la 
mort  de  Raymond  VII,  le  Midi  perdit  l'espoir  de 
former  une  nation,  et  les  hérétiques  perdirent, 
ce  semble,  l'espoir  de  donner  à  cette  nation  une  r  >- 
ligion  nouvelle  ;  les  chefs  des  deux  sectes  vaudoi- 
se  et  albigeoise  émigrèrent  alors  en  Italie,  et  jusque 
dans  les  provinces  danubiennes.  Toutefois  l'Église 
trouvait  encore  des  gens  à  brûler  dans  le  Languedoc 
vers  le  milieu  du  quatorzième  siècle. 

On  voit  que  l'hérésie  vaudoise  et  albigeoise  n'a 
pas  duré  moins  de  deux  cents  ans,  à  divers  degrés 
de  ferveur  ;  elle  n'a  été  extirpée  qu'au  prix  de  beau- 
coup de  sang,  de  tortures  et  même  de  crimes.  Pour 
la  bien  juger,  il  faut  la  considérer,  quoiqu'elle  n';;it 
pas  réussi,  comme  le  premier  acte  de  ce  grand  drame 
de  la  Réforme  qui  a  brisé  l'unité  de  l'Église,  séparé 
en  deux  le  monde  chrétien,  et  préparé  des  consé- 
quences qui  sont  loin  d'être  cpuisees.il  est  extrême- 
ment remarquable  que  la  France,  chez  qui  la  réforme 
a  finalement  échoué,  en  ait  fourni  le  premier  essai 
et  le  dessein  original.  |Paul  Lacombe.] 

ALBU3IINE.  —  Chimie,  XXVÎI.  —  lEfijm.  .•'du 
latin  albumen,  blanc  d'œuf).  —  L'albumine  est  une 
substance  organique  que  le  blanc  d'œuf  nous  offre 
presque  à  l'état  de  pureté  complète. 

1.  Albumine  proprement  dite.  —  Albumine  ani- 
male. —  On  la  trouve  dans  le  sang,  le  chyle,  la 
lymphe,  les  sérosités.  C'est  un  des  principes  consti- 
tuants de  la  substance  cérébrale  et  des  nerfs. 

AViumine  végétale.  —  Les  tissus  et  les  liquides 
végétaux  en  contiennent  aussi  des  quantités  très- 
variables.  On  la  rencontre  principalement  dans  les 
haricots,  les  fèves  et  dans  un  bon  nombre  de 
plantes  oléagineuses. 

Coagulation  par  la  chaleur.  —  L'albumine  se 
présente  à  l'état  liquide  dans  le  blanc  d'œuf,  et  à 
l'état  de  dissolution  dans  le  sang. 

L'albumine  liquide  a  une  réaction  alcaline.  Très- 
rapidement  putréfiable,  elle  donne  par  sa  putréfac- 
tion un  nombre  considérable  d'animalcules  et 
répand  une  odeur  nauséabonde  (œufs  pourris,  sang 
gâté  ;  dans  ce  dernier  liquide,  elle  paraît  être  en 
combinaison  avec  la  soude). 

Tout  le  monde  saitqu'ellepeutêtrecoaguléepar  la 
chaleur  et  par  les  acides  ;  elle  est  ou  n'est  pas  so- 
luble,  selon  le  procédé  par  lequel  elle  a  été  coagulée. 

Quand  on  évapore  le  blanc  d'œuf  ou  le  sérum  du 
sang  à  une  température  qui  ne  dépasse  pas  50" 
centigrades ,  l'albumine  desséchée  forme  une  cou- 
che mince,  solide,  transparente,  et  elle  est  alors 
soluble  dans  l'eau.  L'albumine  coagulée  à  une  tem- 
pérature plus  élevée  ou  par  l'alcool  ou  les  acides 
est  au  contraire  insoluble  dans  l'eau. 

Le  sérum  du  sang  humain  se  coagule  entre 
69  et  72°  centigrades  ;  le  blanc  d'œuf  vers  00"  ;  entre 
30  et  Sô"  pour  l'albumine  de  lécrevisse  et  pour 
celle  des  poissons. 

L'albumine  dissoute  est  coagulée  par  les  sels  de 
zinc,  de  plomb,  d'argent,  de  mercure,  par  le  chlore, 
l'infusion  de  noix  de  galle.  L'acide  acétique  est  sans 
action  sur  l'albumine. 

Le  sublimé  corrosif  (bichlorure  de  mercure) 
trouble  un  liquide  qui  ne  contient  que  deux  mil- 
lièmes d'albumine  en  dissolution.  C'est  en  parlant 
de  ce  fait  qu'Orfila  a  recommandé  l'administration 


ALBUMINE 


—  59  — 


ALCALI 


du  blanc  d'œuf  dans  les  empoisonnements  par  les 
sels  mercuriels. 

Composiùon  cJiimiqiie  de  l'albumine.  —  Les 
analyses  des  plus  habiles  chimistes,  Schérer,  Du- 
mas, Cahours,  Boussingault,  n'ont  pas  fait  décou- 
vrir la  plus  petite  différence  entre  la  composition 
de  l'albumine  animale  et  celle  de-l'albumine  végétale. 
Toutes  deux  sont  formées  d'une  combinaison  de 
carbane,  d'hydrogène,  d'oxygène  et  d'azote.  L'une 
et  l'autre  contiennent  en  outre  du  phosphore  et 
du  soufre*,  c'est  ce  dernier  corps  qui  sulfure  et 
noircit  les  ustensiles  et  les  couverts  d'argent  qui 
séjournent  au  contact  du  blanc  d'œuf. 

2.  Albumine ïdes.  —  Fibrine.  —  Caséine.  —  On 
rencontre  dans  le  sang  une  substance  liquéfiée  qui 
se  prend  en  filaments  blancs  élastiques  lorsqu'on 
fouette  ce  liquide  avec  une  baguette,  et  qui  a  ab- 
solument la  même  composition  que  l'albumine  ;  on 
y  trouve  les  mêmes  proportions  d'azote,  de  phos- 
phore, de  soufre  :  c'est  la  fibrine.  Cette  substance  se 
retrouve  à  l'état  solide  dans  la  fibre  musculaire, 
dont  elle  est  l'élément  constituant  principal.  La 
fibrine  est  insoluble  dans  l'eau  froide  ou  chaude  ; 
elle  a  des  propriétés  analogues  à  l'albumine  coa- 
gulée et  à  la  CHseine.  Ces  trois  substances  azotées 
constituent  principalement  ce  qu'on  appelle  les  élé- 
ments quaternaires  ou  albumiaoïdes .  , 

La  fibrine  du  sang  se  gonfle  sans  se  dissoudre 
dans  l'eau  acidulée  par  1/10  d'acide  chlorhydri- 
que  ;  au  contraire ,  la  fibrine  des  muscles  s'y 
dissout  immédiatement;  pour  les  distinguer,  on 
a  appelé  celle-ci  mu<cutine. 

Les  substances  albumiiioïJes  dans  l'alimenta- 
tion.  —  Les  chairs  rouges  ou  noires,  telles  que 
celles  de  mouton,  de  bœuf,  de  lièvre,  de  chevreuil, 
d'oiseaux  sauvages,  sont  plus  riches  en  muscu- 
line  et  plus  nutritives  que  les  chaires  blanches  de 
veaux,  d'agneaux  ou  d'oiseaux  domestiques. 

Le  bouillon  ou  pot-au-feu  renferme  de  l'albu- 
mine, de  la  gélatine,  des  substances  grasses  qui 
en  forment  les  yeux,  mais  point  de  fibrine.  Celle-ci, 
modifiée  par  l'eau  bouillante  et  accompagnée  de 
matières  gélatineuses  et  albumineuses  non  dis- 
soutes, constitue  le  bouilUi,  qui,  quelque  dur 
qu'il  puisse  être,  est  par  conséquent  toujours  en- 
core nutritif,  mais  beaucoup  moins  que  la  viande 
fraîche. 

La  caséine  se  rencontre  principalement  dans  le  lait, 
dont  elle  constitue  l'élémontazotéet  par  conséquent 
nutritif;  le  fromage  blanc  est  presque  exclusive- 
ment formé  de  caséine  ;  les  fromages  forts  doivent 
leurs  propriétés  nutritives  et  excitantes  à  de  la  ca- 
séine dans  un  état  plus  ou  moins  avancé  de  fer- 
mentation. Pour  produire  la  coagulation  de  la  ca 
seine  on  se  sert  de  présure,  substance  grise  en 
fermentation  provenant  de  la  membrane  interne  de 
Testomac  de  veau.  L'acide  lactique  qui  se  déve- 
loppe dans  le  lait  aigri  peut  aussi  coaguler  la  ca- 
séine. Pendant  les  chaleurs  orageuses,  le  sucre  de 
lait  se  transforme  facilement  en  acide  lactique  ;  ce- 
lui-ci coagule  la  caséine  qui  se  précipitera  lorsqu'on 
fera  bouillir  le  lait;  on  dit  alors  qu'il  a  tourné. 

Osséinii  et  gélatine.  —  A  côté  de  ces  substances 
azotées  neutres  se  placent  ordinairement  Vosséine 
et  la  gélatine. 

L'osséine  constitue  avec  le  périoste  la  partie  or- 
ganisée des  os.  Quand  on  les  calcine,  il  ne  reste 
que  les  sels  calcaires  qui  en  constituaient  la  partie 
minérale.  Quand,  au  contraire,  on  met  un  os  dans 
de  l'acide  chlorhj-drique,  les  sels  calcaires  se  dis- 
solvent en  grande  partie,  la  substance  devient  molle, 
flexible  :  c'est  l'osséine  ;  si  on  la  fait  bouillir  dans 
l'eau,  elle  se  transforme  et  devient  de  la  gélalatine. 

La  gélatine  pure  est  incolore,  sans  odeur  et 
sans  saveur,  cassante  si  elle  est  sèche.  Elle  se  gon- 
fle dans  l'eau,  s'y  dissout  à  chaud  et  par  le  refroi- 
dissement elle  se  prend  en  gelée.  La  peau,  les 
tendons,  les  cartilages  des  animaux  sont  riches  en 


gélatine.  C'est  en  faisant  bouillir  dans  l'eau  les  dé- 
bris de  ces  substances  qu'on  fabrique  la  colle  forto 
ou  colle  de  Givet.  La  colle  de  poisson  ou  colle  blan- 
che et  qui  provient  de  la  vessie  natatoire  de  cer- 
tains esturgeons  du  Volga,  est  presque  exclusive- 
ment formée  de  gélatine. 

Htmoyi.biili  .e.  —  Enfin  aux  matières  albumi- 
noides  on  doit  ajouter  la  matière  colorante  du  sang 
ou  hémoglobuline  ;  elle  n'en  a  ni  la  composition  ni 
les  propriétés,  mais  elle  doit  être  considérée  comme 
un  de  leurs  dérivés  ;  en  effet,  elle  se  dédouble 
très-facilement  en  une  substance  albuminoide,  la 
globuline,  et  en  une  matière  colorée,  l'hématine. 

L'hémoglobuline  n'est  point  amorphe  :  elle  cris- 
tallise suivant  des  formes  différentes,  selon  l'ori- 
gine du  sang  dont  elle  provient;  le  sang  d'homme 
donne  des  prismes,  celui  d'écureuil  des  plaques 
hexagonales  ;  elle  contient  du  carbone,  de  l'hydro- 
gène, de  l'azote  dans  les  mêmes  proportions  que 
substances  albuminoïdes  mais  elle  possède  en 
plus  1/2  pour  cent  de  fer. 

Il  est  démontré  aujourd'hui  que  les  substances 
albuminoïdes  ne  sont  point,  comme  on  l'a  cru  long- 
temps, formées  dans  l'organisme  animal  au  moj^en 
de  substances  végétales  absorbées,  mais  qu'elles 
se  trouvent  toutes  formées  dans  les  substances  vé- 
gétales ;  les  herbivores  par  leur  digestion  ne  font 
pour  ainsi  dire  que  les  condenser. 

[A.  Jacquemart.] 

ALCALI.  —  Chimie,  X\l.  —  (E/yn.  Ce  nom, 
d'origine  arabe,  s'apphquait  autrefois  à  une  plante 
marine  dont  on  extrait  la  soude  du  commerce.  I^e 
résidu  provenant  de  sa  combustion  portait  auss'  le 
nom  d'alcali.) 

Définition.  —  Aujourd'hui  les  chimistes  dési- 
gnent sous  ce  nom  toutes  les  substances  (solides, 
liquides  ou  gazeuses)  qui  offrent  plus  ou  moins 
complètement  les  mêmes  caractères  que  la  potasse 
ou  la  soude,  c'est-à-dire  qui  présentent  des  pro- 
priétés absolument  opposées  à  celles  des  acides, 
qui  ramènent  au  bleu  le  tournesol  rougi  par  les 
acides,  qui  ont  une  grande  facilité  à  se  combiner 
avec  les  acides  pour  former  avec  eux  des  sels  neu- 
tres n'ayant  ni  les  propriétés  de  l'acide  ni  celles 
de  la  base. 

Di/fé''enls  alcalis.  —  La  potasse  (jadis  nommée 
(demi  yni'iérat),  la  soude  (autrefois  alcali  végétal), 
et  l'ammoniaque  Udcali  votatd),  sont  les  trois  al- 
calis proprement  dits  :  ils  se  caractérisent  :  r  par 
leur  saveur  acre  et  caustique  ;  2"^  parce  qu'ils  sont, 
ainsi  que  tous  leurs  sulfates  et  carbonates,  com- 
plètement solubles  dans  l'eau.  On  appelle  terrts 
iilcaliues  la  cliaux,  la  baryte,  lastrontiane  et  la  ma- 
gnésie, qui  sont  aussi  notablement  solubles,  mais 
ont  des  sulfates  et  des  carbonates  peu  ou  point 
solubles.  Enfin,  on  appelle  alcalis  végétaux  ou 
ulcaloï  les  des  substances  organiques  azotées  qui, 
sans  être,  comme  la  potasse  et  la  soude,  des  oxydes 
métalliques,  ont  cependant  quelques-unes  de  leurs 
propriétés  (V.  Alcaloïdes). 

Iiécuuverte  de  la  comtosition  des  alcalin.  —  Les 
alcalis,  connus  depuis  très-longtemps,  étaient  en- 
core considérés  à  la  fin  du  siècle  dernier  comme 
des  corps  simples.  Lavoisier,  en  I77G,  avait  soup- 
çonné qu'ils  devaient  être  des  oxydes  métalliques; 
mais  ce  fut  Davy  qui,  en  1807,  parvint  le  premier 
à  les  décomposer  en  les  soumettant  à  l'action  de  la 
pile  voltaïque  ;  c'est  ainsi  que  furent  découverts 
cinq  nouveaux  métaux,  le  potassium,  le  sodium, 
le  calcium,  le  baryum,  le  magnésium,  qui,  combi- 
nés avec  l'oxygène,  forment  les  divers  alcalis.  C'é- 
tait le  plus  grand  progrès  accompli  par  la  chimie 
depuis  la  décomposition  de  l'air  et  de  l'eau. 

Potnsse  et  souie  ciusliques,  c'est-à- lire  à  l'état 
pur.  —  La  potasse  et  la  soude  se  trouvent  dans 
les  laboratoires  sous  forme  de  plaques  blanches, 
opaques,  à  cassure  cristalline,  fondant  au  rouge 
sombre  et  ayant  pour  formule  :  la  potasse  KO,  HO, 


ALCALI 


—  60 


alcaloïdes 


la  soude  NaO,  HO  (K  représentant  un  atome  du 
métal,  le  potassium,  et  Na  un  atome  de  sodium). 
On  voit  que  l'une  et  l'autre  sont  hydratées,  c'est-à- 
dire  contiennent  de  l'eau. 

Leurs  propriétés. —  \''  déliquescence.  —  Ces  deux 
bases  attirent  l'humidité  de  l'air  avec  tant  d'éner- 
gie, qu'exposées  à  l'air  libre  elles  s'imprècrnent 
d'eau  et  tombent  rapidement  en  déliquescence. 

2°  Cnv^tirifé.  —  C'est  une  conséquence  de  leurs 
propriétés  déliquescentes  :  ces  deux  substances 
brûlent  les  tissus  organisés,  parce  qu'elles  enlèvent 
entièrement  l'eau  que  ces  tissus  contiennent.  Aussi 
ce  sont  des  poisons  corrosifs  énergiques.  On  em- 
ploie surtout  la  potasse  en  chirurgie,  comme  pierre 
à  cautères.  Introduit  dans  la  bouche,  un  fragment 
de  potasse,  ou  une  goutte  de  la  dissolution  de 
potasse,  de  soude  ou  d'ammoniaque,  détruit  in- 
stantanément l'épithélium  et  met  à  vif  la  mu- 
queuse, la  fait  rougir  et,  au  bout  de  quelques  ins- 
tants de  contact,  y  produit  des  perforations  et  des 
ulcérations.  Introduit  dans  l'estomac,  l'alcali  le  per- 
fore rapidement.  Le  contre-poison,  autant  qu'il  est 
possible,  doit  être  dans  des  boissons  acidulées. 

Sels  de  pofnsse  et  de  soude,  —  Ces  deux  bases 
forment  avec  les  acides  de  nombreux  sels,  dont  la 
thérapeutique  et  l'industrie  savent  tirer  parti.  Les 
plus  importantes  sont  les  carbonates  de  potasse  et 
de  soude. 

Potasse  du  commerce.  —  Ce  que  dans  le  com- 
merce on  appelle  vulgairement  potasse  est  un 
carbonate  de  potasse,  impur  parce  qu'il  est  fabri- 
qué en  grand  et  non  avec  la  perfection  des  procé- 
dés chimiques  de  laboratoire.  Les  végétaux  terres- 
tres contiennent  une  grande  quantité  de  sels  de 
potasse,  qui  par  la  calcination  se  changent  pour  la 
plupart  en  carbonates.  Par  conséquent  les  cendres 
de  bois  sont  la  source  naturelle  la  plus  abondante 
de  carbonate  de  potasse.  Comme  ce  sel  est  parfai- 
tement soluble  dans  l'eau,  on  voit  qu'il  suffira  de 
passer  les  cendres  à  l'eau  bouillante  pour  en  extraire 
une  forte  proportion  de  carbonate  de  potasse.  Telle 
est  la  raison  chimique  de  la  lesswe. 

Sun  rôle  dans  la  lessive  —  Mais  en  quoi  la  po- 
tasse aide-t-elle  à  laver  le  linge?  Comment  enlève- 
t-elle  les  taches  de  graisse  ?  C'est  que  tous  les  corps 
gras  contiennent  deux  éléments,  dont  l'un  est  un 
corps  neutre,  la  glycérine,  et  l'autre  un  acide 
çiras,  véritable  acide  pour  lequel  les  alcalis  ont 
la  même  affinité  que  pour  tous  les  acides  mi- 
néraux. La  potasse  des  cendres,  dans  la  lessive, 
décompose  les  corps  gras,  se  combine  avec  eux  et 
entraîne  dans  l'eau  toutes  les  matières  grasses  qui 
peu  à  peu,  avec  l'aide  du  battoir  de  la  blanchisseuse, 
se  détachent  du  linge  (V.  Savon). 

Outre  cette  propriété  qui  les  rend  précieux  pour 
la  fabrication  des  savons,  les  sels  alcalins,  les  car- 
bonates surtout,  entrent  dans  diverses  industries, 
notamment  dans  la  fabrication  des  verres  et  des 
cristaux.  Il  était  donc  naturel  qu'on  cherchât  à  les 
produire  en    grandes  quantités  et  à  bon  marché. 

1°  Potasses  extriiiies  des  cendres  de  bois.  —  Dans 
les  pays  où  le  hois  n'est  pas  cher,  dans  ceux  où  les 
difficultés  de  communication  ne  permettent  pas 
d'en  tirer  grand  parti,  on  brûle  du  bois  dans  des 
fosses  d'un  mètre  de  profondeur,  puis  on  en  re- 
cueille les  cendres;  on  passe  ensuite  à  l'eau  bouil- 
lante ;  on  laisse  évaporer  l'eau  de  cette  lessive: 
le  résidu  s'appelle  le  salin;  on  le  fait  recuire  dans 
des  fours  particuliers.  Ce  qui  en  sort  est  la  potasse 
brute  ou  potuss'  perlase,  qu'on  appelle,  suivant  les 
lieux  d'où  elle  vient,  potasse  des  Vosges,  de  Tos- 
cane, de  Russie,  de  Dantzig,  d'Amérique,  etc. 

2°  Potassfs  extraites  de  îne/asses  de  lietlerave. 
—  Depuis  quelques  années  en  France,  notamment 
dans  les  départements  du  Nord,  de  l'Aisne,  on  ex- 
trait beaucoup  de  potasse  (environ  ;500U  tonnes 
par  an),  des  résidus  de  la  fabrication  du  sucre  et  de 
î'eau-de-vie  de  betteraves  :  on  calcine  à  cet  effet  le 


résidu  des  mélasses  fermentées,  et  on  obtient  un 
solid  de  betteraves  qu'on  transforme,  comme  celui 
de  bois,  en  potasse  perlasse. 

3°  Potasses  extraites  d''S  eaux  de  lavage  des  lai- 
ws.  —  A  Elbeuf  et  à  Reims  ,  où  se  lavent  de 
grandes  quantités  de  laines  brutes,  on  utili>e  les 
eaux  de  saint,  qui,  concentrées,  forment  une  sorte 
de  sirop  qu'on  fait  évaporer,  puis  calciner  :  on  en 
tire  un  carbonate  de  potasse  de  bonne  qualité. 

4°  Potasses  extraites  de  la  Hf  de  vin.  —  On  a 
aussi  obtenu  de  la  potasse  presque  pure  par  la 
calcination  des  tartres  renfermés  dans  les  lies  de 
vin,  mais  aujourd'hui  presque  tout  ce  tartre  est 
réservé  à  la  fabrication  de  l'acide  tartrique. 

Carbonates  de  soude.  —  La  soude  du  commerce 
s'obtenait  autrefois  par  le  lavage  des  cendres  pro- 
venant de  la  combustion  de  divers  végétaux  ma- 
rins, et  notamment  du  genre  Salsola.  C'était  la  soude 
des  varechs.  L'Espaorne  en  livrait  la  plus  grande 
quantité  (soude  d'Alicante).  A  la  fin  du  dernier 
siècle,  sous  la  Convention,  à  un  moment  où  la 
France,  en  guerre  avec  l'Espagne,  ne  savait  com- 
ment se  procurer  les  provisions  nécessaires  de 
soude,  un  chimiste  français,  Leblanc,  répondit  le 
premier  à  l'appel  de  la  Convention,  découvrit  et  li- 
vra généreusement  à  la  publicité  un  procédé  de  fa- 
brication artificielle  qui  opéra  une  véritaDle  révo- 
lution dans  cette  industrie.  Il  était  parvenu  à 
fabriquer  le  carbonate  de  soude  par  l'action  do 
sulfate  de  soude  et  de  la  craie  pulvérisée  et  mé- 
langée à  du  charbon.  Le  malheureux  inventeur 
mourut  dans  la  misère  en  iHOa,  mais  aujourd'hui 
le  procédé  Leblanc  (facilité  par  les  fours  spéciaui 
de  d'Arcet)  est  le  seul  qu'on  emploie  en  grand 
pour  cette  fabrication. 

Le  carbonate  de  soude  entre  dans  la  composi- 
tion des  savons  durs  ;  le  carbonate  de  potasse 
dans  celle  du  savon  gras. 

Bicarbonate  de  soude.  —  Ce  sel,  qui  contient 
deux  fois  plus  d'acide  carbonique  que  le  carbo 
nate,  se  rencontre  dans  quelques  eaux  naturelles. 
et  principalement  dans  les  eaux  de  Vichy  :  aussi 
portet-il  le  nom  de  sel  de  Vichy.  Il  est  d'un  usage 
très-fréquent  en  médecine  et  est  l'agent  de  ce 
qu'on  nomme  la  médication  alcaline  :  on  le  re- 
commande comme  facilitant  la  digestion  et  surtout 
comme  combattant  les  sécrétions  calcaires.  En  effet 
il  se  décompose  très-aisément  en  présence  de  la 
chaux  ;  son  acide  carbonique  absorbe  la  chaux  qu'il 
trouve  dans  les  sécrétions  et  donne  lieu  à  du  car- 
bonate de  soude  qui  est  très-soluble,  tandis  que 
le  carbonate  de  chaux  ne  l'est  point:  il  s'accumule 
dans  certains  organes,  y  produit  des  dépôts  calcaires 
très  dangereux. 

Alcalimétrie.  —  Les  potasses  et  les  soudes  du 
commerce  sont  toujours  impures,  et  leur  valeur 
vénale  tient  surtout  aux  quantités  de  potasse  ou 
de  soude  pure  qu'elles  contiennent;  l'industrie  a 
donc  tout  intérêt  à  apprécier  très-exactement  les 
quantités  qu'elles  en  contiennent.  Les  procédés 
employés  pour  arriver  à  cette  évaluation  consti- 
tuent l'alcalimétrie.  On  détermine  la  quantité  d'al- 
cali pur  qu'il  faudrait  pour  neutraliser  complète- 
ment une  quantité  déterminée  d'acide  sulfurique 
pur.  Si,  pour  neutraliser  ensuite  la  même  quantité 
d'acide  sulfurique,  il  faut  une  quantité  trois  ou 
quatre  fois  plus  grande  de  l'alcali  du  commerce, 
c'est  que  celui-ci  ne  contient  que  le  1/3  ou  le  1/4 
de  son  poids  d'alcali  véritable.  Tel  est  le  principe 
très-simple  de  l'alcalimétrie,  imaginée  par  Gay- 
Lussac. 

Pour  les  métaux  alcalins,  V.  Métaux.  —  V. 
aussi  Ammoniaque.  [A.  Jacquemart. j 

ALC.4LoinES.  —  C/»'w2fe,XXV.—  {Elym.:  ana- 
logue aux  alcalis.) 

Découverte  des  alcaloïdes  naturels.  —  En  1820, 
Pelletier  et  Caventou,  pharmaciens  à  Paris,  par- 
vinrent à  extraire,  de  l'écorce  do  quinquina,  deux 


ALCOOL 


—  Gl  — 


ALCOOL 


principes  actifs,  auxquels  le  précieux  végétai  doit 
ses  propriétés  fébrifuges  :  ce  sont  la  quinine  et  la 
cinchonine,  substances  blanches,  solides,  amères, 
solubles  dans  l'alcool,  formées  de  carbone,  d'oxy- 
gène, d'hydrogène  et  d'azote. 
.  C'est  toujours  une  importante  découverte  que 
celle  d'un  principe  médical  qu'on  parvient  à  isoler, 
car  la  thérapeutique  peut  mieux  en  varier  remploi  ; 
mais  la  découverte  faite  par  les  deux  savants  fran- 
çais était  encore  plus  importante,  à  cause  de  ses 
conséquences  pour  la  chimie  organique. 

Ils  constataic/.t,  en  effet,  que  ces  deux  produits 
nouveaux  bleuissaient  le  tournesol  rougi,  et  se 
combinaient  aux  acides  comme  les  alcalis  métal- 
liques :  la  potasse,  la  soude  et  l'ammoniaque 
(V.  l'ariicle  précédent);  de  là  le  nom  d'alcaloïdes 
qui  leur  fut  donné  pour  rappeler  leur  principal 
caractère  chimique. 

En  18  4,  Sertuerner  avait  déjà  constaté  dans  l'o- 
pium un  principe  possédant  les  propriétés  chi- 
miques des  bases  métalliques  ;  on  peut  donc  le 
considérer  comme  ayant  trouvé  le  premier  alca- 
loïde, quoiqu'il  ne  lui  ait  pas  donné  ce  nom. 

Depuis  Pelletier  et  Caventou,  le  nombre  des 
alcaloïdes  découverts  dans  des  sucs  végétaux  s'ac- 
crut rapidement;  on  les  appela  alcaloïdes  naturels, 
par  opposition  aux  alcaloïdes  artificiels  qu'on  par- 
vint plus  tard  à  fabriquer. 

Ces  derniers  sont  extrêmement  nombreux  :  on 
les  nomme  quelquefois  ammoniaques  composées, 
parce  qu'on  les  considère  comme  de  l'ammoniaque 
dans  laquelle  1,  2,  3  équivalents  d'hydrogène  sont 
remplacés  par  d'autres  substances. 
-".Toutes  les  espèces  d'alcaloïdes  naturels  et  arti- 
ficiels contiennent  de  l'azote  et  donnent  de  l'am- 
moniaque en  se  décomposant.  La  thérapeutique  a 
tiré  un  grand  parti  de  l'action  énergique  que  la 
plupart  exercent  sur  l'économie. 

Exemples  d'alcaloïdes. —  L'opium,  qui  est  du  suc 
de  pavot  épaissi  et  qu'on  extrait  des  capsules  de 
pavot  par  une  simple  incision,  contient  plusieurs 
alcaloïdes,  entre  autres  la  morphine  et  la  narco- 
tine,  substances  qui,  prises  en  très-petite  quantité, 
provoquent  la  somnolence,  et,  à  doses  plus  fortes, 
l'insensibiiiLé,  quelquefois  des  convulsions  et  le  té- 
tanos. Le  laudanum  est  une  liqueur  pharmaceu- 
tique dont  l'élément  principal  est  l'opium. 

La  nicotine  est  l'alcaloïde  du  tabac  ;  la  caféine, 
celui  du  café.  ISaniline,  aujourd'hui  très-employée 
en  teiniurerie.  est  l'alcaloïde  du  goudron  de  houille. 

Modes  d'extraction.  —  Deux  méthodes  sont  em- 
ployées pour  l'extraction  de  ces  produits  impor- 
tants :  ceux  qui  sont  liquides  et  volatils  sont  extraits 
par  distillation,  sur  de  la  chaux  ou  de  la  potasse,  de 
la  partie  du  végétal  qui  les  contient;  les  autres 
s'obtiennent  par  des  lavages  avec  de  l'eau  acidulée, 
de  l'alcool  ou  de  l'éther.  [A.  Jacquemart.] 

ALCOOL.  — Chimie,  XXIIL—  (Étijm.  :  de  l'arabe 
al  colio  ,  le  subtil.)  —  L'Académie  écrivait  'dioliul 
jusqu'à  sa  G'  édition,  où  1'/;  étymologique  a  été 
supprimé. 

1.  Alcool  proprement  dit,  alcool  vinique  ou 
esprit-de-vin.  —  C'est  le  liquide  obtenu  par  la 
distillation  du  vin. 

L'dlc'iol  lesulte  de  la  fermentulion.  —  L'alcool 
est  la  base  de  toutes  les  liqueurs  lermentées  :  le 
vin,  le  cidre,  la  bière.  Dans  une  cuve  où  fermente 
du  jus  de  raisin  ou  de  pommes,  le  sucre  se  change 
en  acide  carbonique  et  en  alcool  sous  l'action  des 
ferments  (V.  Fermentidioi,).  Gay-Lussac  ayant  hi- 
trcduit  quelques  grains  de  raisin  dans  une  éprou- 
vette  pleine  de  mercure  et  y  ayant  laissé  pénétrer 
un  peu  d'air  nécessaire  à  la  fermentation,  vit  le 
mercure  chassé  de  l'éprouvette  par  la  pression  de 
l'acide  curboniciuc  naissant,  et  il  put  constater  que, 
la  fermentation  terminée,  il  ne  restait  plus  aucune 
trace  de  sucre,  tandis  que  le  jus  aqueux  contenait 
de  l'alcool. 


Alcool  pur  et  alcools  du  conimerce.  —  La  formule 
de  l'alcool  absolu  est  C^H^O^,  mais  les  hqueurs 
fermentées  ne  sont  que  de  l'alcool  très-étendu 
d'eau.  Pour  l'obtenir  pur,  on  distille  plusieurs  fois 
de  suite  sur  du  carbonate  de  potasse  fondu,  corps 
très-avide  d'eau,  l'alcool  du  commerce  dont  la  ri- 
chesse est  indiquée  par  l'alcoomètre  (V.  Aréo- 
mètre). Dans  l'alcool  absolu  cet  instrument  marque 
11)0°  à  10°  de  température.  Tous  les  alcools  du 
commerce,  les  esprits,  les  eaux-de-vie,  sont  des  mé- 
langes d'alcool  pur  et  d'eau.  —  V.  ci-dessous  At- 
cooliquej  (boissons). 

Découverte  de  l'alcool.  —  On  attribue  la  décou- 
verte de  l'alcool  à  Arnauld  de  Villeneuve,  alchi- 
miste, qui  vivait  à  Montpellier  vers  l;i(lO. 

Raymond  LuUe,  autre  alchimiste  célèbre,  a  dé- 
crit la  rectification  de  l'esprit-de-vin  par  la  distilla- 
tion sur  le  carbonate  de  potasse  fondu. 

Fabrication  de  l'alcool.  —  On  obtient  l'alcool 
en  grand  par  la  distillation  des  liquides  fermen- 
tes, tels  que  le  vin,  le  jus  de  betteraves  fermenté, 
le  moût  obtenu  par  la  saccharification  de  la  fécule 
et  du  grain  et  soumis  ensuite  à  la  fermentation 
(eau-de-vie  de  grains).  L'opération  se  fait  aujour- 
d'hui dans  des  appareils  très-perfectionnés. 

On  obtient  du  premier  coup,  par  une  seule 
distillation,  de  l'alcool  bon  goût  à  !)..°  centésimaux 
(voyez  Aréonièire)  ;  bon  goût,  c'est-à-dire  débarrassé 
de  l'alcool  amylique  (huile  de  pommes  de  terre, 
huile  de  betteraves),  qui  se  forme  en  même  temps 
que  lui  et  en  petite  quantité  dans  la  fermentation 
des  liquides  sucrés. 

Distillation  et  concentration.  —  L'alcool  est  plus 
volatil  que  l'eau;  par  conséquent  un  mélange 
de  ces  deux  liquides  soumis  à  la  distillation  don- 
nera d'abord  un  liquide  plus  riclie  que  celui  dont 
il  provient  ;  il  en  sera  de  même  d'une  deuxième, 
d'une  troisième  distillation  :  tel  est  le  principe  de 
la  concentration  des  alcools  ou  esprits  par  distilla- 
tion. 

Aujourd'hui  ces  distillations  successives  se  font 
pour  ainsi  dire  en  môme  temps  au  moyen  des  ap- 
pareils perfectionnés  de  Derosno  et  Cail  et  de  Lau- 
gier.  Les  vapeurs  mêlées  d'alcool  et  d'eau  sont 
forcées  de  s'clever  dans  une  sorte  de  haute  co- 
lonne où  les  vapeurs  d'eau  se  liquéfient,  celles  de 
l'alcool  «ontinuant  à  monter;  à  mesure  qu'elles 
montent,  elles  atteignent  une  région  plus  froide  et 
se  condensent  à  leur  tour. 

Propriétés.  —  L'alcool  est  un  liquide  incolore, 
volatil,  doué  d'une  odeur  spiritueuse  agréable.  Sa 
densité  est  0,79  à  15°  centigrades.  Il  bout  à  78°, 4 
sous  la  pression  barométrique  normale,  760°"°. 
On  n'a  pas  encore  pu  le  congeler  ;  à  100°  de  froid 
il  a  la  consistance  oléagineuse.  L'alcool  se  mêle  à 
l'eau  en  toutes  proportions.  Le  mélange  produit  de 
la  chaleur,  il  en  résulte  une  contraction  après  le 
refroidissement.  Ainsi  1  lilre  d'eau  mélangé  à 
1  litre  d'alcool  ne  donne  point  2  litres  de  mélange. 
La  plus  grande  contraction  se  produit  quand  on 
mélange  les  deux  liquides  dans  la  proportion  de 
52,3  volumes  d'alcool  pour  47,7  d'eau.  L'alcool 
attire  l'humidité  de  l'air.  Il  déshydrate  les  sels 
contenant  de  l'eau. 

L'alcool  comme  dissolvant.  —  L'oxygène,  le 
cyanogène,  l'acide  carbonique  se  dissolvent  dans 
l'alcool.  11  en  est  de  même  des  résines,  des  corps 
gras,  des  bases  organiques.  La  plupart  des  gaz  y 
sont  plus  solubles  que  dans  l'eau. 

Les  teintures  alcooliques  des  pharmaciens,  telles 
que  la  teinture  d'iode,  ne  sont  autre  chose  que  di- 
verses substances  en  dissolution  dans  l'alcool.  La 
potasse,  la  soude,  un  grand  nombre  d'acides  mi- 
néraux s'y  dissolvent.  Quelques  parcelles  d'acide 
borique  donnent  une  coloration  verte  à  la  flamme 
de  l'alcool. 

Combustion  vive  et  combustion  lente  de  l'aicool. 
—  L'alcool  prend  feu  à  l'air  au  contact  d'une  allu- 


ALCOOL 


—  62  — 


ALCOOL 


mette  enflammée  et  brûle  avec  une  flamme  bleuâtre 
peu  éclairante. 

Si  on  fait  passer  un  courant  de  vapeurs  d'alcool 
dans  un  tube  de  porcelaine  chauffé  au  rouge,  elles 
sont  complètement  décomposées,  on  reçoit  par 
l'autre  extrémité  du  tube  un  mélunge  de  vapeur 
d'eau,  d'oxyde  de  carbone,  d'hydrogène,  de  gaz 
des  marais  'hydrogène  protocarboné)  et  d'hydro- 
gène bicarboné.  Le  tube  est  en  outre  recouvert 
d'une  couche  de  charbon  noir  et  quelquefois  on 
constate  la  présence  de  benzine  et  d'hydrate  de 
phényle.  On  le  voit,  la  décomposition  par  la  cha- 
leur seule  de  ce  corps,  dont  la  formule  est  assez 
simple,  C^H^O^,  peut  donner  naissance  à  un  très- 
grand  nombre  de  produits,  dont  la  nature  peut  en- 
core varier  avec  la  température  à  laquelle  la  dé- 
composition s'opère.  C'est  qu'en  effet,  comme  nous 
l'avons  souvent  constaté  (V.  Chimie  organique), 
les  produits  organiques  ou  leurs  dérivés  formés 
de  carbone  ou  d'hydrogène  sont  extrêmement 
nombreux. 

Quand  l'alcool  subit  une  combustion  lente,  c'est- 
à-dire  une  oxydation  incomplète  (V.  Oxygène),  il 
se  forme  de  l'acide  acétique:  c'est  le  principe  de  la 
fabrication  du  vinaigre. 

Pour  produire  la  combustion  lente  de  l'alcool,  on 
fait  tomber  le  liquide  goutte  à  goutte  sur  du  noir 
do  platine  :  il  se  forme  d'abord  un  produit  d'oxyda- 
tion intermédiaire  et  qu'on  appelle  aldéhyde  ;  ce 
corps  manifeste  sa  présence  par  une  odeur  parti- 
culière, puis,  l'oxydation  se  continuant,  l'aldéhyde  se 
transforme  en  acide  acétique,  suivant  cette  for- 
mule : 
CiI1602  +  02  =  C*H402  -f  2H0. 
Alcool  Oxygène         Aldéhyde  Eau 

C4Hi02         +  02         =  C4H40*. 

Aldéhyde         Oxygène  Acide  acétique 

On  peut  encore  réaliser  la  combustion  lente  de 
l'alcool  au  moyen  de  la  lampe  sans  flamme  de  Dœ- 
bereiner.  C'est  une  lampe  à  alcool  ordinaire,  dont 
la  mèche  est  surmontée  d'un  fil  de  platine  en  spirale. 
Quand  la  lampe  est  allumée,  la  spirale  est  portée 
à  l'incandescence.  Qu'on  éteigne  alors  la  flamme,  les 
vapeurs  d'alcool  viennent  au  contact  de  la  spirale 
encore  chaude  et  éprouvent  alors  la  combustion 
lente,  ce  qui  donne  assez  de  chaleur  pour  reporter 
rapidement  la  spirale  à  l'incandescence. 

2.  Conibinaisons  de  l'alcool  avec  divers  corps. 
—  L'alcool  peut  s'oxyder  vivement  au  contact  des 
corps  riches  en  oxygène,  comme  l'acide  chlorique  ; 
lexpérience  est  même  dangereuse. 

L'alcool  absolu  est  très-énergiquement  attaqué 
par  le  chlore  ;  sous  l'influence  des  rayons  solaires 
chaque  bulle  de  chlore  peut  déterminer  une  in- 
flammation. En  modérant  la  réaction  il  se  forme 
de  l'aldéhyde  d'abord,  ensuite  de  l'éther  acétique 
et  de  l'accial,  puis  enfin  du  chloral  :  C^HCl'O^. 
Ce  produit  est  aujourd'hui  très-employé  en  théra- 
peutique. 

Distillé  avec  du  chlorure  de  chaux,  l'alcool  donne 
du  chloroforme. 

Chauffé  avec  une  solution  d'argent  ou  de  mer- 
cure dans  l'acide  azotique  concentré,  il  se  manifeste 
une  vive  ébuUition  et  au  bout  de  quelque  temps 
on  obtient  un  dépôt  de  fubninate  d'argent  ou  de 
mercure,  poudre  explosive. 

Actio7i  de  l'acide  sulfurique  sur  l'alcool.  For- 
mation de  l'éther.  —  Si  on  verse  de  l'acide  sulfu- 
rique dans  de  l'alcool,  et  qu'on  agite  doucement, 
la  masse  s'échauffe  ;  il  se  forme  une  véritable  com- 
binaison entre  les  deux  corps  :  c'est  l'acide  sulfovi- 
nique.  Si  on  chauffe  ce  mélange  à  140°,  on  obtient 
en  condensant  les  vapeurs  un  liquide  incolore  :  c'est 
l'éther  ordinaire,  appelé  encore  éther  normal.  Sa 
formule  est  C^H'^iO  ;  elle  ne  diffère  de  celle  de  l'al- 
cool que  par  les  éléments  de  l'eau. 

Si  l'acide  sulfurique  est  en  grand  excès  et  qu'on 


'  chauffe  au-dessus  de  HO",  on  obtient  du  gaz  olé- 
I  fiant,  c'est-à-dire  de  l'hydrogène  bicarboné,  C*H*, 
j  l'un  des  gaz  principaux  du  gaz  d'éclairage. 

3  Autres  alcools  ou  alcools  homologues.  —  Les 
I  chimistes  ont  trouvé   un  assez  grand  nombre  de 
,  corps,  tous  liquides,  ayant  des  formules  sembla- 
I  blés   à  celle   de  l'alcool,   et  donnant  lieu   à  des 
I  réactions  analogues  en  présence  des  mêmes  sub- 
stances. Tel  est,  par  exemple,  l'esprit  de  bois  ou 
I  alcool  de  6o/s,  découvert  en  1812,  par  Taylor,  dans 
les  produits  de  la  distillation  du  bois  et  étudié  par 
Dumas  et  Péligot.  Les  chimistes  l'appellent  alcool 
méth'jlique  (C^H^O-;.  M.  Berthelot  a  pu  le  fabri- 
quer artificiellement.  A  l'état  de  pureté,  c'est  un 
liquide  incolore  volatil,  d'une  odeur   spiritueuse. 
L'odeur  empyreumatique   de  l'esprit   de   bois    du 
commerce  est  due  à  des  impuretés. 

Quand  on  distille  le  marc  de  raisin,  on  obtient 
encore  un  alcool,  que  les  chimistes  ont  appelé  alcool 
pi'opylique. 

En  1852,  M.  Wûrtz  put  extraire  de  l'alcool  de 
betterave  un  alcool,  particulier  qu'on  a  appelé  buiy- 
lique. 

Dans  Ihuile  de  marc  de  raisins,  dans  l'huile  de 
pommes  de  terre,  dans  l'huile  de  betteraves  qui 
constituent  les  résidus  de  la  distillation  des  alcools 
de  marc,  de  fécule,  de  betteraves,  M.  Dumas  a 
trouvé  d'autres  produits,  que  ses  travaux,  ainsi  que 
ceux  de  Stas,  Cahours,  Balard,  ont  fait  considérer 
comme  des  corps  analogues  à  l'alcool,  aussi  bien 
par  leur  formule  que  par  les  réactions  et  les  pro- 
duits auxquels  ils  donnent  naissance.  On  connaît 
aujourd'hui  un  grand  nombre  de  corps  semblables, 
qui  constituent  en  chimie  organique  la  classe  si 
importante  des  alcools.  Voici  le  tableau  des  cinq 
premiers,  extrait  de  la  chimie  de  M.  Wurtz. 


S 

c 

AETECaS 

nosis. 

D 

E 

s-  — 

z  — 

de  la    '. 

2 

66,0 

découverte. 

.\Icool    méthjlique     ou 

C2Hi02 

Tavlor,  1812. 

esprit  de  bois. 

Alcool    proprement   dit. 

CtH602 

78,4 

Arnauld 

alcool    éthvlique,    ou 

de  Villeneuve, 

esprit-de-vin. 

13U0. 

.\.lcooI    propvlique   (ex- 

C6H802 

96° 

Chancel,  1833. 

trait  des   eaux-de-vie 

de  marc). 

Alcool  butvlique  (extrait 

CSHiOQS 

109 

WurU,  I85i. 

des  alcools  de  bette- 

rave). 

Alcool    amvlique    (huile 

C12H10Û2 

130    . 

Scheele,  1783. 

de  pomme  de  terre). 

Et  la  série  se  continue  ainsi,  l'hydrogène  (H) 
ayant  toujours  2  équivalents  de  plus  que  le  car- 
bone (C)  et  les  proportions  d'oxj'gène  restant  0*. 

Les  produits  dérivés  de  ces  dili'érents  alcools  ne 
sont  pas  moins  rigoureusement  homologues-  Cha- 
cun d'eux,  en  perdant  2  molécules  d'eau,  devient 
un  hydrogène  carboné  dont  la  formule  dérive 
simplement  de  la  sienne.  C*IF02  devient  C^H* 
(puisqu'il  a  perdu  2H0),  C^H^O^  devient  C«H6,  et 
ainsi  do  suite  ;  2°  chacun  d'eux,  sous  l'influence  des 
oxydants,  se  convertit  d'abord  en  un  aldéhyde,  puis 
en  un  acide  analogue  à  l'acide  acétique  ;  3°  enfin 
chacun  d'eux,  en  se  combinant  avec  les  acides, 
forme  un  éther  composé  lorsque  l'acide  est  oxygéné 
(et  alors  il  y  a  toujours  élimination  d'eau),  un  éther 
simple  lorsque  l'acide  est  hydrogéné;  c'est  le  ca- 
ractère le  plus  constant  des  alcools. 

Pour  se  rendre  compte  de  toutes  ces  réactions, 
ainsi  que  de  leur  remarquable  parallélisme,  les 
chimistes  ont  considéré  toutes  ces  substances,  al- 
cools, éthers,  etc.,  comme  contenant  une  molécule 
typique  jouant  le  rôle  dun  corps  simple  et  carac- 


ALCOOLIQUES 


—  63  — 


ALCOOLIQUES 


térîsant  la  série  alcoolique  ;  c'est  cette  molécule 
qu'on  prend  comme  point  de  départ,  comme  élé- 
ment fixe,  se  retrouvant  dans  tous  les  corps  de  la 
série,  mais  combiné  dans  chacun  d'eux  à  des  pro- 
portions différentes  des  autres  corps.  On  l'appelle 
le  radical  de  la  série  :  dans  la  série  des  alcools,  le 
radical  est  l'hydrogène  carboné  du  gaz  d'éclairage 
qui  se  retrouve  dans  tous  les  alcools.  Cette  manière 
d'envisager  la  théorie  des  innombrables  réactions 
auxquelles  ils  donnent  lieu  n'est  pas  seulement 
un  précieux  fil  conducteur  pour  les  chimistes  dans 
ce  dédale  de  faits  si  compliqués  ;  elle  a  reçu  la 
plus  éclatante  confirmation  par  les  résultats  aux- 
quels elle  a  conduit,  notamment  par  les  fameuses 
synthèses  de  M.  Berthelot.  Cet  illustre  cliimiste, 
p.irtant  du  radical  C^H*  (gaz  d'éclairage  onéthylcne), 
a  pu  fabriquer  de  toutes  pièces  : 

1»  En  y  ajoutant  1  équivalent  d'hydrogène, 
Yéthyle  ou  hydrure  d'éthylène,  C*H5. 

2°  En  ajoutant  au  précédent  1  équivalent  d'oxy- 
gène, ïéther  ou  oxj'de  d'éthyle  C^H^O. 

30  Enfin  en  y  ajoutant  1  équivalent  d'eau  (HO), 
r alcool  ordinaire  ou  hydrate  d'oxyde  d'étliyle 
C'H^O,  HO  ou,  ce  qui  revient  au  même,  C*H^O^. 
(V.  Synthèse). 

Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  s'applique  à 
tous  les  autres  alcools,  en  remplaçant  le  mot 
cthyle  par  les  noms  :  méthyle,  propyle,  butyle, 
amyle,  etc.,  qui  représentent  les  radicaux  des  dif- 
férentes séries,  ou  plus  exactement  leurs  hydrures. 

iNous  avons  insisté  sur  cet  exemple  des  alcools, 
•parce  que  c'est  un  de  ceux  qui  permettent  le  mieux 
de  donner  une  idée  générale  des  méthodes  de  la 
chimie  organique,  de  ses  principes  de  classifica- 
tion, enfin  des  lois,  des  analogies  merveilleuses 
qui  président  aux  combinaisons  en  apparence  les 
plus  compliquées.  [A.  Jacquemart.] 

ALCOOLIQUES.  (Boissons).  —  Chimie,  XXIH  ; 
Hj-giène,  XII.      —  V.  l'article  Boissons. 

1.  (Chimie)  :  Composition  des  boissons  alcooli- 
ques. —  Nous  croyons  utile  de  donner  une  idée 
sommaire  des  proportions  d'alcool  pur  contenues  : 
1"  dans  les  eaux-de-vie  ;  2°  dans  les  vins;  -j"  dans 
d'autres  boissons  fermentées. 

Eaux-de-vie.  —  On  appelle  ainsi  des  mélanges 
d"alcool  et  d'eau  dans  lesquels  la  proportion  de 
Talcool  pur  ne  dépasse  pas  55  ou  6"  degrés,  c'est- 
à-dire  environ  la  moitié  de  leur  volume.  Les  eaux-de- 
vie  de  Cognac  sont  renommées  par  leur  finesse  de 
poùt.  On  les  fabrique  avec  des  vins  blancs  qui  ont 
fermenté  sans  la  peau  du  raisin  et  par  conséquent 
n'ont  pu  se  charger  des  sucs  peu  agréables  au 
goût  que  contient  cette  enveloppe.  Elles  ont  de  49  à 
60  degrés. 

Les  troix-six  sont  des  alcools  qui  marquent 
85"  centésimaux  ;  on  les  nomme  ainsi  parce  que 
trois  parties  mélangées  à  poids  égal  avec  de 
l'eau  produisent  six  parties  d'eaux-de-vie  potables 
de  la  force  de  50°. 

Les  eaux-de-vie  de  marc,  qui  se  fabriquent  sur- 
tout en  Languedoc  et  aussi  en  Bourgogne  et  en 
Champagne,  sont  le  produit  de  la  fermentation  du 
marc  de  raisin  avec  un  peu  d'eau. 

Depuis  que  la  fermentation  du  sucre  de  bette- 
rave a  pris  en  France  une  grande  extension,  on 
fabrique  beaucoup  d'eau-de-vie  de  betterave  dans 
le  Nord,  le  Pas-de-Calais,  l'Aisne  et  l'Oise,  en 
distillant  des  mélasses  fermentées. 

Le  r/ium,  produit  de  la  fermentation  des  résidus 
ou  mélasses  du  sucre  de  canne,  s'obtient  aussi  par 
distillation. 

Le  sch?wps  (ou  péquet),  dont  on  fait  une  grande 
consommation  en  Belgique,  en  Angleterre  et  dans 
le  nord  de  la  France,  est  le  résultat  de  la  distilla- 
tion des  liquides  sucrés  obtenus  par  la  fermenta- 
tion des  grains  de  céréales,  et  principalement  du 
seigle. 

Le  genièvre  de  Hollande  et  le  violent  gin  anglais 


sont  de  l'eau-de-vie  de  grain  parfumée  par  le  fruit 
du  genévrier. 

L'alcool  de  pomme  de  terre  a  une  origine  toute 
semblable  :  la  fécule  de  pomme  de  terre  "est  trans- 
formée en  sucre  par  l'action  des  acides  (V.  Sucre), 
puis  fermentée  et  distillée. 

Tous  ces  alcools  et  eaux-de-vie  contiennent  tou- 
jours des  principes  étrangers  qui  en  font  des  al- 
cools dits  mauvais  goût.  On  les  purifie  par  des  dis- 
tillations répétées  et  bien  dirigées  ou  par  l'emploi 
de  certains  désinfectants. 

Le  kirsch  (abréviation  de  l'allemand  kirsch- 
loasser,  eau  de  cerises)  est  un  alcool  contenant  des 
traces  d'acide  prussique  et  provenant  de  la  distilla- 
tion des  cerises  fermentées  ;  on  en  fait  surtout 
dans  les  environs  de  la  Forêt- Noire;  dans  les 
Vosges,  et  particulièrement  aux  environs  de  Plom- 
bière;  en  Lorraine,  dans  les  Ardennes,  en  Suisse 
et  dans  d'autres  pays.  On  peut  obtenir  ainsi  deux 
liqueurs  tout  à  fait  différentes,  en  distillant  soit 
le  produit  des  noyaux  concassés  et  fermentes,  soit 
la  chair  même  du  fruit. 

Enfin  ïabsiîithe,  qui  est  une  distillation  de  l'eau- 
de-vie  sur  des  têtes  d'absinthe  (plante  commune 
dans  le  Jura),  est  riche  en  alcool  :  elle  peut  en  con- 
tenir jusqu'à,  70  p.  Il  0.  C'est  la  plus  redoutable  des 
liqueurs  alcooliques,  puisque  aux  effets  de  l'alcool 
elle  ajoute  ceux  de  la  plante  elle-même  qui  ne  sont 
pas  moins  pernicieux. 

Vins  et  autrus  boissons  fermentées.  —  Les 
vins  les  plus  alcooliques  sont  les  vins  secs  d'Espa- 
gne. Mais  certains  vins  sucrés  d'Espagne  dégui- 
sent sous  cette  douceur  apparentp  sans  la  rendre 
inoffensive,  leur  puissance  alcoofiqu'' 

Voici  le  tableau  indiquant  les  proportions  en  vo- 
lume d'alcool  pur  contenues  dans  100  parties  des 
diff'érentes  boissons  fermentées.  Vins  (d'après 
M.  Chevallier): 

Porto 19  à  24  p.  100  d'alcool  pur. 

Madère 20  — 

Constance....  18  — 

Xérès 17  — 

Malaga 15  — 

Chypre 15  — 

Frontignan.. .  11  — 

Champagne  non  mousseux 12,77 

Grave 12,30 

Beaune  blanc 12,20 

Angers 12,90 

Champagne  mousseux 11,77 

Cahors.   1 1 ,36 

Màcon  blanc 1 1 ,00 

Volnav 11,00 

Orléans 1 0,66 

Bordeaux  rouge 10,10 

Côte-Uôtie 11, oO 

Pouilly  blanc 9,00 

Léoville 9,10 

Vins  vendus  au  détail  à  Paris 8,80 

Château-Margaux ^',75 

Chàteau-Laffitte 8,73 

Chablis  blanc 7,80 

Les  vins  du  Nord  et  des  environs 

de  Paris 7,00 

Cidres  : 

Premier  cidre  jusqu'à 9,87  p.  100. 

Cidre  ordinaire  jusqu'à. ...       6,o0 
Poiré  (cidre  de  poires) 12  à  16 

Bières  (d'après  Payen)  : 

Aie  de  Burton 8,2 

—   d'Edimbourg 5,7 

Porter  do  Londres,  de 3,9  à  4 ,5 

Petite  bière  de  Londres i,2 

Bière  de  Strasbourg  et  bièi'os 

d'Allemagne 2,5  à  5,0 


ALCOOLIQUES 


—  Ci  — 


ALCOOLIQUES 


Bière  de  Lille 2,9  3,5 

—  de  Paris,  double 2,5  3,0 

—  —     petite 1,0  1,1 

—  des  Ardennes 1,0  2,0 

2.  Hygiène;  :  Usage  et  abua  des  boissons  alcoo- 
liques. —  ^lontaigne  a  dit  que  chez  nous  «  tout 
mal  vient  d'ànerie  »  :  l'ignorance  est  certainement 
pour  beaucoup  dans  l'abus  de  l'alcool  ;  bien  des 
gens  lui  attribuent,  de  bonne  foi,  des  vertus  imagi- 
naires. Les  détromper  est  d'autant  plus  difficile,  que 
certains  symptômes  semblent  leur  donner  raison. 

Erreurs  et  préjugés.  —  Véritables  effets  physio- 
logiques de  l'alcool.  —  On  dit:  l'alcool  combat  le 
froid,  —  aide  à  supporter  la  chaleur,  —  donne  de 
la  force,  —  excite  l'activité.  Ce  sont  là  autant  d'il- 
lusions qui  résultent  d'une  observation  superficielle 
des  premiers  effets  apparents  des  liqueurs  fortes. 

Voici  ce  que  la  science  constate  par  ses  expé- 
riences précises  : 

r  Au  premier  moment,  sous  l'influence  de  la 
boisson  alcoolique  on  éprouve  une  surexcitation  de 
la  sensibilité,  de  la  force  musculaire  ;  la  circula- 
tion devient  plus  active  ;  la  latigue  diminue,  il  se 
déclare  un  véritable  accès  de  fièvre  éphémère. 
2°  ilais  cette  surexcitation  de  vitalité  entraîne 
naturellement  une  certaine  dépense  de  forces  que 
ne  compense  pas  le  carbone  fourni  par  la  décom- 
position de  l'alcool,  en  sorte  que  le  résultat  défi- 
nitif consiste  en  une  perte  qu'il  faut  réparer  par 
des  aliments.  On  pourra,  sous  l'influence  de  l'al- 
cool, accomplir  à  un  moment  donné  une  tâche  ex- 
ceptionnelle :  il  produit  l'effet  d'un  coup  de  fouet, 
mais  il  ne  nourrit  pas  plus  nos  muscles  que  le 
fouet  ne  nourrit  ceux  du  cheval.  Plus  a  été  vive 
cette  excitation  factice  et  passagère,  plus  est  mar- 
quée la  dépression  d'énergie  qui  lui  succède. 
4  3°  L'expérience  prouve  en  outre  que,  dans  les  pays 
froids,  l'alcool,  s'il  réchauffe  momentanément,  a 
pour  résultat  final  un  abaissement  de  la  tempéra- 
ture' ;  dans  les  pays  chauds  on  supporte  mieux  la 
marche,  la  soif  et  le  travail  si  l'on  s'abstient  de 
boire  de  l'alcool. 

■i°  Pour  ce  qui  est  du  travail,  voici  les  résultats: 
130  grammes  d'eau-de-vie  administrés  à  un  homme 
robuste  occupé  à  une  tâche  pénible  ne  produisent 
aucun  résultat  appréciable.  Une  seconde  dose, 
quatre  heures  après,  diminue  notablement  les 
forces  ;  une  troisième  dose  le  rend  incapable  de 
tout  travail. 

5"  Quant  au  travail  intellectuel,  ralcool  ne  peut 
jamais  lui  être  utile.  S'il  surexcite  l'imagination 
pendant  son  action  fébrile,  il  trouble  le  jugement 
et  la  mémoire,  et  son  usage  prolongé  ne  peut 
qu'hébéter  l'intelligence. 

C°  Enfin,  et  c'est  le  pire  danger  de  l'alcool,  comme 
il  provoque  toujours  et  ne  satisfait  jamais  la  soif, 
comme  d'ailleurs  le  palais,  à  mesure  qu'il  s'habi- 
tue à  sa  forte  saveur,  a  besoin,  pour  y  rester  sen- 
sible, d'une  quantité  toujours  plus  grande,  c'est 
une  nécessité  inévitable  que  le  buveur  d'cau-de- 
"vie  aille  en  buvant  toujours  davantage  ;  de  telle 
sorte  que  l'habitude  contractée  devient  presque 
latalemeni,  en  un  temps  plus  ou  moins  long,  une 
irrésistible  passion  et  engendre  l'alcoolisme*. 

Il  ne  faudrait  pourtant  pas  par  excès  de  zèle  aller 
jusqu'à  affirmer  que  l'alcool  à  n'importe  quelle 
quantité  est  toujours  absolument  un  poison.  On  a 
bien  fait  l'expérience  que  si  l'on  empoisonne  un 
chien  par  exemple  avec  de  l'alcool,  on  retrouve 
plusieurs  heures  après  dans  son  cerveau  de  l'al- 
cool non  décomposé  qui  s'allume  au  contact 
d'une  flamme  ;  mais  il  ne  faudrait  pas  en  déduire 
que  l'alcool  ne  subit  dans  nos  organes  aucune  dé- 
composition. Des  analyses  délicates  ont  prouvé,  au 
contraire,  qu'absorbé  en  petite  quantité  il  est  dé- 
composé et  utilisé  par  l'organisme  à  la  façon  du 
sucre  et  des  corps  gras.  Chez  l'homme  adulte  on 


ne  retrouve  de  traces  appréciables  de  l'alcool  dans 
les  urines  que  s'il  en  a  été  absorbé  quelques  cen- 
timètres cubes. 

Entre  les  mains  du  médecin  l'alcool  est  un  re- 
mède précieux,  par  ses  propriétés  énergiques  d'un 
effet  immédiat  et  certain.  Jadis  c'était  un  produit 
de  pharmacie  que  l'on  ne  pouvait  acheter  sans  or- 
donnance. Le  remède,  hélas  !  est  devenu  trop  po- 
pulaire ;  le  liquide  qui  tombait  goutte  à  goutte  de 
l'alambic  du  pharmacien  forme  chez  nous,  chaque 
année,  un  fleuve  de  deux  millions  d'hectolitres! 
Chacun  se  l'administre  à  propos  de  tout  et  à  propos 
de  rien  :  il  en  résulte  un  empoisonnement  public. 

[D'  Saffray.] 

3.  Statistique.  —  Consommation  des  boissons  al- 
cooliques. —  Aux  détails  que  donnent  les  articles 
Vins  et  Boissons,  il  n'est  peut-être  pas  sans  intérêt 
d'ajouter  ici  pour  les  instituteurs  le  résumé  d'un  ré- 
cent et  très-remarquable  travail  publié  par  M.  le  D'^ 
Lunier.  Nous  empruntons  les  chiffres  ci-dessous  à  un 
extrait  de  ce  savant  ouvrage  publié  dans  le  Journal 
de  la  Société  de  statistique  de  Paris,  société  dont  le 
D"^  Lunier  est  président  (n°  de  février  1878). 

Coîisommation  d'alcool  en  France  et  à  f  étran- 
ger. —  Pour  comparer  les  quantités  de  spiritueux 
consommés  dans  les  divers  pays,  on  les  évalue  par 
rapport  aux  quantités  d'alcool  pur  ou  absolu  qu'elles 
contiennent,  et  on  fait  lamoyenne  par  tète  d'habitant. 
Cette  moyenne  n'a  donc  qu'une  valeur  de  comparai- 
son et  n'exprime  qu'une  approximation  grossière. 

Parmi  les  pays  sur  lesquels  la  statistique  croit 
avoir  des  renseignements  suffisants,  on  remarquera 
que  les  uns  présentent  une  consommation  crois- 
sante, les  autres  une  diminution  graduelle. 

Consommation  en  litres  d'a.cool  pur. 

Russie S0,65(180),  10,00(l8-;0) 

Suède 20,00(1840),  10,34(1870). 

Hanemark 16,50  (1845),      ? 

États-Unis 12,00^18231,  11,00  f1R401,  3,50(1870),  7,35  (187t). 

Allemagne 5,00(1860),    7.00(1870). 

Belgique 4,42(1873),    8.:.6  (1870) 

Hollande 4.00(1870),    4,10(1872),  4,78(1873). 

Grande  Bretagne.    4,12;!82.i,    4,30(1850),  4,75(1858),  6,08(1875). 
Autriclie I,40(187.ï) 

Moyennes  pour  la  France.  —  'Voici 'les  quantités 
soumises  aux  droits,  mises  en  regard  de  la  popula- 
tion d'après  le  recensement. 

Population.  Hectolitres  Moyenne 

^  d  alcool.  par'.ete. 

.851         3.5  783  059  622  hOO  1,74 

1856        36  039 -304  768  400  2,13 

1861         37  382  225  882  900  2,23 

1866        38  067  094  96*200  2,53 

1869  38  067  094  1008  750  2,62 

1870  .38  007  094  882790  2,29 
18';2        36102  921  755  463  2,09 

1873  36102  921  934  950  2,58 

1874  36102921  970  550  2,66 

1875  36102  921  1010  050  2,76 
1S76  36  905  788  1  OOî  300  2,71 

D'après  la  Statistique  de  la  France,  la  consom- 
mation moyenne  est  depuis  1873  de  4  litres  par  ha- 
bitant pour  les  communes  à  octroi,  c'est-à-dire  pour 
celles  qui  ont  en  plus  de  leur  population  normale 
la  population  flottante  des  jours  de  fête  et  de  mar- 
ché, et  celle-ci,  on  le  sait,  consomme  souvent  en 
un  jour  autant  d'alcool  que  la  population  fixe  en 
une  semaine. 

Moyennes  par  département.  —  Nous  donnons  ci- 
dessous  d'abord  le  tableau  de  la  consommation  des 
alcools  en  i873,  ensuite  les  observations  aussi  nettes 
qu'importantes  qu'y  ajoute  le  D'  Lunier. 

Nous  n'avons  pas  besoin  d'expliquer  que  ce  ta- 
bleau est  destiné  à  un  double  usage  :  d'une  part,  il 
fournit  les  éléments  d'exercices  et  de  problèmes 
arithmétiques,  d'autant  plus  intéressants  pour  cha- 
que département  qu'ils  le  concernent  directement  ; 
d'autre  part,  il  donne  des  renseignements  positifs, 
comme  il  en  faut  à  l'instituteur  dans  les  nombreuses 


ALCOOLIQUES 


65 


ALCOOLIQUES 


occasions  où  il  peut  être  appelé  à  éclairer  non-seu- 
lement des  élèves,  mais  les  populations  sur  cette 
question   d'intérêt  national. 

Consommation  des  alcools  par  département . 


DEPAATEMENTS. 


POPULATION. 

en  1872. 


COSSOJIMATIOX 


par  départem'.     par  habit 


habitants.  hectol. 

l"  Région  :  Nord-Ouest. 


Finistère 

Côtes-du-Nord. . 

Morbihan 

Ille-et-Vilaine.. 

Manche 

Calvados 

Orne 

Mayenne 

Sarthe 


Total  et  moyenne. 


64-2.963 

622.295 
490.352 
589.532 
544.776 
454.012 
39 S. 250 
350  637 
446.603 


4.539.420 


30.086 
18.622 
11.495 
20.499 
28.087 
30.792 
18  916 
24.083 
14.731 


197.311 


Nord 

Pas-de-Calais 

Somme 

Seiue-Inl'érieure. . . 

Oise 

Aisne 

Eure 

Eure-et-Loir 

Seine-et-Oise 

Seine 

Seine-et-Marne 


Région 

1.447.764 
761. 15S 
557.015 
790.022 
396.804 
552.439 
377.874 
282.622 
oSO.180 

2.220.060 
341.490 


Nord. 


8.307.428 


67.370 
48.253 
44.227 
79  323 
24.039 
40.180 
25.702 
12.472 
29.296 
117.468 
12.4nl 


Total  et  moyenne 

3»  Région  :  Nord-Est. 


500.731 


Ardennes 

Marne 

Aube 

Haute-Marne 

Meuse 

Meurthe-et-Moselle. . 

Vosges 

Haut-Khin 


Total  et  moyenne. 


320.217 

12.680 

380.157 

22.050 

255.687 

6.270 

251.196 

3.942 

284.725 

7.438 

365.137 

8.962 

392.988 

13.565 

56.781 

1.468 

2.312.888 

76.375 

Loire-lnféricure 

Maine-et-Loire 

Indre-et-Loire 

Vendée 

Charente-Inl'érieure. 

Deux-Sèvres 

Charente 

Vienne 

Haute- Vienne 


Total  et  moyenne. 


Région  :  Ouest. 

602.206 
518.471 
317.027 
401.446 
405.653 
331.243 
367.520 
320.598 
322.447 


3.046.611 


6.380 
9.519 
3.147 
2.147 
4.950 
3.286 
3.346 
2.805 
4  281 


39.861 


5«  Région  :  Centre. 


Loir<t-Chcr. . 

Loiret 

Yonne 

Indre 

Cher 

Nièvre 

Creuse 

Allier 

Puy-de-Dome. 


Total  et  moyenne. 


268.801 

3.995 

353.021 

7.449 

363.608 

6.239 

277.693 

3.980 

335.392 

4.219 

339.917 

5.900 

274.663 

2.363 

390.812 

4.895 

566  463 

4.841 

3. 170.370 

43.SS1 

6«  Région  :  Est. 


Cote-d'Or 

Haute-Saonc  . . 

Doubs 

Jura 

Saone-et-Loire 

Rhône 

Ain , 

Haute-Savoie. . 

Savoie 

Isère 

Loire 


Total  et  moyenne. 
3<=  P.mvt:;  . 


374.510 

303.088 
291.251 
287.634 
598.344 
670.247 
363  290 
273.027 
267.958 
575.784 
550.611 


7.700 
3.650 
6.854 
4.550 
8.291 
13.409 
4.016 
1  023 
2.128 
6.975 
8.381 


06.977 


4.68 
2  99 
2.34 
3.48 
5.14 
6  80 
4.75 
6.87 
3.30 


4.35 


4.65 
6.34 
7.74 
10.04 
6.05 
7.27 
6.78 
4.42 
5.05 
5.29 
3.63 


6.03 


DEPARTEMENTS. 


POPULATION. 

en  1872. 


CONSOMMATION 


par  départem'.      par  habit 


habitants 
7»  Région  :  Sud-Ouesl. 


Gironde 

Landes 

Dordogne 

Lot-et-Garonne 

Gers 

Basses-Pyrénées. . . . 
Hautes-Pyrénées. . . . 

Haute-Garonne 

Ariége 

Total  et  moyenne. 


705. 
300. 
480, 
319. 

284. 
426 
235, 
479. 
246. 


210 

493 
200 
.232 
,976 
203 
,4H 
,818 
339 


3.477.340 
8°  Région  :  Sud. 


1.30 
1.16 
0.67 
1  01 
1.05 
0.99 
0.03 
0.80 
0.54 


Corrèze 

Cantal 

Lot 

.\^veyron 

Lozère 

Tarn-et-Garonne.. . 

Tarn 

Hérault 

.\ude 

Pyrénées-Orientales 

Total  et  moyenne 

9»  et  10 

Haute-Loire 

,\rdeohe 

Drôme 

Gard 

Vaucluse 

Basses- Alpes 

Hautes-Alpes 

Bouches-du-Rhône . , 

Var 

Alpes-Maritimes., . , 
Corse 


302.746 

i  987 

231.867 

1.703 

281.404 

1.683 

402.474 

2.620 

135  190 

606 

221  610 

1.319 

352.718 

2  629 

429.878 

4.456 

285.927 

2.586 

191.856 

3.217 

2.835.670 

22.806 

0.95 


0.66 
0.73 
0.60 
0.65 
0.45 

0  59 
0.73 

1  04 
0.90 
1.6S 


0.81 


Régions  :  Sud-Est. 

308.732 

3.972 

1  29 

380.277 

5  288 

1.39 

320.417 

2.068 

0.64 

420.131 

5.800 

1.3S 

263.451 

2.833 

1.08 

139.332 

1.899 

1.37 

118.898 

1.073 

0.90 

554.911 

6.374 

1.15 

293  757 

6.509 

2.22 

199.037 

1.073 

0.54 

258  507 

5.307 

2  05 

3.237.450 

42.196 

1.29 

BECAPITVLATION. 


'  région, 
région, 
région, 
région, 
région, 
région, 
région.  —  S-0... 

région.  —  S 

etlOerég.  —  S.-E. 

Total  et  moyenne 


-N.-O. 
N.... 

■  X.-E. 

■  0... 
C. . . . 
E.... 


4.S39.420 

8.307.428 
2.312.888 
3.646  611 
3.170.370 
4.535.744 
3.477  340 
2  835  670 
3.257.450 


36.102.921 


197.311 
500.731 
76.373 
39.861 
43.881 
66.977 
32.y37 
22.806 
42.196 


4.35 
6,03 
3  31 
1  09 
1.38 
1.47 
0.95 
0.81 
1.29 


2.66 


Observations.  —  «  Les  départements  qui  consom- 
ment le  plus  d'alcool  sont  ceux  qui  consomment  le 
moins  de  vin  :  la  Seine-Inférieure,  la  Somme, 
l'Aisne,  la  Mayenne,  le  Calvados  et  l'Eure.  La  con- 
sommation par  habitant  y  atteint  les  chifiFres  de 
6  litres  80  à  10  litres  d'alcool  pur,  ce  qui  repré- 
sente un  peu  plus  de  IG  à  2:5  litres  d'eau-de-vie  à 
H  2°,  et  nous  avons  compris  dans  le  calcul  les 
femmes  et  les  enfants  I 

«  On  ne  boit  pas  ou  l'on  boit  relativement  peu  d'al- 
cool, au  contraire,  dans  les  départements  essen- 
tiellement vinicoles  :  l'Hérault,  le  Gard,  l'Aude, 
les  deux  Charentes,  le  Gers,  les  Pyrénées-Orien- 
tales, Tarn-et-Garonne. 

«  On  consomme  même  relativement  peu  d'alcool 
dans  ceux  de  nos  départements  qui  produisent  les 
plus  grandes  quantités  d'eau-de-vie  de  vin  :  l'Hé- 
rault, les  deux  Charentes,  le  Gers,  l'Aude,  le  Gard, 
les  Bouches-du-Rliône,  les  Deux-Sèvres,  la  Gironde 
et  la  Dordogne. 

«  Les  départements  où  le  cidre  domine  comme 
boisson  courante  —  l'Ille-et- Vilaine,  le  Calvados,  la 
Manche,  l'Orne,  la  Mayenne,  la  Seine-Inférieure, 
l'Eure  —  sont,  au  contraire,  les  plus  forts  consom- 

6 


ALCOOLISME 


—  66  — 


ALCOOLISME 


mateurs  d'alcool  ;  ce  qui  lient  à  ce  que  le  cidre  que 
l'on  boit  presque  partout  aujourd'hui,  en  Bretagne 
et  en  Normandie,  est  fade  et  indigeste  et  que  les 
Duveurs  de  cidre,  sous  prétexte  de  le  faire  passer, 
—  c'est  leur  propre  expression  —  absorbent  pour 
ainsi  dire  autant  de  verres  d'eau-de-vie  que  de  pots 
de  cidre.  Aussi,  contrairement  à  ce  qui  a  lieu  pour 
le  vin,  plus  la  récolte  du  cidre  est  abondante,  plus 
on  boit  d'eau-de-vie. 

«  Depuis  l>-39,  la  consommation  de  l'alcool  a  aug- 
menté, pour  la  France  entière,  de  38  p.  100  ;  elle 
n'a  diminué  que  dans  la  région  du  Nord,  où  elle 
était  déjà  très-forte  en  I>-39;  elle  est  restée  sta- 
tionnaire  dans  l'Est  et  a  augmenté  dans  toutes  les 
autres  régions. 

«  Dans  la  plupart  des  départements  où  la  consom- 
mation de  l'alcool  a  diminué  ou  est  restée  station- 
naire,  il  y  a  lieu  de  l'attribuer  surtout  à  l'augmen- 
tation de  la  consommation  du  vin,  la  seule  boisson 
qui  paraisse,  avec  la  bière,  pouvoir  lutter  contre 
l'envahissement  des  alcools  d'industrie. 

«  Quand  on  étudie  avec  une  certaine  attention,  en 
effet,  à  ce  point  de  vue  spécial,  les  départements 
où  la  culture  de  la  vigne  est  toujours  restée  dans 
des  limites  fort  restreintes,  —  le  Morbihan,  l'IUe- 
et-Vilaine,  la  Mayenne,  la  Sarthe,  l'Eure-et-Loir,  la 
Seine-et-Oise,  l'Oise,  l'Aisne,  les  Ardennes,  —  et  qui 
forment  une  ligne  non  interrompue  de  l'ouest  à 
l'est,  on  est  frappé  de  ce  fait  que  dans  tous  ces  dé- 
partements les  superficies  plantées  en  vigne  ont 
diminué  depuis  184'i  et  que  c'est  surtout  dans  ces 
départements  que  la  consommation  de  l'alcool  a 
augmenté.  »  ,D''  Lunier.) 

Lectures  recommandées.  —  L'aJu5  des  liqueurs 
fortes  par  le  D'  Bouchardat,  dans  les  Eiitretiens 
populaires  de  l'Association  polytechnique,  2'  série. 
De  l'alcoolisme,  des  diverses  for^ies  du  délire 
alcoolique  et  de  leur  traitement,  par  le  D""  Ma- 
gnan. 

ALCOOLISME.  —  Hygiène,  XII.  ^  —  {Étym. 
Mot  de  création  récente  désignant  l'ensemble  des 
maladies  et  des  vices  qui  résultent  de  l'excès  des 
boissons  alcooliques.) 

Effets  physiolociques  de  l'alcooltsme.  —  Le 
docteur  Magnan,  dont  le  nom  est  attaché  à  l'étude 
scientifique  de  l'alcoolisme,  a  rendu  sensibles  par 
suite  d'expériences  sur  les  animaux  les  ravages 
qu'exerce  l'alcoolisme  dans  le  corps  humain.  {V.  ci- 
dessous  une  saisissante  description  de  l'état  du 
chien  empoisonné  graduellement  par  l'alcool.) 

Chez  l'homme,  les  phénomènes  sont  plus  com- 
plexes et  plus  graves  encore.  L'ivresse  débute 
d'abord  par  une  période  de  surexcitation  factice, 
qui  fait  oublier  les  chagrins,  qui  semble  stimuler 
les  facultés  intellectuelles,  mais  qui  est  bientôt  suivie 
au  contraire  d'une  perturbation  mentale.  Les  idées 
deviennent  confuses  ;  l'ouïe  et  la  vue  sont  sujettes 
à  des  illusions  nombreuses  ;  l'odorat  et  le  goût  sont 
pervertis,  et  la  sensibilité  générale  tellement 
cmoussée  que  les  mutilations  les  plus  graves  ne 
sont  pas  senties.  Les  individus  en  état  d'ivresse 
se  font  les  blessures  les  plus  graves,  dont  ils  ne 
s'aperçoivent  que  lorsqu'ils  sont  dégrisés.  C'est  une 
grande  erreur  de  croire  que  les  liqueurs  alcooliques 
réchauffent  ;  elles  abaissent  au  contraire  la  tempéra- 
ture du  corps,  qui  dès  lors  ne  peut  plus  lutter  contre 
le  froid  extérieur:  de  là  les  fluxions  de  poitrine 
auxquelles  les  ivrognes  sont  sujets. 

Quand,  au  lieu  d'être  une  exception,  l'ivresse  de- 
vient une  habitude,  à  ces  accidents  passagers  suc- 
cèdent des  symptômes  persistants  :  l'ivrogne  de- 
vient irritable  et  inquiet,  il  perd  le  sommeil  et 
l'appétit,  il  devient  le  jouet  d'hallucinations,  qui  le 
poursuivent  d'abord  la  nuit,  puis  jour  et  nuit; 
il  assiste  à  sa  propre  ruine,  il  sent  son  intelli- 
gence décroître,  sa  mémoire  disparaître,  sa  volonté 
s'affaisser,  il  n'a  plus  la  force  de  résister  à  la  pas- 
sion qui  le  tue  ;  le  spectacle  môme  de  sa  honte,  de 


la  misère  et  du  désespoir  où  il  plonge  sa  famille 
n'a  plus  le  pouvoir  de  l'arrêter;  finalement  il  tombe 
dans  le  délire,  de  là  dans  la  démence,  et  aboutit  à 
la  paralysie  générale,  digne  fin  de  celte  misérable 
existence. 

Il  est  douloureux,  mais  malheureusement  né- 
cessaire d'ajouter  que  l'ivrogne  ne  s'empoisonne 
pas  seulement  lui-même  :  il  lègue  à  ses  enfants  le 
triste  héritage  :  le  fils  d'un  invétéré  buveur  est 
souvent  un  buveur  plus  acharné  encore,  un  idiot 
ou  un  épileptique. 

Progrès  de  l'alcoolisme.  —  De  nos  jours  l'alcoo- 
lisme est,  pour  de  nombreux  motifs,  plus  redoutable 
qu'il  ne  l'a  jamais  été.  Les  anciens  aussi  s'eni 
vraient  sans  doute  ;  mais  d'abord  ils  ne  s'enivraient 
que  de  vin,  puisqu'ils  ne  connaissaient  pas  l'eau- 
de-vie  ;  et  de  plus  ils  se  livraient  une  partie  de  la 
journée  à  des  exercices  violents,  la  lutte,  la  course, 
la  palestre  et  d'autres  jeux  gymnastiques,  ce  qui 
leur  permettait  d'absorber  impunément  une  quan- 
tité de  boissons  qui  serait  fatale  de  nos  jours  à  des 
gens  enfermés  dans  un  atelier,  un  magasin  ou  un 
bureau.  L'eau-de-vie  même  fut  pendant  longtemps 
inoffensive  en  comparaison  de  ce  qu'elle  est  aujour- 
d'hui. Il  est  'tTai  qu'elle  a  du  xV  au  xviii^  siècle, 
mille  fois  plus  que  les  armes,  contribué  à  détruire 
les  races  indigènes  des  deux  Amériques  et  de  l'O- 
ccanie  ;  mais,  du  moins  en  Europe,  elle  n'exerçait 
pas  de  ravages  aussi  considérables.  Aujourd'hui,  pai- 
un  double  et  fatal  mouvement  en  sens  inverse,  la 
consommation  s'accroît  autant  que  la  qualité  dimi- 
nue. Plus  s'aggravent  les  impôts  qui  pèsent  sur  l'al- 
cool, plus  la  fabrication  s'ingénie  à  produire  à  bas 
prix  des  alcools  malsains  :  l'eau-de-vie  de  blé, 
d'orge,  de  betterave,  de  cidre,  de  pomme  de  terre, 
et  en  un  mot  les  alcools  d'industrie  et  les  liqueurs 
frelatées  de  toute  sorte,  remplacent  peu  à  peu 
l'oau-de-vie  saine  qui  devient  d'un  prix  trop  éle- 
vé. Il  est  facile  de  comprendre  que  les  effets  en 
soient  infiniment  plus  pernicieux  pour  la  santé 
publique. 

Et  il  n'est  pas  étonnant  que  ces  progrès  effrayants 
de  l'alcoolisme  soient  une  des  questions  qui  pré- 
occupent le  plus  les  hygiénistes  et  les  économistes. 
La  loi  pour  la  répression  de  l'ivresse  publique 
votée  le  3  février  1873,  et  due  surtout  aux  efforts  de 
MM.  Desjardins,  Laboulaye  et  D'  Roussel,  est  une 
des  premières  mesures  prises  pour  arrêter  le  déve- 
loppement du  mal.  Une  autre  mesure  salutaire 
serait  de  diminuer  le  plus  possible  les  impôts  sur 
le  vin:  les  populations  boivent  d'autant  moins  de 
mauvais  alcools  qu'elles  peuvent  boire  plus  de  vin 
naturel. 

Enfin,  les  économistes  et  les  philanthropes  s'ac- 
cordent à  conclure  que  le  plus  lent  peut-être,  mais 
le  plus  efficace  de  tous  les  moyens  pour  arrêter  le 
fléau  de  l'alcoolisme,  c'est  la  diffusion  de  l'instruc- 
tion élémentaire,  de  l'éducation  morale;  pour  dé- 
fendre l'homme  contre  lui-môme,  il  n'y  a  rien  de 
mieux  que  sa  conscience  et  sa  raison. 

fAdr.  Desprez.] 

Dictées.  —  Effets  de  l'f.ai-de-vie  siii  lrs  ani- 
maux. —  «  Pour  constater  les  effets  de  l'alcool  sur 
l'organisme,  j'entrepris  de  mêler  aux  aliments  d'un 
chien  une  petite  quantité  d'alcool  et  d'observer  les 
phénomènes  qui  se  produisaient.  Cette  expérience, 
répétée  un  grand  nombre  de  fois  sur  des  sujets 
d'âge,  de  taille  et  d'espèce  différentes,  donnent  loti- 
jours  les  mêmes  résultats.  Le  premier  jour,  l'ani- 
mal, légèrement  excité,  saute,  jappe,  caresse,  court, 
va  et  vient  en  tous  sens  ;  puis  assez  rapidement  il 
se  montre  comme  hébété,  il  tombe  dans  un  état  de 
demi-torpeur  ;  son  corps  se  refroidit,  la  circulation 
diminue  d'activité;  bientôt  la  paralysie  s'empare 
du  train  postérieur  et  va  pou  à  peu  en  envanissant 
tous  les  membres.  Dès  le  quinzième  jour  de  cet 
empoisonnement  à  petite  dose,  il  survient  une  sus- 
ceptibilité nerveuse, une  impressionabilité  remarqua- 


ALEXANDRE 


—  67  — 


ALEXANDRE 


bles.  L'animal  estinquict,  triste  ;  il  écoute,  il  se  tient 
aux  aguets,  le  moindre  bruit  le  fait  tressaillir  ;  il  ne 
répond  plus  aux  caresses,  s'éloigne,  se  cache,  cher- 
che à  mordre  dès  qu'on  veut  le  saisir.  Vers  la  fin 
du  premier  mois  arrivent  les  illusions  et  les  hallu- 
cinations, qui  se  transforment  en  véritable  délire. 
Avec  le  délire,  on  voit  apparaître  dès  le  second 
mois  un  tremblement,  qui,  d'abord  localisé  dans  les 
pattes,  se  généralise  peu  à  peu,  gagne  les  muscles 
du  tronc  et  de  la  tête,  et  l'on  crée  ainsi  à  volonté 
ce  terrible  accès  de  delirium  tremens  que  l'homme, 
bêlas  !  ne  craint  pas  de  donner  à  lui-même.  Ce  sont 
là  les  troubles  de  l'intelligence  et  du  mouvement  ; 
mais  avec  eux  se  produisent  des  lésions  graves  des 
centres  nerveux,  des  organes  digestifs,  des  appa- 
reils circulatoires  et  respiratoires  :  le  poison  s'est 
répandu  partout,  et  partout  il  a  laissé  des  traces  de 
son  passage. 

«  La  même  expérience,  faite  avec  l'absinthe  au  lieu 
d'alcool,  donne  des  résultats  plus  elTrayants  en- 
core et  plus  rapides.  Au  bout  de  très-peu  de  jours, 
l'animal  est  saisi  de  secousses  musculaires  et  de 
■vertiges  épileptiques.  Vingt  centigrammes  d'es- 
sence d'absinthe  injectés  dans  les  veines  d'un  chien 
produisent  instantanément  de  véritables  accès  d'é- 
pilepsie.  »  (D'  Magnan.) 

ALKXANHRE— Histoire  générale,  IX.  —  Né  à 
Pella  (Macédoine)  en  356  avant  J.-C,  mort  à  Ba- 
bylone  en  323. 

Le  nom  d'Alexandre  est  un  de  ceux  qui  ont  tra- 
versé les  âges  avec  le  plus  d'éclat,  un  de  ceux  qui 
ont  laissé  une  trace  ineffaçable  dans  l'imagination 
des  peuples.  Aussi  est-ce  un  des  plus  rares  cha- 
pitres d'histoire  ancienne  qui  aient  leur  place  mar- 
quée dans  le  cadre  des  études  primaires.  Nous 
nous  efforçons  d'en  tracer  ci-dessous  l'esquisse  mé- 
thodique. 

1.  Enfance  d'Alexandre.  —  L'enfance  d'Alexan- 
dre, comme  celle  de  tous  les  grands  hommes  de 
l'antiquité,  a  été  entourée  de  légendes  :  c'est  la 
forme  naturelle  de  l'admiration  populaire  pour  les 
personnages  qui  passent  la  mesure  commune.  Il 
était  né  la  même  nuit  où  un  fou  vaniteux,  nommé 
Erostrate,  briila  le  temple  de  Diane  à  Ephèse,  une 
des  merveilles  de  l'art  antique,  uniquement  pour 
faire  parler  de  lui. 

Bucéphale.  —  Il  n'y  a  rien  d'invraisemblable  à 
admettre  que,  tout  enfant,  il  donna  des  marques  de 
ce  caractère  ardent,  de  cette  vive  intelligence,  de 
«e  courage  impétueux  et  tenace  tout  ensemble,  qui 
devaient  le  mener  si  loin.  La  légende  nous  le  mon- 
tre tout  jeune,  domptant  un  jour,  à  la  stupéfac 
tion  de  tous,  un  magnifique  cheval  sauvage  que  nul 
n'avait  pu  monter:  son  père  lui  en  fit  cadeau;  c'est, 
dit-on,  ce  même  cheval,  nommé  Bucéphale,  quilo 
porta  plus  tard  de  victoire  en  victoire  jusqu'aux 
extrémités  du  monde. 

Education  d'Alexandre.  —  Ce  qui  est  plus  au- 
thentique, c'est  que  son  père  Philippe,  roi  de  Ma- 
cédoine, ne  négligea  rien  pour  lui  faire  donner 
l'éducation  convenable  à  un  prince  qu'on  veut  pré- 
parer aux  plus  grandes  destinées.  Il  lui  donna  pour 
précepteur  non  pas  seulement  le  plus  savant  des 
maîtres,  mais  un  homme  de  génie,  le  premier  pen- 
seur du  monde  antique,  Aristote.  (Sur  cette  éduca- 
tion ,  V.  l'article  Aristote  dans  la  P*  Partie  du 
Dictionnaire.) 

Vingt  anecdotes  ont  trait  à  l'insatiable  soif  de 
gloire  que  la  nature,  aidée  peut-être  par  cette  édu- 
cation, lui  inspira  ^ès  l'enfance  (V.  Anecdotes  dans 
la  I"  Partie.) 

2.  Premières  années  de  son  règne.  —  Alexandre 
succéda,  en  3;56  avant  J.-C,  à  son  père  Philippe.  Il 
avait  l'O  ans  quand  il  devint  roi,  33  ans  quand  il 
mourut.  Son  règne  n'a  donc  duré  que  13  années; 
mais  ces  13  années  sont  pleines  de  grands  événe- 
ments. 

Etat  de  la  Macédoine  à  la  mort  de  Philippe.  — 


Philippe  avait  fait  de  ia  Macédoine,  naguère  bar- 
bare, un  Etat  puissant.  11  lui  avait  donné  une  organi- 
sation militaire  incomparable,  des  revenus  réguliers, 
des  frontières  sûres,  enfin  une  double  suprématie, 
d'une  part  sur  les  barbares  de  la  Thrace  et  du  Da- 
nube qu'il  avait  asservis  par  la  force,  de  l'autre 
sur  la  Grèce,  que,  malgré  l'éloquence  de  Démos- 
thènes,  il  avait  réduite  à  l'obéissance  par  son  habile 
politique. 

Cependantcette  conquête,toute  fraîche  encore. n'é- 
tait pas  affermie.  A  la  mort  de  Philippe,  Grecs  et  Bar- 
bares se  soulevèrent  à  la  fois.  Si  le  prince  de  vingt  ans 
qui  lui  succédait  eût  été  faible  ou  médiocre,  l'œu- 
vre de  Philippe  périssait.  Alexandre  fit  face  à  tout. 
En  moins  de  deux  années,  les  peuples  barbares, 
Triballes  au  nord,  Illyriens  à  l'ouest,  avaient  été 
domptés  ;  au  sud,  Thèbes  avait  été  enlevée  d'as- 
saut, et  la  Grèce,  deux  fois  parcourue  par  les 
armes  victorieuses  d'Alexandre  acceptait  sa  domi- 
nation. La  promptitude  merveilleuse  avec  laquelle 
il  s'était  transporté  du  centre  de  la  Grèce  jusqu'au 
nord  de  la  Thrace  pour  revenir  ensuite  devant 
Thèbes  révoltée,  son  apparition  subite  partout  où 
était  le  danger,  la  vigueur  et  la  précision  des  mou- 
vements qu'exécutait  la  masse  imposante  de  la  Îsl- 
mevise phalange  macédonienne,  véritable  forteresse 
vivante  formée  de  16  000  hommes  et  appuyée  de 
corps  spéciaux,  d'archers  et  de  cavaliers,  le  succès 
d'opérations  militaires  surprenantes  pour  le  temps, 
comme  le  passage  du  Danube,  préparé  avec  une 
prudence  minutieuse,  et  accompli  sous  les  yeux 
d'une  armée  barbare  impuissante  à  l'empêcher:  il 
n'en  fallait  pas  davantage  pour  frapper  les  esprits 
d'étonnement.  Les  défauts  mêmes  du  jeune  vain- 
queur tournaient  au  profit  de  son  ambition.  Violent 
et  emporté,  il  assouvit  sur  Thèbes  toutes  ses  colè- 
res. La  malheureuse  cité  fut  rasée,  ses  habitants 
furent  vendus  à  l'encan.  Il  terrifiait  la  Grèce  par 
cet  exemple  effrayant.  Avide  de  gloire,  affamé  de 
louanges,  il  ménagea  au  contraire  Athènes,  la  ville 
des  lettres  et  des  arts,  la  grande  dispensatrice  de 
la  renommée.  Il  se  donnait  ainsi,  après  les  béné- 
fices de  la  rigueur,  le  mérite  de  la  clémence. 

3.  Expédition  d'Alexandre  contre  la  Perse.  — 
Projets  de  Philiupe  et  ses  motifs  politiques.  —  Au 
moment  où  la  mort  l'avait  frappé,  Philippe  médi- 
tait un  grand  projet,  la  guerre  contre  la  Perse. 
Rien  n'était  mieux  conçu  pour  établir  la  domina- 
tion macédonienne  en  Grèce,  pour  détourner  les 
esprits  du  regret  de  l'indépendance  perdue.  En  ré- 
veillant le  souvenir  des  guerres  médiqucs,  on  déve- 
loppait une  sorte  de  patriotisme  hellénique  qui  im- 
posait silence,  au  nom  de  l'intérêt  général,  aux 
ressentiments  et  aux  intérêts  particuliers  des  cités. 
On  légitimait  les  empiétements  de  la  Macédoine, 
on  répondait  par  des  services  éclatants  aux  imputa- 
tions de  Démosthènes  et  de  ses  amis,  qui  repro- 
chaient à  Philippe  et  à  Alexandre  d'être  des  étran- 
gers et  non  des  Grecs  ;  on  faisait  oublier  l'asservis- 
sement à  force  de  gloire. 

Alexandre  reprend  ce  projet.  —  Alexandre  sem- 
ble avoir  pris  au  sérieux  le  rôle  de  vengeur  de  la 
cause  grecque  qu'il  s'était  attribué.  Par  une  sorte 
d'illusion  littéraire,  il  s'exaltait  au  souvenir  de  la 
guerre  de  Troie,  relisait  les  exploits  des  héros 
d'Homère,  célébrait  des  jeux  guerriers  sur  l'empla- 
cement présumé  de  leur  tombeau. 

Difficultés  et  chances  de  succès  de  l'entreprise.  — 
Au  premier  abord,  on  devait  trouver  téméraire 
l'idée  d'une  agression  contre  le  colossal  empire 
perse.  Quelle  disproportion  entre  ce  petit  Etat  de 
la  Macédoine,  même  traînant  après  elle  la  Grèce  à 
peine  soumise, et  l'immense  royaume  qui  compre- 
nait tous  les  pays  formant  aujourd'hui  la  Turquie 
d'Asie,  la  Perse,  le  Turkestan,  l'Afghanistan  et  le 
Béloutcliistan  (les  montrer  sur  la  carte  d'Asie  ou 
sur  la  Mappemonde). 

Mais  cette  grandeur  de  la  Perse  était  plus  appa- 


ALEXANDRE 


—  G8  — 


ALEXANDRE 


rente  que  réelle.   L'expédition  des  Dix-Mille   (V. 

Grèce)  avait  déjà  révélé  les  faiblesses  de  la  Perse  : 
la  plupart  des  provinces  à  peine  soumises,  les  sa- 
trapes ou  gouverneurs  toujours  prêts  à  se  révolter, 
la  cour  du  grand  roi  énervée  par  la  dépravation  et 
la  discorde.  Depuis  Xerxès  jusqu'au  souverain  qui 
régnait  alors,  le  jeune  Darius  Codomcm,  presque 
tous  les  rois  de  Perse  étaient  morts  assassinés.  L'ar- 
mée perse  était  innombrable  ;  mais,  si  ion  excepte 
les  mercenaires  grecs  qui  y  prenaient  du  service, 
elle  comptait  peu  de  bonnes  troupes;  c'était  moins 
une  armée  qu'une  multitude  confuse  et  incohé- 
rente. 

Si  la  Perse  avait  pour  elle  sa  masse  énorme,  la 
Macédoine  avait  l'unité  de  son  gouvernement,  l'ex- 
cellente organisation  de  ses  forces  niilitairiA.  La 
partie  était  à  peu  près  égale.  Le  génie  d'Alexandre 
devait  décider  les  résultats. 

Départ  d'Alexandre.  —  Laissant  en  Europe  son 
lieutenant  Antipater,  chargé,  avec  1500  cavaliers 
et  12  000  fantassins,  de  garder  la  Macédoine  et  de 
contenir  la  Grèce,  Alexandre  franchit  l'Hellespont. 
L'armée  qu'il  passa  en  revue  sur  le  rivage  asia- 
tique montait  à  environ  3.'»  000  hommes,  dont  30  000 
pour  l'infanterie  et  600  )  pour  la  cavalerie. 

Plans  de  défense  du  Rhodien  Memnon.  —  Los 
Perses  n'avaient  qu'un  général  capable  de  tenir  tète 
à  Alexandre,  et  ils  ne  l'écoutèrent  pas.  C'était 
Memnon  le  Rhodien.  Il  proposa  de  défendre  le  pas- 
sage du  détroit,  les  satrapes  ne  le  voulurent  pas. 
11  proposa  ensuite  d'éviter  la  bataille  et  de  reculer 
sans  cesse  devant  les  Macédoniens  en  ravageant  le 
pays  pour  faire  le  vide  autour  d'eux.  Les  satrapes 
aimèrent  mieux  livrer  bataille. 

Première  victoire:  bataille  du  Granique  (3.34).  — 
Les  satrapes  rangèrent  leur  armée  sur  la  rive 
droite  du  Granique,  petite  rivière  qui  se  jette  di- 
rectement dans  la  Propontide  (mer  de  Marmara). 
Alexandre  les  attaqua  résolument,  défit  leur  cava- 
lerie qui  lui  disputait  le  passage  et  tomba  sur  leur 
infanterie  avant  qu'elle  eût  pu  se  mettre  en  mou- 
vement. Le  combat  avait  été  très-vif  sur  quelques 
points,  Alexandre  y  courut  de  graves  dangers  et 
dut  la  vie  à  son  lieutenant  Clitus. 

La  victoire  du  Granique  livrait  aux  Macédoniens 
l'Asie  Mineure  :  Sardes,  Ephèse,  et  d'autres  grandes 
villes  ouvrirent  leurs  portes.  Celle  de  Milet  fut 
prise  d'assaut;  pour  Ualicarnasse,  défendue  par 
Memnon  et  par  l'exilé  athénien  Ephialtès,  il  fallut 
un  siège  en  règle. 

Pjxtjets  et  mort  de  Memnon  le  Rhodien.  —  Au 
milieu  même  de  ce  succès,  la  fortune  d'Alexandre 
courut  le  plus  grave  danger.  Memnon  le  Rhodien 
avait  conçu  et  fait  adopter  un  projet  aussi  habile 
que  hardi.  Il  voulait  laisser  Alexandre  s'enfoncer 
dans  l'Asie,  couper  toutes  ses  communications  avec 
l'Europe,  profiter  de  son  absence  pour  aller  soule- 
ver la  Grèce  et  porter  la  guerre  en  Macédoine.  Les 
Perses  possédaient  une  Hotte  nombreuse,  les  Ma- 
cédoniens n'avaient  qu'un  petit  nombre  de  vais- 
seaux, qu'il  était  facile  de  leur  enlever.  Il  n'était 
pas  moins  facile  de  soulever  la  Grèce  en  y  envoyant 
une  armée  composée  des  mercenaires  grecs  d'Asie 
Mineure.  ÎMemnon  avait  déjà,  conmiencé  cette  con- 
tre-expédition, quand  il  mourut  devant  l'île  de 
Lesbos,  dont  il  attaquait  la  capitale,  Milylène.  Ses 
successeurs  incapables  n'osèrent  continuer  l'entre- 
prise ;  ils  débarquèrent  sur  le  continent  les  soldats 
que  Memnon  voulait  mener  en  Grèce.  Alexandre 
était  sauvé. 

Mais  la  tentative  de  Memnon  lui  servit  d'avertis- 
ment.  Il  ccmiprit  qu'avant  de  s'aventurer  dans  les 
profondeurs  de  l'empire  perse,  il  lui  fallait  tout 
d'abord  s'assurer  des  côtes  ;  il  n'avancera  plus 
qu'après  avoir  assuré  ses  communications  par  la 
conquête  des  provinces  maritimes,  la  Cilicie,  la 
Syrie,   la    Palestine,    surtout  la   Phénicie  et   ll',- 


Seconde  victoire:  bataille  d'Issus  (333).  —  Ce- 
pendant Darius  s'apprêtait  à  tenter  en  personne 
les  chances  d'une  bataille.  Des  levées  avaient  été 
faites  J<^-i»  tnut  l'empire,  une  armée  que  les  histo- 
riens évaluent  à  600  000  hommes  avait  été  rassem- 
blée. C'était  une  immense  agglomération  d'hom- 
mes, dans  le  genre  de  celle  que  Xerxès  avait 
autrefois  jetée  sur  la  Grèce. 

Pour  aller  de  la  Cilicie  où  était  Alexandre  dans- 
la  Syrie  où  était  Darius,  il  faut  suivre  l'étroit  es- 
pace que  resserrent  d'un  côté  le  golfe  d'Issus,  de 
l'autre  le  mont  Amanus.  Ce  passage,  qu'on  appelle 
les  Portes  de  Syrie,  aurait  pu  être  facilement  dé- 
fendu. Darius  aima  mieux  attendre  son  adversaire 
dans  la  plaine,  Alexandre  fut  retenu  quelque  temps 
à  terre  par  une  maladie  qui  le  mit  en  danger,  IL 
s'était  jeté  tout  en  sueur  dans  un  fleuve  aux  eaux 
très-froides,  le  Cydnus. 

Dès  qu'il  fut  rétabli,  il  attaqua  l'armée  perse, 
rangée  dans  la  plaine  d'Issus  au  delà  d'une  petite 
rivière.  L'étroit  espace  où  l'on  allait  combattre  en- 
levait aux  troupes  de  Darius  l'avantage  que  leur 
donnait  leur  grand  nombre  et  faisait  de  leur  multi- 
tude même  une  cause  d'embarras  et  de  confia sion. 
Alexandre  attaqua  vivement,  selon  son  habitude. 
Il  enfonça  l'aile  gauche  de  l'ennemi,  Darius,  qui 
se  trouvait  un  peu  en  arrière  de  sa  première  ligne, 
fut  saisi  d'une  terreur  panique,  se  jeta  à  bas  de  son 
char  et  prit  la  fuite,  entraînant  après  lui  la  plus 
grande  partie  de  ses  soldats,  laissant  les  autres 
sans  commandement.  Cependant  le  centre,  où 
étaient  les  mercenaires  grecs,  et  la  droite,  où  était 
le  gros  de  la  cavalerie  perse,  résistaient  avec  éner- 
gie, Alexandre  se  rabattit  sur  les  mercenaires  grecs, 
les  chargea  en  flanc  et  les  écrasa,  La  cavalerie 
perse,  qui  avait  franchi  la  rivière  et  qui  dut  la  re- 
passer sous  les  yeux  de  l'ennemi,  fut  presque  dé- 
truite. La  poursuite  fut  vivement  menée  :  elle  coûta 
à  l'armée  plus  de  monde  que  la  bataille  même.  Un 
butin  immense  trouvé  dans  le  camp  de  Darius,  sa 
mère,  sa  sœur,  sa  femme  et  ses  enfants,  qu'il  avait 
amenés  avec  lui  pour  être  témoins  de  son  triomphe, 
restèrent  aux  mains  d'Alexandre, 

Conséquences  de  la  victoire  d'Issus  ;  soumission 
de  la  Pnénicie  ;  siège  de  Tijr.  —  Cette  victoire 
donnait  aux  Macédoniens  un  prestige  qui  doublait 
leur  force.  L'immense  armée  perse  n'existait  plus. 
Rien  n'arrêtait  la  marche  du  conquérant.  Il  pénéti'a 
immédiatement  en  Phénicie.  La  possession  de  la  Phé- 
nicie avait  une  grande  importance  C'était  dans  ses 
chantiers  que  se  construisait  le  matériel,  dans  sa  po- 
pulation que  se  recrutaient  les  équipages  de  la  flotte 
perse.  Les  Phéniciens  passèrent  presque  tous  sans 
résistance  sous  la  domination  d'Alexandre.  Seule  la 
grande  ville  de  Tjr  résista.  Située  sur  un  îlot  entouré 
de  tous  côtés  par  la  mer  qui  lui  faisait  un  vaste 
fossé,  protégée  par  de  hautes  murailles,  défendue 
par  une  population  énergique  et  nombreuse,  elle 
crut  pouvoir  braver  le  vainqueur  d'Issus.  Alexandre 
l'attaqua.  Les  Tyriens  se  défendirent  avec  la  plus 
grande  énergie  et  pendant  sept  mois  retinrent  de- 
vant leurs  remparts  l'armée  macédonienne.  A  la  fin 
la  place  bloquée,  du  côté  de  la  terre  au  moyen 
d'une  digue  immense  dont  Alexandre  avait  dirigé 
la  construction,  du  côté  de  la  mer  au  moyen  des 
vaisseaux  qu'avaient  fournis  au  conquérant  les  ci- 
lés  phénicieimes  et  les  rois  de  Cypre,  fut  enfin  enle- 
vée d'assaut.  Presque  tous  les  citoyens  périrent  on 
combattant;  les  femmes  et  les  enfants  furent  ven 
dus  comme  esclaves. 

Conquête  de  la  Palestine.  -»-  Rejetant  les  pro- 
positions de  Darius  qui  lui  ofl'rait,  avec  10  000  ta- 
lents comme  rançon  des  siens,  la  main  de  sa  fille 
et  la  cession  de  tout  le  pays  compris  entre  la  mer 
Egée  et  l'Euphraie,  Alexandre  reprit  sa  marche 
vers  le  sud  de  ïyr  jusqu'à  la  frontière  d'Egypte  ;  la 
ville  de  Gaza  fut  la  seule  qui  résista.  Les  Juifs  en- 
voyèrent des  proseuts  à  Ale.\andre  ;  suivant   une 


ALEXANDRE 


—  69  — 


ALEXANDRE 


légende,  le  héros  macédonien  serait  allé  faire  une 
visite  au  temple  de  Jérusalem.  Il  était  dans  le  ca- 
ractère d'Alexandre  de  ménager  les  mœurs  et  les 
croyances  des  peuples  soumis  ou  vaincus,  et  il  est 
possible  quil  soit  allé  au  temple  de  Jérusalem, 
comme  il  alla  plus  tard  au  temple  d'Ammon. 

Conquê:p.  de  V Egypte  ;  fondation  d'Alexandrie. 
—  L'Egypte  encore  frémissante  de  ses  révoltes 
contre  les  Perses  ,  n'était  pas  disposée  à  se  bat- 
tre en  leur  faveur.  Elle  accepta  sans  résistance  la 
conquête  macédonienne.  Alexandre  passa  cinq  mois 
en  Egypte.  Il  y  fonda  la  ville  qui  porte  son  nom.  Sans 
doute.  Alexajidrie  n'eut  pas  dès  lors  1  importance 
considérable  qu'elle  acquit  plus  tard.  Mais  sa  posi- 
tion, admirablement  choisie,  la  destinait  à  un  grand 
avenir.  La  petite  île  de  Pharos  lui  permettait  d'éta- 
blir deux  ports  excellents  et  d'attirer  le  commerce 
maritime  ;  le  lac  Maréotis  et  les  canaux  du  Nil  fa- 
cilitaient les  relations  avec  l'intérieur  de  l'Egypte. 
Los  historiens  s'accordent  à  louer  la  fondation 
■d'Alexandrie,  mais  beaucoup  désapprouvera  la  vi- 
site d'Alexandre  au  temple  d'Ammon  et  surtout 
l'orgueil  insensé  avec  lequel,  prenant  à  la  lettre 
les  réponses  complaisantes  de  l'oracle,  il  se  pro- 
clama le  fils  de  Jupiter. 

Alexandre  senr/age  dans  l'intérieur  da  l'Asie.  — 
Du  plan  qu'avait  formé  Alexandre  la  première 
partie  était  réalisée.  Depuis  le  Pont-Euxin  jus- 
qu'aux bouches  du  Nil,  l'ancien  littoral  de  l'empire 
perse  était  conquis.  On  pouvait  dès  lors  s'engiger 
■dans  l'intérieur  de  l'Asie  (33 1).  L'armée  macédo- 
nienne se  mit  en  marche,  franchit  l'Euphrate  au 
gué  de  Thapsaque,  puis  le  Tigre  près  de  l'empla- 
cement de  l'ancienne  Ninive. 

Troisième  victoire  ;  batailles  d'Arbelles  (331).  — 
Darius,  voyant  ses  propositions  repoussées,  avait 
travaillé  li  se  refaire  une  armée.  Une  foule  énorme 
de  soldats ,  ramassés  dans  les  provinces  orien- 
tales de  l'empire,  fut  dirigée  vers  les  plaines  du 
Tigre.  D'après  des  évaluations  sans  doute  exagé- 
rées, l'armée  perse  comptait  1000  000  de  fantas- 
sins et  40  OUO  cavaliers.  Darius  devait  pourtant  sa- 
voir par  expérience  ce  que  valaient  ces  immenses 
multitudes.  Il  déploya  ses  troupes  dans  la  vaste 
plaine  de  Gaugamela,  située  entre  le  Tigre  et  la 
ville  d'Arbelles,  quia  donné  son  nom  à  la  bataille. 
Alexandre  avait  40  000  fantassins  et  7000  che- 
vaux; comme  à  l'ordinaire,  il  plaça  au  centre  la  pha- 
lange, la  cavalerie  et  les  troupes  légères  sur  les 
ailes.  Mais  il  eut  soin,  en  raison  du  grand  nombre 
des  ennemis,  de  disposer  en  arrière  un  corps  de 
réserve.  Pendant  qu'à  la  droite,  Alexandre,  après 
avoir  battu  la  cavalerie  bactrienne  et  scythe,  met- 
tait en  déroute  les  corps  d'élite  serrés  autour  de 
Darius,  au  centre  un  parti  de  cavalerie  ennemi 
profitait  d'un  vide  qwi  s'était  produit  dans  la  ligne 
macédonienne.  La  réserve  accourut  et  chargea  ces 
assaillants,  qui  furent  défaits.  A  l'aile  gauche, 
Parménion  fut  aussi  vainqueur.  Tous  les  corps  de 
l'armée  perse  se  confondirent,  comme  après  Issus, 
dans  une  immense  déroute.  C'était  la  dernière  fois 
que  Darius  pouvait  affronter  ,  dans  une  bataille 
rangée,  son  formidable  adversaire  (331). 

Suite  de  lu  marche  d'Alexandre,  conquête  de  la 
Perse  et  de  la  Médie.  —  Alexandre  entre  sans  ré- 
sistance dans  Babylone,  puis  dans  Suse,  les  deux 
plus  grandes  villes  de  l'Empire  Perse  ;  puis  dans 
la  capitale  Persépolis,  qu'il  incendie,  en  repré- 
sailles des  dévastations  du  même  genre  autrefois 
commises  par  Xorxès  en  Grèce.  Darius  s'était  re- 
tiré dans  la  Médie,  à  Ecbatane.  A  l'approche  des 
Macédoniens,  il  reprit  sa  fuite  vers  l'est.  Alexan- 
dre le  suivit  à  marches  forcées  ;  mais  il  ne  put 
l'atteindre.  A  Rhagas  (ville  située  en  Médie)  il  apprit 
<[\x&  Bessus,  satrape  de  la  Bactriane,  et  les  autres 
généraux  avaient  enlevé  le  commandement  à  Da- 
rius et  le  traînaient  avec  eux,  chargé  de  chaînes, 
moins   comme   un  roi  que  comme    une  victime.  I 


Quelques  jours  après,  l'avant-garde  macédonienne 
trouvait  le  grand  roi  mourant  sur  la  route,  où  l'a- 
vaient abandonné ,  après  l'avoir  percé  de  coups,  ses 
lieutenants  révoltés  (330.) 

Poursuite  de  Bessus.  — Alexandre  poursuivit 
Bessus  avec  plus  d'acharnement  peut-être  qu'il  n'en 
avait  mis  à  atteindre  Darius.  Ce  rôle  de  vengeur 
d'un  ancien  ennemi  avait  un  air  de  grandeur  qui 
flattait  son  orgueil.  Il  importait  d'ailleurs  de  ne 
pas  laisser  aux  satrapes  le  temps  de  se  refaire  et 
d'organiser  la  résistance  dans  les  provinces  de 
l'empire. 

Laissant  à  peine  respirer  ses  soldats,  il  reprit  sa 
course  vers  l'est,  soumit  en  passant  toutes  les 
provinces  qui  correspondent  au  Hérat  et  à  l'Afgha- 
nistan actuels,  entre  autres  la  Bactriane,  et  atteignit 
enfin  Bessus  au  fond  de  la  Sogdiane  (grande  Bou- 
kharie).  Alexandre  le  livra  aux  parents  de  Darius, 
qui  le  firent  périr  dans  les  supplices. 

Crimes  d'Alexandre.  —  Cette  partie  de  l'histoire 
d'Alexandre  est  illustrée  par  des  actions  d'éclat  : 
marches  hardies  à  travers  des  pays  inconnus,  en- 
lèvement de  positions  considérées  comme  impre- 
nables ;  on  regrette  d'y  trouver  des  supplices  et 
des  assassinats.  Philotas,  fils  de  Parménion  et  chef 
lui-môme  de  la  cavalerie  d'élite  des  Compagnons, 
fut  accusé  de  conspiration  contre  la  vie  du  roi, 
torturé  et  mis  à  mort.  Parménion  lui-même,  sans 
défiance  dans  son  commandement  d'Ectabane,  fut 
poignardé  par  tm  messager  d'Alexandre.  Quelque 
temps  après,  à  Maracanda  (Samarcande),  un  autre 
vétéran  de  Pliilippe,  Clitus,  qui  avait  au  Granique 
sauvé  la  vie  à  Alexandre,  fut  tué  dans  un  banquet 
de  la  main  môme  du  roi.  Enfin  un  des  rhéteurs 
grecs  qui  suivaient  l'armée,  Callisthène,  connu 
pour  la  liberté  quelquefois  agressive  de  ses  pro- 
pos, fut  impliqué  dans  ime  conspiration,  torturé 
r-t  pendu. 

Ces  actes  révèlent  une  violence  de  caractère  im- 
possible à  réfréner,  un  orgueil  que  les  moindres 
atteintes  faisaient  tourner  en  cruauté.  Sans  les 
excuser,  il  faut  remarquer  cependant  qu'Alexandre 
frappa  surtout  des  adversaires  de  sa  politique. 
Parménion,  Philotas  et  Clitus  représentaient  l'an- 
cienne armée  de  Philippe,  Callisthène  la  tradition 
de  l'esprit  grec,  railleur  et  indiscipliné.  Tous  cri 
tiquaient  hautement  les  innovations  de  leur  jeune 
chef.  Alexandre  pensait  par  exemple  iqu'il  fallait 
imposer  aux  populations  orientales  par  le  déploie- 
ment d'un  luxe  inouï  et  par  le  prestige  d'une  ori- 
gine surnaturelle.  Il  pensait  aussi  que.  pour  donner 
quoique  solidité  à  sa  conquête,  il  était  nécessaire 
d'opérer  entre  les  Grecs  et  les  Asiatiques  un  rap- 
prochement et  même  une  fusion.  On  le  voyait  re- 
vêtir le  costume  et  déployer  la  pompe  des  anciens 
rois  de  Perse;  des  troupes  du  pays  étaient  enrôlées 
dans  son  armée  et  chargées  même  de  veiller  sur  sa 
personne,  il  engageait  ses  officiers  et  ses  soldats  à 
épouser  des  femmes  indigènes  et  lui-même  leur 
donnait  l'exemple.  C'étaient  donc  à  la  fois  ses 
passions  personnelles  et  ses  combinaisons  poli- 
tiques qui  le  poussaient  à  ces  violences. 

Conquête  de  l'Inde.  —  L'armée  macédonienne 
était  allée  jusqu'aux  extrêmes  limites  de  l'empire 
perse.  On  était  parvenu  aux  confins  de  l'Inde.  Ale- 
xandre n'hésita  pas  à  pousser  encore  en  avant  sa 
marche.  Il  passa  l'Indus,  reçut  la  soumission  d'un 
des  rois  du  pays,  Taxile.  Sur  les  bords  de  l'Hydaspe 
(Jelum  actuel)  il  trouva  rangée  en  bataille  l'armée 
d'un  roi  moins  accommodant,  nommé  Porus.  Malgré 
leurs  éléphants  et  la  bravoure  personnelle  de  leur 
chef,  les  Indiens  furent  complètement  battus.  Porus 
ne  dut  la  vie  qu'à  la  capricieuse  clémence  de  son 
vainqueur. 

Alexandre  s'apprêtait  à  franchir  l'Hyphase  (Su- 
tledge)pour  marcher  vers  le  Gange.  Mais  ses  sol- 
dats, épuisés  de  fatigue,  effrayés  par  la  per- 
spective d'une  expédition  dont  le  terme  reculait 


ALEXANDRE 


—  70  — 


ALGEBRE 


toujours  devant  eux,  refusèrent  d'aller  plus  loin. 
Alexandre  se  décida  à  céder  et  donna  l'ordre  du 
retour  (32G). 

Retour  d'Alexandre.  —  Il  voulut  au  moins  profi- 
ter de  cette  retraite  qu'on  lui  imposait  pour  s'af- 
fermir dans  ses  conquêtes  et  en  préparer  de  nou- 
Telles.  Il  choisit  une  route  absolument  différente 
de  celle  par  où  il  était  venu.  Une  flotte  de  2  000 
nadres  ou  bateaux  fut  réunie  sur  IHydaspe.  Ale- 
xandre lui-même  s'y  embarqua,  pendant  que  ses 
lieutenants  longeaient  les  rives  avec  deux  divisions 
de  l'armée. 

La  flotte  arriva  ainsi  à  l'Indus,  dont  elle  suivit  le 
cours  jusqu'à  son  embouchure.  Ce  vojage  dura  neuf 
mois,  pendant  lesquels  on  s'arrêta  à  chaque  instant 
pour  combattre  les  riverains  non  encore  soumis. 
Deux  de  ces  peuples  firent  une  résistance  très-vive.  ' 
Alexandre  fut  grièvement  blessé  en  donnant  l'as- 
saut à  un  fort  des  Malliens.  A  l'embouchure  de  i 
rindus  la  flotte  et  l'armée  se  divisèrent  :  la  flotte, 
sous  les  ordres  de  Néarque,  dut  aller  par  le  golfe 
Persique  de  l'embouchure  de  l'Indus  à  celle  du 
Tigre,  révélant  ainsi  aux  navigateurs  grecs  des  mers 
jusqu'alors  inconnues.  C'était  une  véritable  explo- 
ration. Alexandre  lui-même,  avec  l'armée,  traversa 
au  prix  de  souffrances  inouïes  les  déserts  de  la  Gé- 
dosie  (Beloutchistan),  se  refit  un  peu  en  Carmanie 
et  arriva  enfin  à  Persépolis,  puis  à  Suse.  i 

De  retour  dans  la  Perse  proprement  dite.  Aie-  ; 
xandre  reprit  l'exécution  de  ses  plans  politiques.  Il 
avait  déjà  épousé  une  princesse  bactriane.  Roxane; 
il   épousa  encore  la  fille  de  Darius  et  celle  d'un 
autre  roi.  En  un  seul  jour  80  de  ses  officiers  du-  , 
rent  contracter  de  gré  ou  de  force  des  mariages  ana- 
logues. En  même  temps  il  incorporait  dans  son  | 
armée    des     contingents    indigènes ,    notamment  ^ 
30  000  soldats  levés  dans  les  provinces  orientales, 
qu'il  ùdmit  au  même  titre  que  les  Jlacédoniens.  Le  ] 
corps  d'élite  des  Compagnons  dut  ouvrir  ses  rangs 
à  des  jeunes  gens  des  familles  nobles  de  la  Perse.  ; 

Les  vétérans  de  l'armée,  irrités  de  ces  mesures  '< 
qui  blessaient  leur  amour-propre  national,  mena-  I 
ces  d'être  renvoyés  dans  leurs  foyers  comme  im- 
propres au  service,  faillirent  se  mutiner.  Alexan- 
dre leur  tint  tête ,  fit  mettre  à  mort  les  plus 
bruyants,  et,  malgré  une  réconciliation  solennelle- 
ment célébrée,  en  désigna  10  000  pour  retourner 
en  Europe. 

Il  voulait  se  faire  ainsi  une  armée  nouvelle  et  plus 
docile,  prête  à  le  suivre  partout;  car  son  ambition 
n'était  point  encore  satisfaite,  et  il  rêvait  des  con- 
quêtes nouvelles.  Il  avait  fait  sur  l'Euphrate  et  en 
Phénicie  de  grands  préparatifs  pour  une  expédition 
contre  l'Arabie.  Dans  sa  marche  sur  Babylone  il 
recevait  des  ambassadeurs  venus  du  fond  de  l'Eu- 
rope, de  l'Italie,  de  la  Gaule  même,  des  bords  du 
Danube.  C'en  était  assez  pour  éveiller  sa  pensée 
inquiète  et  reculer  les  bornes  de  son  ambition. 

Ce  fut  alors  que  la  mort  vint  le  surprendre.  Au 
milieu  des  fêtes  et  des  orgies  par  lesquelles  il 
avait  voulu  célébrer  les  funérailles  de  son  ami 
Ephestion,  il  fut  saisi  d'une  fièvre  qui  l'emporta  en 
quelques  jours.  Suivant  certaines  versions  il  aurait 
été  victime  d'un  empoisonnement.  La  violence  de 
son  propre  caractère,  les  passions  qui  s'agitaient 
autour  de  lui  donnent  quelque  vraisemblance  à 
cette  opinion.  Cependant  elle  n'est  appuyée  d'au- 
cune preuve,  et,  d'autre  part,  le  genre  de  vie  mené 
par  Alexandre,  les  excès  auxquels  il  venait  de  se 
livrer,  suffisent  à  expliquer  sa  mort  par  des  causes 
naturelles.  Il  laissait  après  lui  le  souvenir  d'ex- 
ploits héroïques,  des  entreprises  immenses  com- 
mencées, mais  une  œuvre  encore  incomplète.  Il 
réussit  à  faciliter  l'expansion  du  commerce  et  des 
idées  helléniques  dans  toute  l'Asie,  il  prépara  une 
sorte  de  lusion  entre  ces  deux  mondes  jusqu'alors  si 
étrangers  l'un  à  l'autre.  Mais,  s'il  avait  rêvé  de  consti- 
tuer un  vaste  et  durable  empire,  cette  espérance  fut 


cruellement  déçue.  Selon  le  mot  qu  on  lui  prête,  ses 
lieutenants  allaient,  en  s'arrachant  les  lambeaux  de 
son  héritage,  «  lui  faire  de  sanglantes  funérailles.  » 

Dictée.  —  Bossuet,  Discours  sur  l'histobe  uni- 
verselle. Partie  III,  fin  du  chap.  v  :  Alexandre  fit  son 
entrée  à  Babylone,  etc.  (p.  460-461  de  l'éd  Olleris). 

[Maur.  Wahl.] 

ALGÈBRE.  —  Branche  des  mathématiques  qui 
a  pour  but  de  résoudre  d'une  manière  générale  les 
questions  relatives  aux  nombres  ;  c'est-à-dire  que, 
dans  cette  partie  de  la  science,  on  ne  se  borne  pas 
à  chercher  la  solution  particulière  d'un  problème, 
mais  on  recherche  la  solution  générale  de  tous  les 
problèmes  de  même  genre.  Lorsque  en  effet  on  ré- 
sout par  les  procédés  de  l'arithmétique  un  pro- 
blème dont  les  données  sont  des  nombres,  le 
résultat  qu'on  obtient  n'offre  aucune  trace  des  opé- 
rations qu'il  a  fallu  faire  pour  l'obtenir.  On  a  donc 
été  conduit  à  chercher  une  solution  générale  indi- 
quant, indépendamment  des  données  particulières, 
les  calculs  à  effectuer,  dans  toutes  les  questions 
analogues,  pour  arriver  au  résultat  cherché.  Pour 
y  parvenir,  on  représente  par  des  lettres  les  gran- 
deurs connues  et  inconnues  que  l'on  a  à  considérer, 
et,  à  l'aide  de  signes  abréviatifs,  déjà  usités  pour 
la  plupart  en  arithmétique,  on  écrit  les  relations 
que  l'énoncé  du  problème  établit  entre  ces  gran- 
deurs; l'algèbre  donne  ensuite  des  règles  pour 
déduire  de  ces  relations  la  valeur  des  inconnues. 
L'expression  de  chacune  d'elles  est  une  formule 
algébrique,  qui  indique  les  opérations  à  effectuer 
sur  les  données  ;  et,  dans  chaque  cas  particulier, 
on  n'a  plus  qu'à  remplacer  les  lettres  par  les  va- 
leurs particulières  que  1  énoncé  leur  attribue. 

Quelques  exemples  sont  nécessaires  pour  éclair- 
cir  ces  généralités  ;  et  ils  formeront  la  matière  de 

la  PREMIÈRE  LEÇON  du  COUrS. 

1 .  Soit  proposé  ce  problème  de  mélange  :  On 
a  60  hectolitres  de  blé  à  25'  riiectolitre  ;  combien, 
faut-il  y  ajouter  de  blé  à  I8f,  pour  faire  un  mé- 
lange valant  22',20  l'hectolitre?  On  sait  comment 
on  raisonne  en  arithmétique  pour  obtenir  la  solu- 
tion. Sur  chaque  hectolitre  à  25f  que  l'on  vendra 
2.;', 20  on  perdra  2f,80;  pour  les  6U  hoctolitres,  la 
perte  sera  donc  de  60  fois  2^,80,  c'est-à-dire  de 
16s'.  Mais  sur  chaque  hectolitre  à  isf  que  l'on  ven- 
dra 22',20  on  gagnera  4', 20;  pour  que  le  gain  com- 
pense la  perte,  il  faut  donc  prendre  un  nombre 
d'hectolitres  à  18' tel,  qu'en  multipliant  4',20  par  ce 
nombre  on  obtienne  168'.  Ce  nombre  est  donc  le 
quotient  de  16^'  par  'i',20,  c'est-à-dire  40;  ce  qu'il 
est  facile  de  vérifier. 

Mais,  dans  ce  résultat  40,  on  ne  voit  aucune  trace 
des  opérations  qui  l'ont  fourni.  Traitons  donc  le 
même  problème  d'une  manière  générale.  Soit  n 
le  nombre  primitif  d'hectolitres  à  a  francs,  et  x  le 
nombre  d'hectolitres  à  b  francs  qu'il  faut  y  ajouter 
pour  obtenir  un  mélange  à  c  francs  l'hectolitre.  En 
raisonnant  comme  ci-dessus,  on  voit  que  sur 
chaque  hectolitre  à  a  francs  que  l'on  vendra  c 
francs,  on  perdra  a  —  c  francs,  et  pour  n  hectolitres 
la  perte  sera  le  produit  de  a  —  c  par  n,  que  l'on  peut 
écrire  [a  —  c).n.  Mais  sur  chaque  hectolitre  à  b 
francs  que  l'on  vendra  c  francs,  on  gagnera  c — 6 
francs,  et  pour  x  hectolitres  le  gain  sera  le  pro- 
duit de  c —  èparx,  que  l'on  peut  écrire  (c — b).x. 
Pour  que  le  gain  compense  la  perte  il  faut  donc 
que  l'on  ait 

{c  —  b)  .X  =  \^a  —  c)  .n. 

Il  en  résulte  qu'on  aura  le  nombre  cherché  x  en 
di  visant  (a  — c).n  parc  —  b;  ce  qui  peut  s'écrire 

(a  —  c).n 

X  =  ' 5 

C  —  b 

Toile  est  la  forinule  générale  qui  résout  tous  les  pro- 
blèmes du  môme  genre.  Si  l'on  demande,  par 
exemple,  combien  à  80  hectolitres  à  24  francs  il  faut 


ALGEBRE 


—  71  — 


ALGEBRE 


ajouter  d'hectolitres  à  19  francs  pour  obtenir  un 
mélange  valant  21  francs  l'hectolitre,  il  faudra  dans 
cette  formule  remplacera  par  80,  a  par  24,  b  par  j9, 
et  c  par  21  :  ce  qui  donne 

21  —  19  2 

Ce  qu'on  vérifiera  facilement. 

2.  Traitons  encore  le  problème  suivant  :  La 
somme  de  deux  nombre  est  47,  et  leur  différence 
est  15;  quels  sont  ces  deux  nombres?  On  reconnaît 
que,  si  Ton  ajoute  47  et  15,  la  somme  62  se  com- 
posera du  plus  grand  nombre  augmenté  du  plus 
petit,  et  du  plus  grand  nombre  diminué  du  plus 
petit,  c'est-à-dire  qu'elle  sera  le  double  du  plus 
grand.  Ce  plus  grand  nombre  est  donc  la  moitié  de 
02,  ou  -M.  Par  suite,  le  plus  petit  nombre  est 
47  —  31,  ou  16. 

Mais  les  nombres  31  et  16  n'offrent  aucune  trace 
des  opérations  qui  les  ont  fournis.  Soient  généra- 
lement X  &\,  y  deux  nombres  dont  la- somme  est  a 
et  la  dififérence  6. 

On  yerri,  comme  ci-dessus,  que  si  l'on  ajoute  a 
et  b,  la  somme  sera  le  double  du  plus  grand 
nombre  x.  On  aura  donc 


a  +  b 
x  =  — : —    ou 


a      b 


Dès  lors  on  aura  y  en  retranchant  x  de  a,  ce  qui 
donne 

a      b      a      b 
^="-2-2=2-V 

Ces  deux  formules  générales  nous  apprennent 
que  le  plus  grand  des  deux  nombres  demandés  est 
égal  à  la  demi-somme  des  nombres  donnés,  aug- 
meiitée  de  leur  demi-dififérence  ;  et  que  le  plus 
petit  des  deux  nombres  cherchés  est  égal  à  la 
demi-somme  des  nombres  donnés  diminuée  de  leur 
demi-différence. 

Si,  par  exemple,  la  somme  donnée  est  113  et  la 
différence  51,  on  aura 


113  ,  51       164 


:82 


et    y- 


113      51_  62  _ 

1.      T~  T  -^^' 


Les  règles  d'intérêt  simple,  d'escompte,  d'alliage, 
de  partage  proportionnel  peuvent  également  four- 
nir des  exemples  de  formules  générales  propres  à 
faire  comprendre  aux  élèves  le  but  de  l'algèbre  et 
la  généralité  de  ses  procédés. 

3.  Deuxième  leçon.  —  La  seconde  leçon  du 
cours  sera  consacrée  à  passer  en  revue  les  signes 
abréviatifs,  et  en  général  les  notations  de  l'algèbre, 
ainsi  qu'à  distinguer  les  diverses  espèces  d'expres- 
sions algébriques. 

Le  signe -+- s'énonce  plus  ;  placé  entre  deux  quan- 
tités, il  indique  qu'on  en  fait  la  somme.  Ainsi  a  -(-  7 
signifie  la  somme  des  quantités  a  et  7  ;  de  même 
a  -|-  6  -|-  7  exprime  la  somme  des  quantités  a,  b 
et  7. 

Le  signe —  s'énonce  moins;  placé  entre  deux 
quantités,  il  indique  qu'on  en  fait  la  différence. 
Ainsi  a  —  "  exprime  ce  qui  reste  de  a  quand  on  en 
retranche  7.  De  même  a  —  6  —  7  indique  ce  qui 
reste  de  a  quand  on  en  a  retranché  successive- 
ment b  ei  '. 

Le  signe  X  s'énonce  multiplié  par;  placé  entre 
deux  quantités,  il  indique  qu'on  en  fait  le  produit. 
Ainsi  a  X  "  indique  le  produit  de  a  par  7.  De  môme 
a  X  6  X  "  exprime  le  produit  des  trois  facteurs 
a,  b  et  7.  On  remplace  souvent  le  signe  X  par  un 
simple  point.  Ainsi  aXè  peut  s'écrire  a.b  Plus 
souvent  encore  on  indique  la  multiplication  en 
écrivant  simplement  les  facteurs  à  la  suite  les  uns 


des  autres,  sans  aucune  interposition  de  signes. 
-Mais  cette  notation  ne  s'étend  pas  aux  facteur.?  nu- 
mériques, à  moins  qu'il  n'y  en  ait  qu'un  seul,  qui 
prend  alors  le  nom  de  coefficient,  et  se  place  le 
premier.  Ainsi  a  X  ô  X  T  s'écrira  'ab.  Le  produit 
oX5XaX6Xa;  s'écrira  .3X5. abx. 

Quand  un  produit  renferme  plusieurs  facteurs 
égaux,  on  se  contente  d'écrire  l'un  d'eux,  et  l'on 
place  à  la  droite,  et  un  peu  au-dessus,  le  nombre 
([ui  indique  combien  il  y  a  de  ces  facteurs  égaux. 
Ainsi  au  lieu  de  7  X  7  on  écrira  "2;  au  lieu  de 
a  X  a  X  a  on  écrira  a^.  Ce  nombre,  qui  indique 
combien  il  y  a  de  facteurs  égaux  à  celui  qu'on 
écrit,  porte  le  nom  d'exposant;  et  le  produit  des 
facteurs  égaux  s'appelle  puissance  de  l'un  de  ces 
facteurs.  Ainsi  5^  est  la  seconde  puissance  de  5  ; 
a^  est  la  troisième  puissance  de  a.  Une  expression 
telle  que  7  a^b-x  indiquerait  le  produit  du  fac- 
teur 7  par  la  troisième  puissance  de  a,  par  la  se- 
conde puissance  de  b,  et  par  le  facteur  x,  ou  le 
produit  lXaXay<aXbXbXx. 

Le  signe  ;  s'énonce  divisé  par;  placé  entre  deux 
quantités,  il  indique  que  la  première  est  divisée 
par  la  seconde.  Ainsi  a  :  7  indique  le  quotient  de 
a  par  7.  On  indique  encore  la  division  en  écrivant 
le  quotient  comme  une  fraction  qui  aurait  pour 
numérateur  le  dividende  et  pour  dénominateur  le 
diviseur.  Par  exemple 

, ,    .        a 
a  :  7     peut  s  écrire    -• 

Le  signe  V  indique  la  racine  carrée  de  la  quan- 
tité placée  au-dessous,  c'est-à-dire  une  quantité 
qui,  multipliée  par  elle-même,  reproduirait  la  quan- 
tité placée  sous  le  signe.  Ainsi  v'^y  exprime  la  ra- 
cine carrée  de 49, c'est-à-dire  7.  Le  signe  V  indique 
la  racine  cubique  de  la  quantité  placée  au-dessous, 
c'est-à-dire  une  quantité  qui,  prise  trois  fois  comme 
facteur,  donnerait  pour  produit  la  quantité  placée 

sous  le  signe.  Ainsi  \  ^-^"^  exprime  la  racine_cubique 

de  125,  c'est-à-dire  5.  Les  signes  \  ,  )/  ,  etc., 
indiqueraient  de  même  la  racine  quatrième,  la  ra- 
cine cinquième,  etc.,  de  la  quantité  placée  au-des- 
sous, c'est-à-dire  une  quantité  qui,  prise  4  fois, 
5  fois,  etc.,  comme  facteur,' donnerait  pour  produit 
la  quantité  placée  sous  le  signe.  Ce  signe  porte  en 
général  le  nom  de  radical,  et  le  nombre  placé  au- 
dessus,  dans  son  ouverture,  est  l'indice  du  radical. 

Ainsi  dans  V     ,  3  est  l'indice  du  radical. 

Les  parenthèses  (  )  expriment  le  résultat  des 
opérations  indiquées  sur  les  quantités  qu'elles  en- 
veloppent: les  signes  qui  affectent  les  parenthèses 
indiquent  les  opérations  à  effectuer  sur  ce  résultat. 
Ainsi 

a-[b-1) 

indique  que  de  la  quantité  a  on  retranche  le  résul- 
tat obtenu  en  retranchant  7  de  b. 

(rt+IJX^     ou  simplement     (c -1-7)6 

indique  que  la  somme  des  quantités  a  et  7  est  mul- 

>     ,  0^  —  ^ 

(a  —  5)  :  6    ou    — -, — 


tipliée  par  6. 


indique  que   l'on  divise  par  6  la    différence  des 
quantités  a  et  5.  De  même 

(a  +  7p:(6-f3)(6-3)     ou     -~^^) 

exprime  que  la  troisième  puissance  de  la  somme  de 
a  et  de   7,   est  divisée  par  le  produit  obtenu  en 
muliipliant  la  somme  des  quantités  6  et  3  par  leur 
différence. 
Le  signe  =   s'énonce  égale;   placé  entre  deux 


ALGEBRE  —  ' 

quantités,  il  indique  que  leurs  valeurs  sont  égales. 
Ainsi  a  -|-  ô  =  7  signifie  que  la  somme  des  quan- 
tités a  et  6  est  égale  à  7. 

Le  signe  >  s'énonce p/ws  grand  que;  placé  entre 
deux  quantités,  il  indique  que  la  première  est  plus 
grande  que  la  seconde.  Ainsi  a>-7  signifie  que  la 
quantité  représentée  par  a  est  plus  grande  que  7. 

Le  signe  <.  s'énonce  plus  petit  que;  placé  entre 
deux  quantités,  il  exprime  que  la  première  est  plus 
petite  que  la  seconde.  Ainsi  a<.7  exprime  que  a 
est  plus  petit  que  7. 

4.  Les  expressions  algébriques  les  plus  simples 
sont  les  lettres  mêmes  de  l'alphabet,  destinées  à 
représenter  des  quantités  connues  ou  inconnues. 
On  emploie  ordinairement  les  premières  lettres  de 
l'alphabet,  a,  b,  c,  d,  etc.,  pour  représenter  des 
quantités  supposées  connues,  mais  dont  on  ne 
particularise  pas  la  valeur  numérique.  Les  dernières 
lettres  de  l'alphabet,  x,  y,  z,  etc.,  désignent,  au 
contraire,  des  quantités  inconnues. 

On  représente  parfois  des  quantités  analogues 
par  une  même  lettre  chargée  de  plusieurs  accents. 
Ainsi  les  notations  a,  a,  a"  a'",  qui  s'énoncent 
a  prime,  a  seconde,  a  tierce,  serviraient  à  repré- 
senter des  quantités  analogues. 

Tout  ensemble  de  lettres,  ou  de  lettres  et  de 
nombres,  réunis  par  quelques-uns  des  signes  énu- 
mércs  plus  haut,  constitue  ce  que  l'on  appelle  une 
expression  algébrique.  Ainsi 

12a'-b{x—l) 

v'a-  +  x^ 

est  une  expression  abgébrique. 

Une  expression  algébrique  est  dite  rationnelle, 
quand  elle  ne  contient  point  de  signe  radical.  Elle 
est  irrationnelle,  dans  le  cas  contraire.  Une  expres- 
sion algébrique  est  dite  entière  lorsque  aucune  lettre 
n'y  figure  en  dénominateur.  Elle  est  fractionnaire, 
dans  le  cas  contraire.  On  s'occupe  d'abord  des 
quantités  rationnelles  et  entières. 

Une  quantité  rationnelle  et  entière  peut  être 
monôme  ou  polynôme.  Elle  est  monôme  lorsqu'il 
n'y  a  pas  d'autres  opérations  indiquées  que  des 
multiplications.  Ainsi  7  a-b^x  est  un  monôme.  Dans 
un  monôme,  il  y  a  quatre  éléments  à  distinguer  : 
1°  Le  signe  dont  il  est  précédé,  et  qui  peut  être  + 
ou  —  ;  le  monôme  est  dit  positif  dans  le  premier 
cas,  et  7iégat if  dans  le  second.  Tout  monôme  qui 
n'est  précédé  d'aucun  signe  est  supposé  précédé 
du  signe  -{-.  2"  Le  facteur  numérique,  s'il  y  en  a 
un  ;  ce  facteur,  appelé  coefficient,  comme  nous  l'a- 
vons vu,  se  place  toujours  le  premier.  Un  monôme 
qui  n'a  pas  de  coefficient  est  censé  avoir  pour 
coefficieni  Tunité.  3°  Les  lettres,  qui  composent  les 
autres  facteurs.  4°  Les  exposants  de  ces  lettres,  ou 
les  nombres  écrits  au-dessus  ou  un  peu  à  droite,  et 
qui  indiquent  combien  de  fois  la  quantité  repré- 
sentée par  la  lettre  que  chacun  d'eux  affecte,  entre 
de  fois  comme  facteur  dans  le  produit.  Toute  lettre 
qui  n'a  pas  d'exposant  est  censée  avoir  l'expo- 
sant 1.  Ainsi  dans  —  ôa^à'^j:  le  signe  est — ,  le  coef- 
ficient est  5,  les  lettres  sont  a,  b,  x;  et  leurs  expo- 
sants respectifs  sont  2,  3  et  1.  Dans  iab-x^y  le 
signe  est  -[-,  le  coefficient  est  4,  les  lettres  sont 
a,  b,x,y;  et  leurs  exposants  sont  1,  2,3,  1. 

Quand  on  attribue  des  valeurs  numériques  aux 
lettres  qui  entrent  dans  un  monôme,  ce  monôme 
se  réduit  lui-même  à  une  valeur  numérique,  en- 
tière ou  fractionnaire,  précédée  du  signe  -\-  ou  du 
signe  — ,  selon  que  le  monôme  est  positif  ou  né- 
gatif. Si,  par  exemple,  on  suppose 

2 
G  =  5,  ft  =  3,  a;  =  2,  y  =  T.-> 

le  monôme  —  Sa-è^x  deviendra 


—  5.25.27.2    ou 


6950 


2  —  ALGEBRE 

et  le  monôme   \ab^x^y  deviendra 

+  4.5.9.8.^     ou    +900. 

C'est  surtout  sous  cette  forme  numérique,  précé- 
dée d'un  signe  +  ou  — ,  qu'il  faut  se  représenter 
les  monômes. 

On  nomme  degré  d'un  monôme  le  nombre  de 
facteurs  littéraux  qu'il  renferme,  ou  la  somme  des 
oxposants  des  lettres  qui  y  entrent.  Ainsi  le  mo- 
nôme —  ba-b^x  est  d'un  degré  marqué  par 
2-1-3+1  ou  0;  et  le  monôme  +  iab^x^y  est  du 
degré  1  +  2-1-3  +  1  ou  7. 

5.  Une  expression  algébrique  est  dite  poly- 
nôme lorsqu'elle  se  compose  de  plusieurs  monô- 
mes, séparés  par  les  signes  -f-  ou  — .  Ainsi 
l'expression 

ax3  +  2a2x2  —  5a'x  +  3a* 

est  un  pol}'nôme.  Les  différents  monômes  dont  un 
polynôme  se  compose  sont  les  termes  de  ce  poly- 
nôme. Un  polynôme  qui  n'a  que  deux  termes  prend 
le  nom  de  binôme  ;  s'il  a  trois  termes,  il  prend  le 
nom  de  trinôme. 

Un  polynôme  est  dit  homogène  quand  tous  ses 
termes  sont  du  même  degré.  C'est  ce  qui  a  lieu 
pour  le  polynôme  écrit  ci-dessus,  dont  tous  les 
termes  sont  du  4«  degré. 

Un  polynôme  est  dit  ordonné  par  rapport  aux 
puissances  d'une  même  lettre,  lorsque  les  expo- 
sants de  cette  lettre  vont  constamment  en  dimi- 
nuant ou  constamment  en  augmentant  d'un  terme 
h  l'autre.  Ainsi,  le  polynôme  écrit  plus  haut  est 
ordonné  par  rapport  aux  puissances  décroissantes 
de  la  lettre  x,  ou  par  rapport  aux  puissances  crois- 
santes de  la  lettre  a.  La  lettre  par  rapport  à  laquelle 
le  polynôme  est  ordonné  prend  le  nom  de  lettre 
ordonnatrice. 

On  peut  toujours  ordonner  un  polynôme  par 
rapport  à  l'une  quelconque  des  lettres  qui  y  en- 
trent, car  l'ordre  dans  lequel  les  termes  se  succè- 
dent est  évidemment  arbitraire  et  n'altère  en  rien 
la  valeur  numérique  du  polynôme,  qui  équivaut 
toujours  à  la  somme  des  valeurs  numériques  des 
termes  positifs,  diminuée  de  la  somme  des  valeurs 
numériques  des  termes  soustractifs. 

On  appelle  termes  semblables,  dans  un  polynôme, 
les  termes  qui  contiennent  les  mêmes  lettres  affec- 
tées des  mêmes  exposants,  et  qui  ne  diffèrent  par 
conséquent  que  par  le  coefficient  ou  par  le  signe. 
Ainsi,  dans  le  polynôme 

2a'-b  -  3a6s  +  Sab^  —  Sab^  +  2a6s 

les  quatre  derniers  termes  sont  semblables. 

On  peut  toujours  réduire  les  termes  semblables 
en  un  seul.  Dans  l'exemple  ci-dessus,  quelle  que 
soit  la  valeur  numérique  de  ab',  on  voit  qu'on  aura 
h  ajouter  8  fois  cette  valeur,  plus  2  fois  cette  va- 
leur, soit  10  fols  cette  même  valeur,  et  à  en  re- 
trancher d'abord  3  fois,  plus  5  fois,  soit  en  tout 
8  fois  cette  valeur,  ce  qui  revient  en  définitive  à 
ajouter  à  2a^b  deux  fois  la  valeur  de  ab-,  et 
donne 

2a2è+2aA2. 

Pour  opérer  la  réduction  des  termes  semblables, 
on  fait  la  soriime  de  tous  les  coefficients  de  ces  termes 
qui  ont  le  signe  +,  et  la  somme  de  tous  les  coeffi- 
cients qui  ont  le  signe  —,  on  retranche  In  plus  pe- 
tite somme  de  la  plus  grande,  on  donne  à  la  ili/fé- 
rcnce  le  signe  de  la  plus  grande,  et  on  écrit  à  la  suite 
la  partie  littérale  commune.  D'après  cette  iJgle, 
l'ensemble  des  termes  semblables 

4a''.r  —  10«'x  —  Sa'x  +  hd^x  —  a'x 

se  réduit  à 

9a'x — Wa^x    or.  en  définitive  à    — 5a'x. 


ALGEBRE 


—  73  — 


ALGÈBRE 


6.  Troisième  leçon.  —  Addition  algébrique.  — 
On  suppose  dabord  que  les  expressions^  algé- 
briques à  additionner  sont  positives,  soit  qu'il  s'a- 
gisse de  deux  monômes  isolés,  soit  que,  s'il  s'agit 
de  polynômes,  la  partie  additive  l'emporte  en  valeur 
absolue  sur  la  partie  soustractive.  Avec  cette  res- 
triction on  peut  dire  qn'additiomier  deux  expres- 
siofis  algéhriques,  c'est  en  former  une  troisième 
dont  la  valeur  absolue  soit  la  somme  de^  valeurs 
absolues  des  deux  autres,  i-i'iépendamment  des  va- 
leurs particulières  attribuées  aux  lettres  qui  y 
entrent. 

S'il  s'agit  de  deux  monômes,  on  indiquera  l'o- 
pération en  écrivant  le  second  à  la  suite  du 
premier  et  les  séparant  par  le  signe  +.  Si  les 
deux  monômes  additionnés  sont  dissemblables,  le 
résultat  ne  sera  susceptible  d'aucune  simplifica- 
tion ;  ainsi  la  somme  des  monômes  ba^b  et  'ab- 
est  simplement  ha^b  +  'ab-.  Mais  si  les  deux  mo- 
nômes sont  semblables,  ils  se  réduiront  à  un  seul  : 
ainsi 

ha^b  +  7fl2i=  i2a2è. 

Supposons  maintenant  qu'il  s'agisse  de  deux 
polynômes  ;  et,  pour  simplifier,  considérons  les 
binômes  a  —  è  et  c — d.  Si  à  a  —  b  nous  ajoutons 
d'abord  le  terme  c,  et  que  nous  écrivions  a —  6  +  c, 
ce  résultat  sera  trop  grand  de  la  quantité  d  dont 
il  aurait  fallu  préalablement  diminuer  c;  pour  lui 
rendre  sa  valeur,  il  faudra  donc  en  retrancher  <l 
et  écrire  a  —  6  +  c  —  d.  On  voit  dans  ce  résultat 
que  le  terme  c,  qui  était  censé  avoir  le  signe  -|- 
puisqu'il  n'était  précédé  d'aucun  signe,  se  retrouve 
au  total  avec  le  signe  +;  et  que  le  terme  d,  qui 
était  précédé  du  signe  — ,  se  retrouve  au  total 
avec  le  signe  — .  Le  même  raisonnement  s'appli- 
querait à  des  polynômes  quelconques.;  d'où  l'on 
déduit  cette  règle  : 

Pour  addinoTiner  deux  polynômes,  il  suffit 
d'écrire  le  second  à  la  suite  du  premier,  en  con- 
servant à  '  haque  terme  son  signe. 

Soit,  par  exemple,  à  additionner 

ox^  —  2a^x  +  4a3    et    bax'^  4-  2a^x  —  Sa^. 

La  somme  sera 

aj;^  —  2a2j:  -f.  4a3  _|_  50^2  -j-  2a^-x  —  3a^, 

ou.  en  opérant  la  réduction  des  termes    sembla- 
bles 

Cax2  -{-  a3. 

On  pourra  proposer  aux  élèves  les  exemples 
suivants  : 

«36  _  5a2^,2  4-  7a63  —  86^ 
3«36  —  -Ifi^b^  —  7a63  -{-  361 
Somme,     ia^b  —  la^b^  —  56* 

Gax^  —  8r/2j;2  4-  10«3x  —  7a* 
Sax»  -f-  Sf2x2  —     Qa^x  -f-  60* 

Somme,     llax^  -h  a'^x  —  a* 

qS  _  5a*6  -4- 1 0a362  —  1  Qa^-b^  +  bab'»  —  b^ 
«5  +  5a*6  +  lOaSôi!  4- 1  Oa^b^  -f-  bab'»  +  65 

Somme .  2a^  -<-  2Ud^b^  +  I0a6* 

x'  —  3ax^  -{-  da^-x 
2x3  —    ax^  +    a-x 

Somme. .  . .     3a-3  —  iax^  -\-  Wa^x 

La  restriction  admise  en  commençant  peut  être 
écartée  ;  et  la  règle  de  l'addition,  telle  qu'elle  a 
été  donnée  ci-dessus,  peut  être  éiendue  à.  des 
expressions  algébriques  négatives,  en  vertu  de  la 
tendance  qu'a  l'algèbre  à  généraliser  ses  procédés 
ainsi  que  nous  le  verrons  par  la  suite. 

7.  Soustraction  algébrique.  —  Avecla  restriction 
indiquée  pour  l'addition,  on  peut  dire  que  soustraire 


deux  expressions  algébriques  c'est  en  former  une 
troisième  dont  la  valeur  numérique  soit  la  différence 
entre  les  valeurs  numériques  des  deux  premières, 
indépendamment  des  valeurs  particulières  attribuées 
aux  lettres  qui  y  entrent. 

S'il  s'agit  de  deux  monômes,  on  indiquera  l'opé- 
ration en  écrivant  le  second  à  la  suite  du  premier  et 
les  séparant  par  le  signe  — .  Si  les  deux  monômes 
donnés  sont  dissemblables,  le  résultat  ne  sera  sus- 
ceptible d'aucune  simplification  :  ainsi  la  différence 
des  deux  monômes  M^b  et  'iab-  est  8a-6  —  Mb\ 
Mais  si  les  deux  monômes  sont  semblables,  ils  se 
réduiront  à  un  seul  ;  ainsi 

8a-6  —  Zd^b  =  ba''b. 

Supposons  maintenant  qu'il  s'agisse  de  deux  po- 
lynômes ;  et  soit  à  soustraire  c  —  d  de  a  —  6.  Si 
l'on  soustrait  d'abord  c  et  qu'on  écrive  a  —  b  —  c, 
ce  résultat  sera  trop  petit  ;  car  ce  n'était  pas  c  qu'il 
fallait  soustraire,  mais  c  préalablement  diminué  de 
d.  Le  résultat  est  donc  trop  petit  de  d;  et,  pour 
lui  donner  sa  véritable  valeur,  il  faut  y  ajouter  d  et 
écrire  a —  6  —  c-\-d.  On  voit  dans  ce  résultat  que 
le  terme  c,  qui  était  censé  avoir  le  signe +,  a  main- 
tenant le  signe  — ;  et  que  le  terme  d,  qui  était 
précédé  du  signe  — ,  a  maintenant  le  signe  -|-.  Le 
même  raisonnement  pouvant  s'appliquer  à  des  po- 
lynômes quelconques,  on  en  déduit  cette  règle  : 

Pour  soustraire  un  polynôme  d'un  autre,  il  faut 
l'écrire  à  la  suite  de  cet  autre  en  changeant  le  signe 
de  chacun  de  ses  termes. 

Supposons,  par  exemple,  que  du  polynôme 
»  o.r-  -f-  «3  on  veuille  soustraire  le  polynôme 
hax--'r'2a^x — 3fl3.0n  aura,  en  appliquant  la  règle, 

6ax2  -I-  «3  —  5ax*  —  2a^x  +  Sa» 

ou,  en  opérant  la  réduction  des  termes  semblables, 
et  ordonnant 

ax-  —  2a-x-\-^a^. 


On  pourra  proposer  aux  élèves  les  exemples  sui- 
vants : 

5X3  —  6qx2  +  9o2x 
2x3  _  ^ax^  —  a-x. 


De 

soustraire 
Différence.. 

De 
soustraire 
Différence.. 


3x3  — ax2  +  10a2x. 
4g*  -f  5a36  —  €«262  _  7a63 
a*  —  a^b  —  ka-b"'  +  «63. 
3a*  -f  6a3é  —  2a26i  _  8a63. 


De  a2-f  2a6  +6* 

soustraire  a^  —  2o6  -\-  6*. 

Différence....      iab. 

De  4a36  — 7a262_56* 

soustraire  3a36  —  5a262'4-  7a63  —  86*. 

Di'fiférence....    a36  —  la^b^—  7a63+  36*. 

Nous  verrons  plus  loin  que  la  restriction  admise 
au  commencement  peut  être  écartée. 

8.  Quatrième  leçon.  —  Multiplication  algé- 
brique. —  Avec  la  restriction  déjà  indiquée  pour 
l'addition  et  la  soustraction,  on  peut  dire  que 
multiplier  l'une  par  l'autre  detcx  expressions  algé- 
briques, c'est  en  former  une  troisième  dont  la  va- 
leur numérique  soit  le  produit  des  valeurs  numé- 
riques des  deux  autres,  indépendamme/it  des  va- 
leurs particulières  attribuées  aux  lettres  qui  y 
entrent. 

Soit  d'abord  à  multiplier  deux  monômes  positifs, 
par  exemple  3'7-x3  et  26x2.  Ces  monômes  peuvent 
s'écrire  3XflXaXxXxXa;ct  2X6x^Xx. 
Or  on  a  vu  en  arithmétique  que,  pour  multiplier 
une  quantité  par  un  produit  de  plusieurs  facteurs, 
on  peut  multiplier  successivement  par  chacun  des 


ALGEBRE  — ' 

facteurs  de  ce  produit.  L'opération  qu'on  a  en  vue 
donnera  donc  pour  résultat 

Mais  on  sait  aussi  qu'on  peut .  sans  changer  un 
produit,  intervertir  l'ordre  des  facteurs  ;  on  pourra 
donc  écrire         \ 

SX^XaXaXàXxXxXxXxXx. 

Enfin,  au  lieu  de  multiplier  successivement  par 
plusieurs  facteurs,  on  a  vu  qu'on  pouvait  multi- 
plier par  le  produit  effectué  de  ces  facteurs,  on 
écrira  donc  le  résultat 

qui  sera  le  produit  des  deux  monômes  proposés. 
On  voit  que  ce  produit  s'obtient  en  multipliant  les 
coefficients  3  et  2,  en  écrivant  tels  qu'ils  étaient 
les  facteurs  a  ■  et  b  qui  n'entraient  chacun  que  dans 
l'un  des  monômes,  et  en  écrivant  le  facteur  x  qui 
entrait  dans  tous  les  deux,  avec  un  exposant  égal 
à  la  somme  de  ceux  qu'il  avait  dans  ces  deux  mo- 
nômes. 
On  verrait  de  même  que 

Sabx^  X  ia-x  =  20a^bx''y, 

ia^ô^xXlax^  ==-2  a''bix\ 

Uab^x^-ij^  X  ha}b'-x  =  ijOa'>b'>x'^y^, 

et  ainsi  de  suite.  La  règle  de  la  multiplication  des 
monômes  positifs  est  donc  la  suivante  :  Multiplier 
les  coefficients,  écrire  à  la  suite  toutes  les  lettres 
qui  entrent  dans  les  deux  monômes,  et  affecter  cha-  j 
cune  d'un  exposant  égal  à  la  somme  de  ceux  qu'elle 
a  dans  les  deux  facteurs.  j 

9.  Soit  maintenant  à  multiplier  un  polynône  I 
par  un  monôme  positif,  par  exemple  a —  b  par  m.  j 
Pour  fixer  les  idées,  supposons  que  m   ait    pour  ! 

valeur-'  Le  but  de  l'opération  sera  de  prendre  les 

o 

5  5  5 

5  de  a  —  i.  Si  l'on  prend  les  -  de  o^  ou  aX::'  Ce 
o  8  8 

résultat  sera  trop  fort,  puisqu'on  avait  à  prendre 

5 
les  -  de  a  préalablement  diminué  de  6;  et  il  sera 

o 

5  5 

trop  fort  des  -  de  b,  ou  de  i  X  z'  La  vraie  valeur 
o  8 

5  5 

de   ce     résultat   sera   donc    a  X  ô  —  ^  X  ->  ou 

8  6 

am  —  bm;  et  l'on  arrivera  au  même  résultat  algé- 
brique quelle  que  soit  la  valeur  numérique  attri- 
buée à  m.  On  voit  donc  que,  pour  multiplier  un 
polynôme  par  un  monôme  positif,  il  faut  multi- 
plier c/iaque  terme  du  polynôme  par  ce  monôme, 
en  conservant  les  signes. 
On  trouverait  ainsi  que 

(ox*  —  b^x+a^)  Xax  =  à^x^  —  ab^x'  -f  a'>x. 

10.  Soit  enfin  à  multiplier  un  polynôme  par  un 
polynôme,  par  exemple  a  —  b  par  c  —  d.  Si  l'on 
multiplie  d'abord  a  —  b  par  c,  on  trouve,  d'après  la 
règle  ci-dessus,  ac — bc.  Mais  comme  ce  n'était 
pas  par  c  qu'il  fallait  multiplier,  mais  par  c  préala- 
blement diminué  de  d,  le  résultat  obtenu  est  trop 
fort  du  produit  de  a  —  b  par  d,  c'est-à-dire  de 
ad —  bd.  Pour  lui  rendre  sa  véritable  valeur,  il 
faudra  donc  de  ac  —  bc  retrancher  ad  —  bd,  ce  qui 
donne,  d'après  la  règle  de  la  soustraction, 

ac  —  bc  —  ad+  bd. 

En  examinant  ce  résultat,  on  voit  :  1°  qu'il  con- 
tient les  produits  partiels  de  chaque  terme  du 
multiplicande  par  chaque  terme  du  multiplica- 
teur ;  2"  que  les  termes  a  et  c,  qui  avaient  le  même 
signe  +,  ont  donné  un  produit  positif;  que  les 
termes  a  et  d,  qui  avaient  des  signes  contraires, 
ont  donné  un  produit  négatif;  que  les  termes  b  et 


4  —  ALGEBRE 

c,  qui  avaient  des  signes  contraires,  ont  aussi 
donné  un  produit  négatif;  enfin  que  les  termes  6 
et  d,  qui  avaient  le  signe  — ,  ont  donné  un  produit 
positif.  On  énonce  ces  remarques  en  disant  que 
deux  termes  de  même  signe  donnent  un  produit 
positif,  et  que  deux  termes  de  signe  contraire  don- 
nent un  produit  négatif.  C'est  en  cela  que  consiste 
ce  que  1  on  appelle  la  règle  des  signes. 

11.  Comme  les  mêmes  raisonnements  seraient 
applicables  à  deux  polynômes  quelconques,  on  en 
conclut  que,  pour  multiplier  deux  polynômes  l'un 
par  l'autre,  il  faut  multiplier  chaque  terme  du 
polynôme  multiplicande  par  chaque  terme  du  po- 
lynôme multiplicateur,  en  ayant  égard  à  la  régie 
des  signes.  Il  ne  reste  plus  qu'à  opérer,  s'il  y  a 
lieu,  la  réduction  des  termes  semblaoles. 

Soit,  par  exemple,  à  multiplier 

0x3  —  2a-x^  +  3o3x  +  où* 
par  ax^  -t-  2ax^   —  4a3 


a^x^  —  2a3j;*  -H  3a*x»  -f-  ôa^x* 

-f  2a"X^  —  4a'x3  -f-  6a^x'>-{-  10a«x 

—  4atx8  -I-  Sa'^x*  —  I2a«x  —  Wa^ 


on  trouve  pour  produit 

a'^x^—ba'*x^-{-  lOa'^x- 


2a^x  —  20a''. 


Il  faut  avoir  soin  d'ordonner  les  deux  polynômes 
par  rapport  aux  puissances  d'une  même  lettre,  et 
d'écrire  les  produits  partiels  de  manière  que  les 
termes  semblables  se  correspondent,  ce  qui  en  fa- 
cilite la  réduction. 

On  peut  remarquer  qu'il  y  a  toujours  au  moins 
deux  termes  qui  ne  se  réduisent  pas  avec  d'autres  ; 
ce  sont  ceux  qui  proviennent  de  la  multiplication 
du  premier  terme  du  multiplicande  par  le  premier 
terme  du  multiplicateur,  ou  du  dernier  terme  du 
multiplicande  par  le  dernier  terme  du  multiplica- 
teur, attendu  que  l'un  contient  la  lettre  ordonna- 
trice à  une  puissance  plus  élevée  qu'aucun  autre 
terme,  et  que  l'autre  contient  au  contraire  cette 
lettre  à  la  plus  petite  puissance.  Cette  observa- 
tion est  importante,  car  on  verra  tout  à  l'heure 
qu'elle  sert  de  base  à  la  division. 

On  pourra  proposer  aux  élèves  les  exemples  sui- 
vants : 

Multiplicande.,  a^  -\-  <7-6  -f  aô*  -h  b^ 
Multiplicateur  .a  —  b 


Produit a^»  —  6* 

Multiplicande.,  x^-j-îox    -|- a* 
Multiplicateur,  x^  —  lax    -f-  a- 


Produit x^  —  2a^x^  -+-  a* 

Il  y  a  trois  produits  qu'il  est  bon  de  retenir  par 
cœur,  parce  qu'on  en  fait  un  fréquent  usage  ;  ce 
sont  les  suivants  : 

(a  +  b)(a-^b)  =  ai  +  lab  +  6»  ; 
{a  -  6)  (a  —  6)  =  a2  —  2ab  +  6^  ; 
(a  -i-  6)  (a  —  6)  =  a»  —  b^. 

12.  Cinquième  leçox.  —  Division  algébrique.  — 
Cette  opération  a  pour  but,  étant  dotiné  le  produit 
de  deux  quantités  algébriques,  et  l'une  d'elles,  de 
retrouver  l'autre. 

Soit  d'abord  à  diviser  un  monôme  positif  6a*6x5 
par  un  autre  monôme  positif  Za-x^.  Le  quotient 
sera  nécessairement  un  monôme,  car  un  polynôme 
multiplié  par  un  monôme  donnerait  un  polynôme. 
Dès  lors  il  résulte  de  la  règle  de  la  multiplication 
des  monômes  que  le  coefficient  i;  du  dividende 
est  le  produit  du  coefficient  3  du  diviseur  par  le 
coefficient  inconnu  du  quotient;  on  obtiendra  donc 
ce  coefficient  inconnu  en  divisant  (i  par  ;<,  ce  qui 
donne  2.  La  lettre  a,  entrant  au  dividende  et  au 
diviseur  avec  le  même  exposant,  ne  doit  pas  entrer 
au  quotient.  La  lettre  b,  n'entrant  qu'au  dividende, 
doit  se   retrouver  au    quotient.  Enfin   la  lettre   x 


ALGÈBRE  —  75 


ALGEBRE 


entrant  au  dividende  et  au  diviseur,  son  exposant 
6  au  dividende  est  la  somme  de  son  exposant  3  au 
diviseur  et  de  son  exposant  au  quotient;  cet  expo- 
sant est  donc  l'excès  de  6  sur  ■'.,  c'est-à-dire  2.  Le 
quotient  cherché  est  donc  Ibx'^.  On  tire  de  là 
cette  règle  :  Pour  diviser  deux  monômes  positifs 
l'un  par  l'autre,  divisez  le  coefficient  du  dividende 
par  le  coefficient  du  diviseur,  écrivez  à  la  suite  du 
quotient  les  lettres  qui  entrent  à  la  fois  au  dividende 
et  au  diviseur,  en  affectant  chacune  d'un  exposant 
égal  à  l'excès  de  son  exposant  au  dividende  sur 
son  exposant  au  diviseur;  s'il  y  a  des  lettres  qui 
n'entrent  qu'au  dividende,  écrivez-les  au  quotient 
avec  leur  exposant;  si  une  lettre  entre  avec  le  même 
exposant  au  dividende  et  au  diviseur,  elle  ne  doit 
pas  entrer  au  quotient. 
On  trouvera  ainsi 

que  le  quotient  de..  28a'6x*  par  'ax^    est  éa^ô'x 

—  ..  Ibab-x^  par  bbx^    est  Zabx 

—  ..  2ia'^bx^  par  Qa^x^  est  iabx^. 

13.  Telle  est  la  règle  de  la  division  des  mo- 
nômes positifs.  Mais,  de  même  que,  dans  la  mul- 
tiplication des  polynômes,  on  peut  avoir  à  multi- 
plier entre  eux  des  termes  qui  ne  soient  pas  tous 
deux  positifs,  de  même  on  verra  que,  dans  la  divi- 
sion des  polj'nomes,  on  peut  avoir  à  diviser  l'un 
par  l'autre  deux  monômes  n'ayant  pas  tous  deux  le 
signe  4-.  La  règle  des  signes  de  la  division  se  dé- 
duit de  celle  de  la  multiplication.  Si  le  dividende 
a  le  signe  -f-,  le  quotient  doit  être  de  même  signe 
que  le  diviseur;  si  le  dividende  a  le  signe  — ,  le 
quotient  doit  être  de  signe  contraire  au  diviseur. 
Cette  règle  s'énonce  parfois  sous  cette  forme  abré- 
gée, qui  s'applique  également  à  la  multiplication  : 

-h  par  +  donne  -f- 
-j-  par  —  donne  — 

—  par  4-  donne  — 

—  par  —  donne  -\- 

14.  Passons  à  la  division  d'un  polynôme  par  un 
polynôme.  Soit,  par  exemple,  à  diviser 


I  a^x^  —  5a4j,3  -[-  i9a5j;2  _  2aH  —  20a'' 

j  par      ax^  —  ^a^-x^  +  Za^x   -f  5a*. 

Les  deux  polynômes  étant  ordonnes  par  rapport 
I  aux  puissances  d'une  même  lettre,  il  résulte  de  ce 
qui  a  été  dit  à  propos  de  la  multiplication  que  le 
premier  terme  du  dividende  est  le  produit  exact 
du  premier  terme  du  diviseur  par  le  premier  terme 
du  quotient;  on  obtiendra  donc  celui-ci  en  divi- 
sant a^x=  par  ax^,  ce  qui  donne  ax^.  Le  dividende, 
contient  tous  les  produits  partiels  des  termes  du 
diviseur  par  ceux  du  quotient;  si  l'on  multiplie  le 
diviseur  par  ax-  et  qu'on  retranche  le  produit  du 
dividende,  on  obtient  pour  reste 

-\-  2a3x*  —  8a*x3  +  14a5x*  —  2a«a;  —  20a''. 

Ce  reste,  qui  forme  un  second  dividende  partiel, 
est  le  produit  exact  du  diviseur  par  l'ensemble  des 
termes  inconnus  du  quotient.  Comme  il  est  ordon- 
né par  rapport  à  la  même  lettre  que  le  diviseur, 
son  premier  terme  est  le  produit  exact  du  premier 
terme  du  diviseur  par  le  premier  des  termes  in- 
connus du  quotient.  On  aura  donc  ce  second  terme 
du  quotient  en  divisant  -|-  'la^x''  par  ax^,  ce  qui 
donne  -4-  la^x.  Multiplions  le  diviseur  par  ce  se- 
cond terme,  et  retranchons  le  produit  du  second 
dividende  partiel,  nous  obtiendrons  pour  reste 

—  4a*x3  -f  Sa«x^  —  \2a^x  —  20a^ 

Ce  troisième  dividende  partiel  étant  oidonné 
comme  les  polynômes  précédents,  son  premier 
terme  est  le  produit  exact  du  premier  terme  du 
diviseur  par  le  premier  des  termes  inconnus  du 
quotient;  on  obtiendra  donc  ce  troisiènie  terme  du 
quotient  en  divisant  —  ia'*x^  par  -+■  ax^,  ce  qui 
donne  —  4a3.  Multipliant  le  diviseur  par  ce  troi- 
sième terme  et  retranchant  le  produit  du  troisième 
dividende  partiel,  on  obtient  pour  reste  zéro  ;  le 
quotient  est  donc  ax^  -j-  Sa^x  —  i  x^. 

On   dispose  l'opération  come  il    est  indiqué  ci- 
dessous 


a^-x^  —  ba^x^  +  Wa^x^  —    '2a^x  —  20a''    [  ax^  —  la^x^-  -4-  M'^x  +  Sa* 

—  a-j°  —  la^x'»  —  3g'>j2  —    ha^x^ ^xi  '2d"X  4a3 

2*  div.  part,  -h  'la'^x''  —  8a*j;2  -|-  14a^a;2  —    -za^x  —  2Ûa'' 


3'  div.   part. 


,   , „w  x'^  +  14a^a;2  —    -za^x 

—  Sa^jt  -f-  4a4x2  —    Ga^xs  —  XOa^x 


—  4a*a;i  -f-   M^x^  —  Xla^x  —  20a'' 
+  4a* j2  —   M^x'i  4-  Via^x  -4-  20a'' 


0 

en  ayant  soin  de  changer  le  signe  des  produits  du 
diviseur  par  les  termes  du  quotient,  lorsqu'on  les 
écrit  sous  le  dividende  partiel  qui  leur  correspond. 

On  pourra  proposer  aux  élèves  les  exemples  sui- 
vants : 

Dividende  a^  —  b'^  ;  diviseur  a  —  6  ;  quotient 
ai-\-ab+  62  ; 

Dividende  a^  -\-  b^  ;  diviseur  a  +  6  ;  quotient 
a^  —  ab  +  b^-; 

Dividendeo:*  —  Sa^x-^-f  «V;  diviseur  x2-|-2ax 4- o^; 
quotient  x-  —  2ax  -\-  a-  ; 

Dividende  x»  —  5x  4-  6 ;  diviseur  x  —  2;  quo- 
tient X  —  3. 

15.  La  division  d'un  polynôme  par  un  poly- 
nôme n'est  pas  toujours  possible;  on  le  reconnaît 
aux  signes  suivants:  1°  quand  le  diviseur  contient 
une  lettre  qui  n'entre  pas  au  dividende  ;  2»  quand, 
les  deux  polynômes  étant  ordonnés  par  rapport 
aux  puissances  d'une  môme  lettre,  le  premier  terme 
du  dividende  n'est  pas  divisible  par  le  premier 
terme  du  diviseur;  3°  quand  cette  circonstance  se 
présente  pour  un  quelconque  des  dividendes  par- 
tiels. 

16.  Sixième  leçon.  —  Fractions  algébriques. 
—  Les  fractions  algébriques  ont   la   même  forme 


que  les  fractions  ordinaires  en  arithmétique;  ainsi 
a        a  -\-  h  c 


sont  des  fractions  algébriques.  Elles  diffèrent  des 
fractions  ordinaires  en  ce  que  leurs  termes  peuvent 

I  être  eux-mêmes  des  quantités  fractionnaires  ;  elles 
ne  représentent  donc  en  réalité  que  le  quotient 
de  leur  numérateur  par  leur  dénominateur.   Mais 

I  elles  jouissent  des  mêmes  propriétés  que  les  frac- 
tions ordinaires  et  se  prêtent  aux  mêmes  règles  de 

[  calcul. 

En  efifet,  la  propriété  fondamentale  des  fractions 
ordinaires  consiste  en  ce  qu'elles  conservent  leur 
valeur  quand  on  multiplie  les  deux  termes  par  un 
même  nombre.  Les  fractions  algébriques  jouissent 
de  la  même  propriété  ;  et  le  nombre  par  lequel  on 
multiplie  les  deux  termes  peut  être  lui-même  un 
nombre  fractionnaire. 
Supposons,  par  exemple,  que  le  numérateur  ait 

la  valeur  -  et  le  dénominateur  la  valeur  -;  on  sait 
4  ■; 

3X7 

que  le  quotient  du  premier  par  le  second  sera  7— :■• 

4X<> 


ALGEBRE 


—  76 


ALGEBRE 


Multiplions  les  deux  termes  par  un  même  nombre 

^  :  le  numérateur  deviendra  '; — — — ,  et  le  dénomi- 
la'  4  X  1-3 

nateur  — - —  ;  le  quotient  de  ces  deux  nouveaux 
7  X  13' 

3X11X7X13 
termes  sera  donc  ,  >  ^  •■  v^  1 1  '  °"'  *^"  suppn- 

mant  les  facteurs  li  et  13,  communs  au  dividende 

3X7 
et  au  diviseur,  .  ^     -,  qui  est  la  valeur  de  la  frac- 

*  X  5  ,       ,. 

tion  primitive.  Le  même  raisonnement  s  applique- 
rait h  des  nombres  quelconques. 
On    peut   donc   écrire   d'une  manière  générale 

^=:"—,  a,  b  et  m  étant  des  quantités   quelcon- 

0       bm 

•ques,  entières  ou  fractionnaires. 

17.  C'est  sur  cette  propriété  que  repose  tout 
le  calcul  des  fractions  algébriques. 

Soit  à  mettre  la  quantité  a  sous  la  forme  d'une 

,  .    .      ab 

fraction  ayant  pour  dénominateur  b,  on  écrira  -r-- 

Soit  à  réduire  la  quantité  a  et  la  fraction  -  en 

une  seule  expression  fractionnaire.  On  remplacera 
ac  ,  .         ,  ac-j-b 

a  par  — ,  et  en  faisant  la  somme  on  aura 

c  c 

a       c  . 

Soit  à  déduire  deux  fractions  -j  et  -,   au    même 
b       a 

dénominateur.  En  multipliant  les  deux  termes  de 
chacune  par  le  dénominateur  de  l'autre,    on  aura 
ad      cb 
ïd  ^*  bd' 

On  verrait  de  même  que,  pour  réduire  au  même 
dénominateur  un  nombre  quelconque  de  fractions 
algébriques,  il  faut  multiplier  les  deux  termes  de 
chacune  par  le  produit  des  dénominateurs  de 
toutes  les  autres. 

liCS  quatre  opérations  sur  les  fractions  algébri- 
ques se  font  conséquemment  d'après  les  mêmes 
règles  que  pour  les  fractions  ordinaires.  Lorsque, 
dans  le  résultat,  on  aperçoit  un  facteur  commun 
au  numérateur  et  au  dénominateur,  on  peut  évi- 
demment le  supprimer. 

T  j       f      .•         a        e  ad  +  cfj     , 

La  somme  des  fractions  r  et  -,  est  — r-, —  î  la 
b        d  bd      ^ 

somme  des  fractions 

a       a-i-  h «2  —  ab  -\-  ah  -\-b^ a--\-b- 

1      a  —  b  ~  b{a  —  b)  ~  h  (a  ~  b)' 

I      , .  ~. .  ,      „       .       a       c        ad  —  bc    , 

La  différence  des  fractions  -r  et  -,  est  — r-, —  î  la 
b       d  bd      ' 

différence  des  fractions 

a+b      a  —  b       (a -j- b)^  —  (a  —  by^  iab 


a  —  b       a  +  6  ia  —  b)  [a 

Le  produit  des  fractions 


à) 


a  c  ac 
1  et-,  est  T-/ 
b       d        bd 


Le  quotient  de  ces  mêmes  fractions  est 


a^  —  bi 


ad 


bc 


On  exercera  les  élèves  à  vérifier  ces  résultats  en 
remplaçant  les  lettres  par  des  nombres  entiers  ou 
fractionnaires.  (Voir  à  l'art.  Ëquatir,n$  la  fin  des 
leçons  d'algèbre.  V.  aussi  Calcul  algébrique,  p,  321.) 

[H.  Sonnet. 1 

Préparation  aux  examens.  —  Vsagt  de  l'al- 
gètjre  pour  certains  j')roblèrnes.  —  Ceux  même 
qui  s'opposent  encore  à  l'introduction  de  l'algèbre 
dans  l'instruction  primaire  nous  fournissr'nt 
chaque  jour  des  preuves  de  son  utilité,  ne  fût-ce 
que  par  les  inextricables  difficultés  auxquelles  vient 
6C  heurter  dans  certains  cas  l'arithmétique  même 
élémentaire.  Qu'on  parcoure  chaque  année  la  liste 
des  sujets  proposes  aux  examens  des  instituteurs 
et  même  dos  institutrices  :  on  se  convaincra  que 
nombre  d'échecs    sont  dus  non  à  l'ignorance  des  | 


candidats  en  matière  d'arithmétique,  mais  à  l'ab- 
sence de  ces  procédés  rapides  et  clairs,  de  cette 
notation  commode,  de  ces  signes  abréviatifs  et  gé- 
néralisateurs,  en  un  mot  de  tous  ces  petits  moyens 
algébriques  qui  soulagent  l'esprit  et  l'empêchent 
de  s'égarer  dans  une  suite  d'opérations  plutôt 
longues  que  difficiles.  Rien  ici  ne  peut  être  aussi 
clair  que  l'exemple.  Nous  en  prenons  deux,  au 
hasard. 

L'année  dernière  tous  les  journaux  ont  parlé 
d'une  session  d'examen  du  département  de  l'Ariége 
où,  sur  36  aspirantes,  3G  avaient  échoué,  faute 
d'avoir  pu  résoudre  le  problème  que  voici  : 

Deux  personnes,  e'"ployées  dans  un  établisse- 
ment, ont  des  salaires  différents,  dont  la  somme 
s'élève  annuel  emen'  à  4400  francs.  La  première 
ne  dépense  chaque  année  que  les  |  de  so7i  sa/aire, 
et  la  seconde  les  f  ;  le  m'miant  d".  leurs  économies 
s'élève  chaque  année  à  1310  francs.  On  demande 
b'  salaire  de  chacune  d'elles. 

Assurément  il  n'y  a  ici  rien  qui  dépasse  le  niveau 
de  l'instruction  primaire.  La  seule  difficulté  qui  a 
mis  les  aspirantes  dans  l'embarras,  c'est  que  ce 
problème  ne  rentrait  pour  elles  dans  aucune  dos 
catégories  qui  sont  énumérées  et  expliquées  dans 
tous  les  auteurs  sous  le  nom  de  règles  de  trois, 
"'intérêt,  de  mélan.e.  de  so  iété,  etc.  et  pour  cha- 
cune desquelles  ils  donnent  une  règle  qu'il  no 
s'agit  plus  que  d'appliquer,  presque  machinalement. 

Dans  cette  question  elles  n'ont  plus  trouvé  de 
chemin  tracé  d'avance  ;  il  fallait  s'en  frayer  un,  à 
l'aide  de  la  réflexion  et  du  jugement.  Elles  y 
seraient  parvenues  sans  doute,  si  elles  avaient  eu 
le  secours,  nous  ne  disons  pas  de  l'algèbre,  mais 
seulement  de  la  notation  algébrique. 

Résolvons  d'abord  le  problème  en  suivant  la 
marche  ordinaire  do  l'arithmétique. 

La  première  personne,  dépensant  les  |  tiers  de 
son  salaire,  en  économise  seulement  |  ;  la  deuxième 
dépassant  les  |  du  sien,  en  économise  J.  Réduites 
au  même  dénominateur  pour  plus  d'uniformité, 
les  deux  fractions  |  et  i  deviennent  -^  et  ^^. 

Ainsi  les  -^  du  premier  salaire  plus  les  p,  du 
second  valent  1310  francs;  par  conséquent  4  fois  le 
premier  salaire,  plus  3  fois  le  second  valent  12  fois 
1310  francs  ou  1.=. -ÎO  fr. 

Or  la  somme  des  deux  salaires  étant  4400  francs, 
4  fois  le  premier  plus  4  fois  le  deuxième  vaudront 
4  fois  4400  francs  ou  17  600  francs. 

L'excès  de  17  600  sur  15  720  est  donc  l'excès  de 
4  fois  le  premier  salaire,  plus  4  fois  le  deuxième,  plus 
4  fois  le  premier,  plus  3  fois  le  deuxième,  c'est-à- 
dire  est  égal  au  deuxième  salaire.  Ainsi  la  seconde 
personne  recevait  ls80  francs.  Le  salaire  de  la 
première  personne  est  par  suite  le  total  4400  di- 
minué de  1880,  c'est-à-dire  2520  francs. 

Employons  maintenant  le  langage  et  l'écriture 
algébriques,  et  désignons  par  x  le  premier  salaire 
et  par  y  le  second.  La  somme  des  deux  salaires 
étant  4400,  nous  écrivons 

x  +  y  =  4400.  (1) 

Le  tiers  du  premier,  plus  le  quart  du  deuxième 
valant  ensemble  1310  francs,  on  écrit 


3    + 


=   1310. 


(2) 


Réduisant  au  même  dénominateur  12  les  trois 
termes  de  cette  dernière  équation,  et  supprimant 
ce  dénominateur  12,  ce  qui  n'altère  pas  l'égalité 
des  deux  membres,  on  a 

Ax  +  Sy  =  15  720.  (3) 

Multipliant  par  4  les  deux  membres  de  l'équa- 
tion [l],  on  trouve 

4x-j-4y  =  17  000.  (4). 


ALGEBRE 


—  77  — 


ALGERIE 


d'où 


Retranchant  membre  à  membre  l'équation  (3)  de 
l'équation  (4),  on  trouve 

xj  =  1880, 

27  =  4400  —  1880  =  2520. 

Il  est  bon  d'observer  qu'il  n'y  a  entre  les  deux 
méthodes  qu'une  différence  de  forme.  Dans  la 
seconde  on  a  répété  le  même  raisonnement  que 
dans  la  première,  en  l'exprimant  d'une  manière 
très-concise,  sous  la  forme  d'équations,  où  chaque 
idée  ressort  avec  la  plus  grande  clarté,  où  l'œil 
saisit  dans  leur  ensemble  les  diverses  transforma- 
tions opérées  à  partir  de  l'énoncé  du  problème 
jusqu'au  résultat  définitif. 

Voici  un  second  exemple  :  c'est  la  marche  même 
du  raisonnement  que  l'algèbre  permet  de  modifier 
au  grand  profit  de  la  clarté  et  de  la  rapidité  du  tra- 
vail. C'est  un  problème  donné  dans  le  dépar- 
tement de  la  Seine  aux  aspirantes  dans  l'examen  du 
brevet  de  premier  ordre. 

On  veut  faire  de  l'urgent  au  titre  de  0,'^35  en 
fondant  ensemble  de  l'argent  au  titre  de  0,900  et 
du  cuivre.  Combien  faudra-t-il  prendre  a'arqent 
au  titre  de  0,900  et  de  cuivre  pour  obtenir  1  kilo- 
gramme d'argent  au  titre  de  0,S35  ? 

Si  l'on  met  dans  le  mélange  1  gramme  de  l'ar- 
gent donné,  il  y  a  de  trop  05  milligrammes  d'argent 
pur,  et  si  l'on  en  met  8-35  grammes,  il  y  a  de  trop 
835  fois  65  milligrammes  d'argent  pur. 

Si  l'on  met  65  grammes  de  cuivre,  il  manque  au 
mélange  65  fois  835  milhgrammes  d'argent  pur. 
Or  835  fois  65  milligrammes  font  le  même  poids 
que  65  fois  835  milligrammes  ;  la  compensation  se 
trouve  donc  ainsi  établie. 

Par  conséquent,  le  mélange  doit  être  fait  dans  la 
proportion  de  8(5  grammes  de  l'argent  donné  pour 
65  grammes  de  cuivre. 

T)e  plus,  835  grammes  d'argent  alliés  à  65  grammes 
de  cuivre  font  un  poids  de  900  grammes.  Pour  un 
mélange  de  900  grammes,  on  devra  employer  835 
grammes  d'argent  et  65  grammes  de  cuivre. 

Pour  un  mélange  de  1  gramme,  il  faudrait 


835S'    ,,  ^     ^     655' 

d  argent  et  - — 

9  0  *  900 


de  cuivre 


donc  pour  un  mélange  de  1   kilogramme,  on  pren- 
dra do  l'argent  : 


du  cuivre 


835 
yoo 


X  loOO  =  927'i'-,77 


900 


X  1000  =  72^,22. 


Employons  maintenant  la  méthode  algébrique 
et  désignons  par  x  le  nombre  de  grammes  qui) 
faut  prendre  de  l'argent  donné  ;  le  poids  d'argent 
pur  qu'il  renferme  est  a:X0,9. 

D'un  autre  côté,  le  poids  total  de  l'alliage  de- 
mandé doit  être  lOoû  gr.-'mmes. 

Le  rapport  entre  le  premier  de  ces  deux  poids 
et  le  deuxième  devant  être  0,835,  on  a  l'équation 


xX",9 
lOOU 


=  0,835. 


En  multipliant  les  deux  membres  par  10  000,  on 
trouve 

9x  =  8350, 
d'où 

8350 


=  927,77. 


Ces  deux  exemples  suffisent  pour  montrer  tout 
l'avantage  nu'on  peut  tirer  des  procédés  algébriques 
les  plus  élémentaires  Qu'on  ne  tasse  pas  à  ces 
procédés  le  reproche   de  réduire  la  résolution  dos 


problèmes  à  une  suite  d'opérations  mécaniques. 
1^0  serait  ne  voir  que  les  caractères  matériels  dans 
l'écriture  algébrique  sans  y  apercevoir  les  idées . 
L'algèbre  est  une  véritable  langue,  admirable  de 
concision  et  de  clarté,  et  de  la  première  équation  qui 
est  la  traduction  du  problème  jusqu'à  la  dernière 
qui  en  donne  la  réponse,  il  n'y  a  qu'une  suite  de- 
déductions  logiques  dans  lesquelles  sans  doute  les 
yeux  viennent  en  aide  à  l'esprit,  mais  où  l'esprit 
lui-même  trouve  une  puissante  impulsion  :  c'est 
une  méthode  à  la  fois  excitatrice  et  directrice  de 
l'intelligence.  [G.  Bovier-Lapierre]. 

.4LGUKIE.  —  Géographie  générale,  III;  géogra- 
phie de  la  France, VIII.— (Ei!/??!.  ;  pays  d'Alger.) 

hnportance  de  cette  colonie.  —  Parmi  toutes  nos- 
colonies,  l'Algérie  occupe  le  premier  rang,  non  seule- 
ment à  cause  de  la  proximité  où  elle  se  trouve  de 
la  France,  et  du  grand  nombre  d'Européens  qui  s'y 
établissent  et  s'y  multiplient  de  plus  en  plus,  mais 
aussi  à  cause  de  l'importance  des  ressources  qu'offre 
ce  pays, et  du  trafic  qu'il  entretient  avec  la  métro- 
pole et  plusieurs  des  pays  voisins.  Le  souvenir  si 
récent  des  luttes  qui  ont  signalé  notre  conquête 
répand  un  intérêt  de  plus  sur  cette  terre,  arrosée 
du  sang  de  nos  soldats  avant  d'être  fécondée  par  la 
sueur  de  nos  colons. 

Trajet  de  France  en  Alqérie.  —  Trente-six  heu- 
res suffisent  maintenant  aux  bateaux  à  vapeur  par- 
tant presque  journellement  de  Marseille  pour 
franchir  les  750  kilomètres  qui  séparent  ce  port  de 
celui  d'Alger.  Le  trajet  serait  encore  plus  court  si 
l'on  prenait  pour  point  de  départ  Port-Vcndres,  à 
l'extrémité  méridionale  des  Pyrénées-Orientales.  Il 
n'est  pas  beaucoup  plus  long  lorsqu'on  a  pour  des- 
tination Oran,  Philippeville  ou  Bône,  qui  sont  avec 
Alger  les  principaux  ports  du  littoral  africain.  Une 
nuit  suffit  pour  aller  de  Sardaigne  à  Bône  ou  de 
Carthagène  à  Oran.  De  Marseille  à  Alger,  la  route 
est  jalonnée  par  les  îles  Baléares,  qui  offrent  dans 
Port-Malion  un  utile  point  de  relâche. 

Climat  de  l'Algérie  en  général.  —  Ce  n'est 
donc  pas  sans  raison  que  l'on  appelle  souvent 
l'Algérie  une  Nouvelle-France.  Le  climat  ne  diffère 
pas  beaucoup  d'un  boi'd  à  l'autre  de  la  Méditerra- 
née, sauf  que  le  mistral  n'étend  pas  sa  néfaste 
influence  au  delà  du  golfe  du  Lion,  où  il  cause 
souvent  de  fortes  tempêtes.  Le  séjour  d'Alger  est 
particulièrement  recommandé  aux  phthisiques  et 
n'a  d'égal,  pour  leur  guérison,  que  celui  de  Madère. 
La  température  y  est  en  moyenne  de  17  à  i8"  cen- 
tigrades. L'Algérie  tout  entière  est  située  dans  la 
zone  tempérée,  et  si  le  début  de  la  colonisation  a 
été  signalé  par  une  grande  mortalité,  cela  tenait  à 
des  installations  défectueuses  sur  des  points  du 
littoral  chauds,  marécageux  et  malsains  pendant 
les  défrichements.  Mais  depuis  que  les  progrès  de 
la  conquête  ont  fait  avancer  le  drapeau  français 
d'Alger  jusqu'en  El  Goléa,  à  xOO  kilom.  plus  au  sud, 
les  colons  ont  à  leur  disposition  un  territoire  aussi 
grand  que  le  serait  la  France  si  elle  avait  pour 
frontière  le  Rhin  jusqu'à  son  embouchure.  Cette 
vaste  contrée  largement  soulevée  par  les  rameaux 
de  l'Atlas,  jusqu'à  une  hauteur  de  2i00  mètres  dans 
le  Djurjura  de  la  Kabylie  (département  d'Alger),  et 
dans  les  monts  Aurès,  au  sud  du  département  de 
Constantine,  offre  une  variété  d'expositions  et  d'al- 
titudes qui  peut  satisfaire  tous  les  tempéraments. 
Les  surprises  de  la  nation  vaincue  ne  sont  plus  à 
redouter;  la  mortalité  est  dorénavant  enrayée;  la 
population  s'accroît  rapidement  d'une  part,  grâce  à 
i'inmiigration,  de  l'autre,  par  l'excédant  bien  mar- 
qué des  naissances  sur  les  décès. 

Limites  et  grandes  régions  de  l'Algérie.  Aspect  du 
littoral.  Le  Tell.  —  Comprise  entre  le  Maroc  à 
l'ouest,  la  régence  de  Tunis  à  l'est,  des  limites  in- 
déterminées du  côté  du  Sahara  au  sud,  l'Algérie 
offre,  au  nord,  sur  la  Méditerranée  un  littoral  long 
de   1000  à  IIUO  kilomètres,  qui  dépasse  à  peu  près 


ALGERIE 


78  — 


ALGERIE 


également  à  chacune  de  ses  extrémités  le  méri- 
dien de  Bayonne  et  celui  de  Nice.  Cette  côte  mon- 
tagneuse, battue  par  les  flots  d'une  mer  souvent 
furieuse,  manque  malheureusement  de  bons  ports 
naturels.  C'est  à  grands  frais  qu'on  a  créé  ceux 
d'Alger,  d'Oran,  de  Philippeville.  Mais  la  mer 
offre  l'avantage  d'amener  des  pluies,  au  moins 
pendant  l'hiver,  et  de  modérer  l'ardeur  de  la  tem- 
pérature pendant  l'été.  Le  climat  de  cette  côte  est 
donc  des  plus  bienfaisants,  en  mémo  temps  que 
l'aspect  des  promontoires  escarpés  plongeant  dans 
la  mer,  des  villes  s'élevant  en  amphithéâtre  avec 
leurs  minarets  et  leurs  maisons  dont  la  blancheur 
tranche  sur  la  verdure  environnante,  forme  un  ta- 
bleau enchanteur,  éclairé  par  les  rayons  d'un  so- 
leil magnifique  et  reflété  dans  les  eaux  de  la  Mé- 
diterranée d'un  bleu  si  intense. 

Là  s'étendent  les  fertiles  terres  du  Tell,  comprises 
entre  la  mer  et  les  escarpements  de  l'Atlas,  et 
qui,  grâce  à  l'irrigation,  se  couvrent  d'une  végéta- 
tion superbe. 

Ces  campagnes,  —  parmi  lesquelles  la  plaine  de 
..G  Métidja,  au  sud  d'Alger,  celle  de  la  Macta, 
autour  de  Saint-Denis  du  Sig  (département  d'O- 
ran), sont  les  plus  renommées,  —  produisent  des 
céréales, des  primeurs,  qu'elles  expédient  sur  nos 
marchés  pendant  tout  l'hiver,  des  oranges  et  des 
figues,  du  lin,  du  coton  et  du  tabac.  Les  montagnes 
qui  les  dominent  sont  couvertes  d'oliviers,  de  mû- 
riers pour  les  vers  à  soie,  et  de  vignes  dont  l'éten- 
due s'accroît  rapidement  depuis  les  terribles  rava- 
ges  du  phylloxéra  en  France. 

Les  hauts  plateaux.  —  Au  sud  du  Tell  s'étend 
la  région  des  hauts  plateaux.  Leur  altitude,  de  800 
à  lli  0  mètres,  et  leur  éloignement  de  la  mer  en 
rendent  le  climat  plus  variable  que  celui  du  Tell. 
La  neige  tombe  sur  ces  plateaux  et  il  y  gèle  en 
hiver;  par  contre,  la  chaleur  de  l'été  y  est  exces- 
sive. Les  plateaux  sont  un  terrain  de  pâture  par- 
couru par  des  troupeaux  de  moutons,  de  chèvres, 
de  bœufs,  qui  s'y  nourrissent  des  herbes  aromati- 
ques que  fait  naître  la  pluie  et  que  grille  le  soleil. 
D'immenses  espaces,  surtout  à  l'ouest  (dépar- 
tement d'Oran),  y  sont  couverts  par  Val/a,  plante 
textile  qui  pousse  spontanément  et  qui  est  assez 
recherchée  par  les  fabricants  de  sparterie  ou  de 
papiers  pour  qu'on  ouvre,  en  ce  moment,  dans 
cette  direction,  plusieurs  voies  ferrées  destinées  à 
faciliter  l'exportation  de  ce  produit.  Le  gibier 
abonde  dans  cette  région,  et  les  chasseurs  qui  ne 
ne  trouvent  pas  dans  le  sanglier  un  adversaire  assez 
redoutable,  peuvent  afl'ronter  les  hyènes,  les  pan- 
thères et  les  lions  qui  attaquent  les  troupeaux. 

Comme  pour  le  Tell,  comme  pour  le  Sahara, 
.'eau  est  la  condition  nécessaire  à  la  végétation  sur 
les  plateaux.  Et  le  sol  est  de  qualité  suffisante 
pour  qu'en  ramenant  à  la  surface  une  partie  des 
eaux  tombées  pendant  l'hiver,  qui  s'engouffrent 
dans  des  cavités  souterraines,  on  puisse  transfor- 
mer une  grande  partie  des  plateaux  en  terres  labou- 
rables comme  celles  du  Tell.  Dans  le  département  de 
Constantine,  où  les  pluies  sont  plus  abondantes 
que  dans  les  deux  autres,  la  transformation  est  en 
partie  faite,  et  c'est  de  ce  côté  (|ue  se  portent  le 
plus  volontiers  les  émigrantsdunordou  de  l'est  de  la 
France,  qui  y  trouvent  un  sol  fécond  sous  un  cli- 
mat approprié  à  leur  tempérament. 

Régime  des  eaux.  —  Rivières  du  l'Algérie  et 
choits.  —  Une  bonne  partie  des  eaux  tombées  sur 
les  hauts  plateaux  traversent  les  montagnes  qui  en 
forment  le  rebord  septentrional  et  vont  arroser  le 
Tell,  avant  de  finir  dans  la  Méditerranée.  Aucun 
de  CCS  cours  d'eau  n'est  considérable,  et  tous  ont 
l'allure  torrentielle.  Gonflés  subitement  à  la  suite 
des  pluies  et  des  orages,  ils  disparaissent  pres- 
que aussi  vite  dans  les  sables  de  leur  lit.  Le  Ché- 
lifl",  le  plus  long  de  tous,  puisque  son  cours  atteint 
près    de  700   kilomètres,   ne  roule    en   moyenne. 


'  dans  la  partie  inférieure  de  son  cours,  que  30  mè- 

1  lies  cubes  d'eau  par  seconde,  la  dixième  partie  de 

I  la  Seine  à  Paris.  Mais  si  aucune  de  ces  rivières  ne 

peut  servir  à  la  navigation,  toutes  sont  précieuses 

I  par  l'eau  qu'elles  fournissent  à  l'irrigation.  Chaque 

I  année  on  établit  de  nouveaux  barrages   à  travers 

les  vallées,  pour  emmagasiner  en  amont  une  réserve 

d'eau  qui  transforme  en  terre  fertile  un  sol  calciné 

par  la  sécheresse. 

i      Les  eaux  des  steppes,  qui  ne  descendent  pas  au 

I  Tell,   se  réunissent  dans  les  chotts,  lacs  souvent 

salés,  qui  sont  orientés  du  S.  0.  au  N.  E.   en  un 

I  long  chapelet   comme  s'ils   avaient  été   autrefois 

réunis.  Les   chotts  constituent  un  des  caractères 

•  importants  de  cette  région  moyenne  de  l'Algérie, 

1  les  plateaux  ou  steppes   qui  couvrent  10  millions 

i  d'hectares,  tandis  que  le  Tell   en  occupe    15  mil- 

\  lions  et  que  40  millions  font  partie  du  Sahara. 

Le  Sahara.  —  Le   sol  s'abaisse   de   ce  côté   du 
I  N.  au  S.    mais  les  eaux  qui  y  descendent  ne  tar- 
dent pas  à  être  bues  par  les  sables  de  ce  pays  de  la 
soif.  11  ne  pleut  presque  jamais  dans  le  Sahara,  le 
ciel  y  est  toujours  pur,  et  à  la  température  torride 
;  du  jour  qu'on  a  vue  atteindre  jusqu'à  56°  à  l'ombre 
,  (à   Tougourt),   succède   un  rayonnement  nocturne 
très-fort  qui  fait  descendre  le  thermomètre  au-des- 
sous de  0°.  Ces  variations  si  brusques  amènent  des 
maladies  et  surtout  des  maux  d'yeux.  Mais  partout 
i  où  il  y  a  des  sources  naturelles,  et  là  où  la  sonde 
I  fait  jaillir  l'eau  des  puits  artésiens,  le  sable  devient 
'  fertile;  à  l'ombre  du  palmier  couvert  de  dattes,  mû- 
I  rissent  les  abricots,  les  pêches  et  autres  fruits  de 
nos  climats,  tandis  qu'au  pied  de  ces  derniers  ar- 
'  bres,  le  sol   est  encore  assez  généreux  pour  pro- 
j  duire  de  l'orge  et  des  légumes. 
j      Aussi   les  indigènes,  qui,  depuis  longtemps  du 
i  reste,  creusaient    des    puits,  accueillent-ils   avec 
:  une   extrême    reconnaissance  les  équipes   de  nos 
;  ouvriers    plus    habiles  qui    sont    constamment   à 
I  l'œuvre   dans  le    sud   du    département  de  Cons- 
i  tantine.  L'Oued  Rir  et  l'Oued  Souf  forment  là  de 
1  fertiles  vallées,  où  les  eaux  courantes  reparaîtront 
i  peut-être  un  jour  à  la  surface  du  sol  où  elles  ont 
'  coulé  autrefois,  comme  pourrait  le  faire  croire  la 
I  longue  vallée  sèche  aujourd'hui  de  l'Ighargar  dont 
j  on  suit  la  trace  pendant  plusieurs  centaines  de  kilo- 
mètres, du  Nord  au  Sud,  depuis  Tougourt  jusqu'au 
pied  de  l'Ahaggar,  d'où  cette  rivière  sort.  Ses  eaux 
j  descendaient  dans  cette  vaste  dépression  du  chott 
i  Melrir,  qui  s'étend  au  sud  de  Biskra,  et  dont  le  ni- 
veau, inférieur  à  celui  de  la  Méditerranée,  ainsi  que 
l'a  constaté  récemment  un  nivellement  de  haute 
précision,  permettrait  d'y  ramener  les  eaux  de  la  mer 
et  de  transformer  probablement  la  région  avoisi- 
nante  en  en  rendant  le  climat  plus  humide. 

Forêts  de  l'Algérie.  —  Un  autre  moyen  de  ra- 
mener de  l'humidité,  c'est  le  reboisement. 

L'Algérie  possède  encore  de  superbes  forêts,  des 
chênes-liéges  dans  le  département  de  Constantine, 
des  bois  d'ébénisterie,  comme  le  cèdre  et  le  thuya, 
ou  de  construction,  comme  le  pin  d'Alep,  dans  la 
province  d'Alger.  Mais  l'incurie  et  la  malveillance  en 
ont  détruit  de  grandes  étendues,  et  c'est  un  des 
grands  soucis  de  l'administration  française  que  de 
porter  remède  à  ce  fléau,  dont  les  conséquences, 
semblables  des  deux  côtés  de  la  Méditerranée, 
lont  ébouler  les  flancs  de  l'Atlas  comme  ceux  des 
Alpes  ou  des  Gévennes.  Les  plantations  d'eucalyp- 
tus ont  un  autre  but,  depuis  qu'on  a  découvert 
qu'indépendamment  de  sa  croissance  rapide  et  de 
l'excellent  bois  qu'il  fournit,  cet  arbre  a  l'heureuse 
propriété  d'assainir  les  terrains  fiévreux.  C'est  ainsi 
qu'aux  environs  de  Bône  on  combat  avec  succès 
l'influence  du  lac  de  Fetzara. 

Richesses  minérales.  —  A  côté  des  forêts  les 
montagnes  d'Algérie  ofl"rent  de  précieuses  riches- 
ses minérales.  Si  les  mines  de  fer  de  Mokhta-el- 
Hadid,  près   de  Bône,  occupent  .^«  premier  rang 


ALGERIE 


80 


ALGERIE 


par  leur  réputation,  il  ne  manque  pas  de  gisements 
importants  de  divers  minerais  de  ce  métal.  Le  cui- 
vre, le  plomb  argentifère,  le  zinc,  l'antimoine,  et  le 
manganèse  sont  également  répandus.  Les  marbres 
onyx  de  la  province  d'Oran,  et  les  marbres  blancs 
statuaires  de  la  province  de  Constantine  sont 
très-employés  dans  les  arts  décoratifs.  Enfin  le  sel 
des  chotts  et  les  mines  de  sel  gemme  du  Sahara 
algérien  offriront  de  grandes  ressources  le  jour  où  l'on 
pourra  transporter  facilement  de  grandes  quantités 
de  leurs  produits  jusqu'au  Soudan,  qui  manque 
absolument  de  cette  denrée  indispensable. 

Industrie.  —  L'industrie  est  peu  développée  en 
Algérie.  Les  bras  n'étant  pas  assez  nombreux  pour 
tirer  du  sol  toutes  les  matières  premières  qu'il  peut 
aisément  fournir,  les  Algériens  ne  peuvent  avoir 
encore  la  prétention  de  les  transformer  eux-mêmes. 
Il  y  a  quelques  minoteries  importantes.  Tous  les 
indigènes  fabriquent  quelques  tissus  à  leur  usage, 
des  articles  de  sellerie  ou  d'orfèvrerie  et  des  ar- 
mes. 

Commerce  extérieur,  importations  et  exporta- 
tioiis.  —  Le  commerce  extérieur  se  fait  principa- 
lement avec  la  France,  dont  la  part  est  des  4/5, 
puis  avec  l'Angleterre,  l'Espagne  et  l'Italie.  En  1875, 
les  importations  se  sont  élevées  à  une  valeur  de 
192  000  000  de  francs  et  les  exportations  à  144  000  OdO. 
Les  premières  comprennent  surtout  des  tissus,  des 
denrées  coloniales,  des  matériaux  de  construction  ; 
les  secondes,  des  céréales,  des  légumes,  des  fruits, 
des  métaux,  des  bestiaux  (surtout  des  moutons), 
des  laines,  des  peaux,  de  l'alfa,  de  la  cire.  (Le  port 
de  Bougie  a  donné  son  nom  aux  chandelles  de  cire 
qu'il  a  longtemps  fournies.)  Chacun  connaît  les 
qualités  des  chevaux  arabes  sous  le  rapport  de  la 
résistance  à  la  fatigue,  de  la  sobriété,  de  la  finesse 
des  membres.  L'Algérie  en  fournit  un  nombre  im- 
portant à  la  remonte  de  l'armée.  Les  pêcheurs  napo- 
litains viennent  chercher  de  beau  corail  sur  les 
côtes  de  la  Galle,  à  re.\trémité  orientale  de  notre 
colonie. 

Races  peuplant  l Algérie.  —  Si  l'Algérie  a  sou- 
vent changé  de  maîtres,  puisque  l'histoire  nous 
rapporte  que  les  Romains,  et  sans  doute  avant  eux 
les  Carthaginois,  puis  les  Vandales,  les  Arabes,  les 
Turcs,  les  Français  en  ont  successivement  fait  la 
conquête,  la  race  berbère  a  néanmoins  conservé 
toujours  sa  pureté.  Les  descendants  de  ces  Numi- 
des, qui  résistaient  aux  armées  romaines  sous 
Jugurtha  et  Massinissa,  ont  bien  pu  embrasser 
rislamisme  des  Arabes;  ils  n'en  ont  pris  ni  la  lan- 
gue ni  les  mœurs. 

Fietranchés  dans  les  montagnes  de  la  Kabylie,  à 
lest  d'Alger,  du  Dahra,  entre  le  Chéliff  et  la  Mé- 
diterranée, de  l'Aurès,  au  sud  de  Constantine,  ils 
ont  su  y  maintenir  longtemps  leur  indépendance. 
La  grande  Kabylie  n'a  été  soumise  à  nos  armes 
qu'en  1S57.  Ces  Kabyles  sont  des  cultivateurs  la- 
borieux, attachés  à  leur  sol  natal  et  à  la  propriété 
individuelle,  ne  partageant  pas  le  fanatisme  orien- 
tal des  Arabes  et  plus  susceptibles  que  ces  der- 
niers de  profiter  des  bienfaits  de  notre  civilisation 
et  de  nos  arts. 

Il  y  a  un  million  de  Kabyles  environ  et  presque 
autant  de  Berbères  croisés  de  sang  arabe.  Quant 
aux  Arabes  purs,  le  nombre  en  va  toujours  dimi- 
nuant. Ils  ne  sont  plus  que  500  000.  Avec  leur  ca- 
ractère indolent,  rêveur  et  imprévoyant,  avec 
leur  vie  nomade  qui  exige  de  grands  espaces  pour 
nourrir  leurs  troupeaux,  ils  ne  peuvent  soutenir  la 
lutte  contre  les  progrès  de  la  colonisation,  ni  con- 
tre les  Berbèi'os,  du  moment  qu'ils  ne  sont  plus  les 
maîtres  du  pays.  Les  famines,  les  épidémies  les 
font  périr  par  milliers. 

Les  Juifs  descendant  principalemont  de  ceux  que 
l'inquisition  a  fait  sortir  d'Espagne,  sont  de  30  à 
40  000.  Bien  qu'ils  soient  méprisés  par  les  Musul- 
man*,  la  souplesse  de  caractère  que  leur   donne 


l'amour  du  lucre,  et  la  connaissance  des  diverses 
langues  parlées  dans  le  pays  en  font  d'utiles  inter- 
médiaires, qui  détiennent  dans_  leurs  mains  un 
grand  commerce. 

Dans  les  oasis  du  Sud,  les  caravanes  du  Soudan 
ont  amené  quelques  nègres,  en  trop  petit  nombre 
pour  qu'on  puisse  encore  juger  s'il  serait  bon  ou 
mauvais  de  développer  l'introduction  dans  la  colo- 
nie de  ce  nouvel  élément  de  population. 

Les  Européens  sont  300  000,  en  grande  partie 
français  ou  franco-africains,  c'est-à-dire  nés  en  Al- 
gérie de  parents  français.  Quant  aux  étrangers,  ce 
sont  naturellement  les  races  latines,  les  Espagnols 
et  les  Italiens,  qui  en  forment  le  plus  gros  con- 
tingent. 

Colonisation.  —  Chaque  année  avec  les  ressour- 
ces du  budget  ou  des  dons  volontaires,  comme  pour 
les  Alsaciens-Lorrains,  l'administration  crée  de 
nouveaux  villages,  où  elle  appelle  des  cultivateurs 
européens  ou  des  Africains  établis  sur  d'autres 
points  plus  peuplés,  en  leur  concédant  des  terres, 
et  en  leur  faisant  les  avances  nécessaires  pour  les 
mettre  en  valeur,  après  avoir  élevé,  près  d'une 
source  suffisante,  les  bâtiments  rudimentaircs  de 
toute  commune  et  ceux  qui  devront  abriter  provi- 
soirement les  nouveaux  arrivants. 

Chemins  de  fer.  —  L'Algérie  commence  à  se  sil- 
lonner de  chemins  de  fer.  D'Alger,  à  Oran,  la  ligne 
qui  a  actuellement  le  plus  long  parcours  dessert 
la  plaine  de  la  Métidja,  puis  la  vallée  du  Chéliff. 
Constantine  est  relié  à  son  port,  Philippeville,  et 
le  chemin  de  Bône  à  Guelma  parcourt  la  fertile 
vallée  de  la  Seybouse.  D'autres  lignes,  en  construc- 
tion, iront  bientôt  chercher  l'alfa  sur  les  plateaux, 
relieront  Alger  à  Constantine  et  aux  lignes  de  la 
Tunisie,  puis  atteindront  le  Sahara.  En  attendant 
leur  réalisation,  les  transports  se  font  généralement 
sur  des  charrettes  traînées  par  des  mulets  dans  le 
nord  de  l'Algérie,  où  l'on  a  tracé  les  premières 
routes  carrossables.  Dans  le  sud,  ce  sont  les  cha- 
meaux des  indigènes  qui  parcourent  le  Sahara,  et 
on  cherche  en  ce  moment  à  ramener  sur  des  foires 
ouvertes  vers  les  extrémités  de  nos  possessions  une 
partie  des  marchandises  du  Soudan  et  du  Sahara, 
que  les  caravanes  vont  porter  au  Maroc  ou  à  Tunis 
depuis  que  la  conquête  française  les  a  éloignées 
de  leur  ancienne  route.  Les  chemins  de  fer  du 
Sahara  pourront  aider  au  rétablissement  de  ce  trafic 
et  servir  à  diminuer  le  chiffre  de  notre  armée  d'oc- 
cupation qui  s'élève  encore  à  50  ou  60  000  hommes. 

Admijiistration.  —  L'Algérie  est  divisée  admi- 
nistrativement  en  trois  départements  (qui  jusqu'en 
1870  s'appelaient  provinces))  :  Oran,  Alger,  Gons- 
lantine.  Chacun  d'eux  comprend  un  territoire  civil 
administré  par  un  préfet,  des  sous-préfets  et  des 
juges  de  paix,  comme  en  France,  et  un  territoire 
de  commandement  soumis  à  l'autorité  militaire  et 
administré  par  les  bureaux  arabes  qui  relèvent  des 
commandants  militaires.  Il  y  a  au  chef-lieu  de 
chaque  département  un  général  de  division,  qui 
est  leur  supérieur  hiérarchique  et  qui  commande 
les  troupes.  L'Algérie  tout  entière  est  sous  la  di- 
rection d'un  gouverneur  général  civil. 

Les  diverses  communes  sont  appelées  petit  à  pe- 
tit à  passer  du  territoire  de  commandement  dans  le 
territoire  civil  au  fur  et  à  mesure  que  la  colonisation 
y  est  suffisamment  établie  et  les  indigènes  à  l'état 
de  soumission. 

Le  département  d'Alger  comprend  quatre  arron- 
dissements, dont  les  chefs-lieux  sont  :  .\lger,  Mi- 
liana,  Orléansville  et  Tizi-Ouzou,  et  cinq  subdivi- 
sions militaires,  dont  les  commandants  résident  à 
Alger,  Fort-National,  Aumale,  Médéa  et  Miliana. 

Le  départemcntd'Oran  comprend  cinq  arrondisse- 
ments :  Oran,  Mascara,  Mostaganem,  Sidi-bel-Abbès, 
TIemcen,  et   trois   subdivisions  militaires  :  Oran, 
Mascara  et  TIemcen. 
Le  département  de  Constantine  comprend  six  arron- 


ALGERIE 


dissements  :  Constantine,  Bôie.  .'Bougie,  Caolma, 
Philippeville,  Sétif  et  quatre  subdivisions  militaires, 
Constantine,  Batna,  Bône  et  Sétif.      [G.  Meissas.] 

Ouvrages  à  consulter  : 

Tlemcen,  par  Lordal.  Tour  du  Monde,  1875,11,  p.  303-368; 
—  Le  Palais  de  Constantine,  par  Féraud.  Tour  du  Monde, 
1877,  II,  p.  223-256;  —  l'Algérie,  par  J.-J.  Clamageran. 

2.  Histoire  de  l'Algérie.  —  L'iiistoire  de  l'Algérie 
peut  être  divisée  en  trois  grandes  périodes  :  r  la 
période  ancienne;  2°  la  période  musulmane;  3°  la 
période  française.  La  période  ancienne  s'étend  des 
temps  les  plus  reculés  jusqu'à  l'invasion  des  Ara- 
bes, au  septième  siècle  de  l'ère  chrétienne.  La  pé- 
riode musulmane  embrasse  les  différentes  domina- 
tions qui  s'y  succèdent  depuis  lors,  jusqu'à  la 
conquête  française.  En  1830,  laprised  Alger  inaugure 
la  conquête  du  pays  par  la  France  et  ouvre  la  pé- 
riode française. 

I.  PÉRIODE  ANCIENNE.  —  1°  Avaîit  la  couquête 
carthaginnise.  —  Les  populations  primitives  de 
toute  1  Afrique  du  nord,  auxquelles  on  donna  dans 
l'antiquité  les  différents  noms  de  Libyens,  de  Nu- 
mides, de  Gélules  et  de  Maures,  paraissent  avoir 
appartenu  à  une  même  race,  la  race  berbère,  et 
avoir  été  sujettes  à  des  migrations  nombreuses  et 
à  de  fréquents  mélanges. 

2»  Domination  curthagiîioise.  —  Les  Phéni- 
ciens fondèrent,  près  de  l'emplacement  actuel  de 
Tunis,  la  ville  de  Carthage,  qui  devint  bientôt 
par  le  commerce  et  par  l'industrie  la  métropole  de 
l'Afrique  du  nord.  Les  pays  qu'on  nomme  aujour- 
d'hui Tunisie,  Algérie,  Maroc,  passèrent  sous  sa 
domination.  Mais  un  des  chefs  devenus  ses  tribu- 
taires profita  des  guerres  de  Carthage  avec  Rome 
pour  s'affranchir  en  s'alliant  aux  Romains,  qui  le 
firent  roi  de  Numidie 

3°  Domination  romaine.  —  Après  la  prise  et  la 
destruction  de  Carthage,  tout  le  nord  de  l'Afrique 
obéit  aux  Romains.  Cependant  le  petit-fils  de 
Massinissa,  Jugurtha,  fut  pour  eux  un  rude  adver- 
saire. Pour  rester  seul  maître  du  royaume  de  Nu- 
midie, il  avait  assassiné  ses  deux  cousins.  Rome 
essayant  de  le  punir,  il  se  défendit  contre  elle.  Avec 
ses  cavaliers  légers,  il  attaquait  par  surprise  les  trou- 
pes romaines,  et  quand  il  se  trouvait  le  plus  faible, 
fuyait  à  travers  les  solitudes  du  désert.  Malgré  les 
défaites  répétées,  malgré  la  perte  de  sa  capitale 
Cirta  (aujourd'hui  Constantine),  il  résista  long- 
temps, jusqu'au  jour  où  un  roi  voisin,  son  allié,  le 
livra  à  ses  ennemis. 

Après  Jugurtha,  et  malgré  quelques  révoltes,  la 
domination  romaine  s'établit  sur  tout  le  pays  et  y 
dura  plus  de  quatre  cents  ans.  L'Algérie  actuelle 
était  comprise  dans  les  provinces  de  Numidie  et  de 
Mauritanie.  L'époque  romaine  fut  prospère  :  la  po- 
pulation était  nombreuse,  partout  s'élevaient  des 
villes  florissantes,  dont  il  nous  est  donné  d'admirer 
les  ruines  grandioses,  particulièrement  à  Cherchell 
(départ.  d'Alger),  à  Lambèse  (départ,  de  Constan- 
tine). 

4°  Domination  des  Vandales,  puis  de  l'Empire 
romain  de  Constantinople.  —  Au  v'  siècle  de  l'ère 
chrétienne,  lors  de  l'invasion  des  Barbares,  l'Afri- 
que fut  envahie  par  les  Vandales,  originaires  de  la 
Germanie  qui  avaient  traversé  la  Gaule  et  l'Espagne, 
mais  ils  y  dominèrent  à  peine  un  siècle.  Bélisaire, 
envoyé  par  l'empereur  de  Constantinople,  Justinien 
les  défit  complètement,  emmena  prisonnier  leur  roi 
Gélimer  et  détruisit  leur  empire.  Mais  leur  séjour 
avait  tout  désorganisé,  les  populations  civilisées 
avaient  en  partie  disparu  et  les  populations  indi 
cènes  étaient  revenues  à  leur  état  presque  sau- 
vage. 

IL  PÉRIODE  MUSULMANE  (700-1830).  —  1°  Invosïon 
arabe.  —  Dès  la  fin  du  vu'  siècle,  les  Arabes,  qui 
Ti-naient  de  conquérir  l'Egypte,  se  répandirent  à 
l'iiuest,  et  leur  chef  Okba  courut  jusqu'à  l'Atlan- 
fuiue.  Mais  il  fut  tué  au  retour  par  les  Berbères  sou- 

2^  Partie. 


—  81  —  ALGERIE 

levés,  et  son  successeur  Hassan  ne  triompha  qu'à 
grande  peine  des  montagnards  de  l'Aurès,  encou- 
ragés et  dirigés  dans  leur  résistance  par  une  femme, 
la  Knhina  ou  prophétesse.  Cette  région  fut  divisée 
en  trois  provinces,  dont  une,  le  Mai/reb  ceiitral, 
correspondait  à  peu  près  à  notre  Algérie. 

2°  Colonisatio7i  arabe.  —  Les  Arabes  qui  vinrent 
à  ce  moment  en  Afrique  furent  en  petit  nombre. 
Ce  ne  fut  que  longtemps  après,  de  1050  à  IlOO, 
que  des  tribus  nomades,  celles  de  Hilal  et  de  So- 
léim,  s'établirent  définitivement  dans  le  pays  et 
firent  prendre  aux  Berbères,  déjà  convertis  à  leur 
religion,  leurs  moeurs,  leurs  usages  et  souvent  leur 
langue.  De  ces  deux  tribus  descendent  les  Arabes 
qui  sont  aujourd'hui  en  Algérie. 

3°  Dynasties  musulmanes  du  wW  au  xvi^  siècle. 
—  De  700  à  1500  environ,  de  nombreuses  dynasties- 
musulmanes  se  succédèrent  en  Afrique.  Les  prin- 
cipales furent  celles  des  Fatemides,  des  Almohades, 
des  Almoravides,  des  Merinides.  Les  villes  de 
Kaïroan  (Tunisie),  de  Tlemcen  dans  le  Mag'reb  cen- 
tral, de  Fez  dans  le  Mag'reb  occidental,  furent  suc- 
cessivement ou  simultanément  des  capitales  de 
royaumes. 

-i"  L'Algérie  sous  la  domination  turc^ue.  Les 
frères  Barberousse.  —  Vers  l'an  1500  les  États  mu- 
sulmans de  l'Afrique  du  Nord  étaient  en  pleine 
décadence  :  les  Portugais  s'emparaient  des  ports 
de  l'Océan  ;  les  Espagnols,  sur  la  côte  de  la  Médi- 
terranée, occupaient  Oran  et  Bougie  et  construi- 
saient un  fort  dans  le  port  mC-mo  d'Alger.  Ce  fut 
alors  que  les  deux  frères  Aroudj  et  Khaïr-Eddin, 
qui  portèrent  tous  deux  le  surnom  de  Barberousse, 
se  rendirent  maîtres  d'Alger.  Pour  être  soutenus 
contre  leurs  voisins  et  surtout  contre  les  Espagnols, 
eux  et  leurs  successeurs  se  reconnurent  sujets  du 
sultan  de  Constantinople.  Tunis  et  Tripoli  recon- 
nurent aussi  l'autorité  des  Turcs. 

Al'jer,  repaire  des  pirates.  —  A  Alger  résidait 
un  dey  ayant  sous  ses  ordres  les  beys  ou  gouver- 
neurs de  Constantine,  de  Titeri  et  de  l'Ouest.  Le 
dey  et  les  beys.  assistés  d'une  armée  turque,  exer- 
çaient sur  le  pays  une  domination  très-dure.  Nulle 
paix,  nulle  sécurité  ;  à  chaque  instant  le  dey  ou  les 
beys  étaient  renversés  et  massacrés  par  leurs  tur- 
bulents soldats  ;  les  séditions  et  les  désordres  se 
reproduisaient  tous  les  jours.  Alger  était  un  véri- 
table repaire  de  brigands.  Do  son  port,,  comme  de 
tous  les  ports  voisins,  des  pirates  partaient  pour 
aller  attaquer  les  navires  de  commerce.  Ils  égor- 
geaient tout  ce  qui  résistait  ;  ceux  (jui  s'étaient  ren- 
dus étaient  mis  en  vente,  en  même  temps  que  le 
bâtiment  et  les  marchandises. 

Expéditions  contre  les  pirates  d'Alger.  —  Les 
puissances  européennes,  pour  qui  ces  brigandages 
.étaient  à  la  fois  une  ruine  et  une  honte,  essayèrent 
à  plusieurs  reprises  de  les  réprimer.  En  1511,  Charles- 
Quint,  roi  d'Espagne  et  empereur  d'Allemagne, 
échoua  devant  Alger.  Sous  Louis  XIV,  les  amiraux 
français Duquesne et d'Estrécs bombardèrent  inutile- 
ment Cette  même  ville.  L'expédition  espagnole,  con- 
duite en  1775  par  O'Reilly,  eut  le  sort  de  celle  de 
Charles-Quint.  Le  bombardement  exécuté  en  1816  par 
l'Anglais  Exmouth  ne  fut  pas  plus  efficace  que 
celui    de   Duquesne. 

Ce  fut  seulement  en  1810  qu'une  armée  fran- 
çaise, s'emparant  d'Alger,  mit  fin  et  à  la  domination 
du  dey  et  aux  brigandages  qui  désolaient  depuis 
trois  siècles  la  Méditerranée. 

m.  Période  fra.nçaise.  —  Depuis  longtemps  déjà 
des  rapports  de  guerres,  de  traitésou  de  commerce 
s'étaient  établis  entre  la  France  et  la  régence.  Des 
difficultés  survinrent,  à  propos  dune  créance  de 
négociants  algériens,  entre  le  gouvernement  de 
Charles  X  et  le  dey  Hussein.  Hussein  s'oublia  jus- 
qu'à insulter  le  consul  français.  Le  blocus  du  port 
d'Alger  n'ayant  pu  le  décider  à  donner  satisfaction, 
une  expédition  fut  résolue. 


ALGERIE 


8->  — 


ALGERIE 


Pnse  cTAlger  (ISZO).  —  La  flotte  était  commandée 
par  l'amiral  Duperré,  larmée  par  le  maréchal  de 
Bourmont.  Le  débarquement  s'effectua  dans  la  baie 
de  Sidi-Ferruet,  située  à  l'ouest  d'Alger  ;  après  le 
combat  de  Siaouéli  et  la  destruction  du  fort  l'Em- 
pereur, que  ses  défenseurs  firent  sauter,  la  ville 
ouvrit  ses  portes  et,  le  5  juillet  1830,  les  troupes 
françaises  y  firent  leur  entrée. 

Soumission  du  littoral.  —  Presque  en  même 
temps  qu'Alger,  les  Français  occupaient  deux 
points  importants  du  littoral  :  Oran  à  l'ouest  et 
Bône  à  l'est.  Mais,  pour  rester  maîtres  de  la  côte,  il 
leur  fallait  faire  la  conquête  de  l'intérieur.  Cette 
conquête  présentait  des  difficultés  sérieuses  :  en 
France  on  n'était  pas  toujours  décidé  à  maintenir 
l'occupation  ou  à  la  pousser  plus  avant  ;  la  nature 
'du  pays,  l'ardeur  belliqueuse  et  le  fanatisme  reli- 
gieux des  populations  imposaient  à  l'armée  d'Afri- 
que de  rudes  et  longs  efforts.  Aux  environs  même 
d'Alger  il  fallut  des  années  de  combats  pour  assu- 
rer la  tranquillité  de  la  plaine  de  la  Mitidja. 

Conquête  de  l'Ouest;  Abd-d-Kader.  —  Dans 
l'ouest,  les  progrès  des  Français  furent  longtemps 
arrêtés  par  l'émir  Abd-el-Kader,  descendant  d'une 
famille  de  marabouts,  fanatique,  ambitieux,  rempli 
de  bravoure  et  d'habileté.  Un  imprudent  traité 
conclu  avec  lui  par  le  général  Desmicbels  lui  per- 
mit d'étendre  son  influence  et  son  autorité  ;  un 
succès  remporté  sur  le  général  Clausel  à  la  Macta 
augmenta  son  prestige.  Mais  le  général  Bugeaud  le 
défit  à  la  Sikkak.  11  signa  volontiers  le  traité  de  la 
Tafna  (l'^ST),  par  lequel  on  lui  reconnaissait  une 
souveraineté  indépendante  sur  presque  toute  l'Al- 
gérie. 

Il  reprit  cependant  les  armes  deux  ans  après.  La 
défaite  qu'il  essuya  au  col  de  Mouzaîa,  la  perte  suc- 
cessive de  toutes  ses  places,  Médéa,  Miliana,  Boghar, 
Saida,  enfin  la  prise  de  sa  Smala  enlevée  par  le 
duc  d'Aumale  (mai  1843)  l'obligèrent  à  chercher  un 
refuge  au  Maroc.  L'empereur  du  Maroc  Abder- 
Rhaman  se  laissa  entraîner  par  lui  à  attaquer  les 
Français.  Le  maréchal  Bugeaud  défit  complètement 
les  Marocains  sur  la  rivière  d'Isly  1844  .  Abd-el-Ka- 
der fut  abandonné  par  son  allié.  Mais  il  n'était 
point  encore  dompté.  Profitant  du  soulèvement  de 
Bou-Masa,  il  reprend  les  armes  et  anéantit  le  dé- 
tachement du  colonel  Montagnac.  Vivement  pour- 
suivi par  les  Français,  chassé  du  Maroc  par  Abder- 
Rhaman  qu'il  a  voulu  renverser,  il  finit  par  se 
rendre  au  général  Lamoricière.  Dès  lors  la  soumis- 
sion de  l'ouest  était  assurée. 

CoTiquête  de  l'Est;  Ahmed.  —  Dans  l'est,  on  avait 
songé  dès  1836  à  attaquer  dans  sa  ville  de  Constan- 
tine  le  bey  Ahmed,  ennemi  aussi  acharné  qu' Abd- 
el-Kader.  Une  première  expédition  fut  entreprise 
par  le  maréchal  Clausel.  Mais  les  forces  dont  il 
disposait  étaient  insuffisantes,  le  froid  et  la  pluie 
éprouvèrent  rudement  les  troupes,  et  la  ville  de 
Constantine,  dont  on  espérait  la  reddition,  se  dé- 
fendit avec  vigueur.  Il  fallut  reculer  et  exécuter  une 
retraite  qui  aurait  tourné  en  désastre  sans  la  fer- 
meté du  maréchal. 

L'année  suivante  l'armée  française  prit  sa  revan- 
che. Après  un  assaut  terrible  où  périt  le  général 
Damrémont  et  que  le  général  Valée  acheva,  la  ville 
de  Constantine  fut  enlevée  et  occupée  définitive- 
ment. 

Expéditions  centre  le  Sahara  et  la  Kahylie.  — 
Pour  achever  la  conquête,  il  restait  encore  une 
double  tâche  à  accomplir.  Il  fallait,  dune  part, 
assurer  la  sécurité  de  la  partie  nord  de  1  Algérie  ou 
Tell,  en  soumettant  les  habitants  du  Sahara.  Il  fal- 
lait, d'autre  part,  dans  le  Tell  même,  imposer  la 
domination  française  aux  montagnards  de  la 
Kabylie. 

La  soumission  au  Sahara  n'offrait  guère  que  les 
difficultés  résultant  de  l'éloignement  et  du  climat. 
Sur  quelques  points  seulement  il  y  eut  une  résis- 


tance sérieuse.  A  Zaatcha,  une  des  oasis  de  l'est, 
les  habitants,  fanatisés  par  l'agitateur  Bou-Zian,  se 
défendirent  pendant  52  jours  contre  les  colonnes 
françaises  (1840;.  Ils  furent  presque  tous  massacrés. 
A  Laghouat,  la  plus  importante  des  positions  au 
sud  de  la  province  d'Alger,  le  siège  fut  moins  long, 
mais  l'assaut  aussi  furieux  et  aussi  sanglant 
(1852).  Après  ces  terribles  exemples  il  n'y  eut  plus 
dans  le  Sahara  que  des  révoltes  partielles,  aisément 
réprimées. 

En  Kabylie  on  avait  affaire  à  une  population 
nombreuse,  serrée  dans  une  étendue  restreinte,  et 
dont  la  belliqueuse  énergie  était  singulièrement 
favorisée  par  la  nature  du  pays.  Dès  le  débarque- 
ment les  troupes  françaises  avaient  eu  affaire  aux 
Kabyles.  En  1844,  1845,  1847  le  maréchal  Bugeaud 
donna  à  ces  montagnards  quelques  rudes  leçons. 
En  1857,  le  maréchal  Randon  entreprit  contre 
eux  une  grande  expédition.  Attaqués  de  tous  côtés 
par  une  armée  de  35  000  hommes,  consternés 
par  la  défaite  des  Beni-Raten,  les  plus  puissants 
d'entre  eux,  les  Kabyles  firent  leur  soumission. 
On  leur  laissa  cependant  une  sorte  d'indépendance, 
qui  ne  leur  a  été  enlevée  qu'après  l'insurrection 
de  1871. 

Dernières  insurrectioiis.  —  A  partir  de  ce  moment 
se  termine  la  période  purement  militaire.  Non 
qu'il  n'ait  fallu  encore  combattre,  soit  pour  com- 
pléter sur  quelques  points  la  ligne  d'occupation 
du  sud,  soit  pour  réprimer  des  insurrections  quel- 
quefois formidables,  comme  en  1864  et  en  1871. 
Mais  ce  sont  là  des  faits  exceptionnels.  L'Algérie 
appartient  bien  définitivement  à  la  France,  l'œuvre 
de  la  conquête  est  achevée  :  ce  sont  désormais  les 
pacifiques  travaux  de  la  colonisation  qui  ont  la 
principale  importance. 

Oryanisaiioti  civile  de  la  colonie.  —  Cette  co- 
lonisation est  en  bonne  voie.  L'Algérie  compte 
aujourd'hui  près  de  400  000  habitants  européens. 
Elle  est  administrée  par  un  gouverneur  général, 
assisté  d'un  directeur  général  des  affaires  civiles, 
d'un  conseil  supérieur  et  d'un  conseil  de  gouverne- 
ment. Achacun  des  trois  départements,  administrés 
par  un  préfet  et  des  sous-préfets  et  soumis  au  ré- 
gime du  droit  commun,  répond  un  territoire  mili- 
taire administré  par  le  général  de  division,  les  gé- 
néraux de  brigade,  les  commandants  de  cercles  et 
les  officiers  de  bureaux  arabes. 

Malgré  les  imperfections  de  son  organisation, 
l'Algérie  est  en  pleine  voie  de  prospérité  et  déve- 
loppe largement  ses  richesses  naturelles.  Des  vil- 
lages nouveaux  sont  créés  chaque  année,  des  routes 
sillonnent  de  tous  côtés  le  pays,  des  chemins  de  fer 
rendent  les  communications  plus  faciles,  plus  sûres 
et  plus  rapides.  [Maur.  Wahl.] 

LECTURES  ET  DICTÉES 

1.  Mazagran.  —  Mazagran  est  un  bourg  d'Algé- 
rie, dont  les  Français  prirent  possession  en  1839. 
Au  commencement  de  l'année  1840,  il  n'y  restait 
pour  toute  garnison  que  cent  vingt-trois  hommes 
formant  la  10°  compagnie  du  1"  bataillon  d'infan- 
terie d'.\frique.  Leur  chef  était  le  capitaine  Le- 
lièvre.  Tout  à  coup  le  3  février  au  matin,  ils  voient 
arriver  devant  Mazagran  une  troupe  de  12  000  Arabes 
avec  2  pièces  de  canon  :  c'était  une  partie  de  l'ar- 
mée d'Abd-el-Kadcr.  Trois  cents  Arabes  se  postèrent 
d'abord  dans  le  bas  de  la  ville,  crénelèrent  les 
maisons  et  ouvrirent  le  feu;  du  côté  de  la  plaine, 
la  cavalerie  tentait  en  même  temps  l'assaut  du 
petit  fort  où  s'étaient  enfermés  les  Français.  Ce 
fort,  qu'on  nommait  la  Casbah  de  Mazagran,  était 
un  faible  réduit  en  pierre  sèche  qui  n'avait  d'autre 
avantage  que  d'être  placé  au  haut  de  la  ville  et 
par  conséquent  de  dominer  la  situation.  La  garni- 
son française  possédait  une  pièce  de  canon,  mais 
n'avait  qu'un  baril  de  poudre  etéOOjO  cartouches. 


ALGÉRIE 


83  — 


ALIMENTS 


Dès  le  soir  du  3,  la  moitié  des  munitions  fut  épui- 
sée. Le  capitaine  Lelièvre  donna  l'ordre  de  ménager 
la^-  poudre  et  de  ne  plus  repousser  l'ennemi  qu'à 
la~baïonnette.  Toute  la  nuit  on  se  battit  encore. 
Le  4  au  matin,  nouvel  assaut  général  des  Arabes, 
qui  sont  rejetés  en  désordre;  ils  reviennent  immé- 
diatement à  la  charge,  les  Français  tiennent  tou- 
jours. Ils  recommencent  l'attaque  la  nuit  suivante, 
même  insuccès.  Pendant  quatre  jours  de  suite  et 
presque  quatre  nuits  entières,  ce  ne  furent  qu'as- 
sauts successifs  ;  enfin  le  6  les  Arabes  tentent  un 
eôbrt  inouï  en  s'aidant  de  perches  à  crochets  et  de 
poutres  ;  ils  sont  repoussés  à  la  baïonnette  et  écra- 
sés sous  le  feu  des  dernières  cartouches  prudem- 
ment réservées  pour  la  lutte  suprême.  Et  le  7  fé- 
vrier, quand  le  jour  parut,  les  assiégés  virent 
avec  un  étonnement  joyeux  que  la  plaine  était 
déserte  ;  les  Arabes  avaient  battu  en  retraite  pen- 
dant la  nuit. 

Quelques  heures  après,  le  commandant  en  chef 
du  corps  d'armée  dont  faisait  partie  la  petite  garni- 
son, arrivait  en  toute  hâte  et  emmenait  en  triomphe 
au  milieu  de  ses  hommes  le  capitaine  Lelièvre  et 
ses  héroïques  soldats.  La  petite  troupe  n'avait  eu 
que  3  hommes  morts  et  16  blessés.  Depuis  ce  jour,  la 
10*  compagnie  obtint  le  privilège  de  porter  dans 
«es  rangs  le  drapeau  déchiré,  troué  par  les  balles 
et  roussi  par  le  feu,  qu'on  avait  vu  flotter  pendant 
ces  quatre  jours  sur  les  murs  de  la  Casbah. 

2.  La  casquette.  —  «  C'était  en  Afrique.  Une 
nuit,  le  camp  français  est  surpris  par  les  Arabes. 
Une  fusillade  terrible  jette  un  moment  l'indécision 
parmi  nos  soldats  à  moitié  endormis.  Le  maréchal 
Bugeaud  s'élance  hors  de  sa  tente;  sa  présence  ra- 
nime les  Français.  L'ennemi  est  repoussé.  La  lutte 
finie,  le  maréchal  s'aperçoit  que  ses  soldats  chu- 
chotent et  sourient  en  le  regardant.  Il  porte  la  main 
à  sa  tète  et  reconnaît  que  dans  sa  précipitation  il 
est  resté  coiffé  de son  bonnet  de  nuit.  Le  len- 
demain, lorsque  les  clairons  sonnèrent  la  marche, 
les  zouaves  entonnèrent  en  chœur  : 

As-tu  vu  —  la  casquette,  —  la  casquette, 
As-tu  vu  —  la  casquette  du  père  Bugeaud? 

Le  maréchal  ne  s'en  fâcha  nullement.  Deux  ou 
trois  jours  plus  tard,  au  moment  de  donner  l'ordre 
du  départ,  il  s'écria  en  s'adressant  aux  clairons  : 
«  Clairons,  sonnez  la  casquette  ;  »  ce  nom  est 
resté  à  la  marche  et  a  conduit  plus  d'une  fois  les 
zouaves  à  la  victoire  ».  —  {Journal  des  instituteurs  t, 
1878,  n»  9. 

3.  Prise  de  Constantine.  —  «  L'armée  française, 
sous  la  conduite  du  duc  de  Nemours,  assiégeait 
Constantine.  Le  bombardement  durait  depuis  plu- 
sieurs jours.  Une  brèche  avait  été  ouverte  dans 
les  remparts.  A  un  parlementaire  envoyé  pour  de- 
mander la  reddition  de  la  ville,  les  Arabes  répon- 
dirent :  '<  Si  vous  demandez  de  la  poudre,  nous 
vous  en  donnerons;  si  vous  demandez  du  pain,  en 
voici  ;  mais  la  ville,  vous  ne  l'aurez  pas  tant  que 
nous  serons  debout.  >>  Il  fallut  donc  commander 
l'assaut.  On  désigna  pour  former  la  première  co- 
lonne d'attaque  un  bataillon  de  zouaves  et  une 
partie  du  génie  sous  le  commandement  du  colonel 
Lamoricière  Les  zouaves,  couchés  dans  une  tran- 
chée, s'étaient  approchés  de  la  brèche  jusqu'à  une 
distance  de  soixante  pas  ;  ils  y  avaient  séjourné 
pendant  vingt-quatre  heures  en  attendant  le  signal 
de  l'assaut,  qui  devait  être  donné  par  huit  coups 
de  canon  tirés  à  la  fois.  Les  boulets  devaient  sou- 
lever un  nuage  de  poussière  près  de  la  bièche  pour 
empêcher  les  assiégés  de  tirer  sur  les  premiers 
assaillants.  A  8  heures  du  matin,  les  huits  coups 
de  canon  retentirent,  les  fanfares  et  la  musique 
les  accompagnèrent.  Le  colonel  Lamoricière  sauta 
de  la  tranchée  et  s'élança  le  premier,  le  sabre  à  la 
main  sur  la  brèche;  ses  soldats  le  suivirent  au  pas 
de    charge.   Une   demi-heure    après  les   Français 


étaient  maîtres  de  la  brèche,  fout  à  coup  on  entend 
une  formidable  explosion  de  poudre  :  plus  de  cin- 
quante de  nos  soldats  sont  tués,  un  plus  grand 
nombre  blessés.  On  n'a  jamais  su  les  véritables 
causes  de  cette  explosion.  Les  Arabes  continuèrent 
quelque  temps  leur  résistance  dans  les  rues, mais 
vers  neuf  heures  le  drapeau  tricolore  avait  remplacé 
sur  le  rocher  de  la  citadelle  le  drapeau  rouge.  Offi- 
ciers, sous-officiers  et  soldats  avaient  rivalisé  d'in- 
trépidité. La  seconde  colonne  d'attaque  avait  vigou- 
reusement soutenu  la  première  ;  le  colonel  Combes 
qui  la  commandait  fut  atteint  de  deux  coups  de 
fusil  en  arrivant  sur  la  muraille  ;  cependant  il  con- 
tinua de  commander  ses  soldats  jusque  dans  la 
ville.  Ce  ne  fut  qu'alors  qu'il  se  rendit  auprès  du 
duc  de  Nemours,  lui  fit  son  rapport  et  ajouta  enfin 
avec  le  plus  grand  sang-froid  :  «  Monseigneur, 
permettez  maintenant  que  je  me  retire,  je  suis 
blessé  mortellement,  je  vous  recommande  ma 
malheureuse  famille.  »  Il  avait  su  tellement  se 
contenir,  que  le  prince  ne  s'était  pas  aperçu  de  son 
état.  Il  expira  quelques  heures  après.  (13  oc- 
tobre 1837  j  —  (D'après  'R.xvix,  Lectures  d'histoire 
contemporaine.) 

ALIMENTS.  —  Hygiène,  IX.  —  {Étym.  :  du 
latin  alere,  nourrir.)  —  On  pourrait  nommer 
alimejiis  toutes  les  substances  qui,  introduites 
dans  l'appareil  digestif,  contribuent  à  réparer 
les  perles  de  l'économie.  Cependant,  pour  nous 
conformer  à  l'usage,  nous  adopterons  la  division 
assez  arbitraire  d'aliments  et  de  boisso7is,  réservant 
ce  dernier  nom  aux  liquides  employés  à  délayer  les 
aliments  solides  ou  à  satisfaire  la  soif. 

1 .  Notions  générales  sur  l'alimentation.  —  Notre 
corps  est  soumis  à  une  usure  continuelle,  la  vie  exige 
une  combustion  constante  pour  entretenir  la  cha- 
leur et  produire  de  la  force  ;  il  faut  donc  que  les  tis- 
sus qui  composent  nos  organes  se  renouvellent  sans 
cesse  en  s'assimilant  les  matériaux  que  leur  four- 
nissent les  aliments.  Parmi  ces  matériaux,  les  uns 
ne  contiennent  que  du  carbone,  de  l'oxygène  et 
de  Vhydrogè/ie,  ils  sont,  par  conséquent,  éminem- 
ment combustibles;  d'autres  contiennent  en  outre 
de  Vazote  et  par  là  ressemblent  aux  tissus  de  nos 
organes,  qu'ils  régénèrent  en  se  transformant  en 
leur  substance  ;  de  là  deux  grandes  classes  d'ali- 
ments :  les  combustibles  ou  lespiratoires  c  les 
réparateurs  ou  plastiques.  On  a  soulevé,  il  est  /ai, 
des  objections  à  cette  division  un  peu.  trop  rigou- 
reuse ;  mais,  comme  on  n'a  rien  proposé  pour  la 
remplacer  et  qu'elle  a  le  mérite  d'être  fort  simple, 
il  n'y  a  nul  inconvénient  à  l'employer  encore. 

Il  existe,  dans  toutes  les  classes,  une  foule  de 
préjugés  sur  la  valeur  nutritive  des  aliments  et  sur 
les  besoins  de  notre  corps.  Un  des  plus  dangereux 
consiste  à  prendre  la  faim  pour  mesure  de  ces 
besoins.  Pendant  la  maladie,  après  de  longues  pri- 
vations, sous  lïnfluence  de  l'alcool,  le  sentiment 
de  la  faim  peut  s'émousser,  puis  disparaître,  bien 
que  la  machine  humaine,  continuant  à  épuiser  sa 
propre  substance,  exige  une  constante  réparation. 
Mais  dans  l'état  de  santé  il  ne  suffit  pas  de  "  man- 
ger à  sa  faim  »  pour  satisfaire  aux  besoins  réels  du 
corps.  L'alimentation  est  soumise  par  notre  nature 
à  des  règles  que  l'hygiène  a  étudiées  pour  en  tirer 
des  conséquences  pratiques  du  plus  haut  intérêt 
au  point  de  vue  de  la  santé  et  du  travail. 

Ration  alimentaire.  —  Un  homme  adulte,  de 
poids  moyen,  soit  Gô  kilogrammes,  qui  se  livre  à 
un  travail  modéré,  perd  chaque  jour  par  la  respi- 
ration, la  transpiration,  l'usure  et  les  résidus  de 
ses  aliments  environ  1000  grammes  d'eau,  30  '  gram- 
mes de  carbone  et2ii  grammes  d'azote.  Telles  sont 
les  substances  que  doivent  remplacer  les  boissons 
et  les  aliments.  Voyons  comment  on  peut  y  arri- 
ver de  la  manière  la  plus  avantageuse. 

L'analyse  du  pain  ordinaire  nous  indique  qu'il 
contient  en  moyenne,  par  iOO  grammes,  1  gram- 


ALIMENTS 


—  84  — 


ALIMENTS 


m©  d'azote.  Pour  arriver  h  compléter  avec  du  pain 
seul  la  quantité  voulue  de  cette  substance,  il  fau- 
dra donc  2i  00  grammes  de  pain.  D'un  autre  côté, 
nous  n'avons  besoin  que  de  1000  grammes  de  pain 
pour  obtenir  30'i  grammes  de  carbone  :  cela  nous 
donne  un  excédant  de  pain  de  1000  grammes  con- 
sommé exclusivement  pour  utiliser  l'azote  qu'il 
contient,  mais  dont  le  carbone  est  inutile. 

Appliquons  à  la  viande  le  même  calcul.  La  viande 
de  bœuf  sans  os  ni  graisse  contient  environ  3  p.  100 
d'azote  ;  donc  70i»  grammes  de  viande  fourniraient 
l'azote  d'une  ration  normale;  mais  pour  arriver  à 
la  dose  de  carbone  nécessaire  il  faudrait  3000  gram- 
mes de  viande,  soit  2  3U0  grammes  consommés 
uniquement  en  vue  de  leur  carbone  et  dont 
l'azote  non-seulement  serait  inutile,  mais  devien- 
drait pour  l'économie  une  cause  d'embarras  et  de 
danger. 

Puisque  ces  deux  rations  pèchent  par  défauts 
contraires,  nous  pouvons  les  combiner  de  manière 
à  former  un  aliment  qui  satisfasse  aux  besoins  de 
la  Nutrition  sans  employer  de  matières  inutiles. 
On  obtient  ce  résultat  avec  1000  grammes  de  pain 
contenant  ;-00  grammes  de  carbone  et  10  grammes 
d'azote;  330  grammes  de  viande  (parée),  qui  re- 
présentent 32  grammes  de  carbone  et  10  grammes 
d'azote.  Si  le  prix  des  330  grammes  de  viande  n'ex- 
cède pas  (en  moyenne)  celui  des  li'OO  grammes  de 
pain  retranchés,  on  a  tout  avantage  à  combiner  la 
ration  de  cette  manière  ;  on  bénéficie,  en  outre,  du 
carbone  de  la  viande. 

Malheureusement  notre  agriculture  n'est  pas  as- 
sez avancée  pour  permettre  une  telle  consomma- 
tion de  viande.  Paris  seul  en  est  suffisamment 
pourvu  ;  la  moyenne  par  habitant  est  de  72  kilo- 
grammes par  année,  ce  qui  fait  par  jour  197  gram- 
mes, auxquels  il  faut  ajouter  la  volaille,  le  poisson, 
les  œufs,  le  lait,  le  fromage,  etc.  qui  complètent  la 
ration.  Dans  les  villes  de  province  la  moyenne 
est  de  64  kilogrammes;  elle  tombe  à  20  kilogram- 
mes dans  les  campagnes.  Il  faut  donc  reconnaître 
que  l'azote,  sous  sa  forme  la  plus  convenable  pour 
l'alimentation  de  l'homme,  est  rare  et  cher,  et  les 
efforts  de  l'agriculture  doivent  tendre  à  en  produire 
des  quantités  toujours  croissantes. 

Prenons  maintenant  deux  exemples  dans  le  rè- 
gne végétal  :  supposons  que  l'on  consomme  seule- 
ment du  riz  ou  des  fèves.  Celles-ci  renferment,  pour 
100  parties  environ,  40  parties  de  carbone  et  4,5 
d'azote.  Pour  fournir  la  quantité  nécessaire  de  car- 
bone, il  faudrait  Ttb  grammes  de  fèves  sèches,  ce 
qui  donne  un  fort  excédant  d'azote.  La  ration  de 
riz  fournissant  '20  grammes  d'azote  serait  de  iOOO 
grammes,  contenant  un  fort  excès  de  carbone.  De 
plus,  pour  cuire  convenablement  ce  riz  il  faudrait 
employer  environ  8  litres  d'eau,  de  sorte  que  la  ra- 
tion journalière  d'un  homme  formerait  un  volume 
énorme.  En  pareil  cas  il  peut  arriver  que,  l'esto- 
mac étant  surchargé,  l'appétit  fasse  défaut  avant 
que  l'on  ait  ingéré  une  quantité  d'aUments  suffisante 
pour  la  nutrition. 

Mais  en  associant  le  riz  et  les  fèves  de  manière 
à  compenser  leurs  qualités  et  leurs  défauts,  on  ob- 
tiendra une  ration  alimentaire  sans  excès  de  car- 
bone ni  d'azote.  Pour  cela  on  prendra  350  grammes 
de  fèves  contenant  140  grammes  de  carbone  et 
15,15  grammes  d'azote;  4'25  grammes  de  riz  conte- 
nant 170  grammes  de  carbone  et  4,25  grammes 
d'azote. 

Lorsque  l'on  varie,  par  hygiène  ou  par  nécessité, 
les  éléments  de  la  nourriture,  si  l'on  veut  éviter 
une  dépense  inutile  et  même  nuisible  aussi  bien 
qu'une  alimentaiion  insuffisante,  il  est  indispensa- 
ble de  80  rendre  compte  de  la  valeur  comparative 
des  diverses  substances,  de  connaître  leur  compo- 
sition. 

■Voici,  d'après  Payen,  l'analyse  des  substances  les 
plus  importantes. 


iN  0  .M 
des 

SUBSTANCES. 


Bœuf  rôti 

Rognons  de  mouton 

Raie 

Morue  salée 

Maquereau 

Sole 

Brochet 

Anguille 

OEufs  de  poule 

Huîtres 

Fèves 

Fromage  de  Brie 

—  de  Gruyère .... 

—  à  la  pie 

Haricots 

Lentilles 

Pois  secs 

Blé  dur  du  Midi 

Blé  tendre 

Farine  blanche  de  Paris. 

Orge  d'hiver 

Mais 

Sarrasin 

Riz 

Pain  blanc  de  Paris. . . . . 
Pain  de  munition. ...... 

Pommes  de  terre 

Champignons  de  couches 

Châtaignes 

Figues  sèches 

Noix  fraîches 

Lard.  

Beurre '. . . . 


3,5 
2,G 
0,8 
5,2 
3,7 
1,9 
3,2 
2,0 
1,9 
2,1 
4,5 
2,9 
5,0 
2,4 
3,9 
3,9 
3,9 
3,0 
1,8 
1,6 
1,9 
1,7 
2,2 
1,0 
1,0 
1,2 
0,3 
0,7 
0,6 
0,9 
1,4 
1,2 
0,2 


5,0 
2,0 
n,5 
0,4 
7,0 
0,3 
0,6 
•24,0 
7,0 
1,5 
2,5 
26,0 
24,0 
10,0 
2,8 
■2,6 
2,0 
2,0 
1,8 
l,s 

•2,0 
8,8 
2,8 
0,8 
1,2 
1,5 
0,1 
0,4 
4,0 
1,5 
4,0 
71,0 
82,0 


Nous  venons  de  voir  que  notre  corps  demande 
pour  sa  réfection  journalière  un  certain  poids  d'a- 
zote et  de  carbone.  Cela  ne  veut  pas  dire  qu'il  suf- 
firait, pour  se  nourrir,  d'avaler  une  certaine  quan- 
tité d'azotate  de  potasse  (salpêtre)  riche  en  azote  et 
du  noir  de  fumée  ou  du  charbon  pulvérisé.  L'azote 
et  le  carbone  ne  peuvent  servir  à  la  nourriture 
des  animaux  qu'après  avoir  vécu  dans  les  végétaux. 
Il  faut,  de  plus,  que  ces  substances  se  trouvent 
combinées  de  manière  à  se  dissoudre  à  se  trans- 
former pendant  la  digestion,  sans  quoi  elles  ne  sont 
pas  assimi  ables,  elles  ne  peuvent  devenir  partie 
intégrante  de  nous-mêmes. 

Les  matières  azotées  assimilables  les  plus  im- 
portantes senties  suivantes  :  Valbumine*,  dont  le 
blanc  d'œuf  représente  le  type  le  plus  pur  et  qui 
existe  aussi  dans  les  plantes  ;  la  musculine,  partie 
solide  des  muscles,  de  la  chair;  la  caséine,  portion 
coagulable  du  lait  qui  forme  le  fromage  blanc,  très- 
abondante  aussi  dans  les  pois,  les  haricots,  les 
fèves  (légumine  ou  caséine  végétale)  ;  le  gluten,  qui 
se  sépare  de  l'amidon  lorsqu'on  malaxe  de  la  farine 
sous  un  filet  d'eau  ;  la  gélatine  produite  par  la 
peau,  les  os  ;  la  cho7idrine,  extraite  des  cartilages. 

Parmi  les  aliments  non  azotés  signalons  les  corps 
gras,  beurre,  huile,  saindoux  ;  l'amidon,  le  sucre, 
les  gommes.  Quelques-uns,  les  corps  gras  surtout, 
ne  sont  pas  assimilés  à  nos  tissus  avant  d'être  oxydés, 
mais  sont  soumis  à  une  combustion  directe. 

Tels  sont  les  éléments  principaux  des  aliments 
tirés  des  règnes  animal  et  végétal.  Avons  nous 
besoin  de  tant  de  ressources?  D'après  la  théorie 
que  nous  venons  d'expliquer,  ne  suffirait-il  pas  à 
cliaque  homme  de  disposer  d'une  substance  azotée 
et  d'une  substance  carbonée?  Ne  pourrait-on  pas 


ALIMENTS 


—  85  — 


ALIMENTS 


se  nourrir,  par  exemple,  avec  de  la  musculine  et  de 
la  gomme,  ou  bien  avec  de  la  gélatine  et  du  sucre, 
du  gluten  et  de  l'huile?  L'expérience  prouve  que  ce 
serait  impossible.  Il  nous  faut  une  nourriture  dans 
laquelle  se  trouvent  unies  plusieurs  des  substan- 
ces élémentaires  carbonées  et  azotées,  comme  l'al- 
bumine, la  musculine  et  la  graisse,  la  caséine,  le  glu- 
ten, le  sucre.  La  chimie  de  notre  corps  est  beaucoup 
plus  compliquée  que  la  chimie  des  laboratoires  et 
beaucoup  des  phénomènes  auxquels  elle  donne  lieu 
sont  encore  inexpliqués.  Aussi  l'on  constate  que 
chaque  substance  alimentaire  joue  un  rôle  différent 
dans  la  digestion  et  la  nutrition. 

L'expérience  individuelle  indique  souvent  la  né- 
cessité de  choisir  entre  les  substances  du  xiême 
genre  dont  la  composition  élémentaire  est  à  peu 
près  équivalente  :  ainsi  telle  personne  qui  supporte 
mal  les  laitages  digère  fort  bien  les  œufs.  Dans  le 
^it,  le  principe  azoté  dominant  est  la  caséine;  dans 
les  œufs,  c'est  l'albumine.  Pendant  la  maladie  et  la 
convalescence  on  trouvera  mainte  occasion  de  re- 
courir utilement  à  des  substitutions  d'aliments  de 
la  même  espèce.  Des  œufs  battus  dans  six  à  huit 
fois  leur  poids  d'eau  légèrement  sucrée  formeront 
un  liquide  alimentaire  qui  contiendra,  comme  le 
lait,  des  principes  azotés,  gras,  sucrés  et  salins, 
et  qui  pourra  suffire  à  l'alimentation  d'un  malade 
incapable  de  digérer  le  pain,  la  viande,  le  lait. 

2.  Notions  particulières  sur  les  principaux  ali- 
ments. —  Pour  compléter  les  notions  les  plus 
indispensables  sur  les  aliments,  nous  allons  passer 
en  revue  ceux  qui  sont  d'un  usage  presque  général 
et  qui  peuvent  servir  de  types. 

Farine.  —  On  peut  fabriquer  de  la  farine  avec 
les  graines  de  toutes  les  céréales,  avec  celles  du 
sarrasin,  avec  les  châtaignes,  etc.  Occupons-nous 
seulement  de  la  farine  de  blé.  La  bonne  farine  est 
blanche  ou  jaunâtre,  sans  odeur  ni  saveur  acide  ; 
elle  forme  avec  l'eau  une  pâte  filante.  Lorsqu'elle 
est  altérée  par  l'humidité,  il  s'y  développe  des  cham- 
pignons microscopiques,  des  vibrions  et  de  petits  in- 
sectes {acai'us).  La  valeur  alimentaire  de  la  farine  dé- 
pend de  l'espèce  de  blé  qui  la  produit  ;  en  effet  les 
blés  tendres  contiennent  10  à  12  p.  100  de  gluten, 
et  les  blés  durs  1 7  à  20  p.  100.  On  sépare  le  son  de 
la  farine  au  moyen  du  blutage  et  dans  les  villes 
on  tient  trop  à  obtenir  une  farine  très-blanche,  ce 
qui  fait  éliminer  tout  le  son,  riche  cependant  en 
azote,  en  matières  grasses  et  en  sels  minéraux. 

La  farine  délayée  dans  de  l'eau  ou  du  lait  et  cuite 
forme  la  bouillie,  qui  joue  un  si  déplorable  rôle 
dans  l'alimentation  des  jeunes  enfants.  On  rend 
cet  aliment  plus  digestible  en  torréfiant  la  farine  au 
four  ;  mais  on  n'évite  guère,  malgré  cette  précau- 
tion, les  désordres  de  la  digestion  que  produisent  l'u- 
sage prématuré  et  l'abus  de  cette  préparation  meur- 
trière lorsqu'on  la  substitue  au  lait,  seul  aliment, 
normal  de  la  première  enfance. 

Pain.  —  Lorsqu'on  ajoute  du  levain  à  la  pâte 
préparée  pour  faire  le  pain,  il  se  produit,  aux  dé- 
pens d'un  peu  d'amidon  transformé  en  sucre,  une 
certaine  quantité  d'acide  carbonique  et  d'alcool. 
L'acide  carbonique  se  dégageant  dans  toute  la  masse 
la  divise,  la  soulève  et  donne  au  pain  son  appa- 
rence spongieuse  La  pâte  déposée  dans  un  four 
chauffé  à  •j50  ou  260  degrés  se  recouvre  d'une 
croûte  dans  laquelle  l'amidon  est  en  partie  changé 
en  sucre,  et  ce  sucre  se  caramélise  légèrement  à  la 
surface.  Dans  l'intérieur  du  pain  la  température 
ne  dépasse  guère  lOu".  Le  pain  de  bonne  qualité 
contient  de  ;iO  à  41  p.  100  d'eau:  mais,  tandis  que 
la  mie  en  retient  de  40  à  48  p.  100,  la  croûte  n'en 
présente  que  17  à  27  p.  lOi'. 

•  Le  pain  brunâtre  et  acide  nommé  pain  bis  tend 
de  plus  en  plus  à  disparaître.  On  a  découvert  en 
effet  que  ses  défauts  provenaient  non  pas  d'un 
excès  de  son,  comme  on  l'a  cru  longtemps,  mais 
de  la  présence  d'une  substance  nommée  céréaline 


qui  agit  comme  un  ferment,  transforme  beaucoup 
d'amidon  en  sucre,  fait  prédominer  la  fermentation 
acide  sur  la  fermentation  alcoolique  et,  décomposant 
aussi  le  gluten,  produit  de  l'ammoniaque  et  une 
matière  brune  qui  colore  le  pain.  Aujourd'hui 
on  réussit  à  éliminer  des  gruaux  grix  la  plus 
grande  partie  de  la  pellicule  qui  contient  la  céréa- 
line, et  l'on  ajoute  les  gruaux  ainsi  épurés  à  la 
pâte  peu  de  temps  avant  d'enfourner.  On  obtient 
de  la  sorte  un  rendement  plus  considérable  en 
pain  plus  agréable  et  plus  nourrissant. 

La  quantité  d'azote  variant  de  10  à  ÎO  p.  100 
dans  les  farines,  selon  qu'elles  proviennent  de  blés 
tendres  ou  de  blés  durs,  il  est  indispensable  de  te- 
nir compte  de  cette  différence  dans  la  composition 
des  rations  alimentaires. 

VIA^DE.  —  Pour  apprécier  la  nature  et  la  valeur 
de  cet  aliment,  nous  avons  besoin  d'en  connaître, 
avant  tout,  la  composition.  Berzélius  l'indique 
comme  suit,  pour  la  viande  de  bœuf  supposée  es» 
tièrement  privée  de  graisse. 

Eau 77,17 

Fibres  charnues,  vaisseaux  et  nerfs.       15,80 
Parties  gélatineuses    solubles  dans 

l'eau 1,90 

Albumine  coagulable 2,20 

Substances   diverses   solubles  dans 

l'eau 1,05 

Substances  solubles  dans  l'alcool...         1,80 
Phosphate  de  chaux 0,03 

100,00 

Parmi  les  substances  solubles  figurent  des  sels 
de  potasse  et  de  fer  qui  jouent  un  rôle  important 
dans  la  nutrition. 

La  viande  est  presque  exclusivement  formée 
d'eau,  de  matières  azotées  et  de  sels.  Sous  un 
faible  volume,  elle  constitue  un  aliment  éminem- 
ment réparateur,  facilement  digéré  et  prompte- 
ment  assimilé. 

Lorsque  l'on  fait  rôtir  la  viande,  la  partie  exté- 
rieur, soumise  à  une  température  de  120°  à  130*, 
durcit  et  forme  croûte  par  suite  de  la  coagulation 
de  l'albumine  et  de  la  dessiccation  des  fibres  ;  les  sucs 
demeurent  emprisonnés  dans  la  masse.  Celle-ci 
ne  s'échauffe  guère  au  delà  de  S""  à  55°,  de  sorte 
que,  si  la  viande  contient  des  triclnnes  ou  d'autres 
parasites,  ils  échappent  à  la  coction,  sont  mangés 
vivants  et  continuent  leur  existence  dans  le  corps 
de  l'homme.  La  viande  longtemps  bouillie,  moins 
agréable  au  goût,  n'offre  pas  ce  danger. 

Un  préjugé  très-répandu,  très-tenace,  consiste  à 
croire  que  la  partie  la  plus  nutritive  de  la  viande, 
c'est  le  jus  qui  s'en  échappe  ou  qu'on  en  exprime. 
L'aliment  véritable,  ce  sont  les  fibres  charnues,  la 
musculine,  qui  constitue  la  masse  des  muscles.  Or 
la  musculine  est  insoluble,  elle  ne  cède  rien  au  jus 
de  viande  ni  au  bouillon.  Le  bouillon  n'est  pas  un 
aliment,  dans  le  sens  ordinaire  du  mot,  car  il  nour- 
rit moins  que  la  bière:  c'est  une  excellente  boisson 
tonique,  qui  excite  d'une  manière  très-favorable  les 
organes  digestifs  et  dès  lors  est  fort  utile  au  com- 
mencement du  repas.  En  effet,  1  kilogramme  de 
viande  fraîche  (supposée  sans  graisse)  ne  cède  pen- 
dant une  ébulition  prolongée  que  21  grammes  de 
matières  solides,  dont  plus  de  la  moitié  consiste  en 
sels  et  le  reste  en  matières  gélatineuses,  c'est-à-dire 
très-peu  nutritives.  Un  pot-au-feu  se  préparant  d'or- 
dinaire avec  2500  grammes  d'eau  par  kilogramme 
de  viande  (les  os  non  compris),  un  demi-litre  de 
bouillon  contient  environ  2^%5  de  substance  azotée. 
Les  prétendus  extraits  de  viande  —  même  ceux 
qui  sont  réellement  fabriqués  avec  du  mouton  ou 
du  bœuf  —  ne  représentent  donc  en  aucune  façon 
les  éléments  nutritifs  de  la  chair  ;  en  doPiier  à  des 
malades,  des  convalescents,  c'est  s'expjser  à  les 
faire  mourir  de  faim,  sous  prétexte  de  leur  admi- 
nistrer un  aliment  concentré. 


ALIMENTS 

Œufs.  —  L'œuf  de  poule  est  formé  d'albu- 
mine, de  matières  grasses  et  de  substances  mi- 
nérales parmi  lesquelles  prédominent  les  sels 
calcaires.  En  tenant  compte  des  proportions  de 
carbone,  d'azote  et  de  graisse,  on  trouve  qu'un 
œuf  moyen  équivaut  à  environ  100  grammes  de 
lait  de  vache. 

Lait.  —  La  composition  du  lait  naturel  est  si  va- 
riable que  l'on  est  obligé  de  comparer  un  grand 
nombre  d'analyses  pour  arriver  à  une  moyenne 
exacte.  On  peut,  en  pratique,  adopter  l'analyse 
suivante  : 

Eau 87,00 

Beurre 3,80 

Sucre 4,30 

Sels 0.70 

Caséine 3,00 

Albumine 1 ,  20 

100,00 

Remarquons  d'abord  que  la  viande  contient  seu- 
lement 10  p.  100.  d'eau  en  moins  que  le  lait  et  il 
gagnera  tout  de  suite  en  importance  comme  ali- 
ment malgré  sa  forme  liquide.  C'est  un  aliment 
complet  par  excellence,  parce  qu'il  réunit  les  ma- 
tières carbonées  et  azotées  dans  de  justes  propor- 
tions pour  fournir  les  éléments  de  combustion  et 
do  nutrition.  Il  est  plus  facilement  digéré  au  mo- 
ment de  la  traite  qu'après  avoir  été  réchauffé.  Le 
lait  froid  détermine  quelquefois  la  diarrhée  chez  les 
jiorsonnes  délicates;  un  peu  de  sucre  ou  de  sel 
peuvent  empêcher  cet  accident. 

La  coagulation  du  lait  a  lieu  moins  vite  dans  un 
vase  en  fer-blanc  que  dans  un  vase  en  verre  ou  en 
porcelaine.  Lorsqu'on  est  obligé  de  le  conserver 
quelque  temps,  il  n'y  a  pas  d'inconvénients,  —  s'il 
est  destiné  à  des  adultes  —  à  y  dissoudre  un  demi- 
gramme  de  carbonate  de  soude  par  litre. 

Fromage.  —  Au  point  de  vue  purement  ali- 
mentaire, le  fromage  est  une  conserve  d'azote 
formée  par  le  caséum  du  lait  avec  ou  sans  la 
partie  butyreuse,  c'est-à-dire  fabriquée  avec  du  lait 
pur  ou  écrémé.  Les  fromages  les  plus  communs, 
ceux  pour  lesquels  on  emploie  le  lait  écrémé, 
sont  les  plus  riches  en  principes  azotés.  Le  Par- 
mesan en  contient  44  p.  100.  puis  viennent  les 
fromages  de  Gruyère,  de  Hollande,  de  Roquefort. 
de  Chester,  le  Camembert,  le  Brie,  le  fromage 
blanc,  le  Neufchâtel  frais  ;  ce  dernier  contient 
seulement  8  p.  lOi)  de  matières  azotées,  mais  il  est 
le  premier  pour  les  matières  grasses,  dont  il  ren- 
ferme 16  p.  100,  tandis  que  le  Gruyère  n'en  con- 
tient que  1,5  p.  100. 

Lorsque  le  fromage  commence  à  subir  la  dé- 
composition putride  et  à  dégager  de  l'ammo- 
niaque, c'est  moins  un  aliment  qu'un  condiment 
dont  Berchoux  disait  «  qu'il  doit  tout  son  mérite 
aux  outrages  du  temps  ».  Dans  ces  conditions  il 
pourrait  être  dangereux  d'en  manger  de  grandes 
quantités. 

Beurre.  —  La  matière  grasse  du  lait,  retirée  de 
la  crème  par  le  battage,  est  composée  de  margarine 
et  d'oléi7te,  qui  résultent  de  la  combinaison  de  la 
glycérine  avec  les  acides  margarique  et  oléique. 
Comme  toutes  les  matières  grasses,  le  beurre  riche 
on  carbone  constitue  un  aliment  respiratoire  ou 
combustible.  Les  peuples  des  régions  polaires  con- 
somment des  quantités  considérables  dhuile  de 
poisson  pour  combattre  le  froid;  de  même  chez 
nous,  en  hiver,  nous  consommons  instinctivement 
plus  de  beurre,  de  graisse,  ou  d'huile  que  pen- 
dant la  saison  chaude. 

Haricots.  —  Pour  nous  faire  une  idée  de  la  va- 
leur nutritive  des  graines  de  légumi7ieuses,  hari- 
cots, fèves,  pois,  lentilles,  prenons  pour  type  le 
haricot  dit  flageolet,  qui  est  la  variété  la  plus  esti- 
mée de  cette  espèce.  Voici  sa  composition  ; 


86  —  ALIMENTS 

Amidon  et  sucre 60,0 

Substances  azotées 27,0 

Matières  grasses , 

Fibre  inerte  (cellulose) , 

Sels  minéraux 

Eau , 


2,6 
2,0 
3,3 
5,1 

100,0 

Ce  qui  caractérise  ces  graines,  c'est  l'abondance 
des  matières  azotées.  Nulle  part  on  ne  trouve  l'azote 
à  si  bon  marché.  On  leur  reproche,  il  est  vrai,  d'être 
flatulents,  c'est-à-dire  de  causer  le  développement 
de  gaz  dans  les  intestins;  mais  on  pallie  ou  pré- 
vient ce  résultat  par  une  cuisson  prolongée,  un 
assaisonnement  un  peu  relevé  et  une  mastication 
parfaite. 

Pomme  de  terre.  —  De  même  que  l'on  n'estime 
pas  d'ordinaire  à  leur  juste  valeur  les  haricots,  les 
pois,  les  lentilles,  on  est  porté  à  exagérer  l'impor- 
tance de  la  pomme  de  terre.  'Voici  la  composition 
d'une  espèce  de  grande  culture,  nommée  patraque 
jaune  : 

Eau 74,00 

Fécule. 20,00 


Substances  azotées. 

Matières  grasses 

Matière  sucrée  ou  gommeuse.. 

Fibres  inertes 

Sels  divers 


2,50 
0,11 
1,09 
1,04 
1,?6 

100,00 


Ainsi  la  pomme  de  terre  de  qualité  moyenne  con- 
tient trois  fois  moins  d'amidon  que  les  graines  de 
céréales  et  dix  fois  moins  de  substances  azotées  que 
les  blés  durs  les  plus  riches.  Comparée  aux  graines 
de  légumineuses,  elle  se  montre  inférieure  à  peu 
près  dans  les  mêmes  proportions.  Elle  constitue  par 
conséquent  un  médiocre  aliment  combustible  et 
n'apporte  presque  rien  à  la  nutrition  des  tissus. 

LÉGUMES  HERRACÉs.  —  On  désigne  ainsi  ceux  qui 
ne  contiennent  pas  d'amidon  ou  n'en  présentent 
que  des  traces.  Tels  sont  les  choux,  les  choux- 
fleurs,  l'oignon,  les  poireaux,  les  artichauds,  les 
asperges,  les  épinards,  l'oseille,  la  chicorée,  la  lai- 
tue. Bien  que  ces  légumes  contiennent  un  peu  d'a- 
zote, leur  utilité  dans  l'alimentation  consiste  sur- 
tout à  fournir  des  sels  minéraux,  à  permettre  de 
varier  la  forme  et  la  saveur  des  mets,  à  augmenter 
la  masse  de  nourriture  dans  une  juste  proportion. 

Fruits.  —  Les  fruits  fournissent  à  Talimenta- 
tion  des  acides,  du  sucre,  des  corps  gras,  de  l'ami- 
don, du  tannin,  des  arômes  et  une  très-faible 
quantité  de  principes  azotés,  lis  sont  précieux 
surtout  pour  apporter  au  régime  alimentaire  la 
variété  désirable. 

Alimentation  et  travail.  —  Si  nous  nous  repor- 
tons au  tableau  comparatif  des  substances  alimen- 
taires, nous  voyons  que  ce  ne  sont  pas  les  aliments 
les  plus  chers  et  les  plus  délicats  qui  sont  les  plus 
utiles.  Ainsi,  la  substance  la  plus  riche  en  azote  est 
la  morue  sèche;  les  fèves  occupent  le  second  rang  ; 
le  troisième  est  disputé  par  les  haricots,  les  len- 
tilles, les  pois  secs  ;  le  bœuf  rùti  prend  place  der- 
rière ces  bonnes  graines,  souvent  méconnues  ou 
calomniées.  Nous  constatons  qu'une  ration  compo- 
sée de  maïs,  de  morue  et  de  saindoux  serait  bien 
plus  réparatrice  que  les  mêmes  quantités  de  pain 
blanc,  de  sole  et  de  beurre. 

Remarquons  d'ailleurs  qu'il  faut  i,  ceux  qui  se 
livrent  à  des  travaux  fatigants  des  aliments  qui 
((  tiennent  au  corps  »,  comme  ils  disent.  Les  sub- 
st;inc^s  délicates,  facilomont  digérées,  ne  leur  four- 
nissent   pas  une  sustentation  assez  prolongée. 

Nous  avons  dit  que  la  ration  alimentaire  d'un 
homme  qui  se  livre  à  un  travail  modéré  devait  lui 
fournir  par  jour  environ  300  grammes  de  carbone 
et  20  grammes  d'azote.  Un  homme  complètement 


ALLEMAGNE 


—  87  — 


ALLEMAGNE 


inactif  n'aurait  besoin  que  de  2G5  grammes  de 
carbone  et  I2°%.t  d'azote  :  il  serait  ainsi  réduit  à  la 
ration  d entretien  ;  pour  qu'il  répare  les  pertes 
causées  par  l'exercice  musculaire,  il  y  faut  ajouter 
la  ration  de  travail.  Or  il  est  à  noter  que  l'indo- 
lence ou  l'énergie,  l'immobilité  ou  la  production 
de  force  n'exercent  qu'une  faible  influence  sur  la 
proportion  de  carbone  ;  celle-ci,  en  effet,  n'aug- 
mente que  d'un  septième  d'un  extrême  à  l'autre, 
tandis  que  la  proportion  d'azote  est  presque  tri- 
plée. On  peut  donc  dire  que,  dans  les  circonstan- 
ces normales,  pour  obtenir  du  travail  de  la  machine 
humaine,  il  faut  lui  fournir  de  l'azote,  et  que  le 
travail  obtenu  peut  varier  du  simple  au  double  en 
graduant  les  doses  de  matières  azotées  dans  la  ra- 
tion alimentaire  quotidienne. 

Si  les  aliments  respiratoires  ou  plastiques  man- 
quent à  un  moment  donné,  le  corps  y  supplée  en 
consumant,  en  usant  sa  propre  substance  ;  il  respire 
aux  dépens  de  sa  graisse  et  travaille  aux  dépens  de  ses 
muscles,  il  détruit  la  machine  pour  en  obtenir  du 
travail.  Dans  un  corps  mal  nourri,  épuisé  par  le 
travail,  l'esprit  recevant  le  contre-coup  du  malaise 
physique,  se  trouve  ballotté  entre  la  fièvre  et  la 
stupeur  :  le  corps  demande  un  remède  passager  à 
l'eau-devie  ;  l'esprit  le  cherche  dans  des  passions 
vicieuses.  C'est  ainsi  que  la  question  d'alimentation 
exerce  une  sérieuse  influence  sur  les  questions  de 
morale  et  de  civilisation. 

Exercices  pratiques.  —  Composer  avec  de  la 
morue  salée,  du  saindoux,  des  fèves,  des  pommes 
do  terre  et  du  fromage  à  la  pie  une  ration  alimen- 
taire d'entretien,  puis  une  ration  alimentaire  de 
travail  moyen  en  y  ajoutant  du  fromage  de  Gruyère. 

Composer  une  ration  alimentaire  d"entretien  et 
de  travail  avec  du  pain  de  munition,  du  beurre,  des 
œufs  et  des  figues  sèches. 

Composer  une  ration  alimentaire  d'entretien  avec 
du  pain  blanc,  du  bœuf  rôti,  du  beurre  et  du  fro- 
mage de  Brie.  —  Y  ajouter  comme  ration  de  travail 
les  aliments  les  moins  coûteux. 

Composer  avec  les  ressources  d'une  exploitation 
agricole,  —  dans  une  région  indiquée,  — des  rations 
alimentaires  d'entretien  et  de  travail. 

Voir  les  mots  Nutrition,  Boissons,  Condiments, 
Café,  Alcool.  [D'  Safi'ray.] 

ALLEMAGNE.  —  Géographie  générale  XI.  —  His- 
toire générale  XXVII.  —  Éti/m.  :  suivantles  uns,  du 
nom  desAle>7ia7i7ii,\ino  des  tribus  germaniques  éta- 
blies sur  le  Rhin;  suivant  d'autres,  et  c'est  l'opinion 
adoptée  par  M.  Littré,  des  mots  ail  et  mann,  lit- 
téralement tous  les  hommes,  nom  donné  à  la  réu- 
nion de  toutes  les  tribus  germaniques.) 

I.   GÉOGRAPHIE 

1.  Géographie  physique.  —  Cet  État, le  plus  puis- 
sant de  l'Europe  centrale,  s'étend  de  la  frontière 
orientale  de  la  France  jusqu'à  la  Russie  et  dé  la 
mer  Baltique  jusqu'au  pied  des  Alpes. 

Limites.  —  A  l'ouest,  l'Allemagne  touche  aux 
Pays-Bas,  à  la  Belgique,  au  grand-duché  de 
Luxembourg,  et  à  la  France.  Au  sud,  elle  est  sé- 
parée de  la  Suisse  par  le  Rhin,  depuis  Bâle  jus- 
qu'au lac  de  Constance  ;  de  l'Autriche  par  des  ra- 
meaux des  Alpes  et  le  cours  de  l'Inn.  A  l'est,  elle 
touche  aux  montagnes  qui  enveloppent  la  Bohême 
de  toutes  parts,  puis  à  la  Russie,  dont  la  sépare  une 
ligne  de  convention  tracée  au  milieu  de  l'ancien 
royaume  de  Pologne.  Au  nord,  de  la  Baltique  à  la 
mer  du  Nord,  c'est  aussi  une  ligne  conventionnelle 
qui  a  fixé  les  limites  entre  le  Slesvig  devenu  alle- 
mand, et  le  Jutland  resté  danois  dans  l'ancienne 
Chersonèse  Cimbrique. 

Superficie.  —  L'étendue  de  l'empire  ainsi  déli- 
mité est  un  peu  plus  grande  que  celle  de  la  France 
(540,00!)  kilom.  carrés,  au  lieu  de  628,000),  mais  sa 
population  est  plus  considérable  d'une  façon  absolue, 
et  plus  dense  relativement  au  pays  quelle  couvre. 


Population  ;  sn  densité.  —  L'empire  d'Allemagne 
compte  42  700  000  habitants;  la  population  moyenne 
y  est  donc  de  79  habitants  par  kilom.  carré.  Elle  est 
environ  de  70  en  France.  Seules  en  Europe,  la 
Belgique,  la  Hollande,  les  Iles  Britanniques  et 
l'Italie  ont  une  population  plus  dense  que  celle 
de  l'Allemagne. 

Climat.  —  L'Allemagne  jouit  d'un  climat  moins 
beau  que  celui  de  la  France.  Sa  latitude  est  plus 
septentrionale,  les  vallées  qui  la  traversent  sont 
tournées  vers  le  nord,  au  lieu  de  s'ouvrir,  comme 
celles  de  notre  pays,  vers  la  Méditerranée  ou 
l'Océan  dont  les  flots  sont  réchauffés  par  le  cou- 
rant chaud  du  golfe,  le  Gulfstream. 

Entre  le  pied  des  Alpes  et  le  cours  du  Main, 
l'Allemagne  méridionale  occupe  un  plateau  élevé 
de  500  à  COO  mètres,  où  l'altitude  augmente  la 
rigueur  des  hivers,  tandis  qu'au  nord,  l'Allemagne 
septentrionale  forme  une  vaste  plaine,  presque 
aussi  basse  que  les  flots  qui  viennent  battre  ses 
rivages.  On  ne  trouve  donc  pas  grande  différence 
entre  la  température  moyenne  qui  règne  sur  les 
bords  de  l'Inn,  au  sud,  et  celle  de  Hambourg,  près 
de  la  mer  du  Nord  ;  mais  si  l'on  s'avance  au  con- 
traire de  France  en  Russie  en  marchant  de  l'ouest 
à  l'est,  on  rencontre  de  plus  en  plus  un  climat 
continental  aux  chaleurs  extrêmes  en  été,  aux 
froids  plus  rigoureux  et  plus  longs  en  hiver.  Le 
Rhin  n'est  embarrassé  par  les  glaces  que  pendant 
moins  d'un  mois  chaque  année,  tandis  que  l'Oder 
est  pris  pendant  70  jours. 

Orographif.  et  Hydrographie.  —  Relief  du  sol. 
—  La  plaine  de  l'Allemagne  du  nord  est  monotone 
et  généralement  infertile.  Les  sables,  les  bruyères, 
les  marais,  les  lacs  en  couvrent  une  grande  éten- 
due. Les  bois  de  pins  augmentent  la  tristesse  du 
pajsage  tantôt  enseveli  dans  la  brume,  tantôt  re- 
couvert d'un  épais  manteau  de  neige.  Au  centre, 
au  contraire,  les  montagnes  de  la  Saxe,  de  la  Thu- 
ringe,  de  la  Hesse,  du  Nassau,  de  la  Franconie,  sans 
offrir  les  spectacles  grandioses  des  Alpes,  sont  re- 
nommées pour  leurs  vertes  vallées,  leurs  fraîches 
cascades,  leurs  forêts  ombreuses,  leurs  cimes  va- 
riées par  leurs  formes  comme  par  la  nature  de 
leurs  roches,  et  d'où  l'on  jouit  de  splendides  pa- 
noramas. Ni  là,  ni  dans  la  Forêt-Noire,  qui  fait,  sur 
la  rive  droite  du  Rhin,  le  digne  pendant  de  nos 
Vosges,  on  ne  trouve  de  sommet  dépassant  lôOO 
mètres.  La  Bavière  ne  renferme  encore  aucune  de? 
hautes  cimes  des  Alpes,  mais  on  y  rencontre  déj 
des  lacs  charmants  gracieusement  encadrés  de 
forêts  de  sapins,  de  pâturages  et  de  rochers  qui 
annoncent  la  région  alpestre. 

Grands  bassins.  —  L'Allemagne  partage  ses  eaux 
entre  le  Danube,  affluent  de  la  mer  Noire  ;  le  Rhin, 
l'Ems,  le  Wéser,  et  l'Elbe,  tributaires  de  la  mer 
du  Nord  ;  l'Oder,  la  Vistule  et  le  Niémen,  qui 
tombent  dans  la  mer  Baltique. 

Le  Danube.  —  Le  Danube,  qui  est  le  plus  long 
fleuve  de  l'Europe  après  le  Volga,  n'est  d'abord 
qu'un  ruisseau  capricieux  à  sa  naissance  dans  la 
Forêt-Noire.  A  Ulm,il  devient  navigable,  puis  passe 
par  la  forteresse  d'Ingolstadt  et  Ratisbonne  avant 
d'entrer  en  Autriche,  à  Passau.  Sa  rive  gauche  est 
escarpée  et  recouverte  par  les  hauteurs  du  Jura 
souabe.  II  ne  reçoit  de  ce  côté  comme  affluent 
important  que  YAltmuhl,  d'où  un  canal  navigable, 
qui  traverse  Nuremberg,  va  joindre  la  Regnitz, 
affluent  du  Main,  et  établit  ainsi  une  communica- 
tion navigable  entre  les  bassins  du  Rhin  et  du 
Danube.  Par  sa  rive  droite,  au  contraire,  le  Danube 
reçoit  de  nombreux  affluents  :  Vlller,  qui  sé- 
pare le  Wurtemberg  de  la  Bavière,  le  Lech,  qui 
passe  à  Augsbourg,  et  Ylsar,  qui  arrose  Munich,  la 
capitale  du  royaume  de  Bavière. 

Le  Danube  est  le  grand  chemin  d'Occident  en 
Orient,  suivi  par  les  croisés  et  toutes  les  expédi- 
tions militaires  qui  ont  eu  Vienne  pour  objectif. 


ALLEMAGNE 


--  88  — 


ALLEMAGNE 


Le  Rhin.  —  Dans  la  partie  moyenne  de  son  cours, 
3e  Rhin  servait  de  frontière  franco-allemande  jus- 
qu'à la  funeste  guerre  de  1870.  C'est  un  des 
grands  fleuves  de  l'Europe,  au  cours  rapide  comme 
le  Rhône,  bien  qu'il  verse  chaque  année  dans  la 
mer  une  moindre  masse  d'eau. 

De  Bàle  à  Mayence,  il  parcourt  une  large  vallée 
dont  le  territoire  fertile  en  fait  un  des  plus  riches 
pays  du  monde,  mais  dont  la  possession  si  souvent 
disputée  a  fait  couler  le  sang  dans  de  nombreux 
combats.  De  Mayence  à  Bingen,  les  flancs  du  Tau- 
nus,  qui  dominent  sa  rive  droite,  portent  des  vi- 
gnobles exposés  au  midi,  dont  Ips  produits,  fa- 
meux sous  le  nom  de  vins  du  Rhin,  atteignent 
des  prix  fabuleux.  Resserre  entre  ces  montagnes, 
et  celles  du  Ilunsruck  et  de  l'Eifel,  où  abondent 
les  anciens  volcans,  le  Rhin  parcourt  jusqu'à  Bonn 
une  gorge  étroite  ;  les  touristes  y  admirent  des 
sites  pittoresques  et  variés  ;  de  nombreux  châteaux, 
la  plupart  en  ruines,  y  évoquent  mille  souvenirs 
historiques.  Le  Rhin  entre  ensuite  dans  la  plaine 
basse  qui  se  continue  sans  interruption  jusqu'à  la 
mer  du  Nord.  Grand  chemin  de  la  Suisse  à  la  Hol- 
lande, le  Rhin  a  toujours  été  suivi  par  une  naviga- 
tion active.  De  nombreuses  cités  s'élèvent  sur  ses 
deux  rives  ;  les  unes  sont  importantes  par  leur 
commerce,  comme  Bâle,  Mannheim,  Cologne,  Dus- 
seldorf;  d'autres  sont  des  forteresses  imposantes 
commandant  le  passage  du  fleuve,  comme  Stras- 
bourg, Mayence,  Coblentz  et  Cologne.  Constance 
et  Bâle  ont  vu  des  conciles  se  réunir  dans  leurs 
murs.  Spire  et  Worms  des  diètes  où  se  sont  agités 
les  premiers  débats  de  la  Réforme. 

Sur  sa  rive  droite,  le  Rhin  reçoit  le  gracieux 
Neckar,  qui  parcourt  le  Wurtemberg  et  le  grand- 
duché  de  Bade,  en  arrosant  Stuttgart  et  Mannheim, 
la  cité  la  plus  populeuse  du  grand-duché.  Un  peu 
plus  haut,  h  quelques  kilomètres  de  Mannheim  le 
château  de  Heidelberg  dresse, au-dessus  delà  vallée 
du  Neckar,  son  imposante  façade  en  ruines,  dont 
les  Allemands  nous  reprochent  l'incendie  depuis 
deux  siècles.  A  Mayence  tombe  le  Mai7i  qui,  né 
aux  confins  de  la  Boliême  et  de  la  Saxe,  décrit  une 
foule  de  sinuosités  entre  les  montagnes  qui  s'élèvent 
sur  ses  deux  rives,  et  forme  la  limite  la  plus  natu- 
relle entre  l'Allemagne  du  nord  et  l'Allemagne  du 
sud.  Sur  ses  rives  s'élève  Francfort,  l'ancienne  ville 
libre,  siège  de  la  Confédération  Germanique  jus- 
qu'en 18('.t),  aujourd'hui  prussienne,  mais  toujours 
peuplée  d'opulents  banquiers  et  de  nombreuxJuifs. 
Plus  bas  le  Rhin  reçoit  la  Sieg  et  la  Lahn, 
gracieuses  rivières  aux  bords  verdoyants,  et  la 
Hvhr,  qui  parcourt  un  riche  bassin  houiller, 
grâce  auquel  l'industrie  de  la  Prusse  Rhénane  a 
atteint  un  très-grand  développement. 

Sur  sa  rive  gauche,  le  Rhin  reçoit  sur  le  terri- 
toire de  l'empire  d'Allemagne  VIll,  qui  passe  à 
Strasbourg,  après  avoir  parcouru  l'Alsace  ;  la  Lauter, 
qui  formait  jusqu'en  IsTO  la  limite  entre  l'Alsace 
et  la  Bavière  Rhénane  ;  et  enfin  la  Moselle,  le  plus 
important  de  tous  ses  affluents.  Née  au  ballon  d'Al- 
sace, la  Moselle  est  française  par  la  première  partie 
de  son  cours;  elle  traverse  Metz,  qui  nous  rappelle 
de  si  cruels  souvenirs  ;  Trêves,  l'ancienne  ville  ro- 
maine, et  parcourt,  avant  d'arriver  à  Coblentz,  une 
vallée  sinueuse  et  pittoresque,  presque  aussi  van- 
tée que  celle  du  Rhin. 

UEms  et  le  Wéser.  —  L'Ems,  qui  parcourt  la 
■Westphalie  et  le  Hanovre,  traverse  un  pays  maré- 
cageux et  tellement  plat,  qu'on  a  été  obligé  de 
l'endiguer  sur  une  assez  grande  étendue.  Il  finit 
dans  la  mer  duNord,  sur  la  frontière  des  Pays-Bas. 

Le  Wéser  se  forme  de  deux  branches  :  à  l'est, 
la  Werra,  qui  naît  sur  le  revers  méridional  des 
montagnes  de  Thuringe,  sur  les  confins  de  la  Ba- 
vière et  des  duchés  de  Saxe;  à  l'ouest,  la  Fulda, 
qui  prend  sa  source,  au  midi  de  la  Hesse,  dans 
un  groupe  de  montagnes  granitiques,  le  Rhôn,  et 


arrose  Cassel,  l'ancienne  capitale  du  royaume 
éphémère  de  Westphalie,  puis  de  l'électorat  de 
Hcsse-Cassel,  annexé  aux  États  prussiens  en  1866. 
Avant  de  se  réunir,  la  Fulda  et  la  Werra  parcou- 
rent un  pays  pittoresque,  accidenté,  d'où  le  Wéser 
s'échappe  auprès  de  Minden  par  un  défilé  qui  porte 
le  nom  de  porte  Wesphalienne,  pour  déboucher 
dans  la  plaine  du  Hanovre.  Il  arrose  ensuite  Brème, 
le  second  port  de  l'Allemagne  par  l'importance  de 
son  commerce,  où  des  milliers  d'émigrants  s'em- 
barquent chaque  année  pour  l'Amérique.  Les  na- 
vires qui  ne  peuvent  remonter  jusque-là  s'arrêtent 
à  l'embouchure  du  fleuve,  à  Bremerhafen,  qui  sert 
d'avant-port. 

L'Elbe.  —  L'Elbe,  né  en  Bohême  sur  le  revers 
méridional  des  monts  des  Géants,  entre  en  Saxe 
par  des  défilés  pittoresques,  qui  ont  valu  à  cette 
région  le  nom  de  Suisse  saxonne;  puis  il  passe 
à  Dresde,  la  capitale  du  royaume.  Il  est  dès 
lors  navigable  et  peu  rapide.  Il  traverse  la  grande 
forteresse  de  Magdebourg,  puis  arrive  à  Ham- 
bourg, la  seconde  ville  de  l'Allemagne  par  sa  po- 
pulation, la  première  par  son  commerce  maritime. 
Ancienne  ville  libre,  comme  Lubeck,  Brème  et 
Francfort,  Hambourg  est  aujourd'hui  un  des 
plus  grands  ports  de  la  terre.  De  nombreuses 
lignes  régulières  de  paquebots  partent  de  ses 
quais  pour  les  différents  pays  du  monde  et  ses 
riches  armateurs  monopolisent  le  commerce  de 
quelques  réglons  de  l'Océanie.  A  côté  de  Ham- 
bourg, Altona,  qui  en  est  presque  le  faubourg,  fait 
aussi  un  grand  commerce  maritime. 

C'est  un  peu  en  amont  de  Magdebourg  que 
l'Elbe  reçoit  sur  sa  rive  gauche  la  Saale,  grossie 
de  VElster,  deux  rivières  dont  les  flots  ont  été  plus 
d'une  fois  teints  de  sang:  après  avoir  traversé  léna, 
la  Saale  passe  entre  les  champs  de  bataille  de 
Rossbach  et  de  Lutîen,  et  c'est  sur  les  bords  de 
l'Elster  que  s'est  livrée  la  funeste  bataille  de 
Leipzig. 

Par  sa  rive  droite,  l'Elbe  reçoit  le  Havel,  grossi  de 
la  Sprée.  Celle-ci  prend  sa  source  sur  les  confins 
de  la  Silésie,  de  la  Bohême  et  de  la  Saxe;  traverse 
d'abord  le  joli  pays  boisé  de  la  Lusace,  puis  dé- 
bouche dans  les  sables  du  Brandebourg  ;  traverse 
Berlin,  la  capitale  moderne  de  l'empire  d'Alle- 
magne, où  ses  eaux  se  ternissent  d'une  boue  in- 
fecte, et  tombe  dans  le  Havel,  au  pied  de  la  forte- 
resse de  Spandau. 

L'Oder.  —  L'Oder  prend  sa  source  dans  la 
Silésie  autrichienne,  sur  le  revers  méridional  des 
monts  Sudètes;  bientôt  sorti  des  forets  de  sapins, 
il  coule  entre  des  rives  basses  et  marécageuses  : 
traverse  Breslau,  capitale  de  la  Silésie  ;  reçoit 
Custrin  la  Wariha  qui  a  traversé  la' plaine  de  Po- 
sen;  passe  à  Stettin,  la  capitale  de  la  Poméranio, 
et  finit  dans  le  Haff.  On  nomme  ainsi  un  golfe 
séparé  de  la  mer  par  une  étroite  bande  de  sable, 
et  que  les  alluvions  du  fleuve  vont  comblant 
peu  à  peu.  Cette  bande  sablonneuse  est  percée 
par  plusieurs  canaux  qui  joignent  le  Haflf  à  la 
Baltique. 

La  Vistule.  —  La  Vistule,  qui  est  presque  exclu- 
sivement un  fleuve  polonais,  est  déjà  imposante 
quand  elle  entre  à  Thorn,  sur  le  territoire  alle- 
mand. Comme  l'Oder,  elle  finit  dans  un  Haff, 
situé  au  fond  du  golfe  de  Danzig,  et  détache  une  de 
ses  branches  à  l'ouest  vers  ce  dernier  port. 

Le  Niémen.  —  Enfin  le  Niémen,  sorti  de  Russie, 
passe  àTilsitt  et  finit  dans  le  KurischeHaff,  le  plus 
septentrional  de  la  mer  Baltique. 

CÔTKS  ET  poaxs.  —  On  a  remarqué  que  sur  la 
Baltique  le  rivage  va  en  empiétant  sur  les  flots, 
tandis  que  sur  la  mer  du  Nord  les  vagues  étendent 
constamment  leur  domaine  à  la  place  de  la  terre 
ferme.  Ni  l'une  ni  l'autre  n'offrent  une  grande 
quantité  de  ports.  Le  principal  sur  la  mer  Baltique 
est  Stettin,  la    capitale    de    la  Poméranie,    qui  » 


ALLEMAGNE 


0'\ 


ALLEMAGNE 


l'avantage  de  se  trouver  à  l'embouchv  ^^  de  TOder. 
Mémel,  à  rextrémilé  septentrionale  do  la  Prusse  ; 
Kœnigsberg ,  à,  l'embouchure  du  Prégol  ;  /  anzig, 
à  Vembouclmre  de  la  Visiule  ;  Sti-'lsund,  en  face 
de  l'île  de  Rugen  ;  Waniemunde,  près  de  Rostock, 
la  ville  la  plus  peuplée  du  Mecklembourg  ;  Lu- 
beck,  la  célèbre  ancienne  ville  hanséatique  ;  Ko  l, 
récemment  arraché  au  roi  de  Danemark,  se  par- 
tagent le  reste  du  commerce  de  l'Allemagne  avec 
la  Russie,  la  Suède  et  le  Danemark.  Hambourg  et 
Brème  possèdent  presque  le  monopole  du  com- 
merce allemand  avec  lej  autres  pays  étrangers. 

C'est  à  l'ouest  de  l'embouchure  du  Wéser,  au 
fond  du  golfe  de  Jade,  que  l'on  a  fondé  depuis  les 
agrandissements  prodigieux  du  royaume  de  Prusse 
le  port  militaire  de  Wilhemshafai,  où  sont  réunis 
les  principaux  arsenaux  de  la  marine  militaire 
naissante  de  l'empire  d'Allemagne. 

2.  Géographie  agricole  et  industrielle.  —  Agj'i- 
culture.  —  L'Allemagne  est  beaucoup  moins  iTer- 
tile  que  la  France.  La  vigne  n'y  mûrit  ses  fruits 
que  sur  les  coteaux  bien  exposés  des  bords  du 
Rhin,  de  la  Moselle,  du  Main  et  du  Xeckar.  La 
bière  est  la  principale  boisson  des  Allemands  et  le 
houblon  est  une  de  leurs  cultures  importantes.  C'est 
la  Bavière  qui  tient  le  premier  rang  pour  la  fabri- 
cation de  la  bière  :  ses  brasseries  exportent  au  loin 
leurs  produits.  En  fait  d'eaux-de-vie,  on  ne  distille 
guère  que  des  grains.  Le  froment  est  aussi  plus 
rare  qu'en  France  et  est  remplacé  par  le  seigle, 
l'orge,  l'avoine,  le  sarrasin,  qui  conviennent  mieux 
aux  terrains  maigres.  La  pomme  de  terre  joue 
également    un    grand    rôle     dans    l'alimentation. 

On  doit  rendre  cette  justice  aux  Allemands 
qu'ils  mettent  tous  leurs  soins  à  tirer  de  leur 
siil  ingrat  le  meilleur  parti  possible.  Nulle  part 
ailleurs  les  forêts  ne  sont  aussi  bien  aménagées; 
les  vallées  sont  généralement  couvertes  de  belles 
prairie  s.  Les  races  de  bétail  sont  bien  entretenues; 
on  cherche  à  en  améliorer  les  qualités,  et  on 
y  réussit.  Les  chevaux  du  Mecklembourg  et  du 
Holstein  sont  renommés,  ainsi  que  les  porcs  de 
VV'estphalie;  les  moutons  de  la  Saxe  et  de  la  Si- 
lé  sie  fournissent  des  laines  particulièrement  re- 
cherchées pour  leur  finesse.  La  pèche  des  lacs 
et  des  rivières,  la  chasse  des  forêts,  les  ruches 
d'abeilles,  les  fruits  même  les  plus  communs, 
tout  est  mis  à  profit  pour  augmenter  le  bien-être 
ou  diminuer  la  misère  des  habitants.  Les  Alle- 
mands du  nord  parviennent,  à  force  d'économie,  à 
exporter,  en  dehors  de  leur  consommation,  des 
grains  et  du  bétail. 

Comme  plantes  industrielles,  on  cultive  :  le  tabac 
dans  les  vallées  fertiles  du  Weser,  de  l'Elbe  et  de 
l'Oder,  et  en  Bavière,  autour  de  Nuremberg  et  de 
Munich;  —  la  betterave,  qui  occupe  une  assez 
grande  étendue  de  terres  dans  la  vallée  du  Rhin,  en 
Saxe  et  en  Silésie  ;  —  le  lin  et  le  chanvre,  qui  ser- 
vent à  la  fabrication  du  linge  de  Saxe,  fort  estimé  à 
l'étranger. 

Mines.  —  L'Allemagne  a  l'avantage  de  posséder 
de  grandes  ressources  minérales.  Les  montagnes 
qui  séparent  le  royaume  de  Saxe  de  la  Bohême  ont 
reçu  à  juste  titre  le  nom  de  Erzgti/irge  (mon- 
tagnes des  mines),  à  cause  des  métaux  très-divers 
qui  s'y  rencontrent.  La  Saxe,  la  haute  Silésie,  la 
Thuringe  renferment  du  fer,  du  plomb,  de  l'argent, 
du  zinc,  de  l'étain,  de  l'arsenic,  etc.  Le  Harz,  sur 
les  confins  de  la  Saxe,  du  Brunswick  et  du  Ha- 
novre, renferme  du  plomb,  du  cuivre,  de  l'argent, 
du  fer.  Ces  deux  régions  sont  devenues  classsiques 
par  la  variété  des  travaux  d'exploitation  qu'on  y 
exécute. 

Bassins  houillers.  —  Après  l'Angleterre  et  la 
Belgique,  l'Allemagne  tient  en  Europe  le  pre- 
mier rang  pour  sa  richesse  en  houille.  La  Prusse 
Rhénane  possède  deux  bassins  de  premier  ordre. 
Celui  de  la  Ruhr,  sur  la  rive  droite  du  Rhin,  auprès 


de  Dusseldorf,  alimente  les  usines  de  cette  région 
éminemment  industrielle,  et  entre  autres  les  cé- 
lèbres forges  dEssen,  d'où  sortent  aujourd'hui  les 
canons  de  la  plupart  des  armées  du  monde.  Le 
bassin  de  la  Sarre,  entre  Jleiz  et  Mayence,  de  dé- 
couverte relativement  récente,  avait  contribué  à 
donner  un  développement  considérable  aux  établis- 
sements métallurgiques  de  la  Lorraine  française, 
si  riche  en  minerais  de  fer.  On  trouve  aussi  de  la 
houille  auprès  d'Aix-la-Chapelle,  sur  le  prolonge- 
ment du  bassin  de  Liège,  dans  la  Silésie,  la  Saxe 
et  la  Thuringe. 

Eaux  minérales.  —  Dans  un  pays  aussi  riche  en 
minéraux  et  en  montagnes  d'origine  volcanique,  les 
eaux  minérales  abondent.  Les  plus  célèbres  sont 
celles  de  Wieshaden  et  d'^wîs  dans  le  Nassau;  de 
liade  (Baden-Baden  >,  dans  le  grand-duché  de  Bade  ; 
de  Wildbad  (Wurtemberg)  ;  d' 4  zx-/n-CA"pe//e. 

Les  sources  salées  et  les  mines  de  sel  gemme 
sont  également  fort  répandues,  et  la  plus  riche 
mine  de  la  Lorraine,  celle  de  Dieuze,  s'est  trouvée 
comprise  dans  l'annexion  allemande. 

Pierres  lithographiques.  —  Ambre.  —  La  Bavière 
a  le  privilège  de  posséder  les  plus  belles  carrières 
de  pierres  lithographiques  de  l'Europe,  et  dès  l'an- 
tiquité la  plus  reculée  on  allait  recueillir  l'ambre 
sur  les  bords  de  la  Baltique,  dans  les  pays  qui  sont 
aujourd'hui  devenus  la  Prusse  et  la  Poméranie. 

Manufactures.  —  La  population  très-dense  sur 
certains  points  de  l'Allemagne  trouve  dans  l'indus- 
trie seule  d(^  quoi  subvenir  à  ses  besoins.  La  Saxe, 
la  Haute-Silésie,  les  environs  de  Dusseldorf,  l'Al- 
sace sont  les  grands  centres  de  fabrication.  Les 
industriels  alsaciens  ne  craignent  aucune  concur- 
rence pour  la  filature,  le  tissage  et  l'impression 
des  étoffes  élégantes  en  coton.  Chemnitz,  en  Saxe, 
est  le  grand  centre  de  la  filature  et  du  tissage  de 
la  laine  et  du  coton 

Elberfeld,  dans  le  district  de  Dusseldorf,  fabrique 
une  énorme  quantité  de  cotonnades.  De  l'autre 
côté  du  Rhin,  Crefeld  (ou  Crevelt)  fait  une  concur- 
rence redoutable  à  nos  soieries.  Aix-la-Chapelle  fa- 
brique des  draps  ;  les  toiles  de  lin  et  de  chanvre 
viennent  principalement  de  la  Haute-Silésie. 

L'Allemagne  possède  encore  de  nombreuses 
verreries,  des  fabriques  de  porcelaine  renommées 
en  Saxe,  des  fabriques  de  produits  chimiques,  des 
raffineries  de  sucre.  Les  papeteries  sont  assez  ré- 
pandues et  alimentent  un  grand  nombre  d'im- 
primeries. Leipzig  est  le  grand  centre  du  com- 
merce de  la  librairie.  Nuremberg  a  conservé  la 
spécialité  des  jouets,  de  la  bimbeloterie,  et  les 
objets  en  bois  grossièrement  sculptés  de  la  Forêt- 
Noire  sont  exportés  dans  le  monde  entier. 

3.  Ethnographie.  —  Les  Allemands  ne  forment 
pas  un  peuple  homogène  au  point  de  vue  de  la  race. 

Races.  —  Sans  doute  l'élément  germain  domine 
dans  l'ensemble  de  l'empire;  mais  les  Slaves  con- 
stituent un  noyau  considérable  dans  le  duché  de 
Posen,  qui  provient  du  démembrement  de  la 
Pologne  et  dans  quelques  parties  de  la  Silésie.  Sur 
les  bords  de  l'Elbe  et  de  l'Oder,  où  ils  ont  été 
autrefois  dominants,  ils  ont  été  peu  à  peu  absorbes 
dans  l'élément  germanique  Les  l'anois  du  Sles- 
vig,  annexés  depuis  1866,  appartiennent  à  la  race 
Scandinave,  et  les  habitants  de  Metz,  par  leur  sang, 
leur  langue  et  leurs  sympathies  ont  toujours  été 
Français. 

Langues.  —  La  langue  allemande,  qui  est  parlée 
dans  tout  l'empire,  l'est  en  outre  dans  plusieurs 
pays  étrangers:  dans  le  nord  et  le  centre  de  la  Suisse, 
dans  la  plus  grande  partie  de  l'empire  d'Autriche, 
dans  les  provinces  dites  Baltiques  de  l'empire  de 
Russie.  Et  avant  d'aller  en  foule  peupler  la  fertile 
vallée  de  l'Ohio  et  d'autres  parties  des  États-Unis, 
les  Allemands  ont  été  appelés  à  différentes  reprises 
au  dehors,  dans  la  Russie  méridionale  notamment, 
ou  dans  la  Hongrie,  pour  mettre  en  culture  des 


ALLEMAGNE 


—  UO  — 


ALLEMAGNE 


pays   stériles  ou  dépeuplés  par  quelque   guerre. 

4.  Géographie  politique.  —  Longtemps  divisée 
en  une  foule  de  petits  Etats  qui  dittéraient  par  les 
institutions,  les  mœurs,  les  intérêts,  les  conditions 
locales,  l'Allemagne,  sans  être  encore  arrivée  à 
une  centralisation  aussi  grande  que  la  France,  s'en 
rapproche  de  plus  en  plus,  à  tous  égards. 

Religion.  —  Aujourd'hui  le  protestantisme  do- 
mine dans  l'Allemagne  du  Nord,  le  catholicisme 
dans  l'Allemagne  du  Sud.  On  compte  sur  une  popu- 
lation de  ^kl  70(!  000  habitants  :  environ  :'6  Oi  0  000  de 
protestants,  16  000  000  de  catholiques,  500  000  juifs 

Unité  politique.  —  Depuis  que  le  roi  de  Prusse 
s'est  fait  proclamer  empereur  d'Allemagne  en  1871, 
l'unité  politique  est  à  peu  près  complète.  Depuis 
longtemps  déjà,  le  Zollverein,  ou  union  douanière, 
avait  fondé  l'unité  commerciale,  en  supprimant  les 
douanes  intérieures. 

Attributions  du  gouvernement  impérial.  —  Au- 
jourd'hui l'empereur  commande  à  toutes  les  ar- 
mées, est  seul  charge  des  relations  diplomatiques 
avec  les  pays  étrangers.  Le  gouvernement  impérial 
tient  entre  ses  mains  presque  toutes  les  lignes  de 
chemins  de  fer,  les  postes  et  les  télégraphes.  Peu  à 
peu  les  différentes  législations  locales  iront  en  se 
fondant  les  unes  dans  les  autres,  et  les  souverains 
jaloux  de  leur  autorité  n'auront  plus  qu'à  abdiquer 
des  trônes  sur  lesquels  ils  ne  sont  plus  que  les 
grands  officiers  de  l'empereur. 

Le  régime  militaire  qui  a  amené  le  triomphe  de 
la  Prusse  est  aujourd'hui  appliqué  à  toute  l'Alle- 
magne :  chacun  est  soldat,  chacun  fait  l'exercice 
à  la  prussienne.  L'instruction,  partout  obligatoire 
et  donnée  avec  le  plus  grand  soin  (V.  Allemugiie 
dans  la  V  Partie  du  Dictionnaire),  fait  partout 
aussi  pénétrer  le  même  sentiment,  celui  de  la 
prééminence  germanique,  sentiment  que  les  con- 
quêtes de  1871  ont  naturellement  exalté,  et  qui  est 
porté  aujourd'hui  aussi  loin  qu'a  pu  l'être  aux  jours  de 
notre  plus  grand  enivrement  le  chauvinisme  français. 

Universités.  —  Les  universités,  qui  ont  fait  la 
gloire  et  la  -grandeur  de  l'Allemagne,  y  sont  encore 
des  centres  intellectuels  très-importants  et  presque 
les  seuls  organes  de  la  vie  et  de  l'indépendance 
locales.  L'université  de  Berlin  est  la  plus  fréquen- 
tée de  l'Allemagne  ;  mais  le  Hanovre  possède 
encore  celle  de  Gœttingue  ;  le  duché  de  Bade,  celle 
de  Heidelberg;  le  Wurtemberg,  Tubingue;  la  Ba- 
vière, Munich;  la  Saxe  (prussienne  ou  ducale),  Hal/e 
et  léna;  le  royaume  de  Saxe,  Leipzig.  Ces  villes,  qui 
offrent  à  tous  les  genres  d'études  d'incomparables 
ressources,  sont  les  foyers  de  pensée,  d'action  où 
la  jeunesse  libérale  du  pays  se  porte  en  grand 
nombre  avec  enthousiasme.  La  plus  récente  et  la 
plus  magnifiquement  dotée  des  universités  alle- 
mandes est  celle  de  Strasbourg,  libéralité  dont  le 
but  est  facile  à  comprendre.  11  est  juste  d'ajouter 
que  pour  les  encouragements  donnés  à  l'instruction 
en  général,  les  souverains  des  États  secondaires 
ont  devancé  les  rois  de  Prusse. 

Musées.  —  Presque  toutes  les  grandes  villes  ont 
de  remarquables  galeries  de  tableaux;  mais  Dresdf 
et  Munich  possèdent  des  collections  artistiques  qui 
n'ont  d'égale  en  richesse  et  en  variété  que  celles  de 
Paris,  de  Rome  et  de  Londres. 

Etats  composant  l'empire.  —  L'empire  d'Alle- 
magne renfei-nie  aujourd'hui  :  quatre  royaumes, 
ceux  de  Prusse,  cap.  Berlin;  de  Bavière,  cap.  Mu- 
nich ;  de  Saxe,  cap.  Dresde  ;  de  Wurtemberg,  cap. 
Stuttgart;  —  six  grands-duchés,  ceux  de  Bade, 
cap.  Carlsruhe  ;  de  Hesse-Darmstadt,  cap.  Darm- 
stadf,  de  Mecklembourg-Schwérin,  de  Mecklem- 
bourg-Strélitz ;  de  Saxe-Weimar  et  d'Oldenbourg; 
cinq  duchés,  ceux  de  Brunswick,  de  Saxe-Moiniiigen, 
de  Saxe-Altenbourg,  Saxe-C.obourg  et  Gotlia  et 
d'Anhalt;  —  sept  principautés,  celles  de  Scliwaiv,- 
bourg-Rudolstadt  et  Schwarzbourg-Sonderslinuson  ; 
do  Waldcck;    les   deux   nrincipsutcs   de   Reuss, 


celles  de  Lippe-Detmold  et  de  Schaumbourg-Lippe  ; 

—  trois  villes  libres,  celles  de  Brome,  Hambourg 
et  Lubeck;  —  enfin  l'Alsace-Lorraine,  traitée  de 
pays  d'empire.  Ces  divers  pays  nomment  les  dé- 
putés du  Heichstag,  analogue  à  notre  Chambre  des 
députés,  et  leurs  souverains  envoient  des  plénipo- 
tentiaires au  Conseil  fédéral,  dans  lequel  chaque 
État  a  un  certain  nombre  de  voix  déterminé  par  la 
constitution  de  l'empire. 

Gouvernement.  —  Indépendamment  de  ces  cham- 
bres impériales  dont  les  attributions  sont  fort 
étendues,  chaque  État  a  conservé  son  gouvernement 
intérieur  avec  le  système  représentatif  dont  il 
jouissait.  La  Prusse,  la  Bavière,  le  royaume  de 
Saxe,  le  Wurtemberg,  les  grands-duchés  de  Bade 
et  de  Hesse  ont  deux  chambres  ;  les  autres  États  en 
ont  une  ;  les  villes  libres  ont  une  sorte  de  sénat. 

Grandes  villes.  —  Berlin,  qui  s'accroît  avec  une 
rapidité  effrayante,  a  aujourd'hui  près  d'un  million 
d'habitants;  Hambourg  près  de  275  dOO;  Brcslau, 
240  000;  Dresde  et  Munich  près  de  200  000;  Co- 
logne, Leipzig,  Kœnigsberg,  Stuttgart,  Hanovre, 
Francfort-sur-le-Mein  et  Brème,  plus  de  100  000, 
chiffre  qu'atteignent  presque  Danzig  et  Strasbourg. 

Questionnaire  géographique.  —  l .  ^  w  la  géogra- 
phie physique.  —  De  quel  côté  l'empire  d'Allemagne 
a-t-il  des  frontières  naturelles?  —  Énumérer  en 
partant  du  nord  ouest  les  États  qui  l'entourent.  — 
Est-il  plus  ou  moins  peuplé,  plus  grand  ou  plus 
petit  que  la  France?  —  Climat. 

En  combien  de  versants  se  partagent  les  eaux  de 
l'Allemagne?  —  Quels  sont  les  principaux  bassins 
de  chaque  versant? —  Quelles  sont  les  principales 
villes  d'Allemagne  situées  sur  le  Danube?  —  sur 
le  Rhin? —  l'Elbe,  etc.?  —  Quels  sont  les  princi- 
paux affluents  coulant  en  Allemagne,  du  Danube, 
du  Rhin,  de  l'Elbe? 

Quels  sont  les  principaux  ports  de  l'Allemagne? 

2.  Sur  la  géographie  agricole  et  industriehe.  — 
Quels  sont  les  principaux  produits  de  l'agricul- 
ture? —  Les  plantes  cultivées  pour  l'industrie? 

Où  sont  situés  les  principaux  bassins  houillers, 
les  principales  mines  métalliques?  —  Les  eaux  mi- 
nérales les  plus  fréquentées? 

Quels  sont  les  principaux  centres  manufactu- 
riers? —  Qu'y  fabrique-t-on? 

3.  Sur  l'ethnographie.  —  Quelles  sont  les  di- 
verses races  formant  la  population  de  l'empire 
d'Allemagne?—  Dans  quelles  contrées  étrangères 
la  langue  allemande  est-elle  parlée? 

4.  Sur  la  géographie  politique.—  Quelles  sont  les 
religions  suivies  en  Allemagne?  —  les  attribu- 
tions du  gouvemementimpérial?  —  les  principales 
universités  allemande»? —  les  villes  les  plus  consi- 
dérables? —  De  quels  Etats  se  compose  I  empire"/ 

Problèmes  géographiques.  —  La  population  et 
la  superficie  de  la  France  sont  de  36  900  000  habi- 
tants et  de  5.8  600  kilom.  carrés;  celles  de  l'empire 
d'Allemagne,  de  42  700  (JOO  habitants  et  de  540  000 
kilom.  carrés. 

r  Quelle  serait  la  population  de  la  France,  com- 
prise dans  ses  limites  actuelles,  si  elle  était  aussi 
dense  que  celle  de  l'Allemagne?  (Rép.  :  41  760  000.) 

—  Quelle  serait  la  population  de  la  France,  si  elle 
était  aussi  étendue  que  l'Allemagne,  sans  que  la 
densité  de  sa  population  eût  augmenté?  [Rép.  : 
37  800(:00.) 

2"  Il  y  a  en  Allemagne  29150  kilom.  de  chemins 
de  fer  en  exploitation,  et  en  France  22670. 

Combien  y  a-t-il  de  kilom.  de  chemins  de  fer  par 
lOfiOO  kilom.  carrés   de  superficie  en  Allemagne? 

—  en  France?  (Rép.  :  540  en  Allemagne;  429  en 
France.) 

Combien  y  a-t-il  de  kilom.  de  chemins  de  fer  par 
1 0  000  habitants  en  Allemagn  e  ?  —  en  France  ?  (  Rép.  : 
G'', 8  en  Allemagne;  C,!  on  France.) 

Combien  la  France  devrait-elle  construire  de  ki- 
lom. do  chemins  de  fer  pour  en  avoir  autant  que 


ALLEMAGNE 


—  9i  — 


ALLEMAGNE 


l'Allemagne?  1°  Relativement  à  sa  superficie?  2"  Re- 
lativement à  sa  population?  (Rép.  :  1°  5680  kilom.  ; 
2°  2495  kilom.; 

V  II  y  a  en  Allemagne  8366  bureaux  de  postes  dis- 
tribuant 596  OOU  UGO  de  lettres  et  en  France  ôl7"  bu- 
reaux distribuant  350  000  000  de  lettres.  Combien  de 
ixiiom.  carrés  de  superficie  et  combien  d'habitants  un 
bureau  de  poste  doit-il  dessenir  en  Allemagne?  — 
en  France?  —  (Rép.  :  63  kilom.  carrés  en  Allemagne; 
102  kilom.  carrés  en  France.) 

GomDien  s  expeûie-t-u  ae  lettres  par  tête  en  Al- 
lemagne? en  France?  (Rép.  :  13,9  en  Allemagne; 
9,5  en  France.) 

II.   HISTOIRE 

Pour  la  révision  de  l'histoire  d'Allemagne  (dans 
lu  cours  d'histoire  générale  des  écoles  normales), 
nous  nous  attachons  à  deux  questions  essentielles  : 

1°  Revue  rapide  des  faits  principaiix,  classés  par 
grandes  périodes; 

2"  Étude  spéciale  de  la  formation  territoriale  de 
l'Allemagne. 

A  ces  deux  résumés  nous  joignons  quelques  Dic- 
tées historiques  comme  type  de  développements  à 
l'usage  de  l'enseignement  primaire. 

1.  Mémento  des  faits  principaiix  de  l'histoire 
d'Allemagne.  —  (V.  aussi  les  mots  de  révision 
Gue}^es,  Traités,  Réforme,  ainsi  que  ceux  qui  sont 
mentionnés  dans  le  cours  de  cet  article.) 

r*  PÉRIODE.  —  La  Germanie  jusqu'à  la  chute  de 
l'empire  romain  (476).  —  Y.  Germains. 

II'  PÉRIODE.  —  De  la  chute  de  l'empire  romain  ait 
démembrement  de  l'empire  de  Cliarlemagne  (476-8  i  3) 
—  Les  fais  décisifs  sont  : 

1°  La  victoire  de  C/ovis*  à  Tolbiac  sur  les  Ala- 
mans  (493),  qui  marque  la  fin  de  l'invasion  germa- 
nique en  Gaule. 

2°  L'introduction  tardive  et  difficile  du  christia- 
nisme en  Allemagne,  les  missions  de  saint  Bonïface 
'  Winfrid),  l'apôtTe  de  la  Germanie,  qui  convertit  une 
l);u-tie  des  Frisons,  des  Saxons,  des  Bavarois  et  fut 
massacré  en  755  près  d'Utrecht. 

3°  La  soumission  des  Saxons  et  des  Bavarois  par 
Cliarlemagne*. 

4°  La  Germanie  constituée  en  royaume  distinct 
pour  un  petit-fils  de  Charlemagne,  Louis  dit  le  Ger- 
manique, en  843  par  le  traité  de  Verdun  (V.  ci-des- 
sous et  l'article  Traités). 

llI'PÉRiODK.  —  Le  royaume  d'Allemagne,  du  traité 
lie  Verdun  à  la  création  du  Saint-Empire  (843-962). 

(«La  dynastie  carlovingienne  s'éteint  en  9il.  — 
l'ivalité  des  nombreux  feudataires  qui  aspirent  à  la 
t'iuronne  royale. 

2°  Le  duc  de  Saxe  Henri  I"  l'Oiseleur,  élu  roi  de 
(iermanie,  est  le  chef  de  la  1^*  dynastie  allemande,  la 
i)iaisondeSaxe{9ld). 

3"  Invasions  de  peuplades  Scandinaves,  slaves  et 
b.oiigroises.  Défaite  des  Magyars  par  Henri  I"  à 
Jlersebourg  (933). 

4°  Son  fils  Othon  I"  dit  le  Grand  fait  deux  expé- 
ditions en  France  {V.Louis  /F), d'autres  en  Italie.  11 
si>  fait  nommer  empereur  et  rétablit  en  962  le  titre 
d'Empire  romain  d'Occident,  qui  ne  sortira  plus  de 
la  «  nation  allemande  ». 

IV*  Période.  —  Le  Saint-Empire  du  x'  au  xiv^ 
siècle.  Lutte  du  Sacerdoce  et  de  l'Empire  (962-1250). 

Après  l'extinction  de  la  maison  de  Saxe  en  1024, 
deux  grandes  dynasties  se  succèdent  :  la  maison  de 
Franconie  (1024-1125),  puis  la  maison  de  Souabe  ou 
de  Hohenstau/én. 

1"  Dans  la  maison  de  Franconie,  la  figure  mar- 
quante est  celle  de  He7iri  IV  (1056-1106),  dont  le 
règne  presque  entier  est  rempli  par  sa  lutte  avec 
les  souverains  pontifes.  C'est  la  querelle  dite  des 
investitures  (V.  Henri  IV).  L'empereur  prétendait 
nommer  les  évoques,  le  pape  se  réservait  ce  droit 
et  n'accordait  à  l'empereur  que  celui  d'investiture 
après  l'élecUon    ecclésiastique   régulière.    Cité   à 


comparaître  devant  le  pape  Grégoire  VU,  Henri  IV 
répond  en  le  faisant  déposer  par  un  prétendu  con- 
cile à  Worms.  Grégoire  VU  lance  l'excommunication 
contre  l'empereur  ;  beaucoup  de  ses  sujets  n'atten- 
daient que  ce  prétexte  pour  se  révolter.  Henri  se 
soumit.  Il  vint  humblement  demander  son  pardon 
et  subir  l'humiliation  de  Canossa  (V.  ci-dessous 
dictée  3);  mais  il  reprit  la  lutte  presque  aussitôt, 
alla  combattre  les  Saxons  révoltés,  revint  soumettre 
l'Italie,  prit  Rome  et  déposa  le  pape  qui  mourut 
à  Salerne.  Henri  IV  se  croit  un  moment  tout-puis- 
sant. Mais  ses  propres  fils  se  soulèvent  contre  lui  ;  l'un 
d'eux,  Henri  le  Jeune,  se  met  à  la  tête  des  ennemis, 
le  fait  prisonnier  et  lui  impose  la  plus  humiliante 
abdication.  Le  vieil  empereur  s'échappe  du  couvent 
dingelheim  et  se  réfugie  à  Liège,  où  il  meurt  dans 
l'indigence  (V.  dictée  2). 

Henri  le  Jeune  reprend  bientôt  la  lutte  contre  le 
saint  siège;  après  de  longues  années  de  guerre,  la 
querelle  des  investitures  se  termine  par  le  concor- 
dat de  Worms  :  le  pape  donne  l'investiture  spirituelle 
par  la  crosse  et  Vanneau  ;  l'empereur,  l'investiture 
temporelle  par  le  sceptre  (1122). 

2°  Avec  la  maison  de  Souabe  commence  une  autre 
lutte,  qui  devait  durer  plusieurs  siècles,  celle  des 
Gibelins  et  des  Guelfes.  Les  Gibelins  (par  corrup- 
tion de  Wiblijigen,  nom  d'un  château  des  Hohen- 
staufen)  étaient  les  partisans  de  la  maison  de 
Souabe  ;  les  Guelfes  (de  Wtlf,  nom  d'une  famille 
princière  de  Bavière),  les  adversaires  de  la  maison 
de  Souabe. 

En  Allemagne  cette  lutte  commence  lorsque  Con- 
rad, duc  de  Hohenstaufen,  est  élu  empereur  et  que 
le  Guelfe  Henri  le  Superbe  lui  dispute  la  cou- 
ronne ;  mais  elle  se  termine  en  moins  de  vingt  an- 
nées par  la  soumission  des  Guelfes,  dont  le  dernier 
descendant,  réintégré  dans  une  partie  de  leur  héri- 
tage, devint  le  chef  de  la  maison  de  Brunswick.  En 
Italie,  au  contraire,  la  plupart  des  villes  de  la  Lom- 
bardie  se  déclarèrent  guelfes  avec  l'appui  des  papes  ; 
elles  résistèrent  pendant  un  siècle  aux  difl'érents 
empereurs  gibelins  (V.  Italie  .  p.  1075.) 

Les  deux  noms  marquants  de  la  maison  de  Souabe 
sont  ceux  des  empereurs  Frédéric  I^"'  et  Frédéric  II. 

Frédéric  /"■  Barberousse  (1152-1190),  après  une 
lutte  acharnée  contre  les  villes  lombardes  et  le  pape 
Alexandre  III,  fut  vaincu  à  Legnano  ai7G)  par  les 
)\Iilanais  dont  il  avait  rasé  la  ville  et  obligé  de  venir 
baiser  la  pantoufle  du  pape.  Il  partit  ensuite  pour 
la  3'  croisade  et,  moins  heureux  qu'Alexandre,  il 
périt  à  Tarse  pour  s'être  baigné  dans  les  eaux  gla- 
cées du  Sélif. 

Frédéric  II  (1197-1250)  reprit  la  même  lutte  avec 
des  succès  divers  ;  c'est  déjà  presque  un  souverain 
moderne  que  Frédéric  II.  Très-savant  pour  l'épo- 
que, ami  des  lettres  et  des  arts,  administrateur  in- 
telligent, il  semble  à  certains  égards  au-dessus  de  ses 
contemporains  ;  mais  le  malheur  finit  par  aigrir  son 
caractère  et  lui  inspira  des  actes  de  violence  et  de 
cruauté.  Il  fit  à  contre-cœur,  et  parce  qu'il  était 
forcé  par  ses  promesses,  une  croisade  qui  ressembla 
peu  aux  précédentes  :  il  négocia  plus  qu'il  ne  se 
battit  avec  les  musulmans,  et  l'on  vit  ce  spectacle  . 
étrange  de  deux  chefs,  l'un  chrétien,  l'autre  musul- 
man, Malek-Kamel,  qui,  poussés  par  un  esprit  de 
tolérance  réciproque,  voulaient  éviter  la  guerre,  tan- 
dis qu'autour  d'eux  tout  respirait  la  haine  religieuse 
et  la  barbarie.  Frédéric  était  excommunié,  le  pape 
avait  envoyé  deux  moines  pour  prêcher  la  révolte  à 
ses  soldats  ;  chrétiens  et  musulmans  furent  égale- 
ment mécontents  de  voir  leurs  chefs  conclure  un 
traité  de  dix  ans  (V.  Croisades).  A  son  retour  il  trouva 
l'Italie  soulevée  contre  lui  par  le  pape,  fut  de  nouveau 
excommunié  et  passa  ses  dernières  années  à  faire 
la  guerre  aux  villes  lombardes,  qui  lui  enlevèrent 
son  fils  dans  une  bataille.  Accablé  de  fatigue  et  de 
chaiïrin,  il  alla  mourir  àFirenzuola,  dans  le  royaume 
de  Naples. 


ALLEMAGNE 


—  92  — 


ALLEMAGNE 


Le  flls  de  Frédéric  II,  Conrad  IV,  ne  put  se 
faire  reconnaître  que  d'une  partie  de  rAllemaL'ne. 
Il  mourut  en  1254,  laissant  un  fils  en  bas  âge, 
l'infortuné  Conradin. 

Un  autre  fils  de  Frédéric,  M;infred,  qui  régnait 
àNaples,  fut  dépouillé  de  la  couronne  par  Charlis 
d'Anjou.  Le  jeune  Conradin,  ayant  tenté  une  expé- 
dition contre  l'usurpateur,  fut  fait  prisonnier  et 
misa  mort  en  1268  (V.  dictée  3). 

V  PÉiuoDE.  —  Le  Saint-Empire  depuis  le  grand 
interrègjie  jusqu'à  l'avènement  définitif  de  la  mai- 
son d'Autriche  (1250-1438).  —  Pendant  que  la  mai- 
son de  Souabe  s'éteignait  avec  Conradin,  l'Allema- 
gne tombait  dans  l'anarchie.  Le  grand  interrègne 
(1250-1273),  période  de  troubles  et  de  guerres  entre 
des  prétendants,  se  termine  par  l'élection  de  Ro- 
dolphe de  Habsbourg  (ainsi  nommé  d'un  château 
situé  en  Suisse  près  d'Aarau).  L'Autriche,  la  Styrie, 
et  la  Carniole  conquise  par  Rodolphe  sur  un  de  ses 
compétiteurs  furent  données  par  lui  à  son  fils  Albert 
(Ï282);  c'est  ainsi  que  la  maison  de  Halisbourg  de- 
vint maison  d'Autriche.  Rodolphe  de  Habsbourg 
employa  les  dix-huit  ans  de  son  règne  à  combattre 
l'anarchie,  à  détruire  les  châteaux  d'où  les  seigneurs 
exerçaient  toute  sorte  de  brigandages 

Son  fils,  Albert  d'Autriche,  lutta  pendant  plusieurs 
années  contre  son  concurrent  Adolphe  de  Nassau, 
qu'il  vainquit  et  tua.  Ce  fut  sous  son  règne  que  les 
Suisses  se  rendirent  indépendants  (V.  Suisse).  Il 
périt  en  1308,  assassiné  par  des  conjurés  dont  le 
chef  était  son  neveu. 

Tout  le  XIV*  siècle  est  rempli  par  une  succession 
d'empereurs  obscurs.  Le  seul  grand  fait  d'intérêt  gé- 
néral est  la  publication,  sous  Charles  IV  de  Bohême, 
de  la  Bulle  d'Or  (1336).  C'était  une  constitution  qui 
fixait  le  droit  et  le  rang  des  sept  seig;ieurs  qui 
étaient  parvenus  à  se  faire  reconnaître  comme  les 
sept  électeurs  de  l'Empire,  savoir  les  archevêques 
de  Mayence,  de  Trêves,  de  Cologne,  le  comte  du 
Palatinat  ou  comte  palatin,  le  duc  de  Saxe,  le  roi  de 
Bohême  et  le  margrave  de  Brandebourg. 

Au  commencement  du  xv*  siècle,  le  concile  de 
Constance  (14 1 4)  met  fin  au  grand  schisme  d'Occi- 
dent (V.Sc/n'swies)  et  fait  brûler  vifs  les  précurseurs 
de  la  Rélomie,  Jean   Huss  et  Jérôme  de  Prague. 

VI*  PÉRIODE.  —  L'empire  d'Allemagne  sous  la 
maiso7i  d\\utr  che  jusqu'au  traité  de  WestphaUe 
(1438-J648).  — nppnisAibertlldeHabsbourg(14  8), 
la  maison  d'Autriche  est  en  possession  de  la  cou- 
ronne impériale  (V.  Autriche).  —  Les  principaux 
faits  de  cette  période  sont  l'objet  d'articles  dis- 
tincts, en  raison  de  leur  importance  générale:  au 
XVI*  siècle,  la  Réforme  ',  la  monarchie  presque 
universelle  de  Charles-Quint"  ;  au  xvii«,  la  Guerre* 
de  Trente  Ans,  le  Traité  de  WestphaUe. 

VII*  PÉRIODE.  —  L'empire  d'Allemagne  depuis  le 
traité  de  WestphaUe  jusqu'à  la  dissolution  de 
l'empire  germanique  (^1648-18(16).  —  Faits  princi- 
paux :  les  règnes  de  Léopold  I*""  et  Joseph  l^^  sont 
remplis  par  de  longues  guerres  contre Lo^^es  XIV' ; 
sous  celui  de  Charles  VI,  le  traité  de  Rastarit  (l714) 
consacre  l'abandon  des  prétentions  de  l'empereur 
sur  l'Espagne  (pour  ses  autres  guerres,  V.  Guerre 
de  la  succession  dePologtie  et, Turquie,  p.  2253). 
A  la  mort  de  Charles  VI,  malgré  tous  les  efforts 
qu'il  avait  faits  pour  assurer  sa  succession  à  sa 
fille  Marie-Thérèse  pa'ï  une  Pnigmatique  sanction, 
s'ouvre  la  guerre  de  la  succession  d'Autriche,  qui 
se  termine  par  le  traité  d'Aix-la-Chapelle  (1748)  et 
par  l'avènement  à  l'empire  (1745)  de  la  nouvelle 
maison  d'Autriche-Lorraine,  en  la  personne  de 
François  I't,  époux  de  Marie-Thérèse.  La  guerre  de 
Sept  Ans  modifie  notablement  la  situation  intérieure 
de  l'empire  en  donnant  à  la  Prusse  un  rôle  qu'elle 
n'avait  pas  jusque-là.  en  Allemagne.  Le  règne  de 
Joseph  II  (17G5-  790)  appartient  plus  à  l'Autriche 
qu'à  l'Allemagne  ;  son  frère  Léopold  II  meurt  au 
milieu  de  ses  préparatifs  de  guerre  contre  la  Ré- 


volution française  (1792).  Enfin,  François  II,  fils  de 
Léopold,  fait  pendant  quatorze  ans  la  guerre  à  la 
République  française,  puis  à  Napoléon,  est  battu 
partout  et  renonce  en  1806  au  titre  d'empereur 
d'Allemagne. 

VHP  PÉRIODE.  —  L'Allemagne  jusqu'au  rétablis- 
sement de  l'empire  (ISOC-lsTl)  ;  et  IX*  période 
ou  période  contemporaine  :  l'empire  allemand.  — 
(V.  ci-dessous.  Formation  territoriale .  —  V.  aussi 
l'article  Prusse  ) 

Il  resterait  à  esquisser  ici  l'histoire  de  l'esprit 
allemand  ou  de  la  civilisation  en  Allemagne.  Bor- 
nons-nous à  rappeler  que  c'est  vers  le  milieu 
du  xviii*  siècle  que  commence  pour  l'Allemagne  ce 
qu'on  peut  appeler  l'âge  classique  :  littérature, 
sciences,  arts  et  philosophie  naissent,  grandissent 
presque  parallèlement,  depuis  l'époque  où  Klop- 
stock  publie  les  premiers  chants  de  la  Messiade 
(17 '(8)  jusqu'au  moment  où  Goethe  achèveson  Faust, 
et  Schiller  sQn  (iuiHavme  'fU.  —  V.  ausupplément 
l'article  Allemagnet\\X,iéra.\.VLre,),  et  dans  la  I^  Partie 
les  articles  Gœtlie,  Herder,  Lessing.  Schiller,  Fichte^ 
Kant,  etc.  V.  aussi  PZ/i/oiop/iie  (Histoire  de  la). 

2.  Formation  territoriale  de  l'Allemagne.  -~ 
Quelles  sont  les  frontières  naturelles  de  l'Alle- 
magne? Elles  s'étendent  d'après  un  chant  national 
«  aussi  loin  que  résonne  la  langue  allemande  ». 
Les  géographes  d'Outre-Rhin  ne  s'en  tiennent  pas 
à  ces  limites.  Leur  patriotisme  envahissant  les  re- 
cule de  toutes  parts,  au  nord  aux  dépens  des  peu- 
ples Scandinaves  et  slaves;  au  sud  jusqu'aux  Alpes 
et  à  l'Adriatique;  à  l'est  jusqu'aux  petits  Karpathes; 
à  l'ouest  jusqu'au  Jura,  à  l'Argonne  et  aux  collines 
de  l'Artois.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  prétentions, 
les  frontières  politiques  de  l'Allemagne  ont  souvent 
changé.  Essayons  de  résumer  les  principaux  faits 
de  cette  longue  et  difficile  histoire. 

I.  L'Allemagne  avant  le  saint-empire.  —  Sous 
Charlemagne.  —  Après  avoir  été  livrée,  du  iv*  au 
ix"  siècle,  aux  fluctuations  des  races  pendant  la 
grande  migration  des  peuples  qu'on  appelle  l'inva- 
sion des  Barbares,  elle  reçut  de  Charlemagne  une 
première  organisation  et  fit  partie  du  nouvel  em- 
pire d'Occident,  qui  avait  pour  limites  au  nord  la 
mer  du  Nord  et  l'Eider,  à  l'est  l'Elbe,  la  Saale, 
les  montagnes  de  la  Bohême,  la  Theiss,  jusqu'à 
son  confluent  avec  le  Danube,  la  Save,  la  Bosna  et 
la  Narenta  jusqu'à  l'Adriatique. 

Hoyaume  d'AUemagiie  (843-962).  —  Après  le 
traite  de  Verdun  (84:!),  qui  consacra  une  première 
fois,  et  la  déposition  de  Charles  le  Gros  (88«),  qui 
consomma  le  démembrement  de  l'empire  de  Char- 
lemagne, l'Allemagne  forma  un  royaume  distinct, 
héréditaire  jusqu'à  l'extinction  des  Carlovin- 
giens  (9llj,  puis  électif,  qui  eut  à,  subir,  jusque 
vers  le  milieu  du  x*  siècle,  les  invasions  des 
Northmans,  des  Hongrois  et  des  Slaves.  En  962, 
Othon  le  Grand,  après  s'être  fait  couronner  roi 
d'Italie  en  95 1,  alla  prendre  à  Rome,  des  mains  du 
pape  Jean  XII,  la  couronne  impériale.  Ainsi  com- 
mença le  saint  empire  romain,  qui  subsista  jus- 
qu'en 1806. 

II.  Saint-empire  ROMAIN  (962- 1806).—  Ses  accrois- 
sements successifs.  —  Le  nouvel  empire  d'Occi- 
dent avait  pour  centre  l'Allemagne,  composée  des 
duchés  de  Franconie,  de  Saxe,  de  Bavière,  de 
Souabe  et  de  Lorraine.  Au  dehors  sa  suzeraineté 
s'étendait  sur  les  États  slaves  de  Bohème  et  de 
Pologne  et  sur  les  royaumes  de  Hongrie  et  de  Da 
nemark.  En  1033,  l'acquisition  du  royaume  d'Arles 
Bourgogne  cisjurane  et  transjurane)  porta  sa  fron- 
tière occidentale  jusqu'au  Rhône  et  au  golfe  du 
Lion.  Enfin  les  souverains  d'Allemagne  qui,  depuis 
le  milieu  du  x»  siècle,  allaient  prendre  li  Pavie  la 
couronne  de  fer  des  anciens  rois  lombards,  exer- 
cèrent sur  l'Italie  une  domination  toujours  contes- 
tée jusqu'à  l'extinction  de  la  maison  de  Hohenstau- 
fen  vers  le  milieu  du  xiu*  siècle. 


ALLEMAGNE 


93  — 


ALLEMAGNE 


Commencements  de  lamaison  de Haisbourg  (Au- 
triche). —  Après  la  fin  des  Hohenstaufen,  l'Alle- 
magne se  divise  en  une  foule  de  petits  États 
laïques  et  ecclésiastiques,  duchés,  comtés,  margra- 
viats, évêchés  souverains,  à  la  tête  desquels  se 
place  Toligarchie  des  sept  électeurs.  Mais  ils  élèvent 
à  l'empire  Rodolphe  de  Habsbourg  (1273),  et  depuis 
lors  la  maison  de  Habsbourg  ou  d'Autriche  ne 
cesse  de  grandir.  L'acquisition  des  duchés  d'Au- 
triche, de  Styrie,  de  Carinihie  et  de  Carniole,  des 
comtés  de  Tyrol  et  de  Ferrette,  du  landgraviat 
d'Alsace  et  du  Brisgau  fonde  sa  prépondérance 
territoriale  en  Allemagne.  Elle  échoue  dans  ses 
prétentions  sur  les  cantons  suisses,  mais  elle  hérite, 
vers  le  milieu  du  xv«  siècle,  des  vastes  domaines 
de  lamaison  de  Luxembourg,  c'est-à-dire  des  cou- 
ronnes de  Hongrie  (Hongrie,  Croatie,  Esclavonie) 
et  de  Bohême  (Bohême,  Moravie,  Silésie,  Lusace). 
Depuis  1438,  elle  est  définitivement  en  possession 
de  la  couronne  impériale,  qui  ne  cessait  pas  toute- 
fois de  rester  élective  en  principe.  Enfin,  en  1477, 
le  mariage  de  Maximilien  avec  Marie  de  Bourgogne 
ajouta  à  ses  domaines  une  partie  de  la  Bour- 
gogne et  les  Pays-Bas.  L'avènement  de  Charles- 
Quint  y  joignit  l'Espagne  et  ses  immenses  posses- 
sions dans  les  deux  mondes. 

La  Réforme.  —  C'est  au  moment  où  l'extension 
du  saint-empire  sous  la  direction  de  la  maison 
d'Autriche  atteignait  son  apogée  que  la  Réforme  y 
introduisit  un  puissant  élément  de  division.  Elle 
la  partagea  en  Allemagne  catholique  et  Allemagne 
protestante,  donna  une  nouvelle  force  au  principe 
fcdératif  et  porta  une  première  et  grave  atteinte  au 
saint-empire  par  la  sécularisation  d'un  grand  nom- 
bre de  principautés  ecclésiastiques. 

Cette  révolution  religieuse  et  la  guerre  de 
Trente  Ans  qu'elle  suscita  (1618-1648)  amenèrent 
d'importants  changements  dans  la  constitution  ter- 
ritoriale et  politique  du  corps  germanique  : 
10  elles  consacrèrent,  par  la  paix  de  Westphalie, 
qui  termina  cette  guerre,  le  triomphe  de  la  fédéra- 
tion des  États  sur  la  monarchie  impériale,  en  attri- 
buant la  souveraineté  à  la  diète,  composée  des  trois 
collèges  des  électeurs,  des  princes  et  des  villes 
libres,  et  en  assurant  l'autonomie  des  États  confé- 
dérés, qui  étaient  encore  au  nombre  de  34:5  ; 
'2°  elles  contribuèrent  puissamment  à  élever  à  côté 
de  la  maison  d'Autriche,  désormais  déchue  de  sa 
toute-puissance  en  Allemagne  et  de  sa  prépondé- 
rance en  Europe,  la  maison  de  HohenzoUern 
(Brandebourg-Prusse),  destinée  à  devenir  sa  rivale. 

Commencements  de  la  maison  de  HohenzoUern 
l'russe).  —  C^ette  maison,  qui  ne  possédait  d'abord 
i|ue le  Brandebourg,  acquit  successivement  :  1°  ea 
1614,  le  diic'ié  de  Clèves;  2°  en  I6i8,  le  duché  de 
l'russe,  sécularisé  en  15"25  par  Albert  de  Brande- 
bourg, dernier  grand-maître  de  l'ordre  teuionique 
et  qui  fut  érigé  en  royaume  au  commencement  du 
xviiie  siècle  (nOi-nui);  3°  en  \iiiV,,\z.  Puméranie 
oHentale,\'  archevêché  de  Magdebourg  et  les  évêchéi 
de  Minden,  de  Halberstadt  et  de  Camin  séculari- 
sés; 4"  en  nul,  le  titre  û& royaume  et  de  1703  à 
1707  quelques  principautés  nouvelles,  notamment 
celle  de  KeuchùLel;  6°  en  1 7 13,  par  le  traité  d'U- 
trecht,  une  partie  des  Gueldres;  6°  en  1719,  la 
Poméranie  suédoise  ;  1°  en  11  iS,  la.  Siléiie,  conquise 
par  Frédéric  le  Grand. 

De  son  côté,  la  maison  d'Autriche  avait  gagné  au 
traite  d'Utrecht  une  partie  de  la  succession  d'Es- 
pagne (Belgique,  Lombardie,  etc.). 

Complices  ensuite  de  la  Russie  dans  le  démem- 
brement de  la  Pologne,  les  deux  maisons  rivales 
d'Autriche  et  de  Prusse  s'unirent  encore  pour  com- 
battre la  Révolution  française. 

Cette  révolution  et  les  guerres  dont  elle  fut  le 
point  de  départ,  achevèrent  l'œuvre  de  la  Réfor- 
mation et  de  la  guerre  de  Trente  Ans  :  elles  por- 
tèrent les  derniers  coups  au  saint-empire  romain. 


L'annexion  à  la  France  de  la  rive  gauclie  du  Rhin, 
conquise  en  1794  et  cédée  parles  traités  de  Campo- 
Formio  et  de  Lunéville,  fit  disparaître  Ips  deux 
électorats  ecclésiastiques  de  Trêves  et  de  Cologne, 
qui  furent  remplacés,  en  1803,  par  quatre  nouveaux 
électorats,  ceux  de  Salzbourg  (plus  tard  Wurtz- 
bourg),  Wurtemberg,  Bade  et  Hesse-Cassel. 

En  1803,  les  dernières  principautés  ecclésias- 
tiques, dont  le  territoire  formait  encore  la  sixième 
partie  de  l'Allemagne,  furent  sécularisées,  une  cin- 
quantaine de  villes  libres  ou  immédiates,  c'est-à- 
dire  relevant  immédiatement  de  l'empereur,  furent 
médiatisé  s  et  données  en  indemnité  à  des  princes 
dépossédés  ;  l'Autriche  ne  gardait  donc  plus  que  le 
titre  de  la  dignité  impériale.  Ce  titre  même  allait 
disparaître. 

Fi7i  de  l'empire  germanique.  —  La  bataille 
d'Austerlitz  fut  le  coup  de  grâce  du  vieil  empire 
germanique.  Par  le  traité  de  Presbourg  (déc.  lS''ô), 
la  Bavière,  le  'W^urtemberg  et  le  duché  de  Bade, 
agrandis  aux  dépens  de  l'Autriche,  furent  érigés 
les  deux  premiers  en  royaumes,  le  troisième  "en 
grand-duché. 

Le  IV  juillet  1806,  les  trois  nouveaux  États  et  tous 
ceux  de  l'Allemagne  du  sud  formèrent,  sous  la 
protection  de  Napoléon,  la  Co7î fédération  du  Rhin. 
qui  se  déclara  à  jamais  séparée  de  l'empire  et 
s'unit  étroitement  à  la  France  par  une  alliance  of- 
fensive et  défensive.  Le  G  août  de  la  même  année, 
François  II  abdiqua  la  couronne  impériale  d'Alle- 
magne pour  ne  porter  désormais  que  le  titre  d'em- 
pereur d'Autriche. 

ni.  L'Allemagne  de  1800  a  1870.  —  1»  Confédé- 
ration du  Rhin  (1806-1813).  —  Après  léna, 
Friedland  et  la  paix  de  Tilsitt  (1 806-1 807),  la  con- 
fédération du  Rhin  fut  étendue  à  la  Saxe  érigée  en 
royaume,  au  royaume  de  Westphalie  créé  en  faveur 
de  Jérôme  Bonaparte  avec  les  territoires  enlevés 
à  la  Prusse  et  avec  ceux  de  Brunswick,  de  Hanovre 
et  de  Hesse-Cassel,  dont  les  souverains  furent  dé- 
clarés déchus,  enfin  à  tous  les  États  situés  au  nord 
du  Mein.  Elle  comprenait  alors  toute  l'Allemagne, 
à  l'exception  de  la  Prusse  et  de  l'Autriche,  resser- 
rées, l'une  entre  l'Elbe  et  la  Vistule,  l'autre  entre 
les  montagnes  de  la  Bohême,  les  Karpathes,  l'Inn,  le 
Danube  et  la  Save,  limites  dans  lesquelles  la  paix 
de  Vienne,  en  1809,  allait  lui  enlever  encore  le  pays 
de  Salzbourg,  la  Carinthie,  la  Carniole  et  la 
Croatie. 

2°  Confédération  germanique  (1815-1866).  — 
Avec  les  traités  de  1815  s'ouvre  pour  la  constitution 
de  l'Allemagne  une  phase  nouvelle.  L'empire  ne 
fut  pas  rétabli.  La  confédération  du  Rhin,  dissoute 
en  l«l3,  fut  remplacée  par  la  Confédération  ger- 
manique, composée  de  3S  États  souverains,  aj'ant 
un  centre  commun  dans  la  diète  de  Francfort-sur- 
Main.  C'étaient  :  l'Autriche  et  la  Prusse,  qui  en  fai- 
saient partie  pour  leurs  possessions  allemandes 
Basse  et  Haute-Autriche,  Styrie,  Salzbourg, 
Bohême,  Moravie,  Haute-Silésie,  Carinthie,  Car- 
niole, Gorice,  Istrie  et  Trieste,  pour  l'Autriche  ; 
Brandebourg,  Poméranie,  Silésie,  Saxe,  Westpha- 
lie, Clèves-Berg  et  Bas-Rhin  pour  la  Prusse  ;  le 
royaume  de  Bavière  remis  en  possession  du  Pala- 
tinat  (Bavière  rhénane  ;  les  royaumes  de  Saxe,  de 
Wurtemberg  et  de  Hanovre,  ce  dernier  aux  rois 
d'Angleterre  jusqu'en  1837;  le  grand-duché  de  Bade, 
la  Hesse  Électorale,  le  grand-duché  de  Hesse- 
Darmstadt  ;  les  duchés  de  Holstein  et  deLauenbourg, 
au  roi  de  Danemark  ;  le  grand-duché  de  Luxem- 
bourg et  le  duché  de  Limbourg  au  roi  des  Pays- 
Bas  ;  les  grunds-duchés  de  Saxe  Weimar-Eisenach.dc 
Mecklembourg-Schwerin,  do  Mecklembourg-Strelitz 
et  d'Oldenbourg;  les  duchés  de  Brunswick,  de 
Nassau,  de  Saxe-Gotha,  de  Saxe-Cobourg,  de  Saxe- 
Meiningcn,  de  Saxe-Altenbourg,  d'Anhalt-Dessau, 
d'Anhak-Bernbourg  et  d'Anhalt-Cœtlien  ;  les  prin- 
cipautés   de    Schwarzbourg  -  Sondershausen  ,     de- 


ALLEMAGNE 


—  94  — 


ALLEMAGNE 


Schwarzbourg-Rudolstadt,  de  HohenzoUern-He- 
chingen,  de  Hoîienzollern-Si2;maringen,  de  Liech- 
tenstein, de  Waldeck,  de  Reuss  branche  aînée. 
de  Reuss  branche  cadette,  de  Schaumbourg-Lippe 
et  de  Lippe-Detmold  ;  enfin  les  quatre  villes  libres 
de  Hambourg,  Brème,  Lubeck  et  Francfort. 

L'Allemagne  nouvelle,  avec  ses  38  États,  au  lieu 
de  300  qui  la  divisaient  encore  à  l'époque  de  la 
Révolution,  avait  fait  un  pas  considérable  vers 
l'unité.  Mais  elle  était  encore  trop  morcelée  au  gré 
du  sentiment  national,  qui  aspirait  à  une  plus 
complète  union  de  toutes  les  parties  de  la  «  patrie 
allemande  ».  D'autre  part,  la  diète,  représentation 
des  gouvernements  et  non  des  peuples,  et  instru- 
ment de  l'absolutisme  des  deux  principales  puis- 
sances, fut  toujours  impopulaire. 

3°  Confédération  des  Elats  du  nord  (IS6G-1870). 
—  Aussi  le  nouvel  ordre  de  choses  fut-il  forte- 
ment ébranlé  par  la  Révolution  de  )848,  et  ne 
put  il  résister  au  choc  de  la  guerre  qui  éclata  en 
18GC  entre  l'Autriche  et  la  Prusse,  par  suite  de 
leur  intervention  dans  le  Sleswig-Holstein,  et  qui 
se  termina  par  la  bataille  de  Sadowa,  suivie  du 
traité  de  Prague.  L'Allemagne  fit  alors  un  nouveau 
progrès  vers  l'unité  politique.  L'Autriche  en  fut 
expulsée.  La  Confédération  germanique  avec  sa 
diète  fut  dissoute  et  remplacée  par  une  Confédé- 
ration des  États  du  No)'d  (États  situés  au  nord 
du  Main)  sous  l'hégémonie  de  la  Prusse,  qui  s'a- 
grandit du  Slesvig-Holstein  et  du  Lauenbourg  con- 
quis sur  le  Danemark,  du  Hanovre,  de  la  Hesse 
électorale,  du  duché  de  Nassau  et  de  la  ville  de 
Francfort,  annexés  à  son  territoire. 

Quant  aux  Etats  du  sud  (Bavière,  "Wurtemberg, 
Bade,  Hesse-Darmstadt  et  Liechtenstein),  libres 
de  former  une  Confédération  analogue,  ils  n'usèrent 
pas  de  cette  faculté  et  s'unirent  secrètement  à  la 
Confédération  du  nord  par  des  conventions  mili- 
taires qui  placèrent  dès  lors  toutes  les  forces  de 
l'Allemagne  dans  les  mains  de  la  Prusse. 

IV.  Empire  d" Allemagne  (1871).  —  L'unité  alle- 
mande, constituée  virtuellement,  fut  consommée 
et  cimentée  par  la  guerre  de  1870-1871.  L'Allemagne 
tout  entière  se  leva  à  l'appel  et  sous  la  conduite 
de  la  Prusse.  Au  mois  de  novembre  ls70,  les  États 
du  sud  déclarèrent  leur  union  avec  ceux  du  nord, 
«t  le  18  janvier  suivant  le  roi  Guillaume  fut  pro- 
clamé empereur  d'Allemagne. 

Le  nouvel  empire,  agrandi  de  l'Alsace-Lorraine 
par  le  traité  de  Francfort  (lO  mai  l87l),  se  com- 
pose, indépendamment  de  cette  province  annexée, 
de  25  États  confédérés,  avec  une  superficie  de 
539  797  kilomètres  carrés  et  une  population  de 
42  727  360  habitants  [Almanach  de  Gotha  de  18*8). 

[F.  Oger.] 

III.  RÉCITS  ET  DICTÉES  HISTORIQUES. 

1.  «  Un  épisode  de  la  lutte  du  Sacerdoce  et  de 
l'Empire.  —  Le  pape  Grégoire  VII  avait  lancé  l'ex- 
communication contre  l'empereur  d'Allemagne, 
Henri  IV,  qui  avait  osé  y  répondre  en  faisant  dé|)0- 
ser  le  pape.  Mais  ses  vassaux  révoltés  lui  signifiè- 
rent qu'ils  ne  lui  obéiraient  plus  s'il  n'obtenait 
immédiatement  son  absolution. 

u  Henri  IV  résolut  d'aller  la  demander  ;  quelques 
jours  avant  Noël  il  partit  de  Spire  avec  un  mince 
cortège.  Grégoire  VII,  incertain  des  véritables  in- 
tentions de  l'empereur,  alla  l'attendre  ;\  Canossa, 
château  inexpugnable  situé  dans  le  duché  de  Mo- 
dène  et  appartenant  à  la  comtessse  Maihilde,  qu'il 
appelait  la  fille  de  Saint-Pierre. 

V.  D'abord  arrivèrent  les  excommuniés,  qui  avaient 
franchi  les  Alpes  avec  mille  dangers.  C'étaient  les 
seigneurs  et  les  évoques  qui,  pour  complaire  à 
l'empereur,  avaient  déposé  le  pape  au  prétendu 
concile  de  Worms.  Grégoire  les  reçut  sévèrement, 
puis  il  sépara  les  évoques,  leur  donna  à  chacun 


une  cellule,  leur  interdit  tout  colloque  et  les  con- 
damna au  jeûne. 

«  Après  tous  les  autres,  Henri  se  présenta  à  son 
tour,  demandant  grâce  par  l'intercession  de  Mathilde. 
Le  pape  se  montra  d'abord  inflexible  :  il  ne  consen- 
tait ni  à  l'absoudre  ni  même  à  le  recevoir  avant  qu'il 
eût  déposé  ses  ornements  roj^aux.  Enfin  il  lui  permit 
d'entrer  à  Canossa.  Mais  quand  l'empereur,  laissant 
dehors  toute  sa  suite,  eut  pénétré  dans  la  forteresse, 
qui  avait  trois  enceintes  de  murailles,  on  le  fit  de- 
meurer dans  la  seconde,  sans  aucune  marque  de 
dignité,  nu-pieds,  vêtu  de  laine  sur  la  chair,  et  il 
passa  tout  le  jour  sans  manger  jusqu'au  soir;  il 
resta  de  même  le  second  et  le  troisième  jour  en 
attendant  l'ordre  du  pape.  Les  assistants  mêmes 
étaient  émus  en  voyant  un  si  grand  prince  pleurer 
et  gémir  pendant  ses  longues  et  froides  nuits  de 
janvier.  Quelques-uns  s'écriaient  que  ce  n'était  plus 
là  une  sévérité  apostolique,  mais  la  dureté  d'un 
tyran  sans  miséricorde.  La  porte  s'ouvrit  enfin,  le 
pape  donna  audience  au  pénitent,  mais  il  ne  le 
réconcilia  avec  l'Église  qu'à  la  condition  qu'il  se 
soumettrait  absolument  au  pape  et  exécuterait  tous 
ses  ordres.  L'acte  fut  dressé.  Henri  s'engagea  par 
serment,  et  à  ce  prix  l'excommunication  fut  levée 
(1077). 

«  Le  lendemain,  il  sortit  de  Canossa  absous,  mais 
déjà  parjure.  Avant  même  de  rentrer  en  Allemagne, 
il  avait  de  nouveau  déclaré  la  guerre  au  pape.  »  — 
(D'après  Ruelle  et  H.  Bréholles,  Histoire  du  moyen 
âge). 

2.  «  Dernières  années  de  l'empereur  Henri  IV 
d'Allemagne,  —  Jamais  prince  ne  fut  plus  cruelle- 
ment puni  de  son  orgueil  et  de  ses  fautes  que  l'em- 
pereur d'Allemagne  Henri  IV.  Excommunié  par  le 
pape,  abandonné  de  la  plupart  de  ses  sujets,  il  eut 
encore  la  douleur  de  voir  son  propre  fils,  son  en- 
fant de  prédilection,  Henri  le  Jeune,  se  mettre  à  la 
tête  des  révoltés  et  lui  faire  la  guerre. 

«  Trahi  par  tous,  errant  de  ville  en  ville,  l'empe- 
reur se  soumet  enfin  au  jugement  delà  diète  convo- 
quée à  Mayence  pour  le  jour  de  Noël.  Mais  son  fils 
ne  veut  pas  qu'il  y  paraisse,  craignant  que  sa  vue 
ne  ranime  les  sentiments  d'une  fidélité  mal  éteinte. 
Il  obtient  une  entrevue  de  son  père,  le  trompe  par 
des  larmes  hypocrites  et  offre  de  le  conduire  lui- 
même  à  la  diète.  En  chemin,  il  décide  son  père  à 
s'arrêter  dans  un  château,  où  il  le  retient  prisonnier. 
Là  il  l'oblige  à  déposer  tous  les  insignes  de  la 
royauté,  la  croix,  la  couronne,  la  lance,  le  sceptre 
et  le  globe.  Mais  ce  n'était  pas  assez.  On  transféra 
le  malheureux  empereur  au  couvent  d'Ingelheim  et 
il  comparut  devant  une  assemblée  d'où  se  trou- 
vaient exclus  tous  ceux  dont  la  pitié  était  suspecte. 

«  Comme  on  l'avait  déjà  plusieurs  fois  menacé  de 
la  mort  s'il  n'exécutait  promptement  tout  ce  qu'on 
voulait,  il  fit  en  cette  occasion  ce  qu'on  exigeait  de 
lui,  il  assura  que  c'était  de  son  plein  gré  qu'il  ab- 
diquait, se  sentant  désormais  incapable  de  gouver- 
ner l'empire.  Il  recommanda  son  fils  à  l'assemblée; 
il  demanda  pardon  à  tous  ceux  qu'il  pouvait  avoir 
offensés  ;  il  se  prosterna  même  aux  pieds  du  car- 
dinal et  lui  demanda  humblement  l'absolution; 
mais  celui-ci  refusa,  disant  qu'au  pape  seul  appar- 
tenait le  droit  de  l'absoudre  ;  enfin  il  vit  son  fils 
couronné  par  les  légats  du  pape  et  proclamé  solen- 
nellement. Cela  fait,  on  le  laissa  presque  seul,  en 
lui  défendant  de  sortir. 

u  Mais  le  vieil  empereur  réussit  bientôt  à  s'é- 
chapper; il  se  rendit  à  Cologne,  où  il  fut  reçu, 
non  comme  un  exilé,  mais  comme  un  roi.  Il  se 
réfugia  ensuite  à  Liège,  sous  la  protection  de  l'évê- 
que  de  cette  ville  et  du  duc  de  Basse-Lorraine, 
Henri  de  Limbourg.  De  là  il  écrivit  à  tous  les  prin- 
ces, et  en  particulier  au  roi  de  France,  des  lettres 
touchantes  où  il  racontait  ses  malheurs.  Philippe  1'' 
n'osa  prendre  la  défense  d'un  excommunie. 

«  Réduit  à  quelques  vassaux  fidèles,  et  vaillam- 


ALLEMAGNE 


—  95  — 


ALLEMAGNE 


ment  défendu  par  Henri  de  Limbourg,  il  tenta  un 
dernier  effort  pour  obtenir  justice  et  obliger  «on 
fils  à  cesser  les  hostilités.  Il  écrivit  aux  seigneui-s 
pour  les  supplier  au  nom  de  Dieu  et  de  l'Église  de 
ne  pas  prêter  secours  à  ce  fils  rebelle.  Mais  cet 
appel  ne  fut  point  entendu,  et  Henri  le  Jeune  ne 
répondit  que  par  un  manifeste  insolent.  Le  parri- 
cide était  consommé.  L'empereur,  après  avoir  mis 
ses  bottes  en  vente  pour  se  procurer  du  pain,  après 
avoir  supplié  l'évêque  de  Spire  de  le  recevoir  com- 
me clerc  dans  son  église  (ce  qui  lui  fut  refusé^, 
mourut  de  douleur  el  presque  de  faim  ("  août  l  lOB); 
avant  d'expirer,  il  envoya  son  épée  à  son  fils  avec 
ces  mots  :  «  Voilà  tout  ce  que  vous  m'avez  laissé.  » 
Ce  fut  son  seul  reproche.  Ce  fils  dénaturé  ne  fut  point 
ému.  Comme  le  chapitre  de  Lié^e  avait  fait  célé- 
brer magnifiquement  les  funérailles  du  défunt,  il 
exigea  que  le  cercueil  fût  déterré  et  déposé  hors 
d'un  lieu  saint  jusqu'à  ce  que  l'excommunication 
eût  été  levée.  Le  corps  de  Henri  IV  demeura  cinq 
ans  à  la  porte  de  l'église  de  Spire  avant  d'obtenir 
une  place  dans  le  tombeau  de  ses  aïeux.  »  —  (D'a- 
près Ruelle  et  BréhoUes,  Histoire  du  moyen  âge.) 

3.  «  Le  dernier  des  Hohenstaufen.  —  L'empe- 
reur d'Allemagne  Frédéric  II  était  mort  (12.50).  Ses 
fils  étaient  morts  aussi  ;  il  ne  restait  de  la  maison 
de  Souabe  que  le  petit-fils  de  Frédéric,  le  jeune 
Conradin.  Il  avait  quinze  ans.  Il  entreprit  de  dis- 
puter le  royaume  de  Naples  au  conquérant  fran- 
çais qui  s'en  était  emparé,  le  terrible  Charles 
d'Anjou.  Il  marcha  résolument  à  sa  rencontre.  A 
Rome,  il  fut  conduit  au  Capitule  par  une  foule 
immense,  harangua  le  peuple  romain  et  l'institua 
son  héritier  s'il  succombait  dans  sa  périlleuse 
entreprise.  Charles  l'attendit  auprès  dupetitbourg 
de  Tagliacozzo,  dans  le  royaume  de  Naples.  La  ba- 
taille fut  livrée  le  23  août  126S.  L'armée  gibeline 
fut  entièrement  défaite.  Conradin  parvint  à  s'échap- 
per avec  son  cousin  Frédéric  d'Autriche  ;  il  vou- 
lait gagner  la  mer  et  s'embarquer  pour  la  Sicile. 
Mais  il  offrit  aux  mariniers  une  bague  d'un  grand 
prix  pour  avoir  une  barque.  Cette  imprudence  fit 
reconnaître  les  fugitifs.  Un  seigneur  à  qui  ils 
demandèrent  l'hospitalité,  se  voyant  assiégé  par  les 
amis  de  Charles  d'Anjou,  livra  les  proscrits  pour 
échapper  à  la  ruine. 

«  L'implacable  vainqueur  fit  comparaître  le 
jeune  prince  devant  un  tribunal  choisi  par  lui. 
Charles  lui-même  prit  le  rôle  d'accusateur.  Toute- 
fois un  jurisconsulte  ne  craignit  pas  de  présenter 
la  défense  de  Conradin.  Quand  on  recueillit  les 
avis,  un  seul  juge.  Provençal  de  nation,  vota  la 
mort;  les  autres  se  turent.  Le  roi  confirma  la 
sentence,  et  fixa  l'exécution  au  lendemain. 

«  Les  deux  cousins  jouaient  aux  échecs  lors- 
qu'on vint  leur  annoncer  l'arrêt  qui  les  frappait. 
Le  lundi  -.9  octobre  au  matin,  ils  firent  leur  testa- 
ment et  furent  conduits  avec  dix  autres  seigneurs, 
leurs  compagnons  de  captivité,  sur  la  place  du 
Marché  à  Naples.  Ils  entendirent  la  messe  dans 
une  petite  chapelle  desservie  par  des  frères  du 
Mont-Carmel.  L'échafaud  était  dressé  à  l'angle  de 
la  place,  en  vue  de  cette  baie  enchantée  où  le 
malheureux  enfant  avait  espéré  régner  comme  ses 
pères.  Charles,  entouré  de  toute  sa  cour,  voulut 
être  présent  à  l'exécution. 

«  Après  avoir  entendu  lire  sa  sentence,  Conra- 
din détacha  son  manteau,  se  mit  à  genoux  pour 
prier,  et  se  relevant,  il  dit  :  «  Ah  !  ma  mère  !  quelle 
déplorable  nouvelle  vous  recevrez  de  moi.  w  Se 
tournant  ensuite  vers  le  peuple,  il  jeta  son  gant 
dans  la  foule  comme  pour  appeler  un  champion 
et  tendit  son  cou  au  bourreau. 
•  •  Quand  il  vit  tomber  cette  tête  si  chère,  Fré- 
déric d'Autriche  «  poussa  un  rugissement  terrible 
et  mourut  sans  demander  pardon  à  Dieu  »,  dit 
un  vieux  chroniqueur.  Ce  fut  ensuite  le  tour  des 
Jiunes  nobles. 


a  Cette  sanglante,  tragédie  frappa  vivement 
l'esprit  dos  hommes.  On  prétendit  qu'au  moment 
de  l'exécution  de  Conradin,  un  aigle  était  descendu 
du  haut  des  cieux  jusqu'à  terre,  qu'aux  yeux  de 
tout  le  peuple  il  avait  trempé  son  aile  droite  dans 
ce  sang  généreux  et  était  aussitôt  remonté  dans 
les  airs.  C'était  l'aigle  de  Souabe  qui  disparaissait 
pour  toujours.  En  efl'etles  destinées  de  cette  illustre 
maison  étaient  accomplies.  »  —  (D'après  Ruelle 
et  Huillard-BréhoUes,  Jïis<oirec/w  moyen  âge.) 

4.  «  La  ligue  hansêatique.  —  Les  villes  de  Ham- 
bourg et  de  Lubeck  avaient  conclu  en  124  1  un 
traité  pour  leur  défense  commune  contie  les  pi- 
rates de  la  Baltique  et  contre  les  princes  voisins  ; 
d'autres  villes  de  commerce  entrèrent  bientôt  dans 
cette  alliance,  qui  s'appela  la  ligue  hanséaiique  ou 
la  hanse,  d'un  mot  allemand  qui  signifie  associa- 
tion. 

c(  Au  XIV*  et  au  xv*  siècle,  la  ligue  hansêatique, 
composée  de  quatre-vingts  villes,  occupait  tous  les 
rivages  septentrionaaux  de  l'Allemagne  et  s'éten- 
dait sur  ceux  des  Pays-Bas.  Elle  fut  jusqu'au  xvi* 
siècle  la  puissance  dominante  du  nord.  La  salle 
immense  de  Lubeck,  où  se  tenaient  ces  assemblées 
générales  de  la  Hanse,  atteste  encore  la  puissance 
de  ses  souverains.  Ils  avaient  uni  par  d'innombra- 
bles canaux  l'Océan,  la  Baltique  et  la  plupart  des 
fleuves  du  nord  de  l'Allemagne.  Mais  leur  principal 
commerce  était  maritime.  Les  comptoirs  hansêati- 
que de  Londres,  de  Bruges,  de  Bergen,  de  Novogorod 
étaient  analogues  sous  plusieurs  rapports  aux  facto- 
reries des  Vénitiens  et  des  Génois  dans  le  Levant; 
c'étaient  des  espèces  de  forts.  Les  commis  ne  pou- 
vaient s'y  marier,  de  peur  qu'ils  n'enseignassent  le 
commerce  et  les  arts  aux  indigènes.  Ils  n'étaient 
reçus  dans  certains  comptoirs  qu'après  des  épreu- 
ves cruelles  qui  garantissaient  leur  courage.  Le 
commerce  se  faisait  encore  presque  partout  les 
armes  à  la  main.  Si  les  gens  de  la  Hanse  appor- 
taient à  Novogorod  ou  à  Londres  du  drap  de  Flan- 
dre trop  grossier,  trop  étroit  ou  trop  cher,  le  peu- 
ple se  soulevait  et  en  assommait  quelques-uns. 
Alors  les  marchands  menaçaient  de  quitter  la  ville, 
et  le  peuple  alarmé  en  passait  par  où  ils  voulaient. 
Les  habitants  de  Bruges  ayant  tué  quelques  hom- 
mes de  la  Hanse,  elle  exigea,  pour  rétablir  son 
comptoir  dans  cette  ville,  que  plusieurs  bourgeois 
fissent  une  amende  honorable,  et  que  d'autres  al- 
lassent en  pèlerinage  à  Saint-Jacques  de  Compos- 
telle  et  à  Jérusalem.  En  effet,  la  punition  la  plus 
terrible  que  les  Hanséatiques  pussent  infliger  à 
un  pays,  c'était  de  n'y  plus  revenir.  Lorsqu'ils  n'al- 
laient pas  en  Suèda,  les  habitants  manquaient  de 
de  drap,  de  houblon,  de  sel  et  de  hareng;  dans  les 
révolutions,  le  paysan  suédois  était  toujours  pour 
ceux  qui  lui  fournissaient  le  hareng  et  le  sel.  Aussi 
la  Hanse  exigeait-elle  des  privilèges  excessifs  ;  la 
plupart  des  villes  maritimes  de  Suède  laissaient 
occuper  au  moins  la  moitié  de  leurs  magistratures 
par  des  Hanséatiques.  »  (Michelet.  Précis  d'Histoire 
moderne.) 

6.  L'Allemagne  jugée  par  Edgar  Quinet  eu 
1831.  -  Edgar  Quinet  écrivait,  dès  i8:il.  ces  pa- 
roles en  quelque  sorte  prophétiques  :  «  Il  est  un 
pays  qui  nous  a  toujours  trompés  dans  nos  juge- 
ments. Toujours  nous  l'avons  cherché  à  un  demi- 
siècle  de  la  distance  où  il  était  réellement,  tant 
son  génie  est  peu  conforme  au  nôtre  et  nous 
donne  peu  de  prise  pour  le  saisir.  Son  mouvement 
sourd  et  tout  intérieur  se  dérobe  incessamment  à 
nous  et  ne  se  laisse  apercevoir  que  longtemps 
après  qu'il  est  fini.  Je  parle  du  mouvement  des 
nations  germaniques. 

«  Nous  nous  représentons  encore  l'Allemagne 
telle  que  la  dépeignait  madame  de  Stacl,  un  pays 
d'extase,  un  rêve  continuel,  un  enivrement  de 
théorie  :  voilà  pour  les  classes  éclairées;  puis  des 
sympathies  romanesques,    un   enthousiasme  ton- 


ALLIAGE 


—  96 


ALLIAGES 


jours  prêt,  voilà  pour  les  générations  nouvelles  ; 
puis  une  vie  de  patriarche,  des  destinées  qui 
coulent  sans  bruit  comme  les  flots  du  Rhin  et  du 
Danube,  mais  point  de  centre  nulle  part,  point  de 
lien,  point  d'esprit,  point  de  force  nationale. 

«  Par  malheur,  tout  cela  est  change?. 

«  L'Allemagne  est  guérie  de  ses  rêves  cosmo- 
polites... Les  faits  l'ont  trop  rudement  meurtrie 
dans  ses  chimères  ;  il  ne  lui  en  reste  plus,  à  vrai 
dire,  qu'une  amertume  sans  bornes. 

«...  En  Prusse  surtout  l'ancienne  impartialité  a 
fait  place  à  une  nationalité  irritable  et  colère.  Le 
gouvernement  de  la  Prusse  donne  à  l'Allemagne 
ce  dont  elle  est  aujourd  hui  le  plus  avide,  l'action. 
la  vie  réelle,  l'initiative  sociale  ;  il  satisfait  outre 
mesure  son  engouement  subit  pour  la  puissance 
et  la  force  matérielle...  Les  libertés  locales  elles- 
mêmes  ne  sont  plus  en  première  ligne  dans  les 
besoins  du  pays.  Elles  ne  peuvent  logiquement 
exister  et  se  développer  qu'à  la  condition  d'avoir 
pour  fondement  l'unité  politique  de  l'Alle- 
magne. 

«  Oui,  l'unité,  voilà  la  pensée  profonde,  conti- 
nue, nécessaire,  qui  travaille  ce  pa3^s  et  le  pénètre 
en  tous  sens.  Religion,  droit,  commerce,  liberté, 
despotisme,  tout  ce  qui  vit  de  l'autre  côté  du  Rliin 
pousse  à  sa  manière  à  ce  dénoûment. 

o...  Napoléon  acheva  de  rallier  l'Allemagne.  En 
l'écrasant,  il  a  ranimé  chez  elle  la  nationalité  as- 
soupie. Incertaine  et  poétique,  marchant  à  l'aven- 
ture dans  un  cercle  enchanté,  l'Allemagne  n'est 
venue  à  se  connaître  et  à  sortir  de  son  sommeil 
pour  ouvrir  les  yeux  au  monde  réel  que  depuis 
qu'elle  s'est  heurtée  contre  le  vainqueur  d'Iéna  et 
de  'Wagram.  Alors  elle  a  commencé  à  comprendre 
ce  qu'elle  pouvait  valoir. 

«...  La  forme  illusoire  de  la  diète  germanique 
tend  à  s'absorber  un  matin,  sans  bruit,  dans  une 
représentation  constitutionnelle  de  toutes  les 
souverainetés  locales...  Déjà  les  assemblées  poli- 
tiques sont  occupées  à  un  contrat  d'union  pour 
l'abolition  des  frontières  de  douane  ;  déjà  l'une 
d'elles  a  voté  ce  contrat,  dont  la  conséquence 
immédiate  est  de  conférer  à  la  Prusse  le  protec- 
torat matériel  de  tout  le  reste  des  nations  germa- 
niq,ues. 

a  Ainsi,  voilà  l'unité  du  monde  germanique  que 
tout  sert  à  relever.  Cette  unité  n'est  point  un 
accord  de  passion  que  le  temps  détruit  chaque 
jour  :  c'est  le  développement  nécessaire  de  la  ci- 
vilisation du  nord.  Jusqu'ici  nous  n'avions  guère 
compté  que  la  Russie  et  les  peuples  slaves;  nous 
avions  omis  cette  race  germanique  qui  commence, 
elle  aussi,  à  entrer  à  grands  flots  dans  l'histoire 
contemporaine.  Nous  n'avions  pas  songé  que  tous 
ces  systèmes  d'idées,  cette  intelligence  depuis 
longtemps  en  ferment,  et  toute  cette  philosophie 
du  nord  qui  travaille  ces  peuples,  aspireraient 
aussi  à  se  traduire  en  événements  dans  la  vie  po- 
litique, qu'ils  frapperaient  sitôt  à  coups  redoublés 
pour  entrer  dans  les  faits  et  régner  à  leur  tour 
sur  l'Europe  actuelle. 

«  Nous  admirions  naïvement  le  mouvement  des 
idées  allemandes..,  et  voilà  que  ces  idées  se  sou- 
lèvent en  face  de  nous  comme  le  génie  même  d'une 
race  d'hommes  ;  et  cette  race  elle-même  se  range 
sous  la  dictature  d'un  peuple,  non  pas  plus  éclairé 
qu'elle,  mais  plus  avide,  plus  ardent,  plus  exi- 
geant, plus  dressé  aux  affaires.  Elle  se  charge  de 
son  ambition,  de  ses  rancunes,  de  ses  rapines,  de 
ses  ruses,  de  sa  diplomatie,  de  sa  violence,  de  sa 
gloire,  de  sa  force  au  dehors...  Oui,  l'Allemagne 
fait  de  la  Prusse  son  instrument,  et  si  on  la  laissait 
faire,  elle  la  pousserait  lentement  et  par  derrière 
au  meurtre  du  vieux  royaume  de  France.  »  — 
(Edgar  Quinet,  Allemagne  et  Italie,  18:51.) 

ALLIAGE  (Règle  d').  —  Arithmétique,  XLV.— 
Type  du  calcul  à  effectuer  pour  résoudre  un  des 


problèmes  suivants  :  I  °  Étant  donnés  le  poids  et 
le  thre  de  deux  lingots  d'un  métal  fin  (or  ou  argent), 
trouver  le  titre  de  l'alliage  résultant  de  laréunion 
de  ces  deux  lingots.  2"  Étant  donnés  les  titres  des 
deux  lingots,  trouver  la  quantité  qu'il  faut  prendre 
de  chacun  d'eux  pour  former  un  alliage  dont  le 
titre  et  le  poids  sont  donnés. 

I.  Supposons,  par  exemple ,  gu'o7i  allie  2500 
grammes  d'or  hollandais,  an  titre  de  0,983,  avec 
3000  grammes  d'or  des  île>:  es),agnoles,  au  titre  de 
0,8" 5;  quel  sera  le  titre  de  l'alliage? 

Chaque  gramme  du  premier  lingot  contient 
06'',983  d'or  pur,  les  250j  grammes  en  contien- 
nent donc  Os',983  X  25n0,  c'est-à-dire  24o7s%50. 
Chaque  gramme  du  second  lingot  contient  0^,87» 
d'or  pur;  les  300'  grammes  en  contiennent  donc 
0°',875  X 3000,  c'est-à-dire  262  .grammes. La  quan- 
tité d'or  pur  contenue  dans  l'alliage  sera  la  somme 
de  ces  deux  nombres,  ou  bW2^',h.  D'ailleurs  le 
poids  de  l'alliage  sera  2500s''  -t-  30,)0  grammes,  ou 
55nO  grammes  ;  on  aura  donc  le  titre  de  cet  alliage 
en  divisant  le  poids  d'or  pur  par  le  poids  total, 
c'est-à-dire  5082°',5  par  55'JO  grammes,  ce  qui 
donne  0,024. 

On  déduit  de  cet  exemple  que.  dans  les  pro- 
blèmes de  ce  genre,  qui  sont  des  problèmes  directs, 
il  faut  niuttipl  er  le  /oids  de  chaque  lingot  par  son 
titre,  faire  fa  s  mme  des  produit^,  et  diviser  cette 
somme  par  le  poids  total  des  lingots. 

La  règle  serait  la  même,  quel  que  fût  le  nombre 
des  lingots. 

II.  On  a  de  l'argent  au  titre  de  0,800  et 
de  l'argent  au  titre  de  0,900;  combien  faut-il 
prendre  de  l'un  et  de  l'antre  pour  former  600 
grammes  d'argent  au  titre  0,835? 

Cherchons  dans  quel  rapport  les  600  grammes 
devront  être  partagés.  Sur  chaque  gramme,  au 
titre  0,nOÛ,  il  manquera  0s^035  pour  atteindre  le 
litre  demandé.  Sur  chaque  gramme  au  titre  de 
O.ildO,  il  y  aura  au  contraire  0^', 065  de  trop.  On  com- 
pensera ce  qui  est  en  moins  et  ce  qui  est  en  trop 
en  prenant  des  quantités  des  deux  métaux  en  raison 
inverse  des  nombres  0,035  et  0,065,  c'est-à-dire  en 
raison  inverse  des  nombres  7  et  13.  Il  faut  donc  par- 
tager 600  dans  le  rapport  de  7  à  13,  ce  qui  donne 

600^.  I  et  600^'.  ^, 

ou  210  grammes  et  390  grammes.  On  devra  donc 
prendre  390  grammes  du  premier  métal  et  210 
grammes  du  second. 

On  voit  que,  pour  résoudre  les  problèmes  de  ce 
genre,  il  [smX  pre  idre  l'excès  du  taux  le  plus  élevé 
sur  le  taux  mogen,  et  C excès  du  taux  moyen  sur  le 
taux  le  moins  élevé,  puis  pai  tager  le  poids  donné 
de  Valliage  en  raisoii  inverse  de  ces  deux  diffé- 
rences. 

III.  On  peut  encore  avoir  à  résoudre  un  problème 
tel  que  le  suivant  :  On  a  \  200  grammes  d'ai'gent 
au  titre  de  (',900  ;  combien  faut-il  y  ajouter  de 
cuivre  pour  former  un  alliage  au  titre  de  0,835  ? 
Chaque  gramme  d'argent  à  0,900  contient  0»',065de 
trop;  les  1200  grammes  contiennent  donc  en  trop 

I  ",065  X  1200,  c'est-à-dire  78  grammes.  Quant  au 
cuivre,  il  est  considéré  comme  sans  valeur;  chaque 
gramme  de  cuivre  contiendra  donc  0*',835  de  moins. 

II  faut  donc  répéter  05',83S  un  nombre  de  fois  tel 
que  le  résultat  soit  78  grammes,  c'est-à-dire  qu'il 
faut  diviser  78  par  0,fs35,  ce  qui  donne  93«f,413 
pour  le  poids  du  cuivre  à  ajouter. 

Dans  tous  les  problèmes  où  le  litre  des  métaux 
fins  n'entre  pas,  la  règle  d'alliage  se  confond  avec 
la  règle  de  mélange.  —  V.  Mélanges  {liègle  de). 

[H.  Sonnet.J 

ALLIAGES  MÉTALLIOIES.  —  Chimie  XX 
[Etym.  :  Dérivé  du  verbe  allier,  comme  alliance, 
mais  dans  le  sens  exclusivement  de  l'union  des 
métaux  par  la  fusion  en  commun.) 


ALLIAGES 


~  97  — 


ALLUVIONS 


Les  alliages  sont  des  substances  métalliques  ré- 
sultant de  la  fusion  de  deux  ou  plusieurs  métaux 
ensemble.  Les  alliages  qui  contiennent  du  mercure 
s'appellent  des  ainalgames. 

Le  plus  souvent  les  alliages  ne  présentent  rien 
de  précis  quant  aux  proportions  des  métaux  qui 
les  constituent,  de  sorte  que  ceux-ci  paraissent  pou- 
voir s'unir  en  toutes  proportions  ;  mais  ce  n'est  là 
qu'une  apparence  :  chaque  fois  que  deux  métaux 
s'allient,  c'est  toujours  suivant  des  proportions  dé- 
terminées et  fixes;  seulement  il  arrive  presque  tou- 
jours que  l'alliage  formé  reste  mélangé  dans  des 
proportions  diverses  à  l'un  des  métaux  en  excès. 
Lorsque  la  masse  fondue  se  solidifiera,  il  pourra 
arriver  que  ces  divers  produits  se  séparent,  chacun 
d'eux  se  solidifiant  à  la  température  qui  lui  con- 
vient et  présentant  le  phénomène  connu  sous  le 
nom  de  liqwitioji;  on  l'utilise  dans  la  métallurgie 
pour  séparer  l'argent  du  cuivre,  et  dans  la  fonte 
des  canons  on  cherche  à  l'éviter. 

Propriétés  des  alliages.  —  En  général,  l'alliage 
participe  aux  propriétés  des  métaux  qui  le  consti- 
tuent ;  mais  tantôt  il  a  ces  propriétés  à  un  plus  haut 
degré,  tantôt  à  un  degré  moindre. 

Ductilité.  —  Les  alliages  des  métaux  cassants 
sont  toujours  cassants,  à  moins  qu'ils  ne  renfer- 
ment une  très  grande  proportion  d'un  métal  ductile  ; 
et  encore,  si  celui-ci  est  de  l'or,  l'alliage  sera  tou- 
jours cassant.  L'or  est  rendu  cassant  par  1/1900'  de 
plomb  ou  d'antimoine. 

La  ductilité  d'un  alliage  peut  changer  avec  la 
température.  Le  laiton,  qui  est  formé  de  zinc  et  de 
cuivre,  et  qui  est  si  ductile  à  froid,  est  cassant  à  chaud. 

Densité.  —  La  densité  d'un  alliage  est  tantôt 
moindre,  tantôt  plus  grande  que  la  moyenne  de 
ses  métaux;  par  la  comparaison  de  leurs  densités, 
on  peut  approximativement  déterminer  les  propor- 
tions des  métaux  constituants. 

Fusibilité.  —  Les  alliages  sont  toujours  plus  fu- 
sibles que  le  moins  fusible  des  métaux  combinés  et 
souvent  plus  fusibles  que  chacun  d'eux;  tel  est.  par 
exemple,  V alliage  fusible  de  Darcet,  formé  de  plomb, 
de  bismuth  et  d'étain  et  qui  fond  dans  l'eau  bouil- 
lante. 

Dureté,  élasticité.  —  Ils  sont  souvent  plus  durs  et 
moins  tenaces  que  les  métaux  qui  y  entrent.  Enfin, 
d'après  JI.  Wertheim,  l'élasticité  d'un  alliage  serait 
en  général  moyenne  entre  celles  de  ses  métaux. 

Oxydation.  —  Les  alliages  sont  moins  oxydables 
que  leurs  métaux.  Cependant,  si  l'un  de  ceux-ci  en 
s'oxydant  peut  passer  à  l'état  d'acide  et  l'autre  à 
l'état  de  base,  l'oxydation  de  l'alliage  est  plus  rapide 
que  celle  des  métaux  isolés.  Quand  on  chaufl'e  à 
l'air  un  alliage  formé  de  deux  métaux  très  inégale- 
ment oxydables,  l'un  s'oxyde,  l'autre  reste  pur,  et 
on  arrive  ainsi  à  les  séparer  complètement.  C'est  là 
le  principe  de  la  méthode  d'analyse  chimique 
connue  sous  le  nom  de  coupellation  et  par  laquelle 
on  sépare  l'argent  du  plomb. 

Utilité  des  alliages.  —  Ce  que  nous  venons  de 
dire  des  propriétés  dos  alliages  suffit  pour  en  faire 
apprécier  l'importance  pratique,  puisque  ces  corps 
forment  de  véritables  métaux  que  l'on  peut  pour 
ainsi  dire  créer  à  volonté.  Un  grand  nombre  de  mé- 
taux ne  peuvent  être  employés  purs,  soit  parce 
qu'ils  sont  trop  durs,  trop  cassants,  trop  mous, 
soit  parce  qu'étant  trop  oxydables  ils  ne  peuvent 
être  conservés  à  l'air.  En  les  alliant  dans  des  pro- 
portions convenables,  on  modifie  utilement  leurs  pro- 
priétés. Ainsi  l'or  et  l'argent  ne  pourraient  être 
employés  dans  la  bijouterie  et  dans  la  fabrication 
des  monnaies  s'ils  n  étaient  unis  à  une  petite  quan- 
tité de  cuivre,  qui  leur  donne  une  dureté  indispen- 
sable. Pour  la  fabrication  des  canons,  il  faut  un 
métal  non  cassant,  dur,  résistant,  pouvant  être 
moulé  et  travaillé  au  tour.  Aucun  métal  pur  ne 
réunit  ces  qualités  à  un  degré  convenable. 

Mais  si  on  unit  10  p.  100  d'étain  à  90  de  cuivre,  on 
2e  Partie. 


obtient  le  bronze,  qui  sert  avantageusement  à  la 
fabrication  des  canons  jaunes  de  notre  artillerie 
moderne.  Ce  même  bronze  sert  à  faire  des  statues, 
des  candélabres,  etc. 

L'imprimerie,  pour  la  fonte  de  ses  caractères,  a 
besoin  d'un  métal  assez  dur,  non  cassant,  facilement 
fusible,  qu'on  obtient  en  fondant  20  parties  d'anti- 
moine avec  80  de  plomb. 

Préparation  des  alliages.  —  La  plupart  du  temps 
les  alliages  s'obtiennent  tout  simplement  en  fon- 
dant ensemble  les  métaux  que  l'on  veut  unir,  quel- 
quefois en  ajoutant  l'un  d'eux  au  premier  déjà  fondu; 
enfin  on  les  prépare  en  mélangeant  les  oxydes 
des  métaux  à  allier  et  en  les  désoxydant  ensuite  par 
le  charbon.  Avant  de  couler  un  alliage  il  faut  toujours 
avoir  soin  de  brasser  le  bain,  afin  de  lui  conserver 
la  plus  grande  homogénéité  possible  ;  sans  cela  la 
partie  inférieure  de  la  pièce  obtenue  serait  plus 
chargée  du  métal  le  plus  pesant.  Le  meilleur 
moyen  d'empêcher  la  séparation  partielle  des  mé- 
taux pendant  le  refroidissement,  c'est  de  l'accélérer 
au  point  que  l'alliage  se  solidifie  presque  aussitôt 
qu'il  est  coulé. 

composition  de  quelques  alliages  et  données 
POUR  des  problèmes. 
(  Or 


Monnaies. 


Bijouterie  d'or 

Monnaies  d'argent. . . . 

(pièces  de  .j',  J,  1^). 
Monnaies  d'argent.... 

(pièces  de  0f,50,0f,20. 
'Vaisselle  et  médailles 

d'argent 

Bijouterie  d'argent. . . . 

Bronze    des   monnaies 
et  des  médailles. . . . 

Bronze  des  canons. . . . 

Bronze  des  cloclies 


CuivTe  . . . , 
Or 

Cuivre  . . . , 

Argent. . . , 

Cuivre  . . . . 
^  Argent.. . . 
\  Cuivre ... 

Argent. . . 

Cuivre  ... 

Argent.. . 

Cuivre  . . . 

Cuivre ... 

Étain  .... 

Zinc   ..... 

Cuivre  . . . 


900 
lOD 
750 
2o0 
900 
100 
835 
1-35 
950 

50 
800 
200 

95 
4 
1 

90 


Étain 10 


Chrysocale. 

Laiton  ou  cuivre  jaune . 


Mdillechort. 


Métal  anglais 

Caractères  d'imprime- 
rie  

Mesures  d'étain 


Cuivre . . 

)  Étain  . . . 

i  Cuivre . . 

(  Zinc 

Cuivre . . 
Zinc . . ... 
Cuivre . . 
Zinc .... 
Nickel... 

Éiain 100 

Antimoine.        8 
Bismuth. . .         1 

Plomb 80 

Antimoine.      20 
Étain 82 


Soudure  des  plombiers. 

Alliage  de  Darcet,  fusi- 
ble à  90" 


Plomb  . . , 

Étain 

Plomb  . . 
Bismuth. 
Plomb... 
Étain  . . . , 


18 

67 

33 

8 

5 

3 

[A.  Jacquemart.] 


ALLUVIO?fS  .—Géologie,  IX  —  On  donne  le  nom 
d'aliuvions  aux  dépôts  sédimentaires  qui  reposent 
sur  les  couches  les  plus  récentes  du  terrain  ter- 
tiaire. 

Leur  compositioîi.  —  Ces  dépôts  sont  formés  de 
sables,  de  cailloux  roulés,  de  galets  et  de  limon  va- 
seux, de  toutes  les  matières  arrachées  au  sol  par  les 
eaux  courantes,  variant  par  conséquent  avec  la  na- 
ture minérale  des  contrées  qui  les  fournissent  et 
transportées  par  ces  eaux  à  des  distances  plus  ou 
moins  considérables. 

Deux  couches  d'aliuvions.  —  Ces  couches  allu- 

7 


ALLUVIONS 


—  98  — 


ALPES 


vîales  ne  présentent  aucune  règle  de  superposition 
constante,  mais  on  a  pu  néanmoins  établir  qu'elles 
appartiennent  à  deux  époques  bien  distinctes  :  les 
unes,  déposées  pendant  l'époque  quaternaire  — 
V.  Quaternaire  {Terrain)  —  ont  été  désignées  par 
les  anciens  géologues  sous  le  nom  de  terrain  di- 
luvien ou  de  diluvium,  parce  qu'on  attribuait  leur 
production  à  de  violents  cataclysmes  qu'on  ratta- 
chait à  la  tradition  d'un  déluge  universel  ;  les  au- 
tres, plus  récentes,  ont  reçu  le  nom  de  terrai7i 
posti/iluvien,  ou  terrain  de  transport  de  l'époque 
actuelle. 

I.  Terrain  diluvien.  —  Les  couches  diluviennes, 
composées  de  fragments  de  roches  de  toute  espèce 
mêlées  à  des  sables,  des  argiles  et  des  marnes, 
sont  caractérisées  par  les  énormes  fragments  de 
roches  qui  les  accompagnent  presque  toujours,  et 
qu'on  nomme  hlocs  erratiques  *.  Les  géologues  qui 
attribuaient  la  formation  des  dépôts  quaternaires 
à  un  déluge,  avaient  essayé  d'expliquer  le  trans- 
port de  ces  blocs  à  la  hauteur  considérable  où  on 
les  trouve  par  l'action  de  courants  extrêmement 
rapides.  Mais  cette  hypothèse  a  dû  être  abandon- 
née ;  la  plupart  des  blocs  erratiques  ont  conservé 
des  arêtes  vives  qui  prouvent  qu'ils  n'ont  pas  été 
charriés  par  les  eaux,  il  est.  aujourd'hui  reconnu 
que  le  transport  des  blocs  erratiques,  ainsi  que  le 
creusement  de  certaines  vallées  et  le  dépôt  de  la 
plupart  des  limons  appelés  iœ.^s  sont  dus  à  l'action 
des  glaciers  qui,  durant  l'époque  quaternaire,  ont 
couvert  une  gramie  partie  de  l'Europe  (V.  Illocs 
erratiques  et  Glaciers).  On  a  également  renoncé  à 
l'hypothèse  d'un  cataclysme  pour  expliquer  les  au- 
tres phénomènes  de  cette  époque  :  la  science  mo- 
derne admet  que  les  mêmes  causes  qui  agissent 
encore  aujourd'hui  sous  nos  yeux  pour  modifier  le 
relief  de  la  surface  terrestre  ont  sufli  pour  produire 
tous  ces  résultats.  —  V.  Quateriiaire  (Terrain). 

C'est  au  terrain  diluvien  qu'on  rapporte  les  gîtes 
stannil'ères  du  Cornouailles  (minerai  d'étain),  les  dé- 
pôts auro-platinifères  exploités  sur  le  versant  occi- 
dental des  monts  Oural,  et  tous  les  dépôts  gemmi- 
fères  formés  de  cailloux  roulés,  dans  lesquels  on 
rencontre  divers  métaux  précieux  qu'accompagnent 
l'émeraude,  la  topaze,  le  corindon  et  le  diamant. 

Les  alluvions  anciennes  renferment  un  grand 
nombre  d'ossements  fossiles  appartenant  à  des  es- 
pèces dont  certaines  ont  disparu,  tandis  que 
d'autres  sont  encore  représentées  de  nos  jours,  soit 
dans  les  mêmes  contrées  qu'elles  habitaient  p  i- 
mitivement,  soit  dans  des  régions  différentes. 

En  Europe  vivaient  des  mastodontes,  des  élé- 
phants, parmi  eux  le  mammouth  ou  Elephas  primi- 
genius,  animal  remarquable  par  sa  taille,  la  lon- 
gueur de  ses  défenses  et  la  toison  dont  il  était  re- 
couvert; ce  continent  était  également  peuplé  de  rhi- 
nocéros,d'hippopotames  et  de  nombreux  carnassiers. 

En  Amérique,  on  a  trouvé  des  ossements  de 
grands  édentés,  le  mégathérium,  'e  mylodon,  le 
mégalonyx  et  des  tatous  gigantesques. 

Enfin,  l'Australie  a  fourni  des  débris  de  marsu- 
piaux bien  supérieurs  par  la  taille  à  ceux  qui  y 
vivent  de  nos  jours.  C'est  encore  aux  alluvions  an- 
ciennes qu'on  rapporte  une  partie  des  dépôts  ossi- 
fères  que  renferment  certaines  cavernes  et  cer- 
taines brèches,  soit  que  ces  ossements  y  aient  été 
abandonnés  par  les  eaux  qui  traversaient  ces  ca- 
vernes ou  se  précipitaient  dans  les  brèches,  soit 
que  les  cavernes  aient  été  habitées  par  les  ani- 
maux dont  on  retrouve  les  restes. 

2.  Terrain  PosTDiLuvitN.  —  Le  deuxième  étage 
des  couches  alluviales,  ou  terrain  postdiluvien, 
a  pour  origine,  ainsi  que  le  diluvium  proprement 
dit,  des  actions  érosives  analogues  à  celles  (|ue 
l'on  constate  de  nos  jours;  il  présente  des  pro- 
duits très  variés  résultant,  en  général,  de  la  désa- 
grégation de  toutes  sortes  de  ruches. 

L'atmosphère,  la  pluie,  la  gelée  jouent  le  princi- 


pal rôle  dans  cet  incessant  travail  de  désagréga- 
tion. C'est  à  l'action  de  ces  agents  que  sont  dus  les 
éboulis  qu'on  remarque  au  pied  des  escarpements 
des  montagnes  et  des  falaises  que  bat  la  mer. 

D'un  autre  côté,  nous  voyons  les  cours  d'eau  char- 
rier et  déposer  des  sédiments,  soit  sur  le  fond  des 
vallées  traversées  par  eux,  soit  à  l'embouchure  de 
ces  cours  d'eau,  soit  enfin  dans  la  mer;  c  est  ainsi 
que  s'expliquent  les  deltas  plus  ou  moins  consi- 
dérables et  les  îles  nouvelles  qui  se  forment. 

Les  mers,en  déversant  sur  les  plages  basses  qui 
les  encadrent  les  sables  qu'elles  tiennent  en  sus- 
pension, ou  en  abandonnant  sur  certains  points 
les  amas  de  galets  qu'elles  roulent,  donnent  nais- 
sance aux  dunes  et  aux  écueils. 

Parmi  les  dépôts  marins,  les  plus  remarquables 
sont  ceux  que  I  on  désigne  sous  le  nom  de  récifs, 
et  qui  sont  le  résultat  des  sécrétions  calcaires  de 
certains  mollusques  qui  vivent  en  famille,  et  sur- 
tout de  polypiers . 

C'est  encore  à  ce  deuxième  étage  qu'on  rap- 
porte les  dépôts  de  tufs  calcaires  ou  travertins,  les 
sécrétions  calcaires  ou  siliceuses  que  déposent 
certaines  sources  minérales,  ou  celles  qui  se 
forment  par  suintement  dans  les  grottes  et  ca- 
vernes et  qu'on  appelle  stalactites.  Enfin,  c'est 
dans  les  eaux  marécageuses  et  stagnantes  de  ce 
deuxième  étage  que  nous  voyons  se  former  la.tuurlie. 

Les  cavernes  de  cet  étage  renferment  souvent, 
comme  celles  du  premier,  des  ossements  de  mam- 
mifères; beaucoup  d'entre  eux  appartiennent  h  des 
des  espèces  aujourd'hui  domestiquées,  au  nombre 
desquelles  se  place,  en  première  ligne,  le  renne, 
qui  habitait  à  cette  époque  l'Europe  centrale. 

La  présence  de  l'homme,  déjà  indiquée  dans  le 
diluvium  par  les  découvertes  d'ossements  humains 
trouves  dans  les  couches  de  cet  étage,  se  manifeste 
dans  les  alluvions  récentes  par  de  nombreux  dé- 
bris, soit  de  son  squelette,  soit  de  son  industrie.  -Jf-, 

On  a  trouvé  dans  différentes  stations  des  quan- 
tités prodigieuses  de  silex  taillé,  des  pointes  de 
flèches,  des  haches,  des  objets  faits  en  os  et  des 
bois  de  renne,  sur  lesquels  l'homme  a  gravé 
l'image  des   animaux  au  milieu  desquels  il  vivait. 

En  remontant  la  série  des  couches,  on  trouve  non 
plus  des  silex  taillés  à  facettes,  mais  des  pierres 
polies,  et  plus  haut  encore  des  instruments  en 
bronze  et  en  fer.  —  V.  Pré/tistorujiic>\  {Popula- 
tions). [R.  Boulart.] 

ALPES.  —  Géographie  générale,  VII  et  XV; 
Géographie  de  la  France,  I.  —  'Étym.  :  du  celtique 
alp,  roche  escarpée,  d'après  Littré.) 

1.  Coup  d'oeil  général.  —  Aspect  des  Alpes.  — 
Les  Alpes  sont  les  plus  hautes  montagnes  de  l'Eu- 
rope centrale,  et  la  limite  de  sépai-ation  entre  l'I- 
talie d'une  part,  la  France,  la  Suisse  et  l'Autriche 
de  l'autre.  Leurs  massifs  puissants  ne  couvrent 
pas  moins  de  250  000  kilomètres  carrés  (c'est-à- 
dire  une  surface  égale  à  la  moitié  de  la  France), 
entre  la  Méditerranée  et  le  Danube.  Des  centaines 
de  cimes  s'y  dressent  majestueusement  à  3  et 
4000  mètres  d'altitude,  et  les  nuages  qui  s'y 
précipitent  y  donnent  naissance  aux  fleuves 
les  plus  importants  et  les  plus  grands  de  l'Eu- 
rope, après  ceux  de  la  Russie.  Leurs  eaux, trou- 
blées par  les  débris  qu'elles  emportent  au  début 
de  leur  course  torrentielle,  s'épurent  ensuite  dans 
de  magnifiques  lacs,  assez  profonds  pour  ne  rien 
perdre  de  leur  limpidité  par  ces  apports,  et  assez 
étendus  pour  constituer  des  réservoirs  capables  de 
régulariser  en  aval  ces  cours  d'eaux  jusque-là  si 
capricieux.  Et  si  les  pluies  et  les  neiges  venaient  à 
cesser,  si  les  lacs  qui  baignent  le  pied  des  Alpes 
venaient  à  se  vider,  les  glaciers  suspendus  à  leurs 
flancs  contiennent  encore  assez  d'eau  congelée 
pour  alimenter  pendant  plusieurs  années  par  leur 
fusion  le  débit  de  toutes  ces  rivières. 

Les  Alpes  ne  sont  pas  seulement   un  des  plus 


ALPES 


—  99 


ALPES 


grands  réservoirs  d'eau  du  moide  ;  c'est  une  li- 
mite entre  deux  climats  bien  opposés.  Lorque. 
quittant  les  chaudes  plaines  de  la  Lombardie,  où 
les  vignes,  pendues  en  festons  aux  arbres,  se  cou- 
vrent de  fruits  délicieux,  où  fleurissent  les  plantes 
les  plus  délicates,  où  les  oranges  même  mûrissent 
dans  quelques  coins  bien  abrités  du  lac  do  Cûme  ou  du 
lac  Majeur,  on  s'élève  successivement  à  travers  les 
vignes,  les  noyers,  les  châtaigniers  qui  garnissent 
les  pentes  de  la  montagne,  on  traverse  une  région 
qui  n'a  pas  sa  pareille  sur  le  versant  suisse.  Aux 
châtaigniers  succèdent  les  sapins  et  les  hêtres, 
puis  les  ai'bres  se  rabougrissent  sous  un  climat 
plus  rigoureux  et  finissent  par  disparaître.  Le  sol 
porte  encore  des  pâturages,  grâce  aux  nuages  qui. 
suivant  les  parois  de  la  montagne,  s'y  condensent 
en  mille  ruisseaux.  Plus  haut  on  ne  trouve  que  des 
mousses  et  des  lichens  pareils  à  ceux  du  Spitz- 
berg  ou  du  Groenland,  puis  tout  s'efface  sous  un 
blanc  linceul  de  neige  qui  ne  disparaît  jamais. 

La  vie  renaît  au  fur  et  à  mesure  qu'on  redes- 
cend la  pente  opposée.  On  revoit  des  pâturages, 
des  sapins,  puis  des  noyers.  Mais  la  vigne  ne  mûrit 
au  nord  des  Alpes  que  sur  quelques  coteaux  par- 
ticulièrement favorisés  par  leur  exposition  et,  au 
lieu  des  riches  guérets  de  la  vallée  du  Pô,  la  Suisse 
ne  produit  même  pas  assez  de  céréales  pour  sa 
consommation. 

Mais  si  les  Alpes  ont  dans  tous  les  temps  formé 
une  frontière  entre  des  peuples  différents  par  le 
climat  où  ils  vivaient,  par  leurs  races,  leurs  mœurs 
et  leurs  aptitudes,  —  autrefois  les  Romains,  les  Gau- 
lois et  les  Germains  ;  aujourd'hui  les  Italiens,  les 
Suisses,  les  Allemands,  les  Slaves  de  l'Autriche 
méridionale,  —  leurs  cimes  offrent  des  panoramas 
si  merveilleux,  leurs  fraîches  vallées,  leurs  lacs  en- 
chanteurs ont  tant  de  charmes,  que  l'on  s'y  donne  au- 
jourd'hui rendez-vous  de  tous  les  points  du  monde  : 
et  nulle  part  ailleurs  on  ne  saurait  rencontrer  au- 
tant de  nationalités  différentes  réunies  sous  le 
môme  toit. 

Les  trois  zones  des  Alpes  relativement  à  leur 
altitude.  —  Sur  le  versant  méridional,  la  limite  des 
Alpes  est  bien  déterminée  :  elles  se  dressent  sur 
la  plaine  du  Piémont  et  de  la  Lombardie  en  escarpe- 
ments assez  raides  pour  que  l'indécision  soit  impos- 
sible. Du  côté  suisse,  au  contraire,  les  pentes  rela- 
lativement  douces  se  prolongent  de  telle  sorte  qu'il 
n'y  a  pour  ainsi  dire  aucun  coin  du  pays  qui  soit 
plat. 

La  région  inférieure.  —  En  général,  on  fait  com- 
mencer la  montagne  au  point  où  cesse  la  culture 
de  la  vigne.  Naturellement  cette  plante  s'étend  plus 
haut  sur  le  versant  méridional  (7  ou  800  mètres)  que 
sur  le  versant  septentrional  (5  ou  600  mètres).  La 
montagne  inférieure  s'étend  à  partir  de  là  sur  toute 
la  région  susceptible  de  produire  des  céréales.  Si- 
la  culture  du  sol  ne  suffit  pas  à  y  nourrir  les  habi- 
tants, ceux-ci  trouvent  d'importantes  ressources 
dans  l'hospitalité  qu'ils  ont  à  fournir  aux  étrangers 
■et  dans  les  établissements  d'industrie  à  qui  les 
chutes  d'eau  fournissent  un  moteur  économique 
pour  animer  leurs  machines. 

La  région  moyenne.  —  Les  «  alpes.  »  —  Au-dessus 
de  la  montagne  inférieure,  c'est-à-dire  entre  1300 
et  1500  mètres,  commence  la  région  moyenne, 
couverte  de  forêts  de  sapins  et  de  pâturages  natu- 
rels. Ce  sont  ces  pâturages,  auxquels  les  monta- 
gnards donnent  le  nom  d'alpes,  qui  ont  servi  à 
designer  toute  la  chaîne,  dont  elles  sont  un  des 
caractères  principaux.  Sitôt  que  le  soleil  a  fait  re- 
verdir l'alpe,  avant  même  que  la  dernière  couche 
de  neige  en  ait  partout  disparu,  les  troupeaux 
quittent  les  étables  de  la  plaine,  et  grimpent  dans 
1  herbage,  où  ils  passeront  tout  l'été.  En  tête  de  la 
bande,  les  vieilles  vaches  font  résonner  fièrement 
les  clochettes  qui  servent  à  les  retrouver  partout 
et  qui  entretiennent  leur  gaieté.  Le  berger  se  loge 


dans  une  cabane  formée  de  troncs  de  sapins  gros- 
sièrement équarris  et  que  de  lourdes  pierres  ser- 
vent à  consolider  contre  les  ouragans.  C'est  le  cAo/e?, 
où  les  vaches  viennent  d'elles-mêmes  se  faire  traire 
et  où  le  fruitier  fabrique  ces  fromages  fameux  sous 
le  nom  de  gruyères,  et  qui  doivent  leur  qualité 
aux  herbes  aromatiques  dont  se  nourrit  le  bétail 
qui  les  produit.  Les  chèvres  et  les  moutons  seuls 
trouvent  à  paître  au-dessus  de  la  zone  des  forêts, 
tant  l'herbe  devient  courte,  à  mesure  que  l'on  s'é- 
lève dans  une  région  plus  froide  ;  puis  entre  2500  et 
3000  mètres,  on  entre  dans  une  région  sauvage, 
où  l'agile  chamois  cherche  à  se  dérober  à  l'atteinte 
du  chasseur  sur  des  rochers  inaccessibles,  et  où 
l'aigle  établit  l'aire,  d'où  il  plane  sur  les  troupeaux 
pour  y  saisir  sa  proie. 

La  région  supérieure.  —  Les  neiges.  —  En  pas- 
sant sur  les  hautes  montagnes,  les  vents  chargés 
d'humidité  la  déposent  sous  forme  de  flocons  de 
neige  qui  se  réunissent  sur  les  plateaux  et  daii^  les 
hautes  vallées,  dès  que  l'inclinaison  est  assez  fa:ble 
pour  les  retenir.  C'est  ainsi  que  les  plus  hauts 
sommets  sont  souvent  dépouillés  de  neige  quand 
tout  autour  d'eux  reste  glacé . 

Les  diverses  transformations  que  subit  cette  neige 
donnent  naissance  aux  névés  et  aux  glaciers*.  Nous 
expliquons  à  ce  mot  quelques-uns  des  merveilleux 
phénomènes  auxquels  donnent  lieu  les  glaciers. 
Bornons -nous  à  rappeler  ici  qu'ils  couvrent  dans 
la  chaîne  des  Alpes  une  surface  de  plus  de  3000 
kilomètres  carrés,  c'est-à-dire  une  étendue  com- 
parable à  celle  de  la  moitié  de  l'un  de  nos  dé- 
partements moyens.  Le  glacier  d'Aletsch,  qui  des- 
cend des  Alpes  Bernoises,  sur  la  rive  droite  du 
Rhône  et  en  face  du  Simplon,  a  '^4  kilomètres  de 
longueur.  Celui  de  Gorner,  qui  descend  du  Mont- 
Rose,  en  a  15.  Les  divers  glaciers  groupés  autour 
du  Mont-Blanc  couvrent  près  de  3u0  kilomètres  car- 
rés et  on  a  récemment  évalué  leur  masse  à  14  mil- 
liards de  mètres  cubes  de  glace,  de  quoi  alimenter 
à  eux  seuls  la  Seine  pendant  neuf  années. 

2.  Géographie  de  la  chaîne  des  Alpes.  —  A  l'in- 
verse des  Pyrénées,  qui  ofl'rei^  une  chaîne  dune 
régularité  parfaite,  ou  du  Jura,  qui  se  develippe 
en  chaînes  parallèles,  les  Alpes  n'offrent  d'abord 
que  l'aspect  confus  d'une  masse  de  cimes,  de  cliaî- 
nes,  de  chaînons  et  de  contre-forts  enchevêtrés  les 
uns  dans  les  autres,  sans  qu'il  soit  possible  d'y  dé 
mêler  au  premier  examen  une  disposition  régulière. 

C'est  qu'en  réalité  les  Alpes  forment  une  séri>j  de 
massifs  distincts,  d'où  divergent  les  rameaux  secon- 
daires comme  les  rayons  d'une  étoile.  Sans  cnu- 
mérer  toutes  les  cimes,  tous  les  cols  qui  les  sépa- 
rent, et  les  torrents  qui  y  naissent,  essayons  de 
décrire  les  traits  principaux  de  la  grande  chaîne 
qui  commence  sur  les  côtes  de  la  Ligurie  pour  linir 
sur  les  bords  du  Danube,  offrant  ainsi  un  déve- 
loppement de  1000  kilomètres. 

Elle  change  plusieurs  fois  de  nom,  et  l'usage  a 
consacré  les  désignations  d'Alpes  Maritimes,  Cot- 
tiennes,  Grées,  Pennines,  Lépontiennes,  Rhétiques, 
Noriques,  Carniques  et  Juliennes,  bien  que  les 
géologues  adoptent  aujourd'hui  un  groupement 
plus  rationnel,  mais  aijssi  trop  compliqué  pour  que 
nous  puissions  en  exposer  les  détails. 

Alpes  Maritimes.  —  Elles  forment  la  continuation 
occidentale  des  Apennins.  On  place  la  séparation 
entre  les  deux  chaînes,  tantôt  au  col  d'Altare 
(500  mètres),  sur  la  route  de  Savone  à  Turin,  lan- 
tôt  à  celui  de  San  Bemardo  (lOOii  mètres),  d'où 
descend  le  Tanaro  et  où  passe  la  route  d'Albenga 
à  Turin,  tantôt  enfin  plus  à  l'ouest,  au  col  de  Tende 
(1800  mètres  i.  sur  la  route  de  Nice  à  Turin.  De- 
puis le  col  de  San  Bernardo  jusqu'au  mont  Vi<o 
(3840  mètres),  à  la  source  du  fd,  les  Alpes  Mari- 
times forment  un  arc  de  cercle  long  de  190  kilo- 
mètres environ,  et  atteignent  luie  altitude  dt-  pi  us 
en  plus  grande. 


ALPES 


—  ICO 


ALPES 


C'est  de  cette  chaîne  que  se  détachent  au  nœud 

de  l'Enchastraye  (2970  mètres),  situe  à  rextrcmitc 
nord  du  département  des  Alpes-Maritimes,  les  Al- 
pes de  Provence,  qui  délimitent  les  bassins  des 
principaux  affluents  de  la  Durauce,  le  Verdon  qui 
arrose  Gastellane,  la  Bléoiine  qui  passe  à  Digne,  et 
YUhaye  qui  traverse  Barcelonnette.  Ces  montagnes 
offrent  le  triste  aspect  de  montagnes  déboisées 
couvertes  de  talus  d'éboulement;  mais  en  appro- 
chant de  la  Méditerranée,  les  vallons  ouverts  au 
midi  sont  embellis,  partout  où  s'étend  l'irrigation, 
par  une  végétation  vigoureuse,  où  l'on  distingue 
les  plantes  parfumées  qui  ont  fait  la  réputation  de 
Grasse.  C'est  à  partir  du  Pic  de  l'Enchastraye  que 
la  chaîne  principale  des  Alpes  sert  de  limite  entre 
le  Piémont  et  la  France  ;  elle  garde  ce  rôle  jusqu'au 
col  Ferret,  à  l'est  du  Mont-Blanc,  entre  cette  haute 
montagne  et  le  passage  bien  connu  du  grand  Saint- 
Bernard. 

Avec  les  rivières  déjà  citées,  les  principaux  cours 
d'eau  qui  naissent  dans  la  chaîne  des  Alpes  Ma- 
ritimes sont  s>ir  le  versant  sud  :  la  Roya  qui  mar- 
que aujourd'hui  la  frontière  entre  la  France  et  l'I- 
talie, et  le  Var  qui  l'a  marquée  longtemps  ;  et  sur 
le  versant  nord,  le  Tanaro,  la  Stura  et  la  Maira, 
affluents  du  Pô. 

Alpes  Cottiennes.  —  Elles  s'étendent  sur  une 
longueur  de  160  kilomètres  entre  le  mont  Viso  et 
le  mont  Cenis.  C'est  dans  cette  section  que  se 
trouve  le  col  du  mont  Ge?ièore,  où  Napoléon  I"  a 
fait  ouvrir,  à  1860  mètres  de  hauteur,  la  route  de 
Briançon  à.  Turin.  C'est  également  sous  son  règne 
que  l'on  fit  entre  Saint-Jean  de  Maurienne  et  Suse 
la  )'Oute  du  mont  Cenis,  qui  franchit  la  chaîne  à 
2100  mètres.  Depuis  1871,  on  passe  de  Savoie  en 
Piémont  en  chemin  de  fer  par  le  tunnel  percé  sous 
le  col  de  Fréjus  et  que  l'on  a  improprement 
nommé  tunnel  du  mont  Cenis,  à  cause  de  la  route 
située  à,  quelques  kilomètres  plus  à  l'ouest  qu'il 
est  destiné  à  remplacer. 

Le  mont  Tabor  (3200  mètres),  situé  un  peu  à 
l'ouest  du  tunnel,  offre  le  centre  de  rayonnement 
le  plus  important  des  Alpes  Cottiennes.  C'est  de  là 
que  partent  les  ^4//jes  de  Maurienne,  où  les  Grandes 
Rousses  atteignent  3600  mètres,  et  qui  couvrent 
tout  l'espace  compris  entre  le  cours  de  l'Arc  au 
nord-est  et  celui  de  la  Romanche  au  sud.  Du  Tabor 
partent  aussi  les  Alpes  du  Dauphiné,  où  se  distin- 
guent plusieurs  massifs  importants. 

Le  groupe  du  Pelvoux,  qui  renfermait  les  cimes 
les  plus  hautes  de  France  avant  l'annexion  de  la 
Savoie,  s'étend  entre  la  Durance  à  l'est,  la  Ro- 
manche au  nord,  le  Drac  au  sud  et  à  l'ouest.  Là 
s'élève,  au  centre  de  superbes  glaciers,  le  pic  des 
Ecrins  (4l()0  mètres)  et  la  Meije,  gravie  pour  la 
première  fois  en  1877.  A  l'ouest  du  Drac,  le  mont 
Aurouze  (2700  mètres)  remplit  les  tristes  vallées 
du  Dévolu}'  de  ses  débris  croulants,  et  à  l'extré- 
mité des  Alpes,  presque  sur  les  bords  du  Rhône, 
le  mo?it  Ventoux  domine  de  près  de  3000  mètres 
les  riches  campagnes  du  comtat  Venaissin. 

Les  Alpes  Cottiennes  donnent  naissance  à  d'im- 
portants cours  d'eau.  Du  mont  Genèvre  descend  la 
Durance,  si  terrible  par  les.  caprices  de  ses  crues, 
et  du  massif  du  Pelvoux  le  Drac  non  moins  dévas- 
tateur, qui  se  joint  à  l'Isère  à  quelques  kilomètres 
en  aval  de  Grenoble,  mais  qui,  à  plusieurs  reprises, 
a  ravagé  cette  ville  par  ses  inondations.  La  Roman- 
che, qui  arrose  le  Bourg  d'O  isans  et  Vizille,  un  peu 
au-dessus  de  son  confluent  avec  le  Drac,  puise 
aussi  ses  eaux  d'un  bleu  intense  dans  les  glaciers 
du  Pelvoux.  Les  orages  qui  éclatent  sur  le  Dévo- 
luy  alimentent  le  Buech,  le  principal  affluent  de 
droite  de  la  Durance,  qu'il  rejoint  au  pied  du  rocher 
de  Sisteron.  Et  des  montagnes  plus  à  l'ouest  dans 
le  département  de  la  Drôme  sortent  la  rivière  de 
ce  nom,  et  l'Aygues  qui,  avant  de  se  jeter  dans 
le  Rhône  près  d'Orange,  arrose  Nyons,  renommée 


pour  la  douceur  de  son  climat.  Enfin  sur  le  veraant 
italien,  c'est  un  peu  au  nord  du  mont  Viso  que 
naît  la  Doire  Ripai/e,  qui  baigne  les  murs  de  Turin 
au  moment  d'atteindre  le  Pô. 

Les  Alpes  Grées.  —  Elles  ont  environ  100  kilo- 
mètres de  longueur  entre  le  mont  Cenis  et  le  Mont- 
Blanc  (48  10  mètres).  Leur  centre  de  rayonnement 
ost  au  mont  Levanna  (3700  mètres;,  voisin  de  la 
source  do  l'Isère,  où  l'on  a  longtemps  place  par 
erreur  un  mont  Iséran,  qu'il  faut  rayer  de  la  no- 
menclature géographique.  A  l'est,  le  massif  dominé 
par  le  grand  Paradis  (4000  mètres)  couvre  de  ses 
rameaux  l'espace  compris  entre  la  Doire  Baltes  et 
l'Orco  (la  Doire  Baltée  descend  du  val  d'Aoste,  et 
rOrco  se  jette  dans  le  Pô  à  Chivasso).  A  l'ouest,  les 
mo)2tagnes  de  la  Tarentaise  dressent  entre  l'Arc  et 
l'Isère  plusieurs  cimes  hautes  de  3500  à  4000  mè- 
tres. Au  nord,  les  montagnes  de  Savoie  couvrent 
tout  le  pays  entre  l'Isère,  le  Rhône  et  l'Arve.  Nous 
avons  nommé  les  principaux  cours  d'eau  nés  dans 
cette  région  des  Alpes  :  la  Doire  Baltée,  VArc,  qui 
arrose  la  Maurienne  et  dont  le  chemin  de  fer  et  la 
route  du  mont  Cenis  remontent  la  vallée  ;  VIsère, 
dont  il  est  tributaire.  Aucune  route  carrossable  ne 
traverse  cette  partie  de  la  chaîne.  Le  col  principal, 
celui  du  petit  Saint-Bernard  '2175  mètres),  conduit 
de  la  vallée  de  l'Isère  dans  le  val  d'Aoste. 

Alpes  Pennines  ou  Valaisanes.  —  Elles  s'éten- 
dent sur  un  espace  de  160  kilomètres  entre  le 
Mont-Blanc  et  le  Saint-Gothard.  Le  Mont-Blanc 
forme  à  lui  seul  un  massif  circonscrit  au  sud-est 
par  le  petit  Saint-Bernard,  au  nord-est  par  le  col  du 
grand  Saint-Bernard  (2475  mètres),  au  nord-ouest 
par  le  col  de  Balme  qui  conduit  de  Martigny  (au 
grand  ccude  de  la  vallée  du  Rhône)  à  Chamonix, 
puis  par  la  vallée  de  l'Arve  jusqu'à  Sallanches,  et 
enfin  par  la  vallée  de  Mégève  entre  Sallanches  et 
Albertville.  C'est  du  Mont-Blanc  que  descend 
YArve,  née  au  col  de  Balme  et  qui  finit,  à  quelques 
kilomètres  en  aval  de  Genève,  dans  le  Rhône,  dont 
elle  trouble  au  loin  les  belles  eaux  bleues.  Elle 
commence  par  arroser  Chamonix,  ce  séjour  cosmo- 
polite d'où  les  grimpeurs  intrépides  parlent  pour 
une  foule  d'ascensions  intéressantes,  tandis  que- 
les  gens  plus  tranquilles  et  plus  délicats,  placés 
devant  le  plus  beau  panorama  qu'on  puisse  rè 
ver,  y  respirent  l'air  pur  des  hautes  montagnes 
embaumé  par  le  parfum  des  mélèzes  et  des  sapins, 
où  les  abeilles  cueillent  un  miel  délicieux. 

Au  nord-ouest  du  Mont-Blanc,  les  Alpes  du  Châ- 
tiais se  ramifient  entre  l'Arve,  le  Rhône  et  le  lac 
de  Genève.  Elles  ont  leur  point  culminant  dans 
la  Dent  du  Midi  (3i80  mètres),  dont  les  cimes  den- 
telées s'élèvent  sur  la  rive  gauche  du  Rhône  au- 
dessus  de  Saint-Maurice.  Entre  la-Dent  du  Midi  et 
Chamonix,  le  Biiet  (3100  mètres)  est  le  point  d'où 
l'on  contemple  le  mieux  l'ensemble  du  Mont-Blanc 
et  des  monts  qui  lui  font  cortège.  A  l'est  du  grand 
Saint-Bernard,  ce  passage  célèbre  qui  conduit  les 
piétons  de  Martigny  à  Aoste,  et  où  l'hospitalité  des 
pères  s'exerce  sous  la  forme  la  plus  charitable,  les 
Alpes  Pennines  prennent  la  direction  de  l'est  nord- 
est.  Là  se  trouve  le  massif  du  Mont-Rose,  qui  porte 
la  plus  grande  étendue  de  glaciers  et  le  plus  grand 
nombre  de  cimes  élevées  des  Alpes,  le  mont  Cervin 
(4iS0  mètres)  qui  dresse  au  fond  de  fa  vallée  de 
Zermatt  sa  fière  pyramide  si  longtemps  inaccessi- 
ble, et  le  Mont-Rose  (4630  mètres),  pour  ne  citer  que 
les  plus  célèbres.  Les  Alpes  Pennines  forment  la 
linîite  entre  la  Suisse  et  l'Italie  depuis  le  grand 
Saint-Bernard  jusqu'au  col  de  Gries ,  un  peu  à 
l'ouest  du  passage  du  Saint-Gothard. 

Le  Simplo'i.  —  La  route  du  Simplon,  que  fit  ou- 
vrir Napoléon  P',  franchit  le  col  du  même  nom  à 
une  hauteur  de  2000  mètres  et  off're  la  voie  la  plus 
directe  de  Paris  à  Milan.  On  y  a  pas  encore  fait 
passer  de  chemin  de  fer  comme  au  mont  Cenis,  ou 
plus  à  l'est,  sur  le  Brenner  ;  mais  on  se  propose 


ALPES 


—  «01  — 


ALPES 


de  percer  la  montagne  h  une  hauteur  de  6  ou 
700  mètres  seulement,  de  sorte  que  le  pr,s=;age  se- 
rait plus  aisémont  abordable  en  toute  saison,  et  le 
Simplon  reprendrait  ainsi  l'importance  que  lui  va- 
lait sa  position  géographique  sur  la  route  directe 
de  Calais  à  Brindisi,  la  grande  route  de  Londres  à 
i'isthme  de  Suez. 

Des  Alpes  Pennines  descendent  la  Dranse,  qui 
qui  tombe  dans  le  Rhône  à  Martigny,  au  pied  du 
passage  du  grand  Saint-Bernard  ;  la  Viége,  qui  sort 
des  glaciers  du  Mont-Rose  :  et  sur  le  versant  méri- 
dional la  Sésia.  qui  baigne  Verceil,  avant  de  s'unir 
au  Pô;  enfin  la  Toce,  qui  arrose  le  val  d'Ossola  et 
tombe  dans  le  golfe  nord-ouest  du  lac  Majeur,  a  sa 
source  au  col  de  Gries,  qui  mène  de  Domo  d'Ossola 
au  Saint-Gothard. 

Le  Saint-Gothard.  —  Les  Alpes  Lêpontiennes. 
—  Ce  massif  forme  le  véritable  centre  de  toutes  les 
Alpes,  car  si  on  n'y  rencontre  plus  les  sommets  les 
plus  élevés,  le  socle  sur  lequel  il  repose  est  la 
masse  montagneuse  la  plus  considérable  de  toute 
l'Europe.  De  là  descendent  à  la  fois  le  Rhôrw  et 
le  Rhin,  le  Tessin  et  l'fnn,  qui  sont  les  branches 
principales  du  Pô  et  du  Danube.  Si  l'on  pouvait 
s'élever  à  quelques  centaines  de  mètres  au-des- 
sus du  col  du  Saint-Gothard  (2000  mètres)  sur 
la  route  de  Milan  à  Lucerne,  on  verrait  en  face 
de  soi  au  nord  une  vallée  étroite  et  sauvage 
par  où  la  Reuss,  tombant  de  cascade  en  cascade, 
s'écoule  dans  le  lac  des  Quatre-Cantons  ;  sur 
sa  gauche,  la  vaste  mer  de  glace  d'où  sort  VAor, 
qui  va  arroser  la  verte  et  riante  vallée  de  Hasli, 
avant  de  traverser  les  lacs  de  Brienz  et  de  Tliun 
si  aimés  des  touristes  ;  en  avant  des  glaciers  de 
l'Aar,  le  col  du  Grimsel,  qui  mène  de  la  vallée 
de  Hasli  au  pied  du  beau  glacier  du  Rhône. 
La  vallée  de  ce  fleuve  forme  un  énorme  sillon 
dirigé  à  l'est-sud-est  et  semble  le  prolongement 
de  celle  du  Rhin  antérieur  qui  descend  du  Saint- 
Gothard  en  sens  opposé.  En  se  tournant  du  côté 
du  sud,  on  verrait  le  val  d'Airolo  parcouru  par  le 
haut  Tessin,  et  à  l'est  le  massif  glacé  de  l'Adula 
(3300  mètres)  où  naissent  les  principales  branches 
du  Rhin,  et  enfin  à  quelques  lieues  plus  loin  le 
commencement  de  la  longue  vallée  de  VEngadine, 
où  coule  l'Inn. 

Les  neiges  qui  tombent  dans  la  région  du  Saint- 
Gothard  se  dispersent  donc  du  côté  de  la  mer  du 
JNord,  de  la  Méditerranée,  de  l'Adriatique  et  de  la 
mer  Noire,  et  ce  point  appartient,  par  excellence, 
à  la  ligne  de  partage  des  eaux  de  l'Eui-ope,  qui 
suit  la  haute  chaîne  depuis  le  mont  Furca  à  la 
naissance  du  Rhône  jusqu'à  la  Maloia  à  la  nais- 
sance de  rinn. 

C'est  aussi  comme  point  de  rencontre  des  cols  et 
des  routes  fréquentées  que  le  Saint-Gothard  a  une 
grande  importance.  La  vallée  de  la  Reuss  et  celle 
du  Tessin  sont  parcourues  par  la  route  du  Saint- 
Gothard,  de  Lucerne  ii  Bi'llinzona,  ou  d'Allemagne 
en  Italie;  elles  sont  maintenant  réunies  par  le 
tunnel  qui  livre  passage  à  la  voie  ferrée^^,  de 
Côschenen  à  Airolo.  La  grande  route  de  Genève  à 
Coire  remonte  la  vallée  du  Rhône,  gravit  en  lacets- 
les  flancs  du  beau  glacier  qui  lui  donne  naissance, 
redescend  du  col  de  la  Furka  (2440  mètres)  à  An- 
dermattdans  la  vallée  de  la  Reuss,  où  elle  croise  la 
route  du  Saint-Gothard  ;  puis,  franchissant  le  col 
de  VOberalp,  atteint  à  son  origine  la  vallée  du 
Rhin  antérieur  qu'elle  suit  désormais.  Nous  avons 
déjà  nommé  les  passages  du  Grimsel  et  du  Giies  qui 
ne  sont  accessibles  qu'aux  piétons.  Dans  les  Gri- 
sons, le  col  duLukmanier  [V.)00  mètres,,  où  l'on  a 
souvent  parlé  de  construire  un  chemin  de  fer, 
à  cause  de  sa  faible  altitude  relative,  réunit  la 
vallée  du  Rhin  à  celle  du  Tessin.  Plus  à  l'est,  à 
quelques  lieues  en  amont  de  Coire.  on  trouve  à 
Reiclicnau  la  réunion  des  deux  branches  princi- 
pales du  Rhin,  le  RhiJi  antérieur  venudd'Ober- 


alp  et  le  Rhin  postérieur  descendu  du  mont  Adula, 
Le  long  de  ce  dernier  la  route  de  Coire  en  Lom 
hardie  remonte  les  imposants  défilés  de  la  Via 
Mala  jusqu'au  village  de  Splûgen,  où  elle  se  bi- 
furque pour  descendre  d'un  côté  sur  le  lac  Majeur 
par  le  passage  du  San  Bernardino  (20G0  mètres), 
et  de  l'autre  sur  le  lac  de  Côme  par  le  col  du 
Splûgen  (2100  mètres). 

Le  nom  général  d'Alpes  Lêpontiennes  s'applique 
au  groupe  de  montagnes  comprises  entre  la  route 
du  Simplon  et  celle  du  Splûgen. 

Les  Alpes  Bernoises.  —  Au  nord  du  Rhône  et  du 
Rhin  se  dressent  encore  de  superbes  cimes.  Entre  les 
vallées  de  l'Aar  et  du  Rhône,  les  Alpes  Bernoises  por- 
tent une  immense  mer  de  glace  que  domine  l^Finster- 
aarhorn  (4275  mètres)  et  où  la  Jungfrau,  presque 
aussi  élevée,  se  distingue  au  loin  par  le  dôme  d'un 
blanc  immaculé  qui  lui  a  valu  son  nom.  Du  côté  du 
Rhône,  les  Alpes  Bernoises  s'abaissent  en  pentes 
escarpées,  d'où  l'on  descend  par  l'escalier  vertigi- 
neux de  la  Gemmi  à  Louèche,  entre  Sion  et  le  Sim- 
plon. Du  côté  du  nord  au  contraire,  elles  olTrent 
une  foule  de  vallées  délicieuses  qui  ont  fait  la  ré- 
putation de  VOberland  bernois.  La  Lûtschine,  la 
Kander  et  la  Simme  les  parcourent  et  portent  à 
l'Aar  le  tribut  de  leurs  glaciers  et  de  cascades 
qui  jouissent  d'une  réputation  universelle.  Pen- 
dant l'été,  des  milliers  de  touristes  de  toutes  lan- 
gues et  de  toutes  nations  se  plaisent  à  contempler 
le  saut  hardi  du  Staubaeh  qui  tonibe  au-dessus 
de  Lauterbrunnen  en  une  blanche  nappe  poudreuse 
de  300  mètres  de  haut,  ou  les  chutes  brisées,  mais 
non  moins  imposantes,  du  Gicsshach  dans  le  lac  de 
Brienz,  ou  du  Reichenbach,  dans  la  vallée  de  Hasli, 
non  loin  du  point  où  l'Aar  forme  de  sa  masse  en- 
tière la  belle  cascade  de  la  H(mdeck.  Lacs  char- 
mants de  Thun  et  de  Brienz,  frais  ombrages  d'/w- 
terlaken,  panoramas  splendides  de  la  Jungfrau  avec 
ses  avalanches  inoffensives,  et  ses  glaciers  facile- 
ment accessibles,  tout  se  trouve  réuni  dans  ce 
coin  privilégié. 

Au  nord-est  des  Alpes  Bernoises,  entre  l'Aar  et 
la  Reussj  le  pays  des  foi-êts  d'Underwald  est  do- 
minéparl'Lri-Rothstock  (2930  mètres)  et  le  mont 
Titlis  ;22j0  mètres)  principal  nœud  des  Alpes  d'Uri. 

Au  delà  de  la  Reuss,  le  massif  du  Tôdi  3620  mè- 
tres) s'élève  sur  les  confins  des  Grisons,  de  Claris 
et  d'Uri.  Mais,  en  avant  de  ces  hautes  montagnes, 
des  chaînes  secondaires  couvrent  la  plus  grande 
partie  de  la  Suisse  jusqu'à  l'Aar  et  au  Rhin. 

Entre  le  Rhin,  le  lac  de  Constance  et  celui  de 
Wallenstadt,les  Alpes  de  Saint-Gall  sont  dominées 
par  le  Sunfis  et  la  montagne  des  Sept-Electeurs 
qui  plonge  à  pic  dans  la  nappe  du  gracieux  petit 
lac  de  Wallenstadt,  formé  par  un  ancien  sillon  qui 
livrait  passage  au  Rhin  entre  Ragatz  et  le  lac  de 
Zurich  ,  avant  que  le  fleuve  eût  pris  la  route  du 
lac  de  Constance.  C'est  du  Santis  que  descend  la 
Thur,  affluent  du  Rhin  au-dessous  de  Schaff'house 
et  qui  met  en  mouvement  les  usines  de  l'industrieux 
pays  d'e  Saint-Gall . 

De  même  la  Linth,  descenaue  du  Tôdi,  fait  tour- 
ner les  roues  des  manufactures  de  Claris  avant  de 
tomber  dans  le  lac  de  Zurich. 

Les  Alpes  de  Schwytz,  entre  la  Linth,  les  lacs 
de  Zurich  et  des  Quatre-Cantons,  sont  renommées 
pour  la  belle  race  de  bétail  qui  s'y  nourrit  ;  et 
celles  de  l'Emmenthal,  entre  la  Reuss,  au-dessous 
de  Lucerne,  l'Aar  et  les  lacs  de  Thun  et  de  Brienz, 
])ar  la  qualité  des  fromages  que  l'on  y  fabrique, 
(^(•ux-ci  ne  sont  pas  moins  recherchés  que  ceux 
(|ui  viennent  de  Gruyères,  dans  le  canton  de  Fri- 
bourg.  C'est  aux  Alpes  de  Schwytz  qu'appartient  le 
Rigi,  si  fameux  par  le  panorama  dont  on  y  jouit.  Les 
lacs  de  Lucerne  et  de  Zug  en  baignent  les  pieds, 
et  un  chemin  de  fer  conduit  maintenant  au  sommet 
de  la  montagne  les  touristes  curieux  de  contempler 
de  là  le  lever  du  soleil  sur  les  plus  beaux  glacier» 


ALPES 


—  102  — 


ALPES 


d'^s  Alpes  ou  son  coucher  derrière  la  ligne  bleue 
du  Jura.  L'Emme,  qui  parcourt  la  vallée  du  même 
nrm,  se  jette  dans  l'Aar  à  Soleure,  et  la  Sorhie. 
la  pittoresque  rivière  de  Fribourg,  rejoint  l'Aar  à 
quelques  lieues  en  aval  de  Berne. 

Du  côté  du  midi,  les  Alpes  Lépontiennes  ont 
pour  contre-fort  les  Alpes  de  Ltigano,  qui  envelop- 
p-  nt  le  lac  du  même  nom  et  plongent  dans  le  lac 
Majeur  et  le  lac  de  Côme  par  les  pentes  déjà  cou- 
vertes de  la  chaude  végétation  méridionale. 

A  partir  du  col  de  la  Maloin  (ls:O0  mètres)  que 
fi'anchit  la  route  de  Chiavenna  (Cliiavenna  est  en 
amont  du  lac  de  Côme,  au  pied  du  col  du  Spliigen 
au  nord  et  de  la  Maloia  à  l'est)  à  Saint-Maurice  de 
l'Engadine.  la  ligne  de  partage  des  eaux  quitte  la 
grande  chaîne  des  Alpes  pour  décrire  un  grand 
demi-cercle  qui  enveloppe  le  coude  du  Rhin  à  Coire. 
Au  pic  Linard.  la  chaîne  se  bifurque  :  à  l'ouest, 
If's  Ahes  Rhétiennes  séparent  le  canton  suisse 
des  Gi'isons  du  Voralberg  autrichien,  avant  de  finir 
ïur  la  rive  droite  du  Rliin,  en  face  du  lac  de  Wal- 
l^Mistadt,  tandis  qu'au  nord-est  une  haute  chaîne 
continue  à  suivre  la  rive  gauche  de  l'Inn,  en  pro- 
jetant au  nord  des  rameaux  qui  couvrent  tout  le 
Vorarlberg  et  la  Bavière  méridionale.  C'est  de  ces 
montagnes,  connues  sous  le  nom  A' Alpes  d'Allgau, 
que  sortent  Vlller,  qui  sert  de  limite  politique  entre 
le  Wurtemberg  et  la  Bavière,  le  Lech  qui  arrose 
Augsbourg.  Ylsar  qui  passe  à  Munich,  rivières  qui 
forment  toutes  au  débouché  des  montagnes  des 
lacs  charmants. 

Alpes  Rhétiqiies.  —  Elles  s'étendent  sur  une 
longueur  de  a30  kilomètres,  depuis  la  source  de 
rinn  jusqu'à  celles  de  la  Drave  et  de  l'Adige.  Leur 
crête  forme  d'abord  la  limite  entre  les  Grisons 
suisses  et  la  ValtcUne  italienne,  que  parcourt 
VAclda,  puis  entre  les  deux  parties  du  Tyrol,  où 
l'on  parle  italien  du  côté  du  sud,  et  allemand  sur 
le  versant  nord.  Le  premier  massif  important  est 
celui  du  Bcniina  (4000  mètres),  à  l'est  duqu  I  une 
route  de  même  nom  (2300  mètres)  fait  commu- 
niquer l'Engadine  et  la  Valteline. 

Au  fond  "de  la  'Valteline,  la  route  du  Stelvio 
^5800  mètres)  conduit  dans  la  haute  vallée  de 
l'Adige,  d'où  une  route  ramène  dans  l'Engadine 
par  le  laas  col  de  Rechen  (14.50  mètres).  La  route 
du  Stelvio,  conduisant  de  Milan  àinnsbruck  et  à 
"Vienne,  avait  la  plus  grande  importance  pour  les 
Autrichiens,  quand  ils  étaient  maîtres  de  la  Lom- 
bardie.  Au  delà  du  col  de  Rechen  commence  le 
haut  massif  de  VŒtzthal,  d'où  VAdige  s'écoule  au 
sud  et  d'où  d'autres  torrents  moins  importants 
vont  grossir  l'Inn,  au  nord.  Entre  la  Valteline  et 
la  rive  droite  de  l'Adige,  trois  hauts  massifs  s'étagent 
du  nord  au  sud-ouest.  IJOrtles,  couvert  de  gla- 
ciers, dresse  sa  magnifique  pyramide  (.3500  mètres) 
immédiatement  au  sud  du  passage  du  Stelvio;  puis 
au  delà  du  passage  du  Tonal  (2ûi!0  mètres)  que 
suit  la  route  de  Milan  à  Trente,  le  beau  massif  de 
VAdamello  (3ôôC  mètres)  donne  naissance  à  VOglio, 
qui  forme  le  lac  d'Iseo,  et  à  la  Chièse,  qui  ali- 
mente le  lac  d'Idro,  avant  de  s'unir  au  Pô.  Enfin, 
à  l'ouest,  entre  l'Oglio  et  la  Valteline,  la  Redorta 
couvre  de  ramifications  nombreuses  tout  le  pays 
de  Bergame. 

Si  l'on  quitte  la  vallée  de  l'Adige,  à  Botzen, 
pour  remonter  directement  au  nord,  on  trouve  le 
passage  du  Brenner  (1420  mètres),  où  passent  à  la 
fois  la  route  et  le  chemin  de  fer  de  Vérone  àinns- 
bruck. Enfin,  au  pic  des  Trois-Seigneiirs  (3i)8ô 
mètres),  qui  se  trouve  au  milieu  de  la  chaîne  dos 
Hohe  Touern,  sur  le  méridien  de  Venise,  finissent 
les  Alpes  Rhétiques  et  commencent  trois  autres 
chaînes  principales. 

Alpes  Noriques  et  voisines.  —  Au  nord,  les  Alpes 
de  Salzloiirg  couvrent  le  pays,  entre  l'Inn  et 
l'Enns,  de  gracieuses  montagnes  boisées,  où  les 
oaux  se  réunissent  dans  des   lacs  pittoresques,  et 


dont  les  principales  rivières  sont  la  Salzach  et  la 
Ti-aun.  La  première  arrose  Salzbourg  et  forme  la 
limite  entre  la  Bavière  et  l'Autriche.  La  seconde 
tombe  dans  hi  Danube  à  Lintz. 

Au  centre,  les  Alpes  Noriques  (ainsi  nommées 
du  nom  ancien  de  la  contrée  qu'elles  occupent) 
dressent  entre  l'Enns  et  la  Drave  naissante  l'énorme 
massif  des  Tauern,  on  l'on  distingue  le  Grand 
Sonneur  [Gross  Glockner),  la  plus  haute  cime  de 
l'Autriche  (3800  mètres).  La  chaîne  se  continue 
entre  la  Mur,  la  plus  importante  rivière  de  la 
Styrie,  qui  arrose  Grœtz,  et  VEnns  ;  puis,  s'abais- 
sant  au  col  du  Semmering  pour  laisser  passer  le 
chemin  de  for  de  Vienne  à  Trieste,  elle  vient  finir 
sur  les  bords  du  lac  Neusiedel,  tandis  qu'au  nord 
ses  ramifications  couvrent  toute  la  Basse-Autriche 
et  forcent  le  Danube  à  faire  mille  détours  entre 
Lintz  et  Vienne  par  les  obstacles  qu'elles  opposent 
à  son  cours. 

Alpes  Carniques.  — Du  pic  des  Trois-Seigneurs 
se  détachent  encore  vers  le  sud  les  Alpes  Car- 
niques,  qui  enveloppent  la  Vénétie  d'un  vaste 
demi-cercle.  Presque  à  leur  point  d'origine,  elles 
olTrent  un  col  assez  bas,  celui  de  Toblach  (1225 
mètres),  où  passe  la  route  de  Trente  à  Vienne.  A 
l'ouest  et  à  l'est  du  col,  les  vallées,  qui  descendent 
d'un  côté  vers  l'Adige  et  de  l'autre  vers  la  Drave, 
sont  assez  peu  rapides  pour  qu'on  ait  donné  à 
leur  ensemble  un  nom  unique ,  le  Pusterthal, 
comme  si  leurs  eaux  coulant  en  sens  inverse  ne 
formaient  qu'une  seule  et  môme  rivière. 

Les  Alpes  Carniques  descendent  au  sud  jusqu'à 
Vérone,  le  long  de  l'Adige,  qu'elles  empêchent 
ainsi  pendant  longtemps  de  prendre  sa  course  dé- 
finitive à  l'est,  vers  la  mer  Adriatique.  Du  côté  du 
sud,  elles  donnent  naissance  à  la  Brenta,  qui  arrose 
Padoue,  avant  de  finir  dans  les  lagunes  de  Venise, 
à  la  Piave,  qui  arrose  Bellune,  au  Tagliamento,  fa- 
meux par  le  passage  de  Bonaparte  avant  le  traité 
de  Campo  Formio,  et  à  ïlsonzo,  qui  arrose  Goritz. 
Au  nord  et  près  de  la  source  de  ce  dernier  fleuve, 
les  Alpes  Carniques  donnent  passage,  au  col  de 
Trirvis  (800  mètres j,  à  l'importante  route  de  Trieste 
à  Vienne,  puis  elles  viennent  finir  sur  les  confins 
du  Frloul,  de  la  Carinthie  et  de  la  Carniole,  au 
mont  Terglou  (2SG0  mètres),  limite  commune  des 
trois  nationalités  distinctes,  italienne,  allemande  et 
slavonne. 

D'un  développement  total  de  180  kiUm'f très,  les 
Alpes  Carniques  ont  leurs  cimes  les  plus  élevées 
dans  la  section  plus  spécialement  nommée  Alpes 
Cadoriques,  entre  l'Adige,  la  Piave  et  la  Brenta, 
ou  la  Marmolata  atteint  3500  mètres. 

Alpes  Juliennes  et  voisines.  —  A  l'est  du  mont 
Terglou,  les  Alpes  d'Esclavonie  "ou  Karawanka  sé- 
parent la  Carniole  au  sud  de  la  Carinthie  au  nord, 
et  s'étalent  entre  la  Drave  et  la  Save.  Au  sud  du 
Terglou,  les  Alpes  Juliennes  dressent  au  nord-est 
de  Trieste,  entre  la  péninsule  d'Istrie  et  la  Carniole, 
le  plateau  dénudé  du  Carst,  dont  le  sol  calcaire 
laisse  échapper  l'eau  par  mille  fissures,  puis  finissent 
au  mont  Bittoray,  à  l'est  du  golfe  de  Quarnero, 
près  de  la  route  de  Fiume  à  Agram. 

Là  s'arrête  la  vraie  chaîne  des  Alpes,  bien  qu'on 
appelle  encore  Alpes  Dinar iques  des  montagnes 
qui  se  prolongent  à  travers  la  Croatie  dans  la  pé- 
ninsule des  Balkans.  [G.  Meissas.J 

OiivragoN  il  consulter.  —  De  Saussure,  Voyage  dam 
les  Alpes.  —  Tscluuli,  Le  monde  des  Alpes.  Bàle,  1870.  — 
Whymper,  Escalades  dans  les  Alpes.  Traduction  d'Ad. 
Joaniie.  —  Dup.iignc,  Les  montagnes.  —  Tœppfer,  Voyages 
en  zigzag  ou  Excursions  d'un  pensionnat  en  vacances  en 
Suisse  et  sur  le  revers  méridional  des  Alpes.  —  Zurcher  et 
MarjçoUé,  Les  ascensions  célèbres.  —  Rambcrt,  Les  Alpes 
suisses.  —  Durier,  Le  Mont-Blanc.  —  Annuaire  du  Club 
alpin  français.  —  Lev.isseur,  La  France,  p.  18-46.  On  trou- 
veiM  ilo  ti-cs-uonibreux  sujets  de  lectures  et  de  diclcrs  infé- 
r('?«:intcs  dans  tous  ces  ouvrages,  notamment  dans  Tschudi, 
Ttrppfor  et  Kumbert. 


AMÉRIQUE 


—  103  — 


AMERIQUE 


AMERIQUE.  —  Géographie  générale,  m  et  IV. 
—  (Etym.  :  du  nom  du  navigateur  Florentin  Amé- 
ric  Vespuce,  dont  les  relations  furent  les  premières 
à  populariser  en  Europe  la  découverte  du  nouveau- 
monde).  —  V.  Découvertes. 

I.  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE,  COUP  D'ŒIL  GÉNÉRAL. 
Situation  et  configuration.  —  I.  Forme  géné- 
rale. —  L'Amérique  forme  à  elle  seule  un  conti- 
nent, qui  baigne  à  l'ouest  dans  l'océan  Pacifique  ou 
grand  Océan,  et  à  l'est  dans  l'océan  Atlantique. 

Le  continent  américain  forme  deux  grandes  îles 
triangulaires,  réunies  entre  elles  par  un  isthme 
montueux.  L'île  du  nord  porte  naturellement  le 
nom  à! Amérique  septentrionale  et  celle  du  sud 
celui  A' Amérique  méridionale;  l'isthme  qui  les 
joint,  c'est  VAmérique  centrale.  Dans  les  deux 
triangles,  la  base  est  tournée  vers  le  nord  et  le 
sommet  vers  le  sud. 

Dimensions  et  populations.  —  L'Amérique  sep- 
tentrionale est  un  peu  plus  grande  que  l'Amérique 
méridionale  et  surtout  beaucoup  plus  peuplée.  Les 
habitants  y  sont  environ  deux  fois  aussi  nombreux 
que  dans  l'Amérique  du  sud.  A  elles  deux  elles  ont 
de  75  à  80  millions  d'habitants. 

Au  nord-ouest,  l'Amérique  se  termine  par  le 
cap  du  Prince  de  Galles,  qui  n'est  séparé  de  l'Asie 
que  par  le  détroit  de  Behring.  Au  sud,  elle  aboutit 
au  cap  Horn,  d'où  l'on  domine  l'immensité  de 
l'Océan  austral.  Il  y  a  ISOOO  kilomètres  de  l'un  h 
l'autre  en  suivant  l'axe  de  l'Amérique,  autant  que 
pour  traverser  l'ancien  continent  depuis  Gibraltar 
jusqu'au  détroit  de  Behring.  Cependant  l'Amérique 
est  plus  petite  que  l'Asie  ;  elle  équivaut  environ  à 
quatre  fois  l'Europe. 

Limites  extrêmes.  —  Le  cap  Horn  est  par  55°  de 
latitude  sud  environ.  L'Amérique  septentrionale 
s'approche  beaucoup  plus  du  pôle.  Les' naviga- 
teurs se  sont  avancés  de  ce  côté  au  delà  de  82°  de 
latitude,  en  voyant  des  terres  s'étendre  à  l'ouest  et 
à  l'est  de  la  route  qu'ils  avaient  parcourue.  A  l'ouest. 
l'Amérique  septentrionale  s'étend  jusqu'au  170°  de 
longitude,  et  l'Amérique  méridionale  dépasse  h  l'est 
le  A0°  de  longitude  ouest  de  Paris. 

Distance  de  l'Europe  et  de  l'Asie.  —  Dix  jours 
suffisent  maintenant  à  un  bateau  h  vapeur  pour 
parcourir  les  60u0  kilomètres  qui  séparent  la  France 
ou  l'Angleterre  des  États-Unis.  La  distance  serait 
moitié  moindre  du  cap  Vert  d'Afrique  à  la  côte  du 
Brésil.  Quant  à  la  traversée  du  Pacifique,  elle  est 
beaucoup  plus  longue,  et  il  faut  bien  20  jours  pour 
aller  de  Californie  au  Japon. 

II.  Côtes,  golfes  et  îles. —  En  suivant  les  côtes  de 
l'Amérique,  on  remarque  :  au  nord,  la  baie  d'Hud- 
son  qui  entaille  profondément  l'Amérique  septen- 
trionale, puis  les  nombreuses  îles  qui  s'étendent 
entre  cette  baie  et  le  Groenland:  à  l'est,  Vile  de 
Ten'e-Neuve,  en  face  du  golfe  de  Saint-Laurent, 
puis  les  presqu'îles  de  la  Floride  et  du  Yucatan 
qui  enveloppent  le  golfe  du  Mexique. 

Entre  l'Amérique  centrale,  la  côte  nord  de  l'Amé- 
rique méridionale  et  les  Antilles  s'étend  la  mer  à 
laquelle  ces  belles  îles  ont  donné  leur  nom. 

Les  côtes  sont  plus  découpées  dans  l'Amérique 
septentrionale  que  dans  l'Amérique  méridionale.  Il 
faut  cependant  citer  dans  cette  dernière  les  estuaires 
du  fleuve  des  Amazones  et  de  la  Plata  sur  l'océan 
Atlantique;  les  groupes  d'îles  qui  avoisinent  le  cap 
ilorn,  puis  la  côte  du  Chili,  sur  l'océan  Pacifique. 
L'Amérique  septentrionale  forme  sur  cette  mer  la 
longue  presqu'île  de  Vieille-Californie,  qui  est  sé- 
l>arée  du  continent  parle  golfe  de  Californie,  qu'on 
appelle  quelquefois  mer  Vermeille.  Plus  au  nord, 
\in  remarque  la  longue  île  de  Vancouver,  et  les  ar- 
chipels voisins  que  d'étroits  canaux  séparent  de  la 
terre  ferme,  et  enfin  la  presqu'île  à' Alaska,  c\\x\ 
unit  le  continent  américain  aux  îles  Aléoutiennex 
au  sud  de  la  mer  de  Behring. 


Relief  du  sol,  aspect  intérieur  du  continent.  ^ 

I.  Ohographie.  —  La  chaîne  littorale  du  Pacifique.  — 
Une  longue  chaîne  de  montagnes  qui  suit  de  près  le 
littoral  du  Pacifique  sépare  le  bassin  de  cette  mer 
de  ceux  de  l'Atlantique  et  de  l'océan  Glacial  du 
nord.  Dans  l'Amérique  méridionale,  elle  porte  le 
nom  de  Cordillères  des  Andes,  et  renferme  plu- 
sieurs pics  hauts  de  (!  à  7000  mètres.  Les  volcans, 
nombreux  dans  l'Equateur,  le  Pérou,  la  Bolivie  et 
le  Chili, n'ont  pas  tous  perdu  leur  funeste  activité, 
et  ces  régions  sont  souvent  bouleversées  par  leurs 
éruptions  et  les  commotions  souterraines. 

Dans  l'Amérique  centrale,  la  chaîne  est  brisée 
à  plusieurs  reprises  et  offre  plusieurs  passages  fa- 
ciles pour  aller  d'une  mer  à  l'autre.  Les  volcans  y 
sont  encore  fort  nombreux.  Au  Mexique,  le  sou- 
lèvement s'élargit  en  un  large  plateau  de  2000  mè- 
tres d'altitude  moyenne  que  dominent  des  cimes 
plus  élevées.  Aux  États-Unis,  entre  la  Sierra  Ne- 
vada qui  suit  la  côte  et  les  montagnes  Rocheuses 
qui  dominent  la  prairie  américaine,  s'étendent 
plusieurs  bassins  fermés  dont  les  eaux  s'amassent 
dans  des  lacs  sans  écoulement  ou  s'échappent  au 
dehors  par  des  canons,  défilés  d'une  sauvage 
grandeur.  Les  montagnes  Rocheuses  offrent  encore 
des  canons  dans  la  Nouvelle-Bretagne,  puis  vont  en 
s'abaisssant  vers  l'Océan  glacial. 

Autres  chaînes  de  montagnes.  —  Du  côté  de 
l'Atlantique,  les  montagnes  sont  beaucoup  moins 
importantes.  Dans  l'Amérique  septentrionale,  les 
Alleg/ianys,  qui  .réparent  les  États  bordant  l'Atlan- 
tique de  ceux  qui  versent  leurs  eaux  dans  le  Mis- 
sissipi,  sont  des  montagnes  moyennes  n'atteignant 
nulle  part  2000  mètres. 

Dans  l'Amérique  méridionale,  on  remarque  la 
curieuse  Sierra  de  Sainte-Marthe,  qui  se  dresse  à 
4000  mètres  sur  le  bord  de  la  mer  des  Antilles 
entre  l'embouchure  de  la  Madeleine  et  le  golfe  de 
Maracaybo,  puis  les  Sierras  qui  s'élèvent  autour  de 
Rio-de-Janeiro,  au  Brésil.  Dans  l'intérieur  de  ce 
pays  et  dans  le  Venezuela  ou  la  Guyane,  se  trouvent 
de  hauts  plateaux  plutôt  que  des  chaînes  caracté- 
risées. Les  rivières  qui  coulent  vers  des  bassins 
différents  n'y  sont  point  nettement  séparées  près 
de  leurs  sources,  mais  s'échappent  généralement 
par  des  cataractes  des  plateaux  où  elles  se  sont 
formées  vers  la  mer  qui  doit  les  absorber. 

Plaines.  —  L'Amérique  renferme  beaucoup  plus 
de  plaines  que  l'Europe  occidentale  et  surtout  de 
plus  vastes.  La  Nouvelle-Bretagne  et  le  bassin  du 
Mississipi  n'offrent  presque  aucune  ondulation  sur 
leur  immense  étendue.  Il  en  est  de  même  des 
llanos  du  Venezuela  et  de  la  Guyane  et  des  pampas 
de  la  Plata. 

IL  Climat.  —  A  latitude  égale,  l'Amérique  septen- 
trionale est  soumise  à  un  climat  beaucoup  plus 
froid  que  celui  de  l'Europe  pendant  l'hiver.  Les 
vents  froids  du  pôle  soufflent  sans  obstacle  jusqu'au 
golfe  du  Mexique,  et  du  côté  de  l'Atlantique,  un 
courant,  qui  vient  aussi  du  nord,  charrie  des  mon- 
tagnes de  glace,  dont  la  fonte  amène  des  brumes 
glaciales.  Pendant  l'hiver  les  ports  restent  bloqués 
par  les  glaces  jusque  vers  le  50'  de  latitude.  Du 
côté  du  Pacifique,  les  montagnes  arrêtent  au  pas- 
sage les  vents  du  pôle,  et  le  littoral  est  baigné 
par  un  courant  chaud  venu  du  Japon.  Aussi  le 
climat  de  la  Californie  est-il  fort  doux,  même  pen- 
dant l'hiver.  Quant  h.  l'été,  il  est  partout  très-chaud. 
Dans  l'Amérique  méridionale,  le  climat  est  géné- 
ralement fort  beau.  La  plus  grande  partie  en  est 
comprise  entre  les  tropiques  et  reçoit  des  pluies 
très-abondantes,  qui  donnent  aux  plantes  un  su- 
perbe développement.  Le  sol,  abrité  par  d'épaisses 
forêts,  arrosé  par  de  nombreux  et  puissants  cours 
d'eau,  n'est  pas  brûlé  par  le  soleil  comme  les  dé- 
serts de  l'Arabie  ou  du  Sahara.  Par  un  contraste 
singulier,  le  littoral  du  Pacifique,  au  midi  du  Pé- 
rou, ne  reçoit  jamais  une  goutte  d'eau  et  est  horri- 


AMÉRIQUE 


—  lOi  — 


AMERIQUE 


Dlement  aride  partout  où  il  n'est  pas  rafraîchi  par 
des  torrents  venus  des  Andes. 

Les  Antilles  sont  soumises  h  de  violents  oura- 
gans qui  y  causent  de  fréquents  désastres. 

III.  Bassins  et  fleuves  principaux.  —  Amérique 
septentrionale.  —  L'Amérique  du  nord  partage  ses 
eaux  entre  la  mer  de  Behring,  l'océan  Glacial  du 
nord,  la  baie  d'IIudson,  l'Atlantique,  le  golfe  du 
Mexique,  le  Pacifique. 

Le  Jotikon  porte  à  la  mer  de  Behring  les  eaux 
de  l'Alaska,  l'ancienne  Amérique  russe.  La  Nou- 
velle-Bretagne envoie  le  Mackcnzie  à  l'océan  Gla 
cial,  et  le  Nelson  à  la  baie  d'Hudson.  Cette  contrée 
renferme  de  nombreux  lacs,  dont  plusieurs  sont 
immenses  et  dont  les  plus  célèbres,  le  Supérieur, 
le  Michigon,  VHuron,  VÉrié  et  \Ontario  se  déver- 
sent ensemble  par  le  Saint-Laurent  dans  l'Atlan- 
tique. On  remarque  sur  le  littoral  atlantique  des 
États-Unis  :  YHudson,  sur  lequel  est  située  New- 
York,  la  ville  la  plus  peuplée  et  le  port  le  plus 
commerçant  du  Nouveau  Monde,  et  la  Delaware, 
qui  forme  le  port  de  Philadelphie,  la  seconde  ville 
des  États-Unis.  Le  golfe  du  Mexique  reçoit  le  Mis- 
sissipi,  l'un  des  plus  grands  fleuves  du  monde  par 
la  longueur  de  son  cours  et  l'abondance  de  ses 
eaux,  et  le  Rio  del  Norte,  qui  sépare  les  États- 
Unis  du  Mexique.  Du  côté  du  Pacifique,  citons  le 
Colorado,  qui  débouche  dans  le  golfe  de  Califor- 
nie, la  Colombia  ou  Orégon,  tous  deux  appartenant 
aux  États-Unis,  et  le  Fraser,  qui  débouche  de  la 
Colombie  anglaise  en  face  de  Vancouver. 

Amérique  méridionale.  —  Dans  l'Amérique  mé- 
ridionale, la  Madeleine  porte  à  la  mer  des  Antilles 
les  eaux  de  la  Colombie.  Dans  l'Atlantique  débou- 
chent VOrénoque,  qui  lui  apporte  les  eaux  du  Ve- 
nezuela, puis  ïAmazoîie,  le  plus  srrand  fleuve  du 
monde,  le  Tocantins,  le  San-Fra7icisco,  qui  renfer- 
ment dans  leurs  bassins  l'empire  du  Brésil  presque 
tout  entier,  et  enfin  le  fleuve  considérable  de  la 
Plata. 

Portages.  —  Plusieurs  de  ces  cours  d'eau  sont 
navigables  à  une  grande  distance  de  leur  embou- 
chure. Ainsi  on  peut  remonter  sur  le  Missouri 
jusqu'à  7000  kilom.  de  l'embouchure  du  Mis- 
sissipi.  Souvent  même,  sur  la  limite  de  deux  bas- 
sins différents,  les  eaux  se  confondent  les  unes 
avec  les  autres.  Ainsi  le  Cassiquiaré  met  en  com- 
munication les  eaux  de  rOrénoque  avec  celles  du 
Rio  Negro  qui  coule  au  sud  vers  l'Amazone.  Les 
sources  du  Paraguay  sont  alimentées  par  les  ma- 
rais de  Xerayès,  qui  se  déversent  également  au 
nord  vers  l'Amazone.  Ailleurs  ces  rivières  sont  sé- 
parées par  de  faibles  intervalles,  appelés  portages, 
parce  qu'on  y  transporte  les  colis  et  les  embarca- 
tions d'un  cours  d'eau  à  l'autre.  La  Nouvelle-Bre- 
tagne en  présente  un  très-grand  nombre  d'exem- 
ples. Et  dans  nul  pays  au  monde  les  voyages  par 
eau  ne  sont  aussi  longs  qu'en  Amérique. 

il.  AiVIÉRIQUE  DU   NORD. 

Groenland.  —  Le  Groenland  ne  mérite  plus  au- 
jourd'hui ce  nom  de  Terre-Verte  que  les  premiers 
navigateurs  qui  l'aperçurent  lui  donnèrent,  sans 
doute  avec  raison,  à  en  juger  par  les  restes  fossiles 
d'arbres  et  de  plantes  qu'on  y  retrouve  enfouis 
jusque  sous  une  latitude  élevée.  A  la  côte  orien- 
tale est  attachée,  presque  toute  l'année,  une  han- 
quise  de  glaçons  qui  s'étend  au  nord  de  l'Islande 
et  vers  le  Spitzberg;  la  côte  occidentale  est  seule 
habitée  dans  quelques  fiords  abrités  du  froid.  Le 
sol  s'élève  rapidement  à  l'intérieur,  pour  former  un 
plateau  de  plusieurs  centaines  de  mètres  d'altitude, 
d'où  descendent  les  plus  grands  glaciers  du  monde. 
Aussi  le  pays  est-il  fort  peu  peuplé  et  sans  grandes 
relations  avec  le  reste  du  monde. 

Chaque  année,  le  gouvernement  danois,  dont  dé- 
pend ce  pays ,  envoie  un  navire  ravitailler  les 
postes  échelonnés  depuis    le   cap    Farcwell.    qui 


termine  le  Groenland  au  sud.  jusqu'au  delà  du 
70'  de  latitude.  Quelques  milliers  d'Esquimaux, 
convertis  au  christianisme  par  les  frères  moravcs, 
entretiennent  seuls  quelque  commerce.  D'autres, 
restés  païens,  vivent  jusque  sous  le  SO^  de  latitude. 
C'est  une  race  de  petite  taille,  dont  on  trouve  des 
représentants  sur  toutes  les  côtes  de  l'océan  Gla- 
cial et  dont  la  pêche  et  la  chasse  aux  phoques  font 
la  principale  occupation.  Canotiers  intrépides,  ils 
ont  souvent  fourni  des  auxiliaires  fort  utiles  aux 
navires  qui  s'aventurent  dans  les  mers  arctiques. 
On  ignore  si  le  Groenland  est  une  île,  ou  se  rat- 
tache, au  nord,  à  quelque  continent  encore  in- 
connu. 

Terres  arctiques.  —  A  l'ouest,  un  canal  qui  pro- 
longe vers  le  nord  la  mer  de  Baffin,  et  par  où  les 
Américains  Hayes  et  Hall  et  l'Anglais  Nares  ont  en 
vain  tâché  d'atteindre  le  pôle,  sépare  le  Groenland 
des  archipels  illustrés  par  les  voyages  de  Mackenzie, 
de  Parry,  des  deux  Ross,  de  Franklin  et  de  Mac- 
Clure.  qui  y  découvrit,  en  1850,  le  passage  si  re- 
cherché du  nord-ouest,  c'est-à-dire  une  voie  navi- 
gable contournant  au  nord  le  continent  américain. 
Toutes  ces  terres  et  les  bras  de  mer  qui  les  sé- 
parent sont  recouverts  de  glace  d'une  manière 
presque  continue. 

Amérique  anglaise  ou  Nouvelle-Bretagne.  — 
Au  sud  de  ces  archipels,  l'empire  britannique  pos- 
sède la  Nouvelle-Bretagne,  terre  immense  de  neuf 
millions  de  kilom.  carres,  dont  la  partie  septentrio- 
nale est  frappée  de  stérilité.  Cette  contrée  ren- 
ferme les  territoires  de  la  baie  d'Hudson,  la  Co- 
lombie (sur  le  Pacifique),  le  Canada,  le  Labrador, 
la  Nouvelle-Ecosse,  le  Nouveau-Brun swick,  les  îles 
du  golfe  Saint-Laurent  et  Terre-Neuve,  pays  qui 
appartiennent  tous,  sauf  Terre-Neuve,  au  gouverne- 
ment qui  porte  le  nom  de  Dominion  ou  Puissance 
du  Canada. 

Territoire  de  la  baie  d'Hudson.  —  La  baie 
d'Hudson  est  prise  par  les  glaces  pendant  neuf  mois 
de  l'année,  puis  le  dégel  est  si  actif,  qu'il  engendre 
une  masse  énorme  de  vapeurs  qui  la  recouvrent  d'un 
brouillard  impénétrable.  Ce  pays  est  par  excellence 
le  terrain  de  la  chasse  aux  fourrures,  et  pendant 
longtemps  une  compagnie  anglaise  particulière  a 
joui  du  monopole  de  ce  commerce.  Avant  elle,  les 
Français,  maîtres  du  Canada,  avaient  répandu  au 
loin  leur  religion,  leur  langue  et  aussi  leur  descen- 
dance. Les  noms  des  rivières,  des  lacs,  des 
cascades,  des  stations  rappellent  partout  leur  sou- 
venir. Le  pays  est  parcouru  par  quelques  dizaines 
de  milliers  d'Indiens  ou  de  métis  ayant  souvent  du 
sang  français  dans  les  veines  et  restés  fidèles  au 
catholicisme. 

Lacs  et  rivières.  —  Des  lacs  immenses,  des  rivières 
«  aux  eaux  cristallines  »  sillonnent  en  grand 
nombre  cette  contrée.  Le  Mackenzie  n'a  pas  moins 
de  4000  kilom.  depuis  la  naissance  de  l'Athabasca 
au  mont  Brown,  qui  dresse  sa  cime  de  5000  mètres 
dans  les  montagnes  Rocheuses  sous  le  51'  de  lati- 
tude, jusqu'à  l'emboiichure  du  fleuve  dans  l'océan 
Glacial,  sous  le  G9<>  de  latitude.  Le  Mackenzie  sert 
de  déversoir  au  lac  Athabasca,  à  celui  des  Esclaves, 
et  au  lac  Grand-Ours ,  qui  couvrent  ensemble 
100  000  kilom.  carrés,  la  cinquième  partie  de  la 
France,  et  il  est  grossi  par  les  rivières  de  la  Paix 
et  aux  Liards  qui,  nées  à  l'ouest  des  montagnes 
Rocheuses,  les  traversent  par  des  canons  d'une 
sauvage  grandeur. 

Le  Nelson  porte  de  son  côté  à  la  baie  d'Hudson 
une  masse  énorme  d'eaux  qui  s'est  rassemblée  dans 
le  grand  lac  Winnipeg,  où  se  réunissent  le  Sas- 
katchouan  venu  des  montagnes  Rocheuses,  la  ri- 
vière Rouge  du  nord  venue  des  prairies  du  Minne- 
sota, au  nord  des  États-Unis,  et  les  eaux  que  la 
rivière  Winnipeg  ramasse  dans  une  foule  de  petits 
lacs  répandus  entre  le  lac  Supérieur  et  le  lac 
Winnipeg. 


AMERIQUE 


—  105 


AMÉRIQUE 


Le  long  de  ces  rivières  on  rencontre  de  distance 
en  distance  les  anciens  postes  de  la  Compagnie.  Ce 
sont  des  magasins  où  les  agents  de  la  Compagnie 
déposaient  leurs  marchandises  et  opéraient  leurs 
échanges.  Des  palissades  les  entourent  pour  les 
mettre  à  l'abri  des  pillards.  D'immenses  intervalles 
séparent  souvent  les  postes  les  uns  des  autres. 
Mais  les  portages  rendent  les  transports  par  eau 
assez  faciles,  et  les  Indiens  ne  craignent  point  les 
rapides.  Pendant  l'hiver,  quand  tous  les  lacs  et  les 
cours  d'eau  sont  gelés,  et  la  terre  couverte  de  neige, 
ces  mêmes  Indiens,  chaussés  de  légères  raquettes, 
parcourent  à  pied  d'un  pas  rapide  des  distances 
considérables.  Et  leurs  chiens,  dévoués  et  infati- 
gables, attelés  aux  traîneaux,  traversent  d'un  bout 
à  l'autre  ce  pays  grand  comme  l'Europe.  Ces  longs 
voyages  ne  sont  pas  dépourvus  de  ciiarmes.  Si  le 
soleil  n'apparaît  plus  qu'un  instant  chaque  jour,  on 
est  dédommagé  de  la  longueur  des  nuits  par  la 
pureté  de  l'atmosphère  qui  laisse  voir  dans  tout 
son  éclat  la  voûte  céleste  toute  scintillante  d'étoiles 
ou  illuminée  par  la  lueur  des  aurores  boréales. 

Plus  on  descend  vers  le  sud,  plus  le  pays  de- 
vient susceptible  de  culture.  Deux  colonies  ont 
déjà  été  fondées  depuis  quelques  années  sur  le 
territoire  de  la  baie  dHudson.  La  plus  importante, 
■celle  de  ^ianitoba.  est  sur  les  bords  de  la  rivière 
Rouge  du  Nord,  affluent  du  fleuve  Xelson,  non  loin  de 
la  frontière  des  Etats-Unis.  La  colonie  de  Kewatin  . 
qui  ne  fait  que  naître,  est  plus  au  nord,  le  long  de 
la  Saskatchouan,  du  lac  Winnipeg  et  du  fleuve 
Nelson. 

Le  C.\xada.  —  La  faible  élévation  qui  porte  le 
nom  de  Hauteur  des  Terres,  sépare  le  bassin  de  la 
baie  d'Hudson  de  celui  du  Saint-Laurent.  Néan- 
moins il  s'en  écoule  des  masses  d'eau  considérables 
qui  se  réunissent  en  lacs  dans  des  cuvettes  de 
granit,  au  sein  de  forêts  que  n'a  pas  encore  enta- 
mées la  hache  du  bûcheron.  De  \h  sortent  l'Ottav^a. 
le  Saint-Maurice,  le  Saguenay,  dont  les  chutes  met- 
tent en  mouvement  une  foule  d'usines  et  de 
scieries.  Le  pays  qu'ils  arrosent,  c'est  le  Canada, 
que  la  France  a  eu  le  malheur  de  perdre  en  1763, 
mais  où  sa  race  et  sa  langue  sont  encore  domi- 
nantes sur  plusieurs  points. 

Hatit  et  Bas-Canada,  les  Canadiens  anglais  et 
les  Franco-Canadiens.  —  Le  Canada  comprend 
deux  provinces,  celle  de  Québec  ou  Bas-Canada,  et 
celle  d'Ontario  ou  Haut-Canada.  Les  Franco-Cana- 
diens, fidèles  à  la  langue  française,  sont  en  majo- 
rité dans  le  Bas-Canada,  qui  occupe  le  bassin  in- 
férieur du  Saint-Laurent  et  la  rive  gauche  de 
l'Ottawa,  tandis  que  la  race  anglo-saxonne  et  la 
langue  anglaise  l'emportent  dans  la  province  d'On- 
tario, limitée  au  nord  par  l'Ottawa,  et  au  sud  par 
le  Saint-Laurent  et  les  grands  lacs.  Ceux-ci  mo- 
dèrent les  écarts  de  température  tout  autour  d'eux,, 
et  le  Haut-Canada  jouit  aussi  d'un  climat  plus  égal 
que  le  Bas-Canada.  jMais,  dans  ce  dernier,  la  ri- 
gueur des  hivers  fortifie  le  tempérament  des  habi- 
tants, et  la  race  franco-canadienne,  beaucoup  plus 
vigoureuse  que  l'anglo-saxonne,  est  en  progrès  et 
défriche  de  plus  en  plus  la  forêt  pour  s'y  tailler 
des  terres  de  labour.  Cette  province  renferme  les 
deux  villes  les  plus  populeuses  du  Canada,  Mont- 
réal et  Québec,  dont  la  première  compte  déjà  plus 
de  cent  mille  habitants.  La  capitale  du  Dominion, 
Ottawa,  s'élève  sur  la  limite  des  deux  provinces.  Pays 
de  culture  et  de  forêts,  le  Canada  n'a  guère  d'autres 
industries  que  celles  qui  ont  trait  à  l'exploitation 
des  forêts,  à  la  construction  des  navires  et  à  la 
pêche.  Sa  population  n'atteint  pas  encore  3  mil- 
lions d'habitants. 

Le  Saint-Laurent.  —  Le  Saint-Laurent  se  forme 
d'abord  des  torrents  qui  alimentent  le  lac  Supé- 
rieur, la  plus  grande  masse  d'eau  douce  qui  existe 
à  la  surface  de  la  terre.  La  superficie  en  équivaut  à 
celle  de  15  ou   16  départements  français,   sa  pro- 


fondeur va  jusqu  à  200  mètres,  et  sa  surface  est 
agitée  par  les  vagues  comme  celle  de  l'Océan.  Par 
le  sault  Sainte-Marie,  les  eaux  du  lac  Supérieur 
s'écoulent  dans  le  lac  Huron,  qui  couvre  encore 
plus  de  5  millions  d'hectares  et  qui  communique 
au  nord-ouest  par  un  canal  resserré  avec  le  lac 
Michigan,  vaste  nappe  sur  les  rives  de  laquelle  s'é- 
lèvent deux  grandes  villes  des  États-Unis,  Chicago 
et  Milwaiikee.  Du  kic  Huron,  les  eaux  s'échappent 
par  la  rivière  et  le  lac  Saint-Clair,  puis  par  la  rivière 
Détroit,  qui  tombe  dans  un  quatrième  grand  lac, 
le  lac  Érié.  C'est  entre  celui-ci  et  le  lac  Ontario 
que  les  eaux  forment  la  fameuse  cataracte  du  Nia- 
gara, qui  est  la  plus  célèbre  de  tout  l'univers,  si 
elle  n'en  est  pas  la  plus  imposante.  Le  flot,  d'un 
débit  de  7ôOit  mètres  cubes  par  seconde,  apiès 
avoir  traversé  de  nombreux  rapides,  se  précii)ite 
dune  hauteur  verticale  de  ôO  mètres  sur  une  lar- 
geur de  près  de  OiU)  mètres  qu'une  île  partage  on 
deux  bras  inégaux.  En  aval  du  lac  Ontario,  le  fleuve 
prend  le  nom  de  Saint-Laurent.  Tantôt  élargi  en 
lac,  tantôt  resserré  entre  des  rives  escarpées,  se 
brisant  plusieurs  fois  sur  des  rapides,  et  se  gros- 
sissant de  plus  en  plus  par  les  affluents  qu'il  re- 
çoit au  nord  et  au  midi,  le  Saint  Laurent  est  un 
des  plus  beaux  fleuves  du  monde  à  son  embou- 
chure :  là  il  est  à  4000  kilom.  de  sa  source,  et  il  y 
déverse  en  moj'enne  12  î  00  mètres  cubes  d'eau  par 
seconde  dans  l'Océan.  De  grands  navires  en  sil- 
lonnent les  eaux,  quand  il  n'est  pas  obstrué  par  les 
glaces,  et  tournant  à  laide  de  canaux  les  r;ipides 
qu'ils  ne  pourraient  pas  remonter,  ou  les  descen- 
dant sous  la  conduite  d'intrépides  pilotes,  ils 
viennent  charger  à  Québec  et  à  Montréal  les  bois 
du  Canada,  ou  au  fond  du  lac  Michigan  les  blés  et 
les  viandes  salées  de  Chicago. 

Laùrador.  —  Au  nord-est  du  Canada,  le  Labra- 
dor n'est  pas  une  terre  favorable  aux  laboureurs, 
comme  son  nom  semble  le  faire  croire.  Le  climat 
en  est  trop  rude  et  les  roches  trop  nues  pour  que 
les  rares  habitants  y  puissent  subsister  autrement 
qu'avec  les  ressources  de  la  pêche. 

Terre-Neuve.  —  En  franchissant  le  détroit  de, 
Belle-Ile,  on  passe  du  Labrador  sur  l'île  de  Terre- 
Neuve,  dont  les  rivages  sont  fréquentés  chaque 
année  par  les  pêcheurs  anglais,  américains,  fran- 
çais qui  viennent  y  chercher  la  morue.  C'est  un 
rude  métier  où  s'aguerrissent  les  marins  au  milieu 
des  brouillards  et  des  tempêtes.  Les  petites  îles  de 
Saiyit-Pierre  et  Miquelon,  au  sud  de  Terre-Neuve, 
sont  les  derniers  restes  des  possessions  françaises 
dans  ces  parages.  A  l'est  s'étend  le  banc  sur  lequel 
se  fait  la  pèche.  La  formation  en  est  due  à  la  ren- 
contre du  courant  polaire  froid  et  du  courant 
chaud  du  Gulfstreani  qui  a  lieu  dans  ces  parages. 
En  fondant,  les  montagnes  de  glace  laissent  tom- 
ber, au  fond  de  la  mer,  les  blocs  et  les  graviers 
qu'elles  tenaient  emprisonnés  dans  leur  masse  et 
comblent  ainsi  de  plus  en  plus  les  abîmes. 

Iles  du  golfe  Saint-Laurent.  —  La  France  a 
perdu  au  siècle  dernier  Vile  du  Prince-Edouard,  et 
celle  du  cap  Breton,  qui  possède  de  riches  mines 
de  houille,  mais  où  les  murailles  de  Louisbourg, 
élevées  autrefois  par  nous  à  grands  frais,  ne  ren- 
ferment plus  maintenant  qu'un  village.  Dans  toutes 
ces  îles,  la  population  clairsemée  s'adonne  à  la 
pêche  et  à  l'élevage  du  bétail  plutôt  qu'à  la  culture. 

NouvELLE-ÉcossE  OU  AcADiE.  — Sur  le  continent, 
la  presqu'île  de  la  Nouvelle-Ecosse  rappelle  la 
terre  européenne  dont  elle  porte  le  nom  par  son 
aspect  et  son  climat.  A  l'ouest,  la  baie  de  Fundy, 
qui  la  sépare  du  Nouveau-Brunswick,  est  agitée 
par  des  marées  très-violentes.  A  l'est,  sur  la  côte 
de  l'Atlantique,  l'excellent  port  d'Halifax  s'ouvre  le 
premier  aux  navires  arrivant  d'Europe.  Quand  elle 
nous  appartenait,  la  Nouvelle-Ecosse  s'appelait 
Acadie,  et  Longfellow  a  poétisé  les  malheurs  des 
infortunés    Canadiens    français    que    les    Anglais 


AMERIQUE 


lOG  — 


AMERIQUE 


chassèrent  violemment  de  leurs  foyers,  quand  la 
paix  d'Utrecht  les  rendit  maîlres  de  ce  territoire. 

Nouveau-Brunswick.  —  Le  JNouveau-Brunswick 
ressemble  au  Bas-Canada  par  ses  bois,  ses  lacs, 
ses  cascades  et  ses  rivières,  dont  la  plus  con- 
sidérable, le  Saint-Jean^  vient  finir  dans  la  baie  de 
Fundy. 

A  eux  deux,  la  Nouvelle-Ecosse  et  le  Nouveau- 
Brunswick  ne  renferment  que  700  000  habitants. 
La  population  clairsemée  ne  dépasse  pas  5  à  6  ha- 
bitants par  kilomètre.  La  race  française  en  consti- 
tue une  notable  proportion. 

Colombie.  —  A  l'ouest  des  monta2;nes  Rocheuses, 
la  Colombie,  abritée  des  vents  froids  du  pôle,  jouit 
d'un  beau  climat.  Mais  elle  est  trop  couverte  de 
montagnes  pour  offrir  beaucoup  de  champs  à  dé- 
frichci".  Les  bois  et  les  prairies  y  dominent. 
Ce  sont  les  riches  mines  d'or  du  Caribou,  dans  le 
bassin  du  Fraser,  qui  ont  fait  la  fortune  de  la  Co- 
lombie. A  cette  colonie  se  rattache  l'île  de  Vancou- 
ver, riche  en  mines  de  houille,  en  belles  forêts, 
en  pêcheries  fructueuses.  Victoria,  sa  capitale, 
s'élève  sur  le  détroit  de  Juan  de  Fuca,  qui  sépare 
l'île  du  territoire  de  Washington,  appartenant  aux 
États-Unis. 

États-IJnis.  —  Voir  l'article  spécial  États-Unis. 

Mexique.  —  Climat.  Aspect  général  —  Le  long 
du  golfe  du  Mexique,  les  Terres  chaudes  sont  inon- 
dées par  des  orages  diluviens,  brûlées  par  un  soleil 
ardent,  mortelles  pour  les  Européens  à  cause  des 
ravages  qu'y  fait  la  fièvre  jaune.  A  Fe?"a-C;'MZ,située 
sur  le  littoral,  où  viennent  atterrir  les  paquebots 
transatlantiques,  et  où  débarquaient  les  transports 
de  l'expédition  française,  on  avait  été  obligé,  à  l'épo- 
que de  la  guerre  du  Mexique,  de  former  la  garnison 
avec  un  bataillon  do  nègres  du  Darfour  pour  sous- 
traire les  soldats  français  à  ce  dangereux  séjour. 

Du  côté  du  Pacifique,  le  climat  est  meilleur, 
surtout  dans  la  Vieille-Californie  ;  cependant  Aca- 
pulco,  le  port  le  plus  important  du  Mexique  sur  le 
Pacifique,  est  un  des  points  les  plus  chauds  de  la 
terre.  Entre  les  deux  mers,  le  sol  s'élève  pour 
former  un  plateau  de  2000  mètres,  dominé  par  le 
Popocatepetl.  et  autres  volcans  de  4  à  5000  mètres 
d'élévation.  Depuis  le  littoral  jusqu'à  ces  hautes 
cimes,  on  passe  par  tous  les  climats  et  par  toutes 
les  cultures,  depuis  la  végétation  des  tropiques 
jusqu'aux  sapins  de  nos  Alpes.  Le  plateau  s'abaisse 
dans  Visthme  de  Téhuaiitépec,  qui  forme  la  limite 
physique  entre  rAmérique  septentrionale  et 
l'Amérique  centrale.  Mais  la  république  mexi- 
caine renferme  encore  les  Etats  de  Yucatan  et  de 
Chiapas  de  l'autre  côté  de  cet  isthme. 

Les  anciens  Mexicains.  —  Lorsque  Cortez  et  ses 
Espagnols  firent  la  conquête  du  Mexique,  il  y  a 
de  cela  trois  siècles  et  demi,  ils  y  trouvèrent 
une  race  parvenue  à  un  haut  degré  de  civilisation. 
Les  Aztèques,  c'était  leur  nom,  avaient  succédé  à 
d'autres  peuples  venus  comme  eux  de  l'Amérique 
du  nord,  de  la  Floride,  dit-on,  et  dont  l'origine 
commune  était  sans  doute  l'Asie.  Ils  avaient  élevé 
des  monuments,  dont  les  ruines,  retrouvées  au 
Yucatan  et  ailleurs,  nous  frappent  encore  aujour- 
d'hui d'étonnement.  Ils  avaient  bâti  des  villes  de 
plusieurs  centaines  de  mille  âmes,  Mexico  et 
d'autres  sur  les  bords  des  lacs  voisins.  Le  pays 
était  mieux  cultivé,  mieux  policé  et  beaucoup  plus 
peuplé  qu'il  ne  l'est  aujourd'hui.  Malheureuse- 
ment la  religion  des  Aztèques  était  souillée  par  de 
hideux  sacrifices  humains. 

Etat  actuel.  —  Par  la  richesse  de  ses  mines  d'or, 
d'argent,  de  mercure,  et  autres  métaux  plus  usuels 
tels  que  fer,  plomb,  étain,  le  Mexique  a  fourni  de 
grandes  richesses  à  l'Espagne,  sa  métropole.  De- 
puis 1821,  il  s'est  affranchi  et  forme  une  répu- 
blique dont  la  situation  est  loin  d'être  prospère. 
On  n'y  compte  que  9  millions  d'habitants  sur  une 
surface    de    2    millions    de    kilomètres    carrés. 


Les  États-Unis  lui  ont  enlevé  ses  plus  belles  pro- 
vinces sur  la  côte  du  Pacifique.  De  fréquentes 
guerres  civiles,  entretenues  par  les  rivalités  de 
races  et  de  partis,  y  sont  une  cause  perpétuelle 
d'agitation.  Blancs,  Indiens  et  métis  forment  trois 
éléments  jaloux  les  uns  des  autres  et  toujours 
prêts  à  en  venir  aux  mains  On  estime  à  5  millions 
environ  le  nombre  des  Indiens,  à  I  million  celui 
des  blancs  purs  de  mélange.  Le  reste  est  formé  de 
métis  et  de  nègres.  Depuis  leur  soumission  aux 
Espagnols,  les  Indiens  ont  embrassé  le  catholi- 
cisme, et  portent  sur  leurs  traits  cet  air  de  gravité 
et  de  résignation  qui  convient  aux  races  déchues 
sans  espoir.  D'autres  mènent  la  vie  errante  ;  cava- 
liers infatigables,  ce  sont  de  dangereux  ennemis 
pour  les  maisons  isolées  qu'ils  attaquent  par  sur- 
prise et  dont  ils  emportent  au  loin  les  objets  volés. 
Les  travaux  publics  sont  nuls  au  Mexique,  les 
routes  y  sont  en  moins  bon  état  que  sous  les 
Aztèques,  il  n'y  a  pas  une  seule  industrie  im- 
portante en  dehors  de  l'exploitation  des  mines,  et 
Mexico  est  la  seule  ville  dont  la  population  dépasse 
cent  mille  âmes. 

Amérique  centrale.  —  L'Amérique  centrale,  qui 
continue  le  Mexique  au  sud,  est  encore  un  pays  de 
terrasses  élevées,  arrosées  par  des  pluies  dilu- 
viennes et  dominées  par  de  nombreux  volcans, 
dont  les  commotions  ébranlent  le  sol  et  renversent 
les  villes,  quand  les  éruptions  ne  les  ensevelissent 
pas  sous  la  lave  et  les  cendres.  Le  sol  fertile  y  pro- 
duit de  l'indigo,  du  cacao  et  des  bois  précieux  pour 
la  teinture  ou  l'ébénisterie. 

Divisions  politiques.  —  Politiquement,  l'Amé- 
rique centrale  est  partagée  en  cinq  républiques 
indépendantes  :  le  Guatemala,  le  Honduras,  le  San 
Salvador,  le  Nicaragua  et  le  Costa  Rica.  Mais  au 
point  de  vae  géographique  l'Amérique  centrale 
s'étend  jusqu'à  Yisthme  de  Darien.  sur  le  CO''  de 
longitude  Est  de  Paris  et  comprend  quelques  pro- 
vinces de  la  Colombie,  au  sud,  de  même  qu'elle 
renferme  deux  États  mexicains  au  nord. 

La  population  d'origine  indienne  domine  dans 
l'Amérique  centrale,  qui  renferme  en  tout  2  mil- 
lions et  demi  d'habitants, et  les  commotions  poli- 
tiques y  sont  fréquentes. 

Isthmes  de  l'Amérique  centrale.  —  Ce  pays,  situé 
entre  deux  mers  voisines,  jouit  de  cette  heureuse 
fortune  que  les  chaînes  de  montagnes,  qui  le  par- 
courent d'une  extrémité  à  1  autre,  sont  brisées  en 
face  des  isthmes  les  plus  étroits  de  manière  à  offrir 
des  sillons  naturels  qui  ouvrent  une  voie  facile 
entre  la  mer  des  Antilles  et  le  Pacifique.  Ainsi  le 
fond  du  golfe  de  Honduras,  au  sud  du  Yuca- 
tan, sur  la  mer  des  Antilles,  n'est  pas  éloigné  de 
la  baie  de  Fonséca,  qui  s'ouvre  sur  le  Pacifique, 
entre  les  trois  Etats  de  San  Salvador,  de  Honduras 
et  de  Nicaragua.  Plus  au  sud,  les  lacs  de  Managua 
et  de  Nicaragua  tonchent  de  très-près  le  Pacifique 
et  se  déversent  par  le  San-Juan  dans  la  mer  des 
Antilles.  Le  Costa  Rica  et  l'état  colombien  de 
Panama  ne  forment  qu'une  étroite  bande  de  terre 
entre  les  deux  mers.  C'est  là  que  passe  le  chemin 
de  fer  de  Panama,  sur  le  Pacifique,  à  Colon  ou 
Aspinwall,  sur  la  mer  des  Antilles,  qui  a  jusqu'à 
présent  le  monopole  du  trafic  do  transbordement. 
Aujourd'hui  on  projette  d'ouvrir  à  la  navigation 
maritime  un  canal  comme  celui  de  Suez.  Et  c'est 
dans  le  golfe  de  Darien  qu'on  le  ferait  probablement 
déboucher  sur  la  mer  des  Antilles.  Ce  golfe  reçoit 
le  fleuve  Atrato,  dont  les  eaux  sont  fort  abondantes, 
malgré  la  brièveté  de  son  cours.  Malheureusement 
on  ne  peut  faire  passer  les  navires  de  son  bassin 
dans  celui  du  Pacifique  sans  ouvrir  un  tunnel. 
Visthme  de  Nicaragua,  de  son  côté,  ne  pourrait 
être  traversé  que  par  un  canal  à  écluses. 

Antilles.  —  Situation.  —  Les  grandes  Antilles 
s'étendent  de  l'ouest  à  l'est,  au  nord  de  la  mer  de 
même  nom  ;  les  petites  Antilles  sont  au  contraire 


AMERIQUE 


—  107   — 


AMERIQUE 


orientées  du  nord  au  sud  à  l'est  de  cette  mer.  Cuba, 
la  plus  occidentale  des  grandes  Antilles,  est  séparée 
du  Yucatan  par  le  canal  de  Yucatan,  et  de  la  Floride 
par  le  canal  de  Bahama.  C'est  par  ce  dernier  que 
les  eaux,écliauffées  dans  la  chaudière  que  forme 
le  golfe  du  Mexique,  s'échappent  dans  l'Atlantique 
en  formant  le  Gulf  stream,  ce  fleuve  aux  eaux 
chaudes  et  abondantes,  qui  vient  réchauffer  les 
côtes  de  la  France  et  des  Iles  Britanniques,  et  dont 
l'influence  se  fait  sentir  jusqu'au  nord  de  la  Nor- 
vège. 

Climat.  —  Le  climat  des  Antilles  est  généralement 
fort  chaud  comme  le  littoral  qui  leur  fait  face  sur 
le  continent.  Les  pluies  j'  sont  très-abondantes  et 
donnent  à  la  végétation  une  vigueur  incomparable  ; 
mais  en  revanche  le  tempérament  des  hommes 
blancs  en  souffre  considérablement,  et  la  fièvre  jaune 
y  fait  de  cruels  ravages.  Le  sol  est  généralement 
accidenté,  car  ces  îles  sont  pour  la  plupart  dues  à 
des  soulèvements  volcaniques,  et  elles  offrent  à  l'in- 
térieur des  plateaux  élevés,  qu'on  appelle  mornes, 
où  les  blancs  affaiblis  vont  reprendre  un  peu  de 
vigueur.  Tant  que  l'esclavage  a  subsisté,  c'étaient 
les  nègres  qui  travaillaient  dans  les  plantations  de 
sucre,  de  café,  de  coton,  de  cacao,  de  vanille,  de 
tabac.  Aujourd'hui  on  supplée  à  l'insuffisance  de 
leur  travail,  depuis  qu'ils  ont  recouvré  la  liberté, 
en  amenant  des  coolies  chinois  ou  hindous. 

Lorsque  Colomb  découvrit  les  Antilles,  il  crut 
être  arrivé  aux  Lides  ;  de  là  l'usage  d'appeler  sou- 
vent les  Antilles  les  Indes  Occidentales,  par  oppo- 
sition aux  Indes  Orientales,  qui  sont  en  Asie. 

Géographie  politique.  Populations.  Langues.  — 
Les  Antilles  appartiennent  pour  la  plupart  aux 
Européens,  Espagnols,  Français,  Anglais,  Danois, 
Hollandais.  Mais  l'île  d'Haïfi.  qui  appartenait  au- 
trefois à  la  France  et  à  l'Espagne,  forme  aujour- 
d'hui deux  républiques  indépendantes  ;  à  l'est,  l'an- 
cienne colonie  espagnole  forme  la  république  de 
Saint-Domingue;  à  l'ouest,  la  république  d"Haïti 
comprend  l'ancienne  colonie  française.  L'Espagne 
a  été  menacée  de  perdre  Cuba,  la  perle  des  An- 
tilles, comme  on  l'appelle,  où  une  terrible  insur- 
rection Aient  de  durer  plusieurs  années,  et  qui 
est  un  objet  de  convoitise  continuel  pour  les  Etats- 
Unis.  Z,a  Havane,  capitale  de  cette  île^  célèbre  par 
ses  cigares,  est  une  ville  de  plus  de  200  OuO  âmes. 
L'Espagne  possède  en  outre  Porto-Rico;  l'Angle- 
terre, la  Jamaïque  et  la  plupart  des  petites  Antilles  ; 
les  Danois,  l'île  de  Snint-Thomas,  où  se  croisent 
les  paquebots  transatlantiques.  La  France  a  con- 
servé la  Martinique,  la  Guadeloupe  et  quelques 
autres  petites  îles.  Plusieurs  de  ses  anciennes 
possessions,  telles  que  la  Dominique,  Sainte-Lucie, 
Saint-Vincent,  ont  gardé  leur  nom  français,  et 
notre  race  y  est  encore  dominante.  Après  l'espa- 
gnol, le  français  est  la  langue  qu'on  parle  le  plus 
aux  Antilles.  La  population  de  tous  ces  archipels 
réunis  est  de  4  millions  d'habitants. 


m.  AMÉRIQUE  DU  SUD. 

Colombie.  —  Divisions  politiques.  —  Au  point  de 
vue  politique,  cette  contrée,  qui  s'étend  entre  la 
mer  des  Antilles,  les  Guyanes,  le  Brésil  et  le  Pérou, 
a  plusieurs  fois  changé  d'organisation  depuis  le 
commencement  du  siècle.  Elle  formait  d'abord  une 
capitainerie  générale  espagnole,  puis  s'insurgea 
contre  sa  métropole  et  forma  une  république  qui 
se  partagea  en  1830  en  trois  républiques  distinctes  : 
celle  du  Venezuela  à  l'est,  celle  de  la  Nouvelle- 
Grenade  au  centre,  et  celle  de  l'Equateur  au  sud. 
Dans  les  deux  premières,  on  a  oscillé  entre  la 
forme  unitaire  et  la  forme  fédérative,  et  actuelle- 
ment elles  sont  composées  chacune  d'un  certain 
nombre  d'Etats  indépendants  qui  ont  un  gouver- 
nement distinct,  mais  sont  réunis  entre  eux  par  le 


lien  de  la   fédération,   comme  les   Etats-Unis   de 
l'Amérique  septentrionale  ou  les  cantons  suisses. 

Nouvelle-Grenade,  Colombie  proprement  dite. 
—  Aspect  phy>:ique.  —  L'isthme  de  Panama  est 
recouvert  d'une  superbe  végétation,  dont  les  pro- 
grès sont  si  rapides,  qu'il  faut  sans  cesse  défendre 
la  voie  ferrée  contre  les  plantes  qui  menacent  de  la 
faire  disparaître.  Du  côté  do  l'est,  le  terrain  se  relève 
rapidement,  et  on  rencontre  bientôt  les  Andes,  dont 
les  chaînes  parallèles  courent  au  nord-nord-est.  On 
voit  se  découper  sur  l'azur  du  ciel  leurs  cimes 
hautes  de  3  et  quelquefois  de  6000  mètres,  ou 
bien  la  fumée  des  volcans  qui  y  brûlent  encore.  La 
zone  littorale  est  étroite,  ce  qui  est  heureux,  vu  son 
insalubrité.  C'est  par  milliers  que  sont  morts  les 
malheureux  ouvriers  chinois  qui  construisaient  le 
chemin  de  fer.  Sur  les  plateaux,  au  contraire,  les 
blancs  s'accommodent  aisément  du  climat  et  ils 
peuvent  y  cultiver  des  céréales.  Il  pleut  dans  ce 
pays  autant  que  sur  les  flancs  de  l'Himalaya  ; 
aussi  les  rivières  y  roulent-elles  des  flots  abon- 
dants. La  Madeleine  et  son  affluent  le  Cauca  se 
dirigent  au  nord  vers  la  mer  des  Antilles.  Le 
Meta  et  le  Guaviare  se  déversent  à  l'est  dans 
rOrénoque,  tandis  qu'au  sud  naissent  le  Yapure 
et  le  Rio-Negro,  deux  des  grands  affluents  septen- 
trionaux de  l'Amazone.  Le  tabac,  le  café,  le  quin- 
quina, le  coton,  l'indigo,  le  caoutchouc  y  poussent 
avec  vigueur  et  forment  les  principaux  objets  du 
commerce  d'exportation.  On  trouve  dans  la  Nou- 
velle-Grenade de  superbes  émeraudes. 

La  Nouvelle-Grenade,  qui  porte  aujourd'hui  le 
nom  officiel  d'Etats-Unis  de  Colombie,  comprend 
actuellement  neuf  Etats,  dont  celui  de  Panama. 

Populatio7i.  —  On  évalue  leur  superficie  totale  à 
800  dOO  kilomètres  carrés  environ,  une  fois  et  demie 
la  France,  et  leur  population  à  3  000  000  d'habi- 
tants. Les  Indiens  y  sont  dominants,  et  appar- 
tiennent à  l'ancienne  race  des  Chibchas,  qui  étaient 
contemporains  des  Aztèques  du  Mexique'.  C'est 
un  fait  qui  distingue  l'Amérique  méridionale  de 
l'Amérique  septentrionale,  que  les  races  indigènes 
s'y  maintiennent,  au  lieu  de  disparaître  comme  les 
Peaux-Rouges  des  Etats-Unis.  Dans  la  Colon  bi  ■. 
ils  forment  la  moitié  de  la  population.  Les  blancs 
ne  sont  guère  que  600  000.  Le  reste  se  compose 
dp  nègres,  de  mulâtres,  ou  de  métis  de  nègres  et 
d'Indiens,  qu'on  nomme  des  Zambos. 

La  capitale  fédérale,  Bogota,  située  à  2600 
mètres  d'altitude,  au  pied  de  montagnes  encore 
plus  élevées,  a  50  000  habitants.  Panama  en  a  une 
vingtaine  de   mille. 

Équateih.  —  La  république  de  l'Equateur  est 
un  peu  plus  étendue  que  la  France  et  ne  renferme 
qu'un  million  d'habitants,  dont  la  moitié  d'Indiens. 
Les  Andes  dressent  là  des  volcans  et  des  sommets 
fameux  qui  ont  longtemps  passé  pour  les  plus 
élevés  de  la  terre.  Du  côté  du  Pacifique,  on  ne 
rencontre  que  des  torrents  et  d'étroites  vallées. 
Sur  le  versant  opposé,  au  contraire,  le  sol  s'abaisse 
graduellement  et  les  cours  d'eau  forment  de  larges 
nappes  navigables  qui  s'en  vont  à  l'Amazone.  La 
capitale,  Quito,  est  située  presque  sous  l'équateur. 
Mais,  grâce  à  son  altitude  de  3000  mètres,  on  y 
jouit  d'un  bon  climat  et  d'un  panorama  splendide 
sur  les  montagnes  qui  l'entourent  de  tous  côtés. 
Au  sud-ouest,  on  aperçoit  le  Chimborazo,  haut  de 
plus  de  6000  mètres,  et  au  nord,  le  Pichincha, 
haut  de  4800  mètres,  comme  notre  Mont-Blanc, 
et  dont  le  cratère  descend  à  750  mètres  de  pro- 
fondeur. Sur  la  chaîne  orientale,  le  Cotopaxi, 
haut  de  près  de  6000  mètres,  est  le  plus  imposant 
des  volcans  en  activité,  et  plus  au  sud,  sur  les 
flancs  de  l'Antisana,  on  visite  à  4000  mètres  une 
des  maisons  habitées  les  plus  élevées  du  globe. 
L'Equateur  ne  renferme  pas  d'autre  villo-impor- 
tartc  que  Quito,  qui  a  80  000  habitants.'  Guej/a- 
quil  est  le  principal  port  de  commerce  sur  le  Pa- 


AMERIQUE 


108  — 


AMÉRIQUE 


cifique.  Avec  le  cacao,  la  gomme  et  le  café,  le 
principal  objet  d'exportation  est  fourni  par  les 
forêts  de  quinquinas. 

VENEZUELA.  —  Le  Venezuela  forme  actuellement 
\ingt  Etats,  dont  la  superficie  totale  est  double  de 
•celle  de  la  France,  et  la  population  de  1  800  000 
liabitants.  Sur  la  mer  des  Antilles,  il  offre  une 
étroite  bande  de  terres  chaudes,  dominée  par  une 
chaîne  côtière  qui  est  la  partie  la  plus  salubre  et 
aussi  la  plus  peuplée  de  toute  la  république.  Là 
se  trouve  la  capitale,  Cai-ncas,  que  dominent  des 
cimes  de  3000  mètres,  bien  qu'elle  ne  soit  qu'à 
25  kilomètres  de  la  Guayra,  son  port  sur  la  mer 
<3es  Antilles. 

Les  Uanos.  —  Au  sud  de  la  Sierra  de  Caracas 
s'étendent  les  Uanos,  vastes  plaines  qu'inondent 
les  pluies  tropicales,  et  que  les  rayons  du  soleil 
équatorial  dessèchent  ensuite  en  les  recouvrant 
d'une  somptueuse  végétation.  Là  pullulent  malheu- 
reusement les  crocodiles,  les  jaguars,  les  reptiles, 
les  moustiques  et  les  plantes  vénéneuses;  en  outre, 
les  miasmes  paludéens  et  fiévreux  s'opposent  à  la 
prospérité  de  l'homme  dans  cette  région. 

L'Orénoque.  —  Les  Uanos  du  Venezuela  dé- 
versent leurs  eaux  dans  Y Orénoque.  dont  la  rive 
droite  baigne  le  pied  des  hautes  sierras  qui  bordent 
les  épaisses  forêts  de  la  Guyane  et  dont  la  source 
<?ncore  inconnue  doit  se  trouver  sur  les  confins  do 
la  Guyane  et  du  Brésil.  L'Orénoque  est  un  su- 
perbe cours  d'eau,  le  plus  grand  tleuve  de  l'Amé- 
rique méridionale,  après  l'Amazone  et  le  Rio  de  la 
Plata.  La  longueur  de  son  cours  dépasse  2000  ki- 
lomètres, et  à  300  kilomètres  de  son  embouchure, 
il  commence  à  former  un  delta,  où  une  dizaine  de 
branches  offrent  un  passage  assez  profond  pour 
les  grands  navires.  Dans  le  haut  de  son  cours,  le 
Cassiquiaré  le  fait  communiquer  avec  le  Rio  Negro 
et  le  fleuve  des  Amazones,  en  offrant  une  des  com- 
munications fluviales  les  plus  curieuses  du  monde. 

Comme  les  deux  républiques  voisines,  le  Vene- 
zuela est  petiplé  principalement  dlndiens  et  de 
«ang-mêlé.  Cependant  sa  situation  maritime  y 
attire  depuis  quelques  années  des  immigrants 
européens,  principalement  des  Allemands.  La  ca- 
pitale Caracas,  dont  un  tremblement  de  terre  a  fait 
périr  ou  disparaître  la  moitié  de  la  population 
Tors  le  commencement  de  ce  siècle,  renferme  au- 
jourd'hui 50  000  habitants,  ou  à  peu  près.  La  Guayra 
et  Puerto-Cabello,  sur  la  mer  des  Antilles,  et 
Ciudad  Bolivar,  sur  l'Orénoque,  senties  principaux 
ports  de  commerce,  qui  exportent  du  café,  du 
cacao,  du  coton,  du  sucre,  de  l'indigo,  du  tabac, 
des  bois  de  teinture  et  des  peaux. 

Guyane.  —  Situation.  Aspect  général.  —  On 
donne  géographiquement  ce  nom  à  tout  l'espace 
insulab'e  compris  entre  l'Orénoque,  le  Cassiquiaré. 
le  Rio-Negro.  l'Amazone  et  l'océan  Atlantique.  Des 
montagnes  inexplorées,  mais  dont  les  plus  élevées 
n'atteignent  pas  la  moitié  de  l'altitude  des  grands 
sommets  des  Andes,  y  renferment  de  nombr- nso* 
sources;  celles-ci,  bientôt  grossies  parles  pluies  di- 
luviennes, apportent  à  la  mer  des  fleuves  qui,  malpré 
Ju  brièveté  ae  leur  cours  et  le  peu  de  place  qu'ils 
occupent  sur  la  carte,  roulent  autant  d'eau  que  le 
Rhône  ou  le  Rhin.  Des  forêts  vierges  remplies  de 
bois  précieux,  des  cataractes  qtii  sont  rangées 
parmi  les  plus  imposantes  du  monde,  le  prestige 
d  un  eldorado  introuvable,  dont  les  fleuves  entrai 
lient  les  paillettes  qu'elles  lui  ont  arrachées  mysté- 
rieusement, auraient  depuis  Joriiîtemps  fait  fa  ri- 
chesse de  ce  pays,  s'il  n'offrait  'pas  le  climat  le 
plus  meurtrier  sur  ses  rives  où  abordent  les  Euro- 
péens. Des  bancs  de  vase  apportée  par  les  cours 
d'eau,  des  marais  pestilentiels  peuplés  de  serpents, 
de  crapauds  et  autres  bêtes  repoussantes,  sont  pro- 
pres à  se  couvrir  des  plus  riches  cultures,  mais 
rendent  le  séjour  meurtrier  pour  les  nègres  cux- 
Qicmcs. 


Étahlissemenis  européens.  —  Trois  peuples  euro- 
péens possèdent  des  établissements  en  Guyane, 
dont  le  reste  appartient  au  Venezuela  et  au  Brésil. 
De  l'ouest  à  l'est,  la  Guyane  anglaise  occupe  220  000 
kilom.  carrés,  peuplés  de  2i.^  000  habitants,  la 
Guyane  hollandaise,  120  000  kilom.  carrés,  peuplés 
de  70  000  habitants,  et  la  Guyane  française  \  20  000 
kilom.  carrés,  peuplés  de  25  000  habitants.  On  ne 
peut  évidemment  pas  comprendre  dans  ces  recen- 
sements les  nègres  marrons  qui  vivent  au  fond  des 
forêts. 

Des  nègres,  des  Hindous,  des  Chinois,  cultivent 
les  plantations  de  sucre,  de  café,  de  cacao,  de  poi- 
vre, de  coton,  etc.  Mais  ce  sont  encore  les  Portu- 
îrais,  originaires  de  Madère  ou  des  îles  du  Cap- 
Vert  qui,  parmi  les  Européens,  s'accommodent  le 
mieux  du  climat  et  qui  s'adonnent  au  commerce. 

Georgetown,  la  capitale  anglaise,  sur  le  fleuve 
Domérary,  et  Paramaribo,  la  capitale  hollandaise, 
sur  le  fleuve  Surinam,  sont  des  villes  de  20  à 
2ô  000  habitants,  entourées  de  belles  plantations. 
Cayenne,  !a  capitale  française,  est  moins  peuplée 
et  sert  de  lieu  de  déportation.  C'est  non  loin 
de  là.  à  Sinnamary,  qu'ont  péri  bien  des  victimes 
des  discordes  politiques  à  la  fin  du  siècle  dernier. 
Depuis,  on  transportait  à  Cayenne  les  condamnés 
aux  travaux  forcés.  Aujourd'hui  ce  séjour  est  affecté 
uniquement  aux  condamnés  arabes  ou  de  couleur. 

Brésil.  —  Situation,  superficie,  population.  — 
Dépassant  l'équaieur  au  nord,  et  s'étendant  au  sud 
presque  jusqu'à  l'embouchure  de  la  Plata,  le  Brésil 
forme  après  les  empires  britannique,  russe,  chi- 
nois et  l'L'nion  Américaine  le  plus  vaste  État  du 
monde.  Avec  ses  8  millions  de  kilomètres  carrés,  il 
couvre  près  de  la  moitié  de  l'Amérique  méridio- 
nale, 15  fois  la  superficie  de  la  France,  les  quatre 
cinquièmes  de  celle  de  l'Europe,  la  seizième  partie 
des  terres  émergées  du  globe.  Sa  population  n'at- 
teint que  lO  millions  d'habitants,  mais,  avec  la  fer- 
tilité du  sol,  elle  pourrait  être  presque  centuplée. 

Littoral  et  plateaux.  —  Situé  presque  en  entier 
entre  l'éqiiateur  et  le  tropique  du  Capricorne,  le 
Brésil  reçoit  des  masses  énormes  de  pluie,  qui 
développent  le  long  du  littoral  de  l'Atlantique  une 
végétation  luxuriante.  Le  sol  se  relève  rapidement 
en  hautes  sierras  qui  dominent  la  magnifique  rade 
de  Rio-de-Janeiro  et  forment  le  rebord  du  haut 
plateau  qui  occupe  la  plus  grande  partie  de  l'em- 
pire. Trop  peu  élevées  pour  que  la  neige  y  séjourne 
sous  cette  faible  latitude,  ces  montagnes  ont  au 
moins  l'avantage  de  fournir  aux  Européens  des  de- 
meures salubres  au  lieu  du  séjour  amollissant  du 
littoral.  On  trouve  dans  la  province  de  Minas- 
Geraes  des  mines  de  diamants  et  de  métaux  pré- 
cieux, qui  ont  fait  la  réputation  de  richesse  de  cet 
empire,  avant  qu'on  ne  sût  mettre  à  profit  ses  res- 
sources agricoles. 

Les  nuages  qui  dépassant  la  baie  de  Rio  vont 
s'abattre  on  pluie  quelques  heures  plus  tard  sur 
les  sommets  voisins,  donnent  naissance  à  des  cours 
d'eau  qui,  au  lieu  de  revenir  directement  à  l'A- 
tlantique, s'écoulent  en  formant  un  grand  détour  au 
<ua,  par  le  Parana,  l'un  des  grands  affluents  do  la 
Plata,  ou  au  nord  par  le  San  Francisco,  dont  les 
eaux  s'abîment  en  cataractes  bruyantes  comme  le 
tonnerre  avant  de  s'unir  aux  flots  de  l'Océan. 

A  l'ouest  delà  province  de  Minas-Gcraes,  au  sein 
des  forêts  épaisses  du  Jlatto-Grosso,  le  Paraguay, 
affluent  de  la  Plata.  le  Guapore,  affluent  de  1« 
Madeira,  et  divers  affluents  de  l'.Amazone  entre- 
mêlent leurs  sources  sur  les  hauteurs  des  Campos 
Parexis,  qui  se  transforment  par  moments  en  un 
immense  marais  spongieux.  Sans  les  rapides  de  la 
^ladeira.  le  long  desquels  on  a  projeté  la  construc- 
tion d'un  chemin  de  fer,  les  bateaux  pourraient 
naviguer  ainsi  presque  sans  interruption  depuis 
l'embouchure  de  la  Plata  jusqu'à  celle  de  l'Amazone. 

L'Amazone.  —Par  la  longueur  de  son  cours,  qui 


AMERIQUE 


—  109  — 


AMERIQUE 


atteint  près  de  6000  kilomètres,  par  la  largeur  de 
son  lit  qui  est  telle  que  souvent  on  n'aperçoit  pas 
d'une  rive  la  rive  opposée,  par  sa  profondeur  qui 
le  rend  accessible  aux  plus  granas  navires  jusqu'à 
mille  lieues  de  son  embouchure,  l'Amazone  est  le 
premier  fleuve  du  monde.  La  marée  y  remonte 
jusqu'à  750  kilomètres  de  l'Océan,  les  tempêtes  y 
soulèvent  des  vagues  énormes.  Le  flot  qu'il  déverse 
à  son  embouchure  est  de  100  millions  de  mètres 
cubes  par  seconde,  et  atteint  quelquefois  le  double 
de  ce  volume.  Et  comme  la  pente  est  insensible 
depuis  le  pied  des  Andes  jusqu'à  l'Atlantique,  c'est 
sa  masse  qui  entraîne  ce  déluge,  plutôt  que  l'in- 
clinaison de  son  lit.  Ses  affluents  sont  eux-mêmes 
d'énormes  fleuves,  et  venant  les  uns  du  nord,  les 
autres  du  sud  de  l'équateur,  ils  passent  à  des  épo- 
ques différentes  par  leurs  moments  de  crue,  ce  qui 
contribue  à  régulariser  le  débit  de  l'artère  princi- 
cipale  qui  les  reçoit.  Changeant  trois  fois  de  nom, 
s'appelant  Maranon  dans  le  Pérou,  Solimoes  en 
amont  de  son  confluent  avec  le  Rio-Xegro,  et  Ama- 
zone près  de  son  embouchure,  ce  fleuve  se  grossit 
de  rivières  plus  puissantes  que  le  Danube  ou  le 
Volga,  dont  les  eaux  sont  bleues,  laiteuses,  vertes, 
noires,  suivant  les  roches  dont  elles  entraînent  les 
débris,  ou  les  végétaux  dont  la  décomposition  les 
altère. 

Les  Andes  de  l'Equateur  envoient  à  l'Amazone 
le  Xapo,  le  Putumayo  et  le  Japure  ;  ce  fleuve  reçoit 
encore  sur  sa  gauche  le  RioS'égro,  qui  s'alimente 
sur  les  Uanos  de  la  Colombie,  du  Venezuela  et  des 
Guyanes.  Sur  sa  rive  droite,  il  reçoit  l'Ucayalé,  des- 
cendu des  Andes  de  Cuzco,  au  Pérou  ;  le  Yavari, 
qui  forme  la  limite  entre  le  Pérou  et  le  Brésil,  le 
Jutay,  le  Purus,  le  Madeira,  le  Tapajos  et  ie  Xingu, 
qui  parcourent  du  sud  au  nord  les  plateaux  de  ce 
grand  empire. 

Avec  leurs  branches  principales  et  les  mille  ra- 
mifications qu'elles  ont  formées  dans  des  moments 
d'inondation,  ces  rivières  forment  le  plus  vaste 
réseau  de  navigation  du  globe  qui  s'étend  aux  di- 
verses extrémités  d'un  bassin  grand  douze  fois 
comme  la  France.  Des  forêts  superbes,  dont  les  ar- 
bres se  relient  les  uns  aux  autres  par  des  lianes 
enchevêtrées  dans  leurs  rameaux,  y  étendent  par- 
tout leur  ombrage  et  mettent  le  sol  humide  à  l'abri 
du  soleil  desséchant  de  l'équateur.  Des  mjTÎades  de 
poissons,  d'espèces  plus  variées  que  dans  l'Océan 
même,  pullulent  dans  ces  eaux,  dénormes  tortues 
enfouissent  leurs  œufs  dans  les  grèves  de  l'Ama- 
zone. L'homme  seul  manque  pour  animer  ces  pa- 
rages. Les  villages  qui  bordent  l'Amazone  sont  dis- 
tants les  uns  des  autres  de  200  kilomètres  ;  les  In- 
diens, qui  les  habitent,  vivent  indolents  et  tran- 
quilles sous  ce  climat,  qui  fournit  abondamment  à 
leurs  besoins,  mais  dont  l'influence  amollissante 
n'éveille  chez  eux  aucune  activité.  Les  vapeurs, 
qui  sillonnent  les  eaux  du  fleuve  en  remomant 
jusqu'au  Pérou,  depuis  que  le  grand  fleuve  a  été 
ouvert  au  commerce  de  tous  les  pavillons,  sont 
presque  les  seuls  représentants  de  la  civilisation 
dans  ces  parages. 

Autj-es  fleuves  du  Brésil.  —  Avec  l'Amazone  et  le 
San  Francisco,  le  plus  puissant  fleuve  du  Brésil  est 
le  Tocantins,  qui  descend  des  PjTénées  de  la  pro- 
rince de  Goyaz  en  chutes  imposantes,  se  grossit  à 
l'ouest  de  la  grande  rivière  d'Araguay  et  roule  dans 
l'Océan  des  flots  assez  forts  pour  soulever  de  gros 
navires.  Son  embouchure,  voisine  de  celle  de  l'Ama- 
zone, est  balayée  comme  elle  par  les  courants  cùtiers 
qui  vont  grossir  les  rivages  de  la  Guyane  des  allu- 
mions qu'ils  entraînent. 

Rnces.  —  On  évalue  la  population  du  Brésil  à 
11  millions  d'habiunts.  Les  blancs  issus  des  Portu- 
gais ou  récemment  arrivés  des  pays  d'Europe,  de 
l'Allemagne  en  particulier,  ne  sont  pas  4  millions. 
Les  noirs,  importés  d'Afrique  par  les  vaisseaux 
négriers  ou  nés  au  Brésil  de  parents  esclaves,  sont 


au  nombre  de  2  millions,  dont  les  trois  quart» 
environ  n'ont  pas  encore  recouvré  la  liberté.  Les- 
mulâtres  sont  de  3  à  4  millions.  On  a  recensé  4  ou 
ôOO  000  Indiens  soumis,  et  on  évalue  à  1  million 
ceux  qui  vivent  indépendants  dans  les  forêts  de 
l'intérieur.  Tant  que  l'esclavage  subsistait  au  Brésil, 
les  Indiens  et  les  nègres  étaient  chargés  du  péni- 
ble travail  des  mines  et  des  plantations.  Maintenant 
tout  enfant  naît  libre,  et  d'ici  à  quelques  années- 
l'esclavage  aura  entièrement  disparu  de  l'empire. 
Aussi  le  gouvernement  du  pays  fait-il  les  plus  grands 
efl'orts  pour  y  attirer  une  population  européenne 
de  travailleurs. 

Productions.  —  Pour  le  moment  les  principaux 
objets  du  commerce  d'exportation  sont  :  le  café,  le 
coton,  le  sucre,  le  cacao,  le  tabac,  les  peaux,  les 
gommes,  les  diamants,  les  métaux  précieux.  Mais 
le  sol  est  apte  à  produire  toutes  les  céréales  culti- 
vées dans  les  pays  tempérés  :  ses  forêts,  dont  est 
sorti  le  bois  de  teinture,  couleur  de  braise,  qui  a 
donné  son  nom  au  pays,  renferment  des  richesses 
inépuisables. 

Divisions  et  grandes  villes.  —  L'empire  qui  s'est 
séparé  du  Portugal,  dont  il  était  une  colonie,  dans  le 
premier  quart  de  ce  siècle,  est  divisé  administrative- 
ment  en  21  provinces.  Sa  capitale,  Hio-de-Janeiro, 
qui  est  une  des  plus  belles  villes  du  monde,  ren- 
ferme près  de  300  000  habitants;  Bahia  et  Pernam- 
houc,  rehées  l'une  et  l'autre  par  une  voie  ferrée  au 
Rio  San  Francisco,  qui  débouche  sur  le  littoral  à 
distance  égale  de  ces  deux  villes,  renferment  cha- 
cune plus  de  cent  mille  âmes. 

Pérou.  —  A  l'ouest  du  Brésil  et  au  sud  de  la  ré- 
publique de  l'Equateur  se  dressent  les  hauts  pla- 
teaux du  Pérou  et  de  la  Bolivie,  que  dominent  en- 
core des  pics  gigantesques  des  Andes. 

Littoral  du  Pacifique.  —  Entre  le  Pacifique  et  ces 
montagnes,  le  littoral  est  étroit,  refroidi,  malgré  la 
latitude,  par  un  courant  froid  qui  vient  du  pôle  sud, 
et  désolé  par  une  sécheresse  perpétuelle.  On  cite 
tel  point  sur  cette  côte  qui  deptiis  trente  ans  n'a 
pas  reçu  une  goutte  de  pluie  ;  l'atmosphère  est 
tellement  desséchée  que  les  Andes  elles-mêmes  ne 
s'y  couvrent  pas  de  neiges,  ne  donnent  naissance  à 
aucune  source,  et  que  les  rares  habitants  de  ces 
parages,  atiirés  aux  environs  du  tropique  du  Ca- 
pricorne par  des  mines  d'argent  d'une  richesse 
incroyable,  ou  par  des  dépôts  de  salpêtre  ou  de  sels 
minéraux  propres  à  porter  la  fertilité  sur  un  sol 
moins  desséché,  sont  obligés  de  distiller  l'eau  de 
mer  pour  se  désaltérer.  De  terribles  tremblements 
de  terre  apportent  en  outre  trop  souvent  la  déso- 
lation dans  ces  parages  et  viennent  presque  pério- 
diquement renverser  les  villes  qui  essaient  de  s'y 
fonder.  En  s'élevant  sur  les  plateaux  des  Andes, 
on  trouve  un  climat  moins  énervant,  des  vallées 
fertiles,  des  forets  où  l'on  récolte  le  précieux  quin- 
quina, des  villes  qui  avaient  atteint  avant  l'arrivée 
des  Européens  un  haut  degré  de  prospérité. 

Les  Incas.  —  Sous  l'empire  des  Incas,  la  nation 
des  Quitchouas  avait  élevé  des  temples  et  des  mo- 
nuriients  magnifiques  couverts  de  l'or  de  leurs  mi- 
nes et  malheureusement  trop  propres  à  exciter  l'en- 
vie des  Espagnols  pillards.  Des  routes  magnifiques 
raj-onnaient  autour  de  Cv.zco.  leur  capitale.  Letu*s 
mœurs  étaient  douces,  et  aucun  sacrifice  humain  ne 
ternissait  les  cérémonies  de  leur  culte,  comme  chez 
les  Aztèques  du  Mexique. 

Versant  de  r Atlantique.  —  Après  avoir  franchi 
des  cols  hauts  comme  notre  Mont-Blanc,  on  atteint 
les  sources  de  1  Amazone,  que  200  kilomètres  à  peine 
séparent  des  rivages  du  Pacifique,  tandis  qu'en  ligne 
droite  il  y  a  15  fois  plus  de  chemin  pour  atteindre 
l'Atlantique.  Ce  versant  est  couvert  de  forêts,  les 
torrents  y  roulent  de  cascade  en  cascade,  dont  le 
nom  d'Apurimac,  le  principal  affluent  du  Maranon 
par  rUcayalé.  rappelle  le  tapage  bruyant,  et  devien- 
nent bientôt  accessibles  à  la  navigation.  Les  vapeurs- 


AMERIQUE 


—  MO  — 


AMERIQUE 


de  l'Amazone  remontent  ses  affluents  jusqu'à  une 
petite  distance  du  Pacifique,  et  donneront  bientôt 
la  main  aux  chemins  de  fer  qui  francliissent  les 
Andes,  grâce  aux  t)-avaux  d'art  les  plus  hardis  qu'on 
ait  encore  vus  en  ce  genre. 

Volcans  et  lac  Titicaca.  —  Ce  n'est  qu'au  sud-est 
du  Pérou  qu'on  retrouve  des  volcans  en  activité,  au 
voisinage  du  lac  Titicaca,  vaste  nappe  d'eau  de 
800  OUO  hectares,  qui  n'est  pas  à  moins  de  3500  mè- 
tres d'altitude,  mais  que  dominent  des  pics  de  ';  à 
7000  mètres,  parmi  lesquels  le  volcan  d'Aréquipa 
est  le  plus  fameux,  mais  le  Sahama  le  plus  élevé. 
Malgré  la  masse  de  ses  eaux,  le  Titicaca  ne  donne 
naissance  qu'à  une  rivière,  le  Dés;iguadéro,  qui  est 
absorbée  par  une  lagune  de  la  Bolivie,  sans  attein- 
dre l'Océan. 

Supei'ficie  du  Pérou.  Population.  —  La  républi- 
»iue  du  Pérou  a  une  étendue  de  1  300  000  kilomè- 
tres carrés,  un  peu  plus  de  2  fois  la  France,  et  moins 
de  3  millions  d'habitants.  Les  blancs  forment  la 
dixième  partie  de  la  population  environ.  Les  noirs 
sont  encore  moins  nombreux,  tout  le  reste  est 
■composé  de  métis  et  d'Indiens  Quitchouas  ou 
Aymaras,  dont  la  langue  est  encore  vivante,  bien 
que  l'espagnol  soit  la  langue  administrative,  et 
dont  les  mœurs  ont  conservé  beaucoup  des  an- 
ciennes traditions,  malgré  leur  conversion  au  ca- 
tholicisme. 

Villes  principales  et  productions.  —  Le  Pérou 
n'a  qu'une  seule  ville  de  cent  mille  âmes,  sa  capi- 
tale Lima,  que  quelques  kilomètres  séparent  de 
Callao,  son  port  sur  le  Pacifique.  Pendant  longtemps 
les  métaux  précieux  ont  fait  la  réputation  du  Pérou 
«t  la  fortune  des  aventuriers  qui  les  exploitaient. 
Aujourd'hui  le  grand  article  d'exportation,  celui 
dont  le  produit  doit  garantir  les  emprunts  faits  pour 
solder  des  dépenses  hors  de  proportion  avec  la  po- 
pulation du  pays,  c'est  le  guano  des  îles  Chinchas, 
que  des  Chinois  embarquent  non  loi  de  Callao.  Le 
nitrate  de  soude,  les  métaux  précieux,  le  sucre,  la 
laine  des  vigognes  et  des  alpacas  qui  paissent  sur 
les  hauts  plateaux  des  Andes  et  i'écorce  de  quin- 
quina alimentent  aussi  un  commerce  de  quelque 
importance. 

Bolivie.  —  Aspect  général.  —  Cette  contrée, 
dont  le  nom  rappelle  le  général  Bolivar,  fameux 
dans  la  lutte  que  les  colonies  espagnoles  soutin- 
rent contre  la  métropole  pour  conquérir  leur  indé- 
pendance, s'appelle  aussi  haut  Pérou,  et,  de  fait,  il 
renferme  des  cimes  gigantesques,  l'IUimani  et  le 
"Sorata,  hauts  de  6  à  7000  mètres,  des  plateaux  trop 
élevés  pour  que  l'homme  ne  souffre  pas  en  y  respi- 
rant, des  villes  comme  Potosi  qui  sont  à  plus  de 
4000  mètres  d'altitude,  mais  dont  les  métaux  pré- 
cieux ont  fait  l'origine  et  la  fortune.  C'est  là  que 
naît  le  Pilcomayo,  un  des  grands  affluents  du  Para- 
guay, tandis  qu'au  nord  le  Béni,  le  Manioré  et  le 
Guaporé  qui  forme  actuellement  la  frontière  entre 
la  Bolivie  et  le  Brésil,  portent  au  Madeira  une  masse 
d'eau  cinq  fois  aussi  considérable  que  celle  du 
Rhône.  Ces  rivières  arrivent  bientôt  à  des  vallées 
fertiles  et  chaudes,  amollissantes  pour  les  tempé- 
raments, quoique  couvertes  de  forêts  et  hantées 
par  des  jaguars  et  autres  bètes  féroces.  Mais,  entre 
elles  et  les  plateaux  glacés  où  la  neige  tourbillonne 
et  où  plane  le  condor  prôt  à  fondre  sur  sa  proie,  les 
terres  d'élévation  moyenne,  de  1500  à  2500  ou  30(iO 
mètres,  sont  propres  à  produire  du  blé  et  du  maïs, 
€t  à  nourrir  des  troupeaux  sous  un  climat  convenant 
aux  Européens. 

Littoral  du  Pacifique.  —  La  Bolivie  est  presque 
exclusivement  continentale  ;  cependant  elle  possède 
sur  le  Pacifique  une  petite  étendue  de  côtes,  désolée 
par  la  sécheresse,  mais  renfermant  les  riches  mines 
d'argent  de  Caracoles.  Situées  au  milieu  du  désert 
d'Atacoma,  non  loin  de  la  région  que  caractérise 
suffisamment  son  nom  local  de  Despoblado  (Dé- 
peuplée), elles  ont  longtemps  échappé  aux  avides 


mineurs.  Et  il  faut  leur  richesse  quasi  fabuleuse 
pour  décider  ceux-ci  à  affronter  les  horreurs  de 
solitudes  où  tout  homme  égaré  ne  tarde  pas  à  pé 
rir  de  faim  et  de  soif. 

Villes.  —  C'est,  au  contraire,  dans  le  haut  pays 
que  se  trouvent  les  villes  principales,  la  Paz,  la 
capitale  actuelle,  peuplée  de  75  000  habitants  sur 
le  haut  Béni,  et  Cochabamba,  peuplée  de  50  000 
habitants,  sur  le  haut  Mamoré. 

Superficie.  Populatio7i.  Races.  —  La  république 
de  Bolivie  a  une  superficie  de  1  300  000  kilomètres 
carrés  environ,  peuplés  de  1  800  000  habitants, 
appartenant  pour  la  plus  grande  part  aux  races 
indiennes  des  Quitchouas  et  des  Aymaras,  comme 
au  Pérou,  et  des  Guaranis  que  nous  retrouverons 
au  Paraguay. 

Chili.  —  Situation  el  climats.  —  Cette  contrée 
occupe  à  l'ouest  des  Andes  une  étroite  bande  de 
terres  qui  s'étend  le  long  du  Pacifique,  depuis  les 
environs  du  tropique  du  Capricorne  jusqu'au 
42e  degré  de  latitude  méridionale,  et  une  série 
d'îles  qui  y  fait  suite  à  l'ouest  du  littoral  de  la 
Patagonie.  Les  pluies  abondantes  qui  l'arrosent  et 
sa  latitude  moyenne  rendent  le  climat  de  ce  pays 
fort  doux,  et  le  courant  froid  venu  du  pôle,  qui  suit 
ses  rivages,  en  abaisse  la  température,  tout  comme 
les  neiges  qui  couronnent  les  sommets  des  Andes 
et  y  forment  des  glaciers  dont  le  pied  vient  plonger 
jusque  dans  l'Océan. 

Montag7ies.  —  C'est  au  sud  du  Chili  que  la  Cor- 
dillère des  Andes  prend  naissance,  mais  elle  atteint 
bien  vite  une  grande  altitude,  et  l'Aconcagua,  qui 
se  dresse  sur  la  frontière  du  Chili  et  de  la  répu- 
bhque  Argentine,  entre  32°  et  33°  de  latitude  sud, 
atteint  presque  7000  mètres.  Les  volcans  ne  sont 
pas  aussi  nombreux  dans  cette  région  qu'en  Bolivie 
et  dans  l'Equateur,  cependant  les  tremblements 
de  terre  agitent  fréquemment  le  Chili  et  y  causent 
de  terribles  désastres. 

Productions  et  villes.  —  Entre  la  grande  chaîne 
des  Andes  et  la  côte  s'élèvent  des  montagnes  et  des 
collines  moins  élevées  qui  accidentent  le  terrain, 
y  diversifient  les  altitudes  et  les  expositions  et  le 
rendent  propre  à  une  plus  grande  variété  de  pro- 
ductions. Valparaiso,  le  port  le  plus  important  et  la 
seconde  ville  comme  population  ("5  000  habitants), 
a  reçu  un  nom  prétentieux  qui  le  fait  comparer  au 
paradis.  On  trouve  des  palmiers  autour  de  Santiago, 
la  capitale  (115  000  habitants).  Le  pays  produit  aussi 
beaucoup  de  céréales  qui  s'écoulent  jusqu'en  Eu- 
rope. Au-dessus  de  ces  champs  se  dressent  des 
monts  revêtus  de  belles  forêts  de  hêtres,  puis  les 
glaciers  et  les  pics  impropres  à  toute  végétation. 

Mines.  —  La  grande  richesse  du  Chili  lui  vient 
surtout  de  ses  mines.  C'est  un  des  plus  grands  mar- 
chés du  monde  pour  la  production  du  cuivre. 
L'argent  y  est  aussi  répandu.  Cet  État  offre  un 
contraste  frappant,  sous  le  rapport  de  la  tran- 
quillité politique,  avec  les  autres  républiques  de 
l'Amérique  du  Sud,  d'origine  espagnole,  que  trou- 
blent des  conflits  continuels. 

Population.  —  La  population,  dans  les  veines  de 
laquelle  coulent  à  la  fois  du  sang  indien  et  du 
sang  espagnol,  dépasse  2  millions  d'habitants,  pour 
un  territoire  un  peu  plus  grand  que  la  moitié 
de  la  France.  Ce  pays  est  trop  éloigné  des  rivages 
européens,  et  la  perspective  de  doubler  le  cap 
Horn  effraie  trop  de  caractères  timides  pour  que 
l'immigration  se  porte  en  grande  masse  au  Chili. 
Mais  les  naissances  y  sont  nombreuses,  et  la  popu- 
lation s'y  accroîtrait  très-rapidement,  si  un  grand 
nombre  de  Chiliens  ne  s'expatriaient  chaque  année 
pour  les  contrées  voisines,  où  ils  vont  porter  le 
renfort  de  leurs  bras  vigoureux  et  de  leurs  carac- 
tères laborieux. 

Araucans.  —  Au  sud  du  Chili,  70  000  Araticans 
représentent  les  restes  d'une  nation  qui  a  résisté 
250  ans  aux  Espagnols  sans  se  soumettre,  comme 


AMERIQUE 


111  — 


AMÉRIQUE 


les  Aztèques  du  Mexique  ou  les  Quitchouas  du 
Pérou,  mais  qui  s'usent  aujourd'hui  par  leurs  luttes 
intestines  et  par  les  progrès  de  la  civilisation  qui 
gagne  tous  les  jours  sur  leur  territoire,  sans  qu'ils 
puissent  s'y  plier. 

Le  Chili  élève  la  prétention  de  posséder  la  Pata- 
gonie  jusqu'au  cap  Horn,  qui  termine  l'Amérique 
méridionale  du  côté  de  l'Océan  austral.  Le  seul 
point  où  il  ait  fait  acte  de  souveraineté  est  la  petite 
colonie  de  Punta-Arenas,  sur  le  détroit  de  Magel- 
lan, canal  sinueux  qui  conduit  les  navires  de  10- 
céan  Atlantique  dans  le  Pacifique,  entre  le  rivage 
Patagonion  et  celui  de  la  Terre  de  Feu.  Sa  position 
maritime  donne  seule  quelque  importance  à  cet 
établissement,  autour  duquel  on  exploite  quelques 
mines  de  houille,  sous  un  ciel  froid  et  inhospi- 
talier. 

République  ou  Confédération  Argentine.  —  St- 
tuatio?i,  le  fleuve  de  In  Plata.  —  Cet  Etat  occupe 
entre  les  Andes  chiliennes  à  l'ouest,  la  Bolivie  au 
nord,  les  fleuves  Paraguay  et  Uruguay,  l'océan 
Atlantique  à  l'est,  et  leRio-Negro  au  sud,  une  su- 
perficie de  1600  000  kilomètres  carrés,  qui  est 
presque  doublée  en  y  joignant  le  territoire  de  la 
Patagonie,  dont  il  dispute  la  possession  au  Chili. 
Il  est  formé  par  la  réunion  de  14  Etats  confédérés 
entre  eux  comme  ceux  de  l'Union-Américaine  dans 
l'Amérique  septentrionale. 

Le  fleuve  de  la  Plata,  qui  donne  souvent  son  nom 
à  cette  contrée,  en  constitue  le  principal  caractère 
géographique.  Les  montagnes  du  Brésil  méridional 
y  versent  l'Uruguay  et  le  Parana,  le  plus  considé- 
rable de  tous  ses  affluents,  qui  voient  tous  deux 
leur  cours  brisé  par  des  cataractes  infranchissables 
au-dessous  de  leur  sortie  du  Brésil.  LeMattoJSrosso 
voit  naître  le  Paraguay,  dont  les  flots  portent  au 
contraire  des  bateaux  à  vapeur  jusqu'à  plus  de 
mille  lieues  de  l'océan  Atlantique.  Tous  ces  cours 
d'eau,  qui  méritent  le  nom  de  grands  fleuves,  re- 
çoivent un  tribut  abondant  des  pays  fréquemment 
.arrosés  par  les  pluies  qu'ils  traversent.  Des  Andes, 
au  contraire,  viennent  le  Pilcomayo,  le  Verméjo,  le 
Salado,  qui  traversent  des  pays  brûlés  par  un  soleil 
ardent,  dont  les  rayons  boivent  une  partie  de  ce 
que  fournissent  les  neiges  des  Andes. 

Montagnes.  —  Dans  la  partie  méridionale,  les 
-Andes  sont  traversées  par  des  cols  relativement 
bas,  que  fj-anchira  sans  doute  bientôt  un  chemin  de 
fer  reliant  Buenos-Ayres  au  Chili.  Plus  au  nord, 
les  Andes  s'étalent  au  contraire  en  de  puissants 
massifs.  Avec  les  montagnes  isolées  de  Cordova,  ce 
sont  les  seules  hautes  terres  de  toute  la  Confédéra- 
tion. 

Plaines,  pampas.  —  Les  plaines  en  occupent 
presque  toute  l'étendue.  Elles  sont  très-fertiles  sur 
les  bords  des  grands  fleuves,  et  particulièremeni 
dans  la  péninsule  comprise  entre  le  Parana  et  l'U- 
ruguay, dans  la  Mésopotamie  argentine,  qui  peut 
être  comparée  à  la  Mésopotamie  babylonienne  pour 
les  qualités  de  son  sol  comme  pour  sa  situation 
géographique.  Les  plaines  les  plus  élevées  de  l'in- 
térieur, qui  portent  le  nom  de  pampas,  se  recou- 
vrent, dans  tous  les  endroits  humides,  d'herbes 
épaisses  où  vivent  les  plus  grands  troupeaux  du 
monde  ;  ces  plaines  offrent  au  contraire,  dans  les 
régions  desséchées  du  sud-ouest,  un  aspect  mono- 
tone et  aride  ,  dont  la  laideur  s'accroît  encore  à 
mesure  qu'on  approche  du  climat  plus  froid  de  la 
Patagonie. 

De  ce  côté  errent  de  nombreuses  bandes  d'In- 
diens insoumis,  dont  les  chevaux  rapides  servent 
admirablement  les  expéditions  de  pillage.  La  Con- 
fédération a  fait  élever  une  série  de  forts  pour  les 
surveiller  et  mettre  les  fermes  isolées  à  l'abri  de 
leurs  surprises. 

Population,  immigration  européenne.  —  L'im- 
migration européenne  apporte  chaque  année  un 
contingent  considérable  à  la  population  argentine. 


qui  atteint  aujourd'hui  1  800  000  âmes.  Les  Ita- 
liens, les  Espagnols,  les  Français  y  arrivent  en  plus 
grand  nombre  que  les  Anglais  ou  les  Allemands. 
Les  terres  s'offrent  à  eux  en  abondance.  Le  climat 
est  assez  doux  pour  qu'on  n'ait  jamais  éprouvé  le 
besoin  d'introduire  de  noirs  dans  cette  ancienne 
colonie  espagnole. 

Productions.  —  Les  troupeaux  de  bœufs  et  de 
moutons  trouvent  dans  les  pampas  de  vastes  espa- 
ces qui  ne  sont  pas  encore  tous  occupés,  et  leurs 
laines,  leurs  peaux,  leur  suif,  leur  viande  même 
forment  les  principaux  aliments  du  commères 
d'exportation. 

Ville  principale.  —  Buénos-Ayres,  la  capitale, 
est  une  superbe  ville  de  près  de  iOO  000  âmes, 
active,  commerçante,  bien  située  sur  l'estuaire  de 
la  Plata  et  jouissant,  comme  son  nom  l'indique, 
d'un  climat  fort  sain. 

Uruguay.  —  De  l'autre  côté  de  la  Plata,  l'Uru- 
guay forme  un  bien  petit  Etat,  de  200  000  kilomè- 
tres carrés  et  de  400  000  habitants,  entre  le  vaste 
empire  du  Brésil  et  la  Confédération  Argentine.  Le 
premier  en  convoite  la  possession,  qui  étendraitses 
frontières  jusqu'au  grand  fleuve.  Mais  par  sa  po- 
pulation, composée  d'Espagnols  ou  de  nouveaux 
immigrants  européens,  l'Uruguay  se  rapproche 
beaucoup  plus  de  la  Confédération  Argentine. 
Comme  dans  cet  Etat,  c'est  l'exploitation  des  trou- 
peaux qui  y  forme  la  principale  industrie.  Le  pays 
est  du  reste  bien  arrosé,  accidenté  et  fertile,  et  la 
population  est  appelée  à  s'y  accroître  rapidement, 
comme  elle  le  fait  déjà  dans  sa  capitale,  Montevideo, 
qui  dépasse  100  000  habitants. 

Paraguay.  —  Seul  de  tous  les  États  d'Amérique 
qui  ne  touche  nulle  part  à  l'Océan,  le  Paraguay  a 
au  moins  deux  grands  fleuves  navigables,  qui  le 
mettent  en  communication  facile  avec  la  mer,  mais 
n'ont  pas  réussi  à  le  mettre  à  l'abri  des  armées  de 
ses  puissants  voisins.  Sa  population  était  com- 
posée presque  exclusivement  de  Guara7iis.  Cette 
race  douce,  facile  à  plier  à  la  discipline,  était  ar- 
rivée sous  la  direction  des  Jésuites  à  jouir  pendant 
le  siècle  dernier  d'une  grande  prospérité  dans  les 
établissements  qu'ils  avaient  fondés  entre  le  Pa- 
rana et  rUruguay.  Depuis  ,  la  jalousie  des  peu- 
ples voisins  a  détruit  ces  utiles  fondations.  La 
population  paraguéenne,  soumise  à  un  dictateur 
ambitieux,  qui,  après  avoir  soulevé  contre  lui  les 
forces  réunies  du  Brésil,  de  la  Confédération  Ar- 
gentine et  de  l'Uruguay,  a  voulu  tout  anéantir 
dans  sa  ruine,  a  été  réduite  au  quart  de  ce  qu'elle 
était  avant  cette  guerre  terrible.  On  n'y  trouve  plus 
que  230  oOO  habitants,  en  grande  partie  composés 
de  femmes  ou  d'enfants.  Le  territoire  a  été  réduit 
à  moins  de  150  000  kilomètres  carrés.  La  capitale, 
Asuncion,  ne  renferme  plus  que  20  000  habitants. 

Le  pays  est  heureusement  doué  par  la  nature.  Le 
climat  en  est  chaud,  le  sol  fertile  produit  du  maté, 
espèce  particulière  de  thé,  des  fruits,  des  céréales, 
du  tabac.  Avec  quelques  années  de  tranquillité,  il 
pourrait  redevenir  peuplé  et  prospère. 

IV.   MODÈLES  D'EXERCICES  GÉOGRAPHIQUES. 

1.  Questionnaire.  —  1.  Sur  la  situation  et  la 
forme  de  l'Amérique.  —  Où  l'Amérique  est-elle 
située  par  rapport  à  l'Europe  "?  —  Quelle  est  sa 
forme?  —  Quelles  mers  la  baignent  à  l'est?  —  à 
l'ouest?  —  au  nord?  —  Par  quels  caps  est-elle  ter- 
minée au  nord-ouest?  —  au  sud?  —  De  quel  pôle 
l'Amérique  approche-t-elle  le  plus?  —  L'Amérique 
scptvîntrionale  est-elle  plus  ou  moins  étendue  que 
l'Amérique  méridionale?  —  Quelle  est  la  plus 
peuplée? 

2.  Sur  les  côtes  et  les  lies,  les  montagnes,  les 
fleuves,  et  le  climat.  —  Quels  sont  les  groupes 
d'îles  les  plus  remarquables  de  l'Amérique  ?  les 
golfes  principaux?  —  Où  se  trouve  la  principale 
chaîne    de    montagnes   de  l'Amérique?    —    Quels 


AMÉRIQUE 


—  H2  — 


AMIDON 


sont  les  principaux  plateaux,  les  principales  plai- 
nes? —  Quels  sont  les  fleuves  les  plus  considéra- 
bles? —  A  quels  versants  appartiennent-ils?  — 
Quel  est  le  versant  le  plus  étendu  en  Amérique, 
celui  du  Pacifique,  ou  celui  de  l'Atlantique?  — 
Quelles  sont  les  régions  les  plus  froides  de  l'A- 
mérique, les  plus  chaudes,  les  plus  arrosées,  les 
plus  riches?  —  Le  climat  est-il  partout  salubre  pour 
les  Européens? 

3.  Sur  les  diverses  contrées  de  l'Amérique.  — 
Qu'est-ce  que  le  passage  du  nord-ouest?  Jusqu'à 
quelle  distance  du  pôle  les  derniers  navigateurs  se 
sont-ils  avancés?—  Quelles  sont  les  ressources  du 
Groenland? 

Quels  sont  les  principaux  pays  de  la  Nouvelle- 
Bretagne?  —  Quel  nom  officiel  porte  leur  réunion 
politique?  —  Fleuves  et  lacs  principaux  de  cette 
contrée?  —  Qu'est-ce  que  les  portages?—  Quels 
sont  les  produits  du  Canada?  du  pays  de  la  baie 
d'Hudson?  —  Quelles  races  peuplent  ces  pays?  — 
Principales  villes  du  Canada? 

Le  Mexique  offre-t-il  partout  le  même  aspect,  le 
même  climat?  —  Qu'étaient-ce  que  les  Aztèques? 

—  Quelles  sont  les  populations  actuelles  du  Mexi- 
que, leurs  races,  leur  religion?  —  Quels  sont  les 
produits  les  plus  remarquables?  —  Principaux 
isthmes  de  l'Amérique  centrale  ?  —  Quelle  route 
le  Nicaragua  offre-t-il  au  commerce  ? 

Quel  est  le  climat  dos  Antilles?  Quelles  sont 
leurs  productions?  —  De  quelles  puissances  relè- 
vent-elles ?  —  Quelle  en  est  la  ville  la  plus  consi- 
dérable? —  Quelle  est  l'influence  de  la  tempéra- 
ture du  golfe  du  Mexique  sur  le  climat  de  l'Europe  ? 

Quelles  sont  les  principales  cimes  de  la  républi- 
que de  l'Equateur?  —  Qu'est-ce  que  les  llanos  ?  — 
Quelles  sont  les  productions  de  la  Colombie,  du  Ve- 
nezuela, de  l'Equateur?  —  Qu'appellc-t-on  Guyane? 

—  Quelles  sont  les  puissances  européennes  qui  s'y 
sont  établies?  —  Quel  en  est  le  climat? 

Entre  quels  bassins  se  partage  l'empire  du  Bré- 
sil? —  Affluents  les  plus  considérables  de  l'Ama- 
zone? —  Quelles  sont  les  principales  villes  du 
Brésil  ? 

Comment  le  Pérou  se  divise-t-il  physiquement? 

—  Quel  est  le  climat  du  littoral  du  Pacifique  ?  des 
Andes?  du  bassin  de  l'Amazone?  —  Par  quelles 
voies  peut-on  se  rendre  d'Europe  au  Pérou?  Quel- 
les en  sont  les  principales  ressources  du  pays?  — 
Qu'étaient-ce  que  les  Incas?  —  Quelles  mines  pos- 
sède la  Bolivie?  —  Qu'est-ce  que  le  désert  d'Ata- 
cama? 

Quel  est  le  climat  du  Chili  ?  —  A  quoi  doit-il  sa 
prospérité  ?  —  Quelles  en  sont  les  principales  villes  ? 
Qu'est-ce  que  les  Araucans? 

Qu'est-ce  que  les  pampas?  —  Quels  troupeaux 
nourrissent-elles?  —  Couvrent-elles  toute  la  Confé- 
dération Argentine  ?  —  Quelles  en  sont  les  autres 
régions?  —  Quelles  sont  les  principales  artères  du 
réseau  navigable  de  la  confédération  ? 

Quelle  est  la  situation  actuelle  de  l'Uruguay?  du 
Paraguay? 

Nommer  les  principaux  ports  que  rencontre  un 
navire  faisant  le  tour  de  l'Amérique  méridionale, 
et  les  produits  qu'il  y  peut  charger. 

Le  cap  Horn  est  par  56°  de  lat.  S.  environ,  et 
l'Amérique  méridionale  finit  par  10»  de  lat.  N.  C'est 
vers  cette  latitude  que  l'Amérique  centrale  sera 
percée  par  un  canal  maritime.  Quels  seront  alors 
les  ports  du  Pacifique  qui  auront  avantage  à  se 
servir  du  canal  au  lieu  de  la  voie  du  cap  Horn  pour 
communiquer  avec  l\io-de-Janeiro  et  avec  l'embou- 
chure de  l'Amazone'.''  —  Quels  seront  les  ports  de 
l'Atlantique  que  le  canal  rapprochera  de  Callao? 

2.  Pi'oblèmes  géographiques.  —L'empire  du  Bré- 
sil a  S  'è'V,  000  kil.  carrés,  quelle  serait  sa  popula- 
tion si  elle  était  aussi  dense  que  celle  de  la  France 
(70  hab.  par  kil.  carré)  (R.  583  600  000  hab.)  ? 

Quelles  sont  les  mers,  les  contrées,  les   fleuves 


que  traverse  le  parallèle  de  Rio-de-Janeiro?  —  celui 
de  la  Havane?  celui  de  Québec?  celui  de  Mexico? 
dans  les  diverses  parties  du  monde? 

La  chute  du  Niagara  verse  en  moyenne  7500  mè- 
tres cubes  d'eau  par  seconde,  d'une  hauteur  de  50 
mètres.  Calculer  en  chevaux-vapeur  la  force  mo- 
trice qu'elle  pourrait  engendrer.  —  (R.  6  000  000 
chev.-vap.) 

Avec  les  superficies  et  les  populations  données 
ci-dessus,  calculer  combien  il  y  a  de  kilom.  de 
chemins  de  fer  par  100  000  kil.  carrés  et  par  lO  000 
habitants  au  Brésil  qui  possède  2290  kil.  de  voies 
ferrées;  en  Bolivie  qui  en  possède  130,  au  Pérou 
qui  en  possède  1582  (R.  Brésil,  27  kil.  et  2"  29  ; 
Bolivie,  l(i  kil.  et  0*  7  ;  Pérou,  120  kil.  et  5^  2). 

Dans  le  désert  d'Atacama,  une  seule  nitrière 
couvre  600  hectares  de  superficie,  où  il  existe  une 
couche  de  l  mètre  de  salpêtre.  Celui-ci  perdant,  par 
le  raffinage,  la  moitié  de  son  poids,  et  la  densité  du 
salpêtre  raffiné  étant  le  double  de  celle  de  l'eau, 
combien  faudrait-il  de  navires  de  500  tonneaux 
pour  emporter  tout  ce  salpêtre  raffiné  (R.  12  000 
nav.).  En  expédiant  un  de  ces  navires  par  semaine, 
pendant  combien  d'années  pourrait-on  continuer  les 
expéditions  (R.  23  ans  9  mois)  ?        [G.  Meissas.] 

Ouvragen  h  conaulter.  —  Onésime  Reclus,  La  terre 

à  vol  d  oiseau,  t.  II. 

Sur  le  Canada.  Excursion  au  Canada  et  à  la  rivière 
rouge,  par  M.  de  Lamothe  {Tour  du  Monde.  187,t,  2"  se- 
mestre, pages  97-144;  1878,  1"  semestre,  p.  223  et  suivantes')- 

Sur  la  Colombie.  L'Amérique  équinoxiale,  par  M.  Ed. 
André  [Tour  du  Monde,  2«  semestre,  1877,  p.  164;  1878, 
le'  semestre). 

Sïir  l'Amazone.  Voyage  d'Agassi:  et  voyage  d'explo- 
ration sur  l'Amazone  et  la  Madeira,  par  Fr.  Keller  Leuzin- 
ger  (Tour  du  Monde,  1874,  2«  semestre,  pages  369-416). 

Sur  les  Andes  et  le  Pérou.  Voyages  de  M.  Paul 
Marcoy  ;  Les  grandes  scènes  de  la  nature,  pai-  de  Lanoye  ; 
Les  phénomènes  terrestres,  par  El.  Reclus. 

Sur  la  Bolivie.  Le  désert  d'Atacama  et  Caracoles,  par 
l'ingénieur  firesson  {Tour  du  Monde,  1875,  1"  semestre, 
pages  321-352). 

Sur  la  République  Argentine.  Le  Paraguay,  par 
Fongues  [Tour  du  Monde,  1874,  1"  semestre,  pages  369- 
416)  ;  A  travers  la  Pampa  et  la  Cordillère,  par  M.  Diisiré 
Charnay  {Tour  du  Monde,  1877,  2«  semestre,  pages  385-416); 
La  République  argentine,  par  Beck-Bernard,  1865;  Id.,  par 
Rie.  Napp,  1876. 

I^ectures  et  dictées.  —  La  baie  de  Baffin,  dans  Zur- 
cheretMargollé,  Les  glaciers,  p.  282. 

Les  Pêcheries  du  Groenland,  dans  Hayes  ,  La  terre  de 
désolation,  p.  297;  Godhaven,  id.,  p.  332;  La  maison  de 
charbon  flottante,  dans  les  Voyages  au  pôle  nord,  par 
J.  Gourdiult,  p.  90.  „,      , 

Les  Antilles,  dans  J.  Duval,  Notre  Planète,  p.  346. 

L'Amazone,  son  cours  et  son  embouchure,  dans  Agassu, 
Voyage  au  Brésil,  p.  91-96-98-187. 

Le  tremblement  de  terre  de  Mendoza,  dans  le  Tour  du 
Monde,  1877,  II,  p.  399;  Le  saut  du  •  Téguendama,  par 
Edouard  André  {Tour  du  Monde,  1878,  I,  173). 

La  Cordillère  des  Andes,  dans  Lanoye,  Les  grandes 
scè7ies  de  la  nature,  p.  157,  et  E.  Reclus,  Les  phénomènes 
terrestres,  p.  69. 

AMIDON  ET  MATIÈRES  AMYLACÉES.  —  Chi- 
mie, XXII.  —  {Etijm.  :  de  l'italien  ou  de  l'espagnol 
qui  dérivent  eux-mêmes  d'un  mot  grec,  signifiant 
fait  sa7is  la  meule). 

Farine  :  gluten  et  amidon.  —  Quand  on  pétrit 
une  poignée  de  farine  de  blé  ou  de  seigle  dans- 
un  tamis  sous  un  filet  d'eau,  il  reste  dans  la  main 
une  pâte  grise,  élastique,  collante,  composée  en 
grande  partie  de  gluten,  principe  azoté,  essentiel- 
lement nutritif;  et  l'eau  qui  a  passé  à  travers  le 
tamis  laisse  déposer  une  substance  pulvérulente, 
irès-blanthe  :  c'est  de  Yamidon. 

Celte  séparation  facile  est  ïahalyse  immédiate 
de  la  farine.  Le  gluten  et  l'amidon  en  constituent 
les  principes  itnmédiats. 

Composition  chimique;  fécule.  —  L'amidon  ne 
contient  point  d'azote  ;  c'est  un  principe  ternaire, 
c'est-à-dire  composé  de  trois  corps  simples,  savoir: 


AMIDON 


—  H3  — 


AMIDON 


le  carbone,  rhydrogèiie  et  l'oxygène.  Considéré 
comme  aliment,  on  le  nomme  fécule*'^  amidon  est 
le  nom  générique  employé  en  cliimie. 

Substances  végétales  riches  en  amidon.  —  L'ami- 
don se  rencontre  en  abondance  dans  les  graines 
des  légumineuses  :  fèves,  pois,  haricots,  lentilles  ; 
ainsi  que  dans  celles  des  céréales  :  blé,  orge,  seigle, 
avoine,  maïs,  millet,  riz.  On  le  trouve  aussi  en 
grande  quantité  dans  les  tubercules  de  pommes  de 
terre  (fécule  de  pommes  de  terre),  de  patates, 
d'ignames,  de  soucliets  ;  dans  les  tiges  souter- 
raines ou  rhizomes  de  masette,  d'iris,  de  canna,  etc. 
L'amidon  abonde  dans  les  fruits  du  chêne,  du 
châtaignier,  du  marronnier  d'Inde,  du  sarrazin,  etc. 

Extraction  en  grand  de  l^mddon  ou  de  la  fécule. 
—  «  Dans  les  arts,  dit  M.  Wurtz,  cette  opération 
s'exécute  dans  une  auge  allongée,  demi-cylindrique, 
nommée  amidoîiniére,  où  la  pâte  est  pétrie  par  un 
cylindre  de  bois  cannelé,  tournant  autour  de  son 
axe.  Un  arrosage  continu  et  qu'on  peut  régler  à 
volonté  opère  la  séparation  de  l'amidon,  qui  est 
entraîné  avec  l'eau  dans  des  réservoirs.  Le  gluten 
vert  ou  humide  restedansl'amidonnière.  L'amidon 
ainsi  obtenu  renferme  encore  quelques  particules 
de  gluten  dont  il  faut  le  débarrasser.  Pour  cela  on 
fait  fermenter  le  produit  dans  des  cuves,  en  y 
ajoutant  quelques  centièmes  d'eau  sure,  c'est-à-dire 
d'une  eau  provenant  d'une  fermentation  précé- 
dente. 

«  Au  bout  de  quelques  jours,  4e  gluten  est  dé- 
truit, et  l'amidon,  convenablement  lavé  à  l'eau 
pure,  est  mis  à  égoutter  dans  des  paniers  d'osier. 
Les  blocs  sont  renversés  sur  l'aire  en  plâtre  d'un 
grenier,  où  ils  se  raffermissent.  On  les  rompt  ensuite, 
on  entoure  les  fragments  de  papier,  et  on  les  fait 
sécher  rapidement  dans  une  étuve.  La  masse  se 
divise  alors  en  prismes  irréguliers  ou  baguettes, 
par  suite  des  retraits  inégaux  qu'elle  éprouve. 

«  Un  autre  procédé,  qui  tend  à  être  abandonné 
aujourd'hui,  parce  qu'il  est  très  insalubre,  consiste 
à  faire  subir  au  grain  grossièrement  moulu  une 
véritable  putréfaction  qui  détruit  le  gluten  ;  la 
plus  grande  partie  de  ce  dernier  éprouve  ime  dé- 
composition putride  ;  il  se  dégage  de  l'ammo- 
niaque, de  l'hydrogène  sulfuré  et  d'autres  pro- 
duits infects,  de  telle  sorte  qu'tme  odeur  intolé- 
rable se  répand  dans  le  voisinage  des  ateliers. 
Quant  à  l'amidon,  il  résiste  à  la  décomposition  ;  on 
le  purifie  comme  nous  l'avons  indiqué  plus  haut.  » 

Propriétés  de  iamido7i.  —  Constitution  du 
grain  d'amidon.  —  L'amidon  s'écrase  sous  la  pres- 
sion des  doigts,  en  une  sorte  de  poudre  très- 
blanche  et  douce  au  toucher. 

Si  on  examine  cette  poudre  au  microscope,  on 
voit  qu'elle  est  formée,  non  de  grains  quelconques 
et  irréguliers,  mais  au  contraire  de  petites  masses 
organisées,  constituées  par  des  couches  concen- 
triques dont  la  densité  diminue  de  la  circonfé- 
rence au  centre.  On  peut  se  rendre  compte  de 
cette  structure  en  chauffant  l'amidon  dans  l'eau. 
Les  grains  se  gonflent  et  crèvent;  on  peut  voir 
alors  sous  le  microscope  leurs  couches  déchirées 
ot  séparées. 

Les  grains  d'amidon  sont  le  plus  souvent  ovoïdes  ; 
l'amidon  de  blé  forme  des  grains  irrégulièrement 
sphériques.  Ceux  de  fécule  sont  généralement 
allongés.  Le  diamètre  des  globules  est  toujours  à 
peu  près  le  même  pour  les  grains  de  même  ori- 
gine, et  il  diffère  beaucoup  d  une  espèce  à  l'autre, 
ce  qui  permet  de  reconnaître  par  l'examen  mi- 
croscopique l'introduction  frauduleuse  dune  farine 
quelconque  dans  une  autre,  dans  celle  de  blé  par 
exemple.  Ce  caractère  distinctif  a  un  degré  de  cer- 
titude assez  grand  pour  avoir  été  souvent  admis 
devant  les  tribunaux  comme  suffisant  à  démontrer 
la  fr.iude. 

Voici,  d'après  M.  Payen,  la  longueur  de  quelques 
grains    amylacés  d'origine   différente  :   pomme  de 

2*  Partie. 


terre, de  140  à  185  miUièmes  de  millimètre  ;  fèves, 
75  ;  —  lentilles,  G7  ;  —  blé,  50  ;  —  haricots,  30;  — 
mais,  30;  —millet,  10;  — graines  de  betterave,  4. 

Caractères  chimiques;  empois.  —  L'amidon  est 
hygroscopique,  c'est-à-dire  qu'exposé  à  l'air  il 
en  attire  rapidement  l'humidité.  La  recule  dite 
sèche  du  commerce  contient  encore  doux  équi- 
valents d'eau,  qu'elle  perd  quand  on  l'abandonne 
dans  le  vide.  Elle  ne  contient  plus  alors  que 
10  équivalents  d'hydrogène  et  autant  d'oxygène 
combinés  àl2  de  carbone.  On  peut  donc  représen- 
ter sa  composition  par  la  formule  C'^H'^'O'''. 
On  a  pu  dire  qu'au  point  de  vue  des  classifi- 
cations théoriques  l'amidon  est  un  hydrate  de 
carbone. 

L'amidon .  est  insoluble  dans  l'alcool,  dans 
l'éther  et  dans  l'eau  froide.  Chauffé  dans  l'eau  à 
70°,  il  forme  un  empois  ou  bouillie  épaisse,  pro- 
venant de  ce  que  chaque  globule  s'est  dilate  de 
manière  à  occuper  2û  à  30  fois  son  volume  primi- 
tif. L'empois  d'amidon  est  gélatineux  et  demi- 
transparent.  C'est  à  cet  état  qu'il  est  employé 
pour  coller,  et  surtout  pour  empeser  le  linge. 

lodure  d'amidon.  —  En  filtrant  de  l'amidon 
bouilli  dans  une  grande  quantité  d'eau,  on  obtient 
une  solution  d'amidon,  liqueur  trouble  qui  con- 
tient sous  forme  de  légers  flocons  quelques  traces 
d'amidon  en  suspension,  mais  non  en  dissolution. 
Cette  liqueur,  mise  en  contact  avec  des  traces 
d'iode,  soit  en  y  versant  une  ou  detix  gouttes  de 
solution  aqueuse  ou  de  teinture  alcoolique  d'iode, 
soit  même  en  y  jetant  quelques  parcelles  d'iode, 
prend  immédiatement  une  magnifique  coloration 
bleu  foncé  tout  à  fait  caractéristique,  de  sorte 
que  l'amidon  et  l'iode  sont  le  réactif  l'un  de 
l'autre.  Les  plus  faibles  traces  d'amidon  sont  révé- 
lées par  l'iode,  et  réciproquement.  L'amidon  à 
l'état  solide  possède  la  même  propriété,  mais  :\  la 
condition  que  son  grain  ait  été  trituré,  écrasé  ;  il 
semble  donc  que  c'est  à  l'intérieur  du  globule  que 
se  trouve  la  substance  susceptible  de  donner  la 
coloration  bleue  par  l'iode.  On  a  considéré  la  subs- 
tance bleue  ainsi  formée  comme  une  véritable  com- 
binaison chimique  et  on  l'appelle  Yiodure  d'amidon. 
Sa  plus  curieuse  propriété  est  de  se  décolorer 
quand  on  la  chauffe  vers  00°,  puis  de  se  colorer 
de  nouveau  par  le  refroidissement. 

L'expérience  très  curieuse  peut  être  répétée 
plusieurs  fois  de  suite,  à  condition'  qu'on  ne 
fasse  pas  bouillir  la  liqueur,  car  alors  le  refroi- 
dissement ne  ramènerait  pas  la  coloration  bleue. 

Transformations  de  l'amidon.  Dextrine.  — 
Chauffé  fortement,  il  abandonne  beaucoup  de  va- 
peur d'eau,  d'hydrogène  carboné  et  laisse,  comme 
tous  les  corps  organiques  de  composition  sem- 
blable, un  résidu  noir  de  charbon  presque  pur. 

Chauffé  doucement  et  longtemps  sans  qu'on  dé- 
passe 100°,  l'amidon  se  torréfie,  devient  de  la  dex- 
trine, c'est-à-dire  de  l'amidon  soluble  dans  l'eau 
(ce  nom  lui  vient  de  ce  qu'elle  dévie  à  droite  le 
plan  de  polariscdion  *  de  la  lumière). 

La  dextrine  contient  autant  de  carbone,  d'hydro- 
gène, d'oxygène  que  l'amidon,  autrement  dit  elle  a 
la  même  composition  centésimale. 

Diuer<es  circonstances  dans  lesquelles  l'amidon 
se  transforme  en  d  xtrine  et  en  glucose.  —  L'ami- 
don se  transforme  en  dextrine  dans  plusieurs  cas  : 
rlorsqu'onlechauft'e  à  2 10":  2"  lorsqu'on  le  soumet 
à  une  longue  ébulliiion  avec  l'eau  ;  ;■("  lorsqu  on  le 
chauffe  dans  de  l'eau  alcalisée  par  de  la  potasse; 
4"  lorsqu'on  le  soumet  à  l'action  des  acides  étendus; 
si  l'action  de  l'acide  se  prolonge,  l'amincjn  sera 
transformé  en  glmuse  fV.  Svcre  et  Fécub). 

Lorsqu'on  cliautTe  de  l'amidon  avec  beaucoup 
d'eau  vers  7(»"  et  qu'on  y  ajoute  une  infusion  d'orge 
germée.  il  se  forme  de  la  dextrine  et  du  glucose,  et 
finalement,  quand  tout  l'amidon  a  disparu,  la  dex- 
trine elle-même  se  iransi'onne  en  glucose    Cette 


AMIDON 


114  — 


AMMONIAQUE 


transformation  s'est  accomplie  sous  l'action  d'une 
substance  qui  existe  dans  l'orge  gcrmce  et  qu'on 
nomme  diastase.  C'est  là  le  principe  de  la  fabri- 
cation de  la  bière.  Le  ferment  de  la  levure  de 
bièi-e  (V.  Fermentation],  la  salive,  et  même  le 
gluten  peuvent  aussi  produire  la  transformation  de, 
l'amidon  en  dextrine  et  en  glucose.  Pendant  la 
germination  des  graines  de  céréales,  la  diastase 
transforme  l'amidon  du  grain  en  glucose  soluble  et 
capable  d'être  absorbé  par  le  jeune  végétal  qui 
s'en  nourrit. 

Traité  par  l'acide  azotique  étendu,  l'amidon  se 
transforme  en  acide  oxalique  (acide  des  oseilles  , 
et  il  se  dégage  en  même  temps  des  quantités  con- 
sidérables de  vapeurs  rutilantes. 

Rôle  de  l'amidon  et  des  substances  amylacées 
comme  aliments  respiratoires .  —  On  trouve  dans 
le  conniierce  un  grand  nombre  de  fécules  alimen- 
taires très-employées  dans  léconomie  domestique; 
tout  le  monde  connaît  les  usages  du  blé,  du  seigle, 
de  l'avoine,  des  pommes  de  terre,  etc.,  sans  parler 
du  tapioca,  fabriqué  avec  la  fécule  de  manioc  (V. 
Eup/ioràiacées,  p.  740 1,  ni  des  pâtes  féculentes  con- 
nues sous  le  nom  générique  de  pâtes  d'Italie. 

L'amidon  est  un  aliment,  puisqu'il  entre  comme 
élément  important  dans  toutes  les  farines  et  par 
conséquent  dans  le  pain  ;  mais  il  s'y  trouve  associé 
à  d'autres  principes,  tels  que  le  gluten,  principe 
quaternaire,  c'est-à-direformé  de  carbone,  d'hydro- 
gène, d'oxygène  et  d'azote;  l'amidon,  ne  contenant 
point  d'azote,  ne  peut  point  à  lui  seul  ou  avec 
de  l'eau  constituer  un  aliment  nutritif  proprement 
dit.  La  plupart  des  tissus  organiques,  sinon  tous, 
sont  formés  dt  principes  azotés,  et  par  conséquent 
ne  peuvent  point  trouver  dans  l'amidon  >^eul,ou 
dans  les  principes  ternaires  semblables,  les  élé- 
ments nécessaires  à  leur  réparation  ou  à  leur  ac- 
croissement. 

A  quoi  sert  donc  l'amidon  dans  l'alimentation  ? 
à  quoi  servent  en  général  les  aliments  non  azotés 
dont  il  est  le  type,  tels  que  la  dextrine,  l'alcool,  le 
sucre?  Ces  substances,  dites  amylacées,  sont,  avec 
les  graisses,  ce  qu  on  appelle  des  aliments  respira- 
toires (V,  Aliments). 

Sous  l'action  de  la  salive  qui  contient  une  espèce 
de  ferment  appelé  ptyaline  ("V.  Digestion,  p.  592), 
l'amidon  devient  soluble,  et  pouvant  alors  être 
absorbé,  il  passe  dans  l'organisme,  où  il  est  brùlu. 
c'est-à-dire  transformé  en  acide  carbonique  et  en 
eau  dans  le  phénomène  général  de  la  respiration 
■  (V.  Oxygène  et  Respiration]  ;  or  c'est  précisément 
ce  phénomène  général  d'oxydation  qui  produit  la 
chaleur  animale  indispensable  à  la  vie.  Ainsi  les 
aliments  amylacés,  et  en  particulier  l'amidon  qui 
en  est  le  type,  ont  pour  effet  d'entretenir  dans 
l'organisme  la  chaleur,  et  par  conséquent  la  vie. 
aussi  bien  que  les  aliments  azotés  réparateurs  des 
différents  tissus. 

Préparation  industrielle  et  usages  de  la  dextrine. 
—  C'est  en  1833  que  la  dextrine  a  été  isolée,  pré- 
parée à  part  par  M.  Dubrunfaut  ;  rappelons  ici  que 
si  elle  a  la  même  composition  chimique  que  l'ami- 
don, elle  en  diffère  par  de  nombreuses  propriétés 
qui  rendent  aujourd'hui  ses  usages  assez  nombreux. 
La  dextrine  ressemble  assez  à  la  gomme  arabi(|UR  ; 
elle  n'a  comme  elle  ni  saveur  ni  odeur,  et  comme 
elle  coûte  beaucoup  moins  cher,  elle  la  remplace 
dans  un  irrand  nombre  de  circonstances. 

Dans  l'industrie,  on  fabrique  en  grand  la  dextrine, 
soit  par  voie  humide  en  chauffant  de  la  fécule  à 
75°  dans  de  l'eau  où  on  a  mis  du  malt;  soit  par 
voie  5éc/ie,  en  chauffant  à  180°  des  plaques  sur  les- 
quelles on  a  étendu  de  la  fécule  en  couches  minces  ; 
soit  par  le  procédé  dû  à  M.  Payen,  en  chauffant  la 
fécule  après  l'avoir  imbibée  d'eau  étendue  d'acide 
azotique. 

On  s'assure  aisément  que  la  transformation  de  la 
fécule  en  dextrine  est  complète,  car  l'iode,  qui  co- 


lorait en  bleu  la  solution  d'amidon,  colore  en 
pourpre  la  dextrine. 

Usages.  —  La  dextrine  sert  à  édulcorer  et 
gommer  les  tisanes,  à  fabriquer  des  pains  de  luxe, 
û\x&  pains  de  dextrine.  On  s'en  sert  dans  plusieurs 
industries,  notamment  pour  la  fabrication  de  la 
bière,  de  l'alcool,  l'apprêt  des  indiennes,  l'encol- 
lage des  tissus  en  général,  l'application  des  mor- 
dants en  teinturerie,  l'impression  des  papiers 
peints,  etc.  L'une  des  applications  les  plus  utiles 
de  la  dextrine  est  la  fabi-ication  des  bandes  agglu- 
tiiiatives  dont  on  enveloppe  les  membres  fracturés. 
On  délaye  100  grammes  de  dextrine  dansGi  grammes 
d'eau-de-vie  camphrée,  on  ajoute  4o  grammes  d'eau 
et  avec  ce  mélange  on  enduit  les  bandelettes  desti- 
nées au  pansement.  A  mesure  qu'elles  sèchent, 
elles  durcissent,  en  se  modelant  sur  le  membre 
qu'elles  doivent  protéger.  Pour  les  enlever,  il 
suffit  ensuite  de  les  mouiller  avec  de  l'eau  tiède. 

[A.  Jacquemart.] 

AMMOIAQUE.  —  Chimie,  V.  —  (Étym.  du  non> 
de  Jupiter  Ammon,  en  Libye,  parce  que  le  sel 
ammoniac  fut  préparé  pour  la  première  fois  dans 
les  environs  du  temple  d  Ammon). 

L'ammoniaque  est  un  composé  d'hydrogène  et 
d'azote  qui  a  pour  formule  AzH^  et  dont  l'impor- 
tance est  de  premier  ordre,  quel  que  soit  le  point 
de  vue  auquel  on  se  place.  Le  corps  dont  la  com- 
position est  représentée  par  la  formule  ci-dessus  est 
le  gaz  ammoniac,  et  sa  dissolution  aqueuse,  qui 
n'est  pas  moins  importante,  s'appelle  l'ammoniaque 
ou  Valcali  volatil. 

Circonstances  dans  lesquelles  se  produit  le  gaz^ 
ammoJiiac.  —  En  faisant  brûler  un  mélange  gazeux 
d'azote,  d'oxygène  et  d'hydrogène,  on  obtient  uns 
combinaison  d'acide  azotique  et  d'ammoniaque. 
On  trouve  toujours  du  carbonate  d'ammoniaque 
dans  la  rouille  de  fer  [\.  F>^r,  p.  76G).  Il  se  forme 
aussi  de  1  ammoniaque  quand  le  fer,  le  zinc,  l'étain 
s'oxydent  en  présence  de  l'acide  azotique  ;  en  pré- 
sence de  l'éponge  de  platine,  les  vapeurs  azotiques 
mélangées  à  de  l'hydrogène  donnent  de  l'ammo- 
niaque ;  la  plupart  des  matières  organiques  azotées 
donnent  du  carbonate  d'ammoniaque  par  la  distil- 
lation sèche  et  de  l'ammoniaque  reconnaissable  à 
son  odeur,  si  on  les  chauffe  avec  de  la  potasse  ou 
de  la  soude  caustique  ;  c'est  même  là  le  moj'cn 
qu'on  emploie  pour  reconnaître  si  une  substance 
organique  est  azotée.  Les  matières  organiques 
azotées  donnent  tuujours  naissance  à  des  produits 
ammoniacaux  quand  elles  se  décomposent;  ainsi 
dans  les  lieux  d'aisance  il  se  dégage  continuelle- 
ment, mais  surtout  en  été,  du  carbonate  et  du 
sulfhydrate  d'ammoniaque  ;  dans  les  écuries  de 
chevaux  principalement, l'odeur  ammoniacale  est 
souvent  très  sensible,  et  les  propriétés  irritantes 
de  ce  saz  se  font  sentir  sur  les  muqueuses  des  pau- 
pières ;  il  suffit  de  jeter  de  la  chaux  vive  sur  du 
fumier  ou  dans  des  eaux  d'écurie  qui  commencent 
à  se  putréfier  pour  que  l'odeur  caractéristique  ap- 
paraisse. On  peut  donc  dire,  conformément  à 
l'expérience  et  à  l'observation  de  tous  les  jours,, 
que  les  produits  organiques  azotés  donnent  tou- 
jours de  l'ammoniaque  lorsque  leurs  éléments  re- 
viennent à  l'état  minéral,  soit  sous  l'influence  de 
la  chaleur,  soit  par  la  putréfaction.  Le  composé 
Az  h'  est  gazeux  dans  les  conditions  ordinaires, 
mais  il  a  pu  être  liquéfié, et  c'est  par  l'évaporation 
en  grand  du  liquide  ainsi  obtenu  que  M.  Carré, 
ingénieur  physicien,  a  pu  produire  un  froid  consi- 
dérable, utilisé  aujourd'hui  au  moyen  de  ses  ap- 
pareils pour  la  fabrication  artificielle  de  la  glace 
iV.  Evaporation). 

Propriétés.  —  Ce  gaz  est  incolore,  très  difficile- 
ment combustible,  décomposé  en  azote  et  en 
hydrogène  sous  l'action  d'une  série  d'étincelles 
électriques  ;  une  allumette  qu'on  y  plonge  s'éteint 
immédiatement.  Il  est  surtout  caractérisé  par  son 


AMMONIAQUE 


—  Mo 


AMMONIAQUE 


odeur,  qui  est  extrêmement  pénétrante  et  provo- 
que le  larmoiement;  c'est  le  seul  gaz  ramenant  au 
bleu  le  papier  rouge  de  tournesol  (V.  Bases). Le 
gaz  ammoniac  est  extrêmement  soluble  dans  i  eau  : 
un  litre  d'eau  saturé  à  la  température  de  10°  con- 
tient plus  de  ôOi)  litres  de  gaz.  Vammo7iiaque  se 
combine  aux  acides  comme  les  bases  ou  oxydes  mé- 
lalliques  les  plus  puissants.  C'est  du  reste  presque 
toujours  à  i'élat  de  se)  que  l'ammoniaque  prend 
naissance.     . 

Tous  les  sels  d'ammoniaque  à  acides  oxygénés 
contiennent  une  molécule  d'eau  qu'on  ne  peut  leur 
enlever  sans  détruire  le  sel.  Ainsi  l'azotate  et  le 
sulfate  d'ammoniaque  contiennent  toujours  une 
molécule  d'eau  :  Az03,HO,AzH3;  S03,HO,AzH3;  au 
contraire,  les  iiydracides,  tels  que  l'acide  chlor- 
iiydrique,  l'acide  suU'nydrique,  etc.,  forment  avec 
l'ammoniaque  des  sels  sans  molécule  d'eau,  ana- 
logues au  chlorure  et  au  sulfure  de  potassium. 
Pour  expliquer  ces  analogies  entre  les  sels  am- 
iuoniacaux  et  les  sels  de  même  espèce  contenant 
1106  base  métallique.  Ampère,  l'illustre  physicien 
français,  a  imaginé  une  théorie  célèbre,  qu'a 
ensuite  développée  Berzélius,  le  grand  chimiste 
suédois.  Ampère  suppose  qu'il  existe  dans  tous 
les  composes  ammoniacaux  une  molécule  complexe 
y  jouant  le  même  rôle  que  la  molécule  métallique 
joue  dans  les  sels  ordinaires  ;  cette  molécule  com- 
posée, appelée  radical, àoii,  d'après  Ampère,  être 
considérée,  chimiquement  du  moins,  comme  une 
molécule  métallique,,  et  ce  métal  il  l'a  appelé  am- 
monium. 

Le  tableau  comparatif  suivant  fera  comprendre 
comment  cette  hypothèse  fait  rentrer  les  sels  am- 
moniacaux dans  la  classe  des  sels  à  base  métallique. 

Sels  ammoniacaux.     Sels  ci'ammonium.     Sels    coirespond'* 

de  potassium. 
Az3H,Hr.l.  Cl,AzH4.  CIK. 

Cliloilivdrated'am-     Chlorure  d'ammo-     Chlorure  de  potas- 
moniaque.  nium.  sium. 

AzH3,  hS.  s,  AzHi.  SK. 

Sulfhydrate  d'am-      Sulfure   d'ammo-      Sulfure   de    potas- 
mouiaque  nium  sium 

AzHî,  HO,  Az03.  AzHiO,  AzO».  KO,  AzQS. 

Azotate     d'ammo-      Azotate    d'oxyde      Azotate  d'o\yde  de 
Iliaque.  d'ammonium.  potassium. 

Une  très-curieuse  expérience  faite  par  Berzélius 
tend  à  mettre  plus  en  évidence  l'existence  de  l'am- 
monium. En  versant  une  dissolution  saturée  de 
chlorhydrate  d'ammoniaque  sur  un  amalgame  de 
sodium,  on  obtient  instantanément  une  masse 
butyreuse  d'aspect  métallique  ayant  un  volume 
10  ou  lôfois  égal  au  volume  de  l'amalgame  de  so- 
dium. Cette  substance  peut  être  regardée  comme 
un  amalgame  d'ammonium;  mais  on  n'a  pas  pu  en 
extraire  le  métal  :  elle  se  décompose  tout  do  suite  en 
donnant  une  forte  odeur  ammoniacale.  En  admet- 
tant qu'on  ne  parvienne  jamais  à  isoler  ce  métal 
composé,  il  ne  serait  pas  encore  absurde  d'ad- 
mettre l'existence  distincte  de  ce  groupe  dans  les 
molécules   plus  complexes  des  sels  ammoniacaux. 

En  1814,  Gay-Lussac  découvrit  un  composé 
gazeux  d'azote  et  de  carbone,  C^Az,  qu'il  dut 
considérer  comme  étant  de  la  famille  des  corps 
simples,  rliloro,  iode.  etc.  C'est  le  ci^aiiugèn-  *. 
Les  combinaisons  qu'il  forme  avec  les  métaux  ont 
de  nombreuses  analogies  avec  les  chlorures  des 
mêmes  métaux;  le  cyanogène  est  donc  un  radical 
métalloïde  jouant  le  rôle  de  corps  simple.  Dans 
la  suite  le  nombre  de  ces  radicaux  composés  s'ac- 
crut considérablement  et  bientôt  fui  constituée  la 
théorie  des  radicaux,  qui  rendit  tant  de  services  aux 
chimistes  pour  l'explication  des  nombreux  faits 
observés  dans  l'étude  des  composés  organiques 
(V.  Cliiniie  organique). 

Préparation  du  gaz  ammoniac.  —  On  chauffe 
doucement  un  mélange  de  sel  a-imoniac  (chlorhy- 
drate d'ammoniaque)  avec  de  la  chaux  ;  il  se  forme 


du  chlorhydrate  de  chaux  ;  le  gaz  ammoniac  qui  se 
dégage  est  reçu  dans  des  éprouvettes  pleines  de 
mercure  ;  la  réaction  se  fait  même  à  froid.  Si  on 
veut  préparer  la  dissolution  aqueuse  du  gaz,  on  le 
fait  arriver  dans  des  flacons  à  moitié  pleins  d'eau 
distillée. 

Le  sel  ammoniac  était  autrefois  importé  d'Egypte  : 
on  l'extrayait  de  la  suie  provenant  de  la  combustion 
des  fientes  de  chameau;  on  le  purifiait  par  distil- 
lation, car  il  est  très-volatil.  Aujourd'hui  on  le 
fabrique  en  grand,  en  chauffant  un  mélange  de 
sulfate  d'ammoniaque  et  de  sel  marin  ou  chlorure 
de  sodium  ;  les  deux  bases  échangent  leurs  acides  : 
il  se  forme  du  chlorhydrate  d'ammoniaque  qui 
distille  et  du  sulfate  de  soude  qui  reste.  Le  sul- 
fate et  la  plu|)art  des  sels  ammoniacaux  se  pré- 
parent aujourd'hui  au  moyen  des  eaux  de  lavage 
du  gaz  d'éclairage,  qui  sont  chargées  de  carbonate 
d'ammoniaque. 

Le  chlorhydrate  d'ammoniaque  se  forme  instan- 
tanément sous  forme  de  fumées  blanches  très-épais- 
ses quand  on  met  l'ammoniaque  en  présence  du 
chlore  ou  de  l'acide  chlorhydrique.  Si  l'on  fait  arri- 
ver un  courant  d'ammoniac  gazeux  dans  un  flacon 
plein  de  chlore  bien  sec,  le  gaz  s'enflamme  en  don- 
nant d'épaisses  fumées. 

Usages.  —  L'ammoniaque  est  employée  comme 
caustique  contre  les  piqûres  d'insectes,  contre  l'i- 
vresse, et  enfin,  en  l'étendant  d'eau,  car,  concen- 
trée, elle  constitue  un  poison  caustique  éner- 
gique, on  l'administre  aux  ruminants  atteints  de 
cette  maladie  foudroyante  appelée  méUorisation, 
qu'ils  contractent  facilement  en  mangeant  de 
jeunes  herbes  tendres.  L'ammoniaque  agit  dans  ce 
cas  en  neutralisant  l'acide  carbonique  que  la  di- 
gestion a  développé  en  grande  quantité  dans  les 
organes  digestifs  et  qui  a  ainsi  provoqué  une  véri- 
table asphyxie  en  même  temps  qu'un  fort  gon- 
flement. 

La  plupart  des  sels  ammoniacaux  sont  utilisés 
soit  dans  l'industrie,  soit  dans  les  laboratoires  ou 
dans  la  thérapeutique. 

Les  végétaux  sont  les  véritables  laboratoires 
où  l'azote,  en  s'associant  au  carbone,  à  l'hydro- 
gène et  à  l'oxygène,  s'organise  pour  former  les 
principes  immédiats  azotés  (V.  Chimie  organique). 
C'est  surtout  dans  le  sol  et  non  dans  l'air  que  les 
végétaux  puisent  l'azote  dont  ils  ont  besoin  à  cet 
effet,  et  c'est  principalement  à  l'état  de  sels  d'am- 
moniaque solubles  que  ce  gaz  doit  pénétrer  dans  les 
tissus  pour  s'y  assimiler.  Le  fumier  et  la  plupart 
des  engrais  contiennent  des  sels  ammoniacaux  ;  on 
peut  même  affirmer  que  leur  richesse  comme  en- 
grais est  presque  proportionnelle  à  ce  qu'ils  en 
renferment;  de  là  l'introduction  des  sels  ammo- 
niacaux en  proportions  diverses  dans  les  engrais 
artificiels.  Ainsi  on  livre  à  la  végétation  l'azote  à 
l'état  d'ammoniaque  .  la  plante,  sous  l'influence  des 
liénomènes  vitaux,  fabrique  les  principes  néces- 
saires à  la  vie  des  animaux  :  fibrine,  caséine,  albu- 
mine,' etc.;  et  après  la  mort,  ou  lorsqu'elles  ne  sont 
plus  sous  l'influence  de  l'organisme,  ces  substan- 
ces rejettent  l'azote  à  l'état  d'ammoniaque  en  sti- 
bissant  les  transformations  complexes  de  la  dé- 
composition putride.  C'est  ce  cycle  parcouru  par 
la  substance  minérale  pénétrant  dans  le  règne 
organique  que  l'illustre  chimiste  Dumas  a  décrit 
dans  les  lignes  qui  suivent  : 

«  Les  animaux  défont  peu  à  peu  les  matières  or- 
ganiques créées  lentement  par  les  plantes.  Ils  les 
ramènent  peu  à  peu  vers  l'état  d'acide  carbonique, 
d'eau,  d'azote,  d'ammoniaque  qui  leur  permet  de 
les  restituer  à  l'air. 

»  En  brûlant  ou  en  détruisant  ces  matières  or- 
ganiques, les  animaux  produisent  tou^jOurs  de  la 
chaleur,  qui,  rayonnant  de  leur  corps  dans  l'espace, 
va  remplacer  celle  que  les  végétaux  avaient  ab- 
sorbée. 


AMORTISSEMENT 


—  M6  — 


AMORTISSEMENT 


1)  Ainsi  tout  ce  que  l'air  donne  aux  plantes,  les 
plantes  le  codent  aux  animaux,  les  animaux  le 
rendent  à  l'air  :  cercle  éternel  dans  lenucl  la  vie 
s'agite  et  se  manifeste,  mais  où  la  matière  ne  fait 
■  jtie  passer  sans  changer. 

»  La  matière  brute  de  l'air,  organisée  peu  à  peu 
dans  les  plantes,  vient  donc  fonctionner  sans  alté- 
ration dans  les  animaux  et  servir  d'instrument  à  la 
pensée  ;  puis,  vaincue  par  cet  effort  et  comme  bri- 
sée, elle  retourne,  matière  brute,  au  grand  réser- 
voir d'où  elle  était  sortie.  »       [A.  Jacquemart]. 

AMORTISSEaiK^T.  —  Arithmétique^  LVI.  — 
Remboursement  d'un  emprunt  par  le  paiement 
d'une  somme  annuelle  à  laquelle  on  donne  le  nom 
d'amjuité  *. 

1.  Lorsque  l'on  contracte  un  emprunt  et  que 
l'on  ne  peut  s'acquitter  qu'au  bout  d'un  certain 
temps,  on  doit  non-seulement  la  somme  avancée, 
mais  les  intérêts  de  cette  somme,  et  les  intérêts 
des  intérêts  ;  on  doit,  en  d'autres  termes,  le  ca- 
pital définitif  que  la  somme  empruntée  aurait 
produit  si  elle  eût  été  placée  à  intérêts  composés 
depuis  le  jour  de  l'emprunt  jusqu'à  l'époque  du 
remboursement  intégral.  Si  A  désigne  la  somme 
empruntée,  r  l'intérêt  de  1',  et  n  le  nombre  des 
annuités  qu'il  faudra  payer  pour  éteindre  la  dette, 
le  capital  définitif  dont  on  vient  de  parler  sera 
exprimé  (V.  Intérêts  composés)  par 

A(lH-r)i. 

D'un  autre  côté,  si  a  désigne  l'annuité,  les 
sommes  successivement  payées  pouvant  être  con- 
sidérées comme  placées  à  intérêts  composés  entre 
les  mains  du  prêteur,  produiront  à  son  profit  un 
capital  définitif  exprimé  (V.  Annuités)  par 

a[fl-f?-)«— 1] 


la  dernière  annuité  versée  ne  portant  point  intérêt. 
Les  deux  sommes  ainsi  calculées  devant  être  égales, 
on  aura 

°i"+f-"~A(l+.).;  (1) 

c'est  la  formule  de  l'amortissement. 

2.  Si  c'est  l'annuité  qui  est  inconnue,  ce  qui 
est  le  cas  le  plus  ordinaire,  on  tire  de  cette  for- 
mule 

(l-l-r)i  — 1  ^  ^ 

Pour  effectuer  les  calculs  indiqués,  on  posera 
d'abord 

x={l-Jrr)n, 

d'où  log.x—nlog.{l-\-r);  (3) 

la  quantité  x  ainsi  déterminée,  la  formule  (2)  de- 
viendra 

d'où 

log.  a  =  log.  A  +  log.  r  +  log.  a;  —  log.  (  j;  —  1  ;• 

Supposons,  par  exemple,  qu'une  compagnie  em- 
prunte 1  000  000'  pour  une  entreprise  industrielle, 
et  qu'elle  veuille  amortir  sa  dette  en  20  ans,  les 
intérêts  étant  calculés  à  5  pour  100.  On  aura  d'a- 
bord 1  +  ?•=  1,05.  On  aura  ensuite 

log.  X  =  20.  log.  (1,05)  =  0,4237800 
d'où  X  =  2,05329,  et  a;  —  1  =  1 ,65329. 
Par  suite 

1000 000'. 0,05. 2,05-329      „„,,„,    „ 
"=  Î;Ô5329-' =80242',72. 

3.  Il   arrive    assez   fréquemment  que   c'est   le 


nombre  d'années  qui  est  inconnu.  Dans  ce  cas,  on 
tire  de  l'équation  (4) 

(5) 


a  — Ar' 
la  formule  (3)  donne  ensuite 

log.  x 

"^î^(lT^* 

Si,  par  exemple,  dans  la  question   ci-dessus  on 
fixe  l'annuité  à  80  000',  on  a  d'abord 

80  000  8 


(6) 


puis 


80  000  —  1  000  000. 0,05      3 


log. 


0,42.59087 

'log.  1,05  ~  0,021 1893 


^  20,09* 


4.  Le  nombre  n  d'années  se  trouvant  ainsi 
compris  entre  20  et  21 ,  on  voit  qu'on  pourrait 
opérer  l'amortissement  au  moyen  de  20  annuités 
de  8o  000',  et  d'une  dernière  annuité  moindre 
C'est  ce  que  l'on  fait  quelquefois.  Pour  trouver, 
dans  l'exemple  actuel,  cette  dernière  annuité,  on 
calculera  la  valeur  du  capital  définitif  produit  par 
les  20  premières  annuités,  c'est-à-dire 

80000'.  [(1,05)20— 1]  .^  „„,.„..r„« 

~r^ )  ce  qui  donne  2  645  275f,20- 

0,05 

On  calculera  de  môme  la  valeur  de  la  dette  au 
bout  de  la  20'  année,  c'est-à-dire 

lOOOOuO'.  (1,05)20,  ce  qui  donne  2  653  297'. 
Si  l'on  en  retranche  la  somme  2  645  275',20,  trouvée 
ci-dessus,  le  reste  8021',80,  placé  à  5  p.  100  pen- 
dant une  année,  soit  8422^,90,  sera  le  montant  de 
la  dernière  annuité  à  payer  au  bout  de  la  21*  an- 
née. 

5.  Si  l'inconnue  était  la  somme  empruntée, 
on  tirerait  facilement  A  de  la  formule  (1)  ;  mais 
ce  cas  ne  se  rencontre  que  rarement  dans  la  pra- 
tique. 

Il  arrive  encore  moins  que  le  taux  r  soit  l'in- 
connue du  problème  ;  dans  ces  sortes  de  ques- 
tions, le  taux  de  l'intérêt  est  toujours  fixé  à  l'a- 
vance. 

6.  L'amortissement  peut  être  différé,  c'est-à- 
dire  que  l'emprunteur  peut  s'engager  à  s'acquitter 
en  n  annuités,  dont  la  première  ne  sera  payable 
que  p  années  après  la  date  de  l'emprunt.  Dans  ce 
cas  la  formule  (1)  subit  une  modification.  Le  capi- 
tal définitif  produit  par  n  annuités  est  toujours 

g[(l+r)n-l]^ 


mais  la  dette  s'élève,  au  bout  de  p  -[-  n  années,  à 

K{\-\-r)P  +  y^\ 
on  doit  donc  avoir 

^M±^!lll3^.^^X^r),^n.  (7) 

En  posant  toujours 

a;  =  (1  4-  r)"  ,  d'où  log.  x^=n  log.  (1  -f  ;•), 

-'^''■''''  ,^s 

on  aura  a= •  (8) 

X  —  1 

Si,  par  exemple,  on  suppose 

A  ==  300  000',  r  =  0,05,  ?2  =  10  et  p  =  5, 

on  trouvera  ainsi 

a  =  49  5S5f,34. 

7.   Dans   la   plupart    des   États    Eui'opcèns   qui 


AMORTISSEMENT 


—  H7  — 


AMPHIBIE 


ont  recours  à  l'emprunt,  le  gouvernement  affecte 
chaque  année  à  l'amortissement  de  la  dette  pu- 
blique une  fraction  du  capital  nominal  de  cette 
dette.  Les  sommes  affectées  à  ce  service  sont  dé- 
posées dans  une  caisse  particulière,  appelée  caisse 
d'amortissement,  où  elles  produisent,  au  bout  d'un 
certain  temps,  en  s'augmentant  de  leurs  intérêts 
composés,  la  somme  nécessaire  à  l'extinction  de  la 
dette.  La  somme  affectée  chaque  année  à  l'amor- 
tissement s'appelle  la  dotation  de  la  caisse  d'a- 
mortissement. Cette  dotation  est  le  plus  souvent 
le  centième  du  capital  nominal  de  la  dette. 

On  peut  demander  le  temps  nécessaire  à  l'extinc- 
tion de  la  dette.  Ce  problème  ne  diffère  de  celui 
du  n"  3  qu'en  ce  que  l'État,  servant  les  intérêts  de 
la  dette,  n'est  débiteur  que  du  capital  emprunté. 
La  formule  à  employer  est  donc 


On  en  tire 


o[fl-h?')«  — 1] 


(l  +  ,.)n=.^+l 


(8) 


(0) 


On  calculera  donc  le  second  nombre  ;  et  si  B  est 
sa  valeur,  on  aura 

(l-f.)n  =  B,    d'oùn^j^^^i^.     (10) 

Si,  par  exemple,  on  suppose 

a=  — •  A,     et  j'  =  0,045, 

ce  qui  répond  au  taux  de  4  ^  pour  100,  on  trou- 
vera 

B=  100?-+ 1=5,5 

log.  5,5  0,7403627 


et      n  = 


log.  (1,045)       0,UiyilG3 


valeur  comprise  entre  38  et  39  ans. 

8.  On  pourra  proposer  aux  élèves  les  exemples 
suivants  : 

L  Quelle  annuité  fant-il  payer  pendant  29  ans 
vour  éteindre  une  dette  de  450  000',  le  taïuu  de 
l'intérêt  étant  de  5  pour  100? 

Réponse  :  29720',48. 

IL  Une  personne  s'est  acquittée  d'une  dette  au 
moyen  de  10  annuités  de  421',50  chacune;  les  inté- 
rêts étant  calculés  à  4  |  pour  lOO,  on  demande  quel 
était   le  moîitant    de   la  dette? 

Réponse  :  3335',20. 

IIL  Si  l'on  a  amorti  une  dette  de  10  000'  au 
moyen  de  G  annuités  de  11)07' G2  chacune,  quelle 
anJîuité  faudrait-il  payer  pefidant  le  même  temps 
pour  amortir  ime  dette  de  84  '00^,  le  taux  de 
l'intérêt  étant  supposé   le  même  ? 

Réponse  :  ltJl38',47. 

IV.  Une  personne  a  emprunté  6000',  et  veut 
s'acquitter  par  8  annuités,  le  taux  de  l'intérêt 
étant  de  6  pour  100;  quel  sei'a  le  montant  de 
chique  ajinuité? 

Réponse  :  i)6Gf,21. 

V.  Quelle  dette  pourrait-on  amortir  en  20  an- 
nuités de  lOOQf  chacune,  le  taux  de  l'intérêt  étaiit 
de  i  pour  luO; 

Réponse  :  13590',31. 

VI.  Dans  quelques  Etats,  le  gouveryieinent 
n'affecte  h  l'amortissement  que  \  pour  100  du  ca- 
pital nominal  de  la  dette  publique;  si  les  intérêts 
sont  calcules  à  5  pour  lOO  combien  d'années  fau- 
dra-t-il  pour  amortir  entièrement  cette  dette? 

Réponse  :  de  49  à  50  ans. 

[H.  Sonnet.] 


AMPHIBIE  ET  AMI'HIBIEIV.  —  Zoologie, Il  et 
IX.  —  {Etym.  :  de  deux  mots  grecs  signifiant  deux 
vies,  c'est-à-dire  être  quia  deux  modes  d'existence) . 

Il  y  a  des  plantes  et  des  animaux  amphibies;  les 
plantes  amphibies  sont  celles  qui  croissent  indiffé- 
remment dans  l'air  ou  dans  l'eau.  —  Les  animaux 
amphibies  sont  ceux  qui  fréquentent  l'eau  pour  s'y 
nourrir  ou  pour  tout  autre  motif,  comme  l'hippopo- 
tame, ou  bien  qui  vivent  dans  des  lieux  humides 
comme  beaucoup  de  reptiles,  ou  bien  encore  peuvent 
plonger  et  se  tenir  sur  l'eau  ou  dans  l'eau  tout  en 
respirant  aux  dépens  de  l'air  ainsi  que  les  phoques. 
Ce  mot  a  donc  un  sens  très-général,  mais  il  dési- 
gne aussi  en  zoologie  un  groupe  bien  déterminé 
de  mammifères  organisés  pour  la  nage  et  dont  nous 
présentons  rapidement  l'histoire  ci-après.  Enfin,  le 
nom  à'amphibie7i  est  donné  par  certains  zoologistes 
à  la  classe  des  Batraciens  *. 

Les  Amphibies  représentaient  dans  la  classifica- 
tion de  Cuvier  une  famille  seulement  de  l'ordre  des 
Carnassiers,  entièrement  disparu  des  classifications 
modernes  comme  groupe  naturel. 

Pour  Cuvier,  ce  groupe  ou  ordre  des  carnassiers- 
comprenait  tous  les  mammifères  ayant  la  dentition 
complète  et  mangeant  de  la  chair  ;  mais  il  renfer- 
mait la  chauve-souris,  qui  vole  comme  l'oiseau, et  le 
phoque,  qui  nage  comme  le  poisson  :  dans  les  clas- 
sifications nouvelles,  les  différentes /'fl/n/Z/es  créées 
par  Cuvier  sont  devenues  des  ordres,  et  l'on  peut 
facilement  définir  chacun  de  ces  nouveaux  groupes- 
par  leur  mode  d'existence  et  la  conformation  de 
leurs  organes  locomoteurs  qui  y  sont  parfaitement 
adaptés.  Ont-ils  les  membres  adaptes  au  vol,  ils 
appartiennent  à  l'ordre  des  C/teiroptères  (chauve - 
souris).  —  Sont-ils,  au  contraire,  fouisseurs,  comme 
la  taupe  qui  mène  une  existence  souterraine,  ils 
sont  classés  dans  l'ordre  des  Insectivores.  —  Sont- 
ils  marcheurs  comme  le  chien  ou  l'ours,  ils  se  rat- 
tachent à  l'ordre  des  Carnivores.  —  Enfin  nagent- 
ils  comme  le  phoque  sans  pouvoir  vraiment  mar- 
cher sur  le  sol,  ce  sont  des  Ampliibies. 

Les  amphibies  lont  bien  partie  des  carnassiers: 
leur  deniition  est  complète  ;  ils  ont  les  incisives 
petites  ;  les  canines,  coniques  et  très-longues,  peu- 
vent se  transformer  parfois  en  défenses,  les  molaires 
présentent  des  espèces  de  crêtes  ou  de  saillies 
aiguës.  Leurs  organes  du  mouvement  sont  accom- 
modés à  leur  mode  d'existence  aquatique  ;  leurs 
membres  sont  en  effet  courts,  cachés  en  partie 
sous  la  peau,  et  leurs  doigts  sont  réunis  par  une 
membrane  lâche  les  convertissant  en  véritables 
rames.  Aussi  ces  animaux,  qui  jouissent  d'une 
"grande  agilité  dans  l'eau,  rampent-ils  plutôt  qu'ils 
ne  marchent  quand  ils  sont  sur  le  sol.  Leur  corps 
est  couvert  de  poils  courts  et  très-serrés.  Ils  se 
nourrissent  de  poissons  marins.  On  reconnaît  dans 
cet  ordre  trois  familles:  1°  celle  des  Phoques; 
2"  celle  des  Otaries;  3°  celle  des  Morses. 

1°  Les  Phoques  ont  le  corps  allongé  ;  leur  tête  car- 
rée, leur  museau  tronqué,  hérissé,  de  chaque  côté 
des  narines,  de  soies  raides  et  longues,  leurs  yeux 
arrondis  et  intelligents,  l'absence  de  pavillon  aux 
oreilles,  les  font  ressembler  de  physionomie  à  ces 
chiens  dogues  auxquels  on  coupe  les  oreilles.  Leurs 
membres  sont  engaînés  par  la  peau  jusqu'à  la  région 
correspondante  à  la  main  ;  leurs  pattes  postérieures 
sont  situées  tout  à  fait  en  arrière  et  ne  servent  qu'à 
la  nage  ;  à  terre,  ils  peuvent  se  soulever  sur  leurs 
pattes  antérieures,  en  traînant  le  reste  de  leur 
corps  avec  une  certaine  agilité.  Ces  animaux  sont 
très-doux,  assez  intelligents,  et  faciles  à  apprivoi- 
ser ;  ils  vivent  dans  la  mer  et  se  nourrissent  seu- 
lement de  poissons.  Le  Phoque  commun  ou  veau 
marin  vit  par  grandes  troupes  sur  nos  côtes  ;  mais 
c'est  dans  les  régions  polaires  qu'habitent  les 
grandes  espèces  du  Phoque  à  capuchon,  du  Phoque 
à  trompe  ou  E  é/'hant  marin. 

2"  Les  Otaries  du  détroit  de  Behring  sont  un  peu 


AMYOT 


—  118  — 


ANALYSE 


plus  grands  que  les  phoques  communs  :  ils  ont  des 
oreilles  externes,  d'où  leur  nom.  Lo  Jardin  d'Accli- 
matation de  Paris  possède  plusieurs  écliantilions 
d'otaries,  qui  vivent  parfattement  dans  notre  pays 
presque  à  l'état  domestique. 

-J"  Les  Morses  ont  la  lormo  des  phoques,  mais  se 
reconnaissent  immédiatement  par  la  présence  de 
deux  énormes  défenses  occupant  la  place  des  ca- 
nines à  la  mâchoire  supérieure  et  dirigées  ver- 
ticalement ;  ces  dents  peuvent  atteindre  lO  à 
70  centimètres  de  longueur.  Nous  citerons,  comme 
représentant  des  morses,  la  Vnche  mamie  ou  Che- 
val marin,  animal  dangereux  habitant  les  mers  po- 
laires et  pouvant  atteindre  jusqu'à  7  mètres  de  long. 

Les  liyperboréens  utilisent  le  cuir  du  phoque 
pour  se  faire  des  vêtements  ou  des  chaussures,  et 
sa  graisse  pour  la  fabrication  d'une  huile  à  briilor 
de  très-mauvaise  (jualité.  Toutes  les  dépouilles  de 
l'animal  servent  à  faire  des  instruments  de  pèche. 
Les  dents  du  morse  fournissent  un  ivoire  moins 
estimé  que  celui  des  éléphants.  Dans  nos  pays  la 
peau  du  phoque  est  recherchée  pour  la  confection 
des  objets  de  carrosserie  qui  doivent  être  en  cuir 
solide.  [G.  Philippon.] 

AMYOT  (Jacques). —  Littérature  française ,  VII  . 
—  Né  à  Melun  en  1.S13,  mort  à  Auxerre  en  1593. 

Fils  de  pauvres  artisans,  il  reçut  une  petite 
instruction  primaire.  Poussé  par  le  désir  d'appren- 
dre, il  vint  à  Paris  avec  seize  sous  dans  sa  poche  : 
sa  mère  lui  envoyait  chaque  semaine  un  pain  par 
les  bateliers  de  Melun.  Pour  vivre,  il  se  lit  le  do- 
mestique d'étudiants  riches  au  collège  de  Navarre, 
où  il  put  enfin  satisfaire  sa  passion  pour  l'étude. 
Le  jour,  il  suivait  les  cours  ;  la  nuit,  il  travaillait, 
et,  à  force  de  privations  et  de  persévérance,  il  se 
fit  recevoir  maître  es  arts  à  19  ans. 

L'abbé  de  Saint-Ambroise  le  chargea  de  l'édu- 
cation de  ses  neveux,  et,  par  le  crédit  de  Mar- 
guerite de  Valois,  le  fit  nommer  professeur  de 
grec  (lecteur  public)  à  l'université  de  Bourges  ;  il 
occupa  cette  chaire  pendant  dix  ans,  tout  entier  à 
ses  élèves  et  à  ses  études  favorites.  Après  s'être 
essayé  dans  des  traductions  d'Héliodore,  de  Diodore 
de  Sicile,  de  Longus,  il  commença  l'œuvre  capitale 
de  sa  vie  et  fit  paraître  en  155!)  deux  volumes  des  Vies 
des  hommes  illustres  grecs  et  romains,  comparées 
l'une  avec  l'autre,  traiislatées  du  <jrec  en  français. 
Tel  fut  le  succès  de  cette  traduction  de  Plutarque, 
que  François  I",  à  qui  l'auteur  l'avait  dédiée,  pour 
lui  donner  les  loisirs  de  l'achever,  lui  fit  présent 
de  l'abbaye  de  Bellozane,  dans  le  diocèse  de  Rouen. 

Désireux  de  consulter  les  manuscrits  du  Vatican, 
Amyot  suivit  bientôt  à  Rome  le  cardinal  de  Tour- 
non,  qui  l'envoya  au  concile  de  Trente  défendre  les 
prérogatives  du  roi  contre  les  empiétements  du 
pape.  Déjà  célèbre,  le  savant  traducteur  fut  choisi 
par  Henri  II  pour  faire  l'éducation  de  ses  fils  Char- 
les d'Orléans  et  Henri  d'Anjou.  Ses  élèves  le  pri- 
rent en  grande  affection.  Charles  IX,  devenu  roi  en 
1560,  le  nomma  grand  aumônier  de  France,  puis 
évêque  d'Auxerre  en  1570.  Eclairé  et  tolérant,  Amyot 
fut  suspect  d'hérésie  et  n'échappa  à  la  Saint-Bar- 
thélémy que  par  la  protection  du  roi.  Henri  III  ne 
lut  pas  moins  reconnaissant  envers  son  précepteur; 
et,  quand  il  fonda  l'ordre  du  Saint-Esprit,  il  voulut 
prêter  serment  entre  les  mains  du  grand  aumônier 
et  attacha  à  ce  titre  la  dignité  de  commandeur  de 
l'ordre.  Amyot  termina  la  traduction  des  Vies 
des  hommes  illustres,  chef-d'œuvre  de  vérité,  de 
naturel  et  de  simplicité.  Il  publia  encore  les 
Œuvres  morales  de  Plutarque  (1674),  ei  obtint  du 
roi  la  formation  d'une  bibliothèque  d'ouvrages  grecs 
et  latins,  qui  rendit  un  grand  service  aux  lettres. 
Il  traduisit  aussi  quelques  tragédies  grecques  et 
composa  pour  Henri  III  un  l^rojet  de  l'éloquence 
royale,  qui  n'a  été  publié  qu'en  l.sO.S. 

Après  l'assassinat  des  Guise  aux  États  de  Blois, 
Amyot,  accusé  d'avoir  approuvé  ce  crime  et  d'en 


avoir  donné  l'absolution  au  roi,  fut  en  butte  aux 
persécutions  des  Ligueurs:  des  révoltes  suscitées 
contre  lui  dans  son  diocèse  attristèrent  sa  vieil- 
lesse, partagée  entre  ses  travaux  littéraires  et  la 
direction  de  son  troupeau  spirituel.  En  1589  il  re- 
nonça à  sa  charge  de  grand  aumôniei,  quitta  la 
cour  et  se  retira  à  Auxerre,  où  il  fonda  un  collège 
qu'il  dota  de  ses  deniers.  Il  mourut  âgé  de  nO  ans. 
Amyot  est  un  des  écrivains  qui  contribuèrent  à 
fixer  la  prose  française  :  l'aimable  naïveté  et  la 
grâce  de  son  langage  sont  encore  goûtées  aujour- 
d'hui. L'exactitude  de  sa  traduction  a  quelquefois 
été  contestée,  mais  tous  reconnaissent  qu'il  a  su 
rester  original  en  traduisant  son  modèle  :  Plutar- 
que toutefois  est  plus  raffiné  et  moins  bonhomme 
que  le  fait  son  traducteur.  Dans  un  siècle  cor- 
rompu, Amyot  sut  conserver  la  dignité  de  la  vertu 
dans  ses  écrits  comme  dans  sa  vie.  «  L'histoire, 
dit-il,  a  bien  sa  manière  de  chastier  les  méchants 
par  la  note  d'infamie  perpétuelle  dont  elle  marque 
leur  mémoire,  qui  fait  un  grand  moyen  de  retirer 
des  vices  ceux  qui  aultrement  auraient  mauvaise  et 
lasche  volonté,  comme  aussy  est-ce  un  bien  vif  et 
poignant  aiguillon  aux  hommes  de  gentil  cueur  et 
de  nature  généreuse,  pour  les  inciter  à  entrepren- 
dre toutes  hautes  et  grandes  choses,  que  la  louange 
et  la  gloire  immortelle  dont  elle  rémunère  les  bien 
faisans.  »  Amyot  inspirait  de  l'enthousiasme  à 
Montaigne  :  «  Je  donne  la  palme  à  Jacques  Amyot, 
disait-il...  Nous  autres,  ignorants,  étions  perdus, 
si  ce  livre  ne  nous  avait  relevés  du  bourbier.  » 

[A.  Pressard.] 

ANALYSE  BOTAMQUE,  PHYSIOLOGIQUE, 
AXATOMIQLE,  MÉTÉOUOLOGIQUE.  —  V.  Bo- 
tanique, Anatomie,  Physiologie,  Minéralogie. 

ANALYSE  CHIMIQUE.— Chimie,  I.  — La  chimie 
est,  de  toutes  les  sciences  expérimentales,  celle 
qui  donne  les  exemples  les  plus  nombreux  et  les 
plus  frappants  à'ajialyse  réelle  (V.  Ajudy.ie  dans 
la  P'  Partie),  comme  aussi  de  si/7ithése  réelle 
(V.  Synthèse  chimique).  Ces  deux  mots  ont  pour 
le  chimiste  un  sens  parfaitement  détermmé. 
M.  Chevreul  les  définit  par  un  exemple  qui  ré- 
sume, à  peu  près,  tous  les  cas  possibles  : 

«  Le  peroxyde  de  mercure  est-il  chauffé  conve- 
nablement ;  l'eau  est-elle  soumise  à  un  courant 
électrique  de  manière  qu'on  puisse  recueillir  sans 
perte  les  corps  qui  se  séparent  l'un  de  l'autre  : 
on  fait  alors  ïanulyse  du  peroxyde  de  mercure  et 
l'analyse  de  l'eau. 

«  Unit-on  l'oxygène  avec  le  mercure,  l'oxygène 
avec  l'hydrogène  :  on  fait  alors  des  synthèses. 

«  Enfin  chauffe-t-on  du  sulfate  de  mercure  avec 
du  fer  dans  une  cornue,  on  expulse  le  mercure, 
et  le  soufre,  qui  lui  était  uni,  se  porte  sur  le  fer, 
de  sorte  qu'on  a  fait  tout  à  la  fois  une  analyse  et 
une  synthèse,  en  unissant  le  soufre  avec  le  fer. 

«  Dans  les  deux  premiers  exemples,  pour  con- 
naître la  composition  des  corps,  on  les  avait  dé- 
composés par  l'analyse  ;  dans  les  deux  suivants,  on 
a  confirmé  les  résultais  de  l'analyse  par  la  syn- 
thèse. Dans  le  dernier,  on  a  fait  concourir  l'ana- 
lyse et  la  synthèse  simultanément.  » 

Il  ressort  de  cotte  définition  que  l'analyse  chi- 
mique est,  pour  ainsi  dire,  toute  la  chimie  :  la 
synthèse  en  est  la  contre-épreuve  perpétuelle.  On 
écrirait  l'histoire  même  de  la  chimie  en  racon- 
tant les  essais  et  les  perfectionnements  successifs 
de  l'analj'^se  depuis  les  alchimistes  jusqu'à  Lavoi- 
sier,  et  depuis  Lavoisier  jusqu'à  nos  jours.  (V. 
Chimie). 

Bornons-nous  à  indiquer  ici  les  différentes  es- 
pèces d'analyses  chimiques.  Leur  caractère  com- 
mun est  celui-ci  :  Toute  analyse  chimique  consiste 
à  réduire  un  corps  composé  à  ses  éléments  simples, 
c'est-à-dire  «  à  isoler  les  uns  des  autres  ses  diffé- 
rents principes  constituants,  de  manière  qu'ils  re- 


ANALYSE 


—  119 


ANALYSE 


paraissent  avec  les  propriétés  qui  les  caractérisent 
dans  leur  état  primitif.  »  (Girardin.)  Mais  d'abord, 
suivant  la  nature  des  corps  auxquels  elle  s'ap- 
plique, suivant  le  but  qu'elle  se  propose,  enfin, 
suivant  les  modes  d'investiaation  qu'elle  emploie, 
l'analyse  chimique  prend  divers  noms  et  diverses 
formes. 

D'après  son  objet,  l'analyse  chimique  peut  être 
minérale  ou  organique. 

D'après  le  but  qu'on  poursuit,  elle  peut  être 
qualitative  ou  quantitative. 

D'après  le  mode  d'opération  qu'on  emploie,  elle 
«st  dite  analyse  par  voie  sèche  ou  par  voie  /lu- 
mide. 

I.   Analyse    dans    la     chimie    inorganique    ou 

J4NALYSE    chimique     PROPREMENT    DITE.     —    l"    cleqié 

d'analyse  :  Détermination  de  la  nature  d'tai 
corps  à  l'aide  de  réactifs.  —  La  première  opéra- 
tion, quand  il  s'agit  d'analyser  un  corps  dont  on 
ignore  la  composition,  c'est  de  chercher  à  détermi- 
ii^er  les  caractères  distinctifs  de  ce  corps,  d'une 
manière  de  plus  en  plus  précise.  Pour  y  parvenir, 
l'analj^se  emploie  d'abord  les  réactifs. 

Ce  sont  les  substances  chimiques  qui  ont  la 
propriété  de  provoquer,  au  contact  d'un  autre 
corps,  certains  phénomènes  ou  réactions  caracté- 
ristiques. Ils  révèlent,  en  quelque  sorte,  la  pré- 
sence de  tel  ou  tel  corps. 

Une  première  indication  permet  de  dire  déjà  à 
quelle  grande  classe  appartient  le  corps  en  ques- 
tion ;  circonscrivant  de  plus  en  plus  l'examen,  on 
t^mploie  d'autres  réactifs  pour  déterminer  la  sub- 
<^livision  de  cette  classe  à  laquelle  il  se  rattache,  et 
ainsi,  progressivement,  on  arrive  à  en  déterminer 
les  éléments  constitutifs  eux-mêmes. 

Ainsi,  on  me  présente  un  liquide  :  je  saurai 
immédiatement  si  c'est  un  acide,  une  base  ou  un 
forps  neutre  :  dans  le  premier  cas,  il  rougira  la 
teinture  bleue  de  tournesol  ;  dans  le  second,  il  la 
ramènera  au  bleu  après  qu'elle  aura  été  rougie  par 
un  acide  ;  dans  le  troisième,  son  action  sera  nulle. 
Voilà  un  commencement  d'analyse  ;  la  teinture  de 
tournesol  est  un  réactif  suffisant  pour  cette  pre- 
mière détermination. 

Je  suppose  que  cette  première  expérience  m'ait 
appris  que  j'ai  sous  les  yeux  un  acide  :  je  veux 
savoir  en  outre  quel  est  cet  acide  ;  pour  y  parve- 
nir, il  faudra  employer  un  réactif  spécial  qui  mette 
en  évidence  une  propriété  caractéristique,  propre 
à  me  faire  reconnaître  un  acide  à  l'exclusion  de 
tout  autre.  Si  cet  acide  attaque  vivement  le  cuivre, 
on  saura  aussitôt  que  c'est  de  l'eau-forte  (acide 
azotique!  ;  s'il  dissout  l'or,  c'est  l'eau-rcgale  (mé- 
lange d'acides  azotique  et  chlorhydrique)  ;  s'il  at- 
taque le  verre,  c'est  de  l'acide  fluorhydrique,  etc. 
Quand  il  a  ainsi  découvert,  à  l'aide  d'un  réactif, 
la  nature  d'un  corps,  le  chimiste  cherche  un  agent 
capable  d'en  faire  la  décomposition  effective.  Le 
réactif  a  fait  apparaître  un  ou  plusieurs  des  élé- 
ments dont  il  se  compose  ;  l'agent  d'analyse  va  les 
séparer. 

Voici  deux  exemples  qui  expliquent  avec  préci- 
sion cette  différence  des  réactifs  et  des  agents 
(Girardin ,  Chimie  gé7iérale,  pour  l'enseignement 
spécial  et  professionnel,  notions  préliminaires)  : 

«  Si  je  veux  m'assurer  qu'un  liquide  renferme 
de  Vargent,  j'y  verse  quelques  gouttes  d'eau  salée, 
parce  que  la  science  m'apprend  que  l'un  des  ca- 
ractères distinctifs  de  l'argent  est  de  former 
avec  cette  eau  des  grumeaux  blancs,  abondants, 
que  '['alcali  volatil  fait  ensuite  complètement  dis- 
paraître. Comme  il  n'y  a  que  l'argent  qui  présente 
un  pareil  phénomène,  et  que  celui-ci  est  mis  en 
évidence  par  l'eau  salée  et  l'alcali  volatil,  je  dis 
que  CCS  deux  substances  sont  des  réactifs  de  l'ar- 
gent. Si,  au  lieu  d  eau  salée,  je  plongeais  dans  le 
composé  liquide  d'argent  une  lame  de  cuivre,  j'o- 
pérerais la  séparation  complète  de  l'argent,  qui  se 


déposerait  alors  sur  la  lame,  sous  la  lorme  de 
petits  cristaux  pulvérulents,  blancs  et  brillants. 
Dans  ce  cas,  la  lame  de  cuivre  n'est  plus  un  réac- 
tifs mais  un  agent  d'analyse 

»  De  même  encore,  lorsque  je  veux  savoir  si  un 
liquide  renferme  du  cuivre  en  dissolution,  j'ai  re- 
cours h.  une  matière  que  le  commerce  nous  fournit 
sous  le  nom  de  prussiate  de  potasse,  parce  que  la 
science  a  découvert  que,  de  tous  les  métaux,  le 
cuivre  est  le  seul  qui,  avec  cette  matière  dissoute 
dans  l'eau,  donne  lieu  à  la  production  d'une 
poudre  floconneuse  d'un  louge  cramoisi.  —  Le 
prussiate  de  potasse  est  donc  le  réactif  du  cuivre. 
—  Et  si  maintenant,  après  avoir  mis  en  évidence 
la  présence  du  cuivre  dans  une  liqueur  quelcon- 
que, je  veux  isoler  complètement  le  métal  et  l'a- 
voir avec  ses  caractères  propres,  je  plonge  et  je 
maintiens,  pendant  un  temps  suffisant,  une  lame 
de  fer  bien  polie  dans  cette  liqueur,  parce  que, 
sous  l'influence  de  cet  agent,  tout  le  cuivre  se  dé- 
pose en  paillettes  rouges  et  brillantes  sur  le  fer; 
il  n'en  reste  plus  un  atome  dans  la  liqueur  après 
quelque  temps.  » 

Ainsi  encore,  la  chaleur,  qui  est  un  des  princi- 
paux agents  d'analyse,  n'est  pas  un  réactif.h'clcc- 
tricité  est  un  autre  puissant  agent  d'analyse  et  de 
synthèse  :  témoin  les  merveilleux  résultats  de 
l'eudiomètre. 

Tous  les  corps  ont  ainsi  leurs  réactifs  propres. 
Nous  indiquons  les  principaux  d'entre  eux  dans  les 
articles  spéciatix  consacrés  à  chaque  corps  ;  nous 
n'avons  ici  qu'à  montrer  leur  rôle  au  début  de 
laaalyse  chimique. 

2«  degré  :  Analyse  qualitative.  —  C'est  celle  qui 
fait  seulement  reconnaître  la  qualité,  c'cst-à  dire 
la  nature  des  éléments  qui  constituent  un  corps, 
sans  évaluation  des  proportions.  On  ne  demande 
aux  réactifs  et  aux  agents  employés  dans  ce  cas 
que  d'accuser  les  plus  légères  traces  do  chacun  des 
corps  simples  qui  peuvent  entrer  dans  le  composé 
qu'on  étudie.  Ainsi  le  ferrocyanure  de  potassium 
permettra  de  voir  à  l'instant  même  si  une  liqueur 
contient  du  fer  ou  du  cuivre,  en  si  faible  propor- 
tion qu'ils  s'y  trouvent,  mais  il  ne  permettrait 
pas  de  dire  quelle  est  cette  proportion. 

3"^  degré  :  Analyse  quantitative.  —  Celle-ci  au 
contraire  a  pour  but  de  doser,  de  mesurer  la  quan- 
tité de  chaque  corps  simple  que  contient  un  corps 
composé.  11  est  évident  qu'elle  est  infiniment  plus 
délicate  et  demande  des  procédés  très-complexes, 
très-précis,  des  opérations  tout  à  fait  techniques  et 
dont  l'exposé  dépasserait  le  cadre  de*  l'enseigne- 
ment élémentaire. 

L'analyse  quantitative  peut  porter  sur  les  volume? 
ou  sur  les  poids.  Ainsi  la  composition  de  l'air  peut 
être  énoncée  ainsi  : 

(ex  poids)  (en  volitjib) 

Oxygène 2-3,13  30,93 

Azote TG,8T  79,07 


100,00 


100,00 


Analyse  par  voie  sèche  et  par  voie  humide.  — 
L'analyse  par  voie  humide  est  celle  qui  emploie 
principalement  les  réactifs  liquides,  les  dissolu- 
tions alcalines,  acides  et  salines.  L'analyse  par 
voie  sèche  emploie  les  réactifs  à  l'état  sec  (solide 
ou  gazeux);  elle  nécessite  ordinairement  l'action 
de  la  chaleur. 

D'une  manière  générale,  c'est  un  procédé  essen- 
tiel de  l'analyse  de  séparer  les  divers  cléments 
d'un  corps  on  les  faisant  passer  à  deux  états  diffé- 
rents, l'un  liquide,  par  exemple,  l'autre  solide  ou 
gazeux.  L'art  du  chimiste  consiste  à  trouver  un 
réactif  qui,  agissant  différemment  sur  les  différents 
élcmtMits, solidifie  ou  vaporise  l'un,  tandis  qu'il  lais- 
sera l'autre  liquide  ou  vice  versa. 

II.  Analyse   organique.  —  L'analyse   organique 


ANALYSE 


—  120  — 


ANALYSE 


est  celle  qui  s'applique  aux  substances  organiques, 
s'égétales  ou  animales.  Elle  offre  un  problème  de 
plus  que  l'analyse  des  minéraux.  Dans  celle-ci,  en 
3ffet,on  remontait  directement  du  corps  composé  à 
ses  éléments.  Ici,  au  contraire,  il  faut  distinguer  deux 
opérations  qui  n'ont  rien  de  commun  :  Van'dijse 
immédiate  et  Vanalyse  élémentaire  ;  en  d'autres 
termes,  la  recherche  des  principes  immédiits  ou 
organiques  et  celle  des  trois  ou  quatre  corjjs 
simples  dont  sont  composés  ces  principes  immé- 
diats eux-mêmes. 

Analyse  immédiate.  —  Elle  se  fait  presque  tou- 
jours à  l'aide  de  dissolvants  dont  les  principaux 
sont  :  l'eau,  l'alcool  et  l'éther.  Le  plus  souvent 
c'est  l'emploi  successif  des  divers  dissolvants  qui 
permet  d'isoler  les  différents  principes  immédiats  : 
l'eau  fera  fondre  par  exemple  les  matières  su- 
crées, amylacées ,  gommeusos  ;  l'alcool  dissou- 
dra certaines  matières  grasses;  l'éther,  l'essence 
de  térébenthine  ou  le  sulfure  de  carbone  dissou- 
dront des  résines,  des  huiles,  des  matières  cam- 
phrées, etc. 

Analyse  élémentaire.  —  Tous  les  corps  orga- 
niques sont  formés  de  quatre  éléments  qui  sont  : 
l'hydrogène,  l'oxygène,  le  carbone  et  l'azote. 
Ce  petit  nombre  de  corps  simples  suffit  à  con- 
stituer d'innombrables  combinaisons  organiques 
d'une  variété  infinie.  Pour  rechercher  la  propor- 
tion de  chacun  de  ces  éléments  dans  un  corps  or- 
ganique, on  le  brûle  en  présence  d'oxydes  aisément 
dccomposables,  tels  que  le  bioxyde  de  cuivre.  Le 
résultat  est  que  :  1°  le  carbone  s'unit  :\  l'oxygène 
qu'il  prend  au  bioxyde  décomposé  et  forme  de 
Vacide  carbonique  ;  '1°  l'hydrogène  s'unit  à  l'oxy- 
gène soit  du  bioxyde,  soit  du  corps  organique 
pour  former  de  Yeau;Z°  l'fl^off?  reste  libre  ou 
4°  se  combinant  avec  l'hydrogène,  produit  de 
l'ammoniaque. 

Ainsi  on  ne  pèse  pas  directement  l'oxygène, 
l'hydrogène,  l'azote,  le  carbone  :  on  les  retrouve 
dans  ces  corps  composés,  acide  carbonique,  eau, 
ammoniaque,  où  l'on  sait  exactement  pour  quelle 
proportion  entre  chacun  d'eux. 

Analyse  spectrale.  —  Une  nouvelle  méthode 
d'analyse  physico-chimique  a  été  découverte  en 
1861  par  deux  professeurs  de  Heidelberg, 
MM.  Kirchhoff  et  Bunsen  :  c'est  l'analyse  spectrale, 
qui  permet  de  déterminer  la  composition  chimique 
d'un  corps  d'après  les  raies  spéciales  que  l'on 
constate  dans  le  spectre  lumineux  produit  par  ce 
corps.  La  précision  de  cette  méthode  dépasse  tout 
ce  qu'on  peut  rêver. 

«  Que  l'on  partage  par  exemple,  dit  M.  Dumas, 
un  kilogr.  de  sel  marin  (chlorure  de  sodium) 
en  un  million  de  parties,  et  (.iiacune  de  celles-ci  en 
trois  millions  d'autres  plus  petites,  une  seule  de 
■  ces  dernières  traces  de  sel  marin  si  insaisissables 
suffira  pour  communiquer  à  la  flamme  les  pro- 
[U'iétés  caractéristiques  qui  révèlent  la  présence 
du  sodium.  » 

Cette  découverte,  une  des  plus  merveilleuses  de 
notre  siècle,  se  rattache  à  l'étude  de  la  lumière. 
(V.  Lumière,  p.  1224.) 

ANALYSi:  GIIAMMATICALE  ET  LOGîQl'f: 
—  Grammaire,  XXVL  —  Il  no  faut  point  oublier 
que  les  trois  espèces  d'analyse  que  nous  avons 
distinguées  dans  notre  article  Analyse  de  la  I"  Partie 
(p.  78)  —  anali/se  ynnmnaticale,  logique,  étymolo- 
gique, —  n'ont  d'autre  objet,  dans  l'école  primaire, 
que  de  conduire  les  élèves  à  se  rendre  exactement 
compte  du  sens  et  du  rùlc  des  mots  et,  par  suite, 
des  idées  qu'ils  représentent;  que  toute  recherche 
de  curiosité  ou  d'érudition  doit  être  rigoureusement 
bannie  de  l'enseignement  élémentaire.  C'est  en 
jiartant  de  ce  principe  que  nous  allons  chercher  à 
expliquer  : 

10  Quelle  marche  pratique  et  quelle  suite  d'exer- 
cices   métliodiqucs   il    convient    d'..ùjpicr    dans 


l'analyse  en  général,  dans  chaque  genre  d'analyse 
en  particulier  ; 

2"  Quels  procédés  et  quels  modes  d'exécution 
graphique  ont  été  proposés  et  semblent  répondre 
le  mieux  aux  besoins  de  l'école  primaire.  Sur  ce 
dernier  point,  nous  doinierons  la  parole,  autant 
que  possible,  aux  auteurs  mêmes  des  principaux 
sj-stèmes  en  usage. 

LEÇON  ET  DÉVELOPPEMENTS  A  L'USAGE  DES  MAITRES, 

Analyse  grammaticale.  —  L'analyse  grammati- 
cale proprement  dite  suppose  d'abord  une  bonne 
classification  des  parties  du  discours  (V.  l'exposé 
de  cette  question  à  l'article  Parties  du  discou)-s). 
Les  instituteurs  peuvent  à  cet  égard  s'en  rapporter 
aux  manuels  de  grammaire  qu'ils  ont  entre  les 
mains,  sans  attacher  une  bien  grande  importance 
aux  différences  de  détail  qui  les  séparent  sur 
quelques  points. 

Dans  le  cours  élémentaire^  les  exercices  d'ana- 
lyse grammaticale  seront  exclusivement  des  exer- 
cices oraux;  dans  le  cours  moyen,  on  en  écrira 
les  données  principales  pour  servir  d'exercices  au 
tableau  iioir  :  on  habituera  peu  à  peu  les  élèves  à> 
les  reproduire,  d'abord  séance  tenante  sur  l'ar- 
doise, puis  sur  leurs  cahiers,  et  enfin  ils  pourront,, 
dans  le  cours  sujiérieur  surtout,  les  rédiger  par 
eux-mêmes,  comme  exercices  de  révision  accom- 
pagnant le  cours  de  grammaire.  (V.  Analyse,  dans 
la  I"=  Partie.) 

Nous  avons  déjà  dit  ailleurs,  mais  nous  ne  sau- 
rions trop  redire  que,  si  l'on  ne  peut  proscrire 
absolument  les  exercices  écrits,  il  faut  les  res- 
treindre le  plus  possible,  les  réserver  presque 
exclusivement  pour  les  exercices  de  concours  ou 
de  récapitulation,  et,  quand  on  y  a  recours  dans  les. 
classes  ordinaires,  les  animer,  les  varier  sans  cesse 
en  y  joignant  de  nombreux  exercices  oraux  et  des 
questions  ayant  trait  à  l'analyse  grammaticale,  lo- 
gique, étymologique,  littéraire  même. 

Suivant  la  force  des  élèves,  et  suivant  l'objet 
spécial  que  se  proposera  le  maître,  ces  exercices 
prendront  des  formes  très -diverses.  Au  début, 
l'analyse  sera  presque  toujours  une  anal>ise  jmr- 
tielle,  c  est-à  dire  qu'elle  ne  s'appliquera  qu'à  dis- 
tinguer dans  une  phrase  ou  un  ensemble  de  phrases 
tel  ou  tel  élément,  telle  ou  telle  espèce  de  mots  : 
nom,  adjectif,  verbe,  adverbe,  etc.,  soit  que  l'on  se 
borne  à  la  simple  indication  de  l'espèce,  soit  qu'on 
y  ajoute,  pour  les  mots  variables,  celle  des  cir- 
constances qui  les  font  varier;  soit  encore  qu'on 
veuille  faire  apercevoir  aux  élèves  plusieurs  mots 
de  différentes  espèces  avec  le  rapport  qui  les  unit, 
les  noms  avec  lettrs  qualificatifs,  les  verbes  avec 
leurs  compléments,  les  prépositions  et  les  termes 
qu'elles  rattachent,  etc.  Plus  tard,  l'analyse  de- 
viendra générale ,  et  l'on  prendra  successive- 
ment, pour  s'en  rendre  compte,  tous  les  termes 
d'une  phrase,  soit  dans  l'ordre  où  la  phrase  les 
donne,  soit  en  rétablissant,  s'il  y  a  lieu,  l'ordre  lo- 
gique. 

Dans  tous  les  cas,  remarquons-le  bien,  un  exer- 
cice d'analyse  grammaticale  n'est  véritablement 
complet  que  lorsqu'il  joint  à  l'étude  de  l'espèce 
des  mots  celle  de  leur  fonction  dans  la  phrase  où 
ils  sont  placés.  Si  j'ai  à  analyser  :  J'aime  mo7i  père, 
qu'importe  que  je  sache  que  je  est  un  pronom  ; 
aime,  un  verbe  ;  mon,  un  déterminatif,  etpèi'e,  un 
nom,  si  je  ne  sais  qu'il  y  a  des  rapports  entre  tous 
ces  mots  et  quels  sont  ces  rapports  ;  que  Je  est  le 
sujet  de  aime  et  lui  fait  la  loi  tant  au  point  de  vue 
du  sens  qu'au  point  de  vue  de  l'orthographe;  que 
père  complète  l'idée  exprimée  par  le  verbe  aime  et 
la  complète  directement,  c'est-à-dire  sans  l'addition 
d'aucun  rapport  intermédiaire  ;  que  c'est  le  nom 
père  que  détermine  le  possessif  }n07i  ?  Ainsi  l'ana- 
lyse grammaticale,  pour   ctro    complète  et  rai- 


ANALYSE 


—  i-2[  — 


ANALYSh 


Bonnée,  réclame  le  secours  des  premiers  éléments 
de  l'analyse  logique,  c'est-à-dire  la  connaissance 
sommaire  des  termes  constitutifs  de  la  proposition 
simple. 

Aussi  trouvons-nous  aussi  judicieux  que  simple 
le  programme  spécial  pour  létude  de  l'analyse  dans 
les  écoles  primaires  qu'a  publié  récemment  le  Dé- 
partement d'éducation  en  Angleterre.  C'est  un  ta- 
bleau indiquant  le  niveau  des  connaissances  exi- 
gées dans  chaque  branche  aux  examens  de  fin 
d  année  de  l'école  primaire.  Chaque  degré  ou  stan- 
dard donne  lieu  à  un  certificat  correspondant  : 

1"  Standard.  L'analyse  ne  figure  pas  encore. 

2*.  Indiquer  les  substantifs  dans  un  passage  lu 
par  l'élève. 

3'.  indiquer  les  substantifs,  les  verbes  et  les 
adjectifs. 

4*.  Faire  l'analyse  grammaticale  d'une  proposi- 
tion simple. 

5'.  Faire  l'analyse  grammaticale  et  logique  d'une 
pi'oposition  simple. 

6".  Faire  l'analyse  grammaticale  et  logique  d'une 
proposition  complexe. 

Analyse  logique.  — L'analyse  logique,  soit  qu'on 
la  considère  comme  le  comi)lément  de  l'analyse 
grammaticale,  soit,  ce  qui  est  plus  juste,  qu'on  y 
voie  le  principe  même  et  le  fondement  de  cette 
analyse,  repose  f^ut  entière  sur  une  étude  de  la 
proposition  *  et  uc  l'union  des  propositions.  {Pour 
les  éléments  de  cette  étude,  V.  l'article  Syn- 
taxe.) 

Ici  les  questions  de  théorie  et  de  nomenclature 
sont  plus  importantes  et  plus  controversées  que 
pour  l'analyse  grammaticale.  Nous  ne  saurions  t.op 
insister  auprès  des  maîtres  pour  leur  recommander 
la  recherche  de  la  plus  grande  simplicité  possible. 
Moins  ils  emploieront  de  termes  techniques  et  de 
subdivisions  délicates ,  plus  ils  seront  près  du 
but. 

S'il  s'agit  d'une  proposition  isolée,  qu'on  nomme 
en  général  absolue,  ou  d'une  proposition  que  l'on 
considère  momentanément  comme  isolée,  on  s'atta- 
chera surtout  à  faire  reconnaître  et  distinguer,  dans 
la  variété  des  constructions,  les  termes  essentiels 
et  les  termes  accessoires  :  sujet,  verbe,  attribut 
d'une  part,  et  de  l'autre,  compléments.  Au  lieu  de 
dire  qu'un  sujet  est  multiple,  par  exemple,  dites 
que  la  proposition  a  deux,  trois  sujets  ;  de  même 
pour  les  attributs.  Si  le  sujet  ou  l'attribut  sont 
simples^  c'est-à-dire  s'ils  n'ont  point  de  complé- 
ments, n'en  parlez  pas  et  passez.  Au  lieu  de  dire 
que  le  sujet,  que  l'attribut  est  complexe,  énoncez 
de  suite,  après  le  terme,  ses  compléments,  et,  s'il 
y  en  a  de  plusieurs  sortes,  distinguez-les.  Si  le 
sujet,  si  l'attribue  n'ont  point  de  compléments,  à 
quoi  bon  me  dire  qu'ils  sont  incomplexes?  ne  le 
voit-on  pas  bien  sans  ce  mot?  Si  vous  avez  affaire  à 
un  verbe  attributif,  c'est-à-dire  si  l'attribut  est 
contenu  dans  le  verbe,  qu'il  vous  suffise  d'avoir  fait 
comprendre  une  fois  pour  toutes  ce  que  c'est 
qu'un  verbe  attributif:  ne  décomposez  plus,  ne 
diies  pas  :  Je  vous  aime,  c'est-à-dire  :  je  iuis  ai- 
mant vous,  clconlocution  inutile  et  même  fausse, 
tournure  barbare  tout  ou  moins,  que  jamais  oreille 
française  n'a  supportée.  Ne  compliquez  pas  non 
plus  votre  classification  des  compléments  :  c'est 
bien  assez  de  distinguer  ceux  qui  sont  indispensa- 
bles :  complément  direct,  complément  indirect, 
complément  circonstancud,  suivant  les  cas,  pour 
les  verbes  attributifs;  complément  déterminatif 
et  complément  explicatif  ponr  les  mots  qui,  n'étant 
pas  des  verbes,  peuvent  avoir  des  compléments 
(noms,  adjectifs,  adverbes). 

La  distinction  des  diverses  espèces  de  proposi- 
tions et  de  leurs  rapports  doit  aussi  rester  dans  les 
limites  d'un  examen  sommaire.  Il  suffit,  la  plupart  j 


du  temps,  de  faire  voir  si  les  propositions  sont  dé- 
pendantes ou  non  les  unes  des  autres.  Si  elles  sont 
indéperidantes,  ce  sont  des  propositions  coordon- 
nées (elles  ne  sont  pas  rattachées  par  un  terme 
impliquant  la  subordination)  ;  si  l'une  de  ces  pro- 
positions domine  les  autres,  qui  n'existeraient  pas 
ou  ne  se  comprendraient  pas  sans  elle,  celle-ci  est 
la  prijicipole,  les  autres  sont  les  subordonnées,  que 
l'on  nomme  incidentes  ou  relatives  quand  elles 
commencent  par  un  pronom  relatif  ou  un  adverbe 
conjonctif.  {\.  Syntaxe.) 

Quanta  la  marche  pratique  des  exercices,  mêmes 
recommandations  que  pour  l'analyse  grammaticale. 
C'est  de  vive  voix  et  devant  le  tableau  noir  que 
devront  se  faire  la  plupart  des  exercices  d'analyse 
logique,  qui  seront  gradués  au  fur  et  à  mesure  que- 
le  développement  des  leçons  de  grammaire  appor- 
tera des  notions  et  aussi  des  difficultés  nouvelles  ► 
L'exercice  syntaxique  sera,  en  quelque  sorte^ 
l'exemple  à  l'appui,  le  thème  d'application  de 
chaque  partie  ou  au  moins  des  parties  principales 
de  ce  développement.  Le  livre  de  grammaii-e,  le 
maître,  mieux  encore  les  élèves  eux-mêmes,  en 
fourniront  les  éléments  ;  et  les  exercices  écrits 
donnés  comme  devoirs  pourront  se  réduire  à  un 
assez  petit  nombre ,  môme  dans  le  cours  supé- 
rieur des  écoles  primaires,  même  dans  l'école  nor- 
male. 

Analyse  étymologique.  —  Nous  n'avons  que  peu 
à  (lire  sur  ce  dernier  point,  qui  sera  traité  ailleurs 
d'une  façon  plus  développée.  (V.  l'article  Êtynio- 
loyie.)  Les  exercices  d'analyse  étymologique  n'ont 
pas,  à  la  rigueur,  besoin  d'une  place  spéciale 
dans  les  exercices  de  l'école.  C'est  la  lecture,  c'est 
la  dictée  qui  y  donnera  lieu,  le  maître  ayant  soin 
de  graduer  ces  exercices  d'après  la  force  des  élèves  : 
par  exemple,  de  ne  proposer  aux  plus  jeunes  élèves 
que  l'étude  dé  radicaux  simples,  sans  permuta- 
tions, ou  dont  les  permutations  soient  faciles  à 
saisir,  de  suffixes  et  de  préfixes  dont  le  sens  soit 
bien  clair.  Ainsi,  la  famille  du  radical  mojit  est  une 
de  celles  dont  l'enfant  apercevra  lacilemenv  les 
membres,  parceque  le  radical  77i07itsy  trouve  tou- 
jours dans  toute  son  intégrité  :  monter,  promon- 
toire, monticule,  montagnard,  etc.  Il  comprendrait, 
à  coup  sûr,  moins  aisément,  comment  suspicion  et 
inspecteur  appartiennent  à  une  même  famille.  C'est 
par  degrés  seulement  que  l'analjse  étymologique 
pourra  se  compléter,  sans  jamais  être  poussée  trop 
loin  :  le  maître  lui-même  risquerait  souvent  de 
s'égarer. 

Dans  le  cours  supérieur,  une  étude  succincte  des 
su/fixes  et  des  préfixes  classés  analogiquement  ne 
serait  pas  inutile.  Dans  les  écoles  normales,  l'ana- 
lyse étymologique  ira  jusqu'à  rechercher  les  prin- 
cipaux mots-racines  venant  du  grec  et  du  latin,  et 
formant  dans  notre  langue,  les  uns  des  familles  de 
mots  usuels,  les  autres  des  termes  techniques  et 
scientifiques.  Mai^  tous  ces  exercices  ne  doivent 
être  pratiqués  qu'avec  réserve  et  sous  la  direc- 
tion de  maîtres  dont  le  savoir  soit  sûr  et  l'expérience 
consommée.  [Ch.  Defodon.] 

Analyse  grammaticale  complétée  par  des 
exercices  de  synthèse.  —  A  cliaquo  exercice 
d'analyse  gi'amniaticale,  logique,  étymologique,  soit 
partielle  soit  générale,  doit  correspondre,  dans  une 
classi!  bien  dirigée,  un  exercice  en  sens  inverse, 
c'est-à-dire  une  synthèse  faisant  faire  à  l'esprit  un 
travail  de  recomposition  qui  est  à  la  fois  le  com- 
plément et  le  correctif  de  celui  qu'il  a  accompli 
pour  décomposer  la  phrase.  Ainsi  marchent  de 
front  les  deux  opérations  parallèles.  Exemple  : 


Analyse. 

Analyser  les  adjectifs  dans  un 
morceau  dicté. 

Dire  à  quel  genre  et  quel  nom- 
bre sont  tels  mots  donnés. 


Synthèse. 

Faire  une  phrase  où  entrent 
ces  adjectifs. 

Mettre  à  tel  genre  et  tel  nom- 
bre )es  mots  donnés. 


ANALYSE 


122 


ANALYSE 


Analyse. 


Dire  à  quoi  mot  se  rapporte 
tel  autre,  comme  feii.jet , 
comme  attribut ,  comme 
complément. 

Incliquer  d'où  dérivent  tels 
mots. 

Décomposer  telle  phrase  en 
propositions. 

Dire  quelle  est  la  nature  de 
telle  proposition,  etc. 


Synthèse. 


Inventer  un  s\ijot,  un  attribut, 
un  complément  convenable 
pour  terminer  une  phrase 
commencée. 

Chercher  des  mots  dérivés  de 
tel  primitif. 

Lier  en  une  seule  phrase  plu- 
sieurs propositions  données. 

Faire  d'invention,  avec  «les 
éléments  donnés,  une  pro- 
position dételle  nature,  etc. 

Cette  question,  très-importante  dans  la  pratique 
scolaire,  du  parallélisme  constant  des  exercices  ana- 
IjlfÀilues  et  des  exercic  s  synthétiques,  est  traitée, 
■avec  les  exemples  à  l'appui,  au  mot  Exercices  gram- 
maticaux. —  V.  aussi  Construction  grammati- 
cale. 

Ouvrages  à   consulter  pour  ces  exercices.  — 

"Traité  d'analyse  loyique  et  grammaticale,  de  B.  Jullien. 
—  Exercices  d'analyse,  par  Bonneau. 

Les  principales  étymologies  de  la  langue  française,  par 
B.  Jnllicn.  — •  Lexicologie  française,  par  Sardou. 

Analyse  grammaticale  raisonnée,  par  Bonneau  ;  — L'Ana- 
lyse logique  dégagée  de  ses  entraves,  par  Bonneau  et  Lucan. 

DIVERS   PROCÉDÉS  GRAPHIQUES  EMPLOYÉS 
POUR   L'ANALYSE 

Essayons  de  donner  un  aperçu  des  procédés  en 
tisage  dans  divers  pays  et  h  diverses  époques. 

§  1.  Procédés  usités  en  France.  —  Pour  les  trois 
sortes  d'analyse,  et  surtout  pour  la  plus  employée 
des  trois,  l'analyse  grammaticale,  la  première  ques- 
tion qui  se  pose  relativement  aux  procédés  d'exécu- 
tion est  celle  des  abréviations.  Il  n'y  a  point  à  cet 
■égard  de  règle  absolue  :  chaque  maître  peut  se  faire 
ses  procédés,  que  l'habitude  rendra  vite  familiers 
aux  élèves.  Les  meilleurs  seront  toujours  les  plus 
simples,  ceux  qui  rappellent  le  riiieux  à  l'œil  do 
l'enfant  le  terme  qu'ils  abrègent. 

Analyse  grammaticale.  —  Analyse  partielle.  — 
On  peut  se  borner  :  1°  à  écrire  au-dessus  ou  au- 
dessous  des  mots  analysés  une  indication  abréj^ée, 
signe  ou  initiale  ;  2°  à  extraire  d'un  morceau  au 
courant  de  la  lecture  les  mots  de  l'espèce  que 
l'on  veut  étudier  et  à  les  écrire  au-dessous  du 
morceau  on  un  certain  nombre  de  colonnes. 

Analyse  générale  et  complète.  —  Voici  la  disposi- 
tion la  plus  usitée. 

Soit  à  analyser  grammaticalement  cotte  phrase  : 

Dans  tous  les  âges  de  la  vie,  l'amour  de  l'étude 
fortifie  l'esprit. 

Je  remarque  d'aboro  que  l'ordre  logique  des  ter- 
mes est  celui-ci  : 

Vamour  de  l'étude  fortifie  l'esprit  dans  tous  les 
âges  de  In  vie. 

delà  fait,  je  dispose,  dans  cet  ordre,  les  termes 
de  la  phrase  l'un  sous  l'autre  dans  une  rangée  ver- 
ticale, faisant  suivre  chacun  de  toutes  les  expli- 
cations qui  le  concernent: 

L'  art.  déf.  élidé  mis  pr  le,  maso.  sg.  détorm.  amour. 

amour   n.  c.  masc.  sg.  suj.  de  est. 
de  prép.  marq.  le  rapp.  de  amour  et  de  étude. 

.V  art.  déf.  élidé  mis  pr  la  f.  sg.,  déterra,  étude, 

étude      n.  c.   f.  sg.,  compl.  dét.  de  anima'. 
fortijle\  3»  pers.  sg.  du  pvés.   de  l'indic.  de  fortifier,  v. 
trans.,   1"  conj. 

art.  déf.  élidé  mis  pr  le,  m.  s.,  déterm.  esprit. 

n.  0.  m.  s.,  compl.  dip.  de  fortifie. 

prép.  marq.  le  rapp.  de  fortifie  et  de  âges. 

adj.  indér.  ni.  pi.,  déterm.  âges. 

art.  déf.  m.  pL,  déterm.  Ages. 

n.  c.  m.  pi.,  compl.  cire,  de  fortifie. 

prép.  marq.  le  rapp.  de  âges  et  de  vie. 

art.  déf.  f.  sg.,  dctcrm.  vie. 

n.  c.  f.  sg.,  compl.  dét.  de  âges. 

Cet  exemple  montre  combien  ce  genre  d'exercices 
est  nécessairement  long,  quelles  répétitions  inu- 
tiles il  entraîne  fortement.  Ainsi  l'élève  qui  sait 
analyser  /'  de  l'expression  l'amour  saura  aussi  bien 


esprit 

dans 

tous 

les 

âges 

•de 

la 

vie. 


analysrr  /'  de  l'expression  l'étude,  les  dans  les 
''"/es,  la  dans  vie  ;  s'il  a  su  analyser  de  l'étude, 
il  saura  aussi  bien  analyser  de  la  vie,  etc^  C'est 
cet  inconvénient,  qui  a  fait  substituer  aux  exer- 
cices écrits  des  exercices  oraux,  et  qui,  même 
dans  l'analyse  écrite,  a  fait  chercher  des  procé- 
dés autres  la  que  disposition  par  colonnes  (V.  ci- 
dessous). 

Analyse  logique.  —  Le  plus  souvent,  après 
avoir  écrit  la  phrase  que  l'on  veut  analyser  lo- 
giquement, on  écrira,  en  abrégeant  autant  que 
possible,  en  regard  de  chaque  proposition  ou 
de  chaque  partie  de  proposition  qu'on  aura  préa- 
lablement détachée ,  les  indications  correspon- 
dantes. 

Dans  le  cas  où  l'ordre  des  mots,  dans  la  phrase 
donnée,  s'écarterait  trop  de  l'ordre  logique,  il 
sera  bon,  avant  d'analyser  chaque  partie  de  phrase, 
de  rétablir  l'ordre  logique  pour  la  phrase  entière. 
De  même,  on  rétablira  les  ellipses,  s'il  y  en  a. 

11  n'est  pas  inutile  de  séparer  par  des  traits  ver- 
ticaux, ou  par  des  crochets,  les  membres  de  phrase 
qui  font  partie  de  propositions  différentes  ;  on 
pourra  mettre  aussi  entre  crochets  les  mots  qui 
restent  en  dehors  de  la  proposition  ,  interjec- 
tions, mots  compellatifs,  etc.  Quelquefois,  pour 
mieux  parler  aux  yeux  des  enfants,  on  soulignera 
de  traits  différents  les  parties  différentes  de  cha- 
que proposition,  et,  pour  montrer  les  parties  sem- 
blables de  plusieurs  propositions,  on  les  soulignera 
de  la  même  manière  dans  toutes  les  propositions 
où  elles  se  trouvent.  De  même,  dans  une  phrase 
composée  de  plusieurs  propositions,  on  les  fera  ap- 
paraître sensiblement,  en  soulignant,  par  exemple, 
les  mots  de  la  proposition  principale  par  un  trait 
simple,  ceux  des  propositions  incidentes  par  un 
trait  double,  ceux  des  propositions  subordonnées 
par  une  ligne  ondulée  ou  pointillée,  etc 

1°  propositions  coordonnées.  —  «  L'homme  s'agite 
et  Dieu  le  mène.  »  Cette  phrase  contient  deux  pro- 
positions rattachées  par  la  conjugaison  de  coordi- 
nation e^;  1°  L'homme  s'agite, 1°  Dieu  le  mène.  Ces 
deux  proposit.  sont  composées  des  mômes  parties, 
un  sujet  et  un  verbe  attrib.  transit,  accompagné 
d'un  compl.  dir.  Je  les  figure  ainsi. 

L'homme  s'agite,  et  Dieu  le  mène 

2°  Proposition  x>ri7icipale  et  proposition  inci- 
dente. 

«  Celui  qui  met  un  frein  à  la  fureur  des  flots 
Sait  aussi  des  méchants  arrêter  les  complots.  » 

2  propos.  1°  propos,  princ.  :  ce/jij  (celui-là)  sait 
aussi  arrêter  les  complets  des  méchants;  2°  propos, 
incid.  déterm.  :  qui  met  un  frein  à  la  fureur  des 
flots. 

l"  Celui,  sujet;  sait,  verbe  transitif  direct  ;  ar- 
rêter, coxwpX.  dir.  de  sait;  les  complots,  compl.  dir. 
de  arrêter;  lics  méchants,  compl.  déterm.  de  com- 
plots; fi?wsi,  compl. cire,  àe  sait. 

2"  Qui.  suj.  de  met  ;  7net,\(}vhe  transit,  dir.  ;  un 
frein,  compl.  dir.  de  met  ;  à  la  fureur,  compl. 
ind.  de  met;  des  flots,  compl.  dét.  de  fureur. 

Je  pourrais  figurer  ainsi  cette  phrase  : 

Celui  qui  met  un  froin  à  lu  fureur  des  flots 
Sait  aussi  des  méchants  arrêter  les  complots. 

Il  va  sans  dire  qu'on  pourrait  pousser  plus  loin 
les  détails  de  l'analyse  :  indiquer,  par  exemple, 
pourquoi  la  proposition  gai  met  un  frein  à  la 
fureur  des  flots  est  incidente  ^parce  qu'elle  tombe 
sur  un  seul  terme  de  la  proposition  principale,  le 
sujet  celui,  auquel  elle  est  rattachée  par  le  relatif 
qui)  et  pourquoi  elle  est  incidente  déterminative 
(parce  ([u'clle  ne  peut  se  retrancher  sans  que  sa 
suppression  nuise  au  sens  général  de   la  phrase). 


ANALYSE 


123  — 


ANALYSE 


Il  appartient  au  maître,  d'après  les  élèves  k  qui 
il  a  affaire  et  selon  Tobjet  qu'il  se  propose,  d'éten- 
dre Ou  de  raccourcir  les  explications. 

3°  Phrase  composée  de  plusieurs  propositions  de 
diverse  nature.  —  «  Si  j'avais  pensé,  mon  cher  élève, 
que  vous  ne  dussiez  pas  tirer  un  meilleur  parti  des 
leçons  que  je  vous  ai  données,  je  les  aurais  ré- 
servées pour  d'autres,  que  je  me  reproche  mainte- 
nant d'avoir  négligés  pour  vous.  » 

Je  figure  cette  phrase  ainsi,  en  rétablissant 
Tordre  logique  de  la  construction  des  mots  : 

[Mon  cher  élève,]  je  les  aurais  réservées  (les  pour  les  leçons) 
pour  d'autres,  que  je  me  reproche  maintenant  d'uToir  négligés 


pour  TOUS,  si  j'a\ais  pensé  que  ^ous  no  dussiez  pas  tirer  un 


meilleur  parti  des  leçons  que  je  tous  ai  données. 

Mots  compellatifs  (ou  placés  en  apostrophe)  et 
5  propositions  : 

r  Mon  cher  élève  :  mots  compellatifs,  en  dehors 
des  propositions. 

'20  Je  les  aurais  réservées  pour  d'autres:  propo- 
sition principale. 

3°  Que  je  me  reproche  maintenant  d'avoir  né- 
glif/és  pour  vous  :  proposit.  incid.  explic. 

4"  Si  J'avais  pensé  :  prop.  subord.  circonst. 

S°  Que  voustie  dussiez  pas  tirer  nn  meilleur  parti 
dei  leçons  :  prop.  subord.  complétive  vComplém. 
dir.  du  verbe  avais  pensé). 

6°  Que  je  vous  ai  données  :  propos,  inc.  déterm. 

La  seule  de  ces  propositions  qui  présente 
quelque  difficulté  est  la  troisième  ;  je  l'expliquerai 
en  détail  :  (yjie.pron.  relat. ,  compl.  dir.  de  avoir 
négligés  ;  je,  pron.,  suj.  de  jne  reproche;  me 
reproche,  verbe  réfl.  contenant  son  compl.  ind. 
le  pron.  me;  d'avoir  négligés  ,\QvhQ  au  pass.  de 
l'inf.,  compl.  dir.  de  je  me  reproche  ;  maintenant, 
adv.  compl.  cire,  (de  temps)  de  je  me  reproche; 
pour  vous,  prép.  et  son  compl.,  compl.  cire,  (de 
cause)  de  avoir  négligés. 

Enfin,  on  n'oubliera  pas  ce  que  nous  avons  dit 
dans  la  l"  Partie  (V.  Analyse)  sur  l'inconvé- 
nient de  vouloir  anal3ser  rigoureusement  les  gal- 
licismes *.  Les  constater  et  en  expliquer  le  sens, 
sans  prétendre  en  expliquer  le  mécanisme,  c'est 
le  plus  souvent  tout  ce  que  peut  faire  un  bon  en- 
seignement primaire.  Rencontrez-vous  ,  par  exem- 
ple, des  constructions  comme  celle-ci  : 

C'est  U7i  fort  méchant  plat  que  za  sotte  personne 
(Molière,  Le  Misanthrope); 

Faites  remarquer  le  gallicisme  c'est...  que.  Expli- 
quez qu'il  a  pour  objet  de  donner  plus  de  vivacité 
à  l'idée  en  mettant  l'attribut  à  la  place  du  sujet  : 
sa  sotte  personne  est  un  fort  méchant  plat,  et 
n'allez  pas   plus   loin. 

Même  observation  s'il  s'agit  de  phrases  ellip- 
tiques un  peu  compliquées.  Le  but  de  l'analyse 
logique,  dans  l'enseignement  populaire  au  moins, 
c'est  surtout  d'amener  l'enfant  à  l'intelligence  com- 
plète du  sens  des  phrases  ;  quand  il  s'y  est  suffi- 
samment exercé  sur  des  phrases  simples,  il  com- 
prend de  reste  et  comme  d'instinct  d'autres  phrases 
logiquement  plus  difficiles. Voyez, par  exemple,  cette 
phrase  de  Mascaron  :  Turemie  revenait  de  ses  cam- 
pagnes triomphantes  avec  la  même  tranquillité 
que  s'il  fût  revenu  d'une  promenade.  Le  sens  en 
est  certainement  très-clair  ;  mais  si  vous  voulez 
vous  rendre  compte  logiquement  du  rôle  de  la 
conjonctioD  que  et  expliquer  la  présence  de  la 
conjonction  si  après  la  conjonction  que,  il  faut  que 
vous  ayez  recours  à  une  circonlocution  qui  serait 
à  peu  près  celle-ci  :  Turenne  revenait  de  ses  cam- 
pagnes ti'i'imphantes  avec  une  tranquUlité  aussi 
grande  (au  lieu  de  la  même)  que  celle  avec  laquelle 
il  fût  revenu,  s'il  fut  revenu  d'une  promenade, 
aurait  été  grande.  Franchement,  la  construction 
d'une  pareille    phrase    n'estellepas  un   véritable 


casse-tête  chinois,  et  ne  vaut-il  pas  mieux  s'en 
tenir  tout  bonnement  à  la  propre  phrase  de  Mas- 
caron ? 

Il  nous  reste  à  compléter  cette  revue  des  procé- 
dés scolaires  d'analyse  employés  dans  nos  écoles, 
en  signalant  quelques-uns  de  ceux  qui  ont  eu  ou 
qui  ont  encore  le  plus  de  succès.  C'est  l'objet  des 
paragraphes  qui  suivent.  [Ch.  Defodon.] 

Analyse  a  doible  coloxxe.  —  Un  procédé  com- 
mode en  ce  qu'il  évite  de  transcrire  deux  fois  la 
phrase  à  analyser  consiste  à  placer  l'analyse  lo- 
gique à  gauche,  l'analyse  grammaticale  à  droite  du 
texte. 

Exemple  :  Celui  qui  n'aime  pas  sa  patrie  est 
indigne  de  vivre. 


sujet.  I 

verbe.  I 

attribut.  | 

complém.  indir.  J 


Proposition  prijicipale. 

I       Celui  I pron.  déni.    m.  s. 
I          est  3«  p.  s.  pr.  ind.  être, 

indigne  'adj.  m.  s. 

de  I  prép. 

vivre  linf.  prés.,  î!îyre4«. 


sujet. 


Proposition  incidente, 
qui  pron.  rel.,  m. 


\n' [ne)...pas  ■xAv.  nég. 
Terbe  et  attribut.!       aime        3=  p.  s.  pr.  indic,  aimer  l". 

complém.  direct.]  f.  •"'^'J'  Pf ^^  ^-  ^- 

■^  (     patrie.       n.  c,  f.  s. 

On  pourrait  ajouter  dans  une  troisième  colonne, 
à  droite,  ranal3-se  étymologique  sommaire. 

Procédés  de  Sicard.  _  —  Dans  le  remarquable 
Recueil  des  séances  des  Écoles  normales  (de  l'an  m), 
notre  premier  cours  national  de  pédagogie  (V.  École 
normale  dans  la P' Partie),  Sicard,  chargé  d'exposer 
les  méthodes  d'enseignement  de  la  grammaire  (art 
de  la  parole),  recommande  un  sj^stème  d'analyse 
d'accord  avec  la  grammaire  générale  de  son 
temps,  c'est-à-dire  ramenant  toutes  les  propositions 
à  un  même  verbe,  le  verbe  être.  Il  figurait  ainsi 
l'analyse  logique  :  le  chill're  1  désigne  le  sujet  et 
l'attribut;  21e  verbe  e^?-ç  ou  le  «mot  lien  y>;  3  le  com- 
plément direct  ou  l'objet  de  l'action  ;  4  la  manière 
dont  l'action  se  fait,  le  but  vers  lequel  elle  tend  ; 
5  toutes  les  circonstances.  Exemple  : 

Quel  est  cet  être  qui,  plus  agile  que  l'aigle, 
s'élève  dans  son  vol  hardi  jusqu'au  plus  haut 
des  deux,  en  mesure  la  vaste  étendue,  etc.  ? 


l"  proposition  :    Cet  être 


1 

quel 


est 

1  1.  2  3 

2«  proposition  :        qui  élève  se 

(cet  être)  (est  élevant)  (soi) 

plus  agile  que  l'aigle 
4  5 

jusqu'au  plus  haut  des  cieux      dans  son  vol  hardi 
1         I.  2  3 

3«  proposition  :  mesure        la  vaste  étendue  —    en 

(qui)  est  mesurant  (des  cieux) 

Procédés  de  l'abbé  Gaultier.  —  «  Pour  faire  l'ana- 
lyse grammaticale  »,  dit  \a.Grammaire  française 
de  l'fdjbé  Gaultier  (refondue  par  ses  élèves  de 
Blignières  et  Demoyencourt, ,  il  faut  avoir  une 
feuille  de  papier,  une  ardoise  ou  un  tableau  noir 
partagé  en  dix  colonnes.  Dans  une  marge  à  gauche, 
on  écrira  les  mois  de  la  phrase  à  analyser  les  uns 
au-dessous  des  autres.  Dans  la  première  colonne, 
on  indiquera  à  laquelle  des  trois  parties  primitives 
du  discours,  et  dans  la  seconde  à  laquelle  des  dix 
parties  secondaires  du  discours  chaque  mot  appar- 
tient; dans  la  troisième,  la  quatrième  et  la  cin- 
quième, on  marquera  le  genre,  le  nombre  et  le  cas 
des  noms  ;  dans  la  sixième,  la  septième,  la  hui- 
tième et  la  neuvième,  on  indiquera  le  nombre,  la 
personne,  le  temps  en  général  et  le  mode  du  verbe 
personnel.  Dans  la  dixième,  on  indiquera  toutes 
les  divisions  et  les  subdivisions  des  dix  parties  du 
discours.  On  pourra  n'écrire  que  les  lettres  initiales 
de  clia(iue  mot.  Exemple  : 


ANALYSE 


—  124 


ANALYSE 


j 
i 

1 

- 

3 

4 

^ 

6 

7 

8 

9 

10 

Paul 

ne 
vient 
pas 

te 
voir. 

nom 

part. 

verbe 

part. 

nom 

verb  e 

subst. 

adv. 

pors. 

adv. 

pron. 

inf. 

m. 

S. 

nom.  de  vient. 

.    .   . 

.    .    . 

.   .   . 

prop. 

nég. 

2«  c.  T.  S.  N. 

nég. 

pers.  2*  p. 

S.  3*  c.  ac. 

S. 

3' p. 

prés. 

ind. 

m. 

S. 

ace.  de  voir. 

.  .  . 

•  •  • 

•  •  • 

Dans  l'enseignement  simultané,  le  maître,  au  lieu 
de  faire  lui-même  toutes  les  questions  auxquelles 
donne  lieu  cette  analyse,  doit  exercer  les  élèves  à 
se  proposer  les  questions  entre  eux  ;  cette  marche 
est  d'autant  plus  utile  à  leur  instruction,  que  dans 
cet  exercice  celui  qui  fait  la  demande  est  obligé 
de  songer  à  la  question  et  à  la  réponse  en  même 
temps.  Lorsque  l'élève  a  répondu,  le  maître  doit 
lui  demander  ou  lui  faire  demander  par  un  autre 
élève  la  raison  de  sa  réponse,  raison  qu'il  trouve 
toujours  dans  la  définition  :  par  ce  moyen  on  s'as- 
sure que  Tenfant  a  raisonné  et  qu'il  ne  doit  pas  sa 
réponse  au  hasard.  Exemple  :  Analyser  le  mot 
Paul. 

«  Quelle  espèce  de  mot?  Nom.  —  Pourquoi? 
Parce  qu'il  exprime  une  personne.  —  Quelle  es- 
pèce de  nom?  Substcmtif.  —  Pourquoi?  Parce  qu'il 
exprime  une  personne.  —  Quel  genre?  Masculin. 
—  Pourquoi?  Parce  qu'il  exprime  un  mâle.  —  Quel 
nombre?  Singulier.  —  Pourquoi?  Parce  qu'il 
exprime  une  seule  personne.  —  Quel  cas?  Nomi- 
natif. —  Pourquoi  ?  Parce  qa'il  exprime  la  personne 
qui  fait  l'action  de  venir.  —  Quelle  espèce  de 
substantif?  Propre,  —  Pourquoi?  Parce  qu'il  ne 
convient  pas  à  tous  les  individus  de  la  môme  es- 
pèce. 

«  Chaque  élève  fait  à  son  tour  sur  le  tableau  l'ana- 
lyse d'un  mot  de  la  phrase  ;  lorsqu'il  se  trompe, 
il  est  sur-le-champ  remplacé  au  tableau  par  l'élève 
qui  l'a  corrigé.  Pour  exercer  les  élèves  à  l'analyse 
grammaticale,  il  ne  faut  point  attendre  qu'ils  aient 
vu  toute  la  première  partie  de  la  grammaire,  il 
suffit  qu'ils  sachent  ce  qu  il  faut  pour  remplir  les 
deux  premières  colonnes  ;  ils  remplissent  succes- 
sivement les  autres  à  mesure  qu'ils  avancent  dans 
la  grammaire.  » 

Cette  disposition  rappelle  d'anciens  usages  trop 
oubliés.  Voici  comment  un  grammairien  fiançais. 
du  xviii"  siècle,  Carpentier,  expose  dans  une  Dis- 
sertation sur  l'étwle  des  langues  (1774),  un  procédé 
d'analyse  logique  qu'il  appliquait  au  latin  et  au 
français  et  dont  il  se  servait  en  même  temps  pour 
apprendre  à  traduire  :  «  Une  proposition  ne  pou- 
vant être  composée  de  plus  de  5  parties,  je  fais  di- 
viser en  5  colonnes  une  feuille  de  papier,  j'intitule 
chaque  colonne  du  nom  de  case  de  la  partie  de  la 
proposition  qu'elle  est  destinée  à  recevoir,  selon 
l'ordre  qui  suit  :  case  des  conjonctions  (mots  et  in- 
cidents qui  réunissent  les  propositions),  —  casedu 
sujet,  —  case  du  verbe.  —  case  du  régime, —  case 
des  incidents  (circonstanciels).  » 

Procédés  de  M""  Pape-Carpa\tier.  —  Le  mode 
de  notation  emploj^é  par  M"'  Pape-Carpantier  dans 
son  Cours  d'éducation  et  d'instruction  primaire  et 
usité  dans  un  grand  nombre  d'écoles  permet  do 
faire  rapidement  l'analyse  grammaticale  sommaire, 
celle  qui  convient  surtout  aux  classes  de  commen- 
çants. L'élève  n'a  qu'à  souligner  les  mots  à  l'aide 
de  différents  traits  dont  voici  la  signification  con- 
venue : 

tîom 


_;  nom  masc.  sing.    >"  |  '    ;  nom  f.  pi. 
_iJLL_,  etc. 
Adjectif  — j — ;  adjectif  masc.  sing.   -'"T — ;  etc. 


Adjectif  employé  substantivement 
Pronom  personiiel  j  ;  de  la  l'«  pers.  sing.  i^ls  ;  etc. 
Pronom  relatif  A  ;  du  fém.  sing.  rV'  ;  etc. 
Pronom  interrogatif  A  ;  du  masc.  plur.  ?|"'';  etc. 
Article  (;  du  masc.  sing.  ml  •. 

Verbe  —  ;  le  mode  se  marque  par  des  lettres 
placées  au-dessus  du  trait  à  droite,  le  temps 
par  des  lettres  placées  à  gauche;  la  personne 
et  le  nombre  par  les  chiffres  1,  2,  3  et  les  let- 
tres s  o\x  p  placées  au-dessous.  Les  modes  sont 
designés  comme  suit  :  indicatif  (positif;  par  le 
signe  p;  impératif,  i;  conditionnel,  c;  subjonctif, 
s;  infinitif  (nom  verbal),  n.  Les  temps  se  mar- 
quent, le  présent  par  un  point,  tous  les  passés 
par  un  p,  le  futur  par  un  f. 


Participe 


participe  présent  ou  actif  ' 


Préposition  JJ_  ;     participe  passé  ou  passif  j 

Adverbe  "^^    Conjonction  \  |;    Interjection  0. 

Exemple  : 

Hclas  !    qui     pourrait    décrire    les    maux  que 


nous 


?!'"   1. 

c 

h 

3i 

cause     à 

tout 

devoirs? 

âge 

m  I  s 


m\p 


r    oubli      de 


Procédés  de  la  méthode  Grosselin.  —  Dans  la 
méthode  dite  phonomimique,  ■  pour  accélérer 
l'exercice  d'analyse,  on  adopte  un  certain  nombre 
de  signes  de  convention.  Les  uns  se  placent  au- 
dessus,  les  autres  au-dessous  du  mot,  ce  qui  per- 
met, si  l'on  s'en  tenait  aux  distinctions  les  plus 
élémentaires,  de  faire  tout  ensemble  et  très-rapi- 
dement l'analyse  grammaticale  et  l'analyse  logique 
de  la  même  phrase.  Voici  les  principaux,  emprun- 
tés au   Manuel  de  la  méthode  phononiimique. 

Les  signes  pour  l'analyse  grammaticale  sont  : 


— —  iNom  ou  substanlif. 

/^s  Pronom 

-  Verbe. 

—  Préposition. 

~  Conjonclion. 


^       Article. 
\.y^   Ailjectif. 
v_^^-^  Participe. 
v::!^^  Adverbe. 
O       Interjection. 


Si,  pour  quelques  élèves ,  du  cours  supérieur 
par  exemple,  l'on  veut  aller  au  delà  et  entrer 
dans  plus  de  détails,  on  leur  fait  compléter  la 
même  notation  par  un  système  de  signes  plus 
compliqué,  marquant  par  un  trait  ou  par  deux  le 


ANALYSE 


—  125  — 


ANALYSE 


singulier  ou    le   pluriel,   et   autres  abréviations, 
telles  que: 


Nom  propre. 

l_ 

Nom  comm.,  mas.  sing. 

— 1 

~-        fém.sing. 

u 

—        mas.plur. 

u 

—        fém.  plur. 

y^ 

Pronom  personnel,  Irepersonne. 

^^ 

—    rclalif. 

y'p^ 

—    possessif. 

/^ 

—    démonslralif. 

^îs 

—    indéflni. 

1^ 

Article  simple,  m.  s, 
—      élidé,  f.  s. 

\P 

—      contracté,  m.  p 

Pour  l'analyse  logique,  on  peut,  pour  la  pro- 
position simple ,  se  borner  aux  indications  sui- 
vantes : 

1       I  Sujet. 

1  Attribut. 

—  Veibe. 

-1-  ^'erbe  attributif. 

/^  Complément  modificatif. 
r^  —  circonstanciel 

/^  —  direct. 

f^  —         indirect. 

On  indique  la   nature   des   propositions   par   les 

signes  : 

["••"l    Proposition  principale  absolue. 


principale  relative  ou  coordonnée. 


déterramative. 


explicative. 


H  - 

§  2.  Procédés  usités  à  l'étranger.  — I.  Procédés 
suisses.  —  Analyse  syntaxique  [grammaticale  et 
logique).  —  Nous  réunissons  sous  le  nom  d'anal'/se 
^yntacique  les  différents  exercices  tendant  à  dé- 
composer la  proposition  simple  ou  composée  dans 
ses  éléments  [mots  ou  propositions),  en  indiquant  : 
1°  la  nature,  2°  la  forme,  à"  la  fonction  de  cha- 
cun de  ces  éléments. 

1.  Ari'ilyse  de  la  proposition  simple.  —  La  no- 
menclature des  parties  du  dis'  ours  ayant  été  préa- 
lablement foée,  le  premier  soin  du  maître  est 
de  faire  reconnaître  par  l'élève  celle  à  laquelle 
appartient  chacun  des  mots  de  la  phrase  ;  puis  il 
aura  à  déterminer  les  membres  de  la  proposition, 
en  distinguant  ceux  qui  sont  essentiels  (le  sujet  et 
l'attribut,  ou  prédicat}  et  ceux  qui  ne  sont  qu'acces- 
soires et  servent  à  particulariser  l'idée  exprimée  par 
le  sujet  ou  l'attribut;  ces  membres  accessoires  sont  : 


le  complément,  le  circonstanciel  et  le  détermi- 
nât if. 

Chaque  membre  de  la  proposition  a  une  forme 
d'expression  qui  lui  est  propre  :  ainsi  l'attribut  est 
essentiellement  exprimé  par  le  verbe,  mais  aussi 
par  l'adjectif  ou  le  substantif  précédé  du  verbe  être 
comme  copule;  le  sujet  et  le  complément,  par  le 
substantif  Gt  aussi  par  le  pronom  substantif  (/>,  ce, 
qui,  etc.)  ou  l'infinitif;  le  circonstanciel,  par  Vad- 
verbe  ou  un  substantif  précédé  d'une  préposition  ; 
et  le  déterminatif,  par  l'adjectif  et  aussi  par  le 
nom  de  nombre  ou  le  pronom  adjectif  [mon,  cet, 
que(,  etc.).  Ex.  Un  homiuf  (sujet)  sincère  (déter- 
minatif) dit  (attribut)  toujours  (circonstanciel;  la 
vérité  (complément). 

Ces  principes  posés,  voici  les  diverses  manières  de 
procéder  que  nous  employons  pour  l'analyse  écrite  : 

1"  Analyse  abrégée.  —  On  indique  la  nature  de 
cliaque  mot  par  les  abréviations  suivantes,  placées 
au-dessowi  : 

s.  =  substantif, 
a.  =  article, 
adj.  =  adjectif, 
n.  =  nom  de  nombre. 
p.  =  pronom. 

On  désigne  les  membres  de  la  proposition  par 
les  abréviations  suivantes,  placées  au-dessus  : 


V.  =  verbe, 
adv.  =  adverbe, 
pr.  =  préposition. 
G.  =  conjonction. 
i.  =  interjection. 


s.  =  sujet. 

a.  =  attribut. 

d.  =  déterminatif. 


cp.  =  complément, 
c.  =  circonstanciel. 


1.  Sujet  :  frère. 


Exemple  : 

s.  cp.         a.  c.  cp.  d. 

Je  lui  enverrai  par  la  poste  une  lettre  de  félicitât  ion. 

p.   p.  T.         pr.  a.      s.       a.        s.     pr.  s. 

On  peut  figurer  de  la  manière  suivante  la  su- 
bordination des  divers  membres  d'une  proposition. 
Ex.  Ton  jeune  frère  nous  a  cueilli  des  noisettes 
dans  le  grand  coudrier  du  taillis. 

S  ton 
j  jeune 
(  des  noisettes 
2.  Attribut  :  a  cueilli    nous  =  à  nous 

(danslecûudrierjj;;^;;'|jljg 

Ce  procédé  a  l'avantage  de  bien  montrer  la  fonc- 
tion de  cliaque  mot,  et  en  particulier  des  préposi- 
tions, par  exemple  dans,  qui  unit  le  complément  le 
coudrier  au  verbe  a  cueilli. 

1"  Analyse  nétaillée.  —  Pour  être  complète,  l'a- 
nalyse de  la  proposition  simple  doit  indiquer  : 
l»  la  nature  des  mots  ;  2°  leur  formes  grammatica- 
les (pour  les  mots  variables  seulement),  savoir: 
les  modifications  de  genre  et  de  nombre,  de  per- 
sonne, de  mode  et  de  temps,  selon  la  nature  des 
mots  ;  3°  leurs  fonctions  grammaticales,  c'est-à- 
dire  ks  relations  des  mots  entre  eux  dans  la  pro- 
position. 

Soit  cette  proposition  simple  à  analyser  :  Obéis 
à  Dieu,  c'est-à-dire  :  Tu  (sous-entendu)  obéis  à 
Dieu.  On  place  dans  la  première  colonne  tous 
les  mots  de  la  phrase,  et  pour  chaque  partie  de 
l'analyse  il  y  aura  une  colonne  spéciale,  comme 
suit  : 

MOTS.        KATURE.  FORME.  FOXCTION. 

1.  (r«)    pron,  pers.       2*pcrs.  sing.  sujet sous-en 

tendu  de  2 

2.  obéis  verbe  intrans.  impératif,        attribut  de  1 

2e  p.  sing. 

3.  à         préposition       invariable        lie  4  à  2 

4.  Dieu  nom  propre,      masc.  sing.      compl.  indir. 

de  2 

On  peut  aussi  n'employer  que  deux  colonnes, 


ANALYSE 


126  — 


ANALYSE 


placer  dans  la  ])reniièro  les  mots  à  analyser, 
et  dans  la  seconde  les  trois  parties  de  l'ana- 
lyse, comme  dans  le  modèle  suivant,  que  nous 
empruntons  à  notre  Cours  gradué  de  langue  fran- 
çaise : 

Aux  petits  des  oiseaux  Dieu  domine  la  pâture. 

1.  Aux  =  à    prép.,  marque  le  rapport   entre  3 

et  8  {petits  et  donne). 

2.  les  art.  déf.,  maso,  plur.,  annonce  que  3 

est  déterminé. 

3.  petits  subst. -adjectif,   maso,  pi.,  cp.  ind. 

de  8. 

4.  des  =■  de    prép.,   marque  le  rapport  entre  6 

et  3. 

5.  les    art.  déf.,  masc.  pi.  annonce  que  G 

est  déterminé. 

6.  oiseaux       nom  commun,  m.  pi.,  déterminatif 

de  3. 

7.  Dieu  nom    propre,    masc.     sing.,    sujet 

de  8. 

8.  donne  v.  transitif,  ind.  prés.,  3'î  pers.   s., 

attribut. 

9.  la  art. déf.,  fém.  s.,  annonce  que  10  est 

déterminé. 
10.  pâture.        nom  abstrait,  fém.  s.,  cp.  direct  de  8. 

2.  Anahjse  de  la  proposition  composée.  —  Ana- 
lyser la  proposition  ou  phrase  composée,  c'est 
la  décomposer  dans  ses  éléments,  qui  ne  sont 
plus  les  mots,  mais  les  pi'oposilioyi-,  en  indi- 
quant IvLTiature,  la  forme  et  la  fonction  de  chacune 
d'elles. 

1"  Analyse  abrégée.  —  On  désigne  les  proposi- 
tions j9rt«c/;jfl/e5  par  les  majuscules  A,  B,  C,  etc., 
et  les  propositions  accessoires  par  les  minuscules 
s,  a,  c,  selon  qu'elles  sont  subdantives,  adjectives 
ou  circonstancielles  (adverbiales),  c'est-à-dire 
qu'elles  ont  la  valeur  et  remplissent  la  fonction 
d'un  substantif  d'un  adjectif  ou  d'un  adverbe.  — 
Si  la  proposition  accessoire  est  abrégée  au  moyen 
de  l'infinitif  ou  du  participe,  on  souligne  la  lettre 
qui  en  indique  la  nature  :  5,  a,  c.  —  On  souligne 
aussi  les  pronoms  relatifs  et  les  conjonctions  qui 
lient  les  propositions  tant  principales  qu'acces- 
soires. 

Pour  la  phrase  de  coordination,  quand  elle  ne 
renferme  que  des  propositions  principales,  les 
signes  suffisent.  Ex.  Lu  patierice  est  amère  (A.., 
jiAis  son  fruit  est  doux  iB.).  Il  n'en  est  pas  de  même 
de  la  phrase  de  subordination,  pour  laquelle  nous 
employons  plus  d'un  procédé. 

Le  moyen  le  plus  simple  et  plus  commode  d'ana- 
lyser la  phrase  de  subordination  est  le  suivant  : 

Je  crois  ik) 

que  mon  cousin  viendra  me  voir  (s) 
si  son  père. 

qui  est  en  voyage  (a) 
est  de  retour  (cj, 

après  avoir  terminé  l'affaire  (c) 

pour  laquelle  il  a  dû  s'absenter  (a). 

Cette  disposition  montre,  d'une  manière  sensi- 
ble, le  rang  que  chaque  proposition  accessoire 
occupe  dans  la  phrase  de  subordination. 

Quand  les  propositions  ne  sont  pas  trop  longues, 
on  peut  indiquer  leur  rang  de  la  manière  sui- 
vante : 

1*^'  exemple  :  Socrate  demanda  à  ses  amis  s'ils 
connaissaieiit  un  pays  où  l'on  ne  mourût  pas. 

Princ.  Socrate  demanda 
à  ses  amis 

Ace.  i."  rang «'ils  connaissaient 

un  pays 

»    2«  rang où  l'on  ne  mou- 

rùt  pas. 

2«    exemple  :   Le   navigateur  préfère    la    tem- 


pête qui  le  pousse  au  calme  plat  qui  l'enchaîne. 

Princ.  Le  navigateur  pré-  au  calme 

fère  la  tempête  plat 

Ace.  i  o'  rang gui  le  pousse gui  l'en- 

cbaine. 

3"  exemple  :  Lorsqu'il  revint,  il  apprit  que  son 
ami  était  mort. 

Princ il  apprit 

Ace.  !•'  rang.  Lorsqu'il  revint,  que  soa-  ami  était 

mort. 

La  phrase  de  subordination  n'étant  que  le  déve- 
loppement de  la  proposition  simple,  on  peut 
figurer  le  subordination  de  ses  diverses  parties  de 
la  manière  que  nous  avons  indiquée  plus  haut  pour 
la  proposition  simple.  Exemple  :  Cet  ami,  qui  vous 
veut  tant  de  bien,  vous  prêtera  de  l'argent  dès  que 
vous  lui  en  demanderez. 


1.  Sujet  :  ami. 


■(  qui  veut*  *'»"t'l''¥«° 
^  ^  (  vous  =:  a  vous 

i  de  l'argent 

2.  Attribut:  prêtera)  vous  =.  a  vous 

(  dès  que  vous  demanderez    .   . .  .  . 

2°  Analyse  détaillée.  Exemple  :  Je  désire  qu'il 
achève  ses  études  avant  qu'il  soit  arrivé  à  l'âge 
où  on  le  fera  entrer  dcms  la  vie  pratique. 

Cette  pin-ase  de  subordination  renferme  les  pro- 
positions suivantes  : 

1.  Je  désire.  Proposition  principale.  Je,  sujet; 
désire,  attribut  exprimé  par  un  verbe  à  l'indicatif, 
parce  qu'il  marque  un   fait. 

2.  Qîi'il  ac'iève  ses  études.  Proposition  substan- 
tive  exprimant  le  complément  direct  du  verbe  dé- 
sire, auquel  elle  est  liée  par  la  conjonction  que. 
Il,  sujet  ;  achève,  attribut  verbal,  au,  subjonctif, 
parce  qu'il  dépend  du  verbe  de  volonté  désire; 
études,  complément  direct  déterminé  par  ses. 

3.  Avant  qu'il  s  it  arrivé  à  /"d,/)'?.  Proposition  ad- 
verbiale de  temps  liée  au  verhe  achève  par  la  con- 
jonction composée  avant  que.  Il,  sujet  ;  soit  arrivé, 
attribut  verbal,  au  subjonctif,  à  cause  de  avant  que  ; 
à  l'âge,  complément  indirect. 

4.  Où  on  le  fera  entrer  dans  la  vie  pratique. 
Proposition  adjeciive  déterminative,  liée  au  sub- 
stantif âge  par  le  pronom  relatif  où.  On,  sujet  ; 
fera  entrer,  attribut  exprimé  par  une  locution 
verbale,  à  l'indicatif,  parce  qu'il  s'agit  d'un  fait; 
le,  complément  direct;  dans  In  vie  pratique,  cir- 
constanciel de  lieu;  ow=:  à  l'âge,  circonstanciel  de 
temps. 

Évidemment,  ce  genre  d'analyse  "détaillée  ne  doit 
être  fait  dans  la  règle  que  de  vive  voix  ;  il  peut  ce- 
pendant être  employé  quelquefois  pour  des  con- 
cours et  des  examens. 

Analyse  étymologique.  —  L'analyse  étymologi- 
que, qui  considère  les  mots  isolément  quant  à  leur 
formation,  doit  indiquer  :  1°  la  manière  dont  les 
mots  dérivés  sont  tirés  des  mots  primitifs;  2°  la 
manière  dont  les  mots  composés  sont  tirés  des 
mots  simples. 

En  voici  quelques  exemples  :  le  premier  est  tiré 
de  notre  Cours  gradué  de  langue  française.  Ma- 
nuel du  maitre  (p.  199),  où  ce  genre  d'analyse  a 
été  exposé  pour  la  première  fois  fois  en  1870. 

A.  Lu  lion  vint  à  lui  la  gueule  béante. 

Lion,  nom  d'animal  d'où  dérive  lionceau,  au 
moyen  du  diminutif  masc.  eau. 

Gueule,  nom  de  chose  qui  a  formé  l'adjectif ^o!</«/, 
au  moyen  du  suflixc  u,  qui  a  le  môme  sens  que  le 
suffixe  eux  et  signifie  plein  de  ou  qui  a  de,  comme 
dans  barbu,  qui  a  de  la  barbe. 

Béant,  part,  présent  de  l'ancien  verbe  béer,  qui 
est  le  même  que  bay^r  (par  ex.  bayer  aux  cor- 
neilles) et  bâiller,  ouvrir  la  bouche.  Dérives  :  ba- 


ANALYSE 


—  1-27  — 


ANALYSE 


daud,  badin.  Composé  :  bégueule,  c'est-à-dire 
bée-queide,  littcralcmeni  :  qui  ouvre  la  bouche. 

B.  La  rivière  déborda  et  inonda  lo  vallée. 
}]iviére,  nom  de  chose,  formé  de  rive,  au  moyen 

du  suffixe  féminin  ière,  comme  dans  houdliete.. 
théière,  etc. 

Déborder,  verbe  formé  du  substantif  bord  et  du 
préfixe  dé,  qui  signifie  éloignement,  et  par  suite, 
au  figuré,  cessation,  privation  -.déborder,  c'est  pas- 
ser les  bords. 

Inonder,  verbe  formé  du  substantif  onde  et  du 
préfixe  latin  in,  qui  signifie  dans  et  dont  la  forme 
française  est  en  :  encaver. 

Vallée,  nom  de  chose  tiré  de  val,  au  moyen  du 
suffixe  ée,  qui  exprime  une  idée  de  capacité,  quel- 
que chose  d'entier,  de  plein,  comme  charretée, 
plein  une  charrette,  soirée,  plein  un  soir,  c'est-à- 
dire  tout  un  soir,  etc. 

C.  Un  travail  modéré  affermit  la  santé. 
Travail,  substantif  verbal   formé  de   travailler, 

d'où,  au  moyen  du  suffixe  eur,  travailleur.  Le 
synonyme  de  travailler  est  labourer,  qui  a  donné 
labour,  laboureur  et  laboumge,  et  qui  s'est  res- 
treint au  travail  de  retourner  la  terre  ;  le  sens  ori- 
ginel s'est  maintenu  dans  l'beur,  synonyme  poé- 
tique de  travail,  et  dans  laborieux. 

Modéré,  participe  passé  du  verbe  modérer,  d'où 
modérateur,  modération. 

Affermir,  verbe  composé  de  ferme  et  du  préfixe 
ad  dont  le  d  s'assimile  à  /,•  affermir,  c'est  rendre 
ferme.  De  ferme  ont  aussi  été  formés  les  verbes 
affirmer  et  affermer. 

Santé,  nom  abstrait,  est  dérivé  d'un  mot  latin 
{sanitateni)  dans  lequel  nous  trouvons  l'adjectif 
sain  et  le  suffixe  fém.  té  qui  marque  la  qualité. 

[C.  Ayer.] 

II.  Procédés  américains.  —  L'enseignement  pri- 
maire aux  Étais-Unis  fait  un  grand  usage  des  dia- 
g)-ammes  ponr  l'analyse  grammaticale  et  même  logi- 
que. Le  système  le  plus  ordinairement  suivi  sous 
des  formes  graphiques  assez  différentes  consiste  à 
marquer  la  coordination  des  termes  en  les  juxtapo- 
sant, leur  subordination  en  les  superposant.  Les 
deux  membres  essentiels  de  la  proposition,  sujet 
et  attribut  (le  verbe  n'est  jamais  figuré  à  part), 
sont  placés  à  côté  l'un  de  l'autre  et  à  chacun 
d'eux  se  rattachent  les  compléments,  mots  ou 
propositions  qui  en  dépendent.  Voici  quelques 
spécimens  des  cas  les  plus  élémentaires,  qu'on 
pourrait  peut-ère  imiter  quelquefois  chez  nous, 
mais  seulement  pour  des  exercices  oraux  au  ta- 
bleau noir. 

]■'  Proposition  simple,  attribut  simple.  —  Ex.: 
^\  ashington  était  brave. 


(Sujet.) 

fAtlribut.) 

Washington 

était  brave. 

2°  Proposition  simple,  attribut  complexe.  — 
Ex.  :  V/ashington  était  le  premier  dans  la  guerre, 
le  premier  dans  la  paix. 


^Va^hin':ton 


était  le  premier 


et  I      le   premier 


_  30  Proposition  simple,  compléments  direct  et 
indirect.  —  \V..shington,lepère  de  la  patrie,  nous  a 
laissé  les  plus  beaux  exemples  de  courage  civique 


et  militaire  —  (le  signe  V  indique  le  complémeni 
direct,  \  le  complément  indirect, 4^  la  préposition). 


AVashincrtoii         a  laissé 


V 


le 

|iéi'e 

exemples 


la 

patrie 

les 


beaui 


plus 


& 


1 

courage 

et 

'courage) 

civique 


militaire. 


4°  Propositions  coordonnées  et  subordonnées .  — 
Dès  qu'il  eut  chassé  les  Anglais  d'Amérique 
A\"ashington  licencia  ses  troupes  et  rentra  dans  la 
vie  privée. 


Washington 


licencia 


Dès  que 


(il) 


Amérique 


ANALYSE  LITTÉUAIRE.  —  Littérature  et  style^ 
VL  —  Voir  les  recommandations  générales,  dans  la 
I"  Partie,  même  mot. 

RÈGLES    DE    L'ANALYSE    LITTÉRAIRE 
L'analyse  littéraire  est  un  des  exercices  les  plu? 
difficiles  de  l'école  normale;  c'est  cependant  un 
de  ceux  qu'il  importe  le  plus  de  conserver,  en  le 
dirigeant  convenablement. 

Ce  qui  embarrasse  avant  tout  les  jeunes  gens, 
c'est  qu'ils  ne  savent  par  où  commencer,  comment 
ordonner  leur  travail,  et  c'est  précisément  de  la  ma 
nière  dont  cet  exercice  est  conduit  que  dépendent 
absolument  sa  valeur  et  son  utilité.  Faite  au  hasard 
ou  laissée  aux   inspirations  de   chacun,   l'analyse 


ANALYSE 


—  128  — 


ANALYSE 


îittéraire,  dans  les  écoles  normales  plus  que  par- 
tout ailleurs,  est  un  travail  stérile.  Dirigée  métho- 
diquement, dans  lin  esprit  qui  réponde  aux  be- 
soins de  l'enseignement  primaire,  elle  peut  avoir 
une  réelle  efticacité  pour  former  le  jugement,  au 
moins  autant  que  pour  former  le  goût. 

Deux  éléments  constitutifs  de  L'analyse  litté- 
raire. —  L'analyse  littéraire,  à  quelque  ouvrage 
qu'elle  s'appli(iue,  doit  toujours  comprendre  deux 
parties,  qui  répondent  à  son  double  objet.  D'une 
part,  V analyse  proprement  dite  ouïe  compte-rendu; 
d'auire  part,  l'analyse   critique  ou  Yapp7-éciatio7i. 

Tantôt  ces  deux  parties  sont  distinctes  :  on  com- 
mence par  faire  le  résumé  consciencieux  de  l'ou- 
vï'age  avant  d'en  examiner  les  mérites.  Tantôt,  au 
contraire,  on  mène  de  front  l'analyse  et  l'apprécia- 
tion, par  un  double  et  parallèle  examen  du  fond 
«t  de  la  forme. 

Dans  aucun  cas,  l'analyse  littéraire  n'est  com- 
plète si  elle  ne  répond  à  ce  double  besoin  de  l'es- 
prit :  savoir  ce  que  contient  un  ouvrage  et  savoir 
ce  qu'il  vaut.  Une  analyse  sans  appréciation  ne 
donne  que  le  cadavre  de  la  composition  littéraire; 
des  appréciations,  sans  une  suffisante  analyse, 
peuvent  faire  connaître  l'impression  qu'a  reçue  le 
lecteur,  mais  ne  font  pas  connaître  l'œuvre  elle- 
même. 

Dans  les  examens,  oraux  ou  écrits,  à  tous  les 
degrés,  ce  qu'on  a  en  vue  par  l'analyse  littéraire, 
c'est  tout  ensemble  de  s'assurer  que  le  candidat  a 
lu  et  relu  un  ouvrage  classique  et  qu'il  en  a  com- 
pris, apprécié,  senti  les  beautés.  S'il  est  embar- 
rassé, soit  pour  rendre  compte  de  la  marche  et  des 
divisions  de  l'ouvrage,  soit  pour  exprimer  son  sen- 
timent et  son  jugement  sur  les  qualités  qu'il  y  a 
remarquées,  son  analyse  littéraire  est  défectueuse 
et  prouve  qu'il  n'est  pas  suffisamment  familiarisé 
avec  l'auteur  dont  il  avait  à  parler. 

Plan  et  divisions  noiinales  d'ime  analyse  litté- 
raire complète.  —  A  ce  double  point  de  vtie  de 
l'analyse  et  de  l'appréciation,  une  analyse  litté- 
raire comporte,  en  règle  générale,  trois  grandes 
questions,  trois  points  essentiels;  ce  sont  ceux 
que  l'ancienne  rhétorique  *  avait  très-judicieuse- 
ment distingués,  mais  qu'elle  appelait  dé  noms 
latins  aujourd'hui  peu  compréhensibles.  Ces  trois 
objets,  à  considérer  dans  toute  œuvre  de  littéra- 
ture, sont  : 

Vinvention,        c'est-à-dire  le  sujet; 
La  disposition,  —         le  plan  ; 

Vélocution,  —         le  style. 

Sans  répéter  ici  ce  que  nous  disons  ailleurs 
^V.  Composition)  sur  cette  distinction  fondamen- 
tale des  trois  grandes  conditions  de  l'art  d'écrire, 
nous  ne  saurions  trop  recommander  d'y  insister 
longtemps  et  d'astreindre  rigoureusement  les 
jeunes  gens  à  s'enfermer  dans  ce  cadre.  On  leur 
donne  à  étudier  un  chef-d'œuvre  en  prose  ou  en 
vers;  ils  ont  à  l'examiner  sous  trois  points  de  vue. 

1°  Sujet.  —  Avant  de  se  perdre  dans  les  détails,  il 
faut  se  rendre  bien  compte  des  idées  ou  des  faits 
qui  constituent  le  fond  de  l'ouvrage  ;  jeter  un  coup 
d'œil  d'ensemble  sur  le  sujet  à  traiter,  en  apprécier 
même,  s'il  y  a  lieu,  la  convenance,  l'exactitude,  la 
portée  historique  ou  morale,  les  inconvénients,  les 
difficultés  ;  il  faut  enfin  se  mettre  à  la  place  de 
l'auteur  au  moment  où  il  a  choisi  son  sujet,  et  se 
demander  si  son  choix  a  été  heureux,  hardi,  ori- 
ginal, etc. 

2°  Plan.  —  Une  fois  le  sujet  adopté,  comment 
l'auteur  l'a-t-il  disposé?  Il  ne  suffit  pas  que  la  don- 
née soit  belle,  vraie,  grande,  il  faut  maintenant  en 
distinguer  les  parties,  en  ordonner  la  marche,  en 
graduer  l'effet.  Quel  plan  l'auteur  s'est-il  proposé? 
Quelle  division,  quel  ordre,  ((uelle  gradation  pré- 
sente son  ouvrage?  C'est  là  la  seconde  question  que 
l'analyse  littéraire  doit  résoudre,  le  second   crité- 


rium auquel  elle  doit  recourir  pour  juger  le  mérite 
de  l'œuvre  :  l'édifico  vaut  autant  par  l'agencement 
que  par  le  bon  choix  des  matériaux. 

H"  Sf!/le.  —  Enfin  il  reste  à  voir  la  mise  en 
œuvre  de  ces  matériaux,  dans  tout  le  détail  de 
l'exécution  :  c'est  ici  tiu'apparaîtra  l'art  du  style 
dans  le  sens  restreint  de  ce  mot.  Comment  l'auteur 
a-t-il  exprimé  ce  qu'il  avait  conçu  d'abord,  ordon- 
né  ensuite?  c'est  le  dernier  des  trois  termes  de 
son  travail.  A-t-il  su  animer,  colorer,  peindre  à 
l'imagination  ce  qu'il  avait  à  raconter?  Sa  langue 
est-elle  correcte  et  pure,  élégante  sans  affectation, 
originale  sans  bizarrerie,  concise  sans  obscurité, 
brève  sans  sécheresse,  abondante  sans  prolixité  ? 
L'analyse  littéraire  le  dira  et  le  prouvera  par 
quelques  exemples  caractéristiques. 

Les  trois  parties  que  nous  venons  de  distinguer 
et  qui  théoriquement  doivent  exister  dans  toute 
analyse  littéraire  n'y  sont  presque  jamais  d'égale 
importance.  S'agit-il.' par  exemple,  d'une  œuvre 
dramatique,  d'un  poème  de  longue  haleine  :  la 
1"^  partie,  l'appréciation  du  sujet  (qu'on  nomme 
aussi  parfois  Cintrigue  ou  la  fnble),  exige  un  soin 
et  un  développement  qui  seraient  supeiflus  s'il 
s'agit  d'un  court  morceau  de  poésie,  d'une  lettre 
ou  d'une  narration.  Dans  ce  dernier  cas  il  con- 
viendra d'insister  sur  la  fine  analyse  des  détails 
du  style,  de  relever  une  foule  de  petits  traits, 
d'artifices  et  de  beautés  de  diction  qu'on  ne  son- 
gerait pas  à  prendre  â  part  dans  un  plus  grand 
ouvrage. 

Des  trois  parties  de  l'analyse,  celle  qui  ne  fera 
jamais  défaut,  celle  qui  donnera  toujours  lieu  à  un 
sérieux  développement,  c'est  la  seconde,  la  re- 
cherche et  l'appréciation  Anplan  :  c'est  aussi  l'exer- 
cice le  plus  profitable  à  nos  jeunes  maîtres.  Il  les 
force  à  examiner  de  près  la  pensée,  à  en  suivre  les 
péripéties,  à  Voir  de  quels  éléments  logiques  elle 
se  compose,  à  refaire  en  quelcjue  sorte  la  trame 
du  discours  et  à  juger  si  l'enchaînement  en  est 
solide,  si  les  proportions  en  sont  convenables,  s'il 
y  a  un  fond  d'idées  suffisant  sous  l'élégance  ou 
sous  la  richesse  apparente  du  langage.  Buffon 
avait  raison  de  dire  que  le  style  est  surtout  l'ordre 
et  le  mouvement  qu'on  met  dans  l'expression  des 
pensées. 

Recammandatioiu  particulières.  —  Nul  conseil 
ne  peut  suppléer  à  l'expérience  et  à  la  sagacité  du 
professeur  de  littérature.  C'est  à  lui  qu'il  appar- 
tient :  1°  de  bien  choisir  les  sujets  d'analyse;  ,:"  de 
les  bien  graduer;  3°  de  les  bien  traiter.  Ce  sont  là 
des  qualités  qui  ne  s'enseignent  guères,  pas  plus 
que  le  bon  sens  et  le  bon  goût  ne  se  communiquent 
sous  la  forme  de  règles  et  de  préceptes. 

Marquons  seulement  quelques-uns  des  écueils  où 
des  maîtres  encore  peu  expérimentés  risquent  le 
plus  de  se  heurter. 

1°  Choix  des  sujets  d'analyse.  —  Il  faut  se  gar- 
der de  commencer  parles  sujets  les  plus  complexes 
et  les  plus  riches  ;  dans  une  première  année  d'école 
normale  par  exemple,  on  fera  bien  de  débuter  par 
des  exercices  sommaires  destinés  en  quelque 
sorte  à  mettre  en  évidence  la  charpente  d'une 
narration,  d'un  sermon,  d'un  discours,  d'une  fable, 
d'une  description  en  prose  ou  en  vers.  Il  faut  que 
les  élèves  soient  bien  exercés  à  décomposer  un 
nmrceau  quelconque,  à  le  ramener  à  ses  idées 
j)rincipales, avant  de  passer  à  l'examen  de  tout  un 
ouvrage,  d'un  chef-d'œuvre  surtout. 

11  n'y  a  nul  inconvénient  à  choisir  de  temps  à 
autre  des  morceaux  de  second  ordre  ;  les  élèves  y 
découvriront  souvent  mieux  qvie  dans  un  ouvrage 
irréprochable  les  artifices  et  les  procédés  du  style, 
et  ils  en  apprécieront  d'auiant  mieux  l'inimitable 
simplicité  des  grands  maîtres. 

Toutes  les  fois  qu'on  peut  à  l'analyse  joindre  la 
comparaison,  il  n'y  faut  pas  manquer  :  on  y  trou- 
vera double  profit. 


ANALYSE 


—  129  — 


ANALYSE 


Enfin  —  et  c'est  l'observation  capitale  —  il  faut 
que  l'analyse  littéraire,  comme  tous  les  exercices 
de  l'école  normale,  ait  franchement  le  ton  et  l'al- 
lure de  l'enseignement  populaire  :  que  les  sujets 
soient  simples,  accessibles  à  l'intelligence  et  à 
l'imagination  la  moins  façonnée  autour  des  études 
classiques;  que  l'on  se  contente  de  ce  que  peut 
comprendre,  aimer,  sentir  un  esprit  jeune,  droit  et 
sain,  sans  trop  regretter  pour  lui  tout  ce  que  lui  fait 
perdre  l'ignorance  du  grec  et  du  latin,  sans  vouloir 
surtout  combler  cette  lacune  en  lui  donnint  sur  les 
langues  et  sur  les  littératures  anciennes  des  juge- 
ments tout  faits  et  une  science  d'emprunt  :  ce 
serait  le  moyen  d'en  faire  à  tous  jamais  un  pédant 
ridicule  et  incorrigible. 

2°  Mode  de  rédaction  des  aoahjses  littéraires.  — 
Les  sujets  doivent  être  traités  dans  le  même  esprit 
où  ils  ont  été  choisis  :  de  la  simplicité,  de  la  vé- 
rité, de  la  sincérité  avant  tout.  Ici  encore  soyons 
peuple,  comme  la  Bruyère  se  vantait  de  l'être  :  ne 
copions  pas  les  lettrés,  les  érudits,  l'enseignement 
secondaire  ou  supérieur. 

Ne  forçons  poiot  notre  talent, 
Nous  ne  ferions  rien  avec  grâce. 

L'analyse  littéraire  doit  surtout  façonner  le  goût 
des  élèves  :  le  meilleur  moyen  d'y  réussir  est  de  for- 
mer leur  jugement,  c'est-h-dire  qu'il  faut  faire  une 
guerre  sans  relâche  aux  phrases  de  convention,  aux 
éoitbètes  banales,  aux  admirations  de  commande, 
à  tout  ce  bavardage  qui,  tour  à  tour  plat  ou  am- 
poulé, prouve  simplement  que  l'élève  n'a  rien 
senti.  On  peut  appliquer  à  l'analyse  littéraire  et 
dans  l'intérêt  du  goût,  le  mâle  langage  de  Mo- 
lière : 

Je  yeux  qu'on  soit  sincère  et  qu'on  homme  d'honneur 
On  ne  lâ<:he  aucun  mot  qui  ne  pai-te  du  cœur. 

«  On  doit  aussi  prendre  garde,  dit  très-judicieu- 
sement M  apereau,  de  vouloir  trouver  des  beautés 
partout,  de  s'exalter  à  froid,  de  s'extasier  sur  les 
moindres  mots,  de  prêter  à  un  auteur  des  inten- 
tions qu'il  n'a  pas  eues,  des  malices  et  des  finesses 
auxquelles  il  n'a  pas  songé.  »  Cette  recommanda- 
tion est  d'autant  plus  précieuse,  que  c'est  bien 
là  le  danger  le  pins  fréquent  de  ce  genre  d'exer- 
cices. On  ne  l'évitera  qu'en  habituant  les  jeu- 
nes gens  à  une  certaine  liberté  de  jugement  et 
d'expression,  en  leur  laissant  quelque  spontanéité, 
en  encourageant  dans  une  sage  mesure  ce  franc 
parler  qui  donne  aux  appréciations,  sinon  une 
justesse  parfaite,  du  moins  une  saveur  de  naturel. 

Enfin,  sans  vouloir  autoriser  les  jeunes  gens  à 
s'ériger  en  juges  prétentieux  et  pédants,  nous  ne 
croyons  pas  qu'il  y  ait  aucun  inconvéïyent  à  leur 
signaler  ou  à  leur  laisser  signaler,  le  cas  échéant, 
telle  tache  dans  un  morceau,  telle  expression  in- 
correcte, tel  passage  obscur  pour  eux,  ou  long,  ou 
inutile  à  leur  sens. 

3°  Syjithèse,  complément  de  l'analyse.  —  Dans 
toutes  les  formes  de  l'enseignement,  l'analyse 
appelle  comme  complément  logique  et  indispen- 
sable un  exercice  ei  sens  contraire,  une  synthèse. 
Apres  que  l'analyse  littéraire  a  fait  décomposer  un 
morceau,  un  exercice  de  composition  sur  un  sujet 
et  sur  un  plan  analogue  en  sera  en  quelque  sorte 
la  contre-partie  naturelle  et  l'utile  application. 
M.  Michel,  dans  son  Cours  de  compositio7i,  a  souvent 
très-heuieusement  indiqué  ce  procédé.  Nous  n'a- 
vons pas  à  y  insister  ici  i,V.  Composition'. 

MODÈLES  DE   LEÇONS    ET   D'EXERCICES 
Sujet  donné  :  L'orage,  par  Saint-Lambert. 
L'orage. 
On  voit  à  l'horizon,  de  deux  points  opposés, 
Des  nuages  monter  dans  les  airs  embrasés  ; 
On  les  voit  s'épaissir,  s'élever  et  s'étendre. 
D'un  tonnerre  éloigné  le  bruit  s'est  fait  L-ntcudre  ; 
5.  Les  fluts  en  ont  fromi,  l'air  en  est  ébranlé, 
Et  le  long  du  vallon  le  feuillage  a  tremblé. 
2*  Partie. 


Les  monts  ont  prolongé  le  lugubre  murmure 

Dont  le  son  lent  et  sourd  attriste  la  nature. 

Il  succède  à  ce  bruit  un  calme  plein  d'horreur, 
10.  Et  la  terre,  en  silonce,  atlond  dans  la  terreur. 

Des  monts  et  des  rochers  le  vaste  amphithéâtre 

Disparait  tout  à  coup  sous  un  voile  grisâtre  ; 

Le  nuage  élargi  le  couvre  de  ses  flancs  ; 

Il  pèse  sur  les  airs  tranquilles  et  brûlants. 
15.  Mais  des  traits  embrasés  ont  sillonné  la  nue, 

Et  lafoudre.en  grondant,  roule  dans  l'étendue  •. 

Elle  redouble,  vole,  éclate  dans  les  airs; 

Leur  nuit  est  plus  profonde,  et  de  vastes  éclairs 

En  font  sortir  sans  cesse  un  jour  pâle  et  livide, 
20.  Du  couchant  enflammé  s'élance  un  veut  npde  ; 

Il  tourne  sur  la  plaine,  et,  rasant  les  sillons. 

Enlevé  un  sable  noir  qu'il  tourne  en  tourbillon. 

Ce  nuage  nouveau,  ce  torrent  de  lumière. 

Dérobe  à  la  campagne  un  reste  de  lumiire. 
25.        La  peur,  l'airain  sonnant,  dans  les  temples  sacres 

Font  entrer  à  grands  flots  les  peuijles  égarés. 

Grand  Dieu!  vois  à  tes  pieds  leur  foule  consternée 

Te  «lemanderle  pris  des  travaux  de  l'année. 

Hélas  !  du  ciel  en  feu  les  globules  glacés 
30.   Eciasant,  en  tombant,  les  épis  renversés. 

Le  tonnerre  et  les  vents  déchirent  les  nuages. 

Le  fermier  de  ses  champs  contemple  les  ravages 

Et  presse  dans  ses  bras  ses  enfants  effrasés. 

La  foudre  é,clate,  tombe;  et  des  monts  foudroyés 
33.  Descendeut  à  grand  bruit  les  graviers  et  les  ondes, 

Qui  courent  en  torrents  sur  les  plaines  fécondes. 

0  récolte  '.  ô  moissons  !  tout  périt  sans  retour  : 

L'ouvrage  de  l'année  est  détruit  en  un  jour. 

«  Si,  après  avoir  lu  ce  morceau  avec  attention, 
nous  cherchons  à  nous  rendre  compte  de  la  marche 
qu'a  suivie  l'auteur,  nous  découvrons  que  le  cadre 
embrasse  trois  parties  principales. 

D'abord  les  phénomènes  précurseurs  de  l'orage  : 
direction  des  nuages  (vers  1-3)  ;  —  tonnerre 
lointain  (v.  4-8J  ;  —  calme  et  silence  effrayant 
(v.  9-10). 

La  phrase  qui  suit  montre  le  développement 
successif  de  l'orage  :  cpaississement  des  nuages  ; 

—  chaleur  de  l'atmosphère  (v.  11-14)  ;  —  éclairs 
et  coups  de  tonnerre  (v.  15-19);  —  vent  et  tour 
billons  de  poussière  (v.  20-24). 

Après  cette  peinture  de  l'orage,  l'auteur  décrit 
les  effets  qu'il  a  produit.-^  sur  les  êtres  animés  et 
dans  la  nature  :  —  attitude  des  hommes  (v.  i5-28)  ; 

—  ravage  des  campagnes  (v.  29-31)  ;  —  perte  des 
récoltes  (v.  32-38). 

Ainsi  l'analyse  attentive  de  ce  tableau  permet  de 
le  réduire  à  l'esquisse  suivante,  qui  en  donne  à  la 
fois  le  plan  et  le  cadre  : 

1»  Phénomènes  précurseurs  de  l'orage  ; 

2°  Phases  successives  de  son  développement; 

3°  Ses  effets. 

L'observation  du  phénomène  indiquait  naturelle- 
ment la  place  de  cîiacune  de  ses  parties.  Mais  re- 
marciuons  l'harmonie  et  la  proportion  que  l'auteur 
a  mise  entre  elles,  et  par  leur  étendue  relative,  et 
par  le  choix  des  images,  et  par  le  ton  du  style. 

L'aspect  du  ciel,  indiqué  dans  les  deux  premiers 
vers,  est   complètement  dépeint  dans  le  troisième 
par  cette  gradation  d'une  vérité  saisissante  : 
On  les  voit  s'épaissir,  s'élever  et  s'étendre. 

Parmi  les  vers  qui  suivent  il  n'en  est  presque 
aucun  qui  n'offre,  môme  à  l'oreille  la  moins  exer- 
cée, quelque  admirable  effet  d'harmonie  imitative. 

Comme  le  roulement  sourd  du  tonnerre  qui 
gronde  dans  le  lointain  est  bien  rendu  dans  ce 
vers  : 

D'un  tonnerre  éloigné  le  bruit  s'est  fait  entendre, 
et  plus  loin  : 

Et  la  foudre  en  grondant  roule  dans  l'étendue. 

Avec  quel  bonheur  le  peintre  reproduit  l'image 
et  le  fréir.issement  du  feuillage  à  l'approche  de  la 
tempête  : 

Et  le  long  du  vallon  le  feuillage  a  tremblé. 
Par  quelle  grande  et  terrible  image  il  termine 

9 


ANALYSE 


—  lao  — 


ANALYSE 


le  tableau   des  signes  précurseurs  de  l'orage  dans 
ces  deux  vers  d'une  harmonie  si  vigoureuse  : 

11  succède  à  ce  bruit  un  calme  plein  d'horreur; 
•    Et  la  terre  en  silence  attend  dans  la  terreur. 

Cet  heureux  mélange  d'images  et  d'effets  d'har- 
monie se  fait  remarquer  dans  toute  la  suite  du 
morceau.  Bornons-nous  à  appeler  l'attention  sur  le 
mouvement  plein  de  force  et  de  sentiment  produit 
par  l'apostrophe  : 

Grand  Dieu  !  vois  à  tes  pieds  leur  foule  consternée 
Te  demander  le  prix  des  travaux  de  l'année. 

et  sur  l'émotion   profonde   qu'éveille  dans   l'âme 
rexclamation  si  naturelle  et  si  vive  : 

0  récolte  !  ô  moissons  !  tout  périt  sans  retour  : 
L'ouvrage  de  l'année  est  détruit  en  un  jour. 

Exercice  complémentaire  [synthétique).  — S'ap- 
puyer sur  les  observations  et  les  exemples  qui  pré- 
cèdent pour  tracer  l'esquisse  et  trouver  les  détails 
d'un  autre  tableau  :  une  pluie  de  printemps  après 
une  lo7igiie  sécheresse. 

Nous  allons  montrer,  aussi  brièvement  que  pos- 
sible, comment  on  peut  tirer  parti  de  l'examen 
analytique  d'un  modèle  pour  trouvei*  soi-même  le 
plan  et  les  détails  d'un  sujet  à  traiter. 

Si  nous  nous  rappelons  encore  le  plan  du  tableau 
que  nous  venons  d'étudier,  il  nous  est  facile  de 
saisir  les  analogies  naturelles  entre  ce  morceau  et 
le  sujet  d'une  pluie  de  printemps  après  une  longue 
sécheresse.  En  étudiant  la  manière  et  les  procédés 
de  Saint-Lambert,  nous  sommes  amenés  naturel- 
lement à  tracer  pour  la  seconde  description  l'es- 
quisse suivante  que  nous  mettons  en  regard  de  la 
première. 

1°  Phénomènes  précurseurs  de  l'orage  : 

—  Phénomènes  antérieurs  à  la  pluie  :  prairies 
desséchées....  ruisseaux  taris....  végétation  lan- 
guissante.... espérances  compromises....  inquié- 
tude des  cultivateurs, 

2°  Phases  successives  de  l'orage  : 

—  Commencement  et  progrès  de  la  pluie  :  chan- 
gements dans  l'atmosphère,...  état  du  ciel,...  chute 
des  premières  gouttes,...  progression  lente  et  con- 
tinue de  la  pluie,...  ses  effets  sur  la  végétation  et 
les  plantes,...  sur  les  animaux,...  sur  les  hommes. 

3°  Effets  de  l'orage  : 

—  Effets  de  la  pluie  :  aspect  de  la  campagne,... 
pureté  du  ciel,...  vie  et  fécondité  rendues  k  la 
terre,...  joie  des  êtres  animés,...  sécurité  et  abon- 
dance rendues  aux  hommes,...  témoignage  de  re- 
connaissance envers  la  Providence  divine.  » 

[Michel,  Cours  de  Composition,    Impartie, 
p.  108-112.] 
Autre  modèle    extrait  du  Recueil    d'an.vlyses 
LITTÉRAIRES  par  M.  B.  van  HoUebeke,  professeur  de 
rhétorique  française  à  l'Athénée  royal  de  Liège. 

Sujet  donné  :  la  fable  de  la  Fontaine  :  Le  chat, 
la  belette  et  le  jeune  lapin  : 

l.  Du  palais  d'un  jeune  lapin 
Dame  belette,  un  beau  matin, 
S'empara  : 

Sans  nous  arrêter  à  l'expression  familière  et  iro- 
nique un  beau  matin,  remarquons  la  manière  dont 
le  poète  isole  et  met  en  lumière  l'idée  principale, 
s'empara  ;  la  Fontaine  plie  sa  phrase  à  l'idée.  Son 
rhythme  aussi  varie,  pour  être  en  harmonie  avec 
la  pensée  :  quand  celle-ci  est  légère  et  badine,  l'u- 
niformité du  mètre  ne  pourrait  lui  convenir. 

A  ce  petit  récit  vient  se  joindre  une  de  ces  ré- 
flexions qui  n'appartiennent  qu'au  bonhomme  : 
c'est  une  rusée!  Elle  tient  de  la  naïveté  de  l'enfant 
qui  raconte  et  qui  mêle  à  son  récit  ses  réflexions 
ingénues.  «  Nous  rions,  dit  Marmontel,  mais  de  la 
naïveté  du  poète,  et  c'est  à  ce  piège  si  délicat  que 
se  prend  notre  vanité.  » 

Croirait-on  que  des  commentateurs  aient  jugé 
mauvais  ce  que  le  lecteur  trouve  délicieux,  et  se 


soient  autorisés   du  vers  suivant  pour  blâmer  lo 
mot  rusée  : 

Le  maître  étant  absent,  ce  lui  fut  chose  aisée  ? 
«  Quelle  adresse,  ont-ils  dit,   peut-il  y   avoir  à 
s'emparer  d'un  trou  vide  ?  »  Nous  leur  répondrons 
avec  Charles  Nodier  :  «  Aucune  assurément  ;  aussi 
la  Fontaine  dit-il  rusée,  et  non  adroite.  » 

Elle  porta  chez  lui  ses  pénates 

Allusion  comique  ;  le  poète  donne  à  son  person- 
nase  un  plaisant  air  d'antiquité 

...un  jour 
Qu'il  était  allé  faire  à  l'Aurore  sa  cour, 
Parmi  le  thym  et  la  rosée. 

Voyez  comme  d'une  idée  vulgaire,  aller  brouter 
dès  le  matin,  la  gracieuse  imagination  de  la  Fon- 
taine a  su  faire  un  tableau  plein  de  fraîcheur.  L'Au- 
rore personnifiée  n'est  assurément  pas  d'invention 
nouvelle  ;  mais  ce  qui  est  nouveau  sans  doute, 
c'est  le  lapin  qui  lui  fait  sa  cour.  Voilà  imiter  et  kla 
fois  être  original.  Cette  peinture  délicieuse,  la 
Fontaine  osa  la  refaire  ailleurs  (liv.  X,  fab.  15)  et 
peut-être  le  fit-ii  avec  succès  ;  qu'on  en  juge  : 

Des  lapins  qui.  sur  la  bruyère, 
L'œil  éveillé,  l'oreille  au  puet, 
S'égayaient,  et    de  thym  parfumaient  leur  banquet. 

Tout  ce  début  est  plein  de  charmants  détails. 
M.  Villemain  y  fait  allusion  dans  ce  passage  :  «  De 
tous  les  écrivains  du  siècle  de  Louis  XIV,  la  Fon- 
taine semble  presque  le  seul  qui  ait  regardé  la 
nature  ailleurs  que  dans  les  poèmes  des  anciens, 
et  qui  ait  joint  à  l'étude  une  observation  minu- 
tieuse et  naïve.  Les  beautés  du  spectacle  de  la  na- 
ture qu'il  a  décrites  étaient  simples  et  vulgaires, 
comme  il  pouvait  les  rencontrer  dans  ses  promena- 
des... La  Fontaine  décrivant  un  printemps  de 
France,  un  printemps  ordinaire,  loin  du  ciel  de  la 
Grèce  ou  de  l'Italie,  la  Fontaine  montrant  le  lapin 
qui  trotte  à  travers  le  thym  et  la  rosée,  est  aussi 
poète  que  les  anciens  le  furent  jamais.  » 

En  nous  montrant  notre  jeune  héros  au  milieu 
de  ses  délices,  le  poète  a  un  dessein  :  c'est  d'éta- 
blir un  contraste  entre  le  bonheur  du  moment  et 
le  malheur  qui  se  prépare  : 

Après  qu'il  eut  brouté,  trotté,  fait  tous  ses  tours, 

joyeux,  et  sans  aucun  pressentiment  de  la   mésa- 
venture qui  l'attend, 

Jeannot  Lapin  retourne  aux  souterrains  séjours. 

Les  détails  qui  vont  suivre  ne  permettent  plus 
d'appeler  le  itrrier  un  p'dais.  Il  n'est  vraiment 
plus  qu'ui^lieu  sombre,  un  souterrain,  rendu  si- 
nistre même  par  la  perfidie  dont  il, est  devenu  le 
théâtre.  La  périphrase  de  la  Fontaine  est  toujours 
heureuse.  \Quant  à  la  dénomination  de  Jeannot 
Lapin,  elle  nous  rappelle  celle  de  Robin  Mouton, 
de  Gent  trotte-menu  et  cent  autres,  qui  toutes  ont 
de  la  grâce  et  du  naturel,  et  non  de  la  recherche  et 
de  l'affectation^  comme  celles  de  Lamotte  :  DomJu- 
gement.  Dame  Mémoire,  Demoiselle  Imagination.) 

II.  Le  retour  du  jeune  propriétaire  marque  la  tran- 
sition à  la  seconde  partie,  la  dispute. 

Toute  l'introduction  peut  se  résumer  en  un  seul 
I  mot,  usurpation.  Vusurpation  engendre  la  dispute. 
Nous  connaissons  déjà  le  lieu  de  la  scène,  le  temps 
et  deux  des  personnages  avec  leur  caractère  dis- 
tinctif,  l'un  rusé  et  perfide,  l'autre  insouciant  et 
inoffensif. 

La  belette  avait  mis  le  nez  à  la  fenêtre. 

L'image  est  pittoresque  et  le  détail  n'est  pas  su- 
perflu. La  perfide  belette  veut  jouir  de  la  mystifi- 
cation du  jeune  propriétaire. 

0  dlcui  ho«j)italiers!  que  vois-je  ici  paraître? 
Dit  ranimai  chassé  <Ju  paternel  log'*. 

Surprise  rendue  avec  art.  Un  sentiment  subit  et 


ANALYSE 


—  131  — 


ANALYSE 


vif  est  toujours  vague  :  Que  (et  non  pas  Qui)  vois- 
je  ici  paraître  ?  Ce  premier  moment  passé,  les  sens 
reviennent,  et  l'ironie,  mêlée  à  un  ton  de  supério- 
rité, sied  bien  au  maître  qui,  fort  de  ses  droits,  ne 
veut  voir  dans  l'usurpation  de  son  bien  qu'une 
mauvaise  plaisanterie  : 

Holà  !  madame  la  belette  ! 

Que  l'on  déloge  sans  trompette. 

Mais  la  trouvant  un  peu  lente  à  quitter  son  do- 
maine, il  prend  le  ton  de  la  menace  : 
Ou  je  -vais  avertir  tous  les  rats  du  pays. 

Si  la  belette  ne  craint  pas  ses  ennemis  naturels 
■chacun  isolément,  le  nombre  doit  l'épouvanter  ; 
<jue  pourra-t-elle  contre  une  bande  si  formidable? 

Trop  maligne  pour  vouloir  vider  la  question  par 
la  force,  elle  aime  mieux  user  de  raisonnement. 
Comme  pour  mettre  en  relief  son  caractère  mali- 
cieux, la  Fontaine  la  dépeint  au  physique  par  un 
seul  trait  frappant  d'à-propos  :  la  dame  au  nez 
pointu. 

Écoutons  ses  arguments  : 

La  dame  au  nez  pointu  répondit  que  la  terre 
Était  au  premier  occupant. 

Nous  voilà,  dans  une  sphère  nouvelle  :  un  système 
^e  droit  1  J'occupe  votre  terrier  :  donc  il  m'appar- 
tient. Puis  vient  l'ironie  :  d'ailleurs 

C'était  un  beau  sujet  de  guerre 
Qu'un  logis  où  lui-même  il  n'entrait  qu'en  rampant! 

Et  quand  ce  serait  un  royaume, 
Je  Toudrais  bien  savoir,  dit-elle,  quelle  loi 

En  a  pour  toujours  fait  l'octroi 
A  Jean,  fils  ou  neveu  de  Pierre  ou  de  Guillaume, 

Plutôt  qu'à  Paul,  plutôt  qu'à  moi. 

Le  conteur  avait  pris  un  instant  le  style  indirect  ; 
il  quitte  bientôt  cette  forme  inerte.  S'il  se  faisait 
toujours  l'interprète  de  ses  personnages,  il  ôterait 
à  leur  langage  le  mouvement  et  la  vérité. 

Mais  revenons  au  terrier,  à  la  belette.  Elle  mé- 
connaît le  droit  de  succession,  qu'elle  appelle  un 
octroi,  une  faveur,  un  privilège,  inadmissible  en 
ligne  directe  comme  en  ligne  collatérale.  Que  ce 
soit  d'un  père  ou  d'un  oncle  que  Jean  Lapin  ait 
hérité  son  terrier,  peu  importe  à  l'usurpatrice  ;  elle 
ne  s'inquiète  pas  plus  de  sa  généalogie  que  de  ses 
prétentions. 

«  'Voilà,  litChamfort,  la  question  de  la  propriété 
parfaitement  posée  à  propos  d'un  trou  de  lapin.  » 
Et  Aimé  Martin,  dans  son  excellente  édition  des 
fables  de  la  Fontaine  :  «  Certes,  dit-il,  la  belette  qui 
met  l'hérédité  en  question,  est  une  terrible  révo- 
lutionnaire, et  Uousseau  n'a  trouvé  ni  pis  ni  mieux 
dans  son  discours  sur  l'inégalité.  » 

Somme  toute,  la  dame  au  nez  pointu  manie  bien 
le  sophisme.  Que  répondra  son  adversaire? 

Jean  Lapin  allégua  la  coutume  et  l'usage  : 
Ce  sont,  dit-il,  leurs  lois  qui  m'ont  de  ce  logis 
Rendu  maître  et  seigneur,  et  qui,  de  père  en  Cls, 
L'ont  de  Pierre  à  Simon,  puis  à  moi  Jean,  transmis. 
Le  premier  occupaut,  est-ce  une  loi  plus  sage? 

Le  nom  de  Jean  Lapin,  qui  revient  au  milieu  de 
ces  débats  sérieux,  ne  manque  pas  de  sel.  Toutefois 
le  ton  du  jeune  propriétaire  est  plein  de  fierté  :  il 
G?Xmaitre  et  seigneur.  Lésé  dans  ses  droits,  il  tient 
un  langage  énergique.  Le  danger,  son  intérêt  me- 
nacé lui  donnent  de  l'esprit  pour  défendre  sa  cause. 

La  dame  au  nez  pointu  parle  avec  ironie  et  arro- 
gance. Elle  méprise  les  lois  et  se  joue  des  raisons 
les  mieux  fondées.  C'est  une  querelleuse  faite  au 
métier. 

Comme  ce  dialogue  a  déjà  attiré  l'attention  de 
judicieux  commentateurs,  on  nous  saura  gré  de 
transcrire  leur  jugement.  'Voici  comme  s'exprime 
La  Harpe  :  «  Est-il  possible  de  mieux  discuter  une 
cause?  Tout  y  est  mis  en  usage  :  coutume,  autorité, 
-droit  naturel,  généalogie.  » 

Ev  Chamfort  :  «  Ce  n'est  pas  une   plaisanterie 


d'affirmer  que  la  dispute  du  lapin  et  de  la  belette 
qui  s'est  emparée  d'un  terrier  dans  l'absence  du 
maître,  l'une  faisant  valoir  la  raison  du  premier  oc- 
cupant et  se  moquant  des  prétendus  droits  de 
Jean  Lapin,  l'autre  réclamant  les  droits  de  suc- 
cession transmis  au  susdit  Jean,  par  Pierre  et  Si- 
mon ses  aïeux,  nous  offre  précisément  le  résultat 
de  tant  de  gros  ouvrages  sur  la  propriété.  « 

IIL  La  dispute,  objet  de  la  seconde  partie,  nous 
conduit  au  dénoûment,  par  une  proposition  que 
fait  la  belette  : 

Or  bien,  sans  crier  davantage, 
Rapportons-nous,  dit-elle,  à   Raminagrobis. 

Raminagrobis  !...  Comment  expliquer  ce  choix  ?  II 
fallait  qu'il  eût  les  dehors  bien  propres  à  imposer 
la  confiance.  En  effet. 

C'était  un  chat  vivant  comme  un  dévot  ermite. 

Un  chat  faisant  la  chattemite. 
Un  saint  homme  de  chat,  bien  fourré,  gros  et  gras, 

Arbitre  expert  sur  tous  les  cas. 

Tel  est  le  portrait  de  l'honnête  homme  que  la 
belette  propose  comme  juge.  «  'Vrai  Cerbère  »,  mais 
plus  adroit  que  celui  «  qui  se  fait  craindre  une 
lieue  à  la  la  ronde,  »  et  «  se  fait  passer  pour  un 
diable  »  (liv.  III,  fab.  IS),  il  trouve  plus  sage  de 
se  faire  passer  pour  un  saint.  Il  a  pris  les  dehors  de 
l'homme  probe  et  austère,  il  a  revêtu  le  cilice,  il 
est  allé  cacher  ses  vices  à   l'ombre  de  la  retraite. 

Ses  dehors  hypocrites  lui  ont  valu  mainte  bonne 
aubaine:  il  est  bien  fourré,  gros  et  gras;  comme 
Tartufe,  qui,  lui  aussi,  avait  le  teint  fleuri  et  l'o- 
reille rouge.   Tous  deux  avaient  profité  au  métier. 

Et  qu'on  n'aille  pas,  comme  de  maladroits  inter- 
prètes, voir  dans  ce  portrait  la  satire  des  sentiments 
religieux.  La  Fontaine  n'en  veut  qu'aux  abus.  Or, 
comme  on  ne  fabrique  la  fausse  monnaie  qu'à 
l'imitation  de  la  bonne,  toute  vertu  a  sa  contrefaçon. 

Outre  sa  réputation  de  probité,  de  sainteté, 
notre  nouveau  Tartufe  a  encore  celle  d'arbitre 
expert  sur  tous  les  cas:  à  ce  caractère  d'universalité 
je  reconnais  l'adroit  et  subtil  charlatan. 

En  un  mot,  tout  ce  portrait  concourt  à  justifier 
le  choix  de  nos  deux  contestants.  Quant  à  nous 
nous  avons  compris  le  scélérat,  et  nous  tremblons 
quand  on  annonce  que 

Jean  Lapin  pour  juge  l'agrée. 

Car  le  jeune  lapin  seul  a  droit  à  notre  intérêt. 

Les  voilà  tous  deux  arrivés 
Devant  sa  majesté  fouirée. 
Grippeminaud  leur  dit  : 

Ce  nom  de  Grippemijiaud  nous  fait  pressentir 
que  le  rôle  du  saint  homme  va  changer;  il  contraste 
singulièrement  avec  son  langage  doucereux  : 

Mes  enfants,  approchez, 
Approchez  ;  je  suis  sourd,  les  ans  en  sont  la  cause. 

Mes  enfants  !  C'est  le  langage  d'un  bon  vieillard, 
d'un  père.  L'invitation  éveillerait  les  soupçons,  si 
la  répodtion,  l'instance,  le  ton  grave  et  plein  d'onc- 
tion, I  •  venaient  aussitôt  rassurer  nos  deux  impru- 
dents lest  sourd;  or  il  faut  bien  qu'il  puisse  les 
enter  .e  :  il  pousse  la  précaution  jusqu'à  dire  l'ori- 
gine -xi  sa  surdité  :  les  ans  en  sont  la  cause. 
L'un  et  l'autre  approcha,  ne  craignant  nulle  chose. 

■Va-t-il  s'amuser  à  écouter  leurs  débats,  à  peser 
leurs  raisons?  Les  laissera-t-il  «  contester,  répli- 
quer, crier,  tempêter  (liv.  II,  fab.  2.)  ?  »  JN'on,  il 
use  mieux  de  son  temps  : 

Aussitôt  qu'à  portée  il  vit  les  contestants, 

Grippeminaud  le  bon  apôtre. 
Jetant  des  deux  cotés  la  grille   en  même  temps, 
"Mit  les  plaideurs  d'accord  en  croquant  l'un  et  l'autre. 

Tableau  vif  et  rapide;  c'est  un  mélangc-Se  tra- 
gique et  de  comique.  L'hypocrite  se  démasque  et 
reprend  son  naturel,  quand  il  est.  sûr  que  la  scène 


ANATOMIE 


132  — 


ANATOMIE 


qui  se  passe  chez  lui,  à  huis-clos,  sans  témoins,  ne 
portera   nulle    atteinte  à   sa    réputation.   Aussitôt 
après,  il  reprendra  son  air  patelin  et  dévot  pour 
faire  de  nouvelles  dupes. 
Remarquez  l'ironie  du  dernier  vers  : 

Mit  les   phiideurs  d'accord  en  croquant  l'un  et  l'autre. 

IV.  De  l'analyse  procédons  à  la  sj'nthèse. 

Tout  le  récit  peut  se  réduire  à  la  phrase  suivante: 
U7ie  belette  s'empare  du  terrier  d'un  jeune  lapin 
absent;  —  au  retour  de  celui-ci  une  dispute  s'élève. 

—  et  ils  finissent  par  prendre  pour  Juge  1 71  chat, 
qui,  C^^  manqe  tous  deux. 

Où  esx,  io  b,T-  dj'ûit?  où  est  l'injustice  ? 

La  belette  usurpe  le  bien  d'autrui  ;  sa  conduite 
est  injuste  et  blâmable,  sa  perfidie  mérite  un  châ- 
timent :  elle  le  subit. 

Le  jeune  lapin,  propriétaire  légitime  de  son  ter- 
rier, réclame  un  droit  d'héritage  incontestable.  Il 
est  innocent,  frustré  dans  ses  droits,  et  pourtant  on 
en  lait  une  victime. 

Le  chat;  hypocrite  raffiné,  le  personnage  le  plus 
criminel,  vit  et  prospère  aux  dépens  des  méchants 
et  des  bons. 

La  fable  est-elle  donc  morale?  A  quelle  conclu- 
sion nous  aniène-t-elle?  Que  pour  être  heureux,  il 
faut  être  hypocrite  et  criminel;  que  pour  vivre  ho- 
noré Lt  content,  on  doit  se  faire  fripon?...  Croirait- 
on  que  des  écrivains   distingués  ^J.-J.  Rousseau. 

—  Voltaire.  —  Lamartine.  —  Lessing)  aient  trouvé 
de  semblables  conclusions  dans  les  fables  de  la 
Fontaine  ?  comme  si  l'apologue,  pour  être  moral, 
avait  besoin  d'aboutir  toujours  au  couronnement 
de  la  vertu  :  comme  s'il  ne  lui  suffisait  pas  de  ren- 
dre odieuxle  vice,  même  dans  son  triomphe. 

Le  fabuliste  n'est  pas  astreint  à  énoncer  un  pré- 
cepte ;  il  peut  se  borner  à  constater  une  de  ces 
vérités  affligeantes  dont  la  société  offre  malheureu- 
sement la  triste  application.  Les  petits  drames  de 
la  Fontaine  sont  souvent  la  représentation  du 
monde  tel  qu'il  est,  non  tel  qu'il  devrait  être  :  la 
fable  a  de  la  parenté  avec  la  satire. 

Tel  est  ici  le  caractère  de  la  conclusion  : 

Ceci  ressemble  fort  aux  débats  qu'ont  parfois 
Les  petits  souverains  se  rapportant  aux  rois. 

Au  lecteur  le  soin  d'en  déduire  la  leçon  positive, 
déjà  formulée  au  livre  VI,  fab.  4  : 

Petits  princes,  videz  vos  débats  entre  vous. 

En  résumé,  l'introduction  et  le  dénoiiment  sont 
admirables  comme  tableaux,  et  la  deuxième  partie  est 
un  chef-d'œuvre  de  dialogue. 

Après  la  lecture  de  cette  belle  composition,  on 
comprend  la  justesse  d'une  réflexion  ingénieuse 
de  M.  Taine,  dans  son  étude  sur  le  Beau  appliqué 
aux  fables  de  la  Fontaine  :  «  La  Fable,  le  plus  hum- 
ble des  genres  poétiques,  ressemble  aux  petites 
plantes  perdues  dans  une  grande  forêt.  Les  yeux 
fixés  sur  les  arbres  immenses  qui  croissent  autour 
d'elle,  on  l'oublie,  ou,  si  on  baisse  les  yeux,  elle  ne 
semble  qu'un  point.  Mais  si  on  l'ouvre  jour  exa- 
miner l'arrangement  intérieur  de  ses  or:  les,  on 
y  trouve  un  ordre  aussi  compliqué  et  auf  vivant 
que  dans  les  vastes  chênes  qui  la  couvren  '.e  leur 
ombre,  et  on  juge  que  la  beauté  de  la  p^iitesse 
égale  la  beauté  de  la  grandeur.  » 

fVan  Holleboke.l 
.ANATOMIE.  —  Botanique.  I;  Zoologie,  XXXI.  — 
{Etym.  :  d'un  mot  grec  signifiant  couper,  di-séquer.) 

1.  Idée  générale  de  l'anatomie.  —  L.  anatomie  est 
une  science  qui  a  pour  objet  la  structure  des  corps 
organisés  et  pour  but  la  connaissance  de  leur 
constitution.  C'est  l'étude  des  formes,  de  la  situa- 
tion, de  la  composition,  des  caractères  apparents  que 
présentent  les  différentes  parties  des  êtres  vivants, 
étude  faite  à  l'aide  de  la  dissection  ou  de  tout 
autre  moyen  d'investigation  et  de  recherche. 

Elle  peut  s'appliquer  aux  végétaux  et  aux  ani- 


maux; aussi  distingue-t-on  V anatomie  végétale,  qui 
traite  de  la  structure  des  plantes,  et  V anatomie  ani- 
male, qui  scrute  l'organisation  des  animaux  et  en 
particulier  celle  de  l'homme. 

Quand  on  examine  la  plante  la  plus  commune 
des  jardins  ou  des  champs,  on  y  distingue  diverses 
parties,  différentes  de  forme,  de  composition  et  de 
but  :  la  racine,  la  tige,  les  feuilles,  les  fleurs,  les 
fruits,  les  graines  ;  ce  sont  les  organes,  les  instru 
menls  de  la  vie.  Pour  comprendre  le  rôle  et  la 
fonction  de  chacun  de  ces  organes,  il  faut  en  étudier 
la  structure,  examiner  les  parties  qui  le  compo- 
sent, en  observer  la  forme  exacte,  voir  comment  il 
se  rattache  aux  autres  pièces  de  ce  mécanisme 
vivant.  Il  faut  encore  aller  plus  loin  si  l'on 
veut  se  rendre  compte  du  développement  de 
chaque  organe  :  il  faut  voir  de  quels  matériaux  il 
so  compose,  examiner  au  microscope  les  éléments 
qui  en  constituent  la  substance,  se  rendre  compte 
de  leur  structure  interne,  de  leur  mode  de  grou- 
pement. En  un  mot,  après  avoir  distingué  et  étudié 
les  organes,  il  faut  étudier  les  tissus  ou  la  masse 
même  des  éléments  qui  constituent  l'organisme. 
Tel  est  le  double  rôle  de  l'anatomie  végétale. 

Le  corps  des  animaux  est  plus  complexe  que  la 
plante  ;  mais  il  a  comme  elle  1"  des  parties  exté- 
rieures ou  membres  dont  il  importe  de  noter  les 
formes,  la  position,  la  structure;  2°  des  parties 
internes  ou  organes;  3°  et  enfin  des  tissus  dont 
l'analyse  s'applique  à  séparer  les  éléments  pour  les 
suivre  dans  leurdéveloppement.L'anatomieanimale 
étudie  donc,  comme  l'anatomie  végétale,  des  organes 
et  des  tissus,  et  elle  cherche  dans  les  rapports  des 
éléments  qui  forment  ces  derniers  le  secret  des 
oi'ganismes  les  plus  complexes. 

L'anatomie  a  comme  science  une  haute  impor- 
tance ;  elle  sert  de  base  à  la  physiologie,  car  les 
fonctions  d'un  organe  résultent  presque  nécessai- 
rement de  la  structure  de  cet  organe,  et  on  com- 
prend facilement  que  le  jeu  d'une  machine  compli- 
quée, comme  le  sont  les  diverses  parties  du  corps 
humain,  s'éclaire  de  la  description  et  de  l'agence- 
ment de  tous  ses  rouages.  Elle  est  indispensable  au 
médecin  et  au  chirurgien.  Elle  révèle  au  premier 
le  siège  des  maladies  par  les  changements  de  forme, 
de  volume,  de  rapports  et  de  texture  qu'ont  subis 
les  organes  atteints,  et  elle  guide  la  main  de  l'autre 
dans  les  délicates  opérations  qu'il  exécute  ;  elle 
seule  peut  lui  faire  trouver  sûrement,  à  travers 
des  parties  dont  la  lésion  serait  dangereuse  ou 
mortelle,  la  tumeur  qu'il  cherche  à  extirper  et  le 
meilleur  chemin  à  suivre  pour  l'atteindre,  comme 
elle  lui  a  servi  à,  établir  son  existence  et  son  état 
sur  des  symptômes  sûrs.  Elle  est  utile  aussi  à  tous 
les  hommes,  puisqu'elle  nous  révèle  la  merveilleuse 
organisation  de  notre  corps  et  excite  au  plus  haut 
point  notre  curiosité,  notre  admiration. 

Lorsque  l'anatomie  se  circonscrit  dans  l'étude  de 
la  conformation  extérieure  des  organes  et  de  toutes 
les  propriétés  qu'on  peut  observer  sans  entamer 
leur  tissu,  elle  porte  le  nom  d'anatomie  descriptive. 
Elle  nous  apprend  la  forme,  la  couleur,  la  consis- 
tance, le  volume,  le  poids,  le  nom,  les  rapports  et 
la  région  des  organes;  elle  trace,  en  un  mot,  la  to- 
pographie du  corps  humain.  On  y  peut  rattacher 
Vanatomie  des  peintres  et  des  sculpteurs,  que  l'on 
définit  la  connaissance  de  la  surface  extérieure  du 
corps,  soit  dans  les  diverses  attitudes  du  repos,  soit 
dans  les  divers  mouvements. 

Mais  si,  au  lieu  de  s'arrêter  à  la  surface,  elle  pé- 
nètre par  l'analyse,  en  s'aidant  du  microscope, 
jusqu'aux  tissus  et  à  leurs  éléments  pour  y  décou- 
vrir le  secret  de  leur  organisation  et  de  leur  déve- 
loppement, les  lois  qui  président  à  leur  formation 
et  t\  leur  arrangement,  elle  porte  le  nom  d'histo- 
logie (science  des  tissus). 

On  lui  donne  le  nom  à'anatomie  coniparéè  quand 
elle  étudie  les  mômes  organes  dans  les  diverses 


ANATOMIE 


—  133  — 


ANATOMIE 


classes  d'animaux  ou  de  végétaux,  pour  établir  les 
ressemblances  ou  les  modifications  de  leur  struc- 
ture et  en  tirer  les  caractères  des  classifications 
naturelles. 

Enfin,  elle  porte  le  nom  A'anatomie  pathologique 
quand  elle  s'occupe  des  altérations  que  peuvent 
«prouver  les  organes  ;  à'anatomie  chinirqicale  ou 
médicale,  quand  toutes  les  régions  du  corps  sont 
considérées  les  unes  après  les  autres  dans  leur 
ordre  de  superposition,  afin  de  faire  découvrir  les 
causes  et  les  sj'mptômes  des  maladies. 

L'anatomie  comparée  est  d'un  grand  secours  dans 
l'étude  des  deux  règnes,  puisqu'elle  sert  de  base 
aux  classifications.  C'est  d'ailleurs  une  étude  pleine 
d'intérêt,  car  elle  permet  de  remonter  l'échelle 
complète  de  la  série  des  êtres,  au  sujet  de  chacun 
des  principaux  organes,  depuis  les  algues  cellu- 
laires jusqu'aux  grands  végétaux  dicotj'lédonés, 
depuis  la  monade  et  le  vibrion  jusqu'aux  animaux 
supérieurs  et  à  l'homme. 

L'histologie  a  pris  dans  ces  dernières  années  un 
grand  essor.  Les  observations  microscopiques  mul- 
tipliées non-seulement  sur  les  tissus,  mais  sur  les 
éléments  cellulaires  les  plus  simples,  sur  le  sang  et 
ses  globules,  sur  tous  les  liquides  de  l'économie, 
ont  ouvert  un  jour  nouveau  à  l'anatomie  et  à  la 
physiologie  générale.  La  perfection  des  instruments 
grossissants  a  reculé  les  bornes  de  l'observation  et 
rendu  possible  l'étude  de  l'œuf  et  de  ses  développe- 
ments; l'emploi  de  nouvt-aux  moyens  chimiques  de 
séparation  et  d'isolement  des  tissus  a  permis  de 
distinguer  les  dilïérentes  cellules  animales  élé 
montaires  et  de  suivre  leur  agencement  dans  les 
os,  dans  le  cerveau,  dans  les  muscles,  dans  les 
nerfs. 

Dans  un  cours  élémentaire  d'histoire  naturelle, 
l'anatomie  n'est  pas  une  partie  distincte  et  isolée, 
avec  son  programme  et  ses  méthodes  ;  elle  accom- 
pagne partout  la  ph^'siologie,  qu'elle  éclaire  et 
qu'elle  guide  et  qui  lui  sert  d'indispensable  com- 
plément. Quand  on  étudie  un  organe  d'un  animal 
ou  d'une  plante,  après  avoir  décrit  sa  forme  et  sa 
structure,  on  indique  ses  fonctions  et  son  rôle,  et 
même  si  l'on  passe  en  revue  les  modifications  qu'il 
offre  dans  la  série  des  êtres,  on  y  joint  de  suite  les 
dilférences  d'objet  et  d'utilité  organique  qui  en  sont 
la  conséquence.  Examine-t  on  l'étamine  dans  la 
fleur,  la  description  détaillée  de  l'anthère  et  de  son 
support,  de  la  forme  et  de  la  dimension  des  grains 
de  pollen  ne  satisfait  pas  entièrement  l'esprit;  il 
faut  suivre  le  développement  de  cette  poussière 
fécondante,  la  manière  dont  elle  s'échappe  de  la 
bourse  qui  la  retenait  et  le  chemin  qu'elle  prend, 
si  l'on  veut  connaître  l'acte  reproducteur  dont  elle 
€st  l'un  des  agents. 

Étudie-t-on  le  cœur  et  les  poumons,  on  en  fait 
d'abord  la  description  détaillée,  on  en  indique  la 
forme,  le  volume,  la  structure:  voilà  pour  l'anato- 
mie ;  mais  on  y  joint  immédiatement  les  mouve- 
ments de  ces  organes,  leur  rôle  dans  la  marche  et 
la  régénération  du  sang,  pour  présenter  un  en- 
semble de  ces  deux  grandes  fonctions  de  la  nutri- 
tion, la  respiration  et  la  circulation. 

Ainsi  on  mêle  constamment  l'anatomie  et  la  phy- 
siologie, et  l'enseignement  y  gagne  incontestable- 
ment en  intérêt  et  en  clarté. 

Dans  cet  ouvrage,  qui  comporte  un  cours  étendu, 
bien  que  très  élémentaire,  d'histoire  naturelle,  il 
en  sera  de  même;  c'est  donc  aux  articles  traitant 
des  grandes  fonctions,  tels  que  Nutrition,  Digestion, 
Circulation,  Respiration,  etc.,  ou  des  organes  im- 
portants et  complexes,  comme  Squelette,  Tissus, 
Système  nerveux,  Tact,  Odorat,  Ouïe,  Vue,  etc., 
que  nous  renverrons  pour  l'anatomie  et  l'hisio- 
logie  animale;  aux  mots  Feuill-,  Fleur,  Fruit, 
Graine,  Spore,  Tige,  Tissus  vJgé'taur,  Racine,  Ab- 
sorption, Nxdriiion,  Respiration,  Germination,  etc., 
pour  l'anatomie  et  l'histologie  végétale* 


Enfin  au  mot  Classifications  on  trouvera  expo- 
sées l'importance  et  l'utilité  des  données  que 
fournit  l'anatomie  comparée. 

A7iatomie  élastique.  —  On  désigne  sous  ce  nom 
des  pièces  anatoniiques  artificielles,  faites  de  cire 
ou  d'alliages  résistants,  qui  peuvent  se  démonter 
pour  permettre  de  voir  la  configuration  et  la  posi- 
tion des  parties  profondes  qu'elles  représentent. 
Les  plus  répandues  sont  celles  du  docteur  Auzoux, 
en  liège  fortement  comprimé  et  durci,  coloriées  sx- 
térieurement  de  manière  à  figurer  l'aspect  exact  des 
organes.  Ces  pièces,  dont  la  formation  et  le  montage 
ont  exigé  des  connaissances  anatomiques  précises, 
rendent  de  très-grands  services  dans  l'enseignement 
élémentaire  ;  elles  donnent  à  tout  un  auditoire 
l'aspect  réel  des  parties  profondes  des  organes  ou 
du  corps  qu'elles  figurent  ;  elles  marquent  très-net- 
tement la  place  de  chaque  partie  et  permettent  de 
suivre  les  muscles,  les  vaisseaux  ou  les  nerfs  dans 
leur  marche  à  travers  les  tissus  Les  portions  d'or- 
ganes ou  les  fleurs,  qu'il  faudrait  examiner  au 
microscope  à  cause  de  leur  petitesse,  sont  re- 
présentées très-agrandies,  tout  en  conservant  le 
même  rapport  entre  leurs  éléments.  Elles  ont  sur 
les  figures  l'avantage  de  présenter  les  choses  avec 
leur  couleur  et  leur  aspect  réel.  Les  fleurs,  fruits  et 
graines  ;  les  pièces  détachées  représentant  le  cœur, 
les  poumons,  l'œil,  l'oreille,  et  le  mannequin  d'un 
modèle  moyen,  favoriseraient  beaucoup  l'enseigne- 
ment de  l'histoire  naturelle  dans  les  écoles  norma- 
les et  dans  les  écoles  primaires  supérieures. 

[C.  Haraucourt.] 

2.  Histoire  de  l'anatomie.  —  X-'OansVantiquifé. 
—  Le  culte  que  les  anciens  rendaient  à  leurs  morts 
et  les  peines  qu'ils  infligeaient  à  quiconque  profa- 
nait leurs  sépultures,  furent  pendant  longtemps 
un  obstacle  à  l'étude  du  corps  humain;  aussi  les 
premières  notions  que  l'antiquité  nous  ait  léguées 
sur  cette  science,  notions  parfois  ion  cxaCt's,  se 
ruttachent-elles  à  l'anatomie  des  animaux. 

Démocrite,  qui  vivait  dans  la  seconde  moitié  du 
V''  siècle  av.  J.-C,  connaissait  déjà  le  trajet  que 
suit  la  bile  venant  du  foie  et  le  rôle  que  ce  liquide 
joue  dans  l'acte  de  la  digestion.  Avant  lui,  Anaxa- 
gore,  maître  de  Péiiclès  et  de  Socrate,  avait  étudié 
aussi  l'anatomie  des  animaux.  Mais  il  faut  arriver 
jusqu'à  Aristote  pour  avoir  des  notions  à  peu  près 
exactes  sur  la  structure  du  corps  de  certains  ani- 
maux, et  quoique  les  écrits  de  ce  grand  naturaliste 
aient  été  souvent  dénaturés  par  les  copistes  ou 
mal  interprétés  par  les  traducteurs,  ils  excitent 
encore  de  nos  jours  l'admiration  de  quiconque  les 
étudie  et  ils  sont  restés  un  des  plus  beaux  chapitres 
de  l'histoire  de  l'esprit  humain.  On  trouve  déjà 
dans  les  descriptions  d'Aristote  quelques  notions 
sur  la  structure  de  notre  corps,  notions  que  le 
petit-fils  de  ce  grand  philosophe  rendra  bientôt 
plus  exactes,  surtout  en  ce  qui  concerne  le  cerveau 
envisagé  soit  chez  l'homme,  soit  chez  quelques 
mammifères  rares  déjà  connus  àce'te  époque. 

Mais  parmi  les  savants  de  l'antiquité,  celui  qui  a 
traité  dans  ses  écrits  d'une  manière  toute  spéciale 
de  l'anatomie  est  Galien,  qui,  après  avoir  étudié  à 
Alexandrie,  alla  ensuite  se  fixer  à  Rome,  oii  il  devint 
le  médecin  des  empereurs  Marc-Aurèle,  Verus  et 
Commode.  Ses  ouvrages  sont  riches  en  considéra- 
tions élevées  et  en  observations  délicates;  pendant 
longtemps  les  descriptions  qu'ils  renferment  ont 
passé  pour  avoir  été  faites  sur  l'homme,  et  il  a  fallu 
les  étudier  avec  le  plus  grand  soin  pour  se  con- 
vaincre que  c'était  surtout  sur  certaines  espèces  de 
singes  que  Galien  avait  opéré. 

1°  Au  moyen  âge  et  à  la  Renaissance.  —  Peitdant 
plus  de  dix  siècles,  l'anatomie  de  l'homme  et  des 
animaux  ne  fit  aucun  progrès.  Les  Arabes  qu-i  pra- 
tiquaient la  médecine  utilisaient  seuls  les  notions 
de  cette  science  telles  que  les  avait  exposées 
Galien  dans  ses  écrits,  et  c'est  par  eux  que  les  peu- 


ANATOMIE 


—  134  — 


ANATOMIE 


pies  "de  l'Occident,  d'abord  l'Espagne,  pnis  la 
France  par  l'école  de  Montpellier,  purent  trans- 
mettre aux  nations  germaniques  et  Scandinaves  les 
faits  principaux  de  cette  science,  auxquels  Albert 
le  Grand  joignit  ceux  que  les  Scandinaves  eux- 
mêmes  avaient  recueillis  dans  les  régions  septen- 
trionales. 

"  L'Europe  était  en  pleine  Renaissance,  lorsque 
Vésale  fit  prendre  un  nouvel  essor  à  la  science  qui 
nous  occupe.  Ce  grand  anatomiste,  après  avoir 
étudié  à  Bruxelles,  puis  à  Montpellier  et  enfin  à 
Venise  où  il  publia  les  premières  planches  qui  ac- 
compagnent ses  œuvres,  fut  nommé  professeur  à 
Padouè,  en  remplacement  de  son  maître  Fabrice 
d'Acquapendente.  La  dissection  sur  les  sujets  hu- 
mains était  alors  permise.  Il  révisa  les  écrits  de 
Galien,  en  contrôla  avec  soin  les  descriptions  et  éta- 
blit le  premier  d'une  manière  irréfutable,  malgré 
les  luttes  parfois  très-vives  qu'il  eut  à  soutenir 
c-ytitre  Fallope  et  Eustache,  que  c'était  sur  les 
singes  et  non  pas  sur  l'homme,  comme  on  l'avait 
prétendu  jusqu'alors,  que  l'anatomiste  du  deuxième 
siècle  avait  porté  ses  recherches.  Accusé  bientôt 
par  ses  ennemis  d'avoir  ouvert  le  corps  d'un  gen- 
tilhomme dont  le  cœur  battait  encore,  il  fut  exilé 
et  condamné  par  l'Inquisition  à  aller  expier  sa 
faute  en  Terre-Sainte.  C'est  en  revenant  de  cet  exil 
qu'il  mourut  de  faim  dans  l'île  de  Zante  (lû6i). 

L'impulsion  qu'il  avait  donnée  aux  études  anato- 
miques  était  considérable,  et  les  applications  de 
cette  science  h  l'art  do  guérir  firent  après  lui  de 
très  rapides  progrès.  Nous  voyons  apparaître  quel- 
ques années  après  des  chirurgiens  illustres,  parmi 
lesquels  nous  citerons  seulement  Ambroise  Paré, 
Dulaurens  de  Montpellier,  Vidius  qui  professa  au 
Collège  de  France,  etc.etc;  des  physiologistes 
éminents,  comme  Michel  Servet  qui  découvre  la 
circulation  pulmonaire,  Harvey  qui  démontre  la 
circulation  générale,  Azelli,  Rudbeck,  Pecquetqui 
étudient  surtout  la  circulation  du  chyle  et  de  la 
lymphe,  etc.,  etc. 

Non  contents  d'étudier  l'organisme  de  l'homme 
et  des  animaux  arrivés  à  leur  état  parfait,  les  ana- 
tomistes  cherchent  à  connaître  les  formes  succes- 
sives que  ces  êtres  prennent  depuis  les  premiers 
temps  de  leur  développement  jusqu'au  terme  assi- 
gné à  leur  existence.  Harvey  lui-même  étudia  le 
développement  des  animaux  et  jeta  les  bases  d"une 
nouvelle  science.  Plus  tard  Malpighi  et  Wolfif  et 
d'autres  savants  firent  faire  à  cette  nouvelle  partie 
de  l'anatomic  de  rapides  progrès,  tout  en  préparant 
les  voies  à  la  philosophie  anatomique. 

3°  Depuis  le  XVI I"  siède.  —  Les  observateurs, 
qui  n'avaient  jusqu'alors  fait  que  de  l'anatomie  des- 
criptive, virent  bientôt  le  champ  de  leurs  découver- 
tes s'agrandir  par  une  invention  des  plus  impor- 
tantes, celle  du  microscope.  Cet  appareil,  bien 
que  fort  simple  alors  et  ne  permettant  pas  d'aper- 
cevoir la  structure  intime  des  tissus,  servit  cepen- 
dant à  attirer  l'attention  des  observateurs  sur  les 
différentes  parties  constituantes  des  organes  soit  de 
l'homme,  soit  des  animaux  ou  des  plantes,  ce  qui 
était  un  acheminement  vers  des  progrès  plus 
sérieux;  l'étude  des  tissus  devait  se  perfectionner 
à  mesure  que  le  microscope  acquerrait  une  plus 
grande  puissance.  Les  Hollandais  Ruysch  et  Swam- 
merdam  (celui-ci  dans  l'anatomie  des  insectes)  arri- 
vèrent dès  cette  époque  à  des  résultats  dignes 
d'être  signalés. 

■ÎN  Sauf  quelques  rares  exceptions,  les  anatomistes 
qui  suivirent  Vésale  et  Harvey  s'occupèrent  pres- 
que exclusivement  d'anatomie  humaine.  Ce  fut 
seulcm.ent  vers  la  fin  du  xvii^  siècle  et  le  commen- 
cement du  xviii'=  que  les  études  zootomiques  fu- 
rent   de  nouveau    reprises. 

Dès  le  commencement  du  xvii'  siècle,  Riolan,  qui 
était  le  médecin  de  Marie  de  Mcdicis,  avait  essayé  en 
vain  d'obtenir  du  roi,  par  rinlernicdiaire  de  la  reine 


mère,  la  création  d'une  ménagerie  à  Versailles.  Cet 
établissement,  qui  devait  être  transféré  plus  tard  au 
Jardin  des  Plantes  de  Paris,  fut  pourtant  créé  quel- 
ques années  après  par  Richelieu,  et  l'étude  de  l'or- 
ganisation des  animaux  reçut  une  nouvelle  impul- 
sion. La  création  d'une  chaire  d'anatomie  devenait 
nécessaire:  elle  fut  instituée  en  1679  au  Jardin  des 
Plantes  et  confiée  à  Duverney,  qui  enseigna  pour 
la  première  fois  officiellement  l'anatomie  des  ani- 
maux. 

Duverney,  aidé  de  Claude  Perrault,  le  célèbre  ar- 
chitecte de  la  colonnade  du  Louvre,  fut  chargé  de 
disséquer  les  animaux  exotiques  ou  rares  qui 
moururent  à  la  ménagerie  de  Versailles  et  d'en  re- 
présenter les  particularités  anatomiques. 

Les  successeurs  de  Duverney  furent  Hunauld, 
Winslow,  Ant.  Petit  et  Vicq  d'Azyr,  tous  hommes 
illustres  et  dont  les  travaux  occupent  un  rang  im- 
portant dans  la  science.  Ils  s'adonnèrent  surtout  à 
l'étude  de  l'homme  ;  seul  Vicq  d'Azyr  dans  ses  ou- 
vrages ne  négligea  pas  l'examen  des  animaux  et 
donna  à  la  science  une  tendance  philosophique 
que  suivirent  plus  tard  Geoffroy  Saint-Hilaire,  de 
Blainville,  Serres  et  beaucoup  d'autres  anato- 
mistes. 

Nous  voyons  à  la  même  époque  apparaître  les 
travaux  de  Monro  en  Ecosse,  ceux  de  Spallanzani 
et  de  Malpighi  en  Italie,  de  Danbenton,  le  colla- 
borateur de  Buffon,  du  Hollandais  Camper,  disciple 
de  Boerhaave  ;  de  Réaumur,  de  Mertrude,  profes- 
seur au  Jardin  des  Plantes. 

La  Révolution  française  venait  d'éclater:  les  ré- 
formes portées  dans  toutes  les  institutions  natio- 
nales s'étendirent  à  l'enseignement  donné  au  Jardin 
des  Plantes,  qui  fut  réorganisé  en  1793  de  la  ma- 
nière la  plus  libérale  sous  le  nom  de  Muséum 
d'liidoi7'e  natwelle.  De  nouvelles  chaires  furent 
fondées,  et  il  y  en  eut  une  spéciale  pour  l'anatomie 
de  l'homme  ;  celle  qu'avait  occupée  Duverney  de- 
vint la  chaire  d'anatomie  comparée,  et  Mertrude, 
qui  avait  été  le  collaborateur  de  Daubenton,  en  fut 
le  premier  titulaire.  Mais,  fatigué  par  l'âge,  il 
choisit  pour  suppléant  Georges  Cuvier,  qui  s'était 
fait  déjà  connaître  par  dos  travaux  importants  sur 
les  animaux  inférieurs. 

G.  Cuvier  s'efforça  de  réunir  dans  cet  établisse- 
ment les  matériaux  d'une  grande  collection  dont 
il  se  servit  dans  ses  démonstrations  publiques,  qui 
furent  publiées  sous  le  titre  de  Leçons  d'anatomie 
comparée.  La  science  anatomique  prit  dès  lors  une 
extension  considérable,  et  toutes  les  branches  de 
la  zoologie  profitèrent  bientôt  de  ses  découvertes. 

Dans  une  direction  plus  spécialement  médicale, 
Bichat  rendit  aussi  de  grands  services  à  la  science, 
et  son  Anatomie  générale,  ouvrage  dans  lequel  il 
envisage  les  tissus  élémentaires  principaux  de  l'or- 
ganisme, non-seulement  au  point  de  vue  de  la 
morphologie,  mais  aussi  au  point  de  vue  des  fonc- 
tions qu'ils  accomplissent,  jouit  encore  d'une  in- 
contestable autorité. 

L'anatomie  s'est  dès  lors  transformée  en  s'élevant 
au-dessus  du  rôle  purement  descriptif  auquel  elle 
s'était  bornée  jusqu'alors.  Les  études  relatives  à  la 
structure  des  organes,  à  leur  apparilion  successive, 
à  leur  comparaison  dans  l'homme  et  les  animaux, 
à  l'examen  des  modifications  que  l'organisme  a 
éprouvées  depuis  que  la  vie  a  commencé  à  se  mani- 
fester sur  le  globe,  ont  pris  des  développements  qui 
ont  permis  à  l'anatomie  d'aborder  un  ordre  nouveau 
de  considérations  et  d'acquérir  une  très  grande 
portée  philosophique,  surtout  dans  les  conclusion* 
de   l'anatomie   comparée. 

3.  Divisions  principales  de  l'anatomie.  —  On 
divise  l'anatomie  en  dittércnics  branches,  qui  sont: 

I.  L'anatomie  humaine,  appelée  aussi  Âiittiropo- 
tomie. 

II.  L'anatomie  des  animaux  ou  Zootomie,  mot 
qui  signifie  dissection  des  animaux. 


ANATOMIE 


—  135  — 


ANATOMIE 


Ces  deux  sortes  d'anatomie,  lorsqu'il  ne  s'agit 
que  de  riiomme  et  des  autres  vertébrés  ,  se  divi- 
sent en  plusieurs  chapitres,  consacrés  chacun  à 
l'étude  d'un  appareil  spécial  et  dont  voici  l'énu- 
mération  : 

\°  L'appareil  locomoteur,  qui  est  composé  de 
deux  sortes  d'organes,  les  uns  passifs,  les  os,  les 
autres  actifs,  les  tyiuscles.V ensemble  des  os  forme 
le  squelette,  c'est-à-dire  la  charpente  solide  qui 
soutient  les  différentes  parties  du  corps;  leur  étude 
constitue  ce  que  l'on  appelle  Vostéologie  (du  grec 
osteon,  os).  Mais  le  squelette  n'est  pas  toujours 
osseux  dans  la  série  des  vertébrés  ;  d'abord  fibreux 
dans  l'embryon,  il  devient  ensuite  cartilagineux, 
et  il  peut  même  conserver  l'un  de  ces  deux  der- 
niers états  pendant  toute  la  durée  de  l'existence  de 
l'animal,  comme  cela  se  voit  chez  les  derniers  de 
tous  les  poissons. 

2°  h'appareil  digestif,  plus  ou  moins  compliqué 
dans  la  série  des  vertébrés,  mais  dans  lequel  on 
distingue  le  plus  souvent  un  orifice  antérieur  pré- 
cédant une  cavité  munie  presque  toujours  d'organes 
destinés  à  triturer  les  aliments,  les  dents,  cavité 
bientôt  suivie  d'un  tube  membraneux  servant  à 
conduire  les  substances  ingérées  dans  l'estomac, 
d'où  ils  passent  ensuite  dans  l'intestin  grêle,  puis 
dans  le  gros  intestin,  pour  être  enfin  rejetés  au 
dehors  par  un  orifice  situé  à  la  partie  postérieure 
du  corps. 

A  ces  différentes  parties  du  tube  digestif  qui 
constituent  autant  d'organes  ou  de  réunions  d'or- 
ganes, s'en  trouvent  annexés  d'autres,  les  uns  très- 
volumineux,  les  autres  infiniment  petits, que  l'on 
nomme  glandes;  ils  sont  destinés  à  agir  par  leurs 
sécrétions  sur  les  principes  susceptibles  d'être 
assimilés;  les  plus  importants  de  ces  organes  sont 
les  glandes  salivaires,  le  foie,  le  pancréas,  etc. 

Cet  appareil  digestif,  très-compliqué  chez  les 
animaux  vertébrés,  se  dégrade  à  mesure  que  nous 
descendons  les  différents  degrés  de  l'animalité  et 
finit  dans  les  derniers  termes  de  la  série  par  n'être 
plus  représenté  que  par  une  rentrée  de  la  peau, 
sorte  de  poche  revêtue  d'épithélium,  comme  cela  se 
voit  chez  les  hydres  ou  chez  d'autres  animaux  en- 
core moins  élevés  en  organisation. 

3°  h'appareil  circulatoire.  Cet  appareil  se  com- 
pose chez  les  animaux  vertébrés  d'un  organe  cen- 
tral, Xecœur,  destiné  à  mettre  le  sang  en  mouvement. 
Il  est  en  communication  avec  deux  ordres  de  vais- 
seaux :  \°\es artères,  destinées  à  conduire  le  sang 
chassé  par  lui  vers  les  différents  points  de  l'écono- 
mie; 2°  les  veines,  qui  doivent  reprendre  ce  sang 
dans  les  divers  organes  pour  le  ramener  ensuite 
au  cœur.  Ces  deux  sortes  de  vaisseaux  sont  reliés 
entre  eux  par  d'autres  vaisseaux  d'un  calibre  in- 
finiment petit,  les  capillaires,  qui  ne  sont  à  pro- 
prement parler  que  leurs  parties  les  plus  ex- 
trêmes. 

A  côté  de  ce  sj'stème  de  vaisseaux  destinés  à  la 
circulation  du  sang,  se  trouve  le  système  des  vair- 
seanx  li/mphntiqiies  et  chylifèves  où  circulent  le 
chyle  et  la  lymplie. 

4°  L'appareil  respiratoire.  Cet  appareil  se  com- 
pose chez  l'homme  et  les  autres  vertébrés  des 
trois  premières  classes,  c'est-à-dire  chez  les  mammi- 
fères, les  oiseaux  et  les  reptiles,  de  deux  organes 
plus  ou  moins  symétriques  appelés  J50î/»20«s,  qui 
communiquent  avec  l'air  extérieur  par  la  trachée- 
artère.  Chez  les  batraciens,  les  poumons  existent 
aussi,  mais  il  peut  y  avoir,  en  outre,  chez  ces  ani- 
maux un  autre  système  d'organes,  les  branchies, 
qui  sont  placées  de  chaque  côté  de  la  gorge,  or- 
ganes que  l'on  retrouve  encore  avec  certaines  mo- 
difications de  formes  chez  les  poissons,  qui  peuvent 
aussi  avoir,  mais  par  exception  seulement,  une 
sorte  de    poumon . 

Chez  les  animaux  invertébrés,  l'appareil  de  la 
respiration  subit  de  grandes  modifications  :  nous  le 


voyons  consister  tantôt  en  trachées,  sortes  de  tubes 
portant  lair  dans  tous  les  points  du  corps,  comme 
cela  se  voit  chez  les  insectes,  tantôt  en  faux  pou- 
mons, par  exemple  chez  les  mollusques  et  cer- 
taines arachnides.  Plus  bas  dans  l'échelle  ani- 
male, nous  trouvons  encore  des  branchies,  comme 
chez  les  mollusques  et  les  crustacés,  mais  elles 
ne  rappellent  en  rien  celles  des  batraciens  et 
des  poissons;  enfin  nous  ne  voyons  plus  d'ap- 
pareil spécial  de  la  respiration  chez  les  ani- 
maux tout  à  fait  inférieurs,  où  cette  fonction  ne 
sexécute  que  par  la  muqueuse  qui  recouvre  le 
corps. 

5°  L'appareil  urinaire.  Cet  appareil  a  pour  or- 
gane essentiel  le  rein. 

L'étude  des  quatre  appareils  digestif,  circu- 
latoire, respiratoire  et  urinaire,  constitue  ce  que 
l'on  appelle  la  splanchnologie,  c'est-à-dire  l'histoire 
des  viscères. 

6"  L'appareil  nerveux  est  constitué  par  deux 
sortes  de  systèmes  ayant  ensemble  de  fréquentes 
anastomoses,  l'un  appelé  système  de  la  vie  de  re- 
lation, l'autre  dit  de  la  vie  de  nutrition.  Ces  deux 
systèmes  sont  en  rapport  avec  un  organe  central, 
le  cerveau;  ils  sont  tous  deux  composés  de  masses 
nerveuses,  appelées  ganglions,  et  de  nerf?,  sortes  de 
cordons  conducteurs  mettant  les  organes  en  rap- 
port avec  ces  ganglions,  ces  ganglions  en  rapport 
entre  eux,  puis  avec  le  cerveau,  qui  centralise  et  in- 
terprète toutes  les  sensations,  qu'elles  soient  gé- 
nérales ou  spéciales. 

Le  système  nerveux  de  la  vie  de  nutrition  a 
reçu  le  nom  de  système  nerveux  sympathique. 

L'étude  de  l'ensemble  de  l'appareil  nerveux  a 
reçu  le  nom  de  névrologie. 

Citons  encore  les  appareils  sensoriaux  de  l'ol- 
faction, de  la  vue,  de  l'ouïe,  du  goût,  du  toucher, 
que  l'on  désigne  souvent  sous  le  nom  d'organes  des 
sens  et  qui  seront  décrits  dans  des  articles  spé- 
ciaux. 

III.  L'anatomie  comparée,  qui  étudie  les  modifi- 
cations de  forme,  de  structure,  etc.,  que  chaque 
appareil  subit  dans  la  série  animale  suivant  l'âge 
de  ces  êtres,  leur  sexe  et  les  espèces  auxquelles  ils 
appartiennent. 

Vicq  d'Azyr  a  vu  qu'il  y  avait  deux  manières  de 
faire  cette  anatomie  :  1°  en  recherchant  dans  les 
différentes  espèces  animales  les  organes  correspon- 
dants, ce  qui  constitue  la  recherche  des  analogues 
qui  a  si  longtemps  préoccupé  Geoffroy  Saint-Hilaire  ; 
'■."  en  établissant  pour  un  même  animal  les  différentes 
sortes  d'organes  dont  il  est  constitué,  de  manière 
à  ramener  ces  derniers  à  un  petit  nombre  de  types 
homologues  dont  les  modifications  sont  une  des 
principales  causes  de  la  diversité  des  organismes  : 
c'est  la  recherche  des  homologues. 

L'anatomie  comparée  embrasse  donc  non-seule- 
ment l'étude  des  animaux  arrivés  à  l'état  adulte,  mais 
encore  celle  de  la  formation  et  du  développement 
de  leurs  organes  à  partir  de  l'état  embryonnaire, 
c'est-à-dire  leur  embryogénie. 

L'étude  de  la  structure  de  ces  organes  s'appelle 
histologie,  histoire  des  tissus,  science  qui  a  fait  en 
quelques  années  de  très-rapides  progrès. 

Elle  comprend  aussi  la  paléontologie,  qui  est  la 
détermination  des  espèces  aujourd'hui  éteintes  qui 
ont  peuplé  le  globe  avant  la  période  géologique 
actuelle;  la  tératologie,  ou  l'histoire  des  mon- 
struosités; enfin  Vanntomie  philosophique,  qui 
résume  les  différentes  branches  que  nous  venons 
d'énumèrer,  cherche  à  expliquer  les  lois  qui  régissent 
l'organisme  de  l'homme  et  des  animaux,  leur  va- 
riabilité, leur  origine,  leur  durée,  et  indique  les 
principales  conditions  de  leur  existence. 

Nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  les  liens 
qui  rattachent  les  unes  aux  autres  ces  différentes 
parties  de  l'anatomie;  les  remarques  précédentes 
nous  montrent    assez    combien   l'étude   de   cette 


ANE 


136  — 


ANE 


science  est  intimement  unie  à  toutes  celles  dont 
l'ensemble  constitue  ce  que  l'on  appelle  la  biolo- 
gie, c'est-à-dire  de  la  science  de  la  vie  ou  l'étude 
des  êtres  vivants. 

Nous  sortirions  aussi  des  limites  que  nous  nous 
sommes  imposées,  si  nous  voulions  rappeler  les 
services  importants  que  les  études  anatomiqucs 
rendent  tous  les  jours  à  la  chirurgie,  à  la  médicine 
pratique,  à  la  médecine  légale,  à  l'art  vétérinaire, 
aux  beaux-arts,  etc.  [H.  Gervais.] 

ANE.  —  Agriculture,  XIV.  —  {Èlym.  :  du  vieux 
français  as7ie,  du  latin  asinut ;  en  grec  onos.)  — 
L'âne  appartient  à  l'ordre  des  Jinnentés  *,  mam- 
mifères ongulés,  caractérisés  par  un  rcgiino  herbi- 
vore, non  ruminants,  pourvus  de  dents  de  trois 
sortes  (incisives,  canines  et  molaires).  Il  se  rat- 
tache, avec  \p  zèbre,  le  daw,  l'unagre,  etc.,  à  la 
famille  des  Égaillés,  ayant  pour  type  le  clieval; 
famille  qui  se  distingue,  en  outre  du  po7''t  général, 
h  la  forme  du  pied,  terminé  par  un  sabot  ou  ongle 
unique.  Le  genre  Ane  forme  un  groupe  important 
de  cette  famille,  et  contient  plusieurs  espaces, 
sous-espèces  et  variétés. 

L'âne  nous  est  venu  d'Orient.  Les  naturalistes 
rattachent  son  origine  à  deux  sous-espèces  distinc- 
tes, dont  l'une  vit  encore  à  l'état  sauvage  en  Asie  ; 
l'autre  a  l'Afrique  pour  patrie  ;  des  sous-espèces 
ou  variétés  voisines  se  sont  aussi  mêlées  par  des 
croisements  multipliés.  L'une  des  souches  princi- 
pales, Vonagre,  ou  âne  sauvage(du  grec  o?zos,  âne, 
agrios,sa.u\a.ge),  habite  depuis  des  temps  immémo- 
riaux l'Asie  Mineure,  la  Perse,  la  Syrie  et  l'Arabie. 
Les  onagres  vont  par  troupes  de  quinze  ou  vingt, 
femelles  et  jeunes,  sous  la  conduite  d'un  mâle 
adulte.  Parfois  des  bandes  distinctes  se  réunissent, 
pour  former  des  multitudes  innombrables,  émigrant 
à  travers  les  grands  steppes.  —  Un  peu  plus  grand 
que  notre  type  vulgaire,  l'âne  sauvage  asiatique 
a  le  port  plus  élégant,  les  membres  plus  fins, 
l'encolure  plus  souple  et  plus  fière  ;  sa  tête  est 
osseuse,  ses  oreilles  plus  courtes.  Sa  robe,  d'un 
gris  Isabelle,  blanche  sous  le  ventre,  est  variée 
d'une  double  raie  blanche  le  long  de  l'épine  dor- 
sale, croisée  d'une  raie  transversale,  blanche  aussi, 
descendant  sur  les  flancs.  En  somme,  c'est  un  assez 
joli  animal,  plein  de  vivacité,  léger,  d'une  rapidité 
à  la  course  incroyable,  d'un  naturel  craintif,  dé- 
fiant, capricieux  et  farouche,  non  sans  malice, 
très  difficile  à  dompter.  La  part  faite  aux  différen- 
ces ci-dessus  indiquées,  il  répond  au  type  de  l'âne 
domestique  :  mais  il  ne  porte  pas  sur  le  dos  la  croix 
légendaire;  et,  notez  ceci,  il  fait  fi  des  char 
dons  ! 

L'autre  variété  est  plus  rustique,  et  je  lui  accor- 
derais volontiers  la  prépondérance  dans  la  constitu- 
tion de  nos  races  domestiques.  L'âne  sauvage  afri- 
cain a  le  pelage  plus  grossier  que  son  frère  d'Asie  ; 
il  porte  très  prononcée  la  croix  dorsale  caractéris- 
tique, ses  pattes  sont  marquées  de  raies  plus  ou 
moins  nettes,  rappelant  la  rayure  du  zèb7'e  et  du 
daw.  A  l'état  sauvage,  il  habite  à  l'orient  du  Nil, 
vers  la  mer  Rouge  ;  ses  mœurs  sont  celles  de  l'o- 
nagre. 

A  côté  de  ceux-ci  il  faut  citer  enfin  Yhémione, 
espèce  bien  distincte,  de  taille  plus  grande,  plus 
fine  de  tête  et  plus  élégante  de  membrure,  se  rap- 
prochant davantage  des  formes  du  cheval,  h'hé- 
mione  (du  grec  hémi-onos,  demi-âne)  vit  à  l'état 
de  liberté  dans  l'Inde  et  en  Mongolie  ;  ses  habitu- 
des sont  les  mêmes  que  celles  des  autres  espèces 
du  genre;  plus  sauvage  encore  et  plus  rétif  s'il  est 
possible,  on  l'apprivoise  à  grand'pcine,  et  surtout 
il  est  très  difficile  de  le  dresser  au  travail.  Ces 
obstacles  disparaissent  après  une  ou  deux  généra- 
tions de  domesticité. 

La  domestication  de  l'âne  en  Orient  remonte  à 
la  plus  haute  antiquité.  Les  livres  sacrés  des  vieux 
Hindous,  les  inscriptions  hiéroglyphiques   des   an- 


ciens Égyptiens,  nous  transmettent  ses  chartes  de 
servitude  ;  la  Bible  aussi  fait  mention  de  cet 
animal.  La  race  domestique  eut  pour  origine, 
en  Asie,  des  onagres  apprivoisés,  plus  ou  moins 
croisés  d'hémiones;  et  depuis  les  temps  histori- 
ques, l'habitude  s'est  conservée  dans  l'Inde  et  dans 
la  Perse  de  capturer  et  de  dompter  des  ânes  sau- 
vages appartenant  à  ces  deux  espèces,  pour  les 
soumettre  au  travail,  et  surtout  pour  les  réser- 
ver au  rôle  de  reproducteurs,  dans  le  but  de  rele- 
ver sans  cesse,  par  ces  croisements,  la  race  do- 
mestique, qui  tend  à  déchoir.  Ainsi  agirent  les 
Égyptiens  à  l'égard  de  l'âne  sauvage  africain. 
L'âne  fut  toujours  tenu  en  haute  estime  chez  les 
Orientaux,  chez  les  peuples  sémitiques  notam- 
ment. Le  fringant,  le  belliqueux  et  coûteux  cheval 
convenait  au  guerrier  ;  sobre,  tranquille  et  de  petite 
dépense,  l'âne,  nullement  méprisé  ni  vil,  était  la 
modeste  monture  des  hommes  pacifiques.  Tout  le 
monde  connaît  cette  belle  légende  de  l'entrée  de 
Jésus  à  Jérusalem  sur  une  ânesse  «  comme  un 
roi  pacifique,  »  dit  le  texte  ;  et  la  naïve  imagi- 
nation populaire  a  rattaché  à  cette  circonstance 
la  croix  dorsale  que  notre  âne  d'Europe  porte  sur 
ses  épaules,  signe  de  sa  descendance  africaine. 

Aujourd'hui  encore,  dans  tout  l'Orient,  grâce  aux 
croisements  avec  les  individus  pris  à  l'état  sauvage, 
qui  infusent  un  nouveau  sang  à  la  race,  grâce  aux 
bons  soins,  à  l'importance  qu'on  attache  au  choix 
des  reproducteurs,  grâce  surtout  au  climat  qui 
est  son  climat  natal,  l'âne  domestique  a  conservé 
beaucoup  de  ses  qualités  originelles.  On  ne  dirait 
pas  que  ce  fût  le  même  animal  que  nous  voyons 
chez  nous,  abêti  et  dégradé.  En  Perse  notamment, 
les  beaux  échantillons  de  la  race  sont  fort  recher- 
chés, et  se  vendent  très-cher.  «  Anes  d'Arabie,  dit 
le  voyageur  Chardin,  jolies  bêtes,  poil  fin  et  lui- 
sant, tête  haute,  pied  léger.  »  Les  ânes  du  Caire 
sont  renommés  pour  leur  vigueur  et  leur  agilité. 
On  sait  avec  quels  soins  les  Orientaux  élèvent 
leurs  bêtes  ;  ils  en  sont  récompensés,  ainsi  qu'il  est 
juste  :  ils  ont  les  premiers  chevaux  et  les  plus 
beaux  ânes  du  monde. 

L'âne  a  dû  passer  en  Europe  à  une  époque 
extrêmement  reculée,  et  se  répandre,  à  demi-sau- 
vage, dans  les  contrées  méditerranéennes.  D'autre 
part,  les  ânes  domestiques  ont  été  introduits  en 
Grèce,  et  propagés  dans  tout  TOccident.  Mais  en 
Europe,  la  race  a  déchu  profondément.  Faute  de 
croisements  renouvelés  avec  les  races  libres,  à  force 
de  négligence  aussi  et  de  mauvais  traitements,  le 
pauvre  serviteur  du  paysan  est  tombé  dans  la  dé- 
générescence et  l'abjection.  Mauvaise  nourriture, 
abri  insuffisant,  surcharge,  coups,  absence  de  tout 
soin  hygiénique,  c'était  assez  pour  abâtardir  l'es- 
pèce ;  mais  la  part,  la  grande  part  est  à  faire  au 
climat  dans  les  causes  de  décadence .  Ces  beaux  ânes 
du  Caire,  dont  nous  parlions  tout  à  l'heure,  il  ne 
faudrait  pas  croire  que  l'ânier  leur  épargne  le  bâ- 
ton ;  pourtant  la  race  se  soutient.  Dans  le  midi 
de  l'Europe,  en  Grèce,  en  Sicile,  en  Espagne,  dans 
nos  départements  méridionaux  où  ils  ne  sont  pas 
mieux  traités  qu'ailleurs,  ils  ont  beaucoup  moins 
dégénéré  que  dans  le  Nord.  Originaire  des  régions 
chaudes  et  sèches,  cet  animal  supporte  mal  le  froid 
et  l'humidité  ;  dans  nos  climats  brumeux  sa  vitalité 
se  déprime  ;  il  perd  tout  feu,  toute  ardeur.  On  pour- 
rait cependant  relever  la  race  et  la  maintenir  à  un 
bon  niveau  par  des  soins  intelligents  et  un  choix 
convenable  de  reproducteurs. 

Faisons  maintenant  le  portrait  de  notre  moderne 
Aliboron. 

Anatomiquement,  l'âne  difi"ère  très-peu  du  che- 
val, type  supérieur  de  la  famille  des  Equidés. 
Les  mêmes  mots  sont  consacrés  à  désigner  les 
parties  correspondantes  du  corps  chez  l'un  et 
l'autre  animal.  Mais  les  formes  de  l'âne  n'ont  ni 
la  même  grâce,  ni  la  même   noblesse.  L'âne  est 


ANE 


—  1J7 


ANE 


de  taille  plus  petite;  il  a  la  tête  plus  grosse  à 
proportion,  osseuse  du  front;  les  naseaux  plus 
camus,  la  bouche  plus  molle,  les  lèvres  un  peu 
pendantes.  L'espèce  est  caractérisée  par  une  queue 
plus  longue  que  celle  du  cheval,  fournie  de  longs 
crins  ve'rs  l'extrémité,  mais  ne  formant  pas  le 
beau  panache  toufifu  et  flottant  qui  ajoute  à  la 
beauté  du  cheval.  Sa  crinière,  formée  de  poils  plus 
cours  et  plus  roides,  au  lieu  de  retomber  on- 
doyante, se  dresse  hérissée,  en  bronssaille,  sur  le 
sommet  de  la  tête,  et  l'encolure  se  prolonge  sur 
le  dos  par  une  raie  de  poils,  croisée  d'une  raie 
semblable  transversale  sur  les  épaules  :  c'est  ce 
qu'on  appelle  la  croix  dorsale,  plus  ou  moins 
marquée  suivant  les  variétés,  ordinairement  plus 
apparente  chez  les  mâles. 

L'espèce  se  distingue  surtout  par  ses  oreilles 
longues,  très  mobiles,  qui  se  portent  tantôt  en 
avant,  tantôt  en  arrière,  dressées  ou  humblement 
pendantes,  —ces  fameuses  «longues  oreilles»,  point 
de  mire  d'interminables  quolibets.  L'oreille  ex- 
terne, très  développée  et  mobile,  est  un  caractère 
qui  appartient  en  général  à  des  animaux  timides 
et  déliants  ;  c'est  un  signe  de  vigilance  inquiète 
et  non  pas  de  stupidité,  bien  au  contraire.  Aussi 
l'âne,  médiocrement  doué  sous  le  rapport  du  goût 
€t  du  tact,  a-t-il  l'ouie  très  fine,  —  je  ne  dis  pas 
très  musicale.  L'âne  a  le  poil  plus  long  générale- 
mont,  et  moins  lustré  que  celui  du  cheval  ;  ainsi 
qu'il  arrive  d'ordinaire  aux  espèces  réduites  en 
domesticité,  les  teintes  de  sa  robe,  sous  la  domi- 
nation de  l'homme,  sont  plus  variées  que  chez  les 
races  sauvages  :  le  gris,  le  gris  fauve,  le  gris  brun 
sont  les  couleurs  dominantes  ;  mais  il  y  a  des 
ânes  blancs,  brun  foncé,  d'autres  brun-rouge,  — 
ces  ânes  rouges  qui  ont  la  réputation,  — méritée, 
je  ne  sais,  — d'être  plus  têtus  que  les  autres. 

Cet  humble  animal  a  de  rustiques  et  solides 
qualités,  dont  on  devrait  lui  tenir  meilleur 
compte.  Au  point  de  -vTie  de  l'utilité,  des  services 
rendus,  il  ^e  le  cède  à  aucun  autre  serviteur  de 
l'homme^  pas  même  au  noble  cheval.  Si  le  rôle 
brillant  est  pour  le  premier,  lui,  il  a  en  partage 
les  travaux  obscurs,  pour  lesquels  il  semble  fait. 
Élevé  avec  quelques  soins,  non  abruti  par  les 
coups  ni  brisé  par  des  charges  exorbitantes,  l'âne 
a  le  jarret  souple,  le  pied  sûr  et  ferme  ;  il  tire 
avec  rapidité  une  légère  voiture,  il  porte  assez 
lestement  un  cavalier  qui  paraît  lourd  pour  la 
taille  de  la  monture.  Si,  déprimé  par  les  mauvais 
traitements,  accablé  de  travail,  mal  pansé,  mal 
nourri,  il  devient  lent  et  lourd  et  stupide,  est-ce 
donc  sa  faute  ?  Même  alors  il  lui  reste  d'être  rude 
à  la  peine,  patient,  résigné,  de  peu  d'entretien, 
par-dessus  tout  sobre.  Il  accepte  un  maigre  four- 
rage que  le  cheval  dédaignerait  ;  il  aime  les  herbes 
amères  ;  au  besoin  il  se  contente  de  simple  paille  ; 
les  rudes  chardons  épineux  sont  pour  lui  un  régal. 
Comment  fait-il  pour  ne  pas  se  piquer  la  langue  ? 
vous  êtes-vous  demandé  cent  fois.  —  Je  n'en  sais 
pas  plus  long  que  vous.  Difficile  seulement  pour  la 
boisson,  il  veut  l'eau  fraîche  et  pure  ;  il  n'aime 
même  pas  à  boire  au  ruisseau  qui  lui  est  inconnu  ; 
il  flaire,  il  goûte  du  bout  des  lèvres,  il  fait  des 
façons  ;  plutôt  que  de  toucher  à  une  eau  trouble 
<?t  vaseuse,  il  souffrirait  de  la  soif.  Maltraité,  il 
baisse  l'oreille  ;  il  ne  songe  pas  à  se  venger,  il 
n'est  pas  rancunier  comme  le  cheval. 

Mais  à  côté  de  ses  bonnes  qualités,  l'âne  a  ses 
défauts  que  je  ne  puis  taire.  Il  est  têtu,  capri- 
cieux, obstiné  sans  raison  ni  mesure.  S'il  est  pa- 
tient, il  n'est  pas  bon  :  ce  n'est  pas  la  même  chose  ; 
et  la  résignation  chez  lui  n'est  pas  douceur  ;  s'il 
est  soumis,  ce  n'est  pas  qu'il  mette  en  quoi  que 
soit  de  la  bonne  volonté  ;  il  sent  la  nécessité  et  il 
plie.  Il  montre  plus  d'attachement  pour  les  lieux 
que  pour  les  personnes  ;  il  aime  son  étable,  et 
reste  ordinairement  fort  indifférent  à  l'égard  de  son 


maître,  même  s'il  en  estpour  traité.  Pour  être  peu 
intelligent,  il  n'est  pas  bien  cela  sans  malice.  Le 
spirituel  écrivain  Toussenel,  dans  un  parallèle 
fantaisiste,  se  plaît  à  comparer  l'âne  au  pa5'san... 
soit  ;  mais  alors  disons  à  certain  paysan,  nor- 
mand, rustaud  et  finassier,  ignorant,  âne  s'il  en 
fut  jamais,  routinier,  borné,  et  avec  cela  rusé,  à  qui 
vous  ne  ferez  pas  comprendre  telle  chose  des 
plus  simples,  et  qui,  en  aft'aires,  nous  roulera  tous, 
vous  et  moi.  et  bien  d'autres  plus  retors  que  vous 
et  moi.  Le  cheval  est  capable  d'obéir  par  affection, 
par  une  sorte  de  raison  ;  il  comprend  ce  qu'on 
demande  de  lui,  accorde  sa  volonté  à  celle  de  son 
cavalier  ;  il  s'attache  fortement  à  un  maître  qui  le 
soigne  bien,  le  caresse,  ne  le  corrige  qu'avec  des 
ménagements  :  maltraite,  il  s'indigne,  il  ne  se 
rendra  que  de  guerre  lasse.  L'âne,  voilîi  ce  que  je 
lui  reproche,  est  soumis  à  qui  le  rudoie.  A-t-il 
aô'aire  à  un  maître  qu'il  sait,  par  expérience,  dis- 
posé à  souligner  ses  ordres  avec  un  coup  de  bâton, 
il  ira  droit,  soyez  tranquille  ;  il  baissera  l'oreille  et 
fera  tout  ce  qu'on  voudra  sans  essaj'er  de  résis- 
tance. A-t-il  sur  son  dos  un  cavalier  qu'il  sait 
novice,  ou  faible,  ou  débonnaire,  craignant  de  sé- 
vir, c'est  à  celui-là  qu'il  réserve  mille  farces  pen- 
dables. C'est  alors  qu'il  trouvera  avec  une  per- 
spicacité remarquable  tout  ce  qui  pourra  mieux 
vous  faire  damner.  C'est  alors  qu'il  lui  prendra 
fantaisie  de  s'arrêter  tout  court,  et  de  rester  là 
planté  indéfiniment;  —  tant  pis  si  vous  êtes  pressé; 
ou  bien  il  refusera  de  tourner  au  coin  du  chemin  ; 
ou  bien  il  décidera  de  suivre  un  autre  âne  de  sa 
connaissance,  et  bon  gré  mal  gré  vous  mènera  là 
où  vous  ne  voulez  pas  aller  :  ou  bien,  sans  souci 
de  la  personne  ni  de  la  charge,  il  se  roulera  vo- 
luptueusement dans  la  poussière  de  la  route,  tant 
que  cela  lui  fera  plaisir,  et  derechef,  si  bon  lui 
semble.  Une  autre  fois,  suivant  un  chemin  creux, 
sans  l'ombre  d'un  prétexte  et  sans  rien  qui  puisse 
le  faire  prévoir,  il  choisira  l'endroit  le  plus 
boueux:  et  là,  baissant  la  tête  entre  les  jambes,  à 
coups  d'épaules  il  se  débarrassera  de  son  cavalier 
en  le  jettant  en  plein  dans  la  mare...  Paraît  le 
garçon  de  ferme  avec  sa  trique,  et  tout  rentre 
dans  l'ordre  ;  pas  d'animal  plus  correct  et  plus 
bénévole.  Ceci  est  l'ombre  au  tableau.  Nous  ne 
ferons  pas  raillerie  de  sa  voix  peu  harmonieuse 
pour  nos  oreilles  ;  pour  les  oreilles  de  l'âne,  pa- 
raît-il, cette  note  a  son  agrément  ;  c'est  sa  façon  à 
lui  de  témoigner  sa  belle  humeur,  d'exprimer  ses 
sentiments  de  sociabilité  et  de  bienveillance  à 
l'égard  de  ses  semblables,  surtout  de  ses  semblables 
desexe  différent.  Volontiers  il  accueillera  une  an- 
cienne connaissance  par  ces  démonstrations  bruyan- 
tes, auxquelles  on  manquera  rarement  de  répondre  : 
politesses  rendues.  Ces  manifestations  ont  une  vertu 
très  communicative  ;  dans  un  lieu  où  plusieurs 
ânes  sont  rassemblés,  si  l'un  d'entre  eux,  si  sur- 
tout une  ânesse  entonne  sa  chanson,  presque  tou- 
jours les  autres  répondront  en  chœur  ;  c'est  une 
explosion    d'allégresse. 

Le  baudet  entier  se  montre  très  ardent.  L'ânesse 
porte  onze  mois,  et  met  bas  un  seul  petit,  rarement 
deux  ;  elle  est  fort  attachée  à  son  petit,  le  lèche, 
le  caresse,  et  au  besoin  le  défendrait  avec  fu- 
reur. Uànon  doit  être  sevré  vers  le  cinquième 
mois  ;  longtemps  après  encore  il  suit  sa  mère 
et  s'attache  à  ses  pas.  Le  petit  animal  est  gai, 
folâtre,  il  gambade  avec  une  légèreté  capricieuse, 
non  sans  grâce  ;  avec  cela  un  certain  air  d'inno- 
cence confiante...  Pauvre  bête  !  il  ne  sait  pas  ce 
qui  l'attend  !  Il  se  familiarise  aisément  avec  les 
hommes,  il  se  laisse  dompter  et  dresser  au  travail 
sans  difficulté.  A  deux  ans  l'âne  est  adulte  ;  à 
trois,  il  est  dans  toute  sa  force.  La  nature  lui 
accorde  quarante  ou  cinquante  ans  de  vie  ;  mais 
les  maux  de  l'esclavage  et  la  rudesse  du  climat 
abrègent  son  existence  ;  en  Europe,  il  dépasse  rare- 


ANGLETERRE 


138  — 


ANGLETERRE 


ment  douze  ou  quinze  ans.  Son  âge  marque,  comme 
pour  le  cheval,  à  sa  dentition.  —  Dans  nos  pays 
où  les  routes  sont  empierrées  de  durs  cailloux, 
il  devient  de  plus  en  plus  indispensable  de  ferrer 
l'âne  de  même  que  le  cheval,  pour  éviter  l'u- 
sure trop  rapide  du  sabot.  L'âne,  comme  le  che- 
val, peut  prendre  des  allures  diverses  ;  son  pas 
est  un  peu  lent,  mais  très  doux;  son  trot  sec  et 
heurté  ;  il  pourrait  tenir  assez  longtemps  le  galop 
moyennement  allongé,  si  le  poids  du  cavalier  était 
dans  la  proportion  de  ses  forces.  Il  prend  assez 
facilement  cotte  allure  artificielle  qu'on  nomme 
ïamble,  et  qui  est  très  douce  pour  le  cavalier. 
L'âne  est  susceptible  de  certains  vices  correspon- 
dant à  ceux  du  cheval  ;  il  est  surtout  assez  dis- 
posé à  se  montrer  ombrageux  ;  il  est  sujet  à  des 
maladies  analogues  aussi  à  celles  du  cheval,  mais 
il  est  d'un  tempérament  plus  résistant  ;  il  a,  comme 
on  dit,  la  vie  dure. 

En  outre  du  travail  obtenu,  on  tire  encore 
parti  de  i'âns  de  diverses  manières.  Le  lait 
de  l'ânesse,  celui  qui  par  sa  composition  chi- 
mique s'éloigne  le  moins  du  lait  de  la  femme, 
et  se  fait  tolérer  même  par  les  estomacs  délabrés, 
convient  d'une  manière  toute  spéciale  auxjeunes 
enfants,  aux  personnes  épuisées.  Il  coûte  toujours 
assez  cher,  parce  que  l'animal  en  fournit  relative- 
ment peu.  La  chair  de  l'une  est  agréable  et  saine  ; 
on  en  consomme  une  certaine  quantité  en  France, 
sous  forme  de  saucissons.  Il  est  vrai  qu'on  se  ré- 
signera difficilement,  en  temps  ordinaire,  à  abattre 
un  animal  précieux  pour  Te  travail,  dans  le  seul 
but  de  manger  sa  chair;  aussi  ne  livrera-t-on  à 
la  consommation  que  des  individus  de  peu  de 
valeur  —  condition  fâcheuse  au  point  de  vue  du 
produit  —  ou  des  animaux  qu'un  accident  irré- 
médiable aurait  mis  hors  de  service.  La  peau  de 
l'âne,  livrée  au  tanneur,fournit  un  cuir  plus  mince 
que  celui  du  cheval,  mais  très  convenable  pour 
certains  usages.  [C.  Delon.] 

AniGLETKnnE.  —  Géographie  générale,  X;  His- 
toire générale.  XX VIII. 

I.  GÉoon APHTE  PHYSIQUE.  —  Lcs  Iles  Britan- 
niques. —  Situation.  —  Trente  kilomètres  à 
peine  séparent  la  côte  française  de  Calais  de  la 
côte  anglaise  de  Douvres  qui  lui  fait "■  faire  de 
l'autre  côté  du  détroit.  L'Angleterre  forme,  avec 
l'Ecosse  qui  la  borne  au  nord,  une  île  qui  porte 
le  nom  de  Grande-Bretagne  en  souvenir  du  peu- 
ple celte  qui  le  premier  y  a  dominé,  et  qu'y  trouva 
Jules  César.  Avec  l'île  voisine  d'Irlande,  et  quel- 
ques autres  archipels,  les  Shetland,  les  Orcades, 
les  Hébrides,  les  îles  de  la  mer  d'Irlande,  dont 
l'ensemble  est  connu  sous  le  nom  d'Iles  Britan- 
niques, la  Grande-Bretagne  forme  le  royaume- 
uni  de  Grande-Bmtagne  et  d'Irlande.  C'est  là  le 
nom  officiel  de  l'État;  mais  comme  l'Angleterre 
est  le  plus  vaste,  le  plus  peuplé,  le  plus  riche  des 
trois  royaumes  unis,  et  a  successivement  imposé 
sa  domination  aux  deux  autres,  on  applique  sou- 
vent ce  nom  seul  à  l'ensemble  du  Royaume- 
Uni. 

Superficie.  —  La  Grande-Bretagne,  qui  est  la 
plus  grande  île  de  l'Europe,  couvre  une  super- 
ficie de  230  000  kil.  carrés  environ.  Le  cap  Lizard, 
qui  en  forme  la  pointe  la  plus  méridionale  au 
S.-O.,  et  qui  marque  l'entrée  de  la  Manche  du 
côté  de  l'océan  Atlantique,  est  situé  par  50°  de 
lat  N.  environ,  et  la  pointe  la  plus  septentrionale 
de  l'Ecosse,  en  face  des  Orcades,  atteint  h^°  40'. 
C'est  aussi  en  Ecosse,  en  face  des  Hébrides,  que 
se  trouve,  par  8°  20  environ  de  longit.  0,  le 
point  le  plus  occidental  de  la  Grande-Bretagne, 
tandis  que  le  point  le  plus  à  l'Est  est  Yarmouth, 
situé  à  0°  40'  de  longit.  Est  de  Paris,  sur  la  mer 
du  Nord. 

Lq  canal  Saint-Georges,  la  mer  d'Irlande  et  le 
canal  du  Nord  séparent  la  Grande-Bretagne  de 


l'Irlande,  et  si  ce  dernier  bras  de  mer  n'est  guèro 
plus  large  que  le  Pas  de  Calais,  ses  eaux  sont  du 
moins  singulièrement  plus  profondes. 

L'Irlande,  plus  petite  que  sa  voisine,  a  encore 
plus  de  84  000  kilom.  carrés,  et  de  son  extrémité 
occidentale,  qui  atteint  12°  .30'  environ  de  longit. 
ouest,  part  le  câble  télégraphique  qui  le  premier  a 
réuni  l'Europe  à  l'Amérique. 

Climat.  —Par  leur  latitude,  les  Iles  Britanniques 
jouissent  d'un  climat  moins  chaud  que  la  France 
en  été  ;  mais  comme  l'influence  maritime  s'y  fait 
partout  sentir,  que  leurs  côtes  sont  baignées  par 
le  courant  chaud  nommé  Gulf-Stream,  qu'il  ne  s'y 
élève  aucune  montagne  plus  haute  que  le  Ben-Ne- 
vis  d'Ecosse,  qui  n'atteint  pas  1400  mètres,  les 
hivers  n'y  sont  jamais  rigoureux,  et  l'on  voit  même 
dans  la  presqu'île  de  Cornouailles,  qui  s'avance 
entre  la  Manche  et  le  canal  de  Bristol,  des  plantes 
délicates,  comme  les  lauriers,  les  myrtes,  les  oran- 
gers, rester  toute  l'année  en  pleine  terre.  Mais 
les  rayons  du  soleil  ne  sont  pas  assez  chauds 
pour  y  faire  mûrir  les  raisins  et  les  fruits  savou- 
reux oe  notre  France;  les  brouillards  y  sont  fort 
épais  et  presque  constants,  les  pluies  très  fréquen- 
tes. Aussi  les  Iles  Britanniques  reçoivent  une  telle 
masse  d'eau,  que  nulle  part  ailleurs  on  ne  sau- 
rait trouver  une  telle  quantité*  de  prairies  ver- 
doyantes, et  des  rivières  qui  roulent  une  aussi 
grande  masse  d'eaux  relativement  à  la  petitesse 
de  leur  bassin. 

Grâce  à  1  absence  de  hautes  montagnes,  qui  a 
permis  de  relier  iacilement  ces  rivières  entre  elles 
par  des  canaux,  à  la  marée  qui  par  son  flot  fait  re- 
monter les  navires  loin  de  la  pleine  mer,  à  la  forme 
des  côtes  qui  sont  partout  découpées  en  golfes  pro- 
fonds, il  n'est  aucun  point  des  Iles  Britanniques  qui 
ne  soit  à  proximité  d'un  port  de  mer,  ou  d'une  voie 
navigable  qui  y  transporte  économiquement  ses 
produits. 

Orographie  et  hydrographie.  —  Montagnes.  — 
Le  pays  de  Galles.  —  L'Angleterre  n'off"re  guère  de 
montagnes  à  l'est  du  4'  degré  de  longit.  O.  Entre 
la  Tamise  et  la  Manche  s'étendent  des  collines  qui 
accidentent  agréablement  la  campagne  et  viennent 
finir  sur  la  mer  en  falaises  semblables  à  celles  de 
notre  Normandie.  A  l'ouest  de  la  Severn,  qui 
tombe  dans  le  canal  de  Bristol,  le  pays  de  Galles 
est  tout  couvert  de  montagnes.  On  n'y  trouve  point 
de  cimes  élevées  (le  Snowdon  n'a  guère  que  lOOO 
mètres  d'altitude),  ni  de  cascades  imposantes,  ni  de 
ces  belles  forêts  qu'on  admire  dans  les  Alpes,  les 
Vosges  ou  le  Jura.  Mais  par  la  nature  sombre  de 
leurs  roches,  l'aspect  sauvage  de  leurs  landes 
couvertes  de  bruyères,  la  tristesse  de  leur  ciel 
brumeux,  les  ruines  antiques  et  les  dolmens  qui 
rappellent  un  culte  et  des  mœurs  aujourd'hui 
oubliés,  ces  montagnes  otTrent  encore  quelque 
charme. 

Depuis  les  sources  de  la  Severn  jusqu'à  celles 
de  la  Tyne,  la  séparation  entre  le  bassin  de  la  mer 
du  Nord  et  celui  de  la  mer  d'Irlande  est  formée 
par  la  chaîne  Pennine,  haute  de  quelques  centai- 
nes de  mètres  seulement.  A  l'ouest  de  celle-ci,  les 
monts  du  Cumberland  offrent  une  série  de  lacs 
charmants,  très-visités  par  les  touristes. 

Ecosse.  —  L'Ecosse  est  un  pays  montagneux  où 
de  nombreux  et  beaux  lacs  remplissent  le  creux 
des  vallons.  Au  sud,  les  monts  Cheviots  forment 
la  limite  entre  les  deux  ro}'aumes  d'Angleterre  et 
d'Ecosse,  réunis  depuis  l'avènement  au  trône  d'An- 
gleterre de  Jacques  I",  roi  d'Ecosse,  en  1603.  Au 
centre  de  l'Ecosse,  les  monts  Grampians'  couvrent 
le  pays  de  leurs  ramifications.  C'est  là  que  se  trou- 
vent le  Ben-Nevis,  la  plus  haute  des  cimes  britanni- 
ques," le  lac  Lomond,  le  plus  vaste  et  le  plus  beau 
des  lacs  d'Ecosse,  et  la  source  de  la  Tay,  qui  roule 
des  eaux  plus  abondantes  que  la  Tamise  et  la  Severn. 
Entre  les  Cheviots  et  les  Grampians  s'étendent  les 


ANGLETERRE 


—  139  — 


ANGLETERRE 


loxjûlands,  ou  basses  terres  de  l'Ecosse,  par  oppo- 
sition aux  highianc/s,  ou  pays  de  montagnes,  dont 
on  nomme  souvent  les  habitants  hirildanders.  A 
l'ouest  du  Ben-Nevis,  l'île  est  traversée  par  une 
vallée  profonde  qui  va  de  l'océan  Atlantique  à  la 
mer  du  Nord.  Là  passe  le  canal  Calédonien,  ouvert 
aux  marins  de  toutes  les  nations  et  dont  le  nom 
rappelle  les  antiques  habitants  de  l'Ecosse.  De 
l'autre  côté  du  canal  Calédonien,  les  montagnes  de 
l'Ecosse  septentrionale  appartiennent  à  une  chaîne 
capricieuse,  dont  le  prolongement  se  relève  au  loin 
dans  l'Océan,  dans  les  archipels  dos  Orcades  et  des 
Shetland.  A  l'ouest  et  au  sud,  cette  région  de 
l'Ecosse  est  découpée  en  nombreux  fjords,  golfes 
profonds  et  étroits  aux  bords  escarpés.  Les  Hébri- 
des et  un  grand  nombre  d  autres  îles  accompagnent 
cette  côte,  bordée  d'abîmes  profonds  et  à  laquelle  de 
superbes  colonnes  de  basalte  donnent  un  aspect 
des  plus  grandioses.  On  a  souvent  célébré  dans 
les  poèmes  anciens  et  les  écrits  des  littérateurs  les 
beautés  de  la  grotte  de  Fingal,  et  la  chaussée  des 
Géants,  qui  lui  fait  pendant  en  Irlande,  sur  la 
rive  opposée  du  canal  du  Nord. 

Mande.  —  L'Irlande  n'offre  de  montagnes  que 
sur  quelques  points  isolés  de  son  territoire.  Le 
point  culminant,  voisin  de  1000  mètres,  est  dans  le 
pays  de  Killarney,  près  de  l'extrémité  S.-O.  de  l'île. 
Néanmoins  l'Irlande,  qui  reçoit  encore  plus  d'eau 
que  la  Grande-Bretagne,  renferme  de  nombreux 
lacs,  dont  plusieurs  de  grande  étendue,  et  surtout 
de  grandes  régions  marécageuses  et  tourbeuses. 
Mais  tout  y  est  si  vert,  que  c'est  à,  juste  titre 
qu'on  l'appelle  la  verte  Érin  ou  encore  l'île  de  lÉ- 
meraude. 

Autres  îles.  —  L'île  de  Man  et  celle  d'Anglesey, 
dans  la  mer  d'Irlande,  offrent  des  montagnes  de 
quelques  centaines  de  mètres  d'élévation,  ce  qui 
est  beaucoup,  relativement  à  leur  petite  surface. 
La  dernière  est  séparée  du  pays  de  Galles  par  le 
détroit  de  Menay,  bras  de  mer  assez  étroit  pour 
que  deux  ponts  le  franchissent,  et  que  les  trains  de 
chemins  de  fer  y  passent,  sans  l'ébranler,  dans  un 
pont  tubulaire,  sous  lequel  les  navires  voguent  à 
pleine  voile. 

Rivières  et  ports.  —  Bassin  de  la  mer  du  Nord. 
—  La  Tamise  n'est  qu'une  faible  rivière  courant  au 
milieu  des  prairies  jusqu'à  Londres,  où,  gonflée  par 
la  marée,  elle  devient  assez  forte  pour  former  le 
port  le  plus  fréquenté  du  monde. 

L'Humber,  qui  débouche  à  HuU  dans  le  golfe  du 
Waslî,  la  Tyne  sur  laquelle  se  trouve  Newcastle,  le 
plus  grand  marché  de  houille  de  la  terre,  la  Tweed, 
qui  forme  la  frontière  de  l'Ecosse,  sont,  avec  la  Ta- 
mise, les  principales  rivières  d'Angleterre  qui  dé- 
bouchent dans  la  mer  du  Nord. 

En  Ecosse,  le  Forth,  qui  débouche  dans  le  golfe 
d'Edimbourg,  la  Tay,  qui  passe  à  Dundee,  la  Dee, 
qui  passe  à  Aberdeen,  la  Spey,  qui  tombe  dans  le 
golie  de  Moray,  sont  les  rivières  les  plus  remarqua- 
bles. 

Bassin  de  la  mer  d'Irlande  et  de  l'Atlantique.  — 
Du  côté  de  la  mer  d'Irlande,  la  Clyde  forme  le 
port  très-important  de  Glasgow,  la  première  ville 
d'Ecosse  par  sa  population,  son  industrie  et  son 
commerce.  En  Angleterre,  la  Mersey  forme  le  port 
de  Liverpool,  le  premier  de  ce  royaume  pour 
l'importance  de  ses  exportations,  le  plus  grand 
marché  de  coton  du  monde,  et  le  port  d'Europe 
qui  reçoit  d'Amérique  et  y  expédie  le  plus  grand 
nombre  de  passagers.  Enfin  dans  le  canal  de  Bris- 
tol débouche  la  Severn.  Sur  la  rive  septentrionale 
de  son  estuaire,  Cardiff  charge  des  milliers  de  na- 
vires de  son  charbon,  tandis  qu'au  sud  débouche 
l'Avon,  qui  forme  le  grand  port  de  Biistol. 

Bassin  de  la  Manche.  —  Pour  achever  de  passer 
en  revue  les  grands  ports  de  l'Angleterre,  nous 
n'aurions  plus  à  citer  que  Douvres,  à  cause  de  l'im- 
portance de  ses  relations  journalières  avec  le  con- 


tinent, et  en  continuant  à  suivre  à  l'ouest  la  côte 
de  la  Manche  :  Brighton,  plus  connu  encore  comme 
séjour  de  bains  de  mer;  Portsmouth,  le  grand 
arsenal  de  la  marine  militaire  anglaise,  qui  a  pour 
rôle  de  protéger  sur  toutes  les  mers  du  globe  la 
marine  marchande  la  plus  nombreuse  et  la  plus 
active  du  monde;  Southampton,  voisin  de  Ports- 
mouth,  une  des  grandes  têtes  de  lignes  des  pa- 
quebots de  voyageurs.  En  face  de  Southampton 
et  de  Portsmoutli  s'élève  la  blanche  lie  de  Wight, 
remplie  de  cottages  charmants  et  très-lréquentée 
comme  séjour  de  bains  de  mer.  Dans  la  péninsule 
de  Cornouailles,  Plymouth  et  Falmouth  sont  encore 
des  points  de  départ  de  paquebots  pour  l'Afrique, 
les  Indes  et  l'Australie. 

Irlande.  —  De  toutes  les  rivières  des  Hes  Bri- 
tanniques, c'est  le  Shannon  qui  porte  à  l'océan 
Atlantique  le  tribut  le  plus  considérable.  Il  draine 
l'eau  des  lacs  et  des  marais  du  centre  de  l'Irlande  ; 
mais  comme  il  franchit  des  rapides  en  aval  de 
Limerick,  à  quelques  kilomètres  de  son  estuaire, 
il  ne  peut  être  remonté  bien  loin  par  les  navires. 

Du  côté  opposé  de  l'île,  Dublin  entretient  spé- 
cialement les  relations  de  commerce  avec  la  Grande- 
Bretagne,  et  Cork,  ou  son  avant-port  de  Queenstown, 
sert  de  relâche  aux  navires  d'Amérique  qui  se  diri- 
gent vers  Liverpool. 

Canaux.  —  La  Tamise,  la  Severn,  la  Mersey  et 
l'Humber  sont  reliés  ensemble  par  un  vaste  sys- 
tème de  canaux  dont  l'ensemble  atteint  3000  kilomè- 
tres de  développement  et  qui  sont  parcourus  par  de 
nombreux  bateaux  desservant  le  commerce  intérieur, 
qui  dispose  en  outre  d'un  réseau  de  27  000  kilom. 
de  lignes  de  chemins  de  fer.  L'Angleterre  n'est 
dépassée  que  par  la  Belgique  et  le  grand-duché  de 
Luxembourg  sous  le  rapport  de  la  longueur  des 
voies  ferrées  comparée  à  la  superficie  du  pays 
qu'elles  desservent.  A  cet  égard,  elle  est  deux  fois 
aussi  avancée  que  la  France. 

2.  Géographie  agricole  et  industrielle.  — 
Population.  —  Peuplées  aujourd'hui  de  33  mil- 
lions d'habitants,  c'est-à-dire  de  plus  de  100  habi- 
tants par  kil.  carré,  proportion  qui  ne  se  trouve 
dépassée  qu'en  Belgique,  dans  les  Pays-Bas  et  le 
Luxembourg,  les  Iles  Britanniques  ne  peuvent  tirer 
de  leur  sol  de  quoi  nourrir  cette  population  surabon- 
dante. Et  cependant  elle  va  toujours  en  s'accrois- 
sant,  malgré  les  saignées  qu'y  lait  une  émigration 
considérable. 

Agriculture.  —  Mais  si  les  Anglais  sont  obligés- 
de  tirer  du  dehors  une  grande  partie  des  denrées 
qu'ils  consomment,  leur  pays  est  du  moins  un  de 
ceux  où  la  culture  est  le  mieux  entendue. 

Grâce  à  l'humidité  du  climat,  les  prairies  occupent 
la  moitié  du  sol,  et  les  races  de  bétail  sont  perfec- 
tionnées et  modifiées  pour  donner  le  maximum  de 
produit  utile.  Les  bœufs  de  la  race  de  Durham,  les 
porcs  du  Yorkshire,  les  moutons  Dishley  du  comté 
de  Leicester  et  les  southdowns  de  l'Angleterre  méri- 
dionale sont  partout  recherchés  à  cause  de  la  masse 
de  viande  qu'ils  produisent.  Qui  n'a  entendu  vanter 
l'élégance  et  la  rapidité  des  chevaux  anglais,  dont 
les   luttes    agitent    tant  l'amour-propre  national? 

Grâce  à  l'assolement  employé  et  à  l'abondance 
des  engrais,  le  rendement  des  terres  cultivées  en 
céréales  est  énorme  :  30  hectolitres  par  hectare, 
et  davantage.  Le  froment,  l'avoine  et  l'orge  sont 
les  grains  les  plus  répandus.  La  pomme  de  terre 
joue  un  grand  rôle  dans  l'alimentation,  surtout  eii 
Irlande,  "dont  la  population  misérable  n'a  trouvé 
d'autre  ressource  que  d'émigrcr  en  masse  quand 
est  venue  la  maladie  de  ce  tubercule.  La  bière  est 
la  boisson  principale  des  Anglais.  Aussi  plante- 
t-on  do  grandes  houblonnières,  dont  les  produits 
alimentent  les  énormes  brasseries  de  Londres. 
Dans  le  sud  de  l'Angleterre,  comme  en  Normandie, 
les  vergers  produisent  aussi  beaucoup  de  cidre. 
En  fait  de  plantes  industrielles,  on  ne  peut  guèro 


ANGLETERRE 


—  liO  — 


ANGLETERRE 


citer  que  le  lin  d'Irlande.  Mais  on  distille  beaucoup 
de  grains  et  de  pommes  de  terre  pour  fournir  l'al- 
cool nécessaire  dans  l'industrie  ou  consommé  en 
boi-son.  Le  gin  et  le  whisky  sont  des  eaux-devie  de 
grains. 

Forêts.  —  Bien  que  l'Angleterre  soit  un  pays  de 
g-randes  propriétés  par  suite  de  la  loi  anglaise  de 
succession  qui  aitribue  toute  la  fortune  au  fils  aîné, 
les  forêts  sont  presque  une  rareté  en  Angleterre 
Maison  cite  toujours  l'élégance  des  parcs  anglais  qni 
entourent  les  manoirs  des  riches  propriétaires,  et 
où  ceux-ci  passent  la  plus  grande  partie  de  leur 
existence,  jouant  un  grand  rôle  dans  l'administra- 
tion du  pays  et  employant  leurs  loisirs  aux  exercices 
violents,  comme  la  chasse  au  renard,  seul  fauve 
qui  subsiste  dans  leur  île. 

Pêche.  —  La  pêche  est  abondante  en  Angleterre 
et  forme  une  des  grandes  ressources  du  pays.  Les 
rivières  d'Ecosse  sont  peuplées  d'une  si  grande 
quantité  de  saumons,  que  ce  poisson  constitue  une 
partie  de  l'alimentation  des  pauvres  gens  et  est  en 
outre  exporté  en  grande  quantité,  soit  frais  et  em- 
ballé dans  de  la  glace,  soit  salé  ou  mis  en  boîtes  de 
conserves.  Partout  les  côtes  sont  habitées  par  des 
pécheurs  qui  poursuivent  le  hareng,  le  maquereau, 
le  turbot  et  acquièrent  dans  la  navigation  pénible 
et  dangereuse  de  leurs  rivages  de  solides  qualités 
de  marins. 

Industrie.  —  Mines  de  houille.  —  C'est  l'indus- 
trie qui  occupe  le  plus  grand  nombre  de  bras  eu 
Angleterre  et  fait  la  fortune  de  ce  pays.  Et  c'est 
l'existence  et  la  richesse  des  bassins  houillers  an- 
glais qui  en  a  permis  le  prodigieux  développement. 
Il  y  a  peu  d'années,  300000  ouvriers  y  exploitaient 
3000  mines,  d'où  ils  retiraient  annuellement  lOô 
millions  de  tonnes.  !Mais  ces  chiffres  vont  en  s'ac- 
croissant  jusqu'à  présent  avec  une  rapidité  surpre- 
nante. Le  bassin  de  l'Ecosse  entre  Edimbourg  et 
Glasgow  donnait  à  lui  seul  15  millions  de  tonnes  : 
celui  de  Newcastle,  35  millions,  deux  fois  autant 
que  toutes  les  mines  françaises  réunies.  Les  bas- 
sins des  comtés  de  Lancaster  et  d'York,  de  Stafford 
et  du  p-ïys  de  Galles  ne  sont  pas  moins  riches  que 
le  bassin  écossais. 

Tout  autour  de  ces  bassins  houillers  s'élèvent 
des  hauts  fourneaux,  des  forges,  des  verreries,  des 
usines  de  mille  sortes  qui  vivent  en  s'approvision- 
nant  sur  place  de  ce  pain  de  l'industrie.  Le  surplus 
sert  à  la  consommation  domestique  et  à  la  naviga- 
tion à  vapeur,  ou  est  emporté  dans  toutes  les  par- 
ties du  monde  par  les  navires  qui.  après  s'être  dé- 
chargés dans  les  docks  de  Londres  ou  de  Liverpool, 
trouvent  dans  la  houille  un  lest  avantageux.  Dans 
tous  les  ports  charbonniers,  comme  Newcastle  ou 
ses  voisins  Sunderland  et  Hartlepool,  on  a  élevé 
les  engins  les  plus  ingénieux  pour  charger  en 
quelques  heures  la  cale  d'un  navire  de  plusieurs 
centaines  de  tonneaux. 

Mines  de  fer  et  forges.  —  Grâce  à  l'abondance  de 
la  houille  et  du  minerai  de  fer  et  à  la  facilité  de 
faire  venir  de  l'étranger  les  minerais  de  qualité  su- 
périeure, l'Angleterre  est  le  pays  du  monde  qui 
produit  le  plus  de  fer,  trois  fois  autant  que  la 
France  ou  les  Etats-Unis.  Glasgow  en  Ecosse, 
Sheffield  et  Birmingham  au  centre  de  l'Angleterre, 
Merthyr  Tydvil  dans  le  pays  de  Galles,  non  loin  de 
Cardiff,  sont,  avec  divers  autres  lieux,  les  principaux 
centres  du  travail  du  fer.  Là  se  trouvent  rassem- 
blés les  hauts  fourneaux  d'où  coule  la  fonte,  les  la- 
minoirs et  les  marteaux-pilons  qui  travaillent  le 
fer,  les  filières  qui  retirent,  les  ateliers  de  con- 
struction où  on  le  transforme  en  machines  de  toutes 
sortes:  en  éléments  de  navires,  en  armes,  en  ob- 
jets de  coutellerie,  en  clous,  en  plumes,  en  ai- 
guilles, en  épingles. 

Autres  métaux.  —  La  presqu'île  de  Cornouailles 
a  l'avantage  de  posséder  les  seules  mines  d'étaia  do 
l'Europe  qui   soient  exploitées,   et  on   a   souvent 


pensé  que  les  îles  Scillj',  qui  en  sont  le  prolonge- 
ment, séparées  seulement  par  une  faible  distance, 
étaient  les  fameuses  Cassitérides  où  les  anciens 
Phéniciens  venaient  s'approvisionner  de  ce  métal. 
On  trouve  aussi  dans  le  Cornouailles  beaucoup  de 
ruivre,  et  c'est  à  Swansea,  au  nord  du  canal  de 
Bristol,  qu'on  grille  ce  minerai,  ainsi  que  celui 
qui  arrive  de  Suède  ou  du  Chili.  Swansea  est 
la  plus  grande  usine  à  enivre  du  monde. 

Les  Anglais  fabiiquont  aussi  beaucoup  de  pote- 
ries, faïences  et  creusets  de  toutes  sortes.  Le  grand 
centre  de  cette  industrie  est  à  Stoke  sur  le  Trent, 
entre  Birmingh:ira  et  Manchester,  à  proximité  des 
bassins  houillers  du  centre  et  de  riches  dépôts 
d'argile  plastique. 

Mrnmfactxires.  —  Travail  du  coton  et  de  la  laine. 
—  Mais  cf%i  surtout  la  filature  et  le  tissage  du  coton 
et  de  la  laine  qui  ont  en  Angleterre  une  impor- 
tance considérable.  Nulle  part  la  population  n'est 
aussi  agglomérée  que  dans  le  Lancashire,  entre  Liver- 
pool, Manchester,  Sheffield,  Leeds,  Bradford.  Cha- 
cune de  ces  villes  renferme  plusieurs  centaines  de 
mille  habitants,  et  de  l'une  à  l'autre  les  villes,  les 
villages,  les  usines  se  suivent  sans  interruption. 
Liverpool  est  le  grand  port  d'importation  du  coton 
Manchester  le  met  en  œuvre,  le  file  et  le  tisse.  On 
a  calculé  que  l'Angleterre  fabriquait  annuellement 
assez  de  mètres  de  cotonnades  pour  faire  cent  fois 
le  tour  du  globe  terrestre.  Aussi  de  combien  de 
bras  cette  industrie  n'a-t-elle  pas  besoin  ?  Manches- 
u.r  avec  ses  annexes  renferme  plus  de  500  000  ha- 
bitants, tout  comme  Liverpool.  En  revanche,  que  de 
misères  quand  des  crises  commerciales  ou  des 
grèves  viennent  entraver  la  production,  ou  que  la 
matière  première  lui  fait  défaut,  ainsi  qu'on  l'a  vu 
à  l'époque  de  la  guerre  de  sécession  aux  Etats- 
Unis.  Bradfoi'd  et  Leeds  sont  les  grands  centres  du 
travail  de  la  laine.  La  première  est  une  ville  de 
•200  000  habitants,  et  la  deuxième  de  -300  000. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  dans  le  Lancashire 
que  tournent  les  broches  des  filatures  et  que  battent 
les  métiers  des  tisserands.  Glasgow,  la  troisième 
ville  des  Iles  Britanniques  par  sa  population,  est 
aussi  un  grand  centre  d'industrie,  non-seulement  à 
cause  de  ses  chantiers  de  constructions  navales, 
qui  expédient  de  magnifiques  navires  aux  pays 
étrangers,  mais  encore  pour  ses  usines  de  toutes 
sortes,  et  Paisley,  dans  le  voisinage,  est  renommé 
pour  ses  châles  et  ses  mousselines. 

En  Irlande,  c'est  Belfast  qui  est  le  grand  centre 
du  travail  du  lin.  C'est  une  ville  de  près  de  200  000 
habitants. 

Commerce.  —  Le  commerce  forme  avec  l'indus- 
trie la  grande  source  de  fortune  des  Anglais.  Non- 
seulement  ils  ont  à  exporter  au  dehors  des  masses 
énormes  de  houille,  de  fers,  de  cotonnades,  et  à 
importer  des  grains,  de  la  viande,  des  vins,  des 
fruits,  du  thé,  etc.,  dont  ils  ont  besoin  pour  se 
nourrir,  le  coton,  la  laine  que  réclament  leurs  fila- 
tures ;  mais  ils  ont  soin  de  faire  eux-mêmes  tous 
ces  transports.  Leur  marine  est  la  plus  nombreuse  du 
globe  ;  leur  pavillon  flottant  sur  25  000  navires  montés 
par  1  ou  300  OnO  marins,  se  montre  dans  toutes  les 
mers,  et  leurs  puissantes  colonies  ont  de  leur  côté 
une  marine  fort  nombreuse.  C'est  à  leur  situation 
insulaire,  au  développement  de  leurs  côtes,  à  la 
sûreté  de  leurs  ports  que  les  Iles  Britanniques  doi- 
vent l'origine  de  cette  marine.  Et  les  institutions 
politiques  et  économiques  ont  tout  fait  pour  la  déve- 
lopper et  assurer  à  l'Angleterre  l'empire  des  mers, 
au  point  de  vue  militaire  comme  au  point  de  vue 
I  ommorcial.  Par  leurs  nombreuses  et  vastes  colo- 
nies, par  la  protection  effective  qu'ils  accordent  au 
moindre  de  leurs  sujets  sur  n'importe  quel  point 
du  globe,  les  Anglais  ouvrent  partout  des  débou- 
chés à  leurs  manufactures  et  répandent  de  plus  en 
plus  l'influence  et  la  langue  de  leur  patrie.  En  ou- 
tre, l'Angleterre  est  devenue  le  grand  entrepôt  du 


ANGLETERRE 


—  141  — 


ANGLETERRE 


monde.  Grâce  aux  acheteurs  qu'ils  sont  sûrs  de 
trouver  et  au  fret  de  retour  qui  leur  est  assuré, 
les  navires  étrangers  aussi  bien  que  les  vaisseaux 
anglais  portent  à  Londres  et  aux  autres  grands  entre- 
pôts de  ce  pays  la  plus  grande  partie  des  produits 
d"outi'e-mer  qui  sera  consommée  sur  le  continent. 
C'est  à  Liverpool  que  les  filatures  de  Normandie, 
de  Flandre  ou  d'Alsace  s'approvisionnent  d'une 
partie  de  leur  coton.  Londres  est  le  grand  entre- 
pôt des  laines  d'Australie  ou  du  Cap  de  Bonne- 
Espérance,  des  épices  et  de  l'indigo  des  Indes,  de 
l'ivoire  de  l'Afrique  et  du  thé  de  la  Chine,  dont  une 
partie  a  traversé  la  France. 

Grmides  villes.  —  C'est  ce  qui  explique  l'accrois- 
sement continuel  et  prodigieux  de  cette  capitale,  qui 
empiète  sans  cesse  sur  les  campagnes  voisines,  en 
absorbant  les  champs  et  les  villages  qu'elle  couvre 
de  rues,  d'usines,  d'iiabitations.  Londres  est  au- 
jourd'hui quatre  ou  cinq  fois  aussi  vaste  que  Paris 
et  sa  population  est  de  près  de  4  millions  d'habi- 
tants. Dix-huit  autres  villes  des  Iles  Britanniques 
dépassent  100  000  habitants.  JNous  les  avons  nom- 
mées parmi  les  ports  ou  les  villes  d'industrie. 

3.  Géographie  politique.  —  Races  et  religio?is.  — 
La  population  bretonne  que  Jules  César  rencontra 
dans  l'Angleterre  était  de  même  race  que  les  Bas- 
Bretons  français.  Aujourd'hui  elle  est  refoulée  dans 
le  pays  de  Galles,  l'Ecosse  et  l'Irlande.  Ses  mœurs 
et  sa  langue  se  fondent  de  plus  eu  plus  avec  ceux 
des  Anglais.  Ceux-ci  sont  le  produit  des  inva- 
sions saxonne  et  Scandinave  qui  se  sont  super- 
posées aux  anciens  Bretons,  et  des  Français  de  la 
France  occidentale  qui  accompagnaient  Guillaume 
1  e  Conquérant  ou  qu'y  ont  appelés  ses  successeurs 
pendant  qu'ils  étaient  maîtres  d'une  grande  partie 
de  notre  pays.  Ces  familles  françaises,  dotées  au 
détriment  des  Saxons  vaincus,  ont  été  la  souche 
de  l'aristocratie  anglaise,  dont  les  cadets  sortent 
naturellement  par  le  rang  de  leur  naissance,  tandis 
que  le  souverain  y  fait  constamment  entrer  les 
hommes  qui  se  sont  illustrés  dans  les  carrières 
politique,  militaire  ou  scientifique. 

L'aristocratie  anglaise  est  maîtresse  à  elle  seule 
de  presque  tout  le  territoire  anglais  et  de  celui  de 
l'Irlande.  Là  leur  domhiaiion  est  particulièrement 
odieuse,  puisque  à  l'antagonisme  de  races  s'ajoute 
celui  de  religion.  Les  Irlandais  sont  restés  catho- 
liques romains,  tandis  qu'en  Angleterre  la  reli- 
gion anglicane,  qui  a  conservé  la  hiérarchie  ro- 
maine des  évêques,  s'est  séparée  entièrement  du 
pape.  Depuis  plusieurs  années,  du  reste,  la  religion 
catholique  fait  de  nombreux  adhérents  en  Angle- 
terre. Les  Ecossais  suivent  pour  la  plupart  la  reli- 
gion presbytérienne,  organisée  par  paroisses  et  di- 
rigée par  des  comités  appelés  conseil  des  anciens  de 
"Eglise,  et  se  rapprochant  beaucoup  du  calvinisme. 

Acbiiinisiration,  gouvenieiuent.  —  L'Angleterre 
est  divisée  en  40  comtés,  y  compris  l'île  de  Wight 
et  les  Sorlingues  ou  Scilly  ;  le  pays  de  Galles  en  12, 
y  compris  l'ile  d'Anglesey  ;  l'Ecosse  en  53.  y  com- 
pris les  Shetland,  les  ôrcados  et  les  Hébrides  ; 
l'Irlande  en  32  comtés.  L'île  de  Man  et  les  îles  de 
Jersey,  Guernesey,  Aurigny,  derniers  restes  des 
possessions  des  rois  d'Anf;leierre  sur  la  côte  de 
Normandie,  ont   une    administration    particuhère. 

Le  comté.  —  Dans  chacun  de  ces  comtés,  il  y 
a  un  lord-licutenant  gouverneur  du  comté,  nommé 
par  la  couronne  à  tiire  surtout  honorifique.  Le 
shériff,  nommé  annuellement  par  la  couronne,  est 
chargé  de  maintenir  la  paix  publique.  Les  attribu- 
tions dos  juges  de  paix  sont  fort  étendues.  Ce  sont 
ordinairement  de  riches  propriétaires  qui  rem- 
plissent ces  fonctions. 

le  souverain.  —  Le  gouvernement  est  monar- 
chique, et  la  souveraineté  peut  être  exercée  par 
une  femme.  Mais  les  Anglais  sont  très  attacliés  au 
régime  parlementaire,  qui  donne  aux  Chambres  la 
véritable  autorité. 


Le  Parlement.  —  La  Chambre  basse  ou  des  Com- 
munes comprend  des  députés  de  diverses  prove- 
nances :  députés  des  comtés,  des  bourgs,  des  cités 
ou  des  universités,  qui  ne  sont  pas  élus  par  le 
sufl'rage  universel.  Il  arrive  aussi,  contrairement  à 
ce  qui  se  passe  dans  notre  pays,  qu'un  même  élec- 
teur peut  concourir  à  diverses  élections  s'il  remplit 
les  conditions  voulues  dans  plusieurs  collèges 
électoraux.  Quant  à  la  Chambre  haute,  elle  com- 
prend les  lords  d'Angleterre  au  titre  héréditaire, 
un  certain  nombre  de  dignitaires  ecclésiastiques, 
des  pairs  d'Irlande  nommés  à  vie  par  la  pairie 
d'Irlande,  et  des  pairs  d'Ecosse  nommés  à  chaque 
législature  par  la  pairie  d'Ecosse.  Ce  n'est  que 
depuis  le  commencement  de  ce  siècle  que  le  par- 
lement d'Irlande  a  été  fusionné  dans  les  parlements 
d'Angleterre  et  d'Ecosse,  réunis  cent  années  plus 
tôt. 

Armée,  marijie.  —  Depuis  la  guerre  de  Crimée, 
l'Angleterre  n'a  pris  aucune  part  aux  guerres  du 
continent.  Son  armée,  composée  de  volontaires  et 
renforcée  par  les  milices,  est  plutôt  faite  pour  un 
rôle  défensif.  C'est  sur  mer  que  l'Angleterre  tend 
à  étendre  sa  puissance,  et  il  ne  s'écoule  guère 
plusieurs  années  consécutives  sans  que  son  pa- 
villon flotte  sur  quelque  nouveau  point  stratégique 
destiné  à  assurer  partout  la  libre  circulation  de  sa 
flotte. 

Possessions  extérieures  —  En  Europe,  elle  sur- 
veille l'embouchure  de  l'Elbe  sur  le  rocher  d'Hel- 
goland.  A  Gibraltar,  elle  commande  l'entrée  de  la 
Méditerranée  ;  à  Malte,  à  Aden  et  à  Singapore,  la 
route  de  l'Orient.  Par  Hong-Kong,  elle  a  pris  pied 
en  Chine  ;  par  ses  établissements  du  golfe  de  Gui- 
née, elle  est  maîtresse  du  commerce  du  Niger,  et 
par  le  protectorat  qu'elle  exerce  sur  le  sultan  de 
Zanzibar,  elle  domine  sur  la  côte  africaine  de  la 
mer  des  Indes. 

Ses  immenses  possessions  du  Canada  et  des  An- 
tilles en  Amérique,  du  cap  de  Bonne-Espérance  en 
Afrique,  des  Indes  et  de  la  Birmanie  en  Asie,  de 
l'Australie,  de  la  Nouvelle-Zélande  en  Océanie,  lui 
assurent  de  grandes  sources  d'approvisionnements- 
en  matières  premières,  de  grands  débouchés  pour 
SCS  manufactures,  des  terres  à  défricher  pour  ses 
émigrants,  des  carrières  de  toutes  sortes  pour  ses 
cadets  déshérités  qui  ont  à  faire  fortune. 

La  reine  d'Angleterre  régnant  aujourd'hui  sur 
le  plus  bel  empire  du  monde  et  le  plus  riche,  s'il 
n'en  est  pas  le  plus  étendu,  ayant  sous  sa  dépen- 
dance les  puissants  radjahs  de  l'Inde,  s'est  fait 
proclamer  à  juste  titre  impératrice  des  Indes.  Si 
cette  appellation  n'ajoute  rien  à  sa  puissance  ma- 
lérielie,  elle  est  plus  en  rapport  avec  les  besoins 
des  populations  orientales,  toujours  amoureuses 
de  faste,  qui  forment  le  plus  grand  nombre  des 
sujets  de  l'empire  britannique. 

Questionnaire  géographique.  —  1° Sur  la gé'gra- 
phie  physique.  —  Ouest  située  l'Angleterre?  — 
Quels  sont  les  principaux  groupes  des  lies  Britanni- 
ques?-—  Gomment  appelle-t-on  officiellement  l'État 
qu'ils  forment?  —  Quels  sont  les  bras  de  mer  qui 
les  séparent?  —  La  Grande-Bretagne  est-elle  plus 
petite  ou  plus  grande  que  la  France?  —  Quel  est 
son  climat?  —  Où  sont  situés  les  principaux  grou- 
pes de  montagnes  des  Iles  Britanniques?  —  Où  est 
la  cime  la  plus  élevée?  —  Quels  sont  les  princi- 
paux fleuves?  —  Les  principaux  ports  qu'ils  for- 
ment? —  Quels  sont  les  moyens  de  transport  dont 
dispose  le  commerce? 

2°  Sur  la  géographie  agvic<<le  et  industrielle.  — 
Les  Iles  Britanniques  sont-elles  plus  ou  .moins 
peuplées  que  la  France  relativement  à  leur  super- 
ficie? —  Quels  sont  les  principaux  produits  de  l'a- 
griculture? les  principales  races  de  bétail?  la 
principale  boisson  des  habitants?  les  principales 
cultures  industrielles?  —  Quelles  ressources  ofl're 
la  pèche  fluviale?  —  maritime?  —  Quels  sont  les 


ANGLETERRE 


—  142  — 


ANGLETERRE 


principaux  bassins  houillers  ?  —  Quelle  est  l'impor- 
tance actuelle  de  leur  production?  —  Quelles  mi- 
nes métalliques  possèdent  les  lies  Britanniques? 
—  Quels  sont  les  principaux  centres  qui  utilisent 
leurs  produits? —  Quelles  sont  les  principales  ma- 
nufactures? —  Quel  est  le  grand  marché  du  coton 
brut  ?  —  Quelle  est  la  ville  qui  en  fait  la  plus 
grande  consommation?  —  Où  sont  les  principales 
manufactures  d'étoffe  de  laine?  —  Quelle  est  l'im- 
portance de  la  marine  marchande  anglaise?  des 
entrepôts  de  Londres?  —  Quelles  sont  les  grandes 
villes  des  Iles  Britanniques  et  pour  chacune  d'elles 
quelle  est  la  raison  de  son  accroissement  ? 

3°  Sur  la  géographie  politique.  —  Quelles  sont 
les  races  qui  ont  contribué  à  la  formation  de  la 
nation  anglaise  actuelle?  —  Quel  est  le  gouver- 
nement de  l'Angleterre  ?  le  rôle  du  souverain  ?  du  \ 
parlement?  —  Comment  sont  administrés  les  com- 
tés? —  Quelles  sont  les  principales  possessions 
extérieures  de  la  Grande-Bretagne?  —  Quel  est  le 
nouveau  titre  de  la  reine  d'Angleterre.  ] 

Problèmes  géographiques.  —  La  population  des  ; 
lies  Britanniques  est  de  33  800  000  habitants,  leur 
superficie  de  314  9ôO  kil.  carrés.  Celles  de  la  France 
«ont  3g  900  000  habitants  et  5-28  600  kil.  carrés.  | 

1°  Quelle  serait  la  population  de  la  France  si  elle 
était  aussi  peuplée  que  les  Iles  Britanniques  relali-  , 
vement  à  sa  superficie  ? 

2°  L'Angleterre    possède  des  colonies  couvrant  | 
une  superficie  de  21  000  000  de  kil.  carrés  et  habi- 
tées  par  204  000  000  d'habitants.   Les  possessions 
françaises  couvrent  965  000  kil.  carrés,  peuplés  de 
6  100  000  habitants. 

Quelle  est  l'étendue  des  colonies  anglaises  re- 
lativement a  celle  des  lies  Britanniques  ?  —  Combien 
y  a-t-il  d'habit<ints  des  colonies  anglaises  pour  un 
habitant  des  Iles  Britanniques? 

30  Poser  les  mêmes  problèmes  qu'à  l'article  Alle- 
magne  sur  les  chemins  de  fer,  les  bureaux  de  poste, 
les  lettres,  étant  donné  que  les  Iles  Britanniques 
possèdent  27  li2kil.de  chemins  de  fer,  et  1344':  bu- 
reaux de   poste  distribuant   1  019  000  000  lettres. 

4°  Le  commerce  général  des  Iles  Britanniques 
est  de  15  000  000  000  de  francs,  celui  de  la  France 
de  9  270  000  000.  —  Quelle  est  la  proportion  du  com- 
merce par  tête  d'iudividu  en  Angleterre?  —  en 
France? 

Quelle  serait  l'importance  du  commerce  de  la 
France,  si  chacun,  en  moyenne,  y  faisait  autant  d'af- 
faires qu'en  Angleterre,  etc.,  etc.     [G.  Meissas.] 

11.  HISTOIRE 

L'histoire  d'Angleterre  se  partage  en  quatre  pé- 
riodes bien  marquées  : 

r  Jusqu'en  1086,  quatre  invasions  successives 
forment  le  peuple  anglais. 

2°  1086-1455.  La  puissance  des  rois  normands 
amène  la  rivalité  avec  la  France,  et  la  fusion  des 
Anglo-Normands  la  conquête  des  libertés  pu- 
bliques. 

3"  1455-1638.  —  La  guerre  des  Deux-Roses  affaiblit 
la  noblesse  au  profit  de  la  royauté  absolue  qui  com- 
mence la  Réforme  ;  mais  le  peuple  anglais  ne  se 
laisse  pas  dépouiller  :  il  poui'suit  en  même  temps 
la  Réforme  et  la  Révolution,  et  établit  la  monar- 
chie tempérée. 

4"  l0fi8-18S0.  Forte  de  ses  libertés,  l'Angleterre 
constitue  sa  grandeur  par  la  domination  des  mers. 

Première  période.  —  Invasions  (55  av.  Jésus- 
Clirist-1086).  —  Les  Bretons.  —  L'an  ôô  avant  Jé- 
sus-Christ, la  Grande-Bretagne  était  l'île  sacrée  de 
la  Celtique.  Anglesey  était  un  sanctuaire  plus 
révéré  que  la  forêt  des  Garnutes.  a  Les  Celtes  bre- 
tons portaient  de  longs  cheveux  flottants  et  de 
longues  moustaches  ;  ils  se  tatouaient  le  corps  avec 
une  substance  verte  extraite  des  feuilles  du  pas- 
tel... A  ce  degré  de  civilisation,  les  formes  de 
gouvernement  devaient  être  simples  et  grossières... 


Tous  les  membres,  proches  ou  éloignés,  de  la 
même  famille  vivaient  dans  la  plus  étroite  inti- 
mité: chasse,  butin,  propriété,  tout  était  commun.  » 
(A.  Thierry).  Venus  de  la  Gaule,  les  tireions 
avaient  'chassé  vers  le  nord  les  Calédoniens  de 
race  gallique  et  se  partageaient  le  territoire,  les 
Logricns  à  l'est  et  les  Cambriens  à  l'ouest. 

1"  Expéditions  romaines.  —  Les  Romains  ne  con- 
naissaient que  vaguement  la  grande  île  de  Breta- 
gne. Pour  y  être  descendu  deux  fois.  César  eut 
«  le  même  prestige  que  A'apoléon  après  ses  victoires 
d'Egypte  ».  Depuis,  Agricola  soumit  ces  tribus  éner- 
giques, mais  isolées.  La  frontière  romaine  atteignit 
la  Clyde  et  s'arrêta  devant  les  Calédoniens.  Mais 
soumise  en  partie,  convertie  même  au  christia- 
nisme, la  Bretagne  ne  fut  jamais  domptée,  et  le  pas- 
sage des  Romains  (78-4(iOy  n'y  laissa  pas  de  traces. 
A  leur  départ  se  releva  l'autorité  des  anciens  chefs. 

2°  Invasions  des  Saxons  et  des  Angles.  —Libres 
de  la  domination  romaine,  les  Bretons  ne  surent 
pas  se  défendre  contre  les  pirates  saxons,  dont  les 
bandes  toujours  renouvelées  accouraient  à  cette 
proie  facile.  En  547,  la  population  des  Angles  (peu- 
ple qui  habitait  originairement  le  Schleswig  actuel) 
s'embarqua  tout  entière  pour  la  Bretagne  septen- 
trionale. En  5b0 ,  sept  royaumes  anglo-saxons 
étaient  constitués.  Ils  furent  réunis  un  instant 
sous  Egbert,  en  827-836. 

Les  Bretons  dépouillés  étaient  esclaves  ou  chassés 
en  exil  dans  les  monts  de  Cambrie.  Là  ils  luttaient. 
«  Jamais  les  Kimris  ne  paieront  le  tribut,  disent 
leurs  vieux  poèmes...  Tu  as  beau  faire,  ni  ta  puis- 
sance, ni  aucune  autre,  si  ce  n'est  celle  de  Dieu, 
ne  détruira  notre  nom,  ni  notre  langue.  »  En  effet, 
ce  nom  et  cette  langue  subsistent,  sur  ce  sol  cou- 
vert de  rocs  et  de  grèves,  comme  un  étrange  et 
poétique  monument  d'énergie  et  de  patriotisme. 
(Aug.  Thierry.) 

Introduction  du  christianisme.  —  Encouragé 
par  les  succès  de  l'Eglise  en  Gaule  ,  Grégoire  le 
Grand  avait  envoyé  40  moines  évangéliser  la  Bre- 
tagne. «  Vous  êtes  venus  de  loin  pour  me  commu- 
niquer ce  que  vous  jugez  utile  et  vrai,  leur  dit  le 
roi  de  Kent  ;  je  vous  laisserai  libres  de  publier 
votre  doctrine.  »  Ils  eurent  bientôt  des  prosélytes. 
Dans  le  Northumberland,  l'assemblée  des  Sages 
fut  réunie.  «  O  roi,  dit  un  guerrier,  dans  nos  fes- 
tins d'hiver,  souvent  vient  un  oiseau  qui  traverse 
la  salle  à  tire  d'ailes  ;  l'instant  de  ce  trajet  est  pour 
lui  plein  de  douceur  ;  il  ne  sent  plus  l'orage.  iVlais 
,  l'instant  est  rapide  et  de  l'hiver  l'oiseau  repasse 
'  dans  l'hiver.  Telle  me  semble  la  vie  des  hommes 
comparée  à  la  longueur  du  temps  qui  la  précède  et 
qui  la  .«uit.  Ce  temps  est  ténébreux.  Si  donc  la 
nouvelle  doctrine  peut  nous  en  apprendre  quelque 
chose  de  plus  certain,  elle  mérite  que  nous  la  sui- 
vions. »  L'assemblée  vota  l'établissement  du  chris- 
tianisme et  bientôt  les  Angles  se  convertirent  tous. 

3°  Invasion  des  Daîiois.  —  Depuis  150  ans,  la  Bre- 
tagne était  devenue  la  terre  des  Anglo-Saxons,  quand 
trois  vaisseaux  d'hommes  inconnus  abordèrent  à 
l'orient.  C'étaient  les  premiers  Danois.  Ils  venaient 
chanter  aux  Saxons  la  «  messe  des  lances  »  .  — 
a  Nous  avons  frappé  de  nos  épées  le  jour  où  j'ai 
vu  des  centaines  d'hommes  couchés  sur  le  sable, 
près  d'un  promontoire  d'Angleterre  ;  une  rosée  de 
I  sang  dégouttait  des  épées.  »  Tel  était  le  chant 
de  mort  d'un  de  ces  rois  de  mer,  Lodbrog,  prison- 
nier et  accablé  de  tortures  (865  .  L'année  suivante, 
ses  fils  accoururent  le  venger.  Ce  fut  le  troisième 
pillage  de  l'Angleterre  envaiiie.  Eu  i3  ans,  elle  était 
conquise. 

Alfred  le  Grand.  —La  valeur  d'Alfred  le  Grand 
(871-901),  qui,  caché  dans  les  marais  de  Cornouail- 
les,  souleva  les  Saxons  exaspérés  parla  servitude, 
ses  lois  mêmes  qui  organisaient  la  résistance  et 
constituaient  le  royaume  (V.  Alfred  le  Grand  dans 
la  1"=  PARTXiij,  suspendirent  seulement  les  progrès 


ANGLETERRE 


143  — 


ANGLETERRE 


des  Danois.  En  1013,Suénonsoumettaitles  Anglo- 
Saxons  ot  son  fils  Kanut  le  Grand  (1017-1036)  était 
maître  de  la  Scandinavie  et  de  l'Angleterre. 

40  Invasion  des  Normarids.  —  Mais  les  événements 
semblaient  conspirer  pour  une  quatrième  invasion, 
la  dernière,  celle  des  Normands.  Leur  duc  Guillaume 
«était très-sage  à  la  manière  du  temps,  c'est-à-dire 
brave  et  horriblement  perfide .  «En  vertu  d'un  serment 
qu'il  lui  avait  surpris,  il  attaqua  Harold,  que  les 
Saxons  venaient  de  proclamer.  Ceux-ci  n'avaient 
pas  de  forteresses  ;  vaincus,  ils  étaient  perdus. 
Guillaume  convoqua  tous  les  aventuriers  de  l'Oc- 
cident; l'Angleterre  était  la  proie  commune.  Ha- 
rold et  les  Anglais  tombèrent  à  Haslings,  au  pied 
de  leur  étendard  (l066\  Près  de  la  côte  est  une 
terre  marécageuse  et  presque  mouvante,  l'imprati- 
cable île  d'Eiy,  coupée  de  rivières.  Ce  fut  le  camp 
du  Refuge,  au  milieu  des  joncs  et  des  saules  ;  de 
là  les  Saxons  pillaient  les  pillards.  Forcés  en  1073, 
les  Outlaw  (bandits)  se  dispersèrent  dans  les  bois, 
errants ,  mais  libres  et  pleins  de  l'âme  nationale. 
Souvent  les  flèches  de  Kobin  Uood  s'égaraient  sur 
le  seigneur  normand. 

Cependant  les  vainqueurs  avaient  partagé  la 
conquête.  Guillaume,  proclamé  roi  d'Angleterre, 
distribuait  les  maisons,  les  abbayes,  les  terres. 
Tout  titre  de  propriété  antérieur  à  l'invasion  était 
annulé,  tout  acte  de  pillage  accompli  par  un  Nor- 
mand était  sanctionné  par  le  roi.  Le  livre  du  der- 
nier jugement  {dooynesday  book)  forma  le  registre 
et  le  cadastre  de  la  nouvelle  féodalité  (108G)  ;  et  des 
lois  atroces  maintinrent  la  soumission. 

Deuxième  période  (1086-1455).  —  A  la  mort  de 
Guillaume  (lus7),  l'Angleterre  est  constituée  et  son 
histoire  propre  commence.  Deux  grands  faits  qui 
se  développent  à  travers  les  siècles  la  dominent  tout 
fintière  ;  au  dedans  la  lutte  de  l'aristocratie  et  des 
villes  co7itre  la  royauté,  au  dehors  la  rivalité 
aoec  la  Fra?ice. 

E-XTÉRfEUR  :  Guerres  avec  la  France  —  Le  roi 
d'Angleterre,  en  tant  que  duc  de  Normandie,  était 
vassal  du  roi  de  France,  et  il  était  plus  puissant 
que  lui  :  de  là  une  longue  suite  de  guerres.  En 
lOsO,  Philippe  P'^  possédait  à  peine  l'Ile  de  France; 
Guillaume  avait  l'Angleterre  et  la  Normandie. 

Mais  bien  des  causes  paralysèrent  la  puissance 
du  roi  d'Angleterre  et  de  ses  successeurs.  D'abord, 
Guillaume II et  He7iri I-' {lOU't-ll^b)  ne  firent  rien, 
par  peur  des  insurrections  saxonnes.  Sous  Etienne 
des  discordes  cruelles  (1135-1154)  ne  permirent  pas 
de  songer  à  des  luttes  étrangères.  Mais  l'avéne- 
ment  à'Henri  II  Plantagenet  (1154-1189),  héritier 
du  Maine,  de  l'Anjou  et  de  la  Touraine,  puis  le 
mariage  de  ce  prince  avec  Eléonore,  héritière  de  la 
Gascogne,  du  Poitou,  de  l'Aunis  et  Saintonge,  An- 
goumois,  Marche  et  Périgord,  vinrent  porter  à  son 
comble  la  puissance  des  rois  d'Angleterre.  Henri  II 
gouvernait  encore  la  Bretagne  comme  tuteur  de 
son  fils,  fiancé  à  l'héritière  de  ce  duché.  Enfin  il 
conquit  l'Irlande  (11*0)  et  imposa  sa  suzeraineté  à 
l'Ecosse.  Heureusement  les  troubles  intérieurs 
excités  par  Thomas  Becket,  archevêque  de  Cantor- 
béry,  et  les  révoltes  de  ses  fils,  l'arrêtèrent  plusieurs 
fois  dans  la  lutte  contre  les  rois  de  France.  Son  fils 
Ric'^ard  /"  Cœur  de  Lion  (  1189-99,  porta  dans  la  troi- 
sième croisade  son  ardeur  militaire  (1190).  D'un 
seul  coup,  il  avait  abattu  la  tête,  l'épaule  et  le  bras 
droit  d'un  émir  qui  l'avait  défié.  C'est  lui  qui  prit 
Ptolémais.  Deux  ans  captif  de  l'empereur  Henri  VI, 
il  venait  de  vaincre  son  rival  Philippe-Auguste  quand 
il  périt  d'une  flèche  en  1199  au  siège  de  Chalus  en 
Limousin.  Son  frère  Jerm  sans  Tewe,  assassin  d'Ar- 
thur de  Bretagne  son  neveu,  excommunié  pour 
désobéissance  au  pape,  en  butte  aux  révoltes  de 
ses  sujets,  ne  sut  pas  défendre  ses  possessions 
continentales  saisies  par  Philippe-Auguste.  Battu 
à  Bouvines  (I214j,  il  vit  son  royaume  envahi  par 
les  Français  alliés  aux  Anglais  rèvoliés.  Un  instant 


la  France  faillit  conquérir  l'Angleterre  comme  la 
Normandie;  mais  la  mort  de  Jean  ramenales  Anglais 
à  son  fils  He7iri  III.  Le  nouveau  roi  fut  battu  à  Tail- 
lebourg  (1242).  Mais  il  garda  sur  le  continent  l'A- 
quitaine, le  Quercy,  la  moitié  de  la  Saintonge  et 
Agen,  par  le  traité  d'Abbeville. 

11.  Intérieur.  —  Lutte  de  l'aristocratie  et  des 
villes  contre  la  royauté.  Le  roi  et  ses  barons 
tenaient  leurs  biens  de  la  conquête.  Liés  entre  eux 
par  la  crainte  des  Anglais,  les  Normands  étaient 
sous  le  roi  comme  une  armée  héréditaire,  écrasant 
et  contenant  les  vaincus  du  haut  de  leurs  forte- 
resses. Anglais  et  Normands  formaient  deux  nations 
ennemies,  superposées,  l'une  maîtresse,  l'autre 
asservie  et  méprisée.  Mais,  après  deux  siècles  de  vie 
commune,  la  nationalité  saxonne  disparut;  alors 
il  ne  resta  qu'un  peuple  foulé,  comme  les  barons 
eux-mêmes,  par  une  royauté  avide  et  sans  frein. 
Le  faisceau  des  conquérants  était  brisé.  Le  péril 
d'une  insurrection  passé,  la  noblesse  voulut  re- 
prendre sa  liberté  ;  les  barons  disputèrent  au  roi 
son  pouvoir.  Ayant  besoin  d'appui,  ils  réclamèrent 
en  môme  temps  pour  eux-mêmes,  pour  le  peuple 
et  le  clergé.  Sous  le  roi  Jean,  les  revers  extérieurs, 
la  faveur  de  courtisans  étrangers,  l'excommunica- 
tion, puis  la  soumission  du  roi  devenu  vassal  du 
pape,  enfin  un  despotisme  honteux  et  avide  soule- 
vèrent toutes  les  classes,  peuple,  noblesse  et 
clergé  !  Formés  en  «  armée  de  Dieu  et  de  l'Eglise  », 
les  révoltés  entrèrent  à  Londres.  Réduit  à  sept 
chevaliers  pour  tout  cortège,  Jean,  malgré  sa  fu- 
reur, dutsigner  la  Grande  Charte  (l2Iô)  :  un  con- 
seil de  vingt-cinq  barons  surveillerait  la  royauté  et 
consentirait  les  impôts  ;  la  libre  élection  des  prélats, 
les  franchises  des  villes  étaient  garanties,  et  le 
jury  institué  dans  les  comtés. 

Les  résistances  de  Jean  vaincues  par  l'interven- 
tion de  Philippe-Auguste,  puis  celles  d  Henri  HI 
eurent  pour  résultat  les  statuts  d'Oxford,  qui  con- 
fiaient le  pouvoir  aux  barons  et  à  leur  chef  Simon 
de  Montfort,  comte  de  Leicester  (1258).  Quoique 
l'ambition  de  Leicester  fût  sans  bornes,  elle  paraît 
n'avoir  été  au  delà  ni  de  son  courage,  ni  de  son 
génie.  Vaincu  à  Evesham  (1205),  au  cri  de  «  point 
de  quartier  aux  traîtres  »,  il  tomba  mort  près  da 
son  fils.  Mais  la  Grande  Charte  subsistait. 

Cependant  la  haute  et  la  basse  noblesse  s'étaient 
séparées.  Le  chevalier,  moins  riche  que  le  baron, 
perdait  sans  cesse  de  son  importance  par  le  mor- 
cellement des  héritages.  Il  se  rapprochait  ainsi  dii 
peuple.  Pour  contrebalancer  les  barons,  la  royauté 
favorisa  la  gentry  dos  chevaliers.  Et,  comme  ceux- 
ci,  trop  pauvres,  ne  venaient  pas  aux  parlements, 
Edouard  /<^f  les  autorisa  à  y  envoyer  des  députés 
chargés  de  les  représenter. 

En  même  temps  les  bourgeois  des  villes  ga- 
gnaient chaque  jour  en  force  et  en  richesse.  Assem- 
blés pour  consentir  les  impôts,  leurs  délégués  s'uni- 
rent aux  députés  de  la  gentry.  Ainsi  fut  formée  la 
Chambre  des  Communes.  Les  nobles  apportaient 
leur  .droit  de  siéger,  les  bourgeois  l'influence  que 
donnent  le  nombre  et  la  richesse.  A  la  faveu  des 
troubles  sous  Edouard  II,  et  des  guerres  sous 
Edouard  1 11, les  Communes  virent  grandir  leurs  privi- 
lèges. Elles  sanctionnèrent  la  déposition  de  deux 
rois  (1327  et  1399)  ;  sous  la  maison  de  Lancastre  leur 
droit  de  voter  l'impôt  ne  fut  plus  contesté. 

III.  Guerre  de  Cent  Ans.  —  Cependant  l'activité 
des  princes  anglais  s'était  détournée  de  la  guerre 
française  pour  combattre  des  ennemis  plus  proches. 
Edouard  pr  soumit  les  Gallois  (1283J,  et  vainquit 
les  Ecossais  à  Falkirk.  En  132^,  la  victoire  d'E- 
douard 111  à  Halidon-Hill  rendit  le  trône  à  Baliol, 
son  vassal. 

Puis  commença  la  sn^rrc  de  Cent  Ans. Edouard  HI 
réclamait  le  trône  de  France.  En  dix  ans,  les  vic- 
toires de  Crécy  et  de  Poitiers  livraient  notre  pays 
en  proie  aux  bandes  anglaises,  et  le  traité  de 


ANGLETERRE 


—  144  — 


AiNGLETERRE 


Brétigny  (I3C0)  donnait  à  Edouard  III  la  moitié 
du  royaume.  Après  les  règnes  de  Richard  II  et 
de  Henri  JV  de  Lancastre,  Henri  V  ramena  ses 
troupe?  à  la  victoire  (Azincourt,  14 lô)  et  au  pil- 
lage. Cette  fois  le  traité  de  Troyes  (1420)  lui  don- 
nait la  couronne.  Mais  elle  tomba  pre-que  aussitôt 
sur  la  lête  de  l'enfant  Henri  II,  qui  ne  sut  pas 
conserver  1rs  conquêtes  de  son  père.  En  1429 
parut  Jeanne  Darc  ,  et  dès  lors  les  Anglais  ne 
connurent  plus  que  les  revers.  Calais  seul  leur 
restait  en  l-iôJ. 

Troisième  période  1455-1688).  —  Guerre 
des  Deux-Roses.  Absolutisme.  Réforme  et  révolu- 
tioti.  —  Irrités  de  leurs  défaites,  privés  du  pillage 
de  riches  provinces,  le  peuple  et  les  barons  s'en 
prirent  au  malheureux  Henri  VI,  faible  d'esprit 
comme  son  grand-père  Charles  VI.  Richard  d'York 
prétendit  au  trône  :  ce  fut  la  guerre  des  Deux- 
Roses,  blanche  pour  York,  rouge  pour  Lancastre. 
Marguerite  d'Anjou  conduisait  les  Lancastriens  ; 
Warwick,  le  «  faiseur  de  rois  »,  qui  commandait  à 
30  Oi  0  vassaux, la  vainquit  àTowton  et  mit£'(/ow">Y//t^ 
fils  de  Richard,  sur  le  trône  (l4(il).La  reine  fuyait 
avec  son  tils,  livrée  à  la  merci  des  brigands  dans 
les  bois  du  Nord  ;  ses  partisans  étaient  en  proie 
aux  vainqueurs. 

Mais  Warwick,  irrité  contre  Edouard,  cherche  à  ré- 
tablirles  Lancastre.  Il  meurt  à  Barnet  (1471).  Margue- 
riteest  prisonnière  àTewkesbury  (l4';i)  et  voit  poi- 
gnarder son  jeune  fils  dans  la  tente  même  du  vain- 
queur. Cette  alternative  de  succès  et  de  revers 
avait  livré  tour  à  tour  les  seigneurs  de  chaque 
paru  aux  meurtres  et  aux  confiscations  des  vain- 
queurs. ;  a  noblesse,  décimée,  affaiblie,  ne  pouvait 
plus  résister  au  despotisme.  Après  la  mort  d'E- 
douard IV,  son  frère  Richard  HI  assassina  pour  ré- 
gner ses  deux  ne\e\ix,\es  eu fants d'Edouard  ^1483). 
Henri  VII  Tudor,  vainqueur  du  tyran  usurpateur 
à  Bosworth  î48.i),  mit  fin  aux  troubles,  mais  établit 
le  pouvoir  absolu. 

Royauté  absolue.  Les  Tudors  (1 485-!  603),  — 
Henri  17// (i  509-1547)  fut  l'arbitre  de  l'Europe, 
entre  François  l"  et  Charles-Quint.  A  l'intérieur 
son  pouvoir  fut  sans  bornes,  comme  ses  passions 
sans  frein.  Le  pape  lui  refusait  de  consacrer  son 
divorce  :  il  rompit  avec  la  papauté,  et  constitua 
l'Église  anglaise  sous  la  suprématie  royale  ;  le 
chancelier  Morus  et  bien  d'autres  périrent  pour 
n'avoir  pas  voulu  accepter  cette  révolution  reli- 
gieuse. 

La  Réforme  s'établit  en  Angleterre,  malgré  la 
passagère  persécution  àe  Marie  la  Sanglante  (1553- 
58)  ;  elle  triompha  sous  ie  règne  à' Elisabeth  (155S- 
1603).  Cotte  reine,  qui  fut  pour  les  protestants  en 
Europe  ce  qu'était  Philippe  II  d'Espagne  pour  les 
catholiques,  n'eut  plus  d'adversaires  à  redouter 
quand  elle  eut  envoyé  à  l'échafaud  Marie  Stuart, 
reine  d'Ecosse  (15S7),  et  quand  le  désastre  de  la 
grande  Armada  eut  anéanti  tous  les  projets  du 
monarque  espagnol  (1588). 

Souveraine  maîtresse  du  pouvoir,  elle  excitait 
l'enthousiasme  de  ses  sujets  par  l'éclat  d'un  règne 
pendant  lequel  l'Angleterre  fondait  sa  marine  et 
couvrait  les  mers  de  douze  cents  vaisseaux.  A  cette 
gloire  extérieure  l'Angleterre  ajoutait  celle  des 
lettres  :  c'est  sous  Elisabeth  que  parut  l'immortel 
Shakespeare,  suivi  bientôt  par  Bacon,  l'im  des  pères 
delà  philosophie  moderne. 

RÉVOLUTION  (1 603-1688) .— Au  début  du  xvu«  siècle, 
la  roj-auté  absolue  s'établissait  dans  presque  toute 
l'Europe.  Seuls  les  peuples  protestants  évitèrent 
ce  danger,  par  la  guerre  de  Trente  Ans  et  la  ré- 
volution anglaise  de  1048. 

En  Angleterre,  la  réforme  d'Henri  VIII  était  in- 
complète. La  révolution  fut  donc  à  la  fois  religieust- 
et  poliiique;  elle  attaqua  l'Église  anglicane  en 
même  temns  (jue  la  royauté. 

Les  traditions   du    passé   et  l'absence  d'armée 


permanente  facilitaient  la  résistance  du  peuple 
aux  prétentions  absolutistes  des  Stuarts,  héritiers 
des  Tudors  (1603).  «  Los  rois,  disait  Jacques  VI  d'E- 
cosse devenu  Jacques  /'='■  en  Angleterre,  sont 
appelés  par  Dieu  mCme  des  dieux,  comme  étant 
ses  lieutenants  et  représentants  sur  la  terre.  » 
Mais  la  timidité  de  ce  roi  qui  tremblait  devant 
une  épée,  la  faveur  d'insolents  courtisans,  et 
l'abandon  de  la  glorieuse  politique  dElisabeth 
rendirent  bientôt  impopulaire  ce  gouvernement 
arrogant  et  faible.  En  IG'Jô,  les  Communes  n'ac- 
cordaient que  quelques  subsides,  et  levés  par  elles- 
mêmes. 

Charles  I"  (1625-48)  était,  comme  son  père,  imbu 
des  maximes  du  pouvoir  absolu.  Mais  l'amour  des 
libertés  publiques,  ranimé  sous  Jacques  !"■,  et  le 
progrès  des  sectes  protestantes  lui  opposaient 
d'insurmontables  obstacles.  Le  Parlement,  énergique 
défenseur  des  droits  de  la  nation ,  présenta  la 
f'étition  des  droits  qui  interdisait  les  arrestations 
illégales  et  la  levée  d'impôts  non  consentis.  Irrite, 
Charles  résolut  de  gouverner  sans  parlement  avec 
le  ministère  de  Wentworth,  ancien  chef  de  l'oppo- 
sition, qu'il  fit  comte  de  Strafford. 

Ministère  de  Strafford  jl032-i0).  —  Orateur  élo- 
quent et  ministre  habile,  Strafford  gouverna 
onze  années  arbitrairement.  «  Sa  tyrannie  fut 
la  plus  inique  et  la  plus  abusive  qu'ait  soutf'.ne 
l'Angleterre,»  (Guizot.)  Ainsi  un  lord  était  con- 
damné à  mort  pour  insulte  au  premier  ministre. 
Mais  les  impôts  arbitraires,  la  vénalité  de  l'admi- 
nistration et  surtout  la  persécution  des  sectes 
populaires  exaspéraient  lentement  le  peuple  an- 
glais. «  Chrétiens,  s'écriait  un  condamné  à  la  pri- 
son perpétuelle,  c'est  pour  votre  liberté  que  nous 
perdons  la  nôtre  ;  poui*  vous,  pour  vos  enfants, 
restez  fidèles  à  la  cause  de  Dieu  et  de  la  patrie,  » 

Beaucoup  émigraient  et  allaient  fonder  des  co- 
lonies sur  les  côtes  encore  désertes  de  l'Amérique. 
En  mai  1637,  huit  vaisseaux  d'émigrants  étaient 
en  partance  ;  sur  l'un  d'eux,  raconte  la  tradition, 
étaient  trois  membres  des  derniers  parlements, 
Hampden,  Pym  et  Cromwell,  —  ils  allaient  partir. 
—  Un  ordre  du  roi  empêcha  le  départ  et  retint 
ainsi  sur  le  sol  anglais  ses  trois  plus  redoutables 
ennemis. 

Forcés  à  rester,  les  opposants  luttèrent.  Hamp- 
den en  refusant  l'impôt  souleva  l'opinion  et  com- 
mença la  révolution.  Le  :23  juillet  i637  les  protes- 
tants d'Ecosse  révoltés  signaient  un  covenant  ou 
pacte  d'union  pour  la  défense  de  leur  religion. 
Bientôt  deux  échecs  en  Ecosse  réduisaient  Straf- 
ford à  convoquer  un  parlement  (  1640  ,  qui  futpresque 
aussitôt  disssous.  Mais  la  situation  devenant  de  plus 
en  plus  menaçante  pour  la  royauté,  Charles  se  vit 
contraint,  la  même  année,  5  convoquer  de  nouveau 
les  représentants  de  la  nation.  Alors  se  réunit  l'as- 
semblée qui  s'est  immortalisée  sous  le  nom  de 
Long  Parlement. 

Le  Long  Parlement  (1640-53).  —  Celui-ci  prit 
aussitôt  le  pouvoir  :  les  subsides  votés  furent 
confiés  à  des  commissaires  élus  ;  Stralïord  arrêté 
fut  déclaré  hors  la  loi,  et  Charles  abandonna  celui 
qui    s  était   perdu  pour  lui. 

Mais  la  mort  de  Strafford  n'arrêta  point  les  Com- 
munes ;  Charles  quitta  Londres,  et  le  i3  août  164-' 
commença  la  guerre  civile  à  Nottingham,  La  lutte 
dura  plusieiu"s  années.  Vaincu  enfin  par  les  park» 
mentaires,  Charles  dut  se  rendre  (I6j7)  et  devint 
prisonnier  du  Parlement. 

Celui-ci  gouvernait  depuis  quatre  ans.  D'abord 
dominé  par  les  presbytériens, modérés  en  politique  et 
en  religion,  il  subissait  alors  l'influence  des  indé- 
pendants, qui  niaient  toute  autorité  religieuse  et 
voulaient  la  république.  Leur  force  était  i'armce, 
formée  de  cinquante  mille  volontaires  fanatiques, 
habitués  à  délibérer  et  à  décider  sur  les  afi'aircs 
publiques.  Leur  général  était  Cromwell,  le  vain- 


ANGLETERRE 


143  — 


ANGLETERRE 


qucur  de  Naseby,  politique  ambitieux,  fanatique 
«t  fourbe.  Le  parlement  négociait  avec  Charles  ; 
les  indépendants  enlevèrent  le  roi,  et  un  officier 
de  Cromwell,  avec  deux  régiments,  interdit  l'entrée 
des  communes  à  143  membres,  qui  furent  ensuite 
exclus.  Les  indépendants  dominaient,  mais  à  quel 
prix  ! 

La  Chambre  nomma  des  juges  pour  le  procès  du 
roi,  qui  fut  condamné.  Sur  l'écliafaud,  il  parla 
longtemps  avec  un  calme  singulier.  Le  discours 
fini  :  «  Mes  cheveux  sont-ils  bien  ainsi  ?»  —  Oui, 
sire,  répondit  le  bourreau  masqué.  —  «  Quand 
j'étendrai  les  bras,  alors...,  »  et  il  s'agenouilla. 
Un  peu  après,  il  étendit  les  bras  (30  janvier  1649). 

Le  roi  mort,  il  fallait  détruire  les  royalistes. 
Le  parlement  envoya  Cromwell  en  Irlande.  Celui-ci, 
dit  Villemain,  versa  le  sang  comme  l'eau  sur  cette 
terre  déjà  toute  sanglante  et  pacifia  par  la  terreur 
(1650^.  Charles  II,  héritier  de  son  père,  était  des- 
cendu en  Ecosse  ;  Cromwell  le  vainquit  à  Danbar. 
Le  ciel  était  sombre  et  la  bataille  indécise.  Tout  à 
coup,  un  rayon  de  soleil  :  «  C'est  Dieu  qui  se 
jlève  »  s'écria  Cromwell  ;  «  et  l'ennemi  ne  fut  plus 
quedu  chaume  devant  nos  épées.  »  Le  prince  dut 
fuir  l'Angleterre  à  travers  mille  dangers. 

Cromwell  (1653-58).  —  Par  ses  victoires,  Crom- 
well était  maître  :  il  chassa  le  parlement  réduit  au 
cinquième  de  ses  membres  et  gouverna  sous  le 
titre  de  Protecteur  (1653).  La  gloire  du  dehors 
semblait  compenser  la  servitude  du  dedans.  Allié 
de  Mazarin,  Cromwell  vainquit  la  Hollande,  prit 
Dunkerque  et  la  Jamaïque  à  l'Espagne.  «  Je  ren- 
drai, disait-il,  le  nom  d'Anglais  aussi  grand  que  le 
fut  jadis  celui  de  Romain.  »  Cependant  il  vivait  au 
milieu  de  complots  et  d'alarmes  continuels,  occupé 
à  contenir  les  éléments  de  troubles  qui  menaçaient 
sa  dictature.  Il  mourut  enfin  en  1668. 

Restauration  (1660-88).  —  Peu  ambitieux,  son 
fils  Richard  fut  bientôt  renversé  ;  le  général  Monk 
entrant  dans  Londres  avec  une  armée  convoqua  un 
parlement  et  fit  appeler  Charles  II.  Les  régicides 
furent  proscrits  et  le  covenant  brûlé  par  le  bourreau. 

Reçu  avec  enthousiasme,  le  nouveau  roi  mécon- 
tenta bientôt  son  peuple  par  la  corruption  et  la 
vénalité  de  son  gouvernement,  par  sa  tolérance 
envers  les  catholiques.  Mais  surtout,  il  vendait 
Dunkerque,  conquête  de  Cromwell,  et  recevait  de 
Louis  XIV,  chef  du  catholicisme  européen,  une 
pension  qui  lui  permettait  d'éluder  le  contrôle  du 
parlement  (l'.70).  Celui-ci  manifesta  sa  colère  par 
des  bills  qui  excluaient  les  catholiques  de  toute 
fonction  publique  (1673)  et  qui  garantissaient  la 
liberté  individuelle  (1679).  Les  Communes  voulurent 
même  exclure  du  trône  le  catholique  duc  d'York, 
mais, grâce  au  refus  des  loràs,  Jacques  II  put  suc- 
céder à  son  frère  (1085).  Une  persécution  sangui- 
naire dirigée  par  le  chancelier  Jeffryes  contre  les 
ennemis  du  roi  porta  l'irritation  à  son  comble. 
Les  complots  éclatèrent  ;  enfin  en  1688  Guillaume 
d'Orange,  stathouder  de  Hollande  et  gendre  de 
Jacques  II,  débarqua  à  Torbay  avec  une  armée  ; 
sur  ses  étendards,  il  avait  écrit  :  «  Je  maintiendrai 
les  libertés  de  l'Angleterre.  »  Jacques  abandonné 
de  tous  s'enfuit  en  France,  pendant  qu'un  parle- 
ment proclamait  son  rival  sous  le  nom  de  Guil- 
laume m,  et  rédigeait  une  nouvelle  Déclaration 
des  droits  (1689;.  La  «  royauté  consentie  »  succé- 
dait à  la  monarchie  de  droit  divin  :  les  préroga- 
tives du  parlement  étaient  définitivement  assu- 
rées; la  révolution  était  terminée. 

Cinquième  période.  —  Liberté  et  grandeiir  de 
l'Angleterre  (1603-1877).  —  Guillaui/w  III  (168S- 
17u2j,  s'il  était  roi  en  Hollande,  disait-on,  ne  fut 
que  stathouder  à  Londres  ;  le  parlement  voulut 
roter  chaque  année  la  liste  civile  et  coiicédia  In 
garde  hollandaise,  comme  menaçante  pour  la  li- 
berté. 

«  Au  paraissant  pai  amier,  vigoureux  génie  sans 
2«  Partie. 


éclat,  fier  caractère  sans  attrait,  grand  homme  sans 
séduction,  »  ce  prince  «  était  un  homme  de  bronze 
étranger  à  tout  sentiment  de  nature  ;  il  n'eut 
qu'une  passion,  mais  atroce,  la  haine  de  la 
France.  i>  Et  son  avènement  fut  le  signal  de  nos 
revers.  La  victoire  de  la  Boyne  (1590)  lui  hm 
l'Irlande  que  domptèrent  des  lois  cruelles;  notra 
glorieux  désastre  de  la  Hougue  (1692)  laissa  la  su- 
prématie des  mers  aux  Anglais  qiu  venaient  de 
créer  leur  compagnie  des  Indes.  A  Ryswick,  Guil- 
laume triomphait,  mais  il  mourut  (1702)  quand  la 
guerre  de  la  succession  d'Espagne  commençait. 

Marlborough,  favori  qui  avait  trahi  Jacques  II,  do- 
minait la  reine  Anfie,  par  sa  femme,  et  les  whigs.  Ce 
personnage  méprisablts  Ltaii  un  grand  général.  Avec 
Eugène  de  Savoie,  il  nous  battit  à  Hochstedt  (1704), 
à  Ramillies  (1706),  à  Oudenarde  (l7o8),  à  Malpla- 
quet  (1709),  pendant  que  sir  John  Methuen  assurait 
l'influence  anglaise  en  Portugal  (1 703)  et  que  Rooke 
prenait  Gibraltar  (1704).  Disgracié  pour  les  hau- 
teurs de  sa  femme,  il  laissa  le  pouvoir  au  chef  des 
torys,  Bolingbroke,  qui  traita  à  Utrecht  (1713).  L'An 
gleterre  gagnait  Terre-Neuve,  l'Acadie,  Gibraltar, 
la  ruine  de  Dunkerque  et  la  domination  des  mers. 
L'unité  du  pays  s'était  encore  achevée  par  la  réu- 
nion définitive  de  l'Ecosse  (1704). 

Georges  I^^  (1714-27)  de  Hanovre  ne  parlait  pas 
anglais,  il  était  méprisable  mais  protestant  ;  il  fut 
préféré,  malgré  les  torys,  au  chevalier  de  Saint- 
Georges,  fils  de  Jacques  H.  Pendant  treize  ans  le 
ministre  Walpole  gouverna  son  maître  par  la  flat- 
terie, les  légitimistes  jacobites  par  la  terreur  et  les 
parlements  par  la  corruption.  Il  fut  le  «  maqui- 
gnon des  consciences  ».  Partisan  de  la  paix,  il  s'al- 
lia un  instant  à  la  France  pour  maintenir  les  traités 
de  1714  contre  la  fragile  ambition  d'Albéroni.  Sous 
Georges  //(1727-60),  l'opposition  réveillée  l'engagea 
dans  une  guerre  malheureuse  avec  l'Espagne,  puis 
dans  la  guerre  de  la  succession  d'Autriche.  Victo- 
rieux à  Dettingen  (I7i3),  Cumberland  fut  vaincu  à 
Fontenoy  (17i5)  et  à  Lawfeld  (1747).  Mais  la  vic- 
toire de  Cnlloden  (1746)  avait  ruiné  la  tentative  de 
Charles-Edouard,  petit-fils  de  Jacques  II,  et  amené 
la  soumission  des  montagnards  écossais. 

Walpole  avait  réussi  par  la  laveur  et  l'intrigue  ; 
'William  Pitt  arriva  au  pouvoir  par  la  droiture  et  le 
talent.  La  dignité  de  son  caractère  et  la  force  de 
son  génie  furent  les  seuls  appuis  du  «  grand  député 
des  Communes  ;  »  serviteur  passionné  de  son  pays, 
il  fut  l'auteur  de  la  guerre  de  Sept  Ans.  Vainqueurs 
en  Europe  à  Crevelt  et  à  Minden,  au  Canada,  aux 
Antilles  et  aux  Indes,  les  Anglais  acquirent  par  la 
paix  de  Paris  (1763)  le  bassin  du  Saint-Laurent, 
Tabago,  Saint-Vincent,  le  Sénégal  et  la  Floride. 

Guerre  d Amérique.  —  Ces  traités  mettaient  l'A- 
mérique dans  la  main  des  Anglais.  Depuis  deux 
siècles,  tous  les  proscrits,  protestants  ou  jacobites, 
s'étaient  réfugiés  tour  à  tour  sur  la  côte  améri- 
caine pour  y  fonder  des  établissements  bientôt 
prospères,  grâce  à  l'énergie  du  travail.  Ces  treize 
colonies  formaient  le  plus  beau  fleuron  de  la  cou- 
ronne anglaise.  Mais  un  ministère  tory  prétendit 
faire  peser  sur  les  colons  des  impôts  exorbitants  ; 
en  vain  Pitt  et  les  wliigs  les  défendirent  :  ce  sont 
«  les  fils  et  non  les  bâtards  de  l'Angleterre  ». 

A  ces  prétentions,  le  congrès  américain  répon- 
dit par  la  Déclaration  des  droits ^1774)  :  «  Nos  an- 
cêtres, disaient-ils,  possédaient  tous  les  droits  des 
Anglais  et  ne  les  ont  pas  perdus  par  l'émigration.  » 
Un  combat  eut  lieu  et  deux  ans  plus  tard  (4  juillot 
1776)  les  Américains  proclamaient  leur  indépen- 
dance. Le  succès  de  Sarat0j?a  (1777)  et  la  prise 
d'Yorktown  (iT.sl)  par  Washington  assurée  par 
l'alliance  de  la  France,  —  dont  les  iioctes,  bat 
tues  aux  Antilles,  étaient  victorieuses  aux  Inde» 
(1782),  —  amenèrent  la  paix  de  Versailles  (1783). 
Les  États-Unis  étaient  libres  ;  on  nous  rendait  la 
Sénégal,  Tabago  et  Pondicliéry. 

10 


ANGLETERRE 


—  146  —     ANIMAUX   DOMESTIQUES 


Conquête  des  Indes.  —  Au  moment  où  l'Angle- 
terre perdait  un  empire,  elle  en  conquérait  un 
autre  dans  les  Indes.  Le  départ  de  Dupleix  et  les 
traités  de  Paris  (1763j  avaient  livré  l'Hindoustan  à 
la  Compagnie  anglaise.  Fondée  en  1599  par  quel- 
ques marchands,  la  Compagnie  —  grâce  à  l'habUcté 
sans  scrupules  de  Clive,  qui  soumit  le  Bengale,  et 
de  Warren  Hastings  qui  vainquit  les  Mahrattes  et 
le  rajah  de  Mysore,  Hayder-Ali  —  avait  fondé  le 
plus  vaste  empire  et  commandait  à  cent  millions 
d'hommes.  Depuis,  le  gouvernement  s'est  substi- 
tué à  la  Compagnie;  il  a  donné  l'Indus  et  le  dé- 
troit de  Malacca  pour  frontière  à  l'empire  indien, 
qui  est  en  même  temps  le  grand  marché  de  l'in- 
dustrie anglaise. 

Pitt  et  Napoléon.  —  Cependant,  en  17S3,  le  se- 
cond Pitt,  déjà  député  depuis  trois  années,  était  pre- 
mier ministre  à  24  ans.  Uurke,  en  entendant  son 
premier  discours,  s'était  écrié  :  «  Ce  n'est  pas  un 
rejeton  du  vieil  arbre.  C'est  le  vieil  arbre  lui- 
même.  »  Chef  des  torys,  il  était  au  pouvoir  quand 
éclata  la  révolution  française.  A  la  haine  d'un  An- 
glais contre  la  France,  que  son  père  lui  avait  lé- 
guée, Pitt  ajouta  la  haine  du  tory  contre  les  prin- 
cipes nouveaux.  Il  fut  l'âme  des  coalitions 
européennes  qu'il  soutenait  de  ses  subsides.  Vaincu 
à  Toulon,  en  Hollande,  à  Quiberon,  il  vit  l'Irlande 
exaspérée  de  servitude  se  soulever  un  instant, 
puis  l'Egypte  envahie  par  Bonaparte.  Mais  rien 
ne  le  fléchit.  D'ailleurs  Nelson  détruisait  notre  flotte 
à  Aboukir  (1798;  et  bombardait  Copenhague  (1801). 
Au  plus  fort  du  danger,  rappelé  en  arrière  par  l'a- 
miral Pai'ker,  Nelson  avait  saisi  sa  lunette,  et  la 
plaçant  sur  l'œil  dont  il  était  borgne  :  «  Je  ne  vois 
pas  les  signaux  de  Parker  »  ;  et  il  avait  continué  le 
combat. 

En  1802,  Pitt  s'était  retiré  pour  ne  pas  signer  la 
paix  d'Amiens.  Mais,  en  1804,  il  reprit  le  ministère 
et  la  guerre  contre  la  France.  Nelson  vainquit  en- 
core et  périt  à  Ti-afalgar  (1805).  Sur  la  colonne  qui 
lui  est  élevée,  on  a  gravé  ces  mots,  qu'il  jeta  pour 
dernier  mot  d'ordre  à  ses  marins  :  «  L'Angleterre 
attend  que  chacun  fasse  son  devoir.  »  Pitt,  malade, 
ne  lui  survécut  pas  longtemps  :  l'indomptable  mi- 
nistre fut  tué  par  la  nouvelle  d'Austerlitz  (1805); 
sa  vie  entière  avait  été  consacrée  à  son  pays  :  il 
lui  a  donné  Malte,  le  Cap  et  Geylan. 

«  Je  n'ai  pas  besoin  de  nouveaux  territoires,  disait 
Kapoléon  aux  Autrichiens  après  Ulm  ;  c'est  du  com- 
merce et  des  vaisseaux  que  je  veux.  »  Contraint  à  y 
renoncer,  après  Trafalgar,  il  data  de  Berlin  le  dé- 
cret sur  le  blocus  continental.  L'Angleterre  y  ré- 
pondit par  le  bombardement  de  Copenhague  et  la 
capture  de  la  flotte  danoise  (1807),  et  par  l'envoi 
de  Wellington  en  Portugal  (1808).  Général  froid, 
sans  élan,  mais  sans  faiblesse,  rarement  vainqueur, 
jamais  vaincu  complètement,  le  duc  de  fer  illustra 
par  sa  résistance  les  lignes  de  Torrès  Védras(1811), 
vainquit  aux  Arapiles  (1812)  et  livra  la  dernière  ba- 
taille delà  guerre  àToulouse  (1814).  Le  18  juin  1815, 
11  commandait  à  Waterloo.  «  Quel  est  votre  plan  ? 
lui  demandait  un  officier.  —  Je  n'en  ai  pas  d'autre 
que  de  tenir  ici  tant  que  je  pourrai.  »  L'Angleterre 
avait  vaincu  Napoléon. 

Mais,  le  lendemràn  de  'Waterloo,  la  dette  publi- 
que était  de  21  milliards,  les  fabriques  encombrées 
de  produits,  le  continent  fermé  par  des  droits  pro- 
tecteurs. Le  peuple  s'agitait  pour  des  réformes. 
En  1822  le  whig  Canning  succéda  au  tory  Castle- 
Teagh  ;  il  proclama  le  principe  de  non-intervention 
contraire  à  la  Sainte-Alliance  et  prit  part  à  l'afl'ran- 
chissement  des  Grecs.  Après  lui,  l'émancipation  de 
l'Irlande  fut  votée  en  18;'9,  la  réforme  électorale 
qui  fixait  un  cens  assez  modéré  en  1832,  l'aboli- 
tion des  droits  sur  les  denrées  alimentaires  en 
1846,  grâce  à  la  loyauté  du  ministre  Robert  Peel 
qui  sacrifia  ses  idées  personnelles  au  bien  public. 
De  nos  jours,  la  loi   électorale  a  encore  été  ren- 


due plus  libérale  par  la  diminution  du  cens  et  le 
secret  garanti  au  vote. 

A  l'extérieur,  la  politique  anglaise  depuis  ISIS 
a  poursuivi  un  double  but  :  étendre  les  débou- 
chés commerciaux  du  pays  et  conserver  la  pré- 
pondérance en  Orient  en  maintenant  le  statu 
que," 

l"  Création  de  débouchés  commerciaux.  —  L'em- 
pire indien  a  été  étendu  par  la  conquête  du  Sind  et 
du  Pendjab,  par  l'annexion  du  littoral  compris 
entre  les  bouches  du  Gange  et  le  détroit  de  Ma- 
lacca; Singapour  est  une  sentinelle  anglaise  qui 
garde  le  passage.  En  même  temps  cet  empire  a  été 
afi"ermi  par  la  défaite  des  cipayes,  soldats  indi- 
gènes armés  à  l'européenne,  qui  s'étaient  révoltés 
en  1857-1858,  et  par  la  substitution  du  gouver- 
nement à  l'ancienne  Compagnie  des  Indes.  En  1877. 
la  reine  Victoria  a  même  reçu  le  titre  d'impéra- 
trice des  Indes.  —  En  outre,  l'émigration  a  ouvert 
un  monde  nouveau  à  l'activité  commerciale  du 
peuple.  Le  continent  australien  n'est  qu'une  vaste 
colonie  anglaise.  Enfin  la  guerre  de  l'opium  (1840) 
et  l'expédition  anglo-française  de  1860  ont  con- 
traint la  Chine  à  ouvrir  ses  ports  aux  hommes  et 
aux  produits  de  l'Occident.  Le  Japon  a  dû  imiter 
cet  exemple  (1858)  et  les  navires  anglais  sont 
les  plus  nombreux  dans  les  mers  de  l'Extrême 
Orient. 

2"  Question  d'Orient.  —  Le  seul  but  de  la  poli- 
tique anglaise  a  été  de  maintenir  le  5<a<u  quo,  contre 
l'ambition  de  la  Russie,  dans  la  péninsule  des  Bal- 
kans et  dans  l'Asie  centrale. 

Victorieuse  malgré  elle,  à  Navarin  (1827),  l'An- 
gleterre a  resserré  le  nouveau  royaume  de  Grèce 
dans  d'étroites  frontières  (1830).  D'accord  avec  la 
Russie,  elle  a,  sur  l'initiative  de  Palmerston  et 
contre  le  vœu  de  la  France,  réduit  Méhémct-Ali  à 
l'Egypte  héréditaire  (1840).  En  iSôi,  l'alliance  fran- 
çaise lui  a  permis  d'arrêter  les  progrès  de  la  Rus- 
sie ;  après  la  prise  de  Sébastopol ,  les  traités  de 
Paris  (1856)  ont  garanti  l'intégrité  de  la  Turquie  et 
la  libre  navigation  du  Danube,  neutralisé  la  mer 
Noire  et  supprimé  la  course.  Après  avoir  fait  mo- 
difier une  première  fois  ces  conventions  à  la  con- 
férence de  Londres  (1871),  la  Russie  victorieuse  des 
Turcs  à  Plevna  et  dans  les  Balkans  (1877-78),  a 
imposé  aux  vaincus  le  traité  de  San-Siefano,  con- 
firmé dans  ses  clauses  cssendelles  par  la  confé- 
rence de  Berlin.  Depuis,  l'Angleterre  a  cherché  à 
prendre  sa  revanche  en  occupant  Chypre  et  lÉ- 
gypte.  [Paul  Schâfer.] 

AMMAUX  DOMESTIQUES.  —  Zoologie,  V; 
Géologie,  IX;  Agriculture,  XIII.  —  I.  Historique. 
—  L'homme,  en  taat  qu'eVe  organisé,  est  soumis 
à  la  loi  commune  des  êtres  organisés,  qui  est  de 
vivre  «  aux  dépens  du  milieu  »,  c'est-à-dire  en 
empruntant  aux  choses  et  aux  êtres  qui  les  en- 
vironnent les  éléments  nécessaires  à  l'entretien 
de  leur  existence.  Il  ne  peut  vivre  qu'à  la  condi- 
tion de  consommer,  pour  son  alimentation,  les  dé- 
bris ou  les  produits  d'autres  ét)'es  vivants,  ani- 
maux ou  végétaux.  Mais,  de  la  supériorité  de  son 
espèce,  de  la  délicatesse  de  son  organisation  e* 
bien  plus  encore,  du  développement,  du  perfec 
tionnement  pour  ainsi  dire  indéfini  qui  le  mettent 
si  loin  des  autres  êtres  animés,  il  résulte  pour  lu' 
des  conditions  d'existence  toutes  spéciales.  Tandif 
que  l'animal  vit  en  prenant  dans  la  nature  le.' 
choses  nécessaires  à  sa  vie,  telles  qu'il  les  trouve 
l'homme  est  dans  la  nécessité  de  tout  changer  au 
tour  de  lui,  de  «  transformer  le  milieu  »  pour  l'a- 
dapter à  ses  besoins  à  lui,  à  s6s  besoins  sans  cesse 
croissants,  de  plus  en  plus  diversifiés.  Le  cerf  des 
forêts,  le  bison  des  savanes,  l'oiseau  libre,  pren- 
nent là  où  ils  les  trouvent  le  feuillage  des  arbres, 
l'herbe  des  prairies,  les  fruits  sauvages  aux  buis- 
sons, choisissant  seulement  ce  qui  convient  à  leur 
organisation  ;  le  loup,  le  tigre  font  leur  proie  d'ani- 


ANIMAUX   DOMESTIQUES     —  147  —    ANIMAUX  DOMESTIQUES 


maux  plus  faibles,  vivant  dans  la  partie  de  la  forêt 
ou  de  la  jungle  qu'ils  habitent  :  si  le  gibier  vient 
à  leur  manquer,  ils  meurent  de  faim.  L'homme 
lui-même,  à  l'état  de  sauvagerie  primitif,  l'homme 
tel  que  nous  le  montrent  encore  certaines  races 
arriérées  en  des  contrées  lointaines,  peut  subsister, 
par  les  seules  ressources  de  la  chasse,  de  la  pêche, 
de  la  récolte  des  fruits  et  des  racines  sauvages. 
Mais  l'homme  déjà  entré  dans  les  voies  qui  condui- 
sent à  la  civilisation,  s'essayant  à  la  vie  sociale,  ne 
pouvait  se  résigner  à  une  situation  aussi  précaire  : 
son  œuvre  alors  est  de  multiplier  autour  de  lui 
les  êtres,  animaux  et  plantes,  aux  dépens  desquels 
il  entretient  son  existence;  de  là,  dune  part  la  cul- 
ture ;  de  l'autre  l'élevage  des  troupeaux,  les  deux 
grandes  industries  nourricières,  bases,  dès  l'ori- 
gine, de  l'organisation  sociale. 

Et  voyez  l'enchaînement  :  l'homme,  par  son  intel- 
ligence qu'aiguillonnait  la  nécessité,  a  transformé 
autour  de  lui  la  nature  sauvage  ;  il  a  fait  sienne  la 
terre  avec  ses  fruits,  avec  les  animaux  qu'elle 
nourrit  ;  par  contre-coup,  ces  conditions  d'existence 
modifiées  le  modifient  lui-même,  lui  imposent 
d'autres  mœurs;  il  subit  à  son  tour,  et  d'une  façon 
heureuse,  la  réaction  d'un  état  de  choses  qu'il  a 
créé  lui-même.  Le  champ  fait  la  vie  agricole;  le 
troupeau  fait  la  vie  pastorale  :  double  courant  que 
les  races  antiques  ont  suivi,  inclinant  d'un  côté  ou 
de  l'autre,  suivant  leur  génie  propre,  suivant  les 
nécessités  géographiques.  L'industrie  pastorale 
exercée  exclusivement,  avec  la  condition  de  dépla- 
cement incessant  que  la  multiplication  des  trou- 
peaux impose,  conduit  à  la  vie  nomade,  à  la  vie  de 
la  tente;  elle  retient  longtemps  l'homme  dans  un 
étal  demi-barbare,  avec  une  organisation  sociale  ru- 
dimentaire,  par  petites  tribus  errantes:  d'un  autre 
côté,  cette  mobilité  passée  dans  les  mœurs  favo- 
rise les  échanges,  et  la  civilisation  qui  procède 
d'une  telle  origine  a  souvent  un  caractère  com- 
mercial, mercantile.  La  culture,  qui  fixe  l'homme, 
l'attache  au  sol,  le  groupe  en  des  demeures  stables, 
adoucit  mieux  les  mœurs,  conduit  plus  vite  vers 
la  civilisation,  et  vers  une  civilisation  meilleure, 
mieux  organisée  en  vue  de  la  production  et  de  l'in- 
dustrie. C'est  chez  les  peuples  agricoles  que  se 
forme  la  cité,  que  naît  l'idée  de  patrie.  Mais  n'oublions 
pas  que  l'agriculture  a  toujours  eu  pour  auxiliaire 
l'élevage;  à  l'origine,  comme  aujourd'hui  et  plus 
également  qu'aujourd'hui,  la  vie  des  races  séden- 
taires se  partageait  entre  le  travail  de  la  terre  et 
le  soin  du  bétail  ;  leur  subsistance  avait  ce  double 
point  d'appui  :  le  champ,  le  troupeau.  D'ailleurs  le 
rude  labeur  de  la  terre  dut  bientôt  appeler  le  se- 
cours des  forces  soumises  du  bœuf,  du  cheval.  Il 
est  donc  rigoureux  de  dire  que  les  sociétés  humaines 
ne  se  sont  formées  et  n'ont  subsisté  que  grâce  à 
l'animal  domestique,  par  lui.  —  Ceci  n'est  pas  un 
échafaudage  plus  ou  moins  ingénieux  de  conjec- 
tures ;  c'est  la  conclusion  forcée  des  faits  scienti- 
fiques et  historiques. 

Reportons-nous,  par  la  pensée,  aux  plus  loin- 
taines périodes  de  la  vie  de  l'humanité,  au  primitif 
âge  de  pierre,  lorsque  notre  ancêtre,  contempo- 
rain des  espèces  perdues,  de  l'ours  des  cavernes, 
du  rhinocéros  à  narines  cloisonnées  et  du  mam- 
mouth, vivait,  sur  ce  sol  même  que  nous  foulons, 
de  la  vie  du  dernier  des  sauvages,  ayant  pour  tout 
abri  des  cavernes,  des  trous  de  rocher,  pour 
toute  arme,  pour  tout  outil,  un  éclat  aigu  détaché 
par  le  choc  d'un  bloc  de  silex.  A  cet  âge  de  la 
pierre  éclatée,  l'homme  n'avait  essayé  aucune 
culture,  soumis  aucun  animal.  Il  subsistait  de 
chasse,  de  fruits  sauvages  recueillis  dans  la  forêt. 
Plus  tard,  l'homme  a  vécu  avec  le  renne,  —  alors 
que  le  climat  de  la  région  que  nous  habitons  était 
celui  de  la  Norvège  et  de  la  Sibérie  Cpériode  gla- 
ciaire), alors  que  les  glaciers  des  Alpes  descen- 
daient jusqu'au  Rhône.  Il  en  faisait  sa  proie  :  rien 


n'indique  qu'il  l'ait  domestiqué.  L'homme  alors  vi- 
vait en  guerre  ouverte  avec  toute  la  nature  ;  il 
n'avait  rallié  nul  être  à  sa  cause. 

Mais  de  cette  période  à  la  suivante,  Yâge  de  le 
pierre  polie,  un  grand  progrès  s'est  accompli.  Le 
premier  animal  soumis  à  l'homme  fut  très-pro- 
bablement le  chien.  C'était  une  sorte  de  compro- 
mis, une  association  :  l'un  apportait  son  intelli- 
gence, l'autre  son  instinct,  son  flair  de  bêle  carnas- 
sière; ils  chassaient  de  pair,  et  puis  partageaient 
la  proie.  A  l'époque  où  l'on  bâtissait  ces  curieuses 
constructions  sur  pilotis,  ces  cités  lacustres,  pla- 
cées comme  des  villages  Oe  castors  au  bord  des 
lacs  de  la  France,  de  la  Suisse,  de  l'Itahe,  c'est-à- 
dire  vers  la  fin  de  Vàge  de  la  pierre  polie,  nous 
trouvons  l'homme  déjà  en  possession  de  six  espèces 
domestiques,  y  compris  le  chien  :  une  chèvre,  un 
mouton,  un  porc,  deux  variétés  distinctes  de 
bœufs,  —  mais  ces  animaux  dififéraient  de  nos  races 
actuelles.  Tout  d'abord  ce  n'avait  été  sans  doute 
qu'une  simple  réserve  alimentaire  ;  puis  c'était 
devenu  une  industrie  permanente,  source  de  pro- 
duits multiples  et  précieux.  Le  troupeau  existait, 
dès  lors,  contemporain  des  premières  cultures. 

A  ïàge  de  bronze,  qui  suivit,  nous  ne  voyons 
qu'une  conquête  nouvelle  à  ajouter  au  domaine  de 
l'homme  :  mais  c'est  la  plus  noble,  sinon  la  plus 
précieuse  ;  le  cheval,  qui  fut  une  proie  au  temps 
de  \'àge  de  piene,  est  devenu  le  compagnon  des 
labeurs  et  des  dangers  de  l'homme. 

On  avait  cru  longtemps  que  tous  nos  animaux 
domestiques  nous  étaient  venus  de  l'Orient,  ber- 
ceau des  premières  civilisations.  Vous  voyez  par 'ce 
qui  précède  que  cette  opinion,  grâce  aux  décou- 
vertes contemporaines,  ne  peut  plus  être  acceptée, 
du  moins  sans  restriction.  Il  était  bien  naturel,  du 
reste,  que  l'homme,  arrivé  à  un  certain  degrâ  de 
développement,  tirât,  en  chaque  lieu,  parti  de  ce 
qu'il  avait  sous  la  main.  Si,  comme  tout  porte  à  le 
croire,  les  races  asiatiques  ont  devancé,  en  cela 
comme  en  toute  chose,  les  peuples  occidentaux, 
elles  ont  soumis  plus  tôt  des  espèces  d'animaux 
différentes,  mais  analogues,  appartenant  à  leur  ré- 
gion. Lorsque  plus  tard  l'immense  courant  d'émi- 
gration déversa  vers  l'Occident  les  races  supérieures 
et  plus  avancées  de  l'Asie,  ces  populations, se  mou- 
vant en  grandes  masses,  amenèrent  avec  elles  leurs 
animaux  domestiques,  ceux  du  moins  qui  purent 
supporter  la  changement  de  climat.  Ces  races  d'a- 
nimaux importés  se  substituèrent  en  partie  aux 
animaux  indigènes,  en  partie  s'y  mêlèrent  par  des 
croisements  et  en  modifièrent  le  type  :  résultat 
tout  semblable  à  celui  que  produisit  la  fusion  des 
populations  immigrantes  elles-mêmes  avec  les  an- 
ciens habitants.  Depuis  lors,  les  relations  avec 
l'Orient  n'ont  pas  cessé,  et  l'Europe  a  fait  par  cette 
voie  de  nouvelles  acquisitions. 

Les  premières  traditions  historiques  nous  mon- 
trent les  peuples  orientaux  déjà  en  possession  du 
plus  grand  nombre  de  nos  animaux  domestiques. 
A  l'époque  à  laquelle  nous  permettent  de  remonter 
les  plus  anciens  monuments,  l'antique  Egypte  a  ses 
troupeaux;  elle  a  le  chien,  gardien  du  bétail,  le 
chat,  défenseur  du  grenier,  fort  honoré.  Le  re- 
cueil des  poèmes  religieux  hindous,  le  Véda,  —  dont 
certains  hymnes  remontent  jusqu'à  l'époque  pro- 
digieusement reculée  de  l'entrée  des  Aryas  dans 
l'Inde,  et  sont  rempLisd'allusions  à  une  époque  an- 
térieure encore,  —  nous  dépeint,  à  cette  aurore  de 
la  brillante  civilisation  hindoue  et  persane,  les 
mœurs  à  la  fois  agricoles  et  pastorales  de  cette 
race  si  merveilleusement  active  et  féconde.  Ces 
peuples  vivent  par  la  vache,  —  ils  le  savent  et  le 
disent.  Toutes  leurs  poésies  sont  remplies  de  méta- 
phores pastorale*,  tirées  de  leurs  animaux  domes- 
tiques: la  rapidité  du  cheval,  la  vigueur  du  tau- 
reau ;  la  vache,  révérée,  —  non  pas  adorée,  — 
comme  symbole  vivant  de  a  fécondité  de  la  nature. 


ANIMAUX   DOMESTIQUES 


148 


ANIMAUX  DOMESTIQUES 


Les  nttages  sont  à  chaque  ligne  comparés  à  des 
troupeaux  de  vaclies  errantes  par  les  champs 
bleus  du  ciel,  et  laissant  couler  sur  la  terre  leur 
lait  précieux,  —  qui  est  la  pluie.  A  plus  forte  rai- 
son encore,  l'ancien  Sémite,  race  plus  purement 
pastorale,  fait-il  du  troupeau  le  pivot  de  toute  son 
existence  individuelle  et  sociale  :  chez  lui,  richesse 
est  synonyme  de  bétail.  —  Dès  les  premiers  temps 
historiques,  au  témoignage  du  Pentateuque,  du 
Veda  et  des  Lois  de  Manou  (livres  sacrés  des 
Indous),  du  Zend-Avesta  (livre  sacré  des  Perses), 
et  des  Kings  (recueil  des  traditions  chinoises),  le 
chameau  appartient  à  la  Bactriane  :  le  dromadaire, 
l'âne,  à  l'Arabie  ;  la  chèvre,  loie  à  l'Egypte,  l'Inde 
et  la  Perse  ;  le  porc,  à  llnde  et  à  la  Chine  ;  le 
chat,  le  coq,  à  la  Perse  ;  diverses  races  de  bœufs, 
le  chien,  le  mouton,  à  tout  l'Orient. 

II.  Espèces  domestiques.  —  I!  importe  tout  d'abord 
de  s'entendre  sur  la  valeur  de  ces  expressions  : 
domestique,  domesticité,  domestication  i^du  latin 
domesticîis,  dérivé  de  domus,  maison).  Dans  leur 
signification  la  plus  large,  ces  mots  s'appliquent 
non  pas  à  tout  animal  exploité  par  l'homme,  non 
plus  qu'à  l'animal  individuellement  apprivoisé, 
mais  seulement  aux  espèces  qui  se  reproduisent 
sous  la  domination  de  l'homme.  En  un  mot, 
apprivoisé  s'entend  de  l'individu  ;  domestiqué,  de 
la  race .  Ainsi  l'éléphant,  si  parfaitement  apprivoi- 
sé, n'est  pas  rigoureusement  un  animal  domes- 
tique, car,  d'une  manière  générale,  il  ne  se  repro- 
duit pas  en  captivité;  en  sorte  que  si  l'individu 
nous  appartient,  la  race  nous  échappe.  D'autre 
part,  en  prenant  le  mot  dans  toute  la  rigueur  de 
la  définition,  on  a  pu  admettre  dans  la  liste  des 
animaux  domestiques  des  poissons,  des  insectes  : 
l'abeille,  par  exemple,  le  ver  à  soie.  Dans  notre 
commun  langage  cependant,  nous  donnons  au  mot 
domestique  un  sens  plus  restreint  :  nous  entendons 
par  ce  mot  que  l'homme  s'est  emparé  d'un  animal 
par  l'intermédiaire  de  ses  instincts  modifiés,  en 
exerçant  sur  lui  un  certain  empire  pour  ainsi  dire 
moral,  plus  ou  moins  accepté.  Nous  admettons  dif- 
ficilement que  le  mot  domestique  rende  bien  notre 
idée,  appliqué,  par  exemple,  à  un  poisson  que 
nous  nourrissons  et  que  nous  faisons  se  repro- 
duire dans  nos  réservoirs  ;  ou  bien  à  l'abeille  qui 
vit,  il  est  vrai,  près  de  nos  demeures,  et  qui  adopte 
un  abri  préparé  par  nos  soins,  mais  ne  modifie 
aucunement  ses  mœurs,  et  à  qui,  un  beau  jour, 
nous  dérobons  son  produit.  Avec  la  nuance  de  si- 
gnification plus  étroite  qui  correspond  le  mieux 
au  sentiment  général,  la  qualification  de  domestique 
ne  saurait  être  appliquée  qu'à  des  espèces  apparte- 
nant aux  deux  classes  supérieures  des  vertébrés  : 
mammifères  et  oiseaux  ;  les  autres  étant  simple- 
ment exploitées,  non  pas  soumises.  Réunissant  les 
unes  et  les  autres  dans  une  expression  plus  géné- 
rale, disons  qu'il  y  a  en  tout  47  espèces  annexées 
au  domaine  de  l'homme,  dont  34  vivent  en  Europe. 
De  ce  dernier  nombre,  30  nous  ont  été  fournies  par 
l'Europe,  l'Asie,  l'Afrique  septentrionale;  4  seule- 
ment par  toutes  les  autres  régions.  Cette  liste,  que 
nous  donnons  ici  telle  qu'elle  a  été  dressée  par 
Geoffroy  Saint-Hilaire,  ne  s'est  enrichie  d'aucune 
espèce  nouvelle  depuis  plus  de  trois  siècles.  Nous 
ajoutons  à  cette  nomenclature  quelques  indications 
d'origine  ;  pour  les  détails  relatifs  à  chaque  espèce, 
il  faut  se  reporter  au  nom  de  l'animal.  Nous  marquons 
d'un  astérisque  les  espèces  qui  ne  sont  pas  acclima- 
tées en  Europe. 

Mammifères 
Cahrivoees  : 

Chien. }  (Époque  préhistorique.  —  Tout 

j       l'ancien  monde.) 

^*^'; (Perse.) 

Furet 

ROMGEDRS   : 

Lapin 

Cobaye  ou  cochon  dinde. 


(Époqu:  romaine.) 


FoHcms 
Cochon , 


JlMEKTLS 

Cheval 

Ane 


*  Chameau. . . 
'  Dromadaire. 

*  Lama 

*  Alpaca 

Benne 


Chèvre 

Mouton 

Bcmf  (bas  taurus) 

Buffle 

*  Zébu  (bos  Indicus). . . 

*  Yack  \bos  gruniens). 

*  Gayal  (^bos  gavœus).. 

*  Arni  {bos  Amee) 


(Époque  préhistorique. — As  e.) 

l  (Europe  de  l'âge  de  bronze.  — 
I       Asip.) 
(Arabie,  Egypte.) 

(Bactriane.) 

(Arabie.) 

(Amérique  méridionale.) 

(Idem.) 
l  (Régions  septentrionales  de  l'an- 
i       cien  monde.) 
\  (Europe  préhistorique.  —  Asie, 
(       Egypte.) 

{Idem.) 

(Epoque  préhistorique.-Orient  ) 

(Asie.) 

(Inde,  Asie.^ 

(Asie  orientale. — Demi-saunage,) 

(Asie.  —  Demi-sauTaee.) 

(Asie.)  ^    ' 


Oiseaux 


F^ssEaEAcx  : 


Introduits  Ters  le 


o    .  )  (Canaries.  — 

'^^'•"» I      XVI- siècle.) 

Gallinacés  et  Colohbidés  : 

Coq  et  Poule (Inde.Perse  et  régions  ■voisines.) 

r,-   j  „  *   (Amérique.   —    Introduit    vers 

'C""^o« i       1330) 

!(Asie  Mineure.  —  Importé  en 
Grèce  lors  de  l'oxpédition  des 
Argonautes,  suivit  la  tradi- 
tion.) 

Faisan  à  collier (Asie  moyenne.) 

Faisan  doré (Chine.) 

Faisan  argenté [L^em.) 

Paon (Inde. — Expédition  d'Alexandre) 

Pintade (Antiquité  grecque.) 

Pigeon 

Tourterelle 

Palmipèdes  : 

/^,^,  ../,«,«„„..,  i  (Inde.    —    Domestication,    en 

Oie  commune |  ^   ^^^^^^   ^^    j^^    Romains.) 

Oie  de  Guinée (Afrique.) 

Oie  du  Canada 

Canard  commun (Epoque  romaine.^ 

Canard  musqué (Amérique  méridionale.) 

(  (Peut-être  domestiqué  chez  les 
Romains.  —  Leur  faveur  date 

I  chez  nous  du  xvi'  siècle.) 


Cygne  [Cygnus  olor-). 


Poissons 


Carpe 

Cyprin  doré  de  la  Chine. 


Insectes 


Abeille  ordinaire.. 
Abeille  ligurienne. 
Abeille  à  bandes.. 


Ver  à  soie 


(Espèces  très-Toisines.  —  Grecs 
et  Romains.) 

»   (CJiine.  —  Haute  antiquité.  Im- 
l      porté  parla  Grèce  et     Con- 
stantinople.  i"  siècle.) 


Bombyx  du  ricin 

Bombyx  de  l'ailante 

Cochenille  du  nopal 

Dans  l'ordre  d'idées  qu'indiquent  les  derniers 
noms  de  cette  série,  il  conviendrait  d'y  rattacher 
deux  mollusques  :  Y  huître,  cultivée  dès  le  temps 
des  Romains  ;  la  moule,  cultivée  de  môme  depuis 
1600  (Ostréiculture  et  Mytiliculture);  peut-être 
quelques  autres  espèces  encore  ;  mais  insister  se- 
rait s'écarter  singulièrement  de  notre  sujet,  aussi 
bien  que  de  l'acception  première  du  mot  domestique. 

Un  coup  d'œil  jeté  sur  ce  catalogue  montre  que 
nos  animaux  domestiques  proprement  dits  sont 
très-inégalement  empruntés  aux  divers  ordres  des 
deux  classes  supérieures  ;  l'ordre  des  Ruminarits, 
par  le  groupe  des  ruminants  à  cornes,no\is  fournit 
les  plus  nombr'^ux  et  les  plus  précieux  :  le  bœuf  et 
la  vache,  le  mouton,  la  chèvre.  Ces  hon?iêtes  bêtes, 
comme  disait  Toussenel,  ce  sont  par  excellence 
«  nos  bêtes  »,  à  nous.  On  dirait  qu'elles  ont  été 
faites  tout  exprès  pour  être  exploitées  par  nous, 


ANIMAUX  DOMESTIQUES     —  149  —     ANIMAUX   DOMESTIQUES 


tant  elles  abdiquent  volontiers  leur  personnalité. 
C'est  ce  que  le  paysan  appelle  «  ses  bestiaux  ». 
Au  second  rang  viennent  les  ordres  des  Jumentcs 
et  des  Carnivores.  De  même  les  ordres  des  Galli- 
nacés et  des  Palmipèdes  nous  fournissent  presque 
exclusivement  nos  oiseaux  domestiques,  et  nous  en 
fourniraient  encore  de  nouveaux,  si  nous  y  tenions. 

m.  BCT  ET   PROCÉDÉS  DE   Lk  DOMESTICATION.  —  En 

prenant  le  soin  de  soumettre,  d'entretenir  et  de 
perpétuer  sous  sa  domination  des  espèces  aussi 
différentes,  l'homme  s'est  proposé  des  buts  égale- 
ment divers. 

1°  L'animal  lui-même  est  considéré  comme  une 
réserve  alimentaire  (animaux  de  boucherie).  Ce  fut 
là  sans  doute,  avons-nous  dit,  le  but  immédiat  et 
premier  de  la  domestication.  Observons  à  cette 
occasion  qu'en  outre  des  animaux  que  nous  élevons 
en  vue  de  la  consommation,  d'autres  espèces  en- 
core pourraient  être  utilisées  par  nous  dans  ce 
sens  :  le  cheval,  et  l'âne,  notamment,  dont  la 
viande  forme  une  nourriture  agréable,  et  plus 
saine  certainement  que  celle  du  porc.  D'un  autre 
côté,  nous  voyons  aussi  tirer  parti  pour  l'ahmenta- 
tion,  suivant  les  temps,  les  lieux,  les  états  sociaux 
divers,  d'espèces  domestiques  qui  pour  une  raison 
ou  une  autre  n'entrent  pas  chez  nous  dans  la 
consommation.  En  Orient,  en  outre  du  cheval,  de 
l'âne,  on  mange  le  chameau  et  le  dromadaire  ;  dans 
l'Amérique  du  sud,  le  lama  et  l'alpaca  ;  dans  la 
régions  septentrionales,  le  renne  :  tous  animaux 
utilisés  d'ailleurs  comme  bêtes  de  somme.  Chez  les 
insulaires  des  mers  du  Sud,  comme  chez  nos  aïeux 
de  l'âge  de  pierre,  le  chien  domestique  est  un 
animal  de  boucherie. 

2»  En  seconde  ligne  il  faut  mettre  les  produits 
empruntés  à  l'animal  domestique  et  utilisés  pour 
l'alimentation  :  le  laitage,  la  grande  ressource  des 
peuples  pasteurs.  En  France,  la  vache,  la  chèvre, 
en  certaines  localités  la  brebis  et  accidentelle- 
ment l'ànesse  nous  fournissent  du  lait.  Les  Arabes 
traient,  en  outre,  les  juments  et  les  chamelles  ;  le 
lait  du  lama,  de  l'alpaca,  du  renne  est  aussi  uti- 
lisé. Les  œufs  des  oiseaux  domestiques,  objet  de 
consommation  d'une  grande  importance,  peuvent 
être  assimilés  à  ce  point  de  vue  au  lait  des  mam- 
mifères. 

3°  Les  produits  non  alimentaires,  utilisés  pour  le 
vêtement  et  pour  diverses  industries  :  le  poil,  la 
peau,  la  corne,  l'os,  la  plume  et  le  duvet.  Dès  l'o- 
rigine certains  de  ces  produits  ont  pour  l'homme 
une  importance  majeure;  le  troupeau  qui  le  nour- 
rit, vêt  aussi  le  pasteur.  Le  poil,  surtout  dans  les 
espèces  à  laine,  doit  être  considéré  comme  pro- 
duit principal,  la  consommation  de  la  viande  ne 
venant  qu'en  seconde  ligne.  Ainsi  le  mouton  est 
élevé  autant  au  moins  pour  sa  laine  que  pour  sa 
viande.  Le  poil  de  notre  chèvre  vulgaire  ne  peut 
être  utilisé  que  pour  la  fabrication  d'étoffes  très- 
grossières  ;  mais  c'est  la  chèvre  du  Tibet,  aux  oreilles 
pendantes,  au  poil  fin  et  doux,  qui  fournit  les  laines 
précieuses  dont  sont  fabriqués  les  splendides  cache- 
mires des  Indes  ;  la  chèvre  d'Angora  fournit  une 
laine  supérieure  aux  plus  beaux  mérinos.  Les  Ara- 
bes tissent  le  poil  du  chameau;  le  poil  du  lama  et 
de  l'alpaca,  animaux  appartenant  au  même  groupe 
que  le  chameau,  entrent  depuis  longtemps  dans 
notre  fabrication  européenne,  mélangés  avec  nos 
laines  de  moutons.  Nous  rappellerons  seulement 
en  passant  l'importance  industrielle  de  la  soie,  en 
Chine  depuis  des  temps  immémoriaux,  en  Occi- 
dent depuis  le  xv"  siècle. 

4°En  d'autres  circonstances,  c'est  surtout  le  sr>cours 
de  sa  force  musculaire  que  l'homme,  trop  faible,  em- 
prunte à  l'animal  :  de  là  la  bête  de  labour,  la  bête  de 
somme  et  de  trait,  la  monture.  En  outre  du  bu?uf, 
du  buffle,  du  cheval,  de  l'âne,  du  chameau  et  du 
dromadaire,  il  faut  citer  encore  le  lama  et  l'alpaca, 
le  renne,  le  chien,  utilisés  comme  bêtes  de  somme 


et  do  trait  en  diverses  régions;  l'éléphant,  avons- 
nous  dit,  n'est  pas  à  proprement  parler  une  espèce 
domestique.  Ce  n'est  pas  de  la  force  mécanique 
pure,  de  la  force  aveugle  et  brutale,  telle  que  peut 
la  fournir  une  simple  machine,  que  nous  deman- 
dons à  l'animal;  c'est  le  concours  d'une  force  diri- 
gée par  une  certaine  somme  d'intelligence  et  par 
un  instinct  soumis.  Le  cheval,  par  exemple,  doit 
comprendre  l'intention  de  son  cavalier,  s'y  con- 
former, l'accomplir  par  un  acte  volontaire  de  son 
intelligence  et  avec  une  part  d'initiative  propor- 
tionnée. C'est  donc  par  l'instinct  et  l'intelligence 
que  nous  avons  prise  sur  la  force  de  l'animal  ;  et 
c'est  justement  par  la  somme  d'intelligence  et 
d'instinct  qui  s'y  associe  que  cette  force  nous  de- 
vient précieuse,  supérieure  en  valeur  à  la  force 
motrice  pure  et  simple  de  la  machine,  et  applicable 
à  des  fonctions  auxquelles  celle-ci  ne  suffirait  pas. 

5°  D'autres  fois  c'est  l'intervention  de  cette  intel- 
ligence même  et  de  cet  instinct  que  nous  appelons  à 
notre  secours,  bien  plus  que  la  force  musculaire  :  il 
suffira  de  rappeler  ici  le  rôle  du  chieti  de  chasse  et 
du  diien  de  berger  pour  faire  comprendre  de 
quelles  sortes  de  services  il  s'agit  ici.  Mais  le 
chien  n'est  pas  le  seul  animal  qui  puisse  nous  en 
rendre  de  tels.  Chez  nous,  à  notre  époque  de  civi- 
lisation avancée  où  la  chasse  est  un  simple  exer- 
cice de  luxe,  la  fauconnerie  est  un  art  perdu  ;  et 
la  cynégétique  (éducation  et  emploi  du  chien  de 
chassej  est  en  voie  de  décadence.  Etant  donnés 
notre  temps,  nos  mœurs,  cela  nest  pas  à  regret- 
ter ;  mais  il  fut  un  temps,  il  est  encore  des  pays 
où  l'emploi  du  chien  comme  auxiliaire  du  chas- 
seur était  et  est  chose  réellement  importante. 
Dans  l'ordre  d'idées  auquel  nous  ramène  le  chieji  de 
berger,  il  faut  citer,  ne  serait-ce  que  pour  le  pitto- 
resque, les  services  rendus  par  Yagami,  oiseau 
cchassier  de  la  taille  d'une  cigogne.  En  Guyane  on 
confie  à  l'instinct  de  cet  animal  la  garde  non-seule- 
ment d'une  troupe  d'oies  nombreuse,  mais  celle 
d'un  troupeau  de  mouton.  Ce  singulier  berger  ac- 
complit sa  fonction  avec  un  zèle  et  Qn  sérieux 
étonnants  :  il  conduit  «  ses  bêtes  »  aux  champs,  les 
fait  paître  au  lieu  désigné,  les  empêche  de  s'écar- 
ter, les  mène  à  l'abreuvoir,  et  le  soir  venu,  les  ra- 
mène à  retable  ;  dans  la  basse-cour,  il  fait  la  police, 
mettant  le  bon  ordre  parmi  la  gent  querelleuse,  sé- 
parant les  combattants,  et  distribuant  la  nourriture 
avec  impartialité. 

6°  Un  certain  nombre  d'animaux  domestiques 
sont  élevés  en  vue  du  simple  agrément,  à  titre 
d'ornement  de  nos  demeures,  pour  la  satisfaction 
de  ce  besoin  du  beau  qui  est  en  nous  (le  cygne,  le 
paon).  Quant  aux  oiseaux  chanteurs  dont  la  voix 
nous  égaie,  une  seule  espèce,  avons-nous  dit  (le 
serin),  est  réellement  domestique  chez  nous,  et  se 
reproduit  régulièrement  en  captivité.  Enfin  il  n'est 
pas  jusqu'aux  besoins  moraux  qui  ne  trouvent 
quelque  satisfaction  dans  nos  rapports  avec  les  ani- 
maux qui  vivent  près  de  nous  ;  le  chien  surtout  est 
plus  souvent  chez  nous  un  ami,  un  compagnon 
qu'an  serviteur  :  c'est  une  distraction,  presque  une 
conversation. 

Observons  encore,  pour  conclure,  qiie  la  plupart 
des  espèces  domestiques,  et  des  plus  importantes, 
réunissent  divers  ordres  d'utilité  ;  ainsi  le  bœuf  est 
élevé  concurremment  pour  le  travail  et  pour  l'ali- 
mentation, le  mouton  pour  la  viande,  le  lait  et  la 
laine  ;  exemples  qu'il  serait  inutile  de  multiplier. 

Quant  aux  voies  et  procédés  de  domestication, 
ils  sont  peu  variés  en  principe.  On  cherche  à  s'em- 
parer de  l'individu,  à  l'apprivoiser,  à  l'habituer  à 
son  existence  nouvelle  par  une  combinaison  ha- 
bile de  moyens  de  contrainte  et  de  douceur.  Nous 
n'avons  pas  à  exposer  ici  en  détail  les  procédés  de 
l'art  du  dompteur  et  du  dresseur  ;  en  somme,  il 
s'agit  de  produire  l'habitude  par  une  gradation  plus 
ou  moins  ménagée,  d'imposer  à  l'animal  l'empire  de 


ANIMAUX  DOMESTIQUES 


130  —     ANIMAUX  DOMESTIQUES 


notre  volonté  par  une  certaine  crainte,  surtout  de 
tourner  au  profit  de  l'œuvre  qu'on  se  propose  ses 
instincts  et  la  satisfaction  donnée  à  ses  besoins. 
Un  Jouple  de  l'espèce  étant  apprivoisé,  on  tente 
d'obtenir  la  reproduction.  11  faut  souvent  plusieurs 
générations  successives  avant  que  les  instincts 
sauvages  de  l'espèce  soient  assez  modifiés  pour 
qu'on  puisse  regarder  la  conquête  comme  achevée. 
Quant  à  la  première  capture,  on  peut  s'emparer 
de  l'animal  adulte,  en  vue  de  le  dompter  et  de 
l'apprivoiser,  chose  toujours  plus  difficile  ;  ou,  ce  qui 
vaut  beaucoup  mieux,  prendre  des  jeunes  et  les 
élever.  Pour  les  oiseaux,  on  peut  encore  faire  cou- 
ver des  œufs  de  l'espèce  qu'on  veut  domestiquer 
par  une  espèce  déjà  domestique  ;  ce  procédé  très- 
simple  nous  fournira,  quand  nous  le  voudrons,  de 
nouvelles  volailles.  Dans  tous  les  cas  il  convient 
de  nuancer  la  transition  de  la  condition  sauvage  à 
l'état  domestique,  en  imitant  d'abord  autant  que 
possible  le  régime  naturel,  ne  le  modifiant  que 
graduellement  ;  enfin  de  se  conformer,  dans  les 
fonctions  réservées  à  l'animal  et  dans  toute  son 
éducation,  à  la  pente  naturelle  de  ses  instincts, 
afin  de  les  avoir  non  pour  ennemis,  mais  pour 
alliés,  non  pour  obstacles,  mais  pour  moyens. 

IV.  Conditions  de  la  domestication  en  général. 
—  On  considère  comme  favorables  à  la  domestica- 
tion d'une  espèce  trois  conditions  : 

1*  Le  régime  herbivore  ou  frugivore  ; 

2"  La  précocité  des  jeunes  ; 

3°  La  sociabilité  à  l'état  sauvage. 

Les  deux  premières  conditions  constituent  sur- 
tout des  facilités  pour  l'homme  h  l'égard  de  1  en- 
tretien de  l'individu  et  de  l'espèce.  Remarquons  à 
ce  propos  que  les  deux  espèces  carnivores,  le 
«hien  et  le  chat,  sont  devenues,  sous  la  domination 
de  l'homme  plus  ou  moins  oinnivores  :  et  ce  seul 
fait  les  a  rapprochés  de  nous,  en  leur  permettant 
de  partager  plus  complètement  notre  régime,  notre 
existence  domestique. 

Quant  à  la  sociabilité,  les  espèces  qui  vivent  par 
troupes  à  l'état  de  nature  transforment  volon- 
tiers, en  les  tournant  vers  l'homme,  ces  instincts 
affectueux  qui  taisaient  le  lien  de  leurs  sociétés 
entre  égaux  ;  il  est  plus  facile  de  modifier  de  tels 
sentiments  que  d'en  faire  naître  d'analogues  chez 
les  espèces  qui  vivent  à  l'état  isolé.  Ainsi  est-il 
remarquable  que  le  chien  est  une  des  rares  es- 
pèces carnivores  qui  vivent  par  troupes  à  l'état 
de  liberté.  Quant  au  degré  (ïintclUgcnce,  on  peut 
dire  que  Vintelligence  générale,  ombre  de  celle  de 
l'homme  chez  l'animal,  nous  donne  prise  sur  celui-ci, 
et  constitue  une  circonstance  favorable  ;  tandis 
que  les  instincts  très  spéciaux,  tels  par  exemple 
que  l'instinct  de  construction  du  castor,  nous 
créeraient  des  difficultés. 

Effets  de  la  domestication  sur  les  races  sou- 
mises A  l'homme.  —  Une  espèce  animale  étant 
donnée,  vivant  dans  un  milieu  déterminé  et  d'un 
certain  genre  de  vie,  si  les  conditions  de  son  exis- 
tence viennent  à  changer,  il  arrivera  de  deux 
choses  l'une  :  ou  bien  l'espèce,  par  un  travail  or- 
ganique lent  et  inconscient,  se  modifiera  dans  une 
certaine  mesure,  pour  s'adapter  à,  ces  nouvelles 
conditions  d'existence  ;  ou  bien,  si  son  organisation 
manque  d'une  certaine  flexibilité  qui  lui  permet- 
trait cette  évolution,  elle  périra.  La  domestication 
est  un  cas  particulier  dans  la  loi  générale.  Pour 
une  race  réduite  en  domesticité,  tout  est  changé 
dans  les  conditions  de  vie  :  le  milieu,  les  habi- 
tudes, le  régime  ;  il  en  résulte  des  modifications 
d'ordres  très  divers,  et  qu'il  est  fort  intéressant 
d'observer.  Tout  d'abord  c'est  l'instinct  qui  est 
atteint  par  les  changemenis  imposés  aux  habi- 
tudes ;  et  par  l'intermédiaire  de  l'instinct,  les 
mœurs  se  modifient;  enfin  l'organisme  par  suite 
des  mœurs.  L'animal  domestiqué  se  sent  protégé 


sistance,  il  perd  les  instincts  de  recherche  inquiète 
des  aliments,  avec  tout  ce  qui  s'y  rattache  :  la 
disposition  hagarde  et  hostile  chez  la  bète  de 
proie,  la  férocité,  effets  de  la  sollicitation  sans 
cesse  renouvelée  des  besoins  :  c'est  la  faim  qui 
fait  la  bête  féroce.  Soustrait  au  péril,  il  perd 
plus  ou  moins  ses  instincts  de  défense,  de 
vigilance,  que  les  hasards  de  la  vie  sauvage  su- 
rexcitaient et  tenaient  en  éveil  ;  et  avec  cela  cer- 
taine tendance  rusée  et  défiante,  naturelle  au 
faible  menacé.  Par  les  mêmes  raisons  s'oblitèrent 
chez  l'animal  domestiqué  les  instincts  particuliers 
à  chaque  espèce,  et  qui  ne  sont  en  réalité  que  des 
formes  diversifiées  de  ces  instincts  généraux  :  pré- 
voyance, réserve  alimentaire,  ruses  spéciales  d'at- 
taque ou  de  défense,  habitudes  nocturnes.  L'en- 
semble du  caractère  de  l'animal  se  modifie  donc, 
plus  ou  moins  suivant  les  espèces,  et  dans  le  sens 
de  mœurs  plus  douces,  et  d'une  existence  plus 
paisible  et  plus  régulière.  Et  comme  l'organisme 
doit  toujours  s'adapter  aux  habitudes  et  aux  be- 
soins, il  en  résulte  secondairement  des  transfor- 
mations organiques  plus  ou  moins  profondes. 

Ainsi  par  le  seul  fait  de  la  domesticité,  abstrac- 
tion faite  de  toute  autre  cause,  on  remarque  chez 
les  mammifères  l'alourdissement  des  formes,  l'a- 
doucissement du  poil,  la  perte  ou  la  diminution 
des  armes  naturelles,  telles  que  les  cornes  ;  les 
oreilles  pendantes  sont  aussi  un  caractère  des 
races  très  modifiées  par  la  domesticité  :  consé- 
quence de  l'oblitération  des  instincts  de  défiance 
qui  font  dresser  l'oreille  à  l'animal  timide  toujours 
prêt  à  la  fuite.  Chez  les  oiseaux,  c'est  l'alourdisse- 
ment du  vol,  avec  la  mollesse  des  muscles  moteurs 
des  ailes.  Chez  presque  tous  les  animaux  la  pé- 
riodicité dans  les  fonctions  reproductives  et  dans 
l'éveil  donné  aux  instincts  divers  qui  s'y  rattachent, 
est  plus  ou  moins  dérangée,  parfo's  totalement 
abolie  sous  l'influence  de  la  domesticité.  La  fécon- 
dité est  parfois  diminuée,  souvent  augmentée  : 
la  production  du  lait  est  considérablement  prolon- 
gée, chez  certaines  femelles,  par  le  fait  de  la  traite, 
et  devient  non  plus  une  fonction  périodique,  en 
relation  avec  les  besoins  du  petit,  mais  une  fonc- 
tion pour  ainsi  dire  permanente.  —  En  outre  de  ces 
conséquences  du  changement  des  conditions  géné- 
rales de  l'existence,  il  y  a  les  modifications  plus 
spécialement  voulues,  imposées  par  l'homme.  C'est 
tout  d'abord  le  développement  et  la  spécialisation 
de  certains  instincts  ou  de  certaines  facultés  par 
lesquelles  tel  animal  nous  est  plus  particulièrement 
utile  (dressage,  éducation  du  chien  de  chasse,  etc.\ 
ce  sont  les  modifications  des  formes  de  l'animal 
suivant  nos  besoins  ou  nos  caprices  :  le  dévelop- 
pement musculaire,  par  exemple,  chez  l'animal 
auxihaire  du  travail  :  tendances  acquises,  modifi- 
cations subies  par  l'individu,  et  qui  sont  suscepti- 
bles de  se  transmettre,  dans  certaines  limites, 
par  voie  de  génération,  de  manière  à  affecter  la  race 
même.  Mais  un  moyen  plus  puissant  que  la  simple 
éducation  est  à  notre  portée.  A  la  sélection  7iatu- 
relle,  au  choix  instinctif  dans  l'association  repro- 
ductive de  la  race  se  substitue  un  choix  artificiel 
des  reproducteurs;  par  cette  voie  de  sélection 
systématique  et  de  croisements,  l'homme  peut 
modifier  très-profondément  —  sans  toutefois  fran- 
chir les  limites  tenant  aux  caractères  mêmes  de 
l'espèce  —  et  pour  ainsi  dire  à  son  gré  tout  ce  qui 
constitue  l'animal  :  instincts,  intelligence,  aptitudes 
à  tel  mode  d'éducation  ou  à  telle  fonction  donnée  ; 
forme,  proportions,  taille,  qualité  du  poil,  couleurs 
de  la  robe,  armes  naturelles.  Les  éleveurs  le  savent 
fort  bien,  et  en  tirent  grand  parti  ;  ils  moident 
pour  ainsi  dire  à  leur  gré  une  race  de  bétail.  Le 
caractère  le  plus  frappant  des  races  asservies  par 
l'homme  est  justement  cette  grande  variabilité. 
En  ce  qui  touche  la  taille,  la  couleur  de  la  robe  ou 


et  nourri  par  l'homme  :  avec  le  souci  de  sa  sub- J  du  plumage,   la   qualité  du  poil,   cette  variabilité 


ANIMAUX   DOMESTIQUES     —  loi  —       ANIMAUX  NUISIBLES. 


est  extrême.  Le  savant  Darwin  a  pu  obtenir  des 
variétés  indéfiniment  multipliées  de  pigeons,  s'éloi- 
gnant  en  sens  diveygents  du  type  premier,  et  qui 
finissaiert  par  devenir  tellement  différentes  entre 
elles  qu'à  l'œil  on  eût  cru  voir  des  oiseaux  d'es- 
pèces tout  à  fait  distinctes.  —  Mais  quoi  ?  vous  avez 
sous  les  yeux  l'exemple  extrôme  de  la  variabilité 
des  races  domestiques.  Tout  le  monde  reconnaît 
un  chien,  n'est-ce  pas  ?  personne  ne  le  confond 
avec  un  loup  ou  un  renard,  espèces  voisines. 
Eh  bien,  voulez-vous  me  faire  la  description  d'un 
chien,  dire  ce  qui  caractérise  et  distingue  l'espèce? 
Cherchez  bien.  —  Tout  à  coup,  vous  pensez  au 
dogue  énorme  et  au  minuscule  carlin,  au  mince 
et  haut  lévrier  à  poil  ras,  au  massif  bouledogue, 
au  terrier  bas  sur  pattes,  au  caniche  laineux... 
Apercevez-vous  un  caractère  qui  soit  commun  à 
tous,  et  n'appartienne  pas  aux  espèces  voisines  du 
loup  et  du  renard  ? 

Les  naturalistes  ne  sont  pas  moins  embarrassés 
que  vous  ;  et  savez-vous  ce  qu'ils  ont  trouvé?  J'ose 
à  peine  vous  le  dire,  de  peur  d'avoir  l'air  de  man- 
quer de  sérieux...  la  queue  portée  en  trompette  !  — 
Mais  trouvez  donc  autre  chose,  je  vous  prie!  — Je 
sais  bien  que  l'origine  de  nos  chiens  domestiques 
doit  être  attribuée  à  plusieurs  variétés  sauvages 
distinctes  ;  mais  la  part  faite  à  cette  cause,  il  reste 
encore  énormément  à  rapporter  à  l'influence  de  la 
domestication.  Remarquons  enfin  que  dans  beau- 
coup de  cas  la  domestication  s'est  compliquée  des 
difficultés  de  V acclimatation  *,  cause  spéciale  de 
modificaiion  et  de  dégénérescence,  iy .  Ane,  Che- 
val.) 

Il  y  a  des  degrés  dans  la  domesticité.  Ainsi 
certaines  races  de  bestiaux  qui  vivent  par  grands 
troupeaux  errants  dans  les  steppes  touraniennes 
sont  réellement  à  demi-sauvages  ;  ou  peut  citer 
dans  le  même  ordre  d'idées  les  buffles  à  demi 
domptés  utilisés  en  Italie,  les  chevaux  errants  de 
la  Camargue.  Abandonnées  à  elles-mêmes,  rendues 
à  la  liberté,  les  races  domestiques  retournent  h  la 
vie  sauvage  :  les  animaux  qui  subissent  cette 
évolution  régressive,  ce  retour  plus  ou  moins  com- 
plet à  l'état  primitif,  sont  dits  marrons.  Tels  sont 
les  chevaux  libres  des  plaines  de  l'Amérique  du 
Sud,  importés  domestiques  de  l'Europe,  sur  un 
continent  où  l'espèce  n'existait  pas,  abandonnés, 
revenus  à  la  vie  errante  des  prairies,  et  désormais 
naturalisés  à  l'état  sauvage;  tels  sont  les  c'dtns 
marrons  qui  vivent  par  troupes  en  certaines  ré- 
gions du  même  continent  et  de  l'Afrique.  A  l'au- 
tre extrémité  de  la  série  nous  voyons  des  espèces 
tellement  modifiées  par  l'esclavage  qu'elles  ne 
semblent  plus  capables  de  subsister  sans  la  pro- 
tection humaine  :  tels  nos  moutons,  bonnes  bêtes 
douces  et  stupides,  incapables  de  se  défendre,  et 
qui  ont  maintenant  plus  besoin  de  nous  que  nous 
n'avons  besoin  d'eux.  Plus  transformés  encore  sont 
le  chat  et  le  chien,  qui  vivant  dans  nos  demeures 
urbaines,  tout  près  de  nous,  partageant  notre  ré- 
gime et  se  pliant  à  nos  habitudes,  reflètent  je  ne 
sais  comment  en  leurs  mœurs  et  leur  physioromie 
quelque  chose  des  mœurs  et  du  caractère  même  de 
leurs  maîtres,  et  nous  offrant  le  curieux  spectacle 
d'  «  animaux  civilisés.     » 

'V.  Progrès  a  faire  dans  la  domestication.  —  Il 
nous  reste  d'importants  progrès  à  accomplir  dans 
l'œuvre  de  la  domesticaiion  :  conquérir  de  nou- 
velles espèces,  améliorer  celles  que  nous  possédons 
déjà.  Les  espèces  nouvelles  que  la  science  propose 
d'acquérir  sont  surtout  des  espèces  étrangères, 
encore  sauvages  ou  déjà  domestiquées  en  d'autres 
régions  :  quoi  qu'il  en  soit,  la  question  d'acclimata- 
tion prime  et  domine  ici  la  question  de  domestica- 
tion. Les  plus  importantes  acquisitions  seraient 
celles  de  la  chèvre  du  Tibet,  du  lama,  de  la  vigogne, 
du  tapir  (animal  de  boucherie); peut-être, poiir  le 
midi  de  la  France,  du  cAawieau;' pour  l'Algérie  du 


casoar  ou  du  nandou,  sinon  de  l'autruche,  à  demi 
domestiquée  déjà  vers  le  Cap.  Parmi  les  espèces 
indigènes  deux  surtout  mériteraient  notre  atten- 
tion :  la  loutre,  qui,  quand  nous  le  voudrons,  nous 
donnera,  comme  dit  Toussenel,  l'équivalent  pré- 
cieux d'un  chie7i  de  pêche  qui  nous  manque;  la 
cigogne,  à  laquelle  on  pourrait  sans  doute  deman- 
der quelque  chose  de  semblable  aux  services  que 
rend  l'agami. 

Au  point  de  vue  de  la  production  de  la  force 
motrice,  il  est  une  importante  remarque  sur 
laquelle  nous  devons  revenir  et  insister.  En 
domestiquant  le  bœuf,  le  cheval,  l'âne,  l'homme  a 
surtout  eu  pour  but  de  se  décharger  sur  un  être 
inférieur  d'un  travail  pénible  ;  quand  le  cheval, 
l'âne,  tournèrent  la  meule  à  la  place  de  la  femme 
ou  de  l'esclave,  puisèrent  l'eau  d'arrosement  à 
l'aide  d'une  noria,  etc.,  ce  fut  un  grand  progrès. 
Puis  le  génie  humain  s'adressa  aux  forces  brutes 
de  la  nature,  et  ce  fut  l'eau,  ce  fut  le  vent,  enfin  le 
feu,  qui  fournirent  la  dépense  de  force  nécessaire 
à  la  mise  en  mouvement  des  outils  du  travail,  et 
l'animal,  à  son  tour,  fut  déchargé  d'autant.  De  plus 
en  plus  celui-ci  perd  de  son  importance  en  tant  que 
simple  moteur:  de  plus  en  plus  il  doit  être  réservé 
pour  les  travaux  dans  lesquels  l'intervention  de 
son  intelligence  et  de  son  instinct  sont  une  néces- 
sité et  par  conséquent  constituent  tme  valeur.  En 
somme,  avec  le  progrès  (Je  l'industrie,  l'avenir  de- 
mandera de  moins  en  moins  à  l'animal  sous  le 
rapport  matériel  (la  question  de  l'alimentation  et 
des  produits  secondaires  étantréservée),de  plus  en 
plus  elle  devra  demander  sous  le  rapport  de  l'in 
telligence  et  de  l'instinct  ;  le  serviteur  de  l'homme 
sera  de  moins  en  moins  sa  machine,  de  plus  en 
plus  son  compagnon.  La  conclusion  est  donc  que 
nous  devons  tenter  de  perfectionner  l'animal  auxi- 
liaire surtout  au  point  de  vue  de  l'instinct  et  de 
l'intelligence,  afin  de  pouvoir  lui  confier  certaines 
fonctions  inférieures  du  travail  qui  pèsent  encore 
sur  l'homme,  tandis  que  ses  fonctions  inférieures 
actuelles,  à  lui  animal,  ses  fonctions  purement 
mécaniques  tomberont  dans  le  domaine  de  la  ma- 
chine. Or,  sous  ce  rapport,  nous  sommes  bien  loin 
de  ce  qui  pourrait  être  obtenu.  Nous  savons  tout  ce 
qu'on  parvient  à  faire  exécuter,  par  exemple,  à 
des  chiens  savaids,  qui  jouent  aux  cartes,  au  da- 
mier, etc.  Quoiqu'une  telle  éducation,  anormale 
en  ce  qu'elle  procède  sans  tenir  aucun  compte  des 
tendances  naturelles  de  l'être  ou  plutôt  justement 
en  opposition  avec  elles,  soit  une  véritable  dévia- 
tion, quelque  vains  que  soient  de  pareils  résultats, 
ces  faits  du  moins  etd'autressemblables  ont  pour 
avantage  de  nous  faire  pressentir  ce  qu'il  serait 
possible  d'obtenir  de  l'intelligence  de  l'animal  au 
moyen  d'un  système  rationnel  d'éducation  dirigé 
vers  un  but  utile.  Qui  sait,  pour  finir  par  une  visée 
lointaine  qui  n'est  peut-être  pas  une  utopie,  qui 
sait  quels  services  l'homme  pourrait  attendre,  dans 
l'avenir,  d'un  animal  supérieur  tel  qu'un  singe  an- 
thropomorphe, que  je  suppose  rendu  domestique, 
très-développé  dans  son  intelligence  et  profondé- 
ment modifié  dans  ses  instincts  par  une  éducation 
et  une  sélection  scientifiquement  conduites  pen- 
dant une  assez  longue  série  de  générations  suc- 
cessives ?  I C.  Delon.] 

AM.UAUX  NUISIBLES.  —  Zoologie,  V;  Agri- 
culture, XXI.  —  Il  n'y  a  rien  d'absolu  dans  la 
définition  de  ces  mots  animaux  nuisibles,  ani- 
maux utiles,  qui  ne  doivent  être  pris  que  dans  le 
sens  d'une  plus  grande  somme  ou  de  méfaits  ou 
de  scr\'iccs  et  qui  ont  souvent  une  signification 
locale.  Les  exemples  vulgaires,  pris  dans  tous  les 
groupes  d'animaux,  expliqueront  parfaitement  cetts 
pensée.  Certains  gibiers  nous  offrent  des  ospèces 
utiles  pour  l'alimentation,  comme  les  antilopes, 
si  abondantes  dans  l'Afrique  australe,  les  cerfs  et 
les  chevreuils  de  nos  bois,  les  lapins  de  garenne, 


ANIMAUX  NUISIBLES 


152 


ANIMAUX   UTILES 


les  faisans,  les  perdrix,  etc.,  et  ces  mêmes  espè- 
ces peuvent  devenir  nuisibles  aux  cultures  de 
céréales  et  de  fourrages  artificiels,  aussi  bien 
qu'aux  forêts  ;  leurs  dégâts  doinient  assez  fré- 
quemment lieu  à  des  procès  en  indemnité.  Le 
crapaud,  ce  batracien  si  utile  pour  détruire  les 
insectes  et  qu'il  est  bon  d'introduire  dans  les 
jardins,  est  un  ennemi  des  ruches  en  dévorant  le  soir 
les  abeilles  qui  reviennent  au  logis  gorgées  de  nec- 
tar ou  chargées  de  pollen.  Les  oiseaux  rapaces  de 
grande  taille,  destructeurs  acharnés  de  gibier  et 
de  jeunes  volailles,  nous  rendent  des  services  en 
dévorant  des  mulots  et  autres  rongeurs  funestes.  Les 
cantharides,  insectes  que  recherche  la  pharmacie 
pour  leurs  propriétés  vésicantes,  peuvent  dépouiller 
de  leur  feuilles  les  cimes  des  frênes  et  les  lilas. 
C'est  aux  circonstances  spéciales  dans  lesquelles 
on  se  trouve  placé  qu'il  faut  demander  conseil 
pour  diminuer  l'expansion  de  certaines  espèces, 
ou,  au  contraire,  les  entourer  de  la  protection  la 
plus  efficace. 

Une  revue  rapide  nous  permettra  d'indiquer  les 
groupes  zoologiques  où  se  trouvent  nos  ennemis  les 
plus  habituels  ;  c'est  dans  les  articles  consacrés 
à  ces  groupes  qu'il  faudra  chercher  les  renseigne- 
ments qui  ne  peuvent  trouver  place  dans  un  ar- 
ticle général. 

Parmi  les  mammifères  il  faut  citer  les  carni- 
vores *  (fouine,  loup,  renard,  etc.  ',  les  rongeurs  * 
(écureuil,  rats,  mulots,  etc.)  ;  le  sanglier  parmi  les 
porcins  *.  Les  oiseaux,  si  utiles  en  général,  ont 
pour  nous  quelques  ennemis,  parmi  les  rapaces  * 
de  grande  taille  et  presque  exclusivement  les  diur- 
nes, les  colombidés  dans  les  gallinacés  *,  les  pal- 
mipèdes *  piscivores.  Parmi  les  reptiles  *  nous  ne  de- 
vons détruire  que  les  serpents  venimeux  (ophidiens). 

C'est  dans  la  classe  des  insectes  *  que  se  rangent 
nos  plus  terribles  adversaires,  et  les  ravages  de 
certains  d'entre  eux,  qualifiés  de  fléaux  par  la  Bible, 
prennent  rang  au  nombre  des  calamités  publiques. 
L'ordre  des  coléoptères  *  nous  offre  les  dermestes, 
destructeurs  des  matières  animales  sèches  préparées 
par  l'industrie  humaine,  les  vrillettes  qui  rongent 
nos  bois  ouvrés,  certains  lamellicornes,  comme 
les  hannetons,  les  charansons  (calandre  du  blé), 
les  longicornes  et  leschrysoméliens^dor3fphore  des 
pommes  de  terre,  eumolpe  de  la  vigne,  colaspe  des 
luzernes,  etc.),  ces  quatre  groupes  attaquant  dans 
tous  leurs  organes  les  végétaux  vivants.  Les  or- 
thoptères,  ces  gros  mangeurs  de  la  création  ento- 
mologique,  ont  les  funestes  blattes  qui  infestent 
les  maisons,  la  courtilière  si  nuisible  aux  jardins,  et 
ces  terribles  criquets  voyageurs,  improprement 
nommés  sauterelles,  dont  les  dévastations  ont 
souvent  amené  à  leur  suite  la  famine  et  la  peste. 
Les  termites  appartiennent  aux  névroptères-pseu- 
dorthoptères.  Parmi  les  hyinénojjtères  nous  avons 
à  redouter  les  guêpes,  certaines  fourmis,  et  beau- 
coup d'espèces  de  tenthrèdes.  L'ordre  aux  riches 
couleurs  des  lépidoptères  ou  papilloiis  *  contient 
de  nombreux  ennemis  de  nos  cultures  dans  le  pre- 
mier état,  celui  de  chenilles.  Ce  sont  surtout  les  hé- 
térocères  (vulgairement  et  à  tort  nommes  papillons 
de  nuit)  qui  nous  sont  nuisibles  par  certains  bom- 
bj'ces  et  noctuelles,  et  principalement  par  ces  petites 
espèces  nommées  microlépidoptères,  les  pyrales 
et  les  teignes  (pyrale  de  la  vigne,  alucite  du  blé, 
galléries  de  la  cire,  teignes  des  maisons^  Dans  les 
hémiptères  hétéroptères,  nous  trouvons  la  punaise 
des  lits  et  certaines  punaises  (pentatomes,  tin  gis) 
fort  nuisibles  à  divers  végétaux.  Les  hémiptères 
homoptères  nous  offrent  des  ennemis  bien  plus 
sérieux  dans  leurs  groupes  dégradés,  les  psylles, 
les-/i)ucerons,  le  phylloxéra,  les  cochenilles  (sens 
général)  ou  cocciens.  Puis  vient  le  groupe  funeste 
des  thrips.  Parmi  les  diptères,  ou  mouches  à  deux 
ailos,  les  uns  tourmentent  beanroup  l'homme  et 
ses  animaux  dômes; iques:  tels  sont  les  cousins,  les 


moustiques,  les  taons,  les  œstres,  certaines  mou- 
ches proprement  dites;  d'autres  sont  fort  nuisibles- 
aux  céréales  et  aux  cultures  potagères,  ainsi  le» 
tipulcs,  les  cécidomyies,  les  chlorops,  les  an- 
thomyies,  etc.  Les  articulés  épizoïques,  vivant  sur 
les  animaux,  comprennent  des  insectes  dégradés, 
les  puces,  1  s  poux,  les  ricins  et,  en  partie,  l'ordre 
des  acariens,  de  la  classe  des  arachnides,  ordre  qui 
compte  aussi  des  espèces  hostiles  aux  jardins,  les 
tétranyques  ou  acariens  tisserands. 

Dans  le  sous-embranchement  des  vers  *,  le» 
helminthes  ou  entozoaires  nous  intéressent  à  un 
haut  degré  par  les  graves  affections  dont  ils  peu- 
vent être  la  cause  pour  l'homme  et  ses  animaux 
domestiques. 

Aux  mollusques  *  se  rapportent  les  espèces- 
phytophages,  souvent  si  nuisibles,  des  gastéropo- 
des pulmonés,  connus  sous  les  noms  vulgaires  de 
limaces  et  d'escargots  ou  colimaçons,  et,  parmi  les- 
mollusques  acéphales,  les  tarets  se  rangent  au 
nombre  des  redoutables  ennemis  des  vaisseaux  et 
des  digues.  [Maurice  Girard.] 

AISIMAUX  UTILES.  —  Zoologie,  V.  —  IVous 
pouvons  diviser  les  animaux  qui  nous  rendent  des^ 
services  en  auxiliaires,  alimentaires  et  industriels. 

1°  Animaux  auxiliaires.  —  Ce  sont  ceux  qui  aident 
directement  ou  indirectement  l'homme  dans  cette 
lutte  continuelle  pour  l'existence  à  laquelle  le  roi  de 
la  création  est  condamné,  et  dont  il  ne  sort  vainqueur 
que  par  un  travail  incessant.  Les  uns  nous  offrent 
le  concours  de  leur  force  musculaire  et  de  leur  in- 
telligence; tels  sont  les  animaux  domestiques*  et 
certains  animaux  apprivoisés  comme  l'éléphant 
dans  les  Indes  Orientales,  les  rapaces  nobles  (fau- 
connerie), le  guépard,  félin  servant  en  Perse  à  la 
chasse.  D'autres  sont  des  protecteurs  de  nos  ctil- 
tures,  de  nos  industries,  des  agents  de  conserva- 
tion de  nos  animaux  domestiques  ou  de  nos  gibiers; 
ce  sont  les  destructeurs  des  espèces  nuisibles. 
Ainsi  les  chauves-souris  et  les  insectivores  dans  les 
mammifères  et  un  nomb-re  considérable  d'oiseaux. 
Dans  cette  classe  on  peut  dire  que  tout  l'ordre  des 
passereaux,  qui  comprend  avec  les  grimpeurs  la 
grande  majorité  des  oiseaux,  nous  est  utile  au  prin- 
temps, alors  que  les  nichées  sont  alimentées  d'in- 
sectes, nouri'iture  azotée  nécessaire  au  rapide  dé- 
veloppement des  petits  ;  on  ne  doit  h.  cette  époque 
détruire  aucun  de  ces  oiseaux,  il  faut  interdire  sé- 
vèrement le  dénichage;  en  automne,  certaines  es- 
pèces causent  des  dégâts  en  dévorant  les  fruits  et  Ica 
graines,  et  leur  chasse  au  fusil  ou  par  divers  en- 
gins, peut  alors  être  autorisée  selon  les  localités. 
Joignons  à  ces  auxiliaires  les  petits  rapaces  diurnes 
et  presque  tous  les  rapaces  nocturnes.  Tous  les 
reptiles  sont  utiles,  ;\  l'exception  des  serpents  veni- 
meux, des  tortues  et  des  serpents  non  venimeux, 
ces  deux  derniers  groupes  étant,  en  grande  partie, 
au  nombre  des  animaux  indifférents,  dont  la  con- 
servation s'impose  toxitefois  à  tous  les  hommes 
d'intelligence  à  raison  des  harmonies  naturelles  que 
nous  devons  respecter.  Tous  les  batraciens  sont 
d'utiles  insectivores. 

Les  insectes  nous  offrent  de  nombreux  auxiliaires, 
carnassiers  d'insectes  nuisibles.  Tels  sont,  dans  les 
coléoptères,  les  tribus  des  carabiens  et  des  sil- 
phiens,  les  staphylins,  les  lampjres  ou  vers-lui- 
sants, les  téléphores,  les  malachics,  les  coccinelles, 
qui  dévorent  les  pucerons.  Aux  orthoptères  appar- 
tiennent les  mantes,  carnassiers  d'insectes  vivants, 
aux  névroptères-pseudorthoptères  les  libellules,  aux 
névroptères  propres  les  panorpes,  les  fourmilions, 
les  chrysopes  et  les  hémérobes,  mangeurs  de  puce- 
rons et  de  cochenilles.  Parmi  les  hyménoptères  les 
gu;"pcs  solitaires  et  les  fouisseurs  nous  rendent  des 
services  en  enfouissant  dans  leurs  nids  des  espèces 
qui  serviront  de  proie  à  leurs  larves;  certains  hé- 
miptères sont  des  carnassiers  d'insectes,  ainsi  que 
divers  groupes    de    diptères    (asiles,    volucelles, 


ANNEE 


—  ib'à  — 


ANNÉE 


syrphes),  et  d'autres  diptères  (mouches  des  cada- 
vres, mouches  stercoraires)  contribuent  puissam- 
ment à  la  salubrité  atmosphérique.  Quelques 
myriapodes  et  les  arachnides,  sauf  les  acariens, 
comptent  parmi  les  carnassiers  auxiliaires. 

2°  Anhyiaiix  alimentaires.  —  Une  grande  partie 
de  nos  animaux  domestiques,  les  gibiers  à  poils  et 
à  plumes,  enfin  un  très  grand  nombre  des  poissons 
de  mer  et  des  eaux  douces  servent  h  notre  alimen- 
tation. Parmi  les  articulés  il  faut  compter  certains 
crustacés  décapodes  (écrevisse,  homard,  langoustp, 
crevette),  les  escargots  dans  les  mollusques  gasté- 
ropodes, les  huîtres  et  les  moules  et  quelques 
autres  espèces  moins  importantes  dans  les  mollus- 
ques acéphales,  enfin  quelques  rayonnes  (holothu- 
ries, oursins). 

3°  Animaux  industriels.  —  On  peut  réunir  sous 
ce  nom  tous  ceux  dont  nous  retirons  des  produits 
variés,  provenant  de  diverses  sécrétions  ou  de  la 
peau,  des  poils,  des  plumes,  des  cornes,  des  sa- 
bots, des  viscères  internes,  etc.  Tels  sont  tous  les 
animaux  domestiques,  certains  animaux  apprivoisés 
ou  captifs,  comme  la  civette  pour  son  musc,  des  gi- 
biers ou  des  animaux  sauvages,  souvent  nuisibles, 
recherchés  pour  leurs  fourrures  ou  leurs  pluma- 
ges, etc.  Parmi  les  insectes  se  rangent,  à  ce  point 
de  vue,  les  abeilles,  les  mélipones  et  trigones  et 
les  vers  à  soie  de  divers  pays,  appartenant  tous  aux 
bombyces  (lépidoptères),  les  insectes  vésicants 
(coléoptères  des  genres  cantharide,  mylabre,  mé- 
loé),  les  insectes  tinctoriaux  qui  sont  les  cynips  de 
la  noix  de  galle  (hyménoptères),  la  cochenille  du 
nopal  et  la  cochenille  silvestre  et  divers  kermès 
européens,  peu  employés  maintenant,  des  insectes 
à  sécrétions  cireuses  blanches,  utilisées  en  Chine 
et  dans  l'Amérique  du  Sud,  ou  à  gomme-laque  des 
Indes-Orientales,  tous  ces  insectes  appartenant  aux 
hémiptères-homoptères. 

Les  annélides  nous  présentent  une  espèce  utilisée 
en  thérapeutique,  la  sangsue  officinale;  l'embran- 
chement des  mollusques,  diverses  espèces  recher- 
chées pour  leurs  coquilles  élégantes  ou  nacrées 
(nautiles,  ormées,  volutes,  cones'  ou  leurs  perles 
(huîtres  et  moules  perlières)  ;  celui  des  ra}'onnés 
les  polj'pes  du  corail;  celui  des  spongiaires, lesépon- 
ges  usuelles,  pèchées  principalement  dans  l'Adriati- 
que et  dans  la  Méditerranée,  sur  les  côtes  de  la  Tuni- 
sie et  de  la  Syrie.  [Maurice  Girard.] 

A»'ÉE.  —  Cosmographie,  111.  —  Donner  à  des 
enfants  une  définition  bien  claire  et  en  même 
temps  bien  précise  de  cette  période,  qui,  comme  le 
jour,  forme  une  division  naturelle  du  temps,  est 
chose  plus  difficile  qu'on  ne  pense.  Comme  toutes 
les  questions  qui  touchent  au  calendrier*,  celle-ci, 
pour  être  traitée  complètement  et  à  fond,  exigerait 
des  connaissances  astronomiques  très-étendues,  et 
une  érudition  assez  rare.  Mais  en  procédant  métho- 
diquement par  une  série  d'explications  graduées, 
on  peut  arriver  à  faire  comprendre  aux  jeunes 
intelligences  de  nos  écoles  primaires  la  matière 
de  ce  chapitre  intéressant  d'un  cours  de  cosmo- 
graphie. Voici  comment. 

^'ous  partirions  d'abord  des  notions  \'ulgaires,  et 
des  phénomènes  apparents  dont  la  succession,  la 
périodicité  est  déjà  parfaitement  connue  d'un  enfant 
de  dix  à  douze  ou  quinze  ans.  Les  diverses  saisons, 
printemps,  été,  automne  et  hiver  se  distinguent 
dans  les  divers  climats  par  certains  changements 
dans  la  longueur  des  journées  et  des  nuits,  dans 
le  degré  de  la  chaleur  et  du  froid  et  dans  la  végé- 
tation. Le  retour  de  ces  changements  successifs, 
plus  ou  moins  réguliers  et  plus  ou  moins  tranchés, 
marque  l'achèvement  de  la  période  d'une  année, 
que  l'expérience  apprend  d'ailleurs  avoir  une  durée 
de  305  jours,  quelquefois  de  300. 

Maintenant  deux  faits  corrélatifs  que  chacun  peut 
observer  vont  préciser  cotte  première  nution.  Le 
premier  est  l'inégalité  de  durée  du  jour  et  de  la 


nuit  dans  les  saisons  successives  pour  un  même 
lieu  de  la  terre.  Au  début  du  printemps,  le  soleil 
reste  levé  pendant  environ  12  heures  et  reste  cou- 
clié  le  même  temps  ;  et  la  même  chose  arrive  au 
début  de  l'automne  ;  le  jour  est  égal  à  la  nuit  â  cha- 
cune de  ces  deux  époques  :  c'est  le  moment  des 
c/iiinoxes.  Entre  l'cquinoxe  du  printemps  et  celui 
d'automne,  le  soleil  (dans  tout  Ihémisphère  nord) 
est  plus  longtemps  au-dessus  de  l'horizon  qu'au- 
dessous  ;  il  se  lève  plus  au  nord,  se  couche  plus 
au  nord  aussi  ;  il  décrit  un  plus  grand  cercle,  ou,  si 
l'on  veut,  monte  à  midi  à  une  plus  grande  hauteur 
sur  l'horizon  ;  le  contraire  arrive,  de  l'équinoxc 
d'automne  à  l'équinoxe  du  printemps.  Le  solstice 
d'été  correspond  au  plus  long  jour  et  à  la  nuit  la 
plus  courte,  à  la  plus  grande  hauteur  méridienne- 
du  soleil  ;  le  solstice  dhiver  au  jour  le  plus  court, 
à  la  nuit  la  plus  longue  ou  au  plus  grand  abaisse- 
ment du  soleil  à  midi.  Ces  deux  faits  d'observation, 
qu'on  peut  rendre  sensibles  aux  enfants,  précisent 
la  durée  de  l'année  ;  elle  se  mesure  par  le  nombre 
de  jours  écoulés,  soit  entre  deux  équinoxes,  soit 
entre  deux  solstices  de  même  nom. 

On  peut  encore  prendre  pour  point  de  départ  le 
mouvement  apparent  qui,  dans  le  cours  des  saisons, 
fait  défiler  successivement  toutes  les  constellations 
devant  nos  yeux.  Considérant,  par  exemple,  à  un 
jour  et  à  une  heure  donnée,  la  position  d'une  étoile 
au  méridien,  d'Arcturus  je  suppose,  il  est  aisé  de 
constater  qu'à  la  même  heure  les  jours  suivants 
elle  sera  de  plus  en  plus  occidentale,  et  que  des 
étoiles  plus  orientales  auront  pris  sa  place.  Le  ciel 
change  ainsi  d'aspect  de  jour  en  jour,  ou  de  nuit 
en  nuit  ;  et,  pour  se  retrouver  semblable  à  la 
même  heure  et  au  même  lieu,  il  faut  qu'une  année, 
environ  365  jours,  se  soit  écoulée. 

Jusque-là,  il  est  vrai,  la  notion  de  l'année,  si  elle 
se  lie  à  des  faits  bien  définis,  reste  encore  vague 
dans  sa  propre  définition  ;  et,  d'ailleurs,  l'élève  qui 
les  aura  bien  saisis,  n'en  comprendra  point  encore 
la  raison,  c'est-à-dire  le  rapport  qui  lie  ces  phéno- 
mènes à  la  période  de  l'année  même,  la  cause  de 
cette  période  même.  N'ayant  eu  égard  qu'aux  ap- 
parences, il  serait  porté  à  attribuer  aux  mouvements 
du  soleil  ou  du  ciel  ce  qui  est  le  fait  du  mouvement 
de  la  terre.  Arrive  donc  maintenant  le  moment  de 
donner  l'explication  des  phénomènes  énumérés,  par 
la  translation  ou  la  circulation  annuelle  de  la  terre 
autour  du  soleil. 

Pour  un  premier  degré  d'initiation  à  ces  notions, 
on  se  contentera  de  faire  voir  que  la  terre  est  un 
astre,  une  étoile  ou  plutôt  une  planète  ;  qu'elle  est 
douée  d'un  double  mouvement,  d'une  part  tournant 
ou  pivotant  sur  elle-même  autour  d'un  de  ses  dia- 
mètres (de  son  axe  ou  ligne  des  pôles)  en  un  jour; 
d'autre  part  décrivant  en  un  an,  autour  du  soleil, 
une  courbe  de  forme  elliptique,  dont  le  plan  forme 
avec  le  plan  de  l'équateur  de  la  terre  un  angle 
constant,  angle  auquel  on  donne  le  nom  d'obliquité 
de  l'écliptique. 

Alors  viendra  naturellement  l'explication  de  la 
différence  entre  la  durée  du  jour  sidéral,  qui  est 
celle  de  la  rotation  du  globe  sur  son  axe,  et  la  du- 
rée du  jour  solaire,  intervalle  qui  s'écoule  entre 
deux  passages  consécutifs  du  soleil  au  méridien. 
Les  jours  solaires  étant  inégaux,  on  a  dû  prendre 
une  moyenne  entre  les  plus  longs  et  les  plus  courts 
dans  la  suite  d'une  année  ;  de  là  le  jour  moyen. 

Enfin,  viendront  les  définitions  : 

1°  De  Vannée  «zV/eVo/e  ;  supposons  une  ligne 
droite  ou  rayon  vecteur,  joignant  le  centre  de"  la 
terre  au  centre  du  soleil,  prolongée  d'un  côté  ou 
d'autre  jusqu'à  la  voûte  céloste,  et  rencontrant,  à 
ua  instant  donné,  une  étoile.  La  terre  îirculant 
autour  du  soleil,  le  rayon  vecteur  parcourra  suc- 
cessivement tous  les  points  d'un  grand  cercle  dont 
le  plan  est  celui  de  l'écliptique.  Quand  ce  rayon 
aura  fait  le  tour  entier  du  ciel  et  sera  revenu  coin- 


ANNELES 


154  — 


ANNELIDES 


cider  avec  l'étoile  du  point  de  départ,  il  se  sera 
écoulé  une  année,  une  ajinée  sidérale,  dont  la 
durée  est  de  365  jours  moyens  6  heures  9  minutes 
10  secondes'. 

2°  De  Y  année  tropique  ;  sxi'pxiO^oriz  que  notre 
point  de  départ  soit  celui  de  l'équinoxe,  qui  a  lieu 
quand  le  plan  de  l'équateur  terrestre  passe  préci- 
sément par  le  centre  du  soleil.  Après  une  révolution 
qui  ramènera  cette  coïncidence,  il  se  sera  écoulé 
une  année,  mais  une  année  tropique,  dont  la  durée 
est  de  365  jours  moyens  5  heures  48  minutes  47  se- 
condes 52.  L'année  tropique  est  donc  moins  longue 
que  l'année  sidérale  de  20  minutes  23  secondes 
«nviron,  c'est  à-dire  que  le  retour  de  la  terre,  ou 
de  son  rayon  vecteur  à  la  même  étoile  est  un  peu 
plus  long  que  son  retour  au  même  équinoxe.  C'est 
le  phénomène  connu  depuis  2,000  ans  (Hipparque) 
«eus  le  nom  de  précession  des  équinoxes. 

3°  De  Vanjiée  anomalistiqiie .  qui  s'entend  du 
retour  de  la  terre  au  même  point  de  son  orbite, 
par  exemple  de  l'intervalle  compris  entre  deux 
passages  consécutifs  de  notre  planète  à  son  péri- 
hélie.La  durée  de  cette  période  est,  en  moyenne, 
de  365  jours  moyens,  6  heures  13  minutes  33  sec.  74, 
plus  grande  de  24  minutes  45  sec.  environ  que 
l'année  tropique. 

C'est  l'année  tropique  qui  correspond  exactement 
à  la  succession  des  saisons  astronomiques,  et  c'est 
la  raison  qui  l'a  fait  prendre  pour  base  de  la  me- 
sure du  temps  civil  ;  dès  lors,  le  professeur  pourra 
se  borner  à,  la  définir,  au  moins  dans  un  premier 
exposé.  L'année  civile  est  formée,  comme  on  sait, 
de  365  jours  entiers,  et  l'excédant  négligé  forme, 
tous  les  quatre  ans,  une  année  bissextile.  Ici  se 
placera  donc  l'explication  des  réformes  du  calen- 
drier, s'il  y  a  lieu,  c'est-à-dire  si  les  connaissances 
•de  l'élève  permettent  au  maître  d'entrer  dans  les 
•détails  convenables. 

Il  est  bien  évident  pour  nous  que  les  diverses 
définitions  de  l'année  que  nous  venons  de  donner, 
ne  pourront  être  utilement  présentées  ni  claire- 
ment expliquées  à  la  majorité  des  élèves  ;  en  tout 
cas  il  importe  que  le  maître  fasse  pour  lui-même  ces 
distinctions,  afin  de  ne  leur  inculquer  que  des  no- 
tions justes.  Il  lui  suffira  de  définir  l'année  tropi- 
que, le  retour  de  la  terre  aux  équinoxes,  d'expli- 
■quer  la  succession  des  saisons  et  les  durées  iné- 
gales des  jours  et  des  nuits  par  les  mouvements 
combinés  de  rotation  et  de  translation  du  globe, 
par  l'inclinaison  et  le  parallélisme  constant  de  son 
axe  dans  le  cours  d'une  révolution. 

Ces  trois  notions  du  jour  sidéral,  du  jour  solaire 
et  de  l'année  tropique,  convenablement  développées, 
forment,  en  définitive,  la  substance  de  presque 
tout  le  cours  de  cosmographie  en  ce  qui  concerne 
le  système  planétaire. 

Nous  avons  cru  devoir  insister  sur  la  gradation 
h  suivre  dans  la  série  des  notions  qui  amènent  les 
enfants  à  comprendre  ce  qu'est  l'année,  ce  que 
sont  les  saisons  et  quelle  est  la  cause  de  ces  phé- 
nomènes ;  il  importe  surtout  de  les  faire  observer 
«ux-mêmes,  de  les  pi'ovoquer  à  réfléchir  sur  les 
faits  dont  on  peut  les  rendre  témoins  chaque  jour. 
Mais  il  sera  bon  aussi  de  s'aider  du  secours  des 
expériences  très  simples  qu'on  peut  faire  avec  un 
globe,  avec  une  simple  boule,  qui  représentera  la 
terre,  et  qu'on  fera  tourner  sur  son  axe  en  face 
d^une  lampe,  qu'on  fera  circuler  ensuite  autour 
d'une  table  ronde  pour  simuler  la  translation  an- 
nuelle. Rien  n'est  propre  comme  ces  simples  et 
faciles  expériences  à  graver  dans  la  mémoire  des 
enfants  le  rapport  des  faits  et  de  leurs  causes. 

[A.  Guillemin.] 

A>'IvnLES.  —  Zoologie,  XXIII.  -  {Etym.  :  formé 
d'anneaux.) —  Dans  les  classifications  zoologiques 
les  plus  usitées  en  France,  on  donne  ce  nom  au 
second  embranchement  du  règne  animal.  11  se 
compose  d'animaux  formés  d'une  succession  d'an- 


neaux ou  zoonites,  et  dont  le  type  idéal  serait  une 
série  d'anneaux  soudés  longitudinalement,  tous  pa- 
reils et  pourvus  chacun  des  organes  de  nutrition, 
de  reproduction,  de  locomotion  et  de  relation.  En 
réalité,  les  anneaux  se  différencient  les  uns  des 
autres,  et  d'autant  plus  que  l'Annelé  est  plus  élevé. 
Le  plus  généralement  le  système  nerveux  princi- 
pal, situé  de  part  et  d'autre  du  tube  digestif,  se 
compose,  du  côté  dorsal,  d'un  cerveau  formé  de 
deux  ganglions  plus  ou  moins  soudés,  d'où  part  un 
collier  nerveux  entourant  l'œsophage  et  rejoignant 
en  dessous,  du  côté  ventral,  une  double  chaîne 
nerveuse  ganghonnée,  à  deux  ganglions  par 
anneau,  ceux-ci  présentant  des  soudures  variables 
dans  le  sens  longitudinal  et  dans  le  sens  trans- 
versal. 

Les  Annelés  ont  été  divisés  en  deux  sous-embran- 
chements, celui  des  articulés  *  ou  arthropodc.ires 
(chez  lesquels  les  appendices  sont  articulés)  et  les 
vers  *  (offrant  des  appendices  non  articulés  quand 
ils  existent),  subdivisés  en  annélides  *  et  helmin- 
thes *.  Nous  n'avons  pas  à  examiner  le  mérite  de 
cette  classification,  qui  a  l'avantage  d'être  simple 
et  commode  dans  la  pratique,  et  nous  ferons  re- 
marquer que  toutes  les  classifications  possibles 
sont  approximatives  et  que  leur  discussion  n'a  rien 
d'élémentaire,  partant  rien  d'essentiel.  Il  faut  les 
prendre  comme  moyen  de  grouper  les  êtres  à  dé- 
crire et  négliger  les  difficultés  de  détail. 

[Maurice  Girard.] 

AN>-EL1DES.  —  Zoologie,  XXVIL  --  {Étym.: 
comme  Annelés.) 

1.  Caractères  généraux  des  Annélides.  —  Ces 
animaux,  presque  tous  à  vie  aquatique  et  dont 
la  plupart  habitent  les  côtes  maritimes,  forment 
la  première  classe  du  sous-embranchement  des 
vers*. 

Ils  n'ont  jamais  de  membres  articulés.  Cuvier 
les  a  séparés  des  vers  proprement  dits  ou  helmin- 
thes, sous  le  nom  de  vers  à  sang  rouge,  ce  qui 
est  en  effet  la  couleur  fréquente  de  leur  plasma 
nourricier,  comme  on  le  voit  bien  dans  les  sang- 
sues et  dans  les  lombrics;  on  distingue  tout  de 
suite,  au  moyen  du  microscope,  ce  sang  de  celui 
des  vertébrés,  par  l'absence  des  corpuscules  en 
disques  circulaires  ou  elliptiques ,  dits  héma- 
ties. 

La  forme  de  leur  corps  est  celle  d'une  série 
d'anneaux,  presque  toujours  bien  distincts  et  se 
ressemblant  beaucoup  entre  eux;  ceux  des  extré- 
mités, surtout  de  la  tête,  offrent  seuls  quelques 
différences. 

La  locomotion  s'opère  par  reptation,  ou  à  la  na^e 
par  ondulations.  Elle  a  lieu  chez  certains  anné- 
lides au  moyen  de  tubercules  charnus  situés  sur 
les  côtés  du  corps,  souvent  sur  deux  rangs,  parfois 
réunis,  une  paire  à  l'arceau  dorsal,  l'autre  à 
l'arceau  ventral;  chacun  porte  un  cirrhe  ou  filet 
rétractile,  entouré  d'un  faisceau  do  soies  raides, 
ce  qui  a  fait  donner  à  l'organe  le  nom  de  rame  ou 
de  pied  sétifère.  D'autres  annéUdes  n'offrent  comme 
organes  de  locomotion  que  des  poils  raides  im- 
plantés dans  la  peau  (lombrics),  ou  au  contraire 
que  deux  ventouses  contractiles  aux  deux  extrémi- 
tés du  corps  dont  la  peau  est  nue  (sangsue). 

La  respiration  s'opère  par  des  branchies  ou  replis 
mous  de  la  peau,  presque  toujours  externes, 
tantôt  en  houppes  sur  les  côtés  du  corps,  tantôt 
en  panaches  à  la  région  antérieure,  et  parfois 
semble  se  faire  par  toute  la  surface  de  la  peau 
(lombrics). 

Le  tube  digestif  est  continu,  de  la  bouche  à  l'a- 
nus ;  il  est  le  plus  souvent  droit,  quelquefois  garni 
d'un  nombre  plus  ou  moins  considérable  de  cae- 
cums placés  de  chaque  côté.  Le  régime  des  anné- 
lides esi  le  plus  souvent  carnassier;  ils  vivent  par- 
fois de  détritus  animalisés  ou  azotés. 

La  circulation  du  sang  se  fait  dans  un  appareil 


ANNELIDES 


—  ISo 


ANNELIDES 


fort  complexe,  constitué  en  entier  par  des  vaisseaux 
clos,  dont  la  plupart  remplissent  les  fonctions 
d'artères  et  de  veines,  quelques-uns  étant  con- 
tractiles et  tenant  lieu  de  cœurs.  Cette  organisa- 
tion élevée  du  système  circulatoire  avait  trompé 
Cuvier  sur  la  véritable  place  des  annélides,  qu'il 
classait  en  tête  des  articulés.  On  a  dû  abandonner 
cette  manière  de  voir,  et  ramener  les  annélides  à 
un  rang  inférieur,  d'après  leurs  affinités  plus  réelles 
avec  les  helminthes  dont  la  plupart  sont  des  vers 
entozoaires,  c'est-à-dire  parasites  internes  des  ani- 
maux. 

2.  Principales  divicions  de  la  classe  des  Anné- 
lides. —  On  les  subdivise  en  Sétigères  ou  Chéto- 
podes,  c'est-à-dire  munis  de  soies  servant  à  la 
locomotion,  et  en  Apodes,  pi'ivés  de  ces  organes 
locomoteurs. 

I.  Annélides  chétopodes  :  —  1°  Ord7'e  des  An- 
nélides errants.  —  Les  Chétopodes  les  plus  élevés 
constituent  l'ordre  des  Annélides  errants  ou  dor- 
sibranches,  c'est-à-dire  à  branchies  portées  sur 
toute  la  face  supérieure  du  corps  ou  sur  sa  région 
moyenne  (  fig  l,c).     La  tète  est  presque  toujours 


Fig.  1.  —  B.  Serpule  retirée  de  son  tube.  —  C.  Arénicolu 
des  pêi'.heurs. 

bien  distincte  et  garnie  à  la  nuque  de  plusieurs 
paires  de  filets  ou  tentacules,  nommés  souvent  an- 
tennes ;  il  y  a  aussi  des  points  noirs  ou  colorés  qui 
sont  des  yeux.  La  bouche  est  munie  d'une  trompe 
.protractile,  c'est-à-dire  rentrant  dans  le  corps  à  la 
volonté  de  l'animal  ou  en  sortant  ;  sa  longueur  est 
parfois  considérable  et  son  extrémité  est  souvent 
munie  de  dents  en  pointes  ou  en  crochets. 
Cette  trompe  est  l'organe  de  préhension  des  ali- 
ments. 

C'est  aussi  l'instrument  qui  sert  à  ces  Annélides 
errants  pour  creuser  des  galeries  où  ils  s'en- 
foncent avec  une  grande  rapidité  dans  le  sable 
humide.  Certaines  espèces  consolident  leur  gale- 
rie, en  la  tapissant  d'un  léger  fourreau,  formant 
une  sorte  d'habitation  passagère,  que  l'animal  peut 
quitter  à  volonté.  Nous  citerons,  dans  les  Anné- 
lides errants  :  les  Aphrodites,  souvent  rejetées 
sur  le  rivage  à  la  marée  montante  .après  les  grob 


temps,  et  ûont  le  corps  ovalaire  est  bordé  de  lon- 
gues soies  qui  brillent  au  soleil  des  plus  riches 
teintes  métalliques;  les  Néréides,  souvent  em- 
ployées comme  amorces  de  pêche,  très  communes 
sur  nos  côtes,  à  corps  grêle,  très  allongé,  avec  une 
trompe  armée  de  deux  mâchoires  très  fortes  ;  les 
Eunices,  analogues  de  forme  aux  Néréides,  enfin 
les  Arénicoles  (V.  ci-dessous). 

2°  Ordre  des  Annélides  tuhicoles.  —  Cet  ordre 
comprend  les  Annélides  habitant  un  tube  ou  four- 
reau. Ces  animaux  sont  fixés  dans  la  majeure  par- 
tie de  leur  existence,  ils  n'ont  ni  tête  distincte,  ni 
mâchoires,  ni  yeux,  ni  antennes.  La  région  anté- 
rieure de  leur  corps,  celle  qui  reste  toujours  en 
partie  hors  du  fourreau  de  protection,  offre  un 
panache  ou  couronne  d'appendices,  dont  les  uns 
constituent  des  branchies  de  respiration,  d'autres 
servant  à  la  préhension  des  aliments  ou  à  la  loco- 
motion, pour  ceux  de  ces  Annélides  qui  peuvent 
se  traîner  sur  le  sol  avec  leurs  fourreaux.  La  plu- 
part de  ces  animaux  ne  peuvent  ni  nager  ni  mar- 
cher, et  leurs  pieds  peu  saillants  ne  leur  servent 
guère  que  pour  s'élever  ou  pour  descendre  dans 
le  tube,  où  ils  résident  à  poste  fixe. 

Les  tubes  de  ces  annélides  sont  produits  par  des 
exsudations  de  la  peau  de  l'animal.  Tantôt  ils  sont 
durs  et  calcaires,  droits  ou  flexueux,  souvent  col- 
lés aux  rochers  ou  aux  coquilles,  comme  des 
incrustations  ;  c'est  ce  qui  a  lieu  pour  les  Serpides 
iV.  fig.  2  et  fig.l,6)que  la  solidité  de  leurs  tubes 
permet  de  retrouver  à  l'état  fossile.  Ils  ont  la  ré- 
gion antérieure  du  corps  ornée  d'une  couronne  de 
superbes  panaches  disposés  en  entonnoir.  Les  Am- 


Fig.  2.  —  Serpules. 

phitrites  sont  faciles  à  reconnaître  aux  grosses 
soies  dorées,  qu'on  voit  rangées,  comme  les  dents 
d'un  peigne,  à  leur  région  antérieure.  Certains 
annélides  tubicoles,  tels  que  les  Sabelles  et  les 
Térébelles,  laissent  sortir  du  sable  la  partie  anté- 
rieure de  leur  fourreau  ;  ils  s'enfoncent  avec  lui, 
en  partie,  en  cas  de  danger,  dans  une  courte 
galerie,  qui  s'approfondit,  à  mesure  que  l'animal 
grandit,  et  cela  à  l'aide  des  mouvements  de  la 
queue  ou  extrémité  terminale  du  corps.  Ce  four- 
reau reste  toujours  au  fond,  et  présente  dans  sa 
partie  antérieure  la  consistance  du  parchemin 
mouillé  ;  en  arrière,  il  n'est  souvent  ni  plus  ferme, 
ni  plus  épais  qu'une  pelure  d'oignon. 

3°  Ordre  des  Aniélides  terricoles,  —  C'est  l'ordre 
inférieur  des  Chétopodes  ;  on  les  nomme  Terricoles 


ANNELIDES 


—  136  — 


ANNELIDES 


parce  qu'ils  vivent  dans  la  terre  ou  dans  le  vase, 
ou  encore  Ahrmiches  oligochèles,  c'est-à-dire  dé- 
pourvus do  branchies  extérieures  et  munies  d'un 
petit  nombre  de  soies,  le  plus  souvent  sans  tête 
ni  yeux,  ni  appendices  bien  distincts.  Le  corps  ost 
cylindrique,  aminci  aux  deux  bouts,  garni  de  plu- 
sieurs rangées  de  soies  raides  qui  leur  servent  à 
se  hisser  hors  des  trous  où  ils  demeurent  le  plus 
souvent.  Tels  sont  les  Lombrics  qui  vivent  dans 
la  terre  végétale,  et  les  Nais  habitant  les  eaux 
douces,  dans  des  trous  de  la  vase  des  étangs  et 
des  ruisseaux,  ayant  le  corps  plus  allongé  et 
moins  distinctement  annelé  que  celui  des  Lom- 
brics. 

Les  naturalistes  modernes  font  avec  raison  des 
Lombrics  non  pas  une  subdivision  des  Annélides, 
mais  une  classe  à  part,  les  Lombriciens ,èzà\(i  en 
importance  à  celle  des  Annélides.  Cette  distinction 
est  motivée  par  la  différence  profonde  des  carac- 
tères qui  lesséparentdes  Annélides  proprement 
dits,  leur  séjour  non  dans  leau,  mais  dans  la  terre 
végétale  ou  dans  la  vase,  l'absence  chez  eux  de 
métamorphoses,  la  disposition  tout  autre  de  l'ap- 
pareil locomoteur,  l'absence  complète  de  bran- 
chies externes,  Thermaphroditisme  à  peu  près 
général  de  toutes  les  espèces.  Il  ne  reste  de  com- 
mun entre  les  Lombrics  et  les  Annélides  qu'une 
sorte  de  similitude  trompeuse  dans  la  forme  exté- 
rieur. Si  nous  conservons  l'ancienne  classilication 
qui  fait  rentrer  les  Lombrics  dans  la  classe  des 
Annélides,  c'est  au  point  de  vue  seulement  de  la 
simplicité  qui  est  d'une  importance  capitale  dans 
l'enseignement  élémentaire. 

IL  Annélides  apodes.  —  Les  Apodes  consti- 
tuent l'ordre  des  Annélides  suceurs  ou  Ahranches 
sans  soies  de  Cuvier.  Presque  tous  vivent  dans  les 
eaux  douces,  s'attachant  en  général  à  divers  ani- 
maux dont  ils  sucent  les  fluides  nourriciers.  Ils 
nagent  par  ondulations  ou  rampent  au  moyen  de 
deux  ventouses  placées  aux  deux  extrémités  du 
corps,  et  permettant  une  forte  adhérence  aux  ob- 
jets. La  bouche,  ordinairement  armée  de  petites 
mâchoires,  est  placée  au  fond  de  la  ventouse  anté- 
rieure, et  l'anus  est  situé  à  la  base  de  la  ventouse 
postérieure.  Telles  sont  les  Sangsues  ou  Hirudi- 
nces. 

3.  Espèces  communes  à  étudier  comme  types. 
—  On  pourra  fixer  particulièrement  l'attention 
des  élèves  et  diriger  les  exercices  d'observation 
expérimentale  sur  les  trois  espèces  suivantes  con- 
sidérées comme  types  des  annélides  : 

1°  Vers  de  sable  ou  aré7iicoles  (V.  fig.  1).  — 
L'espèce  intéressante  de  ce  groupe  est  Varénicole 
des  pêcheurs,  que  Linné  confondait  avec  les  lom- 
brics sous  le  nom  de  lombric  marin.  Cet  annélide 
a  le  corps  partagé  en  trois  régions  distinctes  : 
1"  région  antérieure  :  tête  peu  distincte,  sans 
appendices,  portion  thoracique  très  atténuée  en 
avant,  puis  renflée  en  fuseau  avec  des  étrangle- 
ments variables  plus  ou  moins  marqués  ;  elle 
prend  l'aspect  d'une  sorte  de  massue  quand  l'ani- 
mal se  contracte  ;  elle  comprend  sept  anneaux 
sans  branchies, mais  dont  les  six  postérieurs  ont 
des  pieds  ;  2°  région  abdominale  comprenant 
13  anneaux  et  portant  des  branchioî  en  forme  de 
petites  houppes  ;  3"  région  caudale  nue,  sans 
branchies;  ayant  à  peu  près  le  tiers  de  la  longueur 
du  corps  entier  cylindrique,  finement  plissée 
transversalement,  sans  pieds  ni  soies  et  se  termi- 
nant par  un  anus  capable  de  s'ouvrir  très-large- 
ment. Le  ver  de  sable  atteint  parfois  20  à  i'.')  cen- 
tim.de  longueur;  il  a  dss  teintes  très  variables 
suivant  l'influence  des  fonds  sur  lesquels  il  vit.  de 
couleur  claire  sur  les  sables  purs,  d'un  noir  pro- 
fond et  velouté  avec  de  magnifiques  reflets  irisés 
sur  les  plages  vaseuses  riches  en  dctriius  orga- 
niques. 

L'arénicole,  très  commune  sur  toutes  les  côtes 


occidentales  d'Europe,  est  employée  comme  appât 
par  les  pêcheurs  pour  les  lignes  de  fond. 

On  la  prend  sur  la  plage  à  marée  basse  en 
fouillant  le  sable  humide  aux  endroits  où  l'on  voit 
déposes  de  petits  tortillons  de  sable  ou  de  vase  : 
ce  sont  les  excréments  de  l'arénicole,  qui,  comme 
le  ver  de  terre,  avale  la  terre  ou  la  vase  pour  en 
extraire  les  matières  azotées.  La  galerie  où  l'aré- 
nicole s'enfonce  avec  une  extrême  promptitude  au 
premier  ébranlement  du  sol  est  recourbée  en  forme 
de  siphon  :  il  faut  donner  le  coup  de  pioche 
entre  les  deux  orifices  de  ce  siphon  pour  saisir  le 
ver.  Quand  on  le  touche,  il  secrète  en  abondance 
un  liquide  qui  tache  fortement  les  mains  en  jaune 
orangé,  parfois  un  peu  verdâtre  ;  on  voit  fréquem- 
ment ces  taches  aux  mains  des  femmes  et  des  en- 
fants de  nos  populations  côtières. 

2°  Ver  de  terre  ou  lombric.  —  Le  lumbricus  ter- 
restris  de  Linné  ou  ver  de  terre  ordinaire  est  trop 
connu  pour  que  nous  a}'ons  besoin  d'en  donner  ici 
la  figure.  Le  seul  organe  qu'on  y  puisse  faire  re- 
marquer à  l'œil  nu,  c'est  une  sorte  de  bourrelet  ou 
de  ceinture, appelé  le  clitellum,(\\i\  se  trouve  chez 
presque  tous  les  lombriciens  dans  la  région 
moyenne  du  corps,  ceinture  qui  se  gonfle  et  ne 
devient  bien  visible  qu'à  l'époque  du  rut. 

La  génération  chez  les  lombrics  présente  des 
faits  importants,  dont  le  détail  anatomique  ne  peut 
trouver  place  ici.  L'animal  est  monoïque,  c'est-à- 
dire  qu'un  même  sujet  porte  les  organes  des  deux 
sexes,  mais  la  reproduction  n'a  lieu  que  par  un  ac- 
couplement réciproque,  comme  chez  les  limaces  e 
colimaçons  :  au  printemps  on  voit  souvent  deux  vers 
de  terre  collés  l'un  à  l'autre  par  le  clitellum  et  en- 
veloppés d'une  sorte  de  gaine  mucilagineuse  tem- 
poraire sécrétée  à  cette  région  et  durcie  par 
l'air. 

Les  œufs  du  lombric  terrestre  sont  enfermés 
dans  une  coque  en  forme  de  boule  jaune,  avec  une 
pointe  mousse  à  chaque  pôle,  chaque  coque  conte- 
nant de  trois  à  cinq  œufs. 

Les  vers  de  terre  demeurent  presque  toujours 
dans  des  tuyaux  qu'ils  creusent  dans  la  terre  végé- 
tale. Ils  s'enfoncent  très  profondément  lors  des  sé- 
cheresses, et  sortent  au  contraire  après  les  averses 
prolongées,  alors  que  l'eau  qui  inonde  leurs  tubes 
terreux  les  noierait.  Ils  se  hissent  au  dehors  au 
moyen  de  leurs  soies.  Ils  ne  peuvent  manger  que 
des  matières  complètement  décomposées  et  vivent 
uniquement  de  l'humus,  le  recherchant  d'autant 
plus  avidement  qu'il  est  plus  azoté  ;  aussi,  comme 
le  savent  bien  les  pêcheurs  à  la  ligne,  les  lombrics 
abondent  dans  la  terre  sous  les  amas  de  fumier. 
Ce  sont  en  général  des  animaux  indifi'érents  pour 
nous  au  point  de  vue  agricole.  Ils  nous  rendent 
plutôt  service  dans  les  fortes  terres  argileuses,  que 
leurs  trous  criblent  de  tuyaux  naturels  de  drainage 
aérien  ;  par  contre  ils  sont  parfois  nuisibles  dans 
les  jardins  en  bouleversant  les  semis.  Accidentel- 
lement, quand  le  sol  n'a  pas  d'humus,  ils  entraî- 
nent dans  leurs  trous  des  débris  de  feuilles  ou  de 
paille  ;  mais  ce  n'est  que  quand  ces  débris  sont  bien 
pourris  qu'ils  peuvent  servir  de  nourriture  aux 
lombrics.  C'est  ce  qui  a  fait  supposer  à  quelque» 
personnes  qu'ils  vivaient  de  végétaux,  ce  qui  est 
inexact,  car  leurs  excréments,  rejetés  hors  dos 
trous  en  forme  de  tortillons  terreux,  ne  contien- 
nent que  do  la  terre  sans  débris  végétaux.  Quand 
la  terre  est  bien  fumée,  ils  n'ont  besoin  d'en- 
traîner aucune  parcelle  de  plante,  ce  qui  permet 
d'assurer  qu'ils  ne  nuisent  pas  aux  cultures  en- 
général. 

Les  Lumbricus  sont  de  l'Europe,  de  l'Egypte,  de 
l'Amérique  du  Nord  et  de  l'Australie.  Los  autres 
genres  sont  étrangers  à  l'Europe. 

■',°  Sangsues.  —  Les  sangsues  sont  rangées  par 
MM.  Paul  Gervais  et  Van  Bcnéden  (zoologie  médi- 
cale) parmi  les  vers  proorement  dits  ou  helminthes, 


ANNÉLIDES 


157  — 


ANNUITES 


dans  la  classe  des  Cotylidcs,  la  plupart  des  vers  de 
cette  classe  étant  des  parasites  internes  danimaux, 
tandis  que  les  sangsues  ou  hirudinées  vivent  bien 
du  sang  de  divers  animaux,  mais  d'une  manière 
passagère.  Sans  discuter  ce  rapprocliement,  nous 
continuerons,  pour  motif  de  simplification,  à  laisser 
ces  animaux  dans  les  Annélides. 

Le  genre  le  plus  important  pour  nous  est  le 
genre  sangsue  (Hirudo,  Linné,  ou  Sanguisuga, 
Savigny),  présentant  un  corps  allongé,  subdéprimé, 
rétréci  graduellement  en  avant,  obtus  en  arrière, 
mollasse,  des  anneaux  égaux,  au  nombre  de  9.i, 
très-distincts,  saillants  sur  les  côtés  et  quinés, 
c'est-à-dire  disposés  cinq  par  cinq  (V.  fig.  3). 
Comme  les  limaces  et  les  lombrics,  les  sangsues 
sont  monoïques,  chacune  offrant  sur  des  anneaux 
distincts  les  orifices  sexuels,  les  uns  mâles,  les 
autres  femelles  ;  mais  un 
sujet  ne  peut  néanmoins  se 
féconder  lui-même,  il  faut 
le  concours  de  deux  indivi- 
dus. Le  corps  offre  en  avant 
une  ventouse  orale  peu  con- 
cave ,  à  lèvre  supérieure 
très-avancée  et  presque  lan- 
céolée. La  bouche,  grande 
relativement  à  la  ventouse 
orale,  est  munie  de  trois  mâ- 
choires égales,  grandes,  de- 
mi-ovales, très-comprimées, 
à  denticules  nombreuses  et 
très-pointuos,  produisant  la 
petite  blessure  étoilée  qu'on 
voit  sur  la  peau  après  la 
succion  d'une  sangsue.  Il 
y  a  dix  points  oculiformes 
en  ligne  courbe  autour  de 
la  ventouse  orale.  La  ven- 
touse anale  ,  plus  grande 
que  l'orale  et  au  moyen  de 
laquelle  on  voit  si  souvent 
les  sangsues  se  suspendre 
la  tête  en  bas,  est  moyenne 
Fig.  3.  —  Sangsue  mé-  6*  obliquement  terminale, 
dicinale!  et  l'anus  très-petit,  arrondi, 

à  peine  visible. 
L'espèce  principale  est  la  sangsue  médicinale 
(Hirudo  medicinalis,  Linné)  qui  habite  les  eaux 
douces,  fossés,  mares,  étangs  et  petites  rivières  de 
l'Europe,  de  certaines  localités  de  l'Afrique  sep- 
tentrionale et  de  l'Asie  Mineure.  Le  dos  est  géné- 
ralement d'un  grjs  olivâtre,  avec  des  bandes  plus 
ou  moins  distinctes,  le  bord  olivâtre  clair,  les 
bandes  marginales  du  ventre  droites.  Le  commerce 
distingue  plusieurs  variétés  de  sangsues,  surtout 
d'après  les  couleurs  :  verte,  noire,  rouge,  jaune, 
fauve  ou  grise.  Une  seconde  espèce  est  la  sangsue- 
truite  {Hirudo  troctitia,  Johnson),  dite  dans  le  com- 
merce dragon  d'Alger,  avec  rangées  de  taches 
claires  sur  le  dos,  d'Algérie  et  du  Maroc,  mêlée 
chez  les  marchands  à  la  vraie  sangsue  médicinale 
et  aussi  bonne.  La  sangsue  bordée  {H.  marginata, 
Risso),  à  bords  d'un  rouge  de  safran  vif,  est  des 
environs  de  Nice.  On  trouve  dans  les  lacs  du  Sé- 
négal une  petite  sangsue  {H.  mysomelas,  Henry. 
SéruUas  et  Virey)  usitée  dans  le  commerce,  mais 
d'un  prix  moins  élevé  que  la  sangsue  médicinale, 
car  elle  suce  moitié  moins  de  sang.  Enfin  on  se 
sert  aux  Indes,  notamment  dans  notre  colonie  de 
Pondichéry,  d'une  sangsue  plus  grosse  que  la  nôtre, 
la  sangsue  granuleuse  [H.  gramdosa,  Savigny),  et 
qui  cause  parfois  de  vraies  hémorrhagies  auxquelles 
il  faut  porter  remède. 

Les  sangsues  se  blottissent  dans  la  vase  solidifiée 
lorsque  les  sécheresses  ont  tari  les  mares  où  elles 
vivent.  Elles  s'accouplent  au  printemps  et  surtout 
en  été  ;  après  cette  opération,  dont  la  durée  très- 
variable  est  de  trois  à  quinze  heures,  elles  pondent 


des  embryophores  (porte-embryons)  en  forme  de 
cocons  ovalaires,  spongieux,  à  surface  villeuse, 
d'un  jaunâtre  translucide,  chacun  contenant  de 
trois  à  trente  germes  avec  leur  vitellus.  Il  en  sort 
de  petites  sangsues  en  façon  de  fils,  dites  filets, 
qui  ne  subissent  pas  de  métarmophoses.  Les  co- 
cons sont  toujours  pondus  hors  de  l'eau,  sur  le  ri- 
vage, dans  les  creux  des  murailles  qui  baignent 
dans  les  fossés,  dans  le  limon  déposé  par  l'eau, 
parfois  dans  les  galeries  de  taupes  ou  de  rats 
où  s'amassent  un  grand  nombre  de  sangsues, 
contre  les  joncs,  etc.  Il  y  a  des  paysans  qui 
connaissent  très  bien  ces  cocons  et  vont  les 
porter  dans  de  petits  viviers  pour  obtenir  les 
sangsues. 

L'emploi  des  sangsues  en  médecine,  quoique 
moindre  qu'il  y  a  une  trentaine  d'années,  est  en- 
core considérable.  Elles  servent  à  pratiquer  des 
saignées  locales,  soit  lors  des  contusions  ou  des 
congestions  sanguines  en  certains  points,  soit  afin 
de  modifier  un  état  général  dangereux.  Il  faut 
élever  artificiellement  les  sangsues  afin  d'en  avoir 
des  provisions  suffisantes,  soit  pour  la  France,  soit 
pour  beaucoup  de  pays  où  elles  n'existent  pas  et 
où  on  les  exporte.  Cette  éducation  [hirudiculiure), 
se  fait  dans  des  bassins  ou  marais  à  sangsues, 
nommés  barrails ,  notamment  dans  la  Gironde. 
On  peuple  ces  marais  à  sangsues  au  moyen  d'em- 
bryophores  recueillis  dans  des  paniers  et  prove- 
nant de  la  vase  des  marais  voisins  qu'on  fouille 
à  la  bêche;  mais  comme  ce  moyen  est  insuffi- 
sant, on  fait  venir  des  sangsues  adultes  de  Hon- 
grie, des  Princioautés  danubiennes,  de  Turquie, 
de  Grèce,  etc.  On  les  fait  voyager  dans  la  sai- 
son froide,  à  la  fin  de  l'automne,  jamais  en  été. 
Elles  sont  emballées  dans  de  la  mousse  humide  ou 
dans  de  la  terre  glaise  mouillée  et  divisée  en 
grumeaux.  On  les  nettoie  et  on  les  laisse  se  repo- 
ser quelques  jours  dans  de  l'eau  claire  et  calme 
avant  de  les  mettre  dans  le  barrail. 

On  emploie  divers  moyens  pour  nourrir  les 
sangsues  dans  le  marais  d'élevage.  On  place  sur 
des  planchettes  flottantes  du  sang  de  veau  pour  les 
filets,  du  sang  de  bœuf  pour  les  adultes.  Comme 
il  est  reconnu  qu'une  alimentation  par  le  sang  des 
animaux  vivants  rend  les  sangsues  mieux  portan- 
tes, des  éleveurs  mettent  dans  le  barrail  des  gre- 
nouilles à  cuisses  brisées,  sur  lesquelles  se  jettent 
les  sangsues.  Plus  habituellement  on  fait  entrer  à 
mi-jambes  dans  le  barrail  des  ânes,  des  mulets,  des 
chevaux,  des  vaches  (ces  dernières  sont  moins 
traitables),  et  les  sangsues  s'attachent  en  grand 
nombre  aux  parties  immergées.  On  ne  laisse  les 
animaux  que  peu  de  temps  dans  l'eau  et  on  a  soin 
de  les  refaire  au  moyen  de  bons  pâturages  placés 
à  côté.  —  Cf.  :  Monojraphie  dts  sangsues  médici- 
nales, par  Ch.  Fermond  ;  1  vol.  in-b",  Paris,  Ger- 
mer-Baillière,  1854. 

Les  Hsmopis  sont  des  Sangsues  à  mâchoires 
non  dentelées,  ne  pouvant  percer  la  peau  externe 
de  l'homme  ou  des  animaux  vertébrés.  Une  es- 
pèce très-commune  dans  les  mares  de  l'Euiope 
centrale  et  surtout  méridionale  est  la  Sangsue 
chevaline  {H.  sanguisuga),  très-mollasse  et  parais- 
sant morte  quand  on  la  saisit.  Elle  est  parfois  in- 
commode parce  qu'elle  peut  piquer  les  muqueuses 
de  la  bouche,  du  nez,  du  larynx  et  du  pharynx 
des  animaux  domestiques  ou  de  l'homme,  venant 
boire  ou  se  baigner  dans  les  eaux  douces.  Nos 
soldats  ont  été  cruellement  tourmentés  par  cette 
Sangsue  en  Egypte,  en  Algérie  et  surtout  eu 
Espagne  et  en  Portugal,  où  elle  est  très-commune. 
[Maui'ice  Girard.] 

A»'UITÉS.  —  Arithmétique,  IV.  —  {Ltym.  du 
latin  annuus,  annuel.) 

On  nomme  annuité  une  somme  payée  annuelle- 
ment, soit  pour  éteindre  une  dette  (V.  Amortisse- 
menl),  soit  pour  constituer  un  certain  capital  à  une 


ANNUITES 


—  i58  — 


ANNUITES 


époque  déterminée.  C'est  à  ce  dernier  point  de  vue 
que  la  question  sera  traitée  dans  cet  article. 

1.  Supposons,  par  exemple,  que  l'on  place 
annuellement  120Ùf  pendant  7  ans,  les  intérêts 
étant  calculés  à  5  p.  0/0.  Il  y  a  deux  cas  à  distinguer, 
suivant  que  l'annuité  est  payée  au  commencement 
ou  à  la  fin  de  chaque  année.  Examinons  d'abord  le 
premier  cas. 


Les  1200' 

—  12110' 1 
— 1200' 

—  1200') 

—  12004 
— 1200' 
— 1200' , 


pijés 


eommfiire- 
mciit  d:  U 


1"JI 
l2'  - 
3«    - 

'4«    - 
5«    —  1  -8  = 


7  ans 

1200 

6  — 

1200 

5  — 

1200 

4  — 

12u0 

3  — 

1200 

2  — 

1200' 

1  — 

1200 

.(1,05)7 
,(1,05)6 
,1,05  5 
■(1.05* 
.1,05)2 
.(1,05)2 
.(1,05) 


Et  la  somme  de  tous  ces  capitaux  définitifs  partiels 
sera  le  capital  définitif  total.  Or,  si  l'on  écrit  ces 
capitaux  partiels  dans  un  ordre  inverse,  on  recon- 


Pour  en  obtenir  la  somme,  il  faut  multiplier  le 
dernier  terme  par  la  raison,  retrancher  de  ce  pro- 
duit le  premier  terme,  et  diviser  la  différence  par 
la  raison  moins  1,  ou  par  0,05.  En  appelant  A  la 
somme  cherchée,  on  aura  donc*. 

1200'.(I,05)S— 1200f.(l,05) 
A  = 


0,05 

1200'.[(1.05)7  — 1]1,05 
0,05 


(1) 


2.  Dans  le  second  cas,  où  chaque  annuité 
n'est  payée  qu'à  la  fin  de  chaque  année,  les  verse- 
ments successifs  produisent  des  capitaux  partiels 
qui  ne  diffèrent  de  ceux  écrits  ci-dessus  que  parce 
qu'ils  sont  divisés  par  1,05;  le  capital  définitif  total 
est  donc  égal  lui-même  à  celui  qu'exprime  la  for- 
mule (1),  divisé  par  1,05;  on  a  donc 

,        1200'.f(l,05)-'-l]  ,„, 


0,05  '  ' 

3.  Pour  se  servir  de   ces  formules,  on  calcule 
d'abord  (1,05)''. 

Si  l'on  pose  œ=(],05)", 

on  en  tire 

log  a;  =  7  log  (1,05)  =  7.0,0211893=0,1483251 

et  les  tables  de  logarithmes  donnent 

x=  1,4071. 

S'il   s'agit   alors  de   la   première   formule,    on 
trouve 

^       1200'.[1,4071  — 1]1,05 

et,  s'il  s'agit  de  la  seconde, 

120of.[l,4071  —  1] 


A: 


0,05 
1200f.  0,4071 
0,05 


=  9770f,40- 


4.  Il  est  facile  de  généraliser.  Soit  a  l'annuité, 
r  l'intérêt  d'un  franc,  n  le  nombre  d'années,  ei 
A  le  capital  définitif  total.  Dans  le  premier  cas,  les 
capitaux  partiels  successivement  produits  seront  : 
a(H-r)»,  a(l-+-r)n-  i,  a(l-f  7-)"-2,  etc.,  jus- 
qu'à a[\-\-r). 


Si  l'on  renverse  les  termes  de  la  progression  et 
qu'on  fasse  la  somme,  on  devra  multiplier  le  der- 
nier terme  a  (1  -f-r)»  par  la  raison  (l  +  r),  retran- 
cher du  produit  le  premier  terme  a{\-\-r]y  et 
diviser  la  différence  par  la  raison  moins  1 ,  ou  par  r. 
On  aura  donc 


A  = 


cn-i-r)"  +  i  — a(l-4-r) 

r 
alfl  +  r)"  — l](l+r) 


(•3) 


Dans  le  second  cas,  le  capital  définitif  total  sera 
celui  de  la  formule  (3)  divisé  par  1  +  r  : 


A  = 


_a[(l  +  >-)n-i] 


(4) 


5.   Pour  calculer  A  par  ces   formules,  on  pose 
a;  =  (l-|-î')'»,  d'où  log  x  =  n  log  (1  4-r); 
et,  une  fois  x  connu,  la  formule  (3)  devient 

^_«(x-l)(l+r)  ^,^ 


et  la  foi'mule  (4)  donne 


A  = 


a{x  —  1) 


(6) 


valeurs  que  l'on  peut  aussi  calculer  par  loga- 
rithmes. 

G.  Il  arrive  le  plus  souvent  que  c'est  l'an- 
nuité a  qui  est  inconnue. 

Dans  ce  cas,  on  calcule  toujours  x  comme  ci- 
dessus  ;  alors  la  formule  (3)  donne 


kr 


et  la  formule  (6)  donne 

kr 

a  =  -• 

X —  1 


0) 


(8) 


Supposons,  par  exemple,  que  l'on  demande: 
Quelle  ajinuité  faut-il  servir  pendant  20  ans  pour 
constituer  un  capital  définitif  de  100000',  les  inté- 
rêts étant  calculés  à  4  ^  p.  0/0  ? 

On  aura  d'abord 

log  X  =  20.log  1,045  =  20.0,01911629  =  0,3823258 

et  les  tables  donneront  a;  =  2, 12973.  Laformule(7) 
donnera  ensuite 

100000.0.045        o^.tr^o 
a  =  - — ^  .  .  , — -  =  3811f,72 
I,l2ii73. 1,045 

et  la  formule  (8) 

a  =  3811f,72  X  1,045  =  3983f,25. 

7.  Il  arrive  souvent  aussi  que  l'inconnue  est  le 
nombre  7i  d'années.  Dans  ce  cas,  on  tire  de  la  for- 
mule (3) 

(^+'')"=r(rF7)  +  ^*       (^^ 

Si  b  désigne  la  valeur  du  second  membre,  facile 
à  calculer,  on  a,  en  prenant  les  logarithmes, 

log  b 


7ilog.{l  +  r)=\osb,    d'où    n 


log  (!+?•) 


S'il  s'agissait  de  la  formule  (4),  on  en  tirerait  de 
même 


ANNUITÉS 


—  159  — 


ANTHROPOLOGIE 


et,  en  appelant  b'  ce  second  membre,  on  trouverait 
log.  // 


log.(H->') 

Supposons,  par  exemple,  que  l'on  demande  : 
Pendant  combien  d'années  il  faudra  servir  une 
annuiié  de  4000f  pour  constituer  un  capital  de 
90  000f,  les  intérêts  étant  calculés  à  A  p.  0/0,  et  les 
annuités  étant  payées  à  la  fin  de  chaque  année? 
On  est  ici  dans  le  cas  de  la  formule  (4),  et  l'on  a 

a  =  4000f,"'A  =  90000'",  î-  =  0,04. 


On  aura  donc  d'abord 


(1,04)" 
et  par  suite 

n  = 


900n0.0,04 


+  1  =  1,9 


4000 

log  1,9  _  0,^787536, 
log  1,04  ~  0,0170333 


En  effectuant  la  division,   on  reconnaît  que  n  est 
compris  entre  IG  et  17. 

8.  Si  l'inconnue  était  le  taux,  on  aurait  à  ré- 
soudre une  équation  de  degré  supérieur,  et  l'on 
ne  pourrait  opérer  que  par  tâtonnements.  Mais 
cette  circonstance  ne  se  rencontre  jamais  dans 
les  applications  pratiques  ;  le  taux  de  l'intérêt  est 
toujours  con^ju. 

9.  Nous  avons  supposé  jusqu'ici  que  les  in- 
térêts se  capitalisaient  par  année  :  mais  il  peut 
arriver,  et  cette  circonstance  se  présente  particu- 
lièrement dans  les  questions  relatives  au  Crédit 
fojicier  (V.  ce  mot),  que  les  intérêts  se  capitalisent 
par  semestre.  Dans  ce  cas,  a  désignant  toujours 
l'annuité,  jtt  sera  la  somme  payée  à  chaque  se- 
mestre, et  \r  sera  le  centième  de  l'intérêt  semes- 
triel de  lOQf.  Si  N  désigne  alors  le  nombre  total 
des  semestres  formant  la  durée  totale  du  place- 
ment, il  faudra,  dans  la  formule  (4),  par  exemple 
qui  est  ordinairement  celle  qui  s'applique  au 
cas  considéré,  parce  que  les  versements  se  font 
à  la  fin  de  chaque  semestre ,  remplacer  a  par 
\a,  r  par  fr,  et  ?i  par  N,  ce  qui  doane 


A  = 


iO![fl  +  l.?-)N  — 1] 


A=^Iii±M!^  (11) 


(12) 


ou,  si  c'est  a  qui  est  l'inconnue 
A?- 

«-(l+i,.)N_l' 

Supposons,  par  exemple,  que  l'on  demande  : 
Quelle  annuité  faudrait-il  payer  penda?it  30  a7is 
pour  constituer  un  capital  de  lOOOOOf,  le  taux  de 
l'intérêt  étant  rfe  4  |  p. 0/0  ,  et  les  intérêts  se  ca- 
pitalisant par  semestre?  Il  faudra,  dans  la  formule 
(12),  faire  A  =  100  000f,  r  =  0,045,  et  N==60,  ce 
qui  donne 

_  100  OOOf  .0.045 

Pour  effectuer  les  opérations  indiquées,  on  cal- 
culera d'abord  (l.OîaSje".  Si  l'on  appelle  x  cette 
quantité,  on  aura 

log  X  =  60  log  (1,0225)  =  GO .  0,00960332  =  0,5797992 
Les  tables,donnent  x=:3,S0U14.  On  a  par  suite 

4500 


2,80014" 


=1606f,99. 


10.    On   pourra  proposer   aux  élèves  les  exer- 
cices suivants  : 

I.    Quel    sera   le    capital    définitif  vroduit  au 


{ont  de  \'  ans  par  des  annuités  de  1  500',  payées 
'i   la  fin  de  chaque  année,  les  intérêts  étant  cal- 
culés à  6  p.  0/0  ? 
Réponse  :  67  050'. 

II.  Quel  serait  ce  capital  si  les  annuités  étaient 
payées  au  comme7iceme7it  de  chaque  année  ? 

Réponse  :  47  549f,90. 

III.  Quelle  annuité  faut- il  payer,  à  la  fin  de 
chaque  année,  pendant  19  ans,  pour  produire  un 
capital  définitif  de  I20  000f,  les  intérêts  étant  cal- 
culés à  A  p.  010? 

Réponse  :  433..'',63. 

IV.  Pendant  combien  d'années  faudra-t-il  payer 
une  annuité  de  1  200f,  «  la  fin  de  chaque  année, 
pour  coiistituer  un  capital  définitif  de  25  000f,  les 
iyitérèts  éta?it  évalués  à  b  p.  0/0? 

Réponse  :  entre  14  à  15  ans. 

V.  Quelle  annuité  faut-il  payer  pendant  35  ans 
pour  constituer  un  capital  définitif  de  SOOOOf,  les 
intérêts  étant  calculés  à  't  ~  p.  0/0,  et  se  capita- 
lisant par  semestre? 

Réponse  :  1826f,42. 

VI.  Quelle  cmnuité  faut-il  pai/er  pendant  50  ans 
pour  proituire  un  capital  définitif  de  100  000',  les 
intérêts  étant  calculés  à  3,70  p.  0/0,  et  se  capitali- 
sant par  semestre? 

Réponse  :  704',33  [H.  Sonnet.] 

ANTHROPOLOGIE.  —  Zoologie,  V.  —  [Etym.  : 
du  grec,  «  étude  de  l'homme  ».)  —  L'anthropologie 
est  la  branche  de  l'histoire  naturelle  qui  traite  de 
l'homme  et  des  races  humaines.  Il  ne  faut  pas  la. 
confondre  avec  l'ethnologie  et  l'ethnographie  qui 
étudient  l'homme  au  point  de  vue  de  son  déve- 
loppement purement  social  (V.  Ethnologie,  ethno- 
graphie). 

Définition.  —  Afin  de  bien  préciser  les  limites 
de  la  science  anthropologique,  nous  citerons  les 
définitions  qu'en  ont  données  les  fondateurs  mêmes 
de  l'étude  scientifique  de  l'homme.  «  L'anthropolo- 
gie, dit  M.  Broca,  est  la  science  qui  a  pour  objet 
l'étude  du  groupe  humain,  considéré  dans  son  en- 
semble, dans  ses  détails  et  dans  ses  rapports  avec 
le  ,  teste  de  la  nature.  »  —  «  L'anthropologie,  dit 
M.  de  Quatrefages,  c'est  l'histoire  naturelle  de 
l'homme  faite  monographiquement,  comme  l'enten- 
drait un  zoologiste  étudiant  un  animal.  »  — 
«  L'homme,  dans  son  entier,  appartient  à  l'anthro- 
pologie, dit  M.  P.  Topinard.  Personne  ne  songerait 
en  zoologie  à  scinder  l'étude  d'un  animal  en  deux 
parties,  et  à  les  confier  à  des  savants  d'ordres  diffé- 
rents, les  uns  se  bornant  aux  caractères  ana- 
tomiques  et  physiologiques  ordinaires,  les  autres 
s'attachant  aux  instincts  et  autres  manifestations 
nerveuses.  L'anthropologie  ne  saurait  donc  être 
mutilée  et  divisée  en  deux  sections,  l'une  pour  les 
hommes  de  science,  l'autre  pour  les  philosophes... 
Son  domaine  propre,  c'est  la  morphologie  et  l'a- 
natomie  comparée  de  l'homme.  »  (Par  morphologie, 
il  faut  entendre  l'étude  des  formes  extérieures.) 

Historique.  —  L'anthropologie  est  une  science 
toute  jnoderne.  Ignorée  jusqu'à  la  fin  du  siècle  der- 
nier, elle  n'a  pris  son  élan  que  ver.s  la  seconde 
moitié  du  xix*  siècle.  Ses  premiers  éléments  sont 
dispersés  çà  et  là  dans  les  écrits  des  médecins  et 
des  naturalistes  ;  les  premiers  en  effet  en  obser- 
vant l'homme  sous  tous  les  climats,  et  les  seconds 
e:i  le  posant  comme  le  type  de  l'organisme  corne 
v^^^  faisaient  de  l'anthropologie...  de  même  qu- 
M.  Jourdain  faisait  de  la  prose.  Tels  furent  Hip- 
pocrate,  décrivant  dans  son  livre  Des  Eaux,  des 
airs  et  des  lieux  les  caractères  physiques  des 
«  Scythes  et  autres  nomades  »  et  les  déformations 
crâniennes  des  macrocéphales,  au  delà  du  Palus 
Méotide  ;  Aristote  comparant  les  singes  à  l'homme 
et  parlant  des  métis  humains  et  des  Ethiopiens  ; 
Pline,  dont  les  récits  souvent  fantaisistes  ont  été 
justement  critiqués  par  Geoffroy  Saint-Hilaire  ; 
Galien  qui  en  disséquant  les   singes   préparait  la 


ANTHROPOLOGIE  —  160  — 


APICULTURE 


voie  à  l'anatomie  humaine  fondée  par  les  Mondini 
et  les  Vesale  (1514). 

En  1655,  un  certain  Belon  se  risqua,  le  premier,  à 
mettre  en  parallèle  le  squelette  de  Thomme  avec 
celui  dun  autre  animal,  un  oiseau.  Jusqu'au  xviir 
siècle,  le  chef-d'œuvre  de  la  création,  pour  se  servir 
■du  mot  classique,  ne  fut  étudié  que  par  les  méde- 
cins. Linné,  en  1755,  en  le  faisant  rentrer  dans  sa 
classificatior»  e'  lui  appliquant  sa  nomenclature  bi- 
naire sous  le  titre  d'Homo  sapiens,  obligea  les  natu- 
ralistes à  l'accepter  comme  de  leur  domaine.  A  la 
même  époque,  ButTon  consacrait  deux  volumes 
«  aux  variétés  humaines.  »  La  voie  était  ouverte 
et  presque  simultanément  Daubenton,  Blumen- 
bacli,  Sœmmering,  Camper  publiaient  leurs  travaux 
sur  l'espèce  humaine.  Puis  vinrent  Lamarck, 
Etienne  Geoffroy-Saint-Hilaire,  Richard,  Bory- 
Saint-\  incent,  etc.  Les  antliropologistcs  se  divi- 
sèrent dès  l'abord  en  deux  écoles  qui  se  combat- 
tirent avec  une  animosité  qui  est  encore  loin  de 
s'éteindre.  L'école  classique  ou  orthodoxe,  désignée 
sous  le  nom  de  m<-'7iogéniste,  plaide  en  faveur  de 
l'unité  de  l'espèce  humaine  et  de  la  variabilité  des 
races  sous  l'influence  des  milieux  et  des  croise- 
ments. L'école  adverse  ou  jiolygéniste  soutient  au 
contraire  la  pluralité  des  races  primitives  et  la  non- 
influence  des  milieux.  A  ces  deux  écoles,  il  faut 
en  ajouter  une  troisième,  dite  transformiste,  qui 
adopte  les  théories  de  Lamarck,  de  Darwin,  de 
Huxley,  de  Hâckel,  rattachant  l'espèce  humaine 
aux  espèces  animales  par  voie  d'évolution. 

En  1800,  une  société  fut  fondée  à  Paris  sous  le 
titre  de  Société  des  observateurs  de  L'homme,  mais 
elle  n'eut  que  peu  de  durée.  Ce  ne  fut  qu'en  18  i9 
qu'un  groupe  de  savants  à  la  tête  desquels  il  faut 
citer  P.  Broca,  Isidore  Geoff'roy  Saint- Hilaire,  de 
Quatrefages,  Gratiolet,  fonda  à  Paris  la  première 
société  d'anthropologie.  A  l'imitation  de  Paris  de 
nombreuses  sociétés  de  même  nom  se  fondèrent 
successivement  à  Londres  en  1863,  à  New-York, 
Saint-Pétersbourg  et  Moscou  en  1865,  à  Florenco 
en  1868,  à  Berlin  en  1869,  à  Vienne  en  1870,  à 
Stockholm  et  Madrid  en  1874,  etc.  En  dehors  des 
bulletins,  des  mémoires  que  publient  ces  sociétés, 
l'anthropologie  a  de  nombreux  organes  consacrés  à 
sa  diffusion. 

Enseignement.  —  Outre  les  cours  publics  pro- 
fessés périodiquement  au  Muséum,  l'anthropologie 
«'enseigne  à  Paris  dans  un  Institut  spécial,  Vlnsti- 
tut  anthropologique,  dépendant  de  la  faculté  de  mé- 
decine et  comprenant  des  cours  publics  d'anthro- 
pologie anatomiijue,  d'anthropologie  biologique, 
d'ethnologie,  d'anthropologie  préhistorique,  d'an- 
thropologie linguistique,  de  démographie  et  de 
géographie  médicale. 

Dictée.  —  «  L'homme  habite  toutes  les  régions 
du  globe  et  se  plie  à  tous  les  climats,  à  toutes  les 
conditions  de  la  vie.  Les  pôles  et  l'équateur,  les 
hautes  montagnes  et  les  profondes  vallées,  les  dé- 
serts arides  et  les  marécages  insalubres,  rien 
ne  le  rebute.  Les  Esquimaux  se  rencontrent  jusqu'au 
80=  degré  de  latitude  ;  des  populations  vivent  et 
prospèrent  à  4000  mètres  d'altitude  et  au  delà  dans 
les  Andes  et  les  Cordillères  ;  on  s'étonne  de  trouver 
■des  tribus  indigènes  sur  ces  vastes  espaces  où 
Livingstone  voyageait  avec  de  l'eau  jusqu'à  la  cein- 
ture ;  47  degrés  de  chaleur  à  l'ombre  au  Sénégal, 
et  56  degrés  de  froid  constatés  aux  pôles  sont  les 
extrêmes  de  température  qu'il  supporte. 

Ce  privilège  de  l'homme  de  s'acclimater  plus  ou 
moins  facilement  partout  s'explique  par  deux  rai- 
sons :  il  est  omnivore,  —  et  il  sait  se  fabriquer 
des  vêtements,  des  armes  et  des  ustensiles.  L'Es- 
quimau boit  de  l'huile  et  se  nourrit  de  phoques  ; 
les  Todas  des  Nilghiris  se  contentent  de  lait  et  de 
légumes;  quelques  tribus  ne  vivent  que  de  pêche 
et  de  coquillages,  et  boivent  à  l'occasion  de  l'eau  de 
■oer,  d'autres  mangent  de  l'argile;  les  peuples  ci- 


f  vilisés  puisent  à  toutes  les  sources.  L'homme  fait 
;  cuire  ses  aliments,  mais  ne  dédaigne  pas  la  chair 
crue  des  mollusques  et  parfois  des  poissons  su  des 
mammifères  ;  il  élève  des  bestiaux,  se  livre  à  l'agri- 
culture ,  ce  que  ne  lait  aucun  animal.  11  asservit  ou 
!  s'attache  de  nombreuses  espèces,  comme  le  chien, 
le  chat,    le   chameau,    le   renne.    Son    semblable 
môme,  le  nègre   ou  le  blanc,  ne  trouve  pas  grâce 
devant   lui.   En  cela   quelques    animaux  l'imitent, 
;  comme  les  fourmis  rouges   à  l'égard  des  fourmis 
noires. 

La  plupart  des  animaux  ont  des  moyens  natu- 
rels de  protection  et  de  défenses.  Le  gorille  lui- 
même  a  une  certaine  fourrure,  des  canines  puis- 
santes et  un  système  musculaire  d'une  vigueur 
extraordinaire.  D'autres  mammifères  ont  l'agilité 
et  une  rapidité  à  la  course  qui  les  sauve  de  leurs 
ennemis.  L'homme  n'a  rien  de  tout  cela.  «  Nu  et 
sans  armes,  »  tels  sont  les  caractères  que  lui 
donne  Linné.  Tous  ses  moyens  d'action  il  les  doit 
à  son  industrie.  Dès  l'époque  tertiaire  il  a  fait  du 
feu  et  pris  des  cailloux  pour  les  façonner  en  us- 
tensiles. Jamais  un  singe  n'a  su  se  servir  d'un  bâ- 
ton, ni  utiliser  un  pieu,  ni  faire  du  feu,  ni  se  con- 
struire un  abri  qui  soit  autre  qu'un  nid.  Les  sau- 
vages les  plus  inférieurs  que  l'on  connaisse  ont 
quelques  notions  de  dessin  ;  ils  savent  faire  pour  le 
moins  une  croix  ou  un  rond  en  imitation  des  objets 
qu'ils  ont  sous  les  yeux. 

Dans  toutes  les  races  humaines  esiste  le  senti- 
ment de  la  coquetterie  ou  de  la  parure.  Plus  dé- 
veloppé chez  la  femme  dans  les  pays  civilisés,  il 
l'est  davantage  chez  l'homme  dans  les  tribus  bar- 
bares. Les  uns  se  tatouent  ou  se  suspendent  des 
objets  aux  oreilles  ou  à  la  cloison  du  nez,  d'autres 
se  teignent  les  cheveux  ou  s'aiguisent  les  dents  de 
devant. 

L'homme  vit  en  société,  parce  que,  doué  du  lan- 
gage, il  a  besoin  d'exercer  cette  faculté,  et  qu'il 
aime  à  être  écouté,  adulé,  mais  aussi  en  vue  de  la 
satisfaction  des  besoins  communs  et  de  la  réalisa- 
tion d'une  plus  grande  somme  de  bien-être.  L'ému- 
lation qui  en  résulte  est  la  cause  la  plus  puissante 
des  progrès  accomplis  à  travers  les  siècles  dans 
l'ordre  physique,  dans  l'ordre  moral,  comme  dans 
l'ordre  intellectuel.  Plus  l'agglomération  est  consi- 
i  dérable,  ou  plus  il  se  présente  d'agglomérations 
rivales,  et  plus  la  lutte  est  vive  et  le  progrès  ra- 
pide. »  —  P.  ToPiNARD.  L anthropologie, 
\  '  [Louis  Rousselet.l 

(      APICULTURE.  —  Agriculture,  XVI.  —  {Étym.- 
Culture  des  abeilles,  du  latin  apis,  abeille) 

Il  ne  devrait  pas  y  avoir  une  seule  exploitation 
rurale  qui  n'ait  pas  de  ruches  ;  c'est,  en  efiTet,  une 
source  de  profits  faciles  et  certams. 

L'histoire  des  abeilles  a  été  donnée  dans  l'article 
consacré  à  l'histoire  naturelle  de  ce  précieux  in- 
secte ;  ce  qui  rentre  dans  le  cadre  de  l'enseigne- 
ment agricole,  c'est  l'exploitation  du  rucher,  l'art 
d'en  tirer  le  produit  le  plus  élevé. 

Le  rucher, c'est-à-dire  l'endroit  où  doivent  être 
réunies  les  ruches  ou  habitations  des  abeilles, doit 
être  établi  à  proximité  des  vergers.  Il  faut  éviter 
les  endroits  humides,  ceux  qui  sont  exposés  aux 
vents  violents,  ne  pas  s'éloigner  des  prairies  qui 
produisent  des  fleurs  abondantes,  prendre  enfin 
des  mesures  pour  que  le  rucher  ne  demeure  pas, 
pendant  l'été,  trop  exposé  aux  rayons  du  soleil. 
La  tranquillité  doit  régner  autour  des  abeilles  ;  il 
ne  faut  donc  pas  les  placer  sur  un  chemin  fré- 
quenté, surtout  par  les  animaux  de  la  terme  ;  mais 
aussi  il  faut  éviter  de  les  placer  trop  loin  des  habi- 
tations, ce  qui  tendrait  à  rendre  les  abeilles  sau- 
vages et  pourrait  occasionner  des  dangers.  Vue 
autre  condition  à  remplir,  c'est  de  disposer  les 
ruchers  de  manière  que  l'on  puisse  circuler  tout 
autour  sans  difficulté,  soit  pour  les  soins  d  entre- 
tien, soit  pour  la  récolte  du  miel. 


APICULTURE 


—  IGI  — 


APICULTURE 


Afin  de  procéder  avec  ordre,  nous  indiquerons 
successivement  les  soins  à  donner  à.  la  ruche,  à 
partir  du  moment  où  l'essaim  a  été  récolté. 

L'emplacement  du  rucher  étant  choisi  autant  que 
possible  d'après  les  règles  indiquées  plus  haut, 
on  y  place  g;énéralement  les  ruches  en  plein  vent, 
sur  des  tables  dont  les  pieds  ont  de  50  à  60  centi- 
mètres de  hauteur 

Pour  recueillir  l'essaim  sorti  de  la  ruche-mère, 
on  se  revêt  d'un  costume  spécial  qui  couvre  toutes 
les  parties  du  corps  ordinairement  non  abritées,  de 
manière  à  éviter  les  piqûres  des  abeilles.  On  trans- 
porte, au-dessous  de  l'arbre  où  l'essaim  s'est  atta- 
ché, une  ruche  qu'on  renverse,  et  on  y  fait  tomber 
l'essaim.  Lorsque  les  abeilles  sont  entrées,  on 
ferme  l'ouverture  au  moyen  d'une  planche,  on  re- 
tourne la  ruche  et  on  la  porte  au  rucher.  Si 
l'essaim  ne  paraît  pas  assez  nombreux  pour  peupler 
la  ruche,  on  peut  marier  ensemble,  c'est-à-dire 
réunir  dans  une  même  ruche,  deux  ou  trois  es- 
saims. 

L'essaimage  peut  être  provoqué  artificiellement. 
C'est  le  moyen  d'empêcher  l'essaimage  naturel,  et 
par  suite  la  perte  possible  de  l'essaim.  On  opère 
par  transvasement  pour  les  ruches  ordinaires,  au 
milieu  de  la  journée,  moment  où  les  ruches 
comptent  peu  d'abeilles,  la  plupart  étant  sorties 
pour  aller  faire  leurs  provisions.  Avec  les  ruches  à 
cadres  ou  h  rayons  mobiles,  on  enlève  quelques 
cadres  renfermant  des  œufs,  et  on  les  place  dans  une 
ruche  nouvelle,  après  avoir  eu  le  soin  de  remplacer 
les  cadres  enlevés  par  des  cadres  ou  des  rayons 
vides.  Pour  faire  plus  facilement  l'opération  du 
transvasement,  on  emploie  la  fumée  qui  chasse 
les  abeilles  de  leur  ancienne  habitation.  Les  in- 
jections de  fumée  se  font  soit  au  moyen  d'un  souf- 
flet spécial  dont  on  fait  entrer  l'orifice  dans  une 
ouverture  pratiquée  à  la  partie  supérieure  de  la 
ruche,  soit  en  brûlant  quelques  chiffons  autour  de 
la  ruche. 

Quelle  est  la  ruche  qui  doit  être  adoptée  ?  Il  existe 
aujourd'hui  beaucoup  de  modèles  de  ruches  per- 
fectionnées ;  en  outre,  chaque  contrée  présente 
un  type  spécial  de  ruche.  Ici,  elles  sont  faites  en 
osier  et  en  paille  ;  ailleurs,  en  bois,  etc.  Pour  l'a- 
griculteur qui  veut  tirer  profit  de  son  rucher,  et 
qui  ne  peut  faire  des  essais  souvent  coûteux,  le 
mieux  est  de  s'en  tenir  à  la  ruche  du  pays,  en  en 
modifiant  les  parties  que  l'expérience  lui  aura  ap- 
prises être  défectueuses.  Mais  il  est  quelques  mo- 
dèles de  ruches,  toiles  que  celles  de  M.  Hamet, 
qui  se  recommandent  à  la  fois  par  leur  simplicité 
et  leur  bon  fonctionnement. 

Une  fois  la  ruche  en  place,  elle  doit  être  l'objet 
de  soins  suivis.  «  Le  possesseur  de  ruches,  dit 
M,  Hamet,  doit  souvent  visiter  ses  abeilles,  afin 
qu'elles  s'accoutument  à  le  voir,  afin  aussi  qu'il 
puisse  constater  l'état  de  leur  approvisionnement 
et  de  leur  santé.  Dans  ses  visites,  il  doit  éviter  de 
marcher  vite,  de  faire  des  mouvements  brusques, 
de  gesticuler  et  de  crier.  Il  fera  donc  le  moins  de 
bruit  possible,  et  si  une  abeille  annonce  par  ses 
mouvements  et  par  un  bourdonnement  particulier 
qu'elle  se  prépare  à  l'attaque,  il  se  baissera  et  res- 
tera dans  cette  position  jusqu'à  ce  qu'elle  soit 
éloignée. 

«  On  ne  doit  pas  troubler  les  abeilles  dans  leurs 
travaux,  ni  soulever  ou  ouvrir  les  ruches  que  lors- 
qu'il y  a  nécessité,  et  jamais  brusquement.  On  ne 
le  fait  que  pour  s'assurer  de  l'état  de  leurs  appro- 
visionnements ou  de  l'époque  de  l'essaimage,  ou 
lorsqu'on  s'aperçoit  que  les  abeilles  sont  sans  acti- 
vité, que  les  fourmis  ou  les  guêpes  entrent  dans 
la  ruche,  ou  enfin  qu'on  remarque  les  excréments 
des  fausses  teignes  sur  le  plateau,  ou  qu'on  en  sent 
l'odeur.  On  détruit  la  fausse  teigne  en  enlevant  les 
gâteaux  où  elle  s'est  fixée  ;  on  éloigne  aussi  les 
araignées  et  leurs  toiles,  les  limaçons,  les  guêoes 
2o  Partie. 


et  les  autres  animaux  ennemis  des  abeilles,  en  les 
chassant  assidûment.  » 

La  récolte  du  miel  se  fait  en  juillet  et  en  août. 
Il  y  a  plusieurs  méthodes  pour  faire  cette  récolte  ; 
mais,  dans  tous  les  cas,  on  doit  préalablement  chas- 
ser les  abeilles. 

La  méthode  la  plus  simple  est  de  fermer  un  soir 
toutes  les  ruches,  à  l'exception  de  celle  qu'on  veut 
récolter  le  lendemain.  Au  milieu  de  la  journée, 
lorsque  la  plupart  des  abeilles  sont  sorties,  on  en- 
lève la  ruche  et  on  la  remplace  par  une  autre.  On 
la  transporte  dans  une  cave  ou  un  lieu  sombre 
pour  la  vider.  Les  abeilles,  en  rentrant,  prennent 
possession  de  la  ruche  nouvelle  ;  car  elles  ne  peu- 
vent entrer  dans  les  autres  qui  sont  fermées,  et  où 
d'ailleurs  elles  seraient  massacrées.  On  recouvre 
pendant  toute  la  journée  les  ruches  fermées  d'un 
linge  mouillé,  pour  les  préserver  des  ardeurs  du 
soleil. 

Une  deuxième  méthode  consiste  à  enfumer  les 
abeilles  :  ce  qui  les  oblige  à  se  réfugier  dans  une 
autre  ruche  qu'on  fait  communiquer  avec  la  pre- 
mière. 

Un  apiculteur  distingué,  M.  Debeauvoys,  a  indi- 
qué un  moyen  de  faire  la  récolte  du  miel  dans  les 
ruches  à  cadres  mobiles,  sans  interrompre  le  travail 
des  abeilles.  L'opérateur,  revêtu  de  l'affublement 
qui  lui  sert  pour  la  récolte  des  essaims,  prend  les 
cadres  de  deux  en  deux,  ou  ceux  qui  sont  le  plus 
remplis  de  miel.  Il  en  chasse  les  abeilles  avec  une 
plume  légère,  et  il  pose  les  cadres  sur  un  casier, 
porté  à  l'ombre  quand  il  est  garni.  Là  il  coupe  les 
rayons  avec  un  couteau,  en  rattachant  le  couvain 
aux  liteaux.  11  remet  les  cadres  à  leur  place,  en 
ayant  soin  de  ne  jamais  laisser  un  demi-cadre  vide 
au-dessus  d'un  demi-cadre  plein.  La  ruche  est  en- 
suite refermée. 

Un  écucil  à  éviter,  c'est  d'enlever  des  ruches 
une  trop  grande  proportion  de  miel.  Il  importe,  en 
effet,  de  laisser  aux  abeilles  une  quantité  suffisante 
pour  leur  permettre  de  passer  la  mauvaise  saison 
sans  danger.  Quand  on  n'a  pas  eu  soin  de  prendre 
cette  précaution  ou  que  l' arrière-saison  est  peu  fa- 
vorable, on  est  obligé  de  donner  aux  abeilles,  du- 
rant l'automne,  une  certaine  quantité  de  miel.  «  On 
met,  dit  M.  Hamet,  du  bon  miel  quelque  peu 
chauffé  dans  un  rayon  ou  dans  un  vase  que  l'on 
couvre  d'un  canevas  ou  de  brins  de  paille,  et  que 
l'on  place  le  soir  sous  la  ruche  à  nourrir.  Les 
sirops,  que  les  anciens  auteurs  ont  recommandés 
pour  nourrir  les  abeilles,  ne  valent  pas  le  miel, 
môme  le  miel  inférieur.  » 

Pour  protéger  les  ruches  pendant  l'hiver,  on  les 
recouvre  d'un  chapiteau  de  paille  suffisamment  bien 
tressée  pour  arrêter  la  pluie  et  la  neige  ;  mais  il 
faut  avoir  soin  de  ne  pas  boucher  toutes  les 
ouvertures,  afin  de  ne  pas  empêcher  la  circulation 
de  l'air  dans  la  ruche. 

Les  rayons  une  fois  retirés  de  la  ruche,  pour  en 
extraire  le  miel,  sont  pressés  au-dessus  de  terrines 
dans  lesquelles  coule  le  miel.  Le  premier  liquide 
qui  sort  est  du  miel  de  première  qualité.  Pour 
achever  l'extraction,  on  a  recours  à  des  presses  ;  le 
miel  qu'elles  donnent  est  de  qualité  inférieure.  Les 
résidus  sont  mis  dans  une  chaudière  où  on  les  fait 
fondre  pour  en  extraire  la  cire. 

Le  produit  d'une  ruche  bien  peuplée,  dans  les' 
années  ordinaires,  est  de  1  kilogr.  500  grammes  à 
i  kilogrammes  de  miel,  et  de  200  à  300  grammes 
de  cire. 

Le  commerce  des  miels  se  fait  en  France  sur 
une  assez  grande  échelle.  Dans  le  commerce,  on 
distingue  cinq  provenances  principales,  qui  sont, 
en  commençant  par  celles  qui  sont  le  plus  répu- 
tées: 1"  miel  de  Narbonne  ;  2"  miel  du  Gàtinais  ; 
'i'  miel  de  Saintonge  ;  4"  miel  de  Bourgogne; 
5°  miel  de  Bretagne.  Dans  chacune  de  ces  catégo- 
ries   on    distingue  plusieurs   qualités ,   désignéej 

11 


ARABES 


lG->  — 


ARACHNIDES 


sous  les  noms  de  miels  sia-fins,  miels  firis  et  miels 
ordinaires. 

Les  abeilles  sont  parfois  atteintes  par  des  mala- 
dies, qui  font  des  dégâts  considérables.  La  plus  re- 
doutable est  la  dyssenterie.  Les  abeilles  en  sont 
atteintes  généralement  à  la  fin  de  l'hiver;  elles  ré- 
pandent leurs  excréments  sur  leurs  rayons  et  em- 
pestent la  ruche.  C'est  en  aérant  celle-ci  et  en 
donnant  du  bon  miel  en  nourriture  que  l'on  peut 
prévenir  l'extension  de  cette  maladie. 

L'apiculteur  doit  aussi  veiller  sur  le  pillage  des 
ruche?  qui  se  fait  quelquefois  par  les  abeilles  d'une 
ruche  voisine.  Le  remède,  ici,  est  de  rétrécir  l'ou- 
verture de  la  ruche  attaquée,  de  prendre  des  me- 
sures pour  remplacer  la  mère  si  elle  est  morte,  et 
au  besoin  de  fermer  la  ruche  et  de  l'emporter. 

[H.  Sagnier.] 

Ouvrages  à  consulter.  —  Traité  d'apiculture. 
par  Hamet  ;  Guide  de  l'apiculteur,  par  Debeauvoys; 
le  Manuel  de  l'apiculteur  de  M.  de  Ribaucourt; 
le  Livre  de  la  ferme  et  des  maisons  de  campag7ie, 
par  Joigneaux. 

AR.iBES.  —  Histoire  générale,X"VIL  —  Pour  la 
géographie  de  l'Arabie,  V.  Asie. 

X"  Avant  Mahomet.  —  «  Je  pars  le  matin,  chan- 
tait le  Bédouin,  affamé  comme  un  loup  maigre, 
qu'une  solitude  conduit  à  une  solitude  ;  sous  mes 
pas  rapides  se  touchent  les  deux  bouts  de  la  plaine, 
nue  comme  le  dos  d'un  bouclier.  »  Telle  était,  de- 
puis des  siècles,  la  vie  des  Arabes.  Ces  Sémites 
pasteurs  et  nomades  parcouraient  obscurément 
leurs  déserts.  Ils  étaient  unis  par  la  langue,  la 
communauté  de  vie,  d'origine  et  de  tradition,  mais 
il  leur  manquait  une  religion  pour  les  former  en 
faisceau  ;  Mahomet  *  vint  la  leur  donner  {G22  ans 
après  Jésus-Christ). 

2°  Conquêtes  ((i32-"32).  —  Dès  lors,  «  mus  par  le 
double  besoin  de  s'étendre  et  de  convertir,  ayant 
l'avidité  de  la  conquête  et  l'entliousiasme  de  la 
foi,  l'organisation  qui  vient  de  l'armée  et  l'obéis- 
sance qui  vient  de  Dieu,  ils  marchèrent  à  l'occu- 
pation du  monde.  »  iMignet.)  En  vingt  ans  |632- 
652},  dans  une  course  merveilleuse,  ils  avaient  sou- 
mis la  Syrie,  la  Perse,  l'Arménie,  Chypre,  Rhodes, 
l'Egypte,  la  Cyrénaîque.  Leur  empire  s'étendait  du 
Tigre  au  golfe  de  Gabès.  —  V.  Khalifat. 

Mais  déjà  l'esprit  militaire  l'emportait  sur  la 
religion.  Un  général,  Moaviah,  descendant  des 
Koreischites  adversaires  de  Mahomet,  mettait  fin  au 
khalil'at  purement  religieux  en  renversant  Ali, 
gendre  du  prophète  ;  il  fondait  à  Damas  la  dynas- 
tie des  Ommiades  (G60-750).  L'élan  de  la  conquête 
reprend  alors  son  cours.  Samarkande  et  Cordoue, 
la  Géorgie  et  le  Maroc  sont  envahis  à  leur  tour. 
Constantinople  est  deux  fois  assiégée.  Mais  les 
Sémites  viennent  se  briser  contre  les  Aryas  à 
Poitiers  (732)  et  dans  l'Inde.  L'Islam  s'arrête  de- 
vant l(>s  Brahmanistes  et  les  Chrétiens. 

3°  Civilisatio7i.  —  Déshonorés  par  les  revers, 
les  Ommiades  sont  victimes  des  révolutions  dont 
ils  ont  donné  l'exemple.  Les  Abbassides  forment 
à  Bagdad  une  seconde  dynastie  (750).  L'empire  et 
la  gloire  des  Arabes  atteignent  alors  leur  apogée, 
sous  de  grands  princes,  comme  Almanzor  etHa- 
roun  al  Raschid.  Chefs  politiques  et  religieux,  ces 
khalifes  s'appliquent  à  développer  la  civilisation. 
Pendant  que  la  chrétienté  est  encore  enveloppée 
dans  le  moyen  âge,  le  luxe  des  arts  produit  des 
merveilles,  l'éclat  des  lettres  et  des  sciences 
éclaire  l'Orient.  «  En  communication  avec  les 
Grecs,  les  Hindous,  les  Chinois,  les  Arabes 
créèrent  cette  civilisation  mélangée,  sans  ori- 
ginalité et  sans  profondeur,  mais  non  sans  utilité, 
qui  rattache  les  unes  aux  autres  les  trois  civili- 
sations isolées.  »  (Mignet.)  Sur  les  traces  d'Aris- 
tote,  qu'ils  introduisent  en  Europe,  ils  cultivent 
la  philosophie  et  surtout  les  sciences  naturelles. 
Ils  se  signalent  par  l'emploi  du  papier  pour  écrire. 


de  la  boussole  pour  naviguer,  de  la  poudre  pour 
combattre.  Ils  ont  donc  défriché  le  champ  scienti- 
fique que  nous  cultivons  aujourd'hui. 

4°  Dissolution  et  décadence  (7âfi-1055).  —  Mais 
cette  domination,  de  Gibraltar  à  l'Indus,  était  trop 
étendue  pour  être  durable  ;  la  nature  divisait  ce 
que  la  force  avait  uni  un  instant.  L'affaiblisse- 
ment de  l'enthousiasme  religieux,  la  décadence  de 
l'esprit  militaire  qui  amène  la  création  de  la  garde 
turque,  accélèrent  la  dissolution  et  la  ruine.  Déjà  de- 
puis 756  l'Espagne  vit  séparée  sous  les  khalifes  de 
Cordoue.  L'Afrique  entière  s'affranchit  bientôt,  grâce 
aux  Fathimites  d'Egypte  (908}  puis  l'Orient  sous 
les  Ghaznévides  ,'980;.  Enfin  le  Seldjoukide  Togrul 
Beg,  chef  des  Turcomans,  enferme  les  derniers  kha- 
lifes dans  leur  harem  de  Bagdad  ;105.'>).  Mais  bientôt 
dissous  à  son  tour,  l'empire  seldjoukide  se  dé- 
compose en  sultanies.  Et  les  chrétiens  profitent 
de  ces   divisions   pour   accomplir  les  Croisades  *. 

La  direction  de  l'Islamisme  allait  passer  aux 
Ottomans,  originaires  du  Turkestan.  V.  Turcs. 

[Paul  Schàfer.] 

ARACHNIDES.  —  Zoologie,  XXV.  —  {Étyrn. 
semblable  aux  araignées.) 

Notions  générales.  —  On  donne  ce  nomàuneclasse 
d'animaux  articulés  dont  le  caractère  fondamental 
est  d'offrir,  chez  les  adultes,  huit  pattes  en  quatre 
paires,  articulées,  avec  hanche,  cuisse,  jambe  et 
tarse  propres  à  la  locomotion  (exception  pour  la 
première  paire  chez  les  Phrynes).  La  tête  et  le 
thorax  sont  confondus  en  un  seul  organe  nommé 
céphalothorax,  portant  en  avant  les  pièces  de  la 
bouche  et  des  antennes  modifiées  dans  leur  fonc- 
tion et  leur  configuration,  nommées  chélicères,  dis 
yeux  placés  en  dessus,  toujours  simples,  variant  de 
nombre  et  de  disposition;  enfin  une  paire  de  pattes 
spéciales,  dites  pattes-mâchoires,  servant  non  à  la 
marche ,  mais  à  la  préhension  des  aliments  et  à  d'au- 
tres usages.  Puis  viennent  les  huit  pattes  locomo- 
trices attachées  sous  le  céphalothorax.  Celui-ci  n'offre 
jamais  d'ailes  en  dessus  comme  chez  les  insectes. 
L'abdomen,  qui  vient  après  le  céphalothorax,  n'a 
pas  d'appendices  locomoteurs  et  sa  segmentation  en 
anneaux  est  plus  ou  moins  distincte.  La  bouche  of- 
fre des  pièces  très-réduites  et  se  trouve  conformée 
exclusivement  pour  la  succion  des  liquides  des 
animaux  vivants ,  à  l'exception  dea  Tétranyques 
ou  Acariens  tisserands,  qui  attaquent  le  paren- 
chyme des  feuilles.  Les  Arachnides  ne  mangent 
pas  de  parties  dures  ni  de  chair,  et  vivent  pres- 
que exclusivement  à  l'air  libre.  Parfois  des  glandes 
particulières,  de  position  diverse,  servent  à  sé- 
créter un  liquide  venimeux  qui  tue  ou  engour- 
dit la  victime  ;  sans  cette  précaution,  la  bouche, 
très  réduite,  ne  pourrait  exercer  la  succion.  Une 
autre  sécrétion  qui  peut  se  rencontrer  encore  est 
celle  d'une  liqueur  visqueuse,  qui  s'étire  et  se  so- 
lidifie à  l'air  en  fils  soyeux.  Les  sexes  sont  toujours 
séparés  sur  deux  individus  distincts,  et  les  petits 
naissent  à  l'état  d'œufs  pondus  par  la  femelle, 
éclosant  généralement  au  dehors,  sans  métamor- 
phoses (sauf  chez  les  Acariens},  l'évolution  se  bor- 
nant à  un  accroissement  de  taille,  à  des  mues  ou 
changements  de  peau  et  au  développement  des  or- 
ganes reproducteurs.  La  plupart  des  Arachnides 
ont  une  vie  libre  et  indép"ndante;  au  contraire, 
dans  l'ordre  dégradé  des  Acariens,  un  grand  nom- 
bre des  espèces  sont  épizoïques,  c'est-à-dire  vivent 
fixées  à  la  peau  des  animaux,  dans  laquelle  elles 
enfoncent  un  rostre  de  succion  formé  par  les  pièces 
buccales  allongées. 

Nous  ne  dirons  que  très-peu  de  chose  sur  l'a- 
natomie  interne  des  Arachnides.  Le  sang  est  in- 
colore, légèrement  blanchâtre,  coagulable  par  so- 
lidification de  sa  fibrine,  et  tenant  en  suspension 
des  corpuscules  ou  organiteshématiques.  Un  coeur, 
situé  à  la  région  dorsale  de  l'Arachnide,  pousse  ce 
sang  d'arrière  en  avant. 


ARACHNIDES 


—  163  — 


ARACHNIDES 


En  laissant  de  côté  toute  anatomie  interne,  pour 
ne  parler  que  de  ce  qui  se  voit  au  deliors  à  la  vue 
simple,  ou  avec  une  loupe  seulement  si  l'animal 
est  très  petit,  nous  sommes  pourtant  oblicés  de 
dire  que  les  Arachnides  respirent  l'air  en  nature 
ou  gazeux,  tantôt  par  des  trachées,  c'est-à-dire 
des  tubes  faisant  circuler  l'air  dans  tout  le  corps, 
ainsi  que  chez  les  insectes  et  les  mille-pieds, 
tantôt  par  des  organes  qui  ont  été  appelés  poii- 
mo7is.  Ce  sont  des  poches  placées  sous  l'abdomen 
et  contenant  des  séries  de  lamelles  aplaties  et  empi- 
lées dans  lesquelles  l'air  entre  et  sort  ;  ce  sont  réel- 
lement des  trachées  localisées  et  modifiées,  de  sorte 
qu'au  fond  il  n'y  a  qu'un  seul  tjpe  respiratoire. 
Division  des  Arachnides.  —  Les  Arachnides  se 
partagent  en  plusieurs  ordres.  Les  deux  ordres 
supérieurs  en  organisation  ont  des  poumons,  parfois 
avec  des  trachées  :  ce  sont  les  Aranéides  ou  Arai- 
^nées*, auxquels  nous  consacrons  un  article  ci-après, 
et  les  Pédipalpes. 

LesPédipalpes  ont  le  bouclier  du  céphalothorax 
d'une  seule  pièce,  avec  deux  yeux  sur  la  ligne 
médiane  et  d'autres  plus  petits  en  nombre  varia- 
ble sur  les  côtés.  Les  chélicères  sont  petits  et  en 
forme  de  pince,  sans  issue  pour  le  passage  d'au- 
cune sécrétion.  L'abdomen  est  plus  ou  moins 
oblong  ou  ovale  et  ne  se  termine  jamais  par  des  fi- 
lières h  soie.  Les  organes  respiratoires  consistent 
en  poches  pulmonaires.  Il  y  a  trois  familles  dans 
cet  ordre. 

Nous  ne  dirons  rien  de  deux  d'entre  elles  qui 
sont  exotiques,  les  Phrynes  et  les  Télyphones.  La 
troisième  famille,  plus  intéressante  pour  nous,  est 
celle  des  Scorpions.  Leur  abdomen,  uni  au  thorax 
dans  toute  sa  largeur, 
est  ensuite  rétréci  en 
arrière  en  queue  assez 
large  et  formée  de  six 
anneaux,  dont  le  der- 
nier se  termine  par 
un  crochet  aigu  ou 
dard  à  venin.  Les  pat- 
tes mâchoires  sont 
très  grandes  et  se  ter- 
minent par  une  ro- 
buste main  à  deux 
doigts  formant  pince, 
comme  chez  l'écre- 
visse  ;  elles  servent  à 
saisir  les  victimes 
tuées  par  le  venin  et 
à  les  approcher  de  la 
bouche  qui  suce  leur 
sang. 

Il  y  a  sous  la  région 
antérieure  du  ventre 
quatre  paires  de  po- 
ches pulmonaires. 

Les  scorpions  vi- 
vent à  terre  sous  les 
pierres,  sous  les  ar- 
bres renversés,  dans 
les  lieux  sombres  et 
humides  Ils  sont 
principalement  des  ré- 
gions tropicales  et  un 
peu  des  pays  tempé- 
rés-chauds des  deux 
mondes,  atteignant 
une  grande  taille  et 
„«.         ,    ,        ,  un    aspect     vraiment 

effrayant  dans  les  contrées  trèschaudrs.  On  les 
voit  courir  très  vite  sur  le  sol,  en  tenant  leur  queue 
relevée  au-dessus  du  dos,  soit  pour  attaquer  la  proie 
soit  pour  se  défendre.  Ils  la  lancent  en  la  redressant 
par  des  saccades  brusques  et  précipitées,  et  l'aiguil- 
lon qui  perce  la  peau  présente  au-dessous  de  la 
pointe  plusieurs  ouvertures  qui  communiquent  avec 


'Scoppion. 


une  glande  venimeuse.  Les  grands  scorpions  des 
pays  chauds  tuent  des   animaux  de  la  taille  d'un 
chien  et  passent  pour  redoutables  à  l'homme,  bien 
qu'il  y  ait  beaucoup  d'exagération  à  ce  sujet.  11  est 
toutefois  certain  que  leur  piqûre  cause  une  inflam- 
mation locale,  pouvant  être  très  vive,  accompagnée 
d'engourdissement  et  de  fièvre   et   parfois  de  vo- 
missements, de  tremblements  et  de  douleurs  dans 
tout  le  corps.  Des  cataplasmes  émoUients  sur  la 
plaie  et  surtout  la  cautérisation  à  l'ammoniaque, 
qui  neutralise  le   venin  acide,  sont  recommandés 
pour  combattre  ces  accidents.  Les  scorpions  sont 
ovovivipares,    c'est-à-dire    que  les    œufs  éclosent 
dans  l'oviducte  de  la  femelle,  de  sorte  que  les  pe- 
tits scorpions  viennent  au  monde  vivants.  Dans  les 
premiers  temps   de  leur  existence,  ils  se  rassem- 
:  blent  sur  le  dos  de  leur  mère,  ainsi  qu'on  le  voit 
1  aussi  chez  beaucoup  de  genres  d'araignées,  et  la 
I  famille   veille  avec   soin   sur   cette   progéniture , 
'.  qu'elle  ne  connaîtra  plus  par  la  suite  et  qui  pourra 
j  devenir  sa  proie  si  elle  est  afl'amée. 

Nous  avons  en  France  deux  espèces  de  scorpions, 
!  qu'il  faut  recommander  aux  enfants  de  ne  pas 
écraser,  car  ce  sont  d'utiles  chasseurs  d'insectes, 
au  service  par  conséquent  de  l'agriculture.  L'une, 
indigène  et  répandue  dans  tous  les  lieux  pierreux 
du  Midi,  est  le  Scorpion  d'Europe  IScorpio  Euro- 
pœiis,  Linné).  Il  remonte  jusqu'àla  latitude  de  44°. 
et  devient  très  commun  en  Espagne  et  en  Italie.  II 
a  de  25  à  30  millimètres  de  longueur,  est  brun, 
avec  six  yeux  et  une  queue  plus  courte  que  le  corps. 
Sa  piqûre  n'est  pas  plus  dangereuse  que  celle 
d'une  guêpe  ou  d'une  abeille.  Une  seconde  espèce, 
confinée  dans  la  bordure  méditerranéenne  (Tou- 
lon, Fréjus,  etc.)  et  importée  de  l'Afrique  du  nord 
où  elle  est  commune,  est  le  scorpion  roussâtre  ou 
occitanique,  d'un  jaune  roux  un  peu  enfumé,  bien 
plus  grand  que  le  précédent  et  à  piqûre  plus 
cruelle.  Il  appartient  à  un  autre  genre,  a  la  queue 
plus  longue  que  le  reste  du  corps  et  porte  huit 
yeux  sur  le  devant  du  céphalothorax.  C'est  le  Bu- 
t/ius  occitanus,  Amoroux. 

Les  autres  ordres  des  Arachnides  respirent  par 
des  trachées  disséminées,  comme  les  insectes  et 
les  myriapodes  ou  mille-pieds. 

Nous  ne  ferons  que  mentionner  :  l'ordre  des 
Tétracères  (4  antennes),  représenté  seulement  par 
les  Galcodes  ou  So/puges,  dont  une  espèce  se  ren- 
contre dans  l'extrême  midi  de  la  France  ;  —  l'ordre 
des  Holètres,  comprenant:  1°  les  Chc/ifères,  aussi 
nommés  Pinces  des  livres.  Pinces  des  bibliot'ièques, 
qui  se  trouvent  ordinairement  dans  les  vieux 
papiers,  les  plantes  sèches,  etc.,  auxiliaires  malheu- 
reusement trop  rares,  car  ils  font  la  chasse  aux 
insectes,  notamment  aux  rongeurs  de  bois  ;  "2°  les 
Phalangiens  ou  Faucheurs,  dont  le  principal  genre 
est  bien  connu  de  tout  le  monde  par  ses  pattes 
d'une  longueur  démesurée  et  très  fines,  que  les 
enfants  s'amusent  souvent  à  arracher  pour  voir 
les  mouvements  de  leurs  articles,  qui  persistent 
quelque  temps  après  leur  séparation  du  corps. 
On  voit  souvent  les  Faucheurs  courir  par  les  che- 
mins ou  se  chauffer  au  soleil  sur  le  tronc  des  ar- 
bres, après  la  pluie,  pendant  des  heures  entières. 
Ce  sont  des  Arachnides  tout  à  fait  inoirensives, 
suçant  des  insectes  morts,  des  fruits  tombés,  des 
détritus  divers  ;  —  enfin  l'ordre  le  plus  dégradé, 
celui  des  Acariens,  dont  le  caractère  physiologique 
le  plus  important  est  celui  des  métamorphoses,  qui 
manquent  aux  autres  Arachnides.  Les  acariens  en 
sortant  de  l'œuf  n'ont  que  trois  paires  de  pattes,  et 
ce  caractère,  larvaire  chez  eux,  est  au  contraire  celui 
des  adultes  chez  les  insectes.  Plus  tard,  quand  les 
acariens  deviennent  propres  à  la  reproduction ,  ils 
acquièrent  une  quatrième  paire  de  pattes,  la  posté- 
rieure, ce  qui  assigne  leur  place  définitive  parmi 
les  Arachnides. 
L'étude  complète   de  cet  ordre  à  espèces    très 


ARACHNIDES 


—  164  — 


ARACHNIDES 


petites,  presque  iiiicroscopiques  parfois,  n'est  pas 
encore  faite.  Voici  quelques  notions  sur  les  Aca- 
riens utiles  à  connaître. 

Les  Trombidions  nous  rendent  service  en  détrui- 
sant de  petits  articulés  très  nuisibles  aux  cultures, 
comme  les  thrips  (insectes)   et  les  acariens  tisse- 
rands dont  nous  allons  parler.  Cependant  des  au- 
teurs admettent  au  contraire  que  ces  trombidions 
adultes  ne  sucent  que  des  végétaux.  A  l'état  de 
larves  à  six  pattes,  les  trombidions  sont  désagréa- 
bles par  leur  mode  d'existence.  Dispersés  sur  les 
plantes,  ils  s'accrochent  aux  animaux  qui  passent 
et  vivent  ensuite  fixés  à  la  peau  de  beaucoup  d'a- 
nimaux et  même  de  l'homme,  causant  des  déman- 
geaisons parfois  assez  douloureuses.  On  les  nomme 
alors  rougets,  aoiltans,  leptes   d'autonme  ;  on  les 
voit  souvent,  comme  des  points  rouges,  attachés 
au  corselet  de  papillons,  de  mouches,  autour  des 
yeux  et  des  oreilles  des  chiens  ou  des  lapins,  etc. 
Les    Tétranyques   ou   Acariens  tisserands,  ont 
pour  espèce  principale  le  Tetranychus  lintearius, 
Linn.   ou    telarius ,   Hermann  ,  épithètes   qui   se 
rapportent  aux  toiles  que  ces  acariens  tissent  in- 
cessamment  sur   les   végétaux,   où  ils  vivent   en 
innombrables  légions.  Ces  fils  sont  si  fins  qu'ils 
ne   se   voient  même  pas   à  la   loupe,   mais   leur 
ensemble,    dû    à   l'action   commune   de    milliers 
d'acariens,  finit  par  former  un  réseau  apparent  qui 
enveloppe  les  feuilles,    les  tiges  et  les  fleurs,  et 
dont  les  bouts,  déchirés  par  les  vents,  flottent  par- 
fois au  hasard.  Sous  ces  abris,  les  tétranyques  en- 
tament les  feuilles  et  les  jeunes  tiges  par  leur  su- 
çoir buccal,  muni  de  deux  petites  lancettes.  La  sève 
est  aspirée  par  une  multitude  d'imperceptibles  ori- 
fices, les  feuilles  épuisées  se  flétrissent,  leurs  bords 
se  contournant  en  dessous,  la  face  inférieure  deve- 
nant blanchâtre  et  un  peu  luisante,  la  face  supé- 
rieure jaunâtre  ou  grisâtre,  avec  des  parties  plus 
claires  formant  des  marbrures.  En  même  temps,  le 
réseau  soyeux,  qui  arrête  l'air  nécessaire  à  la  res- 
piration du  végétal  et  qui  était  d'abord  blanchâtre, 
retient  l'eau  et  la  poussière  et  forme  à  la  plante 
une  sorte  d'enveloppe  d'aspect  sale  et  répugnant. 
L'action  de  ces  toiles  et  les  multiples  piqûres  des 
tétranyques  font  périr  beaucoup  de  plantes,  par  la 
maladie  que  les  jardiniers  appellent  la  grise.  Les 
toiles,  qui  empêchentle  mouillage,  rendent  peu  ef- 
ficaces les  injections  de  fleur  de  soufre  ou  de  jus 
de  tabac.  Il  faut  couper  et  brûler  les   parties  at- 
teintes ou  faire  des  lotions  de  polysulfure  de  cal- 
cium  dissous   ou    de   sulfocarbonate    de    potasse 
étendu,    ces  substances   dégageant  lentement  des 
gaz  délétères. 

Puis  vient  la  famille  des  Ixodes,  dont  l'espèce  la 
plus  commune  est  V Ixodes  ricijius,  auct.  ou  /dum- 
beus,  Dugès,  nommé  Tique  ou  Tique/.  C'est  un  dos 
plus  gros  Acariens,  de  5  millim.  de  long,  s'attachant 
parfois  à  l'homme,  très-fréquemment  aux  chiens, 
aux  lapins,  aux  hèvres,  etc.  Ce  sont  les  femelles 
qui  se  fixent  ainsi  et  se  gorgent  de  sang  par  une 
succion  continuelle,  prenant  un  volume  énorme, 
ressemblant  à  une  graine  de  ricin  (d'où  le  nom  de 
Ricins  donné  par  certains  auteurs  à  ces  animaux) 
ou  à  une  petite  fève  lisse,  luisante,  d'un  gris 
plombé.  Les  oreilles  des  chiens  do  chasse  sont 
souvent  garnies  de  ces  dégoûtantes  vésicules,  qui 
crèvent  entre  les  doigts  et  les  imprègnent  de 
sang.  Il  ne  faut  pas  arracher  les  Ixodes,  car 
leur  bec  se  rompt  et  reste  dans  la  plaie  et  n'en 
sort  qu'après  un  travail  de  suppuration  faisant  plus 
de  mal  que  si  l'Acarien  était  demeuré  tout  entier 
attaché  à  sa  proie.  Si  l'on  touche  le  parasite  avec 
une  goutte  d'essence  de  térébenthine,  il  tombe  de 
lui-même.  Ces  tiques  pondent  des  milliers  d'œufs, 
d'où  sortent  des  larves  qui  se  dispersent  et  grim- 

fient  partout.  Les  chenils  en  sont  souvent  infestés. 
1  faut  les  échauder  à  l'eau  bouillante,  surtout  aux 
plafonds  et  parois  supérieures,  car  les   larves  ont 


Tyroglyphe  des  fromage» 
secs. 


tendance  à  s'élever  le  plus  qu'elles  peuvent.  Le» 
Ixodes  et  les  genres  voisins  se  trouvent  sur  beau- 
coup d'animaux  différents,  même  sur  des  tortues, 
des  serpents,  etc.  Une  espèce  nuit  beaucoup  aux 
bœufs  et  aux  moutons,  si  on  la  laisse  se  multiplier, 
et  elle  peut  rendre  ces  animaux  très  maigres  et  afl'ai- 
blis.  Les  bergers  doivent  visiter  leur  bétail  avec 
soin  et  détruire  leurs  tiques,  comme  nous  l'avons 
dit  pour  celles  des  chiens. 
Les  Acarides  ont  les  pat- 
tes-mâchoires adhérentes 
et  les  pattes  égales.  Cer- 
tains d'entre  eux,  les  tyro- 
glyphes,  de  l'ancien  genre 
Acainis,  sont  ces  petits  ani- 
maux que  les  auteurs  du 
dernier  siècle  nommaient 
les  Cirons,  les  Mites,  les 
regardant  comme  le  der- 
nier terme  de  la  petitesse 
animale.  C'est  un  Tyro- 
glyphe, Tyrogljjpltus  siro, 
Latreilie,  qui  pullule  avec 
ses  œufs  et  ses  larves  à 
six  pattes  dans  les  vieilles 
croûtes  des  fromages  secs 
(Gruyère,  Roquefort,  etc.); 
d'autres  Tyroglyphes  vi- 
vent dans  la  farine,  les  provisions  de  bouche,  les 
viandes  desséchées,  attaquent  les  collections  d'in- 
sectes, etc. 

Enfin  les  Sarcoptides.  L'espèce  Sarcopte  de  la  gale 
(Sarcoptes  scabiei,  Latr.,  Acarus  humaniis  subcuta- 
neiis,h\nn.,  Sarco})tesho77ii7iis,Raspa\\,  etc.)  vitdans 
les  galeries  qu'elle  se  creuse  sous  la  peau,  non-seu- 
lement chez  l'homme,  mais  chez  le  porc,  le  cheval, 
le  renard,  le  loup,  le  chien,  la  chèvre,  le  chameau, 
le  mouton,  le  lion,  la  hyène,  l'ours,  etc.,  avec  des 
variations  de  taille  qui  ont  souvent  fait  croire  à  des 
espèces  difi'érentcs.  Parfois  on  a  vu  les  sarcoptes 
passer  de  ces  animaux  à  l'homme.  Le  bouton  de 
gale  est  causé  par  la  piqûre  du  rostre  de  succion  ; 
ce  n'est  pas  dans  ce  bouton  que  réside  l'animalcule, 
mais  dans  un  petit  sillon  à  côté,  ce  qui  faii  que 
beaucoup  de  médecins  l'ont  nié,  n'ayant  pas  su  le 
découvrir.  Il  est  pourtant  bien  constaté  chez 
l'homme  depuis  longtemps.  Les  sirons  ou  cirons 
des  doigts  étaient  connus  dès  le  onzième  siècle,  et 
des  vieilles  femmes  savaient  guérir  la  gale  en  dé- 
terrant l'animalcule  dans  son  sillon  cutané  avec 
la  pointe  d'une  fine  aiguille.  En  Italie,  Bonomo(1623) 
voyait  les  forçats  et  les  esclaves  du  port  de  Livourne 
se  rendre  mutuellement  ce  service.  Geoff'roy  {His- 
toire abrégée  des  Insectes  des  environs  de  Paris, 
1762)  décrit  cette  petite  opération,  ainsi  que  le  ci- 
ron  de  la  gale,  et  le  distinguo  de  celui  du  fromage, 
et,  :\  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  l'entomologiste 
Fabricius  trouvait  généralement  répandu  chez  les 
indigènes  du  Groenland,  entassés  en  hiver  dans 
leurs  huttes  infectes,  l'usage  de  l'extraction  des 
sarcoptes  avec  une  aiguille. 

Cependant  les  médecins  n'avaient  pas  la  vraie 
notion  de  la  nature  exacte  do  l'aff'ection  psorique. 
C'était  pour  eux  un  exanthème  pustuleux,  résultant 
d'une  altération  générale  des  humeurs.  Outre  les 
lotions  locales,  on  prescrivait  souvent  des  traite- 
ments généraux;  on  se  demandait  même  parfois  s'il 
était  prudent  de  guérir  la  gale,  qui  devenait  comme 
un  cxutoire  propice.  On  trouve  encore  dans  le» 
campagnes  ces  idées  absurdes  relativement  aux 
poux  des  enfants.  Il  y  avait  chez  les  médecins  une 
erreur  analogue  à  colle  qui  a  fait  regarder  si 
longtemps  le  Phylloxéra  comme  n'étant  pas  la  cause 
de  la  maladie  de  la  vigne.  Beaucoup  de  personnes 
ne  se  rendent  pas  compte  des  effets  immenses  des 
petites  forces  simultanées,  et,  en  présence  des  gra- 
ves lésions  de  la  peau  résultant  des  gales  invété- 
rées, on  ne  consentait  pas  îi  admettre  comme  leur 


ARACHNIDES 


—  IGo  — 


ARACHNIDES 


auteur  un  chétif  animalcule  dont  les  gros  sujets  ont 
2  à  3  dixièmes  de  millimètre  de  longueur. 

En  1812,  un  étudiant  en  pharmacie,  Gales,  eut 
l'impudence  de  montrer  à  ses  examinateurs  de  pré- 
tendus Acares  de  la  gale  extraits,  disait-il,  des 
pustules  et  qui  n'étaient  qucle  Tyroglyplic  du  fro- 
mage ;  Raspail  fit  justice  en  1829  de  cette  mystifi- 
cation trop  accentuée.  Dans  sa  thèse,  en  1834,  un 
étudiant  en  médecine  de  la  Corse,  Rcnucci,  se  sou- 
venant des  procédés  des  matrones  de  son  pa3's, 
indiqua  le  moyen  de  découvrir  à  coup  sûr  l'ani- 
malcule. La  même  année,  Raspail  fit  paraître  une 
étude  de  grande  valeur  sur  cet  Acarien,  et  la  com- 
pléta par  celles  de  diverses  autres  espèces  sur  des 
animaux  domestiques.  On  peut  dire  que  depuis  1851 
(Bourguignon  et  Delafond^  les  afi"cctions  psoriqucs 
sont  démontrées  avoir  pour  cause  unique  des  Aca- 
riens. 

Les  boutons  de  gale  ne  tardent  pas  à  s'excorier, 
surtout  à  la  suite  des  démangeaisons  qui  les  ac- 
compagnent, et  les  parties  atteintes  se  couvrent  de 
croûtes  empêchant  les  fonctions  de  la  peau  On  a 
longtemps  employé  pour  guérir  cette  affection  des 
fumigations  d'acide  sulfureux,  le  sujet  étant  placé 
dans  une  boîte  d'où  sort  seulement  la  tête  ;  d'au- 
tres médechis  se  servaient  de  lotions  alcooliques 
plus  ou  moins  corrosives  de  mélisse,  de  menthe,  etc., 
ou  bien  des  pommades  mercuricUcs.  On  peut  dire 
que  tous  ces  moyens  curatifs  étaient  plus  graves 
que  le  mal  et  altéraient  profondément  la  peau.  11 
faut  simplement  surveiller  l'apparition  des  pre- 
miers boutons,  qui  se  fait  d'ordinaire  entre  les 
doigts  et  aux  poignets.  En  y  maintenant  pendant 
quelques  heures  des  linges  imprégnés  de  benzine, 
ou  simplement  de  jus  de  tabac  ou  d'une  pommade 
soufrée,  les  Acariens  sont  détruits,  et  tout  dispa- 
raît bientôt.  11  importe  d'appeler  l'attention  des 
instituteurs  sur  ce  répugnant  objet,  car  la  gale  est 
encore  trop  répandue  dans  les  campagnes  reculées, 
et  leurs  conseils  auront  une  grande  utilité.  C'est 
pendant  la  nuit  que  les  Sarcoptes  sortent  de  leurs 
clapiers  cutanés,  se  promènent  sur  la  peau,  s'at- 
tachent aux  vêtements,  aux  draps  de  lit,  aux  cous- 
sins des  voitures,  etc.  La  promiscuité  qui  règne 
aux  époques  des  foins,  des  moissons,  des  vendan- 
ges, alors  qu'une  foule  d'ouvriers  dorment  entassés 
dans  des  granges,  propage  activement  la  contagion 
psorique.  La  connaissance  de  ce  qui  précède  peut 
amener  rapidement  une  grande  amélioration  à  cet 
égard. 

Le  plus  précieux  de  nos  animaux  domestiques,  le 
cheval,  est  attaqué  avec  une  intensité  variée  par 
des  Sarcoptides  de  trois  genres  dilTérents;  l'un,  le 
moins  dangereux,  n'attaque  que  les  membres,  et 
encore  très  lentement  ;  un  autre,  le  Psoropte  du 
clieval  {Vsoroptes  equi,  P.  Gervais),  détermine 
l'affection  connue  des  vétérinaires  sous  le  nom  de 
roiLv  vieux  ou  de  gale  liumide,  se  manifestant  par 
des  boutons  hémisphériques,  d'abord  au  bord  supé- 
rieur de  l'encolure  et  à  la  queue.  En  cinq  ou  six 
mois,  si  on  n'y  porte  pas  remède,  la  peau  tout  en- 
tière du  cheval  sera  envahie  et  la  mort  certaine  par 
la  suppression  de  la  transpiration.  Il  est  une 
troisième  maladie  psorique  du  cheval,  la  gale  sèche 
ou  épizootique,  dont  la  vraie  nature  n'a  été  re- 
connue que  dans  ces  dernières  années.  A  la  suite  de 
la  guerre  désastreuse  de  1870-1871,  une  épizootie 
envahit  les  chevaux  de  l'armée  française,  avec  des 
symptômes  qu'on  regardait  jusqu'alors  comme 
causés  exclusivement  par  le  manque  d'abri  et  de 
soins,  les  marches  forcées,  les  mauvais  four- 
rages, etc.  La  cause  véritable  était  une  variété  du 
Sarcopte  de  la  gale  humaine  {Sar-coptes  scabiei, 
Latreille,  var.  equi,  Gcrlach)  très  dangereux  par 
sa  fécondité  effrayante  et  pouvant  en  un  mois  seu- 
lement se  répandre  sur  toute  la  peau  d'un  cheval 
et  le  faire  périr.  Cet  Acarien  du  cheval,  à  contagion 
facile  et  rapide,  pout  se  transmettre  à  l'homme:  ce 


qui  indique  tout  de  suite  les  précautions  à  prendre 
quand  on  soigne  les  chevaux  qui  en  sont  atteints. 
Le  traitement  des  diverses  affections  psoriquesdu 


Psoropfe  de  la  gale  du  cheval. 


cheval  est  le  même.  Si  l'invasion  est  un  peu 
étendue,  il  faut  s'interdire  les  lotions  au  pétrole  ou 
à  la  benzine,  qui  causent,  pendant  plusieurs  se- 
maines, une  irritation  de  la  peau  et  provoquent 
l'apparition  d'une  affection  artificielle  qui  a  autant 
d'inconvénient  au  point  de  vue  du  travail  du  cheval 
que  la  gale  elle-même.  On  frictionnera  aux  parties 
atteintes  et  aux  alentours  l'animal  avec  le  soufre 
mêlé  ou  non  au  goudron,  ou  bien  le  jus  de  tabac, 
ces  acaricides  étant  incorporés  dans  des  excipients 
doux,  comme  des  corps  gras,  de  la  glycérine,  des 
'  huiles  non  siccatives.  Au  bout  de  quelques  jours 
'  on  lave  le  cheval  à  l'eau  do  savon.  Une  précaution 
importante  est  d'isoler  les  chevaux  galeux,  et  de 
désinfecter  toutes  les  pièces  du  harnachement,  les 
effets  de  pansage,  les  parois  de  la  stalle  d'écurie. 
C'est  l'eau  bouillante  qui  réussit  le  mieux  à  cet 
égard,  car  elle  tue  les  Acariens  errants  cachés  dans 
tous  les  recoins,  et  leurs  œufs  dont  la  vitalité  per- 
sisterait sans  cela  pendant  plusieurs  mois. 

Les  chiens  sont  fréquemment  atteints  d'une  gale 
particulière,  la  gale  folliculaire,  causée  par  un 
Acarien  encore  plus  dégradé  que  les  Sarcoptes, 
le  Demodex  folliculovum  ou  Démodex  des  folli- 
cales,  vivant  dans  les  follicules  pileux  de  toute  la 
surface  du  corps,  de  forme  allongée  comme  un 
Helminthe,  avec  huit  pattes  extrêmement  courtes 
à  la  région  antérieure.  Cette  maladie,  que  beau- 
coup de  vétérinaires  déclarent  incurable,  exige  de 
la  persévérance  et  du  zèle  dans  le  traitement.  On  en 
vient  sûrement  à  bout  par  des  bains  de  Barèges 
administrés  avec  persistance,  soigneusement  et 
chaque  jour,  pendant  un  mois  au  moins,  puis  de 
huit  jours  en  huit  jours  pendant  deux  ou  trois  au- 
tres mois.  Heureusement  cette  gale  folliculaire  ne 
se  communique  pas   à   l'homme. 

Toutefois  l'espèce  humaine  est  attaquée  par  un 
Démodex,  variété  du  précédent  ou  plutôt  espèce 
très  voisine  ;  mais  il  se  loge  seulement  dans  les 
follicules  des  poils  follets  du  visage  et  les  glandes 
sébacées  de  la  même  région,  particulièrement  des 
ailes  du  nez  et  du  front.  On  voit  ces  parties  chez 
beaucoup  de  personnes,  surtout  celles  h  teint  grais- 


ARAIGNÉES 


—  im  — 


ARAIGNEEG 


seux  et  jaunâtre,  couvertes  de  petits  points  noi- 
râtres. Ce  sont  des  loges  de  Dcmodex,  qu'il  est 
facile  de  faire  sortir  par  la  pression.  On  se  débar- 
rasse aisément  de  ces  parasites  de  la  peau  par  un 
lavage  à  l'eau  de  savon  un  peu  caustique,  comme 
celle  du  savon  noir,  ou  mieux  par  des  lotions  avec 
des  alcoolats  de  toilette,  comme  l'eau  de  Cologne 
ou  l'eau  de  Botot.  [Maurice  Girard.] 

AIlAIGMii;s  ou  scientifiquement  Aranéides  (Or- 
dre des).  —  Zoologie,  XXV.  —  Sous  ce  nom  se 
trouve  compris  l'ordre  le  plus  élevé  de  la  classe  des 
Arachnides,  non  pas  seulement  par  son  organisa- 
tion, mais  par  ses  instincts,  nous  dirons  presque 
ses  lueurs  d'intelligence,  ses  ruses  de  chasse  et 
les  pièges  soyeux  si  variés  qui  servent  aux  arai- 
gnées il  capturer  leurs  victimes,  et  qui  leur  ont 
valu  leur  nom  tiré  du  grec  etconsacrépar  lalégende 
mythologique.  Arachné  avait  surpassé  Minerve  dans 
l'art  de  tisser  à  la  navette  les  plus  riches  dessins. 
Outragée  et  frappée  par  l'irascible  déesse,  la  jeune 
artiste  se  pendit  de  désespoir  ;  Jupiter  la  ht  re- 
vivre sous  la  forme  de  l'araignée,  afin  qu'elle  pût 
continuer  éternellement  à  filer  et  à  tisser; 

Nous  ne  répéterons  pas  les  caractères  des  Arach- 
nides ;  nous  indiquerons  seulement  les  modifica- 
tions spéciales  h  la  classe  des  Aranéides.  Le  cé- 
phalothorax présente  en  dessus  une  plaque  coriace 
nommée  bouclier,  large  h  sa  partie  moyenne  et 
rétrécie  en  avant,  où  elle  se  recourbe  pour  for- 
mer un  rebord  frontal  sur  lequel  sont  placés  les 
yeux,  généralement  au  nombre  de  huit,  parfois 
seulement  au  nombre  de  six,  et  dont  les  grandeurs 
et  la  disposition  relative  varient  suivant  les  genres 
et  sont  en  rapport  avec  les  habitudes  et  le  mode 
de  vie  de  l'araignée  ;  en  arrière  le  bouclier  est  dé- 
primé et  plus  ou  moins  échancré  au-dessus  de 
l'insertion  de  l'abdomen.  En  dessous  du  céphalo- 
thorax se  trouve  le  plastron,  offrant  des  échan- 
crures  latérales  pour  l'insertion  des  pattes.  En 
avant  du  bouclier  céphalothoracique  sont  les 
chélicères.  Ce  sont  les  analogues  des  antennes, 
mais  d'un  usage  tout  différent,  car  elles  sont  mu- 
nies d'un  crochet  à  venin  pour  tuer  les  victimes. 
Puis  viennent  les  premiers  appendices  du  thorax, 
les  pattes-mùdioires,  servant  à  saisir  et  à  déchirer 
la  proie.  Leur  tarse  ou  article  terminal  porte 
seulement  chez  la  femelle  deux  petits  crochets 
simples  et  rétractiles.  Chez  le  mâle  cet  article  se 
renfle  en  une  large  cupule  renfermant  un  crochet 
considérable.  Ces  deux  cupules  renflées  des  bouts 
des  pattes-mâchoires  font  tout  de  suite  reconnaître 
les  mâles  des  araignées,  qui  sont  beaucoup  plus 
rares  que  les  femelles;  ils  sont  aussi  en  général  bien 
plus  petits  et  semblent  avoir  une  existence  assez 
malheureuse,  car  les  araignées,  qui  sont  des  mères 
tendres  et  dévouées,  sont  d'ordinaire  des  épouses 
très  cruelles,  rendant  fréquemment  les  mâles 
victimes  de  leur  voracité  féroce. 

L'abdomen  est  attaché  au  thorax  par  un  pédi- 
cule cylindrique.  Sans  annulations,  il  est  le  plus 
souvent  ovale,  renflé,  variablcmont  allongé,  plus 
ou  moins  arrondi,  plus  gros  en  avant  qu'en 
arrière,  tout  à  fait  globuleux  dans  quelques  gen- 
res, triangulaire  dans  d'autres,  enfin  ofl'rant  parfois 
la  partie  postérieure  la  plus  large  et  la  plus 
grosse.  La  face  ventrale  de  cet  abdomen  est  le 
plus  souvent  plane  ;  sa  partie  antérieure  porte 
une  ou  deux  paires  d'opercules  ou  plaques  larges 
qui  recouvrent  les  orifices  respiratoires  ou  pou- 
mons (trachées  aplaties  et  groupées  en  lames 
multiples  dans  des  cavités  spéciales)  ;  entre  ces 
opercules  et  au  milieu  de  l'espace  qui  les  sépare 
se  voit  une  ouverture  arrondie,  orifice  des  or- 
ganes reproducteurs  et  par  où  sortent  les  œufs. 
La  partie  postérieure  du  dessous  de  l'abdomen 
présente  l'ouverture  anale  placée  au  milieu  d'un 
petit  chaperon  et  entourée  d'appendices  destinés 
à  donner  passage   à  la   soie  et  pour  cette  raison 


nommes  filières.  Il  sera  très  facile  de  voir,  môme 
îi  l'œil  nu,  tous  les  organes  que  nous  venons  de 
décrire,  en  prenant  une  araignée  des  maisons  à 
toute  sa  taille  (tégénaire)  ;  ou  mieux  encore  une 
grosse  araignée  de  jardin  (épeire)  ;  pour  se  sous- 
traire aux  morsures  des  chélicères,  au  reste  à  peu 
près  inofi'ensives  pour  l'homme,  et  surtout  pour 
paralyser  les  mouvements  qui  rendent  l'observa- 
tion difficile,  il  faudra  tuer  ou  engourdir  l'araignée 
par  l'alcool  ou  le  chloroforme. 

Les  filières  sont  de  petits  mamelons  articulés, 
disposés  en  couronne  et  par  paires  autour  du  cha- 
peron anal.  Ils  semblent  tronqués  à  leur  extré- 
mité, et,  si  on  soumet  celle-ci  au  grossissement  du 
microscope,  on  reconnaît  que  c'est  une  membrane 
molle  et  percée,  comme  un  crible,  d'une  infinité 
de  petits  trous.  La  matière  soyeuse  sort  de  ces 
trous  sous  forme  d'une  petite  gouttelette  qui  ne 
peut  toucher  un  objet  sans  s'y  fixer  et  y  produire 
un  fil  que  l'araignée  tend  en  s'éloignant  de  ce 
point.  Ainsi  le  fil  de  l'araignée,  dont  on  admire  la 
finesse,  est  formé  par  la  réunion  de  centaines  de 
filaments  invisibles,  simples  d'abord  et  accolés  en- 
semble après  leur  sortie  de  l'organe.  Les  filières 
sont  au  nombre  de  six  ou  de  quatre  et  inégales 
de  grandeur.  Les  unes  sont  destinées  à  filer  les 
pièges  de  chasse,  tandis  que  les  autres  donnent 
une  soie  difTérente,  plus  douce,  servant  à  faire  de 
moelleux  cocons  blancs,  jaunes,  verts,  etc.,  dans 
lesquels  reposeront  les  œufs  de  l'araignée.  Beau- 
coup d'espèces  cachent  ces  cocons  dans  des  refuges 
propices  et  les  surveillent  avec  vigilance;  certaines 
les  emportent  dans  leurs  courses  attachées  sous 
le  corps,  et  alors  les  petites  araignées  qui  éclnsent 
grimpent  souvent  sur  le  dos  de  leur  mère. 

Les  toiles  de  chasse  sont  dos  plus  variées.  Il  y  a 
des  araignées  toujours  errantes,  sautant  sur  la 
proie  qui  passe  (saltiques,lycoses,  etc.)  et  chez  les- 
quelles la  soie  né  sert  qu'à  faire  les  cocons  ;  d'autres 
se  cachent  en  embuscade  dans  des  cellules  ta- 
pissées de  soie  (mygales,  atj'pes,  scgestries,  clu- 
biones)  et  tendent  seulement  au  dehors  quelques 
fils  isolés.  La  plupart  des  araignées  font  de  véri- 
tables tissus  continus  et  très  variés,  destinés  à 
retenir  les  insectes  au  passage.  Les  uns  sont  ir- 
réguliers, à  mailles  lâches  et  entrecroisées  (phol- 
ques)  ;  les  autres  se  présentent  sous  la  forme  de 
larges  nappes  horizontales,  ressemblant  à  des  ha- 
macs et  artistement  travaillées  (tégénaires)  ;  les 
autres  enfin,  suspendus  verticalement  à  travers  les 
allées  de  nos  jardins,  sont  formés  de  rayons  et  de 
cercles  concentriques,  dont  la  régularité  et  la  pré- 
cision de  tr.-ivail  sont  toujours  un  sujet  d'étonne- 
ment  (épeire).  Les  filières  servent  à  fournir  la 
matière  des  tissus  ;  mais  elle  est  assemblée  par 
les  bouts  des  pattes  ou  tarses,  qui  sont  munis  de 
poils  raides,  de  peignes,  de  cardes,  ustensiles 
de  filature  d'autant  plus  compliqués  que  les  toiles 
sont  plus  parfaites. 

L'examen  dos  tarses  à  de  fortes  loupes  permet  de 
reconnaître  si  les  araignées  sont  des  tisserands  plus 
ou  moins  industrieux  et  ont  fait  donner  aux  pattes 
des  espèces  à  réseaux  bien  travaillés  le  nom  de  pieds- 
tisseurs;  on  voit  les  araignées  occupées  îi  ajuster 
les  uns  aux  autres  avec  leurs  tarses  les  fils  qui  sor- 
tent des  filières.  On  peut  dire  que  la  sécrétion  de 
la  soie  joue  un  rôle  continuel  dans  la  vie  des  arai- 
gnées; son  usage  intervient  îi  tous  les  instants  de 
leur  existence.  La  soie  sert  aux  araignées  îi  mar- 
cher sans  se  heurter  sur  les  corps  les  plus  âpres, 
à  se  maintenir  sur  les  plus  lisses,  à  se  précipiter 
à  terre  sans  secousse  sur  le  sol  pour  échapper  aux 
ennemis,  à  tendre  de  longs  fils  au  bout  desquels 
elles  se  balancent  pour  atteindre  un  point  éloigné, 
souvent  avec  l'aide  du  vent,  à  bâtir  les  coques 
d'abri,  ;\  tisser  les  toiles  et  les  pièges  sans  lesquels 
elles  périraient  de  faim.  Dans  le  combat,  c'est  en- 
core avec  des  fils  que  l'araignée  enbce  et  garrotte 


ARAIGNEES 


—  167  — 


ARAIGNEES 


son  adversaire,  et  ce  sont  enfin  des  fils  qui,  au 
moment  de  la  ponte,  servent  à  fabriquer  soit  des 
sacs  feutrés  et  imperméables  à  l'eau  où  reposent 
les  œufs,  soit  de  moelleux  édredons  qui  les  enve- 
loppent et  les  protègent  contre  le  refroidissement 
nocturne. 

Les  œufs,  en  sortant  des  ovaires,  ont  la  forme 
de  petites  sphères  très  polies  et  lisses;  quand  il 
n'y  a  pas  de  cocons,  comme  chez  les  pholques,  ils 
sont  couverts  d'une  matière  visqueuse  qui  les 
fait  adhérer  ensemble  en  un  petit  paquet  que  la 
mère  tient  sous  le  plastron,  entre  ses  pattes-mâ- 
choires. La  plupart  des  araignées  font  des  pontes 
successives,  de  huit  jours  en  huit  jours, et  entourent 
chaque  ponte  d'un  cocon  spécial,  tissé  pour  elle. 
Au  bout  d'un  mois  environ,  selon  la  température, 
les  jeunes  araignées  brisent  la  coque  de  l'œuf. 
Elles  sont  alors  entièrement  blanches  et  ont  les 
pattes  réunies  et  accolées  sous  le  ventre:  au  bout 
d'une  huitaine  de  jours  environ  a  lieu  une  pre- 
mière mue  qui  rend  libres  tous  les  appendices  ;  alors 
les  petites  araignées  se  hâtent  de  sortir  du  cocon. 
Dans  beaucoup  d'espèces,  elles  se  dispersent,  et 
chacune  choisit  la  place  de  sa  demeure  future; 
dans  certaines  espèces  elles  restent  encore  ensem- 
ble quelque  temps,  soit  sur  le  dos  de  la  mère,  soit 
formant  ces  pelotons  de  petites  araignées  si  com- 
munes dans  les  jardins.  C'est  en  automne  que  se 
fait  l'éclosion  du  plus  grand  nombre  des  arai- 
gnées. Lors  de  la  dispersion  des  jeunes,  toutes  ces 
petites  araignées  laissent  des  fils  sur  leur  passage, 
couvrant  le  terrain  et  les  troncs  d'arbres  de  leurs 
filaments  innombrables  et  tellement  fins  qu'ils  ne 
sont  visibles  que  lorsqu'ils  réfléchissent  la  lumière 
du  soleil.  C'est  aussi  à  cette  époque  que  le  vent 
promène  de  toutes  parts  des  filaments  accolés  et  des 
flocons  de  ces  fils,  blanchis  par  la  rosée,  et  qui  for- 
ment ces  fils  de  la  Vierge  si  abondants  dans  les 
campagnes. 

Les  araignées  sont  ornées  à  la  région  dorsale  de 
pigments  de  couleurs  variées  et  elles  ont  d'habi- 
tude des  teintes  en  rapport  avec  celles  des  objets 
sur  lesquels  elles  doivent  passer  leur  existence  ; 
c'est  là  une  harmonie  d'imitation  fréquente  chez 
les  animaux  et  qui  sert  à  dérober  l'araignée  à  la 
vue  des  insectes  dont  elle  fait  sa  proie,  comme 
aussi  à  celle  des  pompiles  et  des  pélopées  (Hymé- 
noptères fouisseurs),  qui  emportent  les  araignées 
dans  leurs  terriers  comme  provision  pour  leurs 
larves,  et  de  divers  Hyménoptères  entomophages 
qui  viennent  pondre  dans  leurs  corps  et  surtout 
dans  leurs  cocons  à  œufs  ;  ce  sont  les  vengeurs 
de  la  race  des  insectes.  Les  araignées  qui  vivent 
dans  la  corolle  des  fleurs  (thomises)  sont  parées  de 
couleurs  rouges,  jaunes  ou  violettes  ;  celles  des 
vergers  et  des  jardins  (épeires,  tliéridions,  attes) 
ont  des  couleurs  et  des  dessins  variés;  les  spa- 
rasses,  qui  chassent  au  printemps  sur  les  gazons, 
sont  d'un  vert  émeraude.  Les  espèces  établissant 
leurs  toiles  dans  des  endroits  obscurs,  les  grottes, 
les  caves,  les  celliers,  les  écuries,  les  granges,  etc., 
ont  des  teintes  foncées  et  uniformes  (tégénaires, 
ségestries,  drasses)  ;  celles  qui  se  cachent  sous  l'é- 
corce  des  arbres  ou  dans  des  trous  en  terre,  comme 
les  clubioncs,  les  mygales,  les  atypes,  sont  brunes, 
plus  ou  moins  rougeâtres  ou  verdàtres  ;  les  lycoses, 
les  philodromes,  les  dolomèdes,  qui  courent  à 
terre,  ont  la  couleur  du  sable  ou  des  feuilles 
sèches. 

Les  araignées  ne  peuvent  pas  absorber  de  ma- 
tières solides  et  ne  vivent  que  de  sang  et  de  sucs 
animaux;  elles  rejettent  les  parties  dures  et  des- 
séchées de  leurs  victimes  et  sont  capables  de  sup- 
porter des  jeûnes  de  plusieurs  mois,  même  en  été, 
surtout  chez  les  espèces  sédentaires,  obligées  d'at- 
tendre une  provende  qui  ne  vient  parfois  qu'à  de 
longs  intervalles  ;  souvent  l'araignée  est  obligée, 
par  la  faim,  de  quitter  une  place  mal  choisie  et  de 


tenter  la  fortune  en  des  lieux  plus  propices.  C'est 
dans  ces  moments  de  famine  que  les  femelles  dé- 
vorent leurs  mâles  ou  se  mangent  entre  elles  ;  c'est 
ce  qui  empêche  de  faire  travailler,  en  société,  les 
araignées,  comme  on  en  a  eu  la  pensée,  afin  d'u- 
tiliser les  toiles  et  surtout  les  cocons  à  œufs  de 
certaines  espèces.  Si  l'on  rapporte  chez  soi  des 
araignées,  pour  l'étude  ou  la  collection,  il  faut 
placer  chacune  dans  un  tube  de  verre  séparé  ou 
dans  un  cornet  de  fort  papier,  sous  peine  d'un 
prompt  carnage  dans  lequel  les  plus  faibles  suc- 
combent. 

Les  araignées,  en  raison  de  leurs  mœurs  carnas- 
sières, sont  des  Articulés  éminemment  utiles  et 
dont  on  doit  protéger  l'existence,  en  recommandant 
de  ne  pas  les  écraser  et  de  respecter  leurs  pièges 
de  chasse  ;  il  n'y  a  d'exception  que  pour  les  grosses 
espèces  qui  se  trouveraient  dans  le  voisinage  des 
ruches,  car  elles  détruisent  des  abeilles  capturées 
dans  leurs  toiles. 

Espèces  d'Araignées  dont  l'étude  est  à  recomman- 
der en  raison  de  leur  utilité  ou  de  leurs  mœurs 
curieuses  : 

1°  Araignées  des  maisons.  —  Les  araignées  qui 
habitent  nos  demeures  d'une  manière  exclusive  ou 
accidentelle,  et  qui  nous  délivrent  d'un  grand 
nombre  d'insectes  nuisibles  de  divers  ordres,  ap- 
partiennent à  des  genres  difi'érents. 

Les  Tégénaires  construisent  dans  les  angles  des 
murs  et  entre  les  solives  des  plafonds  de  larges 
toiles  enfoncées  dans  leur  milieu  et  en  forme  de 
hamacs,  s'étendant  parfois  sur  toute  la  largeur 
d'une  fenêtre,  qui  sont  d'abord  d'un  blanc  éclatant, 
mais  ne  tardent  pas  à  se  couvrir  de  poussière.  La 
vie  des  tégénaires  est  sédentaire  et  se  passe  dans 
un  tube  soyeux  placé  à  l'un  des  angles  de  la  toile, 
d'où  elles  guettent  les  insectes  qui  y  tombent  et  les 
entraînent  dans  leur  tube  pour  les  sucer.  Pour  la 
ponte  de  leurs  œufs  ronds  et  d'un  blanc  mat,  la- 
quelle se  fait  en  été,  les  tégénaires  de  nos  maisons 
filent  d'abord  un  flocon  de  soie  d'un  beau  blanc 
et  l'entourent  d'un  sac  de  fils  bruns  et  lâches  lesté 
avec  des  graviers  et  des  débris  d'insectes  et  attaché 
avec  de  nombreux  fils  dont  certains  communiquent 
à  la  toile.  Les  œufs  sont  alors  pondus  et  enveloppés 
d'un  cocon  de  soie  fine  et  transparente  que  l'arai- 
gnée transporte  au  centre  du  flocon.  Elle  en  ferme 
l'ouverture,  et,  abandonnant  sa  grande  toile  et  son 
tube,  se  pose  sur  le  sac  aux  œufs,  qu'elle  surveille 
constamment  jusqu'après  la  sortie  de  sa  progéni- 
ture. Deux  tégénaires  vivent  ainsi  dans  nos  mai- 
sons. Lune  atteint  dans  sa  grande  vieillesse,  qui 
peut,  dit-on,  dépasser  sept  ans,  une  longueur  de 
•,;  centimètres  et  est  la  plus  grande  araignée  des 
environs  de  Paris.  C'est  l'Araignée  domestique  {Te- 
genaria  doinestica,  Linn.),  à  pattes  longues  et 
grêles,  à  couleur  grise  et  obscure.  Une  autre 
espèce,  de  plus  petite  taille  et  d'une  couleur  brune 
plus  vive,  l'Araignée  civile  Tegenaria  civilis,  'Walc- 
kenaër),  a  les  mêmes  habitudes.  J'ai  vu  des  tégé- 
naires venant  sucer  des  gouttes  de  sang  humain 
sur  les  parquets  ou  dans  une  cuvette.  Il  faut, 
autant  que  possible,  ne  pas  enlever  les  toiles  des 
légénaires  dans  les  celliers,  les  granges,  les  écu- 
ries, les  étables,  les  bergeries,  etc.,  car  elles  dé- 
truisent les  mouches  domestiques,  les  mouches 
nuisibles  aux  grains  [Chlorops,  OsciJiis),  celles  qui 
tourmentent  le  bétail,  les  œstres,  les  hypodermes, 
les  céphalémyies. 

On  voit  souvent  pendre  aux  plafonds  et  aux 
corniches  des  chambres  des  fils  très-gluants  fixés 
aux  deux  bouts,  entrecroisés  en  tous  sens  et  sur 
plusieurs  plans.  Se  tiennent  au  milieu  de  ces  fils 
des  araignées  à  pattes  extrêmement  longues , 
ténues  comme  des  fils,  ressemblant  à  celles  des 
faucheurs,  à  petit  corselet  circulaire,  à  long  abdo- 
men tronqué  en  arrière,  à  mouvements  lents  et 
d'une   couleur  blanc-grisâire.  Ce    sont   les  Phol- 


ARAIGNEES 


168  — 


ARAIGNEES 


ques  {Pholcus  phnlnnqoides,  Walk.),  se  secouant 
par  fortes  saccades  dès  qu'un  insecte  se  prend 
dans  la  toile,  ou  dès  qu'on  y  touche.  Dès  qu'une 
mouclie  s'est  collée  aux  fils  gluants,  le  pliol- 
que  s'avance  lentement  au-dessus  d'elle,  puis, 
se  soutenant  au  moyen  de  ses  six  grandes  pattes 
antérieures,  l'enlace  de  fils  nombreux  comme  d'un 
maillot,  fils  que  ses  pattes  postérieures  portent 
avec  régularité  des  filières  de  l'araignée  à  la 
mouche.  Puis  le  pholque  fait  monter  la  mouche 
jusqu'à  sa  bouche  au  moyen  de  la  troisième  paire 
de  pattes,  l'applique  sous  son  corps,  la  suce  pen- 
dant plusieurs  heures,  détache  ensuite  le  cadavre 
qu'il  laisse  tomber,  de  sorte  que  ses  fils  ne  sont 
jamais  souillés  par  les  dépouilles  des  victimes.  Les 
pholques  femelles  collent  sous  leur  plastron  leur 
paquet  d'œufs  agglutinés  entre  eux  et  sans  cocon, 
le  maintenant  ainsi  pendant  tout  le  temps  que 
mettent  les  jeunes  à  éclore  et  à  se  développer;  la 
mère  ne  sort  pas  de  sa  toile,  ne  fait  aucun  mou- 
vement, négligeant  même  de  prendre  de  la  nourri- 
ture jusqu'à  ce  que  le  sort  de  sa  postérité  soit 
assuré. 

On  trouve  encore  dans  les  maisons,  aux  angles 
des  murs,  aux  corniches,  dans  les  armoires  aban- 
données, entre  les  interstices  des  poutres,  des 
toiles  très-lâches  et  à  fils  isolés  pendants,  tissées 
par  un  Théridiondit  Xx\a.r)g\x\iîkve  [Theridion  trimi- 
guliferum,  Walck.),  petite  araignée  à  abdomen 
renflé  et  luisant  comme  s'il  était  verni,  d'un  brun 
violacé,  orné  de  trois  lignes  blanches  formées  par 
de  petits  triangles  à  la  suite  les  uns  des  autres. 
Lourde  et  lente,  elle  se  laisse  prendre  sans  ré- 
sistance en  simulant  la  mort.  Elle  pond  au  prin- 
temps et  en  été,  à  divers  intervalles,  garnissant  un 
coin  de  sa  toile  d'une  série  de  cocons  d'un  tissu 
transparent  et  pleins  d'œufs  ovales,  et  reste  auprès 
de  ces  précieux  dépôts,  qu'elle  surveille  avec  atten- 
tion. 

Un  autre  Théridionide,  la  Dictyne  civique 
{Dictyna  civica,  H.  Lucas),  à  céphalothorax  noir, 
à  abdomen  gris  avec  une  ligne  de  triangles  noirs 
au  milieu,  établit  des  toiles  en  fils  rayonnants  et 
au  milieu  desquelles  elle  se  tient  sur  les  murs  ru- 
gueux et  non  badigeonnés  des  maisons.  Bientôt  ces 
toiles,  couvertes  de  poussière,  ressemblent  à  des 
taches  de  boue  desséchée  de  la  grandeur  d'une 
pièce  d'argent  de  cinq  francs.  Les  murs  en  moellons 
ou  en  pierre  de  taille  des  maisons  de  Paris  sont 
parsemés  de  ces  toiles  maculées. 

'1"  Araignées  des  céréales,  des  prairies,  des  vi- 
gnobles, des  vergers  et  des  jardins.  —  On  trouve  en 
grande  abondance  dans  tous  les  jardins  deux  Clu- 
biones.  L'une  a  le  corselet  et  les  pattes  d'un  blanc 
jaunâtre  et  l'abdomen  d'un  gris  bleuâtre  velouté 
et  argenté  :  c'est  la  Clubione  soyeuse  [Clubione 
holosericca,  Latreille)  ;  l'autre,  avec  l'abdomen  rou- 
geâtre,  est  la  Clubione  amarante  [Clubione  ania- 
ranta,  Latr.'.  Ces  espèces  vivent  sur  les  feuilles 
des  arbustes  et  des  plantes  basses  des  jardins, 
entre  les  pétales  des  fleurs,  sous  les  pierres  et 
sous  les  plâtras  des  vieux  murs,  aussi  bien  que 
sous  l'écorce  à  moitié  détachée  des  arbres  ;  parfois, 
mais  rarement,  à  l'intérieur  des  maisons  champêtres 
peu  habitées,  particulièrement  au  haut  des  rideaux 
ou  dans  les  armoires  abandonnées.  Ciiaque  clu- 
bione se  file  une  coque  en  forme  de  cellule 
oblongue  ou  de  tube  allongé  d'une  soie  très  fine  et 
très  blanclie,  toujours  fort  propre.  L'habitation  a 
une  ouverture  par  où  sort  l'araignée,  soit  pour  la 
chasse,  soit  pour  fuir  si  on  attaque  sa  demeure. 
Elle  se  laisse  alors  tomber  à  terre  sans  se  pendre 
à  un  fil,  reste  immobile  quelques  instants,  puis  se 
sauve  avec  rapidité  pour  aller  construire  ailleurs 
une  autre  co(|ue  d'abri.  En  automne,  on  ne  peut 
pas  agiter  une  branche  de  lilas  dans  un  jardin  sans 
voir  tomber  plusieurs  clubiones  de  ces  deux 
espèces,  ordinairement  gîtées  entre  les  feuilles  et 


les  fruits  de  cet  arbuste.  (;hez  les  clubiones,  les 
mâles  et  les  femelles  sont  de  même  taille,  et  par 
suite  font  bon  ménage.  Au  mois  de  juin,  chaque 
coque  renferme  à  côté  l'un  de  l'autre  un  mâle  et 
une  femelle  sépares  par  une  cloison  de  soie.  En 
juillet,  la  femelle  restée  seule  enferme  ses  œufs 
dans  un  cocon  aplati  d'une  soie  lâche,  déposé  dans 
la  coque,  et  devient  alors  hardie  et  courageuse  pour 
défendre  sa  progéniture  ;  alors,  au  lieu  de  fuir 
si  on  déchire  sa  coque,  elle  mord  violemment  son 
ennemi. 

On  trouve  au  printemps  et  en  été  une  autre 
clubione,  dite  nourrice  [Cheiracanthium  nutrix, 
Walck.),  dans  les  champs  d'avoine,  dans  les  prai- 
ries, etc..  à  corselet  d'un  jaune  orangé  chez  la  fe- 
melle, d'un  riche  vert  rougeâtre  chez  le  mâle.  Ils 
vivent  côte  à  côte  dans  une  coque  blanche,  balancée 
par  le  vent  et  exposée  à  la  pleine  lumière  du  so- 
leil, placée  au  haut  des  épis  maintenus  courbés  en 
demi-cercle  par  des  fils  de  soie.  Cette  retraite,  d'où 
les  clubiones  sortent  pour  attaquer  avec  courage 
les  insectes  les  plus  vigoureux,  ressemble  au  nid 
du  mulot  des  moissons  ou  à  celui  de  certaines  che- 
nilles sociales.  Le  cocon  à  œu.fs  est  placé  dans  le 
nid  où  les  œufs  éclosent  en  automne,  la  mère  dé- 
fendant ses  petits  comme  elle  protégeait  les  œufs. 

Un  certain  nombre  de  Théridionides  nous  rendent 
de  grands  services  en  raison  de  leur  abondance. 
Du  printemps  à  la  fin  de  l'automne  on  rencontre 
dans  les  endroits  abrités,  sur  les  murs  à  l'ombre, 
sous  le  rebord  des  toits,  à  l'intérieur  des  buissons, 
le  Théridion  sisj'phe  (Theridioîi  sisyphiis,  Walck.), 
dont  la  femelle,  à  abdomen  énormément  renflé,  est 
variée  de  noir,  de  rouge  et  de  blanc;  le  mâle,  fort 
difi'érent  et  beaucoup  plus  petit,  est  entièrement 
noir.  Ce  théridion  reste  à  l'affût,  les  pattes  repliées 
sous  le  ventre,  au  milieu  d'une  toile  assez  lâche. 
Au  moment  de  la  ponte,  la  femelle  fabrique  en  ce 
milieu  une  coque  de  soie  jaune,  qu'elle  solidifie 
avec  des  feuilles  sèches,  du  gravier,  des  grains 
de  plâtre,  destinés  à  la  cacher,  et  elle  dépose  à 
l'intérieur  ses  œufs  enveloppés  d'une  soie  rou- 
geâtre très  serrée  ;  la  mère,  couchée  sur  cette 
coque,  la  garde  avec  vigilance  et  déchire  avec  ses 
chélicères  l'enveloppe  de  soie  serrée  au  moiuent 
où  les  petites  araignées  sortent  des  œufs.  Une  autre 
espèce,  le  Théridion  à  nervures  ('/'.  nervosum, 
Walck.),  dont  l'abdomen  est  rayé  de  fines  lignes 
noires,  établit  sa  toile  en  longs  fils  brillants,  non 
plus  dans  les  lieux  abrités,  mais  à  découvert  dans 
les  bois  et  dans  les  champs,  se  plaisant  à  l'extré- 
mité des  hautes  herbes,  sur  les  genêts,  les 
bruyères,  etc.  Au  sommet  de  la  toile  le  théridion 
se  construit  un  petit  dôme  d'abri,  d'une  soie  forte 
et  blanche,  recouvert  de  débris  de  feuilles  et  do 
pétales  desséchés.  Il  y  pond  ses  œufs  dans  un 
petit  cocon  sphérique  et  verdâtre,  l'entoure  de  ses 
pattes  dès  que  l'on  touche  à  la  toile,  et  l'emporte 
si  on  le  poursuit. 

Un  véritable  protecteur  de  nos  vignobles,  détrui- 
sant beaucoup  de  pyralcs  de  la  vigne  et  de  la 
grappe  (autre  espèce  très  nuisible),  est  le  théridion 
bienfaisant  {Dicti/na  benigna,  Walck.'.  C'est  une 
petite  araignée  très  commune,  de  couleur  sombre, 
le  gros  abdomen  de  la  femelle  offrant  au  milieu 
une  partie  foncée  qui  se  détache  sur  un  fond  gris. 
D'un  courage  excessif,  elle  attaque  tous  les  insec- 
tes destructeurs  qui  viennent  sur  les  feuilles  et  les 
fruits  pour  les  dévorer  ou  pour  pondre  des  œufs 
d'où  sortiront  des  larves  funestes.  La  femelle  est 
lente  et  sédentaire  ;  le  mâle,  tout  noir  et  à  longues 
pattes,  ressemble  à  une  fourmi.  Il  est  toujours  er- 
rant et  saisit  les  insectes  à  la  course.  Au  mois  de 
juillet  il  se  place  sur  la  toile  lâche  de  la  femelle  à 
côté  d'elle  dans  une  coque  de  soie  très  fine;  peu 
après,  la  femelle,  dont  l'abdomen  gonfle  d'œufs  est 
devenu  énorme,  pond  cinq  ou  six  paquets  d'œufs, 
dans  des  cocons   jaunes    au  dehors,  très  plats  et 


ARAIGNEES 


—  IGO  — 


ARAIGNEES 


collés  sur  les  feuilles.  Il  faut  bien  se  garder  de  dé- 
truire les  toiles  et  les  œufs  de  ces  précieux  auxi- 
liaires. En  effet  ils  choississent  pour  faire  leur 
toile  les  feuilles  des  plantes  peu  élevées,  les  fleurs 
de  rosier,  de  sureau,  de  lilas,  etc.,  la  surface  des 
poires  et  des  pêches,  les  tapissant  de  fils  lâches  et 
irréguliers  croisés  en  tous  sens,  au  milieu  des- 
quels se  tient  la  femelle,  les  pattes  relevées  et  re- 
gardant en  haut.  Il  n'est  personne  qui,  en  mangeant 
du  raisin,  n'ait  remarqué,  et  peut-être  même  avalé 
quelques-unes  de  ces  petites  araignées,  car  sou- 
vent chaque  grappe  en  loge  plusieurs  individus, 
avec  leurs  toiles  et  leurs  cocons. 

Les  araignées  des  jardins  et  des  vergers  par  ex- 
cellence sont  les  Épeires.  La  plus  importante  est 
lEpeire  diadème  (Epeira  ou  Neopora  diadema, 
Walck.),  d'une  couleur  jaune,  plus  ou  moins  rou- 


Epeires  diadènies  mâle  et  femelle 


geâtre  ou  noirâtre,  selon  les  variétés,  et  dont  l'ab- 
domen est  orné  de  petites  tâches  blanches  dispo- 
sées en  croix,  qui  la  font  nommer  par  les  jardiniers 
porte-ci'oix  ou  croix  de  Saint-Denis.  L'espèce  at- 
teint tout  son  développement  au  mois  de  septembre; 
l'abdomen  gonflé  des  femelles  est  énorme,  et  elles 
construisent  ces  grandes  toiles  en  cercles  concen- 
triques, qui  pullulent  partout  entre  les  branches 
des  arbres  fruitiers  ou  d'un  arbuste  à  l'autre  au 
milieu  des  jardins.  L'épeire  diadème  se  tient  à 
côté  de  sa  toile,  dans  un  abri  formé  par  plusieurs 
feuilles  réunies  par  des  fils  de  soie  et  d'oùpart  un 
gros  fil,  sorte  de  câble  se  rendant  au  centre  de  la 
toile,  et  sur  lequel  l'araignée  glisse,  comme  un 
trait,  dès  qu'un  insecte  qui  vole  s'est  empêtré  dans 
la  toile.  Si  l'insecte  est  petit,  elle  l'entraîne  dans 
sa  retraite  pour  le  sucer;  s'il  est  gros,  elle  le  suce 
sur  place  après  l'avoir  enroulé  dans  ses  fils  en  le 
faisant  tourner  entre  ses  pattes,  à  la  façon  d'un 
rôti  à  la  broche.  En  octobre  les  épeires  pondent  de 
gros  œufs  ronds  et  jaunâtres,  enveloppés  d'une 
épaisse  bourre  de  soie  d'un  jaune  doré,  ces  cocons 
étant  mis  à  l'abri  pour  l'hiver  sous  les  pierres,  sous 
les  toits,  dans  les  trous  de  mur  au  midi,  etc..  Les 
astronomes  utilisent  les  fins  fils  de  ces  cocons,  afin 
de  former  par  leur  croisement  le  réticule  des  lunet- 
tes astronomiques,  donnant  un  point  sensiblement 
géométrique  pour  relever  la  position  des  étoiles. 
La  plupart  des  épeires  adultes  meurent  aux  pre- 
miers froids.  Certaines  passent  l'hiver  dans  quel- 
que creux  abrité,  et  s  entourent  alors  d'une  coque 
de  soie  blanche  sans  ouverture,  d'un  tissu  très 
serré.  Les  œufs  des  cocons  éclosent  à  la  fin  du  prin- 
temps ;  avant  de  se  disperser,  les  petites  épeires, 
qui  sont  alors  d'un  jaune  uniforme  avec  une  tache 
noire  au-dessus  de  l'anus,  forment  comme  un  gros 
flocon  de  leurs  fils  do  soie  associés  et  fourmillant 
d'araignées  ;  dès  qu'on  y  touche,  le  flocon  s'agite, 
grossit  par  l'écart  de  ses  fils,  et  de  petites  épeires 
se  sauvent  detoutesparts.il  faut  recommander  aux 
enfants  de  ne  pas  détruire  "  ces  petites  sociétés 
soyeuses,  si  communes  dans  les  jardins. 


3°  Araignées  maçonnes.  —  Nous  avons  dans  l'ex- 
trême midi  de  la  France  deux  représentants  de  la 
famille  des  Mygalides  fort  curieux  par  leurs  mœurs 
et  de  grande  taille,  bien  moindre  toutefois  que  celle 
des  Mygales  tropicales.  Ce  sont  en  Provence  et  dans 
le  midi  du  Languedoc  la  Mygale  maçonne  (Mygale 
cementaria,  Walck.),  en  Corse  et  en  Sicile  la  My- 
gale pionnière  {Mygale  fodiens,  Walck.).  Ces  deux 
espèces,  avec  quelques  autres,  forment,  pour 
M.  Eugène  Simon,  le  genre  Mygalodonte,  avec  de 


•Mygale  pionnière. 

très  longues  pattes-mâchoires  concourant  à  la  mar- 
che avec  les  autres  pattes,  et  des  chélicères  por- 
tant à  leur  extrémité  une  série  de  pointes  cornées, 
formant  un  râteau  au  moyen  duquel  ces  araignées 
creusent  la  terre.  En  effet  leur  industrie  consiste 
à  creuser  des  puits,  sur  les  coteaux  arides  et  ex- 
posés au  soleil,  dont  les  parois  sont  maçonnées  de 
grains  de  terre  agglutinés.  Le  dedans  de  ce  tube 
cylindrique  est  tapissé  d'une  fine  soie  blanche  et 
il  est  fermé  en  dessus  par  un  couvercle  circulaire, 
également  en  terre  maçonnée, et  garnie  en  dessous 
d'un  épais  tapis  de  soie  blanche.  La  mygale  se  tient 
dans  son  tube,  le  couvercle  légèrement  soulevé, 
prête  à  s  élancer  sur  la  proie  qui  passe.  Si  on 
cherche  à  la  saisir,  elle  ferme  l'opercule,  et,  si  on 
veut  le  soulever,  on  éprouve  une  véritable  résis- 
tance, car  la  mygale  accroche  ses  griffes  de  devant 
dans  une  série  de  petits  trous  percés  en  cercle 
dans  le  tapis  de  soie  du  couvercle,  et  retient  avec 
force  l'opercule  protecteur. 

Les  Atypes  sont  des  araignées  maçonnes,  à  in- 
dustrie dégradée.  Elles  vivent  dans  des  tubes 
creusés  en  terre  et  à  parois  gi-ossièrement  maçon- 
nées ;  mais  ces  tubes  n'ont  pas  de  couvercle.  Ils 
sont  d'abord  horizontaux,  puis  inclinés;  tapissés 
de  soie  blanche ,  ils  se  prolongent  au  dehors  en 
tuyaux  de  terre  et  de  débris  de  branches,  de 
mousse  et  de  brins  d'herbe,  ayant  parfois  un  déci- 
mètre. L'atype  se  tient  immobile  au  fond  de  ce 
terrier,  et  y  pond  ses  œufs  en  masse  ovoïde,  en- 
tourée d'une  toile  blanche  et  reposant  sur  un 
coussinet  d'herbes  sèches.  L'espèce  de  France,  ha- 
bitant surtout  les  parties  montagneuses  du  centre 
et  de  l'est,  accidentelle  près  de  Paris,  est  Vatype 
de  Sultzer  (Atypa  Sultzeri,  Latreille)^  d'une  teinte 
noire,  parfois  bleuâtre  ou  rougeâtre. 

4°  Araignées  d'eau.  —  Bien  peu  de  personnes  se 
doutent  que  des  araignées  peuvent  vivre  dans 
l'eau,  et  partageraient  l'étonnement ,  et  même 
peut-êti-e  l'effroi,  dont  fut  saisi  l'abbé  de  Lignac, 
au  milieu  du  siècle  dernier,  lorsque,  en  se  baignant 
près  du  Mans,  il  se  vit  tout  à  coup  entouré  dune 


ARBITRAGE 


—  170  — 


ARBITRAGE 


multitude  d'araignées.  Il  venait  de  découvrir  ri4r- 
gyronète  [Argyroneta  07Ma^c«,  VValck.  ),  qui  se 
trouve  dans  les  eaux  froides  des  mares  et  des  cours 
deau  calmes  de  l'Europe  septentrionale  et  moyenne, 

ne  paraissant  pas 
s'étendre  chez 
nous  au  sud  de 
la  Loire,  et  deve- 
nant rare  parce 
(|ueles  eaux  sont 
trop  fréquentées 
l't  troublées. 
(  /est  une  arai- 
1,'née  d'un  brun 
terne  uniforme, 
revêtue  d'un  du- 
vet qui  retient 
une  forte  couche 
d'air,  de  sorte 
qu'elle  séjourne 
et  nage  au  sein 
de  l'eau  comme 
entourée  d'une 
épaisse  robe 
d'argent  (d'où 
lui  vient  son 
nom),  ce  qui  lui 
permet  de  res- 
pirer l'air  en  na- 
ture comme  tou- 
tes les  autres 
araignées  et  non 
pas  l'air  dissous 
dansreau,àla  fa- 
çon des  crustacés 
et  des  poissons. 
Elle  donne  la 
chasse  aux  in- 
sectes aquati- 
ques qu'elle  en- 
traîne dans  sa  demeure,  suce  les  insectes  tombés 
par  accident  à  la  surface  de  l'eau,  et  même  court 
sur  le  bord  des  mares  en  quête  des  insectes  ter- 
restres, mais  a  soin  pour  les  manger  de  les  en- 
traîner toujours  au  fond  de  l'eau.  Elle  se  file  une 
très  élégante  cloche  ovale,  d'une  belle  soie  blan- 
che, une  vraie  cloche  à  plongeur,  dont  le  dôme  su- 
périeur est  plein  d'air;  des  fils  amarrent  la  cloche 
aux  plantes  aquatiques  pour  qu'elle  ne  monte  pas 
au-dessus  d'un  certain  niveau.  Les  oeufs,  entourés 
d'un  cocon  clair  comme  une  pelure  d'oignon,  sont 
conservés  sous  la  cloche.  Entre  les  grandes  cloches 
des  femelles  sont,  çà  et  là,  des  cloches  plus  pe- 
tites appartenant  aux  mâles,  dont  la  taille  est 
moindre.  Ceux-ci  établissent  des  tunnels  ou  corri- 
dors soyeux  par  où  ils  se  rendent  aux  cloches  des 
femelles,  ces  tunnels  étant  trop  étroits  pour  laisser 
passer  la  femelle,  dont  ils  ont  fort  à  craindre  la 
férocité.  On  peut  élever  les  argyronètes  dans  des 
aquariums  de  salon  ;  mais  elles  se  mangent  en- 
tre elles. 

On  consultera  :  Eugène  Simon,  Histoire  natu- 
relle fies  Araignées;  1  vol.  in-8".  Paris,  Roret, 
1864.  [Maurice  Girard.] 

ARBITRAGE  INTERNATIONAL.  —  Histoire 
générale,  XL.  —  {Etijm.  :  du  latin  arbiter,  arbitre, 
juge.)  —  L'arbitrage  est  le  mandat  conféré  à  des 
tiers  (nommés  arbitres)  par  la  volonté  des  parties 
pour  juger  sans  appel  un  différend. 

Nous  n'avons  pas  à  parler  ici  de  l'arbitrage  en 
matière  de  droit  privé,  mais  seulement  de  l'arbi- 
trage en  matière  de  droit  international. 

C'est  une  idée  bien  simple  que  celle  d'établir  en 
cas  de  différend  entre  deux  nations  les  mômes 
règles  qu'on  appliquerait  entre  de  simples  parti- 
culiers, c'est-à-dire  de  substituer  le  jugement 
d'un  tiers  éclairé  et  impartial  à  la  lutte  brutale  et 
au  droit  du   plus  fort.    Cette  idée  cependant  n'a 


Argyronètes  sur  une  feuille  de  néniipliûr 
et  sous  l'eau  dans  la  cloche. 


prévalu  que  très  rarement,  et  l'on  ne  connaît 
qu'un  petit  nombre  de  sentences  arbitrales  ayant 
réussi  à  prévenir  ou  à  arrêter  la  guerre.  Il  est  bon 
de  signaler  les  plus  importantes  :  cette  histoire 
mallieureusoment  trop  courte  de  l'arbitrage  in- 
ternational est  une  des  pages  significatives  de 
l'histoire  de  la  civilisation. 

Arbitrages  de  Saint  Louis.  —  Il  faut  remonter  au 
règne  de  saint  Louis  pour  trouver  les  premiers 
exemples  d'arbitrage  public.  Louis  IX  avait  acquis 
la  confiance  et  le  respect  non-seulement  de  son 
peuple,  mais  du  monde  entier,  par  cet  esprit 
d'équité,  de  droiture  et  de  conciliation  qui  le 
mettait  au-dessus  de  son  siècle.  La  légende  qui 
nous  le  représente  jugeant  sous  le  chêne  de  Vin- 
cennes  les  débats  mômes  des  particuliers  rend 
bien  le  sentiment  public  et  l'opinion  des  contem- 
porains, puisque,  à  maintes  reprises,  des  seigneurs 
français  et  étrangers,  des  princes,  des  rois  vou- 
lurent lui  déférer  leurs  querelles  et  demandèrent 
à  comparaître  devant  lui  comme  de  simples  plai- 
deurs de  Vinconnes. 

C'est  ainsi  qu'il  sut  mettre  un  terme  aux  diffé- 
rends survenus  entre  les  comtes  de  Chàlons  et  de 
Bourgogne,  entre  ceux-ci  et  Thibault  V,  comte  de 
Champagne,  entre  les  comtes  de  Bar  et  de  Luxem- 
bourg. C'est  ainsi  qu'en  l2G3il  fut  choisi  pour  ar- 
bitre entre  Henri  III  d'Angleterre  et  ses  barons  ré- 
voltés à  l'occasion  de  diverses  chartes  de  liberté 
accordées,  puis  révoquées  par  le  roi. 

On  peut  même  dire,  —  c'est  ce  qui  frappa  d'admi- 
ration ce  monde  habitué  à  la  violence  et  à  l'in  ■ 
justice,  —  que  Louis  IX  sut  être  arbitre  dans  sa 
propre  cause,  par  exemple  quand  il  se  réconcilia 
avec  le  roi  d'Angleterre  en  lui  abandonnant  une 
partie  des  provinces  du  Midi,  avec  le  roi  d'Aragon 
en  lui  rendant  la  Cerdagne  et  le  Roussillon. 

Arbitrages  du  pape.  —  Plusieurs  fois  pendant 
le  moyen  âge  les  papes  jouèrent  le  rôle  d'arbitres 
entre  des  princes  ou  des  rois;  quelquefois  ils  leur 
imposèrent  ou  la  paix  ou  une  trêve  de  longue  du- 
rée ;  souvent   ils  écliouèrent   dans  leur  médiation. 

Un  r298,  Philippe  le  Bel  et  Edouard  I"  roi 
d'Angleterre  s'en  remettent  à  l'arbitrage  de  Boni- 
face  VIII.  Mais  la  bulle  conciliatoire  du  pape  fut 
tellement  contraire  aux  intérêts  de  la  couronne  de 
France  que  Philippe  le  Bel,  après  l'avoir  déchirée  et 
jetée  au  feu  en  présence  de  l'envoyé  de  Boniface, 
la  fit  condamner  par  le  parlement. 

En  1319,  le  pape  Jean  XXII,  choisi  pour  arbitre 
entre  les  Flamands  et  Philippe  le  Bel,  parvint  à 
arrêter  une  guerre  qui  durait  depuis  déjà  vingt  ans. 

Arbitrages  par  des  laïques.  —  En  1380,  à  la 
mort  de  Charles  V,  les  trois  oncles  paternels  du 
nouveau  roi,  Louis  d'Anjou,  Jean  de  Berri  et  Phi- 
lippe de  Valois  prétendent,  le  premier  à  lautoritc 
sans  partage,  les  deux  autres  à  une  part  dans  le 
gouvernement  de  l'État.  La  guerre  civile  est  sur 
le  point  d'éclater,  lorsque  Jean  Desmarets,  avocat 
général  au  parlement  de  Paris,  la  prévint  par  une 
sentence  arbitrale  que  les  princes  avaientdemandée 
et  qu'ils  respectèrent. 

En  1570,  le  roi  d'Espagne  et  les  Suisses  prennent 
des  arbitres  pour  terminer  leurs  différends  au 
sujet  des  limites  de  la  Franche-Comté. 

En  1613,  l'archiduc  d'Autriche  et  le  duc  de 
Wurtemberg  soumirent  à  l'arbitrage  du  parlement 
de  Grenoble  leurs  prétentions  sur  le  comté  de 
Montbéliard. 

Projets  de  l'abbé  de  Saint-Pierre.  —  A  la  fin  du 
xvni'  siècle,  un  homme  de  bien,  celui  h  qui  l'on 
doit  d'avoir  introduit  le  mot  bienfaisance  dans 
notre  langue,  l'abbé  de  Saint-Pierre,  développant 
jusqu'à  l'utopie  un  beau  rêve  dont  Henri  IV  paraît 
avoir  eu  la  première  idée,  proposait  d'établir  un 
tribunal  suprême  des  nations  qui  servirait  d'ar- 
bitre permanent  entre  tous  les  peuples  de  l'Eu- 
rope et  assurerait  la  paix  perpétuelle. 


ARBITRAGE 


—  171 


ARBORICULTURE 


Si  ce  rêve  ne  s'est  pas  réalisé,  du  moins  quel- 
ques grands  événements  de  nos  jours  semblent 
montrer  que  cette  solution  n'est  pas  toujours  chi- 
mérique. 

Sans  nous  arrêter  à  quelques  arbitrages  inter- 
nationaux soumis  au  roi  des  Belges  Léopold,  sans 
insister  non  plus  sur  le  conflit  qui  s'était  élevé 
entre  le  Portugal  et  l'Angleterre  relativement  aux 
limites  de  leurs  possessions  réciproques  en  Afrique 
et  qui  fut  réglé  par  M.  Thiers  en  qualité  de  pré- 
sident de  la  République  française,  nous  arrivons  h 
celui  qui  en  ces  dernières  années  a  le  plus  vivement 
préoccupé  l'opinion  publique. 

Arbitrage  international  dans  l'afj'aire  de  l'Ahi- 
barna.  —  Pendant  la  guerre  de  sécession  (c'est-à- 
dire  la  guerre  civile  entre  les  États-Unis  du  Nord  et 
du  Sud),  les  confédérés  du  Sud  avaient  armé  des 
vaisseaux  qui  portaient  la  terreur  dans  tous  les 
parages  de  l'Atlantique,  brûlant  et  coulant  bas  tous 
le;  bâtiments  de  commerce  appartenant  aux  États 
du  Xord  qu'ils  rencontraient.  Entre  tous  ces  écu- 
meurs  de  mer,  un  surtout,  YAlabama,  se  distinguait 
par  ses  tristes  exploits.  Dans  l'espace  de  deux  mois 
il  n'avait  pas  capturé  moins  de  22  navires  américains, 
sur  lesquels  19,  représentant  une  valeur  de  plu- 
sieurs raillions  de  dollars,  avaient  été  livrés  aux 
flammes. 

La  conséquence  de  cette  œuvre  de  destruction 
était  double  ;  car  si  d'un  côté  elle  ruinait  le  com- 
merce de  transport  américain,  de  l'autre  elle  en- 
richissait ce  même  commerce  en  Angleterre.  Or 
c'est  l'Angleterre  qui  équipait  et  armait  les  cor- 
saires confédérés;  des  matelots  anglais  s'embar- 
quaient sur  ces  vaisseaux  du  Sud  avec  la  conni- 
vence des  officiers  du  gouvernement  anglais  et 
au  mépris  de  la  proclamation  royale  de  neutra- 
lité. 

Une  circonstance  survint  qui  montra  combien 
était  réelle,  bien  qu'inavouée,  cette  connivence  de 
l'Angleterre.  Le  14  juin  1864,  VAlabama,  cerne 
dans  le  port  de  Cherbourg  par  le  Keursage  envojé 
à  sa  poursuite,  est  obligé,  pour  sortir,  de  passer 
devant  la  corvette  ennemie.  Une  bataille  s'engage, 
VAlabama  vaincu  abaisse  son  pavillon  et  ne  tarde 
pas  à  couler.  Or  un  yacht  de  plaisance  anglais  se 
trouva  précisément  là  pour  recueillir  les  pirates  et 
les  enlèvera  la  juridiction  fédérale. 

Si  le  gouvernement  de  Washin2;ton  ne  voulut  pas 
voir  dans  cet  acte  une  violation  de  la  neutralité 
promise,  un  casus  belli,  ce  fut  à  cause  de  la  lutte 
terrible  dans  laquelle  il  se  trouvait  engagé. 

Mais  quand,  après  la  bataille  de  cinq  jours  qui 
livra  Richmond  aux  troupes  fédérales  <3  avril  1865/ 
et  entraîna  la  capitulation  du  général  Lee,  la 
guerre  civile  eut  pris  fin,  alors  les  États-Unis  se 
souvinrent  des  dommages  causés  à  leur  commerce 
et  demandèrent  satisfaction  à  l'Angleterre. 

Des  négociations  s'engagèrent  entre  les  deux 
gouvernements.  Nous  n'avons  pas  à  suivre  ici  les 
diverses  phases  do  ce  débat  que  vint  compliquer 
encore  l'insurrection  des  Fenians  protégés  contre 
l'Angleterre  par  le  gouvernement  fédéral.  Notons 
seulement  le  point  en  discussion.  Les  États-Unis 
prétendaient  à  des  dommages  «  directs  et  indirects  " 
et  à  la  reconnaissance  du  principe  de  ces  dora- 
mages;  l'Angleterre  ne  voulait  accorder  qu'une  in- 
demnité pécuniaire  réparant  les  pertes  causées  au 
commerce  des  États-Unis  par  la  «  négligence  »  de 
son  ministre  do  la  marine  et  dont  le  consentement 
ne  porte  en  aucune  façon  atteuUe  à  son  honneur. 

La  discussion,  tantôt  maintenue  dans  les  termes 
du  droit  pur,  tantôt  prenant  un  caractère  de  gra- 
vité tel  que  l'on  voyait  la  guerre  près  d'éclater, 
menaçait  de  s'éterniser,  lorsque  les  deux  parties 
résolurent  par  un  traité  signé  à  Washington  (1871) 
de  s'en  remettre  à  la  décision  d'un  tribunal  arbi- 
tral compose  par  le  roi  d'Italie,  l'empereur  du 
Brésil  et  le  gouvernement  suisse. 


Après  bien  des  ajournements,  causés  par  les 
exigences  des  États-Unis  et  les  hésitations  de 
l'Angleterre,  les  arbitres,  réunis  à  Genève  sous 
la  présidence  du  comte  Sclopis,  représentant  le 
roi  d'Italie,  en  finirent  avec  la  question  de  VAla- 
bama. Ils  décidèrent  qu'une  indemnité  de  15  rail- 
lions et  demi  de  dollars  était  due  aux  États-Unis 
par  l'Angleterre  ^loùt  IST-.').  En  donnant  ainsi  une 
part  de  satisfaction  à  chacune  des  deux  parties, 
ils  les  mécontentèrent  peut-être  toutes  deux,  mais' 
ils  empêchèrent  deux  peuples  d'en  venir  aux 
mains  et  montrèrent  par  un  éclatant  exemple 
qu'entre  peuples  civilisés  l'arbitrage  est  destiné  à 
remplacer  la  guerre.  [C.-F.  Durand.] 

,  AIIBORICULTURK.  —  Agriculture,  IX  et  XX.  — 
[Etym.  :  du  latin,  culture  des  arbres.)  —  Ce  mot 
indique  tout  ce  qui  se  rattache  à  la  culture  des 
plantes  ligneuses,  arbres  et  arbrisseaux.  Les  arbres 
sont  les  végétaux  dont  la  tige  ou  tronc  s'élève  î» 
une  certaine  hauteur  sans  se  ramifier,  vit  pendant 
de  longues  années  et  acquiert  un  diamètre  souvent 
considérable.  Les  arbrisseaux  présentent  une  tige 
moins  volumineuse,  ramifiée  dès  sa  base.  Ils  vivent, 
en  général,  moins  longtemps  que  les  arbres. 


LEÇON  ET  DÉVELOPPEMENT  A    L'USAGE  DES  MAITRES 

Abandonnées  à  elles-mêmes,  les  plantes  li- 
gneuses donneraient  une  partie  des  produits  qui 
les  font  rechercher;  mais  ceux-ci  ne  seraient  ni 
aussi  abondants,  ni  d'aussi  bonne  C|ualité  que  ceux 
des  individus  auxquels  on  applique  certaines 
opérations  qui,  en  modifiant  leur  développement 
normal,  augmentent  la  quantité  et  la  qualité  de 
ces  produits.  Ce  sont  ces  diverses  opérations  qui 
constituent  la  culture  des  plantes  ligneuses,  l'ar- 
boricultiire . 

Les  espèces  ligneuses  soumises  à  la  culture  sont 
assez  nombreuses  et  difi'èrent  entre  elles  quant  à 
la  nature  de  leurs  produits.  On  les  a  réparties, 
sous  ce  rapport,  entre  les  quatre  groupes  suivants, 
que  nous  adoptons  pour  présenter  un  tableau  aussi 
sommaire  que  possible  de  l'arboriculture  : 

1°  Les  arbres  et  arbrisseaux  fruitiers  ; 
2°  Les  arbres  et  arbrisseaux  économiques  ; 
3°  Les  arbres  et  arbrisseaux  d'ornement  ; 
4°  Les  arbres  et  arbrisseaux  forestiers. 

1°  ARBBES    et  -ARBRISSEAIX  FRUITIERS.    —    Co    SOUt 

ceux  dont  les  fruits  servent  à  notre  alimentation, 
sous  quelque  forme  que  ce  soit.  On  peut  les  clas- 
ser ainsi  : 

Arbres  et  arbris'seaux  à  fruits  de  table.  —  Pour 
les  divers  climats  de  notre  territoire  ces  espèces 
sont  les  suivantes  : 

Poiriers. 

i'ommiers. 
Fruits  à  pépins '  '  iognassiers. 

Orangers. 

Grenadiers. 

Pêchers. 

Pruniers. 

Cerisiers. 
Fruits  à  noyau -'  Abricotiers . 

(Amandiers. 
Jujubiers. 
Pistachiers. 
/  Vignes. 
„     .,          ,    .  '  Groseillcrs. 

Fruits  en  baie '  Framboisiers. 

(  Figuiers. 

Fruits  nuculaires j  ^"oyers. 

'  Noisetiers. 

Fruits  à  osselet  V Néfliers. 

'  Azeroliers. 
Fruits  en  capsule 1   Châtaignier. 


ARBORICULTURE 


-  172  — 


ARBORICULTURE 


Espèces  ù  fruits  propres  aux  boissons  fermenlces  : 

Vigne. 
Pommier. 
Poirier. 
Cormier. 

Arbres  à  fruits  oléagineux  : 

Olivier. 
Noyer. 

Pépiiiières.  —  Pour  toutes  ces  espèces,  de  même 
que  pour  celles  qui  composent  les  trois  autres 
groupes  que  nous  étudions  plus  loin,  il  faut, 
lorsqu'on  veut  les  soumettre  à  la  culture,  com- 
mencer à  élever  les  jeunes  sujets  et  ne  les  planter 
à  demeure  qu'alors  qu'ils  ont  pris  un  certain  dé- 
veloppement. Le  lieu  où  ces  jeunes  arbres  sont 
ainsi  élevés  prend  le  nom  de  pé/Ànière.  On  choisit 
pour  cette  culture  un  sol  riche,  abrité  et  peu 
exposé  à  la  sécheresse.  Les  principales  opérations 
pratiquées  dans  les  pépinières  sont  d'abord  la 
multiplication,  qui  comprend  les  se/nis,  le  iftarcot- 
tage,  le  bouturage  et  le  gre/fage.  Le  semis  n'est 
employé  que  pour  les  espèces  proprement  dites, 
c'est-à  dire  pour  les  plantes  qui  se  reproduisent 
ainsi  avec  les  qualités  qui  les  font  rechercher.  Les 
autres  modes,  et  surtout  le  greflage,  ne  sont 
usités  que  pour  les  variétés,  lesquelles  ne  con- 
servent pas  par  le  semis  les  caractères  qui  les 
distinguent.  On  pratique  en  outre  dans  les  pépi- 
nières le  repiquage,  qui  consiste  à  enlever  les 
jeunes  plants  du  carré  des  semis  et  à  les  replanter 
à  plus  grande  distance,  puis  la  formation  de  la 
tige  des  jeunes  arbres  de  haut  jet. 

Les  arbres  et  arbrisseaux  fruitiers  sont  soumis 
h.  trois  systèmes  de  culture  :  les  vergers,  le  jardin 
et  les  vignobles.  Dans  tous  les  cas,  mais  surtout 
pour  le  jardin  fruitier  et  le  vignoble,  la  culture  a 
pour  but  de  favoriser  le  plus  possible  la  fructifica- 
tion. 

Vergers.  —  Ce  sont  des  surfaces  assez  étendues, 
consacrées  à  la  fois  aux  arbres  fruitiers  et  aux 
plantes  agricoles,  telles  que  fourrages,  céréales,  etc. 
On  donne  à  ces  surfaces  le  nom  de  vergers  agrestes 
lorsque  les  arbres  sont  associés  sur  les  terres  la- 
Taourées  aux  céréales,  aux  fourrages  artificiels,  etc 
"Si  ces  arbres  sont  plantés  sur  des  prés  naturels, 
cette  culture  prend  le  nom  de  prés  vergt  rs.  Dans 
l'un  et  l'autre  cas,  ces  arbres  sont  placés  à  grande 
distance  les  uns  des  autres.  Ils  se  composent  d'un 
tronc  plus  ou  moins  élevé  supportant  une  tête 
volumineuse.  Les  soins  qu'on  leur  applique  con- 
sistent surtout  en  quelques  élagages  destinés  à 
placer  sous  l'action  directe  du  soleil  la  plus 
grande  étendue  possible  de  leurs  ramifications  pour 
augmenter  leur  fructification.  Les  vergers  peuvent 
recevoir  toutes  les  espèces  indiquées  ci-dessus,  sauf 
les  arbrisseaux.  Les  frais  de  création  et  d'entretien 
des  vergers  sont  peu  élevés,  mais  leur  produit 
maximum  se  fait  longtemps  attendre  ;  les  fruits  ont 
peu  de  valeur,  s'il  s'agit  d'espèces  à  fruits  de  table, 
et  leur  produit  abondant  n'a  lieu  en  général  que 
tous  les  deux  ans. 

Jardin  fruitier.  —  C'est  un  espace  plus  restreint 
que  pour  les  vergers.  Il  est  clos  de  murs,  l'inté- 
rieur en  est  souvent  divisé  par  dos  murs  de  refond, 
•et  il  est  uniquement  destiné  à  la  production  des 
fruits  de  table.  Là,  les  arbres,  presque  toujours 
très  rapprochés  les  uns  des  autres,  sont  soumis  à 
une  taille  annuelle, et  les  espèces  délicates,  palis- 
sées contre  les  murs,  sont  pourvues  d'abris  qui  les 
■détendent  contre  les  intempéries  du  printemps. 

La  destination  du  jardin  fruitier  varie  un  peu 
suivant  qu'il  s'agit  de  celui  qui  cultive  pour  con- 
sommer ses  produits,  ou  de  l'industriel  qui  destine 
ses  récoltes  à  la  vente.  Dans  le  premier  cas,  le 
jardin  est  organisé  de  façon  à  produire,  pendant 
chacun  des  mois  de  f  aimée,  la  plus  grande  quan- 


tité possible  des  meilleurs  fruits,  de  façon  à  ce  que 
la  consommation  puisse  en  être  continue.  Pour  l'in- 
dustriel, il  devra  s'efforcer  d'obtenir  la  plus  grande 
quantité  des  fruits  qui  ont  le  plus  de  valeur  sur  le 
marché. 

Dans  le  jardin,  les  arbres  fruitiers  sont  soumis 
à  une  série  d'opérations  qui  ont  d'abord  pour  but 
d'imposer  Ji  leur  charpente  une  forme  telle  que  ces 
arbres  occupent  régulièrement  tout  l'espace  réservé 
:i  chacun  d'eux,  soit  contre  les  murs  ou  en  espa- 
lier, soit  en  plein  air,  et  qui  permettent  aussi  d'en 
obtenir  le  produit  maximum  dans  le  laps  de  temps 
le  plus  court.  Ces  opérations  concourent  aussi 
puissamment  à  augmenter  le  nombre  des  fruits  et 
à  augmenter  leur  volume.  On  donne  le  nom  de 
taille  à  l'ensemble  de  ces  opérations.  Il  y  a  la 
taille  d'hiver  pratiquée  pendant  le  repos  de  la  vé- 
gétation, puis  la  taille  d'été  exécutée  aux  diverse.* 
époques  de  la  pousse  des  arbres. 

Les  frais  de  création  et  d'entretien  du  jardin 
fruitier  sont,  à  surface  de  terrain  égale,  beaucoup 
plus  élevés  que  pour  les  vergers.  Mais  aussi,  par  suite 
des  soins  donnés  à  ces  arbres,  leurs  produits  sont 
beaucoup  plus  beaux,  ont  plus  de  valeur  et  sont 
plus  abondants.  On  peut  comparer  le  mode  de 
culture  du  jardin  fruitier  à  ce  qu'en  agriculture  on 
appelle  culture  intensive,  c'est-à-dire  une  certaine 
somme  de  travail  et  un  certain  capital  appliques 
à  une  surface  restreinte.  Les  vergers  peuvent  être 
assimilés  à  la  culture  extensive  ;  la  même 
somme  de  travail  et  le  même  capital  étant  dé- 
pensés sur  une  surface  beaucoup  plus  étendue.  Les 
résultats  donnés  en  agriculture  par  ces  deux 
systèmes  sont  les  mêmes  pour  la  production  frui- 
tière, à  savoir  que  le  capital  emplcj'é  donne  un 
intérêt  d'autant  plus  élevé,  qu'on  l'applique  à  une 
surface  plus  restreinte. 

Vignobles.  —  C'est  à  la  vigne  que  s'applique  ce 
mode  de  culture  auquel  on  a  idonné  le  nom  de  viti- 
culture et  qui  a  pour  but  la  production  du  vin. 
Notre  climat  permet  d'établir  des  vignobles  sur 
toute  l'étendue  de  notre  territoire,  sauf  dans  les 
départements  du  nord,  du  nord-ouest  et  de  la  Bre- 
tagne. Là,  les  vignes  ou  ceps  sont  assez  rappro- 
chés les  uns  des  autres.  Le  plus  souvent  on  les 
maintient  près  de  la  surface  du  sol.  Presque  tou- 
jours, excepté  dans  le  midi,  ils  sont  pourvus  de 
supports.  On  applique  d'abord  un  mode  de  taille 
destiné  à  former  convenablement  la  charpente  des 
ceps,  puis  ensuite  on  les  soumet  à  une  taille  an- 
nuelle, pratiquée  sur  les  jeunes  rameaux  ou  sar- 
ments et  qui  a  pour  but  d'assurer  l'abondance  et 
la  qualité  des  produits,  et  de  faire  que  cette  pro- 
duction se  renouvelle  pendant  le  plus  grand 
nombre  d'années  possible.  —  V.  Vigne. 

2°     AltBRES     ET    ARBRISSEAUX     ÉCONOMinrES.    —    Ce 

sont  les  espèces  dont  les  produits  diffèrent  de 
ceux  des  trois  autres  groupes.  Ces  espèces  sont  par- 
ticulièrement les  suivantes  : 

Le  mûrier  blanc,  cultivé  pour  la  production  des 
feuilles  qui  servent  à  nourrir  les  chenilles  du 
bombyx  qui  nous  donne  la  soie.  La  feuille  étant 
le  produit  qu'on  demande  à  cet  arbre,  on  le  sou- 
met tous  les  ans  ou  tous  les  deux  ans  à  une  taille 
rigoureuse,  de  façon  à  en  obtenir  un  grand 
nombre  de  rameaux  vigoureux  qui  donnent  une 
grande  quantité  de  feuilles  amples  et  faciles  à 
récolter. 

Les  chènes-liéges.  —  Ce  sont  de  grands  arbres 
dont  l'écorce  épaisse  et  spongieuse  nous  fournit  le 
liégc  employé  à  des  usages  si  divers.  Ces  arbres, 
groupés  en  grands  massifs  dans  le  midi  et  le  sud- 
ouest,  sont  cultivés  de  façon  à  leur  faire  développer 
un  tronc  le  plus  gros  et  le  plus  élevé  possible.  La 
première  récolte  du  liège  ne  peut  avoir  lieu  que 
sur  les  arbres  âgés  d'environ  30  ans  ;  et  l'on 
ne  peut  faire  une  nouvelle  récolte  sur  les  mêmes 
points  du    tronc  de  l'arbre  que  tous  les  12  ans, 


ARBORICULTURE 


—  173  — 


ARBORICULTURE 


afin  de  donner  le  temps  au  nouveau  liège  d'acqué- 
rir une  épaisseur  suffisante. 

Le  sumac  des  corroyeurs.  —  Cette  espèce  est 
un  grand  arbrisseau  à  racines  Iraçantes  qu'on 
cultive  en  massif  serré  dans  le  midi.  On  coupe  la 
tige  tout  près  du  sol.  De  nombreux  et  vigoureux 
bourgeons  se  développent  alors.  Vers  le  milieu  do 
l'été  on  les  coupe  rez  terre.  Bourgeons  et  feuilles 
sont  séchés  au  soleil,  puis  pulvérisés  par  un  pro- 
cédé mécanique.  Cette  poudre,  très  riche  en  tannin, 
est  livrée  au  commerce  pour  faire  de  la  teinture 
noire  et  surtout  pour  le  tannage  des  cuirs. 

Le  cùprier.  —  Petit  arbrisseau  de  la  Provence, 
cultivé  pour  la  récolte  de  ses  jeunes  boutons  à 
fleur  qui,  confits  dans  le  vinaigre,  sont  employés 
comme  condiment  sous  le  nom  de  câpres.  Les 
seules  opérations  annuelles,  appliquées  à  cette 
plante,  consistent  à  la  receper  pour  obtenir  de 
nombreux  et  vigoureux  bourgeons  sur  lesquels 
naissent  les  boutons  à  fleurs. 

Les  saules  à  osier.  —  C'est  une  série  d'espèces 
dont  les  jeunes  rameaux  longs  et  flexibles  four- 
nissent la  matière  première  à  la  vannerie.  Ils  sont 
aussi  très  employés  sous  forme  de  liens  par  un 
grand  nombre  d'industries  et  notamment  par  les 
tonneliers.  Chaque  année,  on  coupe  sur  la  souche, 
placée  tout  près  du  sol,  les  osiers  développés 
pendant  l'été  précédent.  11  en  résulte  que,  dès  le 
printemps  suivant,  de  nombreux  et  vigoureux 
bourgeons  apparaissent  et  fournissent  une  nou- 
velle récolte.  Ces  souches  d'osier  sont  placées  près 
les  unes  des  autres  sur  un  sol  un  peu  frais,  mais 
non  marécageux. 

Les  arbres  et  arbrisseaux  à  parfums.  —  Ces  es- 
pèces sont  particulièrement  les  suivantes  qui  toutes 
sont  cultivées  dans  les  parties  les  plus  chaudes  de 
la  Provence.  On  extrait  de  leurs  fleurs  des  huiles 
essentielles  qui  forment  une  partie  des  parfums 
employés  dans  l'industrie. 

h'oranger.  —  Cet  arbre  est  à  la  fois  un  arbre  frui- 
tier et  un  arbre  à  parfums.  Chaque  année  on  lui 
enlève  une  partie  de  ses  fleurs  à  l'aide  desquelles 
on  fait  l'eau  de  fleur  d'oranger. 

Le  rosier.  —  Les  fleurs  de  cet  arbrisseau  four- 
nissent par  la  distillation  l'essence  de  rose.  On 
soumet  les  rosiers  à  une  taille  annuelle  des- 
tinée à  augmenter  le  nombre  et  le  volume  des 
Qeurs. 

Le  jubmin  d'Espagne  et  la  cassie ,  cultivés 
dans  le  même  but,  sont  soumis  au  même  traite- 
ment. —  V.  en  outre  Plantes  arbustives. 

3°  Arbres  et  arbrisseaux  n'or.xEMtxT.  — 
Ces  plantes  comprennent  toutes  les  espèces 
ligneuses  qui  peuvent  concourir  à  l'ornement  de 
nos  parcs  et  de  nos  jardins  par  l'éclat  de  leurs 
fleurs,  la  beauté  de  leur  feuillage  ou  l'élégance  de 
leur  port. 

Pour  faire  un  emploi  judicieux  de  ces  diverses 
espèces ,  on  a  dû  les  partager  en  plusieurs  grou- 
pes :  les  espèces  résineuses  ou  non  résiiieusis;  celles 
à  feuilles  persistantes,  puis  celles  à  feuilles  cadu- 
ques. Enfin  chacun  de  ces  groupes  présente  lui- 
même  des  subdivisions  caractérisées  par  les  di- 
mensions qu'acquiert  habituellement  chacune  de 
ces  espèces. 

On  tient  compte,  lors  de  la  répartition  de  ces 
plantes  dans  les  jardins,  dos  besoins  do  chacune 
d'elles  à  l'égard  du  climat,  du  sol  et  de  l'exposition 
qu'elles  préfèrent  ;  on  les  dispose  aussi  de  façon  à 
en  tirer  le  meilleur  parti  possible  pour  l'ornement 
des  parcs  on  jardins  symétriques,  des  jardins  pit- 
toresques, enfin  des  boulevards  créés  dans  le  voisi- 
nage ou  dans  l'intérieur  des  villes,  puis  dos  avenues 
qui  accompagnent  souvent  les  grandes  habitations 
rurales. 

4°  Arbres  et  arbrisseaux  forestiers.  —  Ces  ar- 
bres sont  cultivés  en  vue  de  l'obtention  de  produits 
ligneux  et  les  opérations  qu'on  leur  applique  ont 


pour  but  d'augmenter  le  plus  possible  cette  pro- 
duction. On  donne  à  cette  culture  spéciale  le  nom 
de  sylviculture  et  celui  do  bois  et  forêts  aux  sur- 
faces qui  y  sont  consacrées.  —  V.  Forêts. 

Pour  obtenir  les  produits  que  nous  venons  d'in- 
diquer, les  arbres  et  arbrisseaux  forestiers  sont 
soumis  à  des  modes  de  culture  difl'érents. 

Les  fidaies.  —  Ce  sont  de  grandes  surfaces  sur 
lesquelles  on  élève  les  arbres  forestiers  de  façon  h 
leur  faire  développer  un  tronc  à  la  fois  le  plus 
long  et  le  plus  gros  possible  et  susceptible  d'être 
employé  comme  bois  de  construction.  La  culture 
de  ces  futaies  se  borne  à  la  suppression  des  arbris- 
seaux qui  pourraient  nuire  au  premier  développe- 
ment des  jeunes  plants,  puis  à  des  éclaircies  suc- 
cessives, conduites  de  telle  sorte  que  les  arbres 
puissent  acquérir  leur  plus  grand  développement. 
—  Après  chaque  exploitation  les  futaies  se  régé- 
nèrent au  moyen  d'ensemencements  naturels. 

Les  taillis  ou  bois-taillis  difl'èrent  des  futaies 
en  ce  que  les  arbres  sont  exploités  dans  un  âge 
beaucoup  moins  avancé,  lorsqu'ils  n'ont  que  9  à 
30  ans.  Le  produit  de  cette  culture  fournit  surtout 
du  combustible.  Lors  de  l'exploitation,  les  arbres 
ne  sont  pas  arrachés,  comme  dans  les  futaies  :  on 
les  coupe  rez  terre,  et  les  souches  fournissent  de 
nouveaux  produits  qui  sont  périodiquement  exploi- 
tés pendant  une  longue  suite  d'années. 

Les  taillis  sous  futaies.  —  C'est  une  association 
de  la  futaie  avec  le  taillis,  de  façon  à  récolter  à  la 
fois  du  bois  de  construction  et  du  combustible.  Les 
arbres  de  futaie  sont  beaucoup  moins  serrés  que 
dans  la  futaie  proprement  dite,  afin  qu'ils  ne  nui- 
sent pas  trop  au  développement  du  taillis. 

PUndations  de  lignes  forestières.  —  Dans  ce  cas 
ces  mêmes  arbres  forestiers  sont  disposés  en  lignes, 
isolés  et  plantés  à  des  distances  qui  leur  permet- 
tent d'acquérir  leur  plus  grand  développement  et 
de  fournir  ainsi  du  bois  de  service.  Ces  plantations 
sont  établies  le  long  des  routes,  des  canaux  ou  sur 
les  grands  domaines.  On  soumet  ces  arbres  à  des 
élagages  périodiques  pour  favoriser  l'accroissement 
dutronc  en  grosseur  et  en  longueur.  Après  l'exploi- 
tation, ces  arbres  sont  renouvelés  par  de  nouvelles 
plantations. 

Les  haies  vives.  —  C'est  par  extension  qu'on  a 
compris  les  haies  vives  dans  la  sylviculture,  puis- 
que ces  haies  vives  servent  uniquement  de  clôtu- 
res rurales. 

Importance  de  l'arboriccltire  e\  France.  — Le 
produit  des  plantes  ligneuses  cultivées  en  France 
a  une  très  grande  valeur.  Les  chiffres  que  nous 
donnons  ci  après  ont  été  puisés  à  diverses  sources 
et  particulièrement  à  la  statistique  officielle  de 
l'agriculture. 

Production. 

Nature  des  produits.  Valeur  en  argent. 

Fruits  de  table 540  000  000  fr. 

Fruits  propres  aux  boissons  fer- 
nientées  (vins,  cidres) 3  130  800  00 

Fruits  oléagineux 500  430  86 

Produits  Iigneu\  ^bois  et  forêts).        257  000  000 

Produits  économiques  (nous  n'a- 
vons de  renseignements  que 
pour  les  feuilles  de  mûrier). . .  29  470  777 

Produits  des  pépinières  (pas  de 
renseignements) >• 

Total 4  457  721640 

Les  produits  de  notre  agriculture  étant  évalues 
environ  dix  millards,  on  voit  que  l'arboriculture 
joue  un  rôle  ti'ès  important  dans  cette  production. 

Si  nous  considérons  cette  branche  de  l'agriculture 
au  point  de  vue  de  l'exportation,  nous  trouvons,  par 
les  chiffres  suivants,  empruntés  à  l'administration 
des  douanes,  que  l'arboriculture  contribue  aussi  puis- 
samment à  augmenter  la  fortune  publique  : 


ARBORICULTURE 

Exportatio7i. 

Fruits  de  table 50  100  000  fr. 

Boissons   femientées    (vins  et  ci- 

tlrcsi 261  373  000 

Fruits  oléagineux 3  416  000 

Produits  ligneux 37  500  000 

Produits  économiques 9  081  000 

Produit  des  pépinières   (pas  de 

renseignements) » 


174  — 


ARGHIMÈDE 


Total. 


361,081,000 


Il  est  vrai  que  nous  importons  des  produits  simi- 
laires,surtout  des  bois  do  construction(l  86,838,000  f.) 
pour  une  valeur  totale  de  •J61,';2G,  000  fr.  lien  ré- 
sulte néanmoins  que  ce  compte  se  balance  large- 
ment à  notre  avantage. 

Bibliographie  arboricole.  —  Si  l'enseignement 
officiel  de  l'arboriculture  est  récent,  il  n'en  est  pas 
ainsi  des  publications  qui  traitent  de  cette  matière. 
Nous  indiquons  ici  les  plus  importants  de  ces  ou- 
vrages dans  l'ordre  chronologique. 

Au  commencement  du  dix-septième  siècle,  on  voit 
paraître  l'ouvrage  si  remarquable  d'Olivier  de  Ser- 
res, le  Théâtre  de  V agriculture, Asins  lequel  l'auteur 
a  fait  une  large  part  aux  diverses  parties  de  l'ar- 
boriculture. 

Sous  Louis  XIV,  de  La  Quintinie  publie  son  li- 
vre sur  les  jardins  fruitiers  et  potagers.  Puis  on  vit 
paraître  les  ouvrages  de  Descombes,  de  la  Breton- 
nerie  sur  la  culture  du  pêcher. 

Après  la  Révolution,  l'arboriculture  prit  un  nou- 
vel essor  et  l'on  vit  augmenter  aussi  le  nombre 
des  traités  sur  cette  matière  ;  tels  sont  surtout  : 

La  Taille  raisoiinée  des  arbres  fruitiers  du  baron 
de  Butret;  le  Traité  des  arbres  fruitiers  de  Duha- 
mel du  Monceau  ;  la  Pomone  française  du  comte 
Lelieur;  le  Cours  de  culture  d'André  Thouin  ;  la 
Culture  des  bois  de  Parade,  directeur  de  l'école 
forestière  de  Nancy;  les  Vignobles  français  par  le 
docteur  Jules  Guyot;  enfin  le  Cours  d'arboriculture 
du  professeur  Du  Breuil,  reproduction  des  leçons 
faites  par  l'auteur  à  l'Institut  national  agi-onomique 
(5  volumes,  9e  édition).  TDu  Breuil.] 

PROGRAMMES  DE  QUELQUES  PAYS 

FR.\NCE. 

Extrait  du  programme  des  écoles  normales  d'insti- 
tuteurs du  3  août  1881  : 

«  Agriculture.  —  ...  Troisième  année.  —  ...  2° 
Cultures  spéciales  arborescentes.  —  Vigne,  pécher, 
cerisier,  prunier,  poirier,  pommier,  rosier,  etc.  » 

»  De  la  grefi'e.  » 

Extrait  du  programme  des  écoles  primaires  du 
27  juillet  1882: 

«  Agriculture  et  horticulture.  —  ...  .Cours  supé- 
rieur. —  ...  Notions  d'arboriculture  :  greffes  les 
plus  importantes.  » 

PAYS   ÉTRA.XGERS. 

1.  Belgique.  —  Programmes  des  Conférences 
faites  aux  instituteurs  de  la  province  de  Luxem- 
bourg (1872). 

A.  —  Leçons  théoriques 

a.  Considérations  générales  sur  la  taille  des 
arbres  fruitiers  ; 

b.  Effet  des  gelées  de  décembre  1871  sur  les 
arbres  fruitiers  ; 

c.  But  de  la  taille,  son  utilité  et  ses  inconvé- 
nients ; 

d.  Exposé  des  principes  généraux  de  la  taille  ; 

e.  Etude  des  meilleures  formes  :\  donner  aux 
arbres  fruitiers. 

B.  —  Exercices  pratiques  au  jardin. 

/".  Revue  des  meilleurs  instruments  de  taille  ; 
•coupe  du  bois. 

g-  Végétation  naturelle  des  principaux  arbres 
fruitiers,  de  l'esprit    d'observation  et  des   consé- 


quences qu'on  doit  en  déduire  pour  pratiquer  les 
opérations  de  la  taille  ; 

h    Treillage  des  contre-espaliers,  palissage  ; 

i.  Exécution  des  formes  d'arbres  ; 

j.  Taille  des  rameaux  à  fruits  et  des  rameaux  à 
bois. 

k.  Mise  à  fruit  ; 

/.  Élagage  des  arbres  dans  les  vergers,  entretien, 
restauration,  chaulage. 

C.  —  Maladies  des  arbres  fruitiers. 

m.  Insectes  et  animaux  nuisibles  ; 

n.  Insectes  et  animaux  utiles. 

2 .  Saxe-Weiuar.  —  Ecoles  normales  d'instituteurs. 
—  Exercices  pratiques  dans  la  culture  des  arbres 
fruitiers  ;  greffe  ;  connaissance  des  espèces  les  plus 
importantes.  Enseignement  théorique  nécessaire 
pour  la  culture  d'un  verger:  choix  de  l'emplace- 
ment, nature  du  terrain,  engrais  et  entretien. 
Excursions. 

ARGHIMÈDE  (Principe  d").  —  Physique,  VII.  — 
Archimède  vécut  à  Syracuse  de  l'an  287  à  l'an  212 
avant  Jésus-Christ.  Les  mathématiciens  de  tous  les 
temps  l'ont  considéré  comme  le  plus  grand  savant  de 
l'antiquité,  l'un  des  plus  grands  géomètres  qui  aient 
existé.  C'est  à  lui  qu'on  doit  la  première  méthode 
de  la  mesure  du  cercle,  le  premier  rapport  approché 
de  la  la  circonférence  au  diamètre,  la  mesure  des 
corps  ronds,  du  cylindre  et  de  la  sphère,  et  nom- 
bre d'autres  propositions  dont  le  calcul  moderne  a 
vérifié  l'exactitude. 

Ses  découvertes  dans  la  mécanique  ne  sont  pas 
moins  remarquables  :  on  lui  attribue  l'invention  de 
la  poulie,  des  moufles,  des  roues  dentées,  de  la  vis 
sans  fin  et  de  la  vis  creuse  qui  porte  encore  son 
nom  et  qu'on  employait  de  son  temps  à  dessécher 
les  marais.  Il  trouva  la  théorie  du  levier  et  caracté- 
risa la  puissance  de  cet  instrument  si  simple  par 
cette  phrase  bien  connue  :  «  Donnez-moi  un  point 
d'appui,  et  je  soulèverai  le  monde.  » 

Son  vaste  génie  s'appliquait  à  tout;  l'histoire  ra- 
conte qu'il  inventa  des  machines  de  guerre  pour 
détruire  les  vaisseaux  romains  au  siège  de  Sjra- 
cuse,  qu'il  imagina  des  assemblages  de  miroirs 
peur  les  briller  à  distance. 

Il  créa  l'hydrostatique,  en  fixant  les  lois  de  l'é- 
quilibre des  corps  plongés.  C'est  cette  découverte 
importante  qui  est  restée  la  plus  légendaire.  Hiéron, 
le  roi  de  Syracuse,  s'était  fait  faire  une  couronne 
d'or,  et  il  soupçonnait  l'orfèvre  d'avoir  gardé  une 
partie  de  l'or  et  d'y  avoir  substitué  de  l'argent.  11 
demanda  à  Archimède  un  moyen  do  constater  la 
fraude  sans  endommager  la  couronne.  Archimède 
songea  longtemps  à  ce  problème,  et  quand  il  l'eut 
trouvé,  un  jour  qu'il  était  au  bain,  il  s'élança  dans 
la  rue  et  parcourut  une  partie  de  Syracuse  en 
criant  :  «  J'ai  trouvé,  j'ai  trouvé  [Eurêka).  » 

Voici  sa  solution  (d'après  M.  Babinet,  htudes  sur 
les  sciences,  IV)  :  «  La  couronne  pesait  i2   livres. 

11  prend  un  vase  exactement  plein  d'eau  et  y  plonge 

12  livres  d'or;  il  voit  de  combien  ces  12  livres  d'or 
font  déborder  l'eau  du  vase.  Si  la  couronne  contient 
12  livres  d'or  pur,  elle  doit  faire  déborder  le  vase 
exactement  de  la  même  quantité.  L'épreuve  faite 
montre  que  la  couronne  chasse  du  vase  un  plus 
grand  poids  d'eau  que  les  12  livres  d'or.  Elle  n'est 
donc  pas  toute  en  or.  »  Un  poids  d'argent  déplace 
en  effet  plus  d'eau  que  le  même  poids  d'or.  C'est 
do  cette  expérience  qu'est  sortie  la  loi  des  corps 
plongés,  autrement  dit  le  principe  d'Arch'imède, 
qu'on  formule  de  la  manière  suivante  : 

T'ont  corps  plongé  daiis  un  liquide  perd  une  par- 
tie de  S071  poids  égale  au  poids  du  liquide  qu'il 
déplace. 

On  démontre  ce  principe  par  une  expérience 
due  à  Galilée.  On  suspend  â  l'un  des  plateaux 
d'une  balance  un  cylindre  creux  qui  porte  un  cy- 
lindre plein  pouvant  le  remplir  exactement.  On 
leur  fait  équilibre  en  chargeant  le  second  plateau. 


ARCHITECTURE 


—  175  — 


ARCHITECTURE 


On  plonge  alors  le  cylindre  plein  dans  un  vase 
d'eau;  immédiatement  la  balance  penche  de  l'autre 
côte  ;  le  corps  plonge  a  donc  perdu  de  son  poids. 
Pour  rétablir  l'équilibre,  il  suffit  de  remplir  d'eau 
le  cylindre  creux.  La  perte  de  poids  du  corps 
plongé  est  donc  représentée  par  le  poids  de  l'eau 
dont  il  tient  la  place. 

Les  nombreuses  et  importantes  conséquences  de 
ce  principe  sont  développées,  avec  leurs-  applica- 
tions, à  l'article  Équilibre  des  corps  plongés  et  des 
corps  flottants  CV.  Equilibre). 

Expériences.  —  1  ."Constater  qu'un  corps  plongé 
dans  un  liquide  perd  de  son  poids  en  le  suspendant 
au  plateau  d'une  balance  lui  faisant  équilibre  et 
en  plaçant  au-dessous  de  lui  un  vase  plein  d'eau. 
Se  servir  de  cette  expérience  pour  expliquer  que 
les  corps  sont  moins  lourds  dans  l'eau  que  dans 
l'air. 

2.  Prendre  un  corps  lourd  d'un  volume  connu, 
40  centimètres  cubes  par  exemple,  et  s'assurer 
qu'il  perd  40  grammes  de  son  poids  dans  l'eau  et 
qu'en  le  soumettant  à  l'expérience  précédente,  il 
faut  ajouter  40  grammes  au  plateau  où  est  suspendu 
le  corps  pour  rétablir  l'équilibre  (c'est  une  dé- 
monstration du  principe  que  tout  le  monde  peut 
réaliser). 

3.  Équilibrer  au-dessous  des  deux  plateaux  d'une 
balance  deux  corps  également  lourds,  mais  très- 
différents  de  volume  ;  les  plonger  dans  l'eau,  la 
perte  de  l'une  est  plus  grande  que  celle  de  l'autre, 
et  la  balance  penche  du  côté  de  celui  qui  perd  le 
moins. 

4.  Répéter  le  problème  d'Archimède  sur  un  objet 
d'alliage  métallique  dont  on  connaît  la  co  i  posi- 
tion. [Haraucourt.^ 

ARCHITECTURE.  —  V.  le  même  mot  dans  la 
I"  Partie.  —  Nous  essaj-ons  ici  de  tracer  l'esquisse 
très  sommaire  de  ce  que  pourrait  être  un  petit 
cours  d'histoire  populaire  de  l'architecture  dans 
les  écoles  normales  et  dans  les  écoles  primaires 
supérieures. 

1.  Origines  de  l'architecture-  —  De  tout  temps 
l'homme  a  éprouvé  le  besoin  do  se  garantir  contre 
les  intempéries,  de  mettre  sa  famille  ;\  l'abri  dos 
attaques  des  animaux  et  de  l'entourer  des  objets 
nécessaires  k  l'existence.  Aussi  le  voyons-nous  par- 
tout, Ji  l'origine  des  civilisations,  ou  chercher  un 
refuge  dans  une  caverne  naturelle  ou  se  bâtir  une 
cabane.  Tonte  architecture  dérive  de  ces  doux  mo- 
des d'abri  :  Vahri  construit  de  main  d'homme  ou 
Vabri  naturel. 

\.  Abri  constrcit.  —  Premier  mode  de  cabane  : 
la  hidte.  —  Déjà  l'arbre,  le  plus  grand  des  végé- 
taux, compose  un  abri;  qu'on  l'entoure  de  troncs 
menus,  disposés  en  cercle  et  s'appuyant  sur  lui  à 
leur  sommet  ;  qu'on  couvre  ce  cône  de  branches  et 
de  feuilles,  l'abri  est  complet,  et  un  homme  seul 
peut  entreprendre  et  terminer  ce  travail  en  un 
court  espace  de  temps. 

Second  mode  de  cabane  :  la  constniction  par 
empilage.  —  C'est  seulement  quand  l'homme 
possède  des  outils  qui  lui  permettent  de  couper 
le  bois  qu'il  peut  facilement  construire.  Deux 
procédés  sont  possibles  :  1°  l'empilage  ;  2°  l'as- 
semblage. De  ces  deux  modes  de  construction, 
l'empilage  est  évidemment  le  plus  ancien,  il  ne  de- 
mande qu'une  main-d'œuvre  et  des  outils  très 
élémentaires. 

En  effet,  rien  n'est  plus  simple  si  l'on  possède 
un  outil  tranchant,  fùt-il  de  silex,  que  de  couper 
des  troncs  d'arbre  d'égale  longueur  et  de  les  réu- 
nir horizontalement  à  leurs  extrémités  au  moyen 
d'encoches,  de  telle  sorte  que  ces  troncs  ainsi  joints 
aient  l'apparence  de  longues  assises  (  lig.  1). 
Ayant  atteint  une  certaine  hauteur,  l'empilage 
peut  être  successivement  retraité  de  manière  à 
former  un  comble  à  double  pente,  que  l'on  couvre 
de  joncs,  de  chaume  ou  de  feuillages.  Ce  système 


de  construction,  qui  remonte  aux  époques  les  plus 
reculées  de  l'histoire  humaine,  est  encore  usité 
sur  les  plateaux  de  l'Himalaya,  et  dans  certaines 
parties  de  la  Russie,  de  la  Norvège,  du  Tyrol,  de 
la  Suisse,  du  Canada  et  des  États-Unis. 


Mais,  pour  élever  une  cabane  de  cette  sorte,  il 
faut  que  l'homme  possède  des  arbres  droits  ;  aussi 
est-ce  dans  les  contrées  où  pousse  le  sapin  que 
cette  structure  a  été  adoptée.  Quand  les  hommes 
n'ont  eu  à  leur  disposition  que  de  grands  végétaux 
à  troncs  plus  ou  moins  tortueux  et  d'une  essence 
plus  dure,  ils  ont  dû  procéder  autrement. 

Troisième  mode  de  cabane  :  la  construction  par 
assemblage.  —  Ce  système  exigeait  certains  outils 
de  métal  déjà  perfectionnés  et  des  combinaisons 
plus  savantes,  en  ce  qu'elles  dérivent  d'une  obser- 
vation exacte  des  qualités  propres  au  bois. 

Le  tronc  d'arbre,  posé  debout,  c'est-à-dire  ver- 
ticalement, présente  une  résistance  considérable 
aux  pressions  ;  il  faudrait  un  poids  énorme  pour 
le  faire  fléchir,  tandis  que  le  même  tronc  posé 
horizontalement  et  ne  portant  qu'à  ses  deux  extré- 
mités, fléchit  sous  l'action  seule  de  son  propre 
poids  et  à  plus  forte  raison  s'il  est  chargé  vers  son 
milieu. 

Tenant  compte  de  ces  propriétés  du  bois,  les 
premiers  hommes  qui  voulurent  les  utiliser  imagi- 
nèrent de  placer  d'abord  des  troncs  d'arbre  debout 
pour  servir  de  supports  verticaux  et  de  poser  sur 
la  tète  de  ces  troncs  d'autres  pièces  de  bois  placées 
horizontalement.  Ces  traverses  horizontales  ou 
linteaux  soutenaient  à  leur  tour  la  couverture. 
Pour  éviter   la    flexion    des    linteaux,   il   suffisait 


d'avoir  des  supports  assez  rapprochés  les  uns  des 
autres  (fig.  2).  Telle  est  l'origine,  d'une  part,  de  la 


ARCHITECTURE 


—  176  — 


ARCHITECTURE 


colonne  et  de  son  entablement,  d'aulra  part  de  la 
jfenne,  qui  est  une  des  plus  anciennes  combinai- 
sons de  la  charpente  assemblée  et  l'une  de  celles 
qui  devaient  avoir  les  résultats  les  plus  importants. 
La  ferme  et  les  élément.^  de  la  charpente  primi- 
iivg,  —  La  ferme  primitive    (fig.   3j    est   tracée 


Kii:.  3  bis. 

en  A.  Elle  se  compose  d'une  pièce  horizontale  BC 
appelée  entrait  et  de  deux  pièces  plus  ou  moins 
inclinées  DB,  DG  (arbalétriers),  assemblées  à  leur 
pied  dans  l'entrait  pour  éviter  le  glissement  et 
réunies  au  sommet  au  moyen  d'entailles  à  mi-bois. 
Sur  l'enfourchement  E  on  posait  une  pièce  hori- 
zontale, d'une  ferme  à  l'autre,  appelée  faitage,  et 
de  ce  faîtage  à  la  tète  des  deux  murs,  d'autres 
bois  inclinés  appelés  chevrons  et  destinés  à  sup- 
porter la  couverture.  Plus  on  appuyait  sur  la 
fourche  E,  plus  on  roidissait  l'entrait. 

Mais  il  arriva  que,  par  l'effet  de  la  dessiccation 
des  bois,  l'assemblage  du  sommet  devenait  gai, 
c'est-à-dire  qu'il  n'était  plus  exactement  serré  ; 
alors  les  arbalétriers  perdaient  de  leur  roideur  et 
risquaient  de  se  déranger  sous  l'effort  du  vent  ou 
d'une  charge  inégale  ;  on  ajouta  donc  à  la  ferme 
primitive,  une  pièce  verticale  GH  (fig.  3  bis)  appe- 
lée poinçon  et  au  sommet  de  laquelle  s'assem- 
blaient les  arbalétriers.  Cette  pièce  verticale  con- 
solide toute  la  ferme. 

Tels  furent  les  premiers  éléments  de  toute  la 
charpente  assemblée,  dans  laquelle  le  bois  fut 
employé  non  plus  comme  une  matière  homogène 
inerte,  mais  en  raison  de  ses  qualités  de  résis- 
tance et  d'élasticité. 

La  colonne  primitive.  —  Le  système  de  poteaux 


J'isf.  i' 


OU  de  troncs  placés  verticalement  pour  supporter 
les  poutres  horizontales  avait  des  avantages  évi- 
dents ;  mais  il  faut  bien  penser  que  les  construc- 


teurs primitifs  possédaient  des  outils  très  impar- 
faits, qu'ils  ne  connaissaient  point  encore  la  scie 
et  cherchaient  tous  les  moyens  propres  à  éviter  les 
difficultés  de  main-d'œuvre.  Tantôt,  profitant  de  la 
disposition  fourchue  de  certains  troncs  d'arbre, ils  se 
servirent  de  ces  poteaux  à  tête  fourchue  pour  leur 
faire  porter  les  poutres  horizontales  du  comble 
(fig.  4)  .Tantôt,  h  défaut  de  ces  bois  en  fourche,  ils 
placèrent  sur  le  haut  du  poteau  un  chapeau,  c'est-à- 
dire  une  pièce  de  bois  dépassant  un  peu  le  poteau 
à  droite  et  à  gauche,  afin  de  diminuer  la  longueur 
des  linteaux  et  de  prévenir  ainsi  la  flexion  (fig.  5). 


Fis 


Avaient-ils  à  ménager  une  baie,  porte  ou 
fenêtre,  ils  avaient  le  soin  d'incliner  l'un  vers 
l'autre  les  deux  jambages,  afin  de  diminuer  le  plus 
possible  la  portée  du  linteau,  tout  en  laissant  à  la 
base  de  la  baie  une  largeur  suffisante. 

Tous  ces  procédés  primitifs,  qui  avaient  leur 
raison  d'être  dans  la  nature  et  dans  les  propriétés 
des  matériaux  employés,  dans  la  qualité  des  outils 
connus,  en  un  mot  dans  les  ressources  dont  or» 
disposait,  ont  laissé  leur  trace  longtemps  après 
dans  des  constructions  beaucoup  plus  parfaites  ; 
ils  y  reparaissent  sous  la  forme  d'ornements  d'ar- 
chitecture. Le  chapiteau  de  telle  colonne  de 
marbre,  qui  aujourd'hui  ne  semble  être  qu'un 
ornement  an  à  la  fantaisie,  rappelle  cette  pièce  de 
bois  placée  dans  la  construction  primitive  au-dessus 
des  supports  verticaux  pour  soulager  le  linteau 
vfig.  6). 

Le  souvenir  même  du  tronc  terminé  en  fourche 
se  retrouve  dans  certains  monuments  construits 
pourtant  en  pierre  ;  en  voici  par  exemple  un  cu- 
rieux spécimen  emprunté  à  un  temple  de  Persé- 
polis  (fig.  7).  On  pourrait  donner  mille  exemples 
de  ces  procédés  primitifs  se  perpétuant  et  s'al- 
térant  de  plus  en  plus  comme  ornements  d'archi- 
tecture après  avoir  été  longtemps  des  nécessités  de 
construction.  N'en  citons  qu'un. 

Tout  le  monde  a  remarqué  que  certaines  colonnes 
grecques  ont  le  fût  non  pas  absolument  lisse,  mais 
cannelé.  Est-ce  un  caprice  d'artiste  '?  Non.  En  effet, 
quand  on  veut  donner  soit  à  un  tronc  d'arbre, 
soit  à  un  morceau  de  pierre  calcaire,  une  forme 
régulière  se  rapprochant  du  cylindre,  on  commence 
par  équarrir  la  pièce,  c'est-à-dire  à  lui  donner  une 
section  carrée  régulière,  puis,  traçant  un  cercle 
inscrit  dans  le  carré,  on  abat  les  angles  pour  arri- 
ver à  la  section  octogonale,  puis  on  abat  encore  les 
angles  do  l'octogone  pour  obtenir  un  polygone  à 
seize  côtés.  On  peut  s'arrêter  là  ou  continuer  à 
abattre  les  angles  jusqu'à  ce  qu'on  atteigne  le 
cercle  et  qu'on  ait  obtenu  ainsi  un  cylindre.  Non- 
seulement  les  Grecs,  dont  le  sens  artistique  était 
très  délicat,  ne  poussèrent  pas  la  taille  jusqu'au 
cylindre,  mais   ils  s'aperçurent  que   ces  facette» 


ARCHITECTURE 


—  -117  — 


ARCHITECTURE 


donnaient  à  un  corps  placé  verticalement  une  ap- 
parence plus  ferme,  plus  solide  que  ne  le  faisait 
ia  surface  cylindrique;  ils  conservèrent  donc   ces 


Fi  g.  6. 

facettes  et,  pour  mieux  faire  apparaître  leurs  angles 
mousses,  ils  creusèrent  légèrement  les  parties 
planes  qui  portaient  des  ombres.  Ainsi  naquit  la 


Fig.  7. 

cannelure,  qui  est  sans  doute  un  ingénieux  procédé 
décoratif,  mais  qui  n'en  est  pas  moins  la  consé- 
quence d'un  procédé  d'exécution  originel.  C'est  une 
des  lois  les  plus  constantes  que  présente  l'iiistoire 
de  l'architecture. 

Construction  en  pisé.  —  Dans  certains  pays,  à 
défaut  de  bois  et  de  pierre  on  a  dû  avoir  recours  au 
pisé,  mélange  de  limon  ou  d'argile  déti-empé  avec 
du  sable  :  il  suffit  de  pièces  de  bois  très  légères 
pour  encaisser  et  soutenir  cette  sorte  de  moi-ticr. 
En  séchant,  il  devient  très  solide  et  pourrait  durer 
pendant  des  siècles  dans  les  pays  exempts  d'humi- 
dité. C'est  de  la  sorte  qu'ont  été  construits,  dans  la 
2e  Partie. 


plus  haute  antiquité,  les  premiers  édifices  des 
Egyptiens.  Plus  tard,  à  l'époque  encore  bien  anté- 
rieure à  la  construction  des  pyramides  et  des  grands 
temples,  les  Egyptiens  avaient  appris  à  employer 
la  pierre  et  le  mortier.  Mais,  nouvel  et  saisissant 
exemple  du  phénomène  que  nous  citions  tout  îi 
l'heure,  ils  conservent  le  souvenir  des  formes  pri- 
mitives de  la  cabane  bâtie  avec  de  la  boue  et  des 
roseaux.  Les  murs  de  ces  immenses  édifices  rap- 
pellent les  cloisonnages  de  pisé,  ils  présentent 
comme  eux  une  surface  uniforme  couverte  d'un 
enduit  sur  lequel  s'appliquent  des  sculptures  lé- 
gèrement entaillées  ou  des  peintures.  Les  colonnes, 
au  lieu  d'avoir  la  forme  du  tronc  d'arbre,  repré- 
sentent un  faisceau  de  tiges  de  roseaux  réunies  par 
des  bandelettes.  On  remarque  même  quelquefois, 
non  sans  surprise,  que  ces  colonnes  ont  à  leur 
partie  inférieure,  à  l'endroit  où  le  fût  commence, 
exactement  la  forme  étranglée  de  la  tige  de  roseau 
h.  sa  naissance  dans  le  limon. 

Comme  il  ne  pleut  pas  en  Egypte,  il  était  inutile 
de  prévoir  des  toits  sur  les  édifices;  on  les  couvre 
par  des  terrasses  épaisses  composées  originaire- 
ment de  limon  battu  soutenu  par  des  clayonnages 
de  roseaux  formant  plafonds  ;  plus  tard,  par  de 
larges  morceaux  de  pierre.  Pour  porter  ces  pla- 
fonds lourds  et  épais,  il  fallait  multiplier  les  points 
d'appui;  car,  soit  que  ces  couvertures  fussent  faites 
en  limon,  soit  qu'elles  fussent  faites  en  pierre,  les 
portées  ne  pouvaient  avoir  beaucoup  de  longueur. 
De  sorte  que  les  grandes  salles,  dans  les  construc- 
tions égyptiennes,  se  composent  d'un  quinconce  de 
colonnes  relativement  rapprochées,  ou  bien  ne  sont 
que  des  galeries  longues  et  étroites  (Cf.  Histoire 
(Ir  riinhitation  humaine  par  VioUet-le-Duc,  Paris, 
Hetzel). 

II.  Abri  naturel  :  la  caverne;  Vorigine  de  la  voûte. 
—  Les  Egyptiens  avaient  aussi  reçu  la  tradition  de 
l'habitation  dans  des  cavernes,  dans  des  grottes  na- 
turelles, et  il  en  fut  de  même  dans  beaucoup  de 
pays.  Le  souvenir  de  la  grotte  ne  s'est  pas  moins 
perpétué  en  architecture  que  celui  de  la  cabane 
en  bois.  On  le  retrouve  encore  dans  la  structure 
en  encorôelleme?it.  Il  consiste  à  superposer  par 
assises  horizontales  des  pierres  de  taille  placées  de 
telle  sorte  que  chacune  dépassant  celle  qui  la  porte, 
surplombe  un  peu,  mais  sans  pouvoir  basculer  à 
cause  de  1-a  charge  qui  pèse  sur  les  queues  de 
chaque  pierre.  Peu  à  peu,  à  mesure  qu'elles  s'élè- 
vent, les  deux  parois  dont  les  pierres  forment  en 
quelque  sorte  deux  escaliers  renversés  tournés  l'un 
vers  l'autre,  finissent  par  se  rejoindre  (fig.  S). 

Un  autre  mode  do  structure  primitive  qui  dérive 
de  la  grotte  consiste  h  incliner  de  longues  pierres, 
de  telle  sorte  qu'à  leur  sommet  elles  s'appuient  l'une 
contre  l'autre  ou  toutes  deux  sur  une  autre  pierre 
leur  servant  de  plafond  ;  le  tout  étant  chargé  de 
lourdes  masses  de  pierres  brutes  forme  une  galerie 
solide.  Les  monuments  dits  ci/clopéens  de  la  Grèce 
primitive  et  de  l'Étrurie  sont  construits  de  cette 
manière  (fig.  9). 

Mais  le  type  le  plus  parfait  d'architecture  repro- 
duisant la  forme  de  la  grotte  ou  crypte  naturelle, 
c'est  la  voûte.  Qu'elle  ait  été  inventée  en  Assyrie  ou 
qu'elle  vienne  de  contrées  plusorientales, c'est  sur  les 
bords  de  l'Euphrate  et  du  Tigre  que  nous  la  voyons 
apparaître  à  une  époque  très  ancienne.  L'ancien 
empire  assyrien,  qui  ne  possédait  en  quantité  suf- 
fisante ni  bois  ni  pierre  à  bâtir,  avait  trouvé  ung 
ressource  précieuse  dans  un  limon  argileux  qui  se 
prêtait  à  la  fabrication  des  briques.  C'est  à  l'aide 
do  constructions  de  briques  crues,  ordinairement  re- 
vêtues de  briques  cuites,  que  furent  élevés  les  pa- 
lais de  Ninive  et  de  Babylone.  C'est  la  brique  qui 
permit  la  construction  en  voûte  ;  et  la  voûte,  cette 
grotte  factice,  convenait  merveilleusement  à  ce  cli- 
mat extrêmement  chaud  et  sec  pendant  une  partie 
de   l'année,  mais   humide    pendant   trois  mois   et 

VI 


ARCHITECTLllE 


—  178  — 


ARCHITECTURE 


où  les  bois  eussent  ctc  très  proniptement  pourris 
et  brûlés. 

Comment  les  Assyriens  ont-ils  pu  inventer  et 
construire  la  voûte?  On  peut  le  voir  encore  aujour- 
d'hui dans  les  mêmes  contrées,  car  les  usages 
changent  peu  en   Orient  :  aujourd'hui  encore  les 


Fii^-.  8. 


habitants  de  Mossoul  élèvent  les  voûtes  de  leurs 
édifices  sans  l'aide  de  cintres  en  charpente  graco 
à  la  facilité  avec  laquelle  la  brique  crue  adhère  a 
sa  voisine  au  moyen  d'une  légère  couche  d  argile 
détrempée.  D'ailleurs  dans  l'architecture  assyrienne 
les  portées  de  ces  voûtes  en  berceau  ou  heimsphc- 


Fisr.  9. 


riques  ne  sont  jamais  grandes,  et  les  salles  ont 
plus  ou  moins  de  longueur,  mais  une  largeur  à  peu 
près  égale  et  très-médiocre.  Point  de  colonnes, 
point  de  portiques,  rien  qui  rappelle  l'emploi  du 
bois  :  c'est  bien  une  architecture  dérivant  de  la 
grotte. 


2.  Histoire  de  l'architecture  en  Europe.  —  Après 
avoir  reclierclié  dans  cette  haute  antiquité  la  trace 
des  origines  de  l'architecture,  suivons  rapidement 
le  développement  de  cet  art,  d'abord  chez  les  deux 
grands  peuples  du  monde  ancien  dont  notre  civili- 
sation est  issue,  ensuite  dans  notre  propre  pays 
depuis  le  moyen  âge. 

AllCHITECÏLRE  GUECQUE  ET  ARCHITECTlllE  ROMAINE. 

—  Les  Dorions  s'établissent  dans  des  contrées  d'un 
climat  tempéré,  plutôt  chaud  que  froid,  mais  où  ils 
ont  à  se  protéger,  suivant  les  saisons,  et  contre  la 
pluie  et  contre  le  soleil.  Ils  y  trouvent  du  bois  de 
charpente,  mais  non  pas  assez  pour  bâtir  en  bois  : 
ils  le  réservent  pour  les  combles  et  les  plafonds  et 
construisent  en  pierre.  Telles  sont  les  conditions 
que  la  nature  imposait  aux  Grecs.  La  manière  dont 
ils  ont  su  les  remplir,  le  sens  exquis  avec  lequel  ils 
ont  donné  à  leur  architetcure  des  formes  en  môme 
temps  logiques  et  belles,  la  perfection  de  leurs 
œuvres  est  encore  et  sera  toujours  un  sujet  d'admi- 
ration. 

Mais  les  Grecs  n'adoptèrent  jamais  ni  la  voûte  ni 
en  général  le  mode  de  structure  que  nous  appelons 
maromierie,  c'est-à-dire  l'agglutination  des  maté- 
riaux à  l'aide  du  mortier  ou  de  matières  plastiques. 
Ils  bâtirent  toujours  en  employant  la  pierre  d'ap- 
parcii  à  joints  secs.  A  coup  sûr  ils  entretenaient  des 
relations  trop  fréquentes  avec  les  Mèdes,  les  Assy- 
riens et  les  Etrusques  pour  ne  pas  connaître 
la  voûte,  avec  les  Egyptiens  pour  ne  pas  connaître 
l'emploi  des  mortiers.  Pourquoi  se  refusèrent-ils, 
jusqu'il  la  domination  romaine,  à  faire  emploi  de  la 
voûte  et  des  mortiers?  Ainsi  que  nous  l'avons  dit 
ailleurs  [Histoire d"  l'habitation  liumnine)  :  «  A  cela 
il  y  a  deux  raisons  principales  :  la  première,  c'est 
que  les  Grecs  n'aimaient  point  h  prendre  les  usages 
des  hartjares,  ou,  s'ils  les  adoptaient,  c'était  en 
leur  faisant  subir  des  transformations  profondes. 
La  seconde,  c'est  que  les  artisans  grecs  tenaient  à 
se  faire  honneur  de  leur  travail,  et  que  les  voûtes 
exigent  un  travail  grossier  qui  ne  leur  plaisent 
point.  Que  les  voûtes  soient  construites  en  brique 
ou  en  pierre,  il  faut  appeler,  pour  les  élever,  un 
grand  concours  de  manœuvres,  une  masse  d'ou- 
vriers, faire  des  murs  épais,  bander  des  berceaux 
et  remplir  les  reins.  » 

Des  esclaves  peuvent  être  assujettis  à  ces  travaux 
qui  demandent  plus  de  sueurs  que  l'intelligence  ; 
mais  les  ouvriers  grecs  étaient  organisés  en  corpo- 
rations jalouses  qui  n'auraient  pas  volontiers  vu  les 
barbares  travailler  aux  œuvres  qu'eux-mêmes  façon- 
naient avec  orgueil.  Les  cités  grecques,  républiques 
rivales  ou  fédératives,  ne  possédaient  ni  les  trésors, 
ni  les  bras  dont  disposaient  les  rois  d'Egypte  et  de 
Perse  ;  elles  n'avaient  pas  des  armées  d'esclaves 
ou  une  plèbe  asservie  à  leurs  ordres  :  il  leur  était 
impossible  d'égaler  ou  de  dépasser  en  étendue 
et  en  richesse  les  monuments  de  ces  contrées.  Les 
Grecs  ont  donc  cherclié  dans  la  beauté  et  le  choix 
de  la  forme  cette  supériorité  qu'on  leur  accorde 
dans  les  œuvres  d'art. 

Jlais  par  cela  même  on  voit  combien  il  serait 
abusif  de  considérer  comme  l'ordinaire  ou  l'unique 
expression  de  l'art  une  architecture  qui  s'est  pro- 
duite dans  des  conditions  aussi  étroites  et  limitées. 
Les  programmes  des  Romains  sont  tout  autres. 
Le  Romain  de  la  république,  et  à  plus  forte  raison 
celui  de  l'empire,  n'est  pas  le  sujet  d'un  petit  Etat 
composé  de  négociants,  de  philosophes,  de  lettres 
et  d'artistes.  Il  ne  tend  à  rien  de  moins  qu'à  la  domi- 
nation du  monde,  il  n'est  pas  attaché  îi  cet  esprit 
exclusif  du  Grec,  considérant  tous  les  peuples  qui 
ne  sont  point  de  sa  race  comme  des  barbares  :  au 
contraire,  le  Romain  veut  que  tous  les  peuples 
soient  Romains,  et  sa  grande  alTaire  est  d'adminis- 
trer la  terre  sous  la  loi  romaine.  Si  l'art  grec 
plaisait  à  quelques  délicats,  comme  Atticus  et  Cicé- 
ron,  l'art  romain  a  bien  autre  chose  à  faire  que  de 


ARCHITECTURE 


—  179 


ARCHITECTURE 


se  préoccuper  du  choix  et  de  l'exquise  sobriété  de  la 
forme.  Ce  qu'on  lui  demande,  c'est  de  satisfaire  à 
des  programmes  d'un  ordre  nouveau,  lesquels  con- 
cernent l'établissement  de  grands  édifices  publics, 
thermes,  théâtres,  cirques,  amphithéâtres,  basili- 
ques, prétoires,  marchés,  portiques  pour  la  foule, 
aqueducs,  casernes,  palais. 

L'architecture,  avec  les  Romains,  entre  dans 
la  voie  moderne,  l'édifice  public  devient  la  chose 
importante  et  domine  le  temple  ou  l'habitation 
souveraine. 

Aussi  les  Romains  n'ont-ils  pas  trop  de  toutes  les 
traditions  qui  les  entourent  pour  satisfaire  aux 
programmes  imposés  par  eux  au  monde  connu. 
Aux  Asiatiques  et  aux  Égyptiens  ils  prennent  leur 
structure  concrète,  la  voûte  et  tous  ses  dérivés  ; 
ils  leur  prennent  leurs  grandes  dispositions  de 
plans,  la  hardiesse  de  leur  structure  de  pierre  ; 
à  la  Grèce,  ils  demandent  des  artistes  et  des  dé- 
corateurs pour  vêtir  les  corps  romains  ;  à  la  Gaule, 
les  produits  de  ses  forêts,  des  charpentiers  et  for- 
gerons. La  Rome  impériale,  de  cette  réquisition 
colossale,  compose   son  art  ou,  plutôt,  à  tous  ces 


procédés,  à  tous  ces  matériaux  elle  donne  un  em- 
ploi, à  la  seule  condition  que  ses  programmes 
soient  scrupuleusement  suivis. 

Comme  les  Asiatiques  et  les  Égyptiens,  elle  em- 
ploie des  armées  de  manœuvres,"  qui  n'ont  besoin 
que  d'une  direction  et  peuvent  être  pris  partout, 
et  fait  mettre  en  œuvre  des  matériaux  énormes  à 
l'aide  des  bras  dont  elle  dispose  ;  comme  les  Grecs, 
quoique  ce  soit  là  une  préoccupation  secondaire, 
elle  prétend  vêtir  ces  édifices  d'une  forme  d'art 
choisie. 

La  réglementation  l'emporte  sur  le  goût  :  par- 
tout où  Rome  construit,  la  pierre  est  employée  et 
taillée  de  la  même  manière,  les  briques  sont 
façonnées  et  cuites  par  les  mêmes  procédés,  la 
chaux  est  faite  avec  les  mêmes  matériaux  et  mé- 
langée avec  le  sable,  suivant  certaines  formules  in- 
variables pour  composer  le  mortier.  Les  maîtres 
des  œuvres  romaines  emploient  partout,  pour  faire 
les  voûtes,  le  même  système.  Les  plans  présentent 
des  dispositions  identiques. 

En  résumé,  on  peut  dire  que  l'architectur 
grecque  et  l'architecture  romaine  partent  de  deux 


Fig.  10. 


principes  diamétralement  opposés.  Aussi  l'alliance 
entre  ces  deux  arts  ne  se  fait-elle  jamais,  et  d'un 
édifice  romain  on  peut  enlever  l'apport  grec, 
comme  on  enlève  un  vêtement  sans  toucher  en 
rien  à  l'organisme  du  corps.  Ce  qui  constitue 
essentiellement  l'architecture  romaine,  c'est  la 
structure  ;  et  parmi  les  formes  qui  lui  sont  pro- 
pres, la  plus  remarquable  est  sans  contredit  la 
voûte,  non  plus  dans  les  diiTiensions  restreintes  des 
édifices  asiatiques,  mais  avec  les  proportions  les 
plus  imposantes  et  les  plus  hardies,  telles  que  nous 
la  présente,  par  exemple,  la  rotonde  d' A  grippa. 
Panthéon  de  Rome. 

Architecture  byzantine,  architecture  romane, 
ARCHITECTURE  GOTHIQUE.  —  Quand  Tempire  romain 
fut  transféré  à  Byzance,  le  voisinage  de  l'Asie  et  de 
la  Grèce  modifia  notablement  la  tradition  romaine. 
Le  style  byzantin  admit  la  voûte  et  les  principaux 
procédés  des  architectes  romains,  mais  il  y  mêla 
les  formes  les  plus  diverses  et  parfois  les  plus  ca- 
pricieuses, sans  caractère  architectural  très  défini, 
mais  avec  une  magnifique  profusion  d'ornements  : 
Sainte-Sophie  àConstantinople  est  le  chef-d'œuvre 
de  cet  art  et  le  modèle  des  monuments  à  coupole. 


Puis  vint  la  période  de  ténèbres  et  d'anarchie 
intellectuelle  qui  suivit  l'invasion  des  barbares. 
Quand  la  première  lueur  reparut  avec  Cliarlema- 
gne,  ce  fut  à  Byzance  que  l'Occident  alla  chercher 
tous  ses  modèles,  en  architecture  comme  pour 
tous  les  arts.  En  Italie  le  style  byzantin  pénétra  un 
moment  :  Saint-Marc  de  Venise  fut  son  triomphe. 
ÎMais  dans  le  reste  de  l'Europe,  en  France  surtout, 
l'influence  byzantine  s'exerça  sans  s'imposer  d'une 
façon  aussi  exclusive.  L'architecture  romane  fut 
le  produit  de  ce  mélange  entre  les  traditions  gallo- 
romaines  et  l'imitation  byzantine. 

Les  croisades  et  les  établissements  des  chrétiens 
en  Syrie  contribuèrent  à  propager  en  Occident  les 
procédés  de  l'art  oriental  ;  ce  fut  le  beau  moment 
de  l'architecture  romane.  Mais  immédiatement 
après  les  premières  croisades  se  manifeste  un  des 
mouvements  les  plus  remarquables  que  présente 
l'histoire  de  l'art  dans  le  monde  moderne.  Réagis- 
sant contre  l'influence  exagérée  des  monastères,  les 
évoques  de  France  se  liguèrent  avec  les  villes, 
sièges  épiscopaux,pour  résister  aux  empiétements 
du  pouvoir  monastique  :  les  cathédrales  bâties  de 
1160  à  1250  sont  le  signe  visible  de  cette  alliance. 


ARCHITECTURE 


180 


ARCHITECTURE 


La  direction  des  bâtiments  religieux  est  enlevée 
aux  moines,  et  c'est  alors  que  prend  naissance  une 
architecture  dont  les  principes,  aussi  nouveaux  que 
féconds,  sont  absolument  établis  sur  le  raisonne- 
ment et  la  science.  C'est  ce  qu'on  appelle  le  xtyle 
gothique,  probablement  parce    qu'il    n'a  rien   de 


commun  avec  les  Goths  et  qu'il  appartient  à  la  po- 
pulation laïque  française  du  xii'  siècle. 

Comment  cette  architecture  avait-elle  pu  naî- 
tre ainsi  au  sein  des  populations  urbaines  ?  c-r 
il  faut  du  temps  à  un  art  pour  se  constituer. 
C'était  par  le  travail  des  corporations  laïques  qui, 


se  servant  des  cléments  romains  recueillis  et  dé- 
veloppés par  les  couvents,  surent  en  déduire  des 
conséquences  nouvelles.  La  voûte  n'est  plus,  comme 
dans  l'architecture  romaine,  une  croûte  homogène 
que  le  moindre  mouvement  peut  briser,  c'est  en 
quelque  sorte  une  structure  élastique. 


Au  lieu  de  renfermer  les  nerfs  de  la  structure 
de  la  voûte,  comme  les  Romains  l'avaient  fait,  dans 
l'épaisseur  même  de  cette  voiite,  les  maîtres  fran- 
çais du  xii'  siècle  font  de  ces  nerfs  une  armature 
indépendante,  flexible,  sur  laquelle  ils  n'ont  plus 
qu'à  poser  des  remplissages  en  briques  ou  moellons 


ARCHITECTURE 


—  181  — 


ARÉOMÈTRES 


(figure  10,  extraite  du  Dictionnaire  raisonné  de  l'ar- 
chitecture française  de  E.  Viollet-le-Duc,  au  mot 
Constructio7i).  'Ces  nerfs  faits  de  pierre  tenaient 
ainsi  lieu  de  cintres  permanents  et  permettaient  à 
la  construction  de  faire  des  mouvements  sans  se 
briser  ou  se  déformer.  Ils  poussèrent  plus  loin  les 
conséquences  de  ce  principe,  qui  domine  toute  cette 
architecture.  Puisque  les  nerfs  des  voûtes  étaient 
indépendants,  ils  devaient  posséder  chacun  leur 
support  spécial,  ce  qui  permettait  d'élever  ou 
d'abaisser  chacun  de  ces  arcs  indépendamment  des 
autres,  suivant  le  besoin.  Ainsi  ces  maîtres  furent 
amenés  à  composer  les  piliers  de  faisceaux  de  co- 
lonnes, chacune  d'elles  ayant  son  chapiteau  à  la 
hauteur  de  la  naissance  de  l'arc  qu'elle  devait  porter. 

Tenant  à  diminuer,  autant  que  possible,  Ji  l'inté- 
rieur des  grands  vaisseaux,  l'épaisseur  des  piles, 
afin  de  laisser  plus  de  place  à  la  foule,  ils  eurent 
l'idée  de  reporter  toutes  les  poussées  des  voûtes 
à  l'extérieur,  en  ne  se  servar.t  plus  des  piles  que 
comme  de  supports  chargés  par  des  forces  équi- 
librées. 

C'est  ce  qu'indique  très-clairement  la  figure  11 
(extraite  du  même  ouvrage,  au  mot  Architecture), 
qui  présente  une  coupe  perspective  de  la  nef  de 
la  cathédrale  d'Amiens.  On  voit  ici  que  les  pous- 
sées de  la  grande  voûte  sont  équilibrées  par  la 
buttée  des  doubles  arcs-boutants  extérieurs  et  que 
les  piles  verticales  qui  portent  les  voûtes  peuvent 
ainsi  être  réduites  îi  la  plus  faible  section  possible. 

Ce  système  de  voûtes  permettait  d'ouvrir  sous 
leurs  arcs  formerets  (arcs  tracés  le  long  des  murs' 
des  jours  aussi  grands  que  possible  et  de  faire  con- 
sister toute  la  construction  en  des  points  d'appui 
isolés  que  l'on  pouvait  réunir  par  des  clôtures 
pleinesou  à  claire-voie  suivant  le  besoin.  Telle  est, 
dans  son  principe,  l'architecture  ogivale  :  on  ap- 
pelle ogive  la  courbe  donnée  par  deux  segments  de 
cercle  se  rencontrant  suivant  un  angle  plus  ou 
moins  aigu. 

Ce  rationalisme  apporté  dans  l'art  de  l'architec- 
ture ne  se  borna  pas  à  inaugurer  tout  un  système 
de  structure  entièrement  nouveau,  il  s'étendit  jus- 
qu'à la  décoration.  Ainsi  les  maîtres,  abandonnant 
les  reproductions  mille  fois  répétées  des  orne- 
monts  romains  ou  byzantins'  que  l'on  retrouve 
dans  l'architecture  romane,  allèrent  demander 
leurs  modèles  à  la  modeste  flore  des  champs,  aux 
herbacés,  aux  feuillages  des  forêts.  11  semblait 
qu'ils  voulussent  rompre  avec  un  passé  suranné,  et 
en  effet  ils  trouvèrent  un  art  réellement  neuf 
qui  ne  tient  à  ses  devanciers  que  par  des  liens 
à  peine  visibles  et  qui  bientôt  fut  imité  dans 
toute  l'Europe  occidentale. 

Dans  l'architecture  civile,  comme  dans  l'archi- 
tecture militaire,  ces  maîtres  apportèrent  le  même 
sons  droit,  la  même  observation  des  principes 
établis  sur  l'observation  des  phénomènes  de  sta- 
tique, sur  les  qualités  des  matériaux,  sur  l'impé- 
rieuse nécessité  de  satisfaire  avant  tout  aux  pro- 
grammes imposés.  Leurs  habitations  privées,  leurs 
maisons,  sont  des  modèles  de  bon  sens,  do  structure 
économique  et  bien  entendue.  (Voyez,  entre  autres 
exemples,  cette  petite  habitation  faite  pour  deux 
ménages  de  très-modestes  particuliers  du  xni'=  siècle 
dont  le  Dictionnaire  niisonné  de  l'architecture 
française  a  donné  les  plans  et  la  façade,  au  mot 
Maison,  fig.  21  et  22.) 

Nos  pères,  ces  hommes  simples,  h  peine 
connus  de  nous  aujourd'hui,  qui  trouvèrent  cette 
architecture,  laquelle  nous  appartient  et  est  une  des 
gloires  les  moins  discutables  delà  Franco,  ne  sépa- 
rèrent jamais  la  forme  d'art  de  la  structure.  C'était 
la  structure,  li^  besoin  h  satisfaire,  la  nature  dos 
matériaux  employés  qui  commandaient  cette  forme. 

De  l'Ile-do-France  où  elle  était  née,  l'architec- 
ture ogivale  se  répandit  d'abord  dans  les  autres 
provinces  françaises,  puis  dans  les  contrées  voi- 


sines. Introduite  en  Espagne,  elle  s'y  modifia  sous 
l'influence  des  Arabes,  qui  régnaient  alors  dans  ce 
pays.  L'architecture  arabe  se  distingue  surtout  parla 
délicatesse  et  la  profusion  des  ornements  qui  dé- 
rivent essentiellement  de  combinaisons  géométri- 
ques. Elle  avait  au  début  pour  forme  caractéristique 
l'arc  en  forme  de  fer  à  cheval,  ou  cintre  outre- 
passé, mais  elle  sut  également  appliquer  l'ogive, 
tout  en  employant  la  voûte  byzantine. 

Renaissance.  —  Les  caractères  généraux  de  cette 
révolution  qui  se  fit  dans  les  lettres  et  dans  les  arts 
du  milieu  du  xv*  au  milieu  du  xvi«  siècle  sont 
étudiés  ailleurs  (V.  Renaissa?ice).  Notons  seule- 
ment ici  que  l'architecture  participe  au  mouve* 
ment  commun.  Les  Cambiche,  les  Philibert  de 
l'Orme,  les  Jean  Bullant,  les  Pierre  Lescot  ont 
laissé  en  France,  parmi  les  grands  monuments  de  la 
Renaissance,  le  Louvre,  les  châteaux  d'Anet,  de 
Blois,  de  Chambord,  d'Écouen,  etc. 

Toutefois  la  Renaissance  française  eut  long- 
temps le  bon  esprit  de  ne  prendre  à  l'Italie  ou 
à  l'antiquité  romaine  qu'un  vêtement,  sans  mo- 
difier sensiblement  les  principes  constitutifs  de  son 
architecture,  et  ce  ne  fut  qu'au  xvn°  siècle  que  les 
écoles  prétendues  classiques,  en  France,  abandon- 
nèrent ces  principes  pour  se  jeter  hors  de  toute 
critique  dans  l'imitation  des  formes  de  l'antiquité 
sans  en  comprendre  la  raison  d'être. 

Les  siècles  qui  suivirent  la  Renaissance  n'éta- 
blirent pas,  à  proprement  parler,  de  principes 
nouveaux  en  architecture.  En  France,  comme  sur 
toute  la  surface  de  l'Europe,  on  essaya  de  conci- 
lier les  traditions  locales,  les  nécessités  imposées 
par  les  mœurs,  avec  le  désir  de  plus  en  plus  pro- 
noncé d'en  revenir  à  l'architecture  de  l'empire 
romain.  Il  y  eut  bien  chez  nous,  au  commence- 
ment du  xvii^  siècle,  une  tendance  à  chercher  une 
architecture  qui  pût  constituer  tin  art  ayant  son 
caractère  propre,  mais  ces  tentatives  furent  étouf- 
fées sous  le  règne  de  Louis  XIV,  pendant  lequel 
on  inaugura  une  sorte  d'architecture  officielle  qui 
prétendait  ne  relever  que  de  l'antiquité  romaine, 
et  qui  se  distingue  surtout  par  son  faste  et  son 
désir  de  paraître  majestueuse. 

De  fait,  depuis  l'époque  de  la  Renaissance, 
l'architecture  cherche  sa  voie,  penchant  vers  l'i- 
mitation irraisonnée  tantôt  d'un  style ,  tantôt 
d'un  autre.  Aujourd'hui  les  progrès  immenses 
accomplis  par  l'industrie  contraindront  cet  art  à 
s'allier  intimement  avec  la  science  et  à  se  sou- 
mettre aux  lois  imposées  par  le  bon  sens,  la  rai- 
son et  les  nécessités  d'une  civilisation  établie  sur 
des  bases  nouvelles.  Mais  le  travail  n'est  pas  ac- 
compli. [E.  Viollet-le-Duc]. 

cf.  L'architecture  et  l'archéolooie  nationales,  études  à 
l'usage  lies  instituteurs,  par  <l'Heai'iet,  dans  le  Manuel 
général,  années  iS68  et  1S69.  —  Cours  rationnel  de  dessin  à 
l'usage  des  écoles  élémentaires,  par  d'Henriet  :  Dessin 
d'o^-nement,  gr.  in-8.  Paris,  Hachette,  1878. 

AUÉOMÈTRE.  —  Physique,  VIII.—  {Ètym.  :  du 
grec  mélron,  mesure,  aréos,  ténu,  léger,  c'est-à- 
dire. mesure  des  poids  des  corps  peu  denses.) 

Les  aréomètres  sont  des  appareils  flotteurs  des- 
tinés à  déterminer  la  densité  des  liquides  et  des 
solides  ou  à  faire  connaître  rapidement  la  richesse 
de  certains  liquides,  comme  les  acides,  les  alcools, 
et  la  concentration  des  dissolutions  salines.  Ils 
sont  construits  d'après  ce  principe  qu'un  corps 
flottant  déplace  un  volume  do  liquide  dont  le  poids 
est  toujours  égal  au  sien  et  qu'il  s'enfonce,  par 
suite,  d'autant  plus  dans  un  liquide  que  celui-ci 
est  moins  lourd.  Ce  sont  toujours  des  cylindres,  en 
métal  ou  en  verre,  portant  à  leur  partie  inférieure 
un  corps  lourd  ou  lesteur,  destiné  h  les  faire  tenir 
verticalement  dans  les  liquides  où  on  les  plonge. 

On  emploie  deux  classes  d'aréomètres  : 

T'Ceux  que  l'on  fait  plonger  toujours  jusqu'au 
même  point,  en  les  chargeant  de  poids  d'autant 


AREOMETRES 


—  IS'2 


ARITHMETIQUE 


plus  forts  que  les  liquides  sont  plus  lourds  ;  on 
les  dit  à  volume  coristant.  Ils  ne  servent  que  pour 
la  recherche  de  la  densité  des  solides  et  des  li- 
quides; tels  sont  le  flotteur-balance  de  Nicholson 
et  l'aréomètre  de  Fahrenheit  (V.  Densité). 

2°  Ceux  que  l'on  ne  charge  d'aucun  poids,  qui 
s'enfoncent  d'autant  plus  que  le  liquide  est  plus 
léger;  on  les  appelle  aréomètres  h  poids  constant; 
le  volume  immergé  change,  et  ce  sont  ses  varia- 
tions, constatées  sur  la  tige  de  l'appareil,  qui 
donnent,  sur  le  liquide  essayé,  les  indications  qu'on 
désire  avoir. 

Le  corps  de  l'appareil  est  ordinairement  un  cy- 
lindre de  verre  terminé  par  une  ampoule  soutenant 
le  lest  et  surmonté  d'un  petit  tube  formant  la  tige 
et  contenant  une  feuille  qui  porto  la  graduation. 

Les  aréomètres  à  poids  coJistant  sont  nombreux; 
on  en  fait  qui  servent  exclusivement  pour  certains 
liquides,  comme  le  lait,  les  moûts  de  fermenta- 
tion, etc.,  et  que  l'on  appelle  pèse-lait,  pèse-moût, 
pèse-vin.  etc.  Les  trois  plus  communs  sont  :  le 
Baume  pour  les  liquides  plus  lourds  que  l'eau 
(acides  et  sels  dissousy  et  que  l'on  appelle  souvent 
pèse-acides  ou  pèse-sels;  le  Cartier,  pour  les  li- 
quides plus  légers  que  l'eau,  appelé  encore  pèse- 
esprits  ou  pèse-liqueurs,  et  Valcoomètre  centésimal 
de  Gaj'-Lussac,  exclusivement  réserve  aux  mé- 
langes d'alcool  et  d'eau. 

Aucun  de  ces  appareils  ne  donne  directement  la 
densité  du  liquide  où  on  l'a  plongé  ;  mais  on  peut 
l'obtenir  au  moyen  d'une  table  où  se  trouvent 
consignées  les  différentes  densités  correspondant 
aux  degrés  de  l'instrument. 

Le  pèse-acide  de  Baume  est  lesté  de  manière  îi 
enfoncer  dans  l'eau  pure  presque  jusqu'au  haut 
de  la  tige.  C'est  1;\  qu'est  le  point  zéro.  On  com- 
prend en  effet  que  l'instrument  enfoncera  moins 
dans  les  différents  liquides  où  il  sera  plongé,  puis- 
qu'ils sont  tous  plus  lourds  que  l'eau;  la  gradua- 
tion va  donc  en  descendant  sur  la  tige.  Elle  est 
telle  que  l'appareil  s'arrête  au  degré  GG  dans  l'acide 
sulfurique  concentré.  Il  marque  3G"  dans  l'eau-forte 
du  commerce,  2"2°  dans  l'acide  chlorhydrique. 
Dans  les  dissolutions  salines,  il  donne,  suivant  le 
degré  de  concentration  du  liquide,  des  indications 
diverses,  qui  n'indiquent  pas.  il  est  vrai,  le  poids 
du  sel  dissous,  mais  dont  l'industrie  tire  parti 
par  comparaison. 

Le  pèse-liqueurs,  destiné  au  contraire  à  des  li- 
quides plus  légers  que  l'eau,  n'enfonce  dans  ce  der- 
nier qu'à  la  naissance  de  sa  tige,  il  est  lesté  en 
conséquence  et  sa  graduation  est  ascendante.  Il 
marque  10"  dans  l'eau,  40°  dans  l'esprit-de-vin,  G3" 
dans  l'éther  rectifié.  On  a  cessé  de  l'employer 
pour  les  mélanges  alcooliques,  mais  on  continue  de 
s'en  servir  notamment  pour  les  eaux  ammonia- 
cales. 

Valcoomètre  centésimal  de  Gay-Lussac  est  seul 
adopté  en  France  parla  régie  pour  connaître  la  ri- 
chesse des  différents  liquides  qui  contiennent  de 
l'alcool  et  de  l'eau  sans  autre  substance  capable 
d'agir  sur  la  densité  du  mélange.  Sa  forme  est  la 
même  que  celle  des  autres  aréomètres;  il  est  en 
verre  et  lesté  de  manière  à  enfoncer  jusqu'à,  la 
partie  supérieure  de  sa  tige  dans  l'alcool  pur;  on 
marque  100  à  ce  point  et  0"  au  point  où  il  s'arrête 
dans  l'eau  ;  les  nombres  intermédiaires  ont  été 
trouvés  en  faisant  des  mélanges  convenables  d'al- 
cool pur  et  d'eau.  Il  indique  en  centièmes  du  vo- 
lume la  quantité  d'alcool  pur  contenue  dans  un 
liquide.  Ainsi  quand  il  marque  dans  une  eau-de- 
vic  du  commerce  G0°,  c'est  qu'il  y  a  par  100  litres 
60  litres  d'alcool  dans  cet  esprit.  Comme  les  eaux- 
de-vie  et  les  autres  liquides  alcooliques  tirent 
presque  tous  leur  valeur  de  l'alcool  qu'ils  con- 
tiennent, on  comprend  l'importance  des  indications 
de  cet  instrument.  Il  n'y  a  qu'une  seule  réserve  à 
faire:  c'est  que,  quand  la  température  est  différente 


de  15°  au  moment  de  l'essai ,  le  nombre  lu  sur  l'ap- 
pareil doit  être  corrigé  d'après  des  tables  à  double 
entrée  que  l'on  vend  avec  l'aréomètre. 

Expériences.  —  1.  On  prouve  la  nécessite  du 
lest  d'abord  pour  obtenir  l'équilibre  stable  et  en- 
suite pour  élever  ou  abaisser  le  point  d'affleure- 
ment dans  l'eau,  en  faisant  flotter  sur  l'eau  un  tube 
de  verre  fermé  par  un  bout  et  en  y  ajoutant 
quelques  grains  do  plomb  pour  lo  faire  tenir  verti- 
calement et  le  faire  enfoncer  plus  ou  moins. 

2.  On  prend  cet  appareil  lesté  et  on  le  fait 
flotter  dans  une  eau  sucrée,  salée,  ammoniacale;  il 
enfonce  moins  dans  les  deux  premiers  liquides  que 
dans  l'eau  et  plus  dans  le  troisième. 

:{.  On  vérifie  facilement  l'influence  de  la  chaleur 
et  la  nécessité  dos  tables  de  correction  en  plon- 
geant le  même  alcoomètre  dans  la  même  eau-de- 
vie  un  jour  d'hiver  et  un  jour  d'été  :  les  indica- 
tions ne  sont  pas  concordantes,  et  la  table  permet 
de  les  rectifier.  [Haraucourt.1 

ARITH3IETIQUE.  —  (Élym.:à\i  grec, science  des 
nombres.)  —  Tout  le  monde  sait  ce  que  c'est  que 
compter;  et  il  n'est  point  nécessaire  de  cher- 
cher ;\  définir  cette  opération.  On  ne  compte  que 
des  objets  semblables  et  de  même  nom.  L'un 
des  objets  que  l'on  compte  est  ce  que  l'on  appelle 
une  unité,  et  la  réunion  de  plusieurs  unités  est  ce 
que  l'on  appelle  un  nombre;  mais  cette  réunion 
peut  se  réduire  à  une  seule  unité,  en  sorte  que 
Yunité  est  un  7iomljre,  et  le  plus  simple  de  tous. 

Supposons  que  l'on  ait  compté  trente  pommes, 
trente  mètres,  trente  chevaux;  voilà  des  groupes 
d'objets  fort  différents  ;  il  }'  a  cependant  entre 
eux  quelque  chose  de  commun  :  c'est  le  nom- 
bre trente,  qui  exprime  combien  il  y  a  d'objets  dans 
chaque  groupe.  Un  nombre  considéré  ainsi,  abstrac- 
tion faite  de  l'espèce  des  unités  dont  il  se  compose, 
est  ce  qu'on  nomme  un  nombre  abstrait;  si  l'es- 
pèce des  unités  était  exprimée,  on  aurait  un  nom- 
bre concret.  Ainsi  trente  est  un  nombre  abstrait  ; 
trente  pommes,  trente  mètres,  etc.,  sont  des  nom- 
bres concrets. 

L'arithmétique  est  la  partie  des  mathématiques 
qui  traite  des  nombres  ;  elle  étudie  la  manière  dont 
ils  se  forment,  et  la  manière  dont  ils  se  combinent, 
particulièrement  dans  les  questions  d'une  applica- 
tion pratique. 

Nous  donnons  ci-dessous  le  programme  d'un 
cours  d'arithmétique,  en  désignant  par  les  let- 
tres C.  S,  les  parties  qui  n'intéressent  que  le  cours 
supérieur,  et  par  les  lettres  E.  N.  celles  qui  ne  sont 
étudiées  que  dans  les  écoles  normales.  Les  ma- 
tières qui  ne  portent  aucune  indication  constituent 
le  cours  nioyen.  Quant  au  cours  élémentaire,  qui 
ne  comprend  que  la  numération  jusqu'à  mille,  les 
quatre  opérations  sur  les  nombres  entiers,  et  les 
premières  notions  du  système  métrique,  on  verra  à 
l'art.  Arithmétique  de  la  l'e  Partie  dans  quel 
esprit,  dans  quelle  mesure  et  d'après  quelles  mé- 
thodes ce  premier  enseignement  doit  être  donné. 

Pour  le  développement  des  leçons,  nous  ren- 
voyons aux  articles  correspondants  de  ce  Diction- 
naire. 

PROGRAMME    D'ARITHMÉTIQUE. 

XLMÉn.\TI0N"  ET  OPKR.iTIONS  SCH  LES  NOMBRES  ENTIERS. 

I.  Unité,  nombres  ;  nombres  abstraits,  nombres 
concrets.  Nîimératio)i  parlée  :  noms  des  nombres 
de  un  h  mille.  Dizaines,  centaines.  Décomposition 
des  nombres  en  leurs  divers  ordres  d'unités.  — 
Énoncer  un  nombre  connaissant  les  unités  des  di- 
vers ordres  dont  il  se  compose.  —  V.  les  art.  Arith- 
métique, Calcul  etNumération. 

II.  Suite  de  la  numération  parlée.  Unités  princi- 
pales :  unités,  mille,  millions,  billions  ou  milliards. 
Décomposition  d'un  nombre  en  ses  divers  ordres 
d'unités.  Énoncer  un  nombre  connaissant  les  divers 
ordres  d'unités  qu'il  renferme.  — V.  Numération. 


ARITHMETIQUE 


183  — 


ARITHMETIQUE 


•  III.  Numération  écrite.  —  Chiffres  :  valeur  ab- 
solue, valeur  relative  ou  de  position.  Zéro.  Tranches 
de  trois  chiflres.  —  Écrire  un  nombre  énoncé. 
Énoncer  un  nombre  écrit.  Exercices  sur  la  numé- 
ration. —  V.  Numération. 

IV.  Addition.  —  Addition  de  deux  nombres  d'un 
seul  chiffre.  Table  d"addition.  Additions  de  plusieurs 
nombi-es  d'un  seul  chiffre.  Addition  de  plusieurs 
nombres  entiers  quelconques.  Preuve.  —  V.  Addi- 
tion. 

V.  Soustraction.  —  Cas  où,  le  plus  petit  nombre 
n'ayant  qu'un  chiffre,  le  plus  grand  ne  le  surpasse 
pas  de  plus  de  9.  Soustraction  de  deux  nombres  de 
plusieurs  chiffres,  dans  le  cas  où  chaque  chiffre  du 
nombre  inférieur  est  plus  petit  que  le  chiffre  cor- 
respondant du  nombre  supérieur.  Soustraction  dans 
le  cas  général  ;  méliiode  dite  de  compensation. 
Preuve.  —  V.  Soustractioji. 

VI.  Multiplication.  —  C'estune  addition  abrégée. 
Multiplication  de  deux  nombres  d'un  seul  chiffre. 
Table  de  multiplication.  Multiplication  par  10,  100, 
1000,  etc.  —  V.  Midtiplication. 

VII.  Multiplication  par  un  nombre  d'un  seul 
chiffre.  Multiplication  par  un  nombre  de  plusieurs 
chiffres.  On  peut  intervertir  l'ordre  des  deux  fac- 
teurs. Preuve  de  la  multiplication.  —  V.  Multipli- 
cation. 

VIII.  Principes  de  la  midtiplication.  —  Multiples 
d'un  nombre.  Multiplications  successives,  C.  S.  On 
peut  intervertir  l'ordre  de  deux  facteurs  consécu- 
tifs. On  peut  faire  les  multiplications  dans  un  ordre 
quelconque.  Au  lieu  de  multiplier  par  un  produit 
effectué,  on  peut  multiplier  successivement  par 
chacun  de  ses  facteurs.  Puissances  d'un  nombre. 
—  V.  Multiplication. 

IX.  Division.  — Divers  points  de  vue  sous  lesquels 
on  peut  envisager  l'opération  ;  on  pourrait  la  rem- 
placer par  des  soustractions  répétées.  Cas  où  le 
diviseur  n'ayant  qu'un  chiffre,  le  dividende  ne  sur-- 
passe  pas  9  fois  le  diviseur.  Reste,  dans  le  cas  où 
la  division  ne  peut  s'opérer  exactement.  Division 
par  un  nombre  d'un  seul  chiffre.  —  V.  Division. 

X.  Division  par  un  nombre  de  plusieurs  chiffres. 
Preuve.  —  V.  Division. 

XI.  Principes  de  la  division.  —  Diviseurs  d'un 
nombre.  Tout  nombre  qui  en  divise  deux  autres 
divise  leur  somme  et  leur  différence.  Tout  diviseur 
d'un  nombre  divise  ses  multiples.  Caractères  de 
divisibilité  des  nombres  par  '2,  3,  4,  5,  9,  il.  Preuve 
par  9  de  la  multiplication  et  de  la  division.  —  V.  Divi- 
seurs. 

XII.  C.  S.  Nombres  premiers.  —  Décomposition 
d'un  nombre  en  ses  facteurs  premiers. — V.  Diviseurs. 

Xlir.  C.  S.  Diviseurs  communs  à  plusieurs  nom- 
bres. Plus  grand  commun  diviseur.  Nombres  pre- 
miers entre  eux.  Tout  nombre  qui  divise  un  pro- 
duit de  deux  facteurs,  et  qui  est  premier  avec  l'un 
d'eux,  divise  l'autre.  Tout  nombre  premier  qui 
divise  un  produit  divise  l'un  de  ses  facteurs.  Plus 
petit  multiple  commun  de  plusieurs  nombres. — V. 
Diviseurs. 

XIV.  Procédés  particuliers  usités  dans  le  calcul 
mental.  —  V.  Calcul  mental. 

NOMBRES  DÉCIMAUX. 

XV.  Numération  des  nombres  décimaux.  —  Dépla- 
cement de  la  virgule.  Zéros  placés  à  droite.  Frac- 
tions décimales.  Valeur  approchée  par  défaut  ou 
par  excès.  —  V.  Nombres  décimaux  et  Calcul. 

XVI.  Addition  ou  soustraction  des.  nombres  déci- 
maux. —  V.  Nombres  décimaux. 

XVII.  Mi'ltiplication  des  nombres  décimaux.  — 
Sens  qu'il  faut  attacher  à  l'opération  quand  le  mul- 
tiplicateur est  une  fraction  décimale  ou  un  nombre 
décimal.  Nombre  des  décimales  du  produit.  —  V. 
nombres  décimaux. 

XVIII.  Division  des  nombres  décimaux.  —  Cas  où 
«e  diviseur  est  entier  ;   cas  où  le  diviseur  est  un 


nombre  décimal.  Valeurs  approchées  du  quotient. 
—  V.  Nombres  décimaux. 

FKACTIO.NS   ORDINAIRES. 

XIX.  Définition  des  fractions  ordinaires.  Varia- 
tions qu'une  fraction  éprouve  quand  on  fait  varier 
ses  termes.  Réduction  d'un  nombre  entier  à  la 
forme  fractionnaire.  Expressions  fractionnaires. 
Extraction  des  entiers  contenus  dans  une  pareille 
expression.  —  V.  Fractions. 

XX.  Réduction  d'une  fraction  à  une  expression 
plus  simple  ;  C.  S  à  la  plus  simple  expression.  Ré- 
duction des  fractions  au  même  dénominateur  ;  C. 
S.  au  plus  petit  dénominateur  commun.  —  Y.  Frac- 
tions. 

XXI.  Addition  des  fractions.  —  Cas  où  elles  sont 
accompagnées  de  nombres  entiers.  —  V.  Fractions. 

XXII.  Soustraction  des  fractions.  —  Cas  où  elles 
sont  accompagnées  de  nombres  entiers.  Cas  où  la 
fraction  qui  accompagne  le  plus  petit  nombre  est 
la  plus  grande.  —  V.  Fractions. 

XXIII.  Multiplication  des  fractions.  —  Sens  qu'il 
faut  attribuer  à  l'opération  quand  le  multiplicateur 
est  une  fraction.  Fractions  de  fractions.  —  V.  Frac- 
tions. 

XXIV.  Division  des  fractions.  —  Cas  où  le  diviseur 
est  entier;  cas  où  le  diviseur  est  une  fraction.  — 
V.  Fractions. 

XXV.  Réduction  d'une  fraction  décimale  en  frac- 
tion ordinaire.  Réduction  d'une  fraction  ordinaire 
en  fraction  décimale.  C.  S.  Quotient  périodique.  — 
V.  Fractions. 

SYSTÈME   MÉTRIQUE. 

XXVI.  Notions  générales  sur  les  mesures.  No- 
menclature des  unités  principales  du  système 
légal  des  poids  et  mesures.  Historique.  —  V.  Sijs- 
tème  métrique. 

XXVII.  Mètre.  —  Multiples  et  sous-multiples. 
Exercices.  —  V.  Système  métrique. 

XXVIII.  Mètre  carré.  —  Multiples  et  sous-multi- 
ples. Exercices.  —  V.  Système  métrique. 

XXIX.  Mètre  cube.  —  Multiples  et  sous-multiples. 
Exercices.  —  V.  Système  métrique. 

XXX.  Stère.  —  Multiples  et  sous-multiples.  Exer- 
cices. —  V.  Système  métrique. 

XXXI.  Litre.  —  Multiples  et  sous-multiples.  Exer- 
cices. —  V.  Système  métrique. 

XXXII.  Gramme.  —  Multiples  et  sous-multiples. 
Quintal  métrique.  Tonne.  Exercices.- — V.  Système 
métrique. 

XXXIII.  C.  S.  Relation  entre  les  poids  et  les  vo- 
lumes d'eau  correspondants.  Exercices.  —  V.  Sys- 
tème métrique. 

XXXIV.  Franc.  —  Décime.  Centime.  Monnaies 
d'or,  d'argent,  de  bronze  adoptées  en  France.  Exer- 
cices. —  V.  Système  métrique. 

XXXV.  C.  S.  Titre  des  monnaies.  Exercices  sur 
le  poids,  le  titre  et  la  valeur  des  monnaies  d'or  et 
d'argent.  —  V.  Système  métrique. 

XXXVI.  Mesure  du  temps.  —  Année,  mois,  jour, 
heure,  minute,  seconde.  Opérations  et  exercices  sur 
ces  mesures. —  V.  Temps  {Mesure  du). 

XXXVII.  C.  S.  Conversion  des  anciennes  mesu- 
res en  mesures  nouvelles,  et  réciproquement.  Ta- 
bleaux de  conversion.  —  V.  Mesures  anciennes 
{Conversion  des). 

RAPPORTS  ET  PROPORTIONS. 

XXXVIII.  /?ff;ji;jo?-^; antécédent,  conséquent.  Deux 
de  ces  trois  quantités  étant  connues,  calculer  la 
troisième.  Exemples  pris  dans  le  système  métrique; 
C.  S.  dans  les  mesures  anciennes.  —  V.  Rapports. 

XXXIX.  C.  S.  Égalité  de  deux  rapports  ou  pro- 
pnrtion.  Le  produit  des  extrêmes  est  égal  au  pro- 
duit des  moyens.  Calcul  d'un  terme  connaissant  les 
trois  autres.  Suite  de  rapports  égaux.  Rapport  en 


ARITHMETIQUE 


—  184  — 


ARITHMETIQUE 


tre  la  somme  des  antécédents  et  la  somme  des 
conséquents.  —  V.  Proportions. 

XL.  Règle  de  trois,  simple,  directe,  inverse.  So- 
lution des  problèmes  de  ce  genre  :  1"  par  la  mé- 
thode de  l'unité  :  2°  C.  S.  par  l'emploi  dune  pro- 
portion. —  V.  Règle  de  trois. 

XLI.  Règle  de  trois  composée.  Solution  des  pro- 
blèmes de  ce  genre  :  1"  par  la  méthode  de  l'unité  ; 
2°  G.  S.  par  l'emploi  des  proportions.  —  V.  Règle 
de  trois. 

XLII.  Règle  d'intérêt  simple.  — Divers  cas  suivant 
que  l'inconnue  est  l'intérêt,  le  capital,  le  temps,  ou 
le  taux.  Problème  de  l'échéance  commune.  —  V. 
Intérêt  simple  {Règle  de). 

XLIII.  Règle  d'escompte.  Escompte  commercial; 
cas  divers  suivant  que  l'inconnue  est  l'escompte, 
le  capital  primitif,  le  capital  escompté,  le  temps  ou 
le  taux.  C.  S.  Escompte  en  dedans.  —  '\ .  Escompte 
{Règle  d'). 

XLIV.  Règle  de  société,  ou  de  partage  propor- 
tionnel. Problèmes.  —  V.  Société  (liègle  de). 

XLV.  Règle  de  mélange,  ou  d'/dliage.  —  Cas  di- 
rect. C.  S.  Cas  inverse.  —  V.  Mélcinge  [Règle  de), 
et  Alliage  (Règle  d'). 

XL VI.  C.  S.  Rentes,  Actioiis  industrielles,  Obli- 
gations, Caisse  d'épargne.  —  V.  ces  mots. 

E.  N.   RACINES    CARRÉES  OU  CUBIQUES. 

XLVII.  Carré  d'un  nombre  ;  carres  des  dix  pre- 
miers nombres.  Carré  d'un  nombre  composé  de 
dizaines  et  d'unités.  Racine  carrée  d'un  nombre  en- 
tier moindre  que  100.  But  de  l'opération  quand  le 
nombre  donné  n'est  pas  un  carré  exact.  —  V.  Car- 
rés pXCuhes.  Racine  carrée. 

XL VIII.  Racine  carrée  d'un  nombre  entier  quel- 
conque. Racine  carrée  d'un  nombre  décimal.  Racine 
carrée  d'une  fraction.  Racine  carrée  d'un  nombre 
quelconque  à  une  approximation  donnée.  —  V. 
Racine  carrée. 

XLIX.  Cube  d'un  nombre  ;  cubes  des  dix  premiers 
nombres.  Cube  d'un  nombre  composé  de  dizaines 
et  d'unités.  Racine  cubique  d'un  nombre  entier 
moindre  que  1000.  But  de  l'opération  quand  le 
nombre  donné  n'est  pas  un  cube  exact.  —  V.  Car- 
rés et  CuOes.  Racine  cubique. 

L.  Racine  cubique  d'un  nombre  entier  ou  déci- 
mal. Racine  cubique  approchée  à  moins,  d'un 
dixième,  d'un  centième,  d'un  millième,  etc.  —  V. 
Racine  cubique. 

E.    X.  PROGRESSIONS  ET   I.OG.\RITHMES. 

Ll.  Progressiotis  arithmétiques.  —  Calcul  d'un  ter- 
me de  rang  déterminé.  Insérer  des  moyens  arithmé- 
tiques entre  deux  termes  consécutifs.  Calcul  de  la 
somme  des  termes.  Exercices.  —  V.  Progressions . 

LU.  Progressions  géométriques.  —  Calcul  d'un 
terme  d'un  rangdéterminé.  Insérer  des  moyens  géo- 
métriques entre  deux  termes  consécutifs.  Calcul  de 
la  somme  des  termes.  Limite  vers  laquelle  tend  la 
somme  des  termes  d'une  progression  géométrique 
décroissante.  — ■  V.  Progression. 

LUI.  Logarithmes. —  Leur  définition  parles  pro- 
gressions. Leur  propriété  fondamentale.  Xotions 
sur  la  construction  des  tables  de  logarithmes.  Rè- 
gles du  calcul  par  logarithmes.  —  V.  LognrifJimes. 

LIV.  Usage  des  tables  de  logarithmes  à  7  déci- 
males. Caractéristique.  Étant  donné  un  nombre, 
trouver  son  logarithme.  Étant  donné  un  logarithme, 
trouver  le  nombre  correspondant.  —  V.  Loga- 
rithmes. 

LV.  Intérêts  composés.  Annuités.  Banque.  — 
V.  ces  mots, 

LVI.  Amortissement.  Crédit  foncier.  —  V.  ces 
mots. 

Il  est  entendu  qu'au  point  de  vue  de  la  distribu- 
tion des  matières  en  50  leçons  ce  programme 
n'a  rien  d'absolu.  Suivant  la  force  des  élèves,  sui- 
vant  les   hasards    mêmes   de   l'enseignement,   le 


professeur  demeurera  maître  d'insister  davantage 
sur  certains  points,  de  passer  plus  promptement 
sur  d'autres,  de  scinder  une  leçon  en  deux,  ou  d'en 
réunir  deux  en  une  seule.  Nous  n'avons  voulu 
tracer  qu'un  spécimen  du  cours,  qui  pourra  servir 
de  point  de  départ,  mais  qui  pourra  aussi  recevoir 
toutes  les  modifications  jugées  utiles  dans  l'intérêt 
des  élèves.  [H.  Sonnet.] 

PROGRAMMES    FRANÇAIS. 

A  côté  de  ce  programme,  —  qui  est  celui  de  c& 
dictionnaire,  —  il  n'est  pas  inutile  de  mettre  sous  les 
yeux  des  instituteurs  un  choix  de  programmes 
français  et  étrangers,  les  uns  absolument  officiels, 
les  autres  représentant  la  tradition  et  les  usages 
consacrés  par  la  pratique  des  examens. 

I.  Programme  du  brevet  complet,  1"  série  fFrance). 

Ce  pro^r.nmme  n'a  pas  tliî  caractère  officiel,  mais  il  peut 
èfrc  considéré  comme  donnant  bien  la  physionomie  ordinaire 
d(«  examens.  Nous  l'empruntons  au  Gvl'le  des  aspirants  et 
aspirantes  aux  divers , brevets  de  capacité,  par  31.  A.  Lenient, 
directeur  de  l'École  normale  de  la  Seine. 

ARITHMÉTIQUE. 

.  Définitions  préliminaii^es .  —  Ce  qu'on  appelle 
grandeur  ou  quantité,  unité,  nombre.  —  Diverses 
espèces  de  nombres. 

Numération.  —  Objet  de  la  numération.  —  For- 
mation des  nombres.  —  Numération  parlée.  —  Nu- 
mération écrite.  —  Règle  à  suivre  pour  écrire  en 
chiffres  un  nombre  énoncé.  —  Traduire  en  langage 
ordinaire  un  nombre  écrit  en  chiffres. 

Addition.  —  Objet  de  cette  opération.  —  Règle 
à  suivre  pour  additionner  plusieurs  nombres.  — 
Preuve  de  l'addition. 

Soustraction.  —  Théorie  de  celte  opération.  — 
Sa  preuve  par  l'addition. 

■  Multiplication.  —  Définition  de  la  multiplication. 
—  Ce  qu'on  appelle  multiplicande,  multiplicateur, 
produit,  facteurs  du  produit.  —  La  multiplication 
lî'est  qu'une  addition  abrégée.  —  Nature  des  uni- 
tés du  produit.  —  Multiplication  d'un  nombre 
quelconque  par  l'unité  suivie  de  plusieurs  zéros. 

Différents  cas  qui  peuvent  se  présenter  dans  la 
multiplication  :  1"  multiplier  l'un  par  l'autre  deux 
nombres  d'un  seul  chiffre:  table  de  Pj^thagore; 
2"  multiplier  un  nombre  de  plusieurs  chiffres  par 
un  nombre  d'un  seul  chiffre  ;  -S»  multiplier  un  nom- 
bre de  plusieurs  chiffres  par  un  nombre  de  plu- 
sieurs chiffres.  —  Ce  que  l'on  doit  faire  quand  il 
y  a  un  ou  plusieurs  zéros  à  la  droite  du  multipli- 
cande, ou  à  la  droite  du  multiplicateur,  ou  bien  à 
la  droite  des  deux  facteurs. 

Principes  relatifs  h  la  multiplication.  —  Nombre 
de  chiffres  dont  peut  se  composer  le  produit  de 
deux  facteurs.  —  Le  produit  de  plusieurs  nombres 
ne  change  pas  quand  on  intervertit  l'ordre  des 
facteurs.  —  Multiplication  d'un  nombre  par  le  pro- 
duit de  plusieurs   facteurs  d'un  certain  nombre. 

Ce  qu'on  appelle  multiples  et  puissances  d'un 
nombre.  —  Usages  de  la  multiplication.  —  Preuve 
de  la  multiplication. 

Division.  —  Définition  de  cette  opération.  —  Ce 
qu'on  appelle  dividende,  diviseur,  quotient.  —  La 
division  n'est  qu'une  soustraction  abrégée. 

Différents  cas  que  peut  présenter  la  division  : 
1°  lorsque  le  diviseur  est  un  nombre  exprimé  par 
tin  seul  chifl're  et  que  le  dividende  est  moindre 
que  dix  fois  le  diviseur;  2"  lorsqtie.  le  dividende  et 
le  diviseur  étant  quelconques,  le  quotient  n'a 
qu'un  seul  chiffre  ;  îl»  lorsque,  les  deux  termes  étant 
dos  nombres  quelconques,  le  quotient  a  plusieurs 
ciiifl'res.  —  Comment  on  reconnaît  qu'un  chiffre 
placé  au  quotient  est  trop  fort  ou  trop  faible.  — 
Procédés  à  suivre  pour  effectuer  sans  tâtonnements 
la  division  d'un  dividende  partiel  par  le  diviseur. 

Principes  relatifs  à  la  division.  —  Division  d'un 


ARITHMETIQUE 


185 


ARITHMETIQUE 


produit  de  plusieurs  facteurs  par  un  certain  nom- 
bre. —  Division  d'un  nombre  par  un  produit  de 
plusieurs  facteurs.  —  Cas  où  le  dividende  et  le  di- 
viseur sont  termines  par  des  zéros.  —  Lorsqu'on 
multiplie  ou  qu'on  divise  le  dividende  et  le  divi- 
seur par  un  même  nombre,  la  division  des  résultats 
obtenus  donne  le  même  quotient;  mais  le  reste, 
s'il  y  en  a  un,  est  multiplié  ou  divisé  par  ce  nom- 
bre. 

Usages  de  la  division.  —  Preuve  de  la  division. 

Divhi'jilitê  des  nombres.  —  Définitions  et  princi- 
pes généraux.  —  Lorsqu'un  nombre  en  divise  plu- 
sieurs, il  divise  leur  somme.  —  Tout  nombre  qui 
en  divise  un  autre  divise  ses  multiples.  —  Lors- 
qu'un nombre  en  divise  deux  autres,  il  divise  leur 
difrérence. 

Tout  nombre  qui  divise  une  somme  de  deux 
parties  et  l'une  de  ces  deux  parties,  divise  l'autre. 

—  Un  nombre  étant  composé  de  deux  parties,  tout 
nombre  qui  divise  l'une  de  ces  parties  sans  diviser 
l'autre  ne  divise  pas  la  somme.  —  La  division  du 
nombre  donné  et  celle  de  la  partie  non  divisible 
par  le  diviseur  donnent  alors  le  même  reste. 

Caractères  de  divisibilité  par  "2  et  par  5,  par  4 
et  2.^,  par  8  et  125.  —  Divisibilité  par  9  et  par  3. 

—  Caractère  de  divisibilité  par  1 1 . 

Preuves  par  9  de  la  multiplication  et  de  la  divi- 
sion. —  Théorie  et  pratique. 

Ce  qu'on  appelle  plus  grand  commun  diviseur 
de  plusieurs  nombres.  —  Théorie  de  la  recherche 
du  plus  grand  commun  diviseur  de  deux  nombres. 

—  Tout  nombre  qui  en  divise  deux  autres  divise 
leur  plus  grand  commun  diviseur.  —  Recherche 
du  plus  graud  commun  diviseur  de  plusieurs  nom- 
bres. 

Sombres  premiers.  —  Définition.  —  La  suite  des 
nombres  premiers  est  illimitée.  —  Méthode  suivie 
pour  trouver  quels  sont,  dans  la  suite  naturelle 
des  nombres,  ceux  qui  sont  premiers.  —  Marche  à 
suivre  pour  décomposer  un  nombre  en  ses  facteurs 
premiers. 

Théorèmes  relatifs  aux  nombres  premiers.  Tout 
nombre  qui  divise  un  produit  de  plusieurs  facteurs 
et  qui  est  premier  avec  l'un  d'eux  divise  nécessai- 
rement l'autre.  —  Tout  nombre  premier  qui  divise 
un  produit  divise  en  même  temps  un  des  facteurs 
de  ce  produit.  —  Lorsqu'un  nombre  est  divisible 
par  plusieurs  nombres  premiers  entre  eux  deux  à 
deux,  il  l'est  aussi  parleur  produit.  —  Former  tous 
les  diviseurs  d'un  nombre. 

Conditions  nécessaires  pour  qu'un  nombre  en 
divise  un  autre  et  pour  qu'un  nombre  soit  divisible 
par  un  autre.  —  Détermination  du  plus  grand  com- 
mun diviseur  de  plusieurs  nombres  au  moyen  des 
facteurs  premiers  de  ces  nombres.  Trouver  le  plus 
petit  nombre  divisible  à  la  fois  par  plusieurs  nom- 
bres donnés. 

Fractions  ordinau'es.  —  Définition  et  origine 
des  fractions.  —  Ce  qu'on  appelle  numérateur,  dé- 
nominateur. —  Manière  d'écrire  et  de  lire  une 
fraction.  —  Expressions  fractionnaires  et  nombres 
fractionnaires. 

Propriétés  fondamentales  des  fractions.  —  Com- 
ment on  rend  une  fraction  un  certain  nombre  de 
fois  plus  grande  ou  plus  j^etite.  —  Une  fraction  ne 
change  pas  de  valeur  quand  on  multiplie  ou  qu'on 
divise  ses  deux  termes  par  un  même  nombre. 

Ce  qu'il  arrive  lorsqu'on  augmente  ou  qu'on  di- 
minue dun  même  nombre  les  deux  termes  d'une 
fraction  ou  d'une  expression  fractionnaire. 

Simpli/iCiitiun  des  fractions.  —  Une  fraction  ir- 
réductible est  celle  qui  ne  peut  pas  être  écrite  en 
termes  plus  simples.  —  Règle  à  suivre  pour  ré- 
duire une  fraction  à  sa  plus  simple  expression. 

lli^'/ucfion  des  fractions  au  même  dénominateur. 

—  Théorie  et  pratique.  —  Réduction  des  fractions 
à  leur  plus  petit  dénominateur  commun. 

Addition  des  fractionu  —  Règle  à  suivre  pour 


additionner  des  fractions  ayant  le  même  dénomina- 
teur ou  des  dénominateurs  différents.  —  Addition 
des  nombres  fractionnaires. 

Soustraction  det  fractions.  —  Différents  cas  que 
peut  présenter  la  soustraction  des  fractions  ou  des- 
nombres  fractionnaires. 

Midtiplication  des  fractions.  —  Multiplication 
d'une  fraction  par  un  nombre  entier.  —  Multipli- 
cation d'un  nombre  entier  par  une  fraction.  — 
Multiplication  d'une  fraction  par  une  fraction.  — 
Cas  où  les  facteurs  sont  des  nombres  fractionnai- 
res. —  Ce  que  l'on  appelle  fraction  de  fraction.  — 
Trouver  une  fraction  ordinaire  équivalente  à  une 
fraction  de  fraction. 

Division  des  fractions.  —  Division  d'une  fraction 
par  un  nombre  entier.  —  Division  d'un  nombre 
entier  par  une  fraction.  —  Division  d'une  fraction 
par  une  fraction.  —  Cas  où  le  dividende  et  le  divi- 
seur sont  des  nombres  fractionnaires. 

Extension  aux  fractions  des  propriétés  relatives 
aux  facteurs  et  aux  diviseurs,  étudiées  dans  la  mul- 
tiplication et  la  division  des  nombres  entiers. 

Fractions  décimales.  —  Numération  des  frac- 
tions décimales.  —  Manière  d'écrire  en  chilïres  un 
nombre  décimal  énoncé  ou  une  fraction  décimale. 
—  Traduire  en  langage  ordinaire  un  nombre  dé- 
cimal. 

On  ne  change  pas  la  valeur  d'une  fraction  déci- 
male en  écrivant  ou  en  supprimant  sur  sa  droite 
un  ou  plusieurs  zéros.  —  Ce  qu'il  arrive  lorsqu'on 
avance  la  virgule  de  plusieurs  rangs  vers  la  droite 
ou  vers  la  gauche  d'un  nombre  décimal. 

Addition.  —  Soustraction.  —  Multiplication  des^ 
nombres  décim<iux. 

Divisio?i  des  nombres  décimaux.  —  Division 
d'un  nombre  décimal  par  un  nombre  entier.  — 
Division  d'un  nombre  décimal  par  un  nombre  déci- 
mal. —  Division  d'un  nombre  entier  par  un  nombre 
décimal.  —  Quand  le  diviseur  est  un  nombre  en- 
tier, le  quotient  est  exact  à  moins  d'une  unité  de 
l'ordre  dont  est  le  dernier  chiffre  du  dividende. 

Manière  d'obtenir  le  quotient  de  deux  nombres  à. 
moins  d'une  unité  décimale  d'un  ordre  donné. 

Conversion  des  fractions  ordinaires  en  fractions 
décimales.  —  Exposé  de  la  méthode  générale  de 
réduction.  —  Définition  des  fractions  décimales  pé- 
riodiques. —  Conditions  nécessaires  et  suffisantes 
pour  qu'une  fraction  ordinaire  soit  exactement  ré- 
ductible en  décimales.  —  Nombre  do  chifi'res  déci- 
maux que  devra  contenir  alors  l'expression  déci- 
male de  la  fraction  proposée. 

Caractères  auxquels  on  peut  reconnaître  que  la 
fraction  décimale  résultante  sera  périodique.  — 
Nombre  maximum  de  chiffres  que  pourra  contenir 
la  période. 

Conversion  de^  fractions  décimales  en  fractions 
ordinaire^.  —  Règle  générale.  —  Étant  donnée 
itne  fraction  décimale  périodique  simple  ou  mixte, 
trouver  la  fraction  ordinaire  génératrice. 

Caractères  auxquels  on  reconnaît  qu'une  fraction 
ordinaire  irréductible  est  équivalente  à  une  frac- 
tion périodique  pure  ou  à  une  fraction  périodique 
mixte.  —  Nombre  de  chiffres  irrcguliers  que, 
dans  ce  dernier  cas,  la  fraction  décimale  devra 
contenir. 

Approcher  de  la  valeur  d'un  nombre  décimal  à 
moins  d'une  demi-unité  d'un  ordre  décimal  donné. 

Système  métrique.  —  Ce  qu'on  appelle  mesu- 
rer une  quantité.  —  Diverses  espèces  de  mesures. 

Mesures  de  lonr/ueur.  —  Mètre  ;  ses  divisions, 
ses  multiples.  —  Rapports  de  l'ancienne  toise  de 
six  pieds  au  mètre. 

M f sures  de  surface  ou  de  superficie.  —  Mètre 
carré  ;  ses  multiples  et  ses  sous-multiples.  —  Re- 
lations qui  existent  entre  ces  diverses  mesures. 

Mesures  agraires  ;  are,  hectare,  centiare.  — 
Rapport  de  ces  mesures  au  mètre  carré.  —  Me- 
sures topographiquos. 


ARITHMETIQUE 


18G  — 


ARITHMETIQUE 


Mesures  de  volume.  —  Mètre  cube.  —  Ses  sous- 
multiples.  —  Démontrer  que  chacune  des  unités 
de  volume  est  mille  fois  plus  grande  que  l'unité 
immédiatement  inférieure.  —  Stère. 

Mesures  fie  capacité.  —  Litre  ;  ses  multiples  et 
ses  sous-multiples.  —  Rapport  de  ces  mesures 
avec  le  mètre  cube.  —  Formes  et  dimensions  des 
diverses  mesures  employées. 

Mesures  de  povls.  —  Gramme  ;  subdivisions  et 
multiples  usités. 

Monn<ties.  —  Franc.  —  Subdivisions  en  usage. 

—  Diamètre  et  poids  des  monnaies  de  France.  — 
Rapport,  à  poids  égal,  de  la  valeur  de  l'or  à  la  va- 
leur de  l'argent. 

Titre  des  monnaies  et  de  l'orfèvrerie. 

Calcul  di;  grandeurs  rapportées  aux  unités  du 
système  métrique.  —  Numération  des  mesures  mé- 
triques. Opérations  sur  ces  mesures.  —  Convertir 
un  nombre  quelconque  d'unités  métriques  en  uni- 
tés de  l'ordre  immédiatement  supérieur  ou  infé- 
rieur. —  Usage  des  tables  de  conversion  des  an- 
ciennes mesures  légales. 

Calcul  des  nombres  complexes  tirés  de  la  divi- 
sion de  la  circonférence  et  du  temps. 

Racine  carrée.  —  Définition  du  carré  et  de  la 
racine  carrée  d'un  nombre.  —  Composition  du 
carré  de  la  somme  de  deux  nombres.  —  Extrac- 
tion de  la  racine  carrée  d'un  nombre  plus  petit 
que  100. 

Extraction  de  la  racine  carrée  d'un  nombre 
plus  grand  que  100.  —  ïliéorie  et  pratique. 

Caractères  auxquels  on  reconnaît  qu'un  chiffre 
mis  à  la  racine  est  exact.  —  Dire  si  une  racine  est 
erronée  de  plus  ou  de  moins  d'une  demi-unité.  — 
Extraction  de  la  racine  carrée  d'un  nombre  entier 
à  moins  d'une  unité  décimale  donnée. 

Extraction  de  la  racijie  carrée  n'iin  nombre  dé- 
cimal. 

Extraction  de  la  racine  carrée  /l'une  fraction. 

—  Règle  à  suivre  :  1»  lorsque  les  deux  termes  de 
la  fraction  proposée  sont  dos  carrés  parfaits  ; 
2"  lorsque,  des  deux  termes  de  la  fraction,  le 
dénominateur  seul  est  un  carré  parfait  ;  3o  lorsque 
le  dénominateur  n'est  pas  un  carré  parfait. 

Trouver  la  racine  carrée  d'une  fraction  ordinaire 
à  moins  d'une  unité  décimale  donnée.  —  Extrac- 
tion d'une  racine  dont  l'indice  est  une  puissance 
parfaite  de  2. 

Racine  cubique.  —  Définition  du  cube  et  de  la 
racine  cubique  d'un  nombre.  —  Composition  du 
cube  d'un  nombre  renfermant  dos  dizaines  et  des 
unités.  —  Extraction  de  la  racine  cubique  d'un 
nombre  plus  petit  que  lOdO. 

Extraction  de  la  racijie  cubique  d'un  nombre 
plus  grand  que  1000.  —  Théorie  et  pratique. 

IMoyen  de  s'assurer  de  l'exactitude  d'un  chiffre 
écrit  à  la  racine. 

Trouver  la  racine  cubique  d'un  nombre  entier  à 
moins  dune  unité  décimale  donnée. 

Extraction  de  la  racine  cubique  d'un  jiom'.rc 
de'cimal. 

Extraction  de  la  racine  cubique  'l'une  fraction. 

—  Règle  à  suivre  :  1°  les  deux  termes  étant  des 
cubes  parfaits  ;  2°  des  deux  termes  de  la  fraction 
le  dénominateur  seul  étant  un  cube  parfait  : 
3°  le  dénominateur  de  la  fraction  proposée  n'étant 
pas  un  cube  parfait. 

Trouver  la  racine  cubique  d'une  fraction  à 
moins  d'une  unité  décimale  donnée.  —  E.xtraction 
d'une  racine  dont  l'indice  est  une  puissance  par- 
faite de  3. 

Rapport  des  grandeurs  concrètes.  —  Défini- 
tions préliminaires.  —  Rapport  ou  raison.  —  Pro- 
portion. —  Application  aux  rapports  des  propriétés 
principales  des  quotients  ou  fractions. 

Dans  une  suite  de  rapports  égaux  la  somme  dos 
numérateurs  et  celle  des  dénominateurs  forment 
un  rapport  égal  aux  rapports  proposés. 


l^otiofis  générales  sur  les  grandeurs  qui  varient 
dans  le  même  rapport  ou  dans  un  rapport  inverse. 

Problèmes  anciennement  connus  sous  le  nom 
de  règles  de  trois  simples  ou  composées.  —  Mé- 
thode de  réduction  à  l'unité.  —  Mettre  en  évi- 
dence les  rapports  des  quantités  de  même  nature 
qui  entrent  dans  le  résultat  final,  et  en  conclure 
la  règle  générale  h  suivre  pour  écrire  immédiate- 
ment la  solution  demandée. 

Intérêts  simples.  —  Formule  générale  qui  four- 
nit la  solution  de  toutes  les  questions  relatives 
aux  intérêts  simples. 

Escompte  en  dehors  ou  commercial.  —  ^léthode 
des  diviseurs  fixes  pour  un  nombre  donné  de 
jours.  —  Solution  de  toutes  les  questions  rela- 
tives à  l'escompte.  —  Escompte  en  dedans.  — 
Analogie  de  la  règle  d'escompte  en  dedans  avec 
la  règle  d'intérêt  quand  le  capital  primitif  et  l'in- 
térêt sont  réunis.  —  De  l'échéance  commune. 

Partages  proportionnels .  —  Partager  une  somme 
en  des  parties  proportionnelles  à  des  nombres 
donnés.  —  Règles  de  société. 

Arithmétique  appliquée.  —  Principales  simpli- 
fications apportées  aux  calculs  d'intérêts  et  des- 
compte dans  les  maisons  de  banque  et  de  com- 
merce. —  Méthode  des  nombres  et  des  diviseurs. 

Voiiiptes  courants. 

Échéance  moyenne. 

Hentes  sur  l'Etat.  —  Du  pair.  —  Achat  de  rentes, 
connaissant  la  cote.  —  Droit  de  commission  de 
l'agent  de  change.  —  Taux  d'une  rente.  —  Des 
comptes  courants  portant  intérêt.  —  Modes  d'em- 
prunts publics. 

Clianges.  —  Cours  des  changes.  —  Solution  des 
principales  questions  auxquelles  les  changes 
peuvent  donner  lieu. 

Arbitrage.  —  Règle  conjointe. 

Application  des  partages  proportionnels  au  par- 
tage de  l'actif  dans  une  faillite,  à  la  répartition  des 
dividendes  dans  les  compagnies  d'actionnaires,  etc. 

Mélanges  et  alliages.  —  Valeur  des  objets  d'or 
ou  d'argent  d'après  leur  titre. 

Moyennes  arithmétiques.  —  Prix  moyen. 

Progressions  arithmétiques.  —  Principales  pro- 
priétés des  progressions  arithmétiques  ou  par  dif- 
férence. —  A'alour  d'un  terme  quelconque  d'une 
progression  arithmétique.  —  Insérer  un  nombre 
quelconque  de  moj-ens  arithmétiques  entre  deux 
nombres  donnés.  —  Calculer  la  somme  des  termes 
dune  progression  arithmétique. 

Progressions  géométriques.  —  Principales  pro- 
priétés des  progressions  géométriques  ou  par  quo- 
tient. —  Valeur  d'un  terme  quelconque  d'une  pro- 
gression géométrique.  Insérer  un  nombre  quel- 
conque de  moyens  géométriques  ou  proportionnels 
donnés.  —  Calculer  la  somme  des  termes  d'une 
progression  par  quotient. 

Logarithmes.  —  Théorie  des  logarithmes  dé- 
duite des  progressions.  —  P.'-incipales  propriétés 
des  logarithmes.  —  Le  logarithme  d'un  produit  est 
égal  à  la  somme  des  logarithmes  de  ses  facteurs. 
—  Corollaires  relatifs  à  la  division,  à  l'élévation 
des  puissances,  à  l'extraction  des  racines. 

Construction  d'une  table  de  logarithmes. 

Usage  des  tables  de  logarithmes.  —  Caractéris- 
tique. —  Un  nombre  étant  donné,  trouver  son  lo- 
garithme. —  Logarithme  d'un  nombre  entier  quel- 
conque. —  Logarithme  d'un  nombre  décimal  — 
Logarithme  d'une  fraction  décimale.  —  Loga- 
rithme d'une  fraction  ordinaire.  —  Usage  des  ca- 
ractéristiques négatives. 

Étant  donné  le  logarithme  d'un  nombre,  trouver 
ce  nombre.  —  Cas  où  la  caractéristique  du  lo- 
garithme est  négative.  —  Cas  où  le  logarithme  est 
entièrement  négatif. 

Applii-ati'iJi  des  logarithmes  aux  questions  d'in- 
térêts composés.  —  Temps  au  bout  duquel  un  ca- 
pital est  double,  triplé,  etc. 


ARITHMETIQUE 


187  — 


ARITHMETIQUE 


Application  des  logarithmes  aux  aniiuités.  - 
Placements  par  annuités. 

Amortissement.  —  Déterminer  l'annuité  néces- 
saire pour  amortir  en  un  temps  donné  une  dette 
contractée  à  un  certain  taux  annuel.  —  Chercher 
au  bout  de  combien  de  temps  sera  libéré  un  par- 
ticulier qui  consacre,  chaque  année,  une  certaine 
somme  au  payement  de  l'intérêt  et  à  l'amortisse- 
ment d'une  dette. 

Caisses  d'épargne  et  de  retraites. 

Résolution  des  principales  questions  auxquelles 
peuvent  donner  lieu  les  assurances  sur  la  vie,  les 
rentes  viagères  et  les  tontines. 

Notions  élémentaires  siir  l'emploi  des  lettres  et 
des  signes  dans  les  calculs,  comme  moyen  d'abré- 
viation et  de  généralisation. 

Définition  et  principes  généraux  sur  les  équa- 
tions du  \"  degré.  —  Application  ù  la  résolution 
dos  problèmes. 

II.  Programme  du  coins  supérieur  des  écoles  pri- 
maires DE  LA  SEINE,  SERVANT  AUSSI  DE  PROGR-UIME 
POUR  l'examen  DU  BREVET  OBLIGATOIRE  OU  DE 
2°  ORDRE. 

Ce  programme  est  extrait  de  V Organisation  pédagogique 
des  écoles  publiques  de  la  Seine.  —  Les  noms  des  mois  entre 
parenthèses  indiquent  la  division  mensuelle  des  matières 
dans  ces  écoles. 

Aritlimétique  (Progr.  du  cours  moyen). 

/Oct.).  — Théorie  de  la  numération. 

Nombres  entiers  :  explication  raisonnée  des 
quatre  opérations  fondamentales  sur  les  nombres 
entiers. 

(Xov.).  —  Divisibilité  des  nombres.  —  Caractères 
de  divisibilité  par  2.  3,  5,  G,  9.  —  Preuves  par  9 
de  la  multiplication  et  de  la  division. 

(Dec).  —  Nombres  premiers.  —  Recherche  du 
plus  grand  commun  diviseur  de  deux  nombres.  — 
Décomposition  d'un  nombre  en  ses  facteurs  pre- 
miers. —  Recherche  du  plus  petit  multiple  et  du 
plus  grand  commun  diviseur  de  plusieurs  nombres. 

(Janv.).  —  Fractions  ordinaires.  —  Fraction 
proprement  dite,  expression  fractionnaire.  —  Prin- 
cipes sur  les  fractions.  —  Simplification  des 
fractions.  —  Réduction  des  fractions  au  même  dé- 
nominateur. 

(Fév.).  —  Opérations  snr  les  fractions  ordi- 
naires. —  Addition  et  soustraction.  —  Multiplica- 
tion. —  Division. 

(Mars).  —  Nombres  décimaux.  —  Explication 
raisonnée  des  règles  du  calcul  des  nombres  déci- 
maux. —  Analogie  des  nombres  décimaux,  d'une 
part  avec  les  fractions  ordinaires,  d'autre  part 
avec  les  nombres  entiers. 

Conversion  des  fractions  ordinaires  en  décimales, 
et  réciproquement. 

Carré  et  cube  d'un  nombre.  —  Règle  pratique 
pour  l'extraction  de  la  racine  cnrj'ée  et  de  la  ra- 
cine  cubique.  (Indication  très-élémentaire  en  vue 
des  applications  au  système  métrique.) 

(Avril).  —  Ce  qu'on  appelle  rfljapor^  de  deux  nom- 
bres :  Proportio7i. 

Notions  générales  sur  les  grandeurs  (jui  varient 
dans  le  même  rapport  et  dans  un  rapport  inverse. 

(Mai-Août,.  Applications  aux  opérations  pra- 
tiques. —  Problèmes  connus  sous  le  nom  de  règles 
de  trois,  d'intérêt  et  d'escompte.  —  Méthode  de  ré- 
duction à  l'unité. 

Exercices  empruntés  k  des  questions  usuelles, 
telles  que  les  rentes  sur  l'Etat,  les  actions  et  les 
ijbligations  industrielles,  les  caisses  d'épargne,  la 
répartition  des  impôts,  etc. 

Problèmes  de  société,  de  mélange  et  ^'alliage. 

Problèmes  divers. 

Système  métrique  (Progr.  du  cours  moyen). 
(Oct.).  —  Notions  générales.  —  Le  système  mé- 


trique est  décimal  :  avantages  qui  en  résultent.  — 
Ce  qu'on  entend  pariuesurer.  —  Diverses  espèces 
de  mesures;  leur  emploi.  — Définitions  des  unités 
de  mesures  ;  de  leur  rapport  avec  le  mètre. 

Multiples  et  sous-multiples  décimaux  des  unités 
métriques  ;  comment  on  les  exprime  et  ce  qu'ils 
sont  par  rapport  à  l'unité.  —  Mesures  effectives  : 
unités,  multiples  et  sous-multiples,  doubles  et 
moitiés  de  ces  mesures. 

(\ov.).  —  Mesures  de  longueur.  —  Le  mètre: 
ses  multiples  et  ses  sous-multiples.  —  Une  lon- 
gueur étant  exprimée  en  mètres,  en  décimètres, 
en  centimètres,  etc.,  la  rapporter  ù  une  autre 
unité  de  longueur.  —  Valeur  en  mètres  d'un 
degré  du  méridien,  de  la  lieue  de  poste  et  de 
la  lieue  commune  ou  de  25  au  degré. 

(Dec).  —  Mesures  de  superficie.  —  Définition  du 
carré.  —  Mètre  carré;  ses  multiples  et  ses  sous- 
multiples.  —  Are  ;  son  multiple  et  son  sous-mul- 
tiple. —  Rapports  entre  les  mesures  de  superficie 
proprement  dites  et  les  mesures  agraires.  Une 
surface  étant  exprimée  au  moyen  d'une  unité  su- 
perficielle, la  rapporter  à  une  autre  unité. 

(Janv.).  —  Mesures  de  volume.  —  Définition  du 
cube.  —  Mètre  cube;  ses  sous-multiples.  —  Stère, 
décastèrc  et  décistère.  —  Rapports  entre  les  me- 
sures de  volume  proprement  dites  et  les  mesures 
pour  les  bois  de  chauffage  et  de  construction. 

^Fév.)  —  .Mesures  de  capacité.  —  Le  litre  ;  ses  mul- 
tiples et  ses  sous-multiples.  —  Mesures  effectives 
et  fictives. 

Rapports  entre  les  mesures  de  capacité  et  les 
mesures  de  volume. 

(Mars).  Mesures  de  poids.  —  Le  gramme;  ses 
multiples  et  ses  sous-multiples.  —  Mesures  efi'ectives 
et  mesures  fictives.  —  Quintal  et  tonne  métriques. 

Correspondance  entre  les  mesures  de  poids  et 
les  mesures  de  volume  et  de  capacité  ;  poids  d'un 
litre  d'eau,  d'un  mètre  cube  d'eau,  etc. 

(Avr.).  —  Mo>i7iaies.  —  Le  franc  et  ses  sous- 
multiples.  —  Pièces  de  monnaie  etfoctives.  — 
Poids  des  pièces  d'or,  d'argent  et  de  bronze.  — 
Valeur  relative  des  monnaies  d'or,  d'argent  et  de 
bronze,  à  poids  égal;  poids  relatif  do  ces  mon- 
naies à  valeur  égale. 

Valeur  du  kilogramme  d'argent  pur  et  du  kilo- 
gramme d'argent  monnayé  ;  du  kilogramme  d'or 
pur  et  du  kilogramme  d'or  monnayé. 

Titre  des  alliages  d'or  ou  d'argent.  —  Connais- 
sant le  poids  et  le  titre  d'une  pièce  d'or  ou  d'ar 
gent,  en  trouver  la  valeur. 

^Mai;.  —  Notions  si^r  la  mesure  du  temps.  — 
Jour,  heure,  minute,  seconde.  —  Convertir  en  se- 
condes un  no'mbre  composé  de  jours,  d'heures,  de 
minutes  et  de  secondes  ;  réciproquement,  un 
nombre  étant  donné,  trouver  combien  il  contient 
de  minutes,  d'heures  et  de  jours. 

(Juil.-Aoiit;.  —  Révision  générale  et  exercices 
pratiques. 

Application  du  système  métrique   à  la  mesure 
des  surfacesetdes  volumes  (Cours  supérieur^. 

■(Oct.).  —  NotiO'S  élémentaires  de  géométrie. 
—  Révision  générale  du  système  métrique.  —  Dé- 
finition des  angles,  de  la  circonférence  ;  mesure 
des  angles  en  degrés,  minutes,  secondes.  —  Angles 
droits;  —  perpendiculaires,  oblitiues.  —  Définition 
des  parallèles.  —  Définition  dos  polygones,  du 
triangle,  du  parallélogramme,  du  rectangle,  du 
carré,  du  losange,  du  trapèze,  etc. 

(]Vov.).  —  Règle  pratique  pour  l'extraction  de 
la  racine  carrée. 

.Mesure  des  aires.  —  Aire  du  rectangle,  du 
carré.  —  Aire  du  parallélogramme,  du  triangle,  du 
trapèze. 

Exercices  d'application. 

(Dec.  .  —  Mesurer  l'aire  d'un  polygone  quel- 
conque en  le  décomposant,  soit  en  triangles,  soit 


ARITHMETIQUE 


—  188 


ARITHMETIQUE 


en  trapèzes  et  en  triangles  rectangles  ;  en  le 
transformant  en  un  triangle  équivalent. 

Aire  d'un  polj-gone  régulier.  —  Mesure  du 
cercle.  —  Mesure  dune  aire  plane  limitée  par  une 
ligne  courbe. 

Exercices  d'application. 

(Janv.).  —  Dea  polyèdres.  —  Définition  de  la 
perpendiculaire  à  un  plan,  des  plans  parallèles. 
—  Prismes,  parallélipipèdes,  pyramides. 

(Fév.).  —  Règle  pratique  pour  l'extraction  de  la 
racine  cubique. 

Mesure  des  volumes.  —  Énoncer  sans  démons- 
tration les  théorèmes  relatifs  à  la  mesure  du 
parallélipipèdo,  du  prisme  et  de  la  pyramide. 

Exercices  d'application. 

(IMars).  —  SuiTace  latérale  et  volume  du  cy- 
lindre, du  cône,  du  tronc  de  cône. 

Exercices  d'application. 

Mesure  de  la  surface  et  du  volume  de  la  sphère. 

Exercices  d'ajjplication. 

(Avr.).  —  Cubage  d'un  massif  de  maçonnerie, 
d'un  tas  de  sable  ou  de  gravier,  d'un  fossé  ;  jau- 
geage d'un  vase  cylindrique,  d'un  seau  ayant  la 
forme  d'un  cûne  tronqué,  d'un  tonneau  ;  cubage 
d'un  tronc  d'arbre,  etc. 

(Mai.).  —Ce  qu'on  appelle  densité.  —  Usage  des 
densités. 

Exercices  d'application. 

Calcul  des  nonihres  comple.res  tirés  de  la  divi- 
sion de  la  circonférence  et  du  temps. 

Usage  de  tables  drs  cr.nversion  des  anciennes 
mesures  en  mesures  légales. 

'Juin-Aoiît).  —  Révision  générale.  —  Comme 
pour  le  calcul,  les  exercices  et  les  problèmes 
d'application,  bien  gradués,  doivent  accompagner 
chaque  leçon. 

B,  PROGRAMMES  ÉTRANGERS, 

III.  PROGnAMME       OFFICIEL      DES      ÉCOLES     KOIiMALES 

(Autriche). 
(Ord.  min.  19  juillet  1S70.) 

l'*  classe,  2  heures.  —  La  numération  et  le 
système  décimal.  Les  quatre  règles,  avec  les  nom- 
bres entiers,  les  tractions  décimales  et  les  fractions 
ordinaires.  Éléments  du  sj'stème  dos  poids,  me- 
sures et  monnaies,  avec  étude  spéciale  du  système 
métrique. 

2'  classe,  2  heures.  —  Théorie  des  proportions, 
ses  applications  aux  opérations  les  plus  impor- 
tantes de  l'arithmctiqtie  ordinaire  et  commerciale. 
Puissances,  racines,  logarithmes. 

3'  classe,  2  heures.  —  Equations  du  l^''  degré  à 
une  et  plusieurs  inconnues  ;  équations  du  2*  degré 
à  une  inconnue;  progressions  arithmétiques  et 
géométriques  ;  calcul  des  intérêts  composés. 

4°  classe,  1  heure.  —  Élémr-nts  de  la  tenue  de 
livres  commerciale  et  industrielle  en  partie  simple, 
avec  exercices  pratiques.  Répétition  des  études  des 
années  précédentes.  Méthodologie  de  l'enseigne- 
ment arithmétique. 

Dans  les  écoles  normales  d'institutrices,  la  2"^ 
classe  porte  :  1"  semestre,  proportions:  2'  semestre, 
séries,  règles  d'intérêts,  cas  les  plus  faciles  du 
calcul  d'intérêts  composés.  —  La  3'  classe  :  !"■  se- 
rnestre,  règles  de  société  simples  et  composées 
(partages,  moyennes  et  mélanges);  2'  semestre, 
comptabilité  commerciale  en  partie  simple,  avec 
exercices  pratiques.  —  i"=  classe  :  récapitulation. 

IV.  PROGRAMME       OFFICIEL      DES     ÉCOLES      PRIMAIRES 

supÉRiEruES  {B(()'f/erschule?i)  a  3  classes. 

(Autriche). 

(Oril.  miii.    20   août    1S70.   —  Mcme  programme  po;ir 

les  deux  sexes.) 

1"  classe,  3  heures.  —  Le  système  décimal,  le 
calcul  avec  les  nombres  entiers  et  avec  les  fractions 


décimales;  indication  des  avantages  usuels  de  ce 
calcul,  multiplication  et  division  simplifiées.  Pro- 
priétés des  nombres  ;  calcul  avec  les  Iractions  or- 
dinaires et  les  expressions  fractionnaires.  Le 
système  métrique.  La  pratique  italienne. 

2"  classe,  3  heures.  —  Equations  en  chiffres. 
Carrés  et  cubes.  Extraction  des  racines  carrées  et 
cubiques.  Théorie  des  proportions.  Règle  de  trois 
simple  et  composée,  règles  d'intérêts  simples, 
règles  d'escomi)te,  règles  de  partage 

3<=  classe,  3  heures.  —  Règles  d  intérêts  et  leur 
application  au  calcul  du  prix  des  marchandises. 
Cas  faciles  do  calcul  d'intérêts  composés.  Calcul 
do  monnaies  et  de  change,  avec  notions  sur  les 
lettres  de  change.  Calcul  des  valeurs  industrielles 
et  d'État.  Arithmétique  commerciale;  cléments  de 
la  tenue  des  livres  en  partie  simple. 

V.  Programme   des  écoles  primaires   sipérieures, 

DITES  écoles  secondaires  OU  MOYENNES  IMUtelSCllU- 

leJi)  EN  Prusse. 

iPrognimme  du  la  octobre  1S72.) 

6*  classe  (5  heures).  —  I"  semestre  :  les  quatre 
règles  sur  les  nombres  de  1  à  20;  2'  semestre,  sur 
les  nombres  de  1  à  100.  Etude  de  la  table  de  mul- 
tiplication. 

h^  classe  ih  heures).  —  Les  quatre  règles  avec 
des  nombres  abstraits  (calcul  écrit).  Emploi  do  la 
machine  à.  calculer,  ainsi  que  dans  la  classe  précé- 
dente. 

é**  ckf^se  (5  heures),  —  Les  quatre  règles  avec 
des  nombres  concrets.  Calcul  de  réduction  de 
temps,  règle  de  trois  simple. 

3'  classe  (3  heures).  —  Les  quatre  règles  avec  les 
fractions  décimales  et  ordinaires. 

2"  classe  (3  heures).  —  Règle  de  trois  simple  et 
composée.  Règle  d'intérêts. 

l"-'  classe  (3  heures).  —  Règles  usuelles.  Extrac- 
tion de  racines  carrées  et  cubiques.  Notions  élé- 
mentaires de  calcul  littéral  et  d  algèbre. 

Si  l'école  a  plus  de  six  classes,  on  continue  l'al- 
gèbre par  les  équations,  et  l'arithmétique  par  des 
règles  usuelles  plus  difliciles,  entre  autres  par  les 
calculs  de  change  et  de  cours. 

VI.  Programmes  officiels  des  diverses  écoles 
(Italie). 

(10  oelobre  1367.) 

1"  Écoles  élémentaires.  —  1^'  année.  —  Exercices 
de  calcul  mental  :  addition  et  soustraction.  Lecture 
et  écriture  des  chiffres  arabes. 

2*=  omiée.  —  Lecture  et  écriture  des  nombres  k 
plusieurs  chiffres.  Addition  et  soustraction  avec  des 
nombres  entiers.  Multiplication  avec  des  nombres 
entiers. 

3°  année.  —  Division  des  nombres  entiers.  Les 
quatre  règles  avec  des  fractions  décimales.  Défi- 
nition et  dessin  à  la  main  libre  des  figures  géomé- 
triques les  plus  importantes.  Système  métrique. 
Solution  de  problèmes  simples  avec  des  nombi-es 
concrets. 

4"  année.  —  Définition  des  fractions.  Fractions 
simples,  expressions  fractionnaires,  expressions 
mixtes.  Transformation  d'une  fraction  en  une  autre 
équivalente.  Extraction  des  entiers  contenus  dans 
une  expression  fractionnaire.  Réduction  d'une  quan- 
tité composée  d'un  nombre  entier  et  d'une  fraction 
en  une  expression  fractionnaire.  Conversion  des 
fractions  ordinaires  en  fractions  décimales.  Règle 
de  trois,  résolue  par  la  méthode  de  réduction  à 
l'unité;  applications. 

2'  Écoles  primaires  supérieures  ou  profession- 
nelles (Scuole  tccniche .  —  Première  année.  —  Les 
((uatre  règles  avec  des  nombres  entiers  et  déci- 
maux. Fractions  ordinaires  simples,  expressions 
fractionnaires,  expressions  mixtes.  Réduction  d'une 


ARITHMETIQUE 


180 


ARMEE 


expression  mixte  en  une  expression  fractionnaire, 
et  réciproquement.  Transformation  d'une  fraction 
en  une  autre  équivalente.  Réduction  de  plusieurs 
fractions  au  même  dénominateur.  Les  quatre  règles 
avec  des  expressions  fractionnaires,  et  avec  des 
nombres  mixtes  k  réduire  d'abord  en  expressions 
fractionnaires. 

Ancien  système  des  poids  et  mesures.  Système 
métrique.  Conversion  des  unités  d'un  système  en 
unités  de  l'autre  système.  Emploi  des  tables  de 
réduction  des  anciennes  mesures,  dans  leurs  ap- 
plications usuelles. 

Rapports  de  proportionnalité  directe  et  inverse. 
Règle  de  trois  simple  et  composée,  par  la  méthode 
de  réduction  à  l'unité.  Application  aux  règles  de 
change  et  de  société. 

Deuxième  anme.  —  Consacrée  exclusivement  à 
la  géométrie. 

Troisième  aiinée.  —  Puissances,  calcul  des  expo- 
sants. Nombres  premiers  ;  formation  d'une  table  de 
nombres  premiers.  Caractères  de  divisibilité  des 
nombres  entiers.  Décomposition  d'un  nombre  en- 
tier en  ses  facteurs  premiers.  Recherche  de  tous 
les  diviseurs  d'un  nombre.  Recherche  du  plus 
petit  multiple  commun  et  du  plus  grand  commun 
diviseur  de  nombres  donnés.  Application  à  la  ré- 
duction des  fractions  au  plus  petit  commun  déno- 
minateur. Recherche  du  plus  petit  commun  déno- 
minateur par  la  méthode  des  résidus. 

Conversion  d'une  fraction  ordinaire  en  une  frac- 
tion décimale.  Cas  où  celle-ci  est  finie,  cas  où  elle 
est  périodique.  Conversion  d'une  fraction  décimale 
finie  ou  périodique  en  fraction  ordinaire. 

Racine  carrée  et  cubique  des  nombres  entiers  et 
décimaux  avec  une  approximation  donnée. 

Les  quatre  premières  opérations  du  calcul  litté- 
ral. Réduction  des  formules  algébriques  en  nombres. 
Résolution  des  équations  de  premier  et  de  second 
degré  à  une  inconnue. 

3°  Écoles  normales.  —  1"  année.  —  Numération 
décimale  parlée  et  écrite.  Les  quatre  règles  avec 
des  nombres  entiers,  des  fractions,  des  nombres 
fractionnaires,  des  nombres  décimaux.  Rapports 
de  proportionnalité  directe  et  inverse.  Règle  de 
trois  simple  et  composée,  par  la  méthode  de  ré- 
duction à  l'unité;  applications. 

2'  année.  —  Géométrie,  système  métrique,  et 
comptabilité. 

3e  année.  —  Puissances,  calcul  des  exposants. 
Divisibilité  des  nombres.  Décomposition  d'un  nom- 
bre en  ses  facteurs  premiers.  Moyen  de  trouver 
tous  les  diviseurs  d'un  nombre.  Plus  grand  commun 
diviseur  et  plus  petit  multiple  commun  de  nombres 
donnés.  Racines  carrées  et  cubiques  des  nombres 
entiers  et  décimaux,  avec  une  approximation 
donnée. 

VIL  Programme  officiel  des  écoles  normales  pour 
LES  DEUX  SEXES  (Angleterre). 

(New  Code,  1876.) 

Examend'admission.  —  Ecrire  sous  dictée  et  cal- 
culer correctement  les  quatre  règles,  simples  et 
composées,  y  compris  le  calcul  des  poids  etmesures. 

Fin  de  la  1"  année.  —  (Aspirants):  Proportion 
abrégée  par  la  méthode  italienne  [practice)  ;  pro- 
portion simple  et  composée.  —  (Aspirantes)  : 
Proportion  abrégée  par  la  méthode  italienne 
(practice)  ;   factures. 

Fin  de  la  2'  année.  —  (Aspirants)  :  Fractions 
ordinaires  et  décimales.  —  (Aspirantes)  :  Propor- 
tion simple  et  composée. 

Fin  de  la  :-'  année.  —  (Aspirants)  :  Règles  d'in- 
térêts et  d'escompte.  —  (Aspirantes)  :  Fractions  or- 
dinaires. 

Fin  de  la  4*  année.  —  (Aspirants)  :  Algèbre, 
équation  du  l"  degré.  —  (Aspirantes)  :  Fractions 
décimales. 


Fia  ae  la  5'  année.  —  (Aspirants)  :  Calcul  de 
surfaces  planes,  et  équations  du  2'  degré.  —  (Aspi- 
rantes) :  Règles  d'intérêts  et  récapitulation  des 
règles  précédentes. 

Vin.  Programme  officiel  de  l'école  primaire 
ÉLÉMENTAIRE  (Bavière) . 

(Instructions  et  programmes  du  7  novembre  1S70,    pour   la 
province  de  Basse-Franconie.) 

Classe  préparatoire.  —  Etude  des  nombres  de 
1  à  20  (ou  au  moins  de  1  à  lOi;  connaissance  des 
nombres  jusqu'à  100,  si  possible  jusqu'à  1000.  On 
ne  peut  donner  aux  élèves  une  connaissance  appro- 
fondie des  nombres  qu'en  les  leur  faisant  consi- 
dérer isolément  l'un  après  l'autre  ;  on  ne  doit  pas 
passer  à  un  nombre  plus  élevé  avant  d'avoir  fait 
avec  le  précédent  les  opérations  les  plus  variées. 
On  doit  rendre  sensible  chaque  nombre  en  le  re- 
présentant par  des  objets  visibles  et  uniformes;  le 
meilleur  moyen  pour  cela  est  une  bonne  machine 
à  calculer,  qui  ne  doit  manquer  dans  aucune  école. 
On  doit  aussi  mettre  sous  les  yeux  des  élèves  les 
nouvelles  unités  de  poids  et  de  mesures,  mètre, 
litre,  livre  et  kilogramme,  de  manière  que  leur 
nom  et  leur  valeur  se  gravent  dans  la  mémoire  par 
un  fréquent  usage. 

Première  classe.  —  Les  quatre  règles  avec  des 
nombres  abstraits,  et  aussi  avec  des  quantités 
concrètes  relatives  aux  nouveaux  poids  et  mesures, 
jusqu'à  lOOii  et  au-dessus.  Explication  du  système 
décimal,  d'une  façon  intuitive,  au  moyen  du  bou- 
lier, en  allant  de  dizaine  en  dizaine,  puis  de  cen- 
taine en  centaine.  Dès  que  les  rapports  numériques 
ont  été  compris,  il  faut  les  appliquer  aux  choses 
de  la  vie  pratique  :  en  conséquence,  on  expliquera 
aux  élèves  la  subdivision  décimale  du  mètre,  la 
division  de  l'hectolitre  en  iOO  litres,  du  quintal  en 
100  livres,  etc.  Autant  que  possible,  on  indiquera 
déjà  la  relation  existante  entre  les  diverses  unités 
de  mesure,  de  longueur,  de  capacité,  de  poids. 
Exercices  faciles  de  réduction,  petits  problèmes. 
Etude  approfondie  de  la  table  de  multiplication. 

Deuxième  d'isse.  —  Courte  répétition  des  quatre 
règles  avec  des  quantités  de  toute  grandeur.  Frac- 
tions décimales  et  ordinaires,  transformation  des 
fractions  ordinaires  en  fractions  décimales.  Exer- 
cices sur  des  quantités  concrètes  empruntées  au 
nouveau  système  des  poids  et  mesures.  La  relation 
entre  les  diverses  unités  de  longueur,  de  capacité 
et  de  poids  doit  être  expliquée  à  fond.  Exercices 
de  réduction  de  mesures  de  longueur,  de  poids, 
de  monnaies. 

Troisième  classe.  —  Problèmes  de  calcul  em- 
pruntés aux  besoins  de  la  vie  domestique,  de  l'a- 
griculture ou  du  commerce,  à  résoudre  au  moyen 
de  la  règle  de  deux,  et,  lorsque  le  temps  et  les 
circonstances  le  permettent,  au  moyen  de  la  règle 
de  trois.  Exercices  de  calcul  des  surfaces  et  des 
volumes.  Avant  de  passer  à  la  mesure  et  au  calcul 
des  surfaces,  on  expliquera  à  l'élève  comment  le 
mètre  a  été  tiré  du  rayon  terrestre;  on  lui  fera 
répéter  le  système  des  mesures  de  longueur,  en 
l'étendant  au  décamètre  et  au  kilomètre.  A  l'occa- 
sion du  calcul  des  volumes,  l'élève  étudiera  encore 
une  fois  la  relation  des  nouvelles  unités  de  poids 
et  de  capacité,  tant  entre  elles  qu'avec  les  divers 
corps,  et  se  familiarisera  par  des  exemples  avec 
leur  emploi.  Enfin,  on  répétera  encore  les  exer- 
cices de  réduction  de  quantités  exprimées  selon  les 
unhés  de  l'ancien  système,  en  quantités  du  nou- 
veau système. 

AIV.MÉt:.  —  Histoire  de  Franco,  XLV  ;  Connais- 
sances usuelles,  VI.  —  (Etym.  :  armée,  par  ellipse, 
pour  troupe  année,  force  armée.)  —  Ce  nom  dé- 
signe l'ensemble  des  forces  militaires  d'une  nation. 

Les  armées,  chez  la  plupart  des  peuples  anciens 
et  dans  les  premiers  siècles  de  l'histoire  modernet 


ARMEE 


ICO 


ARPENTAGE 


étaient  purement  temporaires  et  se  dispersaient  le 
plus  souvent  après  une  campagne  ;  les  soldats  re- 
tournaient à  leurs  travaux.  Au  xii''  siècle,  Pliilippe- 
Auguslc  tenta  de  se  créer  une  force  armée  perma- 
nente :  les  communes  lui  envoyèrent  des  milices 
(du  mot  latin  miles,  d'où  est  venu  militaire;  on  dit 
encore  tirer  à  la  milice),  qui  contribuèrent  beau- 
coup à  lui  faire  gagner  sur  les  Allemands  la  fameuse 
bataille  do  Bouvines.  Mais  ce  ne  fut  que  sous 
Charles  VII  que  par  l'établissement  des  compagnies 
n'ordonnance  (l4^5)  la  royauté  remplaça  par  un 
corps  de  troupes  régulières  les  contingents  indis- 
ciplinés fournis  par  les  seigneurs.  Quand  l'armée 
fut  permanente,  il  fallut  la  payer,  lui  donner  une 
solde.  De  là  le  nom  de  soldats  donné  aux  hommes 
qui  la  composaient. 

Les  armées  permanentes  ont  pris  de  nos  jours  en 
Europe  de  grandes  et  elTrayantes  proportions.  C'est 
à  qui  aura  les  plus  nombreuses  armées.  La  France 
a  en  temps  de  paix  450  fioo  hommes,  l'Allematîne 
4-20  000,  l'Autriche  270  000,  l'Italie  3G0  000,  la  Rus- 
sie 7  ou  8ti0  01)0  hommes,  etc. 

En  France  l'armée  est  actuellement  régie  par  la 
loi  du  27  juillet  1872.  Tous  les  citoyens  sont  sol- 
dats de  20  à  40  ans.  Ils  passent  cinq  années  dans 
l'armée  active  et  le  reste  du  temps  dans  la  réserve 
de  Y  armée  active,  puis  dans  Y  armée  territoriale. 
Pour  le  mode  de  recrutement,  V.  Service  mili- 
taire. 

Chez  nous  Y  armée  active  comprend  18  corps 
d'armée,  plus  un  pour  l'Algérie.  Elle  se  compose 
d'infanterie,  de  cavalerie,  d'artillerie  et  de  troupes 
du  génie.  Elle  se  fractionne  en  divisio7is,  brigad''S, 
régiments.  Les  régiments  se  subdivisent  eux-mêmes 
en  bataillons,  puis  en  C077ipag7iies  iponv  l'infanterie, 
en  escadrons  pour  la  cavalerie  et  en  bcitte7nes  pour 
l'artillerie. 

L'infanterie  comprend  toutes  les  troupes  à  pied 
(ce  mot  dérive  de  l'italien  fantaccino,  fantassin.) 
Nous  avons  144  régiments  à'infa/iterie  de  lig7ie, 
30  bataillons  de  chasseio's  à  pied,  4  régiments  de 
zouaves,  3  régiments  de  tirailleurs  algé7'ie7is, 
1  légion  étrangère,  5  C077ipagjiies  de  discipli7ie. 

La  cavalerie  se  compose  de  toutes  les  troupes  à 
cheval  :  12  régiments  de  cuirassiers,  26  de  dragons, 
20  de  chasseurs,  12  de  hussards,  4  de  chasseu7-s 
d'Afrique,  3  de  spahi<,  19  escadrons  A'éclaireurs 
volo77taires,  8  compagnies  de  cnvalerie  de  re77ionte. 
En  campagne  la  cavalerie  sert  à  éclairer  la  marche 
et  les  opérations  d'une  armée,  à  assurer  les  com- 
munications, à  escorter  les  convois.  Dans  une  ba- 
taille, elle  sert  à  déborder  l'ennemi,  à  le  poursui- 
vre, ou  à  protéger  la  retraite  de  l'armée. 

Le  mot  artillerie  vient  de  l'italien  et  voudrait 
dire  art  de  tirer.  Les  artilleurs  manœuvrent  les 
canons.  Nous  avons  38  ré'ji7ne7its  d'aiHiUerie,  de  13 
batteries  chacun,  2  régiments  de  po7ito77Jiiers, 
10  compagnies  (l'ouv7'iers  d'a7'tillerie  et  3  d'artifi- 
ciers, plus  57  C0777pag?iies  de  train  d'artille7ne.  Il 
y  a  en  outre  20  escadrons  de  t7-ai7i.  C'est  h  leur 
artillerie  puissamment  développée  et  perfectionnée 
que  les  Prussiens  ont  dû  une  grande  partie  de 
leurs  succès  dans  la  néfaste  guerre  de  1870- 
1871. 

Le  mot  gé7iie  appliqué  à  l'art  militaire  désigne 
un  art  dont  les  attributions  principales  sont  la 
construction,  l'attaque  et  la  défense  des  places 
fortes. 

A  l'armée  proprement  dite  il  faut  ajouter  la  gen- 
darmerie, qui  est  un  corps  de  soldats  d'élite  chargé 
du  maintien  de  l'ordre  dans  le  pays.  Les  gendarmes 
protègent  le  faible  contre  le  fort.  Plusieurs  fois 
par  mois,  ils  visitent  toutes  les  communes  du  can- 
ton et  font  viser  leur  passage  par  le  maire.  Ils 
veillent  à  l'exécution  de  la  loi  et  des  arrêts  rendus 
par  les  tribunaux.  Ils  sont  divisés  en  légions  et 
compagnies.  La  gendarmerie  a  pour  devise,  comme 
toute  l'armée  française  :î;fl/e!«',  discipline,  patrio- 


tisnie,  car  l'armée,  c'est  la  nation,  c'est  la  patrie, 
c'est  la  France. 

V.  l'article  Service  militaire.  [E.  Cuissart.] 
ARPE>TAGE.  —  L'objet  principal  de  l'arpen- 
tage est  la  mesure  des  terres.  Mais,  à  moins  que 
le  sol  ne  soit  parfaitement  horizontal,  ce  n'est  pas 
l'étendue  superficielle  du  terrain  lui-même  que 
Ion  mesure,  mais  celui  de  sa  projection  horizon- 
tale ;  c'est-à-dire  que,  si  l'on  imagine  que  de  tous 
les  points  de  son  contour  on  ait  abaissé  des  per- 
pendiculaires sur  un  même  plan  horizontal,  d'ail- 
leurs arbitraire,  les  pieds  de  ces  perpendiculaires 
circonscriront  une  étendue  qui  sera  la  projection 
liorizontale  du  terrain  ;  et  c'est  cette  projection 
que  l'on  a  réellement  à  mesurer.  Laraison  en  estque, 
les  végétaux  croissant  verticalement,  la  valeur 
d'un  terrain  n'est  point  proportionnelle  à  son  éten- 
due elle-même,  mais  à  celle  de  sa  projection,  que 
pour  cette  raison  l'on  nomme  aussi  sa  base  produc- 
tive. Le  lever  des  plans,  ou  du  moins  sa  partie 
élémentaire,  entre  dans  l'étude  de  l'arpentage, 
parce  que  le  plan  des  propriétés  est  un  document 
qui  figure  dans  la  plupart  des  transactions.  Dans 
les  pays  accidentés  il  est  nécessaire  de  tenir 
compte  des  hauteurs  relatives  des  principaux 
points  du  plan,  ce  qui  exige  quelques  notions  élé- 
mentaires de  nivelle77ient.  Enfin,  c'est  ordinaire- 
ment l'arpenteur  qui  est  chargé  de  la  délicate  opé- 
ration à  laquelle  on  donne  le  nom  de  division  des 
hé7itages  ou  de  partage  des  ter7^es.  —  Nous  don- 
nons ci-dessous  le  programme  détaillé  du  cours. 
Pour  le  développement  des  leçons  on  consultera 
les  articles  de  ce  dictionnaire  auxquels  le  programme 
renvoie. 

I.  Objet  de  l'arpentage.  Base  productive. 

I7ist7-U77ients  de  mesure. 

Mesure  des  lo7îg7ieu7's.  —  Jalons.  Chaîne  d'ar- 
penteur. Mesure  d'une  distance  jalonnée.  Sta- 
dia  ;  son  réglage,  son  emploi.  —  V.  Ai^pentage 
{Instru77ienfs  d'). 

II.  Mesure  des  angles.  —  Équerre  d'arpenteur. 
.Alidade.  Graphomètre  ;  vérification  et  mise  en 
station.  Vernier.  — V.  Arpentage  {I/istniments  d'). 

III.  Planchette.  Boussole.  Vérification  et  mise 
en   station   de  ces   instruments.  —  V.  Arpentage 

{I?lSt7-U77ie?îfs  d'). 

IV.  Mesiwe  des  différences  de  niveau.  —  Niveau 
à  bulle  d'air.  Niveau  d'eau.  Mire  :  mire  parlante. 
Xiveau  d'Égault.  Vérification  et  mise  en  station  de 
ces  instruments.  V.  Arpe7itage  [l/istru77ie7ds  d'). 

Lever  des  2}la7is. 

V.  Notions  générales  sur  le  lever  des  plans. 
Base.  Polyi^one  topographique.  Lever  à  la  chaîne 
seule.  Lever  à  la  chaîne  et  à  l'équerre.  —  V.  Le- 
ver des  pla/is. 

VI.  Lever  à  la  planchette.  Méthode  par  rayonne- 
ment, méthode  par  cheminement.  —  V.  Lever  des 
pla/is. 

VII.  Lever  au  graphomètre.  Lever  à  la  boussole. 
V.  Lever  des  plans. 

Nivelle7ncnt. 

VIII.  Notions  générales.  Nivellement  simple. 
Nivellement  composé.  Registre  de  nivellement.  — 
V.  Nivellc/ne'd. 

IX.  Notions  sur  le  figu7^é  du  relief.  Courbes 
horizontales.  Profils.  —  V.  Nivelle/Jient. 

T/'acé  des  plans. 

X.  Mise  au  net  de  la  minute.  Signes  conven- 
tionnels. Teintes  conventionnelles.  —  V.  Lever  des 
plans. 

XI.  Réduction  des  plans.  Méthode  des  carreaux. 
Pantographe.  —  V.  Lever  dcsplans. 


ARPENTAGE 


191  — 


ARPENTAGE 


Arpentage  proprement  dit. 

XII.  Mesure  d'un  terrain  dont  la  forme  est  un 
triangle,  un  parallélogramme,  un  trapèze,  un  poly- 
gone, une  figure  en  partie  curviligne  ;  méthode  des 
emprunts.  —   V.  Arpentage  proprement  dit. 

XIII.  Cas  où  l'intérieur  du  terrain  est  inacces- 
sible. Mesurage  des  forêts,  des  étangs.  Cas  où  l'on 
opère  dans  un  pays  de  montagne.  —  V.  Arpen- 
tage proprement  dit. 

Problèmes  d'arpentage  et  de  nivellement. 

XIV.  Mesure  des  distances  de  points  inacces- 
sibles. Mesure  de  la  hauteur  d'un  édifice,  d'une 
montagne.  —  V.  Problèmes  d'arpentage. 

Division  des  héritages. 

XV.  Cas  où  le  terrain  considéré  a  partout  la 
même  valeur.  Cas  où  le  terrain  se  compose  de 
parcelles  de  valeurs  différentes.  Rectification  des 
limites.  Bornage.  —  V.  Partage  des  terres. 

ARl'ENTAGE  PROPREMEiNT  DIT.  —  La  uiesurc  ef- 
fective des  surfaces  dont  on  a  levé  le  plan  est  une 
question  de  pure  géométrie,  et  rentre  dans  la 
mesure  des  aires.  (V.  Aires). 

1.  Si  la  forme  du  terrain  est  un  triangle,  on  choi- 
sira pour  base  l'un  des  côtés,  le  plus  grand  par 
exemple  ;  on  abaissera  du  sommet  opposé  sur 
cette  base  une  perpendiculaire  qui  sera  la  hau- 
teur; on  mesurera  la  base  et  la  hauteur;  on  en 
fera  le  produit,  et  l'on  prendra  la  moitié  de  ce 
produit.  Supposons,  par  exemple,  que  la  base  ait 
été  trouvée  de  2 18'", 50  et  la  hauteur  de  197™, GO  ; 
le  produit  de  ces  deux  nombres  étant  43i75i"q,GO, 
la  moitié  de  ce  produit,  ou  2l587n'q,SO,  c'est-à-dire 
2  hectares  15  ares  et  environ  88  centiares,  sera  la 
surface  du  terrain. 

2.  Si  le  terrain  a  la  forme  d'un  parallélogramme, 
on  mesurera  le  plus  grand  côté,  et  la  distance  de 
ce  côté  à  celui  qui  lui  est  parallèle  ;  le  procTuit  des 
deux  nombres  obtenus  exprimera  l'aire  du  paral- 
lélogramme. 

Supposons,  par  exemple,  que  le  côté  mesuré  ait 
été  trouvé  de  .322™,  et  la  distance  de  ce  côté  à  son 
opposé  de  10G™,4;  la  surface  du  terrain  sera  expri- 
mée par  le  produit  de  ces  deux  nombres,  c'est-à-dire 
par  34260ii<!,80  ou  3  hectares  42  ares  et  environ 
Gl  centiares. 

3.  Si  le  terrain  a  la  forme  d'un  trapèze,  on  me- 
surera les  deux  bases  parallèles,  ainsi  que  la  per- 
pendiculaire qui  exprime  la  distance  des  bases,  ou 
la  hauteur  du  trapèze  ;  on  fera  la  somme  des  bases, 
on  la  multipliera  par  la  hauteur,  et  l'on  prendra  la 
moitié  du  produit. 

Soient,  par  exemple,  MI^jGO  et  95™, 2  les  deux 
bases  et  109"", 7  la  hauteur;  la  somme  des  nombres 
141"», 60  et  9.^"", 2  est  23G'°,80;  le  produit  de  cette 
somme  par  100™, 7  est  2597C""!,9C;  la  surface  de- 
mandée est  la  moitié  de  ce  nombre,  c'est-à-dire 
12988'"q,48  ou  1  hectare  29  ares  et  environ  88  cen- 
tiares et  demie. 


Pig.  1. 

4.  Supposons  maintenant  que  le  terrain  ait  une 
forme  polygonale  et  qu'on  puisse  opérer  dans  son 
intérieur.  -  Soit  ABCDEFGHIA  (fig.  1)  le  polygone 


considéré;  on  joint  par  une  droite  AF,  appelée 
directrice,  les  deux  sommets  les  plus  éloignés;  et 
de  tous  les  autres  sommets  on  abaisse  des  perpendi- 
culaires sur  cette  directrice  ;  on  mesure  toutes  ces 
perpendiculaires,  B6,  C-,  Dd,  Ee,  Gg,  Eh,  li,  ainsi 
que  la  distance  des  points  A,  b,  i,  li,  c,  g,  d,  e,F  h 
un  même  point  0  pris  sur  la  directrice,  d'où  l'on 
déduit  les  longueurs  Ab,  Ai,  ih,  bc.  hg,  cd,  de,  eF, 
gF.  La  figure  se  trouvera  décomposée  en  triangles 
rectangles  et  en  trapèzes  rectangulaires,  dont  on 
sait  évaluer  l'aire,  la  somme  de  toutes  les  aires  par- 
tielles donnera  l'aire  totale.  Si  S  désigne  cette  aire 
totale,  on  aura 

S^l^Ab.Iib  +  l{Bb  +  Cc).bc-\-^-  (Ce  +  Dd)  .  cd 

H-  l  (D(Z  +Ee)  .  de  +  1  eF  .  Ee  +lgF  .   Gg 

+  l  {Gg  +  Eh)  .gh+^  [Eh  +  li)  .  hi -+-  \  Ai .  \i. 

Supposons,  par  exemple,  que  l'on  ait  obtenu  les 
mesures  suivantes  : 

Bè  =  47'»,5:  Ce  =  64";  T)d  =  40";  Ee  =  50",5; 
G7  =  76""  :  Éh  =  \i  =  51°',5  ;  A/j  =  41'".5  ;  bc=  lO-S""; 
cd  =  45'°,5  :  de  =  40°',50  ;  eF  =  34'",50  ;  F^  =  76°; 
gh  =  65""  ;  hi  =  49°"  ;  Ad  =  75". 

En  effectuant  les  calculs  indiqués  par  la  formule 
ci-dessus,  on  obtiendra,  à  moins  d'un  mètre  carré, 
23542'nq,  ou  2  hectares  35  ares  et  42  centiares. 

5.  Le  terrain  h  mesurer  peut  être  terminé,  en 
tout  ou  en  partie,  par  des  lignes  courbes.  Si  les 
sinuosités  sont  peu  considérables,  comme  dans  la 
fig.  2,  par  exemple,  on  substitue  aux  diverses  par- 
ties du  contour  des  droites  qui  s'en  éloignent  peu  ; 
ainsi  le  contour  de  la  fig.  2  pourrait  être  remplacé 
par  le  quadrilatère  ABGD.  Ce  procédé  n'est  point 
rigoureux;  il  conduit 
cependant  à  des  ré- 
sultats suffisamment 
approchés  quand  l'ar- 
penteur en  a  l'habi- 
tude. On  l'appelle  la 
méthode  des  em- 
prunts, parce  qu'elle 
consiste  à  emprunter 
fictivement  sur  les 
propriétés  voisines 
des  portions  de  ter- 
rain, et  à  leur  en  restituer  d'autres,  de  manière  à 
établir  autant  que  possible  une  exacte  compensa- 
tion. 

Il  existe  une  autre  méthode,  plus  exacte,  mais 
plus  longue,  qui  consiste  à  prendre  sur  le  contour 
du  terrain  des  points  assez  rapprochés  pour  que  les 
arcs  de  courbe  qui  les  joignent  puissent  être  re- 
gardés comme  sensiblement  rectilignes  ;  le  contour 
curviligne  réel  se  trouve  alors  remplacé  par  un 
contour  polygonal  qui  a  ces  points  pour  som- 
mets, et  l'on  rentre  dans  la  cas  du  n°  4. 

G.  Quand  on  ne  peut  pas  opérer  dans  l'intérieur 
du  polygone,  on  lui  circonscrit  une  figure  que  Ton 
sache  mesurer,    ordinairement   un  rectangle,  tel 


i       /' 

/ 

^ 

1 

r 

F-—- 

\ 

^ 

F/ 

■^  1 
1 

1 

f      1 


Fiç.  3. 


que  MNOP  (fig.  3).  Des  sommets  C,  E,  F,  H  qui  ne 
sont  pas  situés  sur  le  contour  de  ce  rectangle,  on 


ARPENTAGE 


—  102  — 


ARPENTAGE 


abaisse  sur  les  eûtes  les  plus  voisins  les  perpeudi- 
culaires  Ce,  Ee,  Ff,  Wi.  L'espace  compris  entre  le 
polygone  à  mesurer  et  le  rectangle  circonscrit  se 
trouve  ainsi  partagé  en  triangles  rectangles,  tels  que 
AIM,  BCe,  F/G,  Gllh,  et  en  trapèzes  rectangulaires, 
tels  que  CcND,  DOeE,  eEFf.  AilIP.  On  peut  donc 
mesurer  aisément  cet  espace,  et  en  le  retranchant 
du  rectangle,  préalablement  mesuré  aussi,  on  ob- 
tient Taire  du  polygone. 

Supposons,  par  exemple,  qu'on  ait  trouvé 
MX  =  UO";  MP  =  36°':  AM  =  li'":  Bo  =  S.-.-": 
cN=  12"";  XD  =  21°',  d'où  DO  =  li"":  Oe=  14'°: 
«/■=10"';/lG  =  28'°;  0^  =  20'":  par  suite  ÂP=  18'": 
etPI  =  2-.i'";  d'où  MI=  14-";  puis  Cc=8'";Ee  =  1-3'": 
F/'=G°;  HA  =  :•". 
On  trouvera  successivement  : 

PourIciectangleMXOP        90">  x  3C°"  ou     :i240"iq 

Pour  le  triangle  BCc.  -  .  23'»  .  S-»  10Û°>q 

Pour  le  trapèze  C.DXc.  -(S-^  +  21)  .  12°'  174"q 

Pour  le  trapèze  ODEe.  -  (lo»  +  13°>)  .  14"  lOG-q 

Pour  le  trapèze  EefF..  -  (13"  +  G-")  .  lO"  OS-^q 

r 


Pour  le  triangle  GFf..  -  .  2S">  .  6 
ï 


Pour  le  triangle  GHA. .  -  .  20"»  .  7™ 
2 

Pour  le  trapèze  PIH/i..  i  (T-"  +  22°=)  .  18  £61 


Pour  le  triantrlc  AMI. 


14 


La  somme  des  parties  comprises  entre  le  poly- 
gone est  donc  1078°"i  ;  en  retranchant  ce  nombre 
de  3240""!,  on  trouve  pour  la  surface  du  polygone 
2162""!  ou  21  ares  62  centiares. 

7.  On  pourrait  combiner  ce  procédé  avec  la  mé- 
thode de  l'emprunt  si  le  polygone,  dans  l'intérieur 


\, 

\ 

\ 

v^ 

r 

^.^y-" 

Fis.  1. 


duquel  on  ne  peut  opérer,  avait  un  contour  curvi- 
ligne. C'est  ce  qu'indique  la  figure  4.  Ce  procédé 
trouve  son  ap- 
plication dans 
l'évaluation  de 
la  surface  des 
étangs,  des 
lacs,  des  sim- 
ples mares.  On 
assimile  leur 
contour  à  celui 
■d'un  polygone,  que  l'on  inscrit  dans  une  figure 
qu'on  sache  évaluer;  on  mesure  les  parties  compri- 
ses entre  la 
pièce  d'eau 
et  cette  figu- 
re; et,  en  les 
retranchant 
de  l'aire  de 
cette  figure 
môme ,  on 
obtient  celle 
de  la  pièce 
d'eau, 

8.  La  méthode  précédente  s'applique  aussi  à  la 
mesure  de  l'aire  des  pays  boisés^  dans  l'intérieur 


desquels  1(!S  opérations  d'arpentage  seraient  im- 
[jossiblos.  Elle  s'applique  encore,  dans  les  pays  de 
montagnes,  aux  portions  de  terrain  dont  la  décli- 
vité est  trop  rapide  pour  qu'il  soit  possible  d'y  exé- 
cuter des  opérations  directes.  Après  avoir  déter- 
miné les  limites  de  ces  terrains  en  pente,  on  les 
entoure  d'un  poljgone  dont  on  puisse  mesurer 
directement  l'aire  ;  on  mesure  les  portions  de 
terrain  comprises  entre  ces  limites  et  le  con- 
tour du  polygone,  et,  en  les  retranchant  de  l'aire 
de  ce  polygone,  on  obtient  celle  des  parties  dé- 
clives, qui  ne  pourraient  être  déterminées  directe- 
mont. 

Le  coup  d'oeil  et  surtout  l'expérience  sont  les 
véritables  guides  de  l'arpenteur  dans  ces  circon- 
stances plus  ou  moins  délicates.  C'est  par  une 
constante  pratique  qu'il  arrive  à  trouver,  dans 
chaque  cas,  les  procédés  les  plus  avantageux. 

[H.  Sonnet.] 

ARPENTAGE  (Instruments d'I.—Prer/z/ère^on. 
Les  instruments  employés  dans  l'arpentage  peuvent 
être  divisés  en  trois  catégories,  en  j' comprenant  ceux 
qui  se  rapportent  au  nivellement  :  les  instruments 
destinés  à  la  mesure  des  distances,  les  instruments 
destinés  à  la  mesure  des  angles,  et  enfin  les  in- 
struments destinés  plus  particulièrement  à  la  me- 
sure des  diff'érences  de  niveau.  Nous  les  décrirons 
dans  cet  ordre. 


MESIFIE   DES    DISTANCES. 

1°  Pour  mesurer  une  droite  sur  le  terrain,  il  faut 
d'abord  en  assurer  la  direction,  en  fixant  les  points 
extrêmes  et  un  certain  nombre  de  points  intermé- 
diaires :  ce  qui  se  fait  à  l'aide  de  jalons.  Un  jalon 
est  un  piquet  de  bois  de  chêne,  de  2  mètres  de  haut, 
ferré  par  un  bout,  et  que  l'on  peut  planter  vertica- 
lement.' Son  extrémité  supérieure  est  fendue  lon- 
gitudinalement  pour  recevoir  un  carré  de  papier, 
ou  un  voyant  peint  de  deux  couleurs,  blanc  et  rouge, 
qui,  vu  de  loin,  se  détache  toujours  soit  sur  le  ciel, 
soit  sur  les  bois  ou  sur  le  terrain  lui-même.  Suppo- 
sons que  les  deux  extrémités  de  la  droite  à  mesu- 
rer soient  ainsi  marquées  par  des  jalons  A  et  G 
(fig.  1).  Pour  planter  un  jalon  B  entre  A  et  C,  on  se 
place  derrière  le  jalon  A,  et.  par  des  signes  de  la 
main,  on  fait  déplacer,  soit  à  gauche,  soit  à  droite, 
l'aide  qui  porte  le  jalon  B,  jusqu'à  ce  que,  en  visant 
dans  la  direction  des  jalons  A  et  C,  le  jalon  C  paraisse 
caché  par  les  jalons  A  et  B.  Par  le  même  procédé  on 
multiplie  les  jalons  intermédiaires  autant  qu'il  le 
faut  pour  que  leurs  distances  consécutives  ne  dé- 
passent pas  20 
^  à   25    mètres. 

C'est  ce  que 
l'on  appelle 
jalonner  une 
distance. 

Pour  mesu- 
rer une  dis- 
tance     jalon- 


C^- 


née,    on    Qra\)\oiQ  la.  chaîne  d'arpetitcw 
2°  La  chaîne  d'arpenteur  a  un  décamètre  de  long. 

Elle  se  com- 
pose de  50 
chaînons  en 
gros  fil  de 
i'er,  de  2  dé- 
c  i  m  è  t  r  e  s 
chacun,  réu- 
nis par  dos 
anneaux  en 
fer.  qui  sont 
remplacés 

de  cinq    en  cinq  par  des  anneaux  en  cuivre.  Le 
milieu  de  la   chaîne   est  marqué   par  une  petite 


ARPENTAGE 


—  193  — 


ARPENTAGE 


tige  en  cuivre;  la  chaîne  se  termine  par  des  poi- 
gnées en  fer  dont  la  longueur  est  prise  sur  les 
chaînons  extrêmes.  On  donne  quelquefois  à  la 
chaîne  4  ou  5  millimètres  de  plus  que  le  décamè- 
tre pour  compenser  le  défaut  de  tension  absolue 
qui  est  inévitable.  L'instrument  est  représenté 
ci-contre  (fig.  2). 

Pour  mesurer  à  la  chaîne  une  ligne  horizontale 
jalonnée,  l'opérateur  et  son  aide  tendent  la  chaîne 
en  la  tenant  chacun  par  une  poignée,  et  en  la  main- 
tenant le  plus  horizontalement  possible.  L'opéra- 
teur appuie  la  poignée  qu'il  tient  contre  le  premier 
jalon,  et  l'aide  tend  la  chaîne  dans  la  direction  du 
second  jalon.  Il  est  muni  de  10  fiches  en  fer  de 
40  centimètres  de  long,  terminées  d'un  côté  par 
une  pointe  et  de  l'autre  par  un  anneau.  Quand  la 
chaîne  est  dans  la  direction  de  la  droite  à  mesurer, 
l'aide  plante  une  fiche  contre  sa  poignée,  en  dedans 
de  cette  poignée.  L'opérateur  et  son  aide  transpor- 
tent alors  la  chaîne  dans  la  direction  des  jalons,  en 
la  maintenant  tendue  et  horizontale.  Arrivé  à  la 
fiche,  l'opérateur  appuie  sa  poignée  contre  cette 
fiche,  extérieurement,  et  l'aide  plante  une  seconde 
fiche  en  dedans  de  sa  poignée.  L'opérateur  ramasse 
la  première  fiche,  et  continue  à  s'avancer  avec  son 
aide  dans  la  direction  des  jalons.  Quand  les  neuf 
premières  fiches  ont  passé  ainsi  des  mains  de  l'aide 
dans  celles  de  l'opérateur,  l'aide  place  la  dixième 
fiche,  qui  est  plus  longue,  et  qui  marque  une  dis- 
tance de  100  mètres,  appelée  ;jor/ee; l'opérateur  re- 
met les  premières  fiches  à  son  aide,  et  l'opération 
continue. 

Quand  on  a  dépassé  le  dernier  jalon,  on  compte 
les  portées,  le  nombre  des  longueurs  de  chaîne 
formant  une  fraction  de  portée,  le  nombre  de 
chaînons  dépassant  la  dernière  chaîne,  depuis  son 
extrémité  jusqu'au  dernier  jalon,  enfin  la  frac- 
tion de  chaînon,  s'il  y  en  a  une,  que  l'on  évalue  à 
l'aide  de  divisions  tracées  sur  le  dernier  chaînon. 
La  somme  de  ces  diverses  longueurs  forme  la  dis- 
tance mesurée.  Si,  par  exemple,  elle  se  compose  de 
quatre  portées,  de  trois  longueurs  de  chaîne,  de 
sept  chaînons,  et  d'une  longueur  de  12  centimètres, 
elle  équivaut  à  400"! -l-3um-M"',4 -HO"», 12,  c'est-à- 
dire  431'»,52. 

3°  On  vérifie  la  chaîne  d'arpenteur  en  la  compa- 
rant avec  une  longueur  de  10  mètres  tracée  avec 
soin  sur  un  sol  bien  horizontal. 

Mais,  en  général,  le  mesurage  à  la  chaîne  d'une 
longueur  horizontale  peut  donner  lieu  à  une  erreur 
relative  de  j^L_,  ce  qui  tient  non-seulement  au  dé- 
faut d'horizontalité  ou  de  tension  de  la  chaîne,  mais 
aussi  à  l'erreur  presque  inévitable  que  l'on  commet 
à  chaque  déplacement  de  la  chaîne  sur  la  pose  de 
la  fiche  et  son  contact  avec  la  poignée. 

On  remplace  quelquefois  la  chaîne  par  un  ruban 
en  acier,  enroulé  autour  d'une  bobine  renfermée  dans 
une  boîte  ronde,  et  que  l'on  désigne  sous  le  nom  de 
roulette.  Cet  instrument,  très-portatif,  est  analogue  à 
la  roulette  dont  se  servent  les  couturières.  Les  di- 
visions y  sont  marquées  par  des  clous  en  cuivre. 
Ce  ruban  se  tend  plus  exactement  que  la  chaîne  et 
donne  de  bons  résultats. 

4*  Nous  avons  supposé  implicitement  que  l'on 
opérait  sur  un  terrain  horizontal.  S'il  y  a  une  fai- 
ble pente,  comme  on  ne  tient  compte  dans  l'arpen- 
tage que  de  la  projection  horizontale  des  distances, 
on  peut  encore  opérer  comme  il  a  été  expliqué  ci- 
dessus,  en  ayant  soin  de  tenir  la  chaîne  horizonta- 
lement. 

Si  la  pente  est  un  peu  considérable ,  on 
peut  l'évaluer  à  l'aide  de  la  boussole -éclimètre, 
instrument  dont  nous  parlons  à  la  fin  de  cet 
article  (V.  p.  199).  On  multiplie  alors  la  dis- 
tance parallèlement  au  sol  par  un  facteur  qui 
varie  avec  la  pente,  conformément  au  tableau  sui- 
vant : 

2"=  PARTtF. 


eales 

Multiplicateurs. 

Pentes. 

Multiplicateurs 

1 

0,9998 

16 

0,9613 

2 

0,9994 

17 

0.9563 

3 

0,9980 

18 

0,9511 

4 

0.9976 

19 

0.9455 

5 

0,9962 

20 

0,9397 

G 

0,9945 

21 

0,9336 

7 

0.9925 

22 

0,9272 

8 

0,9903 

23 

0,9205 

9 

0,9S77 

24 

0,9135 

10 

0,9848 

25 

0,9063 

11 

0,9816 

26 

0,8988 

12 

0,9781 

27 

0,8910 

13 

0,9744 

28 

0,8829 

14 

0,9703 

29 

0,8746 

15 

0,9059 

30 

0,8060 

Si,  par  exemple,  la  distance  mesurée  parallèle- 
lement  au  sol  a  été  trouvée  de  375", 62  et  que  la 
pente  observée  ait  été  trouvée  de  19  degrés,  la  pro- 
jection horizontale  de  la  distance  considérée  sera 
375'n,62  X  0,9455  ou  355", 15. 

5°  On  peut  encorej,  quand  le  terrain  est  forte- 
ment incliné,  se  servir  de  fiches  pesantes  qui  s'im- 
plantent d'elles-mêmes  dans  le  sol  quand  on  les  laisse 
tomber  de  l'extrémité  de  la  chaîne  horizontalemeni 
tendue.  Mais  cette  opération  est  toujours  difficile  ; 
et  l'erreur  relative  du  résultat  peut  s'élever  jus- 
qu'à-ji^  ou  même^,  selon  la  pente. 

e*-  Quand  le  terrain  est  très-tourmenté,  les  me- 
sures à  la  chaîne  peuvent  devenir  tout  à  fait  im- 
possibles ;  on  peut  recourir  dans  ce  cas  à  l'emploi 
de  la  lunette  Stadia. 

La  partie  principale  de  cet  instrument  est  une 
lunette  portée  sur  un  pied  et  pouvant  prendre  toute;? 
les  inclinaisons  possibles.  Au  foyer  de  son  objectif 
sont  disposés  deux  fils  horizontaux  dont  on  peut 
faire  varier  la  distance  à  l'aide  d'une  vis  micromé- 
trique. On  règle  cette  distance  de  manière  qu'en 
plaçant,  à  100  mètres  en  avant  de  l'instrument, 
une  mire,  ou  règle  divisée  placée  verticalement,  les 
images  des  deux  fils  interceptent  sur  cette  mire 
une  distance  de  1  mètre.  Si  l'on  transporte  la  mire 
à  une  distance  quelconque,  l'intervalle  intercepté 
par  les  images  des  fils  reste  sensiblement  propor- 
tionnel à  cette  distance  ;  en  sorte  que,  pour  obtenir 
cette  distance,  il  suffit  de  multiplier  par  100  l'in- 
tervalle observé  sur  la  mire.  Si,  par  exemple,  on 
place  la  mire  à  une  distance  telle  que  l'intervalle 
intercepté  par  les  images  des  fils  sort  de  1™,375, 
on  en  conclura  immédiatement  que  la  mire  est  à 
137"', 50  du  centre  de  l'objectif.  Les  distances  peu- 
vent être  obtenues  ainsi  aussi  exactement  qu'avec 
la  chaîne,  quand  elles  ne  dépassent  pas  500  mètres. 
L'emploi  de  la  stadia  est  surtout  utile  dans  les  pays 
de  montagnes,  où  la  mesure  directe  des  distances 
est  souvent  impossible. 

MESURE  DES  ANGLES. 

Deuxième  leçon.  —  Il  est  nécessaire  d'expli- 
quer  avant   tout   comment   on  détermine    la    di- 


Fig.  3 


rection  d'un  rayon  visuel ,  ou  celle  du  plan 
vertical  qui  le  contient.  C'est  à  cela  que  sert 
Validode.  Cet  instrument   se  compose  d'une  règle 

13 


ARPENTAGE 


—  194  — 


ARPENTAGE 


(fig.  3),  ordinairement  en  cuivre,  aux  extrémités 
de  laquelle  s'élèvent  deux  branches  percées  cha- 
cune d'une  fente  verticale,  et  que  l'on  appelle 
des  pinnules.  Vers  le  haut  de  l'une  et  vers  le 
bas  de  l'autre  la  fente  s'élargit  de  manière  à  for- 
mer une  sorte  de  fenêtre  rectangulaire,  traversée 
verticalement  en  son  milieu  par  un  fil  de  crin.  Pour 
viser  un  signal  avec  l'alidade,  on  la  pose  sur  un 
plan  horizontal,  et  on  la  dirige  de  telle  sorte  qu'en 
regardant  par  la  fente  de  la  pinnule  P,  on  aperçoive 
le  signal  coupé  dans  le  sens  vertical  par  le  fil  qui 
traverse  la  fenêtre  de  la  pinnule  P',  ou  vice  versa. 
Le  bord  AB  de  la  règle,  auquel  on  donne  le  nom  de 
ligne  de  foi,  est  alors  parallèle  à  la  projection  hori- 
zontale du  rayon  visuel,  et  peut  être  regardé  comme 
se  confondant,  sans  erreur  sensible,  avec  cette  pro- 
jection même,  parce  que  si  elle  n'est  pas  dans  le 
plan  vertical  des  deux  fils,  elle  n'en  est  qu'à  une 
distance  négligable  par  rapport  à  la  distance  du 
signal. 

On  vérifie  une  alidade  en  la  retournant  bout  à 
bout  ;  il  faut  qu'en  visant  par  la  fente  de  la  pinnule 


P'  on  aperçoive  le  signal  coupé  verticalement  par  le 
fil  qui  traverse  la  pinnule  P,  sans  que  la  ligne  de 
foi  ait  changé  de  direction. 

Quelquefois  la  pinnule  P'  est  percée  d'une  fente 
verticale  traversée  par  un  fil,  mais  la  pinnule  P  n'est 
percée  que  de  trois  œilletons,  ou  petits  trous  circu- 
laires placés  sur  une  même  verticale  ;  on  vise  par 
l'un  de  ces  œilletons  suivant  la  hauteur  du  signal. 
On  peut,  sans  inconvénient,  viser  un  signal  plus 
haut  ou  plus  bas  que  l'œil,  pourvoi  que  la  différence 
de  hauteur  ne  soit  pas  trop  grande. 

On  verra  plus  loin  que  l'usage  de  la  planchette 
exige  l'emploi  d'une  alidade  indépendante  ;  mais, 
dans  plusieurs  autres  instruments,  l'alidade  entre 
comme  élément  essentiel,  soit  fixe,  soit  mobile. 

8.  —  Il  y  a  encore  un  autre  élément  des  instru- 
ments servant  à  mesurer  les  angles  dont  il  est  né- 
cessaire de  parler  avant  d'aller  plus  loin.  La  cir- 
conférence ou  limbe  des  instruments  dont  il  s'agit 
n'étant  souvent  divisée  qu'en  degrés,  l'angle  mesuré 
ne  pourrait  être  obtenu  qu'à  un  quart  de  degré 
près  environ.  Pour  rendre  la  lecture  plus  précise, 


on  fait  usage  d'un  vernier  circulaire  (fig.  4).  C'est 
un  arc  de  cercle,  de  même  rayon  que  le  limbe,  qui 
est  porté  par  l'extrémité  du  bras  mobile  qui  porte 
également  l'alidade.  Voici  le  principe  de  ce  petit 
appareil.  Soit  ab  un  arc  compté  sur  le  bras  mobile, 
dans  le  même  sens  que  la  graduation  du  limbe,  et 
embrassant  9  divisions  de  ce  limbe.  On  a  divisé 
cet  arc  en  10  parties  égales.  Dès  lors,  si  un  trait 
de  ce  petit  arc,  qui  constitue  le  vernier,  coïncide 
avec  un  trait  du  limbe,  les  deux  traits  précédents 
du  côté  du  zéro  ne  coïncident  pas  ;  et  le  trait  du 
vernier  est  en  avant  du  trait  correspondant  du 
limbe  d'une  quantité  égale  à  ^  de  division.  Si 
l'on  considère  les  deux  traits  qui  précèdent  ceux- 
là  (toujours  du  côté  du  zéro),  on  voit  que  le  trait 
du  vernier  est  en  avance  de  ^q  de  division  sur  le 
trait  correspondant  du  limbe  ;  l'avance  est  de  ^ 
pour  le  trait  précédent;  et  ainsi  de  suite.  Il  en  ré- 
sulte que  si  le  trait  du  vernier  qui  est  en  coïnci- 
dence avec  un  trait  du  limbe  occupe  le  rang  7i  par 
rapport  au  zéro,  ce  zéro  lui-même  est  en  avance 
de  ^  de  division  sur  le  trait  correspondant  du 
limbe.  Si  donc  on  veut  mesurer  l'arc  compris  en- 
tre le  zéro  du  limbe  et  le  zéro  du  vernier,  après 
avoir  compté  le  nombre  entier  de  divisions  com- 
prises, on  évaluera  la  fraction,  s'il  y  en  aune,  en 


cherchant  le  trait  du  vernier  qui  est  en  coïncidence 
avec  un  trait  du  limbe  ;  le  rang  de  ce  trait  par 
rapport  au  zéro  du  vernier  donnera  le  nombre  de 
dixièmes  qu'il  faut  ajouter  au  nombre  entier  de 
divisions.  Si,  par  exemple,  le  nombre  entier  de 
divisions  comprises  entre  les  deux  zéros  est  27,  et 
que  le  trait  du  vernier  en  coïncidence  avec  un  trait 
du  limbe  occupe  le  sixième  rang  à  partir  du  zéro, 
on  en  conclura  que  la  fraction  à  ajouter  à  27 
est  j^Q  ;  ce  qui  donne  27o,6  à  Jg  de  degré  près. 

Dans  les  instruments  précis,  où  le  limbe  est  di- 
visé en  demi-degrés,  le  vernier  embrasse  quelque- 
fois 29  divisions  du  limbe,  et  est  divisé  en  30  par- 
ties égales  ;  dans  ce  cas  les  arcs  peuvent  être  lus  à  ^^^ 
près  d'une  division,  c'est-à-dire  à  moins  de  -^  de 
demi-degré,  ou  à  moins  d'une  minute.  Mais  une 
pareille  précision  est  rarement  nécessaire  dans 
l'arpentage. 

9.  —  Le  plus  précis  des  instruments  employés 
dans  l'arpentage  pour  la  mesure  des  angles  est  le 
graplK'inètre  (fig.  5)  ;  c'est  un  grand  rapporteur 
porté  sur  pieds.  Un  demi-cercle  ALB,  établi  sur 
trois  pieds  auxquels  il  s'articule  au  moyen  d'un  ge- 
nou à  coquilles,  peut  prendre  toutes  les  inclinai- 
sons par  rapport  au  plan  horizontal.  Le  diamètre 
AB  est  formé  d'une  alidade  fixe,  dont  la  ligne  de  foi 


ARPENTAGE 


—  195  — 


ARPENTAGE 


passe  par  le  centre  O  du  demi-cercle.  Autour  du 
même  centre  peut  tourner  une  alidade  mobile  CD, 
dont  les  extrémités,  munies  de  verniers,  parcourent 
la  circonférence,  ou  limbe,  du  demi-cercle.  Le  dia- 
mètre du  graphomètre  est  le  plus  souvent  deO^jlG 
ou  de  0",12;  son  limbe  est  divisé  de  droite  à 
gauche. 

Pour  mesurer  avec  cet  instrument  un  angle  dont 
les  côtés  sont  horizontaux,  ou  pour  réduire  à  l'ho- 
rizon l>ngle  de  deux  rayons  visuels  dirigés  vers 
deux  signaux,  après  avoir  installé  l'instrument  au 
sommet  de  l'angle,  de  manière  que  le  centre  du 
Jimbe  soit  dans  la  verticale  de  ce  sommet,  ce  dont 
on  s'assure  à  l'aide  d'un  fil  à  plomb,  on  commence 
par  rendre  horizontal  le  plan  du  limbe,  en  se  ser- 
vant pour  cela  du  niveau  à  bulle  d'air  dont  il  sera 
parlé  plus  loin. 


Fi  g.  5. 

On  fait  tourner  le  demi-cercle  autour  de  son 
«entre  de  manière  à  viser  le  signal  de  droite  à 
l'aide  de  l'alidade  fixe  ;  on  fait  alors  tourner  l'a- 
lidade mobile  CD  de  manière  à  viser  le  signal  de 
gauche;  l'angle  BOD,  que  l'on  peut  lire  sur  le 
limbe  et  évaluer  à  l'aide  du  vernier,  est  l'angle 
qu'il  s'agissait  de  mesurer. 

10.  —  On  peut  avec  un  graphomètre  mesurer  un 
angle  dans  son  plan,  ce  qui  est  utile  dans  diverses 
circonstances.  On  amène  pour  cela  le  plan  du 
limbe  dans  la  direction  du  plan  déterminé  par  les 
deux  rayons  visuels  ;  on  reconnaît  que  cette  con- 
dition est  remplie,  lorsque,  en  faisant  tourner  l'ali- 
lade  mobile,  on  peut  viser  successivement  les 
deux  signaux.  On  fait  alors  tourner  le  plan  du  limbe 
•amour  de  son  centre,  de  manière  à  viser  le  signal 
de  droite  avec  l'alidade  fixe;  on  vise  le  signal  de 
gauche  avec  l'alidade  mobile,  et  l'angle  se  mesure 
comme  ci-dessus. 

11.  —Il  y  a  plusieurs  vérifications  à  faire  subir 
au  graphomètre.  Pour  vérifier  la  graduation,  on 
porte  sur  le  limbe  une  ouverture  de  compas  em- 
brassant, par  exemple,    7,  11   ou    1-3  divisions;  il 


faut  qu'en  promenant  cette  ouverture  de  compas 
sur  la  circonférence,  elle  embrasse  toujours  le 
même  nombre  de  divisions.  Il  faut,  en  second  lieu, 
qu'en  amenant  l'alidade  mobile  sur  l'alidade  fixe 
les  fils  des  quatre  pinnules  soient  bien  dans  un 
même  plan.  Pour  s'assurer  que  l'appareil  est  bien 
centré,  on  commence  par  rendre  le  limbe  horizon- 
tal, et  l'on  dirige  l'alidade  fixe  sur  une  droite  jalon- 
née; on  vise  avec  l'alidade  mobile  un  point  P  éloigné, 
et  l'on  mesure  l'angle  aigu  que  fait  le  rayon  visuel 
avec  la  droite  Jalonnée.  On  fait  tourner  alors  le 
limbe  de  manière  à  amener  l'alidade  fixe  dans  la 
direction  du  point  P,  et  l'on  amène  l'alidade  mobile 
dans  la  direction  de  la  droite  jalonnée,  mais  en 
sens  contraire  ;  on  mesure  l'angle  obtus  adjacent  à 
celui  qui  a  été  mesuré  d'abord;  il  faut  que  la  somme 
des  deux  angles  ainsi  mesurés  ne  diffère  de  1 80°  que 
d'un  dixième  ou  d'un  vingtième  de  degré,  suivant 
que  le  limbe  est  divisé  en  degrés  ou  en  demi- 
degrés. 

12.  Troisième  leçon.  —  Après  le  graphomètre, 
l'instrument  le  plus  fréquemment  employé  dans 
l'arpentage  pour  la  mesure  des  angles  est  la  bous- 
sole. Cet  instrument  est  fondé  sur  la  propriété 
qu'a  l'aiguille  aimantée  ,  librement  suspendue  par 
son  centre  sur  un  pivot  vertical,  de  se  diriger  con- 
stamment, non  pas  vers  le  nord  comme  on  le  dit 
souvent,  mais  vers  un  point  de  l'horizon  qui,  en 
ce  moment,  et  à  Paris,  est  situé  à  environ  17"  1/2 
ouest  du  point  nord.  On  sait  qu'on  donne  ordi- 
nairement à  l'aiguille  la  forme  d'un  losange  allongé  ; 
le  plan  vertical  qui  passe  par  la  plus  grande  dia- 
gonale indique  la  direction  du  méridien  magnéti- 
que. L'angle  qu'une  direction  quelconque  fait  avec 
ce  méridien  est  l'azimut  magnétique  de  cette  di- 
rection. Pour  éviter  toute  ambiguïté,  on  compte 
les  azimuts  depuis  zéro  jusqu'à  360°,  toujours  dans 
le  même  sens  à  partir  du  nord,  savoir  :  Nord, 
Ouest,  Sud,  Est,  Nord.  La  pointe  de  l'aiguille  qui 
se  dirige  constamment  vers  le  pôle  magnétique  est 
ordinairement  colorée  en  bleu. 

1.3.  —  La  partie  principale  de  la  boussole  est 
une  aiguille  aimantée  AB  (fig.  6),  placée  au  fond 
d'une  boite  carrée  et  reposant  par  une  chape  d'a- 
gate sur  un  pivot  vertical  en  acier.  Ses  extrémités 
parcourent  un  limbe  divisé  en  degrés  dans  le  sens 
N.,  E.,  S.,  0.,  N.,  c'est-à-dire  dans  un  sens  in- 
verse de  celui  dans  lequel  se  comptent  les  azimuts 
magnétiques  ;  on  verra  bientôt  pourquoi.  Les  dia- 
mètres du  limbe  qui  sont  parallèles  aux  côtés  de  la 
boîte  répondent:  l'un  aux  divisions  0  et  iSO»,  c'est 
la  ligne  N.-S.  ;  l'autre  aux  divisions  90°  et  270°, 
c'est  la  ligne  O.-E.  La  boîte  est  recouverte  d'une 
glace  placée  très  près  de  l'aiguille,  de  sorte  que, 
lorsqu'on  retourne  la  boîte  sens  dessus  dessous, 
l'aiguille  ne  tombe  pas  de  son  pivot,  Un  levier  l, 
que  l'on  manœuvre  à  l'aide  d'un  bouton  V,  sert  à, 
appliquer  l'aiguille  contre  la  glace,  quand  on  veut 
arrêter  ses  oscillations.  Un  couvercle  à  coulisse 
recouvre  la  glace  quand  on  ne  se  sert  pas  de  l'in- 
strument. 

La  boîte  repose  par  son  centre  sur  un  pied  à  trois 
branches  au  moyen  d'un  genou  à  coquilles,  en 
sorte  que  le  limbe  peut  être  rendu  parfaitement 
horizontal,  ce  dont  on  s'assure  à  l'aide  des  deux 
niveaux  à  bulle  d'air  nn  et  n'n'  placés  rectangulai- 
rement  dans  la  boîte  ;  le  limbe  est  horizontal 
quand  la  bulle  de  chacun  des  niveaux  est  exac- 
tement placée  entre  ses  repères.  La  boîte  peut 
en  outre  tourner  librement  autour  d'un  axe 
vertical  passant  par  son  centre.  Sur  le  côté  de  la 
boîte  est  établie  une  lunette  LL',  mobile  autour 
d'un  axe  horizontal  perpendiculaire  à  la  paroi,  et 
dont  l'axe  optique  se  meut  par  conséquent  dans  un 
plan  vertical  parallèle  à  cette  paroi  et  à  la  ligne 
0  —  180°  ou  N.-S.,  que  l'on  appelle  la  ligne  de  foi. 
Quand  on  ne  doit  opérer  que  sur  de  petites  dis- 
tances,  la  lunette  est  souvent  remplacée  par  un 


ARPENTAGE 


—  196  — 


ARPENTAGE 


simple  tube  en  bois,  h  section  carrée,  dont  les 
bouts  sont  percés  de  fenêtres  comme  les  pinnules 
d'une  alidade. 

Quand  le  limbe  est  hori^ontal,  le  plan  vertical 
dans  lequel  se  meut  l'axe  optique  de  la  lunette, 
et  le  plan  vertical  de  la  ligne  de  foi,  qui  sont 
parallèles,  font  avec  le  plan  vertical  mené  par  la 
grande  diagonale  de  l'aiguille  un  angle  qui  est 
précisément  l'azimut  magaiétique  de  la  direction 


dans  laquelle  on  vise  ;  et  cet  angle  a  pour  mesure 
l'arc  compris  sur  le  limbe  entre  la  pointe  bleue  de 
l'aiguille  et  le  point  zéro  ou  N.  —  Ainsi,  dans  la 
figure  1,  si  le  point  B  est  l'extrémité  de  la  pointe 
bleue  de  l'aiguille,  l'azimut  de  la  direction  visée 
par  la  lunette  LL'  a  pour  mesure  l'arc  BEiV. 

14.  —  Il  est  facile  de  comprendre,  d'après  ce  qui 
précède,  comment  on  peut  mesurer  un  angle  avec 
la  boussole,  par  exemple  l'angle  formé  par  les 
rayons  visuels  menés  d'un  même  point  du  terrain 
vers  deux  jalons  ou  deux  signaux  quelconques.  On 
établit  l'instrument  au  sommet  de  l'angle  à  mesu- 
rer, de  manière  que  le  centre  du  limbe  soit  à  peu 
près  sur  la  verticale  de  ce  sommet,  et  que  le  limbe 
soit  horizontal.  On  fait  tourner  la  boîte  autour  de 
son  axe  vertical  jusqu'à  ce  que,  ayant  la  lunette  à 
sa  droite,  on  puisse  avec  cette  lunette  viser  le  si- 
gnal de  droite  ;  et  on  lit  sur  le  limbe  l'arc  com- 
pris entre  la  pointe  bleue  de  l'aiguille  et  le  point 
N.  On  fait  de  nouveau  tourner  la  boîte  jusqu'à  ce 
que,  ayant  toujours  la  lunette  à  droite,  on  puisse 
avec  cette  lunette  viser  le  signal  de  gauche  ;  et  on  lit  de 
nouveau  sur  le  limbe  l'arc  compris  entre  la  pointe 
bleue  de  l'aiguille  et  le  point  N.  La  différence  des 
deux  lectures  est  l'expression  de  l'angle  qu'il  s'a- 
gissait de  mesurer.  —  Il  faut  bien  remarquer  que 


ce  n'est  pas  l'angle  des  deux  rayons  visuels  eux- 
mêmes  que  l'on  mesure  ainsi,  mais  l'angle  de 
leurs  projections  horizontales,  ou,  suivant  l'ex- 
pression consacrée,  cet  angle  réduit  à  l'horizon; 
or  c'est  précisément  cet  angle  ainsi  réduit  dont 
on  a  besoin  dans  le  lever  des  plans.  —  Les  angles 
mesurés  à  la  boussole  ne  peuvent  jamais  être 
obtenus  avec  une  grande  approximation  ;  avec  le 
plus  grand  soin  possible  on  ne  peut  pas  répon- 
dre de  ne  pas  commettre  une  erreur  de  |  ou 
même  {  de  degré.  Cela  tient  d'une  part  aux  oscil- 
lations continuelles  de  l'aiguille  ;  on  peut  bien  en 
diminuer  peu  à  peu  l'amplitude  en  agissant  sur 
le  levier  /  pour  arrêter  l'aiguille  un  instant  ;  mais, 
à  moins  de  perdre  un  temps  considérable,  on  est 
toujours  forcé  on  définitive  de  juger  de  la  position 
finale  de  l'aiguille  par  la  moyenne  de  ses  excur- 
sions à  droite  et  à  gauche,  ce  qui  laisse  toujours 
quelque  incertitude.  De  plus,  la  déclinaison  de  l'ai- 
guille aimantée  est  sujette  à  des  variations  diurnes 
qui  peuvent  aller  jusqu'à  |  de  degré  dans  la  belle 
saison,  ce  qui  constitue  une  seconde  cause  d'incer- 
titude. Aussi  la  boussole  n'est-elle  employée  que 
dans  les  opérations  de  détail  qui  n'exigent  pas  une 
précision  rigoureuse  ;  encore  faut-il  avoir  soin,  dans 
ces  opérations,  d'éviter  la  proximité  des  masses 
de  fer  ou  de  fonte  qui  pourraient  dévier  l'aiguille 
et  introduire  une  nouvelle  cause  d'erreur. 

15.  —  Avant  de  se  servir  dune  boussole  il  est 
nécessaire  de  la  vérifier. 

1°  La  première  chose  à  faire  est  de  voir  si  l'axe 
de  figure  de  l'aiguille,  c'est-à-dire  la  grande  diago- 
nale du  losange,  coïncide  avec  l'axe  magnétique. 
Pour  s'en  assurer,  après  avoir  rendu  le  limbe  ho- 
rizontal, on  vise  un  point  éloigné,  et  on  lit  sur  le 
limbe  l'azimut  de  la  direction  du  rayon  visuel  ainsi 
mené.  On  enlève  la  glace  qui  recouvre  le  limbe  et 
l'on  retourne  l'aiguille  sur  elle-même,  de  manière 
qu'elle  repose  sur  son  pivot  par  l'autre  côté  de  sa 
chape;  on  vise  de  nouveau  le  point  déjà  visé,  et 
l'on  fait  une  seconde  lecture.  Si  les  deux  arcs  obte- 
nus sont  égaux,  l'axe  de  figure  et  l'axe  magnétique 
coïncident.  S'il  y  a  une  différence,  elle  exprime  le 
double  d'une  erreur  de  pointé  qui  se  repro- 
duira à  chaque  opération.  On  pourrait  en  tenir 
compte;  mais  il  sera  préférable  de  faire  corriger  le 
défaut  de  l'aiguille. 

2°  Il  faut  s'assurer  ensuite  que  l'axe  optique  de 
la  lunette,  quand  elle  est  horizontale-,  est  bien  pa- 
rallèle à  la  ligne  de  foi  NS.  Pour  cela,  on  vise  ua 


•r 


objet  éloigné  X  (fig.  7)  ;  on  fait  faire  à  la  boUc  u:v 
demi-tour  complet  autour  de  son  axe  vertical,  et  en 
même  temps  on  fait  faire  également  un  demi-tour 


ARPENTAGE 


—  197  — 


ARPENTAGIS 


à  la  lunette  autour  de  son  axe  horizontal  ;  puis  on 
Nise  de  nouveau  le  même  point  X'(fig.  8);  les  deux 
azimuts  obtenus  devront  différer  exactement  de 
180»,  car  les  droites  LX  et  LX'  dans  les  deux 
figures  peuvent  être  regardées  comme  parallèles,  à 
cause  de  l'éloignement  du  point  visé. 

3°  Il  faut  s'assurer  que  le  centre  de  rotation  de 
laiguille  coïncide  avec  le  centre  du  limbe.  Il  suffit 
pour  cela  de  mesurer  deux  angles  adjacents  ;  leur 
somme  doit  donner  exactement  180°  ;  ce  qui  n'au- 
rait pas  lieu  si  le  iimbe  était  mal  centré. 

4"  Il  faut  encore  vérifier  si  le  mouvement  de  ro- 
tation de  la  boite  s'exécute  bien  autour  d'un  axe 
perpendiculaire  au  limbe.  Il  suffit  pour  cela,  après 
avoir  rendu  le  limbe  horizontal,  de  faire  tourner 
la  boite;   il  faut  que,    dans  ce    mouvement,  les 


bulles  des  deux  niveaux  ne  quittent  point  leurs  re 
pères. 

ô"  Enfin  il  faut  vérifier  la  graduation  du  limbe. 
Il  suffit, pour  cela,  do  prendre  avec  une  ouverture 
de  compas  l'intervalle  de  deux  divisions  éloignées 
de  7,  13  degrés,  ou  en  général  d'un  nombre  premier 
de  divisions;  il  faut  qu'en  promenant  cette  ouver- 
ture de  compas  sur  le  bord  du  limbe,  elle  embrasse 
toujours  le  même  nombre  de  degrés. 

IG.  —  La  planchette  (fig.  9),  dont  nous  avons 
maintenant  à  nous  occuper,  ne  sert  pas.  à  propre- 
ment parler,  à  mesurer  les  angles  que  forment  les 
rayons  visuels  menés  à  divers  signaux,  mais  bien 
à  faire  des  angles  égaux  à  ceux-ci.  Sa  partie  princi- 
pale est  une  planchette  bien  dressée  PP,  et  soli- 
dement encadrée  comme  une    planche  à   dessin. 


Fit:.  10 


Elle  a  60  centim.  de  long  sur  50  à  55  de  large. 
Ses  plus  longs  côtés  sont  munis  de  rouleaux  r,r, 
pouvant  tourner  dans  des  collets  fixés  à  la  plan- 
chette; ils  servent  à  tendre  la  feuille  sur  laquelle 
on  doit  opérer. 

La  planchette  porte  er.  dessous  deux  traverses 
longitudinales  TT  le  long  desquels  peut  glisser  une 
tablette  carrée  AA  qui  tient  au  pied  de  l'appareil  : 
on  peut  ainsi  enlever  et  remettre  à  volonté  la  plan- 
chette en  la  faisant  glisser  parallèlement  aux  tra- 
verses. 

La  pièce  carrée  AA  est  liée  au  plateau  MM,  qui 
termine  le  support  à  trois  branches,  à  l'aide  dune 
articulation  qui  porte  le  nom  de  genou  à  la  Cu- 
gnot.  Elle  se  compose  de  deux  cylindres  égaux  C  et 
C,  dont  les  axes  se  coupent  à  angle  droit.  Le 
système  de  la  planchette  peut  tourner  autour 
de  l'axe  du  cylindre  C,  et  ce  cylindre  lui-même 
peut  tourner  autour  de  l'axe  du  cylindre  C  ;  la 
planchette  peut  prendre  auisi  toutes  les  directions  ; 
les  écrous  V  et  V  servent  à  la  fixer  dans   celle 


qu'on  veut  lui  donner,  c'est-à-dire  dans  la  position 
horizontale.  On  vérifie  celle-ci  à  l'aide  du  niveau  h 
bulle  d'air,  dont  il  sera  question  plus  loin. 

17.  —  La  planchette  étant  ctabhe  horizontale- 
ment au-dessus  du  sommet  de  l'angle  à  observer, 
on  marque  sur  la  feuille,  en  s'aidant  d'un  fil  à 
plomb,  le  point  situé  dans  la  verticale  de  son 
sommet,  ou  très  près  de  cette  verticale.  On  plante 
en  ce  point  une  aiguille.  On  se  sert  alors  d'une 
alidade,  dont  on  appuie  l'arête  contre  l'aiguille,  on 
vise  l'un  des  deux  signaux  qui  déterminent  l'angle 
à  mesurer,  et  l'on  se  sert  de  l'arête  de  l'alidade 
comme  règle  pour  tracer  sur  la  feuille  la  projection 
horizontale  de  ce  premier  rayon  visuel.  On  opère 
de  même  pour  le  second;  et  l'on  a,  sur  la  feuille, 
l'angle  des  deux  rayons  visuels  réduit  à  l'horizon. 
On  peut  alors  ou  mesurer  cet  angle  au  rapporteur, 
ou  faire  un  angle  égal  sur  une  autre  feuille  à  l'aide 
des  procédés  géométriques  connus. 

On  verra  à  l'article  Lever  des  plans  l'usage  de 
la  planchette  dans  les  opérations  de  ce  genra. 


ARPENTAGE 


198 


ARPENTAGE 


18.  —  L'instrument  le  plus  fréquemment  em- 
ployé dans  l'arpentage  est  ïéquerre  d'arpenteur, 
qui  sert  à  faire  des  angles  droits,  c'est-à-dire  à 
déterminer  une  direction  perpendiculaire  à  une 
droite  déjà  tracée  sur  le  terrain.  Cet  instru- 
ment (fig.  10)  se  compose  d'une  boite  cylindrique 
de  8  à  1 0  centimètres  de  haut  sur  5  à  6  de  dia- 
mètre, percée  de  4  fenêtres  verticales  répondant  à 
deux  plans  perpendiculaires  passant  par  son  axe. 
La  disposition  de  ces  fenêtres  est  celle  des  pinnules 
d'une  alidade  :  deux  fenêtres  opposées  détermi- 
nent une  direction,  et  les  deux  autres  une  direction 
perpendiculaire  à  la  première.  —  Indépendamment 
de  ces  4  fenêtres,  il  y  en  a  4  autres  qui  répondent 
aux  plans  bissecteurs  des  angles  formés  par  les 
plans  des  premières;  on  a  ainsi  deux  nouvelles 
lignes  de  visée  perpendiculaires  entre  elles,  et  fai- 
sant avec  les  premières  des  angles  de  45°.  Elles  se 
distinguent  des  premières  par  la  forme  des  fe- 
nêtres, qui  ne  présentent  qu'une  fente  verticale 
terminée  en  haut  et  en  bas  par  un  œilleton. 

La  boîte  se  termine  intérieurement  par  une 
douille  qui  peut  s'adapter  à  un  bâton  ferré,  qu'on 
appelle  le  bâton  d'équerre,  et  que  l'on  plante  ver- 
ticalement dans  le  sol  quand  on  veut  se  servir  de 
l'appareil. 

19.  —  Pour  élever  en  un  point  A  d'une  droite 
jalonnée  AB  une  perpendiculaire  à  cette  droite, 
on  plante  le  bâton  d'équerre  au  point  A,  on  fait 
tourner  l'équerre  autour  de  son  axe  jusqu'à  ce 
que,  en  regardant  derrière  le  point  A  par  deux  fe- 
nêtres opposées,  on  aperçoive  le  point  B  coupé  par 
les  fils  réunis  des  pinnules.  Si  l'on  regarde  alors 
par  les  deux  autres  fenêtres  opposées,  qui  déter- 
minent une  ligne  de  visée  perpendiculaire,  on 
pourra  faire  planter  un  jalon  C  dans  cette  direc- 
tion, et  l'angle  BAC  sera  droit. 

Pour  abaisser,  au  contraire,  d'un  point  donné  M 
une  perpendiculaire  sur  une  droite  jalonnée  AB, 
on  place  l'équerre  sur  cette  ligne,  de  manière 
qu'en  regardant  par  deux  fenêtres  opposées,  dans 
un  sens  ou  dans  l'autre,  on  aperçoive  un  des  jalons 
qui  déterminent  la  droite  ;  en  transportant  alors 
l'équerre  sur  cette  droite,  sans  changer  sa  direc- 
tion, on  arrivera  à  une  position  dans  laquelle,  en 
regardant  par  les  deux  fenêtres  qui  déterminent 
la  direction  perpendiculaire,  onaperçoivele  point  M. 
Le  point  où  se  trouvera  alors  l'équerre  sera  le 
pied  de  la  perpendiculaire  demandée. 

1Q.  —  Pour  vérifier  l'équerre,  on  détermine  avec 
son  aide,  sur  le  terrain,  deux  directions  perpendi- 
culaires AB,  AC,  le  pied  de  l'équerre  étant  au 
point  A.  Il  faut  alors  qu'en  faisant  tourner  l'équerre 
jusqu'à  ce  que  l'une  des  directions  à  45"  vienne 
passer  par  le  point  B,  l'autre  vienne  passer  par  le 
point  C. 

MESURE  DES    DIFFÉRENCES  DE  NIVEAU. 

21.  Quatrième  leçon.  —  Nous  avons  à  décrire  en 
premier  lieu  le  niveau  à  bulle  d'air  (fig.  Il),  dont 


Fig.  11. 

nous  avons  eu  déjà  plusieurs  fois  l'occasion  de  pro- 
noncer le  nom,  et  qui  sert  à  vérifier  l'horizontalité 
des  droites  ou  des  plans.  Il  se  compose  d'un  tube 
de  verre  légèrement  convexe  vers  le  haut,  enchâssé 
dans  une  monture  métallique,  et  reposant  sur  une 
platine   en   métal.  Le  tube   est   rempli   d'eau,  ou 


mieux  d'alcool,  sauf  la  place  dune  bulle  d'air  qui, 
lorsque  la  platine  est  horizontale,  vient  se  placer 
d'elle-même  vers  le  haut  de  la  courbure  du  tube, 
entre  deux  traits  marqués  sur  le  verre  et  que  l'on 
appelle  ses  repères. 

Pour  vérifier  avec  cet  instrument  l'horizontalité 
d'une  droite,  il  suffit  de  placer  la  platine  sur  cette 
droite,  et  de  s'assurer  que  la  bulle  d'air  est  entre 
ses  repères.  Pour  vérifier  l'horizontalité  d'un 
plan,  on  vérifie  celle  de  deux  droites  à  peu  près 
rectangulaires  tracées  dans  ce  plan.  C'est  ainsi 
que  l'on  s'assure  de  l'horizontalité  de  la  plan- 
chette, du  limbe  de  la  boussole,  etc. 

Pour  vérifier  l'instrument  lui-môme,  on  le  pose 
sur  une  droite  peu  inclinée,  et  l'on  marque  sur  le 
tube,  à  l'aide  d'un  pinceau  fin  légèrement  chargé 
de  couleur,  les  extrémités  de  la  bulle.  On  retourne 
alors  le  niveau  bout  pour  bout,  et  l'on  marque  de 
nouveau  les  extrémités  de  la  bulle.  Si  le  niveau  est 
bien  réglé,  les  traits  ainsi  marqués  sur  le  tube 
doivent  être  symétriquement  placés  par  rapport  au 
milieu  de  la  distance  des  repères. 

22.  —  Le  niveau  d'eau  (fig.  12)  sert  à  mener  dans 


Fig.  \-i 

la  campagne  un  rayon  visuel  horizontal,  et,  par 
suite,  à  comparer  la  hauteur  de  deux  points.  Il  est 
fondé  sur  le  principe  des  vases  communiquants.  Il 
se  compose  d'un  tube  en  fer-blanc  ou  mieux  en 
cuivre,  d'environ  1°',40  de  long  et  0'",0.3  de  dia- 
mètre, dont  les  extrémités  se  relèvent  à  angle 
droit  pour  recevoir  des  fioles  de  verre  d'égal  dia- 
mètre. Le  tube  porte  en  son  milieu  une  douille  à 
l'aide  de  laquelle  on  le  pose  sur  un  pied  à  trois 
branches  comme  celui  du  graphomètre;  le  tube 
peut  tourner  en  même  temps  autour  de  l'axe  de 
la  douille,  c'est-à-dire  autour  d'un  axe  vertical. 

On  le  remplit  d'eau  jusqu'aux  deux  tiers  à  peu 
près  de  la  hauteur  des  fioles.  Les  surfaces  supé- 
rieures de  l'eau  dans  les  deux  fioles  sont  alors  dans 
un  même  plan  horizontal,  et  l'on  obtient  un  rayon 
visuel  horizontal  en  visant  dans  le  plan  de  ces 
deux  surfaces.  Pour  cela,  on  se  place  à  1"',50  en- 
viron en  arrière  de  l'axe  des  fioles  ;  et  l'on  mène 
un  rayon  visuel  formant  une  tangente  intérieure 
aux  deux  cercles  suivant  lesquels  les  fioles  sont 
coupées  par  la  surface  de  l'eau.  En  opérant  ainsi, 
on  évite  qu'une  des  fioles  ne  cache  l'autre.  En 
faisant  tourner  l'instrument  autour  de  son  axe  ver- 
tical on  peut  viser  ainsi  dans  une  direction  hori- 
zontale quelconque. 

23.  —  Mais  l'emploi  du  niveau  d'eau  exige  celui 
d'un  instrument  complémentaire  que  l'on  appelle 
une  mire.  On   en  distingue  de  plusieurs  espèces. 

Une  mire  simple  (fig.  13)  est  une  règle  de 
2  mètres  de  haut  et  do  .3  à  4  centimètres  de  large, 
que  l'on  dresse  verticalement;  elle  se  termine  à  la 
partie  inférieure  par  un  talon  en  fer  T  que  l'on 
pose  sur  le  sol  ;  il  porte,  perpendiculairement  à  la 
règle,  une  pédale  sur  laquelle  l'aide  qui  porte  la 
mire  appuie  le  pied  pour  la  maintenir  droite.  La 
règle  est  divisée  on  décimètres  et  centimètres  sur 
l'une  des  arêtes  de  la  face  postérieure.  Le  long  de 


ARPENTAGE 


—  199  — 


ARTICLE 


la  règle  peut  glisser  un  collier  portant  une  plaque 
rectangulaire  V  peinte  de  deux  couleurs,  blanc  et 
rouge,  que  l'on  appelle  un  voyant.  Le  collier  ou 
coulant  qui  porte  ce  voyant  peut  être  fixe  en  un 
point  quelconque  de  la  règle  au  moyen  dune  vis 
de  pression;  et  l'on  peut  lire  sur  les  divisions  de 
la  règle  la  hauteur  du  centre  du  voyant  au-dessus 

du  sol.  ,  X  1      j 

Une  mire  à  coulisse  (fig.  14)  est  une  règle  de 
2  mètres,  qui  peut  se 
développer  jusqu'à  4 
mètres,  à  l'aide  d'une 
seconde  règle  glissant 
dans  une  rainure  pra- 
tiquée le  long  de  la 
première.    Le   voyant 


Fig.  14. 


est  alors  placé  au  bout  de  la  seconde  règle.  Une 
vis  de  pression  sert  à  fixer  la  seconde  règle  ou 
allonr/e  dans  une  position  quelconque,  et  les  divi- 
sions de  la  règle  pern.ettent  de  lire  la  hauteur  du 
centre  du  voyant  au-dessus  du  sol. 

24.  —  Avec  le  niveau  d'eau  on  ne  peut  guère 
viser  plus  loin  que  40  ou  50  mètres.  Si  la  distance 
était  plus  considérable,  il  faudrait  faire  usage  du 
niveau  d'Egault.  La  partie  principale  de  cet  instru- 
ment est  un  niveau  à  bulle  d'air  posé  sur  une  pla- 
tine faisant  corps  elle-même  avec  un  plateau  cir- 
culaire que  l'on  peut  rendre  horizontal.  Sur  des 
collets  liés  à  la  platine  repose  une  lunette  parallèle 
au  niveau  à  bulle  d'air,  et  dont  l'axe  est  par  consé- 
quent horizontal  quand  la  bulle  est  entre  ses  re- 
pères. En  regardant  par  cette  lunette  on  peut  donc 
se  procurer  un  rayon  visuel  horizontal. 

En  même  temps  on  fait  ordinairement  usage  de 
ce  qu'on  appelle  une  mire  parlante  ;  c'est  une  mire, 


soit  simple,  soit  k  coulisse,  dont  le  voyant  est 
supprimé  ;  mais  elle  a  de  10  à  12  centimètres  de 
large  et  est  partagée  en  trois  colonnes  dans  le  sens 
longitudinal  :  deux  de  ces  colonnes  sont  divisées 
en  bandes  de  2  centimètres  d'épaisseur  peintes  al- 
ternativement blanc  et  rouge  ;  la  troisième  colonne 
porte  des  chiffres  qui  indiquent  des  intervalles  de 
10  centimètres.  Avec  une  pareille  mire  l'opérateur 
peut  lire  lui-même  la  division  à  laquelle  correspond 
son  rayon  visuel. 

Enfin,  dans  quelques  circonstances,  on  peut  avoir 
besoin  de  mesurer  la  pente  d'une  droite,  c'est-à- 
dire  son  inclinaison  par  rapport  à  l'horizon,  il  faut 
dans  ce  cas  faire  usage  d'un  éclimètre.  Le  plus 
simple  est  la  boussole-éclimètre.  C'est  une  bousetle 
ordinaire,  dans  laquelle  la  lunette,  ou  plutôt  une 
règle  munie  de  verniers  et  solidaire  avec  elle,  par- 
court une  portion  d'arc  de  cercle,  embrassant  une 
quarantaine  de  degrés  au-dessus  et  au-dessous  de 
son  diamètre.  Ce  diamètre  est  horizontal  quand  le 
limbe  de  la  boussole  l'est  lui-même  ;  et  l'on  peut 
apprécier  ainsi  la  pente  du  rayon  visuel. 

Mais  il  est  rare  que  les  opérations  qui  sont  du 
ressort  de  l'arpenteur  exigent  l'emploi  des  instru- 
ments dont  nous  venons  de  parler,  et  qui  se  rap- 
portent plutôt  à  la  topographie  qu'à  l'arpentage. 

[H.  Sonnet.]. 

ARTICLE.  —  Grammaire,  X.  —  {Etym.:d\i  latin 
articulus,  jointure,  articulation). 

«  Quand  on  a  désigné  par  le  mot  cheval  un  cer- 
tain animal,  il  reste  à  dire  de  quel  cheval  on  veut 
parler;  dans  ce  but  on  place  devant  le  nom  un  mot 
dit  article,  qui  s'appelle  article  défini  quand  il  s'ap- 
plique à  un  objet  déterminé,  comme  le  cheval  (dans 
cette  phrase  :  le  cheval  de  mon  père  est  noir), 
et  article  indéfini  quand  il  désigne  un  objet  indé- 
terminé, comme  un  cheval  en  général;  par  exemple  : 
itn  cheval  est  toujours  un  animal  utile  «  (Brachet, 
Souvelle  grammaire). 

Cet  exemple  suffit  à  distinguer  les  deux  sortes 
d'articles  :  l'article  défini,  le,  la,  les,  l'article  indé- 
fini, un,  une,  des. 

Article  défini.  —  So7i  origine.  —  Il  dérive  de 
l'adjectif  démonstratif  latin  :  ille,  illa,  illos  ou  illas 
ont  donné  naissance  aux  mots  le,  la,  les.  C'est  bien 
en  efi"et  une  sorte  d'adjectif  démonstratif  que  ce 
mot  qui  sert  à  montrer  quel  est  entre  plusieurs 
objets  celui  dont  on  veut  parler. 

Son  emploi.  —  Il  s'emploie  par  conséquent  de- 
vant tous  les  noms  communs  qui  ont  besoin  de  ce 
signe  distinctif  ;  les  noms  propres  de  personnes  au 
contraire  n'en  ont  pas  besoin,  puisqu'ils  sont  par- 
faitement déterminés  par  eux-mêmes  :  Pierre,  Paul, 
Bossuet,  etc.  Cependant  quelques  noms  venus  de 
langues  étrangères,  de  l'italien  surtout,  le  Tasse, 
le  Dante,  l'Arioste,  etc.,  gardent  l'article  qu'ils  ont 
dans  cette  langue. 

Sa  forme.  —  L'article  le,  la,  les  offre  deux  parti- 
cularités de  forme  avec  lesquelles  il  faut  familia- 
riser les  enfants  et  les  étrangers. 

1°  Quand  le,  la  précèdent  un  mut  commençant 
par  une  voyelle  ou  un  h  muet,  l'article  perd  sa 
voyelle,  qui  est  remplacée  par  une  apostrophe. 
Exemple  :  /'enfant,  /'envie,  /'honneur,  /'humeur. 
On  dit  alors  que  l'article  est  élidé. 

{Elider  vient  du  latin  elidere,  qui  veut  dire  écra- 
ser :  la  voyelle  élidée  est  en  effet  écrasée  et  rem- 
placée par  l'apostrophe.) 

2°  Devant  un  nom  masculin  singulier  commen- 
çant par  une  consonne  ou  un  h  aspiré,  on  met  au 
pour  à  le;  du  pour  de  le.  Exemple  :  au  père,  au 
licros;  du  père,  du  héros. 

Au  pluriel,  devant  tous  les  noms,  de  les  se  change 
en  des;  à  les  se  change  en  aux.  Exemple  :  des 
pères,  aux  pères.  On  dit  alors  que  l'article  est 
contracté. 

[Contracté  vient  du  latin  contractum,  resserré.) 

A   le  est  d'abord  devenu  al  dans  le  vieux  fran 


ARTICULÉS 


2U0  — 


ASIE 


çais,  de  même  que  du  k  est  devenu  ciel.  Vers  le 
XII*  siècle,  /  s'assourdit  en  u  (comme  dans  auha 
au  lieu  de  alha.  ;  autve.  de  a/ter)  et  al  devint  au.  De 
même  dd  est  devenu  deu,  comme  chevel,  resté  dans 
chevi?/ure,  est  devenu  cheveu.  Plus  tard  deu  s'est 
contracté  en  du,  par  le  changement  de  eu  en  u, 
comme  dans  les  vieilles  formes  7?ieu,  beuvant,  au- 
jourd'hui mû,  buvant. 

De  même  que  a  le  est  devenu  successivement  al, 
puis  an,  le  pluriel  a  les  donna  le  vieux  français 
als  et  enfin  ans,  aux.  De  les,  contracté  en  dels  à 
l'origine,  s'est  réduit  au  xii"  siècle  à  des. 

Article  indéfini.  —  Notre  article  indéfini  un, 
une,  vient  du  latin  uniis,  iina,  qui  avait  déjà  pris 
chez  les  Romains  le  sens  de  un  cei^tain. 

Il  ne  faut  pas  confondre  un  article  indéfini  avec 
un  adjectif  numéral.  Le  premier  ne  marque  qu'une 
indication  vague,  sans  aucune  idée  d'unité  ou  de 
pluralité  :  ?m"roi  doit  être  le  père  de  son  peuple, 
c'est-à-dire  to  -t  roi  doit  être.,  etc.  Le  second  sert 
à  marquer  la  quantité  :  il  y  en  a  im  ou  deux. 

L'emploi  de  un  comme  article  indéfiiii  n'est  pas 
plus  étrange  que  l'emploi  de  le  comme  article 
dépii.  Etymologiquement,  un  est  adjectif  numéral, 
comme  le  est  adjectif  démonstratif.  Tous  deux 
viennent  du  latin  qui  n'avait  pas  d'article,  et  n'a 
pu  par  conséquent  nous  léguer  sur  ce  sujet  aucune 
tradition  grammaticale.  Le  dictionnaire  de  Fure- 
tière,  les  grammairiens  de  Port-Royal,  Buffier, 
Restaut,  la  plupart  des  grammairiens  modernes, 
Jullien,  Lemaire,  etc.,  regardent  un,  une  comme 
ai^ticle  indéfyii.  D'autres  ont  essayé  de  le  rattacher 
aux  adjectifs  indéfinis,  ce  qui  nous  parait  moins 
logique.  Le  pluriel  naturel  de  ce  mot,  un  homme, 
des  hommes,  est  une  preuve  de  plus  de  sa  parenté 
grammaticale  avec  l'article. 

Exercices.  —  Les  exercices  sur  l'article  apparte- 
nant presque  exclusivement  au  cours  élémentaire, 
nous  ne  croyons  pas  nécessaire  d'en  donner  les 
modèles  détaillés.  On  fera  lire  aux  enfants  un 
morceau  dans  lequel  ils  signaleront  de  vive  voix 
les  articles.  On  leur  fera  souligner  dans  une  dictée 
les  articles  définis  ou  indéfinis,  élidés  ou  contractés, 
masculins  ou  féminins,  etc.  On  leur  fera  chercher 
dans  des  phrases  choisies  à  cet  effet  (par  exemple 
dans  celles  que  nous  avons  données  pages  31  et  32) 
les  noms  propres  qui  prennent  l'article  (Russie, 
Suisse,  Seine,  etc.)  et  ceux  qui  ne  le  prennent  pas 
(Turin,  Cherbourg.  Voltaire,  etc.). 

[J.  Dussouchet.] 

ARTICULÉS.  —  Zoologie,  XXin.  —  Dans  la 
classification  zoologique  la  plus  usitée  en  France, 
on  donne  ce  nom  au  premier  sous-embranchement 
des  Annelés,  caractérisé  par  des  membres  articulés, 
c'est-à-dire  formés  de  pièces  en  série,  repliables 
plus  ou  moins  l'une  contre  l'autre.  Le  sang  des 
Articulés  est  incolore,  poussé  d'arrière  en  avant 
par  un  cœur  divisé  en  chambres.  Le  fait  essentiel 
de  leur  circulation,  c'est  que  les  artères  et  les 
veines  ne  sont  pas  complètes,  quoique  la  circula- 
tion soit  régulière  et  entière.  Elle  devient  toujours 
plus  ou  moins  lacunaire,  le  fluide  nourricier 
l'épanchant  entre   les  viscères  internes. 

Lq^  Articulés  comprennent  la  classe  des  Insectes, 
d'une  organisation  très  élevée  par  la  perfection  des 
organes  de  locomotion  et  de  relation,  et  la  seule 
qui  présente  souvent  des  ailes.  Puis  les  Myria- 
podes, vulgairement  millepieds,  qui  ont  de  fortes 
analogies  avec  certaines  larves  ou  états  premiers 
d'insectes.  Ensuite,  moins  rapprochée  et  ofi'rant  cer- 
taines analogies  avec  les  Crustacés,  vient  la  classe 
des  Arachnides.  Dans  ces  trois  premières  classes, 
les  animaux  respirent  l'air  à  l'état  gazeux,  circulant 
dans  leur  corps  par  des  tubes  plus  ou  moins  ren- 
flés nommés  trachées,  parfois  modifies  et  localisés 
(poumons  des  A rac/midcs,.  La  dernière  classe, 
formée  presque  exclusivement  d'animaux  aquati- 
ques, est  celle  des  Crustacés,  rcsph-ant  l'air  dissous 


dans  l'eau,  au  moyen  de  brayic/iies  ;  ces  organes 
peuvent  aussi,  comme  chez  les  poissons,  absorber 
l'air  libre,  quand  ils  sont  maintenus  à  un  état  suf- 
fisant d'humidité.  Dans  toutes  les  classes  des  Arti- 
culés, beaucoup  d'espèces  subissent  des  métamor- 
vhoses,  c'est-à-dire  accomplissent,  hors  de  l'oeul, 
une  partie  de  leur  évolution,  passant  par  des  états 
transitoires  avant  d'arriver  à  la  fnrme  adulte  ou  do 
reproduction.  IMaurice  Girard. j 

ASii;. —  Géographie  générale.  11. 
1.    Situation.  —  Limites.  —  Étendue.  —  Popu- 
lation. —  Géographie  physique. 

Situation.  —  Limites.  —  L'Asie  est  contiguë  à 
l'Europe,  dont  elle  est  séparée  à  l'ouest  par  les 
monts  Durais,  le  fleuve  de  même  nom,  la  mer  Cas- 
pienne, le  Caucase,  la  mer  Noire,  le  détroit  de 
Constant inople,  la  mer  de  Marmara,  les  Darda- 
nelles et  l'Archipel.  Au  sud-ouest,  elle  est  rattachée 
à  l'Afrique  par  Vistlime  de  Sues;  au  sud  elle  est 
voisine  des  îles  de  la  Malaisie,  dont  elle  n'est  sé- 
parée que  par  le  détroit  de  Malacca,  de  même 
qu'au  nord-est  le  détroit  de  Behring  forme  un 
étroit  intervalle  entre  elle  et  l'Amérique.  De  tous 
les  autres  côtes,  l'Asie  est  environnée  de  mers;  au 
nord,  la  7ner  Glaciale ;h.  l'est,  le  Grand  Océan  Pa- 
cifique;  au  sud,  la  mer  des  Indes;  à  l'ouest,  la 
Méditerra?iée. 

Superficie  et  populatio7i.  —  L'Asie  est  donc  le 
centre  des  cinq  parties  du  monde,  puisque  les 
quatre  autres  se  groupent  autour  d'elle.  C'est 
aussi  de  toutes  la  plus  vaste  et  la  plus  peuplée. 
Elle  a  quatre  fois  et  demie  la  superficie  de  l'Europe, 
qui  ne  forme,  à  vrai  dire,  sur  le  globe,  qu'un  ap- 
pendice, une  presqu'île  de  l'Asie;  et  sa  population 
de  800  millions  d'individus  comprend  presque  les 
deux  tiers  des  hommes  existant  sur  la  terre. 

Côtes  et  îles.  —  Les  presqu'îles  de  la  mer  des 
Indes.  —  Les  rivages  de  l'Asie  sont  très  décou- 
pés sur  la  mer  des  Indes,  où  ils  forment  trois 
grandes  presqu'îles:  Y  Arabie,  séparée  de  l'Afrique 
par  l'étroite  mer  Rouge ,  nommée  quelquefois 
golfe  Arabique ,  et  de  la  Perse  par  le  golfe  Per- 
sique  ;  VHindoustan,  terminé  au  sud  par  le  cap 
Coniorin,  et  dont  le  golfe  d'Oman,  à  l'ouest,  le 
golfe  du  Bengale,  à  l'est,  baignent  le  littoral;  et 
enfin  V Indo-Chine,  entre  le  goife  du  Bengale  et  la 
mer  de  Chine.  Cette  dernière  péninsule  se  termine 
elle-même,  au  sud,  par  une  presqu'île  plus  petite, 
celle  de  Malacca,  dont  l'extrémité  sud,  le  cap  Re- 
mania, est  le  point  de  l'Asie  le  plus  rapproché 
de  l'équateur:  il  en  est  à  160  kilomètres. 

Les  mers  secondaires  dépendant  du  Grand  Océanm 
—  Du  côté  du  Grand  Océan,  les  côtes  asiatiques 
baignent  généralement  dans  des  mers  intérieures  sé- 
parées du.  Pacifique  par  une  série  d'archipels.  La 
mer  de  la  Chine,  entre  llndo-Ghine  et  la  Chine, 
sur  le  contUient,  et  les  îles  Bornéo,  Philippines  et 
Formose  ;  la  mer  Jaune,  entre  la  Chine  et  la  pres- 
qu'île de  Corée  ;  la  mer  du  Japon,  entre  la  Corée  et 
les  îles  du  Japon  ;  la  mer  d'Okhotsk,  entre  la  Sibé- 
rie, les  îles  Kouriles  et  la  presqu'île  de  Kamtchatka  ; 
et  enfin  la  mer  de  Behring,  entre  la  Sibérie,  les 
îles  Aléoutiennes,  et  le  territoire  d'Alaska,  en 
Amérique. 

Autres  îles  de  l'Asie.  —  Outre  les  îles  déjà 
nommées,  il  faut  encore  citer  l'île  de  Cei/lan,  sé- 
parée de  l'Hindoustan  par  le  détroit  de  Palk,  l'île 
d'Hainan  dans  la  mer  de  Chine,  et  celle  de  Sakha- 
licn,  entre  la  mer  du  Japon  et  la  mer  d'Okhotsk, 
île  séparée  de  la  Sibérie  par  la  Manche  de  Tar- 
tario. 

Côtes  de  la  Méditerranée.  —  Du  côté  de  la 
Méditerranée,  on  rattache  à  l'Asie  l'île  de  Chypre 
et  quelques-unes  des  îles  turques  de  l'Archipel, 
telles  que  Rhodes.  Samoset  Chio.qui  sont  groupées 
autour  de  la  presc|u"îlc  remarquable  <|ue  l'Anatolie, 
ou  ancienne  Asie  ^lineurc,  forme  entre  la  mer  Noire, 
l'Archipel  et  la  Méditerranée. 


ASIE 


—  201  — 


ASIE 


Climat.  —  Depuis  le  cap  Romania  jusqu'à  Tex- 
trémité  septentrionale  de  la  Sibérie,  qui  atteint 
presque  le  78'  degré  de  latitude,  l'Asie  n'a  pas 
moins  de  8  500  kilomètres  de  longueur,  et  est  sou- 
mise h  des  climats  bien  différents. 

Les  rives  de  l'Océan  ç/lacial.  —  Au  nord,  l'Océan 
reste  glacé  pendant  plusieurs  mois  chaque  année, 
et  aucun  navire  n'a  pu  jusqu'à  présent  se  rendre 
de  la  NouTelle-Zemble  au  détroit  de  Behring. 

Les  moussons  de  la  mer  des  Indes.  —  Au  sud, 
au  contraire,  la  mer  des  Indes  est  sillonnée  par  les 
vaisseaux  qui  desservent  les  contrées  les  plus  fer- 
tiles et  les  plus  peuplées  du  globe.  Et  avant  que  la 
vapeur  eût  permis  aux  navires  de  se  passer  des 
vents  favorables ,  la  régularité  des  vents  mous- 
sons, qui  soufflent  alternativement  du  sud-ouest 
pendant  six  mois  et  du  nord-est  pendant  le  reste 
de  l'année,  permettait  aux  navigateurs  d'opérer  ré- 
gulièrement leurs  vo}'ages  d'aller  et  de  retour,  à 
la  condition   de   choisir  la  saison  propice. 

Les  ci/clones  delà  mer  des  Indes.  —  Par  contre,  ces 
parages  sont  souvent  désolés  par  des  cyclones  dont 
les  ravages  sont  terribles.  Malheur  au  navire  qui 
se  laisse  atteindre  !  11  est  infailliblement  coulé  à 
fond  sans  qu'aucune  épave  laisse  deviner  l'endroit 
où  il  a  disparu.  Malheur  au  littoral  peu  élevé  sur 
lequel  la  vague  énorme  soulevée  par  l'ouragan  vient 
s'abattre  avec  furie,  renverser  tout  sur  son  pas- 
sage, arbres  et  maisons,  noyer  hommes  et  ani- 
maux, et  changer  en  quelques  minutes  le  pays 
le  plus  prospère  en  une  solitude  désolée  ! 

La  sécheresse  du  plateau  central.  —  Le  centre  de 
l'Asie  est  trop  éloigné  du  rivage  de  la  mer  pour  en 
ressentir  riiumidité.  Du  reste,  les  hautes  monta- 
gnes qui  entourent  de  tous  côtés  le  plateau  du 
centre  de  l'Asie,  suffiraient  à  l'isoler  de  toute  in- 
fluence extérieure.  C'est  le  pays  le  plus  sec  de  la 
terre;  aussi  bien  pendant  l'été,  quand  il  est  brûlé 
par  l'ardeur  du  soleil,  que  durant  l'hiver,  où  souffle 
un  vent  glacial.  Les  rares  cours  d'eau  qui  y  pren- 
nent naissance,  ou  qui  descendent  des  montagnes 
du  pourtour,  sont  absorbés  par  les  sables  ou  se 
perdent  dans  des  lacs  sans  écoulement. 

Orographie  et  hydroguaphie.  — Les  monts  Altaï 
et  Tian-Chan  ou  monts  Célestes,  au  nord,  et  VHi- 
malai/a,  au  sud,  forment  la  limite  de  ce  grand  pla- 
teau de  l'Asie.  L'Himalaya  renferme  les  pics  les 
plus  élevés  de  la  terre ,  qui  atteignent  à  plus  de 
8000  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 

Le  Tibet.  —  Au  nord  de  cette  chaîne,  est  le 
Tibet,  pays  excessivement  élevé,  de  3  à  4  000  mè- 
tres, où  surgissent  des  montagnes  gigantesques,  cou- 
vertes d'immenses  glaciers,  d'où  s'écoulent  des 
fleuves  considérables,  le  Sind  ou  Indus,  le  Brahma- 
poutre, le  Méikong  ou  fleuve  du  Cambodge,  le 
Yang-Tsé-Kiang  ou  fleuve  Bleu. 

La  Mongolie.  —  Le  rebord  septentrional  du  Ti- 
bet est  formé  par  les  monts  Kouenlun,  d'où  l'on 
redescend,  au  nord,  sur  le  Turkestan  oriental  et  là 
Mongolie  qui  n'ont  plus  guère  que  1  000  ou  1  200 
mètres  d'élévation  moyenne. 

Le  Pamir.  —  L'Himalaya,  les  Kouenlun,  l'Altaï, 
se  réunissent  à  l'ouest  en  un  nœud  énorme,  qu'on 
nomme  le  Pamir,  ou  toit  du  monde,  que  dominent 
des  pics  de  GOOO  mètres  et  où  des  torrents  roulent  au 
fond  de  gorges  d'une  profondeur  eff'rayante.  C'est  de 
ce  nœud  que  se  détache  encore  à  l'ouest  la  haute 
chaîne  de  l'Indou-Kouch,  qui  couvre  l'Afghanistan 
et  le  nord  de  la  Perse. 

Les  frontières  de  la  Chine  et  du  Tibet.  —  Du  côté 
de  l'est,  les  limites  du  plateau  sont  moins  tran- 
chées, mais  à  l'angle  sud-est  il  y  a  encore  d'é- 
normes montagnes,  au  travers  desquelles  les  grands 
fleuves  de  la  Chine  et  de  l'Indo-Chine  se  sont  ou- 
vert des  passages  très-rapprochés  les  uns  des  au- 
tres pour  s'échapper  du  bassin  fermé  où  ils  ont 
pris  naissance. 
Autres  plateaux  de  l'Asie.  —  Les  plateaux  élevés 


au-dessus  du  niveau  de  l'Océan  constituent  un 
des  principaux  traits  orographiques  de  l'Asie.  V Ar- 
ménie, au  sud  du  Caucase,  VAnatolie,  la  Perse,  le 
Deccan,  qui  forme  la  partie  méridionale  de  l'Hin- 
doustan,  sont  autant  de  pays  élevés  de  1  000  mè- 
tres, quelquefois  de  2  000  mètres  au-dessus  du  ni- 
veau de  la  mer. 
Dépressions  de  la  vier  Morte  et  de  la  Caspienne. 

—  Par  contre,  une  partie  des  steppes  qui  s'étendent 
sur  les  bords  de  la  mer  Caspienne  et  les  rivages 
de  la  mer  Morte  sont  au-dessous  du  niveau  de  la 
Méditerranée  et  des  océans. 

Volcans.  —  Du  côté  du  Pacifique,  au  Kamtchatka 
et  au  Japon,  on  rencontre  des  volcans,  dont  quel- 
ques-uns en  activité,  qui  forment  autour  de  cet 
Océan  une  ceinture  de  cratères  continue  avec  ceux 
de  l'Alaska,  du  Mexique,  de  l'Amérique  centrale, 
de  l'Amérique  méridionale,  des  îles  de  la  Sonde. 

Bassins  principaux.  —Bassin  de  l'océan  Arctique. 

—  Au  pourtour  du  plateau  central  de  l'Asie,  les  eaux 
s'écoulent  en  quatre  versants  principaux.  Au  nord, 
l'océan  Glacial  reçoit  r06i,puisr/f7u'je2,  dont  le  prin- 
cipal affluent,  l'Angara,  vient  du  lac  Baikal,  l'une 
des  plus  grandes  masses  d'eaux  douces  de  la  terre, 
dont  on  n'a  pas  encore  exactement  sondé  l'immense 
profondeur;  et  enfin  la  Lena,  pour  ne  compter  que 
les  fleuves  les  plus  considérables  par  l'abondance 
de  leurs  eaux  et  la  longueur  de  leur  cours.  Tout 
ce  versant  s'incline  en  pente  douce  vers  l'océan 
Arctique  et  l'on  cherche  en  ce  moment  à  établir  sur 
les  fleuves  que  nous  venons  de  nommer  des  servi- 
ces réguliers  de  navigation  qui  amèneraient  par 
mer  en  Europe  les  produits  de  la  Sibérie. 

Absence  de  frontières  tranchées  erilre  la  Sibérie 
et  la  Russie  cFEurope.  —  Les  monts  Ourals  ne 
forment  du  reste  du  côté  de  l'Europe  qu'une  sorte 
de  limite  conventionnelle.  La  chaîne  n'est  nulle 
part  escarpée,  et  les  routes  qui  relient  l'Europe  à 
l'Asie,  entre  50°  et  t;0°  de  lat.  nord,  la  franchissent 
par  des  pentes  très-douces.  Plus  au  sud,  la  sépa- 
ration est  encore  moins  distincte.  La  steppe  que 
parcourent  les  Kirghiz  au  nord  du  lac  d'Aral,  est 
la  continuation  ininterrompue  des  steppes  de  la 
Russie  méridionale.  C'est  par  là  qu'ont  passé  pres- 
que toutes  les  invasions  de  barbares  qui  se  sont 
précipitées  d'Asie  en  l'Europe. 

Versant  du  Grand  Océan  Pacifique. — L'Amour. 

—  Au  sud  des  montagnes  qui  forment  le  prolonge- 
ment des  monts  Altaï  dans  la  direction  du  détroit 
de  Behring,  la  Sibérie  est  arrosée  par  un  grand 
fleuve  qui  traverse  une  partie  des^  pays  de  la 
Mandchourie  conquis  sur  l'empire  chinois  par  les 
Russes  depuis  un"  quart  de  siècle.  C'est  V-lnioiir, 
qui  va  de  l'ouest  à  l'est  se  jeter  dans  la  Manche  de 
Tartarie,  en  face  de  l'île  Sakhalien. 

Affluents  (te  la  mer  Jaune.  —  Plus  au  sud,  le 
golfe  de  Petchili,  au  fond  de  la  mer  Jaune,  reçoit  le 
Peï-ho,  qui  passe  à  Péking,  et  le  grand  fleuve  du 
Hoancj-lto,  ou  fleuve  Jaune,  venu  du  pays  de  Kou- 
kounor,  à  l'angle  nord-est  du  Tibet.  Naguère,  ce 
fleuve  tombait  plus  au  sud  dans  la  mer  Jaune, 
lorsqu'il  s'ouvrit  brusquement  un  passage  à  On  ou 
80  heues  en  amont  de  son  embouchure,  pour  se 
diriger  au  nord-est  vers  le  golfe  de  Petchili,  où  il 
aboutit  aujourd'hui.  Le  Tibet  envoie  encore  à  la  mer 
Jaune  le  Yang-tsé-Kian;/.  l'un  des  plus  imposants 
fleuves  du  monde,  que  les  navires  remontent  au 
loin  jusque  près  des  rapides  qu'il  forme  en  s'échap- 
pant  des  montagnes  où  sa  source  reste  encore 
cachée. 

Mer  de  la  Chine.  —  La  mer  de  la  Chine  re- 
çoit la  rivière  de  Canton,  et  dans  le  golfe  de  Ton- 
kin  (que  cette  mer  forme  entre  l'île  d'Hainan  et  la 
côte  orientale  de  l'Indo-Chine)  débouche  le  fleuve 
Rouge,  sur  lequel  flottent  maintenant  des  navires 
français  et  qui  semble  la  voie  la  plus  favorable  pour 
atteindre  la  riche  province  du  Yunnan,  au  sud- 
ouest  ^e  la  Chine,  sur  les  confins  du  Tibet. 


ASIE 


202 


ASIE 


En  passant  sur  le  versant  méridional  de  l'Asie, 
le  premier  fleuve  qu'on  rencontre  est  le  Meï- 
Kong,  ou  fleuve  du  Cambodge,  qui  se  dirige  vers  la 
mer  de  Chine  en  traversant  notre  colonie  française 
de  Cochinchine.  Le  cours  en  est  obstrué  par  des 
rapides  infranchissables  aux  embarcations,  et  la 
source,  encore  inconnue,  doit  se  trouver  au  Tibet, 
près  de  celle  du  Yang-tsé-Kiang. 

Le  golfe  de  Siam,  entre  la  Cochinchine  française 
et  la  presqu'île  de  Malacca,  reçoit  le  Meî-Nam, 
sur  lequel  se  trouve  Bankok,  la  capitale  du  royaume 
de  Siam. 

Versant  de  la  mer  des  hides.  —  Golfe  du  Ben- 
gale. —  Dans  le  golfe  du  Bengale  tombent  la  Sa- 
ïouen,  venue  d'une  source  inconnue  dans  le  Tibet, 
et  riraouaddy,  sorti  des  monts  de  l'Assam,  qui  ar- 
rosent tous  deux  la  Birmanie,  puis  le  Brahma- 
poutre et  le  Gange,  qiii  mélangent  leurs  eaux  dans 
un  delta  ou  réseau  de  canaux  inextricable.  Le 
Brahmapoutre  semble  avoir  sa  source  au  nord  de 
l'Himalaya,  dont  il  percerait  le  rempart.  Le  Gange, 
au  contraire,  naît  au  sud  de  l'Himalaya,  mais  vers 
l'extrémité  de  la  chaîne  opposée  à  celle  par  où 
débouche  le  Brahmapoutre.  Sur  son  cours  dirigé 
de  l'ouest  à  l'est,  il  recueille  toutes  les  eaux  des- 
cendues de  l'Himalaya,  et  reçoit  sur  sa  rive  droite 
la  Djemna,  née  comme  lui  dans  l'flimalaj^a. 

Le  Deccan  envoie  à  l'est  dans  le  golfe  du  Bengale 
le  Godavery  et  la  Krichna. 

Golfe  d'Oman.  —  A  l'ouest,  dans  le  golfe  d'O- 
man, le  Deccan  verse  la  Nerbuddah.  Là  débouche 
aussi  le  Sind  ou  Indus,  grand  fleuve  venu  du  Tibet, 
sur  le  versant  nord  de  l'Himalaya.  Dans  le  golfe 
Persique  se  jette  le  Cbat-el-Arab,  form.é  par  la 
réunion  du  Tigre  et  de  l'Euphrate,  qui  naissent 
tous  deux  sur  les  hauts  plateaux  de  l'Arménie  et 
du  Kourdistan. 

Bassin  intérieur  de  l'Aral.  —  Enfin  sur  le  versant 
occidental  du  grand  plateau  central  asiatique,  les 
deux  principaux  fleuves  sont  le  Syr-Daria  et 
l'Amou-Daria,  que  les  écrivains  arabes  nomment 
Sihoun  et  Djihoun,  et  que  les  anciens  nommaient 
laxartes  et  Oxus.  Le  premier  naît  au  nord  des  monts 
Tian-Chan,  et  finit  dans  le  lac  d'Aral.  Le  deuxième 
se  forme  sur  le  Pamir,  et  se  dirigeait  autrefois  à 
l'ouest,  vers  la  mer  Caspienne.  Maintenant  il  s'est 
retourné  au  nord,  et  finit  au  sud  du  lac  d'Aral. 

Comme  la  mer  Caspienne,  ce  lac  forme  une  sorte 
de  mer  intérieure. 

Autres  basdns  intérieurs.  —  Les  lacs  analogues 
sont  nombreux  en  Asie.  Ainsi  la  mer  Morte  ou  lac 
Asphaltite,  qui  reçoit  le  Jourdain,  si  célèbre  dans 
l'histoire  des  Hébreux,  les  lacs  Van  et  Sévanga  dans 
l'Arménie,  le  lac  Ourmia,  dans  la  Perse;  les  lacs 
Balkachi  et  Issik-Koul,  dans  le  Turkestan  russe  ; 
puis  sur  le  plateau  central  :  le  Lob-Nor,  où  abou- 
tit le  Tarim,  qui  draine  toutes  les  eaux  du  Tur- 
kestan oriental,  le  Koukou-Nor,  et  beaucoup 
d'autres. 

2.  Ethnographie.  —  Races  sifjériennes.  —  L'A- 
sie est  habitée  par  des  races  bien  différentes.  Au 
nord  de  la  Sibérie  vivent  de  malheureuses  tribus 
sauvages  qui  sont  les  frères  des  Samoyèdes  et  des 
Finnois  du  nord  de  l'Europe.  Ils  tirent  de  la  chasse 
et  de  la  pêche  toute  leur  subsistance  et  se  grou- 
pent de  préférence  sur  le  bord  des  rivières.  Au 
midi  de  la  Sibérie,  où  le  climat  devient  moins  ri- 
goureux, où  le  sol  se  recouvre  de  belles  forets  sus- 
ceptibles de  fournir  par  le  défrichement  des  terres 
fertiles,  au  lieu  des  toundras  man^cageuses  et 
presque  toujours  gelées  qui  bordent  la  mer  Gla- 
ciale, les  Russes,  qui  sont  maîtres  du  paj's,  envoient 
des  colons  et  de  nombreux  condamnés  politiques 
ou  criminels,  qui  ne  paraissent  clairsemés  qu'à 
cause  de  l'étendue  du  pays  qu'ils  sont  appelés  à 
peupler.  Les  défrichements  et  le  travail  des  mines 
constituent  leurs  principales  occupations.  Sous  ce 
rapport,  l'Oural  et  l'Altai  renferment  des  richesses 


inépuisables  en  or,  argent,  cuivre,  platine,  pierres 
précieuses,  charbon  et  métaux  divers. 

Haces  jaunes,  pastoi^ales  et  guerrières.  —  Au  sud 
de  l'Altaï,  les  Asiatiques  mènent  la  vie  pastorale. 
C'est  de  leurs  troupeaux  qu'ils  tirent  leur  nourri- 
ture, leur  boisson,  leurs  vêtem.ents,  le  feutre  des 
tentes  qui  les  abritent,  et  la  fiente  qui  leur  sert  de 
combustible  dans  un  pays  où  l'on  ne  rencontre  pas 
un  seul  arbre.  C'est  de  là  que  sont  sortis  les  Huns, 
les  Mongols,  les  Turcs  et  tant  d'autres  envahis- 
seurs qui  ont  fait  trembler  l'Europe  à  bien  des  re- 
prises difl'érentes,  et  qui  ont  fait  à  diverses  épo- 
ques la  conquête  de  la  Chine,  de  l'Inde  et  de  l'Asie 
occidentale.  De  l'est  à  l'ouest,  les  Mandchoux,  les 
Mongols,  les  Kalmouks,  les  Turcs  du  Turkestan, 
mènent  dans  les  pays  auxquels  ils  ont  donné  leur 
nom  la  vie  barbare.  Il  en  est  de  même  des  Kir- 
ghiz,  au  nord  du  lac  d'Aral,  que  les  Russes  ont 
soumis  à  leur  empire,  et  surtout  des  Turcoman» 
qui  exercent  leurs  pillages  sur  les  frontières  do  la 
Perse,  de  l'État  de  Khiva,  et  des  possessions  russes 
à  l'est  de  la  Caspienne.  Tous  les  peuples  dont 
nous  avons  parlé  jusqu'ici,  à  l'exception  des  Eu- 
ropéens, appartiennent  à  la  race  jaune  ou  mongo 
lique  dite  aussi  ouralo-altdique,  à  cause  des  lieux 
où  l'on  pense  qu'elle  a  pris  naissance. 

Races  jowics  sédentaires.  —  Les  Chinois,  les  Ja- 
ponais. —  C'est  à  cette  race  jaune  qu'appartiennent 
aussi  les  Chinois,  qui  ne  vivent  plus  ni  à  l'état 
sauvage,  ni  à  l'état  barbare,  mais  sont  parvenus, 
depuis  une  haute  antiquité,  à  un  état  de  civilisation 
relative  fort  avancé. 

La  race  jaune  domine  encore  au  Tibet,  au  Japon 
et  dans  rindo-Chine,  où  vivaient  autrefois  d  aunes 
races  inférieures,  aujourd'hui  réfugiées  dans  les 
montagnes,  où  elles  traînent  une  existence  vérita- 
blement sauvage. 

Race  bkmche  indu-eu)-opéenne.  —  Dans  l'Inde,  au 
contraire,  c'est  la  race  blanche  qui  domine.  Nulle 
part  elle  n'offre  un  type  plus  beau,  et  c'est  dans 
les  montagnes  du  nord  de  l'Inde  qu'on  se  plaît 
à  placer  le  berceau  des  Aryas  nos  ancêtres. 

Les  Parias.  —  Mais  il  existe  aussi  dans  l'Inde 
des  races  provenant  du  mélange  des  blancs  et  des 
jaunes,  et  d'autres  races  primitives  comme  dans 
l'Indo-Chine.  Ce  sont  celles-ci  que  rejettent  les 
fiers  Indous.  en  les  nommant  parias. 

Autres  races  aryennes. —  Races  sémitiques.  —  Les 
Afghans,  les  Béloutchis,  les  Persans,  les  Arméniens 
de  l'Asie  Mineure  appartiennent  encore  à  la  race 
blanche  aryenne  ou  indo-européenne,  tandis  que  les 
Arabes  et  les  Juifs  senties  représentants  d'une  autre 
race  blanche,  la  race  sémitique,  aujourd'hui  déchue, 
mais  qui  dans  l'antiquité  a  fondé  les  empires  assy- 
rien et  phénicien  et  les  royaumes  juifs. 

Iraniens  et  Touraiiiens.  —  On  donne  souvent  le 
nom  d'Iraniens  aux  Persans  et  autres  peuples  de 
même  race  qui  habitaient  l'Iran  ou  pays  de  l'Ouest 
par  rapport  au  Touran  ou  paj  s  de  l'Est,  qui  est 
formé  par  le  Turkestan.  Les  Touraniens  et  les 
Iraniens  ont  soutenu  les  uns  contre  les  autres  de 
longues  et  fréquentes  luttes, amenées  naturellement 
par  le  voisinage  de  deux  peuples  de  races  diffé- 
rentes, menant  les  uns,  les  Touraniens,  la  vie 
nomade  et  guerrière,  et  les  autres,  les  Iraniens, 
plus  disposés  aux  arts,  la  vie  sédentaire.  Les 
uns  et  les  autres  sont  mélangés  dans  le  Turkestan 
actuel,  où  les  Touraniens,  maîtres  du  pays,  ont 
adopté  en  partie  les  mœurs  de  la  race  qu'ils 
avaient  vaincue, 

Religions.  —  C'est  en  Asie  qu'ont  pris  naissance 
le  judaïsme,  le  christianisme  et  \'isla77iisme,  trois 
religions  qui  se  partagent  l'Europe. 

Le  bouddhisme.  —  Mais  la  plupart  des  hommes 
de  race  jaune  suivent  la  religion  bouddhiste,  dont 
le  dalai-lama  ou  grand  pontife  réside  au  'l'ibet.  con- 
trée où  se  trouvent  de  très  nombreux  couvents  de 
bonzes  (prêtres  bouddhistes).   En  Chine  on    suit 


ASIE 


—  203  — 


ASIE 


aussi  la  religion  de  Confucius,  et  au  Japon  le  culte 
particulier  de  Sinto. 

Le  brahmanisme.  —  Dans  l'Inde  règne  surtout 
le  brahmanisme,  religion  plus  ancienne  que  le 
bouddhisme  et  qui  consiste  en  un  polythéisme  di- 
vinisant les  forces  de  la  nature. 

Les  Parsis.  —  On  y  trouve  aussi  des  Guèbres  ou 
Parsis  qui  ont  conservé  l'ancienne  religion  de  Zo- 
roastre  pratiquée  autrefois  en  Perse,  le  culte  du  feu. 
Pour  eux  les  environs  de  Bakou,  sur  la  mer  Cas- 
pienne au  sud  du  Caucase,  sont  un  lieu  sacre,  à 
cause  des  sources  de  naphte  qui  s'y  enflamment 
spontanément. 

L'islamisme.  —  L'islamisme  a  fait  de  grands 
progrès  en  Asie.  A  part  quelques  chrétiens  dans 
la  Syrie  et  l'Arménie,  il  comprend  toutes  les  po- 
pulations de  la  Turquie  d'Asie,  de  l'Arabie,  de  la 
Pe/se,  du  Turkestan,  de  l'Afghanistan,  du  Bélout- 
chistan.  Dans  l'Inde,  ses  représentants  sont  aussi 
très  nombreux;  sur  plusieurs  points  de  la  Chine, 
ils  sont  devenus  assez  puissants  pour  fonder  des 
États  indépendants. 

Mais  les  Musulmans  se  divisent  en  deux  grandes 
sectes,  mortellement  ennemies,  les  Sunnites  et  les 
Chiites.  Les  premiers  reconnaissent  trois  califes 
entre  Mahomet  et  Ali.  Les  seconds  ne  reconnais- 
sent qu'AU.  Aujourd'hui  les  Turcs,  les  Égyptiens, 
les  Arabes  sont  Sunnites,  les  Persans  sont  Chiites. 

Le  Chamanisme.  —  Enfin  les  populations  sau- 
yages  de  la  Sibérie  sont  adonnées  aux  pratiques 
idolâtres  du  chamanisme.  . 

3.  Géograpliie  politique  de  l'Asie.  —  Trois 
grandes  puissances,  la  Russie  au  nord,  la  Chine 
à  l'est,  l'Empire  Britannique  au  sud,  occupent  la 
plus  grande  partie  de  l'Asie  et  comprennent 
la  grande  majorité  de  ses  habitants. 

Possessions  russes.  —  Sibérie.  —  C'est  à  la  fin 
du  seizième  siècle  que  les  Russes  ont  commencé 
la  conquête  de  la  Sibérie,  d'où  étaient  sortis  les 
Mongols  qui  les  avaient  tenus  sous  leur  domination. 
Depuis,  leurs  progrès  ont  été  constants  et,  en  der- 
nier lieu,  leur  frontière  a  changé  presque  dannée 
en  année. 

Limites  actuelles.  —  Aujourd'hui,  elle  part  de 
l'angle  sud  est  de  la  mer  Caspienne  sur  les  limites 
de  la  Perse,  remonte  au  nord-est  vers  le  lac 
d'Aral,  suit  la  rive  droite  de  l'Amou-Daria,  depuis 
son  embouchure  jusqu'au  sud  de  Khiva,  passe 
entre  Boukhara  et  Samarcand,  où  les  troupes  du 
tzar  sont  entrées  en  l8G8  et  qui  a  été  définitivement 
annexée  depuis  1874;  gagne  le  plateau  de  Pamir, 
puis  les  monts  Tian-Chan,  laissant  à  l'ouest  sur  le 
territoire  russe  tout  le  Khokand.le  lac  Issik-Koul,  la 
vallée  de  l'Ili,  affluent  du  lac  Balkachi,  qui  avait 
été  colonisée  par  les  Chinois.  La  frontière  se  dirige 
ensuite  vers  le  lac  Baïkal,  suit  l'Argoun,  une  des 
deux  grandes  rivières  dont  se  forme  Je  fleuve 
Amour,  puis  ce  fleuve  jusqu'au  confluent  de  l'Ous- 
souri,  qu'elle  remonte  au  sud,  pour  venir  finir  sur 
la  mer   du  Japon,  vers  le  42'    degré  de  latitude. 

Superficie  et  population.  —  Dans  ces  limites  la 
superficie  des  possessions  russes  est  de  là  millions 
et  demi  de  kilomècres  carrés,  et  la  population  n'en 
dépasse  pas  8  millions  d'individus.  C'est  surtout 
au  sud-ouest,  dans  les  pays  de  VAsie  centrale,  qui 
faisaient  récemment  partie  des  Khanats  indépen- 
dants du  Turkestan,  que  cette  population  se  trouve 
concentrée. 

Population  indiqène.  —  Nous  avons  dit  plus  haut 
que  le  nord  de  la  Sibérie  est  habité  par  des  hommes 
presque  sauvages.  Les  chiens  et  les  rennes  sont 
les  seuls  animaux  qu'ils  aient  à  leur  service,  les 
fourrures  la  principale  marchandise  qu'ils  puissent 
fournir.  Toutefois  on  retrouve  dans  le  nord  de  la 
Sibérie  les  restes  d'éléphants  ou  d'autres  animaux 
qui  y  ont  vécu  autrefois  sous  un  climat  sans  doute  i 
plus  clément  que  de  nos  jours,  et  qui  ont  été  con- 
servés intacts  dans  la  glace  qui  les  a  emprisonnés.  ! 


Leur  ivoire,  sans  valoir  celui  des  éléphants  vivants, 
mérite  cependant  d'être  exploité. 

Colons  russes.  —  Au  sud  de  la  Sibérie  vivent 
les  colons  russes,  principalement  occupés  du  tra- 
vail des  mines  et  des  défrichements. 

Locnlités  principales.  —  Toute  autre  industrie 
est  nulle,  et  la  ville  la  plus  considérable  de  la  Si- 
bérie proprement  dite,  Irkoutsk,  près  du  lac  Baïkal, 
n'a  que  30  000  habitants.  Kiakhta,  sur  la  rive 
droite  de  la  Sélenga,  affluent  méridional  du  lac 
Baïkal,  et  sur  la  frontière  chinoise,  tire  quelque 
importance  des  caravanes  qui  y  arrivent  du  nord 
de  la  Chine  à  travers  la  Mongolie.  Vladivostok, 
sur  la  mer  du  Japon,  tout  près  de  la  frontière  de 
la  Corée,  est  l'arsenal  de  la  Russie  du  côté  du  Paci- 
fique. 

Asie  centrale.  Pays  de--  Kirgkiz.  —  Les  Kir- 
ghiz  occupent  entre  la  mer  Caspienne  et  l'Altaï, 
un  vaste  pays  qui  semble  être  le  fond  d'une  an- 
cienne mer.  Les  eaux  s'y  réunissent  en  lacs  sans 
écoulement,  dont  plusieurs  sont  saumâtres.  Le 
terrain  est  plat,  l'air  y  est  glacé  pendant  l'hiver» 
brûlant  pendant  l'été.  Les  chevaux  sont  la  princi- 
pale richesse  des  Kirghiz,  qui  possèdent  aussi  des 
troupeaux  de  moutons  et  de  chèvres. 

Le  Turkestan.  —  Les  provinces  russes  du  Tur- 
kestan renferment  de  nombreuses  steppes  arides 
mais  au  pied  des  montagnes, et  partout  où  les  ri- 
vières portent  les  bienfaits  de  l'irrigation,  le  sol  se 
revêt  de  riches  cultures.  Ce  pays  produit  des 
grains,  des  fruits,  du  coton,  de  la  soie.  11  a  l'avan- 
tage de  se  trouver  au  croisement  des  routes  que 
suivent  les  caravanes  pour  aller  de  Russie  dans 
l'Inde,  ou  de  Perse  en  Chine.  C'est  là  ce  qui  ex- 
plique l'importance  actuelle  de  Tachkend,  la  capi- 
tale des  possessions  russes,  qui  renferme  plus  de 
80  000  habitans.  C'est  aussi  ce  qui  a  fait  la  grandeur 
de  Sa?»ar/ca«d,  l'ancienne  capitale  de  Tamerlan  au 
xiv^  siècle,  qui  conserve  encore  aujourd'hui  de  su- 
perbes mosquées  Pour  éviter  la  pénible  et  dan- 
gereuse traversée  des  steppes  des  Kirghiz  et  du 
nord  du  Turkestan,  les  Russes  projettent  un  chemin 
de  fer  qui  relierait  Tachkend  à  Orenbourg  sur  la 
frontière  de  la  Russie  d'Europe.  M.  de  Lesseps 
voudrait  le  prolonger  jusqu'aux  Indes. 

Des  anciens  souverains  du  Turkestan,  l'émir  de 
la  Boukharie  et  le  khan  de  Khiva  ont  seuls  con- 
servé leur  indépendance,  et  encore  ont-ils  été  at- 
teints assez  fortement  par  les  armes  russes  pour 
être  sous  la  suprématie  du  izar.  Boukliara  est  une 
ville  sainte  de  l'islamisme,  très  renommée  pour  ses 
écoles  et  ses  docteurs,  longtemps  fermée  aux  re- 
gards impurs  des  infidèles  chrétiens  qui  ne  pou- 
vaient y  pénétrer  qu'au  prix  de  mille  dangers.  Pour 
ces  petits  princes  musulmans,  la  vie  humaine 
n'est  du  reste  nullement  respectable,  et  au  moindre 
caprice  ils  ordonnent  de  sanglantes  hécatombes. 

Po/iulation  du  Turkestan.  —  Comme  les  Kir- 
ghiz, les  Ouzbegs,  qui  dominent  en  Boukharie  et  à 
Khiva,  sont  de  race  turque.  La  population  séden- 
taire qui  s'adonne  à  l'agriculture  ou  aux  métiers 
des  artisans,  est  composée  de  Tadjiks  ou  Sartes, 
qui  sont  Persans  de  race  et  souvent  même  d'ori- 
gine. Khiva  a  longtemps  été  un  grand  marché 
d'esclaves,  approvisionné  surtout  de  captifs  enlevés 
en  Perse.  Les  pillards  turcomans  des  bords  de  la 
Caspienne  étaient  les  principaux  auteurs  de  ces 
razzias  ;  c'est  pour  y  mettre  un  terme  que  les 
Russes  les  ont  récemment  soumis  à  leur  domina- 
tion. 

Transcaucasie  russe.  —  Sur  la  rive  occidentale 
de  la  mer  Caspienne,  les  Russes  possèdent  encore 
en  Asie  plusieurs  provinces  au  sud  du  Caucase 
qu'ils  nomment  Transcaucasie.  Ces  pays  jouissent 
d'un  heureux  climat  et  abondent  en  productions 
diverses.  C'est  là  que  les  Argonautes  allaient  cher- 
cher la  toison  d'or,  autrement  dit,  des  métaux 
précieux. 


ASIE 


—  204  — 


ASIE 


La  Géorgie  et  V Arménie.  —  C'est  là  que  prospé- 
rèrent les  royaumes  de  Géorgie  et  d'Arménie. 
Tiftis,  la  capitale  du  premier,  est  aujourd'hui  le 
■chef-lieu  des  possessions  russes  du  Caucase  et  ne 
renferme  pas  moins  de  70  000  habitants.  Quant  à 
l'Arménie,  elle  occupe  en  grande  partie  un  plateau 
fort  élevé,  où  l'on  distingue  le  mont  Ararat,  haut 
•de  4  à  5000  mètres.  Elle  est  partagée  aujourd'hui 
«ntre  la  Russie  et  la  Turquie.  Le  sort  de  la  der- 
nière guerre  a  fait  passer  entre  les  mains  des 
Russes  -Kars,  la  principale  citadelle,  que  les  Otto- 
mans avaient  victorieusement  défondue  en  18ôi. 
On  rencontre  des  Arméniens  dans  tout  l'Orient 
•et  dans  plusieurs  contrées  de  l'Europe,  où  ils 
s'adonnent  principalement  au  commerce  et  à  la 
banque,  comme  les  Juifs.  Ils  suivent  la  religion 
catholique,  mais  ont  un  patriarche  particulier  ;  les 
Géorgiens  sont  plutôt  ralliés  à  la  religion  chré- 
lienne  grecque.  Les  deux  peuples  appartiennent 
du  reste  au  plus  beau  type  de  la  race  blanche  ou 
caucasique.  Mais  à  côté  d'eux  on  trouve  dans  le 
•Caucase  les  types  les  plus  divers  de  l'humanité. 

Empire  chinois.  —  Superficie  et  population  — 
En  comprenant  dans  les  possessions  chinoises  la 
■Corée,  le  Tiôet,  le  Turkestan  oriental,  la  Mongolie, 
la  Mandchonrie,  l'empereur  de  la  Chine  domine 
sur  un  territoire  aussi  étendu  en  Asie  que  le  tzar 
de  Russie.  C'est,  en  tout  cas,  le  souverain  auquel 
obéissent  le  plus  grand  nombre  de  sujets,  puisqu'on 
pense  que  la  Chine  proprement  dite  renferme  plus 
■de  400  millions  d'habitants,  et  les  pays  annexes  ou 
tributaires  une  vingtaine.  La  Chine  proprement  dite, 
qui  occupe  l'angle  sud-est  de  ce  vaste  empire,  est 
'extraordinairement  peuplée  :  elle  renferme  plus  de 
100  habitants  par  kilomètre  carré  en  moyenne. 

Cités  populeuse-;.  —  On  y  rencontre  un  grand 
nombre  de  villes  renfermant  plusieurs  centaines 
de  mille  âmes,  des  campagnes  très  populeuses,  et 
en  outre  beaucoup  de  Chinois  vivent  sur  les  ri- 
vières en  en  tirant  toute  leur  subsistance.  Il  leur 
■suffit  d'un  radeau  en  bambou,  sur  lequel  ils 
étendent  de  la  terre  ou  de  la  vase  retirée  du  fleuve 
pour  s'y  créer    un  jardin. 

Climat.  —  Les  productions  de  la  Chine  sont 
très  variées,  suivant  la  latitude  où  l'on  se  trouve. 
Au  midi,  sur  le  20'  degré,  on  voit  des  cultures 
tropicales,  puis  le  climat  va  en  se  refroidissant 
assez  vite  vers  le  nord.  A  Peking,  sous  la  lati- 
tude de  Naples,  les  étés  sont  fort  chauds,  mais 
Jes  hivers  très  rigoureux,  et  la  mer  voisine  reste 
prise  par  les  glaces  pendant  plusieurs  mois. 

Mœurs  des  Chinois.  —  Les  Chinois  se  nour- 
rissent principalement  de  riz,  et  consomment  beau- 
coup de  poissons.  Leur  boisson  habituelle  est  le 
thé,  dont  ils  fournissent  tout  l'univers.  Ils  vendent 
aussi  une  très  grande  quantité  de  soie.  Le  com- 
merce est  très  actif  en  Cliine,  les  rivières  et  les 
canaux  qui  les  réunissent  sont  sillonnés  par  de 
nombreuses  jonques,  de  même  que  les  mers  voi- 
sines où  les  marins  chinois  font  le  cabotage  et 
malheureusement  aussi  la  piraterie.  Cependant 
les  Chinois  sont  généralement  doux,  patients,  per- 
sévérants, sobres,  économes.  Ce  sont  les  plus  ha- 
biles commerçants  du  monde. 

L'émigration  chinoise.  —  Partout  où  ils  s'éta- 
blissent, ils  ruinent  les  autres  nations  par  la  con- 
currence. Leur  esprit  n'est  pas  Inventif,  mais  iis 
sont  doués  d'une  remarquable  faculté  d'imitation, 
et  arrivent  rapidement  à  s'approprier  les  arts  des 
autres  peuples.  Chaque  année,  des  milliers  de 
Chinois  émigrent  pour  s'en  aller  en  Amérique,  en 
Australie,  aux  îles  de  la  Sonde,  aux  Antilles,  par- 
tout ou  il  y  a  un  métier  pénible  à  exercer,  ou 
quelque  miette  à  glaner.  Ce  sont  eux  qui  rem- 
placent les  nègres  dans  les  plantations  euro- 
péennes, qui  chargent  les  navires  de  guano  aux 
îles  Cliinchas,  qui  ont  construit  le  chemin  de  fer 
•de  Panama  sous  un  climat  où  le  sol  remue  exhalait 


la  fièvre  et  la  mort  à  chaque  pas.  En  Californie,  ils 
reprennent  les  placers  abandonnés  comme  trop 
pauvres  par  les  mineurs  américains  ;  ils  sont 
d'excellents  domestiques,  font  tous  les  métiers  des 
femmes  et  ceux  qui  exigent  l'adresse  la  plus  déli- 
cate. Au  dehors,  les  Chinois  font  généralement  for- 
tune, et  il  j'  en  a  de  colossalement  riches. 

Le  culte  du  .^ol  Jiatalct  des  ancêtres.  —  Mais,  si 
pauvres  qu'ils  soient,  ils  tiennent  à  ce  que  leurs 
restes  soient  rapportés  sur  la  terre  qui  les  a  vus  naître, 
et  imposent  généralement  à  la  compagnie  d'émigi'a- 
tion  qui  les  emmène  la  condition  de  rapporter  leurs 
cendres,  s'ils  meurent  au  dehors.  En  Chine,  le  culte 
des  ancêtres  joue  un  grand  rôle,  les  cimetières 
occupent  une  place  énorme,  et  Ton  tient  durant  sa 
vie  à  se  ménager  une  belle  demeure  pour  le  mo- 
ment où  l'on  sera  mort.  On  remarque  dans  les  villes 
de  nombreux  marchands  de  cercueils,  et  c'est  à 
qui  choisira  d'avance  le  plus  beau. 

Le  jeu  et  Vopium.  —  A  côté  de  ce  respect  pour 
les  morts,  il  y  a  deux  vices  fort  répandus  en  Chine  : 
le  goût  du  jeu  et  celui  de  fumer  l'opmm.  C'est  de 
l'Inde  qu'on  tire  généralement  ce  narcotique,  et  si 
les  négociants  anglais  gagnent  dans  ce  commerce 
un  assez  grand  nombre  de  centaines  de  raillions 
chaque  année  pour  expliquer  que  l'Angleterre  leur 
ait  ouvert  ce  débouché  à  coups  de  canon  par  la 
guerre  dite  de  l'opium,  en  1842,  on  ne  saurait 
trop  déplorer,  pour  l'humanité,  un  vice  qui  plonge 
dans  l'abrutissement  les  malheureux  qui  s'y 
adonnent  et  les  conduit  promptement  à  une  mort 
certaine. 

Degré  de  la  civilisation.   —  Les  Chinois  ont  at- 
teint depuis   longtemps    un   degré  de  civilisation 
qu'ils  ne   semblent    point    dépasser.  Ils  connais- 
saient la  boussole  et  la  poudre  à  canon  bien  avant 
les  Européens,  ils   fabriquaient    depuis  longtemps 
des  porcelaines  très  recherchées  pour  la  finesse  de 
leur   pâte    et  l'éclat    de  leurs  peintures.   Mais  ils 
possèdent  de  grandes  richesses  minérales  mal  ex- 
ploitées ou   inutilisées.  Le  Yunnan,   province  au 
sud-ouest  de  la  Chine,  est  extraordinairement  riche 
en  métaux,  et  le  terrain  houiller  occupe  en  Chine 
une  étendue  considérable,    sans  qu'on  ait  encore 
tiré  un  parti  avantageux  de  ces  diverses  ressources. 
Relations  avec  les  étrangers.  —  Remplis  de  mé- 
fiance  pour  tout  ce  qui  vient   de   l'étranger,  les 
Chinois  sont  restés  longtemps  sans  vouloir  laisser 
entrer  les  commerçants  européens  ou  américains 
dans  leurs  ports.  Aujourd'hui  h  Canton  et  à  Chang- 
haî,  les  Chinois  ont  abandonné  des  concessions  aux 
Européens  et  aux  Américains,  qui  y  sont  à  peu  près 
indépendants,  et   ces  négociants   sont    également 
reçus  avec  leurs  navires  dans  une  vingtaine  de  ports 
différents,  sur  les  mers  qui  baignent  la  Chine  ou  le 
grand  fleuve  Yang-tsé-Kiang,  Mais  les   inventions 
de  l'Occident  inspirent  encore  tant  d'horreur  aux  fa- 
natiques habitants  du  Céleste-Empire,  comme  ilsap- 
pellent  eux-mêmes  leur  pays,  qu'ils  n'ont  pas  voulu 
laisser  construire  de  chemins  de  fer  et  v  ennent  de 
démolir  quelques  kilomètres  de  railway  établis  aux 
environs  de  Chang-hai  par  des  Anglais.    Ils  n'ont 
accepté  que  les  arts  de  la  guerre,  où  leurs  défaites 
les  ont  obligés  à  reconnaître  leur  infériorité.  Cha- 
cun se  rappelle  qu'il  y  a  une  vingtaine  d'années, 
les  troupes  françaises  et  anglaises  alliées  sont  en- 
trées à  Péking,  sans  que  cet  immense  empire  put 
avoir  une  armée  en  état  do  résister  h  ces  quelques 
milliers  d'Européens.    Les  Chinois    se   sont  donc 
adressés  aux  Français  et  aux  Anglais  pour  monter 
leurs  arsenaux  de  construction  et   aussi  pour  or- 
ganiser les  douanes  dont  ils  tirent  leurs  revenus. 
C'est  qu'en   Chine  les   fonctionnaires   ou    manda- 
rins  sont  gradés  d'après    les   examens   qu'ils  ont 
passés  sur  les  vieilles  connaissances  qui  composent 
le  bagage   littéraire  des  lettrés  chinois   depuis  des 
siècles,  et  nullement  formés  à  satisfaire  les  besoins 
pratiques  du  gouvernement  et  du  peuple. 


ASIE 


—  203  — 


ASIE 


Le  chHstianisme  enChine.  —  Il  y  a  déjà  longtemps 
que  la  religion  clirétienne  a  été  prêchée  en  Chine, 
et  il  y  a  200  ans  les  Jésuites  étaient  fort  en  fa- 
veur à  la  cour  de  Péking.  Ils  avaient  dressé  une 
carte  de  l'empire,  qui  est  encoi'e  la  meilleure  base 
de  nos  cartes  actuelles,  établi  un  observatoire  à 
Péking  et  enseigné  beaucoup  d'arts  utiles.  Aujour- 
d'hui, malgré  la  protection  réclamée  et  promise 
dans  tous  les  traités  entre  Européens  et  Chinois, 
les  chrétiens  sont  souvent  persécutés  et  d'horribles 
massacres  amènent  périodiquement  de  nouvelles 
nterventions. 

Le  commerce  extérieur.  —  Le  commerce  de  l'Eu- 
rope avec  la  Chine  va  en  s'accroissant  beaucoup. 
Les  Anglais  en  ont  la  plus  forte  part.  Ce  sont  eux 
qui  importent  l'opium  et  qui  sont  les  plus  forts 
consommateurs  de  thé.  Les  Français  envoient  deux 
fois  par  mois  un  grand  steamer  des  messageries 
nationales  de  Marseille  à  Chang-hai,  par  Naples, 
Suez,  Pointe  do  Galles  (dans  l'île  de  Ceylan), 
Singapore,  Saigon  et  Hong-kong.  Ces  navires  rap- 
portent principalement  du  thé  et  de  la  soie.  Les 
États-Unis  et  l'Allemagne  ont  aussi  des  relations 
très  importantes  avec  les  Chinois. 

Gra7ides  villes.  —  On  a  estimé  de  manières  très 
différentes  la  population  de  Péking.  Elle  renferme 
pour  le  moins  un  million  d'habitants  ;  elle  est  for- 
mée de  deux  villes  distinctes,  la  ville  chinoise  et  la 
ville  tartare.  La  dynastie  actuellement  régnante 
est  d'origine  mandchoue,  et  c'est  au  centre  de  la 
ville  tartare  que  se  trouve  le  palais  de  l'empereur. 
Mais  quel  contraste  entre  la  richesse  etia  splen- 
deur de  ces  édifices  et  les  quartiers  pauvres  où 
grouille  une  population  sordide  I  Aucune  de  nos 
villes  d'Europe  ne  peut  nous  donner  une  idée  des 
misères  qu'on  trouve  à  Péking  ou  à.  Canton,  la 
grande  ville  du  sud.  Les  abandons  d'enfants,  jetés 
quelquefois,  dit-on,  en  pâture  aux  pourceaux,  les 
supplices  infligés  aux  prisonniers,  les  excréments 
et  les  ordures  avec  lesquels  les  malheureux  cher- 
chent à  tromper  leur  faim,  forment  un  tableau  hi- 
deux qui  ne  se  répète  que  trop  souvent. 

Les  insurrections.  —  La  Chine  est  soumise  à  un 
autre  genre  de  fléau,  celui  d'insurrections  teri'ibles. 

Entre  1850  et  ISGi',  les  Taï-jmigs  ont  exercé  leurs 
ravages  au-cœur  de  l'empire,  à  Nanking,  l'ancienne 
capitale  du  sud  (en  chinois pé  veut  dire  nord,  etnmi, 
sud;  Péking,  c'est  la  capitale  du  nord;  Nanking, 
la  capitale  du  sud;  Pé-ling,  les  montagnes  du  nord; 
Nan-ling,  les  montagnes  du  sud).  JVanking,  qui  était 
une  ville  de  plusieurs  centaines  de  mille  âmes,  est 
tombée  en  leur  pouvoir,  et  a  été  entièrement  rui- 
née par  eux.  Des  millions  de  personnes  ont  péri, 
des  campagnes  prospères  ont  été  entièrement  dé- 
peuplées par  ces  barbares  qui  rappellent  les  Huns 
ou  les  Mongols.  Et  ce  n'est  qu'avec  l'aide  des  Eu- 
ropéens que  l'empereur  de  la  Chine  est  parvenu 
à  maîtriser  ces  hordes  inhumaines. 

Autres  gra7ides  villes.  Établissemejits  européens. 
Ports  ouverts  aux  étrmigers.  —  La  Chhie  ren- 
ferme encore  beaucoup  d'autres  grandes  villes. 
Canton,  au  sud,  est  une  ville  d'un  milhon  d'habi- 
tants qui  fait  un  immense  commerce  de  thé. 
A  l'embouchure  de  la  rivière  qui  lui  sert  de  port, 
les  Portugais  occupent  Macao,  et  les  Anglais  l'île 
de  Hong-kong.  Macao  a  longtemps  servi  de  point 
de  départ  à  des  navires  qui  emportaient  des 
cargaisons  de  Chinois,  décorés  du  nom  de  coolies 
libres,  mais  traités  trop  souvent  avec  une  inhu- 
maine barbarie.  Par  la  possession  de  Hong-kong, 
les  Anglais  ont  à  la  fois  un  poste  d'observation 
et  de  relâche  pour  leur  marine  dans  ces  parages,  et 
«n  entrepôt  où  ils  peuvent  emmagasiner  leurs 
marchandises  plus  sûrement  qu'au  milieu  d'une 
grande  ville  chinoise,  toujours  exposée  h  des  dé- 
sordres imprévus.  Au  centre  de  la  Chine,  Ilan- 
kao ,  sur  le  fleuve  Bleu,  est  comme  Canton, 
Chang-haï  et  une  douzaine  d'autres  villes,  un  port 


ouvert  aux  navires  étrangers,  et  le  centre  de  deux 
ou  trois  cités  populeuses  qui  renferment  encore 
une  énorme  agglomération  d'habitants,  peut-être 
plusieurs  millions.  Sur  le  détroit  de  Fo-kien,  en 
face  de  l'île  de  Formose,  Fou-tclieou,  autre  port 
ouvert  aux  étrangers,  est  le  plus  grand  marché 
d'approvisionnement  pour  les  thés.  C'est  de  Ih 
que  partent  chaque  année  à  la  suite  de  la  récolte 
ces  fameux  clippers  anglais  qui  luttent  de  vitesse- 
pour  arriver  les  premiers  dans  les  docks  de  Lon 
dres. 

Grande  muraille.  —  La  Chine  est  enveloppée- 
au  nord-ouest  par  une  grande  muraille  de  3  OOO  ki- 
lomètres d'étendue  que  les  empereurs  firent  éle- 
ver, deux  ou  trois  siècles  avant  notre  ère,  pour  se 
mettre  à  l'abri  des  invasions  des  Mongols  et  de& 
Mandchoux.  Franchissant  sans  interruption  les 
montagnes  et  les  vallées,  la  grande  muraille  est 
une  œuvre  gigantesque.  Tantôt  bâtie  en  briques  et 
tantôt  simple  rempart  de  terre,  elle  est  défendue 
de  distance  en  distance  par  des  tours  qui  se  re- 
gardent l'une  l'autre,  et  offre  partout  une  largeur 
suffisante  pour  que  plusieurs  cavaliers  y  puissent 
galoper  de   front. 

Corée.^  —  A  l'est  de  la  Chine,  la  Corée  reconnaît 
nominativement  la  souveraineté  de  l'empereur  de 
Péking,  mais  forme,  en  réalité,  un  royaume  entière- 
ment indépendant.  Encore  plus  isolée  que  la  Chine 
et  le  Japon,  elle  est  fort  peu  connue  des  Euro- 
péens, bien  qu'une  expédition  française  ait  remonté 
jusqu'à  sa  capitale,  il  y  a  quelques  années.  C'est  un 
pays  peuplé  de  plusieurs  millions  d'habitants,  et 
fort  accidenté. 

Japon.  —  État  ancien.  —  Le  Japon  est  resté  plus 
longtemps  fermé  aux  Européens  que  la  Chine.  Les 
Hollandais  seuls  étaient  reçus  à  Nangasaki,  port 
de  l'île  de  Kiousiou,  la  plus  méridionale  des  îles 
dont  se  compose  l'archipel.  Il  était  défendu  aux 
Japonais  sous  peine  de  mort  de  quitter  leur  pays. 
Aujourd'hui  la  situation  est  bien  changée.  Une 
révolution  qui  a  eu  lieu  au  .Tapon  en  1867  a  ren- 
versé l'antique  système  et  mis  à  l'ordre  du  jour 
l'imitation  des  moeurs  et  des  institutions  de  l'Eu- 
rope et  de  l'Amérique.  Il  y  a  au  Japon  un  empe- 
reur nommé  le  mikado;  cet  empereur  était  jadis 
une  sorte  de  dieu,  invisible  pour  ses  sujets  et  re- 
vêtu de  la  puissance  spirituelle  et  temporelle.  Mais 
il  n'exerçait  point  cette  dernière ,  dont  s'était 
emparé  depuis  des  siècle  un  de  ses  vassaux  por- 
tant le  titre  de  shogoun.  Tandis  que  le  mikado 
restait  enfermé  au  fond  de  son  palais  à  Mia-ko  ou 
Kioto  (au  sud-ouest  de  la  grande  île  de  Niphon), 
le  shogoun  résidait  à  Yédo,  la  ville  la  plus  peuplée, 
et  obligeait  à  y  résider,  pendant  une  partie  de 
l'année,  les  daïmios  ou  grands  feudataires  de  l'em- 
pire. Ceux-ci,  jouissant  d'une  situation  analogue 
aux  puissants  seigneurs  de  l'Europe  féodale, 
avaient  des  provinces  et  des  troupes  à  eux.  Mais 
ils  ne  pouvaient  s'éloigner  de  Yédo  sans  y  laisser 
des  otages  qui  répondissent  de  leur  fidélité  au 
shogoun. 

Etat  nouveau  du  Japon.  —  Depuis  la  nouvelle 
révolution,  qui  a  renversé  l'institution  dushogou- 
nat,  le  mikado  a  ressaisi  la  puissance  temporelle  et 
est  redevenu  le  seul  souverain.  Il  se  montre  non- 
seulement  à  ses  sujets,  mais  encore  quelquefois  à 
des  Européens.  Les  daïmios  ont  dû  renoncer  à 
leurs  préi-ogatives  pour  redevenir  de  simples  offi- 
ciers de  l'empereur.  Le  nouveau  gouvernement  a 
fait  venir  des  étrangers,  et  notamment  des  pro- 
fesseurs et  des  officiers  français,  pour  fonder  des 
écoles  et  des  arsenaux  au  Japon  et  y  organiser  des 
troupes  à  l'européenne.  De  jeunes  Japonais  fré- 
quentent maintenant  les  écoles  d'Amérique,  de 
France,  d'Angleterre  ou  d'Allemagne  pour  s'initier 
à  nos  sciences  et  à  nos  institutions.  Plusieurs 
ports  sont  ouverts  à  nos  nationaux,  qui  y  commer- 
cent librement.  Toutefois  le  nouvel  ordre  de  choses 


ASIE 


—  206  — 


ASIE 


est  trop  récent  et  soulève  encore  de  trop  nem- 
breuses  oppositions  pour  pouvoir  être  considéré 
comme  définitif. 

Caractère  des  Japonais.  —  Le  caractère  des 
Japonais  est  plus  noble  que  celui  des  Chinois. 
Ils  sont  faits  pour  la  guerre  plus  que  pour  le  né- 
goce. Leur  courage  leur  fait  mépriser  la  mort.  Le 
port  des  armes  entre  dans  leur  costume  national 
et  les  nobles  ont  toujours  suspendus  à  leurs  côtés 
ces  énormes  sabres  aux  tranchants  redoutables 
dont  ils  frappent  leurs  ennemis  ou  dont  ils 
s'ouvrent  le  ventre  sitôt  qu'ils  se  croient  désho- 
norés. Les  Chinois  n'envoient  au  dehors  que  des 
prolétaires  que  la  misère  chasse  de  chez  eux  ou 
des  négociants  que  stimule  l'amour  du  lucre. 
Les  Japonais,  au  contraire,  choisissent  leurs  sujets 
les  plus  capables  pour  aller  étudier  au  dehors  une 
civilisation  qu'ils  apprécient  et  désirent  s'appro- 
prier. 

Arts  et  produciio7is  principales.  —  Les  arts  sont 
aussi  plus  développés  au  Japon  qu'en  Chine. 
Les  porcelaines,  les  bronzes,  les  laques  du  Japon 
sont  admirables.  Les  artistes  excellent  à  peindre 
sur  un  éventail  ou  un  paravent  des  sujets 
charmants  de  naïveté,  ou  à  tailler  dans  le  bois 
«u  l'ivoire  mille  petits  objets  qui  exigent  une  dex- 
térité merveilleuse.  Les  étoffes  de  soie  brodées  sont 
éblouissantes  de  couleur  et  de  richesse.  Le  papier 
qui  sert,  entre  autres  usages,  à  faire  les  cloisons 
intérieures  des  appartements,  est  d'une  souplesse 
et  d'une  solidité  remarquables. 

Dans  les  campagnes,  les  Japonais  s'appliquent 
à  bien  cultiver  leur  sol.  Les  plantes  parasites,  et 
même  les  animaux  qui,  comme  les  moutons,  sont 
à  certains  égards  nuisibles  à  l'agriculture,  sont 
soigneusement  écartés.  Le  pays  renferme  aussi 
■des  mines  précieuses  de  cuivre  et  d'autres  métaux 
soigneusement  exploitées. Grâce  à  l'étendue  du  Ja- 
pon en  latitude,  l'archipel  produit  une  foule  de 
plantes  diverses.  L'Europe  en  tire  du  thé,  de  la 
«oie,  des  œuvres  d'art  et  des  cartons  garnis  de 
graines  de  vers  à  soie  pour  renouveler  dans  nos 
contrées  séricicoles  les  races  que  les  épidémies 
ont  détruites. 

Superficie  et  population.  Villes  remarquables. 
—  La  population  du  Japon  est  aujourd'hui  de 
33  millions  d'habitants  pour  une  superficie  de 
393  OnO  kilom.  carrés,  c'est-à-dire  de  85 habitants  par 
kilomètre.  La  France  n'en  renferme  que  70.  La 
population  de  plusieurs  villes  dépasse  cent  mille 
habitants.  Les  plus  remarquables  sont  Yédo  ou 
Tokio,  avec  I  500  000  hab.,  Aliaco  ou  Kioto,  375  000, 
Osaka  avec  la  même  population  et  Yokohama,  port 
voisin  de  Yedo,  où  résident  3  00ii  étrangers. 

Indo-Chine.  —  Les  Anglais  en  Indo-Chine.  — 
L'Indo-Chine  participe  des  deux  contrées  dont  elle 
tire  son  nom  et  auxquelles  elle  sert  de  trait 
d'union.  A  l'ouest,  les  Anglais  se  sont  emparés  de 
toutes  les  côtes  qui  bordent  le  golfe  du  Bengale 
jusqu'à  la  presqu'île  de  Malacca  et  les  ont  annexées 
à  leurs  colonies  de  l'Hindoustan.  Ils  possèdent  en 
•outre  les  établissements  des  détroits  et  l'île  de 
Singapore  à  l'ouest  et  au  sud  de  la  presqu'île  de 
Malacca,  où  régnent  plusieurs  petits  princes  malais 
alliés  aux  Anglais  et  tributaires  du  royaume  de 
Siam. 

A  l'est,  l'empire  d'Annam,  qui  s'étend  le  long  de 
la  côte  de  la  mer  de  la  Chine,  était  plus  ou  moins 
tributaire  de  l'empire  chinois. 

Les  Français  en  Indo-Chine.  —  Au  siècle  dernier 
la  France  fit  alliance  avec  l'empereur  à'Annam,  et 
les  ingénieurs  français  élevèrent  dans  ses  États  des 
fortifications  qui  subsistent  encore.  Depuis  une 
vingtaine  d'années,  nous  sommes  devenus  maîtres 
de  la  basse  Cochinchine,  qui  occupe  les  bouches 
du  Meî-kong,  et  protecteurs  du  royaume  de  Cam- 
bodge, qui  borne  au  nord  les  provinces  françaises. 
/Puis,  par  un  nouveau  traité  avec  l'empereur  de  Hué 


la  capitale  de  l'empire  d'Annam),  nous  avons  été 
confirmés  dans  nos  possessions  et  sommes  devenus 
les  protecteurs  de  l'empereur  d'Annam  pour  le 
soustraire  à  toute  influence  étrangère,  chinoise  ou 
autre.  Ce  dernier  traité  a  ouvert  au  commerce 
français  plusieurs  ports  du  Tonkin,  qui  forme  au 
nord  de  l'Annam  la  partie  la  plus  riche  et  la  plus 
peuplée  de  cet  empire.  Par  le  fleuve  du  Tonkin,  on 
espère  faire  passer  les  riches  produits  miniers  de 
la  province  chinoise  du  Yunnan,  à  laquelle  ce  fleuve 
conduit. 

Sia)n  et  Birmaîiie.  —  Entre  l'Annam  et  les 
possessions  britanniques,  le  royaume  de  Siam 
occupe  le  bassin  du  Meî-nam,  au  fond  du  golfe  de 
Siam  ;  et  l'empire  des  Birmans  couvre  le  haut  bassin 
de  riraouaddy  et  celui  de  la  Salouen. 

Populations  diverses.  —  Il  s'en  faut  de  beaucoup 
du  reste  que  tous  ces  souverains,  qui  sont  cepen- 
dant des  monarques  absolus,  puissent  exercer  par- 
tout leur  autorité.  Les  Laotiens,  qui  habitent  sur 
les  bords  du  Mei-kong,  sont  réclamés  comme  sujets 
à  la  fois  par  l'Annam  et  le  royaume  de  Siam.  Ils 
mènent  une  vie  à  peu  près  sauvage  ;  cependant  les 
Mois,  qui  vivent  dans  les  forêts,  sont  encore  plus 
barbares  et  semblent  appartenir  à  une  race  abori- 
gène occupant  le  pays  avant  sa  conquête  par  la  race 
chinoise. 

Les  peuples  de  l'Indo-Chine  sont  très  peu  avan- 
cés sous  le  rapport  de  la  civilisation.  Comme  les 
Chinois,  ils  suivent  la  doctrine  de  Confucius,  ou  le 
bouddhisme,  ou  des  cultes  moins  élevés.  Le  com- 
merce est  entre  les  mains  des  Chinois,  ou  des  Ma- 
lais, Ceux-ci,  qui  appartiennent  à  une  race  inter- 
médiaire entre  la  race  blanche  et  la  race  jaune, 
sont  des  navigateurs  hardis  qui  ont  fondé  des  États 
prospères  dans  les  riches  îles  de  l'archipel  auquel 
ils  ont  donné  leur  nom  et  où  l'on  parle  leur  langue. 

Productions  de  l'Indo-Chine.  —  L'Indo-Chine 
est  entièrement  comprise  dans  la  zone  tropicale 
et  excessivement  fertile.  Elle  produit  en  grande 
abondance  le  riz,  qui  forme  la  principale  nourriture 
des  habitants  et  dont  on  exporte  en  outre  d'énormes 
quantités  en  Chine  ou  dans  l'Inde.  Les  forêts  sont 
remplies  de  bois  précieux,  et  on  y  exploite  entre 
autres  le  tek,  remarquable  par  sa  dureté  et  son 
incorruptibilité.  La  presqu'île  de  Malacca  est  un 
des  rares  pays  du  monde  riches  en  étain.  Ailleurs 
on  trouve  de  l'or,  dont  les  temples  de  Bankok, 
la  capitale  de  Siam,  sont  surabondamment  ornés, 
et  des  pierres  précieuses.  Si  les  forêts  sont  peu- 
plées de  bêtes  féroces,  on  y  capture  du  moins 
des  éléphants  sauvages,  qui,  une  fois  domestiqués, 
rendent  les  plus  grands  services  dans  les  forêts 
et  les  marécages,  où  ils  sont  les  seules  bêtes  de 
somme  utilisées. 

Superficie.  Population.  —  Villes  principales.  — 
On  estime  à  37  millions  environ  le  nombre  des 
habitants  qui  occupent  l'Indo-Chine,  dont  la  su- 
perficie est  de  2300  000  kilom.  carrés,  environ 
4  fois  et  demie  la  France.  La  ville  la  plus  peu- 
plée est  la  capitale  du  royaume  de  Siam,  Bankok, 
dont  on  évalue  la  population  à  500  000  habitants. 
Une  foule  de  gens  y  vivent  sur  des  bateaux  sta- 
tionnés sur  la  rivière,  comme  dans  les  grandes 
villes  chinoises,  et  son  port  est  animé  par  un  grand 
nombre  de  jonques  chinoises  ou  malaises.  Hué, 
la  capitale  de  l'Annam,  Hanoi  ou  Kécho,  la  capitale 
du  Tonkin,  Mandalay,  la  capitale  des  Birmans,  sur 
riraouaddy,  un  peu  en  amont  des  anciennes  capi- 
tales Ava  et  Oumérapoura,  sont  des  villes  d'une 
centaine  de  mille  âmes. 

Il  en  est  de  môme  de  Rangoun,  la  capitale  des 
possessions  anglaises  ou  Birmanie  britannique, 
pays  dont  la  population  totale  approche  de  3  mil- 
lions d'habitants. 

La  Cochinchine  française  a  pour  chef-lieu  Sai- 
gon, qui  devient  une  belle  ville  bien  bâtie,  ani- 
mée par  le  commerce,  la  garnison  et  les  adminis- 


ASTF 


—  207  — 


ASIE 


trations  dont  elle  est  le  siège.  Mais  son  port  n  est  pas 
aussi  fréquenté  que  celui  de  Singapore,  qui  com- 
mande le  détroit  de  Malacca  et  qui  est  un  des  princi- 
paux points  de  relâche  sur  la  route  de  l'Extrême- 
Orient.  Singapore  est  située  dans  une  île  séparée  du 
continent  par  un  détroit  assez  peu  large  pour  que  les 
tigres,  le  traversant  à  la  nage,  viennent  exercer  leurs 
ravages  jusque  dans  la  ville.  Depuis  que  les  Anglais  y 
ont  otabli  un  nort  franc,  la  population  y  a  très  rapide- 
ment augmenté.  Aujourd'hui  on  y  compte  100  000 
habitants,  en  grande  partie  Chinois,  et  tous  occupés 
de  négoce,  car  l'île  ne  produit  rien  par  elle-même. 
Mais  elle  est  située  au  point  le  plus  favorable  pour 
y  opérer  les  échanges  entre  l'Inde,  la  Chine,  les 
îles  de  la  Sonde  et  l'Australie. 

Exploratio7is  françaises.  —  Vart  cambodgien. 
—  Depuis  que  les  Français  sont  devenus  maîtres 
de  la  Cochinchine,  ils  ont  exploré  le  Meï-kong, 
qui  y  débouche.  Les  rapides  qui  entravent  son 
cours  le  rendent  malheureusement  impropre  à  la 
navigation.  Plusieurs  de  ses  grands  affluents  sont 
encore  inconnus.  L'un  d'eux,  qui  vient  du  Cam- 
bodge,le  met  en  communication  avec  le  lac  Bien-ho 
ou  Tonlé-sap.  Ce  lac  reçoit  le  trop-plein  du  fleuve 
pendant  l'époque  des  hautes  eaux,  puis  les  lui 
rend  au  moment  de  la  baisse  du  niveau  dans  le 
Mei-kong.  C'est  sur  les  bords  de  ce  lac  et  aux  en- 
virons que  l'on  a  récemment  découvert  les  ruines 
des  monuments  magnifiques  qu'y  avaient  élevés 
les  Khmers,  au  moment  de  la  splendeur  de  leur 
empire.  Les  plus  beaux  spécimens  qu'on  en  ait  rap- 
portés forment  aujourd'hui  le  musée  cambodgien 
de  Compiègne. 

HiNDOUSTAN.  —  Limites.  —  L'Hindoustan  forme 
une  grande  péninsule  limitée  au  nord  par  les 
monts  Himalaya,  à  l'ouest  par  le  golfe  d'Oman,  à 
Test  par  le  golfe  du  Bengale,  tous  deux  dépendan- 
ces de  la  mer  des  Indes.  Entre  la  mer  et  les  mon- 
tagnes, la  frontière  géographique  est  marquée  par 
rindus  au  nord-ouest,  et  par  le  Brahmapoutre  au 
nord-est. 

Possessions  anglaises.  —  Mais  depuis  quelques 
années  les  Anglais,  maîtres  de  la  plus  grande  par- 
tie de  l'Inde,  ont  étendu  les  Umites  de  leurs  pos- 
sessions au  delà  de  ces  frontières  naturelles  en 
occupant  à  l'est  du  Brahmapoutre,  dans  la  pénin- 
sule de  rindo-Chine,  les  provinces  montagneuses 
de  YAssam  et  tout  le  littoral  oriental  du  golfe  du 
Bengale,  auquel  on  donne  maintenant  le  nom  de 
Birmanie  anglaise.  De  même  à  l'ouest  de  l'Indus, 
les  possessions  britanniques  s'étendent  jusqu'au 
pied  des  monts  Suleiman,  qui  servent  de  contre- 
fort aux  plateaux  de  l'Afghanistan  et  du  Bélout- 
chistan. 

L'Himalaya,  le  Gange,  rindoustan.  —  L'Hima- 
laya reçoit  sur  son  versant  sud  des  masses  énor- 
mes d'eaux,  en  condensant  sur  ses  flancs  les  nuages 
pompés  par  le  soleil  sur  la  nier  des  Indes,  et  aux- 
quels il  oppose  une  barrière  trop  élevée  et  infran- 
chissable. Ces  eaux  forment  au  pied  des  monts  une 
lisière  marécageuse  et  malsaine,  hantée  seulement 
par  les  tigres  et  autres  bêtes  fauves,  et  qu'on 
nomme  le  Térai ;md,is  au  sud  du  Téraï,le  Gange  et 
ses  principaux  affluents,  qui  suivent  comme  l'Hima- 
laya la  direction  du  nord-ouest  au  sud-est,  par- 
courent un  bassin  d'une  fécondité  merveilleuse. 
Là  poussent  le  riz  qui  forme  la  principale  nourri- 
ture des  habitants,  le  pavot  à  opium,  et  l'indigo 
qui  alimentent  le  commerce  d'exportation.  Là  se 
presse  une  population  très  dense  ;  de  nombreuses 
villes  comptent  plusieurs  centaines  de  mille  âmes  : 
Delhi,  où  les  descendants  et  successeurs  de  Tamer- 
lan  régnèrent  sous  le  nom  de  Grands-Mogols,  depuis 
le  xiv"  siècle  jusqu'au  commencement  du  xix', 
et  Agra,  situé,  comme  Delhi,  sur  la  Djemna  ; 
Laknau,  la  principale  ville  de  l'ancien  royaume 
d'Oude;  Bénarès,  la  ville  sacrée  dos  Hindous, 
€t  Patna,  sur  le  Gange;  Calcutta  enfin,  la  capi- 


tale du  Bengale,  située  sur  l'Hougli,  une  des 
branches  du  delta  du  Gange,  qui  donne  accès  aux 
plus  grands  navires  jusqu'aux  quais  de  cette  mé- 
tropole britannique.  Cette  résidence  du  vice-roi  et 
des  principales  autorités  anglaises  renferme  près 
d'un  million  d'habitants. 

Le  littoral.  —  La  population  se  presse  encore 
sur  la  côte  de  Coromandel,  qui  s'étend  à  l'est  de  la 
péninsule,  et  sur  celle  de  Malabar,  à  l'ouest.  C'est  là 
que  s'élèvent  Madras  avec  400  000  habitants  sur  la 
côte  de  Coromandel,  et  Bow6ay  avec  6.Î0  000  habi- 
tants sur  le  golfe  d'Oman.  Ce  sont  les  contrées 
chaudes,  dont  le  climat  énervant  épuise  les  Euro- 
péens et  les  force  à  aller  se  refaire  dans  les  sani- 
lariums  que  les  Anglais  ont  élevés  dans  l'Himalaya 
ou  sur  les  plateaux  du  Deccan. 

Le  Deccan.  —  Celui-ci  occupe  toute  la  partie  mé- 
ridionale de  la  péninsule  entre  Bombay,  Calcutta 
et  le  cap  Comorin  ;  les  Gates,  qui  s'étendent  le  long 
des  côtes  de^la  Péninsule  à  l'ouest  et  à  l'est,  et  les 
monts  Vindhyas,  au  nord  de  laNerbuddah,  forment 
les  bords  de  ce  plateau,  dont  l'altitude  moyenne 
au-dessus  du  niveaxK  de  l'océan  est  d'un  millier  de 
mètres.  Sur  le  Deccan,  l'abondance  des  récoltes  est 
subordonnée  à  la  régularité  des  pluies,  et  si  celles-ci 
viennent  à  manquer,  on  voit  alors  sévir  d'horribles 
famines,  dont  le  gouvernement  anglais  cherche  à 
diminuer  la  fréquence  en  construisant  de  nom- 
breuses voies  ferrées  qui  permettent  d'apporter 
partout  les  denrées  qui  font  défaut,  et  d'immen- 
ses réservoirs  qui  accumulent  pendant  la  saison 
des  pluies  des  eaux  destinées  à   l'irrigation. 

Le  Pendjab.  —  Le  Pendjab,  ou  pays  des  cinq 
rivières,  est  parcouru  par  l'Indus  et  ses  affluents,  et 
sa  métropole,  Lahore,  ancienne  capitale  du  pays 
des  Seiks,  le  dernier  peuple  soumis  parles  Anglais, 
est  une  ville  de  100  000  âmes. 

Histoire.  —  L'Inde  a  de  tout  temps  été  convoitée 
par  ses  voisins,  ou  par  les  divers  conquérants  du 
monde.  Les  nombreuses  races  difl"érentes  que 
l'on  y  retrouve  sont  les  preuves  des  invasions 
anciennes  dont  l'histoire  n'a  pas  gardé  le  sou- 
venir. Ce  pays  a  été  le  terme  de  la  brillante  car- 
rière d'Alexandre.  Après  lui,  les  Afghans  et  les 
Mongols  en  ont  fait  la  conquête,  et  c'est  un 
mélange  de  persan  avec  l'ancien  sanscrit  qui  forme 
la  langue  la  plus  répandue  aujourd'hui  dans  la 
péninsule,  l'hindoustani.  Pendant  longtemps  les 
Européens  n'ont  connu  d'autre  route  que  celle 
des  caravanes  traversant  l'Asie  Mineure  et  la  Perse 
pour  aller  chercher  dans  l'Inde  les  épices  et  les 
riches  étoff'es  que  ce  pays  avait  le  privilège  de  re- 
celer. Quand  les  Portugais  eurent  découvert  la 
route  du  cap  de  Bonne-Espérance,  plus  courte 
comme  temps  et  plus  sûre,  malgi'é  les  hasards  de 
la  navigation,  que  la  route  de  terre  traversant  des 
pays  semi-barbares,  ils  devinrent  les  maîtres  du 
commerce  de  ces  régions.  Les  Hollandais,  puis  les 
Français  au  siècle  dernier,  prirent  successivement 
la  place  des  Portugais.  Maintenant  ce  sont  les  An- 
glais qui  y  dominent  à  leur  lour.  Petit  à  petit,  la 
Compagnie  anglaise  des  Indes, société  de  marchands, 
tfst  devenue  maîtresse  des  divers  Etats  indigènes 
de  la  péninsule  et  de  la  plupart  des  possessions 
européennes.  Les  négociations,  la  force,  la  ruse, 
ont  été  mises  en  œuvre  pour  constituer  le  plus  bel 
empire  colonial  qui  soit  au  monde  et  qui  aujour- 
d'hui est  devenu  propriété  immédiate  de  la  cou- 
ronne d'Angleterre. 

Etats  tributaires;  Et(ds  indépendants.  —  On  ne 
considère  pas  l'Inde  entière  comme  possession  bri- 
tannique. On  y  distingue  encore  des  Etats  réputés 
tributaires  des  Anglais,  mais  dont  les  souverains 
sont  surveillés  dans  tous  leurs  actes  par  les  rési- 
dents britanniques  que  le  gouvernement  de  la 
Grande-Bretagne  place  auprès  d'eux.  Ces  Etats  tri- 
butaires renferment  un  cinquantaine  de  millions 
d'habitants,  et  les  possessions  britanniques  près  de 


ASIE 


—  208  — 


ASIE 


quatre  fois  autant.  Quant  aux  Etats  vraiment  indé- 
pendants, on  ne  les  trouve  plus  que  dans  les  monta- 
gnes de  l'Himalaya,  là  où  la  supériorité  des  armes 
anglaises  no  servirait  de  rien  et  où  le  sol  est  trop 
pauvre  pour  alimenter  un  commerce  avantageux. 
Là,  aussi  les  populations  natives  ont  gardé  la 
force  physique,  jointe  à  l'amour  de  l'indépendance. 
Partout  ailleurs,  la  chaleur  du  climat  a  ôté  toute 
vigueur  aux  caractères,  et  c'est  ce  (jui  explique 
comment  100000  Européens  commandent  seuls  à 
des  centaines  de  millions  d'Hindous.  La  résignation 
et  l'esprit  fataliste  constituent  un  côté  de  leur  na- 
ture. Tls  meurent  de  faim  sans  proférer  une  plainte 
dans  les  grandes  famines,  et  ils  expirent  sous  la 
griffe  du  tigre  ou  la  piqûre  mortelle  du  serpent 
avec  la  même  indifférence.  Les  Anglais  ont  eu 
grand'peine  à  détruire  l'usage  suivant  lequel  les 
veuves  se  faisaient  brûler  sur  le  bûcher  où  l'on 
incinérait  le  cadavre  de  leur  époux.  Et  h  la  proces- 
sion de  l'idole  de  Djaggernaut,  les  fanatiques  dé- 
vots se  faisaient  écraser  sous  les  roues  du  char 
divin. 

On  n'a  pas  oublié  la  révolte  d'il  y  a  vingt  ans  qui 
a  été  signalée  par  de  si  horribles  massacres.  Bien 
qu'elle  fût  fomentée  par  les  régiments  de  cipayes, 
naturels  enrôlés  dans  l'armée  de  la  Compagnie,  et 
que  les  régiments  européens  fussent  réduits  à 
leurs  propres  forces,  l'Angleterre  est  sortie  victo- 
rieuse de  cette  épreuve  redoutable.  Aujourd'hui 
les  radjahs,  princes  indigènes  dont  plusieurs  pos- 
sèdent des  fortunes  considérables,  et  qui  éclipsent, 
par  la  magnificence  de  leur  luxe  oriental  les  sou- 
verains les  plus  puissants  de  l'Europe,  sont  les 
sujets  obéissants  de  l'Impératrice  des  Indes  qui 
lcs>  gouverne  de  Londres.  150  millions  d'Hindous, 
40  millions  de  Mahométans,  des  Bouddhistes,  des 
Guèbres  ou  adorateurs  du  feu  composent  la  po- 
pulation mélangée  et  exubérante  de  ce  vaste 
pays. 

Productions  priîicipales.  —  Le  commerce  tire 
de  l'Inde  une  grande  quantité  de  plantes  textiles. 
Pendant  la  guerre  de  sécession  aux  Etats-Unis, 
qui  avait  fait  négliger  la  culture  du  coton  dans 
son  principal  centre  de  production,  Bombay  était 
devenu  le  plus  grand  marché  d'approvisionne- 
ment des  manufactures  anglaises.  Avec  le  coton, 
l'Inde  produit  du  jute,  de  la  soie,  de  la  laine. 
L'opiuin  forme  ensuite  le  principal  objet  d'ex- 
portation. Les  forêts  sont  riches  en  bois  pré- 
cieux pour  leur  dureté  et  leur  incorruptibilité.  On 
s'est  mis  à  cultiver  dans  l'Inde  depuis  quelques 
années  le  thé  et  le  quinquina,  et  on  en  a  tiré  dans 
tous  les  temps  du  riz  à  la  suite  des  récoltes  abon- 
dantes, des  épices,  de  Viyidigo. 

Sans  offrir  le  même  caractère  de  civilisation 
que  les  Européens,  les  Hindous  ont  le  goût  des 
arts.  Leurs  temples  et  les  palais  de  leurs  rad- 
jahs sont  souvent  des  œuvres  merveilleuses  par 
l'élégance  de  leurs  formes,  la  délicatesse  de  l'exé- 
cution, la  richesse  de  l'ornementation.  Les  mous- 
selines de  l'Inde,  les  foulards,  les  châles  fabri- 
ques dans  le  Cachemyr  avec  du  poil  de  chèvre 
d'une  espèce  particulière  sont  toujours  recherchés 
pour  la  finesse  de  leur  tissu,  et  l'harmonie  de 
leurs  couleurs.  C'est  une  ville  du  Malabar,  Caiicut, 
qui  a  donné  son  nom  au  cahcot-N'oublions  pas  non 
plus  que  c'est  de  l'Inde  qu'on  tirait  les  diamants 
de  l'eau  la  plus  pure  et  des  plus  grosses  dimensions 
avant  la  découverte  récente  des  gisements  de  dia- 
mants de  l'Afrique  australe- 
Mais  malgré  les  ressources  de  l'Inde,  la  popula- 
tion y  est  si  nombreuse,  que  beaucoup  d'Hindous 
s'en  vont  travailler  comme  coolies  aux  Antilles  ou 
en  Afrique. 

Possessio7is  européennes.  —  Les  Portugais  et  les 
Français  ont  seuls  conservé  des  possessions  dans 
l'Inde.  Les  premiers  ne  possèdent  plus  que  Diu, 
Damao  et  Goa,  sur  la  côte  occidentale,  qui  sont  de 


simples  comptoirs  de  commerce  avec  un  peu  plus 
de  400,000  habitants. 

La  France  possède  Mahé  sur  la  côte  occiden- 
tale, Kavikal,  l'ondicliéry,  et  Yanaon,  sur  la  côte 
de  Coromandel ,  Chandernaç/or  sur  l'Hougli,  à 
quelque  distance  au  nord  de  Calcutta,  en  tout 
un  territoire  qui  est  environ  la  millième  partie  de 
la  Franco  et  qui  est  peuplée  de  270,000  habitants. 
Pondichéry  est  la    capitale    administrative. 

Quant  aux  provinces  anglaises,  il  serait  trop 
long  d'énumérer  leurs  divisions.  Les  principales 
sont  les  présidences  de  Calcutta,  Bombay  et  Ma- 
dras, dont  les  chefs-lieux  sont  en  même  temps  les 
villes  les  plus  peuplées  et  les  ports  les  plus  com- 
merçants. Dans  l'île  de  Ceylan,  Pointe  de  Galles,  à 
la  pointe  sud-ouest  de  l'île,  sert  de  port  de  relâche 
aux  navires  qui  vont  d'Europe  en  Chine  entre 
Aden  et  Singapore. 

BÉLOUTCHISTAN  ET  AFGHANISTAN.  —  Au  UOrd-OUeSt 

de  l'Inde,  le  Béloutchistan  et  l'Afghanistan  sont 
peuplés  par  des  hommes  presque  barbares,  dont 
un  grand  nombre  mènent  la  vie  nomade  sur  les 
plateaux  élevés  qu'ils  habitent.  Les  noms  qui  dési- 
gnent ces  contrées  répondent  plutôt  à  des  différen- 
ces de  races  qu'à  des  empires  politiques  nettement 
définis.  Les  khans  qui  prétendent  à  la  souveraineté 
sont  nombreux  et  toujours  en  lutte  les  uns  avec 
les  autres.  Les  Anglais,  maîtres  de  l'Inde,  et  les 
Russes,  maîtres  du  Turkestan,  les  favorisent  tour  à 
tour  pour  se  ménager  des  intelligences  dans  leur 
pays.  En  ce  moment  l'influence  britannique  est  do- 
minante. 

Kélat  est  la  seule  ville  importante  du  Bélou- 
tchistan, Candahar,  la  principale  ville  du  sud  de 
l'Afghanistan  ;  au  nord-est  de  celle-ci  ,  dans  les 
montagnes  de  l'Hindou-Kouch,  Hérat  est  une  place 
forte  considérée  comme  la  clef  de  l'Inde  pour  les 
conquérants  venant  du  Nord.  Elle  est  évidemment 
le  point  de  mire  des  Anglais  et  des  Russes.  Enfin, 
la  dernière  ville  importante  de  ces  régions  est  Ca- 
boul, à  l'est  de  l'Afghanistan,  dans  une  région  en- 
tourée de  montagnes  et  sur  une  rivière  qui  porte 
ses  eaux  jusqu'à  l'Indus.  Partout  ailleurs,  sur  le 
plateau,  les  cours  d'eau,  pour  la  plupart  intermit- 
tents, vont  se  perdre  dans  des  lacs  sans  écoulement 
vers  la  mer. 

Au  nord  de  l'Inde,  on  trouve  encore, dans  l'en- 
tassement des  montagnes  qui  servent  de  contrefort 
au  plateau  de  Pamir  du  côté  du  midi,  une  foule 
de  peuplades  barbares  qui  y  maintiennent  leur 
indépendance  et  sont  probablement  les  frères 
d'origine  des  Européens  et  des  Hindous,  restés 
fidèles  au  pays  où  la  race  entière  semble  avoir 
pris  naissance. 

Turkestan.  —    Voir   ci-dessus    les    possessions 

RUSSES. 

Perse.  —  Limites.  —  La  Perse  s'étend  depuis  la 
mer  Caspienne  au  nord,  jusqu'àla  mer  des  Indes  au 
sud,  ou  plutôt  jusqu'aux  golfes  Persique  et  d'Oman 
qui.  appartiennent  à  l'océan  Indien.  A  l'ouest,  elle 
touche  à  la  Turquie  d'Asie,  depuis  l'embouchure 
du  Chat-el-Arab,  jusqu'au  montArarat  dont  la  haute 
pyramide  de  5000  mètres  sert  de  limite  commune 
à  la  Turquie  d'Asie,  à  la  Perse  et  à  la  Transcau- 
casie  russe.  C'est  le  point  culminant  de  l'Arménie, 
aujourd'hui  partagée  entre  ces  trois  contrées.  A 
l'est  de  la  Caspienne,  la  Perse  touche  aux  nouveaux 
établissements  russes  du  pays  des  Turcomans, 
puis  aux  possessions  du  khan  de  Khiva,et  est  sé- 
parée de  l'Afghanistan  et  du  Béloutchistan  par  une 
ligne  qui  suit  à  peu  près  le  60°  de  longitude  à 
Test  de  Paris,  Ainsi  délimitée,  la  Perse  forme  un 
vaste  empire  grand  comme  trois  fois  la  France, 
mais  singulièrement  déchu  du  degré  de  puissance 
où  il  était  parvenu  dans  l'antiquité,  avant  d'être 
détruit  par  Alexandre  le  Grand. 

Climat.  Orographie  et  hydrographie.  —  La  Perse 
forme  un   plateau  élevé  au-dessus  de  la  mer  et 


ASIE 


—  209  — 


ASIE 


•soustrait  à  l'iafluence  de  son  voisinage  par  les  mon- 
tagnes qui  l'en  séparent.  Au  nord,  la  chaîne  de 
1  Èlbourz  ne  laisse,  le  long  de  la  Caspienne,  qu'un 
rivage  étroit  occupé  par  les  provinces  de  Ghilan  et 
de  Mazendéran.  Le  pic  neigeux  du  Démavend,haut 
de  5600  mètres,  les  domine  de  sa  masse  imposante. 
Au  sud,  le  golfe  Persique  est  également  bordé  de 
liautes  et  épaisses  rangées  de  montagnes.  A  l'ouest, 
elles  se  rattachent  aux  monts  du  Kourdistan,  dont 
le  mont  Ehvend  (entre  Téhéran  et  Bagdad)  forme 
le  point  culminant.  Les  rivières  qui  naissent  sur 
le  versant  sud  de  ces  montagnes  vont  seules  gagner 
la  mer  ou  le  Chat-el-Arab,  en  parcourant  des  val- 
lées où  elles  répandent  la  fraîcheur  et  la  fertilité. 
Sur  le  versant  nord,  au  contraire,  les  eaux  sont 
bientôt  absorbées  par  les  sables  altérés  qui  cou- 
vrent la  plus  grande  partie  de  la  Perse  orientale. 
L'étendue  de  ces  déserts  souvent  salés,  les  séche- 
resses qui  y  régnent  trop  souvent,  l'absence  abso- 
lue de  voies  de  communication  économiques, 
suffisent  à  expliquer  les  terribles  famines  qui  sé- 
vissent trop  souvent  en  Perse.  On  évalue  à 
1  ôOO  000  ou  à  2  millions  le  nombre  des  victimes 
de  la  famine  de  1873  sur  une  population  aujour- 
•d'hui  réduite  à  6  ou  7  millions  d'habitants. 

Villes  principales.  —  Téhéran,  la  capitale  de  la 
Perse,  est  situé  sur  le  plateau  central,  à  plus  de 
1100  mètres  d'altitude.  En  été,  la  chaleur  y  devient 
si  intolérable,  que  la  cour  et  tous  les  riches  habi- 
tants quittent  la  ville  et  vont  vivre  dans  les  mon- 
tagnes. L'hiver  est  au  contraire  très  froid.  L'Ader- 
baidjan,  au  nord-ouest,  jouit  d'un  plus  doux  climat. 
Les  eaux  s'y  rassemblent  dans  le  grand  lac 
Ourmia,  et  c'est  près  de  là  que  s'élève  Tauris,  la 
ville  la  plus  peuplée  de  toute  la  Perse  (120  OdO  hab.) 
grâce  à  l'importance  de  son  commerce  avec  l'Eu- 
rope par  l'Arménie  turque  et  avec  la  Russie  par 
la  Transcaucasie.  Au  sud  de  Téhéran,  au  centre  de 
la  contrée,  on  trouve  Ispahan,  l'ancienne  capitale 
du  grand  Abbas  (fin  du  xvi'  siècle),  pleine  encore 
<le  mosquées,  de  palais,  de  monuments  superbes 
tombant  en  ruines,  et  réduite  à  une  population  de 
50  à  60  000  habitants  après  en  avoir  renfermé 
<iix  fois  autant.  C'est  encore  au  sud  d'Ispahan,  à 
moitié  chemin  du  golfe  Persique,  qu'on  trouve 
Chiraz,  réputé  comme  le  paradis  de  l'Orient  pour 
ses  jardins  embaumés  de  roses.  A  l'extrémité  op- 
posée, sur  les  frontières  de  l'Afghanistan  et  du 
pays  de  Khiva,  Méchehed,  la  métropole  du  Khora- 
zan  persan,  est  un  des  lieux  de  pèlerinage  les  plus 
fréquentés  par  les  Musulmans.  Toutes  ces  villes 
sont  bâties  à  une  grande  altitude.  On  ne  trouve 
sur  le  littoral  qu'Aboucher  sur  le  golfe  Persique, 
Recht  et  Balfrouch  près  de  la  mer  Caspienne,  qui 
soient  de  quelque  importance. 

Productions  principales.  —  Les  Persans  ne  man- 
quent pas  d'industrie.  Ils  fabriquent  des  châles  et 
des  tapis  qui  sont  partout  recherchés  pour  l'har- 
monie de  leurs  couleurs,  des  cafetières  et  divers 
objets  en  métal  qui  se  font  remarquer  par  les 
formes  les  plus  élégantes  et  les  dessins  qui  les 
ornent.  On  trouve  aussi  en  Perse  de  la  soie,  des 
parfums,  des  chevaux  de  belle  race,  des  métaux  et 
des  pierres  précieuses.  C'est  de  la  Perse  et  de 
l'Asie  centrale  que  sont  originaires  plusieurs  es- 
pèces de  fruits  très  estimés,  comme  les  pêches, 
les  abricots,  etc.,  et  qu'on  a  importé  en  France  la 
garance  qui  a  fait  la  fortune  du  Comtat-Venaissin 
avant  la  concurrence  des  nouvelles  matières  tincto- 
riales extraites  de  la  houille. 

Arabie.  —  Aspect  général  et  climat.  —  La  Pé- 
ninsule arabique  est  grande  comme  six  fois  la 
France.  Des  déserts  immenses  de  sable  s'étendent 
entre  elle  et  la  Syrie  :  la  mer  l'entoure  de  tous  les 
autres  côtés.  L'Arabie  est,  bien  plus  encore  que  la 
Perse,  le  pays  de  la  sécheresse  et  de  la  soif.  De 
toutes  parts,  le  littoral  étroit  est  dominé  par  des 
montagnes  dénudées  et  arides  qui  enveloppent  le 
2'  Paiitib. 


plateau  intérieur.  Pendant  neuf  mois  de  l'année, 
le  ciel  ne  se  voile  d'aucun  nuage  ;  pendant  le  reste 
du  temps,  on  voit  quelquefois  se  former  des  orages. 
Aussi  la  température  est-elle  accablante.  A  Aden, 
où  les  Anglais  ont  planté  leur  drapeau  au  pas- 
sage de  la  mer  Rouge  dans  l'Océan  Indien,  on  a 
souvent  vu  des  matelots  européens  foudroyés 
par  une  insolation  pour  avoir  traversé  une  place  au 
milieu  du  jour.  On  ne  pourrait  parcourir  les  im- 
menses espaces  qui  séparent  les  oasis  habitées  au 
milieu  de  cette  vaste  mer  de  sables  sans  les  cha- 
meaux, qui  supportent  la  faim,  la  soif  et  la  fatigue 
de  marches  forcées  de  200  kilomètres  par  jour 
pendant  une  semaine. 

Divisions  de  l'Arabie.  —  LeNedjed.  —  Au  centre 
de  l'Arabie,  le  \edjed  n'offre  pas  une  région  tout 
entière  fertile  et  arrosée,  mais  riche  en  oasis,  où 
sourdent  quelques  sources  au  pied  de  montagnes 
pelées.  C'est  là  qu'on  trouve  les  chevaux  de  la 
plus  belle  race  arabe.  Mais  c'est  aussi  le  pays  mu- 
sulman le  plus  fermé  aux  chrétiens  par  le  fana- 
tisme des  Ouahabites,  qui  se  prétendent  appelés  à 
régénérer  l'islamisme. 

L'Hedjaz.  —  Du  côté  de  la  mer  Rouge,  les  Turcs 
ottomans  dominent  sur  l'Hedjaz,  la  terre  sainte  de 
leurs  coreligionnaires.  Là  se  trouve  la  Mecque, 
où  les  Musulmans  doivent  venir  en  pèlerinage, 
une  fois  dans  leur  vie,  faire  leurs  dévotions  dans  le 
temple  de  la  Kaaba,  qui  perpétue  le  souvenir 
d'Abraham,  l'un  des  pères  des  Arabes,  et  celui  de 
Mahomet.  Tous  les  ans  on  voit  arriver  à  la  ^lecque 
des  représentants  de  toutes  les  nations  où  s'est 
répandue  la  religion  du  prophète.  Les  uns  viennent 
d'Afrique  par  les  grands  navires  ou  les  barques 
qui  les  descendent  à  Djeddah,  le  port  de  la  Mecque; 
d'autres,  partis  de  l'Asie  centrale,  traversent  en 
caravanes  la  Perse  et  l'Arabie.  Cette  agglomération 
énorme  d'individus  et  d'animaux  est  un  foyer 
d'épidémies  et  l'un  des  points  de  naissance  du 
choléra.  A  cent  lieues  au  nord  de  la  Mecque,  les 
dévots  vont  visiter  Médine,  la  seconde  ville  sainte, 
qui  renferme  le  tombeau  de  Mahomet. 

Le  Sinaï.  —  Au  nord  de  l'Hedjaz,  le  vice-roi 
d'Egypte  est  maintenant  maître  de  la  presqu'île 
du  Sinaï,  si  célèbre  dans  la  Bible. 

L'Yémen.  —  Comme  l'Hedjaz,  l'Yemen,  qui  le 
touche  au  sud,  est  une  possession  du  sultan  de 
Constantinople.  On  donne  le  nom  de  Téhama  à  la 
zone  côtière  embrasée  qui  règne  le  long  de  la  mer 
Rouge,  ce  long  golfe  étroit  où  les  rayons  du  soleil 
ont  "assez  d'ardeur  pour  pomper  chaque  année 
sept  mètres  d'eau.  C'est  le  pays  du  café  qui  a  fait 
la  célébrité  du  port  de  Mok'ia,  à  quelque  distancB 
au  nord  du  détroit  de  Bab-el-Mandeb. 

Etablisseme7it  anglais  d'Aden.  —  C'est  à  l'est 
de  ce  détroit  que  l'on  rencontre  le  port  d'Aden, 
dont  les  Anglais  ont  pris  possession  depuis  1840 
et  qui  est  aujourd'hui  une  des  grandes  étapes  sur 
la  route  des  Indes. 

Hadramaout .  Oman.  —  Au  nord-est  d'Aden,  la 
côte  de  l'Océan  Indien  s'appelle  l'Hadramaout,  et 
le  littoral  qui  fait  face  à  la  côte  persane  au  sud  du 
golfe  d'Oman,  s'appelle  l'Oman.  C'est  là  que  s'é- 
lèvent les  plus  hautes  montagnes  de  la  Péninsule 
au  voisinage  de  Mascate,  le  port  le  plus  important 
de  cette  région,  dont  l'ancien  iman  avait  fondé 
un  puissant  empire  sur  la  côte  orientale  d'Afrique, 
et  qui  était  maître  de  Zanzibar.  Plus  au  nord,  sur 
le  golfe  Persique,  le  Lahsa  comprend  les  îles 
Bahrein,  où  l'on  pêche  les  plus  belles  perles  du 
monde. 

Population  et  commerce.  —  Dans  sa  vaste  éten- 
due, l'Arabie  ne  renferme  que  quelques  millions 
d'habitants.  Comment  en  savoir  le  nombre  précis 
dans  un  pays  où  l'on  trouve  si  peu  d'hommes 
attacliés  au  sol,  et  au  contraire  beaucoup  de  no- 
mades vivant  sous  la  tente  et  cherchant  à  piller 
les  caravanes  trop  faibles  pour  leur  résister.  La  vie 

H 


ASIE 


—  210 


ASIE 


errantes,  ils  la  menaient  déjà  aux  temps  légen- 
daires d'Abraham,  qui  comme  eux  était  fils  de  Scm. 
et  l'on  sait  avec  quelle  ardeur  guerrière  ils  ont 
suivi  Mahomet  pour  conquérir  un  vaste  empire  aussi 
rapidement  détruit  que  forme. 

Le  commerce  tire  d'Arabie  du  café,  de  la  gomme, 
des  dattes,  des  chevaux,  des  perles. 

Turquie  d'Asie.  —  liaces  diverses.  —  La  contrée 
qui  s'étend  au  nord  de  l'Arabie  et  à  l'ouest  de  la 
Perse  jusqu'à  la  mer  Xoire  et  la  Méditerranée, 
porte  le  nom  de  Turquie  d'Asie,  à  cause  de  ses 
maîtres  actuels,  qui  ny  forment  guère  que  la 
moitié  de  la  population.  Les  Arméniens  et  les 
Kourdes  à  l'est,  les  Grecs  sur  les  côtes  de 
l'Archipel  à  l'ouest,  sont  de  race  aryenne.  Les 
Arabes,  les  Syriaques  et  les  Juifs  sont  de  race 
sémitique.  Géographiquement.  on  partage  la  Tur- 
quie d'Asie  en  cinq  parties,  l'Anatolie,  l'Arménie,  le 
Kourdistan,  la  Mésopotamie  et  la  Syrie,  sur  cha- 
cune desquelles  nous  allons  successivement  jeter 
un  coup  d'œil.  Elles  renferment  en  tout  12  millions 
d'habitants  sur  lâOOnOO  kilomètres  carrés. 

Anatolie.  —  La  grande  presqu'île  que  limitent 
la  mer  Noire  au  nord  et  la  Méditerranée  au  sud, 
et  dont  la  mer  de  Marmara,  les  détroits  de  Con- 
stantinople  et  des  Dardanelles,  et  l'Archipel 
baignent  les  côtes  occidentales,  porte  le  nom  d'A- 
natolie.  La  plus  grande  partie  en  est  occupée  par 
un  plateau  fort  élevé,  de  1500  à  200;)  mètres,  qui 
s'appuie  au  sud  à  la  chaîne  du  Tauriis,  à  l'est 
à  l'anti-Taurus  et  aux  montagnes  de  l'Arménie,  et 
dont  les  eaux  s'amassent  en  lacs  sans  écoulement, 
ou  s'en  vont  à  la  mer  par  des  torrents  dont  le  cours 
est  singulièrement  tourmenté  par  les  montagnes 
au  travers  desquelles  ils  ont  à  s'ouvrir  un  passage. 
Les  côtes  de  l'Archipel.  —  Dans  l'antiquité,  l'A- 
natolie s'appela  l'Asie  par  excellence,  et  comme 
les  plateaux  de  l'intérieur,  glacés  en  hiver,  brûlants 
en  été,  conviennent  mieux  à  la  vie  pastorale  qu'à 
un  grand  développement  de  la  civilisation,  c'est 
au  pourtour  du  plateau,  sur  les  rivages  tempérés  de 
l'Archipel  ou  de  la  Méditerranée,  que  l'on  ren- 
contre le  plus  de  souvenirs  historiques  et  les  villes 
les  plus  importantes  dans  les  temps  modernes. 
Sur  la  presqu'île  qui .  touche  immédiatement  au 
sud  des  Dardanelles,  s'élevait  la  célèbre  ville  de 
Troie,  si  fameuse  par  le  siège  qu'elle  soutint  dix 
ans  durant  contre  les  Grecs.  Au  sud  de  la  Troade, 
les  côtes  de  l'Archipel  étaient  couvertes  de  colonies 
grecques  Hérissantes,  celèbfos  par  leurs  richesses, 
l'importance  de  leur  commerce,  la  science  de  leurs 
docteurs,  tin  peu  au  nord  de  Sniyrne,  sur  le  rivage 
qui  regarde  l'ancienne  île  de  Lesbos  (aujourd'hui 
Mételin),  s'élevait  Phocée,  la  fondatrice  de  Mar- 
seille et  d'autres  colonies  du  sud  de  la  Gaule. 
Smyrne  est  aujourd'hui  la  ville  la  plus  populeuse 
(150  000  hab.)  de  la  Turquie  d'Asie,  la  plus 
riche  et  la  plus  commerçante.  A  la  sortie  du  golfe 
sur  lequel  Smyrne  est  assise  dans  un  site  char- 
mant, ontrouve  l'île  de  Chio,  habitée  par  des  Grecs, 
qui  possédaient,  au  moment  de  la  guerre  de  l'indé- 
pendance de  la  Grèce,  une  marine  puissante  et  de 
hardis  matelots.  Les  Turcs  se  vengèrent  par  de 
cruels  massacres  des  désastres  que  leur  avaient 
fait  éprouver  les  Chiotes.  Au  sud  de  Chio,  on  ren- 
contre les  ruines  à-'Ephèse,  célèbre  par  le  temple 
de  Diane,  qui  passait  pour  l'une  des  sept  mer- 
veilles du  monde,  et  par  les  conciles  qu'y  tinrent 
les  premiers  chrétiens.  Puis  c'est  Milct,  la  reine 
des  villes  ioniennes,  la  rivale  en  puissance  mari- 
time deTyr  et  de  Carthage,  dont  la  marine  comptait 
à  elle  seule  cent  vaisseaux  de  guerre  et  dont  les 
habitants  soulevés  c.  .itre  Darius,  roi  de  Perse, 
provoquèrent  les  guerres  médiquos.  Entre  Milet 
et  Ephèse,  on  voit  l'île  de  Samos,  la  patrie  de  Py- 
thagore.  A  l'angle  sud-ouest  de  l'Anatolie,  sur  la 
limite  de  l'Archipel  et  de  la  Méditerranée,  voici 
l'île  de  Rhodes,  si  célèbre  dans  l'antiquité  par  son 


commerce  et  par  le  colosse  qui  s'élevait  à  l'entrée 
de  son  port,  bien  plus  illustre  à  nos  yeux  par  le 
séjour  des  chevaliers  de  Saint-Jean  de  Jérusalem 
et  leur  défense  héroïque  contre  les  Turcs.  Le» 
tremblements  de  terre  qui  se  répètent  fréquem- 
ment dans  cette  région  n'ont  pas  encore  renversé 
toutes  les  maisons  qui  portent  encore  les  armes  de 
leurs  fiers  défenseurs.  A  l'est  de  Rhodes,  Chijpre 
est  encore  célèbre  par  ses  vins,  mais  ne  nourrit 
plus  la  dixième  partie  des  habitants  qu'elle  renfer- 
mait dans  l'antiquité.  Toute  cette  terre,  si  riche 
en  souvenirs,  est  habitée  par  des  Grecs,  commer- 
çants comme  ils  le  sont  tous  ;  elle  jouit  du  climat 
riant  et  des  productions  précieuses  des  bords  de 
la  Méditerranée.  La  soie,  les  huiles,  les  fruits  en 
forment  les  principales  productions  et  alimentent 
le  commerce  avec  les  laines,  les  tapis,  les  métaux 
apportés  de  l'intérieur. 

Chypre  a  récemment  acquis  une  grande  impor- 
tance politique.  En  vertu  d'une  convention  con- 
clue (juillet  1878)  entre  la  Porte  ottomane  et  l'An- 
gleterre, cette  dernière  puissance  a  le  droit  de 
tenir  garnison  à  Chypre  et  s'est  chargée  du  pro- 
tectorat de  l'Asie  Mineure  pour  arTèter  de  ce  côté 
les  progrès   des  conquêtes  russes. 

Les  liuids  plateaux  et  le  littoral  de  In  mer  Noire. 
—  Au  centre  de  l'Anatolie,  Angora  est  célèbre  par 
ses  chèvres  au  tissu  soyeux,  Tokat  parles  cafetières 
qu'elle  fabrique.  Sur  le  littoral  de  la  mer  Noire, 
trébizon de  est  le  port  le  plus  actif  parce  qu'il  sert 
de  débouché  sur  cette  mer  à  l'Arménie.  Si7iope, 
qui  occupe  l'extrémité  septentrionale  de  l'Anatolie, 
rappelle  le  souvenir  de  Diogène  le  cynique,  et 
pendant  la  guerre  de  Crimée  son  port  a  vu  brûler 
la  flotte  ottomane  incendiée  par  les  Russes. 

Sur  le  Bosphore,  Scidari  est  un  grand  faubourg 
de  Constantinople,  célèbre  par  ses  frais  ombrages 
de  cyprès,  où  les  Turcs  aiment  à  placer  leurs 
tombes.  Plus  au  Sud,  à  quelque  distance.  Brousse, 
malgré  les  tremblem.ents  de  terre,  est  une  grande 
ville  de  près  de  100,000  habitants,  qui  a  été  la 
résidence  des  sultans  ottomans  avant  qu'ils  trans- 
férassent le  siège  de  leur  empire  à  Andrinople  et 
de  là  à  Constantinople. 

Arménie  turque.  —  A  l'est  de  l'Anatolie,  l'Ar- 
ménie turque, qui  touche  au  mont  Ararat,  est  un 
pays  montagneux  fort  élevé.  Sa  capitale  Erzeioum 
est  à  près  de  2000  mètres.  Aussi  y  voit- on  quel- 
quefois de  la  gelée  au  mois  de  juin,  bien  que  sous 
une  latitude  plus  méridionale  que  Naples.  C'est 
dans  l'Arménie  turque  que  se  trouve  le  lac  de  Van 
grand  de  365,000  hectares  et  tout  entouré  de  hautes 
montagnes  souvent  couvertes  de  neige. 

Kourdistan.  —  L'Euphrate  prend  sa  source  près 
d'Erzeroum.  Il  coule  d'abord  à  l'ouest  comme  s'il 
devait  finir  dans  la  Méditerranée,  puis  se  retourne 
au  sud  en  traversant  le  Kourdistan.  Comme  les 
Arméniens,  les  Kourdes  sont  de  race  aryenne, 
mais  ils  ont  embrassé  l'islamisme,  tandis  que  les 
Arméniens  forment  une  secte  particulière  du  ca- 
tholicisme romain.  C'est  dans  les  montagnes  du 
Kourdistan  que  le  Tigre  prend  naissance,et  les  deux 
fleuves,  qui  semblent  un  instant  prêts  à  se  réunir 
au  voisinage  de  Diarbékir,  se  séparent  de  nouveau 
pour  envelopper  l'antique  Mésopotamie. 

Mésopotamie.  —  Que  de  souvenirs  se  pressent 
sur  ces  bords!  Bahylone,  sur  l'Euphrate,  et  Ninive 
sur  le  Tigre,  n'ont  laissé  que  des  ruines  difficile- 
ment retrouvées,  après  avoir  atteint  un  développe- 
ment que  ne  connaissent  peut-être  pas  encore  nos 
capitales  modernes.  B  igdad,  le  chef-lieu  actuel  de 
l'Eldschézireh,  n'est  plus  que  l'ombre  de  la  bril- 
lante résidence  d'Haroun-al-Raschid  et  des  puissants 
califes,  ses  successeurs. 

Grâce  à  son  climat,  grâce  aux  eaux  abondantes 
que  l'Euphrate  et  surtout  le  Tigre  puisent  dans  les 
neiges  de  l'Arménie  et  du  Kourdistan,  la  Mésopo- 
tamie pourrait  être  un   des  plus  riches   pays  du 


ASIE 


—  211  — 


ASIE 


monde.  C'est  l'excès  de  leur  fortune  qui  a  perdu 
les  empires  assyrien  et  babylonien.  A  cette  époque, 
du  moins,  on  avait  tout  fait  pour  aménager  les  eaux 
fertilisantes.  Les  digues,  les  canaux  n'étaient  pas 
moins  merveilleux  que  les  palais  superbes  de  Ba- 
bylone.  Aujourd'hui  les  Arabes  qui  occupent  cette 
région  travaillent  péniblement  pour  verser  des 
tributs  énormes  dans  les  trésors  des  pachas  turcs 
qui  n'ont  d'autre  souci  que  de  s'enrichir  sans  rien 
faire  d'utile.  Un  seul  exemple  suffira  à  montrer 
l'incurie  du  gouvernement  ottoman.  Depuis  40  ans 
que  l'Euphrate  a  crevé  ses  digues  en  amont  de  son 
confluent  avec  le  Tigre,  ce  désastre  n'a  pas  été  ré- 
paré. Le  pays  s'est  transformé  peu  à  peu  en  un  ma- 
récage pcsulentiel,  et  la  ville  de  Bassorah  sur  le 
Chat-el-Arab,  qui  était  un  port  commerçant,  peuplé 
de  60,000  âmes,  est  tombée  peu  à  peu  au  rang  de 
bourgade  malsaine  et  déserte. 

Syrie.  —  Le  désert,  qui  gagne  de  plus  en  plus 
sur  les  terres  cultivables  à  mesure  que  la  barbarie 
ou  l'incurie  l'emportent  sur  la  civilisation  et  les 
travaux  qu'elle  amène,  s'étend  à  l'ouest  de  la  Mé- 
sopotamie jusqu'au  pied  des  chahies  parallèles  du 
Liban  et  de  l' Anti-Liban.  Au  pied  de  ce  dernier  et 
du  mont  Hermon  qui  le  domine,  Damas  forme  une 
oasis  verdoyante,  où  a  vécu  de  tout  temps  une  po- 
pulation nombreuse  et  industrieuse  ;  Damas  passe 
pour  un  des  paradis  de  1  Orient.  On  y  fabrique  de 
belles  étoffes  de  soie,  et  les  lames  qu'on  y  trempait 
jouissaient  autrefois  de  beaucoup  de  réputation.  C'est 
encore  aujourd'hui  la  ville  la  plus  peuplée  de  la 
Syrie.  Elle  renferme  150  ou  "^00  000  habitants.  A 
moitié  chemin  entre  Damas  et  l'Euphrate,  Palmyre 
atteignit  un  instant  un  haut  degré  de  prospérité  sous 
la  reine  Zénobie,  alors  qu'elle  étaitle  centre  du  com- 
merce entre  la  Méditerranée  et  l'Euphrate,  entre 
Rome  et  l'Inde.  Il  n'en  reste  plus  aujourd'hui  au 
milieu  du  désert  que  des  ruines  qui  attestent  son 
antique  splendeur. 

C'est  plus  au  nord,  au  point  où  l'Euphrate  se 
rapproche  le  plus  de  la  Méditerranée,  que  passent 
aujourd'hui  les  marchands  qui  vont  de  la  Méditer- 
ranée à  l'Euphrate.  Alep  occupe  le  nœud  des  routes 
de  cette  région,  et  c'est  ce  qui  en  fait  l'importance. 
Elle  renferme  80  000  habitants.  Si  l'Euphrate  était 
plus  régulièrement  navigable,  un  chemin  de  fer  tra- 
versant Alep  irait  du  golfe  d'Alexandrette  au  fond 
de  la  Méditerranée,  à  quelque  port  de  l'Euphrate, 
et  ce  serait  encore  \k  une  des  grandes  voies  de 
trafic  entre  l'Europe  et  les  Indes  et  celle  que  suivait 
le  commerce  avant  que  les  Portugais  n'eussent  dou- 
blé le  cap  de  Bonne-Espérance,  et  les  Français 
percé  l'isthme  de  Suez. 

Entre  Alep  et  la  mer,  on  rencontre  l'Oronte,  qui 
né  entre  le  Liban  et  l'Anti-liban  coule  d'abord  au 
Nord  en  traversant  Emèse  et  Epiphanie,  célèbres 
dans  l'histoire  de  l'Église,  puis  se  recourbe  au  S.-O. 
pour  finir  dans  la  mer  entre  le  Taurus,  au  nord,  ef 
le  Liban  au  sud.  C'est  dans  cette  dernière  partie 
de  son  cours  qu'il  traverse  Ajitioche,  une  des  trois 
grandes  métropoles  du  monde  ancien  avec  Rome  et 
Alexandrie. 

La  côte  MéditeiTanéenne.  —  Sur  la  côte  étroite 
qui  s'éiend  au  pied  du  Liban,  en  partie  couvert  de 
cèdres  au  feuillage  sombre,  les  ports  se  pressent  et 
aussi  les  souvenirs.  Ce  sont  du  N.  au  S.  Latakieh, 
Tripo'i,  Beïrout,  qui  de  nos  jours  est  le  premier 
port  de  la  Syrie,  grâce  surtout  au  commerce  de  la 
soie,  et  dont  la  population  atteint  bientôt  100,000 
habitants.  Puis  voici  Sù/ow  et  Tyr,  les  deux  métro- 
po/esde  tant  d'États  maritimes  delà  Méditerranée, 
le  ôerceau  d'une  civilisation  si  antique  et  pourtant 
si  développée.  Ensuite  on  rencontre  Saint-Jean 
û'Ac}-e,  où  vint  échouer  la  fortune  de  Bonaparte, 
le  promontoire  du  mont  CaTme\,Jaffa  dont  le  nom 
rappelle  lapeste  sévissant  sur  l'armée  d'Egypte,  puis 
Gaza  qui  touche  presqu'aux   frontières  d'Egypte. 

Non  loin   de   la  source   de  l'Oronte,  dans  cette 


même  vallée  creuse  qui  sépare  le  Liban  de  l'Antî- 
Liban,  et  qu'on  appelait  la  Célésyrie,  le  Léontes 
prend  sa  source,  un  peu  au  sud  de  l'antique  Bal- 
bek,  pour  venir  finir  dans  la  Méditerranéo  entre 
TyV  et  Sidon. 

Le  Jourdain.  —  Enfin  près  du  noint  où  le  Léon- 
tes tourne  à  l'ouest  vers  la  mer,  commence  le  Jour- 
dain, si  célèbre  dans  l'histoire  du  peuple  Israélite. 
Il  traverse  le  lac  Mérom,  puis  celui  de  Tibériade, 
et  vient  finir  dans  la  mer  Morte  à  400  mètres  au- 
dessous  de  la  Méditerranée.  La  stérilité  des  rochers 
qui  entourent  la  mer  Morte,  la  solitude  qui  y  règne, 
l'infécondité  de  ses  eaux  chargées  de  principes  mi- 
néraux et  d'asphalte  qui  lui  ont  valu  le  nom  de  lac 
asphaliite,  sont  en  harmonie  avec  ce  que  rap- 
porte la  tradition  sur  les  villes  maudites  situées 
jadis  sur  ses  bords  et  qu'aurait  détruites  le  feu  du 
ciel. 

LaPalestine.  —  C'est  dans  les  montagnes  à  l'ouest 
du  Jourdain  que  se  sont  passés  les  principaux 
événements  rapportés  dans  la  Bible.  Au  N.-O.  de 
la  mer  Morte  voici  Bethléem,  puis  Jérusatejn,  la  cité 
de  David  et  de  Salomon,  la  ville  sainte  des  chré- 
tiens et  aussi  une  de  celles  des  Musulmans  qui  y 
possèdent  la  mosquée  d'Omar,  un  de  leurs  plus 
célèbres  califes.  Plus  au  nord,  on  rencontre  Sichem, 
puis  Samarie,  la  capitale  du  royaume  d'Israël,  et 
enfin  Nazareth  entre  le  Carmel  et  le  lac  de  Tibériade. 
Les  Juifs  etles  Chrétiens  qui  ont  fait  la  célébrité  de 
ce  pays  n'y  sont  plus  ni  les  maîtres  ni  les  habitants 
les  plus  nombreux.  De  l'effort  gigantesqup  aéployé 
pendant  les  croisades,  il  ne  reste  plus  aujourd'iiui 
que  des  souvenirs  illustres.  Les  chrétiens  maroni- 
tes, qui  sont  quelques  centaines  de  mille,  vivent 
dans  les  montagnes  où  les  poursuit  souvent  la 
haine  des  Druses.  Les  puissances  chrétiennes  et  la 
France  en  particulier  ont  fondé  en  divers  points  des 
maisons  religieuses  qui  veillent  sur  quelque  lieu 
saint,  et  secourent  leurs  coreligionnaires.  En  Asie, 
du  moins,  la  croix  n'a  pas  encore  reconquis  la  pré- 
pondérance sur  le  croissant.  [G.  Meissas.  ' 

1.  Questionnaire  géographique.  —  Spécimen  de 
questio7is.  —  1°  Sur  la  géographie  physique.  —  Dé- 
crivez la  forme  de  l'Asie  ?  —  Donnez  une  idée  de  sa 
superficie  et  de  sa  population  comparées  à  celles  de 
l'Europe.  —  Faites  un  voyage  de  circumnavigation 
de  l'Asie  en  partant  de  la  mer  Noire:  quelles  mers, 
quels  détroits,  quels  golfes,  quelles  presqu'îles, 
quels  caps  rencontrez-vous  ?  —  Quels  sont  les 
grands  fleuves  dont  vous  verriez  l'embouchure  en 
suivant  la  côte  de  Suez  à  Péking  ?  —  L'Asie 
a-t-elle  de  grands  fleuves  qui  ne  se  jettent  dans 
aucun  des  océans  qui  l'entourent?  —  Comment 
vous  figurez-îous  un  paysage  de  Sibérie?  —  Un 
paysage  dans  les  Indes  ?  —  L'Asie  est-elle  sé- 
parée par  de  grandes  distances  des  autres  parties 
du  monde  ?  —  Est-elle  tout  entière  dans  l'hémis- 
phère boréal?  —  Quelle  idée  vous  faites-vous  du 
massif  central  de  l'Asie? —  de  l'Himalaya?  etc. 
—  Distinguer  les  grands  versants  et  les  princi- 
paux bassins  de  l'Asie,  etc. 

2°.  Sur  l'ethnographie.  —  Quelles  sont  les  prin- 
cipales races  de  l'Asie?  —  Où  habitent-elles?  — 
Quelles  religions  suivent-elles?  —  Quel  genre  de 
vie  mènent-elles? 

.3°  Sur  la  yéographie  politique.  —  Passer  en 
revue  les  principaux  États,  en  indiquant  leur  si- 
tuation, leur  capitale,  leurs  principales  produc- 
tions, les  établissements  européens,  etc. 

Où  sont  situés  en  Asie,  les  principales  co- 
lonies européennes  ?  —  Quels  sont  les  ports  ou- 
verts aux  Européens  dans  l'océan  Pacifique  ?  — 
Quels  sont  les  grands  ports  de  relâche  entra 
l'isthme  de  Suez  et  le  Japon  ? 

Supposez  un  vaisseau  partant  de  Liverpool  po\ir 
aller  faire  le  commerce  en  Asie  :  où  pensez-vous 
qu'il  peut  aller,  qu'emoorte-t-il  et  que  rapportera- 
t-il  ? 


ASPHYXIE 


—  :>I2  — 


ASPHYXIE 


Comparez  la  Chine  et  le  Japon,  quant  à  la  situa- 
tion et  à  1  étendue  de  leur  empire,  quant  à  leur 
civilisation,   quant  à  leur  rapports  avec   l'Europe? 

Oii  placez-vous  Palmyre,  Ninive,  Babylone, 
Antioche  ?....  etc. 

Expliquez  les  mots  cacherniv,  calicot,  nankin, 
(linge)  damassé,  et  l'origine  de  ces  noms. 

Si  vous  alliez  par  terre  de  Jérusalem  à  Téhéran, 
de  là  à  Boukhara,  de  là  à  Caboul  et  de  Caboul  à 
Bombay,  quels  États  traverseriez-vous  ?  Dans 
quelles  parties  de  ce  voyage  seriez-vous  exposé 
aux  plus  grands  dangers  ? 

Quelles  sont  les  mers  qui  baignent  la  Perse  ? 

2.  Problèmes  géographiques .  —  1.  La  Chine, 
proprement  dite,  a  une  superllcie  de  4,025,000  kil. 
cari-és  et  une  population  de  405,000,000  d'habitants  ; 
la  Sibérie,  12,500,00(1  kil.  carrés  et  3,400,000  d'ha- 
bitants; l'Inde,  3,800,000  kil.  carrés  et  238,000,00(1 
d'habitants.  Quelle  serait  la  population  de  la  Si- 
bérie, si  elle  était  aussi  peuplée  que  l'Inde  et 
aussi  peuplée  que  la  Chine?  R.  1"  787,000,000. 
2"  1,262,500,000  hab. 

3.  Quelles  contrées  parcourrait  un  voyageur  par- 
tant de  Péking,  et  marchant  toujours  à  l'O.  en  res- 
tant à  la  même  latitude,  en  Asie  d'abord,  puis  en 
Europe  ?  —  Quelles  mers  devrait-il  traverser  ?  — 
Quelles  chaînes  de  montagnes  aurait-il  à  franchir? 
Quels  fleuves  traverserait-il?  —  Près  de  quelles 
grandes  villes  passerait-il  ? 

4.  La  distance  par  mer  de  Suez  à  Aden  est  d'en- 
viron 2,500  kilom.  ;  celle  d'Aden  à  Bombay  de  2,G.'>0 
kil.  ;  de  Bombay  à  Pointe-de-Galles,  1,750  kil.  ;  de 
Pointe  de  Galles  à  Calcutta,  2,100  kil.;  d'Aden  à 
Pointe  de  Galles,  3,300  kilom.  ;  de  Pointe  de  Galles 
à  Singapore,  v,650  kilom.  ;  de  Singc'?pore  à  Saigon, 
1,100  kilom.;  de  Saigon  à,  Hong-Kong,  Macao  et 
Canton,  1,500  kilom;  de  Hong-kong  à  Chang-hai, 
1,350  kilom.  ;  de  Chang-hai  à  Pékin,  1,400  kilom.  ; 
de  Chang-hai  k  Yokohama,  1,900  kilom. 

Combien  un  navire  faisant  600  kilom.  par  jour 
mettra-t-il  à  aller  de  Suez  à  Pékin,  par  la  route 
d'Aden,  Pointe  de  Galles,  Singapore,  Saigon,  Hong- 
kong, et  Chang-hai,  en  relâchant  12  heures  au 
moins  dans  chacun  de  ces  ports,  mais  moins  de 
24  heures?  —  R.  De  26  à  29  jours 

Quelle  économie  de  temps  réalisera  un  voyageur 
allant  de  Suez  à  Calcutta,  si  au  lieu  de  suivre  la 
route  maritime  d'Aden,  Pointe  de  Galles,  Calcutta, 
il  va  par  mer  d'Aden  h  Bombay  et  par  chemin  de 
fer  de  Bombay  à  Calcutta,  sachant  que  la  longueur 
de  la  voie  ferrée  entre  ces  deux  villes  est  de 
2,000  kilom.  environ  et  en  supposant  que  les  trains 
y  fassent  40  kilom.  par  heure.  —  R.  2  jours,  et 
12  heures. 

Ouvrages  à  consulter.  —  Livres  admis  dans  les  bi- 
bliothèques po|iulaires,  qui  fournissent  les  plus  nombreux 
suji'ts  lie  lectures  sur  L'Asie  :  Duval  ;  Noire  Planète. 
De  Lanoye  ;  La  Sibérie.  —  Poussielgue,   Voyage  en  Chine. 

—  Roy,  La  Chine  et  la  Cochinchitie .  —  Leniire,  Cochin- 
chine  Française  et  Cambodge.  —  Mouhot,  Royaume  de 
Siam.  —  Deville,  Excursions  dans  l'Inde.  —  Burtou 
Voyage  à  la  Mecque,  etc.,  abrégé  par  Belin  de  Launay. 
-;-  Hall  y.  Lectures  géographiques  ;  enfin  et  surtout  la  collec- 
tion du  Tour  du  monde. 

ASPHYXIE.  —  Zoologie,  XXXV;  Hygiène,  XVL 

—  On  appelle  asphyxie  un  état  de  mort  apparente 
produit  par  la  suspension  de  la  respiration.  Dans 
ia  syncope,  la  mort  apparente  résulte  de  l'arrêt 
subit  du  cœur. 

La  respiration  normale  consistant  à  inspirer  l'air 
atmosphérique  qui  contient  vingt  et  uu  centièmes 
d'oxygène,  tout  ce  qui  diminue  la  proportion  de  ce 
gaz  dans  l'air  respiré  tend  à  produire  l'asphyxie. 
Elle  résulte  également  de  tout  obstacle  à  l'intro- 
duction dans  les  poumons  d'une  quantité  d'air  suf- 
jîsante. 

Nous  nous  bornerons  à  indiquer  les  causes  acci- 


dentelles de  ces  deux  modes  d'asphyxie  et  les  soins 
à  donner  en  attendant  l'arrivée  du  médecin. 

Asphyxie  j)ar  action  cliimique.  —  V  Air  confiné. 
—  Aspliyxie  résultant  de  l'air  vicié  soit  par  la 
respiration,  soit  par  les  miasmes,  souvent  aussi  par 
les  émanations  de  fleurs  d'autant  plus  dangereuses 
que  l'on  est  moins  porté  à  les  suspecter.  Cette 
viciation  de  l'air  se  manifeste  par  les  symptômes 
suivants  :  maux  de  tête,  étourdissements,  nausées, 
oppression  et  perte  de  connaissance. 

Les  soins  à  donner  sont  ceux-ci  :  porter  la  per- 
sonne en  plein  air,  maintenir  la  tête  haute,  enlever 
tout  ce  qui  peut  gêner  les  mouvements  de  la  poi- 
trine et  de  l'abdomen,  asperger  d'eau  fraîche  la 
face  et  le  cou.  Il  importe  peu  de  faire  respirer  du 
vinaigre,  mais  quelques  gouttes  d'éthcr  dans  de 
l'eau  sucrée  calment,  s'il  y  a  lieu,  les  accidents 
nerveux. 

2»  Vapeur  de  charbon  —  acide  car honlque, — gaz 
d'éclairage,  etc.  —  Le  gaz  oxyde  de  carbone  qui  se 
dégage  du  charbon  en  combustion  cause  un  véri- 
table empoisonnement  du  sang;  le  gaz  d'éclairage 
agit  également  par  ses  propriétés  délétères  ;  mais 
l'acide  carbonique  pur,  tel  qu'il  se  dégage  des 
cuves  en  fermentation  est  simplement  irrespirable 
et  ne  cause  pas  des  accidents  aussi  rapides. 

Pour  essayer  de  rappeler  l'asphyxié  à  la  vie,  on 
le  porte  à  l'air  libre,  sans  craindre  le  froid,  ayant 
soin  de  maintenir  élevées  la  poitrine  et  la  icte. 
Une  personne  comprime  la  poitrine,  tandis  qu'une 
autre  comprime  le  ventre  en  le  refoulant  en  haut, 
puis  on  laisse  subitement  les  organes  reprendre 
leur  position.  On  répète  cette  manœuvre  qui  imite 
les  mouvements  naturels  de  la  respiration  pour  dé- 
barrasser les  poumons  de  l'air  vicié  et  y  faire  pé- 
nétrer de  l'air  pur.  En  même  temps  on  asperge  le 
visage  et  la  poitrine  avec  de  l'eau  très  froide  que 
l'on  essuie,  pour  recommencer  au  bout  de  quelques 
minutes.  On  fera  brûler  une  allumette  sous  le  nez, 
ou  l'on  y  tiendra  ouvert  pendant  quelques  secondes 
un  flacon  d'ammoniaque.  En  même  temps  on  fric- 
tionnera les  membres  et  le  corps.  Il  faut  revenir 
aux  mêmes  moyens  à  de  courts  intervalles  et  sur- 
tout ne  pas  se  décourager  avant  que  lu  mort  ne  soit 
prouvés  par  la  rigidité  cadavérique  ou  constatée 
par  un  médecin. 

Pour  rétablir  la  respiration  il  serait  utile  de 
joindre  aux  mouvements  que  nous  venons  d'indi- 
quer, l'insufflation  par  laquelle  on  fait  arriver  de 
l'air  dans  le  poumon  au  moment  où  la  poitrine  se 
dilate,  par  son  élasticité  après  la  compression. 
Pour  cela,  tandis  qu'une  personne  tient  fermées  les 
riarines  du  malade,  une  autre  lui  souffle  dans  la 
bouche  directement  ou  avec  un  tube,  eii  prenant 
soin  de  fermer  à  l'air  l'accès  en  en  repoussant 
doucement  le  larynx  (la  pomme  d'Adam)  maintenu 
entre  deux  doigts.  Lorsqu'un  peu  d'air  a  pénétré 
dons  les  poumons  on  le  chasse  par  la  compression 
simultanée  du  ventre  et  de  la  poitrine,  et  l'on  re- 
commence l'insufflation.  On  peut  aussi  insuffler  de 
l'air,  avec  précaution,  au  moyen  d'un  soufflet  dont 
le  tuyau  est  introduit  dans  une  narine,  tandis  que 
l'autre  narine  et  la  bouche  sont  soigneusement  for- 
mées. 

Aussitôt  que  le  malade  donne  quelques  signes  de 
vie,  on  le  place  dans  un  lit  chaud  et  l'on  maintient 
autour  do  son  corps  une  température  élevée  au 
moyen  de  bouteilles  d'eau  ou  de  briques  chauffées. 
Lorsqu'il  n'y  a  pas  d'indices  de  congestion  céi'ébrale, 
on  administre  un  peu  de  vin  chaud  sucré;  dans  le 
cas  contraire  on  fait  boire  de  la  limonade  et  l'on 
applique  des  sinapismcs  aux  pieds  et  aux  jambes. 
Si  le  visage  est  rouge  violacé,  les  yeux  saillants,  il 
sera  bon,  en  attendant  lo  médecin,  d'appliquer  der- 
rière chaque  oreille  six  sangsues,  ou  de  pratiquer 
sur  la  nuque  deux  ventouses  scarifiées. 

Sulnnersion.  —  La  submersion  simple  produit 
l'asphyxie  sans  empoisonnement  du  sang.  Dans  un 


ASSIMILATION 


—  213  — 


ASSIMILATION 


assez  grand  nombre  de  cas  le  noyé  tombe  en  sjm- 
cope  au  premier  contact  de  l'eau,  de  sorte  qu'il  ne 
pénètre  point  de  liquide  dans  les  voies  respira- 
toires. Si  l'eau  nest  pas  très  froide,  le  sujet  peut  y 
demeurer  assez  longtemps  sans  que  la  mort  appa- 
rente se  change  en  mort  réelle. 

Lorsqu'il  n'y  pas  eu  syncope  immédiate,  l'eau 
pénètre  dans  l'estomac  et  un  peu  dans  les  bronches. 
11  est  donc  utile  d'incliner  modérément  la  tête  du 
sujet  pendant  quelques  secondes  pour  faciliter 
l'écoulement  du  liquide,  après  quoi  l'on  procédera, 
comme  nous  venons  de  l'expliquer,  ayant  soin 
seulement  de  débarrasser  immédiatement  le  noyé 
de  ses  vêtements  et  de  le  maintenir  à  une  tempé- 
rature élevée  au  moyen  de  bouteilles  d'eau  chaude, 
de  briques,  de  flanelles,  etc.  Avant  de  commencer 
l'insufflation,  on  aspirera  au  moyen  d'un  soufflet, 
ou  d'une  seringue  privée  de  sa  cannelle,  les  mu- 
cosités écumeuses  qui  remplissent  la  bouche  et 
obstruent  l'entrée  des  bronches. 

Strangulation.  —  Un  lien  fortement  serré  autour 
du  cou  empêclie  l'air  de  pénétrer  dans  les  pou- 
mons et  s'oppose  à  la  circulation  du  sang  dans  le 
cerN'eau,  causant  ainsi  asphyxie  et  congestion  céré- 
brale. Dans  le  cas  de  pendaison  il  peut  y  avoir,  en 
outre,  une  lésion  de  la  moelle  épinière  qui  cause 
immédiatement  la  mort;  mais  cette  lésion  n'étant 
pas  visible,  on  doit  traiter  les  pendus  comme  les 
autres  asphyxiés. 

ran>  les  cas  d'asphyxie  par  strangulation,  qu'il 
3'  ait  ou  non  pendaison,  la  première  chose  à  faire 
est  de  détacher  ou  mieux  do  couper  les  liens, 
sans  attendre  l'arrivée  de  l'autorité',  on  enlève 
la  cravate,  la  ceinture,  le  corset,  les  jarretières, 
en  un  mot  tout  ce  qui  pourrait  gêner  la  respira- 
tion et  la  circulation,  et  l'on  procède  comme  pour 
les  autres  cas  d'asphyxie. 

Les  personnes  appelées  à  secourir  un  asphyxié 
doivent  procéder  avec  méthode  et  sang-froid. 
Qu'elles  soient  bien  persuadées  surtout  qu'un 
noyé  peut  avoir  séjourné  plus  d'une  heure  sous 
l'eau  et  être  ramené  à  la  vie  ;  que  l'on  peut  aussi 
faire  revivre  après  longtemps  les  victimes  d'as- 
phyxie par  les  gaz  irrespirables,  ou  ensevelies  sous 
des  décombres.  Souvent  ce  n'est  qu'au  bout  de 
six  ou  huit  heures  d'efforts  intelligents  que  l'on 
rappelle  quelque  signe  de  vie  chez  les  sujets 
frappés  de  mort  apparente.  Il  faut  donc,  même 
dans  les  circonstances  qui  paraissent  le  plus  dé- 
courageantes, continuer  les  soins  préliminaires  en 
attendant  la  venue  du  médecin  qui  seul  pourra 
apprécier  l'opportunité  de  quelques  moyens  éner- 
giques que  nous  n'avons  pas  mentionnés.  —  V.  les 
mots  Hespiration,  Accidents.  [H'  SalTray.] 

ASSIMILATIOiy.  —  Zoologie,  XXXII  ;  Botani- 
que, V,  Vlir.  — (Étym.  :  dulatin,  rendre  semblable]. 

On  doit  entendre  par  as>:imilation  l'ensemble 
des  actes  par  lesquels  l'organisme  vivant  em- 
prunte au  milieu  extérieur  les  éléments  qui  lui 
sont  nécessaires  et  les  incorpore  à  sa  propre  sub- 
stance. 

La  substance  de  l'être  vivant  n'est  jamais,  à  au- 
cun moment  de  l'existence,  dans  un  état  station- 
naire,  ou  de  repos.  Elle  est,  tout  au  contraire, 
entraînée,  depuis  le  premier  instant  de  la  vie  jus- 
qu'au dernier,  dans  un  tourbillon  incessant,  dans 
un  mouvement  perpétuel  de  rénovation.  Elle  s'use 
et  se  renouvelle  à  mesure  qu'elle  s'use;  elle  se 
détruit,  et  se  reconstruit  au  fur  et  à  mesure, 
comme  la  toile  de  Pénélope.  Elle  est  le  siège  d'un 
double  mouvement,  l'un  de  composition  perpé- 
tuelle, par  lequel  l'animal  régénère  son  propre 
organisme,  l'autre  de  décomposition,  qui  désa- 
grège les  matériaux  vivants  et  les  élimine. 

Ces  actes  contraires,  les  premiers  d'assimila- 
tion, les  seconds  de  défassiniilation ,  constituent 
la  nutrition,  telle  du  moins  qu'elle  existe  chez  les 
animaux  d'ordre  supérieur. 


On  le  voit,  l'assimilation  est  une  des  deux 
faces,  une  des  deux  moitiés  de  la  nutrition.  Elle 
constitue  l'une  des  principales  différences  entre 
l'animal  et  l'objet  appartenant  au  monde  inor- 
ganisé. 

La  force  assimilatrice,  qui  soutient  et  entre- 
tient la  vie,  va  en  décroissant  de  la  naissance  à  la 
mort. 

Dans  les  premiers  temps  de  la  vie,  elle  est  d'une 
extrême  énergie  :1e  jeune  animal  assimile  avec  une 
intensité  énorme,  et  dépense  relativement  peu, 
en  sorte  que  le  budget  vital  se  solde  par  un  grand 
excédent  des  recettes.  Ou  bien,  pour  quitter  la 
métaphore,  l'organisme  emprunte  au  milieu  exté- 
rieur beaucoup  plus  de  matériaux  qu'il  ne  lui  en 
restitue.  Le  résultat  est  l'accroissement  rapide 
du  volume  de  l'animal. 

Mais  bientôt  cet  excédent  cesse  d'être  si  consi- 
dérable :  la  force  assimilatrice  perd  chaque  jour 
un  peu  de  son  activité  première.  Il  vient  enfin  un 
moment  où  elle  est  juste  suffisante  pour  compen- 
ser les  dépenses  vitales.  Cet  état  stationnaire,  où 
l'animal  recouvre  exactement  ce  qu'il  perd,  cor- 
respond au  plein  de  la  vie  :  la  croissance  est  ter- 
minée, les  forces  sont  à  leur  maximum.  Cet  équi- 
libre parfait  dure  plus  ou  moins  longtemps,  selon 
que  la  vie  subit  ou  non  des  accidents  qui  entra- 
vent, dévient  ou  brisent  son  cours  régulier. 

Enfin  la  diminution  de  la  puissance  rénovatrice 
fait  de  nouveaux  progrès,  et  l'équilibre  se  rompt. 
Les  phénomènes  d'acquisition  se  ralentissent  peu 
à  peu,  tandis  que  l'usure  des  organes  reste  la 
même  ou  augmente  encore.  Le  résultat  est  la  di- 
minution graduelle  de  l'organisme,  son  dépérisse- 
ment. La  somme  des  actions  chimiques  accomplies 
au  sein  des  tissus  va  diminuant  tous  les  jours, 
mettant  ainsi  l'animal  à  la  merci  du  plus  léger 
choc;  elle  finit  par  n'être  plus  suffisante  pour  en- 
tretenir la  vie,  qui  s'éteint  alors  à  la  façon  d'un 
foyer  auquel  le  combustible  vient  à  manquer. 

Ainsi,  il  semble  que  la  cellule  originelle  de  la- 
quelle procède  tout  être  vivant  soit  douée  d'une 
quantité  donnée  de  force  créatrice,  laquelle  va  di- 
minuant toujours,  et  s'épuise  enfin,  amenant 
ainsi  la  mort  de  l'animal. 

Remarquons  que  ces  termes  que  nous  employons 
«  force  créatrice,  puissance  d'assimilation,  vertu 
rénovatrice  »,  ne  sont  et  ne  peuvent  être  que  de 
pures  métaphores.  Ils  expriment  l'ignorance  où 
nous  sommes  de  la  manière  dont  sont  causés  et 
dirigés  les  phénomènes  de  la  vie.  Le  comment  de 
ces  phénomènes,  leur  mode,  leur  nature,  nous 
sont  aujourd'hui  parfaitement  connus.  Tandis  que 
nos  prédécesseurs,  moins  bien  outillés  que  nous 
pour  l'étude  de  ces  actes  intimes  et  d'ailleurs 
privés  de  bien  des  lumières  qui  nous  éclairent 
aujourd'hui,  ne  pouvaient  s'expliquer  les  phéno- 
mènes de  la  vie  et  les  attribuaient  à  un  ordre  tout 
spécial,  l'ordre  vital,  tandis  qu'ils  y  voyaient  les 
manifestations  de  lois  particulières,  différentes  dei 
lois  physico-chimiques  et  spéciales  à  l'animal, 
nous,  au  contraire,  nous  avons  reconnu  que  ces 
phénomènes  sont  de  l'ordre  jjhysique;  que  les 
lois  de  la  nature  inorganisée  les  régissent  tous 
sans  réserve  ;  qu'en  un  mot  il  n'y  a  pas  deux  mon- 
des, ici  celui  de  la  vie,  là  celui  de  la  non-vie,  cha- 
cun soumis  à  ses  principes  particuliers,  mais  que 
la  nature  est  la  même  partout,  et  que  les  actes 
par  lesquels  l'animal  vit,  sent,  se  meut,  pense,  ne 
difl'èrent  nullement  de  ceux  quH  le  chimiste  ob- 
serve dans  son  laboratoire.  Mais,  en  revanche, 
nous  constatons  l'impossibilité  d'expliquer  le 
pourquoi  de  ces  phénomènes  ;  si  le  corps,  a  dit 
Paul  Bert,  est  la  cornue  du  chimii  le,  la  vie  est  ce 
c/timiste  même,  qui  prépare  les  '•.ondition»  des 
piiénomèncs  et  les  force  ainsi  à  s'exécuter.  Tout 
se  passe  comme  si  l'animal  vivant  était  doué  d'une 
force  particulière,  qui  provoque  et  règle  les  actes 


ASSIMILATION 


—  214  — 


ASSOLEMENTS 


physico-chimiques  de  sa  vie.  Au  fond,  ce  n'est  pas 
à  la  vie  seule  qu'appartient  ce  mystère,  c'est  à 
tout  phénomène  naturel  :  quand  la  combinaison 
chimique  se  fait  selon  des  nombres,  c'est-à-dire 
selon  une  loi  spirituelle,  quand  un  cristal  réalise 
un  type  idéal  prédéterminé,  nous  sommes  bien 
forcés  d'invoquer  ici  aussi  cette  direction  cachée, 
cette  «  idée  directrice  »,  comme  disait  notre  grand 
Claude  Bernard.  De  sorte  que  ce  mystère  sous- 
jacent  aux  actes  vitaax,  loin  d'en  faire  des  actes 
d'une  nature  spéciale,  les  rapproche  au  contraire 
des  actes  physico-cliimiques,  les  identifie  à  eux. 
La  nature  est  partout  d'accord  avec  elle-même, 
et  SCS  lois  sont  partout  identiques. 

Quels  sont  les  matériaux  que  l'organisme  em- 
prunte au  dehors  pour  se  les  assimiler?  Ils  sont 
très  nombreux,  et  sont  naturellement  ceux  dont 
est  formé  l'organisme  lui-même  ;  pour  ne  citer 
que  les  principaux,  ce  sont  l'oxygène,  le  carbone, 
l'azote,  l'hydrogène,  le  soufre,  le  phosphore,  le 
fer,  le  calcium,  le  sodium,  le  chlore. 

A  l'exception  de  l'oxygène,  que  l'animal  em- 
prunte pour  la  plus  grande  partie  au  milieu 
aérien,  par  la  respiration,  tous  les  autres  maté- 
riaux sont  puisés  uniquement  dans  le  règne  vé- 
gétal, soit  directement  si  l'animal  est  herbivore, 
soit  indirectement  par  l'intermédiaire  de  l'alimen- 
tation animale,  s'il  est  Carnivore  ou  omnivore 
(à  l'exception  bien  entendu  d'un  très  petit  nombre 
de  matières  minérales,  le  sel  par  exemple,  que 
certains  animaux  supérieurs  consomment  direc- 
tement). Tout  animal  se  régénère  donc  exclusi- 
vement à  l'aide  de  la  matière  végétale,  soit  qu'il 
se  nourrisse  de  végétaux,  soit  qu'il  ingère  des 
animaux  nourris  eux-mêmes  de  végétaux. 

Or,  il  importe  de  remarquer  que  les  déchets  de 
la  vie,  que  la  substance  vivante  usée  et  détruite 
disparaît  toujours  sous  la  forme  minérale.  L'ani- 
mal, en  effet,  élimine  sa  substance  sous  trois 
grandes  formes  minérales  :  de  l'acide  carbonique, 
de  l'eau  et  des  composés  azotés  dont  le  principal 
est  l'urée. 

Ainsi,  d'une  part,  l'animal  puise  les  éléments  de 
sa  vie  dans  le  monde  des  plantes,  et  d'autre  part 
il  restitue  ces  éléments  au  monde  inorganique. 
Tant  que  dure  sa  vie,  il  est  en  quelque  sorte  le 
centre  d'un  tourbillon  de  matière  qui  vient  du 
monde  végétal  et  qui  aboutit  au  monde  minéral. 
L'animal  est  l'intermédiaire  par  lequel  les  végé- 
taux restituent  au  monde  inorganique  les  élé- 
ments qu'ils  lui  empruntent  sans  cesse. 

Par  quel  mécanisme  l'animal  réussit-il  à  s'in- 
corporer les  matières  qu'il  puise  au  dehors  par 
1  alimentation? 

Ce  mécanisme  consiste  à  les  réduire  en  parti- 
cules assez  ténues  pour  qu'elles  puissent  filtrer 
a'i  travers  des  membranes  digeslives,  faire  effrac- 
tijii  à  travers  les  parois  des  vaisseaux  sanguins 
0  1  lymphatiques,  et  entrer  ainsi  dans  le  torrent 
c  rculatoire  qui  les  charrie  et  les  distribue  aux 
t  ssus.  Les  modilications  chimiques  que  la  dige.s- 
tiun  fait  subir  aux  trois  grandes  classes  d'aliments, 
féculents,  graisses  et  albuminoïdes,  ne .  sont 
pas  en  effet  des  modifications  profondes,  des 
tr.insforiiiaiions  totales  :  elles  consistent  scule- 
m.iut  à  donner  à  l'aliment  une  consistance  infini- 
m;iit  moindre,  à  l'amener  à  un  état  de  division 
exirême.  C'est  ainsi  que  les  fécules  se  changent 
en  glucoses  solubles;  que  les  graisses  s'é»iu/s/"n- 
«e.'if,  c'est-à-dire  se  réduisent  en  gouiteleiics  d'une 
ex: renie  finesse;  et  enfin  que  les  albuniinoides 
se  transformeni  graduellement  en  prpionea,  mo- 
di.ication  de  l'albumine  qui  la  rend  soluble. 

On  le  voit,  l'animal  est  pourvu  d  un  appareil 
co.iipliquc,  l'appareil  digestif,  dont  l'action  est 
tros  simple  :  elle  consiste  à  exercer  sur  les  ma- 
téiiaux  venus  du  dehors  une  série  d'influences 
qui  les  amènent  à  pouvoir  passer  dans  la  circu- 


lation. Les  glucoses,  les  graisses  émulsionnées 
et  les  peptones  sont  en  effet  parfaitement  propres 
à  ce  passage,  qui  s'effectue  en  vertu  d'une  loi  de 
physique  bien  connue,  la  loi  des  ichanijes  exosmo- 
endosmatiques.  Voici  cette  loi  :  lorsqu'une  mem- 
brane vivante  sépare  deux  liquides  différents,  il  s'o- 
père entre  ces  deux  liquides  une  série  d'échan;:e8 
d'où  résulte  finalement  leur  mélange  intime  (V.  Os- 
inose).  Or,  dans  l'animal  une  membrane  vivanio, 
celle  du  tube  digestif  et  des  vaisseaux,  sépare 
deux  liquides,  le  sang  d'une  part  et  le  liquide 
digestif  de  l'autre.  Les  substances  digestibles 
étant,  comme  on  dit,  cristalloîdes,  aptes  à  filtrer 
à  travers  les  membranes  organisées,  traversent  la 
membrane  et  vont  se  mêler  au  sang,  tandis  que 
le  sang,  ne  contenant  presque  aucun  élément 
cristallolde,  ne  prend  point  de  part  à  l'échange 
et  reste  presque  en  entier  dans  les  vaisseaux. 

Une  fois  les  substances  alimentaires  mêlées  au 
tourbillon  circulatoire,  elles  sont  réparties  à  tout 
l'organisme;  elles  sont  présentées  aux  éléments 
anatomiques  qui  y  puisent  au  passage  tout  ce 
dont  ils  ont  besoin.  Elles  deviennent  partie  con- 
stitutive de  l'être;  elles  vivent,  mais  un  instant 
seulement;  l'instant  d'après  leur  rôle  est  joué; 
elles  meurent,  elles  forment  des  combinaisons 
minérales,  et  le  sang  qui  les  avait  apportées  les 
emporte,  les  dépose  à  la  surface  extérieure  do 
l'être,  ou  bien  à  l'intérieur  des  cavités  d'évacua- 
tion, et  elles  quittent  l'organisme  pour  ne  lui 
revenir  ensuite  qu'après  avoir  traversé  le  monde 
végétal.  Ainsi  la  mort  est  une  coiidition  de  la  vie. 
Vivre,  c'est  se  détruire  pour  se  reconstruire.  Sous 
l'apparente  immobilité  du  type,  sous  la  constance 
de  la  forme,  se  cache  l'éternel  tourbillon  de  la 
matière  qui  entre,  vit  un  instant,  meurt  et  dispa- 
raît pour  revenir  ensuite.  Ce  qui  fut  jadis  le  cer- 
veau d'un  Homère  ou  d'un  Alexandre  le  Grand 
constitue  peut-être  aujourd'hui  celui  d'un  nègre 
de  l'Afrique  centrale,  après  avoir  été  le  fruit  d'un 
bananier  ou  la  chair  d'une  antilope. 

Les  composés  que  l'animal  puise  dans  l'alimen- 
tation ne  contiennent  qu'une  très  petite  quantité 
d'oxygène.  Au  contraire,  les  composés  qu'il  éli- 
mine en  renferment  une  énorme  quantité.  C'est 
dans  l'organisme,  c'est  à  l'intérieur  des  tissus  que 
ces  composés  alimentaires  se  sont  oxydés  si  for- 
tement, aux  dépens  de  l'oxygène  aspiré  par  les  pou- 
mons. Ces  oxydations  énergiques,  intenses,  qui 
s'exercent  sur  les  substances  assimilées,  sont 
proprement  la  source  unique  de  la  force  de  l'être 
vivant.  Toute  force  manifestée  soit  par  la  chaleur 
de  l'organisme,  soit  par  ses  mouvements  de  loco- 
motion, soit  encore  par  les  mouvements  molécu- 
laires de  ses  tissus,  dérive  d'une  origine  unique: 
l'oxydation  des  substances  que  l'alimentation  a 
incorporées  à  l'animal.  La  somme  de  ces  actions 
chimiques  équivaut  exactement  à  la  somme  de 
force  dépensée  par  l'être  vivant  (chaleur  ou  tra- 
vail), exactement  comme  la  somme  de  charbon 
oxydé  sur  la  grille  de  la  locomotive  équivaut  au 
travail  qu'elle  exécute  ou  à  la  chaleur  qu'elle 
génère. 

Cette  chaleur,  cette  force,  qui  est  le  ressort  de 
la  vie  animale,  nous  avons  dit  que  l'animal  l'em- 
prunte aux  végétaux.  Mais  ces  végétaux  eux- 
mêmes  ne  l'ont  acquise  qu'en  emmagasinant  dans 
leurs  tissus  la  chaleur  et  la  lumière  solaires. 
C'est  la  force  solaire  qui  subvient  à  l'organisa- 
tion des  molécules  végétales  et  qui  l'entretient  : 
c'est  elle  ensuite  qui  est  mise  en  liberté  quand 
l'oxygène  attaque  dans  l'animal  les  éléments  de 
ces  tissus  ;  c'est  elle  qui  devient  alors  la  force  de 
l'animal  et  fournit  à  toutes  les  manifestations  de 
sa  vie.  [Ijr  Elle  Pécaut.] 

ASSOLE.MENTS.  —Agriculture,  XI.—  Dans  toute 
exploitation  agricole,  il  y  a  une  plante  qui  s'adapte 
mieux  que  toutes  les  autres  aux  circonstances  lo- 


ASSOLEMENTS 


—  215  — 


ASSOLEMENTS 


cales,  à  la  nature  du  sol,  et  qui  donne  le  plus 
grand  bénéfice.  Il  semble  donc  naturel,  au  premier 
abord,  que  l'agriculteur  doive  s'attaclier  exclusive- 
ment à  la  culture  de  cette  plante,  la  faire  revenir 
chaque  année  sur  ses  champs.  Pourquoi  n'en  est- 
il  pas  ainsi?  C'est  qu'à  cette  succession  ininter- 
rompue d'une  seule  culture  s'opposent  des  diffi- 
cultés nombreuses,  dont  les  principales  sont  les 
suivantes  :  «  Insuffisance  d'engrais  pour  alimenter 
une  végétation  dont  les  produits  sont  exportés  et 
ne  restituent  pas  au  sol  les  éléments  nutritifs 
qu'ils  consomment  ;  propagation  croissante  de 
plantes  adventices,  inutiles  ou  nuisibles,  mêlées 
aux  cultures  des  bonnes  plantes  dont  la  maturité 
devance  la  leur  et  qui  souillent  de  plus  en  plus 
le  terrain  par  la  dissémination  de  leurs  graines  ; 
difficulté  économique  ou  matérielle  d'obtenir  le 
nettoiement  du  sol  dans  les  conditions  de  certaines 
cultures  ;  époque  de  la  récolte  de  la  plante  choisie 
trop  rapprochée  de  celle  de  l'ensemencement  qui 
doit  suivre  et  ne  permettant  pas  d'ameublir  et  de 
nettoyer  complètement  la  terre.  »  (De  Gasparin, 
Cours  d'agi-iculture]. 

Toutes  ces  raisons  indiquent  la  nécessité  de  faire 
varier  les  récoltes  demandées  à  un  champ.  De  là 
!e  problème  de  trouver  l'ordre  à  adopter.  Le  meil- 
kur  système  de  culture  est  celui  qui  dispose 
cette  succession  de  la  manière  la  plus  heureuse  à 
la  fois  au  point  de  vue  du  produit  en  argent,  et  à 
celui  de  l'accroissement  ou  au  moins  du  maintien 
de  la  fertilité  du  sol. 

M.  de  Gasparin  a  donné  le  nom  de  cours  de  cul- 
ture à  la  succession  des  plantes  qui  se  suivent  sur 
le  même  terrain  pendant  une  période  d'années,  au 
bout  de  laquelle  on  reprend  la  même  succession 
de  plantes  dans  le  même  ordre.  Ainsi  un  cours  de 
culture  triennal  ou  de  trois  ans  serait  : 

\'^  année. . . .     Jachère. 

2«      —     ....     Blé. 

3*      —     ....     Avoine  ou  blé  de  mars. 

V assolement  est  la  division  d'un  domaine  en 
parties  égales  entre  elles  et  au  nombre  des  années 
deculture,  de  manière  que  durant  la  première  année, 
dans  l'exemple  précédent,  la  première  partie  sera 
en  jachère,  la  deuxième  en  blé,  la  troisième  en 
avoine.  On  donne  le  nom  de  sole  à  chaque  partie 
du  domaine  ainsi  divisé.  La  rotation  comprend  la 
succession  des  récoltes  que  l'on  obtient  sur  cha- 
que sole.  Ainsi,  dans  l'exemple  choisi,  le  cours  de 
culture  combiné  avec  l'assolement  donnera  les  ré- 
sultats suivants  : 

s  G  L  K  s . 
N°  1.     '"     .\»^2.     ""    N»  ^jT 

r*  année Jiichère.     Blé.  Avoine. 

2'      —      ...     Blé.  Avoine.      Jachère. 

•3''      —       . .     Avoine.     Jachère.     Blé. 

Dans  la  deuxième  rotation,  les  mêmes  récoltes 
«e  succéderont,  dans  le  même  ordre,  dans  chacune 
des  soles. 

La  nécessité  des  assolements  a  été  reconnue  de 
tous  temps.  Les  Grecs  et  les  Romains  savaient  que 
la  terre  a  l)esoin  de  repos  ;  ils  avaient  môme  posé 
les  principes  de  l'alternance  des  céréales  et  des  lé- 
gumineuses. Le  moyen  âge  a  continué  les  mêmes 
err.ments.  Mais  ce  sont  les  agronomes  du  xviii^ 
siècle  auxquels  revient  l'honneur  d'avoir  vulgarisé 
les  principes  rationnels  de  la  succession  des  cul- 
turcs,  appliqués  pour  la  première  fois  dans  les 
Flandres,  et  qui  de  là  se  sont  répandus  dans  les 
autres  pays.  Enfin  au  xix'  siècle  appartient  la 
théorie  complète  des  assolements  mise  en  lumière 
par  les  savants  modernes  et  principalement  par  les 
recherches  de  M.  Boussingault,  à  sa  célèbre  ferme 
de  Bechelbroiin. 

I.caucoup  d'hypothèses  ont  été  présentées  en  vue 
d  expliquer   la   nécessite    des  assolomonts.    On    a 


voulu  d'abord  en  trouver  la  cause  dans  l'antipathie 
que  les  plantes  possèdent  pour  elles-mêmes  ou 
pour  certaines  autres  plantes.  D'autres  ont  supposé 
que  chaque  végétal  puisait  dans  le  sol  un  suc  par- 
ticulier nécessaire  à  sa  nourriture  propre,  qu'il  en 
épuisait  ainsi  la  terre  sans  enlever  les  sucs  néces- 
saires à  d'autres  végétaux.  On  a  voulu  aussi  que 
les  plantes  excrètent  dans  le  sol  des  principes 
nuisibles  à  la  végétation  des  unes  des  autres. 
Quelques-uns  ont  vu  enfin  dans  l'identité  de  forme 
et  de  dimensions  des  racines  la  cause  qui  rend 
difficile  le  retour  non  interrompu  des  mêmes 
plantes  sur  le  même  sol.  Toutes  ces  hypothèses 
ont  été  successivement  détruites  par  les  progrès 
de  la  science  agricole  ;  aucune  d'elles  ne  peut 
plus  être  admise  aujourd'hui. 

Les  véritables  lois  des  assolements  reposent  à  la 
fois  sur  les  besoins  des  plantes  et  sur  les  nécessi- 
tés de  l'entreprise  agricole.  On  peut  donc  les  di- 
viser en  doux  catégories  :  lois  physiologiques  et 
loisculturales. 

La  première  loi  des  assolements  dérive  de  la 
nécessité  de  préparer  le  sol.  On  comprendra,  sans 
qu'il  soit  besoin  d'autre  explication,  que  les  plan- 
tes doivent  se  succéder  dételle  manière  qu'entre  la 
récolte  qui  précède  et  la  semaille  qui  la  suit,  il  y 
ait  un  espace  de  temps  suffisant  pour  que  les  tra- 
vaux de  culture,  labours,  épandage  d'engrais,  etc., 
puissent  être  exécutés  d'une  manière  convenable. 

Dans  les  terres  même  les  mieux  cultivées,  il 
arrive  chaque  année  qu'une  certaine  quantité  de 
graines  de  plantes  adventices  est  apportée  soit  par 
les  vents,  soit  par  d'autres  causes,  et  que  ces 
graines  germent  et  se  développent  au  milieu  de  la 
récolte.  Parmi  les  plantes  cultivées,  les  unes, 
comme  les  céréales  semées  à  la  volée,  n'opposent 
aucun  obstacle  au  développement  de  cette  végéta- 
tion parasite  ;  elles  sont  dites  plantes  salissantes. 
D'auti-es,  au  contraire,  sont  dites  nettoyantes  :  ce 
sont  ou  bien  des  racines  semées  en  lignes  entre 
lesquelles  on  peut  efl'ectuer  de  fréquents  binages, 
ou  bien  certaines  plantes  légumineuses,  telles  que 
les  vesces,  les  pois,  etc.^  qui,  sous  le  développe- 
ment de  leur  végétation,  étouffent  les  plantes  ad- 
ventices et  en  arrêtent  la  multiplication.  Au  point 
de  vue  de  la  propreté  du  sol,  il  est  donc  nécessaire 
de  faire  succéder  une  récolte  nettoyante  à  une  ré- 
colte salissante. 

Troisième  loi  physiologique  :  les  diverses  plantes 
cultivées  n'enlèvent  pas  au  sol  les  mômes  quan- 
tités de  principes  fertilisants  ;  les  unes  sont  plus 
épuisantes  que  les  autres.  D'un  autre  côté,  les 
récoltes  faites  en  vue  de  la  vente,  telles  que  les 
céréales,  les  plantes  industrielles,  sont  en  grande 
partie  exportées  du  domaine,  et  les  éléments 
qu'elles  ont  enlevés  au  sol  ne  peuvent  plus  y  re- 
venir. Au  contraire,  les  plantes  fourragères,'  con- 
sommées sur  la  ferme,  ne  sont  qu'en  partie  expor- 
tées sous  forme  de  viande,  de  lait,  de  laine,  etc.  ; 
une  partie  imoortante,  au  contraire,  de  leurs  prin- 
ci[)es,  non  assmiilée  par  le  bétail,  revient  aux 
champs  sous  forme  de  fumier.  Il  en  résulte  que, 
pour  compenser  la  perte  provenant  de  la  vente  des 
produits  exportés,  il  faut  combiner  l'assolement 
de  manière  que  la  production  des  engrais  sur  la 
ferme  soit,  autant  que  possible,  égale  à  leur  con- 
sommation. Cette  condition  est  impossible  à  rem- 
plir d'une  manière  absolue.  On  supplée  à  l'insuffi- 
sance du  résultat  par  l'achat  d'engrais  complémen- 
taires venant  du  dehors.  L'agriculteur  qui  n'achète 
pas  d'engrais  épuise  fatalement  sa  terre  ;  c'est  une 
question  de  temps  plus  ou  moins  long,  mais  le 
résultat  final  est  inévitable.  —  Pour  ces  engrais 
comme  pour  ceux  produits  dans  la  ferme,  ils  doi- 
vent toujours  être  appliqués,  dans  l'assolement, 
aux  plantes  les  plus  épuisantes.  En  règle  générale, 
l'application  des  fumures  doit  être  faite  de  telle 
manière  que  le  sol  ait  le  degré  maximum  de  ferti- 


ASSOLEMEiNTS 


—  216  — 


ASSOLEMENTS 


lîtc  qui  convient  à  chaque  plante,  mais  sans  le 
dépasser. 

Comme  conséquence  de  cette  loi,  on  peut  ajouter 
qu'il  convient  de  faire  succéder  h  une  culture  avide 
principalement  de  certains  éléments  nutritifs,  une 
autre    culture  moins  avide   des  mêmes  principes. 

Telles  sont  les  lois  physiologiques  des  assole- 
ments. On  en  tirera  la  conséquence  suivante  pour 
Ja  culture  des  céréales,  qui  est  la  principale  parmi 
celles  auxquelles  s'adonne  l'agriculture  française, 

Les  cultures  de  céréales  ne  peuvent  être  entre- 
prises sans  risques  sur  un  terrain  qui  présente  un 
état  de  fertilité  considérable,  parce  qu'elles  sont 
alors  exposées  à  verser.  Elles  doivent  donc  être 
précédées  par  des  cultures  épuisantes,  qui  réduisent 
la  terre  à  l'état  de  richesse  que  les  céréales  peu- 
vent supporter.  Mais  les  céréales  peuvent  venir  sur 
le  sol  immédiatement  après  les  fourrages  légumi- 
neux,  quoique  larichesse  de  laterre  soit  plus  grande 
que  celle  qu'elles  exigent,  parce  que  celle-ci 
consiste  surtout  en  débris  végétaux,  lents  à  se  dé- 
composer et  qui  ne  fournissent  que  graduellement 
les  principes  qu'ils  contiennent. 

Il  faut  maintenant  indiquer  les  lois  culturales 
des  assolements, 

La  première  loi  est  celle  qui  résulte  des  forces 
disponibles  pour  les  besoins  de  la  culture.  Les  di- 
verses récoltes  exigent  des  travaux  d'une  grande 
inégalité  ;  les  unes  demandent  h  certaines  époques 
des  attelages  nombreux;  les  autres,  au  contraire, 
n'exigent  que  des  attelages  restreints  à  d'autres 
moments.  Les  époques  des  semailles,  celles  de 
l'enlèvement  des  récoltes,  varient  également  beau- 
coup. Dans  l'établissement  de  son  assolement,  le 
cultivateur  devra  combiner  ses  soles,  de  manière 
que  ses  travaux  soient  répartis  d'une  manière  à  peu 
près  égale  entre  les  divers  mois  de  Tannée,  s'il 
conserve  toujours  ses  animaux  de  trait  ;  dans  le 
cas  où  il  achète  à  certains  moments  des  animaux 
qu'il  doit  revendre  quelques  mois  plus  tard,  les 
travaux  doivent  être  échelonnés,  de  manière  qu'il 
ne  soit  pas  obligé  de  faire  dos  achats  trop  nom- 
breux ne  correspondant  pas  avec  la  nourriture 
dont  il  peut  disposer. 

Il  faut  également  tenir  compte  de  la  nature  des 
produits  des  diverses  récoltes,  et  de  leur  destina- 
tion, suivant  qu'ils  doivent  être  portés  sur  le  mar- 
ché ou  consommés  dans  la  ferme.  Il  est,  en  cfl'et, 
de  la  plus  haute  importance  pour  l'agriculteur, 
sauf  dans  quelques  cas  exceptionnels,  le  voisinage 
des  villes  par  exemple,  de  toujours  produire  sur 
l'exploitation  les  denrées  qui  sont  nécessaires  à  la 
consommation  de  celle-ci,  soit  pour  le  bétail  de 
trait,  soit  pour  le  bétail  de  rente.  Le  prix  de  ces 
denrées,  quand  elles  sont  achetées,  est  toujours 
beaucoup  trop  élevé,  et  parfois  on  éprouve  les  plus 
grandes  difficultés  à  se  les  procurer.  D'un  autre  côté, 
les  cultures  industrielles,  telles  que  la  betterave,  le 
lin,  le  chanvre,  etc.,  ne  doivent  être  entreprises  que 
lorsqu'on  s'est  assuré  do  débouches  pour  la  vente 
et  que  les  frais  de  transport,  de  préparation,  ou 
autres  accessoires,  ont  été  supputés  avec  soin. 

La  dernière  loi  culturale  des  assolements  se 
rapporte  aux  avances  exigées  par  chaque  nature 
de  récoltes  ;  c'est  la  question  du  capital  d'exploita- 
tion. Quelque  avantageuse  que  paraisse  une  cul- 
ture, si  l'agriculteur  ne  peut  pas  faire  les  avances 
nécessaires,  il  doit  y  renoncer.  C'est,  en  effet,  une 
loi  économique  générale  dans  toutes  les  industries 
que  les  opérations  doivent  toujours  être  propor- 
tionnelles au  capital  dont  on  dispose.  L'agriculture 
n'y   échappe  pas  plus  qu'aucune  autre   industrie. 

A  la  question  des  assolements  se  rattache  celle 
des  cultures  dérobées.  On  entend  par  cultures  dé- 
robées une  ou  plusieurs  plantes,  que  l'on  intro- 
duit,en  dehors  do  l'assolement,  sur  une  sole,  de 
manière  à  avoir  sur  une  même  surface,  dans  une 
année,   deux  ou  trois  récoltes.  C'est  surtout  pour 


avoir  des  fourrages  que  l'on  a  recours  aux  cultures- 
dérobées.  —  Les  lois  qui  régissent  ces  culture* 
ont  été  résumées  par  M.  de  Gasparin  dans  la  for- 
mule suivante.  Il  faut  :  1°  que  la  durée  de  la  pé- 
riode végétative  soit  assez  grande  pour  embrasser 
la  durée  de  la  production  de  ces  récoltes;  2°  que 
l'état  de  la  terre  après  la  première  récolte  soit  tel 
qu'il  soit  possible  de  faire  immédiatement  les  cul- 
tures pour  la  récolte  qui  doit  suivre  ;  3°  que  l'on 
puisse  disposer  d'engrais  suffisants  pour  obtenir  la 
production  de  ces  récoltes  successives.  En  effet, 
si  l'on  veut  demander  davantage  à  la  terre,  il  faut 
lui  donner  des  engrais  en  proportion.  La  question 
des  matières  fertilisantes  est  celle  qui  domine- 
toute  agriculture  productive. 

Les  préceptes  qui  viennent  d'être  donnés  doi- 
vent être  complétés  pardes  exemples  d'assolements» 
Leur  histoire  est  le  tableau  des  progrès  successifs 
de  l'agriculture. 

L'assolement  rudimentaire  est  l'assolement  bien- 
nal, jachère  et  céréales,  l'assolement  des  temps 
anciens,  celui  qui  est  malheureusement  encore 
pratiqué  sur  de  trop  grandes  surfaces.  En  deuxième 
ligne,  vient  l'assolement  triennal  avec  jachère, 
celui  qui  a  été  déjà  indiqué  plus  haut  :  jachère, 
blé,  avoine.  Ce  sont  les  assolements  dans  lesquels- 
la  terre  reste  une  année  sans  produire  et  par  con- 
séquent sans  rapporter. 

La  suppression  de  ces  assolements  a  toujours  été 
considérée  comme  un  progrès  par  les  agriculteurs 
progressifs,  qui  les  ont  remplacés  par  la  culture 
alterne,  dans  laquelle  chaque  année  la  terre  porte 
une  récolte  diftërente  de  celle  qu'elle  avait  portée 
l'année  précédente.  L'alternance  des  récoltes  four- 
ragères avec  les  récoltes  épuisantes  permet  de 
nourrir  un  bétail  plus  nombreux,  de  produire  plus 
de  fumier,  d'accroître  par  conséquent  la  production 
et  le  profit.  L'assolement  le  plus  simple  est  bien- 
nal ;  il  se  compose  ainsi  :  l"  plantes  sarclées;  2°  cé- 
réales. C'est  à  cette  catégorie  que  se  rapporte  en- 
core l'ancien  et  célèbre  assolement  flamand,  qui 
est  triennal  : 

1"  Plantes  sarclées,  fumées,  ou  cultures  oléagi- 
neuses fumées; 

2°  Céréales  ; 

3"  Trèfle,  ou  autres  plantes  fourragères. 

Il  y  a  de  très  nombreuses  variantes  de  la  culture 
alterne.  Les  assolements  sont  plus  ou  moins  longs; 
de  trois  ans,  ils  passent  à  cinq,  à  sept,  h  neuf  ans. 
Voici  l'exemple  d'un  assolement  de  sept  ans  : 

1"  Racines,  avec  fumure; 

2°  Céréales; 

3"  Trèfle; 

4"  Céréales; 

5°  Fourrages  verts,  avec  demi-fumure  ; 

6"  Plantes  oléagineuses,  colza,  navette; 

7°  Céréales. 

C'est  à  cette  catégorie  qu'appartient  l'ancien  as- 
solement deGrignoii,  qui  était  de  huit  ans,  comme 
il  suit  : 

1°  Pommes  de  terre  ; 

2°  Froment  de  mars  ; 
•  3"  Trèfle  ; 

4"  Froment  ; 

5"  Fèves  ; 

G"  Colza; 

7"  lîlé  ; 

S"  Sole  de  fourrages  divers. 

Dans  les  régions  où  la  culture  industrielle  a  pris 
une  grande  extension,  là  où  la  betterave  occupe 
une  grande  partie  du  sol,  pour  donner  des  racines 
à  travailler,  soit  aux  sucreries,  soit  aux  distilleries, 
les  anciens  principes  de  la  nécessité  de  produire 
sur  une  notable  partie  de  la  surface  de  l'exploita- 
tion des  fourrages,  pour  nourrir  le  bétail  et  accroî- 
tre le  fumier,  ont  été  profondément  modifiés.  Les 
résidus  de  ces  usines  donnent,  en  elïet,  sous  forme 
de  drèches  ou  de  pulpes,  une  abondante  et  excel- 


ASSURANCES 


ASSYRIE 


!cnte  nourriture  qui  remplace  avantageusemet  de 
grandes  quantités  de  fourrages.  Ici  l'assolement  de- 
vient souvent  libre;  il  est  dominé  par  les  besoins 
de  l'industrie.  Il  n'admet  plus,  en  général,  que 
cette  loi  fondamentale  qu'il  faut  éviter  la  répétition 
des  mômes  récoltes  sur  les  mêmes  terres  à  des  in- 
tervalles trop  rapprochés.  Avec  la  culture  de  la 
betterave,  qui  exige  d'abondantes  importations  d'en- 
grais du  dehors, "le  sol  prend  rapidement  un  état 
avance  de  fécondité,  et,  suivant  les  circonstances 
locales,  le  cultivateur  cherche,  en  dehors  des  lois 
ordinaires,  à  en  tirer  le  plus  grand  parti  possible. 

Pour  terminer  ce  qui  est  relatif  aux  assolements, 
il  faut  parler  de  la  méthode  à  suivre  pour  passer 
d'un  assolement  à  un  autre.  C'est  ici  que  l'agri- 
culteur a  plus  que  jamais  besoin  de  prudence.  Il 
doit  peser  avec  maturité  et  sage  lenteur  les  avan- 
tages du  nouveau  système  qu'il  veut  adopter,  en 
calculer  les  frais,  en  faire  la  balance,  et  quand  il 
aura  pris  un  parti,  ne  pas  marcher  avec  une  trop 
grande  hâte.  La  symétrie  des  soles  ne  doit  pas  être 
son  unique  préoccupation,  et  il  doit  ne  pas  lui  sa- 
crifier les  produits  immédiats  de  la  culture.  Il  y  a, 
eu  outre,  toute  une  étude  à  faire  sur  la  nature  de 
son  sol,  s'il  est  pauvre  ou  s'il  est  riche,  sur  le 
nombre  et  la  valeur  des  débouchés,  sur  la  facilité 
de  vendre  avec  profit  telles  ou  telles  denrées.  C'est 
parfois  parce  que  l'étude  de  toutes  ces  circonstances, 
dont  une  partie  est  indépendante  de  la  volonté  de 
l'exploitant,  a  été  négligée  ou  faite  superficiel- 
lement que  la  ruine  a  suivi  des  entreprises  qui 
paraissaient  d'abord  devoir  être  couronnées  d'un 
complet  succès.  [H.  Sagnier.  J 

ASSURANCES.  —  On  appelle  contrat  d'assu- 
rances une  convention  par  laquelle  une  personne 
dite  assureur  s'engage,  moyejinant  une  somme 
nommée  prime,  à  garantir  une  autre  personne  dite 
assurée,  contre  les  dommages  qu'elle  peut  éprou- 
ver dans  sa  personne  ou  dans  ses  biens  par  suite 
d'un  accident  ou  d'un  sinistre  déterminé. 

11  y  a  deux  manières  de  s'assurer  :  1°  par  prime 
fixe  ;  2°  par  assurance  mutuelle.  Dans  le  premier 
cas.  la  somme  à  payer,  chaque  année,  est  fixe  et 
proportionnée  aux  risques  à  courir;  dans  le  second, 
cette  somme  est  variable,  les  pertes  étant  annuelle- 
ment; et  proportionnellement  réparties  entro  tous 
les  adhérents,  suivant  des  conventions  prévues  par 
les  statuts  de  la  société. 

La  première  société  d'assurances,  en  France,  fut 
fondée,  en  1788,  avec  l'autorisation  du  roi.  Mais  les 
circonstances  l'obligèrent  bientôt  à  liquider.  Ce 
n'est  qu'à  dater  de  IK18  que  l'institution  a  com- 
mencé h  fonctionner  dans  notre  pays. 

Les  assurances  se  divisent  en  deux  grandes  ca- 
tégories :  assurances  maritimes,  assurances  ter- 
restres,qui  se  subdivisent  elles-mêmes  en  plusieurs 
branches,  tout  ce  qui  court  un  risque  pouvant  faire 
l'objet  d'une  assurance. 

Les  opérations  d'assurance  terrestre  les  plus' 
ordinairement  pratiquées  sont  les  assurances 
contre  l'incendie  et  sur  la  vie. 

Il  n'est  plus  besoin  d'insister,  auprès  de  tout 
homme  éclairé,  sur  l'utilité  des  Assurances  contre 
l'incendie.  Il  est  rare  de  trouver  une  p;rsonne  in- 
telligente ci-  instruite  dont  les  immeubles  et  le  mo- 
bilier ne  soient  pas  assurés.  Les  instituteurs  doivent 
s'efforcer  de  dissiper  les  préjugés  qu'ils  pourraient 
rencontrer  à  cet  égard  auprès  des  habitants  des 
campagnes. 

Les  Assurnnrci  sur  la  vie  sont  une  des  plus  in- 
génieuses applications  de  la  science   économique. 

Elles  ont  pour  but  de  recueillir  les  épargnes,  de 
les  mettre  en  siiretc,  de  les  faire  fructifier  par 
l'accumulation  de  leurs  produits  et  par  leur  com- 
binaison avec  les  chances  de  la  mortalité.  Aussi  s(! 
recommandent-elles  à  l'attention  des  hommes  sé- 
rieux, des  pères  de  famille,  de  tous  ceux,  en  un 
mot,  qui,  guidés  par  la  prévoyance,  jettent  leurs 


regards  au  delà  du  présent,  et  veulent  affranchir 
l'avenir  de  toute  incertitude. 

Les  assurances  sur  la  vie  se  divisent  en  deux 
grandes  classes  :  les  unes,  notamment  l'assurance 
sur  la  vie  entière,  ont  pour  objet  des  capitaux  exi- 
gibles au  décès  de  l'assuré  ;  les  autres,  assurances- 
différées,  se  rapportent  à  des  capitaux  exigibles 
pendant  la  vie  de  l'assuré.  Une  troisième  catégorie- 
d'assurances  appelées  mixtes  ont  ce  double  ca- 
ractère, le  capital  étant  exigible  par  l'assuré  s'il 
est  en  vie  à  une  époque  fixe,  et  par  ses  héritiers 
s'il  est  mort  avant  le  jour  indique. 

Tandis  que,  dans  notre  pays,  les  Assurances  sur 
la  vie  sont  encore  dans  leur  enfance,  elles  sont  en- 
trées, en  Angleterre,  si  profondément  dans  les- 
mœurs,  que  les  sommes  assurées  atteignent  la 
somme  énorme  de  tiuit  milliards  sept  cents  millions 
produisant  en  primes  annuelles  environ  trois  cents 
millions.  Elles  sont  aussi  très  répandues  en  Amé- 
rique. 

Vingt-six  milliards  de  capitaux  sont  assurés  sur 
la  vie  humaine  chez  les  différents  peuples  du  monde 
civilisé.  [E.  de  Resbecq.] 

Dictée.  —  «  rVous  disons  que  l'assurance  sur  la 
vie  est  en  parfait  accord  avec  les  tendances  les 
plus  respectables  de  notre  temps.  En  efiet,  elle  est 
avantageuse  à  toutes  les  classes  de  la  société,  sans- 
exception,  mais  elle  favorise  surtout  l'individu  sans- 
fortune  acquise  qui  est  pourvu  de  talents  et  riche- 
de  probité  et  d'amour  du  travail,  et  qui  veut  que 
ses  talents,  sa  probité,  son  application  à  de  rudes 
labeurs  soient  convertis  en  une  ressource  certaine 
pour  les  objets  de  son  affection.  Elle  est  l'appui  de 
cet  homme,  elle  sert  sa  sollicitude  pour  les  siens, 
et  sa  légitime  ambition  d'élever  sa  famille  et  de  la 
placer  au-dessus  du  besoin.  Voilà  ce  qu'est  l'assu- 
rance sur  la  vie,  et  ce  qui  en  fait  le  succès  dans 
l'Europe  moderne  et  aux  Etats-Unis.  Elle  est  pour 
l'esprit  d'égalité  un  admirable  auxiliaire.  Elle  con- 
vertit le  savoir  et  l'activité  en  un  capital  sonnant, 
en  un  patrimoine  effectif  qui  se  transmet  infailli- 
blement et  qui  devient  réalisable  à  point  nommé. 
Il  ne  serait  pas  facile  de  citer  des  institutions  qui- 
donnent  mieux  satisfaction  à  l'esprit  d'ordre  et  à  l'es- 
prit de  progrès  tout  à  la  fois.  »  —  siichel  chevalier. 

Cr.  Histoire  des  classes  ouvrières,  par  Levasseur,  t.  I, 
p.  156,  205  ;  —  Faut-il  s'assurer?  par  Fr.  Sarccy,  broc:  — 
Qu'est-ce  que  l'assurance  sur  la  vie?  causeries  familieres- 
par  Berfforon  ;  —  Assurance  et  religion,  par  l'abbé  Quéant; 
—  Les  Questions  d'argent  :  l'Assurance,  par  E.  .A.bout,  etc. 

ASSYRIE.  —  Histoire  générale,  H.  —  {Etym. 
de  As>!Our,  nom  que  les  .\ssvriens  donnaient  au  dieu 
qu'ils  adoraient). 

Le  pays  d'Assour  occupait  la  partie  moyenne  du- 
bassin  du  Tigre,  depuis  le  confluent  du  fleuve  avec 
le  Kournib  jusque  vers  l'endroit  où  il  débouche 
dans  les  plaines  de  la  Chaldée.  k  l'est  le  cours 
moyen  du  grand  Zab  et  quelques  contreforts  du 
Zagi-os  le  séparaient  de  la  Médie.  Au  nord,  le  mont 
Masios,  au  sud-est  la  rivière  Adhem,  lui  servaient 
de  limites-  A  l'ouest  et  au  sud-ouest,  il  s'étendait 
dans  la  direction  du  Kliabour  et  de  l'Euphrate.  La- 
partie  orientale,  arrosée  de  nombreuses  rivières, 
sillonnée  de  collines  boisées,  était  riche  en  mé- 
taux et  en  minéraux,  fertile  en  blés  et  en  fruits  de- 
toute  sorte.  On  y  trouvait  beaucoup  de  villes  ri- 
ches et  populeuses,  dont  les  ruines  parsèment  en- 
core le  sol,  sans  qu'il  soit  toujours  possible  d'en 
donner  le  nom  ancien  avec  certitude,  Arbil,  JNi- 
nive,  Kalakh  et  bien  d'autres-  A  l'ouest,  c'était  un 
vaste  plateau  légèrement  ondulé  et  à  peine  inter- 
rompu par  quelques  grouj)es  de  collines  crayeuses. 
Là,  dans  un  canton  maigre  et  mal  arrosé,  s'éle- 
vaient Sin^ar  et  El-Assour,  la  plus  ancienne  des 
villes  royales  de  l'Assyrie. 

l"^"-"  .PÉiiioDE.  —  L' Assyrie  vassale  de  la  Cnaldée  et 
de  l'Egypte  (xx'^-xv'-"  siècles).  —  La  légende  clas- 
sique contait  qu'au  début  de  l'histoire,  Ninos  avait- 


ASSYRIE 


—  218 


ASSYRIE 


fondé  Ninive,  et  conquis  la  Chaldéc,  rArmonii!,  I.i 
Mcdie,  toute  los  contrées  situées  entre  la  Médi- 
terranée et  rindos  ;  que  sa  femme  Sémiramis,  fill<' 
de  la  déesse  Derkùtô  d'Ascalon,  lui  avaiv  succcdi'  et 
avait  trouvé  moyen  d'agrandir  encore  son  enipir;;  : 
enfin,  que  leur  fils  Ninyas  avait  conspiré  contre 
sa  mère,  l'avait  remplacée,  et,  monté  sur  le  trône, 
était  devenu  le  premier  d'une  longue  lignée  de 
rois  fainéants.  Ce  sont  là  des  fables  empruntées 
à  l'épopée  babylonienne.  Les  Assyriens  étaient 
d'origine  et  de  langue  sémitique,  cousins  des  Hé- 
breux, des  Araméens  et  des  Arabes.  Ils  étaient  ve- 
nus de  la  Chaldée  vers  le  vingtième  siècle  avant 
notre  ère,  et  avaient  été  gouvernés  au  début  par  des 
rois  prêtres,  d'abord  vassaux  des  rois  de  Babylone, 
bientôt  indépendants  et  hostiles  h  leurs  anciens 
maîtres.  — Vers  le  milieu  du  xvii'  siècle  avant  notre 
ère,  les  grands  conquérants  égyptiens  Thoutmôs  I  et 
Thoutmôs  III  envahirent  la  Mésopotamie  et  la  sou- 
mirent au  tribut.  Amenhotep  II  pénétra  jusqu'à 
Ninive  et  la  prit.  Ses  successeurs  maintinrent  près 
de  cinquante  ans  leur  empire  sur  ces  régions  loin- 
taines ;  puis,  les  guerres  de  religion,  au  milieu  des- 
quelles périt  la  XVIIP  dynastie,  éclatèrent  et  l'As- 
syrie ne  revit  plus  jamais  les  Egyptiens.  Ses  rois 
en  profitèrent  pour  s'agrandirent  au  détriment  de 
leurs  voisins. 

2'  PÉRIODE.  —  Premier  empire  (1270-1020;.  — 
Vers  1270,  Touklat-Adar  I"  entra  dans  Babylone 
en  conquérant  et  soumit  tout  le  pays.  Ce  fut  dé- 
sormais entre  l'Assyrie  suzeraine  et  la  Chaldée  vas- 
sale une  série  de  guerres,  où  la  Chaldée  eut  pres- 
que toujours  le  dessous.  'Vers  1130,  un  conquérant 
heureux, Touklat-habal-asar  (Tiglathphalazar)  I", 
porta  ses  armes  au  nord  jusqu'au  cœur  do  l'Armé- 
nie, à  l'ouest  dans  la  Syrie  et  jusqu'aux  bords  de 
ia  Méditerranée.  Les  Assyriens  montraient  déjà 
les  qualités  qui  devaient  plus  tard  leur  assurer 
l'empire  de  l'Asie.  Ils  possédaient  au  plus  haut 
degré  les  vertus  militaires,  la  force  physique,  l'ac- 
tivité, l'adresse,  la  sang- froid,  la  bravoure  imper- 
turbable :  ils  cherchaient  le  taureau  sauvage  ou  le 
lion  qui  abondait  dans  leur  contrée  et  l'abordaient 
face  à  face.  D'autre  part,  c'était  un  peuple  de  sang, 
plein  de  violence  et  de  mensonge,  sensuel,  or- 
gueilleux à  l'excès,  fourbe  et  traître  par  mépris  des 
■ennemis.  Peu  de  nations  ont  abusé  plus  insolem- 
ment des  droits  du  plus  fort.  Ils  démolissaient,  ils 
brûlaient  les  villes  sur  leur  passage,  ils  empalaient 
ou  écorchaient  vifs  les  chefs  rebelles  :  malgré  l'é- 
■clat  et  le  raffinement  de  leur  civilisation  exté- 
rieure, ils  demeurèrent  toujours  bai-bares. 

3°  PÉniODE.  —  Second  empire  (1020-74.S).  — 
Leur  premier  empire  dura  peu.  Assour-rab-amar, 
petit-fils  de  Touklat-liabal-asar  1",  battu  près  de 
Karkémish  par  les  Syriens  confédérés,  perdittoutes 
les  conquêtes  de  ses  prédécesseurs  (vers  1060,,  et 
la  vieille  dynastie  ne  survécut  pas  longtemps  à  son 
•désastre.  Vers  1020  une  famille  nouvelle  monta  sur 
le  trône.  Il  lui  fallut  près  d'un  siècle  et  demi  pour 
relever  la  grandeur  de  la  monarchie.  Enfin,  Tou- 
klat-Adar  II  (889-882)  reprit  l'œuvre  de  conquête  : 
désormais,  pendant  deux  cents  ans,  la  vie  des  rois 
assyriens  ne  fut  qu'une  guerre  perpétuelle.  Ados- 
sés au  plateau  de  Médie,  bornés  par  les  massifs  de 
l'Arménie,  ils  ne  s'étendirent  guère  vers  le  nord  et 
vers  l'est  :  ils  auraient  trouvé  dans  ces  régions 
beaucoup  de  peine  et  peu  de  profit.  S'ils  s'y  aven- 
turèrent parfois,  ce  fut  pour  entreprendre  quel- 
ques razzias  vers  la  mur  Noire  et  la  mer  Caspienne, 
ou  pour  pousser  des  pointes  hardies  vers  la  Médie 
et  jusque  sur  l'Indos.  Leurs  grands  champs  de  ba- 
taille se  trouvaient  au  sud  à  Babylony  et  dans  l'E- 
lam,  à  l'ouest  et  au  sud-ouest  en  Syrie.  Le  suc- 
cesseur de  Touklat-Adar  II ,  Assour-nazir-habal 
(882-857)  commença  les  expéditions  lointaines.  En 
8S2,  gueri-e  contre  l'Arménie  ;  en  881,  guerre  contre 
les  peuples  situés  dans  la  région   du  Zagros  ;  en 


Sso,  nouvelle  guerre  en  Arménie;  en  878,  guerre  en 
Mésopotamie;  on  877  enfin,  guerre  contre  la  Syrie 
et  soumission  des  princes  qui  occupaient  la  partie 
septentrionale  de  ce  pays.  Salnianasar  III  (857-822) 
alla  i)lus  loin  vers  le  sud.  De  854  à  843  il  ne  cessa 
lutter  contre  les  rois  de  Damas,  Benhadar  III  et 
Khazaël,  et  réussit  à  les  battre.  En  843,  Damas 
l'ut  prise  ainsi  que  plusieurs  autres  places  fortes, 
et  les  Assyriens  pénétrèrent  jusque  dans  les  mon- 
tagnes du  Hauran  :  les  rois  des  l'héniciens  et  des 
Hébreux  se  soumirent  au  tribut.  La  suprématie  mi- 
litaire de  l'Assyrie  se  maintint  encore  sous  ses  pre- 
oiiers  successeurs;  mais  Salnianasar  IV  usa  son  rè- 
gne (780-710)  à  lutter  sans  succès  contre  l'Arménie 
et  la  Mcdie;  après  une  seule  expédition  contre  Da- 
mas (772)  il  fut  contraint  d'abandonner  la  Syrie. 
Apres  lui,  la  décadence  fut  complète.  Les  traditions 
classiques  plaçaient  vers  cette  époque  une  première 
destruction  de  Ninive.  Un  Sardanapale,  le  dernier 
des  rois  fainéants  descendants  de  Ninyas,  vaincu  par 
Arbakès  le  Mède  et  Belésys  de  Babylone,  assiégé 
dans  Ninive  pendant  trois  ans  et  prêt  à  succomber, 
se  serait  brîilé  dans  son  palais  avec  ses  femmes 
et  ses  trésors.  Les  monuments  nous  ont  prouvé 
que  le  récit  de  cette  guerre  était  un  simple  roman 
historique. 

4""  PÉRIODE.  —  Les  Sargonides  (745-025?).  — 
Un  usurpateur  d'origine  inconnue,  Touklat-habal- 
asar  (Tiglath-Phalazar,  Phoul)  II,  releva  la  royauté. 
La  Chaldée  était  en  révolte,  il  la  réduisit  (745). 
La  Syrie  refusait  de  payer  le  tribut  :  il  prit  Ar- 
pad  et  Hamath  et  la  manière  dont  il  les  traita  dé- 
cida les  rcfractaires  à  se  soumetire  (744,  742- 
739).  Les  quatre  années  qui  suivirent  (738-735) 
furent  employées  au  nord  et  à  l'est  contre  l'Armé- 
nie et  la  Médie  :  en  73(i  même,  le  roi.  quittant 
les  sentiers  battus,  se  dirigea  droit  vers  l'Orient  et 
poussa  une  pointe  hardie  jusqu'à  l'Indos.  appelé 
on  Palestine  par  le  roi  de  Juda,  il  ravagea  le 
royaume  d'Israël  (734),  puis  se  retourna  contre  Da- 
mas qu'il  prit  après  deux  ans  de  lutte  (733-';32). 
Toute  la  Syrie  était  conquise  ou  tributaire:  la  bar- 
rière de  petits  Etats  qui  avait  séparé  l'Assyrie  de 
l'Egypte  était  abaissée,  et  les  deux  grands  empires 
du  monde  oriental  se  trouvaient  face  à  face.  La  lutte 
n'éclata  pas  tout  d'abord  :  l'Ethiopien  Sliabak  (Saba- 
con,  Suaj,  avant  de  s'engager  dans  cette  guerre,  es- 
saya de  se  ménager  des  alliés,  Israël,  Juda,  Moab,  la 
Phénicie.  Salnianasar  V  (72(i-721)  le  prévint,  bloqua 
Tyr  et  Samarie  et  allait  les  prendre  quand  il  mourut 
sans  laisser  d'enfants.  Un  général  nommé  Saryoukin 
(Sargon)  lui  succéda  et  fonda  une  nouvelle  dynas- 
tie, la  plus  active  et  la  plus  puissante  de  celles  qui 
régnèrent  sur  l'Assyrie.  Samarie  fut  détruite  (721), 
l'Elam  battu  (721),  Shabak  vaincu  à  Raphia  (720), 
l'Arménie  conquise  (719-709).  Sin-akhé-irib  II  (Sen- 
nachérib)  qui  lui  succéda  (704-681),  malgré  un 
échec  en  Judée,  maintint  glorieuseiiient  et  agran- 
dit aux  dépens  de  Thlam  le  royaume  de  son  père. 
Babylone  fut  prise  et  réduite  au  rang  de  vassale. 
Assour-akhé-idin  (Esarhaddon)  II,  après  des  cam- 
pagnes heureuses  contre  les  Arabes,  pénétra  dans 
le  Delta,  battit  l'éthiopien  Taharqa  et  réduisit  TL- 
gypte  en  province  assyrienne  (672).  Sous  son  fils 
Assour-ban-habal  (0U6-6?)  la  puissance  de  Ninive 
atteignit  l'apogée  :  maître  de  l'Egypte  (<iii6-GG5)  et 
de  Babylone,  il  détruisit  le  royaume  d'Elam  après 
vingt  ans  de  lutte,  reçut  la  soumission  de  la  Cili- 
cie  et  de  la  Lydie.  Presque  le  dernier  de  sa  race, 
il  fut  celui  dont  la  domination  s'étendit  le  plus,  et 
dépassa  ses  prédécesseurs  en  activité,  en  courage, 
en  énergie,  en  cruauté,  comme  si  l'Assyrie,  se 
sentant  près  de  sa  ruine,  avait  voulu  réunir  en  un 
seul  homme  toutes  les  qualités  qui  avaient  fait  sa 
grandeur  et  tous  les  les  défauts  qui  ont  souillé  sa 
gloire. 

La  fondation  d'un  grand  empire  Mode,  et  l'inva- 
sion des  Kimmériens  (634-627)  ruina  l'Assyrie.  Le 


ASTRONOMIE 


—  219  — 


ASTRONOMIE 


mède  Ouvaklishâtrà  (Kyaxarês),  allié  au  gouverneur 
révolté  de  Babyloue,  Nàbou-bal-oussour  (Nabopolas- 
sar)  attaquèrent  le  second  successeur  d' Assour-ban- 
habal,  Assour-akhé-ldin  III  (Saracos),  et  le  forcèrent 
à  se  tuer  pour  ne  pas  tomber  vivant  entre  les  mains 
de  l'ennemi  (625?).  Ninive  détruite,  l'empire  d  As- 
syrie tomba.  Au  bout  de  quelques  années,  il  était 
passé  à  l'état  de  légende;  moins  de  deux  siècles 
après,  on  ne  connaissait  plus  d'une  manière  cer- 
taine le  site  de  sa  capitale.  Certes  les  autres  na- 
tions de  l'Orient  n'avaient  pas  aux  jours  de  leur 
gloire  épargné  les  vaincus  :  mais  du  moins,  à  côté 
do  leur  œuvre  de  colère,  elles  avaient  accompli  une 
œuvre  de  civilisation.  L'Assyrie  prit  ses  sciences, 
ses  lettres,  ses  arts,  son  écriture,  sa  religion  aux 
Chaldéens  (V.  l'article  Chaldéej  :  la  seule  chose  qui 
lui  appartienne  en  propre,  c'est  la  férocité  de  ses 
généraux  et  la  bravoure  de  ses  soldats.  Du  jour 
qu'elle  apparut  dans  l'histoire,  elle  ne  vécut  que 
pour  la  guerre  et  pour  la  conquête  ;  le  jour  où  sa 
population  épuisée  ne  lui  permit  plus  les  succès 
du  champ  de  bataille,  elle  n'eut  plus  sa  raison  de 
vivre  et  disparut.  [G.  Maspero.] 

ASTRONOMIE.  —  L'astronomie  est  la  première 
des  sciences  non  seulement  par  la  grandeur  de  son 
objet,  qui  embrasse  l'univers  tout  entier,  mais  aussi 
par  son  antiquité  séculaire,  car  son  origine  se  con- 
fond avec  celle  de  l'histoire,  avec  celle  de  l'huma- 
nité. 

I .  H'.storique  sommaire'ae  l'astronomie.  —  Ses 
eriijmes  en  Orient.  —  Avant  même  d  avoir  inventé 
l'écriture  et  commencé  l'histoire,  les  hommes  obser- 
vaient déjà  le  ciel  ;  cherchaient  à  y  surprendre  les 
causes  des  événements,  des  saisons,  des  variations 
de  la  nature  terrestre  ;  jetaient  les  bases  d'une 
mesure  élémentaire  du  temps,  d  un  calendrier  pri- 
mordial ;  s'ingéniaient  à  fixer  par  le  retour  des 
phénomènes  célestes  les  dates  des  travaux,  des 
fûtes,  des  actes  principaux  de  la  vie  ;  suivaient  le 
cours  du  soleil,  de  la  lune  et  des  étoiles  ;  remar- 
quaient les  planètes  brillantes  qui  se  déplacent 
dans  l'armée  des  fixes  ;  cherchaient  des  points  de 
repère  parmi  les  étoiles  pour  se  guider  sur  mer 
et  dans  les  voyages  d'émigration;  traçaient  les 
premières  cartes  célestes;  formaient  les  constella- 
tions, et  y  inscrivaient  comme  sur  des  tablettes 
impérissables  les  faits  qu'ils  voulaient  graver  dans 
leur  mémoire  et  conserver  aux  siècles  futurs. 

C'est  sous  le  beau  ciel  de  l'Orient  que  l'astrono- 
mie a  pris  naissance,  pour  se  répandre  de  là  en 
Chine,  en  Chaldée,  en  Phénicie,  en  Egypte,  en 
Grèce,  en  Italie  et  dans  toutes  les  parties  du  monde 
successivement  conquises  par  l'esprit  humain.  Les 
premiers  astronomes  ont  été  l^s  pasteurs  de  l'Hi- 
lualaya.  La  multitude  des  étoiles,  leur  cours  uni- 
forme et  majestueux,  l'éclat  splendide  des  plus 
brillantes,  la  douce  blancheur  de  la  voie  lé-ctée, 
l'étoile  filante  qui  semble  se  détacher  des  deux,  le 
profond  silence  de  la  nature  recueillie,  puis  l'Orient 
qui  pâlit,  l'Aurore  qui  s'annonce,  Vénus,  l'étoile  du 
berger,  qui  reste  la  dernière,  et  la  symphonie  gran- 
diose du  lever  du  soleil,  qui  éclate  dans  sa  gloire  et 
dans  sa  splendeur,  formaient  un  enchaînement  de 
tableaux,  une  succession  de  scènes  dignes  d'en- 
tourer le  berceau  de  la  plus  belle  et  de  la  plus 
vaste  des  sciences. 

11  est  impossible  de  fixer,  même  approximative- 
ment, la  date  des  titres  de  noblesse  de  l'astrono- 
mie :  leur  antiquité  se  dénombrerait  par  milliers 
d'années.  L'une  des  plus  anciennes  reliques  de 
l'astronomie  primitive  qui  nous  reste  encore  intacte 
aujourd'hui  est  la  dénomination  des  sept  jours  de 
la  semaine  par  les  noms  des  sept  astres  principaux 
des  anciens  :  le  Soleil,  la  Lune,  Mars,  Mercure, 
Jupiter,  Vénus  et  Saturne,  consécration  qui  était 
déjà  en  usage  en  Babylonie  il  y  a  quatre  ou  cinq 
mille  ans,  car  les  fouilles  faites  à  Ninive  dans  les 
ruines  du  palais  de  Sardanapale  ont  mis  au  jour  des 


tablettes  écrites  en  langue  accadicnne  (antérieure 
aux  Babyloniens)  conservant  ces  dénominations 
ainsi  que  certaines  observations  astronomiques 
faites  dès  cette  lointaine  époque.  Il  y  avait  déjà  alors 
des  observatoires  nationaux,  des  cours  d'astronomie. 
Il  en  était  de  même  en  Chine  à  la  même  époque. 
Les  annales  du  Céleste  Empire  nous  représentent 
le  législateur  Fou-hi  établissant  l'enseignement  de 
l'astronomie  sur  la  plus  large  base.  2850  ans  avant 
notre  ère,  et  l'empereur  Hoang-Ti  fondant  son 
magnifique  observatoire  en  2608,  régularisant  le 
calendrier  et  observant  l'étoile  polaire,  qui  était 
alors  l'étoile  alpha  de  la  constellation  du  Dragon; 
nous  avons  une  observation  d'une  éclipse  totale  de 
soleil,  observée  en  Chine  également,  l'an  2169  avant 
notre  ère,  sans  qu'elle  eût  été  prédite,  et  qui  coûta 
*la  vie  au  directeur  de  l'Observatoire,  parce  que 
l'astrologie  était  alors  intimement  liée  à  la  poli- 
tique. 

En  Egypte,  nous  trouvons  vers  l'an  2S87  une  pre- 
mière réforme  du  calendrier,  par  5  jours  supplé- 
mentaires ajoutés  aux  360  ;  plusieurs  siècles  après, 
l'observation  de  Sirius,  la  plus  brillante  étoile  du 
ciel,  à  laquelle  nous  avons  conservé  son  nom 
égyptien,  montra  aux  astronomes  d'Egypte  que 
l'année  n'est  pas  exactement  de  365  jours,  mais  de 
3'>5  jours  un  quart,  —  les  inondations  du  Nil, 
soigneusement  notées,  avançant  insensiblement 
sur  le  lever  héliaque  de  cette  étoile  et  cessant  de 
pouvoir  être  prédites  par  elle. 

L'étoile  polaire,  alors  alpha  du  Dragon,  paraît 
aussi  avoir  joué  un  rôle  dans  la  construction  dos  py- 
ramides, car  sur  les  neuf  pyramides  d'Egypte,  six  ont 
des  galeries  droites  ouvertes  au  nord  et  creuséesi 
en  descendant  dans  l'intérieur  suivant  une  incli- 
naison variant  de  3G  à  28  degrés,  dans  le  plan 
méridien,  de  telle  sorte  qu'un  observateur,  placé 
au  fond  de  ces  galeries,  devait  voir  précisément 
l'étoile  polaire  à  son  passage  inférieur  au  méridien. 
Nous  possédons  des  observations  d'éclipsés  faites 
en  Egypte  depuis  l'an  2720  avant  notre  ère  et  des 
observations  de  l'étoile  alpha  de  l'Hydre  datant 
de  l'an  230(j.  D'autre  part,  le  zodiaque  paraît  avoir 
été  fixé  à  l'époque  où  l'équinoxe  du  printemps  arri- 
vait dans  les  derniers  degrés  de  la  constellation  du 
Taureau,  vers  Aldébaran,  car  le  Taureau  est  indiqué 
dans  tous  les  anciens  chants  astrognostiques  comme 
K.  ouvrant  l'année  avec  ses  cornes  d'or.  »  Or  l'équi- 
noxe n'a  pu  répondre  aux  derniers  degrés  du  Tau- 
reau (en  vertu  du  mouvement  séculaire  de  préces- 
sion) que  vers  l'an  4000  à  4:)00  avant  notre  ère,  et 
cette  date  coïncide  avec  la  forme  et  la  position  des 
anciens  zodiaques.  La  formation  primitive  de  la 
sphère  céleste,  sans  noms,  par  simples  alignements, 
la  reconnaissance  de  la  route  de  la  lune,  du  soleil 
et  des  planètes  à  travers  le  ciel  et  le  premier  dessin 
du  zodiaque  ont  été  certainement  de  beaucoup 
antérieurs  aux  observations  précises  des  retours 
planétaires,  aux  dénominations  des  astres  et  aux 
calculs  des  éclipses,  qui  datent  déjà  de  plus  de 
cinq  mille  ans.  La  fondation  de  notre  zodiaque 
actuel,  six  mille  ans  au  moins  avant  l'époque 
contemporaine,  nous  indique  donc  en  quelque 
sorte  la  date  la  plus  modeste  que  nous  puissions 
décerner  à  l'antiquité  de  la  science  dont  nous  nous 
occupons. 

Longtemps  après,  il  y  a  trois  mille  ans  environ, 
les  Phéniciens,  alors  à  l'apogée  de  leur  puissance, 
avaient  organisé  l'astronomie,  ou  pour  mieux  dire 
l'astrologie,  en  culte.  Héliopolis  (Balbek)  était  de 
toute  antiquité  célèbre  par  le  culte  du  Soleil,  qui 
lui  avait  donné  son  nom.  Le  culte  de  la  Lune  en 
était  inséparable,  et  les  nouvelles  lunes  (néomé- 
nies)  étaient  l'occasion  de  fêtes  solennelles.  Les 
Phéniciens  se  guidaient  en  mer  d'après  la  petite 
Ourse,  qu'ils  appelaient  Queue  du  Chien  (en  grec 
Cynosure],  tandis  que  les  Grecs  se  guidaient  d'a- 
près la  grande   Ourse,  nommée   par  eux   Hélice. 


ASTRONOMIE 


2i0  — 


ASTRONOMIE 


Les  ll('l)reux  nomment  dans  la  Bible  :  la  grande 
Ourse,  Asch  (tournant)  ;  les  Pléiades,  Kimah  (désir 
fdu  printemps  qu'elles  annonçaientil  y  a  3,500  ans]  ; 
Ovion, Kcsil  (la  constellation  [par  excellence]);  le 
Dragon,  Nak/iosch,  dont  l'étoile  la  plus  brillante 
marquait  le  pôle  nord  ;  et  les  demeures  du  Soleil 
dans  le  zodiaque,  les  Mnsaroth  Les  Hébreux  avaient 
tiré  leur  science  élémentaire  des  Égyptiens. 

Les  anciennes  observations  astronomiques  pa- 
raissent avoir  été  écrites  sur  des  briques  que  Ton 
cuisait  ensuite  pour  les  conserver.  Sénèque  en  parle 
{Questions  naturelles,  IV,  3)  et  on  en  a  trouvé 
récemment.  Malheureusement  les  révolutions  des 
empires,  les  guerres  et  les  émigrations  jetèrent  des 
troubles  et  souvent  de  longues  lacunes  dans  l'étude 
pacifique  des  sciences,  et  nous  trouvons  de  temps 
à  autre  des  destructions  complètes  de  monuments, 
de  livres,  de  bibliothèques,  ordonnées  par  de  bar- 
bares soldats.  Ainsi,  lorsque  Ptolémée  écrivit  son 
Almageste,  au  commencement  de  notre  ère,  il  ne 
trouva  d'observations  conservées  que  celles  des 
Chaldéens  postérieurs  à  l'établissement  de  l'ère  de 
Nabonassar,  qui  commence  le  26  février  do  l'an  747 
avant  lère  actuelle.  La  plus  ancienne  observation 
dont  il  se  servit  est  une  éclipse  de  lune  arrivée  la 
vingt-sixième  année  de  cette  ère,  le  19  mars  721 
avant  Jésus  Christ.  Ils  avaient  inventé  à  cette  épo- 
que le  calcul  du  Saros,  période  de  18  ans  et  1 1  jours, 
après  laquelle  les  éclipses  de  soleil  et  de  lune 
reviennent  dans  le  même  ordre. 

La  première  école  scientifique  grecque  a  été 
fondée  par  Thaïes,  né  àMilet  vers  l'an  640avantnotre 
ère.  Les  divisions  actuelles  de  la  sphère  en  cinq 
zones  étaient  déjà  enseignées  dans  cette  école. 
Hérodote  rapporte  que  les  éclipses  y  étaient  obser- 
vées et  calculées,  et  que  Thaïes  avait  notamment 
prédit  celle  du  30  septembre  Gl(),quiarriva  juste  au 
moment  d'une  bataille  entre  les  Mèdes  et  les 
Perses,  et  mit  fin  à  la  guerre  par  la  frayeur  qu'elle 
occasionna  aux  deux  armées.  Pythagore  paraît  avoir 
été  disciple  de  Thaïes. 

La  fameuse  école  d'Alexandrie  a  fourni  à  l'astro- 
nomie une  précieuse  série  d'observations,  depuis 
celles  d'Aristillus  et  de  Timocharis,  en  l'an  29.) 
avant  notre  ère,  jusqu'à  celles  d'Hipparque,  qui, 
en  l'an  130  avant  notre  ère,  publia  le  premier  cata- 
logue d'étoiles  qui  nous  ait  été  conservé  et  fonda 
l'astronomie  mathématique,  et  jusqu'aux  travaux 
de  Ptolémée,  qui  publia,  vers  l'an  150  de  notre  ère, 
son  Almageste,  ouvrage  important  dans  lequel  il 
expose  l'état  de  l'astronomie  à  son  époque  et  les 
diverses  hypothèses  émises  sur  la  construction  de 
l'univers,  en  se  rangeant  malheureusement  du  côté 
du  système  des  apparences  (quoiqu'il  y  discute  fort 
longuement  la  théorie  du  mouvement  de  la  terre)  ; 
—  opinion  qui  fit  donner  définitivement  son  nom  à 
"    système. 

Les  invasions  des  Barbares,  le  bouleversement 
des  peuples  et  la  nuit  tliéologique  du  moyen  âge 
arrivèrent,  interrompant  les  travaux  de  l'esprit  hu- 
main et  l'étude  de  la  nature.  Cependant  dans  les 
])ays  non  chrétiens,  notamment  chez  les  Arabes,  à 
liagdad  et  au  Caire,  l'astronomie  continua  de  fleu- 
rir, depuis  le  calife  Haroun-al-Raschid  iSOOi  jusqu'à 
llugli  Beigh,  roi  astronome  (1400),  petit-fils  du 
monstre  Tamerlan,  mais  aussi  excellent  que  son 
aïeul  avait  été  horribh'. 

Au  milieu  du  seizième  siècle  de  notre  ère,  en 
l'an  154:],  Copernic  mourant  légua  à  l'humanité  la 
bible  de  l'astronomie  moderne,  qui  prouve  que  la 
terre  où  nous  sommes  n'est  pas  au  centre  du  monde, 
mais  n'est  qu'une  simple  planète  tournant  comme 
les  autres  autour  du  Soleil.  Depuis  cette  époque, 
c'est-à-dire  dejjuis  plus  de  trois  cents  ans,  les  tra- 
vaux progressifs  des  illustres  génies  qui  consa- 
crèrent leur  vie  à  chercher  la  vérité,  des  Galilée, 
des  Kepler,  des  Newton,  les  immortels  fondateurs 
de  l'astronomie  moderne,  ceux  de  Cassini.  Ilœmcr, 


Halley,  Flamsteed,  Bradley,  Lalande,  Herschel, 
Laplace,  Bessel,  ceux  des  astronomes  modernes  de 
toutes  les  nations,  ont  constamment  prouvé,  vérifié, 
démontré  la  réalité  du  système  de  Copernic. 

C'est  ainsi  qu'à  travers  la  longue  série  des  siècles, 
la  plus  ancienne  des  sciences  est  arrivée  jusqu'à 
nous,  se  développant,  se  .perfectionnant,  se  corri- 
geant sans  cesse,  élevant  lentement  les  assises  des 
plus  beaux  monuments  que  l'esprit  humain  ait 
édifiés. 

2.  Esquisse  générale  d'un  cours  très-élémen- 
taire d'astronomie.  —  La  première  vérité  ensei- 
gnée par  l'astronomie  et  dont  il  importe  d'être 
absolument  convaincu  si  l'on  tient  à  comprendre  la 
réalité  des  choses,  c'est  que  la  Terre  est  isolée  dans 
l'espace,  sans  soutien  ni  point  d'appui  d'aucun 
genre,  et  qu'il  n'y  a  ni  haut  ni  bas,  ni  gauche  ni 
droite,  ni  direction  d'aucune  sorte,  dans  l'univers. 
Si  l'on  ne  fait  pas  l'effort  d'esprit  nécessaire  pour 
se  rendre  compte  de  ce  fait  et  pour  savoir  une  fois 
pour  toutes  que  notre  globe  est  un  astre  du  ciel, 
isolé,  mobile,  voguant  dans  le  vide  des  espaces 
comme  les  autres  astres,  ni  plus  ni  moins;  si  l'on 
garde  en  soi  quelque  arrière-pensée  du  sentiment 
provenant  des  apparences,  il  est  inutile  d'aller  plus 
loin  :  on  n'a  pas  l'esprit  ouvert  pour  la  vérité.  Il  ne 
suffit  pas  de  se  dire  et  de  se  répéter  que  la  terre 
est  ronde,  qu'elle  tourne  sur  elle-même  et  autour 
du  soleil  :  il  faut  le  sentir;  j'ai  vu  mille  personnes 
qui  s'imaginaient  comprendre  ces  éléments  de 
l'astronomie,  mais  qui  les  concevaient  tout  de 
travers  parce  qu'elles  n'avaient  pas  fait  dès  le 
principe  l'effort  d'esprit  dont  je  viens  de  parler. 

Il  y  a  un  moyen  très  simple  d'y  parvenir.  Il  suffit 
pour  cela  que  l'on  sache  (et  chacun  peut  vérifier  ce 
calcul  s'il  en  a  le  temps)  que  la  distance  d'ici  au 
soleil  a  été  exactement  calculée,  et  qu'elle  est  de 
148  millions  de  kilomètres,  ou  de  37  millions  de 
lieues,  et  que  la  terre  tourne  autour  du  soleil  en 
365  jours  6  heures.  Ce  sont  là  deux  vérités  aujour- 
d'hui élémentaires,  qui  sont  si  surabondamment 
démontrées  et  prouvées,  que  le  premier  venu  peut 
lui-même  faire  facilement  dans  son  esprit  l'expé- 
rience de  la  démonstration.  (Cf.  par  exemple  les 
preuves  tangibles  et  élémentaires  données  dans 
notre  Vie  de  Copernic  et  dans  nos  Merveilles  cé- 
lestes.) Or  l'orbite  terrestre  mesurant  37  millions 
de  lieues  de  rayon  ou  74  millions  de  lieues  de 
diamètre,  mesure  par  conséquent  235  millions  de 
lieues  de  longueur,  et  comme  cette  longueur  est 
parcourue  en  365  jours  et  6  heures,  notre  globe 
court  dans  l'espace  avec  une  vitesse  de  043,395 
lieues  par  jour.  Tous  les  ans,  il  revient  à  même 
date  au  môme  point  de  son  orbite  :  elle  est  tou- 
jours entièrement  parcourue  chaque  année.  Ces 
6  i 3, 395  lieues  par  jour  font  26,808  lieues  par  heure 
ou  28,78[j  mètres  par  seconde. 

Comment  concevoir  une  telle  vitesse?  Elle  est 
plus  de  mille  fois  plus  rapide  que  celle  d'un  train 
express! 

Nous  ne  la  sentons  pas,  parce  que  notre  globe, 
comme  tous  ceux  qui  peuplent  l'immensité  sans 
bornes  des  cieux,  glisse  sans  bruit,  sans  frottement, 
sans  secousse,  à  travers  le  vide  des  espaces.  Son 
mouvement  est  plus  doux  que  celui  de  la  barque 
sur  le  fleuve  limpide,  plus  doux  que  celui  de  la 
gondole  sur  les  lagunes  de  Venise,  plus  doux  que 
celui  du  ballon  dans  les  plaines  azurées  de  l'air 
silencieux.  Dans  cette  perfection  de  transport,  il  est 
matériellement  impossible  de  sentir  le  mouvement 
de  la  Terre.  Nous  ne  pouvons  même  pas  le  voir: 
tout  ce  qui  nous  environne  est  emporté  avec  nous 
ut  immobile  par  rapport  à  nous.  L'atmosplière,  les 
nuages,  tout  marche  d'un  commun  accord  avec 
nous.  Nous  ne  pouvons  donc  avoir  aucune  sensation 
du  mouvement.  L'observation  du  ciel  étoile,  qui  ne 
participe  pas  à  notre  déplacement,  le  calcul,  la  rai- 
son, sont  les  moyens  aux(iuels  nous  pouvons  recourir 


ASTRONOMIE  —  221 

pour  nous  rendre  compte  de  la  réalité  et  l'expli- 
quer. 

Pour  voir  le  mouvement  de  la  Terre,  pour  en 
sentir  la  grandeur,  il  faudrait  nous  supposer  placés 
en  dehors  d'elle,  dans  l'espace  absolu,  non  loin  de 
l'orbite  sur  laquelle  elle  se  meut.  Alors  nous  la  ver- 
rions venir  de  loin  sous  la  forme  d'une  étoile  gran- 
dissante. Bientôt  elle  approcherait  de  nous  et 
paraîtrait  semblable  à  la  Lune,  en  augmentant  gra- 
duellement de  grosseur.  Elle  arriverait  à  grande 
vitesse  pour  passer  devant  nous  à  la  façon  d'un  train 
de  chemin  de  fer.  Mais  à  peine  aurions-nous  eu  le 
temps  de  la  reconnaître,  de  distinguer  les  conti- 
nents et  les  mers  autour  de  cette  boule  tournante, 
que  passant  devant  nos  regards  stupéfaits  avec  une 
rapidité  impossible  à  décrire,  elle  continuerait  son 
cours  en  s'enfuyant,  se  rapetissant  et  se  perdant 
dans  l'espace.  Sa  vitesse  est  1100  fois  plus  rapide 
que  celle  d'un  train  express.  Comme  la  vitesse  d'un 
train  express  est  1100  fois  plus  rapide  que  celle 
d'une  tortue,  si  l'on  envoyait  un  train  courir  après 
la  Terre  dans  l'espace,  c'est  exactement  comme  si 
l'on  envoyait  une  tortue  courir  après  un  train 
express... 

C'est  sur  ce  boulet  que  nous  sommes,  boulet  de 
trois  mille  lieues  de  diamètre,  dans  la  même  situa- 
tion que  les  grains  de  poussière  adhérents  à  un 
boulet  de  canon  lancé  dans  l'espace. 

Ce  globe  terrestre  tourne  sur  lui-même  en 
24  heures  :  cette  rotation  fuit  passer  successive- 
ment tous  les  pays  dans  la  lumière  solaire  et  pro- 
duit la  succession  des  jours  et  des  nuits.  L'axe  idéal 
autour  duquel  s'effectue  ce  mouvement  diurne 
n'est  pas  vertical,  perpendiculaire  sur  le  plan  dans 
lequel  la  terre  se  meut  annuellement  autour  du 
Soleil,  mais  incliné  de  :'3  degrés.  Ainsi  la  Terre 
court  et  tourne  non  pas  droite,  mais  penchée. 

Mais,  pense-t-on  certainement,  il  y  a  pourtant 
une  différence  entre  la  Terre  et  les  astres.  La  Terre 
est  en  bas  (toujours?),  les  astres  sont  en  haut;  la 
Terre  n'est  pas  brillante,  les  astres  le  sont;  la  Terre 
est  grande,  les  astres  sont  petits  ;  la  Terre  est 
lourde,  les  astres  paraissent  légers,  etc.  Autant 
d'objections,  autant  d'erreurs. 

La  Terre  n'est  pas  en  bas,  nous  l'avons  déjà  vu. 
Il  n'y  a  ni  haut  ni  bas  dans  l'univers,  notre  globe 
est  habité  tout  autour,  nos  antipodes  ont  les  pieds 
opposés  aux  nôtres,  le  bas,  pour  nous,  c'est  l'inté- 
rieur du  globe,  et  il  en  est  de  même  pour  tous  les 
habitants  qui  marchent  autour  de  ce  globe;  le  haut, 
pour  tous  aussi,  c'est  l'extérieur  du  glolje,  c'est 
l'espace  qui  nous  environne;  de  plus,  la  Terre 
tourne  sur  elle-même,  et  ce  qui  est  juste  au-dessus 
de  nos  tètes,  dans  le  ciel,  à  une  certaine  heure, 
est  juste  sous  nos  pieds,  et  toujours  dans  le  ciel, 
douze  heures  après.  Nous  tournons  avec  le  globe, 
puisque  nous  avons  toujours  les  pieds  à  sa  surface 
et  qu'il  nous  attire  comme  le  ferait  une  boule  d'ai- 
mant sur  de  petits  êtres  en  fer. 

La  Terre  paraît  obscure,  grande  et  lourde,  tandis 
que  les  astres  paraissent  brillants,  petits  et  légers. 
Ce  sont  là  autant  d'apparences.  La  Terre  brille  de 
loin  comme  une  étoile  :  elle  renvoie  dans  l'espace 
toute  la  lumière  qu'elle  reçoit  du  Soleil.  Vue  de  la 
Lune,  elle  offre  une  surface  quatorze  fois  plus  vaste 
que  celle  de  la  pleine  lune,  et  une  lumière  quatorze 
fois  plus  intense,  dont  nous  recevons  nous-mêmes 
le  reflet  pendant  la  nuit,  dans  la  lumière  cendrée 
de  la  Lune,  laquelle  est  produite,  comme  tout  le 
monde  le  sait  ou  doit  le  savoir,  par  le  clair  de  terre. 
Vue  de  Mars,  la  Terre  est  une  brillante  étoile  du 
matin  et  du  soir  offrant  exactement  l'effet  que  Vénus 
nous  présente.  Vue  de  Vénus  et  de  Mercure,  elle 
brille  dans  le  ciel  à  minuit  comme  Jupiter  le  fait 
pour  nous.  Vu  à  cette  distance,  le  globe  terrestre 
plane  dans  le  ciel  etprésente  des  phases  comme  la 
Lune,  Vénus,  Mercure  nous  en  présentent.  D'un 
autre   côté,   ces   planètes,  qui  brillent  dans  notre 


ASTRONOMIE 


ciel  comme  des  étoiles  et  plus  encore,  ne  sont 
pourtant,  pas  plus  que  la  Terre,  lumineuses  par 
elles-mêmes,  et  nous  ne  les  voyons  que  parce  que 
le  Soleil  les  éclaire.  La  lumière  du  Soleil  traverse 
l'espace  sans  l'éclairer,  et  elle  le  traverse  aussi  bien 
à  minuit  qu'à  midi.  Les  corps  planétaires,  tels  que 
la  Terre,  la  Lune,  Mars,  Vénus,  etc.,  arrêtent  cette 
lumière  qui  les  frappe,  et  c'est  pour  cela  qu'ils  sont 
brillants.  En  réalité,  ni  la  Lune,  ni  Mercure,  ni 
Vénus,  ni  Mars,  ni  Jupiter,  ni  Saturne,  ni  Uranus, 
ni  Neptune  ne  sont  plus  brillants  que  la  Terre.  Le 
calcul  prouve  d'autre  part  que  ces  globes  sont  aussi 
grands  que  la  Terre  et  aussi  lourds  qu'elle.  Les 
uns,  comme  la  Lune,  Mercure,  Mars  le  sont  moins  ; 
les  autres,  comme  Uranus,  Neptune,  Saturne,  Ju- 
piter le  sont  davantage.  Jupiter,  par  exemple,  est 
1,234  fois  plus  gros  à  lui  seul  que  la  Terre  entière  : 
il  faudrait  l,23i  globes  terrestres  réunis  en  un  seul 
pour  former  un  globe  de  la  grosseur  de  Jupiter.  11 
est  310  fois  plus  lourd  que  notre  monde,  de  sorte 
que  si  l'on  pouvait  placer  Jupiter  sur  le  plateau 
d'une  balance  assez  gigantesque  pour  le  recevoir, 
il  faudrait  placer  sur  l'autre  plateau  310  terres  pour 
lui  faire  équilibre.  Les  apparences  sont  donc  bien 
trompeuses.  En  réalité,  la  Terre  que  nous  habitons 
n'a  pas  wi  seul  caractère  spécial  qui  la  distingue 
des  autres  mondes  qui  planent  de  concert  avec  elle 
dans  l'harmonie  des  cieux. 

Si  l'on  a  bien  exactement  compris  ce  que  nous 
venons  d'exposer  sur  la  rapidité  du  mouvement  de 
translation  annuelle  de  la  Terre  autour  du  Soleil, 
sur  son  mouvement  de  rotation  diurne  autour  de 
son  axe,  sur  son  isolement,  sa  sphéricité  et  sa  res- 
semblance complète  avec  les  autres  globes  qui  gra- 
vitent en  même  temps  qu'elle  autour  du  Soleil,  on 
possède  dans  son  esprit  l'évidence  même  de  la  réa- 
lité, on  voit  et  on  sent  ce  qui  se  passe,  on  sait 
désormais,  pour  ne  plus  jamais  l'oublier,  que  la 
Terre  n'est  pas  autre  chose  qu'un  astre  du  ciel,  que 
nous  habitons  en  ce  moment  un  astre  du  ciel  aussi 
réellement  que  si  nous  habitions  Vénus  ou  Jupiter, 
ei  liV  nous  sommes  les  passagers  d'un  céleste 
navire  voguant  dans  le  ciel  même. 

<'.'i  premier  pas  fait,  le  plus  difficile  et  le  plus 
important  de  tous,  nous  pouvons  maintenant  con- 
cevoir sans  illusion  et  sans  arrière-pensée,  la  gran- 
deur de  l'univers,  les  distances  qui  séparent  les 
mondes  entre  eux,  et  avant  tout  nous  rendre 
compte  de  la  situation  précise  de  notre  planète 
dans  le  système  solaire,  ainsi  que  des  principes 
fondamentaux  de  la  mécanique  céleste. 

La  Terre  est  la  troisième  des  provinces  du  do- 
maine solaire.  Entre  elle  et  le  Soleil,  il  y  a  Vénus 
et  Mercure  ;  au  delà  d'elle,  plus  éloignés  du  Soleil, 
sont  Mars,  Jupiter,  Saturne,  Uranus  et  Neptune. 
Mais  formons  tout  de  suite  ici  le  tableau  du  sys- 
tème solaire. 


Planètes. 


Disunnces  < 
Soleil. 


Durée 
des  rérolulions 


Mercure 14  320  000  lieues.     88  jours. 

Vénus 20  7G0  000  224 

La  Terre 37  000  000  365  1/4 

Mars 56350000  1  an  321  j. 

Petites  planètes.  81  à  129  000  000  3  à  7  ans. 

Jupiter 192  000  000  11  ans  315  j. 

Saturne 353  000  000  29         181 

Uranus 710  000  000  84          90 

Neptune IIIOOOOÛOO  164        226 

Nous  avons  là  une  première  esquisse,  aussi  simple 
que  possible,  de  la  disposition  des  planètes  et  de 
leurs  distances  respectives.  On  peut,  pour  plus  de 
facilité,  remarquer  qu'elh.'s  se  partagent  naturelle- 
ment en  deux  groupes  de  quatre,  séparés  par  la 
région  des  planètes  télescopi(jues.  Les  quatre  pre- 
mières sont  petites  et  tournent  sur  elles-mêmes  en 
'^^  heures  environ  ;  les  quatre  dernières  sont  grosses 
et  tournent  sur  elles-mêmes  en  10  heures  environ. 
Elles  circulent  toutes  dans   le   même  sens,  à  ces 


ASTRONOMIE 


—  222  — 


ASTROiNOMIE 


distances-là,  autour  du  Soleil  qui  reste  relativement 
fixe  au  centre  de  toutes  ces  orbites  ;  la  plus  rappro- 
chée, Mercure,  n'emploie  que  88  jours  pour  par- 
courir son  orbite,  tandis  que  la  plus  éloignée, 
Neptune,  emploie  près  de  165  de  nos  années.  Les 
dilTérences  entre  les  durées  des  révolutions  des 
planètes  selon  leur  éloignement  du  centre  solaire 
ne  viennent  pas  seulement  de  ce  qu'étant  plus  éloi- 
gnées, elles  ont  plus  de  chemin  à  parcourir  pour 
accomplir  leur  translation,  mais  encore  de  ce 
qu'elles  voguent  de  plus  en  plus  lentement  suivant 
leurs  distances,  parce  que  la  force  solaire  est  de 
moins  en  moins  intense  à  mesure  qu'on  s'éloigne 
du  corps  central  ;  et  c'est  làun  des  principes  essen- 
tiels de  la  mécanique  céleste. 

Pour  le  bien  concevoir,  il  faut  essayer  de  nous 
représenter  le  Soleil  dans  sa  grande\ir  et  dans  sa 
puissance.  Imaginons,  posé  dans  le  vide,  un  globe 
énorme,  colossal,  108  fois  plus  large  que  la  l'erré 
en  diamètre  !  Mais  nous  l'imaginer  estvéritablement 
impossible.  Cent  huit  fois  plus  large  que  la  Terre, 
c'est  un  diamètre  de  345  000  lieues  et  une  circonfé- 
rence de  plus  de  un  million  de  lieues  :  comment  la 
mesurer,  môme  par  la  pensée?  C'est  une  surface 
égale  à  près  de  douze  mille  fois  la  surface  de  la 
Terre  entière.  C'est  un  volume  1  279  267  fois  plus 
gros  que  celui  de  la  Terre  !  Il  faudrait  plus  de 
un  million  de  Terres  comme  celle  que  nous  habi- 
tons pour  former  un  volume  de  la  dimension  du 
Soleil.  En  kilomèti'es  cubes,  ce  volume  inimaginable 
est  représenté  par  le  chiifre  que  voici  : 

1  390  050  000  000  000  000 

OU  1,390  quatrillions  de  kilomètres  cubes. 

Ce  corps  gigantesque  a  été  pesé  par  les  astro- 
nomes de  la  Terre,  aussi  bien  qu'il  a  été  mesuré,  et 
nous  savons  aujourd'hui  qu'il  est  324,  i79  fois  plus 
lourd  que  la  Terre.  En  le  plaçant  en  imagination 
sur  le  plateau  d'une  balance,  il  faudrait  placer  de 
même  324,479  terres  sur  l'autre  plateau  pour  lui 
faire  équilibre.  Ce  poids  fabuleux  représente  1879 
octillions  de  kilogrammes,  ci  : 

1  879  000  000  000  000  000  000  000  000  000 

L'une  des  premières  lois  de  la  nature  est  la  loi 
de  Yattractio7i  universelle*.  Tous  les  corps  s'attirent 
dans  la  nature,  en  raison  directe  de  la  masse.  Le 
Soleil  étant  324  479  fois  plus  lourd  que  la  Terre,  il 
attire  la  Terre  vers  lui  avec  une  énergie  324479  fois 
plus  puissante  que  celle  avec  laquelle  la  Terre 
l'attire.  Si  la  Terre  avait  le  poids  du  Soleil,  elle 
attirerait  les  objets  de  sa  surface  dans  cette  pro- 
portion, c'est-à-dire  qu'il  serait  absolument  impos- 
sible d'y  remuer  :  1  kilogramme  y  pèserait  324  479 
kilogrammes  ! 

Cette  attraction  décroît  à  mesure  que  la  distance 
augmente.  Ainsi,  par  exemple,  la  Terre  attire  les 
objets  de  sa  surface  avec  assez  de  force  pour  qu'ils 
tombent  vers  elle  en  raison  de  4"", 90  pendant  la 
première  seconde  de  chute.  C'est  une  vitesse  assez 
grande  déjà  :  elle  mesure  (exactement  la  force  avec 
laquelle  notre  globe  attire.  Mais  si  nous  pouvions 
nous  éloigner  davantage  du  centre  de  la  Terre,  par 
exemple  à  cent  lieues  au-dessus  de  la  surface  du 
globe,  à  mille  lieues,  à  dix  mille  lieues,  nous  éprou- 
verions de  moins  en  moins  l'attraction  de  la  Terre, 
nous  serions  de  moins  en  moins  attirés,  et  nous 
pèserions  de  moins  en  moins.  L'attraction  diminue 
non  en  raison  de  la  simple  distance,  mais  en  raison 
de  la  distance  multipliée  par  elle-même.  A  2  fois  la 
distance  d'ici  au  centre  de  la  Terre,  c'est-à-dire 
à  1  600  lieues  environ  au-dessus  de  nos  têtes,  l'at- 
traction est  4  fois  moins  forte  qu'ici;  à  3  fois  le 
rayon  de  la  Terre,  elle  est  9  fois  moins  forte  ;  à 
4  fois  la  même  distance  du  centre  elle  l'est  16  fois 
moins  et  ainsi  de  suite,  toujours  en  raison  du  cane 
de  la  distance.  La  Lune  étant  éloignée  de  nous  h 
60  fois  le  raj^on  de  la  Terre,  elle  est  attirée  par  la 


Terre  3  600  fois  moins  que  si  elle  était  tout  près  de 
la  surface,  et  en  une  seconde,  au  lieu  de  tomber 
vers  la  Terre  de  4°,9l>,  elle  ne  tombe  que  de  1  mil- 
limètre un  tiers.  Si  l'on  se  figure  la  Lune  lancée 
horizontalement  comme  un  boulet  de  canon,  au 
lieu  de  suivre  une  ligne  droite  et  de  s'éloigner 
indéfiniment  de  la  Terre  sur  la  tangente  de  son  or- 
bite, comme  une  pierre  qui  s'échappe  de  la  fronde, 
elle  est  ramenée  sans  cesse  vers  la  Terre  par  notre 
attraction,  et  décrit  une  courbe  telle  que  si  l'on 
mesure  au  bout  d'une  seconde  l'écartement  qui 
existe  entre  la  courbe  et  la  tangente,  on  trouve  cet 
écartement  de  I  millimètre  un  tiers  :  c'est  la  quantité 
dont  l'attraction  de  la  Terre  a  forcé  la  Lune  à  s'é- 
carter de  la  ligne  droite. 

A  la  surface  du  Soleil,  qui  est  108  fois  plus  éloigné 
du  centre  de  cet  astre  que  la  surface  de  la  Terre 
n'est  éloignée  de  son  propre  centre,  l'attraction 
solaire  est  diminuée  dans  la  proportion  de  cette 
distance  multipliée  par  elle-même,  de  ce  qu'elle 
serait  si  le  Soleil  n'était  pas  plus  gros  que  ru)tre 
globe.  Les  objets  n'y  sont  donc  pas  attirés  324,479 
fois  plus  fortement  qu'ici;  mais  ils  le  sont  seule- 
ment 27  fois  plus  :  ce  qui  est  encore  efi'rayant.  En 
effet,  un  kilogramme  terrestre  transporté  sur  cet 
astre  y  en  pèserait  27,  un  homme  ordinaire  y  pèse- 
rait 2  000  kilogrammes  et  non-seulement  serait 
incapable  de  soutenir  son  propre  poids,  mais  serait 
immédiatement  aplati  en  un  nombre  indéfini  de 
particules,  comme  s'il  était  pilé,  broyé  dans  un 
mortier  I  Un  objet  qui  tombe  d'une  certaine  hau- 
teur }•  parcourt  loi  mètres  dans  la  première  seconde 
de  chute  :  quelle  violence  d'attraction  !  Quelle 
efifroj'able  énergie  concentrée  dans  ce  colossal 
foyer  !  Le  Soleil  pèse  à  lui  seul  700  fois  plus  que 
toutes  les  planètes,  tous  les  satellites,  toutes  les 
comètes,  tous  les  astres  de  son  système  réunis  ! 

C'est  cette  force  prodigieuse  qui  fait  mouvoir  tout 
le  système.  De  même  que  la  main  qui  tient  la 
fronde  fait  tourner  la  pierre  avec  une  vitesse  dé- 
dépendante de  son  énergie,  de  même  la  vitesse 
des  planètes  sur  leurs  orbites  donne  la  mesure  de 
l'énergie  du  soleil.  Situé  au  centre  de  ces  orbites, 
r."  tre  radieux  est  à  la  fois  la  main  qui  soutient  et 
dirige  les  planètes  dans  l'espace,  le  foyer  qui  les 
échauffe,  le  flambeau  qui  les  éclaire,  la  source 
inépuisée  de  leur  vie.  Il  est  véritablement  le  cœur 
de  cet  organisme  gigantesque. 

En  faisant  tourner  ces  différents  astres  autour 
de  lui,  il  imprime  à  chacun  d'eux  un  mouvement 
proportionné  à  la  distance,  mouvement  nécessaire 
et  suffisant  pour  les  maintenir  perpétuellement  en 
équilibre,  car  le  mouvement  de  chaque  planète  est 
juste  celui  qui  convient  pour  l'empêcher  à  la  fois  de 
tomber  vers  le  Soleil  ou  de  s'éloigner  de  lui.  Un 
peu  plus  lent,-  il  ne  serait  pas  assez  rapide  pour 
créer  une  force  centrifuge  égale  à  l'attraction  vers 
le  centre,  et  la  planète  se  rapprocherait  du  Soleil 
pour  tomber  insensiblement  sur  lui  en  décrivant 
des  spirales  de  plus  en  plus  resserrées;  un  peu 
plus  rapide,  il  développerait  une  force  centrifuge 
trop  grande,  et  les  planètes  s'en  iraient,  s'éloignant 
sans  cesse  du  centre  suivant  des  spirales  de  plus 
en  plus  agrandies.  Mais  cela  ne  peut  être.  Les 
planètes,  filles  du  Soleil,  ont  été  successivement 
abandonnées  par  l'équateur  de  la  nébuleuse  solaire 
tournant  sur  elle-même,  et  ont  conservé  la  force 
vive  qui  leur  a  donné  naissance.  Les  forces  sont 
invariables;  les  lois  immuables.  L'état  du  système 
solaire  est  nécessairement  tel  que  le  Soleil  le  fait  et 
l'entretient.  Si  cet  astre  était  deux  fois  plus  lourd, 
il  serait  deux  fois  plus  fort,  les  planètes  tourne- 
raient deux  fois  plus  vite,  et  nos  années  seraient 
moitié  plus  courtes.  S'il  était  moitié  moins  lourd, 
la  terre  et  les  autres  planètes  vogueraient  avec  une 
vitesse  moindre  de  moitié,  et  nos  années  seraient 
deux  fois  plus  longues.  Ainsi  tout  est  réglé  par  la 
force  même  du  Soleil. 


ASTRONOMIE 


—  223  — 


ASTRONOMIE 


Si  l'on  se  représente  aussi  exactemeni  que  pos- 
sible cette  situation  du  globe  solaire  au  centre  des 
mouvements  planétaires,  l'immense  masse  de  cet 
astre,  l'attraction  qui  en  émane  et  qui  soutient  les 
mondes  autour  de  lui  comme  sur  un  invisible 
réseau,  et  les  translations  des  planètes  conformé- 
ment aux  distances,  on  possède  une  notion  claire  et 
vivante  de  la  réalité,  et  l'on  oublie  pour  toujours 
l'illusion  de  la  croyance  à  l'immobilité  de  la  terre 
au  centre  du  monde  et  les  craintes  enfantines  que 
l'on  pouvait  ressentir  en  songeant  qu'elle  n'est 
portée  sur  rien  et  que  peut-être  elle  pourrait  tom- 
ber! On  se  sent  voguer  dans  le  ciel.  On  est  déjà 
élevé  au-dessus  des  idées  vulgaires.  On  devient 
digne  de  comprendre  les  grandeurs  de  l'univers  et 
les  beautés  de  la  création. 

La  diminution  de  la  force  solaire  avec  la  distance, 
dont  nous  venons  de  parler,  produit  une  diminu- 
tion corrélative  dans  la  vitesse  des  planètes  sur 
leurs  orbites,  à  mesure  que  nous  nous  éloignons 
du  centre.  Il  est  intéressant  de  placer  ici  le  tableau 
de  ces  vitesses,  et  d'essayer  d'en  concevoir  la  gran- 
deur, afin  de  nous  former  une  idée  approchée  du 
mouvement  harmonique  des  sphères  célestes  autour 
du  Soleil  illuminateur. 

r.M-  ïciouile  Pdl-jOUT. 

M.M-cure 46  811  métros     1  012  OOO  lieues. 

Vénus 34  600  750  000 

La  Terre 29  786  643.393 

Mars 23  850  518  000 

Jupiter 12  900  278  750 

Saturne 9  500  205  200 

Uranus 6  700  144  700 

Neptune 5  400  1 16  000 

Telles  sont  les  vitesses  dont  les  planètes  sont, 
animées  dans  leur  cours  autour  du  Soleil.  Nous 
est-il  possible  d'en  concevoir  la  grandeur?  Un  bou- 
let sort  de  la  gueule  enflammée  du  canon  avec 
une  vitesse  de  400  mètres  par  seconde  :  le  globe 
terrestre  court  75  fois  plus  vite,  Mercure  117  fois 
plus  vite...  C'est  une  rapidité  si  prodigieuse  que  si 
deux  planètes  se  rencontraient  dans  leur  cours,  le 
choc  serait  inimaginable  :  non-seulement  elles 
seraient  brisées  en  morceaux,  réduites  en  poudre 
l'une  et  l'autre,  mais  encore,  leur  mouvement  se 
transformant  en  chaleur,  elles  seraient  subitement 
élevées  à  un  tel  degré  de  température  qu'elles  dispa- 
raîtraient en  vapeur  tout  entières,  terres,  pierres, 
eaux,  plantes,  liahitants,  et  formeraient  une  immense 
nébuleuse. 

En  raison  de  ces  vitesses  différentes,  les  planètes 
changent  constamment  de  situation  l'une  par  rap- 
port àl'autre.  Pour  que  les  huit  planètes  principales 
(sans  compter  la  petite  république  qui  flotte  entre 
Mars  et  Jupiter)  arrivent  par  la  combinaison  de 
leurs  mouvements  à  se  trouver  toutes  ensemble 
sur  une  même  ligne  droite,  il  faudrait  non  pas  des 
milliers,  ni  des  centaines  de  miniers  d'années, 
mais  des  ntiIlio7is.  Et  d'ailleurs  elles  n'y  demeure- 
raient pas  plus  d'un  instant  si  par  le  plus  grand  des 
hasards  elles  pouvaient  s'y  trouver. 

Ces  vitesses  ont  pour  cause  l'attraction  même  du 
Soleil,  qui  décroît  ù,  mesure  que  se  développe  la 
surface  du  cercle  dans  l'étendue  duquel  elle  se 
répand,  et  qui  décroît  dans  le  rapport  même  de  la 
mesure  du  cercle,  c'est-à-dire  en  raison  du  carré 
du  rayon.  Une  planète  située  au  delà  de  Neptune 
marcherait  beaucoup  plus  lentement.  Les  comètes. 
qui  s'éloignent  à  d'immenses  distances  au  delà  de 
l'orbite  de  Neptune,  arrivent  à  être  si  faiblement 
attirées  que  leur  marche  ralentie  n'est  plus  que  de 
quelques  mètres  par  seconde,  et  pourtant, à  cette 
distance  de  dix,  vingt,  trente  milliards  de  lieues, 
elles  sentent  encore  le  magnétisme  invisible  de 
l'astre  qui  les  attire;  quoique,  vu  de  cette  formi- 
dable distance,  ce  soleil  ne  soit  plus  qu'une  étoile, 
elles  /e  reconnaissent,  au  sein  de  l'immensité 
obscure  et  glacée  au  fond  de  laquelle  clle.'^  sont 


égarées,  elles  subissent  sa  lointaine  influence,  ces- 
sent de  s'éloigner,  se  retournent  vers  lui,  et  re- 
viennent avec  une  vitesse  croissante  se  précipiter 
dans  les  splendeurs  des  régions  ensoleillées,  splen- 
deurs qu'elles  n'atteignent  dans  ce  voyage  de  retour 
qu'après  avoir  volé  sans  arrêt  ni  trêve  pendant 
quarante  et  cinquante  siècles! 

Ajoutons  que  plusieurs  planètes  sont  accompa- 
gnées dans  leur  cours  par  des  satellites  tournant 
autour  d'elles  comme  elles  tournent  autour  du  soleil. 
La  Terre  est  accompagnée  de  la  Lune,  qui  accom- 
plit sa  révolution  en  27  jours;  Mars  a  deux  petites 
lunes,  Jupiter  est  accompagné  de  quatre  gros  satel- 
lites, Saturne  de  huit,  Uranus  de  quatre  et  Nep- 
tune de  un  au  moins.  L'esprit  qui  veut  concevoir 
le  système  dn  monde  dans  sa  réalité  doit  donc  avoir 
devant  lui  :  le  Soleil,  globe  colossal,  situé  au  cen- 
tre, et  tournant  sur  lui-même  en  36  jours;  —  les 
planètes,  tournant  dans  le  même  sens  que  la  ro- 
tation du  soleil  et  situées  à  peu  près  dans  le  prolon- 
gement du  plan  de  son  équateur  ;  —  les  satellites, 
tournant  aussi  dans  le  même  sens  autour  de  leurs 
planètes  respectives;  —  et  les  comètes,  décrivant 
des  orbites  non  pas  circulaires,  mais  très  allongées, 
lancées  dans  toutes  les  directions,  et  courant  dans 
tous  les  sens  entre  les  orbites  planétaires.  Tout  cet 
ensemble,  qui  forme  l'immense  famille  du  Soleil, 
est,  en  même  temps  que  les  révolutions  précédentes 
s'accomplissent,  transporté  tout  d'une  pièce  par  le 
Soleil  môme  à  travers  l'espace,  emporté  vers  la 
constellation  d'Hercule,  régions  étoilées  au  sein 
desquelles  nous  arriverons  dans  un  certain  nombre 
de  siècles. 

Les  difi'érences  de  grandeurs  et  de  poids  des 
globes  principaux  qui  composent  notre  système 
solaire  s'apprécieront  par  le  petit  tableau  suivant, 
dans  lequel  la  Terre  est  prise  pour  unité.  Les 
astres  sont  inscrits  par  ordre  décroissant. 


Le  Soleil 108 

Jupiter 11 


Saturne 
Neptune. 
Uranus. .  . 
La  Terre. 
Vénus. . . . 

Mars 

Mercure . . 
La  Lune. . 


•lies. 

Volumes. 

JI.isse3. 

)S 

1  279  206 

324  479 

1 

1  390 

309 

9 

864 

92 

4 

8.S 

i8 

4 

75 

16 

1 

1 

1 

0.95 

0.87 

0,79 

0,54 

0,10 

0,11 

0,38 

0,05 

0,07 

0.27 

0,02 

0,01 

Ainsi,  tandis  que  le  diamètre  du  soleil  est  108  foi» 
plus  grand  que  celui  de  la  terre,  le  diamètre  de  la 
lune  n'est  que  les  27  centièmes  du  nôtre,  ou  un 
peu  plus  du  quart  seulement  ;  tandis  que  le  volume 
du  soleil  est  1,279,206  fois  plus  gros  que  celui  de 
la  terre,  le  volume  de  la  lune  n'équivaut  qu'aux 
2  centièmes  du  nôtre,  ou  au  cinquantième;  et 
tandis  que  le  soleil  pèse  ^24,479  fois  plus  que  la 
terre,  le  poids  de  la  lune  n'est  presque,  en  nombre 
rond,  que  le  centième  du  nôtre  (en  tenant  compte 
des  fractions,  le  8i*).  Cette  appréciation  sommaire 
complétera  la  conception  générale  exacte  qu'il  im- 
portait que  nous  eussions  de  la  situation  de  la 
Terre  dans  la  famille  du  Soleil. 

Plusieurs  de  ces  mondes  sont  déjà  assez  bien 
connus  pour  que  nous  puissions  deviner  l'état  pro- 
bable de  la  vie  à  leur  surface.  J'ai  même  pu  des- 
siner récemment  la  carte  géograpliique  de  la 
planète  Mars. 

Telle  est  l'esquisse  vivante  du  système  plané- 
taire. Nous  ne  pouvons  entrer  ici  dans  aucun  dé- 
tail sur  la  constitution  physique  des  astres,  ni  sur 
l'hypothèse  si  intéressante  de  la  Phirohté  des 
Mondes  et  de  l'existence  de  la  vie  dans  les  diverses 
régions  de  l'univrrs 

Mais  nous  n'aurions  encore  qu'une  idée  incom- 
plète de  la  scicdice  astronomi(|ue  si  nnus  nous 
arrêtions  ici  dan,-,  cet  exposé  général,  car  notre 
.système  planctainî   ne   remplit  pas  l'univers  à  lui 


ASTRONOMIE 


S^-i  — 


ASTRONOMIE 


•seul,  comme  on  se  l'imaginait  encore  au  temps  de 
Copernic  ;  il  n'en  est,  au  contraire,  qu'une  très- 
modeste  petite  province. 

Chaque  étoile  qui  brille  dans  l'infini  est  un  soleil, 
aussi  grand  que  celui  qui  nous  éclaire,  aussi  im- 
portant, aussi  riche,  et  d'une  nature  analogue.  Il  j^ 
a  mieux  :  notre  soleil  est  l'une  des  étoiles  les  plus 
petites  que  nous  connaissions.  Sirius,  Canopus, 
Yéga,  Rigel,  Capella  sont  incomparablement  plus 
magnifiques,  plus  lumineux  que  lui.  Parmi  ces 
lointains  soleils,  les  uns  sont  simples,  comme 
le  nôtre,  entourés  simplement  d'un  sj  stème  plané- 
taire analogue  5  celui  dont  notre  globe  fait  partie; 
les  autres  sont  doubles,  composés  de  deux  soleils 
-('•gaux  ou  différents,  tournant  périodiquement  l'un 
■autour  de  l'autre;  d'autres  encore  sont  triples, 
<iuadruples,  multiples  ;  plusieurs,  au  lieu  d'être 
blancs  comme  le  nôtre,  sont  colorés  de  nuances 
splendides  ;  on  en  voit  qui  sont  d'un  rouge  sang, 
d'autres  d'un  rouge  écarlate,  d'autres  orangés,  d'au- 
tres violets,  d'autres  verts  comme  l'émeraude, 
d'autres  bleus  comme  le  saphir,  et,  parmi  ces 
soleils  de  couleur,  un  grand  nombre  présentent 
les  plus  admirables  associations  de  contraste, 
telles  qu'un  rubis  marié  à  une  émeraude,  ou  une 
topaze  unie  à  un  saphir. 

Mais  n'anticipons  pas  sur  ces  merveilles  de 
l'astronomie  sidérale,  que  nous  allons  aussi  visiter 
rapidement.  Sachons  d'abord  que  tout  autour  de 
notre  sjstème  solaire,  au  delà  de  la  frontière  nep- 
tunienne,  règne  un  immense  désert,  jusqu'à, 
8  000  fois  la"  distance  de  Neptune,  c'est-à-dire 
jusqu'à  plus  de  8  000  milliards  de  lieues.  Dans 
toute  cette  inconcevable  étendue  il  n'y  a  pas  un 
seul  soleil.  Le  plus  rapproché  de  nous  est  l'étoile 
alpha  de  la  constellation  du  Centaure,  et  sa  dis- 
tance est  de  8  318  milliards  de  lieues.  C'est  ce  que 
nous  appelons,  en  astronomie  sidérale,  notre  voi- 
sine. C'est  une  belle  étoile  de  première  grandeur, 
qui  brille  dans  le  voisinage  du  pôle  austral. 

Traçons  par  la  pensée  une  sphère  tout  autour  de 
nous  à  cette  distance  :  dans  l'intérieur  de  cette 
sphère,  vers  quelque  direction  que  ce  soit,  il  n'y  a 
pas  un  seul  soleil. 

Cette  étoile  «  voisine  »  est  située  dans  l'hémi- 
•sphère  austral.  La  plus  proche  après  cette  pre- 
mière est  une  petite  étoile  de  notre  hémisphère 
boréal,  située  dans  une  direction  presque  opposée 
à  la  précédente  :  c'est  la  GT  du  Cygne.  Sa  distance 
est  de  14  948  milliards  de  lieues. 

Les  autres  étoiles  dont  la  distance  a  pu  être 
mesurée  se  trouvent  à  30,  40.  50  milliers  de 
milliards  de  lieues  d'ici.  On  le  voit,  les  distances 
qui  séparent  les  étoiles  les  unes  des  autres  se 
■comptent  non  plus  par  millions  de  lieues,  ni  par 
milliards,  mais  par  milliers  de  milliards,  c'est-à- 
dire  par  triUions. 

Voici  les  principales  étoiles  dont  la  distance  a 
pu  être  mesurée.  La  première  colonne  du  petit 
tableau  suivant  donne  le  nom  de  l'étoile,  la  se- 
conde sa  distance  en  rayons  de  l'orbite  terrestre, 
c'est-à-dire  en  unités  de  37  millions  de  lieues,  la 
troisième  la  distance  en  millions  de  lieues. 

on  rayons  en 

<lc  luilllons 

rc.iliilc  li-iiC-tic.        Je  lieues. 

a  du  Centaure  {Proxhna) ^l-l^  700  8  318  900 

61«  du  Cvgne 404  000  14  948  000 

p  du  Centaure, 416  000  13  392  000 

«  du  Grand-Chien  {6'/n"«s) 1068  000  39  516000 

a  de  la  L\Te  (  \V^a) 1146  000  42  402  000 

i  de  la  Grande-Ourse 1  550  000  58  934  200 

a  du  Bouvier  lArctwus) 1  624000  61  712  000 

a  de  la  Petite-Ourse  (Polaire)  .  2  714000  100  041  000 

«  du  Cocher  (Capella) 4  484  000  170  392  000 

Le  seul  moyen  qui  nous  soit  donné  de  concevoir 
l'immensité  de  ces  distances,  c'est  d'essayer  d'en 
mesurer  l'espace  par  le  temps  qu'un  mobile  em- 


ploierait à  le  parcourir.  Un  train  express  marchant 
sans  s'arrêter,  à  raison  de  15  lieues  à  l'heure,  em- 
ploierait 202  ans  pour  se  rendre  de  la  Terre  au 
Soleil.  Pour  atteindre  l'étoile  la  plus  rapprochée  de 
nous,  il  lui  faudrait  marcher,  également  sans 
s'arrêter,  pendant  875  millions  d'années  1 

Mais  c'est  là  une  vitesse  trop  lente.  Supposons- 
nous,  par  la  pensée,  à  cheval  sur  un  boulet  de 
canon  lancé  dans  l'espace  à  raison  de  400  mètres 
par  seconde,  et  parcourant  ainsi  une  lieue  en  10  se- 
condes, 0  lieues  par  minute,  300  lieues  à  l'heure  : 
lualgré  cette  vitesse  vertigineuse,  il  nous  faudrait 
voguer  sans  ralentissement  pendant  douze  années 
entières  avant  d'arriver  au  Soleil,  et  pour  franchir 
l'abîme  qui  nous  sépare  de  l'étoile  la  plus  proche, 
il  nous  faudrait  courir  avec  cette  même  vitesse  de 
400  mètres  par  seconde  pendant  plus  de  deux 
miUions  d'années! 

C'est  encore  là  un  mode  de  locomotion  beaucoup 
trop  lent  pour  une  pareille  mesure.  Un  boulet  de 
canon,  c'est  une  tortue.  Choisissons  plutôt  la  vitesse 
de  la  lumière.  Elle  franchit  l'espace  avec  la  rapidité 
inimaginable  de  75,00!i  lieues  par  seconde,  et  n'em- 
ploie que  8  minutes  pour  parcourir  les  37  millions 
de  lieues  qui  nous  séparent  du  Soleil.  Eh  bien  ! 
pour  venir  de  l'étoile  alpha  du  Centaure,  elle  vole, 
elle  court,  sans  arrêt,  sans  détour,  en  ligne 
droite,  pendant  des  jours  et  des  nuits,  pendant 
des  semaines  accumulées,  pendant  des  mois  en- 
tiers, pendant  des  années  mêmes  :  il  ne  lui  faut  pas 
moins  de  trois  ans  et  six  mois  pour  nous  venir  de 
là  :  trois  années  et  demie  à  raison  de  75,000  lieues 
par  chaque  seconde  !  !  Elle  emploie  presque  deux 
fois  plus  de  temps  pour  venir  de  la  Ùl'  du  Cygne, 
14  ans  pour  venir  de  Sirius,  2!  ans  pour  venir  de 
Véga.  Le  rayon  lumineux  envoyé  par  l'étoile  polaire 
ne  nous  arrive  que  50  ans  après  son  émission,  et 
celui  qui  vient  de  Capella  marche  pendant  72  ans 
avant  de  nous  parvenir.  Mais  ce  ne  sont  encore  là 
que  des  astres  voisins.  Pour  venir  de  certaines 
étoiles  brillantes,  la  lumière  marche  pendant  plus 
d'un  siècle;  elle  vole  pendant  mille  ans  pour  nous 
apporter  des  «  nouvelles  »  de  certaines  étoiles 
moins  proches  de  nous,  pendant  10,000  ans  pour 
arriver  d'autres  régions  de  l'espace,  pendant 
cinquante  ou  cent  mille  ans,  pour  franchir  l'inson- 
dable abîme  qui  sépare  notre  système  planétaire 
des  lointains  systèmes  sidéraux  découverts  par  le 
télescope. 

Ces  milliers  d'étoiles  qui  brillent  au  ciel  pendant 
les  nuits  liiupides  ne  sont  pas,  comme  on  l'a  cru 
pendant  si  longtemps,  à  la  même  distance  de  nous 
et  ne  forment  pas  une  sorte  de  dôme  ou  de  sphère  : 
elles  sont  situées  les  unes  derrière  h's  .lutrcs  à 
toutes  les  distances  imaginables  et  inimaginables. 
L'éloignement  diminuant  la  lumière,  elles  parais- 
sent d'autant  plus  petites  qu'elles  sont  plus  éloi- 
gnées, et  on  peut  estimer  qu'en  général  les  plus 
brillantes  sont  les  plus  proches.  Mais  ce  n'est  pas 
là  non  plus  une  règle  générale,  car  il  y  a  des 
étoiles  de  première  grandeur  qui  sont  beaucoup 
plus  éloignées  de  nous  que  des  étoiles  de  "■;',  3*,  4", 
o".  G"  grandeur,  et  même  que  des  étoiles  invisibles 
à  l'œil  nu.  Ainsi,  par  exemple,  la  belle  étoile  Rigel, 
de  première  grandeur,  qui  scintille  avec  tant 
d'éclat  au  pied  d'Orion,  n'a  aucune  parallaxe  sen- 
sible, et  se  trouve  beaucoup  plus  éloignée  de  nous 
que  l'étoile  21,185  du  Catalogue  de  Lalande,  qui 
est  invisible  à  l'œil  nu,  et  néainuoins  vient  immé- 
diatement après  la  Gl"-'  du  Cygne,  dans  l'ordre  des 
distances,  à  15  trillions  de  lieues  d'ici  seulement. 

Dès  les  temps  anciens,  les  astronomes  ont  par- 
tagé les  étoiles  par  ordre  d'éclat,  lis  ont  formé  une 
première  grandeur  d'éclat  (cette  dénomination  n'a 
aucun  rapport  avec  la  grandeur  réelle  ou  le  volume) 
des  étoiles  les  plus  brillantes.  Celles  qui  viennent 
après  ont  été  nonnuécs  de  secoixde  grand<!ur. 
Ensuite  la  3«  grandeur,  la   4=  et  ia  5".  Les  plus 


ASTRONOMIE 


—  225  — 


ATMOSPHÈRE 


petites  étoiles  visibles    a  l'œil   nu   ont   formé    la 
C*  grandeur.  On  a  compté  : 

18  étoiles  de  la  1"  grandeur. 

59            —  i'  — 

181            _  30  — 

u4i             _  4=  — 

1620             —  o»  — 

3S00             _  6»  — 


6220 


Les  vues  ordinaires  ne  distinguent  pas  toutes 
celles  de  la  6*  grandeur,  et,  dans  le  ciel  entier, 
n'en  voient  guère  que  cinq  mille.  Les  vues  excep- 
tionnelles, au  contraire,  distinguent  plus  de  quatre 
mille  étoiles  de  la  6*  grandeur,  et,  dans  le  ciel 
entier,  en  voient  près  de  sept  mille.  Mais  le  nom- 
bre augmente  vite  aussitôt  qu'on  emploie  des  ins- 
truments optiques  même  de  faible  puissance.  Une 
simple  jumelle  de  théâtre  montre  les  étoiles  de  la 
7*  grandeur,  qui  sont  au  nombre  de  douze  mille. 
Une  longue-vue  terrestre  montre  celles  de  la 
8*  grandeur,  qui  sont  au  nombre  de  trente-six 
mille.  Ainsi  s'accroît  le  nombre  des  étoiles  à  me- 
sure qu'on  pénètre  plus  loin  au  delà  de  la  sphère 
de  la  vision  naturelle.  Une  petite  lunette  astrono- 
mique fait  découvrir  les  étoiles  de  la  9'  grandeur, 
dont  le  nombre  surpasse  cent  mille.  Et  ainsi  de 
suite.  Une  lunette  ou  un  télescope  de  moyenne 
puissance  montre  les  étoiles  de  la  10'  grandeur, 
qui  sont  au  nombre  de  près  de  quatre  cent  mille.  La 
progression  continue.  On  peut  estimer  à  un  million 
le  nombre  d'étoiles  de  la  11*  grandeur,  et  à  trois 
millions  celui  des  astres  de  12*  grandeur.  D'après 
les  jauges  astronomiques  faites  à  travers  lespace, 
le  nombre  des  étoiles  de  la  13*  grandeur  ne  s'é- 
lève pas  à  moins  de  dix  millions,  et  celui  des 
étoiles  de  la  14*  grandeur  à  moins  de  trente  mil- 
lions. Si  nous  additionnons  tous  ces  chitîres,  nous 
trouvons,  pour  le  total  des  étoiles  jusqu'à  la 
14'  grandeur  inclusivement,  le  nombre  déjà  dif- 
ficile à  concevoir  de  quarante-cinq  millions. 

Mais  ce  ne  sont  pas  là  toutes  les  étoiles.  Déjà 
même,  les  puissants  télescopes  construits  en  ces 
dernières  années  ont  pénétré  les  profondeurs  de 
l'immensité  assez  loin  pour  découvrir  les  étoiles 
de  la  lô'  grandeur,  dont  le  nombre  ne  peut  être 
inférieur  à  100  millions.  Les  chiffres  deviennent  si 
énormes  qu'ils  nous  écrasent  de  leur  poids  sans 
rien  nous  apprendre.  Qu'est-ce  que  cent  millions, 
qu'est-ce  que  mille  millions  d'ailleurs  devant  l'in- 
fini? Un  grain  de  sable  dans  la  mer.  Mais  con- 
tinuons. 

L'œil  géant  du  télescope  a  découvert  encore  des 
agglomérations  d'étoiles  qui,  vues  à  l'aide  de  faibles 
pouvoirs  optiques,  semblent  de  simples  taches  lai- 
teuses au  fond  du  ciel,  mais  se  résolvent  dans  les 
puissants  instruments  en  une  multitude  de  points 
brillants  dont  chacun  est  un  soleil.  Ce  sont  là  des 
univers  lointains  composés  de  milliers  de  soleils  et 
•de  systèmes  Quelle  est  l'immensité  de  leur  éten- 
due? Quelle  est  l'effrayante  distance  qui  nous  en 
sépare?  Ni  le  télescope  ni  le  calcul  ne  peuvent 
encore  répondre. 

La  voie  lactée  qu'on  admire  à  l'œil  nu  pendant 
les  nuits  transparentes  est  elle-même  formée 
d'étoiles  serrées  les  unes  contre  les  autres  en 
apparence,  mais  en  réalité  très  éloignées  entre 
elles,  car  autrement  leur  attraction  mutuelle  les 
aurait  réunies  depuis  longtemps  en  une  seule 
masse:  l'équilibre  des  corps  célestes  n'est  possible 
que  par  de  grands  intervalles  et  par  des  mouve- 
ments curvilignes  relativement  lents.  On  a  compté 
dix-huit  millions  de  soleils  dans  la  voie  lactée.  Cette 
inconcevable  agglomération  doit  s'étendre  en  pro- 
fondeur dans  les  directions  précisément  dessinées 
par  cette  lueur  sidérale,  la  blancheur  provenant  du 
nombre  des  étoiles  vues,  ou  seulement  entrevues, 
les  unes  derrière  les  autres.  Comme  cette  zone 
2*  Partie. 


enveloppe  entièrement  la  Terre  et  dessine  presque 
un  grand  cercle  de  la  sphère  céleste,  notre  soleil 
se  trouve  vers  le  centre,  et  est  lui-même  une  des 
étoiles  de  la  Voie  lactée.  Les  amas  d'étoiles  que 
nous  découvrons  dans  la  profondeur  des  cieux  sont 
des  voies  lactées  extérieures,  pour  ainsi  dire. 

Il  y  a  des  nébuleuses  qui  ne  se  résolvent  pas  en 
étoiles,  quel  que  soit  le  pouvoir  optique  employé  à 
les  examiner,  et  qui,  étudiées  d'ailleurs  par  les 
procédés  de  l'analyse  spectrale,  se  montrent  for- 
mées de  gaz.  Ce  sont  sans  doute  là  des  univers  en 
voie  de  création. 

Là  s'arrêtent  les  dernières  découvertes  de  l'in- 
vestigation humaine.  Ces  nébuleuses,  ces  lointains 
univers  différents  du  nôtre,  gisent  à  de  tels  éloi- 
gnements  de  nous,  que  leur  lumière  ne  peut  se 
transmettre  jusqu'à  nous  en  moins  de  plusieurs 
millions  d'années  !  11  est  probable,  pour  ne  pas  dire 
certain,  que  plusieurs  des  nébuleuses  gazeuses  que 
nous  analysons  actuellement  au  télescope  et  dans 
lesquelles' nous  croyons  reconnaître  les  indices  de 
systèmes  de  mondes  en  formation,  ne  sont  plus  de- 
puis longtemps  dans  cet  état  primitif,  et  sont  deve- 
nues actuellement  des  mondes  tout  formés  ;  mais  ne 
recevant  leur  lumière  qu'avec  un  pareil  retard, 
nous  les  voyons  non  ce  qu'elles  sont,  mais  ce  qu'elles 
étaient  à  la  date  reculée  où  sont  partis  les  rayons 
lumineux  qui  nous  en  arrivent  seulement  aujour- 
d'hui. De  même,  il  est  probable,  pour  ne  pas  dire 
certain,  que  telles  et  telles  étoiles  que  nous  obser- 
vons en  ce  moment  et  dont  nous  prenons  tant  de 
peine  à  déterminer  la  nature,  n'existent  plus  depuis 
des  siècles  et  des  siècles.  Nous  ne  voyons  pas 
l'univers  tel  qu'il  est,  mais  tel  qu'il  a  été,  et  non 
pas  même  tel  qu'il  a  été  à  un  certain  moment 
simultané  pour  toutes  ses  parties,  mais  tel  qu'il  a 
été  à  différentes  dates,  puisque  la  lumière  de  telle 
étoile  nous  arrive  après  .3  ans.  celle  de  telle  autre 
après  G  ans,  celle-ci  après  lU  ans,  celle-là  après 
50  ans.  cette  autre  après  100  ans,  cette  autre  après 
1,0110  ans.  et  ainsi  de  suite...  Sur  la  Terre  même 
nous  sommes  dans  l'infini  et  dans  l'éternité. 

Tel  est,  en  un  résumé  très  succinct,  le  panorama 
d'ensemble  de  l'astronomie  sidérale. 

De  telles  contemplations  nagrandissent-elles  pas 
l'esprit?  Xe  devraient-elles  pas  former  la  base  de 
toute  instruction  qui  a  l'ambition  d'être  sérieuse? 
N'est  il  pas  surprenant  de  voir  l'immense  majorité 
des  humains  vivre  et  mourir  sans  se  douter  de  ces 
vérités  sublimes? 

Tout  esprit  sérieux  reconnaîtra  l'importance 
d'une  science  qui  a  de  tels  horizons  à  nous  ouvrir 
et  conviendra  qu'il  nous  est  indispensable  à  tous 
d'en  avoir  au  moins  une  idée  élémentaire,  ne  fût-ce 
que  pour  nous  représenter  la  place  de  notre  globe 
dans  l'univers  et  notre  propre  place  au  sein  de  la 
création,  infinie  comme  son  Auteur. 

[Camille  Flammarion.] 
AT.noSPHÈRE.  —Physique.  IX  et  XXI.;—  Chi- 
mie, I.  —  [Étijm.  :  du  grec;  littéralement,  sphère  de 
vapeur).  C'est  le  nom  donné,  d'une  manière  géné- 
rale, à  la  couche  gazeuse  qui  enveloppe  un  certain 
nombre  de  corps  célestes  et  plus  particulièrement 
à  l'air  qui  entoure  la  terre. 

Nous  avons  exposé  au  mot  air'  les  propriétés 
essentielles  et  la  composition  de  l'air  atmosphéri- 
que. Nous  n'avons  à  parler  ici  que  de  l'atmosphère 
considérée  comme  l'enveloppe  du  globe  terrestre. 
I.  Son  étendue.  —  La  hauteur  de  l'atmosphère 
n'est  pas  exactement  connue.  Si  l'air  gardait  à  toute 
dist-ance  de  la  terre  la  même  densité,  son  épaisseur 
serait  d environ  S  kilomètres.  On  sait,  en  effet, 
que  la  pression  atmosphérique  fait  équilibre  à 
une  hauteur  d'eau  de  10""  ,33  (V.  Baromèire); 
et  comme  l'air  est  à  peu  près  770  fois  plus  lége- 
que  l'eau,  la  hauteur  de  la  colonne  d  air  équivar 
lente  devrait  être  770  fois  10™, 33  ou  71)ô4  mètres- 
Mais  la  densité  de  l'air  diminue  à  mesure  qu'on 

1£ 


ATMOSPHERE 


226  — 


ATMOSPHÈRE 


s'élève  ;  elle  est  plus  faible  sur  les  montaicnos 
que  dans  les  vallées,  beaucoup  plus  faible  encore 
aux  grandes  hauteurs  où  l'on  s'est  élevé  dans  les 
ascensions  aérostatiques.  L'épaisseur  de  l'atmo- 
sphère est  donc  plus  grande  que  ne  l'indique  le 
calcul  précédent.  On  pourrait  la  déti^rminor  si  l'on 
connaissait  exactement  la  loi  du  décroissement  de 
la  densité  de  l'air  avec  la  hauteur  ;  mais  on  n'a 
sur  cette  loi  que  des  données  qui  manquent  de 
certitude.  On  comprend  d'ailleurs  que  la  densité 
de  l'air  change  non  seulement  avec  la  hauteur, 
mais  ausssi  avec  l'abaissement  de  la  température  et 
qu'il  soit  difficile  de  bien  fixer  la  part  de  chacune 
de  ces  deux  causes.  Si  l'on  admet  que  la  densité 
de  l'air  décroit  progressivement,  on  est  conduit  à 
supposer  une  hauteur  illimitée  à  l'atmosphère. 
Mais  le  mouvement  de  rotation  de  la  terre  détruit 
cette  hypothèse  et  force  au  contraire  à  conclure 
que  la  couclie  d'air  qui  tourne  avec  la  terre  en 
24  heures  est  nécessairement  limitée.  La  considé- 
ration de  l'attraction  du  globe  dune  part  et  de  la 
force  centrifuge  que  le  mouvement  fait  naître  d'au- 
tre part,  a  fait  fixer,  comme  limite  théorique  extrême, 
à  l'atmosphère  une  épaisseur  de  6  rayons  terres- 
tres. Les  savants  s'accordent  à  lui  attribuer  une 
épaisseur  réelle  bien  moindre  ;  elle  ne  dépasserait 
pas  50  à  60  kilomètres,  cest-à-dire  douze  à  quinze 
lieues  selon  les  uns  ;  et  elle  serait  de  180  kilomètres 
ou  45  lieues,  suivant  ceux  qui  attribuent  l'illumi- 
nation des  étoiles  filantes,  au  choc  de  ces  mé- 
téores déviés  de  leur  orbite  contre  les  couches 
atmosphériques.  A  cette  distance  du  sol,  l'air  se- 
rait plus  rare  que  le  vide  le  plus  parfait  qu'on 
puisse  obtenir  dans   les   machines    pneumatiques. 

D'ailleurs,  la  hauteur  de  la  couche  atmosphéri- 
que n'est  pas  partout  la  même.  Elle  est  vraisem- 
blablement plus  grande  à  l'équateur  qu'au  pôle, 
parce  que  l'air  y  est  moins  dense  et  que  la  force 
centrifuge  y  produit  un  renflement  plus  marqué; 
et  la  forme  de  l'enveloppe  de  notre  globe  est  celle 
d'un  sphéroïde  plus  aplati  encore  que  ne  l'est  la 
terre. 

n.  Son  action  sur  la  lumière.  —  Le  soleil  est 
pour  nous  la  source  de  la  lumière  ;  ses  rayons, 
après  avoir  franchi  des  millions  de  lieues,  traver- 
sent l'atmosphère  pour  arriver  à  la  surface  de  la 
terre.  C'est  une  bien  mince  enveloppe  dans  leur 
long  trajet;  et  cependant  elle  a  sur  eux  une  in- 
fluence profonde  ;  elle  les  modifie  dans  leurs  ca- 
ractères, leur  composition  et  leur  marche  ;  et  c'est 
dans  cette  action  que  nous  pouvons  trouver  la 
cause  des  apparences  multiples  que  prennent  sous 
nos  yeux  la  plupart  des  grands  phénomènes  lumi- 
neux. 

L'air  est  de  tous  les  corps  le  plus  transparent  ; 
il  laisse  voir  les  objets  aune  très  grande  distance, 
surtout  quand  la  pluie  l'a  purifié  ;  mais  de  même 
que  le  verre  et  tous  les  autres  corps  qui  laissent 
passer  la  lumière  (V.  Lumière),\\  retient  une  par- 
tie des  raj'ons  qui  le  traversent.  Il  résulte  de  là 
que  les  astres  apparaissent  plus  lumineux  au  zé- 
nith qu'à  l'horizon,  où  leurs  rayons  ont  une  couche 
plus  épaisse  à  traverser. 

L'air  réfléchit  la  lumière,  puisque  nous  voyons 
la  clarté  des  astres  autour  des  rayons  directs  qu'ils 
nous  envoient  ;  sans  cela,  le  soleil  nous  apparaîtrait 
comme  un  disque  incandescent,  les  étoiles  comme 
des  points  brillants  fixés  sur  un  fond  noir  ;  tandis 
que  la  lumière  solaire  dift'usée  par  l'atmosphère 
est  assez  forte  pour  rendre  les  étoiles  invisibles  le 
jour.  La  lumière  réfléchie  est  bleue,  c'est  elle  qui 
produit  la  couleur  azurée  du  ciel,  très  sensible 
quand  l'air  est  en  grande  masse  et  passant  au  noir 
lorsque  l'épaisseur  de  la  couche  d'air  réfléchissante 
diminue,  comme  on  l'a  constaté  dans  les  ascen- 
sions en  ballons. 

Si  à  la  lumière  blanche  de  soleil  on  enlève  les 
rayons  bleus,   ce  qui    reste   présente  une   teinte 


orangée  :  c'e«t  la  nuance  de  l'atmosphère,  au  lever 
et  au  coucher  du  soleil,  quand  les  rayons  de  l'astre 
traversent  l'air  sous  une  grande  épaisseur. 

Les  éléments  de  l'air  n'interviennent  pas  tous  de 
la  même  manière  dans  les  phénomènes  lumineux; 
la  vapeur  d'oau  paraît  y  avoir  une  action  piépon- 
dérantc:  elle  y  existe  en  effet  toujours,  non-seule- 
ment à  l'état  de  gaz  invisible  comme  l'air  lui-même, 
mais  aussi  sous  forme  de  petites  vésicules  dont 
l'ensemble  constitue  les  brouillards  et  les  nuages 
et  qui  deviennent  le  siège  de  nombreuses  ré- 
flexions et  la  cause  de  teintes  brillantes  et  variées. 
■De  plus  l'atmosphère  est  toujours  remplie  de  fines 
poussières  qui  se  comportent  comme  les  vésicules 
de  vapeur  condensée  ;  on  les  voit  illuminer  le  tra- 
jet du  rayon  lumineux  qui  pénètre  dans  une 
chambre  obscure.  Dans  l'air,  elles  agissent  comme 
autant  de  réflecteurs  microscopiques  qui  renvoyent 
dans  toutes  les  directions  les  rayons  qui  les  frap- 
pent. 

Ainsi,  l'apparence  de  l'atmosphère  est  modifiée 
à  chaque  instant  par  des  causes  multiples  et 
changeantes  ;  elle  est  comme  un  voile  éclairé 
diffusant  la  lumière  et  modifiant  ses  teintes  sui- 
vant la  nature  des  corps  qui  l'ont  transmise. 

L'atmosphère  effectue  une  véritable  décomposi- 
tion des  rayons  lumineux,  réfléchit  les  bleus,  je 
laisse  traverser  par  le  rouge-orangé,  absorbe 
dans  ses  couches  inférieures  les  rayons  chimiques 
et  les  rayons  calorifiques  visibles  et  invisibles  qui 
y  maintiennent  une  température  supérieure  à  celle 
des  espaces  interplanétaires  et  favorable  à  l'exis- 
tence et  au  développement  des  êtres  organisés. 

L'action  réfléchissante  de  l'air  produit  encore 
d'autres  efi'ets  :  elle  nous  éclaire  avant  le  lever  du 
soleil  et  après  son  coucher.  Sans  elle,  le  jour  suc- 
céderait brusquement  à  la  nuit,  il  n'y  aurait  ni 
aurore,  ni  crépuscule.  Ces  derniers  phénomènes 
sont  si  bien  dus  à  la  diffusion  atmosphérique  que 
toutes  les  causes  qui  troublent  la  transparence 
de  l'air  les  favorisent.  Ainsi  dans  les  régions  po- 
laires où  l'air  contient  en  suspension  de  petits 
cristaux  do  neige  et  de  glace,  le  crépuscule  éclaire 
d'un  demi-jour  les  longues  nuits,  et  entre  les  tro- 
piques, au  contraire,  où  l'air  est  pur,  le  crépuscule 
est  si  court  qu'on  est  surpris  par  la  chute  subite 
du  jour. 

L'aurore  et  le  crépuscule  ont  une  autre  cause 
difi"érentc  de  la  diffusion  par  l'atmosphère,  c'est  la 
réfraction  *,  qui  dévie  les  rayons  lumineux  à  leur 
entrée  dans  un  milieu  plus  dense  que  celui  d'où  ils 
^iennent.  La  réfraction  nous  fait  jouir  plus  long- 
temps de  la  présence  des  astres  ;  elle  les  rend 
visibles  avant  qu'ils  ne  soient  à  l'horizon  et  encore 
après  qu'ils  l'ont  dépassé  à  leur  coucher.  Elle  change 
les  distances  apparentes  des  étoiles  et  par  suite  la 
forme  des  constellations  ;  c'est  elle"  qui  fait  paraître 
aplatis  le  soleil  et  la  lune  à  leur  lever  ou  à  leur 
coucher. 

Il  est  d'autres  effets  du  même  genre,  où  elle  ne 
joue  aucun  rôle,  mais  qui  sont  dûs  â  la  présence  de 
l'atmosphère  et  qui  ne  sont  pour  nous,  à  propre- 
ment parler,  que  des  illusions.  Ainsi  la  lune  ou 
le  soleil  paraissent  bien  plus  gros  près  de  l'horizon 
qu'au  zénith  et  cependant  ih  ont  le  même  diamè- 
tre dans  les  deux  positions,  comme  on  peut  d'ail- 
leurs s'en  assurer  par  des  mesures  directes.  Il  en 
est  de  même  des  étoiles,  leurs  distances  paraissent 
plus  considérables  et  les  constellations  plus  éten- 
dues quand  elles  sont  moins  élevées;  la  grande 
ourse  en  particulier  paraît  bien  plus  grande  l'hiver 
où  elle  est  très  bas  dans  l'espace  que  l'été  où  elle 
approche  du  zénith. 

On  donne  deux  raisons  de  ces  apparences.  La 
première,  c'est  que  nous  jugeons  de  la  grandeur  des 
objets  par  leur  diamètre  apparent  et  par  la  dis- 
tance à  laquelle  nous  les  supposons,  celle-ci  esti- 
mée par  les  corps  qui  se  trouvent  sur  la  même  di- 


ATiMOSPHÈRE 


—  227  — 


ATMOSPHERE 


rection.  Or  rien  ne  se  trouve  interposé  entre  l'œil 
et  l'astre  quand  celui-ci  est  au  zénith  :  tandis  qu'à 
l'horizon,  mille  objets,  maisons,  arbres,  monta- 
gnes, etc  ,  font  valoir  la  distance  et  font  juger  ins- 
tinctivement plus  grand. 

La  seconde,  c'est  la  forme  de  rideau  surbaissé 
que  prend  pour  nous  l'atmosphère,  et  où  les  astres 
paraissent  se  peindre  et  se  mouvoir,  d'autant  plus 
grands  qu'ils  semblent  plus  éloignés.  Nous  ne  pou- 
vons pas  distinguer  toutes  les  couches  de  l'atmos- 
phère ;  mais  les  rayons  de  l'horizon  qu'elle  nous 
envoie,  venant  d'une  plus  grande  profondeur  que 
ceux  du  zénith,  nous  devons  juger  ce  que  nous  ap- 
pelons la  voûte  céleste  plus  étendue  vers  ses  bords  ; 
sa  forme  apparente  est  un  effet  de  perspective  que 
tous  les  observateurs  ne  jugent  pas  de  la  même 
manière,  mais  qui  entraîne  pour  chacun  une 
fausse  interprétation  des  formes  et  des  distances. 

III.  Son  action  sur  les  agents  jj/iijxirjurs.  —  L'at- 
mosphère est  le  siège  de  nombreux  et  importants 
phénomènes  physiques  qui  ont  pour  causes  pre- 
mières la  chaleur,  la  vapeur  d'eau  et  l'électricité. 
On  les  nomme  plus  particulièrement  météores  et 
leur  étude  constitue  la  météorologie  fV.  ce   mot). 

La  production  constante  de  fluide  électrique,  sa 
présence  continue  dans  l'air,  ses  puissants  effets 
sous  forme  de  brillants  éclairs,  sont  traités  aux 
articles  Foudre,  Orages  et  Paratonnerre.  Toutes 
les  manifestations  de  la  vapeur  d'eau  sous  forme 
de  nnages*,  de  pluie', de  neige*,  sont  exposées  à 
ces  divers  mots.  La  distribution  de  la  chaleur,  son 
absorption  par  l'atmosphère,  sa  répartition  à  la 
surface  du  globe  suivant  les  latitude  s  et  suivant 
les  heures  du  jour  trouvent  leur  place  aux  articles 
Rationnement  et  Température.  Les  actions  combi- 
nées de  ces  différentes  causes,  la  corrélation  de 
leurs  effets,  les  phénomènes  journaliers  qui  en 
ré?ultent,  les  mouvenients  incessants  des  couches 
d'air  qui,  sous  le  nom  de  vent<t,  en  sont  les  consé- 
quences, sont  étudiés  dans  les  articles  spéciaux 
qu'indique  le  programme  du  cours  de  météoro- 
logie (V.  Météorologie'^,  et  en  particulier  aux 
mots  Courants,  Vents,  Tempêtes,  Baromètre,  Cli- 
mats, 

IV.  L'atmosphère  et  ses  agents  chimiqws.  — 
L'analyse  de  l'air  a  démontré  la  présence  constante 
de  l'oxygène  et  de  l'azote  '^V.  .•!«>);  mais  ces  deux 
corps  ne  constituent  pas  seuls  toute  la  masse  at- 
mosphérique, et  on  peut  supposer  à  priori,  comme 
l'avait  fait  Lavoisier,  que  l'atmosphère  doit  être  le 
mélange  de  toutes  les  substances  susceptibles  de 
rester  gazeuses  ou  de  se  dissoudre  dans  les  gaz 
déjà  existants.  On  y  constate  en  effet  un  assez  grand 
nombre  de  corps:  les  uns  ne  font  jamais  défaut, 
comme  l'acide  carbonique  et  la  vapeur  d'eau;  les 
autres,  comme  les  poussières  organiques, sont  des 
éléments  accidentels  qui  éprouvent  de  grandes  va- 
riations dans  leur  proportion  et  même  dans  leur 
origine . 

Acide  carbonique.  —  Les  sources  de  ce  gaz  sont 
nombreuses  et  puissantes  ;  les  combustions,  les 
décompositions  organiques  de  toutes  sortes,  la  res- 
piration des  animaux,  et  celle  des  plantes  dans 
l'obscurité,  les  émanations  des  volcans  et  de  cer- 
taines sources  en  jettent  constamment  dans  l'at- 
mosphère de  très  grandes  quantités.  Mais  la  pro- 
portion n'en  augmente  pas  sensiblement.  C'est  que 
l'eau,  la  rosée,  les  pluies  d'orage  en  dissolvent  une 
partie  qu'elles  enlèvent  à  l'atmosphère:  l'eau  des 
mers  en  prend  à  son  tour  une  grande  portion  qui 
se  minéralisé  en  formant  les  coquilles  ou  les  édi- 
fices calcaires  de  ces  myriades  de  polypiers,  si 
nombreux  qu'ils  élèvent  des  récifs  en  îles  comme 
des  portions  de  continents.  Les  végétaux  qui,  la 
nuit,  jettent,  comme  les  animaux,  de  l'acide  carbo- 
nique dans  l'air  où  ils  respirent,  ont  la  propriété 
de  s'emparer  de  cet  acide  le  jour,  de  le  décomposer 
sous  l'influence  de  la  lumière  ;  et  en  s'assimilant  le 


carbone  comme  leur  principal  aliment,  ils  resti 
tuent  l'oxygène.  Toutes  ces  causes  expliquent 
suffisamment  que  la  proportion  de  gaz  carbonique 
n'augmente  pas  dans  l'air,  et  elles  peuvent  rassurer 
pleinement  ceux  qui,comparant  l'attiiosplière  à  une 
enceinte  confinée,  craindraient  qu'à  une  époque 
ultérieure  l'air  n'y  devînt  irrespirable,  comme  le 
devient  celui  d'une  chambre  close  longtemps  habi- 
tée,. 

Élémeyits  accidentels.  —  Les  gaz  que  l'on  trouve 
accidentellement  dans  l'atmosphère  sont  nombreux 
et  variés.  Autour  des  volcans,  l'acide  sulfureux  et 
l'acide  chlorhydrique  ;  près  des  marais,  l'hydro- 
gène sulfuré  et  le  proto-carbure  d'hydrogène;  dans 
les  houillières,le  pernicieux  grisou,  dont  l'inflam- 
mation a  déjà  causé  tant  de  désastres  ;  un  peu 
partout  l'ammoniaque, qui  joue  pour  les  plantes  le 
rôle  d'un  puissant  engrais  et  dont  la  formation 
dans  l'air  est  attribuée  à  l'électricité  ;  aux  abords 
des  grandes  usines  industrielles,  des  vapeurs,  des 
poussières  métalliques  ou  des  corpuscules  orga- 
niques qui  contribuent  à  vicier  l'air. 

Mais  une  cause  d'altération  plus  générale,  plus 
pernicieuse,  et  contre  laquelle  on  ne  peut  pas  fa- 
cilement se  garantir,  c'est  cette  production  im- 
mense de  miasmes  (V.  Ferments),  qui  a  lieu 
partout  où  des  matières  organiques  animales  ou 
végétales  s'altèrent,  se  putréfient  sous  la  double 
influence  de  la  chaleur  et  de  l'humidité. 

C'est  surtout  dans  les  régions  tropicales  qu'elle 
agit  sur  la  plus  grande  échelle,  là  où  les  débris 
d'une  puissante  végétation  se  trouvent  continuel- 
lement dans  des  conditions  d'humidité  et  de  cha- 
leur favorables  à  leurs  transformations  D'après 
les  travaux  de  M.  Pasteur,  il  est  difficile  de  trouver 
un  litre  d'air  qui  ne  contienne  pas  des  milliers 
de  ces  microscopiques  parcelles  de  matières  orga- 
niques qu'on  a  appelées  des  microbes, des  germes, 
des  ferments,  et  qui  paraissent  être  la  cause  directe 
d'un  grand  nombre  de  phénomènes  jusqu'alors 
inexpliqués. 

C'est  ainsi  que,  d'après  ce  savant,  les  fermenta- 
tions de  toutes  sortes,  les  altérations  ou  transfor- 
mations des  vins,  et  peut-être  un  grand  nombre 
de  maladies  des  hommes  ou  des  animaux  sont  dues 
aux  actions  énergiques  qu'exercent  ces  infiniment 
petits  sur  les  milieux  où  ils  se  trouvent.  Quand  on 
refléchit  qu'ils  sont  répandus  à  profusion  partout, 
on  e.st  moins  étonné  que  la  vie  de  l'homme  soit 
précaire  dans  le  voisinage  des  endroits  où  ils  pren- 
nent spécialement  naissance,  près  des  marécages 
où  leur  action  pernicieuse  s'ajoute  à  celle  des  gaz 
délétères  pour  produire  ces  fièvres  bien  connues  des 
pays  marécageux  dont  on  prend  le  germe  dans  l'air 
malsain  qu'on  respire. 

Ozo7ie  de  l'air.  —  En  1840,  M.  Schœnbein  a  dé- 
couvert que  quand  de  l'air  est  électrisé  par  un 
très  grand  nombre  d'étincelles  électriques, il  se 
forme  un  corps  dont  la  présence  se  révèle  par 
cette  odeur  connue  qui  se  répand  autour  des  ma- 
chines électriques  fonctionnant  bien.  11  a  appelé  ce 
corps  ozone,  ce  qui  veut  dire  «  odorant».  L'ozone  a 
été  l'objet  de  nombreuses  études  de  la  part  de  plu- 
sieurs savants  d'un  grand  mérite  ;  on  le  considère 
comme  un  état  particulier  de  l'oxygène,  mais  on 
n'est  pas  encore  parfaitement  fixé  sur  sa  nature. 

On  a  pu  l'obtenir  autrement  que  par  l'électrisa- 
tion  de  l'oxygène  de  l'air. 

Ainsi,  il  se  développe  de  l'ozone  quand  on  fait 
passer  un  courant  d'air  très  lent  sur  des  bâtons  de 
phosphoro  humidr>. 

Lorsqu'on  expose  au  soleil  un  flacon  rempli  en 
partie  seulement  d'essence  de  térébenthine  et  qu'on 
agite  ensuite  le  flacon,  il  se  produit  del'ozone  daDS 
l'air  qui  est  au-dessus  du  liquide. 

La  propriété  saillante  de  l'ozone,  outre  son  odeur 
particulière  et  forte,  c'est  une  activité  chimique  bien 
plus  grande  que  celle  de  l'oxygène.  Ainsi  il  trans- 


ATTRACTION 


—  228  — 


ATTRACTION 


forme  le  phosphore  on  acide  phosphorique  ;  on 
présence  d'une  base  énergique,  il  forme  de  l'acide 
azotique  avec  l'azote  ;  il  transforme  l'animoniaquc 
en  azotate,  détruit  rapidement  le  caoutchouc,  dé- 
colore l'indigo  et  le  tournesol. 

Il  dégage  l'iode  do  ses  combinaisons  et  peut  par 
suite  lui  faire  bleuir  l'empois  d'amidon  (V.  Fd- 
ciile). 

M.  Schœnbein  s'est  appuyé  sur  cette  réaction 
pour  préparer  un  papier  ozonométrique  que  tout  le 
monde  peut  faire  et  peut  employer  à  la  constatation 
de  l'ozone  dans  l'atmosphère.  Ce  papier  s'obtient  en 
plongeant  des  feuilles  de  papier  à  lettre  dans  une 
dissolution  faite  à  chaud  de  100  grammes  d'eau 
distillée  ,  1  gramme  d'iodure  de  potassium  et 
10  grammes  d'amidon;  on  laisse  sécher  ces  feuilles 
et  on  les  découpe  en  bandelettes  pour  l'usage. 

Une  de  ces  bandes,  placée  à  l'air,  bleuit  avec  d'au- 
tant plus  d'intensité  que  la  quantité  d'ozone  est 
plus  considérable  ;  et  si  on  la  compare  à  une  feuille 
peinte  de  diverses  nuances  allant  du  blanc  au  bleu 
et  formant  une  échelle  comparative,  on  peut  noter 
d'un  chiffre  l'état  de  l'atmosphère  au  point  de  vue 
de  l'ozone  qui  s'y  révèle  au  moment  de  l'expé- 
rience. 

Ces  recherches  font  aujourd'hui  partie  des  ob- 
servations météorologiques,  c'est  à  ce  titre  que 
nous  les  avons  décrites. 

Nous  ne  pouvons  nous  étendre  davantage  sur  ce 
singulier  corps  dont  l'étude  est  loin  d'être  complète; 
tout  ce  que  nous  ajouterons,  c'est  que  dans  certai- 
nes circonstances  il  prend  naissance  dans  l'air 
atmosphérique,  qu'il  y  existe  très  irrégulièrement 
disséminé, mais  toujours  en  petite  quantité. 

Peut-être  jouc-t-il  un  rôle  très  important  dans 
l'action  physiologique  de  l'air  où  il  agii>ait  comme 
destructeur  des  miasmes  et  des  gaz  méphitiques 
qui  existent  en  tous  pays  et  plus  particulièrement 
en  temps  d'épidémie  ?  C'est  ce  qu'ont  pensé  des 
savants  de  la  plus  grande  compétence,  mais  sans 
que  jusquici  l'expérience  ait  pu  éclairer  complète- 
ment cette  question  à  laquelle  l'hygiène  publique 
est  si  intéressée.  [Haraucourt.J 

ATTRACTION.  —  Physique,  III  ;  Cosmogra- 
phie, XII.  —  [Étym.:  du  latin  attrahere,  attirer.)  On 
donne  le  nom  général  d'attraction  à  la  cause  en 
vertu  de  laquelle  les  corps  tondent  à  se  porter  les 
uns  vers  les  autres,  les  molécules  de  la  matière  à 
s'attirer  mutuellement.  Cette  cause,  on  n'en  con- 
naît pas  la  nature,  mais  ses  effets  sont  manifestes 
sur  tous  les  corps  :  sur  les  astres  qui  se  meuvent 
comme  attirés  les  uns  parles  autre»;  sur  tous  les 
objets  qu'on  abandonne  à  eux-mêmes  et  qui 
tombent  vers  la  surface  de  la  terre  ;  sur  les  plus 
petites  particules  dos  corps  solides,  si  fortement 
soudées  qu'il  faut  un  effort  pour  les  séparer  ;  sur 
les  atomes  invisibles  des  gaz  qui  se  précipitent 
les  uns  sur  les  autres  dans  leurs  combinaisons  et 
dont  le  choc  est  souvent  assez  puissant  pour  en- 
gendrer et  de  la  chaleur  et  de  la  lumière.  L'at- 
traction est  donc  une  propriété  générale  de  la 
matière  existant  dans  les  corps  on  mouvement 
comme  dans  les  corps  en  repos. 

Quand  on  la  considère  s'exerçant  entre  les 
corps  célestes,  on  lui  donne  le  nom  de  gravita- 
tion. Elle  prend  celui  de  pesanteur  dans  le  cas  où 
elle  a  lieu  entre  la  terre  et  les  corps  voisins  de  sa 
surface.  On  l'appelle  a^^rac//o7î  tnolécii/aire  quand 
elle  agit  entre  les  plus  petites  particules  des  corps 
simples  ou  composés, 

L idée  dune  action  attractive  de  la  matière  pour 
la  matière  remonte  à  une  époque  très  reculée.  On 
la  trouve  dans  les  doctrines  de  quelques  philosophes 
grecs,  Démocrite  et  Épicure,  mais  sous  la  forme 
vague  d'une  action  indéterminée  retenant  toutes  les 
parties  les  unes  aux  autres  dans  les  corps  sphé- 
riques  en  mouvement.  Il  faut  venir  jusqu'au  xviie 
siècle,  à   «vépler,  pour  trouver  la  notion  de  l'attrac- 


tion réciproque  entre  le  soleil,  la  terre  et  les  pla- 
nètes; encore  n'était-ce  qu'une  conjecture-  que  ce 
savant  «  contemplateur  »  déduisait  des  lois  simples 
qu'il  venait  de  formuler  sur  les  mouvements  des 
planètes,  (^est  à  Newton  que  revient  l'honneur 
d'avoir  trouvé  et  défini  la  cause  dont  Képlin-  avait 
si  bien  su  comprendre  les  effets,  d'avoir  formulé 
le  principe  de  l'attraction  universelle  comme  une 
vérité  scientifique,  après  en  avoir  donné  une  véri- 
table démonstration  ;  et  l'œuvre  de  ce  puissant 
génie  est  considérée  comme  l'une  des  plus  belles 
que  l'esprit  humain  ait  jamais  produites. 

Newton  a  formulé  la  loi  do  l'attraction  de  la  ma- 
nière suivante  :  les  corps  s'aitirent  en  raison  di- 
recte de  leurs  7nasses  et  en  r>iison  inverse  des 
carrés  des  dist/inccs  qui  les  séparent.  Cette  loi 
s'applique  aux  mouvements  des  astres  s'attirant 
les  uns  les  autres  et  gravitant  tous  autour  du 
soleil  leur  centre  commun  ;  elle  permet  de  prévoir 
les  perturbations  provenant  de  leurs  actions  mu- 
tuelles et  de  prédire  longtemps  à  l'avance  lenrs 
positions  respectives. 

Elle  s'apphque  également  à  toutes  les  actions  de 
la  pesanteur  qui  n'en  sont  que  des  cas  particu- 
liers (V.  Pesanteur}.  Elle  rend  admirablement 
compte  des  variations  de  la  force  attractive  de  la 
terre  mesurée  à  la  surface  de  l'équatour  au  pôle, 
et  dont  les  différences  sont  dues  à  l'aplutissement 
de  notre  globe.  Elle  explique  la  déviation,  observée 
par  Bouguer  et  Maskeline,  que  le  fil  h  plomb  subit 
au  voisinage  des  grandes  montagnes  ;  en  un  mot, 
elle  permet  de  conclure  que  la  chute  des  corps 
est  une  des  formes  sous  lesquelles  se  manifeste 
à  nous  l'attraction  universelle.  Elle  a  d'ailleurs  été 
vérifiée  à  l'aide  d'une  expérience  directe,  par 
Cavendish  et  plusieurs  autres  expérimentateurs 
qui  ont  montré  qu'à  la  surface  de  la  terre  les 
corps  voisins  se  portent  en  effet  les  uns  vers  les 
autres  quand  on  atténue  suflisamment  les  résis- 
tances (jui  s'opposent  à  leurs  mouvements. 

Vattraction  moléculaire  s'exerçant  entre  les 
plus  petites particul(;s  de  la  matière  dont  la  réunion 
constitue  les  corps,  prend  le  nom  de  cohésion 
quand  elle  unit  des  atomes  simples  ou  complexes 
mais  semblables,  et  celui  d'affinité  quand  elle  fixe 
les  uns  aux  autres  des  atomes  dissemblables.  Toutes 
les  réactions  chimiques  mettent  en  jeu  l'affinité, 
c'est-à-dire  l'attraction  particulière  de  deux  corps 
simples  qui  vont  former  un  corps  composé.  La 
cohésion  peut  être  mise  en  évidence  entre  les  por- 
tions d'un  même  solide  dans  quelques  cas  particu- 
liers. Si  l'on  enlève  une  portion  de  deux  balles  de 
plomb  de  manière  à  obtenir  deux  surfaces  planes 
bien  nettes  que  l'on  appuie  fortement  l'une  contre 
l'autre,  les  deux  balles  adhèrent  avec  tant  de  force 
(ju'il  faut  quelquefois  un  effort  de  plusieurs  kilo- 
grammes pour  les  séparer.  La  cohésion  des  so- 
lides pour  les  liquides  n'est  pas  moins  nette  : 
une  goutte  de  liquide  suspendue  à  une  baguette 
de  verre  ne  s'en  détache  que  lorsqu'elle  est  deve- 
nue suffisamment  pesante,  et  la  séparation  se  fait 
entre  les  molécules  du  liquide,  puisque  le  verre 
reste  mouillé. 

Expériences.  —  1.  Souder  deux  morceaux  de 
cire,  ou  d'argile  humide,  ou  de  caoutchouc  par 
leurs  surfaces  fraîchement  coupées. 

2.  Poser  deux  glaces  ou  deux  plans  de  marbre 
bien  dressés  l'un  sur  l'autre  et  constater  qu'il  faut 
un  effort  pour  les  séparer. 

d.  Suspendre  à  l'un  des  plateaux  d'une  balance, 
une  lame  circulaire  horizontale,  lui  faire  équilibre  ; 
apporter  au-dessous  d'elle  un  vase  d'eau  qui  la 
mouille  et  constater  qu'il  faut  dans  l'autre  pla- 
teau des  poids  assez  forts  pour  la  séparer  du 
liquide. 

■i.  Vérifier  qu'une  goutte  de  mercure  adhère 
à  une  lame  de  verre,  tandis  qu'elle  roule  sur  le 
papier.  En  approcher  deux  pointes  de  verre  oppo- 


AUSTRALIE 


—  229  — 


AUSTRALIE 


sces,  la  goutte  reste  suspendue  entre  elles  et  s'al- 
longe, montrant  ainsi  que  sa  cohésion  pour  le 
verre  l'emporte  sur  sa  tendance  à  prendre  la 
forme  sphérique.  [Haraucourt.] 

.ArSTKALIE.  —  Géographie  générale,  VI.  — 
[Êtym.:  terre  australe,  pays  du  sud).  —  1.  Notions 
générales.  —  Le  nom  d'Australie  s'applique,  en 
particulier,  à  la  Nouvelle-Hollande,  grande  lie 
située  au  sud  de  l'équateur,  entre  la  mer  des 
Indes  b.  l'ouest,  et  le  grand  océan  Pacifique,  à 
l'est;  et  en  général  à  l'ensemble  des  îles  ou  terres 
dont  cette  grande  île  est  le  centre. 

Histoire  de  sa  découverte.  —  C'est  à  juste  titre 
C(ue  l'on  avait  donné  le  nom  de  Nouvelle-Hollande 
\\  cette  terre,  entrevue  par  les  Portugais  au 
XVI*  siècle,  mais  dont  la  vraie  découverte  ne  fut 
faite  qu'au  siècle  suivant  par  les  Hollandais,  déjà 
maîtres  de  l'archipel  de  la  Sonde,  qui  sépare  au 
nord  l'Australie  du  continent  asiatique. 

Les  côtes  orientales  seules  étaient  restées  en 
dehors  de  leurs  explorations  et  furent  visitées  vers 
la  fin  du  wiii»  siècle  parle  capitaine  anglais,  Cook. 
Quelques  années  plus  tard,  le  gouvernement  bri- 
tannique se  mit  ;\  y  déporter  les  convicts,  ou  cri- 
minels condamnés  à  la  transportation.  Ce  fut  là 
l'origine  des  colonies  anglaises  qui  couvrent  au- 
jourd'hui cette  île  assez  grande  peur  être  quel- 
quefois appelée  le  3=  continent. 

AtJTBES    ILES     DÉPENDANT     DE    l'AuSTRALIE.    —     La 

Nouvelle-Hollande  est  séparée  au  nord  de  la  Nou- 
velle-Guinée par  le  détroit  de  Torrès,  et  au  sud  de 
la  Tasmanie  par  le  détroit  de  Bass.  Dans  le  sud- 
ouest  s'étend  l'archipel  de  la  Nouvelle-Zélande. 
Toutes  les  terres  que  nous  venons  de  nommer  et 
les  îles  nombreuses  qui  relient  la  Nouvelle-Zélande 
à  la  Nouvelle-Guinée,  îles  qui  portent  le  nom  gé- 
néral de  Mélancsie,  à  '.^ause  des  nègres  qui  les 
habitent,  appartiennent  à  la  partie  de  l'Océanie 
qu'on  nomme  Australie.  On  y  rattache  même 
quelquefois, à  l'ouest  de  la  Nouvelle-Guinée  et  au 
nord  de  la  ÎVouvelle-Hollande,  les  Moluquos  et  les 
petites  îles  de  la  Sonde,  sauf  Bali  qui  touche  Java, 
parce  que  ces  îles  Malaises  possèdent  la  même 
flore  et  la  même  faune  que  l'Australie,  tandis 
qu'elles  présentent  sous  ce  rapport  une  différence 
très  marquée  avec  les  grandes  îles  de  la  Sonde, 
Bornéo,  les  Philippines  et  le  continent  asiatique, 
qui,  au  point  de  vue  de  l'histoire  naturelle,  doivent 
être  réunis  en  un  même  groupe. 

2.  Géographie  physique  de  la  Nou\elle-Hol- 
l£mde.  —  SitK/iti07i.  —  L'Australie  proprement  dite 
est  comprise  entre  11°  et  '.)'.)"  de  latitude  sud  et  1 1 1  " 
et  152"  de  longitude  est  de  Paris. 

Dimensio7is.  —  Elle  est  plus  large  de  l'est  à 
l'ouest  (iOOO  kilomètres)  que  du  nord  au  sud 
(3000  kilomètres). 

Superficie.  —  Elle  a  7,COO,000  kilomètres  carrés, 
c'est-à-dire  qu'elle  couvrirait  quatorze  fois  la  France 
ou  les  3/4  de  l'Europe. 

Cotes,  caps  et  golfes  pnixciPArx.  —  Cote  méri- 
dioJiale.  —  L'Australie  présente  la  forme  d'un 
croissant  dont  la  concavité  regarde  au  sud.  Dans 
sa  partie  occidentale,  toute  cette  côte  méridionale 
de  l'Australie  est  basse,  sans  abris  pour  les  naviga- 
teurs qui  la  désertent  de  même  que  les  colons. 
Entre  133°  et  136'  de  longitude  est  de  Paris,  elle 
forme  deux  golfes  profonds  voisins  l'un  de  l'autre,  le 
golfe  de  Spencer  à  l'ouest,  et  le  golfe  Saint-Vincent 
à  l'est.  Près  de  ce  dernier  débouche  le  fleuve 
Murray.  le  seul  important  de  toute  l'Australie. 

Côte  orientale.  —  Du  côté  de  l'océan  Pacifique,  la 
côte  est  d'abord  bordée  de  près  par  la  chaîne  des  Alpes 
australiennes.  C'est  la  région  la  plus  hospitalière 
de  toute  la  Nouvelle-Hollande,  sous  le  rapport  du 
climat,  et  des  nombreux  ports  qu'y  trouvent  les 
navigateurs.  C'est  là  qu'a  été  fondée  la  première 
colonie  anglaise.  Au  nord  du  tropique,  au  contraire, 
la  côte  est  bordée  à  peu  de  distance  en  mer  par 


une  barrière  de  corail  qui  offre  de  dangereux  ré- 
cifs aux  navigateurs. 

Côte  septentrionale.  —  Du  côté  du  nord,  on  re- 
marque la  péninsule  d'Yot^k,  puis  le  golfe  profond 
de  Cai^entarie,  et  enfin  le  territoire  de  l'Australie 
septentrionale  où  vient  aboutir  le  fil  télégraphique 
qui  traverse  du  sud  au  nord  toute  l'Australie, 
parce  que  c'est  le  point  le  plus  rapproché  des  éta- 
blissements anglais  de  l'Asie,  où  il  rejoint  les 
câbles  rattachés  à  l'Europe. 

Orographie  et  hydrogr.^phie.  —  Alpes  d'Austra- 
lie. Versant  oriental.  —  Une  chaîne  de  montagnes, 
peu  distante  do  l'Océan,  borde  la  côte  sud-est  de 
la  Nouvelle-Hollande.  On  les  appelle  Alpes  d'Aus- 
tralie et  aussi  Montagnes  bleues.  Elles  ne  versent 
à  l'est  que  des  torrents  rapides  et  de  peu  d'étendue. 
Mais  ils  suffisent  pour  entretenir  sur  tout  ce  littoral 
une  végétation  active  qui  devient  de  plus  en  plus 
belle  à  mesure  qu'on  se  rapproche  de  l'équateur. 
Les  Alpes  d'Australie  ne  portent  point  de  glaciers 
comme  nos  Alpes  d'Europe,  elles  ne  sont  poinî 
aussi  élevées  (leurs  sommets  principaux  ne  dé- 
passent point  l'OOO  mètres  d'altitude).  Aussi  ne 
sont-elles  point  de  grands  réservoirs  d'humidité. 

Versajit  occidental.  —  Sur  leur  versant  occi- 
dental, beaucoup  de  rivières  ne  coulent  point  d'une 
manière  continue.  Ce  même  versant  est  aussi  ca- 
ractérisé par  la  faiblesse  de  la  pente,  qui  fait 
qu'au  moment  des  pluies  les  eaux,  au  lieu  de 
s'écouler  vers  l'océan,  se  répandent  en  vastes  ma- 
rais. Le  Murray  e.st  le  fleuve  le  plus  considérable 
de  cette  région.  11  reçoit  du  nord-est  plusieurs 
affluents  venus  des  mêmes  montagnes.  Le  plus 
important  par  la  longueur  de  son  cours,  et 
l'abondance  de  ses  eaux,  le  Darwin,  est  seul  ca- 
pable avec  le  Murray  de  porter  des  bateaux  à  va- 
peur. Aussi  la  colonisation  se  porte-t-elle  active- 
ment sur  leurs  rives. 

Bassin  ceiitral.  —  Au  nord-ouest  du  Darwin,  les 
eaux  venues  du  Queensland,  forment  un  autre 
cours  d'eau  assez  long,  le  Victoria,  qui  n'est  pas 
assez  puissant  pour  gagner  la  mer  du  sud  vers 
laquelle  sa  pente  est  dirigée.  Il  finit  dans  un  fond 
marécageux  situé  au  nord  du  golfe  Spencer,  où 
l'on  a  longtemps  figuré  sur  les  cartes  un  vaste  lac 
allongé  de  plusieurs  degrés  du  nord  au  sud.  On  y 
distingue  maintenant  plusieurs  lacs  voisins  dont 
les  lacs  Eyre,  Torrens  et  Gairdner  sont  les  princi- 
paux. Leur  étendue  varie  suivant  l'abondance  des 
pluies  qu'ils  reçoivent,  et  leurs  bords  sont  couverts 
des  sels  qu'y  déposent  leurs  eaux. 

Australie  occidentale.  —  L'exploration  de  l'Aus- 
tralie est  trop  peu  avancée  pour  qu'on  puisse  fixer  les 
limites  des  versants  entre  lesquels  elle  se  partage  ; 
les  fleuves  dont  on  connaît  l'eniboucliure  sont  assez 
peu  considérables.  Toute  la  partie  occidentale  du 
continent  est  caractérisée  par  une  sécheresse  plus 
grande  encore  que  partout  ailleurs.  On  y  a  trouvé 
quelques  montagnes  d'un  millier  de  mètres.  L'alti- 
tude moyenne  du  sol  y  est  d'environ  500  ou 
GOO  mètres.  Gomment  des  rivières,  qui  reçoivent 
du  ciel  une  si  petite  quantité  d'eau,  et  qui  ont  à 
par-courir  lentement  de  si  grandes  distances  avant 
d'atteindre  l'Océan,  pourraient-elles  être  considé- 
rables? 

Climat.  —  Du  noi-d  nu  sud,  la  zone  méridionale 
depuis  l'Océan  jusqu'au  37''  degré  de  latitude 
semble  apte  à  la  colonisation.  On  ne  peut  cultiver 
de  céréales  que  jusque  vers  le  32>-"  de  latitude  sud. 
Au  nord  de  cette  ligne,  le  sol  se  recouvre,  à  la  suite 
des  pluies,  de  pâturages  qui  nourrissent  d'immenses 
troupeaux.  Vient  ensuite  une  zone  large  de  10°  en- 
viron en  latitude,  où  l'on  ne  rencontre  plus  de  cours 
d'eau  permanents,  et  où  le  sol  ne  produit  guère 
qu'une  herbe  grossière,  dite  herbe  à  porc-épic. 
L'absence  d'humidité  y  est  telle  que  des  voyageurs 
y  ont  retouvé  la  trace  do  leurs  pas  inaltérée  au 
bout  d'une  année.  Enfin  au  nord  on  entre  dans  la 


AUSTRALIE 


—  i30  — 


AUSTRALIE 


région  des  pluies  tropicales,  où,  grâce  à  rimmidité 
et  à  la  clialcur  du  soleil,  le  sol  se  revêt  d'une  riclio 
végétation. 

3.  Indigènes  australiens.  —  Les  naturels  qu<' 
rencontrèrent  les  premiers  explorateurs  européens 
sont  des  nègres  qui  peuvent  être  placés  à  l'un  des 
derniers  écliolons  de  l'espèce  humaine.  Couverts 
de  poils  sur  tout  leur  corps  comme  les  animaux, 
ils  ne  savaient  ni  construire  des  maisons,  ni  se  fa- 
briquer des  armes  autrement  qu'en  pierre,  en  bois 
ou  en  os.  Vivant  de  chasse  et  de  pêche,  ou  des 
racines  qu'ils  trouvaient,  ils  ne  se  donnaiei4  pas 
la  peine  de  cuire  leurs  aliments.  On  rencontre 
toutefois  des  indigènes  qui,  s'ils  appartiennent  à 
la  même  race  que  les  premiers,  sont  toutefois 
moins  repoussants.  Ils  forment  des  espèces  de 
clans  cantonnés  sur  certains  terrains,  respectant  le 
territoire  de  leurs  voisins  et  observant  une  sorte 
de  morale.  Ils  sont  susceptibles  d'être  initiés  aux 
travaux  dos  Européens  et  do  se  rendre  utiles.  Ils 
apprennent  et  parlent  facilement  l'anglais.  Mais 
barbares  ou  civilisables,  les  indigènes  australiens 
sont  appelés  à  disparaître  entièrement  comme 
toutes  les  races  inférieures  le  font  devant  la  colo- 
nisation anglo-saxonne.  Leur  nombre  va  toujouis 
en  diminuant.  En  Tasmanie,  on  n'en  compte  même 
plus  un  seul. 

4.  Productions  de  l'Australie,  —  Animaux  par- 
ticuliers. —  Les  Européens  virent  à  leur  arrivée 
en  Nouvelle-Hollande  des  animaux  particuliers 
à  ce  continent  ;  des  kangourous,  mammifères  re- 
marquables par  leur  poche,  des  ornithorhynques, 
sorte  de  grands  mammifères  à  bec  de  canard,  des 
dingos  ou  chiens  sauvages,  de  nombreuses  espèces 
de  perroquets.  Mais  il  ne  s'y  trouvait  ni  rumi- 
rrants,  ni  pachydermes,  ni  quadrumanes. 

Troupeaux.  —  C'est  en  177G  que  l'on  introduisit 
dans  la  colonie  cinq  brebis  et  trois  béliers  mérinos 
achetés  au  Cap,  et  d'où  proviennent  les  immenses 
troupeaux  que  possèdent  aujourd'hui  les  éleveurs 
austi'aliens.  En  187.3,  on  ne  comptait  pas  dans  la 
Nouvelle-Hollande  et  la  Tasmanie  réunies  moins 
de  51,000,000  de  moutons  fournissant  à  l'exporta- 
tion 182,  nOO,  000  de  livres  de  laine  valant 
450.000,000  de  francs.  Les  bœufs,  les  chevaux,  les 
porcs  sont  également  d'origine  étrangère.  Leur 
nombre  va  en  s'accroissant  très  rapidement,  et  il 
serait  encore  plus  considérable  si,  dans  les  années 
de  sécheresse,  où  les  pâturages  font  défaut,  on 
n'était  obligé  d'en  tuer  un  grand  nombre.  Il  y  a  en 
Australie  des  squ'itters  (on  appelle  ainsi  les  pro- 
priétaires de  troupeaux  qui  font  parquer  leurs 
bestiaux  sur  des  terres  qui  leur  sont  concédées) 
dont  les  troupeaux  s'élèvent  à  plusieurs  centaines 
de  mille  têtes.  Les  laines,  le  suif,  les  peaux  sont 
les  principaux  produits  de  cet  élevage  dont  la 
viande  ne  trouverait  pas  encore  assez  de  consom- 
mateurs sur  place.  Pour  suppléer  à  ce  désavantage 
on  expédie  en  Europe  une  assez  grande  quantité 
de  viandes  conservées  en  boites.  Rien  de  curieux 
comme  les  immenses  runs,  parcs  palissades  où  les 
bestiaux  sont  abandonnés  à  eux-mêmes.  Les  ber- 
gers à  cheval  surveillent  la  palissade  ou  rassemblent 
les  animaux  au  moment  de  la  tonte.  D'autres  fois, 
le  troupeau  est  partagé  par  fractions  dont  chacune 
est  confiée  à  un  berger  qui  chaque  soir  fait  ren- 
trer ses  bêtes  dans  un  parc  analogue  à  ceux  de  nos 
fermiers. 

Agriculture.  —  Mais  l'Australie  n'est  pas  suscep- 
tible de  fournir  seulement  des  terrains  à  pâtures. 
Dans  les  terres  les  plus  humides,  les  produits  de 
l'agriculture  sont  énormes  en  raison  de  la  nature 
presque  vierge  des  terres  ensemencées.  Le  froment 
y  rend  42  hectolitres  par  hectare,  le  double  de  ce 
que  donnent  les  meilleures  terres  de  France.  Aussi 
les  colonies  australiennes  possèdent  une  quantité 
considérable  de  bétail  par  rapport  à  l'étendue 
exploitée,  l'our  lOUO  hectares,  on  compte  478  che- 


vaux, près  de  .3000  têtes  de  gros  bétail,  et  plus  do 
'tiio  porcs.  C'est  4  fois  autant  de  chevaux,  8  fois 
autant  de^  gros  bétail,  12  fois  autant  de  porcï 
que  les  États-Unis  d'Amérique  (Vivien  de  Saint- 
Alartinj.  Cette  fertilité  séduit  naturellement  les 
colons  toujours  disposés  à  empiéter  sur  le  domaine 
des  squatters  pour  le  défricher.  Ceux-ci  de  leur 
côté  tiennent  à  garder  pour  eux  les  terres  où  les 
pâturages  sont  les  plus  abondants.  C'est  li  l'ori- 
gine de  la  lutte  entre  l'élément  pastoral  représenté 
par  les  squatters  et  l'élément  agricole  représente 
par  les  colons.  Au  reste  dès  que  ceux-ci  sortent 
de  la  zone  étroite  du  littoral,  dont  nous  avons 
parlé,  la  sécheresse  devient  telle  que  leurs  frais 
de  semence  et  de  culture  ne  sont  pas  couverts  par 
la  maigre  récolte  qu'ils  obtiennent.  Le  froment,  le 
maïs,  l'avoine  et  l'orge  forment  les  principales  cé- 
réales cultivées,  au  produit  desquelles  s'ajoute 
maintenant  une  récolte  de  vins  assez  abondante. 
Outre  ces  productions  analogues  à  celles  de  nos 
climats,  on  cultive  maintenant  dans  l'Australie 
septentrionale,  la  canne  à  sucre  et  le  coton,  h.  l'aide 
des  coolies  chinois. 

Forêts.  —  Les  forêts  comprennent  surtout  des 
arbres  à  gomme.  On  doit  â  l'Australie  ïeucalyptus 
dont  l'introduction  est  si  bienfaisante  sous  tous  les 
climats  où  la  gelée  ne  le  fait  pas  périr  durant 
l'hiver.  Malgré  sa  croissance  excessivement  rapide, 
il  atteint  des  dimensions  considérables  (Il  y  en  a  en 
Australie  de  150  mètres  de  hauteur,  et  dans  les 
terres  chaudes  et  fertiles  de  la  Colombie,  dans 
l'Amérique  méridionale,  des  eucalyptus  plantés 
depuis  3  ans  atteignent  déjà  15  mètres  de  hauteur) 
et  fournit  un  bois  très  dur  excellent  pour  les  con- 
structions. Il  donne  une  essence  dont  les  proprié- 
tés fébrifuges  sont  utilisées  en  médecine,  et  les 
localités  désolées  par  les  fièvres  sont  elles-mêmes 
purifiées  et  assainies  très  rapidement  par  des  plan- 
tations d'eucalyptus.  Il  rend  sous  ce  rapport  d'im- 
menses services  en  Algérie,  en  Italie,  dans  le  midi 
de  la  France. 

Mines.  —  Mais  ce  qui  a  fait  surtout  la  réputa- 
tion et  la  fortune  de  l'Australie,  Jusqu'à  ce  jour, 
c'est  la  richesse  de  ses  mines  d'or.  Sous  le  rapport 
géologique,  la  Nouvelle-Hollande  oft're  les  mêmes 
terrains  que  l'Europe  ou  l'Amérique,  et  doit  ren- 
fermer les  mêmes  métaux  divers.  Newcastle,  dang 
la  Nouvelle-Galles,  possède  de  riches  mines  de 
houille,  l'Australie  méridionale  renferme  des  gise- 
ments de  cuivre.  Entre  1840  et  1850,  on  découvrit 
dans  les  montagnes  du  sud  des  gisements  aurifères 
dont  la  richesse  attira,  dès  que  le  bruit  s'en  fut 
répandu,  des  bandes  considérables  d'immigrants 
et  d'aventuriers  de  toute  espèce.  Ce  fut  k\  la  prin- 
cipale cause  d'accroissement  rapide  de  la  popu- 
laiion.  Bien  que  l'importance  de  cette  exploita- 
tion ait  aujourd'hui  diminué,  l'exportation  des 
métaux  précieux  s'élève  encore  environ  à  250  mil- 
lions par  an. 

5.  Géographie  politique.  —  Les  convicts.  — Dans 
le  principe  ce  fut  la  présence  des  convicts  qui  per- 
mit à  la  colonie  anglaise  de  vivre  et  de  se  dévelop- 
per. Plus  tard  la  quantité  des  immigrants  et  l'ac- 
croissement local  de  la  population  ont  suffi  pour  la 
faire  prospérer. 

l'ormation  des  colo7iies  actuelles.  —  La  Nouvelle- 
Galles  s'est  morcelée  à  mesure  que  le  développe- 
ment du  nombre  des  colons  et  l'exploration  du 
continent  permettait  de  nouveaux  établissements. 
Aujourd'hui  la  Nouvelle-Hollande  est  divisée  en  cinq 
colonies  :  la  Xourelle-Galles  et  ]'ictoria,  au  S.  E.; 
le  Queensland, kVE.;  V Australie  méridionale,  au  S.: 
r.,4.  occidentale,^  rO.L'Au.stralie  septentrionale  est 
rattachée  à  l'Australie  méridionale,  dont  le  terri- 
toire traverse  ainsi  du  S.  au  N.  toute  l'étendue  du 
continent.  La  Tasuianie  forme  une  sixième  colonie. 

Gouvernement.  —  Ces  diverses  colonies,  à  l'ex- 
ception de  l'Australie  occidentale,  ont  obtenu  do 


AUSTRALIE 


—  231 


AUSTRALIE 


l'Angleterre  de  se  gouverner  elles-mêmes.  La  mé- 
tropole se  borne  à  y  envoyer  un  gouverneur  qui  y 
joue  le  rôle  de  souverain  constitutionnel.  Il  est 
entouré  de  deux  Chambres,  représentant  la  Cham- 
bre haute  et  la  Chambre  des  communes  du  gou- 
vernement de  la  Grande-Bretagne.  La  première  est 
nommée  suivant  des  systèmes  différents  dans  cha- 
nuc  colonie  ;  la  deuxième  tire  son  origine  du  suf- 
frage universel. 

Villes  principales.  —  Melbourne,  la  métropole  de 
Victoria,  la  plus  riche  des  colonies  en  mines  d'or, 
compte  déjà  plus  200,000  habitants,  lit  où  il  y  a 
cinquante  ans  ne  s'élevait  encore  aucune  maison. 
Ballarat  et  Sandlairst,  dans  la  même  colonie,  ont  de 
30  à  40,000  habitants  attirés  aussi  par  la  richesse 
des  placers  voisins. 

Sydney,  la  métropole  de  la  Nouvelle-Galles,  qui 
est  la  principale  ville  industrielle,  a  plus  de  1 30,000 
habitants. 

La  capitale  de  l'Australie  méridionale,  Adélaïde, 
la  ville  des  farines  comme  on  l'appelle,  à  cause  de 
l'importance  de  ses  exportations  en  céréales,  en 
renferme  plus  de  30,000.  et  Brisbane,  la  capitale 
toute  récente  du  Queensland,  en  a  déjà  à  peu  près 
autant.  Hobart-toim.  la  ville  la  plus  importante  de 
la  Tasmanie,  située  sur  la  côte  méridionale,  a  une 
vingtaine  de  mille  àmcs. 

Statistique.  —  Tcléqraphe  transronfinrntrd.  — 
Les  travaux  publics  ont  atteint  un  grand  développe- 
ment, et  un  télégraphe  relie  depuis  quelques  années 
Adélaïde  à  Port-Darwin,  sur  la  côte  septentrionale, 
on  face  de  l'île  Melville.  Traversant  d'immenses 
solitudes  où  ont  misérablement  péri  de  soif  et  de 
faim  plusieurs  des  explorateurs  qui  ont  voulu  en 
pénétrer  le  mystère,  le  fil  relie  les  stations,  où  les 
employés  nont  pas  seulement  à  se  défendre  contre 
la  tristesse,  mais  aussi  contre  les  attaques  des  na- 
turels. C'est  de  ces  stations  que  des  nouveaux  explo- 
rateurs partent  souvent  pour  cliercher  dans  les  dé- 
serts de  l'ouest  quelque  nouveau  territoire  propre 
à  la  pâture  ou  à  la  colonisation. 

Accroissement  de  la  population.  —  Commerce. 
—  L'excédant  des  naissances  sur  les  décès  et  l'im- 
portance de  l'immigration  font  accroître  rapide- 
ment la  population  de  l'Australie.  On  compte  au- 
jourd'hui 600,000  habitants  dans  la  Nouvelle-Galles  ; 
8'25, 000  dans  Victoria  ;  210.000  dans  l'Australie  mé- 
ridionale; ! 80,000  dans  le  Queensland;  2.T.O0Û  dans 
l'Australie  occidentale,  et  H  0,000  dans  la  Tasmanie, 
et  en  outre  on  évalue  à  ôô,000  le  nombre  des  indi- 
gènes. Cette  population  est  encore  excessivement 
faible  relativement  à  la  superficie  de  ces  colonies. 
Victoria  renferme  4  habitants  par  kilomètre  carré, 
la  Tasmanie  2  seulement,  la  Nouvelle-Galles  7  habi- 
tants par  10  kilomètres  carrés,  le  Queensland  et 
l'Australie  occidentale  1  seulement,  et  l'Australie 
méridionale  avec  l'Australie  septentrionale  2  seule- 
ment par  100  kilomètres  carrés.  Leur  commerce 
d'importation  atteint  un  milliard  de  francs,  et  celui 
d'exportation  n'est  guère  moins  considérab'e. 

6.  Nouvelle  Zélande.  —  Historique  de  la  décou- 
verte. ^ —  Le  Hollandais  Tasman  est  le  premier 
Européen  qui  vit,  oM  milieu  du  xviie  siècle,  la 
Nouvelle-Zélande,  mais  il  ne  s'arrêta  que  peu  de 
temps  sur  ces  côtes,  où  la  baie  du  Massacre,  au 
nord  de  la  grande  île  du  milieu,  rappelleencore, 
par  son  nom,  l'accueil  que  lui  firent  les  indigènes. 
Il  devait  s'écouler  plus  d'un  siècle  avant  que  le  ca- 
pitaine Cook  abordât  de  nouveau  dans  ces  parages, 
dont  il  rapporta  le  premier  une  description  pré- 
cise. 

Géograp/iie  générale.  —  La  Nouvelle-Zélande  se 
compose  do  trois  îles,  orientées  du  N.  au  S.,  la 
méridionale  beaucoup  plus  petite  que  ses  voi- 
sines. 

Situation  gcoffrap/dque.  —  En  latitude,  l'archi- 
pel est  compris  entre  34"  et  47"  de  latitude  S.  En 
longitude,  la  pointe  S.  0.   de  l'île  du  Milieu,   at- 


teint 164°  à  l'E.  de  Paris,  et  la  pointe  N.  E.  de  l'île 
septentrionale  iTC. 

Superficie.  —  Los  trois  îles  réunies  ont  à  peu 
près  la  même  étendue  que  la  Grande-Bretagne. 

Distance  de  l'Autralie.  —  Elles  sont  à  tO  i  lieues 
environ  des  côtes  de  l'Australie. 

La  Nouvelle-Zclande  à  l'arrivée  des  Européens. — 
Quand  le  capitaine  Cook  parcourut  ces  rivages,  il 
y  rencontra  une  race  indigène  d'une  intelligence  et 
d'une  beauté  remarquables,  mais  d'une  méfiance 
excessive  contre  les  étrangers,  divisée  au  reste  ea 
plusieurs  tribus  rivales  et  pratiquant  l'anthropo- 
phagie. La  nature  du  pays  était  séduisante.  Partout 
une  riche  végétation,  un  sol  accidenté,  de  jolies 
rivières,  et  au-dessus  de  tout  cela  des  montagnes 
gigantesques, surtout  sur  la  côte  occidentale  de  l'île 
du  Milieu,  où  le  mont  Cook  dépasse  4.000  mètres 
d'altitude.  Pas  de  bêtes  féroces,  beaucoup  d'oi- 
seaux, des  baies  poissonneuses  sur  la  côte,  où  les 
naturels,  adroits  pêcheurs,  formaient  leurs  filets 
avec  les  fibres  d'un  textile  nouveau  pour  les  Euro- 
péens, qu'on  nomme  maintenant  le  pthormiurn 
tenax.  ou  lin  de  la  Nouvelle-Zélande. 

Lutte  contre  les  naturels  Maoris.  —  Malgré  la 
relation  et  les  voyages  de  Cook,  l'Angleterre  ne 
fonda  point  de  colonie  à  la  Nouvelle-Zélande.  Ce 
ne  fut  qu'en  1840  que  des  compagnies  particu- 
lières vinrent  y  implanter  le  drapeau  de  la  Grande- 
Bretagne.  Les  Maoris,  c'est  le  nom  des  indigènes, 
défendirent  leur  indépendance  avec  un  courage, 
une  férocité  qu'on  vit  rarement  réunis  à  un  si 
haut  degré.  Si  leur  cannibalisme  ne  nous  faisait 
horreur,  nous  dirions  en  toute  justice  que  c'était 
une  noble  race.  Quelques-uns  ont  accueilli  les  mis- 
sionnaires chrétiens,  et  vivent  en  bonne  intelli- 
gence avec  les  Européens.  Comme  tant  d'autres, 
cette  race  est  appelée  à  disparaître.  Le  nombre  en 
diminue  tous  les  jours.  Les  Maoris  ne  sont  plus 
que  40  à  5'',0o0. 

Développement  de  la  colonisation  européenne . — 
Tout,  au  contraire,  favorise  le  développement  des 
Européens  sous  cet  heureux  climat.  La  Nouvelle- 
Zélande  est  un  véritable  archipel  britannique  trans 
porté  dans  l'hémisphère  austral.  Si  elle  est  plus 
rapprochée  de  Icquateur  que  sa  métrople  ,  la 
température  y  est  modérée  par  l'élévation  de  ses 
montagnes,  les  glaciers  suspendus  à  leurs  flancs, 
et  la  masse  d'eau  de  l  Océan  austral  qui  maintient 
les  climats  plus  froids  que  dans  notre  hémisphère. 
Les  anciens  volcans  ont  répandu  sur  le  soi  des 
produits  d'origine  ignée  très  fertilisan-ts.  Les  plan- 
tes de  l'Europe  y  poussent  avec  une  vigueur  sur- 
prenante. Le  sol  y  nourrit  15  ou  20  fois  autant  de 
moutons  sur  le  même  espace  que  celui  des  districts 
pastoraux  de  l'Australie.  Les  pluies  sont  abondan- 
tes, la  sécheresse  jamais  à  craindre.  Les  montagnes 
renferment  des  mines  d'or  dont  la  richesse  va  en 
s'accroissant,  tandis  que  celles  de  Victoria  et  de  la 
Nouvelle-Galles  s'appauvrissent.  La  population  de  la 
Nouvelle-Zélande  est  de  400,000  âmes.  Elle  possède 
rj  millions  de  moutons,  ôOO,000  têtes  de  bétail,' 
100,000  chevaux  et  encore  plus  de  porcs. 

Gomme  en  Australie,  la  vie  industrielle  ne  com- 
prend guère  dans  la  Nouvelle-Zélande  que  des 
mineurs.  La  majorité  de  la  population  est  consacrée 
à  la  vie  pastorale  ou  agricole. 

Gouvernement.  —  La  Nouvelle-Zélande  a  obtenu 
depuis  1852,  la  première  de  toutes  les  colonies 
australiennes,  la  faveur  de  se  gouverner  elle-même. 
C'est  à,  Wellington  que  siège  le  gouverneur  nom- 
mé par  la  couronne,  entouré  des  deux  Chambres 
du  Parlement.  Chacune  des  deux  grandes  îles 
est  partagée  en  quatre  provinces  qui  jouissent 
d'un  gouvernement  local  analogue  à  celui  des 
cantons  suisses,  ou  des  États  de  l'Union  améri- 
caine. 

Villes  principales.  —  Wellington,  la  ville  gou- 
vernementale, située  dans  l'île  du  N.  sur  le  détroit 


AUTRICHE 


—  232  — 


AUTRICHE 


de  Cook,  qui  la  sépare  de  lile  du  Milieu,  n'a  que 
10,000  habitants.  Auckland,  dans  lile  du  N.,  sur 
Un  isthme  étroit  qui  rattaclie  à  la  masse  de  l'île 
l'étroite  péninsule  la  terminant  au  N.,  a  l'OiOOO 
habitants.  Imnedin,  sur  la  côte  E.  de  l'île  du 
Milieu,  en  a  18,000.  [G.  Meissas.] 

Exercices  géographiques. 

D'où  vient  le  nom  d'Australie  ?  —  Par  qui  a-t-elle 
été  découverte? —  Par  quelles  mers  est-elle  bai- 
gnée? —  Par  quel  tropique  est-elle  traversée?  — 
Quel  est  le  climat  de  l'Australie?  —  Par  qui  est- 
elle  habitée?—  Quels  sont  les  principaux  trou- 
peaux qu'on  élève  en  Australie?  —  Qui  a  découvert 
la  Nouvelle  Zélande?  —  A  quelle  distance  se 
trouve-t-elle  de  l'Australie  ?  —  Que  sont  les 
Maoris.  ?  —  Quelles  sont  les  productions  de  la 
Nouvelle-Zélande?  —  Ses  montagnes  sont-elles 
élevées? 

Ouvrages  à  consulter.  —  Voyage  autour  du  Monde, 
par  le  comte  do  Beauvoir,  volume  1".  Australie  ; 

A  travers  l'Australie,  par  le  colonel  "Warburton.  Tour  du 
Monde,  iS"o,  '1'  volume,  pages  289-304; 

Exploration  de  l'Australie,  par  de  Fontpertuis  [La  Na- 
ture, i'  année,  p.  306). 

AL'TRICHK.  —  Géographie  générale,  XII.  — 
Etym.  :  Ce  nom  est  la  forme  française  du  nom 
allemand  Œtterrekli  {ost,  est;  reich,  royaume: 
dont  la  signification  :  royaume  de  l'est,  rappelle 
que  ce  pays  était  la  partie  orientale  de  l'empire 
d'Allemagne. 

1.  Géographie  physicpie.  —  Situation.  —  L'Au- 
triche proprement  dite  occupe  seulement  le  bas- 
sin moyen  du  Danube  entre  les  Alpes  et  le  plateau 
de  la  Bohême.  Mais  comme  c'est  autour  de  ce 
pays  et  de  Vienne,  sa  capitale,  que  se  sont  groupés 
les  divers  États  dont  la  réunion  constitue  l'empire 
qui  fait  l'objet  de  cet  article,  on  a  étendu  le  nom 
d'Autriche  à  l'ensemble  de  toute  la  monarchie. 
Aujourd'hui  le  nom  officiel  de  celle-ci  est  monar- 
chie nustro-Jiongroise,  depuis  l'adoption  de  la  cons- 
titution de  1867  qui  a  réglé  les  rapports  entre  les  deux 
grandes  parties  de  l'empire  :  r,\utriche  et  la  Hongrie. 

Limites.  —  L'empire  austro-hongrois  forme  le 
plus  vaste  État  de  l'Europe  centrale.  La  Russie 
seule,  en  Europe,  est  plus  étendue.  L'Autriche  est 
entourée  par  1  Allemagne,  la  Russie,  la  Roumanie, 
la  Serbie,  la  Turquie,  l'Italie  et  la  Suisse. 

Du  côté  du  Midi,  la  mer  Adriatique,  la  Save,  le 
Danube  et  les  Carpathes  lui  forment  des  limites 
naturelles.  Il  en  est  de  même  au  nord-ouest  où  la 
Bohème  est  enveloppée  par  des  montagnes,  et  à 
l'ouest,  où  le  Vorarlberg  touche  au  lac  de  Cons- 
tance, et  où  le  Tyrol  est  couvert  par  les  Alpes.  A 
l'est,  au  contraire,  la  Galicie  et  la  Bukovine  ne 
sont  guère  que  la  continuation  des  plaines  de  la 
Pologne. 

Forme  et  dimensions.  —  Le  trait  le  plus  singu- 
lier de  la  conformation  do  l'empire  d'Autriche  est 
la  bande  longue  et  étroite  que  la  Dalmatie  occupe 
entre  la  Turquie  et  la  mer  Adriatique.  En  retran- 
chant la  Dalmatie  et  le  TjtoI  du  reste  de  l'empire, 
celui-ci  off're  la  forme  générale  d'un  quadrilatère 
compris  entre  10"  et  24°  de  longitude  est  de  Paris, 
Aâ"  et  51"  de  latitude  nord,  et  qui  a  G50  kilomètres 
de  largueur  en  latitude,  sur  1,060  de  longueur  de 
l'est  à  louest. 

Superficie.  —  Entre  ses  limites  extrêmes,  avec 
le  Tyrol  et  la  Dalmatie,  l'empire  a  022.000  kilo- 
mètres carrés  de  superficie,  près  d'un  cinquième 
en  sus  de  ce  que  couvre  la  France  actuelle. 

Population,  sa  densité.  —  Sa  population  est  aussi 
supérieure  à  celle  de  notre  pays  d'une  manière 
absolue,  mais  beaucoup  moins  dense  relativement 
à  la  surface  qu'elle  occupe.  Elle  s'élevait,  en  1870,  à 
37,350.000  habitants,  ce  qui  ne  fait  que  50  habi- 
tants par  kilomètre  carré,  II  de  moins  qu'en  France. 
Il  n'y  a  en  Europe  que  la  Russie,  les  divers  Etats 


Scandinaves,  ceux  de  la  Péninsule  ibérique  et  de 
la  péninsule  des  Balkans,  qui  offrent  une  mouidre 
population  spécifique. 

OnoGiiAPHiE  et  hydroghaphie.  —  Les  A/pes.  — 
Le  Tyrol,  la  Carinthie,  la  Styrie,  la  province  de 
Salzbourg  et  une  partie  de  l'archiduché  d'Autriche 
sont  couverts  par  la  grande  chaîne  des  Alpes  et 
ses  ramifications.  Les  glaciers  n'y  sont  pas  moins 
imposants  qu'en  Suisse,  les  vallées  y  sont  aussi 
pittoros(|ues,  mais  aucune  cime  n'atteint  4,000  met. 
Les  deux  plus  hautes,  VOrtler,  à  la  source  de  l'Adda, 
et  le  Gross-Glockner,  à  la  source  de  la  Drave,  ont 
la  première  3,900  et  la  deuxième  3,800  mètre» 
d'altitude. 

Les  Carpathes.  —  Après  les  Alpes,  le  système 
montagneux  le  plus  important  est  celui  des  Car- 
paOïes  qui  enveloppent  la  Transylvanie  et  la  Hon- 
grie d'un  vaste  demi-cercle.  Bien  moins  élevés  que 
les  Alpes,  les  Carpathes  ont  leur  point  culminant 
dans  le  massif  du  Tatra,  sur  les  confins  de  la  Ga- 
licie et  de  la  Moravie  :  il  n'atteint  pas  tout  à  fait 
3,650  mètres. 

La  Hohéme.  —  Autour  de  la  Bohème,  la  cime  la 
plus  élevée  das  Sudètes  sur  les  confins  de  la  Silésie 
prussienne  et  do  la  Silésie  autrichienne  s'élève  à 
1,600  mètres.  Les  Monts  des  Géants,  qui  les  relient 
à  VErzgebirge,  sont  moins  élevés.  Dans  VErzge- 
birge,  entre  la  Bohême  et  le  royaume  de  Saxe,  et 
dans  la  Forêt  de  Bohême,  entre  celle-ci  et  la  Ba- 
vière, les  altitudes  les  plus  grandes  se  tiennent 
entre  1,000  et  1,200  mètres. 

Plateaux  et  autres  fnontagnes.  —  Entre  ces. 
diverses  chaînes,  la  Bohême  forme  un  plateau  de 
300  à  400  mètres  d'élévation  moyenne  ;  h  1,  extré- 
mité opposée  de  l'empire,  la  Transylcanie  forme 
un  autre  plateau  encore  plus  élevé,  de  600  mètre» 
environ.  La  partie  septentrionale  de  la  Hongrie, 
située  au  nord  du  Danube  et  de  la  Theiss,  est  cou- 
verte de  montagnes  parmi  lesquelles  ondistingue, 
à  l'est,  les  monts  Hei/i/all/ja.  sur  les  flancs  desquels- 
mûrissent  les  vignobles  de  Tokay.  La  Moravie,  les 
pays  compris  entre  la  Drave,  la  Save  et  le  Danube 
oflVent  encore  un  terrain  accidenté. 

Plaines. —  Sur  la  rive  gauche  du  Danube,  au 
contraire,  s'étend  la  plaine  Ao??.7/'Ois<>,  absolument 
plate  jusqu'au  pied  du  plateau  transylvain.  Au  nord 
des  Carpailies,  la  Galicie  forme  une  autre  plaine 
plus  élevée. 

Bassins.  —  L'Autriche  appartient  presque  tout 
entière  a\i  bassin  du  Danube.  La  Bohème  déverse 
ses  eaux  dans  VElhe  qui  y  a  sa  source.  La  Silésie 
autrichienne  appartient  au  bassin  de  l'Oder.  La 
Galicie  se  partage  entre  celui  de  la  ri>/K/(, tribu- 
taire de  la  Baltique,  et  celui  du  Dniester,  tribu- 
taire de  la  mer  Xoire.  Bien  que  située  à  l'Orient 
des  Carpathes,  la  Bukovine  déverse  ses  eaux  par 
le  Pruth.  dans  le  Danube.  Le  TjtoI  méridional, 
par  YAdige  et  le  i>renta,  l'Istrie  et  la  Dalmatie  par 
des  cours  d'eau  moins  importants, appartiennent  au 
versap.t  de  l'Adriatique. 

Le  Danube.  —  Dans  l'archiduché.  —  C'est  sur 
la  frontière  commune  à  l'Autriche  et  à  la  Bavière 
que  le  Danube  se  grossit  à  droite  de  VInn,  le  plus 
considérable  de  ses  affluents.  A  ne  considérer  que 
l'abondance  des  eaux,  ITnn  est  la  vraie  tète  du 
fleuve,  mais  la  vallée  du  Danube  en  Bavière  a  une 
plus  grande  importance  que  celle  de  l'Inn ,  et 
c'est  la  raison  de  la  prééminence  du  cours  d'eau 
qui  l'arrose.  Le  Danube  passe  ensuite  à  Lintz.  la 
capitale  de  la  Haute-Autriche.  Le  cours  du  fleuve, 
resserré  par  les  montagnes  qui  l'enserrent  sur  se» 
deux  rives,  devient  rapide  et  agité,  avant  de  débou- 
cher dans  la  campagne  ouverte  où  se  trouve  Vienne. 
On  l'a  canalisé  on  cet  endroit  de  manière  à  mettre 
la  ville  :i  l'abri  des  inondations,  et  il  s'en  trouve 
éloigné  :i  présent  de  quelques  kilomètres  vers  le 
nord,  au  lieu  d'en  baigner  les  murs  comme  autre- 
fois. Le  fleuve  passe   ensuite   devant  Presbourg, 


AUTRICHE 


—  233 


AUTRICHE 


l'ancienne  capitale  de  la  Hongrie,  et  reçoit  à  droite 
la  Raah  grossie  elle-même  de  la  Leitha,  petite  ri- 
vière sans  importance  comme  cours  d'eau,  si  elle 
ne  formait  la  limite  entre  les  deux  moitiés  autri- 
chienne et  hongroise  de  l'empire  :  le  Cis-Lei- 
thaJtie  au  nord-ouest  et  la  Trans-Leithanie  au 
sud-est. 

Dans  lu  Hongrie.  —  Plus  loin  le  fleuve  quitte 
brusquement  la  direction  ouest-est  qu'il  suivait 
jusque-là  et  se  recourbe  au  sud.  Il  sort  dès  lors  du 
bassin  de  Prcsbourg,  pour  entrer  dans  la  grande 
plaine  de  Hongrie.  Bientôt  on  voit  s'élever  sur  sa 
rive  droite  les  murs  de  Budc,  la  capitale  iiistorique 
de  Hongrie,  celle  où  le  roi  de  Hongrie  reçoit  la  cou- 
ronne de  Saint-Étienne  sur  un  tertre  formé  avec  la 
terre  apportée  de  tous  les  comitats  de  la  Hongrie, 
tandis  que  sur  la  rive  gauche  Pest,  la  capitale 
moderne,  le  siège  de  la  Diète  hongroise,  s'étend 
dans  la  plaine.  Le  Danube  reçoit  ensuite  à  droite 
la  Dvave,  un  de  ses  grands  affluents,  qui  sépare  la 
Hongrie  de  l'Esclavonie,  prend  la  direction  de 
l'ouest  à  l'est  que  suivait  cette  rivière,  reçoit,  à 
gauche,  la  TJieiss,  se  recourbe  du  nord  au  sud 
comme  cette  dernière  rivière  et  arrive  devant  Bel- 
grade, la  capitale  du  royaume  de  Serbie.  Là  il 
reçoit  la  Save,  prend  pour  la  troisième  fois  la 
direction  de  son  aifluent  et  se  dirige  à  l'est,  en 
formant  la  frontière  commune  de  l'Autriclie  et  de 
la  Serbie  jusqu'à  Orsova,  où  il  sort  définitivement 
de  l'Autriche  pour  traverser  les  Carpathes  par  les 
imposants  défilés  des  Portes  de  fer. 

Theiss.  —  La  Thelss  naît  dans  les  Carpathes,  sur 
les  confins  de  la  Hongrie,  de  la  Galicie  et  de  la 
Transylvanie.  Il  est  difficile  de  rencontrer  un 
cours  d'eau  plus  capricieux  dans  ses  détails.  La 
pente  en  est  si  faible,  au  milieu  de  la  plaine  de 
Hongrie,  qu'il  change  constamment  de  direction,  et 
ses  anciens  lits  deviennent  peu  à  peu  des  maré- 
cages. A  l'époque  des  inondations,  tout  le  pays 
environnant  ne  forme  plus  qu'un  immense  lac, 
d'où  émergent  quelques  rares  habitations.  Les  in- 
génieurs travailleiît  constamment  à  corriger  le 
cours  de  la  rivière  par  des  coupures  qui  en  dimi- 
nuent l'étendue  en  augmentant  la  pente,  drainent 
les  terrains  inondés  pour  les  rendre  à  la  culture, 
et  assainissent  le  pays. 

Bassin  de  VElhe.  —  L'Elbe,  dont  la  source  se 
trouve  sur  le  revers  méridional  des  Monts  des 
Géants,  coule  d'abord  du  nord  au  sud  et  passe  de- 
vant les  remparts  de  Knniijfjraf:,  au  pied  des- 
quels s'est  livrée  la  sanglante  bataille  de  Swlowa, 
puis  elle  tourne  successivement  à  l'ouest  et  au 
nord-ouest.  Elle  reçoit  alors,  du  sud,  son  affluent  le 
plus  considérable.  VàMoldau  quia  traversé  Prague 
et  qui.  par  la  longueur  de  son  cours  et  l'abondance 
de  ses  eaux  et  la  direction  qu'elle  imprime  aux 
deux  cours  d'eau  réunis,  mériterait  de  donner  son 
nom  au  fleuve. 

La  Vistule.  —  La  Vistule,  qui  naît  sur  les  limites 
de  la  Silésie  prussienne  et  de  la  Silôsie  autri- 
chienne, traverse  Cracovie,  la  dernière  ville  de 
Pologne  qui  eût  gardé,  jusqu'en  1846,  une  ombre 
d'indépendance,  puis  sert  de  frontière  entre  la 
Galicio  autrichienne  et  la  Pologne  russe. 

L'Adige.  —  L'Adige  prend  sa  source  dans  le 
Tyrol,  sur  les  confins  de  la  Suisse  ;  en  Autriche, 
il  traverse  Trente,  célèbre  par  le  grand  concile 
qui  s'y  réunit  au  xvi'  siècle,  puis  entre  en 
Italie.  _ 

Lacs.  —  Le  plus  grand  lac  de  l'Autriche-Hongrie 
est  le  Balaton  en  Hongrie,  entre  Bude  et  Agram.  I] 
s'étend  du  sud-sud-ouest  au  nord-nord-cst,  sur  une 
longueur  de  80  kilomètres,  avecune  largeurde  'îà  10. 
Sa  profondeur,  très  faible  relativement  à  son  éten- 
due, ne  dépasse  guère  10  à  12  mètres.  Le  lac 
Neiisiedel,  entre  Vienne,  Presbourg,  Raab  et 
Œdenbourg,  ofl're  cette  curieuse  particularité 
qu'il    traverse   des    périodes  d'inondations   et  de 


dessèchements  successits.  Il  y  a  quelques  années^ 
il  avait,  à  juste  titre,  disparu  des  cartes.  Actuelle- 
ment, il  se  remplit  de  nouveau. 

Dans  la  Carniole  et  sur  la  cùto  de  Dalmatie,  le 
sous-sol  calcaire  étant  rempli  de  crevasses  inté- 
rieures, où  les  eaux  de  la  surface  disparaissent 
dans  des  goufl'res  souterrains,  on  voit  aussi  des- 
lacs se  former  et  disparaître,  suivant  que  les  eaux 
débordent  des  réservoirs  insuffisants  pour  les  con- 
itenir,  ou  y  retrouvent  un  nouvel  écoulement.  On 
ne  peut  expliquer  l'origine  de  beaucoup  de  riviè- 
res qui  sortent  brusquement  de  terre,  en  très 
grande  abondance,  qu'en  leur  attribuant  un  cours 
mystérieux  de  cette  nature. 

Le  plus  célèbre  des  lacs  intermittents  est  celui 
de  Zirknitz  dans  la  Carniole,  où  l'on  peut  succes- 
sivement pêcher,  labourer  et  moissonner. 

Dans  le  pays  de  Salzbsurg,  et  dans  toute  la  ré- 
gion des  Alpes,  en  général,  on  trouve  des  lacs- 
gracieux  comme  ceux  de  la  Suisse  et  de  la  Bavière- 
méridionale,  mais  moins  étendus. 

Côtes  et  lies.  —  L'Austro-Hongrie  n'a  de  rivages 
maritimes  que  sur  la  mer  Adriatique.  Depuis  la 
perte  de  la  Vénétie,  la  côte  autrichienne  commence 
au  nord  de  l'Adriatique,  à  quelque  distance  de  la 
vieille  cité  romaine  d'Aquilée,  maintenant  ruinée, 
mais  dont  la  situation,  à  l'intérieur  des  terres,  mar- 
que le  recul  du  rivage  depuis  qu'elle  fut  élevée. 
Bientôt  on  arrive  à  Trieste,  le  premier  port  de  l'em- 
pire, et  celui  où  se  concentre  presque  tout  son  com- 
merce maritime.  Mais  c'est  au  sud  de  la  péninsule 
d'Istrie,  à  Pola.  autre  cité  romaine,  où  l'on  retrouve 
encore  de  beaux  monuments  rappelant  son  antique 
splendeur,  que  se  trouvent  concentrés  les  établisse- 
ments de  la  marine  militaire.  Au  fond  du  golfe  de 
Quarnéro,  qui  sépare  l'Istrie  de  la  Croatie,  Fiume  est 
appelé  à  devenir  le  principal  port  pour  la  Hongrie.. 
Le  long  de  la  côte  s'étendent  les  îles  IlljTiennes, 
habitées  par  une  population  de  pêcheurs,  où  l'on 
recrute  d'excellents  marins  comme  sur  tout  le 
rivage  de  la  Dalmatie.  Autrefois  ils  firent  la  puis- 
sance des  flottes  romaines,  plus  tard  de  celles  de 
Venise,  aujourd'hui  ils  font  celle  de  la  flotte  au- 
trichienne. Les  montagnes  dominent  de  si  près  la 
mer,  que  toute  la  vie  est  concentrée  sur  le  rivage. 
Les  villes  sont  rapprochées  les  unes  des  autres, 
mais  comme  aucune  d'elles,  vu  l'absence  de  routes, 
ne  peut  servir  de  débouché  aux  pays  de  l'intérieur, 
on  n'en  rencontre  pas  d'importante.  Zara  est  la 
capitale  militaire  de  la  Dalmatie  ;  Spalato  con- 
serve encore  de  magnifiques  restes  du  palais  où 
l'empereur  romain,  Dioclctien,  se  retira  après  son 
abdication.  Une  partie  des  monuments,  des  mai- 
sons, des  magasins  de  la  ville  y  ont  été  établis.  ' 
Plus  au  sud  est  Bagiise,  qui  fut  une  république 
prospère  et  commerçante  avant  d'être  asservie 
par  Venise.  Enfin,  au  pied  des  montagnes  du 
Monténégro,  les  Bouches  du  Caltaro  offrent  un 
des  ports  intérieurs  les  plus  curieux  de  la  terre. 
L'entrée  en  est  étroite,  le  golfe  s'élargit  et  se  res- 
serre tour  à  tour  entre  les  montagnes  qui  baignent 
à  pic  dans  ses  eaux,  de  manière  à  former  une  série 
de.  lacs  presque  indépendants  les  uns  des  autres 
où  le  visiteur  est  charmé  par  les  panoramas  ravis- 
sants et  imprévus  qui  se  déroulent  tour  à  tour 
devant  ses  yeux. 

Climat.  —  La  Dalmatie,  l'Istrie  et  le  Tyrol 
méridional  jouissent  du  climat  méditerranéen.  La 
température  moyenne  de  l'année  y  est  de  12  à 
l.")  degrés  centisrades.  L'olivier,  le  mûrier  dont  la 
feuille  nourrit  les  vers  à  soie,  le  figuier,  la  vigne, 
le  mais,  le  riz,  le  froment  forment  les  principales 
cultures  de  cette  région. 

Dans  toute  la  partie  du  bassin  du  Danube  com- 
prise entre  les  Alpes  et  les  Carpathes,  les  hivers 
deviennent  plus  rigoureux,  les  étés  plus  courts,  la 
température  moyenne  n'est  plus  que  de  9  à  12 
degrés  centigrades.  La  vigne,  le  froment  et  le  maïs- 


AUTHICHE 


—  234 


AUTRICHE 


réussissent  encore,  les  forêts  couvrent  de  grands 
espaces,  sauf  dans  la  plaine  de  Ilonoçrio. 

Enfin,  au  nord  des  Carpathos  et  dans  le  nord  de 
la  Bohême,  la  température  moyenne  est  encore 
plus  basse,  de  7  à  9  deîjrcs  seulement.  Le  maïs  et 
la  vigne  ont  disparu.  On  trouve  h  leur  place  le 
chanvre  et  le  lin  mêlés  à  la  culture  du  froment  et 
autres  céréales. 

Les  différences  d'altitude  modifient  naturelle- 
ment cette  classification.  Les  Alpes  portent  des 
glaciers  et  de  vastes  espaces  incultes,  elles  agis- 
sent aussi  comme  grands  condensateurs  d'humi- 
dité. C'est  sur  leurs  sommets  et  au  voisinage  de 
l'Adriatique  que  le  sol  reçoit  le  plus  de  pluie.  Les 
montagnes  de  la  Bohême  et  les  Curpatlies  méridio- 
nales exercent  la  même  influence,  mais  à  un 
degré  moindre. 

"i.  Géographie  agricole  et  industrielle.  —  Agri- 
culture.  —  En  jetant  les  yeux  sur  une  carte  géolo- 
gique de  rAutriclie,  on  voit  que  la  plaine  ,de 
Hongrie,  la  Galicie  et  les  environs  de  Vienne  sont 
formées  presque  exclusivement  d'alluvions.  Aussi 
sont-ce  des  régions  très-fertiles  en  céréales.  La 
Hongrie  passe  aujourd'hui  pour  être  l'un  des  gre- 
niers de  l'Europe.  Cependant  entre  le  Danube  et 
la  Tlieiss  le  terrain,  marécageux  ou  sablonneux 
est  improductif.  Les  pâtres  y  promènent  leurs 
grands  troupeaux  de  bœufs,  de  moutons,  de  porcs 
et  de  chevaux  «[ui  forment  la  monture  indispen- 
sable de  tout  ]\iagj'ar  fidèle  aux  instincts  de  sa 
race.  On  peut  dire  de  l'agriculture,  en  général, 
■qu'elle  a  fait  depuis  peu  d'années  de  grands  pro- 
grès dans  ce  pays,  qui  ne  pouvait  auparavant  se 
suffire  à  lui-même.  Les  vins  de  Hongrie,  de  Styrie 
et  de  Dalmatie  sont  abondants  et  de  bonne  qualité. 
La  Hongrie  produit  beaucoup  de  tabac,  la  Bohême, 
des  betteraves,  du  houblon,  du  chanvre,  du  colza; 
les  terres  arables  couvrent  près  du  tiers  du  terri- 
toire, dont  un  septième  seulement  est  improductif. 

Forêts  et  pâturages.  —  Les  forêts  sont  aussi 
étendues.  Jusqu'à  l'altitude  de  900  mètres,  le  chêne 
en  forme  l'essence  dominante  et  les  bassins  de  la 
Save  et  de  la  Drave  sont  un  des  points  de  l'Europe 
d'où  l'on  tire  ce  bois  en  plus  grande  quantité,  en 
même  temps  qu'ils  fournissent  une  abondante  glan- 
dée  aux  troupeaux  de  porcs  qui  les  parcourent.  La 
Dalmatie,  autrefois  couverte  de  belles  forêts,  dans 
lesquelles  les  Vénitiens  se  sont  longtemps  appro- 
visionnés pour  leur  marine,  est  aujourd'hui  triste- 
ment dénudée.  La  plaine  de  Hongrie  ne  renferme 
pas  non  plus  de  bois.  Par  contre,  la  Transylvanie 
rappelle  par  son  nom  la  parure  naturelle  dont  elle 
est  revêtue.  Au-dessus  de  1,000  mètres  poussent 
les  sapins  et  autres  arbres  verts,  comme  en  Suisse. 
Les  prairies  naturelles  ou  artificielles  et  les  jar- 
dins se  partagent  le  reste  du  territoire, qui  peut 
ainsi  nourrir  de  nombreux  trou])eaux.  Les  bestiaux 
y  sont  de  belles  races,  et  les  chevaux  autrichiens 
ou  hongrois  sont  renommés  pour  leur  force  et 
leur  élégance.  Les  bêtes  sauvages  abondent  aussi 
dans  les  forêts  où  les  chasseurs  poursuivent  les 
chevreuils,  les  cerfs,  les  renards,  les  loups  ou  les 
curs. 

Productîo77s  minérales.  —  C'est  autour  des 
roches  anciennes  de  la  Bohême,  du  massif  des 
Alpes  et  des  Carpathes  de  Transylvanie  qu'on 
trouve  la  plus  grande  diversité  de  couches  géolo- 
giques et  la  plus  grande  abondance  de  minéraux 
utiles. 

Houille.  —  La  Bohême  possède  les  plus  riches 
bassins  houillers.  Aussi  est-ce  la  province  de  tout 
l'empire  où  l'industrie  a  atteint  le  plus  grand  déve- 
loppement. La  Styrie  offre  aussi  quelques  bassins 
houillers  utilisés  dans  les  forges  et  autres  établis- 
sements métallurgiques  très  nombreux  dans  cette 
région, 

Fer.  —  Le  fer  est  le  métal  le  plus  répandu  ;  on 
t'exoloite  surtout  en  Styrie  et  en   Carinthie,  où  il 


sert  à  produire  un  acier  d'excellente  qualité  et  à 
fabriquer  un  grand  nombre  d'outils. 

Autres  métaux.  —  On  exploite  l'or  en  Transyl- 
vanie et  en  Hongrie,  autour  de  Scliemnitz  ;  l'ar- 
gent, dans  les  mêmes  provinces  et  en  Bohême. 
Bleiherf/,  en  Corinthie,  dit  assez  par  son  nom 
(montagne  de  plomb)  quelle  est  sa  richesse.  Idria, 
en  Carniole,  sur  les  confins  de  l'Istrie,  possède  la 
seule  mine  d'Europe  riche  en  mercure,  avec  celle 
d'Almaden,  en  Espagne. 

Sel.  —  Le  sel  marin  ne  se  recueille  pas  seule- 
ment sur  le  rivage  de  l'Adriatique.  Les  mines  de 
Wieliczka,  près  de  Cracovie,  sont  au  premi(ir  rang 
pour  leur  richesse,  parmi  les  mines  de  sel  gemme. 
Le  pays  de  SalzOotirg  doit  son  nom  aux  nombreu- 
ses mines  de  ce  genre  qu'il  renferme  ;  et  on  en 
trouve  d'analogues  en  Styrie,  dans  le  Tyrol,  la 
Hongrie  et  la  Transylvanie. 

Eaux  minérales.  —  C'est  dans  les  mêmes  régions 
que  se  rencontrent  aussi  les  eaux  minérales.  En 
Bohême  les  plus  célèbres  sont  celles  de  Carlsbad, 
de  Sediitz,  de  Pulna;  dans  le  pays  de  Salzbourg, 
celles  de  Gastein  ont  récemment  acquis  une  renom- 
mée historique,  depuis  l'alliance  que  l'empereur 
d'Autriche  et  le  roi  de  Prusse  y  conclurent  on  1864, 
et  d'où  sortit  la  guerre  contre  le  Danemark,  pré- 
lude des  grands  événements  de  18G6  et  de  1870. 

Manufactures.  —  C'est  en  Bohème  quelles  se 
ti'ouvent  surtout  concentrées.  Sur  les  limites  de 
la  Silésie  et  de  la  Saxe,  on  voit  un  grand  nombre 
de  filatures  d.e  coton  et  de  chanvre,  et  des  fabriques 
de  toiles  qui  trouvent  dans  les  cours  d'eau  des 
moteurs  économiques.  Les  draps  se  fabriquent 
surtout  en  Moravie  et  sont  recherchés  pour  leur 
belle  qualité.  La  Bohême  possède  encore  des  ma- 
nufactures de  cristaux  renommés  pour  leur  pureté 
et  leur  éclat,  des  papeteries,  des  fabriques  de 
sucre  de  betterave  et  de  produits  chimiques. 

La  Styrie  et  la  Carinthie  renferment  un  grand 
nombre  do  forges,  de  fonderies,  qui  produisent 
depuis  fort  longtemps  des  faux,  des  instruments 
aratoires  et  de  la  coutellerie  très  estimés.  Les 
cuirs  et  les  chaussures  de  Hongrie  sont  aussi 
recherchés  ;\  l'étranger.  La  bière  de  Vienne  jouit 
d'une  réputation  universelle  ;  et  c'est  en  employant 
la  levure  de  cette  bière  à  la  fabrication  du  pain 
viennois  qu'on  lui  donne  les  qualités  de  goût  et  de 
légèreté  qui  le  rendent  si  agréable.  Vienne,  Pesth, 
Prague  possèdent  dos  fabriques  de  machines,  des 
ateliers  de  construction,  et  ces  fabriques  diverses 
qui  se  groupent  autour  de  toutes  les  grandes 
villes.  Comme  Paris,  Vienne  jouit,  en  outre,  d'une 
grande  réputation  pour  tous  les  articles  de  mode 
et  d'art  qui  exigent  du  bon  goût  et  de  l'élégance. 

Distribution  de  la  population.  —  L'aggloméra- 
tion de  la  population  est  en  rapport  avec  le  déve- 
loppement de  l'industrie.  C'est  en  Bohême,  dans 
les  districts  manufacturiers,  autour  de  Vienne  et 
de  CracoTie,  que  la  population  est  la  plus  dense. 
C'est  dans  la  région  des  Alpes  et  celle  des  Car- 
pathes   qu'elle  est  la  plus  clairsemée. 

3.  Ethnographie.  —  Les  Slaves.  —  Cette  popula- 
tion est  loin  d'être  homogène.  Quatre  races  diffé- 
rentes la  composent  :  les  Slaves,  les  Allemands,  les 
Magyares  (c'est  le  nom  national  des  Hongrois]  et 
les  Roumains.  Sous  le  rapport  du  nombre,  les 
Slaves  sont  les  plus  nombreux  :  17  millions;  mais 
h  cause  de  leurs  divisions  et  de  leur  dispersion,  ils 
n'ont  nulle  part  la  prédominance  sur  les  autres 
races,  et  n'exercent  pas  dans  le  gouvernement  de 
l'empire  l'intluence  dont  jouissent  les  Allemands 
et  les  Mai;\Mrs.  On  di>;liiic;nn  p;nmi  les  Slaves  : 
7  millions  de  Tchèques,  de  Moraves  et  de  Slova- 
ques occupant  la  Bohême,  la  Moravie  et  le  nord- 
ouest  de  la  Hongrie  ;  2  millions  et  demi  de  Polonais 
couvrant  la  partie  occidentale  de  la  Galicie,  et 
3, 2011, (100  Ruihcnes  répandus  dans  la  partie  est 
de  la  Galicie  et  en  Hongrie  le  long  des  Carpathes. 


AUTRICHE 


—  235  — 


AUTRICHE 


Ces  divers  groupes  forment  ce  qu'on  nomme  les 
Slaves  septentrionaux. 

Les  Slaves  du  Sud  comprennent  :  1,250,000 
Slovènes  qui  habitent  la  Carniole;  3,200,000  Croa- 
tes et  Serbes  qui  peuplent  l'Istrie,  la  Dalniatie,  la 
Croatie,  l'Esclavonie,  et  le  sud  de  la  Hongrie. 

Les  AUcmanch.  —  Les  Allemands  occupent  le 
second  rangdans  l'empire,  par  leur  nombre.  Ils  sont 
près  de  K»  millions.  Les  uns  forment  la  population 
presque  tout  entière  de  l'arcliiduché,  de  la  Styric, 
de  la  Carinthie,  du  Tyrol,  de  laSilésie autrichienne  -, 
les  autres  sont  fortement  agglomérés  dans  les 
districts  industriels  de  la  Bohème,  sur  les  limites 
de  la  Saxe  et  de  la  Silésie  ;  d'autres  enfin  sont  ré- 
pandus sous  forme  de  colonies  sur  divers  points 
de  la  Hongrie  ou  de  la  Transylvanie.  La  plupart 
des  fonctionnaines  appartiennent  aussi  à  cette 
race. 

Les  Magyars.  —  Les  Magyars  sont  de  5  à  6  mil- 
lions, agglomérés  dans  la  grande  plaine  de  Hon- 
grie et  dans  l'angle  S.-E.  de  la  Transylvanie,  où  ils 
sont  connus  sous  le  nom  de  Szekiers. 

Par  leur  origine ,  les  Magyars  appartiennent 
comme  les  Finnois  et  les  Turcs  h  la  race  jaune, 
mais  leur  physionomie  et  leur  caractère  se  sont 
bien  modifiés  depuis  un  millier  d'années  qu'ils 
sont  fixés  en  Europe.  A  l'origine  ils  répandirent 
une  telle  terreur  que  c'est  du  mot  hongrois,  dit-on, 
((u'est  venu  le  terme  fabuleux  d'ogre.  Leur  langue 
seule  n'a  pas  varié. 

Les  Hoionains.  —  Les  Roumains,  au  nombre  de 
3  millions,  occupent  le  reste  de  la  Transylvanie  et 
la  Bukovine. 

(^e  sont  les  restes  des  colonies  romaines  établies 
par  Trajan  et  ses  successeurs  dans  le  pays  des 
Daces.  Ils  ont  conservé  une  langue  dans  laquelle 
on  reconnaît  leur  descendance  latine,  et  ils 
sont  fiers  du  nom  qui  rappelle  leur  illustre  ori- 
gine. 

Israélites,  Italiens  et  aiit'cs  races.  —  1.. 500, 000 
Israélites  sont  répandus  sur  divers  points,  dans  les 
grandes  villes,  dans  la  Galicie  et  la  Hongrie.  Les 
Italiens  revendiquent  connue  leurs  frères  par  la 
langue  et  le  sang  (;0i',0U0  sujets  de  l'empereur 
d'Autriche,  f|ui  habitent  le  Tyrol  méridional  et  les 
environs  de  Trieste  où  leur  langue  est  parlée  cou- 
ramment. Il  y  a  encore  dans  l'empire  150,000 
Tziganes  ou  Bohémiens  et  quelques  milliers  d'Ar- 
méniens, de  Bulgares,  de  Grecs,  et  autres  races 
diverses. 

Religion.  —  La  religion  catholique  est  domi- 
nante en  Austro-Hongrie.  On  y  compte  près  de 
28  millions  de  catholiques  romains.  Les  protestants 
ne  sont  que  3  millions  et  demi,  habitant  pres(|ue 
tous  la  Hongrie.  Les  Roumains  suivent  la  religion 
grecque  orientale,  qui  compte  plus  de  3  millions 
d'adhérents. 

4.  Géographie  politique.  —  Dualisme  outro- 
ho7igrois.  —  Depuis  l'adoption  de  la  constitution 
de  18G7,  l'Austro-Hongrie  forme  deux  États  dis- 
tincts comprenant  chacun  un  certain  nombre  de 
pays  de  l'empire. 

Pays  cisleithans  ou  autrichiens.  —  La  Cisleitha- 
nie  comprend  la  partie  occidentale  de  l'empire, 
c'est-à-dire  la  Bohème,  la  Moravie,  la  Silésie  autri- 
chienne, l'arcliiduché  d'Autriche,  la  Styrie,  le  Ty- 
rol, la  Carinthie,  la  Carniole  et  l'Istrie  qui  faisaient 
partie  de  la  Confédération  germanique,  et  en  outre 
la  Galicie  avec  la  Bukovine,  et  la  Dalmatie. 

Pags  transleithans  ou  hongrois.  —  La  Trans- 
leithanie  comprend  la  Hongrie,  la  Transylvanie,  la 
Croatie  et  l'Esclavonie. 

La  Cisleithanie  renferme  une  population  estimée 
à  2),  ■(00,000  habitants  sur  une  superficie  de  ;;Oii, 
liiO  kil.  carrés;  la  Transleiihanie  10  millions  sur 
322,250  kil.  carrés.  Ld  première  forme  donc  la  partie 
la  plus  peujilée  de  l'empire;  c'est  aussi  la  plus 
riche  et  la  plus  prospère. 


Gouvernement.  —  Chacune  des  deux  parties  de 
la  monarchie  a  un  gouvernement  distinct.  Mais 
pour  les  intérêts  communs  aux  deux  parties  de 
l'empire,  il  y  a  trois  ministres,  ceux  des  affaires  étran- 
gères, de  la  guerre  et  des  finances,  qui  se  réunissent 
sous  la  présidence  du  chancelier  de  l'empire  et 
qui  répondent  de  leurs  actes  devant  une  commis- 
sion nommée  par  chacune  des  deux  Chambres  au- 
trichienne et  hongroise,  dans  des  réunions  qui  ont 
lieu  alternativement  à  Vienne  et  à  l'esth. 

Dirisio7is  poliliijues.  —  C'est  comme  empereur 
d'Autriche  que  le  souverain  règne  à  Vienne,  c'est 
comme  roi  de  Hongrie,  quil  exerce  son  autorité  à 
Pesth,  et  les  Hongrois  sont  très  jaloux  de  n'obéir 
qu'à  un  prince  solennellement  revêtu  de  la  cou- 
ronne liistorique  de  Saint-Étienne. 

Cette  constitution  de  1807  est  loin  de  satisfaire 
les  désirs  de  toutes  les  nationalités  diverses  de 
l'empire.  Les  Slaves  du  Sud  sont  jaloux  des  Ma- 
gyars, dont  ils  prétendent  ne  point  relever.  En 
1849,  l'empereur  a  utilisé  cette  antipathie  de  ra- 
ces en  se  servant  des  Croates  qui  ont  vaincu 
l'insurrection  hongroise,  attaquée  d'autre  part  par 
les  Russes .  Aussi  la  Croatie  se  refuse-t-elle  jus- 
qu'à présent  à  envoyer  des  députés  au  Parlement 
de  Pesth. 

En  Bohême,  les  Tchèques  revendiquent  une  au- 
tonomie analogue  à  celle  des  Magyars.  En  droit 
historique,  la  couronne  de  Bohème  n'a  pas  plus  de 
raisons  d'être  tributaire  que  celle  de  Saint-Étienne. 
Les  Polonais,  de  leur  côté,  élèvent  des  prétentions 
analogues. 

Etat  économique  actuel.  —  Tjn  grand  revirement 
s'est  du  reste  fait  dans  le  gouvernement  autrichien 
depuis  une  quinzaine  d'ainiées.  C'était  en  opposant 
les  races  ennemies  les  unes  aux  autres,  en  mettant 
en  pratique  la  maxime  diviser  pour  régner,  que 
l'empereur  maintenait  son  autorité.  Mais  depuis 
quelques  années,  des  réformes  politiques  ou  écono- 
miques ont  rattaché  à  l'empereur  par  des  liens 
de  dévouement  et  d'afl'ection  des  races  restées  ja- 
louses les  unes  des  autres. 

Armée.  —  Les  soldats  autrichiens,  justement 
renommés  de  tout  temps  pour  leur  courage  et  leur 
solidité, forment  aujourd'hui  une  des  quatre  grandes 
armées  de  l'Europe.  (Les  trois  autres  sont  celles 
de  l'Allemagne,  de  la  France  et  de  la  Russie.) 

Marine.  —  La  marine  militaire  n'occupe  pas 
vis-à-vis  de  celles  des  autres  puissances  un  rang  aussi 
élevé  que  l'armée  de  terre.  Mais  grâce  aux  qua- 
lités maritimes  des  marins  dalmates,  elle  a  mon- 
tré à  la  bataille  de  Lissa  (I8G(!j,  qui  a  assuré  à 
l'Autriche  la  prépondérance  dans  la  mer  Adriati- 
que, ce  qu'on  peut  attendre  d'elle  quand  elle  est 
conduite  par  un  chef  habile. 

Commerce .  —  Le  commerce  maritime  se  fait 
presque  exclusivement  par  le  port  de  Trieste,  qui 
est  un  des  plus  importants  du  bassin  de  la  Médi- 
terranée et  qui  est  le  siège  du  Lloyd  autrichien, 
grande  compagnie  maritime  analogue  à  nos  com- 
pagnies des  Messageries  maritimes  ou  transatlanti- 
que. Quant  au  commerce  continental  et  à  celui  de 
l'intérieur,  le  Danube  est  la  grande  artère  qu'il  suit. 
Et  t'est  pour  cette  raisonque  l'Autriche  attache 
tant  d'importance  au  libre  passage  des  bouches  de 
ce  fleuve.  Sur  toute  l'étendue  de  l'empire  austro- 
hongrois,  la  navigation  du  Danube  a  été  améliorée 
par  des  travaux  utiles,  notannnent  au  défilé  des 
Portes  de  fer,  par  lesquels  il  traverse  les  Carpathes 
méridionales.  En  même  temps  la  Hongrie  se  sil- 
Inime  de  canaux  (ini  (Ir.iinont  les  marais  de  cette 
région,  et  qui  fournissent  d'économiques  moyen  ? 
de  transport  pour  les  blés  du  pays,  notam- 
ment dans  le  Hanat  (on  nomme  ainsi  la  partie 
méridionale  de  la  Hongrie  au  nord  du  Danube,  entre 
la  Tliciss  et  le  plateau  de  Trauàylvanie;. 

Bien  que  son  trafic  extérieur  ait  quintuplé  depuis 
30  ans,  malgré  la  perte   de  la  L.ombardie  et  de  la 


AUTRICHE 


—  236  — 


AZOTE 


Venétie,  l'Autriche  n'occupe  encore  qu  un  rang 
•  econdaire  comme  nation  commerçante.  L'Angle- 
terre, l'Allemagne,  la  France,  la  Russie  et  la  Bel- 
gique viennent  avant  elle. 

Chemins  de  fer.  —  Quant  aux  chemins  de  fer,  on 
a  donné  une  vive  impulsion  à  leur  construction 
non  seulement  dans  les  ])ays  de  plaines  comme  la 
II(  np;rie,  où  la  chaussée  se  poursuit  sans  difficulté 
en  li;;no  droite,  mais  dans  les  régions  les  plus  diffi- 
ciles. Le  raiUvay  du  Senimenng,  entre  Vienne  et 
frieste,  a  été  une  des  plus  belles  œuvres  de  l'art 
de  l'ingénieur  pour  l'époque  où  cette  ligne  a  été 
exécutée.  C  est,  en  outre,  dans  le  Tyrol,  entre  Trente 
et  Innsbruck,  que  la  grande  chaîne  des  Alpes  a  été 
pour  la  première,'  fois  franchie  par  une  voie  ferrée, 
au  col  du  Bieimer. 

A  la  fin  do  IS7(>,  il  y  avait  10,707  kil.de  chemins 
de  fer  en  exploitation  dans  les  pays  autrichiens 
et  (!,656  dans  les  pays  hongrois. 

Grandes  villes.  —  Vienne  est  une  dos  grandes 
capitales  de  l'Europe  et  une  des  plus  belles  villes 
du  monde.  Elle  renferme  plus  de  600,000  habitants 
et  l'agglomération  des  communes  limitrophes  qui 
lui  servent  de  faubourgs  fait  monter  ce  nombre  à 
1  million.  Pest,  avec  Bude  à  laquelle  elle  est  reliée 
par  un  pont,  renferme  270,000  habitants.  Prague, 
qui  jouit  d'une  grande  célébrité  historique,  et  qui 
est  la  capitale  nationale  de  Tchèques,  atteindra 
bientôt  le  chiffre  de  200,000.  Trieste,  bien  bâtie 
en  amphithéâtre  au  fond  de  l'Adriatique,  en  a  plus 
de  100,000.  Le>nherg,  la  capitale  de  la  Galicie,  et 
Grxtz,  la  capitale  de  la  Styrie,  sont  des  villes  de 
80,000  habitants.  On  en  compte  70,000  à  Brunn,  à 
Szegedin,  en  Hongrie,  qui  comme  beaucoup  de  for- 
tes agglomérations  de  cette  i)rovince  est  plutôt  un 
grand  village  qu'une  véritable  cité.  A  travers  leurs 
progrès  dans  la  civilisation,  les  Magyars  ont  gardé 
de  leur  origine  les  goûts  des  peuples  nomades.  Ils 
n'élèvent  pas  de  beaux  monuments.  Leurs  villes 
sont  tracées  comme  des  camps.  C'est  dans  la  ri- 
chesse et  l'éclat  de  leurs  habits  qu'ils  déploient 
leur  luxe  plutôt  que  dans  une  installation  somp- 
tueuse et  raffinée  de  leurs  demeures.  Agram,  en 
Croatie,  qui  joue  pour  les  Slaves  du  midi  le  même 
rôle  que  Prague  pour  les  Slaves  du  nord,  n'atteint 
pas  le  chiffre  de  50,000  habitants. 

[G.  Meissas.] 

Pour  l'histoire,  V.  Autriche  au  Supplément. 

MODÈLES  D'EXERCICES  GÉOGRAPHIQUES. 

1.  Questionnaire.  —  Quelle  est  la  situation  et 
quelles  sont  les  limites  de  l'empire  d'Autriche? 
—  D'où  lui  vient  son  nom,  et  quelle  dénomination 
officielle  a-t-il  reçue?  Quelle  est  son  étendue  et  sa 
population?  par  rapport  à  la  France,  par  rapport 
aux  autres  États  européens? 

Quelles  sont  les  principales  chaînes  de  monta- 
gnes?— les  principaux  cours  d'eau,  les  plaines, 
les  plateaux,  la  division  en  bassins?  Quelles  sont 
les  principales  villes  situées  sur  le  Danube? 

En  quelles  régions  se  partage  l'Autriche  d'après 
son  climat?  Quelles  sont  les  principales  productions 
agricoles,  forestières,  minérales,  manufacturières? 
Où  se  trouvent-elles  réi)artics?  Quelles  sont  les 
régions  les  plus  peuplées?  Quelles  races  comprend 
la  population  de  l'empire?  Où  habitent-elles? 
Quelle  est  leur    importance  relative? 

Comment  l'empire  se  partage-t-il  actuellement  ? 
Quelles  sont  les  grandes  villes  de  l'empire,  la  rai- 
son de  leur  importance  ?  Quels  sont  les  principaux 
débouchés  suivis  par  le  commerce  ? 

2.  Problèmes  géographiques.  —  Les  mines  de 
métaux  précieux  de  rAutrichc-Hongrie  ontproduit, 
de  1871  à  187  5,  l,:}i)6  kilog.  d'or  et  143078  kilog. 
d'argent.  Pour  quelle  somme  a-t-on  pu  frapper  avec 
ces  métaux  des  pièces  do  monnaie  contenant  un 
dixième  d'alliage,  en  négligeant  la  valeur  du   cui- 


vre employé  comme  alliage  de  l'argent?  Réponse, 
30,300,808  francs. 

Il  y  a  en  Autriche  1384  bureaux  télégraphiques 
ayant  expédié  en  i876  C,84<;,000  dépêches  sur 
30,610  kilom.  de  lignes  télégraphiques,  tandia 
qu'en  Franco  les  lignes  télégraphiques  ont  54,.').'jO 
kilom.  de  développement  et  ont  envoyé  en  18*0 
10,O.S2,000  dépêches  distribuées  par  2,8!jO  bureaux. 
Calculer  combien  il  y  a  en  Autriche  et  en  France 
de  dépêches  par  100  habitants.  —  Réponse  :  18 
en  Autriche,  27  en  France. 

Combien  y  a-t-il  de  kilom.  de  lignes  téléraphiques 
par  10,000  kilom.  carrés  de  superficie  territoriale 
en  Autriche  et  en  France?  —  Réponse  :  688  en  Au- 
triche, 1032  en  France. 

Quelle  étendue  chaque  bureau  est-il  appelé  à 
desservir  en  Autriche,  en  France?  —  Réponse: 
450  kilom.  carrés  en  Autriche,  183  en  France. 

Lectures  et  dictées  géographiques.  —  Marmicr. 
Du  lihin  au  Nil,  t.  1,  p.  71,  77;  —  Le  Danube,  p.  US, 
Bude. 

De  Laveleye.  La  Prusse  et  l'Autriche  depuis  Sadowa, 
t.  II,  p.  38  ;  —  Le  couronnevient  (ht  roi  de  Ûovgrie. 

E.  Reclus.  Nouvelle  gnorjraphie  universelle,  t.  IJI  : 
Le  Danube,  p.  197,  3U9  ;  —  Les  portes  de  fer,  p.  3|7;  — 
La  puzta  hongroise,  p.  327  ;  —  Vienne,  p.  203  ;  —  Trieste, 
p.  233  ;  —  CrncoviP.  p.  407  ;  —  Prague,  p.  439. 

Autres  ouvrages  à  consulter.  —  V.  Duruy,  Cause- 
ries géographiques  de  Paris  n  Bukarest. 

D.  Lévy.  L'Autriche-Hongrie,  ses  insiitutioiis  et  ses  na- 
tionalités. 

Porrot.  Excursions  chez  les  Slaves  du  Sud.  Tour  du 
Monde. 

r,h.  Yiiarte.  Istrie  et  Dalmatie.  Tour  du  Monde,  1873, 
I"  semestre,  p.  193-240;  1874,  1"  semestre,  p.  f-80; 
2"  semestre,  p.  2.j7-320. 

.AZOTi:.  —  Chimie,  I,  XV  et  XXI.  —  {Étg7n.  :  de 
doux  mots  grecs  signifiant  impropre  à  la  vie).  — 
Quand  on  brûle  du  phosphore  sous  une  cloche  pleine 
d'air  placée  sur  l'eau,  il  se  forme  des  vapeurs  blan- 
ches très  épaisses  d'acide  phosphorique,  c'est-à-dire 
une  combinaison  du  phosphore  avec  l'oxygène  de 
l'air;  quand  ces  vapeurs  se  sont  condensées  et  dis- 
soutes dans  l'eau,  on  peut  constater  après  le  re- 
froidissement que  le  gaz  qui  reste  sous  la  cloche 
représente  à  peu  près  les  4/5  de  l'air  qu'on  y  avait 
mis.  Une  allumette  plongée  dans  ce  gaz  s'y  éteint 
instantanément  ;  des  animaux  comme  des  oiseaux, 
des  souris  qu'on  y  place  meurent  en  quelques  se- 
condes ;  ce  gaz  est  Vazote,  ainsi  nommé  parce  que, 
sans  être  un  poison,  il  est  incapable  d'entretenir 
la  respiration  et  la  combustion. —  V.  Air. 

L'azote  est  très  répandu  dans  la  nature  ;  d'abord 
il  forme  les  quatre  cinquièmes  de  l'air  atmosphé- 
rique. Il  entre  dans  la  composition  d'un  grand  nom- 
bre de  sels  (V.  ci-dossous  Azotates],  enfin  il  se 
trouve  dans  ce  que  la  chimie  organique  nomme  les 
substances  azotées  :  ce  sont  des  substances,  la  plu- 
part d'origine  animale,  où  l'azote  est  en  combinai- 
sons diverses  avec  le  carbone,  l'hydrogène  et 
l'oxygène.  11  entre  aussi  dans  les  alcaloïdes*,  dans 
l'urée,  dans  l'acide  prussique  et  dans  la  plupart 
des  principes  colorants. 

Propriétés  de  l'azote.  —  L'azote  a  été  liquéfié  en 
1878  pour  la  première  fois  par  M.  Cailletet  en 
France  et  M.  R.  Pictet  en  Suisse. 

Il  est  un  peu  plus  léger  que  l'air  :  un  litre 
d'azote  pur  à  0"  sous  la  pression  "(O"'",  pèse  l''',257, 
tandis  qu'un  litre  d'air  dans  les  mêmes  con- 
ditions pèse  1°%203.  Il  éteint  les  corps  en  combus- 
tion, et  ne  trouble  point  l'eau  de  chaux.  Il  suffo- 
que instantanément  les  animaux  sans  cependant 
produire  sur  l'organisme  aucune  action  délétère. 
Ceux-ci  succombeiit  parce  qu'ils  manquent  d'oxy- 
gène. L'azote  peut  être  appelé  un  gaz  inerte,  en  ce 
sens  qu'il  a  peu  de  tendance  à  se  combiner  ;  sea 
affinités  sont  peu  énergiques.  Il  est  1res  peu  solu- 
ble  dans  l'eau,  il  est  incombustible,  incolore,  ino- 
dore, sans  saveur  ;  il  semble  ne  jouer  d'autre  rôle 
dans  les  phénomènes  atmosphériques  que  celui  do 


AZOTE 


—  237  — 


AZOTE 


modérateur  des  affinhos  de  l'oxygène.  Il  ne  se 
combine  directement  qu'avec  un  très  petit  nombre 
de  corps,  tels  que  le  carbone,  le  sUicium,  le  bore. 
Si  on  fait  passer  un  courant  dazote  sur  un  mé- 
lange incandescent  de  baryte  et  de  charbon,  il  se 
forme  une  combinaison  de  carbone  et  d'azoteconnue 
sous  le  nom  de  cyanogène  ;  ce  composé  s'unit  dans 
ce  cas  au  baryum  pour  former  un  cyanure  de  ba- 
ryum. Le  cyanogène  est  le  radical  de  l'acide  prus- 
sique  et  des  prussiates  (V.  Prussiates.) 

Préparations  de  Pazote.  —  Pour  obtenir  rapi- 
dement et  à  bon  marché  de  grandes  quantités 
d'azote,  on  enlève  l'oxygène  d'un  volume  déterminé 
d'air  en  le  fixant  sur  un  corps  très  oxydable  :  1"  en 
hrùinnt  d\i  phnsphoro  sous  une  cloclie  pleine  d'air 
et  placée  sur  l'eau;  2°  ou  en  taisant  passer  un  cou- 
rant d'air  sec  sur  du  cuivre  chauffé  au  ronge  som- 
bre dans  un  tube  de  verre  ou  de  porcelaine.  On 
recueille  le  gaz  azote  sortant  par  l'autre  extrémité. 

On  peut  aussi  obtenir  facilement, mais  h  un  prix 
un  peu  plus  élevé,  de  grandes  quantités  d'azote  en 
décomposant  par  la  chaleur  et  dans  une  cornue  de 
verre  un  beau  sel  blanc  cristallisé  qu'on  appelle 
Yazotite  d'ammoniaque.  La  formule  de  ce  sel  rend 
compte  de  ce  qui  se  passe  dans  cette  réaction, 
ainsi  figurée  :  Az03,AzH3,HO— 2Az  +  4HO.  Azotite 
d'ammoniaque=:  Azote  +  eau.  Comme  la  cornue  est 
très  chaude  quand  l'opération  est  terminée,  il  ne 
reste  aucun  résidu. 

Enfin  quand  on  mélange  dans  un  tube  de  verre 
de  l'ammoniaque  (alcali  volatil)  et  une  dissolution 
aciueuse  de  chlore,  il  se  produit  de  nombreuses 
petites  bulles  d'azote  ;  ce  n'est  point  là  une  pré- 
paration pratique,  mais  une  réaction  à  retenir, 
puisqu'elle  rappelle  que  l'ammoniaque  est  décom- 
posé par  le  gaz  chlore  (V.  Chlore). 

Si  dans  cette  décomposition,  l'azote  se  trouve  en 
présence  d'un  excès  de  chlore,  il  peut  y  avoir  com- 
binaison entre  les  deux  gaz,  et  le  chlorure  d'azote 
qui  se  forme  alors  étant, comme  presque  tous  les 
composés  de  l'azote,  un  corps  très  peu  stable, 
c'est-à-dire  susceptible  de  se  décomposer  sous  la 
moindre  action,  par  exemple  par  l'agitation,  le  choc 
le  contact  d'une  autre  substance,  il  peut  en  résul- 
ter un  danger  pour  l'expérimentateur.  Ce  chlorure 
d'azote  apparaît  sous  forme  de  petites  gouttelettes 
.jaunes;  la  décomposition  subite  qui  se  produit 
souvent  sans  raison  apparente,  donne  lieu  à  une 
violente  explosion  très  dangereuse  ;  c'est  dans  une 
circonstance  semblable  que  le  célèbre  Dulong  perdit 
deux  doigts  en  faisant  l'étude  de  cette  substance. 

Nous  ferons  remarquer  que  ce  corps  simple, 
l'azote  que  nous  avons  dit  inerte,  fait  partie  de 
toutes  les  poudres  les  plus  dangereuses  et  les 
plus  violentes,  ce  qui  pourrait  étonner,  si  on  ne  se 
rappelait  que  la  puissance  d  une  poudre  ainsi  que 
la  facilité  avec  laquelle  elle  fait  explosion  tient 
précisément,  au  moins  en  partie,  à  sa  facile  décom- 
position. Ainsi  l'iodure  d'azote  , qu'on  obtienten 
mettant  pendant  un  quart  d'iieure  de  l'iode  dans 
l'ammoniaque,  se  décompose, quand  il  est  sec, avec 
explosion,  au  contact  d'une  barbe  de  plume,  en 
donnant  des  vapeurs  violettes  diode  qui  montrent 
bien  que  ce  corps  a  repris  sa  liberté  pendant 
l'explosion. 

Principaux  composés  de  l'azote.  —  Les  compo- 
sés oxygénés  de  l'azote,  qui  dérivent  tous  de  l'a- 
cide azotique,  n'ont  point  assez  d'importance  pour 
que  nous  en  parlions  ici.  Xous  en  donnerons  sim- 
plement la  liste  parce  qu'elle  nous  offre  un  très 
bel  exemple  de  la  loi  dite  des  proportions  multiples 
VV.  Équivalents). 

Acide  azotique  anhydre AzO"' 

Acide  hypoazoïique AzO*.  I 

Acide  azoteux AzO».  i 

Bioxyde   d'azote AzO^.  ! 

Protoxyde  d'azote AzO.  i 


Et  nous  dirons  seulement  que  le  bioxyded'azote, 
qui  résulte  de  l'action  o.xydante  de  l'acide  azotique 
sur  certains  métaux  tel  que  le  cuivre,  le  mercure, 
est  un  gaz  incolore  qui  devient  instantanément 
rouge  rutilant  à  l'air  en  s'oydaut  pour  donner 
AzO';  c'est  là  un  exemple  d'oxydation  ou  combus- 
tion rapide  et  sans  flamme;  il  va  sans  dire  que 
nous  ne  connaissons  ni  l'odeur  ni  la  saveur  de  ce 
singulier  corps. 

Le  protoxyde  d'azote  est  un  gaz  incolore  liqué- 
fiable et  comburant  comme  l'oxygène;  on  peut 
faire  avec  lui  les  principales  expériences  de  com- 
bustion qu'on  fait  avec  l'oxygène.  Il  est  anesthé- 
sique,  c'est-à-dire  que  quand  on  le  respire  on  perd 
la  sensibilité;  parfois  on  éprouve  une  espèce 
d'ivresse  (gaz  hilarant)  avec  exaltation  des  facultés 
intellectuelles;  c'est  du  moins  ce  qu'a  éprouvé  l'il- 
lustre chimiste  anglais  Davyqui  lepremier  l'aétudié. 
Quelques  rares  accidents  indiquent,  en  tout  cas, 
que.  les  dentistes  et  les  chirurgiens  qui  en  font 
usage  doivent  le  faire  avec  les  plus  grandes  pré- 
cautions. 

Acide  azotique.  —  L'acide  azotique  est  encore 
appelé  acide  nitrique,  ou  esprit-de-nitre  ou  eau- 
forte.  Quand  il  est  concentré  il  est  fumant,  il  a 
pour  formule  AzO-',  HO,  et  on  l'appelle  acide  azoi4- 
que  monohydratc.  C'est  un  liquide  jaune  dont  la 
coloration  augmente  à  la  lumière  parce  qu'elle  le 
décompose  en  produisant  des  vapeurs  jaunes  d'a- 
cide  liypoazoliquc.  Quand  on  ouvre  à  l'air  un  flacon 
d'acide  azotique  concentré  il  en  sort  des  vapeurs 
légèrement  rutilantes.  Sa  densité  est  1,51;  il  gèle 
à  55"  et  bout  à  SG». 

Propriétés  cliitniques.  —  L'acide  azotique  est  un 
oxydant  énergique.  Il  attaque  tous  les  métaux, 
excepté  l'or,  le  platine  et  quelques  métaux  rares 
de  la  même  famille.  Il  forme  avec  le  fer,  le  cuivre, 
l'argent,  le  mercure,  etc.,  des  azotates  de  ces  mé- 
taux; avec  l'étain  il  forme  de  l'acide  stannique. 
Son  action  sur  le  fer  présente  un  caractère  parti- 
culier très  curieux.  Mn  morceau  de  fer  plongé  dans 
l'acide  fumant  y  reste  intact,  tandis  qu'il  eût  été 
attaqué  vivement  par  l'acide  étendu;  si  l'eulevant 
de  l'acide  fumant  on  le  plonge  dans  l'acide  étendu, 
celui-ci  reste  alors  sans  action  sur  le  métal,  mais 
il  suffit  de  toucher  le  fer  avec  un  fil  de  cuivre 
pour  qu'une  vive  réaction  commence  et  continue. 
Mêlé  à  l'acide  chlorhydrique,  il  constitue  Veau  ré- 
g'i/€,qm  dissout  l'or  et  le  platine  en  les  transfor- 
mant en  chlorures. 

Action  de  l'acvie  azotique  ^ur  lesmétallovles.  — 
Cet  acide, très  riche  en  oxygène  et  facilement  dé- 
composable,  transforme  la  plupart  des  métalloïdes 
en  acides  oxygénés.  Ainsi  on  prépare  l'acide  phos- 
phorique  orainaire  en  dissolvant  du  phosphore 
dans  l'acide  azotique  étendu.  En  faisant  bouillir  de 
l'.acide  azotique  avec  du  soufre,  de  l'arsenic  métal- 
lique, on  obtient  de  l'acide  sulfurique  ou  arsénique. 
Dans  la  préparation  industrielle  de  l'acide  sulfu- 
rique, c'est  l'acide  azotique  qui  transforme  l'acide 
sulfureux  en  acide  sulfurique  en  lui  cédant  une 
molécule  d'oxygène.  L'acide  azotique  attaque  vive- 
ment le  carbone  dans  le  noir  de  fumée  ;  quelque- 
fois la  masse  s'enflamme  spontanément,  c'est  là 
une  expérience  frappante  d'oxydation  énergique  à 
répéter  devant  les  élèves. 

Action  de  l'acide  azotique  sur  les  matières  orga- 
?iiques.  —  Il  attaque  à  peu  près  toutes  les  ma- 
tières organiques.  Il  jaunit  la  peau,  détruit  les  tis- 
sus, transforme  et  liquéfie  les  bouchons  de  liège, 
il  faut  même  se  garder  d'en  faire  usage  avec  cet 
acide  ;  il  décolore  l'indigo,  forme  avec  la  benzine 
un  produit  très  employé  aujourd'hui  dans  la  |)ar- 
fumerie  et  qu'on  appelle  la  nitro-benzine  (décou- 
verte par  Mitscherlich  en  1834).  Celle-ci  a  une  odeur 
d'amandes  amères;  sa  propriété  principale  c'est  de 
se  transformer  sous  l'action  des  agents  désoxydants 
(étain,   acide  chlorhydrique,  sulfure  de  fer,  etc.). 


AZOTE 


i!38 


AZOTE 


en  une  substance  appelée  aniline  qui  est  la  base 
des  belles  couleurs  dites  d'aniline,  si  connues  de- 
puis une  vingtaine  d'années  dans  la  teinturerie. 

Fuhnicoton.  —  Quand  on  plonge  pendant  un 
quart  d'heure  de  la  ouate  ou  du  coton  quelconque 
dans  de  l'acide  azotique  concentré,  on  obtient 
après  lavage  et  dessiccation  une  substance  ayant 
conservé  l'aspect  du  coton,  mais  disparaissant  dans 
une  combustion  instantanée  au  contact  d'une  allu- 
mette. C'est  le  cotoii-poudre  ou  fuhnicoton.  Cette 
substance  a  été  et  est  encore  employée  comme 
poudre  démine;  elle  est  trojrbrisante  pour  les  ar- 
mes. Quand  elle  a  été  mouillée,  il  suffit  de  la  sécher 
pour  lui  rendre  ses  propriétés  qui  du  reste  varient 
suivant  le  mode  de  préparation  qu'on  a  employé; 
quelquefois  elle  peut  être  chauffée  jusqu'à  100°, 
dans  d'autres  circonstances  elle  brûle  bien  au-des- 
sous et  peut  même  détonner  par  le  choc.  Comme 
toute  poudre  explosive,  elle  doit  sa  puissance  à 
la  masse  de  gaz  qui  prend  naissance  lors  de  la  dé- 
composition: acide  carbonique,  oxyde  de  carbone, 
bioxyde  d'azote,  gaz  inflammable,  vapeur  d'eau,  ces 
produits  condensés  dans  un  étroit  espace  et  portés 
à  une  haute  température  acquièrent  une  très 
grande  puissance  d'expansion.  Aujourd'hui  on  em- 
ploie surtout  le  fulmicoton  dans  la  fabrication  du 
collodion,  qui  est  une  dissolution  de  fulmicoton 
dans  un  mélange  d'alcool  et  d'éther.  (V.  Photoyra- 
phie). 

Lorsqu'on  verse  goutte  i  goutte  de  la  glycérine, 
principe  doux  des  corps  gras  (  V.  Corps  gras)  dans 
un  mélange  d'acide  sulfurique  et  d'acide  azotique, 
il  se  précipite  des  gouttes  oléagineuses  d'un  corps 
appelé  trinitro-glycérine,  qu'on  peut  considérer 
comme  de  la  glycérine  dans  laquelle  .3  atomes  d'hy- 
drogène auraient  été  remplacés  par  3  molécules 
du  composé  AzC^,  ou  acide  hypoazotique  qui  dérive 
facilement  de  l'acide  azotique  AzO',HO.  Nous  fe- 
rons remarquer  en  passant  que  souvent  le  résultat 
de  l'action  de  ce  dernier  acide  si  important  sur 
les  matières  organiques  peut  s'expliquer  par  la 
substitution  d'une  ou  plusieurs  molécules  compo- 
sées d'AzO*  au  même  nombre  d'atomes  d'hydro- 
gène. En  présence  du  mercure  ou  de  l'argent  et  de 
l'alcool  l'acide  azotique  forme  les  fulminates  de  ces 
métaux. 

Préparation  de  l'acide  azotique.  —  On  l'extrait 
de  l'azotate  ou  nitrate  de  potasse  ^salpêtre),  ou 
plus  avantageusement  de  l'azotate  ou  nitrate  de 
soude  qui  nous  vient  du  Pérou;  à  la  rigueur  on 
peut  l'extraire  de  tous  les  azotates  par  le  procédé 
que  nous  allons  décrire.  Cette  préparation  offrira 
le  tVTJe  des  procédés  par  lesquels  on  extrait  tous  les 
produits  volatils.  Dans  une  grande  cornue  de  verre 
on  met  du  nitrate  de  soude  et  de  l'acide  sulfurique 
du  commerce  en  proportions  convenables  pour 
qu'il  y  ait  deux  équivalents  d'acide  pour  un  de  ni- 
trate-, on  chauffe  pendant  deux  heures  la  cornue 
dont  le  col  a  été  engagé  dans  celui  d'un  ballon  de 
verre  arrosé  extérieurement  par  un  courant  d'eau 
froide  ;  h  la  fin  il  reste  dans  la  cornue  du  bisulfate 
de  soude,  et  le  ballon  refroidi  contieui  de  l'acide 
azotique  fumant. 

L'acide  obtenu  ainsi  n'est  pas  pur,  il  est  coloré 
en  jaune  par  de  l'acide  hypoazotique  dissous  et  peut 
renfermer  aussi  des  traces  d'acide  sulfurique  en- 
traîné par  la  distillation.  Pour  l'obtenir  pur,  ce 
qui  est  quelquefois  nécessaire,  on  l'agite  avec  de 
l'azotate  de  plomb,  lacide  sulfurique  est  précipité 
à  l'état  de  sulfate  de  plomb,  pnis  on  le  distille  dans 
une  cornue,  on  recueille  à  part  les  premières  por- 
tions qui  contiennent  tout  l'acide  hypoazotique. 
Dans  les  fabriques  la  cornue  est  remplacée  par  des 
cylindres  en  fonte. 

Usages.  —  La  France  en  consomme  par  an  plus 
de  cinq  millions  de  kilogr.;  il  sert  pour  l'affinage 
des  métaux  précieux,  pour  le  décapage  du  cuivre, 
pour  la  gravure  sur  métal,  la  préparation  do  l'azo- 


tate d'argent  si  employé  en  photographie,  celle  de 
l'acide  picrique  (teinture),  des  fulminates  pour 
amorces,  de  la  dextrine,  enfin  pour  l'entretien  des 
piles  électriques. 

Azotates.  —  Les  azotates  sont  des  sels*  formés 
par  la  combinaison  de  l'acide  azotique  avec  les 
bases  ;  deux  ou  trois  se  rencontrent  dans  la  na- 
ture, les  autres  se  préparent  dans  les  laboratoires 
ou  l'industrie. 

Caractères.  —  Tous  les  azotates  sont  solubles 
dans  l'eau  ;  ils  ont  deux  caractères  chimiques  qui 
les  font  facilement  reconnaître  :  1°  Ils  fusent,  c'est- 
à-dire  que  quand  on  projette  un  azotate  sur  des 
charbons  ardents,  il  provoque  une  plus  grande 
activité  de  combustion  par  l'oxygène  qu'il  aban- 
donne et  fait  entendre  un  bruissement  particulier 
pendant  cette  combustion  ;  2°  quand  on  les  chauffe 
légèrement  avec  un  peu  de  cuivre  et  quelques 
gouttes  d'acide  sulfurique,  ils  abandonnent  des 
vapeurs  rutilantes  caractéristiques. 

Principaux  azotates.  —  Nous  distinguerons  par- 
ticulièrement l'azotate  de  potasse,  sel  cristallisé, 
blanc,  bien  connu  sous  le  nom  de  nilreoa salpêtre' . 
On  le  trouve  en  abondance  dans  les  Indes, 
l'Egypte,  Ceylan,  et  en  général  dans  les  pays  très 
chauds  où  la  nitrifaction  paraît  résulter  du  grand 
nombre  de  décharges  électriques  qui  produisent 
dans  l'air  la  combinaison  de  l'oxygène  et  de  l'azote. 
L'acide  azotique  ainsi  formé  et  entraîné  dans  le 
sol  par  la  pluie  s'y  combine  avec  la  potasse,  la 
soude,  la  chaux,  etc.  Pour  obtenir  le  salpêtre,  on 
lessive  les  terres  qui  en  sont  recouvertes  ou  im- 
prégnées et  on  fait  évaporer  la  solution.  Chez  nous 
on  rencontre  aussi  du  nitre  partout  où  des  matières 
organiques  azotées  se  décomposent  en  présence 
de  la  potasse,  par  exemple  sur  le  sol  et  le  long  des 
murailles  de  nos  caves,,  dans  le  voisinage  des 
lieux  d'aisance,  dans  les  matériaux  de  démolition; 
c'est  dans  ces  conditions  surtout  qu'il  est  mélangé 
à  de  l'azotate  de  chaux.  Pendant  la  Révolution  et  le 
premier  fcmpire,  alors  que  les  pays  d'outre-mer  nous 
étaient  fermés  par  la  flotte  anglaise,  on  extrayait 
le  nitre  pour  la  fabrication  de  la  poudre  de  ces 
divers  endroits  où  on  le  rencontrait.  On  en  provo- 
quait même  la  formation  dans  des  nitrières  artifi- 
cielles. Pour  cela  on  arrosait  de  temps  en  temps 
avec  des  urines  ou  des  eaux  de  fumier  des  mé- 
langes de  matières  animales  et  de  carbonate  de 
potasse  et  de  chaux.  Quand  on  brûle  du  salpêtre, 
la  flamme  est  colorée  en  violet  par  des  vapeurs  de 
potassium  ;  ce  phénomène  ressemble  assez  à  une 
combustion  lente  de  poudre  légèrement  humide. 

Usages.  —  L'azotate  de  potasse  est  fréquemment 
employé  en  médecine;  à  petite  dose  il  est  diuré- 
tique, à  dose  élevée  de  plus  de  4  grammes  il  di- 
minue la  plasticité  du  sang  et  ralentit  la  circula- 
tion. Il  est  employé  dans  le  traitement  du 
rhumatisme  articulaire  aigu.  C'est  surtout  dans  la 
fabrication  de  la  poudre  qu'on  en  consomme  des 
quantités  considérables.  C'est  de  l'azotate  de  po- 
tasse et  de  l'azotate  de  soude  qu'on  extrait  l'acide 
azotique. 

Azotate  de  soude.  —  On  l'appelle  souvent  sal- 
pêtre du  Chili  parce  qu'il  nous  vient  de  ce  pays 
en  grande  quantité.  Il  est  souvent  mélangé  au  pré- 
cédent ainsi  qu'à  de  l'azotate  de  chaux  et  do  ma- 
gnésie. Au  Pérou  il  forme  ainsi  des  couches 
considérables.  Il  est  peu  employé  en  médecine  et 
sert  principalement  à  la  préparation  de  l'acide  azo- 
tique. 

Azotate  de  bismuth.  —  Le  sous-azotate  de 
bismuth  est  très  employé  en  médecine  comme 
antidiarrhéique,  principalement  depuis  les  der- 
nières apparitions  du  choléra  en  France  (1863 
et  1865).  La  préparation  pharmaceutique  de  ce 
sel  est  depuis  cette  époque  assez  importante 
pour  avoir  fait  élever  passablement  le  prix  du 
bismuth. 


BALANCE 


—  .939 


BALANCE 


Préparation.  —  Pour  le  proparer  on  dissout  le 
bismuth  en  poudre  dans  l'acide  azotique,  on  évapore 
la  solution,  et  lorsqu'elle  est  sufttsamment  concen- 
trée, on  la  verse  dans  quarante  fois  son  poids 
d'eau;  puis  on  ajoute  peu  h  peu  de  l'ammoniaque 
très  étendue  pour  neutraliser  une  partie  de  l'acide 
azotique  qui  est  devenu  libre  quand  on  a  étendu 
d'eau  la  solution  du  métal  dans  l'acide.  On  lave  le 


précipité,  on  filtre  et  on  fait  sécher.  Ce  sous-azotate» 
appelé  autrefois  magistère  de  bismuth ,  e?,t  une 
poudre  sans  saveur  ni  odeur  qu'on  emploie  aussi 
sous  le  nom  de  Ijlanc  de  fard.  «î 

Pour  Yazolate  d'anjent  (pierre  infernale),  V.  Aj-- 
gent  au  Supplément.  Pour  l'azotate  de  mercure, 
V.  Mercure. 

[A.  Jacquemart.] 


B 


BALA>'CE.  —  Physique,  IV.  —  La  balance  est 
l'instrument  le  plus  usuel  et  le  plus  précis  à  l'aide 
duquel  on  détermine  le  poids  des  corps.  Sa  partie 
essentielle  est  une  tige  rigide  et  droite,  le  flénii,  qui 
peut  tourner  autour  d'un  de  ses  points  appelé  point 
d'appui  et  qui  porte  à  ses  extrémités,  suspendus 
ou  supportés,  les  deux  plateaux  où  l'on  met  les 
corps  et  les  poids.  Les  distances  du  point  d'appui 
à  chacune  des  extrémités  du  fléau  sont  appelées 
bras  de  levier  de  la  balance;  ces  bras  de  levier 
sont  égaux  dans  la  balance  ordinaire,  inégaux  dans 
la  romaine  et  la  bascule. 

Balance  ordinaire.  —  L'une  des  deux  formes  les 
plus  répandues  de  cet  appareil  est  celle  où  les 
plateaux  ou  bassins  sont  suspendus  au  fléau.  Le 
fléau  est  une  barre  métallique  en  fer  ou  en  laiton, 
traversée  en  son  milieu  par  un  prisme  en  acier 
trempé  qu'on  nomme  le  couteau  et  dont  une  arête 
tournée  vers  le  bas  repose  sur  deux  petits  plans 
d'agate  ou  d'acier  qui  terminent  la  colonne  for- 
mant le  pied  de  la  balance.  Cette  disposition  a 
pour  but  de  faciliter  les  mouvements  du  fléau  ;  il 
ne  repose  en  efl'et  sur  son  appui  que  suivant  une 
ligne  sans  épaisseur,  c'est-à-dire  que  son  frotte- 
ment est  aussi  faible  que  possible.  A  ses  deux 
extrémités,  le  fléau  porte  d'autres  couteaux  dont 
l'arête  est  en  haut  et  sur  lesquels  reposent  les 
crochets  qui  suspendent  les  plateaux.  En  son  mi- 
lieu est  fixée  une  aiguille  perpendiculaire  à  son 
axe  dont  l'extrémité  inférieure  se  meut  devant  un 
arc  de  cercle  gradué  porté  par  le  pied  de  l'appareil. 

Quand  les  plateaux  sont  vides,  le  fléau  doit  être 
horizontal,  par  suite  l'aiguille  indicatrice  est  ver- 
ticale, c'est-à-dire  que  son  extrémité  inférieure 
correspond  au  trait  du  milieu  de  son  arc.  C'est  la 
position  d'équilibre  à  laquelle  revient  l'appareil 
libre,  après  r|uel<uie=;  nsrill.itions.  quand  i!  en  a  été 
écarté,  comme  l'indiquent  les  lois  qui  régissent  les 
corps  suspendus,  si  le  centre  de  gravité  du  fléau 
se  trouve  verticalement  au-dessous  du  point  d'ap- 
pui. Quand  les  deux  plateaux  sont  chargés,  le 
fléau  est  un  levier  qui  prend  de  lui-même  la  po- 
sition horizontale  lorsque  le  produit  de  chaque 
charge  par  le  bras  de  levier  correspondant  est  le 
même  de  part  et  d'autre.  Il  en  résulte  que  si  les 
deux  bras  de  levier  sont  rigoureusement  égaux, 
les  poids  placés  dans  chacun  des  deux  plateaux 
s'équivaudront  rigoureusement  quand,  sous  .leur 
efi'ort,  le  fléau  de  la  balance  restera  horizontal.  Les 
poids  marqués  mis  d'un  côté  exprimeront  donc  le 
poids  du  corps  qui,  mis  de  l'autre,  leur  fera  équi- 
libre. Dans  ce  cas  on  dit  que  la  balance  est  juste  ; 
elle  indique  exactement  le  poids  des  corps. 

Ainsi,  la  balance  est  juste  quand  les  deux  bras 
de  levier  du  fléau  sont  égaux  en  longueur  et  en 
poids,  que  le  centre  de  gravité  est  au-dessous  du 
point  d'appui  et  que  les  plateaux  sont  suspendus 
librement. 

Elle  doit  satisfaire  encore  aune  autre  condition, 
avoir  une  autre  qualité  qui  ajoute  à  sa  valeur;  il 
faut  qu'elle  soit  sensible,  qu'elle  puisse  indiquer 
de  faibles  difi'érences  dans  les  pesées,  que  l'addi- 
tion d'un  faible  poids  dans  l'un  des  plateaux  char- 
gés suffise  à  la  faire  incliner.  La  sensibilité  dépend 
de  la  charge  totale  que  supporte  l'appareil  ;  car 


si  le  frottement  au  point  d'appui  du  fléau  vient  à 
gêner  le  mouvement,  il  est  visible  qu'un  très  petit 
excès  de  poids  dans  l'un  des  bassins  sera  sans 
efl'et.  Lors  donc  qu'on  indique  le  degré  de  sensi- 
bilité d'une  balance  par  le  petit  poids  qui  la  fait 
trébucher,  il  faut  dire  aussi  sous  quelle  charge 
totale  cette  sensibilité  s'observe  .On  construit,  pour 
les  usages  des  laboratoires  et  des  pharmacies,  des 
balances  dites  de  précision  qui  sont  sensibles  au 
demi-milligramme  sousune  charge  qui  pour  les  unes 
s'arrêto  à  50  ou  100  grammes  et  qui  pour  d'autres 
peut  aller  jusqu'à  un  kilogramme.  Dans  ces  appa- 
reils, outre  la  parfaite  mobilité  du  fléau,  se  trouvent 
réalisées  d'autres  conditions  que  le  calcul  indique 
comme  nécessaires  à  produire  la  sensibilité:  c'est 
la  longueur  dos  bras  de  levier,  la  légèreté  du  fléau 
et  la  position  du  centre  de  gravité  le  plus  près 
possible  du  point  d'appui. 

Peser  un  corps.  —  Peu  de  balances  satisfont 
complètement  aux  conditions  théoriques  de  jus- 
tesse; aussi  n'obtient-on  que  le  poids  approché 
d'un  corps  en  le  plaçant  dans  l'un  des  bassins  et 
en  lui  faisant  équilibre  par  des  poids  marqués 
placés  dans  l'autre.  C'est  cependant  ainsi  qu'or» 
opère  d'habitude,  parce  qu'on  n'a  pas  toujours  be- 
soin d'exprimer  les  poids  avec  une  grande  préci- 
sion. Quand  on  veut  obtenir  le  poids  exact  d'un 
corps,  il  faut  recourir  à  la  double  pesée  :  on  place 
le  corps  dans  l'un  des  plateaux;  on  lui  fait  équilibre 
avec  de  la  grenaille  de  plomb  ou  tout  autre  objet 
placé  dans  l'autre  plateau: c'est  ce  que  l'on  appelle 
faire  la  tare;  on  enlève  le  corps  et  on  met  à  sa 
place  des  poids  marqués  jusqu'à  ramener  l'équi- 
libre ;  ces  poids  marqués  représentent  rigoureuse- 
ment le  poids  du  corps,  puisque  dans  la  même 
circonstance,  ils  produisent  le  même  effet  que  lui. 
Cette  méthode,  due  à  Borda,  a  l'avantage  de  per- 
mettre d'effectuer  des  pesées  très  exactes  avec 
toute  balance,  môme  celles  qui  s'éloignent  nota- 
blement de  la  justesse,  pourvu  qu'elles  trébuchent 
aisément,  c'est-à-dire  qu'elles  soient  sensibles. 
Pour  un  seul  corps,  il  y  a  deux  opérations;  mais  si 
l'on  veut  poser  successivement  cinq  objets  par 
exemple,  une  seule  tare  suffira  si  elle  correspond 
au  plus  lourd  des  corps  à  peser;  il  n'y  aura  alors 
que  six  opérations  à  faire. 

On  aurait  tort  de  croire  qu'on  obtient  le  poids 
exact  d'un  corps  en  le  pesant  successivement  dans 
les  deux  plateaux  d'une  balance  et  en  prenant  la 
nK)yenne  arithmétique  des  deux  nombres  trouvés; 
un  calcul  simple,  appuyé  sur  la  loi  des  leviers, 
montre  qu'il  faut  dans  ce  cas  prendre  la  moyenne 
géométrique  des  deux  nombres,  c'est-à-dire  ex- 
traire la  racine  carrée  de  leur  produit.  On  ne  peut 
donc  songer  à  recourir  à  cette  méthode  dans  la  pra- 
tique ;  la  précédente  est  beaucoup  plus  rapide. 

Balance  Robenal.  —  C'est  la  seconde  forme  de 
la  balance  ordinaire;  les  plateaux  sont  supportés 
par  le  fléau  au  lieu  de  lui  être  suspendus;  ce  der- 
nier est  souvent  masqué  dans  une  boîte  rectangu- 
laire d'où  émergent  les  di  ux  tiges  qui  portent  les 
bassins  et  l'aiguille  indicatrice  de  l'équilibre. 
L'appareil  tient  peu  de  place,  il  est  très-commode, 
aussi  est-il  très-répandu. 

Bala7ice  romaine.  —  Dans  la  balance  romaine^ 


BANQUES 


2i0  — 


BANQUES 


Je  fléau  n'est  pas  suspendu  on  son  milieu,  les  bras 
•de  levier  sont  inégaux  ;  l'extrémité  la  plus  courte 
porte  le  crochet  ou  le  plateau  unique  qui  reçoit 
les  corps  à  peser;  la  tige  la  plus  longue  porte  un 
poids  mobile  appelé  curseur  qa  on  éloigne  plus  ou 
moins  du  point  d'appui,  suivant  le  corps  que  l'on 
pèse,  de  manière  à  obtenir  l'iiorizontalité  du  fléau 
qui  est  la  condition  de  l'équilibre.  On  a  marqué 
sur  cette  tige  des  échancrures  ou  des  traits  numé- 
rotés dans  lesquels  il  faut  placer  le  curseur  pour 
faire  équilibre  à  des  poids  de  1,  2,  3  kilogrammes 
et  fractions  do  kilogramme  placés  sur  le  plateau, 
L'appai'eil  ne  nécessite  aucun  autre  poids  que  son 
•curseur  et  il  permet  des  pesées  très  rapides. 

li'iscule.  —  La  bascule,  très  cmploj^ée  dans  le 
commerce  en  gros  et  dans  les  bureaux  de  bagages 
■des  chemins  de  fer,  est  aussi  composée  de  leviers 
à  bras  inégaux  associés.  Elle  est  ordinairement 
construite  de  telle  façon  que  lorsqu'on  a  amené  le 
fléau  à  être  horizontal,  à  l'aide  de  poids  conve- 
iiables  placés  dans  le  plateau,  il  faut  décupler  ces 
poids  pour  avnir  le  poids  du  fardeau.  On  constate 
l'horizontalité  du  fléau,  c'est-à-dire  l'équilibre,  par 
la  coïncidence  de  deux  pointes  dont  l'une  est  fixe 
■et  l'autre  mobile  avec  le  plateau  des  poids. 

Exercices  et  applications.  —  1 .  Vérifier  une  ba- 
lance :  s'assurer  d'abord  que  le  fléau  débarrassé 
-des  plateaux  reste  horizontal  et  que  son  aiguille 
■s'arrête  au  milieu  de  son  arc  ;  faire  ensuite  la  tare 
d'un  corps,  changer  le  corps  et  sa  tare  de  plateaux 
et  voir  si  l'équilibre  persiste. 

2.  Essayer  la  sensibilité  d'une  balance  sous  di- 
verses charges  en  cherchant  pour  chacune  le  plus 
petit  poids  qui  la  fait  trébucher. 

3.  Vérifier  une  romaine  en  y  suspendant  dos 
poids  marqués  et  en  constatant  si  les  indications 
correspondantes  du  curseur  sont  exactes. 

[Haraucourt.] 
BANQUES.  —  Connaissances  usuelles,  VII.  — 
1.  Fonctions  des  banques  en  général.  —  «  Les 
fonctions  des  banques,  dit  Ch.  Coquelin,  peuvent 
se  formuler  ainsi:  1"  escomjjter  les  effets  du  com- 
merce, en  prenant  un  intérêt  variable  selon  les 
temps,  et  toujours  calculé  d'après  l'éloignement  de 
l'échéance  ;  2"  émettre  des  billets  payables  à  vue 
et  au  porteur,  qu'elles  donnent,  soit  en  écliange 
des  effets  de  commerce  qu'on  leur  présente,  soit 
■en  paiement  de  toute  autre  dette  qu'elles  contrac- 
tent, et  qui  peuvent  circuler  dans  le  public  jusqu'à 
•ce  qu'il  plaise  aux  porteurs  de  les  présenter  à  la 
caisse  pour  les  convertir  en  argent  ;  3'  faire  des 
avances  aux  particuliers,  soit  en  billets  de  banque, 
soit  en  argent,  moyennant  des  garanties,  telles  que 
dépôt  de  marchandises,  particulièrement  de  ma- 
tières d'or  et  d'argent,  dépôts  de  titres  ou  de  va- 
leurs publiques,  hypothèques  sur  des  biens-fonds; 
4°  ouvrir  à  des  particuliers  ou  à  des  établissements 
publics  des  crédits  à  découvert  jusqu'à  concur- 
rence d'une  somme  déterminée,  soit  après  avoir 
■exigé  préalablement  une  caution,  soit  sur  la  seule 
garantie  de  la  moralité  ou  de  la  solvabilité  du  cré- 
dité ;  5°  recevoir  en  dépôt  l'argent  des  particuliers, 
à  cliargc  de  le  rendre  à  toute  réquisition,  tantôt  en 
s'obligeant  à  payer  un  intérêt  pour  les  sommes  dé- 
posées, tantôt  en  se  chargeant  d'effectuer  sans 
rétribution,  pour  le  compte  des  disposants,  tous  les 
paiements  et  recouvrements  d"elV<'ts  de  commerce, 
tantôt  enfin  en  se  bornant  à  effectuer  les  paie- 
ments par  des  virements  de  parties  ou  des  trans- 
ferts sur  les  livres,  comme  faisaient  les  anciennes 
banques  de  dépôt.  '> 

Examinons  rapidement  ces  diverses  opérations. 
1°  EscoMi'TE.  —  Les  effets  de  commerce,  c'est-à- 
dire  ceux  qui  peuvent  se  transmettre  par  endosse- 
ment, tels  que  les  tdllets  à  ordre,  les  lettres  de 
c/ianr/e  et  les  c/iè(jue:<, sont  les  seuls  qui  soient  ac- 
ceptés ])ar  les  ban(|ues  contre  échange  d'argent. 
Ils  doivent  porter  au  moins  deux  signatures.  Ces 


deux  signatures  peuvent  suffire  dans  les  petites 
villes  où  la  solvabilité  de  chaque  négociant  est,  en 
général,  bien  connue  ;  mais,  à  Paris  et  dans  les 
grands  centres,  on  en  exige  trois. 

Le  taux  de  Tescompte  varie  selon  les  circon- 
etances  et  selon  la  distance  de  l'échéance  depuis 
2  1/2  0/0  jusqu'à  8,  [i  et  môme  10  0/0.  Dans  un 
moment  de  crise  commerciale,  une  banque  peut 
être  obligée  de  refuser  d'escompte  des  billets,  ou 
d'élever  le  taux  de  l'escompte  ou  de  n'accepter 
que  des  billets  à  courte  échéance.  Ainsi,  vers  le 
milieu  de  novembre  1857,  les  taux  adoptés  parla 
banque  de  France  et  par  la  banque  d'Angleterre 
ont  été  10  0/1)  pour  les  billets  à  3  mois  d'échéance, 
9  0/0  à  2  mois  et  8  0/0    à  1  mois. 

2"  Émissions.  -•  Le  droit  d'émettre  des  Ijillets  de 
bani{uc  n'appartient,  en  France,  qu'à  un  seul  éta- 
blissement, la  Banf|ue  de  France  (loi  du  24  germi- 
nal, an  X  —  14  avril  1803). 

Le  billet  de  banque  est  un  billet  à  ordre  perfec- 
tionné ;  il  est,  comme  lui,  une  promesse  de  payer  ; 
il  n'a  de  valeur  que  parce  que  le  porteur  est  con- 
vaincu qu'il  peut  être  échangé  à  volonté  contre  des 
espèces  sonnantes  ;  il  a  pour  but  d'éviter  les  trans- 
ports de  numéraire,  mais  il  n'est  pas  une  monnaie 
proprement  dite.  Son  principal  avantage  sur  le 
billet  à  ordre  lient  à  ce  qu'il  est  accepté  par  tout 
le  monde,  qu'il  remplace  presque  complètement  la 
monnaie  métallique  et,  qu'au  lieu  d'être  rembour- 
sable à  époque  fixe,  il  peut  circuler  indéfiniment  et 
ne  rentrera  la  banque  que  lorsqu'il  est  en  lambeaux 
par  l'effet  de  l'usage.  Il  résulte  de  là  deux  consé- 
quences qui  semblent  opposées  :  pour  le  porteur,  le 
billet  de  banque  est  un  efi'et  constamment  échu  ; 
pour  la  Banque,  au  contraire,  c'est  un  effet  payable 
dans  un  délai  indéfini,  ce  qui  permet  à  celle-ci  de 
porter  ses  escomptes  et  ses  émissions  de  billets  à 
un  chiffre  bien  supérieur  à  celui  des  fonds  qu'elle 
possède  dans  ses  caisses. 

S'il  arrivait  qu'à  un  moment  donné,  par  l'efiFet 
d'une  panique,  on  présentât  à  la  Banque  de  France 
une  grande  partie  de  ses  billets  en  circulation,  elle 
se  verrait  obligée  de  refuser  le  remboursemenr,  et 
cependant  ces  billets  conserveraient  leur  valjur 
intégrale  :  on  dirait  alors  qu'il  y  a  cours  forcé. 
Ainsi,  quelques  jours  après  la  révolution  de  1848, 
un  décret  du  15  mars  accorda  à  la  Banque  de  France 
l'autorisation  de  ne  pas  rembourser  ses  billets  à 
condition  qu'elle  en  limiterait  la  circulation  à  àbO 
millions. 

3'  Avances.  —  En  principe,  les  banques  ne  prê- 
tent de  l'argent  qu'à  courte  échéance  et  n'es- 
comptent pas  les  billets  qui  ont  plus  de  trois  mois 
à  courir.  Cependant,  par  une  dérogation  à  ce  prin- 
cipe,, elles  font  des  avances  sur  des  valeurs  à 
échéance  non  déterminée  ou  même  sans  échéance 
conune  sur  des  titres  de  rente,  sur  des  actions  de 
chemins  de  fer,  etc.,  en  ayant  soin  de  faire  sous- 
crire aux  emprunteurs  des  engagements  do  rem- 
boursement à  courte  échéance,  engagements  qut 
Ion  peut,  du  reste,  renouveler  indéfiniment. 

k"  Crédits.  —  Il  y  a  des  banques,  principale- 
ment en  Ecosse,  qui  prêtent  sur  hypothèques  et 
même  ù  découvei^t,  c'est-à-dire  sans  exiger  le  dépôt 
d'aucun  litre  ;  mais  ces  dernières  opérations  peu- 
vent causer  de  graves  embarras  aux  maisons  qui 
les  pi-atiqucnt. 

b"  DÉPOTS.  —  Une  des  plus  anciennes  et  des  prin- 
cipales opéi'ations  des  banques  consiste  à  recevoir 
en  dépôts  les  sommes  des  particuliers  et  à  opérer 
en  leur  nom  et  sur  leur  ordre  des  paiements  ou, 
comme  on  disait  autrefois,  des  virements  de 
foiids.  Ainsi  un  commerçant  qui  ne  veut  pas  con- 
server chez  lui  des  sommes  improductives,  et  pres- 
que tous  les  commerçants  sont  dans  ce  cas,  so 
met  en  compte  courant  avec  un  banquier  ;  il  fait 
des  dépôts  chez  ce  banquier  toutes  les  fois  qu'il  a 
des  capitaux  disponibles  ;  il  le  charge  de  toucher 


BANQUES 


—  241  - 


BANQUES 


ses  effets  et  de  faire  tous  ses  paiements  jusqu'à 
concurrence  des  sommes  déposées  ou  perçues. 
A  cet  efi'et,  le  banquier  ouvre  un  compte  par  doit 
et  par  avoir:  la  première  partie  renferme  les 
sommes  reçues  par  le  commerçant  ou  payées  pour 
son  compte  ;  la  deuxième,  les  sommes  déposées  par 
lui  ou  encaissées  en  son  nom,  de  sorte  que  le  doit 
du  commerçant  représente  Vavoir  du  banquier,  et 
inversement.  Tous  les  trois  mois  ou  tous  les  six 
mois,  selon  l'importance  des  affaires,  on  fait  un 
règlement  de  compte  en  calculant  exactement  les 
intérêts  d'après  les  nombres  de  jours  et  d'après  un 
taux  qui  est  le  même  pour  les  deux  parties  ;  on  fait 
la  balance  et  l'on  reporte  à  nouveau  la  différence 
au  doit  ou  à  l'avoir  du  commerçant.  Le  banquier 
perçoit,  en  outre,  une  commissioJi,  généralement 
de  1/4  O/i',  sur  les  sommes  encaissées  par  ses  soins, 
plus  un  droit  de  change  de  place,  dont  le  taux  est 
variable,  quand  l'encaissement  a  lieu  dans  une 
autre  ville  que  celle  qu'il  habite. 

Établissements  de  banque  et  de  crédit.  —  Pas- 
sons maintenant  en  revue  les  principaux  établis- 
sements de  banque  et  de  crédit  pour  faire  con- 
naître brièvement  leur  organisation    et  leur  but. 

Il  convient  tout  d'abord  de  distinguer  les  ban- 
ques de  circulation  ou  banques  d'Etat  et  les  éta- 
blissements privés. 

1»  Banques  d'Etat.  —  La  plupart  des  pays  ont 
un  établissement  d'Etat  qui  est  investi  de  certains 
privilèges,  souvent  même  du  monopole  de  l'émis- 
sion. Telles  sont,  pour  ne  citer  que  les  principales, 
la  Banque  de  France  dont  nous  allons  parler,  la 
Banque  d'Angleterre,  la  Banque  de  l'empire  alle- 
mand, la  Banque  nationale  d'Italie,  la  Banque  d' Au- 
triche, etc. 

La  B.\NQi)E  DE  France  (siège  social:  rue  Croix 
des  Petits-Champs  à  Paris)  fut  constituée  le  24  plu- 
viôse an  VIII  (13  février  1800)  au  capital  de  30  mil- 
lions; elle  eut,  dès  l'origine,  le  droit  d'émettre  des 
billets  payables  au  porteur  et  à  vue,  mais  concur- 
remment avec  d'autres  institutions  semblables  (la 
Caisse  d'escompte  du  commerce,  le  Comptoir  com- 
mercial, la  Factorerie,  etc.).  La  loi  du  24  germinal 
an  XI  (14  avril  1803)  restreignit  ce  privilège  à  la 
Banque  de  France,  qui,  à  cette  occasion,  porta 
son  capital  à  45  millions  ;  un  comité  central  de 
trois  personnes  choisies  parmi  15  régents,  nom- 
més eux-mêmes  par  les  actionnaires,  était  chargé 
de  la  direction  de  la  Banque.  La  loi  du  22  avril 
1806,  en  substituant  au  comité  central  des  trois 
régents  trois  gouverneurs  nommés  par  le  gouver- 
nement, fit  de  la  Banque  une  institution  semi-gou- 
vernementale et  semi-particulière  ;  commanditée 
par  les  particuliers,  dii-igée  par  l'État,  telle  est  la 
forme  sous  laquelle  elle  fonctionne  depuis  près 
de  trois  quarts  de  siècle. 

Le  capital  social  a  augmenté  successivement,  et 
la  loi  du  9  juin  1867  l'a  porté  à  iSi  500  000  francs, 
divisé  en  182  500  actions  libérées  de  lOOo  francs, 
cest-à-dire  payées  entièrement.  Ces  actions  sont 
nomiiiatices.  Sur  cette  somme,  un  fonds  de  réserve 
de  100  millions  a  été  prélevé  et  versé  dans  les 
caisses  de  l'État  en  échange  do  4  millions  de  rente 
3  p.  100. 

La  valeur  de  ces  actions  a  beaucoup  varié;  au- 
jourd'hui elle  dépasse  en  général  5000  francs. 
Les  dividendes  distribués  aux  actionnaires  ont 
naturellement  suivi  la  même  marche  ;  ils  étaient 
de  100  francs  en  l'an  IX  (1801);  de  74  francs 
en  1810;  de  64  fr.  50  en  1820;  de  85  francs 
en  1830;  de  139  francs  en  1840;  de  101  francs  en 
1850  ;  de  1 40  francs  en  1 8C0  ;  de  1 1  \  francs  en  1 870  : 
de  270  francs  en  1871  et  de  320  francs  en  1872. 

En  outre  des  dividendes  versés,  la  Banque  a 
réparti  deux  fois  sa  réserve  aux  actionnaires: 

1°  Loi  du  4  juillet  l.s2(),  —  202  francs  par  action  ; 
2°  Loi  du  G   décembre  1831,  —  145    francs  par 
action. 

V  Partie. 


Les  billets  de  la  Banque  actuellement  en  circula» 
tion  sont  de  lOOO  francs,  de  500  francs,  de  200, 
de  100  et  de  50  francs,  ceux  de  50(i0  francs,  de 
20  et  de  5  francs  étant  à  peu  près  complètement 
retirés. 

La  Banque  fait  l'escompte,  les  recouvrements, 
les  comptes  courants,  accepte  des  dépôts,  prête 
sur  les  actions  et  sur  les  obligations  des  chemin.s 
de  fer,  sur  les  obligations  de  la  Ville  de  Paris,  sur 
colles  du  Crédit  foncier  et  sur  celles  de  la  Société 
algérienne  ;  elle  est  en  compte  courant  avec  le 
ministère  des  finances  qu'elle  a  fréquemment  aidé  • 
ainsi,  en  1870-71,  elle  a  fait  un  prêt  à  l'État  qui  à 
dépassé  1  milliard  300  millions  comme  importance 
totale  et  dont  le  remboursement  est,  à  peu  près,  à 
la  disposition  du  Trésor,  bien  qu'on  ait  inscrit  dans 
la  loi  200  millions  par  an. 

La  Banque  a  créé  des  comptoirs  ou  succursales 
dans  les  principales  villes  de  France;  elle  doit  en 
posséder  au  moins  une  dans  chaque  département. 
Cette  adjonction  des  banques  secondaires  et  la 
création  dos  succursales  a  considérablement  aug- 
menté l'émission  des  billets  de  banque.  Ainsi,  la 
loi  du  22  décembre  1 849  a  porté  la  limite  des  billets 
en  circulation  à  525  millions;  celle  du  12  août 
1870  a  porté  cette  limite  à  1  800  000  000;  celle  du 
14  août  suivant  à  2  400  000  000  ;  celle  du  29  dé- 
cembre I87|  à  2  800  000000  ;  enfin  celle  du  15  juil- 
let 1872  à  3  200000000. 

Pour  faire  face  à  toutes  les  difficultés  qui  peu- 
vent surgir,  la  Banque  doit  posséder  un  encaisse 
métallique  énorme,  servant,  pour  ainsi  dire,  de 
cautionnement  à  ses  billets;  certains  financiers 
estiment  que  cet  encaisse  doit  être  d'un  quart  en- 
viron de  la  valeur  des  billets  en  circulation,  mais 
cette  opinion  est  purement  théorique  et  aucune  loi 
économique  n'en  a  jusqu'ici  démontré  l'exactitude 
rigoureuse.  Le  bilan  de  la  Banque  de  France  est 
publié  chaque  semaine  au  Journal  officiel. 
La  Banque  est  administrée: 
1°  Par  un  gouverneur  et  deux  sous-gouverneurs 
à  la  nomination  du  Président  de  la  République, 
sur  la  présentation  du  ministre  des  finances; 

2°  Par  quinze  régents  nommés  par  les  action- 
naires, cinq  devant  être  pris  parmi  les  manufactu- 
riers, fabricants  ou  commerçants,  et  trois  parmi  les 
receveurs  généraux,  pourvu  que  ceux-ci  soient  ac- 
tionnaires ; 

3°  Par  trois  censeurs,  manufacturiers,  fabricants 
ou  commerçants,  nommés  aussi  par  les  action- 
naires et  choisis  également  parmi  eux. 

Les  gouverneurs,  régents  et  censeurs  forment, 
par  leur  réunion,  le  conseil  général  de  la  Ban- 
que. 

L'assemblée  générale  a  lieu  tous  les  ans  en  jan- 
vier ;  elle  se  compose  des  deux  cents  plus  forts 
actionnaires 

•i»  Etahlissem.ents  de  crédit.  —  En  dehors  des 
banques  d'État,  il  existe  dans  tous  les  pays  de 
grandes  sociétés  qui  exercent  librement  l'industrie 
du  banquier  sous  réserve  de  certaines  garanties 
prescrites  par  la  loi  et  qui  peuvent  différer  sui- 
vant Jes  pays  et  les  circonstances. 

Ces  institutions  font  l'escompte  des  effets  de 
commerce,  émettent  des  obligations  à  long  terme 
ou  des  chèques  payables  à  vue,  etc.  ;  mais  il  leur 
est  interdit,  en  France,  d'émettre  des  billets  de 
banque,  le  monopole  de  cette  émission  étant  ré- 
servé à  la  Banque  de  France. 

Parmi  les  principales  institutions  de  ce  genre 
que  possède  la  France  nous  citerons  :  1"  le  Comp- 
toir d'escompte  de  Paris,  société  anonyme  consti- 
tuée le  lO  mars  1848  pour  39  ans  (capital  social:  lOO 
millions,  divisé  en  160,000  actions  libérées  ou  por- 
teur de  625  francs  chacune).  Cette  société  a  pour  objet 
principal  d'escompter  tous  les  effets  do  commerce 
payables  à  Paris,  daus  les  départements  et  à  l'é- 
tranger ;  de  faire  des  avances  moyennant  des  garan. 

16 


BANQUES 


—  242  — 


BARBARES 


ties  fixées,  de  se  charger  de  tous  paiements  et 
recouvrements,  d'ouvrir  des  souscriptions  à  des 
empruiits  publics  ou  autres,  etc. 

Le  cours  des  actions  du  Comptoir  d'escompte 
est  généralement  supérieur  à  9ii0  fr.  Voici  les  ré- 
partitions accordées  à  ces  actions  pendant  quelques 
années:  40  fr.  en  1850,  44  fr.  en  1860,  6i",b0  en 
1865,  27".60  en  1870,  etc. 

Le  i^uniptoir  d'escompte  a  des  succursales  en 
France  et  à  l'étranger.  Un  certain  nombre  de  villes 
possèdent  un  comptoir  d'escompte  particulier,  in- 
dépendant du  précédent  et  ayant  le  même  but  : 
Angoulême,  Caen.  Fougères.  Lyon,  Mirecourt,  Mul- 
house, Nancy,  Reims  .Uouen,  etc. 

2"  La  Société  de  dépôts  et  de  comptes  courants, 
société  anonyme  autorisée  le  6  juillet  1863  pour 
30  ans.  Capital  social  :  GO  millions,  divisé  en  120.000 
actions  nominatives  de  5(!0  fr.  chacune.  Elle  fait  à 
peu  près  les  mêmes  opérations  que  le  Comptoir 
d'escompte. 

3°  La  Société  générale  pour  favoriser  le  dévelop- 
pement du  commerce  et  de  l'industrie  en  Frarice, 
société  anonyme  autorisée  le  4  mai  1864  pour  50  ans. 
Capital  social  :  120  millions,  divisé  en  2^0  000  ac- 
tions nominatives  de  500  fr.  Cette  société,  qui  fait 
toutes  les  opérations  de  banque  ordinaires,  a  pour 
objet  d'aider  à  la  constitution  ou  au  développement 
d'associations  industrielles  et  commerciales. 

4°  Le  Crédit  mobili'-r,  société  anonyme  autori- 
sée le  11  décembre  1871  pour  50  ans.  Capital  so- 
cial :  80,000,000,  divisé  en  16(t,000  actions  libérées, 
au  porteur,  de  500  fr.  chacune.  Elle  fait  pour  son 
compte  ou  pour  le  compte  do  tiers  toutes  les  opé- 
rations de  crédit,  de  banque  et  de  commission  sur 
valeurs  mobilières. 

Mentionnons  encore  ici  un  établissement  qui,  sans 
être  une  banque  proprement  dite,  a  joué  depuis 
trente  ans  un  trop  grand  rôle  comme  établisse- 
ment de  crédit  pour  ne  pas  être  signalé  :  c'est 
le  Crédit  foncier  de  France,  société  anonyme 
autorisée  le  -30  juillet  1852  pour  99  ans.  Capital 
social  :  90  millions,  divisé  en  180  000  actions.  Le 
Crédit  foncier  prête  sur  hypothèque  aux  pro- 
priétaires d'immeubles  des  sommes  remboursables, 
soit  à  long  terme  par  annuités,  soit  à  court  terme 
avec  ou  sans  amortissement;  il  crée  ou  négocie  des 
obligations  foncières,  reçoit  des  dépôts,  et  favorise 
par  différentes  opérations  l'amélioration  du  sol  et 
les  progros  de  l'agriculture. 

Pour  satisfaire  aux  prêts  qu'il  est  autorisé  à.  faire, 
le  Crédit  foncier  a  émis  on  1853  une  première  série 
d'obligations  de  1000,  de  500  et  de  lOO  fr.,  toutes 
libérées,  formant  un  total  de  2ii0  millions,  rappor- 
tant 30,  15  et  3  fr.  d'intérêt  fixe  par  an,  rembour- 
sables en  50  ans  à  raison  de  1200,  600  et  120  fr. 
par  tirages  au  sort  et  avec  primes  pour  les  premiers 
numéros  sortants.  En  1857,  elle  a  émis  une 
2*  série  d'obligations  de  500  fr.  remboursables  au 
pair  en  50  ans,  par  tirages  au  sort  sans  primes  et 
rapportant  25  fr.  par  an.  D'autres  émissions  ont  eu 
lieu  depuis.  En  186  ',  elle  a  émis  une  première  sé- 
rie de  75.000  obligations  communales  pour  faire 
des  prêts  aux  départements,  aux  communes  et  aux 
associations  syndicales.  D'autres  séries  ont  été 
émises  depuis. 

Enfin,  il  y  a  quelques  années,  il  s'est  assimilé 
complètement  le  Crédit  agricole  qui  se  trouvait  en 
liquidation  et  qui  avait  éié  ju-(iiie  là  un  établisse- 
ment particulier,  bien  qu'il  lût  dirigé  par  les  gou- 
verneurs et  la  plupart  des  admmisirateiirs  du 
Crédit  foncier.  Le  capital  social  ajuutJ  est  de  4ii 
millions  divisé  en  80, n'  ()  nhlt^niions. 

Pour  faire  voir  le  développement  immense  des 
opérations  du  Crédit  foncier,  nous  donnons  un 
extrait  du  bilan  communiqué  à  l' assemblée  générale 
le  30  avril  18"  7. 

Le  montant  des  prêts  hj-pothécaires  à  long  terme 
réalisés  par  le  Crédit  foncier  depuis  sa  fondation 


est  de  1  287  276  779",28;  celui  des  prêts  commu- 
naux réalisés  depuis  la  loi  de  1860  est  de 
87x340  5l2".64.  Le  capital  restant  dû,  au  31  dé- 
cembre 1876,  s'élève  h  832  908  165  fr.  pour  les 
prêts  hypothécaires  et  à  559  078  703f',48  pour  les 
prêts  communaux. 

A  côté  des  compagnies  anonymes  et  des  grandes 
maisons  de  banque,  qui  ont  k  leur  disposition  des 
capitaux  considérables,  se  trouvent  une  infinité  de 
banques  particulières  dans  toutes  les  villes  de 
France,  qui  font  en  petit  ce  que  les  premières  font 
en  grand,  c'est-à-dire  escomptent  les  effets,  font 
les  recouvrements,  reçoivent  des  dépôts,  font  des 
avances,  etc.  —  V.  Amortissement,  Annuités,  Cré- 
dit foncier,  Escompte  [Règle  d'j,  Obligations. 

[Bougueret]. 

Pour  les  problèmes  se  rapportant  aux  questions 
de  banque,  V.  Actions. 

Lectures  et  dictées.  —  Levasseur,  Histoire  des  classes 
ouvriih-es.  t.  I,  p.  216-221,  232-263;  t.  H,  p.  97,  116-118, 
227-ÎJ2  (sur  la  Banque  de  France). 

BARBARES.  —  Histoire  générale,  XVL  —  Le 
nom  de  Barbares  était  donné  par  les  Grecs  et  plus 
tard  par  les  Romains  à  tous  les  peuples  étrangers. 
Pour  eux,  tout  ce  qui  n'était  pas  hellène  ou  latin 
méritait  à  peine  le  nom  d'homme  ;  et  ces  races 
inférieures,  mercantiles  comme  les  Carthaginois, 
serviles  comme  les  Asiatiques  ou  vigoureuses 
comme  les  Germains,  n'étaient  que  de  la  matière 
humaine,  bonne  tout  au  plus  à  alimenter  le  trésor 
et  les  marchés  d'esclaves.  On  devait  les  écrasorou 
les  vendre. 

Origine  des  barbares.  —  Pourtant  tous  les  Eu- 
ropéens étaient  frères.  La  race  aryenne,  en  route 
vers  l'occident,  s'étaient  partagée  en  deux  coh- 
rants  parallèles  que  séparaient  les  Balkans  et  les 
Alpes.  Ces  deux  courants  sortaient  de  l'Asie,  msis 
l'un  au  nord,  l'autre  au  sud.  Les  Pélasges,  les  Hel- 
lènes, les  Italiens  venus  par  l'Asie  Mineure, 
s'étaient  mûris  plus  vite  au  soleil  de  la  Méditerra- 
née, au  voisinage  des  civilisations  précédentes  ;  les 
autres,  ceux  que  les  Grecs  appelaient  d'un  nom 
générique  les  Scythes, étaient  descendus  du  Cau- 
case dans  les  plaines  sans  frontières  de  la  Russie, 
de  l'Allemagne,  et  avaient  obscurément  pénétre 
sous  les  forêts  jusqu'à  la  Baltique  et  à  la  mer  du 
Nord.  Séparés,  ces  deux  mondes  s'ignoraient  depuis 
de  longs  siècles.  Des  Scythes,  les  Grecs  ne  con- 
naissaient guère  que  le  nom.  Aussi  quand  elles  se 
rejoignirent,  ces  deux  moitiés  de  la  race  aryenne 
ne  s'inspirèrent  que  l'étonnement  et  la  haine.  Leur 
choc,  dès  longtemps  inévitable,  eut  pour  résultat 
l'invasion. 

Ce  ne  futpas  une  irruption  soudaine  :  à  l'avance, 
des  chocs  redoutables,  l'invasion  des  Cimbres, 
(f  dont  le  nom  devint  le  synonyme  de  fort  et  de 
terrible,  »  le  désastre  de  Varus.  l'an  9  après  J.-C, 
furent  les  avertissements  du  péril.  Auguste  trouva 
pour  l'empire  un  rempart  :  derrière  le  fossé  du  Da- 
nube et  du  Rhin,  Rome  attendit  les  Barbares. 
Habile  à  les  user  contre  eux-mêmes ,  elle  recru- 
tait parmi  eux  ses  armées;  par  sa  politique  de 
division  et  de  corruption  constante,  elle  réussit  à 
maintenir  sa  frontière  pendant  quatre  siècles. 

État  lie  Rome.  —  Mais  son  empire  s'affaissait  sur 
lui-même.  Les  nationalités  effacées  par  la  con- 
quête, le  gouvernementdésorganisé  par  les  guerres 
civiles,  le  monde  épuisé  d'hommes  par  l'esclavage, 
de  richesses  par  la  rapacité  romaine,  «  une  inertie 
mortelle  se  répandit  dans  tout  lo  corps  social.  Le 
peuple  se  coucha  par  terre  de  lassitude  et  de  dé- 
sespoir, comme  la  bête  de  somme  se  couche  sous 
les  coups  et  refuse  de  se  relever.  »  (Michelet.) 
Rome  n'avait  plus  ni  patriotisme,  ni  religion  na- 
tionale, ni  ressort  ;  sa  domination  se  décomposait 
et  croulait  de  toutes  parts,  quand  les  Barbares 
vinrent  lui  porter  les  derniers  coups. 

Éiat  des  Barbares.  —  Derrière  le  Rhin  et    le 


BARBARES 


—  213  — 


BARBARES 


Danube  jusqu'au  fond  de  lAsie  sagitait  confusé- 
ment la  masse  vague  et  flottante  des  populations 
barbares.  En  Asie,  la  race  tartare  comprenait  les 
Alains  (région  du  Caucase), les Bw/^rare^  (région  du 
Volga),  les  Hongiyis,  les  Turcs,  qui  envahirent 
successivement  l'Europe.  La  plupart,  au  iv«  siè- 
cle, étaient  dominés  par  les  Huns.  En  Europe, 
les  Slaves  du  midi  Serbes,  Croates),  de  l'ouest 
(Moraves,  Tchèques,  Lettons)  et  du  nord  (Russes, 
Finnois)  avaient  subi  l'empire  des  Goths,  que 
bornaient  à  l'ouest  la  Theiss  et  la  Vistule,  au  sud 
le  Danube,  à  l'est  le  Don.  Enfin,  la  Geiman>e  com- 
prenait trois  groupes  de  peuples  :  au  nord  du  We- 
ser,  les  Saxoiu  (Saxons  proprement  dits,  Angles. 
Burgundes  et  Vandales);  à  l'ouest,  la  confédération 
des  Frayics  (Francs  maritimes  aux  bouches  du 
Rhin,  Francs  Salions  sur  l'Yssel,  Francs  Ripuairas 
vers  Mayence)  ;  au  sud,  les  Alamans  ou  Suèves 
(Alamans  sur  les  bords  du  Rhin,  Suèves  sur  le 
Neckar,  Boiowares  en  Bavière). 

La  barbarie  desTartars,  nomades,  sans  lois,  sans 
gouvernement  régulier,  devait  se  bornera  détruire. 
Mais  les  tribus  germaines  avaient  déjà  des  institu- 
tions qui  durèrent.  D'abord  les  Germains  «  ado- 
raient le  soleil  qui  éclaire,  le  glaive  qui  tue,  la 
terre  qui  nourrit.  »  (Fustel  de  Coulanges.)  n  Tous 
les  ans,  la  déesse  Hertha  (la  Terre)  sortait,  sur  un 
char  voilé,  du  mj'stéripux  hnfac'^  où  plie  avait  son 
sanctuaire,  dans  une  île  de  l'océan  du  Nord.  » 
Puis  le  héros  Odin  a  était'  venu  promettre  l'im- 
mortalité aux  braves,  un  paradis,  un  walhalla,  où 
ils  pourraient  tout  le  jour  se  tailler  en  pièces,  et 
s'asseoir  ensuite  aux  banquets  du  soir.» — La  femme 
devint  alors  la  fée  des  combats,  «  la  Walkj'rie  char- 
mante \t  terrible,  qui  cueille  comme  une  fleur 
l'âme  du  guerrier  expirant.  »  ^Michelet.)  Ces  peu- 
ples n'avaient  point  de  villes,  mais  seulement  des 
villages  et  des  forteresses,  dont  ils  cultivaient  l'alen- 
tour.  Les  esclaves  travaillaient  pour  les  nobles  et  les 
hommes  libres.  Leurs  tribus  étaient  réunies  en  cités 
quelquefois  puissantes  où  dominaient  l'aristocratie 
€t  les  chefs  de  guerre.  «  Un  homme  se  levait  au 
milieu  d'une  assemblée  ;  il  annonçait  qu'il  allait 
faire  une  expédition  en  tel  lieu,  contre  tel  ennemi; 
ceux  qui  avaient  confiance  en  lui  l'acclamaient 
pour  chef  et  le  suivaient.  »  (Fustel.)  A  jamais  in- 
fâme celui  qui  reviendrait  sans  lui  du  combat  ;  «  sa 
table  abondante  et  grossière,  voilà  la  solde  ;  la 
guerre  y  fournit,  et  le  pillage.  »  (Tacite.)  Et  les 
guerriers  jetaient  de  l'herbe  par-dessus  leur  épaule, 
puis  se  lançaient  dans  l'aventure  et  la  guerre. 
Au  v*  siècle,  ce  régime  des  bandes  guerrières 
avait  prévalu  ;  leGermain,  traînant  après  lui  sa  fa- 
mille, a  rapportait  ses  blessures  à  une  mère,  à  une 
épouse,  qui  ne  craignait  pas  de  compter  et  de  me- 
surer les  plaies.  »  Et  cette  vie  errante,  faite  d'in- 
dépendance farouche  et  de  guerre  constante, con- 
suma les  forces  de  la  Germanie  jusqu'au  jour  où 
une  impulsion  extérieure  vint  la  jeter  sur  l'empiré 
romain. 

Première  période.  —  De  l'Oural  au  Kamtchatka 
s'étend  une  plaine  immense  et  sans  frontières. 
«Terreindécise.racosflottantes.  »  Les  Huns  mongols 
sillonnaient  ces  déserts  glacés  ;  à  force  de  tuer  et 
de  piller,  de  proche  en  proche,  ils  étaient  entrés 
en  Russie;  d'un  seul  choc,  l'empire  des  Goths  fut 
brisé.  Ceux-ci,  chassés  par  les  vainqueurs,  qui 
«  paraissaient  effroyables  aux  barbares  eux-mê- 
mes ».  passèrent  le  Danube  avec  la  permission  de 
l'empereur  ;  on  prit  leur  armes,  leurs  enfants, 
comme  à  des  vaincus  (.375).  Mais  aff'amés  par  l'avi- 
dité romaine,  les  Wisigoths  se  soulèvent,  tuent 
l'empereur  à  Andrinople  (378),etle  flot  des  Barbares 
■vainqueurs  roule  jusqu'à  Constantinople.  Arrêtés 
par  Théodose,  ils  s'ébranlent  de  nouveau  sous 
Alaric,  et  cette  horde  d'un  million  d'hommes  pro- 
mène dans  l'empire  le  pillage  et  la  destruction.  Sui- 
vant de  près  les  Germains  de  Radagaise  qu'a  vaincus 


un  Vandale,  Stilicon,  chef  de  la  milice,  ils  s'abattent 
sur  l'Italie.  L'empereur  se  réfugie  à  Ravenne,  pen- 
dant que  Rome  est  en  proie  au  pillage.  Un  chef, 
Ataulph,  bientôt  successeur  d' Alaric,  prend  dans 
le  butin  la  sœur  du  prince,  qui  envoie  les  pillards 
s'établir  en  Aquitaine  comme  soldats  de  l'empire, 
(412).  Malgré  eux,  ces  Barbares  étaient  saisis  de 
respect  devant  le  prodigieux  ouvrage  de  la  civili- 
sation romaine. 

Cependant  le  progrès  des  Huns  avait  poussé  sur 
la  Gaule  la  Germanie  tout  entière.  Dans  la  nuit  du 
31  décembre  au  t"  janvier  407,  une  avalanche  de 
Suèves,  de  Vandales,  d'Alains  et  de  Burgundes 
avait  franchi  le  Rhin  sur  la  glace.  Pendant  deux 
ans,  la  Gaule  fut  dévastée,  t  Les  Barbares  ne  lais- 
saient derrière  eux  qu'un  sol  nu  et  des  débris  fu- 
mants. La  ruine  eût  été  moins  complète,  si  l'Océan 
tout  entier  eût  débordé  sur  les  champs  gaulois.  » 
(Orose.)  Enfin  les  Burgundes  se  fixèrent  sur  la 
Saône,  et  les  autres  bandes  allèrent  chercher  en 
Espagne  une  nouvelle  proie  (409).  Les  Suèves  y 
fondèrent  dans  l'ouest  (Asturies,  Portugal)  un 
royaume  éphémère  bientôt  détruit  par  les  Wisi- 
goths (456). 

En  4"2'J,  les  Vandales  s'embarquaient  pour  l'Afri- 
que, sous  leur  roi  Genséric.  Leur  fureur  fut  si 
épouvantable  que  le  mot  de  vandalisme  est  devenu 
synonyme  de  barbarie  ;  ils  écrasaient  les  enfants 
contre  les  pierres,  et  5  millions  d'hommes  périrent, 
dit  Procope.  Les  côtes  de  la  Méditerranée  devinrent 
la  proie  des  pirates  vandales,  et  Genséric  pilla 
Rome  pendant  quinze  jours  (455).  Des  milliers  de 
captifs,  les  trésors  entassés  depuis  des  siècles  fu- 
rent chargés  sur  les  vaisseaux   barbares. 

Mais  le  génie  de  la  destruction  n'avait  pas  encore 
paru  dans  l'empire.  «  Sérieux  et  grave,  ramassé 
dans  sa  taille  courte  et  forte,  le  nez  écrasé,  le  front 
large  et  percé  de  deux  trous  ardents,  Attila  roule 
de  sombres  pensées,  tandis  qu'il  passe  la  main  dans 
les  cheveux  de  son  jeune  fils.  »  (Michelet.)  C'est 
ainsi  que  le  virent  avec  effroi  les  Grecs,  envoyés 
par  Théodose  H,  «  dans  son  village  de  bois,  tout 
peint  et  tapissé,  aux  mille  kiosques,  aux  cent  cou- 
leurs, et  tout  autour  la  verte  prairie  du  Danube. 
(^'est  de  là  qu'il  partait  tous  les  ans  avec  son  im- 
mense cavalerie.  »  La  terreur  marchait  devant  lui  : 
et  l'herbe  ne  poussait  plus  là  où  son  cheval  avait 
passé  !  Toute  la  Gaule  frémit  quand  il  franchit  le 
Rhin.  Tous,  Romains  ou  barbares,  du  Wahal  aux 
Pyrénées,  furent  aussitôt  debout,  aux  ordres  du 
patrice  Aétius,  contre  celui  qui  leur  apportait  une 
égale  servitude.  Mais  déjà  Orléans  était  menacé 
quand  arriva  l'armée  des  confédérés,  Romains,  Gau- 
lois, Francs,  Goths  et  Burgundes.  Les  Huns  recu- 
lèrent jusque  vers  Mauriac  entre  Troyes  etChâlons. 
Là  eut  lieu  la  grande  bataille  des  champs  catalauni- 
ques.  Les  tambours  tartars  et  les  trompes  d'aurochs 
donnèrent  le  signal.  Le  soir,  le  roi  des  Wisigoths 
gisait  sur  le  champ  de  carnage  avec  environ  1 65,000 
liommes.  Mais  le  lendemain  Attila  ne  sortit  pas  de 
son  camp,  et  après  quelques  jours,  il  reprit  la 
route  du  Rhin.  L'Occident  était  sauvé.  Deux  ans 
plus  tard,  le  fléau  de  Dieu  reparut  en  Italie.  Une 
croyance  populaire  menaçait  de  mort  quiconque 
entrait  de  force  dans  la  ville  éternelle.  Le  roi  des 
Huns  se  retira  devant  le  pape  saint  Léon.  Il  périt 
pourtant,  dit  la  légende,  égorgé,  la  nuit  de  ses  no- 
ces, par  la  fille  d'un  chef  vaincu  qu'il  avait  con- 
trainte à  l'épouser.  Après  lui,  les  Huns  s'évanoui- 
rent comme  un  songe  terrible. 

La  grande  invasion  allait  finir.  Comme  chez  un 
mourant  la  vie  se  retire  lentement  des  membres  au 
cœur,  les  légions  romaines  abandonnant  la  Breta- 
gne, rEspagne,  la  Gaule,  l'Afrique,  s'étaient  con- 
centrées en  Italie.  Mais  les  Hérules,  enrôlés  dans 
l'armée  romaine,  se  révoltèrent  à  leur  tour.  La 
déposition  de  Romulus  Augustule  mit  fin  à  l'empire 
d'Occident  (47g}.  Le  dernier  des  douze  vautours  ap- 


BAROMETRE  —  2 

parus  à  Romulus,  et  qui  promettaient  à  Koino 
autant  de  siècles  de  vie,«  venait  d'aclicver  son  vol  : 
ô  Rome,  tu  sais  ton  destin.  »  (Sidoine.) 

Deuxième  période.  —  L'empire  détruit,  les  Van- 
dales dominaient  en  Afrique,  les  Wisigotlis  en 
Espagne  et  en  Aquitaine,  lesBurgundessurla  Saône 
elle  Rhône  ;  Clovis  enfin  allait  conquérir  la  Gaule. 
Théodoric  ritalie  ;  les  Anglo-Saxons  la  Grande- 
Bretagne.  Pour  la  Gaule,  ce  fut  l'invasion  cfcfini- 
tive.  Les  Francs  vinrent  les  derniers  et  restèrent 
maîtres.  Mais  l'Italie  pacifiée  par  le  génie  de  Théo- 
doric n'était  pas  encore  à  jamais  tranquille.  Tou- 
jours elle  a  groupé  les  nations  autour  d'elle,  par  la 
force  aux  temps  de  la  république  romaine,  et  par 
ses  enchantements  aux  temps  de  ses  divisions.  Les 
Lombards  devaient  encore  descendre  des  Alpes  et 
l'arracher  aux  Grecs,  qui  l'avaient  reprise  aux  Os- 
trogotlis. 

Troisième  période.  —  Cela  dit,  l'invasion  est- 
elle  terminée  ?  pas  encore.  L'élan  des  peuples  vers 
l'Occident  n'est  pas  arrêté.  L'Angleterre  est  la 
proie  de  miarations  continuelles.  Charlemagne 
repoussera  dans  l'est  le  dernier  ban  des  barbares 
slaves  et  tartares  Enfin  les  pirates  du  nord  vien- 
dront sur  leurs  chevaux  de  mer  désoler  longtemps 
nos  rivages  ;  les  invasions  magyares  se  continue- 
ront jusqu'au  milieu  du  x*  siècle  dans  l'Europe  cen- 
trale, et  les  Arabes  couvriront  l'Espagne  de  leurs 
légers  escadrons.  Néanmoins  l'Europe  occidentale 
est  définitivement  constituée.  Du  mélange  des  races 
accumulées  se  formeront  les  peuples  modernes, 
en  Gaule,  en  Italie,  en  Espagne,  en  Angleterre. 

[Paul  Scliiifer.j 

B.VKO^iETRE.  —  Physique,  IX.  ~  Le  baromè- 
tre est  un  instrument  qui  sert  à  constater  et  à 
mesurer  les  variations  de  la  pression  atmosphéri- 
que. Il  a  été  imaginé  par  Torricelli  qui,  en  1641. 
réussit  le  premier  à  prouver  expérimentalement 
rexistence  de  la  pression  de  l'air  et  à  trouver  sa 
valeur. 

1.  Tube  de  Torricelli.  —  Pour  répéter  l'expé- 
rience du  savant  disciple  de  Galilée,  on  remplit  de 
mercure  sec  un  tube  d'un  mèLre,  on  bouche  avec 
le  doigt  l'extrémité  ouverte  ;  on  retourne  le  tube, 
pour  plonger  l'extrémité  que  le  doigt  ferme  dans 
une  cuvette  de  mercure  ;  quand  on  ôte  le  doigt, 
le  mercure  descend  dans  le  tube  et, après  quelques 
oscillations,  le  sommet  de  la  colonne  s'arrête  à  une 
distance  d'environ  76  centimètres  au-dessus  du  ni- 
veau du  liquide  dans  la  cuvette.  On  se  convainc 
facilement  que  c'est  la  pression  exercée  par  l'air 
qui  retient  dans  le  tube  cette  colonne  de  liquide 
au-dessus  de  laquelle  est  le  vide  :  l'élément  liquide 
du  tube  qui  est  au  niveau  de  la  cuvette  doit  être 
aussi  pressé  que  tout  élément  égal  de  la  surface 
du  mercure  ;  il  l'est  par  la  colonne  qu'il  supporte, 
le  second  l'est  par  l'air;  on  en  conclut  que  la  pres- 
sion de  l'air  est  représentée  par  la  colonne  de 
mercure  du  tube.  Si  on  suppose  que  la  section  du 
tube  ait  1  centimètre  carré  de  surface,  la  hauteur 
de  la  colonne  liquide  étant  de  70  centimètres,  son 
volume  est  de  76  centimètres  cubes  ;  comme  cha- 
que centimètre  cube  de  mercure  pèse  13^%6,  le  poids 
de  la  colonne  soulevée  est  de  70  fois  135',6  ou 
1033  grammes,  ou  approximativement  1  kilogramme. 
La  pression  exercée  par  l'atmosphère  est  donc  d'à 
peu  près  1  kilogramme  par  centimètre  carré  de 
surface. 

C'est  si  bien  la  pression  de  l'air  qui  retient  le 
mercure  du  tube  au-dessus  du  niveau  de  la  cu- 
vette, que  si  on  remplace  le  mercure  par  un  autre 
liquide,  l'eau  par  exemple,  la  hauteur  de  la  colonne 
soulevée  est  telle  que  son  poids  soit  encore  de 
1033  grammes  pour  une  surface  pressée  d'un  cen- 
timètre carré.  La  colonne  d'eau  doit  donc  avoir 
1033  centimètres  de  hauteur  ou  10'". 33.  L'exuc- 
rience  faite  par  Pascal  a  confirmé  ce  résultat. 

Le  lube  de  Torricelli  indique  donc  à  chaque  in- 


lî  —  BAROMÈTRE 

stant  la  pression  de  l'atmosphère.  11  permet  d'en 
suivre  les  variations.  Qu'on  le  transporte  en  effet 
sur  un  lieu  élevé  et  on  verra  baisser  la  coloime 
de  mercure,  comme  on  devait  s'y  attendre,  puis- 
que le  liquide  de  la  cuvette  supportera  de  moins- 
le  poids  des  couches  d  air  qui  seront  au-dessous. 
On  a  donc  ainsi  une  sorte  de  balance  propre  à  don- 
ner à  chaque  instant  le  poids  variable  Ue  l'aimc- 
sphère.  Et  il  suffira,  dans  tous  les  cas,  pour  con- 
naître ce  poids,  de  lire  la  hauteur  de  la  colonne 
mercurielle,  c'est-à-dire  la  distance  verticale  des 
deux  niveaux;  et  quand  on  dira  que  la  pression 
atmosphérique  est  de  770"'",  elle  sera  suffisam- 
ment définie,  puisqu'on  pourra  trouver  sa  valeur  en 
kilogrammes  sur  toute  surface  donnée,  en  calcu- 
lant le  poids  d'une  colonne  de  mercure  de  770°"" 
de  hauteur,  supposée  existante  au-dessus  de  la 
surface  considérée. 

Pour  lire  la  hauteur,  on  accompagne  le  tube, 
retenu  verticalement,  d'une  planchette  qui  porte 
une  graduation  en  centimètres  et  millimètres  et 
dont  le  zéro  correspond  au  niveau  du  mercure  dans 
la  cuvette.  L'appareil  ainsi  monté  constitue  le  pre- 
mier et  le  plus  simple  des  baromètres. 

2.  Baromètre  à  cuvette.  —  Le  baromètre  à  cu- 
vette n'est  qu'un  tube  de  Torricelli  fait  avec  tout  le 
soin  possible  pour  que  le  vide  existe  au-dessus  du 
mercure,  et  fixé  à  demeure  contre  une  planchette 
verticale  graduée.  Si  l'on  veut  lire  les  hauteurs 
exactes  exprimant  les  pressions,  il  faut  mesurer  la 
distance  des  deux  niveaux  du  liquide;  mais  si 
l'on  se  contente  de  mesures  approximatives,  on 
lit  les  hauteurs  sur  la  graduation. 

Il  importe  que  les  variations  du  mercure  dans  le 
tube  et  par  suite  dans  la  cuvette  n'amènent  pas  dis 
déplacements  trop  considérables  du  zéro:  c'esi 
pourquoi  on  choisit  une  cuvette  dont  la  surface  soit 
beaucoup  plus  grande  que  la  section  du  tube  ;  la 
cuvette  anglaise,  large  et  très  peu  profonde,  réalise 
cet  avantage;  elle  y  ajoute  celui  de  n'exiger  que 
peu  de  liquide.  Mais  cet  appareil,  comme  le  tube 
de  Torricelli,  a  le  grave  incL'Uvénient  de  n'être  pas 
transportable. 

3.  liaromèlre  de  Fortin.  —  Le  baromètre  do 
Fortin  est  celui  de  tous  les  baromètres  à  mercure 
dont  le  transport  est  le  plus  facile.  Le  tube  n'a  d'"" 
particulier  f[ue  d'être  protégé  par  un  étui  métalli- 
que percé  de  deux  fentes  longitudinales  qui  per- 
mettent de  voir  le  haut  de  la  colonne  mercurielle. 
La  cuvette  est  à  fond  mobile  ;  elle  est  fermée  en 
dessous  par  une  peau  de  chamois  reposant  sur 
une  vis  à  l'aide  de  laquelle  on  peut  élever  ou 
abaisser  le  mercure.  Le  haut  du  cylindre  qui  la 
forme  est  en  verre  et  laisse  voir  le  niveau  du  li- 
quide ;  son  couvercle  supérieur  est  percé  de  peti- 
tes ouvertures  qui  laissent  pénétrer  l'air  et  sont 
trop  étroites  pour  laisser  écouler,  le  mercure:  il 
porte  une  pointe  d'ivoire  verticale  dont  l'extrémité 
inférieure  correspond  au  zéro  de  la  graduation. 
Veut-on  transporter  l'instrument,  on  tourne  la  vis 
pour  remonter  le  mercure  dans  la  cuvette  ;  on  peut 
alors  retourner  le  tube  sans  aucun  risque  que  l'air 
puisse  pénétrer  dans  la  chambre  barométrique. 
Veut-on  au  contraire  procéder  à  une  observation, 
on  suspend  l'appareil  verticalement  ;  on  détourne 
la  vis  jusqu'à  ce  que  le  niveau  du  mercure  de  la 
cuvette  afileure  la  pointe  d'ivoire,  et  on  lit  la  hau- 
teur dans  le  tube  sur  la  graduation  de  son  étui. 

On  a  fait  de  ce  baromètre  un  instrument  de  pré- 
cision et  de  luxe,  de  voyage  aussi  bien  que  d'ob- 
servatoire. 

4.  Baromètre  à  siphon.  —  On  construit,  pour 
les  observations  ordinaires,  un  baromètre  formé 
d'un  tube  recourbé  en  deux  branches  parallèles; 
l'une  longue  de  0"',S0  est  fermée;  l'autre  beau- 
coup plus  courte,  d'un  diamètre  plus  large,  est  ou- 
verte :  c'est  le  baromètre  à  aiphoii.  La  pression  de 
l'air  s'exerce  par  l'ouverture  de  la  petite  branche; 


CAllOMÈTRE  —  - 

elle  est  mesurée  par  la  différence  verticale  des 
deux  niveaux.  Quand  on  munit  l'appareil  d'une 
échelle  fixe  dont  le  zéro  a  été  placé  vis-à-vis  du  ni- 
veau inférieur  du  mercure  au  moment  de  la  con- 
«truction,  les  indications  sont  inexactes,  puisque  ce 
niveau  inférieur  est  variable.  On  peut  en  faire  un 
appareil  précis  en  plaçant  le  zéro  en  un  point 
quelconque  do  la  tige  et  en  graduant  en  centi- 
mètres et  millimètres  au-dessus  et  au-dessous. 
Mais  alors  une  observation  exige  qu'on  fasse  deux 
lectures,  du  zéro  à  chacun  dos  deux  niveaux,  et 
<ju'on  additionne  les  deux  nombres  trouvés. 

Gaj--Lussac  a  rendu  cet  instrument  transportable 
on  reliant  les  deux  branches  par  un  tube  capillaire 
qui  reste  toujours  plein  de  mercure  quand  on  re- 
tourne l'appareil  ;  et  il  s'en  est  servi  pour  faire 
en  voyage  des  observations  précises,  en  s'impo- 
«ant,  pour  chacune,  les  deux  lectures  que  la  double 
irraduation  rond  nécessaires. 

Le  baromètre  à  cadran,  dont  on  a  fait  un  élégant 
meuble  de  salon,  est  encore  un  baromètre  à  si- 
phon; le  mercure  de  la  petite  branche  supporte 
un  petit  poids  de  fer  soutenu  par  un  fil  qui  passe 
sur  une  poulie  et  qui  suspend  un  contre-poids 
un  peu  plus  léger;  ;\  la  poulie  est  fixée  une  aiguille 
mobile  sur  un  cadran  gradué  ;  l'élévation  ou  l'abais- 
sement du  mercure,  en  agissant  sur  le  petit  poids, 
fait  tourner  l'aiguille  dans  un  sens  ou  dans  l'autre 
devant  les  indications  marquées  sur  le  cadran.  Cet 
appareil  est  le  moins  exact  des  baromètres;  il  ne 
mérite  pas  la  confiance  qu'on  lui  accorde  trop  sou- 
vent. 

.j.  Bnromèlre  anéroïde.  —  Tous  les  baromètres 
il  mercure  ont  l'inconvénient  d'exiger  un  long  tube 
•<;t  de  n'être  pas  facilement  transportables.  On  leur 
j)réfèrc  aujourd'hui  un  instrument  entièrement 
métallique,  peu  volumineux,  très  facile  à  manier, 
Mi'.e  son  auteur  a  appelé  aneroiae,  pour  inaïquer  que 
1  (iraane  principal  est  privé  d'air.  Extérieurement, 
ro  baromètre  présente  un  cadraii  gradué  sur  lequel 
une  aiguille  marque  les  pressions  atmosphériques. 
La  pièce  essentielle  est  une  boîte  en  laiton  mince, 
;i  surface  cannelée,  que  l'on  a  fermée  après  en 
avoir  extrait  l'air;  elle  repose  sur  un  socle,  et  sa 
surface  supérieure,  obéissant  aux  variations  do 
latmosphère,  s'élève  ou  s'abaisse  de  quantités 
ti'ès  petites  ot  invisibles,  mais  que  l'on  parvient  à 
rendre  sensibles  en  les  multipliant  convenablement 
par  des  leviers.  Ce  sont  ces  mouvements  que  l'ai- 
guille reproduit. 

L'appareil  tient  peu  de  place,  il  marche  très  ré- 
gulièrement, il  est  commode  partout  et  particuliè- 
rement en  voyage. 

Usages  du  haroniptre.  —  Quelle  que  soit  sa 
forme,  le  baromètre  donne  en  tout  lieu  et  à  tout 
instant  la  mesure  de  la  pression  de  l'air.  Or,  cette 
pression  est  très  variable  suivant  l'état  de  l'atmo- 
sphère au  moment  où  se  fait  l'observation  et  aussi 
suivant  l'altitude  du  lieu  où  l'on  opère.  De  là  deux 
usages  principaux  du  baromètre  :  la  mesure  de 
l'élévation  verticale  d'un  lieu,  et  l'étude  des  va- 
riations de  l'atmosphère  pour  la  prévision  du 
temps. 

A.  Mesure  des  hauteurs.  —  A  mesure  qu'on 
s'élève,  la  colonne  barométrique  s'abaisse,  ainsi 
que  l'a  prouvé  Pascal  dès  IC4«,  en  observant  son 
baromètre  àla  base  et  au  sommet  du  Puy-de-Dôme, 
et  comme  l'ont  démontré  depuis  toutes  les  obser- 
vations des  voyageurs  et  des  aéronautes.  Il  3'  a 
donc  un  rapport  entre  la  hauteur  de  la  colonne  ba- 
rométrique et  l'altiludo  du  lieu  où  l'instrument  est 
placé.  Comme  l'air  décroit  de  densité  et  de  tem- 
pérature à  mesure  qu'on  monte,  ce  rapport  n'est 
pas  simple  ;  il  a  fallu  des  calculs  compliqués  pour 
le  trouver.  Quoi  qu'il  en  soit,  si  l'on  fait  deux  ob- 
servations simultanées,  l'une  au  pied  d'une  mon- 
tagne, l'autre  au  sonnnet,  et  qu'on  note  les  deux 
hauteurs    barométriques    H    et  A ,   puis  les   deux 


5  —  CASES 

températures  T  et  t,  on  déduit  de  ces  quatre  nom- 
bres la  hauteur  de  la  montagne.  Quand  cette  hau- 
teur ne  dépasse  pas  1000  à  1200  mètres, on  se  sert 
de  la  formule  suivante  due  à  M.  Babinet,qui  donne 
un  résultat  approché  : 

Hauteur  cherchée  =  10000  fl  +  1ILJ1Î2"\  ÎLZJ^. 
\    ^     lUOU    /H -h  A 

Pour  une  détermination  plus  exacte,  il  faut  re- 
courir à  la  formule  de  Laplace  indiquée  dans  l'An- 
nuaire da  Bureau  des  longitudes. 

B.  Précision  du  temps.  —  foute  perturbation 
survenant  dans  l'atmosphère  influe  sur  le  baro- 
mètre et  modifie  la  pression  qu'il  supporte.  Les 
variations  de  la  hauteur  barométrique  semblent 
donc  pouvoir  fournir,  jusqu'à  un  certain  point,  des 
indications  sur  les  c\iangements  de  temps.  Une 
longue  expérience  a  en  efl'et  appris  que  dans  nos 
régions  le  baromètre  est  haut  par  un  temps  sec, 
qu'il  est  bas  par  un  temps  pluvieux,  qu'il  monte 
lentement  quand  le  temps  se  met  au  beau,  c'est-à- 
dire  quand  l'air  devient  plus  lourd  en  devenant 
moins  humide, et  qu'il  baisse  graduellement  quand 
le  temps  se  met  à  la  pluie,  c'est-à-dire  quand  l'air 
devient  plus  léger  en  prenant  de  l'humidité.  Il  ré- 
sulte de  nombreuses  observations,  qu'à  certaines 
hauteurs  de  la  colonne  correspondent  assez  géné- 
ralement des  états  déterminés  du  ciel;  ce  sont  les 
suivants  pour  le  climat  de  Paris  : 

Très  sec.         Beau   fixe.        Beau.         Variable. 

"îJo""".  776.  76:î.  7oS. 


Pluie  ou  \ent. 
749. 


Grande  pluie. 

7-10. 


Tempête. 

73Û. 


On  a  pris  l'habitude  de  les  inscrire  sur  les  baro- 
mètres pour  rendre  les  observations  ordinaires 
plus  commodes  et  plus  promptes  ;  mais  ils  ne  con- 
cordent pas  avec  le  temps  dans  toutes  les  con- 
trées. 

Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  les  pronostics 
tirés  des  indications  barométriques  ne  sont  que  des 
probabilités.  Le  baromètre  ne  fait  connaître  d'une 
manière  positive  qu'une  chose  :  la  pression  de 
l'atmosphère  au  moment  de  l'observation;  seul,  il 
ne  peut  rien  faire  préjuger  de  ce  qui  se  passera 
plus  tard.  Cependant,  quand  il  subit  un  abaisse- 
ment considérable  et  brusque,  c'est  un  signe  à  peu 
près  certain  de  tempête,  alors  même  que  rien  ne 
l'annonce  dans  l'air. 

Le  phénomène  de  la  pluie  et  du  beau  temps  est 
très  complexe  ;  il  tient  surtout  à  la  direction  du 
vent;  il  ne  peut  être  prévu  avec  quelque  sûreté 
que  dans  un  observatoire  qui  centralise  des  obser- 
vations nombreuses  pour  en  tirer  la  connaissance 
du  temps  probable  et  en  répandre  l'annonce  par  les 
moyens  rapides.  Les  observations  isolées  n'acquiè- 
rent quelque  valeur  comme  pronostics  qu'autant 
qu'on  les  accompagne  de  celles  des  vents  régnants 
et  de  l'état  du  ciel. 

Applications  et  expériences.  —  1.  Vérifier  le  vide 
de  la  chambre  d'un  baromètre  en  l'inclinant  len- 
tement et  remarquants!  le  tube  se  remplit  complè- 
tement. 

2.  Mesurer  une  hauteur  à  l'aide  du  baromètre. 

3.  Tenir  un  registre  d'observations  barométriqHes 
où  se  trouvent  consignés  l'état  de  l'atmosphère 
(beau  temps  ou  pluie)  et  en  regard  la  hauteur  en 
millimètres  de  la  colonne  et  la  température.  Le 
faire  surtout  pour  un  baromètre  portant  les  indi- 
cations littérales  du  temps,  pour  s'assurer  qu'elles 
présentent  quelque  exactitude  et  pouvoir  les  recti- 
fier au  besoin.  ,        [Haraucourt.] 

BASES.  —  Chimie II.  —  (£<yw.: Dérivation  du 
sens  ordinaire  du  mot  hase,  parce  que  les  oxydes 
étaient  considérés  comme  l'élémeni  essentiel  et 
caractéristique  des  sels.) 

Lorsqu'on  a  fait  la  nomenclature  chimique,  on 
a  donné  le  nom  de  Ijases  exclusivement  aux  oxydes 
métalliques  capables  de  neutraliser  les  acides  en 


BASES 


-  246 


BASSE-COUR 


formant  avec  eux  des  sels{\.  Acides  et  Sels).  Ainsi, 
la  potasse  ou  oxyde  de  potassium,  la  chaux  ou 
oxyde  de  calcium,  la  magnésie  ou  oxyde  de  magné- 
sium sont  des  bases. 

La  dissolution  aqueuse  du  gaz  ammoniac,  ou  al- 
cali volatil,  est  une  base,  quoique  n'étant  pas  un 
oxyde  métallique,  à  cause  de  ses  analogies  chimi- 
ques avec  la  potasse  qui  est  le  type  des  bases. 

En  1820,  Pelletier  et  Caventou  purent  extraire 
de  récorce  de  quinquina  deux  principes  ayant 
comme  les  oxydes  métalliques  la  propriété  de  for- 
mer des  sels  cristallisables  en  se  combinant  avec 
les  acides.  Pour  rappeler  cet  important  caractère 
chimique,  on  les  nomma  alcaloïdes*. 

Depuis  la  découverte  de  Pelletier  et  Caventou, 
le  nombre  des  alcaloïdes  a  considérablement  aug- 
menté ;  Wurtz  et  Hoffmann  en  ont  préparé  un 
grand  nombre  qui  n'existent  pas  dans  la  nature 
et  dont  les  sels  se  rattachent  aux  sels  ammoniacaux 
en  ce  qu'ils  en  dérivent  par  la  substitution  d'un 
radical  alcoolique  à  l'hydrogène  de  l'ammoniaque. 
Nous  ajouterons  que  ces  bases  sont  plutôt  appelées 
ammoniaqices  composées  qu'alcaloïdes,  nom  ré- 
servé aux  bases  organiques  naturelles. 

La  dissolution  aqueuse  des  bases  solubles  ra- 
mène au  bleu  le  tournesol  rougi  par  les  acides.  On 
dit  d'une  liqueur  qu'elle  est  basique  quand  elle  a 
cette  action  sur  le  tournesol. 

Certains  sels  à,  base  puissante  et  à  acide  faible 
agissent  ainsi  ;  tel  est  le  carbonate  de  potasse 
appelé  industriellement  potasse,  tandis  que,  comme 
son  nom  l'indique,  c'est  de  la  potasse  imparfaite- 
ment neutralisée  par  de  l'acide  carbonique. 

Il  y  a  des  sels  complètement  diiîérents  par  les 
réactions  qu'ils  peuvent  donner  avec  d'autres  sels 
ou  par  leur  solubilité  et  même  par  toutes  leurs 
propriétés  chimiques,  et  qui  cependant  ne  diffèrent 
dans  leur  constitution  que  par  des  quantités  plus 
ou  moins  grandes  d'une  môme  base  combinée  i\  un 
même  acide.  Ainsi,  la  chaux  en  se  combinant  sui- 
vant ditîérentcs  proportions  ;\  l'acide  phosphorique 
forme  trois  séries  de  phosphates  dout  l'un  consti- 
tue en  grande  partie  l'élément  minéral  des  os  des 
animaux.  On  donne  le  nom  d'acide  polybasiqiie  à 
l'acide  qui  forme  des  combinaisons  semblables  ; 
dans  le  cas  particulier  que  nous  citons  comme 
exemple,  on  dit  que  l'acide  phosphorique  est  tri- 
basique. 

Les  poids  d'une  même  base  qui  se  combinent 
ainsi  à  un  même  poids  d'acide  sont  entre  eux  dans 
des  rapports  simples,  comme  1,  "i,  -3,  c'est-à-dire 
que  si  on  suppose  trois  poids  des  différents  phos- 
phates de  chaux  contenant  la  même  quantité  d'a- 
cide phosphorique,  on  trouvera  par  l'analyse  des 
poids  de  chaux  dont  le  second  sera  double  du  l" 
et  dont  le  3*  sera  triple. 

Cette  loi  due  à  Wentzel  est  un  des  fondements  de 
la  chimie  moderne,  car  avec  cpUe  de  GayLussac 
sur  les  combinaisons  des  gaz  elle  est  le  point  do 
départ  de  la  théorie  des  éqtWKilents  et  par  suite 
de  la  tliéorie  atonnqiie  (V.  Équivalents). 

Prépnratio?i  des  hases.  —  Toutes  les  préparations 
des  oxydes  métalliques  basiques  peuvent  se  ra- 
mener à  trois  procédés  généraux  :  1»  Griller  le 
métal  à  l'air  quand  celui  ci  s'oxyde  facilement  et 
ne  coîite  pas  trop  cher;  c'est  ainsi  qu'on  ])répare 
les  oxydes  de  plomb  et  de  cuivre.  L'oxyde  ainsi 
obtenu  est  anhydre,  généralement  insoluble. 

2°  Chasser  par  la  calcination  d'un  sel  l'acide 
qui  s'y  trouve  combiné  à  la  base  que  l'on  veut 
obtenir.  C'est  ainsi  que  l'on  obtient  la  chaux  par  la 
calcination  des  calcaires  ou  carbonate  de  chaux 
divers.  La  magnésie  calcinée  des  pharmaciens 
s'obtient  par  la  calcination  de  son  carbonate.  Dans 
ce  cas  l'oxyde  obtenu  est  encore  anhydre. 

.3  On  ohfiont  In  plnpart  des  bases  métalliques  n 
l'état  de  combinaison  avec  Veau  ou  d'hy/ratc,  en 
les  extrayant  de  l'un   do  leurs   sels  en  dl:*soUition 


par  l'action  sur  ce  sel  d'une  base  plus  puissante, 
par  exemple  la  potasse,  la  soude,  l'ammoniaque, 
qui  sont  les  bases  se  combinant  le  plus  facilement 
aux  acides.  Nous  terminerons  ces  généralités  en 
donnant  le  procédé  particulier  par  lequel  on  obtient 
deux  bases  importantes, la  potasse  et  la  soude. 

Le  carbonate  de  potasse  et  le  carbonate  de 
soude,  potasse  et  soude  du  commerce,  sont  dissous 
et  chauffés  dans  une  capsule  d'argent  avec  de  la 
chaux  hydratée,  celle-ci  se  combinant  très  facile- 
ment avec  l'acide  carbonique  produit  la  séparation 
de  cet  acide  et  de  la  base  alcaline;  il  se  forme  un 
dépôt  de  carbonate  calcaire,  et  la  liqueur  surna- 
geante est  une  dissolution  de  potasse  ou  de  soude; 
on  la  décante,  il  ne  reste  ensuite  qu'à  la  concentrer 
jusqu'à  fusion  et  à  l'abri  de  l'air;  on  la  coule,  elle 
se  prend  en  plaques  blanches  très  caustiques: 
c'est  la  potasse  ou  la  soude  à  la  chaux.  On  peut  la 
débarrasser  de  cette  base  qu'elle  retient,  par  une 
dissolution  dans  l'alcool.  [A.  Jacquemart. 1 

BASSK-COUR.  —Agriculture,  XV.  —  La  basse- 
cour  est,  à  proprement  parler  la  partie  des  bâti- 
ments d'une  exploitation  rurale,  réservée  aux  petits 
animaux  domestiques,  co(|S  et  poules,  canards, 
pigeons,  oies,  dindons,  lapins,  etc.  Par  extension, 
cette  appellation  est  donnée  très  souvent  aux  ani- 
maux eux-mêmes  qui  peuplent  la  basse-cour.  Jadi» 
négligée,  laissée  aux  soins  des  enfants,  la  basse- 
cour  est  devenue,  dans  beaucoup  de  fermes,  une 
source  de  profits  considérables,  par  la  vente  des 
œufs  et  par  celle  des  jeunes  oiseaux  dont  les  prix 
ont  suivi  partout  la  hausse  générale  des  prix  de  la 
viande. 

Deux  conditions  sont  nécessaires  pour  réussir 
dans  l'entretien  de  la  basse-cour  rurale,  car  il  ne 
peut  être  ici  question  des  volières  des  maisons  de 
campagne  ou  des  châteaux.  La  première,  c'est  d'é- 
tablir le  poulailler,  quelque  rustique  qu'il  soit, 
dans  un  lieu  sec  et  sain  ;  la  deuxième,  c'est  d'y  en- 
tretenir une  très  grande  propreté.  Enfin,  quelle 
que  soit  l'espèce  d'animaux  de  basse-cour  que  l'on 
choisisse,  il  est  indispensable,  non  pas  de  les  tenir 
enfermés  dans  un  local  trop  restreint,  mais  de  les 
empêcher  de  sortir  en  dehors  de  la  cour  de  la 
ferme.  Les  volailles  qui  vivent  dans  les  champs 
coûtent  beaucoup  plus  clier  qu'elles  ne  rappor- 
tent, à  raison  des  dégâts  qu'elles  produisent  dans 
les  récoltes;  dans  la  cour  de  la  ferme,  au  contraire, 
elles  utilisent  une  grande  quantité  de  débris,  de 
détritus,  qui,  sans  elles,  n'auraient  d'autre  desti- 
nation que  d'être  jetés  au  fumier. 

Il  faut  donner  successivement  les  indications- 
relatives  au  poulailler,  au  colombier  et  aux  autres 
parties  do  la  basse-cour. 

Poulailler.  —  Le  poulailler  peut  être  aussi  sim- 
ple qu'on  le  veut;  il  consiste  en  un  bâtiment  ou 
hangar  plus  ou  moins  spacieux,  «uivant  l'impor- 
tance! de  la  basse-cour.  Le  mobilier  du  poulailler 
est  très  simple  ;  il  consistera  en  perchoirs  et  en 
nids  ou  pondoirs.  Les  perchoirs  sont  de  simples 
barres  suspendues  horizontalement  ou  fixées  par 
les  deux  bouts  à  une  hauteur  suffisante  pour  que 
les  poules  puissent  facilement  y  percher.  Les  pon- 
doirs sont  de  petits  paniers  en  osier  grossier,  pla 
ces  le  long  des  murs  du  poulailler  pour  que  les 
poules  y  fassent  leurs  œufs.  Ces  pondoirs  peuvent 
aussi  consister  dans  des  cases  rectangulaires  creu- 
sées dans  le  mur  du  poulailler,  et  munies  d'une 
planchette  verticale  à  la  partie  inférieur!!  de  l'ou- 
verture, pour  retenir  la  paille  qui  garnit  le  fond 
des  loges. 

Le  poulailler  doit  communiquer  avec  une  cour 
suffisamment  spacieuse.  On  y  place  une  trémie 
ou  une  auge  contenant  le  grain  destiné  aux  poules, 
et  un  abreuvoir  si  la  cour  manque  d'eau.  Tout  en 
leur  laissant  la  place  nécessairi!  pour  leurs  ébats, 
on  doit  les  isoler  par  une  clôture. 
Dans  une  basse-cour  où  l'on  pratique   l'élevage 


BASSE-COUR 


247  — 


BASSE-COUR 


industriel,  il  est  important  que  la  partie  du  pou- 
lailler destinée  aux  poules  couveuses  soit  isolée  et 
communique  avec  une  petite  cour  particulière  où 
ces  poules  et  leurs  poussins  ont  seuls  accès. 

Le  choix  du  coq  est  une  chose  importante  dans 
une  basse-cour.  Quand  cet  animal  ne  présente  pas 
une  énergie  suffisante,  le  plus  grand  nombre  des 
œufs  des  poules  sont  clairs,  c'est-à-dire  ne  sont  pas 
fécondés.  On  estime  que,  dans  la  généralité^des 
cas,  il  faut  un  coq  pour  dix  poules. 

La  vigueur  du  coq  dure  généralement  trois  ou 
quatre  ans.  Il  en  est  de  même  de  la  lecondité 
des  poules.  D'après  des  observations  répétées,  unel 
poule  bonne  pondeuse  donne  environ  80  œuls  la 
première  année,  Vit)  la  deuxième  et  la  troisième, 
80  la  quatrième,  et  ensuite  de  moins  en  moins. 

Tous  les  gi'ains  peuvent  servir  de  nourriture  aux 
poules,  mais  ils  ne  peuvent  pas  former  leur  nour- 
riture exclusive.  Les  criblures  de  moulins  sont  une 
excellente  nourriture.  Il  en  est  de  même  des  in- 
sectes du  fumier,  de  la  viande  qu'il  faut  savoir 
donner  avec  parcimonie,  des  détritus  de  légumes 
et  de  salades. 

Les  jeunes  poussins  demandent  des  soins  parti- 
culiers. Pour  le  premier  âge,  le  pain  blanc  émietté, 
le  millet  blanc,  les  œufs  durs  hachés  sont  les  meil- 
leurs aliments  ;  le  petit  blé  doit  être  donné  un  peu 
plus  tard.  Quand  les  poulets  ont  quitté  leur  mère, 
il  faut  leur  donner  un  supplément  de  nourriture 
composé  de  criblures;  pour  que  les  autres  volailles 
ne  les  en  frustrent  pas,  il  faut  leur  donner  cette 
nourriture  à  part.  Il  en  est  de  même  pour  les  jeu- 
nes pousses  de  légumineuses  ou  de  salades  qu'il 
est  important  de  leur  donner  aussi  pour  les  ra- 
fraîchir. 

La  régularité  dans  la  distribution  de  la  nourri- 
ture de  la  basse-cour  doit  être  observée  avec  le 
plus  grand  soin.  Le  matin  et  le  soir  sont  les  deux 
moments  les  plus  favorables. 

Les  races  gallines  sont  nombreuses  en  France  : 
il  en  est  beau,  oup  qui  se  font  remarquer  par  leur 
précocité,  la  qualité  de  leur  chair,  leur  aptitude  à 
donner  beaucoup  d'œufs.  Les  races  les  plus  esti- 
mées soin: 

1°  La  race  de  Crèvecœur,  à  laquelle  se  rattachent 
les  races  de  Houdan,  de  la  Fîèche  et  du  Mans  ; 
2"  Les  races  de  Bresse  ; 

3° Les  petites  races  de  Barberieux,  de  Caussade, 
de  Sologne,  etc. 

Les  races  étrangères  les  plus  estimées  sont  les 
races  cochinchinoises  do  Dorking,  Brahma-Poutra, 
deBréda,  de  Hambourg,  do  Padoue,  etc.  Mais  ce  sont 
plutôt  des  races  de  volière  que  des  races  destinées 
aux  basses-cours  ordinaires  ;  elles  demandent  des 
soins  spéciaux  qu'on  ne  peut  leur  donner  partout. 
Les  meilleures  pondeuses  sont  les  poules  de  la 
Flèche,  de  Bruges,  du  Brésil,  le  coucou  de  France, 
les  javanaises. 

L'engraissement  des  volailles  est  une  industrie 
spéciale,  qui  se  fait  le  plus  souvent  avec  des  appa- 
reils de  gavage  dont  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'occuper 
ici. 

Il  en  est  de  même  de  l'incubation  artificielle. 
Pendant  longtemps,  on  a  cherché  en  vain  des  ap- 
pareils permettant  de  remplacer  la  poule  couveuse 
et  de  faire  venir  des  poussins  à  volonté.  Aujour 
d'hui  le  problème  est  résolu  Avec  une  dépense 
relativement  faible,  on  peut  faire  éclore  autant 
d'œufs  qu'on  le  désire  et  augmenter  dans  des  pro- 
portions colossales  le  nombre  de  poussins  produits 
dans  la  basse-cour.  La  production  des  poulets 
par  l'incubation  artificielle  est  devenue  une  indus- 
trie florissante  autour  de  Mantes,  dans  le  départe- 
ment de  Seine-et-Oise. 

•  Colombier.  —  On  connaît  un  très  grand  nombre 
de  races  de  pigeons  qui,  toutes,  paraissent  des- 
cendre du  pigeon  bizet  ou  fuyard  qui  peuple  encore 
la  plupart  des  fermes.  Le  nombre  des  variétés  est 


aujourd'hui  presque  infini:  il  en  est  quelques-unes 
qui  présentent  des  caractères  très  curieux. 

Toutes  les  races  de  pigeons  vivent  à  l'état  demi- 
sauvage.  Ces  oiseaux  errent  pendant  le  jour  pour 
chercher  leur  nourriture,  et  ils  rentrent  la  nuit  au 
colombier.  Les  races  qui  s'accommodent  de  la  vie 
de  volière  sont  rares;  la  plupart  ne  la  supportent 
que  lorsque  la  volière  est  spacieuse,  entretenue 
avec  une  grande  propreté  et  surtout  ouverte  une 
partie  de  la  journée. 

Dans  les  maisons  de  campagne,  le  pigeonnier 
est  souvent  un  objet  de  luxe  qu'on  entretient  avec 
soin,  sans  compter  avec  les  dépenses  qui  peuvent 
en  résulter.  Dans  les  exploitations  rurales,  les 
colombiers  doivent  être  une  source  de  profits.  On 
leur  donne  souvent  la  forme  de  tour  ;  mais,  au 
point  de  vue  de  l'économie  et  de  l'installation,  la 
forme  carrée  est  peut-être  préférable. 

Le  colombier  doit  être  éiabli  sur  un  terrain  sec 
et  dans  la  partie  la  plus  tranquille  de  la  ferme.  Il 
est  bon  de  ménager  à  ses  divers  étages  des  gale- 
ries ou  parties  saillantes  de  25  centimètres  envi- 
ron. Dans  l'épaisseur  des  murs,  ou  mieux  accolés 
à  ceux-ci,  sont  établis  des  nids  ou  pondoirs,  en 
nombre  d'un  tiers  plus  grand  que  celui  des  paires 
d'habitants.  Ces  nids  sont  en  osier,  en  planchettes, 
ou  même  en  maçonnerie. 

On  accuse  souvent  les  pigeons  de  dégâts  dans 
les  champs  ;  ces  dégâts  ne  sont  sérieux  que  quand 
on  ne  leur  donne  pas  à  la  ferme  une  nourriture 
suffisante.  Celle-ci  doit  surtout  consister  en  grains 
et  en  criblures. 

Les  produits  du  colombier  se  composent  des  pi- 
geonneaux qu'on  vend,  des  pigeons  réformés  et 
engraissés,  des  plumes,  et  enfin  du  fumier  ou 
colombine.  Un  colombier  de  300  paires  de  pigeons 
peut  donner  un  bénéfice  de  175  à  180  francs  par 
an,  que  l'on  obtient  sans  dépenses   considérables. 

Quand  on  n'a  qu'un  petit  nombre  de  pigeons,  on 
établit  souvent  le  colombier  à  une  ouverture  de 
toit,  sur  la  ferme  ou  sur  une  annexe. 

Canard.  —  De  tous  les  oiseaux  de  basse-cour, 
le  canard  est  le  plus  facile  à  élever.  On  en  connaît 
de  nombreuses  variétés  dont  les  naturalistes  sont 
unanimes  à  retrouver  la  souche  dans  le  canard 
sauvage. 

Les  variétés  les  plus  estimées  sont  celles  de 
Rouen  et  de  Toulouse 

Les  jeunes  canards  demandent  après  leur  nais- 
sance des  soins  analogues  à  ceux  réclamés  par  les 
poussins.  Il  ne  faut  pas  les  laisser  aller  à  l'eau 
avant  l'âge  de  cinq  à  six  jours.  Leur  développement 
se  fait  rapidement,  car  ils  sont  d'une  voracité 
exceptionnelle. 

L'engraissement  des  canards  se  fait  avec  des 
farineux,  des  racines  cuites,  des  glands  concas- 
sés, etc.  Dans  quelques  parties  de  la  France,  cet 
engraissement  et  la  préparation  des  foies  gras  for- 
ment une  importante  industrie. 

Oies.  —  L'oie  est  un  des  oiseaux  les  plus  utiles 
dans  la  basse-cour.  On  en  connaît,  en  France,  deux 
variétés  :  l'oie  commune  et  l'oie  de  Toulouse. 
Cette  dernière  a  une  taille  un  peu  plus  grande,  et 
elle  atteint  un  poids  plus  considérable  ;  ses  formes 
sont  épaisses  et  ramassées,  ses  pattes  courtes,  son 
ventre  tombant. 

L'oie  vit  à  l'état  demi-sauvage;  elle  aime  h  parcourir 
les  vergers,  les  prairies,  les  vignes,  etc.  ;mais  il  est 
bon  de  lui  réserver  des  pâturages  spéciaux,  ou  de 
la  mener  sur  les  chemins  en  herbes,  sur  les  chau- 
mes après  la  moisson.  Les  oies  destinées  à  l'en- 
graissement doivent  être  séquestrées. 

On  estime  que  dix  mères  et  deux  mâles  produi- 
sent en  moyenne  300  œufs  par  an.  La  première 
ponte,  la  seule  utile  pour  l'élevage,  n'atteint  que 
le  tiers  du  chiffre  total. 

L'industrie  de  l'engraissement  des  oies  à  Tou- 
louse et  à    Strasbourg   est  célèbre   depuis   Icng- 


BATRACIENS 


—  248  — 


BATRACIENS 


temps.  Par  un  engraissement  pousse-  à  rexirêmc 
et  des  soins  spéciaux,  on  développe  chez  ces  ani- 
maux la  maladie  du  foie  gras. 

La  plume  et  le  duvet  de  l'oie  sont  utilisés  ;  on 
les  recueille  avec  soin,  les  jeunes  oisons  sont  plu- 
mes à  l'âge  de  doux  à  trois  mois  ;  quantaux  oies  adul- 
tes, on  leur  fait  cette  opération  environ  deux  ou 
trois  fois  par  an. 

Dindon.  —  Beaucoup  moins  répandu  dans  les 
basses-cours  que  les  précédentes  espèces,  le  din- 
don est  surtout  élevé  pour  sa  viande.  On  distin- 
gue, en  France,  trois  variétés  du  dindon  domesti- 
que :  la  blanche,  la  grise  et  la  noire. 

Le  dindon  doit  occuper  dans  la  basse-cour  un 
bâtiment  spécial  analogue  au  poulailler.  La  dinde  est 
excellente  couveuse,  et  on  rcmjjloie  souvent  à  cou- 
ver les  œufs  de  poule.  Des  soins  minutieux  doi- 
vent lui  être  donnés  pendant  l'incubation. 

Lajiin.  —  Le  lapin  est  l'animal  de  toutes  les 
basses-cours  ;  c'est  surtout  celui  de  la  basse-cour 
du  petit  cultivateur. 

On  distingue  trois  variétés  du  lapin  domesti- 
que :  le  lapin  gris,  le  lapin  argenté,  le  lapin  d'An- 
gora. Ces  deux  dernières  sont  les  plus  estimées. 

On  élève  le  lapin  dans  des  clapiers.  On  donne 
ce  nom  à  des  cabanes  disposées  dans  une  petite 
cour  pavée  et  entourée  de  murs  à  fondations  assez 
profondes.  Les  cabanes  des  mâles  et  celles  des 
femelles  doivent  être  isolées. 

A  chaque  portée,  on  ne  laisse  généralement  que 
les  six  plus  beaux  lapereaux  à  la  mère.  La  mère 
doit  être  nourrie  avec  un  soin  plus  grand  quand 
elle  a  ses  petits.  —  La  première  condition  de 
réussite  dans  un  clapier,  c'est  d'y  entretenir  une 
excessive  propreté,  de  nettoyer  souvent  les  caba- 
nes, et  d'enlever  toutes  les  déjections  qui  les  sa- 
lissent. —  Le  lapin  peut  être  une  source  de  profits 
relativement  élevés  quand  il  est  élevé  avec  soin. 

[H.  Sagnier.] 

BATRACIENS.  —  Zoologie,  XX.  —  [Etym.  :  du 
grec  batracos,  grenouille).  —  Les  Batraciens,  confon- 
dus autrefois  avec  les  lézards  et  les  tortues  sous  le 
nom  de  Quadrupèdes  ovipares,  furent  isolés  par 
Brongniart,  en  1805,  et  formèrent  un  ordre  dans 
la  classe  des  Reptiles.  En  1816,  de  Blainville  alla 
plus  loin,  et  établit  la  classe  des  Batraaefu  ;  mais 
cette  manière  de  voir  n'a  été  généralement  adop- 
tée que  tout  récemment. 

CLASSIFICATION. 

On  les  divise  en  trois  ordres,  dont  deux  seule- 
ment appartiennent  à  l'Europe  ;  ce  sont  les  A.nou- 
MEs,  à  tronc  ramassé,  sans  queue,  mais  munis  de 
quatre  membres;  les  LRODÈLEs,à  tronc  allongé, 
possédant  des  membres  et  une  queue 

Les  Anoures  d'Europe  ont  été  répartis  par  Du- 
méril  dans  les  trois  familles  des  Hylâsformes,  des 
Bufonitormes  et  des  Mniformes. 

Les  Hylxformes  sont  caractérisés  par  les  dis- 
ques ou  pelotes  visqueuses  qui  terminent  les 
extrémités  de  leurs  doigts  et  de  leurs  orteils,  et 
permettent  à  ces  animaux  d'adhérer  aux  surfaces 
lisses.  En  rapport  avec  cette  organisation,  ils  ont 
des  mœurs  arboricoles.  En  outre  ils  possèdent  des 
dents  à  la  mâchoire  supérieure  et  au  palais. 
Notre  Rainette  verte  {H  y  la  viridis,  Laur.)  est  le 
seul  représentant  du  groupe  en  Europe. 

Les  Bu foiii formes  n'ont  pas  les  extrémités  des 
doigts  dilatées,  et  ne  possèdent  de  dents  ni  à  la 
mâchoire  ni  au  palais.  Cette  famille  comprend  le 
le  genre  Crapaud  {Bufo),  dont  la  France  possède 
deux  espèces,  lo  C.  commun  [B.  i  ulgaris,  Laur  ) 
et  le  C.  calamité  {B.  catamita,  Laur.\  Une  troi- 
sième espèce,  le  C.  vert  {B.  viridis,  Laur.j  est  eu- 
ropéenne, mais  a  été  signalée  à  tort  dans  la  faune 
française. 

Enfin  les  Ranifori7ies  n'ont  pas  les  extrémités 
des  doigts  dilatées,  et  ont  la  mâchoire  supérieure 


et  le  palais  armés  de  dents.  Les  progrès  de  la 
science  ont  amené  la  nécessité  de  démembrer  ce 
groupe  trop  hétérogène.  Les  dix  espèces  qui  le 
représentent  en  Europe  (la  France  en  possède 
huit),  paraissent  devoir  être  réparties  dans  les 
quatrcs  familles  suivantes  : 

L  Ranidés.  —  Le  seul  genre  Grenouille  (Rana) 
représente  chez  nous  cette  famille,  et  peut  à  son 
tour  se  décomposer  en  deux  sous-genres  ;  l'un 
d'eux,  celui  des  Aquatiques,  ne  contient  que  la 
grenouille  verte  ;  et  l'autre,  celui  dos  Terrestres 
[R.  teniporaria,  L.)  comprend  trois  espèces  eu- 
ropéennes. Deux  d'entre  elles,  l'Agile  {R.  agilis, 
Thomas),  méridionale,  et  la  Housse  {R.  fusca, 
Rœsel),  septentrionale,  habitent  la  France. 

II.  t^i'lohalides.  —  Deux  genres  et  trois  espèces 
d'Europe  et  de  France  :  les  Pelotâtes  hnm  {Pelo- 
bates  f'uscus,  Laur.) du  1^0Tà,etculfripède  (P.  cul- 
fripes.  Cuvier)  du  xMidi  ;  et  le  Pélodyte  pnnctué 
[P.  punctatus,  Dugès).  ce  dernier  très-répandu 
dans  notre  patrie,  et  s'étendant  fort  peu  au-delà, 
in,  Bombinolorides.  —  Deux  genres  européens, 
chacun  d'une  espèce.  L'une  d'elles,  le  Disc^'f/losse 
{Discoglossus  picfus,  Otth.),  habite  le  pourtour  et 
les  îles  de  la  Méditerranée,  mais  reste  étrangère 
à  la  France  ;  tandis  que  l'autre,  le  Sonrieur  [Born- 
binator  igneus,  Laur.)  est  fort  commune  dans  les 
localités  calcaires  ou  argileuses  de  notre  patrie. 
IV.  .i/gtidfs.  —  Un  seul  genre  et  une  seule 
espèce,  VAlyte  accoucbeur  (Alytes  ohstetricans, 
Laur.)  excessivement  commun  par  toute  la  France 
dans  la  plaine  comme  dans  la  montagne  où  il  s'é- 
lève jusqu'à  1,000  mètres  d' altitude. 

L'ordre  des  Urodèles  (k  queue  apparente)  se  di- 
vise on  deux  sections  :  l'une,  sous  le  nom  de  Ca- 
ducibranches,  comprend  les  espèces  dépourvues, 
dans  l'âge  adulte,  de  branchies  et  même  de  toute 
trace  de  perforation  des  côtés  du  cou;  elle  ne 
contient  que  la  famille  des  Salamandrides;  l'autre, 
sous  la  désignation  de  Pérennibranches  ou  Tréma- 
dotères  (cou  percé),  renferme  les  espèces  dont  le 
cou  reste  perforé  durant  tonte  In  vie. 

Nous  ne  parlerons  que  des  Salamandrides  et 
nous  citerons  d'abord  deux  salamandrides  exoti- 
ques, VOnyclwdactyle  au  .lapon  {Onyhodactylus 
Schlegeli,  Tschudi),  remarquable  par  la  taille  con- 
sidérable qu'il  atteint  (plus  d'un  mètre  ,  et  par 
les  étuis  cornes  qui  enchâssent  les  extrémités  de 
ses  doigts  :  et  le  Siredon  Huiuholtii,  du  Mexique,, 
acclimaté  dans  nos  aquariums,  et  longtemps  classé 
dans  la  famille  précédente,  alors  que  l'on  ne  con- 
naissait que  sa  larve  branchiée,  VAxolotl  mexi- 
ca7ius. 

En  Europe  cette  famille  est  représentée  par 
treize  espèces  dont  neuf  seulement  se  trouvent  en 
Franco,  et  s'»nt  réparties  en  trois  genres. 

Le  genre  Salamandi-e,  caractérisé  par  une  queue 
arrondie  et  par  la  présence  de  parotides  sur  les 
côtés  de  la  nuque,  comprend  la  Salamandre  com- 
mune {Sala  mandramaculosa,  Laur.),  répandue  par 
toute  la  France;  et  la  noire(S.  atra,  Laur.),  spé- 
ciale aux  Alpes,  vivant  jusqu'à  3  000  mètres  d'alti- 
tude, et  ne  descendant  guère  au-dessous  de  850 
mètres. 

Le  genre  Euprocte  a  la  queue  aplatie  en  rame 
comme  les  Tritons,  mais  est  toujours  dépourvu  de 
la  crête  qui  orne  au  printemps  le  dos  des  mâles 
de  ces  derniers.  Une  espèce  française  habite  les 
lacs  élevés  des  Pyrénées,  et  une  autre  européenne 
est  signalée  en  Sardaigne  et  en  Sicile. 

Enfin  le  genre  Triton  compte  en  Europe  et  en 
France  six  espèces  qui  sont:  le  Crète  (Triton  cris- 
tatus,  Lsiuv.),  le  Triton  de  B/asius  {T.  Blasii,  de 
risle),  le  Marbré  (T.  marmoratus,  Latr.),  l'Alpes- 
Ire  [T.  alpestris,  Laur.),  le  Ponctué  (T.  parisinus, 
Laur.',  et  le  Palmé  [T.  palmatus,  Schneid.  . 

Le  Triton  de  Blàsius  n'a  jusqu'à  présent  été 
trouve  qu'en  Bretagne.  Tous  les  autres  se  rcncon- 


BATRACIENS 


—  249  — 


BATRACIENS 


Irent  aux  environs  de  Paris;  le  Marbré  et  le  Palmé 
seuls  paraissent  exister  dans  le  midi. 

Aux  trois  ordres  qui  composent  de  nos  jours  la 
classe  des  Batraciens,  il  convient  d'en  ajouter  un 
quatrième,  si  l'on  veut  tenir  compte  des  espèces 
qui  ont  vécu  dans  les  temps  géologiques.  C'est 
•celui  des  Dinobutracien'i  ou  Laln/rinthodoiitcs, 
•animaux  pour  la  plupart  gigantesques,  dont  on 
trouve  les  débris  dans  les  terrains  du  trias  et  dans 
ceux  de  l'étage  carbonifère.  Les  trois  ordres  ac- 
tuellement existants  ont  eu  d'ailleurs  des  repré- 
sentants depuis  des  époques  très-reculées,  et 
Gaudry  a  récemment  signalé  l'existence  des  Uro- 
dèles  jusque  dans  le  terrain  primaire. 

Le  tableau  suivant  comprend  toutes  les  espèces 
françaises,  et  permettra  d'arriversans  trop  de  peine 
au  nom  de  l'une  quelconque  d'entre  elles.  Il  suffit, 
étant  donné  un  batracien  qu'on  veut  clas>er,  de  se 
poser  successivement  les  questions  indiquées  et  de 
se  reporter,  suivant  la  réponse,  à  l'un  des  deux 
numéros  indiques  à  droite,  jusqu'à  ce  qu'on  trouve 
le  nom  de  Vespèce. 

Nous  donnons  ici  ce  tableau  complet  pour  un 
double  motif,  d'abord  pour  servir  de  spécimen  des 
tableaux  dichotomiques  dont  on  se  sert  aujourd'hui 
dans  tous  les  traites  d'histoire  naturelle,  et  qu'un 
instituteur  doit  au  moins  savoir  lire,  ensuite  parce 
que  les  batraciens,  étant  communs  chez  nous 
et  d'une  chasse  aisée,  sont  peut-être,  de  toutes 
les  espèces  animales,  celle  qu'il  est  le  plus  facile 
de  faire  étudier  aux  élèves,  à  ceux  des  écoles  nor- 
males surtout:  la  distinction  des  principaux  types 
est  à  la  fois  assez  nette  et  assez  délicate  pour  don- 
ner lieu  à  un  excellent  exercice  d'observation 
et  pour  initier  l'élève  aux  principes  de  la  classifi- 
cation naturelle. 

Batraciens   de  France. 

.   )  Corps  ramassé.  Pas  de  queue oràrc  Anoures. 

\  Corps  allongé.   Une  queue orArc  L'roOcles. 

c  \   Extrémités  des  doigts  dilatées. .  espèce  l.  Hainette. 
"  \  Non 

i   Pas  de  dents  à  la  mâchoire    supérieure  et    au    pa- 

3  .       lais genre  Crapaud. 

i   Des  dents 4 

,   (   Pupille  horizontale genre  Grenouille.     9 

i   Pupille  verticale  ou  triangulaire. "i o 

-   \  Pupille  triangulaire espèce  ii.  5on;ieiir. 

i  Pupille  verticale 6 

r.  l   Un  éperon  corné  au  talon genre  Pélobate.   1 1 

I  Pas  d'éperon 7 

i  Langue    un    peu   échancrée  en  arrière,  corps  élan- 

7  •       ce espèce  m.  Pelodyte. 

i  Langue  entière,  corps  ramassé...  espèce  iv.  Alyte. 

IUn  pli  cutané  le  long  du  tarse,  une   glande   paroti- 
dilorme  sur  la  jambe espèce  v.  Calamité. 
Pas  de  pli  cutané  le  long  du   tarse,    ni   de   glandi; 
parotidilornie  sur  la  jambe. .  espèce  vi.  Commun. 

i'  Dents  vomérienncs  entre   les   orifices   internes    des 

^   1       narines espèce  vu.  Verte. 

I  Dents  vomériennes  en  arrière   des  orifices    internes 
'       des  narines 10 

['  Quand  on    ramène  en  a\aiit   le  long  du    corps   le 
membre  postérieur,  le  talon  arrive   au  niveau   de 

l'œil  ou  de  la  narine espèce  viii.  Rousse. 

Dans  les  mêmes  conditions,  le  talon  dépasse  gran- 
dement l'extrémité  du  museau. .  espèce  ix.  Agile. 

Crâne  convexe  entre  les  yeux  ,  éperon  jaunâ- 
tre   espèce  x.  Brun. 

Crâne  plat  entre  les  yeux  ,  éperon  noir. 
espèce  xi  Cidtripède. 

Queue  arrondie genre  Salamandre.  14 

Queue  aplatie 13 

Jamais  de  crête  dorsale espèce  xii.  Euprocte. 

Une    crête     chez    le     mâle    au    temps    du    Irai. 

genre   Triton. 

Robe  totalement  noire espèce  xiii.  Noire. 

Robe  tachée  de  noir  et  de  jaune.espèce  xw.  Commune. 


iO 


11 


tî 


/  Sous  la  gorge,  un  repli  cutané  bien  apparent,  jamais 

.„   1       les  pieds  palmés 16 

)  Pli  sous-gulaire  absent   ou   à  peine  indiqué,  pieds 
[       palmés  ou  lobés  chez  le  mâle  au  temps  du  frai.. .   19 
/  Ventre  unicolore,  orangé.  Crête   du    mâle  basse  et 

jg  \       rectiligne espèce  sv.  Alpestre. 

I  Ventre  à  grandes  taches,  ou  finement  piqueté.  Crête 

'       du  mâle  élevée 17 

,   Ventre  finement  piqueté  de  blanc  sur  un  fond  lavé 
j_   '       de  brun  et  d'orangé.    Dos  vert,  marbré   do  brun. 

I   espèce  xv».  Marbré. 

y  A'entre  à  grandes  taches  noires  sur  fond  orangé  ....  1$ 

Dos  vert,  marbré  de  brun,  espèce  xvii.  de  Blasius. 

Dos    noirâtre    ou    brun    fauve    à   taches     noires. 

espèce  xvni.  Crête. 

Chez  le  mâle,  au  temps  du  frai,  pieds  lobés;  crête 
élevée  et  dentelée  ;  pas  de  plis  saillants  le  long  des 
flancs;  queue  acuminée...  espèce  xix.  Ponctué. 
Chez  le  mâle,  au  temps  du  frai,  j.ieds  palmés:  crêle 
basse  et  rectiligne  ;  un  pli  saillant,  aussi  élevé  que 
la  crête,  séparant  le  dos  des  flancs;  queue  carré- 
ment tronquée,  et  terminée  par  un  petit  filet. 
espèce  sx.  Palmé. 

ORG.\XIS.\TI0N. 

Peau.  —  La  peau  des  Batraciens  est  ime,  c'est- 
à-dire  dépourvue  de  poils,  de  plumes  et  d'écaillés, 
&t muqueuse,  c'est-à-dire  privée  d'épiderme  corné. 
Elle  est  criblée,  à  sa  surface  extérieure,  d'une 
grande  quantité  de  pores  ou  trous,  orifices  excré- 
teurs des  glandes  cutanées.  Celles-ci  sont  de  deux 
sortes.  Les  unes  sont  des  glandes  muqueuses,  dont 
la  sécrétion  est  destinée  à  lubréfier  l'épiderme  et 
à  prévenir  sa  dessiccation  ;  et  les  autres  sont  des 
glandes  à  venin. 

Venin.  —  Ces  dernières  sécrètent  un  suc  vis- 
queux, blanchcâtre  et  odorant.  L'odeur,  et  aussi  }^-; 
mode^d'action  physiologique  de  ce  liquide,  toujours 
toxique,  varie  d'une  espèce  à  l'autre.  Les  glandes 
à  venin  paraissent  exister  chez  toutes  les  espèces 
de  Bati'aciens  anoures  et  urodèles  ;  elles  sont  seu- 
lement moins  nombreuses  chez  certaines,  comme 
les  grenouilles,  ou  leur  produit  est  moins  toxique. 
Tantôt  elles  sont  disposées  sans  ordre  dans  toute 
l'étendue  du  tégument  externe  ;  et  tantôt  elles  s'ac- 
cumulent de  préférence  en  certaines  régions  :  dans 
la  queue  des  tritons  par  exemple  ;  sur  le  tronc,  des 
deux  côtés  de  la  colonne  vertébrale  des  salaman- 
dres ;  sur  les  côtés  de  la  nuque  des  crapauds  et  des 
salamandres.  Daiis  ce  dernier  cas  elles  forment 
deux  bourrelets  très  apparents  que  l'on  connaît 
sous  le  nom  de  parotiilrs. 

De  nombreuses  expériences  ont  établi  la  nocuité 
de  ce  venin,  même  sur  des  animaux  volumineux, 
quand  il  est  introduit  dans  la  circulation  ou  dans  les 
voies  digestives.  On  a  tué  des  chiens  avec  quel- 
ques gouttes  de  ce  liquide,  et  même  avec  la  sub- 
stance obtenue  par  sa  dessiccation  et  conservée  de- 
puis plusieurs  années.  Une  étude  déjà  ancienne  et 
cependant  assez  complète  sur  ce  sujet  a  été  publiée 
parGratiolet  etClocz.  Le  principe  actif  du  venin  du 
crapaud,  d'après  les  analyses  de  ces  auteurs,  serait 
un  alcaloïde  soluble  dans  l'éther,  dans  l'alcool  et 
dans  l'eau. 

Il  ne  faudrait  pas  conclure,  de  ce  qui  précède, 
que  les  Batraciens  soient  des  animaux  dangereux. 
Ils  n'ont,  dans  leur  sécrétion  cutanée,  qu'une  arme 
défensive,  destinée  à  les  protéger  contre  les  ani- 
maux carnassiers  qui  voudraient  en  faire  leur  proie. 
Encore  certaines  espèces  qui,  comme  la  couleuvre 
à  collier,  se  nourrissent  presque  exclusivement  de 
Batraciens,  font-elles  peu  de  cas  de  ce  moyen  de 
défense,  et  avalent-elles  les  crapauds  qu'elles  ren- 
contrent sans  en  paraître  incommodées.  .Mais,  en 
revanche,  que  l'on  présente  à  un  lézard  irrité  la 
parotide  d'un  crapaud,  et  l'on  verra  le  Sauricn, 
après  l'avoir  mordue,  tomber  en  convulsions  et 
périr  en  qu(^lques  instants. 

Il  y  atout  lieu  de  supposer  que  le  venin  des  Ba- 
traciens, ingurgité  ou  inoculé  à  dose   suffisante, 


BATRACIENS 


—  2û0  — 


BATRACIENS 


produirait  sur  l'homnie  la  même  action  dûictèi'c  que 
l'on  a  constatée  sur  d'autres  animaux  et  notamment 
sur  le  chien  ;  mais  les  Anoures,  pas  plus  que  les 
Urodè'es,  n'ont  aucun  moyen  de  le  faire  pénétrer 
dans  :iotre  économie. 

Ils  ne  sont  même  pas  susceptibles  de  le  lancer  à 
distance,  ainsi  que  le  croit  le  vulgaire.  Le  liquide 
qu'ils  émettent  d'ordinaire  quand  on  les  tourmente 
n'est  que  de  l'eau  presque  pure  qui  encombrait 
leur  vessie  et  dont  ils  se  débarrassent,  soit  pour  al- 
léger leur  fuite,  soit  plutôt  instinctivement  sous 
l'influence  de  la  peur. 

Quand  même  quelques  gouttelettes  de  virus  au- 
raient accidentellement  atteint  les  yeux,  la  bouche 
ou  les  narines,  un  simple  lavage  immédiat  à  grande 
eau.  en  dissolvant  l'alcaloïde  et  entraînant  mécani- 
quement les  particules  solides  qui  pourraient 
irriter  l'épidémie,  suffira  à  prévenir  tout  danger. 

On  peut  aussi  impunément  prendre  les  Batra- 
ciens à  la  main,  quand  môme  cet  organe  présente- 
rait des  écorchures. 

Le  venin  des  Batraciens,  du  moins  celui  de  quel- 
ques espèces,  est  susceptible  d'exercer  k  distance 
une  certaine  action  sur  la  muqueuse  olfactive. 
Ainsi  l'anatomiste  qui  dissèque  un  Sonneur  dans 
un  appartement  clos  est  habituellement  pris  d'un 
coryza  violent,  qui  cosse  d'ailleurs  aussitôt  que  l'on 
s'éloigne  du  lieu  de  l'opération. 

Mue,  —  Les  Batraciens  éprouvent  très  fréquem- 
ment le  phénomène  delà  7nue.  La  peau,  comme  on 
sait,  se  compose  de  deux  couches  :  le  derme,  de 
nature  fibreuse  (c'est  lui  qui,  tanné,  devient  le 
cuir),  et  lépiderme,  formé  de  cellules  adhérentes 
entre  elles.  Dans  le  phénomène  de  la  mue,  c'est 
seulement  une  partie  superficielle  de  la  couche 
épidermique  qui  est  éliminée. 

Chez  les  Urodèles,  les  cellules  caduques,  en  s'i- 
solant  des  cellules  sous-jacentcs,  conservent  leur 
union  réciproque,  de  façon  à  former  un  tissu  con- 
tinu qui  s'en  va  d'une  seule  pièce,  se  détachant 
d'abord  autour  de  la  bouche,  se  retournant  comme 
un  gant  jusqu'aux  extrémités  des  doigts  et  de  la 
queue,  et  conservant  finalement  la  forme  générale 
de  l'animal  qu'il  revêtait.  Les  Anoures,  à  terre, 
s'aident  de  leurs  pattes  dans  cette  opération,  se 
déshabillant  en  quelque  sorte  do  leurs  propres 
mains  ;  puis  ils  avalent  leur  vieille  peau.  Quant 
aux  Urodèles,  dont  il  est  aisé  d'observer  le  mode 
de  procéder  dans  un  aquarium,  on  les  voit,  au  rno- 
mcnt  de  la  mue,  s'agiter  dans  tous  les  sens,  faire 
mille  contorsions,  et  se  frotter  avec  frénésie  aux 
plantes  aquatiques  et  à  tous  les  corps  dont  ils 
peuvent  s'aider. 

Coloration.  —  Xous  ne  pouvons  abandonner  cette 
rapide  description  de  la  peau  des  Batraciens,  sans 
dire  quelques  mots  de  son  mode  de  coloration. 
Quelques  espèces,  comme  l'alyte,  le  crapaud  com- 
mun, sont  constamment  revêtues  d'une  livrée  terne 
et  obscure;  tandis  que  d'autres,  parmi  lesquelles 
nous  citerons  les  crapauds  vert  et  calamité,  le 
triton  marbré,  sont  parées  do  couleurs  éclatantes. 
Tout  le  monde  connaît  la  robe  vert  tendre  de  la  rai- 
nette. La  nature  et  l'agencement  des  couleurs  va- 
rient d'ailleurs  chez  ces  animaux,  non-seulement 
d'une  espèce  à  l'autre ,  mais  même  chez  les  divers 
indivmus  d'une  même  espèce,  suivant  l'âge,  le  sexe, 
la  saison,  et  d'autres  conditions  indéterminées. 
Bien  plus,  la  plupart  des  Batraciens  possèdent,  à 
un  degré  plus  ou  moins  élevé,  la  propriété  de  mo- 
difier les  teintes  do  leur  robe  d'un  instant  à  l'autre, 
comme  fait  le  caméléon.  La  rainette  est  surtout  re- 
marquable à  cet  égard,  et  sa  couleur  verte  habituelle 
peut  passer  au  bleu  et  au  noirâtre  d'une  part,  et 
d'autre  part  au  jaune  et  même  au  blanc  jaunâtre. 

Les  diverses  nuances  du  brun  jaunâtre  ou  rou- 
geâtre  forment  la  base  de  la  coloration  des  Batra- 
ciens. C'est  d'ordinaire  sur  un  fond  semblable  que 
ressortent  les  taches   vertes  ou   bleues,    jaunes, 


orangées  ou  rouges.  Le  blanc  domine  le  plus  sou- 
vent sur  les  laces  inférieures  du  corps,  les  teintes 
foncées  régnant  de  préférence  sur  les  faces  supé- 
rieures. 

Les  cas  d'albinisme,  complet  ou  partiel,  ne  sont 
pas  excessivement  rares  chez  les  Batraciens.  Cet 
état  est  produit,  comme  on  sait,  par  l'absence  ou 
par  la  diminution  notable  du  pigment  noir.  Le 
pigment  jaune  en  pareil  cas  ne  subit  pas  d'ordinaire 
de  modifications.  Aussi  les  albinos  des  Batraciens, 
alors  même  que  l'albinisme  est  absolu  et  qu'ils 
ont  la  pupille  rouge,  ne  sont-ils  pas  blancs,  mais 
le  plus  souvent  colorés  en  jaune  plus  ou  moins 
intense. 

Locomotion.  —  Les  plus  terrestres  de  tousles  Uro- 
dèles sont  les  Salamandres.  La  commune  ne  passe  i 
l'eau  que  quelques  instants  dans  sa  vie,  le  temps  d'y 
déposer  ses  larves;  et  la  noire,  don  t  les  petits  naissent 
à  l'état  parfait,  est  même  dispensée  de  cette  visite. 
Aussi  ces  deux  espèces  sont-elles  tout  à  fait  inha- 
biles à  la  natation,  et  se  noient-elles  dans  nos 
aquariums,  si  aucun  objet  émergeant  de  l'eau  ne 
leur  fournit  un  point  d'appui.  Mais  nos  tritons 
vivent  à  l'eau  trois  et  quatre  mois  de  l'année,  de 
février  à  mai  et  juin,  tout  le  temps  que  dure  leur 
frai  ;  et  ils  s'y  montrent  vraiment  tout  à  fait  à  leur 
aise.  Tandis  qu'à  terre  ils  se  traînent  péniblement 
à  l'aide  de  leurs  membres  petits  et  grêles,  incapa- 
bles de  sauter  et  même  de  courir;  à  l'eau,  leur 
queue  aplatie  en  rame,  et  garnie  sur  ses  deux 
bords  d'une  mince  membrane  qui  vient  encore 
augmenter  sa  surface,  leur  fournit  un  puissant 
moyen  de  locomotion.  Quelques  espèces  ont  en 
outre  les  membres  postérieurs  palmés,  mais  elles 
ne  se  servent  de  ce  moyen  accessoire,  qui  d'ailleurs 
n'appartient  qu'à  l'un  des  sexes,  que  dans  le  cas 
où  aucune  émotion  violente  ne  les  excite.  <3uand 
ils  sont  pressés  de  fuir,  ou  même  quand  ils  ont  à 
parcourir  un  trajet  d'une  certaine  longueur:  quand 
par  exemple,  ils  viennent  respirer  à  la  surface  de 
l'eau,  ils  laissent  leurs  membres  retomber  le  long 
du  corps,  et  progressent  à  l'aide  de  vigoureuses 
impulsions  de  la  queue.  Ils  s'élancent  brusquement, 
dans  les  directions  les  plus  inattendues,  et  d'ordi- 
naire se  laissent  filer  un  instant  pour  repartir 
ensuite  dans  un  autre  sens.  D'ailleurs,  même  à 
l'eau,  ils  ne  nagent  pas  toujours.  En  gonflant  légè- 
rement leurs  poumons,  ils  peuvent  se  maintenir 
immobiles  à  la  surface;  en  les  vidant  un  peu,  ils 
rendent  leur  densité  supérieure  à  celle  du  liquide  , 
et  on  les  voit  alors  marcher  au  fond  de  l'eau  sur  le 
sol  ou  sur  les  plantes  aquatiques,  le  corps  soulevé, 
les  extrémités  des  pattes  appuyant  à  peine  sur 
l'obstacle  qui  les  supporte. 

La  plupart  de  nos  Anoures  sont  surtout  terres- 
tres, n'allant  à  l'eau  que  pour  frayer,  et  le  temps 
du  frai  ne  durant  d'ordinaire  que  quelques  jours 
pour  chaque  individu,  alors  même  qu'il  se  poursuit 
plusieurs  mois  pour  l'espèce  entière.  L'alyte,  com- 
parable sous  ce  rapport  à  la  salamandre  terrestre, 
ne  se  rend  à  la  mare  ou  à  la  flaque  d'eau  voi- 
sine que  pour  donner  le  jour  à  sa  progéniture; 
et,  le  plus  souvent,  il  ne  perd  pas  pied  pendant 
que  ses  œufs  baignent  dans  l'eau  où  ils  doivent 
éclore. 

De  tous  nos  Batraciens  assurément  les  plus  agiles 
nageurs  sont  les  grenouilles  vertes.  Qui  n'a  pris 
plaisir  au  bord  d'une  mare,  par  un  jou-  d'été  bien 
ensoleillé,  à  voir  ces  animaux,  à  la  moindre  alerte, 
s'élancer  quelquefois  de  plusieurs  mètres  de  haut, 
plonger  la  tête  la  première,  décrire  sous  l'eau  une 
lésere  courbe  et  revenir  à  la  surface  contemoler 
l'objet  de  leur  frayeur.  Si  alors  ils  ne  se  trouvent 
pas  rassurés,  ils  plongent  de  nouveau,  et  cotte 
fois  s'enloncent  dans  la  vase  ou  se  caclient  au  mi- 
lieu des  plantes  anuatiques.  Ils  nagent  surtout  à 
l'aide  de  leurs  membres  postérieurs.  Leurs  bras 
restent  immobiles,  ramenés  le  long  du  corps,  pen- 


BATRACIENS 


—  251  — 


BATRACIENS 


dant  qu'avec  leurs  pieds  plus  ou  moins  palmés  (la 
palmure  s'avance  jusqu'au  bout  des  orteils  chez  la 
grenouille  verte),  ils  prennent  un  point  d'appui  sur 
l'élément  liquide  et  se  poussent  en  avant. 

A  terre,  la  démarche  des  Anoures  varie  suivant 
l'espèce.  Le  crapaud  commun  marche  gravement; 
mais  il  progresse  de  préférence  par  petits  sauts. 
Le  calamité,  dont  les  membres  sont  beaucoup  plus 
courts,  est  à  peu  près  incapable  de  sauter;  mais 
sa  démarche  ordinaire  est  assez  rapide.  A  le  voir 
courir,  on  dirait  une  souris.  Mais  il  ne  peut  soute- 
nir longtemps  cette  allure,  et  s'arrête  tous  les  ï 
ou  ;i  mètres  pour  reprendre  haleine  et  observer 
ce  qui  se  passe  autour  de  lui.  La  grenouille  agile, 
au  contraire,  dont  les  membres  postérieurs  ont 
une  longueur  considérable,  marche  peu  volontiers, 
mais  fait  des  bonds  de  2  à  3  mètres. 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  les  rainettes  ont 
les  doigts  terminés  par  de  petits  coussinets.  Un 
liquide  visqueux  suinte  de  nombreuses  glandes 
logées  dans  l'épaisseur  de  ces  coussinets,  et  fait 
adhérer  ces  organes  aux  surfaces  les  plus  lisses  ; 
et  cette  adhérence  est  encore  augmentée  par  un 
mécanisme  assez  compliqué  que  nous  n'avons  pas 
le  loisir  de  décrire  ici.  Du  reste,  quand  une  rai- 
nette grimpe  contre  une  surface  polie,  elle  ne  se 
sert  pas  seulement  de  ses  doigts;  son  ventre  hu- 
mide, étroitement  appliqué  contre  l'obstacle,  lui 
fournit  encore  un  puissant  concours  dans  cette 
opération.  Tous  nos  tritons,  nos  petites  espèces  de 
Batraciens  anoures,  et  même  les  autres  quand, 
dans  leur  jeune  âge,  elles  sont  encore  d'un  poids 
peu  considérable,  n'ont  pas  les  doigts  dilatés  de  la 
rainette,  et  ils  parviennent  cependant  à  s'échapper 
des  aquariums  où  on  les  conserve,  si  l'on  n'a  pris 
la  précaution  de  recouvrir  ceux  ri  d'un  grillage 
métallique.  Ils  adliè^i^nt  avec  leur  ventre  contre  la 
paroi  verticale  et  lisi.j,  glissant  sur  elle  sans  s'en 
écarter,  se  tirant  ou  se  poussant  avec  les  pattes, 
jusqu'à  ce  qu'ils  parviennent,  non  sans  peine, au 
but  de  leurs  désirs. 

Ainsi  les  Batraciens  sont  adaptés  à  la  vie  aquati- 
que, à  la  vie  terrestre,  et  même  jusqu'à  un  certain 
point  à  la  vie  aérienne.  Ce  n'est  pas  tout.  La  plu- 
part de  ces  animaux  sont  nocturnes,  et  tous  dispa- 
raissent pendant  la  saison  rigoureuse.  Pendant  le 
jour  et  durant  l'hiver  ils  mènent  une  vie  souter- 
raine, jamais  absolument  engourdis,  comme  on  l'a 
souvent  dit,  mais  inactifs  et  presque  entièrement 
immobiles.  Plusieurs  espèces  sont  susceptibles  de 
fouir  le  sol  pour  se  creuser  une  retraite,  quoique 
généralement  ces  animaux  préfèrent  s'abriter  sous 
des  pierres,  sous  des  troncs  d'arbres,  dans  des 
fissures  naturelles  du  sol,  ou  dans  des  trous 
creusés  par  d'autres  animaux.  Les  crapauds  calami- 
tés cependant,  dans  les  terrains  sablonneux  où  ils 
se  tiennent  de  préférence,  creusent  assez  volon- 
tiers, à  l'aide  de  leurs  membres  antérieurs,  des 
galeries  où  ils  habitent  plusieurs  ensemble.  Mais 
deux  de  nos  espèces,  les  pélobates  brun  et  culi.ri- 
pède,  sont  armées  au  talon  d'un  ergot  cartilagineux 
revêtu  d'une  couche  résistante  d'épiderme  corné, 
sorte  de  pelle  qui  leur  permet  d'écarter  le  sable 
dans  lequel  ils  s'enterrent.  Quand,  après  leur  pro- 
menade nocturne,  l'aurore  vient  les  surprendre, 
ils  s'arrêtent  là  où  ils  se  trouvent;  ils  s'assoient 
sur  leur  arrière-train,  et,  pivotant  de  droite  et  de 
gauche,  ils  trouent  le  sol,  repoussent  le  sable 
autour  d'eux;  à  mesure  qu'ils  s'enfoncent,  le  sable 
retombe  sur  eux  et  les  recouvre.  Ils  descendent 
ainsi  à  une  assez  grande  profondeur,  pour  remonter 
la  nuit  S'iivante  à  la  surface  du  sol. 

Re.'ipiriition.  —  Tous  les  Batraciens  anoures  et 
urodèles  respirent  d'abord,  à  l'aide  de  branchies, 
l'air  dissous  dans  l'eau;  leurs  poumons  se  dévelop- 
pent de  très  bonne  heure,  mais  c'est  seulement 
après  que  ces  animaux  ont  subi  leurs  métamorpho- 
ses et  quand  ils  ont  atteint  l'état  parfait,  que  les 


poumons  restent  leurs  seuls  organes  de  respiration. 
Encore  faut-il  faire  exception  pour  les  Pérenni- 
branches,  de  l'ordre  des  Urodèles,  qui,  bien  que 
pourvus  de  poumons,  ne  perdent  jamais  leur» 
branchies. 

Un  simple  repli  de  la  peau  de  la  gorge,  tenant 
lieu  des  ouïes  des  poissons,  recouvre  en  avant  les 
branchies  chez  les  larves  d'Urodèles.  Chez  les 
têtards  d'Anoures,  ce  repli  vient  se  souder  au 
tégument  en  arrière  des  branchies,  en  fermant 
celles-ci  dans  une  cavité,  dite  c'nim/jre  branchiale, 
qui  ne  communique  en  arrière  avec  l'extérieur 
que  par  un  seul  orifice  arrondi,  le  spiraculum, 
placé  sur  la  ligne  médiane  et  inférieure  du  corps 
chez  certaines  espèces,  sur  le  côté  gauche  chez  les 
autres.  En  avant,  la  chambre  branchiale  commu- 
nique avec  la  cavité  buccale  par  des  ouvertures 
étroites  et  allongées,  symétriquement  disposées  à 
droite  et  à  gauche,  et  au  nombre  de  quatre  paires. 
Ainsi  l'eau  qui  doit  servir  à  la  respiration  bran- 
chiale est  avalée  par  la  larve  de  Batracien  ;  elle 
passe,  par  les  fentes  branchiales,  dansla  chambre 
branchiale  ;  et,  après  avoir  baigné  les  branchies, 
elle  est  expulsée  par  le  spiraculum  chez  les  tê- 
tards d'Anoures,  tandis  qu'elle  communique  lar- 
gement avec  l'eau  ambiante  chez  les  larves  d'Uro- 
dèles. 

Les  poumons  des  Batraciens  ne  sont  pas  logés 
dans  une  cavité  thoracique  distincte  de  la  cavité 
abdominale,  et  susceptible  de  s'agrandir  ou  de  se 
restreindre  par  le  jeu  des  côtes  et  du  diaphragme. 
Les  côtes  des  Batraciens  sont  en  général  nulles  ou 
rudimentaires,  et  le  diaphragme  n'existe  pas  chez 
eux.  Privés  de  ce  mécanisme  de  soufflet  qui,  chez 
les  Mammifères,  les  Oiseaux  et  une  partie  des 
Reptiles,  attire  l'air  de  l'extérieur  et  le  rejette 
alternativement,  ils  en  sont  réduits,  pour  gonfler 
leurs  poumons,  à  avaler  l'air  de  l'extérieur,  de  la 
même  façon  que  leurs  larves  avalaient  l'eau  pour 
baigner  leurs  branchies.  La  bouche  étant  close, 
l'orifice  des  narines  étant  fermé  par  la  langue  et 
aussi  par  un  mécanisme  spécial  des  os  du  nez,  le 
plancher  buccal  se  soulève  et  vient  comprimer  l'air 
dans  la  cavité  buccale.  Il  suffit  de  regarder  un 
crapaud  ou  une  grenouille,  pour  remarquer  ces 
mouvements  caractéristiques  de  sa  gorge,  qui 
s'élève  et  s'abaisse  alternativement  et  sans  dis- 
continuer. Chassé  de  la  bouche,  l'air  entre  par  la 
glotte  dans  les  poumons,  plus  facilement  extensi- 
bles que  l'œsophage.  Quant  à  l'expiration,  elle  a 
lieu  un  peu  par  l'élasticité  propre  des  poumons, 
mais  surtout  par  la  contraction  des  muscles  de 
l'abdomen  qui  resserrent  la  cavité  générale,  et 
viennent  presser  sur  ces  organes. 

Mais  un  troisième  mode  de  respiration,  fort  peui 
développé  chez  la  plupart  des  vertébrés,  joue  chez 
les  Batraciens  un  rôle  considérable  :  c'est  la  respi- 
ration cutanée.  L'échange  gazeux  entre  le  corps  et 
l'animal  et  l'eau  ou  l'atmosphère  se  tait  largement 
à  travers  la  surface  entière  de  la  peau  dépourvue 
d'épiderme  corné  et  richement  vascularisée.  Ainsi 
la  peau  entière  des  Batraciens  joue  dans  l'eau  le 
rôle  d'une  branchie,  et  dans  l'air  celui  d'un  pou- 
mon. Privées  de  leurs  poumons,  et  n'ayant  abso- 
lument que  la  respiration  cutanée  à  leur  disposi- 
tion, des  grenouilles  ont  pu  vivre  trente  et  qua- 
rante jours  dans  du  sable  humide.  D'autres,  main- 
tenues, au  moyen  d'un  filet,  dans  un  courant  d'eau 
sans  pouvoir  approcher  de  la  surface,  ont  conservé 
la  vie  pendant  plusieurs  mois. 

Du  reste,  en  temps  ordinaire,  quand  ')a  tempé- 
rature est  peu  élevée  et  qu'aucune  émotion  exté- 
rieure ne  vient  surexciter  leur  activité,  les  Ba- 
traciens consomment  une  fort  petite  quantité 
d'oxygène;  et,  de  même  qu'ils  sont  susceptibles  de 
supporter  de  longs  jeûnes,  ils  peuvent  encore  dans 
certains  cas  résister  à  une  diminution  considéra- 
ble d'air. 


BATRACIENS 


—  252  — 


BATRACIENS 


Séquestration.  —  Cela  explique  le  cas  intéres- 
sant et  bien  établi  de  crapauds  trouvés  dans  des 
cavités  complètement  closes,  où  ils  étaient  enfer- 
més quelquefois  depuis  assez  longtemps  :  dans  des 
troncs  d'arbres,  dans  des  creux  de  rociiers,  dans 
■de  vieilles  constructions 

L'amour  du  merveilleux  est  allé  jusqu'à  préten- 
dre qu'on  en  avait  trouvé  .au  milieu  de  rociies  ancien- 
nes, dans  des  cavités  sans  issues  ;  et  que,  par  suite, 
«es  animaux,  contemporains  de  la  formation  de  ce 
rociier,  étaient  enfermés  là  depuis  des  milliers  de 
«iècles.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'arrêter  à  de  pareils 
dires.  Mais  il  est  certain,  des  expériences  nom- 
breuses l'ont  démontré,  que  les  crapauds  et  les 
liatraciens  en  général  peuvent  vivre  fort  longtemps 
«équestres  dans  des  corps  poreux  et  humides.  Dans 
l'c'tat  d'inaction  forcée  où  ils  se  trouvent  alors, 
leur  vie,  très  peu  active,  fait  une  très  petite  con- 
sommation de  substance,  et  l'air  qui  filtre  à  travers 
les  pores  de  la  pierre  suffit  à  leur  respiration  peu 
exigeante.  Mais  il  leur  faut  une  certaine  humidité, 
sans  quoi  ils  se  dessèchent  et  meurent  rapide- 
ment. 

La  première  expérience,  pour  élucider  la  ques- 
tion qui  nous  occupe,  fut  faite  en  1771  :  on  ren- 
ferma devant  l'Académie  trois  crapauds  dans  des 
boîtes  séparées  et  scellées  avec  du  plâtre.  Dix- 
huit  mois  après,  les  boites  furent  ouvertes,  et  deux 
<les  trois  crapauds  furent  trouvés  vivants.  Cette 
■expérience  a  été  souvent  répétée  depuis,  et  a  réussi 
jiussi  bien  avec  des  grenouilles  ou  des  tritons 
qu'avec  des  crapauds. 

Voix.  —  La  glotte  des  Batraciens  anoures  est 
pourvue  de  cordes  vocales  qui  ne  se  retrouvent 
pas  chez  les  Urodèles.  Aussi,  si  ces  derniers  sont 
à  peu  près  muets,  toute  leur  voix  se  réduisant  à 
un  petit  bruit  sec  et  peu  distinct  qu'ils  émettent 
<|uelquefois  quand  on  les  prend  à  la  main,  ou 
même  sans  provocation  apparente,  il  n'en  est 
certes  pas  de  même  des  Anoures.  Chez  eux  chaque 
espèce  a  son  chant  particulier  qui,  s'il  n'est  pas 
harmonieux,  est  parfois  très  puissant.  Du  reste  ce 
n'est  qu'au  temps  du  frai  qu'elle  le  fait,  entendre, 
demeurant  muette  tout  le  reste  de  l'année.  Seule, 
la  rainette  fait  exception  à  cette  règle  ;  et,  durant 
l'automne,  surtout  par  les  temps  orageux,  elle 
pousse  du  haut  des  arbres  et  du  milieu  des  buis- 
sons quelques  notes  isolées,  ne  rappelant,  il  est 
■vrai,  que  bien  faiblement  ces  chœurs  formidables 
•qui  assourdissaient  les  oreilles  de  l'habitant  des 
campagnes  durant  les  belles  nuits  d'avril  et  de 
mai.  Cette  musique  avait  paru  jadis  bien  désagréa- 
ble aux  abbés  de  Luxeuil,  puisque  au  nombre  des 
obligations  de  leurs  serfs  était  celle  de  battre  leau 
des  étangs  pour  faire  taire  ces  Batraciens. 

Le  chant  de  la  rainette  peut  s'exprimer  par  les 
syllabes  :  karak,  karak,  rapidement  et  longtemps 
répétées,  et  rappelle  un  peu  le  bruit  d'une  forte 
crécelle. 

Nos  paysans  le  confondent  d'ordinaire  avec  le 
chant  de  la  grenouille  verte,  pourtant  bien  diffé- 
Tcnt.  Celui-ci,  qui  se  fait  entendre  en  été,  après 
que  la  rainette  s'est  tue,  quoique  beaucoup  ])lus 
varié,  n'est  guère  plus  agréable.  Mais  (jui  n'a  en- 
tendu, par  les  belles  nuits  d'été,  le  long  des  che- 
mins, et  aux  abords  d'un  village,  une  voix  douce 
et  liùtée,  imitant  jusqu'à  un  certain  point  le  son 
lointain  d'une  cloche  de  cristal?  C/est  le  chant 
mélancolique  de  l'alyte  accoucheur.  Un  grand 
inombrc  de  ces  voix  se  répondent  l'une  à  l'autre  et 
produisent  un  effet  qui  n'est  assuréntent  pas  dé- 
pourvu de  charmes.  Si,  s'éloignant  un  peu  plus 
(les  maisons,  on  s'arrête  durant  les  chaudes  soirées 
de  juin  auprès  d'une  fontaine  ou  d'une  petite 
lUicfue  d'eau,  on  entendra  souvent  un  chant  voisin 
du  précédent,  mais  plus  timide  encore,  celui  du 
sonneur  à  ventre  orangé.  Il  se  compose  de  deux 
Jiotes  plus  basses  que  celle  de  l'alyte,  la  première 


un  ])(;u  plus  élevée  i|uc  la  deuxième.  Elles  sont 
éniis(!s  l'une  à  la  suite  de  l'autre,  et  répétées  sans 
interruption,  lentement  d'abord,  puis deplusen  plus 
vite.  L'onomatopée  /ioiihou,hou/iou,hou/iou...  rend 
assez  bien  leur  effet.  Le  sonneur  est  d'ailleurs 
susceptible  de  varier  un  peu  cette  musique.  Il  pré- 
lude quelquefois  par  un  ramage  assez  varié,  mais 
très  faible,  semblable  d'abord  au  gazouillement 
d'un  oiseau  qui  rêve,  mais  qui  peu  à  peu  se  modifie 
et  passe  avec  ménagement  à  ses  habituels  lionliou 
Beaucoup  moins  gracieux  est  le  cri  du  gentil  pélo- 
dyte.  On  peut  le  comparer  au  craquement  d'un  sou- 
lier neuf.  On  l'entend  quelquefois  dans  les  fossés 
qui  bordent  les  chemins. 

Plusieurs  espèces  d'Anoures  sont  douées  d'un 
organe,  accessoire  de  chant,  d'une  sorte  de  caisse 
de  résonnance  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  vessie 
vocale.  Le  mâle,  qui  toujours  est  le  plus  bavard, 
quand  la  femelle  n'est  pas  absolument  muette,  en 
est  seul  pourvu.  C'est  une  sorte  de  sac  élastique, 
simple  ou  double,  occupant  le  dessous  de  la  gorge 
ou  les  côtés  du  cou.  Il  est  aprparent  seulement 
quand  il  est  gonflé  :  néanmoins  en  dehors  de  cette 
circonstance,  sa  présence  est  indif|uée,  soit  par 
une  gorge  plus  lâche  et  plus  pigmentée,  comme 
cela  se  voit  chez  la  rainette  et  le  calamité,  soit 
par  une  paire  de  fentes  latérales  à  travers  lesquel- 
les il  fait  hernie  quand  l'air  le  remplit,  comme  cela 
a  lieu  chez  la  grenouile  verte. 

Les  Batraciens  anoures  ont  la  faculté  de  chanter 
sous  l'eau,  en  dehors  de  toute  communication  avec 
l'air  extérieur.  Ce  fait,  qui  paraît  paradoxal  au 
premier  abord,  peu  se  vérifier  aisément  dans  un 
aquarium  ;  il  suffit  pour  cela  de  maintenir  sous 
l'eau  un  mâle  au  temps  du  frai,  et  de  le  faire 
chanter,  en  lui  pressant  le  ventre  ou  les  flancs. 

Civcidation.  —  Les  Batraciens  sont,  comme  les 
Reptiles  et  les  Poissons,  des  animaux  à  circulation 
incomplète,  et  par  suite  à  température  variable. 
Leur  cœur,  comme  celui  des  reptiles,  présente 
deux  oreillettes,  et  \in  seul  ventricule  dans  lequel 
se  fait  le  mélange  des  sangs  artériel  et  veineux. 
L'oreillette  gauche,  qui  recevait  le  sang  dos  bran- 
chics  dans  le  jeune  âge,  le  reçoit  des  poumons 
dans  l'état  parfait,  et  le  cœur  présente  la  même 
disposition  générale  après  comme  avant  la  méta- 
morphose. 

Le  système  lymphatique,  qui  sert  d'intermé- 
diaire entre  le  sang  et  les  éléments  des  tissus,  et 
apporte  à  ceux-ci  l'oxygène  et  la  nourriture,  est 
chez  les  Batracient  construit  sur  le  même  type  que 
clii.'z  les  Reptiles.  Chez  les  uns  comme  chez  les 
autres,  il  est  muni,  en  différents  points  de  son 
trajet,  de  vésicules  pulsatiles  connues  sous  le  nom 
de  cœurs  li/inptuitiques.  La  facilité  avec  laquelle  se 
détache  la  peau  des  Batraciens  anoures,  de  la  gre- 
nouille verte  par  exemple,  tient  à  la  présence  chez 
eux  de  grands  espaces  lymphatiques  sous-cutanés, 
qui,  dans  la  plus  grande  partie  de  son  étendue, 
isolent  la  peau  des  parties  sous-jacentes. 

Digestion.  —  Les  Batraciens  anoures  à  l'état 
parfait,  et  les  Urodèles  durant  toute  leur  vie,  se 
nourrissent  de  proie  vivante.  Dès  qu'un  petit  .-mi- 
mai a  attiré  leur  attention,  ils  l'observent  et  ne  se 
saisissent  iju'ajjrès  avoir  constaté  qu'il  fait  des 
mouvements;  car,  dans  le  choix  de  leur  nourriture, 
ils  paraissent  ne  se  diriger  que  d'après  les  indi- 
cations de  la  vue.  Et  ce  sens  les  trompes  quelque- 
fois. On  sait  qu'une  des  manières  de  capturer  la 
grenouille  verte  consiste  à  agiter  au-devant  d'elle 
à  l'extrémité  d'une  ligne,  xui  objet  quelconque,  un 
morceau  de  drap  rouge,  par  exemple  :  le  Batracien 
croit  apercevoir  un  être  animé,  se  précipite  sur 
lui,  et  se  prend  à  lliameçon.  D'ailleurs  ces  ani- 
maux sont  très  voraces,  dévorant  à  peu  près  tout 
C(!  qui  remue  et  n'est  pas  trop  gros  pour  le  calibre 
de  leur  bouche.  J'ai  vu  une  énorme  grenouille 
verte   en    train  d'avaler   une  rainette:    une    autre 


BATRACIENS 


—  253  — 


BATRACIENS 


grenouille  de  grande  taille  a  cn^çlouti,  sous  mes 
yeux,  une  jeune  souris;  et,  le  lendemain,  elle  dé- 
jeunait encore  d'un  lézard  de  petite  taille. 

Dans  ces  conditions  le  batracien  s'élance  sur  sa 
proie,  la  gueule  ouverte,  et  la  saisit  entre  ses  mâ- 
choires; mais,  d'ordinaire,  c'est  en  projetant  sur  eux 
leur  langue  gluante  et  extensible,  que  les  Batra- 
ciens anoures  s'emparent  des  petits  animaux,  in- 
fectes, vers,  mollusques,  etc.  A  cet  effet  cet 
organe  chez  plusieurs  d'entr'eux  n'est  fixé  que  par 
sa  portion  antérieure  au  plancher  de  la  bouche,  et 
se  trouve  libre  dans  tout  le  reste  de  son  étendue. 
Mais  il  n'en  saurait  être  de  même  chez  les  Urodè- 
les,  dont  la  langue  n'est  généralement  libre  que 
sur  ses  bords  et  un  peu  en  arrière.  Ils  en  sont 
réduits  :"i  pincer  leur  proie  entre  leurs  deux  mâ- 
choires. On  conçoit  tout  le  service  que  doivent 
leur  rendre  en  pareil  cas  les  dents  nombreuses, 
acérées  et  courbées  en  arrière,  qui  garnissent  le 
pourtour  de  leurs  mâchoires,  et  se  montrent  encore 
à  leur  palais,  disposées  en  deux  lignes  longitudi- 
nales et  plus  ou  moins  flexueuses.  llien  n'est  d'ail- 
leurs plus  aisé  que  de  voir  des  tritons  prendre 
leur  repas  dans  un  aquarium.  Qu'on  leur  donne 
quelques  vers  de  terre  ou  quelques  larves  de  Chi- 
ronomes,  vulgairement  appelées  vers  rouges  ;  dès 
qu'ils  ont  vu  cette  proie,  ils  l'observent,  ils  s'en 
approchent  cauteleusement.  Tout  d'un  coup,  ils  se 
précipitent  sur  elle  et  s'en  emparent.  Le  ver  a 
beau  se  débattre,  il  est  solidement  maintenu  ;  tous 
ses  mouvements  ne  servent  qu'à  hâter  son  ingur- 
gitation. Il  est  avalé  peu  à  peu,  par  petites  secous- 
ses, le  triton  se  reposant  quand  il  est  fatigué,  et 
reprenant  ensuite  ses  mouvements  de  déglutition. 

L'alimentation  exclusivement  animale  des  Batra- 
ciens est  en  rapport  avec  la  brièveté  et  la  simpli- 
cité de  leur  tube  digestif.  L'oesophage  se  continue 
directement  avec  l'estomac,  sans  valvule  ni  rétré- 
cissement; à  celui-ci  fait  suite  un  intestin  grêle, 
relativement  court  et  peu  flexueux,  qui  débouclie 
brusquement  dans  le  rectum  fort  large  et  rectili- 
gne.  Il  n'y  a  pas  de  cœcum.  Mais  l'intestin  des 
larves  d'anoures  est  excessivement  long,  et  enroulé 
sur  lui-même  comme  un  peloton  de  ficelle.  On 
peut  observer  cette  disposition  sur  l'animal  vi- 
\ant,  grâce  à  la  transparence  de  sa,  paroi  abdomi- 
nale. La  forme  de  l'appareil  digestif  est  encore  ici 
corrélative  de  la  nature  des  aliments  qu'il  doit 
digérer.  Les  têtards,  en  efl'ct,  se  nourrissent  de 
matières  appartenant  aux  deux  règnes,  animal  et 
végétal,  donnant  la  préférence  à  celles  qui  ont 
subi  un  commencement  de  décomposition.  Ils  sont 
omnivores.  Ils  sont  très  friands  de  leur  propre 
chair,  dévorent  leurs  camarades  morts  ou  malades, 
et  même  se  mangent  réciproquement  la  queue, 
quand  on  néglige  de  les  nourrir  suffisamment.  Leur 
voracité  a  été  utilisée  pour  la  confection  des  sque- 
lettes de  petits  vertébrés,  qu'il  serait,  sinon  impos- 
sible, du  moins  difficile  et  fastidieux  de  préparer 
au  scalpel. 

Les  Batraciens  ne  boivent  pas.  C'est  par  leurs 
téguments  perméables  et  richement  vasculariscs 
qu'ils  absorbent  l'eau  dont  a  besoin  leur  économie. 
La  grande  porosité  de  leur  peau  explique  comment 
des  Batraciens  peuvent  résister  à,  une  haute  tem- 
pérature extérieure,  comment  en  particulier  des 
grenouilles  peuvent  s'exposer  i\  toutes  les  ardeurs 
d'un  soleil  d'été  sans  en  paraître  incommodées. 
Leur  peau  agit  à  la  façon  des  vases  de  terre  que 
l'on  nomme  alcarazas.  Le  liquide  qui  transsude 
et  s'évapore  suffit  à  refroidir  le  vase  comme  le 
corps  de  l'animal.  Mais,  si  cette  situation  se  pro- 
longeait, la  grenouille,  qui  perd  peu  à  peu  de  son 
poids,  finirait  par  succomber  desséchée.  Quand  la 
dessication  n'a  pas  dépassé  certaines  limites,  un 
simple  bain  rend  promptement  à  l'animal  tout  le 
poids  qu'il  avait  perdu. 

La  porosité  de  la  peau  explique  encore  pourquoi 


les  espèces  terrestres,  et  même  toutes  les  espèces 
durant  leur  séjour  terrestre,  ont  des  mœurs  à  peu 
près  ^  exclusivement  nocturnes,  ne  se  laissant 
aller  à  sortir  de  jour  que  par  les  temps  pluvieux. 
En  dehors  de  cette  circonstance,  elles  restent  tout 
le  jour  tapies  dans  leurs  retraites  humides  ;  mais, 
le  soir,  quand  tombe  le  serein,  elles  recouvrent 
leur  activité,  n'ayant  plus  à  craindre  le  contact 
d'un  air  trop  sec,  et  pouvant  même  absorber  de 
l'eau  en  se  traînant  contre  les  plantes  couvertes 
de  rosée. 

Reproduction.  —  Les  œufs  des  Batraciens  anoures 
sont  fécondés  extérieurement,  au  moment  de  la 
ponte,  comme  ceux  de  la  plupart  des  poissons.  Ils 
sont  entourés  d'une  enveloppe  mucilatcineuse  et 
transparente,  et  d'ordinaire  réunis  un  grand  nombre 
ensemble;  leur  masse  affecte  alors  'a  forme,  soit 
d'une  pelote  arrondie  et  grosse  environ  comme  la 
tête  d'un  homme  (grenouilles),  soit  de  deux  cor- 
dons plus  ou  moins  étirés  et  emmêlés  en  un  lourd 
écheveau  (crapauds),  soit  d'un  cordon  unique,  plus 
court,  plus  gros  et  d'un  diamètre  plus  irrégulier 
(pélobates). 

Le  nombre  des  œufs  pondus  par  une  femelle  est 
considérable. 

Certaines  espèces  ne  se  reproduisant  qu'à  une 
époque  de  l'année  fixe  et  limitée,  des  millions 
d'œufs  se  développent  à  la  fois  dans  certaines  eaux. 
Parvenus  à  l'état  parfait,  les  jeunes  Batraciens  s'a- 
britent sous  les  pierres,  les  feuilles  mortes,  les  dé- 
bris de  bois,  auprès  des  mares  qu'ils  viennent  de 
quitter.  Qu'un  orage  éclate  alors,  et  l'on  verra  ces 
petits  animaux,  quittant  leur  retraite  aux  premières 
gouttes  de  pluie,  couvrir  les  champs  et  les  chemins 
de  leurs  innombrables  légions.  Ainsi  s'explique 
tout  naturellement  un  fait  qui  a  donné  lieu  aux  plus 
fabuleuses  croyances.  Les  anciens  prétendaient 
que  les  jeunes  grenouilles  naissaient  de  la  pous- 
sière desséchée  des  chemins  fécondée  par  les 
grosses  gouttes  de  pluies  ;  ou  que,  se  formant  de 
toutes  pièces  dans  les  airs,  elles  tombaient  avec 
les  pluies  d'orage.  Cette  dernière  opinion  s'est  per- 
pétuée jusqu'à  nos  jours.  Assurément,  on  ne  croit 
plus  à  la  génération  spontanée  des  grenouilles; 
mais  bien  des  auteurs  ont  admis  l'existence  des 
pluies  de  crapauds,  les  expliquant  à  l'aide  de 
trombes  atmosphériques. 

Les  œufs  de  la  plupart  des  Anoures  sont  pon- 
dus à  l'eau,  et  les  embryons  éclosent  au  bout  de 
quelques  jours,  encore  tout  à  fait  informes,  et 
ne  possédant  même  pas  les  premiers  rudiments 
de  l'appareil  digestif.  Les  branchies  n'existent 
pas  encore;  elles  ne  se  montrent  que  quelques 
jours  après  la  naissance,  et  sont  d'abord  externes  ; 
mais  bientôt,  à  mesure  que  se  forme  la  chambre 
branchiale,  les  rameaux  extérieurs  de  ces  bran- 
chies s'atrophient,  pendant  que  de  nouveaux 
bourgeons,  poussant  sur  les  mômes  troncs,  pro- 
duisent des  branchies  internes.  Bientôt,  des  deux 
côtés  de  la  base  de  la  queue,  on  voit  poindre  les 
membres  postérieurs.  Les  membres  antérieurs  se 
développent  simultanément,  mais  sous  la  peau,  en 
arrière  de  la  cavité  branchiale.  Au  moment  de  la 
mé'tamorphose  seulement,  ils  percent  leur  enve- 
loppe. Alors  la  queue  se  résorbe  graduellement 
ainsi  que  les  branchies,  la  chambre  branchiale  s'o- 
blitère, le  bec  tombe,  la  bouche  s'agrandit,  et  le 
petit  batracien  est  en  tout  semblable  à  ses  parents. 

Seul,  parmi  nos  espèces  indigènes,  l'alyte  accou- 
clieur  ne  pond  pas  à  l'eau.  Le  mâle  emmêle  en  un 
paquet  les  œufs  pondus  sous  forme  d'un  chapelet, 
et  au  nombre  d'une  quarantaine  environ,  passe  ses 
jambes  au  milieu  de  leur  masse  et  les  garde  ainsi 
sur  ses  cuisses,  jusqu'à  leur  maturité.  Alors  il  se 
rend  à  l'eau  et  les  œufs  éclosent.  Le  têtard  vient 
au  monde  bien  plus  avancé  que  ses  congénères, 
fort  alerte,  et  présentant  déjà  l'aspect  qu'il  conser- 
vera jusqu'à  la  métamorphose. 


BATRACIENS 


—  254  — 


BÉTAIL 


Parmi  les  Urodèles  plusieurs  espèces  sont  ovovi- 
vipares. Chez  d'autres ,  chez  les  tritons  par 
exemple,  les  œufs  entourés  comme  ceux  des  Anou- 
res d'une  enveloppe  mucilagineuse  et  transpa- 
rente, sont  pondus  isolément  ou  par  deux  ou  trois, 
et  fixés  aux  plantes  aquatiques.  La  fécondation 
est  toujours  interne.  La  larve  naît  un  peu  plus 
avancée  que  celle  des  Anoures,  pourvue  de  lon- 
gues branchies  externes,  et  apte  h  se  nourrir, 
iîlle  vit  d'abord  presque  exclusivement  de  petits 
crustacés.  Les  pattes  antérieures  se  montrent  les 
premières,  puis  les  postérieures.  Enfin  les  bran- 
chies disparaissent,  le  repli  qui  les  recouvrait  se 
soude  au  tégument,  et  la  métamorphose  est  accom- 
plie. 

Parmi  les  espèces  ovovivipares,  citons  la  sala- 
mandre commune,  dont  les  larves,  munies  déjà  de 
leurs  quatre  membres,  et  d'ailleurs  semblables  à 
celles  des  tritons,  mesurent  30  millimètres  de  long 
à  leur  naissance. 

Reclintcgration.  —  C'est  ici  le  lieu,  après  avoir 
parlé  de  la  reproduction  de  l'espèce,  de  signaler 
la  propriété  qu'ont  certains  urodèles  et  les  larves 
cle  tous  les  Batraciens  de  reproduire  par  bourgeon- 
nement les  parties  qui  leur  sont  accidentellement 
retranchées.  H  y  a  plus  d'un  siècle  que  des  expé- 
riences démonstratives  ont  été  faites  à  ce  sujet.  On 
a  vu, chez  des  tritons  crêtes  et  chez  d'autres  espè- 
ces, repousser  à  plusieurs  reprises  les  membres, 
la  queue,  les  yeux  même  ;  on  a  vu  des  queues  de 
tout  jeunes  têtards  d'anoures,  isolées  du  corps  de 
i'animà':,  vivre  jusqu'à  dix-huit  jours  et  bourgeon- 
ner. 

Intelligence.  —  L'intelligence  des  Batraciens  pa- 
raît en  général  très  obtuse.  On  peut  cependant 
observer  des  diflërences  à  ce  point  de  vue  d'une 
espèce  à  l'autre.  Tous  nos  Urodèles  sont  assez  mal 
doués  sous  ce  rapport  ;  mais,  parmi  les  Anoures, 
{es  crapauds  sont  assurément  bien  supérieurs  aux 
grenonilies  pf  notamment  le  crapaud  commun. 
Quand  on  lui  donne  de  la  nourriture,  ce  dernier 
examine  chaque  insecte,  s'approche  doucement  de 
lui,  et  finalement,  quand  il  est  sûr  de  n"être  pas 
trompé,  il  lance  sur  lui  sa  langue  et  l'ingurgite.  Ce 
n'est  pas  le  crapaud  que  l'on  prendrait  à  l'hameçon 
avec  un  morceau  d'étoffe. 

Aussi  le  crapaud  est-il  susceptible  d'une  certaine 
éducation.  On  raconte  l'histoire  d'un  de  ces  ani- 
maux qui  vécut  en  quelque  sorte  apprivoisé,  dans 
une  famille  anglaise.  Il  passait  le  jour  retiré  sous 
un  escalier;  mais  le  soir,  à  l'heure  du  repas,  sans 
doute  en  quête  des  insectes  qu'attirait  la  lumière, 
il  se  montrait  autour  de  la  table,  allant  et  venant 
sans  s'effrayer  au  milieu  des  personnes  qui  le  con- 
naissaient et  ne  le  maltraitaient  pas.  Il  périt  un 
jour  par  accident.  Il  y  avait  trente  ans  qu'on  l'avait 
remarqué  pour  la  première  fois;  et  comme  il  avait 
toujours  conservé  la  môme  apparence,  n'ayant  nul- 
lement vieilli  durant  ce  laps  de  temps,  nous  devons 
supposer  que  ces  animaux  sont  susceptibles  de  vivre 
fort  longtemps. 

C'est  le  sens  de  la  vue  qui  paraît  être  le  principal 
guide  des  Batraciens  anoures  et  urodèles,  dans 
leurs  rapports  avec  le  monde  extérieur. 

Un  sens  spécial,  voisin  de  celui  du  tact,  leur  per- 
met du  fond  de  leurs  retraites  souterraines  d'ap- 
précier l'état  de  l'atmosphère,  et  les  décide  à 
sortir,  quand  les  conditions  sont  favorables,  ou  à 
rester  enfouis  jusqu'à  une  meilleure  occasion.  Ainsi 
les  pélobates,  séparés  de  l'air  extérieur  par  une 
couche  do  sable  de  plus  d'un  mètre,  connaissent 
avec  précision  l'heure  du  serein  et  l'état  de  l'at- 
mosphère. 

Nous  croyons  néanmoins  que  les  gens  qui  se  ser- 
vent de  la  rainette  comme  d'nn  baromètre  accor- 
dent une  confiance  exagérée  aux  indications  fournies 
par  les  Batraciens:  en  effet,  outre  que  ces  animaux 
doivent  apprécier  bien  plus  le  temps  qu'il  fiit  que 


celui  qu'il  doit  faire,  leur  instinct  parait  devoir  être 
souvent  trompé  dans  le  milieu  artificiel  de  nos  ap- 
partements et  des  vases  où  on  les  maintient. 

Utilité.  —  Il  ne  nous  reste  plus,  pour  terminer 
un  exposé  déjà  long,  qu'à  insister  sur  l'utilité  que 
présentent  les  animaux  de  la  classe  des  Batraciens, 
et  à  réclamer  pour  eux  la  protection  des  gens  in- 
struits. Toutes  les  espèces  sont  absolument  inoffen- 
sives pour  l'homme  et  ses  animaux  domestiques; 
bien  plus,  elles  sont  pour  lui  d'utiles  alliés,  puis- 
qu'elles détruisent  les  insectes  qui  dévorent  les 
récoltes. 

Que  l'instituteur  use  donc  de  son  influence  pour 
détruire  ces  préjugés  absurdes  qui  régnent  encore 
dans  nos  campagnes,  et  qui  font  des  Batraciens  un 
objet  d'effroi  pour  nos  paysans!  qu'il  fasse  valoir 
auprès  de  l'agriculteur  les  services  rendus  par  ces 
animaux,  et  l'intérêt  qu'il  a  à  les  protéger  !  et  qu'il 
fasse  comprendre  aux  enfants  que  la  laideur  n'est 
pas  un  crime,  et  qu'il  est  barbare  de  faire  périr  des 
êtres  tout  à  fait  inoffensifs. 

Parmi  les  Batraciens,  deux  espèces  surtout,  par- 
tout abondamment  répandues,  méritent  d'être 
épargnées. 

Uuned'e\\e5,\<ig7'enouille  verte,  est  une  ressource 
pour  l'alimentation  publique;  elle  rend  en  outre  de 
grands  services  à  la  science,  et,  depuis  les  décou- 
vertes de  Volta  sur  le  galvanisme,  et  celles  de 
Spallanzani  sur  les  lois  de  la  fécondation,  elle 
tombe  par  milliers  sous  le  scalpel  de  l'anatoraiste  ; 
mais,  mieux  vue  dans  nos  campagnes  que  ses  con- 
génères, et  d'ailleurs  assez  bien  douée  pour  se  dé- 
rober d'elle-même  aux  poursuites,  on  ne  la  détruit 
guère  que  pour  en  retirer  les  avantages  qu'elle  est 
susceptible  de  nous  fournir,  et  elle  ne  réclame  pas 
une  protection  spéciale. 

Mais  il  n'en  est  pas  de  môme  du  crapaud  com- 
mun. Disgracieux  dans  ses  formes,  grotesque  dans 
ses  allures,  c'est  un  objet  de  dégoût  sur  lequel  on 
donne  sans  remords  carrière  à  ses  instincts  destruc- 
teurs. Habitant  de  nos  champs  et  de  nos  jardins,  il 
est  sans  cesse  exposé  aux  mauvaises  rencontres  ; 
et  sa  lourde  démarclie  ne  lui  permet  pas  d'échapper 
à  ses  persécuteurs.  On  a  inventé  pour  lui  les  plus 
cruels  supplices.  On  le  pique  par  exemple  à  l'ex- 
trémité d'un  échalas,  et  on  le  laisse  là  en  pi'oie  à 
une  agonie  lente  et  douloureuse.  Il  est  temps  de 
réagir  contre  ces  mœurs  stupides  et  barbares  qui 
déshonorent  notre  époque. 

Si  l'on  élève  des  abeilles,  l'on  a,  il  est  vrai,  in- 
térêt à  éloigner  le  crapaud  du  voisinage  des  ruches, 
car  il  a  un  penchant  malheureux  pour  ces  insectes; 
on  a.  dans  ce  cas,  le  droit  de  le  détruire,  mais  non 
de  le  tourmenter.  Encore  serait-il  plus  sage  de  le 
faire  transporter  à  une  assez  grande  distance.  En 
toute  autre  circonstance,  le  crapaud  est  un  voisin 
peu  encombrant  et  fort  utile  ;  les  jardiniers  de 
Londres  le  savent  bien,  eux  qui  se  le  procurent  à 
prix  d'argent.  [Fornand  Lataste.] 

ItCTAïL.  —  Agriculture,  Xill.  —  On  donne  le 
nom  de  bétail  à  l'ensemble  des  animaux  domesti- 
ques produits  par  l'agriculture  en  vue  d'un  béné- 
fice direct  ou  indirect.  —  Dans  l'exploitation  agri- 
cole, dit  Sanson,  les  animaux  qui  forment  le  bétail 
sont  à  la  fois  des  produits  fabriqués  ou  des  mar- 
cliandises  et  des  agents  de  production.  Pour  l'a- 
gricuiieur.  dans  l'un  et  l'autre  cas,  le  bétail  est 
un  capital  qui  doit  donner  un  profit.  C'est  de  ce 
principe  qu'il  faut  partir  pour  établir  le  rôle  du 
bétail  dans  une  ferme.  Il  n'y  a  encore  que  peu 
d'années  quer  ces  vérités  ont  été  dégagées  des  an- 
ciennes théories  sur  le  rôle  du  bétail,  qui  ont  en- 
core cours  trop  souvent.  Il  n'y  a  pas  de  distinction 
à  établir  entre  ce  qu'on  appelait  les  bêtes  de  pro- 
duit et  les  bêtes  de  travail  ;  tout  animal  qui  ne 
donne  pas  un  produit  réel,  est  une  mauvaise  ma 
chine  :  il  cesse  d'être  un  capital  productif,  et  doit 
être  remplacé.  Il  faut  toutefois  remarquer  qu'il  y 


BIOLOGIE 


23o 


CLE 


a  beaucoup  d'espèces  de  produit  et  que  la  plupart 
des  races  domestiques  en  donnent  de  diverses 
sortes. 

C'était  autrefois  une  opinion  à  peu  près  géné- 
rale en  agriculture  que  le  bétail  est  un  mal  néces- 
saire. Cette  opinion  reposait  sur  de  faux  raison- 
nements et  une  comptabilité  erronée.  Les  faits 
ont  d'ailleurs  fini  par  mettre  la  vérité  complète- 
ment en  évidence.  Aujourd'hui  les  agriculteurs 
mettent  tous  leurs  soins  à  garnir  leurs  étables  du 
plus  grand  nombre  possible  d'animaux.  Ce  nombre 
est  d'ailleurs  limité  par  la  quantité  de  nourriture 
dont  la  ferme  dispose.  Quant  aux  races  vers  les- 
quelles doit  se  porter  le  choLs,  cela  dépend  du 
climat,  du  but  que  l'on  veut  atteindre,  des  dé- 
bouchés, etc.  L'agriculteur  qui  est  à  proximité 
d'une  grande  ville  toui-nera  volontiers  son  atten- 
tion vers  la  production  du  lait,  vu  le  bénéfice  qu'il 
en  retire.  Celui  qui  aura  de  riches  et  abondants 
herbages  à  sa  disposition  se  livrera  plutôt  à  l'éle- 
vage, tandis  que  l'engraissement  sera  la  meilleure 
opération  pour  une  ferme  qui  est  voisine  d'une 
sucrerie  ou  d'une  distillerie  de  betteraves,  et  qui 
peut  ainsi  se  procurer  de  grandes  quantités  d'une 
nourriture  abondante  pour  ses  bûtes. 

A  côté  des  divers  produits  qu'on  en  tire,  le  bé- 
tail laisse  dans  la  ferme  un  véritable  trésor  par 
son  fumier.  Aujourd'hui  que  l'on  connaît  la  né- 
cessité de  restituer  au  sol  les  principes  qui  lui 
ont  été  enlevés  par  les  récoltes,  on  a  compris  que 
le  fumier  est  le  meilleur  agent  de  cette  restitu- 
tion. Sans  bétail,  pas  de  fumier;  sans  fumier,  pas 
de  rcco.ies  abondantes,  mais  des  produits  maigres 
et  un  appauvrissement  rapide  du  sol. 

Le  rùle  du  bétail  en  agriculture  est  donc  bien 
défini,  c'est  le  plus  puissant  agent  de  production. 
La  valeur  de  cet  agent  va  sans  cesse  en  augmen- 
tant, car  les  prix  de  vente  des  produits  qu'il  donne 
s'élèvent  d'année  en  année  surtout  en  ce  qui  con- 
cerne  la  viande.  Cette  plus-value  ne  peut  que  se 
maintenir,  au  grand  bénéfice  des  agriculteurs,  car 
la  consommation  de  la  viande  s'accroît  de  plus  en 
plus,  et  c'est  un  aliment  qui  n'est  plus  abandonné 
par  les  populations  quand  elles  en  ont  pris  l'habi- 
tude. 

Ces  considérations  générales  étant  données, 
nous  renvoyons,  pour  ce  qui  concerne  chacune 
des  espèces  d'animaux  domestiques,  aux  mots 
Ane,  Bœuf,  Cheval,  Mouton,  Porc,  Basse-cour; 
on  trouvera  aussi  des  détails  instructifs  au  mot 
Animaux  domestiques. 

Ouvrages  à  consvilter  :  Le  Livre  de  la  feitne  et  des 
maisons  de  campagne  ;  Traité  de  zootechnie  oit  économie 
du  bétail,  par  A.  Sanson. 

[Henri  Sagnier.] 

BIOLOGIE. —  (Étym.  du  grec:  science  de  la  vie). 
—  Ce  mot,  créé  à  la  fin  du  siècle  dernier  par  un  na- 
turaliste allemand,  fut  employé  pour  la  première 
fois  par  le  naturaliste  français  Lamarck,  en  iS02, 
et  introduit  dans  la  langue  scientifique  parle  chef 
de  l'école  positiviste,  Auguste  Comte. 

La  biologie,  d'après  M.  Littré,  est  «  la  science  qui 
a  pour  sujet  les  êtres  organisés  et  dont  le  but  est 
d'arriver,  par  la  connaissance  des  lois  de  l'organi- 
sation, à  connaître  les  lois  dos  actes  que  ces  êtres 
manifestent.  ><  Prise  d'abord  dans  un  sens  restreint, 
présentée  avec  un  caractère  systématique  et  exclu- 
sif par  les  positivistes,  la  biologie  est  aujourd'hui 
généralement  reconnue  comme  la  science  ou  plutôt 
comne  le  groupe  de  sciences  qui  embrasse,  de  la 
manière  la  plus  générale,  toutes  les  études  rela- 
tives aux  êtres  vivants.  Sans  aborder,  comme  l'his- 
toire naturelle,  la  classification  détaillée  des  espèces, 
elle, comprend  la  physiologie,  l'anatomie  et  toutes 
leurs  annexes  ;  elle  les  complète  par  l'étude  des 
milieux  et  des  conditions  externes  du  développe- 
ment delà  vie  sous  ses  différentes  formes;  enfin, 
elle  a  prétendu  y  ajouter  l'étude  des  facultés  intel- 


lectuelles et  morales  ou  psychologie*  et  celle  de 
l'éducation  ou  pédagogie* .  Bien  que  ces  deux  der- 
nières sciences  touchent  par  plusieurs  points  d'une 
façon  très  intime  à  la  biologie,  il  convient  de  les 
en  distinguer,  les  faits  qu'elles  ont  à  étudier  for- 
mant, au  sein  des  phénomènes  biologiques,  un 
groupe  distinct  par  sa  nature,  par  les  méthodes 
qu'il  exige,  par  les  résultats  qu'il  met  en  lumière, 
par  sa  portée  philosophique  et  sociale. 

Pour  ne  pas  répéter  ici  l'exposé  général  des 
questions  fondamentales  de  la  biologie,  nous  ren- 
verrons aux  mots  Régîtes  {Les  trois)  et  Vie. Voir 

aus«i  Physiologie  et  Végétai, 

BLE.  —  Agriculture,  VI.  Connaissances  usuelles, 
IV.  —  {Etym.  douteuse;  on  écrivait  au  moyen  âge 
bief,  plus  tard  bled  ;  le  mot  paraît  venir  d'une  ra- 
cine commune  à  plusieurs  langues  germaniques, 
qui  se  retrouve  dans  l'allemand  moderne  blatt, 
feuille  et  qui  avait  donné  lieu  au  bas-latin  bladum, 
d'où  est  venu  bled.) 

Demandez  aux  meilleurs  élèves  d'une  classe  ce 
qu'ils  savent  sur  le  blé  :  leurs  réponses  vous  étonne- 
ront d'abord  par  leur  nullité,  puis  vous  remarquerez 
que  ces  enfants  n'ont  eu  aucune  occasion  d'acqué- 
rir sur  ce  sujet,  comme  sur  tant  d'autres  qui  de- 
vraient leur  être  familiers,  des  notions  même  très- 
élémentaires.  Et  malheureusement  les  enfants  ne 
se  trouvent  pas  seuls  dans  ce  cas.  Résumons  quel- 
ques-unes des  notions  que  l'enseignement  popu- 
laire peut  et  doit  répandre.    —(V.)  aussi  Cérrnles. 

Importaiice  du  blé  pour  L'alimetitatioti  humaine. 
—  Le  blé  constitue  pour  nous  et  pour  les  habitants 
d'une  notable  partie  du  globe  la  base  de  l'alimen- 
tation :  là  où  il  est  en  usage,  le  langage  populaire 
prend  le  blé,  le  pain,  comme  type  d'aliment,  l'on 
dit  :  travailler  pour  gagner  du  pain,  et  quand 
l'homme  s'adresse  au  Créateur  pour  réclamer  la 
nourriture  nécessaire,  il  lui  demande  «  le  pain 
quotidien  ».  C'est  que  le  blé,  le  pain,  constitue 
l'aliment  par  excellence.  Aussi  sa  culture  s'étend 
progressivement  dans  tous  les  pays  capables  de  le 
produire,  et  les  facilités  de  transport  réalisées  de- 
puis un  quart  de  siècle  ont  fait  adopter  l'usage  du 
pain  dans  beaucoup  de  régions  où  on  le  rempla- 
çait par  le  produit  d'autres  graminées  comme  le 
seigle  et  l'orge;  par  les  graines  du  sarrasin,  du 
mais,  du  riz  ;  par  les  fruits  du  chêne,  du  châtai- 
gnier, de  l'arbre  à  pain,  la  racine  de  manioc  et  par 
une  foule  d'autres  aliments  répandus  en  abon- 
dance dans  les  régions  chaudes  ou  tempérées. 

Origine  du  blé.  —  Le  blé  croît  spontanément 
dans  plusieurs  contrées  de  l'Asie  :  On  trouve  des 
renseignements  sur  sa  culture  dans  des  livTCS  chi- 
nois qui  remontent  à  plusieurs  siècles  avant  notre 
ère.  En  Egypte,  on  a  recueilli  quelques  grains  de 
blé  parfaitement  conserves  dans  des  tombeaux 
dune  très  haute  antiquité.  En  Europe,  on  a  re- 
trouvé des  grains  de  blé,  quelquefois  même  de 
grandes  prot-isions,  dans  les  stations  lacustres  de  la 
Suisse,  et  on  y  peut  reconnaître  les  mêmes  espèces 
de  froment  qui  sont  encore  cultivées  dans  le  Midi 
de  l'Europe. 

Ainsi  le  blé  remonte  jusqu'aux  origines  préhisto- 
riques de  la  civilisation.  Avant  la  culture  du  blé,  il 
n'y  avait  (}ue  des  hordes  nomades  et  sauvages, 
obligées  de  camper  là  où  les  forêts  leur  offraient 
spontanément  des  fruits  âpres  et  de  dures  racines, 
là  où  la  cliasse  et  la  pêche  leur  procuraient  une 
nourriture  plus  substantielle,  et  plus  tard  dans  les 
pâturages  naturels  où  pouvaient  vivre  les  troupeaux. 

Le  jour  où  la  première  famille  sema  du  blé  autour 
de  sa  tente,  dans  des  trous  creusés  avec  un  simple 
bâton,  elle  assura  ce  premier  idéal  de  l'humanité  : 
le  pain  quotidien  gagné  par  un  travail  régulier,  sé- 
dentaire, au  milieu  des  joies  de  la  famille.  Est-il 
étonnant  que  la  tradition  légendaire  ayant  perdu  le 
nom  de  ce  providentiel  initiateur,  ait  fait  hommage 
à  l'Être  suprême  de  cette  source  de  civilisation,  en 


CLE 


2o6  — 


BLE 


l'attribuant  à  quoique  divinité  invoquée,  pu  Egypte, 
sous  le  nom  disis;  en  Grèce,  sous  celui  de  Cérèsl 
la  déesse  qui  laboure. 

Culture.  —  Le  blé  ou  froment  {Triticum  dos 
botanistes)  est  la  plus  importante  des  céréales  sou- 
mises à  la  grande  culture.  Là  où  le  climat  lui  per- 
met d'arriver  à  niaturiié.  on  peut  prendre  l'exten- 
sion de  la  culture  du  blé  comme  preuve  des  pro- 
grès agricoles,  lorsqu'un  assolement  rationnel  le 
fait  alterner  avec  les  plantes  sarclées,  et  que  l'on 
évite  l'épuisement  des  terres,  par  l'emploi  d'engrais 
judicieusement  choisis. 

Les  divers  procédés  de  culture,  sous  des  climats 
différents,  ont  produit  et  produisent  encore  dans 
le  blé  des  variations  notables  dont  les  caractères, 
une  fois  bien  fixés  et  reconnus,  servent  de  type  à 
des  variétés  et sous-vcuiétés  qui  rendent  fort  diffi- 
cile la  classification. 

Pour  éviter  de  nous  perdre  dans  les  détails,  nous 
allons  simplifier  les  classifications  généralement 
usitées. 

Variétés  de  froment.  —  On  peut  d'abord  diviser 
le  froment  en  deux  grandes  classes  :  les  froments 
nus  et  les  froments  vêtus.  Les  premiers  sortent 
de  leurs  enveloppes  pendant  le  battage;  les  autres 
ne  se  libèrent  des  liullrs  que  sous  l'action  de 
meules  on  bois:  ce  sont  les  épeautres.  Les  anciens 
préféraient  l'épeautre  au  froment  nu  parce  qu'il 
est  très  robuste,  résiste  aux  hivers  les  plus  rigou- 
reux et  donne  un  grain  de  conservation  très  facile. 
De  plus,  il  se  contente  des  sols  les  moins  riches. 
Cependant,  en  France,  on  ne  cultive  guère  l'é- 
peautre que  dans  les  régions  montagneuses,  tandis 
qu'il  est  encore  cultivé  presque  partout  en  Alle- 
magne. 

S'il  s'agit  de  subdiviser  ces  deux  grandes  classes, 
tout  le  monde  est  d'accord  pour  reconnaître  les 
froments  tendres  et  les  froments  durs.  Les  graines 
des  premiers  sont  d'un  jaune  doré  ou  pâle,  ils  sont 
flexibles  sous  la  dent,  leur  écorce  mince  recouvre 
une  farine  blanche  et  abondante.  Ils  supportent 
bien  le  froid,  ce  qui  les  a  fait  adopter  dans  nos 
départements  du  nord  et  dans  les  provinces  sep- 
tentrionales de  l'Europe. 

Les  grains  des  froments  durs  sont  ternes,  bru- 
nâtres, semi-transparents  comme  la  corne,  ils  ré- 
sistent sous  la  dent,  et  lorsqu'ils  se  brisent,  ils  ne 
se  désagrègent  pas  spontanément  en  farine.  Les 
froments  durs  conviennent  au  climat  du  midi  de  la 
France;  on  les  cultive  avec  succès  en  Espagne,  en 
Italie,  dans  l'Afrique  septentrionale  et  dans  une 
partie  de  l'Asie. 

La  section  des  blés  tendres  comprend  les  espèces 
suivantes  : 

1°  Les  touselles,  qui  sont  les  froments  sans 
barbes  ou  à  barbes  très  courtes  et  peu  nombreuses 
et  à  paille  creuse  ; 

2°  Les  seisettes,  froments  à  épis  barbus  et  à  paille 
creuse  ; 

3°  Les  poîdards,  qui  ont  l'épi  régulier,  carré, 
barbu,  et  la  paille  pleine  de  moelle  vers  son 
sommet. 

La  section  des  blés  durs  comprend  : 

1°  Les  aubaines,  dont  l'épi  est  garni  de  barbes 
longues  et  raides,  dont  le  grain  est  long  et  glacé  ; 

■2°  Le  froment  ou  blé  de  Pologne,  dont  l'épi  est 
allongé,  dont  les  balles  longues  recouvrent  un  grain 
très  allongé  et  demi-transi)arcnt. 

Ici  pourrait  s'arrêter,  dans  une  école,  la  division 
des  espèces  de  blé,  mais  il  serait  important  d'avoir 
sous  la  main,  pour  assurer  les  souvenirs,  dos 
échantillons  d'épis  et  de  grains  de  chaque  classe 
et  de  chaque  section.  Le  maître  ferait  bien  aussi 
do  rapprocher  des  noms  généralement  ado])tés 
dans  le  commerce  des  grains  et  dans  les  traités 
d'agriculture,  les  dénominations  locales  qui  s'en 
écartent  souvent. 

Sur  le  marché  de  Paris  la  classification  des   fro- 


ments est  très  simple:  on  les  divise  en  blancs,, 
rouges  et  bigarrés.  Les  plus  estimés  sont  les  fro- 
ments blancs,  parce  qu'ils  donnent  une  faible  pro- 
portion de  son.  Les  froments  rouges  rendent  plus 
de  son,  mais  ils  n'en  sont  pas  moins  recherchés 
par  la  boulangerie,  parce  que  leur  farine  a  plus  de 
corps  que  celle  des  autres  espèces.  Les  froments 
bigarrés  sont  formes  par  la  réunion  de  grains  ap- 
partenant à  diverses  variétés  de  couleur  différente. 
Le  semis  de  froments  mélangés  donnant  un  rende- 
ment supérieur  à  ceux  de  variétés  séparées,  les 
cultivateurs  ont  intérêt  à,  produire  du  froment  bi- 
garré, mais  le  placement  en  est  moins  facile  dans 
les  environs  de  Paris  que  dans  les  départements 
du  nord.  Quant  aux  blés  durs,  qui  ne  donnent 
pas  le  genre  de  farine  exigé  par  la  boulangerie  pa- 
risienne, ils  ne  sont  pas  classés  sur  place. 

Conditio7is  climatériques.  —  Avant  d'entre- 
prendre la  culture  du  blé  dans  une  région  nouvelle, 
il  importe  d'en  étudier  le  climat  et  la  météorologie. 
Chaque  plante,  en  effet,  exige  des  conditions  spé- 
ciales pour  prospérer  et  se  reproduire. 

Voyons  ce  qui  se  passe  dans  nos  départements 
du  centre,  pour  le  blé  d'hiver.  On  l'a  semé  en  au- 
tomne, la  jeune  plante  s'est  développée  pendant 
les  derniers  beaux  jours,  mais  bientôt  le  froid 
arrête  la  végétation  qui  ne  reprendra  qu'au  prin- 
temps. Dès  que  la  température  remonte  à  environ 
six  degrés,  le  blé  reverdit,  donne  des  rejetons 
nommés  talles,  et  la  végétation  parcourt  régulière- 
ment ses  phases  jusqu'à  la  moisson.  Admettant  que 
la  végétation  du  blé  ne  peut  s'effectuer  au-dessous 
d'une  température  moyenne  de  six  degrés,  si  nous 
tenons  compte  chaque  jour  de  la  température 
moyenne  depuis  le  réveil  de  la  végétation  jusqu'à, 
la  maturation  des  graines,  et  si  nous  multiplions 
par  le  nombre  de  jours  écoulés  la  température 
moyenne  dont  la  plante  a  joui  pendant  tout  son 
développement,  nous  aurons  le  nombre  de  degrés 
de  chaleur  nécessaires  à  la  maturation  du  blé.  Le 
nombre  de  jours  nécessaires  pour  l'évolution  com- 
plète du  végétal  sera  donc  plus  ou  moins  grand 
suivant  que  la  température  moyenne  aura  été  plus 
ou  moins  élevée.  Il  est  très  remarquable  que  le 
nombre  de  degrés  reste  sensiblement  le  même  en 
quelque  lieu  que  l'on  fasse  l'expérience,  dans  la 
zone  tempérée  ou  sous  l'équateur,  au  niveau  des 
mers  ou  sur  les  montagnes. 

Pour  que  le  froment  miirisse,  il  faut  qu'il  re- 
çoive,depuis  la  reprise  de  la  végétation  ou  depuis 
les  semailles  du  printemps,  une  somme  de  chaleur 
d'environ  200(1  degrés.  Ainsi,  dans  nos  départements 
du  nord,  depuis  le  !"■  mars  jusqu'au  16  juillet, 
c'est-à-dire  pendant  1-37  jours,  les  blés  d'automne 
reçoivent  une  moyenne  de  15  degrés  de  chaleur 
par  jour,  ce  qui  donne  un  total  de  20.Ï.S  degrés.  Les 
frcmonts  de  printemps,  qui  accomplissent  leur 
végétation  et  leur  maturation  en  l-'il  jours,  par  une 
chaleur  moyenne  de  16", 8  par  jour,  reçoivent  une 
somme  de  20C9  degrés.  Sous  le  climat  de  Paris, où 
sa  chaleur  moyenne  pendant  l'évolution  du  blé  ne 
dépasse  pas  13  degrés,  il  faut  à  la  plante  160  jours 
pour  arriver  à  maturité.  A  Turméro  (Amérique)  le 
blé  mùi'it  en  92  jours,  mais  la  température 
moyenne  est  de  24  degrés,  ce  qui  donne  une  somme 
de  chaleur  de  2;'00  degrés.  A  Bogota  (Nouvelle- 
Grenade),  le  blé  reçoit  environ  .216i1  degrés  de 
chaleur.  Il  semblerait  donc  que  sur  les  plateaux 
élevés  des  Andes  intertropicales,  il  faudrait  à  cette 
plante  plus  de  chaleur  qu'en  Europe. 

En  prenant  à  la  lettre  ces  calculs  on  voit  que 
pour  savoir,  à  pi-iori,  si  le  blé  peut  prospérer 
dans  un  lieu  donné,  il  suffit  de  s'assurer  qu'il 
recevra  au  minimum  2,000  degrés  de  chaleur  entre 
l'époque  do  la  seconde  pousse  des  froments  d'au- 
tomne ou  de  la  levée  des  froments  de  printemps, 
et  l'époque  de  la  moisson.  La  météorologie  ren- 
drait donc  un   important   service   à  l'agriculture, 


BLE 


—  257  — 


BLE 


en  multipliant  et  en  vulgarisant  des  observations 
proores  à  lixer  les  idées  sur  ce  point. 

Quelque  séduisante  que  soit  cette  théorie  — 
fondée  d'ailleurs  sur  des  faits  indiscutables  —  il 
ne  faudrait  pas  s'y  fier  aveuglément  pour  essayer 
dans  une  certaine  région  la  culture  du  blé  et 
pour  s'y  entêter  après  quelques  échecs.  L'agricul- 
ture dépend  de  deux  sciences  qui  se  plient  diffi- 
cilement aux  formules  mathématiques  :  la  clima- 
tologie et  la  météorologie.  Les  conditions  d'expo- 
sition, de  voisinage,  un  temps  clair  ou  nuageux 
suffisent  pour  modifier  dans  une  assez  large  me- 
sure les  prévisions  théoriques,  sans  compter  la  na- 
ture du  sol,  le  degré  d'humidité,  la  direction  du 
vent,  l'abondance  des  pluies,  etc. 

Choix  d'une  bonne  semence.  —  Il  peut  sembler 
naïf  de  dire  que,  toute  choses  égales  d'ailleurs, 
pour  produire  de  beau  blé,  il  faut  employer  de 
bonnes  graines.  Cependant  on  ne  saurait  trop  in- 
sister sur  cette  vérité  élémentaire  et  nous  pensons 
intéressant  de  donner  à  ce  sujet  quelques  explica- 
tions.On  croit  généralement  que,  pour  avoir  de  bonne 
semence,  il  suffit  de  trier  avec  soin,  par  des  cri- 
blages, du  blé  de  bonne  apparence  ;  que  les  grains 
ainsi  séparés  étant  gros,  pleins  et  lourds,  don- 
neront naissance  à  des  tiges  robustes  et  produc- 
tives. Cela  semble  tout  naturel,  cependant  rien 
n'est  moins  assuré.  Un  grain  parfait  en  apparence 
peut  sortir  d'un  épi  défectueux  et  d'une  plante 
médiocre  :  ce  grain  ne  tiendra  pas  ce  qu'il  promet 
et  reproduira  les  défauts  de  la  plante  mère,  sauf  à 
les  atténuer  légèrement.  Il  arrive  au  contraire 
qu'un  grain  de  froment  d'apparence  assez  ché- 
tive,  mais  issu  d'une  bonne  race,  en  reproduit 
toutes  les  qualités.  Pour  juger  la  semence  il  ne 
suffit  donc  pas  de  la  voir,  il  faut  la  connaître.  De 
plus  l'expérience  semble  prouver  qu'il  est  néces- 
saire de  changer  de  temps  en  temps  la  semence, 
fût-elle  de  très  bonne  qualité,  sous  peine  de  la 
voir  dégénérer. 

Lorsque  l'on  dispose  de  graines  dont  on  connaît 
la  provenance  et  qui  sont  parfaitement  saines,  il 
est  inutile  de  les  préparer  avant  de  les  confier  à 
la  terre,  surtout  si  la  saison  est  suffisamment 
chaude  et  humide.  IMais  si  l'on  craint  que  la  graine 
ne  dorme  en  terre  et  qu'une  germination  lente, 
tourmentée,  ne  compromette  lu  vitalité  de  la 
plante,  il  est  utile  de  hâter  la  levée  en  faisant 
tremper  la  graine  pendant  vingt-quatre  heures 
dans  de  l'eau  tiède  ou  pendant  quarante-huit 
heures  dans  de  l'eau  froide.  Le  grain  gonflé  et 
ramolli  germe  promplement.  De  plus,  au  moment 
de  l'immersion,  la  plupart  des  grains  défectueux 
surnagent  et  peuvent  être  facilement  éliminés. 

Précautions  contre  les  maladies  du  blé.  —  Le  blé 
est  sujet  à  deux  maladies  :  la  carie  ou  le  charbon 
{que  les  cultivateurs  appellent  vulgairement  le 
noir).  Elles  résultent  de  la  multiplication  de  cham- 
pignons microscopiques  dont  les  germes  invisibles 
se  sont  attachés  aux  poils  très  fins  qui  recouvrent 
l'une  des  extrémités  des  grains. 

Aucun  procédé  mécanique  ne  débarrasse  sûre- 
ment le  blé  de  ces  germes,  mais  pour  les  détruire 
on  a  imaginé  divers  autres  moyens.  Le  plus  ancien 
consiste  dans  l'emploi  de  la  chaux.  On  procède  au 
chantage  des  grains  de  plusieurs  manières.  Les 
uns  humectent  la  semence  et  la  saupoudrent  de 
chaux  éteinte,  dans  la  proportion  d'un  demi-kiio- 
gramme  par  15  kilogrammes  de  graines  :  d'autres 
délayent  la  chaux  dans  de  l'eau  chaude,  versent  le 
mélange  sur  la  semence  et  remuent  à  la  pelle  pour 
obtenir  la  répartition  égale  du  lait  de  chaux.  La 
meilleure  uianière  d'opérer,  pratiquée  depuis  un 
siècle,  est  celle-ci  :  on  fait  un  lait  de  chaux  avec 
3  kilogrammes  de  chaux  vive  pour  8  litres  d'eau, 
on  y  jette  la  semence  et  on  l'y  laisse  séjourner  pen- 
dant trois  ou  quatre  heures,  ayant  soin  de  la  remuer 
de  temps  à  autre  et  d'enlever  les  grains  qui  surna- 
2c  Partie. 


gcnt.  On  egoutte  ensuite  dans  des  paniers  et  l'on 
sèche  sur  une  aire  de  grange.  Cette  immersion  dans 
un  lait  de  chaux  à  une  température  un  peu  élevée 
détruit  sûrement  tous  les  germes  de  champignons. 
De  plus,  l'enveloppe  de  la  graine  se  gonfle  et  se 
ramollit,  de  sorte  qu'il  y  aurait  avantage  à  prolon- 
ger un  peu  l'immersion  et  à  semer  immédiatement, 
plutôt  que  de  sécher  les  graines. 

Mathieu  de  Dombasle  a  imaginé  d'employer  simul- 
tanément la  chaux  et  le  sulfate  de  soude:  c'est  le 
sulfatage.  Dans  un  assez  grand  nombre  de  régions 
on  prépare  les  semences  au  moyen  du  sulfate  de 
cuivre  (vitriol  bleujjd'où  le  nom  de  vitriolage  àonné 
à  l'opération. 

Semailles.  —  L'expérience  a  démontré  que,  dans 
les  semailles  à  la  volée,  il  convient  de  semer  dru  à 
raison  de  deux  hectolitres  au  moins  par  hectare. 
Cependant  les  semailles  claires  peuvent  être  utiles 
dans  les  terres  trop  riches,  où  le  blé  est  sujet  à 
verser.  Les  brins  isolés,  bien  exposés  à  l'air  et  à  la 
lumière,  deviennent  plus  rigides,  et  les  jets  tardifs 
provenant  du  toilage,  qui  n'arrivent  qu'à  demi- 
hauteur,  soutiennent  les  chaumes  élevés. 

Après  les  semailles  à  la  volée  on  enterre  et  l'on 
recouvre  les  grains  au  moyen  de  la  herse  ou  du 
rouleau,  mais  ces  instruments  recouvrent  ou  en- 
terrent les  graines  d'une  façon  très  inégale  ;  un 
grand  nombre  échappent  à  leur  action,  se  dessèchent 
sur  le  sol,  ou  deviennent  la  proie  des  oiseaux  et 
des  petits  rongeurs.  Depuis  plus  de  deux  mille  ns 
les  Chinois  se  servent  de  semoirs  mécaniques  ^de 
construction  ti  es  simple  adaptés  h  la  charrue.  En 
Europe  des  ii.straments  à  peu  près  semblables 
furoiit  essayés  pour  la  première  fois  il  y  a  envir  ox 
deux  siècles.  Aujourd'hui  on  n'a  que  l'embarran 
du  choix  entre  le  simple  semoir  à  brouette  et  les 
appareils  à  cheval  qui  creusent  à  la  fois  huit  ou  dis 
sillons,  y  déposent  régulièrement  les  graines  et 
les   recouvrent  aussitôt. 

L'époque  des  semailles  est  déterminée,  dans 
chaque  région,  par  une  expérience  séculaire. 
Elle  dépend  du  climat  et  de  la  nature  du  terrain. 
Dans  le  midi  de  la  France,  on  sème  les  blés  d'hi- 
ver depuis  la  première  quinzaine  d'octobre  jusqu'à 
la  fin  de  novembre  ;  dans  l'est,  du  15  au  20  sep- 
tembre jusqu'à  la  fin  d'octobre  ;  dans  le  nord,  à 
partir  du  !«■■  novembre.  Pour  les  blés  de  prin- 
temps,on  profite  des  premières  belles  journées, lors- 
que les  gelées  ne  sont  plus  à  craindre. 

Aucune  graine  ne  germe  à  une  température  in- 
férieure à  zéro.  La  moutarde  blanche  peut  ger- 
mer à  moins  d'un  degré  au-dessus  de  zéro;  le  lin 
à  +  2°;  il  faut  au  moins  ""  au  blé,  à  l'orge  et  au 
seigle. 

Le  blé  résiste  bien  au  froid  de  l'hiver,  et  même 
lorsque  la  température  s'abaisse  à  —  20°  il  n'en 
soufiTre  point  lorsqu'il  est  protégé  par  une  couche 
de  neige.  Au  printemps,  dès  que  la  température 
dépasse  -+-  7°,  il  reprend  sa  vigueur  de  l'automne 
et  pousse  de  nouvelles  feuilles.  On  passe  alors  le 
rouleau  sur  les  terres  légères  pour  les  tasser  un 
peu  et  rechausser  les  racines,  tandis  que  dans  les 
terres 'fortes  un  hersage  ameublit  la  surface  et  fa- 
cilite le  tallage.  Si  l'ensemble  d'une  emblave  est 
en  retard,  on  peut  hâter  l'essor  de  la  végétation 
au  moyen  d'engrais  liquides,  ou  d'engrais  pulvé- 
rulents répandus  par  un  temps  pluvieux. 

En  mai  et  en  juin  les  mauvaises  herbes  enva- 
hissent les  cultures,  qui  n'ont  pas  été  suffisamment 
soignées  et  sarclées  dans  les  mois  précédents  ;  tout 
bon  cultivateur  sait  combien  il  importe  d'extirper 
ces  parasites  qui  consomment  de  l'engrais,  privent 
les  tiges  du  blé  d'air  et  de  lumière,  et  plus  tard  mê- 
leraient leurs  graines  à  la  récolte  ou  en  infesteraient 
le  terrain. 

En  somme,  la  culture  du  blé  est  simple  et  facile. 
Cette  plante  sociale  par  excellence  offre  à  l'homme, 
même  dans  l'état  de  civilisation  le  plus  primitif, 

17 


BLE 


—  238  — 


BLOCS 


ses  inestimables  trésors.  Cependant  le  progrès  agri- 
cole a  permis  de  modifier  heureusement  la  culture 
des  céréales,  de  créer  des  variétés  précieuses  par 
leur  adaptation  aux  divers  climats,  d'augmenter  le 
rendement,  de  substituer  en  partie  au  travail  ma- 
nuel celui  des  macliines.  A  la  culture  routinière  a 
succédé  la  culture  raisonnée,  un  peu  savante  ;  le 
laboureur  d'autrefois  est  devenu  le  cultivateur 
d'aujourd'hui  ;  l'un  n'était  qu'une  force,  l'autre  est 
une  force  et  une  intelligence.  Aussi  le  cultivateur 
s'intéresse  à  tout  ce  qui  concerne  ses  travaux;  il 
acquiert  des  notions  de  géologie  pour  apprécier 
la  qualité  du  sol,  de  botanique,  pour  comprendre 
l'organisation  des  plantes  et  comparer  celles  qui 
lui  sont  familières,  de  chimie  et  de  pliysiologie 
végétale,  pour  se  rendre  compte  de  l'action  des 
engrais:  négliger  d'acquérir  ces  connaissances  élé- 
mentaires, c'est  se  priver  de  ressources  fécondes 
qui  augmentent  les  produits  du  travail  et  enno- 
blissent les  travaux  des  champs. 

La  culture  d'un  hectare  de  blé  demande  cinq  ou 
six  journées  de  travail  réparti  à  divers  intervalles  : 
la  récolte,  sans  le  secours  d'aucune  machine,  en 
exige  à  peu  près  autant.  Il  est  donc  indispensable 
de  se  procurer,  pour  ce  travail,  le  concours  d'ou- 
vriers en  dehors  du  personnel  de  l'exploitation. 
Heureusement  l'emploi  des  machines  tend  à  sim- 
plifier de  plus  en  plus  cette  importante  question. 

Moisson.  —  Voici,  d'après  Mathieu  de  Dombaslc, 
comment  on  reconnaît  que  le  blé  est  à  point  pour  la 
moisson  :  «  on  peut  généralement  couper  le  fro- 
ment sept  ou  huit  jours  avant  la  complète  maturité, 
c'est-à-dire  lorsque  la  paille  commençant  à  blanchir 
et  à  sécher  vers  le  pied  commence  aussi  à  perdre 
sa  teinte  verdàtre  et  que  le  grain  a  acquis  assez  de 
fermeté  pour  que,  lorsqu'on  le  presse  entre  les 
doigts,  l'ongle  s'y  imprime  encore,  mais  ne  le 
coupe  plus  aussi  facilement  que  lorsqu'il  n'avait 
qu'une  consistance  laiteuse  ou  pâteuse.  »  D'ailleurs 
il  est  prouvé  que  la  coupe  hâtive  donne  un  grain 
plus  lourd  que  la  coupe  tardive.  Ainsi  pour  le  blé 
rouge  coupé  environ  dix  jours  avant  la  maturité 
parfaite,  on  a  trouvé  que  l'hectolitre  de  grains  secs 
pesait  7  8  kil.  25  ;  que  le  poids  montait  ti  80  kil.  73 
si  l'on  attendait  un  peu  plus,  selon  les  indications 
précédentes,  mais  qu'il  tombait  à  76  kilogr. 
si  l'on  attendait  que  la  maturité  s'achevât  sur  pied. 
Après  la  coupe  hâtive  la  maturité  s'achève  parfai- 
tement aux  dépens  des  matériaux  contenus  dans  les 
tiges  et  dans  les  feuilles  :  arrivée  au  point  indi- 
qué, la  plante  ne  reçoit  plus  rien  de  la  terrre.  En 
moissonnant  de  bonne  heure  on  échappe  à  une 
partie  des  chances  de  pertes  causées  par  la  grêle, 
les  orages,  et  l'on  évite  l'égrenage  des  épis.  De 
plus,  le  blé  qui  a  mûri  en  moyeties  ofl're  pour  la 
meunerie  des  qualités  spéciales,  reconnaissables  à 
la  main,  et  qui  lui  font  donner  la  préférence, 

N'oublions  pas,  toutefois,  que  pour  les  grains 
destinés  aux  semailles,  il  semble,  jusqu'à  nouvelle 
expérience,  qu'il  vaut  mieux  suivre  la  marche  na- 
turelle et  récolter  le  plus  tard  possible,  sans  tou- 
tefois laisser  les  épis  s'égrener  en  partie. 

La  faucille,  la  sape  flamande,  la  faux  simple  ou 
munie  d'un  râteau,  sont  les  instruments  employés 
encore  de  nos  jours  dans  les  petites  fermes  pour 
scier  ou  couper  les  blés.  Un  homme  habile  et  vi- 
goureux, se  servant  de  la  faucille,  abat  lacilemcnt 
10  à  l.'i  ares  par  jour;  un  sapeur  fait  deux  fois  au- 
tant de  besogne  ;  un  bon  faucheur  coupe  aisé- 
ment 4.Ï  à  50  ares,  suivant  l'état  de  la  récolte, 
mais  il  lui  faut  adjoindre  une  femme  ou  un  enfant 
pour  former  les  javelles.  Autrefois,  dans  chaque 
pays,  l'extension  que  l'on  pouvait  donner  à  la  cul- 
ture des  céréales  dépendait  du  nombre  de  bras 
dont  on  disposait  pour  la  moisson.  Dans  ces  con- 
ditions, de  vastes  régions  peu  peuplées  demeu- 
raient incultes.  Aujourd'hui,  l'agriculteur  possède 
des  machines  à  défricher,  à  labourer,  à  semer,  à 


moissonner,  à  battre,  h  vanner,  à  trier,  qui  per- 
mettent de  décupler  les  cultures  avec  moins  de 
fatigue  pour  les  ouvriers.  De  plus,  pour  les  besoins 
d'approvisionnement  exceptionnels,  tels  que  ceux 
des  armées,  on  a  inventé  des  greniers  conserva- 
teurs qui  permettent  de  conserver  longtemps  les 
grains  à  l'abri  des  rongeurs  et  des  insectes  ;  ce 
sont  des  réservoirs  eu  fer  dans  lesquels  le  blé  est 
soumis  à  une  ventilation  forcée  ou  à  un  mouvement 
régulier  qui  le  ventile,  l'épure  et  lui  donne  de  la 
main  en  polissant  les  grains  par  le  frottement. 

Le  pain  à  don  mari  hé.  —  Tous  les  perfectionne- 
ments de  l'agriculture  moderne  auront-ils  pour 
résultat  de  répondre  aux  espérances  qui  résume  ce 
mot  populaire  entre  tous  :  le  pain  à  bon  marché? 
Assurément  ils  y  contribuent,  mais  il  ne  faudrait  pas 
encourager  à  cet  égard  des  illusions  dangereuses. 

Le  temps  n'est  plus  où  le  prix  du  blé  pouvait 
dépendre  des  intrigues  de  quelques  spéculateurs. 
On  n'a  plus  à  redouter  l'accaparement,  cette  forme 
de  la  spéculation  si  justement  maudite  par  le  peu- 
ple au  siècle  dernier  et  contre  laquelle  les  gouver- 
nements prévoyants  et  amis  du  peuple  ont  adopté, 
selon  les  circonstances,  des  mesures  en  rapport 
avec  les  connaissances  de  leur  temps  en  économie 
politique,  mesures  le  plus  souvent  inefficaces. 

On  a  cru  longtemps  qu'un  des  meilleurs  moyens 
de  prévenir  les  disettes,  ou  plutôt  les  chertés  fac- 
tices des  céréales, consistait  à  établir  des  réserves, 
des  greniers  destinés  à  approvisionner  les  marchés 
sous  l'impulsion  du  ■  gouvernement.  Cependant, 
l'expérience  a  prouvé  que  les  greniers  d'abondance 
n'atteignaient  pas  le  but  que  l'on  se  proposait.  La 
crainte  de  voir  jeter  sur  le  marché  de  grandes 
quantités  de  blé  au-dessous  du  cours  paralysait 
les  opérations  régulières.  On  calcula  en  outre  que 
la  création  et  l'entretien  de  ces  dépôts  coûtaient  plus 
cher  que  la  distribution  de  secours  en  nature  né- 
cessitée par  le  haut  prix  accidentel  du  blé.  Plus 
tard,  le  gouvernement  crut  sage  d'obliger  les  bou- 
langers des  grandes  villes  à  conserver  une  réserve 
suffisante  pour  trois  mois  d'alimentation,  mais  il  ne 
tarda  pas  à  reconnaître  que  la  liberté  illimitée  et 
la  libre  concurrence,  la  création  de  moyens  de 
transport,  le  développement  de  l'activité  commer- 
ciale, étaient  les  seuls  garants  des  approvisionne- 
ments réguliers.  Aussi,  en  1S6I,  le  commerce  des 
grains  fut  déclaré  libre  avec  l'extérieur,  et  cette 
sage  mesure  fit  tomber  toutes  les  entraves  qui 
l'avaient  trop  longtemps  paralysé  à  l'intérieur. 

Avec  la  liberté  absolue,  les  flottes  de  commerce, 
les  chemins  de  fer  et  les  canaux,  la  France  est  dé- 
sormais à  l'abri  non-seulement  des  famines  et  des 
disettes,  mais  encore  des  chertés  excessives.  Nous 
en  avons  vu  une  preuve  bien  remarquable  :  la 
première  guerre  d  Orient  nous  a  piivés  pendant 
près  de  deux  ans  des  blés  de  la  Russie  méridionale, 
une  des  sources  les  plus  abondantes  de  notre  ap- 
provisionnement, et  cependant  les  prix  n'ont  pas 
sensiblement  augmenté  ;  aujourd'hui  ces  blés  de 
Russie  abondent  sur  le  marché,  et  les  prix  n» 
baissent  pas  dans  une  proportion  exagérée. 

Toutefois,  il  reste  encore  beaucoup  i  faire  pour 
obtenir  partout  de  bon  pain  à  bon  marché  :  mise 
en  culture  des  marais,  des  landes  ;  production  plus 
abondante  de  fumier  et  d'engrais;  irrigations  ;  vul- 
garisation des  machines  agricoles  et  des  greniers 
conservateurs;  amélioration  des  procédés  de  bou- 
langerie. Rendons  hommage  à  ceux  qui  ont  ouvert 
la  voie  à  tous  ces  progrès  ;  profitons  des  conquêtes 
déjà  nombreuses  du  passé  pour  assurer  la  solu- 
tion pacifique  de  cette  question  qui  domine  toutes 
les  autres  questions  sociales,  celle  du  pain  quoti- 
dien. [D'  Saffray.] 

BLOCS  ERUATIQUES.  —  Géologie,  IX.  —  Ce 
nom  lui-même  indique  déjà  quelque  chose  d'anor- 
mal, d'exceptionnel. 

Les  blocs  dont  il  s'agit,  et  que  l'on  désignait  dans 


BLOCS 


—  259  — 


BOEUF 


l'origine  sous  le  nom  de  pierres  adventives,  ne  sont 
pas  en  effet  à  leur  place  naturelle,  comme  les  amas 
de  rocailles,  produit  de  la  désintégration,  qu'on 
rencontre,  au  pied  des  montagnes  abruptes;  ce  sont 
des  étrangers,  qui  n'ont  d'ordinaire  rien  de  commun 
avec  le  sol  sur  lequel  ils  reposent. 

C'est  sur  les  hauts  plateaux  et  sur  les  flancs  du 
Jura  que  ces  blocs  d'origine  étrangère  devaient  en 
premier  lieu  attirer  l'attention.  Il  y  a  en  effet  quel- 
que chose  de  surprenant  dans  la  présence  de  ces 
grands  blocs  de  granit  au  milieu  d'un  pays  composé 
de  calcaire  ou  de  grès,  et  il  est  à  présumer  que,  bien 
avant  que  les  savants  s'en  occupassent,  plus  d'un 
campagnard  intelligent  s'est  demandé  en  passant 
d'où  pouvaient  provenir  ces  curieuses  pierres  qu'on 
ne  rencontre  dans  aucune  carrière  du  pays  et  que 
l'on  désigne  en  Suisse  et  en  Franche-Comté  sous 
le  nom  de  gris  ou  de  ffrisoris.  Il  y  en  a  qui  attei- 
gnent les  dimensions  d'une  maison  mesurant  jus- 
qu'à 5  et  60(J  mètres  cubes.  Plusieurs  de  ces 
pierres  jouissent  d'une  véritable  célébrité,  telle  que 
la  Pierre  à  Bot  près  de  Neuchâtel,  la  Pierre  à  Dzo 
et  le  grand  bloc  de  Monthey  en  Valais,  tous  trois 
composés  de  protogyne  ou  granit  du  mont  Blanc 
(ce  dernier  dédié  à  la  mémoire  de  feu  M.  de  Char- 
pentier, le  promoteur  de  la  théorie  glaciaire). 

La  première  explication  qui  fut  proposée  attri- 
buait le  transport  des  blocs  erratiques  à  des  cou- 
rants. Elle  dut  cependant  être  abandonnée  après 
qu'on  eut  reconnu  qu'il  se  trouvait  de  ces  blocs  i\ 
des  altitudes  tellement  considérables  (jusqu'à  1  200 
mètres  sur  le  Jura)  que  l'hypothèse  de  courants 
devient  tout  à  fait  inadmissible.  La  forme  anguleuse 
de  ces  blocs  de  'granit  n'est  pas  non  plus  compati- 
ble avec  l'idée  d'un  transport  violent.  Ils  auraient 
dû  /lécessairement  être  usés  et  arrondis,  comme 
ceux  qu'on  rencontre  dans  les  lits  de  torrents.  Au 
lieu  de  cela,  ils  ont  en  général  conservé  leurs  arê- 
tes vives,  absolument  comme  les  blocs  qu'on  ren- 
contre à  la  surface  des  glaciers  actuels. 

Cela  n'empêche  pas  qu'ils  ne  soient  parfois  en- 
tassés en  grande  quantité  sur  un  seul  point.  Il  est 
telle  localité  où  on  les  exploite  en  cuise  de  car- 
rières, par  exemple  au  Kircliet  près  de  Meyrin- 
gen  et  sur  plusieurs  points  du  bas  Valais,  entre  au- 
tres près  de  Monthey.  Ailleurs  ils  frappent  *par 
leur  position  bizarre  au  sommet  d'une  arête  ou 
d'un  contre-fort  étroit  et  saillant,  position  qui  exclut 
toute  idée  d'un  transport  violent  et  prouve  qu'ils 
ont  dû  être  posés  doucement  h  la  place  qu'ils 
occupent. 

Il  n'y  a  dans  la  nature  qu'un  seul  agent  qui  soit 
capable  d'effectuer  des  transports  pareils  :  ce  sont 
les  glaciers.  Il  faut  donc  admettre  qu'à,  une"  cer- 
taine époque  les  glaciers  se  sont  étendus  aussi 
loin  et  aussi  haut  qu'on  rencontre  des  blocs  errati- 
ques. 

Ce  qui  donne  aux  blocs  erratiques  leur  intérêt 
principal,  c'est  qu'ils  sont  devenus,  à  la  suite  de 
longues  études,  l'un  des  arguments  les  plus  pé- 
remptoires  en  faveur  de  l'ancienne  extension  des 
glaciers,  non-seulement  sur  le  pourtour  des  Alpes, 
mais  dans  bien  des  cliaînes  de  montagnes  où  il 
n  existe  plus  de  glaciers  de  nos  jours. 

Aujourd'hui  l'on  ne  se  borne  plu>;  à  enregistrer 
leur  présence  dans  les  différentes  vallées  des  Al- 
pes ou  des  Pyrénées.  La  science  exige  davantage. 
On  veut  savoir  d'où  ils  sont  venus,  quel  contingent 
les  différents  massifs  d'une  chaîne  de  montagne  ont 
fourni  et,  si  possible,  quel  chemin  les  blocs  ont  par- 
couru pour  arriver  à  l'endroit  qu'ils  occupent. 

On  est  ainsi  parvenu  dans  les  Alpes  à  faire  la 
part  des  différents  tributaires  de  l'ancienne  mer  de 
glace  qui  occupait  la  Suisse  et  qui  s'étendait  en 
France  jusqu'à  Lyon.  Ce  sont  les  régions  ou  bas- 
sins erratiques.  On  en  a  distingué  sept  sur  le  ver- 
sant nord  des  Alpes,  savoir  :  les  bassins  de  l'Isère. 
de  1  Arve,  du  Rhône,  de  l'Aar,  de  la  Reuss,  de  la 


Limmat,  du  Rhin.  Ces  résultats,  fruits  de  longs  tra- 
vaux de  M.  Guyot  et  de  M.  A.  Escher  de  la  Linth, 
ont  été  consignés  par  ce  dernier  géologue  sur  une 
carte  spéciale,  qui  est  la  carte  erratique  de  la 
Suisse. 

Les  blocs  erratiques  ne  sont  cependant  pas  limi- 
tés au  pourtour  des  Alpes  et  des  Pyrénées,  comme 
on  a  pu  le  croire  un  instant.  Il  en  existe  aussi  au 
centre  de  la  France,  qui  se  rattachent  au  Morvan. 
La  Scandinavie  en  est  couverte,  et  le  nord  de  l'Ecosse 
en  contient  un  grand  nombre  qui  proviennent  des 
montagnes  de  la  Norvège.  Les  Vosges  et  la  Forêt- 
Noire  en  ont  aussi  fourni  leur  contingent.  Les 
Etats  du  nord  de  l'Amérique  en  sont  largement 
pourvus.  Enfin  il  n'y  a  pas  jusqu'à  l'Amérique 
méridionale  (détroit  de  Magellan)  et  à  la  Nouvelle- 
Hollande  où  l'on  n'ait  signalé  leur  présence,  ainsi 
que  sur  les  flancs  du  Liban    et  en  Kabylie. 

Cette  universalité  du  phénomène  est  une  preuve 
que  la  cause,  quelle  qu'elle  soit,  qui  a  transporté 
ces  blocs  loin  de  leur  lieu  d'origine  a  été  une  cause 
générale.  Si  donc  il  est  démontré  que  ce  sont  des 
glaciers  qui  en  ont  effectué  le  transport,  il  s'en- 
suit que  le  climat  a  dû,  à  une  certaine  époque, 
être  sensiblement  plus  froid  que  de  nos  jours, 
probablement  parce  que  notre  système  planétaire 
traversait  dans  ce  moment  des  régions  plus  froi- 
des de  l'espace. 

Ces  refroidissements  se  sont  peut-être  répétés  à 
différentes  époques.  Il  existe  en  effet  des  blocs 
étrangers  dans  des  formations  plus  anciennes  (les 
blocs  de  la  Superga  dans  le  miocène,  les  granits 
de  Habkeren  dans  l'éocène  de  la  Suisse),  ce  qui 
semblerait  indiquer  que  la  terre  a  subi  à  différen- 
tes reprises  des  périodes  de  froid,  qui  ont  permis 
aux  glaciers  de  se  développer  et  de  porter  au  loin 
les  débris  des  montagnes  ou  ils  se  formaient.  Telle 
est,  entre  autres,  l'opinion  de  M.  Ramsay,  l'éminent 
directeur  de  la  carte  géologique  d'Angleterre. 

[E.  Desor.] 

Lectures  et  dictées.  —  Zurcher  et  MareoUé,  Les  ala- 
«tvs,  p.  91,  115,232. 

BOEUF  ET  RACES  BOVI>'ES.  —  Agriculture, 
XIV.  —  De  tous  les  animaux  domestiques  élevés 
par  l'agriculture,  le  bœuf  est  celui  qui  occupe  ie 
premier  rang,  à  la  fois  par  les  produits  qu'il  donne 
et  par  les  proportions  dans  lesquelles  on  le  re- 
trouve partout.  C'est  le  principal  des  animaux  de 
tiait  dans  un  grand  nombre  d'exploitations  ;  c'est 
la  vache  qui  donne  partout  la  plus  grande  quantité 
de  lait  ;  enfin,  tous  les  animaux  des  races  bovines, 
qu'ils  so:»)nt  abattus  dans  le  bas  âge  ou  qu'ils  ne 
soient  sacrifiés  qu'après  de  longs  services,  ont  pour 
destination  finale  la  boucherie.  En  outre,  les  ani- 
maux de  l'espèce  bovine  donnent  dans  toutes  les 
fermes  la  production  la  plus  abondante  de  fumier 
pour  reconstituer  la  fertilité  des  terres  épuisées 
par  la  culture.  En  dehors  de  la  production  du  fu- 
mier qui  demande  une  étude  spéciale  (V.  Engrais) 
l'espèce  bovine  a  donc  trois  grandes  utilités  agri- 
coles :  production  du  travail,  production  du  lait, 
production  de  la  viande. 

C'est  surtout  dans  la  petite  culture  que  le  bœuf 
est  un  animal  de  travail  ;  il  paie  ainsi  la  nourriture 
qu'il  absorbe,  et  son  accroissement  de  poids  est 
tout  bénéfice  pour  le  cultivateur.  Pendant  long- 
temps, les  animaux  de  trait  étaient  conservés  le  plus 
longtemps  possible,  et  on  ne  les  envoyait  à  la  bou- 
cherie que  lorsqu'ils  ne  pouvaient  plus  rendre  les 
services  qu'on  leur  demandait.  Aujourd'hui  que  la 
viande  augmente  tous  les  jours  de  valeur,  les  cul- 
tivateurs ont  été  amenés  à  la  produire  en  plus 
grande  abondance,  et  ils  ont  cherché  les  moyens 
d'accélérer  le  développement  de  leurs  animaux  et 
leur  rendement  en  viande,  tout  en  leur  conservant 
leurs  anciennes  qualités.  Autrefois  la  principale 
destination  du  bœuf  était  le  travail-,  aujourd'hui 
c'est  la  production  de  la  viande.  L'idéal  pour  l'a- 


BOEUF 


—  2G0  — 


BOEUF 


griculteur  est  de  savoir  allier  ces  qualités,  par  un 
perfectionnement  des  animaux  obtenu  par  une  sé- 
lection judicieuse.  Ce  qu'on  a  appelé  la  spécialisa- 
tion des  races  ne  peut  plus  ôtre  considéré  comme 
une  vérité  absolue,  comme  un  but  d'où  il  n'y  ait  pas 
à  dévier;  les  conditions  extérieures  ont  amené 
l'agriculteur,  à  son  grand  profitd'ailleurs,  à  chercber 
au  contraire  à  réunir  le  plus  possible  de  qualités 
diverses  sur  les  mêmes  têtes. 

Quoi  qu'il  en  soit,  voici  les  caractères  auxquels 
on  reconnaît  les  aptitudes  diverses  des  animaux  de 
l'espèce  bovine. 

Le  bon  bœuf  de  travail  a  la  tête  un  peu  forte,  le 
front  large,  l'œil  vif,  les  cornes  bien  plantées,  le 
cou  gros  et  court  ;  le  garrot  est  élevé  ;  les  épaules 
sont  plates  et  portées  en  avant,  les  avant-bras  et 
les  jarrets  sont  larges,  les  hanches  sont  longues, 
les  tendons  sont  bien  détachés. 

Quant  aux  vaches  laitières,  elles  se  reconnaissent 
à  une  tête  petite,  avec  les  cornes  minces;  la  gorge 
est  peu  développée,  la  peau  est  fine  et  pourvue  de 
poils  doux  et  abondants,  le  pis  est  gros  et  prolongé 
sous  le  ventre  ;  les  traj'ons  sont  égaux  et  bien  es- 
)iacés.  Poui-/[ue  le  lait  soit  riche  en  bourre,  il  faut, 
d'après  de  nombreuses  observations,  que  le  pis 
soit  d'une  belle  couleur  jaunâtre,  surtout  entre  les 
cuisses:  les  poils  qui  le  recouvrent  doivent  être 
courts,  épais  et  sojeux. 

Les  caractères  du  bœuf  de  boucherie  sont  les 
suivants  :  la  tête  est  petite,  l'œil  est  doux,  le  front 
.  large,  le  cou  mince,  court  et  dénué  de  fanon.  La 
poitrine  est  large  et  profonde,  l'épaule  ronde  et 
droite,  l'avant-bras  très  gros  près  du  corps,  le  genou 
mince.  Quant  au  corps,  il  doit  être  large,  et  affecter 
des  formes  cylindriques  ;  le  dos  doit  être  droit  de- 
puis la  naissance  du  cou  jusqu'à  l'extrémité  de  la 
croupe  ;  les  hanches  sont  larges,  les  cuisses  sont 
bien  chargées  de  viande.  La  peau  doit  être  fine  et 
élastique,  se  détachant  bien  du  corps  ;  les  poils 
seront  épais  et  soyeux.  Les  membres  doivent  être 
courts  et  fins,  c'est-à-dire  présenter  une  ossature 
tout  à  fait  réduite. 

Lorsqu'on  a  commencé  à  vouloir  améliorer  les 
races  françaises  au  point  de  vue  de  la  précocité  du 
développement,  on  n'a  trouvé  rien  de  mieux  que 
de  les  croiser  avec  les  races  anglaises,  renommées 
pour  leur  rapide  croissance.  C'est  surtout  à  la 
race  dite  Durham  que  l'on  a  eu  recours.  Ces  croi- 
sements ont  réussi  dans  certaines  conditions,  lors- 
que la  race  Dûrham  trouvait  des  circonstances  cli- 
matériques  convenables  et  une  race  peu  fixée  à  la- 
quelle elle  se  substituait  presque  complètement, 
mais  ailleurs  les  résultats  ont  été  faibles  ou  nuls. 
La  méthode  la  plus  rationnelle  pour  développer 
chez  des  familles  des  qualités  spéciales,  c'est  de 
procéder  par  sélection,  c'est-à-dire  de  choisir  tou- 
jours pour  reproducteurs  des  animaux  qui  possè- 
dent à  un  degré  remarquable,  plus  ou  moins  in- 
tense, les  qualités  que  l'on  veut  développer.  Cette 
méthode  est  certainement  plus  longue  que  celle 
des  croisements,  mais  elle  donne  des  résultats 
beaucoup  plus  certains.  On  peut  citera  l'appui  les 
résultats  qui  ont  été  obtenus  avec  la  race  limou- 
sine ;  la  sélection  a  tout  à  fait  transformé  cette 
race  en  vingt  années. 

L'hygiène  de  la  nutrition  est  la  condition  indis- 
pensable de  l'entretien  des  animaux  de  l'espèce 
bovine  11  est  plus  avantageux  d'avoir  sur  une  ex- 
ploitation quatre  bœufs  ou  vaches  auxquels  on 
donne  une  alimentation  abondante,  que  d'en  avoir 
huit  auxquels  on  ne  peut  donner  qu'une  maigre 
nourriture.  11  est  donc  de  la  plus  haute  importance 
pour  un  cultivateur  de  s'approvisionner  d'une 
nourriture  abondante  pour  son  étable.  Il  faut  dis- 
tinguer, à  cet  égard,  ce  qu'on  appelle  la  ration 
djentretien  et  la  ration  de  produit.  «  La  ration 
d'entretien,  ditJamet,  sert  à  continuer  la  vie  ;  elle 
répare  les  pertes  occasionnées  par  la  transpiration. 


les  mouvements  des  poumons  et  du  cœur;  le  four- 
rage de  cette  ration  ne  produit  donc  absolument 
rien  ii  celui  qui  le  donne.  Au  contraire,  tout  ce 
qui  dépasse  la  ration  d'entretien  s'appelle  ration 
de  produit  :  cela  est  bien  facile  à  comprendre. 
Lorsque  les  besoins  de  la  vie  sont  satisfaits,  le 
fourrage  qui  se  donne  en  plus  produit  de  la  chair 
et  de  la  graisse,  si  c'est  un  ba-uf  au  repos;  du 
lait,  si  c'est  une  vache  :  du  travail,  si  c'est  un  bœuf 
attelé  à  la  charrue  ou  à  une  voiture.  »  Prenons  un 
exemple.  On  estime,  d'après  les  observations  qui 
ont  été  faites,  que  la  ration  d'entretien  d'une  va- 
che laitière  est  de  1  kilog.  de  foin  pour  100  kilog. 
de  poids  vif.  Si  on  donne  9  kilog.  seulement  de 
foin  à  une  vache  pesant  fiOO  kilog.,  la  ration  de 
produit  sera  seulement  de  3  kilog.  qui  donneront 
:i  litres  de  lait.  Si  l'animal  produit  plus,  c'est  aux 
dépens  de  sa  chair,  c'est-à-dire  aux  dépens  de  sa 
valeur.  Que  si  on  lui  donne  au  contraire  10  kilog. 
de  foin,  la  ration  de  produit  sera  de  4  kilog.;  elle 
donnera  autant  de  lait,  et  l'animal  profitera,  c'est- 
à-dire  augmentera  de  valeur.  En  général,  il  faut 
pour  la  ration  journalière,  en  aliments  bien  choisis, 
un  soixantième  du  poids  de  l'animal  ;  pour  la  ra- 
tion de  produit,  il  faut  un  trentième  de  ce  poids. 

La  valeur  comparée  des  fourrages  et  des  autres 
aliments  des  bêtes  bovines:  betteraves,  pommes  de 
terre,  navets,  tourteaux,  farines,  etc.,  est  assez 
difficile  à  fixer.  On  a  établi  des  tables  d'équiva- 
lence :  mais  ces  tables  ne  sont  qu'approximatives. 
Le  foin  d'une  prairie  diffère  de  composition,  sui- 
vant les  coupes;  de  même  que  deux  foins  de  prai- 
ries, même  voisines,  ont  souvent  une  richesse  tout 
à  faitdissemblable.Cestablespeuventdoncservir  de 
guide  pour  les  rations,  mais  il  serait  imprudent  de 
s'y  tenir  d'une  façon  absolument  rigoureuse. 

La  distribution  des  aliments  doit  être  régulière  ; 
les  repas  doivent  être  faits  tous  les  jours  aux 
mêmes  heures,  et  à  chaque  repas  l'animal  doit  re- 
cevoir une  quantité  de  nourriture  suffisante  pour 
lui  remplir  l'estomac. 

Clnssificatioji  des  races  bovines.  —  Après  ces  in 
dications  générales  sur  l'hygiène  de  la  nutrition, 
il  faut  donner  quelques  détails  sur  la  répartition  e< 
les  caractères  des  principales  races  bovines. 

La  plupart  des  classifications  adoptées  aujour- 
d'hui manquent  de  précision  ;  elles  reposent  sur 
des  caractères  mal  déterminés,  et  qui  ne  sont  pas 
ceux  qui  pourraient  servir  de  base  à  une  classifi- 
cation naturelle  Quelques  savants  allemands  ont 
déjà  essayé  d'établir  une  classification  rationnelle 
dos  races  bovines,  mais  sans  y  réussir.  C'est  à  un 
savant  français,  M.  Sanson,  professeur  à  l'École  na- 
tionale d'agriculture  de  Giignon,  que  revient  l'hon- 
neur d'avoirétabli  la  première  classification,  reposanl 
sur  des  caractères  naturels  et  constants,  des  races 
bovines  domestiques. 

L'indice  céphalique,  c'est-à-dire  la  forme  du 
crâne,  est  la  base  de  cette  classification.  Les  ra- 
ces bovines  sont  d'abord  divisées  en  deux  grandes 
catégories  :  les  dolichocéphales  (tête  allongée)  et 
les  brachycéphales  (tète  courte).  Chez  les  premiers, 
le  front  parait  allongé,  et  il  y  a  un  rétrécissement 
plus  ou  moins  sensible  au-dessous  de  la  bas  >  des 
cornes;  chez  les  seconds,  le  front  paraît  carré.  Ces 
deux  types  renferment  des  variétés  assez  considé- 
rables, qu'il  serait  trop  long  d'cnumérer  ici. 

La  première  catégorie  comprend  six  races  : 

1"  Race  des  l'ays-Bas,  qui  renferme  les  varié- 
tés de  Durham,  hollandaise,  flamande,  wallonne, 
ardennaise  ou  mtusienne,  et  celle  du  Morvan. 

2"  Race  germanique,  qui  comprend  les  variétés 
allemandes  et  danoises,  les  variétés  normandes  et 
colle  de  Hereford,  en  Angleterre. 

3°  Race  irlandaise,  qui  comprend,  dans  les  Iles 
Britanniques,  les  variéti'S  de  Kerry,  d'.\yr,  de 
Devon,  des  îles  de  la  Manche,  et  en  France,  la 
variété  bretonne. 


BŒUF 


—  261  — 


BOEUF 


4"  La  race  britannique,  confinée  dans  les  Iles 
britanniques,  et  qui  comprend  les  variétés  de  Gal- 
loway,  d'Angus,  de  Norfolk  et  de  Suffolk. 

b°  La  race  des  Alpes,  à  laquelle  appartiennent  les 
variétés  suisses,  wurtembergeoises,  tyroliennes, 
et  en  France  les  variétés  tarentaise,  gasconne  et 
ariégeoise  ou  de  Saint-Girons. 

fio  La  race  d'Aquitaine,  à  laquelle  se  rattachent 
les  variétés  françaises  :  agenaise,  garonnaise,  limou- 
sine et  de  Lourdes. 

La  deuxième  catégorie,  celle  des  brachycéphales, 
comprend  également  six  grandes  races  : 

1"  La  race  asiatique  à  laquelle  il  faut  rattacher 
les  variétés  de  la  Russie  méridionale,  de  l'Autri- 
che et  de  la  Hongrie,  de  l'Italie,  et  en  France 
colle  dite  de  la  Camargue. 

2°  La  race  ibérique,  dont  l'aire  s'étend  sur  les 
îles  de  la  Méditerranée,  l'Algérie,  l'Espagne  et  le 
Portugal,  et  comprend  en  France  les  variétés  pyré- 
néennes, carolaisc  et  landaise. 

.3"  La  race  vendéenne,  confinée  en  France  dans 
les  variétés  niaraichine,  nantaise,  poitevine,  raar- 
choise  et  d'Aubrac. 

4''  La  race  auvergnate,  qui  comprend  les  variétés 
du  Cantal  et  du  Puy-de-Dôme. 

6°  La  race  jurassique,  une  des  plus  importantes 
par  le  nombre  des  variétés  quelle  renferme,  et  qui 
comprend,  en  Suisse,  les  variétés  du  Simmenthal, 
bernoise,  fribourgeoise  ;  en  Allemagne,  celle  du 
Donnersberg  ;  en  France,  les  variétés  comtoise, 
fémeline,  charolaisc,  nivernaise  et  bourbonnaise. 

G°  La  race  écossaise, qui  appartient  aux  hautes 
terres  d'Ecosse. 

La  population  bovine  a  présenté  naturellement 
des  croisements  fortiiits  ou  voulus  entre  ces  diver- 
ses races;  il  en  est  résulté  des  métis  nombreux. 
Les  principaux  croisements,  auxquels  on  donne  sou- 
vent le  nom  de  race,  sont,  d'après  M.  Sanson  :  les 
manceaux,  les  bazadais,  les  mézenc,  les  Villars-de- 
Lans,  en  France.  Il  est  inutile  d'insister  sur  ceux 
qui  se  sont  produits  dans  les  autres  pays  de 
l'Europe. 

Il  est  facile  de  rapporter  à  cette  classification 
naturelle  les  races  ou  variétés  qui  sont  générale- 
ment admises  en  France,  et  qui  entrent  notam- 
ment dans  les  programmes  des  concours  régio- 
naux. Les  principales  sont  les  suivantes  : 

Races  normandes,  qui  se  divisent  en  cotentine, 
bessine,  augeronne,  etc.  Ces  variétés  se  recomman- 
dent par  leurs  remarquables  aptitudes  laitières, 
aussi  bien  que  par  la  qualité  de  leur  viande. 

Race  flamande:  c'est  aussi  une  race  éminem- 
ment laitière  ;  elle  s'est  surtout  répandue  dans  le 
nord  de  la  France. 

Race  charolaisc,  qui  a  son  siège  dans  le  centre 
de  la  Franco.  Une  habile  sélection  est  panenue. 
dans  les  trente  dernières  années,  à  en  faire  une 
excellente  race  de  boucherie,  d'une  précocité  re- 
marquable, tout  en  lui  conservant  ses  qualités  de 
bête  de  travail.  En  voici  les  principaux  caractères  : 
robe  blanche  à  poils  soyeux,  corps  cylindrique, 
dos  droit  et  large,  culotte  très  développée,  poitrine 
ample  et  profonde  ;  ossature  fine,  peau  bien  déta- 
chée, tète  courte  et  large  munie  de  cornes  de 
moyenne  grandeur,  physionomie  douce. 

Race  garonnaise,  très  estimée  pour  le  travail, 
mais  d'une  conformation  moins  régulière  que  la 
précédente  ;  néanmoins  elle  s'engraisse  assez  faci- 
lement, et  par  la  sélection  on  en  a  développé  la  pré- 
cocité. Les  femelles  sont  médiocres  laitières. 

Race  limousine.  Cette  race  est  classée  au  pre- 
mier rang  pour  son  aptitude  au  travail  ;  dans  ces 
derniers  temps,  on  est  arrivé  à  lui  donner  une 
grande  précocité  à  l'engraissement.  Elle  se  place 
au  premier  rang  des  races  françaises  pour  le  ren- 
dement et  la  qualité  de  la  viande.  Les  animaux  do 
la  race  limousine  ont  la  tète  légère,  le  pelage  sou- 
vent rouge,  les  reins  bien  souti-nus,  les  cotes  ron- 


des, les  membres  courts  et  charnus.  Cette  race  a 
aujourd'hui  une  place  spéciale  parmi  les  races  de 
boucherie  ;  mais  les  vaches  sont  de  médiocres  lai- 
tières. 

Race  fémeline.  Cette  race  jouit  des  mêmes  qua- 
lités que  la  précédente  au  double  point  de  vue  de 
l'aptitude  au  travail  et  de  la  qualité  de  la  viande, 
mais  elle  est,  dans  la  généralité  des  cas,  plus  lente 
à  prendre  la  graisse,  et  elle  a  un  développement 
beaucoup  moins  rapide.  Une  autre  différence  est 
dans  les  qualités  de  la  vache  fémeline  comme  lai- 
tière. Les  animaux  de  cette  race  ont  la  tête  fine,  le 
corps  allongé,  la  poitrine  étroite,  mais  le  train  de 
derrière  est  développé  et  les  jambes  sont  courtes 
et  fines.  La  race  fémeline  appartient  au  type  com- 
tois ;  elle  est  à  peu  près  exclusivement  confinée 
dans  les  départements  de  la  Haute-Saône  et  du 
Doubs. 

Race  parthenaise.  Elle  constitue  la  population 
bovine  de  la  plus  grande  partie  des  départements 
de  la  région  occidentale  de  la  France.  C'est  un 
mélange  de  plusieurs  variétés,  comme  on  l'a  vu 
plus  haut.  Cette  race  peut  être  considérée  comme 
réalisant  les  trois  aptitudes  de  l'espèce  bo- 
vine :  le  travail,  la  faculté  d'engraissement  rapide 
et  la  qualité  laitière.  Les  caractères  généraux  de 
ces  animaux  sont  une  ossature  fine,  un  corps  bien 
proportionné  et  régulier,  une  tète  légère  présen- 
tant un  front  large  et  plat,  muni  de  belles  cornes 
bien  dirigées.  L'œil  est  vif  et  doux.  Les  bœufs  sont 
excellents  pour  le  travail  ;  après  avoir  été  mis  à  la 
charrue  pendant  quelques  années,  ils  sont  engrais- 
sés dans  les  prairies,  où  ils  se  développent  rapide 
ment,  et  conduits  à  la  boucherie.  Les  bœufs  parthe- 
nais,  dits  encore  choletals,  sont  recherchés  par  les 
agriculteurs  du  nord,  qui  les  emploient  d'abord  à 
leurs  travaux,  et  les  engraissent  ensuite  facilement 
avec  les  pulpes  de  sucrerie.  Les  vaches  de  la  race 
parthenaise  présentent  tous  les  caractères  de  bon- 
nes vaches  laitières,  et  elles  en  ont  les  qualités. 

Race  tarejitaise .  Cette  race  est  surtout  répandue 
dans  le  sud-est  ;  elle  est  de  petite  taille,  et  elle  se 
recommande  à  la  fois  par  sa  rusticité  et  par  ses 
qualités  laitières.  Le  pelage  est  gris  clair;  le  corps 
est  ramassé  avec  des  jambes  courtes,  un  fanon  lé- 
gèrement descendu,  la  tète  courte  et  le  front  large. 
Depuis  quelques  années,  la  race  tarentaise  est  des- 
cendue des  régions  alpestres  jusque  sur  les  bords 
de  la  Méditerranée,  où  elle  se  maintient  avec  ses 
qualités,  malgré  la  chaleur  du  climat. 

Race  bretonne.  C'est  la  race  essentiellement  lai- 
tière des  pays  pauvres.  Elle  est  de  taille  petite, 
avec  des  membres  courts  et  un  peu  grêles,  mais 
d'une  finesse  tout  à  fait  remarquable.  La  robe  est 
ordinairement  pie  noire  :  elle  a  la  peau  fine  et  sou- 
ple. Dans  quelques  parties  do  la  Bretagne,  mieux 
cultivées  et  plus  fertiles,  la  race  bretonne  a  acquis 
plus  de  développement. 

liace  Durham.  Quoique  d'origine  anglaise,  cette 
race  peut  être  considérée  aujourd'hui  presque 
comme  une  race  française,  grâce  aux  nombreuses 
importations  qui  en  ont  été  faites  à  diverses  épo- 
ques. La  race  Durham  est  la  race  de  boucherie  par 
excellence  ;  jamais  pour  d'autres  races  on  n'est  ar- 
rivé à  une  aussi  grande  l'éduciion  du  squelette  et 
des  abats,  et  à  un  aussi  complet  développement 
des  parties  charnues.  Jamais  non  plus  on  n'a,  d'une 
manière  générale  et  normale,  atteint  une  aussi 
gi'ande  précocité  dans  la  maturité  de  la  viande. 
Mais  c'est  une  race  très  exigeante  qui  demande  une 
nourriture  abondante  et  choisie,  et  qui  dépérit  ra- 
pidement dans  les  milieux  qui  ne  lui  conviennent 
((ue  médiocrement.  C'est  stirtoutdans  l'ouest  de  la 
Franco,  et  notamment  dans  les  départements  de  la 
.Mayenne  et  de  Maine-et-Loire,  que  l'on  rencontre 
aujourd'hui  le  plus  gi-and  nombre  d'étables  dednr- 
hams  ;  ces  animaux  s'y  sont  à  peu  près  complète- 
ment substitues  à  l'ancionne  race  du  pays. 


BOILEAU 


—  2G2  — 


BOILEAU 


Si  le  choix  des  races  est  un  point  délicat,  et  s'il 
faut  à  un  agriculteur  beaucoup  de  tact  pour  juger 
de  la  voie  dans  laquelle  il  doit  s'engager,  il  n'est 
pas  moins  difficile  et  parfois  laborieux  de  bien  dé- 
terminer les  qualités  particulières  des  animaux 
qu'il  s'agit  d'élever  ou  d'acheter.  Les  aptitudes  in- 
dividuelles jouent,  en  effet,  le  plus  grand  rôle  dans 
le  succès  d'une  étable.  On  dit  vulgairement  qu'il  y 
a  des  bestiaux  qui  paient  les  fourrages  deux  fois 
plus  cher  que  d'autres.  C'est  une  assertion  d'une 
vérité  absolue.  Le  choix  de  l'agriculteur  doit  se 
porter  sur  ceux  qui  paient  le  fourrage  le  plus  cher, 
c'est-à-dire  qui  savent  le  mieux  en  profiter.  Cette 
faculté  de  discernement  des  qualités  des  animaux 
s'acquiert  par  une  observation  attentive,  et  l'agri- 
culteur doit  s'efforcer  de  la  posséder  à  fond. 

[Henri  Sagnier]. 

Ouvrages  à  consulter.  —  Sauson,  Traité  de  zoo- 
technie  ;  Villeroy.  Manuel  de  l'éleveur  des  bêtes  à  cornes; 
Kuhn,  Traité  de  ialiinenlation  des  bétes  bovines. 

BOILEAU-DKSl'IlEALX  (NicoLAs;.  —  Littéra- 
ture française,  XIV. 

Boileau,  qui,  sans  avoir  le  génie  de  Corneille,  de 
Racine  et  de  Molière,  est  pourtant  de  la  compagnie 
de  ces  grands  hommes,  comme  l'a  dit  Victor  Cousin, 
Boileau  le  réformateur  de  la  poésie,  le  poète  di- 
dactique et  satirique  le  plus  célèbre  des  siècles 
littéraires,  naquit  le  1"^  novembre  1636,  non  pas  à 
Crosne,  près  Paris,  comme  il  a  été  dit  quelque- 
fois, mais  à  Paris  même,  en  son  centre,  dans  le 
petit  îlot  qui  fut  le  berceau  de  la  grande  ville,  rue 
de  Jérusalem. 

Tout  près  de  là,  dans  la  même  rue,  naîtra  un 
peu  plus  d'un  demi-siècle  après  (20  février  1694) 
un  autre  grand  critique,  mais  dont  l'action  s'éten- 
dra au  delà  du  domaine  des  lettres,  Arouet  de 
Voltaire. 

Boileau  était  fils  d'un  greffier  de  grand'chambre 
du  Parlement  de  Paris.  Il  vint  au  monde  le  dernier 
d'une  famille  qui  comptait  déjà  quatorze  enfants. 
11  perdit  sa  mère  à  deux  ans.  Son  enfance  fut  vite 
sevrée  de  caresses,  presque  délaissée,  solitaire  et 
de  plus  maladive  et  souffreteuse  :  il  était  encore 
au  collège  quand  il  dut  subir  la  terrible  opération 
de  la  pierre.  C'est  peut-être  dans  ces  tristes  cir- 
constances du  début  de  sa  vie  qu'il  faut  chercher 
la  première  raison  du  caractère  un  peu  chagrin, 
sourcilleux  et  revèche  qu'aura  plus  tard  la  poésie 
de  Boileau.  Sa  muse,  dit  Sainte-Beuve,  n'a  jamais 
eu  le  premier  timbre  ému  de  la  jeunesse  :  elle  a 
de  bonne  heure  les  cheveux  gris,  le  sourcil  gris. 

Destiné,  peut-être  à  cause  de  la  faiblesse  de  sa 
santé,  à  entrer  dans  les  ordres,  Boileau  avait  fait 
sa  théologie  en  Sorbonne.  Il  était  déjà  tonsuré  et 
pourvu  d'un  bénéfice,  quand  un  jour,  renonçant  à 
la  théologie  et  à  son  prieuré,  il  quitta  la  Sorbonne 
pour  l'École  de  droit  et  se  fit  recevoir  avocat  (4  sep- 
tembre 16. ,6).  Quelque  temps  après,  il  renonça  au 
droit  pour  la  culture  des  lettres.  Cette  fois  son 
génie  avait  trouvé  sa  voie  véritable.  Sa  famille, 
loin  de  l'avoir  deviné,  ne  voyait  en  lui  qu'un  «  sot  ». 
Son  père,  plus  indulgent,  disait  de  lui  :  «  C'est  un 
bon  garçon  (|ui  ne  dira  jamais  de  mal  de  personne.  » 
Le  digne  homme  ne  vécut  pas  as<ez  pour  voir  son 
fils  composer  les  œuvres  qui  devaient  donner  un 
si  complet  démenti  à  sa  prophétie.  Il  mourut  en 
1657,  laissant  une  petite  fortune. 

Pour  bien  apprécier  le  vrai  rùle  de  notre  poète, 
juger  son  œuvre  et  en  mesurer  l'influence,  il  faut 
se  rappeler  quel  était,  au  moment  oii  il  parut,  l'é- 
tat de  la  poésie  française.  L'emphase  espagnole  et 
l'afféterie  italienne  dominaient  souverainement.  On 
admirait  des  écrivains  aujourd'hui  oubliés  ou  dont 
les  I  oms  ne  subsistent  plus  que  grâce  aux  satires 
de  Boileau  et  comme  des  personnifications  de  la 
sottise  prétentieuse.  Ceux  mêmes  qui  avaient  de 
réels  méi-iies  sacrifiaient  au  mauvais  goût  de  l'é- 
poque   et  souvent  ne    se  faisaient  applaudir  qu'à 


ce  prix.  La  réunion  des  beaux  esprits  qui  se  te- 
nait à  l'hôtel  de  Rambouillet  et  qui  donnait  le  ton 
à  la  mode,  encourageait  la  fausse  élégance,  l'esprit 
maniéré,  le  style  «  précieux  »,  l'affectation  dans  la 
pensée  et  dans  l'expression.  Le  génie  même  de 
Corneille,  qui  venait  de  fonder  chez  nous  le  théâtre 
classique  par  une  succession  de  chefs-d'œuvre,  n'a- 
vait pu  l'emporter  décidément  sur  le  faux  goût  de 
l'époque,  et  il  se  trouvait  encore  de  prétendus  con- 
naisseurs pour  lui  préférer  Scudéry.  Molière,  qui 
pourtant  avait  déjà  écrit  les  Précieuses  ridicules, 
était  à  peine  compris  encore.  Pour  qu'il  soit  ap- 
plaudi, il  faudra  que  Boileau  vienne  révéler  à 
Louis  XIV  tout  étonné  que  Molière  est  l'homme 
qui  honore  le  plus  son  siècle. 

Dans  de  telles  circonstances,  en  présence  dune 
opinion  indécise  encore,  le  rùle  de  Boileau  fut  de 
rompre  en  visière  au  mauvais  goût  et  d'apprendre 
à  son  siècle  à  aimer  le  vrai,  le  naturel,  le  simple, 
le  beau. 

Il  eut  d'abord  à  combattre  les  méchants  écri- 
vains et  leurs  sots  admirateurs  :  c'est  le  premier 
service  qu'il  rendit  à  notre  littérature  nationale,  et 
ce  fut  l'œuvre  des  Satires. 

Les  Satires  de  Boileau.  —  Les  Satires  déblayèrent 
en  quelque  sorte  le  terrain  :  elles  attaquaient  en 
face  les  écrivains  et  les  écrits  qui  avaient  faussé  le 
goût  du  public,  elles  commençaient  notre  édu- 
cation littéran-e  en  nous  débarrassant,  parfois  de 
vive  force,  d'une  foule  de  préjugés  et  de  conven- 
tions ridicules,  mais  jusque-là  réputées  inattaqua- 
bles. Il  fallut  à  Boileau,  qu'on  ne  l'oublie  pas  au- 
jourd'hui, pour  engager  cette  campagne,  non-seu- 
lement cette  ferme  conviction  et  cette  droiture  de 
sens,  cet  amour  de  la  vérité,  qui,  dit-il  très  bien, 
luiinspira  dès  quinze  ans  la  haine  d'un  sot  livre,  mais 
aussi  un  grand  fonds  de  courage,  de  persévérance 
et  de  force  morale.  Il  n'est  pas  si  aisé  qu'on  le 
croit  de  prendre  et  de  soutenir  ce  rôle  de  critique 
et  de  réformateur  du  goût .  Il  n'est  pas  sans  danger, 
Boileau  en  fit  lui-même  l'expérience, 

D'appeler  chat  un  chat,  et  RoUet  un  fripon. 

Enfin  il  n'est  pas  donné  à  tout  le  monde  de  pou- 
voir répondre  à  Louis  XIV,  comme  le  fit  Boileau 
consulté  sur  les  vers  que  Louis  XIV  lui-même  avait 
daigné  faire  :  c  Sire,  rien  n'est  impossible  à  Votre  Ma- 
jesté :  elle  a  voulu  faire  de  mauvais  vers,  elle  y  a 
parfaitement  réussi.  » 

C'est  vers  1660  qu'on  commence  à  se  passer  sous 
le  manteau  les  copies  des  satires;  c'est  en  1666 
que  parut  le  recueil  des  huit  prt^mières.  Boileau 
en  a  écrit,  douze,  les  unes  littéraires,  les  autres 
sur  des  lieux  communs  de  morale.  Toutes  ne  sont 
pas  également  parfaites. 

La  neuvième  [A  mon  espriti  a  toujours  passé 
pour  la  meilleure.  «  C'est  peut-être  le  chef-d'œuvre 
du  genre,  »  a  dit  Fontancs.  «  Cest  un  chof-d'oeuvre 
de  gaieté  satirique,  le  modèle  du  badinage  ingé- 
nieux, »  a  écrit  de  son  côté  La  Harpe.  Et  nul  critique 
n'est  venu  depuis  contredire  La  Harpe  et  Fontanes. 
Dans  aucune,  en  effet,  Boileau  ne  s'est  montré 
aussi  plein  de  verve,  n'a  fait  preuve  de  plus  de 
goût  et  de  finesse  d'esprit. 

La  satire  sur  Y  Homme  (la  viiie)  a  du  mouvement, 
de  la  variété  et  parfois  même  de  l'élévation.  La 
ii"=  satire  {L'accord  de  lu  rime  et  de  la  raison),  dé- 
diée à  Molière,  fut  lue  devant  lui  en  1664.  Quand 
on  arriva  à  ce  passage  : 

Un  sot,  en  écrivant,  fait  tout  avec  plaisir. 


Et  toujours  amoureux  de  ce  qu'il  vient  d'écrire, 
Ravi  d'étonnemcnt  en  soi-même  il  s'admire. 
Mais  un  esprit  sublime  en  vain  veut  s'élever 
A  ce  degré  parfait  qu'il  tâche  de  trouver  ; 
Et,  toujours  mécontent  de  ce  qu'il  vient  de  faire, 
Il  plaît  à  tout  le  monde,  et  ne  saurait  se  plaire. 

Molière,  «frappé  comme  d'un  trait  de  lumière,  « 


BOILEAU 


—  263  — 


BOILEAU 


quh.ta  son  siège,  courut  au  jeune  poète  et  lui  dit 
en  lui  serrant  la  main  :  «  Voilà  une  des  plus  belles 
vérités  que  vous  ayez  dites.  Je  ne  suis  pas  de  ces 
esprits  sublimes  dont  vous  parlez;  mais  tel  que  je 
suis,  je  n'ai  rien  fait  en  ma  vie  dont  je  sois  vérita- 
blement content.  » 

Parmi  les  autres  satires,  on  peut  lire,  mais  il  ne 
faut  pas  prendre  comme  modèle  irréprochable,  les 
Embarras  de  Paris,  le  Fesn7i  ridicule.  Ces  mor- 
ceaux, qu'on  place  souvent  dans  les  recueils  popu- 
laires, manquent  d'élévation,  et  risqueraient,  si  l'on 
n'en  présentait  pas  d'autres  aux  jeunes  gens,  de 
leur  donner  une  fausse  idée  de  Boileau.  Les  sa- 
tires morales  elle-mêmes  ne  sont  pas  la  partie  la 
plus  originale  de  son  œuvre  :  celle  contre  les 
femmes  est  une  boutade  trop  prolongée  et  parfois 
un  peu  lourde  sous  sa  forme  hyperbolique;  c'est 
dans  la  satire  littéraire  qu'il  a  vraiment  excellé  et 
qu'il  a,  on  peut  le  dire,  exercé  une  véritable  ma- 
gistrature sur  les  esprits.  Il  était  seul  au  début 
quand  il  s'attaqua  aux  célébrités  du  jour,  à  Cha- 
pelain, par  exemple,  l'auteur  de  la  Puce/Ze,  qui  avait 
eu  six  éditions  en  dix-huit  mois;  quelques  années 
après,  il  avait  gain  de  cause  et  l'on  ne  se  souvenait 
plus  d'eux  que  par  ses  vers  :il  avait  porté  d'avance 
sur  tous  ses  contemporains  presque  sans  exception 
le  jugement  même  de  la  postérité. 

il  a  lui-même,  dans  sa  satire  sur  le  Vrai,  parfai- 
tement dit  le  secret  de  sa  force  et  de  son  autorité  : 

Sais-tu  pourquoi  mes  vers  sont  lus  dans  les  provinces, 
Sont  recherchés  du  peuple  et  reçus  chez  les  princes? 
Ce  n'est  pas  que  leurs  sons  .agréables,  nombreux, 
Soient  toujours  à  l'oreille  également  heureux  ; 
Qu'en  plus  d'un  lieu  le  sens  n'y  gène  la  mesure. 
Et  qu'un  mot  quelquefois  n'y  brave  la  césure  ; 
Mais  c'est  qu'en  eux  le  vrai,  du  mensonge  vainqueur. 
Partout  se  montre  aux  yeux  et  va  saisir  le  cœur  ; 
Que  le  bien  et  le  mal  y  sont  prisés  au  juste  ; 
Que  jamais  un  faquin  n'y  tient  un  rang  auguste, 
Et  que  mon  cœur,  toujours  conduisant  mon  esprit 
Ne  dit  rien  aux  lecteurs  qu'à  soi-même  il  n'ait  dit. 
Ma  pensée  au  grand  jour  partout  s'offre  et  s'expose, 
Et  mon  vers  bien  ou  mal  dit  toujours  quelque  chose. 

Après  avoir,  avec  l'audace  de  la  jeunesse  et  avec 
la  puissance  dune  raison  exquise,  ruiné  la  vogue 
des  mauvais  rimeurs,  des  plats  écrivains  qui  te- 
naient le  haut  du  pavé  dans  la  république  des  let- 
tres, il  restait  à  Boileau  d'indiquer  les  règles  de 
l'art  de  bien  dire,  de  fixer  les  principes  de  sa  doc- 
trine littéraire.  C'est  ce  qu'il  fit  dans  ï  Art  poétique, 
public  en  1674. 

L'Art  poétique.  —  «  Ouvrage  admirable  »,  selon 
l'expression  de  Voltaire,  «  parce  qu'il  dit  toujours 
agréablement  des  choses  vraies  et  utiles,  parce  qu'il 
donne  toujours  le  précepte  et  l'exemple,  parce  qu'il 
est  varié,  parce  que  l'auteur,  en  ne  manquant  ja- 
mais ù  la  pureté  de  la  langue, 

Sait  d'une  voix  légère 
Passer  du  grave  au  doux,  du  plaisant  au  sévère. 

«  Ce  qui  prouve  son  mérite,  c'est  qu'on  sait  ces 
«ers  par  cœur  ;  et  ce  qui  doit  plaire  aux  philosophes, 
c'est  qu'il  a  presque  toujours  raison. 

«  Si  vous  en  exceptpz  les  tragédies  de  Racine,  qui 
ont  le  mérite  supérieur  de  traiter  les  passions,  et 
de  surmonter  toutes  les  difticultés  du  théâtre, 
l'Art  poétique  de  Despréaux  est  sans  contredit  le 
poème  qui  fait  le  plus  d'honneur  à  la  langue  fran- 
çaise. » 

Ce  livre,  qu'on  peut  regarder  comme  la  pro- 
fession de  foi  littéraire  du  xvu'=  siècle,  a  survécu 
à  ce  siècle  et  survivra  au  nôtre.  ^lème  après  la 
grande  révolution  littéraire  de  nos  jours  qui  a 
brisé  tant  d'anciennes  traditions,  qui  a  affranchi 
les  poètes  de  tant  de  règles  autrefois  sacrées,  qui 
a  crée'  eniin  toute  une  poétique  nouvelle,  l'œuvre 
de  Boileau  subsiste  comme  la  grammaire  la  plus 
sûre  de  la  langue  poétique,  comme  un  code  des  dé- 
cisions souveraines  du  bon  sens.  Combien  de  ses 


préceptes,  de  ses  arrêts  sont  devenus  des  axiomes 
de  goût  !  Combien  sont-ils  gravés  dans  toutes  les 
mémoires  !  Et  n'est-ce  point  là  le  critérium  le  plus 
certain  de  leur  mérite  poétique  ? 

Sans  entreprendre  de  l'analyser,  rappelons  que 
cet  ouvrage  est  un  de  ceux  auxquels  on  a  donné 
droit  de  cité  dans  l'enseignement  primaire,  un  de 
ceux  sur  lesquels  portent  le  plus  souvent,  à  Paris 
par  exemple,  les  questions  d'examen  littéraire  pour 
le  brevet  supérieur.  U Art  poétique  se  compose  de 
quatre  chants.  Le  jjremier,  qui  est  comme  la  pré- 
face de  l'ouvrage,  offre  les  préceptes  généraux  que 
résume  ce  mot,  où  Boileau  est  tout  entier  : 

Aimez  donc  la  raison  :  que  toujours  vos  écrits 
Empruntent  d'elle  seule  et  leur  lustre  et  leur  prix. 

Il  indique  ensuite  les  applications  les  plus  es- 
sentielles de  cette  grande  règle  :  dans  les  pensées. 

Tout  doit  tendre  au  bon  sens.  Laissons  à  l'Italie 
De  tous  ces  faux  brillants  l'éclatante  folie. 

Pour  l'étendue  de  l'ouvrage,  «évitez  l'abondance 
stérile  »  • 

Tout  ce  qu'on  dit  de  trop  est  fade  et  rebutant 
L'esprit  rassasié  le  rejette  à  l'instant. 
Qui  ne  sait  se  borner  ne  sut  jamais  écrire. 

Pour  le  ton  de  l'ouvrage,  fuyez  avant  tout  la 
monotonie  : 

Sans  cesse  en  écrivant  variez  vos  discours. 

Un  style  trop  égal  et  toujours  uniforme 

En  vain  brille  à  nos  yeux,  il  faut  qu'il  nous  endorme. 

Fuyez  aussi  avec  un  soin  égal  la  bassesse  et 
l'emphase  : 

Soyez  simple  avec  art. 
Sublime  sans  orgueil,  agréable  sans  fard. 

A  ces  sages  prescriptions  s'ajoute  une  revue 
sommaire  de  l'histoire  de  la  poésie  française,  où 
lîoileau  montre  quels  progrès  sont  dus  à  l'influence 
croissante  de  la  raison  sur  nos  écrivains.  Uoileau, 
comme  tous  ses  contemporains,  ne  rend  pas  com- 
plètement justice  aux  origines  de  notre  poésie  na- 
tionale; il  n'a  pas  compris  la  grandeur  du  xvi' 
siècle  ;  il  juge  plus  que  sévèrement  Ronsard,  tant 
il  a  hâte  d'arriver  à  celui  dont  il  se  sent  l'héritier 
direct  : 

Enfin  Malherbe  vint,  et  le  premier  en  France 
Fit  sentir  dans  les  vers  une  juste  cadence, 
D'un  mot  mis  en  sa  place  enseigna  le  pouvoir 
Et  réduisit  la  musi'  aux  règles  du  devoir. 
Par  ce  sage  écrivain,  la  langue  réparée 
N'offrit  plus  rien  de  rude  à  l'oreille  épurée  ; 
Les  stances  avec  grâce  apprirent  à  tomber, 
Et  le  vers  sur  le  vers  n'osa  plus  enjamber. 

La  fin  du  premier  chant  est  remplie  de  précep- 
tes qui  sont  l'arrêt  même  du  bon  sens  et  du  bon 
goût  ;  tout  le  monde  les  sait  par  cœur  : 

Avant  donc  que  d'écrire,  apprenez  à  penser. 
Selon  que  notre  idée  est  plus  ou  moins  obscure, 
L'expression  la  suit  ou  moins  nette  ou  plus  pure. 
i'.f  que  l'on  conçoit  bien  s'énonce  clairement, 
'Et  les  mots  pour  le  dire  arrivent  aisément... 
rravaillez  à  loisir,  quelque  ordre  qui  vous  presse.... 
Hàtcz-vous  lentement  et,  sans  perdre  courage, 
Vingt  fois  sur  le  métier  remettez  votre  ouvrage. 
Polissez-le  sans  cesse  et  le  repolissez. 
Ajoutez  quelquefois  et  souvent  effacez... 
Il  faut  que  chaque  chose  y  soit  mise  en  son  lieu, 
Que  le  début,  la  lin,  répondent  au  milieu  ; 
Que  d'un  art  délicat  les  pièces  assorties 
N'y  forment  qu'un  seul  tout  de  diverses  parties. 

Enfin  ce  dernier  bon  conseil  : 

Soyez— vous  à  yous-même  un  sévère  critique... 
l'aites-vous  des  amis  prompts  à  vous  censurer... 
Aimez  qu'on  vous  conseille  et  non  pas  qu'on  vous  loue. 

conseil    excellent  autant   que    difficile  à    suivre. 


BOILEAU 


—  2C4  — 


COILEAU 


tandis  qu'il  est  bien  aisé  au  contraire  de  trouver 
dos  complaisants,  car 

Pour  finir  enfin  par  un  trait  de  s.itirp, 
Un  sot  trouve  toujours  un  plus  sot  qui  l'admire. 

Le  deuxième  clmnt  a  moins  de  portée  au  point 
de  vue  qui  nous  occupe  :  il  passe  en  revue  tous 
les  genres  secondaires  de  poésie,  tels  que  l'idylle, 
l'ode,  l'élégie,  la  ballade,  le  sonnet,  etc.  On  s'é- 
tonne aujourd'hui  de  ne  pas  trouver  dans  cette 
énumération  la  fable  et  le  nom  de  La  Fontaine. 

Le  troisième  chant  traite  de  la  poésie  drama- 
tique (tragédie  et  comédie)  et  de  l'épopée.  Là 
encore  se  retrouvent  des  préceptes  éternels  comme 
le  bon  sens  : 

Le  secret  est  d'aljonl  de  plaire  et  de  toucher. 
Que  dans  tous  \os  discours  la  passion  émue 
A-ille  clieicher  le  cœur,  l'écliaulTe  et  le  remue... 
Jamais  au  spectateur  n'olfrez  rien  d'incroyable  : 
Le  vrai  peut  quelquefois  n'être  pas  \raisemblable. 
Une  merveille  absui-de  est  pour  moi  sans  appas; 
L'esprit  n'est  pas  ému  de  ce  qu'il  ne  croit  pas. 

Il  faut  aussi  retenir  ces  deux  vers  qui  énoncent 
la  fameuse  règle  des  trois  unités  (unité  de  temps, 
de  lieu  et  d'action,  dans  la  tragédie  classique)  : 

Qu'en  un  lieu,  qu'en  un  temps,  un  seul  fait  accompli 
Tienne  jusqu'à  la  fin  le  théâtre  rempli. 

L'histoire  du  théâtre  esquissée  ensuite  n'est  pas 
sans  lacune,  ni  sans  inexactitude,  mais  la  critique 
littéraire  n'était  pas  au  temps  de  Boileau  ce  qu'elle 
est  devenue  depuis. 

Enfin  le  quatrième  chant  donne  des  conseils  pra- 
tiques principalement  sur  le  caractère  et  la  con- 
duite morale  do  l'écrivain.  On  n'a  jamais  parlé 
aux  écrivains  langage  plus  digne,  plus  ferme,  ni 
plus  élevé  : 

Que  votre  âme  et  vos  mœurs  peintes  dans  vos  ouvrages 
N'offrent  jamais  de  vous  que  de  nobles  images... 
Aimez  donc  la  vertu,  nourrissez-en  votre  âme. 
En  vain  l'esprit  est  plein  d'une  noble  vigueur  : 
Le  vers  se  sent  toujours  des  bassesses  du  cœur. 

Le  Lïdrhi.  —  C'est  en  1674  que  parurent  les 
premiers  chants  d'un  petit  poème  liéroi-comique, 
le  lutrin,  composé,  dit  Boileau,  «  h.  l'occasion  d'un 
différend  assez  léger  qui  s'émut,  dans  une  des  plus 
célèbres  églises  de  Paris,  entre  le  trésorier  et  le 
chantre.  »  Boileau  a  tiré  de  cette  donnée  insigni- 
fiante un  ingénieux  badinage,  qui  est  en  même 
temps  un  modèle  de  style. 

Les  Épitres.  —  Il  nous  reste  à  parler  des  Épî- 
tres  de  Boileau  et  du  plus  aimable  aspect  de  sa 
vie  littéraire.  Satirique  impitoyable ,  sévère  lé- 
gislateur du  Parnasse,  il  était  aussi  l'ami  généreux, 
le  conseiller  et  parfois  le  consolateur  de  Piacine  et 
de  Molière.  Quoi  de  plus  noble  que  son  épître  à 
Racine  au  lendemain  do  la  chute  de  Phèdve.  et 
tomme  on  y  sent  l'homme  de  cœur?  Quoi  de  plus 
couchant  que  cette  larme  et  ce  souvenir  donnés  à 
Molière,  et  ce  mélancolique  exemple  de  l'injustice 
liumaine  proposé  à  un  autre  grand  poète  pour  re- 
lever son  courage  abattu  ? 

Avant  qu'un  peu  de  terre, obtenu  par  prière. 
Pour  jamais  sous  la  tombe  eût  enfermé  .Molière, 
Mille  de  ses  beaux  traits,  aujourd'hui  si  vantés, 
Furent  des  sots  esprits  à  nos  yeux  rebutés. 
L'ignorance  et  l'erreur  à  ses  naissantes  pièces. 
En  habits  de  marquis,  en  robes  de  comtesses, 
Venaient  pour  dllfamer  son  chef-d'œuvre  nouveau. 
Et  secouaient  la  tète  à  l'endroit  le  plus  beau. 
Le  commandeur  voulait  la  scène  plus  exacte  ; 
Le  vicomte  indigné  sortait  au  second  acte. 
L'un,  défenseur  zélé  des  bigots  mis  en  jeu, 
Pour  prix  de  ses  bons  mots  le  condamnait  au  feu  ; 
L'autre,  fougueux  marquis,  lui  déclarant  la  guerre, 
"Voulait  venger  la  cour  immolée  au  parterre. 
Mais,  sitôt  que  d'un  trait  de  ses  fatales  mains 
La  Parque  l'eut  rayé  du  nombre  des  humains, 
On  reconnut  le  prix  de  sa  musc  éclipsée. 


Combien  d'autres  traits  de  sensibilité  en  môme 
temps  que  de  haute  justice  on  pourrait  recueillir 
dans  les  Èpltres,  disons  mieux,  dans  toute  l'œuvre 
de  Boileau! 

Lorsque  yl //(«/!>,  comme  Phèdre,  fut  mcconnnH 
du  public  à  son  apparition,  c'est  encore  Boileau 
qui  console  Racine  en  lui  disant  :  «  C'est  votre 
chef-d'œuvre,  on  y  reviendra.  » 

Il  faut  lire  aussi  l'épitre  A  Lammcfiioti,  avec  sa 
riante  description  du  village  où  Boileau  «  fuit  les 
chagrins  de  la  ville  »,  et  s'égare  un  livre  à  la  main, 
le  long  de  la  Seine,  dont  les  bords 

Sont  couverts  de  saules  non  plantés 
Et  de  noyers,  souvent  du  passant  insultés. 

L'épitre  A  monjardinier,  l'épître  A  mes  vers  sont 
autant  de  modèles  de  causerie  sérieuse  et  de  ju- 
dicieuse bonhomie.  C'est  bien  là  qu'on  se  plaît  à 
voir 

Qu'au  fond  cet  homme  horrible, 
r.e  censeur  qu'ils  ont  peint  si  noir  et  si  terrible, 
Fut  un  esprit  doux,  simple,  ami  de  l'équité, 
Qui,  cherchant  dans  ses  vers  la  seule  vérité, 
Fit  sans  être  raaliu  ses  plus  grandes  malices. 

Là  et  partout, «  nous  le  retrouvons,  dit  M.  Merlet, 
tel  que  nous  le  montre  ce  beau  buste  deGirardon. 
que  l'on  peut  admirer  au  Musée  de  sculpture. 
C'est  la  même  attitude  un  peu  fière,  avec  ce  port 
de  tête  assuré  que  ne  dépare  point  la  noblesse 
d'une  ample  perruque  ;  voilà  bien  son  regard  fixe 
et  viril,  son  sourire  moqueur,  sa  bouche  railleuse 
et  mordante,  cette  cordialité  qui  tempère  ses 
brusqueries,  ce  mélange  d'humeur  sourcilleuse  et 
de  franchise  enjouée.  » 

Tout  le  monde  sait  que  sa  petite  maison  d'Au- 
tenil  était  le  rendez-vous  d'un  groupe  d'amis, 
qui  venaient  y  discuter  avec  lui  des  questions  lit- 
téraires. «  Despréaux  est  heureux  comme  un  roi, 
disait  Racine,  dans  sa  solitude  ou  plutôt  dans  son 
hôtellerie  d'Auteuil.  Il  estheureux  de  s'accommoder 
ainsi  de  tout  le  monde  ;  pour  moi,  j'aurais  cent  fois 
vendu  la  maison.  »  Boileau  finit  par  la  vendre,  mais 
ce  ne  fut  que  (juand  ses  infirmités  lui  eurent  rendtr 
la  vie  plus  difficile  et  la  conversation  impossible. 

Il  alla  chercher  un  asile  chez  un  de  ses  oncles, 
chanoine  de  Notre-Dame.  Ce  n'était  plus  depuis 
longtemps  le  gai  et  spirituel  compagnon  d'autre- 
fois, celui  dont  la  conversation  faisait  la  joie  de 
Colbert  et  déridait  même  Louis  XIV.  Accablé  d'in- 
firmités, comme  on  lui  demandait  de  ses  nouvel- 
les, il  répondit  par  ce  vers  de  Malherbe  : 

Je  suis  vaincu  du  temps,  je  cède  à  ses  outrages. 

Il  succomba  après  une  vieillesse  aussi  pleine  de- 
tristesse  que  l'avait  été  son  enfance,  le  13  mars 
1711,  à  l'âge  de  soixante-quatorze  ans.  Ses  restes 
furent  inhumés  dans  la  Sainte-Chapelle,  au-des- 
sous de  la  place  occupée  par  le  lutrin  qu'il  avait 
rendu  fameux;  en  1810,  ils  furent  transférés  en 
l'église  Saint-Germain-des-Prés. 

Juqcments  de  quelques  critiques  sur  Boileau.  — 
«Saluons  et  reconnaissons  aujourd'hui  la  noble  et 
forte  harmonie  du  grand  siècle.  Sans  Boileau,  et 
sans  Louis  XIV  qui  reconnaissait  Boileau  comme 
son  contrôleur  général  du  Parnasse,  q\te  serait-il 
arrivé  ?  Les  plus  grands  talents  eux-iuèmes  au- 
raient-ils rendu  également  tout  ce  qui  forme  dé- 
sormais leur  plus  solide  héritage  de  gloire  ?  Pro- 
bablement chacun  do  ces  beaux  génies  aurait 
abondé  dans  ses  défauts.  Boileau,  c'est-à-dire  le 
bon  sens  du  poète  critique,  autorisé  et  doublé  de 
celui  d'un  grand  roi,  les  contint  tous  et  les  con- 
traignit, par  sa  présence  respectée,  à  leurs  meil- 
leures et  à  leurs  plus  graves  œuvres.  Savcz-vous  ce 
((ui,  do  nos  jours,  a  manqué  à  nos  poètes,  si  pleins 
à  Icnr  début  de  facultés  naturelles,  de  proiuesses 
et  d'inspirations  heureuses.  11  a  manqué  un  Roi- 


BOISSONS 


—  265  — 


BOTANIQUE 


leau  et   un  monarque  éclairé,  l'un   des  deux  ap- 
puyant et  consacrant  l'autre.  »  (Sainte-Beuve.) 

«  Cest  devenu  un  lieu  commun  de  reconnaître 
dans  Boileau,  comme  qualité  dominante,  le  bon 
sens,  mais  un  bon  sens  animé  jusqu'à  la  passion 
par  l'amour  du  vrai  et  la  haine  du  faux.  Le  culte 
du  bon  sens,  la  souveraineté  de  la  raison,  en  ma- 
tière de  goût,  qui  fait  le  fond  de  sa  doctrine,  a 
paru  le  trait  qui  l'unit  h  la  grande  école  d^s  pen- 
seurs et  des  écrivains  du  xviii"  siècle.  Boileau  a 
transporté,  dit-on,  la  pensée  de  Descartes  dans  la 
poésie.  Il  entreprend  d'y  faire  régner  comme  dans 
la  philosophie  elle-même  l'esprit  d'ordre,  de  ré- 
gularité, de  suite,  de  discipline.  Il  règle  la  litté- 
rature comme  Louis  XIV  la  société.  Il  enseigne  la 
noblesse  du  langage,  la  précision  et  le  clioix  des 
mots,  la  distinction  rigoureuse  des  genres  et  des 
formes  qui  leur  sont  propres.  »  (Vapereau,  Diction- 
naire lie  littérature.) 

«  Celui  que  j'aùniire  entre  tous,  non  pour  sa 
puissance  poétique,  mais  pour  l'intégrité  de  sa 
raison,  est  Boileau.  Quand  je  songe  à  l'état  de 
platitude  et  d'affectation  où  était  tombé  le  génie 
français  au  commencement  du  xvii"'  siècle,  quand 
je  vois  cette  obstination  de  mauvais  goût  et  de 
pédantisme  qui  distinguait  un  Scudéry,  un  Cotin, 
un  Scarron,  un  Chapelain  et  tant  d'autres  qu'ac- 
cueillaient avec  délices  et  la  cour  et  la  ville,  j'a- 
voue que  je  suis  tenté  de  donner  la  palme  au 
ferme  esprit  qui  seul  fit  face  au  torrent,  et  i\  qui 
l'on  ne  peut  reprocher  la  plus  petite  transaction.  >. 
(P.-J.  Proudhonl.  [Ch.-F.  Durand. 1 

BOISSONS.  —  Hygiène,  X.  —L'eau  entre  pour 
les  deux  tiers  dans  la  composition  de  notre  corps, 
Nous  en  perdons  à  chaque  instant  une  certaine 
quantité  par  la  sécrétion  de  l'urine,  par  la  transpi- 
ration et  par  l'exhalation  pulmonaire.  Ces  pertes 
sont,  en  moyenne,  pour  un  adulte,  de  deux  à  trois 
litres  par  24  heures.  Elles  varient  d'ailleurs  dans 
des  limites  assez  étendues  en  proportion  de  la 
température  extérieure,  de  l'humidité  de  l'air,  do 
l'exercice,  et  encore  de  l'habitude.  -  IMais  dans  les 
pays  tempérés  on  peut  estimer  à  deux  litres  la 
quantité  d'eau  perdue  cliaquo  jour  par  le  corps 
d'un  homme  qui  se  livre  à  un  exercice  modéré.  Il 
est  bien  entendu  que  cet  homme  ne  boit  que  pour 
satisfaire  sa  soif,  c'est-à-dire  le  besoin  instinctif 
de  réparer  les  pertes  de  liquide  ;  car  s'il  buvait  en 
outre  par  plaisir  ou  par  ordonnance  du  médecin, 
le  surcroît  de  liquide  absorbé  serait  nécessairement 
éliminé  par  les  voies  ordinaires,  mais  sans  avoir 
rempli  la  fonction  normale  des  boissons. 

Un  homme  qui  ne  mangerait  que  des  aliments 
presque  entièrement  privés  d'eau,  comme  du  bis- 
cuit, des  figues  sèches,  aurait  donc  besoin  d'ab- 
sorber chaque  jour  environ  deux  litres  de  boisson. 
Mais  la  plupart  de  nos  aliments,  même  ceux  qui 
paraissent  secs,  comme  le  pain,  contiennent  une 
forte  proportion  d'eau;  il  faut  compter  aussi  celle 
qui  entre  dans  les  sauces  et  surtout  dans  les 
potages. 

L'eau  constitue,  pour  l'homme  et  pour  les  ani- 
maux, la  boisson  naturelle.  Aucune  autre  n'est  né- 
cessaire à  l'homme  suin  qui  peut  se  procurer  une 
nourriture  suffisamment  réparatrice  et  variée,  et 
qui  se  livre,  en  plein  air,  ù.  un  exercice  régulier. 
Mais  malheureusement  une  civilisation  mal  en- 
tendue détourne  la  plupart  dos  individus  des  con- 
ditions normales  d'existence.  En  s'écartant  des  lois 
de  l'hygiène  ils  se  créent,  sans  le  savoir,  des 
besoins  factices,  et  la  satisfaction  de  ces  besoins 
produisant  des  désordres  dans  l'organisation  agit 
à  son  tour  comme  cause  nouvelle  de  troubles  (|ni 
réclament  un  palliatif  sous  forme  d'excitant. 

La  question  de  l'ivresse  à  tous  degrés  est  indé- 
pendante de  ce  besoin  instinctif,  maladif  on  peni 
le  d«?,  de  tonifier  les  organes  affaiblis  par  une 
nourriture  insuffisante  ou  un  travail  excessif.  Sans 


recourir  aux  boissons  fcrmentées,  c'est-à-dire  con- 
tenant de  l'alcool,  on  y  parvient,  dans  une  certaine 
mesure,  en  mêlant  à  l'eau  des  substances  aromati- 
ques ou  amères.  De  là,  l'usage  d'infusions  froides 
ou  chaudes  ;thé,  café,  maté,  etc.)  pour  remplacer 
la  boisson  naturelle. 

Les  boissons  fermentées  fabriquées  avec  des 
fruits,  des  grains  ou  des  racines  contiennent  une 
certaine  proportion  d'alcool  dont  l'effet  domine  le- 
plus  souvent  celui  des  principes  amers  ou  aronia- 
tifiues  que  l'on  fait  entrer  dans  leur  préparation  ; 
quelques-unes, comme  le  vin,  le  cidre,  contiennent 
en  outre  du  tannin  qui  agit  comme  tonique-astrin- 
gent et  des  huiles  essentielles  dont  l'effet  se  rap- 
proche de  celui  des  aromates.  Certaines  boissons 
comme  la  bière,  renferment  une  assez  forte  pro- 
portion de  matières  nutritives,  ce  qui  explique 
l'embonpoint  ordinaire  des  personnes  qui  en  con- 
somment de  grandes  quantités. 

L'action  des  boissons  varie  beaucoup  selon  leur 
température.  Ainsi  l'eau  tiède  donne  des  nausées, 
tandis  que  l'eau  très  froide,  prise  à  petites  doses- 
répétées,  arrête  les  vomissements.  Une  infusion 
cliaudc  est  plus  excitante  que  si  on  la  prenait 
froide  et  peut  faciliter  une  digestion  difficile, 
mais  l'usage  habituel  de  boissons  chaudes  débilite 
promptenVent  l'estomac.  La  tonipératuro  la  plus 
convenable   est   d'environ    I.S    à   18  degrés. 

L'ingestion  de  boisson  froide,  en  grande  quantité, 
est  toujours  daiiEercusi!,  surtout  lorsque  le  corps 
est  en  sueur  et  l'estomac  vide.  Dans  ces  circon- 
sunces  il  importe  donc  de  prendre  les  précaution» 
suivantes  :  se  reposer  quelques  instants  avant  de 
se  désaltérer  ;  —  manger  un  peu  avant  de  boire  ; 

—  boire   à  petites  gorgées,  en    retenant  quelque 
temps  le  liquide  dans  la  bouche  avant  de  l'avaler; 

—  se  livrer  à  un  exercice  modéré  pour  empêcher  le 
refroidissement. 

Il  importe  de  no  pas  confondre  avec  la  soif  véri- 
table, c'est-à-dire  le  besoin  instinctif  de  rendre  h 
réconomie  la  quantité  d'eau  qu'elle  a  perdue,  les 
sensations  fébriles  produites  par  la  fatigue,  l'émo- 
tion, la  chaleur.  Dans  tous  ces  cas,  ce  n'est  pas  la 
quantité  de  liquide  absorbé  qui  soulage,  mais  sa 
([ualité  et  la  manière  de  le  boire.  Vn  verre  d'eau 
fraîche,  légèrement  acidulée  avec  du  vinaigre,  du 
jus  de  citron  ou  de  toute  autre  manière,  sucrée 
ou  non,  bue  par  petites  gorgées,  produit  un  soula- 
iiement  plus  rapide  et  plus  complet  qu'un  litre 
di'eau  pure  gloutonnement  avalée.  —  V.  Alcooli- 
nues  [boissons],  Café,  Stimida7its,  Vin. 
^  [D"'  Saffray.] 

Lectures  et  dictées.  —  G.  Tissandier,   l'Eau,  p.  309 

—  E.  Théveniii,  Entreliem  populaires,  p.  172.  —  E.  Ma- 
nuel et  Lévy  AlTarès,  la  France,  t.  I,  p.  165. 

BOSSUET.  —  'V.  Bossuet,  dans  la  I'«  Partie;  et 
dans  la  IP  Partie,  les  articles  Littérature  française, 
p.  1183,  Histoire,  p.  970,  et  Orateurs,  p.  146-^. 

BOT AMQUE.  —  {Étijm.  :  du  grec  botanê,  plante.) 

—  La  botanique  a  pour  objet  l'étude  des  végétaux 
ou  plantes,  tant  de  ceux  qui  vivent  aujourd'hui  sur 
notre  globe  que  de  ceux  qui  l'ont  peuplé  dans  les 
périodes  géologiques  antérieures  à  la  nôtre. 

Mais  d'abord  qu'est-ce  qu'un  végétal?  Une  ré- 
ponse précise  à  cette  quesiion  serait  très  difficile 
à  faire.  Nous  expliquons  ailleurs  qu'il  est  impos- 
sible de  tracer  une  ligne  de  démarcation  absolu- 
ment sûre  entre  l'animal  et  le  végétal,  l'un  étant 
relié  à  l'autre  par  une  suite  de  transitions  insen- 
sibles. —  V.  les  mots  I{ég?ies  {Les  trois)  et  Vé- 
gétal. 

Sans  insister  sur  ce  point,  et  en  prenant  le  mot 
végétal  dans  le  sens  usuel  où  tout  le  monde  l'en- 
tend, quelles  sont  les  différentes  études  qu'em- 
brasse la  botanique? 

La  botanique  étudie  les  végétaux  en  eux-mêmes 
ou  bien  au  point  de  vue  de  l'utilité  spéciale  que 
nous  en  retirons  pour  nous  et  pour  les  êtres   qui 


BOTANIQUE 


266  — 


BOTANIQUE 


nous  entourent;  de  là  deux  grandes  divisions:  la 
botanique  propremtnt  dite  et  la  hutanique  appli- 
quée. La  oolnnique  proprement  dite,  c'est-à-dire 
Ja  partie  de  la  botanique  qui  considère  les  végétaux 
en  eux-mêmes,  étudie  soit  les  propriétés  générales 
communes  à  tous  ces  êtres,  soii  cliacun  de  ces 
êtres  en  particulier;  dn  là  deux  branches  bien  dis- 
tinctes   dans  la  botanique    proprement   dite  :  la 


1»  En 
\  eux-mêmes  : 

BOTANIQUE 

PROPBEMENT 
DITE 


1 1.  d'une  raaniert'l 

gériérulo 

et 

comparative  : 

BOTAMQIE 

GE>ÉnAI.E 

et 

COMPARÉE. 

Elle  étudie   le 

végétal 

biiimltanément 

dans 

\ 


i"  sa  forme  —  Morpbologie.  , 


sa  structure  —  A^atomik,   . 


botanique  générale  et  la  botanique  spéciale,  appe- 
lée encore  botanique  descriptive,  botanique  spéci' 
fiijue.  Chacune  de  ces  divisions  secondaires  se 
subdivise  à  son  tour  en  plusieurs  parties  moins 
étendues.  Pour  gagner  du  temps  et  donner  plus  de 
clarté  à  l'exposition,  on  peut  résumer  dans  le  ta- 
bleau ci-joint  l'ensemble  de  ces  divisions  et  subdi- 
visions de  la  botanique. 

e,.  général \^  Morphologie  géni 

en  particulier -dans  ses  formesl  ^^ZJ'J'°yj^î^'^ 

aberrantes )       1&"!  *^  '^ 

f      sologifjue. 

comparativement  —  dans  l'en-l  Morphologie  corn- 
semble  des  êtres  végétaux  .  i      parée. 

en  général Anatomie générale. 

....           ,       1       ,       1  Auatomie  tératolo- 

on  particulier  —  dans  les  struc-l  .         _,       *"', 

V           ,          1  uique  et  nosolo- 

tures  aberrantes  .      .     .     .  j  "  '    .          «  «  «- 

f  gique, 

comparativement  —  dans  l'en-)  Anatomie    compa- 
semble  des  êtres  végétaux.  .  (       rée. 


I  on  "énéi-al. 


j  Physiologie  géné- 
'  \       raie. 


3=  ses  fonctions  —  Pbtisiologie 


ll.d'unemanière /  cliaque  végétal  séparément 

spéciale 
et  descriptive  : 


BOTANIQLE 

SPÉCIALE 

(ou  spécifique) 

et    DESCRIPTIVE. 

Elle  étudie  : 
a  la  médecine  , 


les  rapports  des  végétaux  entrai 
eux,  dans  le  temps  et  dans 
l'espace / 

les  rapports  des  végétaux  avecl 
le  globe,  dans  le  temps  etj 
dans  l'espace / 


2°  Dans  leurs 

usages 

et  leurs 
applications  :'  à  la  culture. 

BOTANIQLE 

APPLIQUEE      I  1'      1       ,    ■ 

^  I    a  I  industrie 


des  champs 
des  janliiis. 
des  forêts  . 
des  légumes 


en  particulier -dans  les  rolesi   l'If^iologietératc. 
1^.           ,  logique  et  noso- 

^'^"■'■""'^ (       logiTqu,. 

comparativement  —  dans  l'en-j  Physiologie compa- 
serablo  des  êtres  végétaux  .  (       ree. 

Botanique  descriptioe   et   Glossologie  ou  Langage 
des  botanistes. 

Classification  botanique. 

Jiistoire  de  la  Botanique. 

Botanique  fossile  ou  Paléontologie  végétale. 

Géographie  botanique  actueHe  et  Géographie  bott^ 

nique  fossile. 

Botanique  médicale. 

Botanique  agricole, 

—  horticole. 

—  sdcicole. 

—  niaraîcl.ère. 


Botanique  industrielle. 


[C.  Bertrand.] 


Voici  maintenant  :  1°  le  programme  suivi  dans 
ce  dictionnaire  pour  la  répartition  des  leçons  de 
botanique  formant  un  cours  élémentaire  à  l'usage 
4les  écoles  normales  ;  2°  quelques-uns  des  pro- 
grammes officiellement  adoptés  dans  d'autres  pays 
pour  ce  même  enseignement. 


I.  —  PLAN  DU  COURS 

ir*  Section  :  Anatomie  et  physiologie,  botanique 
générale. 

T.  Objet  de  la  botanique.  —  Anatomie.  —  Phy- 
siologie. —  Géographie  végétale.  —  Paléontologie 
végétale.  —  Botanique  appliquée.  —  Caractères 
d'un  végétal.  —  V.  Botanique,  Anatomie  et  Vé- 
gétal. 

II.  Organes  élémentaires,  tissus  végétaux.  — 
Cellule.  Hypha  ;  thalle  ;  faisceau.  Tissu  ligneux, 
tissu  libérien  ;  zones  cambiales.  Tissu  fondamental  : 
parenchyme,  moelle.  Épidémie.  —  V.  Tissus  végé- 
taux. V.  aussi  Foréls  pour  le  tissu  ligneux  ou  bois. 

III.  Physiologie  végétale.  Fonctions  de  nutri- 
tion :  absorption  (absorption  des  liquides,  absorp- 
tion des  gaz),  circulation,  assimilation  et  excrétion  ; 
réserves  nutritives.  Fonctions  de  relation  :  sensi- 
bilité, moLiliié  et  procédés  de  défense,  —  V.  Vé- 
gétal. 


IV.  Etat  d'un  végétal  à  son  premier  âge.  —  Spo- 
res des  cryptogames.  —  Graines  et  embryon  des 
phanérogames.  —  Distinction  entre  les  plantes 
acotylédonées,  monocotylédonées,  dicotylédonées. 

—  Germination  de  la  spore  et  de  la  graine.  — 
V.  Spore  et  Graine  ;  V.  en  outre  Acotylédones. 
Phanérogames,  Monocotyiédones,  Dicotylédones. 

V.  Racine,  définition.  —  Extérieur  et  nomencla- 
ture de  la  racine.  —  Structure  de  la  racine.  — 
Physiologie  de  la  racine.  —  V.  Racine, 

VI.  Tige,  définition.  —  Nomenclature  de  la  tige. 

—  Structure  de  la  tige  :  chez  les  dicotylédones,  les 
monocotyiédones,  les  cryptogames  vasculaires,  les 
cryptogames  cellulaires.  —  Nouvelle  théorie  de  la 
tige.  —  Physiologie  de  la  tige.  —Tubercules,  rhi- 
zomes, bulbes.  —  V.  Tige,  Bulbe. 

VU.  Feuille,  définition.  —  Extérieur  de  la 
feuille,  nomenclature  de  ses  parties.  —  Anatomie 
et  physiologie  de  la  feuille.  —  La  feuille  organe 
d'absorption  de  l'air  et  de  la  lumière.  —  Respi- 
ration végétale.  —  La  chlorophylle  :  absorption  de 
lumière  blanche.  —  Appendices  des  cryptogames 
vasculaires.  —  Phyllotaxie.  —  V.  Feuille,  Tiye. 

VIII.  Fleur,  définition.  —  Organes  reproduc- 
teurs :  étamines,  pollen  ;  pistil,  ovule.  —  Périan- 
the.  —  Disposition  des  parties  dans  la  fleur.  — 
Théorie  de  la  métamorphose.  —  Diagramme  de  la 
fleur.  —  Flcuraison.  —  Inflorescence.  —  Fécon- 
dation chez  les  phanérogames.  —  Fécondation  chez 


BOTANIQUE 


—  267  — 


BOTANIQUE 


les  cryptogames  ou  acotylédones.  —  V.  Fleur,  Inflo- 
rescence, Conifères,  Acotylédones. 

IX.  Fruit,  di^finilion.  —  Dififérentes  formes  de 
fruits.  —  Graine.  —  Spore.  —  V.  Fruit,  Graine, 
Spore. 

2in*  Section  :  Classification,  botanique  spécifique. 

X.  Glassificaiioiî  végétale.  —  Méthodes  et  sys- 
tèmes. —  Historique.    —    Linné.    —   De  .Tussieu. 

—  De  Candolle.  —  Ad.  Brongniart.  —  V.  Classifi- 
ca  lions. 

XI-XII.  (Typtogames  ou  acotylédones.  Crypto- 
games cellulaires  ou  amphigènes  :  algues,  cham- 
pignons, lichens.  Cryptogames  demi-vasculaires  ou 
acrogènes  :  mousses,  fougères.  —  V.  Acotylédones, 
Cryptogames,  Champigmûis,  Lichens,  Mousses. 

XIII.  —  Caractères  généraux  des  phanérogames. 
Leur  division  en  monocotylédones  et  dicotylédones. 

—  V.  Phanérogames,  Monocotylédones,  Dicotylé- 
dones. 

XIV.  Phanérogames  monocotylédones.  —  Gra- 
minées, palmiers,  liliacées,  iridées,  orchidées.  — 
V.  Graminées,  Palmiers,  Lirioidées,  Musacées,  Or- 
chidées. 

XV.  Phanérogames  dicotylédones  gymnospermes. 
Cycadées,  conifères.  —  V.  Cycadées,  Conifères, 

XVI-XX.  —  Phanérogames  dicotylédones  angio- 
spermes dlalypétales  périgynes.  Principales  fa- 
milles. —  V.  Forêts  (pour  les  Amentacées), 
Légumineuses,  Rosacées,  Myrtacées,  Cucurbitacées, 
Ombellifères. 

XXI-XXV.  Phanérogames  dicotylédones  angio- 
spermes dlalypétales  hypogynes.  Principales  fa- 
milles. —  V.  Polygonées,  Pipéracees,  Renoncula- 
cées,  Papavéracées,  Crucifères,  Viniféres,  Euphor- 
tiacées,  Téi'étnnlhacées. 

XXVI-XXVII.  Phanérogames  dicotylédones  an- 
giospermes gamopétales  hypogynes.  Principales 
familles.  — ,  V.  Oléinées,  Labiées,  Scrofulariées, 
Solanées. 

XXVIII-XXIX.  Phanérogames  dicotylédones  an- 
giospermes gamopétales  périgynes.  Principales  fa- 
milles.—  V.  Rubincées,  Valérianées,  Composées. 

XXX.  Paléontologie  végétale  et  géographie  vé- 
gétale. —  V.  Végétal,  p.  2275  et  2277. 

Des  notions  de  botanique  appliquée  accompa- 
gnent tous  les  articles  consacrés  aux  principales 
familles  du  règne  végétal. 

Les  articles  suivants  se  rattachent  aussi  par  quel- 
ques-unes de  leurs  parties  au  cours  de  botanique: 
Absorption,  Acclimatation,  Circulntion,  Darwi- 
nisme, Espèces,  Naturalises,  Nutriiion,  Osmose, 
Règnes  {/es  trois).  Science,  Traiisformisme,  Vie. 

2.   PROGRAMMES  DE  QUELQUES  PAYS  ÉTRANGERS. 

ITALIE.  —  Ecole  îiorinule.  —  On  parlera  d'abord 
des  tissus  végétaux,  qu'on  expliquera  au  moyen  de 
bons  dessins  sur  de  grandes  planches  murales  ; 
puis  on  parlera  des  organes  des  végétaux,  racines, 
tiges,  feuilles,  fleurs,  fruits,  bourgeons,  toujours 
en  se  servant  de  bons  dessins,  ou  mieux,  si  pos- 
sible, d'exemplaires  naturels.  Le  professeur  devra 
avoir  grand  soin  de  choisir  ses  exemples  parmi  les 
plantes  les  plus  vulgaires  et  les  plus  connues,  celles 
qui  se  rencontrent  à  chaque  pas  dans  la  campa- 
gne; il  se  fera,  pour  cet  enseignement,  une  col- 
lection de  différentes  sortes  de  racines,  de  troncs 
scies  pour  faire  voir  les  variations  dans  la  disposi- 
tion interne  des  parties,  de  feuilles,  de  fleurs. 

Pour  ces  dernières,  comme  pour  les  bourgeons 
et  les  fi-uits,  il  aura  de  grands  dessins,  qui  mon- 
treront, pour  les  fleurs,  le  nombre  et  la  disposi- 
tion des  étamines  et  des  pistils,  pour  les  bour- 
geons et  les  fruits  la  disposition  et  les  différences 
des  parties  internes. 

L'instituteur  primaire,  qui  passe  si  souvent  sa 
vie  dans  les  campagnes,  ne  doit  pas  ignorer  com- 
plètement les    pîiénomènes  principaux  de   la  vie 


des  plantes  :  il  faudra  donc  que  le  professeur  en 
dise  quelque  chose,  surtout  pour  ce  qui  regarde  la 
pratique  et  ces  connaissances  que  les  paysans  ac- 
quièrent d'une  façon  empirique. 

Il  parlera,  en  conséquence,  de  la  vie  de  la 
plante  en  relation  avec  les  éléments  du  terrain  et 
de  l'atmosphère,  en  disant  ce  qu'elle  emprunte  au 
sol  et  ce  qu'elle  emprunte  à  l'air.  Cela  le  conduira 
à  exposer  brièvement  la  difi'érence  des  divers 
terrains,  laction  modificatrice  des  engrais  et  le 
choix  de  ceux-ci  selon  la  nature  du  sol,  la  raison 
d'être  de  la  rotation  des  cultures. 

Il  parlera  ensuite  des  grandes  divisions  des  vé- 
gétaux, sans  entrer  scientifiquement  dans  les  dé- 
tails secondaires  et  sans  trop  insister  sur  les 
diverses  classifications.  Il  passera  en  revue  les 
plantes  les  plus  connues  du  pays,  en  indiquant 
leurs  diverses  applications,  comme  aliments  de 
l'homme  ou  du  bétail,  plantes  textiles,  tincto- 
riales, matériaux  de  construction,  combustibles  ;  il 
dira  quels  sont  les  végétaux  dont  une  partie  seu- 
lement est  utile,  quels  sont  ceux  qui  s'utilisent 
tout  entiers,  et  en  quelle  manière. 

Ici  se  placera  un  aperçu  de  la  distribution  géo- 
graphique des  végétaux,  des  différences  qu'ils  pré- 
sentent sous  les  diverses  latitudes  terrestres  et 
aux  diverses  altitudes. 

Le  professeur  donnera  à  ses  élèves  quelques  in- 
dications sur  la  manière  de  collectionner  les 
plantes  et  de  faire  un  herbier,  et  leur  fera  com- 
prendre quel  plaisir  et  quelle  utilité,  une  fois  in- 
stituteurs dans  un  village,  ils  pourront  retirer  de 
l'étude  assidue  de  la  botanique,  tant  pure  qu'ap- 
pliquée à  l'agriculture.  Il  leur  nommera  les  livres 
qui  peuvent  les  aider  dans  cette  étude,  l'ouvrage 
de  Gaetano  Savi,  ceux  de  Jussieu,  de  Payer,  etc. 
(Programmes  du  10  octobre  i867). 

AUTRICHE.  —  Ecole  normale  (programme  com- 
mun aux  deux  sexes).  —  L'enseignement  de  la 
botanique  ne  commence  qu'avec  le  second  semes- 
tre de  la  seconde  année. 

2'  aimée.  2"  semestre  (2  heures).  —  Les  plantes 
les  plus  importantes  du  pays,  avec  étude  spéciale 
des  plantes  vénéneuses. 

3'  année.  \<='  semestre  (2  heures).  —  Propriétés 
des  plantes.  Leur  classification  d'après  un  sj's- 
tème  naturel.  Études  des  plantes  aUmentaires  les 
plus  importantes.  —(2"  sem.  :  minéralogie). 

4°  année.  —  Distribution  géographique  des  végé- 
taux et  des  animaux,  d'après  les  conditions  pliy- 
siques  de  leur  existence.  Méthodologie.  (Programme 
du  ly  juillet  1870.) 

ALLEMAGNE.  —  Saxe-Weimar.  — Ecolc  normale, 
—  Étude  des  végétaux  indigènes  et  des  plus  im- 
portants parmi  les  végétaux  exotiques.  Kspèccs, 
genres,  familles.  Exercices  de  détermination.  Or- 
ganes élémentaires  ;  vie  des  végétaux  ;  leur  com- 
))osition  chimique  ;  leur  distribution  géographi- 
i|ues.  Systèmes  de  classification.  (Programme  du 
20  mars  1875). 

PiiussE.  —  Ecole  normale.  —  !i"  classe  (2  heures). 
—  Semestre  d'été.  Étude  d'un  choix  de  plantes 
phanérogames  du  pays,  appartenant  aux  familles 
les  plus  répandues.  Etude  du  système  de  Linné,  et 
des  éléments  de  la  morphologie  desplantes.  (Dans 
le  semestre  d'hiver,  la  botanique  est  remplacée 
par  la  zoologie.) 

2*  classe  (2  heures).  —  Semestre  d'été.  Étude 
des  formes  principales  des  plantes  plianérogames 
et  cryptogames  ;  étude  d'un  système  de  classifica- 
tion naturelle.  Structure,  vie  et  distribution  géo- 
graphique des  plantes.  Méthodologie.  (Pendant 
le  semestre  d'hiver,  zoologie.) 

1'*  classe.  —  Développement  des  connaissances 
acquises,  en  insistant  sur  le  côté  pédagogique. 
(^Programme  du  1.^  octobre  1872.) 

Prusse.  —  Ecole  moyenne ( Mittelschule) .  —  L'en- 
seignement  de  la    botanique   ne  commence   que 


BOTANIQUE 


268  — 


BOUSSOLE 


daus  la  troisième,  classe  ides  écoles  à  six  classes^. 

3'  et  2*  classes.  —  Description  de  plantes  pha- 
nérogames choisies,  avec  indication  de  leurs  pro- 
priétés et  de  leur  emploi. 

V  classe. —  Continuation  de  la  description  des 
plantes.  Notions  sur  la  manière  de  déterminer  les 
plantes  indigènes,  avec  indication  de  leurs  pro- 
priétés utiles  ou  nuisibles.  Généralités  sur  la  vio 
des  végétaux. 

Bavièue.  —  Ecole  primaire  —  Classe  inférieure. 
—  Les  plantes  usuelles,  qui  servent  à  la  nourri- 
ture, à  l'habillement,  etc.,  des  enfants.  Les  élèves 
apprennent  aussi  à  connaître  quelques  plantes 
vénéneuses,  soit  par  des  images,  soit  en  voyant  la 
plante  elle-même. 

Classe  moyc7ine. —  Les  parties  des  végétaux  ;  leur 
naissance,  leur  croissance,  leur  utilité  en  général  ; 
étude  spéciale  de  quelques  végétaux  utiles  comme 
aliments,   remèdes,    substances    tinctoriales,    etc. 

Classe  supérieure,  —  Les  plantes  vénéneuses. 
La  connaissance  de  ces  plantes,  des  divers  carac- 
tères de  l'empoisonnement  par  les  végétaux,  des 
remèdes  à  donner  en  cas  d'empoisonnement,  est 
prescrite  comme  un  important  objet  d'étude  par 
diverses  ordonnances  ministérielles.  Chaque  école 
doit  posséder  une  publication  faite  à  ce  sujet  par 
ordre  du  gouvernement  et  intitulée  :  Description 
et  firjure  des  plantes  vénéneuses  les  plus  dangereuses 
de  la  Bavière  ('1\  planches  coloriées.)  — [Lehrord- 
nun/]  de  181  Ij. 

Prusse.  —  Eco  e  primaire.  —  L'enseignement 
de  la  botanique  ne  commence  que  dans  la  4'  classe 
(àç  l'école  à  (J  classesj. 

4'  classe.  —  Pendant  l'été,  les  enfants  appren- 
nent à  connaître  quelques  plantes  du  jardin,  de  la 
prairie  et  de  la  forêt,  et  à  en  décrire  exactement  la 
forme  extérieure.  Autant  que  possible,  on  fera  voir 
aux  élèves  les  plantes  elles-mêmes,  ou  à  défaut 
on  leur  en  montrera  de  bons  dessins. 

3'  dusse.  —  Continuation  de  l'étude  des  plantes 
les  plus  ordinaires. 

2'  classe.  —  L'enseignement  cesse  d'être  pure- 
mont  descriptif  et  s'attache  à  l'étude  des  phéno- 
mènes de  la  vie.  Le  maître  fera  observer  aux  élè- 
ves le  développement  de  quelques  plantes,  depuis 
la  germination  jusqu'à  la  maturité  du  fruit  ;  il  en 
expliquera  la  structure  :  il  indiquera  en  même 
temps  les  propriétés  utiles  ou  nuisibles  des 
plantes  mentionnées. 

1'^  classe.  —  Classification  des  plantes  et  leur 
emploi.  Développement  graduel  du  végétal,  condi- 
tions nécessaires  à  sa  naissance  ;  procédés  pour  la 
culture  et  le  perfectionnement  des  plantes  fourra- 
gères, des  céréales,  des  légumes,  des  arbres  fores- 
tiers. Notions  sur  les  plantes  exotiques  les  plus 
connues,  employées  dans  les  usages  domestiques 
ou  dans  l'industrie  ('coton,  thé,  café,  canne  :\ 
sucre,  etc.j  —  Pour  l'école  primaire,  la  meilleure 
classification  du  règne  végétal  est  la  suivante  : 
1°  arbres  ;  "i"  arbrisseaux  ;  3°  légumos;  4°  herbes; 
5°  mousses  ;  G" lichens  ;  7°  champignons;  8°  algues. 
(Programme  du  15  octobre  1872.) 

Lectures  et  Dictées. 

«  A'otre  idée  il'anmscr  un  peu  la  vivacité  de  votre  fille  et 
de  rexcrcer  à  l'attention  sur  des  objets  agréables  et  variés 
comme  lis  plantes  me  paraît  excellente,....  je  l'approuve 
de  tout  mon  cœui-,  et  j'y  concourrai  de  même,  persuadé  qu'à 
tout  âge  l'étude  de  la  nature  émousse  le  goût  des  amuse- 
ments frivoles,  prévient  le  tumulte  des  passions,  et  porte  à 
l'âme  une  nourriture  qui  lui  profite  en  la  remplissant  du 
plus  digne  objet  de  ses  contemplations. 

«  Vous  ave/,  commencé  par  apprendre  à  la  petite  les  noms 
d'autant  de  plantes  que  vous  en  aviez  de  communes  sous  les 
yeux  :  c'était  précisément  ce  qu'il  fallait  faire.  Ce  petit 
nombre  de  plantes  qu'elle  connait  de  vue  sont  les  pièces  de 
comparaison  pour  étendre  ses  connaissances;    mais  elles  ne 

s«flis^i»t  p;i,s ^'e  coiinaitre    simplement   les  plantes  que 

de  vue,  et  ne  savoir  que  leurs  noms,  no  peut  être  qu'une 
étude  trop  insipide....  Je  vous  propose  de  prendre  quelqr.es 


notions  préliminaires  de  ia  structure  végétale  ou  de  l'orga» 
nisatiun  des  plantes,  aliii,  dussicz-vous  ne  faire  que  quelques 
pas  dans  le  plus  beau,  dans  le  plus  riche  des  trois  règnes  de 
la  nature,  d'y  marcher  du  moins  avec  quelques  lumières.  Il 
ne  s'agit  donc  pas  encore  de  îa  nomenclature,  qui  n'est 
qu'un  savoir  d'herboriste.  J'ai  toujours  cru  qu'on  couvait 
être  un  très  grand  botaniste  sans  connaître  une  seule  plante 
par  son  nom;  et,  sans  vouloir  faire  de  votre  flile  un  très 
gi-.ind  botaniste,  je  crois  néanmoins  qu'il  lui  sera  toujours 
utile  d'apprendre  à  bien  voir  ce  qu'elle  regarde.  » 

J.-J.  Jtoussoau.  Lettres  élé"enlaires  sur  la 
Botniiiipip,  à  Madame  Delessert  (Lettre  I,  du 
22  août  1771.) 

BOURGKO.N.  —  V.  Tiqe. 

UOUSSOLE.  —  Piiysiquo,  XXV.  —  [Ehjm.:  de 
l'italien  ôossolo,  petite  boîte  en  buis.) 

Toute  aiguille  aimaniéo,  posée  en  équilibre  sur 
un  pivot,  prend  d'elle-même  la  direction  du  méri- 
dien magnétique,  y  revient  quand  on  l'on  écarte  et 
marque  ainsi  une  ligne  parfaitement  déterminée. 
Montée  au-dessus  d'un  cercle  gradué  qui  permet 
la  mesure  des  angles,  elle  constitue  la  boussole. 
Ordinairement  l'aiguille  a  la  forme  d'un  losange 
très-allongé  dont  une  des  moitiés  (celle  qui  se  di- 
rige vers  le  nord)  est  bleue  et  l'autre  blanche  ;  elle 
est  traversée  en  son  milieu  par  une  chape  en  agate 
qui  est  percée  d'un  trou  conique  et  qui  repose  sur 
l'extrémité  effilée  d'un  support  vertical  placé  au 
centre  du  cercle  où  sont  inscrites  en  degrés  ou  en 
grades   les  divisions  de  la  circonférence. 

L'appareil  est  enfermé  dans  une  boîte  en  bois  ou 
en  cuivre,  de  forme  ronde  ou  carrée,  recouverte 
d'un  verre  qui  le  garantit  contre  les  agents  atmo- 
sphériques. Un  petit  bouton  extérieur  au  système 
presse  sur  l'extrémité  d'un  levier  et  permet 
de  soulever  l'aiguille  à  volonté  et  de  la  dégager  de 
son  pivot  en  la  fixant  contre  le  verre.  Par  ce 
moyen  on  évite  l'usure  rapide  du  pivot,  qui  se  pro- 
duirait par  les  mouvements  désordonnés  de  l'ai- 
guille quand  on  transporterait  l'appareil. 

La  boussole  sertaux  savants  à  étudierles  variations 
du  magnétisme  et  à  déterminer  la  déclinaison  ;  aux 
voyageurs  et  notamment  aux  marins,  pour  s'orien- 
ter ;  aux  géomètres  pour  les  levers  de  plans.  Elle 
présente  des  formes  un  peu  différentes  suivant  ses 
usages. 

On  attribue  l'invention  de  la  boussole  aux  Chi- 
nois qui  l'auraient  employée  do  temps  immémo- 
rial. Son  usage  ne  paraît  s'être  répandu  en  Europe 
qu'au  XII*  siècle  ;  mais  il  est  certain  que  c'est  à 
elle  qu'on  doit  les  grandes  découvertes  de  la  fin  - 
du  xv«  siècle. 

1°  La  boussole  des  observatoires  est  trop  com- 
plexe pour  que  nous  la  décrivions  ici  ;  elle  est 
montée  avec  tout  le  soin  possible  pour  permettre 
de  trouver  avec  exactitude  la  valeur  variable  de  la 
déclinaison.  On  trouve  d'ailleurs  très  approxima- 
tivement la  déclinaison  avec  une  boussole  quel- 
conque, surtout  avec  celle  dont  la  boîte  carrée 
porte  une  lunette  ou  une  alidade  sur  la  face  paral- 
lèle h  la  ligne  0-180".  La  déclinaison  étant  l'angle 
que  fait  l'aiguille  aimantée  avec  le  méridien  géogra- 
phique, on  détermine  avec  soin  celui-ci  sur  un 
plan  horizontal  :  on  pose  la  boussole  sur  ce  plan 
de  manière  que  la  ligne  0-180»  du  limbe  soit 
parallèle  au  méridien  ou  coïncide  avec  lui;  l'ai- 
guille marque  l'angle  de  déclinaison  quand  elle  a 
cessé  d'osciller,  et  elle  indique  s'il  est  occidental 
ou  oriental.  Actuellement  ciH  angle  est  de  18"  à. 
l'ouest  de  la  ligne  des  pôles. 

Cette  opération  suppose  connue  la  méridienne  du 
lieu  où  l'on  opère;  si  cette  ligne  est  inconnue  et 
qu'on  dispose  d'un  cadran  solaire  vertical,  on  place 
la  boussole  de  manière  que  son  alidade  ou  sa 
lunette  soit  dans  le  plan  vertical  du  style  de  ce 
cadran  ;  l'aiguille  marque  encore  la  déclinaison. 

La  connaissance  du  la  déclinaison  permet  :i  son 
tour  de  trouver  la  méridienne  du  lieu  où  l'on  est;  il 
suffit  de  placer  la  boussole  de  manière  que  la  pointe 
bleue  de  l'aiguille  s'arrête  sur  l'angle  de  18°  h  gau. 


BOUSSOLE 


—  269  — 


BREVET 


che  de  la  ligne  n-180°;  la  direction  jalonnée  que 
détermine  alors  l'alidade  de  l'instrument  est  celle 
du  méridien  cherché. 

2°  La  boussole  marine  est  une  boîte  cylindrique 
en  cuivre  dont  le  fond  porte  un  pivot  sur  lequel 
repose  l'aiguille  aimantée.  Sur  cette  aiguille  est 
collé  un  disque  de  papier,  rendu  rigide  par  une 
lame  de  tôl;  très  mince,  où  sont  tracés  les  degrés 
de  la  cinonférence  et  Tétoile  à  32  branches  qu'on 
appelle  la  ro^e  des  vents;  le  zéro  de  la  graduation 
correspond  à  Taxe  de  l'aiguille  dont  Textrémité 
nord  est  marquée  d'un  signe  particulier.  La  boîte 
de  la  boussole  porte  sur  sa  paroi  interne  une  ligne 
dirigée  suivant  l'axe  du  navire;  c'est  la  ligne  de 
foi.  Pour  la  soustraire  aux  mouvements  du  navire, 
elle  est  soutenue  par  une  suspension  de  Cardan, 
c'est-à-diro  mobile  autour  de  deux  axes  horizontaux 
perpendiculaires  l'un  à  l'autre.  La  nuit,  on  éclaire 
au  moyen  d'une  lampe  le  fond  transparent,  pour 
en  rendre  visibles  les  divisions. 

Quand  la  boussole  doit  servir  simplement  à  diri- 
ger le  navire  suivant  un  certain  angle  avec  le  mé 


du  rapporteur.  Quand  on  connaît  préalablement  la 
déclinaison  de  l'aiguille  aimantée,  on  règle  la  bous- 
sole de  manière  à  obtenir  les  azimuts  par  rapport 
au  méridien  géographique.  A  cet  effet  et  avant  de 
commencer  les  opérations^  on  fait  tourner  le  limbe 
gradué,  autour  de  son  centre,  de  la  quantité  angu- 
laire indiquée  par  la  déclinaison,  soit  adroite,  soit 
à  gauche,  suivant  que  celle-ci  est  orientale  ou 
occidentale,  et  on  le  fixe  dans  cette  position.  Un 
mécanisme  particulier  permet  d'obtenir  ce  résultat. 
Tous  les  azimuts  observés  se  trouvent  alors  dimi- 
nués ou  augmentés  de  la  valeur  de  la  déclinaison, 
et  le  levé  qui  en  résulte  est  orienté  suivant  le  mé- 
ridien vrai  ou  géographique.  'V.  Orientation.) 

«  La  limite  d'emploide  la  boussole  en  topographie 
est  fixée  à  la  demi-longueur  de  l'aiguille  aimantée 
multipliée  par  le  dénominateur  de  l'échelle  du  levé. 
Au-delà  de  cette  limite  les  opérations  ne  sont  plus 
rigousement  exactes.  » 

4°  La  boussole  ordinaire  a  la  forme  d'une  petite 
montre  à  aiguille  mobile.  Elle  suffit  au  géologue  pour 
déterminer  la  direction  des  roches  qu'il  examine 


ridien  du  lieu,  elle  est  suffisante  telle  que  nous  ]  et  dos  va'I'^es  qu'il  traverse  ;  elle  donne  au  touriste 
venons  de  la  décrire;  le  timonier  gouverne  de  ma-  j  le  moyen  de  s'orienter  dans  les  jours  sans  soleil 
nière  à  ce  que  la  ligne  de  foi  fasse  avec  la  pointe  Tous  les  observateurs  savent  le  parti  qu'on  peut 
nord  de  l'aiguille  l'angle  indiqué,  augmenté  de  la  tirer  de  l'ombre  des  objets  éclairés  par  la  lumière 
déclinaison  s'il  est  à  l'est  du  méridien,  diminué 
s'il  est  à  l'ouest. 

Mais  quand  la  boussole  doit  de  plus  servir  à  ob- 
server les  astres  et  à  fixer  la  position  géographi- 
que du  point  où  l'on  se  trouve,  elle  doit  être  munie 


suivant  sa  ligne  de  foi  d'une  alidade  qui  permette 
de  viser  l'astre  et  de  lire  en  même  temps  l'angle 
que  fait  l'aiguille  avec  la  direction  visée. 

3°  La  boussole  (/'arpenteur  est  une  boîte  carrée 
garnie  d'une  douille  qui  permet  de  la  fixer  sur  un 
pied  h.  trois  branches  où  elle  est  mobile  autour  de 
la  ligne  verticale  qui  passe  par  son  centre.  L'inté- 
rieur de  la  boîte  est  garni  d'un  cercle  métallique 
divisé  en  degrés  de  0°  à  360°  ou  en  grades, 
de  0  à  400,,  ordinairement  de  gauche  à  droite  ;  les 
quatre  points  cardinaux  sont  marqués  de  manière 
que  la  ligne  N.S.  qui  correspond  à  0-180°  est  pa 


solaire  pour  fixer  des  directions  de  repère  ;  il  suffit 
en  efi'et  de  connaître  l'heure  pour  reconstituer  ap- 
proximativement la  rose  des  vents  au  point  où  l'on 
se  trouve  et  marquer  la  méridienne.  Mais  quand 
ce  moyen  si  simple  manque  complètement,  comme 
dans  les  galeries  de  mines  ou  dans  les  grandes 
forêts,  pendant  la  nuit  ou  les  jours  nuageux,  la 
boussole  la  plus  ordinaire  devient  un  guide  indis- 
pensable et  sûr. 

A/iplicafions.  —  Parmi  les  nombreuses  applica- 
tions de  la  boussole,  en  voici  quelques-unes  qui 
sont  en  tout  lieu  faciles  à  pratiquer  : 

1.  Fixer  le  méridien  du  lieu  à  l'aide  de  la  décli- 
naison et  vérifier  que  c'est  suivant  cette  direction 
que  l'ombre  solaire  d'un  bâton  planté  en  terre  est 
la  plus  courte. 

2.  Relever  les  angles  que  font  avec  le  méridien 


rallèle  à  deux  des  côtés  de  la  boîte  ;  c'est  à  l'un  de  j  magnétique  les  diflérents  chemins  d'un  carrefour 
ces  côtés  qu'est  adaptée  une  alidade  ou  une  lunette  .  de  forêt  pour  les  rapporter  à  leur  position  exacte 
mobile  dans  un  plan  perpendiculaire  à  celui  de  t  sur  la  carte  et  choisir  sûrement  celui  qui  doit  con- 


l'instrument 

Cet  appareil  sert  à  mesurer  les  angles,  et  par 
suite,  dans  un  levé,  à  rapporter  les  directions  de 
différents  points  que  l'on  vise  à  celui  où  l'on  est 
placé.  On  comprend,  en  effet,  que  si  l'on  met  la 
boussole  en  station  en  un  point  A,  l'aiguille  indi- 
que le  méridien  magnétique  ;  pour  observer 
1  angle  que  fait  avec  ce  méridien  la  ligne  qui  joint 


duire  à  un  point  déterminé. 

3.  Lever  le  plan  d'un  chemin  au  pas  et  à  la  bous- 
sole, la  boussole  donnant  les  inclinaisons  des  bri- 
sures et  le  pas  leurs  longueurs.  fHaïaucourt.] 
liUACIlIOPODiCS.  —  S  .  Mollusfjues. 
UtîEVEï  DK  CAPACITÉ.—  Nous  donnons  sous 
ce  titre  un  choix  de  sujets  proposés  pour  les 
diverses  épreuves  de  l'examen  du  brevet.  Ces  sujets 
un  second  point  B  avec  le  premier,  il  suffit  dé  di-  [  doivent  servir  non  seulement  comme  exe  rcic  de 
riger  l'alidade  de  A  vers  B,  la  pointe  nord  de  l'ai-  préparation,  mais  comme  indice  du  niveau  moyen 
guille  indique  l'angle  cherché,  et  la  direction  A  B  i  des  examens  pour  les  brevets  de  différents  ordres 
est  parfaitement  déterminée.  1  des  instituteurs  et  des  institutrices,  tant  pour  la 

Nous  empruntons  à  M.  le  commandant  Piouby    France  (V.  p.  v 84  et  suiv.)  que  pour  les  pays  étran- 


les  observations  suivantes  sur  l'usage  de  la  bous- 
sole en  topographie  : 

«Lorsqu'on  considère  une  étendue  très  restreinte 
de  la  surface  du  globe  assez  éloignée  du  pôle,  on 
peut  regarder  comme  sensiblement  parallèles  tous 
les  méridiens  magnétiques  qui  correspondent  à 
chacun  des  points  de  celte  étendue  et  la  déclinai- 
son comme  constante.  L'expérience  démontre  que, 
pour  un  levé  de  40  à  50  kilomètres  de  côté  dans 
tous  les  sens,  exécuté  dans  des  contrées  situées 
entre  l'équateur  et  le  60'  degré  do  latitude,  cette 
hypothèse  n'entraîne  pas  d'erreurs  appréciables. 
Si  donc  on  trace  d'avance  sur  la  feuille  du  levé 
une  série  de  lignes  droites  parallèles  représentant 
la  direction  constante  du  méridien  magnétique,  il 
suffira,  pour  fixer  sur  le  papier  une  direction  visée 
sur  le  terrain,  de  connaître  l'angle  qu'elle  fait  avec 
le  méridien  magnétique  et  que  l'on  appelle  azi- 
mut. Cet  angle  se  rapporte  sur  le  papier  au  moyen 


îers.  C'est  par  ceux-ci  que  nous  commençons  , 

1°    PAYS   ÉTRANGERS, 

I.  AXGLETERRE. 

Questions  d'exaxnen  pour  les  èlèves-maîtrea 
des   deux    sexes    (1). 

{Pupil-tcachirs  Ejcaniinalion  Pajjers,  ISTl.) 

FIX   DE  LA   1  re  AXXÉE. 

(Durée  de  l'examen  :  3  heures  1/2.) 

Arithmétique.  —  Élèves-i.xstitlteurs.  —  1.  Une 

(i;  Le  programme  d'examen  que  nous  donnons  pour 
l'Angleterre  ne  se  borne  pas  à  l'examen  spécial  pour  l'ob- 
tenliun  du  brevet  ;  il  ombrasse  toute  la  série  des  examens 
annuels  que  l'élève-instituteur  doit  subir  depuis  son  entrée 
à  l'école  normale  jusqu'au  moment  où  il  reçoit  le  brevet  de 
capacité. 


BREVET 


—  270  — 


BREVET 


canne  haute  de  2  pieds  11  pouces,  dressée  verti- 
calement sur  une  surface  plane,  projette  une 
ombre  longue  de  3  pieds  6  pouces.  Quelle  est  la 
liauteur  dune  tour  et  d'un  drapeau  qui  la  >ur- 
monte,  s'ils  projettent  une  ombre  d'une  longueur 
totale  de  126  pieds,  et  si  la  longueur  du  drapeau 
est  égale  au  quart  de  la  hauteur  de  la  tour? 

2.  Trouvez  la  valeur  de  37  livres  4  onces  10  grains 
d'argent,  à  raison  de  3  liv.  st.  4  shil.  y  1/2  pence 
la  livre,   et  de  5  shil.   10  pence  l'once? 

3.  La  dette  nationale  de  la  France  était,  en  1834, 
de  3..'6  566  496  francs;  le  franc  valant  9  3/4  pence, 
exprimer  cette  somme  on  monnaie  anglaise. 

4.  Il  a  fallu,  pour  paver  une  cour,  150  000  pavés, 
mesurant  chacun  15  pouces  de  long  et  8  pouces  de 
large.  Combien  faudrait-il  de  pavés  de  12  pouces 
de  long  et  de  5  pouces  de  large,  pour  paver  une 
cour  dont  la  superficie  serait  4  fois  moindre  que 
celle  de  la  première  ? 

Élèves  INSTITUTRICES. —  I.  Une  personne  a  donné 
un  billet  de  5  livres  sterling  pour  payer  la  facture 
suivante  :  3  1/2  quintaux  de  charbon  à  10  l/2 pence 
le  quintal;  13  livres  de  fromage  à  7  3/4  pence  la 
livre;  2  3/4  livres  de  thé  à  3  shil.  3  pence  la  livre; 

17  livres  de  sucre  à  5  1/2  pence  la  livre;  8  1/2 
aunes  de  flanelle  à  I  shil.  Il  1/2  pence  l'aune,  et 
29  aunes  de  calicot  à  10  '^1^  pence  l'aune?  Combien 
doit-on  lui  rendre  de  monnaie? 

2.  Trouvez,  de  tête,  le  prix  de  1  pipe  4  7  gallons 
et  I  quarter  de  vin  à  raison  de  28  liv.  st.  17  shil. 
6  pence  le  hogshead  (63  gallons). 

3.  Trouvez  le  prix  de  2n;i7  1/2  quintaux  de  sucre, 
à  raison  de  1  liv.  st.  19  shil.  8  1/2  pence  le  quin- 
tal. 

4.  Faites  de  tête  le  calcul  suivant  :  le  passif 
d'un  négociant  en  faillite  s'élève  à  3  5i8  liv.  st. 
0  shil.  s  pence  ;  quelle  somme  ses  créanciers 
perdront-ils,  s'il  paie  12  shil.  10  1/2  pence  par 
livre? 

Grammaire.  —  1.  Donnez  des  exemples  de  ver- 
bes qui  gardent  la  même  forme  au  parfait  et  au 
participe  passé. 

2.  Quel  est  le  positif  que  vous  assignez  à  cha- 
cun des  comparatifs  irréguliers  suivants  :  further, 
utter,  former,  latter? 

3.  Analysez  les  vers  suivants  (une  strophe  de 
4  vers). 

Géographie.  —  1.  Dessinez  une  carte  du  Cum- 
beriand,  du  Westmoreland  et  du  Lancashire. 

2.  Donnez  des  indications  exactes  sur  la  position 
et  le  caractère  de  Liverpool,  Chestcr,  Hull,  Bris- 
tol. Oxford,  Cambridge  et  Southampton. 

M.  Nommez  les  principaux  lacs  de  l'Ecosse  et  de 
l'Irlande,  et  décrivez  leur  situation  et  le  caractère 
de  la  contrée  environnante.  Si  vous  avez  appris  par 
cœur  des  morceaux  de  la  Dame  du  Lac,  de  Walter 
Scott,  citez  le  passage  de  ce  poème  où  est  décrit 
le  paysage  du  Loch  Katrine. 

Composition.  —  Ecrire  de  mémoire  la  substance 
d'un  morceau  dont  lecture  aura  été  donnée  par 
l'inspecteur. 

FIX  DE  LA  2'=  ANNÉE 
(Durée  de  l'ejamen  :  3  heures  1/2.) 

Arithmétique.  —  Élèves  -  institutfurs.  — 
1.  Quelle  fraction  d'un  mille  (mesure  itinéraire! 
représente  la  quantité  composée  suivante  :  les  2/7 
de  3/4  de  mille  -f  les  5,0  des  ;j/5  de  2  1/2  furlojigs 
4-  les  2/7  de  4  furlongs  -f-  18  3/4  pôles? 

2.  Un  fermier  allant  au  marché  avait  dans  sa 
bourse  2  3/8  liv.  st.  Il  a  vendu  du  froment  pour 
27  5/12  liv.  st.  :  de  l'orge  pour  37  7/16  liv.  st.;  de 
l'avoine  pour   17  3/8  liv.  st.;  de   la  volaille  pour 

18  3/8  shil.  ;  des  œufs  pour  3  5/8  shil.  Combien 
d'argent  a-t-il  rapporté  chez  lui? 

3.  Un  négociant  possède  les  4/9  d'un  navire  qui 
vaut  3  000  liv.  st.  et  de  sa  cargaison  valant  21  000 


liv.  st..  Il  achète  la  part  d'une  autre  personne,  qui 
est  égale  à  î/3  des  3/8  de  la  sienne.  Quelle  fraction 
de  la  propriété  du  navire  et  de  la  cargaison  pos- 
sède-t-il  maintenant,  et  quelle  en  est  la  valeur? 

4.  Dites  combien  de  fois  la  somme  de  1  liv.  st. 
19  shil.  11  3/4  pence  est  contenue  dans  la  somme 
de  473  liv.  st.  18  shil.  6  1/2  pence  (avec  trois  dé- 
cimales. 

Élèves  institutrices.  —  1.  Les  premier,  troi- 
sième et  quatrième  termes  d'une  proportion  sont 
3  quint.  14  liv.,  1  liv.  st.  7  shil.  1  penny,  et  5  liv.  st.  1 
shil.  10  pence.  Trouvez  le  second  terme. 

2.  Si  le  salaire  de  13  hommes  pour  7  1/i  journées 
fait  une  somme  de  13  liv.  st.  7  shil.  1/2  penny,  com- 
bien d'hommes  doivent  travailler  pour  que  le  sa- 
laire de  4  semaines  soit  égal  à  17;^  liv.  st.  8  shil.  ? 

3.  Si  2/9  de  yard  de  ruban  coûtent  3  1/2  pence, 
quel  sera  le  prix  de  6  1/2  pièces,  mesurant  chacune 
185  1/2  aunes? 

4.  Si  24  livres  de  laine  font  115  yards  de  drap 
d'une  largeur  de  1  yard,  combien  de  drap  d'une 
largeur  de  1  1/4  yard  pourrait-on  faire  avec  12 
onces? 

Grammaire.  —  1.  Qu'est-ce  qu'une  préposition? 
Faites  voir,  par  de  courts  exemples,  que  chacune 
des  prépositions  hy,  vjith  et  of  peut  être  employée 
avec  différentes  significations. 

2.  Analysez  les  vers  suivants  (une  strophe  de  4 
vers). 

Géographie.  —  1.  Dessinez  la  carte  delà  ligne 
des  côtes  du  capMatapan  aux  Dardanelles. 

2.  Rédigez  le  canevas  d'une  leçon  sur  les  lacs, 
traitant  des  sujets  suivants  :  a)  la  manière  dont  les 
lacs  se  forment  ;  b)  caractère  du  paysage  qui  les  en- 
toure ordinairement  ;  c)  exemples  pris  en  Angle- 
terre, en  Ecosse,  en  Irlande,  en  Suisse  et  en  Italie. 

3.  Dites  ce  que  c'est  qu'Ajaccio,  Amiens,  Bayonne, 
le  Saint-Bernard,  Cherbourg,  la  Dordogne,  le  Ha- 
vre, l'Isère,  Màcon,  Metz,  Nice,  Oléron,  Sèvres? 
Donnez  quelques  détails  sur  six  au  moins  de  ces 
noms,  et  davantage  si  le  temps  le  permet. 

Histoire.  —  1.  Indiquez  les  dates  des  événe- 
ments suivants  :  «)  la  construction  de  la  muraille 
d'Adrien;  6)  la  construction  de  la  muraille  d'An- 
tonin  ;  c)  le  départ  des  Romains  de  la  Grande-Bre- 
tagne. 

■j.  Écrivez  la  liste  des  souverains  de  l'Angleterre 
de  Guillaume  I*"^  à  Henri  II,  avec  les  dates. 

3.  Dites  la  date  de  l'avènement  au  trône  de  la 
reine  Victoria,  et  indiquez  ses  relations  de  parenté 
avec  les  trois  souverains  qui  l'ont  précédée. 

Composition.  —  Écrire  de  mémoire  la  substance 
d'un  morceau  dont  lecture  aura  été  donnée  par 
l'inspecteur. 

FIN  DE  LA  3<^  ANNÉE  (l"""  esameu). 
(Durée  de  l'examen  :  3  heures  .1/2.) 

Arithmétique.  —  Elèves-instituteurs.  —  1.  J'ai 
emprunté  730  liv.  st.  le  25  mars,  et  le  i9  septem- 
bre je  me  trouvais  débiteur  de  777  liv.  st.  A  quel 
taux  avais-je  contracté  cet  emprunt? 

2.  Si  dans  une  école  de  3oii  enfants  27  font  l'é- 
cole buissonnière  et  03  sont  malades,  quelle  pro- 
portion d'absences  est  due  à  chacune  de  ces  deux 
causes? 

3.  Quel  temps  faut-il  pour  qu'une  somme  quel- 
conque se  triple,  si  elle  est  placée  au  taux  de  2  1/2 
p.  100  par  an,  intérêt  simple?  et  si  elle  est  placée 
au  taux  de  12  1/2  p.  liio  ? 

4.  La  proportion  de  l'azote  dans  l'atmosphère 
étant  de  79  p.  100.  et  celle  de  i'oxygène  de  20  p.  100, 
quelle  quantité  d'azote  et  d'oxygène  y  a-t-il  dans 
un  ajjpartement  qui  contient  !t<)8  ôuO  gallons  d'air? 

Éi.Èvi:s-iNSTiTUTiucts.  —  1.  Simplifier  l'expression 
fractionnaire  suivante  :  3  2/8  -+-  1  1/5  -f-  li  7/10  + 
19/20. 

2.  On  a  distribué  à  des  pauvres  15  tonnes  de 
houille,  en  donnant  îi  chacun  d'eux  1  quintal  2/3; 


BREVET 


—  271  — 


BREVET 


piitre  combien  de  personnes  a-t-on  réparti  cette 
bouille? 

3.  Combien  de  fois  chacun  des  nombres  22  l/-$ 
et  13  4/5  contiennent-ils  le  nombre  qui  exprime 
leur  diffcroHCO? 

4.  Si  ^|b  d'acre  produisent  27  boisseaux  de  pom- 
mes de  terre,  combien  2  1/-'  chai?is  produiront-ils 
de  ?jec/.s  ^quan  du  boisseau)? 

Grammaire.  —  1.  Quelles  sont  les  différentes 
classes  de  conjonctions?  Citez  quelques  conjonc- 
tions appartenant  à  chacune  de  ces  classes. 

2.  Faites  l'analyse  logique  de  la  phrase  sui- 
vante :  «  Avant  que  Rufin  eût  réfléchi  à  son  dan- 
ger, Gainas  donna  le  signal  cm;  avait  été  convenu.  » 

3.  Faites  l'analyse  grammaticale  des  mots  en 
italique  dans  la  phrase  ci-dessus. 

Géographie.  —  1.  Dessinez  la  carte  du  bassin 
du  bas  Danube,  en  indiquant  le  cours  de  ce  fleuve 
et  de  ses  principaux  affluents. 

2.  Rédigez  le  canevas  d'une  leçon  sur  «  le 
Gange  et  ses  affluents  »,  en  indiquant  l'aspect  de 
Ja  région  qu'il  traverse,  et  les  villes  situées  sur  ses 
rives. 

3.  Décrivez  les  pays  d'Afrique  que  baigne  la 
Méditerranée. 

Fi>'  DE  LA  3e  A>':sÉE  (secoud  examen). 

(Durée  :  1  heure  pour  les  élèves  institutrices,  2  heures  i/2 
pour  les  élevés  instituteurs). 

Histoire.  —  l.  Qu'est-ce  que  l'Heptarchie,  et 
combien  de  temps  a  t-elle  duré  ? 

2.  A  quelle  époque  et  de  quelle  manière  l'Irlande 
a-t-elle  été  jointe  à  la  monarchie  anglaise  ? 

3.  Donnez  quelques  détails  sur  le  Prince  Xoir 
ou  sur  Henri  Hotspur. 

nomposition.  —  Rédigez  une  leçon  sur  le  verbe. 

Géométrie.  —  1.  Mettez  par  écrit  les  définitions 
ou  Euclide  donne  de  deux  lignes  parallèles,  d'un 
parallélogramme,  d'un  angle  droit,  et  d'un  cercle. 

2.  Tirez  d'un  point  donné  une  ligne  droite  égale 
h.  une  ligne  droite  donnée. 

3.  Démontrez  que  deux  lignes  droites  ne  peu- 
vent avoir  un  segment  commun. 

FIN  DE  LA  4e  ANXÉE  (1"  exauien). 
(Purée  de  l'examen  :  3  heures  1/2.) 

Arithmétique.  —  Élèves  instituteurs.  —  1.  Un 
client  a  déposé  à  la  banque  17à  liv.  st.  au  taux  de 
4  1/2  p.  100  par  an,  intérêt  simple.  Quelle  somme 
aura-t  il  à.  retirer  au  bout  de  6  ans  et  10  mois? 

2.  Un  homme  a  vendu  une  certaine  quantité  de 
tabac  pour  Su  liv.  st.,  et  à  cette  opération  il  a 
perdu  à'i  1/3  p.  100.  A  quel  prix  aurait-il  dû  le  ven- 
dre pour  réaliser  2  ll;4'i  fois  la  somme  que  cette 
marchandise  lui  avait  coûté? 

3.  Un  négociant  s'établit  avec  un  capital  de  6  500 
liv.  st.,  et  fait  12  1/2  p.  100  de  bénéfices  annuels. 
Selon  quel  taux  ses  dépenses  personnelles  se  sont- 
clles  accrues  chaque  année,  si  son  capital  ne  s'est 
augmentéannuellementquedelOOliv.st.  ;etquclles 
ont  été  ses  dépenses  personnelles  la  première  an- 
né»?  ? 

-*.  Quelle  difi'érence  y  a-t-il  entre  payer  une 
gomme  de  1  200  liv.  st.  en  quatre  versements  tri- 
mestriels de  300  liv.  st.,  chaque  versement  portant 
intérêt  à  (i  p.  100  l'an  après  le  paiement,  ou  payer 
cette  même  somme  en  deux  versements  semestriels 
de  000  liv.  st  ,  chaque  versement  portant  intérêt  à 
«  1/2  p.  100? 

ÉLÈVEs-iNSTiTLinicES.  —  1.  Qucl  nombre  faut-il 
ajouter  à  la  somme  de  0,0007  -h  2,4  -+-  0,06  + 
3,0430 -!- 0,'i47.  pour  faire  un  nombre  entier? 

2.  Indiquez  la  différence  entre  :74  de  perk  et 
0,0G2ô  de  boisseau,    en  décimales  de  quarter. 

3.  Si  40  hommes  peuvent  moissonner  410,»!  acres 
en  12.7 5  jours,  combien  30  hommes  moissonneraient- 
ils  d'acres  en  3i  jours? 


4.  Un  homme  a  donné  5/9  de  l'argent  qu'il  avait 
dans  sa  bourse  pour  acheter  un  cheval,  et  1/12  du 
surplus  pour  acheter  un  mouton  ;  il  lui  reste 
22  liv.  st.  Quelle  somme  avait-il  en  tout? 

Grammaire.  —  1.  Analyse  d'une  phrase  où  le 
mot  anglais  as  revient  trois  fois  avec  trois  sens  dif- 
férents. 

2.  Latum  signifie  en  latin  porté.  Expliquez,  en 
tenant  compte  de  cette  dérivation,  les  mots  sui- 
vants :  ablatif,  dilater,  relatif,  corrélatif,  super- 
latif, translation. 

Géographie.  —  1.  Dessinez  la  carte  de  la  mer 
Caspienne 

2.  Indiquez  les  îles  de  l'est  et  du  sud-ouest  de 
l'Asie,  avec  dos  explications  sur  le  caractère  des 
habitants  de  chacune  d'entre  elles. 

3.  Rédigez  le  canevas  d'une  leçon  à  faire  dans 
une  division  inférieure  sur  une  «  carte  de  l'hémi- 
sphère oriental  »,  en  en  expliquant  la  forme,  les 
lignes  qui  le  traversent,  et  en  donnant  des  indica- 
tions généralos  sur  la  raison  des  différences  de  cli- 
mat dans  les  différents  pays  relativement  à  leur 
distance  de  l'équateur. 


Fix  DE  LA  4=  ANNÉE  (sccoud  oxamen). 

(Durée  :  1  heure  pour  les  élèves-institutrices.  2  heures  1/2 
pour  les  élèves- i.istituteurs) 

Histoire.  —  1.  Dites  comment  se  fit  l'union  des 
maisons  d'York  et  de  Lancastre,  et  esquissez  le 
caractère  de  l'épouse  de  Henri  VU? 

2.  Que  savez-vous  de  la  princesse  Elisabeth,  fille 
de  Jacques  I",  et  de  ses  descendants  ? 

3.  A  quelle  cause  attribuez-vous  la  prospérité  du 
Royaume-Uni  ? 

Composition.  —  Écrire  de  mémoire  la  substance 
d'un  morceau  dont  lecture  aura  été  donnée  par 
l'inspecteur. 

Géométrie.  —  Démontrez  les  théorèmes,  sui- 
vants : 

1.  Les  côtés  et  les  angles  opposés  d'un  parallé- 
logramme sont  égaux  entre  eux,  et  la  diagonale  par- 
tage le  parallélogramme  en  deux  moitiés  égales. 

ï.  Si  on  prolonge  les  trois  côtés  d'un  triangle, 
la  somme  des  angles  extérieurs  est  égale  à  quatre 
an  si  es  droits. 

Algèbre.  —  1.  Simplifiez  a  (a  — 1)  (a  — 2)  (a— 3). 
Quelle  est  la  valeur  numérique  de  cette  expression 
si  r/  =  4  ? 

2.  Divisez  Gx»  +  5x*  —  17x3  _  qx^  +  iqoj  _  2 
par  2x-  -f-  -'x  —  1. 

;!.  Trouvez  deux  nombres  dont  la  somme  soit 
59  et  la  différence  17. 

FES  DE  LA  5e  ANNÉE  (1"  examen). 
(Durée  de  l'examen  ;  3  heures  1/2.) 

Arithmétique.  —  Elèves-instituteurs.  —  1.  De 
combien  le  point  d'arrivée  d'une  voie  ferrée  de  280 
milles  de  longueur  sera-t-il  plus  élevé  que  le  point 
de  départ,  si  sur  0,".'5  de  son  parcours  la  ligne 
monte  de  1  pied  pour  90,  et  descend  de  1  pied  pour 
55  sur  0,1  du  parcours,  le  reste  de  la  ligne  étant 
en  plaine  ? 

2.  A  quel  taux,  à  intérêts  composés,  faudrait-il 
placer  750  liv.  st.,  pour  obtenir  en  deux  ans  la 
somme  de  82G  liv.  st.  17  sh.  G  pence? 

:].  Par  son  testament,  une  personne  stipule  que 
les  quatre  premiers  légataires  devront  être  payés 
intégralement  avant  que  rien  soit  donné  aux  autres. 
Il  lègue  à  A.  3  750  liv.  st.,  à  B.  3  525  liv.  st.,  à  C. 
3  :'SOliv.  st.,  à  D.  2(i()0  liv.  st.,  àE.  1  895  liv.  st., 
à  F.  1  750  liv.  st.,  h  G.  1  GG8  liv.  st.,  à  H.  1  745 
liv.  st.,  î^i  K.  1  475  liv.  st.,  à  L.  1  oG7  liv.  st.  Sa 
fortvinc.  tine  fois  reconnue,  se  trouve  monter  à 
19  5'5  liv.  st.  Gomment  cette  somme  doit-elle  être 
répartie? 


BREVET 


—  272  — 


BREVET 


4.  Quelle  est  la  valeur  actuelle  d'une  somme  de 
195  585  liv.  st.,  duc  depuis  1  an  9  mois,  en  comp- 
tant l'intérêt  à  G  p.  100  par  an  ? 

5.  Je  retire  de  l'argent  d'une  banque  qui  paie 
2  1/2  p.  100  d'intérêt,  et  j'aclièto  5  actions  de  20 
liv.  st.  rapportant  intérêt  à  8  1/2  p.  100;  ces  actions 
doivent  être  payées  en  six  versements  égaux.  J'ai 
déjà  fait  cinq  versements,  et  au  bout  de  1  an  I|21a 
valeur  des  actions  ayant  augmenté  de  17  1/2  p.  1"0 
je  vends  ces  dernières.  Combien  ai-je  gagné  par 
cette  opération  ? 

Elèves -INSTITUTRICES.  —  1.  A  quel  taux  faut-il 
placer  7  S641iv.  st.  12  shil.  0  pence,  pour  obtenir 
im  bout  de  5  ans  une  somme  de  9  175  liv.  st.  7  shil. 
11  pence? 

2.  Une  maison  qui  a  coûté  1  500  liv.  st.  rapporte 
un  loyer  annuel  do  G5  liv.  st.  ;  les  dépenses  pour 
assurance  et  autres  frais  sont  égales  à  1  1/4  p.  100 
<lu  prix  d'acliat.  Quel  taux  d'intérêt  cet  immeuble 
rapporte-t-il? 

6.  Trois  bergers  louent  un  pâturage  pour  ^G  se- 
maines au  prix  de  .35  liv.  st.  7  shil.  G  pence.  Durant 
ce  temps,  A.  y  a  fait  paître  7  vaches  pendant  13 
semaines,  B.  14  vaclies  pendant  9  semaines,  etC. 
:{  vaches  pendant  22  semaines.  Comment  doivent- 
ils  répartir  entre  eux  le  loyer  à  payer? 

Grammaire.  —  1.  Analyse  logique  et  gramma- 
ticale d'une  strophe  de  G  vers. 

'J.  De  quelle  langue  sont  dérivés  le  plus  grand 
îiombre  de  mots  anglais? 

Géographie.  —  1.  «  Rio  de  Janeiro  se  trouve 
presque  exactement  sous  le  tropique  du  Capricorne.» 
Expliquez  ce  que  cela  signifie,  et  dessinez  une  carte 
de  la  ligne  des  côtes  de  l'Amérique  du  sud,  à  par- 
tir de  ce  point  jusqu'au  point  correspondant  sur  la 
côte  occidentale,  en  marquant  l'embouchure  des 
fleuves,  les  villes  principales,  les  divisions  politi- 
ques, et  les  îles  adjacentes- 

2.  Décrivez  le  caractère  physique  de  l'Amérique 
centrale. 

3.  Rédigez  le  canevas  d'une  leçon  d'introduction 
sur  les  Océans,  comprenant  les  points  suivants  : 
l"  étendue,  2°  salure,  3°  profondeur,  4"  tempéra- 
ture, 5°  courants. 

FIN  DE  LA  5^  ANNÉE  (second  cxamen). 

(Durée:  1  heure  pour  les  élèves-institutricps,  2  heures  l/- 
poui'  les  élèves-instituteurs.) 

Histoire.  —  1.  Donnez  une  courte  esquisse  de 
la  vie  et  du  caractère  de  Guillaume  III  ou  de 
Charles  II. 

2.  Qu'était-ce  que  la  révolte  des  Indes?  Quel 
changement  a-t-ellc  amené  dans  le  gouvernement 
de  celte  colonie? 

3.  Qu'est-ce  que  le  jury?  Regardez-vous  cette 
institution  comme  avantageuse,  et  sous  quel  rap- 
port? 

Composition.  —  Ecrivez  un  court  essai  sur  la 
ponctualité,  dans  le  langage  que  vous  emploieriez 
■si  vous  donniez  une  leçon  à  une  division  supé- 
rieure. 

Géométrie.  —  Démontrez  les  théorèmes  sui- 
•vants  : 

1.  Si  une  ligne  droite  est  divisée  en  deux  parties 
•égales,  puis  en  deux  parties  inégales,  le  rectangle 
ayant  pour  côtés  les  parties  inégales,  joint  au  carré 
fait  sur  la  ligne  entre  les  points  de  section,  est 
égal  au  carré  de  la  moitié  de  la  ligne. 

2.  Les  diagonales  d'un  carré  sont  égales  entre 
«lies  et  se  coupent  à  angle  droit  par  le  milieu. 

Algèbre.  —  Simplifiez  l'expression  suivante  : 

x'*  —  a'* 


■r|^-  +  a) 
X  —  a 


2.  Trouvez   la  valeur  de  x   dans   l'équation   ci- 
dessous  : 

\x  +  \j--)  =  —■ 


\x-\-Z 

3.  Trouvez  la  valeur  de  x  et  de  y  dans  les  équa- 
tions ci-dessous  : 

:r  -4-  y 


=  b. 


Arpentage.  —  1.  Les  trois  côtés  d'un  triangle 
mesurent  500,  GOO  et  700  linlm;  quelle  en  est  la 
superficie  en  acres? 

-'.  Quel  est  le  diamètre  d'une  roue  de  voiture 
qui  fait  GOO  révolutions  dans  l'espace  d'un  mille? 

II.  AUTRICHE. 

ÉCOLE  ^0aMALE  ÉVAXGÉLIOfE  D'INSTITUTEURS  A  BIELITZ 
(SILÉSIEJ. 

Examen  de  maturité  [Prufuny  dtr  Reife), 

juillet  1871. 

Épreuves  écrites. 

I.  Composition.  —  Composition  allemande  :  De 
la  politesse  chez  l'instituteur.  Composition  polo- 
naise :  Sur  quoi  se  fonde  l'amitié  ?  Composition 
tchèque  :  Qu'est-ce  qui  éveille  en  nous  l'amour 
de  la  patrie,  et  comment  le  faisons-nous  voir  ? 

II.  Histoire.  —  Les  résultats  des  croisades, 

III.  Géographie.  —  Résumé  des  phénomènes 
quotidiens  et  annuels  présentés  par  le  soleil,  la 
lune  et  h^s   étoiles. 

IV.  Arithmétique.  —  Un  père  disait  à  ses  deux 
fils,  dont  l'un  avait  4  ans  de  plus  que  l'autre  : 
Dans  2  ans  je  serai  deux  fois  aussi  âgé  que  vous 
de-ax  ensemble;  et,  ily  aG  ans,  mon  âge  était  égal 
h  G  fois  vos  deux  âges  réunis.  Quel  âge  avait  le 
père  et  chacun  des  deux  fils  ? 

V.  Géométrie.  —  Une  sphère,  un  cylindre 
équilatéral  et  un  cube  ont  des  superficies  équiva- 
lentes, snit  1  000  pouces  ;  quel  est  le  volume  de 
ces  corps  ? 

VI  Physique  et  chimie.  —  Les  propriétés  du 
carbone  et  ses  combinaisons  les  plus  importantes 
avec  d'autres  éléments. 

VII.  Histoire  naturelle.  —  Exposé  analytique 
de  la  classification  d'après  le  système  de  Linné. 

VIII.  Agriculture.  —  Les  diiïérentes  natures  de 
sol  et  k'ur  composition  chimique. 

IX.  Harmonie.  —  Traiter  une  mélodie  donnée, 
à  deux,  trois  et  quatre  voix. 

Épreuves  pratiques. 

Chacun  des  candidats  a  dû  faire,  dans  l'école 
modèle,  un  exercice  catéchétique  et  une  leçon 
d'épreuve. 

ÉCOLE  .NORMALE  D'INSTITUTEURS  A  BOTZEN  (tVROL), 

Examen  de  maturité  [Maluritulsprûfung)  de 
l'année  1873. 

Épreuves  écrites. 

I.  Pédagogie.  —  Comment  l'instituteur  peut-il 
agir  sur  l.i  volonté  de  l'élève  pour  l'engager  au 
bien  ? 

II.  Langue  et  composition.  —  Uhland.  Indi- 
cation du  sujet  de  quelques-unes  de  ses  ballades 
les  plus  connues  (cette  composition  sert  en  môme 
temps  d'i'|)r(!uve  de  style). 

III.  Mathématiques.  —  1.  Comment  s'y  prend- 
on  pour  résoudre  une  équation  du  premier  degré 
à  deux  inconnues?  Application  du  procédé  à 
l'exemple  suivant  : 


BREVET  —2 

Deux  tonneaux  contiennent  ensemble  351  pots. 
Si  l'on  ôte  du  premier  le  sixième  et  du  second 
le  tiers  de  leur  contenu,  il  restera  dans  chacun 
d'eux  la  même  quantité  de  liquide.  Combien  de 
pots  contiennent-ils  l'un  et  l'autre  ? 

2.  'Soient  8  dccim.  et  4  cent,  le  côté  d'un  cône 
équilatéral.  Calculez-en  1"  la  superficie,  2"  le  vo- 
lume, et  donnez  les  raisons  de  votre  manière  de 
procéder. 

IV.  Géographie  et  histoire.—  1.  Qu'entend-on 
par  sjstème  fluvial  ?  Indiquez  les  systèmes  fluviaux 
de  l'Allemagne. 

2.  Dites  les  causes  de  la  guerre  de  la  Succession 
dEspagne,  indiquez-en  brièvement  les  principaux 
événements  et  les  résultats. 

V.  Physique  et  histoire  naturelle.  —  1.  Les 
diverses  soi'tes  de  levier  et  leur  emploi. 

2.  Caractères,  nombre  et  utilité  des  mammifères 
solipèdes. 

(Temps  accordé  pour  chaque  branche  :  4  heures.) 

ÉCOLE    .NORMALE    D'INSTITUTEURS  A   PRAGUE    (BOHÉMEI 

Examen  de  maturité  (Reife-Prùfung) 

juillet  1874.  , 

1.  Pédagogie.  —  1.  Exposer  les  qualités  néces- 
saires à  une  bonne  définition,  ainsi  que  les  défauts 
à  éviter. 

2.  La  mémoire  ;  ses  degrés,  ses  difTcrentes  for- 
mes ;  la  mémorisation. 

3.  Le  philanthropinisme  et  ses  principaux  repré- 
sentants. 

4.  L'interrogation  et  ses  propriétés. 
II.  Langue  allemande.  —  1.  Pourquoi  je  veux 

devenir  instituteur  (exercice  de  style;. 

2.  «  Un  vieux  proverbe  dit  que  l'homme  apprend 
à  prier  lorsqu'il  se  trouve  dans  un  péril  dont  il  ne 
peut  se  tirer  lui-même,  parce  qu'il  n'a  pas  la  pré- 
sence d'esprit  nécessaire  pour  clioisir  les  moyens 
les  plus  appropriés  à  la  circonstance.  »  (Analyse 
logique  et  grammaticale  de  cette  phrase.) 

m.  Géographie.  —  l.  Qu'avez-vous  à  dire  des 
lignes  imaginaires  tracées  sur  le  globe  terrestre? 

2.  Les  particularités  oro-hydrograpliiques  du 
duché  de  Styrie,  avec  des  indications  sur  les 
conditions  sociales  du  pays  (et  dessin  d'une  carte). 

IV'.  Histoire.  —  l.  Alexandre  le  Grand. 

2.  La  pragmatique  sanction.  Par  quels  sacrifices 
Charles  VI  dut-il  en  acheter  la  reconnaissance  ? 

V.  Mathématiques. —  1.  Comment  doit-on  ensei- 
gner à  la  jeunesse  des  écoles  le  système  métrique. 
et  quel  procédé  l'instituteur  indiquera-t-il  pour  la 
réduction  pratique  des  mesures  de  poids  de  l'an- 
cien système  en  mesures  du  nouveau  système,  et 
vice  versa.  {\Jne  livre  viennoise  =  0,500 01  ;i  kil.  ; 
1  kil.  =  1,7.S5  670  livre  viennoise.) 

2.  Mettre  en  équation  le  problème  suivant,  et  le 
résoudre,  avec  la  preuve  : 

Une  personne  laisse  en  mourant  3  héritiers. 
D'après  son  testament,  sa  femme  doit  recevoir 
les  3/8  de  sa  fortune,  plus  720  florins  ;  son  fils  les 
2/9,  plus  880  florins  ;  et  sa  fille  les  5/ls  plus 
5-.0  florins.  Quel  est  le  chiffre  de  la  fortune  et 
combien  chaque  légatai-e  a-t  il  à  recevoir? 

o.  Sur  un  terrain  qui  a  la  forme  d'un  trapèze  se 
trouvent  plantés  un  certain  nombre  d'arbres  frui- 
tiers. L'éloignement  des  deux  côtés  parallèles  étant 
de  24"", 8,  et  la  longueur  respective  de  ces  côtés  de 
aS",*  et  de  32"', 7,  quelle  devrait  être  la  longueur 
du  côté  d'un  carré  pour  qu'on  pût  planter  sur  la 
superficie  qu'il  occupe  2  fois  et  demie  autant  d'arbres 
que  sur  celle  du  trapèze,  et  combien  d'arbres  peu- 
vent trouver  place  sur  chacune  de  ces  deux  super- 
ficies, s'il  faut  à  chaque  arbre  un  espace  de  4""i,2? 

4.  Quels  corps  reçoivent  le  nom  de  cônes,  quelles 
sont  leurs  propriétés  et  comment  les  divise-t-on  ? 
Calculer  la  superficie  et  le  volume  d'un  cône  ver- 
tical, étant  donnés  0°,24  pour  le  diamètre  de  la 
base,  et  l'",8  pour  la  hauteur  de  l'apothème. 
2«  Partie. 


-^  —  BREVET 

VI.  Histoire  naturelle  —  l.  Décrire  les  plus 
importants  parmi  les  coléoptères  nuisibles  aux 
forets,  en  indiquant  les  particularités  de  leur  mode 
de  vivre. 

2.  Dans  quelles  familles  végétales  trouve-t-on 
le  plus  grand  nombre  de  plantes  vénéneuses  indi- 
gènes ? 

VII.  Physique  et  chimie.  —  i.  Indiquer  les 
conditions  dequilibre  sur  un  plan  incliné. 

2.  Comment  se  produit  l'acide  carbonique,  quelles 
sont  ses  propriétés,  et  où  le  trouve-t-on  ? 

VIII.  Langue  tchèque.  —  1.  Traduire  du  2Mivre 
de  lecture  pour  les  écoles  primaires  le  morceau 
n"  37,  intitulé  le  Beau  Chêne. 

2.  Dans  quels  cas  et  dans  quelles  parties  du 
discours  place-t-on  à  la  fin  du  mot  un  i  bref? 

3.  Indiquer  la  formation  des  diff'érentes  espèces 
d  adjectifs,  et  donner  quelques  exemples. 

ÉCOLE    NORMALE    d'INSTITLIRICES   A   PRAGUE    (BOHÈME). 

Examen  de  maturité  [Reife-Prùfimg],  1872. 
Epreuves  écrites. 

1.  Langue  et  composition.  —  1.  Une  pépinière 
—  emblème  de  la  jeunesse. 

•j.  Indiquer  le  rùle  éducatif  du  maître  dans  l'ex- 
plication d'un  morceau  de  lecture. 

II.  Mathématiques.  —  1.  Donner  les  règles  de 
la  division  de  fractions,  et  la  manière  de  les  ensei- 
gner. 

2.  Quatre  charretiers  se  sont  chargés  du  trans- 
port des  pierres  pour  un  bâtiment  à  construire  à 
Prague,  au  prix  de  2GC0  florins.  A  a  fait  60  voyages 
avec  3  chevaux,  B  70  voyages  avec  2  chevaux,  C 
80  voyages  avec  4  chevaux,  et  D  120  voyages  avec 
1  cheval.  Combien  revient-il  à  chacun  ? 

3.  Combien  de  personnes  peuvent  trouver  place 
dans  une  salle  circulaire  de  10  mètres  de  diamètre, 
si  chaque  personne  occupe  un  espace  de  1  3/4  mètre 
carré  ? 

m.  Histoire  naturelle,  physique  et  chimie.  — 
I.  Indiquez  les  caractères  distinctifs  des  diverses 
races  humaines. 

2.  Quelles  sont  les  propriétés  des  principaux  élé- 
ments qui  constituent  l'air  atmosphérique  ? 

3.  Comment  peut-on  faire  à  l'école  primaire  les 
principales  expériences  relatives  à  l'électricité  oro- 
duite  par  le  frottement? 

IV.  Géographie  et  histoire.  —  Décrire  les  Car- 
pathes  aux  divers  points  de  vue  ci-dessous  : 

Situation,  division,  passages,  rivières,  produits 
naturels. 

2.  Indiquer  comment  on  peut  faire  comprendre 
à  des  enfants  de  la  'i^  ou  4*^  année  scolaire  les 
causes  qui  produisent  la  succession  des  jours  et 
des  nuits. 

3.  Comment  la  maison  de  Habsbourg  a-t-elle 
acquis  la  souveraineté  en  Autriclie? 

V.  Pédagogie.  —  1.  Qu'appelle-t-on  caractère, 
au  point  de  vue  psychologique  ?  quelle  différence  y 
a-t-il  entre  le  caractère  et  le  naturel  ? 

2.  Qu'est-ce  que  la  discipline,  au  point  de  vue 
pédagogique?  Exposé  rapide  du  but,  des  moyens 
et  de  la  méthode. 

3.  Exposer  brièvement  la  différence  essentielle 
entre  l'école  primaire  d'autrefois  et  celle  de  nos 
jours,  sous  le  rapport  du  but  et  de  la  méthode. 

ni.  BELGIQUE. 
ÉCOLE    NORMALE  D'INSTITUTEURS    A   COUVIN. 

Examen  de  sortie  de  1877. 
Épreuves  écrites. 
Séance  du  21  août  1877. 
Religion .  —  1 .  Prouvez  la  divinité  du  christia» 


I, 
nisme  par  la  manière  dont  il  s'est  établi 


18 


BREVET 


BUE VET 


2.  Indiquez  avec  ordre  et  précision  tous  les  en- 
seignements que  l'on  peut  tirer  du  petit  catéchisme 
concernant  la  foi.  (Citer  la  question  du  caté- 
chisme.) 

3.  Indiquez  les  effets  du  sacrement  d'Eucha- 
ristie et  les  dispositions  requises  pour  recevoir  ce 
sacrement  avec  succès. 

II.  Langue  maternelle  (dictée).  —  La  Ba- 
leine. Quels  que  soient  la  force,  la  masse  et  l'ap- 
pareil maxillaire  de  ce  monstre,  le  moindre  bruit 
ou  la  moindre  agitation  de  l'eau  Veffriiie  ;  et  alors 
il  plonge  avec  une  vitesse,  une  rapidité  incroyable, 
au  point  de  se  blesser  lui-même  quelquefois  par 
son  propre  choc  contre  les  rochers  sous-marins. 
Aussi  les  pécheurs  saisissent-zV.s  le  moment  où 
l'animal  est  endormi  pour  le  harponner.  La  plus 
grande  vitesse  que  déploie  une  baleine,  quand  elle 
nage  horizontalement  k  la  surface  de  la  mer,  peut 
être  évaluée  à  une  lieue  marine  et  demie  par 
demi-heure.  Presque  toutes  vivent  en  troupes,  ou 
pour  le  moins  en  familles.  On  les  rencontrait  au- 
trefois sous  quelque  latitude  (|ue  ce  fût.  Combien 
n'en  a-t-on  pas  aperçu  flottantes  comme  dos 
navires  naufragés  dans  les  parages  même  de  la 
Méditerranée  !  Plus  d'une  se  livraient  des  com- 
bats en  vue  de  nos  promontoires  ;  plus  d'une  ve- 
nait quelquefois  échouer  sur  nos  eûtes.  Depuis 
qu'on  leur  a  fait  une  chasse,  une  guerre  acharnée, 
on  les  a  vues  toutes  s'enfuir  vers  le  pôle  nord, 
dans  ces  lieux  tout  pleins  de  mystères  où  périt 
l'illustre  navigateur  Franklin.  Elles  se  sont  ima- 
giné trouver  un  refuge,  un  abri  assuré  dans  ces 
mers  affreuses.  Vaine  espérance!  le  harpon,  la 
lance,  des  moyens  destructeurs,  d'invention  ré- 
cente, auxquels  l'électricité  est  venue  prêter  sa 
foudre  et  ses  ailes,  harcèlent  les  troupeaux  de 
fuyards  jusque  dans  leur  retraite  hyperboréenno. 
tout  inaccessible  qu'elle  semblait;  et  d'ici  à  moins 
de  cinquante  ans,  l'extermination  sera  complète. 
Qui  sait  ?  dans  cinquante  ans  peut-être,  la  ba- 
leine, ce  léviathan  de  l'Écriture,  aura  passé  à 
l'état  de  mythe  :  les  demi-savants  n'y  croiront 
plus. 

Questions.  —  Expliquez,  au  point  de  vue  gram- 
matical, les  mots  soulignés  dans  cette  dictée  ;  vous 
en  justifierez  soit  l'accord  ou  l'invariabilité,  soit 
l'emploi,  soit  la  fonction. 

III.  Lois  organiques.  —  1.  Quels  sont  les 
principes  consacrés  par  la  Constitution  pour  nous 
garantir  une  administration  impartiale  de  la  jus- 
tice ? 

2.  Qu'appelez-vous  commissaires  d'arrondisse- 
ment ?  Indiquez  leurs  attributions  ? 

3.  Faites  connaître  les  quatre  principes  fonda- 
mentaux de  la  loi  du  Ti  septembre  1S42. 

IV.  Tenue  des  livres.  —  1.  Passer  écriture  de 
cet  article  au  journal  en  partie  double  et  au  grand- 
livre  : 

Du  21  août  1877.  —  J'ai  acheté  à  Gérard,  de 
Verviers,  h  pièces  drap  noir  de  ôO  mètres  chacune, 
à  15  francs  le  mètre,  soit  3720  francs.  Je  lui  ai 
remis,  1"  7  balles  café  pesant  chacune  80  kiloçr.  :\ 
2  fr.  le  kilogr.,  soit  11 20  fr:  2°  M/B  n"  10  à^S/0 
de  ce  jour,  10  septembre,  '.)00  fr.  ;  3"  une  traite 
n»  6  sur  Dumont,  ordre  Duparc,  du  10  août  au 
10  octobre,  soit  1100  fr.  ;  5°  un  billet  de  1,000  fr. 
En  tout  4,120  fr. 

Rédigez  la  traite  dont  il  est  question  dans  cet 
article  et  ajoutez-y  l'endossement. 

2.  Quels  sont  les  droits  et  les  devoirs  du  porteur 
de  la  lettre  de  change  ? 

3.  Quels  sont  les  livres  auxiliaires  les  plus 
usités  dans  la  tenue  des  livres  et  dites  l'usage  de 
chacun  de  ces  livres  ? 

V.  Langue  accessoire.  —Dictée  (en  flamand). 
Vingt  lignes. 

Grammaire.  —  1.  Morr/enrond  :  décomposez  ce 
mot  et  indiquez-en  la  signification  propre.  2.  Dif- 


férence entre  7ioff  et  nocU.  3.  Comment  flners  fait- 
il  au  pluriel,  et  que  savez-vous  sur  Vf  finale  et  Vs 
finale  quand  il  s'agit  de  former  le  pluriel  des  dé- 
rivés? Donnez  des  exemples.  4.  Traduisez:  «Nous 
avons  vu  Sa  Majesté,  quand  elle...  »,  et  dites  à 
quelle  observation  grammaticale  donne  lieu  le 
pronom   de    la    3"    personne    dans    cet  exemple. 

5.  Analysez  opwaards  et  indiquez  les  différentes 
terminaisons  qui  servent  à  former  des  adverbes  ; 
vous  donnerez  des  exemples  de  chariue  formation. 

6.  Mettez  au  pluriel  la  phrase  :  l\eed^  lang  heeft 
de  landman,  etc.,  (une  des  phrases  de  la  dictée.) 

Rédaction.  —  Lettre  au  président  d'un  bureau 
de  bienfaisance  pour  le  prier  de  venir  au  secours 
d'un  pauvre  ménage . 

Séance  du  22  aoilt  1877. 

1.  Rédaction.  —  Sujet.  Vous  écrivez  à  un  de 
vos  amis,  ancien  condisciple,  qui  a  la  passion  du 
jeu.  \'cus  lui  exposez  les  raisons  les  plus  propres 
à  le  détourner  dune  habitude  qui  pourrait  lui 
devenir  extrêmement  funeste.  Vous  l'engagez  à 
chercher  son  bonheur  dans  l'étude. 

II.  Sciences  naturelles.  —  1.  Quelles  sont  les 
conditions  requises  pour  qu'un  corps  solide  repo- 
sant sur  un  plan  soit  dans  la  plus  grande  stabi- 
lité possible?  Expliquez  votre  réponse. 

2.  Décrivez  la  pile  de  Bunsen  et  donnez-en 
la  théorie. 

3.  Citez  dans  l'ordre  de  leur  intervention  les 
différents  liquides  qui  aident  h  la  digestion  et  ex- 
pliquez en  quoi  consiste  l'action  spéciale  de  cha- 
cun de  ces  liquides. 

4.  Faites- voir  le  danger  auquel  on  s'expose  en 
prenant  un  bain  immédiatement  après  le  repas. 

III.  Horticulture  et  arboriculture. —  1.  Expli- 
quez le  pliénomène  de  la  germination. 

2.  Expliquez  les  différentes  opérations  qu'il  y  a 
lieu  de  pratiquer  au  poirier  pendant  l'été. 

IV.  Histoire.  — -  1.  Faites  connaître:  1°  l'état  de 
la  Belgique  sous  la  domination  française  ;  2°  les 
conséquences  de  notre  réunion  à  la  France. 

2.  Faites  connaître  les  causes  et  le  caractère  de 
la  Révolution  française. 

3.  Expliquez  sommairement  comment  se  forma 
la  monarchie  des  Perses  et  donnez  une  idée  de 
son  étendue  h  l'époque  de  sa  splendeur. 

V.  Pédagogie.  —  1.  Faites  connaître  l'attention. 
Montrer  ses  relations  avec  la  conscience.  Indi- 
quez-en l'importance  et  les  moyens  de  la  déve- 
lopper. 

2.  Montrez  que  l'instituteur  doit  être  bon  et 
patient,  surtout  avec  les  enfants  timides,  d'une 
santé  délicate  ou  depuis  peu  entrés  à  l'école. 

3.  Montrez  comment  les  exercices  de  rédaction 
peuvent  servir  à  cultiver  le  jugement,  l'imagina- 
tion et  le  sentiment  du  beau. 

VI.  Calligraphie.  —  Écrire  une  ligne  en  grand, 
deux  lignes  en  moyen,  deux  lignes  en  fin,  les  lettres 
majuscules  et  les  chiffres. 

Gros,  moyen  et  fini /ex/e).  La  véritable  éloquence 
consiste  à  dire  tout  ce  qu'il  faut  et  à  ne  dire  que 
ce  qu'il  faut.  Les  passions  sont  les  seuls  orateurs 
qui  persuadent  toujours.  Elles  sont  comme  un  art  de 
la  nature  dont  les  règles  sont  infaillibles;  et  l'homme 
leplussimple.qui  a  de  la  passion,  persuade  mieux 
que   le  plus  éloquent  qui  n'en  a  point. 

Expédiée  (texte).  La  science.  Par  elle,  l'homme 
ose  franchir  les  bornes  étroites  dans  lesquelles  il 
semble  que  la  nature  l'eût  renfermé:  citoyen  de 
toutes  les  républiques,  habitant  de  tous  les  em- 
pires, le  monde  entier  est  sa  patrie.  La.  science, 
comme  un  guid(!  aussi  fidèle  que  rapide,  le  con- 
duit de  pays  en  pays,  de  royaume  en  royaume  ; 
elle  lui  en  découvre  les  lois,  les  mœurs,  la  reli- 
gion, le  gouvernement  :  il  revient  chargé  des  dé- 
pouilles de  l'Orient  et  de  l'Occident  ;  et,  joignant 


BREVET 


—  273  — 


BREVET 


les  rîclicsses  étrangères  à  ses  propres  trésors,  il 
semble  que  la  science  lui  ait  appris  à  rendre 
toutes  les  nations  de  la  terre  tributaires  de  sa 
doctrine. 

Séa7ice  du  Ti  août  1877. 

1.  Arithmétique.  —  1.  Etablissez  la  loi  de  somma- 
tion des  termes  d'une  progression  géométrique  dé- 
croissante à  l'infini  et  appliquez  la  formule  à  la 
fraction  0,3,  0,0y,  0,00:î... 

2.  Une  commune  doit  emprunter  50000  fr.  et 
s'acquitter  au  moyen  d'un  certain  nombj-o  d'an- 
nuités de  loiiO  fr.  chacune  au  plus.  Les  intérêts 
■étant  calculés  à  5  p.  100,  on  demande  quel  sera 
le  nombre  d'annuités  et  par  suite  la  valeur  exacte 
■de  chacune  d'elles? 

3.0n  se  propose  d'établirune  machine  pour  épuiser 
une  mine  ;  la  profondeur  de  la  mine  est  de  52  mè- 
tres et  elle  fournit  2 15  mètres  cubes  d'eau  en  une 
heure.  La  machine  doit  communiquer  le  mou- 
vrement  à  des  pompes  qui  ne  rendent  en  effet  utile 
que  62  p.  lOO  de  la  force  motrice.  On  demande 
quelle  devra  être  la  force  de  la  machine,  en  che- 
vaux, sachant  que  le  cheval-vapeur  est  une  force 
capable  d'élever  75  kilogr.  d'eau  à  1  mètre  de  hau- 
teur en  une  seconde. 

IT.  Géométrie.  —  1.  Démontrez  que,  dans  tout 
parallélogramme,  la  somme  des  carrés  des  côtés  est 
égale  à  la  somme  des  carrés  des  diagonales.  On 
«noncera  les  théories  sur  lesquels  on  s'appuie  dans 
la  démonstration. 

2.  Un  verre  de  forme  conique,  dont  la  section 
verticale suivantl'axe  estreprésentéeparun  triangle 
équilatéral,  a  une  capacité  de  17  centilitres.  On 
demande  le  rayon  de  l'ouverture  ? 

■■>III.  Géographie.  —  1.  Tracez  les  contours  de 
ia  Belgique  ;  faites-y  figurer  les  cartes  des  deux 
provinces  suivantes  :  1°  la  Flandre  occidentale  ; 
2"  la  province  de  Namur.  Indiquez-y  les  cours 
d'eau  et  les  villes  de  ces  provinces.  (Cette  carte 
aura  au  moins  les  dimensions  d'une  demi-feuille 
de  papier).  Dans  une  note  spéciale,  vous  direz  ce 
<}ue  vous  savez  de  la  nature  du  sol  et  de  l'industrie 
principale  de  ces  deux  provinces. 

2  Quelle  est  la  cause  de  l'inégalité  des  journées 
•et  des  nuits  ? 

3.  Faites  connaître  la  Hollande  au  point  de  vue 
de  la  géographie  physique.  Montrez  comment  les 
connaissances  géographiques  aident  à  expliquer  la 
prospérité  de  cette  contrée. 

IV.  ALGÈBRE.  —  1  Un  négociant  augmente  cha- 
que année  sa  fortune  d'un  tiers;  il  en  prend  à  la 
fin  de  chaque  aimée  1(100  fr.  pour  sa  dépense.  A 
la  fin  de  la  3'  année,  après  avoir  prélevé  comme 
d'ordinaire  1000  fr.  pour  sa  dépense,  sa  fortune 
est  doublée.  Combien  avait-il  d'abord  ? 

2  Exécutez  les  opérations  indiquées  dans  l'ex- 
pression suivante  en  expliquant  la  marche  suivie  : 

V.  Gymnastique  —  I .  Exposez  l'influence  salu- 
taire des  exercices  gymnastiques  sur  l'appareil 
respiratoire 

2.  Indiquer  au  moins  trois  principes  méthodo- 
logiques que  le  maître  de  gymnastique  doit  observer 
dans  son  enseignement.  Exposez  brièvement  votre 
réponse. 

3.  Montrez  la  différence  entre  le  système  gj'm- 
nastique  de  Ling  et  celui  de  Jahn  ;  lequel  pré- 
férez-vous ? 

4.  En  quoi  consiste  le  mérite  de  Spiess  comme 
auteur  d'un  système  de  gymnastique  ? 

VI.  Dessin.  —  1.  Dessinez,  à  main  levée,  la 
partie  supérieure  de  la  rosace  ellipiique  qui  se 
trouve  au  tableau  noir.  Vous  en  achèverez  les 
contours  en  donnant  au  grand  axe  0,V5  c.  de  lon- 
gueur, hauteur  proportionnée. 


2.  Dessnicz  la  lampe  suspendue  devant  vous. 
Hauteur  0,20  c.  à  partir  de  la  base  du  récipient  jus- 
qu'au sommet  de  la  cheminée. 

Épreuves  pratiques. 

Sujets  de  la  leçon  d'épreuve  donnée  h  une  divi- 
sion d'enfants  par  chacun  des  candidats. 

(Les  30  sujets  suivants  ont  été  répartis  par  la 
voie  du  sort  entre  les  30  candidats.  ) 

Religion.  —  Expliquer  les  deux  premières  ques- 
tions de  la  leçon  27'  du  petit  catéchisme. 

Grammaire.  —  Exposer  la  règle  d'accord  du 
verbe  avec  son  sujet. 

Arithmétique.  —  Une  première  leçon  sur  la 
division  des  nombres  entiers. 

Lecture.  —  Traitez  au  point  de  vue  du  sens 
et  de  la  lecture  expressive  le  morceau  intitulé  : 
le  Laboureur  et  ses  Enfants. 

Géographie.  —  Étude  de  la  province  de  Liège 
sous  le  rapport  pratique. 

Intuition.  —  Entretien  entre  l'instituteur  et  ses 
élèves  :  Des  cloches. 

Gymnastique.  —  Flexion  de  la  tête,  légère 
flexion  du  corps  en  avant,  fléchir  les  jambes  et 
étendre  les  bras  en  avant  (simultanément). 

Religion.  —  Parabole  du  Samaritain.  (Bible  de 
l'enfance,  p.  173.) 

Style.  —  Vous  invitez  un  de  vos  amis  à  venir 
passer  quelques  jours  à  Couvin  ;  pour  le  décider, 
vous  lui  montrez  les  plaisirs  que  vous  trouverez 
ensemble. 

Histoire  nationale.  —  Les  six  cents  Franchi- 
montois. 

Sciences  naturelles.  —  Les  oiseaux. 

Explication  dun  proverbe.  —  Chaque  chose  à 
sa  place,  et  une   place  pour  chaque  chose. 

Gymnastique.  —  La  rotation.  Explication  et 
exercices. 

Calligraphie .  —  Expliquer  la  lettre  majuscule  G. 
Exercices. 

Chant.  —  Apprendre  aux  enfants  un  inorceau 
de  chant  par  l'audition. 

Religion.  —  Explication  de  la  3^  et  de  la  4* 
question  de  la  leçon  27^  du  petit  catéchisme. 

Grammaire.  —  Faire  connaître  le  participe 
présent  et  l'adjectif  verbal. 

Intuition.  —  Les  dents. 

Système  métrique.  —  Comparaison  entre  les 
mesures  de  poids,  de  capacité  et  de  volume. 

Physiqtie.  —  Expliquer  le  thermomètre. 

Géogr:iphie.  —  Étude  de  la  Belgique  sous  le 
rapport  industriel. 

Gymnastique.  —  Marche  gymnastique. 

Histoire  sainte.  —  Raconter  le  déluge. 

Histoire  naturelle.  —  Les  champignons. 

Cosmographie.  —  Expliquer  la  durée  des  jour- 
nées et  des  nuits. 

Calcul  mental.  —  Multiplication  d'un  nombre 
composé  de  dizaines  et  d'unités  par  un  des  neuf 
premiers  nombres  et  par  un  nombre  que  l'on  peut 
représenter  par  deur  cliiffres. 

Histoire  nationale.  —  Biographie  de  Marie  de 
Bourgogne. 

Style.  —  Une  narration.  Le  sujet  est  laissé  au 
choix  du  récipiendaire. 

Gymnastique.  —  Exercices  au  bâton  (l"leçon). 

Arithmétique.  —  Système  métrique.  Expliquer 
le  mètre  carré. 

ÉCOLE  NORM.ALE  d'instituteurs  A  HUY. 

E.xamcn  de  sortie  de  1877. 

Epreuves  par  écrit. 

Séance  du  17  août  1877. 

1.  Religion  et   morale.   —    1.  Doctrine    chré- 


BREVET 


—  276  — 


BREVET 


tieniie.  —  I"  Combien  de  dogmes  renferme  l'acte 
de  foi  ?  Indiquez  les  mots  qui  les  expriment  et 
dites  quelle  en  est  l'importance  pour  le  salut.  —  2" 
Est-on  obligé  défaire  des  actes  de  foi,  d'espérance 
et  de  charité  ?  Quand?  —  3"  Quelles  grâces  atten- 
dons-nous par  l'espérance  dans  ce  monde  ?  Com- 
ment et  pourquoi?  —  4"  Qu'a  voulu  exprimer 
l'Eglise  par  le  mot  trcmssuhstantiation3i^[)\\(\\ié  à 
l'Eucharistie  ?  —  5"  Qu'est-ce  qui  est  contenu  dans 
la  seule  espèce  du  pain,  et  pourquoi  ?  —  6°  Est-on 
obligé  de  communier  ?  Expliquez  votre  réponse. 

2.  Histoire  sainte.  —  1"  Dans  quel  pays  les  Hé- 
Dreux  ont-ils  plus  ou  moins  séjoui-né  depuis  la 
vocation  d'Abraham  jusqu'à  la  naissance  de  Jésus- 
Christ  ?  Et  quels  événements  les  ont  amenés  dans 
ces  diflérents  pays  ?  —  "1"  Quel  fut  le  sort  des  Juifs 
sous  Antiochus  Epiphane  ?  Prouvez-le  par  des 
exemples.  —  3°  Comment  mourut  ce  roi  ?  — 
4°  Quels  sacrements  Jésus-Christ  institua-t-il  à  la 
dernière  cène?  Comment? —  6"  De  quelles  vertus 
ydonna-t-il  l'exemple  à  ses  apôtres  et  comment  ? 
—  G°  Citez  les  sept  paroles  de  Jésus-Christ  sur  la 
croix. 

3.  Histoire  ecclésiastique.  —  1°  Quel  fut  le  père 
de  la  vie  monastique  en  Occident  ?  —  2"  Quel  fut 
le  principal  établissement  qui  «devint  comme  le 
centre  de  son  ordre?  —  3°  Que  dites-vous  de  la 
règle  ?  —  4"  Quel  fut  le  plus  illustre  personnage 
de  l'ordre  de  Cîteaux  en  Bourgogne  ?  —  6°  Quelle 
croisade  prêcha-t-il  ?  Quels  monarques  y  prirent 
part?  pourquoi  ne  réussit-elle  pas?  —  6°  Quelles 
étaient  les  erreurs  de  Jansénius  ? 

II.  Notions  des  lois  organiques.  —  1.  Qu'en- 
tend-on par  naturalisation?  Combien  de  sortes  (le 
naturalisation  y  a-t-il  ?  Faites  connaître  les  droits 
que  confère  chacune  d'elles. 

2.  Quelles  sont  les  attributions  généralesdu  con- 
seil communal? Celui-ci  règle-t-il  toujours,  comme 
bon  lui  semble,  les  affaires  d'intérêts  communal  ? 
Expliquez  votre  réponse. 

3.  Quels  sont  les  enfants  qui  reçoivent  l'instruc- 
tion gratuitement?  Que  faut-il  pour  que  l'instruc- 
tion gratuite  puisse  être  réclamée  comme  un  droit? 

III.  Algèbre.  —  1.  Effectuer  la  division  sui- 
vante : 

326*  —  12«263  +  24aA3  —  daH^  :  Za^b  —  SbK 

Rendez  compte  de  vos  opérations. 

On  suppose  connues  la  règle  des  signes  et 
celle  de  la  division  d'un  monôme  par  un  monôme. 

2.  Une  personne  a  deux  propriétés.  La  1"  lui 
rapporte  4  |  «/o,  la  2<=  3  |  e/^  ;  elle  en  retire  un 
revenu  annuel  de  177  fr.  50.  A  l'expiration  du  bail, 
par  suite  d'acquisition,  la  valeur  de  la  !'•'=  propriété 
est  augmentée  do  ses  |,  et  celle  de  la  2"^  de  ôOOfr. 
Ensuite  de  ces  modifications,  les  nouvelles  pro- 
priétés rapportent  0  fr.  50  de  plus  «/q  par  an,  ce 
qui  élève  le  revenu  total  et  annuel  à  HO  francs. 
Quelle  est  la  valeur  de  chaque  propriété  primi- 
tive ? 

IV.  Pédagogie  et  méthodologie.  —  1.  En  quoi 
consiste  la  faculté  dite  raisonnement  ?  Exposez 
les  principaux  moyens  de  développer  cette  faculté 
chez  les  enfants. 

2.  Qu'entend-on  par  mode  d'enseignement?  Au- 
quel faut-il  donner  la  préférence?  Motivez  cette 
réponse. 

3.  Exposez  la  marche  à  suivre  pour  donner  une 
leçon  d'histoire  nationale. 

y.  Géométrie.  —  1.  Démontrez  que  dans  tout 
triangle  la  somme  des  carrés  des  côtés  qui  com- 
prennent un  angle  quelconque  est  égale  à  deux 
fois  le  carre  de  la  droite  qui  joint  le  "sommet  de 
cet  angle  au  milieu  du  côté  oppose,  plus  deux 
fois  le  carré  de  la  moitié  de  ce  dernier  côté. 

2.  Construire  un  carré  qui  soit  équivalent  aux  | 
d'un  carré  doimé.  Démontrez  votre  réponse. 


VI.  Histoire.  —  1.  Faites  connaître  les  causes 
et  les  résultats  de  la  guerre  du  Péloponnèse. 

2.  Qu'entendez-vous  par  croisades?  Indiquez  les 
résultats  de  ces  expéditions. 

3.  Donnez  à  grands  traits  la  biographie  de  Var» 
Artevelde. 

Séance  du  18  août  1877. 

1.  Calligraphie.  —  Les  récipiendaires  ont  à 
écrire  une  ligne  en  grand,  deux  lignes  en  moyen 
et  trois  lignes  en  (in,  les  lettres  majuscules  et  le» 
chiflfres.  Ils  ont  également  à  écrire  huit  ligne» 
d'expédiée. 

II.  Langue  flamande.  —  Dictée  de  vingt  lignes. 
Expliquez  la  formation  ou  composition  des  mots 

soulignés  (au   nombre    de    cinq),   et  analj'sez-le» 
grammaticalement. 

III.  Arithmétique.  —  1.  Quelles  sont  les  frac- 
tions ordinaires  qui  donnent  lieu  à  des  fraction» 
décimales  périodiques  mixtes  ?  Peut-on  déterminer 
a  priori  le  nombre  des  chiffres  irréguliers  ?  Dé- 
montrez vos  réponses. 

2.  Un  marchand  a  deux  espèces  de  thé.  La  1'* 
lui  revient  h.  14  fr.  et  l'autre  ii  17  fr.  le  kil.  ;  il 
fournit  à  un  do  ses  correspondants  une  caisse  de 
100  kil.  et  reçoit  pour  son  payement  19-32  fr.  On 
demande  combien  il  y  en  avait  de  chaque  espèce, 
sachant  qu'il  a  gagné  15  "/q  sur  son  marché  ? 

o.  Une  commune  possède  une  propriété  qu'elle 
ne  peut  vendre  que  dans  18  ans.  Un  capitaliste 
propose  d'en  faire  dès  maintenant  l'acquisition  et 
de  la  payer  comptant  moyennant  un  escompte 
composé  de  5  %  par  an.  Les  conditions  acceptées, 
la  commune  reçoit  17  000  francs.  A  combien  la 
propriété  a-t-elle  été  évaluée? 

IV.  Langue  française.  (Dictée  et  grammaire). 
—  DICTÉE.  —  Les  funérailles  de  Cliarles-Quint.  — 
Charles-Quint,  dont  la  puissance  et  l'ambition 
avaient  si  longtemps  agité  le  monde,  prit  tout-à- 
coup  la  résolution  de  sortir  du  tourbillon  où 
l'avaient  entraîné  les  affaires  publiques,  et  passa 
du  trône  dans  un  cloître.  Là,  le  commandement 
d'une  armée  ou  l'administration  d'un  Etat  n'occui)e 
plus  son  esprit  :  la  prière  et  la  méditation  se  par- 
tagent tous  ses  instants.  Mais  la  tranquillité,  le 
calme,  le  silence  d'un  couvent  ne  semble  pas  lui 
suffire  ;  il  envie  le  repos  môme  de  la  tombe  ;  l'é- 
trange désir,  ovL  plutôt  \a  singulière  folie  d'assis- 
ter vivant  à  ses  propres  funérailles,  ne  le  quitte 
plus  un  seul  instant.  L'adversité  et  le  bonheur 
lui  sont  connues;  il  no  lui  reste  plus  qu'à  faire 
l'essai  de  la  mort.  L'ordre  est  donné  ;  le  supérieur, 
qui,  aussi  bien  que  les  simples  moines,  voit  en- 
core un  souverain  dans  le  frère  jadis  couronné, 
n'ose  s'opposer  à  cette  bizarre  fantaisie:  cierges, 
cercueil,  tout  annonce  la  cérémonie.  L'autel  se 
recouvre  do  sa  parure  de  deuil  ;  la  forme  élégante 
des  colonnes  se  cache  sous  de  noires  tentures, 
et  des  voiles  épais  empêchent  la  clarté  du  jour  de 
pénétrer  à  travers  les  vitraux.  Bientôt  la  lampe 
sainte,  ainsi  qu'un  rayon  d'espérance,  '  brille  au 
milieu  de  la  nef  ;  ciiiin  paraît  la  croix  lumineuse, 
cet  emblème  de  douleur  et  d'immortalité.  Un 
riche  catafalque  qaentourent  un  grand  nombre 
de  cierges,  s'élève  au  milieu  du  chœur  ;  le  livre 
sai/it  est  ouvert  à  Toffice  des  morts  ;  le  clergé, 
les  moines,  les  parents,  les  assistants,  chacun  ar- 
rive et  se  place  ;  on  n'attend  plus  que  Charles- 
Quint. 

CiRAMMAir.E.  —  1.  Faites  l'analyse  grammaticale 
du  mot  dont. 

2.  Dites  ce  que  vous  savez  de  la  nature  et  de  la 
fonction  du  mot  plutôt.  Donnez  des  exemples  à 
l'appui  de  votre  réponse. 

3.  Justifiez  l'orthographe  du  motqtiitte.  Enoncez 
les  exceptions  à  la  règle  générale  d'accord  du  verbe 
avec  son  sujet. 

4.  Expliquez  le  temps  auquel   est  employé  le 


BREVET 


277  — 


BREVET 


verbe  recouvre.  Dans  quel  cas  ce  temps  s'cmploie- 
t-il  pour  un  autre  ? 

.s.  Justifiez  l'emploi  du  mot  de. 

G.  Justifiez  l'orthographe  du  verbe  entourent. 
Exposez  les  règles  relatives  à  l'accord  du  verbe 
ajant  pour  sujet  un  collectif  muni  de  son  complé- 
ment. 

7.  Analysez  grammaticalement  le  7i<e. 

V.  Sciences  naturelles.  —  1.  Quappelle-t-on 
<:lialeur  rayonnante  ?  De  quelle  manière  se  pro- 
page-t-elle  ?  De  quelles  circonstances  dépend  l'in- 
tensité do  la  chaleiir  ? 

2.  Qu"appelle-t-on  condensateur?  Décrivez  le 
condensateur  ordinaire  et  expliquez  comment  on 
accumule  l'électricité  à  l'aide  de  cet  appareil. 

3 .  Quels  sont  les  caractères  généraux  des  mam- 
mifères ?  Citez  les  ordres  que  comprend  cette 
classe  et  caractérisez  deux  d'entre  eux. 

4.  Quelles  sont  les  conditions  requises  pour 
<"iu'une  habitation  satisfasse  aux  exigences  de 
Ihvgiène  ? 

VI.  Tenue  des  livres.—  l.  Définissez  le  compte 
Profits  et  pertes.  Quand  doit-on  le  débiter?  Quand 
doit-on  le  créditer  ?  Prouvez  votre  réponse  au 
moyen  d'un  exemple  pour  chaque  cas. 

3.  A  quelles  conditions  doit  satisfaire  un  billet 
à  ordre  pour  être  régulier  ? 

;{.  Passez  écriture  de  l'article  suivant  au  journal 
€t  au  grand-livre,  en  partie  double  : 

Du  18  août  1877.  —  Vendu  à  Lambotte,  de  Se- 
Taing,  5  pièces  de  vin  de  Bordeaux  à  280  fr.,  qu'il 
m  "a  payées  comme  suit  ; 

1"  En  trois  tonneaux  de  genièvre  contenant  en- 
semble 160  litres  :\  0f',9(i  ; 

2°  En  sa  traite  de  556  fr.  à  51,0  sur  Lambert 
de  Huy,  au  25  septembre  prochain  ; 

:i"  En  M,B,  de  300  fr.,  G.  Louis,  de  \amur,  qu'il 
m'a  remis  acquitté  ; 

4"  Le  reste  en  argent,  sous  escompte  de  2  ^'q- 

Séance  du  20  août  1877. 

L  Rédaction  française.  —  Sujet.  Vous  venez 
d'apprendre  qu'un  de  vos  condisciples  est  grave- 
ment indisposé  et  se  trouve,  par  suite,  dans  l'im- 
possibilité de  subir  son  examen  de  sortie.  Vous  lui 
écrivez. 

II.  Gymnastique.  —  1.  Quels  sont  les  change- 
ment apportés  par  Jahn  dans  la  gymnastique  ? 
Appréciez  sommairement  son  système:  i"  au  point 
de  vue  social  ;  2°  au  point  de  vue  scolaire. 

2.  Quels  sont  les  principaux  os  du  membre  su- 
périeur chez  l'homme  "?  Décrivez  les  principaux 
muscles  de  l'épaule  et  faites  connaiti-e  les  mouve- 
ments propres  à  les  développer. 

;{.  Quels  sont  les  principaux  soins  à  donnera 
l'enfant  en  cas  de  congestion? 

III.  Géographie.  —  1.  Qu'appelle-t-on  zones 
terrestres  ?  Nommez-les  ainsi  que  les  cercles  qui 
les  déterminent. 

2.  Décrivez  le  versant  de  la  mer  du  Xord.  Vous 
indiquerez  les  grandes  lignes  de  faîte  qui  le  li- 
mitent, les  contrées  ei  les  fleuves  qu'il  comprend, 
€t  une  ville  importante  arrosée  par  chacun  de 
ces  derniers. 

3.  Tracez  une  carte  représentant  la  province  de 
Namur  et  celle  du  Luxembourg  et  indiquant-:  le 
contour,  les  bornes,  les  cours  d'eau  naturels,  le 
lignes  de  chemin  de  fer  et  les  villes  chefs-lieux 
d'arrondissement  judiciaire. 

IV.  Rédaction  flamande.  —  Lettue.  Vous 
avez  un  ami  qui  vous  a  exprimé  le  désir  d'appren- 
dre quelques  détails  sur  la  ville  d'Huy.  Faites-lui 
une  courte  description  de  cette  ville  que  vous  ha- 
bitez. 

V.  Horticulture  et  arboriculture.  —  1.  Indi- 
quez les  parties  essentielles  d'une  fleur  complète 
et  expliquez  les  fonctions  de  chacune  d'elles. 


2.  Expliquez  la  taille  d'été  des  arbres  en  espalier. 

VI.  Dessin.  —  1.  Les  récipiendaires  ont  à  des- 
siner, en  donnant  à  leur  travail  des  dimensions 
plus  grandes  que  celles  du  modèle,  le  rameau  de 
noyer  avec  feuilles  et  fruits  du  n°  21  des  plan- 
ches murales  par  Achille  Comte. 

2.  Les  élèves  ont  k  faire,  en  donnant  à  leur  tra- 
vail 2  décimètres  de  hauteur,  le  dessin  du  vase 
placé  devant  eux. 

Epreuve  pratique. 

Sujets  de  la  leçon  d'épreuve  donnée  à  une  di- 
vision d'enfants  par  chacun  des  candidats. 

(Les  18  sujets  suivants  ont  été  répartis  par  la 
voie  du  sort  entre  les  18  candidats.) 

I.  Religion. — De  la  grâce, etc. Les  cinq  premières 
questions,  leçon  XV  du  catéchisme  du  diocèse. 

'2.  Arithmétique. —  Expliquez  la  transformation 
d'une  fraction  ordinaire  en  fraction  décimale  équi- 
valente. Opérez  sur  la  fraction  |. 

3.  Rédaction.  —  Lettre.  —  Un  jeune  élève  a 
remporté  les  premiers  prix  dans  les  branches  les 
plus  importantes  dosa  classe.  Un  de  ses  condisci- 
ples lui  écrit  pour  le  féliciter. 

4.  Lecture  courante.  —  Sujet  au  choix  du  réci- 
piendaire. 

5.  Aritlimétique . —  Faites  connaître  la  définition 
de  la  soustraction. 

G.  Géographie.  —  Canton  judiciaire  de  Huy  : 
ses  limites,  son  aspect,  ses  productions  naturel- 
les, son  industrie. 

7.  Lecture  élémentaire.  —  Faites  connaître  les 
sons  au  et  eau. 

S.  Intuition.  —  Les  instruments  tranchants. 

9.  Gi/mnastique.  —  Expliquez  et  enseignez 
l'exercice:  Extension  des  bras  en  avant.  Effet  phy- 
siologique de  ce  mouvement. 

10.  Histoire  nationale.  —  Le  règne  des  archi- 
ducs Albert  et  Isabelle. 

II.  Histoire  sainte.  —  Résurrection  du  fils  de 
la  veuve  de  Xaîm. 

12.  Lecture  expressive.  —  Sujet  au  choix  du 
récipiendaire. 

1  i.  Si/stème  métrique.  —  Le  mètre  carré  et  ses 
sous-multiples  décimaux 

14.  Grammaire.  —  Faites  connaître  les  trois 
premiers  temps  du  mode  indicatif. 

15.  Rédaction.  —  Utilité  des  oiseaux  insecti- 
vores. 

16.  Calcul  mental.  —  Soustraction  des  nombres 
entiers  composés  de  dizaines  et  d'unités. 

17.  Calligraphie.  —  Les  lettres  bouclées. 

!"<.  Gymnastique.  —  Enseignez  la  flexion  du 
corps  en  avant,  —  en  arrière.  —  Faites  quelques 
remarques  sur  ces  mouvements. 

IV.  ÉTATS-UNIS. 

Examen  hebdomadaire  pour  l'obtention  dit  brevet 
primaire  dans  la  ville  de  New-York. 

SUJETS   POUR  l'iN'    DES  EXAMENS. 

Histoire  naturelle.  —  Les  animaux.  —  Com- 
ment les  distingue-t-on  des  végétaux  ?  Indiquez  la 
classification  des  animaux. 

Les  cai-nivores.  —  Quels  sont  leurs  caractères 
distinctifs  ?  Nommez  les  principales  familles.  Don- 
nez des  exemples  de  chacune  d'elles. 

Classifiez  les  animaux  suivants,  en  iiidiquant 
l'embranchement,  la  classe,  l'ordre  ou  la  famille  : 
le  faucon,  le  requin,  la  panthère,  le  liomard. 

Algèbre. 


\^4-x  =  2  ^'i  +x  —  \lx.    Trouver  x. 
i-\-y3=:Ç)i   et  X -H  y  =  7.  Trouver  . ce  et  y. 

Diviser    (6  + ^)  par  (6-^). 


BREVET 


—  278 


BREVET 


Diviser  4S  cn  deux  parties  dont  le  produit  soit 
432. 

Définir  les  mots  coefficient,  exposant,  racine, 
puissance . 

Géométrie.  —  Pour  prouver  l'égalité  de  deux 
triangles,  combien  de  parties  et  quelles  parties 
doivent  être  démontrées  respoctivement  égales  ? 
Combien  de  cas  peuvent  se  présenter,  et  lesquels? 
Écrivez  ces  cas  dans  l'ordre  de  leur  subordina- 
tion. 

Si  un  rayon  est  perpendiculaire  à  une  corde, 
quelles  sont  les  deux  lignes  qu'il  coupe  en  deux 
parties  égales  ?  Démontrez  sur  quelles  propositions 
antérieures  s'appuie  cette  démonstration.  Définis- 
sez le  cercle,  la  corde,  le  rayon,  Y  arc.  Quel  usage 
particulier  fait-on  de  cette  proposition  ? 

Prouvez  que  les  aires  des  triangles  semblables 
sont  proportionnels  aux  carrés  construits  sur  leurs 
côtés  homologues. 

Astronomie.  —  Définissez  la  précession.  Ses 
causes  ?  Son  influence  sur  la  longueur  de  l'année  ? 
Son  influence  sur  les  positions  apparentes  des 
étoiles  ? 

Le  jour  solaire  ;  ce  que  c'est.  Sa  longueur.  Diff"é- 
rence  entre  le  jour  solaire  et  le  jour  sidéral. 
Pourquoi  ? 

Définissez  ce  qu'on  entend  par  révolution  syno- 
dicale  d'une  planète.  Comment  peut-on  en  déduire 
la  durée  de  la  révolution  sidérale  ? 

Arithmétique.  —  Ayant  441  doll.  |,  j'ai  acheté 
33  i  balles  de  sucre  à  G  doll.  f  la  balle,  et 
employé  le  reste  de  mon  argent  à  acheter  de  la 
farine  à  16  doll.  |  la  balle.  Combien  ai-je  acheté 
de  balles  de  farine  ? 

On  a  vendu  15  caisses  de  raisin  à3i  doll. 50,  et 
perdu  ainsi  8  "/o  ;  à  quel  prix  aurait-il  fallu  les 
vendre  pour  gagner  23  |  pour  cent  ? 

Quel  serait  le  coût  du  pavage  d'une  cour  mesu- 
rant 25  pieds  sur  9,  à  raison  de  12  |  le  pied  carre? 

Diviser  1G11,61  par  0,01(). 

Les  fractions  ;  définition.  Différence  entre  une 
fraction  ordinaire  et  une  fraction  décimale,  flxpli- 
quer  les  méthodes  à  employer  pour  l'addition,  la 
soustraction,  la  multiplication  et  la  division  des 
fractions. 

Physiologie.  —  Les  os;  leur  composition.  Leur 
rôle  dans  l'organisme.  Leur  structure,  leur  crois- 
sance et  leur  nutrition. 

Qu'est-ce  que  les  glandes  de  la  sueur  ?  Leurs 
fonctions  ?  Utilité  de  la  transpiration.  Action 
hygiénique  des  bains.  Danger  des  cosmétiques. 

Grammaire  anglaise.  —  Analyse  logique  ci 
grammaticale  de  trois  phrases  données. 

Qu'est-ce  qu'une  proposition  ?  Une  proposition 
complexe  ? 

Géologie.  —  Qu'entend-on  par  roche  en  géolo- 
gie ?  Comment  peut-on  classer  les  roches  relative- 
ment à  leur  structure  ?  à  leur  origine  ?  à  leur 
composition  ? 

Comment  prouve-t-on  que  deux  roches,  trouvées 
à  de  grandes  distances  1  une  de  l'autre,  sont  du 
même  âge? 

Littérature  anglaise.  —  Qu'est-ce  qui  peut 
être  regardé  comme  la  première  période  de  la 
littérature  anglaise  ?  Indiquez  les  principaux  écri- 
vains de  cette  période. 

Bacon.  Sa  carrière  comme  homme  politique  ? 
Comme  écrivain  ?  Ses  principaux  écrits.  Influence 
du  Novum  Organion.  Ses  traits  distinctifs  comme 
auteur. 

Addison.  Esquisse  de  sa  carrière  littéraire. 
Ses  principaux  écrits.  Son  stj'le. 

Leçons  de  choses.  —  La  forme.  Par  où  doit-on 
commencer  les  leçons  sur  la  forme? 

Expliquez  par  des  exemples  deux  des  termes  sui- 
vants :  plane,  solide,  face,  surface,  annle. 


Quels  sont  les  principaux  moyens  de  faire  con- 
naître les  qualités  dos  choses  ? 

Quel  est  le  caractère  général  de  l'enseignement 
relatif  aux  plantes,  tel  qu'il  convient  à  l'école  pri- 
maire ? 

Quand  et  comment  peut-on  employer  les  exer- 
cices simultanés  [concert  exercices)  ? 

Principes  et  méthodes.  —  Comment  doit-on 
commencer  l'enseignement  de  la  lecture  dans  la 
classe  inférieure  de  l'école  primaire  ? 

De  quelle  utilité  est  l'enseignement  de  l'écriture 
phonétique  ? 

Dans  quel  but  doit-on  enseigner  l'orthographe  ? 

Comment  peut-on  faire  comprendre  aux  élèves 
la  signification  des  mots  ? 

Quel  doit  être  le  caractère  général  de  l'enseigne- 
ment de  la  géographie  dans  les  écoles  primaires  ? 

Philosophie  naturelle.  —  Définissez  la  matière. 
Définissez  la  force.  Qu'est-ce  que  la  philosophie 
naturelle  ?  En  quoi  diffère-t-elle  de  la  chimie  ? 

Définissez  la  molécule.  Définissez  la  masse. 
Nommez  quelques-unes  des  forces  qui  agissent  sur- 
la  matière.  Quelle  espèce  de  forces  agissent  sur 
les  molécules  de  matière  ?  Quelle  espèce  de  lorces- 
agissent  sur  la  matière  en  masses  ? 

Définissez  le  son.  Indiquez-en  l'origine,  le  mode 
de  transmission,  la  vitesse  dans  l'atmosphère. 
Comment  cette  vitesse  varie-t-elle  dans  l'air?  dans 
d'autres  milieux  ? 


SUJETS  POUR  IX  AUTRE  EXAMEX  HEBDOMAD.\inE 
(XENV-YORK). 

Algèbre. 


x^i/i=  180  —  Sjy  ;    œ-j-  3y  =  11.  Trouver  x  et  y. 


Additionner 


x—y 


y  - 


Trouver  trois  nombrestels  qu'ils  soient  entre 
eux  comme  5,  7  et  9,  ei  que  la  somme  de  leurs 
carrés  soit  620. 

Principes  et  méthodes.  —  Expliquer  la  meil- 
leure méthode  d'enseigner  l'alphabet. 

Quel  est  l'avantage  de  la  méthode  phonétique 
pour  l'enseignement  de  la  lecture  et  de  l'ortho- 
graphe ? 

Comment  doit  être  dirigé  un  exercice  d'ortho- 
graphe ? 

Comment  doit-on  enseigner  la  division  simple  ? 

Quelles  simples'  règles  avez-vous  îi  donner  rela- 
tivement à  la  discipline  ? 

Géologie.  —  Qu'est-ce  qu'un  fossile  ?  Qu'est- 
ce  que  la  paléontologie  ?  Nonmiez  quelques  roches 
et  minéraux  entièrement  organiques,  et  d'autres 
partiellement  organiques. 

Comment  explique-t-on  la  stratification  des 
roches  ?  Les  roches  ignées  sont-elles  jamais  stra- 
tifiées ? 

Quels  changements  importants  marquent  la  fin 
de  la  période  carbonifère  ?  Y  a-t-il  probabilité  que 
ces  changements  aient  dû  être  lents  ou  rapides  ? 
Comment  le  sait-on  ?  Quand  et  comment  l'anthra- 
cite a-t-ello  probablement  perdu  son  bitume. 

Leçons  de  choses.  —  Donnez  un  exemple  d'une 
leçon  sur  VépoJiye.  Quel  doit  ■  être  le  résultat 
obtenu  par  cette  leçon  ? 

Donnez  un  exemple  d'une  leçon    sur  la  couleur. 

Comment  doivent  être  données  les  leçons  sur 
la  forme  ? 

Comment  vous  y  prendriez-vous  pour  enseigner 
la  signification  de  mots  tels  que  fibreux,  poreux, 
transparent,  etc.  ? 

Quel  genre  de  leçons  serait  le  plus  approprié  à 


BREVET 


279 


BREVET 


faire    acquérir  les   notions    fondamentales    de    la 
géographie  ? 

Histoire  naturelle.  —  Les  quadrumanes.    — 
Leurs    caractères   distinctifs  ;    leur   classification. 
Indiquez  un  individu  de  chaque  famille. 
Les  rongeurs.  — Leurs  particularités.  Exemples. 
Indiquez  la  classe,  l'ordre  et  la  famille  auxquels 
appartiennent   chacun   des  animaux  suivants  :  le 
bison,  le  chameau,  la  baleine,  le  cheval,  le  castor. 
En  quels  ordres  est  divisée  la  classe  des  insec- 
tes ?  Expliquez  la  signification  des  noms  emploj-és 
pour   désigner  ces  ordres.  Donnez  des    exemples 
d'insectes  appartenant  à  chacun  d'eux. 

Classifiez  les  animaux  suivants,  en  indiquant 
l'embranchement,  la  classe,  l'ordre  et  la  famille  : 
l'ours,  le  phoque,  le  gorille,  le  ver  à  soie,  la 
mouche. 

Arithmétique.  —  On  a  vendu  un  terrain  à  140  fr. 
l'acre,  et  on  perd  par  là(i  |  "/q.  Combien  pour  cent 
aurait-on  gagné  si  on  l'avait  vendu  à  raison  de 
175  fr.  l'acre  ? 

Combien  do  rouleaux  de  papier,  contenant  cha- 
cun 9  I  yards  sur  ï  yard  de  large,  faudrait-il  pour 
tapisser  les  parois  d'une  chambre  de  30  pieds  de 
long,  lô  pieds  de  large,  et  9  §  pieds  de  haut,  en 
déduisant  un  quart  de  l'espace  pour  les  portes  et 
les  fenêtres? 

Si  un  globe  d'or  d'un  pouce  de  diamètre  vaut 
120  fr.,  combien  vaudra  un  globe  de  3  |  pouces  de 
diamètre  ? 

Divisez  2  |  par  |  de  1  g  ;  ajoutez  *  au  quotient  ; 
et  divisez  la  somme  par  0,0U2ô. 

Qu'est-ce  que  \q  pourcentage?  Quelles  en  sont  les 
principales  règles  ?  Analysez  la  méthode  employée 
pour  trouver  la  proportion  d'un  nombre  à  un  autre 
nombre  en  tant  pour  cent. 

Astronomie.  —  La  forme  de  la  terre.  Comment 
la  détermine-t-on  ?  Comment  et  pourquoi  les  arcs 
de  méridien  varient-ils  ? 

Définissez  les  éclipses.  Différence  entre  celles 
de  soleil  et  celles  de  lune. 

Indiquez  cinq  dos  principales  constellations  d'hi- 
ver visibles  à  New- York.  Comment  les  reconnaît- 
on  ?  Nommez  leurs  plus  brillantes  étoiles. 

Les  marées,  leurs  causes.  Intervalles  entre  les 
hautes  marées  successives.  Pourquoi? 

Physiologie.  —  La  peau,  son  rôle,  sa  structure. 
Différence  entre  \p  derme  et  l'épiderme.  Cause  de 
la  différence  des  teints. 

Décrivez  les  bronches,  la  trachée-artère,  l'épi- 
glotte,  le  larynx,  les  cordes  vocales.  Indiquez  les 
fonctions  de  chacun  de  ces  organes. 

Indiquez  quelques-unes  des  maladies  qui  peu- 
vent alfecter  les  organes  de  la  respiration,  et  les 
moyens  de  s'en  préserver. 

Le  système  nerveux,  ses  fonctions.  Les  organes 
dont  il  se  compose.  Qu'est-ce  qu'un  nerf?  un  gan- 
glion ?  Décrivez  le  tissu  nerveux.  Décrivez  la 
moelle  épinière. 

Géométrie.  —  Si  deux  lignes  droites  sont  cou- 
pées obliquement  par  une  troisième,  à  quelles 
conditions  les  deux  premières  seront-elles  paral- 
lèles? Démontrez  votre  réponse. 

Qu'est-ce  qu'un  angle  inscrit?  Quelle  en  est  la 
aesure  ?  Démontrez.  Sur  quelles  propositions  anté- 
rieures s'appuie  cette  démonstration  ? 

Quels  sont  les  principes  de  géométrie,  théo- 
rèmes, etc.,  dont  on  fait  usage  pour  partager  une 
ligne  droite  en  deux  parties  égales  ?  Pour  tirer 
une  parallèle  ;\  une  ligne  donnée,  en  passant  par 
un  point  extérieur  donné  ?  Pour  trouver  le  centre 
d'un  cercle  donné  ? 

A  quoi  est  égale  l'aire  d'un  trapézoide  ?  Démon- 
trez. 

Prouvez  que  les  segments  de  deux  cordes  cou- 
pant un  cercle  sont  réciproquement  proportionnels. 


Philosophie  naturelle.  —  Définissez  la  cohésion. 
Quelles  autres  propriétés  de  la  matière  en  décou- 
fent  ?  Donnez  un  exemple  de  la  puissance  de  la 
lorce  de  cohésion. 

Définissez  un  solide.  Quelle  est  la  forme  prédo- 
minante de  la  force  moléculaire  qui  détermine 
l'état  solide  ?  Dites  quelques-unes  des  propriétés 
caractéristiques  des  solides. 

Définissez  un  liquide  ;  dites  d'où  provient  sa 
mobilité? 

Définissez  un  gaz.  Dites  quelques-unes  des  prin- 
cipales propriétés  des  gaz. 

Définissez  le  pendule  ;  indiquez -en  l'emploi. 
Quelle  est  la  longueur  d'un  pendule  qui  fait  deux 
oscillations  par  seconde  (en  négligeant  les  déci- 
males) ?  Dites  la  loi  du  rapport  de  la  durée  de 
l'oscillation  à  la  longueur  du  pendule. 

Indiquez  les  parties  essentielles  d'une  machine 
à  vapeur.  Comment  s'j'  j)rend-on  pour  faire  de  la 
vapeur  une  Jorce  motrice  ?  En  quoi  une  machine 
à  haute  presion  diffère-t-elle  d'une  machine  à 
basse  pression  ?  A  quel  genre  de  machines  appar- 
tient la  locomotive  ? 

Littérature  anglaise.  —  Shakespeare  :  particu- 
larités de  sa  biographie  ;  ses  ouvrages.  Influence 
de  ses  écrits.  Leur  caractère. 

Écrivains  contemporains  de  Shakespeare  ;  nom- 
mez en  quelques-uns  et  indiquez  leurs  principaux 
ouvrages. 

Dryden  :  son  époque  et  ses  contemporains.  Ses 
principaux  poèmes  ;  qu'ont-ils  de  remarquable  ? 

Donnez  quelques  détails  sur  Edward  "i'oung  et 
ses  œuvres. 

Dites  ce  que  vous  savez  de  Thomas  Campbell. 

Grammaire  anglaise.  —  Analyse  logique  et 
grammaticale  de  trois  phrases  données. 

Définissez  le  mode  subjonctif.  Indiqtiez  l'origine 
de  ce  terme.  Donnez  des  exemples  de  l'emploi 
de  ce  mode.  Donnez  une  règle  concernant  cet 
emploi. 

V.   HOLLANDE. 

Examen  de  con^'ours  pour  la  nomination  (fun 
instituteur  primaire  à  l'école  communale  de 
Hemelum,  le  29  septembre  1877. 

Examens  écrits. 

Calculs.  —  1.  Un  marchand  achète  4000  kilogr. 
de  café  à  10  sous  le  kilogr.  Il  revend  ce  café  avec 
9  p.  100  de  bénéfice,  et  à  condition  de  recevoir  une 
partie  du  prix  comptant  et  155  florins  dans  4  mois. 
A  quel  prix  a-t-il  revendu  son  café  ? 

2.  Un  marchand  de  blé  achète  quelques  chars 
de  froment.  11  en  revend  les  3;.S  à  250  florins  et  le 
reste  à  300  florins  le  char.  Au  total  il  gagne  à  cette 
opération  une  somme  de  24  florins  ;  la  perte  qu'il 
a  faite  sur  sa  première  vente  est  au  gain  qu'il  a 
fait  sur  la  seconde  comme  1  est  à  2.  Combien 
avait-il  payé  le  char  de  froment? 

3.  Les  facteurs  premiers  d'un  nombre  sont  a,  b, 
c  et  d.  On  demande  de  déterminer  la  formule  qui 
donne  le  chifl're  de  tous  les  diviseurs  possibles  de 
ce  nombre. 

Comme  application,  calculer  le  chiffre  des  di- 
viseurs de  à  534. 

4.  Comment  expliquez-vous  à  vos  élèves  que 
5/3  X  4/5  =  i</15.  Regardez-vous  comme  nécessaire, 
après  cette  explication,  de  donner  la  règle  pour 
multiplier  deux  fractions?  Oui  ou  non,  et  pour- 
quoi. 

Géométrie.  —  Qu'est-ce  qu'un  solide  régulier; 
quels  sont-ils  et  pourquoi  n'y  en  a-t-il  pas  davan- 
tage ? 

2.  On  demande  la  façon  de  déterminer  la  dis- 
tance entre  deux  points,  lorsqu'un  seul  de  ces 
points  est  accessible. 

Langue.  —  Un  morceau  de  poésie  (6  vers)  étant 
donné,   le    transcrire    en    prose.  Faire    l'analyse 


BREVET 


—  280  — 


BREVET 


grammaticale  du  morceau  entier,  et  l'analyse  lo- 
gique des  trois  derniers  vers. 

Géographie.  —  Dessiner  une  carte  du  Rhin, 
de  la  Meuse  et  de  l'Escaut,  en  tant  que  le  cours 
de  ces  fleuves  appartient  à  la  Hollande. 

Histoire.  —  Etat  de  la  Hollande  à  l'époque  de 
Guillaume  I". 

Sciences  naturelles  —  La  foudre  et  le  para- 
tonnerre. 

Chant.  —  Indiquer  le  ton  dans  lequel  sont 
écrits  les  n'"  1,  2,  3,  5,  G,  9  et  12  du  recueil  do 
chants  de  Hol. 

Transposer  la  première  voix  du  n"  19  en  la  ma- 
jeur. 

Calligraphie.  —  Une  ligne  d'écriture. 

Examens    oraux. 

Lecture  de  morceaux  de  prose  et  de  poésie  du 
TCcueil  Een  binemkran'-. 

Question  de  grammaire  sur  les  morceaux  lus. 

Calcul  :  problèmes  à  résoudre  et  à  expliquer  de- 
vant les  élèves. 

Théorèmes  élémentaires  de  géométrie. 

Histoire  de  l'Europe  depuis  1500. 

Examen  de  concours  pour  l'enseigjiement  primaire 
supérieur  [Meer  uitgehreid  Loger  Onderwijs), 
à  Vlaardingen,  les  17  et  18  septembre  1877. 

Langue  hollandaise.  —  Morceau  de  poésie  assez 
étendu  |3G  vers)  d'un  auteur  du  xvii'^^  siècle,  Reijer 
Anslo,  à  transcrire  en  prose,  avec  explication  d'un 
certain  nombre  de  mots  difficiles. 

Arithmétique.  —  1.  In  négociant  a  aclieté  des 
marchandises  à  1  florin  -il  et  i  florin  ;iO  le  kilogr., 
pour  une  somme  de  "2114  florins  16.  Il  les  revend 
toutes  au  prix  de  1  florin  hb  le  kilog.,  et  par  là 
gagne  sur  les  premières  6  florins  76  de  moins  que 
sur  les  secondes.  Combien  de  kilog.  avait-il 
achetés  ? 

2.  Par  l'application  de  diverses  propriétés  des 
proportions,  trouver  la  valeur  de  a  dans  : 

a  —  .3  :  \la  +  n  =  l\a-\--è  :  4a  +  48. 

3.  Quelqu'un  veut  laisser  à  sa  mort  une  somme 
de  lOOUÛ  florins  à  ses  liéritiers  ;  combien  aura-t- 
il  à  payer  à  une  compagnie  d'assurances,  la  durée 
probable  de  sa  vie  étant  estimée  ;'i  20  ans,  et  l'in- 
térêt étant  compté  à  h  "/„  ? 

4.  Démontrer  que  la  cinquième  puissance  d'un 
nombre  a  toujours  dans  la  colonne  des  unités  le 
même  cliiffre  que  ce  nombre  lui-même. 

Algèbre. —  1.  Quelle  est  la  valeur  de  xdansl'é- 
quation  suivante  : 

5         l.S    .    45         1.35    ,      ^  „  2 

— ; — \-  etc.  =  X  —  .3  -• 


15        45 

x^  ^  r' 


2.  Résoudre  la  fraction 


l^}i- 


\Ï7i'-  —  .3f> 


4/2-'  —  l'hi'-^  -r-  6?i  -r  6 
en  la  somme  de  trois  autres  fractions. 

3.  Résoudre  la  fraction  ?A-  en  la  somme  de  deux 
fractions  ayant  pour  dénominateurs  7  et  11. 

Composition.  —  Exposez  votre  opinion  sur  les 
récompenses  et  les  punitions  dans  l'école,  relati- 
venipnt  à  l'ordre  et  à  la  discipline  scolaires. 

Géographie.  —  Considérations  sur  le  sol  de  la 
Hollande  et  sur  l'état  de  choses  (|ui  en  résulte. 

Sciences  naturelles.  —  l.  Expliquez  aux  élèves 
d'une  classe  supérieure  le  mécanisme  de  la  presse 
hydraulique. 

2.  Indiquez  aux  mêmes  élèves  la  classification 
des  oiseaux,  en  disant  quelque  chose  des  princi- 
paux caractères  d'un  certain  nombre  d'entre  eux. 

Langues  étrangères.  —  Traduction  en  anglais, 


en  français  et  en  allemand  de  trois  morceaux  en 
prose,  d'une  difficulté  moyenne. 
Vr.  PRUSSE. 
ÉCOLE  NORM.\LE   D'INSTITUTEIRS   A  HAI.BERSTADT. 

Sujets  au  clioix  pour  l'examen  des  aspirants  au 
poste  d'instituteur  (à  titre  provisoire). 

1.  Pédagogie. —  1.  Principes  de  l'enseignement 
de  l'histoire  sainte. 

2.  Rôle  de  l'insiituteur. 

3.  Des  punitions  comme  moyen  d'éducation. 

4.  Eberhard  de  Rochow  et  son  influence  sur 
l'instruction  primaire  en  Prusse. 

5.  Bases  de  l'éducation  de  la  volonté. 

6.  De  l'emploi  du  livre  de  lecture. 

7.  L'éducation  et  la  liberté  morale. 

8.  Quelles  décisions  officielles  règlent  l'ensei- 
gnement primaire  en  Prusse  et  quel  en  est  le  con- 
tenu? 

II.  Religion.  1.  Explication  du  Décalogue  par 
Jésus-Christ,  dans  le  Sermon  de  la  montagne. 

2.  Commentaire  de  la  deuxième  demande  conte- 
nue dans  l'oraison  dominicale. 

3.  Du  gouvernement  divin  dans  l'univers. 

4.  L'apôtre  Je^n. 

5.  La  première  Epître  aux  Corinthiens  (  ré- 
sumé). 

6.  Parabole  de  l'Econome  infidèle. 

7.  «  Je  crois  ;\  la  vie  éternelle.  » 

8.  «  Je  suis  le  Dieu  tout-puissant,  marche  de- 
vant moi  et  sois  pieux.  » 

in.  Langue  et  littérature  allemandes.—  l.'Vie, 
œuvres  et  iniporiance  littéraire  des  poètes  du  Got- 
tinger  Hainhund. 

2.  «  C'est  dans  ton  cœur  que  luit  l'étoile  de  ta 
destinée.  »  (Schiller.) 

3.  «  Celui  qui  se  plaint  de  s'ennuyer  s'accuse 
soi-même.  » 

4.  Dans  quelles  œuvres  éclatent  plus  spéciale- 
ment la  puissance  et  la  dignité  de  la  poésie  du 
moyen  âge? 

5.  Quels  sont  les  écrivains  allemands  qui  méri- 
tent plus  spécialement  une  place  dans  les  recueils 
de  lecture  pour  l'école  primaire  ? 

6.  L'idée  de  la  fidélité  dans  les  anciennes  légen- 
des populaires  allemandes. 

7.  L'enseignement  de  la  langue  allemande  dans 
les  écoles  prit  laires,  son  but,  et  les  moyens  à  em- 
ployer. 

ÎV.  Calcul  (t  géométrie.  —  l.  Deux  sommes 
représentant  ensemble  1 1 ,040  marcs  sont  exigibles  : 
l'une  au  bout  d'un  an  et  13,  l'autre  au  bout  de 
deuxar.s  et  7  9.  On  paie  les  deux  sommes  immédia- 
tement, mais  on  relient  un  escompte  du  5  0/0  pour 
la  première  et  du  4  1/2  0/0  pour  la  seconde.  Le 
total  des  deux  sommes  ainsi  payées  étant  de  10,000 
marcs,  on  demande  quel  est  le  montant  de  cha- 
cune d'elles? 

2.  Calculer  la  force  d'ascension  d'un  ballon  rem- 
pli de  gaz  d'éclairage  et  mesurant  G'", 2 -de  diamè- 
tre. L'enveloppe  pèse  20  grammes  par  centimètre 
carré  ;  1  mètre  cube  d'air  pèse  l''',3. 

3.  Résoudre  ces  deux  équations  : 

x^Xy-  =  120l 
xg  =  GOO 

4.  Etant  données  les  dimensions  des  trois  côtés 
d'un  triangle,  en  déterminer  la  forme. 

5.  Cercles  inscrits  et  cercles  circonscrits. 
G.  L'octaèdre. 

V.  Sciences  naturelles.  —  1.  La  poulie  et  lo 
treuil. 

2.  La  pression  atmosphérique. 

3.  Appareils  pour  la  transmission  des  sons. 

4.  Des  systèmes  de  chaulVage. 

5.  L'azote. 

0.  L'œil  et  la  vue. 


BREVET 


—  281  — 


BREVET 


7.  Les  organes  de  la  respiration  chez  les  ani- 
maux vertébrés. 

8.  Structure  et  classification  des  animaux  arti- 
culés. 

9.  Les  plantes  bulbeuses  et  leurs  types  princi- 
paux. 

10.  Distribution  géographique  des  végétaux. 

11.  CompoMtion  cliimique  des  plantes. 

12.  Les  se;di  minéraux. 

VI.  Histoire  universelle.  —  1.  La  deuxième 
guerre  punique  et  ses  causes. 

2.  Lutte  du  Croissant  contre  la  Croix. 

3.  L'empereur  Frédéric  I*'  de  Hohenstaufen. 

4.  Comment  le  Sclileswig  et  le  Holstein  sont  de- 
venus provinces  prussiennes  ? 

5.  La  première  croisade  et  ses  causes. 

6.  Comment  les  Hohenzollern  sont-ils  devenus 
rois  de  Prusse  et  empereurs  d'Allemagne  ? 

VII.  Géographie.  —  1.  Superficie  de  Ihémi- 
sphère  oriental. 

2.  La  basse  Europe. 

3.  La  haute  Asie. 

4.  Configuration  naturelle  de  rAmérifjue. 

5.  Le  Danube. 

6.  L'océan  Atlantique. 

7.  CJassification  des  corps  célestes. 

8.  Les  cours  d'eau  de  l'Allemagne. 

9.  Configuration  du  sol  de  la  Prusse. 

10.  Le  soleil. 

VIII.  Musique  iV^  division' .  —  1.  Préludes  pour 
les  chorals  ci- dessous  : 

Dank  sei  Gott  in  der  Hij/ie. 

Fahre  fort.  etc. 

Wie  gross  ist  des  Allmàchtigen  Gide,  etc 

Es  ist  gewifslic/i  an  der  Zeit,  etc. 

2.  Ecrire  l'harmonie  de  l'un  de  ces  chorals 
(2*  division): 

Eùie  feste  Burg  ist  U7iser  Gott 

Went  wir  in  /tôchsten  Nôt/ien,etc. 

So  gehst  du  nun  mein  Jésus  /an. 

Arranger  les  mélodies  de  ces  chorals  avec  plu- 
sieurs basses,  ou  bien  à  quatre  voix  en  se  servant 
de  la  2=  basse. 

SUJETS   AU   CHOIX     POUR     L'EXAMEX     DES    ASPIR.WTS     AU 

POSTE  d'instituteur   (à  titre  définitif). 

1.  Pratique  scolaire.  —  1.  Uùitérèt,  comme 
meilleur  moyen  d'accélérer  les  progrès  des  élèves, 
et  comme  but  de  l'instruction. 

2.  L'enseignement  intuitif  doit-il  exister  dans 
l'école  primaire  comme  branche  spéciale  d'ensei- 
gnement'? quels  sont  les  pédagogues  qui  se  pro- 
noncent pour  l'affirmative  et  ceux  qui  se  pronon- 
cent pour  la  négative  ? 

•3.  D'après  quels  principes  et  do  quelle  façon 
doit-on  donner  un  enseignement  méthodique  de  la 
calligraphie? 

1*1.  Instruction  religieuse.  —  1.  Exposé  de  l'é- 
vangile du  r*^  dimanche  après  la  Trinité. 

2.  Quels  récits,  sentences  bibliques  et  versets 
de  cantiques  choisiriez-vous  en  traitant  de  ce  pas- 
sage du  catéchisme  :  >^  Je  crois  que  Dieu  me  sou- 
tient »? 

3.  Quels  sont  les  cantiques  composés  par  Lu- 
ther? comment  peut-on  les  classer?  et  quels  sont 
les  passages  de  l'Écriture  qui  les  ont  inspirés? 
Donner  un  exemple  comme  spécimen. 

III.  Autres  branches  d'enseignement.  —  A. 
Histoire  :  1.  Quelles  sont  les  méthodes  que  vous 
connaissez  pour  l'enseignement  de  l'histoire  ?  Ca- 
ractérisez chacune  d'elles.  Laquelle  préférez  vous 
et  pourquoi  ? 

2.  Jugez-vous  convenable  d'enseigner  l'histoire 
h  l'école  primaire  en  rattachant  cet  enseignement 
à  certains  anniversaires?  Quels  sont  les  anniver- 
saires que  vous  choisiriez  pour  l'histoire  de  la 
Prusse?  Quel  souvenir  vous  rappelle  le  18  juin? 


3.  Comment  traiteriez-vous  l'histoire  des  croisa- 
des dans  la  classe  supérieure  d'une  école  de  trois 
divisions?  (Spécimen  de  préparation). 

B.  Allemand:  1.  L'enseignement  de  i orthogra- 
phe à  l'école  primaire. 

2.  Convient-il  de  traiter  à  l'école  primaire  de  la 
nature  de  la  langue  poétique?  En  cas  d'affirmative, 
il  quel  degré  de  l'enseignement  et  dans  quelles 
proportions? 

;i.  Commenter,  pour  les  élèves,  la  chanson  de 
Uhland  :  Ich  hatt'  eiiien  Kunieraden. 

i.  Quel  est  le  poète  dont  vous  pourriez  esquisser 
la  biographie  à  l'école  primaire?  (Donnez-en  une 
idée  par  un  exemple.) 

C.  Géographie  :  1.  Esquisser  le  programme  des 
premières  leçons  de  géographie  nationale. 

2.  Préparation  écrite  pour  traiter  le  sujet  sui- 
vant dans  la  classe  supérieure  de  l'école  primaire: 
■'  La  configuration  naturelle  de  l'Europe  ». 

•'!.  Le  Harz. 

D.  Calcul  :  1.  L'enseignement  du  calcul  à  l'é- 
cole primaire  par  les  procédés  intuitifs. 

2.  La  règle  de  trois,  sa  nature  et  sa  place  dans 
l'enseignement  du  calcul. 

3.  La  division  des  fractions. 

E.  Géométrie  :  Quels  principes  de  géométrie  se 
rattachent  au  cube? 

2.  Le  développement  de  la  spiiére  sur  la  base 
de  l'intuition. 

3.  Le  théorème  de  Pythagore  et  son  explication 
dans  l'école. 

F.  Physique  ;  1.  Le  rouet  comme  type  de  la  ma- 
chine. 

2.  Les  jouets  de  l'enfant  utilisés  comme  appareils 
de  physique. 

3.  La  foudre  et  le  paratonnerre. 

G.  Chimie  :  1.  Les  désinfectants. 

2.  Les  substances  chimiques  employées  dans  la 
photographie. 

3.  Des  matières  d'éclairage  fournies  par  les  trois 
règnes  de  la  nature. 

H.  Histoire  naturelle:  1.  Les  essences  forestiè- 
res d'Allemagne. 

2.  Le  cœur  et  la  circulation  du  sang  chez  les 
animaux  vertébrés. 

3.  La  main  humaine  et  le  pied  de  l'animal. 

vu.  SAXE  (ROYAUME). 
ÉCOl.E    NORMALE    d'iNSTITUTEURS    A   .^.VXABERG. 

Examen  des  candidats  à  l'enseignement  (Schul- 
amts-Kandidaten),  subi  à  la  sortie  de  l'École 
normale,  automne  de  \%'\  (candidats  divisés  en 
8  sections). 

Épreuves  écrites. 

I.  Composition  allemande.  —  L'Oraison  domi- 
nicale envisagée  comme  la  prière-type. 

II.  Catéchétique.  —  Sujets  :  Matthieu,  X,  32  ; 
Luc,  X.  42  ;  Jean,  VI,  "08-09;  Jean,  VIII,  51; 
Jean,  XIV,  6  ;  1"  aux  Corinthiens,  X,  12,  etc. 

(Chaque  candidat  a  un  sujet  différent  à  déve- 
lopper.) 

III.  Sujets  de  leçons  d'épreuve  i par  écrit)  : 
La  mort  de  saint  Jean-Baptiste.  Les  chemins  de 

fer  en  Saxe.  Formation  dc'^  propositions  simples. 
Les  impressions  de  Pierre  h  l'étranger.  Les  nou- 
veaux poids.  Le  lion. 

La  baleine.  La  mort  de  Gustave-Adolphe.  For- 
mation des  propositions  subordonnées.  Les  luttes 
pour  l'indépendance  nationale  de  1813  à  ISlô.  Le 
paratonnerre. 

Le  télégraphe.  L'ours.  La  fondation  du  Gustav- 
Adolphs-Verein.  La  mort  de  Luther.  Transforma- 
tion d'un  morceau  de  lecture  en  propositions 
simples.  Les  bases  de  la  classification  botanique  de 
Linné. 

Le  cœur  et  la  circulation  du  sang.  Narration  d'un 


BREVET 


—  282  — 


BREVET 


conte  do  fées  (le  Jouot  de  la  fille  du  géant}.  Les 
nouvelles  mesures  de  capacité.  La  mort  de  César. 
Les  lacs  de  la  Suisse.  Transformation  des  phrases 
d'un  morceau  de  lecture  en  phrases  interroga- 
tives. 

Conjugaison  du  verbe.  Le  singe.  La  légende  de 
Riibezahl.  Le  comte  de  Zinzendorf.  Les  lacs  de 
l'Amérique  du  Nord.  Le  jugement  de  Salomon. 
Déclinaison  du  substantif.  Comment  lo  soleil  déter- 
mine les  saisons.  La  légende  de  Han-asspi-ung. 
Nos  animaux  domestiques.  Le  sirocco  et  le  simoun. 
Le  cours  de  la  Muldc  de  Zwickau. 

Les  Vaudois.  La  diète  de  \\ornis.  La  légende 
des  lemmes  de  Weinsberg.  Les  lacs  de  la  Haute- 
Italie.  Les  degrés  de  comparaison  des  adjectifs.  Le 
crocodile. 

La  conversion  de  Saint-Paul.  Les  districts  honil- 
1ers  de  l'Allemagne.  Le  désert  du  Saliara.  Les 
nouvelles  mesures  de  superlicie.  Les  lacs  de  l'Asie. 
Le  prophète  Elie. 

IV.  Problèmes  d'arithmétique.  —  1.  A,  B  et  C 
mettent  en  commun,  pour  une  entreprise  commer- 
ciale, une  somme  do  l.i  iOU  thalers.  A.  fournit  la 
moitié  de  la  somme.  B.  fournit  20  o/p  de  plus  que  C. 
L'opération  commerciale  achevée  au  bout  de  deux 
ans  et  demi,  ils  partagent  un  bénéfice  de  -j  ô4ô  tha- 
lers. à  proportion  de  leurs  mises  de  fond,  après 
que  A  et  B  ont  prélevé  l'intérêt  du  surplus  de 
leur  apport  au  taux  de  2%.  Combien  chacun  d'eux 
reçoit-il  ? 

2.  Le  5  juillet  18i2  on  a  prêté  à  un  négociant  les 
sommes  suivantes  : 


400  thalers  jusqu'au  5  novembre  . . 
200  —  ô  janvier  18 i3 

400  —  5  mars 

800  —  5  avril 


à 


S       o/o. 

4  — 
il  — 
(i     — 


Le  créancier  désire  que  ces  sommes  lui  soient 
remboursées  toutes  ensemble  à  une  même  date, 
avec  les  intérêts.  On  demande  :  a)  à  quelle  date 
ce  remboursement  pourra  avoir  lieu  sans  qu'il  en 
résulte  pour  le  négociant  ni  porte  ni  bénéfice?  b) 
à  quel  taux  moyen  les  intérêts  doivent  être  cal- 
culés ?  c  quelle  somme  le  débiteur  a  à  payer? 

3.  Un  tailleur  a  payé  pour  29  aunes  de  drap 
13  louis  d'or  et  2G  thalers  2T  neugrosclien  ;  une 
autre  fois,  pour  37  aunes  du  même  drap  il  a  payé 
17  louis  d'or  et  y2  thalers  .1  neugroschcn.  On 
demaiide  :  1°  à  quel  cours  les  louis  d'or  ont  été 
acceptés  ;  2°  quel  est  le  prix   de  l'aune  de   drap. 

V.  Géométrie  et  physique.  —  I.  Méthode 
de  comparaison  des  longueurs  entre  des  lignes 
droites. 

2.  Partager  harmoniquement,  par  le  calcul  et  par 
la  construction,  une  ligne  droite  donnée  a,  lorsque 
la  1"  partie  b  est  donnée. 

3.  Quelle  est  la  longueur  du  rayon  d'un  cercle 
qui  peut  être  tracé  autour  d'un  carré  de  Ji  cent. 
de  côté  ? 

4.  Un  charron  doit  faire  les  roues  de  devant 
d'une  voiture  d'une  dimension  telle  qu'elles  accom- 
plissent -50  tours  pendant  (jue  les  roues  de  der- 
rière en  accomplissent  iiO  Si  les  roues  de  derrière 
ont  0'",1I72  de  haut,  quelle  doit  être  la  hauteur 
des  roues  de  devant  ? 

5.  Un  cric  a  une  manivelle  de  8  ponces  de  lon- 
gueur, à  laquelle  est  adaptée  une  roue  dentée 
de  2  I  pouces  de  diamètre,  qui  s'engrène  dans  unt; 
autre  roue  de  8"  de  diamètre.  A  l'axe  de  cotte  der- 
nière est  adaptée  une  petite  roue  dentée  de  deux 
pouces  de  diamètre,  qui  s'engrène  dans  les  dents 
de  la  barre  verticale.  Quel  poids  peut-on  soulever 
avec  ce  cric  au  moyen  d'une  force  de  40  clievaux, 
et  combien  de  tours  la  manivelle  doit-elle  donner 
pour  élever  ce  poids  à  la  hauteur  di;  "J  pieds? 

6.  Une  boule  au  repos  est  mise  en  mouvement, 
avec  une  vitesse  nui  s'accroît  de  1°\2  nar  seconde. 


Quelle  est  sa  vitesse  au  bout  de  10  minutes,  el 
quelle  distance  a-t-ellc  parcourue  au  bout  de  ce 
temps  ? 

7.  Un  corps  est  lancé  en  l'air  verticalement,  avec 
une  vitesse  initiale  de  2.S0'.  On  demande  : 

1"  Quelle  est  sa  vitesse  au  bout  de  h  secondes? 

2»  Quelle  hauteur  il  aura  atteint  au  bout  do 
6  secondes? 

30  Quelle  est  la  plus  grande  hauteur  qu'il  at- 
teindra ? 

4"  En  combien  de  secondes  après  l'instant  où  il 
a  été  lancé  il  sera  retombé  à  terre  ? 

8.  Le  tube  d'un  manomètre  à  mercure  a  une  lon- 
gueur de  IS  centimètres.  On  veut  le  diviser  de 
telle  sorte  qu'on  puisse  y  lire  une  pression  allant 
jusqu'à  6  atmosphères ,  chaque  degré  ayant  la 
valeur  d'une  demi-atmosphère.  Comment  doit-on 
procéder? 

VI.  Musique.  —  Transcrire  un  choral  chiffré 
dans  quatre  tons  différents,  y  ajouter  un  accompa- 
gnement, et  le  faire  précéder  d'une  cadence  dans 
les  accords  propres  à  cliar|ue  ton,  ou  d'un  prélude 
sur  un  motif  emprunté  au  choral. 

Épreuves  orales. 

(Nous  nous  bornons  à  indiquer  les  sujets  sur 
lesquels  ont  été  interrogés  les  candidats  de  l'une 
des  huit  sections  qui  se  présentaient  à  l'examen). 

2"    SECTION. 

I.  Religion,  connaissance  de  la  Bible  et  his- 
toire ecclésiastique.  —  Les  paraboles  do  Jésus 
dans  l'Evangile  de  Matthieu,  chap.  xiv,  comme 
retraçant  l'histoire  du  royaume  de  Dieu  dans  ses 
grandes  époques.  Le  plan  de  Jésus  développé  dans 
l'histoire  de  la  tentation  :  ce  n'est  point  par  le 
pouvoir  des  miracles,  qui  ne  donne  que  des  biens 
terrestres  (solution  sociale),  ni  en  se  mettant  à  la 
tête  du  clergé  juif  (solution  cléricale),  ni  en  se  ser- 
vant du  pouvoir  royal  temporel  (solution  pr)liii(|ue), 
que  le  Seigneur  veut  devenir  le  rédempteur  du 
monde  ;  c'est  comme  le  prophète  de  l'iimnanité 
perdue,  comme  le  grand-prêtre  qui  s'offre  lui-même 
en  sacrifice,  comme  le  souverain  du  royaume  de 
l'humanité. 

II.  Pédagogie.  —  A.  Tiiéorie  de  l'éducation  : 
Le  principe  anthropologique  de  l'éducation. 

1.  Principe  général.  L'homme,  comme  objet  de 
l'éducation,  en  a  besoin  et  est  capable  de  la  rece- 
voir. Les  honmies  pécheurs  ne  sont  pas  encore  des 
hommes  perdus.  Le  Seigneur  les  cherche.  Luc, 
chap.  XV.  L'homme  dont  il  s'agit  de  faire  l'édu- 
cation est  baptisé.  Signification  pédagogique  du 
baptême.  Le  baptême  est  la  base  du  travail  édu- 
catif, la  garantie  de  son  succès,  et  crée  l'obligation 
de  l'éducation,  i"-"  Ep.  à  Timothée,  III,  l.')-17. 

2.  Principe  particulier  :  L'homme  n'est  pas  un 
exemplaire  d'une  espèce,  mais  un  individu,  qui 
doit  être  développé  et  amené  à  la  personnalité. 
Education  et  développement  naturel.  But  :  culture 
morale  et  caractère.  Diflërence  entre-  la  culture 
(Bildung)  et  l'éducation  [Erziehung).  La  première 
est  l'exercice  d'un  art,  la  seconde  est  un  acte 
moral.  Le  but  de  la  culture  est  esthétique,  le  but 
de  l'éducation  est  éthique. 

B.  Logique.  L'idée  (Begri/f)  ;  son  contenu,  son 
étendue.  Idées  simples  et  composées.  Idées  con- 
crètes et  abstraites,  di.sjointes  et  disparates,  ana- 
lytiques et  synthétiques  ;  détermination  et  abstrac- 
tion des  attributs. 

C.  Méthodique  et  pédagogie  pratique.  —  L'en- 
seignement concret  Histoire  de  l'enseignement 
concret.  Histoire  de  l'enseignement  inductif.  Amos 
Comenius.  Basedow.  Pestalozzi. 

III.  Calcul.  —  Solution  de  problèmes  de  calcul 
mental. 

IV.  Langue  allemande.  —  \.  Grammaire  :  La 
orose;  ce  ciui  la  distingue  delà  poésie;  ses  difl'é- 


BREVET 


—  283  — 


BREVET 


rents  genres.  Les  genres  objectifs  de  la  prose  : 
narration,  conte,  fable.  La  poésie  didactique,  son 
histoire,  ses  caractères. 

B.  Littérature  :  Lessing  et  le  Laocoon. 

V.  Realien.  —  A.  Géographie  :  L'axe  de  la  terre 
est  incliné  sur  l'orbite  terresti'e,  et  demeure  tou- 
jours parallèle  à  lui-même. 

B.  Histoire  :  La  fin  du  moyen-âge  ;  les  décou- 
vertes, en  particulier  celles  des  Portugais. 

G.  Physique  :  La  réflexion  en  acoustique  et  en 
optique.  Les  lois  de  la  réflexion,  exposées  avec  dos 
expériences  à  l'appui. 

VI.  Géométrie.  —  Poser  une  équation  destinée 
à  calculer  le  cosinus  d'une  différence  d'angle. 

ÉCOLE  NORMALE  d'iXSTITUTEURS  A  ANNABERG. 

Examen  pour  le  brevet  de  capacité,  subi  par  des 
postulants  at/ant  df'jà  deux  ans  de  pratique  de 
l'enseignement.  Seutembre  1871.  (41  postulants 
divisés  en  7  seclv-ns.) 

Epreuves  écrites. 

L  Composition  allemande.  —  Un  bon  maître 
ne  doit  jamais  regarder  ses  études  comme  aclio- 
vées. 

IL  Catéchétique.  —  Sujets  :  Esaïe ,  LX,  I  ; 
Esaie,  LX,  2  ;  Genèse,  III,  1.^  :  Deutéronome,  VI,  ô  ; 
Esaïe.  VI,  !)  ;  Deutéronome,  VI,  f;-7.,  etc. 

(Chaque  candidat  a  un  sujet  différent  à  déve- 
lopper.) 

III.  Sujets  de  leçons  d'épreuve  (par  écrit).  — 
Les  Thermopyies  et  Léonidas.  Indiquer  les  sujets 
des  propositions  dans  un  morceau  de  lecture. 
L'arc-en-ciel.  Narration  d'après  la  ballade  Die 
Biirgschaf't,  de  Scliiller.  Explication  des  noms  des 
mois.  La  fable. 

Le  labyrinthe  et  Tliésée.  Indiquer  les  complé- 
ments dans  un  morceau  de  lecture.  Narration 
d'après  la  ballade  Der  Abt  zuSt.  Galltn,  de  Biirger. 
Explication  des  noms  des  jours  de  la  semaine.  La 
mon  de  Socrate.  Le  cheval. 

Le  cours  de  la  Zscliopau,  Les  pronoms  relatifs 
dans  un  morceau  de  lecture.  Les  armoiries 
de  la  Saxe.  Napoléon  à  Sainte-Hélène.  Les  noms 
des  monnaies  saxonnes.  La  pesanteur  de  l'eau. 

La  mort  de  Wallenstein  à  Egra.  L'Ammergau. 
Crésus  et  Selon.  Les  trois  anneaux  du  Nathan  de 
Lessing.  Les  pyramides  d'Egypte.  Le  mouton.  Les 
conjonctions  dans  un  morceau  de  lecture.  Fabricius 
et  Pyrrhus.  Transcription  en  prose  d'une  stroplic 
de  poésie.  La  chute  du  Rliin  à  Schaffhouse.  Le 
corail. 

Les  nouvelles  mesures.  Le  lac  de  Constance. 
«  Annibal  est  aux  portes.  »  La  pesanteur  de  l'air. 
Les  perles.  Les  parties  principales  d'une  église  et 
leur  signification  symbolique. 

Le  serpent.  L'orphelinat  de  Halle.  L'éclipsé  de 
lune.  Les  roses  de  la  landgrafin  Elisabeth.  L'aigle. 

IV.  Problèmes  d'arithmétique.  —  1.  Combien 
de  temps  920  thalers  doivent-iis  rester  placés  au 
taux  de  4  I  %,  pour  que  le  capital  et  lès  intérêts 
réunis  atteignent  le  chiffre  de  1030  thalers  18  neu- 
groschen  !)  pfennigs  ? 

2.  Trois  créanciers  ont  à  réclamer  d'un  débiteur 
les  sommes  suivantes  : 

A.  800  thalers  et  intérêts  au  4      "/o  pendant  1  anet6mois; 

B.  1200  —  ai  _  2|  ans; 

C.  1600  _  4  _  ianetSmois. 

Pour  se  rembourser  de  leurs  créances,  ils  n'ont 
à  partager  qu  une  somme  de  1>5G  thalers  tô  neu- 
groschen  9  pfennigs.  Combien  revient-il  à  chacun? 

3.  Un  instituteur  disait  :  Si  j'avais  I  i  fois 
autant  d'élèves  que  j'en  ai  en  réalité,  plus  10,  le 
nombre  que  j'aurais  serait  supérieur  à  8i  de  la 
même  quantité  que  le  nombre  actuel  est  inférieur 
i  85.  Combien  cet  instituteur  avait-il  d'élèves? 


V.  Géométrie  et  physique.  —  1.  Sur  la  manière 
de  traiter  de  l'égalité  des  triangles  dans  l'école 
primaire. 

2.  Construire  un  angle  droit  de  façon  à  ce  que 
ses  côtés  passent  par  deux  points  donnés  a  et  6, 
et  que  son  sommet  aboutisse  à  une  ligne  droite 
donnée  cd. 

3.  D'un  point  p  tirer  une  tangente  à  un  cercle. 
Quelle  sera  la  longueur  de  la  tangente  du  point 
p  au  point  de  tangence  t,  si  la  distance  du  point  /) 
au  centre  du  cercle,  soit  pc,  et  le  rayon  de  ce 
cercle  et  ont  les  valeurs  suivantes  : 

l"    et  =  0'",124; 

cp  =  0'°,-,',S06; 

2°    et  =  0"',32; 

cp  =  ô^/JS. 

4.  Quel  doit  être  le  diamètre  d'une  meule,  pour 
qu'elle  fasse  1 10  tours  à  la  minute,  et  que  la  vitesse 
de  la  périphérie  soit  de  7"", .S? 

3.  Si  aux  trois  angles  d'un  triangle  isocèle  agissent 
trois  forces  ayant  une  direction  verticale  de  haut 
en  bas.  et  répai-ties  ainsi  :  aux  doux  extrémités 
de  la  base,  deuï  forces  égales  de  .t8  chevaux  cha- 
cune, et  au  sommet  une  force  de  60  chevaux  ;  quel 
doit  être  le  point  de  suspension  de  ce  triangle, 
si  on  veut  qu'il  prenne  une  position  horizontale? 

(j.  Si  la  vitesse  finale  d'un  corps  mis  en  mouve- 
ment durant  5  secondes  avec  une  vitesse  accélérée, 
est  de  20  mètres,  quelle  a  été  sa  chute  durant  la 
première  seconde,  et  quel  espace  a-t-il  parcouru 
durant  chaque  seconde  isolément? 

7.  Pour  trouver  le  poids  spécifique  du  bois  de 
peuplier,  on  lie  ensemble  un  morceau  de  ce  bois 
pesant  .^0  grammes  et  un  morceau  de  fer  pesant 
dans  l'eau  100  grammes.  Les  deux  corps  réunis  ne 
pèsent  l'un  dans  l'autre  que  'J  15^79.  Quel  est  le 
poids  spécifique  du  bois  de  peuplier  ? 

Epreuves  orales. 

(Nous  nous  bornons  à  indiquer  les  sujets  sur 
lesquels  ont  été  interrogés  les  postulants  de  l'une 
des  sept  sections  qui  se  présentaient  à  l'examen,) 

1"^   SECTIOX. 

1.  Religion:  connaissance  de  la  Bible  et  his- 
toire ecclésiastique.  —  Le  royaume  de  Dieu  et 
son  fondateur.  Sa  doctrine  est  la  religion  chrétienne. 
Idée  de  la  religion.  Stijet  et  objet  de  la  religion. 
L'homme  et  Dieu.  L'idée  de  Dieu.  Source  de  la 
connaissance  de  Dieu.  La  révélation  (nature, 
conscience  et  histoire).  Athéisme  et  matérialisme. 
Panthéisme.  Déisme  et  rationalisme.  Le  théisme. 

II.  Pédagogie.  —  1.  Méthodique  spéciale  :  Los 
méthodes  de  lecture. 

2.  Théorie  de  l'éducation  :  But  de  l'éducation. 
Culture  de  l'homme.  Education  physique  et  intel- 
lectuelle. 

;{.  Questions  de  psychologie  et  de  logique. 

III.  Calcul.  —  Problèmes  de  calcul  mental. 

IV.  Langue  allemande.  —  Les  périodes.  Leur 
classification  et  leurs  caractères  distinctifs. 

Histoire  littéraire  :  Les  principaux  poètes.  La 
traduction  de  la  Bible   d'Ulpliilas  et  son  histoire. 

V.  Realien.  —  1.  Histoire  :  Démontrer  qu'une 
constitution  républicaine  ne  comporte  pas  toujours 
une  politique  pacifique  à  l'extérieur  et  la  liberté  à 
l'intérieur  ;  preuves  tirées  de  l'histoire  de  Rome, 
de  Venise  et  de  la  France. 

2.  Géographie  :  Le  trajet  d' Annibal  d'Espagne  en 
Italie,  par  la  Provence. 

;!.  Histoire  naturelle  :  Les  atomistes  de  l'anti- 
quité et  des  temps  modernes.  La  théorie  atomis- 
tique  dans  la  physique  et  la  chimie.  Atome  et 
molécule. 

VI.  Géométrie.  —  Construire  un  triangle  rec- 
tangle ,  étant  doimés  l'hypoténuse  et  la  somme 
des  perpendiculaires. 


BREVET 


—  'IHi  — 


BREVET 


VII.  Musique.  —  Epreuves  de  jeu  d'orgue,  de 
piano  et  de  violon;  épreuves  de  chant;  interroga- 
tions sur  la  théorie  de  l'iiarmonie. 

VIII.  Epreuves  pratiques  d'enseignement  et  do 
catéchisation. 

YIII.  SAXE-GOTHA. 
ÉCOLE    NORMALE    n'iNSTITUTELRS  A   GOTHA. 

Examens  de  sortie,  Pâques  1S7U. 
Examens  écrits. 

1.  Religion.  —  Développements  catochétiques 
sur  saint  Jacques,  chap.  i,  l4-l5  (ô  heures). 

II.  Pédagogie.  —  L'imagination  ;  sa  nature,  son 
rôle,  sa  culture  (6  heures). 

III.  Dessin.  —  Esquisse  d'une  carte  murale 
d'Europe,  ou  dessin  à  la  craie  d'après  le  plâtre, 
au  choix  (3  heures). 

IV.  Géométrie.  —  1.  Dessiner  un  carré  qui  soit 
trois  fois  aussi  grand  qu'un  carré  donné. 

2.  La  tangente  est  moyenne  proportionnelle  entre 
la  sécante  entière  et  la  partie  extérieure  ^à  démon- 
trer). 

3.  Quel  est  le  volume  d'un  cône  dont  le  rayon  a 
24  centimètres,  si  l'angle  à  la  base  est  de  3U°48'  ? 
^3  heures^ 

V.  Arithmétique.  —  1.  A..  B.  et  C.  doivent  par- 
tager entre  eux  une  somme  de  1000  marcs.  A.  doit 
recevoir  |  de  plus  que  B.,  moins  'ÎO  marcs,  C.  doit 
recevoir  *  de  moins  que  A.  et  B.  ensemble,  plus 
20  marcs.  Combien  chacun  d'eux  a-t-il  reçu  ? 

2.  Autour  d'un  lit  de  fleurs  de  forme  rectangu- 
laire, dont  les  côtés  mesurent  3  et  4  mètres, 
■s'étend  une  bande  de  gazon,  qui  a  partout  la  même 
largeur,  et  dont  la  superficie  égale  10  fois  celle  du 
lit  de  fleurs.  Quelle  est  la  largeur  de  cette  bande 
de  gazon  ? 

3.  Quelqu'un  doit  rembourser  au  bout  de  5  ans 
un  capital  de  2760  marcs  Quelle  est  la  somme 
qu'il  a  à  payer,  si  on  ajoute  au  capital  les  intérêts 
composés,  au  taux  de  4  J  %?  ("2  heures). 

VI.  Sciences  naturelles.  —  Les  lois  des  combi- 
naisons chimiques,  l'arc-en-ciel,  le  magnétisme 
terrestre  (^  heures). 

\lï.  Musique.  —  Chercher  la  mélodie  et  l'har- 
monie sur  une  basse  donnée  (2  heures;. 

Epreuves  orales. 

Interrogations  sur  l'histoire  de  l'Eglise,  la  théorie 
pédagogique,  les  mathématiques,  l'histoire  de  la 
littérature,  l'histoire,  les  sciences  naturelles,  la 
géographie.  Epreuves  sur  le  violon  et  l'orgue  ;  chant 
d'ensemble  et  chant  isolé. 

Leçons  d'épreuves. 

Onze  sujets  tirés  au  sort  entre  les  onze  candi- 
dats :  Moïse  ;  le  nombre  9  ;  les  hérons  ;  les  oiseaux 
chanteurs  (morceau  de  lecture)  ;  Henri  l"  ;  l'Erzge- 
birge;  la  formation  des  fractions  ;  le  liuitième  com- 
mandement; le  fer  (rédaction)  ;  dilatation  des 
corps  par  la  chaleur;  Charlcmagne. 

2°  FRANCE. 

SUJETS    PROPOSÉS    AUX    EXAMENS    DU    BREVET 


Voici  dans  quel  ordre  nous  donnons  les  spéci- 
mens des  sujets  d'examen. 

Nous  groupons  d'abord  les  sujets  se  rapportant 
au  Brevet  obligatoire  {Brevet. 'simple  OMcléinentairt- 
pour  les  instituteurs  et  pour  les  institutrices,  sa- 
voir :  les  épreuves  écrites  (A.  Épreuves  d'arithmé- 
tique; B.  Exercices  de  style;  C.  Dictées;  D.  Mo- 


dèles d'écriture;  E.  Travaux  d'aiguille);  et  les 
éfireiives  orales  (choix  de  questions  parmi  celles 
qui  ont  été  le  plus  fréquemment  posées  aux  can- 
didats). 

Puis  viennent,  également  pour  les  instituteurs  et 
pour  les  institutrices,  les  diverses  matières  de  l'cxa- 
nicn  du  Brevet  complet  (Brevet  supérieur).  Nous 
suivons  l'ordre  des  quatre  séries  d'épreuves  écrites 
et  d'épreuves  orales  déterminées  parle  programme 
ofdciel  de  18GG  iV.  Brevet  de  capacité  dans  la 
1"=  partie). 

Les  textes  que  nous  donnons  sont  empruntés 
pour  la  plupart  aux  liulletins  scolaires  déporte - 
meiïtaux.  La  collection  complète  en  a  été  recueil- 
lie, pour  les  années  1873  à  1877,  dans  l'ouvrage  de 
M.  H.  Lebourgeois  (Belin ,  éditeur)  :  Examen  du 
brevet  de  capacité  pour  l'enseignement  primaire. 
D'autres  publications  du  même  genre  ont  paru  de- 
puis chez  divers  éditeurs.  Ajoutons  que,  depuis  que 
les  sujets  sont  donnés  par  le  ministère  pour  la 
France  entière,  les  recueils  de  cette  nature  n'offrent 
plus  le  même  intérêt. 

I.  Brevet  simple  ou  obligatoire. 
A.  Épreuves  L'ARiTusiÉTigrE.  —  Aspirants. 

I.  —  Paris,  1876. 

1°  Définir  le  sens  de  cette  opération  :  diviser  un 
nombre  entier  par  une  fraction.  —  Expliquer  et  dé- 
montrer la  marche  à  suivre. 

2°  Un  orfèvre  a  deux  lingots  d'or  de  1800  gram- 
mes chacun,  l'un  au  titre  de  0,920  et  l'autre  au 
titre  de  0,750.  Combien  doit-il  ajouter  de  grammes 
du  second  au  premier  pour  obtenir  le  titre  de  0,840? 

Réponse.  —  ICOO  grammes  du  second  lingot. 

n.  —  Paris,  1876. 

1"  Expliquer  la  division  d'un  nombre  entier  par 
une  fraction  ordinaire  ;  d'une  fraction  ordinaire  par 
un  nombre  entier;  d'une  fraction  ordinaire  par 
une  fraction  ordinaire,  sur  les  exemples  suivants  : 

7-^     2  •  9-      1.'^- 
'  •  6'     4   •  "^'     20  •  7  • 

Observation.  —  Il  ne  convieDt  pas  de  placer  la  diTÎ- 
sion  d'un  nombre  entier  par  une  fraction  avant  la  dlTision 
d'une  fraction  par  un  nombre  entier. 

Les  candidats  ue  doivent  pas  hésiter  à  remettre  les  cho- 
ses dans  l'ordre  naturel. 

'1°  Les  adjudications  d'immeubles  ordonnées  par 
les  tribunaux  donnent  droit  h  1  «/q  sur  les  10  000 
pi'omiers  francs,  à  \  "/o  sur  les  40  000  francs  sui- 
vants, à  {  "/o  sur  les  50  000  francs,  etc.  A  quel  chif- 
fre se  monte  l'adjudication  d'une  propriété,  qui  a 
rapporté  au  notaire  375  francs  d'honoraires? 

liéponse.  —  80  000  francs. 

Observation.  —  L'frt.  placé  à  la  fin  de  la  première  par 
tie  de  l'énoncé  du  problème  est  de  trop. 

m.    —  Paris,  1876. 

1°  Du  franc.  —  Diamètre  et  poids  dos  diverses 
monnaies  de  France.  —  Rapport,  à  poids  égal,  de 
la  valeur  de  l'or  et  de  l'argent. 

Observation,  —  Ce  n'est  pas  là  une  question  de  théo- 
rie qui  puisse  faire  apprécier  le  savoir  d'un  candidat. 

De  plus,  si  les  candidats  doivent  connaître  le  poids  de» 
pièces  d'argent,  et  le  moyen  de  calculer  celui  des  pièce» 
il'or,  on  nepeut  exiger  d'eux  qu'ils  sachent  les  diamètres 
(le  ces  pièces. 

2"  A  quelle  heure,  entre  2  heures  et  3  heures, 
les  deux  aiguilles  d'une  montre  sont-elles  en  ligne 
droite. 

Réponse  :  —  1""  cas.  Les  deux  aiguilles  sont 
l'une  sur  l'autre  h  2''  10""  ff. 

2=  cas.  Elles  sont  l'une  sur  le  prolongement  de 
l'autre  à  2"  43'»  ^. 


BREVET 


285  — 


BREVET 


Observation.  —  A  l'aiJe  de  la  notation  algébrique,  il 
suffît  de  deux.lignes  pour  résoudre  ce  problème  avec  la  plus 
grande  clarté. 

IV.  —  Académie  de  Paris,   1<S*8. 

1°  Exposer  ce  que  devient  une  fraction  :  1  »  lors- 
qu'on ajoute  ou  quon  retranche  un  même  nombre 
à  ses  deux  termes  ;  2"  lorsqu'on  multiplie  ou  qu'on 
divise  ses  deux  termes  par  un  môme  nombre. 

Démonstration  de  ces  principes  sur  la  fraction  ^. 

2°  Deux  individus  possèdent  chacun  un  capital 
fiu'ils  placent  dans  l'industrie  de  la  verrerie.  Celui 
du  premier  produit  6  "/o,  et  celui  du  second,  qui 
surpasse  de  9000  francs  celui  du  premier,  pro- 
duits o/q. 

Sachant  que  le  second  touche  annuellement  en 
intérêts  IIGO  francs  de  plus  que  le  premier,  on 
demande  le  montant  de  ces  deux  capitaux. 

Réponse.  —\":  22  000 francs.  —  2^  :  3 1  000  francs. 

V.  — Académie  d'Aix,  I8"6. 

1"  Retrouver  la  fraction  ordinaire  qui  a  produit 
la  fraction  périodique  0,27272"...  et  expliquer  l'o- 
pération . 

Observation.  —  Cette  question  est  si  bien  dépourvue  de 
toute  utilité  réelle  qu'elle  a  été  supprimée  dans  les  program- 
mes de  l'enseignement  secondaire  pour  la  section  des  lettres. 

2°  On  a  fondu  pour  une  valeur  de  7500  francs 
de  pièces  d'argent  de  5  francs,  pour  fabriquer  de 
la  monnaie  divisionnaire  au  titre  de  0,835.  Com- 
bien pourra-t-on  faire  de  pièces  de  50  centimes 
avec  cette  quantité  d'argent,  et  quelle  est  la  quan- 
tité de  cuivre  qu'il  faudra  ajouter  pour  obtenir  le 
titre  demandé  ? 

Quel  sera  le  bénéfice,  sachant  que  la  remise  est 
de  1  fr.  50  pour  un  kilogramme  d'argent  monnayé 
et  que  le  kilogramme  de  cuivre  vaut  2  francs  '? 

liéponse.  — Poids  de  cuivre  à  ajouter:  2919^''  ICI. 

Nombi-e  de  pièces  de  50  centimes  :  16  167  avec 
un  reste  d'environ  30  centimes. 

Bénéfice  de  l'opération  :  520  fr.  31. 

Observation.  —  La  seconde  partie  de  ce  problème  exige- 
rait plus  de  clarté. 

Quel  sens  attribue-t-on  à  la  remise?  En  faveur  de  qui  est- 
elle  établie?  En  outre,  comme  il  y  a  deux  titres  différents 
pour  l'argent  monnayé,  il  était  indispensable  d'indiquer  que 
le  taux  de  1  fr.  50  se  rapporte  à  l'argent  qui  a  le  titre  de 
0,900. 

Il  aurait  fallu  supposer  que  les  7  500  fr.  sont  remis  à  l'Hô- 
tel des  Monnaies  pur  un  particulier,  qui  \eut  recevoir  en 
échange  des  pièces  de  50  centimes  au  titre  de  0,S3S.  Il  a  alors 
à  payer  le  prix  du  cuivre,  et  les  fi'ais  de  fabrication  qui, 
étant"  fixés  à  1  fr.  50  par  kilogramme  d'argent  au  titre  de 
0,900,  reviennent  à  1  fr.  06  par  kilogramme  d'or  lin. 

VI.  —  Académie  d'Aix.  1878. 
1°  Réduire  au  même  dénominatetir  les  fractions 
suivantes  : 


11     3 
14     o 


13     3 

•20     4 


Expliquer  la  méthode  sur  cet  exemple. 

Examiner  le  cas  particulier  où  l'on  a  deux  frac- 
tions telles  que  le  dénominateur  de  l'une  est  un 
multiple  du  dénominateur  de  l'autre.  Exemple  : 

4      15 
7      28 

ï"  Deux  trains  partent  de  Marseille,  l'un  h  G 
heures  du  matin,  l'autre  à  7''lti'"  du  matin  aussi. 
Le  premier  fait  32  kilomètres  à  l'heure  et  l'autre 
40  kilomètres,  arrêts  ordinaires  compris.  A  quelle 
heure  et  à  quelle  distance  de  Marseille  le  deuxième 
atteindra-t-il  le  premier? 

Réponse.  —  A  202'°'  -j  de  Marseille,  et  au  bout  de 
5-'  4m. 

VII.  —  Académie  de  Bordeaux,  1S7G. 


r  Diviser  I99  +  ï  par  10+^,  en  exposant  le 
raisonnement  qui  conduit  au  résultat. 

'1"  Une  machine  à  vapeur  a  consommé  en  103 
jours  de  travail  851  050  kilogrammes  de  charbon. 
Un  perfectionnement  apporté  à  sa  construction 
permet,  en  obtenant  la  même  force,  de  ne  brîiler 
que  2  8fiO  kilogrammes  en  37  heures. 

Trouver  l'économie  annuelle  due  à  ce  perfection- 
nement, en  supposant  330  jours  de  travail  par  an, 
et  le  prix  du  charbon  3f%75  les  100  kilogrammes. 

Réponse.  —  3  303'%79. 

Observation.— Le  nombre  d'heures  de  travail  par  jour 
n'étant  pas  indiqué,  nous  l'avons  supposé  égal    à  24. 

VIII.  —  Académie  de  Besançon,  187G. 

Le  prix  des  places  en  chemin  de  fer  est  ainsi 
réglé  par  personne  et  par  kilomètre  :  T'  classe, 
10  centimes  ;  2'  classe,  7  centimes  et  demi  ;  Z" 
classe,  5  centimes  et  demi. 

Trois  voyageurs  partent  de  la  même  station,  pre- 
nant chacun  une  classe  difi'érente.  Celui  de 
2'  classe  paie  2^M0  de  moins  que  celui  de  1"=  classe 
pour  se  rendre  à  la  même  destination  et  3  francs 
de  plus  que  celui  de  la  3'  classe. 

A  quelle  distance  chacun  des  voyageurs  se 
rend-il  '? 

Combien  chacun  a-t-il  dîi  payer  pour  le  trajet  ? 

A  quelle  heure  précise  chacun  sera-t-il  arrivé  à 
sa  destination,  si  le  convoi  est  parti  à  11  heures 
25  minutes  et  parcourt  40  kilomètres  à  l'heure  ? 

iîepoHse.— A'ov.de  1"  classe  :  84>">»—  Sf^40  — li»  31". 
^       2"      —      S4         6   ,30      1    31 
_       3e      _       60  3    ,30      raidi  55". 

IX.  —  Académie  de  Cliamhérii,  1876. 

1"  Exposer  la  théorie  de  la  division  des  nombres 
décimaux. 

2°  Un  terrain  de  forme  rectangulaire  ayant  325 
mètres  de  longueur  sur  160  mètres  de  largeur 
a  produit  495  gerbes  de  blé  par  hectare.  Il  faut 
V5  gerbes  pour  fournir  1  hectolitre  de  grain  et 
KiO  kilogrammes  de  paille. 

Le  fermier  vend  son  blé  à  raison  de  27f',50  les 
100  kilogr.  et  la  paille  à  raison  de  42  francs  le 
millier  métrique.  D'autre  part,  chaque  hectare 
supporte  un  loyer  de  GO  francs  et  a  exigé  120  francs 
d'engrais  et  3 l''s50  de  semence. 

Calculer  la  somme  qui  représente  les-  bénéfices, 
l'intétêt  des  avances  et  le  travail  du  fermier,  sa- 
chant que  l'hectolitre  de  blé  pèse  73  kilogrammes, 
20  grammes. 

Réponse.  —  1  GSO^'ÔS. 

X.  —  Académie  de  Caen.  1876. 

1"  Expliquer  pourquoi  la  valeur  d'une  fraction 
plus  petite  que  1  augmente,  quand  on  ajoute  le 
même  nombre  à  ses  deux  termes. 

2°  En  admettant  qu'une  surface  de  7  ares  pro- 
duise 12  décalitres  de  pommes  de  terre  ;  que  l'hec- 
tolitre de  pommes  de  terre  pèse  65  kilogrammes  ; 
que  la  pomme  de  terre  donne  les  |  de  son  poids 
en  fécule,  et  que  la  fécule  se  vende  45  francs  les 
100  kilogrammes,  on  demande  quel  sera  le  prix  de 
la  fécule  des  pommes  de  terre  récoltées  dans  une 
propriété  de  forme  rectangulaire  ayant  208  mètres 
de  longueur  sur  75  mètres  de  largeur. 

Réponse.  —  625  francs  78  centimes, 

XI.  —  Académie  de  Caen,  1*^76. 

1°  Démontrer  la  règle  à  suivre  pour  diviser  un 
nombre  par  |. 

2-  Une  personne  a  placé  à  intérêts  simples,  au 
taux  de  3'^  g-  ""  capital  dont  les  intérêts  de  10  ans 
5  mois  lui  ont  servi  à  acheter  un  pré  de  37  ares 
«  centiares,  à  raison  de  45  ceniimesle  mètre  carré. 
On  demande  quel  est  ce  capital. 

Réijonse.  —  4  33'y%50. 


BREVET 


286  — 


BREVET 


Observation.  —  Tous  les  recueils  de  problèmes  sont 
chargés  de  i|iiestinns  renfermant,  comme  celle-ci,  un  inti'ict 
simple  multiplié  par  un  temps  plus  ou  moins  considér:iblc. 
Cependant  rien  n'est  plus  en  désaccord  a\ec  la  réalité  des 
faits.  Qui  est-ce  qui,  en  effet,  jetterait  chaque  année,  au  fond 
de  son  tiroir,  l'intérêt  d'un  capital,  pour  employer  la  somme 
ainsi  économisée  au  bout  de  10  ans  et  5  mois  à  faire  l'acqui- 
sition d'un  pré  ? 

XII.  —  Académie  de  Douai,  1876. 

1"  Démontrer  que  le  produit  de  deux  nombres 
ne  change  pas,  quand  on  intervertit  l'ordre  des 
facteurs . 

2"  Deux  barriques  sont  pleines  d'un  vin  qui  vaut 
?o  centimes  le  litre.  Elles  sont  vendues  ;\  des  prix 
qui  diffèrent  de  SG  francs.  On  sait  que  les  |  de  la 
capacité  de  la  première  valent  les  ~  ^^  '^^  capacité 
de  la  seconde. 

Quelle  est  la  capacité  de  chacune  de  ces  barri- 
ques à  un  décilitre  près  '? 

Réponse.  —  1-'^  :  43.V,C0.  —  2«  :  3iJ3i,25. 

Observation.  —  Ce  problème  est  un  de  ceux  où  l'emploi 
du  c.Vcul  algébrique  simplihe  beaucoup  la  résolution  (Voir 
Calcul  algébrique). 

XIII.  — Académie  de  Douai,  1878. 

1"  Qu'est-ce  (|u'un  nombre  premier?  Comment 
reconnaît-on  si  le  nombre  851  est  premier? 

2"  Un  ouvrier,  sa  femme  et  son  fils  ont  reçu 
183^f,9G  pour  25  journées  du  père,  18  de  la  femme 
et  :!1  du  fils.  Le  prix  de  la  journée  de  la  femme 
vaut  les  0,75  de  la  journée  de  l'ouvrier  et  la  journée 
du  fils,  les  0,80  de  la  journée  de  la  mère. 

Quel  est  le  prix  de  la  journée  pour  chacun  d'eux 
et  combien  chacun  reçoit-il  en  tout  ? 

Réponse.    —  Journée.  Total. 

Père 

Mère 

Fils 


3'■^G0. 

W'. 

2  ,70. 

4S  ,60. 

2  ,16. 

45  ,-3G. 

XIV.  —  Académie  de  Clermont ,  1876. 
io  Quelle  est  la  plus  petite  des  fractions 

13     2.     ^? 

24     13     y  ' 

2°  Les  I  d  un  champ  sont  ensemencés  en  fro- 
ment; 4  en  pommes  de  terre  et  le  reste  en  luzerne. 
La  deuxième  partie  surpasse  la  troisième  de  16 
ares  8  centiares. 

Quelle  est  l'étendue  du  champ  et  celle  de  chaque 
partie  ? 

Réponse.  —  Surface  du  champ  :  G 030  centiares. 

re  partie  :  3  618.  —  2':  2  010. —  3«:  402. 

Observation.  —  Ces  deux  questio;is  forment  à  peine  une 
matière  suffisante  pour  un  examen  du  brevet  de  capacité. 

XV.  — Académie  de  Grenoble,  1876. 

1"  Expliquez  théoriquement  comment  on  trouve 
Qcux  nombres  dont  la  somme  soit  égale  à  1  645  et 
qui  fassent  avec  3  et  4  une  proportion. 

2°  On  partage  une  somme  entre  quatre  person- 
nes. La  1'^  en  a  les  ^  ;  la  i"  le  {  ;  la  3'  le  |  et  la  A' 
ie  reste,  qui  égale  5  OOu  francs.  Quelle  est  la 
somme  partagée? 

On  demande  de  plus  quel  est  son  poids,  sachant 
que  les  |  sont  composés  de  pièces  d'or  et  le  der- 
nier quart  de  pièces  d'argent. 

Ileponsp.  —  Somme  partagée  :  42  837f'',14. 


U'part  :  ISSo/f^lS.  —  3» 

1'     —       10  714   ,2S.  —  4« 

Poids  d'argent .   .    .    . 

—     d'or 


Poids  total 


part  :  14  i!85f',71. 

—         0  OoO. 

5  3o7s>',4. 

10  368    ,6. 


Observations.  —  Dans  ce  problème,  la  somme  à  parta- 
ger devait  être  un  nombre  entier  de    francs,    d'autaot  plus 


qu'on  la  suppose  composée  de  pièces  d'or  et  de  pièces  d'ar- 
gent, dont  on  demande  séparément  le  poids. 

Dans  la  première  question,  que  veut-on  dire  en  demandant 
de  l'expliquer  théonquement? 

Présentée  avec  plus  de  simplicité,  elle  se  réduit  à  ceci  : 
partager  1  645  en  deux  parties  dont  l'une  soit  les  ■?  de  l'autre. 

XVI.  —  Académie  de  Lyon,  1876. 

l"*  Exposer  la  partie  du  système  métrique  relative 
à  nos  monnaies. 

2»  Une  personne  place  les  |  d'un  capital  à  4,75  % 
et  le  reste  à  5,5  "/„;  elle  retire  ainsi  ■i93^',75  d'in- 
térêt pour  72  jours.  On  demande  quel  est  le  capi- 
tal placé. 

Réponse.  —  50  OOf)  francs. 

Observation.  —  Ici  encore,  à  l'aide  de  l'algèbre,  la  ré- 
solution du  problème  est  des  plus  faciles;  sans  elle,  il  faut 
recourir  à  des  combinaisons  de  rapports  qui  sont  toujours 
fort  délicates. 

XVII.  —  Académie  de  Nancy,  1876. 

1°  Comment  trouve-t-on  le  reste  de  la  division 
d'un  nombre  par  8  et  ensuite  par  9  ? 

Démontrer  la  règle  énoncée  sur  le  nombre  5  723. 

Peut-on  déduire  de  cette  règle  un  caractère  de 
divisibilité  par  8  et  par  9  ? 

Y  a-t-il  un  caractère  de  divisibilité  par  24  ?  Éta- 
blir ce  caractère  ? 

2°  Un  mobile  A  et  un  mobile  B  sont  actuellement 
en  un  même  point  d'une  circonférence.  Le  mobile 
A  la  parcourt  d'un  mouvement  uniforme  dans 
27  jours  3  ,  et  le  mobile  B  aussi  d'un  mouvement 
régulier  en  3G5  jours  f  • 

On  demande  de  déterminer  au  bout  de  combien 
de  temps  les  deux  mobiles  A  et  B  se  rencontrent  de 
nouveau  :  1"  en  supposant  qu'ils  parcourent  la 
circonférence  dans  le  même  sens;  2"  en  suppo- 
sant qu'ils  la  parcourent  en  sens  contraire. 

Réponse.  —  29  jours     '  .>  dans  le  même  sens; 
■iOoa 

2207 


25  jours  — — ,  en  sens  contraires. 


XVIII.  —  Académie  de  Poitiers,  1876. 

1°  Théorie  et  pratique  de  la  réduction  de  plu- 
sieurs fractions  au  même  dénominateur.  On  prendra 
pour  exemple  les  fractions 


6     21 


9_ 
14* 


2°  Un  spéculateur  a  augmenté,  au  bout  d'un  an, 
sa  fortune  des  j^^  ^^^  sa  valeur;  l'année  suivante 
des  ^  de  sa  nouvelle  valeur  ;  enfin  la  3*  année  de? 
^  de  sa  nouvelle  valeur.  Cette  fortune  est  alors  di 
428  691  francs.  On  demande  ce  quelle  était  trois 
ans  auparavant. 

Réponse.  —  185  947f',10. 

XIX  —  Académie  de  Poitiers ,  1877. 

1"  Définir  la  multiplication  de  deux  fractions. 
Appliquer  cette  définition  à  l'exemple  suivant  : 
'i  X  |,  et  démontrer  la  règle  qui  donne  le  produit. 

Peut-on  dans  une  telle  multiplication  intervertir 
l'ordre  des  deux  facteurs? 

2°  Un  marchand  possédant  300  pièces  de  vin 
désire  acheter  avec  le  produit  de  leur  vente  une 
maison  de  44  S50  francs.  Mais  la  vente  faite,  il 
consulte  qu'il  n'a  pu  en  retirer  qu'une  somme  telle 
que  pour  acheter  la  maison  il  lui  faudrait  ajouter 
à  la  somme  reçue  le  dixième  de  cette  somme  et  en 
outre  1  O.-.O  francs. 

On  demande  de  trouver  :  à  quel  prix  il  a  vendu 
chaque  pièce  devin;  pendant  combien  do  temps 
il  devra  placer  le  produit  de  la  vente  à  intérêts 
simples  et  à  6  "/o,  pour  que  les  intérêts  ajoutés  au 
capital constitucntune  somme  suffisante  pour  payer 
le  prix  do  la  maison. 


DREVET 


287  — 


BREVET 


Réponse. —  Prix  de  chaque  pièce  :  130  francs. 

Temps  du  placement  :  2  ans  et  demi. 

XX. —  Académie  de  Toulouse.  1877. 

Une  société  a  été  formée  au  capital  de  216  800  fi-. 
La  1"  année  elle  a  perdu  9  %  de  son  capital;  la 
2'  année  elle  perd  |  %  du  capital  restant;  la  3^  an- 
née elle  gagne  44  *■/„  du  capital  qui  lui  restait. 

On  demande  la  valeur  du  capital  au  bout  de 
cette  3'=  année.  A  quel  taux  l'argent  a-t-il  été 
placé  ?  On  n'aura  égard  qu'aux  intérêts  simples. 

liéaonse.  —  Valeur  du  capital  au  bout  de 

la  o'  année 270  600f',22. 

Taux  du  placement 8.28  "/o. 

A    /As.   —  ÉPREirV-ES   d'arithmétique.    —    ASPIRANTES. 

I.  —  Paris,  1876. 

1°  Réduction  des  fractions  au  même  dénomina- 
teur. 

2°  La  lumière  du  soleil  nous  vient  en  8  minutes 
13  secondes  environ  ;  la  distance  du  soleil  à  la 
terre  est  de  3S  millions  de  lieues  environ.  Quelle 
est  la  vitesse  de  la  lumière  "?  —  Énumérer  les  me- 
sures itinéraires. 

Réponse.  —  77  079  lieues  par  seconde. 

Observation.  —  Il  s'ngit  ici  de  la  lieue  de  4  kilomètres. 

—  On  prend  aujourd'hui  8°>18'  au  lieu  de  8"13'. 

IL  —  Paris.  1876. 

1°  Dire  quelles  sont  les  fractions  qui  peuvent 
être  transformées  en  fractions  décimales   exactes. 

—  Donner  la  démonstration. 

2°  On  doit  employer  100  francs  en  achat  de  bois 
de  chauffage.  On  demande  s'il  vaut  mieux,  pour 
en  avoir  la  plus  grande  quantité  possible,  acheter 
du  bois  à  2;'  francs  le  stère  ou  le  même  bois  à 
ô5  francs  les  I  OOO  kilogrammes.  On  sait  que  le 
poids  spécifique  de  ce  bois  est  0.>-6  et  qu'un  stère  de 
bois  ne  fait  que  f^  de  mètre  cube. 

Donner  aussi  le  résultat  en  stères,  si  on  donne  la 
préférence  à  l'achat  par  1  000  kilogrammes,  ou  en 
kilogrammes,  si  on  donne  la  préférence  à  l'achat 
par  stères. 

Réponse.  —  Au  poids  on  aura 45',650  ou  18181'sr 

Au  stère  on  aura  seulement  4", 345  ou  i777iiST. 

Observation.  —  Il  ne  serait  pas  inutile,  pour  la  clarté 
de  la  question,  d'ajouter  que  ce  sont  les  -ç-  d'un  mètre  cube 
de  bois  massif  qui,  mis  en  bûches,  font  un  volume  d'un  stère 

in.  —  Paris,  1S7G. 

1°  Démontrer  qu'il  est  impossible  de  simplifier 
une  fraction,  quand  ses  deux  termes  sont  premiers 
entre  eux. 

Observation.  —  Celte  question  est  tout  a  fait  en  dehors 
d'un  esainen  do  cette  nature.  Sa  démonstration  exige  la  con- 
naissance de  la  théorie  rigoureuse  des  nombres  premiers, 
telle  qu'elle  est  étudiée  dans  les  cours  d<^  mathématiques  élé- 
mentaires de  l'enseignement  secondaire. 

Xous  appliquons  la  même  observation  aux  questions  de 
théorie  des  trois  compositions  suivantes,  sans  en  excepter  la 
recherche  du  plus  grand  commun  diviseur  de  deux  nombres, 
opérée  à  l'aide  de  divisions  successives. 

2°  La  somme  de  deux  fractions  est  égale  à  |  et 
leur  différence  est  égale  à  4.  Quelles  sont  ces  deux 
fractions  "? 

Réponse.  —  —    et    — . 
-»2  -t'i 

IV.  —Paris.  1877. 

1»  Démontrer  que,  si  un  nombre  est  divisible 
par  deux  autres  nombres  séparément,  il  ne  sera 
nécessairement  divisible  par  leur  produit  que  si 
ces  deux  nombres  sont  premiers  entre  eux. 

2"  Trois  associés,  qui  ont  fait  une  entreprise  en 
commun,  on.  ont  retiré  un  bénéfice  de  10  745  francs. 
En  se  séparant  ils  ont  retiré,   mise   et  gain  com- 


pris, le  b"-  39  5.'12  francs  ;  le  2"  32  021  francs,  et  lo 
3«  13984  francs. 
On  demande  la  mise  et  le  gain  de  chacun. 


Réponse. 

Mi?es. 

Gains. 

pr 

34  433  fr. 

4  919  fr 

2« 

28Ô4G 

4078 

3' 

12  236 

1  74s 

Observation.  —  En  lalson  de  la  combinaison  du  gain  et 
de  la  mise  de  chaque  associé  en  un  seul  nombre,  ce  problème 
dépasse  le  niveau  du  brevet  élémentaire. 

V.  —  Paris.  1877. 

1"  Démontrer  que  des  deux  nombres  dont  l'un 
précède  immédiatement  et  dont  l'autre  suit  immé- 
diatement un  nombre  premier  autre  que  2  et  3, 
il  y  en  a  toujours  un  divisible  par  G. 

Observation.  —  Cette  (|UPstion  devrait  être  réservée 
au\  élèves  de  mathématiques  élémentaires. 

2°  La  planète  Jupiter  a  quatre  satellites.  Le  l" 
accomplit  sa  révolution  autour  de  la  planète  en 
42  heures;  le  2°  en  85  heures,  le  3'  en  172  heures, 
le  4"=  en  400  heures.  On  demande  dans  combien 
de  temps  ces  quatre  satellites  se  retrouveront  à  la 
fois  dans  les  mêmes  situations  relatives  qu'ils  oc- 
cupent aujourd'hui. 

On  devra  dire  d'ailleurs  combien  de  révolutions 
chacun  d'eux  accomplira  d'ici  là. 

Réponse.  —  Au  bout  de  6  140  400  heures. 

Ils  ont  efiTectué  pendant  ce  temps 

Le  I"        140200  révolutions; 

•3'  35  70 1  — 

4'  15  351  — 

VI.  —  Paris,  1877. 

1"  Démontrer  que  le  plus  petit  de  deux  nom- 
bres donnés  est  le  plus  grand  commun  diviseur  de 
ces  deux  nombres,  s'il  divise  exactement  le  plus 
grand  ;  que,  dans  le  cas  oii  la  divisio.n  des  deux 
nombres  donne  un  reste,  le  plus  grand  commun 
diviseur  des  deux  nombres  sera  le  même  que  le 
plus  grand  commun  diviseur  du  plus  petit  des 
deux  nombres  et  du  reste  de  leur  division. 

Déduire  de  là  la  règle  à  suivre  pour  trouver  le 
plus  grand  commun  diviseur  de  deux  nombres. 

On  prendra  pour  exemples,  dans  le  1"  cas  les 
deux  nombres  255  et  15;  dans  le  -*=  cas  348  et  96. 

i°  La  salure  des  difl'érentes  mers  n'est  pas  la 
même  pour  toutes.  Ainsi  tandis  que  l  kilogramme 
d'eau  de  l'Océan  Atlantique  renferme  •.'51  déci- 
grammes  de  sel  marin.  1  kilogramme  d'eau  de  la 
Mer  Morte  renferme  110  grammes  de  ce  sel. 

On  demande  quel  est  le  poids  de  sel  marin  con- 
tenu dans  100  litres  d'eau  de  chacune  de  ces  deux 
mers,  sachant  que  le  poids  spécifique  de  l'eau  de 
l'Océan  Atlantique  est  102S6  et  que  le  poids  spé- 
cifique de  l'eau  de  la  iMer  Morte  est  19091. 

Réponse.  —    ■i.5S-2s''  de  sel  dans  l'eau  de  l'Océan  ; 

22  kilogr.  —  —  la  iler  .Morte. 

VII.  —  Paris,  1878. 

1"  Conversion  des  fractions  en  fractions  déci- 
males. Exposer,  sur  les  fractions  |,  |,  ^,  la  mé- 
thode générale  de  réduction. 

Faire  connaître  les  conditions  nécessaires  et  suf- 
fisantes pour  qu'une  fraction  ordinaire  soit  exacte- 
ment réductible  en  fraction  décimale. 

2°  Une  personne,  pour  s'acquitter  d'une  dette, 
a  donné  à  son  créancier  deux  billets,  l'un  de  860 
francs,  payable  dans  S  mois  ;  l'autre  de  580  francs, 
payable  dans  11  mois. 

'l'rois  mois  plus  tard,  elle  ofiTre  de  remplacer  ces 
deux  billets  par  un  seul  payable  dans  un  an.  Le 
créancier  accepte,  mais  à  condition  que  le  billet 
sera  de  1480  francs.  A  quel  taux  prète-t-il  son 
argent  ? 


BREVET 


—  288  — 


BREVET 


Piéoonse.  —  ')."ô  "/„. 

VIII.  — Acailémie  d'Aix,  187G. 

;°  Quel  est  le  nombre  qui,  augmente  de  IC,  de- 
vient égal  aux  ^  de  sa  valeur  primitive  ? 

Répo7ise.  —  12. 

2°  Le  gaz  d'éclairage  pèse,  à  volume  égal,  les  0_9" 
du  poids  dun  même  volume  d'air,  et  1  litre  d'air 
pèse  1"'  29-'>.  Dans  un  magasin  il  y  a  6ô  becs  brû- 
lant chacun  123  litres  de  gaz,  par  heure,  et  chacun 
d'eux  reste  allumé  5  licurcs  par  soirée  d'hiver. 

Calculer  le  poids  de  gaz  dépensé  par  mois,  et  la 
dépense  de  l'éclairage,  sachant  que  le  gaz  coûte 
29  centimes  le  mètre  cube. 

Réponse.  —  En  prenant  un  mois  de  3C  jours,  on 
trouve  : 

poids  de  gaz  brûlé...     lôOl'-"',  113»' ; 
dépense 347f'',78. 

IX.  —Académie  d'Air,  1S78. 

1°  Théorie  de  la  division  des  nombres  décimaux. 

2°  Un  marchand  a  acheté  11  !)22''s',«  d'huile  de 
colza,  au  prix  de  62  francs  l'hecio'itro.  Il  paie 
comptant  et  on  lu;  fait  un  escompte  de  7  °/o.  Il 
revend  les  |-  de  l'huile  au  prix  de  73  francs  les 
100  kilogrammes  et  le  reste  en  bloc  pour  1890  fr. 

Calculer  son  bénéfice.  —  (Un  litre  d'huile  pèse 
913  grammes.) 

Réponse.  —  Bénéfice  :  1  G13'"%27. 

X.  —  Académie  de  Besançon,  i877. 

1°  Définir  les  mots  :  capital,  intérêt,  taux,  taux 
légal;  intérêts  composés;  annuités;  cours  de  la 
rente  et  des  fonds  publics. 

Ces  définitions  doivent  être  appuyées  d'exemples. 

'1°  On  a  fondu  140  grammes  d'or  au  titre  de 
0.95  et  un  nombre  inconnu  de  grammes  du  même 
même  métal  à  0,70.  On  demande  de  calculer  ce 
nombre  inconnu,  sachant  que  l'alliage  résultant 
est  au  titre  de  0,77. 

Rép07ise.  —  ^00  grammes. 

XI.  —  Académie  de  Caen,  1876. 

1°  Démontrer  que  diviser  un  nombre  par  |  re- 
vient au  même  que  de  multiplier  ce  nombre  par  3. 

2°  Trois  sommes,  l'une  de  30  000  francs,  la  i"=  de 
40,000  francs,  la  3"  de  25  000  francs,  ont  rapporté 
en  tout  '^7  87b''',25. 

Combien  chacune  d'elles  a-t-elle  rapporté  ? 

Qelle  est  la  somme  qui  aurait  rapporté  50  000 
francs,  ces  quatre  sommes  étant  au  même  taux  ? 

Réponse.  —  V  8  803f'.03  ; 
2«  11737  ,37; 
3'      7  3:i5  ,85. 

Pour  produire  50  000  fr.  il  faudrait   170  39(j'%94. 

XII.  —  Académie  de  Caen,  1877. 

1'  Expliquer  pourquoi  on  est  sûr  qu'un  nombre 
donné,  tel  que  5  728,  est  divisible  par  4,  par  cela 
seul  que  les  deux  derniers  chiffres  ù  droite  forment 
un  nombre  divisible  par  4. 

2"  Le  4  janvier  un  propriétaire  livre  à  un  ache- 
teur 3  barriques  de  vin  à  14. S  francs  la  barrique. 
L'acheteur  remet  au  propriétaire  un  billet  à  es- 
compter de  450  francs,  dont  l'échéance  est  au 
1"  octobre  et  veut  payer  le  reste  en  espèces.  Quel 
sera  le  montant  de  ce  payement,  l'escompte  étant 
a  6  "/o  ? 

Réponse.  ■ —  3  francs. 

XIII.  —  Académie  de  Dijon,  1876. 

1°  Exposer  le  système  légal  des  poids  et  mesures 
et  montrer  comment  toutes  les  mesures  dérivent 
du  mètre. 

■..°  L'hectolitre  de  pommes  déterre  pèse  environ 
80  kilogrammes  et  le  demi  quintal  vaut  3",25.  Cal- 
culer la  valeur  de  la  récolte  d'une  terre  de  1  hec- 
tare 37  arcs  83  centiares,  ensemencée  en  ponnnes 
(le  terre,  sachant  que  le  rendeiueut  a  été  de 
I04  litres  65  centilitres  par  are. 

Réponse.  —  750''',04. 


Observation.  —  Un  enfant  n'aura  jamais  l'iiléc  d'évaluer 
jusqu'anx  centilitres  une  ri-colte  de  pommes  de  terre.  Pour- 
quoi insérer  (lins  un  pnihlème  une  approximation  qu'on 
pourrait  qualifier  de  ridicule  ? 

XIV.  —  Académie  de  Dijon,  1877. 

l"  Comment  trouve-t-on  le  plus  petit  multiple 
commun  des  quatre  nombres  756,  847,  1089, 
2  205?_ 

Application  à  la  réduction  au  même  dénomina- 
teur de  quatre  fractions  qui  auraient  pour  déno- 
minateurs respectifs  les  nombres  ci-dessus. 

2"  Dans  un  compte  de  la  fin  du  siècle  dernier  on 
lit  que  2  livres  10  onces  G  gros  45  grains  d'une 
certaine  marchandise  ont  coûté  18  sous  Kl  deniers. 

Sachant:  F  que  l'ancienne  livre  poids  valait  16 
onces,  l'once  8  gros  et  le  gros  72  grains  :  2^  que 
l'ancienne  livre  monnaie  valait  20  sous  et  le  sou 
12  deniers;  3'^  que  le  kilogramme  actuel  vaut 
188271!""'%  15  et  que  80  francs  valent  81  livres,  on 
demande  combien  coûterait  en  francs,  décimes  et 
centimes  le  kilogramme  d'une  pareille  marchan- 
dise. 

Réponse.  —  71  centimes. 

XV.  Académie  de  Douai,  1876. 

1"  Du  nombre  80  n04  soustraire  le  nombre  35  067. 
Expliquer  comment  se  fait  cette  opération. 

2°  La  descente  d'une  montagne  se  fait  ordinai- 
rement dans  les  0,73  du  temps  employé  à  l'ascen- 
sion. 

Une  personne  est  descendue  en  3  heures  57  mi- 
nutes 12  secondes  de  l'hospice  du  mont  Saint- 
Bernard.  L'ascension  s'est  faite  en  7  minutes  pour 
53  mètres.  A  quelle  hauteur  est  situé  cet  hospice? 

Observation.  —  Un  tel  problème  a  dû  déconcerter  les 
aspirantes  à  qui  il  a  été  proposé;  il  eicitera  l'étonnement 
de  nos  lecteurs.  Nous  leur  laissons  le  soin  de  le  juger,  et 
sans  en  chercher  la  solution,  nous  choisissons  des  problèmes 
d'un  autre  caractère  dans  la  même  académie. 

XVI.  —  Académie  de  Douai,  1877. 

1°  Comment   réduit-on   plusieurs   fractions    au 
même  dénominateur  ? 
Raisonner  sur  l'exemple  suivant  : 


14 


13 
20  ' 


21 
35* 


S**  Valenciennes  et  Cambrai  sont  reliées  par  un 
chemin  de  fer  de  6H  kilomètres.  Le  transport  de 
la  houille  coûte  4  centimes  par  kilomètre  et  par 
tonne.  En  supposant  que  la  tonne  de  houille  coiite 
19  francs  à  Valenciennes  et  lOf^SO  à  Cambrai,  on 
demande  en  quel  point  de  la  route  il  est  indifférent 
de  faire  venir  le  charbon  de  Valenciennes  ou  de 
Cambrai. 

Réponse.  —  A  37'^,75  de  Valenciennes. 

Observation.  —  La  distance  entre  ces  deux  villes  est  da 
44  kilomètres  par  Somain  et  de  55  par  le  Quesnoy. 

XVII.  —  Académie  de  Douai,  1878. 

1°  Comment  réduit-on  une  fraction -à  sa  plus 
simple  expression? —  Démontrer  que  dans  la  mé- 
thode suivie  la  fraction  ne  change  pas  de  valeur. 

Prendre  pour  exemple  I^y^- 

2°  Deux  personnes  ont  le  même  revenu.  La  pre- 
mière économise  chaque  année  ^  de  son  revenu, 
tandis  que  la  seconde  dépense  800  francs  de  plus 
que  l'autre.  Il  en  résulte  qu'au  bout  do  3  ans  la  se- 
conde a  s52  francs  de  dette.  Quel  est  leur  revenu? 

Réponse.  —  2  580  francs. 

XVIII.  —  Académie  de  Montpellier,  1876. 

1°  De  quelle  fraction  en  moins  ou  en  plus  varie 
la  fraction  |.  quand  on  ajoute  son  dénominateur 
aux  deux  termes? 

2°  Une  épicière  gagne  ^  dans  ses  ventes.  Elle  a 
acheté  11  kilogr.  d'une  qualité  de  café  à  i''.hi)  le 
kllogr.,  et  7  kilogr.  d'une  autre  à  l'',90  ledemi-klL 


BREVET 


—  289  — 


Elle  torréfie  ensemble  tout  ce  café,  qui  diminue 
alors  d'un  sixième. 

On  demande  quel  poids  de  café  moulu  elle  don- 
nera pour  10  centimes. 

Réponse.  —  17  grammes  et  demi  environ. 

XIX.  —  Académie  de  Nancy,  1876. 

1°  Énoncer  et  démontrer  la  règle  par  laquelle 
on  obtient  le  quotient  de  deux  nombres  à  une 
fraction  donnée  près. 

Appliquer  cette  règle  à  la  recherche  du  quotient 
de  1  237  par  19  à  _J^  près. 

2°  Le  minerai  employé  dans  une  usine  à  plomb 
contient  les  0,795  de  son  poids  de  métal.  L'usine 
possède  4  fourneaux  pouvant  traiter  chacun 
1  ■.'95  kilogr.  de  minerai  en  2  heures  35  minutes. 
Dans  ce  traitement  la  perte  en  plomb  est  1 1  °/o  du 
poids  du  métal  contenu  dans  le  minerai. 

Combien  doit-on  travailler  de  jours  (de  24  heures) 
pour  obtenir  16000  quintaux  métriques  de  plomb  ? 

Réponse.  —  41  jours  et  demi  environ. 

XX.  — Académie  de  Poitiers,  1876. 

1°  Enoncer,  sans  les  démontrer,  les  caractères 
de  divisibilité  par  J,  4,  5,  25,  9.  On  donnera  un 
exemple  pour  chaque  cas, 

2°  Démontrer  que  5X4  =  4  X5. 

.3°  Un  spéculateur  engage  toute  sa  fortune  dans 
une  entreprise  et  l'augmente,  en  4  ans,  de  ses 
Yq-,  il  se  trouve  alors  possesseur  de  125  000  francs. 

Trouver  quel  était  son  avoir  primitif  et  combien 
il  a  gagné  pour  cent  par  an  en  moyenne. 

Réponse.—  Avoir  primitif 83  333'% 83. 

Gain  annuel  pour  cent.  12''', 68. 

XXI.  — Académie  de  Rennes,  1876. 

A  poids  égal  et  au  même  titre  l'or  vaut  15  fois 
€t  demi  autant  que  l'argent.  11  pèse  à  volume  égal 
19, 'i4  fois  plus  que  l'eau. 

On  demande  de  calculer  en  décimètres  cubes  le 
volume  d'un  lingot  d'or  de  la  valeur  de  ôOu  000 
francs. 

Réponse.  —  8  "«'"  «.  212"  337°"°*. 

XXII.  —  Académie  de  Toulouse,  1878. 

On  a  acheté,  au  prix  de  90  centimes  le  litre,  2  hec- 
tolitres 60  litres  d'eau-de-vie,  contenant  45  o/»  d'al- 
cool pur,  plus,  au  prix  de  lf",20  le  litre,  1  necto- 
litre  12  litres  du  même  liquide  contenant  5;'  7, 
d'alcool  pur. 

On  demande  à  quel  prix  on  a  payé  chaque  fois 
le  litre  d'alcool  pur;  quel  prix  on  doit  retirer  du 
litre  du  mélange  des  deux  qualités  d'eau-de-vie 
achetées,  si  on  veut  gagner  18  "jo,  le  déchet  étant 
de  3  »/„. 

Réponse.  —  2fr.dansle  l"achat;  2',  307  dansle2*. 
Prix  de  vente  du  mélange  l'%204. 

XXIII.  —  Académie  d'Alger,  1876. 

Pour  confectionner  6  douzaines  de  chemises  on 
a  employé  252  mètres  de  toile  à  2''',10  le  mètre; 
1h",40  de  boutons  ;  7'%20de  fil,  et  il  a  fallu  96  jour- 
nées d'ouvrières  à  l'^SO  la  journée. 

Combien  faudra-t-il  vendre  ces  chemises  pour 
gagner  12  francs  par  douzaine  ? 

Combien  entre-t-il  de  toile  dans  une  chemise  ? 

Réponse.  —  Prix  de  la  chemise  ll'^lS. 
Toile  pour  la  chemise  3",5. 

XXIV.  —  Académie  d'Alger,  1878. 

1°  Diviser  f  par  ^.  Faire  la  démonstration. 

2°  On  fond  un  décimètre  cube  d'argent  avec  un 
volume  de  cuivre  suffisant  pour  former  un  alliage 
au  titre  de  0,9.  Calculer  en  centimètres  cubes  le 
volume  de  cuivre,  sachant  qu'un  centimètre  cube 
d'argent  pèse  l()'",i7  et  un  centimètre  cube  de 
cuivre  8'',!55. 

Réponse.  — Vol.  du  cuivre 131", 45. 

[A.  Bovier-Lapierre.] 
2«  Pauijb. 


BREVET 

B.  —  Exercices  de  style. 


Les  sujets  donnés  pour  cette  épreuve  ont  con- 
stamment varié,  suivant  les  acadéuiies  et  suivant 
l'époque.  Ils  peuvent  se  classer  en  trois  groupes 
principaux  :  Histoire  sainte,  histoire  de  France  et 
questions  scolaires.  Les  spécimens  ci-dessousj- ac- 
compagnés de  l'indication  de  la  date  et  du  lieoï  de 
l'examen,  suffiront  pour  représenter  ces  différentes 
séries  de  sujets. 

I.    QUESTIONS    d'histoire    SAI.\TE 

données  dans  les  différentes  académies  de  France  (d'après  le 
Bulletin  de  l'instruction  primaire  de  MM.  Michel  et  Rapet) 
dans  les  années  1S54-1856. 

1.  Récit  très  abrégé  des  principaux  faits  de  l'His- 
toire sainte  depuis  la  création  du  monde  jusqu'au 
déluge  exclusivement. 

2.  La  tour  de  Babel;  ses  causes,  ses  effets. 

3.  Agar,  renvoyée  par  Abraham,  erre  dans  le 
désert  de  Bersabée,  tenant  Ismaël  par  la  main  et 
portant  sur  l'épaule  un  pain  et  un  vase  plein  d'eau 
dont  Abraham  l'avait  munie.  L'eau  venant  à  man- 
quer, elle  laisse  son  fils  couché  sous  un  arbre  et 
va  s'assoir  à  la  distance  d'un  trait  d'arc,  disant  : 
Je  ne  verrai  pas  mourir  mon  enfant;  puis  se  met- 
tant à  pleurer,  elle  élève  la  voix  et  invoque  l'Eter- 
nel. Prière  d'Agar.  Un  ange  la  console,  lui  prédit 
les  hautes  destinées  de  son  fils,  et  lui  découvre  un 
puits  plein  d'eau  où  elle  emplit  son  vase  et  désal- 
tère son  fils. 

4.  Raconter  l'histoire  de  Joseph  vendu  par  ses 
frères. 

5.  Peindre  le  moment  où  Joseph  fut  reconnu 
par  ses  frères. 

0.  Arrivée  de  Jacob  en  Egypte.  Sa  première  en- 
trevue en  Egypte  avec  Joseph.  Paroles  que  le  père 
adresse  à  son  fils  dans  cette  touchante  circon- 
stance. 

7.  Faire  en  détail  l'histoire  de  Moïse  jusquau 
passage  de  la  mer  Rouge,  et  très  sommairement 
jusqu'à  sa  mort. 

8.  Les  passage  de  la  mer  Rouge  par  les  Israélites 
sous  la  conduite  de  Moïse. 

9.  Histoire  des  juges  d'Israël:  ordre  successif 
des  différents  juges.  Indication  des  principaux 
faits  relatifs  à  chacun  d'eux. 

10.  Histoire  de  Gédéon. 

11.  Vœu  de  Jephté.  Sa  fille  s'avance  à  sa  ren- 
contre. Paroles  qu'il  lui  adresse. 

12.  Récit  de  la  mort  de  Samson,  avec  les  cir- 
constances qui  ont  amené  et  accompagné  la  mort 
de  ce  juge  d'Israël. 

13.  Anne,  mère  de  Samuel,  présente  son  fils  au 
grand-prêtre  pour  le  consacrer  au  Seigneur.  Il  doit 
rester  dans  le  lieu  saint.  Séparation  touchante  du 
fils  et  de  la  mère. 

14.  Une  institutrice  fait  à  ses  élèves  un  récit 
simple  et  familier  de  l'histoire  de  Rulh.  Elle  mêle 
à  son  récit  les  réflexions  utiles  qu'il  ne  peut  man- 
quer d  inspirer. 

15.  Raconter  les  faits  qui  font  ressortir,  d'une 
part,  la  jalousie  de  Saûl  contre  David,  et  d'autre 
part,  la  générosité  de  ce  dernier  à  l'égard  de 
Saûl. 

16.  Histoire  de  David.  Parallèle  entre  son  règne 
et  celui  de  Salomon. 

17.  Jugement  de  Salomon. 

18.  Règne  de  Salomon.  Sa  sagesse  et  sa  gloire. 
Construction  et  dédicace  du  temple.  Chute  de  Sa- 
lomon. Sa  mort. 

19.  Schisme  des  dix  tribus.  Causes  qui  l'ont 
amené  et  conséquences  qui  en  sont  résultées. 

20.  Parler  de  l'origine  de  Job  et  de  ses  riches- 
ses. —  Raconter  sos  malheurs  et  leur  cause.  — 
Parler  de  la  conduite  de  sa  femme  et  de  ses  amis 
pondant  ses  malheurs.  —  Dire  enfin  comment  sa 
foi  le  soutint  et  comment  Dieu  le  récompensa. 

19 


BREVET 


290  — 


BREVET 


21.  Comment  finit  la  captivité  de  Babylone,  et 
quel  fut  l'état  des  Juifs  sous  les  successeurs  do 
Cyrus  ? 

22.  Quelle  a  été  la  mort  du  vieillard  Eléazar,  et 
quelle  leçon  a-t-elle  laissée  aux  hommes  ? 

23.  Raconter  les  impiétés  d'Antiochus  Epiphane 
et  les  victoires  de  Judas  Machabée. 

24.  Naissance  de  N.  S.  J.-C.  Les  bergers  à  la 
Crèche,  adoration  des  Rois  Mages. 

25.  Développement  de  la  parabole  de  l'Enfant 
prodigue. 

26.  L'aveugle  de  Jéricho.  L'aveugle  avait  foi  au 
prophète;  ill'appelle  à  son  passage,  plein  de  con- 
fiance ;  bonté  du  Seigneur  qui  s'arrête  pour  l'at- 
tendre. Confiante  demande' de  l'aveugle.  Sa  gué- 
rison  instantanée.  Sentiments  de  la  multitude  à 
l'aspect  de  ce  prodige. 

27.  Tempête  apaisée  par  N.  S.  J.-C.  sur  le  lac 
de  Tibériade.  —  Enseignement  et  conséquences  à 
déduire. 

28.  Visite  de  Notre-Seigneur  à  Marthe  et  à 
Marie.  Pourquoi  Jésus-Christ  dit-il  à  Marie  qu'elle 
avait  choisi  la  meilleure  part"? 

29.  Histoire  d'Ananie  et  de  Saphire  ;  horreur  que 
doit  inspirer  le  mensonge. 

30.  Exposer  les  traits  principaux  de  la  vie  de 
saint  Pierre,  mettre  en  lumière  la  leçon  de  morale 
qui  résulte  de  sa  chute  et   de  son  repentir. 

n.  —  QUESTIONS  d'uISTOIRE  DE  FRANCE 

(1871-1878) 
ASPIRANTS. 

1.  Académie  de  Besœiçon,  1871. 
Bataille  de  Testry  et  ses  conséquences. 

2.  Académie  de  Paris,  1875. 
Gouvernement  de  Charlemagne.  Justice.  Envoyés 

royaux.  Assemblées  nationales.Capitulaires. 

3.  Académie  de  Chambéry,  1876. 

Charlemagne  :  indiquer  sommairement  ses  guer- 
res et  ses  conquêtes;  insister  sur  le  caractère  de 
son  administration  et  de  ses  lois,  sur  ses  efforts 
pour  relever   l'étude  des  lettres. 

4.  Académi»  de  Grenoble,  1878. 

Enumérer  les  principales  guerres  entreprises 
Dar  Charlemagne,  leur  but  et  leurs  résultats. 

6.  Académie  de  Douai,  l87(j. 
Roland  à  Roncevaux. 

G.  Académie  de  Rejines  1871  et  de  Besançon,  1875  : 
Raconter  les  invasions  des  Normands  depuis  leur 
première  apparition  jusqu'à  leur  établissement  dé- 
finitif. 

7.  Académie  de  Grenoble,  1876  : 

Racontez  l'une  des  croisades  et  exposez  les  ré- 
sultats généraux  de  ces  expéditions. 

%.  Paris,  1S76. 

Indiquer  les  diverses  voies  que  prirent  les  croi- 
sés pour  se  rendre  en  Orient  sous  la  conduite  do 
Godefroi  de  Bouillon,  de  Louis  VII,  de  Philippe- 
Auguste  et  de  Louis  IX. 

9.  Académies  de  Xa?ïc)j,  1871,  de  Dijon,  1873,  de 
Clermont,  1876,  etc. 

Exposer  les  résultats  généraux   des  croisades. 

10.  Académie  d'Aix,  lS7(i. 

Dire  les  reformes  introduites  par  saint  Louis 
dans  l'administration  de  la  justice  ;  montrez  com- 
ment son  gouvernement  a  nui  à  la  féodalité  et  a 
favorisé  les  progrès  de  la  bourgeoisie. 

11.  Académie  de  Douai,  1876. 
Troubadours  et  trouvères. 

12.  Acadi^mie  de  Lyon,  1876. 

Esquissez  à  grands  traits  la  première  période  de 
la  guerre  de  Cent  ans,  de  1337  à  1360,  en  faisant 
ressortir  les  fautes  militaires  des  rois  Philippe  VI 
et  Jean  le -Bon.  Batailles  de  Crécy  et  de  Poitiers. 

13.  Académie  de  Clermont,  187G. 

Indiquer  les  principales  assemblées  des  i'.tats- 
généraux  durant  le  quatorzième  siècle  :  —  les  cir- 


constances où  elles  eurent  lieu  ;  —  les  principales 
résolutions  qui  y  furent  prises. 

14.  Poj-is,  1873,  Académie  de  Poitiers,  1872,  etc. 

Duguesclin.  —  Récit  abrégé  de  sa  vie.  —  S'atta- 
cher surtout  à  faire  ressortir  les  causes  qui  ame- 
nèrent successivement  ses  victoires  et  ses  défaites. 

15.  Académie  de  Toulouse,  1X76. 
Duguesclin.   —   Services  qu'il   a   rendus   à  la 

France.  —  Situation  extérieure  de  la  France  à  sa 
mort. 

16.  Académie  de  Nancy,  1876. 

Rivalité  du  duc  de  Bourgogne  et  du  duc  dOr- 
léans.  —  Raconter  l'assassinat  du  duc  d'Orléare, 
et  dire  les  conséquences  de  ce  crime. 

17.  Académie  de  Lyon,  1878. 

La  seconde  maison  ducale  de  Bourgogne  (1361- 
1477)  :  Philippe  le  Hardi,  Jean  sans  Peur,  Philippe 
le  Bon,  Charles  le  Téméraire  ;  esquisser  à  grands 
traits  leur  rôle  dans  les  aff"aires  de  France. 

18.  Académie  de  Caen,  1876. 

Jean  sans  Peur,  duc  de  Bourgogne.  —  Son  ca- 
ractère, ses  principaux  actes,  sa  mort. 

19.  Académie  de  Rennes,  1876. 

Pour  quelles  raisons  Charles  VII  a-t-il  été  nommé 
le  roi  de  Bourges,  le  Victorieux,  le  Bien-Servi?  Ne 
pourrait-on  pas  le  surnommer  aussi  l'Ingrat  ? 

20.  Académie  de  Toulouse,  1878. 

Etat  de  la  France  à  la  mort  de  Charles  VIL  Etat 
de  la  France  à  l'avènement  de  Charles  VIII. 

21.  Académie  de  Chambéry,  1875 

Faire  connaître  les  institutions  de  Charles  Vil 
et  de  Louis  XI  qui  ont  augmenté  la  force  de  la 
royauté. 

22.  Académie  de  Poitiers,  1876. 

Faire  connaître  Charles  le  Téméraire,  duc  de 
Bourgogne. 

23.  Académie  de  Montpellier,  1876. 
Entrevue  de  Louis  XI  et  de  Charles  le  Témé- 
raire. —  Traité  de  Péronne. 

24.  Académie  de  Bordeaux,  1876. 

Racontez  les  guerres  d'Italie  sous  Charles  VIII 
et  Louis  XII. 

25.  Acadéinie  de  Lyon,  1876. 

Les  guerres  d'Italie  pendant  le  règne  de  Fran- 
çois I";Marignan.l515;  Pavie,  1525;  Cerisoles, 1544. 

26.  Académie  de  Rennes,  1876. 

Faire  connaître  et  apprécier  la  conduite  de 
François  !"■  à  la  bataille  de  Pavie,  pendant  sa 
captivité  en  Espagne,  et  après  sa  mise  en  liberté 
jusqu'à  la  rupture  du  traité   de  Madrid. 

27.  Académie  'te  Nancy,  1876. 

François  I",  père  des  lettres.  Dire  quels  goûts, 
quels  soins,  quelles  créations  et  institutions  ont 
valu  ce  surnom  au  plus  brillant  des  Valois.  Expli- 
quer le  nom  de  Renaissance  donné  à  la  période  où 
est  compris  le  règne  de  ce  prince. 

28.  Académie  de  Dijon,  187  6. 

Le  chancelier  Michel  de  l'Hôpital  et  Catherine 
de  Médicis. 

29.  Académie  de  Paris,  1873,  1876. 

Henri  III  et  la  Ligue  ;  —  Les  Guises  et  la  Ligue. 

30.  Académie  d'Aix,  1876. 
Résumer  le  règne  de  Henri  III. 

31.  Académie  de  Caen,  1876. 

Influence  de  la  première  éducation  de  Henri  IV 
sur   son  caractère   de   soldat  et  d'administrateur. 

32.  Académies  de  Lyon,  Ihll,  dePoitiers,  1876. 
Sully. 

33.  Académie  de  Grenoble,  1876. 

Expliquez  quelle  fut  la  politique  de  Richelieu  à 
l'éiiaid  du  proiestantisme  et  racontez  le  siège  de  la 
Rochelle. 

34.  Académie  de  Toulouse,  1874. 
Racontez  l'histoire  des  deux  Frondes. 
;{5.  Académie  de  Dijon,  1S76. 

Conquête  et  évacuation  do  la  Hollande  sou» 
Louis  XIV  ;  cession  de  la  Franche- Comté  à  la 
France. 


BREVET 


—  291  — 


BREVET 


35  bis.  Académie  de  Clermont  1878. 
Vie    politique    et   militaire    du    maréchal     de 
Turenne. 

Zhter.  Académie  d'Alger,  1876. 

Dernière  campagne   et  mort  de  Turenne. 

36.  Académie  de  Toulouse,  1876. 

La  marine  de  la  France  pendant  le  ministère  de 
Colbert.  Réformes  du  ministre  s'appliquant  à  la 
marine.  Guerres  maritimes  pendant  ce  ministère. 

37.  Académie  de  Rennes,  1878. 

Louis  XIV  devant  le  Parlement  (165S).  Le  Parle- 
ment après  la  mort  de  Louis  XIV  (1715).  Raconter, 
expliquer  et  apprécier  brièvement  ce  qui  se  passa 
h  ces  deux  dates. 

38.  Académie  d'Aix,  1878. 

Guerre  de  la  succession  de  Pologne.  Principaux 
résultats  de  cette  guerre. 

39.  Paris,  1876. 

Rôle  du  maréchal  de  Saxe  dans  la  guerre  de  la 
succession  d'Autriche. 

40.  Académie  d'Alger,  1876. 

Racontez  le  dévouement  du  chevalier  d'Assas. 

41.  Académie  de  Bordeaux,  1876. 

Gouvernement  de  Louis  XVI,  depuis  son  avène- 
ment au  trône  jusqu'à  la  réunion  des  États  géné- 
raux. 

42.  Paris,  1876. 

Les  volontaires  de  179'2.  Bataille  de  Valmj'  et  de 
Jemmapes. 

4:{.  Académie  ee  Toulouse,  I87i 

Enumérer  les  grands  traités  de  paix  conclus  par 
la  France  au  dix-huitième  siècle  (1701-180i>)  avec 
leurs  clauses  les  plus  remarquables  en  indiquant 
surtout  les  territoires  qu'ils  donnaient  ou  enle- 
vaient à  la  France. 

44.  Académie  de  Poitiers,  1878. 

Passage  du  Saint-Bernard  par  l'armée  française, 
1800. 

45.  Académie  de  Montpellier,  1876. 

Un  instituteur,  qui,  avant  d'entrer  dans  l'ensei- 
gnement, a  été  employé  aux  travaux  du  canal  de 
Suez,  raconte  à  ses  élèves  l'impression  que  la  vue 
des  Pyramides  a  produite  sur  lui,  et  les  souvenirs 
historiques  que  ces  monuments  lui  ont  rappelés. 

ASPIRANTES. 

1.  Académie  de  Caen,  1870. 
Vercingétorix.    —  Etat  physique   de   la   Gaule  ; 

disposition  des  Gaulois  à  l'égard  des  Romains  ; 
puissance  militaire  de  Rome;  siège  d'Alésia;  Ver- 
cingétorix au  camp  de  César. 

2.  Académie  de  Lyon,   1876. 

Influence  qu'ont  exercée  Clotilde  sous  le  règne  de 
Clovis  et  Blanche  de  Castille  sous  celui  de  saint 
Loais. 

3.  Paris,  1870. 

Etat  de  la  Gaule  à  l'avènement  de  Clovis.  Mœurs 
et  religion  des  Francs;  leurs  institutions  politiques 

4.  Paris,   187C. 
Histoire  de  Brunehaut. 

5.  Académie  de  Bor.teaux,  1876. 
Frédcgonde  et  Brunehaut. 

6.  Académie  de  Lyon,  1876. 

Les  aeux  batailles  de  Poitiers  :    732  et   1356. 

7.  Académie  de  Dijon,  1876. 

Chai-lemagne  et  son  école  du  palais  ;  Alcuin  et 
Eginhard. 
-8.  Acnilémie  de  Nancy,  1870. 

Charlemagne  restaurateur  des  écoles,  protec- 
teur des  lettres.  —  Moyens  que  prit  cet  empereur, 
exemples  qu'il  offrit  lui  même  pour  ranimer  au- 
tour de  lui  le  goût  du  savoir.  —  Raconter  quelle 
leçon  il  donna  un  jour,  dans  l'école  du  palais,  à,  de 
jeunes  étudiants,  tils  de  nobles,  coupables  de  né- 
gligence. 

9.  Académie  de  Nancy,  1876. 

Résumer  brièvement  l'histoire  des  invasions  des 


Normands  en  France.  —  Raconter  le  siège  de  Paris. 

10.  Académie  de  Grenoble,  1»76. 

Dans  quelles  circonstances  et  à  la  suite  de 
quelle  bataille  le  traité  de  Verdun  fut  il  signé? 
Quelles  sont  les  principales  clauses  de  ce  traité  et 
quelles  en   ont  été  les  conséquences? 

11.  Paris,  1876. 

Dire  par  quels  degrés  la  maison  des  Capétiens 
s'éleva  jusqu'au  trône. 

\'2.  Académie  de  Grenoble,  1877. 

Rôle  de  la  famille  de  Robert  le  Fort  avant  l'avè- 
nement  de  Hugues  Capet. 

13.  Paris,  1876. 

Exposer  les  faits  qui  ont  amené  la  substitution 
de  la  dynastie  capétienne  à  la  dynastie  carlovin- 
gienne. 

14.  Paris,  1876. 

Guillaume,  duc  de  Normandie,  fait  la  conquête 
de  l'Angleterre  (1066). 

15.  Paris,  1876. 

Bataille  de  Bouvines.  Quels  sont  les  autres 
grands  événements  contemporains  qui  attestent 
l'énergie  guerrière  de  l'Ile-de-France? 

16.  Académie  de  Montpellier,  1876. 
Troisième  croisade.  —  Rivalité  de  Philippe-Au- 
guste et  de  Richard,  roi  d'Angleterre. 

17.  Académie  de  Clermont,  1876  ;  d'Aix,  1878. 
Blanche  de  Castille  écrit  au  roi  son  fils  pour  le 

dissuader  de  se  rendre  en  Terre-Sainte,  en  lui 
rappelant,  par  le  souvenir  des  croisades  précéden- 
tes, les  calamités  qui  ont  accompagné  ou  suivi 
chacune   d'elles. 

18.  Paris,  1876. 

Prouver,  par  des  faits,  que  l'esprit  chrétien  di- 
rigeait saint  Louis  dans  son  gouvernement. 

19.  Académie  de  Chambéry,  1876. 

Raconter  les  traits  de  la  vie  de  Louis  IX  qui 
nous  montrent  sa  justice  et  sa  sainteté. 

20.  Paris,  1876. 
Les  Templiers. 

21.  Paris,  1S76. 

Guerre  de  la    succession  de  Bretagne. 
21  bis.  Académie  de  Poitiers.  1874. 
Jeanne  de  Montfort,  son  rôle  dans  la  guerre  de 
Bretagne. 

22.  Académie  de  Douai,  1878. 

La  Bretagne  et  les  Bretons  pendant  la  guerre  de 
Cent  ans. 

23.  Paris,  181A,  1876. 

Bertrand  Duguosclin  et  les  grandes  compagnies. 

24.  Paris,  1876. 

Le  gouvernement  du  dauphin  Charles  après  la 
défaite  de  Poitiers  et  les  États  généraux  de  1356. 

25.  Académie  de  Clermont,  1876. 

Une  institutrice  raconte  brièvement  à  ses  élèves 
les  malheurs  do  la  France  pendant  la  troisième 
période  de  la  guerre  de  Cent  ans. 

26.  Paris,  1876 

Le  rôle  des  ducs  de  Bourgogne  pendant  la 
seconde  moitié  de  la  guerre  de  Cent  ans. 

27.  Paris,    1876. 

Exposer  les  difficultés  suscitées  contre  la  royauté 
française,  pendant  la  captivité  de  Jean  le  Bon, 
par  Etienne  Marcel,  Charles  le  Mauvais  et  la  Jac- 
querie. 

28.  Académie  d'Aix,  1876. 

Rivalité  des  Armagnacs    et  des   Bourguignons. 

29.  Paris,  1876. 

Enfance  de  Jeanne  d'Arc.  —  Sa  vocation.  —  Ses 
sentiments  et  sa  conduite  jusqu'au  moment  où  elle 
se  décide  à  quitter  la  maison  paternelle  pour  aller 
au  secours  du  roi  de  France. 

30.  Académie  de  Toulouse,  1876. 

Lutte  de  Charles  le  Téméraire  et  de  Louis  XI. 

31.  Académie  d'Alger,  1873. 
Raconter  le  siège  de  Beauvais  en  1472. 

32.  Académie  de  Caen,  1876,  Poitiers,  1878. 
Caractère  de  Louis  XI.  —  Ses  derniers  moments 


BREVET 


—  292  — 


BREVET 


au  château  do  Plessis  lez  Tours   —  Services  qu'il 
a  rendus  à.  la  France. 

33.  Académie  d'Aix,  1876. 

Abaissement  des  grands  sous  Louis  XI  ;  exten- 
sion de  la  puissance  royale  et  accjuisitions  faites 
sous  ce  règne. 

34.  Académie  d'Aix,  1878. 

Un  historien  a  dit  en  parlant  de  Louis  XI  :  «  Tout 
bien  examiné,  c'était  un  roi.  »  Développer  cette 
pensée. 

35   Acadétnie  de  Lyon,  1873. 

Comparez  Louis  IX  et  Louis  XI  comme  hommes 
et  comme  rois. 

3fi.  Paris,  187C. 

Comparer  le  sire  de  Joinville  et  Philippe  de 
Commines. 

37.  Paris,  187G. 

Anne  de  Beaujeu.  —  Sa  régence.  —  Les  États 
généraux  de  1481.  —  La  guerre  folle. 

38.  Académie  de  Poitiers,  l876. 

Faire  connaître  la  régence  d'Anne  de  Beaujeu 
et  le  mariage  de  Charles  VIII  avec  Anne  de  Bre- 
tagne. 

39.  Académie  de  Grenoble,  1878. 
Expédition  de  Charles  VIII  en  Italie. 
40    Paris.  1876. 

Expliquer  pourquoi  Louis  XII  a  été  surnommé 
le  Père  du  peuple. 

41.  Académie  de  Bordeaux,  1877. 

Duguesclin  et  Bayard  ont  laissé  une  renommée 
populaire.  Montrer  qu'ils  la  doivent  à  leurs  talents 
militaires,  à  leurs  travaux,  aux  grands  services 
qu'ils  ont  rendus^  à  l'élévation  de  leur  caractère, 
à  leur  bonté. 

4"2.  Académie  de  Rennes,  1876. 

François  I"  :  le  monarque  absolu  ;  le  capitaine  ; 
l'adversaire  de  Charles-Quint;  le  Père  des  lettres. 
Louis  XII  a-t-il  eu  raison  do  dire  de  ce  prince  : 
«  Ce  gros  garçon  gâtera  tout  ?  » 

43.  Académie  de  Chambéry,  1876. 
Principaux    événements    du     règne    de    Fran- 
çois I'^'. 

44.  Paris,  1876. 

Histoire  de  François  duc  de  Guise. 

45.  Paris,  1876. 

Résumer  les  principaux  événements  auxquels 
prit  part  Catherine  de  Médicis,  de  I53i  jusqu'à  sa 
mort  ;  indiquer  l'origine,  le  caractère  et  la  politi- 
que de  cette  reine. 

46.  Paris,  ls76. 

Les  exploits  de  François  de  Guise. 

47.  Paris,  1876. 

Histoire  de  Henri  de  Lorraine,  duc  de  Guise, 
surnommé  le  Balafré. 

4S.  Paris,  1877. 

Jeanne  d'Albret,  son  caractère,  son  influence,  sa 
mort. 

49.  Paris,  1878. 

État  de  la  France  à  la  mort  de  Henri  III.  Lutte 
de  Henri  IV  contre  la  Ligue.  Entrée  dans  Paris 
1589-1594). 

50.  Paris,  1876. 

Siège  do  Paris  par  Henri  IV. 

51.  Académie  de  Poitiers,  ls78. 

Faire  connaître  le  caractère  et  1  aoniinistration 
de  Sully. 

5"2.  Académie  de  Dijon  1876. 

Après  la  mort  de  Henri  IV,  Sully  se  retira  de  la 
cour,  et  ne  conserva,  des  nombreuses  fonctions  dont 
l'avait  investi  le  roi,  que  celles  du  gouverneur  du 
Poitou  et  de  grand-maître  de  l'artillerie 

Sully  écrit  à  la  régente  pour  lui  annoncer  sa  re- 
traite des  affaires.  Il  motive  sa  résolution  en  expo- 
sant ce  qu'il  a  fait  sous  le  dernier  règne;  il  croit 
avoir  rempli  sa  tâche  et  acquis  le  droit  dé  goûter 
le  repos 

53.  Paris,  1872,  1874  ;  Académie  de  Poitiers,  1876. 

Marie  de  Médicis,  reine  et  régente. 


54.  Acodémie  de  Poitiers,  1877. 

Minorité  de  Louis  XIII,  régence  de  Marie  de 
Médicis,  le  maréchal  d'Ancre,  Albert  de  Luynes, 

55.  Paris,  1876. 

Les  premières  années  do  Louis  XIII.  La  régence 
de  Marie  de  Médicis.  Los  Etats  généraux  de  1614 
et  Riclielieu. 

56.  Paris,  1876. 

Histoire  du  maréchal  d'Ancre. 

57.  Académie  de  Toulouse,  1K76. 

Exposer,  en  faisant  la  part  de  l'éloge  et  du  blâme, 
les  résultats  du  ministère  de  Richelieu  tant  à  l'in- 
térieur qu'à  l'extérieur. 

5K.  Académie  d'Aix,  1876. 

Raconter  les  origines  de  la  Fronde,  en  faire  com- 
prendre les  principaux  résultats,  et  rappeler  les 
noms  et  la  conduite  des  personnages  qui  y  ont  joué 
le  rôle  le  plus  important. 

59.  PaiHa,  1876. 

Bataille  des  Dunes.  Circonstances  qui  l'ont  ame- 
née. Traité  qui  en  fut  la  conséquence. 

()0.  Académie  d'Alger,  1876. 

Portrait  de  Colbert. 

61 .  Académie  de  Poitiers,  \^'\, de Douai^lVlZ^elc. 
Comparez  Sully  et  Colbert. 

62.  Paris,  1876. 
Le  grand  Condé. 

63.  Paris,  ls76. 

Portrait  doTurenne.  —  Sa  campagne  en  Alsace. 

64.  Paris,  1876. 

Résumer  les  événements  politiques  et  militaires 
auxquels  prit  part  le  duc  de  Berwick,  de  1692  jus- 
qu'à sa  mort;  faire  connaître  l'origine  et  le  carac- 
tère de  ce  maréchal  de  France;  préciser  l'impor- 
tance de  ses  victoires. 

65.  Paris,  1874. 

Dire  quels  changements  heureux  survinrent 
dans  la  position  de  Louis  XIV  à  l'égard  de  la  coa- 
lition, la  défaite  de  Villars  à  Malplaquet  et  savic- 
tcire  à  Denain. 

(16.  Académie  de  Rennes,  1S78. 

Parmi  les  grands  écrivains  du  siècle  de  Louis  XIV 
dont  on  citera  les  noms  et  dont  on  caractérisera  les 
œuvres  en  quelques  mots,  lequel  a  été  surnommé 
le  législateur  du  Parnasse,  et  pourquoi? 

67.  Paris,  1876 

Les  traités  de  Louis  XIV. 

68.  Académie  de  Dijon,  1873. 

Sous  quel  règne  et  dans  quelles  circonstances  a 
été  publié  l'édit  de  Nantes?  Quelles  en  étaient  les 
dispositions?  Sous  quel  règne  et  dans  quelles  cir- 
constances a-t-il  été  révoqué.  Quelles  ont  été  les 
conséquences  de  cette  révocation  ? 

69.  Académie  de  Toulouse,  1878. 

Tristesse  et  malheurs  des  dernières  années  du 
règne  de  Louis  XIV,  à  partir  de  1704;  mort  du  roi. 

70.  Aca  lémie,  de  Bordeaux,  1876. 

Tableau  de  la  situation  de  la  France,  à  la  mort 
de  Louis  XIV,  en  1715. 

71.  Paris,  1876. 

Rôle  de  la  France  dans  la  succession  d'Autriche. 

73.  Paris,  I.S76 

Ministère  du  cardinal  de  Floury. 

73.  Paris,  1874. 

Rôle  de  la  France  dans  la  guerre  de  l'indépen- 
dance américaine. 

74.  Paris,  1875. 

Règne  de  Louis  XVI,  pendant  l'année  1789. 

75.  Paris,  1874. 

Racontez  la  nuit  du  4  août  1789. 

76.  Paris,  1876. 

Exposer  comment  la  Convention  triompha  de  la 
première  coalition  contre  la  France. 

77.  Académie  de  Douai,  1871. 

Quels  ont  été  avant  1830,  les  souverains  de  la 
Franco  tombés  au  pouvoir  de  l'ennemi?  Rappeler 


BREVET 


—  293  — 


BREVET 


les  principales  circonstances  qui  ont  amené  leur 
captivité. 

78.  Académie  de  Douai,  1876. 

De  l'Algérie  :  description  physique  et  ethnogra- 
phique. Qu'est-elle  pour  la  France  ? 

79.  Académie  de  Douai,  187 1. 

La  France  est  une  terre  privilégiée  :  climat,  sol, 
situation,  par  rapport  aux  autres  contrées,  génie 
des  habitants. 

80.  Paris,  1877,  et  Académie  de  Paris,  1878. 

La  première  leçon  de  géographie  (entretien  d'une 
institutrice  avec  ses  élèves  du  cours  élémentaire). 

in.    —  QUESTIOîfS  SCOLAIRES. 

1'°  liste  de  sujets. 

Questions  données  en  1854-56  (extraites  du  B'///e- 
tin  de  l'instruciion  primaire,  de  MM.  Michel  et 
Rapet). 

IXSTITUTEfRS. 

1.  Dire,  sous  forme  épistolaire  et  le  plus  briè- 


12.  Un  instituteur  écrit  au  maire  de  sa  com- 
mune pour  lui  faire  connaître  l'insuffisance  de  la 
salle  d'école,  et  cherche  à  lui  faire  comprendre  la 
nécessité  de  l'agrandir. 

13.  Lettre  d'un  ancien  maître  à  un  jeune  in- 
stituteur pour  lui  indiquer  comment  il  parviendra, 
dans  la  tenue  de  sa  classe,  à  obtenir  le  silence, 
l'application  et  les  progrès  désirables. 

14.  Un  jeune  instituteur,  accusé  de  négli- 
gence et  menacé  d'une  disgrâce,  écrit  à  l'inspec- 
teur primaire  de  son  arrondissement  et  prend  l'en- 
gagement formel  de  montrer  désormais  plus  de  zèle 
dans  l'accomplissement  de  ses  devoirs. 

15.  Lettre  d'un  instituteur  au  recteur  d'aca- 
démie pour  lui  demander  l'autorisation  de  faire  une 
classe  d'adultes  (hommes)  de  sa  commune. 

16.  Le  titre  d'instituteur  n'impose-t-il  pas  à  un 
jeune  homme  des  obligations  particulières  quand  à 
la  réserve  qu'il  doit  mettre  dans  sa  conduite?  Pour- 
quoi faut-il  qu'il  s'abstienne  pins  que  tout  autre 
de  fréquenter  les  bals,  les  cafés,  les  jeux  publics  ? 
Ne  suflit-il  pas  qu'il  n'y  fasse  aucun  mal?  Et  quels 


vement  possible,  quelles  qualités  peuvent  assurer  j inconvénients  trouve-t-on  à  ce  qu'il  cherche  à  se  re- 


poser de  ses  fatigues  et  à  se  délasser  l'esprit  par 
des  distractions  qui  par  elles-mêmes  peuvent  ne 
pas  être  coupables? 

On  examinera  ces  diverses  questions  tant  par 
rapport  à  l'instituteur  lui-même,  que  par  rapport 
aux  enfants  qu'il  est  chargé  d'élever  et  par  rapport 
aux  familles;  et,  pour  les  traiter  plus  facilement, 
on  supposera  qu'elles  sont  l'objet  d'une  lettre 
adressée  par  un  instituteur  qui  a  déjà  passé  quel- 
ques années  dans  l'enseignement  à  un  de  ses  jeu- 
nes confrères  qu'il  a  eu  pour  élève. 

17.  Surveillance  des  élèves  dans  l'école  et 
hors  de  l'école.  Son  importance  au  point  de  vue  de 
l'éducation.  Différentes  manières  de  l'exercer. 

18.  Donner  les  marques  auxquelles  on  peut 
reconnaître  la  bonne  tenue  de  l'école. 

19.  Devoirs  de  l'instituteur  :  1"  envers  les 
enfants  pour  leur  instruction  et  leur  éducation 
morale  ;  2°  envers  l'autorité  civile  et  religieuse. 

20.  Un  candidat  au  brevet  de  capacité  a  été 
malade  pendant  une  partie  de  son  année  d'études 

préparatoires.  Il  craint  de  ne  pas  réussir  et  fait  part 
Envisageant  bien  plus  la  moralité  de  son  école  ide  ses  craintes  à  son  père,  en  lui  indiquant  les 
que  son  intérêt  particulier,  il  écrit  à  M.  le  rec-  matières  de  son  examen  qu'il  connaît  le  mieux  et 
leur  une  lettre  par  laquelle  il  le  prie  de  vouloir }  sur  lesquelles  il  fonde  ses  espérances. 
bien  mettre  la  commune  en  demeure  d'établir  une  21.  Un  instituteur  répond  à  M.  le  maire  d'une 
école  spéciale  pour  les  filles.  (Faire  ressortir  tous  '  commune  importante  qui  lui  a  offert  la  direction  de 
les  avantages  qui  résulteront  de  cette  mesure.)  |  l'école  de  sa  commune.  Il  le  remercie  de  sa  pro- 
'  ■  ■  M.  le  recteur  pour  position  si  avantngeuse;  mais  il  regrette  de  ne  pou- 
nitive  d'un  de  ses  élè-    voir  l'ace 


le  succès  des  fonctions  d'instituteur. 

2.  Un  jeune  instituteur,  accusé  de  négligence 
et  menacé  d'une  disgrâce,  écrit  à  l'inspecteur  pri- 
maire de  son  arrondissement,  et  prend  l'engage- 
ment formel  de  montrer  plus  de  zèle  désormais 
dans  l'accomplissement  de  ses  devoirs. 

3.  Conseils  d'un  instituteur  à  son  jeune  col- 
lègue sur  les  rapports  qu'il  doit  avoir  avec  les  au- 
torités civiles  et  ecclésiastiques  de  sa  commune, 
dans  l'intérêt  de  son  école,  et  dans  le  sien  en 
particulier. 

4.  Lettre  d'an  vieil  instituteur  à  un  de  ses 
jeunes  confrères  qui  a  été  son  élève  et  qui  débute 
dans  la  carrière,  sur  la  nécessité  et  les  moyens 
d'accoutumer  les  enfants  à  l'obéissance. 

5.  Un  instituteur  rend  compte,  dans  une  lettre 
à  un  de  ses  collègues,  de  l'inspection  de  son  école. 

6.  Un  instituteur  dirige  une  école  fréquentée 
par  140  enfants  des  deux  sexes,  80  garçons  et  60 
filles.  Malgré  tous  ses  soins,  il  remarque  que  son 
enseignement,  qui  est  propre  aux  uns,  ne  convient 
pas  aux  autres.  (Développer  cette  observation.) 


7.  Un  instituteur  écrit  à 
lui  demander  l'exclusion  défi 
ves.  Les  candidats  exposeront  les  raisons  qu'ils 
croiront  de  nature  à  provoquer  la  mesure  rigou- 
reuse qu'ils  sollicitent. 

8.  Un  instituteur  excite  ses  élèves  à  la  piété 
filiale  au  moyen  de  quelques  exemples  puisés  dans 
l'histoire  sainte. 

9.  Expliquer,  sous  forme  de  lettre  à  un  jeune 
instituteur  qui  demande  des  conseils  pour  sa  con- 
duite envers  les  élèves  et  pour  la  tenue  de  sa 
classe,  de  quels  sentiments  il  doit  être  animé  en- 
vers eux,  comment  il  doit  établir  l'ordre  dans  la 
classe  et  les  exercices  :  —  la  prière  —  sévérité  — 
douceur  —  manière  d'interroger  les  élèves  —  ré- 
ponses à  leurs  questions  —  louanges  —  mode  de 
réprimandes  —  réflexions  morales  et  religieuses 
mêlées  à  l'enseignement. 

10.  Un  instituteur  répond  à  l'un  de  ses  jeunes 
collègues  qui  l'a  consulté  sur  la  manière  dont  on 
doit,  pour  la  prospérité  morale  et  intellectuelle  de 
l'école,  punir  et  récompenser  les  élèves. 

11.  Lettre  d'un  instituteur  à  M.  le  curé  de  la 
paroisse  pour  lui  exposer  quelle  est  la  direction 
morale  et  religieuse  qu'il  se  propose  do  donner  à 
ses  élèves  et  lui  demander  de  vouloir  bien  lui  don- 
ner son  avis  et  ses  conseils  à  ce  sujet. 


ccepter.  Il  développera  les  motifs  de  son  refus. 

22.  Allocution  d'un  instituteur  à  ses  élèves  en 
prenant  possession  de  sa  classe.  Indiquer  sommai- 
rement l'ordi'e  que  l'instituteur  entend  établir  dans 
sa  classe  dans  l'intérêt  de  la  discipline  et  pour  la 
distribution  des  matières  qui  font  l'objet  de  son 
enseignement.  Faire  sentir  aux  élèves  que  l'obéis- 
sance est  la  première  loi  de  l'homme,  et  que  l'é- 
lève doit  être  soumis  à  ses  maîtres,  parce  que  le 
maître  lui-même  a  des  supérieurs  auxquels  il  doit 
obéir. 

23.  Un  instituteur  écrit  à  l'inspecteur  de  son 
arrondissement  pour  lui  signaler  les  inconvénients 
qu'il  a  reconnus  dans  l'usage  trop  généralement 
suivi  de  laisser  inoccupés,  pendant  de  longues 
heures,  les  enfants  qui  n'écrivent  pas  encore.  Il 
soumet  à  son  approbation  les  moyens  qu'il  se  pro- 
pose d'employer  pour  remédier  à  cet  abus. 

24.  Vous  supposerez  que  vous  avez  été  nommé 
pour  la  première  fois  instituteur  public  dans  une 
commune.  Quelques  jours  après  votre  entrée  en 
fonctions,  vous  écrivez  à  l'inspecteur  de  votre  ar- 
rondissement pour  lui  rendre  compte  de  ce  que 
vous  avez  cru  devoir  faire  soit  dans  la  classe,  soit 
au  dehors,  pour  bien  organiser  votre  école  et 
en  assurer  le  succès.  (Les  élèves   sont  en  nombre 


BREVET 


294  — 


BREVET 


suffisant,  le  mobilier  et  la  salle  sont  convenables.) 

25.  Lettre  d'un  instituteur  à  un  confrère  sur 
l'emploi  des  récompenses  et  des  punitions. 

26.  Un  instituteur  public  écrit  au  maire  de  sa 
commune  pour  le  prier  de  proposer  à  son  conseil 
l'acquisition  d'un  petit  coin  de  terre  qui  serait 
converti  en  jardin,  objet  dont  manque  la  maison. — 
Exposer  les  motifs  qui  peuvent  déterminer  ce  vote 
de  la  part  du  conseil  municipal. 

27.  En  quoi  consiste  le  mode  mixte?  Com- 
ment ce  mode  peut-il  être  appliqué  dans  une 
école  commune  aux  deux  sexes,  où  soixante  élèves 
sont  ordinairement  réunis.  —  Un  instituteur  ré- 
pond à  ces  deux  questions  dans  une  lettre  qu'il 
adresse  à    un  confrère. 

28.  Prendre  pour  texte,  soit  d'une  lettre,  soit 
d'une  méditation  personnelle,  soit  d'une  petite  in- 
struction à  faire  dans  une  école,  ce  passage  de  l'E- 
vangile :  Laissez  venir  à  moi  les  petits  enfants. 

INSTITUTRICES. 

1.  Une  jeune  personne  écrit  à  sa  mère  pour  lui 
annoncer  qu'elle  vient  d'obtenir  son  brevet  de 
capacité,  et  qu'elle  va  être  appelée  à  la  direction 
d'une  école  communale.  L'aspirante  pourra  donner 
quelques  idées  sur  la  manière  dont  elle  doit  diriger 
son  école. 

2.  Une  institutrice  énumère  à  ses  jeunes  élèves 
les  motifs  qu'elles  ont  de  respecter  et  d'aimer  leurs 
parents. 

.3.  Une  jeune  demoiselle  en  pension  depuis  deux 
années  expose,  dans  une  lettre  à  sa  mère,  les  rai- 
sons qui  l'ont  déterminée  à  se  vouer  à  l'enseiguie- 
mcnt. 

4.  Exposer  l'influence  que  les  habitudes  d'ordre 
excercant  sur  les  études. 

5.  Conseils  d'une  ancienne  institutrice  sur  la 
tenue  d'une  école  à  une  jeune  personne  qui  entre 
dans  l'instruction. 

6.  Lettre  sur  les  devoirs  de  l'kistitutrice. 

7.  Une  jeune  personne  ajinonce  à  la  maîtresse  de 
pension  qui  l'a  formée  qu'elle  vient  d'être  nom- 
mée institutrice  communale  et  lui  expose  comment 
elle  comprend  qu'on  peut  faire  servir  l'écriture 
même  à  l'instruction  et  à  l'éducation  des  élèves. 

8.  M.  le  recteur  écrit  à  une  demoiselle  récem- 
ment munie  du  brevet  de  capacité,  pour  lui  an- 
noncer qu'il  l'a  nommée  institutrice  conununale 
dans  la  commune  de... 

L'institutrice  lui  répond  pour  le  remercier.  Elle 
ajoutera,  avec  quelques  détails,  comment,  pour 
répondre  à  la  confiance  de  M.  le  recteur,  elle  s'ac- 
quittera de  ses  devoirs. 

9.  Quelle  doit  être  la  conduite  d'une  institutrice 
vis-à-vis  des  autorités  locales  et  du  public  ? 

10.  Une  jeune  personne,  placée  avantageusement 
dans  une  commune  comme  institutrice,  raconte; 
à  une  de  ses  amies  ses  efforts  de  chaque  jour,  pour 
instruire  et  bien  élever  les  petites  filles  qui  sont 
coniiées  à  ses  soins.  Elle  s'applique  surtout  h  leuv 
donner  des  exemples  de  vertu. 

11.  Allocution  d'une  institutrice  à  ses  élèves 
sur  le  bonheur  des  pratiques  religieuses. 

.  12.  Lettre  à  une  amie  pour  lui  recommander  une 
méthode  de  lecture. 

1.3.  Un  maire,  dont  la  commune  n'a  qu'une  seule 
école  dans  laquelle  les  deux  sexes  sont  réunis,  a 
le  projet  d'y  faire  établir  une  école  spéciale  de 
filles.  Il  consulte  à  ce  sujet  sa  propre  fille,  qui  est 
institutrice  dans  une  commune  éloignée.  Celle-ci 
lui  répond,  et  lui  expose  l'importance  et  les  avan- 
tages de  cette  instittiiion,  en  lui  développant  les 
principaux  motifs  qui  doivent  la  faire  adopter. 

11.  Récompenses  et  punitions  dans  les  écoles  de 
filles.  Indiquer  les  principales.  —  Avantages  ou  in- 
convénients qu'elles  peuvent  offitir.  —  Apprécia- 
tion suivant  le  caractère. 


15.  Comparer  dans  une  lettre  l'éducation  parti- 
culière avec  l'éducation  commune  pour  les  demoi- 
selles. Développer  les  avantages  et  les  inconvé- 
nients de  ces  deux  genres  d'éducation. 

16.  Une  institutrice  répond  à  une  de  ses  amies, 
institutrice  aussi,  qui  lui  demande  des  détails  sur 
les  travaux  à  l'aiguille  qu'elle  enseigne  à  ses  élè- 
ves, en  quoi  consistent  ces  travaux,  broderie,  cou- 
ture, tricot,  etc.  Quels  avantages  en  retirent  les 
jeunes  filles  pendant  leur  séjour  à  l'école  ?  —  Dé- 
lassement. Profit  pour  leur  familles  ou  pour  elles- 
mêiues.  —  Secours  aux  pauvres.  —  Quels  avanta- 
ges en  retirent-elles  plus  tard,  rentrées  dans  leurs 
familles  ? 

17.  Que  comprend  l'in-struction  religieuse  et 
morale  dans  les  écoles  primaires  ?  —  But  qu'elle  se 
propose  pour  l'individu,  la  famille,  la  société; 
moyens  de  la  donner  avec  efficacité. 

18.  Observations  d'une  institutrice  à  ses  élèves 
sur  la  jalousie.  Elle  confirmera  ses  conseils  par  un 
récit  emprunté  à  l'histoire  sainte. 

19.  De  la  récréation  des  élèves.  Est-elle  indis- 
pensable? Ses  limites.  Règles  à  observer  pendant 
le  temps  de  la  récréation. 

20.  Une  jeune  personne  qui  vient  d'obtenir  son 
brevet  de  capacité,  écrit  à  la  maîtresse  qui  l'a  éle- 
vée pour  le  lui  annoncer  et  la  remercier  des  soins 
qu'elle  lui  a  donnés. 

21.  Lettre  adressée  à  une  jeune  institutrice  pour 
lui  faire  connaître  les  qualités  d'esprit  et  de  cœur 
qu'elle  doit  apporter  dans  l'exercice  de  ses  fonc- 
tions. 

22.  Une  mère  de  famille  recommande  à  une  in- 
stitutrice une  de  ses  filles,  qu'elle  lui  envoie  en 
pension  ;  elle  lui  fait  observer  que  la  jeune  demoi- 
selle est  d'un  caractère  doux,  d'une  extrême  sen- 
sibilité, que  son  instruction  est  peu  avancée  par 
suite  d'une  grave  et  longue  maladie,  mais  que  bien 
rétablie  aujourd'hui,  sa  fille  peut  travailler  avec 
ardeur. 

23.  Une  institutrice  écrit  une  lettre  à  une  élève 
qui  a  reçu  une  injure,  pour  l'engager  au  pardon 
de  l'offense,  et  lui  propose  des  exemples  tirés  de 
l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament. 

24.  Une  institutrice  répond  à  une  mère  qui  lui  a 
reproché  d'avoir  puni  injustement  sa  fille,  et  qui 
l'a  menacée  de  retirer  son  enfant  de  son  école,  si 
la  punition  n'était  pas  levée  immédiatement. 

25.  Une  institutrice  doit  prendre  la  direction 
d'une  école  comptant  ^0  élèves,  et  comme  elle  est 
indécise  sur  la  question  de  savoir  si  elle  doit,  pour 
l'enseignement  de  la  lecture,  préférer  la  méthode 
simultanée  à  la  méthode  mutuelle,  elle  écrit  à 
l'inspecteur  pour  l'informer  de  son  indécision,  en 
lui  faisant  connaître  les  motifs  qui  pourraient  la 
porter  à  préférer  l'une  de  ces  méthodes  à  l'.autre, 
et  termine  en  priant  ce  fonctionnaire  de  lui  don- 
ner, touchant  le  parti  auquel  elle  doit  s'arrêter, 
les  conseils  que  son  expérience  a  pu  lui  suggérer. 

26.  Lettre  d'une  ancienne  institutrice  à  sa  jeune 
compagne  sur  la  nécessité  d'allier  la  sévérité  avec 
la  douceur  envers  ses  élèves. 

27.  Une  institutrice  rencontre,  dès  son  début  dans 
la  carrière  de  l'enseignement,  un  de  ces  caractè- 
res insoumis,  turbulents  et  orgueilleux:  désespé- 
rant de  pouvoir  soumettre  cette  élève  au  joug  de 
la  discipline,  elle  prend  le  parti  de  la  rendre  à  ses 
parents.  Cependant,  avant  d'exécuter  sou  projet, 
elle  veut  consulter  la  vieille  institutrice  chez  la- 
quelle elle  fut  élevée,  et  qui  a  dirigé  ses  premiers 
pas  dans  les  fonctions  qu'elle  a  embrassées. 

La  réponse  de  celle-ci  fera  seule  l'objet  de  la 
composition,  et  devra,  sous  forme  de  lettre,  ren- 
fermer ime  leçon  de  pédagogie  appropriée  à  la  cir- 
constance. 

28.  Formuler  quelques  avis  aux  jeunes  filles  qui 
fréquentent  l'école,  sur  leurs  habitudes  extérieu- 
res :  décence  dans  leur   maintien  ;   réserve  dans 


BREVET 


—  295 


BREVET 


leurs  paroles,  modestie  dans  toutes  leurs  actions  ; 
propreté  exempte  de  recherche  sur  leur  personne. 

2'  liste:  années  1871-1878. 

\.  Académie  de  Douai,  1876. 

Pourquoi  l'enseignement  mutuel,  tant  prôné  au- 
trefois, est-il  généralement  abandonné  aujourd'hui? 
Avantages  et  inconvénients  de  ce  genre  d'ensei- 
gnement. 

2.  Académie  de  Douai,  1876. 

Quels  sont  les  procédés  les  plus  efficaces  pour 
rendre  sensibles  aux  yeux,  comme  à  l'intelligence 
de  l'enfant,  les  éléments  de  la  géométrie  ? 

V, .  Académie  de  Hordeaux,  1876. 

L'instituteur  dirigeant  l'école  communale  de... 
vient  de  mourir.  Un  de  ses  adjoints  écrit  à  un  de 
ses  amis,  et,  dans  une  lettre  émue,  retrace  som- 
mairement sa  vie  et  fait  l'éloge  du  défunt. 

4.  Académie  de  Besançon,  1877. 

Lettre  d'une  ancienne  institutrice  à  une  ancienne 
«lève  qui  refuse  par  timidité  de  se  présenter  à 
l'examen  : 

1"  La  timidité  doit  être  combattue  comme  un  dé- 
faut toujours  nuisible  à  nous-mêmes  et  souvent 
aux  antres  ; 

2°  Il  y  a  deux  espèces  de  timidité,  l'une  vraie, 
l'autre  fausse.  La  première  est  un  embarras  passa- 
ger, causé  par  la  surprise  et  la  modestie  :  on  en 
triomphe  aisément.  La  seconde  n'est  qu'un  amour- 
propre  déguisé  :  il  faut  s'étudier,  pour  le  reconnaî- 
tre et  le  vaincre  ; 

3°  Dans  un  examen,  le  plus  sage  est  de  se  pré- 
senter avec  confiance  et  simplicité,  et  de  s'en  re- 
mettre à  la  Providence  du  succès  de  ses  efforts. 

.'i.  Académie  de  Dijon,  1878. 

Lettre  h  un  jeune  instituteur  sur  la  façon  dont  il 
«onvient  d'enseigner  la  grammaire  aux  enfants  du 
cours  élémentaire  (dernière  division  de  l'école  pri- 
maire^ . 

Caractère  et  but  de  cet  enseignement. 

Diverses  parties  dont  doit  toujours  se  composer 
■une  leçon  de  grammaire. 

6.  Académie  de  Douai,  1878. 
Qu'entend-on  par  leçons  de  choses?  A  qui  doi- 

■vent-elles  être  faites?  Quel  parti  peut-on  en  tirer 
pour  le  développement  de  l'esprit  des  enfants  ?  N'y 
a-t-il  pas  un  moyen  d'y  intéresser  la  classe  tout 
entière  ? 

7.  Académie  de  Besançon,  1S77. 

Une  élève-maîtresse  d'une  école,  après  avoir  passé 
un  certain  temps  comme  institutrice  dans  une  com- 
mune, écrit  à  son  ancienne  directrice  et  lui  fait  con- 
naître comment  elle  est  parvenue  b.  développer 
chez  ses  élèves  le  sentiment  et  la  pratique  de  la 
charité. 

8    Académie  d'Alger,  1876. 

Une  mère  de  famille  liabite,  en  Kabylie,  une 
ferme  isolée,  et  se  trouve  être,  par  l'éloignement 
de  toute  école,  la  seule  institutrice  de  ses  enfants. 
Elle  écrit  à  une  de  ses  amies,  directrice  d'une 
grande  école  primaire,  et  lui  demande  des  conseils 
sur  la  manière  dont  elle  doit  faire  à  ses  enfants 
un  cours  élémentaire  d'histoire  de  France  et  de 
géographie. 

Vous  aurez  à  composer  la  réponse  de  l'insti- 
tutrice. 

9.  Académie  de  Douai,  1871. 

Une  mère  écrit  à  son  fils  que  ce  n'est  qu'en  étu- 
diant l'histoire  de  France  et  les  traits  de  dévoue- 
ment dont  nos  annales  sont  remplis  qu'il  apprendra 
à  chérir  sa  patrie  ;  elle  lui  citera  quelques-uns  de 
ces  traits. 

10.  Académie  de  Douai,  1876. 

Que  faut-il  penser  de  l'cpellation  comme  mé- 
thode de  lecture?  Ses  avantages,  ses  inconvénients. 

11.  Académie  de  Montpellier,  1876. 

Une  institutrice  ayant  beaucoup  à  se  plaindre  de 
une  de  ses  élèves,  qui  se  montre  insaumise.  pa- 


resseuse, turbulente,  toujours  prête  à  se  disculper 
sur  ses  compagnes  des  fautes  qu'elle  commet,  écrit 
au  père  de  l'enfant  pour  l'engager  à  la  retirer  de 
l'école. 

12.  Académie  de  Besançoji,  1875. 

Dans  une  lettre  adressée  à  une  amie,  une  aspi- 
rante au  brevet  expose  les  raisons  qui  l'ont  décidée 
à  embrasser  la  profession  d'institutrice. 

\i.  Académie  de  Besançon,  1876. 

Lettre  d'une  directrice  d'écolo  à  une  de  ses  an- 
ciennes élèves  qui  lui  a  demandé  des  conseils  sur 
la  meilleure  manière  d'organiser  une  petite  classe 
et  d'exercer,  en  les  intéressant,  de  tout  jeunes 
enfants. 

14.  Académie  de  Douai,  1876. 

Démontrer  comment  la  pratique  de  l'analyse  lo- 
gique et  de  l'analyse  grammaticale  doit  contribuer 
au  développement  de  l'intelligence  des  enfants. 

15.  Académie  de  Douai,  1873. 

Une  institutrice  reproche  à  son  adjointe  de  trop 
négliger  les  leçons  de  système  métrique.  Elle  lui 
expose  l'utilité  de  cet  enseignement,  puis  lui  dé- 
taille les  moyens  de  le  rendre  intéressant  et  facile 
à  comprendre. 

C.  —  Dictées. 

Nous  ne  croyons  pas  nécessaire  de  donner  ici 
une  liste  de  sujets  de  dictées  pris  pour  texte  d'é- 
preuve écrite.  Aujourd'hui  en  effet,  grâce  à  une 
réaction  salutaire  contre  les  trop  fameuses  «  Dictées 
de  l'hôtel  de  ville,  »  véritable  casse-tète  où  rien 
n'était  plus  outrageusement  traité  que  la  langue 
française,  qu'on  prétendait  pourtant  enseigner,  la 
dictée  est  simplement  une  page  prise  pour  ainsi 
dire  au  hasard  dans  un  bon  auteur. 

Depuis  plusieurs  années  les  dictées  faites  aux 
aspirants  et  aux  aspirantes  sont  empruntées  soit 
à  des  historiens,  soit  à  des  naturalistes,  soit  à 
des  littérateurs,  soit  à  des  moralistes,  soit  aussi 
(et  ce  choix  a  toutes  nos  préférences)  aux  meilleurs 
auteurs  qui  ont  traite  les  questions  d'éducation. 
Voici,  à  titre  de  renseignement,  dans  quelle  propor- 
tion depuis  quelques  années  les  dictées  du  brevet 
obligatoire  ont  été  empruntées  aux  différents  genres 
et  aux  différents  écrivains. 

Sur  un  total  de  plus  de  300  dictées  que  nous 
avons  recueillies  de  1872  à  1878,  nous  trouvons  : 

Extraits  d'auteurs  du  dix-septième  siècle. 

Perrault 

ne  Ketz... 

5I"«  de  Sévigné 

jimo     Je    Jlaintenon 

autres 

Descaries 

Balzac 

La  Rochofoucault.. . . 

Logique  Port-Royal i 

Pascal ' 4 

Divers 5 


Rossuet 30 

I  cnolou lîM 

Massillon Il 

La  Bruyère 14 

.irnauld  et  Nicole ;! 

Kléchier 5 

Bourdaloue 2 

Racine 3 

Boileau 3 

L;i   F<intaine '.\ 

Molière - 

Jlascaron 1 


et 


Extraits  des  autei-rs  du  dix-huitième  siècle. 


BufTon 19 

Voltaire to 

Bernardin  de  S.  l'ierre..     li 

J.-J.  Rousseau 

Rullin 

D'Aguesseau 

Jloulesquieu 

Bonnet 

La  Mothe-le-Vayer 

Saint-Simon 

Marivaux 


Maury 

Fonteuelle... 

Florian 

De  Saussure  . 

Thomas 

Monge 

Crevier 

Lbomond. . . . 
Laeépède. .. 

Laharpe 

Divers 


Extraits  d'auteurs  du  dix-neuvième  siècle. 


Chateaubriand 13 

M""  de  Staël i 

Cuvier - 

Daru - 

De  Barante S 

Augustin  Tliicrrv :; 


Guizot j 

Thiers 4 

De  Ségur 1 

Viliemain 4 

Nisanl 5 

M"e  Cottin i 


BREVET 


—  296  — 


BREVET 


J.-B.  Say 

Ch.  Nodier.. . . 
De  Lamennais. 
Le  P.  Grati  y  . 

)Iichaud 

MontalembL'ii. 
Victor  Cousin. 
Lacordaiie.. . . 
De  Viiîuv 


1     Lamartine 3 

1     De  Gerando 1 

1     Jos.  de  .Maistre 2 

1     Lciîouvé 2 

Henri  Martin 3 

Duruy 1 

Jules  Simon 1 

Dn|ianloup 1 

Divers i- 

Traductions 

De  Plutarqiic 2  [  De 'Winckclmann 1 

De  Locke 2  J  De  voya'^eurs 2 

De  RobeitSDii 1  )  Divers 4 

D.  —  Modèles  d'écriture. 
Nous  renonçons  à  reproduire  ici  quelques-uns  dos 
modèles  d'écriture  donnés  aux  examens  du  brevet. 
On  trouvera  à  rariicle  Ecriture  des  spécimens 
empruntes  aux  principales  méthodes  en  usage 
aujourd'hui  dans  l'enseignement;  nous  y  renvoyons 
le  lecteur. 

E.  —  ïr.AVAux  d'aiguille. 

Voici,  d'après  une  circulaire  rectorale,  le  pro- 
gramme de  cet  examen.  Il  n"a  pas  été  sensible- 
ment modifié  depuis,  et  les  renseignements  que 
fournit  ce  document  nous  paraissent  présenter  une 
certaine  utilité  pratique  : 

« Pour  les  travaux  d'aiguille,  la  commission 

invite  les  aspirantes  h.  apporter  avec  elles  les  objets 
suivants  : 

I.  Un  morceau  de  calicot  neuf  pour  la  couture  ; 
"z.  Un  vieux  morceau  pour  faire  des  reprises  ; 

3.  Un  vieux  morceau  de  bas  pour  remmailler  ; 

4.  Un  bout  de  feston  ; 

5.  Un  bout  de  broderie  ; 

6.  Un  morceau  de  canevas  pour  marquer; 

7.  Deux  aiguilles  à  tricoter; 

8.  Un  écheveau  de  laine  pour  marquer  et  pour 
tricoter  ; 

9.  Un  écheveau  de  fil  d'Ecosse  rouge  ; 

10.  Du  fil  plat  pour  reprises  ; 

II.  Des  ciseaux,  des  aiguilles. 

Elles  devront  faire  chacune,  séance  tenante,  sous 
la  surveillance  des  dames  adjointes,  et  avant  les 
examens  oraux  : 

1 .  Un  bout  de  surjet  ; 

2.  Un  bout  d'ourlet  ; 

3.  Un  bout  d'ourlet  piqué  ; 

4.  Un  bout  de  couture  rabattue  ; 

5.  Une  boutonnière  ; 

6.  Un  œillet  ; 

7.  Une  bride  pour  agrafe  ; 
6.  Une  bride  pour  bouton  ; 
9.  Une  reprise  ; 

10.  Un  bout  do  remmaillage  ; 

11.  Points  de  chausson  ; 

12.  Un  peu  de  broderie; 

13.  Trois  dents  de  feston  ; 

14.  Commencer  une  jarretière  en  tricot; 

15.  Faire  une  lettre  ; 

IC.  Marquer  d'un  numéro  d'ordre  leur  canevas.» 

F.  Épreuves  orales. 

IVous  nous  attachons  seulement  à  donner,  par 
quelques  spécimens  choisis  parmi  les  questions 
posées  le  plus  fréquemment,  l'idée  exacte  de  la 
mesui'e  de  l'examen  oral,  du  nombre  de  questions 
que  comporte  chaque  branche  et,  pour  celles  où  il 
est  possible  de  l'indiquer,  du  genre  et  de  la  difficulté 
des  détails  ou  des  explications  demandées. 

I.  —   CATÉCHISME  ET   HISTOIRE   SAINTE. 

1.  Dieu,  sa  nature,  la  sainte  Trinité.  —  Divisions 
générales  de  l'Histoire  sainte  ;  dire  les  faits  les  plus 
reiiiarquablcs  de  la  première  époque. 

2.  Le  mystère  do  la  Rédemption.  —  Dire  ce  qui 
s'est  passé  dp  plus  important  de  l'époque  d'.\braham 
à  celle  de  Joseph. 


3.  Les  trois  principaux   mystères.    —  Raconter 
brièvement  la  vie  de  Joseph. 

4.  Les  sacrements   en  général.  —  Sort  des  Hé- 
breux après  la  mort  de  Joseph. 

5.  Le  baptême.  —  Moise  jusqu'à  son  entrée  dans 
le  désert, 

0. L'Eucharistie. —  Le  gouvernement  des  Juges. 

7.  Des  vertus  théologales.  De  la  prière.  —  Davii. 

8.  Les  commandements.  —  Captivité  de  Babylone. 

9.  Le  douzième  article   du  symbole.  —    Princi- 
pales hérésies  et  sectes. 

10.  Des  jeûnes  ordonnés  par  l'Église.  —  Hérode. 

11.  Miracles  de  Notre-Seigneur.  —  David  et  Jo« 
nathas. 

12.  De  la  superstition    et  de  l'idolâtrie.  —  Saint 
Pierre  et  saint  Paul. 


II. 


ANALYSE   GRAMMATICALE. 


1 .  Phrase  à  analyser  : 

Qu'il  vienne  à  nous  celui  qui  pleure, 
Disait  la  voir  mêlée  au  murmure  des  vents: 
L'heure  du  péril  est  notre  heure  ; 
Les  orphelins  sont  nos  enfants. 

Questions  sttr  cette  phrase  .  —  Placez  les  propo- 
sitions selon  l'ordre  logique  et  indiquez  celles  qui 
sont  sous-entendues. 

Ponctuez  la  phrase  et  rendez  compte  des  motifs, 
qui  vous  déterminent  à  employer  les  divers  signes 
de  ponctuation. 

Analyser  ./  vienne. 

Pourquoi  il  est-il  pronom  indéfini?  Qu'est-ce 
qu'un  pronom  indéfini?  Expliquez  le  sens  du  mot 
indéfini?  Quand  un  verbe  est-il  impersonnel? 
Analysez  celui,  voix,  mêlée. 

2.  Épreuve  pédagogique  :  Leçon  à  des  enfants  de 
huit  à  dix  ans  pour  leur  donner  des  notions  sur  le 
verbe. 

Phrase  à  analyser: 

Qu'y  a-t-i\  de  plus  merveilleux  que  de  voir  la  re- 
ligion subsister  sur  des  fondements  qui  remontent 
au  commencement  du  monde  ? 

Questions:  —  Déterminer  la  fonction  : 

lo  Des  conjonctions  s'il  en  existe  dans  la  phrase? 

2°  Des  prépositions  ; 

3°  Des  mots  soulignés  (écrits  en  italique). 
Analysez  :  y,  subsister,  et  rendez  compte  de  la  va- 
leur de  tous  les  termes  grammaticaux  que   vous- 
employez. 

3.  Leçon  sur  l'article  (défini  et  indéfini). 
Phrase  à  analyser: 

(Les  mots  soulignés  sont  ceux  dont  l'analyse  reisonnée  a 
été  demandée.) 

Ne  t'attends  qu'à  toi  seul  ;  c'est  un  commun  proverbe  ,- 
Voici  comme      Esope  le  mit 
Eu  crédit. 

4.  Leçon  sur  l'accord  du  verbe  avec  son  sujet  faite 
aux  élèves  du  cours  moyen. 

Analyser  :  Loin  d'exciter  les  séditions,  les  pre- 
miers chrétiens  n'eurent  jamais  de  part  à  toutes- 
les  conspirations  formées  contre  les  emiiereurs  ro- 
mains. 

5.  Leçon  sur  la  formation  du  pluriel  des  noms 
composés.  (Cours  supérieur  )  : 

Pauvre  écolier  rêveur  et  qu'on  disait  sauvage, 
(>«(j?irf  j'émiotfais  mon  pain  à  l'oiseau  du  rivage, 
L'onde  semblait  me  dire:      Espère  !  aux  mauvais  jours 
Dieu  te  rendra  ton  pain. 

6.  Leçon  à  des  commençants  pour  leur  donner  une 
idée  générale,  mais  claire,  des  différentes  sortes  de 
mots  variables  (noms,  pronoms,  adjectif,  verbe» 
article,  participe.) 

Ami,  lui  dit  son  camarade, 

Jl  n'est  pas  toujours  bon  d'avoir  un  haut  emploi  ; 
Si  tu  n'avais  servi  qu'un  mouniet-  cetntne  nwi, 
Tu  ne  serais  pas  si  malade. 


BREVET 


—  297 


BREVET 


7.  Leçon  sur  l'enseignement  de  l'orthographe 
d'usage  : 

Analuser  :  Celui  qui  règne  dans  les  cieux  et  de 
qui  relèvent  tous  les  empires  est  aussi  le  seul  qui 
se  glorifie  de  faire  la  loi  aux  rois. 

S.  Leçon  sur  la  fonction  des  prépositions  et  des 
conjonctions,  aux  enfants  du  cours  préparatoire. 

Analyser  :  Pourquoi  le  remords  est-if  si  terrible 
qu'on  préfère  souvent  se  soumettre  à  toute  la 
rigueur  de  la  vertu  plutôt  que  d'acquérir  des  biens 
'Ucgitimes. 

y.  Exposer  comment  on  forme  les  élèves  du  cours 
préparatoire  à  exprimer  correctement  leurs  pen- 
sées par  écrit.  Programme  d'exercices  de  style 
pour  les  enfants  de  cette  division. 

lO-lU.  Phrases  doimées  ù  analyser  lofjiqitemeiit 
et  grammaticalement  :'La.y'\Q'û\Qi^e,  ainsi  ([ue  l'âge 
mûr,  nous  semble  capable  de  servir  utilement  la 
patrie. 

Plus  d'un  consul  imita  dans  la  suite  le  patrio- 
tisme exalté  et  exagéré  du  consul  Brutus. 

Que  notre  vie  soit  toujours  telle  que  nous 
n'ayons  pas  à  redouter  l'arrivée  de  la  mort. 

C'est  en  fabriquant  des  soieries,  que  les  fabri- 
cants de  Lyon  se  sont  enrichis. 

Mes  chers  enfants,  je  vous  trouve  aujourd'hui 
tout  autres  que  vous  n'étiez  auparavant 

Quelque  dures  qu'aient  été  les  épi-euves  que  nous 
avons  subies,  notre  courage  ne  s'est  pas  démenti. 

Admirons  dans  ce  personnage  éminent  deux 
grandes  qualités  :  sa  modestie  et  son  profond 
savoir.  B. 

III.    —   QUESTIONS  d'arithmétique. 

C'est  dans  les  examens  de  Paris  principalement 
que  ces  questions  ont  été  recueillies.  Mais  les  aspi- 
rantes qui  s'y  présentent  à  chaque  session  sont 
si  nombreuses  que  la  commission  doit  se  com- 
poser d'un  grand  nombre  d'examinateurs.  Les  in- 
terrogations y  sont  donc  aussi  variées  que  possible 
et  peuvent  servir  à  faire  ressortir  le  caractère 
moyen  de  l'examen  oral  aussi  bien  que  si  elles 
avaient  été  puisées  dans  les  commissions  des 
divers  départements. 

En  les  reproduisant  fidèlement,  nous  ne  les  pré- 
sentons pas  comme  toujours  exemptes  d'imperfec- 
tions. Mais  nous  croyons  qu'elles  ne  sont  pas  sans 
nt'lité  pour  les  candidats  qui  se  préparent  aux 
pxamens  et  même  pour  les  maîtres  chargés  de  les 
guider  dans  ce  travail.  Les  difl'érencos  de  forme 
données  à  une  même  question  forcent  à  la  con- 
sidérer sous  divers  points  de  vue  :  la  manière  dont 
s'enchaînent  les  diverses  interrogations  partielles 
formant  la  matière  d'un  examen  oral  indicjue  non- 
seulemeni  l'étendue  et  la  durée  moyenne  de  chaque 
examen,  mais  le  tour  et  le  ton  qu'il  prend  habi- 
tuellement, le  degré  de  difficulté  qu'il  comporte, 
les  développements  auxquels  il  peut  donner  lieu 
et  qui  pourraient  être  des  surprises  pour  le  can- 
didat non  averti. 

1.  Combien  le  nombre  2i5  renferme-t-il  d'ordres 
d'unités  ?  Que  deviendrait  ce  nombre,  si  l'on  y 
ajoutait  deux  zéros  ?  Expliquez  le  changement 
produit.  Multipliez  245  par  10. 

2.  Qu'appelle-t-on  nombres  décimaux?  Énoncez 
la  règle  de  la  multiplication  des  nombres  décimaux  ? 
Combien  de  cas  présente-t-cUe  ?  Expliquez  ces 
trois  cas  avec  des  exemples  à  l'appui. 

3.  Divisez  3584  par  789.  Quelle  est  la  règle 
dont  on  se  sert  pour  faire  cette  opération  ?  Quelle 
difficulté  se  rencontre  ici?  Comment  s'y  prend-on 
pour  trouver  le  chiffre  du  quotient?  Peul-on  voir 
tout  de  suite  combien  de  fois  un  nombre  de  quatre, 
chiffres  contient  un  nombre  de  trois  cliifi'res? 
Quel  quotient  devrait-on  trouver? 

4.  Quand  on  veut  diviser  deux  nombres  entiers 
terminés  par  des  zéros,  ne  peut-on  pas  simplifier 
l'opération  ? 


Prenez  pour  exemple  43000  à  diviser  par  700. 

Pourquoi  le  quotient  obtenu  sera-t-il  le  même? 

5.  Additionnez  24500  et  2450.  Divisez  leur 
somme  par  110.  Dites  ce  que  l'on  doit  trouver  au 
quotient. 

Indiquez  quelques  cas  où  l'on  a  besoin  d'em- 
ployer la  division. 

0.  Piègle  pour  réduire  des  fractions  au  même- 
dénominateur. 

Appliquez-la  aux  fractions  ^  et  \. 

Quelle  condition  doivent  remplir  les  fractions- 
qui  remplaceront  les  deux  fractions  données  ? 

Additionnez  les  fractions  iû  et  ^-  Est-ce  là  le 
plus  petit  dénominateur  que  puissent  avoir  ces- 
deux  fractions?  Pourrait-on  leur  en  donner  un 
plus  grand? 

7.  Qu'entend-on  par  fraction  ordinaire?  Com- 
bien faut-il  de  termes  pour  écrire  cette  fraction  ? 

Quand  on  prend  une  fraction  ordinaire  pour 
la  comparer  à  l'unité,  combien  de  cas  peuvent  se 
présenter?  Qu'offre  de  particulier  la  fraction  sem- 
blable à  l'unité  ? 

Étant  donnée  une  expression  fractionnaire,  com- 
ment cherche-t-on  combien  elle  contient  d'unités  "? 
L'expression  fractionnaire  se  réduit-elle  toujours 
à  un  nombre  entier?  Quel  nom  donnc-t-on  à  cette 
opération  ? 

8.  Divisez  \  par  l.  Que  sera  le  quotient  par 
rapport  au  dividende?  N'y  a-t-il  pas  des  cas  cù 
l'on  pourrait  diviser  terme  à  terme,  comme  dans 
la  multiplication  on  multiplie  terme  ù  terme? 
Prenez  par  exemple  }|  à  diviser  par  |.  Comment 
prouverait-on  l'exactitude  de  l'opération? 

9.  Divisez  ||  par  ^-  Donnez  la  manière  le  plus 
simple  de  faire  cette  opération.  Faites -en  la 
preuve. 

10.  Réduisez  en  fraction  décimale  la  fraction  ji|. 
Que  faut-il  faire  d'abord  ?  Comment  se  fait  la 
réduction  en  décimales?  Quel  quotient  doit-on 
avoir? 

11.  Faire  la  somme  des  fractions  suivantes 
I;  |;  0,01.  Combien  y  a-t-il  de  manières  d'effec- 
tuer cette  opération?  Quelle  est  celle  des  deux 
qu  on  doit  préférer? 

12.  Qu'entend-on  quand  on  dit  qu'un  nombre^ 
est  divisible  par  un  autre?  Le  nombre  478  est-il 
divisible  par  5  ?  Expliquez  pourquoi  un  nombre 
terminé  par  5  est  divisible  par  5.  Ecrivez  sur  la 
droite  de  23  un  chiffre  tel  qu'on  obtienne  un 
nombre  de  fois  chiffres  qui  divisé  par  5  donne  4 
pour  reste. 

13.  Dans  quel  cas  un  nombre  est-il  divisible  par  9?' 
Donnez-en  un  exemple.  Si  l'on  mettait  une  virgule 
entre  les  deux  4  dans  le  nombre  144,  serait-il 
encore  divisible  par  9?  Pourquoi  cette  virgule  ne 
change-t-elle  rien?  Que  deviendraitdans  le  deuxième- 
cas  la  valeur  du  quotient? 

14.  Quels  sont  les  diviseurs  premiers  et  non 
premiers  de  300?  Quelle  méthode  suit-on  pour  les 
obtenir?  Qu'appelle-t-on  nombres  premiers?  Un 
nombre  est-il  toujours  divisible  par  lui-même  et  par 
l'unité  ?  Quel  quotient  obtient-on  ?.  Après  avoir 
obtenu  les  facteurs  premiers  de  360,  comment 
forme-t-on  les  facteurs  non  premiers  ?  Peut-on 
savoir  d'avance  le  nombre  de  diviseurs  qu'on  trou- 
vera ? 

15.  Quels  sont  les  caractères  essentiels  du  sys- 
tème métrique  ?  Quentend-on  par  son  inaltérabi- 
lité? Où  se  trouve  déposé  le  mètre  étalon  ?  En  quel 
métal  est-il  ? 

10.  Quelle  est  l'unité   principale  de  longueur? 
Qu'est-ce  que  le   mètre  ?  Quelles  sont  les  autres 
unités  de  longueur  ?  Qu'appelle-t-on   mesures  iti- 
néraires ?  Quelles   sont,    outre   les  mesures   mé- 
1  triques,  les    mesures  itinéraires    introduites    par 


BREVET 


—  298  —  BREVET 


l'usage?  Qu'est-ce  que  la  lieue?  N'y  a-t-il  que  la 
lieue  de  4  kilomètres? 

Combien  y  a-t-il  dn  lieues  marines  dans  1  degré? 
Combien  y  a-t-il  de  lieues  géographiques? 

Qu'est-ce  qu"un  degré  ?  Combien  y  a-t-il  de 
degrés  dans  le  quart  du  méridien  ? 

17.  Tracez  au  tableau  une  circonférence  qui 
représente  la  terre.  Indiquez  l'équateur  et  le  méri- 
di&n.  Qu'entend-on  par  latitude  dun  lieu  ?  Quelle 
est  la  latitude  du  parallèle  le  plus  septentrional  de 
la  France,  et  celle  du  parallèle  le  plus  rapproché 
de  l'équateur  ?  Don  nez  la  distance  des  deux  parallèles 
extrêmes  de  la  France. 

Sur  quelle  espèce  de  nombres  a-t-on  à  opérer  ? 
Quelle  est  la  différence  entre  une  soustraction  de 
nombres  complexes  et  une  soustraction  de  nom- 
bres entiers  ? 

Convertissez  cette  distance  en  kilomètres.  Com- 
bien 1  degré  vaut-il  de  mètres?  Comment  le 
trouver? 

18.  Quelle  est  l'unité  pour  la  mesure  des  sur- 
faces ?  Quels  sont  ses  multiples  et  ses  sous-mul- 
tiples ? 

Qu'appelle-t-on  mesures  agraires?  D'où  vient  ce 
nom  ?  Indiquez  ces  mesures.  Qu'est-ce  que  l'are, 
l'hectare  ?  Combien  y  a-t-il  de  centiares  dans  un 
•hectomètre  carré  ?  Combien  le  décamètre  carré 
contient-il  de  mètres  carrés? 

Quand  les  arpenteurs  mesurent  un  terrain,  de 
quelle  mesure  réelle  font-ils  usage?  Les  deux  der- 
niers chaînons  ont-ils  réellement  20  centimètres  ? 

19.  Expliquez  la  construction  du  stère,  dessinez 
un  stère  au  tableau.  Quelle  est  la  distance  des 
deux  montants  pour  1  stère,  pour  deux  sières,  pour 
Ain  demi-décastère  ? 

20.  Quelle  est  l'unité  dans  les  mesures  de  capa- 
cité ?  Quels  sont  ses  multiples  et  ses  sous-multi- 
ples? Quelles  sont  les  mesures  usuelles  et  quelle 
forme  ont-elles?  Quelle  relation  y  a-t-il  entre  la 
profondeur  et  le  diamètre  ?  De  quelle  substance 
sont-elles  faites  ? 

21.  Quelle  est  l'unité  de  poids?  Quels  sont  les 
multiples  et  les  sous-multiples  ?  Indiquez  la  série 
des  poids  réels  avec  leur  forme.  De  quelle  matière 
-sont-ils  formés  ?  Se  sert-on  de  poids  autres  que  les 
multiples  du  gramme  ? 

22.  Qu'est-ce  que  le  franc  ?  Quelles  sont  les  pièces 
de  monnaie  d'argent  ?  Sont-elles  composées  d'ar- 
gent pur  ?  Quels  sont  les  titres  de  ces  monnaies? 
Dites  le  poids  de  la  pièce  de  5  francs  ;  son  diamètre. 
Pourquoi  les  pièces  d'argent  nont-elles  pas  toutes 
le  même  titre  ? 

Si  un  changeur  voulait  faire  un  paiement  de 
1,000  francs  en  pièces  de  1  franc,  pourrait-on  le 
refuser  ?  Quelle  somme  la  loi  a-t-elle  fixée  comme 
limite  ? 

23.  Qu'est-ce  que  le  titre  dans  les  monnaies  ? 
Y  a-t-il  plusieurs  titres  pour  les  monnaies  ?  Quel 
est' le  titre  d'une  pièce  de  5  francs  en  argent? 
Quelle  quantité  d'argent  pur  contient-elle  ?  Dites 
le  rapport  du  poids  d'une  pièce  de  5  francs  en  or 
à  celui  d'une  pièce  do  5  francs  en  argent.  Comment 
le  détermine-t-on  ? 

24.  Quelles  sont  les  pièces  de  monnaie  en  bronze? 
Quelle  est  leur  composition?  Quel  est  leur  poids? 

Parmi  les  pièces  d'argent,  quelles  sont  celles  qui 
correspondent  aux  monnaies  de  bronze  ?  Que  peut- 
on  en  conclure  quant  au  rapport  qui  existe  entre  la 
valeur  de  l'argent  et  celle  du  bronze. 

25.  Quel  est  la  valeur  d'un  kilogramme  d'or  mon- 
nayé ?  Comment  peut-on  la  trouver,  en  sachant  que 
la  loi  fixe  à  155  le  nombre  de  pièces  de  20  francs 
que  doit  former  un  kilogramme? 

Quelle  serait  la  valeur  d'un  kilogramme  d'argent? 
Combien  l'or  sous  le  même  poids  vaut-il  plus  que 
l'argent  ?  Exprimez  ce  rapport  sous  la  forme  d'une 
fraction  ordinaire. 

[A.  Bovier-Lapicrrej. 


IV.  —  HISTOir.E   ET    GÉOCItAPIIIG. 

1.  Conquêtes  de   Jules  César  en   Gaule.  —  La 
Lorraine. 

2.  La  Gaule  sous  l'administration  romaine.  —  Le 
Daupliiné. 

3.  Clotaire  II.  —  Dagobert.  —  Ceinture  du  bassin 
du  Rhône. 

4.  Charles  Martel.  —  Pépin  le  Bref.  —  La  Bour- 
gogne. 

5.  Couronnement  de  Charlemagne.  —  Principaux 
canaut. 

6.  Les  Carlovingiens  du   dixième  siècle.  —  Le 
cours  de  la  Meuse. 

7.  La  guerre  de  Cent  ans.  —  Frontière  du  Midi. 

8.  Le  régime  féodal.  —  l'Auvergne. 

9.  Les  croisades,  les  résultats.  —  Description  de 
la  côte  du  Havre  à  Brest. 

10.  Les  guerres  d'Italie  sous  François  I".  —  Ports 
français. 

11.  La  Renaissance.  —  Frontière  du  Nord. 

12.  Charles  IX.  —  La  Franche-Comté. 

13.  Fin  du  règne  de  Henri  IV.  —  Régence  de  Marie 
de  Médicis.  —  Le  Berry. 

14.  Louis  XIII.  —  Le  cours  de  la  Loire. 

15.  La  guerre  de  Dévolution    —  Colonies  fran- 
çaises en  Amérique  et  en  Océanie. 

IG.  Révocation  de  l'édit  de  Nantes.  —  Bassin  de 
l'Escaut. 

17.  Guerres  de  la  ligue  d'Augsbourg.  —  Colonies 
françaises  en  Asie  et  en  Afrique. 

18.  Le  gouvernement  personnel  de  Louis  XIV.  — 
Le  Limousin  et  la  Marche. 

19.  La  guerre  de  la  succession  d'Espagne.  —  Le 
cours  de  la  Garonne. 

20.  Ministère  du  cardinal  de  Fleury.  —  Cours  de 
l'Orne.  —  La  Sarthe. 

21.  Avènement  de  Louis  XVI.  —  Débuts  de  son 
règne.  — LcDauphiné. 

22.  La  campagne  d'Egypte.  —  Voyage  par  terre 
de  Lille  à  Marseille. 

23.  Campagne  de  Russie.  —  Frontière  de  l'Est. 

24.  Conquête  de  l'Algérie.  —  Description  de  l'Al- 
gérie. B. 

II.  —  Brevet  su}pér:eur. 

A.  Épreuves  de  l\  V  série. 

r  Arithmétique  et  géométrie  appliquées. 


I.  _  Paris,  187G. 

l"  Arithmétique.  —  Quelle  somme  faut-il  placer 
actuellement  à  5  "/„  pour  obtenir  10000  francs  au 
bout  de  5  ans,  en  laissant  les. intérêts  se  capitali- 
ser? 

Théorie;  formule. 

Réponse.  —  7  835'^2fi. 

2°  Géométrie.  —  Étant  donné  un  cercle  de  rayon 
R,  chercher  le  rayon  du  cercle  intérieur  concen- 
trique dont  la  surface  soit  la  moitié  de  celle  du 
cercle  donné. 

Construire  ce  cercle  ;  évaluer  son  rayon  à  moins 
dun  centimètre  près,  quand  R  égale  3  mètres. 

Réponse.  —  r  étant  le  rayon  demandé,  on  trouve 

,.  _  _^  y'2 ,  et  pour  R  =  3™  on  a  >•  =  2"',12. 

II.  _  Paris,  1877. 

1°  Arithmétique.  —  A  28  mètres  au-dessous  du 
sol,  à  Paris,  la  température  est  constante  et  égale 
i  11  degrés  centigrades  7  dixièmes;  à  505  mètres 
au-dessous  du  sol,  la  température  est  égale  îi 
27»,33. 

En  admettant  que  l'accroissement  de  tempéra- 
ture soit  proportionnel  à  la  quantité  dont  on  s'en- 
fonce au-dessous  de  la  couche  invariable,    on   de- 


BREVET 


—  299 


BREVET 


mande  à  quelle  profondeur  la  température  sera  de 
100  degrés. 

On  devra  d'ailleurs  chercher  quelle  serait,  dans 
cette  hypothèse,  la  température  du  centre  de  la 
terre. 

Réponse.  —  Profondeur  de  la  couche  I     j  ^23   mètres . 

à  lOU  degrés ( 

Température  du  centre.      212  200   degrés. 

2°  Géométrie.  —  On  demande  la  valeur  d'un 
tétraèdre  régulier ,  en  or  pur  massif ,  ayant 
une  arête  de  6  centimètres.  —  On  sait  que  la 
densité  de  l'or  pur'est  19,2G  et  que  la  valeur  d'un 
gramme  d'or  pur  est  de  o"^  437. 

On  de\Ta  établir  et  démontrer  la  formule  géné- 
rale qui  donne  le  volume  du  tétraèdre  régulier  en 
fonction  de  son  arête. 

On  devra  aussi  faire  connaître  comment  on 
trouve  la  valeur  d'un  gramme  d'or  pur. 

Réponse.  —  Si  V  désigne  le  volume  du  tétraèdre, 
fl  son  arête  et  S  sa  valeur  en  francs,  on  trouve  : 

y  ^  W2  .  s  _  iC85",10. 
12 

3°  Dessin  linéaire.  —  Construire  un  ovale  com- 
posé de  quatre  arcs  de  cercle  qui  se  raccordent. 
On  prendra  pour  centres  les  sommets  d'un  losange 
dont  les  diagonales  sont  respectivement  de  60  et 
de  40  millimètres.  Les  i-ayons  des  grands  arcs 
seront  de  (Jô™""  et  les  autres  d'une  longueur  con- 
venable pour  que  les  arcs  se  raccordent. 

Réponse.  —  Le  rayon  des  petits  arcs  doit  avoir 

III.  —  Paris,  1877. 

1°  Aritlitnétique,  —  Que  signifie  l'expression: 
base  d'un  système  de  logarithmes  ?  Quel  avantage 
trouve-t-on  à  se  servir  des  logarithmes  dont  la  base 
est  10? 

Que  fait  connaître  la  caractéristique,  soit  posi- 
tive, soit  négative^  d'un  de  ces  logarithmes? 

2"  Problème.  —  Une  personne  ayant  fait  deux 
parts  d'un  capital  de  45000  francs  a  placé  la  1"=  à 
5  2  "/o  et  la  2*  à  4  "U,  ce  qui  fait  un  revenu  annuel 
de  2002f',50. 

Quelles  sont  les  deux  parts  ? 

Réponse.  —  1"  :  13  500'^  —  2«  :  31  500  f\ 

3°  Géométrie.  —  L'aire  d'un  secteur  de  cercle 
de  13°  a  pour  surface  82  décimètres  carrés.  Cal- 
culer l'aire  de  l'hexagone  régulier  inscrit  dans  ce 
cercle. 

Réponse.  —  IG°°'î47  décim.  carrés. 

IV.  —  Paris,  1 878. 

1°  Arithmétique.  —  Réduire  au  plus  petit  dé- 
nominateur commun  les  quatre  fractions  : 

47         127         53  13 

336  '     792  '     392  '     108* 

Donner  la  théorie  raisonnée  du  procédé  que 
l'on  suivra. 

Réponse.  —  Le  plus  petit  dénominateur  commun 
est  232  848. 

2°  Géométrie.  —  Étant  donnés  un  parallélo- 
gramme ABCD  et  une  droite  quelconque  MN  me- 
née par  un  des  sommets  D  (et  en  dehors  du  para- 
lélogramme),  on  abaisse  des  autres  sommets  A, 
B,  C,  des  perpendiculaires  AA',  BB',  CC  sur  la 
droite  MN. 

Démontrer  que  la  perpendiculaire  AA'  abaissée 
du  sommet  opposé  à  celui  D  par  lequel  a  été 
menée  la  droite  MN,  est  égale  à  la  somme  des 
deux  autres  perpendiculaires  BB'  et  CC. 

3°  Dessin  linéaire.  —  Construire  un  triangle 
rectangle  isoscèle  dont  l'hypoténuse  ait  8  centi- 
mètres de  longueur  et  faire  un  carré  dont  la  sur- 
face soit  triple  de  celle  de  ce  triangle. 

V.  —  Paris,  1878. 

1"  Arithmétique.  —  Réduire  la  fraction  -r^.  à  sa 


plus  simple  expression,  et  donner  la  théorie  du 
procédé  qu'on  emploiera. 

2"  Géométrie.  —  Étant  données  deux  droites  pa- 
rallèles AB  et  CD  coupées  par  une  sécante  FG  (F 
et  G  étant  les  points  d'intersection),  démontrer 
que  si  l'on  mène  les  bissectrices  des  deux  angles 
AFG  et  CGF  (angles  intérieurs  situés  du  même 
côté  de  la  sécante^  leur  point  de  rencontre  O  sera 
à  égale  distance  des  deux  parallèles  et  de  la  sécante. 

3°  Dessin  linéaire.  —  Dessiner  avec  un  rayon 
de  4.S  millimètres  un  hémisphère  de  la  mappe- 
monde, avec  les  méridiens  et  les  parallèles  de  10° 
en  lO",  d'après  la  projection  stéréographique. 

VI.  —  Académie  de  Paris,  Seine-et-Marne ,  1878. 

1.  Arithmétique.  —  On  a  acheté  une  maison 
pour  le  prix  de  3i  0  000  francs  payables  immédia- 
tement. On  voudrait  modifier  les  conditions  de  la 
vente  et  s'acquitter  en  trois  paiements  annuels 
égaux,  pour  commencer  à  la  fin  de  la  V  année, 
rintorèt  étant  porté  à  5  "/„  Quelle  sera  la  valeur 
de  chaque  annuité  ? 

Réponse.  —  110  162  fr.  56  centimes. 

2.  Géométrie.  —  Description  de  la  boussole 
d'arpenteur.  —  Ses  usages.  —  Comment  on  lève 
un  plan  avec  la  boussole. 

3.  Dessin  linéaire.  —  Un  cylindre  creux  dont  le 
diamètre  intérieur  a  20  millimètres,  le  diamètre 
extérieur  32™™  et  qui  a  40°"°  de  haut,  repose  par 
une  de  ses  extrémités  sur  le  plan  horizontal.  — 
Sur  la  partie  supérieure  on  pose  une  sphère  de 
25"°™  de  rayon,  dont  une  portion  pénètre  ainsi  dans 
le  cylindre.  Dessiner  les  projections  des  deux 
solides  placés  dans  cette  position.  (Faire  en  pointillé 
les  parties  non  visibles.) 

VII.  —  Académie  dAix,  187G. 

1°  Arithmétique.  —  Exposer  l'extraction  de  la 
racine  carrée  des  nombres  entiers,  en  prenant  pour 
exemple  le  nombre  5  247.  Quelle  est  la  racine  par 
défaut?  Quelle  est  la  racine  par  excès?  Quelle 
est  la  plus  approchée  ? 

2°  Géométrie.  —  Étant  donné  uii  demi-cercle 
CMD,  on  mène  (dans  ce  demi-cercle)  une  corde 
AB  parallèle  au  diamètre  CD,  qui  partage  le  demi- 
cercle  en  deux  parties,  savoir  :  un  segment  AMB 
et  la  figure  CABD.  On  fait  tourner  (la  figure)  au- 
tour du  diamètre  CD,  et  l'on  demande  de  trouver 
le  solide  engendré  par  la  figure  CABD,  d'en  dé- 
duire le  solide  engendré  par  le  segment,  en  re- 
tranchant du  volume  de  la  sphère,  et  de  faire  la 
vérification  en  calculant  ce  dernier. 

Quelle  est  la  relation  qui  doit  exister  entre  AB 
et  le  diamètre  CD  pour  que  le  volume  engendré 
par  le  segment  AMB  soit  la  moitié  du  volume  de 
la  sphère  ? 

Réponse.  —  Si  a  représente  la  longueur  de  la 
corde  AB  et  r  le  rayon  du  demi-cercle,  on  a  pour 
le  volume  V  engendré  par  le  segment  AMB  : 

V=i.«3. 

Le  volume  V  sera  la  moitié  du  volume  la  sphèro 

si  l'on  a 

3  — 

a  =  rV4. 

VIII.  —  Académie  de  Chambérij,  1876. 

1°  Arithmétique.  —Un  négociant  a  souscrit  trois 
obligations.  La  V^,  de  1200  francs,  est  payable  dans 
10  mois;  la  2%de  800  francs, est  payable  dans  5  mois; 
la  3%  de  1000  francs,  est  payable  dans  9  mois.  On 
lui  propose  de  se  libérer  en  un  seul  paiement, 
à  G  mois  d'échéance  avec  un  escompte  de  5  "/». 

Quelle  est  la  somme  à  payer  à  cette  date  :  1» 
dans  le  cas  de  l'escompte  en  dehors;  2°  dans  le 
cas  de  l'escompte  en  dedans. 

Réponse.  —  Par  l'escompte  en  dehors  2  970'',83. 
Par  l'escompte  en  dedans  2  971'''',31. 


BREVET 


—  300 


BREVET 


2*  Géométrie.  —  Un  triangle  isocèle  a  48  mètres 
de  base  et  120  mètres  de  hauteur.  On  propose  de 
le  partager  en  trois  parties  égales  par  des  droites 
parallèles  à  la  base,  et  de  calculer  les  bases  et 
les  hauteurs  du  petit  triangle  etdesdeux  trapèzes 
ainsi  obtenus. 

Réponse.  —  Surface  de  chaque  partie  :  960'n-<i- 
En  désignant  par  h^  etôj  la  hauteur  et  la  base 
du  petit  triangle,  par  A,  et  ij  la  hauteur  et  la  2" 
base  du  1"  trapèze,   par  h^  la  hauteur  du  2*  tra- 
pèze, on  trouve 

Ai=  40XV/3;  6i=l6XV3. 

hi=  40x(v'6-V3);      6,=:16xV6. 

7^3=120—  40XV  6. 

3°  Dessin  linéaire.  —  Sur  les  quatre  côtés  d'un 
carré,  comme  diamètres ,  on  décrit  intérieurement 
des  demi-circonférences  qui  sont  tangentes  au 
centre  du  carré.  Calculer  la  surface  de  la  rosace  à 
quatre  branches  ainsi  formée,  sachant  que  le  côté 
du  carré  a  10  mètres. 

Réponse.  —  ô'^^-^fOS. 

Observation.  —  On  ne  doit  pas  employer  l'adjecUl' 
égales  au  lieu  de  équivalentes,  à  propos  des  trois  parties  du 
triangle  isoscèle. 

Quant  auv  demi-circonférences  décrites  dans  le  carré,  elles 
sont  aussi  bien  sécantes  que  taiigentes,  prises  deux  à  deux. 

IX.  —  Académie  de  Clermont,  1876. 

1°  Arithmétique.  Une  progression  par  différence 
a  pour  premier  terme  8  ^  et  pour  raison  |.  Calcu- 
ler la  somme  de  ses  25  premiers  termes. 

Réponse.  —  412  '  ■ 

2°  Géométrie.  —  Les  côtés  de  trois  octogones 
réguliers  ont  respectivement  12  mètres,  16  mètres 
et  48  mètres.  On  demande  le  côté  et  la  surface 
de  l'octogone  régulier  équivalent  à  la  somme  des 
trois  premiers  ;  les  surfaces  des  cercles  inscrits 
et  circonscrits  à  ce  dernier  polygone. 

Réponse.  —  Côté  de  l'octogone 52". 

Surface  de  cet  octogone 13  OSô'i-T- 

—  du  cercle  inscrit 12  ^iTH^i-T- 

—  du  cercle  circonscrit.  .. .  14  501"'-'!- 

X.  —  Académie  de  Clermont,  1S7S. 

\°  Arithmétique.  —  Trois  communes  se  réunis- 
sent pour  la  construction  d'un  hospice  ;  la  dépense 
est  évaluée  120  000  francs.  Il  est  convenu  que 
chacune  doit  y  contribuer  proportionnellement  à 
ses  impositions  directes.  La  1'=  paie  25  000  francs 
d'impositions  ;  la2%20  00()  francs;  la o»,  19  OdO  francs. 

On  demande  la  part  contributive  de  chaque  com- 
mune. Secondement  la  somme  devant  être  payée 
par  des  centimes  additionnels,  on  demande  de 
combien  de  centimes  par  franc  doivent  être  aug- 
mentées les  impositions  pour  que  tout  soit  payé 
au  bout  de  10  ans,  en  payant  chaque  année  la 
même  somme,  le  département  aj^ant  avancé  la 
somme  sans  intérêts. 

p"  :  4687f'-.o0.  —  2«  :  37o0f^  —  3«  :  .3562^,50 
ponse.      ^  jg  ggntjf^pg  3  pj^j.  ff^^n.  L-haque  année. 

2°  Géométrie.  —  Une  cuvette  a  intérieurement 
16  centimètres  de  profondeur  verticale,  20  centi- 
mètres de  diamètre  à  sa  base  inférieure  et  :!G  à 
sa  base  supérieure.  On  la  remplit  d'eau  jusqu'aux 
I  de  sa  hauteur,  et  on  demande  de  déterminer 
l'arête  d'un  cube  d'un  volume  égal  à  celui  de  l'eau 
contenue  dans  cette  cuvette. 

Réponse.  —  190  millimètres. 

XI.  —  Académie  de  Douai,  1877. 

I"  Arithmétique.  —  Qu'entend-on  par  le  pro- 
blème de  l'échéance  commune  ?  Indiquer  la  .solu- 
tion de  cette  question  sur  un  exemple  simple. 

2°  Problème.  —  On  a  un  morceau  d'or  qui  a  un 


volume  de  8  centimètres  cubes  et  on  veut  allier  de 
l'argent  de  telle  sorte  que  I  centimètre  cube  de 
l'alliage  pèse  i2»',5.  Calculer  le  volume  de  cet  ar- 
gent, en  sachant  que  l  centimètre  cube  d'argent 
pèse  10'',^  et  que  1  centimètre  cube  d'or  pèse 
19«',2. 

On  suppose  que  le  volume  de  l'alliage  est  la 
somme  des  volumes  des  deux  métaux  alliés. 

Réponse.  —  25  centim.  cubes  523  millim.  cubes 
d'argent. 

3°  Géométrie.  —  Un  vase  cylindrique  vertical, 
dont  la  capacité  est  de  1  hectolitre,  a  son  diamètre 
égal  à  sa  hauteur  et  est  à  moitié  rempli  d'eau;  on 
met  dans  cette  eau  une  sphère  de  plomb  qui  pèse 
200  kilogrammes. 

On  demande:  1°  de  combien  de  centimètres  s'é- 
lèvera le  niveau  de  l'eau  ;  2"  à  quelle  distance  du 
niveau  se  trouvera  le  point  le  plus  haut  de  la 
sphère. 

Le  poids  de  1  centimètre  cube  de  plomb  est 
11»'.3. 

Réponse.  —  Elévation  du  niveau  de  l'eau...     89  millim. 

Dislance  du  point  le  plus  élevé  de  /,,     •ii_ 
1        .  ■       "^      •       '^   1    !•  .  I  /  millim. 

la  sphère  au  niveau  de  loau...| 

4"  Dessin  linéaire.  —  Sur  une  planche  horizon- 
tale ayant  la  forme  d'un  hexagone  régulier  repose 
centralement  par  sa  grande  base  un  abat-jour  de 
lampe.  Dans  l'ouverture  supérieure  s'enfonce  en 
partie  une  sphère. 

Représenter  cet  assemblage  en  projection  hori- 
zontale et  en  projection  verticale.  Côté  de  l'hexa- 
gone: 25  centimètres.  —  Epaisseur  de  la  planche  : 
2.  —  Diamètre  de  la  base  inférieure:  24;  de  la 
base  supérieure  :  8.  —  Hauteur  de  l'abat-jour:  IS. 
—  Diamètre  de  la  sphère:  16.  —  Echelle  de  ré- 
duction ;  i. 

XII.  —  Académie  de  Douai,  1878. 

1°  Aritlimétique.  —  Expliquer  ce  que  signifie 
l'expression  amortir  une  datte,  et  raisonner  sur 
l'exemple  suivant. 

Une  ville  emprunte  185  000  francs,  qu'elle  doit 
rembourser  en  12  paiements  annuels  égaux,  dont 
le  premier  aura  lieu  un  an  après  lomprunt.  En 
supposant  l'intérêt  à  4'',50  °l„,  calculer  la  somme 
à  payer  chaque  année. 

Réponse.  —  L'annuité  est  de  t?0  388'',30. 

2"  Géométrie.  —  On  peut  assimiler  un  tonneau 
à  deux  troncs  de  cônes  réunis  par  leur  plus  grande 
base.  En  supposant  que  la  longueur  d'un  tonneau 
soit  1™,26.  le  diamètre  à  la  bonde  0™,92  et  le 
diamètre  du  fond  0'".s2  on  demande  l'erreur  com- 
mise en  attribuant  au  tonneau  dans  toute  sa  lon- 
gueur un  diamètre  égal  à  la  moyenne  des  deux 
diamètres  donnés. 

Réponse.  —  Capacité  dans  le  1"  cas..  750 litres. 
Capacité  dans  le  2*  cas. .  748', 95. 

3"  Dessin  linéaire.  —  Trouver  par  3  points  une 
ellipse  dont  les  axes  ont  13  centimètres  et  8  cen- 
timètres. —  Indiquer  sommairement  la  marche  à 
suivre  et  dire  si  l'ellipse  pourrait  être  tracée  d'une 
autre  manière. 

XIII.  —  Académie  de  Dijon,  1876. 

1"  Arithmétique.    —    Comment   trouve-t-on    le 
plus  petit  multiple  commun  de  plusieurs  nombres? 
Application  :\  l'addition  des  fractions 


_1_ 

84 


1 
GIO' 


1 
1125' 


1 

539' 


20  Proùléiue.  —  Deux  trains  de  chemin  de  fer 
parcourent  la  même  distance,  le  1"'  en  0'>25  min. 
et  le  2'  en  7  heures,  et  le  F' a  fait  3  kilomètres  â 
l'heure  de  plus  que  le  2'.  On  demande  le  nombre 
de  kilomètres  que  chaque  train  fait  à  l'heure  et 
la  distance  parcourue. 

Réponse.  —  Distance  parcourue  :  231  kilomètres. 
Vitesses  :  33  et  30  kil.  par  heure. 


BREVET 


—  301  — 


BREVET 


3°  Géométrie.  —  Démontrer  que  si  deux  plans 
sont  perpendiculaires  entre  eux,  la  perpen- 
diculaire à  l'un  menée  par  un  point  de  l'autre  est 
située  dans  cet  autre. 

Observation  —  L'énoncé  de  ce  théorème  manque  de  net- 
teté; il  serait  beaucoup  plus  clair  sous  la  forme  suivante  : 
Si  deux  plans  sont  perpendiculaires  entre  eux,  toute  droite 
menée  par  un  point  de  leur  intersection  perpendiculaire- 
ment à  l'un  des  deux  se  trouve  dans  l'autre  plan. 

4°  Problème.  —  On  veut  découper  un  carton  de 
«lanière  à  faire  un  abat-jour  de  lampe  en  forme  de 
tronc  de  cône,  dont  les  circonférences  de  bases 
aient  pour  longueur  1™,0U5  et  189  millimètres,  et 
dont  le  coté  ait  une  longueur  de  180  millimètres. 
SI  l'on  imagine  que  l'abat-jour  soit  développé 
sur  un  plan,  en  le  fendant  suivant  un  coté,  le  dé- 
veloppement aura  la  forme  d'un  secteur  circulaire 
tronqué.  On  demande  quelle  devra  être  la  valeur 
(en  degrés  et  minutes)  de  l'angle  au  centre  de  ce 
secteur,  et  quelle  sera  (en  millimètres;  la  lon- 
gueur du  rayon  terminé  au  grand  axe. 
lié/ionse.  —  Rayon  :  V21»"ii  ,6.  —  Angle:  259"" 44'. 
XIV.  —  Académie  de  Grenoble,  1877. 
1"  Arithmétique.  —  Avec  un  alliage  dont  la  com- 
position en  poids  est  de  0,67  de  cuivre  et 
de  0,33  de  zinc,  on  veut  construire  un  cube  dont 
le  poids  diffère  le  moins  possible  d'un  kilogr. 
Trouver,  à  ^  de  millimètre  près,  le  côté  de  ce  cube. 
—  Chercher  également  les  volumes  de  cuivre  et  de 
zinc  qui  entreraient  dans  un  cube  dont  le  côté  se- 
rait les  ^  du  précédent.  —  La  densité  du  cuivre 
est  8,87  et  celle  du  zinc  6,8G. 


Réponse.  —  Côté  du  1"^  cube 
2«  cube   ^  "^"^^i"^^  ^^  c."i^-''<^ 


....  49"'"',8. 

22c. m. c, 381. 

zinc 14<=-™<=,2ô3. 


2'  Géométrie.  —  Une  carafe  étant  considérée 
comme  formée  de  deux  troncs  de  cône  et  d'un 
cylindre,  dont  les  hauteurs  sont  12  centimètres, 
4  centini.  el  7  centim,,  et  dont  les  circonférences 
des  bases  sont  égales  à  37  centimètres,  32  centim. 
et  13  centim. , trouver  :  r  la  quantité  d'eau  que  la 
carafe  peut  contenir;  2°  le  poids  de  liquide  qui 
s'en  écoule  quand  on  y  introduit  10  petites  billes 
de  2  centimètres  de  diamètre. 

Réponse.  —  Capacité  de  la  carafe  :  1400c-m.Cj210. 
Poids  de  l'eau  écoulée  :  4FS890. 

Z°T)essin  linéaire.  —  Construire  un  décagone 
régulier  de  3  centimètres  de  côté.  De  chaque  som- 
met comme  centre,  décrire  une  circonférence 
ayant  pour  rayon  la  longueur  du  côté  du  polygone. 
Tracer  ensuite  une  circonférence  aj-ant  pour  cen- 
tre le  centre  du  polygone  et  tangente  à  toutes 
les  circonférences  précédentes  de  manière  à  les 
envelopper.  Décrire  enfin  une  circonférence  con- 
centrique de  cette  dernière  et  dont  la  longueur 
soit  les  9  de  la  longueur  de  la  circonférence  en- 
veloppée. 

Représenter  en  traits  pointillés  le  décagone  et 
les  constructions  employées  pour  le  tracer. 

XV.  —  Académie  de  Toulouse,   187tî. 

1°  Arithmétique.  —  Le  minerai  d'une  usine  à 
plomb  contient  23  "/„  de  ce  métal  ;  le  plomb  qu'on 
en  retire  contient  lui-même  3  millièmes  d'argent. 
Les  produits  divers  forment  annuellement"  ujie 
valeur  de  1  750  000  francs. 

On  demande  combien  l'usine  produit  de  plomb 
et  d'argent  et  quelle  est  la  quantité  de  minerai 
traitée.  On  sait  que  le  prix  du  plomb  est  de  ôô  francs 
le  quintal  métrique,  et  celui  de  l'argent  pur 
222f%22  le  kilogramme. 

On  suppose  que  la  perte  du  plomb  est  de  O"/» 
et  celle  de  l'argent  1  "/„. 

Réponse.— Voiài  du  minerai  traité  :   10  330  CSPe'. 

Produit  en  plomb 1443  003 

—        argent i  29* 


2°  Géofnétrie.  —  Un  pieu  enfoncé  verticalement 
dans  le  lit  d'un  fleuve  s'élève  à2'",2ô  au-dessus 
de  l'eau.  La  force  du  courant  incline  ce  pieu  de 
manière  qu'il  fait  un  angle  de  45"  avec  l'horizon, 
et  alors  la  partie  qui  émerge  n'est  que  de  30  cen- 
timètres. On  demande  la  longueur  de  ce  pieu. 

Réponse.  —  G", 958. 

XVL  —  Académie  de  Nancy,  1876. 

1°  Arithmétique.  —  Donner  la  définition  d'un 
nombre  premier,  de  deux  nombres  premiers  entre 
eux. 

Deux  nombres  premiers  sont-ils  premiers  entre 
eux  et  réciproquement  ? 

Un  nombre  premier  est-il  premier  avec  tous  les 
autres  ? 

Si  un  nombre  premier  divise  un  produit  de  deux 
facteurs,  que  peut-on  en  conclure  ? 

Quelle  est  la  condition  nécessaire  et  suffisante 
pour  que  les  puissances  quelconques  de  deux 
nombres  donnés  soient  premières  entre  elles? 

2"  Problème.  —  On  a  deux  lingots  de  même 
poids  et  de  titres  différents.  Si  on  fond  le  !*■■  lin- 
got avec  un  quart  du  2',  on  obtient  un  alliage  au 
litre  de  0,  93G:  si  on  fond  le  1*"^  lingot  avec  la 
moitié  du  2*^,  on  a  un  alliage  au  titre  de  0,920. 

Cela  posé,  on  demande  :  1°  le  titre  de  chaque 
lingot  ; 

2°  en  supposant  que  le  métal  fin  qui  entre  aans 
cliacun  des  lingots  vaille  2"2i)  francs  le  kilogramme 
et  l'autre  métal  10  francs  le  kilogramme,  de  trou- 
ver le  titre  de  l'alliage  qu'il  faudrait  former  pour 
que  la  valeur  du  kilogramme  de  cet  alliage  fût 
égale  à  2(11'"%  10; 

3°  de  trouver  quel  poids  il  faudrait  prendre  de 
chaque  lingot  pour  obtenir  un  kilogramme  de  cet 
alliage. 

Réponse.  — V  Titre  du  1^  lingot:  0,960.  — Titre 
du  2'  :  0,840. 

2°  Titre  demandé  :  0,910. 


3"  Poids  à  prendre  dans  le  1« 
—  dans  le  2' 


416s',667. 


3°  Géométrie.  —  On  donne  la  hauteur  AB  d'une 
calotte  sphérique  égale  à  1™,2G  et  le  rayon  BC  du 
cercle  de  base  égal  à  l'°,G8  et  on  demande  de  cal- 
culer : 

1"  le  rayon  de  la  sphère  à  laquelle  cette  calotte 
appartient  : 

'!"  la  surface  de  cette  calotte  sphérique; 

3°  la  surface  latérale  et  le  volume  du  cône 
tangent  à  la  sphère  le  long  du  petit  cercle  for- 
mant la  base  de  la  calotte. 

On  prendra  pour  valeur  approchée  du  rapport 
de  la  circonférence  au  diamètre  la  fraction  —• 

Observation.  —  La  3«  question  est  incomplète  ;  il  est  né- 
cessaire de  dire  si  c'est  le  cercle  base  de  la  calotte  qui  est 
ausîi  la  base  du  cône. 

Réponse. — Rayon  de  la  sphère.. .  1™    ,75. 

Surface  de  la  calotte. .  13™-<i,86. 

Surface  du  cône 31™-'i,6s\ 

Volume  de  ce  cône 17  «1.0^031168. 

XVIL  —  Académie  d'Alger,    1876. 

1°  Arithmétique.  —  Un  commerçant  eznprunte 
une  certaine  somme  au  taux  de  5"/o  et  s'engage  à 
la  rembourser  en  quatre  annuités  de  3  425f',40. 
Quelle  somme  avait-il  empruntée? 

Réponse.  —  12  116  francs. 

2°  Géométrie.  —  Calculer  le  volume  d'un  tronc 
de  prisme  triangulaire  dont  les  arêtes  latérales 
ont  33,  38,  42  centimètres.  On  sait  que  l'une  des 
bases  est  perpendiculaire  à  ces  arêtes  et  qu'elle 
a  la  forme  d'un  triangle  équilatéral  de  13  centi- 
mètres de  côté.  Calculer  la  surface  de  l'autre  base. 

Réponse.  —  Volume  du  tronc. ...     636<:-<=,095. 
Surface  de   la    base    )   „„.  „  „, 
supérieure....   .     l   ^^'^-Oo 


BREVET 


—  302  — 


BREVET 


3"  Dessin  linéaire.  —  Dessiner  à  l'échelle  de  i 
le  développement  de  la  surface  totale  de  ce  tronc 
de  prisme,  de  façon  à  pouvoir  le  construire  en 
carton. 


BREVET  SL'PERIEUn, 


ASPIRANTES. 


I.  —  Paris,  1877. 

1°  Aritfmiétique.  —  Un  débiteur  s'est  engagé  à 
payer  une  somme  de  8  40!»  francs  en  deux  fois  : 
les  I  dans  G  mois  et  le  reste  dans  10  mois.  Il  a 
les  fonds  nécessaires  pour  se  libérer  immédiate- 
ment; mais  ils  sont  placés  chez  son  banquier  qui 
lui  en  sert  l'intérêt  à  raison  de  4  "/„  par  an. 
Quelle  remise  doit-on  lui  faire  équitablement, 
pour  qu'il  consente  à  payer  comptant  ? 

Cette  remise  n'étant  pas  concédée,  il  est  con- 
venu que  la  dette  sera  payée  plus  tard  en  une 
seule  fois.  Quand  devra  se  faire  ce  paiement 
unique? 

Réponse.  —  La  remise  serait  de  SOOf^li. 

Le  paiement  unique  doit  avoir  lieu  dans  7  mois 
10  jours. 

2"  Géométrie. — Un  réservoir  cylindrique  a  2™, 40 
de  profondeur  et  doit  contenir  1  :;iOO  litres  d'eau  ; 
calculer  le  diamètre  de  sa  base. 

Réponse.  —  Diamètre  :  7'J8  millimètres. 

3"  Dessin  linéaire.  —  Inscrire  un  hexagone  ré- 
gulier dans  un  cercle.  Donner  le  procédé  prati- 
que et  le  justifier. 

Indiquer  les  polygones  qu'on  peut  inscrire  à 
l'aide  de  l'hexagone. 

II.  —  Paris,   U'~. 

10  Arithmétique.  —  On  veut  faire  de  l'argent 
au  titre  de  0,8.3.î  en  fondant  ensemble  de  l'ar- 
gent au  titre  de  0,900  et  du  cuivre.  Combien  fau- 
dra-t-il  prendre  d'argent  au  titre  de  0.900  et  de 
cuivre  pour  avoir  1  kilogramme  d'argent  au  titre 
de  0,835? 

Réponse.  —  927^^78  d'argent  et  725r,22  de  cui- 
vre. 

o  Dessifi  linéaire.  —  Construire  un  polygone 
régulier  de  12  côtés  sachant  que  chacun  de  ces 
côtés  a  20  millimètres. 

Tracer  le  cercle  inscrit  dans  ce  polygone  ;  mesu- 
rer à  moins  d'un  demi-millimètre  près  le  rayon  du 
cercle  et  calculer  en  millimètres  carrés  la  surface 
du  polygone  régulier. 

Après  avoir  numéroté  les  sommets  1,2,3,  ....  12, 
enjoindra  le  point  1  aupoini  «,  le  point  G  au  point 
11,  et  ainsi  de  suite,  en  traçant  des  cordes  sous- 
tendant  les  -^  de  la  circonférence.  On  formera 
ainsi  une  étoile  à  l'I  pointes,  renfermant  dans  son 
intérieur  un  petit  polygone  régulier  de  12  côtrés. 

Réponse.  —  Surf,  du  décagone  ;  4440  millim. 
carrés. 

III.  —  Paris,  1878. 

1°  Arithmétique.  —  Exposer  les  diverses  mé- 
thodes par  lesquelles  on  trouve  le  plus  grand 
commun  diviseur  de  deux  nombres. 

Faire  voir  comment  cliacune  d'elles  conduit  né- 
cessairement au  but  que  l'on  se  propose. 

Application  de  ces  méthodes  à  la  recherclie  du 
plus  grand  commun  diviseur  des  deux  nombres 
5544  et  936. 

'1"  Problème .  —  La  longitude  de  Corte  (Corse) 
est  de  6°  49'  E  ;  celle  de  Brest  (Finistère)  est  de 
G"  49'  42"  O.  On  demande  quelle  heure  il  est  à 
Brest,  quand  il  est  midi  à  Corte;  quelle  heure  il 
est  à  Corte  quand  il  est  midi  à  Brest;  quelle 
heure  il  est  à  Brest  et  à  Corte  quand  il  est  midi 
à  Paris. 

Réponse.  —  Quand  il  est  midi  à  Paris,  Corte  a 
midi  27  minutes  IG  secondes,  et  Brest  a  ll''o2'°41'. 

Quand  il  est  midi  à  Corte,  Brest  a  ll''5"'25se<:. 

Quand  il  est  midi  à  Brest,  Corte  a  midi  54'n35'". 

3"  Dessin  linéaire.  —  Tracar  un  cadre  de  15  cen- 


timètres de  longueur  sur  8  centimètres  do  lar-" 
geur. 

Substituer  aux  quatre  angles  droits  quatre 
quarts  de  rond  de  2  centimètres  de  rayon. 

Indiquer  les  constructions  et  tracer  à  l'encre 
après  avoir  tracé  au  crayon. 

IV.  — Académie  de  Paris,  1878. 

1°  Arithmétique.  —  L'Etat  reçoit  encore  des  con- 
tribuables des  pièces  de  2"^,  de  1",  de  50  centimes 
et  de  20  centimes,  au  titre  de  0,'JOO  et  par  consé- 
quent démonétisées.  Ayant  ainsi  reçu  pour 
hi  275'', 70  de  ces  pièces,  il  les  fait  transformer  k 
la  Monnaie  en  pièces  du  môme  genre,  au  titre 
divisionnaire  actuel. 

On  demande  le  poids  du  cuivre  qu'on  devra 
employer  à  cet  effet  et  le  bénéfice  que  l'Etat  reti- 
rera de  cette  opération. 

Réponse.  —  Poids  du  cuivre  :  20  736  grammes. 

Le  bénéfice  est  de  4  147'',21,  si  l'on  ne  tient  pas 
compte  des  frais  de  fabrication,  qui  ne  sont  pas 
indiqués  dans  l'énoncé  du  problème. 

2°  Dessin  linéaire.  —  On  donne  trois  points 
A,  B,  C.  La  droite  qui  joint  le  point  A  au  point  B 
a  28  millimètres,  et  celle  qui  jomt  le  point  B  au 
point  C  en  a  15.  L'angle  formé  parles  droites  .\B 
et  BC  a  G0°.  Faire  passer  une  circonférence  par 
ces  trois  points,  et  évaluer  à  un  millimètre  près 
la  longueur  du  rayon  de  cette  circonférence. 

(Les  aspirantes  indiqueront  le  procédé  qu'elles 
emploient  pour  construire  un  angle  de  60°). 

Réponse.  —  Le  rayon  doit  avoir  14  millimètres. 

V.  —  Académie  d'Aix,  1876. 

1°  Arithmétique.  —  Exposer  la  division  des  frac- 
tions. Dire  dans  quel  cas  le  quotient  est  plus  petit 
que  le  dividende;  dans  quel  cas  il  est  plus  grand. 

2°  Problème.  —  Un  marcnand  a  acheté  948",  76 
d'étoffe  au  prix  de  14'''.'i5  le  mètre.  Il  a  déjà 
vendu  les  |  de  l'étoffe  à  15'',  50  le  mètre.  Comme 
il  s'est  proposé  de  réaliser  sur  le  total  de  la  vente 
un  bénéfice  de  1600  francs,  on  demande  à  quel 
prix  il  doit  vendre  le  restant  de  la  marchandise. 

Le  produit  de  la  vente  étant  réalisé  au  bout  de 
8  mois,  on  demande  à  quel  taux  le  marchand  a 
placé  son  argent. 

Réponse.  —  Prix  de  vente  :  16'',93. 

Tau'i  par  an  :  17,625  "/,. 

3"  Dessiji  linéaire.  —  Dessiner  une  rosace  à 
6  pointes  dans  un  cercle  de  2  centimètres  de  rayon, 
et  tinc  feuille  de  platane  à  volonté. 

VI.  — Académie  de  Besançon,  1877. 

1°  Arithmétique.  —  Un  propriétaire  possède 
3  hectares  27  ares  de  terres  louées  à  un  fermier, 
à  raison  de  40  francs  le  journal. 

On  suppose  que  dans  le  pays  le  journal  vaut 
34  ares  28  centiares.  On  demande  à  quel  prix  il 
doit  vendre  la  propriété  pour  augmenter  son  re- 
venu dun  quart,  en  supposant  qu'il  place  le  pro- 
duit de  la  vente  en  rente  3°/„,  le  cours  de  la  rente 
étant  64f',35. 

Réponse.  —  10  230'"%!i5. 

VIL  —  Académie  de  Besançon,  1878. 

1°  Arithmétique.  —  Comparer  les  deux  expres- 
sions 

:X9     et     'X  0,2X9X0.005 
'^^    ''^  0,001 

en  prouvant  qu'elles  sont  d  égale  valeur. 

2°  Problème.  —  On  partage  une  somme  de 
10  000  francs  entre  quatre  personnes.  La  l""-"  aUra 
2  fois  autant  que  la  2*^  moins  2  000  francs  :  la  2* 
aura  3  fois  autant  que  la  3*  moins  3  OOo  francs, 
et  la  se  aura  6  fois  autant  que  la  4*  moins  4  00(1 
francs.  Quelle  est  la  part  de  chaque  personne? 

Réponse.  —  1"  :  4  0.0''.  —  2'  :  SOOOf"-- 
y  :   2  OOOf---  —  4«  :  1  000^- 


BREVET 


303  — 


BREVET 


Vni.  —  Académie  de  Caen,   1S7G. 

1"  Arithmétique.  —  Démontrer  que  dans  une 
proportion  le  rapport  de  la  somme  des  numéra- 
teurs à  la  somme  des  dénominateurs  est  égal  à 
chacun  des  rapports. 

2°  Problème.  —  Une  société  est  composée  de 
quatre  associés,  dont  le  1"  y  a  placé  28  000  francs 
pendant  toute  l'année  ;  le  2«  10  OOO  francs  pen- 
dant 9  mois  ;  le  3'  12  000  francs  pendant  6  mois  ; 
le  4^  6  000  francs  pendant  4  mois.  En  outre  deux 
employés  sont  intéressés,  le  premier  à  2  °/„  et  le 
second  à  1  "/„  dans  les  bénéfices.  Ceux-ci  s'étant 
élevés  à  25  000  francs,  combien  en  revient-il  h 
chacun  des  deux  employés  et  des  quatre  associés  ? 

Répo7ise.  —  P'  emplo'yé  :  500^-  —  2'  :  250f''- 

lef  associé  :  1  020f'-,85.  —  2^  :  437^50. 
ge      _  216^75.  —  4«  :    72f'-,90. 

IX.  —  Académie  de  CaeJi,  IS'G. 

V  Aritlonétique.  —  Expliquer  l'origine  d'une 
fraction  décimale  périodique. 

2"  Problème.  —  Un  marchand  de  bestiaux  a 
fourni  à  un  cultivateur  3  vaches  et  2  génisses. 
Les  vaches  valent  chacune  2S0  francs  et  les  gé- 
nisses valent  chacune  les  |  du  prix  d'une  vache. 
Le  paiement  doit  s'effectuer  dans  5  ans  3  mois 
12  jours,  en  y  comprenant  les  intérêts  simples 
à  4  I  "/o.Quel   sera  le  montant  du  paiement? 

Réponse.—  1283^31. 

X.  —  Académie  de  Douai,  187G. 

,1°  Aritlimétique.  —  Qu'appelle-t-on  rentes  sur 
l'État  ?  Qu'est-ce  que  le  cours  do  la  rente  ?  — 
expliquer  et  résoudre  la  question  suivante  :  que 
coûtent  400  francs  de  rentes  5  "/„,  au  cours  de 
105f*,25? 

Réponse.  —  8  420  francs. 

2"  Pi'oblème.  —  On  fait  fondre  dans  un  creuset  : 
1°  850  grammes  d'un  premier  alliage  d'or  et  de 
cuivre  au  titre  de  0,7fi  ;  ;°  un  certain  poids  d'un 
deuxième  alliage  au  titre  de  0,93  ;  3"  548  grammes 
d'un  troisième  alliage  à  un  titre  inconnu.  On 
obtient  de  la  sorte  un  quatrième  alliage  qui  pèse 
1863  grammes  et  qui  a  pour  titre  0,7"2.  On  de- 
mande quel  est  le  titre  du  troisième  alliage. 

Réponse.  —  0,4797. 

XI.  — Académie  de  Douai,  1877. 

1°  Arithmétique.  —  Qu'entend-on  par  "  cette 
question  :  partager  450  en  parties  proportionnelles 
aux  nombres  3,  5,  7  ? 

2*  Problème.  —  Dans  10  litres  d'eau  à  4  degrés 
on  a  dissous  835  grammes  de  salpêtre.  Combien 
de  litres  d'eau  faudra-t-il  ajouter  à  cette  dissolu- 
tion pour  que  3  kilogrammes  de  la  dissolution 
nouvelle  ne  contiennent  que  115  grammes  de  sal- 
pêtre ? 

Hépo7ise.  —    10''""«%05  à  moins  d'un  centilitre. 

XII.  — Académie  de  Douai,  1877. 

1°  Expliquer  cette  question  ;  partager  un  nombre 
en  parties  inversement  proportionnelles  à  des 
nombres  donnés. 

Indiquer  comment  on  la  résout. 

2°  Rattacher  à  la  question  précédente  le  pro- 
blème suivant  :  deux  courriers  pouvant  parcourir 
une  route,  l'un  on  8  heures  et  demie,  l'autre  en 
10  heures  et  quart,  se  dirigent  l'un  vers  l'autre, 
en  partant  au  uicme  instant  des  deux  extrémités 
de  la  route.  On  demande  quelle  est  la  fraction  de 
la  route  parcourue  par  chacun,  au  moment  où  ils 
se  rencontrent. 

Réponse.  —  le-  :  ^-  .  2e  :  ^ . 
<a  7ô 

XIII.  —  Académie  de  Dijon,  1877. 

1"  Arithmétique.  —   Trouver  tous  les  nombres 
entiers  qui  divisent  exactement  3  24C. 
Justifier  la  règle  générale  à  suivre. 

Observation.  —  Question  oiseuse  qui  ne  devrait  pas  en- 


trer dans    le  programme  d'arithmétique  dos  jeunes    filles, 
même  pour  le  brevet  supérieur. 

2°  Problème.  —  Deux  lingots  d'or  pèsent,  l'un 
225  grammes,  l'autre  105  grammes;  le  premier 
contient  132  grammes  d'or  pur  de  plus  que  le  se- 
cond. On  fond  ensemble  ces  deux  lingots  et  l'al- 
liage est  au  titre  de  0,9. 

Déterminer  les  titres  des  deux  lingots. 

Réponse.  —  1"  :  0,953.  —  2"=  0,785. 

XIV.  —  Académie  de  Grenoble,  1876. 

1"  Arithmétique.  —  On  a  une  voiture  disposée 
de  manière  à  faire  connaître  le  nombre  de  tours 
de  roue  fait  dans  un  temps  déterminé.  Sachant  que 
le  compteur   marque  7  820  tours  de  roue,  et  que 

la  circonférence  de   la  roue  a  G™  — ,  calculer  la 

distance  parcourue. 

Réponse.  —  53  567  mètres. 

2»  Géométrie.  —  Un  réservoir  a  l"',50de  largeur, 
2™, 80  de  longueur  et  \"','lb  de  profondeur.  On  de- 
mande combien  il  renferme  de  litres  quand  il  est 
plein,  et  quelle  hauteur  il  faudrait  lui  donner 
pour  qu'il  renfermât  10  mètres  cubes. 

Réponse.  —  Capacité  du  bassin  :  52  500  litres. 
Profondeur  demandée  :  l'",49. 

3°  Dessin  linéaire.  —  Un  rectangle  a  3  centimè- 
tres de  hauteur  et  12  de  longueur.  On  divise  sa 
longueur  en  H  parties  égales  et  sa  hauteur  en  2. 
Par  tous  les  points  de  division  on  mène  des  paral- 
lèles à  ses  eûtes.  De  chaque  point  d'intersection 
décrire  deux  circonférences  concentriques,  la  plus 
grande  étant  tangente  aux  côtés  du  rectangle,  la 
plus  petite  ayant  3  millimètres  de  moins  au  rayon. 

Le  rectangle  sera  enveloppé  par  un  autre  dont 
les  côtés  sont  parallèles  aux  siens  et  situés  à  8  mil- 
limètres du  côté  correspondant. 

XV.  —  Académie  de  Lyon,  1S7G. 

1°  Arithmétique.  —  Théorie  de  la  numératior» 
écrite  des  nombres  entiers. 

2"  Problème  —  La  rétribution  scolaire  pendant 
un  mois  s'est  élevée  à  la  somme  de  115  francs.  Le 
taux  de  cette  rétribution  étant  par  mois  de  2'^50 
pour  les  payantes  et  de  V',Ta  pour  les  indigentes, 
on  demande  le  nombre  total  des  élèves  qui  ont 
fréquenté  l'école  pendant  ce  mois,  sachant  d'ail- 
leurs que  le  nombre  des  élèves  indigentes  sur- 
passe de  11  celui  des  payantes. 

Réponse.  —  G5  élèves. 

XVI.  —  Académie  de  Nancy,  1876. 

1»  Arithmétique.  —  Énoncer  et  démontrer  la 
règle  par  laquelle  on  obtient  la  racine  carrée 
d'un  nombre  entier,  à  une  fraction  donnée  près. 

2"  Problème.  —  Un  robinet  A  remplit  un  bassin 
en  4  heures  4S  minutes.  On  le  laisse  couler  seul 
pendant  1  heure  3G  minutes  ;  puis  on  ouvre  le  se- 
cond robinet  B,  et  au  bout  de  4S  minutes  le  bassin 
est  rempli  par  les  deux  robinets  A  et  B  coulant 
ensemble. 

Trouver  combien  il  faudrait  de  temps  pour 
remplir  le  bassin  :  l"sile  robinet  B  était  seul  ouvert 
pendant  toute  l'expérience;  2"  si  les  deux  robinets 
étaient  ouverts  enseoible  ;  3°  si  dans  la  première 
expérience  on  fermait  le  robinet  A  au  moment  où 
l'on  ouvre  le  robinet  B  ;  4"  si  dans  la  première  ex- 
périence, au  moment  où  l'on  ouvre  le  robinet  H, 
on  ouvrait  en  même  temps  un  robinet  C  vidant  le 
bassin  et  faisant  écouler  une  quantité  d'eau  égale 
à  celle  fournie  par  le  robinet  A. 

Réponse.  —  PB  seul  :  'JC  minutes. 

2°  A  et  B  ensemble  :  72  minutes» 
3°  ICO  minutes. 
4°  192  minutes. 

XVII.  —  Académie  d'Alger,  1876. 

1»  Problème.  —  Deux  personnes  placent  la  même 
somme,  l'une  à.  5  '/o,  l'autre  à  3  "/, ;  le  revenu  de 


BREVET 


30-4  — 


BREVET 


îa  première  surpasse  de  700  francs    celui    de  la 
seconde.  Quelle  est  la  somme  placée  ? 

Réponse.  —  35  000  francs. 

2°  Problème.  —  On  a  mélangé  480  kilog.  de 
farine  du  prix  de  35  centimes  le  kilogr.  et  5^0  ki- 
logr.  d'une  qualité  supérieure  du  prix  de  "ïO  cen- 
times le  kilogramme 

Combien  y  a-t-il  de  kilogrammes  de  chaque  qua- 
lité dans  une  portion  du  mélange  valant  3l9'S20  ? 

Réponse.  —  V  qualité:  288S'.  —  2':  312»'. 

[G.  Bovier-Lapierre.] 

2°  Dessin  linéaire  et  d'ornement. 

1.  Paris,  1876. 

1°  Dessiner  un  panneau  de  dallage  hexagonal. 

2°  Reproduire  un  ornement  donné. 

Observation.  —  il  eût  fallu  compléter  la  question  en 
duniiaut  la  dimensioa  du  panneau. 

La  seconde  question  est  beaucoup  trop  vague;  il  y  a  des 
ornements  d'une  grande  difficulté  ;  il  y  eu  a  d'autres,  au 
contraire,  fort  simples.  Ces  derniers  seuls  conviennent. 

2.  Aix,  1870. 

Dessiner  une  rosace  à  six  pointes  dans  un  cercle 
d(3  0'°,20  de  rayon  et  une  feuille  de  platane  à 
"S'olonté. 

Observation.  —  La  première  partie  de  la  question  est 
bonne,  et  s'adresse  évidemment  au  dessin  linéaire  ;  mais 
<lessiner  une  feuille  de  platane  à  volonté,  qu'est-ce  que  cela 
veut  dire  ?  La  dessiner  de  niémoiie  ?  Les  aspirants  ou  aspi- 
rantes ne  sont  pas  de  force. 

?..  Besançon,  187G. 

Dessiner  une  rosace  d'après  un  modèle  donné. 

Observation.  —  Très  bien,  surtout  si  le  modèle  est  en 
relief,  et  d'une  très  grande  simplicité. 

4.  Bordeaux,  1876. 

Dessiner  une  couronne  de  laurier  avec  les  trois 
initiales  majuscules  des  mots  :  Dieu,  Patrie,  Fa- 
mille.   Ces    initiales  pourront  être    disposées   en 

triangle  p      p 
ornementées  à  volonté  selon  le  goût  du  dessina- 
teur. 

Observation.  —  Très  bonne  question,  si  elle  s'adressait 
aux  élèves  de  l'école  des  Beaux-Arts  qui  désirent  obtenir 
le  diplôme  de  professeur  de  dessin;  mais  nous  doutons  fort 
<jue  les  aspirants  ou  aspirantes  au  brevet  de  capacité  puis- 
sent faire  une  pareille  composition. 

h.  Bordeaux,  1876. 

Représenter  une  garniture  de  cheminée  compo- 
sée d'une  pendule  et  de  deux  candélabres. 

Observation.  —  Est-ce  une  composition?  Nous  espérons 
qi:e  non.  S  il  s'agit  de  dessiner  cette  garniture  d'après  des 
objets  en  relief,  nous  n'avons  qu'à  applaudir  pourvu  que 
<:es  objets  soient  très  simples. 

6    Chambéry,  1876. 

Une  porte  vitrée  a  4"", 50  de  hauteur  et  1™,50  de 
largeur.  Il  y  a  deux  rangées  verticales  de  carreaux. 
Chaque  carreau  a  0'",66  de  côté  et  est  séparé  du 
suivant  par  une  traverse  de  O^jOG  à  arête  saillante 
sur  le  milieu.  Le  bord  supérieur  des  carreaux  de 
la  première  rangée  horizontale  est  àO™,12  du  haut 
de  la  porte. 

Exécuter  le  dessin  de  cette  porte  suivant  l'é- 
chelle de  0'",04  par  mètre.  (On  ne  représentera  que 
la  face  antérieure  de  la  porte.) 

Observation.  —  Bonne  question,  et  très  clairement 
exposée. 

7.  Clermont,  1870. 

1"  Tracer  la  courbe  appelée  anse  de  panier  ;  lui 
donner   pour    longueur    horizontale    0"',08. 

i\.  B.  Cette  composition  ne  devra  pas  être  séparée 
de  celle  du  dessin  d'ornement. 

2"  Dessiner  une  frise. 

Observation.  —  La  première  partie  se  comprend  par- 
failoment  ;  mais  la  seconde,  non.  Dessiner  une  frise.  Quelle 
frise*  De  quoi  se  composera-t-elle  ?  Sera-t-elle  copiée  da- 


dans   l'intérieur  de  la  couronne  et 


près  une  estampe?  d'après  uu  relief?  ou  devra-t-elle  être 
composée  par  le  dessinateur  ? 

S.  Dijon,  1876. 

Dessin  d'une  bordure  grecque  d'après  des  di- 
mensions indiquées. 

Observation.  —  La  simplicité  du  dessin  demandé  étant 
très-grande,  la  question  est  bonne  dans  tous  les  cas, 

9.  Académie  de  Rennes,  1878. 

1"  Dessiner  les  projftctions  horizontales  et  verti- 
cales d'une  équerre  d'arpenteur. 

r,.  ,      <•„„„„    (  Longueur  25  raill. 

Dmiension  des  faces,  j  Lar|eur,    75    - 

Hauteur   de  la  douille,  70  mill. 
2»  Dessiner  une  tête  d'après  JuUien. 

Observation.  —  Pour  ce  qui  concerne  le  dessin  graphi- 
que, la  question  est  excellente,  mais  pour  le  dessin  d'imita- 
tion nous  ne  comprenons  pas  qu'en  1878  en  donnât  encore 
dans  un  examen  une  tète  à  copier  d'apies  une  Utbogra- 
pliie. 

ASPIRANTS. 

10.  Toulouse,  1878. 

Dessin  linéaire    et  d'ornement.    —   Décrire 

une  circonférence  de  1  décimètre  de  diamètre,  y 
inscrire  un  polygone  régulier  de  12  côtés  ;  cons- 
truire sur  (i  de  ces  côtés,  en  dehors  du  polygone 
et  en  prenant  ces  côtés,  de  deux  en  deux  6  car- 
lés.  Construire  fi  triangles  isocèles  ayant  pour  base 
les  6  autres  côtés  et  de  telle  manière  que  les 
sommets  de  ces  triangles  soient  à  la  même  dis- 
lance du  centre  que  le  milieu  du  côté  qui  est 
le  plus  éloigné  du  centre.  —  En  mettant  à  l'en- 
cre, on  effacera  la  circonférence  primitive  qui  doit 
être  tracée  seulement  au  crayon. 

Observation.  —  En  faisant  ces  tracés  les  aspirants  ne 
prouveront  pas  qu'ils  savent  dessiner  suffisamment  surtout 
eu  ce  qui  concerne  le  dessin  d'ornement. 

11.  Poitiers,  1876. 

Dessiner  au  crayon  de  mine  de  plomb  en  pre- 
nant deux  fois  et  demie  les  proportions  du  modèle, 
la  3=  chaise,  4*  cahier,  n.  10,  collection  Le  Béalle. 

Observation.  —  11  serait  bien  préférable  de  faire  re- 
présenter une  chaise  en  perspective  avec  n'importe  quel 
crayon. 

12.  Clermont,  1878. 

Dessiner  une  colonne  cannelée  surmontée  d'un 
chapiteau  corinthien  (feuille  d'acanthe).  Le  fût 
supposé  tronqué  aura  t">,60,  le  chapiteau  ©".ÔO  de 
hauteur.  Echelle  de  0™,10  par  mètre. 

Observation.  —  Encore  un  dessin  que  l'on  pourrait 
demander  a  uu  élève  de  l'école  des  Beaux-Arts,  plutôt  qu'à 
nu  aspirant  au  brevet. 

13.  Académie  de  Bordeaux,  1876. 

Un  fauteuil  repose  sur  un  parquet  horizontal. 
Les  quatre  points  où  ses  pieds  touchent  le  parquet 
forment  un  trapèze  symétrique  dont  les  lignes 
parallèles  ont  :  celle  de  devant,  OmjGO;  celle  de 
derrière,  O^.SO,  et  la  hauteur  du  trapèze,  O^îOO. 
Le  dessous  du  siège  est  de  O^.lâ;  les  bras  sont  à 
(i"',22  au-dessus  du  siège;  le  dossiera  l"", lô  de 
hauteur  au  dessus  du  parquet. 

Mettre  ce  fauteuil  en  perspective  ;  en  tracer  une 
eoupe  verticale  en  donnant  au  bois  une  épaisseur  et 
une  forme  convenables. 

Indiquer  l'échelle  adoptée. 

Observation.  —  Excellente  question. 

14.  Paris,  1876. 

Construction  d'une  doucine.  Indiquer  les  détails 
de  la  construction  par  une  ligue  ponctuée. 
Observation.  —  Bonne  question,  mais  trop  facile. 

15.  Aix,  ls76. 

Doubler  les  dimensions  d'un  modèle  donné. 

Dessiner  une  lampe  modérateur  avec  globe  d'a- 
]irès  un  modèle  en  nature  ;  le  dessin  devra  avoir 
()"',20  de  hauteur.  [.\nt.  Coui^ny.J 


BREVET  —  305 

B.  Épreuves  de  la  deuxième  série. 


BREVET 


Histoire  et  géographie. 


I.  Académie  (fAix,  1876. 

1°  Résumer  la  vie  de  Périclès  et  faire  connaître 
sou  siècle  :  Lettres,  arts,  sciences. 

2»  Carte  des  côtes  de  la  Baltique  et  de  la  mer 
du  Nord.  Donner  seulement  les  parties  allemandes 
et  danoises,  îles,  fleuves,  contrées  maritimes,  ports. 

II.  Acnriétnie  d'Aix,  1878. 

1»  Rivalité  de  César  et  de  Pompée. 
2°  Provinces  réunies  à  la  couronne  de  France  sous 
Louis  XI,  et  départements  qui  en   ont  été  formés. 

III.  Académie  de  Lyon,  1876. 

V  De  la  féodalité  ;  son  origine  ;  grands  fiefs  ;  — 
société  féodale;  devoirs  et  services  du  vassal. 

2°  Croquis  des  côtes  de  la  France  depuis  Dunker- 
que  jusqu'à  Lorient  :  îles,  départements,  ports,  caps, 
baies. 

IV.  Académie  de  Poitiers,  1876. 

10  De  la  féodalité.  Origine  et  organisation  du 
régime  féodal  en  France.  Droits  et  devoirs  des 
suzerains  et  vassaux. 

2'  Les  colonies  anglaises  en  Asie  et  en  Océanie. 

V.  Paris,  1876. 

1"  La  guerre  des  investitures  (1059-1132). 
2°  Les  principautés  tributaires  de  la  Turquie. 

VI.  Académie  de  Caen,  1876. 
1»  Charles  le  Téméraire. 

2"  Les  côtes  de  la  France  entre  le  47*  et  le  49*  de- 
gré de  latitude. 

VII.  Paris,  1876. 

1"  LesÉuts  généraux  de  1355,  1356  et  1357. 

2°  Décrire  les  eûtes  septentrionales  de  la  France. 
^  \'III.  Académie  de  Bordeaux,   1876. 

1»  Énumérer  avec  quelques  détails  les  diverses 
circonstances  où  les  États  généraux  furent  convo- 
ques en  France. 

2"  Tracer  et  décrire  le  bassin  du  Rhin. 

IX.  Académie  de  Besançon,  i876. 

1°  Fondation  do  l'empire  turc.  Histoire  de  cet 
empire  jusqu'en  1520. 

ï"  Géographie  politique  de  l'Afrique  septentrio- 
nale :  productions,  relations  commerciales  avec  la 
France.  Tracé  des  côtes  de  l'Afrique,  depuis 
Alexandrie  jusqu'à  Tanger. 

X.  Académie  d'Alger.  1876. 

10  Prise  de  Constantinople  par  les  Turcs. 
2°  Géographie  de  la  Turquie  d'Europe. 

XI.  Académie  de  Besançon,  1876. 

l^État  de  la  France  à  l'avènement  de  Louis  XI. 
Indiquer  les  provinces  du  domaine  royal  et  celles 
des  grandes  maisons  féodales.  Raconter  la  vie  de 
Charles  le  Téméraire.  Faire  le  portrait  de  Louis  XI  j 
comme  fils,  comme  père,  comme  homme  et  comme 
roi.  Le  comparer  à  Charles  le  Téméraire.  Résultats 
du  règne  de  Louis  XI.  î 

2°   Faire  connaître    les    principales  chaînes  de 
montagnes  qui  forment  en  Europe  la  ligne  de  par- 
tage des  eaux,  et  nommer   les   fleuves  principaux  j 
des    grands    versants    européens.   Indiquer    pour  ■ 
chacun  de  ces  fleuves  la  ville  la  plus  remarquable  ' 
située  sur  son  cours.  ! 

XII.  Académie  de  Montpellier,  1876. 

1°  Comparer  la  politique  de  Louis  XI  avec  celle 
de  Charles  VIII.  Difl'érence  des  résultats  qu'elles 
ont  produits  sous  ces  deux  règnes. 

2°  Faire  le  croquis  du  littoral  de  la  mer  Médi- 
terranée et  des  mers  qu'elle  forme.  Indiquer  les 
îles,  les  ports,  les  principales  villes  situées  près 
des  côtes,  en  faire  connaître  l'importance  au  point 
de  vue  commercial  et  politique. 

XIII.  Académie  de  Hennés,  ls78. 

1°  Conquête  du  royaume  de  Xaples  par  les  Fran- 
çais au  XV*  et  au  xvi'  siècle  :  droits  revendiqués, 
luttes  et  résultats. 
2''  Pautii:. 


2"  Colonies  anglaises  avec  leurs  ports  les  plus 
importants  et  leurs  principales  productions;  im- 
portance qu'elles  donnent  au  commerce  maritime 
de  la  métropole. 

XIV.  Académie  de  Toulouse,  1878. 

1°  Résumer  l'histoire  de  Charles-Quint  dans  ses 
rapports  avec  la  France. 

2*  Les  grandes  et  les  petites  Antilles.  Situation, 
climat,  production,  villes,  leur  répartition  entre  les 
différents  États  de  l'Europe. 

XV.  Académie  de  Dijon,  1878. 

1"  Henri  IV,  depuis  l'édit  de  Nantes  et  le  traité 
de  Vervins  jusqu'à  sa  mort.  —  Ce  qu'on  a  appelé 
ses  grands  projets. 

2"  Tracer  le  cours  du  Danube  depuis  Vienne 
jusqu'à  la  mer  Noire  :  indiquer  ses  principaux  af- 
fluents de  droite  et  de  gauche,  les  villes  et  forte- 
resses principales  situées  sur  ses  rives,  les  pro- 
vinces que  le  fleuve  arrose  ou  auxquelles  il  sert 
actuellement  de  limite. 

XVI.  Paris,  1877. 

1°  Donner  une  idée  de  l'état  politique  de  l'Eu- 
rope en  1610. 

2°  Décrire  les  fleuves  russes  du  bassin  de  la 
mer  Noire. 

XVII.  Académie  de  Poitiers,  1878. 

1»  Faire  connaître  la  période  française  de  la 
guerre  de  Trente  ans  et  les  traités  de  Westphalie, 
en  indiquant  leur  importance  pour  la  France  et 
pour  l'Europe. 

2°  Décrire  le  bassin  de  la  Loire.  Tracer  un  cro- 
quis du  bassin. 

XVIII.  Académie  de  Montpellier,  1876. 

1"  Olivier  Cromwell.  Son  gouvernement.  Ses  rap- 
ports avec  la  France. 

2°  Voyage  du  Havre  à  San-Francisco  par  les  pa- 
quebots transatlantiques  et  les  chemins  de  fer  amé- 
ricains. Indiquer  les  villes  principales  situées  sur 
le  trajet,  en  faire  connaître  l'importance  pohtique, 
industrielle  et  commerciale. 

XIX.  Paris,  1878. 

1°  Guerres  navales  entre  les  Français  et  les 
Hollandais  au  temps  de  Cromwell  et  de  Charles  II; 
quelle  part  y  prit  la  France  ? 

2"  Nommer  et  décrire  les  comtés  maritimes  de 
l'Angleterre  proprement  dite. 

X\.  Académie  de  Grenoble,  1876. 

1°  Guerre  de  Dévolution. 

2°  Faire  le  tracé  de  la  ligne  ferrée  de  Paris  à 
Rayonne  par  Orléans  avec  ses  embramjhements 
sur  l'Océan. 

XXI.  Acaiiéniie  de  Grenoble,  1878. 

1°  Relations  de  la  France  et  de  l'Angleterre  sous 
le  protectorat  de  Cromwell  et  sous  le  règne  de 
Charles  II. 

2°  Tracé  des  lignes  de  chemins  de  fer  de  Paris- 
Strasbourg  et  Paris-Mulhouse  avec  les  embranche- 
ments qui  relient  ces  deux  lignes  entre  elles.  On 
indiquera  sur  la  carte  les  principaux  accidents 
physiques  rencontrés  par  ces  deux  lignes. 

X.\II.  Académie  de  Dijon,  1876. 

1°  Expliquer  le  sens  de  ces  paroles  de  Louis  XIV  à 
son  petit-fils  le  duc  d'Anjou  :  Il  n'y  a  plus  de  Py- 
rénées. —  Raconter  jusqu'à  quel  point  l'avenir  a 
réalisé  les  paroles  du  grand  roi. 

2°  Géographie  physique  et  politique  du  départe- 
ment. —  Tracé  de  la  carte. 

XXIII.  Académie  de  Chambéry,  1876. 

1°  Protection  accordée  par  Louis  XIV  aux  arts  et 
aux  lettres.  Ses  rapports  avec  les  principaux  écri- 
vains et  artistes  français  du  .xvu*  siècle.  Œuvres 
en  prose  et  en  vers  qu'il  a  particulièrement  inspi- 
rées. Édifices  qu'il  a  fait  construire. 

2°  Faire  le  croquis  des  côtes  de  France,  de  l'em- 
bouchure de  la  Seine  à  l'embouchure  de  la  Loire. 
—  Indiquer  sur  ce  croquis  les  principaux  accidents 
physiques  et  les  principales  villes. 

20 


BREVET 


—  306 


BREVET 


XXIV.  Académie  de  Chambéry,  1876. 

1.  Faire  connaître  les  causes  de  la  guerre  de 
Hollande  sous  Louis  XIV  ;  nommer  les  puissances 
qui  y  prirent  part,  et  indiquer  les  avantages  que 
la  France  obtint  par  le  traité  de  Ximègue. 

2.  Orographie  et  hydrographie  générales  de  la 
péninsule  ibérique.  Indiquer  les  voies  de  commu- 
nication par  terre  qui  existent  entre  l'Espagne  et 
le  Portugal. 

XXV.  Académie  de  Douai,  1878. 

1°  L'histoire  est-elle  d'accord  avec  l'oraison  fu- 
nèbre que  Bossuet  a  consacrée  à  Henriette-Marie, 
reine  d'Angleterre? 

Exposer  les  difficultés  religieuses  et  politiques 
que  cette  princesse  rencontra  chez  ses  sujets 
d'outre-mer. 

2°  Tracer  la  carte  du  Mississipi  et  de  ses  plus  forts 
affluents  en  y  inscrivant  les  villes  principales  bai- 
gnées par  ces  divers  cours  d'eau. 

A  côté  de  la  ville,  mettre  le  nom  de'  l'Etat. 

XXVI.  Académie  de  Gre?ioble,  1876. 
1°  Administration  de  Golbert. 

2*  Faire  le  croquis  de  la  chaîne  des  Alpes  entre  le 
mont  Blanc  et  le  col  de  Cadibone  et  indiquer  les 
rivières  qui  prennent  leur  source  sur  les  deux  ver- 
sants. 

XXVII.  Académie  de  Rennes,  1876. 
l"  Turenne  ;  sa  vie,  sa  mort. 

2°  Tracer  un  croquis  de  la  géographie  physique 
du  bassin  du  Rhône. 

XXVIII.  Académie  de  Rennes,  1876. 

1°  Le  grand  Condé;  ses  victoires,  sa  conduite 
pendant  la  Fronde,  ses  dernières  années,  sa  mort. 

2°  Géographie  physique,  climat,  productions, 
industrie  de  la  Hollande. 

XXIX.  Académie  de  Lyon,  1876. 

1"  Acquisitions  de  la  France  sous  le  règne  de 
Louis  XIV,  consacrées  par  les  traités  de  Westpha- 
lie,  des  Pyrénées,  d'Aix-la-Chapelle  et  de  Ximègue. 

2"  Littoral  de  la  mer  ^Méditerranée,  partie  fran- 
çaise, et  départements  baignés  par  cette  mer  :  cro- 
quis et  description. 

XXX.  Aca'iémie  de  Chambéry,  1878. 

1"  Traités  conclus  par  la  France  sous  le  règne 
de  Louis  XIV.  Dire  dans  quelles  circonstances  ils 
furent  conclus  et  quelles  en  furent  les  conditions. 

2"  Carte  physique  du  bassin  de  la  Garonne. 

XXXI.  Académie  de  Toulouse,  1876. 

1"  Rivalité  de  Louis  XIV  et  de  Guillaume  III 
âX)range,  stathouder  et  roi. 

2°  Décrire  sommairement  les  rives  asiatiques  de 
la  Méditerranée. 

XXXII.  Académie  de  Dijon,  187G. 

1"  Exposer  les  événements  qui  amenèrent  la  con- 
clusion de  la  paix  d'Utrecht.  Résultat  du  traité. 

2"  Tracé  de  la  carte  de  la  Turquie  d'Europe.  — 
Division  en  provinces.  —  Orographie. 

XXXIII.  Académie  de  Toulouse,  1876. 

1°  La  part  de  la  France  dans  la  guerre  de  Sept 
-ans  en  Allemagne. 

2°  Russie  d'Asie  :  limites,  provinces  et  popula- 
tions principales. 

XXXIV.  Académie  de  Bordeaux,  1876. 
1°  Guerre  de  Sept  ans. 

2°Divisiondc  laFrance  au  point  de  vue  académique. 
Géographie  physique  et  politique  de  l'académie 
de  Bordeaux. 

XXXV.  Académie  de  Nancy,   1876. 
l''Exposer  brièvement  les  origines  du  royaume  de 

Prusse.  Rôle  de  Frédéric  H  dans  la  guerre  de  la 
succession  d'Autriche. 

2"  Bassin  de  la  Meuse  avec  l'esquisse. 
. XXXVI.  Paris,  1876. 

1°  Lutte  de  la  Suède  et  de  la  Russie.  Charles  XII 
et  Pierre  le  Grand. 

2°  Description  de  la  Russie.  Limites,  étendue  et 
population.  Aspect  général  du  sol,  climat,  produc- 
tions. 


XXXVII.  Académie  de  Bordeaux,  1878. 

l"  Raconter  comment  la  Prusse  devint  une 
puissance  de  premier  ordre  sous  Frédéric  le  Grand 
(1740-1786j. 

2°  Décrire  le  bassin  du  Danube  et  en  tracer  la 
carte  avec  les  détails  de  la  géographie  physique  ci 
politique. 

XXXVni,  Paris,  1877. 

Exposez  et  appréciez  les  réformes  du  gouver- 
nement de  Louis  XVI. 

Le  plateau  central  de  la  France. 

XXXIX.  Paris,  1«76. 

1°  Exposer  les  faits  les  plus  importants  dont  le 
continent  américain  fut  le  théâtre  dans  la  guerre 
de  l'indépendance. 

2°  Décrire  la  côte  occidentale  de  l'Afrique. 

XL.  Académie  de  Cucn,  1876. 

1°  Rôle  de  la  France  dans  la  Guerre  de  l'indé- 
pendance des  Etats-Unis. 

2°  Faire  la  carte  de  l'Angleterre  entre  le  ôO'  et 
le  52'  de  latitude. 

Signaler  les  localités  historiques  ou  commerciales 
importantes. 

XLI.  Académie  de  Poitiers,  1878. 

1°  Faire  connaître  le  règne  de  Louis  XVI  :  minis- 
tères de  Turgot  et  de  Xecker  ;  guerre  d'Amérique  ; 
convocation  des  États  généraux. 

2°  Faire  connaître  les  principaux  cours  d'eau  de 
l'Afrique  en  indiquant  les  pays  qu'ils  arrosent  et 
les  mers  où  ils  se  jettent.  Tracer  une  esquisse  des 
contours  de  l'Afrique  avec  l'embouchure  des  fleu- 
ves. 

XLU.  Académie  de  Douai,  1876. 

1°  Les  deux  Pitt.  A  quelles  époques,  dans 
quelles  circonstances  ont-ils  dirigé  la  politique  de 
l'Angleterre  et  quelle  fut  cette  politique  à  l'égard 
de  la  France? 

2°  Tracer  la  carte  :  1°  des  principaux  cours  d  eau 
de  l'Amérique  du  Sud  ;  2"  des  grands  lacs  de  l'A- 
mérique du  Nord,  ainsi  que  de  l'Afrique. 

XLIII.  Acadétnie  d'Alyer,  1876. 

1°  Quelles  ont  été  les  grandes  assemblées  de  la 
Révolution  de  1789  à  1799?  Quel  a  été  le  rôle  de 
chacune  d'elles? 

2°  Qu'est-ce  qu'un  canal?  —  Dessiner  et  décrire 
le  canal    du    Rhône  au    Rhin. 

XLIV.  Académie  de  Besançon,  187S. 

1°  Exposé  sommaire  des  changements  successifs 
survenus  dans  la  politique  européenne  de  1797 
à  1811. 

V"  Orographie  de  r.\sie  appuyée  d'un  tracé. 

XLV.  Académie  de  Clermont,  1876  et  1878. 

1°  Raconter  l'expédition  d'Egypte. 

2"  Dessiner  les  côtes  de  la  France  de  l'embou- 
chure de  la  Somme  à  celle  de  la  Gironde.  Mar- 
quer les  principaux  accidents  physiques.  (Départe- 
ments, ports  principaux.) 

Autre  question  de  géographie  :  Indiquer  les  di- 
verses routes  de  terre  et  de  mer  conduisant  de, 
l'Europe  aux  Indes,  en  signaler  l'importance  com- 
merciale et  militaire  ;  faire  un  tracé  spécial  de 
celles  qui  traversent  ou  longent  l'Egypte. 

XLM.  Académie  île  Paris,  187S. 

1°  Organisation  judiciaire  de  la  France  avant 
17H9.  —  Comment  cette  organisation  a  été  modifiée 
par  l'Assemblée  constituante. 

2°  Description  du  canal  de  Suez  ;  son  impor- 
tance commerciale. 

XL  VIL  Académie  de  Nancy,  1878. 

1"  Hoche. 

2°  Tracés  comparés  de  la  frontière  de  la  France 
en  1789,  en  180;',  en  1815;  commenter  rapidement 
ces  difl'érents  tracés. 

XLVIII.  Académie  de  Montpellier,  1878. 

1"  Indiquer  les  principales  clauses  des  grands 
traités  de  Campo-Formio ,  de  Lunéville  et  d'A- 
miens. Donner  la  date  de  ces  traités  et  le  résumé 
sommaire  des  événements  qui  les  ont  amenés. 


BREVET 


—  307  — 


BREVET 


2"  Décrire  la  poi'tion  de  l'Europe  comprise  entre 
le  Rhin,  le  Rhône,  la  Saône  et  la  Moselle.  Géogra- 
phie physique  et  politique,  montagnes,  cours 
d'eau,  lacs,  Etats,  villes  principales  ;  joindre  au 
texte  un  croquis  du  territoire  à  décrire. 

XLIX.  Académie  d'Aix,  187G. 

1°  Traités  de  1815. 

2°  Cartes  du  bassin  du  Pô. 

L.  Académie  de  Douai,  1876. 

Donner  l'étymologie  et  le  véritable  sens  des  mots 
boréal,  septentrional,  arctique,  austral,  méridio- 
nal, antarctique,  tropique,  zone,  pôle,  écliptique, 
zodiaque. 

Histoire  et  géographie. 

ASPIRANTES. 

I.  Académie  de  Paris,  1878. 

Décrire  les  côtes  de  la  Syrie  et  de  l'Asie  Mi- 
neure. —  Enumérer  les  Etats  anciens  qui  floris- 
saient  sur  ces  côtes  avant  les  guerres  médiques. 
—  Apprécier  le  rôle  des  cités  les  plus  importantes. 

II.  Académie  de  Bordeaux,  1878. 
1°  La  seconde  guerre  punique. 

2°  Le  Portugal  ;  géographie  physique  et  politique, 
colonies. 

III.  Académie  de  Bordeaux,  1876. 

1"  Progrès  du  christianisme  sous  Constantin  le 
Grand. 
2°Géographie  physique  de  l'Italie,  avec  une  carte. 

IV.  Académie  de  Chambéry,  1876. 

1»  Charleinagae,  ses  conquêtes  et  ses  institutions. 
Unité  temporaire  du  monde  germanique. 

2°  Cours  du  Rhin  ;  États  qu'il  baigne  ;  villes  prin- 
cipales situées  sur  ses  bords  ;  affluents  de  droite 
et  de  gauche  ;  embouchures. 

V.  Académie  de  Caen,  1876. 

1°  Conquête  de  l'Angleterre  par  Guillaume  le 
Conquérant. 

2°  Carte  des  côtes  d'Asie,  depuis  le  détroit 
d'Ormuz  jusqu'au  cap  Cambodje. 

Tracer  ï'équateur  et  le  tropique  du  Cancer. 

VI.  Académie  de  Clermont,  1876. 

1»  Faire  ressortir  les  principales  qualités  de  saint 
Louis,  en  citant  des  fiiits  à  l'appui. 

2°  Tracer  le  cours  de  la  Seine  (croquis'..  Princi- 
paux affluents. — Départements  et  villes  principales. 

VII.  Académie  de  Montpellier,  187t;. 

1°  Exposer  les  faits  qui  ont  eu  pour  conséquence 
l'accroissement  du  pouvoir  royal  sous  les  Capétiens, 
depuis  la  fondation  de  cette  dynastie  jusqu'à  Phi- 
lippe le  Bel. 

2°  Dessiner  les  deux  Amériques  et  décrire  leurs 
côtes  orientales  en  donnant  des  détails  sur  leur  as- 
pect physique,  leur  climat  et  leurs  productions, 
indiquer  sur  la  carte  les  villes  principales  qui  se 
trouvent  sur  le  bord  de  la  mer. 

VIII.  Académie  de  L'jon,  1378. 

1°  Exposez  le  règne  de  Philippe  de  Valois. 

2°  Les  principaux  bassins  houillers  de  la  France. 

IX.  Acadétnie  de  Grenoble,  lii'^>. 

1"  Origine  et  organisation  des  communes  en 
France.  De  leur  influence  au  point  de  vue  politique 
et  commercial. 

i"  Faire  le  croquis  du  littoral  de  la  Méditerranée, 
en  indiquant  les  départements,  les  villes  et  les 
accidents  physiques  qui  se  trouvent  sur  ce  littoral. 

X.  Académie  de  Paris,  1876. 

1°  Qui'ls  sont  les  grands  événements  qui  signa- 
lent en  Europe  la  première  période  des  temps  mo- 
dernes, 11Ô.3-161S? 

a  2°  Quels  sont  les  fleuves,  rivières  et  canaux  au 
moyeu  dexiuelson  pourrait  se  rendre  en  bateau  de 
Bordeaux  à  Belgrade?  Quels  États  traverse-t-on? 
Nommer  les  villes  les  plus  importantes  qu'on  trou- 
verait sur  le  parcours? 

XI.  Académie  d'Aix,  1876. 

1°  Quels  sont,  dans  l'ordre  politique  et  intellec- 


tuel, les  grands  faits  qui,  au  quinzième  siècle  (1-iOO 
à  1300),  marquent  la  séparation  du  moyen  âge  et 
des  temps  modernes? 

2°  Carte  des  côtes  de  l'océan  Indien  depuis  le 
détroit  de  Bab-el-.Mandeb  jusqu'au  détroit  de  Ma- 
lacca  (îles,    fleuves,  contrées    maritimes,    portsi. 

XII.  Académie  de  Nuncg,  1878. 
1°  Christophe  Colomb. 

2°  La  Méditerranée  et  les  puissances  riveraines. 
Tracé  du  littoral. 

XIII.  Académie  de  Chambéry,  1876. 

1°  Règne  de  Louis  XI.  Sa  lutte  contre  les  grands 
vassaux.  Caractère  de  son  administration.  Pro- 
vinces qu'il  a  réunies  au  domaine  royal. 

2°  Bassin  de  la  Loire.  Indiquer  les  anciennes 
provinces  et  les  départements  compris  dans  ce  bas- 
sin. En  faire  le  croquis;  indiquer  par  des  hachures 
les  chaînes  de  montagnes  qui  l'entourent,  et  indi- 
quer, sur  le  cours  du  fleuve,  les  principales  villes 
qu'il  arrose. 

XIV.  Académie  de  Lyon,  1876. 

1°  Luttes  de  Louis  XI  et  de  Charles  le  Téméraire  : 
quels  en  furent  les  résultats? 

2°  Croquis  de  la  chaîne  des  Cévennes  depuis  le 
canal  du  Centre  jusqu'au  canal  du  Midi  :  départe- 
ments traversés. 

XV.  Académie  de  Poitiers,  1876. 

1°  Montrer  la  part  que  Louis  XI  et  Richelieu  ont 
prise  à  la  formation  de  l'unité  nationale. 

2°  Géographie  physique,  administrative  et  com- 
merciale des  colonies  françaises,  en  Afrique  et  en 
Asie. 

X\l.  Académie  de  Dijon,  18  6. 

1°  Régence  d'Anne  de  Boaujeu. 

2°  Tracé  du  cours  du  Danube,  avec  ses  princi- 
paux affluents  ;  marquer  les  villes  importantes 
qu'il  baigne. 

XVII.  Académie  de  Nancy,  1876. 

1°  Exposer  les  principaux  faits  de  la  régence 
d'Anne  de  Beaujeu  ;  insister  sur  l'heureux  événe- 
ment qui  la  termine  (acquisition  de  la  Bretagne). 

2°  L'Indoustan. 

XVIII.  Académie  de  Cuen,  1876. 
1°  Charles  VIII. 

2°  Les  Antilles.  —  Description  sommaire,  mé- 
tropoles, productions,  commerce. 

XIX.  Académie  de  Grenoble,  1876. 

1"  Guerres  d'Italie.  Indiquer  sommairement  les 
grandes  périodes  de  ces  guerres  et  nommer  les 
rois  de  France  et  les  souverains  étrangers  qui  y 
prirent  la  part  la  plus  active.  On  insistera  sur  les 
résultats  de  ces  guerres  au  point  de  \m&  politique, 
littéraire  et  artistique. 

2°  Carte  géographique  du  bassin  de  la  Garonne. 

XX.  Académie  de  Grtnoble,  1878. 
1°  Le  connétable  de  Bourbon. 

2°  Tracé  de  la  carte  du  département  de  r.\rdèche  ; 
sa  géographie  physique  et  politique. 

XXI.  Académie  de  Montpellier.  1S7G. 

1°  Rivalité  de  François  I"  et  de  Charles-Quint. 
Ses  causes  et  ses  conséquences. 

2"  Itinéraire  de  Londres  à  San-Francisco  en  pre- 
nant les  voies  rapides  :  chemins  de  fer  et  paque- 
bots de  poste. 

XXII.  Académie  de  Poitiers,  1876. 

1°  Les  lettres  et  les  arts,  en  France,  sous  le  rè- 
gne de  François  I". 

2»  Archipel  des  Antilles  :  climat,  production, 
principales  iles.  Etats  européens  auxquels  elles 
apnartienuent. 

XXIil.  Académie  d'Aix,  187G. 

1°  Rappeler  la  puissance  de  l'Espagne  au  seizième 
siècle,  le  rôle  qu'elle  a  joué  en  Europe,  et  surtout 
ses  rapports  avec  la  France  jusqu'à  Louis  XIV(1G61) 

2°  Angleterre  (Royaume-Uni).  Climat,  sol,  pro- 
duction, agriculture,  commerce,  industrie,  gouver- 
nement. Carte  physique;  y  indiquer  la  position  des 
villes  principales'. 


BREVET 


—  308  — 


BREVET 


XXIV.  Acailéiiiie  de  Nanci/,  1876. 

1°  Guerres  de  Henri  II  contre  Charles-Quint  et 
Philippe  II.  —  Traité  de  Cateau-Cambrésis.  —  Con- 
séquence des  guerres  d'Italie. 

2"  Le  bassin  du  Rhône  avec  l'esquisse. 

XX\ .  Académie  de  Paris,  1875. 

1°  Le  chancelier  Michel  de  L'Hôpital.  —  Ses 
vues  politiques  et  administratives-  —  Principaux 
événements  qui  se  passèrent  en  France  de  1560  à 
1JG8. 

2°  Nos  anciennes  possessions  de  l'Amérique  du 
Nord  :  Canada.  Acadie,  île  du  cap  Breton,  Loui- 
siane. —  Géographie  physique  et  historique  de  ces 
contrées. 

XXVI.  Académie  de  Caen,  1876. 
1"  Marie  Stuart. 

2°  Le  cours  du  Rhône.  Importance  historique  et 
industrielle  des  villes  situées  sur  ses  bords. 

XXVII.  Acadérnie  de  Toulouse,  187G. 

1°  Règne  d'Elisabeth  ïudor  d'Angleterre. 

2°  Etudier  en  Suisso  le  cours  du  Rhin  et  de  ses 
affluents;  énumérci'les  cantons  d'après  ce  plan  de 
géographie  physique. 

XXVIII.  Acadùnie  de  Rejincs,  1876  et  de  Douai, 
1878. 

1°  Rivalité  d'Elisabeth  et  de  Marie  Stuart.  Appré- 
ciez la  conduite  d'Elisabeth  envers  la  reine  d'Ecosse. 

2"  (;omment  peut-on  transporter  par  eau,  sans 
passer  par  la  mer,  des  marchandises  d'Avignon  au 
Havre?  Nommer  les  départements  et  les  principa- 
les villes  que  l'on  aura  à  traverser. 

Autre  question  géographique  :  Carte  de  l'Aus- 
tralie. 

XXIX.  Paris,  1876  et  Académie  d\iix,  1878. 
l"  La  révolution  de  1688  en  Angleterre. 

2°  Divisions  principales  l'Irlande;  faire  la  carte. 
'  Autre  question  de  géographie  : 

L'Autriche.  Description  physique  ;  productions 
diverses  ;  villes  principales  ;  industrie  et  commerce  ; 
voies  de  communication. 

XXX.  Académie  de  Dijon,  1876. 

1°  Richelieu  et  les  lettres  de  son  temps  (l'Acadé- 
mie française,  l'hôtel  de  Rambouillet,  Chapelain, 
Scudéry,  Corneille). 

2°  Le  Gulf-Stream  ;  tracé  de  sa  direction  ;  son 
influence  sur  les  climats. 

XXXI.  Académie  de  Lyon,  187G. 

1"  Exposer  les  faits  principaux  de  la  régence 
d'Anne  d'Autriche. 

2°  Faire  un  croquis  du  bassin  de  la  Seine  : 
Ceinture,  cours  d'eau,  départements  et  villes  prin- 
cipales. 

XXXII.  Académie  de  Lyon,  1876. 
1"  Mazarin. 

2"  Les  Pyrénées,  frontière  de  la  France  et  de 
l'Espagne  :  croquis  et  description. 

XXXIII.  Académie  de  Douai,  187G. 

1°  Faire  comprendre  en  quoi  différait  la  monar- 
chie telle  qu'elle  existait  sous  Louis  XIV,  de  la 
monarchie  telle  qu'elle  fut  transformée,  sous 
Louis  XVI,  par  la  constitution  de  1791. 

X"  Donner  les  chefs-lieux  et  les  sous-préfectures 
des  départements  qui  touchent  à  l'Allemagne,  en 
traçant    la  carte  de  ces  départements. 

XXXIV.  Académie  de  Toulouse,  187G. 

1°  Histoire  de  l'édit  de  Nantes;  faits  qui  l'ont 
amené:  ses  clauses:  sa  révocation;  conséquence 
de  cette  révocation  sous  Louis  XIV. 

2»  Esquisse  géographique  des  îles  de  l'océan 
Atlantique,  qui  dépendent  de  l'Amérique  et  de 
l'Afrique. 

XXXV.  Académie  de  Rennes,  1876. 

1°  Par  quelle  raison  Louis  XIV  a-t-il  reçu  de  ses 
contemporains  le  surnom  de  Grand  ?  Ce  surnom 
est-il     pleinement  justifié  aux  yeux  de  l'histoire? 

2°  Colonies  hollandaises  ;  leur  importance. 

XXXVI.  Académie  de  Caen,  1876. 

1"  Administration  de  Colbert.  Finances,   indus- 


tries, commerce  à  l'intérieur  et  k  l'extérieur,  ma- 
rine, beaux-arts. 

2"  Faire  la  carte  de  la  côte  nord  de  l'Afrique, 
depuis  le  détroit  de  Gibraltar  jusqu'à  l'embouchure 
du  Nil.  —  Indiquer  la  latitude  du  ponit  le  plus 
septentrional.  —  Joindre  à  la  carte  l'énumération 
des  principales  productions  de  l'Algérie. 

XXXVI  bis.  Académie  d'Alger,  1878. 

1°  Colbert,  ses  qualités,  ses  services,  faire  voir 
comment  il  a  rétabli  les  finances,  développé  la 
marine,  protégé  l'industrie  et  le  commerce. 

2»  Esquisser  le  bassin  de  la  Loire  et  faire  con- 
naître, au  point  de  vue  industriel  et  commercial, 
les  principales  villes  situées  dans  ce  bassin. 

XXXVII.  Académie  de  Douai,  1876. 

1°  La  maison  de  Stuart  était  très  impopulaire, 
et  la  maison  de  Hanovre  très  populaire  :  dire 
pourquoi. 

Louis  XIV  et  le  régent  ont  suivi,  chacun  à  l'é- 
gard de  l'Angleterre,  une  politique  tout  opposée. 
—  Exposer  ces  deux  politiques,  et  démontrer  quelle 
fut  la  plus  conforme  aux  intérêts  de  la  France. 

2°  Tracer  une  carte  de  l'Indoustan  tout  entier, 
en  soulignant  les  noms  des  colonies  françaises 
ainsi  que  ceux  des  capitales  des  présidences  an- 
glaises. Fleuves,  montagnes. 

XXXVIII   Académie  de  Besançon,  1876. 

1°  Histoire  du  soulèvement  des  Pays-Bas.  — 
Guillaume  de  Nassau. 

2°  Géographie  physique  de  l'Asie  et  tracé  des 
principales  chaînes  de  montagnes. 

XXXIX.  Académie  de  Besançon,  1876. 

1»  Rappeler  les  guerres  soutenues  par  la  France 
sous  Louis  XV,  en  indiquant  les  causes  de  chacune 
d'elles. 

2"  Carte  du  littoral  de  la  France  depuis  Brest 
jusqu'à  Biarritz. 

XL.  Académie  de  Poitiers,  1878. 

1»  Tableau  des  lettres,  des  sciences  et  des  art» 
au  xvii"=  siècle  au  siècle  de  Louis  XIV. 

2"  Géographie  physique  et  politique  de  l'Italie  ; 
en  tracer  une  esquisse. 

XL  bis.  Académie  de  Toulouse,  1878. 

1"  Le  siècle  de  Louis  XIV  ;  quand  commence-t- 
il?  Quand  finit-il?  Principaux  écrivains  en  prose 
et  en  vers  ;  leurs  œuvres  les  plus  célèbres. 

2»  Description  de  la  Turquie  d'Europe.  Fleuves, 
montagnes;  climat,  population,  productions;  pro- 
vinces tributaires  ou  vassales  ;  tracer  la  carte. 

XLI.  Académie  de  Rennes,  1878. 

1°  Paix  d'Utrecht  et  ,de  Radstadt  :  comment  la 
paix  fut-elle  amenée?  Ses  conditions.  États  qui  s'y 
trouvaient  directement  intéressés  ? 

2°  Géographie  physique  et  politique  de  la  Hol- 
lande, industrie,  commerce,  principales  colonies 
de  cette  contrée. 

XLII.  Académie  de  Douai,  1876. 

1°  Quelle  était  l'organisation  politique  de  l'em- 
pire d'Allemagne,  à  l'époque  où  Louis  XV  s'unit 
au  grand  Frédéric  contre  l'Autriche  ? 

En  s'alliant  ainsi  à  la  Prusse,  Louis  XV  servait-il 
mieux  les  intérêts  de  la  France  que  le  jour  où,  plus 
tard ,  il  s'unit  à  l'Autriche  contre  ce  même  Fré- 
déric? 

2"  Exposer  le  cours  :  1°  du  Danube  :  2°  du  Mis- 
sissipi.  —  Principaux  affluents  ;  villes  principales 
et  Etats  auxquels  appartiennent  ces  villes. 

XLIII.  Académie  de  Chambénj,  1878. 

1°  Causes,  laits  principaux  et  conséquences  do 
la  guerre  do  la  succession  d'Autriche. 

2"  Tracer  la  carte  de  la  presqu'île  armoricaine 
avec  ses  principaux  accidents  physiques.  On  indi- 
((Uera  les  limites  des  départements  de  cette  région 
avec  les  noms  et  la  position  des  principales  villes 
du  littoral. 

XLIV.  Paris,  1876. 

1"  Rivalité  de  la  Suède  et  de  Russie  sou»  Char- 
les XII  et  Pierre  le  Grand. 


BREVET 


309  — 


BREVET 


2»  Principales  îles  de  la  Méditerranée.  —  Indi- 
quer leur  situation. 

XLV.  Académie  d'Alger. 

1°  Partages  de  la  Pologne. 

'2"  D'Alger  à  Philadelphie. 

XLVI.  faris.,  1876  et  Aaidéniie  de  Montpellier, 
1878. 

1"'  Guerre  de  l'indépendance  des  Etats-Uni?, 
1773-1783.  .  ,  ,     r^ 

—  Expliquer  les  motifs  qui  amenèrent  la  trance 
■sous  Louis  XVI  à  soutenir  le  soulèvement  des  co- 
lonies anglaises  d'Amérique  contre  leur  métropole 
et  dire  la  part  de  gloire  et  de  profit  qu'elle  trouva 
dans  cette  guerre. 

:">  Antilles.    Description    des    principales    îles. 

Autre  question  de  géographie  : 

Décrire  la  portion  de  la  France  comprise  en- 
tre les  Pyrénées,  les  Corbières,  les  Cévennes, 
la  rivière  d'Ardèche  et  le  Rhône,  la  côte  et  ses 
■détails,  la  ceinture  des  montagnes,  les  cours  d'eau, 
les  départements,  les  villes  principales.  Joindre  au 
texte  un  croquis  du  territoire  à  décrire. 

XL VII.  Académie  de  Dijon. 

r  Guerre  d'indépendance  de  la  Grèce  (t821- 
1828). 

—  Fondation  du  royaume  de  Grèce. 

1"  Description  physique  et  politique  de  la  Sa- 
voie. 

XLVIII.  Académie  de  Besançon,  1 878. 

10  Lutte  et  rivalité  de  la  France  et  de  l'Angle- 
terre de  1793  à  1815. 

2»  Orographie  de  l'Amérique  appuyée  d'un 
tracé. 

XLIX.  Académie  d'Algci\  187G. 

Utilité  de  la  géographie  pour  comprendre  l'his- 
toire. 

L.  Académie  de  Bordeaux,  iS'd. 

Décrire  et  dessiner  le  cours  du  Danube  en  indi- 
<)uant  les  pays  et  les  villes  principales  que  ce 
fleuTC  traverse. 

G.  Épreuves  de  la  3''  série. 

Dessiîi  d'imitation. 

1.  Académie  de  Paris,  1876. 
Tête  de  la   Vénus   de   Médicis,   vue    de    profil, 
ilomi-nature  avec  la  masse  des  ombres. 
2.  Académie  de  Pans,  1876. 
Éléments  de  Julien  :  figure  vue  de  face. 

Observation.  —  Évidemment  il  s'.Tg^it  ici  d'une  tête  et 
non  pas  d'une  figure.  On  nomme  figure  la  réunion  de  toutes 
les  parties  du  corps. 

3.  Académie  de  Grenoble,  1878. 

r.ours  de  Sebastien  Cornu,  planche  18,  dessin 
■de  droite. 

4.  Académie  de  Paris,  1878. 

Fragment  de  tête  d'après  un  modèle  donné. 

.').  Académie  de  Poitiers,  |87S. 

Dessiner,  en  prenant  une  fois  et  demie  les  di- 
mensions du  modèle,  le  culot  do  la  planche  n"  2 
(2*  série)  du   8^  cahier  de  la  collection  le  Béalle. 

Observation. — Un  culot  est  un  motif  d'ornementation. 
—  Ce  que  l'on  entend  par  dessin  d'imitation  n'est  pas  bien 
«Icfini,  car  souvent  nous  rencontrons  sous  ce  titre,  dessin  d'i- 
mitation, de  l'ornement  et  quelquefois  même  du  dessin  gra- 
phique. 

(<.  Académie  de  Douai,  1878. 

Dessiner  le  masque  du  Dante  d'après  la  bosse  et 
^e  la  même  grandeur  que  le  modèle. 

Pour  les  ombres,  le  procédé  est  laissé  au  choix 
des  aspirants. 

Observation.  —  Voilà  un  excellent  modèle,  nous  faisons 
des  vœux  pour  que  cet  exemple  soit  suivi,  il  est  impossible 
<lc  faire  un  meilliair  choix. 

7.  Académie  de  Rennes,  1878. 
Dessiner  une  tête  d'après  Julien. 


I      8.  Académie  d'Alger,  1878. 

Dessiner  une  tête  d'après  un   modèle  lithogra- 
phique. 
'      Observation.   —  Ainsi  tous  les  modèles  qui  ont  été  don- 
nés jusqu'à  présent  dans  les  examens,  sauf  de  bien   rares 
exceptions,  sont   des    modèles    graphies. 

Des  reliefs  très-simple.s  seraient  préfér.iblcs  à  tous  les 
points  de  vue  et  nous  fourniraient  une  preuve  bien  plus 
convaincante  du  savoir  des  aspirants  ;  car  copier  une  es- 
tampe, ce  n'est  pas  savoir  dessiner. 

[Ant.  Cougny.] 

D.  Epreuves  de  i,\  ■4"  série. 
Langues  vivantes. 

1"  Pori^-,  1878. 
I.  Thème  allemand:  Sparte  et  Athènes 

Sparte  et  Athènes  furent  les  cités  les  plus  re- 
marquables de  la  Grèce.  Ces  deux  villes,  dont  tous 
les  historiens  ne  cessent  de  raconter  les  brillants 
exploits,  n'avaient  pas  la  même  passion  pour  la 
guerre.  Athènes  avait  plus  de  goût  pour  les  lettres 
et  les  arts  que  pour  les  combats.  Xerxès  croyait 
que  sa  redoutable  armée  était  la  plus  courageuse 
entre  toutes  celles  qui  avaient  jamais  été  réunies. 
Gependant,  après  avoir  vu  ses  meilleurs  soldais 
vaincus  par  une  poignée  de  Spartiates,  il  comprit 
qu'il  faisait  la  guerre  à  des  peuples  plus  coura- 
geux que  ne  l'étaient  les  Perses  eux-mêmes. 

II.  Version  allemande  :  Corneille  et  Racine. 

Corneille  hat,  wenn  ich  so  sagen  darf,  grosse 
Menschen  dargestellt,  und  Piacine  vornehme  Per- 
sonen.  Ich  kann  mir,  wenn  ich  Racine's  Stiicke 
h.'se,  immer  den  Dichter  denken,  dcr  an  eincm 
glanzenden  Hofe  lebt,  einen  grossen  Konig  vor 
Augen  hat  und  mit  den  Besten  umgeht.  Wenn  ich 
scinen  Britannicus,  seine  Bérénice  studire,  so 
kommt  es  mir  wirklich  vor,  ich  sei  am  Hofe,  sei 
in  das  Grosse  und  Kleine  dieser  Wohnungen  der 
ii-dischen  (îotter  geweiht.  und  ich  sche,  durch  die 
Augen  eines  feinfûhlcnden  Franzosen^  Kônige 
die  eine  ganze  Nation  anbetet,  Hofleute  die  von 
viel  Tausenden  beneidet  werden,  in  ihrer  natiirli- 
chen  Gestalt,  mit  ihren  Fehlern  und  Schmerzen. 
Es  ist  unmôglich  dass  ein  Dichter,  dessen  Leben 
und  Tod  an  den  Augen  eines  Konigs  hangt.  nicht 
auch  Stiicke  schreibon  solle,  die  aes  Beifalls  eines 
Fiirsten  niirdig  seien.  (Gœthe.) 

2°  Paris,  1878. 

I.  Version  anglaise  :  Hymne  des  saisons. 

Thèse,  as  thcy  ch.angc.  Almiirhty  Father,  Uiese 
Are  but  the  varied  God.     The  rôlling  year 
Is  fuU  of  thee.     Fortli  in  the  pleasing  Spring 
Thy  beauty  vvalks,  thy  tendcrncss  .ind  love. 
V\  i'de  flash  the  (ield,  the  softcning  air  is  balm, 
F.eho  the  mountains  round,  the  l'(H'est  smiles, 
And  every  sensé  and  every  hcart  is  joy. 
Then  conîes  tliv  glorv  in  tïie  Summer  months, 
Wilh  liglit  ;^l<^ll^at  iefulgeiif  :  then  thy  sim 
Shoots  iull  pei'rcetion  1hriiui;h  the  svielliiig  year. 
Thy  bounty  shiiies  in  Autumm  confiiicd. 
And  spreads  a  comnion  f<':ist  for  .ail  tliat  lives. 
In  Winter  avslul  tbou  !  with  clouds  and  -tornis 
Around  thee  Ihrown,  tenjpest  over  tempest  rolled. 
Jlajestic  darkness  !  On  the  whirlwind's  wiiig 
Riding  sublime,  then  liiddst  the  vvoild  adore, 
And  hurablest  nature  witli  thy  northern  l)hist. 
(Thomson.) 
j  II.  Thème  :   Empire  de  l'homme  sur  les  animaux. 

j  L'empire  de  l'homme  sur  les  animaux  est  un 
empire  légitime  qu'aucune  révolution  ne  peut  dé- 
truire; c'est  l'empire  de  l'esprit  sur  la  matière, 
(j'est  non  seulement  un  droit  de  nature,  un  pou- 
voir fondé  sur  des  lois  inaltérables;  mais  c'est  en- 
core un  don  de  Dieu,  par  lecjuel  l'homme  peut  re- 
connaître à  tout  instant  1  excellence  de  son  être. 


BREVET 


—  310  —  BREVET 


Car  ce  n'est  pas  parce  qu'il  est  le  plus  parfait,  le 
plus  fort  ou  le  plus  adroit  des  animaux  qu'il  leur 
commande.  S'il  n'était  que  le  premier  du  même 
ordre,  les  seconds  se  réuniraient  pour  lui  disputer 
l'empire;  mais  c'est  par  supériorité  de  nature  que 
l'homme  règne  et  commande  :  il  pense,  et,  dès 
lors,  il  est  le  maître  des  êtres  qui  no  pensent 
point. 

3°  Académie  de  Paris,  1876. 

Version  anglaise  :  Le  goût  et  le  génie. 

Taste  and  genius  are  twowords  froquently  join- 
edtogether;  and  therefore  by  inaccurate  thinkers, 
confounded.  Tliey  signify,  however,  two  quite  dif- 
férent things.  Tlie  différence  between  them  can 
be  clearly  pointed  out,  and  it  is  of  importance  to 
remember  it.  Taste  consists  in  the  power  of  jud- 
ging;  genius,  in  the  power  of  executing.  One  may 
hâve  a  considérable  degree  of  taste  in  poetry,  élo- 
quence, or  any  of  the  fine  arts,  who  lias  little  or 
hardly  any  genius  for  composition  or  exécution  in 
any  of  thèse  arts  :  but  genius  caiinot  be  found 
without  including  taste  also.  Genius,  therefore, 
deserves  to  be  considered  as  a  higher  power  of  the 
mind  than  taste.  Genius  always  imports  something 
inventive  or  créative,  which  does  not  run  in  mero 
sensibility  to  beautj'  where  it  is  perceived,  but 
which  can,  moreover,  produce  new  beauties,  and 
exhibit  them  in  such  a  manner  as  strongly  to  im- 
pro<;s  the  minds  of  others.  Refinod  taste  forms  a 
good  critic,  but  genius  is  further  necessary  to 
form  the  poet  or  the  orator.  (Hugh  Blair.) 

4°  Académie  deNaiicy,  1876. 
Version  allemcmde  :  Die  Fabel. 

_  Die  Fabel  ist  eine  Art  Allégorie,  und  man  kann 
sie  erklâren  aïs  Darstellung  einer  praktischen  Re- 
gel der  Lebensweisheit,  unter  einem  aus  der  phy- 
sischcnWelt  hergenommenen  Sinnbild  :  sie  be- 
steht  aus  zwei  wesentlichen  Theilen,  aus  dem 
Sinnbild  und  aus  der  Anwendung,  welche  man 
auch  die  Moral  der  Fabel  nennt,  die  aber  in  dem 
Bilde  sich  selbst  aussprechen  muss,  wenn  die  Fa- 
bel poetisch  sein  soll.  Wer  auch  der  Erfinder 
derselben  sein  mag,  so  viel  ist  gewiss,  dass  sic 
dem  menschlichen  Witze  Ehre  macht.  Sie  gefâllt 
in  jedem  Alter.  Sie  verschônert  Ailes,  was  sie  be- 
rùhrt  ;  sie  versetzt  uns  aus  einer  Welt,  wo  wir  uns 
nie  rccht  wohl  befinden,  in  eine  ertrjiumte,  die 
Ailes  besitzt,  was  nôthig  ist,  um  uns  zu  gefallen  ; 
sie  tâuscht  uns  nur^  um  uns  weiser  und  besser  zu 
machen. 

5°  Académie  de  Rennes,  187  7. 

Version  allemande  :  Dus  Lied  von  der  Gloche. 

(Fragment) 

Der  Mann  muss  hinaus 

1ns  feindiiche  Leben, 

Muss  wirlten  und  stiebon 

Und  pflanzon  und  schalliMi, 

Erlisten,  errafl'cn, 

Muss  welten  und  wagon, 

Das  Gluck  zu  erjagi-n. 
Da  sfrôniet  lierbei  die  uuendliche  Gabc. 
Es  fiillt  sich  der  Speicher  mit  liôstliclier  n;il)c. 
Die  Raunio  wachsen,  es  dchnt  sich  das  Haus  ; 

Und  drinncn  waltct 

Die  zijchtige  Ilauslrau. 

Die  Muttor  der  Kinder,    . 

Und  herrschot  weise 

Im  Iiiiiislich;  n  Krcise, 

Und  lehret  die  Miidchen 

Und  -Rchrct  don  Knabcn, 

Und  regct  ohn'  Ende 

Die  flcissigen  Hânde  ; 


Und  mohrt  dcn  GewinD 

Mit  ordnendem  Sinn, 
Und  fullct  mit  Schatzcn  die  duftcndcn  Laden, 
Und  dreht  um  die  schnurronde  Spindel  diîn  Fadeti, 
Und  sammelt  ini  reinlich  goglâttelen  Sehrein 
Die  schimmcrnde  WoIIe,  den  schneeichten  Lein, 
Und  fijget  znm  Gutcn  den  Glanz  und  den  Schimnier, 

Und  ruliot  nimmor. 

(SCHILLEB.) 

G°  Académie  de  Douni,  1S78. 

Version  allemande  : 

Dieser  sprach  :  Ich  tadle  nicht  gern,  was  immer  dem  Menschen 
FiJrunschiidIiche  Triebe  die  gute  Mutterîs'atur  gab  ;  [magoft] 
Denn  was  Verstund  und  Ycniunft  nicht  immer  verniugen,  yer- 
Solch  ein  glijcklicher  Ilang,  der  unwiderstchlicb  uns  leitet. 
Lockte  nicht  die  Neugier  di'n  Menschcn  mit  ho(tic;''n  Reizen. 
Sagt  !  erfuhr  or  wohl  je,  wie  schiin  sich  die  W'jltlichen  Dinge 
Gegon  einander  verhaïten  ?  Doim  orst  verlangt  or  das  Neue, 
Suchot  das  Niitzliche  dann  mit  unermiidetem  Fleisso  ; 
Endlich  begehrt  er  das  Gute,  das  ihn  erhebet  und  werth  macht. 

(GOETDB.) 

7"  Académie  de  Paris,  1878. 

Version  allemande  :  Kindespflichten. 

Zum  Propheteu  kara  ein  jungor  Mann  und  sprach  : 
Gottgosandtcr,  moine  Mutter,  ait  und  schwach, 
Lebt  bei  mir,  ich  gcb  ihr  Wohnung  und  Gewand. 
Trank  und  Speisc  gcb  ich  ihr  mit  meiner  Haud, 
Hebe  sie  auf  meincm  Arm  und  pflege  sie 
Sommers  kiihl  und  Wiutors  warm,  und  loge  sie  : 
Hab  ich  \ergoltcn?  Der  Prophet  spracli  :  Nein, 
Nicht  vergolten.  aber  wohlgethan  und  fein. 
Nieht  den  zchnten  Thcil  \crgaltcst  du,  nicin  Sohn. 
Gott  gobe  dir  fiir's  Klcine  grossen  Lohn. 

(RiiCKKIlT.) 

8°  Académie  de  Douai,  1878. 

Version  allemande  : 

Also  das  ware  Verbrechen,  dass  einst  Properz  mich  begeistert, 
Dass  Martial  sich  zu  mir  auch,  der  Terwegiie.  gesellt  ? 
Dass  ich  die  Alton  nicht  hinter  mir  liess,  die  Schule  zu  hiitcn, 
Dass  sie  nach  Latiuni  gorii  mir  in  das  Leben  gefolgt  ? 
Dass  ich  Natur  und  Kun?t  zu  schaun  mich  treulich  bcstrebe, 
Dass  kcin  Name  mich  tâuscht,  dass  mich  kein  Dogma  be- 

[schrankt  ?] 
Dass  nicht  dos  Lobens  bodingendcr  Drang  mich.  den  Menschen, 
Dass  ich  der  Heuchclei  diirftige  Maske  yerschmâh'?  [verândert.J 

(GoETBB.) 

9°  Académie  de  Grenoble,  1878. 

Version  italienne  :  Che  cosa  è  Iddio. 

Noi  conosciamo  alcun  poco  dei  suoi  divini  attri- 
buti.  Egli  non  si  lasciô  senza  testimonianza  nella 
creazione.  Ma  ahimè!  Quanto  deboli,  abietti  sonoi 
concelti  più  sublimi  che  noi  ci  facciamo  dell'  Eterno  I 
Il  cieco  non  puô  giudicare  délie  opère  di  Rubens, 
del  Tizianc.  Deboli  similmcnte ,  imperfettissimi 
rimarranno  sempro  mai  i  nostri  più  alti  concetti 
intorno  a  Dio,  di  fronte  alla  splendida  realtà  che 
ci  sarà  un  giorno  rivelata. 

10°  Académie  d' A ix.  ISl 6. 

Versio}i  italieiine  : 

Epigramma  di  Giovanni  Strozzi  sopra  la  statua  dellaNotte, 

La  nottc  che  fii  yedi  in  si  dolci  atti 
Dormir,  fù  da  un  .ingelo  scolpita 
In  questo  sasso,  c,  perché  dorme,  ha  vita: 
Destala,  se  nol  credi,  e  parleratti. 

Jiisposta,  in persona  délia  Notte,  di  Afic/ielang-lù. 

Grato  m'è  '1  s.mno,  e  più  l'csscr  di  sasso, 
Mentrc  rhe'l  danno  o  la  vergogna  dura  ; 
Non  vedcr,  non  sentir  m'è  gran  vontura 
Perô  non  mi  destar,  doh  !  parla  basso 

11°  Académie  de  Toulouse,  1876. 

Versio7i  espagnole. 

l  r.uando  sera  que  pueda 

Libre  de  esta  presion  volar  al  ciclo, 

Felipe,  y  en  la  rucda 

Que  huye  mas  dal  suelo, 

Contcmplar  la  verdad  pura  sin  duclo  ? 

Alli  en  mi  vida  juiito. 


BREVET  —311 

En  luz  rosplandecicntc  convertido, 

Veré  distincto  y  junto 

Lo  que  es,  y  lo  que  ha  sido, 

Y  su  principio  propio  y  escondido. 

Entonces  veré  como 

La  soberana  mano  echô  el  cimiento 

Tan  à  nivel  y  plomo, 

De  cstable  y  firme  asionfo,  ^ 

Puso  el  pesadisimo  elemento. 

Veré  las  inniortales 

Columnas  do  la  ficrra  esta  fundado. 

Las  lindes  y  senales 

Con  que  à  la  mar  hincliado 

La  providencia  tienc  aprisionado. 

12°  Académie  de  Bordeaux,  187G. 

Version  espagnole  :  La  caja  de  los  pobres. 

Hubo  on  otro  tiempo  un  hombre  ilustre  y  opu- 
lento,  llamado  Benedicto,  esto  es,  benedito.  Este 
nombre  le  cuadraba  justamente,  pues  Dios  le  lia- 
bia  colniado  de  riquezas  y  todo  el  niundo  le  11e- 
naba  de  bendiciones,  porque  hacia  bien  â  todos,  al 
extrano  y  al  vecino,  mas  especialmente  al  pobre 
y  al  afligido.  Hé  aqui  el  modo  que  ténia  de  hacer  esto. 

Cuando  liabia  pasado  un  dia  alegre  con  sus  ami- 
gos,  se  retiraba  â  su  aposento  y  hacia  estas  re- 
flexiones  :  «^  Cuântos  hay  que  no  lian  ganado  de 
un  dia  como  este  de  boy?  y^  que  mal  me  podia 
liaber  acontecido  si  hubiese  convidado  yo  doblado 
numéro  de  personas?  »  En  seguida  ponia  tanto  di- 
nero  como  le  habia  costado  el  convite  dentro  de 
una  caja  segura,  à  la  cual  daba  el  nombre  de  Caja 
de  los  Pobres.  Del  mismo  modo  cuando  sabia  que 
habia  habido  algun  incendie  contribuia  generosa- 
mcnte  para  el  socorro  de  los  desgraciados.  Tal  fué 
su  conducta  durante  toda  su  vida. 


BREVET 


Epreuves  orales. 
E.  Epreu\-es  orales  de  la  première  série. 

1°  Arithmétique  [Aspirants,  aspira7i(es\  —  Défi- 
nition des  nombres  premiers.  Y  a-t-il  beaucoup  de 
nombres  premiers?  Un  nombre  étant  doinié,  com- 
ment reconnaît-on  s'il  est  premier  ou  non? 

Réduisez  uneT  raction  ordinaire  en  fraction  déci- 
male. Peut-on  dire  d'avance  le  nombre  des  chiffres 
décimaux?  Dans  quel  cas  la  fraction  décimale  sera- 
t-elle  périodique  simple  ?  Dans  quel  cas  sera-t-clle 
périodique  mixte  ? 

Extrayez  la  racine  carrée  de  48  à  0,01  près.  Si 
l'on  voulait  avoir  cette  racine  à  j^  près,  que  fau- 
drait-il faire?  Peut-on  extraire  exactement  la  racine 
carrée  de  48  ? 

Quand  un  nombre  contient  des  dizaines  et  des 
unités,  quelle  est  la  composition  de  son  cube  ? 
Extrayez  la  racine  cubique  de  428  000.  Pourquoi  le 
cube  d'un  nombre  fractionnaire  ne  peut-il  pas  être 
un  nombre  entier  ? 

Qu'appelle-t-on  rapport  en  arithmétique  ?  Y 
a-t-il  plusieurs  sortes  de  rapports? 

Qu'est-ce  qu'une  proportion  ?  Quelle  est  la  pro- 
priété fondamentale  d'une  proportion  ?  Démon- 
trez-la. Qu'appelle-t-on  moyenne  proportionnelle 
entre  deux  nombres  ?  Comment  la  trouve-t-on  ? 

Qu'est-ce  que  partager  un  nombre  en  parties 
proportionnelles  h  des  nombres  donnés?  Gomment 
opcre-t-on  ?  Comment  partage-t-on  un  nombre  en 
parties  inversement  proportionnelles  à  des  nom- 
bres donnés  ? 

Qu'est-ce  qu'une  progression  ?  Qu'appelle-t-on 
progression  par  différence?  Qu'appelle-t-on  pro- 
gression par  quotient  ?  Comment  trouve-t-on  la 
somme  d'un  c(!rtain  nombre  de  termes  d'une  pro- 
gression par  différence  ?  Donnez  la  somme  de  tous 
les  nombres  entiers  depuis  1  jusqu'à  100.  Prouvez 
que,  quel  que  soit  le  nombre  des  termes,  on  trou- 
vera toujours  un  nombre  pair. 

Qu'est-ce  que  l'escompte  d'un  billet?  Expliquez 


l'escompte   en  dehors  et    l'escompte  en  dedans.' 

2°  Géométrie  [Aspirants).  —  Indiquez  les  diffé- 
rents moyens  de  tracer  des  parallèles.  3ur  quels 
principes  s"appuie-t-on  dans  cette  construction  ? 
Peut-on  les  tracer  avec  la  règle  etl'équerre?  Peut- 
on  les  tracer  avec  la  règle  et  le  compas  ? 

Tracez  une  tangent?  îi  une  circonférence  par  un 
point  pris  sur  la  circonférence.  Comment  trace - 
t-on  la  tangente  par  un  point  pris  hors  de  la  cir- 
conférence ?  Démontrez  cette  construction. 

Expliquez  la  mesure  de  l'angle  au  centre.  Qu'est- 
ce  qu'un  angle  inscrit  ?  Quelle  est  sa  mesure.  Par- 
tagez un  angle  droit  en  deux  parties  égales.  Par- 
tagez-le en  trois  parties  égales. 

"Qu  est-ce  que  le  carré  d'un  nombre  ?  Pourquoi 
ce  nom  a-t-il  été  donné  à  la  2'  puissance  du  nom- 
bre ?  Construisez  un  carré.  Y  a-t-il  une  différence 
entre  la  perpendiculaire  et  la  verticale  ?  Pourrait- 
on  couper  les  quatre  angles  du  cai-ré  de  manière  à 
en  faire  un  octogone  régulier? 

Quelles  sont  les  conditions  pour  que  deux  poly- 
gones quelconques  soient  semblables?  Quelles  sont 
les  conditions  pour  que  deux  triangles  soient  sem- 
blables ?  Construisez  un  triangle  semblable  l\  un 
autre  sur  un  côté  donné. 

Qu'est-ce  que  reproduire  un  dessin  au  10%  au  100'? 

Construisez  un  octogone  régulier  sur  un  côté 
donné. 

Comment  trouve-t-on  la  somme  des  angles  d'un 
polygone  quelconque  ?  Comment  trouve-t-on  la 
valeur  de  l'angle  d'un  polygone  régulier? 

Inscrivez  un  triangle  équilatéral  dans  un  cercle. 
Comment  peut-on  partager  la  circonférence  en  un 
nombre  donné  de  parties  égales. 

Qu'i'st-co  qu'une  ellipse?  Construisez-la  d'après 
sa  détinition.  Qu'entend-on  en  disant  que  deux 
courbes  se  touchent  ? 

C.onstruisez  un  arc  rampant.  Construisez  une 
spirale.  Construisez  une  plinthe. 

Quand  a-t-on  besoin  en  géométrie  de  construire 
une  moyenne  proportionnelle  entre  deux  droites 
données  ?  Tracez  un  carré  équivalent  à  un  rectan- 
gle donné. 

Construisez  un  triangle  équivalent  à  un  hexagone 
régulier  donné. 

Construisez  un  triangle  rectangle.  Quelle  est  la 
relation  qui  existe  entre  les  trois  côtés  d'un  trian- 
gle rectangle  ?  Citez  des  exemples  où  il  soit  utile 
de  l'employer. 

Comment  calcu!e-t-on  la  surface  d'une  sphère  ? 

Comment  calcule-t-on  la  surface  d'un  cylindre  ? 
Comment  calculo-t-on  son  volume  ? 

3°  Tenue  des  livres  [Aspira7its  et  aspirantes).-' 

1.  Des  comptes  courants.  —  Nouvelle  méthode. 

2.  Des  livres  obligatoires  et  des  livres  acces- 
soires. 

3.  Tenue  des  livres  en  partie  double. 

•i .  Faire  voir  les  relations  du  mémorial,  du  jour- 
nal, du  grand  livre.  —  Indications  aidant  à  passer 
des  uns  aux  autres. 

.").  Théorie  relative  à  l'ouverture  des  crédits. 
Ex.  :  Lacay,  banquier  à  Tarbes.  reçoit  de  Cassagne 
un  dépôt  de  3,000  francs,  sous  condition  qu'il 
pourra  prélever  pareille  somme  chez  Villeneuve, 
banquier  à  Lyon.  —  Ecritures  diverses  de  cette 
opération. 

G.  Subdivisions  principales  des  cinq  comptes 
généraux. 

7.  Compte    profits  et  pertes. 

8.  Comment  rectifie-t-on  des  erreurs? 

4°  Arpentage  (Aspirants).  —  I.  Mesurer  l'aire 
d'un  triangle  terminé  par  un  contour  quelconque. 

2.  Emploi  de  la  boussole. 

3.  Mesurer  la  largeur  d'un  fleuve  qu'il  n'est  pas 
possible  de  franchir. 

4.  Déterminer  la  hauteur  d'une  tour  dont  le  pied 
est  accessible 

5.  Emploi  de  la  planchette. 


BREVET 


—  312 


BREVET 


6.  Des  diverses  manières  de  lever  un  plan. 

7.  Lever  d'un  terrain  au  mètre. 

8.  Lever  d'un  terrain  à  l'cquerre. 

9.  Lever  d'un  terrain  au  grapjioniètre. 

10.  Dire  ce  qu'est  la  méthode  des  intersections. 
5°  Nivellement  [Asijira7its).  —   I.  Nivellement 

simple. 

2.  Registre  de  nivellement.  —  Du  niveau  d'eau. 

3.  Vérification  du  nivellement. 

4.  Tracer  une  route  sur  plan  coté. 

5.  Courbes  de  niveau. 

6.  Construire  l'éclielle  de  pente  d'une  droite  par 
doux  de  ses  points  cotés. 

7.  Différence  de  niveau  do  deux  points. 

8.  Exemples  de  l'utilité  du  nivellement. 

9.  Joindre  deux  courbes  de  niveau  par  une  droite 
ayant  une  pente  donnée. 

10.  Nivellement  composi'. 

6°  Dessia  linéaire  et  d'ornement  [Asph-antset 
aspirantes).  —  1 .  Mener  une  tangente  à  un  cercle 
par  un  point  extérieur. — Diviser  un  angle  en  deux 
j)arties  égales. 

2.  Tracer  une  tangente  commune  à  deux  circon- 
férences. 

3.  Diviser  une  droite  en  cinq  parties  égales. 

4.  Construire  un  carré  dans  une  circonférence. 

5.  Dessiner  un  dallage  en  briques  hexagonales. 

6.  Élever  une  perpendiculaire  sur  un  point  dune 
droite  déterminé. 

7.  Construire  un  décagone  régulier. 

8.  Dessiner  une  spirale,  une  doucine,  une  scotie, 
des  postes. 

9.  Construction  des  parallèles. 

10.  Construire  un  triangle  isoscèle  et  un  triangle 
équilatéral. 

7°  Chant  {Aspirants  et  atpirfmtes) .  —  1.  Qu'est- 
ce  que  la  musique"?  —  Comment  représente-t-on 
les  signes  dont  on   se  sert  en   musif[ue'? 

2.  Qu'est-ce  que  la  portée?  —  Quelle  est  la  pre- 
mière ligne  de  la  portée  ? 

3.  Comment  indique-t-on  la  place  qu'occupe  sur 
la  portée  chacune  des  notes  de  la  gamme  ?  — 
Qu'est-ce  qu'une  clef? 

4.  Combien  y  a-t-il  de  clefs  et  quel  est  l'em- 
ploi de  chacune  d'elles  ? 

5.  Comment  indique-t-on  le  plus  ou  moins  de 
durée  des  sons  ?  —  Valeur  des  notes. 

6.  Qu'est-ce  que  la  mesure  et  comment  la  fi- 
gure-t-on  ? 

7.  Comment  se  divise  la  mesure  et  en  combien 
de  temps  divise-t-on  les  mesures? 

8.  Des  signes  d'altération  et  de  leur  emploi. 

9.  Du  mode,  du  rhythme,  des  tons. 

10.  Lecture  musicale. 

F.  Épreuves  or.\les  iie  la  2'  série. 

1°  Histoire  {Aspirajits  et  aspirantes).  — 
Ordinairement  deux  questions,  l'une  d'histoire  an- 
cienne, l'autre  d'histoire  moderne  ou  du  moyen- 
âge.  Ex  : 

Raconter  la  conquête  de  la  Gaule  par  César. 
—  Les  révolutions  d'Angleterre  de  1648  et  de 
1688. 

Alexandre  et  ses  successurs.  —  Charles  XIL 

Guerres   puniques.  —   L'invasion  des  barbares. 

Quels  sont  les  grands  événements  qui  s'accom- 
plissent en  Orient,  en  Grèce,  ;\  Rome,  vers  6(t0 
ans  avant  Jésus-Christ  ?  —  L'Assemblée  consti- 
tuante, etc. 

2°  Géographie.  —  {Aspirants  et  aspirantes).  — 
Ordinairement,  deux  questions  à  développer  ou 
une  seule  comprenant  la  géographie  physique  et 
la  géographie  politique.  Ex  : 

Les  côtes  de  France.  —  Les  ports  militaires  et 
les  ports  de  commerce. 

Les  Etats-Unis,  géograpjiic  physique  et  politique. 
—  La  Suisse,  idem. 


La  péninsule  hispanique.  —  Divisions  do  l'Espa- 
gne et  du  Portugal. 

Réseau  des  chemins  de  fer  français.  —  Canaux. 

3°  Physique  {Aspirantes).  —  Quelles  sont  les 
différentes  sortes  de  balances  ?  Indiquez  la  com- 
position de  la  balance  ordinaire.  Dessinez-en  en 
môme  temps  lo  modèle  au  tableau.  Qu'est-ce  que 
la  balance  de  Roberval?  Quel  en  est  le  défaut? 
Quelles  sont  les  conditions  d'une  bonne  balance  ? 

A  qui  doit-on  l'invention  du  baromètre  ?  Expli- 
quez sa  construction.  Que  faut-il  penser  de  ses  in- 
dications par  rapport  aux  variations  du  temps  ?  La 
chaleur  a-t-elle  quelque  influence  sur  le  baromètre? 

Comment  mesure-t-on  la  température  ?  Expli- 
quez la  construction  du  thermomètre?  Pourquoi 
préfère-t-on  le  mercure  dans  la  construction  du 
thermomètre?  Expliquez  la  graduation  Réaumur 
et  la  graduation  centigrade.  Expliquez  la  graduation 
Fahrenheit. 

Quelles  sont  les  causes  du  son  ?  Qu'est-ce  que 
l'élasticité  des  corps?  Comment  prouve-ton  que 
lorsqu'un  corps  rend  un  son,  ses  diverses  parties 
sont  en  vibration?  Quel  est  le  physicien  qui  a  fait 
beaucoup  d'expériences  à  ce  sujet  ?  N'y  a-t-il  que 
les  corps  solides  qui  puissent  entrer  en  vibration? 
Qu'est-ce  que  la  sirène  ?  Quel  en  est  l'inventeur? 
Quelles  qualités  distingue-t-on  dans  le  son?  De 
quoi  dépend  sa  hauteur?  Quand  deux  sons  se 
trouvent  à  l'octave  l'un  de  l'autre,  quel  est  le  rap- 
port des  nombres  de  vibrations  ? 

Peut-on  faire  un  miroir  sans  verre?  Combien 
distingue-i-on  de  sortes  de  miroirs?  Qu'appelle-t- 
on images  symétriques?  Tous  les  métaux  sont-ils 
propres  à  faire  des  miroirs?  Qui  dans  les  tesips 
anciens  s'est  servi  de  la  propriété  réfléchissante  du 
métal?  Est-il  indifférent  de  faire  usage  d'une  théière 
en  argent  ou  en  métal  noirci  ?  Laquelle  des  deux 
placée  devant  le  feu  s'échauffera  le  plus  vite  ?  Quel 
moyen  a-t-on  de  conserver  la  glace  contenue  dans 
un  vase  ?  Les  vêtements  chauds  réchauffent-ils  par 
eux-mêmes  ? 

Quelle  est  la  forme  dos  verres  employés  pour  la 
vue  ?  Faites  au  tableau  un  dessin  montrant  la  con- 
vergence et  la  divergence  des  rayons  dans  divers 
cas.  Quand  se  sert-on  des  verres  coiicaves  ?  Quel 
effet  se  produit  dans  l'œil  dans  le  cas  de  myopie  ? 
Qu'est-ce  qui  peut  favoriser  le  développement  de 
la  myopie  ?  Pourquoi  ne  doit-on  pas  lire  à.  la  fe- 
nêtre à  la  tombée  de  la  nuit  ? 

A  quelle  époque  ont  eu  lieu  les  premières  expé- 
i-iences  sur  l'électricité  ?  Sur  quels  corps  ont-elles 
d'abord  été  faites  ?  Quel  est  le  savant  anglais  qui 
n  distingué  doux  sortes  d'électricités?  Comment  pro- 
duit-on l'électrisation  d'un  corps  ?  Expliquez  ce 
qu'on  entend  par  corps  isolants.  Quelles  sont  les 
découvertes  les  plus  importantes  faites  sur  l'élec- 
tricité statique  depuis  la  fin  du  dix-huitième  siècle  ? 
Que  découvrit  Franklin  ?  Explitiuez  l'action  du  pa- 
ratonnerre. 

Qu'est-ce  que  la  réfraction  de  la  lumière  ?  Citez- 
en  des  exemples.  Qu'est-ce  que  la  réfraction  atmo- 
sphérique ?  Signalez  quelques-uns  de  ses  effets  par 
rapport  aux  astres.  Expliquez  le  phénomène  du 
mirage.  Expliquez  la  formation  de  l'arc-en-ciel. 
Comment  est-il  placé  par  rapport  au  soleil  T 

4"  Chimie  {Aspirantes).  — Quelle  est  la  compo- 
sition de  l'eau  ?  Quelles  sont  les  propriétés  prin- 
cipales de  l'oxygène  '?  Quand  a-t-il  été  découvert 
et  par  qui  ?  Quelles  sont  les  propriétés  princi- 
pales de  l'hydrogène 'i*  Peut-on  facilement  le  distin- 
guer de  l'oxygène  !  Quelle  est  la  densité  de  ces 
deux  corps  ? 

La  chaleur  produite  par  le  coke  et  par  le  bois 
est-elle  la  môme  ?  Qu'est-ce  que  la  flanuno  ?  Com- 
ment peut-on  faire  flamber  du  coke  '?  Que  se  pro- 
duit-il ?  Qu'est-ce  que  l'acide  carbonique  ?  Qu'est- 
ce  que  l'oxyde  de  carbone  ?  Que  doit-on  mettre  de 
préférence  dans  une  chaufferette  ? 


BREVET 


—  313  — 


BREVET 


Quels  sont  les  métaux  les  plus  importants  à  étu- 
dier par  rapport  à  l'usage  qu'on  en  fait  dans  les 
ménages  ?  Qu'est-ce  que  l'oxydation  du  cuivre,  de 
rétain,  de  l'argent  ?  Peut-elle  être  dangereuse 
pour  la  santé  ?  Quels  sont  les  métaux  qui  donnent 
lieu  à  des  substances  nuisibles  ?  Quels  sont  les 
acides  qui  attaquent  l'étain  ?  Quels  sont  les  usten- 
siles qu'on  ne  peut  pas  faire  en  argent  ?  Quel  est 
le  nouveau  métal  qui  ne  craint  ni  le  sel  ni  le  soufre? 

Qu'est-ce  que  le  chlore  ?  Quels  sont  ses  princi- 
paux composés  ?  Est-ce  l'acide  chlorhydrique  qui 
est  employé  comme  désinfectant  :■•  Quelle  est  la 
composition  du  corps  vulgairement  appelé  chlore 
et  employé  pour  désinfecter  ?  Quelle  est  la  compo- 
sition de  l'eau  de  javelle?  Sous  quelle  influence  ce 
corps  dégage-t-il  le  chlore? 

Quelle  est  la  composition  des  allumettes  chimi- 
ques ?  Comment  le  phosphore  enflamme-t-il  le 
soufre  ?  Quelles  sont  les  propriétés  du  phosphore  ? 
D'où  le  tire-t-on  ?  Qu'est-ce  que  le  chlorate  de  po- 
tasse ?  A  quels  usages  est-il  employé  ? 

Qu'est-ce  que  la  salade  ?  Citez  les  principales 
plantes  qu'on  y  emploie  ?  Comment  l'assaisonne-t- 
on  ?  Qu'est-ce  que  le  vinaigre  ?  Avec  quoi  le 
forme-t-on?  Que  se  passe-t-il  dans  la  transforma- 
tion du  vin  en  vinaigre  ?  A  quel  caractère  recon- 
naît-on un  acide  ? 

Quelle  est  la  nature  du  sel  de  cuisine?  Où  le 
trouve-t-on  ?  Est-il  seulement  dans  les  eaux  de  la 
nier  ?  Comment  appelle-t-on  celui  qui  se  trouve 
dans  l'intérieur  de  la  terre  ?  Comment  extrait-on 
le  sel  des  marais  salants  ?  Pourquoi  agit-on  sur 
une  grande  surface  d'eau  avec  une  petite  profon- 
deur ?  Quelles  sont  les  causes  qui  peuvent  favori- 
ser l'évaporation  ? 

5°  Histoire  naturelle  (Aspirantes).  —  Qu'ap- 
pelle-t-on  indigestion?  Tracez  le  programme  d'une 
leçon  à  donner  à  des  enfants  sur  ce  sujet.  Qu'y 
a-t-il  d'abord  à  considérer  ?  Décrivez  i'apparcil 
digestif.  Quels  sont  les  phénomènes  digestifs? 
Expliquez  la  préhension  des  aliments.  Expliquez 
la  mastication  et  son  utilité.  Expliquez  la  saliva- 
tion et  son  utilité. 

Qu'appelle-t-on  animaux  ruminants  ?  A  quoi  les 
reconnaît-on  extérieurement  ?  Comment  les  divi- 
se-t-on  ?  Citez-en  quelques-uns.  Qu'est-ce  que  la 
faune  d'un  pays?  Quels  sont  les  animaux  qui  vi- 
vent dans  l'eau  ?  Y  a-t-il  des  moUusciues  vivant 
dans  Teau? 

Qu'appelle-t-on  racines  dans  les  végétaux?  Quel- 
les sont  les  fonctions  de  la  racine  ?  Que  prend  la 
plante  dans  l'air  ?  Que  trouve-t-elle  dans  l'acide 
carbonique  ?  Quels  avantages  nous  présentent  les 
plantes  ?  Quelles  sont  les  plantes  qui  vivent  sans 
racines  ?  Quappelle-t-on  racine  pivotante  ?  Citez- 
en  des  exemples. 

Comment  se  fait  la  circulation  du  sang?  Expli- 
quez les  phénomènes  qui  l'accompagnent.  Exposez 
le  système  intérieur  des  vaisseaux  sanguins. 
Décrivez  le  poumon.  Comment  la  respiration  s'y 
opère-t-elle  ?  Y  a-t-il  une  circulation  dans  les  plan- 
tes comme  dans  les  animaux  ?  Indiquez  la  compo- 
sition du  cœur  et  les  fonctions  de  ses  différentes 
parties.  Quelle  différence  y  a-t-il  entre  le  cœur 
dun  mammifère  et  celui  d'une  grenouille  ?  Quel 
caractère  particulier  présente  la  circulation  du 
sang  chez  la  grenouille  ? 

Parlez  de  la  famille  des  rosacées.  Caractères  dis- 
tinctifs.  Types  principaux. 

Qu'appelle-t-on  plantes  oléagineuses,  résineuses, 
textiles,  tinctoriales,  saccharifères? 

Expliquez  la  structure  de  la  tige.  Indiquez  les 
parties  qui  se  montrent  dans  la  section  d'un  tronc. 
Expliquez  la  tige  du  chêne,  du  blé,  du  bambou, 
du  chanvre.  Exposez  la  division  du  règne  végétal. 
Qu'appelle-t-on  ombellifères,  crucifères  ?  Combien 
y  a-t-il  d'étamines  dans  les  crucifères  ?  Que  veut 
dire  tétradyname  ? 


Qu'est--ce  que  le  café  au  lait?  —  Combien  y  a-t-il 
de  graines  dans  le  fruit  du  café  ?  Qu'est-ce  que  le 
caféier?  A.  quelle  famille  appartient-il?  —  Quelle  pré- 
paration fait-on  subir  au  café  et  pourquoi?  Quels  sont 
les  effets  du  café  ?  Quelle  est  la  composition  du 
lait  ?  Que  vient-il  à  la  surface,  quand  il  est  resté 
quelque  temps  dans  un  vase  ? 

A  quel  ordre  appartient  la  vache  ?  Qu'est-ce  que 
les  vertébrés  ?  D'où  vient  le  nom  de  mammifères  ? 
[G.  Bovier-Lapierre.] 

6°  Agriculture  {Aspiraiits).  —  1.  Des  instru- 
ments aratoires. 

2.  Des  assolements.  —  Culture  de  la  pomme  de 
terre. 

3.  Du  choix  des  engrais. 

4.  De  la  moisson  et  de  la  conservation  des 
grains. 

h.  Du  blé  et  de  ses  variétés. 
G    Emploi  du  cheval  et  du  bœuf  en  agriculture. 
—  Soins  à  donner  aux  animaux. 

7.  Du  drainage. 

8.  Culture  de  la  vigne. 

9  Assainissement  du  sol. 
10.  Notions  d'arboriculture. 
7"  Industrie  (Aspirants).  —  1.  De  la  houille  et 
de  son  extraction.  —  De  la  tourbe. 

2.  Fabrication  du  fer. 

3.  Fabrication  du  verre. 

4.  Fabrication  du  savon. 

5.  Industrie  de  la  soie. 

6.  Fabrication  du  vin,  du  cidre,  de  la  bière. 

7.  Du  sucre  et  de  sa  fabrication. 

5.  Emploi  de  l'étain. 

9.  Fabrication  des  allumettes. 

10.  Fabrication  de  la  chaux. 

8°  Hygiène  (Aspirants  et  aspirantes).  —  I.  Quels 
sont  les  préceptes  à  enseigner  sur  les  vêtements 
au  point  de  vue  de  l'hygiène?  N'y  a-t-il  que  la 
couleur  qui  détermine  l'influence  dos  vêtements  ? 
Ne  faut-il  pas  tenir  compte  aussi  de  la  matière 
des  étoffes  ?  Parlez  des  qualités  diverses  de  la 
matière  des  étoffes  au  point  de  vue  de  la  cha- 
leur. Exposez  les  propriétés  de  la  laine,  de  la 
soie,  du  coton,  du  chanvre. 

2.  Danger  du  voisinage  des  marais. 

3.  Hygiène  des  habitations.  —  De  l'aération. 

4.  Causes  de  l'asphyxie.  —  Soins  à  donner  aux 
asphyxiés. 

h.  Hygiène  du  chauffage. 

6.  Du  choix  des  boissons. 

7.  Des  bains  et  de  leur  utilité. 

8.  Conditions  d'une  bonne  alimentation. 

9.  Hj'giène  des  salles  de  réunion. 

10.  Soins  à  donner  après  une  brûlure,  une  chute, 
une  insolation. 

9°  Gymnastique  (Aspirants).  —  1.  De  la  gym- 
nastique sans  appareils. 
?.  De  la  marciie  ;  du  saut;  du  pas  gymnastique. 

3.  Descriptions  des  principaux  appareils  de 
gymnastique. 

4.  Usage  des  haltères. 

5.  Emploi  des  diverses  échelles,  du  trapèze,  des 
cordes  à  nœuds. 

C.  Des  poutres  horizontales  et  des  barres  paral- 
lèles. 

7.  Des  exercices  d'ensemble. 

8.  Formation  des  pelotons. 

G.  Epreuves  orales  de  la  troisième  série. 

Dessin  ù!ixai\.aXioTi(Aspiran's), —  1.  Principes 

généraux. 

2.  Indications  nécessaires  pour  la  reproduction 
d'un  dessin  de  même  grandeur,  de  dimensions  ré- 
duites. 

3.  Comment  indique-t-on  le  mouvement  d'une 
figure  ?  —  Emploi  des  verticales  et  des  horizon- 
tales. 


BREVET 


—  314  — 


BREVET 


4.  Qu'est-ce  qu'une  tète  de  face?  —  En  esquis- 
ser une. 

5.  Qu'est-ce  qu'une  tête  de  profil?  —  En  esquis- 
ser une. 

a.  Indiquer  les  principales  proportions  d'une 
tête  de  face. 

7.  De  la  lumière  et  des  ombres  ;  des  reflets. 

8.  Qu'est-ce  qu'un  raccourci? 

9.  Notions  générales  de  perspective. 

10.  Des  objets  emploj'és  pour  le  dessin  d'imita- 
tion. 

H.  Epreuves  orales  de  la  quatrième  série. 

Langues  vivantes  [aspirants  et  mpirantes).  — 
Ordinairement  lecture  d'un  morceau,  traduction  à 
livre  ouvert, questions  grammaticales  sur  ce  morceau, 
conversation  dans  la  langue  clioisie  par  le  can- 
didat. 

I.  Epreuves  écrites  et  orales  spéciales  a  la 

VILLE    DE  PARIS. 

Littérature.  —  1°  Sujets  de  composition  écrite 
donnes  de  1872  à  1878  : 

1872.  —  Analyser  et  apprécier  Y  Art  poétique  de 
Boileau. 

1872.  —  Lettres  de  M"^  de  Sévigné.  —  Après 
avoir  indiqué  l'origine  de  ces  lettres,  les  principaux 
personnages  auxquels  elles  sont  adressées,  on  s'at- 
tachera à  en  faire  ressortir  par  des  analyses  et  des 
citations  le  mérite  littéraire  et  l'intérêt  historique. 
On  en  tirera  notamment  les  faits  propres  à  donner 
une  idée  des  solides  études  et  des  lectures  sérieuses 
par  lesquelles  M"^  de  Sévigné  a  fortifié  son  talent, 
sans  rien  perdre  de  sa  grâce  et  de  son  naturel. 

1873.  —  Montrer  à  l'aide  des  Satires  et  des  Epi- 
tres  les  services  que  Boileau  a  rendus  à  la  litté- 
rature de  son  temp=;. 

ih'iè.  —  L,9  caractère  d'Ipliigénie  dans  les  tra- 
gédies d'Euripide  et  de  Racine. 

1874.  —  La  division  de  la  poésie  en  trois  genres 
principaux  repose-t-elle  sur  des  caractères  naturels 
et  bien  tranchés  ? 

1874.  —  Quels  sont  les  progrès  que  Boileau  a 
fait  f?ire  à  la  littérature  française  en  général,  et 
quels  services  a-t-il  rendus  en  particulier  à  la  lit- 
térature de  son  temps? 

i87ô.  —  Faire  Ihistoire  de  la  querelle  littéraire 
qui  s'est  élevée  à  propos  du  Ci/i  de  Corneille.  Dire 
les  causes  du  mécontentement  du  cardinal  de  Pù- 
chelieu  ;  la  part  qui  lui  revient  dans  la  lutte  et  la 
réponse  de  l'Académie. 

1875.  —  Etudier  et  comparer  dans  Racine  les 
caractères  dAndromaque,  de  Clytemnestre  et  de 
Josabeth. 

1876.  —  Comment  l'amour  paternel  a-t-il  été 
compris  et  traité  dans  les  tragédies  de  P.  Cor- 
neille ? 

1876.  —  Analyser  le  quatrième  chant  de  Y  Art 
poétique  de  Boileau,  et  montrer  comment  et  pour- 
quoi dans  ce  chant  le  poète  français  s'élève  de 
beaucoup  au-dessus  de  V Art  poétique  d.'\ioTcLZ&. 

IWî.  —  Analyser  le  personnage  d'Agrippine  dans 
Bri/amiicus. 

1878.  —Indiquer  d'après  les  Dialogues  sur  l'élo- 
quence et  la  Lettre  sur  les  occupations  de  l'Acadé- 
mie quelles  étaient  les  idées  de  Fénelon  sur  l'art 
oratoire.  B. 

2"  Questio)is  recueillies  à  f examen  oral  de 
littérature. 

Qu'est-ce  que  la  rhétorique  en  général?  Difte- 
rence  entre  la  rhétorique  et  l'éloquence.  Combien 
y  a-t-il  de  genres  en  rhétorique?  Expliquez  le 
genre  démonstratif,  le  genre  délibératif,  le  genre 
judiciaire.  Division  de  la  rhétorique.  Parlez  de  l'in- 
vention et  dos  différentes  parties  qui  composent  le 
discours.  De  l'exorde;  de  la  narration;  de  la  con- 


firmation ;  de  la  réfutation.  Citez  quelques  moyens 
de  réfuter.  Qu'appelle-t-on  sophisme?  Qu'est-ce 
que  la  péroraison?  Quelles  sont  les  qualités  qu'elle 
doit  avoir? 

Qu'entend-on  par  élocution?  Dites  les  qualités 
générales  du  style;  ses  qualités  particulières.  Pour- 
ri uoi  doit- on  tendre  à  devenir  un  peu  littéraire? 
Que  doit-on  faire  pour  que  les  études  littéraires 
élèvent  lame  et  touchent  le  cœur? 

Qu'entend-on  par  les  mœurs  oratoires?  Quelles 
qualités  doit  posséder  l'orateur?  Expliquez  l'im- 
portance de  CCS  qualités.  Combien  y  a-t-il  d'espè- 
ces d'exordes?  Dans  quel  cas  emploie- t-on  l'exorde 
ex  abrupto?  Dans  quel  cas  l'exorde  par  insinua- 
tion? Citez  un  discours  où  Cicéron  y  a  recours, 
ayant  de  grandes  difficultés  à  vaincre  pour  faire 
prévaloir  l'idée  qu'il  présentait.  Parlez  de  l'exorde 
pompeux.  A  quel  genre  convient-il?  Citez-en  des 
exemples. 

Indiquez  l'ordre  des  principaux  chefs-d'œuvre 
littéraires  dans  les  trois  littératures  grecque,  la- 
tine et  française.  Dans  la  littérature  grecque,  in- 
diquez les  principaux  poètes  lyriques,  les  poètes 
épiques.  De  combien  de  siècles  le  genre  lyrique 
a-t-il  précédé  le  genre  épique?  Parlez  de  l'époque 
d'Orphée  et  de  Linus,  de  l'époque  d'Homère.  Quels 
sont  les  principaux  poètes  dramatiques  grecs?  Ci- 
tez quelques  passages  d'Eschyle,  de  Sophocle, 
d'Euripide.  Parlez  des  poètes  comiques  grecs. 
Quelles  sont  les  pièces  d'Aristophane  et  de  Mé- 
nandre  ?  Qtez  les  principaux  orateurs.  Parlez  de 
Démosthènes  et  d'Eschine.  Citez  les  écrivains  qui 
se  sont  distingués  dans  le  genre  philosophique. 
Quels  sont  les  principaux  historiens? 

Comment  s'appelle  le  siècle  où  se  sont  trouves 
réunis  les  plus  grands  écrivains  latins  ?  Quels  sont 
ceux  qui  ont  écrit  dans  le  genre  lyrique?  Parlez- 
nous  de  Cicéron.  Citez  ses  principaux  ouvrages. 
Qu'est-ce  qui  frappe  surtout  dans  les  Tusculanes? 
Dans  quelles  circonstances  cet  ouvrage  a-t-il  été 
composé?  Parlez  de  Pline  le  jeune.  Citez  quelques- 
unes  de  ses  lettres.  Que  dites-vous  de  Sénèque? 
Indiquez  ses  œuvres.  Quels  sont  les  principaux  histo- 
riens latins?  Comparez-les  avec  les  historiensgrecs. 

Quels  sont  les  historiens  français  du  xiii',  du 
xiv"^,  du  xvi^,  du  xvi%  du  xvii"  et  du  xviii'  siècle? 
Quels  sont  les  ouvrages  principaux  de  Rollin?  Indi- 
quez la  division  de  son  Traité  des  études.  Parlez- 
nous  du  poème  épique.  Donnez-en  une  définition 
claire  et  précise.  Quelles  sont  les  conditions  né- 
cessaires pour  écrire  un  poème  épique  ?  Quelle 
forme  lui  donne-t-on?  Quelles  ressources  le  poète 
peut-il  employer?  Quels  sont  les  premiers  ressorts 
de  l'action  épique?  Donnez  quelques  indications 
sur  les  poètes  épiques  chez  les  Grecs,  chez  les  La- 
tins, chez  les  Italiens,  chez  les  Portugais,  chez  les 
Allemands,  chez  les  Français.  La  Heyiriade  peut- 
elle  être  regardée  véritablement  comme  un  poème 
épique  ?  Citez-en  quelques  passages.  N'y  a-t-il  pas 
en  français  une  œuvre  en  prose  à  laquelle  on  pour- 
rait donner  le  titre  de  poème  épique?  Indiquez  les 
morceaux  les  plus  remarquables  du  Télémaque. 

Quels  sont  les  passages  les  plus  remarquables 
de  l'Iliade  ?  Parlez-nous  de  la  visite  de  Priam  à 
Achille  ;  des  adieux  d'Hector  à  Andromaque.  Quel 
est  le  sujet  de  YEnéide'l  Indiquez  les  divisions  de 
ce  poème.  Quels  sont  les  morceaux  qui  frappent  le 
plus  ?  Quel  est  le  combat  particulier  qui  termine 
le  poème?  Parlez  de  la  mort  de  Laocoon.  Cet  épi- 
sode n'a-t-il  pas  été  représenté  par  la  sculpture  ? 
Quel  est  le  sujet  de  YOdi/ssée?  Quels  sont  les  ca- 
ractères à  admirer  dans  ce  poème? 

Définition  du  poème  didactique.  A  quelle  époque 
a-t-il  paru  en  Grèce?  Indiquez  les  conditions  indis- 
pensables pour  qu'il  soit  intéressant  et  instructif. 
Qn'cst-ce  qui  en  fait  le  charme?  Parlez-nous  d'Hé- 
siode. Comment  lui  est  venue  la  pensée  d'écrire 
son  poème?  Quel  Père  de   l'Eglise  engageait  les 


BREVET 


—  315  — 


BULBE 


chrétiens  à  lire  Hésiode  et  Homère?  Analysez  le 
quatrième  livre  des  Géorgiques.  Citez  les  épisodes 
remarquables  de  ce  poème.  Récitez  un  passage 
remarquable  pris  dans  la  poésie  latine. 

D'où  venait  au  xvi'  siècle  l'invasion  du  mauvais 
goût  qui  se  produisit  dans  les  œuvres  littéraires? 
Citez  les  auteurs  et  les  ouvrages  qui  ont  contribué 
à  le  faire  disparaître.  A  quelle  époque  a  paru  VArt 
poétique  de  Boileau?  Quand  ont  paru  les  Précieu- 
ses ridicules  de  Molière  ?  Quelle  influence  cette 
comédie  exerça-t-elle  sur  l'Hôtel  de  Rambouillet? 
Quels  sont  les  auteurs  qui  ont  combattu  le  mau- 
vais goût  dans  la  tribune,  dans  la  chaire  et  dans  le 
barreau  ?  Dans  quel  chapitre  de  la  Bruyère  trouve- 
t-on  ses  critiques  contre  les  orateurs? 

Indiquez  les  œuvres  de  Boileau.  Quelle  définition 
donne-t-il  de  la  satire  ?  Que  remarquez-vous  dans 
ses  satires?  Citez  quelques  satires  morales  et  poli- 
tiques. Parlez-nous  de  la  deuxième  satire.  Quels 
sont  les  prédécesseurs  de  Boileau  dans  ce  genre? 
Quel  modèle  a-t-il  imité  parmi  les  anciens  ?  En 
quoi  consistent  les  satires  d'Horace  ?  Citez-en  quel- 
ques-unes. L'esprit  des  satires  de  Juvénal  est-il  le 
même  que  celui  d'Horace  ?  Qu'est-ce  qui  rempla- 
çait la  satire  chez  les  Grecs  ?  Y  a-t-il  eu  des  sati- 
res politiques  à  Rome  ? 

A  quelle  date  a  été  écrite  par  Fénelon  sa  Lettre  à 
r Académie?  Quel  était  son  titre  primitif?  De  quoi 
traite  la  première  partie  ?  Quand  parut  le  premier 
Dictionnaire  de  l'Académie?  Combien  a-t-il  eu  d'é- 
ditions depuis?  Quelles  ont  été  les  premières  oc- 
cupations de  l'Académie?  Quel  est  le  premier  ou- 
vrage sur  lequel  elle  eut  à  se  prononcer?  Indiquez 
dans  quelles  circonstances.  Quels  dictionnaires 
avaient  précédé  celui  de  TAcadémie  ?  Donnez  à  ce 
sujet  quelques  détails  avec  leurs  dates.  Comment 
s'y  prend-on  pour  enrichir  une  langue  d'après  la 
Lettre  de  Fénelon?  Vers  quelle  époque  s'était  in- 
troduit l'usage  des  mots  composés?  Quels  conseils 
Fénelon  donne-t-il  pour  la  composition  d'une  gram- 
maire? Quel  a  été  le  premier  grammairien  fran- 
çais? Dans  quelle  pièce  de  Molière  son  nom  est-il 
prononcé?  Où  étudiait-on  au  xvii*  siècle  les  règles 
de  détail  pour  connaître  sa  langue? 

Expliquez  la  différence  qu'il  y  a  entre  la  tragédie 
sous  Thespis  et  sous  Eschyle.  Distinction  à  établir 
entre  le  monologue  et  le  dialogue.  Règles  du  mo- 
nologue. Citez  quelques  monologues  célèbres.  Ana- 
lysez le  Ciil.  Analysez  Polyeuctc.  Comment  peut-on 
caractériser  cette  pièce?  Y  a-t-il  eu  des  tragédies 
religieuses  avant  cette  pièce?  Dites-nous  quelques 
mots  sur  les  mystères.  A  quelle  époque  apparurent 
les  Confrères  de  la  Passion  ?  Donnez  quelques  dé- 
tails sur  leurs  représentations.  Quelles  sont  les 
autres  pièces  religieuses  qui  ont  suivi  Polyeucte? 
Indiquez  le  sujet  d'Esther,  le  sujet  d'At/iulie.  Dans 
quelles  circonstances  ces  pièces  ont-elles  été  com- 
posées? 

Indiquez  les  principaux  ouvrages  de  Bossuet. 
Quel  sens  faut-il  attacher  au  titre  :  Discours  sur 
l'histoire  universelle?  Indiquez  les  divisions  de  cet 
ouvrage.  Donnez  l'explication  de  ses  diverses  par- 
ties. Quelle  est  la  partie  la  plus  belle  du  chapitre 
sur  les  empires?  Parlez  de  l'oraison  funèbre  à 
différentes  époques  et  comparez-la  à  celle  de  Bos- 
suet. Y  en  a-t-il  des  exemples  dans  la  littérature 
grecque  et  dans  la  littérature  latine?  En  trouve-ton 
des  modèles  chez  les  Pères  de  l'Eglise?  Parlez  de 
l'ouvrage  :  lo  Connaissance  de  Dieu  et  de  soi- 
même.  A  quelles  sources  Bossuet  a-t-il  puisé  pour 
le  composer  ?  Quel  philosophe,  trente  ans  aupara- 
vant, avait  produit  une  révolution  dans  la  philoso- 
phie? Quel  est  le  principal  ouvrage  de  Descartes? 

Analysez  la  fable  de  la  Fontaine  -.Les  animaux 
malades  de  la  peste.  Montrez  que  ce  petit  chef- 
d'œuvre  renferme  toutes  les  parties  d'un  véritable 
discours,  au  point  de  vue  de  la  rhétori((ue.  Indi- 
quez-en les  beautés.  Citez  quelques  autres   fables 


remarquables.  Quels  ont  été  les  prédécesseurs  de 
la  Fontaine  ?  Y  a-t-il  une  différence  entre  l'apologue 
proprement  dit  et  les  fables  de  la  Fontaine  ?  Qu'é- 
tait l'apologue  dans  l'antiquité  ?  Quel  est  le  carac- 
tère des  apologues  d'Esope"/  Que  dites-vous  des 
fables  de  Phèdre?  Citez  quelques  fabulistes  après 
la  Fontaine.  Analysez  le  Misanthrope  de  Molière. 
Quel  est  le  caractère  du  personnage  principal? 
Quel  caractère  opposé  Molière  a-t-il  placé  auprès 
de  lui? 

Qu'est-ce  que  le  genre  épistolaire?  Peut-on  y 
rattacher  la  correspondance  diplomatique  ?  Quelle 
est  la  signification  du  mot  épistolaire?  Quelle  est 
l'expression  qui  lui  correspond  directement  ? 
Quelles  sont  les  qualités  du  style  épistolaire?  Les 
Grecs  ont  ils  laissé  des  recueils  de  lettres?  Les 
I  atins  offrent-ils  des  modèles  du  genre  épistolaire? 
Quel  est  le  caractère  des  lettres  de  Cicéron'r'  Par- 
lez-nous des  lettres  de  Pline  le  Jeune.  Quels  sont 
les  auteurs  français  qui  se  sont  distingués  dans  le 
genre  épistolaire  ?  Parlez-nous  des  lettres  de  Voi- 
ture. Quel  défaut  peut  on  leur  reprocher?  Citez 
une  de  ses  lettres.  Donnez  quelques  citations  de 
Balzac.  Quel  est  le  grand  mérite  de  madame  de 
Sévigiié  ?  Quels  avaient  été  ses  maîtres  et  vers 
quel  but  ses  études  avaient-elles  été  dirigées?  Ci- 
tez quelques-unes  de  ses  plus  belles  lettres. 

[G.  Bovier-Lapierre.] 

BULBID.  — Botanique,  'VI.  ^ — (Etym.rdu  grec 
bolbos,  oignon .  —  Bulbe  est,  dit  M.  Littré,  fémi- 
nin en  botanique  et  masculin  dans  le  langage  ana- 
tomique;  plusieurs  le  font  aussi  masculin  en  bo- 
tanique.) —  Les  bulbes  ou  oignons  sont  des  tiges 
souterraines  globuleuses  analogues  aux  rhizomes, 
mais  se  détachant  du  végétal  qui  les  produit  pour 
vivre  librement  :  après  avoir  nourri  de  leur  propre 
substance  le  bourgeon  qu'ils  portent,  les  bulbes 
poussent  dans  le  sol  des  racines  remplissant  les 
fonctions  ordinaires  de  ces  organes.  D'un  bulbe 
naît  donc  toujours  un  végétal  complet  et  qui  non- 
seulement  donne  lui-même  des  bulbes  sous  terre, 
mais  se  reproduit  aussi  par  des  graines.  Quelques 
botanistes  considèrent  les  oignons  comme  des  bour- 
geons :  nous  expliquerons  tout  à  l'heure  pourquoi 
nous  les  regardons  comme  des  tiges.  Toutes  les 
plantes  bulbeuses  sont  monocotylédonées  et  ap- 
partiennent à  un  nombre  très  restreint  de  famil- 
les dans  chacune  desquelles  les  végétaux  ne  pro- 
duisent cependant  pas  tous  d'oignons. 

Un  bulbe  se  compose  toujours  de  trois  parties 
bien  distinctes  :  1°  le  plateau,  qui  représente  la 
tige  ;  2°  les  écailles,  ou  feuilles  modifiées  qui  sont 
insérées  autour  du  plateau  ;  3"  les  racines,  qui  pous- 
sent au-dessous  du  plateau.  C'est  de  la  partie  cen- 
trale du  plateau  que  s'élèvera  un  bourgeon  mixte, 
ou  donnant  des  feuilles  et  un  axe  florifère,  lequel 
axe  se  nourrira  en  absorbant  les  sucs  nutritifs  emma- 
gasinés et  dans  le  plateau  et  dans  les  écailles.  Il 
suffira  pour  cela  que  le  bulbe  puisse  absorber  de 
l'eau  ;  c'est  ainsi  qu'un  oignon  de  jacinthe,  par 
exemple,  en  contact  avec  de  l'eau  par  la  face  infé- 
rieure de  son  plateau  seulement,  peut  se  transfor- 
mer en  une  plante  qui  croît  et  fleurit;  on  voit  au- 
dessous  du  plateau  que  de  nombreuses  racines  ont 
poussé  et,  par  conséquent,  le  végétal  a  trouvé  en 
lui-même  et  non  dans  la  terre  do  quoi  suffire  à  son 
entretien.  Le  bulbe  est  donc  comme  le  tubercule  de 
la  pomme  de  terre,  un  réservoir  de  substance  nu- 
tritive, et  cette  substance  est  surtout  riche  en  fé- 
cule. C'est  ce  qui  explique  qu'un  certain  nombre 
d'oignons,  comme  l'oignon  ordinaire,  l'ail,  l'écha- 
lotte,  etc.,  sont  comestibles  ;  beaucoup  de  bulbes 
aussi  sont  des  réservoirs  de  substances  médica- 
menteuses :  c'est  le  cas  du  colchique. 

On  distingue  trois  formes  de  bulbes  différentes  : 
1°  le  bulbe  écailleux;  2°  le  bulbe  tunique;  3»  le 
bidbc  nleiji. 

Le  nulbe  écailleux  (ex.  lis)  se  compose  d'un  pla- 


CADASTRE 


—  3!G  — 


CADASTRE 


teau  en  forme  de  tronc  de  cône,  sur  lequel  s'insè- 
rent des  écailles  imbriquées. 

Dans  le  bulbe  tunique  {g\.  jacinthe)  les  écailles 
sont  larges  et  se  recouvrent  sur  une  plus  grande 
étendue  ;  même  chez  quelques-uns,  il  y  a  emboîte- 
ment apparent  de  ces  appendices. 

Enfin  le  bulbe  plein  (ex.  safran)  est  celui  dans 
lequel  le  plateau  prend  un  grand  développement, 
tandis  que  les  écailles  sont  moins  nombreuses  et 
moins  grandes. 

Les  bulbes  peuvent  être  simples  ou  composés  ; 
dans  le  premier  cas,  ils  ont  un  plateau  simple 
supportant  un  seul  système  d'écaillés  ;  mais  s"ils 
sont  formés  de  plusieurs  bulbes  réunis  et  plus  ou 
moins  agrégés  {ail),  ils  sont  dits  composés. 

Les  oignons  se  reproduisent  tous  les  ans  ;  ils 
naissent  sous   le  nom  de  caîeux,  à  l'aisselle    des 


écailles  dun  bulbe  en  végétation,  comme  lés  bour- 
geons naissent  à  l'aisselle  des  feuilles  vraies  chez 
les  plantes  monocotylédonées  et  dicotylédonées  ; 
doue,  ce  plateau  qui  supporte  des  appendices 
correspondant  aux  leuilles,  du  centre  duquel  s'é- 
lance un  axe  florifère  et  qui  supporte  des  feuil- 
les vraies,  est  bien  une  tige.  Les  caîeux  détachés 
de  la  plante  mère  se  comporteront  comme  tous  les 
bulbes  ;  quant  à  celui  dont  ils  sont  issus,  lorsque 
la  branche  fleurie  et  les  feuilles  qu'il  a  nourries 
pendant  une  saison  seront  fanées  et  tombées,  il 
se  gorgera  de  nouveaux  sucs  pour  les  besoins 
de  l'axe  et  des  feuilles  qui  pousseront  au  prin- 
temps suivant,  de  sorte  que  les  plantes  bulbeuses 
sont  vivaces,  bien  que  leurs  organes  extérieurs 
disparaissent  annuellement.    [G.  Philippon.^ 


c 


CADASTRE.  —  Connaissances  usuelles ,  VII  ; 
Géographie  de  la  France,  VI.  —  {Eli/m.  :  dérivé  par 
l'espagnol  et  l'italien  d'un  mot  du  bas  latin,  capiias- 
irutn,  registre  pour  l'impôt  par  tète  ou  capitation). 
—  Ensemble  des  opérations  qui  ont  pour  but  de 
déterminer  la  superficie  des  propriétés  foncières  bâ- 
ties ou  non,  d'apprécier  la  qualité  productive  des  ter- 
res et  d'évaluer  leur  revenu  net,  afin  d'asseoir  d'une 
manière  équitable  la  répartition  de  l'impôt  terri- 
torial ou  impôt  foncier  entre  tous  les  j)ropriétaires 
d'un  même  pays.  Le  résultat  définitif  de  ces  opéra- 
tions prend  également  le  nom  de  cadastre. 

Le  cadastre,  en  France,  ne  date  que  de  1807. 
Avant  la  Révolution  les  abbayes  et  les  seigneurs 
féodaux,  possesseurs  de  la  majeure  partie  du  sol, 
•avaient  déjà  fait  établir,  sous  les  noms  de  Fouillés 
ou  de  Terriers,  des  descriptions  particulières  de 
leurs  terres  ou  domaines,  afin  de  régler  les  charges 
de  leurs  tenanciers  ;  mais  le  principe  d'un  cadastre 
général  des  propriétés  imposables  ne  date  que 
•du  1"  décembre  1790.  Etabli  d'abord  sur  des  éva- 
luations approximatives  du  comité  des  impositions 
■foncières,  puis  sur  la  simple  déclaration  des  pro- 
ïpriétaires  de  biens-fonds,  le  cadastre  ne  remplis- 
sait qu'imparfaitement  le  but  qu'on  se  proposait 
■d'atteindre.  La  loi  du  15  septembre  1807  décida 
qu'on  procéderait  au  moyen  de  mesures  géomé- 
triques, et  les  opérations  commencèrent  des  1808 
sur  la  plus  grande  partie  du  territoire  français. 

Les  opérations  cadastrales,  pour  un  territoire 
aussi  étendu  que  la  France,  ne  peuvent  avoir 
d'exactitude,  qu'autant  qu'elles  sont  appuyées  sur 
une  bonne  géodésie.  Mais  à  l'époque  où  elles  fu- 
rent entreprises,  la  science  géodésique  était  encore 
dans  l'enfance  et  la  grande  triangulation  de  Cassini, 
de  Thury,  qu=  servit  de  base  à  la  carte  de  France 
■dite  de  l'Acaacmie,  était  elle-même  trop  imparfaite 
;pour  qu'on  pût  l'utiliser  en  vue  de  levés  de  préci- 
:sion  à  très  grande  échelle  comme  sont  les  levés 
cadastraux.  On  se  décida  donc  à  établir  pour  cha- 
que canton  en  particulier  une  triangulation  ap- 
puyée sur  une  base  de  départ  mesurée  avec  soin, 
€t  l'on  détermina  ainsi  sur  la  surface  du  canton 
■un  nombre  de  points  trigonométriques  assez 
grand  pour  assurer  l'exécution  des  levés  de  détail, 
•qui  furent  faits  séparément  dans  chaque  commune. 
En  1818,  dès  que  1  exécution  de  la  nouvelle 
carte  topographique  de  la  France  fut  décidée, 
on  arrêta  que  les  opérations  qu'elle  nécessiterait 
seraient  combinées  avec  celle  du  cadastre  général 
et  que  la  géodésie  du  V^  et  du  2*  ordre,  confiée 
au  Dépôt  de  la  querre,  fournirait  les  bases  de 
départ  qui  devaient  servir  au  cadastre  pour  établir 
ses  triangulations  cantonales  et  préparer  les  levés 


de  aetail  des  communes  non  encore  cadastrées. 
Le  Dépôt  de  la  guerre  devait  de  son  côté  utiliser 
les  levés  du  cadastre  pour  la  planimétrie  de  la 
grande  carte  de  France.  Ces  conventions  ne  furent 
f|u'imparfaitenient  remplies  de  part  et  d'autre, 
et  les  géomètres  du  cadastre  continuèrent  comme 
par  le  passé  à.  exécuter  leurs  triangulations  sans 
se  préoccuper  de  la  géodésie  du  Dépôt  de  la 
guerre.  Peut-être  ne  purent-ils  recevoir  à  temps 
les  éléments  géodésiques  sur  lesquels  devaient 
s'appuyer  leurs  travau.\,  dont  rien  ne  devait  ralen- 
tir la  marche. 

Dans  cli;H|iie  département  un  géomètre  en  chef 
dirigeait  1  (Miscmble  des  opérations.  Sous  ses  ordres, 
des  géomèinîs  de  1"-'  et  de  2''  classe  étaient  chargés 
des  triangulations  cantonales;  ils  surveillaient 
l'exécution  des  levés  dans  chaque  commune,  et 
vérifiaient  les  calculs  déterminant  la  superficie  de 
chaque  propriété.  Une  commission  composée  des 
principaux  propriétaires  de  la  commune  fixait, 
d'après  la  nature  du  sol,  la  classe  dans  laquelle 
devait  être  rangée  chaque  parcelle  de  terrain. 

Tout  les  ans  les  dépenses  relatives  à  l'exécution 
du  cadastre  étaient  inscrites  au  budget  pour  une 
somme  variable,  qui  monta  parfois  jusqu'à  deux 
minions,  tant  pour  les  frais  à  la  charge  de  l'Etat 
que  pour  ceux  à  la  charge  des  départements. 

Le  cadastre  fut  entièrement  achevé  en  1858, 
pour  la  partie  continentale  de  la  Fiance  Les  opé- 
rations n'ont  été  commencées  en  Corse  qu'on  1843; 
elles  ne  sont  pas  encore  terminées  ;  dans  les 
communes  non  cadastrées  on  continue  à  se  servir 
du  plan  terrier  de  Corse,  exécuté  do  177. i  ;'i  1791. 
Les  levés  du  cadastre  commencés  en  isfil  dans 
les  deux  départements  nouvellement  annexés  de 
la  Savoie  et  de  la  Haute-Savoie,  ainsi  que  dans  la 
])artie  du  département  des  Alpes-maritimes,  qui 
formait  l'ancien  comté  de  Nice,  sont  actuellement 
en  cours  d'exécution.  Ils  ont  été  entrepris  pour 
l'Algérie  dès  1842  et  se  continuent  régulièrement 
sur  toute  l'étendue  du  territoii-e  soumis  à  l'autorité 
civile. 

Conformément  aux  dispositions  de  la  loi  du 
7  août  1850,  toute  commune  cadastrée  depui? 
plus  de  30  ans  peut  obtenir  la  révision  de  son 
cadastre  sur  la  demande  motivée  du  conseil  muni- 
cipal, approuvée  par  le  Conseil  général  du  dépar- 
tement. 

Le  cadastre  d'une  commune  comprend  deux  do- 
cuments qui  se  complètent  l'un  par  l'autre,  sayoir  : 
la  matrice  cadastrale  et  les  plans  parcellaires.  La 
matrice  cadastrale  est  le  registre  d'après  lequel 
est  établi  le  rôle  des  contributions  foncières;  les 
plans  parcellaires  forment  l'ensemble  des  levés  du 


CADRAN  SOLAIRE 


—  317  — 


CADRAN  SOLAIRE 


cadastre.  On  a  divisé  le  territoire  de  la  commune 
en  un  certain  nombre  de  sections  à  chacune  des- 
quelles a  été  affectée  une  des  lettres  de  lalphabet, 
et  qui  sont  toutes  représentées  par  un  plan  parti- 
culier ou  parcellaire  ;  sur  chaque  plan  de  section 
on  a  numéroté  chaque  parcelle  de  terrain  impo- 
sable, en  suivant  la  série  naturelle  des  nombres  et 
dans  un  ordre  assez  régulier  pour  faciliter  les 
recherches.  Le  registre, divisé  en  un  certain  nom- 
bre de  colonnes,  présente  pour  chaque  section  la 
série  des  nombres  indiquant  les  parcelles  correspon- 
dantes du  parcellaire  et  donne  pour  chacune  d'elles 
le  nom  du  propriétaire,  la  nature  de  la  culture, 
la  contenance  évaluée  en  hectares  et  en  ares,  la 
classe  dans  laquelle  elle  a  été  rangée  d'après  le 
degré  de  fertilité  du  sol  et  enfin  la  cote  des  con- 
tributions qui  lui  est  applicable  en  raison  de  la 
classe  à  laquelle  elle  appartient. 

Les  plans  parcellaires  ont  été  levés  à  des  échel- 
lesvariables.j^,  j~,  g^,  suivant  que  le  sol 
est  plus  on  moins  divisé.  Ainsi,  les  sections  qui 
comprennent  les  villages,  les  hameaux  et  leurs 
environs,  où  le  morcellement  de  la  propriété  at- 
teint les  dernières  limites,  sont  ordinairement  a 
l'échelle  de  j^;  au  contraire,  les  grandes  éten- 
dues de  terrain  boisées,  incultes,  ou  seulement 
réservées  au  pâturage,  ont  été  levées  à  ^^-  Tous 
les  plans  de  sections  d'une  môme  commune,  ré- 
duits à  une  même  échelle,  le  jô^  généralement, 
quelquefois  le  j^,  plus  rarement  le  ^^  ou 
le  4Ô0ÏÏÛ'  suivant  que  le  territoire  est  plus  ou  moins 
étendu,  sont  assemblés  sur  une  même  feuille  qui 
porte  le  nom  de  plan  d'assemblage,  et  forment 
une  carte  générale  de  la  commune,  où  sont  repré- 
sentés tous  les  chemins,  les  cours  d'eau,  les  con- 
structions de  toute  espèce  et  où,  presque  tou- 
jours, les  cultures  différentes,  massées  d'après 
leur  nature, sont  indiquées  par  des  lettres  initiales  : 
T,  terres  labourables;  V,  vignes ;P,  prés;  etc.  Sur 
quelques  plans  d'assemblage,  on  a  même  figuré  le 
relief  du  terrain  au  moyen  de  teintes  à  l'encre  de 
Chine,  indiquant  par  leur  intensité,  l'inclinaison 
plus  ou  moins  grande  des  pentes.  De  même  que 
pour  tous  les  plans  topographiques  manuscrits, 
les  eaux  sont  représentées  sur  les  plans  cadastraux 
par  la  couleur  bleue,  les  constructions  par  le  car- 
min, les  chemins  et  les  limites  de  culture  par  le 
noir.  Le  plan  d'assemblage  est  généralement 
orienté  ;  3n  y  a  indiqué  à  cet  effet  la  trace  du  mé- 
ridien qui  passe  par  un  des  points  les  plus  remar- 
quables de  la  commune,  le  clocher  de  l'église 
par  exemple;  mais  cette  orientation  n'est  souvent 
qu'approximative . 

Le  cadastre  de  chaque  commune  est  établi  en 
deux  expéditions,  dont  l'une  reste  à  la  mairie, 
l'autre  se  trouve  au  chef-lieu  du  département, 
dans  les  bureaux  de  la  direction  des  contributions 
directes. 

La  plupart  des  États  de  l'Europe  ont  exécuté 
leur  cadastre  ;  quelques-uns  même  ont  précédé  la 
France  dans  cette  voie.  Le  cadastre  de  Suède  a  été 
commencé  sous  le  grand  Gustave  vers  le  milieu 
du  xviie  siècle,  celui  de  la  Prusse  à  la  fin  du 
xviiie  siècle.  En  Angleterre,  les  plans  de  paroisse 
^®^^^  ^  ïiôô  ^•^"^  ^'^  véritables  parcellaires  qui, 
reproduits  par  la  gravure^  sont  livrés  à  la  publi- 
cité accompagnés  de  cahiers  indiquant  les  super- 
ficies des  propriétés. 

Les  levés  cadastraux  fournissent  généralement 
la  base  de  la  planiinétrie  des  Cartes  d'Etat-ma- 
Jo>:  [Ed.  Rouby.] 

CADUAN  SOLAIRE.  —Cosmographie, XII  ;  Con- 
naissances usuelles,  VIII.—  Instrument  construit 
pour  donner  l'heure  d'un  pays  d'après  la  position 
Uu  soleil  sur  l'horizon. 

Nous  ayons  dit  à  ce  mot,  dans  la  I"  Partie,  pourquoi 


nous  croyons  utile  d'exercer  les  élèves-maîtres  à  la 
construction  de  ces  appareils  dans  leur  forme  la 
plus  simple  et  la  plus  rudimentaire.  Les  enfants 
des  écoles  y  trouveront  une  distraction  instructive 
et  la  meilleure  occasion  de  revoir  quelques-unes 
des  notions  les  plus  élémentaires  de  cosmographie, 
de  géographie  et  de  géométrie. 

Le  cadran  solaire  le  plus  simple  est  celui  qui 
indique  seulement  midi.  Il  a  reçu  le  nom  de  gno- 
mon.  Sous  sa  forme  la  plus  ordinaire,  il  consiste  en 
une  tige  bien  verticale  placée  sur  un  terrain  bien 
horizontal    ou  sur  une  plaque  ayant  cette  direction. 

Tout  le  monde  sait  que  midi  est  l'instant  de  la 
journée  où  le  soleil  est  le  plus  élevé  au-dessus  de 
l'horizon,  et  par  conséquent  celui  où  l'ombre  d'un 
objet  a  le  moins  de  longueur.  On  sait  aussi  qu'à 
égale  distance  de  midi,  à  8  heures  du  matin  et  à 
4  heures  du  soir,  par  exemple,  l'ombre  du  même 
objet,  à  l'ouest  la  première  fois,  à  l'est  la  seconde, 
a  la  même  longueur.  Il  est  donc  facile,  du  pied  de 
la  tige  comme  centre,  de  décrire  plusieurs  circon- 
férences concentriques  de  rayons  assez  grands  pour 
qu'à  midi  l'ombre  de  la  tige  soit  tout  entière  dans 
la  plus  petite  circonférence  et  assez  petits  pour 
que  le  matin  et  le  soir,  l'extrémité  de  l'ombre  de 
la  tige  soit  en  dehors  de  la  plus  grande  circonfé- 
rence. 

Cela  fait,  il  suffit  de  marquer  avec  soin,  le  matin, 
le  point  où  l'extrémité  de  l'ombre  est  sur  une  cir- 
conférence pour  rentrer  à  l'intérieur  et  le  soir,  le 
point  où  cette  extrémité  se  retrouve  sur  la  même 
circonférence,  pour  en  sortir.  On  partage  en  deux 
parties  égales  l'arc  de  circonférence  compris  entre 
ces  deux  points  et  en  joignant  le  pied  de  la  tige  au 
milieu  de  l'arc,  on  a  la  direction  que  doit  avoir 
l'ombre  de  la  tige  à  midi.  Si  l'on  a  fait  la  même 
opération  sur  plusieurs  circonférences,  on  aura  ob- 
tenu chaque  fois  la  même  ligne,  ce  qui  prouvera 
qu'on  a  bien  opéré.  Il  faut  faire  ce  travail  aux  en- 
virons du  21  juin  ou  du  21  décembre,  parce  que  si 
on  le  faisait  à  une  autre  époque  de  l'année,  le  soleil 
ne  restant  pas  pendant  toute  la  durée  du  jour  à  la 
même  hauteur  dans  le  ciel,  il  en  résulterait  une 
petite  erreur  pouvant  atteindre  une  demi-minute. 

Une  fois  ainsi  établi,  le  gnomon  est  installé  pour 
toujours  et  chaque  fois  que  l'ombre  de  la  tige  re- 
viendra à  la  place  marquée  pour  midi,  il  sera  midi 
du  soleil  ou  midi  vrai.  Il  n'en  résulte  pas  que  l'on 
pourra  régler  sa  montre  et  lui  faire  marquer  midi 
chaque  fois  que  l'ombre  de  la  tige  indiquera  midi 
pour  que  la  montre  soit  juste;  ce  serait  fatiguer  la 
montre  inutilement,  et  il  peut  y  avoir  jusqu'à  16- 
minutes  de  différence  entre  midi  de  la  montre  et 
midi  du  soleil.  La  montre  est  obligée  de  marcher 
régulièrement  et  de  mettre  toujours  le  même  temps 
d'un  midi  au  midi  suivant  pour  être  une  bonne 
montre,  tandis  que  la  terre  ne  marche  pas  régu- 
lièrement pour  ramener  les  midis  successifs  à  des 
intervalles  égaux.  Il  faudrait  pour  cela  que  la  terre 
décrivît  une  circonférence  exacte  autour  du  soleil 
au  lieu  d'une  ellipse,  qu'elle  décrivît  cette  circon- 
férence d'un  mouvement  uniforme  au  lieu  d'aller 
plus  vite  en  hiver  et  moins  vite  en  été,  et  que  cette 
circonférence  fût  dans  le  plan  de  l'équateur  de  la 
terre  au  lieu  d'être  inclinée  de  23  degrés  et  demi 
sur  cet  équatcur  comme  cela  a  lieu.  Le  midi  des 
montres  et  des  horloges  est  le  midi  calculé  pour 
une  terre  iaiaginaire  qui  remplirait  les  conditions 
((ue  nous  venons  d'indiquer. 

A  notre  époque,  quand  le  cadran  solaire  marque 
midi,  une  bonne  montre,  pour  être  et  pour  rester 
juste,  doit  marquer  : 

Le  1  janvier,  midi  4  minutes.  —  le  8,  midi  T,  — 
le  16,  midi  10,  —  le  22,  midi  r>,  _  le  27,  midi  13, 
—  le  2  février,  midi  14, —  le  il,  midi  14  minutes 
et  demie,  —  le  2G,  midi  1-3,  —  le  8  mars,  midi  11, 
le  15,  midi  9,  —  le  22,  midi  7,  —  le  4  avril,  midi  3, 
le  11,  midi  1,  —  le  15,  midi  juste,  —  le  24,  onze 


CADRAN  SOLAIRE       —  318  — 


CAFE 


heures  58,  —  le  1  mai,  onze  lieures  57,  —  le  là, 
onze  heures  56  minutes  9  secondes,  —  le  28,  onze 
heures  57,  —  le  4  juin,  onze  heures  58,  —  le  t4, 
midi  juste,  —  le  28,  midi  3  minutes,  —  le  lO  juil- 
let, midi  5,  —  le  19,  midi  6,  —  le  28,  midi  6  mi- 
nutes 15  secondes.  —  le  2  août,  midi  6, —  le  II, 
midi  5,  —  le  21,  midi  3,  —  le  l  septembre,  midi 
juste,  —  le  7,  onze  heures  58,  —  le  13,  onze 
heures  5G,  —  le  18,  onze  heures  54,  —  le  24,  onze 
heures  52,  —  le  30,  onze  heures  ôO,  —  le  6  octo- 
bre, onze  heures  48,  —  le  14,  onze  heures  46,  — 
16  27,  onze  heures  44,  —  le  3  novembre,  onze  heures 
43  minutes  41  secondes,  —  le  10,  onze  heures  44, 

—  le  21,  onze  heures  4G,  —  le  21,  onze  heures  48, 

—  le  3  décembre,  onze  heures  50,  —  le  8,  onze 
heures  52,  —  le  12,  onze  heures  54,  —  le  16,  onze 
heures  56,  —  le  20,  onze  heures  58,  —  le  24,  midi 
juste,  —  le  20,  midi  3  minutes. 

Maintenant  que  les  chemins  de  fer  sillonnent  la 
terre  et  que  leurs  horloges,  dans  un  pays,  mar- 
quent toutes  la  même  heure,  celle  de  Paris,  par 
exemple,  en  France,  nous  conseillons  de  s'en  servir 
pour  établir  le  gnomon.  On  prendra,  à  la  gare  la 
plus  voisine,  l'heure  de  Paris  avec  une  bonne  mon- 
tre, on  se  procurera  la  longitude  du  lieu  où  l'on 
veut  établir  le  gnomon,  on  calculera,  à  raison  de 
4  minutes  pour  un  degré  et  de  4  secondes  pour 
une  minute,  la  différence  d'heure  entre  Paris  et  le 
lieu  en  question,  et  on  ajoutera  cette  différence  à 
l'heure  de  la  gare  si  on  se  trouve  à  l'est  de  Paris, 
on  l'en  retranchera  si  on  est  à  l'ouest.  Avec  la 
montre,  un  des  jours  que  nous  venons  d'indiquer 
à  l'alinéa  précédent,  et  à  l'heure  que  doit  marquer 
la  montre  à  midi  du  soleil,  on  tracera  la  ligne 
d'ombre  d'une  tige  verticale  et  le  gnomon  sera  établi. 

On  peut  encore  placer  au  sommet  de  la  tige  une 
plaque  métallique  percée  d'une  fente,  à  condition 
que  cette  fente  soit  bien  dans  l'axe  de  la  tige.  Le 
rayon  de  soleil  qui  passe  par  la  fente  se  distinguera 
bien  mieux  sur  le  sol  au  mineu  de  1  ombre  de  la 
plaque  que  l'ombre  de  la  tige  qui  a  toujours  une  cer- 
taine épaisseur  et  apporte  de  l'indécision  dans  l'éva- 
luation de  l'heure. 

Mais  on  n'a  ainsi  qu'un  cadran  solaire  qui  marque 
midi  seulement.  Il  est  vrai  que  l'usage  des  montres 
et  des  horloges  est  aujourd'hui  si  répandu  que  c'est 
là  le  seul  cadran  solaire  nécessaire  et  vraiment 
utile  en  ce  sons  qu'il  suffit,  pour  régler  les  hor- 
loges d'un  lieu,  de  venir  le  consulter  un  des  jours 
indiqués  plus  haut,  et  de  voir  si  les  horloges  ou 
une  montre  marquent  bien  l'heure  dite  au  moment 
où  le  gnomon  marque  le  midi  du  soleil. 

En  établissant,  en  face  de  la  direction  de  la 
fente  dont  nous  avons  parlé,  sur  la  ligne  de  midi, 
un  petit  canon,  et  en  plaçant  au-dessus  de  la  lu- 
mière du  canon  une  lentille  biconvexe  ayant  son 
foyer  à  cette  lumière  où  on  laissera  quelques  grains 
de  poudre  après  avoir  chargé  le  canon,  on  aura  le 
nec  plus  ultra  du  genre. 

Si  l'on  veut  avoir  un  cadran  qui  donne  toutes 
les  heures  de  la  journée  au  lieu  de  donner  seule- 
ment midi,  il  faudrait  clsoisir  entre  les  différents 
cadrans  perfectionnés,  mais  qui  demandent  des 
connaissances  scientifiques  supérieures  au  niveau 
de  l'enseignement  primaire.  Nous  nous  bornerons 
à  indiquer  la  construction  du  Cadran  t':quatorial. 

On  disposera  une  tige  rigide  parallèlement  à 
l'axe  de  la  terre:  Pour  cela,  il  suffira  d'avoir  la  di- 
rection du  méridien  sur  iin  plan  horizontal  donnée 
par  l'ombre  du  gnomon  à  midi,  et  d'incliner  la  tige 
en  question  sur  cette  direction,  du  cùté  du  nord, 
d'un  angle  égal  à,  la  latitude  du  lieu  où  l'on  est, 
soit  48  degrés  ôO  minutes  pour  Paris.  On  fixera, 
en  un  point  de  cette  tige,  une  plaque  de  métal  bien 
dressée,  perpendiculairement  :'i  la  direction  de  cette 
tige  et  le  cadran  équatorial  sera  tout  prêt  à  être 
gradué.  Comme  on  le  voit,  l'établissement  préalable 
d'un  gnomon  est  toujours  indiqué. 


Le  long  de  l'ombre  de  lu  tige  sur  la  plaque,  au 
moment  où  l'ombre  du  gnomon  annoncera  midi, 
on  tracera  une  ligne  avec  un  pinceau  imprégné  de 
couleur  ou  partout  autre  moyen,  et  on  aura,  sur 
le  cadran  équatorial,  la  ligne  de  midi.  La  distance 
qui  sépare  la  tige  du  cadran  équatorial  de  l'axe 
autour  duquel  la  terre  tourne  sur  elle-même  en 
24  heures  doit  être  comptée  pour  rien  relativement 
à  la  distance  qui  nous  sépare  du  soleil,  et  la  dis- 
tance entre  la  plaque  perpendiculaire  à  cette  tige 
et  l'équateur  terrestre  auquel  la  plaque  est  paral- 
lèle, pour  rien  encore,  en  sorte  que,  pour  cette  opé- 
ration, notre  tige  sera  l'axe,  et  notre  plaque,  l'é- 
quateur terrestre,  ce  qui  a  valu  à  l'instrument  ainsi 
disposé  le  nom  de  cadran  équatorial.  Dès  lors, 
de  même  que  l'équateur  de  la  terre  tourne  régu- 
lièrement de  360  degrés  en  24  heures  ou  de  15 
degrés  par  heure,  notre  plaque  va  tourner  de  la 
même  manière.  Si  donc  on  trace,  de  15  en  15  degrés 
à  partir  de  la  ligne  de  midi,  d'autres  lignes  partant 
du  point  de  rencontre  de  la  plaque  et  de  la  tige, 
le  cadran  équatorial  sera  gradué  d'heure  en  heure. 
Cette  graduation  doit  être  exécutée  sur  les  deux 
faces  de  la  plaque,  car,  dans  nos  climats,  du  21 
mars  au  22  septembre,  le  soleil  éclairera  la  plaque 
par-dessus,  et  du  22  septembre  au  21  mars  sui- 
vant, la  plaque  sera  éclairée  par-dessous. 

^  [Joseph  'V^inot.] 

CAFE.  —  Hygiène,  XII.  —  Le  café  est  la  graino 
du  caféier,  grand  arbrisseau  de  la  famille  de? 
Ruhiacées  *.  Il  y  a  plusieurs  espèces  de  caféiers 
mais  une  seule  produit  les  graines  dont  l'usage 
s'est  répandu  dans  tout  le  monde  civilisé,  c'est  le 
caféier  d'Arabie  (Co/fea  arabica  de  Linné).  Il  peut 
atteindre  de  G  à  7  mètres,  mais  dans  les  cultures 
on  ne  lui  laisse  pas  prendre  ces  proportions  qui 
rendraient  difficile  la  récolte.  Les  feuilles  sont 
opposées,  persistantes,  d'un  beau  vert.  Les  fleurs, 
disposées  par  bouquets  aux  aisselles  des  feuilles, 
ressemblent  en  petit  à  celles  du  jasmin  ;  elles  sont 
blanches  et  répandent  une  odeur  agréable.  La 
floraison  dure  presque  toute  l'année,  de  sorte  que 
l'on  trouve  sur  le  môme  arbre  des  rameaux  fleui'is 
et  d'autres  charges  de  fruits  à  tous  degrés  de  ma- 
turité. * 

Le  fruit  est  une  baie  semblable  à  une  petite 
cerise  ;  verte  d'abord,  elle  devient  jaune,  puis 
rouge,  et  enfin  brune  à  l'époque  de  sa  complète 
maturité.  Le  noyau  est  divisé  en  deux  loges  tapis- 
sées d'une  membrane  coriace  qui  renferment  cha- 
cune une  graine  bombée  du  côté  externe,  aplatie 
et  marquée  d'une  rainure  du  côté  interne. 

On  croit  que  ce  caféier,  originaire  de  la  haute 
Ethiopie,  fut  transporté  en  Arabie  vers  le  xv*  siècle. 
Le  calé  le  plus  estime  est  celui  qui  croît  aux  envi- 
rons de  Moka,  sur  la  côte  de  la  mer  Rouge. 

L'usage  du  café  se  répandit  assez  rapidement  en 
Orient  :  on  le  connaissait  à  Constantinople  en 
I5.')U.  En  France,  Louis  XIV  fut  le  premier  à  en 
boire. 

Les  Hollandais  firent  planter  le  caféier  dans  leurs 
colonies  dès  1690.  En  1714  le  capitaine  Desclieux 
fut  chargé  de  l'introduire  à  la  Martinique.  Il  n'avait 
que  trois  jeunes  plants.  Deux  moururent  pendant 
la  longue  traversée,  et  le  troisième  ne  fut  sauvé 
que  grâce  au  dévouement  du  capitaine  qui  partagea 
sa  ration  d'eau  avec  la  plante  pour  mener  à  bonne 
fin  sa  mission. 

Le  café  a  été  sérieusement  étudié,  depuis  quel- 
ques années,  au  point  de  vue  de  l'hj^giène.  Et  on 
est  revenu  de  beaucoup  d'exagérations  pour  ou 
contre  l'usage  du  café. 

On  a  cru,  il  y  a  quelque  temps,  découvrir  dans 
le  café  la  propriété  de  retarder  l'usure  du  corps, 
de  sorte  que,  par  son  usage,  on  pouvait  accomplir 
un  surcroît  de  travail  :  ce  n'était  plus  une  boisson, 
mais  un  aliment  de  premier  ordre.  IMalheureuse- 
ment  il  n'en  est  pas  ainsi;  le  café  est  un  excitant 


CAISSE  D'EPARGNE 


319  —       CAISSE  D'ÉPARGNE 


et  dire  que,  sous  soa  influence,  l'homme  fournit 
une  tâche  extraordinaire,  équivaut  à.  dire  que  le 
fouet  et  l'éperon  peuvent  remplacer  une  partie 
de  la  ration  de  foin  et  d'avoine  pour  le  cheval  de 
travail.  ,-    -  .    x 

Les  substances  assimilables  que  le  café  cède  à 
l'eau  ne  jouissent,  comme  aliment,  d'aucune  vertu 
spéciale,  mais  elles  constituent  20  «/q  de  son  poids 
et  l'une  d'elles,  la  caféine,  est  fortement  azotée,  de 
sorte  quune  tasse  ordinaire  de  café  noir  équivaut, 
comme  aliment,  à  4  ou  .i  grammes  de  pain.  Xotons 
d'ailleurs  que,  dans  cette  proportion,  le  café  est 
un  peu  plus  nourrissant  que  le  bouillon. 

L'importance  du  café,  comme  aliment,  étant 
ainsi  réduite  à  sa  véritable  valeur,  nous  n'avons  à 
le  considérer  que  comme  boisson  excitante. 

Pour  nous  rendre  compte  de  son  effet,  étudions- 
le  sur  une  personne  qui  n'en  a  jamais  pris  ou 
qui  n'en  fait  usage  qu'à  de  longs  intervalles.  Peu 
de  temps  après  son  ingestion  on  constate  une  acti- 
vité plus  grande  de  la  circulation  avec  augmenta- 
tion de  chaleur.  Le  sujet  en  expérience  accuse  une 
sensation  de  bien-être,  d'allégement.  Bientôt  lo 
cerv(.'au  ressent  une  excitation  exhilarante  :  les 
pensées  se  pressent,  on  parle  plus  volontiers,  on 
écrit  plus  aisément.  Les  impressions  n'augmentent 
pas  d'acuité  ou  de  délicatesse,  mais  on  est  plus 
disposé  à  l'épanchement,  la  mémoire  est  vive, 
l'imagination  en  éveil,  —  conséquence  inévitable, 
le  jugement  est  moins  sûr.  Lne  dose  assez  faible 
suftit  pour  obtenir  tous  ces  résultats  accompagnés 
d'insomnie  ;  une  dose  plus  forte  amènerait  un 
véritable  accès  de  fièvre. 

Pour  le  café  la  tolérance  de  notre  organisme  s'éta- 
blit assez  vite,  et  de  plus  l'habitude  n'entraîne  que 
lentement  la  nécessité  d'augmenter  les  doses, 
comme  pour  la  plupart  des  excitants.  D'ailleurs 
l'excès  n'est  jamais  accompagné  de  ces  circon- 
stances plus  ou  moins  dangereuses  ou  ignobles 
qui  résultent  des  excès  d'opium,  d'alcool,  de  tabac. 
^ Quant  à  lui  reconnaître  le  titre  de  «  boisson 
intellectuelle  »  que  ses  partisans  ont  réclamé  pour 
lui,  nous  ne  saurions  avoir  cette  complaisance. 
Le  café  délie  la  langue  ou  la  plume,  soit;  mais  les 
sots  ne  sont  alors  que  plus  ennuyeux.  Le  café 
n'augmente  pas  la  puissance  de  notre  esprit.  S'il 
avive  en  apparence  quelques-unes  de  nos  faculté-' 
mentales,  c'est  par  l'effet  d'une  excitation  passa- 
gère, et  alors  même  le  jugement  et  le  raisonnement 
se  trouvent  dominés  par  l'imagination. 

Sous  ces  réserves,  il  faut  convenir  que  le  café 
possède  des  propriétés  précieuses.  Son  infusion 
est  tonique,  légèrement  fébrifuge,  très  utile,  par 
conséquent,  dans  les  contrées  marécageuses.  L'u- 
sage de  l'eau  bouillante  pour  sa  préparation  con- 
stitue encore  un  avantage  dans  les  mêmes  régions, 
puisqu'elle  se  trouve  ainsi  assainie.  Tous  les  chefs 
de  corps  de  nos  armées  ont  constaté,  en  Algérie 
surtout,  l'heureux  effet  de  la  ration  de  café  donnée 
aux  soldats.  On  a  reconnu  aussi  que  la  distribu- 
tion régulière  de  café  diminuait  considérablement 
la  consommation  de  petits  verres.  C'est  là  un 
résultat  instinctif  que  l'on  obtiendra  partout  dès 
que  l'on  substituera  un  excitant  relativement  inof- 
fensif ù.  ceux  qui  sont  devenus  des  fléaux  de  l'hu- 
manité. Sauf  à  chercher  plus  tard,  s'il  le  faut,  des 
remèdes  contre  l'abus  du  café,  souhaitons,  pour  le 
présent,  que  son  usage  se  généralise  et  s'impose 
pour  supplanter  l'alcool  :  à  une  condition  toutefois 
c'est  qu'on  n'étende  pas  cette  indulgence  aux  éta- 
blissements où  se  débite  l'infusion  de  café.  Un 
lieu  où  l'on  va  «  tuer  le  temps  »  loin  de  la  fa- 
mille ne  sera  jamais  sans  dangers.    [D"  Saffray]. 

CAISSE  D'EPAllG?ÎE.  —  Arithmétique,  XLVI 
(c.  s.)  —  L'historique  de  cet  établissement  de  pré- 
voyance a  été  fait  dans  la  I"  Partie  de  ce  Diction- 
naire h  l'article  E/'Urgne  {Caisse  d').  Un  autre  ar- 
ticley  a  été  consacré  aux  Caisses  d'épargne  scotaires . 


1.  La  Caisse  d'épargne  reçoit ,  tous  les  diman- 
ches, les  dépôts  qui  lui  sont  confiés  ;  chaque  dépo- 
sant ne  peut  déposer  moins  de  1  fr.  ni  plus  de  :500 
francs.  Ces  dépôts  commencent  à  porter  intérêt  à 
partir  du  dimanche  suivant  ;  le  taux  de  l'intérêt  a 
été  fixé  à  4  p.  100  par  la  loi  du  7  mai  1853:  mais 
la  Caisse  retient  1/2  p.  100  pour  frais  d'adminis- 
tration. Dans  le  calcul  des  intérêts,  l'année  est  comp- 
tée pour  .S2  semaines  exactement. 

Si,  par  exemple,  on  veut  savoir  ce  que  rappor- 
tera une  somme  de  85  fr.  au  bout  de  40  semaines 
à  partir  du  dépôt,  on  aura  à  calculer  l'intérêt  de 
8i  fr.  à  'i  1/2  pour  100  pendant  ."iO  semaines.  En 
appelante  cet  intérêt,  on  aura  (V.  Intérêts)'. 

.  =  «i!l:M!^=2^23. 

On  voit  que  pour  obtenir  l'intérêt  d'un  dépôt,  il 
faut  multiplier  la  somme  déposée  par  0,035  et  par 
le  nombre  de  semaines  moins  une,  et  diviser  le  pro- 
duit par  52. 

2.  La  Caisse  d'épargne  inscrit  au  compte  du 
déposant,  au  moment  même  du  dépôt,  les  intérêts 
que  produirait  la  somme  versée,  depuis  le  diman- 
che qui  suit  le  dépôt  jusqu'au  dernier  dimanche 
de  l'année  ;  c'est  ce  que,  dans  la  comptabilité  de 
l'établissement,  on  appelle  les  intérêts  anticipés. 
Lorsqu'un  déposant  retire  une  somme  déposée,  les 
intérêts  de  cette  somme  cessent  de  courir  le  jour 
même  de  la  demande  de  remboursement.  Les 
intérêts  que  cette  somme  aurait  produits  jusqu'au 
dernier  dimanche  de  l'année  forment  ce  que  l'on 
appelle  les  intérêts  rétrogrades.  Quand  un  dépo- 
sant retire  ses  fonds,  on  fait  son  compte  en  re- 
tranchant les  intérêts  rétrogrades  des  intérêts  an- 
ticipés. 

Supposons  qu'une  personne  ait  déposé  180  fr. 
à  la  Caisse  d'épargne  13  semaines  après  le  com- 
mencement de  l'année,  et  qu'elle  la  retire  35  se- 
maines plus  tard.  Les  intérêts  anticipés  devront 
être  calculés  pour  52  —  14  ou  38  semaines,  ce  qui 
donnera 


180fr. 0,035. 38 
52 


ou      ^f^60. 


Les  intérêts   rétrogrades  devront   être   calculés 
pour  52  —  48  ou  4  semaines,  ce  qui  donnera 


180'''',O,O35.4 
52 


ou    Ûf^iS. 


Les  intérêts  à  ajouter  au  capital  seront  donc 
4'',60  —  0f%48  ou  4",12.  Ainsi  le  déposant  tou- 
chera 180"^  =4'S12,  c'est-à-dire  184",12. 

Ce  résultat  est,  en  effet,  celui  qu'on  obtient 
quand  on  calcule  l'intérêt  de  180  fr.  à  3  1/2  p.  100 
pendant  35  —  1  ou  34  semaines. 

3.  Aucun  versement  nouveau  ne  peut  être  ad- 
mis (loi  du  30  juin  1851)  lorsque  le  compte  du  dé- 
posant a  atteint  la  somme  de  1000  fr.  Si  par  suite 
du  règlement  d'intérêts  qui  se  fait  à  la  fin  de 
chaque  année,  son  compte  \'ient  à  dépasser  cette 
somme,  et  s'il  laisse  passer  trois  mois  sans  de 
mander  de  remboursement,  la  Caisse  lui  achète 
d'office  tO  fr.  de  rentes.  Les  intérêts  continuent  à 
courir  jusqu'au  moment  de  l'achat  de  cette  rente  : 
mais  les  centimes  qui  accompagnent  la  somme  en 
francs  ne  portent  aucun  intérêt. 

Si,  par  exemple,  par  suite  du  règlement  annuel 
des  intérêts,  le  compte  du  déposant  s'élève  à 
1  008^,75,  les  1  OOS'"'  continueront  à  porter  inté- 
rêt pendant  3  mois,  ou  13  semaines,  ce  qui  don- 
nera 8'',S2  à  ajouter  au  compte,  lequel  s'élèvera 
ainsi  à  \i)\'i'',h'.  Si.  à  ce  moment,  la  rente  4  1/2 
p.  100  est  à  93",'J0,  le  prix  de  10  fr.  de  rentes  sera 

î«!;><i^     ou    208'S64; 


CAISSE  D'EPARGNE 


320 


CAISSE  D'ÉPARGNE 


il  restera  donc  au  compte  du  déposant  lOlT^ôT  — 
:;i08",«4  c'est-à-dire  808'S93. 

4.  Sachant  calculer  les  intérêts  produit  par  un 
versement  quelconque,  on  calculera  facilement 
ceux  qui  seraient  produits  par  plusieurs  verse- 
ments successifs. 

Supposons,  par  exemple,  qu'un  ouvrier  ait  placé 
à  la  Caisse  d'Épargne,  savoir  : 
IQfr    7  semainej  après  le  commencement  de  l'année  , 
8      3     —      après  le  premier  dépôt  ; 

5  1     —      après  celui-ci  ; 

6  2     —      après  ce  dernier; 
25      8     —      après  celui-ci  ; 

et  que  l'on  demande  les  intérêts  produits  au  bout 
de  40  semaines  après  le  premier  dépôt. 

Les  intérêts  produits  par  ces  versements  auront 
respectivement  pour  valeurs 

10^.0,035.39        S^.QjVi.S.SG.     5^.0,035.35. 
52  '  5-2  '  0-2  ' 

6fr. 0,0:15. 33  2.5f'-.0,M5.25 

■ et    — 

5-2  o2 

Pour  faire  commodément  la  somme  de  ces  quan- 
tités, on  peut  remarquer  qu'elles  ont  pour  facteur 
commun  0,035  et  pour  dénominateur  commun  52 , 
on  fera  donc  la  somme  10'^  39  +  8''.  3fi  -+-  5'^ 
35  +  &\  33  -4-  '2i>".  25 ,  ce  qui  donne  1 676 
francs  ;  on  multipliera  par  0,<>35  et  l'on  divisera 
le  quotient  par  52  ;  on  obtient  ainsi  1^^128  ou 
1M2. 

On  voit  que  pour  exécuter  ce  genre  de  calcul, 
il  faut  faire  la  sonuae  des  produits  de  chaque  ver- 
sement par  le  nombre  de  semaines  moins  une  éeou- 
iées  depuis  ce  vei-semtnt  jusqu'à  la  demande  de 
remboursemeiit,  multiplier  cette  somme  par  0,035 
et  divise'' par  52. 

5.  Si,  pendant  un  certain  nombre  de  semaines 
on  déposait  cbaque  dimanche  une  même  somme, 
le  calcul  des  intérêts  produits  se  simplifierait 
encore. 

Supposons,  par  exemple,  que  pendant  42  se- 
maines un  ouvrier  dépose  chaque  dimanche  5  fr., 
et  qu'il  demande  son  remboursement  7  semaines 
après  le  dernier  dépôt.  Les  intérêts  produits  par 
ces  versements  successifs  auront  respectivement 
pour  valeur 

5f''.0,"35.^S        .^f--  0.035.47  5^.0. "35. 40 

52  '     IFl '  52 ' 

et  ainsi  de  suite  jusqu'à 

5f'-.(',035.6 


On  voit  que  5'',0,035  est  un  facteur  commun,  et 
52  un    dénominateur  commun.    On   fera  donc  la 

somme  4s  -j-  47  +  i<i  +  etc +  <i,  qui  est  la 

somme  des  termes  d'une  progression  arithmé- 
tique ayant  pour  premier  terme  G,  pour  difte- 
rence  1,  et  composée  de  43  termes;  cette  somme 
est  donc  1161.  Multipliant  par  0,035  et  divisant 
par  52  on  trouvera  pour  les  intérêts  demandés 
0'',78. 

On  voit  que  lorsque  la  somme  versée  chaque  se- 
maine est  constante,  on  obtient  les  intérêts  pro- 
duits 671  faisant  la  somme  des  nombres  de  se- 
maines {diminués  chacun  d'une  wiité)  pendant  les- 
quelles les  intérêts  doivent  courir,  multipliant  cette 
somme  par  le  montant  du  versement  hebdomadaire 
et  par  0,035,  et  divisant  le  produit  par  52. 

G.  On  pourra  proposer  aux  élèves  les  problèmes 
suivants  : 

i-  —  On  demande  ce  que  rapporterait,  à  la 
Caisse  d'épargne  une  somme  de  75  fr.  au  bout  de 
38  semaines  à  partir  du  jour  du  dépôt. 

Réponse  :  l'',8G. 


IL  —  Une  personne  a  placé  235  fr.  à  la  Caisse 
d'épargne,  et  se  présente  pour  retirer  ses  fonds 
33  semaines  après  ;  quelle  somme  recevra-t- 
elle? 

Réponse  :  24r%06. 

III.  —  Un  petit  commerçant  a  placé  à  la  Caisse 
d'épargne,    savoir  : 

25tf  un  premier  dimanche  ; 

30  6  semaines  après; 

20  5  — 

41  8  -- 

1 5  2  — 

GO  7  — 

et  se  présente  pour  se  faire  rembourser  48  semai- 
nes après  le  premifir  dépôt  ;  quelle  somme  rece- 
vra-t-il  ?  Réponse:  194",90. 

IV.  —  Un  ouvrier  place  tous  les  dimanches,  pen- 
dant un  an,  une  somme  de  6  fr.  à  la  Caisse  d'é- 
pargne ;  à  combien  s'élève  son  avoir  à  la  fin  de 
l'année,  capital  et  intérêts  compris? 

Réponse:  317",36. 

V.  —  Le  compte  d'un  déposant  s'élève,  à  la  fin 
de  l'année,  à  1  143'%50;  s'il  laisse  écouler  trois 
mois  sans  réclamer  ses  fonds,  à  combien  son 
compte  sera-t-il  réduit  après  l'achat  d'une  rente 
de  lu  fr.  au  cours  de  91^', 00  ?  (V.  Rentes  ) 

VI.  —  Un  petit  marchand  a  déposé  à  la  Caisse 
d'épargne,  savoir  : 

120  fr.  Il  semaines  après  le  commencement  de 
l'année  ; 

130  5         —        après  le  premier  dépôt  ; 

100  3         —        après  celui-ci  ; 

Il  a  retiré        75  4        —        après  ; 

11  a  replacé   180  5        —  — 

—  250  4        —  — 

Il  a  retiré         65  3         —        après  ce  dépôt  ; 

11  a  replacé  114  5        —        après; 
et  enfin             90  2        —  — 

On  demande  de  faire  son  compte  à  la  fin  de 
l'année. 

Réponse:  1  010'^13. 

VII.  —  Si  le  marchand  dont  il  vient  d'être 
question  ne  se  présente  que  trois  mois  après  pour 
demander  son  remboursement,  à  combien  son 
compte  sera-t-il  réduit,  les  10  fr.  de  rentes  4  1/2  p. 
100  ayant  été  achetés  au  cours  de  92'',75"? 

Réponse  :  srî'SSS. 

VIII.  —  On  suppose  qu'un  ouvrier  dépose  teus 
les  dimanches  6  fr.  à  la  Caisse  d'épargne,  mais  qu'il 
retire  ses  fonds  à  la  fin  de  chaque  année  pour  les 
placer  à  4  1/2  p.  i 00  et  à  intérêts  composés.  On 
demande  de  quelle  somme  il  pourra  disposer  au 
bout  de  30  ans? 

RépoJise  :  19361'S2-2. 

IV.  —  On  suppose  qu'un  ménage  d'ouvriers 
dépose  tous  les  dimanches  à  la  Caisse  d'épargne, 
savoir  :  le  mari  6  fr.  et  la  femme  3  fr.,mais  qu'ils 
retirent  leurs  fonds  à  la  fin  de  chaque  année  pour 
les  placer  à  4  1/2  p.  100  et  à  intérêts  composés.  De 
quelle  somme  pourront-ils  disposer  au  bout  de 
30  ans;  et  quelle  rente  4  1/2  p.  100  pourront-ils 
acquérir  avec  cette  somme .  la  rente  étant  sup- 
posé au  pair  ? 

Réponse  :  29  041'',83,  qui  permettraient  d'acheter 
1  SOo'^SS  de  rentes, 

X.  —  Quelle  somme  faudrait-il  placer  tous  les 
dimanches  à  la  Caisse  d'épargne  pendant  30  ans 
pour  que,  en  retirant  ses  fonds  tous  les  ans,  et  en 
les  plaçant  à  4  1/.'  p.  100  et  à  intérêts  composés, 
on  pût  disposer  au  bout  de  ce  temps  d'un  capital 
de  24  000fr.  ? 

Rép07ise  :  ""■,437...  Il  faudrait  donc  tâcher  de  dé- 
poser chaque  dimanche  8  fr. 

Dans  ce  cas  le  capital  obtenu  ne  serait  plus 
24  000  fr.,  mais  25  Sli^/ob.  [H.  Sonnet.] 


CALCUL 


—  321  — 


CALCUL 


CALCUL  ALGEBRIQUE,  APPLIQUE  AUX  PRO- 
BLÈSIES  D'ARITIIMÉ TIQUE  ET  DE  GÉOMÉTRIE 
DE  L'ENSEIG.NEMEAT  PRIMAIRE.  —  Xous  n'a- 
voiis  point  à  refaire  ici  le  cours  d'algèbre  élémen- 
taire à  l'usage  des  écoles  normales  et  supérieures, 
dont  le  plan  et  les  développements  essentiels 
sont  résumés  dans  ce  dictionnaire  même  avec  une 
si  grande  autorité.  —   (V.  Algèbre  et  Equations.) 

Mais  nous  croyons  devoir  indiquer  plus  particu- 
lièrement les  procédés  pratiques  par  lesquels, 
même  dans  l'école  primaire  proprement  dite  et  à 
plus  forte  raison  dans  les  classes  pour  les  adultes 
un  peu  avancés,  dans  les  cours  complémentaires, 
tels  que  ceux  du  volontariat,  et  dans  la  prépara- 
tion pour  l'admission  aux  écoles  primaires  supé- 
rieures), on  pourra,  on  devra  amener  les  élèves 
de  plain-picd  sur  le  terrain  de  l'algèbre  et  leur 
faire  résoudre  des  problèmes  par  des  équations 
sans  leur  laisser  soupçonner  qu'ils  font  autre  chose 
que  de  l'arithmétique. 

Nous  supposons  des  élèves  qui  ne  connaissent 
encore  aucun  des  termes  de  la  langue  algébrique, 
et  nous  allons  voir  cominent  peu  à  peu  et  sans  pas- 
ser par  l'ensemble  de  l'enseignement  méthodique 
■qui  est  nécessaire  au  maître,  on  peut  leur  ap- 
prendre chemin  faisant  et  les  mots  techniques  et 
les  règles  dont  ils  auront  à  se  servir. 

Problème  1.  —  Nous  prenons  pour  exemple  un 
problème  d'arithmétique  comme  en  fait  tous  les 
jours  un  élève  d'école  primaire,  un  problème  quel- 
conque d'intérêt  simple.  L'élève  sait  la  règle  : 

Pour  trouver  l'intérêt  d'un  capital,  il  faut  multi- 
plier le  capital  par  le  taux  et  par  le  nombre  de 
jours  et  diviser  le  produit  par  36  000. 

Demandons-lui  s'il  n'y  aurait  pas  moj'en  d'écrire 
en  abrégé  cette  longue  phrase.  Les  mots  multi- 
plier, diviser,  etc.,  peuvent  être  remplacés  par  les 
signes  qui  lui  sont  familiers  X,.*,  etc.  Chacune  des 
quantités  qu'il  doit  passer  en  revue  ne  pourrait- 
elle  pas  aussi  être  désignée  abréviativement  par  la 
lettre  initiale  de  son  nom:  l'intérêt  par  /,  le  ca- 
pital par  c,  le  taux  par  t,  le  nombre  de  jours  par  n  ? 
La  règle  précédente  peut  donc  se  présenter  ainsi. 

.      e-XtXn 


.      36000 

Cette  expression  aussi  claire  que  concise  est  ap- 
pelée formule;  elle  montre  enmême  temps  ce  que  c'est 
qu'une  égalité.  On  indique  à  ce  moment  les  dénomi- 
nations de  premier  membre  et  de  second  membre 
données  aux  deux  parties  qui  constituent  l'égalité. 

Maintenant  sera-t-il  besoin  d'arrêter  les  élèves 
pour  leur  faire,  avant  de  passer  outre,  l'exposé 
complet  et  théorique  des  propriétés  d'une  égalité  ? 
Non,  car  ils  les  connaissent  déjà  implicitement  par 
l'arithmétique;  ils  les  appliqueront  pour  ainsi  dire 
par  intuition  au  fur  et  à  mesure  qu'elles  vont  se 
présenter:  on  va  le  voir. 

Dans  l'égalité 

._cXtXn 

^~"     36 000    ' 

qu'arriverait-il  si  nous  supprimions  le  dénomina- 
teur du  second  membre?  Tous  les  élèves  le  diront 
aussitôt  :  ce  second  membre  serait  multiplié  par 
3G000.  Par  conséquent  que  faut-il  faire  pour  réta- 
blir l'égalité?  Multiplier  aussi  le  premier  nombre 
par  360U0.  Voilà   la   nouvelle  égalité  trouvée  : 

36  000  i=cXtXn 

Ce  qui  signifie  :  le  produit  du  capital  par  le  taux  et 
par  le  nombre  de  jours  est  égal  à  36  000  fois  l'ijitérêt. 

A  cette  occasion  on  apprend  aux  élèves  que 
lorsque  les  facteurs  d'un  produit  sont  représentés 
par  des  lettres,  on  peut  supprimer  le  signe  X 
entre  eux,  et  écrire  ctn  au  lieu  de  c  X  <X  ?2."lls  ac 
quièrent  ainsi  la  règle  dite  règle  des  lettres  de  la 
multiplication. 
2e  Pautie. 


Ils  ont  tout  à  l'heure  afCrmé  sans  hésiter  qu'ojt 
peut  multiplier  les  deux  membres  d'une  égalité  par 
un  tnême  noynbre  sans  altérer  Ve'galité.  Ils  ne  se- 
ront pas  plus  embarrassés  pour  reconnaître  qu'on 
peut  pareillement  les  diviser  par  un  rnêni'i  nombre 
sans  altérer  l'égalité.  Grâce  à  cette  propriété,  nous 
allons  pouvoir  dégager  et  énoncer  à  part  la  valeur 
de  chacune  des  trois  quantités  en  divisant  succes- 
sivement les  deux  membres  de  l'égalité 

ctn  =  36  000  i, 

par  fn,  puis  par  en  et  par  c^  La  suppression  des  lettres 
qui  figurent  à  la  fois  au  numérateur  et  au  dénomi- 
nateur n'a  rien  qui  les  surprenne  ;  ils  entendent  bien 

que  —  =  c.  Donc  nous  obtenons  les  trois  égalités  : 
3GO0O  i 

.      36  000  i 


en 


36  000  i 

7Z  =  — 


et 

En  traduisant  ces  formules  en  langage  ordinaire, 
les  élèves  y  trouvent  les  règles  à  suivre  pour  con- 
naître, sans  répéter  de  longs  raisonnements,  le  ca- 
pital, ou  le  taux,  ou  le  nombre  de  jours  dans  tous 
les  problèmes  d'intérêt  simple. 

A  ce  moment  on  dit  aux  élèves  qu'on  appelle 
équalio7iune  égalité  dans  laquelle  se  trouvent  une 
ou  plusieurs  lettres  représentant  des  quantités  in- 
connues ;  que  ces  lettres  sont  ordinairement  les 
dernières  de  l'alphabet,  x,  y,  z;  que  tirer  la  va- 
leur de  l'inconnue  de  l'équation  où  elle  se  trouve, 
c'est  ce  qu'on  appelle  résoudre  une  équation. 

On  les  exercera  à  regarder  une  équation  comme 
l'énoncé  d'un  problème  écrit  en  langue  algébriqtie, 
à  le  traduire  en  langage  vulgaire.  Par  exemple  l'é- 
quation 

3x  —  2  =  2a;  4-,  3 

signifie  :  trouver  un   nombre  tel   que  son   triple 
diminué  de  2  soit  égal  à  son  double  augmenté  de  3. 
Ces  deux  autres  équations 

37/  —  7x  =  4, 
2y-i-bx  =  22, 

se  traduiront  ainsi  :  trouver  deux  nombres  tels 
que  l'excès  du  triple  du  premier  sur  7  fois  le  se- 
cond soit  égal  à  4  et  que  le  double  du  premier 
augmenté  du  quintuple  du  second  soit  égal  à  :22. 

Réciproquement  on  les  habituera  à  écrire  sous 
forme  d'équation  l'énoncé  d'un  problème,  en  s'at- 
tachant  d'abord  aux  questions  les  plus  faciles. 

A  ce  principe  fondamental  :  07i  peut  multiplier 
ou  diviser  les  deux  membres  d'une  égalité  ou 
d'une  équation  sans  altérer  l'égalité,  on  joindra 
avant  d'aller  plus  loin  cet  autre  principe  aussi 
évident  que  le  premier  :  07i  peut  augmenter  ou 
diminuer  d'une  même  quantité  les  deux  membres 
d'une  égalité  ou  d'une  équation  sans  altérer  l'éga- 
lité lies  deux:  membres. 

On  en  fera  l'application  à  la  résolution  d'une 
équation  simple  comme  l'équation  ci-dessus  : 

3a;  —  2  =  2x  -f  3. 

Supprimant  les  2a;  au  deuxième  membre  pour 
que  l'inconnue  X  ne  se  trouve  qu'au  premier,  on 
devra  diminuer  ce  premier  membre  aussi  de  2x, 
ce  qui  donne 

3a;  —  2a;  —  2  =  3. 

Puis,   pour  faire  disparaître  le  terme  con'nu  -^  2 

qui  est  au  premier  membre,  il  suffit  d'augmenter 

I  ce  premier  membre  de  2  :  car  alors  2  —  2  se  dc- 

21 


CALCUL 


—  322  — 


CALCUL 


truisent  ;    on    augmentera     aussi    le    deuxième 
membre  de  2  et  on  a  alors 

Zx  —  2x  =  2  +  2. 

On  déduit  de  là  la  règle  de  la  transposition  des 
termes  :  pour  faire  passer  un  terme  d'un  membre 
dans  l'aub-e,  on  le  supprime  clans  le  membre  où  il 
est  et  on  l'écrit  dans  l'autre  avec  U7i  signe  con- 
traire, c'est-à-dire  en  lui  donnant  +  quand  il 
avait  —  et  —  quand  il  avait  +. 

Du  premier  principe  on  déduit  la  règle  par  la- 
quelle on  peut  chasser  les  dénominateurs  d'une 
équation,  ce  qui  rend  les  calculs  plus  faciles  : 
pour  chasser  les  déno'  ànateurs  d'une  équation, 
on  réduit  tous  les  termes,  les  termes  entiers  aussi 
bien  que  les  termes  fractionnaires,  au  même  déno- 
minateur, et  on  suppinme  ce  dénominateur  com- 
mun. 

Pour  terminer  la  résolution,  il  n'y  a  plus  qu'à 
opéi'er  la  réduction  en  un  seul  terme  des  nombres 
d'vC  qui  sont  dans  un  membre  et  celle  des  nombres 
connus  qui  sont  dans  l'autre  et  à  tirer  enfin  la 
valeur  de  l'inconnue  par  une  simple  division. 

Ce  n'est  pas  le  moment  de  parler  du  changd- 
ment  qui  survient  dans  la  nature  de  l'équation, 
quand  la  quantité  par  laquelle  on  multiplie  les 
deux  membres  est  l'inconnue  elle-même  ou  une 
quantité  qui  contient  l'inconnue. 

Maintenant,  pour  mettre  de  la  précision  dans  le 
langage,  il  importe  qu'on  sache  bien  que  les  termes 
sont  les  quantités  séparées  par  les  signes  +  ou  — , 
et  qu'on  ait  une  idée  nette  de  l'origine  et  de  la 
nature  du  terme  appelé  négatif.  C'est  d'un  pro- 
blème familier  qu'il  convient  de  la  déduire.  On 
supposera,  par  exemple,  qu'un  homme  n'ayant  que 
5  francs  doive  8  francs  ;  ce  qu'il  possède  à  ce  mo- 
ment peut  être  représenté  par  5  —  8.  En  donnant 
ses  5  francs,  il  n'a  plus  que  zéro  et  une  dette  de 
2  francs,  et  on  lui  ôtera  ces  3  francs  quand  cela 
sera  possible  ;  pour  le  moment  on  l'indique  en 
écrivani  0  —  3  ou  plus  simplement  —  3,  puisque 
le  zéro  est  ici  toui  à  fait  inutile.  Le  terme  négatif 
—  3  représente  donc  le  reste  d'une  soustraction 
dans  laquelle  le  plus  grand  nombre  devait  être 
retranché  du  plus  petit .  Dans  ce  cas  on  retranche 
le  plus  petit  du  plus  grand,  et  on  donne  au  reste 
le  signe  — -  Un  terme  négatif  peut  être  regardé 
comme  exprimant  une  dette,  tandis  que  le  terme 
positif  exprime  un  avoir. 

Nous  pourrions  suivre  maintenant  l'ordre  métho- 
dique du  cours  d'algèbre  pour  joindre  à  chaque 
partie  de  ce  cours  les  applications  du  calcul  algé- 
brique qui  s'y  peuvent  rapporter.  Mais  nous 
croyons  faire  mieux  ressortir  la  portée  de  ces  ap- 
plications et  la  possibilité  pour  le  maître  d'en  tirer 
les  plus  heureux  effets,  même  pour  des  élèves 
étrangers  à  l'algèbre  proprement  dite,  en  donnant 
quelques  exemples  de  problèmes  dans  lesquels, 
comme  dans  le  précédent,  le  calcul  algébrique 
abrège  ou  éclaircit  singulièrement  les  opérations 
de  l'arithmétique  pure.  —  V.  aussi  dans  le  Diction- 
naire, à  la  suite  de  l'article  Algèbre,  notre  para- 
graphe sur  la  préparation  aux  examens. 

Problème  1.  —  On  veut  faire  de  l'argent  au  titre 
de  0,835  en  fondant  ensemble  de  l'argent  au  titre 
de  0,9  et  du  cuivre.  Combien  faudra-t-il  prendre 
d'argent  au  titre  de  0,9  et  de  cuivre  pour  avoir 
1  kilogramme  d'argent  au  titre  de  0,S35?  (Problème 
donné  à  Paris  en  1877  aux  uspiruntes;  brevet  su- 
périeur. —  V.  ci-dessus,  o.  302.) 

Soit  X  le  nomore  de  grammes  d'argent  a  0,9. 
Le  poids  d'argent  pur  qu'il  renferme  est  x  X  0,9. 
Le  quotient  de  ce  nombre  divisé  par  le  poids  totnj 
1000  grammes  devant  être  le  titre  0,83ô,  on  a  l'é- 
quation : 

^X0,9_ 


Multipliant  les  deux  membres  par  1  000,  puis  par 
10,  on  trouve  : 

9x  =  835, 
8350 
a;  = -g- =  927,777. 

Le  poids  d'argent  est  donc927^',778. 

Celui  du  cuivre  est  H)00  —  927,  mS^  72«',222. 

Problème  2.  —  On  partage  une  somme  de  10  000 
francs  entre  quatre  personnes.  La  r*  aura  2  fois 
autant  que  la  2',  moins  2  000  francs  ;  la  2*  aura  3  fois 
autant  que  la 3',  moins  3  000  francs  ;  la  3*  aura  6  fois 
autant  que  la  4*,  moins  4  000  francs.  Quelle  est  la 
part  de  chaque  personne?  —  (Problème  donné 
dans  Y  Académie  de  Besançon,  1878.  —  Aspirantes  ; 
bre-.-.et  supérieur.  —  \.  ci-dessus,  p.  302.) 

Désignons  par  x  le  nombre  de  francs  que  doit 
avoir  la  4*  personne;  la  part  de  la  3»  sera  6a;  — 
4  000. 

La  2*  aura  (G-î;  —  4  000)  X  3  —  3  000.  Le  produit 
de  (ix  — 4  001»  par  3  doit  être  égal  à  3  fois  (ix, 
moins  3  fois  4  OOo  ;  car  Gx  devant  d'abord  être  di- 
minué de  4  000,  le  produit  l8x  est  trop  fort  de 
'■>  fois  4  000  ou  de  12  000.  On  a  donc  pour  la  part  de 
la  2«: 

18a;—  12  000  —  3000 
ou  18x— 15000. 

La  première  aura 

(ISx  — 15000)X2  — 2000 


c'est-à-dire 


36x— 30000  — 2000 
36a;  — 32000. 


La  somme  des  quatre  parts  devant  être  égale  à 
10000,  on  peut  écrire  : 

a;-i-6a;— 4000 -i-18a;-15000  +  36a;— 32000=10000. 

Par  la  réduction  on  a 


puis 
d'où 


61x  — 51000  =  10  000, 

61a;  =  10000  4-51000, 
61a;  —  61  000, 

61  000 


61 


=  1000. 


La  part  de  la  A'  est  donc  de  1  000  francs. 
On  trouvera  ensuite  :  pour  la  3' ,  2  000  francs.  — 
pour  la  2%  3  000  francs.'— pour  la  1",  4  000  francs. 

Observation.  —  Des  explications  données  plus 
haut,  il  est  bon  de  déduire  la  règle  suivante  :  pour 
multiplier  par  un  nombre  positif  une  quantité  com- 
posée de  plusieurs  termes ,  onmultipUe  chaque  terme 
du  multiplicande,  en  lui  conservant  soji  signe,  par 
le  multiplicateur. 

Pi'obleme  3.  —  A  quel  moment,  entre  2  heu- 
res et  3  heures,  les  deux  aiguilles  d'une  montre 
sont-elles  en  ligne  droite? 

Paris,  1876.  —  Aspirants  ;  brevet  simple.  —  V. 
ci-dessus,  p.  284.) 

Les  deux  aiguilles  peuvent  être  :  l»  l'une  sur 
l'autre  ;  2°  l'une  sur  le  prolongement  de  l'autre. 

Premier  cas.  —  Soit  x  le  nombre  des  minutes 
du  cadran  qu'aura  à  parcourir  la  grande  aiguille 
à  partir  de  2  heures,  c'est-à-dire  à  partir  du 
n"  12,  pour  atteindre  la  petite  entre  le  n°  2  et  le 
n°  3.  Le  nombre  de  minutes  parcourues  par  cette 
dernière  aiguille  sera  a;  — 10.  Or,  la  vitesse  de  la 
grande  aiguille  étant  12  fois  plus  grande  que  celle 
de  la  petite,  le  nombre  x  de  minutes  que  parcourt 
la  première  vaut  12  fois  le  nombre  a;  —  10  de  minutes 
parcourues  dans  le  même  temps  par  la  seconde. 

On  peut  donc  écrire  l'équation 

x=(a;— 10)XI2. 


CALCUL  —  323  — 

En  effectuant  la  multiplication,  on  trouve 

puis  120=  lia;, 

d'où 


CALCUL 


150       ,.  10 


Les  deux  aiguilles  sont  donc  l'une  sur  l'autre  à 
2h  !0'°i5. 

Deuxième  cas.  —  Désignons  par  x  le  nombre  de 
minutes  comprises  entre  le  n°  12  et  le  point  où  la 
grande  aiguille  est  sur  le  prolongement  de  la  petite  ; 
le  nombre  des  minutes  parcourues  dans  le  même 
temps  par  la  petite  est  x  —  10  —  30  ou  x  —  40. 
Comme  dans  le  cas  précédent,  a;  vaut  12  fois 
x  —  AO,  et  on  a  l'équation 

a;=:(a;-40)X  12. 


On  trouve  ensuite 


a;=:12x  — 4S0, 
480=  lia-, 


4S0 
U 


11 


Ainsi,  les  deux  aiguilles  sont  l'une  sur  le  pro- 
longement de  l'autre  à  4''  43°'  ^. 

Problème  4.  —  Une  personne  place  les  f  d'un 
capital  h  4,75  ""/<,  et  le  reste  h  5,5  °/o  ;  elle  retire 
ainsi  493'',"5  d'intérêt  au  bout  de  7-'  jours.  Quel 
est  ce  capital? —  (l'roblème  donné  dans  l'Acadé- 
mie de  Lyon,  1876.  —  Aspirants;  brevet  simple  — 
V.  ci-dessus,  p.  286.) 

Remarquons  d'abord  que  72  jours  sont  la  5^  par^ 
tic  de  l'année,   et  représentons  par  x  le  capital 

'i  3x 

cherché  :  les  -  de  ce  capital  sont  -r-  et  le  reste 

4  4 

X 

est  7' 
4 

D'après  la  règle  ordinaire,  l'intérêt  de  la  !'•  par- 

3XX4.75. 
tie  serait  pour  1  an 


pour  72  jours  il  sera 


3x  X  4,7.î 


4X  100  ' 
3xX  4,75 


4X1011X5  2u0u0 

L'intérêt  de  la  2"  partie  serait  pour 

n  ,„  xXS.PiO 

I  an 


pour  72  jours. 


_  X  X  5.50 
4  X  100X5 


4X  100' 
a;X5,.S0 


20  liOO 


La  somme  des  deux  intérêts  étant  -iOSf.'o  on  a 
l'cquation 

3xX4,75       XX  5,50  _ 

20  000     ^   20  0U0     -^•^'*'^^- 

Pour  la  résoudre,  supprimons  d'abord  les  vir- 
gules, ce  qui  revient  à  multiplier  tous  les.  termes 
p.ir  llJO,  et  effectuons  en  même  temps  les  multi- 
plications indiquées  dans  les  deux  numérateurs; 
noue  aurons 


142.5X        55'>x 
20  000  "^  2U  000 


=  49  375- 


Multipliant  ensuite  les  deux  membres  par  20  000, 
on  obtient 


puis 
et 


1425x4- 550x  =  987  500  000, 
rJ75x  =987  500  000 

987  500  000 
«= r^rr =  50  0jO. 


Le  capital  demandé  est  50  000  francs. 
Problème  5.  —  Deux  négociants  ont  chacun  une 


facture  :  l'une  de  980  francs,  payable  dans  20  jours; 
l'autre  de  1  000  francs,  payable  dans  255  jours.  Ils 
les  échangent,  mais  à  la  condition  que  la  seconde 
sera  augmentée  de  1;'',"0.  A  combien  pour  cent 
s'élève  l'escompte? 

(Seine,  1877,  —  Aspirantes  ;  brevet  simple.) 

Observatiox.  —  Aux  termes  du  problème,  il 
semble  qu'il  suffirait  d'ajouter  12'^70  aux  1000 
francs  de  la  seconde  facture  et  de  le  traiter  par  la 
règle  de  l'échéance  moyenne.  A  ce  point  de  vue, 
la  question  proposée  ne  serait  guère  raisonnable. 
On  comprendrait  peu  en  effet  cette  fantaisie  de 
deux  négociants  échangeant  leurs  factures  sans 
motif  apparent,  comme  deux  enfants  qui  échange- 
raient deux  images  On  comprend  encore  moins 
que,  ces  factures  portant  l'indication  et  le  montant 
de  marchandises  livrées  par  les  vendeurs,  la  se- 
conde subisse  une  augmentation  à  laquelle  le 
créancier  reste  étranger. 

La  seule  interprétation  raisonnable  consiste  à 
supposer  que  le  premier  négociant,  n'ayant  pas 
d'argent  disponible  pour  l'échéance  prochaine  de 
vingt  jours,  propose  l'échange  à  l'autre,  et  que 
celui-ci  ayant  sa  caisse  mieux  garnie  accepte  la 
proposition.  Dans  ce  cas,  ils  calculent  la  valeur  à 
laquelle  se  réduit  cliaquc  facture  au  moment  de 
réchange,  parl'escomple  commercial  et  à  un  certain 
taux  convenu.  Comme  ils  fouvent  que  le  montant 
de  la  facture  de  1  OuO  francs  est  inférieur  de 
12'',70  à  celui  de  la  facture  de  980  francs  après 
l'escompte,  la  différence  est  remise  en  espèces  par 
le  second  négociant  au  premier. 

Un  peu  'plus  de  clarté  dans  l'énoncé  de  la  ques- 
tion aurait  dispensé  de  ce  long  commentaire.  Au 
manque  de  clarté  il  joint  un  autre  défaut,  celui 
d'être  trop  élevé  pour  des  aspirantes  au  brevet 
obligatoire,  en  exigeant  l'emploi  de  l'algèbre. 

En  effet,  soit  x  le  taux  demandé. 

L'escompte  de  la  1"  facture  pour  20  jours  est 

980  X  a;  X  20         196x 

ou • 

36  000  360 

L'escompte  de  la  2'  facture  pour  255  jours  est 

1000  XJ;X  255        2o50x 

ou 

3o000  360 

La  valeur  actuelle  est  donc  pour  la  F*  facture 

lOîix         352  00— 196x 

980 — —  ou  — 

360  3u0 

La  valeur  actuelle  pour  la  2'  facture  est 

V550x 


.r..r.      'i'^'oOx         360  000 
1000 — — -    ou  - 


360 


360 


Or  la  r*  de  ce"^  valeurs  surpassant  la  2'  de  12'%70, 
on  peut  écrire  l'équation 

352  800  -  li'Gx       360  000  — 2550X       _    „ 

■=12,70. 


360 


360 


Pour  la  résoudre  on  peut  d'abord  effectuer  la 
soustraction  des  deux  fractions  qui  ont  le  même 
donominTiteur.  et  pour  cela  il  faut  retrancher 
360  000  —  2550  x,  numérateur  de  la  deuxième, 
de  ?,h'2  800  —  198  x,  numérateur  de  la  première. 

D'abord  on  retianchera  360010  du  numérateur 
de  la  y,  ce  qui  donne 

352  000  —  196x  —  300  000 

Mais  auparavant  le  nombre  ^60  oon  aurait  diî 
être  diminué  de  V55ux  ;  on  a  donc  ôté  2550x  de 
trop,  et  par  suite  le  1"  reste  est  trop  faible  de 
255f)x.  En  l'augmentant  de  ce  terme,  on  a  pour  lo 
reste  cherché 

352  000  —  196x  —  360000  +  2hbQX. 
De  là  découle  cette  règle  importante  : 
Pour  retrancher  une  quantité  composée  de  plu- 


CALCUL 


—  324  — 


CALCUL 


sieurs  termes  d'une  autre  quantité,  on  l'écrit  à  la 
suite  de  celle-ci  en  changeant  ses  signes  -\-  en  — 
et  —  en  +. 


D'après  cette  règle  on  a  ici 
352  800  —  106x  —  360  000  +  TohOx 

âcû 


=  12,70. 


Puis  par  la  réduction,  et  en  multipliant  les  deux 
membres  pour  chasser  le  dénominateur,  on  obtient 

2354x—  7200=4572, 
2354a:  =  4572 +7200, 
2354a;  =11772, 

11772       . 
^  =  1354=^' 

PROBLÈMES  EXPRIMÉS  PAR  DES  ÉQUATIOXS  À  DEUX  IN- 
CONNUES. 

Problème  fi.  —  Une  bourse  contient  44  francs  en 
pièces  de  5  francs  et  en  pièces  de  2  francs  ;  com- 
bien y  a-t-il  de  pièces  de  chaque  espèce? 

Soiï  X  le  nombre  de  pièces  de  5  francs  et  y  le 
nombre  de  pièces  de  2  francs.  Les  x  pièces  font 
une  somme  égale  à  5  x  ;  les  y  pièces  font  une 
somme  égale  à  2  ?/  ;  on  a  par  conséquent  Té- 
quation 

5x  +  2y  =  44. 

Le  problème  se  trouve  ainsi  exprimé  par  une 
seule  équation  à  deux  inconnues. 

Pour  la  résoudre,  on  raisonne  comme  s'il  n'y 
avait  qu'une  inconnue  et  que  l'autre, x  par  exem- 
ple, fût  connue.  Tirant  donc  la  valeur  d'y,  on  trouve 
44  — 5x 

y=—r- 

Ce  résultat  apprend  que  le  nombre  des  pièces 
de  2  francs  est  égal  à  la  moitié  de  l'excès  de  44  sur 
le  quintuple  du  nombre  des  pièces  de  S  francs. 

Comme  les  deux  nombres  cherchés  doivent  être 
entiers,  on  supposera  pour  x  les  nombres  entiers  1, 
2,  etc.,  et  on  trouvera  les  quatre  solutions  suivantes: 

x=2      x=4      x—B      x=8 
y=17    y=n    y=7      y  =  2. 

Problème  7.  —  Deux  barriques  sont  pleines  d'un 
vin  qui  vaut  85  centimes  le  litre.  Elles  sont  ven- 
dues à  des  prix  qui  diffèrent  de  3G  francs.  On  sait 
que  les  |  de  la  capacité  de  la  première  valent  les 
j|  de  la  capacité  de  la  deuxième.  Quelle  est  la 
capacité  de  chacune  de  ces  barriques,  à  un  décili- 
tre près  ? 

{Académie  de  Douai,  1876.  —  Aspirants;  brevet 
simple.) 

Désignons  par  x  le  nombre  de  litres  de  la  pre- 
mière et  par  y  le  nombre  de  litres  de  la  deuxième. 

A  la  vente  la  première  produit  x  fois  85  centi- 
mes ou  85x  (centimes).  La  deuxième  produit  y 
fois  85  centimes  ou  85y.  La  différence  des  deux 
sommes  étant  36  francs  ou  3U00  centimes,  on  a 
d'abord  cette  première  équation 

85x  — 85^=3600.  (1) 

D'après  l'énoncé  on  a  cette  autre  équation 

5         12  5x       12m 

-a;  =  -y   ou-  =  -^.  (2) 

Réduisant  au  môme  dénominateur  6  X  13  les 
deux  fractions  qui  composent  l'équation  (2)  et 
supprimant  en  même  temps  le  dénominateur  com- 
mun, on  trouve 

65x=72y,  (-3) 

ce  qui  signifie  :  65  fois  la  capacité   de  la  première 
valent  72  fois  la  capacité  de  la  deuxième. 
De  l'équation   (Ij   et  de  l'équation   (3j  qui  rem- 


place avec  une  forme  plus  simple  l'équation  (2), 
tirons  la  valeur  de  l'inconnue  x,  comme  si  y  était 
un  nombre  connu,  nous  aurons 

85.7/  +  3eoo 


72y 

X  =  — f-' 

(a 

Ces  deux  expressions  représentent  l'une  et  l'autre, 
mais  sous  des  formes  différentes,  la  capacité  de  la 
première.  On  peut  donc  écrire  l'équation 

72y  _  85y  +  3600 

G5  ~"  85        ' 

ou  en  divisant  les  deux  dénominateurs  par  5 
72y      85y-f-3600 

13  "*         17 

Des  deux  équations  qui  étaient  la  traduction  du 
problème,  on  a  ainsi  tiré  une  équation  ne  conte- 
nant plus  qu'une  des  deux  inconnues.  Il  ne  s'agit 
plus  que  de  la  résoudre.  Voici  le  tableau  des  opé- 
rations. 

73yX17  =  8%X13+3G00Xi3, 
12+24y=  lU-5.y  + 46300, 
1124y—  llOôy  =  46800, 
119y=',680O, 

.  =  125^  =  3,,.,. 

La  capacité  de  la  deuxième  barrique  est  393 
litres  2  décilitres.  En  employant  l'équation  ^3)  on 
aura  pour  trouver  la  capacité  de  la  première 

6.1X  =  393,27  X  72, 
65x=2831S4i, 
28315,44 

y- 


65 


=  435",6. 


Problème  8.  —  Un  certain  capital  est  placé  à  un 
certain  taux.  Retiré  au  bout  d'un  an  et  augmenté 
de  1000  francs,  ce  capital  est  placé  à  1  de  plus 
pour  cent  et  produit  à  la  fin  de  l'année  un  revenu 
supérieur  de  80  francs  au  revenu  précédent. 

Au  commencement  de  la  troisième  année,  le 
capital  est  augmenté  do  500  francs  et  placé  encore 
à  1  de  plus  pour  cent  que  l'année  précédente;  il 
produit  alors  70  francs  de  plus  que  pendant  cette 
année. 

Calculer  le  capital  primitif  et  le  taux  auquel  il 
avait  été  placé.  —  {Académie  de  Nancy  ;  Brevet 
complet;  aspi7a7its,  1876.) 

Soit  X  le  capital  demandé  et  y  le  taux  inconnu 
auquel  il  est  placé.  L'intérêt  de  ce  ce  capital  au 
xy 


bout  de  l'année  est 


luo 


Le  capital  placé  au  commencement  de  la  2»  an- 
née estx-|-l(i00,  le  taux  est  y  +  1  ;  l'intérêt  de 
ce  capital  à  la  fin  de  la  2'  année  est  donc 

(x  +  l'00)X(y  +  l) 
100 

Or  cet  intérêt  surpassant  de  80  francs  l'intérêt 
produit  pendant  la  première  année,  on  a  l'équation 

(x+1000)Xfy  +  l       xy  _ 


100 


100 


=  80. 


(1) 


Le  capital  au  commencement  de  la  3*  année  est 

X  + 1500  ;  le  taux  est  y  +  2  ;  l'intérêt  produit  pen- 

j     .      **    oe        -        .j        (x-T- 1500)X  iy-»-2) 
dant  cette  •>*  année  est  donc  -^ • 

Cet  intérêt  surpassant  de  70  +  80,  c'est-à-dire 
de  150  francs  l'intérêt  de  la  1"  année,  on  a  cett9 
autre  équation 

(x+1500)Xfy  +  2)  _  xy 
100  100 


150. 


(2) 


CALCUL 


325  — 


CALCUL 


Il  s'agit  de  résoudre  les  équations  (1)  et  (2). 
Multipliant  d'abord  les  deux  membres  par  100 
dans  cliacunc,  on  a 

(x  +  10QO)X{^  +  i)—xy=fiOOO.        (3) 
(a;4-1500)X(y  +  2)— a;y=15000.      (4) 

Pour  effectuer  la  multiplication  indiquée  au 
pr  membre  de  chacune,  on  multiplie  chaque  terme 
du  multiplicande  par  chaque  terme  du  multiplica- 
teur, et  on  trouve- ainsi 

a;î/  +  1000y4-a;+ 1000  — a;y  =  8000,        (5) 
ffî/-i- 1500?/  + 2a; +  3000  — a;;/ =15000.    (6) 

Supprimant  xy  —  xj/  qui  se  détruisent,  puis  dimi- 
nuant de  1000  les  deux  membres  de  l'équation  (5) 
ei  de  3000  les  deux  membres  de  Téquation  (6)  on 
obtient 


1000y+a;  =  7000, 
15002/ +  2a;  =  12000, 


(7) 


ou  en  divisant  les  deux  termes  de  la  2°  par  2 

750y  +  a;==6û00.  (8) 

Les  deux  équations  primitives  se  trouvent  ainsi 
réduites  à  leur  plus  simple  expression  dans  les 
équations  (7)  et  (8)  et  le  problème  proposé  se  trouve 
transformé  en  celui-ci  :  un  capital  est  placé  à  un 
certain  taux;  trouver  ce  capital  et  ce  taux  en  sa- 
chant que  ce  capital  augmenté  de  lOnO  fois  létaux 
vaut  7000  francs  ,  et  qu'augmenté  seulement  de 
750  fois  le  taux,  il  vaut  GOOO  francs 

Pour  résoudre  ces  deux  équations  à  deux  incon- 
nues, on  pourrait,  comme  dans  le  problème  précé- 
dent, tirer  dans  chacune  la  valeur  d'x,  comme  si  y 
était  un  nombre  connu,  et  égaler  l'un  à  l'autre  les 
deux  résultats.  Ici  il  y  a  un  moyen  plus  simple  à 
employer  parce  qu'il  y  a  le  môme  nombre  d'à;  dans 
les  deux  équations.  En  effet,  si  l'on  retranche  chaque 
membre  de  l'équation  (8)  du  membre  correspon- 
dant de  l'équation  (7),  les  restes  seront  encore 
égaux  et  on  aura 


et 


d'où 


250y  =  1000, 
2by  =  100, 


y 


100 


En  remplaçant  y  par  sa  valeur  4  dans  l'équa- 
tion (7)  on  aura 

4000 +  x=  7000, 
d'où  a;  =  7000  — 4000, 

et  a;  =  3000. 

Ainsi  le  capital  est  3000  francs;  le  taux  est  4  °\„. 

Problème  9.  —  On  a  deux  lingots  de  même  poids 
et  de  titres  différents.  Si  on  fond  le  l*''  lingot  avec 
un  quart  du  2%  on  obtient  un  alliage  au  titre  de 
(i,'Ju6;  si  on  fond  le  1"'  lingot  avec  la  moitié  du  2*. 
on  obtient  un  alliage  au  titre  de  0,920.  Quel  est  le 
titre  de  chaque  lingot? 

{Acad.  de  Nancy,  1876.  —Aspirants;  h-evet 
complet.  —  V.  ci-dessus,  p.  301.) 

Pour  simplifier  le  langage,  désignons  par  p  le 
poids  commun  des  deux  lingots,  quoiqu'il  ne  soit 
pas  demandé.  Nommons  x  le  nombre  de  millièmes 
qui  exprime  le  titre  du  1",  et  y  le  nombre  de  mil- 
lièmes du  titre  du  '1^. 

Le  poids  de  métal  fin  contenu  dans  le  1"  est  en 
millièmes  px;  le  poids  contenu  dans  le  quart  du 

second  est  '-j-.  Le  titre  du  l'r  mélange  sera  donc 
4  o 

I  py 
py  +  -f 


p+i 


Comme  il  doit  être  égal  à  936  millièmes,  on  écrit 
l'équation 


,  PV 
px  +  ^-^ 


=  936. 


(1) 


Sans  répéter  la  même  explication  sur  le  2*  mé- 
lange, on  voit  qu'il  donne  cette  autre  équation 


px-\- 


py 


=  920. 


(2) 


P  + 


En  multipliant  le  numérateur  et  le  dénominateur 
de  (1)  par  4,  ceux  de  (2)  par  2,  et  en  les  divisant 
par  j9,  on  trouve 

^^■  +  ^  =  936     ou    ^£±-^  =  936,        (3) 


4  +  1 

2a- +y 

2+1 


=  920     ou 


5 

2a;  +  y 


=  920.       (4) 


Chassant  le  dénominateur  des  équations  (3)  et  (4), 
on  a 

4a;  +  y  =  4G's0,  (5) 

2a; +  2/ =  27  60.  (6) 

Retranchant  membre  à  membre  l'équation  (6)  de 
l'équation  (5),  on  obtient 


d'où 


2a;  =1920, 

l:i2() 

2;=— --  =  960. 


Le  titre  du  l^'  lingot  est  donc  df3  960  millièmes. 

Pour  avoir  le  titre  du  2*  on  remplace  dans  l'équa- 
tion (fi)  le  terme  2a;  par  sa  valeur  1920,  ce  qui 
donne 

192f>  +  ?/ =  27G0, 

!/=2760  —1920, 

î/  =  8iO. 

Le  titre  du  2*  lingot  est  840  millièmes. 

Observation.  —  Le  poids  inconnu  p  de  chaque 
lingot  ayant  disparu  des  équations,  on  en  conclut 
qu'il  est  inutile  au  problème  et  qu'il  est  quel- 
conque, pourvu  qu'il  soit  le  même  pour  les  deux 
lingots.  [G.  Bovier-Lapierre.] 

CALCUL  MENTAL.  —  Arithmétique  I-L.  —Le 
calcul  mental  est  applicable  à  tous  les  degrés  de 
l'enseignement  arithmétique.  Il  forme  en  quelque 
sorte  un  petit  cours  d'arithmétique  élémentaire 
parallèle  à  l'autre.  Nous  ne  pouvons  présenter  ici 
le  tableau  détaillé  de  cet  enseignement  purement 
oral  ;  nous  nous  bornerons  à  en  esquisser  le  plan. 

1°  Au  début  les  élèves  énoncent  les  dix  premiers 
nombres,  en  comptant  des  objets  visibles,  à  leur 
portée,  comme  des  jetons,  de  petits  cailloux,  des 
haricots,  les  doigts,  etc.,  et  en  ajoutant  successi- 
vement un  objet  de  plus  au  nombre  précédent;  de 
la  même  manière  les  nombres  depuis  onze,  douze, 
jusqu'à  vingt  ;  depuis  vingt-un  jusqu'à  trente,  et 
ainsi  de  suite  jusqu'à  cent. 

Le  maître  appelle  leur  attention  sur  les  dizai- 
nes. Il  leur  en  donne  une  image  sensible,  maté- 
rielle, par  de  petits  paquets  composés  par  exemple 
de  dix  bâtonnets  comme  ceux  des  allumettes  ;  il  se 
sert  aussi  de  la  pièce  de  dix  centimes  qu'il  met  à 
la  place  de  dix  pièces  d'un  centime,  en  lui  rendant 
son  nom  de  décime  qu'on  a  eu  tort  de  lui  enlever. 
Dans  la  dénomination  des  dizaines,  on  emploie  en- 
core en  Suisse  et  dans  une  partie  de  la  France  les 
termes  septante,  huilante,  7ionante  :  le  maître 
pourra  s'en  servir  sans  scrupule  pour  rétablir  la  ré- 


CALCUL 


—  326  — 


CALCUL 


gularité  de  la  nomenclature,  sauf  à  indiquer  bien- 
tôt après  les  termes  qu'un  usage  capricieux  leur  a 

substitués. 

2°  Il  exerce  ensuite  les  élèves  à  trouver  les  va- 
leurs que  prend  chaque  nombre,  quand  il  est  aug- 
menté de  deux,  de  trois,  de  quatre,  etc.,  sans 
toutefois  dépasser  cent.  Il  leur  apprend  le  nom  de 
l'opération  qu'ils  ont  effectuée  sur  les  divers  pro- 
blèmes qui  leur  avaient  été  posés  et  le  nom  par 
lequel  on  désigne  le  résultat.  Qu'il  ne  se  presse 
pas  trop  de  venir  au  secours  de  l'enfant  dans  une 
addition  où  les  nombres  se  composent  de  dizaines 
et  d'unités.  Celui-ci,  guidé  par  son  bon  sens, 
parviendra  toujours  à  sortir  d'embarras,  et  décou- 
vrira môme  la  voie  la  plus  naturelle. 

Pour  mettre  plus  de  variété  dans  ces  exercices, 
le  maître  fera  entrer  dans  les  probhNmes,  outre 
les  objets  déjà  indiqués  plus  haut,  les  mesures  de 
temps,  telles  que  le  jour,  l'heure  et  la  minute  ;  le 
gramme,  en  disant  que  c'est  le  poids  de  la  pièce 
d'un  centime  ;  le  franc,  en  ajoutant  que  cette 
pièce  pèse  cinq  grammes  et  qu'elle  vaut  autant  que 
cent  centimes  ;  le  mètre,  le  décimètre,  et  le  cen- 
timètre en  montrant  à  l'aide  d'un  mètre  de  bois 
ou  de  cuivre  que  le  mètre  se  divise  en  dix  déci- 
mètres et  en  cent  centimètres;  le  litre  en  mettant 
sous  leurs  yeux  une  boîte  cubique  ayant  un  déci- 
mètre sur  ses  trois  dimensions.  C'est  ainsi  qu'il 
amènera  les  élèves  à  faire  connaissance  avec  le 
système  métrique,  sans  le  leur  présenter  sous  la 
forme  d'un  tableau  scientifique,  où  les  diverses 
mesures  sont  énumérées  avec  des  étiquettes  pro- 
pres à  effaroucher  les  enfants. 

3°  Par  des  problèmes  analogues  aux  précédents, 
ils  apprendront  à  diminuer  de  un,  de  deux,  de 
trois,  etc.,  un  nombre  donné,  sans  excepter  le  cas 
où  dans  le  nombre  à  retrancher  il  y  aurait  plus 
d'unités  que  dans  l'autre.  Demandez  à  l'un  d'entre 
eux  par  exemple  ce  qui  reste  de  soixante-trois 
centimes,  après  qu'il  en  a  dépensé  vingt-huit.  Il 
est  presque  certain  qu'après  un  instant  de  ré- 
flexion, il  ôtera  d'abord  vingt-trois  centimes  de 
soixante-trois,  ce  qui  lui  donne  quarante  centimes 
pour  reste,  puis  qu'il  ôtera  encore  cinq  centimes 
de  ce  reste,  pour  arriver  à  trouver  trente-cinq 
centimes,  en  moins  de  temps  que  nous  n'en  met- 
tons ici  à  Texpliquer. 

4°  Ayant  ainsi  acquis  la  pratique  intelligente  de 
l'addition  et  de  la  soustraction,  pour  des  nombres 
qui  ne  surpassent  pas  cent,  les  élèves  vont  être 
mis  en  face  de  nouveaux  problèmes,  sans  être 
avertis  qu'il  s'agit  d'une  nouvelle  opération,  la 
multiplication. 

Pour  procéder  méthodiquement,  le  maître  leur 
fait  d'abord  découvrir  combien  valent  2  fois  1, 
2  fois  2,  2  fois  3...  jusqu'à  2  fois  9,  au  moyen  de 
deux  groupes  composés  chacun  de  deux  petits  cail- 
loux par  exemple,  composés  de  trois,  de  quatre,  etc. 
Il  répétera  les  mômes  questions,  en  les  appliquant 
à  d'autres  objets,  et  quand  il  sera  assuré  que  les 
élèves  n'éprouvent  plus  d'hésitation  pour  énoncer 
les  résultats,  il  leur  enseigne  de  la  même  manière 
ce  que  valent  3  fois,  4  fois....  9  fois  chacun  des 
neuf  premiers  nombres.  Interrogés  ensuite  plu- 
sieurs fois  sur  des  problèmes  où  les  nombres  sont 
pris  dans  un  ordre  quelconque,  ils  gravent  les  pro- 
duits dans  leur  mémoire  d'une  manière  aussi  sûre 
et  aussi  rapide  que  l'ancienne  méthode  était  lente 
et  fastidieuse. 

Ils  remarqueront  d'eux-mêmes  qu'en  tout  cela 
ils  n'ont  fait  autre  chose  que  d'effectuer  des  addi- 
tions dans  lesquelles  les  nombres  étaient  égaux. 
A  ce  moment,  on  prononce  le  nom  donné  à  cette 
addition  abrégée  en  prenant  la  précaution  de  dis- 
tinguer bien  nettement  le  multiplicateur  du  mul- 
tiplicande ;  mais  on  démontre  qu'ils  donnent  le 
môme  produit  quand  ils  sont  mis  l'un  à  la  place 
de  l'autre,  et  pour  cela  il  suffit  de  faire  voir  aue 


3  groupes  de  5  haricots  peuvent  être  remplacé» 
par  5  groupes  composés  de  3  haricots. 

Au  moyen  de  questions  convenablement  choi- 
sies, ils  apprendront  que  le  produit  de  deux  fac- 
teurs devient  double,  triple,  quadruple,  etc.,  quand 
l'un  des  facteurs  devient  lui-même  double,  triple 
ou  quadruple.  Si  on  leur  dit  par  exemple  que  cha- 
que jour  Pierre  a  écrit  3  pages  et  son  frère  Paul 
6  pages,  il  n'en  est  aucun  qui  ne  dise  qu'à  la  fin 
de  la  semaine  le  travail  de  Paul  est  double  de 
celui  de  Pierre.  Ils  auront  ainsi  un  moyen  de 
trouver  plus  promptement  un  produit  sur  lequel 
ils  pourraient  être  un  peu  embarrassés.  Aussi  un 
élève,  à  qui  on  demande  combien  font  4  fois  16, 
se  rappelant  que  4  fois  8  valent  32,  double  aussi- 
tôt ce  premier  produit  pour  arriver  à  64,  après 
avoir  observé  que  1(J  est  le  double  de  8.  Ils  ac- 
quièrent de  cette  manière  la  pratique  de  cet  im- 
portant principe  :  pour  multiplier  un  nombre  par 
un  autre  qui  est  le  produit  de  dfux  facteurs,  on 
peut  multiplier  ce  nombre  par  le  premier  facteur 
et  le  résultat  ensuite  par  le  second. 

5°  Les  élèves,  sachant  maintenant  trouver  le 
produit  de  deux  nombres,  vont  être  conduits,  tou- 
jours par  les  questions  du  maître,  à  effectuer  l'o- 
pération inverse.  On  propose  à  l'un  d'entre  eux  de 
partager  par  exemple  8  billes  à  2  camarades,  12 
billes  à  3,  etc.  Quand  ils  auront  résolu  une  suite 
de  problèmes  semblables,  ils  connaîtront  ce  que 
c'est  que  la  division.  On  leur  indique  alors  les 
termes  de  divilcnde  et  de  diviseur;  mais  on  ne 
citera  le  nom  de  quotient  qu'après  avoir  montré 
que  le  résultat  de  la  division  exprime  combien  de 
fois  le  dividende  contient  le  diviseur.  Ce  sera  ici 
le  moment  de  dire  ce  qu'on  anpelle  demie,  tiers, 
quart,  cinquième,  etc. 

Ils  ne  trouveront  pas  plus  de  difficultés  pour 
diviser  par  un  nombre  d'unités  un  dividende  où 
le  nombre  des  dizaines  ne  serait  pas  divisible  par 
le  diviseur,  par  exemple  65  francs  à  diviser  entre 

4  personnes.  En  regardant  cette  somme  comme 
formée  de  6  pièces  de  10  francs  et  de  5  pièces 
de  1  franc,  l'élève  chargé  d'effectuer  le  partage 
donnera  d'abord  une  pièce  de  10  francs  à  chaque 
personne;  puis,  remplaçant  les  2  pièces  de  10 
francs  qui  restent  par  20  pièces  de  1  franc,  il  a 
encore  à  partager  2ô  francs,  ce  qui  fait  6  francs 
pour  chaque  personne,  avec  l  franc  de  reste.  En 
remplaçant  aussi  ce  franc  par  10  pièces  de  1 
décime,  il  donne  2  décimes  à  chacune,  et  enfin, 
s'il  remplace  encore  les  2  décimes  qui  lui  restent 
par  20  centimes,  il  a  terminé  la  division  et  trouvé 
16  francs  et  25  centimes  pour  chaque  part. 

6»  Nous  ne  pouvons  indiquer  ici  les  divers 
moyens  par  lesquels  les  opérations  peuvent  être 
abrégées  dans  certains  cas  ;  la  sagacité  des  maîtres 
saura  les  découvrir  et  les  mettre  au  profit  de 
l'élève.  Nous  appellerons  plutôt  leur  attention  sur 
l'importance  et  la  simplicité  des  moyens  qu'ils  ont 
à  leur  disposition  pour  rendre  les  calculs  sur  les 
fractions  aussi  faciles  que  ceux  qui  ont  été  effec- 
tués précédemment.  Qu'ils  se  gardent  bien  de 
commencer  par  parler  de  numérateur  et  de  déno- 
minateur; qu'ils  ne  prononcent  pas  môme  le  nom 
de  fraction  ;  mais  qu'ils  proposent  une  suite  de 
petits  problèmes,  tels  que  les  suivants  : 

Combien  une  demi-heure  vaut-elle  de  quarts 
d'heure? 

Combien  2  heures  et  quart  font-elles  de  quarts 
d'heure? 

Combien  y  a-t-il  de  mètres  dans  une  longueur 
égale  à  8  tiers  de  mètre 'f 

Quelle  est  la  longueur  formée  par  trois  règles 
ayant,rune  '6  huitièmes  de  mètre,  l'autre  1  huitième 
de   mètre,  et  la  dernière  2  huitièmes  de  mètre? 

Aucun  élève  ne  sera  embarrassé  pour  donner  la 
réponse.  Ils  la  trouveront  aussi  facilement  pour 
ces  autres  oroblèmes  : 


CALENDRIER 


—  327 


CALENDRIER 


Emile  doit  prendre  les  3  quarts  d'un  sac  de  24 
billes;  combien  en  aura-t-il? 

On  demandait  son  âge  à  une  jeune  fille  ;  elle 
répondit  :  les  5  huitièmes  de  mon  âge  font  10  ans. 

Dans  le  premier  ils  diront  :  le  quart  de  2i  est  (i  ; 
«lonc  Emile  aura  3  fois  6  billes  ou  18  billes.  Dans 
le  second  :  puisque  5  huitièmes  de  l'âge  cherche 
ioiit  10  ans,  1  huitième  vaut  5  fois  moins  ou  2  ans  ; 
donc  l'âge  est  égal  à  8  fois  2  ans  ou  16  ans. 

C'est  maintenant  qu'il  y  a  utilité  à  employer  les 
tioms  de  fraction,  de  numérateur  et  de  dénomina- 
teur. —  On  pourra  aussi  aborder  la  réduction  des 
fractions  au  même  dénominateur,  en  apprenant  à 
convertir  des  demies  et  des  quarts  en  huitièmes, 
ties  demies  et  des  tiers  en  sixièmes,  etc.  —  V.  l'ar- 
ticle Ca/cw/dans  la  1"  Partie. 

[G.  Bovier-Laplerre.] 

Lectures  et  exercices.  —  On  pourra  quelquefois 
piquer  l'émulation  et  la  curiosité  des  élèves  en 
leur  racontant  quelques  exemples  de  ces  tours  de 
force  de  calcul  mental  accomplis  par  des  enfants. 
En  voici  un  ou  deux  que  la  très  grande  majorité 
<ie  nos  élèves  ne  résoudrait  que  la  plume  à  la  main. 

En  1829,  on  entendit  parler  d'un  enfant  italien 
de  sept  ans,  Vincent  Zuccaro,  qui  avait  une  éton- 
'.lante  facilité  de  calcul  et  qui,  en  quelques  instants, 
résolvait  de  tête  des  problèmes  compliqués.  Une 
expérience  publique  fut  faite  à  Palerme  sous  la 
surveillance  de  deux  professeurs  de  mathématiques 
•en  présence  de  plus  de  quatre  cents  personnes. 
Voici  deux  des  problèmes  qui  furent  posés  à  l'enfant  : 

l"  problème.  —  Un  navire  est  parti  de  Naples 
pour  Palerme  à  midi,  a  fait  10  milles  par  heure. 
i,'n  autre,  qui  fait  7  milles  par  heure,  est  parti  au 
même  moment  de  Palerme  pour  Xaples.  A  quelle 
heure  se  rencontreront-ils  et  combien  de  milles 
aura  fait  chacun  d'eux,  la  distance  entre  les  villes 
«tant  de  18(J  milles  ? 

Vincent  Zuccaro  répond  aussitôt  :  Le  premier 
îiavire  aura  fait  105  milles  i|;  le  deuxième,  74  j%. 

—  Oui,  mais  à  quelle  heure  la  rencontre  ? 

—  Cela  s'entend  :  à  10  heures  etp  après  le  départ. 
L'enfant,  ayant  aperçu  la  liaison  entre  les  deux 

parties  de  la  réponse,  pensait  que  les  assistants 
l'avaient  comprise  comme  lui  et  qu'il  était  inutile 
de  l'énoncer. 

2*  problème.  —  Dans  trois  attaques  successives 
cntpéri  le  quart,  puis  le  cinquième,  puis  le  sixième 
des  assaillants  qui  se  trouvent  alors  réduits  à  138. 
Combien  ctaieni-ils  d'abord? 

L'enfant  répond  :  .360. 

D.  Comment  avcz-vous  trouvé  ce  nombre  ? 

R.  S'ils  avaient  été  60,  il  en  serait  resté  23  après 
les  attaques;  mais  23  est  le  sixième  de  138,  donc 
les  assaillants  étaient  d'abord  six  fois  60,  c'est-à- 
dire  360. 

D.  Mais  pourquoi  avez-vous  supposé  60  plutôt 
que  50  ou  70? 

R.  Parce  que  ni  50  ni  70  ne  sont  divisibles  par 
4  ni  par  6. 

iji' a.^vè?,\a.Revue encyclopédique,t.'X\A\l,  p.  230.) 

CALENDRIER.  —  Connaissances  usuelles,  VIII  ; 
Cosmographie, m  IV.-  Etym.  :  du  latin  calenda- 
rvum,  tableau  des  calendes.  Les  calendes  (d'un 
mot  grec  qui  signifie  appel}  étaient  le  1"  jour  du 
mois,  celui  où  les  prêtres  annonçaient  au  peuple 
assemblé  les  fêtes  du  mois. 

Nous  savons  déjà  ce  que  c'est  que  l'an?iée  '.  Si 
nous  considérons  une  étoile  placée,  comme  l'étoile 
polaire,  par  exemple,  d'un  côté  de  la  route  que 
suit  la  terre  autour  du  soleil,  nous  reconnaîtrons 
qu'au  commencement  du  printemps  et  au  com- 
mencement de  l'automne,  la  terre  est  à  la  même 
distance  de  cette  étoile  ;  qu'au  commencement  de 
l'été,  la  terre  est  un  peu  plus  loin,  et  au  commen- 
cement de  l'hiver,  un  peu  plus  près  de  l'étoile  po- 
laire. 


Dans  cette  révolution,  il  arrive  que  l'équateur 
de  la  terre,  prolongé  jusqu'au  soleil,  conserve 
toujours  dans  le  ciel  la  même  direction  et  passe, 
au  commencement  du  printemps,  exactement  par 
le  centre  du  soleil  ;  au  commencement  de  l'été, 
23  degrés  et  demi  environ  au-dessous  du  soleil 
par  rapport  à  l'étoile  polaire  ;  repasse  au  commen- 
cement de  l'automne,  exactement  par  le  centre  du 
soleil,  et,  au  commencement  de  l'hiver,  se  dirige 
à  23  degrés  et  demi  environ  au-dessus  du  soleil, 
entre  celui-ci  et  l'étoile  polaire. 

On  nomme  année  tropique  le  temps  qui  s'écoule 
depuis  le  printemps  où  l'équateur  de  la  terre  est 
dirigé  vers  le  centre  du  soleil  jusqu'au  printemps 
suivant,  où  cet  équateur  est  de  nouveau  dirigé  vers 
le  même  centre  du  soleil.  C'est  cette  année  tropi- 
que qui  règle  le  calendrier  parce  que  c'est  elle  qui 
ramène  les  saisons  dans  le  même  ordre,  avec  une 
régularité  parfaite.  On  conçoit  facilement  la  néces- 
sité, pour  la  vie  ordinaire,  de  ramener  les  mêmes 
saisons  continuellement  aux  mêmes  mois  de  l'an- 
née, et,  autant  que  possible,  aux  mêmes  quantièmes 
de  ces  mêmes  mois.  Le  trouble  qu'apporterait  dans  1  es 
travaux  agricoles  la  présence,  au  bout  de  cinquante 
ou  soixante  ans,  de  l'été  au  mois  de  mai,  par  exem- 
ple, et  plus  tard  au  mois  d'avril,  frappera  tous  les 
esprits. 

Le  jour  solaire  est  produit  par  la  rotation  do  la 
terre  sur  elle-même  :  c'est  l'intervalle  de  temps 
qui  s'écoule  depuis  le  moment  où,  par  suite  de  cette 
rotation,  un  point  de  la  terre  est  amené  en  face 
du  centre  du  soleil,  jusqu'au  moment  où  il  revient 
pour  la  deuxième  fois  en  face  du  centre  du  soleil. 

Si  l'année  tropique  contenait  un  nombre  exact 
de  jours  solaires,  la  question  du  calendiùer  serait 
bien  simple,  le  calendrier  d'une  année  ressemble- 
rait toujours  à  celui  de  l'année  précédente  ;  surtout 
si  le  nombre  de  jours  solaires  de  l'année  tropique 
contenait  un  nombre  exact  de  semaines. 

Mais  il  n'en  est  pas  ainsi.  Dans  l'année  tropique, 
il  y  a  3fJ5  jours  242  millièmes  216  millionièmes  et 
6  dixmillionnièmes  de  jour.  Les  usages  de  la  vie  ne 
peuvent  pas  s'arranger  d'une  année  fractionnaire 
comme  celle-là,  qui  conduirait  à  commencer  une 
année  à  minuit,  l'année  suivante  à  5  heures  48  mi- 
nutes 47  secondes  et  demie  du  matin,  la  suivante, 
à  11  heures  37  minutes  35  secondes  du  matin,  et 
ainsi  de  suite.  Depuis  longtemps,  les  peuples  ont 
reconnu  la  nécessité  de  créer  une  année  civile  com- 
posée d'un  nombre  exact  de  jours  et  il  en  résulte 
l'année  civile  comminie,  de  365  jours. 

Cette  année  est  trop  courte  do  0  jour,  2'i22I66,  et 
comme  0,2422 166  X  -i  =  0,9688(iG4  ou  tout  près 
d'un  jour,  on  est  convenu  de  faire,  tous  les  quatre 
ans,  une  année  civile  de  366  jours  par  l'addition 
d'un  jour  au  mois  de  février.  On  nomme  cette  qua- 
trième année  :  année  bissextile. 

Puisqu'on  était  en  retard  de  0  jour,9688G6i  et 
qu'on  vient  d'ajouter  un  jour,  1  — 0,96.ssè64  donnant 
0,0311336,  chaque  période  de  4  ans  se  trouve  trop 
longue  de  0  jour,  0311336.  Il  en  résulte  qu'au  bout 
de  100  ans  ou  de  25  fois  4  ans,  on  se  trouve  en 
avance  de  0,0311336X25  ou  de  0,77834.  Cette  cir- 
constance a  fait  admettre  que  chaque  année  de 
siècle,  1701',  1800,  1900,  serait  une  année  commune 
au  lieu  d'être  une  année  bissextile,  ce  qui  revient 
à  retrancher  un  jour  de  chaque  période  de  cent  ans. 

On  se  trouve  ainsi  en  retard  de  1  — 0,7783  i  jour 
ou  0,22160  jour  tous  les  cent  ans.  soit,  au  bout  de 
quatre  siècles,  de  0,22160  X  4  ou  0,88604  jour.  Alors 
il  a  été  décidé  que  chaque  quatrième  année  de  siè- 
cle, 1600,2000,2400,  etc.,  serait  une  année  bissex- 
tile, contrairement  à  la  convention  précédente. 

Tous  les  quatre  cents  ans  donc,  on  se  retrouve  en 
avance  de  1  — 0,88(i64  ou  0,11-'.3G.  Il  faut  donc  atten- 
dre 10  fois  400  ou  4000  ans  pour  que  l'avance  soit  de 
0,11336  X  10  ou  1  jour,  1336  ;  mais  nous  avons 
bien  le  droit  de  ne  pas  nous  préoccuper  de  si  loin. 


CALENDRIER 


—  328  — 


CALENDRIER 


Toutes  CCS  règles  sont  contenues  dans  l'égalité 
que  voici  : 

365,24221Ci6^.3G5+  i  _  ^  +  -^J^  _  lifM 

que  l'on  peut  lire  en  disant  :  l'année  civile  se  com- 
pose de  3G6  jourSj  avec  un  jour  de  plus  ou  une  an- 
née bissextile  tous  les  quatre  ans,  un  jour  de  moins 
ou  une  année  commune  tous  les  cent  ans  au  lieu 
d'une  année  bissextile,  un  jour  de  plus  ou  une  an- 
née bissextile  tous  les  quatre  cents  ans  au  lieu 
d'une  année  commune  et  1  jour,  1136  dix-millièmes 
de  jour  à  retrancher  tous  les  quatre  mille  ans. 

Dès  le  onzième  siècle,  les  Perses  suivaient  une 
méthode  plus  simple  et  en  même  temps  plus  juste 
pour  régler  la  succession  des  années  communes  et 
des  années  bissextiles.  Ils  font  8  années  bissextiles 
dans  33  ans,  de  4  en  4  ans  pour  les  7  premières,  et 
en  attendant  5  ans  pour  la  huitième.  L'erreur  com- 
mise pour  l'année  commune  étant  de  Ojour,  24221 06, 
sera  pour  33  ans,  de  0  242216()  X  33  =  7,9931478. 
En  faisant  8  années  bissextiles,  c'est-à-dire  en 
■ajoutant  8  jours  dans  cet  intervalle,  ils  réduisent 
l'erreur  à  8  — 7,9931478  =  0,00(i8522  tous  les 33  ans, 
ce  qui  fait  une  erreur  d'un  jour  tous  les  4818  ans. 
Nous,  avec  une  méthode  relativement  plus  com- 
pliquée, nous  avons  une  erreur  d'un  jour  au  bout 
de  3528  ans. 

Historique  sommaire  du  calendrier.  —  La 
division  du  temps  en  années  est  bien  probable- 
ment la  première  |qui  [ait  existé  pour  les  peuples 
qui  ne  faisaient  qu'une  récolte  par  an,  qui  ne 
voyaient  le  blé  donner  ses  épis,  la  vigne  ses  rai- 
sins, etc.,  qu'unefoisaveclerenouvellement  si  mar- 
qué des  quatre  saisons. 

La  division  en  mois  de  29  ou  30  jours,  d'après 
la  durée  des  phases  de  la  lune,  d'une  nouvelle 
lune  à  la  suivante,  a  dû  venir  ensuite.  La  divi- 
sion en  semaines  de  7  jours,  correspondant  aux 
quatre  phases  de  chaque  lunaison  aura  suivi  les 
deux  autres.  Nous  ne  parlons  pas  de  la  division  en 
jours,  d'un  lever  du  soleil  au  lever  suivant,  qui  doit 
être  aussi  ancienne  que  l'homme. 

Calendrier  juif.  —  Depuis  des  temps  que  l'on 
ne  peut  évaluer,  les  hommes  ont  été  préoccupés 
de  la  manière  dont  ils  feraient  concorder  les  an- 
nées et  les  mois.  Cette  préoccupation  s'est  tra- 
duite par  des  complications  d'une  bizarrerie  ex- 
trême, par  exemple  chez  les  Juifs  qui  ont  actuelle- 
ment six  espèces  d'années  respectivement  de  353, 
354,35:>,383,  384  et  38.t  jours. 

Le  système  suivi  par  les  premiers  Juifs  nous  pré- 
sente une  particularité  curieuse.  Leur  année 
commençait  par  un  mois  nommé  Abid,  et  le  sei- 
zième jour  de  ce  mois,  ils  devaient  faire  la  fête  des 
épis,  où  devaient  figurer  des  épis  d'orge  mûr.  Or 
le  mois  qui  précédait  Abib  se  nommait  Adar,  et 
lorsqu'on  Adar  on  voyait  que  les  épis  ne  seraient 
pas  mûrs  pour  le  16  A'bib,  on  doublait  le  mois  d'A- 
dar,  en  nommant  le  nouveau  mois  Ve  Adar  ou 
deuxième  \dar. 

Calendrier  romain.  —  Notre  calendrier  nous 
vient  des  Romains.  Ce  fut  d'abord  une  année  lu- 
naire, assez  semblable  à  celle  dos  Juifs  avec  de 
nombreuses  intercalations.  Puis  un  désordre  com- 
plet s'y  introduisit  ;  la  succession  des  mois,  réglée 
d'après  les  fêtes  religieuses,  fut  laissée  aux  ca- 
prices des  prêtres  qui,  pour  des  motifs  d'intrigue 
politique,  bouleversèrent  à  leur  gré  le  calendrier. 
Jamais,  rapporte  Suétone,  la  fête  de  la  moisson 
ne  tombait  en  été,  ni  celle  des  vendanges  en  au- 
tomne. 

En  46  avant  notre  ère,  Jules  César,  aidé  d'un 
astronome  d'Alexandrie,  voulut  régulariser  cet  état 
de  choses  et  en  prévenir  le  retour.  Pour  ramener 
les  saisons  à  leurs  places  dans  l'ordre  des  mois,  il 
lui  fallut  faire  durer  c(^tte  année  445  jours.  11  fixa 
pour  l'avenir  l'année  à  365jours,  en  donnant  31  jours 
aux  mois  do  rang  impair  dans  l'anncp.  30  jours  au 


mois  de  rang  pair,  sauf  février,  le  mois  néfaste  des 
anciens  Romains,  qui  n'eut  que  29  jours,  et  il  dé- 
créta que  tous  les  quatre  ans,  ce  mois  de  février 
aurait  30  jours  et  l'année  366.  Par  un  amour-propre 
exagéré,  le  mois  dans  lequel  Jules  César  était  né, 
Ouindilis,  reçue  de  lui  le  nom  de  Julius  qui  est 
devenu  notre  juillet.  11  en  résulta  qu'après  la 
mort  de  César,  son  successeur  Octave  Auguste» 
jaloux  de  cette  prérogative,  commença  à  faire  appe- 
ler Aur/u-stus,  qui  est  devenu  Août,  le  mois  suivant. 
Ensuite,  s'apercevant  que  le  mois  Julius,  d'ordre 
impair,  avait  31  jours,  et  ne  pouvant  souffrir  cette 
infériorité  pour  son  mois  Augustus,  il  prit  un  jour 
à  février,  qui  n'en  pouvait  mais,  pour  l'ajouter  à 
Augustus,  en  réduisant  septembre  et  novembre  à 
30  jours  pour  ne  pas  avoir  trois  mois  de  31  jours  de 
suite  et  élevant  à  31  jours  octobre  et  décembre. 

La  réforme  ainsi  opérée  se  nomme  la  réforme 
julienne,  et  le  calendrier  constitué  sur  ces  bases, 
encore  en  usage  aujourd'hui  chez  les  Grecs  et  les 
Russes,  a  été  appelé  le  calendrier  Julien. 

Calendrier  grégorien.  —  En  suivant  la  simple 
réforme  julienne,  il  y  avait,  comme  nous  l'avons 
montré  ,3  jours  de  trop  en  400  ans.  Au  xiiie  siècle, 
Roger  Bacon  réclamait  déjà  une  réforme  du  calen- 
drier. Au  XII*  siècle,  cette  erreur  de  78  centièmes 
de  jour  par  siècle  avait  fait  reculer  de  1*2  jours,  les 
saisons  sur  les  mois  :  le  printemps  commençait  dans 
la  première  moitié  de  mars,  au  lieu  de  commencer 
dans  la  dernière  moitié  comme  du  temps  de  Cé- 
sar et  d'Auguste.  Le  pape  Grégoire  XIH,  avec 
l'aide  du  savant  Calabrais  Lilio,  voulut  y  remédier. 
Se  trompant  volontairement  ou  involontairement. 
au  lieu  de  tenir  compte  des  12  jours,  il  ne  tint 
compte  que  de  10,  en  décidant  que  le  lendemain 
du  4  octobre  1582  se  nommerait  le  15  octobre  15S2. 
Il  établit  ensuite  que  chaque  année  de  siècle  serait 
commune  au  lieu  d'être  bissextile,  sauf  tous  les 
quatre  siècles. 

t^est  là  la  réforme  grégorienne;  le  calendrier 
ainsi  fixé  fut  adopté  immédiatement  par  la  France 
et  par  les  Etats  catholiques  ;  mais  il  fut  repoussé 
par  les  protestants  qui  aimaient  mieux,  comme  on 
le  dit,  ne  pas  être  d'accord  avec  le  soleil  que  de 
l'être  avec  le  pape.  Cependant  ceux  de  l'Allemagne 
et  du  Nord  s'y  rallièrent  au  commencement  du 
xiii'=  siècle,  l'Angleterre  en  1752.  Aujourd'hui,  il 
n'y  a  plus  que  les  Grecs  et  les  Russes  qui  conti- 
nuent à  suivre  le  calendrier  julien.  L'écart,  qui 
était  d'abord  un  retard  de  10  jours,  s'est  augmenté 
en  1700  et  en  1800,  puisque  pour  eux  et  non  pour 
nous  ces  deux  années  ont  été  bissextiles.  Ils  sont 
aujourd'hui  en  retard  de  12  jours  (après  1900,  il  y 
aura  13  jours  d'écart).  C'est  pour  cela  qu'il  est 
d'usage  de  marquer  les  deux  dates. 

Quant  au  commencement  de  l'année,  c'est  un 
édit  du  roi  Charles  IX,  publié  en  15G3,  qui  l'a  fixé 
au  l«r  janvier.  Jusqu'en  1752,  les  Anglais  commen- 
çaient leur  année  au  25  mars. 

Calendrier  républicain.  —  La  dernière  réforme 
tentée  à  propos  du  calendrier  est  celle  qui  fixait 
le  commencement  d'une  nouvelle  ère  au  22  sep- 
tembre 1792,  jour  de  la  proclamation  de  la  première 
République  française.  Dans  ce  calendrier,  les  mois, 
parfiiitement  bien  nommés  pour  l'Europe,  vendé- 
miaire, brumaire,  frimaire  en  automne  (les  ven- 
danges, les  brouillards,  les  frimas)  ;  nivôse,  plu- 
viôse, ventôse  en  hiver  (la  neige,  la  pluie,  le  vent)  ; 
germinal,  floréal,  prairial  au  printemps  (les  ger- 
mes, les  fleurs,  les  foins)  ;  messidor,  thermidor, 
fructidor  en  été,  (la  moisson,  la  chaleur,  les  fruits), 
ont  chacun  30  jours,  et  5  jours  complémentaires, 
n'appartenant  à  aucun  mois,  terminent  l'année. 
Lorsque  les  astronomes  s'aperçoivent  que  l'année 
va  commencer  avant  l'équiiioxe  d'automne,,  ce  qui 
arrive  ordinairement  tous  les  quatre  ans,  un  sixième 
jour  complémentaire,  ajipelé  jour  de  la  Révolution, 
s'ajoute  à  l'année.  Le  mois  est  divisé  eu  trois  dé- 


CANAUX 


—  329  — 


CANAUX 


cadcs  ou  périodes  de  dix  jours.  On  trouvera  a  1  ar- 
ticle Ere  républicaine  (V.  au  supplément,  p.  2398) 
un  tableau  de  la  concordance  du  calendrier  républi- 
cain avec  le  calendrier  grégorien  pendant  les 
quatorze  années  de  1T92  à  1806.      [Joseph  Vinot.] 

CANAUX.  —  Géographie  de  la  France,  III.  — 
Le  mot  canal,  dans  le  sens  propre,  se  dit  dun 
con  duit  par  où  l'eau  passe.  Par  extension,  il  sert  à 
désigner  une  rivière  artificielle  creusée  do  main 
d"homme  soit  le  long  d'une  rivière  naturelle,  soit 
entre  deux  rivières  séparées  l'une  de  l'autre- 

i.  Des  canaux  en  général.  —  Leur  utilité  est 
bien   aisée  à  comprendre. 

Conditions  de  traction  d'un  corps  flottant.  — 
1°  Sur  une  eau  courante.  —  Une  rivière,  suivant 
le.  mot  de  Pascal,  est  un  chemin  qui  marche. 
Abandonnez  à  son  courant  un  morceau  de  bois, 
ou  un  bateau  qui  puisse  y  flotter,  bateau  et  mor- 
ceau de  bois  descendront  sans  vous  coûter  un  seul 
effort,  avec  l'eau  qui  suit  la  pente  naturelle  de  son 
lit,  depuis  sa  source  jusqu'à  la  mer. 

2°  Dans  une  eau  tranquille.  —  Dans  une  eau 
tranquille  comme  celle  d'un  lac  ou  dun  étang,  qui 
n'est  agitée  ni  par  le  vent  ni  par  les  courants,  on 
fait  avancer  un  bateau  presque  sans  effort.  La  ré- 
sistance que  l'eau  lui  oppose  s'accroît  proportion- 
nellement au  carré  de  la  vitesse  ;  mais  avec  une 
grande  lenteur,  la  puissance  de  traction  d'un  homme 
ou  d'une  bête  de  trait  est  presque  illimitée. 

3°  Contre  un  courant.  —  Pour  remonter  le  cou- 
rant d'une  rivière,  la  résistance  que  rencontre  un 
bateau  se  compose  de  deux  éléments.  Il  s'élève 
verticalement  comme  le  niveau  do  l'eau  dan*^  les 
points  par  où  il  passe  successivement  et  il  exige 
pour  cela  un  travail  analogue  à  celui  de  tout  corps 
pesant  remontant  le  long  d'un  plan  incliné.  En  se- 
cond lieu,  il  marche  en  sens  inverse  de  l'eau  et 
éprouve  de  ce  fait  une  résistance  qui  s'accroît  pro- 
portionnellement à  la  somme  des  deux  vitesses 
inverses  du  bateau  et  de  l'eau  de  la  rivière  par  rap- 
port à  un  point  fixe,  de  même  que  nous  avons  dit 
précédemment  pour  un  bateau  marchant  dans  une 
eau  tranquille. 

D'après  ces  considérations,  on  voit  que  la  naviga- 
tion ne  peut  avoir  lieu  à  la  remonte  sur  une  rivière 
que  si  le  courant  de  celle-ci  est  suffi-amment  If^nt. 
Kn  outre,  les  rivières  dont  le  courant  est  très  rapide 
n'ont  généralement  pas  de  profondeur.  Car  l'eau 
qu'elles  débitent  en  une  minute,  par  exemple,  s'é- 
tale sur  toute  la  longueur  de  leur  lit  qu'elles  par- 
courent dans  le  même  temps,  tandis  que,  pour 
celles  qui  coulent  lentement,  l'eau  débitée  s'en- 
tasse sur  un  espace  beaucoup  plus  restreint. 

Canalisation  des  rivières  et  construction  des  ca- 
naux. —  On  est  donc  conduit,  quand  on  creuse  un 
canal,  ou  quand  on  veut  améliorer  la  navigabilité 
d'une  rivière,  qui  est  alors  dite  canalisée,  à  établir 
une  série  de  bassins  où  la  pente  et  le  courant  de 
l'eau  soient  aussi  faibles  que  possible,  et  où  la  pro- 
fondeur soit  suffisante  pour  faire  flotter  des  ba- 
leaux,  dont  l'économie  des  transports  tend  chaque 
jour  à  faire  augmenter  les  dimensions. 

Barrages.  —  Pour  canaliser  une  rivière,  on  éta- 
blit en  travers  de  son  cours  des  barrages,  en  amont 
de  chacun  desquels  l'eau  s'accumule  jusqu'à,  ce 
que  le  débit  de  la  rivière  ait  fourni  assez  d'eau 
pour  qu'elle  puisse  se  déverser  en  aval. 

Biefs.  —  On  appelle  bief  la  partie  de  la  rivière 
que  limitent  deux  barrages  consécutifs.  Il  est  aisé 
de  comprendre  que  plus  les  barrages  sont  rappro- 
chés, et  plus  la  profondeur  d'eau  augmente,  plus 
la  vitesse  de  son  courant  diminue.  La  rivière  se 
trouve  donc  partagée  en  une  série  de  biefs  de  ni- 
veaux différents.  Nous  expliquerons  tout  à  l'heure 
comment  les  bateaux  peuvent  descendre  ou  re- 
monter quant  il  s'agit  de  passer  d'un  bief  au  sui- 
vant. 

Quand  il  s'agit  de  creuser  un  canal  suivant  la 


pente  d'une  rivière,  on  le  compose  d'une  série  de 
biefs  à  peu  près  horizontaux,  de  manière  à  annuler 
le  courant  de  l'eau. 

Il  arrive  souvent  que  le  long  d'une  rivière  on 
se  sert  tantôt  du  lit  même  de  la  rivière,  sur  les 
points  où  il  se  prête  à  la  canalisation,  et  tantôt 
d'un  tronçon  de  canal  entièrement  artificiel.  C'est 
ce  qu'on  nomme  un  canal  latéral. 

Ecluse-.  —  Sur  la  rivière  canalisée,  comme  sur 
le  canal  creusé  de  main  d'homme,  les  bateaux  pas- 
sent d'un  bief  à  l'autre  au  moyen  des  écluses  dont 
l'introduction  en  France  est  due  au  célèbre  pein- 
tre Léonard  de  Vinci.  Une  écluse  se  compose  d'un 
bassin  nommé  sas.  qu'on  creuse  entre  les  deux 
biefs  et  qui  est  séparé  de  chacun  d'eux  par  une 
porte  mobile  retenant  l'eau  en  amont,  mais  pouvant 
donner  passage  au  bateau  quand  on  l'ouvre. 

Par  l'écluse,  le  bateau  peut,  à  volonté,  remonter 
du  bief  d'aval  dans  le  bief  d'amont,  ou  suivre  la 
route  inverse.  Dans  le  premier  cas,  en  ouvrant  la 
porte  du  sas  en  aval,  l'eau  prend  le  même  niveau 
dans  le  sas  et  dans  le  bief  d'aval,  et  le  bateau  peut 
passer  du  second  dans  le  premier.  On  referme 
alors  la  porte  d'aval  et  on  ouvre  la  porte  d'amont. 
L'eau  du  bief  d'amont  entre  dans  le  sas,  en  élève 
le  niveau.  Le  bateau  flottant  toujours  se  trouve 
ainsi  soulevé,  jusqu'à  ce  que  le  même  niveau  se 
trouve  établi  entre  le  sas  et  le  bief  d'amont.  Il  peut 
dès  lors  passer  sans  difficulté  dans  celui-ci. 

Nous  avons  expliqué  théoriquement  la  manœuvre 
de  l'écluse  ;  en  pratique  on  n'ouvre  pas  tout  d'a- 
bord la  porte  du  sas,  mais  seulement  une  vanne 
plus  petite,  par  où  l'eau  passe  plus  lentement,  de 
manière  à  ne  pas  dégrader  par  ses  tourbillons  la 
maçonnerie  de  l'ouvrage.  La  porte  entière  ne  s'ou- 
vre que  lorsque  le  niveau  étant  près  de  s'établir, 
le  danger  n'est  plus  à  craindre.  Dans  le  cas  où  le 
bateaudoit  descendre  l'écluse  au  lieu  de  la  remon- 
ter, c'est  la  porte  du  sas  en  amont  qu'on  ouvre  la 
première,  et  celle  d'aval  en  second  lieu. 

On  voit  que  chaque  fois  que  les  deux  portes  de 
l'écluse  s'ouvrent,  soit  pour  la  remonte,  soit  pour 
la  descente,  il  passe  du  bief  d'amont  dans  le  bief 
d'aval  un  volume  d'eau  équivalentau  parallélipipède 
dont  la  base  serait  égale  à  celle  du  sas  et  la  hauteur 
à  la  diflërence  de  niveau  d'eau  entre  le  bief  d'a- 
mont et  le  bief  d'aval. 

On  ne  peut  donc  établir  de  barrage  et  d'écluse 
sur  une  rivière  ou  un  canal,  qu'autant 'que  l'eau  y 
sera  en  quantité  suffisante  pour  alimenter  ce 
débit. 

Canaux  à  point  de  partage.  —  Ce  qui  précède 
s'applique  aux  rivières  canalisées  ou  aux  canaux  qui 
n'ont  à  suivre  qu'une  seule  pente.  Mais  pour  ré- 
unir deux  rivières  différentes  entre  elles,  il  faut 
faire  franchir  au  canal  le  faîte  qui  sépare  leurs 
deux  bassins.  On  n'y  réussit  qu'à  la  condition  de 
pouvoir  rassembler  en  un  point  de  cette  ligne  de 
faîte  une  quantité  d'eau  suffisante  pour  alimenter 
deux  canaux  descendant  en  sens  inverse  de  ce  point 
vers  chacune  des  deux  rivières  à  réunir.  C'est  ce 
qu'on  appelle  alors  canal  à  point  de  partage.  Leur 
avantage  est  de  réunir  deux  bassins  différents. 
Leur  construction  est  facile  dans  les  paj's  peu 
accidentés  où  le  faîte  de  partage  à  franchir  n'est 
pas  élevé,  comme  entre  la  Seine  et  la  Loire,  ou 
d'une  épaisseur  assez  faible  pour  être  traversé  en 
tunnel  comme  entre  la  Somme  et  l'Escaut.  Les'Vos- 
ges  ont  également  été  percées  pour  donner  passage 
au  canal  de  la  Marn  ,'  au  Rhin. 

II.  Description  des  canaux  de  la  France.  — 
Voyons  maintenant  quels  sont  les  principaux  ca- 
naux de  la  France. 

Jonction  entre  la  Seine  et  la  Loire.  —  C'est 
Henri  IV  qui  a  fait  commencer  le  premier  canal 
français,  celui  de  Liriare.  destiné  à  réunir  la  Loire 
à  la  Seine.  Il  quitte  la  Loire  à  Briare  et  se  sépare  à 
Moniargis  en  deux  branches,   le  canal  d'Orléans, 


CANAUX 


—  330  — 


CANAUX 


qui  rejoint  la  Loire  à  Orléans,et  le  canal  du  Loing, 
qui  suit  cette  dernière  rivière  jusqu'à  son  embou- 
chure dans  la  Seine  k  Moret. 

La  Seine  est  encore  unie  à  la  Loire  par  le  canal 
du  2<ivernais  qui  atteint  la  Loire  à  Decize  et  l'Yonne 
à  Clamecy. 

Jonction  entre  la  Seine  et  la  Saône.  —  Elle  com- 
munique avec  la  Saône  par  le  canal  de  Bourgogne, 
qui  quitte  lYcnne  à  la  Roche,  entre  Auxerre  et 
Joigny,  et  atteint  la  Saône  à  Sami-Jean-de-Losne 
après  avoir  traversé  Dijon. 

Affluents  navigables  de  la  Seine.  —  La  Seine 
canalisée  depuis  Troyes,  l'Aube  sur  quelques  kilo- 
oiètres  en  amont  de  son  embouchure,  l'Yonne,  la 
Marne,  amènent  à  Paris  un  important  mouvement 
de  batellerie.  A  Paris  même,  le  canal  de  VOwcg 
débouche  dans  le  bassin  de  la  Villette,  il  sert  à  la 
fois  à  la  navigation  et  à  1  alimentation  de  la  ville 
•en  eau.  Du  bassin  de  la  Villette  descendent  deux 
■canaux  opposés  :  le  ca?ial  >^aint-Martin  qui  aboutit 
dans  la  Seine,  au  pont  d'Austerlitz,  et  le  canal 
Saint-Denis  qui  conduit  à  cette  dernière  ville. 
Ces  deux  canaux  permettent  h  la  batellerie  d'éviter 
la  traversée  de  Paris.  Mais  l'Oise  est  de  toutes  les 
rivières  de  France  celle  dont  le  tonnage  est  le  plus 
■considérable.  Elle  transporte  annuellement  près 
de  deux  millions  de  tonnes  fournies  surtout  par 
•îes  houilles  du  IS'ord  et  de  la  Bf^lgique. 

Jon.tion  entre  la  Sei?2e  et  la  Meuse.  —  Par  l'Aisne 
•et  le  canal  des  Ardennes  qui  atteint  la  Meuse  à 
Donchery,  entre  Sedan  et  Mézières,  la  Seine  et 
î'Oise  communiquent  avec  la  Meuse. 

Par  le  canal  de  V Ais7ie  à  la  Marne,  qui  traverse 
Reims,  l'Oise  et  la  Marne  sont  mises  en  communi- 
cation directe. 

Les  deux  bassins  de  la  Seine  et  de  la  Meuse  sont 
encore  reliés  par  le  canal  de  l'Oise  à  la  Snnihre 
qui  aboutit  sur  cette  dernière  rivière  à  Landrecies, 
•et  forme  la  voie  la  plus  directe  entre  le  bassin 
houiller  de  Charleroy,  en  Belgique,  et  Paris. 

Jonctiû7i  entre  la  Sei7ie  et  la  Somme.  —  L'Oise 
communique  avec  la  Somme  par  le  canal  de  Crozat 
qui  va  de  la  Fère,  sur  l'Oise,  à  Saint-Quentin  sur 
ia  Somme.  Le  canal  latéral  à  la  Somme  conduit 
de  Saint-Quentin   jusqu'à  son  embouchure. 

Jonction  entre  la  Somme  et  l'Escaut.  —  Le  canal 
de  Saint-Quentin  \a.&e  la  Somme  à  l'Escaut  qu'il 
joint  à  Cambrai. 

Canaux  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais.  —  Dans 
ies  plaines  de  la  Flandre  et  de  l'Artois,  les  canaux 
sont  fort  nombreux.  L'Escaut  et  ses  deux  princi- 
paux affluents  français,  la  Scarpe  et  la  Lys.  sont 
tous  trois  navigables  ou  canalisés;  l'Escaut  se 
joint  au  canal  de  Saint-Quentin  et  traverse  l'im- 
portant bassin  houiller  de  Valenciennes  ;  la  Scarpe 
est  canalisée  depuis  Arras,  et  la   Lys  depuis  Aire. 

L'Escaut  se  joint  à  la  Scarpe,  par  le  canal  de  la 
Sensée  'affluent  de  la  Scarpe),  qui  se  sépare  de 
l'Escaut,  entre  Cambrai  et  Bouchain,  et  se  réunit 
à  la  Scarpe,  un  peu  en  amont  de  Douai. 
:  La  Scarpe  se  joint  à  la  Lys  par  le  canal  de  la 
■Deule.  Cette  rivière,  affluent  de  la  Lys,  alimente 
le  canal  du  même  nom,  qui  va  de  Douai  sur  la 
la.  Scarpe,  à  Deulemont  situé  au  confluent  de  la 
Deule  et  de  la  Lys,  sur  la  frontière  de  Belgique. 
Le  canal  de  la  Deule  traverse  Lille  et  est  relié  à 
l'important  centre  manufacturier  de  Roubaix,  par 
le  canal  de  Roubaix. 

Par  le  canal  à' Aire  à  la  Bassée,  le  canal  de  la 
Deule  est  mis  une  seconde  fois  en  communication 
avec  la  Lys,  dont  la  navigation  propre  commence 
à  Aire. 

De  là  le  canal  de  Neuff'ssé  va  gagnera  Saint- 
Omer  l'Aa.  Ce  petit  fleuve  est  canalisé  jusqu'à 
son  embouchure  dans  la  mer  à  Gravelines,  et  est 
relié  avec  le  port  de  Calais  par  le  canal  de  Calai<, 
et  avec  celui  de  Dunkerque  par  le  canal  de  Bour- 
hourg. 


Jonction  entre  la  Seine  et  le  Rhin.  —  Le  bassin 
de  la  Seine  est  relié  avec  celui  du  Rhin  par  le 
canal  de  la  Marne  au  Rhin,  qui  quitte  le  canal  la- 
téral à  la  Marne  à  Vitry-le-Français,  franchit  la 
vallée  de  la  Meuse,  puis  celle  de  la  Moselle,  des- 
sert Nancy,  traverse  les  Vosges  dans  un  tunnel  et 
aboutit  au  Rhin,  près  de  Strasbourg. 

Nouveau  canal  de  P  tst.  —  Des  travaux  en  cours 
d'exécution  auront  bientôt  rendu  la  Meuse  naviga- 
ble depuis  Pagny  où  passe  le  canal  de  la  Marne 
au  Rhin  jusqu'à  la  frontière  belge,  la  Moselle  de- 
puis tpinal,  la  Mcurihe  depuis  Nancy.  Pour  rem- 
placer l'ancien  canal  de  l'Est  ou  du  Rhône  au 
Rhin,  dont  la  partie  alsacienne  nous  a  été  enlevée 
en  1S71,  on  creuse  en  ce  moment  le  nouveau 
canal  de  l'Es',  qui  remonte  la  Saône,  joint  la 
Moselle  près  d'Épinal,  projette  un  embranchement 
sur  cette  ville,  un  second  sur  Nancy,  quitte  la 
Moselle  à  Toul  pour  franchir  la  ligne  de  faîte 
entre  la  Moselle  et  la  Meuse  et  redescend  dans  la 
vallée  de  ce  fleuve  à  Pagny  pour  le  suivre  jusqu'à 
Givet. 

Au  moyen  de  ce  canal  les  bassins  houillers  de 
Belgique,  les  hauts  fourneaux  des  Ardennes,  de 
Meurthe-et-Moselle  et  de  la  Haute-^Iarne  seront 
mis  en  communication  économique  et  directe  en- 
tre eux  et  avec  le  midi  de  la  France. 

De  l'ancien  canal  de  l'Est,  il  ne  reste  plus  à  la 
France  qu'un  petit  tronçon  en  amont  de  Montbé- 
liard  se  dirigeant  vers  Mulhouse. 

Jonction  du  Rhin,  du  Rhôue  et  de  la  Loire.  — 
A  partir  de  Montbéliard,  le  Doubs  canalisé  et  la 
Saône  forment  une  importante  ligne  de  navigation 
jusqu'à  Lyon. 

Canal  du  Centre  et  canal  latéral  à  la  Loire.  — 
Le  canal  du  Centre  ou  de  Digoin  se  détache  de  la 
Saône  à  Chalon  et  joint  à  Digoin  la  Loire  ou  plu- 
tôt le  ca}ial  latéral  qui  suit  ce  fleuve  depuis 
Roanne  jusqu'à  Briare.  Le  canal  du  Centre  dessert 
le  Creusot,  ses  forges  et  l'important  bassin  houiller 
don',  il  est  le  centre. 

Le  Rhône.  —  A  partir  de  Lyon,  le  Rhône  ofi're 
un  cours  trop  rapide  et  un  débit  trop  irrégulier 
pour  former  une  importante  voie  navigable.  La 
batellerie  le  suit  à  la  desencte,  mais  le  trafic  est 
pour  ainsi  dire  nul  à  la  remonte.  Il  est  sérieusement 
question  de  construire  un  canal  latéral  qui  pour- 
rait servir  pendant  l'hiver  à  la  navigation  et  pen- 
dant l'été  à  l'irrigation.  Car  c'est  durant  cette  der- 
nière saison  que  le  Rhône  et  ses  affluents  gonflés 
par  la  fonte  des  neiges  offrent  un  débit  suffisant 
pour  que  le  fleuve  soit  navigable. 

A  Givors,  à  quelques  lieues  en  aval  de  Lyon, 
débouche  dans  le  Rhône  le  canal  de  Givors  qui 
amène,  en  suivant  la  vallée  du  Gier,  les  houilles 
et  les  fers  de  Saint-Étienne. 

Jonction  entre  U  Rhône  et  la  Garonne.  —  Canai 
de  Beiiucaire  et  des  Etajigs.  —  A  Beaucaire,  une 
importante  ligne  de  navigation  quitte  le  Rhône, 
c'est  le  cnjial  de  Beaucaire  qui,  prolongé  par  celui 
des  Etangs,  atteint  Cette,  où  commence  le  canal 
du  Midi  ou  du  Languedoc. 

Canal  du  Midi.  —  Ce  dernier  s'appelle  encore 
canal  des  deux  mers  parce  qu'il  joint  la  Méditerra- 
née, à  Cette,  avec  la  Garonne,  affluent  de  l'Océan 
Atlantique.  Sa  construction  remonte  au  règne  de 
Louis  XIV,  et  a  illustré  le  nom  de  Riquet,  qui  en 
fut  l'auteur.  Son  alimentation  sur  la  chaîne  de  par- 
tage entre  le  bassin  de  l'Aude  et  celui  de  la  Ga- 
ronne se  fait  au  moyen  de  grands  réservoirs  très- 
curieux. 

Canal  latéral  à  la  Garonne.  —  Le  canal  du  Midi 
finit  à  Toulouse  dans  le  canal  latéral  à  la  Garonne 
qui  suit  le  fleuve  jusqu'à  Castets,  entre  la  Renie 
et  Langon.  Le  Tarn,  le  Lot  et  la  Dordogne  sont  en 
en  partie  navigables,  mais  il  n'y  a  de  navigation 
un  peu  importante  que  sur  la  Dordogne  inférieure. 

Canal  du  Berri.  —  Dans  le  bassin  de  la  Loire, 


CANAUX 


—  331  — 


CAPÉTIENS 


le  fleuve  môme  et  son  principal  affluent,  TAllier, 
ne  sont  guère  suivis  qu'à  la  descente  et  dans  les 
grandes  eaux,  à  cause  de  la  rapidité  de  leur  cours 
€t  l'irrégularité  de  leur  débit. 

Le  canal  du  Berri,  commence  sur  le  Cher  à 
Montluçon,  projette  un  embranchement  sur  le  ca- 
nal latéral  à  la  Loire,  à  partir  de  Saint-Amand, 
dessert  Bourges  et  Vierzon  et  finit  dans  la  Loire, 
en  amont  de  Tours.  Ce  canal  dessert  principale- 
ment les  usines  groupées  autour  de  Moniluçon, 
de  Bourges  et  de  Nevers. 

Des  cours  d'eau  dont  la  réunion  forme  la  Maine 
à  Angers,  le  plus  important  pour  la  navigation  est 
la  Sarthe,  canalisée  depuis  le  Mans. 

Canal  de  Nantes  à  Brest.  —  A  Nantes  commence 
le  canal  de  Nantes  à  Brest  qui  traverse  toute  la 
Bretagne  et  se  joint  à  la  Vilaine,  navigable  depuis 
Rennes,  et  au  Blavet  qui  débouche  dans  l'Océan  à 
Lorient. 

Ca7ial  (TIUe-et-Rance.  —  Rennes  et  Saint-Malo 
sont  réunis  par  le  canal  d'Ille-et-Rance  qui  re- 
monte rille  à  partir  de  Rennes. 

Développement  total.  —  Tels  sont  les  principaux 
canaux  ouverts  jusqu'à  ce  jour  à  la  navigation  in- 
térieure en  France.  Canaux  de  jonction  et  canaux 
latéraux  ont  ensemble  une  longueur  de  5000  kilo- 
mètres. 

Canal  Saint-Lmis.  —  On  ne  peut  faire  rentrer 
dans  cette  catégorie  le  canal  Saint-Louis,  long  de 
quelques  kilomètres  seulement,  qui  quitte  le  grand 
Rhône,  ou  branche  orientale  du  fleuve, tout  près 
<te  son  embouchure  pour  abou/ir  dans  la  Méditer- 
ranée au  golfe  de  Fos.  Son  but  tout  spécial  est 
de  permettre  aux  navires  qui  veulent  entrer  dans 
le  Rhône  d'éviter  la  barre  qui  obstrue  le  fleuve  à 
son  embouchure.  Ce  canal  peut  porter  le  nom  spé- 
cial de  canal  maritime,  comme  destiné  à  donner 
yassage  aux  navires  de   mer. 

(Pour  expliquer  ce  terme  de  canal  maritime,  le 
maître  ne  négligera  pas,  dùt-il  se  borner  à  une 
simple  parenthèse  dans  la  leçon,  de  dire  quelques 
mots  aux  élèves  du  plus  célèbre  de  tous  les  canaux 
maritimes  du  monde,  le  canal  de  Suez,  qui  con- 
■duit  de  Port-Saïd,  sur  la  Méditerranée,  à  Suez,  sur 
la  mer  Rouge,  et  par  lequel  les  eaux  des  deux  mers 
se  mêlent  sans  être  séparées  par  aucune  écluse. — 
V.  Afrique.) 

Canal  d'irrigation.  —  Il  y  a  aussi  en  France 
des  canaux  qui  ne  sont  pas  destinés  à  la  naviga- 
tion, mais  qui  rendent  d'aussi  grands  services  et 
ont  coûté  souvent  autant  d'efforts  que  les  premiers. 
Ce  sont  les  canaux  qui  servent  à  l'alimentation  en 
«au  des  grandes  villes  ou  à  l'irrigaiion  des  terres. 
Nous  avons  déjà  parlé  du  canal  de  l'Ourcq  dont 
{'eau  alimente  en  partie  Paris.  Le  canal  de  Mar- 
seille, dérivé  de  la  Durance,  le  canal  du  Ven/on  qui 
alimente  Aix,  sont  des  œuvres  autrement  considé- 
rables. Le  premier  passe  sur  le  superbe  aqueduc 
de  Roquefavour,  digne  d'être  mis  en  comparaison 
avec  les  plus  belles  œuvres  des  Romains.  C'est 
'^•ncore  la  Durance  qui  alimente  le  canal  construit 
par  de  Craponne  au  xvi^  siècle  et  dont  les  divers 
-ameaux  sillonnent  le  département  des  Bouches- 
■du-Rliône  et  y  répandent  la  fertilité. 

Ces  utiles  travaux  ne  sauraient  être  trop  multi- 
pliés, surtout  dans  les  régions  où  le  déboisement  a 
augmenté  la  sécheresse  primitive  du  sol. 

Quant  aux  canaux  de  navigation  qui  ont  fait  le 
principal  objet  de  cet  article,  leur'construction  a 
subi  un  temps  d'arrêt  au  début  des  chemins  de  fer 
qui  absorbaient  tous  les  efl'orts  du  pays.  On  y 
revient  maintenant  à  cause  des  avantages  écono- 
miques qu'ils  offrent  pour  les  transports.  Mais 
comme  on  tend  à  employer  de  plus  en  plus  des 
bateaux  de  fort  tonnage,  beaucoup  de  canaux  ac- 
tuellement ouverts  exigeront  de  grands  travaux 
pour  augmenter  leur  tirant  d'eau  et  agrandir  les 
•écluses,  de  manière  que  les  bateaux  employés  puis- 


sent circuler  partout  sans  qu'on  soit  obligé  de  dé- 
charger les  colis  de  l'un  dans  l'autre. 

IIL  —  Principaux  canaux  de  l'Europe.  —  Le 
réseau  de  canaux  le  plus  curieux  est  celui  de  la 
Russie,  qui  met  en  communication  les  bassins  op- 
posés de  la  Baltique,  de  la  mer  Blanche,  de  la  mer 
Caspienne,  de  la  mer  d'Azof  et  de  la  mer  Noire  et 
communiquera  peut-être  bientôt  avec  le  vaste  sys- 
tème fluvial  de  la  Sibérie. 

La  Suède  le  canal  de  Gothie  conduit  de  Stock- 
holm, sur  la  Baltique,  à  Gothenbourg,  sur  le 
Cattégat,  en  traversant  les  lacs  Mélar,  'Wetter  et 
VVener. 

Dans  le  Holstein,  le  port  de  Kiel  sur  la  Baltique 
est  relié  par  un  canal  avec  l'Eider,  tributaire  de 
la  mer  du  Nord. 

Dans  la  plaine  de  l'Allemagne  Septentrionale, 
l'Oder  et  l'Elbe  communiquent  par  le  canal  de 
Guillaume,  la  Sprée  et  le  Havel. 

Sur  le  plateau  de  la  Bavière  le  canal  de  Louis 
unit  la  Regnitz,  affluent  du  Main, avec  l'Altmuhl, 
affluent  du  Danube  et  relie  ainsi  le  bassin  de  la 
mer  du  Nord  avec  celui  de  la  mer  Noir. 

Dans  la  plaine  des  Pays-Bas,  il  n'est  presque 
aucune  ville  importante  qui  ne  soit  desservie  par 
l'un  des  canaux  qui  sillonnent  en  grande  quan- 
tité le  territoire  de  la  Belgique  et  de  la  Hollande. 
Parmi  les  travaux  de  ce  genre  qui  font  le  plus 
d'honneur  aux  Hollandais,  citons  le  canal  mari- 
time qui  s'ouvre  directement  dans  la  mer  du 
Nord,  à  l'ouest  d'Amsterdam  ;  il  rend  accessible 
aux  plus  grands  navires  îe  port,  qui  leur  était 
fermé  par  suite  du  peu  de  profondeur  des  eaux  du 
Zuiderzée. 

Dans  la  Grande-Bretagne,  le  canal  Calédonien  va 
du  Firth  ou  golfe  de  Lorn,  sur  la  côte  occiden- 
tale de  l'Ecosse,  au  Firth  de  Moray,  sur  la  côte 
orientale.  Plus  important  est  le  canal  de  Glasgow, 
qui  met  en  communication  la  Clyde,  tributaire  du 
Canal  du  Nord,  avec  le  golfe  de  Forth,  sur  lequel 
est  bâti  Edimbourg,  en  traversant  la  région  indus- 
trielle et  houillère  la  plus  riche  de  l'Ecosse. 

En  Angleterre,  le  canal  de  Leeds  à  Liverpool 
unit  le  bassin  de  l'Humber,  tributaire  de  la  mer 
du  Nord,  avec  celui  de  la  Mersey,  tributaire  de  la 
mer  d'Irlande,  en  traversant  le  pays  si  industriel 
du  Lancashire.  — Londres  est  mis  directement  en 
communication  avec  Liverpool  et  Bristrol  par  deux 
canaux  qui  unissent  les  bassins  de  laTamise,  du 
Trent,  de  la  Mersey  et  de  la  Severn. 

En  Irlande  le  canal  royal  et  le  grand  canal  vont 
de  Dublin  sur  la  mer  d'Irlande,  au  Shannon,  tri- 
butaire de  l'océan  Atlantique. 

En  Italie,  en  Espagne  les  canaux  servent  princi- 
palement à  l'irrigation  et  n'ont  pas  d'importance 
pour  la  navigation.  [G.    Meissas.J 

CAFÉTItNS.  —  Histoire  de  France,  XXXVIH. 
—  C'est  dans  les  leçons  do  révision  du  cours 
d'histoire  de  France  qu'il  est  bon  de  s'exercer  à 
passer  en  revue  le  tableau  généalogique  et  chro- 
nologique des  familles  royales.  Si  cette  série  de 
dates  et  de  noms  propres  ne  doit  pas  être  con- 
sidérée comme  le  fond  et  l'objet  principal  du  cours, 
il  n'en  faudrait  pourtant  pas  négliger  absolument 
l'étude. On  y  trouvera  toujours,  atout  le  moins,  un 
cadre  commode  et  des  points  de  repère  d'une  in- 
contestable utilité.  Ce  résumé  doit  être  plus  ou 
moins  complet  suivant  qu'il  est  fait  dans  une  classe 
primaire  élémentaire,  moyenne  ou  supérieure  ou 
dansun  cours  d'école  normale.  Il  faut  le  faire  sous  la 
forme  la  plus  rapide,  celle  d'interrogations  orales  et 
d'exercices  au  tableau  noir.  Nous  donnons  ci-des- 
sous le  type  des  deux  sortes  de  tableaux  synopti- 
ques qui  nous  semblent  convenir  le  mieux  à  ces 
divers  exercices  de  récapitulation. 

Voici  d'abord  le  tableau  généalogique  de  la  famille 
des  Capétiens  contenant,  outre  les  rois,  quelques-uns 
des  personnages  historiques  de  cette  famille. 


CAPETIENS  —  332  —  CAPÉTIENS 

I.  —  Branche  alnëe  des  Capétiens  ou  Capétiens  directs  (866-1328). 

Robert  le  Fort,  Comte  de  Paris,  d'Anjou,  duc  de  France.  866. 


EuDKs.    898. 


ROBEBT  1".  923. 


Hujiies  le  Gjcind,  l'abbé, 
duc  de  Franco.  956. 


HtGUKS  Capet.  995. 

I 
Robert  I".  1031. 

I 
Henki  I".  1030. 

I 
Philippe  I".  1108. 

I 
LoDis  TI,  dit  le  Gros.  1137. 

Louis  Vn,  dit  le  Jeune.  1180. 

I 

PuiLlPPE  11  OU  PHILIPPE-ACGCSTE.  1223, 

I 

Louis  YIII,  le  Lion.  1226. 


Emma, 
ép.  Raoul  ou  RoDOLPna 
de  Bourgogne. 
93ô. 


Louis  X 

le  Hutin. 

1316. 


Louis  IY  ou  Saijjt  Louis,      Robert  d'Artois,       CharUs,  comte  d"Anjou 
1270.  tige  des  et  de  Provence, 

I  comtes  d'Artois,     tige  des  comtes  d'Anjou, 

rois  de  Naples. 


Philippe  III, 

le  Kardi. 

1285. 


Robert 

de  Clermont, 

tig'»  de  la  branche 

ée^  Bourbons. 

(Yoy.  ci-après.) 


Philippe  IV 
le  Bel. 
13J4. 


Charles 
de  Valois, 

tigo  de 

la  branche 

des  \alois. 

(y.  ci-aprè?.) 


Louis  d'Eoreux 
tige  des  comtes 

d'Evreux, 
rois  de  Navarre. 


Isabelle 
de  France, 

ép  ■>u?e 

Edouard  II, 

roi  d'Angleterre. 


Philippe  Y 
le  Long. 
1322. 


CuAni.ES  iV 
le  BeL 
1328. 


Jeanne, 

épouse  Philippe 

de  Navarre. 


Jeak  I» 
1316. 


Edouard  III,  etc. 


II.    —   Branche    de    Valois   (1328-1589). 
Charles  de  Yalois,  2»  fils  de  Philippe  III  (v.  ci-dessus),  ép.  Jlargueritcd'Aujou,  petite-fille  de  Charles  d'Anjou  (v.  ci-dessus) . 


Març/uerite, 

ép.  Gui. 

comte  de  Blois. 


Philippe  VI.  de  Valois. 
1350. 


Jean  II,  le  Bon. 


Charles  de  Bloi? 


Charles,  Isnbeth,  Marie, 

comte  d'Alençon,  ép.  Pierre  de  Bourbon,      ép.  Charles  de  Sicile, 

tige     '  tige  | 

des  ducs  a'Aleiiçon.        des  ducs  de  Bourbon.  Jeanne  I", 

reine  de  Naples. 


Charles  V,  le  Sage. 
1380. 


Charles  YI,  le  Fou.  Louis   d'Orléans, 

1422.  ép.  A'alcntinc  Visconti. 

I  1407. 


Louis,  duc  d'Anjou, 

tige  de 

la  2«  maison  d'Anjou. 


Chaules  TU.     Catherine 

1461.        de  France, 

i  ép. 

Louis  XI.       Henri  V, 

1483.  d'An- 

I gleterre. 

CuAr.LRsTIlI.        Anne 
1493.        de  Benujeu. 


Charles   d'Orléans.  Jean  d'Angoulénu, 

1466.  1467. 

!  I 

Louis  XII,  Charles  d'Angoulème, 

le  Pèio  du  Peuple.  l-iDO. 

1315.  I 

I  I 

Claude,     épouse       François   \", 

la    Bonne    Reine.  le  Père  ilos  Lettres. 

1S24.  LU'. 


Jean ,  duc  de  Berr y,  Philippe  le  Hardi, 

1416,  duc    de  .  Bourgogne. 

ép.Jeaiine  d'Armagnac,  1404. 

ti-e  I 

de  la  maison  de  Berrv.  Jean  sans  Peur. 

1419. 


Philippe  le  Bon. 
1467. 

Charles  le  Téméraire. 
1477. 

i 

Marte  de  Bourgogne, 

ép.  Masiniilien 

d'Autriche. 


He^ri  II.  loo9,  ép.  Catherine  de  llcdicis. 


François  II.      Charles  IX.       Henri   III.       Marguerite  de  Yalois.  ép.  Henri  de  Bourbon, 
1560.  1374.  1389.  depuis  lleuri  lY. 


CAPETIENS 


—  333 


CAPETIENS 


m.  —  Branches  de  Bourbons  (lo89-1848). 

Robert  de  Clennont,  0'  fils  de  saint  Louis,  épouse  Béatrix  de  Bourgogne,  f  13IS. 

Louis  I",  duc  de  Bourbon  (te  Sage), -}•  1341. 


Pioiu'C   de    Bourbon 

(tige  de  la 

branche    aînée 

qui  se 

termina  avec 

Chai-Ics, 

connétable 

de  Bourbon,  1 1527). 


Jacques  de  la  Marche,  t  1361. 

I 

Jean,   conte    de   YenJome, 

f  1393. 

I 
Louis  de  Bourbon,  f  1446. 

I 

Jean  II, 

scign.  de   la   Roche-s.-Yon, 

t  1478. 

I 

François,  -J"  1495. 

Charles,    duc    de    Vendôme, 
t  1337. 


LocisXIlI.tli  43. 
Ép.  Anne  d'Autriche. 


Antoine  de  Bourbon,  tlo62.  Ep.  Jeanne  d'.ilbrct. 

I 

Henri  IV,  f  1610.  Ep.  1°  Marguerite  de  A'alois  ;  i"  Marie  de  Mé'licis 


Gaston, 
duc  d'Orléans. 

I 

Annc-.Marie-Louise. 

la. grande  Mademoiselle, 

duchesse   de  Montpensier. 


Henriette  de  France 
ép.  Charles  I"',  roi  d'Angleterre. 

Henriette  d'Angleterre 

(MaJame). 

ép,  Philippe  d'Oiléans. 


Louis  de  Condé,  r  i  ilj 

I 
•    Henri  de  Condé. 

I 
Henri  II  de  Conde. 

I 

Louis  II, 

le  Grand  Condé, 

7  1686. 


Loris  XIV,  le  Grand 
7  1713. Ep. Marie- 
Thérèse  d'Autriche. 

I 
Louis,  le  Grand 
dauphin,  t  l'H- 


Philippe  !'■■  duc  d'Orlé;ins 
(Monsieur),  7  17U1. 
Ép.  1°  Henriette  d'AnsIeterre 
(Madame);  2°  Elisabeth- 
Charlotte  de  Bavière 
(la  princesse  Palatine), 
mère  du  Régent. 

Philippe  II  d'Orléans, 
le  Régent,  \iliZ. 


Louis,  duc  de  Philippe  d'Anjou, 

Bourgogne, 1 1712.  roi  d'Espagne, 

I  tige  des  Bombons 

I  d'Espagne. 
Locis  XV,  7  1774. 


Louise-Elisabeth  Zou/s,  dauphin,  Marie-Adélaïde 

ép.  Philippe  •{•  1765.  et  plusieurs  autres 

duc  de  Parme.  i  filles. 


Plusieurs 
filles. 


I.imis 

d'Oibans, 

t  1752. 

I 

Louis-Philippe 

d'Orléans,  1 1785. 

I      . 
Louis-Philippe- 
Joseph,  dit  Egalité, 
t 1793. 


,  Locis  XVt.f  1703. 

Ép.  Marie-Antoinette 

d'Autriche. 


Locis  XVIII 

(Stanislas-Xavier), 

d'abord    comte     de 

Provence. t  1S24. 


Charles  K, 

d'abord  comte 

d'Artois,  f  1836. 


Madame 

Elisabeth, 

t  1794. 


Louis-Philippe  I",  1 1850.  Louise- 

Ep.  Marie-Amélie,  Marie- 

de  Naples.  Adélaïde, 

I  -i-  1847. 


Marie-Thérèse- 
Charlotte 
(Madame    Hoyale), 
ép.  le  duc 
d'Angoulème. 


Louis  X  VII, 

t  1795. 


Louis-Antoine  Charles,  duc 

duc  d'Angoulème,  de  Berry.f  1810. 
ép.  Madame  Royale,  Ep.  Marie-Louise 
fille  de  Louis  XVI.  de  Sicile. 

Mort  en  1844  1 

sans    postérité.  I 


Louise-Marie- 
Tliérèse, 
ép.  Charles,  duc 
de  Parme. 


Henri,  comte    de 
Chambord 
(né  en  1820, 
posthume). 


Ferdinand,  duc 
d'Orléans,  1 1S42. 

Ep.  Hélène 
de  Mecklembourg. 


Louiso,  ép. 
Léopold  I", 

roi 
des  Belsres. 


Marie-  Louis,  duc  Marie,  ép.       François,           Henri 

Christine,  de  Nemours       le  duc            prince               duc 

ép.leducde  (néenlS14).    de  Sase-      de  Joinville      d'Aumale 

Wurtemberg.  -  Cobourg.  (néenl818).  (néenlî!22). 


Louis- 
P/iilippe- 

Albert 

comte 

de  Paris 

(né  en  1838). 


Robert, 
comte 

de 

Chartres 

(né  en  1840). 


Antoine, 
duc  de 
Montpensier 
(né  en  1824), 
ép.  l'infante 
Marie-Louise 
d'Espagne. 


L'autre  genre  d'exercice  scolaire  servant  à  la  ré-  i  entendu  que  chaque  article  de  ce  mémento  de- 
capitulation  de  l'histoire  de  chaque  dynastie  peut  mande  un  développement  oral  qui  prouve  que 
être  disposé  au  tableau  noir  ou  sur  le  cahier  de  l'élève  a  retenu  autre  chose  que  les  dates  et  les 
la  façon  suivante  pour  chaque  règne.  (11  est  bien  1  noms  propres.) 


CAPILLARITE 


334  — 


CAPILLARITÉ 


DATES. 

PROVINCES 

KOII 

f^ 

An.NBIKES 

ÉVÉNEMENTS 

. 

GL-ERRES. 

TRAITÉS. 

INSTITUTIONS. 

DU   BOI. 

s 
r. 

O 

OU 

PBSDCES. 

COKTmPORlIKS. 

Louis  IX 

1226 

1270 

1»  Contre  les  An- 

D'Abbelevil. 

Guyenne  et  Gas- 

Les Etablissements  de 

Construction    dcf 

ou 

glais    :    Taille- 

1258.— 

cogne  rendues 

saint  Louis. 

cathédrales. 

Saint  Louis 

bourq  et  Sain- 

à l'Anglctcrrf  ; 

Extension  de  la  justice 

Dévelo  p  p  e  m  c  n  t 

(sous 

tes.  1242. 

Arbitrages 

provinces  de  la 

royale     :     Enques- 

des    4    ordres 

la  régence 

2»  Septième  croi- 

de     saint 

Loire      recon- 

teurs   royaux;    ap- 

mendiants (^fran- 
ciscains,   aonii- 

de  Blanche 

sade  :  prise  de 

Louis    en- 

nues    françai- 

pels et  cas  royaux  ; 

do  Castille 

Damiette  ;    fait 

tre  le  pape 

ses,  125  S. 

(  légende    du   chêne 

uicains,  carmes. 

jusqu'en 

prisonnier 

et  l'empe- 

— 

de  Vincenncs. 

augustios). 

1254.) 

à    Mansourah, 

reur  ,    en- 

Comté de  Barce- 

Lu    Quarantaine     le- 

Mémoires  du  sire 

1250;    long   sé- 

tre le   roi 

lone   rendu    à 

Eoi. 

de  JoinvilJe. 

jour  en   Pales- 

d'Angle- 

l'Aragon. 

Pragmatique       sanc- 

— 

tine. 

terre  et  ses 

1258. 

tion,  1268. 

Conquête      du 

3»  Les  Pastou- 

vassaux, 

La  Sainte-Chapelle. 

royaume  de  Ka- 

reaux. 

etc. 

Les  Quinze-Vingts. 

ples  par  Charles 

4"    Dernière   croi- 

La Sorbonne. 

d'Anjou,    frère 

sade  :   mort  de- 

de Louis  IX. 

vant  Tunis. 

Philippe  111 

1270 

1285 

1»  En  N'a-varre  et 

Ann.  par  mariage 

Premier  exemple  d'un 

Vêpres      sicilien- 

le Ûardi. 

en  Castille  (in- 
fants     de     La 
Cerda). 
2»  Guerre  en  Ara- 
gon ;     mort    à 

Valois.  Poitou, 
AuTergne,Tou- 
louse.  Cède  le 
comtat  Venais- 
sin  au  pape. 

roturier  fait  noble  : 
lettres     d'anoblisse- 
ment de  l'argentier 
Raoul. 

nes,  1282. 

Perpignan. 

CAPILLARITÉ.  —  Physique,  M.  —  Etym.  :  du 
latin  capillus,  cheveu  (d'où  tuyaux  capillairei, 
c'est-à-dire  gros  comme  un  cheveu). 

On  nomme  phénomènes  capillaires  certains  des 
phénomènes  que  l'on  observe  au  contact  des  so- 
lides et  des  liquides,  et  qui  sont  surtout  sensibles 
dans  les  tubes  de  verre  dont  le  diamètre  intérieur 
est  assez  fin  pour  qu'on  puisse  le  comparer  à  celui 
d'un  cheveu.  Ils  ont  leur  cause  dans  l'attraction 
que  les  molécules  des  corps  solides  e.xercent  sur 
celles  des  corps  liquides  ;  et  c'est  l'ensemble  de 
ces  phénomènes  d'attraction  qu'on  appelle  la  ca- 
pillarité-    ' 

Le  plus  fréquent  et  le  plus  facile  à  observer  de 
ces  phénomènes,  c'est  V ascension  ou  la  ilépression 
d'un  liquide  contre  les  bords  du  vase  qui  le  contient 
ou  contre  le  corps  que  l'on  y  plonge,  suivant  que 
le  liquide  mouille  ou  ne  moui.le  pas  le  vase.  On 
sait  qu'un  liquide  en  équilibre  dans  un  vase  pré- 
sente une  surface  horizontale  ;  si  l'on  verse  dans 
un  vase  bien  propre  de  l'eau,  de  l'alcool,  de  l'éther 
ou  tout  autre  liquide  mouillant  le  verre,  on  re- 
marque en  effet  une  horizontalité  parfaite  de  pres- 
que toute  la  surface  du  niveau  ;  mais  vers  les 
burds,  le  long  des  parois,  le  liquide  monte  un  peu 
et  affecte  une  forme  concave  très  visible. 

Quand  le  liquide  ne  mouille  pas  le  vase,  la  surface, 
vers  les  bords,  se  déprime  et  affecte  une  forme  con- 
vcie  ;  c'est  ainsi  que  se  conduit  le  mercure,  ou  même 
l'eau  dans  un  verre  dont  la  paroi  a  été  graissée. 
Que  l'on  plonge  dans  l'eau  deux  lames  de  verre 
le  liquide  monte  le  long  de  chacune  en  formant 
une  surface  concave  ;  et  quand  les  deux  lames  sont 
à  quelque  distance,  il  y  a  entre  elles  ane  portion 
plane  ;  mais  si  on  les  rapproche,  cette  partie  plane 
disparait,  les  deux  courbures  se  réunissent,  et  le 
liquide  est  plus  élevé  entre  les  lames  très  rappro- 
chées qu'en  dehors.  Au  lieu  de  plaques  en  verre, 
si  l'on  plonge  dans  l'eau  un  tube  ouvert,  d'abord 
largo,  le  niveau  au  centre  sera  sur  le  même  plan 
horizontal  qu'en  dehors  ;  mais  avec  des  tubes  de 
plus  en  plus  étroits,  la  surface  intérieure  deviendra 
concave,  et  le  niveau  s'élèvera  dans  le  tube  d'au- 
tant plus  que  le  diamètre  sera  moindre.  L'expé- 
rieuco  a  démontré  que  dans  un  tube  d'un  milli- 
mètre de  diamètre,  l'eau  s'élève   à  près  de  trois 


centimètres  au-dessus  de  son  niveau  extérieur. 
Si  l'on  répète  ces  expériences  avec  le  mercure  ou 
tout  liquide  qui  ne  mouille  pas  le  tube  étroit,  oi 
constate  une  convexité  et  une  dépression  du 
niveau  qui  s'accentue  à  mesure  que  le  diamètre  du 
tube  décroît. 

Ces  phénomènes  simples  conduisent  naturelle- 
ment à  admettre  une  action  moléculaire  du  solide 
sur  le  liquide,  d'où  résulte  une  force  qui  fait  équi- 
libre au  liquide  soulevé  dans  un  tube  mouillé  et 
qui  explique  la  forme  sphériquc  que  prend  une 
goutte  d'eau  jetée  sur  un  plan  poussiéreux  qu'elle 
ne  mouille  pas. 

Un  grand  nombre  de  faits  journaliers  dépendent 
des  phénomènes  capillaires.  La  plupart  des  sub- 
stances contiennent  en  effet  des  pores  qui  font 
l'office  de  très  petits  tubes  ou  de  canaux  d'un 
diamètre  très  fin  où  les  liquides  s'élèvent  avec 
facilité.  Le  papier  buvard,  le  drap,  l'argile  cuite, 
la  terre  des.séchée,  se  pénètrent  de  liquide,  lors 
même  qu'ils  ne  le  touchent  que  par  une  partie  de 
leur  surface.  La  cire  ou  le  suif  fondus  montent  par 
capillarité  entre  les  filaments  de  la  mèche  de  la 
bougie  ou  de  la  chandelle.  Un  morceau  de  sucre 
en  contact  par  quelques  points  avec  l'eau  s'imbibe 
bientôt  entièrement,  parce  que  le  liquide  monte 
dans  les  petits  tubes  capillaires  qui  forment  les 
pores.  On  pense  que  la  capillarité  contribue  aussi 
à  l'ascension  de  la  sève  dans  les  vaisseaux  des 
plantes. 

La  dépression  capillaire  qui  se  produit  autour 
d'un  corps  non  mouillé  par  le  liquide  sur  lequel 
il  repose,  permet  de  comprendre  comment  certain» 
insectes  glissent  à  la  surface  de  l'eau  ;  leurs  pattes 
sont  couvertes  d'un  enduit  qui  les  empêche  d'être 
mouillées,  et  la  dépression  empêche  le  liquide  de 
les  recouvrir. 

Exercice.  —  On  peut  vérifier  l'ascension  d'un 
liquide  dans  les  tubes  très  capillaires  en  plongeant 
dans  une  solution  de  fuchsine,  ou  dans  du  vin  for- 
tement coloré,  les  fragments  d'un  tube  de  verre 
chauffé  à  la  lampo  et  très  vivement  étire  ;  on 
réussit  à  obtenir  une  élévation  de  niveau  de  pîus 
de  dix  centimètres  dans  la  nartie  la  plus  fins  du 
tube  ainsi  fait. 

[Haraucourt.] 


GARLOVINGIENS 


—  335 


CARNIVORES 


CARLOVIXGIEAS  OU  CAKOLIXGIKNS.  —  Histoire  de  France,  XXXVIII.  —  On   peut  faire  du  ta- 
bleau ci-dessous  le  même  usage  que  du  tableau  analogue  donné  au  mot  Capétiens  . 

Pépia  d'Eéristal  (Ters  "14  . 


Grimoald. 


Charles  Martel. 
741. 


Carloman, 


FÉPi.x  LE  Bbef. 

763. 


Une  fille   ép. 

le  duc  de  Bayière. 

I 

Tassillon. 

duc  de  Bavière. 


Carloman.         Chaklemagxe.  Berthe 

771.  814.  ép.  le  comte 

d'Angers. 


Roland 

(le  Paladin;. 

m.  à  Roncevaus 

777. 


LOCIS    LK  DtBOXXAIRE. 

840. 


ép.  i»  Hermengarde, 


2'  Judith  de  Bavière. 


Pé:in. 

Bernard, 

roi  d'Italie. 

SIS. 


Lothav  e  I".  Pépin  /«' 

d'Aquitaine. 

I 

Pépin  II, 

d'Aquitaine. 


du  1"  mariage  : 


Louis 
le  Germanique. 


.  Charles, 
.le  Chauve. 


Carloman.  Louis  II. 


_  .  Louis  II, 

Chirles     ig  ^■ 

LE    GHOS. 

SSï. 


&:9: 


Locis  III. 

ssi. 


Carlosax. 

8S4. 


Charles    III, 
le  Sioiple. 


Giièle, 

ép.  Rolion, 

duc   de  Normandie. 


Locis  lY, 

d'Ou'.remer. 

954. 


LOTHAIRE. 

99Ô. 


Charles 
de  Lorraine. 


Lons  T,  le  Fainéant, 
le  dernier  des  Carlovingiens  de  France. 

9S7. 


CARNIVORES.  —  Zoologie,  IX.  —  Les  Carnas- 
siers, ou  pour  mieux  dire  les  Carnivores,  sont  des 
mammifères  quadrupèdes,  dont  les  doigts  sont 
armés  de  griffes,  dont  le  pouce  n'est  pas  opposable 
aux  autres  doigts,  et  qui  vivent  essentiellement  de 
chair. 

La  plupart  des  carnivores  se  nourrissent  de  proie 
vivante,  de  sangliers,  de  cerfs,  d'antilopes,  de 
moutons,  de  boeufs,  et  même  d'animaux  de  leur 
ordre.  Leurs  dents,  de  trois  sortes,  sont  appropriées 
à  ce  régime,  et  chaque  mâchoire  porte  trois  paires 
d'incisives,  une  paire  de  fortes  canines  et  un 
nombre  variable  de  molaires  tranchantes.  Cer- 
taines espèces  toutefois,  parmi  les  carnivores, 
joignent  à  la  viande  qui  constitue  toujours  le  fond 
de  leur  alimentation  de  la  graisse,  des  tendons,  des 
os.  de  la  moelle  ou  même  du  miel  et  des  fruits, 
et  ont  les  dents  plus  ou  moins  modifiées.  L'ours, 
par  exemple,  a  les  molaires  aplaties  en  arrière, 
tuberculeuses  ou  mamelonnées.  Mais  entre  cette 
espèce  à  peu  près  omnivore  et  une  espèce  essen- 
tiellement carnassière  comme  le  tigre,  on  trouve 
une  foule  d'animaux  qui  ont  une  régime  intermé- 
diaire et  dont  par  conséquent  la  dentition  tient  le 
milieu  entru  celle  des    deux  types  extrêmes. 

Le  museau  est  en  général  'médiocrement  sail- 
lant ;  mais  à  cet  égard  encore  il  y  a  de  très  grandes 
variations,  et_,  pour  s'en  convaincre,  il  suffit  d'exa- 
miner comparativement  un  chien,  une  fouine  et 
un  chat.  Toutes  choses  égales  d'ailleurs,  le  mu- 
seau est    d'autant  moins    proéminent  et  par  suite 


les  màchou'es  sont  d'autant  plus  courtes  que  l'ani- 
mal a  un  régime  plus  carnassier.  Voici  en  quelques 
mots  l'utilité  de  cette  disposition.  Chacun  sait  que 
la  mâchoire  supérieure  est  immobile  et  adhérente 
au  crâne,  tandis  que  la  mâchoire  inférieure  s'ar- 
ticule de  chaque  côté  avec  cette  boite  osseuse 
au  moyen  dune  branche  montante  et  est  mise  en 
mouvement  par  des  muscles  particuliers  qui  la. 
tirent  de  bas  en  haut.  C'est  par  ce  mécanisme  qui? 
les  deux  mâchoires,  se  rapprochant  comme  les 
mors  dime  pince,  peuvent  couper  ou  broyer  les- 
aliments.  Mais  ces  derniers,  qui  consistent  parfois 
en  substances  assez  dures,  opposent  à  la  secliop. 
ou  à  la  trituration  une  cenaine  résistance,  c'est-à- 
dire  une  force  qui  tend  à  contrebalancer  celle  qui 
est  déployée  parles  mâchoires  et  par  les  muscles 
qui  les  sollicitent.  La  mâchoire  inférieure  qui, 
prenant  son  point  d'appui  sur  le  crâne,  peut  être 
justement  comparée  à  un  levier,  est  donc  sollicitée, 
pendant  la  mastication,  par  deux  forces  contraires, 
une  force  d'action,  représentée  par  les  muscles 
masticatoires  et  une  force  de  réac^io«,  représentée 
par  les  aliments.  Or,  un  principe  de  mécanique 
étabUt  qu'une  force  quelconque  agit  avec  d'au- 
tant plus  d'eflicacité,  qu'elle  est  appliquée  à  un 
levier  plus  éloigné  du  point  d'appui,  ou,  comme 
on  le  dit  communément,  qu'elle  s'exerce  sur  un 
bras  de  levier  plus  long,  et  vice  versa.  En  consé- 
quence plus  les  aliments,  ou,  d'une  manière  plu> 
générale,  plus  la  substance  à  couper  sera  rappro- 
chée du  point  d'articulation  de  la  mâchoire  infé- 


CARNIVORES 


—  336  — 


CARNIVORES 


rieure,  moins  la  résistance  sera  considérable.  C'est 
môme  pour  cela  que,  d'instinct,  nous  portons  dans 
les  parties  les  plus  reculées  de  notre  bouche,  sous 
les  dents  molaires,  les  aliments  les  plus  durs. 
Dans  le  cas  particulier  qui  nous  occupe,  le  rac- 
courcissement du  museau  des  carnivores  a  donc 
pour  effet  de  diminuer  la  résistance  des  matières 
à  broyer  ou  à  déchirer,  ou  ce  qui  revient  au  même, 
d'augmenter  le  travail  utile  des  mâchoires.  Il  est 
vrai  qu'en  revanche,  les  bras  de  levier  sur  lesquels 
agissent  les  muscles  masticateurs  se  trouvant  di- 
minués, une  certaine  quantité  de  force  se  trouve 
perdue  ;  mais  cet  inconvénient  est  largement  ra- 
cheté par  le  développement  inusité  de  ces  mêmes 
muscles.  Prenant  leur  insertion  sur  les  os  maxil- 
laires inférieurs,  ils  remontent  presque  verticale- 
ment sur  les  côtés  du  crâne,  passent  sous  deu.\ 
arcades  osseuses  nommées  arcades  zygomatiques 
et  vont  s'attacher  sur  le  haut  des  tempes,  dans  des 
fosses  qui  sont  séparées  généralement  par  une 
forte  crête  osseuse  longitudinale. 

La  viande  saisie  par  les  dents,  broyée  et  im- 
bibée de  salive,  tombe  dans  l'estomac,  y  est  sou- 
mise à  l'action  du  suc  gastrique,  et  passe  de  là 
dans  l'intestin,  où  elle  doit  abandonner  ses  der- 
nières particules  nutritives  Mais  comme  la  chair  est 
d'une  assimilation  beaucoup  plus  facile  que  les 
matières  végétales,  le  tube  digestif  et  en  particu- 
lier l'intestin  n'a  pas  besoin  d'être  aussi  développé 
chez  les  carnivores  que  chez  les  mammifères  her- 
bivores ;  il  est  même  en  général  assez  court,  et 
chez  le  lion,  par  exemple,  il  n'a  que  trois  fois  la 
longueur  du  corps,  tandis  que  chez  le  bélier  il 
égale  vingt-huit  fois  cette  môme  longueur. 

Les  carnivores  sont  répandus  partout,  sauf  dans 
les  terres  australes.  On  n'a  signalé  à  la  Nouvelle- 
Hollande  qu'un  animal  de  ce  groupe,  une  espèce  de 
chien,  qui  pourrait  bien  n'être  pas  originaire  de 
cette  contrée  bizarre.  En  revanche,  on  trouve  des 
carnivores  dans  la  grande  île  de  Madagascar  oîi 
manquent  cependant  tant  d'autres  groupes  de  mam- 
mifères. 

Dans  la  nature,  les  carnivores  jouent  un  rôle 
modérateur  ;  ils  sont  spécialement  chargés  d'arrê- 
ter la  multiplication  exagérée  de  certaines  espèces. 
Quelques-uns,  comme  les  ours,  les  fouines,  les 
belettes,  abondent  surtout  dans  les  régions  bo- 
réales; d'autres,  comme  les  mangoustes,  les  ci- 
vettes et  les  genettes  sont  plus  nombreux  dans  les 
régions  chaudes.  Les  félins  ^panthères,  tigres, 
jaguars  et  lions),  se  trouvent  à  la  fois  en  Afrique,  en 
Asie  et  en  Amérique  ;  il  en  est  de  même  des  ca- 
nidés (loups,  chiens,  renards,  etc.) 

Les  espèces  très  nombreuses  de  l'ordre  des  car- 
nivores peuvent  être  réparties  en  six  familles  prin- 
cipales, que  nous  examinerons  successivement, 
dans  l'ordre  suivant:  1°  Félidés, 2-  Hyéiiidés,  3°  Ca- 
nidés,^"  Viverridés,  6°  Musiélidés,  6°  Ursidés. 

1.  Félidés. —  Les  Félidés,  c'est-à-dire  les  ani- 
maux construits  sur  le  type  de  notre  chat  domes- 
tique, réunissent  au  plus  haut  point  les  caractères 
distinctifs  des  carnassiers.  Chez  eux  les  dents  ca- 
nines atteignent  un  développement  considérable, 
et  parmi  les  molaires,  celles  que  l'on  appelle,  ;i 
caut-e  de  leurs  fonctions,  de7its  catTiassières,  sont 
hérissées  de  lames  aiguës,  tranchantes  comme  des 
ciseaux.  La  langue  elle-même,  garnie  de  papilles 
rugueuses,  peut  agir  comme  une  râpe  et  décliirer 
en  léchant  les  téguments  délicats.  Les  membres 
sont  souples  et  robustes,  et  les  doigts  sont  munis 
d'ongles  recourbés,  qui,  grâce  à  un  mouvement  de 
bascule  de  la  dernière  phalange,  peuvent  se  rele- 
ver pendant  la  marche  de  manière  à  ne  pas  s'user 
par  le  frottement  sur  le  sol.  En  rentrant  ainsi  ses 
griffes,  ranimai  peut  à  volonté  faire  patte  de  ve- 
lours. 

On  connaît  dans  la  nature  actuelle  une  soixan- 
taine d'espèces  de  Félidés,  qui  sont  également  ré- 


pandues dans  l'Ancien  et  dans  le  Xouvoau-Monde, 
et  qui,  tout  en  étant  établies  sur  le  même  plan 
d'organisation,  se  distinguent  assez  facilement  les 
unes  des  autres  par  leurs  proportions  ou  par  la 
couleur  de  leur  pelage.  A  leur  tête  se  place  le  lion, 
qui  mesure  près  de  2  mètres  de  l'extrémité  du 
museau  à  l'origine  de  la  queue,  et  dont  la  hauteur 
est  d'un  mètre  environ.  On  le  voit  si  fréquem- 
ment dans  les  ménageries,  il  a  été  si  souvent  figuré 
dans  les  tableaux  et  dans  les  traités  populaires 
d'histoire  naturelle  qu'il  est  inutile  de  le  décrire 
en  détail.  Les  enfants  même  connaissent  cet  ani- 
mal redoutable  à  la  tête  carrée,  ornée,  chez  le 
mâle,  d'une  épaisse  crinière,  aux  membres  robus- 
tes, au  pelage  fauve,  à  la  queue  terminée  par  un 
flocon  de  poils.  Tout  le  inonde  a  pu  lire  également 
des  livres  où  l'on  célébrait  la  force,  le  courage  et  la 
magnanimité  de  ce  superbe  carnassier.  Pour  ce  qui 
est  de  la  force,  il  n'y  a  certainement  rien  d'exagéré 
dans  tout  ce  qu'on  a  pu  dire,  et  il  est  certain  que 
d'un  coup  de  patte  le  lion  brise  parfois  les  reins 
d'un  cheval  et  que  d'un  coup  de  queue  il  terrasse 
l'homme  le  plus  robuste  ;  mais  quant  au  courage 
et  à  la  magnanimité  il  y  a  certainement  beaucoup 
à  rabattre  des  récits  des  anciens  voyageurs  qui  ont 
été  accueillis  avec  trop  de  confiance  par  Buffon. 

Le  portrait  que  ce  grand  naturaliste  a  tracé 
du  lion  est  certainement  plus  poétique  que  fidèle, 
et  il  résulte  des  observations  de  hardie  chasseurs, 
tels  queLivingstone,Delegorgue,  J.  Gérard,  Bom- 
bonnel,  que  le  lion,  cet  animal  dont  l'intrépidité  a 
été  tant  vantée,  se  conduit  parfois  comme  un  lar- 
ron vulgaire,  qu'il  se  cache  pour  surprendre  sa 
proie  au  lieu  de  l'attaquer  en  face  et  que  des  fem- 
mes et  des  enfants  ont  pu  le  mettre  en  fuite  en 
agitant  des  morceaux  d'étoffes  et  en  poussant  de 
grands  cris.  Somme  toute,  le  lion  paraît  moins  re- 
doutable que  le  tigre  ou  la  panthère;  et  dans  les 
conditions  ordinaires,  lorsqu'il  n'est  ni  serré  de 
près,  ni  poussé  par  la  faim,  il  ne  s'attaque  guère  à 
l'homme.  «Il  arrive  tous  les  jours,  dit  Delegorgue, 
que  les  Cafres,  qui  n'ont  point  d'armes  à  feu,  tra- 
versent avec  leurs  familles  des  espaces  où  circu- 
lent de  ces  animaux,  et  pour  ces  hommes  la  pré- 
sence du  lion  n'est  pas  une  cause  d'effroi.  Un  ou 
plusieurs  lions  bondissent  à  dix  pas  et  se  maintien- 
nent à  trente,  les  Cafres  passent  sans  y  prendre 
garde,  et  jamais  je  n'ai  ouï  parler  d'accidents  dont 
les  lions  eussent  été  les  auteurs  sans  provocation. 
Ces  mêmes  Cafres  chassent-ils  devant  eux  des 
bœufs  ou  des  vaches,  la  question  peut  changer  ; 
je  ne  réponds  pas  des  bêtes  à  cornes,  non  plus  que 
des  propriétaires  qui  voudraient  les  protéger.  » 
On  voit  par  là  que  le  lion  est  un  voisin  fort  in- 
commode pour  les  tribus  qui  s'adonnent  à  l'élevage 
des  bestiaux  ;  aussi,  de  tout  temps,  les  Arabes, 
les  Cafres,  les  Nègres  du  Soudan  lui  ont-ils  fait 
une  guerre  acharnée.  La  chasse  du  lion  à  l'affût 
exige  beaucoup  de  prudence,  de  sang-froid  et  de 
courage,  car,  comme  le  ditDelegorgne,  «si  le  lion 
a  deviné  la  présence  du  chasseur,  s'il  l'a  entrevu, 
celui-ci  court  les  plus  grands  risques.  Cette  fois, 
le  lion  se  considère  m.aître  de  ce  qu'il  a  conquis, 
et  d'ordinaire,  il  ne  souffre  pas  de  partage.  Gare  à 
l'homme  !  que  tout  son  sang-froid  lui  vienne  en 
aide,  qu'il  n'ait  pas  la  malheureuse  idée  de  tergi- 
verser, qu'il  tienne  bon.  qu'il  s'accroupisse.  Cette 
mesure  le  sauvera  peut-être  de  l'attaque,  où  le  tir 
est  si  inexact  et  si  difficile;  et  si  l'animal,  dans 
son  hésitation,  se  présente  bien  à  découvert,  que 
le  coup  parte  et  l'étende  roide  sur  place,  sinon  le 
lion  sera  le  maître- 

»  Cependant,  il  arrive  quelquefois  que,  par  un 
caprice  inexplicable,  généralement  qualifié  de  gé- 
nérosité, le  roi  des  animaux  ne  tue  pas  l'homme 
qu'il  tient  sous  lui,  bien  qu'il  ait  été  blessé  le 
premier  par  lui.  Quelquefois,  il  se  coiuente  de 
divers  coups  de  dents  qui  brisent  et  broient  les 


CARNIVORES 


—  361  — 


CARNIVORES 


membres,  ou  d'un  seul  qui  laboure  la  poitrine 
de  quatre  sillons.  Il  borne  là  sa  vengeance  et 
s'en  va.  » 

Les  lions  sont  répandus  dans  toute  l'Afrique, 
depuis  l'Atlas  jusqu'au  cap  de  Bonne-Espérance, 
mais  présentent  quelques  variations  suivant  les 
régions;  ils  ont  la  crinière  tantôt  claire,  tantôt 
noirâtre,  le  pelage  d'une  teinte  plus  ou  moins 
uniforme,  etc.  Il  est  impossible  toutefois  de  re- 
connaître plusieurs  espèces  parmi  les  lions  du 
continent  africain.  Ceux  qui  habitent  en  Perse  et 
en  Arabie  ne  paraissent  pas  non  plus  notablement 
différents,  et  constituent  tout  au  plus  une  race 
particulière. 

Le  tigre,  chez  lequel  le  type  chat  est  encore  plus 
marqué  que  chez  le  lion,  se  distingue  facilement 
de  ce  dernier  par  l'absence  de  crinière,  le  déve- 
loppement sur  les  joues  de  poils  formant  une  sorte 
de  barbe,  l'allongement  de  la  queue  qui  ne  porte 
pas  de  touffe  terminale,  et  enfin  par  la  coloration 
du  pelage  dont  la  teinte  fauve  est  recoupée  par 
des  bandes  transversales  noires.  A  l'état  adulte, 
un  tigre  mesure  2  mètres  50  environ  de  longueur 
totale  sur  70  centimètres  de  hauteur  au  gar- 
rot. 

C'est  alors  un  animal  des  plus  redoutables,  qui 
s'attaque  indifféremment  aux  êtres  les  plus  forts 
comme  aux  plus  faibles,  à  l'homme,  à  l'éléphant, 
au  rhinocéros,  au  buffle,  à  l'antilope,  ou  même  à 
l'oiseau  et  au  reptile.  Embusqué  dans  un  taillis, 
vers  le  coucher  du  soleil,  il  attend  sa  proie,  fond 
sur  elle  d'un  bond  irrésistible  et  enfonce  dans 
la  nuque  de  sa  victime  ses  griffes  acérées  avec 
une  telle  puissance  que  l'animal  le  plus  vigou- 
reux s'abat  immédiatement,  souvent  pour  ne 
plus  se  relever.  Dans  l'Iode,  chaque  année, 
malgré  les  primes  offertes  pour  la  destruction  des 
tigres,  des  centaines  de  personnes  sont  égorgées 
par  ces  bêtes  féroces,  dont  l'audace  est  sans 
égale  et  que  l'incendie  d'une  forêt  peut  seul  faire 
reculer. 

On  ne  trouve  de  tigres  qu'en  Asie,  aussi  les  Ro- 
mains ne  connurent-ils  ces  animaux  que  lors- 
qu'ils eurent  étendu  leurs  frontières  jusqu'à  l'em- 
pire des  Parthes  ;  Scaurus  le  premier,  en  l'an  743 
de  la  fondation  de  Rome,  exhiba  un  tigre  enfermé 
dans  une  cage;  mais  plus  tard  Héliogabale  attela 
quatre  de  ces  carnassiers  à  son  char,  où  il  figurait 
le  dieu  Bacclius. 

En  Amérique,  depuis  le  sud-ouest  du  Mexique 
jusqu'au  Paraguay,  le  tigre  est  remplacé  par  un 
autre  félin,  le  jaguar,  qui  est  en  général  de  taille 
un  peu  plus  faible  et  coloré  d'une  manière  diffé- 
rente. 

Le  jaguar  est  ordinairement  (car  il  y  a  dans 
cette  espèce  de  nombreuses  variations  individuel- 
les) d'un  jaune  rougeâtre  avec  le  museau  et  la 
-orge  d'un  blanc  pur  et  de  nombreuses  taches 
noires  sur  la  tête,  le  cou,  le  dos,  la  croupe  et  les 
flancs.  Ces  taches  affectent  souvent  la  forme  d'an- 
neaux, parfois  celles  de  raies  transversales.  Doué 
d'une  force  prodigieuse  ot  d'une  merveilleuse  agi- 
lité, pourvu  de  sens  d'une  finesse  incomparable, 
le  jaguar  est  un  animal  aussi  dangereux  que  le 
tigre  ;  il  mange  tous  les  grands  vertébrés  qu'il 
trouve  à  sa  portée  et  saisit  sa  proie  dans  l'eau 
aussi  bien  que  sur  terre.  Des  voyageurs  lui  ont  vu 
prendre  des  poissons  avec  beaucoup  d'adresse. 
L'homme  devient  fréquemment  sa  victime,  le  nè- 
gre surtout,  dont  la  peau  exhale  une  odeur  par- 
ticulière qui  attire  ce  grand  carnassier. 

La  grande  panthère  ou  léopard  d'Afrique,  dont 
Aristote  a  déjà  fait  mention,  se  trouve  non  seule- 
ment en  Afrique,  comme  son  nom  semblerait  l'in- 
diquer, mais  dans  l'Asie  Mineure,  dans  l'Inde  et 
jusqu'en  Mongolie.  Sa  robe  est  vraiment  splendide. 
Sur  un  fond  jaune  orangé,  passant  au  blanc  sur  le 
ventre  se  dessinent  des  taches  tantôt  annulaires, 
2c  Paktie. 


tantôt  composées  de  quelques  points  disposés  cir- 
culairement,  taches  qui,  sur  le  dos,  figurent  qua- 
tre bandes  régulières,  et  sur  les  côtés  des  raies 
moins  bien  définies.  Les  forêts  ou  des  taillis  épais 
couvrant  les  intervalles  laissés  par  les  grands  ar 
bres  sont  les  repaires  ordinaires  des  léopards,  qui 
font  une  guerre  acharnée  aux  singes,  aux  antilo- 
pes, aux  moutons  et  aux  brebis,  et  qui  parfois  n« 
craignent  pas  de  se  jeter  sur  l'homme  lui-même. 

Sous  le  nom  de  chats,  les  naturalistes  com- 
prennent une  foule  de  carnivores  de  petite  taille, 
qui  vivent  en  Europe,  en  Asie,  en  Afrique  et 
en  Amérique.  La  seule  dont  nous  ayons  à  parler, 
c'est  le  chat  sauvage,  des  forêts  de  l'Europe  et  de 
l'Asie.  Un  peu  plus  gros  que  le  chat  domestique 
ordinaire,  et  de  formes  plus  robustes,  le  chat  sau- 
vage a  le  pelage  plus  fourni,  orné  de  bandes  et  de 
taches  régulièrement  disposées,  d'un  brun  foncé 
sur  un  fond  gris-jaunâtre.  Il  vit  dans  les  grandes 
forêts  et  fait  la  chasse  aux  oiseaux  et  aux  petits 
mammifères,  tels  que  les  rats,  les  lapins  et  les 
lièvres.  Jusqu'à  ces  derniers  temps  on  supposait 
que  cette  espèce,  apprivoisée  par  l'homme  dans  les 
temps  reculés  et  modifiée  par  des  croisements  suc- 
cessifs, avait  donné  naissance  à  notre  chat  domes- 
tique; mais  aujourd'hui  on  est  plutôt  disposé  à 
admettre  que  le  chat  de  nos  habitations  dérive  de 
quelque  forme  africaine  comme  le  chat  ganté  du 
Sahara.  Ce  qui  vient  à  l'appui  de  cette  hypothèse, 
c'est  que  le  chat  domestique  se  trouve  figuré  dans 
les  plus  anciens  monuments  de  l'Egypte,  tandis 
qu'il  ne  paraît  avoir  été  connu  dans  l'Europe  occi- 
dentale qu'à  partir  du  x*  siècle. 

Les  lynx  ou  loups-cerviers  des  marchands  four- 
reurs se  rapprochent  par  leurs  moeurs  des  chats 
sauvages  et  habitent  comme  eux  les  forêts  de 
contrées  montagneuses;  mais  ils  se  distinguent 
facilement  par  leur  taille  égale  à  celle  d'un  gros 
chien,  leur  pelage  moelleux,  roussâtre  ou  gris, 
moucheté  de  brun;  leur  face  encadrée  d'une 
longue  barbe  et  leurs  oreilles  terminées  par  un 
pinceau  de  poils.  Le  lynx  ordinaire,  jadis  répandu 
sur  une  grande  partie  de  l'Europe,  ne  se  trouve 
plus  guère  que  dans  les  Alpes  et  sur  quelques 
points  de  l'Allemagne.  En  dépit  de  la  lenteur  de 
ses  allures,  il  se  rend  maître  facilement  du  gros 
gibier  et  même  des  chevreuils  et  des  cerfs ,  sur 
lesquels  il  s'élance  du  haut  d'un  arbre  et  qu'il 
maintient  avec  ses  griffes  acérées.  Une,  autre  es 
pèce  vit  en  Espagne  et  en  Portugal,  et  une  troi 
sième  dans  l'Asie  septentrionale.  La  fourrure  des 
lynx  est  très  estimée  ;  une  peau  vaut  en  moyenne 
50  francs. 

Le  guépard,  qui  ressemble  à  la  panthère  par  la 
coloration  de  son  pelage,  est  moins  fortement  char- 
penté et  plus  haut  sur  jambes.  En  Perse  et  dans 
l'Inde  on  l'emploie  pour  la  chasse. 

2.  Hyénidés.  —  Les  hyènes,  qui  constituent  la 
famille  des  Hyénidés,  sont  digitigrades  comme  les 
Félidés,  c'est-à-dire  marchent  en  s'appuyant  sur  les 
doigts  et  en  tenant  la  plante  des  pieds  légèrement 
soulevée.  Par  leur  dentition  elles  se  rattachent 
aux  chats  et  aux  martes,  mais  elles  ont  des  molai- 
res moins  tranchantes  et  plus  épaisses,  ce  qui 
annonce  des  instincts  moins  féroces:  les  hyènes  en 
effet  ne  se  nourrissent  que  rarement  de  proie 
vivante;  elles  recherchent  surtout  les  cadavres 
dont  elles  brisent  les  os  entre  leurs  mâchoires 
puissantes.  A  cause  de  ce  régime,  elles  ont  été  de 
tout  temps  l'objet  d'une  sorte  de  réprobation,  et, 
par  suite,  souvent  accusées  de  méfaits  dont  elles 
étaient  parfaitement  innocentes.  On  a  dit  qu'elles 
étaient  d'une  férocité  épouvantable  ;  qu'elles  égor- 
geaient les  bestiaux,  qu'elles  savaient  imiter  la 
voix  humaine,  appeler  les  bergers  et  les  charmer 
au  point  de  leur  faire  oublier  leurs  troupeaux. 
Fables  absurdes  qui  ont  déjà  été  démenties  par 
Buifoo,  et  qui  ont  été  inspirées  par  la  démarche 

22 


CARNIVORES 


—  338  — 


CARNIVORES 


claudicante  et  tortueuse  de  ces  animaux,  due  prin- 
cipalement à  l'inégalité  de  leurs  membres  anté- 
rieurs et  postérieurs,  par  l'ouverture  effrayante  de 
leur  gueule,  par  l'aspect  hérissé  de  leur  pelage, 
par  leur  voix  étrange  qui  ressemble  tantôt  à  un 
gémissement,  tantôt  à  un  éclat  de  rire,  et  surtout 
par  leurs  habitudes  nocturnes  et  leurs  instincts 
dégoûtants.  Après  avoir  vécu  jadis  en  Europe,  les 
hyènes  sont  confinées  aujourd'hui  dans  le  midi  de 
l'Asie  et  dans  le  continent  africain.  On  en  compte 
plusieurs  espèces,  l'hyène  tachetée  ou  crocotte  qui 
se  trouve  depuis  le  cap  de  Bonne-Espérance  jus- 
qu'en Abyssinie,  l'hyène  brune  qui  vit  à  peu  près 
dans  les  mêmes  contrées,  et  l'hyène  rayée  qui  est 
propre  à  l'Arabie,  à  l'Asie  méridionale  et  au  nord 
de  l'Afrique.  Cette  dernière  espèce,  qui  est  assez 
commune  en  Algérie  et  dans  la  vallée  du  Nil, 
atteint  la  taille  d'un  chien  de  garde  ;  elle  a  les 
poils  longs,  principalement  sur  la  nuque  et  le 
dos,  où  ils  forment  une  crinière  flottante  ;  le 
dessus  de  son  corps  et  ses  flancs  sont  d'un  gris 
fauve  zébré  de  brun  noirâtre,  sa  gorge  est  mar- 
quée d'une  grande  tache  noire,  ses  joues  sont 
ornées  de  points  de  môme  couleur,  et  son  ventre 
est  d'un  gris  blanchâtre.  La  hyène  brune  est  plus 
velue  et  plus  foncée  en  couleur,  et  la  hyène  tachetée 
a.,  comme  son  nom  l'indique,  le  pelage  parsemé 
de  nombreuses  taches  sombres. 

3.  Canidés.  —  La  troisième  famille  des  carni- 
vores, celle  des  Canidés,  renferme  non  seulement 
les  chiens,  mais  les  loups,  les  chacals,  les  renai-ds 
et  d'autres  animaux  digitigrades,  dont  les  mem- 
bres élancés  se  terminent  par  des  doigts  munis  de 
griffes  non  rétraciiles.  Ces  doigts  sont  au  nombre 
de  cinq  aux  pattes  antérieures  et  de  quatre  seule- 
ment aux  pattes  postérieures.  Les  mâchoires,  quoi- 
que puissantes,  sont  plus  allongées  et  moins  for- 
tement armées  que  celles  des  Félidés  ;  la  dent  mo- 
laire qu'on  appelle  dent  carnassière  est  moins 
tranchante  et  les  autres  semblent  plutôt  destinées 
à  broyer  des  os  qu'à  couper  de  la  chair  et  des  ten- 
dons. Le  pelage  offre  d'ordinaire  des  teintes  plus 
uniformes  que  chez  les  chats  et  les  hyènes,  et  la 
queueest  allongée  et  plus  ou  moins  toufi'ue.  Les 
Canidés  sont  des  animaux  fort  intelligents,  dont  le 
cerveau  présente  un  assez  grand  nombre  de  cir- 
convolutions, et  dont  les  sens  ont  beaucoup  de 
finesse,  principalement  celui  de  l'odorat.  Au  lieu 
de  vivre  isolés  ou  par  couples,  comme  les  Félidés, 
ils  se  réunissent  en  général  en  petites  troupes  pour 
attaquer  les  animaux  dont  ils  font  leur  proie. 

Parmi  les  carnivores  de  cette  famille  qui  habi- 
tent en  France,  le  loup  est  le  seul  qui  soit  réelle- 
ment redoutable.  Encore,  dans  notre  pays,  ne 
devient-il  dangereux  pour  l'homme  qu'en  hiver, 
lorsque  la  faim  le  chasse  de  ses  repaires  et  le  force 
à  se  rapprocher  des  habitations.  En  revanche,  il 
peut  faire,  en  toutes  saisons,  beaucoup  de  mal  aux 
troupeaux,  aussi  lui  fait-on  une  chasse  active  et 
a-t-on  établi,  dans  plusieurs  de  nos  départements, 
des  compagnies  de  louveterie.  Mais  dans  les  pays 
où  la  culture  est  moins  avancée,  et  où  leur 
domaine  n'a  pas  été  aussi  restreint  par  le  déboi- 
sement, les  loups  sont  encore  fort  communs  :  en 
Russie  et  en  Sibérie  par  exemple  ils  se  réunissent 
souvent  en  grandes  bandes  et  attaquent  les  che- 
vaux et  les  voyageurs.  Dans  d'autres  contrées  au 
contraire  ils  ont  totalement  disparu,  et  en  Angle- 
terre il  n'y  en  a  plus  un  seul  depuis  le  commen- 
cement du  dix-huitième  siècle. 

Tout  le  monde  sait  que  le  loup,  par  son  aspect 
extérieur,  se  rapproche  beaucoup  des  grandes  races 
de  chiens  avec  lesquelles  il  se  croise  assez  facile- 
ment. Son  pelage  en  général,  d'un  gris  fauve  varié 
de  poils  noirs,  devient  d'un  brun  foncé  ou  même 
d'un  noir  uniforme  chez  quelques  individus  atteints 
de  mélunisnie. 

Le  loup  des  prairies  de  l'Amérique  du  Nord,  dont 


il  est  si  souvent  question  dans  les  récits  des  trap 
peurs  et  des  voyageurs  canadiens,  ne  diffère  que 
légèrement  par  son  crâne  et  par  son  pelage  du 
loup  de  nos  forêts.  Le  chacal  en  est  beaucoup  plus 
distinct.  Il  est  plus  petit  que  le  loup,  et  plus  clair 
en  couleur,  et  par  ses  mœurs  offre  quelque  ana- 
logie avec  les  hyènes.  Vivant  en  Asie  et  en  Afrique, 
dans  les  mêmes  contrées  que  les  lions  et  d'autres 
grands  carnivores ,  les  chacals  se  contentent 
volontiers  des  débris  laissés  par  ces  derniers;  au 
besoin  même  ils  se  repaissent  des  cadavres  d'ani- 
maux domestiques  ou  même  des  immondices  reje- 
tées des  habitations.  C'est  pendant  la  nuit  qu'ils  se 
mettent  en  chasse  en  troupes  nombreuses  qui  font 
retentir  l'air  de  leurs  hurlements.  Les  chacals 
s'apprivoisent  assez  facilement,  mais  conservent 
toujours  un  fonds  de  sauvagerie.  Frappés  des  res- 
semblances que  ces  carnassiers  présentent  avec  cer- 
taines races  de  chiens,  quelques  naturalistes  ont 
voulu  voir  dans  les  chacals  la  souche  de  nos  chiens 
domestiques.  Mais  plusieurs  raisons  écartent  cette 
hypothèse,  et,  comme  le  fait  observer  F.  Cuvier,  les 
chacals  répandent  une  odeur  si  forte  et  si  dés- 
agréable qu'elle  seule  aurait  empêché  l'homme  de 
rapprocher  de  lui  ces  animaux  pour  en  faire  ses 
compagnons  et  en  quelque  sorte  ses  commen- 
saux. 

D'où  viennent  alors  les  chiens  domestiques? 
C'est  ce  qu'il  est  malheureusement  impossible  de 
dire,  malgré  toutes  les  recherches  faites  à  ce 
sujet.  On  peut  affirmer  qu'ils  sont  d'apparition 
récente,  au  point  de  vue  géologique,  puisqu'on  n'a 
point  trouvé  leurs  traces  dans  des  couches  anté- 
rieures aux  terrains  modernes.  Mais  quels  ont  été 
leurs  caractères  primitifs  ?  quelle  est  la  contrée 
d'où  ils  sont  originaires  ?  C'est  ce  qu'on  ignore.  On 
ne  sait  pas  davantage  s'ils  procèdent  d'une  ou 
de  plusieurs  espèces  primordiales,  et  le  problème 
semble  presque  impossible  à  résoudre  quand  on 
songe  à  la  variété  presque  infinie  des  races  de 
chiens  que  l'homme  élève  pour  ses  besoins  ou 
pour  son  agrément.  Quelques-unes  de  ces  races 
remontent  à  la  plus  haute  antiquité  et  se  trouvent 
représentées,  avec  les  caractères  qu'elles  offrent 
encore  aujourd'hui,  sur  les  anciennes  monnaies 
étrusques,  et  sur  les  monuments  de  l'Egypte  et  de 
l'Assyrie.  Le  chien  est  partout  le  compagnon  de 
l'homme  et  s'est  modifié  et  perfectionné  à  mesure 
que  ce  dernier  atteignait  un  plus  haut  degré  de 
civilisation  :  aussi  l'on  peut  dire,  d'une  manière 
générale  que  c'est  chez  les  peuples  les  plus  bar- 
bares que  le  chien  se  rapproche  le  plus  des  car- 
nassiers sauvages  de  la  même  famille.  Cet  animal 
était  totalement  inconnu  jadis  dans  certaines  lies 
de  rOcéanie  et  en  Amérique,  mais  dans  cette  der 
nière  contrée,  depuis  l'arrivée  des  Européens,  il 
s'est  rapidement  multiplié,  et  même  sur  certains 
points  est  revenu  à  l'état  sauvage.  Il  nous  serait 
difficile,  pour  ne  pas  dire  impossible,  de  décrire 
successivement  toutes  les  races  de  chiens  domes- 
tiques qui  diffèrent  les  unes  des  autres  par  la 
taille,  la  forme  de  la  tête,  la  nature  du  pelage,  la 
coloration,  aussi  bien  que  par  les  instincts  et  les 
mœurs.  Pour  la  commodité  de  l'étude,  ces  races 
peuvent  être  rangées  en  un  certain  nombre  de 
catégories,  savoir: 

1°  Les  lévriers,  au  crâne  allongé,  aux  formes 
sveltes,  aux  jambes  fines,  au  poil  tantôt  ras  (lévrier 
turc,  lévrier  d'Egypte  et  lévrier  de  Grèce),  tantôt 
assez  long  (lévrier  de  Perse,  lévrier  de  Russie,  lé- 
vrier d'Ecosse). 

2°  Les  chiens  mâtins,  aux  formes  robustes,  aux 
oreilles  souvent  droites  (mâtin  proprement  dit, 
danois,  etc.). 

3°  Les  chiens  à  poil  laineux,  propres  aux  régions 
arctiques  des  deux  mondes  (chien  des  Esquimaux, 
chien  du  mont  Saint-Bernard,  chien  de  berger, 
chien-loup). 


CARNIVORES 


—  339  — 


CARNIVORES 


4°  Les  barbets  (barbet,  griffon,  petit  chien  blanc 
de  Cuba). 

.■."  Les  épagneuls  (setter,  épagneul  proprement 
dit,  king's-cliarles,  bichon,  etc.)- 

6°  Les  chiens  de  chasse  à  poils  ras,  à  oreilles 
tombantes  (chien  courant,  fox-hound,  braque). 

"i"  Les  chiens  dogues  (dogue  proprement  dit, 
buU-terrier,  roquet,  petit  danois),  qui  ont  le  crâne 
élevé;  le  museau  court  et  tronqué,  la  queue  droite, 
les  membres  robustes,  et  qui  habitent  exclusive- 
ment les  régions  tempérées  de  l'ancien  continent. 

Toujours  plus  petits  que  les  loups,  les  renards 
ont  le  museau  plus  effilé,  le  crâne  plus  aplati  et  la 
queue  plus  touffue.  Le  renard  vulgaire  a  générale- 
ment le  pelage  d'un  fauve  plus  ou  moins  vif  on 
dessus,  et  d'un  ton  blanchâtre  en  dessous  ;  mais 
dans  certains  cas,  il  prend  des  teintes  enfumées, 
te  dos  étant  brun,  la  queue  noirâtre  et  le  ventre 
grisâtre  (renard  c'iarbonnier).  Fort  commun  en 
Europe,  il  vit  isolé  et  se  tient  pendant  le  jour  ca- 
ché dans  le  creux  d'un  arbre,  dans  une  crevasse  de 
rocher  ou  dans  quelque  terrier  de  blaireau  dont  il 
a  chassé  le  propriétaire,  et  qu'il  a  agrandi  pour 
son  usage.  Sa  demeure  est  toujours  située  à  pro- 
ximité d'une  ferme,  où,  lorsque  la  nuit  est  tom- 
bée, il  va  subrepticement  dérober  un  lapereau  ou 
une  volaille.  Souvent  aussi  il  égorge  quelque  pièce 
de  gibier,  et,  comme  la  fable  nous  l'apprend,  il  est 
fort  avide  de  raisins.  Les  villageois  lui  ont  déclaré 
une  guerre  à  mort;  mais  sa  prudence  est  telle 
qu'il  ne  tombe  que  rarement  dans  les  pièges  qui 
lui  sont  tendus.  Les  grands  seigneurs  anglais  élè- 
vent pour  la  chasse  de  ce  carnassier  une  race  de 
chiens  particulière,  les  fox-hoiinds,  et  montés  sur 
des  chevaux  rapides,  poursuivent  le  renard  à  tra- 
vers les  halliers,  les  rochers  et  les  rivières,  au 
risque  de  se  rompre  les  os. 

Le  fennec  est  un  joli  petit  renard,  aux  oreilles 
très  longues,  à  la  physionomie  éveillée,  à  la  robo 
Isabelle,  qui  vit  dans  le  Sahara  algérien  et  en  Nubie. 

4.  Viverridés.  —  La  famille  des  Viverridés  com- 
prend un  très  grand  nombre  d'espèces,  les  unes 
plantigrades,  les  autres  digitigrades,  les  unes  se 
rapprochant  des  Félidés  par  leurs  dents  carnassiè- 
res très  développées,  les  autres  ayant  dans  leur 
dentition  des  affinités  avec  les  Ursidés  ou  même 
avec  les  Insectivores.  Tous  ces  animaux  sont  à  peu 
près  de  la  grosseur  d'un  chat,  et  pourvus  d'une 
queue  très  longue  et  parfois  volubile  comme  celle 
de  certains  singes  américains. 

On  a  établi  dans  cette  famille  plusieurs  groupes 
•secondaires  sur  lesquels  nous  n'avons  pas  à  insis- 
ter, parce  qu'ils  n'appartiennent  pas  à  notre  pays  : 
les  ratons  comprenant  le  7^ato7i  laveur,  de  l'Amé- 
rique du  Nord,  plantigrade  qui  rappelle  un  peu 
ic  blaireau,  avec  des  formes  moins  lourdes  et  qui 
a  la  singulière  habitude  de  plonger  dans  l'eau  les 
substances  dont  il  fait  sa  nourriture, et  le  raton 
crabier  de  l'Amérique  tropicale,  qui  vit  au  bord  de 
la  mer,  et  se  nourrit  de  crustacés;  les.  pandas, 
des  monts  Himalaya,  qui  sont  remarquables  par 
les  teintes  vives  de  leur  pelage  et  qui  ont  le 
corps  d'un  roux  éclatant,  la  gorge  et  la  face  interne 
des  membres  d'un  blanc  presque  pur,  et  la  queue 
élégamment  annelée;  les  coatis,  les  kinkajous  du 
Mexique, de  la  Guyane  et  du  Brésil,  etc. 

Un  autre  groupe  de  'Viverridés  comprend  :  les 
■civettes,  les  genettes,  les  hémigales,  les  parado- 
xures,  etc. 

Les  civettes,  qui  ont  pour  patrie  l'Afrique  et  le 
jud  de  l'Asie,  sont  les  animaux  les  plus  intéres- 
sants de  cette  tribu  à  cause  des  produits  qu'elles 
fournissent  à  l'industrie.  Elles  ont  en  effet,  à  l'ex- 
trémité postérieure  du  corps,  au-dessous  de  la 
queue,  des  glandes  qui  sécrètent  une  substance 
musquée  dont  on  fait  usage  en  parfumerie  et  en 
pharmacie  et  qui  depuis  longtemps  est  l'objet 
d'un  commerce  important. 


La  civette  d'Afrique  offre  dans  son  pelage  cer- 
taines analogies  avec  les  hyènes,  les  flancs  étant 
marqués  de  taches  et  de  raies  noirâtres  sur  fond 
gris,  la  queue  étant  ornée  d'anneaux  foncés  et 
une  crête  de  poils  allongés  s'étendant  sur  la  nu- 
que et  la  ligne  dorsale  ;  mais  la  taille  de  la  civette 
n'égale  jamais  celle  de  la  hyène,  et  ses  pattes  an- 
térieures et  postérieures  ne  présentent  pas  cette 
disproportion  qui  donne  à  la  hyène  des  allures  si 
étranges.  Les  civettes  sont  d'un  naturel  farouche 
et  irascible;  on  prétend  cependant  que  dans  cer- 
taines contrées  de  l'Afrique,  les  indigènes  parvien- 
nent à  les  garder  en  captivité,  afin  de  les  sou- 
mettre à  une  sorte  d'exploitation  méthod'oue. 

La  civette  de  l'Inde  et  des  Moluques»,  '  ^-i  li- 
beth,  est  un  peu  plus  petite  que  la  ci\'V-tte  d'Afri- 
que, elle  est  couverte  d'un  poil  moins  touffu,  et 
n'a  qu'un  rudiment  de  crinière. 

Les  genettes  qui  habitent  le  midi  de  l'EurojAs, 
l'Asie  et  l'Afrique,  ont  des  glandes  à  parfum  moins 
développées  que  celles  des  civettes,  et  une  robe 
colorée  d'une  manière  différente  :  dans  l'espèce 
vulgaire,  qui  se  trouve  dans  la  plupart  de  nos  dé- 
partements du  centre  et  du  midi,  le  pelage  est 
fauve,  marqué  de  taches  et  d'anneaux  d'un  brun 
foncé.  Plus  élancées  que  le  chat  et  plus  élégantes 
que  la  fouine,  les  genettes  ont,  comme  ces  ani- 
maux, des  habitudes  nocturnes  et  font  la  guerre 
aux  volailles,  aux  petits  mammifères,  tout  en  se 
nourrissant  de  temps  en  temps  d'œufs  et  d'insec- 
tes. 

Le  paradoxure  de  Ceylan,  l'hémigale  de  Bornéo 
et  l'euplère  de  Madagascar  diffèrent  notablement 
des  civettes  et  des  genettes  par  la  forme  du  mu- 
seau, le  système  dentaire,  les  proportions  du  corps 
et  la  couleur  du  pelage. 

Avec  leur  corps  svelte  et  leurs  pattes  courtes, 
les  mangoustes, qui  forment  encore  une  autre  tribu 
de  Viverridés,  ont  des  allures  vermiformes  et  sem- 
blent glisser  sur  le  sol  lorsqu'elles  marchent.  Elles 
ont  un  pelage  soyeux,  tiqueté,  une  queue  allongée 
et  des  doigts  armés  de  griffes  non  rétractiles.  Leur 
crâne  aplati  renferme  un  cerveau  peu  volumineux 
et  leurs  molaires,  pour  la  plupart  fortement  tuber- 
culeuses, dénotent  un  régime  légèrement  insecti- 
vore. Aux  petits  mammifères  et  aux  oiseaux  qui 
constituent  le  fond  de  leur  alimentation,  les  man- 
goustes joignent  en  effet  non  seulement  des 
œufs,  mais  aussi  des  insectes.  .  .     . 

Les  mangoustes  proprement  dites  sont  originai- 
res de  l'Afrique  et  de  l'Asie  méridionale,  et  l'on  trouve 
dans  la  vallée  du  Nil  une  espèce  de  ce  genre  qui 
jouit  d'une  certaine  célébrité  et  qui  a  été  tenue 
en  grand  honneur  par  les  anciens  Egyptiens  :  c'est 
la  mangouste  ichneumon  ou  rat  de  Pharaon.  Les 
fables  les  plus  absurdes  ont  été  débitées  sur  ce 
carnassier  :  on  a  prétendu,  par  exemple,  qu'il  s'in- 
troduisait dans  la  gueule  des  crocodiles  pour  leur 
dévorer  les  entrailles.  Ce  qu'il  y  a  de  vrai,  c'est 
que  la  mangouste  ichneumon  ne  se  contente  pa3 
de  petits  mammifères  et  d'oiseaux  et  qu'elle  est 
aussi  très  avide  de  serpents  et  d'œufs  de  crocodi- 
les. En  Egypte,  on  la  garde  parfois  en  domesticité 
pour  la  destruction  des  souris. 

5.  MustéUdés.  —  La  famille  des  Mustelides  a 
pour  type  la  belette  (en  latin  miistela),  mais  com- 
prend encore,  à  côté  de  cette  espèce,  plusieurs  au- 
tres animaux  tels  que  les  blaircau.x,  les  mouffettes, 
les  gloutons,  généralement  de  taille  médiocre  ou 
petite,  revêtus  d'une  fourrure  soyeuse,  et  doues 
d'instincts  très  carnassiers.  Le  corps  est  tantôt 
trapu,  tantôt  vermiforme  et  la  queue  tantôt  déve  - 
loppée  en  panache,  tantôt  rudimentaire. 

Dans  une  première  tribu  de  cette  famille  se  pla- 
cent les  blaireaux  et  les  mouffettes,  animaux  qui 
marchent  en  appuyant  la  majeure  partie  f'.u  pied 
sur  le  sol,  et  qui  par  là  offrent  déjà  une  transition 
vers  la  famille  des  ours.  Le  blaireau  ordmairt  C8t 


CARNIVORES 


—  340  — 


CARNIVORES 


bas  sur  pattes  ;  il  a  le  corps  trapu,  le  museau  pointu 
et  la  queue  très  courte.  Sa  taille  est  à  peu  près 
égale  à  celle  du  chien  basset,  et  son  pelage  est 
d'un  gris  glacé  de  noir  avec  trois  larges  bandes 
blanches  sur  la  tête.  C'est  un  animal  fort  rusé,  qui 
mène  une  vie  retirée,  au  fond  des  bois,  et  se 
nourrit  do  miel,  de  fruits,  de  racines,  de  lézards, 
de  mulots  et  même  de  jeunes  lapereaux.  Sa  chair 
est,  dit-on,  mangeable  et  ses  poils  servent  à  faire 
des  brosses  pour  la  barbe. 

Les  mouffettes  doivent  leur  nom  (tiré  du  latin 
mephitis,  puanteur)  aux  émanations  qu'elles  ré- 
pandent et  dont  l'odeur  est  telle  que  tout  animal 
en  est  pour  ainsi  dire  suffoqué.  Cette  odeur  pro- 
vient d'un  liquide  sécrété  par  des  glandes  spéciales 
et  constitue  pour  les  mouffettes  un  moyen  de  dé- 
fense. Il  en  existe  une  espèce  aux  Eiats-Unis,  deux 
autres  dans  l'Amérique  du  Sud. 

Les  gloutons  forment  avec  les  ratels,  les  martes 
et  les  putois  une  seconde  tribu.  Par  ses  formes 
lourdes,  le  glouton  arctique  qui  se  trouve  dans  les 
régions  boréales  des  deux  mondes  ressemble  au 
blaireau,  mais  il  est  plus  haut  sur  ses  pattes,  il  a 
le  corps  plus  velu,  la  queue  plus  fournie,  et  grimpe 
facilement  sur  les  arbres  ;  il  est  très  redouté  des 
trappeurs  canadiens  auxquelles  il  ravit  le  pro- 
duit de  leur  chasses.  Le  ratel  du  Cap  et  celui  de 
l'Inde  sont  conformés  à  peu  près  comme  le  glouton, 
mais  sont  plutôt  fouisseurs  que  grimpeurs. 

Les  martes  sont  des  animaux  au  corps  mince,  aux 
appétits  féroces,  qui  font  leur  proie  des  petits 
quadrupèdes,  des  oiseaux  et  des  reptiles  et  qui 
portent  souvent  le  ravage  dans  les  poulaillers  où 
elles  s'introduisent  par  les  plus  petites  ouvertu- 
res. Elles  sont  à  juste  titre  redoutées  par  les  fer- 
miers qui  les  détruisent  sans  pitié.  La  marte  ordi- 
naire habite  les  forêts,  principalement  les  forêts 
de  sapins,  et  se  reconnaît  à  son  pelage  brun  clair 
marqué  d'une  grande  tache  jaunâtre  sur  le  devant 
du  cou.  Sa  fourrure  douce  et  très  fournie  est  es- 
timée. La  marte  fouine,  nommée  plus  communé- 
ment fouine,  se  tient  plus  que  la  précédente  dans 
le  voisinage  des  habitations,  et  est  répandue  dans 
toute  l'Europe  et  dans  le  nord  de  l'Asie.  Elle  est 
brune  avec  la  gorge  d'un  blanc  pur.  Sa  peau  est 
moins  recherchée  que  celle  de  la  marte  ordinaire. 
Un  peu  plus  petits  que  les  martes,  les  putois  sont 
encore  plus  sanguinaires.  L'un  d'eux,  qu'on  dési- 
gne sous  le  nom  de  putois  fétide,  et  qui  n'est  pas 
rare  en  France,  répand  une  odeur  infecte  ;  c'est 
peut-être  l'ennemi  le  plus  dangereux  des  volailles, 
qu'il  égorge  et  dont  il  abandonne  les  cadavres  après 
en  avoir  sucé  le  sang.  Son  corps,  qui  mesure  en- 
Tiron  40  centimètres  de  long,  est  brun  et  son  mu- 
seau est  marqué  d'une  tache  blanche.  Le  furet, 
au  pelage  jaunâtre,  aux  yeux  roses,  qu'on  élève  en 
domesticité  et  qu'on  emploie  pour  la  chasse  aux 
lapins  est  considéré  par  plusieurs  naturalistes 
comme  un  albinos  du  putois  vulgaire.  L'hermine 
au  contraire,  ou  putois  hermine,  constitue  une 
espèce  bien  distincte.  En  hiver  son  corps  est  d'un 
blanc  pur  ou  légèrement  jaunâtre,  et  le  bout  de 
sa  queue  est  d'un  noir  profond  ;  en  été,  au  con- 
traire, le  corps  est  marron  clair,  la  queue  restant 
toujours  noire  à  l'extrémité.  Dans  nos  pays  l'her- 
mine est  beaucoup  moins  commune  que  dans  les 
contrées  du  nord,  en  Suède,  en  Norvège  et  dans 
l'Amérique  boréale.  C'est  de  là  que  viennent  ces 
peaux  si  belles  qui  servent  à  doubler  les  manteaux 
et  à  orner  les  robes  de  nos  professeurs  de  facultés 
et  de  nos  magistrats. 

La  tribu  des  loutres  se  distingue  nettement  du 
reste  des  Mustélidés  par  ses  habitudes  aquatiques, 
son  régime  ichthyophage,  son  corps  surbaissé,  ter- 
miné par  une  queue  souvent  aplatie,  et  ses  pieds 
plus  ou  moins  palmés.  La  loutre  vulgaire,  qui  est 
déjà  montionnée  par  Aristote,  se  rencontre  dans 
toute  l'Europe  et  dans  une  grande  partie  de  l'Asie 


septentrionale.  Elle  fréquente  les  cours  d'eaa  et 
nage  avec  une  grande  facilité.  Sur  le  sol,  au  con- 
traire, sa  démarche  est  fort  embarrassée.  Les  pois- 
sons constituent  le  fond  de  sa  nourriture.  La  four- 
rure moelleuse  de  la  loutre  est  employée  en 
chapellerie.  Une  autre  espèce,  la  loutre  marine, 
ou  enhydre,  est  maintenant  presque  complète- 
ment anéantie.  Elle  était  autrefois  fort  répandue 
sur  les  côtes  de  l'océan  Pacifique  boréal.  Beaucoup 
plus  grande  que  la  loutre  vulgaire,  elle  est  revêtue 
d'une  fourrure  beaucoup  plus  douce  et  plus  lus- 
trée; aussi  a-t-elle  été  depuis  longtemps  l'objet 
d'une  chasse  active.  Une  belle  peau  de  loutre  ma- 
rine vaut  aujourd'hui  près  de  2.000  francs. 

6.  Ursidés.  —  Les  ours,  qui  forment  la  famille 
des  Ursidés,  diffèrent  des  autres  carnivores  par 
leurs  allures;  car  au  lieu  de  marcher  comme  les 
Félidés  sur  la  pointe  du  pied,  ils  s'appuyent  sur 
la  plante,  ils  sont  plantigrades,  ce  qui  donne  à 
leur  démarche  quelque  chose  de  grave  et  de  so- 
lennel. Leur  tète,  prolongée  en  un  museau  coni- 
que, porte  des  oreilles  médiocres,  et  est  animée 
par  de  petits  yeux  assez  brillants  ;  leurs  dents  in- 
cisives et  leurs  canines  ressemblent  à  celles  des 
autres  carnivores  ;  mais  parmi  leurs  molaires  qui 
sont  au  nombre  de  six  paires  à  la  mâchoire  supé- 
rieure et  de  sept  à  la  mâchoire  inférieure,  les 
deux  grosses  dents  postérieures  ont  une  couronne 
tuberculeuse  et  de  forme  carrée,  ce  qui  annonce 
un  régime  omnivore.  Leur  corps  trapu,  couvert 
d'une  fourrure  épaisse  et  presque  unicolore,  n'of- 
fre en  arrière  qu'un  rudiment  de  queue  et  repose 
sur  quatre  pattes  robustes,  terminées  par  cinq 
doigts  munis  d'ongles  puissants,  mais  non  rétrac- 
tiles.  Les  femelles  ont  à  chaque  portée  plusieurs 
petits  qui,  en  naissant,  sont  aveugles,  à  peu  près 
dépourvus  de  poils  et  partant  assez  disgracieux. 

Cette  famille  compte  des  représentants  en  Eu- 
rope, en  Asie  et  en  Amérique.  Dans  la  partie  sep- 
tentrionale de  cette  dernière  contrée,  depuis  le 
nord  des  Etats-Unis  jusqu'à  la  Californie,  on  trouve 
l'ours  féroce,  au  pelage  gris  ou  brun,  épais  et  bien 
fourni.  Cette  espèce  lutte  avec  avantage  avec  le 
bison  des  prairies  et  parfois  ne  craint  pas  de  s'at- 
taquer à  l'homme.  Par  ses  caractères  ostéologi- 
ques,  elle  mérite  d'être  séparée  de  l'ours  brun 
d'Europe.  Celui-ci  était  autrefois  très-répandu 
dans  les  provinces  montagneuses  de  la  France, 
mais  aujourd'hui  il  ne  se  rencontre  plus  que  sur 
certains  points  des  Alpes  et  des  Pyrénées.  En  An- 
gleterre, il  a  disparu  depuis  longtemps.  L'ours 
brun  vit  solitaire  dans  les  bois  et  se  retire  pendant 
la  mauvaise  saison  dans  les  cavernes  où  il  tombe 
dans  une  sorte  de  sommeil  léthargique.  Il  se  nour- 
rit de  végétaux  et  de  proie  vivante,  et  sans  être 
aussi  féroce  que  son  congénère  américain,  doit 
néanmoins  être  considéré  comme  un  animal  fort 
dangereux.  Les  montagnards  des  Pyrénées  ne  crai- 
gnent pas  cependant  d'aller  chercher  les  ours  dans 
leur  retraite  ;  ils  luttent  corps  à  corps  avec  eux  et,, 
profitant  d'un  moment  favorable,  leur  plongent  un 
couteau  dans  le  ventre.  La  peau  de  l'ours  brun  est 
très  recherchée  et  sert  à  fabriquer  des  bonnets  ; 
sa  chair  est  assez  estimée  des  gourmets,  et  sa 
graisse  a  souvent  été  vantée  comme  spécifique 
contre  les  douleurs  et  contre  la  chute  des  che- 
veux. On  voit  souvent  entre  les  mains  des  bate- 
leurs des  ours  bruns  qui  ont  été  pris  en  bas  âge 
et  dressés  avec  beaucoup  de  peine. 

Le  pelage  et  la  taille  des  ours  d'Europe  varie 
considérablement  suivant  les  localités  :  les  ours 
des  Asturies  sont  plus  petits  que  ceux  des  Alpes, 
ils  sont  d'une  teinte  plus  grise,  et  dans  le  jeune 
âge  ne  présentent  pas  un  collier  blanc  comme  ces 
derniers.  Cette  marque  au  contraire  persiste  Don- 
nant toute  la  vie  chez  les  ours  de  Sibérie. 

L'ours  blanc  a  la  tète  autrement  conformée  et 
les  membres  plus  élevés  que  l'ours  brun  et  l'ours 


CARRÉ 


—  341 


CARTOGRAPHIE 


d'Europe  et  le  pelage  d'une  nuance  toute  diffé- 
rente. Cet  ours,  en  effet,  qui  habite  les  parages 
du  pôle  arctique,  est  d'un  blanc  pur  ou  légèrement 
jaunâtre.  Il  se  nourrit  de  phoques,  de  poissons  et 
d'autres  animaux  marins.  Pendant  l'hiver,  il  vit 
sur  les  plages  glacées  et  sur  les  banquises,  mais  en 
été  il  se  retire  dans  les  bois  et  mêle  alors  quel- 
ques substances  végétales  à  son  alimentation.  C'est 
un  animal  assez  sociable,  et  que  l'on  parvient 
quelquefois  à  conserver  dans  les  ménageries,  en 
les  plaçant  dans  un  endroit  frais,  à  portée  d'un 
bassin  et  en  lui  versant  plusieurs  fois  par  jour  de 
l'eau  froide  sur  le  corps. 

L'ours  malais  contraste  avec  l'ours  blanc  par  sa 
taille  assez  faible,  et  son  pelage  d'un  beau  noir 
luisant,  interrompu  seulement  par  un  croissant 
blanchâtre  sur  la  poitrine.  Comme  son  nom  l'in- 
dique, il  vit  en  Malaisie,  à  Sumatra  et  à  Bornéo, 
et  grimpe  avec  agilité  sur  les  palmiers  et  sur  les 
cocotiers  ;  aussi  l'appelle-t-on  parfois  aussi  ours  dex 
cocotiers.  On  le  voit  fréquemment  en  captivité 
dans  nos  jardins  publics. 

Nous  devons  borner  là  ces  renseignements  sur 
l'ordre  des  carnivores,  laissant  forcément  de  côté 
un  grand  nombre  d'espèces  intéressantes,  et  ren- 
voyant à  l'article  Amphibies  ce  qui  concerne  les 
carnassiers  marins.  fE.  Oustalet.] 

Lectures  et  dictées.  —  Histoire  de  la  zoologie,  par 
F.  Hœfer  :  le  lion,  p.  77;  le  tigre,  p.  81;  la  panthère,  p.  82; 
le  Ij-iix,  p.  84;  la  hyène,  p.  83;  l'ours,  p.  86.  —  La  Nature, 
3«  année,  p.  70  :  la  panthère.  —  Les  monstres  marins, 
p.  283  :  l'ours  blanc. —  Nombreux  morceaux  dans  J.  Gérard. 
te  lueur  de  lions,  et  Bombonnel,  le  Tueur  de  panthères. 

CARRÉ.  —  Arithmétique  (cours  sup.),  XL VII.  — 
Produit  d'un  nombre  par  lui-même. 

1.  Les  carrés  des  nombres  d'un  seul  chiffre 
sont  donnés  par  la  table  de  multiplication. 

Les  carrés  de 1234567     89 

sont 1     4    9    16  25  36  49  64  81. 

Le  carré  d'un  nombre  composé  de  dizaines  et 
d'imités  se  compose  du  carré  des  dizaines,  de  deux 
fois  le  produit  des  dizaines  par  les  unités,  et  du 
carré  des  unités. 

Supposons,  en  effet,  que  nous  voulions  for- 
mer   le   carré    de    37  ;    nous    aurons    à    faire    le 

produit  de  . 
par 


+    7 


900-f   7X30 
+  30X    7 


-49 


900-1-30X7  X2-I-49. 

Si  nous  répétons  30  fois  la  somme  30  4-7,  nous 
aurons  d'abord  le  produit  de  30  par  30,  ou  le  carré 
de  30;  puis  le  produit  de  7  par  30. 

Si  nous  répétons  maintenant  7  fois  la  somme 
30  -f-  7,  nous  aurons  d'abord  le  produit  de  30  par  7, 
puis  le  produit  de  ^  par  7. 

Or,  le  produit  de  7  par  30  est  le  même  que  celui 
de  30  par  7  ;  le  résultat  se  compose  donc  du  carré 
de  30,  de  deux  fois  le  produit  de  30  par  7,  et  du 
carré  de  7  ;  ce  qui  est  conforme  à  l'énoncé  ci-dessus. 

De  même  :  le  carré  de  58  se  compose  du  carré 

de  50,  ou 2  500 

de  deux  fois  le  produit  de  60  par  8,  c'est-à- 
dire  800 

et  du  carré  de  8,  ou (i4 


Total 3  304 

ce  qu'il  est  facile  de  vérifier  en  multipliant  directe- 
ment 58  par  58. 

Le  raisonnement  qu'on  vient  de  faire  est  indé- 
pendant du  nombre  de  dizaines  contenues  dans  le 
nombre  considéré  ;  or,  tout  nombre  peut  être  re- 
gardé comme  composé  de  dizaines  et  d'unités  ;  la 
règle  ci-dessus  s'applique  donc  à  un  nombre  quel- 


conque de  plus  d'un  chiffre,  les  dizaines  pouvant 
être  exprimées  par  un  nombre  de  plusieurs  chiffres. 
Ainsi,  par  exemple,  le  carré  de  769  se  compose  du 
carré  de  760,  de  deux  fois  le  produit  de  760  par  9, 
et  du  carré  de  9. 

Cette  propriété  sert  de  base  à  l'extraction  de  la 
racine  carrée. 

Remarque.  —  La  différence  entre  les  carrés  de 
deux  nombres  eiitiers  consécutifs  est  égale  au 
double  du  plus  petit  nombre  plus  un-  Car  si,  par 
exemple,  on  fait  le  carré  de  37  -|-  1, 

37    -fl 
37    +1 


(37)2-1- 

+ 


37 

37  -Hl 


l6Xi7 


(37)*-}- 2.37 -1-1 

on  trouve,  en  opérant  comme  plus  haut,  que  ce 
carré  se  compose  du  carré  de  37,  plus  2  fois  37, 
plus  1. 

2.  Le  carré  d'un  nombre  décimal  a  deux  fois 
autant  de  décimales  que  le  nombre  lui-même;  car 
dans  la  multiplication  de  deux  nombres  décimaux 
il  faut  séparer  à  la  droite  du  produit  autant  da 
décimales  que  dans  les  deux  facteurs  réunis. 

Ainsi  le  carré  de    3,7        est      13,69, 

—  le  carré  de     I,*25      est         1,5625, 

—  le  carré  de    0,521     est        0,271441; 

et  ainsi  de  suite. 

3.  Pour  faire  le  carré  d'une  fraction  ordinaire, 
il  faut  faire  le  carré  de  son  numérateur  et  le  car.  . 
de  son  dénominateur  ;  car  pour  multiplier  deux 
fractions  il  faut  multiplier  les  numérateurs  entra 
eux,  et  les  dénominateurs  entre  eux. 

Ainsi  le  carré  de  7 
4 

—  le  carré  de  - 

—  le  carre  de  — 

lo 

et  ainsi  de  suite. 

Si  Ion  avait  à  faire  lo  carré  d'un  nombre  entier 
accompagné  d'une  fraction,  on  commencerait  par 
réduire  l'entier  et  la  fraction  en  une  seule  expres- 
sion fractionnaire,  et  l'on  opérerait  comme  pour 
une  fraction.  Ainsi  le  carré  de 

^5  29  29X29  841  ,,  9 

^-'°^-8'^^*-8><F'°^-64'°^'^64' 
[H.  Sonnet.] 

CARRÉ  (Géométrie). —V.  Polygones. 

CARTOGRAPHIE.  —  La  cartographie  est  l'art  de 
tracer  des  cartes,  c'est-à-dire  de  reportei-  sur  une 
surface  plane,  à  l'aide  de  traits  convenablement  dis- 
posés, l'image  réduite  d'une  autre  surface,  appar- 
tenant, soit  à  la  terre,  soit  à  quelque  astre  voisin, 
comme  la  lune,  soit  encore  à  la  sphère  apparente 
du  ciel  étoile. 

Il  va  sans  dire  que  l'objet  principal  de  la  carto- 
graphie est  de  faire  connaître  aux  hommes  la  con- 
formation extérieure  de  la  planète  qu'ils  habitent. 
Les  cartes  de  la  lune  ou  de  la  voûte  céleste  sont 
d'un  usage  infiniment  plus  restreint;  du  reste  les 
cartes  lunaires  sont  plutôt  des  dessins  très  exacts, 
et  sur  les  cartes  célestes  tout  le  figuré  se  borne  à 
des  points  de  grosseurs  différentes,  placés  de  façon 
à  représenter  les  astres.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de 
nous  arrêter  à  ces  deux  sortes  de  cartes,  et  c'est 
de  la  cartographie  terrestre  que  nous  nous  occu- 
perons exclusivement.  Ce  que  nous  dirons  de 
celle-ci  coutiendra  tout  ce  que  nous  aurions  à 
dire  des  autres. 


CARTOGRA.PHIE 


—  342 


CARTOGRAPHIE 


L'art  de  la  cartograpliie  se  divise  en  deux  parties 
bien  distinctes  :  une  partie  géométrique,  et  une 
partie  à  la  fois  géométrique  et  artistique.  La  pre- 
mière consiste  à  diviser  la  surface  de  la  carte 
en  sections  d'une  valeur  déterminée,  mesurables, 
comparables  entre  elles,  sans  s'occuper  d'abord  de 
ce  qui  viendra  s'y  dessiner:  c'est  la  projection.'Ldi 
seconde  consiste  à  reporter  sur  cette  projection, 
sur  ce  canevas,  les  différents  objets  qui  se  trouvent 
sur  le  terrain  à  représenter,  en  leur  donnant  res- 
pectivement la  place  qu'ils  occupent  sur  un  autre 
réseau  idéal ,  qu'on  imagine  et  qu'on  mesure 
à  la  surface  de  la  terre;  puis  à  reproduire  le  dé- 
tail, les  formes,  la  nature  de  ces  objets,  de  façon 
que  l'œil  du  spectateur  conçoive  le  relief  du  sol, 
le  cours  des  fleuves,  la  disposition  des  chemins 
ou  des  lieux  habités,  avec  autant  de  certitude 
que  s'il  en  avait  sous  les  yeux  l'image  réduite  et 
sculptée.  Cette  partie  de  l'art  cartographique  est 
le  (te<sin  géogrciphique  ou  \e  figuré  du  terrain. 

Donc,  une  projection,  c'est-à-dire  un  canevas  de 
proportions  déterminées,  puis  un  ilcssin  qui  vient 
se  disposer  comme  une  broderie  dans  les  mailles 
de  ce  canevas:  voilà  la  cartographie. 

Il  jst  évident  que  l'homme  n'est  pas  arrivé  d'em- 
l.ée  à  créer  la  cartographie  telle  que  nous  la  com- 
prenons aujourd'hui  ;  le  figuré  du  terrain  en  parti- 
culier est  de  création  moderne  et  se  perfectionne 
encore  chaque  jour  ;  mais  il  est  cependant  remar- 
quable que  les  premiers  géographes  dignes  de  ce 
nom  aient  fondé  la  cartographie  sur  des  principes 
définitifs,  et  n'aient  plus  laissé  à  leurs  successeurs 
que  le  soin  de  compléter  leur  œuvre. 

'Projection.  —  Dos  que  l'homme  entreprit  de  se 
représenter  les  formes   de  son  domaine,   la  carte 
géographique  prit  naissance    sous  la  forme  d'un 
plan  pur  et  simple.  Aucune  difficulté  à  cela  ;  plane 
était  la  surface  du  champ  ou  la  rive  du  fleuve,  plane 
fut  la  plaque   de  métal  sur  laquelle  on  en  gravait 
la  ressemblance.   Il   est  probable   que  les   cartes 
mentionnées  dans  la  Bible  (Josué,  xvn).  ou  celles 
plus  anciennes  encore  que  Sésostris  aurait,  d'après 
Hérodote,  exposées  aux  yeux  de  son  peuple,  étaient 
simplement  des  plans   approximatifs,  sans   autres 
données  que  celles  d'un  arpentage  plus  ou  moins 
exact.  Toute  cette  période  de  l'histoire  de  la  carto- 
graphie est  extrêmement  vague,  et  on  en  est  réduit 
aux  suppositions,  jusqu'à  l'apparition  de  la  science 
grecque.  Autant  que  nous  pouvons  le  savoir,  c'est 
à  Anaximandre,  disciple  de  Thaïes,  que  serait  due 
la  première  carte  géographique  de  l'ensemble  du 
monde  connu.  Certes,  ce  monde  était  loin  de  s'éten- 
dre aussi  largement  que  le  nôtre,  c'était  un  pauvre 
petit  monde,  entouré  de  pays  mystérieux,  incon- 
nus, terribles,  qui  allaient  se  perdant  vers  les  quatre 
coins  du  ciel,  mais  un  pas  de  géant  avait  déjà  été 
fait  :  on  enseignait  la  rotondité  de  la  terre,  et  Era- 
tosthènes  put  bientôt  essayer  d'évaluer  les  dimen- 
sions du  globe.  Dès  ce  premier  pas  on  se  heurta 
aux  grandes  difficultés.  Comment  représenter  sur 
une  surface  plane  une  autre  surface  eiupruntée  à 
une  sphère?  Le  vulgaire  ne  s'en  préoccupait  pas, 
mais  le  grand  astronome  Ilipparque  se  posa  le  pro- 
blème et  le  résolut  magistralement.  Il  vit  tout  d'a- 
bord que  le  plan  pur  et  simple  deviendrait  bientôt 
impossible.   A  mesure  que  les  limites  de  la  terre 
allaient  s'éloignant,   se    courbant   de  toutes  parts 
autour  du  centre  du  globe,  le  plan  géographique, 
qui  ne  suivait  pas  ce  mouvement,  devait  se  dis- 
tendre dans  un  sens  et  se  rétrécir  dans  l'autre  ; 
toutes  les  mesures  se  faussaient,  et  Hipparque,  en 
cherchant  un   remède  à  cette  déformation,  trouva 
une  et  peut-être  même   deux  des  projections   sur 
lesquelles  repose   la    science    de    la  cartographie. 
Lune,  la  projection  orthographique,  que  certains 
auteurs    lui    attribuent,    tandis    que    d'autres    la 
croient  antérieure,   consistait  à  supposer  la  terre 
a  une  distance  infinie,  de  façon  Que  la  nerspective 


permît  d'apercevoir  la  moitié  de  la  sphère;  puis, 
à  en   dessiner  sur  ce  canevas  la  portion  connue. 


Projection    orthographique. 

L'autre  projection,  plus  hardie,  et  dont  la  création 
appartient  sans  conteste  à  Hipparque,  supposait  la 
terre  retournée,  c'est-à-dire  creuse,  au  lieu  d'être 
bombée.  Les  méridiens  tracés  du  nord  au  sud  et 
les  parallèles  tracés  de  l'est  à  l'ouest,  au  lieu  de 
former  des  courbes  se  resserrant  et  se  confondant 
vers  les  bords  du  globe,  formaient  au  contraire 
une  figure  très  claire  où  toute  la  terre  pouvait  se 
disposer.  Les  méridiens  venaient  couper  l'équateur 
et  les  parallèles  à  angles  droits,  conservant  ainsi  le 
rapport  qu'ils  auraient  eu  sur  la  sphère,  et  l'œil  du 
spectateur  était  supposé  placé  sur  le  pourtour  de 


Projection  stéréographique. 

la  sphère,  diamétralement  à  l'opposite  de  la  partie 
visible. 

Ce  grand  effort  n'eut  pas  de  résultats  immédiats; 
le  monde  n'était  pas  encore  assez  étendu,  on  pou- 
vait encore  se  contenter  de  la  carte  plate.  On  s'en 
contenta  près  de  trois  siècles.  Sous  Auguste,  Stra- 
bon  conseillait  encore  de  figurer  les  méridiens  et 
les  parallèles  par  des  lignes  droites  se  coupant  à 
angles  droits.  Pour  ce  grand  géographe,  il  n'y  avait 
aucun  inconvénient  à  négliger  le  rapprochement 
des  méridiens  vers  le  pôle,  et  leur  écartement  vers 
l'équateur.  Et  Strabon  n'avait  pas  tout  ^  fait  tort^ 


Projection  plane. 

car  la  mesure  de  la  circonférence  terrestre  était 
encore  à  ce  moment  bien  vague,  purement  approxi- 
mative ;  on  admettait  les  mesures  données  par  Era- 
tosthènes  au  ii'  siècle  avant  notre  ère,  tout  en  s'ef- 


CARTOGRAPHIE 


—  343  — 


CARTOGRAPHIE 


,  ,.Ko  ,vp,.  ni,,.;  d'exactitude,  I  Ptolémée,  ajoutons-le,  ne  se  servit  de  ses  deux 
forçant  de  mesurer  le  g  obe  avec  plus  dexacta^^^^^^^^  projections  que  pour  la  construction  de  sa  mappe- 
.T,ni«  nrnvisnirement  il  fallait  se  contenter  a  a  pe      i^^^j^^^  _  ^^^n  ^^r^^^  ^^^  ^^^^^^  ^^  moindre  étendue, 


mais  provisoirement  il  fallait  se  contenter 

^""cependant  le  monde   connu  {étenlait    et  l'in- 
convénient qu'avait  négligé  Strabon  devint  bien  ot 
extrêmement  grave.  Un  siècle  à  peine  s  était  écoule, 
quels  cartes'de  Marin  de  Tyr  «'agrandissaient vers 
rextrême  Orient,  et  que  ce  géographe  reprenait  et 
corrigeait  les  mesures  d'Eratosthenes.   Quand  pa- 
rut Ptolémée,  la  surface  du  monde  connu  mesurait 
déjà    80  degrés  de  longitude,  c'est-à-dire  la  moitié 
dria  circo^nférence  du  globe,  sur  80  degrés  envi- 
ron du  nord  au  sud.  .  „  i„  „^„ 
nécidément,  pour  cette  rondeur  immense,  la  pro- 
jection   pTane  '  ne   pouvait    plus   suffire.    Ptolemee 
s'avisa  d'un  expédient  très-simple  pour  la  rempla- 
cer  On  sait  que  les  surfaces  coniques  ou  cylin- 
driques, engendrées  par  une  droite  tournant  autour 
d'un  axe,  jouissent  d'une  propriété  précieuse.  Elles 
peuvent  se  développer  en  une  surface  plane    sans 
que  la  valeur  de  leurs  parties  relatives  soit  altérée, 
tandis  que  les  figures  comme  la  sphère,  engendrées 
par  une  courbe  animée  d'un  mouvement  courbe, 
ne  peuvent  pas  se  développer  sur  un  plan.  Ptolé- 
mée imagina  donc  de   remplacer  la   partie   de  la 
sphère  quil  voulait  représenter,  par  un  tronc  de 
cône  où  les  méridiens  et  les  parallèles  correspon- 
draient  à   ceux   de    la  sphère.  Il   fit  choix    dun 
parallèle    moyen,   celui    de   Syène,  comme  ligne 
de  contact  du  cône  et  de  la  sphère.  Ce  parallèle 
étant  situé  au  nord  de  l'Equateur,  la  base  du  cône  se 
trouvait  au  sud  et  le   sommet  au  nord,  exactement 
comme  le  serait  un  abat -jour  posé  sur  un  globe  de 
lampe  représentant  notre  terre.  Les  méridiens  traces 
sur  le  globe  prenaient  dès  lors  la  forme   de  lignes 
droites  menant  du  sommet  à  la  base  du  cône,  puis, 
ce  cône  une  fois  développé  sous  forme  d  éventail, 


Projection  conique. 


les  parallèles  s'y  inscrivaient  en  arcs  de  cercle, 
tous  concentriques  au  parallèle  moyen  que  le  géo- 
graphe avait  choisi,  et  tous  ayant  par  conséquent 
leur  centre  au  sommet  du  cône. 

L'inconvénient  de  cette  projection  était  encore, 
dans  une  moindre  mesure,  celui  des  cartes  planes. 
L'écartement  des  méridiens  n'était  exact  que  sur 
le  parallèle  moyen,  sur  la  ligne  où  le  cône  venait 
embrasser  la  sphère  :  plus  au  nord,  plus  au  sud,  les 
dimensions  allaient  en  s'exagérant  graduellement. 
Pour  corriger  ce  défaut,  Ptolémée  construisit  une 
autre  projection,  qu'il  appela  homœotère,  c'est-à-dire 
plus  ressemblante,  et  qui  différait  de  la  première 
en  ce  que  les  méridiens,  au  lieu  d'y  être  figurés 
par  des  lignes  droites,  y  gardaient  à  chaque  paral- 
lèle la  distance  qu'ils  auraient  eu  sur  le  globe,  se 
courbant  vers  la  droite  et  vers  la  gauche,  de  façon 
à  se  rapprocher  vers  le  nord  et  vers  le  sud.  Il  en 
résultait  bien  encore  une  déformation,  puisque  la 
courbure  n'était  pas  dans  le  sens  de  la  courbure 
du  globe,  mais  cet  inconvénient  était  réduit  à  un 
minimum,  et  tels  étaient  les  avantages  de  ce  mode 
de  projection,  que  le  Dépôt  de  la  guerre  l'a  adopté 
a\ec  quelques  modifications,  ce  qui  fait  qu'on 
l'appelle  souvent  projection  du  Déoôt  de  la  guerre. 


il  conservait  la  projection  plane. 

Après  cette  époque,  les  progrès  de  la  cartogra- 
phie, comme  ceux  de  toutes  les  sciences,  s'arrêtent 
pour  longtemps.  Le  monde  antique,  subjugue  par 
le  monde  barbare,  va  perdre  peu  à  peu  le  senti- 
ment de  la  précision  scientifique,  le  besoivi  de  la 
recherche  exacte  et  de  la  méthode  rigoureuse.  A 
la  suite  de  Ptolémée,  le  document  géographique 
le  plus  remarquable  que  nous  possédions  est  cette 
singulière  carte  appelée  «  Table  de  Peutinger  ». 
du  nom  d'un  chancelier  de  Vienne,  auquel  elle 
appartint  au  xvi^  siècle.  ,   ,  ^,    . 

Peut-on  encore  appeler  cela  une  carte  .'  C  est  un 
rouleau,  une  bande  vingt-deux  fois  plus  longue  que 
large  sur  laquelle  s'étirent  démesurément,  les  uns 
à  la  suite  des  autres,  les  fleuves,  les  villes,  les 
montagnes,  les  mers,  les  continents,  tout  cela_  for- 
mant le  monde  connu  à  la  mort  de  Constantin  le 
Grand.  Plus  de  projection,  plus  de  mesures  propor- 
tionnelles, plus  d'esprit  scientifique,  nous  voilà  à 
l'entrée  de  cette  longue  nuit  du  moyen  âge  où  va  s  e- 
laborer  le  monde  moderne.  Après  la  Table  de  Peu- 
tinger, en  effet,  plus  rien  :  à  peine,  au  vu»  siècle, 
à  Ravenne,  un  inconnu,  un  géographe  goth,  es- 
saie-t-il  de  tracer  une  mappemonde,  mais  avec  si 
peu  de  clarté,  qu'on  se  demande  encore  si  sa  pro- 
jection, semblable  à  une  roue,  avait  son  centre  à 
Ravenne  ou  à  Jérusalem.  ^  ^    , 

Cependant  le  travail  de  l'antiquité  notait  pas 
perdu,  et  le  calife  Al-Mamoun  faisait  traduire  à 
Bagdad  les  livres  des  géographes  anciens,  parti- 
culièrement ceux  de  Ptolémée,  vérifier  les  points 
de  départ,  les  mesures  primitives,  les  détails  géo- 
graphiques. On  a  longtemps  cru  que  ce  réveil  de  la 
2;éo2raphie  avait  été  un  progrès  sur  l'antiquité  ;  en 
réalité  ce  fut  surtout  une  copie.  Les  bases,  soi- 
gneusement vérifiées,  furent  trouvées  exactes,  et 
elles  ne  l'étaient  pas.  Cela  suffit  pour  montrer  que 
l'œuvre  des  Arabes  était  de  second  ordre.  Du  reste, 
les  cartes  qui  nous  restent  d'eux,  peu  étudiées,  dis- 
proportionnées, à  quelques  exceptions  près,  ne  sont 
pas  de  nature  à  nous  les  faire  considérer  comme  des 
géographes  comparables  aux  Grecs  ou  aux  Romains. 
afais  avec  le  xiii^  siècle  arriva  l'emploi  de  la 
boussole,  l'une  des  deux  ou  trois  inventions  qui 
ont  hâté  la  renaissance  de  l'intelligence  humaine. 
Les  marins  se  lancèrent  hardiment  sur  la  haute 
mer,  sûrs  de  ce  petit  guide  que  chaque  navire  por- 
tait avec  lui  !  Cependant  ce  n'était  rien  que  de  savoir 
dans  quel  sens  on  marchait,  si  l'on  ne  savait  pas  en 
même  temps  vers  quel  point  on  se  dirigeait.  Les 
voyages  devenaient  plus  lointains,  les  cartes  de- 
vaient devenir  plus  exactes.  Sur  quelle  projection 
allait-on  les  dessiner,  ces  tracés  de  ports,  d'îles,  de 
côtes,  de  détroits  ?  Simplement  sur  la  rose  des  vents, 
sur  le  cadran  de  la  boussole.  Tout  le  monde  a  vu 
de  ces  vieilles  cartes  marines,  car  ici  nous  touchons 
à  l'aube  du  temps  moderne.  C'étaient  de  simples 
cartes  plates,  on  y  revenait,  la  Méditerranée  étant 
peu  étendue.  Les  lignes  de  route  des  navires,  re- 
portées sur  la  rose  des  vents  avec  leur  longueur 
approximative,  formaient  le  réseau  sur  lequel 
on  dessinait  ensuite  les  contours  de  la  terre.  Pour 
la  deuxième  fois,  c'est  au  bord  de  la  Méditerranée 
que  la  cartographie  prit  naissance.  Ici,  l'exactitude 
étant  une  question  de  vie  ou  de  mort,  on  arriva 
rapidement  à  un  degré  de  perfection  que  nous  pou- 
vons encore  admirer  aujourd'hui.  Pise,  Venise  et 
Gênes  se  distinguèrent  surtout  dans  le  tracé  de 
ces  cartes  nautiques. 

Cependant  le  chemin  déjà  parcouru  douze  siècles 
auparavant  ne  tarda  pas  à  être  parcouru  de  nou- 
veau ;  on  abandonna  la  carte  plane  pour  reprendre 
les  projections  de  Ptolémée,  dont  l'imprimerie  ré- 
pandit bientôt  la  connaissance  dans  toute  l'Eurooe. 


CARTOGRAPHIE 


—  344 


CARTOGRAPHIE 


Les  applications  et  les  modifications  se  multipliè- 
rent; il  faudrait  un  volume  pour  les  expliquer 
toutes.  Mais  depuis  Ptolémée  le  monde  avait  en- 
core grandi,  chaque  jour  il  s'agrandissait  davantage, 
et  certaines  mappemondes  s'étendaient  déjà  depuis 
le  pôle  arctique  jusqu'à  38o  au  sud  de  Y  équateur. 

1492  arriva,  Colomb   découvrit  l'Amérique  ;  le 
monde  était  doublé  ! 

Dès  lors,  tout  l'héritage  de  Ptolémée  devint  insuf- 
fisant. On  ne  songea  pas  d'abord  à  se  servir  des 
projections  antérieures  pour  reproduire  côte  à  côte 
la  nouvelle  moitié  du  monde  auprès  de  l'ancienne 
moitié  ;  non,  il  fallait  arriver  à  tout  prix  à  faire 
tenir  la  sphère  sur  une  feuille  de  papier  ;  à  l'écra- 
ser pour  ainsi  dire,  pour  distendre  les  bords,  de  la 
coupure  et  comprimer  le  centre.  Apianus,  dont  le 
vrai  nom  était  Benewitz,  eut  l'idée  de  réduire  de 
1/3  l'écartement  des  360  méridiens,  par  rapport  à 
celui  des  180  parallèles;  et  il  arriva  ainsi  à  faire 
entrer  tout  le  globe  terrestre  dans  un  seul  tenant, 
en  rétrécissant,  il  est  vrai,  toutes  les  dimensions  de 
l'est  à  l'ouest.  Malgré  ce  rétrécissement,  les  mé- 
ridiens extrêmes  dépassaient  de  beaucoup  la  forme 
circulaire,  et  d'autres  grands  géographes,  comme 
Sébastien  Munster  ou  Abraham  Ortelz  (Ortelius), 
en  rendant  à  l'écartement  des  méridiens  et  des  pa- 
rallèles ses  proportions  normales,  exagérèrent  cette 
distension  d'une  façon  tout  à  fait  choquante.  Leurs 
mappemondes  eurent  cependant  une  très  grande 
réputation,  mais  une  nouvelle  projection  allait  se 
produire,  qui  devait  prendre  une  bien  plus  grande 
place  dans  la  cartographie  :  c'est  celle  de  Mercator. 
Mercator,  qui  s'appelait  de  son  vrai  nom  Kaufmann 
de  Rupelmonde,  fût  frappé  des  avantages  de  la  pro- 
jection conique  de  Ptolémée,  et  se  demanda  s'il  n'y 
aurait  pas  moyen  d'approcher  davantage  de  la  vérité, 
en  imaginant  un  cône  qui  ne  viendrait  plus  seule- 
ment embrasser  la  sphère,  mais  qui  la  pénétrerait, 
de  façon  à  y  entrer  sur  un  parallèle  et  en  ressortir 
sur  un  autre.  Évidemment  l'approximation  était 
déjà  plus  considérable  ainsi,  puisqu'il  y  avait  deux 
parallèles  sur  lesquels  les  dimensions  étaient  justes  ; 
mais  cette  projection  ne  pouvait  s'appliquer  qu'à 
un  seul  hémisphère,  et  Mercator  voulait  enibrasser 
le  globe  entier  en  une  seule  projection.  Voici  conv 
ment  il  y  parvint. 

Au  lieu  d'un  cône,  il  figura  un  cylindre.  Ce  cy- 
lindre embrassait  la  sphère  exactement  sur  l'Equa- 
teur, de  façon  à  donner  aux  deux  hémisphères  les 
mêmes  dispositions  .respectives.  Dès  lors,  les  mé- 
ridiens se  traçaient  en  lignes  verticales,  et  les  pa- 
rallèles en  lignes  horizontales  parallèles  à  l'équa- 
teur.  Était-ce  revenir  à  l'ancienne  carte  plane?  Non, 
car  Mercator  évita  la  torsion  et  le  tiraillement  des 
formes  du  terrain  par  un  trait  de  génie  :  il  écarta 
ses  parallèles  d'autant  plus,  que  les  méridiens  au- 
raient dû  se  rapprocher  davantage.  Dès  lors,  le 
rapport  entre  les  deux  directions,  entre  les  deux 
coordonnées,  demeurait  constant.  Figurons-nous 
encore  un  globe  de  lampe  transparent  sur  lequel 
serait  tracée  une  projection  ;  puis  un  cylindre  qui 
viendrait  embrasser  l'équateur  de  ce  globe  :  l'ombre 
de  la  projection  dessinerait  à  peu  près  sur  le  cy- 
lindre la  projection  à  latitudes  croissantes  de  Mer- 
cator. Les  méridiens  se  profileraient  en  lignes  ver- 
ticales, et  les  parallèles  se  dessineraient  en  cercles 
horizontaux,  très-rapprochés  près  de  l'équateur,  et 
graduellement  plus  écartés  à  mesure  quils  iraient 
vers  le  haut  ou  vers  le  bas  du  cylindre. 

Ici  encore  il  y  avait  un  inconvénient,  les  régions 
du  Nord  et  du  Sud  étaient  relativement  à  une  plus 
grande  échelle  que  les  parties  équatoriales,  mais 
le  croisement  proportionnel  des  méridiens  et  des 
parallèles  rendait  les  rectifications  faciles;  les  mê- 
mes angles  se  conservaient  identiques  sur  toute 
l'étendue  de  la  carte,  aussi  la  projection  de  Merca- 
tor est-elle  encore  aujourd'hui  d'un  grand  usage, 
•urtout  dans  la  marine. 


Depuis  Mercator,  plusieurs  autres  projections  ont 
encore  été  inventées,  et  si  aucune  n'est  exclusive- 
ment employée,  c'est  qu'elles  oscillent  toutes,  par 
la  force  des  choses,  entre  deux  défauts  opposés. 
Les  unes  conservent  aux  surfaces  leurs  valeurs 
équivalentes,  mais  en  modifiant  les  formes  ;   les 


— I — I — I — I — 1 — I 1 1 

I 


Projection  de  Mercator. 

autres  conservent  les  relations  de  formes,  mais  en 
inégalisant  les  surfaces. 

Aussi  depuis  longtemps  se  borne-t-on  à  chercher 
un  minimum  de  déformation ,  une  compensation 
d'erreurs,  puisqu'on  n'arrivera  jamais  à  projeter 
exactement  une  sphère  sur  un  plan. 

Aujourd'hui,  la  plupart  des  mappemondes  desti- 
nées à  l'enseignement  consistent  en  deux  hémi- 
sphères séparés,  en  projection  stéréographique.  La 
projection  orthographique,  qui  représente  la  terre 
comme  un  globe  vu  aune  distance  infinie,  est  pré- 
férée pour  les  aspects  particuliers  de  continents 
et  pour  les  explications  cosmographiques.  Pour  les 
cartes  polaires  ou  célestes  on  emploie  une  dispo- 
sition connue  sous  le  nom  de  projection  polaire, 
où  les  méridiens  vont  divergeant  sous  la  forme  de 
rayons,  tandis  que  les  parallèles  sont  figurés  par 


ProjectioH  polaire. 

des  cercles  concentriques  ;  la  projection  de  Merca- 
tor est  la  plus  employée  pour  les  besoins  de  la 
navigation.  Mentionnons  encore  une  autre  projec- 
tion, due  à  MoUweide  et  ressuscitée  en  1857  par 
M.  Babinet;  celle-ci  consiste  en  méridiens  ellipti- 
ques, également  espacés  sur  l'équateur,  et  en  pa- 
rallèles rectilignes.  dont  l'écartement  est  calcule 
pour  obtenir  l'équivalence  des  surfaces.  Cette  fois 
encore,  est-il  besoin  de  le  dire,  cette  équivalence 
n'est  obtenue  que  par  la  distorsion  des  formes. 

Nous  n'avons  pu  que  jeter  un  coup  d'œil  sur  l'his- 
toire, si  intéressante,  de  cette  lutte  de  l'homme  contre 
un  problème  impossible  à  résoudre  exactement.  ^ 

Nous  avons  vu  quelles  modifications  les  géo- 
mètres et  les  cartographes  ont  fait  subir  à  la  figure 


CARTOGRAPHIE 


—  345  — 


CARTOGRAPHIE 


de  notre  globe  pour  le  transformer  en  une  surface 
plane;  chacune  de  ces  projections  et  chacune  de 
celles,  —  bien  plus  nombreuses  —  dont  nous  n'a- 
vons pu  parler,  présente  des  avantages  particuliers 
pour  un  emploi  particulier,  mais  aucune  ne  sup- 
plée à  la  vue  ou  à  l'étude  d'un  globe  sur  lequel  les 
mers  et  les  continents  sont  retracés  avec  leurs 
proportions,  leurs  formes  et  leurs  surfaces  véri- 
tables, en  projection  pour  ainsi  dire  naturelle.  C'est 
seulement  sur  un  globe  que  l'enfant  apprendra  à  se 
rendre  compte  du  grand  globe  sur  lequel  il  vit,  et 
à  comprendre,  à  la  vue  d'une  carte  géographique, 
dans,  quel  sens  son  esprit  doit  redresser  les  lignes 
imaginaires  qui  la  recoupent,  s'il  veut  faire  cadrer 
l'image  avec  la  réalité. 

Nous  laissons  de  côté  toutes  les  classifications 
qu'on  a  essayées  pour  les  projections  géographiques, 
on  les  trouvera  dans  les  ouvrages  spéciaux,  elles 
seraient  ici  hors  de  leur  place. 

Disposition  et  écart ement  des  méridiens.  —  Era- 
tosthènes,  le  premier,  divisa  le  pourtour  du  sphé- 
roïde terrestre  en  60  parties  égales,  traversées 
par  autant  de  méridiens  qui  figuraient  des  côtes, 
et  par  des  parallèles  qui  figuraient  des  tranches. 
Hipparque  sextupla  ce  nombre,  et  le  chifi"re  de 
360  degrés,  adopté  par  lui,  est  demeuré  en  usage 
jusqu'à  notre  époque,  chaque  degré  se  divisant  en 
60  minutes  de  60  secondes.  Cependant  cette  dis- 
position n'est  pas  unique,  et  en  France  particuliè- 
rement on  en  emploie  également  une  autre,  fondée 
sur  l'ensemble  du  système  métrique,  et  probable- 
ment appelée  à  régner  seule  dans  l'avenir.  On  sait 
que  d'après  la  mesure  d'un  arc  de  méridien,  effectuée 
à  la  fin  du  siècle  dernier  par  Méchain  et  Delambre, 
le  quart  de  la  circonférence  terrestre  se  compose 
de  dix  millions  de  l'unité  de  longueur  à  laquelle  on 
a  donné  le  nom  de  mètre.  Ce  résultat  comportait 
une  légère  erreur,  qui  a  été  reconnue  depuis. 

Le  degré  ne  pouvant  pas  entrer  dans  le  sys- 
tème décimal,  on  décida  de  substituer  aux  360 
degrés  d'Kipparque  une  nouvelle  division  de 
400  grades,  chaque  grade,  pris  sur  la  longueur  du 
méridien,  équivalant  à  100  000  mètres,  et  se  din- 
sant  en  lOO  minutes  de  100  secondes  chacune.  La 
circonférence  du  globe  se  trouvait  ainsi  fixée  à 
40  000  kilomètres,  divisés  sur  le  méridien  et  sur 
i'équateur  en  sections  de  100  kil.  A  chaque  100  kil. 
un  méridien  venait  croiser  I'équateur,  et  un  paral- 
lèle croisait  les  méridiens.  Comme  il  fallait  un 
point  de  départ  à  cette  notation  nouvelle,  c'est  par 
l'Observatoire  de  Paris  qu'on  fit  passer  le  premier 
méridien  français,  tant  pour  la  notation  nouvelle 
que  pour  la  notation  ancienne.  Les  Anglais  comptent 
leurs  360  méridiens  à  partir  de  l'Observatoire  de 
Greenwich,  près  de  Londres.  Une  autre  façon  de 
compter,  et  longtemps  la  plus  usitée,  consistait  à 
faire  passer  le  premier  méridien  par  l'île  de  Fer, 
la  plus  occidentale  des  Canaries,  à  20  degrés  envi- 
ron à  l'ouest  de  l'Ooservatoire  de  Paris.  Les  Alle- 
mands, sans  vouloir  adopter  ni  le  systèm-e  mé- 
trique ni  le  méridien  de  Paris,  ont  cependant,  en 
fait,  suivi  la  notation  française,  puisqu'ils  ont  aban- 
donné l'île  de  Fer  pour  faire  passer  leur  20'  degré 
exactement  sur  Paris.  On  le  voit,  l'expression  des 
longitudes  varie  singulièrement  chez  les  différents 
peuples  ;  il  est  à  désirer  que  la  révision  du  mètre, 
qui  vient  de  se  faire  à  Paris,  enlève  aux  étrangers 
les  derniers  scrupules  qui  les  empêchaient  d'adop- 
ter le  système  métrique,  et  permette  l'unification 
du  méridien,  soit  sur  la  base  de  360  degrés,  soit, 
ce  qui  serait  plus  logique,  sur  celle  de  400  grades. 

Echelle.  —  Il  ne  peut  pas  entrer  dans  notre 
cadre  de  nous  occuper  des  moyens  emplojés  pour 
la  confection  des  cartes  ;  c'est  là  une  question  qui 
dépasse  le  niveau  do  l'cnseigûemcnt  primaire  ; 
nous  n'avons  à  considérer  ici  que  les  conditions  de 
construction  des  cartes  géographiques,  afin  d'en 
éclaircir  la  lecture  et  d'en  faciliter  l'étude.  Une 


I  des  conditions  nécessaires  est  la  réduction  de  la 
projection  et  du  terrain  à  une  même  échelle  de 
relation  avec  la  réalité.  Ceci  n'a  pas  besoin  de 
longues  explications,  et  la  signification  du  mot 
échelle  est  connue  de  tous.  Disons  cependant  que 
l'échelle  s'applique  aux  longueurs  et  aux  largeurs 
et  non  à  la  surface,  et  qu'une  carte  à  l'échelle  du 
10000",  par  exemple,  est  celle  dont  les  longueurs, 
aussi  bien  que  les  largeurs,  sont  le  10  000'  de  la 
réalité.  En  France,  les  échelles  se  figurent  en  kilo- 
mètres et  en  subdivisions  de  kilomètre.  On  appelle 
grandes  échelles  celles  où  la  dimension  du  terrain 
demeure  relativement  grande  sur  la  carte,  et  petites 
échelles  celles  où  la  réduction  est  très  considérable. 
Ceci  dit,  ajoutons  seulement,  avant  de  parler  du 
figuré  du  terrain,  que  ce  figuré  dépend  beaucoup 
de  l'échelle  adoptée,  et  que  plus  l'échelle  devient 
grande,  c'est-à-dire  se  rapproche  de  la  réalité,  plus 
le  dessin  du  sol  se  complique.  Aussi  n'est-ce  vé- 
ritablement que  depuis  les  grands  travaux  carto- 
graphiques inaugurés  au  siècle  dernier,  que  le 
figuré  du  terrain  a  pris  son  importance  actuelle, 
et  qu'il  n'est  plus  permis  de  le  négliger. 

Signes  topographiques  et  figuré  du  terrain.  — 
Supposons-nous  enlevés  dans  un  ballon  à  une  hau- 
teur telle,  que  la  France  tout  entière  se  trouve 
exactement  sous  nos  pieds;  nos  yeux  plongent  au 
fond  de  toutes  les  vallées,  nous  voyons  serpenter 
les  rivières,  nous  distinguons  les  routes  comme 
des  fils  blancs  dans  la  campagne,  les  montagnes 
comme  des  entassements  de  pierres  fissurés  dans 
différentes  directions,  les  villes  enfin  comme  des 
groupes  de  toitures  séparés  par  des  rues  et  des 
places.  C'est  un  immense  paysage,  vu,  non  plus 
dans  le  sens  horizontal  auquel  nous  sommes  ac- 
coutumés, mais  dans  le  sens  vertical,  et  tout  en 
projection  sur  le  même  plan.  Ce  paysage,  c'est 
l'idéal  du  dessin  géographique.  Pas  tout  à  fait  ce- 
pendant: il  y  manque  plusieurs  choses.  D'abord,  les 
reliefs  accentués  nous  apparaissent  clairement,  et 
il  ne  leur  faudrait  plus  que  des  noms  et  des  cotes 
de  hauteur  en  chiffres;  mais  les  reliefs  adoucis,  les 
longues  inégalités  de  la  surface  terrestre,  nous 
échappent  à  cause  de  la  douceur  de  leurs  pentes. 
De  plus,  les  routes  ou  les  chemins  de  fer,  les  mai- 
sons ou  les  monuments  publics,  ou  les  ponts,  les 
barrages,  les  moulins  ou  les  fabriques,  se  confon- 
dent pour  nous,  et  il  nous  faudrait  un  signe  pour 
les  distinguer.  A  côté  de  cela,  nous  savons  qu'il  y 
a  là,  sous  nos  pieds,  des  frontières  de  pays,  des 
limites  de  départements  et  de  communes  ;  que 
sous  ces  collines  passent  des  tunnels  invisibles  ; 
tout  cela  doit  être  indiqué.  Il  y  a  donc  deux  élé- 
ments dans  le  dessin  d'une  carte  de  géographie  : 
d'abord,  le  tracé  du  terrain,  puis  l'explication  des 
accidents,  des  circonscriptions  ou  des  objets  qui 
se  trouvent  sur  ce  terrain.  Cette  explication  for- 
mait probablement  autrefois  toute  la  cartographie. 
Les  ornements  dont  on  l'accompagnait  n'avaient 
aucune  valeur  scientifique  et  n'étaient  faits  que 
pour  le  plaisir  des  yeux.  Chez  les  anciens,  du 
reste,  le  paysage  n'était  pas  en  honneur,  et  le  mo- 
delé du  terrain  n'est  qu'une  façon  particulière, 
géométrique,  de  comprendre  le  paysage.  Il  est 
donc  probable  que  la  cartographie  antique  se  bor- 
nait à  l'emploi  de  signes  explicatifs  indiquant 
l'emplacement  des  villes,  des  forts,  des  routes,  des 
montagnes,  des  frontières,  ou  tout  au  plus  le  tracé 
des  principaux  cours  d'eau,  le  tout  éclairci  par 
des  légendes  écrites.  Aujourd'hui  encore,  c'est  à 
cela  que  se  bornent  bien  des  cartes  élémentaires 
ou  à  petite  échelle.  La  plupart  des  mappemondes 
scolaires  ou  usuelles  ne  donnent  pas  autre  chose  : 
la  place  y  manque  pour  faire  plus.  On  trace  donc 
avec  le  plus  d'exactitude  possible  sur  le  canevas 
de  la  projection  le  contour  des  côtes,  le  cours  des 
fleuves  et  des  rivières,  la  nappe  des  lacs  ;  puis, 
des  signes  dont  la  valeur  fait  l'objet  d'une  eiplica- 


CARTOGRAPHIE  —  346 


CARTOGRAPHIE 


tion  marginale  indiquent  les  villes  avec  leur  im- 
portance relative,  leur  qualité  de  ville  ouverte  ou 
de  forteresse,  leur  rôle  administratif  même  au  be- 
soin ;  des  tracés  de  formes  distinctes  désignent 
les  routes,  les  chemins  de  fer  (avec  les  tunnels  indi- 
qués en  lignes  pointillées  à  travers  les  montagnes 
qu'ils  percent),  les  limites  des  Etats  ou  des  cir- 
conscriiitions,  etc.  Et  comme  une  carte  de  géogra- 
phie doit  être  claire  pour  être  utile,  on  a  pris  l'habi- 
tude de  donner  souvent  aux  divers  pays  des  couleurs 
différentes,  ce  qui  permet  même  aux  enfants  de  les 
distinguer  à  première  vue.  Ces  signes  et  ces  cou- 
leurs peuvent  naturellement  varier  à  Tinfini,  suivant 
la  fantaisie  de  l'auteur  ou  le  but  particulier  de  la 
carte.  Grâce  h  ces  divers  procédés,  presque  tous  les 
phénomènes,  presque  tous  les  mouvements  ou  les 
états  de  choses  qui  ont  leur  siège  à  la  surface  du 
globe,  peuvent  être  exprimés  d'une  façon  claire  et 
saisissante  à  l'aide  de  cartes  géographiques  ;  mais 
le  but  fondamental  des  cartes  reste  toujours  do  re- 
présenter ce  globe  lui-même  ou  les  parties  qui  le 
composent.  Nous  venons  de  voir  comment  on  y 
parvient  sur  des  cartes  à  petite  échelle  ;  arrivons 
maintenant  aux 
cartes  à  plus 
grande  échelle. 
Il  y  faut  remar- 
quer non  plus 
seulement  les 
signes  topogra- 
phiques dont 
nous  connais- 
sons déjà  le 
rôle ,  mais  le 
figuré  du  ter- 
rain, qui  com- 
mence à  y  faire 
son  apparition. 
Disons-le  har- 
diment ,  parce 
qu'il  faut  oser 
dire  la  vérité  : 
sur  la  plupart 
de  ces  cartes, 
sur  celles  parti- 
culièrement qui 
ont  été  jusqu'à 
ces  derniers 
temps  emplo- 
yées dans  nos 
écoles,  l'indica- 
tion des  reliefs 
est  mauvaise. 
Des  chaînes  de 

montagnes  en  forme  de  chenilles,  séparant  régu- 
lièrement les  bassins  des  fleuves,  forment  presque 
tout  le  modelé  du  terrain  sur  des  cartes  vieilles  de 
quelques  années  à  peine.  Partant  de  cette  idée  que 
le  bassin  d'un  fleuve  est  l'ensemble  des  terrains 
dont  les  pentes  s'inclinent  vers  son  lit,  on  admettait, 
il  n'y  a  pas  longtemps  encore,  que  les  différents 
bassins  devaient  être  nettement  séparés  par  des 
lignes  de  faîte,  et  on  figurait  ces  lignes  de  faîte 
sous  la  forme  de  bourrelets  de  montagnes.  Or,  la 
moitié  du  temps,  ces  bourrelets  de  montagnes 
n'existent  pas.  Qui  de  nous  n'a  étudié  sur  des 
cartes  de  France  où  figuraient  à  côté  des  Pyrénées 
ou  des  Alpes  les  prétendues  collines  des  Landes, 
celles  du  Poitou  ou  de  l'Orléanais  sous  forme  de 
belles  et  bonnes  chaînes  de  montagnes  séparant  les 
versants  de  leur  arête  aiguë?  Quant  aux  Cévennes, 
qui  forment  une  pente  sur  leur  versant  méridional 
et  un  entassement  de  plateaux  sur  le  versant  opposé, 
quelle  trace  de  ces  plateaux  trouvait-on  sur  les 
anciennes  cartes?  Aucune.  Cela  ne  formait  pas  une 
ligne  de  faîte,  donc  cela  n'existait  pas. 

Sur  ces  cartes,    dessinées  d'après  un  plan  pré- 
conçu, quelle  était  la  physionomie  des  montagnes? 


Toutes  se  suivaient  également  en  rangées  de  tau- 
pinières, les  Alpes  avec  leurs  multiples  massifs, 
comme  les  Pyrénées  avec  leur  haute  muraille  ;  le 
cône  énorme  du  Cantal,  qui  couvre  tout  un  dépar- 
tement, comme  les  Causses  de  la  Lo/.ère,  au  fond 
desquels  les  fleuves  serpentent  dans  des  gorges 
profondes  :  aucune  différence  de  dessin  ne  pouvait 
faire  penser  que  chaque  plissement  de  terrain  avait 
sa  figure  propre,  son  mouvement  à  soi,  son  allure 
qui  ne  ressemblait  pas  aux  autres. 

Tout  cela  change,  et,  de  même  qu'il  y  a  vingt 
ans  on  n'aurait  pas  osé  représenter  une  chaîne  de 
montagnes  en  perspective  oblique  sur  une  carte' 
géographique,  comme  cela  était  d'usage  courant 
au  xvn'  siècle,  de  môme  dans  quelques  années  il 
ne  se  vendra  plus  une  carte  scolaire  où  la  physiono- 
mie du  terrain  ne  soit  au  moins  indiquée. 

Et  combien  la  géographie  en  deviendra  plus 
attrayante  !  Combien  l'élève  apprendra  avec  plus 
de  joie  et  d'entrain  quand,  au  lieu  de  voir  dans  la 
carte  l'image  d'une  terre  vague  et  imaginaire,  il  y 
sentira  le  portrait  et  la  ressemblance  de  la  terre 
sur  laquelle  il  marche,  du  fleuve  au  bord  duquel 

il  se  promène, 
de  la  montagne 
qui  se  dresse 
à  l'horizon.  On 
appeller?  son 
attention  non 
plus  seulement 
sur  le  nombre 
de  caps  ou  sur 
la  nomenclature 
des  grandes  oa 
des  petites  îles 
de  1  Europe, 
mais  sur  le  rôle 
et  la  beauté  des 
Alpes,  sur  les 
caractères  diffé- 
rents des  Py- 
rénées et  c  de 
l'Auvergne,  du 
Rhône  et  de  la 
Seine,  etla  terre 
prendra  vie  à 
ses  yeux  comme 
s'il  y  voyageait 
en  réalité. 

Mais  il  faudra 
surtout  le  faire 
voyager  sur  les- 
cartes  à  grande, 
échelle  qui  re- 
présentent la  commune  natale,  le  canton  voisin,  le 
ruisseau  qu'il  traverse  pour  venir  à  l'école.  Ici,  il 
deviendra  absolument  nécessaire  de  lui  apprendre- 
à  lire  le  figuré  détaillé  du  terrain. 

Plusieurs  systèmes  sont  employés  dans  les  cartes 
à  grande  échelle  pour  faire  sentir  le  relief  et  le 
mouvement  du  sol.  Si  nous  ne  tenons  pas  compte 
des  cartes  en  couleur  et  des  reliefs,  dont  nous  par- 
lerons tout  à  l'heure,  ces  différents  systèmes  se 
réduisent  à  trois  :  la  lumière  oblique,  Véclairage 
zénithal,  les  courbes  de  niveau. 

Les  cartes  éclairées  en  lumière  oblique  sont  les 
plus  claires  dès  le  premier  coup  d'oeil.  Les  mou- 
vements du  terrain  y  apparaissent  comme  le  ferait 
le  relief  réel  du  sol  au  moment  où  le  soleil  com- 
mence à  décliner  vers  l'horizon.  Un  côté  des 
inégalités  est  plus  éclairé,  le  côté  opposé  est  plus- 
obscur,  et  les  demi-teintes  servent  à  indiquer 
les  pentes  intermédiaires.  La  plus  belle  carte  des- 
sinée avec  la  lumière  oblique  est  celle  de  la  Suisse 
à  l'échelle  du  fô^ôôô-  L'effet  en  est  saisissant. 

Mais  ce  système  a  aussi  des  inconvénients  :  dans 
les  pays  de  plaine,  où  les  ondulations  sont  extrê- 
mement douces  et  où  le  fond  même  de  la  carta 


liclairage  par  la  lumière  oblicjue. 


CARTOGRAPHIE 


—  347 


CARTOGRAPHIE 


reste  blanc,  il  n'y  a  pas  moyen  d'exprimer,  par  une 
teinte  suffisamment  distincte,  les  pentes  qui  des- 
cendent vers  la  lumière  ;  il  faut  alors  avoir  recours 
à  un  autre  mode  de  représentation,  celui  de  la  lu- 
mière zénithale. 

Voici  en  quoi  il  consiste  :  supposons  que  des  sur- 
faces de  terrain 
inclinées  de  tou- 
tes les  façons 
possibles  entre 
l'horizontale  et 
la  verticale  re- 
çoivent toutes  la 
même  quantité 
de  lumière  des- 
cendant du  zé- 
nith. Il  est  clair 
que  les  surfaces 
horizontales  se- 
ront les  plus 
vivement  éclai- 
rées, et  que  cet 
éclairage  ira  en 
diminuant  jus- 
qu'aux surfaces 
verticales ,  qui 
ne  recevront 
plus  de  lumièn- 
directe.  Dè^ 
lors,  rien  de 
plus  simple  que 
d'établir  une 
échelle,  un  dia- 
pason d'éclai- 
rage, allant  du  Éclairage  par  la  lumière  zénithale, 
blanc     pur    au 

gris   très-foncé,  par  le   moyen  de  hachures   plus 
ou  moins  serrées,  et  d'employer  ce  diapason  à  ex- 
primer la  plus  ou  moins  grande  rapidité  des  pentes. 
C'est  le  système  qui    a  été  suivi  par  les  auteurs 
de     la    grande 
carte    française 
de    l'écat-major 
à    l'échelle    du 

scTÔÔÔ-  Au  pre- 
mier abord,  ce 
système  ne  sa- 
tisfait pas  le  re- 
gard autant  quo 
l'éclairage  obli- 
que, mais,  en 
dehors  des  pays 
de  montagne . 
où  la  fréquence 
des  pentes  vives 
entraîne  une 
trop  grande 
abondance  de 
taches  noires, 
il  a  l'avantage 
d'exprimer  le 
modelé  du  ter- 
rain d'une  façon 
qui,  avec  un 
peu  d'habitude, 
devient  très- 
claire,  même 
pour  un  enfant. 
Il  est  important 
de  familiariser 
les  jeunes  Fran- 
çais  avec  ce    mode 


Courbes  de  niTeau. 


de  représentation  du  sol. 
Le  figuré  du  terrain  par  courbes  de  niveau  est 
fondé  sur  ce  principe,  que  le  sol  peut  être  supposé 
formé  de  tranches  d'égale  épaisseur  superposées 
en  plus  ou  moins  grand  nombre  depuis  le  niveau 

de  la  mer  jusqu'au  sommet  des  plus  hautes  mon-    

tagnes.  Ces  tranches,  supposées  horizontales    oeu-  !  la  Suisse  au  50,000' 


vent  être  d'une  épaisseur  plus  ou  moins  grande^ 
suivant  le  degré  d'exactitude  qu'on  veut  donner  à 
la  carte;  quelle  que  soit  l'épaisseur  adoptée,  on 
lui  donne  le  nom  d'équidistauce,  et  le  modelé  du. 
terrain  se  figure  par  le  moyen  de  courbes  équidis- 
tantes  qui  se  profilent  de  hauteur  en  hauteur  sur 

les  pentes  du 
sol.  Ce  procédé 
est  le  plus 
exact,  quand  il 
peut  être  exé- 
cuté sur  des 
données  suffi- 
santes ,  mais 
c'est  celui  qui, 
pour  l'œil,  don- 
ne la  moindre 
sensation  de  re- 
lief (1). 

On  a  cherché 
à  réunir  les 
avantages  de  ce 
dernier  mode 
de  représenta- 
tion et  des 
précédents,  en 
donnant  aux  ha- 
chures qui  ex- 
priment l'ombre 
des  pentes  la 
longueur  pré- 
cise qui  sépare- 
rait les  deux 
courbes  de  ni- 
veau voisines. 
Mais,  sur  les 
cartes  qui  ont  été  gravées  d'après  ce  système,  il 
est  à  peu  près  impossible  à  l'œil  de  discerner  les 
points  de  jonction  des  hachures. 
On  s'est  encore  efforcé  de  faire  sentir  la  forme 

des  reliefs  ter- 
restres par  des 
teintes  répar- 
ties à  la  surface 
des  continents, 
non  plus  sui- 
vant un  sys- 
tème arrêté  à 
l'avance ,  mais 
d'après  l'ins- 
tinct du  dessi- 
nateur et  le 
sentiment  pit- 
toresque. Les 
deux  cartes  ci- 
jointes,  extrai- 
tes du  Rapport 
sur  l'instruc- 
tion primaire  à 
l'exposition  de 
Philadelphie, 
donnent  une 
idée  de  ce  gen- 
re de  cartes , 
assez  en  faveur 
aux  États-Unis^ 
(Cartes  physi- 
ques de  l'Eu- 
rope et  de  l'Amé- 
rique du  Nord  ;. 
atlas  de  William. 
Swinton,    Complète    course    in    geography.) 

Depuis  quelque  temps,  les  procédés  de  la  chro- 
molithographie   ont    permis    d'obtenir  de    belles- 
(l'i  Les  trois  figures  qui  précèdent  représentent,  suiv.mt- 
trois  systèmes  difTèrents,  un  même  massif  de  montagnes: 
Ih  fiiTure  à  courbes  de  niveau  est  empruntée  à  la  eajle  d«- 


CARTOGRAPHIE 


—  348  — 


CARTOGRAPHIE 


-cartes  coloriées.  Sans  doute  ces  cartes  atteindront 
difficilement  le  degré  de  précision  de  celles  qui 
sont  gravées  en  une  seule  fois  et  tirées  en  une 
seule  teinte  ;  mais  pour  les  usages  courants  et 
pour  l'enseignement  elles  présentent  de  sérieux 
■avantages.  Elles  permettent  en  effet  de  donner  à  la 


terre  et  à  la  mer,  aux  pays  cultivés  ou  aux  déserts 
de  sable,  aux  montagnes  pierreuses  ou  aux  ci- 
mes glacées,  l'aspect  qu'elles  auraient  si,  comme 
nous  le  disions  en  commençant,  on  pouvait  les 
contempler  d'une  hauteur  immense. 
Les  premières  cartes  de  ce  système  qui  ont  paru 


^^^■^S^'^ 


■■'.//^ 


Carte  physique  à  -vol  d'oiicau  de  l'Amérique  du  Xord  (atlas  Swinton). 


en  France,  et  qui  ont  cherché  à  donner  l'impres- 
sion du  trompe-l'œil,  n'y  ont  pas  dès  l'abord  com- 
plètement réussi;  les  teintes  en  étaient  trop 
criardes  et  le  dessin  d'une  exactitude  insuffisante; 
mais  les  progrès  sont  rapides  et  on  arrive  chaque 
jour  à  de  meilleurs  résultats. 

Reliefs.  —  Disons  un  mot,  en  terminant,  dos 
reliefs  et  du  rôle  qu'ils  peuvent  jouer  auprès  des 
cartes  proprement  dites.  Il  serait  bon  qu'à  côté 
du  globe  terrestre,  qui  fixera  dans  l'esprit  des 
élèves  le  dessin  des  diverses  parties  du  globe,  ils 
pussent  se  familiariser  sur  un  relief  avec  les  for- 
mes véritables  du  terrain.  Par  malheur,  les  reliefs 


sont  encore,  ou  d'un  prix  exagéré,  ou  d'une  va- 
leur médiocre,  bien  qu'on  ait  fait  de  grands  pro- 
grès depuis  quelques  années. 

Mais  pourquoi  n'essaierait-on  pas  d'en  faire 
construire  par  les  enfants  eux-mêmes?  Leur 
esprit  et  leurs  mains  ne  demandent  qu'à  s'occu- 
per, la  terre  et  l'eau  ne  sont  pas  rares,  il  y  a  là  de 
quoi  fabriquer  des  montagnes,  des  gorges,  des 
plateaux,  des  lacs,  des  îles,  des  détroits,  des  ca- 
naux; non  point  au  hasard,  mais  sur  un  platj  qu'il 
serait  aisé  de  leur  indiquer  et  sous  la  direction  du 
maître  qui  prendrait  autant  de  plaisir  que  ses  élèves 
à  cette    géographie   en  actiou.  Rien   ne  pourrait 


CAS 


349  — 


CÉRÉALES 


donner  aux  enfants  une  interprétation  plus  nette 
et  une  image  plus  ineffaçable  de  ce  que  représen- 
tent les  cartes  géographiques.  Peut-être  aussi  des 


promenades  en  commun  avec  la  carte  du  pays  sou» 
les  yeux  seraient-elles  un  puissant  moyen  de  leur 
inspirer  le  goût  de  la  géographie  ;  mais  c'est  plu- 


Carte  physique  à  toI  d'oiseau  de  l'Europe  (atlas  Swinton). 


tôt  à  ce  mot  que  des  questions  semblables  de\Tont 
être  traitées,  nous  ne  pouvons  que  les  indiquer  ici. 
[Franz  Schrader.] 

CAS.  —  V.  Grammaire  historioue . 

CÉRÉALES.  —  Agriculture,  VI.  —  Etym.  : 
Plantes  consacrées  à  Cérès,  déesse  des  moissons 
chez  les  Romains.  —  On  donne  le  nom  générique 
de  céréales  aux  plantes  dont  les  grains  forment 
d'une  manière  régulière  la  principale  source  de 
l'alimentation  de  l'homme  et  des  animaux  domes- 
tiques. 

Les  céréales  cultivées  en  France  sont  le  blé  ou 
froment,  le  seigle,  l'avoine,  l'orge,  l'escourgeon,  le 
mais,  le  sarrasin.  Les  six  premières  appartiennent 
à  la  famille  des  graminées  *;  le  sarrasin  seul  appar- 
tient à  une  autre  famille  botanique,  celle  des  cru- 
cifères *. 

Les  règles  qui  doivent  guider  dans  la  culture 
des  céréales  sont  les  mêmes  pour  presque  tqutes 
ces  plantes  :  nous  les  résumerons  dans  les  soins 
de  préparation  du  sol,  les  semailles,  les  soins 
d'entretien,  la  récolte,  le  battage,  la  conservation 
des  grains. 

Préparation  du  sol.  —  Dans  la  plupart  des  asso- 
lements, les  céréales  succèdent  aune  plante  sarclée 
ou  à  une  jachère.  Dès  que  la  récolte  précédente 
est  enlevée,  on  donne  un  vigoureux  coup  de  herse 
ou  de  scarificateur  pour  nettoyer  et  égaliser  le  sol, 
puis  on  conduit  la  fumure  sur  le  champ.  Celle-ci 
est  enfouie  par  un  labour  de  profondeur  moyenne. 


Un  nouveau  hersage  doit  suivre  le  labour,  et 
quand  il  reste  des  mottes  en  assez  grand  nombre 
sur  le  terrain,  on  passe  un  fort  rouleau  pour  les 
écraser. 

Dans  la  culture  en  billons,  encore  en  usage  dans 
un  certain  nombre  de  pays,  on  ne  fait  pas  passer 
sur  le  champ  le  rouleau  dont  l'action  aurait  pour 
effet  de  détruire  la  crête  des  sillons  ;  mais  les  au- 
tres travaux  préparatoires  sont  les  mêmes  que 
ceux  qui  viennent  d'être  indiqués  pour  la  culture 
en  planches. 

Semailles.  —  La  plupart  des  céréales  peuvent 
être  semées  soit  à  l'automne,  soit  au  printemps. 
Dans  chaque  espèce,  il  y  a  des  variétés  qui  s'ac- 
commodent, les  unes  des  semailles  de  l'automne, 
les  autres  des  semailles  de  printemps.  Mais  en 
général  il  faut  donner  la  préférence  aux  semailles 
d'automne.  La  plante  commence  à  se  développer 
avant  l'hiver,  et  quand  sa  végétation  reprend,  au 
mois  de  mars,  elle  a  déjà  une  vigueur  qui  lui  per- 
met de  se  développer  d'une  manière  plus  normale 
jusqu'au  moment  de  la  maturité. 

I  La  plus  grande  attention  doit  être  apportée  au 
choix  des  graines.  De  leur  qualité  dépend  en  par- 

'  tie  le  succès  de  la  récolte.  Il  est  facile  de  vérifier 
leur  valeur  germinative,  par  un  procédé  qui  a  été 
indiqué  par  Mathieu  de  Dombasle.  On  superpose, 

'  dans  le  fond  d'une  soucoupe,  deux  morceaux  de 
drap  humecté  à  l'avance  ;  on  place  par-dessus,  en 

I  ayant  soin  qu'elles  ne  soient  pas  en  contact  le» 


CÉRÉALES 


—  350  — 


CEREALES 


Tines  avec  les  autres,  un  certain  nombre  de  graines 
•des  semences  que  l'on  veut  essayer,  et  on  les  re- 
-couvre  d'un  troisième  morceau  de  drap  également 
humecté.  La  soucoupe  étant  placée  dans  un  endroit 
jnodérément  chaud,  près  d'un  poêle  par  exemple, 
•on  imbibe  d'eau  de  temps  en  temps  la  pièce  de  drap 
supérieure,  de  manière  à  conserver  une  humidité 
constante,  sans  que  cependant  les  graines  soient 
baignées  dans  l'eau.  Le  travail  de  la  germination 
s'opère  peu  à  peu  ;  au  bout  d'un  temps  qui  varie 
suivant  les  espèces,  et  qui  est  en  général  de  trois 
à  cinq  jours,  les  bonnes  graines  commencent  à 
montrer  leurs  germes,  les  mauvaises  au  contraire 
se  couvrent  de  moisissures.  D'après  la  proportion 
de  ces  dernières,  on  augmente  plus  ou  moins  la 
quantité  de  semence  à  répandre  sur  une  surface 
déterminée. 

Pour  avoir  de  bonnes  graines,  bien  homogènes, 
€t  non  mélangées,  soit  de  petites  graines,  soit  de 
plantes  étrangères,  il  faut  avoir  recours  au  triage, 
fait  avec  un  bon  instrument.  En  vue  de  détruire 
les  germes  de  champignons  parasites,  on  doit 
avoir  recours  au  sulfatage  des  graines.  On  dissout 
du  sulfate  de  cuivre  dans  cinq  fois  son  poids  d'eau, 
«n  remuant  le  liquide  pour  hâter  la  dissolution.  On 
étend  la  semence  sur  un  plancher,  puis  on  l'as- 
perge avec  le  liquide,  et  on  remue  ensuite  avec 
une  pelle  en  bois  pour  que  tous  les  grains  soient 
humectés.  Si  l'on  fait  cette  opération  le  soir,  le 
grain  est  suffisamment  ressuyé  le  lendemain  ma- 
lin pour  être  semé.  Une  dissolution  de  1  kilog.  de 
sulfate  de  cuivre  ou  vitriol  lleudans  ô  litres  deau, 
suffit  pour  préparer  200  kilog.  de  semences.  On 
f-mploie  pour  la  même  opération,  et  avec  avantage, 
une  dissolution  de  chaux  dans  l'eau. 

Les  semailles  des  céréales  sont  faites,  dans  la 
culture  à  plat,  en  jetant  la  semence  sur  te  sol,  et 
en  la  recouvrant  par  un  hersage.  La  herse  suit  le 
semeur.  Dans  la  culture  en  billons,  on  ensemence 
sous  raie,  la  semence  est  d'abord  répandue,  puis 
•enterrée  par  un  coup  de  charrue.  Dans  l'un  et 
l'autre  cas,  il  faut  prendre  soin  que  les  semences 
ne  soient  ni  trop  légèrement  ni  trop  profondément 
enterrées;  dans  le  premier  cas,  elles  se  dévelop- 
pent mal,  dans  le  deuxième  elles  pourrissent  et  ne 
lèvent  pas.  La  profondeur  normale  est  de  4  à  8  cen- 
timètres au  plus.  On  distingue  deux  sortes  de  semail- 
les :  les  semailles  à  la  volée  et  celles  en  lignes. 
Dans  les  semailles  à  la  volée,  le  grain  est  répandu 
ù  la  surface  du  sol  par  le  semeur  qui  marche  d'un 
pas  régulier,  et  lance  le  grain  méthodiquement 
autour  de  lui  avec  la  main.  Les  semailles  en  lignes, 
au  contraire,  sont  faites  à  l'aide  d'un  instrument 
désigné  sous  le  nom  de  semoir,  qui  dépose  le  grain 
dans  le  sol  à  la  profondeur  voulue,  et  en  formant 
des  lignes  parallèles  distantes  de  12  à  20  centimè- 
tres les  unes  des  autres.  Les  semailles  en  lignes 
présentent  des  avantages  multiples  :  elles  permet- 
tent d'économiser  la  semence  dans  des  proportions 
très  considérables,  tout  en  assurant  davantage  la  le- 
Tée  des  grains  ;  en  outre,  l'air  et  la  lumière  peu- 
vent circuler  entre  les  lignes  de  céréales,  ce  qui 
favorise  leur  développement,  et  empêche  souvent 
la  verse  de  se  produire  ;  enfin,  elles  permettent 
de  donner  des  sarclages  pour  détruire  les  mauvai- 
ses herbes. 

La  quantité  de  semence  à  employer  dépend  des 
diverses  sortes  de  céréales;  les  proportions  à 
adopter  seront  indiquées  plus  loin  pour  cliacune. 

Soins  d'entretien.  —  Quand  les  semailles  des 
céréales  d'automne  ont  été  faites  avec  soin  et  à 
temps,  la  plante  a  acquis  assez  de  vigueur  pour  ne 
pas  être  compromise  par  un  hiver  normal,  et 
même  par  un  hiver  assez  rigoureux,  quand  elle  est 
protégée  par  une  couche  de  neige.  Néanmoins,  il 
arrive  assez  fréquemment  que  des  dommages  sont 
occasionnés,  soit  par  des  pluies  prolongées,  soit 
par  des  intermittences  de  gels  et  de  dégels,  soit 


par  des  froids  tardifs,  parfois  enfin  au  printemps 
par  une  sécheresse  de  plusieurs  semaines. 

Quand  l'hiver  est  caractérisé  par  des  intermit- 
tences de  gelées  et  de  dégels,  la  terre  arable  est 
soulevée  et  avec  elle  la  plante  qu'elle  renferme  ; 
les  racines  de  celle-ci  sont  parfois  mises  à  nu  ;  la 
plante  est  déchaussée,  suivant  l'expression  vulgaire. 
Pour  remédier  à  cet  inconvénient,  il  faut  passer  le 
rouleau  plus  ou  moins  cnergiquement  sur  le 
champ,  de  manière  à  tasser  le  sol  et  à  rentrer  les 
racines  en  terre.  Cette  opération  a  pour  effet  se- 
condaire non  moins  utile  de  favoriser  le  tallage, 
c'est-à-dire  le  développement  des  rejets  et  la  for- 
mation des  touffes  au  collet  de  la  racine. 

Quand  l'humidité  est  excessive,  il  faut  passer  la 
charrue  dans  les  raies  d'écoulement  qui  doivent 
toujours  être  pratiquées,  surtout  dans  les  terres 
argileuses.  On  assure  ainsi  l'écoulement  des  eaux 
et  l'assainissement  du  sol. 

La  herse,  enfin,  est  employée  avec  avantage, 
après  les  sécheresses  de  l'hiver  ou  du  printemps, 
pour  briser  la  croûte  qui  s'est  formée  à  la  surface 
du  sol  et  qui  empêche  le  développement  des 
plantes. 

Dans  tous  les  cas,  quand  la  plante  ne  reprend 
pas  une  végétation  vigoureuse  au  printemps,  on 
peut  avoir  recours  aux  engrais  dits  en  couverture. 
Cette  pratique  consiste  à  répandre  sur  le  champ 
des  engrais  rapidement  solubles,  tels  que  du'guano 
ou  du  sulfate  d'ammoniaque,  dont  l'action  se  fait 
sontir  au  bout  de  quelques  jours,  pour  rendre  à  la 
plante  sa  vigueur  et  lui  faire  regagner  le  temps 
perdu. 

Ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut,  quand  les  céréa- 
les sont  semées  en  lignes,  on  peut  au  printemps 
opérer  un  ou  deux  binages.  Cette  opération  con- 
siste à  promener  une  houe  armée  de  rasettes  qui 
coupent,  entre  les  lignes,  toutes  les  mauvaises 
herbes  qui  ont  pu  s'y  développer.  Le  binage  est, 
en  outre,  une  façon  donnée  au  sol  qui  produit 
d'aussi  bons  résultats  que  le  roulage  ou  le  hersage, 
suivant  les  circonstances. 

Quand  le  champ  a  été  trop  endommagé  par  l'hi- 
ver, et  qu'une  grande  partie  du  plant  a  péri,  il  est 
parfois  plus  avantageux  de  retourner  à  la  charrue 
et  d'enfouir  la  céréale  d'hiver,  pour  semer  par- 
dessus une  céréale  de  printemps  ou  une  autre 
plante. 

Moisson.  —  Les  céréales  doivent  toujours  être 
coupées  un  peu  avant  leur  maturité.  Quand  on 
attend  plus  longtemps,  le  grain  trop  mûr  s'égrène 
quand  on  le  coupe,  et  il  y  a  perte  d'une  partie  de 
la  récolte. 

La  moisson  se  fait  le  plus  souvent  à  bras  d'hom- 
mes. Les  instruments  employés  pour  ce  travail 
sont  la  faucille,  la  faux  et  la  sape.  La  faux  armée 
est  aujourd'hui  l'appareil  le  plus  généralement 
adopté  dans  beaucoup  de  contrées.  Au-dessus  de  la 
lame  sont  disposées  plusieurs  baguettes  d'osier  re- 
courbées sur  lesquelles  tombent  les  épis,  pour  être 
rejetés  méthodiquement  en  andains,  c'est-à-dire 
en  petits  tas  réguliers,  sur  le  côté  de  la  piste  que 
suit  le  moissonneur.  La  sape  est  principalement  en 
usage  chez  les  moissonneurs  des  Flandres  et  du 
Nord. 

Depuis  quelques  années,  l'emploi  des  machines 
à  moissonner  s'est  répandu  presque  partout.  Avec 
ces  machines,  on  peut  à  l'aide  d'un  attelage  de  deux 
chevaux,  abattre  trois  à  quatre  hectares  par  jour. 
Leur  travail  est  désormais  tout  à  fait,  régulier.  Elles 
permettent  au  cultivateur  de  s'affranchir  des  exi- 
gences exagérées  des  ouvriers,  et  de  faire  rapide- 
ment sa  moisson  au  moment  le  plus  propice,  et  à 
meilleur  compte.  Grâce  aux  perfectionnements  ap- 
portés dans  ces  machines,  et  à  leur  bas  prix  relatif, 
elles  sont  devenues  à  peu  près  accessibles  à  la  pe- 
tite culture. 
Les  céréales  doivent  être  laissées  sur  le  champ 


CÉRÉALES 


—  351  — 


CÉRÉALES 


pendant  quelques  jours  après  la  moisson,  pour  que 
la  paille  puisse  sécher  et  que  la  maturation  du 
prain  s'achève.  Trop  souvent  on  laisse  les  andains 
ou  les  javelles  couchés  sur  le  sol  ;  quand  le  temps 
est  humide,  la  paille  noircit  et  le  grain  germe  ; 
quand  un  orage  survient,  ce  qui  est  fréquent  au 
moment  de  la  moisson,  les  mêmes  inconvénients  se 
produisent.  Les  bons  cultivateurs  y  obvient  en  faisant 
des  moyettes,  c'est-à-dire  en  réunissant  plusieurs 
gerbes,  et  en  les  disposant  de  manière  que  la  pluie 
;;lisse  facilement  dessus,  sans  pénétrer  jusqu'au 
i,'rain.  Il  y  a  plusieurs  systèmes  de  moyettes.  Le 
plus  usité  consiste  à  lier  ensemble  deux  javelles  de 
manière  à  constituer  une  petite  gerbe.  Six  ou  huit 
gerbes  analogues  sont  placées  debout,  appuyées 
les  unes  contre  les  autres.  Le  tout  est  couvert  par 
une  gerbe  plus  grosse,  liée  près  du  pied,  et  dis- 
posée en  chapeau  au-dessus  des  autres,  les  épis  en 
bas,  de  manière  à  recouvrir  le  haut  de  toutes  les 
petites  gerbes.  Un  autre  système  consiste  à  mettre  les 
gerbes,  au  nombre  de  dix  ou  douze,  en  pyramide,  les 
unes  au-dessus  des  autres,  de  façon  que  tous  les 
•épis  soient  du  même  côté.  Quand  les  céréales  sont 
ainsi  disposées  en  moyettes  bien  faites,  elles  achè- 
vent de  mûrir  dans  de  bonnes  conditions  ;  le  grain 
sèche  même  par  le  mauvais  temps,  parce  que  l'air 
circule  quand  même  à  travers  la  moyette,  sans  que 
ia  pluie  puisse  pénétrer  à  l'intérieur.  On  peut  ren- 
trer la  récolte  au  moment  le  plus  favorable,  et  at- 
tendre plusieurs  semaines  sans  inconvénient. 

Battage.  —  Le  battage  a  pour  but  de  séparer  le 
grain  de  la  paille.  Cette  opération  se  fait  de  diver- 
ses manières  :  par  le  fléau,  par  le  rouleau,  par  le 
dépiquage,  et  enfin  au  moyen  des  machines  à 
battre. 

Le  fléau  est  une  latte  en  bois  suspendue  à  un 
long  manche,  avec  laquelle  on  frappe  les  épis  éten- 
dus sur  une  aire  ou  surface  aplanie  avec  soin, 
pour  séparer  le  grain.  La  paille  est  enlevée  à  bras, 
et  le  grain  à  l'aide  de  râteaux  et  de  pelles.  Ce  mode 
de  battage  exige  un  grand  nombre  de  bras  ;  il  est, 
-en  outre,  très  lent  ;  il  tend  de  plus  en  plus  à  être 
abandonné 

Le  battage  au  rouleau  se  fait  avec  un  rouleau  en 
pierre  auquel  on  attelle  un  cheval,  et  qu'on  fait 
passer  sur  les  épis  disposés  circulairement  autour 
de  l'aire. 

Le  dépiquage  par  les  pieds  des  chevaux  est  sur- 
tout pratiqué  dans  les  régions  méridionales.  On 
fait  trotter  les  chevaux  sur  les  épis  disposés  circu- 
lairement, et  la  séparation  du  grain  se  fait  sous 
l'action  de  leurs  pieds. 

La  machine  à  battre  est  aujourd'hui  répandue 
partout.  Dans  toutes  les  exploitations,  on  peut  se 
procurer  facilement  une  petite  batteuse  à  manège 
<^iui  ne  demande  qu'un  ou  deux  chevaux  pour  don- 
ner un  bon  travail.  Les  grandes  machines  qui  peu- 
vent battre  plusieurs  centaines  de  gerbes  par 
heure,  ont  besoin  d'une  machine  à  vapeur  pour  être 
mises  en  mouvement.  Elles  sont  donc  réservées  à  la 
grande  culture .  Mais  aujourd'hui  dans  le  plus 
înrand  nombre  des  départements,  il  existe  ce  que 
l'on  appelle  des  entrepreneurs  de  battage  qui  pos- 
sèdent une  ou  plusieurs  grandes  machines,  et  qui 
vont,  de  ferme  en  ferme,  exécuter  les  battages  qui 
leur  sont  demandés.  Les  grandes  machines  à  battre 
prennent  la  gerbe  en  travers,  et  rendent  la  paille 
rigide  et  non  brisée  ;  mais  les  petites  batteuses 
prennent  la  gerbe  par  le  bout  des  éi)is,  et  rendent 
la  paille  brisée.  C'est  un  inconvénient  dans  les 
exploitations  où  l'on  fait  commerce  de  paille  ;  mais, 
sauf  quelques  circonstances  exceptionnelles,  il  vaut 
mieux  consommer  la  paille  dans  l'exploitation,  et 
l'employer  soit  à  la  nourriture  des  animaux  do- 
mestiques, soit  à  la  litière.  Dans  ces  deux  cas,  il 
importe  peu  qu'elle  soit  brisée. 

Après  le  battage,  le  grain  doit  être  passé  au 
ventilateur  ou  tarare    pour    être  débarrassé  des 


impuretés  qu'il  renferme.  Les  grandes  machines  à 
battre  sont,  pour  la  plupart,  munies  de  ces  appa- 
reils, et  elles  rendent  le  grain  marchand,  c'est-à- 
dire  bon  à  être  mis  en  sacs  pour  être  porté  au 
marché.  Néanmoins,  quand  on  veut  avoir  de  bons 
grains  de  semence,  il  faut  avoir  recours  au  triage. 
Il  existe  aujourd'hui  des  trieurs  qui  séparent  très 
bien  non-seulement  les  diverses  espèces  de  grains, 
mais  encore  les  qualités  différentes  dans  une  même 
espèce. 

.\vec  la  machine  à  battre,  le  cultivateur  peut 
opérer  ses  battages  comme  il  l'entend,  sans  avoir 
à  se  préoccuper  de  la  main  d'oeuvre,  et  au  moment 
qu'il  juge  le  plus  convena"ble  pour  la  vente. 

Après  ces  indications  générales,  il  nous  semMe 
indispensable  de  donner  quelques  détails  sur  les 
principales  céréales  cultivées  en  France. 

Blé.  —  Le  blé  ou  froment  est  la  céréale  la  plus 
importante.  Son  grain,  réduit  en  farine,  sert  à  faire 
le  pain  qui  est,  chez  nous,  la  base  de  l'alimenta- 
tion humaine. 

Il  existe  beaucoup  de  variétés  de  blés  cultivés. 
Ces  variétés  se  distinguent  à  la  forme,  à  la  grosseur 
et  à  la  couleur  des  grains,  en  même  temps  quepar 
leur  disposition  dans  l'épi.  Sans  entrer  dans  de  plus 
longs  détails,  il  suffira  de  dire  que  dans  la  région 
septentrionale  de  la  France  on  cultive  surtout  des 
variétés  à  épis  blancs  jaunâtres  ;  tels  sont  le  blé  blanc 
de  Flandre,  le  blé  Chiddam,  le  blé  de  Noé,  etc.  Ces 
blés  sont  sans  barbes.  En  Provence  et  dans  le  Lan- 
guedoc, on  cultive  surtout  au  contraire  des  varié- 
tés presque  toutes  barbues,  telles  que  le  blé  sai- 
sette  d'Arles,  le  blé  bladette.  Dans  le  Sud-Ouest, 
on  préfère  d'autres  variétés,  telles  que  le  blé  de  Né- 
rac,  latouzelle  rouge.  Dans  l'Ouest,  c'est  le  blé  de 
Roscofi",  le  blé  de  Saumur,  celui  de  Saint-Laud, 
que  les  cultivateurs  recherchent  de  préférence. 
Dans  le  centre,  les  principales  variétés  adoptées 
sont  le  blé  de  Hongrie,  le  blé  hérisson,  les  blés 
poulards  de  Touraine,  d'Auvergne,  etc. 

Le  blé  réussit  surtout  dans  les  sols  un  peu  argi- 
leux et  bien  fumés.  Ce  n'est  que  par  le  chaulage 
qu'on  parvient  à  le  faire  réussir  sur  les  terres  qui 
manquent  de  chaux.  Les  terres  argilo-calcaires  et 
les  terres  calcaires  siliceuses  sont  placées  au  pre- 
mier rang  des  terres  à  blé. 

Les  semailles  doivent  être  faites  à  l'automne,  le 
plus  tôt  possible,  c'est-à-dire  dans  le  courant  du 
mois  d'octobre.  En  semant  à  la  volée,  on  répand 
■JOi»  à  250  litres  de  semence  par  hectare  ;  parfois 
cette  quantité  est  dépassée.  L'emploi  du  semoir 
permet  de  réduire  considérablement  cette  propor- 
tion, au  grand  avantage  de  la  récolte  ;  la  quantité 
employée  varie  alors  de  100  à  làO  litres  par  hectare. 
La  production  moyenne  est  de  20  à  25  hectolitres 
de  grain  par  hectare  dans  les  terres  ordinaires  assez 
bien  cultivées  ;  elle  descend  à  7  à  in  hectolitres  dans 
les  sols  pauvres,  mais  elle  atteint  30  à  40  hectolitres 
dans  les  terres  riches,  abondamment  fumées  et 
avec  des  conditions  climatériques  favorables.  Le 
rendement  en  paille  varie  dans  de  très  grandes 
proportions  suivant  les  années  ;  on  estime  qu'il  est, 
en  moyenne,  de  200  kilogrammes  de  paille  pour 
un  hectolitre  de  blé.  —  Le  poids  de  l'hectolitre  est 
normalement  de  78  kilogrammes;  il  descend  à 
75  kilogrammes  pour  les  blés  de  qualité  infé- 
rieure, et  il  dépasse  parfois  80  kilogrammes  pour 
ceux  de  première  qualité. 

La  surface  cultivée  en  blé,  chaque  année,  en 
France,  dépasse  6  millions  d'hectares.  La  produc- 
tion moyenne  est  de  100  millions  d'hectolitres  de 
blé  environ.  Le  produit  moyen  par  hectare,  potir 
tout  le  pays,  est  de  15  hectolitres  de  grain.  Ce 
produit  est  encore  sensiblement  inférieur  au  pro- 
duit moyen  de  l'Angleterre,  de  la  Belgique,  de  la 
Hollande  ;  mais  il  est  supérieur  à  celui  de  la  plus 
grande  partie  des  autres  pays  de  l'Europe 
Le  prix  du  blé  varie  beaucoup  suivant  les  bonnes 


CEREALES 


—  352  — 


CEREALES 


et  les  mauvaises  récoltes,  les  importations  plus  ou 
moins  considérables,  les  conditions  particulières 
des  marchés.  Durant  les  dernières  années,  il  a  va- 
rié de  21  à  25  francs  par  hectolitre,  avec  quelques 
oscillations  temporaires  au-dessous  et  au-dessus  de 
ces  limites. 

Seigle.  —  Le  seigle  est  le  blé  des  pays  de  mon- 
tagne et  des  terres  pauvres.  Son  grain  est  entré 
pendant  longtemps  dans  l'alimentation  des  classes 
rurales  ;  mais  il  tend  à  céder  de  plus  en  plus  la  place 
au  blé.  Si  la  culture  du  seigle  diminue  en  France, 
elle  fait  encore  dans  une  grande  partie  de  l'Europe 
centrale  et  septentrionale  la  base  de  la  production  des 
céréales. 

Dans  beaucoup  d'exploitations,  le  seigle  est  sur- 
tout cultivé  en  vue  de  sa  paille.  Celle-ci  est  la 
plus  propre  à  faire  les  liens,  et  elle  donne  une  ex- 
cellente litière.  Elle  est,  en  outre,  recherchée  dans 
les  papeteries  à  raison  de  sa  belle  couleur. 

Le  seigle  d'hiver  est  celui  qui  est  le  plus  géné- 
ralement cultivé  ;  on  le  sème  de  bonne  heure, 
afin  que  le  plant  ait  acquis  avant  l'hiver  assez  de 
force  pour  résister  au  froid.  La  quantité  de  se- 
mence employée  par  hectare  est  de  200  à  250  li- 
tres. Le  rendement  moyen  est  de  20  à  22  hectoli- 
tres dans  les  terres  de  bonne  qualité  :  il  atteint 
30  à  35  hectolitres  dans  les  sols  fertiles;  mais  dans 
les  terres  pauvres,  il  dépasse  rarement  10  à  12 
hectolitres.  Quant  à  la  paille ,  on  estime,  d'une 
manière  générale,  que  son  rendement  est  de  175  à 
180  kilogrammes  pour  un  hectolitre  de  grain.  Le 
poids  moyen  de  l'hectolitre  de  seigle  varie  de  70  à 
75  kilogrammes. 

Le  seigle  est  souvent  sujet  à  la  maladie  de  l'er- 
got. Cette  maladie  est  déterminée  par  le  dévelop- 
pement d'un  cryptogame  spécial  dans  le  grain  pen- 
dant sa  maturation.  Le  grain  atteint  de  l'ergot  se 
fait  remarquer  par  son  développement  en  longueur 
et  par  sa  couleur  noirâtre  ou  brun  violacé.  Le  sei- 
gle ergoté  doit  être  scrupuleusement  exclu  de  la 
consommation. 

Orge.  —  L'orge  est  cultivée  dans  toutes  les  par- 
ties de  la  France.  On  en  distingue  plusieurs  espè- 
ces, les  unes  à  grains  vêtus,  les  autres  à  grains 
nus.  Les  principales  variétés  cultivées  en  France 
sont  des  orges  de  printemps,  c'est-à-dire  qui  se 
sèment  au  mois  de  mars.  L'orge  d'hiver  prend  gé- 
néralement le  nom  d'escourgeon.  Les  terres  qui 
conviennent  le  mieux  à  l'orge  sont  les  sols  argilo- 
siliceux,  argilo-calcaires,  c'est-à-dire  de  consis- 
tance moyenne.  Elle  végète  aussi  très  bien  sur  les 
terres  d'alluvion,  mais  elle  redoute  les  sols  très 
compacts  et  ceux  qui  sont  très  sablonneux.  Le 
champ  doit  être  bien  ameubU  ;  cette  dernière  con- 
dition est  indispensable  pour  la  réussite  de  la  ré- 
colte . 

Les  quantités  de  semence  à  employer  par  hec- 
tare varient  de  200  à  300  litres,  suivant  la  nature 
de  l'orge  et  selon  que  le  sol  a  été  plus  ou  moins 
préparé.  Il  faut  moins  de  semences  dans  les  terres 
bien  préparées.  Des  hersages  et  des  roulages  pen- 
dant la  première  végétation  assurent  la  destruc- 
tion des  plantes  nuisibles  et  le  tallement  du  plant. 

Le  rendement  varie  suivant  les  variétés.  Il  est 
généralement  plus  considérable  pour  les  orges 
d'hiver  ou  escourgeons  que  pour  celles  de  prin- 
temps. Ces  dernières  donnent,  dans  les  bonnes 
terres,  en  production  moyenne,  25  à  30  hectolitres 
par  hectare.  Pour  l'escourgeon,  on  récolte  assez 
fréquemment  50  à  fiO  hectolitres.  Le  poids  de  l'hec- 
tolitre d'orge  est  de  60  à  65  kilogrammes. 

L'orge  réduite  en  farine  entre  pour  une  large 
part  dans  la  nourriture  des  animaux  domestiques 
soumis  à  l'engraissement.  Dans  quelques  pays, 
surtout  dans  les  climats  méridionaux,  l'orge  rem- 
place l'avoine  dans  la  ration  des  chevaux.  Enfin, 
elle  entre  sous  forme  de  malt,  c'est-à-dire  d'orge 
germéeet  desséchée,  dans  la  fabrication  de  la  bièfe. 


Avoine.  —  L'avoine  est,  avec  le  seigle,  la  céréale 
la  plus  importante  des  régions  septentrionales.  Il 
y  a,  comme  pour  les  autres  céréales  déjà  décrites, 
des  variétés  d'hiver  et  de  printemps;  mais  les 
avoines  de  printemps  sont  celles  qui  réussissent  le 
mieux  en  France.  Durant  les  hivers  doux  et  humi- 
des, si  fréquents,  l'avoine  semée  à  l'automne 
prend  un  développement  trop  rapide,  et  il  arrive 
parfois  que  l'épi  sort  même  avant  le  printemps. 

On  cultive  beaucoup  de  variétés  d'avoines  ;  on 
les  distingue  souvent  suivant  la  couleur  du  grain, 
qui  est  jaune  ou  noire.  Les  variétés  les  plus  esti- 
mées sont  :  l'avoine  jaune  du  Nord,  l'avoine  noire 
de  Brie,  l'avoine  de  Beauce,  etc. 

Les  avoines  viennent  bien  dans  les  terres  de  con- 
sistance moyenne;  elles  ne  dor  -.ent  que  de  mé- 
diocres produits  dans  les  terres  très  fortes,  aussi 
bien  que  dans  les  sols  pauvres.  Les  printemps 
trop  humides  lui  sont  aussi  défavorables. 

Les  semailles  doivent  être  faites  de  bonne  heure  : 
c'est  d'ailleurs  la  règle  générale  pour  la  plupart 
des  céréales.  Les  avoines  semées  tôt  résistent 
mieux  aux  sécheresses,  quand  il  s'en  produit  au 
printemps.  La  quantité  de  semence  à  employer  par 
hectare  est  de  250  à  300  litres.  Mais  quand  on 
sème  au  semoir,  il  ne  faut  pas  employer,  pour  la 
même  semence,  plus  de  150  à  180  litres. 

La  maturité  des  avoines  vient  généralement  après 
celle  des  blés.  C'est  surtout  pour  ce  grain  que  la 
moisson  doit  être  exécutée  avant  une  maturation 
complète;  l'avoine  s'égrène  facilement,  et  il  y  a 
une  déperdition  considérable,  si  on  la  coupe  trop 
mûre. 

Le  rendement  est  très  inégal.  La  production 
moyenne,  en  France,  est  estimée  à  25  ne'ctolitres 
par  hectare.  Dans  les  bonnes  cultures,  elle  atteint 
50  hectolitres,  et  dépasse  parfois  ce  chiffre.  —  Le 
poids  de  l'hectolitre 'est  de' 45  à  50  kilogrammes. 

L'avoine  est  presque  exclusivement  employée  à 
la  nourriture  des  chevaux;  on  donne  aussi  aux 
moutons  l'avoine  en  gerbe.  Le  grain  d'avoine  ren- 
ferme une  substance  aromatique  et  stimulante, 
encore  mal  définie,  qui  donne  du  ton  et  de  la  vi- 
gueur aux  chevaux. 

Mais.  —  Le  mais  cultivé  au  point  de  vue  de  la 
production  du  grain  est  une  céréale  du  midi  de  la 
France  ;  son  grain  mûrit  mal  sous  les  climats  sep- 
tentrionaux. Les  principales  variétés  sont  le  mais 
quarantin,  le  mais  des  Landes,  le  mais  jaune  d'Au- 
xonne. 

Les  semailles  se  font  le  plus  généralement  en  li- 
gnes distantes  de  50  à  (iO  centimètres.  La  quantité 
de  semence  à  employer  par  hectare  est  de  15  à  :0 
kilogrammes.  On  sème  en  avril  pour  récolter  en 
octobre.  Pendant  la  végétation,  il  faut  faire  un  ou 
deux  buttages  pour  donner  de  la  force  aux  tiges. 
L'écimage  du  mais  après  la  fécondation  des  fleurs 
femelles  est  une  opération  souvent  recommandée  ; 
les  produits  servent  de  nourriture  verte  au  bétail. 
Un  hectare  de  maïs  donne,  dans  les  conditions  or- 
dinaires, 35  à  40  hectolitres  de  grain. 

Le  mais,  réduit  en  farine,  entre  dans  la  consom- 
mation humaine.  On  s'en  sert  aussi  pour  engrais- 
ser les  volailles.  Enfin,  dans  ces  dernières  années, 
des  essais  heureux  ont  été  faits  pour  le  mélanger 
à  l'avoine  dans  la  nourriture  des  chevaux. 

San-asin.  —  Le  sarrasin  ou  blé  noir  est  princi- 
palement cultivé,  en  France,  dans  la  Bretagne,  la 
Vendée,  le  Poitou,  le  Limousin,  l'Auvergne.  Les 
terrains  schisteux  et  granitiques  sont  ceux  qui 
lui  conviennent  le  mieux. 

Les  semailles  se  font  généralement  au  mois  de 
mai  ou  en  juin.  Elle  se  font,  à  la  volée,  à  raison  de 
40  à  50  litres  par  hectare.  La  récolte  a  lieu  en 
septembre  et  en  octobre.  Il  jr  a  de  très-grandes 
difl'érences  dans  le  rendement  ;  dans  les  bonnes 
années,  et  sur  les  terres  bien  cultivées,  il  donne 
30  hectolitres  par  hectare  ;  ailleurs,  et  dans  les 


CERTIFICAT 


—  353  — 


CERTIFICAT 


mauvaises  années,    ce  rendement  peut  descendre 
6  ou  8  hectolitres.  Le  poids  moyen  de  1  hectolitre 
est  de  64  à  Gô  kilogrammes. 

Le  sarrasin  entre  dans  l'alimentation  des  paysans 
pour  une  large  part;  il  sert  à  préparer  des  galet- 
tes et  des  bouillies.  11  est  aussi  utilise  dans  1  en- 
graissement des  bêtes  bovines,  et  pour  la  nourri- 
ture des  animaux  de  basse-cour. 

Production  des  céréales  en  France.  —  INous  ter- 
minerons par  quelques  renseignements  sur  la  pro- 
duction comparée  des  céréales  en  France  à  soi- 
xante années  d'intervalle,  en  1815  et  en  18;o. 
Voici  d'abord  le  tableau  des  surfaces  consacrées 
à  chacune  des  plantes  qui  viennent  d'être  étu- 
diées : 


1815 


1875 


HECTARES. 

HECTARES. 

Blé 

4,5!il,6':7 

6,916,981 

Seigle.... 

2.573,920 

1,893,874 

Orge 

l,(:72,i>8T 

I,ii43,".i03 

Avoine. . . 

2,498,481 

3,186,880 

Maïs 

541,518 

665,298 

Sarrasin.. 

664,002 

658,651 

employé  dans  un  collège.  Franklin  lui  répondit: 
a  Je  ne  peux  pas  vous  conseiller  d'aller  en  Amé- 
rique, je  ne  peux  pas  m'engager  à  vous  faire  obte- 
nir l'emploi  que  vous  demandez  ;  mais  si  vous  vou- 
lez ti'-ersur  moi  une  traite  de  cinq  louis,  je  m'en- 
gage à  y  faire  honneur.  Le  jour  où  vous  serez  en 
état  de  me  les  rendre,  vous  les  donnerez  à  un  hon- 
nête homme  dans  le  besoin,  auquel  vous  ferez  la 
même  recommandation,  et  ainsi  de  suite,  jusqu'à 
ce  qu'on  ait  rencontré  un  malhonnête  homme  qui 
mette  pour  toujours  l'argent  dans  sa  poche.  C'est 
de  cette  façon  qu'avec  un  peu  d'argent  on  peut 
faire  beaucoup  de  bien  ;  il  faut  que  les  services 
aillent  à  la  rondo,  car  Ihumanité  est  une  famiUe, 
et  tous  les  hommes  sont  des  frères.  »  Quand  il  se- 
courait un  de  ses  semblables,  il  ne  croyait  pas 
obliger  un  individu,  mais  acquitter  une  dette;  car, 
disait-il,  en  ma  vie  j'ai  été  continuellement  soutenu 
parla  protection  de  Dieu,  et  je  ne  puis  témoigner 
à  Dieu  ma  reconnaissance  autrement  qu'en  aimant 
les  hommes.  Et  puis  j'ai  été  aidé  par  une  foule  de 
gens  auxquels  je  ne  puis  rendre  service  :  c'est  une 
dette  que  j'ai  contractée;  cette  dette,  il  faut  que  je 
l'acquitte  en  d'autres  mains.  —  (Ed.  Laboulaye. 
Discours  populaires.) 

III.  Slructure  du  corps  humain.  —  Ce  corps  est 
pétri  de  boue  ;  mais  admirons  la  main  qui  l'a  fa- 
çonné. Le  sceau  de  l'ouvrier  est  empreint  sur  son 
ouvrage  ;  il  semble  avoir  pris  plaisir  à  faire  un 
chef-d'œuvre  avec  une  matière  si  vile.  Jetons  les 
yeux  sur  ce  corps,  où  les  os  soutiennent  les  chairs 
qui  les  enveloppent;  les  nerfs  qui  y  sont  tendus 
en  font  toute  la  force,  et  les  muscles,  où  les  nerfs 
s'entrelacent,  en  s'entilant  ou  en  s'allongeant,  font 
les  mouvements  les  plus  justes  et  les  plus  régu- 
liers. Les  os  sont  brisés  de  distance  en  distance, 
ils  ont  des  jointures  où  ils  s'emboîtent  les  uns 
dans  les  autres,  et  ils  sont  liés  par  des  nerfs  et 
par  des  tendons. 

Du  cerveau,  qui  est  la  source  de  tous  les  nerfs, 
partent  les  esprits.  Us  sont  si  subtils  qu'on  ne  peut 
les  voir,  et  néanmoins  si  réels  et  d'une  action  si 
forte  qu'ils  font  tous  les  mouvements  de  la  ma- 
cliiue  et  toute  sa  force.  Ces  espritb  sont  en  un  in- 
stant envoyés  jusqu'aux  extrémités  des  membres  : 
tantôt  ils  coulent  doucement  et  avec  uniformité, 

^ _    _   _  tantôt  ils  ont,  selon   les  besoins,  une  impétuosité 

Paris'.  Depuis  l'adoption  de  la  loi  du  16  juin  1881   !  irrégulière,  et  ils  varient  à  l'infini    les  postures, 
sur  les  titres  de  capacité,  le  brevet  de  sous-mai-  |  les  gestes  et  les  autres  actions  du  corps.  (Fénelon.) 
tresser  cessé  d'exister;  les  textes  ci-dessous  n'ont 
donc  plus  qu'un  intérêt  rétrospectif.  II.  —  Arithmétique. 


Le  tableau  de  la  production  moyenne  par  hec- 
tare n'est  pas  moins  instructif  : 


1815 

HECTOLITRES. 

Blé 8,60 

Seigle 7,65 

Orge 12,10 

Avoine 14,60 

Mais 111,40 

Sarrasin 8,10 


1875 

HECTOLITRES. 

14,50 
14,:0 
17,38 
21,80 
15,66 
13,90 


Pour  toutes  les  sortes  de  grains,  il  y  a  eu  une 
augmentation  notable  dans  la  production  moyenne. 
On  voit  de  plus  en  plus  les  céréales  de  qualité  in- 
férieure céder  la  place  au  blé  et  à  l'avoine. 

[Henri  Sagnier.] 

CERTIFICAT  DETUDES  OU  BREVET  DE 
S0US-3iAITRESSE.  —  Pour  indiquer  quel  était 
le  niveau  moyen  de  cet  examen,  nous  donnons 
quelques    textes    empruntés    à    une    session    de 


I.   —  ÉpBEI;VE3   d'orthographe.   —  DICTÉE. 

I.  La  cataracte  du  Isiagara.  —  Nous  arrivâ- 
mes bientôt  au  bord  de  la  cataracte  qui  s'annonç.iit 
par  d'affreux  mugissements.  Elle  est  formée  par  la 
rivière  Niagara,  qui  sort  du  lac  Erié  et  se  jette  dans 
le  lac  Ontario:  au  moment  de  la  chute,  c'est  moins 
uii  fleuve  qu'une  mer,  dont  les  torrents  se.  pres- 
sent à  l'ouverture  d'un  gouffre.  La  cataracte  se  di- 
vise en  deux  branches  et  se  courbe  en  fer  à  cheval. 
Entre  les  deux  chutes  s'avance  une  île  creusée  en 
dessous,  qui  pend  avec  tous  ses  arbres  sur  le  chaos 
des  ondes.  La  masse  du  fleuve  qui  se  précipite  au 
midi  s'arrondit  en  un  vaste  cylindre,  puis  se  dé- 
roule en  une  nappe  de  neige  et  brille  au  soleil  dv 
toutes  les  couleurs  ;  celle  qui  tombe  au  levant  des- 
cend dans  une  ombre  effrayante  :  on  dirait  une 
colonne  d'eau  du  déluge.  Mille  arcs-en-ciel  se  cour- 
bent et  se  croisent  sur  l'abîme.  L'onde,  frappant  le 
roc  ébranlé,  rejaillit  en  tourbillons  d'écume  qui 
s'élèvent  au-dessus  des  forêts,  comme  les  fumées 
d'un  embrasement.  —  (Chateaubriand.) 

II.  Ln  prêt.  —  Un  Anglais,  prisonnier  en 
France  pendant  la  guerre  d'Amérique,  écrivit  à 
Franklin  pour  lui  demander  sa  protection,  en  lui 
disant  qu'il  désirait  passer  en  Amérique  pour  être 

2*  Partie. 


I.  1"  Expliquer  comment  on  réduit  des  frac- 
tions au  même  dénominateur.  Prendre  pour  exem- 
ple les  fractions  : 


5 

—    et 
12 


13 


2°  Une  locomotive  parcourt  les  7/12'^"  d'une  route 
en  3  heures  1/2.  On  demande,  en  premier  lieu, 
combien  elle  met  de  temps  pour  parcourir  la  route 
entière;  en  second  lieu,  combien  de  temps  il  lui 
faut  pour  en  parcourir  :  1°  les  2/5";  2°  les  7/8^'; 
SMesg/U-^'?  , 

II.  1°  Pour  construire  un  mur  de  25  mètres  do 
long,  de  1°',80  de  haut  (y  compris  les  fondations), 
et  de  0"',70  de  large,  on  emploie  des  pierres  coû- 
tant 3  fr.  3n  le  mètre  cube,  prises  à  la  carrière,  et 
dont  le  transport  revient  à  1  fr.  25  par  tombereau 
de  5  hectolitres.  Les  ouvriers  employés  à  la  con- 
struction sont  au  nombre  de  6,  ils  travaillent  la 
jours  et  reçoivent  chacun  3  fr.  25  par  jour.  Com- 
bien coûte  ce  mur? 

2°  Calculer  la  somme  des  fractions  : 


3 
1J5 


5_ 

45 


11 


23 


CERTIFICAT 


—  354  — 


CERTIFICAT 


Et  convertir  cette  somme  en  fraction  décimale,  à 
moins  de  un  cent  millième  près. 

III.  Comment  réduit-on  une  fraction  à  [sa  plus 
Bimple  expression  ? 

On  prendra  pour  exemple  les  fractions  : 

168  144 


3960 


I  SOU 


2°  Trouver  le  nombre  dont  les  2/3  et  les  3/4  réu- 
nis valent  48. 

IV.  —  1°  Une  pierre  renferme  les  0,87  de  son 
poids  de  calcaire  pur;  lorsqu'on  la  calcine,  le  cal- 
caire perd  les  11/25"  de  son  poids,  et  les  autres 
matières  conservent  leur  poids.  On  calcine  1800 
kilogrammes  de  cette  pierre.  Combien  pèsera  le 
résidu  de  la  calcination? 

2°  Réduire  en  fractions  décimales  du  jour  le 
nombre  :  5  heures  17  minutes  h2  secondes.  On 
poussera  le  calcul  jusqu'aux  cent  millièmes. 

V.  —  I"  Le  centimètre  cube  d'argent  pèse  10'',05  ; 
le  centimètre  cube  de  cuivre  pèse  S'^S-S.  On  fond 
ensemble  9  kilogrammes  d'argent  et  1  kilogramme 
de  cuivre  :  quel  sera  le  volume  de  cet  alliage? 

2»  Prendre  les  3/4  du  5/7«  de  43"%026,  et  expri- 
mer le  résultat  en  mètres  cubes,  décimètres  cubes 
et  centimètres  cubes. 

III.    —  RÉDACTION. 

I.  Donner  une  analyse  très  succincte  de  l' An- 
cien-Testament. 

II.  Le  partage  de  la  terre  promise. 

III.  Grandeur  et  sagesse  de  Salomon. 

IV.  La  captivité  de  Ninive. 

V.  Indiquer  les  dominations  étrangères  qui 
ont  successivement  menacé  les  Juifs  d'asservisse- 
ment ou  qui  les  ont  effectivement  asservis. 

VI.  Résumer  la  vie  des  quatre  évangélistes. 

VII.  La  dispersion  des  apôtres. 

VIII.  Décrire  la  vie  des  premiers  chrétiens  à 
Rome. 

IX.  La  conversion  de  Constantin  et  l'édit  de  Milan. 

X.  Indiquer  les  causes  et  les  effets  du  Grand 
Schisme. 

CERTIFICAT  D'ÉTUDES  PRIMAIRES.  —  Nous 
nous  bornons  à  donner  le  type  des  compositions 
faites  en  vue  de  ce  certificat  par  un  spécimen  des 
examens  de  Paris  et  par  quatre  spécimens  choisis 
dans  les  épreuves  des  sessions  de  1877  et  1878  dans 
quatre  départements.  L'arrêté  du  16  juin  1880,  en 
généralisant  l'institution  du  certificat  d'études 
primaires,  a  fixé  pour  toute  la  France,  d'une  ma- 
nière uniforme,  la  série  des  épreuves  de  l'examen  : 
les  épreuves  écrites  comprennent  une  dictée,  pou- 
vant servir  d'épreuve  d'écriture,  deux  questions 
d'arithmétique,  et  une  rédaction  ;  pour  les  filles 
on  ajoute  un  travail  de  couture  ;  les  épreuves  orales 
portent  sur  la  lecture,  l'analyse,  l'histoire  et  la 
géographie  de  la  France,  le  calcul  et  le  système  mé- 
trique. Antérieurement  à  cet  arrêté,  le  programme 
de  cet  examen  variait  d'un  département  à  l'auire, 
comme  on  le  verra  par  les  spécimens  ci-dessous. 

!•'  spécimen.  —  Compositions  du  département 
du  Nord,  1877. 

GARÇONS. 

Dictée. 

Les  castors  commencent  par  s'assembler  au  mois 
de  juin  ou  de  juillet  pour  se  réunir  en  société  ;  ils 
arrivent  en  nombre  et  de  plusieurs  côtés,  et  for- 
ment bientôt  une  troupe  de  deux  ou  trois  cents  : 
le  lieu  du  rendez-vous  est  ordinairement  le  lieu  de 
l'établissement,  et  c'est  toujours  au  bord  des  eaux. 
Si  ce  sont  des  eaux  plates  et  qui  se  soutiennent  à 
la  môme  hauteur  comme  dans  un  lac,  ils  se  dis- 
pensent d'y  construire  une  digue  :  mais  dans  les 
eaux  courantes  et  qui  sont  sujettes  à  hausser  ou 
baisser,  comme  sur  les  ruisseaux,  les  rivières,  ils 


établissent  une  chaussée  ;  et  par  cette  retenue  ils 
forment  une  espèce  d'étang  ou  de  pièce  d'eau  qui 
se  soutient  toujours  à  la  môme  hauteur.  La  chaus- 
sée traverse  la  rivière  comme  une  écluse,  et  va 
d'un  bord  à  l'autre  ;  elle  a  souvent  quatre-vingts  ou 
cent  pieds  de  longueur  sur  dix  ou  douze  pieds  d'é- 
paisseur à  sa  base. 

Écriture. 
Il  y  a  des   castors  en  Languedoc,  dans  les  îles 
du  Rhône;  il  y  en  a  en  plus  grand  nombre  dans  les 
provinces  du  nord  de  l'Europe. 

Problèmes. 

I.  Un  peintre  a  demandé  42  fr,  40  pour  peindre 
six  colonnes  qui  ont  chacune  I  met,  40  de  tour.  Le 
prix  du  mètre  carré  étant  de  0  fr,  75,  on  demande 
quelle  est  la  hauteur  des  colonnes. 

Ce  travail  ayant  été  iaiten  deux  jours  1/3  par  un 
ouvrier  qui  gagne  ^  fr,  50  par  jour  et  qui  a  em- 
ployé 88  hectogrammes  de  peinture  à  2  fr,  40  le 
kilogramme  ;  on  demande  combien  le  peintre  a  ga- 
gné sur  ce  travail. 

II.  Sachant  que  l'or  monnayé  vaut  15  fois  1/2 
plus  qu'un  égal  poids  d'argent,  on  demande  quelle 
somme  en  or  on  pourrait  fabriquer  avec  135  gram- 
mes d'or  pur. 

Rédaclion. 
Un  jeune  homme  a  appris  que  son  camarade,  qui 
est  ouvrier  menuisier  dans  une  autre  localité,  con- 
tracte peu  à  peu  l'habitude  du  cabaret  et  com- 
mence même  à  négliger  son  travail  pour  se  livrer 
à  sa  passion  naissante.  Il  lui  écrit  pour  lui  donner 
quelques  conseils  et  lui  montrer  les  conséquences 
de  l'ivrognerie.  Il  termine  en  lui  indiquant  la 
meilleure  manière  de  passer  agréablement  et  hon- 
nêtement le  dimanche. 

2'  Spécimen  —  Compositions  du  département 
de  l'Aube,  1878. 


Dictée. 

Épargner  c'est  dépenser  moins  qu'on  ne  reçoit, 
et  mettre  le  surplus  en  réserve,  afin  de  l'employer 
plus  tard,  selon  ses  besoins  ou  ses  goûts.  Au  lieu 
de  conserver  ses  économies  dans  un  tiroir,  où  l'on 
serait  souvent  tenté  de  puiser  inutilement,  il  est 
préférable  de  les  déposer  dans  les  caisses  de  l'État. 
Elles  rapportent,  d'ailleurs,  un  intérêt  qui,  cliaque 
année,  vient  augmenter  le  capital. 

L'habitude  de  l'épargne,  récemment  introduite 
dans  nos  écoles,  y  a  déjà  produit  des  résultats  re- 
marquables. Sur  les  quelques  sous  qu'ils  ont  reçus 
chaque  semaine  de  leurs  parents  ou  de  leurs 
amis,  nos  écoliers  ont  prélevé,  en  deux  ans,  cent 
huit  mille  francs. 

Épargner  pour  soi  est  bien,  épargner  pour  les 
autres  est  mieux.  Nos  jeunes  capitalistes  seraient 
bien  inspirés,  s'ils  consacraient  une  partie  de  leur 
petite  fortune  à  venir  en  aide  à  leurs  camarades 
pauvres,  pour  leur  procurer  le  mobilier  nécessaire 
à  la  fréquentation  de  l'école  ;  !a  charité  deviendrait 
ainsi  le  complément  de  la  prévoyance. 

Arithmétique  et  système  métrique. 

1.  A  combien  revient  la  construction  d'un  mur 
long  de  10'"5",  haut  de  3'"25  et  épais  de  O'^SS,  si  le 
mètre  cube  de  maçonnerie  se  paye  42  fr.  95? 

2.  On  achète,  pour  95  fr.,  une  pièce  de  vin  de- 
la  contenance  de  228  litres  ;  on  la  met  en  bouteilles 
et  on  vend  le  fût  S  fr.  Les  bouteilles  ont  une  ca- 
pacité de  0'75°  :  combien  en  faut-il? 

Le  cent  de  bouteilles  vides  coûte  22  fr.  :  le  cent 
de  bouchons  1  fr.  80.  A  combien  revient  la  bou- 
teille pleine,  verre  et  bouchon  compris?  L'ouvrier 
qui  met  le  vin  en  bouteilles  prend  5  fr.  pour  son 
ouvrage. 


CERTIFICAT 


—  355  — 


CERTIFICAT 


Histoire  de  France. 
Résumer  le  règne  de  Charles  VIII. 

Géographie. 
Cours  de  la  Loire.  —  Départements  qu'elle  tra- 
verse ou  qu'elle  borde.  —  Villes  principales  quelle 
arrose.  —  Affluents,  montagnes  et  collines  qui  en- 
tourent le  bassin  de  la  Loire.  —  Canaux  qui  fo«t 
communiquer  ce  bassin  avec  ceux  de  la  Seine  et  du 
Rhône. 

(C'est  une  description  qu'on  demande  et  non  un 
croquis.) 

Travaux  à  l'aiguille. 

IMarque  :  la  lettre  I. 
Un  surjet  de  5  centimètres. 
Un  ourlet  de  5  centimètres. 
Piqûre  de  5  centimètres. 
Une  boutonnière. 

3"  spécimen.  —  Compositions  du  département 
du  DovLbs.  1878. 

GARÇONS. 

Orthographe. 
On  doit  honorer  l'agriculture.  —  Avouons-le 
de  bonne  foi,  le  mépris  que  certaines  personnes 
ont  pour  le  travail  de  la  campagne  n'est  fondé 
sur  aucune  raison  solide,  puisque  ce  travail  s'ac- 
corde parfaitement  avec  toutes  les  vertus  de  la 
guerre  et  de  la  paix  et  même  avec  la  véritable  po- 
litesse. Mais  d'où  vient  ce  mépris?  Il  faut  en  dé- 
couvrir la  véritable  origine.  Il  ne  vient  que  de  la 
coutume  et  des  anciennes  mœurs  de  notre  nation. 
Les  Francs  et  les  autres  peuples  germaniques  vi- 
vaient dans  des  pays  couverts  de  bois,  où  ils  n'a- 
vaient ni  blé,  ni  vin,  ni  bons  fruits.  Ainsi,  il  fallait 
Tivre  de  chasse  comme  font  encore  dans  l'Amérique 
les  sauvages  des  pays  froids.  Après  avoir  passé  le 
Khin  et  s'être  établis  dans  les  meilleures  terres, 
ils  voulurent  bien  profiter  des  commodités  de  l'a- 
.griculture,  des  arts  et  du  commerce  ;  mais  ils  ne 
voulurent  pas  s'y  appliquer.  Ils  laissèrent  ces  oc- 
cupations aux  Romains,  qu'ils  s'étaient  soumis,  et 
•demeurèrent  dans  leur  ancienne  ignorance.  Mais 
autant  ils  ont  abaissé  l'agriculture,  autant  ils  ont 
relevé  la  chasse  dont  les  anciens  faisaient  beaucoup 
moins  de  cas.  Cependant,  à  regarder  les  choses  en 
elles-mêmes,  le  travail  qui  tend  à  la  culture  des 
■terres  et  à  la  nourriture  des  animaux  vaut  bien 
celui  qui  ne  tend  qu'à  prendre  des  bêtes  sauvages 
-souvent  aux  dépens  des  terres  cultivées.  —  (Fleury.) 

Arithmétique. 

Une  propriété  de  3  hectares  25  ares  a  été  achetée 
-au  prix  de  2  400  francs  l'hectare;  les  frais  d'acqui- 
sition s'élevèrent  en  outre  à  8  fr.  50  O/o  du  prix 
d'achat.  Combien  doit-on  louer  cette  propriété 
pour  en  tirer  le  5  O/o  ? 

Un  champ  a  une  surface  de  2  licctares  08  ares. 
•On  y  pratique  un  chemin  de  14s  mètres  de  long 
sur  4  mètres  05  de  large.  A  combien  la  superficie 
du  champ  se  trouvera-t-elle  réduite? 

Style. 
Un  élève  écrit  à  son  cousin  en  pension,  pour  lui 
faire  connaître  les  travaux  scolaires  qu'il  prépare, 
sous  la  direction  de  son  maître,  pour  l'Exposition 
universelle  ;  il  lui  ditqu'il  metd'auiant  plus  de  soins 
■à  l'exécution  de  ses  travaux,  que  son  père  lui  a  pro- 
mis de  le  conduire  à  Paris  pendant  les  vacances  si 
ses  travaux  sont  admis.  Il  lui  exprime  combien  il 
serait  heureux  d'aller  visiter  la  capitale,  surtout 
si  son  cousin  l'accompagnait. 

FILLES. 

Orthographe. 
Migration   des   hirondelles.     —    Le   ciel   était 


beau  le  matin,  mais  avec  un  vent  qui  soufflait 
de  la  Vendée.  Mes  pins  se  lamentaient,  et  de 
mon  cèdre  ému  sortait  une  basse  et  profonde 
voix.  Peu  après,  le  temps  se  voila,  le  ciel  devint 
fort  gris,  le  vent  tomba,  tout  devint  morne.  C'est 
alors,  vers  quatre  heures,  qu'en  même  temps  de 
tous  les  points,  et  du  bois,  et  de  l'Erdre,  et  de 
la  ville  de  Nantes,  et  de  la  Loire,  d'infinies  légions 
à  obscurcir  le  jour  vinrent  se  condenser  sur  l'église 
avec  mille  voix,  mille  cris,  des  débats,  des  discus- 
sions. Sans  savoir  cette  langue,  nous  devinions 
très  bien  qu'on  n'était  pas  d'accord.  Peut-être  les 
jeunes,  retenus  par  ce  souffle  tiède  d'automne,  au- 
raient voulu  rester  encore.  Mais  les  sages,  les  ex- 
périmentés, les  voyageurs  éprouvés  insistaient  pour 
le  départ.  Ils  prévalurent  ;  la  masse  noire,  s'ébran- 
lant  à  la  fois  comme  un  immense  nuage,  s'envola 
vers  le  sud-est,  probablement  vers  l'Italie. 

Évidemment,  ce  n'était  pas  la  faim  qui  les  avait 
chassés.  En  présence  d'une  nature  belle  et  riche 
encore,  ils  avaient  senti,  saisi  l'heure  précise  sans 
la  devancer. 

Le  lendemain  c'eût  été  trop  tard.  Tous  les  in- 
sectes, abattus  par  cette  immensité  de  pluie,  étaient 
devenus  introuvables  ;  tout  ce  qui  en  subsistait  vi- 
vant s'était  réfugié  sous  la  terre.  -  (Michelet.) 

Arithmétique, 

1°  Faire  la  facture  suivante  : 

15  m,  50  de  drap,  à  14  fr.  75  le  mètre  ; 

6  m,  25  de  velours,  à  21  fr,  50  le  mètre; 

19  mètres  de  taffetas,  à  6  fr,  25  le  mètre  ; 

28  m,  50  de  mérinos,  à  4  fr,  05  le  mètre  ; 

1/2  douzaine  de  paires  de  bas,  à  25  francs  li, 
douzaine  ; 

5  paires  de  gants,  à  2"  francs  la  douzaine. 

L'acheteur  paie  comptant  ;  on  lui  fait  une  remise 
de  3  O/o.  Il  donne  un  billet  de  1000  francs.  Com- 
bien doit-on  lui  rendre  ? 

2°  A  135  francs  le  quintal  de  sucre,  quel  est  le 
prix  du  kilogramme  et  celui  de  l'hectogramme? 

Style. 

Une  enfant  âgée  de  1:^  ans  étant  en  pension  re- 
çoit de  sa  famille  l'ordre  de  retourner  chez  elle 
pour  soigner  et  remplacer  sa  mère  qui  vient  de 
tomber  malade  ;  elle  écrit  à  une  de  ses  amies  de 
pension  et  lui  rend  compte  des  nouvelles  occupa- 
tions auxquelles  elle  se  livre  dans  la  maison  pa- 
ternelle. 

4<  spécimen.  —  Compositions  du  dépairtement 
des  Ardennes,    1878. 

GARÇONS. 

Orthograplie. 

Le  poirier  est  une  co7iquéte  del homme  sur  lana- 
tnre  sauvage.  —  Connaissez-vous  le  poirier  sauvage? 
I  C'estun  affreux  buisson,  armé  de  féroces  épines.  Ses 
poires,  toutes  petites,  âpres  et  dures,  semblent  pé- 
tries de  grains  de  gravier.  Le  détestable  fruit,  qui 
I  vous  serre  la  gorge  et  vous  agace  les  dents  !  Certes 
i  celui-là  eut  besoin  d'une   rare  inspiration  qui  le 
'  premier  eut  foi  dans  l'arbuste  revêche  et  entrevit, 
dans  un  avenir  éloigné,  la  poire  beurrée  que  nous 
mangeons  aujourd'hui.  Avec  le  temps  et  les  soins 
la  miraculeuse  métamorphose   s'est  faite.  Le  sau- 
vageon s'est  civilisé  ;  il  a  perdu  ses  épines  et  rem- 
placé ses  mauvais  petits  fruits   par   des    poires  à 
'  chair   fondante    et    parfumée.  C'est  ainsi   qu'avec 
quelques    misérables      arbustes,     avec    quelques 
herbes  d'aspect  peu  engageant,  l'homme  a  dû  créer 
I  ses   races   potagères  et    ses   arbres  fruitiers.    La 
terre,    en  efl'et,  pour  nous  engager  au  travail,  loi 
suprême  de   notre  nature,  est  une  rude  marâtre. 
Aux  petits  des  oiseaux  elle  donne  abondante   pâ- 
I  ture  ;  mais   à  nous,  elle  n'offre  de   son    plein   gré 
!  que  les  mûres   de  la  ronce  et  les  prunelles   du 


CERTIFICAT 


—  356 


CERTIFICAT 


Duisson.  Ne  nous  en  plaignons  pas,  car  la  lutte 
contre  le  besoin  fait  précisément  notre  grandeur. 
C'est  à  nous,  par  notre  intelligence,  à  nous  tirer 
d'aftaire  ;  c'est  à  nous  à  mettre  en  pratique  la  no- 
ble devise  :  «  Aide-toi,  le  ciel  t'aidera.  » 

Exercice  de  style. 

Vous  direz  ce  que  c'est  qu'un  canal  et  ce  à  quoi 
il  sort. 

Vous  exposerez  en  quoi  le  transport  par  bateaux 
est  supérieur  au  transport  par  cnemin  de  fer,  en 
quoi  il  lui  est  inférieur. 

Vous  ferez  connaître  tout  ce  que  vous  savez  à 
cet  égard  sur  le  canal  des  Ardennes. 

Arithmétique. 

1.  Une  citerne  contient  49  mètres  cubes  et  demi 
d'eau.  Sa  longueur  est  de  6  mètres,  sa  largeur  de 
4'°,25  et  sa  profondeur  de  S", 75.  On  demande  : 
1°  A  quelle  hauteur  s'élève  l'eau  ;  2"  combien  il 
faudrait  de  tonneaux  de  225  litres,  pour  vider  cette 
citerne  ? 

2.  Un  petit  garçon  a  exactement,  aujourd'hui, 
11  ans  8  mois  et  1*  jours.  Quelle  est  la  date  de  sa 
naissance? 

Histoire   et  géographie. 

1.  En  quelle  année  et  par  quel  prince  fut  fondée 
la  dynastie  capétienne?  Quels  sont  ceux  de  ses 
ancêtres  qui  s'étaient  déjà  illustrés  sous  la  dynas- 
tie carlovingienne? 

2.  Vers  quelle  époque  et  par  qui  fut  découverte 
l'imprimerie  ?  Sous  quel  règne  fut-elle  apportée  et 
propagée  en  France? 

3.  Quelles  sont  les  localités  des  Ardennes  qui 
portent  le  nom  de  Saint-Remy? 

1.  Quels  sont,  avec  leurs  chefs-lieux  de  préfec- 
ture, les  départements  français  qui  ont  été  formes 
par  l'ancienne  province  de  Champagne? 

2.  Où  la  Loire  prend-elle  sa  source?  Où  se  jette- 
t-elle  dans  la  mer?  Quelles  sont  les  villes  qu'elle 
arrose  ? 

3.  Citez  les  stations  du  chemin  de  fer  de  Charle- 
ville  à  Givet  ? 

Calcul  et  système  métrique. 

1.  Qu'est-ce  que  multiplier  8  par  0,01  ?  Effectuez 
cette  multiplication? 

2.  Que  faut-il  pour  qu'un  nombre  soit  divisible 
par  4? 

3.  Que  faites-vous  pour  rendre  un  nombre  entier 
10  fois  plus  petit?  Pourquoi  ? 

4.  Qu'est-ce  qu'un  carré?  Comment  trouve-t-on 
sa  surface  ? 

5.  Combien  faut-il  de  mètres  carrés  pour  faire 
3  hectares  ? 

FILLES  (1"  seine). 
Orthographe. 
Le  chemin  de  la  vie.  —  La  vie  humaine  estsembla- 
bleàun  chemin,  dont  l'issue  est  un  précipice  affreux: 
on  nous  en  avertit  dès  le  premier  pas  ;  mais  la  loi  est 
prononcée,  il  faut  marcher  toujours.  Je  voudrais  re- 
tourner sur  mes  pas  ;  marche,  marche  1  une  force  in- 
vincible nous  entraîne  ;  il  faut  sans  cesse  avancer.  Si 
je  pouvais  éviter  ce  précipice  affreux!  non,  non,  il 
faut  marcher,  il  faut  courir  :  telle  est  la  rapidité  des 
années.  On  se  console  pourtant,  parce  qu'on  ren- 
contre des  objets  qui  divertissent,  des  eaux  cou- 
rantes, des  fleurs  qui  passent.  On  voudrait  arrê- 
ter; marche,  marche  !  Toujours  entraîné,  tu  appro- 
ches du  gouffre.  Déjà  tout  commence  à  pâlir  ;  les 
jardins  moins  fleuris,  les  fleurs  moins  brillantes, 
leurs  couleurs  moins  vives,  les  prairies  moins 
riantes,  les  eaux  moins  claires,  tout  se  ternit  :  on 
commence  à  sentir  l'approche  du  gouffre  fatal  ;  il  1 
faut  aller  sur  le  bord;  encore  un  pas.  L'horreur 
trouble  les  sens,  la  tête  tourne,  les  yeux  s'égarent, 
il  faut  marcher.  On  voudrait  retourner  en  arrière,  I 


plus  de  moyen  ;  tout  est  tombé,  tout  est  évanoui, 
—  (Bossuet). 

Exercice  de  style. 

Vous  comparerez  la  condition  du  sourd  et  celle 
de  l'aveugle  et  vous  direz  quel  est  celui  des  deux. 
qui  vous  paraît  le  moins  à  plaindre. 

'  Arithmétique. 

1 .  Une  couturière  et  son  apprentie  confectionnent 
ensemble  4  douzaines  de  cliemises  à  raison  de 
2  francs  50  par  chemise.  Elles  font  3  chemises  en 
deux  jours.  Le  travail  de  l'apprentie  étant  évalué 
la  moitié  de  celui  de  sa  maîtresse,  on  demande  le 
gain  total  et  le  salaire  journalier  de  chacune. 

2.  On  a  acheté  89  hectolitres,  25  litres  de  vin  à 
raison  de  42  centimes  le  litre.  11  s'en  est  perdu  en 
route  207  litres,  GO.  On  demande  à  combien  revient 
l'hectolitre  de  ce  qui  reste. 

Histoire  et  géographie. 

1.  Où,  par  qui  et  à  quelle  date  furent  battus  le» 
Huns?  Qui  avait  protégé  Paris  contre  ces  barbares? 

2.  Quelle  fut  l'épouse  de  François  11?  Fut-elle 
longtemps  reine  de  France? 

3.  Quels  souvenirs  historiques  se  rattachent  à 
Attigny? 

1.  Que  signifient  ces  deux  expressions  :  en 
amont  ei  en  aval? 

2.  Quels  sont  les  départements  français  qui  tou- 
chent à  l'Océan  Atlantique  ? 

3.  Quels  sont  dans  les  Ardennes  les  affluents  de 
la  Meuse  ? 

Calcul  et  système  métrique. 

1.  Rendez  le  nombre  36  100  fois  plus  grand,  et 
expliquez  votre  manière  de  faire? 

2.  Le  produit  de  8  multiplié  par  0,01  sera-t-il 
plus  grand  ou  plus  petit  que  8? 

3.  Que  faut-il  pour  qu'un  nombre  soit  divisiole 
par  3? 

4.  Dans  une  fraction,  qu'indique  le  numérateur ^ 
Qu'indique  le  dénominateur? 

5.  Dans  un  nombre  dont  l'unité  est  le  meire 
cube,  que  représente  le  4^  chiffre  à  droite  de  la 
virgule  ? 

FILLES  (2^  sérié). 
Orthograp/ie. 

Les  lectures.  —  Il  faut  considérer  que  l'étude  est  la 
culture  et  la  nourriture  de  notre  esprit.  Ce  que  nous 
lisons  entre  dans  notre  mémoire  et  y  est  reçu  comme 
un  aliment  qui  nous  nourrit  et  comme  une  se- 
mence qui  produit  dans  les  occasions  des  pensées 
et  des  désirs.  Si  l'on  ne  prend  point  indifféremment 
toute  sorte  d'aliments,  et  si  l'on  évite  avec  soin 
tous  ceux  qui  peuvent  nous  nuire,  si  l'on  ne  sème 
pas  dans  ses  terres  toute  sorte  de  semences,  mais 
seulement  celles  qui  sent  utiles,  combien  doit-on 
apporter  encore  plus  de  discernement  à  ce  qui  sert 
de  nourriture  à  notre  esprit  et  qui  doit  être  la  se- 
mence de  nos  pensées  !  Car  ce  que  nous  lisons 
avec  indifférence  se  réveillera  dans  les  occasions 
et  nous  fournira,  sans  même  que  nous  nous  en 
apercevions,  des  pensées  qui  seront  une  source  de 
bien  ou  de  mal. 

Mais  comment  discerner  les  bons  des  mauvais 
livres?»  Quand  une  lecture  vous  élève  l'esprit  et 
(I  qu'elle  vous  inspire  des  sentiments  nobles  et 
«  courageux,  a  dit  La  Bruyère,  ne  cherchez  pas 
«  une  autre  règle  pour  juger  de  l'ouvrage,  il  est 
«  bon  et  fait  de  main  d'ouvrier.  » 

Exercice   de  style. 
Vous    prouverez,  par    plusieurs    exemples   que 
vous  imaginerez,  la  vérité  de  cette  maxime,  au'ii 
ne  faut  Jamais  remettre  au  lendemain  pour  faire 
ce  que  l'on  peut  faire  aujourd'iuii. 


CERTIFICAT 


337 


CERTIFICAT 


Arithmétique. 

i.  Deux  ménagères  ont  acheté  ensemble,  moj'en- 
nant  19  fr.  44,  un  panier  de  ;,6  douzaines  d'œufs. 
L'une  ayant  eu  80  œufs  de  plus  que  l'autre,  com- 
bien chacune  a-t-elle  dû  payer? 

2.  La  surface  d'une  cour  est  de  1  are  44  centia- 
res. A  quel  prix  reviendra  le  pavage  de  cette  cour 
avec  des  pavés  carrés  de  3  décimètres  de  côté, 
étant  admis  que  chaque  pavé  coûte  tout  posé  65 
centimes? 

5«  spécimen.  —  Compositions  de  Paris,  1877. 


Orthographe. 

î.  Descartes,  né  en  Touraine  en  1596,  s'an- 
nonça de  bonne  heure  comme  un  homme  supérieur. 
Après  avoir  achevé  ses  classes,  il  servit  comme 
volontaire  au  siège  de  la  Rochelle.  A  vingt  et  un 
ans  il  fut  envoyé  en  Hollande.  Un  jour,  dans  une 
des  rues  de  Bréda,  il  vit  une  affiche  qui  attirait 
tous  les  regards.  C'était  un  problème  de  géométrie 
qu'un  inconnu  donnait  à  résoudre.  L'affiche  était 
en  flamand  et  le  jeune  officier  ne  connaissait  pas 
cette  langue  :  il  en  demanda  l'explication  à  un 
promeneur.  Celui-ci,  grave  professeur  de  mathé- 
matiques, trouva  plaisant  de  mettre  une  con- 
dition à  la  traduction  du  problème  :  c'était  que 
le  jeune  homme  s'engageâtà  le  résoudre.  Descartes 
accepta  le  défi.  Le  lendemain  le  problème  était 
résolu,  au  grand  étonnement  du  mathématicien, 
qui  en  avait  vainement  cherché  la  solution. 

II.  Fils  d'un  riche  négociant,  Antoine-Laurent 
Lavoisier,  loin  d'imiter  ces  jeunes  opulents  qui 
gaspillent  leur  fortune  dans  l'oisiveté,  sut  profiter 
du  génie  dont  Dieu  l'avait  doué  et  des  excellentes 
études  qu'il  avait  faites  pour  se  vouer  à  la  science. 
C  est  ainsi  qu'il  devint  non-seulement  le  premier 
chimiste  de  son  siècle,  mais  le  fondateur  même  de 
la  chimie  moderne.  Il  s'efforça  de  faire  tourner  les 
progrès  de  la  science  au  profit  de  l'humanité.  En 
dehors  des  grands  travaux  qui  lui  valurent  l'admi- 
ration du  monde  savant,  il  sut  acquérir  des  titres 
à  la  reconnaissance  publique  par  des  œuvres  plus 
modestes  ou  plus  appréciables  de  la  masse  de  ses 
concitoyens.  On  doit  citer  au  nombre  des  travaux 
de  ce  genre  son  mémoire  sur  la  manière  d'éclairer 
les  rues  de  Paris. 

Arithmétique. 

I.  1°  Diviser  34,25  par  7,3  et  expliquer  l'opéra- 
tion. 

2°  On  veut  former  un  stère  de  bois  avec  des 
bûches  longues  de  O^.Sô  centimètres.  Quelle  sera 
la  hauteur  du  tas,  si  l'on  empile  les  bûches  entre 
deux  pieux  distants  de  0'°,92'  ? 

3°  On  achète  du  vin  en  bouteilles  à  raison  de 
V',;tO  la  bouteille.  Le  marchand  reprend  les  bou- 
teilles vides  à  raison  de  C^.O  la  pièce  ;  déduction 
faite  du  prix  des  bouteilles  vides,  la  dépense  ne 
s'élève  plus  qu'à  91  francs.  Combien  a-t-on  acheté 
de  bouteilles  de  vin  ? 

II.  1°    Réduire    au   même    dénominateur     les 

2     5     4 
fractions,   -,   —,  -,  et  expliquer  l'opération. 

2°  Deux  vergers  ont  la  même  surface.  L'un  est 
carré,  l'autre  est  de  forme  rectangulaire.  Ce  der- 
nier ayant  54  mètres  de  longueur  sur  30  mètres  de 
largeur,  on  demande  de  déterminer  le  côté  du  pre- 
mier. 

3°  On  emploie,  pour  faire  un  hectolitre  de  bière, 
500  grammes  de  houblon  à  2(^,70  le  kilogramme  et 
5  décalitres  d'or::re  pesant  63  kilogrammes  l'hecto- 
litre et  coûtant  21  francs  le  quintal  métrique. 
Combien  faut-il  d'hectolitres  d'orge  et  de  kilo- 
grammes de  houblon  pour  faire  24  hectolitres  de 
bière,  et  quel  sera,  sur  cette  quantité  de  bière,  le 
gain  brut  du  brasseur,  s'il  vend  le  décalitre  l'-'jSO? 


Rédactio}i. 

I.  Durant  l'année  scolaire,  un  élève  n'a  jamais 
été  absent  de  l'école  ni  en  retard  pour  l'entrée  en 
classe.  Dans  une  lettre  qu'il  écrit  pendant  les 
vacances  à  un  de  ses  camarades,  il  lui  explique  le.» 
efforts  qu'il  a  faits,  la  peine  qu'il  s'est  donnée,  le? 
sacrifices  qu'il  a  obtenus  de  ses  parents  pour 
arriver  à  ce  résultat  dont  il  est  justement  heureux 
et  fier. 

II.  Un  élève  écrit  à  un  de  ses  camarades 
qu'après  avoir  obtenu,  l'an  dernier,  son  certificat 
d'études,  il  est  resté  une  année  de  plus  à  l'école, 
afin  de  pouvoir  concourir  pour  le  livret  de  caisse 
d'épargne.  Il  lui  explique  les  raisons  qui  lui  font 
attacherun  grand  prix  à  cetterécompense,  les  sacri- 
fices qu'il  se  promet  de  s'imposer  sur  le  produit  de 
son  travail  pour  augmenter  la  valeur  de  ce  livret  et 
enfin  l'usage  qu'il  se  propose  de  faire  de  la  somme 
lorsqu'elle  lui  sera  délivrée  à  sa  majorité. 


Orthog7'aphe. 

I.  La  prière  d'une  mère.  —  Quand  tout  le  tracas 
du  jour  se  taisait,  que  nous  avions  dîné  et  que 
l'ombre  de  la  montagne  commençait  à  s'allonger 
sur  le  petit  jardin,  ma  mère  se  séparait  un  moment 
de  nous.  C'était  le  moment  où  elle  se  recueillait 
dans  le  sein  de  Dieu  où  elle  aimait  tant  à  se  plonger. 
Nous  nous  écartions  tout  naturellement  de  l'allée 
du  jardin  qu'elle  choisissait.  Elle  y  marchait  d'un 
pas  rapide,  mais  régulier,  comme  quelqu'un  qui 
pense  fortement  et  qu'une  idée  généreuse  soulève 
en  marchant.  Tout  jeunes  que  nous  étions,  nous 
comprenions  que  c'était  notre  bonheur  qu'elle  de- 
mandait ainsi  à  Dieu. 

II.  Le  petit  soulier.  —  Je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait 
rien  au  monde  de  plus  riant  que  les  idées  qui  s'é- 
veillent dans  le  cœur  d'une  mère  à  la  vue  du  petit 
soulier  de  son  enfant,  surtout  si  c'est  le  soulier 
des  jours  de  fête,  le  soulier  du  baptême.  Elle  le 
baise,  elle  lui  pai-Ie  ;  et,  l'enfant  fùt-il  absent,  il 
suffit  du  petit  soulier  pour  lui  remettre  sous  les 
yeux  la  douce  créature.  Elle  croit  le  voir  et  elle  le 
voit  tout  entier.  Si  c'est  l'hiver,  il  est  là,  il  rampe 
sur  le  tapis,  il  escalade  laborieusement  un  tabou- 
ret. Si  c'est  l'été,  il  se  traîne  dans  la  cour,  regarde 
naïvement  les  grands  chiens,  les  grands  clievaux, 
sans  peur,  joue  avec  les  fleurs  et  fait  gronder  le 
jardinier  qui  trouve  la  terre  dans  les  allées.  Tout 
rit,  tout  brille  autour  de  lui,  comme  lui.  Le  petit 
soulier  montre  tout  cela  à  la  mère  et  lui  fait  fondre 
le  cœur. 

Rédaction. 

I.  Chaque  jour,  en  se  rendant  à  l'école,  une 
élève  du  cours  supérieur  conduit  sa  sœur  à  la  salle 
d'asile.  Dans  le  trajet  elles  causent  ensemble.  La 
sœur  ainée  indique  à  la  petite  fille  quelles  sont 
les  qualités  par  lesquelles  une  enfant  de  son  âge 
doit  donner  satisfaction  à  ses  parents,  quels  sont 
les  défauts  qui  peuvent  leur  causer  des  inquiétudes; 
enfin  quelles  résolutions  la  petite  fille  doit  prendre 
pour  bien  employer  la  journée  qui  commence. 

On  racontera  un  de  ces  entretiens. 

II.  Une  jeune  fille  est  ;\  la  veille  de  quitter 
l'école.  Une  personne  qui  s'intéresse  à  elle  lui  a 
demandé  une  note  sur  son  compte. 

La  jeune  fille  fera  connaître  dans  cette  note  son 
nom,  ses  prénoms,  son  âge,  son  lieu  de  naissance, 
la  profession  de  ses  parents.  Elle  indiquera  ensuite 
où  elle  a  commencé  ses  études,  depuis  quelle 
époque  elle  fréquente  l'école  dont  elle  va  sortir, 
combien  de  temps  elle  a  suivi  chaque  cours,  et  si 
elle  a  cessé  pendant  un  temps  de  venir  en  classe, 
quelle  a  été  la  cause  de  cette  interruption.  Elle 
dira  ensuite  vers  quelles  matières  de  l'enseigne- 
ment ses  goûts  la  portaient  de  préférence.  Elle  in- 
diquera enfin  la  profession  qu'elle  a  le  désir  d'em 


CETACES 


—  358  — 


CÉTACÉS 


brasser  et  les  raisons  qui  l'ont  déterminée  à  faire 
le  choix  de  cette  profession. 

Arititmélique. 

3  7 

I.  1°  Diviser  -  par  -  et  expliquer  l'opération.  ' 

2°  Quel  intérêt  produira  une  somme  de  27.854 
francs  placée  pendant  9  mois  et  7  jours  au  taux  de 
3'%2ô  p.  100  par  an? 

3»  On  achète  pour  une  robe  9  mètres  1/2  d'une 

pièce  de  soie  qui  a  -  de   mètre  de  largeur.  Com- 

a 
bien  faudra-t-il  de  mètres  de  percaline  ayant  O^Jô 
de  large  pour  doubler  cette  robe? 

II.  1°  Diviser  1,053  par  2,7  et  expliquer  l'opé- 
ration. 

2°  Une  personne  possède  14,500  francs?  A  quel 
taux  doit-elle  placer  son  argent  pour  se  créer  un 
revenu  mensuel  de  54'%30? 

3°  Deux  bateaux  partent  en  même  temps,  l'un 
montant,  l'autre  descendant  la  Seine.  La  vitesse  du 

2 
bateau  qui  remonte  le  courant  est  les  -  de   la   w- 

tesse  du  bateau  qui  descend.  L'intervalle  qui  sépare 
les  points  de  départ  est  de  2',!.  Quelles  sont  les 
distances  des  points  de  départ  au  point  où  les  deux 
bateaux  se  rencontreront  ? 

CÉTACÉS.  —  Zoologie,  XII.  —  (E/ym.-.du  grec 
hêtos  et  du  latin  cetus,  baleine).  — Les  cétacés  ont 
été  souvent  confondus  avec  les  poissons  dont  ils 
ont,  jusqu'à  un  certain  point,  l'aspect  extérieur  ; 
leur  tète,  en  effet,  n'est  pas  séparée  du  corps  par 
un  rétrécissement  correspondant  au  cou  des  mam- 
mifères terrestres  ;  leurs  oreilles  sont  dépourvues 
de  pavillons  ;  leur  gueule  énorme  est  souvent  pour- 
vue, au  moins  dans  le  jeune  âge,  de  dents  très- 
nombreuses,  coniques  et  semblables  entre  elles  ; 
leur  corps,  cj'lindrique  au  milieu  et  brusquement 
atténué  en  arrière,  se  termine  par  une  nageoire  et 
porte  sur  les  côtés,  et  parfois  même  en  dessus, 
d'autres  organes  de  natation. 

Là  s'arrêtent  les  analogies,  car  les  éléments 
des  membres  thoraciques  sont  encore  parfaitement 
reconnaissables  dans  les  nageoires  antérieures, 
tandis  que  les  membres  postérieurs  sont  au  con- 
traire atrophiés  ;  la  nageoire  dorsale,  quand  elle 
existe,  n'est  pas  soutenue  par  des  os  particuliers, 
elle  n'est  qu'un  simple  repli  de  la  peau,  et  la  na- 
geoire postérieure  n'est  pas  située  dans  un  plan 
vertical  comme  celle  des  poissons,  elle  est  placée 
horizontalement  et  frappe  l'eau  de  haut  en  bas. 

A  ces  différences  s'en  joignent  d'autres  encore 
plus  importantes  :  ainsi  les  cétacés  ont  le  sang 
chaud,  et  respirent  l'air  en  nature  ;  ils  n'ont  pas, 
comme  les  poissons,  des  organes  spéciaux  nom:nés 
bratichies,  charges  d'extraire  de  l'eau  le  f;az  les- 
pirable  ;  ils  possèdent  de  véritables  por.moiis  et 
sont  obligés  de  venir  chercher  à  la  surface  de  l'O- 
céan l'oxygène  nécessaire  à  leur  existence.  Grâce 
à  une  disposition  particulière  du  larynx  qui  peut 
se  mettre  en  contact  avec  les  fosses  nasales,  le  gaz, 
lorsqu'il  pénètre  dans  les  voies  respiratoires,  ne 
se  mélange  pas  à  l'eau  ni  aux  aliments  ;  mais  lors- 
qu'il est  rejeté  au  dehors,  il  chasse  devant  lui  une 
colonne  de  liquide  qui  s'échappe  par  les  narines 
(ou  éveiits)  percées  à  la  face  supérieure  de  la  tête. 
Suivant  que  les  évents  constituent  une  ouverture  uni- 
que ou  deux  ouvertures  distinctes,  il  en  résulte  un 
jet  simple  ou  double  qui  s'élève  à  une  assez  grande 
hauteur  pour  retomber  en  une  pluie  fine  et  qui  décèle 
la    présence  du  cétacé  nageant  entre  deux  eaux. 

D'un  autre  coté,  chez  un  grand  nombre  de  ces  ani- 
maux quand  ils  sont  parvenus  à  l'état  adulte,  et  en- 
tre autres  chez  les  baleines,  les  dents  font  com- 
plètement défaut,  et  la  mâchoire  supérieure  est 
garnie  seulement  de  grandes  lames  transversales 
élastiques  appelées  fanons^  lames  qui  sont  dispo- 


sées à  peu  près  comme  les  dents  d'un  peigne  et 
qui  retiennent  comme  un  filet  les  petits  êtres  dont 
les  baleines  font  leur  nourriture.  Enfin,  différence 
essentielle,  les  cétacés  ne  se  reproduisent  pas  au 
moyen  d'oeufs,  ils  ont  des  petits  vivants  qu'ils  allai- 
tent absolument  comme  les  autres  mammifères. 

Les  Cétacés  se  font  remarquer  en  général 
par  leurs  dimensions  exceptionnelles  :  confor- 
més spécialement  pour  la  vie  aquatique,  ils  se 
meuvent  dans  l'eau  avec  une  grande  aisance  et 
font  la  chasse  aux  poissons,  aux  mollusques  et  aux 
crustacés  dont  ils  engloutissent  des  quantités  con- 
sidérables. Sur  terre  ils  sont  absolument  incapables 
de  se  mouvoir,  et  ne  peuvent  se  remettre  à  flot 
lorsque  la  tempête  vient  les  jeter  à  la  côte.  Leur 
peau  n'offre  presque  jamais  de  véritables  poils,  au 
moins  dans  l'âge  adulte,  mais  est  ordinairement  dé- 
nudée dans  toute  son  étendue  et  recouvre  une  cou- 
che de  graisse  qui,  chez  les  baleines  véritables, 
atteint  plus  d'un  pied  d'épaisseur.  C'est  pour  se 
procurer  cette  graisse,  ainsi  que  la  substance  élas- 
tique des  fanons,  l'ivoire,  et  les  os  dont  on  fait  du 
noir  animal,  que  chaque  année  des  navires  partent 
des  côtes  de  l'Europe  et  de  l'Amérique,  et  s'en 
vont,  dans  les  mers  lointaines,  à  la  recherche  des 
baleines,  qui  malheureusement  deviennent  plus 
rares  de  jour  en  jour  et  ne  tarderont  pas  à  être 
complètement  anéanties. 

L'ordre  des  Cétacés  comprend  quatre  familles  : 
1°  les  Cachalots  •  2°  les  Dauphins  et  les  Mar- 
souins; 3»  les  Baleines. 

Cachalots.  —  Les  cachalots,  qui  comptent  parmi 
les  plus  gros  Cétacés,  ont  la  tête  extraordinaire- 
ment  renflée,  non  par  suite  de  l'extension  de  la 
cavité  buccalej  mais  par  l'accroissement  d'une  par- 
tie des  os  de  la  mâchoire  supérieure  et  de  la  ré- 
gion voisine  de  la  boîte  crânienne.  Ces  os,  en  se 
redressant,  comprennent  entre  eux  une  vaste  ca- 
vité, ouverte  en  avant,  qui  est  entièrement  comblée 
par  la  matière  blanche  et  cristallisable  connue 
vulgairement  sous  le  nom  de  blajic  de  baleine  ou 
spermaceii.  Chez  l'animal  adulte,  la  mâchoire  infé- 
rieure, rétrécie  en  avant,  est  seule  garnie  de  dents, 
qui  sont  toutes  de  forme  conique,  semblables  en- 
tre elles,  et  au  nombre  de  20  à  25  paires. 

La  seule  espèce  de  ce  groupe  qui  soit  bien  con 
nue,  c'est  le  cachalot  vulgaire,  dont  quelques  indi- 
vidus sont  venus  accidentellement  échouer  sur  les 
côtes  de  la  Grande-Bretagne,  de  la  Hollande  ou  de 
la  France.  Cette  espèce,  qui  peut  atteindre  28  mè- 
tres de  long  sur  17  mètres  de  circonférence,  est 
d'aspect  massif  et  difforme  :  la  tête,  en  effet,  brus- 
quement tronquée  en  avant,  constitue  environ  le 
tiers  de  la  longueur  du  corps,  qui  s'amincit  en  ar- 
rière et  se  termine  par  une  large  nageoire.  De 
chaque  côté  en  avant  s'étalent  les  nageoires  pecto- 
rales, et  en  dessus  quelques  replis  de  la  peau  des- 
sinent une  nageoire  dorsale.  La  bouche,  quoique 
largement  fendue,  est  néanmoins  peu  apparente, 
parce  qu'elle  s'ouvre  sur  la  face  inférieure  de  la 
tête  et  est  en  partie  masquée  par  l'énorme  saillie 
de  la  mâchoire  supérieure  ;  les  yeux,  proportion- 
nellement très-petits  et  de  couleurjaunâtre,  sont 
placés  fort  en  arrière  du  museau  ;  les  dents  supé- 
rieures sont  rudimentaires  ou  manquent  complè- 
tement ;  les  inférieures,  au  contraire,  sont  en  très 
grand  nombre  et  de  forme  conique  ;  elles  servent  à 
retenir  la  proie  dans  l'intérieur  de  la  cavité  buc- 
cale.Une  couche  épaisse  de  lard  s'étend  au-dessous 
de  la  peau  et  rend  le  toucher  extrêmement  obtus. 

L'ambre  gris,  que  l'on  trouve  flottant  à  la  sur- 
face de  la  mer  ou  rejeté  sur  les  côtes  des  Molu- 
ques,  du  Japon  et  de  Madagascar,  paraît  être  le 
produit  d'une  sécrétion  particulière   du   cachalot. 

Dauphins.  —  Les  dauphins  ont  la  tête  moins 
grosse  que  les  cachalots  et  que  les  baleines,  et 
souvent  amincie  en  avant,  en  forme  de  bec  ;  les 
mâchoires  armées  de  dents  nombreuses,  fines  et 


CÉTACÉS 


—  359  ™ 


CHALDEE 


aiguës,  et  les  évents  confondus  en  une  seule  ou- 
verture ;  ce  sont  des  animaux  de  taille  moj'enne 
qui  vivent  en  troupes  plus  ou  moins  nombreuses 
dans  le  voisinage  des  côtes  ou  même  dans  les  eaux 
douces  des  grands  fleuves  et  se  nourrissent  de 
poissons  et  de  crustacés.  Leur  corps,  presque  com- 
plètement dépourvu  de  poils  comme  celui  des  ca- 
ciialots,  se  termine  par  une  nageoire  caudale  apla- 
tie, souvent  bifurquée,  et  présente  en  outre  une 
nageoire  dorsale  et  des  nageoires  antérieures.  Dans 
cette  famille  se  place,  avec  diverses  espèces 
exotiques,  le  Dauphin  de  nos  mers,  vulgairement 
connu  sous  le  nom  de  Bec  d'oie  et  d'Oie  de  mer, 
et  une  foule  d'espèces  qui  se  rattachent  à  ces  for- 
mes principales. 

Le  dauphin  était  considéré  par  les  anciens 
comme  un  être  d'une  intelligence  exceptionnelle, 
aimant  la  musique,  plein  de  charité  pour  ses 
semblables,  et  susceptible  de  s'attacher  à  l'homme. 
On  racontait  l'histoire  d'animaux  de  cette  espèce 
qui  avaient  sauvé  des  hommes  sur  leur  dos,  ou 
qui  étaient  morts  de  chagrin  en  ne  revoyant  plus 
les  personnes  qu'ils  aimaient.  Aussi  un  grand  nombre 
de  villes  avaient-elles  pris  le  dauphm  comme 
emblème  et  reproduit  son  image  sur  leurs  mon- 
naies et  leurs  armoiries.  Mais,  d'après  les  obser- 
vations des  naturalistes  modernes,  il  paraît  que 
les  qualités  de  ce  cétacé  ont  été  singulièrement 
exagérées,  et  qu'il  n'est  pas  mieux  doué  que  les 
autres  animaux  du  même  groupe.  S'il  s'approche 
de  l'homme,  c'est  uniquement  dans  l'espoir  de 
vivre  à  ses  dépens,  en  saisissant  les  poissons  dans 
les  filets,  ou  en  se  repaissant  des  reliefs  rejetés 
des  navires. 

Les  dauphins,  quoique  moins  utiles  que  les  ca- 
chalots et  les  baleines,  sont  néanmoins  recherchés 
à  cause  de  leur  chair  et  surtout  de  leur  graisse, 
qui  est  employée  dans  l'industrie. 

Tout  à  côté  d'eux  se  rangent  les  narvals,  si  re- 
marquables par  le  développement  inusité  d'une  de 
leurs  incisives  qui  sort  de  la  bouche  et  se  prolonge 
en  une  défense  cannelée  aussi  longue  que  la  moitié 
du  corps  ;  et  les  phocenes  ou  marsouins,  à  la  tête 
renflée,  au  museau  obtus,  aux  dents  dilatées  en 
palette.  Ces  derniers  hantent  les  côtes  occidentales 
de  l'Europe  et  remontent  parfois  les  grands  fleuves. 
On  en  a  pris  dans  la  Seine  à  Paris  même. 

Baleines.  —  Cette  famille  comprend  deux  grou- 
pes :  les  baleines  proprement  dites  et  les  baleines 
à  ventre  plissé  ou  rorquals.  Les  baleines  véritables 
ont  la  tête  grosse,  élevée  en  voûte  par  suite  du 
développement  considérable  des  fanons,  le  corps 
énorme,  privé  de  nageoire  sur  la  ligne  dorsale  et 
complètement  lisse  sur  la  face  ventrale.  C'est  à 
cette  catégorie  qu'appartiennent  la  baleine  franche 
du  nord  de  l'Océan  Atlantique  et  de  la  Mer  Gla- 
ciale, la  baleine  antarctique  des  parages  de  la 
Nouvelle-Zélande,  la  baleine  du  Japon,  etc.  La 
baleine  franche,  à  l'état  adulte,  mesure  environ  20 
mètres  de  long  et  pèse  "tOOOO  kilogrammes.  Son 
corps,  dont  la  circonférence,  immédiatement  en 
arrière  des  nageoires  nectorales,  peut  être  évaluée 
à  10  à  12  mètres,  se  rétrécit  brusquement  en  ar- 
rière, au  point  d'avoir  seulement  l  mètre  à  l"n.50 
de  diamètre  vers  la  naissance  de  la  nageoire  cau- 
dale. Sa  tête,  à  peine  séparée  du  tronc  par  une  lé- 
gère dépression,  est  aussi  grosse  que  le  corps  et 
forme  à  peu  près  le  tiers  de  la  longueur  totale  ; 
elle  est  aussi  large  que  longue  et  offre  en  avant 
une  gueule  énorme,  dont  l'ouverture  a  2  à  3  mètres 
de  large  et  dont  la  hauteur  interne  est  de  4  mè- 
tres. La  paroi  antérieure  de  cette  caverne  est  gar- 
nie de  700  lames  élastiques  ou  fanons,  servant, 
comme  nous  l'avons  dit,  à  retenir  les  petits  animaux 
dont  les  baleines  font  leur  nourriture  exclusive. 

La  baleme  australe,  qui  vit  précisément  aux  an- 
tipodes de  l'autre  espèce,  diffère  de  la  première 
par  les  proportions  de  sa  tête,  la  largeur   plus 


grande  de  ses  fanons,  le  nombre  plus  considérable 
de  ses  côtes,  etc.  Enfin,  la  baleine  des  Basques, 
dont  un  individu  est  venu  s'échouer  en  185i  dans 
le  port  de  Saint-Sébastien,  et  qui  était  jadis  fort 
commune  dans  le  golfe  de  Gascogne,  appartient  pro- 
bablement aussi  à  la  même  subdivision. 

Les  rorquals,  qui  sont  caractérisés  par  la  pré- 
sence d'une  nageoire  sur  la  ligne  dorsale,  la  briè- 
veté des  fanons,  la  largeur  de  la  tête,  et  l'aspect  de 
la  région  ventrale  sur  laquelle  se  dessinent  des 
plis  longitudinaux,  se  répartissent  en  un  assez  grand 
nombre  d'espèces  dont  les  unes  habitent  la  Médi- 
terranée et  l'Océan  Atlantique,  les  autres  l'Océan 
Pacifique.  Le  rorqual  à  bec,qui  se  trouve  déjà  men- 
tionné dans  les  écrits  d'Aristote,  se  montre  de 
temps  en  temps  sur  les  côtes  de  la  Provence  et  des 
Pyrénées-Orientales;  il  atteint  une  longueur  de  5 
à  8  mètres.  Une  espèce  encore  plus  grande  visite 
les  côtes  de  la  Hollande. 

Les  baleines  et  les  rorquals  sont  fort  recherchés, 
comme  nous  l'avons  dit,  à  cause  de  leur  graisse, 
qui,  étant  fondue,  fournit  une  huile  précieuse  pour 
les  arts  industriels,  et  à  cause  de  leurs  fanons  qui 
sont  employés  pour  la  fabrication  des  baguettes  de 
fusil,  des  buses  de  corsets,  etc.  Jadis  les  Basques 
et  les  Hollandais  se  sont  livrés  avec  ardeur  à  la 
chasse  de  ces  animaux  et  en  ont  retiré  des  béné- 
fices considérables.  Aussi  l'on  ne  doit  pas  s'étonner 
que  les  grands  cétacés  se  soient  peu  à  peu  éloi- 
gnés de  nos  côtes  pour  se  retirer  dans  les  régions 
polaires  ou  dans  quelques  parages  encore  pea 
fréquentés  de  l'Océan. 

Les  expéditions  pour  la  pêche  de  la  baleine  se 
mettent  en  route  d'ordinaire  dès  le  mois  d'avril, 
et  opèrent  pendant  les  mois  de  mai,  juin  et  juillet. 
Un  temps  brumeux  est  très  favorable,  parce  qu'il 
permet  aux  pêcheurs  de  se  dérober  à  la  vue  des 
baleines,  qui  sont  d'une  méfiance  extrême  et  pren- 
nent la  fuite  à  la  moindre  apparence  de  danger. 
Aussitôt  que  les  guetteurs  ont  signalé  la  présence 
d'un  cétacé,  les  embarcations  sont  mises  à  la  mer 
et  s'approchent  de  l'animal  avec  de  grandes  pré- 
cautions. Chacune  d'elles  emporte^  outre  les  ra- 
meurs et  le  timonier,  un  harponneur,  au  coup 
d'oeil  infaillible,  au  bras  vigoureux.  Parvenu  à  une 
distance  convenable,  cet  homme  lance  d'une  main 
sûre  le  harpon  qui  s'enfonce  dans  la  chair  et  va 
souvent  atteindre  le  cœur  ou  les  poumons.  Vaine- 
ment la  baleine  essaie  en  plongeant  d'échapper  à 
ses  ennemis  ;  elle  emporte  avec  elle  le  fer  qui 
reste  enfoncé  dans  la  plaie  et  qui,  d'autre  part, 
est  rattaché  à  une  longue  corde  déroulée  progres- 
sivement. Au  moment  où  le  monstre  marin  revient 
à  la  surface  pour  respirer,  à  une  centaine  de  bras- 
ses de  l'endroit  où  il  avait  disparu,  un  second 
coup  de  harpon  met  un  terme  à  ses  souffrances. 
Quelquefois  cependant  la  baleine,  rendue  furieuse 
par  sa  blessure,  se  précipite  sur  l'embarcation  et 
la  renverse,  si  les  marins  ne  se  hâtent  d'achever 
l'animal  à  coups  de  lance  ou  de  massue.  Une  fois 
la  baleine  morte,  on  lui  introduit  dans  la  gueule 
un  crochet  attaché  à  un  câble  ou  à  une  forte 
chaîne,  et  on  la  remorque  auprès  du  navire  ou  sur 
la  côte;  puis  on  la  dépèce,  on  en  extrait  l'huile  et 
on  en  retire  les  fanons.  La  chair  est  rejetce  parles 
Européens  à  cause  de  son  goût  désagréable,  mais 
elle  est  loin  d'être  méprisée  par  les  peuples  du 
Nord,  tels  que  les  Groënlandais  et  les  Aléoutes. 

fE.  Oustalet.l 

CHALDÉE.  —  Histoire  générale,  H.  —  Ce  nom 
désignait,  à  proprement  parler,  le  pays  des  Chal- 
déens  Kosdi.  Knsdim,  c'est-à-dire  le  canton  situé 
aux  bouches  de  l'Euphrate  dans  le  golfe  Persique.  Il 
a  été  ensuite  appliqué  par  extension  à  tout  le  ter- 
ritoire dépendant  directement  de  Babylone  vers 
le  septième  siècle  avant  notre  ère,  et  il  s'échange 
constamment  dans  l'usage  courant  de  l'histoire 
avec  le  nom  de  Babylonie. 


CHALDEE 


—  360  — 


CHALDEE 


■  La  Chaldée, ainsi  définie,  était  bordée  au  Nord 
par  l'Assyrie,  à  l'Est  par  l'Elam,  à  l'Ouest  par  le 
désert  d'Arabie,  au  Sud  par  le  Golfe  Persique.  C'est 
une  longue  plaine  d'alluvions  formée  par  les  dépôts 
incessants  du  Tigre  et  de  l'Euphrate.  Aux  temps 
les  plus  anciens  dont  nous  ayons  souvenir,  la  mer 
pénétrait  jusqu'à  l'endroit  où  se  trouve  aujour- 
d'hui Abou-Sliahrein  ;  au  septième  siècle  avant 
notre  ère,  elle  s'arrêtait  à  Térédon.  Térédon  est 
maintenant  à  plusieurs  lieues  dans  l'intérieur  des 
terres. 

Le  sol,  coupé  d'innombrables  canaux  dérivés  du 
Tigre  et  de  l'Euphrate,  était  d'une  fertilité  compa- 
rable à  celle  de  l'Egypte  :  seulement  vers  l'Ouest 
à  la  frontière  du  désert,  et  vers  le  Sud,  à  l'embou- 
chure des  fleuves,  il  était  couvert  de  marais  impro- 
ductifs. Des  villes  nombreuses  (dont  nous  ne 
croyons  pas  nécessaire  d'énumérer  ici  les  noms)  y 
prospéraient  cote  à  côte.  Elles  étaient  pressées  à 
ce  point  qu'aujourd'hui  encore,  en  montant  au 
sommet  d'un  des  tertres  que  forment  leurs  débris, 
on  aperçoit  à  l'horizon  de  longues  lignes  d'autres 
tertres  représentant  chacun  une  antique  cité  chal- 
déenne. 

Deux  races  au  moins  habitaient  la  Chaldée.  L'une, 
la  plus  ancienne,  parait  se  rattacher  par  la  langue 
aux  populations  qui  vivent  aujourd'hui  entre  l'Ou- 
ral et  l'Altaï.  L'autre  parlait  un  dialecte  sémitique 
et  semble  se  rattacher  aux  nations  sémito-koushites 
qui  ont  dominé  sur  la  Syrie,  l'Arabie  et  sur  une 
partie  de  l'Asie  Mineure.  Les  Chaldéens  donnaient 
à  ces  deux  races  les  noms  de  Soumir  et  d'Accad  ; 
mais  on  ne  sait  pas  encore  d'une  manière  certaine 
qui  étaient  les  Soumirs,  qui  les  Accads.  C'est  la 
race  non-sémitique  qui  fonda  vraiment  la  gran- 
deur de  la  Chaldée.  Elle  inventa  le  système  d'écri- 
ture qui  fut  depuis  en  usage  à  Babylone  et  à  Ni- 
nive,  trouva  les  principes  des  sciences  physiques, 
naturelles  et  mathématiques,  créa  la  poésie  et  la 
rhétorique  chaldéennes.  La  race  sémite,  qui,  après 
lui  avoir  été  soumise  pendant  des  siècles,  lui  en- 
leva la  suprématie  entre  le  trentième  et  le  vingtième 
siècle  avant  notre  ère,  ne  fit  que  développer  et 
codifier  à  son  usage  la  civilisation  de  ses  premiers 
maîtres. 

La  présence  de  ces  deux  races  sur  le  même  soi 
donne  à  tout  ce  que  nous  savons  de  la  Chaldée  un 
aspect  particulier.  La  Chaldée  est  double  pour  ainsi 
dire  :  elle  a  deux  langues,  deux  écritures,  deux 
religions,  deux  populations  superposées,  puis  mê- 
lées l'une  à  l'autre. 

La  religion  de  la  Chaldée,  qui  devint  plus  tard, 
avec  certaines  modifications,  la  religion  de  l'As- 
syrie, adorait  un  grand  nombre  de  dieux  qui  se 
laissent  ramener  à  un  dieu  suprême  et  unique, 
principe  de  toutes  choses.  On  l'appelait  dans  le 
dialecte  non-sémitique  Ajiou  ou  Ùmgirn,  dans  le 
dialecte  sémitique  Ilou.  C'est  à  lui  qu'on  doit  la 
création  du  monde.  »  En  ce  temps-là,  il  y  avait  en 
n  haut  quelque  chose  d'innommé,  le  ciel  ;  et  en 
a  bas  quelque  chose  d'innommé,  la  terre.  L'Océan  j 
«  les  avait  engendrés  et  le  chaos  de  la  mer  les  avait 
«  enfantés  dans  leur  totalité.  Les  eaux  réunies  et 
a  confondues  s'élevaient  en  haut;  aucun  roseau 
«  n'y  avait  encore  poussé,  aucune  fleur  produit  sa  ' 
«  graine.  En  ce  temps-là,  aucun  des  dieux  n'en  était 
«  encore  sorti  ;  ils  n'avaient  pas  de  noms  divers, 
a  et  le  Destin  n'existait  pas.  »  Les  dieux  se  pro- 
duisirent par  trinités.  La  plus  haute  se  composait 
d'Anou,  (i  le  premicr-né,  l'antique,  l'ancien  des 
dieux  »,  de  son  fils  Éa,  et  de  Bel,  qui,  tantôt  est  le 
fils,  tantôt  le  frère  d'Anou.  Venaient  ensuite  Sin 
le  dieu-lune,  Bin  ou  Ramman,  fils  d'Anou,  dieu  de 
l'atmosphère  et  du  tonnerre,  et  enfin  Samas,  le 
Soleil,  fils  de  Sln  et  arbitre  du  ciel.  A  chacun  do 
ces  dieux  répondait  une  déesse,  qui  est  le  dédou- 
blement féminin,  le  «  reflet  »  du  dieu,  Anat  ou 
Nana  pour  Anou,  Bôlit  pour  Bel,  Davkina  pour  Éa, 


et  ainsi  de  suite.  Au-dessous  de  ces  hauts  person- 
nages, on  range  les  gardiens  des  cinq  planèt»  s, 
Adar  (Saturne),  Mardouk  (Jupiter),  Nirgal  (Mars), 
Ishtar  (Vénus)  et  Nébo  (Mercure).  C'était  l'ordre 
supérieur  de  la  hiérarchie  divine,  les  chefs  et 
les  créateurs  de  légions  de  dieux  moindres,  quel- 
ques-uns purement  locaux  adorés  comme  Sarrakh 
à  Kis,  ou  Lagamar  à  Sourripak,  mais  nulle  part  ail- 
leurs; d'autres  analogues  aux  esprits,  aux  anges 
ou  aux  démons  de  nos  religions,  les  Igigi,  les 
Announaki,  les  Telal,  les  Lammas,  etc.  Ces  der- 
niers pouvaient  entrer  en  rapport  direct  avec 
l'homme,  par  l'effet  de  certaines  formules  ou  de 
certaines  opérations,  dont  la  connaissance  était 
réservée  aux  devins  et  aux  magiciens. 

Le  récit  de  !a  création,  tel  que  nous  l'ont  con- 
servé en  partie  les  documents  en  écriture  cunéi- 
forme, présente  beaucoup  de  ressemblance  avec 
le  récit  de  la  Genèse  hébraïque.  Les  scribes  de  la 
Chaldée  ancienne  avaient  réuni  en  poèmes  les  lé- 
gendes qui  couraient  de  leur  temps  sur  les  débuts 
de  l'humanité.  D'après  ces  légendes,  dix  rois 
mythiques  avaient  régné  sur  Babylone  pendant 
432  000  ans.  Plusieurs  fois,  les  dieux  se  manifestè- 
rent aux  hommes  sous  des  formes  diverses  (entre 
autres  celle  du  poisson  Oannès)  ;  chacune  de  leurs 
révélations  marquait  un  progrès  de  la  civilisation 
j  et  aussi  de  la  méchanceté  humaine.  Sous  le  der- 
nier des  dix  rois,  Khasis-Adra,  le  Xisouthros  des 
Grecs,  la  perversité  générale  était  devenue  si  forte, 
que  les  dieux  irrites  résolurent  de  détruire  la  terre 
par  un  déluge.  Khasis-'  ira  reçut  l'ordre  de  cons- 
truire une  arche  dans  laquelle  il  enfermerait  sa 
famille,  ses  amis  et  une  paire  de  tous  les  animaux. 
Il  obéit,  et  «  un  ouragan  se  leva  à  l'aube  au  ma- 
tin, et  à  l'horizon  des  cieux  la  pluie  et  l'obscurité.... 
Le  déluge  puissant  monta  jusqu'au  ciel.  Le  frère 
ne  vit  plus  le  frère,  et  personne  ne  fut  épargne. 
Même,  dans  le  ciel,  les  dieux  craignirent  l'inonda- 
tion.... Six  jours  et  six  nuits  passèrent  :  vent,  dé- 
luge, ouragan  firent  rage.  Le  septième  jour,  la 
pluie  du  ciel  se  calma,  et  tout  le  déluge,  qui  avait 
détruit  la  terre  comme  un  tremblement  de  terre.  « 
L'arche  s'arrêta  au  pays  de  Mzir,  et  Khasis-Adra, 
après  avoir  lâché  successivement  une  colombe  et 
une  hirondelle  qui  ne  surent  où  se  poser  et  revin- 
rent, lâcha  un  corbeau  qui  ne  revint  pas.  Il  sor- 
tit de  l'arche  et  repeupla  la  terre  de  ses  descen- 
dants. 

Les  temps  qui  vinrent  après  le  déluge  appartien- 
nent encore  à  l'histoire  mythique.  La  Chaldée  était 
divisée  en  petites  principautés  rivales  qu'un  héros 
nommé  Izdhoubar,  peut-être  le  Nemrod  de  la  Bible, 
réunit  en  un  seul  empire.  Il  délivra  Ourouk  des 
ennemis  qui  l'attaquaient,  tua  les  monstres  qui 
ravageaient  le  territoire  et  refusa  d'épouser  la 
déesse  Ishtar  amoureuse  de  lui.  Frappé  de  lèpre 
par  la  déesse,  il  partit  pour  le  pays  divin  où  Kha- 
sis-Adra vit  depuis  le  déluge,  et  obtint  de  lui  sa  gué- 
rison.  D'autres  rois  suivirent,  dont  les  noms  nous 
sont  arrivés  entourés  de  légendes  merveilleuses. 
L'histoire  réelle  ne  commence  pour  nous  qu'a- 
vec les  monuments  d'un  ancien  roi  d'Our,  dont 
le  nom  paraît  être  Likbagas  (entre  le  quarantième 
et  le  trentième  siècle  avant  notre  ère).  Ce  fut  un 
grand  constructeur  de  temples  et  nous  connaissons 
aujourd'hui  les  ruines  de  plusieurs  monuments  qu'il 
avait  bâtis  dans  Our  même  et  à  Larsa.  Il  établit  la  su- 
prématie de  sa  ville  sur  les  autres  villes  de  la  Chal- 
dée méridionale,  et  son  fils  Doungi  la  maintint. 
Longtemps  après  lui,  les  rois  de  Karrak  renversè- 
rent un  de  ses  successeurs  et  devinrent  maîtres  de 
la  Chaldée  méridionale  ;  puis  ce  fut  le  tour  des  rois 
de  Larsa.  Pendant  ce  temps,  les  rois  de  la  Chaldée 
septentrionale  devenaient  de  plus  en  plus  puis- 
sants. Le  plus  connu  d'entre  eux,  Saryoukin  I"  (vers 
le  vingt-quatrième  siècle  avant  notre  ère),  étendit 
ses  conquêtes  sur  la  Syrie  et  peut-être  jusqu'aux 


CHALDEE 


—  361  — 


CHALEUR 


frontières  de  l'Egypte.  Son  fils  Naramsin  ne  lui 
céda  point  en  fortune  ni  en  courage;  mais  leurs 
successeurs  furent  détrônés,  de  même  que  les  rois 
de  la  Chaldée  méridionale,  par  l'Elamite  Hammou- 
rabi,  qui  fixa  sa  résidence  à  Babylone,  et  assura  la 
suprématie  de  cette  ville  sur  tout  le  reste  du  pays. 

Dès  lors,  l'histoire  de  la  Chaldée  est  surtout 
l'histoire  de  Babylone  et  de  ses  rois.  En  lutte  avec 
Ninive,  les  successeurs  de  Hammourabi,  après  avoir 
conservé  quelque  temps  l'avantage,  finirent  par  être 
vaincus.  Vers  1320,  Mardouk-bal-idinna  (Mérodach- 
baladaa  1er)  perdit  toute  la  portion  septentrionale 
de  son  territoire  qu'il  dut  céder  à  l'Assyrie.  Vers 
1270,  Touklat-Adar  conquit  Babylone  et  en  fit  une 
vice-royauté  de  son  empire.  Elle  recouvra  bientôt 
son  indépendance,  et  un  de  ses  rois,  Naboukoudou- 
roussour  I"  (ce  nom  est  la  forme  correcte  du  mot 
improprement  écrit  Nabuchodonosor),  vers  r2"J0, 
soumit  une  partie  do  la  Susiane  ;  Mardouk-idin- 
akhé  I"'  battit  même  Touklat-habal-asar  l«'  d'Assyrie . 
Pendant  six  siècles,  la  lutte  continua  avec  des 
chances  variées.  Les  Assyriens  finirent  par  l'em- 
porter au  huitième  et  au  septième  siècles  avant  no- 
tre ère.  Touklat-habal-asar  II  et  Sargon,  de  74  i  à 
710,  réduisirent  la  Chaldée,  et  le  dernier,  après 
avoir  détruit  les  armées  de  Mardouk-bal-idinna  II, 
s'empara  de  Babylone  et  se  proclama  roi  de  cette 
ville  (710).  La  Chaldée  fut  pendant  près  d'un  siècle 
une  province  assyrienne,  province  toujours  en  ré- 
volte, mais  toujours  vaincue.  En  (,95,  Sin-akhé-irib 
(Sennachérib),  successeur  de  Sargon,  fut  forcé  de 
faire  un  exemple  et  mit  Babylone  à  sac.  Les  trésors 
de  la  cité  furent  pillés,  les  images  des  dieux  enle- 
vées des  temples  et  brisées,  les  maisons  abattues  et 
brûlées,  les  murs  rasés,  les  canaux  comblés,  la  po- 
pulation emmenée  en  esclavage.  Quinze  ans  plus 
tard  (680),  Assour-akhé-idin  (Esarhaddon),  succes- 
seur de  Sinakhéirib,  reconstruisit  Babylone  et  la 
peupla  en  partie  d'Assyriens.  Cette  précaution 
n'empêcha  pas  la  ville  de  se  révolter  contre  Assour- 
ban-habal,  successeur  d'Assour-akhé-idin,  et  l'ex- 
posa à  une  seconde  destruction  (G48). 

Mais  bientôt  Ninive,  abattue  par  l'invasion  des 
CimmérJens  et  épuisée  par  ses  propres  victoires, 
succomba  à  son  tour.  Nabo-pal-assar,  qui  gouver- 
nait Babylone  pour  le  roi  d'Assyrie,  se  révolta,  prit 
la  couronne  et  avec  l'aide  des  Mèdes  prit  et  détrui- 
sit Ninive.  Babylone  hérita  de  la  domination  de  sa 
rivale  sur  le  bassin  de  l'Euphrate  et  sur  la  Syrie. 
Menacée  un  moment  par  l'invasion  des  Égyptiens 
et  les  victoires  de  Pharaon  Néko  (C08),  elle  réta- 
blit bientôt  sa  suprématie  à  la  bataille  de  Karkémish 
(605).  Naboukoudouroussour  II,  fils  et  successeur 
de  Nabopalassar  (f;05-ô(i2),  porta  à  l'apogée  la  gran- 
deur des  Chaldéens.  Allié  avec  les  Mèdes,  il  ré- 
duisit au  Nord  les  Arméniens,  à  l'Est  l'Elam,  à 
l'Ouest,  les  Juifs  et  les  Syriens  du  Sud.  Jérusalem 
fut  prise,  détruite,  et  la  population  transportée  en 
grande  partie  sur  les  bords  de  l'Euphrate  (ôS7). 
Mais  Naboukoudouroussour  échoua  devant  Tyr 
(Ô86-Ô7Î)  et  dans  ses  derniers  jours  ne  put  empê- 
cher les  Égyptiens  de  rétablir  leur  autorité  sur  la 
côte  phénicienne.  Sous  ses  successeurs,  l'empire 
déchut  rapidement.  Le  dernier  d'entre  eux,  Nabou- 
nahid  (Nabonide,  Labynétos)  fut  battu  par  Cyrus 
et  Babylone  tomba  entre  les  mains  des  Perses  (639). 

Elle  devint  une  des  villes  principales  de  leur 
empire,  et  fit  preuve,  sous  ses  maîtres  aryens,  du 
même  esprit  turbulent  et  inquiet  qui  lui  avait  at- 
tiré tant  de  malheurs  au  temps  des  rois  d'Assyrie. 
Trois  fois  révoltée  contre  Darius  I",  et  à  moitié  dé- 
truite la  troisième  fois,  elle  se  souleva  contre 
Xerxès  et  contre  la  plupart  de  ses  successeurs. 
Conquise  par  Alexandre  avec  le  reste  de  l'empire 
perse  f;!27),  elle  passa  plus  tard  aux  mains  des 
Séleucides,  puis  des  rois  Parthes.  La  fondation  de 
Séleucie  et  de  Ctésiphon  lui  porta  un  coup  mortel  ; 
elle  tomba  en  mines,  et,  au  moyen  âge,  les  débris 


de  ses  temples  servirent  à  construire  une  partie 
des  maisons  de  Bagdad  et  de  villes  voisines. 

La  religion  et  les  écritures  de  la  Chaldée  tom- 
bèrent à  peu  près  vers  le  même  temps  que  Babylone, 
sous  l'influence  du  christianisme  et  des  cultes 
perses  d'abord,  plus  tard  sous  celle  de  l'islamisme. 
L'antique  civilisation  qui  les  avait  produites  resta 
ignorée  jusqu'au  milieu  de  notre  siècle  et  n'a  re- 
pris son  éclat  que  dans  ces  dernières  années.  On 
commence  à  comprendre  aujourd'hui  ce  qu'étaient 
les  Chaldéens  et  combien  le  monde  leur  est  rede- 
vable. C'est  d'eux  en  partie,  et  en  partie  des  Égyp- 
tiens, que  viennent  l'astronomie,  les  sciences  ma- 
thématiques, la  médecine,  la  plupart  des  sciences 
et  des  arts  qui  ont  illustré  l'antiquité  grecque  et 
romaine.  Luxurieux,  hautains  et  cruels,  mais  ingé- 
nieux à  découvrir,  savants  dans  le»s  arts,  indus- 
trieux et  habiles  au  commerce,  ils  furent,  tout 
compte  fait,  une  des  grandes  races  de  l'humanité, 

IG.  Maspero.! 

CHALEUB.  — Physique,  XIV;  Chimie, Préliminai- 
res et  XXI.  —  Les  impressions  de  chaud  et  de  froid 
sont  familières  h  chacun  de  nous;  tout  le  monde 
connaît  la  sensation  particulière  qu'on  éprouve  en 
approchant  d'un  foyer  allumé,  d'une  barre  de  fer 
rougie  au  feu,  d'un  vase  plein  d'eau  bouillante, 
et  celle  que  l'on  ressent  au  contact  de  la  neige 
ou  d'un  morceau  de  glace  ;  la  cause  qui  les  déter- 
mine a  reçu  le  nom  de  cha'eur. 

La  chaleur  manifeste  partout  sa  présence  ;  elle 
est  indispensable  au  développement  des  êtres 
organisés;  elle  agit  sur  tous  les  corps  inertes  pour 
leur  communiquer  des  propriétés  nouvelles.  On 
n'en  connaît  pas  la  nature  intime  ;  mais  on  peut 
suivre  partout  les  importants  phénomènes  qu'elle 
produit.  La  physique  observe  ses  effets  sur  les 
corps,  en  étudie  les  lois,  en  fait  connaître  les  appli- 
cations ;  et  elle  énumère  les  sources  de  ce  puis- 
sant agent  qui  vivifie  l'univers  et  que  l'industrie 
fait  servir  à  ses  progrès. 

I.  Effets  de  la  chaleor.  —  Quand  on  soumet 
un  corps  à  l'action  d'une  source  de  chaleur,  il 
augmente  de  dimension  :  une  barre  métallique 
s'allonge,  une  boule  grossit,  un  anneau  s'agran- 
dit, le  volume  d'un  liquide  ou  d'un  gaz  s'accroît  : 
voilà  le  premier  effet  visible  ;  on  dit  que  les 
corps  se  dilatent  p^v  la.  chaleur  (V.  Dilatation). 

Si  on  continue  de  chauffer  le  corps  qui  s'est 
d'abord  dilaté,  il  arrive  un  moment  où.  de  so- 
lide qu'il  était  comme  la  cire  ou  le  plomb,  il 
devient  liquide  et  coule  comme  de  l'eau  ;  ou,  s'il 
était  liquide  comme  l'alcool,  l'eau  ou  l'éther,  il  se 
transforme  en  vapeurs.  Que  l'on  refroidisse  une 
vapeur  ou  un  gaz,  on  obtiendra  un  liquide  ;  et 
celui-ci,  suffisamment  refroidi,  à  son  tour  prendra 
la  forme  solide.  La  chaleur  produit  donc  des  chan- 
gements d'état  :  elle  liquéfie  ou,  comme  on  dit 
vulgairement,  fond  les  solides  (V.  Fusio7i)  ;  elle 
transforme  les  liquides  en  gaz  (V.  Vapeurs). 

Enfin  la  chaleur  peut  altérer  la  nature  du  corps 
chauffé,  apporter  dans  sa  constitution  des  modifi- 
cations profondes,  séparer  les  éléments  d'une 
substance  composée  ou  favoriser  les  combinaisons 
des  corps  entre  eux;  ainsi  le  bois  chauffé  s'en- 
flamme et  brûle  au  contact  de  l'air  ;  do  ses  élé- 
ments séparés  par  la  chaleur,  les  uns  forment  la 
flamme  en  se  combinant  à  l'oxygène  de  l'air,  les 
autres  restent  comme  résidu  sous  le  nom  de 
cendres. 

Ainsi,  la  chaleur  en  agissant  sur  les  corps  leur 
fait  toujours  subir  des  changements  de  volume, 
souvent  des  changements  d'état,  parfois  même  elle 
modifie  leur  nature. 

Dans  chacun  de  ces  cas,  le  corps  cliaud  est 
devenu  une  source  de  chaleur  capable  d'échauf- 
fer les  corps  voisins  moins  chauds  que  lui.  A  ne 
le  considérer  que  sous  ce  rapport  de  la  chaleur 
qu'il  peut  céder,  il  est  dans  un   état  particulier 


CHALEUR 


—  362  — 


CHALEUR 


dans  une  manière  d'être  spéciale  que  l'on  appelle 
sa  tempé)'atwe  et  qu'il  importe  de  pouvoir  fixer  et 
retrouver.  Nos  sens  ne  peuvent  nous  servir  pour 
cette  recherche.  Le  toucher,  qui  le  premier  nous 
donne  la  connaissance  de  la  chaleur,  nous  indique 
bien  si  un  corps  est  plus  ou  moins  chaud  qu'un 
autre  ;  mais  il  cesse  de  nous  servir  quand  le  corps 
est  trop  chaud  ou  trop  froid,  parce  que  la  sen- 
sation est  douloureuse.  11  peut  du  reste  nous  trom- 
per parfois,  puisque  nous  trouvons  inégalement 
Iroids^  en  les  touchant,  un  morceau  de  bois  et  un 
morceau  de  fer  qui,  restés  longtemps  l'un  près  de 
l'autre,  sont  manifestement  à  la  même  tempéra- 
ture. Les  observations  de  chaque  jour  nous  mon- 
trent d'ailleurs  que  les  impressions  de  chaud  et 
de  froid  sont  relatives  et  dépendent  de  l'état  des 
organes  qui  les  reçoivent.  En  outre,  on  ne  peut 
mesurer  exactement  une  sensation  ni  reconnaître 
si  elle  est  bien  la  même  aujourd'hui  qu'elle  était 
hier;  on  ne  peut  donc,  par  le  seul  contact  de  la 
main,  s'assurer  qu'un  corps  est  exactement  aussi 
chaud  qu'il  l'était  antérieurement.  C'est  à  l'un 
des  effets  de  la  chaleur  sur  les  corps  inertes  qu'il 
faut  recourir  pour  caractériser  les  états  calorifi- 
ques, les  comparer,  les  mesurer.  Les  instruments 
qu'on  emploie  à  cet  effet  sont  appelés  thermomè- 
tres *. 

Un  corps  peut  s'échauffer  de  deux  manières, 
aussi  bien  quand  il  est  placé  à  distance  d'une 
source  que  lorsqu'il  se  trouve  en  contact  direct 
avec  elle  :  le  soleil  échauffe  tous  les  jours  la 
terre  ;  un  poêle  allumé  communique  sa  chaleur 
à  toutes  les  parties  d'un  appartement  ;  une  barre 
de  fer  qui  ne  plonge  dans  un  foyer  que  par  une  de 
ses  extrémités  devient  assez  rapidement  chaude  à 
l'autre  pour  qu'on  ne  puisse  bientôt  plus  la  tenir 
sans  précaution.  La  chaleur  se  transmet  donc  des 
corps  chauds  aux  corps  froids,  ou  bien  h  travers 
l'espace,  ou  bien  par  la  substance  même  du  corps 
chauffé.  Ces  deux  modes  de  propagation  sont  étu- 
diés, Je  premier  au  rao\.  Rayonnement,  le  second 
au  mot  Conductibilité. 

IL  SocRCES  DE  CHALEUR.  —  Toutc  causc  Capable 
d'engendrer  de  la  chaleur,  de  produire  une  éléva- 
tion de  température,  que  ce  soit  un  corps  ou  le 
phénomène  qui  s'y  produit,  s'appelle  une  source  de 
chaleur.  Dans  le  langage  ordinaire,  on  donne  le 
nom  de  source  de  frovl  à  toute  cause  capable 
d'er. lever  de  la  chaleur  aux  corps,  d'abaisser  leur 
température.  Mais  si  l'on  veut  bien  remarquer  que 
tout  corps  qui  possède  moins  de  chaleur  que  les 
corps  voisins  est  pour  eux  une  cause  de  refroidis- 
sement, et  qu'il  deviendrait  une  source  de  chaleur 
pour  un  corps  plus  froid  que  lui,  on  se  convaincra 
que  le  froid  n'est  qu'un  état  du  corps  où  la  cha- 
leur est  moins  grande  que  dans  un  état  antérieur, 
et  on  comprendra  que  le  physicien  n'en  fasse 
qu'un  cas  particulier  des  phénomènes  calorifiques. 

On  peut  grouper  les  différentes  sources  de  cha- 
leur en  deux  classes  :  1°  les  sources  'permanentes 
comme  le  soleil  et  la  chaleur  centrale  du  globe 
terrestre;  2°  \^%  sources  artificielles  que  l'homme 
peut  faire  naître  à  volonté,  comme  les  actions 
chimiques  et  certains  phénomènes  physiques  et 
mécaniques.  On  rapporte  aux  unes  et  aux  autres 
les  sources  physiologiques,  c'est-à-dire  la  produc- 
tion de  la  chaleur  par  les  êtres  organisés  pendant 
leur  vie. 

1°  Sources  pcrinaneyites  de  chaleur.  —  a. —  Cha- 
leur solaire.  —  Le  soleil  est  la  source  la  plus 
abondante  de  chaleur  pour  la  surface  du  globe  : 
c'est  la  chaleur  solaire  qui  élève  la  température 
de  l'air  et  du  sol  ;  c'est  elle  qui  fond  les  neiges 
des  montagnes  et  alimente  ainsi  les  sources  des 
cours  d'eau  qui  arrosent  les  campagnes  ;  c'est  par 
elle  que  sont  formées  les  vapeurs  qui  s'élèvent 
des  mers  pour  donner  les  nuages  et  retomber 
ensuite  en  pluies  bienfaisantes;  c'est  elle  que  nous 


recherchons  dans  les  premiers  beaux  jotirs  du 
printemps  et  que  nous  évitons  dans  les  jours  brû- 
lants de  l'été;  c'est  elle  enfin  qui  favorise  la  vé- 
gétation des  plantes  et  des  arbres  et  contribue  au 
développement  de  la  vie  chez  tous  les  êtres. 

Le  soleil  nous  apparaît  comme  un  disque  brillant 
dont  l'œil  a  peine  à  supporter  l'éclat.  Examiné 
dans  les  instruments  grossissants,  il  se  présente 
parsemé  de  points  plus  brillants  que  le  reste  de  la 
surface,  avec  des  taches  obscures  qui  changent 
rapidement  de  position,  de  dimension  et  de  forme. 
La  grande  distance  à  laquelle  il  est  de  nous  et 
dont  nous  ne  pouvons  trouver  d'analogue  sur  la 
terre  ne  nous  permet  pas  de  juger,  même  approxi- 
mativement, de  sa  grandeur.  Les  calculs  astrono- 
miques démontrent  que  son  diamètre  est  égal  à 
112  fois  celui  de  laterre,  ce  qui  lui  donne  un  volu- 
me I  404  92S  foie  plus  grand  que  celui  de  notre  globe. 

La  quantité  de  chaleur  que  le  soleil  fournit  dans 
un  temps  donné  à  une  surface  frappée  par  ses 
rayons,  dépend  de  la  direction  plus  ou  moins  obli- 
que suivant  laquelle  ils  arrivent,  autrement  dit  de 
la  hauteur  de  l'astre  au-dessus  de  l'horizon,  et 
de  la  pureté  de  l'atmosphère.  On  sait  que  les 
rayons  dusoleil  sont  assez  faibles,  le  matin  et  le  soir, 
pour  que  nos  yeux  en  puissent  supporter  l'éclat  ; 
les  rayons  de  chaleur  subissent  le  même  affaiblisse- 
ment ;  l'air  absorbe  en  effet  une  partie  de  la  cha- 
leur qui  le  traverse  pour  s'échauffer  à  ses  dépens, 
et  la  couche  d'air  traversée  est  d'autant  plus 
épaisse  que  Ift  soleil  est  plus  près  de  l'horizon. 
Ainsi,  les  différences  si  notables  de  température 
que  l'on  remarque  aux  différentes  heures  du  jour 
tiennent  à  l'obliquité  des  rayons  solaires;  c'est  à 
la  même  cause  que  sont  dues  les  saisons  et  les 
variations  de  chaleur  avec  les  latitudes. 

Plusieurs  physiciens  ont  cherché  à  évaluer  la 
quantité  de  chaleur  que  le  soleil  envoie  à  la  terre 
dans  un  temps  donné.  Voici  les  résultats  des  ex- 
périences faites  à  ce  sujet  par  Pouillet.  Si  la  quan- 
tité totale  de  chaleur  que  la  terre  reçoit  du  soleil 
dans  le  cours  d'une  année  était  uniformément  ré- 
partie sur  tous  les  points  du  globe  et  qu'elle  y  fut 
employée  à  fondre  de  la  glace,  elle  serait  capable 
de  fondre  une  couche  de  glace  enveloppant  la  terre 
avec  une  épaisseur  de  30  mètres  89. 

Partant  de  ce  premier  résultat,  Pouillet  a  pu 
déduire  la  quantité  totale  de  chaleur  que  le  globe 
entier  du  soleil  émet  dans  un  temps  donné.  Il  a 
trouvé  que  si  cette  chaleur  était  employée  à  fondre 
une  couche  de  glace  appliquée  contre  le  globe  du 
soleil  et  l'enveloppant  de  toutes  parts,  elle  pour- 
rait fondre  en  une  minute  une  couche  de  11  mè- 
tres SO  d'épaisseur,  et  en  une  année  une  couche 
de  1547  lieues. 

Il  ne  faudrait  pas  croire  que  toute  la  chaleur  qui 
rayonne  du  soleil  vers  la  terre  arrive  intégralement 
jusqu'à  nous.  L'atmosphère  en  absorbe  près  de  la 
moitié,  même  quand  elle  a  toutes  les  apparences 
d'une  parfaite  sérénité.  C'est  ce  qui  explique  un 
fait  constaté  par  plusieurs  observateurs,  que  la  ra- 
diation solaire  est  plus  forte  sur  les  hautes  mon- 
tagnes que  dans  le  fond  des  vallées. 

b.  Chaleur  propre  du  globe.  —  Le  globe  terrestre 
possède  une  chaleur  propre  intérieure,  insensible 
près  de  sa  surface,  mais  dont  l'existence  est  attes- 
tée par  l'accroissement  de  la  température  à  mesure 
qu'on  s'enfonce  plus  profondément  et  par  les  eaux 
thermales. 

Certaines  sources  minérales  donnent  des  eaux 
dont  la  température  est  notablement  plus  élevée 
que  la  température  moyenne  du  lieu,  et,  de  plus, 
indépendante  des  variations  de  cette  dernière.  !• 
en  est  de  même  des  eaux  fournies  par  les  puits 
artésiens. 

Les  nombreuses  observations  faites  dans  le» 
puits  de  mine  jusqu'à  des  profondeurs  de  800  mè- 
tre?, ont  montré  que  la  température  augmente  d'ua 


CHALEUR 


—  363 


CHALEUR 


degré  quand  on  s'enfonce  de  30  naètres.  On  n'a  pas 
pu  mesurer  jusqu'ici  la  température  à  de  plus 
grandes  prolondeurs,  ci  on  ne  peut  pas  ainrmer 
que  cette  loi  se  maintienne  à  toute  distance  de  la 
surface.  Mais,  en  l'admettant  comme  exacte,  on 
trouve  qu'il  faudrait  descendre  à  2700  mètres  pour 
trouver  la  température  de  l'eau  bouillante,  si  l'on 
part  d'un  lieu  où  la  température  moyenne  est  de 
10°  ;  qu'à  12  lieues  environ  on  trouverait  la  tem- 
pérature de  fusion  du  fer,  et  à  ane  vingtaine  de 
lieues  toutes  les  matières  minérales  en  vapeurs. 

L'existence  d'un  feu  central  a  été  soupçonnée 
depuis  les  temps  les  plus  reculés,  puisqu'on  en 
trouve  la  trace  dans  les  mythologies  do  tous  les 
peuples  ;  mais  ce  n'était  qu'une  intuition  vague, 
basée  seulement  sur  des  conjectures;  elle  a  reçu 
dans  notre  siècle  le  caractère  d'une  certitude  que 
l'étude  attentive  des  volcans  a  beaucoup  contribué 
à  former. 

2°  Sources  artificielles  de  chaleur.  —  a.  Chaleur 
dégagée  dans  les  actions  chimiques. —  Lorsque  deux 
corps  se  combinent,  il  y  a  dégagement  de  chaleur. 
Tout  le  monde  sait  que  l'eau  versée  sur  la  chaux 
vive  se  vaporise  en  partie  par  la  chaleur  que  dé- 
gage la  combinaison.  Dans  les  laboratoires  de  chi- 
mie, on  rend  de  la  baryte  incandescente  en  versant 
dessus  goutte  à  goutte  de  l'acide  sulfurique. 

Quand  le  phénomène  est  accompagné  de  lumière, 
il  porte  le  nom  de  combustion  '  ;  et  dans  le 
langage  ordinaire,  on  ne  donne  encore  ce  nom 
qu'à  la  combinaison  avec  l'oxygène,  libre  ou  pris  à 
l'air,  d'un  corps  qu'on  appelle  combustible.  C'est 
par  la  combustion  qu'on  se  procure  ordinairement 
la  chaleur  dans  l'industrie  et  dans  les  usages  do- 
mestiques :  le  phosphore,  le  soufre,  les  charbons, 
le  bois,  l'hydrogène,  le  gaz  d'éclairage  sont  les 
principaux  combustibles  ;  l'oxygène  de  l'air  qui  les 
fait  brûler  est  le  principe  comburant. 

Pour  la  combustion,  comme  pour  toute  action 
chimique,  il  faut  que  les  corps  en  présence  aient 
une  tendance  à  s'unir,  ou  comme  on  dit  en  chimie, 
de  l'affinité.  Les  corps  combustibles  ont  tous  de 
l'affinité  pour  l'oxygène  ;  mais  elle  ne  se  développe 
généralement  qu'à  une  température  supérieure  à 
la  température  ordinaire.  Il  faut  allumer  le  corps 
qui  doit  brûler,  pour  déterminer  en  un  de  ses 
points  la  température  nécessaire  à  la  combustion. 
Une  fois  la  combinaison  commencée,  la  chaleur 
qu'elle  développe  est  dans  la  plupart  des  cas  plus 
que  suffisante  pour  l'entretenir  et  la  continuer,  s'il 
arrive  dans  le  foyer  ou  sur  le  combustible  une 
quantité  convenable  d'oxygène  ou  d'air  et  que  les 
produits  gazeux  formés  soient  entraînés  à  mesure 
qu'ils  prennent  naissance.  Un  courant  d'air  trop 
abondant  ou  trop  rapide  éteint  le  corps  en  com- 
bustion au  lieu  de  le  faire  mieux  brûler,  parce 
qu'il  lui  enlève  trop  de  chaleur  et  qu'il  abaisse  sa 
température  au-dessous  du  degré  nécessaire  au 
développement  de  l'action  chimique. 

Il  était  extrêmement  important,  pour  apprécier 
la  valeur  des  différents  combustibles,  de  mesurer 
les  quantités  de  chaîaur  que  chacun  d'eux  peut 
donner.  Ce  travail,  commencé  par  Lavoisier  en  l'SO, 
continué  par  Rumford  en  1814,  puis,  plus  tard,  par 
Desprez  et  Dulong,  a  été  repris,  ces  temps  derniers, 
par  MM.  Favre  et  Silbermann  qui  ont,  dans  un 
grand  nombre  d'expériences  montées  avec  tout  le 
soin  possible,  étudié  non-seulement  les  combus- 
tions, mais  aussi  le  dégagement  de  la  chaleur  dans 
les  principales  combinaisons  chimiques.  Le  prin- 
cipe de  la  méthode  employée  est  simple;  il  con- 
siste à  recueillir  exactement  toute  la  chaleur  dé- 
veloppée par  une  combustion  et  à  l'employer,  pour 
en  connaître  la  quantité,  à  échauffer  un  poids  connu 
d'eau,  qui  absorbe,  comme  on  verra,  une  calorie  par 
kilogramme  pour  chaque  degré  dont  il  élève  sa 
température.  On  fait  brûler  la  substance  au  con- 
tact de  l'air  ou  de  l'oxygène  dans  une  boîte  métal- 


lique, appelée  calorimètre  ;  les  produits  gazeux  de 
la  combustion  s'échappent  en  emportant  la  chaleur 
développée  ;  on  les  fait  circuler  dans  un  tube  con- 
tourné en  serpentin,  assez  long  pour  qu'ils  en  sor- 
tent froids,  et  qui.  avec  la  boîte  où  se  fait  la  com- 
bustion, est  placé  dans  un  vase  en  métal,  plein 
d'eau,  entouré  de  diverses  substances  qui  em- 
pêchent son  refroidissement  par  l'air  ambiant. 
L'observation  de  la  température  finale  permet  de 
trouver,  par  un  calcul  simple,  la  chaleur  absorbée 
par  le  calorimètre,  c'est-à-dire  celle  qui  a  été  déve- 
loppée par  le  poids  du  combustible  disparu. 
Voici  quelques-uns  des  résultats  trouvés  : 


NOM  DES  SUBSTANCES. 


Hydrogène 

i   de  bois 

Charbon..."   des  cornues  a  gaz.. 

/   graphite  naturel.... 

Oxyde  de  carbone 

Gaz  des  irarais 

Gaz  oléPiant 

,, ,  \  de  -vin 

^^'"'°^ }   de  bois 

Essence  de  térébentine 

Soufre 


UNITES  DE  CHALEUR 

données  par  1  kilog. 

du  combastible. 


34  462 
8  080 
8  047 
7  796 
2403 

13063 

11857,1 
7184 
5  307 

10852 
2  221 


On  voit  d'après  ce  tableau  que  l'hydrogène  est 
le  corps  qui,  à  poids  égal,  développe  le  plus  de 
chaleur  en  brûlant  ;  après  lui  viennent  jarmi  les 
combustibles  ordinaires  les  carbures  d'hydrogène, 
gaz  des  marais  et  gaz  oléfiant,  dont  le  mélange 
forme  le  gaz  d'éclairage  extrait  de  la  houille  ;  puis 
les  charbons,  dont  les  moins  dp-»'ses  ont  le  plus 
grand  pouvoir  calorifique. 

Les  recherches  calorimétriques  sur  la  chaleur 
dégagée  par  tt'Utes  les  combinaisons  chimiques,  ont 
un  intérêt  beaucoup  plus  théorique  que  pratique  ; 
il  est  cependant  curieux  d'y  constater  qu'un  môme 
corps,  comme  le  carbone  par  exemple,  dégage  tou- 
jours la  môme  quantité  de  chaleur,  soit  qu'on  le 
transforme  d'abord  en  oxyde  de  carbone  pour  brû- 
ler celui-ci  et  obtenir  finalement  de  l'acide  carbo- 
nique, soit  qu'on  obtienne  de  suite  ce  dernier  gaz. 
Dans  les  applications,  quand  on  se  propose  d'ob- 
tenir une   haute  température,  il  faut   choisir  les 
,  corps  les  plus  combustibles,  les  brûler  le  plus  ra- 
pidement possible  en  leur  insufflant  de  l'oxygène, 
'  et  limiter  l'espace  où  la  chaleur  pourra  se  répartir 
'  pour  augmenter  son  effet.  C'est  ainsi  qu'on  obtient 
:  avec  le  charbon  de  très  hautes  températures  en  in- 
j  sufflant  de  l'air  dans  le  fourneau  par  de  puissantes 
!  machines  soufflantes  ;   qu'on  rend  très  chaude   la 
flamme  d'un   bec  de  gaz,  d'une  lampe,  ou  d'une 
I  bougie  en  y  soufflant  de  l'air  avec  le  chalumeau, 
ou  des  vapeurs  combustibles,  comme  dans  la  lampe 
des  soudeurs,  et  que  la  plus  haute  température 
obtenue  jusqu'ici,  celle  qui  a  permis  de  fondre  le 
j  platine,  a  été  produite  dans  un  petit  creuset  de 
chaux,  par  le  chalumeau  oxhydrique,  double  tube- 
amenant,  l'un  de  l'hydrogène,  l'autre  de  l'oxygène, 
I  de  manière  que  les  deux  gaz  soient  dans  le  rap- 
I  port  où  ils  se  combinent  pour  donner  de  l'eau,  et. 
que  leur  mélange  n  ait  lieu  qu'au  moment  où  ils 
brûlent. 

b.  Chaleur  animale.  —  Les  animaux  produisent 
continuellement  de  la  chaleur  pendant  leur  vie. 
Chez  les  mammifères  et  les  oiseaux,  qui  sont  à 
sang  chaud,  cette  chaleur  compense  à  chaque  in- 
stant les  pertes  extérieures,  et  leur  température 
reste  constante,  quelles  que  soient  ks  variations 
du  milieu  ambiant.  Chez  les  autres,  dits  à  sang 
froid,  qui  subissent  les  fluctuations  du  milieu  ou 
ils  vivent,  il  se  produit  encore  de  la  chaleur,  puis- 
que leur  température  dépasse  presque  toujours  de- 


CHALEUR 


—  364  — 


CHALEUR 


■quelques  degrés  celle  de  Tair  ou  de  l'eau  où  se 
passe  leur  existence  ;  mais  la  production  est  lente 
et  la  chaleur  est  enlevée  à  chaque  instant  par  les 
causes  extérieures.  Les  oiseaux  ont  une  tempéra- 
ture constante  de  41  à  42";  l'homme  de  37  à  ;jS". 

Depuis  Lavoisier,  c'est  à  l'oxygène  introduit  dans 
le  corps  par  l'acte  de  la  7'eipiratio?i  *  que  l'on 
rapporte  le  dégagement  de  la  chaleur  animale; 
mais  on  ne  croit  plus,  comme  le  savant  chi- 
miste, que  le  poumon  soit  le  siège  unique  de  la 
chaleur  dégagée.  On  pense  qu'elle  est  produite 
dans  toutes  les  parties  du  corps,  et  qu'elle  est  le 
résultat  des  nombreuses  actions  chimiques  dont 
chaque  organe  est  le  siège  pendant  la  vie.  Les  ali- 
ments introduisent  dans  le  corps  des  éléments  com- 
bustibles, du  charbon  et  de  l'hydrogène,  que  le 
sang  transporte  partout,  comme  il  transporte  l'oxy- 
gène de  l'air  destiné  à  les  brûler  lentement;  l'acide 
carbonique  est  le  résidu  de  cette  combustion,  comme 
il  est  le  résidu  des  combustions  de  nos  foyers,  et 
dans  un  cas  comme  dans  l'autre,  la  chaleur  est  la 
conséquence  du  phénomène.  Mais,  bien  que  la  cha- 
leur dégagée  par  un  animal  soit  en  rapport  direct 
avec  la  quantité  d'oxygène  absorbé  par  les  organes 
respiratoires,  il  n'en  faut  pas  moins  remarquer  que 
la  combustion  physiologique  est  éminemment  com- 
plexe et  peut  bien  n'avoir  pas  l'action  chimique 
pour  unique  cause. 

c.  Chaieur  produite  par  les  causes  physiques.  — 
Parmi  les  causes  physiques  capables  de  produire 
de  la  chaleur,  il  faut  citer  Vélectricifé  *,  puis  la 
compression,  la  percussion,  le  frottement,  en  un 
mot  toutes  les  actions  mécaniques  par  lesquelles 
on  peut  déformer  les  corps. 

Compression.  —  La  plupart  des  corps  fortement 
comprimés  s'échauffent  parfois  même  assez  pour 
enflammer  des  corps  combustibles.  Cette  produc- 
tion de  chaleur  par  la  compression  est  surtout  sen- 
sible sur  les  métaux  et  plus  encore  sur  les  gaz.  Les 
lames  d'argent  que  l'on  passe  au  laminoir  dans  les 
fabriques  de  monnaies  sont  tellement  chaudes  que 
l'ouvrier  ne  peut  les  tenir  à  la  main.  L'air  brus- 
quement c  mprimé  développe  assez  de  chaleur 
pour  enflammer  l'amadou.  L'expérience  se  fait 
avec  le  briquet  a  air;  c'est  un  gros  tube  de  verre 
à  parois  fortes,  fermé  par  un  bout,  et  dans  lequel 
peut  se  mouvoir  à  frottement  un  piston  plein  dont 
la  face  inférieure  porte  une  cavité  où  l'on  place  un 
petit  morceau  d'amadou.  Le  tube  étant  plein  d'air, 
on  introduit  le  piston  et  on  l'enfonce  très  brusque- 
ment ;  on  aperçoit  un  peu  de  fumée  dans  l'appa- 
reil et  en  retirant  le  piston  assez  promptement  on 
trouve  l'amadou  allumé.  Tous  les  gaz  produisent 
comme  l'air  un  dégagement  de  chaleur  quand  on 
diminue  assez  leur  volume  ;  mais  on  comprend 
que  cette  chaleur  est  d'autant  plus  sensible  qu'elle 
se  produit  dans  un  plus  court  espace  de  temps  ; 
aussi  n'est-elle  très  apparente  que  dans  les  com- 
pressions très  brusques. 

La  compression  écliauffant  les  gaz,  on  est  porté 
à  penser  que  la  dilatation  ou  l'expansion  doit  leur 
enlever  de  la  chaleur,  c'est-à-dire  les  refroidir. 
C'est  en  effet  ce  qui  a  lieu  :  on  constate  qu'un 
thermomètre  très  sensible  placé  sous  la  cloche  de 
la  machine  pneumatique  indique  un  abaissement 
de  température  quand  on  fait  rapidement  le  vide. 
Si  on  laisse  échapper  par  un  petit  orifice  de  l'air 
humide  comprimé  à  trois  ou  quatre  atmosphères, 
et  qui  par  suite  se  dilate  brusquement,  le  refroi- 
dissement du  jet  de  gaz  est  tel  qu'il  dépose  sur  les 
objets  qu'il  frappe  une  couche  de  givre  provenant 
de  la  vapeur  d'eau  congelée.  Quand  la  vapeur  sort 
d'une  chaudière  à  haute  pression,  elle  se  condense 
en  un  épais  brouillard,  et  elle  se  refroidit  tellement 
qu'on  peut  sans  crainte  y  plonger  la  main,  ce  que 
l'on  ne  pourrait  évidemment  pas  faire  impunément 
si  la  vapeur  conservait  la  température  de  sa  for- 
mation. Le  refroidissement  produit  par  l'expansion 


des  gaz  comprimés  avait  déjà  permis  à  Tliilorier 
d'obtenir  l'acide  carbonique  solide  ;  il  vient  de 
fournir  à  M.  Cailletet  la  possibilité  d'amener  à 
l'état  liquide  les  gaz  dits  permanents,  l'oxygène, 
l'hydrogène,  l'azote,  et  par  suite  l'air  qu'on  n'avait 
pas  pu  liquéfier  jusqu'ici. 

Percussion.  —  De  nombreuses  expériences  prou- 
vent que  la  percussion  est  aussi  une  source  méca- 
nique de  chaleur.  Le  fer  battu  sur  l'enclume  s'é- 
chauffe assez  pour  enflammer  l'amadou  ;  on  peut 
faire  fondre  une  barre  de  plomb  et  éparpiller  le 
métal  fondu  en  gouttelettes  en  la  frappant  quel- 
que temps  à  coups  répétés.  Tout  le  monde  connaît 
le  briquet  ordinaire,  la  pierre  dure  que  l'on  frappe 
avec  un  morceau  d'acier  ou  le  dos  d'une  lame  de 
couteau.  Le  silex,  plus  dur  que  l'acier,  détache  de 
celui-ci  de  petites  parcelles  métalliques  ;  la  cha- 
leur dégagée  est  assez  grande  pour  rendre  ces  par- 
celles incandescentes,  les  faire  brûler  en  étincelles 
qui  allument  l'amadou  sur  lequel  elles  tombent. 

Toutes  les  actions  mécaniques  qui  déforment  les 
corps,  comme  la  torsion  des  fils,  leur  allongement 
à  la  filière,  les  échauffent  beaucoup.  Mais  de  tous 
les  moyens  mécaniques  de  produire  de  la  chaleur, 
le  plus  connu  est  sans  contredit  le  frottement. 

Frottement.  —  Tous  les  corps  frottés  vivement 
l'un  contre  l'autre  s'échauffent.  Un  bouton  d'habit 
en  métal,  frotté  contre  une  table,  ne  tarde  pas  à 
brûler  les  doigts  qui  le  tiennent.  Les  tourillons  des 
machines,  les  essieux  des  voitures,  dégagent  de  la 
chaleur  quand  on  néglige  de  les  graisser,  et  l'on 
voit  quelquefois  le  moyeu  des  roues  prendre  feu 
quand  le  mouvement  est  rapide  et  prolongé.  Les 
scies,  les  limes,  les  forets  et  autres  instruments 
semblables  deviennent  brûlants  par  un  travail  con- 
tinu. Deux  morceaux  de  bois  bien  secs,  frottés  l'un 
contre  l'autre,  s'échauffent  assez  pour  dégager  de 
la  fumée,  et  les  sauvages  parviennent  à  allumer 
du  feu  en  faisant  tourner  vivement  une  tige  de 
bois  dur,  taillée  en  pointe,  dans  une  cavité  prati- 
quée dans  un  autre  morceau  d'un  bois  facilement 
combustible  et  bien  sec. 

La  grande  quantité  de  chaleur  dégagée  par  le 
frottement  n'avait  pas  échappé  aux  anciens  physi- 
ciens ;  mais  ils  lui  donnaient  pour  cause  la  diminu- 
tion de  la  capacité  calorifique  du  corps  frotté, 
transformé  le  plus  souvent  en  poudre  par  l'action 
mécanique.  Rumford  et  Davy  sont  les  premiers  qui 
aient  institué  sur  ce  sujet  des  expériences  scienti- 
fiques et  étudié  de  près  les  conditions  de  cet  im- 
portant phénomène. 

Rumford,  en  voyant  forer  des  canons  à  Munich, 
fut  surpris  de  la  chaleur  considérable  des  copeaux 
qui  s'en  détachaient.  Pour  la  mesurer,  il  fit  tour- 
ner un  gros  cylindre  de  bronze  fortement  pressé 
contre  une  tarière  arrondie,  dans  une  caisse  rem- 
plie d'eau.  Avec  une  rotation  de  trente-deux  tours 
par  minute,  au  bout  de  deux  heures,  la  température 
de  l'eau  s'élevait  à  81°,  et  après  deux  heures  et 
demie  l'eau  était  en  pleine  ébullition.  La  grande 
chaleur  dégagée  parut  au  savant  expérimentateur 
un  (;ffet  tout  à  fait  hors  do  proportion  avec  la  cause 
à  laquelle  on  l'attribuait  alors,  et  après  avoir  con- 
staté que  la  poudre  détachée  du  morceau  de  bronze 
avait  la  môme  capacité  calorifique  que  la  masse 
entière,  il  donna  pour  origine  à  la  chaleur  produite 
le  seul  phénomène  sensible  dans  l'expérience, 
c'est-à-dire  la  destruction  du  mouvement  par  le 
frottement. 

Davy  arriva  aux  mêmes  conclusions  en  faisant 
fondre  deux  morceaux  de  glace,  qu'il  faisait  frotter 
l'un  contre  l'autre  dans  une  enceinte  au-dessous 
de  zéro. 

Ces  expériences  ont  eu  dans  la  science  une  très 
grande  portée  ;  elles  ont  conduit  les  physiciens  à 
réviser  les  phénomènes  si  nombreux  dans  lesquels 
la  chaleur  prend  naissance  ou  disparaît.  On  a 
mieux  étudié  les  actions  calorifiques  de  toute  na- 


CHALEUR 


—  305 


CHALEUR 


ture  ;  on  les  a  rapprochées  pour  les  comparer  et  i 
trouver  leurs  causes  communes.  Ce  travail  fécond  , 
a  mis  en  relief  les  rapports,  restés  inaperçus  jus- 
que-là, qui  lient  le  mouvement  à  la  chaleur,  la 
force  au  mouvement  et  les  différents  agents  phy- 
siques les  uns  aux  autres.  11  en  est  résulte  une 
nouvelle  conception  de  la  nature  de  la  clialeur,  une 
nouvelle  interprétation  de  ses  effets,  une  corréla- 
tion simple  de  la  plupart  des  phénomènes  physi- 
ques. Cette  grande  synthèse  qui  fait  honneur  au 
mouvement  scientifique  de  notre  époque  porte  le 
nom  de  théorie  mécanique  de  lu  chaleur.  Nous  ne 
pouvons  nous  dispenser  d'en  exposer  les  principes 
et  d'en  citer  quelques  applications  après  avoir  jeté 
un  coup  d'œil  rapide  sur  les  diverses  hypothèses 
qui  l'ont  précédée. 

III.  Hypothèses  sur  la  nature  de  la  chaleur. — Les 
anciens  ont  fait  du  feu  l'un  des  quatre  éléments  ; 
ils  lui  ont  même  voué  un  culte  ainsi  qu'au  soleil, 
comme  aux  deux  sources  les  plus  puissantes  des 
phénomènes  calorifiques.  Mais  comme  ils  ne  con- 
naissaient que  les  effets  les  plus  communs  de  la 
chaleur,  ils  n'ont  eu  sur  sa  nature  que  des  idées 
vagues. 

Les  philosophes  de  tous  les  temps  ont  cherché 
à  déterminer  l'essence  de  cet  acent  mystérieux. 
Les  uns  n'ont  donné  que  des  explications  confu- 
ses d'hypothèses  bizarres  ;  les  autres  ont  fait  de 
la  chaleur  une  matière  flottant  en  corpuscules  in- 
visibles dans  l'espace,  et  ne  se  manifestant  que 
dans  certaines  conditions  ;  d'autres  enfin  ont  ad- 
mis sa  nature  immatérielle  et  cherché  à  la  conci- 
lier avec  la  puissance  de  ses  effets.  De  toutes  ces 
spéculations,  il  est  sorti  deux  hypothèses  impor- 
tantes par  la  place  qu'elles  tiennent  dans  la  science 
et  dans  la  philosophie  naturelle.  L'une,  défendue 
surtout  par  les  chimistes  de  la  fin  du  dernier  siè- 
cle, considérait  la  chaleur  comme  un  fluide  im- 
pondérable que  l'on  appelait  le  calorique  et  que  , 
l'on  supposait  associé  à  la  matière  et  capable  de 
s'en  dégager  sous  certaines  influences  déterminées.  ! 
Ce  calorique  était  lancé  avec  une  grande  vitesse 
par  les  corps  chauds  et,  arrivé  à  la  surface  des 
corps  froids,  il  pouvait  s'y  réfléchir  ou  j"  pénétrer 
et  se  combiner  à  leur  substance  en  des  propor- 
tions diverses.  L'autre,  pressentie  par  Bacon, 
Beyle,  Euler,  et  développée  surtout  par  Rumford  | 
et  les  physiciens  modernes,  considère  la  chaleur 
non  plus  comme  une  substance,  mais  comme  un 
mouvement. 

L'hypothèse  du  calorique  rendait  bien  compte 
de  réchauffement  des  corps  et  des  conditions  de 
leur  changement  d'état;  elle  permettait  d'expliquer 
la  transmission  de  la  chaleur  à  distance,  c'est-à- 
dire  le  rayonnement,  comme  Newton  expliquait  le 
rayonnement  de  la  lumière  ;  mais  elle  était  im- 
puissante à  donner  la  raison  de  la  production  in- 
définie de  chaleur  par  le  frottement.  Le  calorique 
était,  en  effet,  considéré  comme  une  substance 
matérielle  existant  dans  l'univers  en  quantité  aussi 
constante  que  la  matière  ordinaire  ;  on  ne  pouvait 
donc  comprendre  qu'il  pût  s'en  dégager  d'un  corps 
frotté  des  quantités  illimitées  puisqu'il  aurait  fallu 
admettre  une  source  de  chaleur  toujours  aussi  ri- 
che, si  forte  et  si  prolongée  qu'en  fût  la  dépense. 
L'esprit  concevait  difficilement  cette  canonnade  de 
petites  particules  s'élançant  des  corps  avec  une 
vitesse  inconcevable  à  travers  l'espace  sans  se 
troubler  l'une  l'autre,  pour  produire  la  chaleur  et 
la  lumière:  aussi  la  théorie  du  calorique  disparut- 
elle  en  même  temps  que  disparaissait  la  théorie 
newtonienne  de  la  lumière,  devant  les  beaux  tra- 
vaux de  Young  et  de  Fresnel  (V.  Rayonnement  et 
Lumière)  ;  elle  est  aujourd'hui  universellemeut 
abandonnée. 

IV.  Théorie  mécanique  de  la  chaleur.  —  L'hypo- 
thèse moderne  qui  fait  de  la  chaleur,  non  plus  une 
matière,  mais  une  condition  de  la  matière,  c'est - 


h-dire  un  mouvement  de  ses  dernières  particules,  a 
passé  par  deux  phases  distinctes  : 

La  première  comprend  les  nombreuses  expérien- 
ces qui  ont  mis  en  relief  la  transformation  de  la 
force  motrice  en  chaleur; 

La  seconde,  qui  date  de  1842,  a  établi,  contrai- 
rement à  ce  qu'affirmaient  les  physiciens,  qu'il 
peut  se  perdre  de  la  chaleur,  mais  qu'alors  il  se 
crée  une  autre  force  physique  ou  qu'il  s'effectue 
un  travail  mécanique  ;  que  les  quantités  de  chaleur 
perdue  et  de  travail  produit  ou  de  forces  physiques 
créées  sont  dans  un  rapport  constant.  Elle  a  ainsi 
posé  la  notion  nouvelle  de  la  conservation  de  la 
force  et  de  l'équivalence  des  difl'érents  agents 
physiques  dans  lesquels  elle  se  transforme. 

1.  Transformation  du  travail  mécanique  en  cha- 
leur. —  L'idée  de  donner  pour  cause  à  la  chaleur 
produite  dans  la  percussion  ou  le  frottement,  le 
travail  mécanique  détruit,  est  très  ancienne  dans 
la  science.  On  la  trouve  développée  dans  le  pas- 
sage suivant  de  l'œuvre  de  Robert  Bo3'le  que  l'on 
croirait  écrit  d'iiior  :  «  Lorsqu'on  enfonce  un  gros 
clou  dans  un  morceau  de  bois,  on  remarque  que 
pendant  tout  le  temps  que  le  clou  s'enfonce,  il 
faut  donner  un  assez  grand  nombre  de  coups  sur 
sa  tête  pour  l'échaufl'er  d'une  façon  sensible  ;  mais 
lorsqu'il  ne  peut  plus  aller  plus  loin,  quelques 
coups  suffisent  pour  lui  communiquer  une  chaleur 
considérable.  Dans  le  premier  cas,  le  mouvement 
produit  est  un  mouvement  d'ensemble  qui  fait 
avancer  le  clou  dans  une  direction  ;  mais  quand  ce 
mouvement  vient  à  cesser,  l'impulsion  donnée  par 
les  coups  de  marteau  étant  incapable  de  chasser  le 
clou  plus  avant  ou  de  le  briser,  il  faut  qu'elle  se 
dépense  dans  la  production  de  ce  mouvement  in- 
testin, varié  et  très  rapide,  dans  lequel  nous  fai- 
sons consister  la  chaleur.  »  Mais  cette  notion  nou- 
velle n'est  définitivement  admise  que  depuis  les 
expériences  de  Rumford  et  de  Davy  que  nous  avons 
citées  et  qui  ont  été  le  point  de  départ  de  beau- 
coup d'autres  destinées  à  les  corroborer. 

Dans  toutes  les  actions  mécaniques,  frottement, 
percussion,  compression,  où  de  la  chaleur  est  en- 
gendrée, il  y  a  du  mouvement  anéanti.  De  deux 
boules  égales,  l'une  d'ivoire,  l'autre  de  plomb, 
tombant  de  la  même  hauteur,  la  première  remonte 
au  point  d'où  elle  est  tombée,  son  mouvement  n'a 
fait  que  changer  de  sens  ;  la  seconde  s'aplatit  et 
reste  sur  le  sol;  mais  elle  s'est  échauffée,  et  cette 
augmentation  de  chaleur  est  le  résultat  du  mouve- 
ment disparu.  Le  tourillon  qui  frotte  contre  un 
anneau  anéantit  la  force  motrice  qu'il  reçoit  ;  mais 
il  s'échauffe,  et  si  l'on  vient  à  rendre  son  frotte- 
ment moindre  en  le  graissant,  il  cesse  de  s'é- 
chauffer, il  ne  dépense  plus  autaiit  de  force  mo- 
trice, ou  bien  il  la  rend  en  mo'uvement  au  lieu  de 
la  rendre  en  chaleur  Nous  pourrions  reprendre 
un  à  un  tous  les  phénomènes  calorifiques  des  ac- 
tions mécaniques  ;  ils  vérifieraient  tous  ce  pre- 
mier axiome  de  la  théorie  moderne  :  quand  du 
travail  mécanique  disparait,  il  se  crée  de  la  cha- 
leur. 

2.  Transformation  de  la  chaleur  en  travail.  — 
Inversement,  quand  de  la  chaleur  disparaît,  elle 
engendre  de  la  force,  du  mouvement  ;  elle  produit 
du  travail.  Si  l'on  ouvre  le  robinet  d'un  vase  solide 
qui  contient  de  l'air  comprimé,  le  gaz  qui  s'élance 
au  dehors  est  cliassé  par  celui  de  l'intérieur;  ce 
dernier  accomplit  le  travail  de  pousser  en  avant  le 
courant  d'air  qui  s'échappe.  Il  se  refroidit.  La  cha- 
leur qu'il  possède  est  le  seul  agent  qu'il  puisse 
employer  pour  exécuter  son  travail.  Dans  la  ma- 
chine à  vapeur,  c'est  la  chaleur  du  combustible 
qui  devient  force  motrice  par  l'intermédiaire  de 
l'eau  vaporisée,  et  dans  tous  les  cas,  l'effet  méca- 
nique est  la  conséquence  de  la  dépense  de  chaleur  ; 
le  travail  produit  est  d'autant  plus  grand  que  la 
différence  de  température  de  la  vapeur  à  son  en- 


CHALEUR 


—  366  — 


CHAMPIGNONS 


trée  et  à  sa  sortie,  c'est-à-dire  la  perte  de  chaleur, 
est  elle-même  plus  considérable. 

3.  Équivaleîit  mécanique  de  la  chaleur.  —  Ainsi 
la  force  mécanique  engendre  de  la  chaleur,  et 
celle-ci,  en  disparaissant,  régénère  de  la  force. 
Quel  est  le  rapport  de  la  chaleur  développée  par 
une  action  mécanique  à  la  force  qui  l'a  engendrée  ? 
telle  était  la  question  à  résoudre.  La  relation  qui 
lie  ces  deux  phénomènes  dut  se  révéler  indécise  à 
quelques  esprits  avant  d'être  démontrée  par  l'ex- 
périence et  de  recevoir  un  énoncé  précis.  C'est  à 
Joule  qu'est  due  la  première  démonstration  expé- 
rimentale, et  c'est  au  docteur  allemand  Mayer  que 
revient  l'honneur  d'avoir  formulé  le  rapport  intime 
qui  lie  la  chaleur  et  le  travail. 

Joule  fit  froiter  différents  corps  les  uns  contre 
les  autres  ;  il  mesura  la  chaleur  produite  par  leur 
frottement  ainsi  que  la  force  dépensée  pour  le 
vaincre,  et  il  conclut  qu'une  quantité  donnée  de 
force  produit  toujours  en  se  dépensant  la  même 
quantité  de  chaleur. 

Mayer,  dans  son  remarquable  mémoire  sur  les 
forces  de  la  nature,  établit  qu'il  y  a  égalité  entre 
l'effet  et  la  cause,  et  que  si  un  effet  devient  la  cause 
■d'un  autre  effet,  ce  dernier  est  encore  égal  à  la 
première  cause,  quel  que  soit  d'ailleurs  le  moyen 
dont  on  les  ait  tirés  l'un  de  l'autre.  Il  résulte  de 
là  que  la  chaleur  produite  par  le  frottement  et  qui 
n'a  eu  pour  cause  que  l'énergie  dépensée  dans  cet 
acte  doit  être  égale  à  cette  énergie  et  capable  de 
la  reproduire  tout  entière.  «  La  loi  chaleur  =  effet 
mécanique  est  indépendante  de  la  nature  du  fluide 
-ou  du  corps  qui  n'a  été  que  l'instrument  à  l'aide 
-duquel  une  force  est  convertie  en  l'autre.  » 

L'équivalence  de  la  chaleur  et  du  travail  peut 
donc  se  traduire  par  un  nombre  et  présenter  la 
même  valeur  quelque  soit  l'intermédiaire  qui  a 
opéré  la  transformation.  L'expérience  faite  sur  les 
gaz,  les  liquides  et  les  solides  donne  pour  Véqui- 
valent  mécanique  de  la  chaleur  le  nombre  425  dont 
la  signification  est  celle-ci:  il  faut  détruire  435  uni- 
tés de  travail  pour  engendrer  1  unité  de  chaleur, 
et  inversement,  quand  1  unité  de  chaleur  ou  I 
calorie  disparaît,  elle  produit  4"2ô  unités  de  travail. 

La  calorie  est  la  quantité  de  chaleur  nécessaire 
pour  élever  1  kilogramme  d'eau  de  1°  ;  l'unité  de 
travail  est  représentée  par  celui  d'un  poids  de 
1  kilogramme  tombant  d'un  mètre  de  hauteur  ; 
nous  en  conclurons  que  la  disparition  d'une  ca- 
lorie  peut  élever  un  poids  de  42o  kilogrammes  à 
un  mètre  de  hauteur. 

En  mécanique,  on  définit  le  travail  le  produit 
de  la  force  par  le  chemin  parcouru;  et  dans  le 
<;as  le  plus  simple  d'un  corps  qui  tombe,  c'est  le 
produit  du  poids  par  la  hauteur  de  chute.  Mais 
tout  corps  en  mouvement  est  une  puissance  mé- 
canique dont  l'effet  est  proportionné  à  la  masse  et 
au  carré  de  la  vitesse  :  à  un  poids  double  d'une 
balle  qui  frappe  contre  un  mur  correspond  un  choc 
de  valeur  double;  à  une  vitesse  deux  fois  plus 
grande  correspond  un  choc  de  valeur  quadruple. 
La  puissance  mécanique  d'un  mobile  est  donc 
mesurée  par  le  produit  de  la  masse  par  le  carré  de 
la  vitesse;  ce  produit  porte  le  nom  de  force-vi'c; 
ie  travail  dont  le  mobile  est  capable  en  est  la  moitié. 

4.  Conservation  de  la  force-vive .  —  Énergie.  — 
Tout  corps  abandonné  à  lui-même  tombe,  soumis 
qu'il  est  à  l'action  de  la  pesanteur.  En  arrivant  à 
terre,  il  possède  une  force-vive  qui  est  le  produit 
de  sa  masse  par  le  carré  de  sa  vitesse.  S'il  reste  au 
repos,  que  devient  la  puissance  mécanique  qui 
l'animait?  S'est-elle  détruite?  Nullement,  puisque 
rien  ne  peut  se  perdre  dans  la  nature;  elle  s'est 
transformée,  et  sous  son  nouvel  aspect,  elle  est 
équivalente  à  ce  qu'elle  était  avant.  Un  boulet  perd 
brusquement  sa  vitesse  au  moment  du  choc  contre 
la  muraille  visée.  Sa  force  vive  est  disparue  ou 
plutôt  transformée  ;  elle  se  retrouve  dans  le  travail 


interne  que  subit  le  boulet  en  se  déformant,  dans 
le  travail  externe  éprouvé  par  la  muraille  et  enfin 
dans  le  mouvement  vibratoire  qui  constitue  la  cha- 
leur répartie  sur  l'un  et  l'autre.  Ainsi  le  propre  de 
la  force-vive  c'est  de  se  conserver  intégralement 
malgré  ses  transformations  diverses. 

Mais  on  peut  tirer  d'un  corps  donné,  outre  le 
mouvement,  de  la  chaleur,  de  l'électricité,  de  la 
force  chimique  ;  et  chacun  de  ces  agents  peut  se 
transformer  en  un  autre,  équivalent  pour  équiva- 
lent. Il  est  donc  utile  d'avoir  un  mot  qui  exprime 
la  faculté  que  possède  le  corps  proposé  de  produire 
ou  du  travail  mécanique,  ou  de  la  chaleur,  ou  de 
l'électricité,  sans  désigner  spécialement  ce  que  l'on 
veut  tirer  de  lui. 

De  même  qu'on  dit  d'un  homme  qu'il  a  de  la 
richesse  sans  distinguer  si  elle  consiste  en  terre 
ou  en  argent  parce  qu'on  sait  qu'ils  s'équivalent; 
de  même  on  dit  d'un  corps  qu'il  a  de  Yénergie. 
L'énergie  est  donc  ce  qui  se  conso've  quand  les 
agents  naturels  s'éc^iongent;  et  pour  ne  citer  qu'un 
exemple,  quand  un  moteur  à  air  chaud  élève  un 
poids  à  une  certaine  hauteur,  c'est  son  énergie 
thermique  qui  se  transforme  en  travail. 

La  chaleur  nous  apparaît  comme  la  source  à  la- 
quelle sont  empruntées  toutes  les  sortes  d'éner- 
gies que  l'homme  peut  mettre  en  ieu.  Émanée  du 
soleil  à  l'état  rayonnant  (V.  Rayonnement),  elle 
se  transforme  dans  les  plantes  en  énergie  chimi- 
que et  elle  reparaît  en  chaleur  lumineuse  quand 
on  brûle  le  végétal  et  qu'on  refait  ainsi  les  maté- 
riaux inorganiques  que  la  radiation  solaire  avait 
organisés.  Tout  mouvement  qui  s'éteint  la  pro- 
duit; il  en  est  de  même  de  tout  courant  électrique 
qui  se  dissipe  sans  travail  ;  en  un  mot,  elle  est 
comme  la  métamorphose  dernière  de  l'énergie  à 
laquelle  aboutissent  tous  les  phénomènes  de  la 
nature.  Existe-t-elle  à  l'état  de  chaleur  dans  les 
astres?  Tout  porte  à  croire  qu'elle  provient  elle- 
même  d'un  mouvement  détruit  et  dont  la  cause 
serait  l'attraction  qui  porte  sans  cesse  les  corps 
les  uns  vers  les  autres. 

Expériences.  —  1.  Chaleur  dégagée  des  actions 
chimiques  :  mélanger  de  l'eau  et  de  l'acide  sulfu- 
rique,  de  l'acide  et  de  l'alcool,  dissoudre  du  zinc 
dans  l'acide  chlorhydrique,  mêler  du  soufre  en 
poudre  et  de  la  limaille  de  fer  humide,  constater 
dans  chacun  de  ces  cas  la  grande  élévation  de  la 
température.  —  Verser  lentement  de  l'eau  sur  des 
copeaux  très  menus  pour  les  allumer.  —  Faire 
brûler  du  fer  dans  l'oxygène,  comme  exemple 
frappant  de  combustion  vive.  —  Constater  la  diffé- 
rence calorifique  de  la  flamme  d'une  bougie,  d'une 
lampe  à  alcool,  d'un  bec  de  gaz,  en  y  chauffant 
un  tube  de  verre  ;  augmenter  la  chaleur  de  la 
flamme  par  le  chalumeau. 

2.  Chaleur  des  actions  mécaniques  :  ployer  une 
barre  d'étain  plusieurs  fois  de  suite  dans  deux 
sens  opposés.  —  Battre  le  briquet  au-dessus 
d'une  feuille  de  papier.  —  Constater  les-  étincelles 
en  gerbe  que  produit  la  roue  du  remouleur  quand 
elle  n'est  pas  arrosée.  —  Montrer  que  la  limaille 
détachée  par  un  foret  sec  est  brûlante,  —  qu'une 
lame  métallique  fixée  dans  un  étau  s'échauffe  au 
point  où  elle  est  serrée  quand  on  la  fait  vibrer 
quelque  temps.  [Haraucourt.] 

CHA.>IPIG.\ONS.  —  Botanique  ,  XL  —  Les 
champignons  sont  desvégétaux  de  structure  entière- 
ment cellulaire,  chez  lesquelsonreconnaîtdeux par- 
ties essentielles  bien  distinctes  :  l'une,  par  laquelle  le 
végétal  se  nourrit,  s'appelle  le  mycélium;  l'autre 
portant  les  organes  de  reproduction,  le  7'éceptacle. 
La  disposition  relative  de  ces  deux  parties  est  ex- 
trêmement variable  :  le  chapeau  de  certains  cham- 
pignons n'est  autre  que  le  réceptacle  recouvrant 
les  organes  reproducteurs.  Ceux-ci,  chez  tous  les 
champignons,  sont  des  spores,  qui  se  détachent  de 
la  plante  mère  et  qui,  placées  dans  des  conditions 


CHAMPIGNONS 


—  367 


CHAMPIGNONS 


favorables,  reproduisent  on  germant  un  mycélium 
produisant  bientôt  lui-même  un  réceptacle.  Dans 
un  assez  grand  nombre  de  genres,  le  chapeau  est 
réuni  par  ses  bords  au  stipe,  par  l'internoédiaire 
d'une  sorte  de  voile,  le  collet,  pouvant  le  recouvrir 
complètement,  et  chez  d'autres  toute  la  jeune  plante 
peut  être  renfermée  dans  un  sac  nommé  la  volva. 
Les  champignons  se  reproduisent  par  des  spores  dé- 
veloppées dans  des  régions  très  diverses  du  végétal. 

Descriidion  des  parties  d'un  champignon  de  cou- 
che ou  aqaric  —  Prenons  comme  exemple  le  cham- 
pignon de  couche,  afin  de  nous  rendre  compte  des 
diverses  parties  et  de  la  structure  d'un  de  ces 
cryptogames  les  plus  élevés  d'organisation.  Le  mj/cé- 
lium  est  la  partie  enfoncée  dans  le  sol  et  qu'on 
nomme  le  blunc  de  champignon,  formé  de  filaments 
blancs  en  lacis  ;  au-dessus  s'élève  une  colonne  cy- 
lindrique charnue  qu'on  appelle  le  stipe  et  qui 
porte  le  chapeau,  coifi"e  convexe  et  nue  supérieure- 
ment. Sous  le  chapeau  sont  des  lamelles  membra- 
neuses verticales  adhérentes  à  sa  face  inférieure  et 
au  stipe, jouant  le  rôle  de  récept'icle,  car  perpen- 
diculairement à  leur  surface  on  verrait,  sous  un 
verre  grossissant,  des  cellules  dressées  (basides)  et 
terminées  à  leur  extrémité  par  lesspores  qu'elles  sup- 
portent. Quand  le  champignon  est  jeune  les  bords 
du  chapeau  sont  réunis  au  stipe  par  uir  voile  qui 
se  déchire  plus  tard,  laissant  autour  du  pied,  là  où 
il  s'insérait,  ses  débris  qui  constituent  nnQ  collerette 
ou  collier.  (Dans  l'oronge,  ce  voile  ou  volva  entoure 
tout  le  champignon.) 

Classification,  genres  et  espèces  principaux.  — 
La  majorité  des  champignons  végèce  dans  les  lieux 
chauds  et  humides,  les  uns  h  la  surface  du  sol, 
les  épigés;  les  autres  dans  la  terre,  les  hypogés; 
d'autres  enfin,  comme  parasites,  sur  l'homme,  les 
animaux  et  les  plantes,  les  épiphytes.  Au  point  de 
vue  de  la  place  qu'ils  occupent  dans  l'échelle  végé- 
tale, ces  plantes,  dans  leurs  formes  les  plus  sim- 
ples, ressemblent  beaucoup  aux  algues  également 
simples  ;  seulement,  tandis  que  les  algues  sont 
toujours  aquatiques,  les  champignons  vivent  dans 
l'air;  dans  la  classe  des  algues,  les  organes  de  vé- 
gétation ne  sont  pas  distincts  des  organes  repro- 
aucteurs  comme  cela  s'observe  dans  celle  des  cham- 
pignons. 

On  a  proposé  plusieurs  classifications  de  ces 
cryptogames  :  les  unes  basées  pour  les  distinguer 
sur  les  formes  diverses  du  réceptacle  ;  les  autres 
sur  la  couleur  des  spores,  ou  bien  encore  sur  le 
lieu  de  végétation,  et,  quoique  très  différents,  ces 
caractères  ont  groupé  les  champignons  à  peu  près 
de  même. 

Nous  étudierons  non  la  classification  méthodique 
des  champignons,  mais  les  genres  les  plus  inté- 
ressants :  I*  comme  parasites;  2°  comme  alimen- 
taires; 3"  comme  plantes  vénéneuses. 

\o  Champignons  parasites.  —  Nous  citerons 
parmi  ceux-ci  les  irichophytes,  V oïdium  et  le  cla- 
viceps.  —  Les  trichophi/tes  (de  deux  mots  grecs  si- 
gnifiant plante  dans  les  chereux)  sont  des  orga- 
nismes très  simple?  composés  de  cellules  al- 
longées, globuleuses  ou  ovoïdes  placées  bout  à 
bout  et  microscopiques,  faisant  office  de  spores 
reproductives  capables  de  se  détacher  de  la  plante 
mère  pour  germer  et  donner  naissance  à  des 
chapelets  semblables  à  ceux  qui  les  ont  '  pro- 
duits. Ces  plantes  croissent  à  l'intérieur  de  la  ra- 
cine des  cheveux  ou  des  poils  qui  deviennent  ter- 
nes, roux  et  cassants,  se  rompent  un  peu  au-dessus 
■de  l'épiderme.  C'est  l'un  de  ces  trichophytes,  le  tri- 
chophyte  tonsnrant,  qui  occasionne  l'affection  re- 
belle et  contagieuse  connue  sous  le  nom  de  teigne 
et  qui  peut  se  terminer  par  la  calvitie  complète  du 
malade. 

Les  oïdium  (d'un  mot  grec  signifiant  gonflement). 
—  Les  champignons  de  ce  genre  sont  un  peu  plus 
compliqués  que  les  précédents  ;  en  effet,  bien  que  le 


mycélium  soit  encore  rudimentaire.  le  réceptacle 
est  constitué  par  des  filaments  tubulés,  divisés  en 
compartiments  par  des  cloisons  transversales,  ra- 
mifiés et  entre-croisés  en  un  feutrage  assez  dense 
pour  simuler  de  véritables  membranes.  C'est  à  des 
champignons  de  ce  genre  qu'est  due  la  maladie 
connue  chez  les  enfants  sous  le  nom  de  muguet, 
conséquence  d'une  alimentation  trop  substantielle 
à  l'époque  où  le  lait  de  la  mère  devrait  suffire. 
C'est  aussi  un  oïdium  qui  a  causé  la  maladie  para- 
sitaire qui  si  longtemps  a  frappe  la  vigne. 

C'est  au  genre  clnviceps  qu'appartient  le  claviceps 
pourpré  dont  le  mycélium  tuberculeux  gris-noirâtre 
constitue  ce  qu'on  appelle  V ergot  de  seigle,  dont 
le  nom  vient  de  ce  qu'il  est  fusiforme,  pointu  à 
l'une  de  ses  extrémités  et  recourbé  comme  l'ergot 
d'un  coq.  Ce  parasite  vit  aux  dépens  de  la  fleur  du 
seigle  et  constitue  une  maladie  de  cette  dernière 
céréale.  Détaché  de  la  plante  malade  et  placé  sur 
du  sable  fin,  l'ergot  de  seigle  donnera  naissance, 
comme  tout  mycélium  de  champignon,  à  des  orga- 
nes de  fructifications,  c'est-à-dire  à  un  certain 
nombre  de  stipes  portant  autant  de  réceptacles 
arrondis  ressemblant  aux  chapeaux  des  champi- 
gnons les  plus  connus  généralement. 

2"  Champigno7is  cojnestibles.  —  Nous  citerons, 
parmi  les  champignons  comestibles,  les  tiniffes, 
les  morilles,  les  agarics,  les  mousserons,  Va- 
qaric  atténué,  le  lactaire  doré,  Yagaric  délicieux, 
Yoronge,  Yamanite  rougissante,  la  chanterelle,  les 
bolets  comestibles. 

3°  Champignons  vénéneux.  —  Vagaric  annu- 
laire, Yagaric  meurtrier,  Yagaric  caustique,  Yaga- 
ric éméiique,  Yagaric  de  tolivier,  Yagaric  scyp- 
tiqiie,  la  fausse  oronge,  Ya?nanite  à  veirues, 
Yamanite  bulbeuse,  les  bolets  peimicieux,  les  bolets 
azurés,  etc. 

Les  truffes  \i\ent  sous  terre  loin  de  l'influence 
de  la  lumière  ;  leur  mycélium  à  peine  visible  ne 
dure  que  peu  de  temps,  leur  surface  extérieure 
est  lisse  ou  verruqueuse,  elles  sont  noirâtres  et 
présentent  intérieurement,  quand  on  les  coupe,  des 
lignes  blanches  simulant  de  véritables  marbrures; 
ces  lignes  indiquent  la  présence  de  canaux  aérifè- 
res  ;  les  truffes  noires  du  Périgord  sont  les  plus 
estimées  et  on  emploie  à  leur  recherche  les  co- 
chons, qui  en  sont  friands,  et  les  découvrent  par- 
faitement à  l'aide  de  leur  boutoir. 

Les  caractères  des  agarics  nous  sont  connus 
puisque  nous  en  avons  décrit  précédemment  les 
différentes  parties  en  choisissant  comme  type  l'a- 
garic comestible;  indiquons  maintenant  les  carac- 
tères difl'érentiels  des  agarics  utiles  et  des  aga- 
rics vénéneux  : 

Agaric  comestible.  —  Chapeau  charnu,  stipe 
avec  ou  sans  collerette,  lames  restant  solides  pen- 
dant la  vieillesse  ;  blanc  dans  le  jeune  âge,  passant 
ensuite  au  brun  foncé.  Dans  les  bois  peu  cou- 
verts et  les  prairies  en  automne. 

Moiissero7i.  —  Chapeau  d'abord  arrondi  et  con- 
vexe, puis  en  cloche,  pas  de  collerette,  stipe  court, 
odeur  musquée  ;  croît  au  printemps  par  groupes 
dans  les  terrains  incultes  et  les  prairies.  Très 
commun  dans  l'ouest  et  le  midi  de  la  France. 

Agaric  atténué.  —  Chapeau  conique,  stipe  élargi 
à  la  base,  lames  adhérentes  à  la  base,  brun  fauve 
clair.  Sur  les  vieux  saules  ou  les  peupliers,  dans 
le  midi  de  la  France. 

Agaric  délicieux.  —  Chapeau  convexe,  légère- 
ment redressé  s'ir  ses  bords,  couleur  jaune  ou 
rouge  brique  clair  ;  laisse  échapper,  quand  on  l'in- 
cise, un  suc  laiteux  d'une  saveur  douce,  puis  acre, 
croît  dans  le  midi,  dans  les  bois  montueux. 

Lactaire  doré  (dit  î;«cAedans  les  Vosges).  —  Pro- 
duit un  suc  laiteux,  amer,  qu'ii  répand  quand  on 
le  casse  ;  chapeau  concave  jaune,  devenant  rouge 
plus  tard,  ressemble  beaucoup  à  l'agaric  meurtrier 
quand  il  vieillit. 


CHARBON 


—  368  — 


CHARBON 


Agaric  annulaire  (vénéneux).  —  Ce  qui  permet 
de  le  distinguer,  c'est  qu'il  croît  par  touffes  de 
trente  ou  cinquante  dans  les  bois,  sur  les  vieilles 
souches  ou  en  terre;  son  chapeau  est  convexe, 
son  stipe  avec  collerette  en  entonnoir,  sans  volva, 
lames  sèches. 

L'agaric  meurtrier  (vénéneux)  ressemble  à  l'a- 
garic déhcieux  dont  il  diffère  par  les  bandes  fon- 
cées qui  tranchent  sur  la  couleur  générale  du 
chapeau,  et  par  son  odeur  désagréable. 

Vagariccaustique {vénéneux).  —Chapeau  un  peu 
déprimé  au  centre  (ombilic),  et  gris  ou  jaune  livide, 
stipe  cylindrique  et  fauve,  lames  inégales  écartées 
et  rouges  gorgées  d'un  suc  laiteux,  doux  d'abord, 
puis  acre. 

Agaric  émétique  (vénéneux'.  —  Chapeau  aplati 
ou  déprimé,  recouvert  d'une  pellicule  ;  stipe  sans 
collerette,   lames  égales,  sèches,  non  latescentes. 

Nous  n'avons  fait  ces  comparaisons  des  agarics 
que  pour  montrer  combien  il  est  difficile  de  don- 
ner des  caractères  faciles  pour  reconnaître  les 
champignons  comestibles  des  vénéneux.  La  prati- 
que seule  peut  donner  de  l'assurance,  et  dans 
chaque  région,  chacun  peut  avoir  des  connaissan- 
ces pratiques  qu'il  serait  imprudent  d'employer 
ailleurs.  Nous  ne  saurions  donc  trop  engager  à  la 
plus  grande  prudence  dans  les  récoltes  de  ces 
cryptogames. 

On  est  loin  d'être  fixé  sur  la  nature  des  princi- 
pes vénéneux  contenus  dans  les  plantes  qui  nous 
occupent  ;  sans  doute  il  n'est  pas  le  même  pour 
toutes.  Par  exemple,  les  agarics  vénéneux  peuvent 
entraîner  la  mort  au  bout  de  trois  ou  cinq  jours, 
après  des  vomissements,  des  envies  trompeuses 
d'évacuer  et  des  douleurs  stomacales.  Les  oronges 
fausses  sont  des  poisons  stupéfiants,  et  le  sommeil 
qu'ils  causent  est  tellement  invincible,  qu'il  est 
quelquefois  impossible  de  réveiller  le  malade  pour 
lui  administrer  le  contre-poison.  En  attendant  les 
secours  du  médecin  qui  ordonnera  le  remède  con- 
venable, il  faut  éviter  d'administrer  au  malade 
de  l'alcool,  de  l'éther  ou  de  l'eau  salée  ou  vinai- 
grée, substances  qui  hâtent  les  effets  du  poison. 

Parmi  les  champignons  comestibles  dont  nous 
n'avons  pas  encore  parlé,  citons  enfin  l'oronge,  la 
chanterelle  et  le  lolet.  —  h'oronge  assez  voisine  des 
amanites  est  enveloppée  jeune, dans  une  volva  blanche 
aie  chapeau  d'un  beau  rouge  et  est  d'une  blancheur 
parfaite  intérieurement;  la  fausse  oronge  lui  res- 
semble beaucoup,  seulement  la  volva  est  incomplète 
dans  cette  dernière,  et  laisse  des  débris  qui  mar- 
brent de  blanc  le  chapeau  ;  la  fausse  oronge  est  des 
plus  vénéneuses.  Là  chant erelle .  connue  suivant  les 
localités  sous  les  noms  différents  de:  chevrette, che- 
veline,  GiraudetJeannelet,  crête  de  coq,  etc.,  sere- 
connaîtà  la  couleur  d'un  beau  jaune  de  son  chapeau  à 
bords  très  relevés  et  à  forme  d'entonnoir  profond. 
Enfin,  les  bolets  dont  le  plus  estimé  est  le  cèpe,  com- 
prennent des  espèces  comestibles  et  des  espèces 
vénéneuses.  Le  bolet  comestible  a  le  chapeau  uni, 
lisse,  ondulé  sur  ses  bords,  souvent  rouge  brique 
plus  ou  moins  brun,  le  stipe  est  iaune  marqué  de 
taches  brunes  ;  il  pousse  dans  les  clairières  des 
environs  de  Bordeaux  en  été  et  ne  se  montre  ja- 
mais sur  les  souches  des  arbres. 

C'est  du  bolet  amadouvier  qui  croît  sur  le  chêne 
que  l'on  obtient  Yamadou.  Quand  on  a  recueilli  ce 
champignon,  on  le  fait  bouillir  dans  une  solution 
de  salpêtre,  puis  on  le  sèche,  et  on  le  bat  afin  de 
l'assouplir.  [G.  Philippon.] 

CHANSON.  —  V.  Poésie. 

CHANT.  —  V.  le  môme  mot  dans  la  Jr*  Partie 
et  Musique  dans  la  II«  Partie. 

CHARBON.  —  Nous  groupons  sous  ce  nom 
usuel  les  notions  très  diverses  qui  se  l'apportent  à 
ce  corps  et  à  ses  principaux  compostas  en  classant 
ces  notions  d'après  les  différentes  sciences  physi- 
ques et  naturelles  auxquelles  elles  appartiennent. 


1-  Le  Carbone.  —  Chimie, IV  et  XXL  —  En  chi- 
mie, le  charbon  pur,  à  l'état  de  simplicité  et  de 
pureté  parfaite,  s  appelle  carèone  (du  latin  carbonem, 
charbon}. 

Le  carbone  est  un  corps  tellement  répandu  dans 
la  nature,  si  variable  dans  ses  formes,  si  riche  en 
combinaisons,  si  multiple  d'aspects,  si  important  à 
tous  égards  dans  les  trois  règnes  qu'on  a  pu  dire 
avec  raison  :  faire  la  chimie  du  carbone,  ce  serait 
faire  la  chimie  organique  tout  entière  et  de  plus 
une  grande  partie  de  la  chimie  minérale. 

Il  importe  donc  de  donner  même  dans  l'ensei- 
gnement primaire  des  notions  sommaires  mais 
justes  sur  ce  vaste  et  intéressant  chapitre  de  la 
science. 

Différents  états  du  carbone.  —  Carbone  cris- 
tallisé :  1°  Diamant.  —  Le  carbone  absolument 
pur  ne  se  trouve  sur  la  terre  qu'en  infiniment 
petite  quantité  :  c'est  le  diamant.  Cette  substance 
minérale  a  fait  de  tout  temps  l'admiration  des 
hommes  par  son  éclat,  par  sa  dureté,  par  son  inal- 
térabilité, mais  sa  véritable  nature  n'est  connue 
que  depuis  la  fin  du  siècle  dernier.  Lavoisicr  re- 
marqua le  premier  que  le  diamant  brûlant  dans 
l'oxygène  produit  un  dégagement  d'acide  carboni- 
que, mais  il  ne  savait  pas  encore  s'il  se  trouvait 
dans  le  diamant  autre  chose  que  du  charbon.  C'est 
Humphrey  Davy  qui  démontra  que  le  diamant 
n'est  autre  chose  que  du  carbone,  en  mesurant  la 
quantité  d'acide  carbonique  produite  par  la  com- 
bustion du  diamant  dans  l'oxygène.  Aujourd'hui 
l'on  sait  que  le  diamant  n'est  que  le  carbone  cris- 
tallisé. Quand,  où,  comment,  par  suite  de  quelles 
circonstances  géologiques  le  carbone  a-t-il  pu  dans 
certains  cas  prendre  au  sein  de  la  terre  cette 
forme  cristalline  merveilleusement  transparente, 
acQuérir  cet  éclat  extraordinaire,  et  devenir  le  plus 
dur  de  tous  les  corps  connus  ?  C'est  ce  que  la  science 
n  a  pas  encore  découvert,  ne  découvrira  peut-être 
jamais. 

Une  fois  cette  identité  reconnue  entre  le  charbon 
et  la  plus  rare  de  toutes  les  pierres  précieuses, 
la  première  idée  devait  être  de  chercher  s'il  ne 
serait  pas  possible  de  produire  artificiellement  le 
diamant  à  l'aide  du  charbon.  Que  d'essais  ont  été 
faits  soit  par  les  savants,  à  l'aide  des  méthodes  les 
plus  rationnelles,  soit  par  des  empiriques  procédant 
presque  à  tâtons  !  On  est  bien  parvenu  à  changer 
le  diamant  en  charbon,  et  même  en  véritable  coke, 
mais  non  pas  à  changer  inversement  le  charbon 
en  diamant. 

2°  Graphite.  —  Le  graphite  est  une  autre  forme 
de  carbone  cristallisé.  On  sait  que  le  fer  en  fusion 
jouit  de  la  propriété  de  dissoudre  le  charbon.  S'il 
en  a  dissous  une  petite  quantité,  il  la  conserve  en 
se  refroidissant  et  devient  de  l'acier  ou  de  la 
fonte.  S'il  en  a  au  contraire  beaucoup  absorbé  et  si 
on  laisse  la  masse  en  fusion  se  refroidir  lentement, 
le  charbon  se  sépare  et  vient  à  la  surface  se  soli- 
difier en  cristallisant  sous  forme  de  lames  noires 
et  brillantes  :  ce  n'est  plus  du  charbon  commun, 
c'est  du  graphite,  corps  qui  tout  en  ayant  presque 
l'éclat  d'un  métal,  est  assez  mou  pour  laisser  une 
trace  sur  le  papier  par  une  légère  pression. 

La  plombagine  est  une  variété  de  graphite  en 
paillettes  très  fines,  dont  on  se  sert  pour  faire  les 
crayons  dits  à  mine  de  plmb.  Il  est  à  noter  que 
malgré  ce  nom,  la  plombagine  ne  contient  aucune 
trace  de  plomb. 

Carbone  non  cristallisé.  —  Parmi  les  innombra- 
bles ^rmes  sous  lesquelles  se  présente  le  carbone 
amorphe,  il  n'est  besoin  que  de  citer  les  plus  con- 
nues. Elles  diffèrent  entre  elles  chimiquement  par 
la  nature  ou  la  proportion  des  corps  étrangers  qui 
s'y  trouvent  unis  au  carbone  pur  Toutes  ces  es- 
pèces de  charbon  proviennent  de  la  calcinaiion  ou 
de  la  combustion  incomplète  de  matières  soit  végé- 
tales, soit  minérales. 


CHARBON 


369  — 


CHARBON 


Le  charbon  de  bois  est  celui  dont  la  production 
ost  le  plus  simple,  celui  par  conséquent  qui  peut 
servir  d'exemple,  de  point  de  départ  dans  l'ensei- 
gnement élémentaire. 

Il  est  facile  de  faire  comprendre  comment  on  le 
fabrique  en  grandes  quantités  dans  les  forêts  en 
faisant  des  meules  ou  tas  de  bois,  en  les  recou- 
vrant de  terre  sauf  de  petites  ouvertures  pour  lais- 
ser passer  l'air,  en  les  enflammant  ensuite  et  en  les 
laissant  brûler  lentement.  L'art  du  charbonnier 
€st  de  savoir  graduer  le  feu,  qui  doit  être  tantôt 
très  vif,  tantôt  très  modéré,  de  pousser  la  combus- 
tion juste  à  point,  de  surveiller  les  fissures  qui  in- 
troduiraient trop  d'air,  d"en  ouvrir  s'il  y  avait  dan- 
ger d'explosion,  de  ménager  convenablement  les 
soupiraux,  de  faire  que  la  combustion  soit  égale 
dans  toutes  les  parties  de  la  meule,  etc. 

Le  charbon  est  d'autant  plus  compacte  que  le 
bois  qui  l'a  fourni  esi  plus  dur  et  dun  grain  plus 
serré.  Sa  densité  est  généralement  proportionnelle 
à  celle  du  bois.  En  réalité  elle  est  ordinairement 
de  2  par  rapport  à  celle  de  l'eau,  mais  comme  le 
charbon  est  très  poreux,  l'air  qu'il  contient  le  fait 
surnager  et  il  semble  plus  léger  que  l'eau. 

2.  Charbon  de  terre;  lignite,  anthracite,  coke, 
€tc.  —  Géologie,  VL  —  V.  Houille. 

3.  Tourbe.  —  Tandis  que  la  houille  est  le  pro 
duit  de  la  carbonisation  complète  d'une  masse 
énorme  de  végétaux  accumulés  sous  terre  et  re- 
montant à  une  lointaine  époque  géologique,  il  s'est 
formé  dans  les  terrains  les  plus  récents,  et  il  se 
forme  encore  de  nos  jours  dans  certaines  régions 
marécageuses,  des  dépôts  analogues  de  végétaux 
aquatiques  pour  la  plupart,  qui  ne  se  carbonisent 
qu'incomplètement  :  c'est  la  tourbe.  Elle  se  pré- 
sente sous  la  forme  d'une  matière  noirâtre  ou 
brune,  d'une  texture  spongieuse,  tantôt  compacte  et 
homogène,  si  on  l'a  prise  au  fond  de  la  tourbière, 
tantôt  irrégulière  et  mêlée  de  terre,  de  racines,  de 
tiges,  d'écorces  encore  reconnaissables,  quand  elle 
piovient  des  couches  supérieures  où  la  décompo- 
sition des  végétaux  est  moins  avancée.  Ce  com- 
bustible, dont  la  qualité  peut  varier  beaucoup,  brCde 
avec  une  ardeur  particulière  et  laisse  toujours  un 
abondant  résidu  terreux. 

Les  tourbières  les  plus  anciennes  sont  quelque- 
fois recouvertes  d'un  terrain  solide  :  ainsi  beau- 
coup de  riches  pâturages  de  la  Normandie  repo- 
sent sur  une  couche  de  limon  et  de  sable  au-des- 
sous de  laquelle  sont  des  tourbières.  Le  plus  sou- 
vent les  tourbières  restent  pendant  longtemps 
presque  à  nu  ou  recouvertes  d'une  croûte  mince 
qui  leur  donne  l'apparence  du  sol  ferme,  mais  qui 
se  brise  sous  les  pieds.  Les  tourbières  les  plus 
considérables  de  la  France  sont  celles  de  la  vallée 
de  la  Somme  ;  il  y  en  a  aussi  dans  le  bassin  de  l'Oise 
et  près  de  l'embouchure  de  la  Loire.  Les  plus 
vastes  de  TEuropïï  sont  celles  des  plaines  basses 
de  l'Allemagne  du  Nord. 

Propriétés  physiques  et  chinv'ques  du  charbon  sous 
ses  différentes  formes.  —  1°  En  laissant  de  côté  le 
diamant  et  le  graphite,  la  propriété  essentielle  et 
le  principal  usage  de  tous  les  charbons  est  de  pro- 
duire de  la  chaleur  et  d'être  employés  comme 
combustibles. 

Les  charbons  les  plus  légers  sont  ceux  qui  pro- 
duisent le  moins  de  chaleur,  mais  ceux  aussi  qui 
s'allument  le  plus  aisément.  Tout  le  monde  sait 
qu'un  brasier  de  coke  chauffe  plus  à  volume  égal 
qu'un  brasier  de  charbon  de  bois.  La  raison  en  est 
d'abord  que  le  coke  est  plus  dense  que  le  char- 
bon de  bois,  mais  aussi  que  le  charbon  de  bois  en 
brûlant  dégage  de  l'acide  carbonique  et  de  l'oxyde 
de  carbone  ^V.  ci-dessous),  tandis  que  le  coke  ne 
produit  que  de  l'acide  carbonique,  et  ce  dernier 
gaz  en  «e  formant  produit  environ  cinq  fois  plus 
de  chaleur  que  l'autre. 

2"  Une  autre  importante  propriété  physique  du 
2e  Partie. 


charbon  est  son  pouvoir  absorbant  :  il  est  d'autant 
plus  fort  que  le  charbon  est  plus  poreux  et  plus 
divisé.  Le  noir  animal,  le  charbon  de  bois,  la 
braise  possèdent  cette  propriété  au  plus  haut  degré. 
Le  charbon  de  bois  calciné  et  refroidi  dans  le  vide 
pourrait  absorber  1  fois  son  volume  d'azote,  9  fois 
d'oxygène,  55  fois  d'acide  sulfhydrique,  65  fois 
dacide  sulfureux,  et  plus  de  80  fois  son  volume 
d'acide  chlorhydrique  ou  de  gaz  ammoniac. 

Le  charbon  n'absorbe  pas  seulement  les  gaz,  il  s'as- 
simile aussi  certaines  substances  solides,  telles  que 
les  matières  colorantes,  ce  qui  le  fait  employer  dans 
les  raffineries  de  sucre  pour  clarifier  et  décolorer 
les  sirops,  dans  les  fontaines,  les  réservoirs  d'eaux 
potables,  sur  les  navires  comme  filtre  pour  purifier 
l'eau,  dans  les  fabriques  d'engrais  chimiques 
pour  enlever  aux  matières  fécales  leur  mauvaise 
odeur,  etc.  Une  expérience  curieuse  montre  jus- 
qu'où va  cette  propriété  d'absorption  :  on  peut 
enlever  à  une  décoction  de  quinquina  ou  d'ab- 
sinthe son  amertume  en  y  laissant  séjourner  du 
charbon  ;  on  peut  ensuite,  en  faisant  bouillir  ce 
charbon  dans  un  liquide  approprié,  lui  retirer  les 
principes  dont  il  s'est  imprégné. 

C'est  encore  cette  même  propriété  qui  fait 
que  le  charbon  exposé  à  l'air  humide  pèse  beau- 
coup plus  que  le  charbon  tenu  au  sec.  Si  l'on 
soumet  brusquement  à  une  très  haute  chaleur 
ce  charbon  imprégné  d'humidité,  l'eau  qui  s'y 
trouve  se  décompose,  il  se  produit  difiérents 
gaz  combustibles,  qui  s'enflamment  aussitôt  en 
donnant  lieu  à  un  fort  accroissement  de  chaleur. 
C'estce  qui  explique  en  particulier  pourquoi,  dans 
un  incendie,  une  quantité  d'eau  insuffisante  tom- 
bant sur  des  poutres  brûlantes  semble  aviver  le 
feu  plutôt  que  l'éteindre. 

3"  Les  propriétés  chimiques  du  charbon  n'ont 
pas  moins  d'importance.  Nous  venons  déjà  d'en 
i.ndiquer  une  en  parlant  de  cette  décomposition 
de  l'eau  parle  charbon,  au  rouge.  Il  décompose  de 
môme,  et  aussi  pour  s'emparer  de  leur  oxygène, 
tous  les  acides  (sauf  les  acides  borique  et  siiicique), 
la  plupart  des  oxydes  métalliques  et  plusieurs  au- 
tres composés  oxygénés.  Son  affinité  pour  l'oxy- 
gène le  fait  employer  sans  cesse  comme  l'éducteur 
soit  en  chimie  soit  en  métallurgie. 

4°  L'affinité  du  carbone  pour  quelques  autres 
métalloïdes  donne  lieu  aussi  à  diverses  applica- 
tions industrielles.  Il  faut  connaître  surt<iut  ses 
combinaisons  avec  le  soufre*  (W.  ci-dessous  su  fure 
de  carbone],  avec  le  chlore*  il  existe  aujourd'hui 
une  série  nombreuse  de  chlorures  de  carbone), 
avec  l'azote*  (d'où  le  cyanogène*  et  les  divers  cya- 
nures). 

5°  Parmi  les  métaux,  il  en  est  un  dont  les  com- 
binaisons avec  le  carbone  ont  une  importance  ca- 
pitale dans  l'industrie  moderne  ;  nous  n'avons  ici 
qu'à  nommer  la  fonte  ;  nous  en  parlerons  plus 
amplement  au  mot  Fer. 

G°  Il  resterait  à  traiter  du  carbone  dans  la  chi- 
mie organique,  mais  on  ne  pourrait  le  faire,  ici  ou  à 
des  mots  tels  qu'azote,  hydrogène,  etc.,  qu'en 
renvoyant  sans  cesse  des  uns  aux  autres  et  de  tous 
au  mot  Chimie  organique.  C'est  à  ce  dernier  ar- 
ticle que  nous  résumons  les  notions  qui  partout 
ailleurs  ne  pourraient  qu'être  éparses. 

2.  Composés  minéraux  du  carbone.  —  Chimie, 
IV  et  XV. 

I.  Co-MPOsÉs  BINAIRES.  —  1"  Voxydc  de  carlone. 
—  Gaz  formé  par  la  combinaison  d'un  équivalent 
de  carbone  avec  un  d'oxygène  =  CO.  Il  se  produit 
lorsque  le  charbon  brûle  incomplètement  ou, 
ce  qui  revient  au  même,  que  l'air  se  trouve  en 
contact  avec  un  excès  de  charbon.  C'est  un  gaz  ino- 
dore et  incolore  ;  mais  on  le  reconnaît  quand  il 
brûleàl'airpar  cette  légère  flamme  bleu  clair  qui  se 
promène  sur  un  brasier  qu'on  vient  de  recharger 
de  charbon  de  bois. 

24 


CHARBON 


—  370  — 


CHARBON 


L'oxyde  de  carbone  est  un  poison  très  énergi- 
que. Un  centième  de  ce  gaz  dans  l'air  suffit  à 
tuer  instantanément  un  oiseau.  Il  suffit  aussi  d'une 
très  faible  proportion  pour  asphyxier  l'homme. 
Même  quand  la  dose  n'est  pas  assez  forte  pour 
empoisonner,  la  «  vapeur  de  charbon  »,  comme 
on  l'appelle  vulgairement,  produit  du  moins  des 
maux  de  tète  et  un  malaise  qui  en  se  prolongeant 
peut  devenir  faul.  Les  fourneaux  au  charbon  de 
bois,  dont  la  fumée  ne  se  dégage  pas  directement 
sur  une  cheminée,  les  braseros  et  les  réchauds, 
les  chaufferettes  garnies  de  braise  mal  éteinte, 
les  fourneaux  de  repasseuses  sont  particulièrement 
sujets  à  produire  de  l'oxyde  de  carbone  en  quan- 
tité suffisante  pour  compromettre  la  vie  ou  la 
santé.  On  sait  combien  d'asphj^ies  n'ont  eu  d'au- 
tre cause  que  la  présence  d'un  réchaud  dans  une 
chambre  trop  bien  fermée. 

2'  Acide  carbonique.  —  C'est  une  combinaison 
plus  oxygénée  que  la  précédente  (deux  équi- 
valents d'oxygène  avec  un  de  carbone,  CO'^).  C'est 
aussi,  à  la"  température  ordinaire,  uu  gaz  ;  il 
se  produit,  à  la  différence  de  l'oxyde  de  carbone, 
quand  le  charbon  brûle  librement  dans  l'air  ou 
dans  l'oxygène. 

A  l'état  gazeux,  l'acide  carbonique  est  incolore 
et  à  peu  près  inodore  ;  il  a  pour  densité  1,5  ; 
lin  liti'e  de  ce  gaz  à  zéro,  sous  la  pression  0"»',';6, 
pèse  1^%077.  Ce  gaz  est  donc  sensiblement 
plus  lourd  que  l'air.  Il  en  résulte  que  dans 
un  lieu  parfaitement  clos,  l'acide  carbonique 
tend  à  se  déposer  à  la  surface  du  sol,  et  à  y  former 
une  sorte  de  couche  plus  ou  moins  épaisse,  à  la- 
quelle l'air,  plus  léger,  ne  se  mêle  presque  pas. 
C'est  ce  qui  explique  le  curieux  phénomène  de  la 
Grotte  du  Chien,  près  de  Naples,  où  a  lieu  un 
dégagement  considérable  d'acide  carbonique.  Un 
homme  peut  impunément  s'y  tenir  debout,  il 
ne  pourrait  s'y  coucher  ;  un  chien  de  moyenne 
taille  y  est  asphj'xié.  Avec  un  peu  de  précaution, 
on  peut  transvaser  de  l'acide  carbonique  d'une 
éprouvette  dans  une  autre  à  l'air  libre. 

On  reconnaît  aisément  l'acide  carbonique  :  un 
jet  de  ce  gaz,  ou  seulement  quelques  bulles  dirigées 
sur  un  verre  plein  d'eau  de  chaux,  le  troublent 
immédiatement. 

L'acide  carbonique  peut  se  liquéfier  sous  une 
pression  de  :îO  atmosphères  à  0»,  ou  de  1«  atmo- 
sphères à  iJO"  au-dessous  de  zéro.  Faraday  a  le  pre- 
mier obtenu  cette  liquéfaction. 

Thilorier  est  parvenu  à  le  solidifier  en  flocons 
blancs  comme  de  la  neige,  en  utilisant  le  froid 
très  intense  que  produit  le  retour  à  l'état  gazeux 
de  l'acide  carbonique  dissous. 

Ce  froid  devient  plus  intense  encore  si  l'on 
mélange  l'acide  carbonique  solide  avec  de  l'éther; 
il  peut  dépasser  100  degrés  au-dessous  de  zéro. 
On  emploie  aujourd'hui  ce  mélange  réfrigérant 
pour  solidifier  les  gaz  et  pour  différentes  applica- 
tions industrielles.  Mis  en  contact  avec  la  peau, 
un  de  ces  petits  flocons  d'acide  carbonique  produit 
une  ampoule  comme  une  brûlure. 

La  préparation  de  l'acide  carbonique  dans  les 
laboratoires  est  des  plus  simples.  On  n'a  qu'à 
mettre  des  morceaux  de  craie  (carbonate  de  chaux) 
dans  un  acide  étendu  d'eau  :  acide  sulfurique,  chlo- 
rbjdrique,  acétique.  L'acide  décompose  le  sel  et 
se  substitue  à  l'acide  carbonique  qui  se  dégage 
sous  forme  de  bulles  gazeuses  faciles  à  recueillir. 
Dans  la  nature,  l'acide  carbonique  existe  à  l'état 
libre.  L'air  en  contient  ordinairement  0,000 i  de 
son  poids.  Les  volcans  et  certaines  fissures  des 
terrains  volcaniques  en  dégagent.  Comme  ce  gaz 
est  très  soluble  dans  l'eau,  presque  toutes  les  eaux 
potables  en  contiennent  une  petite  quantité.  Cer- 
taines eaux  gazeuses  lui  doivent  leur  saveur  aci- 
dulée et  les  innombrables  petites  bulles  qui  les 
font  mousser  comme  l'eau  de  Seltz  ou  le  vin  de 


Champagne.  Comme  l'eau  absorbe  autant  d'acide 
carbonique  qu'il  en  pénétrerait  dans  l'espace 
qu'elle  occupe  si  elle  n'y  était  pas,  plus  la  pression 
du  gaz  lui-même  augmente,  plus  forte  est  la  quan- 
tité dissoute  :  c'est  pour  cela  qu'on  prépare  d'ordi- 
naire les  eaux  gazeuses  artificielles  sous  la  pres- 
sion de  ;')  atmosphères  :  elles  s'éventent  si  on  les 
ramène  à  l'air  libre,  c'est-à-dire  qu'elles  ne  con- 
servent que  la  dose  d'acide  carbonique  qui  existe 
à  la  pression  ordinaire  dans  l'air  et  dans  l'eau. 

Le  rôle  de  l'acide  carbonique  dans  les  organis- 
mes vivants  est  considérable,  et  il  a  donné  lieu  à 
de  savantes  études. 

En  principe  toute  combustion  produit  un  déga- 
gement d'acide  carbonique  :  la  respiration  des 
animaux  n'étant  autre  chose  qu'une  incessante 
combustion,  rejette  dans  l'atmosphère  une  énorme 
quantité  de  ce  gaz.  Mais  il  y  est  repris  par  les  vé- 
gétaux qui  l'absorbent  et  dont  les  parties  vertes, 
sous  l'action  du  soleil,  fixent  le  carbone  et  rendent 
l'oxygène  à  l'air.  C'est  ce  qui  a  fait  dire  que  les 
forêts  par  exemple  purifient  l'air  (sur  la  nature 
précise  de  ce  phénomène,  V,  Végétal  et  Atmo- 
sphère). 

Dans  un  local  clos,  la  respiration  d'un  grano 
nombre  de  personnes  suffit  au  bout  de  peu  d'Jieu- 
res  à  produire  une  proportion  d'acide  carboniqut- 
dangereuse  pour  la  santé  et  pouvant  aller  jusqu'à 
produire  Y  asphyxie  ;  une  classe  non  ventilée  et  où 
des  enfants  ont  passé  trois  ou  quatre  heures  con- 
tient un  air  chargé,  entre  autres  produits  irrespi- 
rables, d'acide  carbonique.il  en  est  de  même  d'une 
salle  où  l'on  a  enfermé  pendant  la  nuit  un  certain 
nombre  de  plantes.  Dans  les  deux  cas  un  mal  de 
tête  plus  ou  moins  fort  est  le  premier  indice  qui 
avertit  du  danger. 

Cependant,  à  la  différence  de  l'oxyde  de  carbone, 
l'acide  carbonique  n'est  pas  par  lui-même  un  gaz 
délétère.  Il  ne  nuit  que  parre  qu'il  est  impropre  à 
la  combustion  et  partant  à  la  respiration.  Une 
bougie  allumée  qu'on,  plonge  dans  une  éprouvette 
remplie  d'acide  carbonique  s'y  éteint  aussitôt. 
On  peut  faire  une  expérience  saisissante  pour 
prouver  à  la  fois  le  dégagement  d'acide  carbonique 
dans  la  fermentation  alcoolique  et  l'inconvénient 
de  s'y  exposer  sans  précautions.  On  n'a  qu'à  placer 
au-dessus  de  la  cuve  en  fermentation  un  vase 
quelconque,  un  arrosoir  par  exemple,  de  façon  à 
recueillir  une  partie  du  gaz  qui  s'y  produit,  et  en 
penchant  cet  arrosoir  comme  s'il  contenait  de  l'eau 
sur  des  bougies  allumées,  on  les  éteindra  tou- 
tes à  l'instant  même. 

Z"  Sulfure  de  carbone, CS^.  —  En  faisant  brûler 
du  charbon  dans  de  la  vapeur  de  soufre,  on  ob- 
tient un  dégagement  de  vapeurs  produites  par  la 
combinaison  d'un  équivalent  de  carbone  contre 
deux  de  soufre.  En  se  refroidissant  ces  vapeurs 
deviennent  un  liquide  incolore,  d'une  odeur  ca- 
ractéristique et  désagréable,  très  réfringent,  très  mo- 
bile, dont  la  densité  est  de  1,27  à  la  température 
ordinaire,  qui  bout  à  -f-  46°  et  qui  s'évapore  en 
produisant  un  froid  considérable  (on  se  sert  d'un 
jet  de  sulfure  de  carbone  en  chirurgie  pour  pro- 
duire un  froid  qui  rend  momentanément  insen- 
sible une  partie  du  corps).  A  l'état  gazeux,  le 
sulfure  de  carbone  est  très  inflammable. 

On  s'est  servi,  on  se  sert  encore  de  sulfure  de 
carbone  pour  détruire  les  charançons  dans  le  blé, 
les  insectes  microscopiques  de  la  vigne,  etc. 
Comme  il  a  seul  la  propriété  de  gonfler  et  au 
besoin  de  dissoudre  le  caoutchouc,  on  l'emploie 
pour  la  fabrication  du  caoutchouc  vulcanisé  ;  mais 
les  vapeurs  en  étant  très  délétères,  il  faut  des  ate- 
liers spéciaux  et  de  grandes  précautions  pour  ne 
pas  compromettre  gravement  le  santé  des  ouvriers. 
■4°  Carbures  d'hydrogène  ou  hydro-carbures.  — 
V.  Eclairage  et  Gaz  d'éclairage. 
II.  Composés  ternaires  :  sels.  —  Les  carbonates 


CHARBON 


—  371 


CHARBON 


sont  les  sels  formes  par  l'acide  carbonique  et  une 
base  telle  que  la  chaux,  la  soude,  les  oxjdes  de 
plomb,  de  fer,  etc. 

On  les  reconnaît  tous  à  la  propriété  qu'ils  ont 
de  faire  effervescence  quand  on  verse  sur  eux  un 
acide  un  peu  fort  :  cette  espèce  de  pétillement 
résulte   du  dégagement  vif  de  l'acide  carbonique. 

Les  carbonates  sont  en  général  facilement  dé- 
composables,  l'acide  carbonique  n'ayant  pas  une 
très  forte  affinité  pour  les  bases. 

Sauf  trois  exceptions  (carbonate  d'ammoniaque,  de 
potasse  et  de  soude),  les  carbonates  sont  insolu- 
bles dans  l'eau  pure.  Mais  plusieurs  se  dissolvent 
notablement  dans  de  l'eau  chargée  d'acide  carboni- 
que ;  au  contact  de  l'air,  l'acide  carbonique  se 
dégage  peu  à  peu  et  le  carbonate  se  dépose  :  de  là 
les  phénomènes  d'incrustation  qui  se  manifestent 
dans  .certaines  eaux  saturées  d'acide  carbonique. 

La  soude  et  quelques  autres  bases  forment  plu- 
sieurs carbonates  ;  le  bicarbonate  de  soude  est 
employé  comme  médicament  dans  les  maladies 
d'estomac. 

Le  carbonate  de  chaux  est  un  des  corps  les  plus 
répandus  dans  la  nature  :  le  marbre,  les  calcaires, 
la  craie,  le  spath  d'Islande,  sont  des  formes  di- 
verses du  carbonate  de  chaux  ;  on  a  été  jusqu'à 
dire  qu'il  forme  peut-être  la  moitié  de  la  croûte  ter- 
restre. Soumis  à  la  calcination,  ce  sel  abandonne 
son  acide  carbonique,  mais  calciné  en  vase  clos,  il 
fond  sans  se  décomposer,  et  produit  en  se  refroi- 
dissant ce  qu'on  nomme  les  marbres  artificiels, 
'V.  Chaux.) 

Pour  les  carbonates  formés  d'oxydes  métalliques, 
voyez  les  noms  des  métaux  correspondants. 

4.  Composés  organiques.  —  V.  Chimie  organique 
et  les  mots  auxquels  cet  article  renvoie. 

Lectures  et  dictées.  —  Le  diamant.  —  Le  diamant 
est  le  plus  dur  de  tous  les  corps,  il  les  raie  tous 
sans  exception  et  ne  peut  être  usé  que  par  sa 
propre  poussière.  La  taille  des  diamants  est  une 
découverte  du  quinzième  siècle  :  elle  est  attribuée 
à  un  Flamand  nommé  Louis  de  Berquem  ou  Ber- 
ghem,  qui  fit  hommage  à  Charles  le  Téméraire  du 
premier  diamant  taillé.  On  commence  par  le  dé- 
grossir en  enlevant  des  éclats  suivant  la  direction 
de  ses  faces  naturelles,  puis  on  en  achève  la 
taille  en  le  frottant  avec  une  sorte  de  paie  com- 
posée de  poudre  de  diamant  agglutinée  dans  de 
l'huile  d'olive  ;  cette  pâte  s'appelle  égrisée. 

On  donne  le  nom  de  brillants  aux  diamants 
taillés  de  manière  à  offrir  une  double  pointe,  et 
montés  sur  un  anneau  qui  les  laisse  traverser 
complètement  par  la  lumière  ;  on  donne  celui  de 
roses  aux  diamants  qui  n'offrent  pas  une  double 
pointe  et  qui  sont  montés  à  plat  sur  une  plaque. 

La  lumière,  en  se  jouant  dans  le  diamant,  pro- 
duit des  feux  bien  plus  vifs  avec  les  brillants 
qu'avec  les  roses. 

Le  diamant  est  ordinairement  sans  couleur  :  il 
en  est  cependant  de  noirs,  de  jaunes,  appelés 
hyacinthes  ;  de  verts,  de  roses,  qui  sont  très  re- 
cherchés. Les  diamants  ont  d'autant  plus  de  va-  ^ 
leur  qu'ils  sont  plus  gros,  plus  exempts  de  toute 
gerçure  intérieure,  d'une  plus  belle  eau,  et  qu'ils 
jettent,  grâce  à  la  taille,  de  plus  beaux  feux. 

Le  gisement  primitif  du  diamant  est  encore  in- 
connu, j 

On  le  trouve  dans  les  sables  de  certains  mis-  i 
seaux  de  l'Inde  (royaumes  de  Visapour  et  de  Gol- 1 
conde,  Bengale),  au  Brésil,  dans  les  monts  Ourals. 
Il  y  est  toujours  enveloppé  d'une  robe  terreuse, 
qu'on  appelle  gangue,  et  qui  le  rend  difricile  à 
distinguer  des  autres  cailloux.  On  détourne  le 
cours  d'eau,  on  enlève  les  sables,  et  on  les  lave 
sur  des  planchers  en  bois  inclinés  qui  présentent 
des  rainures  transversales,  ou  bien  sur  des  peaux 
garnies   de  leurs  poils.  Les  diamants  arrêtés  par  . 


les  poils  ou  les  rainures  sont  dépouillés  de  leur 
gangue  par  un  lavage. 

Le  poids  des  diamants  s'évalue  en  carats;  le 
carat  pèse  21:;  milligrammes.  Lorsqu'ils  ne  sont 
pas  taillés,  leur  valeur  en  francs  s'obtient  ordi- 
nairement en  multipliant  le  nombre  de  carats  par 
lui-même,  puis  ce  produit  par  48  :  ainsi  un  dia- 
mant brut  de  4  carats  vaudrait  16  fois  48  francs, 
ou  '68  francs.  Un  diamant  taillé  vaut,  à  poids 
égal,  environ  quatre  fois  autant.  Toutefois,  lors- 
qu'un diamant  dépasse  un  poids  de  7  à  8  carats, 
sa  valeur  n'est  plus  fixée  par  aucune  règle. 

Les  diamants  les  plus  célèbres  sont  :  celui  du 
Grand-Mogol,  qui  pèse  57  grammes  et  est  estimé 
12  millions  de  francs;  il  est  mal  taillé.  Celui  de 
l'empereur  de  Russie,  qui  pèse  40  grammes  ;  il  a 
été  acheté  par  Catherine  II,  en  1772,  à  un  juif,  qui 
le  lui  a  vendu  2,250,0ijr,  francs,  avec  une  rente 
viagère  de  luO,00;i  francs.  Le  Régent  de  la  cou- 
ronne de  France  pèse  136  carats  (27", 88)  ;  il  a  été 
acheté  2,250,000  francs,  et  vaut  certainement  plus 
du  double  :  c'est  un  des  diamants  les  plus  beaux 
que  l'on  connaisse,  non  point  par  sa  grosseur, 
mais  par  sa  pureté,  et  par  la  perfection  de  sa 
taille.  Tout  le  monde  a  entendu  parler  du  Ko-y- 
nor,  ou  montagne  de  lumière  jlï2  carats,,  appar- 
tenant à  la  reine  d'Angleterre. 

Le  diamant  n'est  pas  seulement  un  objet  de 
luxe  ;  on  en  fait  usage  en  horlogerie  pour  servir 
de  monture  aux  pivots  ;  les  vitriers  l'emploient 
monté  sur  un  manche,  de  manière  à  ce  qu'il  pré- 
sente une  de  ses  arêtes  naturelles  pour  couper  le 
verre  (Boutet  de  Monvel). 

Le  ch'irbon  et  le  dia-nant.  —  Lequel  des  deux 
est  le  plus  utile  à  l'homme?  Je  vais  bien  vous 
étonner  en  vous  disant  que  je  préfère  ce  charbon 
sale  et  noir  à  cette  belle  pierre  qui  jette  tant  d'é- 
clat, et  dont  on  fait  les  plus  précieux  bijoux.  Eh 
bien,  réfléchissez  un  peu,  et  vous  verrez  que 
quelque  coûteux,  quelque  recherché  que  soit  ce 
carbone  pur,  ce  diamant,  il  ne  constitue  pas  pour 
l'homme,  à  beaucoup  près,  un  trésor  aussi  pré- 
cieux que  ces  affreux  charbons  noirs,  que  cette 
houille  sale  et  commune.  C'est  du  charbon  que 
nous  tirons  la  chaleur  ;  c'est  à  lui  que  nos  rues 
doivent  leur  éclairage  ;  c'est  en  outre  le  charbon 
qui  sert  à  préparer  le  fer,  le  plus  précieux  de  tous 
les  métaux.  Sans  le  charbon,  plus  d'usines,  plus 
de  machines  à  vapeur  ;  l'homme  en  fait  son  es- 
clave docile  ;  par  lui,  il  impose  à  l'eau  et  au  fer 
les  plus  durs  travaux,  ceux  que  ni  l'homme  ni  l'a- 
nimal le  plus  vigoureux  ne  pourraient  accomplir. 
Cherchez  les  usages  du  diamant,  vous  aurez  bien- 
tôt fini  ;  mais  entreprenez  d'énumérer  les  services 
que  nous  rend  sous  toutes  les  formes  le  charbon, 
ce  bon  compagnon  de  l'eau  et  du  fer,  qui  créent 
pour  l'homme  tant  de  bienfaits  ;  vous  vous  arrête- 
rez longtemps  avant  d'en  avoir  épuisé  la  liste. 

Regardez  cette  usine  à  gaz,  où  le  charbon  entre 
sous  la  forme  de  houille.  Dans  de  vastes  appareils 
savamment  disposés,  cette  houille  se  laisse  en- 
lever des  gaz,  qui,  recueillis  et  distribués  dans 
des  tuyaux,  suffisent  à  éclairer  une  ville  entière.  _ 

C'est  assez,  direz-vous,  pour  déclarer  que  ce  vil 
charbon  est  un  corps  précieux.  Mais  regardez  en- 
core :  ce  résidu,  cette  masse  grisâtre,  ces  mor- 
ceaux irréguliers  et  boursouflés,  vous  allez  les 
jeter  comme  inutiles?  Aon.  C'est  un  excellent 
combustible,  c'est  un  autre  charbon  qui  vaut  l'au- 
tre: c'est  le  coke,  qui  chauffera  autant  que  vous  le 
voudrez  vos  machines,  ou  votre  foyer,  et  qui  vous 
donnera  le  moyen  de  façonner  à  votre  gré  les  mé- 
taux. Est-ce  tout  ?  Regardez  encore  dans  ces  ré- 
sidus que  vous  méprisiez  tout  à  1  heure.  Si  vous 
le  voulez,  on  va  en  tirer  par  la  distillation  une 
autre  substance  utile  à  plus  d'une  industrie,  le 
goudron;  puis  d'auin  s  encore,  et  dans  le  nombre 
une  merveilleuse  matière  tinctoriale,  l'aniline  avec 


GHARLEMAGNE 


—  372  — 


GHARLEMAGNE 


sa  magnifique  couleur  violette.  Un  regard  encore, 
car  vous  n'avez  pas  tout  vu  ;  remarquez-vous  dans 
l'intérieur  de  la  cornue  où  s'est  distillée  la 
houille,  CCS  masses  grises  très  brillantes  adhé- 
rentes à  la  paroi,  très  dures,  et  ayant  presque 
l'aspect  métallique.  Pourquoi  arrêter  votre  atten- 
tion sur  ce  dernier  résidu  ?  C'est  le  charbon  des 
coimues,  ou  charbon  métallique,  avec  lequel  on 
construit  des  creusets  réfractaires,  et  qu'on  em- 
ploie dans  la  construction  des  piles  électriques. 
C'est  entre  les  pointes  de  deux  petits  cônes  de 
ce  cliarbon  spécial,  mis  en  communication  avec  une 
pile,  que  se  produit  cet  arc  lumineux  d'un  éclat 
éblouissant  qu'on  appelle  la  lumière  électrique. 

Avais-je  raison  de  vous  dire  que  le  charbon  vaut 
plus  que  le  diamant?  (D'après  la.  Bibliothèque  des 
écoles  profes^onnelles.) 

CIIAIILE3IAGM:.  —  Histoire  de  France,  V;  His- 
toire générale,  XVII. 

Dans  l'espace  qui  s'étend  entre  l'antiquité  et  les 
temps  modernes,  Charlemagne  occupe  une  place 
immense.  Il  se  dresse  au  seuil  de  l'histoire  de 
France  et  de  l'histoire  d'Allemagne  ;  les  deux  puis- 
santes nations  se  réclament  de  lui  comme  d'un 
fondateur.  Son  nom,  célébré  par  les  trouvères  dans 
les  chansons  de  gestes,  a  retenti  pendant  tout  le 
moyen  âge,  et  pour  lui  la  légende  a  servi  d'écho  à 
l'histoire. 

Il  naquit  en  742  et  fut  couronné  roi  en  768,  à  la 
mort  de  Pépin,  conjointement  avec  son  frère  Car- 
loman.  Trois  ans  plus  tard  la  mort  de  ce  dernier 
le  laissait  seul  maitre  de  l'empire  franc. 

Politique  des  Carlovingiens.  —  A  cette  date,  il 
n'existait  plus  en  Gaule  aucun  antagonisme  entre 
les  différentes  races.  L'élément  gallo-romain  et 
rélément  germanique  s'étaient  si  bien  pénétrés 
qu'il  était  devenu  impossible  de  les  distinguer  l'un 
de  l'autre.  La  dynastie  mérovingienne  avait  présidé 
à  cette  fusion,  sans  d'ailleurs  y  travailler  beaucoup. 
La  dynastie  des  Carlovingiens,  tout  nouveliement 
installée,  avait  une  autre  tâche  à  remplir.  Il  lui 
appartenait  de  protéger  la  société  qu'elle  dirigeait, 
et  où  la  civilisation  essayait  péniblement  de  se 
reconstruire,  contre  les  brutales  poussées  de  la 
barbarie.  L'Église,  dont  elle  était  depuis  Arnulf 
et  Pépin  de  Landen  l'alliée  traditionnelle,  lui  de- 
mandait de  réformer  son  clergé,  de  la  défendre  au 
dehors  contre  l'islamisme  maître  de  l'Espagne,  et 
contre  'e  paganisme  maître  de  la  Germanie,  de 
l'aider  enfin  à  reprendre  l'offensive  et  à  lancer  en 
avant  ses  missionnaires  et  ses  apôtres.  Telle  était 
la  politique  qu'avait  inaugurée  avec  une  énergie 
souvent  inconsciente  Charles-Martel,  vainqueur  des 
Arabes  et  des  Frisons,  protecteur  do  saint  Boni- 
face,  qu'avait  suivie,  en  l'élargissant.  Pépin  le  Bref, 
adversaire  acharné  des  Sarrazins  au  midi,  des  Fri- 
sons et  des  Saxons  au  nord,  plus  tard  défenseur  atti- 
tré du  Saint-Siège  contre  les  entreprises  lombardes. 

Politique  de  Charlemagne.  —  Charlemagne  av?it 
donc,  pour  ainsi  dire,  le  cadre  de  son  règne  tout 
tracé.  Toutes  les  guerres  qu'il  fera  ont  été  com- 
mencées ou  préparées  par  ses  prédécesseurs. 
Seulement  il  donnera  h,  ses  expéditions  un  carac- 
tère nouveau.  Charles  et  Pépin  ont  été  surtout  des 
guerriers,  il  sera  un  conquérant.  Il  ne  se  conten- 
tera pas  d'une  victoire  éphémère;  il  exigera  la 
soumission  complète  et  définitive  du  pays  où  il 
combat,  il  prétendra  y  installer  pour  toujours  sa  , 
domination  et  en  môme  temps  sa  religion.  Il  ne 
se  bornera  pas  à  punir  les  incursions  par  d'autres 
incursions,  il  voudra  assurer  l'avenir  et  rendre  les 
attaques  des  barbares  désormais  impossibles,  en 
soumettant  et  en  convertissant  ces  mômes  bar- 
bares. On  pourrait  appeler  ses  guerres  des  guerres  j 
préventives. 

Portrait  de  Charlemar/ne. — C'est  pour  cela  que 
pendant  tout  son  règne  il  fut  sans  cesse  en  armes 
et  en  mouvement,  courant  des  Alpes  au  Weser  et 


du  Weser  aux  rives  do  l'Ebrc.  Actif  et  infatigable, 
la  nature  semblait  l'avoir  taillé  pour  cette  rude 
besogne.  L'empereur  «  à  la  barbe  fleurie  »,  ma- 
jestueux et  un  peu  débonnaire,  semble  une  figure 
de  fantaisie,  imaginée  par  les  poètes.  Il  faut  aussi 
laisser  de  côté  les  portraits  qui  le  représentent 
comme  une  sorte  de  géant,  capable  de  fendre  en 
deux,  d'un  seul  coup  d'épée,  un  cavalier  et  son 
cheval.  Si  l'on  s'en  rapporte  aux  écrivains  dignes 
de  foi  et  surtout  à  Eginhard,  le  témoin  et  l'historien 
de  son  règne,  on  peut  se  faire  une  idée  plus  juste 
de  sa  personne.  C'était  un  homme  vigoureux,  de 
taille  assez  élevée,  chargé  sur  le  tard  d'un  léger 
I  embonpoint.  Buvant  et  mangeant  beaucoup,  on 
[  robuste  chasseur  qu'il  était,  il  lui  arrivait  parfois 
de  s'attarder  à  table.  Il  aimait  le  grand  air,  les 
exercices  violents  et,  dans  les  intervalles  des  ba- 
tailles, la  poursuite  des  bêtes  fauves.  Simple  dans 
'  ses  allures,  il  se  couvrait  du  vieux  costume  franc, 
rude  mais  commode  :  autour  des  jambes,  des  ban- 
delettes entrelacées  ;  sur  le  corps,  un  caleçon  et 
\  une  chemise  de  toile  qu'il  recouvrait  d'une  peau 
de  bête,  ce  qu'il  fallait  pour  défier  les  fatigues  et 
les  intempéries.  Tel  le  virent  sans  djute  les  Lom- 
I  bards,  les  Saxons  et  les  Sarrasins. 
1  Guerre  contre  les  Aquitains  et  tes  Lombards.  — 
I  Du  vivant  même  de  son  frère  Carloman,  Charles 
avait,  eu  à  combattre  les  Aquitains.  Après  les  avoir 
réduits,  il  reprit,  pour  la  terminer,  une  autre 
guerre  en  quelque  sorte  patrimoniale,  la  guerre  des 
liOmbards.  Le  roi  lombard  Didier,  comme  autrefois 
Astolphe,  était  en  lutte  avec  le  pape.  Charles  in- 
tervint d'abord  par  la  voie  des  négociations,  puis 
par  les  armes.  Deux  corps  de  troupes  franques 
franchirent  les  Alpes  et  se  réunirent  dans  la  vallée 
de  la  Doire,  écrasant  entre  eux  l'armée  lombarde. 
Didier,  avec  les  débris,  se  jeta  dans  Pavie,  sa 
place  forte.  Il  comptait  gagner  du  temps,  éloigner 
son  vainqueur.  Mais  Charles  voulait  en  finir.  La 
ville,  étroitement  bloquée,  dut  ouvrir  ses  portes. 
Didier,  prisonnier,  fut  envoyé  au  monastère  de 
Corbie  ;  la  monarchie  lombarde  avait  vécu. 

Les  ducs,  chefs  militaires  qui  exerçaient  dans  le 
centre  et  le  sud  de  la  Péninsule  une  autorité  à  peu 
près  indépendante,  conservèrent  d'abord  l'ur  pou- 
voir. Mais  l'un  d'entre  eux,  Rotgaud,  qui  aspirait 
au  titre  de  roi,  les  entraîna  en  77G  dans  une  insur- 
rection générale.  Charlemagne  quitte  aussitôt  la 
Saxe  et,  malgré  l'hiver,  accourt  en  Italie.  Au  mois 
de  mai  tout  était  fini,  la  révolte  était  domptée. 
Partout,  excepté  dans  le  sud,  des  ducs  et  des 
comtes  francs  remplacèrent  les  chefs  lombards. 
En  780,  Charlemagne  organisa  pour  son  fils  Pépin 
le  royaume  d'Italie,  et  pour  son  autre  fils  Louis, 
le  royaume  d'Aquitaine.  Mais  il  conserva  pour  lui 
le  titre  de  roi  des  Lombards,  et  continua  d'exer- 
cer sur  les  nouveaux  États  une  surveillance  vigi- 
lante. 

Guerre  de  Saxe.  —  Quand  Charlemagne  marcha 
contre  Didier,  les  hostilités  avaient  déjà  commencé 
entre  le  Rhin  et  le  Weser.  On  peut  dire  que  la 
guerre  de  Saxe  fut  la  grande  affaire  du  règne.  Elle 
dura  vingt-tr.iis  ans  et  comprit  dix-huit  expédi- 
tions distinctes.  Interrompue  par  d'autres  guerres, 
coupée  de  trêvos,  de  pacifications  apparentes,  elle 
recommençait  subitement.  Des  deux  côtés  elle 
fut  implacable  :  les  Saxons  égorgeaient  et  incen- 
diaient, les  Francs  par  représailles  massacraient  et 
ravageaient.  Cette  lutte  acharnée  ne  cessa  que  par 
le  complet  épuisement  de  l'indomptable  Saxe. 

Les  Saxons  occupaient  entre  le  Rhin  et  l'Elbe 
le  pays  tout  couvert  de  forêts  et  de  marécages  où 
s'étaient  égarées  tant  de  fois  les  légions  romai- 
nes. Pendant  que  les  Francs  s'établissaient  m 
Gaule  et  se  laissaient  pénétrer  par  une  sorte  de 
civilisation  relative,  les  Saxons  demeurés  station- 
naires  avaient  conservé  la  religion,  les  institu- 
tions et  surtout  les  mœurs  farouches  do  la  vieille 


CHARLEMAGNE 


373 


CHARLEMAGNE 


Germanie.  Ils  pratiquaient  dans  les  bois  les  rites  j  liances,  conduire  des  expéditions  quelquefois  heu- 
mystérieux  de  leurs  ancêtres  et  adoraient  l'arbre  reuses.  Il  établit  au  delà  des  monts  deux  marches 
géant  qu'ils  appelaient  l'Irminsul.  Leurs  ethelings    ou  comtés-frontières,  Tune  dans  ce  qu'on  appelle 


ou  nobles,  leurs  freilmgs  ou  hommes  libres,  leurs 
iassen  ou  colons  formaient  une  solide  et  immua- 
ble hiérarchie  sociale.  Depuis  des  siècles,  les  uns 
commandaient,  les  autres  obéissaient.  Peu  de  cul- 
ture, point  d'industrie,  la  chasse  et  la  guerre 
étaient  les  moyens  d'existence  préférés.  Les  ban- 
des d'aventuriers  partaient  en  campagne,  détrui- 
saient ou  pillaient  et  revenaient  chargées  de  butin. 
Pour  la  Gaule  à  peine  remise  des  invasions,  c'é- 
taient là  d'incommodes  et  dangereux  voisins. 

I"  période  de  la  guerre  (772-777).  —  Dès  le  dé- 
but, la  guerre  eut  ie  caractère  d'une  lutte  de  re 


actuellement  les  provinces  basques,  l'autre  dans  ce 
qui  est  devenu  la  Catalogne. 

2'  période  de  la  guerre  de  Saxe  (778-785).  — 
Les  Saxons,  qui  avaient  paru  si  soumis  à  Pader- 
born,  n'avaient  attendu  pour  reprendre  les  armes 
que  l'éloignement  de  Charlemagne.  Soulevés  à  l'ap- 
pel de  VVitikind,  ils  s'avancèrent  jusqu'au  Rhin  en 
ruinant  tout  sur  leur  passage.  Charles  les  battit  à 
Bocholt  en  779  et  s'avança  victorieusement  jusqu'à 
l'Elbe.  Il  organisa  le  pays,  lançant  partout  des  lé- 
gions de  missionnaires,  essayant  de  se  concilier  par 
des  faveurs  les  chefs  de  la  noblesse.  Mais  l'infati- 


ligion  et  de  races.  Les  Saxons  avaient  brûlé  l'église  gable  Witikind  ne  lui  laissa  pas  de  longs  loisirs, 
de  Deventer  dans  la  Frise,  Charles  voulut  les  pu-  Aidé  des  Sorabes,  peuple  slave  qu'il  avait  entraîné, 
nir.  Il  passa  le  Rhin  près  de  Mayence,  franchit  le  il  détruisit  sur  les  bords  du  Weser  la  moitié  d'une 
Taunus  et  alla  dans  le  bassin  du  Weser  s'emparer  |  armée  franque.  Charles  exerça  de  terribles  repré- 
d'Ehresburg.  Mais  pendant  qu'il  était  occupé  en  |  sailles  :  4  600  Saxons  furent  décapités  à  Verden. 
Italie,  les  Saxons  reprenaient  ce  poste  et  allaient  j  Cette  sanglante  exécution  exaspéra  les  vaincus.  Ils 
détruire  le  monastère  de  Pritzlau,  fondation  de  ,  firent  une  résistance  désespérée.  Enfin  Witikind, 
Boniface.  En   775  Charlemagne   entre  de   nouveau    traqué  de  retraite  en  retraite,  demanda  des  otages 


en  Saxe  et  consacre  à  cette  guerre  deux  années 
consécutives.  Battus  de  tous  côtés,  les  Saxons  sem- 
blent se  soumettre;  en  77  7,  à  la  grande  assemblée 
tenue  à  Paderborn,  ils  prodiguèrent  au  roi  des 
Francs  ce  qu'Eginhard  appelle  «  de  faux  semblants 
de  dévouement  et  de  dévotion  ».  Tous  les  chefs 
étaient  présents,  excepté  un  seul  appelé  Witikind 


en  garantie  de  sa  vie  et  alla  au  champ  de  mai  d'At- 
tigny  recevoir  le  baptême  et  jurer  fidélité. 

Affaires  de  Bavière.  —  La  Germanie  du  nord 
était  domptée,  le  sud  fut  troublé  par  les  intrigues 
du  duc  de  Bavière  Tassillon.  Ce  prince,  ambitieux 
et  remuant,  avait  réuni  dans  une  vaste  coalition 
tous  les  ennemis  de  Charlemagne.  Il  croyait  avec 


C'est  la  première  fois  que  ce  nom  apparaît  dans  le    raison  pouvoir  compter  sur  les  Saxons  ;  derrière 
récit  d'Eginhard.  lui  s'agitaient  les  masses  redoutables  des  Avares. 

Guerre  d'Espagne.  —  Roncevaitx.  —  Charlema-  En  Italie,  le  duc  lombard  de  Bénévent  Aregliis, 
gne  se  trompa  à  ces  apparences  et  crut  pouvoir  sûr  d'être  soutenu  par  les  Grecs,  promettait  de  se 
porter  d'un  autre  côté  l'effort  de  ses  armes.  A  Pa-  soulever.  Mais  Charlemagne  les  prévint.  Areghis, 
derborn  il  avait  reçu  le  Wali  de  Saragosse  qui  ve-  accablé,  s'estima  heureux  de  conserver  son  duché 
nait  lui  demander  protection  contre  le  calife  de  en  payant  tribut.  Tassillon,  abandonné  par  ses  pro- 
Gordoue.  Les  gouverneurs  musulmans,  désireux  près  sujets,  fut  condamné  par  le  plaid  d'Ingelheim 
de  se  rendre  indépendants  dans  leurs  provinces,  à  finir  ses  jours  dans  un  monastère, 
cherchaient  un  appui  au  dehors.  Les  chrétiens  i  Fin  de  la  guerre  de  Saxe. — Quant  aux  Saxons, 
d'Espagne  leur  avaient  conseillé  de  s'adresser  à  des  mesures  extrêmes  furent  prises  contre  eux. 
Charlemagne.  Il  était  glorieux  et  avantageux  en  10  000,  choisis  parmi  les  plus  insoumis,  furent 
même  temps  de  reporter  au  delà  des  Pyrénées  i  enlevés  des  bords  de  l'Elbe  et  dispersés  dans  la 
une  guerre  qui  s'était  autrefois  étendue  jusqu'à  la  i  Gaule  et  dans  la  Germanie.  Des  lois  terribles  fu- 
Loire.  On  pouvait  espérer  de  détruire  la  domina-  rent  appliquées  à  ceux  qui  restaient.  La  peine  de 
tion  musulmane  en  Espagne.  Charlemagne  accepta    mort   frappa  non-seulement  les   rébellions,   mais 


donc  des  propositions  où  la  politique  et  la  religion 
trouvaient  également  leur  compte.  Une  grande 
expédition  fut  préparée.  Deux  armées  entrèrent  en 
Espagne,  l'une  par  les  passages  des  Pyrénées 
orientales,  l'autre  par  les  passages  de  l'autre  extré- 
mité. La  jonction  devait  s'opérer  devant  Saragosse. 
La  campagne  fut  fertile  en  mécomptes;  les  prin- 
ces musulmans  ne  voulurent  ou    ne   purent  tenir 


aussi  les  délits  et  les  infractions  religieuses.  Des 
comtes  et  surtout  des  évêques  et  des  abbés  furent 
chargés  de  surveiller  la  fidélité  douteuse  et  l'or- 
thodoxie forcée  des  nouveaux  convertis. 

Guerre  contre  les  Avares.  —  Restaient  les  Ava- 
res. De  même  origine  que  les  Huns  dont  ils  avaient 
recueilli  les  débris  en  entrant  en  Europe,  ces  tard- 
venus  de  la  barbarie  menaçaient  à  chaque  instant 


leurs  promesses;  on  prit  plusieurs  places,  Pampe-  de  renouveler  les  dévastations  d'Attila.  Répandus 
lune,  Jacca,  Huesca,  Barcelone,  mais  on  ne  put  ',  sur  les  bords  du  Danube,  de  la  Theiss  et  du  Raab, 
prendre  Saragosse.  Charlemagne  fut  vite  dégoûté  !  dans  les  larges  plaines  de  la  Hongrie  actuelle,  ils 
de  l'Espagne  ;  des  soins  importants  l'appelaient  ,  y  menaient  leur  vie  à  la  fois  pastorale  et  guerrière, 
d'ailleurs  d'un  autre  côté.  I!  se  mit  donc  en  devoir  Point  de  villes,  quelques  rings  ou  camps  fortifiés 
de  repasser  les  Pyrénées.  Dans  sa  retraite,  l'armée  !  dont  l'un,  le  ring  royal,  passait  pour  inexpugnable, 
fut  vivement  harcelée  par  les  Vascons,  vieux  '  Leur  réputation  d'invincibles  était  leur  principale 
ennemis  de  la  puissance  franque.  Il  fallut  souvent  force.  Charlemagne  hésita  quelque  temps  à  les  at- 
se  retourner  pour  faire  face  aux  bandes  de  monta-  |  taquer.   Il  chercha  à  négocier,  à  s'entendre  avec 


gnards.  Un  de  ces  combats  d'arrière-garde  est 
demeuré  célèbre.  C'est  celui  où  succomba,  dans  le 
val  de  Roncevaux,  le  comte  des  marches  de  Bre- 
tagne, Roland.  Les  chansons  de  gestes  et  la  glo- 
riole espagnole  ont  donné  les  proportions  d'une 
bataille  épique  à  cette  escarmouche  (778). 
Charlemagne  ne  se  désintéressa  pas  cependant 


eux  pour  fixer  une  frontière.  Ils  refusèrent  de  rien 
écouter.  Il  fallait  leur  faire  sentir  la  pointe  du 
glaive.  Deux  armées  marchèrent  à  droite  et  à  gau- 
che du  Danube,  une  troisième,  sur  une  flottille, 
descendit  le  fleuve.  Pépin,  arrivant  d'Italie,  entrait 
par  rillyrie  et  la  Pannonie.  Les  Avares  ne  tinrent 
pas  dans  une  seule  bataille.  Cinquante-deux  jours, 


complètement  des  affaires  d'Espagne.  Il  organisa  i  on  leur  ravagea  leur  pays.  Les  années  suivantes,  la 
d'abord  fortement  l'Aquitaine,  installant  partout  guerre  continua  presque  sans  interruption,  Char- 
des  comtes  et  des  abbés  de  race  franque.  Il  y  con-  ,  lemagne  en  laissait  la  conduite  à  ses  fils.  En  796, 
siitua  plus  tard  un  royaume  pour  son  fils  Louis  le  ring  royal  fut  forcé  et  pillé;  les  guerriers  francs 
(781).  Le  jeune  prince,  quand  il  fut  parvenu  à  j  revinrent  chargés  de  butin.  A  ce  coup,  les  Avares 
l'âge  •d'homme,  entretint  avec  les  chefs  chrétiens  s'humilièrent  et  consentirent  à  accepter  comme 
et  musulmans  des  rapports  suivis  de  guerre  ou  de  limite  le  Waag.  La  marche  de  l'est  ou  Osterreich 
diplomatie.  On  le  voit  sans  cesse  conclure  des  al-  '  fut  organisée  dans  les  pays  nouvellement  conquis. 


CHARLEMAGNE 


—  374  — 


CHARLEMAGNE 


Territoires  soumis  en  tan  800.  —  Vers  l'an  800, 
les  grandes  guerres  du  règne  étaient  à  peu  près 
terminées.  Depuis  son  avènement,  Charlemagne 
avait  rangé  sous  la  domination  franque  :  au  sud- 
ouest  le  midi  de  la  France  actuelle,  et  au  delà  des 
Pyrénées  la  Catalogne  et  une  partie  de  ia  Navarre  ; 
au  nord  les  contrées  qui  répondent  au  HanovTC,  à 
la  Saxe,  à  la  Silcsie  et  au  Brandebourg;  à  l'est,  la 
majeure  partie  des  provinces  aujourd'hui  autri- 
chiennes ;  au  sud-est,  l'Italie  presque  entière,  sauf 
le  sud  du  royaume  de  Naples.  Les  anciennes  limi- 
tes de  l'empire  d'Occident  étaient  presque  partout 
atteintes  et  sur  plusieurs  points  dépassées. 

Charlemagne  couronné  empereur.  —  Il  ne  man- 
quait plus  au  conquérant  que  le  titre  d'empereur. 
L'Eglise,  pour  laquelle  il  avait  tant  fait,  se  chargea 
de  le  lui  donner.  En  800,  il  s'était  rendu  à  Rome 
pour  mettre  la  paix  entre  le  pape,  les  évèques  et 
les  seigneurs  voisins;  le  jour  de  Noël,  comme  il 
était  agenouillé  devant  l'autel  de  saint  Pierre,  le 
pape  Léon  lui  posa  sur  la  tète  la  couronne  et  an- 
nonça au  peuple,'  qui  répondit  par  des  acclama- 
tions, la  reconstitution  de  l'empire  d'Occident. 
Suivant  Eginhard.  ce  fut  une  surprise  gracieuse  de 
la  part  du  pape.  Il  est  plus  probable  que  la  scène 
avait  été  concertée  d'avance.  L'acte  du  couronne- 
ment avait  une  trop  grande  portée  politique  poux 
qu'il  n'en  fût  pas  ainsi.  Le  pape  y  gagnait  d'être 
débarrassé  de  toute  sujétion  à  l'égard  de  Constan- 
tinople;  il  y  gagnait  aussi  de  constituer  en  Occi- 
dent un  pouvoir  fort  et  respecté,  capable  d'abriter 
les  progrès  de  l'Eglise.  Quant  à  Charlemagne,  il 
légitimait  par  là  toutes  ses  conquêtes,  il  se  revê- 
tait du  prestige  d'un  titre  encore  glorieux;  il  béné- 
ficiait des  souvenirs  de  grandeur  que  l'ancien  em- 
pire avait  laissés  dans  la  mémoire  des  peuples. 
Aux  yeux  des  Gaulois  et  des  Italiens,  de  tous  les 
hommes  de  langue  et  d'éducation  latines,  il  cessait 
d'être  un  chef  de  barbares,  il  devenait  le  succes- 
seur des  Constantin  et  des  Théodose. 

Administration  de  Charlemagne.  —  Roi  des 
Francs,  Charlemagne  a  été  avant  tout  un  guerrier; 
empereur  d'Occident,  il  gouverne  plus  qu'il  ne 
combat.  Son  administration  nous  est  connue  par 
les  témoignages  des  contemporains  et  des  histo- 
riens, et  aussi  par  les  Capiiulaires  que  lui-même  a 
laissés.  Les  Capitulaires  ne  constituent  pas  un  code 
de  lois,  un  ensemble  régulier  :  «  la  plupart  ne  sont 
pas  des  lois,  mais  des  règlements  d'administration, 
souvent  des  instructions  adressées  aux  fonction- 
naires, des  notes  confidentielles  échangées  entre 
le  roi  et  ses  délégués...,  une  sorte  de  correspon- 
dance secrète.  »    *, 

Caractère  général  de  cette  administration.  — 
A  ne  considérer  que  les  apparences,  c'est  bien  l'an- 
cien empire  romain  qui  est  restauré  au  profit  de 
Charlemagne.  Le  titre  est  le  même  ;  les  insignes, 
le  cérémonial  et  jusqu'aux  formules  officielles, 
tout  est  remis  en  usage  avec  une  scrupuleuse 
exactitude.  Mais  là  s'arrête  la  ressemblance.  L'au- 
torité des  empereurs  romains,  absolue  en  droit, 
avait  été  illimitée  en  fait;  l'autorité  des  empereurs 
carlovingiens  a  beau  se  proclamer  sacrée  et  omni- 
potente, il  lui  faut  dans  la  pratique  compter  avec 
les  nouvelles  puissances  sociales,  l'Église  et  l'aris- 
tocratie. Partout,  dans  les  rapports  avec  l'Église, 
dans  l'organisation  administrative,  dans  les  insti- 
tutions militaires  et  financières,  se  retrouve  cette 
contradiction  :  un  pouvoir  monarchique  se  disant 
et  se  croyant  absolu,  une  féodalité  laïque  et  ecclé- 
Biastique  déjà  fortement  constituée  et  maîtresse 
de  la  société  européenne. 

Rapports  avec  l'Église.  —  L'empereur  est  en 
apparence  le  chef  de  l'Église.  Il  s'occupe  de  son 
instruction  et  de  sa  discipline.  Comme  autrefois 
Constantin,  il  convoque  et  préside  dos  conciles. 
On  ne  connaît  pas  d'exemple  d'une  résistance  op- 
posée par  le  clergé  aux  volontés  de  Charlemagne. 


Mais  cette  constante  docilité  s'explique  surtout  par 
l'ascendant  personnel  qu'exerçait  sur  les  esprits 
le  grand  empereur.  En  réalité  l'Église  était  dès  lors 
une  puissance  formidable,  en  mesure  de  s'affran- 
chir quand  il  lui  plairait  de  la  tutelle  impériale. 
Elle  possédait  une  partie  du  pouvoii  judiciaire; 
même  en  matière  civile,  ses  membres  ne  relevaient 
que  de  ses  propres  tribunaux.  Elle  possédait  des 
biens  considérables  constitues  par  les  legs  et  les  do- 
nations, alimentes  par  la  dîme  perçue  avec  plus  de 
régularité  que  les  impôts  ordinaires.  Les  ressour- 
ces temporelles  ne  lui  manquaient  donc  pas  pour 
appuyer,  si  besoin  en  était,  son  autorité  spirituelle. 

Rapports  avec  l'aristocratie.  Assemblées.  —  L'em- 
pereur est  le  chef  reconnu  de  l'aristocratie  comme 
de  la  nation  tout  entière.  Les  assemblées  ou  plaids 
ne  se  réunissent  que  sur  sa  convocation,  au  temps 
et  au  lieu  fixes  par  lui.  C'est  toujours  lui  qui  pré- 
side et  qui  décide.  Il  provoque  et  dirige  à  son 
gré  les  délibérations  qui  ne  sont  suivies  d'aucun 
vote.  Mais  déjà  de  cette  réunion  confuse  et  tumul- 
tueuse commence  à  s'en  dégager  une  autre,  com- 
posée non  plus  de  tous  les  hommes  libres,  mais 
seulement  des  chefs,  évêques  et  abbés,  ducs  et 
comtes.  Sous  Charlemagne,  ce  conseil  ne  donne 
que  des  avis,  il  donnera  des  ordres  à  son  succes- 
seur. Là  encore  l'autorité  impériale  n'est  sauve- 
gardée que  par  le  respect  qu'inspire  à  tous  la 
personne  du  souverain. 

Administration  centrale  et  provinciale .  — 
Comme  les  empereurs  romains,  Charlemagne  a 
son  administration  centrale  composée  des  digni- 
taires de  son  palais,  et  son  administration  provin- 
ciale exercée  par  les  ducs  et  les  comtes.  Les  di- 
gnitaires du  palais,  depuis  l'apocrisiaire,  à  la  fois 
chapelain  et  ministre  des  affaires  ecclésiastiques, 
jusqu'au  bouteillier  et  au  comte  de  l'écurie,  portent 
des  titres  qui  semblent  révéler  une  complète  dé- 
pendance et  une  véritable  domesticité.  Mais  sous 
un  prince  faible  tous  ces  serviteurs  pourront  deve- 
nir des  maîtres.  Déjà  leurs  charges  sont  des  pro- 
priétés héréditaires  dans  les  mêmes  familles.  Dans 
les  provinces  le  même  abus  se  produit  avec  des 
conséquences  bien  plus  graves.  Les  ducs  et  les 
comtes,  en  droit,  sont  des  fonctionnaires  à  la  nomi- 
nation de  l'empereur,  révocables  à  son  gré,  sur- 
veillés par  les  inspections  régulières  des  m.issi  do- 
minici  ou  envoyés  royaux.  Mais  en  fait  ces  ducs  et 
ces  comtes  sont  toujours  choisis  parmi  les  fa- 
milles considérables  du  pays.  Au  pouvoil  déjà 
redoutable  que  leur  donne  l'influence  héréditaire 
de  la  richesse,  ils  ajoutent  les  attributions  exor- 
bitantes qui  leur  sont  conférées  par  délégation 
impériale.  Ils  président  les  plaids  et  rendent  la 
justice,  ils  lèvent  et  commandent  les  soldats,  ils 
répartissent,  perçoivent  l'impôt  et  en  emploient 
sur  place  le  produit.  Une  semblable  autorité,  ina- 
movible entre  les  mêmes  mains,  transmise  régu- 
lièrement de  père  en  fils,  ne  pouvait  être  bien 
longtemps  contenue  par  la  vigilance  du  pouvoir 
central. 

Service  militaire.  —  Le  service  militaire  était 
obligatoire  pour  les  habitants  de  l'empire.  Au 
mois  de  mai  le  ban  était  convoqué  dans  le  voisi- 
nage de  la  frontière  qu'il  fallait  défondre  ou  qu'on 
voulait  franchir.  Chacun  devait  se  rendre  à  l'appel 
avec  ses  armes,  son  équipement  et  ses  vivres. 
L'usage  s'introduisit  do  ne  convoquer  le  plus  sou- 
vent que  les  grands  propriétaires,  ceux-ci  se  char- 
geant de  réunir,  d'équiper  et  d'entretenir  leurs 
vassaux.  C'est  déjà  le  ban  féodal.  La  multitude 
des  hommes  libres  ne  connaîtra  bientôt  plus  que 
ses  chefs  immédiats. 

Les  impôts,  —  Il  y  avait  toujours,  comme  au 
temps  de  l'empire  romain,  un  impôt  direct  consis- 
tant en  un  cens  territorial  et  un  cens  personnel, 
et  un  impôt  indirect  comprenant  les  confiscations, 
les    amendes,  les    tributs,  les  droits  de  douane. 


CHARLES 


—  375 


CHARLES 


de  péage,  etc.  Ces  impôts  étaient  perçus  par  les 
pouvoirs  locaux  et  en  majeure  partie  dépensés  par 
eux  sur  place.  Il  n'en  revenait  presque  rien  aux 
mains  de  Tempereur. 

A  la  vérité  les  besoins  du  pouvoir  central  étaient 
moins  considérables  qu'on  ne  pourrait  le  croire 
tout  d'abord.  Le  service  militaire  et  le  service  ju- 
diciaire se  faisaient  gratuitement,  le  service  admi- 
nistratif était  payé  en  terres.  L'empereur  n'avait 
guère  à  pourvoir  qu'à  l'entretien  de  sa  maison  qui 
devait  être  nombreuse  et  imposante.  Pour  ces  dé- 
penses les  revenus  du  domaine  royal  suffisaient  à 
pou  près.  Mais  il  fallait  qu'ils  fussent  bien  admi- 
nistrés, Charlemagne  le  comprenait  bien.  C'est 
pour  cela  qu'il  veille  avec  une  attention  si  scrupu- 
leuse sur  ses  propriétés  particulières.  Les  minu- 
tieuses recommandations  du  capitulaire  De  Villis 
ne  sont  pas  seulement  le  fait  d'un  propriétaire 
entendu,  mais  aussi  d'un  politique  prévoyant.  Pour 
avoir  négligé  ces  mêmes  précautions,  les  succes- 
seurs de  Charlemagne  se  trouveront  un  jour  sans 
ressources  et  partant  sans  pouvoir. 

Telle  était  cette  administration  de  Charlemagne, 
«difice  imposant  mais  fragile  et  factice,  reposant 
sur  l'existence  d'un  grand  homme,  destiné  à  crou- 
ler à  la  première  défaillance  de  ses  successeurs. 

Mouvement  littéraire  sous  Charlemagne.  —  Voir 
i'article  Alcuin  dans  lai"  Partie. 

Dernières  années  de  Charlemagne.  —  Dans  les 
■dernières  années  de  son  règne,  Charlemagne  par- 
tage avec  ses  fils  le  poids  du  pouvoir.  Il  leur  donne, 
sous  sa  haute  direction,  le  gouvernement  des  États 
et  la  conduite  des  guerres.  Il  semble  vouloir  les 
exercer  à  la  pratique  de  l'autorité.  En  806,  au 
plaid  de  Thionville,  il  fait  entre  eux  un  premier 
partage.  Au  royaume  d'Italie  déjà  existant  il  ajoute 
la  Germanie  méridionale  jusqu'au  Danube  ;  à  celui 
d'Aquitaine,  la  Provence  et  les  deux  tiers  de  la 
Bourgogne.  Charles,  l'aîné  des  princes,  a  le  reste 
<les  États  paternels. 

La  mort  de  Pépin  en  810,  celle  de  Charles  en  811, 
laissent  pour  unique  héritier  de  l'empire  le  roi 
<l'Aquitaine  Louis.  Charlemagne,  au  plaid  d'Aix-la- 
Chapelle,  en  813,1e  présente  et  le  fait  acclamer  par 
les  grands  seigneurs  ecclésiastiques  et  laïques. 
Lui-même  meurt  l'année  suivante.  On  raconte  que 
les  derniers  temps  de  sa  vie  furent  attristés  par 
les  incursions  de  la  piraterie  normande.  A  la  vue 
<le  ces  barques  légères  venant  insulter  les  côtes 
■de  ses  États,  on  dit  qu'il  versa  des  larmes,  pré- 
voyant les  futures  humiliations  de  ses  débiles  hé- 
ritiers. Le  fait  est  douteux.  Mais  de  son  vivant 
même  il  était  facile  de  prévoir  la  chute  prochaine 
de  son  empire.  La  barbarie  toujours  menaçante  au 
dehors,  la  féodalité  déjà  constituée  au  dedans,  dès 
que  la  main  puissante  du  fondateur  ne  serait  plus 
là  pour  les  contenir,  allaient  accomplir  leur  œuvre 
de  destruction.  [Maurice  Wahl] 

CHARLES.  —  Nous  complétons  par  les  articles 
ci-dessous,  consacrés  aux  principaux  souverains  de 
ce  nom,  les  leçons  d'histoire  générale  et  dhistoire 
de  France  dont  le  numéro  d'ordre  est  indiqué  à  la 
«uiie  de  chaque  nom. 

I.  ROIS  DE  FRANCE. 

caaarlesl",  V.  Charlemagne. 

CHiarles  H,  le  Cftiauve,  —  Hist.  de  France,  VI,  — 
"fils  de  Louis  le  Débonnaire  et  de  sa  seconde 
femme,  Judith  de  Bavière,  naquit  en  823.  Sa  mère 
exigea  que  l'empereur  remaniât  le  partage  qu'il 
avait  déjà  fait  de  ses  Etats  entre  ses  fils  aînés, 
Lothaire,  Pépin  et  Louis,  pour  que  Charles  eût  aussi 
une  couronne.  Son  père  lui  tailla  dans  les  territoires 
de  l'empire  un  royaume  composé  d'une  partie  de 
la  Bourgogne,  de  l'Alémanie,  de  la  Provence,  de  la 
Septimanie  et  de  la  Marche  d'Espagne.  Cet  acte 
«mena  trois  révoltes  successives  des  autres  fils  de 


Louis  le  Débonnaire  contre  leur  père  (830,  83-3  et 
838).  Néanmoins,  les  droits  de  Charles  à  une  part 
dans  l'héritage  paternel  finirent  par  être  reconnus, 
et  le  traité  de  839  régla  le  partage  entre  les  trois 
fils  de  Louis  (Pépin  était  mort  en  838)  de  la  ma- 
nière suivante  :  l'aîné,  Lothaire,  eut  la  couronne 
impériale,  avec  l'Italie  et  tous  les  pays  à  l'est  du 
Rhône,  du  Jura  et  de  la  Meuse,  moins  la  Bavière  ; 
Charles  obtint  les  provinces  situées  à  l'occident  de 
cette  ligne  de  démarcation  ;  et  Louis  le  Germanique 
eut  la  Bavière. 

A  la  mort  de  Louis  le  Débonnaire,  Lothaire 
voulut  réduire  ses  deux  frères  à  l'état  de  simples 
lieutenants,  et  exigea,  dans  leurs  Etats,  le  serment 
direct  des  hommes  libres.  Charles  le  Chauve  et 
Louis  le  Germanique  s'unirent  contre  lui,  le  vain- 
quirent à  la  bataille  de  Fontanet  (841),  et  l'année 
suivante  confirmèrent  leur  alliance  par  des  serments 
échangés  près  de  Strasbourg  [Serments  réciproques, 
le  plus  ancien  monument  de  la  langue  romane). 
Lothaire  céda,  et  le  traité  de  Verdun  (843)  consacra 
le  partage  définitif  de  l'empire  carlovingien. 

La  part  de  Lothaire  eut,  à  peu  de  chose  près,  les 
limites  déjà  fixées  par  le  traité  de  839  :  ce  fut  l'I- 
talie et  une  bande  de  terre  comprise  entre  la 
Rhône,  les  Cévennes,  les  monts  de  l'Argonne  et 
l'Escaut,  à  l'ouest  ;  le  golfe  du  Quarnaro,  les  Alpes, 
le  Rhin  jusque  vers  Mayence,  etleWeser,  à  l'est. 
Les  pays  à  l'ouest  de  ce  territoire  furent  la  part 
de  Charles  le  Chauve  ;  ceux  à  l'est,  la  part  de  Louis 
le  Germanique. 

Ainsi  fut  constitué  pour  la  première  fois  le 
royaume  de  France. 

Le  règne  de  Charles  le  Chauve  se  passa  en  guerres 
continuelles.  Il  lui  fallut  lutter  pendant  de  longues 
années  pour  obliger  l'Aquitaine  à  reconnaître  son 
autorité.  Lothaire  était  mort,  et  ses  Etats  ayant  été 
partages  entre  ses  trois  fils  :  Louis  II,  qui  eut  le 
titre  d'empereur,  Charles  de  Provence  et  Lo- 
thaire II,  Charles  le  Chauve  essaya,  sans  y  réussir, 
de  s'emparer  de  la  Provence,  puis  du  royaume  de 
Lothaire  II  ou  Lorraine.  A  la  mort  de  Louis  II 
(875),  il  réussit  à  se  faire  adjuger  l'Italie  et  la  cou- 
ronne impériale,  et  tenta  l'année  suivante  de  s'em- 
parer encore  de  l'héritage  de  Louis  le  Germanique, 
qui  venait  de  mourir;  il  aurait  ainsi  reconstitué 
l'empire  de  Charlemagne.  Mais  il  ne  réussit  pas 
dans  ce  projet;  non-seuiement  il  ne  put  conquérir 
l'Allemagne,  mais  il  fut  chassé  d'Italie  par  Carlo- 
man,  fils  de  Louis  le  Germanique,  et  mourut  au 
passage  du  mont  Cenis,  à  l'âge  de  cinquante- 
quatre  ans  (877). 

Il  laissait  un  fils,  Louis  II  le  Bègue,  qui  lui  suc- 
céda comme  roi  de  France. 

Charles  le  Gros  —  Hist.  de  France,  VI,  —  empe- 
reur d'Occident,  ne  figure  pas  dans  le  canon  des 
rois  de  France  ;  mais  comme  il  a  régné  sur  notre 
pays  de  884  à  887,  nous  devons  le  mentionner. 

Charles  le  Gros  était  le  troisième  fils  de  Louis  le 
Germanique,  et  avait  reçu  pour  sa  part  d'héritage 
le  royaume  de  Souabe  (876).  Ses  frères  Carloman 
de  Bavière  et  Louis  de  Saxe  étant  morts,  il  se 
trouva  maître  de  toute  la  Germanie,  à  laquelle  il 
joignit  l'Italie,  avec  le  titre  d'empereur  (88.2).  En 
884,  la  mort  de  Carloman,  fils  de  Louis  II  le  Bègue, 
lui  donna  encore  la  régence  de  la  France  ;  il  se  trouva 
donc  avoir  réuni  sous  sa  domination  tout  l'ancien 
empire  de  Charlemagne,  moins  le  royaume  de  Pro- 
vence, dont  s'était  emparé  le  duc  Boson.  C'était  la 
dernière  fois  que  l'unité  de  l'empire  était  recon- 
stituée ;  mais  ce  ne  fut  qu'une  réunion  éphémère 
d'éléments  divergents  :  Charles  le  Grosse  montra 
incapable  de  gouverner  ;  appelé  au  secours  de 
Paris  assiégé  par  les  Normands,  il  ne  sut  que  payer 
un  tribut  aux  envahisseurs.  En  887  il  fut  déposé 
par  les  seigneurs  à  la  diète  de  Tribur,  et  mourut 
dans  l'obscurité  l'année  suivante. 

Du  démembrement  définitif  de  l'empire   carlo- 


CHARLES 


—  376  — 


CHARLES 


vingien  se  formèrent  neuf  Etats  indépendants  :  la 
France,  la  Navarre,  l'Aquitaine,  la  Bretagne,  la 
Lorraine,  la  Provence  ou  Bourgogne  cisjurane,  la 
Bourgogne  transjurane,  la  Germanie  et  l'Italie. 

Charles  III,  le  Simple  —  Hist.  de  France,  VII,  — 
fils  posthume  de  Louis  II  le  Bègue,  né  en  878, 
disputa  la  couronne  à  Eudes,  duc  de  France,  qui 
s'était  fait  couronner  roi  en  «87,  lors  de  la  déposi- 
tion de  Charles  le  Gros.  Il  fut  vaincu  ;  mais  à  la 
mort  de  son  compétiteur,  il  réussit  à  se  faire 
reconnaître  comme  son  successeur  (898).  Il  eut  un 
règne  déplorable,  marqué  par  la  cession  de  la 
Neûstrie  aux  envahisseurs  normands  (911)»  dont 
le  chef  Rollon  devint  la  souche  des  ducs  de  Nor- 
mandie. En  922,  Charles  le  Simple  fut  dépossédé 
de  la  couronne  par  Robert  de  France,  frère  d  Eudes. 
Cetusurpateur  ne  régna  qu'un  an;  mais  Raoul, duc 
de  Bourgogne,  prit  aussitôt  la  place  de  Robert  sur 
le  trône,  et  Charles  ne  put  réussir  à  reconquérir 
l'autorité  royale.  Fait  prisonnier  par  son  rival,  il 
mourut  en  captivité  à  Péronne  quelques  années  plus 
tard  (929),  laissant  un  fils  qui  devait  porter  un  jour 
la  couronne  sous  le  nom  de  Louis  IV  d'Outremer. 

Charles  IV,  le  Bel  —  Hist.  de  France,  XI,  — 
dernier  fils  de  Philippe  le  Bel,  succéda  à  son  frère 
Philippe  V  le  Long,  en  vertu  delaloisalique  (1322). 
Son  règne  ne  présente  pas  d'événements  impor- 
tants. Il  accorda,  comme  son  père,  une  influence 
prépondérante  aux  légistes.  L'empereur  d'Allemagne 
Louis  de  Bavière  ayant  été  excommunié  par  le 
pape  Jean  XXII,  celui-ci  ofl'rit  l'empire  au  roi  de 
France  ;  mais  Charles  IV  mourut  au  moment  où  la 
querelle  du  pape  et  de  l'empereur  était  le  plus 
violente  (1.328).  Avec  lui  s'éteignit  la  lignée  des 
Capétiens  directs.  Il  eut  pour  successeur  son  cousin 
germain,  Philippe  VI  de  Valois. 

Charles  V,  le  Sage  —  Hist.  de  France,  XII  et 
XIII,  —  fils  aîné  de  Jean  II  le  Bon,  prit  le  titre  de 
lieutenant- général  du  royaume  lorsque  son  père 
fut  fait  prisonnier  à  Poitiers  (1-356).  Le  jeune  dau- 
phin n'avait  rien  du  tempérament  emporté  et  belli- 
queux de  son  père  et  de  son  aïeul  ;  c'était  un 
prince  de  constitution  chétive  ,  impropre  aux 
exploits  chevaleresques,  qui  avait  pris  la  fuite  à 
Poitiers  au  lieu  de  combattre  ;  mais  il  avait 
l'esprit  avisé  et  souple,  habile  à  négocier  et  à 
tromper.  Il  était  plus  lettré  que  les  autres  souve- 
rains de  son  temps:  delà  son  surnom  de  Sage,  qui 
dans  la  langue  du  quatorzième  siècle  était synonjaiie 
de  savant.  La  témérité  irréfléchie  de  ses  deux  pré- 
décesseurs ne  leur  avait  valu  que  des  défaites  ;  la 
diplomatie  prudente  de  Charles  remporta  des 
triomphes  peu  brillants,  il  est  vrai,  mais  sérieux  et 
durables. 

Il  eut  d'abord  à  défendre  l'autorité  royale  contre 
les  Etats-Généraux  et  contre  la  Commune  de  Paris, 
dirigée  par  Etienne  Marcel;  feignant  de  céder  quand 
il  se  sentait  le  plus  faible,  promulguant  la  Grande 
Ordo?inance  de  Réforinatio7i  de  1:557  sous  la  pres- 
sion des  circonstances,  puis  la  déchirant  lorsqu'il 
vit  ses  adversaires  divisés  grâce  à  ses  intrigues 
(V.  Guerre  de  Cent  ans  et  Etats-Généraux^,  il 
réussit  à  faire  échouer  le  grand  mouvement  popu- 
laire qui  avait  failli  transformer  la  France  du  moyen 
âge  en  une  démocratie. 

Lorsque  le  traité  de  Brétigny  (1360)  eut  rendu  la 
liberté  au  roi  Jean,  au  prix  d'énormes  cessions  de 
territoire,  celui-ci  reprit  le  pouvoir  ;  mais  bientôt 
sa  mort  (i3G4)  remit  définitivement  à  Charles  les  ! 
rênes  du  gouvernement.  j 

Sur  le  trône,  il  continua  sa  politique  de  prudence 
et  de  ruse,  tournant  les  difficultés  au  lieu  de  les 
aborder  de  front.  Il  se  défit  des  grandes  compa- 
gnies, bandes  de  mercenaires  armés  qui  ruinaient  j 
le  royaume,  non  en  les  attaquant,  mais  en  les  allé-  ] 
chant  par  l'appât  d'une  riche  proie  et  en  les  envoyant 
guerroyer  en  Espagne,  sous  Duguesclin.  Puis  il 
travailla  à  rompre  le  traité  de  Brétigny  en  nouant 


des  intelligences  avec  les  seigneurs  du  Midi,  ei> 
provoquant  des  révoltes  contre  les  Anglais;  et 
quand  ceux-ci  répondirent  enfin  par  une  déclaration 
de  guerre,  il  les  laissa  diriger  contre  ses  provinces 
expéditions  sur  expéditions,  sans  hasarder  de 
grandes  batailles,  préférant  laisser  l'ennemi  se  fati- 
guer et  s'user  lui-môme  en  campagnes  inutiles. 
«  Il  n'y  eut  oncques  roi  de  France  qui  moins  s'ar- 
mât, disait  le  roi  d'Angleterre  Edouard  III,  et  il  n'y 
eut  oncques  roi  qui  tant  me  donnât  à  faire.  »  Las 
d'une  guerre  pareille,  les  Anglais  conclurent  une 
trêve  en  1375.  Mais  deux  ans  plus  tard,  Edouard  III 
étant  mort,  et  ne  laissant  pour  lui  succéder  qu'un 
enfant,  Charles  jugea  le  moment  venu  de  prendre 
une  énergique  offensive  ;  rassemblant  toutes  ses- 
forces,  il  fit  envahir  la  Guyenne,  et  au  bout  de  peu 
de  temps  les  Anglais  ne  possédaient  plus  en  France 
que  Bayonne,  Bordeaux  et  Calais. 

Sur  ces  entrefaites,  Charles  V  mourut  (1380), 
ayant  réparé  par  son  habileté  les  désastres  de» 
règnes  précédents,  mais  laissant  sa  couronne  à  un 
successeur  qui  devait  voir  de  nouveaux  malheurs 
fondre  sur  la  France. 

Charles  VI,  l'Insensé  —  Hist.  de  France,  XIII  et 
XIV,  —  n'avait  que  douze  ans  lorsqu'il  succéda  à  son 
père,  Charles  V  (1380).  Il  fut  placé  sous  la  tutelle 
de  ses  oncles,  les  ducs  d'Anjou  et  de  Berry,  dontle 
mauvais  gouvernement  amena  un  soulèvement  des 
Parisiens  (révolte  des  Maillotins).  On  vit  les  cités 
du  nord  de  la  France  s'agiter  de  nouveau  comme 
au  temps  de  Marcel,  et  se  liguer  contre  l'autorité 
royale  et  la  noblesse  avec  les  puissantes  communes 
flamandes.  Celles-ci,  sous  la  direction  de  Philippe 
Artevelt,  bourgeois  de  Gand,  venaient  de  chasser 
leur  comte.  Les  conseillers  du  roi  de  France  com- 
prirent que  c'était  en  Flandre  qu'il  fallait  frapper 
la  démocratie  :  Cliarles  marcha  contre  les  Gantois 
à  la  tête  d'une  nombreuse  armée  de  chevaliers,  et 
les  communiers  flamands  furent  écrasés  à  Roose- 
beke  (1382).  Le  roi  victorieux  se  dirigea  ensuite 
vers  Paris  ;  les  Parisiens,  consternés  par  la  défaite 
de  leurs  alliés,  firent  leur  soumission;  ils  furent 
punis  par  des  supplices  et  la  perte  de  leurs  privi- 
lèges municipaux.  Pour  la  seconde  fois,  le  Tiers- 
Etat  avait  fait  une  tentative  prématurée  d'émanci- 
pation ;  les  temps  n'étaient  pas  encore  venus. 

Durant  les  années  qui  suivirent,  diverses  expé- 
ditions furent  entreprises  contre  l'Angleterre  et 
l'Allemagne;  elles  éi^houèrent  faute  d'organisation 
sérieuse.  Toutefois  le  jeune  roi,  devenu  majeur, 
s'affranchit  de  la  tutelle  désastreuse  de  ses  oncles, 
et  s'entoura  de  sages  conseillers,  que  les  grands 
seigneurs  appelèrent  par  dérision  les  Marmousets. 
Mais  ce  ne  fut  qu'une  courte  éclaircie  de  bonne 
administration  dans  un  règne  qui  devait  être  une 
minorité  perpétuelle,  vouée  à  tous  les  troubles  et 
à  tous  les  abus,  comme  à  toutes  les  infortunes. 

En  1392,  la  guerre  avait  été  déclarée  au  duc  de 
Bretagne,  qui  avait  donné  asile  au  sire  de  Craon, 
coupable  d'avoir  tenté  d'assassiner  le  conné- 
table Olivier  Clisson.  Comme  Charles  VI  tra- 
versait la  forêt  du  Mans  à  la  tête  de  son  armée,, 
un  inconnu  se  jeta  à  la  bride  de  son  cheval  en 
criant  :  «  Ne  chevauche  pas  plus  avant,  car  tu  es^ 
trahi.  »  Se  figurant  qu'il  était  tombé  dans  un 
piège,  le  roi  devint  furieux,  et  tua  quatre  hommes 
de  sa  suite  :  il  avait  perdu  subitement  la  raison, 
qu'il  ne  recouvra  jamais  entièrement. 

Les  oncles  de  CharlesVI  s'emparèrentalors  de  nou- 
veau du  gouvernement,  et  ce  fut  le  duc  de  Bour- 
gogne, Philippe  le  Hardi,  qui  y  eut  l'influence 
prépondérante.  A  sa  mort  (l40i),  le  jeune  duc 
Louis  d'Orléans,  frère  du  roi,  prit  en  main  la  di- 
rection des  afi"aires;  mais  le  fils  de  Philippe  le 
Hardi,  Jean  Sans-Peur,  lui  disputa  le  pouvoir  et  le 
fit  assassiner.  On  vit  alors  se  former  deux  partis  : 
celui  des  Bourguignons ,  soutenu  par  la  bourgeoisie 
parisienne  et  l'Université,  GtcoÏMiàQi Armagnacs, 


CHARLES 


—  377 


CHARLES 


ainsi  nommé  de  son  chef  Bernard  d'Armagnac,  puis- 
sant seigneur  du  Midi,  qui  fut  le  parti  des  amis 
du  duc  dOi'léans  et  de  l'aristocratie  en  général. 
Les  deux  factions  rivales  se  firent  une  guerre 
atroce.  Les  Bourguignons  furent  d'abord  les  maî- 
tres à  Paris,  où,  avec  le  concours  de  l'Université, 
ils  promulguèrent  la  célèbre  Ordonnance  cabo- 
chienne  (Ui:ij,  qui  tire  son  nom  du  boucher  Jean 
Caboche,  l'un  des  chefs  du  parti  populaire.  Cette 
ordonnance,  «  monument  remarquable  d'adminis- 
tration, qui  pouvait  changer  la  face  do  la  France  » 
(Lavallée),  formait  un  code  divisé  en  dix  chapitres, 
qui  régularisait  toutes  les  branches  du  gouverne- 
ment :  domaine  royal,  monnaies,  aides,  trésor  des 
guerres,  chambre  des  comptes,  parlement,  justice, 
chancellerie,  eaux  et  forêts,  gendarmerie.  Mais 
bientôt  les  Armagnacs  prirent  le  dessus,  l'ordon- 
nance cabochienne  fut  cassée,  les  chefs  populaires 
proscrits,  et  Paris  livré  à  la  tyrannie  des  sei- 
gneurs. 

Le  roi  d'Angleterre  Henri  V,  voyant  la  France 
divisée,  trouva  l'occasion  favorable  pour  recom- 
mencer la  guerre.  Les  Armagnacs,  maîtres  du 
gouvernement,  se  chargèrent  de  défendre  le  royau- 
me contre  l'invasion  anglaise  ;  mais  leur  brillante 
armée  fut  défaite  à  Azincourl  (1410).  Heureusement 
Henri  V  retourna  en  Angleterre,  où  il  demeura 
deux  ans  avant  d'entreprendre  une  nouvelle  expé- 
dition. Il  revint  en  1417.  Les  Armagnacs  étaient 
restés  les  maîtres  de  Paris  ;  ils  en  furent  enfin 
chassés  par  une  révolution  (massacre  des  Arma- 
gnacs, 1418),  et  Jean  Sans-Peur,  allié  à  la  reine 
Isabeau  de  Bavière,  redevint  maître  du  gouver- 
nement. Le  malheureux  Charles  VI,  fantôme  royal 
que  se  disputaient  les  deux  partis,  avait  été  censé 
sanctionner  tour  à  tour  les  excès  de  l'un  et  de 
l'autre. 

L'assassinat  de  Jean  Sans-Peur  et  le  traité  de 
Troyes  furent  les  derniers  événements  de  ce  règne 
déplorable  (V.  Guerre  de  Cent  Ans  et  Charles  VU)  : 
le  roi  d'Angleterre  devint  le  gendre  et  l'héritier 
du  roi  de  France.  Mais  Henri  V  mourut  prématu- 
rément en  1423,  et  deux  mois  plus  tard  Charles  YI 
le  suivit  dans  la  tombe. 

Caiarles  VII  —  Hist.  de  France,  XIV,  —  troisième 
fils  de  Charles  VI,  devint  dauphin  en  1417,  après 
la  mort  de  ses  doux  frères  aînés  :  il  avait  quatorze 
ans.  La  France,  au  lendemain  d'Azincourt,  était 
gouvernée  par  le  comte  d'Armagnac,  qui  portait  le 
tiire  de  lieutenant  général  du  royaume  :  le  jeune 
prince  se  donna  tout  entier  au  parti  armagnac,  et 
fut  l'adversaire  déclaré  du  parti  bourguignon.  Son 
premier  acte  fut  d'exiler  sa  mère,  la  reine  Isabeau 
de  Bavière,  qu'on  accusait  de  désordre  dans  ses 
moeurs.  La  reine  disgraciée  fit  alliance  avec  le  duc 
de  Bourgogne  Jean  Sans-Peur;  bientôt  une  conspi- 
ration livra  Paris  aux  Bourguignons,  les  Armagnacs 
furent  massacrés,  et  le  dauphin  dut  s'enfuir.  Il  y 
eut  alors  deux  gouvernements  :  celui  de  la  reine, 
qui  exerça  la  régence  au  nom  de  son  époux  privé 
de  raison,  et  avec  l'appui  du  duc  de  Bourgogne  ;  et 
celui  du  dauphin,  qui  s'intitula  lieutenant  général, 
et  qui  se  retira  au  midi  de  la  Loire. 

Cependant  l'approche  des  Anglais  engagea  les 
deux  partis  à  négocier  une  réconciliation  ;  mais  les 
Armagnacs  et  leur  chef  ne  voulaient  pas  sincère- 
ment la  paix  :  Jean  Sans-Peur,  attiré  à  une  entre- 
vue au  pont  de  Montereau,  fut  assassiné  au  mo- 
ment où  il  mettait  un  genou  en  terre  devant  le 
dauphin  (1419).  Ce  fut  ce  crhuc  qui  livra,  on  peut  le 
dire,  la  France  aux  Anglais;  un  siècle  plus  tard, 
un  moine,  montrant  à  François  l"  le  tombeau  de 
Jean  Sans-Peur  à  Dijon,  et  lui  faisant  voir  le  trou 
que  la  hache  de  Tanncguy-Duchàtel  avait  fait  dans 
le  crâne  de  la  victime  :  «  Voilà,  dit-il,  la  large  plaie 
par  où  les  Anglais  sont  entrés  en  France.  «  En 
effet,  Philippe  le  Bon,  fils  de  Jean  Sans-Peur,  s'al- 
lia aux  Anglais  pour  venger  son  père  ;  et  sous  son 


influence,  la  reine  Isabeau  et  son  triste  époux  con- 
clurent avec  Henri  V  le  traité  de  Troyes  (l420),  qui 
excluait  le  dauphin  Charles  de  la  succession  au 
trône,  et  assurait  au  roi  d'Angleterre  l'héritage  du 
roi  de  France,  dont  il  épousait  la  fille.  Le  Parle- 
ment déclara  le  dauphin  banni  du  royaume  et  in- 
digne de  succéder  à  aucune  seigneurie. 

Lorsque  Charles  VI  mourut  deux  ans  après,  le 
dauphin  fut  proclamé  roi  par  ses  partisans  dans 
un  petit  château  d'Auvergne,  tandis  qu'à  Paris  la 
couronne  de  France  était  solennellement  déposée 
sur  le  berceau  du  fils  qu'Henri  V  avait  laissé.  Mais 
la  fortune  des  Anglais  allait  changer,  ainsi  que 
l'avait  prédit  à  son  lit  de  mort  le  vaillant  roi  d'An- 
gleterre :  «  Henri  de  Monmonth,  avait-il  dit  en 
parlant  de  lui-même,  aura  régné  peu  et  conquis- 
beaucoup  ;  Henri  de  AVindsor  (son  fils  Henri  VI) 
régnera  longtemps  et  perdra  tout.  »  Cependant 
les  premières  années  de  Charles  VII  ne  furent  pas 
favorables  à  ses  armes;  les  Anglais  continuèrent 
k  gagner  du  terrain.  Charles  VII  avait  de  vaillants 
capitaines,  Dunois,  La  Hire,  Xaintrailles,  le  conné' 
table  de  Richemoni;  mais  lui-même,  retirp  4ans 
ses  châteaux  de  la  Loire,  et  n'ayant  que  Bourges- 
pour  capitale,  ne  songeait  pas  à  reconquérir  son 
royaume,  et  ne  s'occupait  que  de  ses  plaisirs.  Il 
laissa  les  Anglais  mettre  le  siège  devant  Orléans, 
dernier  boulevard  de  la  nationalité  française,  sans 
sortir  de  son  insouciance.  Jeanne  Darc  parut  alors 
(1429),  et  tout  changea  de  face  (V.  Jeanne  Darc).  Le 
siège  d'Orléans  fut  levé  ;  Charles  VII  put  se  faire 
sacrer  à  Pieims,  ce  qui  lui  donna  le  prestige  du  roi 
légitime;  les  Anglais  reculèrent,  plusieurs  villes 
ouvrirent  leurs  portes  à  l'armée  royale,  Paris  lui- 
même  faillit  être  enlevé  par  un  hardi  coup  de  main» 
Mais  Jeanne  fut  prise  l'année  suivante,  et  brûlée 
sans  que  Charles  VII  fit  rien  pour  tenter  de  la  dé- 
livrer. Ce  crime  rendit  les  Anglais  odieux,  et  acheva 
de  soulever  contre  eux  le  sentiment  national,  déjà 
réveillé  par  l'héroïsme  de  la  vaillante  paysanne 
lorraine.  Le  duc  de  Bourgogne  abandonna  la  cause 
anglaise  et  fit  la  paix  avec  Charles  VII  ;  l'année 
suivante,  le  connétable  de  Richement  chassa  les 
Anglais  de  Paris  (113G). 

Maître  enfin  de  sa  capitale,  Charles  Vil,  qu'on 
surnomma  de  son  vivant  le  Bien-Scrvi  pour  indi- 
quer le  peu  de  part  personnelle  qu"il  eut  aux  vic- 
toires qui  lui  rendirent  son  royaume,  secoua  son 
indolence  et  s'occupa  d'administration  intérieure. 
Il  dut,  comme  autrefois  Charles  V,  délivrer  la 
France  des  bandes  de  mercenaires  que  la  guerre  y 
avait  laissées  ;  après  avoir  comprimé  une  révolte 
des  grands  seigneurs  alliés  aux  chefs  de  ces 
aventuriers  (la  Praguerie),  il  envoyâtes  hordes  des- 
Armafinacs,  sous  la  conduite  de  son  fils  le  dau- 
phin Louis,  faire  la  guerre  aux  Suisses,  qui  en 
tuèrent  lo  (  00  à  Saint-Jacques.  En  même  temps 
il  conclut  une  trêve  avec  les  Anglais,  et  profita  du 
répit  qu'elle  lui  donna  pour  organiser  une  armée 
régulière  (V.^rmt'f), dont  les  dépenses  furent  soldées 
au  moyen  de  la  taille  perpétuelle,  impôt  permanent 
consenti  par  les  États-généraux.  Jacques  Cœur, 
l'argentier  du  roi,  réforma  l'administration  des  fi- 
nances. Des  Parlements  furent  établis  à  Toulouse 
et  à  Grenoble.  La  Pragmatique  sanction  de  Bour- 
ges (1433)  garantit  les  libertés  de  l'Jiglise  française. 
Lorsque  les  Anglais  recommencèrent  la  guerre 
(1449),  les  armes  françaises  furent  victorieuses  par- 
tout :  la  Normandie  et  la  Guyenne  furent  définiti- 
vement reconquises,  et  les  Anglais  ne  conservèrent 
plus  que  Calais. 

Charles  VII  vécut  jusqu'en  1561.  Ses  dernière» 
années  avaient  été  troublées  par  une  querelle  avec 
son  fils  (plus  tard  Louis  XI),  qui  avait  dû  s'enfuir 
à  la  cour  du  duc  de  Bourgogne  ;  se  persuadant  que 
le  dauphin  voulait  le  faire  empoisonner,  le  roi, 
<i  dont  l'esprit  n'était  pas  exempt  de  la  démence  de 
son  père  »  (.ii«efl5S;//(;(W5),  refusa  toute  nourriture^ 


CHARLES 


—  378  — 


CHARLES 


et  se  laissa  mourir  de  faim  à  l'âge  de  cinquante- 
huit  ans. 

(Lectures  dans  Raffy  :  Armée  permanente.  —  Jac- 
ques Cœur.) 

caiarles  VIII  —  Hist.  de  France,  XVI,  —  fils  et 
successeur  de  Louis  XI,  n'avait  que  treize  ans  à  la 
mort  de  son  père  (H83);  aussi  sa  sœur  aînée, 
Anne  de  Beaujeu,  fut-elle  chargée  de  la  régence. 
C'était  une  princesse  pleine  de  prudence  et  de 
savoir-faire,  «  bien  digne  du  trône,  si  la  nature  ne 
lui  eût  refusé  le  sexe  auquel  est  dévolu  l'empire.  » 
Son  frère,  au  contraire,  n'avait  que  des  capacités 
fort  médiocres  :  «  il  était  peu  entendu,  mais  si  bon 
qu'il  n'était  pas  possible  de  voir  meilleure  créa- 
ture. ■»  (Comines.) 

Les  États-Généraux  se  réunirent  en  1484,  et  plu- 
sieurs députés  y  protestèrent  contre  les  pouvoirs 
nouveaux  que  le  règne  précédent  avait  attribués  à 
la  royauté  ;  ils  rappelèrent  que  «  les  États-Géné- 
raux étaient  les  dépositaires  de  la  volonté  com- 
mune, et  que  rien  n'était  légal  sans  leur  sanction.» 
Les  États  déclarèrent  qu'ils  ne  votaient  l'impôt  que 
pour  deux  ans,  et  qu'au  bout  de  ce  terme  la  cou- 
ronne serait  tenue  de  les  convoquer  de  nouveau. 
Anne  de  Beaujeu  le  promit,  et  les  Etats  se  séparè- 
rent; mais  le  règne  entier  de  Charles  VIII  s'écoula 
•sans  qu'ils  eussent  été  une  seconde  fo's  convoqués, 
et  les  impôts  furent  de  nouveau  levés  par  simple 
ordonnance  royale. 

Le  duc  d'Orléans  s'était  mis  à  la  tôte  d'une  coa- 
lition contre  la  régente  (la  guerre  folle)  ;  Anne  sut 
déjouer  ses  projets  à.  force  d'énergie  et  d'habileté. 
Elle  couronna  son  œuvre  en  faisant  épouser  à  son 
frère  l'héritière  du  duché  de  Bretagne  (1491). 

Affranchi  de  la  tutelle  de  sa  sœur,  Charles,  au 
lieu  de  s'occuper  des  affaires  de  son  royaume,  se 
mit  en  tête  d'entreprendre  une  expédition  lointaine. 
Il  ne  s'agissait  de  rien  moins  que  d'aller  conquérir 
Constantinople  et  Jérusalem,  en  passant  par  Na- 
ples,  ville  sur  laquelle  il  prétendait  avoir  des  droits. 
Il  franchit  les  Alpes  en  i49i  à  la  tête  d'une  nom- 
breuse armée,  traversa  l'Italie  en  triomphateur,  et 
entra  à  Naples  sans  que  le  roi  Ferdinand  II  piit  lui 
résister.  Dans  cette  ville,  il  prit  le  titre  de 
roi  de  Naples,  de  Sicile  et  de  Jérusalem;  et,  en 
témoignage  de  son  intention  de  conquérir  Constan- 
tinople, il  se  montra  aux  Napolitains  dans  le  cos- 
tume des  empereurs  d'Orient,  la  pourpre  sur  l'é- 
paule et  le  globe  d'or  dans  la  main.  Mais  tandis 
qu'il  perdait  son  temps  en  fêtes,  une  confédération 
hostile  se  formait  pour  lui  fermer  le  chemin  de  la 
France  :  le  pape,  Venise,  le  duc  de  Milan  et  plu- 
sieurs autres  princes  italiens  s'étaient  ligués  contre 
lui  avec  le  roi  d'Espagne  et  l'empereur  d'Allema- 
gne. Il  dut  se  hâter  de  battre  en  retraite;  laissant 
la  moitié  de  son  armée  à  Naples,  il  remonta  vers  le 
nord,  franchit  les  Apennins  à  Pontremoli,  rencon- 
tra l'armée  des  confédérés  à  Fornoue,  la  battit,  et 
rentra  en  France  (1495).  Les  troupes  françaises 
restées  à  Naples  durent  bientôt  capituler  devant 
les  Espagnols  :  ainsi  Charles  VIII  perdit  sa  con- 
quête aussi  promptcmeiit  qu'il  l'avait  gagnée. 

L'expédition  d'Italie  frappa  vivement  les  esprits 
en  France.  Elle  fut  le  prélude  d'une  longue  série 
de  guerres  funestes  dans  lesquelles  les  succes- 
seurs de  Charles  VIII  gaspillèrent  le  sang  et  l'or 
français  en  vains  efforts  pour  conquérir  la  pénin- 
sule. D'autre  part,  elle  mit  en  contact,  pour  la  pre- 
mière fois,  la  France  du  moyen  âge  avec  l'Italie 
déjà  éclairée  par  le  radieux  soleil  de  la  Renaissance, 
et  servit  ainsi  indirectement  les  progrès  de  la  civi- 
lisation dans  notre  pays. 

Renonçant  à  ses  aventureux  projets,  Charles  VIII 
résolut  de  se  consacrer  à  de  plus  sages  travaux  : 
réforme  de  la  justice,  de  l'impôt,  de  l'Eglise.  Mais 
il  n'eut  pas  le  temps  de  rien  exécuter  :  la  mort  le 
surprit  à  vingt-huit  ans  (li98). 

Charles  TJ^  —  Hist.  de  France,  XVIII,  —  second 


I  fils  d'Henri  II  et  de  Catherine  de  Médicis,  succéda 
'  à  son  frère  François  II  à  l'âge  de  huit  ans  '1660). 
Il  fut  placé  sons  la  régence  de  sa  mère.  Deux  par- 
tis divisaient  la  France  :  les  huguenots  avaient 
pour  eux  une  grande  partie  de  la  noblesse  des  pro- 
vinces, surtout  dans  le  Midi  ;  leurs  chefs  étaient 
Louis  de  Condé  et  l'amiral  Coligny  ;  les  catholi- 
ques formaient  la  majorité  de  la  nation,  et  étaient 
dirigés  par  la  puissante  et  ambitieuse  famille  des 
Guise.  Catherine,  indifférente  en  matière  de  reli- 
gion, et  qui  ne  cherchait  qu'à  sauver  l'autorité 
royale,  s'efforça  de  maintenir  l'équilibre  entre  les 
deux  partis  ;  elle  créa  chancelier  l'illustre  Michel 
de  l'Hôpital,  dont  les  idées  devançaient  celles  de 
son  siècle,  et  qui  avait  pour  idéal  la  tolérance.  «  Il 
n'est  pas  question  »,  disait-il,  «  de  savoir  laquelle  des 
deux  religions  est  la  meilleure  :  l'état  politique 
diffère  de  l'état  religieux  ;  on  peut  être  sujet  fidèle 
et  mauvais  chrétien  ,  un  excommunié  ne  laisse  pas 
d'être  citoyen.  »  Au  début,  croycnt  les  réformés 
plus  forts  qu'ils  n'étaient  réellement,  la  reine- 
mère  pencha  même  de  leur  côté,  et  songea  un 
moment,  paraît-il,  à  faire  élever  le  jeune  roi  dans 
la  croyance  calviniste. 

Les  États-Généraux,  convoqués  par  le  chance- 
lier en  15G1,  se  prononcèrent  dans  le  sens  de  la 
tolérance  :  ils  demandèrent  la  liberté  religieuse, 
l'abolition  de  plusieurs  ordres  monastiques,  l'amo- 
vibilité des  magistrats,  et  même  l'expropriation 
des  biens  du  clergé,  qui  eussent  été  appliqués  à 
éteindre  la  dette  du  Trésor  et  à  salarier  les  ecclé- 
siastiques. La  reine,  voyant  sa  politique  approuvée 
par  les  États,  se  flntta  d'arriver  à  une  fusion  des 
deux  confessions  rivales  :  elle  réunit  à  Poissy,  pour 
une  discussion  publique,  les  théologiens  de  l'une  et 
de  l'autre  Église;  et  cette  tentative  de  conciliation 
ayant  échoué,  elle  promulgua  du  moins  un  éditqui 
assurait  aux  réformés  le  libre  exercice  de  leur  culte, 
sauf  dans  les  villes  fermées.  Les  seigneurs  catho- 
liques, alarmés,  résolurent  alors  d'avoir  recours  à 
la  force.  Le  massacre  de  Vassy  en  Lorraine  ^1562) 
fut  le  signal  de  la  guerre  civile.  Le  jeune  roi  fut 
enlevé  à  Fontainebleau  par  les  catholiques,  et  Ca- 
therine, effrayée,  dut  accepter  la  domination  du 
duc  de  Guise,  tandis  que  les  réformés  couraient 
aux  armes. 

La  guerre  fut  féroce  de  part  et  d'autre  (V.  Gicr- 
res  de  religion).  «  Où  le  huguenot  est  le  maître, 
il  ruine  toutes  les  images,  démolit  les  sépulcres 
et  tombeaux,  même  celui  des  rois,  enlève  tous  les 
biens  sacrés  et  voués  aux  églises.  En  échange  de 
ce,  le  catholique  tue,  meurtrit,  noie  tous  ceux 
qu'il  connaît  de  cette  secte,  et  en  regorgent  les 
ri^iLTes.  ))(Pasquicr.)Le  duc  François  de  Guise  fut 
assassiné  au  siège  d'Orléans,  et  une  paix  qui  ac- 
cordait aux  réformés  la  liberté  du  culte  dans  une 
certaine  mesure  fut  alors  signée  àAmboise  (1663). 
Mais  deux  fois  la  guerre  recommença  :  en  ISO"/, 
puis,  après  une  courte  trêve,  en  15G8  ;  Condé,  le 
chef  principal  des  piotestants,  fut  tué  à  Jarnac,  et 
remplacé  par  le  jeune  Henii  de  Navarre  :  enfin  la 
paix  fut  conclue  à  Saint-Germain  (1570),  à  l'avan- 
tage des  réformés,  qui  obtinrent,  outre  la  liberté 
de  conscience,  quatre  places  fortes  et  l'accès  aux 
charges  de  l'État. 

Cependant  Charles  IX  avait  atteint  sa  vingtième 
année.  Ce  prince  n'était  pas  naturellement  mé- 
chant :  il  aimait  les  arts,  était  capable  de  senti- 
ments généreux  ;  mais  la  faiblesse  de  son  carac- 
tère le  livrait  aux  influences,  bonnes  ou  mauvai- 
ses, de  son  entourage.  La  paix  de  Saint-Germain 
avait  ramené  à  la  cour  les  seigneurs  réformés; 
un  mariage  fut  conclu  entre  Henri  de  Navarre  et 
Marguerite  de  Valois,  sœur  du  roi  ;  et  l'amiral 
Coligny,  qui  par  son  âge  et  la  fermeté  de  son  ca- 
ractère était  le  véritable  chef  des  huguenots,  prit 
un  grand  ascendant  sur  le  jeune  souverain.  Les 
catholiques  se  montrèrent  mécontents.   Catherine 


CHARLES 


—  379 


CHARLES 


était  revenue  depuis  longtemps  de  son  ancienne 
inclination  pour  les  calvinistes,  dont  la  puissance 
lui  paraissait  maintenant  constituer  un  danger 
pour  la  royauté;  l'influence  de  Coligny  l'inquié- 
tait ;  elle  se  rapprocha  du  parti  des  Guise.  Un 
massacre  des  protestants  fut  résolu  ;  la  reine-mère 
arracha  au  roi  son  consentement,  et  la  Saint-Bar- 
thélémy inonda  la  France  de  sang  (lô72). 

Par  ce  crime  inouï,  Catherine  avait  cru  détruire 
les  huguenots  :  elle  s"était  trompée.  Les  calvinis- 
tes reprirent  les  armes,  et  menèrent  la  guerre 
avec  tant  d'énergie,  que  la  cour  fut  réduite,  au 
bout  d'un  an,  à  leur  accorder  une  paix  confirmant 
la  plupart  des  dispositions  du  traité  de  Saint-Ger- 
main. Cependant  le  misérable  Charles  IX,  malade 
de  la  poitrine,  se  mourait  ;  les  remords  lui  firent 
une  agonie  horrible;  dans  son  délire,  il  voj'ait  se 
dresser  à  son  chevet  les  spectres  de  ses  victimes  : 
«  Ah  !  que  de  sang  et  de  meurtres  !  s'écriait-il  ; 
ah  !  que  j'ai  suivi  un  méchant  conseil  !  »  Il  expira 
âgé  de  vingt-quatre  ans  seulement  (1574),  laissant 
la  couronne  à  son  frère  Henri  III. 

Charles  X  —  Hist.  de  France,  XXX  et  XXXIV,  — 
dernier  roi  de  la  branche  directe  des  Bourbons, 
était  le  quatrième  fils  du  dauphin  Louis,  fils  de 
Louis  XV  :  il  était  par  conséquent  frère  de 
Louis  XVI  et  de  Louis  XVIII.  Avant  de  monter 
sur  le  trône,  il  portait  le  titre  de  comte  d'Artois. 
Durant  le  règne  de  Louis  XVI,  il  fut  le  chef  du 
parti  de  l'opposition  aux  réformes  ;  les  minibtres 
Turgot  et  Necker  n'eurent  pas  de  plus  ardent  ad- 
versaire que  lui.  Lorsque  la  révolution  eut  com- 
mencé, il  fut  des  premiers  à  émigrer,  dès  le  mois 
de  juillet  1789.  Il  devint  bientôt  le  centre  autour 
duquel  se  rallièrent  tous  les  Français  hostiles  au 
nouvel  ordre  de  choses,  et  la  ville  où  il  avait  fixé 
sa  résidence,  Coblentz,  fut  le  quartier  général  de 
l'émigration.  Proscrit  comme  émigré,  il  vécut  à 
l'étranger  durant  la  République  et  l'Empire  ; 
en  1814,  il  rentra  à  Paris  avec  l'armée  des  alliés, 
et  y  exerça  durant  quelques  jours  les  fonctions  de 
lieutenant  général  du  royaume,  en  attendant  l'arri- 
vée de  Louis  XVIII.  Lorsque  Napoléon  revint  de 
l'île  d'Elbe,  le  comte  d'Artois  fut  chargé  de  la  dé- 
fense de  Lyon  ;  mais  ses  troupes  l'abandonnèrent 
et  il  dut  s'enfuir.  Revenu  en  France  après  Waterloo, 
ce  fut  sur  lui  que  s'appuya,  pendant  le  règne 
de  Louis  XVIII,  la  faction  ultra-royaliste  qui  trou- 
vait la  Charte  trop  libérale  et  qui  voulait  la  restau- 
ration complète  de  l'ancien  régime. 

Il  arriva  au  trône  en  182 i,  à  l'âge  de  soixante- 
sept  ans.  M.  de  Villèle  était  ministre,  et  disposait 
à  la  Chambre  des  députés  d'une  majorité  docile  ; 
une  association  à  la  fois  religieuse  et  politique,  la 
Congrégation,  étendait  son  influence  sur  la  France 
entière  :  Charles  X  crut  pouvoir  réaliser  ses  projets 
de  retour  au  passé.  Une  loi  adoptée  par  les  deux 
Chambres  accorda  une  indemnité  d'un  milliard 
aux  émigrés  dont  les  biens  avaient  été  confisqués 
pendant  la  Révolution  ;  puis  la  Chambre  des  dé- 
putés vota,  malgré  l'opposition  de  la  minorité  libé- 
rale, une  loi  sur  le  sacrilège,  une  autre  loi  réta- 
blissant le  droit  d'aînesse,  et  une  loi  dite  de 
justice  et  d'amour,  qui  supprimait  la  liberté  de  la 
presse.  La  Chambre  des  pairs  se  montra  moins  dis- 
posée à  donner  les  mains  à  une  politique  qui  se 
mettait  ouvertement  en  contradiction  avec  les 
principes  de  1789;  elle  amenda  la  loi  sur  le  sa- 
crilège, et  rejeta  les  lois  sur  le  droit  d'aînesse  et 
la  presse.  » 

Le  gouvernement  de  Charles  X  était  rapidement 
devenu  impopulaire.  En  1827,  dans  une  grande 
revue,  la  garde  nationale  de  Paris  cria  A  f>as  les 
mmistres!  Vive  la  Charte!  Le  lendemain  elle  était 
licenciée.  Mais  bientôt  les  élections  à  la  Chambre 
montrèrent  au  roi  que  la  majorité  du  pays  était 
réellement  hostile  à  son  ministère.  M.  de  Villèle 
-dut  se  retirer  (1828),  et  fut  remplacé  par  M.   de 


Martignac,  qui  inaugura  la  politique  dite  de  bas- 
cule, en  cherchant  à  louvoyer  entre  les  libéraux 
et  les  ultras.  Il  ne  réussit  qu'à  mécontenter  tout 
le  monde,  et  Charles  X,  regrettant  d'avoir  paru 
reculer  devant  l'opposition,  appela  au  ministère 
des  hommes  selon  son  cœur,  sous  la  présidence 
du  prince  do  Polignac.  Le  nouveau  cabinet  prit 
pour  devise  :  Plu<  de  concsswns  (1829). 

La  Chambre  des  députes,  à  l'ouverture  de  la 
session  de  183',  vota  par  2".'l  suffrages  une  adresse 
au  roi,  déclarant  qu'elle  refusait  son  concours  au 
ministère.  Le  roi  ayant  alors  prononcé  la  dissolu- 
tion de  la  Chambre,  les  221  furent  réélus  {'^  juillet). 
Le  conflit  entre  la  couronne  et  la  représentation 
nationale  allait  devenir  aigu. 

Charles  X  était  résolu  à  déchirer  la  Charte  plu- 
tôt que  de  se  séparer  du  ministère  Polignac;  dans 
son  aveuglement,  il  se  figurait  qu'une  concession 
perdrait  sa  dynastie,  et  que  l'obstination  dans  la 
résistance  aux  vœux  de  la  nation  la  sauverait.  «  Je 
n'ai  sur  ce  point  que  trop  d'expérience,  disait-il  ; 
la  première  reculade  que  fit  mon  malheureux 
frère  -Louis  XVI)  fut  le  signal  de  sa  perte.  Si  je 
cédais  aux  exigences  des  hommes  de  la  gauche,  ils 
me  traiteraient  comme  on  a  traité  mon  frère.  » 
Le  26  juillet  parurent  quatre  ordonnances  ro3"ales  : 
la  première  suspendait  la  liberté  de  la  presse  ;  la 
seconde  déclarait  dissoute  la  Chambre  des  dépu- 
tés; la  troisième  modifiait  le  système  électoral; 
la  quatrième  fixait  au  18  septembre  l'élection 
d'une  nouvelle  Chambre.  En  même  temps,  le  com- 
mandement des  troupes  était  confié  au  duc  de 
Raguse,  pour  le  cas  prévu  où  le  gouvernement 
aurait  besoin  de  recourir  à  la  force. 

C'était  un  véritable  coup  d'État.  Les  journalistes 
parisiens  donnèrent  les  premiers  le  signal  de  la 
résistance,  en  rédigeant  une  énergique  protesta- 
tion ;  puis  les  citoyens  coururent  aux  armes.  Après 
trois  jours  de  lutte  (27,  28  et  29  juillet),  Paris 
resta  aux  mains  du  peuple  ;  Charles  X  abdiqua  et 
se  réfugia  en  Angleterre,  tandis  que  le  duc  d'Or- 
léans prenait  le  titre  de  lieutenant  général  du 
royaume,  en  attendant  que  les  Chambres  lui  don- 
nassent la  couronne. 

Quelques  jours  avant  la  révolution  qui  renversa 
Charles  X  du  trône,  on  avait  reçu  à  Paris  la  nou- 
velle de  la  prise  d'Alger  par  les  troupes  fran- 
çaises. (V.  Algérie.) 

Charles  X  choisit  pour  résidence  la  ville  de 
Goritz,  en  Autriche  :  il  y  mourut  en  1836.  Dans 
son  acte  d'abdication,  il  avait  désigné  comme  son 
successeur  son  petit-fils,  le  duc  de  Rordeaux  (fils 
du  duc  de  Berry,  assassiné  en  1820  par  Louvel). 
Ce  prince,  connu  aussi  sous  le  nom  de  comte  de 
Chambord,  fut  en  conséquence  regardé  comme  le 
seul  héritier  légitime  de  la  couronne  par  les  par- 
tisans de  la  dynastie  déchue,  qui  prirent  le  nom 
de  parti  légitimist'^,  en  opposition  aux  orléanistes 
ou  partisans  du  duc  d'Orléans  devenu  roi  sous  le 
nom  de  Louis-Philippe  I". 

2.  SOUVERAINS   ÉTRANGERS. 

N.  B.  —  Pour  les  souverains  étrangers  du  nom 
de  Charles,  auxquels  nous  ne  consacrons  pas  un 
article  ici,  nous  renvoyons  aux  articles  généraux 
donnant  l'histoire  des  dififérents  pays. 

1"  Rois  d'Aîigleterre. 

Caiarles  I",  Stuart,  roi  d'Angleterre,  —  Hist. 
générale,  XXIV  et  XXVIII,  —  fils  et  successeur  de 
Jacques  I",  n  onta  sur  le  trône  en  1625,  à  l'âge  de 
vingt-cinq  ans.  Il  avait  des  dehors  plus  nobles  que 
son  père,  était  plus  résolu.  Mais  il  avait  les  mêmes 
théories  despotiques,  et  un  vice  honteux,  la  fausseté. 

Le  duc  de  Buckingham,  favori  de  Jacques  I*', 
avait  la  confiance  du  nouveau  roi,  et  conserva  la 
direction  des  affaires.  Buckingham  était  détesté  ; 


CHARLES 


—  380  — 


CHARLES 


en  outre  la  nation  voulait  maintenir  ses  libertés, 
fiue  le  Parli'nient  avait  déjà  eu  à  défendre  contre 
If'S  prétentions  absolutistes  du  prédécesseur  de 
Charles.  C'était  par  le  vote  des  impôts  que  les 
Communes  pouvaient  poser  certaines  limites  au 
pouvoi:-  royal  :  le  Parlement,  convoqué  en  1625, 
refusa  donc  de  voter  la  perception  des  droits  de 
douane  pour  toute  la  durée  du  règne,  et  ne  les 
accorda  que  pour  un  an.  Charles,  irrité,  prononça 
la  dissolution  de  la  Chambre  des  Communes,  et 
essaya  de  se  procurer  de  l'argent  au  moyen  d'un 
emprunt  forcé.  Mais  n'ayant  pu  y  réussir,  il  dut 
convoquer  un  second  Parlement  (1C26). 

Celui-ci  débuta  en  dressant  un  acte  d'accusation 
contre  Buckingham,  justement  accusé  d'arbitraire. 
Le  roi,  pour  sauver  son  favori,  renvoya  de  nouveau 
le  Parlement. 

En  ce  moment,  Pùchelieu  assiégeait  dans  la 
Pioclielle  les  protestants  français  :  Charles  an- 
nonça qu'il  leur  enverrait  du  secours.  Il  espérait 
ainsi  gagner  la  faveur  populaire  et  obtenir  de  l'ar- 
gent en  se  passant  du  Parlement.  Mais  l'emprunt 
forcé  qu'il  ordonna  ne  réussit  pas,  malgré  les 
menaces  et  les  emprisonnements.  Buckingham, 
qui  avait  conduit  une  flotte  devant  la  Rochelle, 
éprouva  un  échec  honteux  (16"27).  A  son  retour,  il 
pressa  lui-même  le  roi  de  céder  et  de  convoquer 
un  Parlement. 

C'était  le  troisième.  Charles  lui  demanda  des 
subsides  pour  continuer  la  guerre  contre  la  France. 
Le  Parlement  les  accorda,  mais  décida  qu'ils  ne 
seraient  levés  que  lorsque  le  roi  aurait  solennelle- 
ment reconnu»  les  droits  antiques  et  sac  es  de  la  na- 
tion ».  A  cet  effet,  et  sur  la  proposition  de  sir  Tho- 
mas Wentworth,  le  plus  éloquent  orateur  des  Com- 
munes, les  deux  Chambres  réunies  votèrent  le  Bill 
d''S  droits,  qui  contenait  entre  autres  ces  deux 
principes  :  «  Aucun  impôt  ne  pourra  être  levé  sans 
le  consentement  du  Parlement.  —  Nul  ne  pourra 
être  arrêté  et  jugé  que  conformément  aux  lois  » 
Ofi''8). 

L  •  bill  fut  présenté  à  la  sanction  royale.  Charles 
essaya  d'éluder  une  acceptation  formelle  ;  il  pro- 
posa au  Parlement  une  formule  vague  :  «  Le  roi 
s'engage  à  reconnaître  les  anciens  statuts  comme 
inviolables.  »  \!ais  le  Parlement  tint  bon,  et,  de 
guerre  lasse,  le  roi  apposa  au  Bill  des  droits  la 
formule  officielle  de  sanction,  en  vieux  français  nor- 
mand :  Soit  droit  fait  comme  il  est  requis. 

Les  Communes  votèrent  ensuite  les  subsides. 
Puis  elles  adressèrent  de  nouvelles  remontrances 
au  roi  contre  Buckingham,  le  qualifiant  «  d'entre- 
preneur de  la  misère  publique  »,  Le  roi  s'irrita  ; 
mais  n'osant  dissoudre  encore  le  Parlement,  il  se 
contenta  de  le  proroger. 

Le  mécontenicment  populaire  fut  grand.  Un  fa- 
natique, l'officier  Felion,  assassina  Buckingham. 
Charles  lui  donna  pour  successeur  sir  Thomas 
Wentworth,  que  son  .imbition  poussa  à  déserter  la 
cause  du  Parlement  et  à  accepter  les  faveurs  royales. 
Cette  apostasie  le  rendit  odieux  à  ses  anciens  amis  : 
«  Au  revoir,  dans  la  salle  de  Westminster  1  »  lui  dit 
le  parlementaire  Pym.  Ce  mot  menaçant  était  une 
prophétie. 

L'année  suivante  (16"20),  le  Parlement  reprit  ses 
séances.  Il  découvrit  alors  que  le  roi,  en  faisant 
publier  le  Bill  des  droits,  avait  substitué  à  la 
sanction  officielle  la  première  formule  vague  dont 
le  Parlement  n'avait  pas  voulu  se  contenter.  Devant 
Cf^tte  fraude  royale,  les  Communes  continrent  leur 
indignation,  mais  elles  se  plaignirent  du  primat 
d'Angleterre,  l'archevêque  Laud,  l'accusant  de  favo- 
riser le  catholicisme  et  de  persécuter  les  non-con- 
formistes ;  elles  continuèrent  à  refuser  de  voter  les 
droits  de  douane  pour  toute  la  durée  du  règne. 

Décidé  à  persévérer  dans  son  système  de  gouver- 
nement d.'spotiquc  et  sans  contrôle,  Charles  pro- 
nonça la  dissolution  du  Parlement,  et  fil  emprison- 


ner neuf  membres  des  Communes  à  raison  de  leurs 
discours.  Avant  de  se  séparer,  la  Chambre  des 
communes  vota  une  protestation  énergique  :  elle 
déclara  illégale  la  perception  de  l'impôt  non  vote, 
et  traître  à  la  patrie  quiconque  essayerait  de  lever 
cet  impôt,  et  quiconque  consentirait  à  le  payer. 

Charles  était  résolu  à  gouverner  sans  Parlement, 
et  durant  dix  années  en  effet  il  régna  en  maître 
absolu.  «  La  tyrannie  de  Charles  fut,  sinon  la  plus 
cruelle,  du  moins  la  plus  inique  et  la  plus  abusive 
qu'eût  jamais  soufferte  l'Angleterre.  »  (Guizot.) 
Des  impôts  illégaux  furent  levés  de  force;  la 
liberté  religieuse  disparut,  les  non-conformistes, 
et  surtout  ceux  qu'on  appelait  les  puritains,  furent 
persécutés;  de  simples  délits  de  presse  furent 
punis  de  supplices  barbares.  Beaucoup  de  puri- 
tains allaient  chercher  dans  l'Amérique  du  .Nord 
une  terre  où  ils  pussent  pratiquer  leur  culte  en 
liberté  :  Charles  défendit  l'émigration. 

Les  Anglais  supportèrent  patiemment  ce  despo- 
tisme ;  la  résistance  essayée  par  quelques  citoyens 
ne   sortit  jamais   des  formes  légales.   Un  ancien 
membre  desCommunes,  Hampden,  refusa  de  payer 
1  une  taxe  arbitraire,  et  intenta  un  procès  à  la  cou- 
I  ronne  :  il  fut  condamné,  et  paya  (1(;-jC).  Mais  l'o- 

I  pinion  était  dans  un  éi^at  de  grande  effervescence, 
et  l'irritation  contre  le  roi  et  ses  ministres  allait 
croissant. 

[  Une  imprudence  de  l'archevêque  Laud  mit  le  feu 
aux  poudres.  11  voulut  introduire  en  Ecosse  les 
formes  de  la  liturgie  anglicane.  Cette  innovation 
provoqua  une  émeute  dans  l'église  d'Edimbourg 
(163"),  et  les  réformés  écossais  ou  prehytériens 
conclurent  sous  le  nom  de  Covennnt  une  alliance 
religieuse  et  politique  pour  la  défense  de  leurs 
droits. 

Charles  marcha  avec  une  armée  contre  les  cove- 
nantaires;  mais  ses  soldats  sympatliisaient  avec 
les  Écossais  :  aussi  n'osa-t-il  pas  livrer  bataille.  11 
traita  avec  les  insurgés  et  leur  accorda  l'abolition 
de  la  liturgie  de  Laud  (16i9). 

La  situation  de  la  royauté  était  difficile.  Charles 
avait  voulu  être  maître  absolu;  s'il  entrait  dans  la 
voie  des  concessions,  c'en  était  fait  de  cette  auto- 
rité sans  contrôle  qu'il  avait  usurpée.  Il  appela  au- 
près de  lui  Wentworth,  qu'il  avait  fait  comte  de 
Strafford  et  gouverneur  d'Irlande.  Strafford  en- 
gagea Charles  à  user  de  rigueur.  Une  nouvelle 
armée  fut  levée,  et  la  guerre  contre  les  Écossais 
décidée. 

Mais  il  fallait  de  l'argent  ;  les  emprunts  forces, 
les  taxes  illégales  ne  suffisaient  pas.  Charles,  pen- 
sant que  pour  une  expédition  dirigée  contre  l'Ecosse 
ses  sujets  anglais  ne  lui  refuseraient  pas  de  l'ar- 
gent, se  décida  à  convoquer  un  Parlement  (16401. 

II  y  avait  onze  ans  que  les  députés  des  Communes 
n'avaient  été  réunis. 

Au  lieu  de  voter  docilement  les  subsides  deman- 
dés, le  Parlement  commença  par  réclamer  le 
redressement  des  griefs  de  la  nation.  Charles  vou- 
lait de  l'argent,  et  non  des  remontrances;  il  se 
croyait  assez  fort  pour  n'avoir  pas  besoin  de  faire 
aucune  concession.  D'ailleurs,  Strafford  lui  don- 
nait des  conseils  violents  :  «  Si  on  traitait  ces 
gens-là  comme  ils  le  méritent,  disait-il  en  parlant 
des  députés  des  Communes,  il  faudrait  les  faire 
fouetter  jusqu'à  ce  qu'ils  fussent  revenus  au  sens 
commun  ;  et  ils  devraient  savoir  bon  gré  à  ceux 
qui  prendraient  ainsi  la  peine  de  les  corriger.  » 

Au  bout  de  trois  semaines,  Charles  congédia  le 
Parlement,  et  Strafford  essaya  de  faire  la  guerre 
aux  Écossais  avec  les  seules  ressources  du  trésor 
royal.  Mais  l'armée  anglaise  refusa  de  combattre, 
et  de  toutes  parts  des  pétitions  furent  adressées 
au  roi  pour  la  paix  et  la  réunion  d'un  Parlement. 

Charles,  cette  fois,  sentait  le  terrain  lui  manquer 
sous  les  pieds  :  il  céda,  un  Parlement  fut  convoqué 
(1640).   C'était  le  cinquième,  celui  que  l'histoire 


CHARLES 


—  381 


CHARLES 


appelle  le  Long  Parlement.  La  royauté  s'avouait 
vaincue. 

Le  premier  acte  du  Long  Parlement  fut  de  dres- 
ser une  liste  dos  délinquants.  Laud  et  Siraflord, 
accusés  de  haute  trahison,  furent  emprisonnés. 

C'était  Stratlord  surtout  que  la  haine  populaire 
brûlait  de  frapper.  On  lui  fit  son  procès  sur-le- 
champ.  Charles  avait  promis  de  le  sauver.  «  Aussi 
vrai  que  je  suis  roi  d'Angleterre,  avait-il  dit,  ils 
ne  toucheront  pas  un  cheveu  de  votre  tète.»  Néan- 
moins, lorsque  les  Communes  l'eurent  condamné 
à  mort,  le  roi  l'abandonna  et  signa  son  arrêt. 
Devant  cette  lâcheté,  Strafford  se  contenta  de  dire  : 
«  Ne  mettez  pas  votre  confiance  dans  les  princes 
de  la  terre.  »  11  fut  décapité  (mai  l(i4l)-  Laud,  son 
compagnon  de  captivité,  ne  fut  condamné  et  exé- 
cuté que  quatre  ans  plus  tard. 

Charles  n'avait  plus  d'autre  conseiller  que  la 
reine  Henriette,  princesse  catholique  détestée  de 
la  nation.  Poussés  par  des  agents  de  la  cour,  les 
catholiques  d'Irlande  se  révoltent,  et  massacrent 
40,000  protestants  ;  les  révoltés  s'intitulent  «  ar- 
mée catholique  de  la  reine  ».  C'était  là  une  diver- 
sion venant  fort  à  propos  pour  embarrasser  le 
Parlement.  Charles  lui  demande  une  armée  pour 
comprimer  la  révolte;  une  fois  les  troupes  sous 
sa  main,  il  eût  pu  s'en  servir  contre  le  Parlement 
lui-même.  Les  Communes  répondent  par  une  amère 
remontrance,  et  déclarent,  par  le  bill  de  la  milice^ 
que  c'est  au  Parlement,  non  au  roi,  qu'appartient 
le  droit  de  lever  une  armée  et  d'en  nommer  les 
cliefs. 

Voyant  ses  projets  déjoués,  Charles  prépare  un 
coup  d'État  ;  il  s'entoure  de  gentilshommes  dé- 
voués (les  cavaliers),  et  conspire  contre  le  Parle- 
ment. La  Chambre  des  communes,  justement  in- 
quiète, réclame  une  garde  pour  sa  sûreté.  Le  roi 
la  refuse  en  disant  :  «  Sur  mon  honneur  de  roi, 
je  m'engage  solennellement  à  vous  préserver  tous 
et  chacun  de  vous  de  toute  violence,  avec  autant 
de  soin  que  s'il  s'agissait  de  ma  propre  sûreté  et 
de  celle  do  mes  enfants.  » 

Mais,  le  2  janvier  i6<2,  le  procureur  général  de 
la  couronne  se  présente  au  Parlement  pour  arrêter, 
au  nom  du  roi,  Hampden,  Pym,  et  trois  autres 
membres  des  Communes.  La  Chambre  refuse  de 
les  livrer.  «  J'irai  les  chercher  moi-même,  »  dit 
Charles. 

Le  lendemain,  il  prend  congé  de  la  reine  en  ces 
termes  :  «  Dans  une  heure,  je  reviendrai  maître 
enfin  de  mon  royaume.  »  Il  se  rend  à  la  Chambre 
des  Communes,  suivi  d'une  foule  de  cavaliers. 
Mais  les  cinq  membres  menacés  avaient  ciierché 
un  asile  dans  la  Cité,  au  milieu  du  peuple.  «  Je 
vois  que  les  oiseaux  sont  envoles,  »  dit  le  roi. 

Le  peuple  de  Londres  se  prononça  avec  force  en 
faveur  du  Parlement.  Les  magistrats  de  la  Cité  re- 
fusèrent de  livrer  les  cinq  accusés.  Le  roi  furieux 
quitta  la  capitale,  et  les  cinq  membres  furent  re- 
conduits en  triomphe  au  Parlement  par  le  peuple. 

Charles  s'était  rendu  dans  les  comtés  du  nord  : 
il  planta  l'étendard  royal  à  Nottingham  (23  août 
1642),  et  appela  aux  armes  ses  partisans.  Le  Par- 
lement, de  son  côté,  organisa  la  résistance  et  leva 
une  armée. 

Les  troupes  royales  eurent  d'abord  le  dessus. 
Mais  des  officiers  puritains,  Hampden,  Ludlow, 
Cromvvell,  Harrison,  disciplinèrent  l'armée  parle- 
mentaire par  les  pratiques  religieuses,  et  bientôt 
la  conduisirent  à  la  victoire.  La  guerre  dura  cinq 
ans  (V.  Cromwell).  Enfin  Charles,  obligé  de  fuir, 
se  livra  aux  Ecossais.  Le  Parlement  anglais,  le 
traitant  encore  en  roi,  lui  envoya  alors  des  propo- 
sitions de  paix  portant  :  abolition  de  l'épiscopat  ; 
éloignement  des  fonctions  publiques  des  partisans 
du  roi  ;  remise  au  Parlement,  pour  vingt  ans,  du 
commandement  des  forces  de  terre  et  de  mer. 
Charles  refusa. 


Sur  ces  entrefaites,  le  Parlement  d'Ecosse  dé- 
cida de  remettre  Charles  aux  mains  des  Anglais, 
moyennant  paiement  par  ceux-ci  d'une  indemnité 
de  guerre.  Charles  fut,  en  conséquence,  livré  à  des 
commissaires  qui  le  conduisirent  à  Holmby,  où  il 
fut  retenu  prisonnier  (1647). 

Cependant  le  Parlement  anglais  était  divisé  en 
deux  fractions  :  les  presbytériens,  qui  voulaient 
conserver  la  monarchie,  et  les  indépendants  (gé- 
néralement puritains),  qui  désiraient  la  république. 
Ces  derniers  étaient  en  minorité,  mais  l'armée  du 
Parlement,  commandée  par  Cromvvell,  leur  était 
favorable.  Le  roi  entama  des  négociations  secrètes 
avec  les  deux  partis.  Enlevé  de  Holmby  par  un 
détachement  de  soldats,  et  conduit  au  milieu  de 
l'armée,  il  chercha  à  s'entendre  avec  Cromwell  ; 
n'y  ayant  pas  réussi,  il  se  sauva  dans  l'île  de 
Wiglit,  et  de  là  négocia  avec  les  presbytériens  du 
Parlement  Un  coup  d'Etat  militaire  coupa  court  à 
ces  intrigues  :  l'armée  marcha  sur  Londres  et  ex- 
pulsa du  Parlement  143  membres  presbytériens. 
Le  Parlement,  ainsi  jmrgé  et  désormais  dominé 
par  les  indépendants,  déféra  le  roi  à  une  haute 
cour  de  justice  présidée  par  Bradshaw.  Celhi-ci  le 
condamna  à  mort.  La  sentence  fut  exécutée  le 
30  janvier  1649,  et  le  7  février  suivant  le  Parle- 
ment abolit  la  royauté. 

Charles  II  —  Hist.  générale,  XXIV  et  XXVIII  — 
fils  de  Charles  I<^'.  11  s'était  retiré  sur  le  continent 
avant  la  mort  de  son  père.  Les  presbytériens 
d'Ecosse,  ayant  pris  les  armes  contre  le  gouverne- 
ment républicain,  lui  offrirent  la  couronne,  en  lui 
imposant  toutefois  des  conditions  qu'il  refusa  d'ac- 
cepter. Il  laissa  le  vaillant  marquis  de  Montrose 
tenter  de  conquérir  l'Ecosse  pour  lui  (iCôo)  :  l'hé- 
roïque aventurier  fut  défait  et  mis  à  mort  par  les 
presbytériens,  qui  voulaient  bien  du  roi,  mais  non 
des  cavaliers  ses  amis.  Charles  se  résigna  alors  à 
souscrire  aux  conditions  du  parti  presbytérien  : 
il  désavoua  tous  les  actes  du  roi  son  père,  et  jura 
de  ne  jamais  permettre  l'exercice  de  la  religion 
catholique;  à  ce  prix  il  fut  reconnu  roi  d'Ecosse. 

Mais  les  Ecossais  furent  vaincus  à  Duubar  par 
Cromwell  (I6;)0,i;  et  le  prétendant  ayant  essayé 
d'envahir  l'Angleterre  avec  les  débris  de  son  ar- 
mée, fut  encore  défait  à  Worcester  (1G51),  et  dut 
s'enfuir  en  France. 

Il  y  resta  neuf  ans,  conspirant  sans  cesse.  Enfin, 
après  la  mort  de  Cromwell,  un  Parlement,  sous  la 
pression  du  général  Monk,  vota  le  rétablissement 
de  la  royauté  et  le  rajjpel  des  Stuarts  (1600). 
Charles  II  rentra  à  Londres  en  promettant  une 
amnistie.  Mais  cette  promesse  fut  violée  :  les  cada- 
vres de  Cromwell  et  de  Bradshaw  furent  déterrés 
et  pendus  au  gibet,  et  les  principaux  républicains 
survivants  mis  à  mort. 

Durant  la  première  partie  de  son  règne,  Char- 
les II  ne  rencontra  pas  d'opposition  :  l'Angleterre 
était  lasse  des  discordes  civiles,  et  la  réaction 
contre  l'austérité  puritaine  était  si  vive,  qu'une 
partie  de  la  nation  semblait  savoir  gré  au  souve- 
rain de  sa  frivolité  et  de  la  corruption  de  ses 
mœurs.  Toutefois,  lorsqu'on  vit  que  C^harles  s'était 
fait  l'agent  de  Louis  XIV,  à  qui  il  avait  vendu  les 
intérêts  de  l'Angleterre  en  échange  d'une  pension 
que  ce  roi  lui  payait,  l'esprit  national  so  révcDla. 
C'est  alors  que  se  formèrent  les  deux  grands  partis 
qui  ont  si  longtemps  divisé  l'Angleterre  :  les  tories, 
défenseurs  de  la  prérogative  royale  et  amis  des 
catholiques;  et  les  whi/js,  partisans  des  libertés 
parlementaires  et  de  l'Eglise  anglicane.  Les  whigs 
furent  bientôt  assez  forts  pour  faire  voter  au  par- 
lement le  ôill  du  test  (1674),  dirigé  contre  les  ca- 
tholiques, et  imposant  à  tous  les  fonctionnaires 
un  serment  religieux.  La  haine  contre  les  catho- 
liques était  si  grande,  que  sur  l'absurde  dénon- 
ciation d'un  faussaire,  Titus  Oates,  plusieurs  inno- 
cents, accusés  d'avoir  trempé  dans  une  prétendue 


CHARLES 


—  382  — 


CHARLES 


conspiration  papiste,  furent  condamnés  à  mort 
(1C79).  Cette  même  année,  le  Parlement  vota  le 
cél'  bre  bill  d'haôcs  cor/jMs,  garantissant  la  liberté 
individuelle.  «  Cette  loi,  l'une  des  plus  grandes 
conquêtes  faites  par  les  Anglais  sur  le  despo- 
tisme, et  qui  se  trouve  déjà  dans  la  grande  Charte, 
était  passée  depuis  longtemps  dans  le  droit  com- 
mun pour  gai-antir  les  sujets  du  royaume  contre 
toute  détention  illégale;  mais  elle  avait  été  éludée 
par  l'adresse  des  hommes  de  loi  et  les  mesures 
oppressives  du  gouvernement.  Par  le  bill  de  i679, 
aucun  juge  ne  peut  refuser,  à  quelque  prisonnier 
que  ce  soit,  dans  les  vingt-quatre  premières  heu- 
res de  son  arrestation,  l'ordre  à'haOeas  corpus,qm 
oblige  le  geôlier  à  le  produire  devant  la  cour  que 
cet  ordre  désignera,  pour  faire  vérifier  la  cause  de 
son  emprisonnement;  si  la  cour  le  fait  élargir,  on 
ne  peut  le  remettre  en  prison  pour  le  môme  sujet. 
En  outre,  les  juges  étaient  obligés  d'accepter,  dans 
un  très  grand  nombre  de  cas,  la  caution  offerte 
par  les  prévenus ,  et  l'usage  de  les  envoyer 
hors  du  royaume  pour  les  soustraire  à  la  juridic- 
tion ordinaire  était  aboli.  »  (Duruy.) 

Les  dernières  années  de  Charles  II  furent  signa- 
lées par  une  révolte  des  puritains  d'Ecosse,  cruel- 
lement réprimée  (1680 1,  et  par  le  complot  de  Rye- 
House,  qui  amena  la  condamnation  à  mort  de  lord 
Russell  et  du  républicain  Algernon  Sidney  (1683). 
Charles  mourut  en  tdSS,  laissant  la  couronne  à 
son  frère  Jacques  II,  le  dernier  des  Stuarts. 

2°  Empereurs  d'Allemagne. 

Charles  I"  (V.  Charlemagne). 
Charles  II  (V.  Charles  II  le  Chauve) . 
Charles  III  (V.  Charles  'e  Gros). 
Charles  IV  —  Hist.  générale,  XIX  et  XXVII,  — 
de  la  maison  de  Luxembourg,   était  fils  du  roi  de 
Bohême  Jean  l'Aveugle,  qui  fut  tué  dans  les  rangs 
français  à  Crécy.  Il  devint  empereur  en   1347,  à  la 
mort  de  Louis  de  Bavière.  Sous  son  règne,  le  pou- 
voir impérial,    déjà  bien  déchu,  subit    encore  de 
nouvelles  atteintes;  l'Italie  se  sépara  entièrement 
de  l'empire,  et  bon  nombre  de  seigneurs  allemands 
obtinrent  ïimmédiateté,  c'est-à-dire  l'indépendance. 
L'acte   qui  donne  au  nom    de   Charles  IV   une 
certaine   importance,  c'est  la  promulgation  de  la 
Bulle  d'Or  (ainsi  nommée  à  cause   du  sceau  d'or 
qui  y  fut  attaché;,  publiée  on  13ôG  à  la  diète  de 
Nuremberg.    Cette    bulle    fixa    définitivement   le  , 
nombre  des  électeurs  impériaux  à  sept,  «  en  Thon-  \ 
neur  des  sept  chandeliers  de  l'Apocalypse,  »  sa-  ^ 
voir  :  trois  électeurs  ecclésiastiques,  les  archevê- 
ques de  Mayence,    de  Cologne   et  de   Trêves  ;   et  ' 
quatre  électeurs  séculiers,  le  duc  de  Saxe,  le  mar- 
grave   de  Brandebourg,  le    roi  de  Bohême,  et  le 
comte  palatin  du  Rhin.  L'élection  devait  avoir  lieu 
à  Francfort,  et  le  sacre  à  Aix-la-Chapelle. 
Charles  IV  mourut  en  1378.  ! 

Charles  V  (V.  Charles-Quint).  \ 

Charles  VI,  —  Hist.  générale,  XXV  et  XXVII,  — 
dernier  empereur  de  la  lignée  des  Habsbourg  di- 
rects, était  le  second  fils  de  Léopold  I".  En  1700, 
n'étant  encore  qu'archiduc  d'Autriche,  il  se  trouva, 
à  la  mort  du  roi  d'Espagne  Charles  II,  prétendant 
à  la  couronne  d'Espagne  en  concurrence  avec 
Philippe  d'Anjou  (V.  (.uerre  de  la  succession  d Es-  ' 
pagncj.  Mais  étant  devenu  empereur  en  1711  par 
la  mort  de  son  frère  Joseph  I",  il  se  vit  obligé  de 
renoncer  à  ses  prétentions  au  trône  d'Espagne,  et 
dut  signer  la  paix  de  Rastadt  (17U).  Les  Turcs 
ayant  attaqué  l'Autriche  en  1716,  le  prince  Eugène 
de  Savoie  remporta  sur  eux  de  brillants  succès.  Un  , 
peu  plus  tard,  la  guerre  de  la  succession  de  Pologne 
mit  l'Empire  aux  prises  avec  la  France  et  l'Espa- 
gne, et  la  paix  se  fit  à  ses  dépens  :  le  traité  de 
Vienne  donna  à  Stanislas  Leczinski  la  Lorraine,  ' 
réversible  à  la  France  après  sa  mort,  et  à  l'Espa-  ! 


gne  le  royaume  de  Naples.  En  cédant  amsi  quel- 
ques-unes de  ses  possessions,  l'empereur  avait 
espéré  obtenir  plus  facilement  de  ses  voisins  1 1 
reconnaissance  de  l'acte  connu  sous  le  nom  de 
pragmatique,  par  lequel  il  laissait  sa  couronne 
a  sa  fille  Marie-Thérèse.  La  pragmatique  fut  en 
effet  jurée  par  la  plupart  des  souverains  de  l'Eu- 
rope ;  mais  à  peine  Charles  VI  eut-il  expiré 
1  (1740),  que  de  nombreux  prétendants,  oubliant 
leurs  serments,  se  disputèrent  son  héritage 
(V.  Guerre  de  la  succession  d'Autriche). 

Charles  "VU  de  Bavière  —  Hi>t.  générale,  XXV 
etXXVlI,  —  fut  l'un  des  prétendants  à  la  couronne 
impériale  à  la  mort  de  Charles  VI.  Il  eut  l'appui  de 
la  France  et  de  la  Prusse  (V.  Guerre  de  la  suc- 
cession d'Autriche),  et  se  fit  couronner  empereur 
à  Francfort  en  1742.  Mais  il  mourut  en  1745,  avant 
la  fin  de  la  guerre,  et  son  fils  Maximilien  traita 
avec  Marie-Thérèse. 

3°  Rois  d'Espagne. 

Charles  I"'  (V.  ci-dessous  Charles-Quint). 
Charles  II  —  Hist.  générale,  XXIV  et  XXX,  — 
fils  de  Philippe  IV  et  dernier  descendant  de  Char- 
les-Quint, eut  un  règne  insignifiant,  sous  lequel 
l'Espagne  déclina  de  plus  en  plus.  Monté  sur  le 
trône  en  1CG5,  il  vit  la  prépondérance  militaire  et 
poliàque  passer  à  la  France,  avec  laquelle  il  se 
trouva  en  guerre  à  trois  reprises.  Comme  il  n'avait 
pas  d'enfants,  ses  deux  beaux-frères,  Louis  XIV  et 
l'empereur  Léopold,  convoitaient  l'un  et  l'autre 
son  héritage,  et  d'innombrables  intrigues  se  nouè- 
rent autour  de  lui.  Charles  II,  voulant  éviter  un 
démembrement  de  la  monarchie  espagnole,  fit 
d'abora  un  testament  en  faveur  d'un  troisième  pré- 
tendant, le  fils  de  l'électeur  de  Bavière  ;  mais  cet 
enfant  étant  mort,  il  se  décida,  par  l'intervention 
du  pape,  à  choisir  pour  héritier  Philippe  d'Anjou, 
petit-fils  de  Louis  XIV  (  1 7U0).  Charles  mourut  peu 
après,  et  l'année  suivante  éclata  la  guerre  de  la 
succession  d'Espagne. 

Charles  III  —  Hist.  générale,  XXV  et  XXX,  —  se- 
cond fils  de  Philippe  V,  fut  d'abord  roi  de  Naples. 
A  la  mort  de  son  frère  Ferdinand  VI  {ilbO),  il  de- 
vint roi  d'Espagne,  et  laissa  la  couronne  de  Naples 
à  son  fils  Ferdinand.  Il  eut  un  règne  réparateur, 
comme  l'avait  été  celui  de  son  prédécesseur  ;  il 
encouragea  l'industrie,  l'agriculture,  le  commerce, 
les  sciences,  et  fut  secondé  par  deux  habiles  nii- 
nistres,  Aranda,  qui  expulsa  les  jésuites  en  1767, 
et  Florida  Blanca.  A  sa  mort  (1788),  la  population 
de  l'Espagne  avait  triplé. 

Charles  IV  —  Hist.  géné^ale,XXV,XX^■I  et  XXX,— 
fils  et  successeur  de  Charles  III,  fut  un  monarque 
incapable,  qui  laissa  le  pouvoir  à  un  favori.  Ma- 
nuel Godoï.  L'Espagne,  sous  son  règne,  prit  part 
à  la  coalition  contre  la  République  française:  mais 
en  1796  elle  s'en  retira  et  signa  la  paix  à  Bâle  :  ce 
traité  valut  à  Godoi  le  titre  de  Prince  de  la  Paix. 
A  partir  de  ce  moment,  l'Espagne  resta  l'alliée  de 
la  France.  Mais  en  1808,  Napoléon  ayant  fait  en- 
trer en  Espagne  des  troupes  françaises  comman- 
dées par  Murât,  une  insurrection  populaire  éclata 
contre  Charles  IV  et  son  favori.  Le  roi  dut  abdiquer 
en  faveur  de  son  fils  Ferdinand  VII  ;  puis,  l'armée 
française  s'étant  dirigée  sur  Madrid,  Charles  IV 
révoqua  son  abdication.  Napoléon  intervint,  et  fit 
venir  les  deux  princes  à  Bayonne  :  là  il  obtint  l'ab- 
dication de  l'un  et  de  l'autre,  et  donna  la  couronne 
d'Espagne  à  son  frère  Joseph. 

Charles    IV  fut  envoyé   à  Compiègne,  puis   se 
retira  à  Rome,  où  il  mourut  en  1819. 

4°  Rois  de  Suède. 

Charles  xn  —  Hist.  générale,  XXV  et  XXXIII,    - 

fils  et  successeur  de  Charles  XI,  monta  sur  le  trône 
à   dix-huit  ans  (1697).  La  Suède  était,   depuis  la 


CHARLES 


—  383  — 


CHARLES 


guerre  de  Trente  ans,  la  première  puissance  du 
Nord  :  elle  possédait  la  Finlande  avec  la  Carélie  et 
l'Ingrie,  l'Esthonie  et  la  Livonie,  la  Poméranie  oc- 
cidentale ;  la  Baltique  était  un  lac  suédois.  La 
Russie,  la  Pologne  et  le  Danemark  la  jalousaient  : 
à  la  mort  de  Charles  XI,  une  coalition  se  forma 
contre  elle  entre  ces  puissances.  Le  jeune  Charles 
XIL  digne  descendant  de  Gustave-Adolphe,  ne 
s'efTraya  point  d'être  seul  contre  trois.  Il  débarque 
dans  lîle  de  Seeland,  et  force  les  Danois  à  deman- 
der la  paix  ;  puis  il  marche  contre  les  Russes. 
Pierre  le  Grand  assiégeait  Narva  :  Charles,  avec 
«000  Suédois,  met  en  déroute  l'armée  du  tzar  dix 
fois  plus  nombreuse  (1700).  Ensuite,  il  s'attaque 
au  roi  de  Pologne  Auguste  II,  et,  après  cinq  an- 
nées de  guerre"",  il  l'oblige  h  abdiquer  en  faveur  de 
Stanislas  Leczinski. 

Ces  rapides  succès  semblèrent  faire  de  Charles  le 
maître  du  Nord.  Mais,  tandis  qu'il  guerroyait  en 
Pologne,  la  Russie,  qu'il  méprisait,  s'était  trans- 
formée sous  la  main  énergique  du  tzar  Pierre,  qui, 
pour  mieux  se  rapprocher  de  l'Occident,  avait  aban- 
donné l'ancienne  capitale  Moscou  et  fondé  une 
ville  nouvelle  sur  les  rives  de  la  Neva,  d'où  il  avait 
chassé  les  Suédois.  Pierre  avait  maintenant  une 
armée  bien  organisée  ;  aussi,  lorsque  l'imprudent 
Charles  XII,  trompé  par  le  souvenir  d'un  premier 
et  facile  triomphe,  se  crut  assez  fort  pour  envahir 
la  Russie,  il  vit  son  armée  détruite  à  Pultava  (1109), 
et  fut  réduit  à  s'enfuir  en  Turquie.  Il  parvint,  en 
1711,  à  décider  le  sultan  à  déclarer  la  guerre  aux 
Russes  ;  mais  l'habileté  de  la  tzarine  Catherine, 
qui  obtint  la  paix  à  prix  d'argent,  déjoua  ses  plans. 
Charles  XII  reçut  alors  l'ordre  de  quitter  le  terri- 
toire ottoman  :  il  refusa,  et  se  défendit,  au  camp  de 
Varnitza,  près  de  Bender,  avec  une  poignée  d'hom- 
mes, contre  toute  une  armée  (1713).  Il  ne  partit 
que  l'année  suivante,  en  apprenant  les  revers  qui 
accablaient  son  royaume  :  le  Danemark  et  la  Prusse 
s'étaient  emparés  de  la  plupart  des  possessions 
suédoises  au  sud  de  la  Baltique.  En  quinze  jours, 
Charles  arriva  de  Turquie  à  Stralsund  à  franc 
ctrier  ;  mais  il  ne  put  sauver  cette  ville  (1715). 

La  situation  de  la  Suède  était  déplorable  :  quinze 
années  do  guerre  l'avaient  ruinée.  Toutefois  Char- 
les ne  perdit  pas  courage;  il  chercha  des  alliances, 
et  négocia  avec  le  cardinal  Albéroni,  premier  mi- 
nistre du  roi  d'Espagne,  qui  ourdissait  à  ce  mo- 
ment-là un  plan  destiné  à  remanier  la  carte  de 
l'Europe.  Charles  XII,  en  échange  du  concours  que 
lui  promit  Albéroni,  s'engagea  à  détrôner  George  P' 
d'Angleterre  au  profit  du  prétendant  Jacques 
Stuart  :  mais  il  n'eut  pas  le  temps  de  se  lancer 
dans  cette  nouvelle  aventure,  et  fut  tué  tandis  qu'il 
guerroyait  contre  les  Danois,  au  siège  de  Frédé- 
rickshall  en  Norvège  (17)8). 

La  romanesque  et  héroïque  carrière  de  Charles 
XII  était  faite  pour  tenter  les  narrateurs  :  Voltaire 
en  a  écrit  le  récit  dans  un  livre  qui  est  devenu 
classique.  Montesquieu,  à  son  tour,  a  rapproché 
Charles  XII  d'Alexandre  dans  une  page  que  nous 
donnons  ci-dessous. 

Lectures  et  dictées  —  Charhs  XII  au  camp  de 
Varnitza,  par  Voltaire  [Histoire  de  Charles  XII,. 

Parallèle  entre  Charles  XII  et  Alexandre.  — 
Ce  prince  (Charles  XII],  qui  ne  fit  usage  que  de 
ses  seules  forces,  détermina  sa  chute  en  formant 
des  desseins  qui  ne  pouvaient  être  exécutés  que 
par  une  longue  guerre  :  ce  que  son  royaume  ne 
pouvait  soutenir. 

Ce  n'était  pas  un  État  qui  fût  dans  la  décadence 
qu'il  entreprit  de  renverser,  mais  un  empire  nais- 
sant. Les  Moscovites  se  servirent  de  la  guerre 
qu'il  leur  faisait  comme  d'une  école.  A  chaque  dé- 
faite, ils  s'approchaient  de  la  victoire,  et,  perdant 
au  dehors,  ils  apprenaient  à  se  défendre  au  de- 
dans. 

Charles  se  croyait  le  maître  du  monde  dans  les 


déserts  de  la  Pologne,  où  il  errait,  et  dans  lesquels 
la  Suède  était  comme  répandue,  pendant  que  son 
principal  ennemi  se  fortifiait  contre  lui,  le  serrait, 
s'établissait  sur  la  mer  Baltique,  détruisait  ou  pre- 
nait la  Livonie. 

La  Suède  ressemblait  à  un  fleuve  dont  on  cou- 
pait les  eaux  dans  sa  source,  pendant  qu'on  les 
détournait  dans  son  cours. 

Ce  ne  fut  point  Puliava  qui  perdit  Charles  :s'il 
n'avait  pas  été  détruit  dans  ce  lieu,  il  l'aurait  été 
dans  un  autre  :  les  accidents  de  la  fortune  se  ré- 
parent aisément;  mais  comment  parer  à  des  évé- 
nements qui  naissent  continuellement  de  la  nature 
des  choses  ? 

Mais  la  nature  ni  la  fortune  ne  furent  jamais  si 
fortes  contre  lui  que  lui-même. 

Il  ne  se  réglait  point  sur  la  disposition  actuelle 
des  choses,  mais  sur  un  certain  modèle  qu'il  avait 
pris  :  encore  le  suivit-il  très  mal.  Il  n'était  point 
Alexandre,  mais  il  aurait  été  le  meilleur  soldat 
d'Alexandre. 

Le  projet  d'Alexandre  ne  réuss  t  que  parce  qu'il 
était  sensé.  Le  mauvais  succès  des  Perses  dans  les 
invasions  qu'ils  firent  de  la  Grèce,  les  conquêtes 
d'Agésilas  et  la  retraite  des  Dix  Mille  avaient  fait 
connaître  au  juste  la  supériorité  des  Grecs  dans 
leur  manière  de  combattre  et  dans  le  genre  de 
leurs  armes  ;  et  l'on  savait  bien  que  les  Perses 
étaient  trop  grands  pour  se  corriger. 

Ils  ne  pouvaient  plus  afi'aiblir  la  Grèce  par  des 
divisions  :  elle  était  alors  réunie  sous  un  chef  qui 
ne  pouvait  avoir  de  meilleur  moyen  de  lui  cacher 
sa  servitude  que  de  l'éblouir  par  la  destruction  de 
ses  ennemis  éternels  et  par  l'espérance  de  la  con- 
quête de  l'Asie. 

Un  empire  cultivé  par  la  nation  du  monde  la 
plus  industrieuse,  et  qui  travaillait  les  terres  par 
principe  de  religion,  fertile  et  abondant  en  toutes 
choses,  donnait  à  un  ennemi  toutes  sortes  de  faci- 
lités pour  y  subsister. 

On  pouvait  juger  par  l'orgueil  de  ses  rois,  tou- 
jours vainement  mortifiés  par  leurs  défaites,  qu'ils 
précipiteraient  luur  chute  en  donnant  toujours  des 
batailles,  et  que  la  flatterie  ne  permettrait  jamais 
qu'ils  pussent  douter  de  leur  grandeur. 

Et  non  seulement  le  projet  était  sage,  mais  il 
fut  sagement  exécuté.  Alexandre,  dans  la  rapidité 
de  ses  actions,  dans  le  feu  de  ses  passions  mêmes, 
avait,  si  j'ose  me  servir  de  ce  terme,  une  saillie 
de  raison  qui  le  conduisait,  et  que  ceux  qui  ont 
voulu  faire  un  roman  de  son  histoire,  et  qui  avaient 
l'esprit  plus  gâté  que  lui,  n'ont  pu  nous  dérober. 
]\loNTESQUiEU    [Esprit  dcs  lois,  livre  XI,  ch.   xiii.) 

Charles  Jean  XI'V  —  Hist  générale  XXVI  et 
XXXUI  :  Histoire  de  France,  XXXUI.  —  C'est  le  nom 
que  prit,  lorsqu'il  fut  devenu  roi  de  Suède,  le 
maréchal  de  France  Bernadette.  Né  à  Pau  en  1769, 
Bernadette  s'engagea  à  dix-sept  ans  dans  un  régi- 
ment. Il  fit  les  guerres  de  la  Révolution,  monta 
rapidement  en  grade,  reçut  un  commandement  à 
l'armée  d'Italie  sous  Bonaparte  en  1797,  puis  devint 
un  instant  ministre  de  la  guerre.  Il  désapprouva 
le  18  brumaire,  mais  fut  néanmoins  nommé  maré- 
chal de  France  en  1804,  puis  créé  prince  de 
Ponte-Corvo.  Quoiqu'il  fit  toujours  une  sourde  op- 
position à  Napoléon,  il  prit  part  aux  premières 
guerres  de  l'empire,  et  reçut  en  i80S  un  comman- 
dement en  Danemark.  C'est  ainsi  qu'il  se  trouva 
mis  en  relation  avec  les  Suédois.  En  1810,  les  Etats 
de  Suède,  voulant  choisir  un  héritier  au  vieux 
roi  Charles  XIII,  qui  n'avait  pas  d'enfants,  dési- 
gnèrent Bernadette.  Il  accepta,  fut  proclamé  prince 
royal,  et  partit  pour  la  Suède,  où  il  régna  de  fait 
jusqu'à  la  mort  de  Charles  XIII.  En  1812,  il  entra 
dans  la  coalition  contre  Napoléon,  et  essaya  d'a- 
bord de  jouer  un  rôle  de  médiateur;  puis  il  fit  la 
guerre  de  1813  dans  les  rangs  des  alliés,  mais  ne 
voulut  pas  prendre  part  à  l'invasion  de  la  France 


CHARLES 


—  384  — 


CHARLES 


«n  1S14.  Les  traités  de  Vienne  donnèrent  à  la 
Suède  la  Norvège,  enlevée  au  Danemark,  _  en 
■échange  de  la  Finlande,  que  la  Russie  s'était 
annexée  en  1808.  Devenu  roi  en  1SI8,  Charles- 
Jean  XIV  eut  un  règne  de  vingt-cinq  ans,  tran- 
quille et  pros23ère,  et  laissa  le  trône  en  1844  à  son 
fils  Oscar  I". 

CHARLES  LE  TEMERAIRE,  duc  de  Bourgogne. 
—  Hist.  de  France,  XV  ;  Hist.  générale,  XXI.  — 
Ce  prince  fut  le  dernier  et  principal  représen- 
tant de  la  deuxième  maison  capétienne  des  ducs 
■de  Bourgogne,  dont  l'ambition  faillit  devenir  fatale 
à  l'unité  française.  A  la  mort  de  Philippe  de  Rou- 
vre, dernier  duc  de  la  première  maison  capétienne, 
le  roi  Jean  le  Bon  avait  donné  la  Bourgogne  à  son 
<iuatrième  fils,  Philippe  le  Hardi  (1301)  ;  celui-ci 
joignit  bientôt  à  son  duché  les  comtés  de  Flandre, 
d'Artois  et  de  Nevers,  dont  il  avait  épousé  l'héri- 
tière. Philippe  le  Hardi  et  son  successeur  Jean 
Sans-Peur  eurent  une  grande  part  dans  le  gou- 
vernement de  la  France  durant  le  règne  de  Char- 
les VI.  (V.  Guerre  de  Cent  ans,  Charles  VI,  Char- 
les VU.)  Philippe  le  Bon,  fils  de  Jean  Sans-Peur, 
et  troisième  duc  de  Bourgogne  de  la  seconde 
maison  capétienne,  s'allia  aux  Anglais,  et  fut  l'au- 
teur principal  du  désastreux  traité  de  Troyes,  qui 
faisait  passer  la  couronne  de  France  sur  la  tête 
■des  rois  d'Angleterre;  plus  tard,  toutefois,  il  fit  la 
paix  avec  Charles  VII,  et  l'aida  à  expulser  les  An- 
glais de  France.  Lorsqu'il  laissa  en  li67  ses  États 
à  son  fils  Charles  le  Téméraire,  il  les  avait  accrus 
des  comtés  d'Auxerre  et  de  Mâcon,  de  la  Picardie, 
du  Brabant  et  de  la  Hollande. 

Charles  de  Bourgogne  était  le  plus  puissant  des 
grands  vassaux  de  France  ;  mais  son  orgueil  ne 
s'accommodait  pas  de  cette  position  subordonnée, 
si  brillante  qu'elle  fût  ;  il  voulait  devenir  un  sou- 
verain indépendant,  et  ses  ressources  militaires 
et  financières,  supérieures  à  colles  de  tous  les  prin- 
ces de  son  époque,  semblaient  lui  promettre  le 
succès.  Il  engagea  donc  contre  le  roi  Louis  XI 
une  lutte  qui  dura  de  longues  années  avec  des  pé- 
ripéties diverses,  et  dans  laquelle  il  eut  pour  alliés 
la  plupart  des  grands  seigneurs  français,  et  le  roi 
d'Angleterre  Edouard  IV.  Le  but  poursuivi  par  le 
duc  de  Bourgogne  n'était  rien  de  moins  que  le  dé- 
membrement de  la  France.  Louis  XI  réussit  tou- 
tefois, à  force  d'habileté,  à,  déjouer  les  projets  de 
son  adversaire.  (V.  Loiùs  XI.) 

Voyant  qu'il  ne  pouvait  réussir  à  briser  la  puis- 
sance du  roi  de  France,  Charles  tourna  ses  efforts 
d'un  autre  côté,  et  chercha  à  se  créer  un  royaume 
en  agrandissant  ses  Etats  aux  dépens  de  voisins 
moins  redoutables.  Il  détenait  déjà  l'Alsace  à  titre 
de  gage  d'un  prêt  qu'il  avait  fait  à  l'archiduc  d'Au- 
triche ;  il  s'empara  de  la  Lorraine  au  détriment  du 
duc  René  de  Vaudemont,  et  négocia  avec  René 
d'Anjou,  l'ex-roi  de  Naples,  la  cession  de  la  Pro- 
vence :  il  aurait  ainsi  reconstitué  à  son  profit  YslU- 
<iïQnn&  Lotharingie  OM  part  de  Lothaire  {N .  Lot  "aire), 
moins  l'Italie.  Mais  les  Suisses  lui  firent  obstacle  ; 
Louis  XI  avait  réussi  à  gagner  à  prix  d'argent  ces 
belliqueux  montagnards,  qui  envahirent  l'Alsace, 
la  Franche-Comté,  le  pays  de  Vaud  :  Charles  fut 
obligé  de  leur  déclarer  la  guerre.  Il  avait  d'ailleurs 
intérêt  à  les  soumettre,  car  ce  n'était  qu'à  ce  prix 
qu'il  pouvait  réaliser  son  projet  de  réunir  en  un 
royaume  compacte  les  territoires  situés  entre  la 
France  et  l'Allemagne.  «  Le  roi  René  lui  voulait 
mettre  son  pays  de  Provence  entre  les  mains  ; 
le  duc  de  Milan  était  son  allié  ;  de  la  maison  de 
Savoie,  il  en  dispo.sait  comme  du  sien  ;  si  les  Suis- 
ses étaient  soumis,  il  tenait  le  pays  depuis  la 
mer  de  ponent  jusqu'à  celle  de  levant  en  son 
obéissance.  »  (Comincs.)  Il  rassembla  une  armée 
formidable,  et,  franchissant  le  Jura,  entra  dans  le 
pays  de  Vaud;  mais  il  fut  mis  en  déroute  par  les 
Suisses  h,  Grandson   (1476),    à  la  grande  joie  de 


Louis  XI.  Furieux  de  sa  défaite,  il  ne  renonça 
pourtant  pas  à  son  projet;  trois  mois  plus  tard,  il 
avait  réuni  à  Lausanne  une  seconde  armée,  et  il  se 
dirigea  sur  Morat,  ville  que  les  Suisses  avaient 
enlevée  au  duc  de  Savoie.  Là,  il  subit  un  échec 
plus  complet  encore  que  le  premier,  et  fut  obligé 
de  s'enfuir  en  Bourgogne,  en  abandonnant  défini- 
tivement ses  rêves  de  conquêtes. 

A  la  nouvelle  des  revers  de  Charles,  la  Lorraine 
se  souleva  contre  lui.  Le  duc  de  Bourgogne  réunit 
à  grand'peine  quelques  troupes,  et  alla  assiéger 
Nancy  ;  il  fut  vaincu  devant  cette  ville  par  René  de 
Vaudemont,  aidé  des  Suisses,  et  périt  dans  la  ba- 
taille (U77). 

L'unique  héritière  de  Charles  le  Téméraire,  sa 
fille  Marie,  ne  put  conserver  qu'une  partie  des 
Etats  de  son  père  ;  Louis  XI  lui  enleva  le  duché  de 
Bourgogne,  la  Picardie  et  l'Artois,  qui  firent  re- 
tour à  la  couronne  de  France.  Marie  de  Bourgogne 
épousa  l'archiduc  Maximilien  d'Autriche,  fils  de 
l'empereur  Frédéric  III,  et  lui  apporta  en  dot  les 
Pays-Bas  et  la  Franche-Comté  ;  ainsi  commença  la 
grandeur  de  la  maison  d'Autriche,  dont  un  au- 
tre mariage  allait  achever  l'étonnante  fortune. 

CHARLES-QUINT  ou  CHARLES  V  tCHARLES  I" 
pour  les  Espagnols)  —  Hist.  générale,  XXII,  XXVII 
et  XXIX.  —  Empereur  d'Allemagne  et  roi  d'Espa- 
gne, né  à  Gand,  le  24  février  1500,  de  Philippe  le 
Beau,  archiduc  d' .Autriche,  et  de  Jeanne  la  Folle, 
reine  de  Castille,  mort  au  monastère  de  Saint-Just, 
le  21  septembre  1558. 

Archiduc  des  Pays-Bas  en  1506  par  la  mort  de 
son  père,  Charles-Quint,  sous  la  direction  de  sa 
tante  Marguerite  d'Autriche ,  reçut  d'Adrien 
d'Utrecht  et  du  sire  de  Chièvres  l'éducation  ordi- 
naire des  princes  de  son  temps.  A  seize  ans,  ha- 
bile aux  tournois  et  aux  exercices  guerriers,  par- 
lant plusieurs  langues  et  possédant  le  goût  des 
arts,  ce  prince  flamand  devint  l'oi  des  Espagnes  à 
la  mort  de  son  grand-père  maternel,  Ferdinand 
d'Aragon  (1516).  Ximenès  avait  frayé  la  voie,  dressé 
le  trône  :  Charles  n'avait  qu'à  s'asseoir,  et  il  débuta 
par  indisposer  l'Espagne  en  disgraciant  Ximenès 
mourant,  et  en  donnant  aux  Flamands  qui  l'av  dent 
suivi  les  premiers  postes  administratifs  et  mili- 
taires. 

En  1519,  la  mort  de  son  grand-père  paternel, 
Maximilien  d'Autriche,  empereur  d'Allemagne,  mit 
Charles-Quint  à  la  tête  des  biens  de  la  maison 
d'Autriche ,  et  le  posa  comme  compétiteur  de 
François  I*' à  la  couronne  impériale.  A  force  d'intri- 
gues habilement  conduites  par  sa  tante  Marguerite, 
à  force  d'argent  fourni  par  les  banques  allemandes, 
Charles  l'emporta  sur  son  rival.  Cette  élection  fut 
une  affaire  d'argent  :  sauf  l'électeur  de  Saxe,  op- 
posé à  l'Autriche,  et  l'électeur  de  Trêves,  noble 
chevalier  allemand  qui  voulut  rester  les  mains 
nettes,  le  reste  était  à  vendre.  Aussi,  après  avoir 
confié  la  régence  de  l'Espagne  à  Adrien  d'Utrecht, 
su  gagner  Henri  VIII  d'Angleterre  et  son  ministre 
Wolsey,  Charles  se  rendit  à  Aix-la-Chapelle,  où  il 
se  fit  couronner  le  23  octobre  1520.  «  Cet  empereur 
de  vingt  ans,  dit  Michelet,  qui,  dans  ses  faibles 
bras,  prenait  la  moitié  de  l'Europe,  faible  pour 
gouverner,  fut  fort  pour  étouSer.  On  avait  fait  un 
monstre  :  l'Espagne  et  l'Allemagne,  collées  l'une 
sur  l'autre,  et  face  contre  face,  Torquemada  contre 
Luther.  » 

Depuis  trois  ans,  l'Allemagne  était  agitée  par 
les  prédications  de  Luther.  Charles-Quint,  voulant 
mettre  fin  à  ces  troubles  religieux,  d'accord  avec 
le  pape  Léon  X,  convoqua  et  présida  la  diète  de 
Worms  qui  condamna  le  réformateur,  et  envenima 
les  querelles  théologiques  (V.  Héfotmé).  L'am- 
bition de  l'empereur  et  les  provocations  de  Fran- 
çois \"  ne  tardèrent  pas  à  allumer  la  guerre  ;  elle 
éclata,  en  1521,  sur  trois  points  à  la  fois  :  en  Na- 
varre, où  les  Français  furent  repoussés  ;  dans  le 


CHARLES-QUINT 


—  385  — 


CHAUFFAGE 


Nord,  où  les  impériaux  échouèrent  devant  Mézières  ; 
et  en  Italie,  où  Lautrec,  vaincu  à  la  Bicoque,  perdit 
le  Milanais.  En  même  temps,  le  mécontentement 
des  Espagnols  s'était  traduit  par  une  révolte  sé- 
rieuse, dite  des  comuneros,  qui  avait  pour  chef 
Jean  de  Padilla.  Celui-ci,  après  une  lutte  opiniâtre 
et  héroïque,  fut  vaincu  et  pris  à  la  bataille  de  Vil- 
lalar  (1521).  Cette  défaite  mit  fin  à  la  révolte,  et  la 
Castille  perdit  ses  libertés. 

L'année  suivante,  la  trahison  du  connétable  de 
Bourbon,  qui  négociait  avec  Charles-Quint  et  Henri 
VIII  le  partage  de  la  France,  fut  le  motif  d'une 
recrudescence  d'hostilités  entre  Charles-Quint  et 
François  I":  ce  dernier  eut  la  faiblesse  de  confier 
le  commandement  de  l'armée  française  à  l'inca- 
pable Bonnivet,  qui  se  fit  battre  à  Abbiate-Grasso 
et  laissa  les  impériaux  envahir  la  Provence  et  as- 
siéger Marseille  (1524).  Mais  ce  pays  n'offrant  que 
peu  de  ressources  pour  le  ravitaillement  d'une  ar- 
mée, Charles-Quint  se  hâta  de  repasser  les  Alpes 
à  l'arrivée  de  François  I",  qui  alla  se  faire  prendre 
h  Pavie  (1525).  Le  vainqueur  fit  conduire  son  royal 
prisonnier  en  Espagne,  et,  après  une  captivité  de 
plusieurs  mois,  lui  imposa  les  dures  conditions  du 
traité  de  Madrid  (14  janvier  1526;. 

Ce  traité  onéreux,  qui  livrait  la  Bourgogne  à 
Charles-Quint,  ne  fut  point  ratifié.  François  I" 
avait  compris  que  l'Europe  commençait  à  s'efl"rayer 
de  la  puissance  de  l'empereur  d'Allemagne.  Le  roi 
d'Angleterre,  le  pape  Clément  VII,  et  les  princes 
italiens  entrèrent  dans  la  ligne  de  Cognac.  Le  dan- 
ger était  sérieux,  mais  l'expédition  du  connétable 
de  Bourbon  contre  Rome  (152T:,  la  défection  hon- 
teuse d'André  Doria,  qui  sauva  Naples  assiégée 
par  les  Français,  et  surtout  la  défaite  de  ces  der- 
niers à  Landriano,  sauvèrent  Charles-Quint.  Le 
traité  de  Cambrai,  dit  Paix  des  Dames  (1529),  laissa 
la  possession  de  l'Italie  à  Charles,  qui  se  fit  cou- 
ronner à  Bologne  roi  des  Lombards  et  empereur 
des  Romains  par  le  pape  Clément  VIL 

Ces  brillants  succès  n'assurèrent  point  la  tran- 
quillité de  Charles-Quint  ;  deux  ennemis  redouta- 
bles restaient  à  combattre  :  les  luthériens,  qui 
protestèrent  contre  les  décisions  de  la  diète  de 
Spire  et  formèrent  la  ligue  de  Smalkalde,  et  les 
Turcs,  qui,  sous  la  conduite  de  Soliman  II,  atta- 
quaient l'Europe  chrétienne  par  terre  et  par  mer. 
Les  princes  allemands  refusaient  de  se  soumettre 
à  la  monarchie  impériale,  et  ce  ne  fut  pas  sans  dif- 
ficulté que  l'empereur  fit  nommer  roi  des  Romains 
son  frère  Ferdinand,  à  qui  il  abandonna  le  gouver- 
nement des  provinces  autrichiennes,  avant  de 
partir  pour  aller  châtier  le  pirate  Barberousse 
qu'il  amena  à  composition  en  s'emparant  de  Tunis 
(1535).  Cependant  François  I"  réclamait  le  Mila- 
nais et  recommençait  la  lutte  en  attaquant  le  duc  i 
de  Savoie  ;  Charles,  d'abord  victorieux,  entra  une  , 
seconde  fois  en  France,  puis,  menacé  par  les  Turcs 
qui  ravageaient  la  vallée  du  Danube,  signa  le  traité 
de  Nice  (l.'>38).  Les  deux  rivaux  paraissaient  ré-  ^ 
conciliés.  Charles  profita  des  bonnes  dispositions 
de  François  I*'  pour  traverser  la  France  afin  d'aller 
punir  les  Ganiois  révoltés.  Peu  après  (1541),  il 
entreprit  sans  succès  une  expédition  contre  Alger, 
et  Ji  son  retour  fut  contraint  de  soutenir  une  qua- 
trième guerre  contre  François  I".  .     ! 

Charles-Quint,  soutenu  par  Henri  VIII  d'An- 
gleterre et  par  les  princes  protestants  d'Allema- 
gne qu'il  avait  su  gagner  par  des  concessions,  vit  ] 
une  de  ses  armées  battue  à  Cérisoles  par  le  comte 
d'Enghien  (l.i^4),  échoua  lui-même  dans  une  in- 
vasion de  la  Champagne  parla  résistance  de  Saint- 
Dizier,  et  signa  la  paix  de  Crespy.  Son  activité  se 
tourna  alors  contre  les  princes  protestants  d'Alle- 
magne, que  les  décisions  de  concile  de  Trente  et 
les  tendances  de  l'empereur  avaient  effrayés.  D'a- 
bord victorieux  à  Mûhlberg  où  il  fit  prisonnier  l'é- 
lecteur de  Saxe  et  le  landgrave  de  Hcsse-Cassel 
2«  Partie, 


1  (1547),  il  croyait  l'Allemagne  complètement  sou- 
mise à  son  pouvoir,  lorsque,  par  Yinterim  d'Augs- 
bourg,  il  irrita  tous  les  partis,  raviva  la  lutte,  fut 
presque  surpris  à  Insbrvick,  et  bientôt  contraint 
de  signer  la  convention  de  Passau  (15j2),  conven- 
tion qui  prépara  la  paix  d'Augsbourg  (1555),  triom- 
phe du  protestantisme  en  Allemagne.  En  même 
I  temps  les  succès  des  Français,  alliés  des  princes 
allemands,  lui  enlevaient  toute  espérance  de  supré- 
matie européenne.  Henri  II,  maître  des  trois  evê- 
chés.  Metz,  Toul  et  Verdun, paraissait  sur  les  bords 
I  du  Rhin,  et  ce  fut  inutilement  que,  pour  se  ven- 
ger, Charles  vint  assiéger  Metz,  ravagea  le  nord 
de  la  France  ;  défait  à  Renty,  il  fut  forcé  de  signer 
la  paix  de  Vaucelles  (1555). 
I  Après  avoir  marié  à  Marie  d'Angleterre  son  fils 
I  Philippe,  qu'il  ne  put  faire  nommer  roi  des  Ro- 
mains, Charles-Quint,  épuisé  par  des  attaques  de 
goutte,  dégoûté  du  pouvoir  qu'il  n'avait  pu  étendre 
selon  ses  vues  ambitieuses,  abandonna  à  son  fils 
Philippe  II  les  Pays-Bas  d'abord  (1565\  puis  l'Espa. 
gne,  ses  possessions  italiennes  et  l'Amérique  en 
1556;  à  son  frère  Ferdinand  la  couronne  impériale 
et  ses  possessions  autrichiennes,  et  se  retira  au 
monastère  de  Saint-Just  dans  l'Estrémadure.  Là, 
sans  vivre  de  la  vie  monastique,  entouré  dune  suite 
assez  nombreuse,  il  partageait  son  temps  entre  les 
pratiques  religieuses  et  la  direction  des  affaires 
politiques  qu'il  n'avait  jamais  complètement  aban- 
donnée. 

Rappelons,  en  terminant,  que  sous  son  règne  les 
Espagnols  avaient  fait  la  conquête  d'une  grande 
partie  du  nouveau  monde  :  Cortez  avait  soumis  le 
Mexique  et  Pizarre  le  Pérou.  [H.  Georges.] 

Lectures  et  dictées.  —  Education  de  Charles- 
Quint.  —  a  Dans  cette  salle  de  Malines,  où  siège 
de  côté,  mal  vu  et  négligé  de  son  élève,  le  pédant 
Adrien  d'Utrccht,  regardez  à  la  lampe  cet  enfant 
pâle  en  velours  noir,  figure  intelligente  et  froide, 
où  la  lèvre  inférieure  accuse  le  sang  d'Autriche, 
où  la  forte  mâchoire  rappelle  la  race  anglaise.  Le 
dur  travailleur  apparaît  déjà  en  lui,  avide,  absorbé, 
insatiable  de  travail,  d'intrigues  et  d'aflTaires.  Des 
monceaux  de  dépêches  et  de  papiers  d'État  sont 
devant  lui.  Tout  ce  qui  vient,  même  de  nuit,  arrive 
ici  et  passe  sous  ses  yeux  ;  son  gouverneur,  M  de 
Chièvres,  veut  que  le  prince  lise,  afin  de  lire  lui- 
même,  et  qu'il  fasse  rapport  au  conseil.  Ainsi  l'é- 
ducation deviendra  peu  à  peu  le  gouvernement... 
M.  de  Chièvres  ne  combattit  pas  Charles  le  Témé- 
raire, mais  le  refit.  Charles-Quint  son  élève  fut 
laborieusement,  sagement  élevé  dans  la  folie  de 
l'autre.  Les  visions  de  monarchie  universelle, 
étranges  et  romanesques  pour  un  duc  de  Bourgo- 
gne,semblaient  l'être  bien  moinspour  celui  en  qui 
la  fortune  unissait  les  Espagnes,  les  Pays-Ras,  les 
États  autrichiens.  L'empire  ne  pouvait  guère  man- 
quer à  un  petit-fils  de  Maximilien,  maître  de  tant 
d'Etats.  Charlemagne,  agrandi,  revenait  pour  l'Eu- 
rope. Le  monde  allait  reprendre  l'unité  et  la  paix 
du  grand  empire  romain.  Que  fallait-il  pour  cela? 
Rien  que  briser  la  France,  la  démembrer  si  l'on 
pouvait  Mais  le  succès  était  certain,  écrit  déjà 
dans  la  devise  prophétique  du  sage  fondateur  de 
la  maison  d'Autriche  Frédéric  III  :  A.  E.  I  0.  U. 
«  Austrix  est  imperare  orlA  universo  ;  il  est 
réservé  à  l'Autriche  de  commander  au  monde 
entier.  »  (Michelet ,  Histoire  de  France  au 
XVI'  siècl-\) 

Lire  aussi  dans  le  Charles-Quint  de  Mignet  : 
le  siège  et  la  belle  résistance  de  Marseille,  ch.  vi  ; 
—  la  bataille  de  Pavie,  ch.  vu;  —  le  beau  récit  de 
la  mort  de  Charles-Quint,  ch.  viir.  etc. 

CHAUFFAGE.  —  Physique,  XIX.  —  On  chauffe 
chaque  jour,  dans  léconoraie  domestique  et 
dans  l'industrie,  des  corps  solides  et  des  lir|iiiiles, 
et  dans  nos  climats  tempérés, pendant  une  grande 
partie  de  l'année,  l'air  des  appartemonts  et   des 

25 


CHAUFFAGE 


—  386  — 


CHAUFi^'AGE 


grandes  salles.  Le  chauffage  des  solides  et  des 
liquides,  soit  qu'on  veuille  les  fondre  ou  simple- 
ment élever  leur  température,  ne  doit  satisfaire 
qu'à  la  double  condition  d'être  rapide  et  écono- 
mique ;  la  dépense  de  charbon  y  est  en  fin  de 
compte  l'élément  principal.  Le  chauffage  des  ap- 
partements est  une  question  plus  complexe  à  cause 
des  conditions  variables  auxquelles  il  doit  satis- 
faire suivant  les  lieux  et  suivant  nos  habitudes  ;  il 
constitue  l'un  des  problèmes  les  plus  importants  de 
l'économie  domestique  et  de  l'hygiène,  puisqu'il 
occasionne  pour  chaque  ménage  une  dépense  assez 
lourde  et  qu'il  exerce  une  influence  considérable 
sur  la  santé  et  le  bien-être.  L'un  et  l'autre  sont 
des  applications  d'un  certain  nombre  de  notions 
éparses  dans  la  partie  du  cours  de  physique  qui 
traite  de  la  chaleur;  c'est  à  ce  titre  que  nous  les 
rassemblons  dans  cet  article  où  nous  allons  passer 
en  revue  les  meilleurs  modes  d'utilisation  du 
combustible  et  les  appareils  qui  réalisent  le  cbauf- 
fasre  de  la  manière  la  plus  régulière. 

1.  Chauffage  des  solides  et  des  li(]uides.  —  On 
se  contente  souvent  de  placer  le  corps  à  chauffer 
sur  le  feu,  ou  le  vase  qui  le  contient  directement 
en  contact  avec  la  flamme  :  c'est  le  chauffage  à  feu 
nu,  de  tous  les  modes  le  plus  simple  et  le  plus  em- 
ployé. 11  s'accommode  de  tous  les  combustibles  : 
le  coke  ou  la  houille  dans  lindustric,  le  bois,  le 
charbon  de  bois  ou  le  gaz  dans  l'économie  domes- 
tique. Mais  il  n'est  réellement  économique  que  s'il 
utilise  bien  la  chaleur  du  foyer,  c'est-à-dire  si  les 
produits  gazeux  de  la  combustion  font  plusieurs 
fois  le  tour  de  la  chaudière  à  échauffer,  avant  de 
s'échapper  dans  l'atmosphère. 

Quand  le  corps  doit  être  échauffé  lentement  et 
d'une  manière  uniforme,  que  l'on  craint  pour  lui 
les  coups  de  feu,  on  emploie  le  bain  de  sable  di- 
rectement en  contact  avec  le  foyer  et  cédant  sa 
chaleur  au  vase  qui  repose  sur  lui. 

Si  l'on  ne  peut  dépasser  une  certaine  tempéra- 
ture, comme  par  exemple  celle  de  l'eau  bouil- 
lante, on  se  sert  du  bain-marie  :  le  vase  en  contact 
avec  la  flamme  contient  de  l'eau  qui  se  résout  en 
vapeur ,  et  c'est  la  chaleur  uniforme  de  cette  vapeur 
qui  échauffe  le  corps. 

Enfin  on  emploie  souvent  la  vapeur  d'eau  au 
chauffage  des  liquides,  surtout  aujourd'hui  que  les 
moteurs  à  vapeur  sont  devenus  communs  et  qu'on 
dispose  avec  eux  d'une  source  de  chaleur  toujours 
prête  et  d'un  emploi  commode. 

Quand  la  vapeur  peut  sans  inconvénient  se  mé- 
langer au  liquide  à  échauffer,  on  la  fait  venir  dans 
ce  liquide  par  un  tube  percillé  de  trous  qui  la 
laissent  échapper;  et  en  se  condensant,  elle  aban- 
d  onne  la  grande  quantité  de  chaleur  qu'elle  pos- 
sède. 

Si  au  contraire  la  vapeur  d'eau  peut  nuire  au 
liquide  à  échauffer,  comme  c'est  le  cas  dans  les 
sucreries  ou  les  teintureries,  onne  l'y  fait  pas  déga- 
ger directement  ;  on  l'amène  dans  un  serpentin 
qui  fait  plusieurs  tours  dans  la  chaudière,  et  c'est 
ce  serpentin  qui  communique  au  liquide  la  cha- 
leur que  la  vapeur  lui  a  cédée. 

Il  semble  au  premier  abord  que  l'industrie,  avec 
ses  grands  appareils,  puisse  seule  utiliser  ce  mode 
de  chauffage  à  la  vapeur  aussi  propre  que  rapide, 
aussi  commode  qu'économique.  Il  n'en  est  rien  ; 
et  dans  bien  des  cas,  l'économie  domestique  peut 
aussi  s'en  servir  avec  profit.  Pour  n'en  citer  qu'un 
exemple,  nous  considérerons  le  cas  d'un  ménage 
de  campagne  ou  d'une  ferme  où  pendant  plusieurs 
mois  de  l'année  on  fait  cuire  chaque  jour  des  pom- 
mes de  terre  pour  le  bétail. 

Le  procédé  le  plus  anciennement  pratiqué  con- 
sistait à  mettre  dans  la  flamme  d'un  foyer  ouvert 
le  vase  de  fonte  contenant  les  corps  à  chauffer. 
Un  premier  progrès  a  été  réalisé  par  l'emploi  d'un 
foyer  iermé,   entourant  la  chaudière  dun   canal 


contourné  où  les  produits  gazeux  de  la  combustion 
puissent  abandonner,  avec  profit,  la  majeure  partie 
de  la  chaleur  qu'ils  emportent.  Mais  on  arrive  à 
une  cuisson  bien  plus  rapide  en  munissant  la 
chaudière  d'un  double  fond  où  l'on  met  de  l'eati. 
Cette  eau  se  vaporise,  et  la  vapeur  qui  s'élève  et 
qui  se  répand  dans  tout  le  vase  autour  des  tubercules 
leur  cède  la  grande  chaleur  qu'elle  possède  et  les 
cuit  en  très-peu  de  temps. 

2.  Chauffage  des  appartements.  —  Le  système 
le  plus  anciennement  pratiqué  pour  chauffer  les 
lieux  habités  est  le  chauffiige  direct  par  combus- 
tion. Les  sauvages  allument  le  feu  au  milieu  de 
leur  hutte  ;  l'air  afflue  du  pourtour  par  les  portes 
mal  fermées  ou  les  fissures  des  murs  en  terre,  et  il 
s'élève  avec  la  fumée  pour  s'échapper  par  l'ouver- 
ture pratiquée  au  sommet  de  la  hutte.  Chez  les 
peuples  civilisés  de  l'antiquité,  du  combustible 
brûlant  sans  fumée  était  placé  dans  des  vases 
ouverts  au  milieu  de  la  pièce  à  chauffer.  Ce  sys- 
tème est  encore  pratiqué  en  Italie,  en  Espagne  et 
dans  le  midi  de  la  France  où  s'est  conservé  l'usage 
des  braseros.  Bien  qu'il  jette  dans  la  salle,  avec  la 
chaleur,  les  produits  gazeux  de  la  combustion,  le 
brasero  est  sans  incoiivénients  graves  dans  les 
contrées  du  Midi  où  les  pièces  à  chauffer  sont 
grandes,  élevées,  à  fermeture  incomplète  ;  on  ne 
le  garnit  que  de  charbon  bien  allumé,  à  demi- 
enfoui  dans  la  cendre,  de  manière  que  la  combus- 
tion ne  dégage  que  de  l'acide  carbonique  sans 
oxyde  de  carbone;  il  deviendrait  très-nuisible  s'il 
était  garni  de  charbon  noir.  Le  chauffage  qu'il 
procure  est  très-léger.  Dans  nos  climats  rigou- 
reux, il  serait  tout  à  fait  insuffisant.  Il  faut  à  nos 
appartements  bien  clos  des  appareils  qui  empor- 
tent les  produits  gazeux  de  la  combustion,  qui 
provoquent  un  renouvellement  de  l'air  au  lieu  de 
le  vicier  et  qui  produisent  beaucoup  de  chaleur  : 
on  y  emploie  les  cheminées,  les  poêles  et  les  calo- 
rifères. 

A.  Chauffage  par  chemiiiées.  —  Une  cheminée 
se  compose  d'un  foyer  où  brûle  le  combustible,  qui 
communique  sa  chaleur  par  rayonnement,  et  d'un 
conduit  vertical  élevé  destiné  à  emmener  la  fumée. 
Les  plus  anciennes  ne  remontent  pas  au-delà  du 
quatorzième  siècle;  elles  étaient  d'une  dimension 
considérable  ;  le  foyer,  adossé  contre  un  grand 
mur,  n'était  pas  limité  latéralement;  une  immense 
hotte  formant  l'ouverture  du  conduit  vertical  cou- 
vrait une  aire  de  15  à  20  mètres  carrés  sur  la- 
quelle toute  une  famille  nombreuse  trouvait  place 
autour  du  feu.  Ce  n'était  guère  qu'une  modifica- 
tion du  chauffage  primitif  des  huttes  réalisant  seu- 
lement une  sortie  plus  régulière  et  plus  rapide  de 
la  fumée.  On  n'en  rencontre  plus  que  dans  quel- 
ques cuisines  de  fermes  dont  la  construction  re- 
monte à  plus  d'un  siècle.  Depuis  Rumford,  on  a 
apporté  de  nombreux  perfectionnements  à  l'éta- 
blissement des  cheminées,  à  l'effet  de  les  rendre 
plus  hygiéniques  et  de  mieux  utiliser  la  chaleur 
du  combustible  ;  on  limite  latéralement  le  foyer 
par  des  murs  inclinés  et  on  fait  les  conduits  à 
fumée  plus  étroits  et  plus  élevés. 

Quand  on  allume  le  feu  dans  le  foyer  d'une  che- 
minée, la  colonne  d'air  du  conduit  s'échauffe,  se 
dilate  et  s'élève.  L'air  chaud  est  remplacé  inces- 
samment par  de  l'air  froid  qui,  en  passant  par  le 
foyer,  y  abandonne  son  oxygène  et  active  la  com- 
bustion. Cet  air,  à  son  tour  échauffé,  tend  ainsi  à 
s'élever  et  appelle  de  l'air  froid;  on  dit  qu'il  se 
fait  un  tirage.  Ce  tirage  est  d'autant  plus  fort  que 
la  cheminée  est  plus  haute  3t  plus  étroite  ;  on 
effet,  plus  la  cheminée  est  élevée,  plus  est  grande 
la  colonne  d'air  chaud,  plus  est  considérable  la 
différence  de  son  poids  avec  celui  d'une  même 
colonne  d'air  froid,  c'est-à-dire  la  force  ascension- 
nelle qui  appelle  l'air  sur  le  combustible  et  entraîne 
la  fumée.  D'autre  part,  si  comme  dans  les  anciens 


CHAUFFAGE 


—  387 


CHAUFFAGE 


appareils,  le  foyer  est  très  spacieux  et  le  conduit  à 
fumée  \rcs  large,  tout  l'air  qui  y  pénètre  n'a  pas 
passé  sur  le  combustible  et  ne  s'est  pas  suffisam- 
ment échauffe,  et  il  peut  se  produire  un  courant 
descendant  d'air  froid  qui  contrarie  le  courant  as- 
cendant et  fasse  refluer  la  fumée  dans  l'apparte- 
ment. 

Dans  les  cheminées  d'usines  que  l'on  fait  très- 
étroites  et  d'une  hauteur  de  60  à  80  mètres,  il  ne 
passe  guère  par  kilogramme  de  combustible  brûlé 
que  8  à  10  mètres  cubes  d'air  porté  par  la  combus- 
tion à  une  température  de  plus  de  iOU°,  et  dont  la 
force  ascensionnelle  est  par  conséquent  considé- 
rable. 

Dans  nos  cheminées  d'appartement,  pour  la 
même  quantité  de  combustible,  il  passe  CO  mètres 
cubes  d'air  au  moins  ;  sa  température  n'est  dès 
lors  guère  supérieure  à  ôO°,  et  sa  force  ascension- 
nelle est  faible.  Aussi  suffit-il  de  circonstances 
extérieures  peu  puissantes  pour  modifier  le  cours 
de  la  fumée.  La  principale  cause  qui  agisse  par  en 
haut  pour  faii'e  refluer  la  fumée,  c'est  l'action  du 
vent  qui  passe  au-dessus  du  conduit  avec  une 
grande  vitesse  horizontale,  ou  s'y  engouffre  parfois 
poussé  obliquement  avec  une  grande  force  ;  l'air 
chaud  ne  peut  pas  le  refouler  pour  s'échapper  au 
dehors.  Pour  remédier  à  cet  inconvénient,  on  ré- 
trécit la  partie  supérieure  du  conduit  à  fumée  et  on 
la  munit  d'une  buse  conique,  à  ouverture  latérale, 
que  le  vent  dirige  dans  la  direction  de  son  cou- 
rant. 

La  grande  quantité  d'air  entraîné  par  une  che- 
minée présente  un  double  inconvénient;  il  emporte 
avec  lui  une  proportion  notable  de  la  chaleur  que 
le  foyer  a  jetée  dans  l'appartement,  et  il  est  rem- 
placé par  l'air  extérieur  entrant  par  des  ventouses 
ou  par  les  joints  des  portes  et  des  fenêires  et 
créant  un  courant  continu  d'air  froid  vers  le  foyer. 
Si  l'on  remarque  en  outre  que  la  chaleur  rayon- 
nante est  seule  utilisée  par  les  cheminées  ordi- 
naires, qu'elle  n'est  pour  le  bois  qu'environ  26 
p.  100  de  la  chaleur  produite,  et  qu'il  n'en  pénètre 
pas  plus  d'un  quart  dans  la  pièce  chauffée,  le  reste 
étant  absorbé  par  les  parois  du  foyer  et  perdu,  on 
en  conclut  que  les  cheminées  ordinaires  sont  des 
•appareils  défectueux  qui  n'utilisent  en  réalité  que 
6  à  12  p.  100  de  la  chaleur  totale  du  combustible. 
Les  contructeurs  habiles  parviennent  à  supprimer 
une  partie  des  défauts  reprochés  aux  cheminées, 
en  disposant  le  foyer  de  manière  qu'il  envoie  dans 
la  pièce  le  plus  de  chaleur  possible,  en  réduisant 
le  volume  d'air  libsorbé  par  la  cheminée  à  la  quan- 
tité d'air  nécessaire  aux  conditions  hygiéniques  de 
la  respiration,  en  remplaçant  cet  air,  non  plus  par 
de  l'air  froid,  mais  par  de  l'air  qui,  avant  d'arriver 
dans  la  pièce,  s'est  échauffé  par  la  chaleur  perdue 
du  foyer. 

Malgré  ces  progrès,  la  cheminée  reste  un  des 
modes  de  chauffage  les  moins  économic(ues  ;  en 
revanche,  c'est  le  plas  hj^giénique  et  le  plus  agréa- 
ble. La  vue  du  feu  récrée  ;  l'air  se  renouvelle  rapi- 
dement et  se  maintient  à  une  température  modé- 
rée ;  il  reste  frais  et  pur,  c'est-à-dire  dans  les 
conditions  qui  permettent  un  bon  travail  et  assu- 
rent une  bonne  santé. 

B.  Chauffage  pur  poêles.  —  Les  poêles  sont  de 
tous  les  appareils  de  chauffage  les  plus  simples, 
les  plus  économiques  et  les  plus  répandus.  Leurs 
formes  sont  très  différentes,  mais  on  peut  les  grou- 
per toutes  sous  trois  types  principaux  :  le  poêle  de 
fonte,  le  poêle  en  terre  cuite,  et  le  poêle  à  circu- 
lation d'air. 

Les  poêles  de  fonte  sont  les  plus  généralement 
-employés  dans  les  petits  ménages  parce  qu'on  les 
dispose  souvent  pour  cuire  les  aliments.  Ils  chauf- 
fent rapidement  et  avec  une  grande  énergie,  sur- 
tout quand  on  les  munit  d'un  tuyau  de  tôle  assez 
long  destiné  à  emmener  les  gaz  de  la  combustion, 


et  à  céder  encore  à  la  pièce  la  chaleur  qu'il  reçoit. 
Ils  permettent  d'utiliser  presque  toute  la  chaleur 
dégagée  du  combustible  ;  mais  ils  se  refroidissent 
vite,  et  on  ne  peut  guère  obtenir  avec  eux  une  cha- 
leur douce  et  uniforme  sans  supprimer  presque 
complètement  le  renouvellement  de  l'air.  Ils  ont 
un  autre  inconvénient,  c'est  de  répandre  une  odeur 
désagréable,  parce  que  les  poussières  organiques 
de  l'air  se  grillent  au  contact  de  la  fonte  chauffée. 
On  dit  qu'ils  dessèchent  l'air,  parce  qu'en  dévelop- 
pant une  température  un  peu  élevée,  ils  rendent 
l'air  capable  de  tenir  plus  de  vapeur  d'eau  ;  il  en 
résulte  une  activité  plus  grande  dans  l'évaporation 
du  corps  et  notamment  une  fatigue  des  organes 
de  la  respiration.  Jlais  on  combat  aisément  cet  in- 
convénient en  plaçant  sur  le  poêle  un  vase  d'eau 
dont  la  vapeur  rend  à  l'air  un  degré  convenable 
d'humidité.  Il  est  moins  facile  de  porter  remède 
au  défaut  de  renouvellement  de  l'air  ;  aussi  faut-il 
conseiller  aux  personnes  qui  chauffent  leurs  cham- 
bres avec  des  poêles  de  fonte  de  faire  de  fréquen- 
tes promenades  à  l'air  libre. 

Les  poêle<  en  terre  cuite,  qu'ils  soient  en  briques 
avec  un  revêtement  léger  de  tôle  leur  donnant  un 
aspect  métallique,  ou  bien  en  faïence,  s'échauffent 
lentement  ;  il  faut  un  certain  temps  pour  en  avoir 
de  la  chaleur  ;  mais  ils  se  refroidissent  aussi  moins 
vite  et  produisent  une  chaleur  douce  et  uniforme. 
On  ne  peut  guère  y  brûler  que  du  bois  ;  la  houille 
et  le  coke  y  donneraient  une  température  élevée 
dont  l'effet  immédiat  serait  de  faire  fendiller  l'en- 
veloppe et  de  la  mettre  rapidement  hors  de  service. 
Ils  ne  produisent  pas  de  mauvaise  odeur;  aussi  les 
recommande-t-on  pour  les  appartements. 

Dans  les  pays  du  Nord,  les  maisons  sont  chauf- 
fées par  de  très  grands  poêles  en  briques  occu- 
pant lout  un  pan  de  mûr,  et  construits  de  telle 
manière  que  la  fumée  et  les  produits  de  la  com- 
bustion parcourent  un  long  circuit  placé  dans 
l'épaisseur  du  poêle  avant  de  s'échapper  au  deliors. 
On  allume  le  matin  un  feu  de  bois  qu'on  main- 
tient deux  ou  trois  heures,  après  quoi  on  ferme 
toutes  les  issues;  la  braise  incandescente  qui  s'é- 
teint lentement  cède  peu  à  peu  sa  chaleur  aux 
parois  du  poêle  qui  rayonnent  longtemps  vers  la 
chambre  et  y  maintiennent  une  température  de 
14  à  15  degrés  si  l'appartement  est  bien  clos. 

Le  grave  inconvénient  de  ces  appareils,  c'est  de 
transformer  les  appartements  en  serres  chaudes 
où  l'air  ne  se  renouvelle  pas  ;  aussi  les  efforts  des 
constructeurs  se  sont-ils  appliqués  à  monter  des 
poêles  qui,  tout  en  chauffant  avec  régularité  et 
économie,  puissent  jeter  dans  la  salle  où  ils  sont 
établis  de  l'air  chauffé  à  leur  contact,  mais  puisé 
à  l'extérieur  et  ayant  par  conséquent  toutes  les 
qualités  liygiéniques  désirables.  On  a  eu  alors  les 
poêles  calorifères,  qui  présentent  des  formes  diver- 
ses, mais  dont  le  principe,  qui  est  le  môme  dans 
tous,  consiste  à  présenter  une  grande  surface  de 
chauffe  et  à  faire  passer  sur  cette  surface,  en  sens 
contraire  du  mouvement  de  la  fumée,  un  rapide 
courant  d'air  frais  puisé  au  dehors  et  ne  péné- 
trant dans  la  salle  qu'après  avoir  emprunté  de 
la  chaleur  au  long  conduit  du  gaz  de  la  com- 
bustion, 

G.  Chauffage  p'ir  calorifères.  —  Les  calorifères 
sont  différents  des  poêles  en  ce  que  le  foyer  est 
établi  en  dehors  des  pièces  à  chauffer,  et  qu'il 
envoie  de  la  ciialeur  dans  chacune  par  des  conduits 
convenablement  disposés.  Le  véhicule  de  la  chaleur 
peut  être  l'air,  l'eau  ou  la  vapeur  d'eau  ;  de  là  trois 
sortes  de  calorifères.  Ces  appareils  volumineux, 
coûteux  de  premier  établissement,  ne  conviennent 
qu'aux  très  grands  espaces  ou  à  un  grand  nombre 
de  pièces  à  cliauftér  en  même  temps,  comme  c'est 
le  cas  dans  beaucoup  d'établissements  publics. 

Le  calorifère  à  air  chaud  est  employé  dans  les 
cathédrales  et  les  maisons  à  étages  où  l'on  chauffe 


CHAUX 


—  388  — 


CHAUX 


à  la  fois  les  vestibules,  les  escaliers  et  un  grand 
nombre  de  pièces.  Le  foyer  est  en  dessous  de  tou- 
tes les  parties  à  chaufTer  ;  il  communique  la  plus 
grande  partie  de  sa  chaleur  à  de  l'air  que  l'on  dis- 
tribue ensuite  par  un  système  de  canaux  bien  éta- 
blis partout  où  il  est  nécessaire. 

Le  calorifère  à  vapeur  d'eau  existe  plus  ou  moins 
perfectionné  dans  toutes  les  usines  où  l'on  dispose 
d'un  moteur  h  vapeur;  des  tuyaux  de  distribution 
et  de  transport,  convenablement  enveloppés,  con- 
duisent la  vapeur  dans  des  récipients  à  grande 
surface  extérieure  destinés  à  la  condenser  et  à 
transmettre  à  l'air,  au  travers  de  leur  enveloppe, 
la  chaleur  provenant  de  cette  condensation. 

Le  calorifère  à  circulation  d'eau  chaude  est 
surtout  remarquable  par  la  régularité  de  ses  effets, 
et  la  durée  du  chauffage  qu'il  procure  ;  il  était  déjà 
mis  en  usage  par  les  Romains  dans  leurs  étuves 
et  leurs  thermes,  mais  il  n'est  économique  que 
dans  les  grands  établissements  publics. 

[Haraucourt.] 
_  CHAUX.  —  Chimie,  XV  et  XVIL  —  {Éh/77i.  :  du  la- 
tin calcis,  dont  on  a  formé  le  nom  du  métal  le  cal' 
cium  )  —  Les  alchimistes  donnaient  ce  nom  à  un 
grand  nombre  de  substances  d'aspect  terreux,  telles 
que  les  oxydes  de  zinc,  de  mercure,  de  plomb  ;  ils 
disaient  chaux  de  zinc^  chaux  d'étain,  chaux  de 
plomb.  Depuis  Lavoisier,  ce  nom  désigne  exclusi- 
vement l'oxyde  de  calcium  plus  ou  moins  pur. 
C'est  le  chimiste  anglais  Davy  qui,  le  premier,  con- 
firmant ainsi  les  prévisions  de  notre  immortel 
Lavoisier,  démontra  que  la  chaux  était  un  oxyde 
de  calcium  en  en  extrayant  ce  métal  au  moyen  de 
la  pile  de  Volta,  en  1807. Depuis,  MM.  Liès-Bodart 
et  Jobin  ont  pu  l'obtenir  en  notables  proportions, 
en  décomposant  l'iodure  de  calcium  par  le  sodium. 
Le  calcium  est  un  beau  métal  jaune,  brillant,  inal- 
térable dans  l'air  sec,  mais  très  altérable  à  l'air 
humide. 

La  chaux  vive  pure  contenant  72  p.  lOf)  de 
calcium,  on  peut  dire  que  ce  métal,  qui  n'existe 
pur  qu'entrés  petite  quantité  dans  les  laboratoires, 
est  cependant  un  des  éléments  les  plus  répandus 
dans  la  croûte  terrestre,  puisque  la  chaux  combi- 
née aux  acides  carbonique,  silicique  et  phosphori- 
que,  est  une  des  substances  qu'on  y  rencontre  le 
plus  communément. 

Pj'opriéiés  de  la  chaux.  —  Chaux  vive  ou  anhy- 
dre. —  Chaux  éteinte.  —  Chaux  grasse.  —  Chaux 
maigre.  —  Chaux  hydraulique.  —  La  chaux  se 
présente  en  général  sous  forme  de  morceaux  gris, 
plus  ou  moins  durs;  quand  elle  est  pure,  comme  on 
l'obtient  en  calcinant  au  blanc  des  morceaux  de 
marbre  blanc,  elle  est  incolore  et  s'appelle  chaux 
grasse. 

Si  elle  provient  de  la  calcination  de  calcaires 
terreux  chargés  d' argile, de  sable  etquelquefois  d'élé- 
ments ferrugineux,  elle  s'appelle  chaux  maigre;  elle 
est  alors  d'un  gris  plus  ou  moins  foncé.  La  chaux  est 
infusible  aux  températures  les  plus  élevées  ;  à  l'air 
elle  se  sature  à  la  longue  d'humidité  et  d'acide  car- 
bonique, et  retourne  à  l'état  de  carbonate  de 
chaux  ;  mise  en  contact  avec  l'eau  quand  elle  a  été 
fraîchement  préparée,  elle  l'absorbe  en  produisant 
un  sifflement  comme  un  fer  rouge  plongé  dans 
l'eau,  puis  elle  s'échauffe,  foisonne  et  se  délite, 
c'est-à-dire  se  fendille  et  tombe  en  poussière  sè- 
che; en  môme  temps  elle  s'échauffe  considérable- 
ment (la  température  peut  atteindre  300°),  et 
une  partie  de  l'eau  se  dégage  sous  forme  de 
fumée. 

Si  on  continue  à  ajouter  de  l'eau,  la  poussière 
sèche  se  mouille,  la  chaux  se  refroidit,  forme  alors 
une  pâte  qui  est  un  hydrate  de  chaux  et  qu'on 
appelle  chaux  éteinte.  C'est  dans  cet  étal  qu'on 
l'emploie  à  la  fabrication  des  mortiers  en  la  mé- 
langeant à  du  sable  ou  à  des  matières  siliceuses 
Dulvérisées. 


La  chaux  éteinte  délayée  dans  l'eau  donne  un» 
liqueur  blanche  qui  est  le  lait  de  chaux  ;  elle  s'y 
trouve  seulement  en  suspension,  car  elle  est  très 
peu  soluble  dans  l'eau  ;  à  15°  il  faut  778  parties- 
d'eau  pour  dissoudre  une  partie  de  chaux  ;  si  l'eau 
est  bouillante,  il  en  faut  I270  parties,  car  la  solu- 
bilité de  la  chaux  diminue  au  fur  et  à  mesure  que 
la  température  s'élève;  c'est  pour  cela  qu'une  dis- 
solution limpide  de  chaux  se  trouble  quand  on  la 
chauffe. 

La  chaux  est  une  base  puissante;  elle  ramène  au 
bleu  le  tournesol  rougi,  et  elle  sature  la  plupart 
des  acides,  môme  les  plus  énergiques. 

Elle  forme  avec  le  sucre  un  véritable  sel,  un  sca- 
charate  de  chaux.  Cette  propriété  est  utilisée  dans 
l'extraction  du  sucre  pour  en  retarder  la  fermenta- 
tion. 

La  chaux  peut  aussi  se  combiner  avec  un 
grand  nombre  d'acides  organiques  avec  lesquels 
elle  forme  des  sels  insolubles  ;  aussi  est-elle  sou- 
vent employée  dans  l'extraction  de  cs'S  acides. 

On  a  donné  le  nom  de  chaux  hydraulique  à  une 

]  chaux  contenant  de  15  à  20  p.  100  d'argile,  qui  a  la 

I  propriété  de  durcir  dans  l'eau,  et  qui  sert  à  cause 

de  cela  à  fabriquer  des  mortiers  spéciaux  utilisés- 

dans  les  travaux  de  maçonnerie  sous-marins. 

Les  calcaires  argileux  naturels  qui  servent  à  la 
fabrication  de  la  chaux  hydraulique  sont  quelque- 
j  fois  remplacés  par  des  mélanges  convenables  de 
j  chaux  et  d'argile  pulvérisés.  Ainsi  à  Meudon,  près 
I  Paris,  on  fabrique  de  la  chaux  hydraulique  en  com- 
!  binant  un  mélange  de  craie  et  d'argile. 

£■^«^5  de  la  chaux  dans  la  nature  ;  principaux 

sels  de  chaux  .  —  La   chaux  n'existe  et  ne  peut 

exister  dans   la  nature   qu'à  l'état  de   sels,  puis- 

1  qu'elle   se   combine  très  facilement  à  l'eau  et  à 

I  l'acide  carbonique.  Ses   principaux   sels  naturels 

I  sont  :  1°  les  calcaires  ou  carbonates  de  chaux  ;  2°  le 

j  gypse    ou   sulfate   de  chaux  ;  3»  le  phosphate    de 

chaux  ;  4°  le  silicate  de  chaux  ;  5°  le  chlorure   de 

I  calcium  ;  6°  le  fluorure  de  calcium,  ou  spath  fluor; 

et  enfin  l'azotate  de  chaux. 

Calcaires.  —  On  donne  le  nom  de  calcaire  à  tous 
les  carbonates  de  chaux  naturels  ;  rien  n'est  plus 
facile  que  de  reconnaître  un  calcaire,  car  il  fait 
effervescence  avec  tous  les  acides,  même  avec  le 
vinaigre. 

Le  rôle  des  calcaires  est  extrêmement  impor- 
tant, soit  au  point  de  vue  industriel,  soit  au  point 
de  vue  géologique.  Il  suffit,  pour  s'en  convaincre, 
de  savoir  que  la  craie,  le  marbre  la  pierre  à  bâtir,, 
l'albâtre,  la  pierre  lithographique,  etc.,  sont  des 
calcaires. 

Ce  sont  là  les  principaux,  mais  aucune  espèce 
géologique  ne  présente  un  plus  grand  nombre  de 
variétés. 

A  l'état  cristallisé,  le  carbonate  de  chaux  cons- 
titue le  spath  d'Islande  et  l'aragoniie.  Le  premier 
se  rencontre  en  beaux  gros  cristaux  transparents 
de  forme  parallélipipédique  oblique  et  jouissant 
de  la  double  réfraction,  c'est-à-dire  que  les  objets 
vus  à  travers  suivant  certaines  directions  paraissent 
doubles.  Il  a  reçu  à  cause  de  cette  remarquable 
propriété  de  très  curieuses  applications  dans  cer- 
tains instruments  d'opiique.  L'aragonite,  au  con- 
traire, qu'on  rencontre  beaucoup  plus  souvent, 
cristallise  en  prisme  droit  à  base  rectangle.  Le 
carbonate  de  chaux  est  donc  dimorphe,  puisqu'on 
le  rencontre  sous  deux  formes  cristallines  diffé- 
rentes. Les  collections  minéralogiques  du  Muséum 
de  Paris  contiennent  les  variétés  les  plus  belles 
et  les  plus  nombreuses  d'aragonite  et  des  carbona- 
tes de  chaux  divei's. 

Les  marbres  sont  formés  de  carbonates  de  chaux 
plus  ou  moins  purs  ;  leurs  différentes  couleurà 
tiennent  à  des  matières  étrangères.  Tous  les  car- 
bonates de  chaux  sont  décomposés  à  une  haute 
température  en    acide    carbonique    et  en  chaux. 


CHAUX 


—  389  — 


CHAUX 


M.  Daubrée,  en  chauffant  fortement  de  la  craie 
dans  un  canon  de  fusil  solidement  fermé  de  ma- 
nière que  l'acide  carbonique  ne  pût  point  se  dé- 
gager, a  obtenu  après  le  refroidissement  une  subs- 
tance plus  ou  moins  analogue  au  marbre,  ce  qui 
porte  à  penser  que  ces- calcaires  cristallins  ont  dû 
^tre  formés  dans  certaines  conditions  de  pression 
«t  de  température  qui  ont  déterminé  leur  fusion 
«ans  qu'ils  se  soient  décomposés. 

Le  carbonate  de  chaux  est  complètement  inso- 
luble dans  l'eau,  mais  il  se  dissout  dans  l'eau  char- 
gée d'acide  carbonique.  Le  bicarbonate  de  chaux 
qui  se  forme  alors  est  peu  stable,  il  se  décompose 
à  l'air  en  abandonnant  la  moitié  de  son  acide  car- 
bonique :  c'est  là  l'explication  de  certaines  incrus- 
tations calcaires  dues  à  certaines  sources  ainsi 
<iue  ces  colonnes  de  pierres  naturelles  qu'on  trouve 
dans  certaines  grottes  et  qu'on  nomme  stalactites 
€t  stalagmites. 

C'est  encore  au  bicarbonate  de  chaux  ramené 
à  l'état  de  carbonate  insoluble  parl'ébuUition  qu'on 
doit  les  dépôts  si  nuisibles  qui  se  forment  dans  les 
chaudières  à  vapeur. 

Indépendamment  des  calcaires  de  contexture 
et  d'aspect  si  divers  que  nous  avons  cités,  tout  en 
ne  donnant  que  les  principaux,  nous  devons  en- 
core mentionner  le  test  des  mollusques  et  celui 
des  crustacés ,  les  coquilles  d'œufs  d'oiseaux, 
composés  de  carbonate  de  chaux  assez  pur,  et  les 
os  des  animaux  vertébrés  qui  en  contiennent  une 
certaine  proportion. 

Sulfate  de  chaux.  —  Gypse  ou  pierre  à  plâtre. 
—  Le  gypse  est  du  sulfate  de  chaux  hydraté; on  le 
rencontre  en  masses  considérables  dans  les  envi- 
rons de  Paris  ;  il  s'y  trouve  dans  les  couches  infé- 
rieures des  terrains  tertiaires.  Il  est  blanc,  inodore, 
très  dur.  A  la  température  ordinaire  1000  parties 
d'eau  n'en  dissolvent  que  2  parties  ;  sa  solubilité 
augmente  jusqu'à  35°.  Vers  100"  il  abandonne  son 
eau.  A  130°  la  déshydratation  est  complète,  il  cons- 
titue alors  le  plâtre.  Dans  cet  état  il  a  la  propriété 
de  former  avec  l'eau  une  bouillie  qui  se  durcit  en 
quelques  minutes;  c'est  là  le  principe  de  ses  nom- 
breuses applications.  En  reprenant  l'eau  qu'elles 
ont  perdu  par  la  cuisson,  les  parcelles  du  sulfate 
de  chaux  cristallisent  finement  et  forment  une 
masse  durcie.  Quand  le  plâtre  doit  servir  au  mou- 
lage il  doit  se  prendre  en  7  ou  8  minutes  au  plus 
et  en  5  au  moins  ;  cette  durée  dépend  principale- 
ment de  son  origine  et  aussi  de  la  durée  et  de  la 
température  de  sa  cuisson. 

La  pierre  à  plâtre  se  rencontre  en  France  prin- 
cipalement à  Montmartre,  Belleville,  Montreuil, 
Argenteuil,  Creil,  Vaux  ;  dans  le  Puy-de-Dôme, 
dans  la  Côte  d'Or,  dans  Saône-et-Loire  et  dans  les 
environs  d'Aix.  L'extraction  se  fait  quelquefois  à 
ciel  ouvert,  le  plus  souvent  par  carrières  souter- 
raines. Quelquefois  le  sulfate  de  chaux  hydraté  se 
rencontre  en  cristaux  ayant  la  forme  de  fer  de 
lance  et  susceptibles  de  clivage  en  lames  extrême- 
ment minces  qui  présentent  le  phénomène  des 
anneaux  colorés.  Ces  lames  détachées  avec  un 
canif  sont  extrêmement  transparentes  ;  chauffées 
quelques  secondes  à  la  flamme  d'une  lampe, 
«lies  deviennent  blanches,  opaques  et  pulvéru- 
lentes. 

Albâtre.  —  Quelquefois  le  sulfate  de  chaux  se 
présente  en  masses  demi-translucides  dures,  blan- 
ches, ou  bien  colorées  et  formées  de  cristaux 
prismatiques  entrelacés  :  c'est  l'albâtre. 

Préparation  du  piâtre.  —  La  cuisson  de  la 
pierre  à  plâtre  se  fait  dans  des  fours  formés  de 
murs  surmontés  d'une  couverture  en  tuile  à 
claire-voie.  On  forme  avec  les  plus  gros  moellons 
plusieurs  voûtes  construites  à  sec,  et  sur  celles-ci 
on  place  des  fragments  de  plus  en  plus  petits,  au 
fur  et  à  mesure  qu'on  s'élève.  La  transformation 
du  gypse  en  plâtre  est  opérée  toujours  en  moins  ' 


j  de  douze  heures  ;  on  pulvérise  sous  le  moule  et  on 
,  tamise. 

Phospliate  de  chaux.  —  Le  phosphate  tribasique 

I  de  chaux,  PhQB  3  CaO,  constitue  l'élément  prin- 
cipal de  la  partie  minérale  des  os  ;  il  est  blanc, 
insoluble  dans  l'eau,  mais  se  dissout  dans  les 
acides  ;  il  sert  à  préparer  le  phosphore  (V.  Phos- 
phore) . 

Le  phosphate  neutre  (PhOs  2  CaO,  HO)  se  ren- 
contre dans  les  concrétions  urinaires  (pierre  de  la 
vessie);  et  le  phosphate  acide  'PhO=,  CaO,  ".'HO) 
existe  en  dissolution  dans  quelques  liquides  de 
l'économie  animale. 

Sous  forme  d'os,  le  phosphate  basique  de  chaux 
est  depuis  longtemps  employé  comme  cngi'ais. 
«  Les  os  de  cuisine  ou  d'équarrissage,  les  débris 
des  fabriques  de  boutons,  les  nombreux  squelettes 
d'animaux  qui,  depuis  si  longtemps  blanchissent 
à  l'air  dans  les  pampas  de  Buenos  Ayres  ;  enfin, 
assure-t-on,  les  détritus  des  champs  de  bataille 
eux-mêmes  ont  été  l'objet  d'une  exploitation  indus- 
trielle qui  a  eu  pour  effet  la  fertilisation  extrème- 
mentremarquable  de  contrées  entières.»  (Bobierre.) 

En  traitant  le  phosphate  basique  par  l'acide  sul- 
furique,  on  obtient  un  phosphate  plus  riche  en 
acide  phosphorique  et  plus  soluble,  et  qui  au- 
jourd'hui, sous  le  nom  de  superphosphate,  joue  un 
rôle  considérable  dans  le  commerce  des  engrais 
chimiques..  D'après  M.  G.  Ville  le  phosphate  du 
commerce  renferme  de  15  à  18  p.  100  d'acide  phos- 
phorique. 

Coprolithes.  —  On  a  donné  le  nom  de  copro- 
lithes  à  des  excréments  fossiles  extrêmement 
riches  en  phosphates  de  chaux.  Ces  singulières 
pierres  découvertes  et  étudiées  de  lb2'2  à  1829 
par  M.  Buckland  ressemblent  à  des  cailloux 
oblongs  de  2  à  4  pouces  de  long  et  de  là  2  de 
diamètre.  Ils  sont  aujourd'hui  l'objet  de  nom- 
breuses exploitations  dans  la  Meuse,  les  Ardennes, 
le  Pas-de-Calais,  etc.,  grâce  à  M.  Dessailly  de 
Grandpré,  qui  a  le  plus  contribué  à  répandre 
l'usage  de  ce  riche  engrais. 

Hijpochlorite  de  chaux  (CIO,  CaO).  —  Dans  le  com- 
merce on  donne  le  nom  de  chlorure  de  chaux  à 
un  mélange  d'hypochlorite  et  de  chlorure  qu'on 
obtient  en  faisant  agir  le  chlorure  gazeux  sur  la 
chaux  éteinte.  Le  chlorure  de  chaux  est  blanc, 
pulvérulent,  et  répand  une  odeur  de  chlore  ;  il 
bleuit  le  tournesol,  puis  le  décolore;  il  est  em- 
ployé comme  désinfectant. 

Azotate  de  chaux.  —  On  le  rencontre  sur  le  sol 
des  caves,  le  long  des  murs  humides,  dans  les 
habitations  abandonnées,  et  quelquefois  à  la  sur- 
face du  sol  sous  la  forme  d'une  neigette  grisâtre. 

II  se  trouve  aussi  mélangé  à  l'azotate  de  potasse 
(salpêtre)  qu'on  ramasse  à  la  surface  du  sol  en 
Espagne,  en  Egypte  et  au  Pérou. 

Fluorure  de  calcium.  —  C'est  le  spath  fluor  des 
minéralogistes.  C'est  une  substance  blanche  ou  co- 
lorée, rayant  le  calcaire,  mais  qui  est  rayée  par 
le  verre.  On  le  rencontre  dans  les  enviions  de 
Pari<,  en  Auvergne,  et  dans  la  plupart  des  con- 
trées de  l'Europe  ;  les  faux  rubis,  les  f;iusses 
émeraudes,  les  fausses  topazes  sont  fabriqués 
avec  le  spath  tluor  traité  par  l'acide  sulfurique. 
Cette  pierre  donne  de  l'acide  fluorhydrique  qui  at- 
taque le  verre  à  froid  et  sert  ainsi  à  la  gravure 
sur  verre. 

Préparation  de  la  chaux.  —  On  emploie  princi- 
palement les  calcaires  impropres  à  la  construction, 
comme  la  craie,  le  calcaire  de  Saint-Jacques  en 
Jura,  le  calcaire  dur  de  (Uiâteau-Landon.  La  pierre 
à  chaux  doit  être  portée  aune  température  élevée; 
pour  cela  elle  est  placée  en  moellons  dans  des  cy- 
lindres de  briques  que  l'on  revêt  d'argile,  ou  qui  sont 
garnis  de  briques  réfractaires  ;  on  chauffe  au  bois. 
La  calcination  dure  plusieurs  jours.  Quelquefois 
on  forme  des  tas  cylindriques  de  couches  alterna- 


CHEMINS  DE  FER 


—  390  — 


CHEMINS  DE  FER 


tîvcs  de  calcaires  et  de  combustibles  auxquels  on 
mot  le  feu. 

Usrigps  de  la  chmtx.  —  La  chaux  est  surtout 
employée  à  la  fabrication  des  mortiers. 

Un  mortier  est  un  mélange  intime  de  chaux 
et  de  silice  pulvérisée  et  mouillée  (sable  ou  sco- 
ries); à  la  longue  il  se  forme  un  véritable  silicate 
de  chaux,  qui  durcit  et  unit  ainsi  fortement  les 
matériaux  entre  lesquels  il  a  été  placé.  La  chaux 
est  aussi  extrêmement  employée  en  agriculture, 
non-seulement  à  l'état  de  plâtre  et  de  phosphate 
et  de  calcaire,  mais  à  létat  de  chaux  vive  ou 
éteinte.  On  la  mélange  quelquefois  au  fumier. 

La  chaux  est  aussi  employée  dans  les  sucreries 
et  dans  les  raffineries,  dans  l'épuration  du  gaz, 
dans  les  savonneries  ;  on  en  a  fait  usage  il  y  a  quel- 
ques années  pour  assainir  les  champs  de  bataille 
de  la  guerre  franco-allemande. 

Ciments.  —  On  donne  ce  nom  à  des  chaux  hy- 
drauliijues  qui  se  solidifient  pour  ainsi  dire  im- 
médiatement au  contact  de  l'eau  ;  ils  proviennent 
de  la  calcination  de  calcaires  naturels  très  argi- 
leux ;  les  plus  connus  sont  ceux  de  Vassy,  Char- 
tres, Grenoble,  Boulogne-sur-Mer.  Le  Portland 
anglais  si  renommé  est  fabriqué  en  calcinant  un 
mélange  d'argile  et  de  craie. 

Cliautdes  aux  naturelles.  —  La  chaux  se  ren- 
contre dans  presque  toutes  les  eaux  naturelles, 
soit  à  l'état  de  sulfate  (eaux  des  puits  de  Paris), 
soit  à  l'état  de  chlorure  de  calcium,  soit  à  l'état  de 
bicarbonate.  Sa  présence  est  facile  à  constater: 
les  moindres  traces  de  chaux  dans  une  eau  y  pro- 
duisent un  trouble  blanchâtre  quand  on  y  verse 
quelques  gouttes  d'oxalate  d'ammoniaque. 

La  présence  de  la  chaux  dans  les  eaux  qui  ser- 
vent de  boissons  est  nécessaire  à  la  nourriture 
des  os,  qui  sans  cette  substance  ne  prendraient  pas 
la  consistance  nécessaire  ;  d'un  autre  côté  les 
eaux  trop  chargées  de  sels  de  chaux  ont  un  goût 
terreux,  cuisent  mal  les  légumes,  décomposent  le 
savon  au  lieu  de  le  dissoudre.  On  comprend  donc 
qu'au  point  de  vue  do  l'hygiène  publique  et  privée, 
l'appréciatio:!  de  la  quantité  de  chaux  que  con- 
tient une  eau  naturelle  soit  une  question  des 
plus  importantes  et  des  plus  délicates  de  ranal3'se 
chimique.  [Alfred  Jacquemart.] 

CIIEM1>'S  DE  FER.  —  1.  Des  chemins  de  fer 
en  général.  —  Défitiition.  —  Tout  le  monde  sait 
ce  qu'on  entend  aujourd'hui  par  cliemm  de  fer. 
C'est  une  chaussée  régulière,  sur  laquelle  sont 
posées  bout  à  bout  des  barres  de  fer  nommées  rails. 
Ces  rails  servent  non-seulement  à  la  circulation  des 
roues,  mais  encore  à  leur  imprimer  leur  direc- 
tion. 

historique.  —  De  tout  temps  on  a  cherché  à 
diminuer  la  résistance  à  la  traction  des  voitures 
en  faisant  circuler  celles-ci  sur  une  matière  résis- 
tante, pierre,  bois  ou  fer.  Par  économie,  on  est 
conduit  à  diminuer  la  largeur  de  celle-ci  jusqu'à 
la  largeur  même  de  la  roue.  Mais  alors  il  faut  que 
la  roue  soit  assujettie,  soit  par  sa  forme,  soit  par 
celle  du  rail,  à  ne  pas  s'en  séparer.  On  ne  sait 
au  juste  à  quelle  époque  on  a  commencé  à  faire 
circuler  dans  les  mines  les  wagons  transportant  du 
charbon  sur  des  rails  en  bois,  et  quel  a.  été  le 
premier  inventeur  de  la  voie  ferrée  proprement 
dite. 

Les  chemins  de  fer  ne  sont  entrés  véritablement 
dans  la  pratique  que  lorsqu'on  eut  inventé  la  loco- 
motive. Par  sa  puissance  de  traction,  la  vitesse 
qu'elle  peut  atteindre,  et  l'cconomie  qu'elle  pré- 
sente sur  les  moteurs  animés,  cette  machine  a 
oflert  de  tels  avantages  que  h-s  chemins  de  fer 
ont  pour  ainsi  dire  ac<iuis  immédiatement  le  mo- 
nopole des  transports. 

Sans  doute  la  navigation  possède  encore  l'avan- 
tago  du  bon  marché  ;  mais  il  est.  souvent  contre- 
balance et  au  delà  par   la  lenteur  à  laquelle  elle 


■  est  soumise,  les  chômages  imposés  par  les  gelées  ou 
l'entretien  des  canaux,  et  surtout  par  l'impossibilité 
où  se  trouvent  le  plus  souvent  les  bateaux  de 
transporter  les  marchandises  depuis  leur  point 
d'origine  jusqu'au  point  où  elles  sont  employées, 
sans  transbordement  ni  manipulation  accroissant 
les  frais  de  ces  transports. 

C'est  Stephenson  qui,  en  1829.  a  construit  lapre- 
mière  locomotive  pratique  employée  sur  le  chemin 
de  fer  de  Liverpool  à  Manchester,  le  premier  des 
chemins  anglais.  En  France  on  a  construit  d'abord 
un  petit  chemin  de  fer  aux  environs  de  Sabit- 
I  Etienne,  pour  le  transport  des  houilles. 

La  première  ligne  aboutissant  à  Paris  a  été  la 
ligne  de  P<2>7.ç  à  Savd-Germain.  ouverte  en  i8;57. 

En  quarante  ans,  de  18.37  à  1877,  on  a  construit 
en  France  23,000  kilomètres  de  chemins  de  fer, 
en  nombre  rond,  ce  qui  place  notre  pays  à  l'un 
des  premiers  rangs  sous  le  rapport  de  la  lon- 
gueur des  chemins  de  fer  comparée  à  l'étendne 
du  territoire  qu'ils  desservent.  A  cet  égard,  nous 
ne  sommes  dépassés  que  par  la  Belgique,  le  grand- 
duché  de  Luxembourg,  la  Grande-Bretagne,  la 
Suisse,  l'Allemagne  et  les  Pays-Bas. 

En  1850,  le  réseau  français  ne  comprenait  que 
2  850  kilomètres;  en  1867,  15  730;  en  1874,  20500 
et  en  1877,  22  8:iO. 

En  cette  même  année  1877,  l'Allemagne  possédait 
27  956  kilomètres;  les  Iles  Britanniques  26,378;  l;v 
Russie  I99:i. 

En  1877,  l'Europe  possédait  140550  kilomètres; 
l'Asie  11100;  l'Afrique  2410;  l'Océanie  3490  et 
l'Amérique  143  530.  C'est  dans  cette  dernière  partie 
du  monde  que  la  construction  a  eu  le  plus  d'activité 
depuis  vingt  ans.  En  1857  l'Amérique  n'avait  encore 
que  195»)  kil.,  la  74«  partie  du  réseau  qu'elle  pos- 
sédait vingt  ans  plus  tard. 

Exposé  succinct  du  fonctionnement  des  <  hemins 
de  fer.  Puissance  de  traction  de  la  loco'uotive. — 
Sans  entrer  dans  les  détails  techniques  de  la  con- 
struction des  locomotives,  disons  que  celles-ci 
marchent  d'autant  plus  vite  qu'elles  produisent 
dans  un  temps  donne  une  plus  grande  masse  de 
vapeur,  et  qu'elles  traînent  un  train  d'autant  plus 
lourd  que  la  tcn-ion  de  cette  vapeur  est  plus  éle- 
vée. Ajoutons  que  cette  puissance  de  traction  ne 
peut  s'exercer  qu'autant  que  les  roues  de  la  loco- 
motive adhèrent  suffisamment  aux  rails  pour  ne 
pas  tourner  sur  place.  C'est  le  frottement  des 
roues  de  la  locomotive  sur  les  rails  qui  la  force  à 
avancer.  Et  comme  ce  frottement  est  proportionnel 
au  poids  de  la  locomotive,  celle-ci  devra  être  d'au- 
tant plus  pesante  qu'on  voudra  lui  faire  remorquer 
un  poids  plus  considéral)le.  — V.  LoC"molive. 

Dans  l'histoire  de  la  locomotive,  qui  est  insépa- 
rable de  celles  des  chemins  de  fer,  il  faut  citer 
trois  noms:Cugnot,  né  en  1725,  à  Void(Meuse),àqui 
l'on  doit  les  premiers  essais  tentés,  en  176:5,  pour 
appliquer  la  vapeur  au  mouvement  des  voitures  ; 
Georges  Stephenson,  né  en  178I  aux  environs  de 
Newcastle  (Angleterre),  qui  construisit  la  première 
locomotive  en  1814  ;  Marc  Séguin,  né  à  Annonay  en 
1780,  à  qui  l'on  doit  la  chaudière  tubulaire  qu'il 
invenca  en  1820.  ce  qui  permit  d'augmenter  la 
puissance  des  locomotives.  En  1828,  G.  Stephenson 
et  son  fils  complétèrent  l'invention  de  Marc  Séguin 
en  activant  le  tirage  des  locomotives  par  la  pro- 
jection dans  la  cheminée  de  la  vapeur  sortant  des 
cylindres  après  avoir  agi  sur  les  pistons. 

Tracé  de  la  voie.  —  Quant  au  tracé  de  la  voie, 
celle-ci  ne  doit  pas  oftVir  de  pentes  considérables, 
sur  lesquelles  la  locomotive  serait  impuissante  k 
avancer,  ni  dos  courbes  de  petit  rayon,  sur  les- 
quelles les  trains  risqueraient  de  dérailler,  surtout 
lorsqu'ils  marchent  à  grande  vitesse.  Cependant  des 
circonstances  particulières  ont  conduit  à  admettre 
des  pentes  qui  atteignent  jusqu'à  20  millim.  par 
mètre  dans  les  pays  de  montagnes,  et  à  construire 


CHEMINS  DE  FER 


—  391  — 


CHEMINS  DE  FER 


des  courbos  de  200  ou  300  mètres  de  rayon  seule- 
ment, où  l'on  évite  les  risques  de  déraillement 
en  inclinant  le  niveau  de  la  voie  du  côté  du  centre 
de  la  courbe  et  en  ralentissant  dans  ces  points  la 
vitesse  de  marche. 

Études  préliminaire.'}  et  concession  d'une  ligne 
de  chemin  de  fer.  —  On  conçoit  aisément  que  l'é- 
tude d'un  cliemin  de  fer  en  projet  soit  fort  compli- 
quée, tant  au  point  de  vue  des  difficultés  de  la 
construction,  qu'on  cherche  à  simplifier  autant 
que  possible,  qu'au  point  de  vue  des  intérêts 
dont  on  s'efforce  de  desservir  le  plus  grand  nombre, 
pour  augmenter  le  trafic  de  la  ligne. 

On  peut  dire,  d'une  manière  générale,  qu'il  est 
peu  avantageux  d'établir  un  chemin  de  fer  si  le 
trafic  doit  donner  moins  de  6')  à  80  000  tonnes  de 
marchandises  transportées  annuellement  sur  toute 
la  ligne,  ou  s'il  ne  donne  pas  une  recette  équiva- 
lente en  voyageurs. 

Aussi  la  construction  d'un  chemin  de  fer  n'est-elle 
jamais  commencée  qu'autant  que  les  plans  défini- 
tifs en  ont  été  approuvés  par  l'autorité  supérieure. 
Les  ingénieurs  de  l'État  examinent  les  plans  au 
point  de  vue  technique,  comme  ils  sont  ensuite 
charges  de  vérifier  leur  bonne  exécution  avant  la 
réception  et  la  mise  en  exploitation  de  la  ligne.  Les 
agents  de  l'État  sont  aussi  chargés  en  tout  temps 
de  contrôler  l'entretien  et  l'exploitation  de  tous  les 
chemins  de  fer. 

Chemins  d'intérêt  général  et  d'intérêt  local.  — 
Suivant  les  intérêts  qu'ils  sont  appelés  à  desservir, 
les  chemins  de  fer  se  classent  en  chemins  d'intérêt 
général  et  en  chemins  d'intérêt  local.  Les  premiers 
sont  concédés  par  l'État  seulement;  les  seconds  par 
les  conseils  généraux.  Mais  la  compétence  de  ceux- 
ci  est  bornée  à  l'étendue  de  letir  seul  département 
et  l'État  a  le  droit  de  i  opposer  à  des  concessions 
qui  constitueraient  des  lignes  de  grand  parcours, 
et  sous  le  nom  d'intérêt  local,  échapperaient  à  sa 
dépendance. 

En  1877,  il  y  avait  2,165  kilomètres  de  chemins 
d'intérêt  local,  contre  plus  de  20,300  kilomètres  de 
chemins  d'intérêt  général. 

Dépenses  de  construction  et  subventions.  —  Ces 
chemins  sont  généralement  concédés  à  des  compa- 
gnies qui  les  construisent  avec  les  fonds  du  public 
et  les  subventions  que  leur  fournissent  l'État,  les 
départements,  les  communes  ou  les  particuliers 
sous  forme  de  contributions  pécuniaires,  de  con- 
structions de  travaux  d'art,  d'abandon  de  terrains. 
Pour  encourager  le  développement  des  chemins  de 
fer  et  obtenir  des  compagnies  la  construction  de 
lignes  considérées  comme  insuffisamment  rému- 
nératrices, ces  compagnies  ont  souvent  obtenu  de 
l'État  ou  des  départements  une  certaine  garantie 
d'intérêts  pour  une  partie  ou  la  totalité  des  fonds 
employés.  Si  les  obligations  des  grandes  compa- 
gnies françaises  jouissent  justement  d'une  si 
grande  faveur  auprès  du  public,  c'est  que  le  revenu 
en  est  garanti  pour  la  plupart  par  l'État  français. 
On  a  dépensé  jusqu'à  présent  plus  de  dix  milliards 
pour  la  construction  des  chemins  de  fer  français. 
L'État  pour  sa  part  a  fourni  la  septième  partie  de 
ces  dépenses  environ.  Quand  les  compagnies  arri- 
veront au  terme  de  leur  concession,  dont  la  du- 
rée a  été  généralement  fixée  à  99  ans,  les  che- 
mins de  fer  deviendront  la  propriété  de  l'État, 
sauf  le  matériel  qui  appartient  en  propre  à  la 
compagnie. 

Avantages  de  l'État.  —  Ainsi  l'Etat  a  de  grands 
avantages  au  développement  des  chemins  de  fer.  Ils 
seront  sa  propriété  dans  l'avenir,  et  en  outre,  ils 
sont  la  source  de  gros  revenus,  par  les  impôts 
dont  ils  sont  directement  grevés,  et  l'accroisse- 
ment général  du  commerce  et  le  développement 
de  l'industrie,  qu'ils  favorisent. 

L'État  s'est  réservé  le  droit  de  racheter  dans  cer- 
taines conditions  les  lignes  concédées,  et  actuelle- 


ment il  possède  et  exploite  directement  un  certain- 
réseau. 

Les  autres  lignes  sont  entre  les  mains  de  six 
grandes  compagnies  qui  embrassent  tout  le  terri- 
toire de  la  France  et  de  quelques  compagnies  se- 
condaires. 

n.  Description  des  chemins  de  fer  français.  — 
Réseau  de  la  compagnie  de  l'Ouest  (252i»  kilomè- 
tres). —  La  compagnie  dite  de  ï()uest  possède 
quatre  grandes  lignes  : 

La  première  de  Paris  au  Havre,  par  Mantes  et 
Rouen,  qui  projette  un  embranchement  de  Rouen 
à  Dieppe,  et  un  second  de  Beuzeville  à  Fécamp; 

La  deuxième  de  Mantes  à  Cherbourg,  par  Évreux, 
Lisieux,  Caen,  qui  projette  un  embranchement  de 
Lisieux  à  Honfleur  et  à  Trouville,  et  un  second  de 
Lison  à  Saint-Lô  ; 

La  troisième  deParis  à  Granville,pa.v  Versailles, 
Laiglc,  Argentan,  Fiers  et  Vire  ; 

La  quatrième  de  Paris  à  Hrest,  par  Versailles, 
Chartres,  Le  Mans,  Laval,  Vitré,  Rennes,  Saint- 
Brieuc  et  Morlaix,  qui  projette  un  embranchement 
du  Mans  à  Angers,  et  un  second  de  Rennes  à 
Saint-Malo. 

Le  réseau  de  la  compagnie  de  l'Ouest  comprend 
en  outre  un  certain  nombre  de  lignes  secondaires  : 
de  Paris  à  Dieppe,  par  Andrésy  (embouchure  de 
l'Oise),  Pontoise,  Gisors,  Gournay  et  Neufchâtel; 
du  Mans  à  Caen,  par  Alençon,  Argentan  et  Mézidon 
(sur  la  ligne  de  Mantes  à  Cherbourg);  de  Caen  à 
Laval  par  Fiers  et  Mayenne;  de  Rennes  à  Redon; 
de  Saint-Brieuc  à  Ponlivy. 

Dans  la  banlieue  de  Paris, la  compagnie  de  l'Ouest 
possède  les  lignes  de  Paris  à  Saint-Gt;rmain  et  de 
Paris  à  Versailles  (rive  droite  et  rive  gauche). 

Compagnies  seco}idaires  situées  au  milieu  du 
réseau  de  l'Ouest.  —  Les  compagnies  secondaires 
de  cette  région  desservent  :  les  lignes  de  Vitré  à 
la  baie  du  Mont-Saint-Michel,  par  Fougères,  et 
d'Elbeuf  à  Dreux,  par  Louviers. 

Réseau  de  la  compagnie  d'Orléans  (4  380  kilomè- 
tres). —  La  compagnie  d'Orléans  possède  neuf 
grandes  lignes  : 

La  première  de  Paris  à  Bordeaux,  parBrétigny, 
Écampes,  Orléans,  Blois,  Tours,  Poitiers,  Angou- 
lêmp,  Coutras,  Libourne,  avec  un  embranchement 
de  Libourne  à  Bergerac; 

La  deuxième  de  .Bre7i|7«?/ à  Tours,  parDourdan, 
Qiàteaudun  et  Vendôme; 

La  troisième  de  Tours  à  Saini-Nazaire,  par 
Saumur,  Angers,  Nantes  et  Savenay  ; 

La  quatrième  de  Nn7ites  à  Brest,  par  Savenay, 
Redon,  Vannes,  Auray,  Lorient,  Quimper  et  Châ- 
teaulin,  avec  un  embranchement  d'Auray  à  Pon- 
tivy  ; 

La  cinquième  de  Poitiers  à  La  Rochelle  et  à 
Rochefort  par  Niort  ; 

La  sixième  d'Orléans  à  Toulouse,  par  Vierzon, 
Châtcauroux,  Limoges,  Brives,  Figcac  et  Capdenac, 
Lexos  et  Tessonnières  ; 

La  septième  de  Limoges  à  Coutras,  i)a.T  Périgueux, 
qui  projette  un  embranchement  de  Périgueux  à 
Brive,  et  un  second  de  Périgueux  à  Agen  par  Mon- 
sempron-Libos,  d'où  part  le  chemin  de  Libos  à 
Cahors; 

La  huitième  de  Tours  à  Saincaize  (près  de  Ne- 
vers)  par  Vierzon  et  Bourges  ; 

La  neuvième  de  Saint -Sulpice-Laurière  (au 
nord  de  Limoges)  à  Gannat,  par  Guéret,  Montlu- 
çon  et  Commentry,  qui  projette  un  embranchement 
sur  Aubusson,  un  second  de  Montluçon  à  Bourges 
par  Saint-Amand,  et  un  troisième  de  Commentry  à 
Moulins. 

La  compagnie  d'Orléans  possède  en  outre  les 
lignes  secondaires  suivantes: 

D'Orléans  à  Gien  ;  de  Tours  au  Mans  ;  de 
Nantes  à  la  Roche-sur- Yon  ;  d'Angers  à  Niort,  par 
Cholet  et  Bressuire  ;   de  Poitiers  à  Saint-Sulpice- 


CHEMINS  DE  FER 


—  392  — 


CHEMINS  DE  FER 


Latirière,  par  Montmorillon  ;  de  Brive  à  Tulle  ;  de 
Figeac  à  Arvant  (sur  la  ligne  de  Saint-Germain-des- 
Fossés  à  Nîmes),  parAuiillac  et  Murât;  de  Capde- 
nac  à  Rodez  par  Aubin,  avec  embranchement  sur 
Decazeville;  de  Lexos  à  Montauban  ;  de  Tesson- 
nières  à  Albi. 

Dans  la  banlieue  de  Paris,  la  compagnie  d'Or- 
léans possède  la  petite  ligne  de  Paris  à  Sceaux  et 
àLimours. 

Réseau  de  TÉtat.  —  Le  réseau  que  l'État  a  ré- 
cemment constitué  en  rachetant  les  réseaux  des 
anciennes  compagnies  de  la  Vendée,  des  Charen- 
tes  et  d'Orléans  à  Châlons,  est  presque  entièrement 
englobé  dans  le  réseau  de  la  compagnie  d'Orléans. 

Ce  réseau  de  l'État  comprend  six  lignes  princi- 
pales : 

La  première  va  de  Tows  aux  Sables  cTOlonne, 
par  Loudun,  Bressuire  et  la  Roche-sur-Yon  ; 

La  deuxième  de  Poitiers  à  Saumw,  par  Loudun; 

La  troisième  de  la  Roche-sur-Yon  à  Coutrcs,p3iT 
la  Rochelle,  Rocliefort,  Saintes.  Pons,  Jonzac  ; 

La  quatrième  de  Saijites  à  Limoges,  par  Cognac 
et  Angoulême  ; 

La  cinquième  A'Orléans  à  Châlons-sur-Marne, 
par  Montargis,  Sens  et  Troyes; 

La  sixième  d'Orléans  à  Dreux,  par  Chartres. 

L'État  possède  en  outre,  dans  la  Loire-Inférieure, 
la  petite  ligne  de  Nantes  à  Pornic,  qui  projette  un 
embranchement  sur  Paimbœuf;  et  dans  Indre-et- 
Loire,  la  ligne  de  Tours  à  Loches,  tète  de  la  ligne 
qui  doit  relier  Tours  et  Montluçon,  par  Châteauroux. 

Des  compagnies  secondaires  exploitent  les  lignes 
de  Pons  à  Royan  et  h  Marennes. 

Réseau  de  la  compagnie  du  Midi  (2250  kilomè- 
tres). —  La  compagnie  du  Midi  possède  cinq  grandes 
lignes  : 

La  première  de  Bordeaux  à  Cette,  par  Langon, 
Agen,  Montauban,  Toulouse,  Castelnaudary,  Gar- 
cassonne,  Narbonne,  Béziers  et  Agde  ; 

La  deuxième,  de  Bordeaux  à  He?ida'/e.  sur  la 
frontière  d'Espagne,  par  Lamothe,  Morcenx,  Dax  et 
Bayonne.  (Avec  la  ligne  de  Paris  à  Bordeaux,  ce 
chemin  forme  la  ligne  la  plus  directe  à  suivre 
pour  aller  de  Paris  à  Madrid.)  Cette  ligne  projette 
un  embranchement  de  Lamothe  à  Arcachon  ; 

La  troisième,  de  Toulouse  à  Rayonne  par  Bous- 
sens,  Montréjean,Tarbes,  Lourdes,  Pau  et  Puyoo, 
qui  projette  un  embranchement  de  Montréjean  à 
Luchon.  et  un  second  de  Puyoo  à  Dax,  qui  met  Pau 
en  communication  directe  avec  Bordeaux  ; 

La  quatrième,  de  Morcenx  à  Tarhe<,  par  Mont- 
de-Marsan  et  Vic-de-Bigorre,  est  reliée  à  la  ligne  de 
Bordeaux  à  Cette  par  un  embranchement  qui  va 
de  Vic-de-Bigorre  à  Agen,  en  traversant  Auch. 

La  cinquième,  de  Narbonne  à  la  frontière  d'Es- 
pagne par  Perpignan  et  Port-Vendres,  qui  consti- 
tue la  route  la  plus  directe  vers  Barcelone  et  la 
côte  espagnole  de  la  Méditerranée. 

La  compagnie  du  Midi  possède  encore  d'autres 
lignes  secondaires  :  de  Toulouse  à  Auch  ;  de  Tou- 
louse à  Tarascon-sur-Ariége,  par  Pamiers  et  Foix; 
de  Castelnaudary  à  Carmaux-les-Mines.  parCastres 
et  Albi,  avec  embranchement  de  Castres  à  Mazamet; 
de  Beziers  à  Millau,  par  Bédarieux,  avec  embran- 
chement de  Bédarieux  à  Graissessac. 

Compagnies  secondaires  cJiclavées  dans  le  réseau 
du  Midi.'  —  Diverses  compagnies  secondaires  pos- 
sèdent dans  les  Pj-rénécs-Orientales,  la  ligne  de 
Perpignan  à  Prades  ;  dans  la  Gironde,  la  ligne  du 
Médoc,  qui  va  de  Bordeaux  au  Verdon  à  l'embou- 
chure de  la  Gironde. 

Réseau  de  la  compagnie  de  Paris  à  Lyon  et  à  la 
Méditerranée.  —  Cette  compagnie,  qui  est  la  plus 
considérable  de  toutes  les  compagnies  françaises. 
puisque  son  réseau  atteint  presque  6,000  kilomè- 
tres, possède  dix  grandes  lignes  : 

La  première,  de  Paris  à  Marseille,  par  Melun, 
FonUinebleau,  Moret,  Montereau,  Sens,  Joigny,  la 


Roche,  Tonnerre,  Nuits-sous-Ravières,  Dijon, 
Beaune,  Chagny,  Chalon-sur-Saône,  Mâcon,  Saint- 
Germain-au-Mont-d'Or,  Lyon,  Vienne,  Saint-Rara- 
bert-d'Albon,  Valence,  Livron,Montélimar,  Orange, 
Avignon,  Tarascon.  Arles,  et  projette  de  petits  em- 
branchements de  Nuits-sous-Ravières  à  Châtillon- 
sur-Seine  et  de  Saint-Rambert  à  Annonay. 

La  deuxième,  de  Paris  à  Lyon  par  le  Bourbon- 
nais, se  détache  de  la  ligne  précédente  (dite  de 
Bourgogne),  à  Moret,  passe  à  Montargis,  Gien, 
Nevers,  Saincaize,  Moulins,  Saint-Germain-des- 
Fossés,  Roanne,  Tarare  et  Saint-Germain-au-Mont- 
d'Or,  où  elle  rejoint  la  ligne  de  Bourgogne.  Cette 
ligne  projette  un  embranchement  de  Saint-Gor- 
main-des-Fossés  à  Vichy.  Montargis  est  relié  à 
Paris  par  une  seconde  ligne  qui  passe  à  Malesher- 
bes  et  Corbeil,  et  rejoint'  la  grande  ligne  de  Paris 
à  Lyon,  à  Villeneuve-Saint-Georges,  près  deParis. 

La  troisième,  de  Saint-Germai7i-des-Fossés  à 
Nimes.  par  Gannat,  Riom,  Clermont-Ferrand,  Ar- 
vant, Brioude,  Alais. 

La  quatrième,  de  Tarascon  à  Cette,  par  Nîmes, 
Lunel  et  Montpellier. 

Les  deux  grandes  lignes  de  Paris  à  Mar,seille  et 
de  Paris  à  Nimes  sont  reliées  entre  elles  par  une 
série  de  lignes  transversales.  De  La  Roche  (Yonne) 
une  ligne  va  h  Nevers  par  Auxerre  et  Clamecy. 

La  ligne  de  Nevers  à  Chngny  passe  par  Decize, 
Cercj'-la-Tour,  Étang,  le  Creusot,  Montchanin,  et 
projette  un  embranchement  d'Étang  à  Chagny  par 
Autun  etÉpinac,  d'où  une  ligne  va  auPort-d'Ouche, 
sur  le  canal  de  Bourgogne,  pour  le  transport  des 
houilles  d'Épinac. 

La  ligne  de  Moulins  à  Montchanin  passe  par 
Digoin,  Blanzy  et  Montceau-les-Mines. 

Plus  au  sud,  Clermont-Ferrand  est  relié  à  Saint- 
Étienne  par  Thiers  et  Montbrison  ;  Roanne  à  Lyon 
par  Saint-Étienne,  Saint-Chamond,  Rive-de-Gier, 
Givors. 

La  ligne  de  Saint-Étienne  au  Puy  est  prolongée 
jusqu'à  Saint-Georges-d'Aurac,  près  de  Langoac,  sur 
la  ligne  de  Saint-Germain-des-Fossés  ;\  Nîmes. 

De  Livron,  sur  la  ligne  de  Lyon  à  Marseille,  part 
un  chemin  de  fer  qui  traverse  le  Rhône  et  gagne 
Alais,  en  projetant  un  embranchement  sur  l'rivas 
et  un  second  sur  Bessèges. 

La  cinquième  grande  ligne  du  réseau  de  Lyon 
va  de  Dijon  à  Belfort,  par  Auxonne,  Dôle,  Besan- 
çon, Montbéliard,  et  projette  des  embranchements 
de  Dijon  îi  Is-sur-Tille  (entre  Dijon  et  Langres,  c'est 
là  que  le  réseau  se  soude  à  celui  de  l'Est), 
d'Auxonno  à  Gray,  de  Besançon  à  Vesoul,  de 
Montbéliard  à  Délie,  vers  la  frontière  suisse. 

La  sixième  ligne  va  de  Dôle  à  Pontarlier,  par 
Mouchard  et  Andolot,  et  se  bifurque  à  Pontarlier 
pour  se  diriger  d'un  côté  vers  Neuchâtel  et  de 
l'autre  vers  Lausanne.  Quand  le  Simplon  sera  percé, 
cette  dernière  ligne  constituera  un  dos  tronçons  de 
la  ligne  la  plus  directe  de  Paris  à  Milan,  de  Lon- 
dres en  Orient. 

La  septième  ligne  va  de  Mâcon  au  Mont-Cenis, 
par  Bourg,  Ambérieu,  Culoz,  Aix-les-Bains,  Chara- 
béry,  avec  un  embranchement  d' Aix-les-Bains  à 
Annecy,  et  constitue  actuellement  la  grande  route 
de  Paris  en  Italie. 

Les  trois  lignes  précédentes  sont  reliées  entre 
elles  par  un  chomifi  qui  va  de  Besançon  à  Bourg, 
par  Mouchard  et  Lons-le-Saunier,  et  constitue  la 
route  la  plus  directe  de  Besançon  ou  de  Strasbourg 
vers  Lyon  et  Marseille. 

La  huitième  ligne  va  de  Lyon  à  Genève,  en  em- 
pruntant d'Ambérieu  à  Culoz  la  ligne  de  Mâcon  aa 
Mont-Cenis. 

La  neuvième  va  de  Lyon  à  Marseille  p^r  laTour- 
du-Pin,  Rives,  Moirans,  Grenoble,  Veynes,  Siste- 
ron,  Saint-Auban,  Manosque,  Pcrtuis,  Acx,  et  pro- 
jette des  embranchements  de  Veynes  à  Gap,  dtt 
Saint-Auban  à  Digne. 


CHEMINS  DE  FER 


—  393  — 


CHEMINS  DE  FER 


Elle  se  relie  avec  la  ligne  du  Mont-Cenis  par 
l'embranchement  de  Grenoble  à  Chambéry  et  avec 
la  ligne  de  Lyon  à  la  Méditerranée  par  la  vallée  du 
Rhône,  au  moyen  des  chemins  de  Moirans  à  Valence 
par  Saint-Marcellin,  de  Pertuis  à  Avignon  par  Ca- 
vaillon,  d'Aix  à  Rognac. 

La  dixième  ligne  va  de  Marseille  à  Menton  par 
Toulon,  les  Arcs,  Cannes  et  Nice,  en  projetant 
des  embranchements,  sur  Hyères,  des  Arcs  h  Dra- 
guignan  et  de  Cannes  à  Grasse  :  elle  se  prolonge 
jusqu'à  Gênes  en  Italie. 

Compagnies  secondaires  enclavées  dans  le  réseau 
de  Paris- Lyon-  Méditerranée.  —  Diverses  com- 
pagnies secondaires  possèdent  la  ligne  de  Chalon- 
sur-Saône  à  Lyon  par  Bourg  et  les  Bombes  ;  la  ligne 
de  Bourg  à  Nantua,  qui  doit  être  prolongée  jusqu'à 
Bellegarde  sur  la  ligne  de  Culoz  à  Genève. 

Réseau  de  la  compagnie  de  l'Est  (2  710  kilomè- 
tres). —  La  compagnie  de  VEst  possède  ou  exploite 
huit  grandes  lignes  : 

La  première,  de  Paris  à  Avricoiirl,  par  Meaux, 
Epernay,  Châlons -sur-Marne,  Vitry-le-François, 
Blesme,  Bar-le-Duc,  Lérouville,  Commercy,  Pagny- 
sur-Meuse,  Toul,  Frouard,  Nancy,  Blainville  et 
Lunéville,  et  constitue  une  fraction  de  la  grande 
route  de  Paris  à  Vienne,  et  dans  toute  l'Allemagne 
méridionale.  Cette  ligne  projette  un  embranche- 
ment de  Lunéville  à  Saini-Dié,  par  Baccarat. 

La  deuxième,  de  Pari':  à  Mulhouse,  par  Gretz, 
Romilly,  Troyes,  Bricon,  Chaumont,  Langres, 
Port  d'Atelier,  Vesoul,  Lure  et  Belfort,  projette 
des  embranchements  de  Romilly  à  Oiry  (près 
Épernay),  de  Troyes  à  Châtillon-sur-Seine,  par 
Bar-sur-Seine  ;  de  Bricon  à  Chàtillon-sur-Seine  ; 
de  Chalindrey  (près  Langres)  à  Is-sur-Tille  ;  de 
Chalindrey  et  de  Vesoul  à  Gray;  de  Belfort  à 
Délie. 

La  troisième,  de  Blesme  à  Chaumont,  par  Saint- 
Dizier  et  Bologne,  constitue  une  des  communica- 
tions directes  entre  le  nord  et  le  sud -est  de  la 
France,  sans  passer  par  Paris.  Elle  projette  un  em- 
branchement de  Bologne  à  Pagny-sur-Meuse,  par 
Neufchâteau. 

La  quatrième,  de  Blainville  à  Port  d'Atelier,  par 
Épinal,  met  le  réseau  des  Vusges  en  communication 
avec  Nancy  d'une  part,  et  Dijon  de  l'au're.  Elle 
projette  un  embranchement  d'Epinal  à  Remiremont. 

La  cinquième,  à'Epernay  à  Givet  et  Namur,  en 
Belgique,  par  Reims,  Rethel  et  Mézières,  projette 
des  embranchements  de  Reims  à  Laon  et  de  Mé- 
zières à  Hirson. 

La  sixième,  de  C/iàlons  à  Reims,  par  Saint-Hi- 
laire-au-Temple,  dessert  le  camp  de  Châlons. 
C'est  de  Saint-Hilaire  que  part  la  ligne  directe  de 
Metz  par  Sainte-Menehould,  Verdun  et  Conflans- 
Jarny. 

La  septième,  de  Frouard  à  Metz,  par  Pontà- 
Mousson  et  Pagny-sur-Moselle. 

La  huitième,  de  Pogny  sur-Moselle  à  Mézières, 
suit  la  frontière  et  passe  par  Conflans-Jarny,  Lon- 
guyon,  Montmédy  et  Sedan.  Elle  projette  des 
embranchements  de  Longuyon  à  Thionville,  de 
Longuyon  à  Longwy  et  Arlon,  de  Longwy  à  Luxem- 
bourg. 

Dans  la  banlieue  de  Paris,  la  compagnie  de  l'Est 
possède  la  ligne  de  Paris  à  Brie-Comte-Robert  par 
Vincennes. 

Compagnies  secondaires  enclavées  dans  le  t'éseau 
de  VEst.  —  La  ligne  de  Lérouville  à  Sedan  suit  le 
cours  de  la  Meuse  par  Saint-Mihiel  et  Verdun  ;  la 
ligne  des  Vosges  relie  Saint-Dié  à  Remiremont. 

Réseau  de  la  compagnie  du  Noi-d  (2250  kilomè- 
tres;. —  Ce  réseau  met  Paris  en  communication 
avec  les  ports  les  plus  rapprochés  de  l'Angleterre, 
la  Belgique  et  l'Allemagne  du  Nord. 

Il  comprend  deux  grandes  lignes  et  un  grand 
nombre  d'embrancliements  importnnts  à  cause  des 
grandes  villes  et  des  régions  très  riches  par  l'in- 


dustrie, le  commerce  et  l'agriculture  que  ces  che- 
mins de  fer  traversent. 

La  première  de  Paris  à  Ca'ais,  par  Saint-Denis, 
Chantilly,  Creil,  Clermont,  Amiens,  Abbeville,  Eta- 
ples  et  Boulogne,  projette  un  grand  embranche- 
ment d'Amiens  à  Mouscron  (entre  Lille  et  Gand) 
par  Arras,  Douai,  Lille,  Roubaix  et  Tourcoing,  et 
un  sous-embranchement  de  Douai  à  Mons  en  Bel- 
gique par  Valenciennes. 

Entre  ces  deux  branches,  Arras  est  relié  à  Dun- 
kerque  par  Lens,  Béthune  et  Hazebrouck;  et  Calais 
avec  Lille  par  Saint-Omer  et  Hazebrouck.  Ce  der- 
nier chemin,  continué  vers  Tournay,  en  Belgique, 
constitue  une  des  routes  de  Bruxelles  en  Angleterre. 
La  seconde  grande  ligne  va  de  Creil  à  H  i ut- 
mont,  près  de  Maubeuge,  où  elle  se  bifurque  en 
deux  tronçons  :  l'un  se  dirige  vers  Mons  et  Bru- 
xelles, c'est  la  route  la  plus  directe  de  Paris  à 
Bruxelles;  le  second  suit  la  Sambre  et  passe  par 
Erquelines,  Charleroi,  Namur  et  Liège.  C'est  la 
grande  route  de  Paris  à  Cologne,  Berlin  et  Saint- 
Pétersbourg.  Cette  ligne,  de  Paris  à  Erquelines, 
traverse  Compiégne,  Tcrgnier,  Saint-Quentin. 

La  troisième  grande  ligne  va  de  Paris  à  Hirson, 
sur  la  frontière  de  Belgique,  par  Soissons,  Laon, 
Vervins,  et  projette  un  embranchement  de  Sois- 
sons  à  Reims. 

Il  y  a  une  seconde  route  de  Paris  à  Creil  par 
Saint-Denis,  Pontoise,  Beaumont,  et  une  seconde 
route  de  Paris  à  Amiens  par  Epinay,  Beaumont  et 
Beauvais. 

De  Laon  part  un  chemin,  circulant  autour  de 
Paris,  qui  passe  à  laFcre,  Tergnier,  Amiens,  Aban- 
court,  Serqueux  (ligne  de  Paris  à  Dieppe  par  Pon- 
toise), Buchyoùil  se  divise  en  deux  tronçons.  L'un 
d'eux  gagne  Rouen  par  Darnetal,  l'autre  se  dirige 
vers  le  Havre  par  Clères  (ligne  de  Rouen  à  Dieppe) 
et  Motteville  (ligne  de  Rouen  au  Havre). 

Beauvais  est  un  grand  centre  de  chemins  de  fer 
qui  rayonnent  de  là  sur  Creil,  Abancourt,  Gour- 
nay,  Gisors.  Dans   la   Somme,   Doullens  est  relié 

I  à     Amiens   et    à    Béthune    par    Saint-Pol.   Dans 

I  le  Pas-de-Calais,  Arras  est  relié  à  Etaples,  par 
Saint-Pol  et  Montreuil,  Saint-Omer  avec  Boulogne. 
Dans  le  Nord,  il  part  do  Lille  une  ligne  qui  par 
Orchies ,  Saint-Amand  ,  Valenciennes ,  Aulnoye , 
Avesnes,  Hirson,  suit  presque  constamment  la 
frontière  belge.  Lille  est  relié  à  Saint-Quentin 
par  Orchies,   Somain,   Bouchain,  Cambrai   et  Bu- 

i  signy. 

Le  long   de  la  mer  du  Nord,  une  ligne  va  de 

j  Calais  à  Furnes,  en  Belgique,  par  Gravelines  et 
Dunkerque.  Saint-Omer  est  relié  à  Gravelines  par 
l'embranchement  de  Watten  (entre  Saint-Omer  et 
Calais)  à  Gravelines,  qui  suit  l'Aa. 

I  Compagnies  secondaires  enclavées  dans  le  réseau 
du  Nord.  —  La  compagnie  Picardie  et  Flandres 

I  possède  une  ligne   qui  de  Saint-Just  'Oise,  entre 

j  Clermont  et  Amiensj  croise  à  Chaulnes  la  ligne  de 
Tergnier  à  Amiens,  passe  à  Péronne  et  aboutit  à 
Cambrai.  Dans  le  Nord  la  ligne  de  Somain  à  Pé- 

I  ruwelz,  par  Denain  et  Anzin,  relie  entre  eux  les 
divers  centres  d'exploitation  de  la  compagnie 
houillère  d' Anzin. 

La  compagnie  du  Tréport  possède    la   ligne  du 

I  Tréport  à  Abancourt  (sur  la  ligne  de  Rouen  à  Amiens) 
qui  suit  la  Bresle,  etla  ligne  du  Tréport  à  Doullens 
qui  traverse  à  Longpré  le  chemin  d'Amiens  à  Ab- 
beville. 

Enfin  les  grandes  compagnies  du  Nord,  de  l'Est, 
de  Paris-Lyon-Méditerrannée,  d'Orléans,  et  de 
l'Ouest  possèdent  les  deux  chemins  de  fer  de  cein- 
ture de  Paris,  le  premier  compris  tout  entier  dans 
l'enceinte  des  fortifications.  Le  deuxième,  dit  de 
grande  ceinture,  n'est  encore  qu'en  partie  cons- 
truit ;  ses  points  principaux  doivent  être  Saint- 
Denis,  Nogcnt-sur-Marne,  Villeneuve  Saint-Geor- 
ges, Versailles,  Argenteuil. 


CHÉNIER 


—  394  — 


GRENIER 


Beaucoup  d'autres  lignes  sont  en  construction, 
ou  concédées,  ou  projetées  seulement.  Toutes  colles 
que  nous  venons  de  citer  ont  été  construites  avec 
même  largeur  de  voie,  de  sorte  que  les  mêmes 
wagons  peuvent  y  circuler  partout  et  même  sur 
les  chemins  des  pays  voisins  qui  ont  tous  adopté, 
à-l'exception  de  l'Espagne,  la  largeur  de  la  voie 
française.  Si  par  économie  on  prenait  une  voie 
plus  étroite,  les  chemins  ainsi  construits  ne 
seraient  plus  qu'une  annexe  et  non  pas  une  partie 
intégrante  du  réseau. 

L'administratic^  a  fait  récemment  dresser  en 
France  un  tableau  des  divers  chemins  utiles  restant 
à  construire,  de  sorte  que  le  réseau  va  sans  cesse 
en  augmentant.  Notre  description  ne  comprend 
du  reste  que  les  lignes  les  plus  importantes  parmi 
celles  qui  sont  déjà  mises  en  exploitation. 

[G.  Meissas.] 

CIIEMER  (André-Marie  de).  —  Littérature 
française,  XXI.  —  Poète  français,  né  à  Constanti- 
nople  en  1762,  décapité  à  Paris  le  25  juillet  1794 
(7  thermidor  an  II).  André  Chénier  n'est  pas  seu- 
lement un  poète  des  plus  gracieux,  des  plus  mé- 
lodieux et  aussi  des  plus  savants  en  l'art  de  la 
versification,  il  a  été,  en  outre,  sinon  le  réforma- 
teur de  la  poésie  française,  du  moins  un  «  initia- 
teur »  et  un  «  rénovateur,  »  le  précurseur  du 
dix-neuvième  siècle. 

Saint-Lambert,  Lemierre,  l'abbé  Delille  étaient, 
dans  la  seconde  moitié  du  dix-huitième  siècle,  les 
(loètes  en  crédit.  Notre  poésie,  réduite  au  genre 
purement  descriptif,  avait  perdu  la  simpliciié,  la 
grâce,  la  vérité,  aussi  bien  que  l'enthousiasme,  la 
fraîcheur  et  jusqu'à  la  dernière  trace  d'inspiration 
lyrique.  Elle  languissait,  elle  n'avait  plus  d'âme. 
André  Chénier,  dans  la  fréquentation  des  poètes 
grecs,  retrouva  le  feu  sacré. 

Il  se  proposa  de  réchauffer  notre  poésie  au  con- 
tact du  génie  antique.  Comme  jadis  Ronsard,  mais 
avec  plus  de  tact  et  de  réserve,  il  voulut  emprun- 
ter aux  anciens  le  secret  de  leur  pureté  et  de  leur 
perfection  littéraire,  tout  en  restant  moderne  et 
français.  C'est  lui  qui  a  dit  : 

Sur  des  pensers  nouveaux  faisons  des  vers  antiques. 

Mais  l'époque  qui  vit  naître  notre  poète  était  peu 
favorable  à  la  littérature.  Bien  d'autres  réformes 
passionnaient  alors  les  esprits  que  la  réforme  du 
goîit,  et  lorsque  André  Chénier  mourut,  à  trente- 
ctun  ans,  ses  poésies  tontes  manuscrites  n'étaient 
connues  que  de  quelques  intimes,  de  quelques  dé- 
licats amis  des  lettres.  Ses  œuvres  ne  furent 
publiées  pour  la  première  fois  qu'en  1819,  c'est-à- 
dire  vingt-six  ans  après  sa  mort. 

André  Chénier  était  fils  d'un  consul  général  de 
France  et  d'une  jeune  Grecque  célèbre  par  son 
esprit  et  par  sa  beauté,  Santi  Lhomaka,  dont  la 
sœur  fut  la  grand'mère  de  M.  Thiers.  Tout  enfant, 
André  fut  confié  aux  soins  d'une  sœur  de  son  père, 
et  c'est  àCarcassonne,dans  le  bas  Languedoc,  sous 
le  soleil  du  midi  de  la  France,  qui  devait  tant  lui 
rappeler  le  soleil  de  l'Attique,  qu'il  promena  ses 
jeunes  rêveries.  Son  père  étant  venu  à  Paris,  il  fut 
mis  avec  ses  frères  au  collège  de  Navarre;  c'est  là 
qu'il  traduisit  les  poètes  grecs  dans  ses  heures  de 
loisir  :  sa  mère  lui  avait  appris  d-  bonne  heure 
à  en  goûter  la  grâce  et  la  délicatesse. 

Au  sortir  du  collège,  à  vingt  ans,  il  entra  comme 
sous-lieutenant  dans  le  régiment  d'Angouniois. 
Mais  la  vie  de  garnison,  oisive,  frivole,  ne  pouvait 
convenir  à  ses  gotits.  Au  bout  de  six  mois,  il  donne 
sa  démission,  revient  à  Paris,  se  remet  à  l'élude, 
recherche  le  commerce  de  tous  ceux  dont  il  aime 
le  savoi",  dont  il  admire  le  génie  et  qu'il  considère 
comme  ses  maîtres,  qu'il  se  propose  pour  modèles, 
artistes,  savants,  écrivains  :  David,  Le  Brun,  La- 
voisier. 

A  cette  époque,  André  ne  songeait  pas  exclusive- 


ment à  la  poésie,  il  abordait  avec  ardeur,  avec  pas- 
sion toutes  les  sciences.  Mais  ses  forces  le  trahirent  : 
par  suite  d'excès  de  travail,  il  tomba  dangereuse- 
ment malade;  ses  amis,  les  fr.TesTrudaine,  l'emme- 
nèrent avec  eux  en  Lalie;  en  1787,  il  partit  pour 
Londres  comme  attaché  à  l'ambassade  française;  il 
y  était  encore  quand  éclata  la  Révolution. 

André  Chénier  ne  s'était  jusqu'alors  occupé  que 
de  poésie  lyrique  et  d'imitation  des  poètes  grecs;  il 
avait  déjà  montré  à  quelques  amis  ses  idylles, 
ses  églogues,  quelques  fragments  de  poèmes  anti- 
ques; mais  ne  jugeant  point  son  talent  mûr,  amou- 
reux du  beau  et  difficile  pour  lui-môme,  il  conser- 
vait ses  manuscrits  pour  les  polir. 

Plus  tard  il  les  classa  lui-môme  en  trois  porte- 
feuilles; l'un  renfermait  les  morceaux  qu'il  jugeait 
à  peu  près  achevés  et  qu'il  destinait  à  une  publica- 
tion prochaine;  le  second,  ceux  qui  demandaient 
une  retouche;  le  troisième  portefeuilie  contenait 
des  ébauches,  des  esquisses,  des  projets. 

Les  événements  de  1789  éveillèrent  chez  lui  une 
autre  fibre  ;  le  poète  se  sentit  citoyen  :  «  Eût-il  été 
digne  de  la  poésie,  s'il  n'eût  aimé  la  liberté  ?  »  Il 
revint  à  Paris  et  d'abord  accueillit  avec  enthousiasme 
la  grande  émancipation.  Il  clianta  le  Jeu  de  Paume 
dans  une  ode  adressée  au  peintre  Louis  D^vid  : 

Reprends  ta  robe  d'or,  c^iiis  ton  riche  bandeau. 
Jeune  ef  divine  poésie  !, 

C'est  là  qu'il  salue 

La  sainte  Liberté,  fille  du  sol  français, 

et  qu'il  se  plaît  à  répéter  : 

. . .  que  la  liberté  mâle 
Des  arts  est  le  g^énie  beureui, 
Que  nul  talent  n'est  fils  de  la  faveur  royale, 
Qu'un  pays  libre  est  leur  terre  natale. 

C'est  là  qu'il  célèbre  en  strophes  enflammées  la 
prise  de  la  Bastille  : 

D'un  roi  facile  et  bon  corrupteurs  détrônés, 

Riez,  mais  le  torrent  s'amasse. 
Riez,  mais  des  volcans  les  feux  emprisonnés 
Bouillonnent.  Des  lions  si  longtemps  enchaînés 

Vous  n'attend  ez  plus  tant  d'audace  ! 
Le  peuple  est  réveillé.  Le  peuple  est  souverain.... 

Déraciné  dans  ses  entrailles, 
L'enfer  de  la  Bastille,  à  tous  les  vents  jeté, 
Vole,  débris  infâme  et  cendre  inanimée; 
Et  de  ces  grands  tombeaux,  la  belle  Liberté 

Altière,  étincelante,  armée, 

Sort.  Comme  un  triple  foudre  éclate  au  haut  descieux^ 
Trois  couleurs  dans  sa  main  agile 

Flottent  en  long  drapeau.  Son  cri  victorieux 

Tonne  :  à  sa  voix,  qui  sait,  comme  la  voix  des  dieux. 
En  homme  transformer  l'argile, 

La  terre  tressaillit  : 

Mais  déjà,  dans  cet  hymne  à  la  liberté,  André 
Chénier  marquait  bien  lès  limites  qu'il  ne  franchi- 
rait jamais,  et  tout  en  chantant  la  chute  de  la  ty- 
rannie, il  prémunissait  d'avance  l'opiniân  publique 
contre  une  autre  et  pire  forme  de  la  tyrannie  : 

Mais  au  peuple  surtout  sauvez  l'abus  amer 

De  sa  subite  indcpondanco. 
Contenez  dans  son  lit  cette  orageuse  mer, 

Dirigez  sa  bouillante  enfance! 

Peuple  !   ne  croyons  pas  que  tout  nous  soit  permis. 

Craignez  vos  courtisans  avides, 
0  peuple  souverain  !  A  votre  oreille  admis, 
'  Cent  orateurs  bourreaux  se  nomment  vos  amis. 

Us  soufûent  des  feux  homicides. 

Et  d'avance  (1791)  il  semble  prévoir  et  décrire- 
les  plus  hideuses  scènes  de  la  Terreur. 

Bientô;  il  va  plus  loin  :  son  caractère,  son  talent,. 
ses  liaisons  personnelles  lui  font  prendre  de  pluseri 
plus  en  horreur  les  jacobins.  Renonçant  à  la  langue 
des  muses,  il  se  jette  avec  passion  dans  l'arène  poli- 
tique. Il  se  présenta,  dans  l'automne  da  1791,  comme 


CHENIER 


—  393  — 


CHENIER 


candidat  à  l'Assemblée  législative  ;  ayant  échoué,  il 
demandaau  journalisme  la  tribune  dont  il  avait  be- 
soin. Il  attaqua  violemment  la  Révolution  dans  le 
Jowmalde  Paris,  organe  du  parti  feuillant  ou  roya- 
liste constitutionnel  ;  son  propre  frère  Marie-Joseph, 
patriote  exalté,  lui  répondit  dans  le  Moniteur,  et 
il  en  résulta  entre  eux  une  polémique  acerbe,  qui 
dura  six  mois,  et  qui  eut  alors  beaucoup  de  reten- 
tissement. C'est  dans  le  Journal  de  Paris  qu'An- 
dré Chénier  publia,  en  avril  1792,  la  satire  célèbre 
que  lui  inspira  la  fête  organisée,  sur  la  proposition 
de  Collot  d'Herbois,  en  l'honneur  des  soldats  suis- 
ses du  régiment  de  Châteauvieux,  qui  avaient  été 
condamnés  aux  galères  après  les  tristes  événe- 
ments de  Nancy,  et  que  l'Assemblée  législative 
venait  de  gracier.  Pour  la  postérité,  André  Ché- 
nier n'est  plus  qu'un  poète  harmonieux,  pur  et 
tendre  ;  elle  a  oublié  l'homme  politique.  Les  con- 
temporains, au  contraire,  ne  connurent  pas  le 
disciple  fervent  et  inspiré  des  muses  antiques  : 
ils  ne  voyaient  dans  André  Chénier  que  le  polé- 
miste ardent,  l'homme  de  parti,  intrépide,  mais 
emporté  et  quelquefois  injuste  :  c'est  ce  qui  expli- 
que —  sans  atténuer  le  crime  des  bourreaux  — 
comment  André  finit  par  devenir  victime  des 
haines  qu'il  avait  soulevées. 

Lors  de  la  condamnation  de  Louis  XVI,  il  rédi- 
gea pour  le  roi  une  lettre  éloquente  demandant 
l'appel  au  peuple.  Quelques  mois  plus  tard,  tandis 
que  son  frère  Marie  Joseph  faisait  applaudir  au 
théâtre  ses  tragédies  républicaines,  et  siégeait  à 
la  Convention  parmi  les  plus  fougueux  monta- 
gnards, André  écrivait  son  ode  à  Charlotte  Cor- 
day: 

Nnn,  non,  je  ne  veux  point  t'honorcrrn  ?ilenco. 
Toi  qui  crus  par  ta  mort  ressusciter  In  France, 
Et  dévouas  tes  jours  à  punir  des  forfaits, 

Fille  grande  et  sublime  ! 

in  scélérat  de  moins  rampe  dans  cette  fange  : 
La  vertu  t'applaudit  \ 

La  Terreur  avait  commencé  :  André  Chénier  dut 
se  cacher;  son  frère,  bien  que  leur  amitié  eût 
été  un  moment  troublée  par  les  dissentiments 
politiques,  lui  trouva  un  asile  à  Versailles.  Quand 
il  eut  rimprudence  d'en  sortir  à  la  fin  de  1793,  ' 
relevant  à  peine  d'une  grande  maladie,  la  si-  i 
tuation  était  bien  aggravée.  Son  frère  lui-même 
était  soupçonné  de  «.  modérantisme  ».  Un  hémis- 
tiche de  sa  dernière  tragédie  :  «  Des  lois  et  non 
du  sang!  »  passait  déjà  pour  un  mot  séditieux  à 
l'adresse  de  Robespierre.  Au  mois  de  mars  1794, 
André  apprend  l'arrestation  d'un  de  ses  amis,  M.  Pas- 
toret.  Il  va  porter  des  consolations  à  la  famille  du 
détenu.  Ce  jour-là  précisément  un  émissaire  du 
comité  de  sûreté  générale  y  faisait  une  visite  do- 
miciliaire. André  Chénier  ne  garda  pas  de  ménage- 
ments avec  lui  ;  le  misérable,  abusant,  comme  il 
n'était  que  trop  facile  à  une  telle  époque,  des 
moyens  dont  il  disposait,  le  fit  arrêter  et  conduire 
à  la  prison  de  Saint-Lazare.  Le  père  de  Chénier  et 
son  frère  Marie-Joseph  firent  en  vain  des  efforts 
désespérés  pour  obtenir  sa  mise  en  liberté.  La 
seule  chance  de  salut  était  de  le  laire  oublier,  on 
y  réussit  pendant  quelques  semaines.  Malheureu- 
sement son  père  finit  par  croire  qu'il  vaudrait 
mieux  tenter  de  le  défendre  ouvertement;  il  écri- 
vit un  mémoire,  fit  des  démarches  qui  ne  s-ervi- 
rent,  hélas!  qu'à  appeler  sur  le  malheureux  poète 
l'attention  de  Fouquier-Tinville.  Le  dossier  d'An- 
dré Chénier  qui  jusqu'alors,  grâce  à  la  connivence 
du  parquet,  avait  été  placé  le  dernier  sous  tous 
les  autres,  fut  demandé  par  l'accusateur  public, 
et  le  7  thermidor,  André  comparaissait  devant  le 
tribunal  révolutionnaire.  L'un  des  principaux  griefs 
relevés  contre  lui  fut  la  pièce  de  vers  où  il  avait  ' 
attaqué  Collot  d'Herbois  deux  ans  auparavant.  Le  I 
même  jour,  à  six  heures  du  soir,  il  fut  exécuté 
sur  la  place  de  la  barrière  du  Trône.  Deux  jours 


après,  le  9  thermidor  rendait  la  liberté  à  ceux  des 
prisonniers  que  l'échafaud  avait  épargnés  ;  quel- 
ques heures  de  silence  de  plus,  et  André  eût 
été  sauvé  sans  doute. 

Bien  des  détails  d'un  douloureux  intérêt  se  rap- 
portent à  ces  derniers  jours  de  sa  vie,  à  sa  capti- 
vité, à  sa  mort.  Dans  cette  prison  de  Saint-Lazare, 
il  retrouvait  la  même  illustre  société  qu'il  avait 
connue  ailleurs,  les  chefs  de  la  noblesse,  plusieurs 
de  ses  anciens  amis,  voués  à  la  mort  comme  lui.  Un 
épisode  surtout  de  ces  tristes  jours  nous  a  valu  un 
poème  immortel,  un  des  plus  purs  d'André  Ché- 
nier. Parmi  ses  compagnes  de  captivité  se  trouvait 
une  délicate  jeune  fille  de  dix-huit  ans.  M"'  de 
Coigny.  Elle  avait  peur  de  la  mort,  elle  pleurait; 
André  Chénier  l'entendit,  et  dans  les  loisirs  que 
lui  faisait  la  prison, 

Aux  douces  lois  des  vers  il  plia  les  accents 
De  sa  bouche  aimable  et  naïve. 

Ainsi  fut  composée  la  Jeune  Captive,  «  un  des 
chefs-d'œuvre  de  la  poésie  moderne  %  a  dit  Ville- 
main  :  c'est  bien  le  chant  d'adieu  d'une  jeune  fille, 
c'est  bien  l'accent  de  la  jeunesse,  le  parfum  de 
l'innocence,  c'est  bien  la  mobile  et  luxuriante  pro- 
fusion d'aimables  symboles  qui  plaît  à  une  imagi- 
nation de  dix-huit  ans,  c'est  bien  l'idéal  de  la 
grâce  virginale  renfermé  dans  une  élégie  antique 
du  plus  pur  dessin  : 

L'épi  naissant  mûrit  de  la  faux  respecté; 
Sans  crainte  du  pressoir,  le  pampre  tout  l'été 

Boit  les  doux  présents  de  l'aiiroie; 
Et  moi,  comme  lui  belle,  et  jeune  comme  lui, 
Quoi  que  l'heure  préseute  ait  de  trouble  et  d'ennui. 

Je  ne  veux  point  mourir  encore. 

Qu'un  stoïque  aux  yeux  secs  Tole  embrasser  la  mort. 
Moi  je  pleure  et  j'espère;  au  noir  souffle  du  nord 

Je  plie  et  relève  ma  tête. 
S'il  est  des  jours  amers,  il  en  est  de  si  doux! 
Hélas!  quel  miel  jamais  n'a  laissé  de  dégoùtsî 

Quelle  mer  n'a  point  de  tempête? 

L'illusion  féconde  habite  dans  mon  sein. 
Ij'une  prison  sur  moi  les  murs  pèsent  en  vain, 

J'ai  les  ailes  de  l'espérance. 
Echappée  aux  réseaux  de  l'oiseleur  cruel, 
Plus  vive,  plus  heureuse,  aux  campagnes  du  ciel 

Philomèle  chante  et  s'élance. 

Est-ce  à  moi  de  mourir?  Tranquille  je  m'endors. 
Et  tranquille  je  veille,  et  ma  veille  aux  remords 

Ni  mon  sommeil  ne  sont  en  proie. 
Ma  bienvenue  au  jour  me  rit  dans  tous  les  yeux  ; 
Sur  des  fronts  abattus  mon  aspect  en  ces  lieux 

Ranime  presque  de  la  joie. 

Mon  beau  voyage  encore  est  si  loin  de  sa  fin  I 
Je  pars,  et  des  ormeaux  qui  bordent  le  chemin 

J'ai  passé  les  premiers  à  peine. 
Au  banquet  de  la  vie  à  peine  commencé, 
Un  instant  seulement  mes  lèvres  ont  pressé 

La  coupe  en  mes  mains  encor  pleine. 

Je  ne  suis  qu'au  printemps,  je  veux  voir  la  moisson; 
Et  comme  le  soleil,  de  saison  en  saison, 

Je  veux  achever  mon  année. 
Brillante  sur  ma  tige  et  l'honneur  du  jardin, 
Je  n'ai  vu  luire  encor  que  les  feux  du  matin; 

Je  veux  achever  ma  journée. 

C'est  aussi  dans  cette  prison  de  Saint-Lazare- 
qu'André  Chénier  écrivit  ces  vers  si  souvent  cités,, 
interrompus,  dit  une  légende,  apocryphe  du  reste,, 
par  l'arrivée  du  «  messager  de  mort  »  : 

Comme  un  dernier  rayon,  comme  un  dernier  zépbyre. 

Anime  la  fm  d'un  beau  jour. 
Au  pied  de  l'échafaud  j'essaie  encor  ma  lyre. 
Peut-être  est-ce  bientôt  mon  tour; 

Peut-être  avant  que  l'heure  en  cercle  promenée 

Ait  posé  sur  l'émail  brillant, 
Dans  les  soixante  pas  où  sa  route  est  bornée, 

Son  pied  sonore  et  vigilant, 

Le  sommeil  du  tombeau  fermera  ma  paupière  t 
Avant  que  de  ses  deu.x  moitiés 


GHÉNIER  —  396  — 


CHENIER 


Ce  Tcrs  que  je  commence  ait  att(  iiit  la  dernière, 
Peut-èlre  en  ces  murs  effrayés 

Lemes?agor  de  mort,  noir  recruteur  des  ombres. 

Escorté  d'infâmes  soldats, 
Remplira  de  mon  nom  ces  longs  corridors  sombres. 


Nous  avons  tenu  à  reproduire  ici  ces  quelques  i 
fragments  qui  doivent  rester  dans  toutes  les  me-  1 
moires.    C'est  qu'en  effet,  bien    que  Cliénicr  soit 
peut-être,  comme  le  dit  Sainte-Beuve,  <•  notre  plus 
grand  classique  en  vers  depuis  Racine  et  Boileau.  »  i 
ses  œuvres  sont  loin  de  se  trouver  partout  ;  nous 
ne    nous    dissimulons   pas   qu'il    n'aura   probable-  | 
ment  jamais  chez  nous  dans  l'enseignement  popu- 
laire la  place  d'honneur  que  lui  donne  la  critique 
littéraire. 

Bien  des  raisons  l'empêcheront  toujours  d'être 
un  poète  populaire.  Outre  que  ses  œuvres  sont  peu 
nombreuses,  qu'elles  consistent  presque  toutes  en 
fragments  inachevés,  que  beaucoup  appartiennent 
à  un  genre  léger  ou  portent  sur  des  données 
païennes,  son  talent,  qui  excelle  surtout  par  l'ex- 
quise élégance  de  la  forme,  par  une  harmonie  et 
une  finesse  toutes  grecques,  n'éveille  que  difficile- 
ment la  sympathie  chez  les  esprits  qui  n'ont  pas 
fait  de  la  poésie  et  surtout  de  la  poésie  antique 
une  étude  assidue. 

Il  y  a  cependant,  si  nous  ne  nous  trompons,  un 
côté  par  où  la  poésie  de  Ghénier  appartient  même 
à  l'enseignement  populaire  et  peut  être  comprise 
de  tous  :  c'est  cet  amour  de  la  nature,  c'est  cette 
vive  et  gracieuse  peinture  des  champs  où  il  se 
complaît  et  qui  lui  a  fait  trouver,  à  travers  l'imita- 
tion ou  le  souvenir  des  Grecs,  tant  de  ces  ravissan- 
tes épithètes.  de  ces  images  pleines  de  vie,  de  ces 
descriptions  qui  tiennent  eu  quelques  mots  d'une 
saveur  champêtre  et  qu'on  n  oublie  pas.  N'est-ce 
pas  lui  qui  écrit  ces  deux  vers  : 

0  sauterelle,  ô  toi,  rossignol  des  fougères, 
0  toi,  verte  cigale,  amante  des  bruyères  '. 

N'est-ce  pas  lui  qui,  en  un  siècle  où  l'on  ne  con- 
naissait guère  la  nature  que  par  les  fadeurs  d'une 
poésie  pastorale  toute  de  convention,  écrit  ces 
vers  sur  la  Suisse  : 

Oh  !  que  ne  suis-je  enfant  de  ce  lac  enchanté 

Ou  trois  pâtres  héros  ont  à  la  liberté 

Rendu  tous  leurs  neveux  et  l'Holvétio  entière  ! 

Faible,  dormant  encor  sur  le  sein  de  ma  mère, 

Oh  !  que  n'ai-je  entendu  ces  bondissantes  eaux, 

Ces  fleuves,  ces  torrents  qui  de  leurs  froids  berceaux 

Viennent  du  bel  Hasli  nourrir  les  doux  ombrages  ! 

Hasli  !  frais  Elysée  !  honneur  des  pâturages  ! 

Lieu  qu'avec  tant  d'amour  la  natiu-e  a  formé, 

Où  l'Aar  roule  un  or  pur  en  son  onde  semé. 

Là.  je  verrais,  assis  dans  ma  grotte  profonde, 

La  E^énisse  traînant  sa  mamelle  féconde, 

Profliïuant  à  ses  fils  ce  tré?or  indulgent, 

A  pas  lents  agiter  sa  cloche  au  son  d'argent, 

Promener  près  des  eaux  sa  tète  nonchalante, 

Ou  de  son  large  flanc  presser  l'herbe  odorante. 

Xe  soir,  lorsqu'au  plus  loin  s'étend  l'ombre  dos  monts. 

Ma  conque  rappelant  les  troupeaux  vagabonds 

Leur  chanterait  cet  air  si  doux  à  ces  campagnes, 

Cet  air  que  d'Appenzell  répètent  les  montngnes. 

Là  brûlant  sous  la  cendre,  à  la  fuite  du  jour. 

Un  mélèze  odorant  attendrait  mon  refour, 

Une  rustique  épouse  et  soigneuse  et  zélée 

M'offrirait  le  doux  miel,  les  fruits  de  mon  verger. 

Et  cependant  sa  voix  simple,  douce  et  légère. 

Me  chanterait  les  airs  que  lui  chantait  sa  mère  ! 

Ailleurs,  avec  quelle  grâce  pénétrante  et  vraie 
il  a  su  dépeindre  les  paysages  français, 

L'indomptable  Garonne  aux  vagues  insensées. 
Le  Rhône,  impétueux  fils  des  Alpes  glacées, 
La  Seine  au  flot  royal,  la  Loire,  dans  son  sein 
Incertaine,  et  la  Saône  et  mille  autres  enfin 
Qui  nourrissent  partout  sur  tes  nobles  rivages 
Fleurs,  moissons  et  vergers  et  bois  et  pâtiir^iges. 

Toutes  ces  citations  prises  au  hasard  sont  bien 


peu  pour  apprécier  André  Chénier.  Elles  suffisent 
du  moins  pour  donner  même  à  ceux  qui  ne  le 
liront  jamais  tout  entier,  quelque  idée  de  ce  qu'il 
a  été,  hélas  !  et  de  ce  qu'il  eût  pu  être.  Il  y  a  un 
mot  de  lui  que  nous  ne  voudrions  pas  oublier,  parce 
qu'il  donne  le  secret  de  ce  charme  particulier  qui 
lui  appartient  et  qui  le  fait  tant  aimer  : 

L'art  ne  fait  que  des  vers,  le  cœur  seul  est  poète. 

Appi-éciation  de  quelques  critiques.  —  «  André 
Chénier  vivant  eût  été  le  grand  poète  français, 
immédiatement  antérieur  à  M.  de  Chateaubriand, 
lequel  date  du  christianisme  renaissant,  du  culte 
restauré,  et  d'un  ordre  de  sentiments  spiritualistes 
que  le  génie  d'André  Chénier  n'eût  sans  doute  pas 
accueilli.  Ils  eussent  eu  de  commun  pourtant  et 
d'étroitement  rapproché  l'adoration  du  beau  an- 
tique. Mais  la  destinée  d'André  Chénier  fut  autre; 
la  hache  intercepta  cette  seconde  moitié  de  sa  vie. 
Ce  qu'il  avait  écrit  dans  la  première  et  au  sein 
d'une  retraite  d'étude  et  d'intimité  ne  parut  que 
trente  ans  plus  tard  :  et  il  se  trouva,  par  son  in- 
fluence au  milieu  de  la  restauration,  contemporain 
de  Lamartine,  de  \.  Hugo,  de  Béranger.  Grâce  à 
cet  anaclironisme  qui  eût  glacé  tant  d'autres,  les 
poésies  d'André  Chénier,  nées  comme  à  part  de 
leur  siècle,  ne  pouvaient  tomber  plus  à  propos,  et 
elles  se  firent  bien  vite  des  admirateurs  d'élite  qui 
les  poussèrent  au  premier  rang  dans  l'estime. 

«  L'influence  posthume  d'André  Chénier  sur  nos 
poètes  contemporains  fut  grande,  et,  selon  moi, 
presque  toujours  heureuse.  ».      (Sainte-Beuve.) 

—  «  Quoiqu'il  fût  aisé  de  choisir,  dans  les  essais 
didactiques  d'André  Chénier,  des  vers  pleins  d'art 
et  de  goût  digues  de  plus  sévères  modèles,  son 
charme  est  surtout  dans  ces  pièces  inventées 
d'après  les  Grecs,  dans  ces  idylles  retrouvées,  où 
l'imagination  seule  s'est  donné  l'émotion  immé- 
diate et  pittoresque  d'un  temps  qui  n'est  plus.  Tels 
sont  :  V Aveugle,  \q  Jeune  Malade.  "Enfin,  ce  charme 
se  retrouve,  plus  grand  peut-être,  dans  l'émotion 
intime  du  poète,  attendri  sur  le  sort  de  la  Jeune 
Captive.  Bien  qu'André  Chénier  soit  un  poète  ha- 
bile, ce  qu'il  est  surtout,  c'est  un  poète  ému.  Son 
art  est  plein  de  candeur.  Rien,  dans  notre  langue, 
ne  surpasse  la  douceur  gracieuse  et  passionnée  de 
ses  élégies  :  c'est  la  seule  idée  qu'il  nous  soit  per- 
mis d'en  donner  ici.  Je  ne  puis  vous  lire  même  cette 
idylle  si  pure,  le  Jeune  Ma  ade,  où  les  plus  char- 
mants souvenirs  de  la  Grèce,  l'ardeur  de  la  ten- 
dresse d'une  mère,  le  désespoir  et  la  joie  de 
l'amour,  sont  retracés  avec  une  ineffable  harmo- 
nie. Les  vers  les  plus  mélodieux  de  Lamartine  ont 
reçu  peut-être  l'inspiration  de  cette  poésie  et  ne 
l'ont  point  effacée.  Et  puis  n'oublions  pas  cette 
autre  idylle  qui,  comme  Y Aristonoûs  de  Fénelon, 
semble  une  page  d'un  manuscrit  grec,  mais  tra- 
duite par  quelque  chose  de  mieux  qu'un  moderne, 
cette  touchante  et  sublime  idylle  de  V Aveugle.  » 
(Villemain.) 

—  «  La  lecture  des  œu\Tes  d'André  Chénier 
assure  à  l'auteur  de  V Aveugle  et  de  la  Jeune  Cap- 
tive un  rang  glorieux  et  irrévocable.  Bien  que  les 
poèmes  que  nous  connaissons  soient  peu  nombreux, 
ils  sont  empreints  d'une  telle  beauté,  dune  si  har- 
monieuse élégance,  que  l'admirateur  ne  les  aban- 
donnera jamais,  o  (Gustave  Planche.) 

—  «  André  Chénier  est  un  poète  grec,  mais  il 
vit  du  souffle  dt:s  âges  modernes  ;  la  nouveauté 
de  son  génie  est  dans  l'intime  fusion  de  ces  deux 
natures.  Gardons-nous  bien  de  conclure  que.  fana- 
tique admirateur  de  la  Grèce,  il  frappe  d'anathème 
tout  ce  qui  n'est  pas  elle  :  loin  de  là,  c'est  l'origi- 
nalité qu'il  enseigne  au  nom  des  Grecs  Le  4)remier 
de  ses  poèmes  est  un  hymne  en  l'honneur  de  l'ins- 
piration. Imitez  les  Grecs  ;  il  entend  par  là  :  soyez 
comme  eux  de  votre  nation,  soyez  de  votre  temps, 
soyez  vous-même  :  il  faut 


CHEVAL  —  397  — 


CHEVAL 


Faire,  en  s'éloignant  d'eux  avec  un  soin  jaloux. 

Ce  qu'eux-même  ils  feraient,  s'ils  vivaient  parmi  vous. 

Il  avait  senti,  en  écrivant,  que  toute  pensée  puis- 
sante se  crée,  tout  d'abord,  sa  forme  à  elle-même. 
Voilà  par  où  il  était  novateur  ;  mais  il  voulait  aussi, 
et  par  là  il  se  rattachait  aux  élégantes  traditions  du 
dix-septième  siècle,  que  cette  expression,  née  du 
même  jet  que  la  pensée,  se  façonnât  et  s'arrondît, 
pour  ainsi  dire,  sous  la  main  patiente  de  l'artiste. 

Les  manuscrits  de  Chénier  qu'on  a  retrouvés  et 
bliés  punous  révèlent  bien  sa  manière  de  compo- 
ses, qui  résultait  de  l'extrême  mobilité  de  sa  pen- 
rée  et  de  son  imagination.  D'abord  il  conçoit  le 
plan  dans  sa  tête,  puis  il  jette  rapidement  sur  le 
papier  la  suite  incomplète  de  ses  idées.  La  plume 
ne  peut  suivre  le  mouvement  impétueux  de  sa 
pensée,  et  laisse  à  peine  après  elle  quelques  mots 
qui  indiquent  que  la  poésie  a  passé  par  là,  mais 
qu'elle  doit  y  repasser.  Ce  sont  des  phrases  ina- 
chevées, des  mots  tracés  à  demi  ;  puis,  par  mo- 
ment, la  pensée  s'arrête,  l'inspiration  s'en  empare, 
et  de  la  plume  du  poète  tombe  un  de  ces  délicieux 
fragments  qui  éclatent  çà  et  là  sur  l'informe  cane- 
vas. Ensuite  le  poète,  redescendu  tout  d'un  coup 
à  la  prose,  continue  en  courant  son  plan  enflammé. 
Ce  plan  achevé,  il  le  laisse  là  parmi  d'autres  ; 
quelque  jour  il  le  reprendra. 

Il  explique  quelque  part  ce  travail  de  sa  pensée  : 
un  importun  lui  demande  des  nouvelles  de  ses 
diverses  œuvres  comuiencées,  il  lui  répond  par 
une  magnifique  description  du  travail  des  fondeurs, 
et  il  ajoute  : 

Moi  je  suis  ce  fondeur.  De  mes  écrits  en  foule 
Je  prépare  longtemps  et  la  forme  et  le  moule, 
Puis  sur  tous  à  la  fois  je  fais  couler  l'airain. 
Rien  n'est  fait  aujourd'hui,  tout  sera  fait  demain. 

Hélas  !  pour  ces  admirables  ébauches  le  len- 
demain ne  vint  pas!  »  (A.  de  Latour.) 

CHEVAL  LT  RACES  CHEVALINKS.  —  Agri- 
culture, XIV.  —  Le  cheval  représente,  parmi  les 
animaux  domestiques,  le  type  le  plus  complet  du 
moteur  animé  :  sa  raison  d'être  est  de  servir  d'a- 
gent pour  les  travaux  les  plus  variés.  La  domesti- 
cation du  cheval  remonte  aux  premiers  âges  de 
l'humanité  ;  toujours  il  a  été  produit  pour  le  même 
but,  donner  du  travail.  Ce  travail  est  de  diverses 
sortes,  suivant  qu'on  demande  au  cheval  de  porter 
l'homme  ou  de  traîner  des  fardeaux  plus  ou  moins 
lourds  à  des  allures  plus  ou  moins  rapides.  De  là 
la  distinction  de  chevaux  de  selle,  de  chevaux  de 
service  ou  de  luxe,  de  chevaux  de  trait  léger  et 
de  chevaux  de  gros  trait.  Les  agriculteurs  produi- 
sent toutes  ces  variétés  de  types,  dans  des  propor- 
tions plus  ou  moins  considérables  suivant  les  con- 
ditions dans  lesquelles  ils  sont  placés,  et  suivant  les 
débouchés.  La  remonte  de  1  armée  forme  aujour- 
d'hui en  France  un  des  principaux  débouchés  pour 
les  chevaux  de  selle  et  ceux  de  trait  léger  ;  le  com- 
merce prend,  au  contraire,  les  chevaux  de  service 
formés  pour  traîner  à  des  allures  vives  des  voi- 
tures légères  ;  quant  aux  chevaux  de  gros  trait, 
ils  sont  surtout  achetés  par  les  entreprises  de 
roulage  et  de  transport,  et  par  les  agriculteurs.  Il 
y  a  quelques  races  dont  les  sujets  répondent  di- 
rectement à  l'un  de  ces  buts  déterminés  :  tels  sont 
le  cheval  arabe,  parmi  les  chevaux  de  selle;  le 
cheval  de  race  boulonnaise,  pour  les  chevaux  de 
gros  trait  ;  le  cheval  de  race  percheronne,  pour  le 
cheval  de  trait  léger.  Mais  le  plus  souvent,  la  plu- 
part des  races  répondent  incomplètement  à  un 
but  déterminé  précis  ;  les  efforts  des  éleveurs  doi- 
vent tendre  à  en  corriger  les  défauts  et  à  en  déve- 
lopper les  aptitudes. 

L'élevage  du  cheval  demande  les  plus  grands 
soins.  En  outre,  il  faut  aux  jeunes  poulains  de 
l'espace  pour  prendre  leurs  ébats  dès  le  premier 


âge.  Enfin,  à  toutes  les  époques  de  sa  vie,  le 
clieval  exige  une  nourriture  substantielle.  Il  ne 
faut  donc  entreprendre  l'élevage  que  lorsque  les 
conditions  nécessaires  sont  réunies.  La  bonne  ali- 
mentation et  l'hygiène  doivent  surtout  entrer  en 
ligne  de  compte.  Souvent  les  écuries  sont  mal  dis- 
posées au  point  de  vue  de  la  salubrité;  elles  sont 
trop  peu  aérées  et  la  litière  est  souvent  entassée- 
pendant  trop  longtemps  sous  les  pieds  des  ani- 
maux. Pour  le  cheval  plus  que  pour  tout  autre  ani- 
mal, la  propreté  est  une  condition  indispensable 
de  la  santé. 

La  plupart  des  chevaux  de  selle  et  de  service 
doivent  être  castrés  pour  satisfaire  aux  exigences- 
du  commerce.  L'opération  de  la  castration  doit  être 
faite  dès  le  premier  âge,  dès  que  l'animal  a  été 
reconnu  par  l'éleveur  comme  ne  présentant  pa& 
les  qualités  requises  pour  être  conservé  en  vu& 
de  la  reproduction.  Autant  que  possible,  le  jeune 
cheval  doit  être  castré  avant  le  sevrage  L'opéra- 
tion, qui  doit  être  faite  par  un  médecin  vétérinaire, 
ne  présente  alors  aucun  danger,  et  elle  atteint 
complètement  le  but  qu'on  en  attend. 

Examinons  maintenant  les  principaux  types  de 
chevaux. 

Le  cheval  de  selle  peut  être  considéré  comme 
parfaitement  représenté  par  le  cheval  anglais  de 
pur  sang  La  tête  est  fine,  avec  un  œil  vif,  des 
oreilles  petites  et  mobiles,  bien  plantées  sur  la 
tôle.  Le  corps  est  élancé  ;  l'encolure  mince,  longue- 
et  droite,  la  poitrine  étroite,  mais  profonde  ;  le 
dos  court,  la  croupe  large,  droite  et  bien  remplie. 
Les  jambes  sont  longues  et  fines,  l'épaule  est  in- 
clinée en  avant.  Ce  type  n'est  pas  exactement 
celui  de  l'étalon  entraîné  pour  les  courses  à 
grande  vitesse  ;  mais  ce  dernier  est  un  produit 
artificiel  dans  lequel  les  qualités  de  forme  du  che- 
val de  selle  sont  exagérées  au  point  de  devenir 
parfois  de  véritables  défauts. 

Le  cheval  de  service  ou  'de  luxe  est  très  bie» 
représenté  par  le  cheval  de  demi-sang  anglo-nor- 
mand. Sa  taille  est  de  l^iGO  environ.  La  tête,  quoi- 
que un  peu  grosse,  ne  manque  pas  d'élégance, 
quand  le  chanfrein  est  droit.  L'encolure  est  plus 
courte  que  dans  le  cheval  de  selle,  et  l'épaule 
mieux  garnie  de  muscles.  Le  corps,  quand  l'animal 
est  en  bon  état  d'entretien,  est  cylindrique,  sans 
maigreur  sur  les  côtes.  La  croupe  est  large  et 
ample  ;  les  membres  sont  musculeux,  mais  encore 
assez  fins.  La  poitrine  doit  être  bien  développée, 
large  et  profonde. 

Le  cheval  boulonnais  est  le  type  du  cheval  de 
gros  trait.  Sa  taille  est  élevée;  la  tête  est  forte, 
avec  la  bouche  petite,  les  ganaches  lourdes,  l'œil 
ouvert,  mais  petit.  «  Le  col  est  épais,  dit  A.  San- 
son,  donnant  à  l'attache  de  la  tête  un  empâtement 
peu  gracieux;  l'encolure  forte,  rouée,  paraît 
courte;  elle  porte  une  crinière  toufl'ue  et  double, 
rarement  longue;  le  poitrail  est  large  et  très- 
proéminent;  la  poitrineample,  à  côtes  très  arquées;, 
le  garrot  bas  et  noyé  dans  les  masses  musculaires 
latérales  ;  le  dos  est  un  peu  bas  ;  les  reins  sont 
courts  et  larges  ;  la  croupe  est  courte  et  arrondie, 
fortement  musclée,  faisant  saillie  en  arrière  de» 
lombes  et  divisée  par  un  sillon  médian  ;  la  queue 
est  touffue.  Le  corps  est  court,  cylindrique,  près 
de  terre.  L'épaule  est  peu  oblique,  bien  unie  à  la 
naissance  de  l'encolure;  les  membres  forts,  aux 
articulations  puissantes  et  larges,  ont  des  tendons 
volumineux  et  bien  écartés  des  canons  courts  et  so- 
lides ;  le  pied  est  bon.  »  Le  cheval  de  gros  trait 
est  généralement  aussi  remarquable  par  sa  doci- 
lité que  par  sa  puissance  et  son  énergie. 

Le  cheval  de  trait  léger  est  parfaitement  caracté- 
risé par  le  cheval  percheron.  Ce  cheval,  d'un  tem- 
pérament vif,  est  alerte,  énergique  et  propre  à 
traîner  à  des  allures  rapides  de  lourdes  charges. 
('.  Les  grands  trotteurs  n'y  sont  pas  rares.  La  tôte 


CHEVAL 


—  398  — 


CHEVALERIE 


paraît  souvent  un  peu  grosse,  mais  l'œil  est  si  vif 
«t  la  physionomie  si  intelligente  qu'elle  ne  manque 
pas  pour  cela  d'élégance.  L'encolure  est  générale- 
ment de  moyenne  longueur,  mais  bien  musclée  et 
ornée  de  crins  longs  et  fins.  Le  corps  est  cylindri- 
que, avec  une  poitrine  à  côtes  bien  arquées.  La 
croupe  est  arrondie,  fortement  musclée,  souvent 
un  peu  avalée  chez  les  juments,  et  l'attache  de  la 
queue  un  peu  basse.  Les  membres  sont  forts,  à 
larges  articulations,  bien  musclés,  avec  un  petit 
bou<|uet  de  crins  seulement  en  arrière  de  l'articu- 
lation du  boulet.  Les  paturons  sont  généralement 
un  peu  courts,  et  tous  les  angles  des  membres,  par 
-corrélation  naturelle,  plus  ou  moins  obtus  (A.  San- 
son).  »  Ainsi,  entre  le  cheval  de  gros  trait  et  ce- 
lui de  trait  léger,  il  n'y  a  qu'une  différence  de  vo- 
lume et  de  taille.  Cela  se  comprend  d'ailleurs, 
puisque  le  but  de  leur  production  est  tout  à  fait 
analogue,  et  qu'il  ne  présente  que  des  différences 
de  détail. 

Toutes  les  races  de  chevaux  n'appartiennent  pas 
à  une  espèce  unique.  Les  études  scientifiques  mo- 
dernes ont  permis  de  déterminer  le  nombre  et  les 
•caractères  de  chaque  espèce.  C'est  à  M  A.  Sanson, 
professeur  de  zootechnie  à  l'Ecole  d'agriculture  de 
ôrignon,  que  revient,  comme  pour  les  races  bovi- 
nes, l'honneur  d'avoir  jeté  la  lumière  dans  cette 
•question,  et  d'avoir  substitué  une  classification 
scientifique  aux  anciennes  énumérations  plus  ou 
moins  confuses. 

Les  huit  grandes  races  de  chevaux  sont  : 

1"  La  race  asiatique,  qui  comprend  les  variétés 
■arabe,  anglaise  de  course,  des  landes  de  Bretagne, 
du  Limousin,  de  l'Auvergne,  des  landes  de  Gasco- 
gne, de  l'Aude,  de  la  Camargue,  de  la  Corse,  de  la 
Sardaigne,  de  la  Lorraine,  etc. 

2"  La  race  africaine,  que  l'on  confond  souvent 
•avec  le  type  asiatique  ou  syrien,  et  qui  comprend 
la  variété  barbe  ou  berbère. 

3°  La  race  irlandaise,  originaire  de  l'île  de  ce 
nom,  à  laquelle  appartiennent  les  variétés  des  po- 
neys, de  Shetland  et  bretonne. 

4°  La  race  britannique,  confinée  des  deux  côtés 
■du  détroit  du  Pas-de-Calais,  race  de  gros  trait,  qui 
se  subdivise  aujourd'hui  en  variétés  de  Suffolk  et 
de  Norfolk,  boulonnaise,  cauchoise. 

5"  La  race  germanique,  dont  l'origine  est  dans 
l'ancienne  Germanie,  et  qui  comprend  les  variétés 
-allemande,  italienne,  comtoise  et  normande. 

tjo  La  race  frisonne,  originaire  des  plaines  de  ce 
nom,  et  qui  comprend  les  variétés  hollandaise,  fla- 
mande et  picarde,  poitevine  et  clydesdale. 

7  La  race  belge,  race  de  gros  trait,  qui  s'est  sub- 
divisée en  plusieurs  variétés,  dont  les  principales 
sont  celles  du  Brabant  et  des  Ardennes. 

8°  La  race  séquanaise  ou  du  bassin  de  la  Seine, 
qui  comprend  deux  variétés  désignées  l'une  et 
l'autre  sous  le  nom  de  variétés  percheronnes,  et 
qui  ne  diffèrent  que  par  la  taille  et  le  poids. 

De  l'union  de  quelques-unes  de  ces  races  sont 
nées  des  populations  métisses,  dont  quelques-unes 
ont  aujourd'hui  une  grande  importance.  Les  prin- 
cipales, pour  la  France,  sont  les  Anglo-Normands, 
les  Anglo-Poit(!vins,  les  Anglo-Bretons.  Dans  cha- 
cun de  ces  cas,  on  a  essayé  de  transformer  des 
variétés  déterminées  par  l'infusion  du  sang  de  la 
race  asiatique,  en  se  servant  du  cheval  anglais  dit 
de  pur  sang.  Des  résultats  très  remarquables  ont 
été  parfois  obtenus,  notamment  en  Normandie  ; 
mais  la  plupart  du  temps  ces  résultats  ne  sont  que 
temporaires,  et  il  faut  avoir  souvent  recours  an  re- 
producteur de  pur  sang  pour  maintenir  les  résul- 
tats cherchés. 

Eu  terminant,  il  faut  insister  sur  ce  fait  que, 
pour  tirer  d'un  cheval  le  nieilleur  parti  possible, 
il  ne  suffit  pas  que  l'animal  possède  de  bonnes 
qualités,  il  faut  encore  qu'il  soit  conduit  avec  mé- 
thode et  régularité.  La  bon  conducteur  saura  tirer 


parti  d'une  bête  môme  médiocre  ;  un  conducteur 
inhabile  empêchera  une  bonne  bête  de  produire 
son  eff<;t  utile. 

Institntions  hippiques.  —  En  vue  d'améliorer  ia 
production  du  cheval  en  France,  le  gouvernement 
a  créé  plusieurs  établissements  destinés,  les  uns  à 
la  produciion  directe,  les  autres  à  fournir  aux 
propriétaires  des  étalons  de  choix  auxquels  ils 
peuvent  amener  leurs  juments.  Les  pretnicrs  sont 
les  haras  ;   les  autres  sont   dits  dépôts   d'étalons. 

En  vertu  de  la  loi  du  l"  août  1874,  tous  les  che- 
veaux  sont  soumis  à  un  recensement  annuel.  Ce 
recensement  a  pour  but  d'immatriculer  et  de  clas- 
ser les  cheveaux  propres  au  service  de  l'armée  et 
qui  peuvent  être  requis  par  l'autorité  militaire  en 
cas  de  mobilisation. 

Vices  rcdhihitoires.  —  La  loi  du  20  mai  18-38  a 
fixé  les  maladies  ou  vices  qui,  dans  l'achat  des  che- 
vaux et  des  mulets,  peuvent  autoriser  une  action 
en  nullité  de  la  vente.  Ces  vices,  dits  rédhibitoires, 
sont  :  la  fluxion  périodique  des  yeux  ;  —  l'épilepsie 
ou  mal  caduc;  —  la  morve;  —  le  farcin  ;  —  les 
vieilles  courbatures  ou  maladies  anciennes  de  poi- 
trine ;  —  l'immobilité;  —  la  pousse  ;  —  le  cornage 
chronique;  —  le  tic  sans  usure  des  dents;  —  les 
hernies  inguinales  intermittentes;  —  la  boiterie 
intermittente  pour  cause  de  vieux  mal.  Pour  être 
valable,  l'action  en  nullité  de  la  vente  doit  être 
exercée  dans  les  neuf  jours,  non  compris  celui 
de  la  livraison  du  cheval.  Toutefois,  pour  la  flu- 
xion périodique  des  yeux  et  le  mal  caduc,  le  délai 
est  fixé  5,  .30  jours.  [Henri  Sagnier.] 

Ouvrages  à  consulter.  —  Le  livre  de  la  ferme  et 
des  maisons  de  campagne.  —  A.  Sanson,  Traite'  de  zootech- 
nie ou  économie  du  bétail.  —  Richard  (du  Cantal),  Etude 
du  cheval  de  sercice  et  de  guerre. 

CHEVALERIE.  —  Origines.  —  «  Chez  les  Ger- 
mains, dit  Tacite,  c'est  la  dignité,  c'est  la  puissance 
d'être  toujours  entouré  d'une  nombreuse  troupe 
de  jeunes  hommes  d'élite  ;  c'est  un  ornement  pen- 
dant la  paix,  un  rempart  pendant  la  guerre.  »  Ces 
guerriers  contractaient  ainsi  entre  eux  une  sorte 
de  fraternité  d'armes,  et  lorsque  leur  pays  n'offrait 
plus  d  occasions  de  s'illustrer,  ils  partaient  cher- 
cher la  gloire  et  le  butin  dans  des  expéditions  loin- 
taines, et  le  plus  souvent  ils  s'engageaient  à  ne  pas 
revenir  avant  d'avoir  accompli  un  certain  nombre 
d'exploits.  Cette  association  guerrière  fut  l'origine 
et  le  principe  de  la  chevalerie.  «  Le  christianisme 
vint  donner  une  direction  plus  utile  à  cette  ardeur 
belliqueuse.  »  Chéruel.)  Il  consacra  la  force  à  la 
défense  des  faibles,  de  l'église  et  de  la  foi.  Au 
onzième  siècle,  la  chevalerie  tendit  à  s'organiser, 
à  devenir  un  corps  réîculier  soumis  à  des  règles 
plus  ou  moins  bien  pratiquées,  mais  généralement 
appliquées  et  reconnues.  Elle  fut  un  ordre  consti- 
tué, et  il  fallut  un  noviciat  pour  mériter  den  faire 
partie. 

Organisation.  —  L'état  de  chevalier  était  le  but 
et  l'ambition  de  tout  jeune  noble.  Dès  1  âge  de  sept 
ans,  l'enfant  était  enlevé  aux  mains  des  femmes  et 
placé  à  la  cour  de  quelque  grand  seigneur,  le  plus 
souvent  auprès  du  suzerain  de  son  père,  pour  se 
former  h.  la  chevalerie.  «  C'est  un  bel  usage  de 
notre  nation,  dit  Montaigne,  qu'aux  bonnes  mai- 
sons nos  enfants  soient  reçus  pour  y  être  nourris 
et  élevés  pages  comme  en  une  école  de  noblesse.  » 
Dans  le  château  l'enfant  était  dressé  à  la  guerre 
par  des  exercices  continuels,  qui  développaient  sa 
vigueur  et  l'accoutumaient  à  se  jouer  aisément 
sous  l'énorme  poids  des  armures  du  temps.  «  Le 
matin  vous  voyez  la  cour  se  remplir  de  piqueurs, 
de  pages  qui  font  faire  à  leurs  chevaux  mille  diffé- 
rentes voltes.  Quelquefois  des  damoiseaux,  dont 
plusieurs  sont  des  prodiges  de  force,  assaillent  ou 
défendent  pendant  plusieurs  heures  avec  leurs 
longues  piques  ferrées  un  petit  carré  de  fumier  ou 
une  petite  butte  de  terre,  aux  applaudissemeuts 


CHEVALERIE 


—  399 


CHEVALERIE 


des  spectateurs.  «  (Monteil.)  D'autres  jours,  c'était 
la  chasse  où  le  jeune  page  portait  avec  grâce  le 
faucon  de  la  noble  châtelaine  dont  il  était  le  ser- 
viteur courtois  et  empressé.  Enfin,  le  soir,  on  se 
réunissait  dans  les  grandes  salles  voûtées,  aux 
croisées  en  ogive,  aux  vitres  peintes,  aux  grandes 
armoires,  sculptées  en  fenêtre  d'église  avec  des 
bas-reliefs  représentant  l'enfer  et  le  purgatoire  ; 
sur  les  murs  des  personnages  peints  tenant  à  la 
main  des  rouleaux  où  étaient  écrites  de  belles  sen- 
tences, ou  bien  les  armures  des  anciens  chevaliers 
■qui  rappelaient  leurs  exploits.  C'était  alors  l'aumô- 
nier qui  racontait  ses  pèlerinages,  et  les  dangers 
dont  l'avait  sauvé  l'intervention  d'un  chevalier  va- 
leureux. C'était  le  seigneur  qui  rappelait  quelqu'un 
des  hauts  faits  de  sa  jeunesse,  quand  il  courait 
aventures  au  service  de  Dieu  et  de  sa  dame. 
C'étaient  «  parfois  aussi  les  chants  d'un  troubadour 
qui  payait  l'hospitalité  du  châtelain  par  quelque 
canzone  en  l'honneur  des  paladins  de  Charlemagne 
ou  d'Arthur.  »  (Chéruel.)  Ces  modèles  de  chevale- 
rie étaient  proposés  en  exemple  au  jeune  homme. 

A  quinze  ans  il  passait  écuyer,  homme  d'armes  à 
la  fois  et  serviteur  du  seigneur.  Il  n'avait  encore 
ni  la  lance,  ni  le  casque,  ni  l'éperon  d'or  ;  il  por- 
tait seulement  l'épée,  le  bonnet  de  fer  et  l'épe- 
ron d'argent;  attaché  à  la  personne  du  seigneur,  il 
le  suivait  à  la  guerre  et  portait  sa  bannière  ou  ses 
armes;  il  servait  à  table  le  châtelain  et  «  accom- 
pagnait la  châtelaine  dans  ses  courses  à  travers 
la  forêt.  »  En  outre,  il  se  formait  véritablement  au 
métier  du  soldat.  Dans  cette  paix  toujours  pré- 
caire et  si  souvent  troublée  du  château  féodal, 
à  l'improviste  «  le  guet  sonne  la  cloche;  aussitôt 
tout  est  en  mouvement  :  les  ponts  sont  levés,  les 
liersestombe'it,  les  portes  se  ferment,  toutle  monde 
court  aux  créneaux,  aux  meurtrières.  »  (Monteil.) 
Entre  ces  alertes  fréquentes,  l'ccuyer  se  perfec- 
tionnait dans  tous  les  exercices  nécessaires  à  la 
tactique  du  temps  et  devenait  un  guerrier  accom- 
pli. 

Alors  commençait  le  noviciat  du  chevalier.  «  A 
dix-sept  ans  l'écuyer  partait  souvent  pour  des  ex- 
péditions lointaines.  Un  anneau  suspendu  au  bras 
t)u  à  la  jambe  annonçait  qu'il  avait  fait  vœu  d'ac- 
complir quelque  prouesse  éclatante  avant  de  rece- 
voir l'ordre  de  la  chevalerie.  On  nommait  emprises 
CCS  signes  distinctifs.  »  (Chéruel.) 

A  son  retour  et  lentreprise  achevée,  avait  lieu 
l'admission  du  jeune  noble  au  rang  de  chevalier. 
Elle  était  entourée  de  certaines  formalités  guer- 
rières et  religieuses  et  accompagnée  de  certains 
•engagements  moraux.  La  veille  du  jour  de  récep- 
tion, le  jeune  écuyer,  après  s'être  purifié  le  corps 
par  un  bain,  revêtait  «  une  tunique  blanche,  une 
robe  vermeille  et  une  cotte  noire,  couleurs  symbo- 
liques qui  indiquaient  l'engagement  de  mener  une 
"vie  chaste,  de  verser  son  sang  pour  la  foi,  et  d'a- 
voir toujours  présente  la  pensée  de  la  mort.  » 
(H.  Martin.)  Le  soir,  après  un  jeune  rigoureux,  il 
se  rendait  à  la  chapelle  du  château,  accompagné  le 
plus  souvent  d'un  prêtre  et  de  deux  guerriers  éprou- 
vés qui  lui  servaient  de  parrains.  Enfin  le  jour 
arrivé  après  la  communion  et  la  messe  où  le  prê- 
tre avait  béni  l'épée,  le  récipiendaire  paraissait  de- 
vant celui  qui  devait  lui  conférer  la  chevalerie, 
devant  les  dames  et  les  guerriers  qui  formaient  la 
cour  du  seigneur.  11  s'agenouillait  pour  entendre 
lecture  des  principaux  devoirs  du  guerrier.  Alors, 
o  les  chevaliers  qui  avaient  promis  d'aider  à  vêtir 
le  nouveau  chevalier  lui  donnèrent  l'un  après  l'au- 
tre le  hoqueton  (camisole  fortement  rembourrée) 
qu'il  endossa,  la  manche  droite,  puis  la  gauche  ;  le 
haubert  i cotte  de  mailles/  ;  les  chausses  de  fer 
couvrant  les  jambes  et  les  pieds  ;  l'épée  qui  lui  fut 
ceinte  après  avoir  été  tirée  du  fourreau,  puis  bai- 
sée par  le  nouveau  chevalier  et  ensuite  remise  dans 
ie  fourreau.  Après  sou  scrineni  fait  et  la  promesse 


de  suivre  les  enseignements  des  chevaliers,  le  roi 
haussant  la  paume  lui  donna  l'accolade  et  le  fit 
chevalier.  Les  chevaliers  lui  donnèrent  encore  un 
écu  bouclier;  qui  fut  suspendu  à  son  cou,  puis  le 
heaume  (casque  fermé,  signe  du  guerrier  noble;  ; 
enfin  son  destrier  qu'il  monta  de  plein  saut,  sans 
vouloir  qu'on  lui  tînt  les  étriers  et  sans  môme  s'en 
servir.  »  (Lacurne  Sainte-Palaye.)  Après  la  formule 
prononcée  par  le  seigneur  :  «  Au  nom  de  Dieu,  de 
saint  Michel  et  de  Notre-Dame,  je  te  fais  cheva- 
lier »,  au  milieu  des  volées  des  cloches,  des  fan- 
fares dont  résonnait  l'église  et  des  acclamations 
populaires,  le  nouveau  chevalier  partait  joyeuse- 
ment pour  faire  au  galop  de  son  cheval  le  tour  du 
château  ;  Dieu,  saint  Michel  et  Notre-Dame  lui 
traçaient  désormais  son  devoir. 

Principes  de  la  chevalerie,  première  époque.  — 
La  religion  en  effet,  qui  était  intervenue,  dès  le 
onzième  siècle,  pour  consacrer  le  néophyte,  inter- 
venait encore  pour  lui  dicter  la  règle  de  sa  conduite. 
Le  chevalier  doit  «  garder  »  les  pauvres  gens,  et 
soutenir  les  faibles  ;  il  doit  tourner  ses  armes  con- 
tre les  méchants,  les  félons  et  surtout  les  infidèles, 
à  l'exemple  de  saint  Michel,  «  chef  de  la  chevalerie 
céleste  »,  et  du  modèle  de  tout  guerrier,  ie  valeu- 
reux Roland.  Comme  eux,  il  doit  pratiquer  hon- 
neur, parage  (de  pair,  égal)  et  courtoisie,  qui  sont  les 
lois  propres  de  la  chevalerie.  L'honneur  impose  de 
se  conduire  loyalement  vis-à-vis  de  l'ennemi,  d'épar- 
gner le  vaincu  réduit  à  merci,  de  traiter  comme 
un  frère  le  seigneur  prisonnier  et  d'accepter  une 
rançon  modérée.  Pour  mériter  le  renom  de  parage, 
le  chevalier  doit  être  secourable  et  généreux  aux 
pauvres,  aux  opprimés,  enfin  courtois  à  tous.  C'est 
par  honneur  et  parage  que  Roland  envoie  chercher 
une  autre  épée  pour  Renaud,  dont  un  coup  de 
Durandal  a  brisé  le  glaive.  C'est  par  parage  ot 
courtoisie  que  Renaud  met  sur  les  blessures  de 
son  adversaire  le  baume  que  lui  a  donné  sa  mère, 
avant  de  recommencer  le  combat. 

Deuxième  ipoqw.  — iMais  là  n"est  pas  toute  la 
chevalerie,  ku  guerrier  franc,  aux  douze  pairs,  à 
l'idéal  germanique  succède  le  héros  celiique  Arthur, 
roi  de  Caerleon.  Après  la  chanson  de  Roland  vient 
le  cycle  de  la  Table  ronde. 

Fit  roi  Arthur  la  ronde  table, 

Dont  les  Bretons  disent  maint  fable. 

«  Le  héros  gallois  est  devenu  l'idéal  de  la  cheva- 
lerie. Il  parcourt  le  monde  en  le  délivrant  des 
géants  et  des  monstres.  Il  tient  cour  plénière,  à 
Caerleon,  en  Galles,  aux  grandes  fêtes  de  l'année, 
et  réunit  autour  de  sa  personne  la  fleur  des  rois, 
des  barons  et  des  chevaliers  de  l'Europe...  La  table 
ronde  est  le  domaine  de  l'égalité.  Tous  les  convi- 
ves y  sont  reçus  et  servis  sans  distinction,  quels 
que  soient  leurs  rangs  et  leurs  qualités.  >■  (Demo- 
geot.)  «Il  n'y  avait  pas  un  bon  chevalier,  de  l'orient 
à  l'occident,  quille  se  crût  tenu  d'aller  à  la  cour  d'Ar- 
thur ;  tous  ceux  qui  cherchaient,  la  gloire  y  venaient 
detous  les  pays...  Lespauvres  l'aimaient,,  les  riches 
lui  rendaient  de  grands  honneurs  ;  les  rois  étran- 
gers lui  portaient  envie  et  le  craignaient  ;  car  ils 
avaient  peur  qu'il  ne  conquît  toutle  monde,  et  ne 
leur  enlevât  leur  couronne.  »  (Roman  de  Wace.) 

Il  y  a  dès  lors  un  nouvel  élément  dans  la  cheva- 
lerie. La  vie  du  château  imposée  au  seigneur,  la 
situation  élevée  de  la  châtelaine  au  milieu  des 
pages  et  des  ccuyers  empresses  à  ses  ordres,  "  a 
donné  souvent  aux  femmes  de  l'époque  féodale 
une  dignité,  un  courage,  des  vertus,  un  éclat 
qu'elle  n'avait  pas  développés  ailleurs.  »  .\ussi  le 
dévouement  aux  dames  qui  le  charmaient  par  leur 
grâce  01  leur  faiblesse  devint-il  bientôt  le  princi- 
pal devoir  du  chevalier.  «  Lorsque  dames  ou  da- 
moisclles  ont  mcsticr  (besoin)  de  lui,  il  doit  les 
aider  de  son  pouvoir,  s'il  veut  gagner  los  et 
pris  (louange  et   mérite).  Car  il  faut  honorer  les 


CHIEN 


—  -100  — 


CHIEN 


femmes  et  porter  grand  faix  pour  défendre  leur 
droit.  »  (La  Coloinbière.)  C'est  d'elles  malntep.ant 
qu'il  reçoit  ses  armes,  pour  l'accomplissoment  de 
son  vœu,  d'elles  qu'il  attend  l'ordre  du  départ, 
d'elles  enfin  qu'il  espère  à  son  retour  sa  récom- 
pense d'amour  et  de  gloire.  C'est  à  sa  dame  que 
le  chevalier  prête  désormais  hommage-lige.  C'est 
elle  qui  le  couronne  au  sortir  du  tournois.  Son 
amour  est  pour  lui  le  principe  de  tout  mérite  mo- 
ral, de  toute  gloire  et  de  toute  vertu.  Servir  Dieu 
en  servant  sa  dame  et  redresser  les  torts,  voilà 
désormais  sa  devise  et  tout  son  devoir.  C'est  le 
premier  arrêt  des  cours  d'amour  qui  fixent  les 
obligations  du  chevalier  ;  cet  amour  tout  idéal  de- 
vient le  but  et  le  principe  de  sa  vie.  —  Le  trouba- 
dour Geoffroy  Rudel  en  est  l'exemple,  qui  s'éprit 
de  la  comtesse  de  Tripoli,  sur  son  renom  de  beauté 
et  de  venu.  Parti  pour  la  Terre  sainte,  il  tomba 
malade  sur  le  navire,  et  mourut  d'émotion  en  aper- 
cevant la  dame  de  ses  pensées,  qui  entra  le  lende- 
main dans  un  cloître.  Tel  était  l'idéal,  dont  la  réa- 
lité s'est  souvent  de  beaucoup  éloignée,  grâce  à  la 
violence  et  à  la  grossièreté  des  mœurs  au  moyen 
âge. 

Troisième  époque.  —  Enfin  la  dernière  forme  de 
la  chevalerie  réunit  les  deux  éléments  de  l'amour 
et  de  la  religion  dans  la  légende  du  Saint-Graal. 
C'était  le  vase  avec  lequel  Jésus-Christ  et  les  apô- 
tres avaient  célébré  la  pàque,  la  veille  de  la  pas- 
sion. Les  anges  l'avaient  d'abord  emporté  aux 
cicux.  Mais  il  fut  ensuite  confié  à  un  saint  homme 
qui  l'apporta  en  France.  La  vue  de  cette  divine 
relique  donnait  une  perpétuelle  jeunesse,  et  la 
possession  de  toutes  les  vertus  avec  un  pressenti- , 
ment  du  bonheur  éternel.  Ce  fut  alors  àla  recher- 
che et  à  la  défense  du  Graal  que  partaient  les 
chevaliers  errants  dont  Perceval  était  lo  modèle  — 
et  dont  les  ordres  militaires  furent  les  continua- 
teurs (particulièrement  les  templiers). 

Conséquei'Ces.  —  Telle  fut  la  chevalerie  dont 
l'influence  a  survécu  jusqu'aux  temps  modernes. 
Au  moyen  âge,  elle  eut  pour  but  et  pour  résultat 
l'adoucissement  des  excès  de  la  guerre,  soumise 
par  elle  aux  règles  de  la  loyauté  ;  l'amélioration 
des  mœurs,  dont  la  brutalité  violente  fut  peu  à  peu 
atténuée  par  la  suprématie  toute  morale  de  la 
femme  sur  son  entourage.  —  Historiquement,  l'é- 
tablissement de  la  chevalerie  fut  contemporain  des 
croisades,  déterminées  en  grande  partie  par  son 
influence  ;  et  les  exploits  des  héros  chevaleresques 
ont  servi  de  thème  à  ces  nombreux  poèmes,  chan- 
sons de  geste  et  romans,  qui  sont  notre  littérature 
primitive.  —  De  nos  jours  enfin  on  trouve  encore 
profondément  imprimés  dans  notre  caractère  les 
principes  chevaleresques  ;  ils  ont  survécu  dans 
les  sentiments  de  l'honneur,  de  la  courtoisie  et  de 
lagahmterie  envers  les  dames.    fPaul  Schâfer.J 

t:iilEM:T  RACES  CANIDES. —Agriculture,  XV. 
—  La  domestication  du  chien  remonte  aux  époques 
les  plus  reculées  de  l'histoire  de  l'humanité.  Par- 
tout on  le  retrouve,  dans  les  vestiges  des  anciennes 
civilisations  aussi  bien  que  chez  les  peuplades  sau- 
vages des  îles  les  plus  lointaines.  La  question  de 
savoir  si  toutes  les  races  connues  aujourd'hui  des- 
cendent d'un  seul  type  alongtempsdivisé  les  natura- 
listes ;  le  chien  domestique  varie,  en  efl'et,  presque  à 
l'infini  au  point  de  vue  de  la  taille,  des  formes,  des 
qualités  et  de  la  couleur  du  poil.  On  peut  retrouver 
la  trace  de  la  formation  d'un  certain  nombre  de 
variétés;  mais  pour  le  plus  grand  nombre,  il  est 
difficile  de  jeter  la  lumière  sur  lt;ur  origine.  Il  se 
forme  d'ailleurs  presque  constamment  des  variétés 
bâtardes,  et  l'homme  perfectionne  quelques  races 
par  des  croisements  avec  d'autres  races.  Le  fait 
que  toutes  les  races  de  chiens  peuvent  se  repro- 
duire entre  elles  tend  à  prouver  qu'elles  appar- 
tiennent à  une  espèce  unique  qui,  par  la  domesti- 
cation, a  subi  mille  transformations. 


I      Frédéric  Cuvier  a  basé  la  classification  des  race» 
canines  sur  la  forme  du  crâne  et  la  longueur  des 
mâchoires.  Il  les  a  divisées  en  trois  sections  :  les 
mâtins,  caractérisés  par  une  tête  plus  ou   moins 
j  allongée  et  par  les  os  pariétaux  tendant  à  se  rappro- 
cher; lesépagneuls,  dont  la  tête  est  moins  longue, 
,  et  dont  les  os  pariétaux  s'écartent  et  se  renflent  de 
I  manière  à  beaucoup  agrandir  la  boîte  cérébrale  et 
I  les  sinus  frontaux  ;  les  dogues,  ayant  le  museau  rac- 
•courci,  dont  le  crâne  est  rapetissé  et  remarquable 
par  l'étendue  considérable  des  sinus  frontaux. 

A  cette  classification  scittitifique,  on  substitue 
souvent  une  classification  pratique  qui  divise  les 
chiens  domestiques  en  cinq  catégories  :  chiens  de 
I  chasse  courants,  chiens  de  chasse  à  l'arrêt,  lévriers, 
chiens  de  garde,  chiens  d'appartement  ou  de  luxe. 
Pour  chaque  catégorie,  nous  indiquerons  les  prin- 
cipales races  françaises. 

i      Chiens  courants.  —  On  désigne  sous  ce  nom  le» 
chiens  chassant  à  l'odorat,  trouvant  et  tuant  le  gi- 
,  hier.  La  chasse  à  courre  a  été  pendant  longtemps 
j  un  des  principaux   plaisirs   des   grands  seigneur» 
j  français  ;  entre  leurs  mains,  la  vénerie  était  deve- 
nue un  art  véritable.  Cet  art  a  beaucoup  diminué, 
mais  on  compte  encore  quelques  amateurs  qui  en- 
tretiennent des  meutes   considérables   de  chiens 
courants. 

Les  principales  races  de  chiens  courants  sont  : 
le  chien  de  Saintonge,  au  poil  ordinairement  blanc 
avec  des  taches  noires  et  des  marques  de  feu  pâle, 
de  grande  taille,  chassant  de  préférence  le  cerf  et 
le  lièvre;  le  chien  du  Poitou,  très  semblable  au 
précédent  et  confondu  souvent  avec  lui  ;  le  chien 
de  Gascogne,  au  poil  gris  ou  blanc,  avec  beaucoup 
de  taches  noires  et  de  marques  couleur  lie  de  vin  ; 
le  chien  normand,  de  grande  taille,  au  pelage 
blanc,  gris  ou  fauve  ;  le  chien  vendéen,  remarqua- 
ble par  la  solidité  de  son  jarret  et  son  entrain  à 
la  chasse,  au  pelage  blanc  et  gris,  parfois  taché  de 
fauve  ou  de  noir  ;  le  chien  de  Saint-Hubert,  au 
poil  noir  tirant  un  peu  sur  le  roux,  marqué  de  feu 
aux  sourcils  et  aux  pattes;  le  chien  pour  sanglier, 
dit  souvent  grand  danois,  le  plus  habituellement 
d'un  fauve  rougeâtre  tigré  de  noir,  très  courageux 
et  de  grande  taille  ;  les  chiens  bassets,  remarqua- 
bles à  leur  corps  très  long  et  à  leurs  pattes  très 
courtes  ;  les  bassets  présentent  plusieurs  variétés; 
la  plus  répandue  est  celle  à  poil  ras,  au  pelage 
habituellement  blanc  taché  de  noir  ou  de  fauve, 
parfois  tout  à  fait  noir  et  marqué  de  feu.  Les  bas- 
sets les  plus  estimés  proviennent  de  l'Artois  et  de 
la  Flandre. 

Les  croisements  entre  les  races  françaises  et  les 
races  anglaises  ont  été  nombreux  ;  ils  peuplent  au- 
jourd'hui beaucoup  de  meutes  de  notre  pays.  Une 
des  races  anglaises  très  répandue  en  France  est 
celle  des  terriers.  Le  terrier  est  généralement  de 
petite  taille,  mais  il  est  doué  d'une  vivacité  re- 
marquable et  d'un  très  grand  courage. 

Cliiens  d'arrêt.  —  Les  chiens  d'arrêt  trouvent 
le  gibier  par  l'odorat,  mais  ils  ne  le  tuent  pas  ;  ils 
sont  généralement  adoptés  pour  la  chasse  au  fusil. 
Ces  chiens  sont  aussi  désignés  sous  le  nom  de 
chiens  couchants,  parce  que  souvent  ils  se  cou- 
chent devant  le  gibier  pour  avertir  le  chasseur  de 
sa  présence. 

Les  principaux  chiens  français  d'arrêt  sont  le 
braque,  le  griffon  et  l'épagneul. 

Le  braque  est  une  des  plus  anciennes  races,  et 
elle  présente  de  nombreuses  variétés.  Le  braque 
ordinaire  a  des  formes  légères  ;  la  tête  est  de  gros- 
seur moyenne  ;  le  museau,  court,  est  un  peu 
carré  ;  la  taille  varie  de  55  à  G5  centimètres.  La 
poitrine  est  profonde,  les  pattes  sont  fortes  et 
bien  musclées.  Le  poil  est  ras,  fin  et  luisant,  à 
fond  blanc  taché  de  marron  ou  de  brun  plus  ou 
moins  foncé.  11  convient  surtout  pour  la  chasse 
dans  les  pays  de  plaine   et  sur  les  terrains  secs. 


CHIEN 


—  401  — 


CHIMIE 


Les  principales  variétés  sont  celles  du  Poitou  et 
de  Picardie. 

Le  griffon  se  rapproche  du  braque  par  l'ensem- 
ble de  ses  formes,  mais  il  s'en  distingue  par  un 
poil  long  et  rude,  parfois  hérissé.  Quand  il  est 
bien  dressé,  il  est  excellent  pour  toutes  sortes  de 
chasses,  notamment  pour  celles  dans  les  brous- 
sailles et  dans  les  marais. 

L'épagneul  se  reconnaît  à  première  vue  par  le 
développement  du  crâne  et  par  un  poil  long  et 
soyeux,  surtout  sur  la  queue,  dont  les  poils  for- 
ment un  véritable  panache.  Ses  formes  sont  élé- 
gantes, ses  yeux  sont  vifs  et  pétillants,  l'oreille 
longue  et  mince.  C'est  un  excellent  chien  d'arrêt. 
Il  s'en  est  formé  de  nombreuses  variétés  qui  se 
différencient  par  la  couleur  du  pelage,  la  taille  et 
d'autres  caractères  d'un  ordre  secondaire. 

Lévriers.  —  Le  lévrier  est  une  des  races  de 
chiens  ies  plus  anciennement  connues  ;  il  y  en  a 
de  nombreuses  variétés.  Quoique  ces  chiens  n'aient 
qu'un  odorat  très  faible,  ils  sont  très  bons  pour 
la  chasse,  parce  que  leur  vue  est  si  perçante  et 
leur  course  si  rapide  qu'il  n'est  pas  de  quadru- 
pède qui  puisse,  en  plaine,  échapper  à  leur  pour- 
suite. Il  n'y  a  pas  de  race  française  de  lévriers  ; 
mais  le  mâtin  est  considéré  comme  le  produit  des 
croisements  du  lévrier  avec  des  races  de  chiens 
de  berger.  Il  a  la  tête  allongée  du  lévrier,  mais 
plus  large  ;  le  front  est  plat  ;  le  pelage  varie  du 
brun  rougeâtre  au  fauve.  Le  mâtin  est  un  chien 
possédant  une  grande  vigueur  :  il  est  courageux 
et  propre  à  la  chasse  du  sanglier  et  du  loup. 

Chiens  de  garde.  —  On  distingue  deux  son  es  de 
chiens  de  garde:  les  chiens  de  berger,  et  les  chiens 
de  garde  pour  les  habitations. 

Il  y  a  de  très  nombreuses  variétés  de  chiens  de 
berger,  on  en  connaît  de  toutes  tailles  et  de  toutes 
couleurs.  Leur  type  le  plus  ordinaire  se  distingue 
par  le  poil  hérissé.  L'une  des  races  de  chiens  de 
berger  les  plus  estimées  en  France  est  celle  des 
chiens  de  Brie,  ayant  une  hauteur  de  65  à  75  cen- 
timètres. Leur  poil  est  long  et  assez  doux,  de 
couleur  fauve,  parfois  taché  de  noir. 

Au  chien  de  berger  peut  être  rattaché  le  chien 
de  Terre-Neuve,  remarquable  non  seulement  par 
sa  taille  et  son  habileté  de  nageur,  mais  aussi 
par  sa  douceur  et  sa  docilité.  Il  est  de  grande 
taille,  avec  des  formes  robustes  et  massives. 

Les  chiens  de  garde  sont  employés  comme  com- 
pagnons de  l'homme  pourprotéger  les  habitations, 
et  prévenir  de  l'arrivée  des  étrangers.  Les  princi- 
pales variétés  sont  celles  du  bull  dog  ou  boule-dogue, 
du  dogue  de  grande  taille,  du  barbet  ou  caniche. 

A  ces  variétés  se  rattache  la  race  métis  des 
bull-terriers. Cette  race, produite  parle  croisement 
du  terrier  et  du  bulldog,  réunit  les  qualités  de  fi- 
nesse de  l'odorat  du  terrier  à  la  force  et  au  cou- 
rage du  bulldog.  Elle  a  été  créée  surtout  en  vue 
de  la  chasse  des  rats  qui  pullulent  dans  les  gran- 
de s  villes.  C'est  un  des  exemples  les  plus  remar- 
quables des  résultats  heureux  que  l'on  peut  obte- 
nir par  le  croisement  de  races  ayant  des  qualités 
qu'on  veut  réunir.  Le  buU-terrier  possède  au 
plus  haut  degré  les  qualités  des  races  qui  l'ont 
formé. 

C /liens  d'appartement.  —  Le  nombre  des  varié- 
tés de  chiens  de  luxe  ou  d'appartement  est  à  peu 
près  illimité.  Il  est  difficile  d'en  préciser  les  carac- 
tères. Les  variétés  les  plus  connues  sont  le  chien 
de  la  Havane  ou  bichon,  le  chien  loulou,  le  King 
Charles,  la  levrette,  le  carlin,  le  roquet.  C'est  une 
question  de  mode  que  la  faveur  donnée  tantôt  à 
l'une,  tantôt  à  l'autre  de  ces  races.  Le  plus  grand 
nombre  ne  possèdent  pas  de  qualités  spéciales, 
mais  les  chiens  de  luxe  peuvent  parfois  être  em- 
ployés comme  chiens  de  garde. 

Le  chien  est  facile  à  élever  et  à  nourrir.  L'ali- 
oientation  varie  suivant  les  races  et  suivant  les 
2e  Partie. 


services  qu  on  leur  demande.  D'une  manière  géné- 
rale, un  mélange  de  nourriture  végétale  et  ani- 
male est  ce  qui  convient  le  mieux  ;  mais  il  faut 
éviter  de  donner  au  chien  un  excès  de  viande, 
surtout  s'il  doit  vivre  renfermé. 

Pour  dégager  les  facultés  iiitellectuelles  du 
jeune  chien,  il  faut  le  soumettre  au  dressage.  L'é- 
ducation permet,  chez  quelques  individus,  de  dé- 
velopper leurs  qualités  à  un  degré  vraiment  extra- 
ordinaire. On  en  cite  des  exemples  surprenants, 
qu'il  s'agisse  soit  de  l'affection  du  chien  pour  son 
maître,  soit  de  ses  aptitudes,  de  sa  sagacité,  de  sa 
mémoire,  etc.  La  douceur  et  la  patience  assurent 
d'une  manière  presque  absolue  la  réussite  de  l'édu- 
cation. 

Le  chien  est  sujet  à  d'assez  nombreuses  mala- 
dies. La  plus  terrible  est  connue  sous  le  nom  de 
rage.  Elle  est  rebelle  à  toute  médication,  et  elle 
peut,  par  une  simple  morsure,  être  communiquée 
à  l'homme  pour  lequel  elle  peut  être  mortelle. 

Les  premiers  symptômes  de  la  rage  consistent 
en  une  humeur  sombre  et  une  agitation  inquiète. 
Le  chien  parait,  à  certains  moments,  être  soumis 
à  de  véritables  hallucinations.  L'agitation  va  en 
augmentant.  Le  dégoût  pour  la  nourriture  se  pro- 
duit assez  rapidement  ;  mais  le  chien  a  la  tendance 
à  mordre  et  à  déchirer  un  grand  nombre  d'ob- 
jets tout  à  fait  impropres  à  l'alimentation.  La 
voix  change  :  l'aboiement  se  transforme  en  un  hur- 
lement caractéristique  bien  connu  et  facile  à  re- 
connaître, quand  on  l'a  entendu  une  fois.  Quand  le 
chien  malade  aperçoit  un  autre  chien  bien  portant,  il 
fait  tout  ce  qu'il  peut  pour  se  jeter  sur  lui  et  pour 
le  mordre.  Souvent  le  chien,  dès  les  premières  at- 
teintes du  mal,  s'échappe  de  la  maison  de  son 
maître  et  disparaît.  Quand  la  maladie  est  arrivée 
à  son  complet  développement,  la  face  du  chien  de- 
vient terrible  ;  il  demeure  presque  constamment 
dans  un  état  complet  d'apathie,  alternant  avec 
des  accès  de  fureur  pendant  lesquels  il  se  jette 
sur  tous  les  objets  qui  sont  à  sa  portée.  La  rage 
se  termine  généralement  par  la  paralysie,  puis  la 
mort,  quand  l'animal  n'a  pas  été  abattu  dans  le 
cours  de  la  maladie. 

C'est  une  erreur  trop  souvent  répandue  que  le 
chien  enragé  a  peur  de  l'eau.  Dans  les  premiers 
temps  de  la  maladie,  le  chien  boit,  au  contraire, 
avidement  ;  mais  bientôt  la  gorge  se  resserre  et 
il  ne  peut  plus  absorber  de  liquide.  C'est  peut-être 
là  la  cause  de  celte  croyance. 

On  a  essayé  beaucoup  de  remèdes  pour  guérir 
la  rage;  aucun  n'a  encore  réussi.  Quand  un  chien 
présente  les  symptômes  de  la  rage,  il  doit  être 
abattu  sans  retard  ;  il  faut  aussi  abattre  tous  les 
autres  animaux  qui  ont  été  mordus  par  lui.  Pour 
l'homme  mordu,  le  meilleur  moyen  de  prévenir 
les  effets  de  l'inoculation  de  la  rage  est  la  cauté- 
risation des  morsures,  et  surtout  la  cautérisation 
au  fer  rouge,  faite  avec  énergie  et  aussitôt  que 
possible  après  l'accident.  Les  autres  agents  de 
cautérisation  peuvent  aussi  être  employés  avec 
succès.  Quelle  que  soit  la  légitime  terreur  qu'in- 
spire la  rage,  il  est  utile  de  faire  observer,  avec 
M.  Bouley,  qu'une  blessure  rabique  n'est  pas  fata- 
lement mortelle  ;  qu'au  contraire,  dans  plus  de  la 
moitié  des  cas,  quand  elle  est  traitée  sans  retard, 
elle  ne  donne  lieu  à  aucune  conséquence  funeste. 

[Henri  Sagnier.] 

CHISIIE.  —  (Étym.  :  d'un  mot  grec  signifiant  suc, 
et  d'où  est  également  formé  le  mot  ciyme;  autre- 
fois on  écrivait  c'^yinie.) 

Définition.  —  La  chimie  es;  la  partie  des  sciences 
qui  étudie  les  transformations  que  peut  subir  la 
substance  des  corps.  La  formation  de  la  rouille  à 
la  surface  du  fer  dans  l'air  humide,  la  pourriture  du 
bois,  la  putréfaction  de  la  viande,  la  fermentation 
du  jus  de  raisin  dans  les  cuves,  l'action  corrosive 
des  acides  sur  les  métaux,  la  combustion  du  soufre» 

26 


CHIMIE 


—  402  — 


CHIMIE 


du  bois,  du  phosphore,  sont  autant  de  phénomènes 
dont  l'étude  appartient  à  la  ciiimie. 

Origine.  —  L'origine  de  cette  science  se  perd 
dans  les  vieilles  civilisations  de  l'Inde  et  de  l'Kpiypte. 
Les  prêtres  seuls  s'en  occupaient  et  se  gardaient 
bien  de  divulguer  le  secret  de  quelques  prépara- 
tions, qui  constituaient  pour  eux  la  science  sacrée. 
La  chimie  faisait  ainsi  partie  des  mystères  religieux 
i;t  contribuait  pour  une  bonne  part  à  la  considé- 
ration et  au  respect  de  la  caste  sacerdotale. 

Après  la  prise  d'Alexandrie,  la  cliimio  tombe 
dans  l'oubli,  pour  renaître  en  Europe,  en  plein 
moyen  âge,  sous  le  nom  d'alchimie.  Tout  ce  que 
Ton  sait  alors,  en  France,  en  Italie,  en  Allemagne, 
on  Angleterre,  en  Espagne,  vient  des  Arabes.  Sous 
leur  impulsion  l'alchimie  tint  longtemps  le  premier 
rang  dans  les  travaux  scientifiques  de  l'Europe. 

L'alchimie  et  les  alchimistes  :  partie  chimérique 
et  partie  sérieuse.  —  Les  alchimistes  travaillent 
beaucoup;  il  semble  à  tous  que  la  fortune,  la 
gloire,  la  science  suprême  doivent  sortir  toutes 
faites  de  leurs  cornues  surchaufFées  ;  ils  espèrent 
trouver  la  connaissance  absolue  des  lois  de  la  na- 
ture dans  une  seule  expérience,  ou  plutôt  dans  la 
préparation  d'une  substance  mystérieuse  qu'ils  ont 
rêvée. 

Comme  leurs  ancêtres  de  l'Inde  et  de  l'Egypte, 
ils  gardent  secrètes  leurs  recherches;  c'est  dans 
les  caves  et  la  nuit  qu'ils  travaillent.  La  science 
n'est  plus  divine,  sacrée,  mais  elle  est  remplie  de 
mystères  et  de  sortilèges  :  le  vulgaire  attribue  à 
l'alchimiste  une  puissance  quelquefois  diabolique. 
Ce  côté  bizarre  de  l'ancienne  chimie,  de  la  fausse 
science  ne  disparaîtra,  chose  remarquable,  qu'après 
de  longs  siècles  de  travaux  et  de  discussions,  à  la 
lumière  brillante  de  la  science  véritable  qui  naîtra 
des  ruines  de  l'autre  à  la  fin  du  dix-huitième  siè- 
cle. 

La  plupart  des  alchimistes  sont  eux-mêmes  les 
naïves  victimes  de  leurs  formules,  aussi  creuses 
qu'emphatiques;  quelques-uns,  cependant,  sont  de 
véritables  génies  scientifiques,  foulant  aux  pieds 
les  superstitions  de  leur  temps,  et  entrevoyant  la 
science  moderne  ;  ils  deviennent  devant  l'histoire 
les  précurseurs  de  Lavoisier  et  de  ses  successeurs: 
tels  sont  Roger  Bacon,  Paracelse  et  d'autres, 

Les  fausses  tendances  et  les  illusions  de  l'alchi- 
mie sont  personnifiées  dans  la  pie7're  philosophale 
et  la  panacée  universelle,  comme  plus  tard  sa  théo- 
rie le  sera  dans  lephlogistique. 

Qu'est-ce  que  la  pierre  philosophale  ?  Un  alchi- 
miste lui-même  n'aurait  peut-être  pas  pu  le  dire  ; 
mais  ce  qui  paraît  certain,  c'est  que,  substance  ou 
opération  merveilleuse,  elle  devait  transformer  les 
métaux  vulgaires  en  or;  c'était  la  soif  de  la  fortune 
personnifiée.  Quant  à  la  panacée  universelle,  dro- 
gue toute-puissante,  elle  rendrait  la  santé  et  même 
la  jeunesse.  On  comprend  que,  surexcités  par  de 
tels  désirs,  les  alchimistes  aient  beaucoup  travaillé, 
et,  il  faut  leur  rendre  cette  justice,  beaucoup 
trouvé;  tout,  du  reste,  était  à  découvrir.  C'est  à 
leurs  travaux  que  nous  devons  la  préparation  de 
l'acide  nitrique  (eau-forte),  celle  de  l'alcool,  du 
phosphore,  et  enfin  celle  de  l'acide  sulfurique, 
aujourd'hui  source  de  tant  de  richesses  indus- 
trielles. 

Nos  pharmacies  font  encore  un  grand  usage  de 
quelques-uns  des  produits  qui  nous  viennent  des 
temps  de  l'alchimie,  par  exemple  de  l'émctique, 
des  chlorures  de  mercure,  du  sel  de  Glauber  (sul- 
fate de  soude),  de  l'arsenic  sous  diverses  formes, 
du  sel  ammoniac,  de  la  pierre  infernale  (nitrate 
d'argent),  etc. 

Les  alchimistes  savaient  que  la  fermentation  du 
sucre  donne  de  l'alcool,  puis  ensuite  du  vinaigre 
(V.  Fermentation). 

L'acide  carbonique  (V.  Charbon)  ne  leur  était 
point  inconnu,  ils  le  rencontraient  et  le  reconnais- 


saient dans  diverses  circonstances,  telles  que  la 
préparation  de  la  chaux  (acide  crayeux),  la  com- 
bustion d'une  bougie. 

Il  faudrait  un  volume  pour  exposer  les  décou- 
vertes que  nous  devons  aux  alchimistes;  elles  ont 
été  les  matériaux  épars,  mais  nécessaires,  qui  ont 
servi  à  constituer  la  véritable  chimie  à  la  fin  du 
dix  huitième  siècle.  Il  ne  faut  pas  oublier  que 
l'alchimie  entraînait  tous  les  esprits  sérieux  : 
Kepler  et  Newton  furent  alchimistes.  Lavoisier 
lui-même,  Scheele  et  Priestley,  ses  plus  illustres 
contemporains,  ont  partage,  au  moins  pendant 
quelque  temps,  les  erreurs  que  les  alchimistes 
allemands  Beckor  et  Stahl,son  disciple,  avaient  im- 
posées à  la  plupart  des  savants  de  leur  temps. 

La  théorie  du  phlogistique.  —  Ce  que  nous  al- 
lons exposer  brièvement  montrera  aux  lecteurs 
l'un  des  plus  grands  efforts  tentés  en  vain  par  la 
raison  humaine  pour  s'expliquer  un  des  côtés  de 
la  nature  sans  faire  appel  à  l'expérimentation  mé- 
thodique. 

Quand  on  chauffe  un  métal  à  l'air,  du  plomb,  de 
rétain,du  cuivre,  du  fer,  du  mercure  par  exemple, 
il  se  rouille,  c'est-à  dire  se  transforme  en  une 
substance  d'aspect  terreux  que  les  anciens  appe- 
laient chaux  ou  terre  et  que  nous  appelons  aujour- 
d'hui un  oxyde,  parce  que  cette  substance  est  le 
résultat  de  la  combinaison  chimique  du  métal 
avec  l'oxygène  de  l'air.  Les  alchimistes  supposaient 
(lue  cette  chaux  ou  terre  étHit  un  des  éléments 
constitutifs  du  métal.  Quand  on  évapore  de  l'eau 
naturelle  (non  distillée),  elle  laisse  un  résidu  ter- 
reux provenant  des  substances  qu'elle  tenait  en 
dissolution  :  les  alchimistes  en  concluaient  qu'elle 
se  réduit  en  air  (vapeur)  et  en  terre.  Tout  le 
monde  sait  que  le  bois,  en  brûlant,  se  transforme 
en  une  fumée  contenant  de  la  vapeur  d'eau  et  en 
cendres  ou  terre.  De  ces  nombreux  phénomènes 
mal  observés  était  née  depuis  bien  longtemps  cette 
idée  que  le  monde  matériel  est  constitué  par 
quatre  éléments  :  l'air,  la  terre,  l'eau  et  le  feu, 
auxquels  on  ajoutait  quelquefois  le  soufre  qui, 
pour  beaucoup  d'alchimistes,  était  un  élément  des 
métaux.  Tous  n'admettaient  pas  ces  vieilles  idées 
et  plusieurs  s'en  moquaient,  mais  n'avaient  rien  de 
général  à  leur  substituer. 

Au  dix-septième  siècle,  le  besoin  d'une  explica- 
tion générale  de  tous  les  faits  connus  se  faisait 
vivement  sentir.  L'homme  est  ainsi  fait,  qu'il  ne 
peut  pas  longtemps  voir  des  choses  nouvelles  sans 
essayer  de  se  les  expliquer  par  ce  qu'il  sait  déjà. 
En  même  temps,  tous  les  esprits  sérieux  sentaient 
le  vide  de  ce  qui  subsistait  encore  des  anciennes 
idées;  la  pierre  philosophale  n'était  plus  en  vogue 
que  chez  les  charlatans  ;  quant  aux  savants,  ils  ne 
recherchaient  plus  seulement  la  fortune,  mais  en- 
core ce  qui  donne  à  l'esprit  la  plus  grande  satis- 
faction, la  possession  de  la  vérité. 

C'est  alors  qu'apparut  la  célèbre  théorie  du  phlo- 
gistique,  imaginée  par  Becker,  médecin  alchimiste, 
né  à  Spire;  elle  fut  défendue  et  développée  par  Stahl, 
son  disciple,  avec  une  ténacité  germanique,  une 
conviction  philosophique  entière,  et  une  habileté 
d'interprétation  véritablement  supérieure  et  digne 
d'une  meilleure  cause  ;  jamais  système  ne  disparut 
plus  subitement  et  plus  complètement. 

La  théorie  du  phlogistique  n'en  a  pas  moins 
rendu  de  grands  services  à  la  science  en  lui  don- 
nant l'esprit  synthétiqut^,  et  en  provoquant  d'ar- 
dentes discussions  qui  ont  oeut-ètre  inspiré  et 
guidé  le  génie  français  à  qui  était  réservé  la  gloire 
de  faire  luire  la  vérité. 

Stahl  supposait  qu'il  existe  dans  tous  les  corps 
une  substance  extrêmement  subtile,  cause  et  effet 
du  feu,  si  ce  n'est  le  feu  lui-même  :  c'était  le 
phlogistique  àephlox,  qui  en  grec  veut  dire  tlamme). 

Quand  un  métal  brûle,  c'est  qu'il  perd  son 
phlogisiique  sous  forme  de  feu  libre;  il  r.  stc  1» 


CHIMIE 


—  403  — 


CHIMIE 


chaux.  La  combustion  est  une  perte  de  phlogis- 
tique,  les  corps  très  combustibles  sont  les  plus 
riches  en  phlogistique.  Si  on  chauffe  de  la  chaux 
métallique,  chaux  de  zinc  ou  chaux  de  plomb  par 
exemple  (oxyde  de  zinc,  oxyde  de  plomb)  avec  du 
charbon,  celui-ci  étant  riche  en  phlogistique  en 
restituera  à  la  chaux  métallique,  et  le  métal  sera 
régénéré. 

Ainsi  pour  les  Stahliens  la  combustion  vive  ou 
lente  d'un  métal  est  une  décomposition,  une  sépa- 
ration du  phlogistique  et  du  corps  qui  brûle,  en  un 
mot  une  analyse,  tandis  qu'elle  est  réellement  une 
combinaison,  une  association  chimique,  une  syn- 
thèse du  métal  avec  l'oxygène  de  l'air. 

La  théorie  duphlogisliipie  se  trouvait,  dès  sa  nais- 
sance, en  présence  d'objections  très  sérieuses, 
dont  elle  ne  triompha  passagèrement  qu'à  cause 
du  besoin  absolu  qu'on  avait  dune  théorie  géné- 
rale, et  grâce  aussi  à  l'habileté  de  ses  défenseurs 
qui  la  modifiaient  et  la  modelaient  sur  les  faits 
au  fur  et  à  mesure  qu'ils   se  manifestaient. 

Dès  1630,  un  modeste  pharmacien  de  Périgueux, 
Jean  Rey,  dont  l'histoire  n'oubliera  pas  le  nom, 
véritable  précurseur  de  Lavoisier,  annonçait  en  ces 
termes  le  rôle  de  l'air  dans  la  ralcination  des  mé- 
taux :  (iPowquoi  l'estain  et  le  plomb  augmentent  de 
foids  quand  on  les  calcine?  A  cette  demande 
doncques,  appuyée  sur  les  fondements  déjà  posés, 
je  réponds  et  soustiens  glorieusement  que  ce  sur- 
croit de  poids  vient  de  l  air  qui,  dons  le  vase,  a 
esté  espessi,  appesanti  et  rendu  aucunement  adhé- 
sif par  la  véhémente  et  longuement  continue  cha- 
leur du  fourneau,  lequel  air  se  mesle  avec  la 
chaux  et  s'attache  à  ses  plus  menue-  parties.  L'air 
est  un  corps  pesant,  et  comme  tel,  il  peut  céder  à 
l'estaim  et  au  plomb  des  molécules  pesantes  qui, 
par  leur  addition,  augmement  nécessairement  le 
poids  primitif  de  ces  métaux.  » 

Ainsi,  Jean  Rey  affirmait  que  la  chaux  obtenue 
par  la  calcination  du  plomb  à  l'air  avait  un  poids 
total  supérieur  à  celui  du  métal  calciné.  C'était  le 
renversement  de  la  théorie  du  phlogistique,  mais 
les  phlogisticiens  s'en  tiraient  par  des  subti- 
lités. 

A  cette  époque-là,  on  connaissait  encore  mal 
les  gaz,  on  ne  savait  ni  les  enfermer  ni  les  me- 
surer, ce  fut  là  certainement  une  des  causes 
qui  retardèrent   le  plus  la  marche  de  la   science. 

Jean  Mayow,  né  en  1645,  semble  avoir  entrevu 
l'oxygène  dans  le  rôle  qu'il  attribue  à  l'air  dans  le 
phénomène  de  la  respiration.  «  L'usage  de  la  res- 
piration consiste,  dit-il,  en  ce  que,  par  le  minis- 
tère des  poumons,  certaines  particules,  absolu- 
ment nécessaires  à  la  vie  animale,  sont  séparées 
de  l'air,  et  mêlées  à  la  masse  du  sang,  et  que  l'air 
expiré  a  perdu  quelque  chose  de  son  élasticité... 
Les  particules  aériennes  absorbées  pendant  la 
respiration  sont  destinées  à  changer  le  sang  noir 
ou  veineux  en  sang  rouge  ou  artériel  »  (V.  Respira- 
tion). Néanmoins  tous  ces  eiïorts  furent  impuis- 
sants, mais,  en  se  succédant  nombreux,  ils  propa- 
rent la  voie.  Nous  devons  rappeler  ici  les  noms 
de  Brandt,  Léméry,  Rouelle,  Baron,  Marggraf, 
Scheele  qui  découvre  le  chlore,  extrait  le  phosphore 
des  os,  et  enfin  Priestley  qui  découvre  l'oxygène 
en  calcinant  la  terre  rouge  de  mercure  (bioxyde 
de  mercure). 

Découverte  de  Lavoisier.  —  Ayant  chauffé  du 
mercure  au  contact  de  l'air  enfermé  dans  une 
cornue,  sans  aucune  communication  avec  l'air  ex- 
térieur, Lavoisier  obtint  une  chaux  rouge  tout  à 
fait  semblable  à  celle  dont  Priestley  s'était  servi 
pour  «obtenir  l'air  vital,  l'oxygène.  Lavoisier,  en 
même  temps,  constatait  qu'une  partie  de  l'air  de 
la  cornue  avait  disparu,  et,  ayant  mesuré  le  volume 
restant,  il  vit  que  le  cinquième  à  peu  p  ^s  avait  été 
absorbé  par  le  mercure.  Ayant  ensuite  fortement 
chauffé   la  chaux  i-ouge,  dans  un  petit  tube  com- 


muniquant avec  une  éprouvette  pleine  de  mercure, 
il  vit  qu'en  même  temps  que  le  métal  se  régéné- 
rait, il  s'en  dégageait  dans  l'éprouvettc  un  gaz 
ayant  à  peu  près  le  même  volume  que  la  partie 
de  l'air  qui  avait  di<;paru.  Cette  expérience 
était  l'analyse  de  l'air  faite  pour  la  première  fois  ; 
en  même  temps,  elle  donnait  l'explication  de  la 
transformation  que  subissent  les  métaux  calcinés 
à  l'air.  Le  phlogistique  devenait  une  erreur  évi- 
dente. Le  mercure,  le  plomb,  l'étain  chauffés  à 
l'air  absorbent  une  partie  de  celui-ci,  l'oxygène, 
et  le  poids  de  la  rouille  est  exactement  égal  à  la 
somme  des  poids  du  métal  et  de  l'air  qui  s'y  com- 
binent. Les  combinaisons  du  plomb,  de  l'étain,  du 
fer,  etc.,  avec  l'oxygène  ne  sont  pas  détruites  par 
la  calcination  comme  l'est  celle  du  mercure,  mais 
elles  le  sont  quand  on  les  chauffe  avec  du  charbon  ; 
il  se  forme  alors  entre  celui-ci  et  l'oxygène  de  la 
terre  métallique  une  combinaison  gazeuse,  l'acide 
carbonique,  qui  s'en  va  en  laissant  le  métal  libre. 
Le  charbon  a.  en  effet,  de  grandes  tendances  à  se 
combiner  à  l'oxygène  ;  à  une  température  élevée 
il  désoxyde  tous  les  métaux  (V.  Charbon),  il  ramène 
la  rouille  et  les  minerais  à  l'état  métallique;  c'est 
pour  cela  qu'on  dit  qu  il  est  réducteur,  mais  il  ne 
leur  fournit  rien,  comme  le  supposaient  les  phlo- 
gisticiens. 

Lavoisier  venait  donc  de  donner  la  composition 
de  l'air  et  en  même  temps  il  expliquait  le  rôle  de 
l'oxygène  dans  la  combustion  et  la  respiration 
(V.  Air  et  Respiration). 

L'importance  de  cette  découverte  était  immense. 
Lavoisier  voyait  dans  la  combustion  un  phéno- 
mène universel,  c'est-à-dire  le  type  de  toute  com- 
binaison chimique.  Ayant  brûlé  du  phosphore 
dans  l'air,  puis  du  charbon,  du  soufre,  il  put  dé- 
terminer les  quantités  d'oxygène  absorbé  par  ces 
corps  dans  la  formation  des  acides  phosphorique , 
carbonique  et  sulfureux  ;  c'était  la  synthèse  après 
l'analyse,  et  le  grand  chimiste  pouvait  affirmer  que 
le  phénomène  chimique  est  une  union  intime, 
profonde  des  corps  qui  se  combinent,  mais  sans 
qu'il  y  ait  jamais  ni  perte  ni  augmentation  de 
poids  ;  et  quoique  les  propriétés  des  corps  qui  se 
combinent  ioient  profondément  modifiées,  ceux-ci 
peuvent  de  nouveau  sortir  i.'e  leurs  Lombinaisons 
tels  qu'ils  y  étaient  entrés.  C'est  du  reste  ce  que 
tous  les  travaux  des  successeurs  de  Lavoisier  ont 
confirmé. 

Découvertes  qui  suivirent.  —  Désormais  les  dé- 
couvertes les  plus  importantes  vont  se  succéder  ra- 
pidement, comme  il  arrive  toujours  dans  les 
sciences  lorsqu'un  génie  de  premier  ordre  a  éclairé 
un  nouvel  horizon. 

On  connaissait  déjà  l'air  inflammable,  l'hydro- 
gène ;  on  allait  démontrer  qu'il  existe  dans  l'eau 
et  que  celle-ci,  ce  qui  dut  bien  étonner  alors,  était 
exclusivement  formée  de  deux  gaz,  le  gaz  inflam- 
mable (hydrogène)  et  le  gaz  comburant  (oxygène). 
«  A  cette  époque,  raconte  Lavoisier,  Macquer 
«  ayant  présenté  une  soucoupe  de  porcelaine 
«  blanche  à  l'air  inflammable  qui  brûlait  tranquil- 
a  lement  à  l'orifice  d'une  bouteille,  il  observa  que 
«  cette  flamme  n'était  accompagnée  d'aucune 
«  fumée  fuligineuse,  il  trouva  seulement  la  sou- 
«  coupe  mouillée  de  gouti dettes  assez  sensibles 
a  d'une  liqueur  blanche  comme  de  l'eau,  et  qu'il 
«  a  reconnue  ainsi  que  Sigaud,  qui  assistait  à  cette 
M  expérience,  pour  de  l'eau  pure.  » 

Le  24  juin  1783,  Lavoisier  put  former  de  l'eau 
en  combinant  directement  de  l'oxygène  pur  avec 
le  gaz  inflammable.  «  L'eau  obtenue,  soumise  à 
toutes  tes  épreuves  qu'on  peut  imaginer,  parut 
aussi  pure  que  de  l'eau  distillée.  A  cette  expérience 
assisfaieîit  Laplace,  Le  Roi,  de  Blagden,  secrétaire 
de  la  Société  royale  de  Londres.  » 

Les  analyses  se  succédant,  on  connut  bientôt  la 
composition  des  acides,  des  bases  et  celle   d'un 


CHIMIE 


—  404  — 


CHIMIE 


grand  nombre  de  sels.  Nous  no  pouvons  nous  ar- 
rêter ici  que  sur  les  lois  fondamentales  qui  en 
ressortireiit  et  qui  constituent  les  bases  inébranla- 
bles de  toutes  les  théories  de  la  chimie  moderne 
(V.  Equivalents). 

Loi  de  Wentzel.  —  En  versant  goutte  à  goutte  de 
l'acide  sulfurique  dans  une  dissolution  de  potasse 
caustique,  base  puissante,  on  arrive  à  obtenir  un 
composé  qui  n'a  plus  ni  les  propriétés  de  l'acide, 
ni  celles  de  la  potasse.  Ce  sel  n'a  aucune  action 
sur  le  sirop  de  violettes,  tandis  que  l'acide  le  rou- 
git et  que  la  potasse  le  verdit.  Ces  deux  corps  se 
sont  neutralisés.  L'expérience  prouve  que  les  poids 
d'acide  sulfurique  et  de  potasse  qui  se  neutrali- 
sent ainsi  en  formant  du  sulfate  neutre  de  potasse 
ne  sont  pas  égaux,  mais  qu'ils  sont  toujours  dans 
un  même  rapport,  quelles  que  soient  les  quantités 
de  sulfate  de  potasse  produites.  Si  on  sature  la 
même  quantité  de  potasse  par  un  autre  acide,  on 
trouvera  que  le  poids  de  l'acide,  qui  est  toujours 
dans  un  même  rapport  avec  celui  de  la  potasse, 
n'est  pas  égal  à  celui  de  l'acide  sulfurique  :  par 
conséquent  on  peut  dire  que  des  poids  différents 
d'acide  s'équivalent  chimiquement  en  se  combinant 
à  un  certain  poids  de  potasse  ;  si  nous  faisons  les 
mêmes  expériences  avec  de  la  soude,  ou  avec  de 
la  chaux,  ou  avec  de  la  magnésie,  ou  avec  une 
base  quelconque,  nous  trouverons  toujours  que 
les  poids  d'acide  qui  s'équivalent  en  présence  d'un 
même  poids  de  base  sont  toujours  dans  le  même 
rapport  quelle  que  soit  cette  base.  Inversement, 
si  nous  neutralisons  un  certain  poids  d'acide,  suc- 
cessivement par  de  la  potasse,  par  de  la  soude, 
ou  par  de  la  magnésie,  etc.,  nous  verrons  que 
les  poids  de  ces  bases  qui  neutralisent  un  même 
poids  d'acides  ne  sont  pas  égaux,  mais  qu'ils  sont 
toujours  dans  les  mêmes  rapports,  quelle  que  soit 
la  nature  de  l'acide. 

Loi  de  Richter.  —  Plongeons  une  lame  de  fer 
bien  propre  dans  une  dissolution  du  beau  sel  bleu 
qu'on  appelle  le  vitrioi  bleu  (sulfate  de  cuivre), 
nous  verrons  que  la  lame  de  fer  se  recouvre  de 
cuivre,  et  au  bout  d'un  certain  temps  la  liqueur 
n'en  contiendra  plus,  mais  elle  contiendra  du  fer  : 
ce  sera  du  sulfate  de  fer.  Les  poids  do  fer  et  de 
cuivre  qui  se  seront  ainsi  substitués  l'un  à  l'autre 
sans  qu'aucun  autre  corps  de  la  substance  ait  été 
déplacé  ne  sont  pas  égaux,  mais  ils  sont  dans  un 
certain  rapport  qu'on  retrouvera  toujours  entre 
les  poids  de  fer  et  de  cuivre  qui  pourront  se  com- 
biner à  un  même  poids  d'un  corps  quelconque  ;  on 
peut  donc  dire  que  ces  poids  de  fer  et  de  cuivre 
s'équivalent  dans  les  différentes  combinaisons  chi- 
miques. 

Des  expériences  semblables  faites  avec  d'autres 
sels  et  d'autres  métaux  ont  fait  naître  dans  la 
science  l'idée  si  féconde  de  l'équivalence  chimi- 
que (V.  Equivalents). 

Loi  de  Dalton.  —  Le  physicien  anglais  Dalton  a 
condensé  tous  ces  faits  remarquables  dans  une 
loi  très  simple  et  qui  n'a  rien  d'hypothétique,  car 
elle  n'est  que  l'expression  synthétique  des  résultats 
donnés  par  l'application  de  la  balance  à  l'analyse 
des  corps  composés.  Cette  loi  porte  le  nom  de 
loi  des  proportions  définies,  ou  loi  des  proportions 
multiples.  L'oxygène  et  l'azote  forment,  en  secombi- 
nanten  différentes  proportions,  cinq  corps  qui  diffè- 
rent complètement  par  leurs  propriétés.  L'analyse  a 
démontré  que  les  différents  poids  d'oxygène  qui, 
dans  ces  cinq  corps,  sont  combinés  à  un  même  poids 
d'azote,  sont  entre  eux  comme  les  nombres  1,  2, 
3,  4,  5  ;  ce  que  nous  disons  des  combinaisons  de 
l'azote  et  de  l'oxygène  est  vrai  aussi  de  celles  du 
chlore  et  de  l'oxygène,  du  fer  etde  l'oxygène,  du 
soufre  et  de  l'oxygène,  etc.;  de  là  la  loi  de  Dalton: 
Quad  deux  corps  se  combinent  en  plusieurs 
proportions,  les  différents  poids  de  l'un  qui  se 
combinent  avec  un  même  poids  de  l'autre,  sont 


des  multiples  exacts  du  plus  faible  d'ent'-e  eux. 
Loi  de  Gay-Lussac.  —  Quand  deux  gaz  se 
combinent,  les  volumes  de  ces  deux  gaz  et  celui 
du  composé  qui  en  résulte,  mesurés  dans  les  mê- 
mes conditions  de  température  et  de  pression, 
sont  entre  eux  dans  des  rapports  très  simples. 
Ainsi,  un  litre  de  chlore  et  un  litre  d'hydrogène 
s'unissent  pour  former  deux  litres  d'acide  chlorhy- 
drique  ;  deux  litres  d'hydrogène  et  un  litre  d'oxy- 
gène forment  deux  litres  de  vapeur  d'eau.  C'est 
l'ensemble  de  ces  lois  qui  a  donné  naissance  à  la 
théorie  dite  des  équivalents  et  ensuite  à  la  théorie 
dite  atomique.  La  première  n'est  point  pour  ainsi 
dire  une  théorie,  en  ce  sens  qu'elle  est  l'expression 
des  résultats  incontestables  de  l'analyse  ;  la  so 
condc,  pour  expliquer  les  faits  si  nombreux  et  si 
variés  que  les  chimistes  contemporains  ont  observés, 
principalement  dans  les  réactions  des  corps  orga- 
niques, a  fait  renaître  l'idée  ancienne  de  l'existence 
des  atomes,  c'est-à-dire  de  particules  matérielles 
excessivement  petites,  et  ne  se  subdivisant  ja- 
mais dans  les  combinaisons  chimiques.  Celles-ci 
d'aprèscette  hypothèse  neseraientque  desgroupe- 
ments d'atomes. 

Nomenclature.  —  Les  années  qui  suivirent  la 
découverte  de  Lavoisior,  comme  nous  l'avons  déjà 
dit,  virent  se  multiplier  les  analyses  chimiques, 
et  bientôt  on  vit  les  difficultés  inextricables  qui 
résultaient  de  l'emploi  de  noms  pour  le  moins  bi- 
zarres et  souvent  en  opposition  complète  avec  la 
constitution  des  corps  qu'ils  représentaient.  La- 
voisier  et  Guyton  de  Morveau  eurent  les  premiers 
l'idée  de  substituer  aux  noms  anciens  un  système 
de  noms  représentant  la  composition  des  corps. 
Exemples  :  l'huile  de  vitriol  n'a  de  l'huile  que  l'ap- 
parence la  plus  superficielle,  tandis  que  le  nom 
d'acide  sulfurique  que  ce  corps  porte  aujourd'hui 
rappelle  non  seulement  qu'il  est  formé  de  soufre 
et  d'oxygène,  mais  aussi  dans  quelles  proportions 
ces  deux  corps  sont  combinés. 

La  nomenclature  fut  dressée  par  les  savants 
français  Guyton  de  Morveau,  Fourcroy,  Berthollet, 
Monge,  qui  s'aidèrent  des  travaux  de  Lavoisier.  lis 
ne  se  contentèrent  pas  de  créer  la  nomenclature 
parlée,  mais  ils  donnèrent  les  règles  qui  servent 
encore  aujourd'hui  à  représenter  d'une  façon 
abrégée  et  précise  la  nature  et  les  proportions  des 
corps  simples  qui  entrent  dans  un  corps  composé. 
Exemples:  les  symboles  AzO,  AzO^,  AzO'^,  AzO*, 
AzO^,  indiquent  que  les  corps  qu'ils  représentent 
sont  formés  d'azote  et  d'oxygène,  et  qu'en  outre  les 
poids  d'oxygène  sont  à  celui  de  l'azote  dans  les 
proportions  d'une  fois  l'équivalent  de  l'oxjgènc 
pour  une  fois  l'équivalent  de  l'azote  dans  le  pre- 
mier ;  de  deux  fois  l'équivalent  de  l'oxygène  pour 
une  fois  celui  de  l'azote  dans  le  second,  etc. 

La  nomenclature  chimique  était  devenue  indis- 
pensable, car  :\  toute  science  constituée  il  faut  un 
langage  précis  et  spécial  ;  elle  a  rendu  d'immenses 
services,  et,  quelles  que  soient  lesmodifications 
complémentaires  qu'elle  ait  subies  ou  qu'elle  su- 
bisse dans  l'avenir,  les  principes  fondamentaux 
en  subsisteront  longtemps  {\' .  Nomenclature). 

Elerti  o-c/iimie.  —  Les  anciens  chimistes  n'em- 
ployaient guère  que  la  chaleur  pour  opérer  les 
combinaisons  ou  les  décompositions  chimiques  ; 
cependant  Sclieele,  contemporain  de  Lavoisier,  con- 
naissait un  peu  l'action  décomposante  de  la  lu- 
mière sur  les  sels  d'argent  (V.  Photographie);  La- 
voisier et  Laplace  avaient  fabriqué  de  l'eau  en 
combinant  l'hydrogène  et  l'oxygène  par  l'étincelle 
électrique.  Mais  tout  à  la  fin  du  dernier  siècle  l'in- 
vention de  la  pile  voltaîque  venait  de  mettre  entre 
les  mains  des  chimistes  une  puissance  nouvelle  et 
sans  égale  :  le  courant  électrique. 

Dès  1800,  Carliste  et  Nicholson  en  Angleterre  dé- 
composaient l'eau  en  faisant  passer  au  travers  un 
courant  électrique  et  obtenaient  les  deux  gaz  hy^ 


CHIMIE 


—  405  — 


CHIMIE 


drogène  et  oxygène  avec  lesquels  quinze  ans  plus  tôt 
Laroisier  avait  fabriqué  de  l'eau. 

En  1807,  le  grand  chimiste  anglais  Davy  parve- 
nait à  décomposer  la  potasse,  la  soude,  la  magnésie 
au  moj'en  d'un  puissant  courant  voltaique,  et,  en 
découvrant  ainsi  plusieurs  métaux  nouveaux,  il  vé- 
rifiait Vidée  émise  par  Lavoisier  que  toutes  les 
terres  et  les  chaux  contenaient  un  métal.  Davj-, 
en  effet,  extrayait  le  potassium  de  la  potasse,  le 
sodium  de  la  soude,  etc. 

Aucun  sel  ne  pouvait  résister  à  l'action  décom- 
posante du  courant  électrique  ;  le  sulfate  de  soude, 
le  sulfate  de  cuivre,  l'azotate  d'argent  étaient  dé- 
composés (V.  Galvanoplastie). 

Après  l'invention  du  galvanomètre  (V.  Electri- 
cité, p.  660),  on  fut  conduit  à  rechercher  si  l'é- 
lectricité ne  se  manifestait  point  en  même  temps 
que  la  chaleur  dans  les  combinaisons  chimiques, 
et  des  faits  aussi  nombrf'ux  qu'incontestables  dé- 
montrent que,  chaque  fois  que  deux  corps  se  com- 
binent, il  se  produit  un  courant  électrique  ;  on  peut 
même  dire  que  les  courants  électriques  qui  prennent 
naissance  dans  les  piles  sont,  dus  aux  actions  chimi- 
ques qui  s'y  passent.  De  là  est  née  la  théorie  dualisti- 
que  développée  et  défendue  par  Berzélius,  célèbre 
chimiste  suédois;  cette  théorie  cou  siste  à  ne  voir  dans 
toute  combinaison  chimique  que  l'union  de  deux 
corps  simples  ou  composés  ;  au  moment  de  leur 
combinaison  ils  sont  dans  des  états  électriques 
contraires.  Deux  corps  simples,  l'oxygène  et  un 
métal,  s'unissent  pour  former  une  base  ;  un  mé- 
talloïde et  l'oxygène  s'unissent  et  forment  un 
acide  ;  l'acide  et  la  base  s'unissent  pour  former  un 
sel.  Quelquefois  un  sel  s'unit  à  un  autre  pour  for- 
mer un  sel  double.  Telle  est  en  deux  mots  l'idés  de 
Il  théorie  dualistique.  Sans  être  complètement 
rejetée,  on  peiit  dire  qu'elle  n'est  pas  exclu^ive- 
m-nt  admise,  surtout  dans  la  chimie  organique 
(V.  Chimie  organique).  C'est  surtout  l'étude  des 
composés  organiques,  à  peine  commencée  il  y  a 
quarante  ans,  qui  a  nécessité  l'adoption  de  vues 
nouvelles  sur  les  combinaisons  chimiques. 

Divisions  de  la  chimie.  —  On  a  cru  jusqu'au  mi- 
lieu de  ce  siècle  que  les  transformations  que  su- 
bissent les  corps  dans  les  êtres  vivants  sous  1-ac- 
tion  de  l'organisme  n'étaient  pas  de  même  nature 
et  n'étaient  pas  régies  par  les  mêmes  lois  que 
les  substances  minérales.  Cette  manière  de  voir 
est  complètement  abandonnée  depuis  que  les  chi- 
mistes à  la  suite  de  M.  Berthelot  ont  pu  dans 
leurs  laboratoires  fabriquer  des  corps  organiques, 
l'alcool  par  exemple  {V.  Synthèse  et  Chimie  organi- 
que). Il  n'y  a  qu'une  chimie,  et,  si  on  désigne 
encore  par  le  nom  de  chimie  inorganique  ou 
chimie  minérale  la  science  qui  étudie  tout  ce  qui 
constitue  le  règne  minéral  (corps  simples,  com- 
posés binaires,  bases,  acides  minéraux,  sels  de 
toute  sorte,  etc.),  et  par  chijnie  organique  celle 
qui  s'occupe  des  transformations  de  tout  ce  qui  a 
été  produit  sous  l'influence  de  la  vie  animale  ou 
végétale,  c'est  parce  que  l'objet  de  la  science  est 
si  vaste  qu'on  est  obligé  de  le  subdiviser  :  on  dit 
chimie  organique,  com.ne  on  dit  chimie  industrielle, 
chimie  agricole,  pour  indiquer  les  diverses  appli- 
cations de  la  chimie.  [Alfred  Jacquemart.] 

I.   PLAN   DU  COURS 

Prélirninaires.  —  Généralités.  —  Historique.  — 
Actions  diverses  des  corps  les  uns  sur  les  autres. 
Action  de  la  chaleur  sur  eux.  Etats  de  la  matière. 
—  V.  l'article  ci-dessus,  et  les  mots  Chaleur,  Gaz, 
Liquides.  Soli  es,  Çombinai-ons,  Analyse  chimi- 
que. Synthèse  chimique.  Thermochimie,  Science. 

I.  —  Chimie  inorganique  ou  minérale. 
I.  — Expérience  de  Lavoisier.  Combustion.  Analyse 


de  l'air.  Oxygène.  Azote.  —  V,  Air,  Atmosphère f 
Oxygène,  Combustion,  Azote. 

II.  — Notions  élémentaires  de  nomenclature.  Corps 
simples.  Métaux.  Métalloïdes.  — Corps  composés. 
Acides.  Bases.  Corps  neutres.  Sels.  —  V.  Nomen- 
clature, Corps  S'mples,  Métalloïdes,  Métaux, 
Combinaisons,  Equivalents,  Acides,  Bases,  Sels. 

TU.  —  Eau.  Hydrogène.  Décomposition  de  l'eau 
par  le  fer  et  par  la  pile.  Synthèse  de  l'eau.  Re- 
cherche de  quelques  substances  en  dissolution 
dans  les  eaux  naturelles.  —  V.  E'iu,  Hydrogène. 

IV.  —  Carbone.  Variétés  de  charbons.  Acide  carbo- 
nique. Oxyde  de  carbone.  Hydrocarbures.  Gaz 
d'éclairage.  Flamme.  Effets  des  toiles  métalliques. 
Lampe  de  sûreté.  —  V.  Métalloïdes,  Charbon, 
Diamant,  Bitumes  (au  supplément),  Houille, 
Gaz  d'éclairage,  Hydrogène,  Pétrole. 

V.  —  Oxydes  d'azote.  —  Acide  azotique.  —  Am- 
moniaque. —  V.  A*ote,  Ammoniaque,  Poudre. 

VI.  —  Soufre.  —  Acide  sulfureux.  —  Acide  sulfu- 
rique.  —  Hydrogène  sulfuré .  —  Sulfure  de  car- 
bone. —  V.  Métalloïdes,  Soufre,  Poudre,  Char- 
bon. 

VII.  —  Phosphore.  —  Acide  phosphorique.  —  Hy- 
drogène phosphore.  —  V.  Métalloïd-s,  Phos- 
phore. 

VIII.  Chlore.  —  Acide  chlorhydrique.  —  Iode.  — 
Brome.  —  Fluor.  — V.  Métalloïdes,  Chlore,  Fluor 

IX.  —  Arsenic  et  ses  acides.  —  V.  Métalloïdes, 
Poisons. 

X.  —  Silicium.  —  Silice.  —  V.  Métalloïdes,  Silice, 
Verre,  Poterie,  Porcelaine. 

XI.  —  Généralités  sur  les  métaux  ;  leur  classifica- 
tion. Oxydation  des  métaux  à  l'air  sec,  à  l'air 
humide,  à  l'air  chaud,  en  présence  de  l'eau.  — ■ 
V.  Métaux.  ' 

XII.  — Oxydes  en  général;  leur  préparation,  leurs 
usages.  —  V.  Oxj/des. 

XIII.  —  Action  du  soufre  sur  les  métaux.  —  Ca- 
ractères des  sulfures.  —  Action  de  l'air  et  de 
l'eau  sur  les  sulfures  importants.  —  V.  Soufre. 

XIV.  —  Action  du  chlore  sur  les  métaux.  —  Chlo- 
rures métalliques.  —  Principaux  d'entre  eux.  — 
Action  de  l'eau  et  des  métaux  sur  les  chlorures. 

—  V.  Chlore. 

XV.  —  Sels  en  général.  —  Lois  de  Berthollet.  — 
On  montrera  pour  les  sels  les  plus  usuels  com- 
ment on  en  reconnaît  le  genre.  —  Equivalents.  — 
Isomorphisme.  —  Carbonates,  Sulfates,  Azotates, 
Prussiates,  Phosphates,  Silicates,  etc.  Leurs 
propriétés  générales,  leur  importance  dans  la 
nature  et  dans  l'industrie.  —  V.  Sels,  Equiva- 
lents, Charbon,  Soufre,  Plâtre,  Azote,  Cyano- 
gène, Phosphore,  Silice,    Verre,  Poterie. 

XVI.  —  Métaux  en  particulier.  —  Composés  les 
plus  usuels  du  potassium  et  du  sodium.  — 
1"  Potasses,  Soudes.  —  2°  Sel  marin.  —  3°  Nitre, 
Sels  ammoniacaux.  —  V.  Métaux,  Alcalis,  Po- 
tasse, Soude,  Sel  mnrin.  Salpêtre,  Azote,  Ammo- 
ni'ique,  Poudre,  SavoJis,   Verre. 

XVII.  —  Composés  principaux  du  calcium,  du  ba- 
ryum, du  strontium,  du  magnésium  et  de  l'alu- 
minium. —  V.  Métaux,  Terres,  Ciiaux. 

XVIII.  —  Fer  et  ses  composés.  Fonte.  —  Acier.  — 
Minerais.  —  V.  Métaux,  Fer. 

XIX.  —  Zinc.  Etain.  Plomb.  Cuivre.  —  Vitriol 
blanc.  Vitriol  bleu.  Céruse,  etc.  —  V.  Métaux, 
Zinc,  Etain,  Plomb,  Cuivre. 

XX.  —  Mercure.  Platine.  Argent.  Or.  —  Alliages. 

—  V.  Mercure,  Platine,  Argent  (au  supplément), 
Or,  Métaux,  Clore,  Photographie,  Alliages. 

II.  —  Chimie  organique. 

XXI.  —  Généralités  sur  la  chimie  organique.  — 
Notions  sur  la  composition  des  matières  organi- 


CHIMIE 


—  406  — 


CHIMIE 


ques.  —  Recherche  des  produits  organiques  dans 
les  végétaux.  —  V.  ci-dessous  l'article  Chimie 
organique,  et  les  mots  Acides,  Alcaloïdes,  Clia- 
leur,  Distillation. 

XXII.  —  Etude  des  corps  neutres.  Cellulose, 
bois  :  altération,  conservation,  carbonisation.  — 
Amidon.  Fécules.  Farine.  Gluten.  Dextrine.  Glu- 
cose. Sucre  de  canne.  Sucre  de  fruits.  Miel.  — 
V.    Tissus     végétaux,    Amidon,  Fécule,  Sucre. 

—  V.  aussi  Chimie  agricole. 

XXIII.  —  Fermentation.  Alcools.  Acide  acétique. 
Ethers.  —  V.  Fermentation,  Ferments,  Alcools, 
Acétique  [acide).  Vinaigre,  Tartre. 

XXIV.  —  Huiles  et  graisses.  Saponification.  Savons 
durs.  Savons  mous.  —  Acides  gras.  Bougie  stéa- 
rique.  Huiles  volatiles.  Résines.  Gommes.  Ver- 
nis. —  V.  Corips  gras.  Huiles,  Savons,  Résines, 
Gommes,  Vernis. 

XXV.  —  Alcaloïdes  :  Morphine,  Quinine.  —  Alca- 
lis   organiques  :    volatils,    naturels,    artificiels. 

—  V.  Alcaloïdes,  Opium,  Quinquina. 

XXVI.  —  Matières  colorantes.  —  Notions  sur  la 
teinture  et  l'impression.  —  V.  Colorantes  [ma- 
tières]. Teinture. 

XXVII.  —  Matières  animales  neutres.  —  Compo- 
sition du  sang,  du  lait,  etc.  —  Conservation  des 
matières  animales.  —  Tannage  des  peaux.  — 
V.  Albumine,  Sang,  Lait,  Conserves  alimen- 
taires. Cuir. 

AUTRE  PROGRAMME. 

Nous  donnons,  en  outre,  à  l'usage  des  écoles 
primaires  supérieures,  l'esquisse  d'un  cours  de 
chimie  plus  réduit  ne  comprenant  que  les  notions 
les  plus  usuelles  : 

On  suppose  avoir  pour  auditeurs  des  jeunes 
gens  de  treize  à  quatorze  ans  au  moins,  munis  du 
certificat  d'études  primaires  et  se  destinant  à 
l'agriculture,  au  commerce,  à  l'industrie,  aux  arts 
industriels  ou  même  aux  professions  manuelles; 
ces  jeunes  gens  représentent  l'élite  des  écoles 
primaires  d'un  canton.  Un  cours  très  élémentaire 
de  chimie  pourrait  leur  être  fait  en  six  mois  à  rai- 
son d'une  leçon  par  semaine,  c'est  à-dire  en  une 
vingtaine  d'heures  à  peu  près;  il  pourrait  se  di- 
viser comme  suit  : 

Leçons  I  et  II.  —  Exposition  de  substances  nom- 
breuses et  convenablement  choisies.  —  Expérien- 
ces simples.  —  Dans  ces  deux  leçons»  faites  sous 
forme  de  causerie  familière,  le  professeur,  à  l'aide 
d'exemples  frappants,  choisis  surtout  parmi  les 
objets  usuels,  donnera  une  idée  générale  du  but 
et  des  applications  de  la  chimie,  des  propriétés  et 
des  dififérents  états  des  corps,  des  transformations 
qu'on  peut  leur  faire  subir  selon  les  usages  qu'on 
veut  en  faire. 

Action  delà  chaleur  sur  les  corps  inorganiques  ; 
sur  les  matières  organiques.  Fusion.  Volatihsation. 
Combinaisons  sous  l'influence  de  la  chaleur  ;  com- 
bustion d'un  métal  dans  l'air,  dans  le  soufre,  dans  le 
chlore. 

Action  de  la  lumière  (chlore,  phosphore),  action 
de  l'électricité. 

Action  propre  à  certaines  substances  (teinture 
de  tournesol  rougie  par  les  acides,  ramenée  au 
bleu  par  les  bases.  Action  des  acides  communs  sur 
les  métaux).  Divers  exemples  de  réactions. 

Formation  de  sels  colorés  insolubles  par  mé- 
lange de  dissolutions. 

Leçons  III  et  IV.  —  Expérience  de  Lavoisier, 
analyse  de  l'air  ;  explication  des  phénomènes  de 
combustion  par  la  théorie  de  Lavoisier.  Combus- 
tions nombreuses  ;  étude  sommaire  de  l'oxygène, 
de  l'air  et  de  l'azote. 

Leçons  V  et  VI.  —  Analyse  et  synthèse  de  l'eau  ; 
étude  de  l'hydrogène.  —  Définition  du  fait  chimi- 
que résultant  des  études  précédentes. 


Leçon  VII.  —  Nomenclature  sans  notation  chi- 
mique ;  montrer  les  difi'érents  corps,  apprendre  à 
les  nommer  et  à  les  reconnaître. 

Leçons  VIII  et  IX.  —  Action  des  acides,  des  bases, 
des  sels.  —  Saturation,  proportions  constantes 
dans  la  saturation.  Expériences  de  la  substitution 
d'un  métal  à  un  autre  dans  les  dissolutions  sali- 
nes. Idée  de  l'équivalent.  Notation  chimique. 

Leçon  X.  —  Applications  des  diverses  forces  :  calo- 
rique, électricité,  lumière,  à  la  transformation  des 
corps  ;  expériences  nombreuses,  préparation,  et 
représentation  de  ces  réactions  à  l'aide  de  l'équa- 
tion chimique,  en  partant  de  ce  principe  :  que  rien 
ne  se  crée  ni  ne  s'anéantit. 

Leçons  XI,  XII,  XUL  —  Étude  du  carbone,  du 
chlore,  du  soufre,  du  phosphore,  de  l'iode,  du  si- 
licium, de  leurs  principaux  composés. 

Préparation  devant  les  élèves  du  chlore,  du 
sulfure  de  cuivre,  de  l'acide  phosphorique,  de  l'io- 
dure  d'amidon,  de  l'acide  carbonique. 

Notions  sur  la  fabrication  en  grand  et  sur  les 
usages  de  l'acide  sulfurique,  de  l'acide  azotique, 
de  la  chaux,  du  carbonate  de  soude. 

Leçons XIV  et  XV. —  Les  métaux  en  général;  et 
en  particulier  le  potassium,  le  fer,  l'argent,  l'or 
et  le  platine.  Générahtés  sur  les  sels  de  ces  mé- 
taux. 

Leçon  XVI.  —  Étude  chimique  des  composés 
organiques.  Nombreux  corps  organiques  à  citer  et 
à  montrer  aux  élèves.  Produits  organiques  et  prin- 
cipes immédiats  distingués  par  des  exemples. 

Facile  décomposition  de  ces  produits.  Calcina- 
tion,  putréfaction,  fermentation.  Extraction  des 
produits  organiques,  divers  procédés  ;  dissolvants 
usuels  ;  dessiccation,  conservation.  —  Analyse,  gé- 
néralités sur  la  constitution  et  sur  les  formules 
des  corps  organiques  :  acides,  alcaloïdes,  corps 
neutres.  Nommer  un  grand  nombre  de  ces  corps 
en  disant  où  ils  se  rencontrent  et  quelles  applica- 
tions on  en  fait. 

Leçon  XVII.  —  Fermentations  ;  description  des 
diverses  fermentations  ou  phénomèoes  vulgaires 
qui  s'y  rattachent,  fermentations  industrielles,  pro- 
duits fermentes,  substances  qui  prennentnaissance 
pendant  les  dififérentes  fermentations.  Destruction 
des  ferments  ;  conservation  des  substances  fer- 
mentescibles.  —  Hygiène.  —  Industrie. 

Leçons  XVIII  et XIX.  —  Sucre.  —  Alcool.—  Éther. 
—  Acide  acétique,  lactique,  etc.,  divers  produits 
et  réactions. 

Idée  des  théories  qui  ont  essayé  d'expliquer 
les  nombreuses  transformations  des  substances 
organiques,  ainsi  que  la  formation  de  leurs  déri- 
vés, en  les  ramenant  plus  ou  moins  aux  réactions 
qui  se  passent  entre  les  substances  minérales.  — 
Produits  homologues.  —  Produits  dérivés.  —  Ra- 
dicaux. —  Série.  Expliquer  la  théorie  des  radicaux 
et  celle  des  substitutions  sur  un  exemple  bier 
choisi,  comme  la  production  des  dérivés  de  l'alco»  i 
de  vin  :  l'acide  acétique,  l'éther,  etc.,  celle  des 
ammoniaques  composées,  des  éthers. 

Récapitulation  :  prendre  quelques  exemples 
donnant  lieu  à  l'application  de  plusieurs  des  théo- 
ries ci-dessus  ^comme  les  cyanures ,  les  dérivés 
chlorés  de  la  benzine,  les  corps  gras,  les  alca- 
loïdes). 

2.  PROGRAMMES  ÉTRANGERS. 

ITALIE.—  Écoles  norm.\les.  ^L'enseignement  delà 
chimie  est  combiné  avec  celui  (de  la  minéralogie.) 
Le  professeur  expliquera  brièvement  ce  qu'on  en- 
tend par  corps  simples  et  corps  composés,  et  la 
manière  dont  s'effectuent  les  combinaisons  des 
corps  entre  eux. 

Puis  il  parlera  de  l'oxygène  et  de  sa  présence 
dans  l'air,  de  ses  caractères;  il  fora  voir  expéri- 
mentalement le  rôle  de  l'oxygène  dans  la  combus- 
tion,  et  parlera  de   ses   conibinaisons.  En  parlant 


CHIMIE 


—  407 


CHIMIE 


ensuite  de  l'hydrogène,  il  en  fera  voir  l'inflamma- 
bilité,  et,  si  possible,  exécutera  l'analyse  et  la 
synthèse  de  l'eau. 

Il  traitera  ensuite  du  carbone,  du  diamant,  des 
diverses  sortes  de  charbons,  de  la  carbonisation 
des  substances  organiques;  puis  de  l'acide  carbo- 
nique, du  gaz  des  marais,  du  gaz  d'éclairage,  avec 
quelques  explications  sur  la  flamme. 

Puis  de  lazote,  de  sa  présence  dans  l'air,  de 
l'acide  azotique,  de  l'ammoniaque.  Du  chlore,  de 
l'acide  chiorhydrique,  du  soufre,  des  acides  sulfu- 
reux, sulfurique  et  sulfhydrique,  du  phosphore, 
de  l'acide  phosphorique,  et  de  l'arsenic.  Du  sili- 
cium et  de  la  silice,  du  quartz  et  de  ses  principales 
variétés,  de  l'aluminium  et  de  l'alumine. 

Puis  il  parlera  du  potassium  et  de  la  potasse,  du 
salpêtre  ;  du  sodium  et  de  la  soude,  du  sel  com- 
mun ;  des  feldspaths  et  autres  substances  miné- 
rales composées  de  silice,  d'alumine,  de  potasse  et 
de  soude  ;  puis  du  calcium  et  de  la  chaux,  des 
marbres,  de  la  pierre  calcaire,  du  gypse,  du  ma- 
gnésium et  de  la  magnésie,  du  baryum  et  de  la 
baryte. 

Ensuite  viendront  le  fer  et  ses  propriétés,  h 
fonte,  l'acier,  le  fer  doux  et  sa  diff'usion  dans  la 
nature,  les  principaux  minerais  de  fer  et  les  pro- 
cédés employés  pour  en  extraire  le  métal.  On 
donnera  également  quelques  détails  sur  le  cuivre, 
le  zinc,  le  plomb,  l'étain,  le  mercure,  l'argent,  l'or 
et  1;  platine. 

L'enseignement  devra  être  accompagné  de  nom- 
breuses expériences,  et  il  faudra  toujours  mettre 
sous  les  yeux  des  élèves  les  corps  dont  on  leur 
parle.  {Programme  du  10  octobre  ISG'.) 

ALLEMAGNE.  — ÉCOLE  SUPÉRIEURE  DE  JEUNES  FILLES 

(Hôhere  M&dchenschule),  a  Bruxswick. 

Classe  II.  —  Oxygène,  azote,  hydrogène,  car- 
bone, et  leurs  principales  combinaisons  (air,  eau, 
acide  carbonique,  gaz  d'éclairage,  flamme). 

Classe  I.  —  a.  Chimie  inorganique  :  révision 
de  ce  qui  a  été  enseigné  l'année  précédente,  en  le 
complétant  par  l'étude  de  l'eau-forte,  de  l'ammo- 
niaque, du  gaz  des  marais  ;  puis  viennent  le  chlore 
(acide  chiorhydrique,  eau  régale,  chlorure  de 
chaux);  le  soufre  (acide  sulfurique);  le  phosphore 
(allumettes)  ;  le  silicium  (acide  silicique,  verre). 
—  Les  métaux  sont  étudiés  dans  les  leçons  de  mi- 
néralogie, où  l'on  traite  de  la  manière  de  les  ex- 
traire des  minerais,  de  leur  emploi,  et  de  leurs 
principales  propriétés. 

à.  Chimie  organique  :  la  cellulose  et  ses  modi- 
fications par  la  carbonisation,  la  combustion,  la 
putréfaction  et  la  décomposition  (fabrication  du 
jiapier);  l'amidon  et  sa  transformation  par  l'acide 
sul/urique  et  la  diastase;  la  gomme;  le  sucre; 
l'albumine  ;  la  caséine,  le  gluten  ;  la  fermentation 
'.vin,  bière,  eau-devie,  vinaigre,  pain);  la  graisse 
' savon);  composition  du  sang,  des  os,  des  muscles 
et  des  nerfs  ;  substances  alimentaires. 

Ecole  normale  d'instituteurs  a  Gotha.  —  (Le 
programme  ci-dessous  a  été  élaboré  par  M.  Burbach, 
professeur  de  sciences  naturelles  à  l'École  normale 
do  Gotha,  et  publié,  en  1>.7:3,  dans  le  rapport  an- 
nuel de  cet  établissement.  Nous  lui  donnons  une 
place  à  cause  de  son  originalité,  qui  ne  nous  pa- 
rait pas  sans  mérite.) 

Les  métaux  les  plus  connus  et  la  manière,  dont 
ils  se  comportent  lorsqu'ils  sont  chauffes  et  mis  en 
contact  avec  l'air  atmosphérique  :  étain,  plomb, 
zinc,  fer,  cuivre,  magnésium,  mercure,  argent, 
platine.  Observation  des  altérations  éprouvées  dans 
ces  circonstances  par  les  métaux  non  précieux.  — 
Echaufifement  de  ces  métaux  hors  du  contact  de  l'air, 
sous  l'action  du  borax,  dans  l'hydrogène.  L'hydro- 
gène et  ses  propriétés  les  plus  importantes.  ~  L'air 
envisagé  comme  cause  des  altérations  observées 
dans  les  métaux.  Examen  de  l'air  au  point  de  vue 
de  son  action  sur  les  métaux.  L'azote  et  l'oxygène 


comme  éléments  constitutifs  de  l'air.  —  L'oxygène, 
sa  nature,  ses  propriétés.  Oxydations  et  réduc- 
tions. 

La  chimie,  sa  position  dans  les  sciences.  Actions 
physiques  et  actions  chimiques.  Affinités  chimi- 
ques. Lois  des  combinaisons  chimiques.  Atome  et 
molécule.  Les  formules  chimiques.  Classification 
des  corps  simples.  Métalloïdes  et  métaux. 

Nomenclature  et  propriétés  des  combinaisons  de 
l'oxygène.  Comparaison  de  l'o-xygène,  de  l'hydro- 
gène, de  l'azote.  —  Combinaison  de  l'hydrogène 
avec  l'oxygène.  Propriétés  chimiques  de  l'eau.  — 
Combinaison  de  l'azote  avec  l'oxygène.  Acide  azo- 
tique. Son  action  sur  les  oxydes  basiques,  sels. 
Son  action  sur  les  métaux. 

La  combustion,  les  allumettes.  Température 
d'inflammation  et  de  combustion.  Le  phospliore, 
nature,  propriétés,  combinaisons.  Acide  phospho- 
rique, hydrogène  phosphore.  —  Le  soufre,  nature, 
propriétés,  etc.  Acides  sulfureux  et  sulfurique. 
Hydrogène  sulfuré.  Action  sur  les  métaux  et  les 
combinaisons  métalliques.  Les  sulfides.  Comparai- 
son de  la  flamme  du  phosphore  et  de  celle  du 
soufre;  lumière  de  la  flamme.  —  Le  bois,  ses  élé- 
ments, distillation  sèche.  Le  carbone,  sa  présence 
dans  le  règne  minéral  ;  propriétés,  usages,  combi- 
naisons. Acide  carbonique,  oxyde  de  carbone,  car- 
bures d'hydrogène.  Combustion  et  putréfaction 
complètes  et  incomplètes.  Théorie  de  la  flamme, 
éclairage,  préparation  du  gaz,  chauÔ'age. 

L'arsenic  et  l'antimoine.  —  L'iode,  le  brome, 
le  chlore,  acide  chlorique,  acide  chiorhydrique.  — 
Silicium,  fluor,  bore.  Minéraux,  cristal  de  roche, 
agate,  etc. 

Le  salpêtre,  nature,  préparation,  propriétés.  Dé- 
composition par  l'acide  sulfurique.  Potasse  causti- 
que, potassium,  sels  de  potasse,  potasse  du  com- 
merce, chlorate  de  potasse,  poudre  à  canon.  — 
La  soude,  sa  nature,  etc.;  sa  décomposition  par  les 
acides.  Le  natron,  le  sodium,  sels  de  soude,  sel  de 
Glauber,  borax.  Sel  de  cuisine.  Fabrication  du  verre. 
—  Le  sel  ammoniac,  sa  décomposition  par  les  aci- 
des. L'ammoniaque,  ses  combinaisons. 

La  pierre  à  chaux.  Sa  décomposition  par  les  aci- 
des et  la  chaleur.  Chaux  vive.  Fours  à  chaux.  Miné- 
raux :  gypse,  spath,  etc.  —  Les  minéraux  du  stron- 
tium, du  baryum,  du  magnésium.  —  L'argile,  na- 
ture, propriétés.  Terre  glaise,  aluminium.  Emploi 
dans  l'industrie,  porcelaine,  grès,  faïence.  Miné- 
raux de  la  terre  glaise.  Alun. 

Les  métaux  les  plus  connus,  leur  présence  à 
l'état  natif,  leur  extraction  des  minerais,  leur  em- 
ploi dans  l'industrie,  leurs  combinaisons  les  plus 
importantes.  Fer,  manganèse,  chrome,  cobalt,  nic- 
kel, zinc,  plomb,  cuivre,  bismuth,  étain.  Les  mé- 
taux précieux. 

Quelques  chapitres  de  la  chimie  organique  :  corps 
gras,  huile,  saponification  ;  alcool,  éther,  gomme, 
résine,  huiles  essentielles. 

Lectures  et  dictées.  —  La  chimie,  son  objet 
comme  science,  son  rôle  dans  la  nature.  —  L'objet 
de  la  chimie  est  de  reconnaître  les  parties  inté- 
grantes des  minéraux.  Le  chimiste  emploie  les 
moyens  les  plus  ingénieux  et  les  agents  les  plus 
puissants  pour  parvenir  à  son  but.  Le  feu  semble 
obéir  à  sa  volonté  pour  l'analyse  des  corps  ;  il  sé- 
pare successivement  les  parties  les  plus  volatiles  ; 
il  enflamme,  il  brûle,  il  calcine,  et  il  vitrifie  les 
parties  les  plus  fixes.  Ces  opérations  produisent 
des  liquides  aqueux  et  huileux,  et  d'autres  qui  ont 
assez  d  activité  et  de  force  pour  dissoudre  des  ma- 
tières très  dures  :  c'est  par  ces  dissolutions  que  le 
chimiste  fait  ses  opérations  les  plus  merveilleuses. 
11  est  parvenu  à  connaître  le  degré  de  sympa- 
thie, d'affinité,  d'attraction,  qui  dispose  certaines 
substances  à  s'unir  ensemble,  ou  à  se  quitter  pour 
s'attacher  à  d'autres.  Par  ce  moyen  surprenant 
d'unir   et  de  séparer  diverses   substances,  le  chi- 


CHIMIE  AGRICOLE       —  ^08  —         CHIMIE   AGRICOLE 


miste  fait  toutes  sortes  de  combinaisons  ;  il  mêle 
difl'érentcs  matières  pour  les  disposer  les  unes  par 
les  autres  à  manifester  leurs  qualités  essentielles. 
(Daubenton,  première  leçon  à  l'Ecole  normale, 
établie  par  la  Convention.  6  pluviôse  an  III. 
Séances  des  écoles  normales,  tome  I.) 

Le  rôle  de  la  chimie  dans  la  nature.  —  Il  y  a 
une  chimie  naturelle  indépendante  de  l'art;  la 
nature  l'exerce  par  le  moyen  des  différentes  sub- 
stances que  l'air  transporte,  que  l'eau  charrie,  et 
que  la  chaleur  volatilise,  calcine  et  vitrifie.  Le 
laboratoire  de  la  nature  est  aussi  étendu 
que  la  région  des  nuages  et  que  le  globe 
de  la  terre;  il  est  dans  son  sein,  dans  la  pro- 
fondeur des  mines,  sous  les  eaux  des  fleuves  et 
de  la  mer,  et  dans  les  gouffres  des  volcans. 

La  nature  travaille  en  secret  et,  à  l'aide  du 
temps,  elle  décompose  les  pierres  ;  elle  forme  des 
sels  minéraux  ;  elle  les  détruit  et  les  recompose 
par  les  différentes  propriétés  de  ses  agents.  Le 
naturaliste  observe  leurs  différents  états  et  leurs 
divers  effets  ;  mais  la  plupart  de  ces  agents  sont 
cachés  et  leur  action  est  trop  lente  pour  être  aper- 
çue. Le  chimiste  est  plus  prompt  dans  ses  procé- 
dés^ lorsqu'il  peut  employer  des  agents  plus  puis- 
sants. Quelquefois  il  imite  les  opérations  de  la 
nature  sans  les  connaître.  On  faisait  le  kermès  mi- 
néral et  le  bloude  Prusse,  longtemps  avant  que  l'on 
eût  découvert  qu'ils  étaient  formés  naturellement 
dans  le  sein  de  la  terre  en  Toscane  et  en  Sibérie. 

D'autres  fois  les  chimistes,  après  avoir  décom- 
posé un  corps,  parviennent  à  le  recomposer  avec 
les  mêmes  substances  qu'ils  en  ont  tirées. La  mine 
d'argent  vitreuse  donne,  par  l'analyse,  du  soufre 
et  de  l'argent;  on  fait  une  nouvelle  mine  d'ar- 
gent vitreuse,  en  mêlant  du  soufre  avec  de  l'ar- 
gent en  fusion  On  réduit  l'eau  en  hydrogène  et 
en  oxygène  :  avec  de  l'hydrogène  et  de  l'oxygène 
on  fait  de  l'eau  ;  ces  opérations  paraîtraient  in- 
croyables sans  la  confiance  que  méritent  les  célè- 
bres auteurs.    (Daubenton,  ibid.) 

CHIMIE  AGRICOLE.  —  Agriculture,  II.  —  «  L'é- 
tude de  la  physiologie  végétale  fait  connaître  les 
substances  dont  les  plantes  sont  formées.  C'est 
dans  l'atmosphère  et  dans  le  sol  qu'elles  puisent 
ces  substances,  c'est  donc  là  qu'il  faut  en  recher- 
cher l'existence.  Dans  l'atmosplière  les  plantes 
trouvent  l'acide  carbonique  qu'elles  décomposent 
en  s'emparant  de  son  carbone  et  dégageant  son 
oxygène,  l'eau  à  laquelle  elles  prennent  son 
hydrogène,  l'azote  pur  ou  sous  forme  d'ammonia- 
que ou  d'acide  nitrique.  Les  racines  des  plantes 
absorbent  de  leur  côté  des  éléments  semblables 
dissous  dans  l'eau  mêlée  au  terrain,  et  d'autres 
éléments  fixes  qui  ne  se  trouvent  que  dans  le  sol. 
La  variété  de  ces  combinaisons,  leur  état  complexe 
exigent  une  étude  spéciale  qui  est  une  des  princi- 
pales branches  de  toute  science  agricole.  »  C'est 
dans  ces  termes  que  le  comte  de  Gasparin  a  par- 
faitement défini  le  rôle  que  la  chimie  est  appelée 
à  jouer  dans  la  science  agricole.  Elle  réunit  les 
observations  faites  sur  les  conditions  de  la  produc- 
tion végétale  ou  animale,  elle  étudie  la  composi- 
tion des  produits  de  la  végétation  et  celle  des  sols 
qui  les  ont  fournis,  elle  tire  de  ces  observations  et 
de  ces  études  les  principes  des  lois  qui  servent  de 
base  à  la  production  ;  comme  conséquence  der- 
nière, elle  suggère  des  méthodes  perfectionnées 
qui  ont  pour  but  ou  d'améliorer  le  sol  ou  d'ac- 
croître la  production.  Ces  quelques  explications 
suffisent  pour  faire  comprendre  le  grand  rôle  que 
la  chimie  est  appelée  à  jouer  dans  les  sciences 
agricoles.  C'est  dans  le  dernier  demi-siècle  que 
ce  rôle  s'est  particulièrement  dessiné  après  les 
travaux  de  plusieurs  savants  parmi  lesquels 
MM.  Boussingault,  Chevreul,  Dumas,  en  France,  et 
Liebig,  en  Allemagne,  ont  occupé  ou  occupent  en- 
core le  premier  rang   Aujourd'hui  l'agriculture  doit 


à  la  chimie  d'être  sortie  de  la  routine,  de  pouvoir 
diriger  ses  cultures  de  manière  à  obtenir  le  plus 
grand  rendement  possible  de  bons  produits;  c'est 
à  elle  aussi  qu'on  doit  la  connaissance  des  causes 
de  la  fertilité  du  sol  et  de  la  valeur  des  substances 
employées  comme  engrais  ou  amendements.  Il 
n'y  a  pas  de  témérité  à  ajouter  que  la  chimie 
fournira  encore  dans  l'avenir  de  nombreux  élé- 
ments de  progrès  nouveaux,  car  le  voile  qui  ca- 
chait les  lois  de  la  production  commence  seule- 
ment à  être  déchiré. 

On  sait  que  les  végétaux  sont  des  corps  vivants 
et  organisés,  tandis  que  le  sol  qui  les  porte  ap- 
partient au  monde  inorganique.  On  sait  aussi  quo 
les  substances  organiques  soumises  à  l'action  de 
la  chaleur  sont  plus  ou  moins  rapidement  brûlées 
et  dissipées  sous  forme  de  gaz  dans  l'atmosphère, 
tandis  que  le  caractère  des  substances  inorganiques 
ou  minérales  est  de  demeurer  fixes  sous  l'action 
de  la  chaleur.  Si  l'on  soumet  à  l'action  du  feu 
des  végétaux  d'une  part,  et  une  certaine  quantité 
de  terre  arable,  c'est-à-dire  de  la  couche  superfi- 
cielle où  plongent  les  racines,  d'autre  part,  on 
constate  que  ces  deux  substances  renferment  des 
matières  organiques  et  des  matières  minérales, 
mais  en  proportions  bien  difi"érentes.  La  plus 
grande  partie  du  végétal  est  formée  de  matière 
organique  ;  les  matières  minérales  n'y  entrent  que 
pour  une  très  faible  proportion.  Dans  la  terre  ara- 
ble, au  contraire,  la  matière  organique  arrive 
rarement  à  la  proportion  de  10  p.  100;  la  matière 
minérale  forme  la  plus  grande  partie  de  la  masse. 

La  partie  organique  des  plantes  est  formée  par 
des  combinaisons  variées  de  quatre  corps  simples  : 
carbone,  hydrogène,  oxygène  et  azote.  Elle  forme^ 
quand  la  plante  est  à  l'état  sec,  85  à  99  p.  lOO  du 
poids  total,  suivant  les  plantes.  Pour  pénétrer 
dans  le  végétal,  ces  quatre  corps  simples  y  en- 
trent, pour  la  plus  grande  part  au  moins,  sous 
ferme  de  combinaisons  diverses.  Le  carbone  est 
absorbé  principalement  sous  la  forme  d'acide  car- 
bonique, l'oxygène  et  l'hydrogène  sont  absorbés 
sous  forme  d'eau,  l'azote  pénètre  dans  la  plante 
sous  forme  d'ammoniaque  ou  d'acide  nitrique.  La 
plante  absorbe  ces  combinaisons,  les  décompose 
à  l'intérieur  des  nombreux  vaisseaux  qu'elle  ren- 
ferme, et  recombine  leurs  éléments  dans  des  pro- 
portions difi"érentes,  de  manière  à  former  de  nou- 
velles combinaisons.  C'est  sous  l'action  de  la 
respiration  par  les  organes  aériens  de  la  plante 
que  se  produit  ce  mouvement  continu  d'absorption 
dans  le  sol  par  les  racines,  et  dans  l'air  par  les 
feuilles  et  les  autres  parties  do  la  plante.  Les 
principes  immédiats  ainsi  formés  dans  les  végé- 
taux sont  entre  autres  : 

La  cellulose,  qui  constitue  les  parois  des  cellu- 
les, une  grande  partie  de  la  substance  du  bois, 
de  la  paille,  du  foin,  etc.  ; 

Les  fécules,  les  gommes,  les  mucilages,  le  sucre 
de  canne  et  le  sucre  de  raisin  ; 

Des  matières  grasses  liquides  ou  solides,  des 
cires,  des  huiles  et  des  résines; 

Le  gluten,  l'albumine,  la  caséine.  Ces  trois  der- 
nières substances  contiennent  de  l'azote,  tandis 
que  les  autres  n'en  contiennent  pas  ;  aussi  les 
appelle-t-on  substances  azotées,  ou  composés 
quaternaires;  leur  rôle  est  capital  dans  la  végé- 
tation. Ce  sont  elles,  en  effet,  qui,  d'après  les  faits 
observés  par  la  science,  provoquent  les  change- 
ments variés  qui  se  produisent  dans  la  sève  de  la 
plante  et  dans  la  contoxture  de  celle-ci  aux  dift'é- 
rentes  époques  de  la  végétation. 

Il  faut  examiner  maintenant  la  partie  inorgani- 
que des  plantes.  Cette  partie  forme  à  la  combustion 
le  résidu  désigné  sous  le  nom  de  cendres.  La 
quantité  de  cendre  fournie  par  les  plantes  varie 
suivant  la  nature  de  celles-ci,  suivant  les  parties 
qu'on    examine,    racines,  tiges,    feuilles,  fleurs^ 


CHIMIE  AGRICOLE 


409 


CHIMIE  AGRICOLE 


fruits,  et  même  suivant  les  individus  d'une  même 
espèce  ou  suivant  l'âge  de  la  plante.  Les  matières 
minérales  dont  les  cendres  sont  composées  sont 
tout  aussi  indispensables  à  la  vie  et  au  développe- 
ment des  végétaux  que  les  matières  organiques  qui 
viennent  d'être  indiquées.  Les  corps  simples  qui 
entrent  dans  la  composition  des  cendres  sont,  en 
dehors  de  l'oxygène  et  du  carbone  :  le  phosphore 
le  potassium,  le  calcium,  le  sodium^  le  soufre,  le 
silicium,  le  magnésium,  l'aluminium,  le  fer,  le 
manganèse  et  peut-être  quelques  autres  corps 
dont  le  rôle  n'a  pas  encore  été  bien  défini.  C'est 
sous  la  forme  de  composés  plus  ou  moins  com- 
plexes que  ces  corps  se  retrouvent  dans  les  cen- 
dres des  plantes.  Les  combinaisons  qui  se  ren- 
contrent le  plus  souvent  sont  :  la  potasse,  la  soude, 
la  chaux,  la  magnésie,  l'alumine,  la  silice,  les 
oxydes  de  fer,  ceux  de  manganèse,  l'acide  sulfu- 
rique  en  combinaison  avec  quelques  bases,  l'acide 
phosphorique,  des  chlorures.  Toutes  ces  substances 
sont  empruntées  au  sol  qui  porte  le  végétal.  Les 
diverses  plantes  cultivées  doivent  donc  appauvrir 
le  sol  dans  des  proportions  variables,  suivant  la  na- 
ture des  plantes  et  suivant  l'abondance  de  la  récolte. 

On  a  été  amené,  par  l'ensemble  de  ces  considé- 
rations, à  étudier  d'abord  la  quantité  de  substan- 
ces minérales  assimilées  par  les  diverses  plantes, 
et  ensuite  la  proportion  des  divers  principes  pour 
les  cendres  de  chaque  espèce. 

Les  recherches  faites  par  les  chimistes  sur  le 
premier  point  ont  conduit  à  des  résultats  très  re- 
marquables. Pour  la  plupart  des  plantes  cultivées, 
ces  résultats  sont  consignés  dans  le  tableau  suivant; 
mais  il  faut  prendre  garde  que  ce  tableau  ne  ren- 
ferme que  des  moyennes,  autrement  dit  le  résultat 
de  calculs  faits  sur  un  certain  nombre  de  cas  par- 
ticuliers. Ces  moyennes  sont  d'autant  plus  rap- 
prochées de  la  vérité  que  le  nombre  de  cas  obser- 
vés a  été  plus  considérable.  En  résumé,  on  a 
trouvé,  en  moyenne,  dans  100  kilog.  des  matières 
végétales  suivantes,  prises  à  leur  état  ordinaire  de 
siccité,  les  quantités  de  cendres  indiquées  dans  le 
tableau  : 

Froment 2  kilogrammes  p.  100 

Orge 3  — 

Seigle 2  — 

Avoine 4  — 

Maïs 1.5  — 

Fèves 3  — 

Pois 3  — 

Paille  de  froment 5  — 

—  d'orge 5  — 

—  de   seigle 4  — 

—  d'a\oiiie 6  — 

—  déniais 5  — 

Foin  de  prairie 5  à  10            — 

—  de  tièfle 9  — 

—  de  ray-grass 9.3  — 

Pommes  de  terre 0.8  à  1.5      — 

Caroltes 1.5  à  2.0      — 

Bois  de  chêne 1.70  — 

—  de  bouleau ((.83  — 

—  de  saule 2.o0  — 

—  de  sapin 1.30  à  1.60  — 

—  de   hêtre 1.20  à  1.73  — 

On  voit  que  la  quantité  de  nourriture  inorga- 
nique exigée  par  les  diverses  plantes  varie  dans  de 
grandes  proportions  :  par  conséquent,  si  la  terre 
ne  peut  fournir  quune  faible  porportion  de  ces 
substances,  elle  ne  pourra  produire  en  abondance 
que  les  plantes  qui  exigent  le  moins  de  matières 
minérales.  C'est  ce  qui  explique  pourquoi  les  bois 
réussissent  bien  sur  certaines  terres  incapables 
de  porter  de  bonnes  récoltes   de  plantes  cultivées. 

D"un  autre  côté,  on  voit  que  les  pailles  des  ce 
réaies  renferment  beaucoup  plus  de  matières  miné- 
rales que  les  grains,  d'où  l'explication  de  l'avantage 
de  l'emploi,  dans  les  champs,  du  fumier,  qui  n'est 
autre  chose  qu'un  mélange  de  paille  fermentée 
avec  les  excréments  des  animaux.  —   En   résumé. 


toute  plante  doit  trouver  dans  le  sol,  pour  se  déve- 
lopper régulièrement,  une  certaine  proportion  de 
matières  inorganiques.  Néanmoins,  quand  elle  ne 
les  y  rencontre  pas,  elle  peut  vivre  ;  mais  elle 
donne  alors  des  semences  ou  graines  d'une  qualité 
médiocre,ettous  les  produits  ontune  moindre  valeur. 

La  nature  des  cendres  des  plantes,  c'est-à-dirfr 
les  proportions  dans  lesquelles  s'y  rencontrent  les- 
divers  principes  qui  les  constituent,  n'est  pas 
moins  importante.  Deux  plantes  peuvent  donner 
la  même  quantité  de  cendres,  mais  ces  cendres- 
peuvent  avoir  une  composition  très  différente. 
Dans  les  unes,  on  trouvera  de  la  potasse  en  plus 
grande  proportion  ;  dans  d'autres,  ce  sera  la  silice 
qui  dominera  ;  dans  d'autres  enfin,  tel  ou  tel  com- 
posé qui,  dans  les  premières,  ne  se  sera  rencon- 
tré qu'à  l'état  pour  ainsi  dire  infinitésimal. 

Voici,  pour  les  végétaux  déjà  indiqués  plus  haut, 
les  moyennes  des  analyses  faites  par  de  nombreux 
chimistes  sur  la  composition  de  leurs  cendres. 
Comme  pour  le  tableau  précédent,  il  est  essentiel 
de  remarquer  que  les  chiffres  donnés  sont  des 
moyennes,  et  que  les  cas  particuliers  peuvent  s'en 
éloigner  dans  des  proportions  parfois  assez  sensi- 
bles. Ce  tableau  est  établi  seulement  pour  les  prin- 
cipales substances  minérales  que  renferment  les 
végétaux.  lOO  parties  de  cendres  contiennent,  en. 
moyenne  : 

Potasse.  Soude  ChauT.  Mngnésie.  j^'^'fg* 

Froment 23.7  9.1  2.8  12.0  0.7 

Orge 13.6  8.1  2.6  7.5  1.5 

A-voine 26.2  »  6.0  10.0  0.4 

Seigle 22.0  11,6  4.9  10.3  1.3 

Haïs 22.5  12.0  1.4  16.2  0.3 

Paille  de  fr.iment.  12  5  0.2  6.7  3.9  1.3- 

—  d'orbe 9.2  0.3  8.5  5.0  1.0 

—  d'avoine....  19.1  9.7  8.1  3.8  1.8 

—  de  seigle...  17.3  0.3  9.0  2.4  1.4- 

—  de  maïs....  9.6  28.6  8.3  6.6  0.8 

Haricots 33.6  10.6  5.8  8.0  0.6 

Pommes  de  terre..  53.7  1.8  2.0  5.2  0.5 


Acide  Acide 

pbospho-  sulfuri-  Chlore, 

rique.  que. 

Froment oû.O  0.3  » 

Orge 39.0        0.1  » 

A-voine 43  8  »  0.3 

Seigle 49.5  0.9  . 

Maïs 44.9  2.8  0.2 

Paille  de  froment 3.1  5.8  l.i 

—  d'orge 3.1  1.0  0.6 

—  d'avoine 2.6  5.3  3.2 

—  de  seigle 3.8  0.8  0.5 

—  de  maïs l'.l  0.7  1.3 

Haricots 38.0  1.0  0.7 

Pommes  de  terre 12.5  >>  4.2 


Silice^ 

i.2 

2.7 

2.7 

0.4 

1.4 
65.4 
67.6 
4S.4 
64.5 
27.0 

1.2 

4.2 


Ce  tableau  montre  d'abord  l'inégalité  de  compo- 
sition des  cendres  des  diverses  plantes,  et  en  outre 
l'inégale  répartition  des  principes  minéraux  dans 
les  diverses  parties  de  la  même  plante.  Pour  ne 
prendre  qu'un  exemple,  la  presque  totalité  de  la  si- 
lice contenue  dans  une  tige  de  céréale  est  localisée 
dans  la  paille,  tandis  que  le  grain  n'en  renferme 
qu'une  très  minime  proportion.  Par  contre,  le  grain 
renferme  au  moins  le  double  de  la  quantité  de  po- 
tasse que  l'analyse  indique  pour  la  tige. 

Ces  principes  étant  posés,  on  peut  calculer  la 
quantité  de  matières  minérales  qu'une  récolte 
déterminée  emprunte  au  sol  sur  lequel  elle  a  vé- 
gété. Cette  quantité  indique  la  proportion  dans 
laquelle  le  sol  a  été  appauvri,  et  par  suite  la  dimi- 
nution de  la  fertilité  ou  de  la  puissance  productive. 
L'épuisement  du  sol  varie  suivant  les  récoltes,  au 
double  point  de  vue  de  la  quantité  de  matière 
enlevée  et  de  la  nature  des  produits  ;  cet  épuise- 
ment peut  devenir  complet,  au  moins  pour  certains 
principes,  au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins  long. 
De  là,  pour  l'agriculteur  qui  cultive  une  portion  de 
terre  d'une  étendue  déterminée,  la  nécessité  de 
restituer  au  sol,    soit    par    les  amendements,  soit 


CHIMIE  AGRICOLE 


410 


CHIMIE  AGRICOLE 


parles  engrais,  les  principes  que  les  récoltes  suc- 
cessives ont  enlevés,  ou  ceux  qui  y  font  naturel- 
lement défaut.  Cette  doctrine  de  la  restitution, 
qui  est  née  des  recherches  scientifiques  modernes, 
a  remplacé  l'ancienne  théorie  d'après  laquelle, 
par  une  suite  de  cultures  convenablement  dispo- 
sées, on  pourrait  maintenir  ou  même  accroître  la 
fertilité  d'un  domaine.  Sans  doute,  il  se  fait 
par  les  météores,  par  les  eaux  pluviales  ou  sou- 
terraines, urte  certaine  restitution  indirecte  :  mais 
celle-ci  est  toujours  loin  de  suffire  aux  besoins  de 
récoltes  abondantes.  Les  quantités  ainsi  apportées 
par  certains  agents  naturels  ont  été  déterminées 
par  plusieurs  savants,  notamment  par  M.  Barrai, 
€t  il  a  été  constaté  qu'elles  étaient  tout  à  fait  in- 
suffisantes pour  empêcher  l'appauvrissement  gra- 
duel du  sol.  L'épuisement  du  sol  en  principes 
nécessaires  à  la  végétation  est  donc  fatal,  quand 
l'homme  ne  lui  rend  pas  ces  principes  ;  quelque  lent 
qu'on  puisse  le  supposer,  il  arrive  inévitablement. 

L'ensemble  de  ces  faits,  quand  on  les  applique 
aux  cas  particuliers,  permet  d'expliquer  pourquoi 
une  récolte  réussit  où  une  autre  manque,  pour- 
quoi la  même  récolte  croît  mieux  sur  le  même 
terrain  après  un  certain  intervalle  de  temps,  pour- 
quoi enfin  la  rotation  des  cultures  ou  l'assolement  est 
la  condition  indispensable  d'une  bonne  agriculture. 

Toutefois,  il  est  nécessaire  d'ajouter  que  l'épui- 
sement d'un  sol  n'est  jamais  complet.  Parmi  les 
principes  nécessaires  à  la  végétation,  il  en  est 
quelques-uns  que  l'on  retrouve  presque  toujours 
en  surabondance  dans  1(  5  terres  ;  celles-ci  n'arri- 
vent donc  pas  à  l'épuist  ment  pour  ces  principes. 
D'autres  principes,  au  contraire,  sont  rapidement 
enlevés  par  la  plupart  des  récoltes,  et  ce  sont 
eux  qui  disparaissent  des  terres  le  plus  vite.  Les 
ijuatre  principaux,  parmi  ces  derniers,  sont  :  l'a- 
zote, l'acide  phosphorique,  la  chaux  et  la  potasse. 
€e  sont  ceux-là  que  l'agriculteur  doit  rendre  à  ses 
fhamps.  On  verra,  à  l'article  Engrais,  comment 
<ette  restitution  peut  se  faire  de  la  manière  la 
plus  avantageuse. 

Mais,  pour  se  rendre  compte  de  la  manière  dont 
■doivent  être  restitués  les  principes  enlevés  par  les 
récoltes,  il  faut  connaître  la  richesse  plus  ou  moins 
grande  du  sol,  sa  contexture,  etc.  L'étude  du  sol 
ai'est  donc  pas  moins  indispensable  pour  le  cultiva- 
teur que  celle  des  plantes  récoltées. 

On  a  vu  plus  haut  que  le  sol  se  compose  toujours 
de  deux  parties  :  l'une  organique,  l'autre  minérale. 

La  partie  organique  du  sol  est  généralement 
<iésignée  sous  le  nom  d'humus.  Elle  est  principa- 
lement composée  par  les  détritus  des  végétaux  et 
des  animaux,  que  ces  débris  proviennent  de  la 
végétation  même  sur  le  sol,  ou  qu'ils  aient  été  ap- 
portés par  l'homme  ca  par  les  agents  naturels. 
La  proportion  d'humus  que  renferme  une  terre  est 
très  variable  ;  dans  les  sols  tourbeux,  elle  dépasse 
50  p.  lOO  du  poids  total  ;  dans  certaines  terres  pré- 
parées pour  certaines  cultures  spéciales,  elle  peut 
atteindre  25  p.  100  ;  mais  dans  les  bonnes  terres 
cultivées,  elle  dépasse  rarement  10  p.  100,  et  la 
proportion  descend  parfois  à  moins  de  2.  L'humus 
est  nécessaire  à  la  végétation,  à  la  fois  par  les  prin- 
cipes qu'il  renferme  et  par  son  action  sur  les  prin- 
cipes minéraux,  dont  il  modifie  les  qualités  ou 
qu'il  met  en  liberté. 

Dans  la  partie  inorganique  de  la  terre,  qui  en 
constitue  les  cendres,  il  faut  distinguer  deux  sortes 
de  substances  :  les  unes  salines,  qui  sont  solubles 
dans  l'eau;  les  autres  minérales  proprement  dites, 
qui  sont  insolubles  dans  l'eau.  Dans  la  première 
catégorie,  on  rencontre  généralement  des  sulfates  i 
ou  des  nitrates  de  potasse,  de  soude,  de  chaux,  ainsi 
que  des  chlorures.  Quant  à  la  partie  insoluble,  qui 
forme  le  fond  vé-itable  du  sol,  elle  consiste  prin- 
cipalement en  sable  sous  forme  de  silice,  en  chaux  | 
sous  forme  de  carbonate  de  chaux,  en  alumine  sous  ; 


forme  d'argile  ;  à  ces  trois  éléments  viennent  s'a- 
jouter, suivant  les  circonstances,  des  oxydes  de  fer, 
du  pliosphate  de  chaux,  des  traces  de  magnésie,  en 
proportions  plus  ou  moins  élevées.  La  prédomi- 
nance de  l'un  ou  de  deux  parmi  ces  éléments, 
leurs  combinaisons  très  variées,  permettent  de  dé- 
terminer les  caractères  du  si  grand  nombre  de 
terres  que  l'agriculteur  peut  rencontrer,  et  d'en 
fixer  la  valeur.  On  trouvera  à  l'article  sur  les  Terres 
arables  les  principales  classifications  de  sols  qui 
sont  aujourd'hui  adoptées. 

Mais  l'agriculteur  ne  doit  pas  considérer  seule- 
ment la  nature  de  la  couche  superficielle  de  la 
terre,  il  doit  étudier  aussi  ce  qu'on  appelle  le  sous- 
sol,  c'est-à-dire  la  couche  sur  laquelle  repose 
immédiatement  la  terre  arable.  De  la  profondeur  et 
de  la  qualité  du  sous-sol  dépend,  en  effet,  l'action 
des  météores  sur  la  terre  arable  et  en  particulier 
de  l'eau  pluviale.  Si  le  sous-sol  est  très  perméable, 
les  eaux  pluviales  le  traversent  rapidement,  elles 
entraînent  les  matières  solubles  contenues  dans  la 
couche  arable,  et  empêchent  la  production  de  leur 
effet  utile.  Si  le  sous-sol  est,  au  contraire,  imper- 
méable, l'effet  contraire  se  produit,  mais  il  peut 
causer  un  excès  d'humidité  qui  est  une  entrave  à 
la  végétation.  En  définitive,  deux  terres  arables 
d'une  composition  analogue  donneront  des  résul- 
tats tout  à  fait  différents,  suivant  la  nature  du  sous- 
sol  sur  lequel  elles  reposent.  Cette  influence  est 
d'autant  plus  grande  que  la  couche  arable  est  moins 
épaisse  :  on  comprend  facilement  comment  cette 
action  se  produit  plus  vite  dans  ce  cas  que  lorsque 
la  couche  arable  s'étend  sur  une  épaisseur  plus 
considérable. 

La  composition  du  sol  est  ainsi  bien  déterminée. 
D'un  côté,  l'humus  ou  matière  organique  ;  de 
l'autre,  les  matières  minérales  formées  de  deux 
parties  :  les  unes  intégrantes,  sable,  argile  et  chaux 
en  proportions  variables;  les  autres  composées  de 
sels  solubles  divers.  Ces  sels  doivent  renfermer 
les  principes  nécessaires  à  la  végétation  .;  et,  en 
fait,  l'analyse  chimique  dém(«itre  qwe,  dans  la 
plupart  des  terrains,  on  retrouve  les  principes  des 
diverses  matières  des  cendres  des  plantes.  Mais  il 
ne  suffit  pas,  pour  qu'un  sol  produise  certaines 
récoltes,  qu'il  renferme  les  principes  des  éléments 
inorganiques  de  ces  récoltes  ;  il  faut  encore  que  ces 
principes  s'y  trouvent  dans  des  proportions  telles 
que  les  plantes  puissent  se  les  approprier  facile- 
ment et  au  moment  le  plus  convenable.  D'un  autre 
côté,  il  est  indispensable,  pour  une  végétation  régu 
lière,  que  certains  principes  ne  se  rencontrent  pas 
en  excès  dans  le  sol.  Or,  l'expérience  a  démontré, 
coxnme  il  a  été  dit  plus  haut,  que,  sauf  de  très 
rares  exceptions,  les  divers  principes  nécessaires  à 
la  végétation  se  trouvent  toujours  en  quantités 
suffisantes  dans  les  terres  arables,  à  l'exception  de 
quatre  :  l'azote,  l'acide  phosphorique,  la  chaux  et 
la  potasse.  C'est  donc  sur  ces  principes  que  doit 
porter  principalement  l'attention  du  cultivateur  ; 
c'est  à  les  fournir  à  celles  de  ses'  terres  qui  en 
manquent  que  doivent  tendre  ses  efforts.  C'est  par 
des  fumures  bien  faites  que  ce  but  sera  atteint,  ou 
bien  encore  c'est  par  des  amendements  bien  choisis 
que  les  défauts  primitifs  de  la  terre  seront  corri- 
gés. Les  faits  prouvent,  en  outre,  que  le  sol  doit 
toujours  renfermer  un  excès  des  principes  néces- 
saires à  la  végétation.  En  effet,  sous  l'influence  des 
agents  atmosphériques  et  des  saisons,  les  combi- 
naisons et  les  décompositions  dont  la  terre  est  le 
siège  ne  se  succèdent  pas  avec  la  régularité  qu'on 
peut  obtenir  dans  un  laboratoire  ;  il  y  a  des  pertes 
auxquelles  il  faut  obvier  par  un  certain  excès  de 
richesse. 

Tel  est  l'état  actuel  de  la  science  agronomique 
dans  ses  principes  fondamentaux.  En  voici  un  ré- 
sumé présenté  récemment  par  un  de  nos  chimistes 
les  plus  émincnts,  M.  J.-A.  Barrai,  auquel  l'agricul- 


CHIMIE  ORGANIQUE      —  ^H  —      CHIMIE  ORGANIQUE 


ture  doit  tant  d'importants  travaux  :  «  Quelques 
agronomes,  dit-il,  prétendent  qu'un  domaine  soumis 
à  un  assolement  convenable  soutient  par  lui-même 
sa  puissance  de  production,  ou,  en  d'autres  termes, 
la  fertilité  de  ses  champs,  sans  avoir  besoin  d'aucun 
engrais  venu  du  dehors.  Pourun  chimiste, cette  thèse 
n'est  pas  soutenable,  pas  plus  que  celle  du  mouve- 
ment perpétuel  pour  un  mécanicien,  ou  celle  de  la 
quadrature  du  cercle  pour  un  géomètre.  Mais  il  faut 
des  faits  pour  convaincre  les  agriculteurs  qui  s'entê- 
tent à  voir,  dans  la  production  végétale,  l'influence 
de  causes  occultes  faisant  de  la  matière  sans  ma- 
tière, de  la  potasse  par  exemple,  ou  de  la  chaux, 
sans  potasse  ou  chaux  apportée  aux  plantes.  Or, 
de  tout  cela  il  ne  peut  être  donné  qu'une  démons- 
tration de  fait  ou  à  posteriori.  Quand  un  sol  n'a  pas 
de  potasse,  ou  quand  il  n'a  pas  de  chaux,  il  est 
stérile  ou  du  moins  il  ne  produit  une  récolte  dé- 
terminée qu'en  proportion  de  la  quantité  de  potasse 
ou  de  la  quantité  de  chaux  contenue  soit  dans  la 
graine  servant  de  semence,  soit  dans  les  eaux  plu- 
viales, ou  souterraines,  ou  d'irrigation,  qui  sont 
mises  en  circulation  dans  le  végétal,  sous  la  double 
action  de  l'absorption  par  les  racines  et  de  l'évapo- 
ration  par  les  feuilles.  Les  eaux  qui  circulent  ainsi 
dans  les  plantes,  en  apportant  des  principes  qui 
souvent  viennent  de  très  loin,  réalisent  ce  que 
nous  appelons  l'importation  ou  la  restitution  indi- 
recte. l>fous  réservons  le  mot  de  restitution  di- 
recte pour  désigner  l'importation  volontaire  de  ma- 
tières fertilisanîes  étrangères  :  chaux,  marne, 
tangue,  phosphate,  guano,  poudrette,  tourteaux,  et, 
en  général,  de  toute  substance  minérale  ou  orga- 
nique susceptible  de  fournir  à  l'eau  circulant  dans 
la  couche  arable  des  matières  solubles  pouvant 
•entrer  dans  l'organisme  végétal.  Si  l'on  pouvait 
«iter  un  seul  exemple  d'une  culture  produisant  (en 
azote,  potasse,  chaux,  phosphore)  plus  qu'il  n'est 
introduit  directement  et  indirectement  dans  le  do- 
maine, et  se  soutenant  pendant  de  longues  années, 
nous  n'hésiterions  pas  à  croire  que  nous  ne  défen- 
dons pas  la  vérité.  Nous  ferions  de  même  dans  le 
cas  où  l'en  arriverait  simplement  à  démontrer  une 
•égalité  absolue  entre  l'entrée  et  la  sortie,  avec 
maintien  de  la  même  production  pendant  quelques 
années  ;  car  nous  admettons  qu'il  y  a  des  pertes 
nécessaires  à  réparer,  et  que,  par  conséquent,  la 
restitution  doit  être  supérieure  à  l'exportation, 
pour  l'équilibre  de  la  fertilité,  et,  à  plus  forte  raison, 
pour  son  accroissement.  » 

La  science  a  rendu  un  signalé  service  à  l'agricul- 
ture en  mettant  en  lumière  les  lois  de  la  produc- 
tion végétale.  Le  domaine  est  vaste  ;  il  n'est  pas 
encore  entièrement  parcouru.  Mais  les  découvertes 
acquises  aujourd'hui  ont  ouvert  une  nouvelle  voie 
dans  laquelle  les  praticiens  tendent  de  plus  en  plus 
à  entrer.  [Henri  Sagnier.] 

Ouvrages  à  consulter. —  Traité  de  Chimie  agricole, 
par  M.  Dehérain.  —  Chimie  agricole,  par  M.  Bohierre.  — 
Trilogie  agricole,  par  J.-A.  Barrai.  —  L  Agriculture  mo- 
derne, par  Liebig,  etc. 

CHIMIE    INORGANIQUE    Ou   MliSÉRALE.    — 

V.  l'article  général  Chimie,  ainsi  que  les  mots 
Corps  simples.  Combinaisons  et  Nomenclature. 

CIll.MIE  OUGAMQUE.  —  On  a  donné  le  nom 
de  chimie  organique  à  la  science  qui  a  pour  objet 
l'étude  des  substances  organiques,  c'est-à-dire  de 
tout  ce  qui  entre  dans  la  composition  des  tissus 
des  animaux  et  des  végétaux,  ainsi  que  de  toutes 
les  substances  si  variées  qui  se  sont  déposées  dans 
ces  tissus  sous  l'influence  de  la  vie. 

Il  n'y  a  pas  plus  d'une  trentaine  d'années  qu'il 
est  admis,  sans  contestation,  que  les  transforma- 
tions que  subissent  les  substances  organiques  ne 
sont  point  absolument  diCTcrentes  de  celles  qui  se 
passent  au  sein  de  la  matière  minérale.  Dans  son 
Traité  de  Chimie  qui  date  de  1849,  l'illustre  chi- 
miste suédois  Berzelius  a  écrit  :  «  Dans  la  nature 


vivante,  les  éléments  paraissent  obéir  à  des  lois 
tout  autres  que  dans  la  nature  inorgaiiique  ;  /es 
produits  qui  rf'sullent  de  l'action  réciproque  de 
ces  éléments  diffèrent  donc  de  ceux  que  nous  pré- 
sente la  nature  inorganique.  Si  l'on  parvenait  à 
trouver  la  cause  de  cette  différence,  on  aurait  la 
clef  de  la  théorie  de  la  chitnie  organique;  niais 
cette  théorie  est  tellem-nt  cachée,  que  nou^n'avom 
aucun  espoir  de  la  découvrir,  du  moins  quant  à 
présent.  »  Cette  clef  est  aujourd'hui  trouvée  grâce 
aux  travaux  de  synthèse  organique  réalisés  pour  la 
première  fois  par  M.  Berthelot  vers  1850.  Jusqu'à 
cette  époque  on  n'avait  pu  qui-  décomposer,  rame- 
ner à  leurs  éléments  les  produits  fabriqués  par  les 
êtres  vivants  végétaux  ou  animaux,  mais  on  ne 
parvenait  point,  par  les  méthodes  des  laboratoires, 
à  recomposer  artificiellement  ces  substances  dont 
l'analyse  av.it  cependant  fait  connaître  les  élé- 
ments constituants. 

C'était  là,  comme  le  dit  M.  Berthelot,  la  seule 
preuve  décisive  qui  pût  être  faite  de  l'identité  des 
forces  organiques  et  minérales  par  l'identité  des 
résultats. 

Analyse  immédiate  ou  recherche  des  principes 
immédiats.  —  Remarques  iur  leur  composition  et 
sur  leurs  formules. 

Prenons  du  sang,  du  lait,  du  jus  de  betterave, 
de  citron,  etc.,  il  sera  facile  de  constater  que  ces 
produits  organiques  sont  constitués  par  des  mé- 
langes intimes  ou  des  dissolutions  de  diverses 
autres  substances  moins  complexes.  Ainsi  du  sang 
on  retire  de  la  fibrine,  de  l'albumine,  etc.,  du  lait 
le  caséum  (fromage  blanc),  le  beurre,  la  lactose 
(sucre  de  lait)  ;  du  jus  de  betterave  on  retire  le 
sucre  ordinaire  et  des  matières  albuminoides  (V.  Al- 
bumine) ;  dans  le  jus  de  citron  se  rencontre 
l'acide  citrique  mélangé  à  ces  mêmes  matières 
ainsi  qu'à  une  sorte  d'essence  combustible.  Ce 
sont  ces  substances  constituant  ensemble  les  ma- 
tières organiques  qu'on  a  appelées  espèces  chimi- 
ques, ou  m'ienx  principes  immédiats. 

Un  grand  nombre  de  principes  immédiats  étaient 
connus  des  alchimistes  du  siècle  dernier  ;  par 
exemple  les  acides  lactique,  tartrique,  urique, 
benzoique;  les  corps  neutres  :  l'urée,  le  sucre,  la 
cire  des  calculs  biliaires  (cholestérine),  etc.  ;  néan- 
moins ce  n'est  que  beaucoup  plus  tard  qu'on  put 
les  définir  et  les  caractériser  d'une  façon  précise. 
Dès  1824,  voici  comment  M.  Chevreul  appréciait 
l'importance  du  rôle  en  chimie  organique  de  ces 
espèces  chimiques  :  «  La  base  de  la  chimie  orga- 
nique est  la  définition  précise  des  espèces  de  prin- 
cipes immédiats  qui  constituent  les  végétaux  et 
les  animaux.  » 

Un  principe  immédiat  est  toujours  formé  des 
mêmes  corps  simples  dans  les  mêmes  proportions  ; 
il  est  doué  de  propriétés  constantes  et  caractéris- 
tiques. (Berthelot.) 

Développant  la  définition  de  la  chimie  organi- 
que que  nous  avons  donnée  en  commençant,  on 
peut  dire  que  cette  science,  dont  les  lois  et  les 
principes  ne  diffèrent  pas  essentiellement  de  ceux 
de  la  chimie  minérale,  a  pour  but  l'extraction  des 
principes  immédiats  dont  l'association  en  propor- 
tion variable  et  in  léfinie  constitue  la  substance 
des  animaux  et  celle  des  végétaux;  leur  analyse 
élétaentuire,  c'est-à-dire  la  détermination  de  la 
formule  représentant  leur  composition  en  corps 
simples;  l'étude  de  leurs  propriétés;  leurs  trans- 
formations sous  l'influence  de  la  chaleur,  de  l'élec- 
tricité, des  réactifs  minéraux  ou  organiques,  ou  dans 
les  tissus  vivants  sous  l'action  de  l'organisme  (chimie 
biologique). 

Les  substances  organiques  ou  plutôt  leurs  prin- 
cipes immédiats  sont  toujours  facilement  décom- 
posables  par  la  chaleur.  Ainsi  le  sucre  noircit 
quand  ou  le  chauffe,  se  transforme  en  caramel, 
perd  de  l'eau  et  finalement  laisse  ua  résidu  char. 


CHIMIE  ORGANIQUE       —  412  —       CHIMIE  ORGANIQUE 


bonneux  formé  de  charbon  presque  pur.  Si  on  fait 
l)asser  des  vapeurs  d'alcool  dans  un  tube  de  por- 
celaine rougi,  celui-ci  après  refroidissement  sera 
recouvert  à  l'intérieur  d'une  couche  de  noir  de 
fumée.  Le  beurre  noir  est  du  beurre  légèrement 
décomposé  par  la  chaleur  ;  la  corne,  les  poils,  le 
blanc  d'œuf  brûlés  répandent  des  fumées  épaisses, 
à  odeurs  acres  extrêmement  désagréables  prove- 
nant de  leur  décomposition  ;  les  produits  volatils 
qui  se  dégagent  de  ces  sortes  de  décompositions 
varient  extrêmement  non  seulement  avec  la  nature 
du  corps  qui  leur  donne  naissance,  mais  aussi  avec 
la  température  à  laquelle  la  décomposition  s'effec- 
tue. Ces  produits  sont,  pour  les  substances  non 
azotées  :  de  l'eau,  de  l'acide  carbonique,  des  car- 
bures gazeux  d'hydr3gène  (fumée  combustible/, 
de  l'acide  acétique,  des  huiles  empj'reumatiques. 

Celles  qui  contiennent  de  l'azote  donnent  en 
outre  de  l'acide  prussique  (C^AzHi  et  de  l'ammo- 
niaque qui  se  combine  aux  acides  carbonique, 
acétique,  prussique.  Le  résidu  est  toujours  très 
riche  en  carbone  (coke,  charbon  de  bois,  de  sucre)  ; 
quand  la  décomposition  se  fait  à  l'air  (combustion), 
le  charbon  lui-même  est  brûlé  ;  il  ne  reste  alors 
que  des  produits  minéraux  incombustibles  (cen- 
dres\  carbonate  de  potasse  et  silice,  carbonate  de 
soude  (végétaux  marins).  La  chaleur  peut  produire 
des  phénomènes  de  dimorphisme  :  ainsi,  quand  on 
fond  du  sucre  candi,  il  se  forme  du  sucre  d'orge  qui 
a  la  même  composition,  mais  qui  ne  peut  plus  cris- 
talliser, et  il  peut  être  fondu  à  90°  tandis  que  le 
sucre  candi  ne  fond  qu'à  180°.  Le  blanc  d'œuf 
coagulé  par  la  chaleur  ne  peut  plus  reprendre 
l'état  liquide. 

Les  substances  organiques  peuvent  subir  des 
transformations  profondes  nombreuses  et  de 
nature  très  diverse,  sous  l'action  des  ferments 
(V.  Fermpntation],  dont  les  germes,  comme  cela 
résulte  des  expériences  de  M.  Pasteur,  sont  répan- 
dus à  profusion  dans  l'air  et  sur  la  terre  (fermen- 
tation de  la  bière,  du  jus  de  raisin,  ou  fermenta- 
tion alcoolique  ;  transformation  du  sucre  en  alcool 
et  en  acide  carbonique  ;  fermentation  lactique  ou 
production  d'acide  lactique  dans  le  lait  aux  dépens 
delà  lactose;  fermentation  du  fumier  ou  production 
de  sels  ammoniacaux  ;  fermentation  du  fromage, 
pourriture  du  bois,  des  viandes,  etc.SLa  transfor- 
mation des  substances  animales  dans  l'estomac 
sous  l'influence  de  la  pepsine,  celle  de  la  fécule  par  la 
ptyaline  de  la  salive,  paraissent  appartenir  à  un 
ordre  de  faits  semblables  aux  fermentations.  On 
peut  dire  aujourd'hui  que  les  substances  orga- 
niques ,  quoique  de  décomposition  très  facile, 
ne  se  transforment  cependant  pas  spontanément, 
comme  on  avait  pu  le  croire  avant  que  les  beaux 
travaux  de  M.  Pasteur  eussent  porté  la  lumière 
sur  un  grand  nombre  de  ces  obscures  transfor- 
mations. Beaucoup  de  sub-tances  organiques  sont 
volatiles:  les  alcools,  les  éthers.  les  hydrocarbui-es 
odoriférants,  essences,  huiles  volatiles  (odeurs  des 
plantes^  etc.),  le  camphre  ;  d'autres  sont  abso- 
lument fixes  :  certaines  résines,  le  tannin,  la  qui- 
nine, le  sucre,  etc.  Plusieurs  sont  acides  et  peu- 
vent for.ner  de  véritables  sels  (V.  Sels  et  Acides) 
avec  les  bases,  ex.  :  les  acides  tartrique,  citrique, 
acétique,  stéarique,  etc. 

Dans  la  première  partie  de  ce  siècle  on  a  décou- 
Tert  quelques  principes  immédiats  azotés  de 
composition  généralement  complexe  et  se  com- 
portant comme  les  bases  métalliques  en  présence 
des  acides  :  on  leur  a  donné  le  nom  d'alcaloïdes 
(V.  Alcaloïdes)  •,\q  nombre  s'en  est  considérable- 
ment accru  dans  notre  époque,  et  aujourd'hui  on 
connaît  un  grand  nombre  d'alcaloïdes  artificiels. 
Enfin  le  plus  grand  nombre  certainement  des  prin- 
cipes immédiats  sont  des  corps  neutres.  Ex.  :  la 
gomme,  le  sucre,  l'albumine,  la  fibrine,  la  caséine, 
la  térébenthine,  l'alcool,  la  dextrine,  l'amidon,  etc. 


Solubilité.  —  Les  sucres,  les  gommes,  les  résines, 
les  acides  sont  plus  ou  moins  solubles  dans  l'eau; 
le  tannin,  les  hydrocarbures,  essences  et  huiles 
essentielles,  dans  l'éther  et  dans  l'alcool  ;  les  alca- 
loïdes dans  l'alcool  et  dans  les  acides  étendus. 

Analyse  immédiate.  —  On  appelle  ainsi  l'ensem- 
ble des  procédés  employés  à  la  recherche  ou  à 
l'extraction  des  prijicipes  immédiats,  sans  s'occu- 
per des  éléments  qui  constituent  ces  derniers.  La 
voie  à  suivre  dans  l'analyse  immédiate  ne  peut 
pas  être  Indiquée  d'une  manière  précise;  c'est  au 
chimiste  à  employer  dans  l'ordre  qu'il  juge  le  plus 
convenable  les  dissolvants  divers,  la  distillation, 
les  agents  chimiques  et  même  l'action  mécanique, 
comme  la  compression,  par  exemple.  La  plus 
grande  difficulté  de  l'analyse  immédiate  est  sou- 
vent dans  l'instabilité  même  des  substances  que 
l'on  recherche.  «  Prenons  une  amande,  semence 
formée  de  différents  principes  immédiats,  qui,  mé- 
langés en  proportions  indéfinies,  constituent  par 
leur  ensemble  l'amande  elle-même.  La  question 
qu'il  s'agit  de  résoudre  ici  consiste  à  séparer  ces 
principes,  à  les  isoler,  de  manière  à  pouvoir  les 
étudier  séparément  dune  manière  approfondie. 
Pour  atteindre  ce  but,  il  faut  faire  intervenir  des 
corps  qui  n'exercent  aucune  action  chimique  sur 
ces  produits  ;  car,  dans  ce  cas,  nous  ne  retirerions 
pas  les  principes  immédiats  contenus  dans  la  sub- 
stance analysée,  mais  bien  seulement  les  produits 
de  leur  altération.  On  fait  intervenir  d'ordinaire 
des  dissolvants  neutres,  tels  que  l'eau,  l'alcool, 
l'esprit  de  bois,  l'éther  ordinaire,  le  chloroforme, 
quelques  éthers  composés,  le  sulfure  do  carbone, 
des  huiles  volatiles  bien  pures. 

B  II  est  rare  qu'un  dissolvant  extraie  d'une  partie 
animale  ou  végétale  une  substance  unique  ;  on 
obtient  le  plus  communément  un  mélange  de  plu- 
sieurs substances  qu'on  peut  séparer,  lorsqu'elles 
affectent  la  forme  solide,  par  des  cristallisations 
réitérées.  Supposons  qu'on  ait  à  sa  disposition  un 
mélange  de  gomme  et  de  sucre  cristallisable  et 
qu'on  verse  dans  cette  liqueur  du  sous-acétate  de 
plomb,  l'oxyde  de  ce  sel  précipitera  la  totalité  de 
la  gomme  tandis  qu'il  n'agira  pas  sur  le  sucre.  Au 
moyen  du  filtre,  on  séparera  donc  toute  la  gomme 
unie  au  protoxyde,  tandis  que  le  sucre  restera  tout 
entier  dans  la  liqueur  mêlée  à  l'excès  d'acétate  de 
plomb.  Fait-on  passer  un  excès  d'acide  sulfliydri- 
que  à  travers  cette  liqueur,  le  plomb  se  précipite 
à  l'état  de  sulfure  et  l'on  n'a  plus  qu'un  mélange 
de  vinaigre  et  de  sucre  dont  on  peut  séparer  ce 
dernier  par  l'évaporation.  JNIet-on  en  suspension 
dans  l'eau  le  cumposé  de  gomme  et  d'oxyde  de 
plomb  et  dirige-t-on  à  travers  cette  seconde  liqueur 
un  courant  d'acide  sulfhydrique,  il  se  forme 
comme  tout  à  l'heure  un  précipité  de  sulfure  de 
plomb,  tandis  que  la  gomme  qui  s'est  dissoute 
dans  l'eau  peut  encore  en  être  séparée  par  l'évapo- 
ration. »  (Cahours.) 

L'alcool  est  extrait  du  vin  par  la  distillation  ; 
quand  la  substance  soumise  à  la  distillation  con- 
tient divers  produits  volatils,  même  à  des  degrés 
très  différents,  ce  n'est  que  par  des  distilla- 
tions répétées  qu'on  arrive  à  avoir  des  produits, 
purs. 

C'est  ainsi  que  l'alcool  de  vin  distillé  même  plu- 
sieurs fois  par  produits  fractionnés  contient  tou- 
jours de  l'eau  et  quelquefois  d'autres  produits  vola- 
tils de  la  fermentation. 

En  traitant  les  corps  gras  parles  alcalis  (V.  Alca- 
lis.  Bases],  on  met  la  glycérine  en  liberté,  l'alcali 
s'étant  combiné  avec  les  acides  gras  en  formant 
des  savons.  C'est  là  la  saponification  des  corps 
gras,  en  même  temps  que  le  principe  de  la  prépa- 
ration de  la  gl\-corine  et  des  acides  gras  :  stéa- 
rique (bougies  s'tcariques).  margarique,oléique. 

L'cii.<.r  s'extrait  de  la  noix  de  galle  par  l'action 
directe  de  i'éther  comme  dissolvant. 


CHIMIE  ORGANIQUE      —  413  —       CHIMIE  ORGANIQUE 


Analyse  élémentaire.  —  L'analyse  élémentaire 
d'une  substance  organique  a  pour  but  de  détermi- 
ner la  nature,  le  nombre  et  les  proportions  centé- 
simales des  corps  simples  qui  le  constituent.  C'est 
une  opération  que  l'on  peut  faire  avec  la  plus 
grande  précision  lorsqu'on  en  a  l'habitude,  mais  qui 
ne  peut  s'apprendre  que  par  une  pratique  fré- 
quemment répétée.  Nous  n'en  donnerons  ici  que 
le  principe.  Dans  un  long  tube  de  verre,  dit  tube 
à  analyse,  on  chauffe  un  poids  déterminé,  toujours 
très  petit,  de  la  substance  avec  un  corps  riche  en 
oxygène,  tel  que  le  bioxyde  de  cuivre.  Le  carbone 
et  l'hydrogène  sont  brûlés  :  le  premier  est  trans- 
formé en  acide  carbonique,  le  deuxième  en  eau. 

Ces  produits  sont  recueillis  dans  des  tubes  qui 
les  arrêtent  séparément,  puis  pesés.  Le  poids  de 
l'acide  carbonique  étant  connu,  on  en  déduit  celui 
du  carbone,  et  du  poids  de  l'eau  obtenu,  celui  de 
l'hydrogène  ;  la  somme  des  deux  poids  ainsi  obte- 
nus est  retranchée  du  poids  total  de  la  substance 
à  analyser  et  on  a  le  poids  de  l'oxygène  quand 
celle-ci  est  exclusivement  formée  de  carbone, 
d'hydrogène  et  d'oxygène  ;  tels  sont  le  sucre,  l'al- 
cool, la  dextrine,  etc. 

Si  la  matière  contient  de  l'azote,  il  faut  par  une 
première  analyse  déterminer  le  carbone,  puis 
l'hydrogène,  et  par  une  deuxième  déterminer  l'a- 
zote. Pour  opérer  cette  dernière,  on  chauffe  la  sub- 
stance avec  de  la  chaux  sodée  (mélange  de  chaux  et 
de  soude)  dans  un  tube  à  analyse  :  l'azote  se  trouve 
vt-insformé  en  ammoniaque. 

Ce  gaz  est  arrêté  dans  de  l'acide  sulfurique  ; 
ayant  déterminé  le  poids  de  l'ammoniaque,  on  en 
déduit  le  poids  et,  par  suite,  le  volume  de  l'azote. 
Par  des  calculs  extrêmement  simples  on  ramène 
les  proportions  de  carbone,  d'hydrogène,  d'azote 
et  d'oxygène  à  lOO  parties  de  la  substance,  ce  qui 
donne  la  composition  centésimale.  On  en  déduit  en- 
suite les  formules  en  équivalents*. 

Les  analyses  les  plus  nombreuses  et  les  plus 
variées  ont  montré  que  toutes  les  substances  or- 
ganiques sans  exception  contiennent  du  carbone 
et  de  Ihydrogène,  à  tel  point  qu'on  a  pu  dire  que 
ia  cliimie  organique  est  la  chimie  des  composés  du 
carbone.  Un  grand  nombre  sont  formés  exclusi- 
vement de  ces  deux  corps  simples,  tels  sont  :  la 
benzine,,  la  gutta-percha,  l'essence  de  térébenthine 
et  celle  de  citron,  la  naphtaline,,!  éthyleue,  l'an- 
thracène,  etc. 

Un  grand  nombre  sont  formés  de  carbone, 
d'hydrogène  et  d'oxygène;  on  les  appelle  des 
composés  ternuires  ;  les  plus  simples  parmi  eux 
sont  les  alcools.  Citons  aussi  les  étliers,  les  acides, 
le  sucre,  l'amidon,  etc.  Enfin  les  substances  qui, 
outre  ces  trois  éléments,  contiennent  de  l'azote, 
sont  appelées  substances  quaternaires.  On  les 
rencontre  dans  le  règne  végétal  comme  dans  le 
règne  animal  ;  il  paraît  même  que  c'est  dans  le 
premier  qu'elles  prennent  naissance  sous  l'in- 
fluence de  la  vie  végétale,  mais  le  règne  animal 
est  formé  presque  exclusivement  de  substances 
quaternaires  azotées  :  telles  sont  l'albumine  ani- 
male ou  végétale,  la  fibrine  (V.  Âlbuminoïdes),  la 
caséine,  la  gélatine,  l'acide  prussique,  l'essence 
d'amandes  amères,  l'aniline,  et  tous  les  alcaloïdes 
(V.  Alcaloïdes).  L'un  des  caractères  spécifiques 
des  substances  organiques  azotées,  c'est  de  donner 
de  l'ammoniaque  ou  des  sels  d'ammoniaque 
quand  elles  se  décomposent,  soit  spontanément 
(putréfaction),  soit  sous  l'influence  de  la  chaleur  et 
des  agents  chimiques. 

Indépendamment  du  carbone,  de  l'hydrogène, 
de  l'oxygène  et  de  l'azote  qui  sont  comme  les  élé- 
ments essentiels  des  produits  organiques,  on 
rencontre  dans  un  assez  grand  nombre  d'entre  eux, 
de  composition  très  complexe  :  du  soufre  comme 
dans  les  œufs  des  oiseaux,  dans  la  moutarde,  dans 
*es    choux,  dans  les   radis,  etc  ;  du  fer  dans  la 


substance  colorante  du  sang  ;  du  phosphore  dans  la 
substance  cérébrale,  dans  l'albumine  en  général; 
du  silicium  dans  le  chaume  des  graminées,  du 
chlore  dans  un  grand  nombre  de  produits  arti- 
ficiels ou  naturels,  de  l'iode  dans  les  produits  ma- 
rins (principalement  dans  l'éponge,  le  caviar).  A 
l'état  de  combinaisons  organiques,  ces  corps  sim- 
ples perdent  les  propriétés  qui  les  caractérisent 
dans  le  règne  minéral  :  ainsi  le  chlore  ne  précipite 
point  les  sels  d'argent,  le  soufre  ceux  de  plomb; 
cependant  nous  ferons  remarquer  en  passant  que 
la  plupart  des  matières  organiques  sulfurées  noir- 
cissent les  couverts  d'argent. 

Isumérie.—  On  a  longtemps  admis  comme  évident 
que  deux  substances  qui  ont  la  même  composition 
chimique  tant  au  point  de  vue  de  la  nature  que  des 
proportions  de  leurs  éléments  avaient  et  devaient 
avoir  les  mêmes  propriétés.  En  1825  Faraday  décou- 
vrait que  le  gaz  de  l'huile  et  le  gaz  oléflant  (hydrogène 
bicarboné  ou  gaz  d'éclairage  de  la  houille)  avaient  la 
même  composition  sans  avoir  les  mêmes  proprié- 
tés ;  en  chimie  minérale  on  découvrit  deux  oxydes 
d'étain  isomères,  plusieurs  acides  phosphoriques, 
et  enfin  on  connaît  aujourd'hui  plusieurs  espèces 
de  phosphore  et  de  soufre  qu'on  appelle  les  états 
allotropiques  du  phosphore  et  du  soufre.  Quand 
deux  corps  composés  ont  ainsi  des  compositions 
identiques  et  des  propriétés  différentes,  on  dit 
qu'ils  sont  isomères  et  que  c'est  là  un  fait  d'isotné- 
rie.  Le  formiate  de  méthyle,  qui  appartient  à  la 
classe  des  éthers  (corps  liquide),  a  pour  formule 
C*H*0*  ;  le  dioxyméthylène  est  un  corps  solide 
qui  a  la  même  formule  ;  l'éther  méthylique  a  la 
même  formule  (C*H'^0"2)  que  l'alcool  vinique.  L'acide 
tartrique  et  l'acide  l'acémique  sont  aussi  des 
corps  isomères.  L'amidon,  la  dextrine,  la  cellulose 
ont  également  la  même  composition  ;  il  en  est  de 
même  du  sucre  ordinaire  et  du  sucre  incristalli- 
sable. 

En  1831,  le  chimiste  suédois  Berzeliusa  précisé 
le  sens  du  mot  isomérie  en  définissant  les  corps 
isomères  :  ceux  qui  ont  la  même  composition 
et  le  même  équivalent.  Quelques  explications 
sont  ici  nécessaires  sur  cette  importante  question  : 
considérons  la  formule  de  l'acide  acétique,  qui 
s'écrit  C*H*04  ;  ne  semble-t-il  pas  d'abord  qu'on 
pourrait  indiquer  plus  simplement  la  compo- 
sition de  cet  acide  par  la  formule  CHO  ou  par 
C-HS02,  etc.  '!  Cette  manière  de  voir  serait  com- 
plètement erronée  :  en  effet,  en  combinant  l'acide 
acétique  avec  de  la  potasse  pour  former  de  l'acé- 
tate de  potasse,  on  trouve  que  ce  sel  contient  5 
fois  autant  d'oxygène  que  le  poids  de  potasse  qui 
s'y  trouve,  et  comme  la  formule  de  cette  base  est 
KO,  celle  de  son  acétate  doit  être  KO,G*H*0*. 

Tous  les  corps  ayant  pour  formule  C^H^O*  seront 
donc  des  isomères  de  l'acide  acétique,  et  ceux 
qui,  ayant  la  même  composition  centésimale,  de- 
vrontêtre  représentés  par  une  formule  multiple  de 
CHO,  seront  les  corps  polymères  de  l'acide  acéti- 
que; l'acide  lactique  (CfiH«0«) ,  la  glucose  (Ci^^Hi^O'  -) 
et  l'acide  acétique  sont  des  corps  polymères.  Ces 
conceptions  sur  la  constitution  des  molécules  très 
complexes  des  substances  organiques,  appuyées  sur 
des  faits  précis  et  nombreux,  ont  projeté  la  lumière 
sur  un  grand  nombre  de  difficultés  comme  en 
renferme  tant  encore  la  chimie  organique.  11  résulte 
de  ce  qui  précède  que  lu  détermination  des  for- 
mules des  principes  immédiats  n'est  point  toujours 
facile  et  que  la  connaissance  de  la  composition 
centésimale  est  loin  de  représenter  leur  véri- 
table constitution,  puisqu'elle  ne  donne  point  le 
mode  de  groupement  de  ces  éléments;  pas  plus, 
s'il  nous  est  permis  de  faire  cotte  comparai- 
son, que  le  nombre  et  la  nature  des  matériaux 
qui  entrent  dans  la  construction  d'un  monument  ne 
nous  donneraient  une  idée  exacte  de  sa  forme  et  dd 
sa  distribution. 


CHIMIE  ORGANIQUE       —  414 


CHIMIE  ORGANIQUE 


Théories  chimique!,.  -  Radicaux  organiques.  — 
Phénomènes  de  substitution.  —  Séries  alcooliques. 
—  Ti/pts  chmiques.  —  Quand  on  examine  l'ensem- 
ble des  corps  qui  dérivent  d'un  même  principe 
immédiat  par  décomposition  ou  par  synthèse,  on 
remarque  que  cette  classe  de  corps  contient 
comme  principe  constituant  fixe  un  hydrocarbure 
(corps  formé  d'hydrogène  et  de  carbone),  qui  ré- 
siste à  toutes  les  transformations  et  caractérise 
pour  ainsi  dire  la  classe  des  corps  dont  il  fait  par- 
tie, absolument  comme  le  métal  en  chimie  miné- 
rale représente  l'élément  fixe  de  tous  les  com- 
posés dans  lesquels  il  entre.  Ce  sont  ces  hydro- 
carbures, plus  fixes  que  tous  les  composés,  que  l'on 
a  appelés  d'abord  exclusivement  des  radicaux 
organiques. 

Ainsi  tous  les  dérivés  de  l'alcool  vinique,  l'éther, 
l'aldéhyde,  l'acide  sulfovinique,  etc.,  contiennent 
le  radical  C*H*  qu'on  appelle  éthylène  et  qui 
joue,  dans  la  série  alcoolique,  un  rôle  analogue 
à  celai  de  la  molécule  de  potassium  dans  les  sels 
de  potasse.  L'éthyle,  qui  a  pour  formule  C*Hâ,  peut 
être  considi'ré  comme  de  l'hydrure  d'éthylène, 
l'éther  ordinaire  OH^O ,  comme  de  Toxyde 
d'éthyle,  l'alcool  CH^CHO  ou  C^HbOî  comme  de 
l'hydrate  d'oxyde  d'éthyle,  et  enfin  les  éthers  com- 
posés formés  par  la  combinaison  de  l'éther  avec 
un  acide,  comme  des  sels  à  base  d'oxyde  d'éthyle. 
Lavoisier  avait  le  premier  soupçonné  l'existence 
des  radicaux  composés.  «  Les  oxydes  et  les  acides 
végétaux,  disait-il,  sont  des  acides  et  des  oxydes 
hydro-carboneux.  » 

Cette  manière  de  concevoir  les  transformations 
des  substances  organiques  convenait  parfaitement 
à  l'explication  des  faits  connus  il  y  a  un  demi- 
siècle,  et  la  découverte  du  cyanogène  fG*Az)  par 
Gay-LuEsac  lui  servait  de  point  d'appui,  puisqu  il 
était  démontré  que  ce  composé  binaire  pouvait  par 
ses  propriétés  chimiques  être  rangé  dans  la  famille 
du  chlore. 

La  théorie  électro- chimique  ou  dualistique 
(V.  p.  405),  ramenant  toutes  les  combinaisons 
chimifjues  à  des  combinaisons  binaires  de  diffé- 
rents ordres,  semblait  devoir  ainsi  s'emparer  de 
la  chimie  organique  pour  n'en  faire  qu'un  complé- 
ment de  la  chimie  minérale,  quand  des  faits  nou- 
veaux éclatants,  indiscutables,  démontrèrent  son 
impuissance  à  tout  expliquer  et  partant  sa  fragi- 
lité comme  théorie  générale  des  transformations 
de  la  substance  organique. 

La  découverte  du  cacodyle  par  Bunsen  (ce  corps 
est  formé  de  carbone,  d'hydrogène  et  d'arsenic),  ob- 
tenu en  distillant  un  mélange  d'acétate  de  potasse 
et  d'acide  arsénieux,  prouvait  par  les  propriétés  de 
ce  corps  singulier  qu'il  existait  en  tout  cas  d'autres 
radicaux  que  les  hydrocarbures.  Un  grand  nombre 
d'autres  radicaux  furent  obtenus  par  les  chimistes 
Frankland,  Thenard,  Cahours,  Friedel,  etc.  Tous 
ceux,  cependant,  que  les  chimistes  considèrent 
comme  la  molécule  fixe  des  nombreuses  classes 
des  corps  organiques  connus  n'ont  point  été  pré- 
parés ou  isolés  ;  ce  qui  du  reste  ne  détruit  nulle- 
ment l'idée  théorique  d'où  ils  sont  sortis,  témoin 
cette  réflexion  de  Gerhardt  qui  s'en  est  servi  dans 
ses  classifications  :  Je  prends,  dit-il,  l'expression 
de  radical  dans  le  sens  de  rapport  et  non  de  corps 
isolable  ou  isolé.  Certains  radicaux,  en  un  mot, 
pourraient  être  des  molécules  plus  ou  moins  com- 
plexes, jouant  le  rôle  d'un  élément  simple,  d'une 
individualité  chimique,  dans  un  composé  supérieur, 
sans  pouvoir  cependant  exister  séparément. 

Substitutions.  —  Gay-Lussac,  en  traitant  la  cire 
par  le  chlore,  reconnut  qu'elle  perd  de  l'hydro- 
gène qui  est  remplacé  par  un  égal  volume  de 
chlore  ;  plus  tard,  M.  Dumas  de  son  côté,  traitant 
l'essence  de  térébenthine  et  l'alcool  par  le  chlore 
put,  d'après  l'analyse  des  produits  obtenus,  for- 
muler la  proposition   importante   qui  suit  :   «  Le  I 


chlore  possède  le  pouvoir  singulier  de  s'emparer 
de  l'hydrogène  de  certains  corps  et  de  le  rempla- 
cer atome  par  atome.  » 

Laurent,  Dumas,  Regnault  confirmèrent  cette 
proposition  par  de  nombreuses  préparations  chlo- 
rées; dans  toutes  ces  réactions,  le  chlore  se  com- 
bine à  l'hydrogène  pour  former  de  l'acide  chlo- 
rhydrique,  etun  nouvel  atome  de  chlore  se  substitue 
à  l'hydrogène  enlevé  pouvoir  décolorant  et  désin- 
fectant du  chlore). 

Il  fut  bientôt  démontré  que  l'iode,  le  brome,  le 
silicium  et  même  les  métaux  pouvaient  aussi  se 
substituer  atome  par  atome  à  l'hydrogène,  et 
M.  Dumas,  dans  un  mémoire  célèbre  sur  les  déri- 
vés chlorés  de  l'acide  acétique  parmi  lesquels  se 
trouve  le  chloroforme  C^HCl^,  résuma  ainsi  les 
conclusions  de  ces  nouvelles  découvertes  :  «  Dans 
un  composé  organique,  l'hydrogène  peut  être  rem- 
placé par  du  chlore,  du  brome,  de  l'iode,  et  en  gé- 
néral les  éléments  peuvent  être  remplacés  par 
d'autres  éléments  en  proportions  équivalentes  ;  et 
ces  corps  simples  eux-mêmes  peuvent  être  rem- 
placés par  certains  corps  composés  faisant  fonction 
de  corps  simples.  Les  corps  ainsi  formés  pos- 
sèdent les  mêmes  propriétés  fondamentales  et  ap- 
partiennent aux  mêmes  types  chimiques  que  les 
corps  d'où  ils  dérivent  par  substitution .'.  car  ii 
existe  en  chimie  organique  certains  types  qui  se 
consei~uent  alors  qu'a  la  place  de  l'hydrogène  qu'ils 
renferment,  on  vient  à  introduire  des  volumes 
égaux  de  c'dore,  de  brome  et  d'iode  »  (1839).  C'est 
là  la  base  de  la  théorie  des  substitutions;  elle 
renverse  complètement  la  théorie  électro-chimi- 
que, et  les  nombreuses  découvertes  qui  la  suivi- 
rent en  montrèrent  la  fécondité  en  même  temps 
qu  ils  en  vérifièrent  l'exactitude. 

Laurent  formula  depuis  d'une  manière  saisis- 
sante et  qui  est  restée,  l'idée  qu'on  peut  se  faire 
d'une  molécule  organique  :  on  peut  la  comparer  au 
système  planétaire,  le  radical  caractérisant  l'espèce 
étant  au  centre  d'un  certain  nombre  d'élément» 
simples,  comme  le  soleil  au  milieu  des  planètes  ; 
on  comprend  que,  de  même  qu'une  planète  pour- 
rait être  remplacée  par  une  masse  équivalente 
sans  troubler  l'équilibre  général,  un  atome  dans 
la  molécule  organique  pourrait  être  aussi  remplacé 
par  un  autre.  La  préparation  ou  plutôt  la  décou- 
verte des  ammoniaques  composées,  par  Hoffmann 
et  Wurtz,  élargissait  cette  manière  de  voir,  en 
montrant  qu'une  molécule  composée  pouvait 
elle-même  remplacer  une  molécule  simple,  une, 
deux,  trois  molécules  composées  pouvaient  rem- 
placer un,  deux,  trois  atomes  simples,  sans  dé- 
truire les  propriétés  fondamentales  du  corps 
primitif  ;  comme  si  dans  le  système  planétaire  on 
supposait  une,  ou  deux,  ou  plusieurs  planètes 
remplacées  par  un  nombre  quelconque  de  plus 
petites  masses  agissant  de  la  même  façon  sur  !e 
système  général,  comme  cela  a  lieu,  du  reste, 
puisque  entre  Mars  et  Jupiter  existe  un  nombre 
considérable  de  petites  planètes  télescopiques;  ces 
idées,  basées  sur  des  faits  excessivement  nom- 
breux, ouvrent  un  horizon  sans  limites  à  la  créa- 
tion artificielle  de  corps  nouveaux  ;  pour  ne  citer 
qu'un  exemple,  nous  dirons  que  l'ammoniaque 
donne  naissance  à  plus  d'une  douzaine  de  corps 
qui  en  dérivent  par  la  substitution  de  radicaux  à 
ses  atomes  d'hydrogène  (V.  Ammoniaque) 

Classification  des  substa?ices  organiques.  —  En 
1835,  MM.  Dumas  et  Peligot  montrèrent  que  l'es- 
prit de  bois  peut  être  rangé  à  côté  de  l'alcool  or- 
dinaire, et,  depuis  cette  époque,  on  a  reconnu  que 
celui-ci  pouvait  être  considéré  comme  le  type 
d'une  classe  nombreuse  de  corps  appelés  alcools, 
et  la  classification  suivante  de  tous  les  corps  or- 
ganiques est  depuis  cette  époque  généralement 
adoptée  :  1°  les  hydrocarbures  (huiles  volatiles,  es- 
sences) ;  2°  les  alcools  ;  3"  les  éthers  ;  4°  les  aidé- 


CHIROPTÈRES 


—  415  — 


CHIROPTÈRES 


hydes  ;  5"  les  acétones  ;  6°  les  chlorures  ;  7'  les 
ammoniaques;  8"  les  composés organo-métalliques; 
9°  les  alcools  polyatomiques  (la  glycérine,  les  matiè- 
res sucrées  et  amylacées)  ;  10°  les  amides;  11"  les 
nitriles. 

Synthèse  chimique.  —  Il  y  a  une  trentaine  d'an- 
nées, M.  Berthelot  put,  en  combinant  directement 
sous  l'influence  de  l'étincelle  électrique  le  car- 
bone et  l'hydrogène,  former  par  synthèse  l'acéty- 
lène, qui  n'avait  jamais  été  obtenu  que  comme  ré- 
sultat de  décomposition,  et,  partant  de  là,  il  forma 
successivement  par  des  procédés  que  nous  ne  pou- 
vons pas  rapporter  ici,  des  alcools,  des  aldéhydes, 
des  acides,  qu'on  n'avait  jamais  obtenus  par  une 
synthèse  directe  ;  à  l'Exposition  de  Londres  cet 
illustre  chimiste  put  montrer  ce  qu'on  n'avait  ja- 
mais vu  :  de  l'alcool  pour  ainsi  dire  créé  par  lui. 
C'était  là  la  preuve  irrécusable  de  l'identité  au 
fond  des  substances  minérales  et  des  substances 
organiques,  ce  qui  ne  veut  pas  dire,  comme  on  l'a 
quelquefois  supposé  à  tort,  que  le  chimiste  a  la 
prétention  de  former  des  cellules  ou  des  organes; 
mais  cela  prouve  qu'il  a  légitimement  celle  de 
pouvoir  fabriquer  lasubstance  qui  les  constitue,  et. 
comme  le  dit  M.  Berthelot  lui-même,  la  chimie 
possède  la  faculté  créatrice  à  un  degré  plus  émi- 
nent  encore  que  les  autres  sciences,  parce  qu'elle 
pénètre  plus  profondément  et  atteint  jusqu'aux 
cléments  naturels  des  êtres  ;  non  seulement  elle 
crée  des  phénomènes,  mais  elle  a  la  puissance  de 
refaire  ce  qu'elle  a  détruit  ;  elle  a  même  la  puis- 
sance de  former  une  multitude  d'êtres  artificiels 
semblables  aux  êtres  naturels  et  participant  de 
toutes  leurs  propriétés.  —  V.  Synthèse  chimique . 
Voici  quelques  noms  des  plus  savants  chimistes 
qui  dans  ce  siècle  ont  le  plus  contribué  aux  pro- 
grès si  rapides  de  la  chimie  organique  :  Berzelius, 
Gay-Lussac,  Dumas,  Liebig,  Chevreul,  Laurent, 
Gerhardt,  Boussingault,  Hoffmann,  Cahours,  Wil- 
liamson.  Pelletier  et  Caventou,  Wurtz,  Pasteur. 
Berthelot  ;  ces  deux  derniers,  l'un  par  la  lumière 
dont  il  a  éclairé  les  phénomènes  si  obscurs  des 
fermentations ,  l'autre  par  les  synthèses  chimi- 
ques, ont  ouvert  des  voies  nouvelles  et  doivent 
être  considérés  comme  les  auteurs  des  plus  grandes 
découvertes  chimiques  faites  depuis  un  quart  de 
siècle. 

Expériences  à  faire  dans  un  cours  élémentaire 
de  chimie  organique.  —  1°  Fusion  et  décomposi- 
tion du  sucre  ;  2°  lavage  de  la  farine,  séparation  de 
l'amidon  et  du  gluten  ;  3°  fermentation  du  sucre 
en  présence  de  la  levure  ;  4°  fermentation  du  lait 
caillé  ;  5o  décomposition  d'une  matière  animale  en 
présence  de  la  chaux  ;  6°  action  de  l'acide  sulfu- 
rique  sur  l'alcool  ;  1°  oxydation  de  l'alcool  en  pré- 
sence de  la  mousse  de  platine  ;  8°  détonation  d'un 
mélange  d'éther  et  d'air  dans  un  petit  flacon  ; 
9°  action  du  chlore  sur  l'alcool  ;  10"  traitement 
d'une  matière  grasse  par  la  soude  (fabrication  d'un 
savon)  ;  11"  action  de  l'acide  azotique  sur  le  coton 
(coton-poudre), de  l'acide  azotique  surla  benzine, etc. 
Mettre  sous  les  yeux  des  élèves,  suivant  l'ordre 
des  leçons,  des  acides  (tannique,  oxalique,  tartri- 
que,  benzoïque),  de  l'amidon,  de  la  glucose,  de  l'é- 
ther,  de  la  benzine,  du  coton-poudre,  différents 
alcools,  du  camphre,  des  gommes,  des  corps  gras, 
de  la  glycérine,  de  l'urée,  des  alcaloïdes  (de  la  qui- 
nine par  exemple),  de  la  gélatine,  etc. 

[Alfred  Jacquemart.] 
CHIROPTERES  OU  CHAUVES-SOURIS.  —  Zoo- 
logie, VII.  —  (Étym.  :  Souris  chauve,  c'est-à- 
dire  dont  les  ailes  n'ont  pas  de  plumes,  ou,  suivant 
quelques  auteurs,  souris-chouette,  d'où  par  cor- 
ruption chauve.  Chti'opté-e.  qu'on  a  longtemps  écrit 
à  tort  Cheiroptère,  vient  du  grec  et  signifie  aile- 
main). 

Les  Chiroptères  ou  Chauves-Souris  sont  des  mam- 
mifères crépusculaires,  qui  se  nourrissent  de  fruits 


et  d'insectes  et  qui  peuvent  se  transporter  dans  lea 
airs,  à  la  manière  des  oiseaux,  grâce  à  la  transfor- 
mation des  membres  antérieurs. 

A  l'exception  du  pouce,  les  doigts  sont  en  effet 
extrêmement  allongés  et  soutiennent  une  mem- 
brane qui  vient  se  rattacher  aux  flancs  et  qui  peut, 
à  la  volonté  de  l'animal,  s'étendre  ou  se  replier 
brusquement.  C'est  à  cette  organisation  particulière 
que  les  Chauves-Souris  doivent  leur  nom  scienti- 
fique de  Chiroptères,  qui  signifie  animaux  à  mains 
transformées  en  ailes.  En  outre,  dans  cet  ordre  de 
Mammifères,  une  membrane  plus  ou  moins  étendue 
qui  relie  l'un  à  l'autre  les  deux  membres  posté- 
rieurs, et  qui  est  en  général  soutenue  par  la  queue 
dans  sa  portion  moyenne,  contribue  pour  une  part 
importante  au  mécanisme  du  vol. 

Le  pouce  des  mains  antérieures  est  écarté  des 
autres  doigts  et  muni  d'un  ongle  crochu  ;  de  con- 
cert avec  les  doigts  des  pattes  postérieures,  il 
sert  aux  Chauves-Souris  pour  se  suspendre  et 
s'accrocher  aux  moindres  aspérités  d'un  tionc 
d'arbre,  d'un  mur  ou  d'une  paroi  rocheuse.  Ainsi 
conformés,  les  membres  sont  peu  propres  à  la 
locomotion  terrestre  :  aussi,  sur  le  sol,  les 
Chiroptères  sont-ils  d'une  gaucherie  extrême  et 
ne  s'avancent  ils  qu'avec  la  lenteur  et  la  mala- 
dresse d'un  cul-de-jatte.  Comme  les  Singes,  les 
Chauves-Souris  ont  trois  sortes  de  dents  :  des  mo- 
laires, des  canines  et  des  incisives.  Leur  vue  n'est 
pas  très  parfaite,  car  leurs  yeux  sont  fort  petits, 
mais  leur  tact  est  d'une  délicatesse  singulière,  et 
c'est  au  moyen  de  ce  sens  qu'elles  se  dirigent  dans 
les  ténèbres  en  évitant  les  obstacles  qui  se  trouvent 
sur  leur  passage.  Leurs  oreilles,  très  compliquées, 
perçoivent  les  bruits  les  plus  faibles  aussi  bien  que 
les  sons  les  plus  aigus. 

La  membrane  alaire  se  compose  de  deux  lames 
provenant  l'une  du  dos,  l'autre  du  ventre  de  l'ani- 
lual,  et  renferment  entre  elles  une  couche  de  tissu 
élastique  et  de  fibres  musculaires.  Sa  face  externe 
est  imprégnée  d'un  liquide  huileux,  d'une  odeur 
pénétrante,  sécrété  par  des  glandes  particulières. 
Le  corps  est  revêtu  de  poils  d'une  structure  extrê- 
mement remarquable,  minces  et  fragiles  à  la  racine, 
épais  et  contournés  dans  leur  portion  terminale. 
Ces  poils  emprisonnent  dans  leurs  spirales  une 
certaine  quantité  d'air  échauffé  au  contact  du  corps, 
et  remplissent  par  conséquent  l'office  d'un  duvet 
protecteur. 

Le  vol  des  Chauves-Souris  est  produit  par  un 
mouvement  continuel  des  bras  ;  il  est  beaucoup 
moins  soutenu  que  celui  des  oiseaux,  et  varie  du 
reste  suivant  la  conformation  des  membranes  alaires 
et  de  la  membrane  interfémorale. 

Dans  les  pays  froids,  et  même  dans  nos  climats, 
les  Chauves-Souris  tombent  dans  un  sommeil  léthar- 
gique qui  se  prolonge  jusqu'à  la  fin  de  l'hiver. 
Pendant  la  journée,  en  toutes  saisons,  elles  sont 
également  engourdies  et  restent  immobiles,  accro- 
chées par  les  pattes  de  derrière  dans  les  cavernes, 
les  greniers  ouïes  troncs  d'arbres  ;  souvent  elles  se 
suspendent  les  unes  aux  autres  et  forment  ainsi 
des  grappes  énormes.  Dans  certaines  grottes,  les 
excréments  accumulés  des  Chauves-Souris  ontdonné 
naissance  à  une  couche  épaisse  de  guano  sur  le 
sol. 

Les  Chiroptères  sont  répandus  sur  toute  la  sur- 
face du  globe  ;  mais  ils  sont  loin  d'offrir  partout 
le  môme  type,  le  même  aspect  extérieur.  En 
tenant  compte  de  la  disposition  des  membranes, 
de  la  forme  des  organes  des  sens,  de  la  longueur 
de  la  queue  et  surtout  de  la  dentition,  on  peut 
répartir  ces  animaux  en  quatre  familles,  savoir  : 
les  Ftéropodés  ou  Roussettes,  les  Phyllostomidés 
ou  Vampires,  les  Riiinolophidés  et  les  Vesper- 
tilionidés. 

1"  P  ter  apodes  ou  Roussettes.  —  Les  Chiroptères 
de  ce  groupe,  en  général  de  grande  taille  et  d'une 


CHIROPTÈRES 


—  416  — 


CHIROPTÈRES 


organisation  relativement  clevce,  ont  la  membrane 
postérieure  ou  interfémorale  peu  développée  et  la 
queue  souvent  presque  atrophiée  ;  leurs  dents  sont 
assez  fortes,  et  les  incisives  au  nombre  de  deux 
paires  à  chaque  mâchoire.  Ils  se  nourrissent  de 
fruits  qu'ils  vont  dérober  le  soir  dans  les  planta- 
tions, et  sont,  à  cause  de  leurs  larcins,  détestés 
des  planteurs  à  lîle  Maurice,  à  la  Réunion,  etc. 
Dans  les  grandes  forêts  des  îles  Moluques  vit  une 
espèce  de  ce  groupe  qui  mesure  40  à  45  centi- 
mètres de  long  et  plus  de  I  mètre  et  demi  d'enver- 
gure :  c'est  la  Roussette  édule  ou  comestible,  ainsi 
nommée  parce  que  sa  chair,  un  peu  grasse  et  d'un 
goût  assez  agréable,  entre  dans  l'alimentation  des 
habitants  de  Java  et  de  Sumatra. 

1°  P/iyllostomidés.  —  Les  Phyllostomidés,  connus 
vulgairement  sous  les  noms  de  Vampires  et  Chauves- 
Souris  Fer-à-cheval,  habitent  l'Amérique  tropicale 
(Pérou,  Guyane,  Brésil,  Caroline)  et  sont  fort 
redoutés  des  indigènes.  D'anciens  auteurs  en  ont 
déjà  fait  mention,  et  au  siècle  dernier  La  Condamine 
a  constaté  qu'ils  inquiètent  l'homme  pendant  son 
sommeil  et  qu'ils  sucent  le  sang  des  mulets  et  des 
chevaux.  Les  voyageurs  paraissent  toutefois  avoir 
quelque  peu  exagéré  la  férocité  des  Vampires  :  les 
blessures  faites  par  ces  animaux  ne  sont  mortelles 
que  lorsqu'elles  déterminent  une  hémorrhagie  trop 
abondante,  chez  un  sujet  jeune  ou  aft'aibli,  ou 
lorsque  la  gangrène  se  met  dans  la  plaie. 

Le  nom  scientifique  de  Phyllostome,  qui  signifie 
museau  orné  d'une  feuille,  et  le  nom  vulgaire  de 
Per-de-  ance,  font  tous  deux  allusion  à  la  confor- 
mation particulière  de  la  face  chez  ces  Chauves- 
Souris,  dont  les  narines  sont  percées  dans  une 
sorte  d'écusson  membraneux  semi-circulaire  et 
surmontées  d'un  appendice  représentant  assez  bien 
un  fer  de  lance. 

3°  Rhinolopiddés.  — Les  Chauves-Souris  de  cette 
famille,  qui  ont  le  nez  surmonté  d'un  appendice 
analogue  à  celui  des  Phyllostomes,  mais  découpé 
d'une  autre  façon,  se  répartissent  en  un  très  grand 
nombre  de  genres  qui  habitent  l'Europe,  l'Afrique, 
la  côte  de  Malabar,  l'Amérique  chaude  et  l'Austra- 
lie. Dans  l'Europe  centrale  vit  le  Rhinolophe  bifer 
ou  petit  Fer-à-cheval,  qui  n'a  que  G  centimètres  de 
long  et  23  centimètres  d'envergure.  Son  pelage  est 
d'un  gris  blanchâtre  ou  roussâtre,  ses  membranes 
alaires  sont  diaphanes,  grises  chez  les  mâles  et 
jaunâtres  chez  les  femelles;  son  nez  est  surmonté 
de  deux  ou  plutôt  de  trois  pièces  superposées,  l'in- 
férieure en  forme  de  fer  à  cheval  renversé  entou- 
rant les  narines,  la  moyenne  en  crête  longitudinale 
et  la  supérieure  en  fer  de  lance  ;  ses  oreilles  figu- 
rent deux  cornets  évasés,  et  sa  queue,  de  grandeur 
moyenne,  est  comprise  tout  entière  dans  la  mem- 
brane interfémoralc.  Cette  Chauve-Souris,  extrême- 
ment sociable,  se  trouve  par  centaines  dans  les 
grottes  et  sous  les  toits  des  bâtiments  en  ruines. 
Elle  vole  autour  des  habitations  dès  le  commence- 
ment du  printemps,  mais  toujours  après  le  coucher 
du  soleil.  Lorsqu'elle  se  fixe  contre  un  mur,  elle 
8'enveloppe  de  ses  membranes  alaires  et  ressemble 
alors  à  une  grosse  chrysalide. 

Le  Rhinolophe  unifer  ou  grand  Fer-à-cheval,  un 
peu  plus  grand,  mesure  8  centimètres  de  long  sur 
35  centimètres  d'envergure.  Il  a  la  feuille  frontale 
très  large  et  compliquée  de  grandes  cellules. 

4»  Vespertilionidés.  —  Dans  cette  famille  se 
placent  des  Chiroptères  qui  sont  dépourvus  de 
feuille  nasale  comme  les  Roussettes,  mais  qvii  dif- 
fèrent d'ailleurs  de  ces  dernières  par  l'ensemble  de 
leurs  caractères,  ayant  les  ailes,  la  queue  et  le 
systè.me  dentaire  conformes  à  peu  près  comme  les 
Phyllostomes  et  les  Rhinolophes.  Nous  ne  parlerons 
ici  que  des  espèces  européennes. 

Le  Vespertilion  barbastelle,  ou  Barbastelle  com- 
mune, aie  dessus  du  corps  d'un  brun  noir  foncé,  le 
dessous  d'un  gris  brunâtre  clair,  les  oreilles  grandes 


et  réunies  au-dessus  du  front.  Cette  espèce,  qui 
na  pas  plus  de  29  centimètres  d'envergure,  chez 
nous,  est  assez  rare,  et  fréquente  surtout  les 
contrées  montagneuses. 

Le  Vespertilion  noctule,  qui  est  plus  répandu  que 
le  précédent,  est  aussi  de  taille  beaucoup  plus 
considérable,  son  corps  mesurant  12  centimètres 
et  son  envergure  étant  de  37  centimètres.  Il  se 
distingue  d'ailleurs  facilement  de  la  Barbastelle 
par  la  forme  et  la  couleur  de  ses  oreilles,  qui  sont 
d'un  noir  foncé,  de  même  que  la  membrane  alairc, 
et  par  la  teinte  de  son  pelage,  d'un  brun  rougeâ- 
tre  uniforme.  Cette  Chauve-Souris,  qui  répand  une 
odeur  très  pénétrante,  habite  les  forêts  et  ne  se 
rapproche  des  habitations  que  lorsque  celles-ci 
sont  entourées  de  jardins  et  de  vergers.  Elle  com- 
mence ;i  voler  quelques  heures  avant  le  coucher 
du  soleil,  et  échappe,  grâce  à  son  vol  rapide  et 
saccadé,  à  la  poursuite  des  oiseaux  de  proie.  En 
hiver  elle  tombe  dans  un  profond  sommeil. 

Le  Vespertilion  oreillard,  dont  quelques  auteurs 
font  le  type  d'un  genre  particulier,  se  trouve  aussi 
dans  nos  pays,  et  fréquente  les  jardins,  les  pro- 
menades ei  les  avenues  des  forêts.  Il  est  fort 
commun,  mais  se  dérobe  souvent  aux  regards  parce 
qu'il  ne  sort  de  sa  retraite  qu'à  la  nuit  close  et 
vole  avec  une  rapidité  extrême,  décrivant  dans  les 
airs  les  zigzags  les  plus  capricieux.  Ses  yeux  très 
petits  ne  lui  permettraient  pas  de  se  diriger  dans 
l'obscurité;  aussi  la  nature,  par  compensation,  lui 
a  donné  des  oreilles  monstrueuses  qui  peuvent 
recueillir  les  moindres  sons  et  percevoir  en 
particulier  le  boardonnement  des  insectes  noc- 
turnes. Au  repos,  l'Oreillard  replie  ses  grandes 
oreilles  dont  les  pointes  seules  se  dressent  en 
l'air.  Sur  le  sol,  ce  Vespertilion  marche  sans  trop 
de  gaucherie,  et  il  peut  grimper  avec  facilité  le 
long  des  vieux  murs.  Il  s'apprivoise  aisément  et  peut 
être  conservé  pendant  plusieurs  mois  en  captivité. 
La  taille  de  cette  espèce  est  un  peu  plus  faible 
que  celle  du  Vespertilion  noctule;  le  corps  n'a  que 
lu  centimètres  de  long,  et  les  ailes  étendues  ne 
mesurent  que  2-i  centimètres.  La  membrane  alaire, 
ainsi  que  les  oreilles  (marquées  de  2'i  à  24  plis 
longitudinaux)  sont  d'un  gris  clair  ;  la  face  est 
couverte  de  poils  blancs;  le  corps  est  d'un  gris 
brunâtre,  passant  au  gris-fauve  sur  les  parties 
inférieures. 

Le  Vespertilion  pipistrelle,  qui  est  fort  commun 
dans  toutes  les  villes  de  l'Europe,  n'a  que  2} 
centimètres  d'envergure  ;  son  pelage  est  d'un  brun 
roux.  Par  la  forme  en  lame  de  couteau  de  son 
oreillon,  c'est-à-dire  de  la  feuille  membraneuse 
qui  se  dresse  à  l'intérieur  du  pavillon  de  l'oreille, 
il  ressemble  à  une  autre  espèce,  de  dimensions 
bien  plus  fortes,  la  Sérotine,  qui  vit  isolée  ou  par 
couples  dans  les  forêts  ou  dans  les  campagnes,  à 
proximité  de  quelques  cours  d'eau,  et  qui  ne  vole 
que  pendant  la  nuit. 

Le  Vespertilion  inurin  se  trouve  ésralement  dans 
une  grande  partie  de  l'Europe  et  en  Algérie.  Pendant 
le  jour  il  se  retire  en  troupes  nombreuses  sous  les 
combles  des  grands  bâtiments.  Il  a  le  museau 
allongé,  les  oreilles  en  forme  de  cornet  avec  nn 
oreillon  pointu. et  le  pelage  d'un  brun  cendré.  Son 
envergure  est  de  45  centimètres. 

Chez  tous  les  Vespertilions,  la  queue  est  longue 
et  bordée,  à  peu  près  jusqu'à  l'extrémité,  par  la 
membrane  interfémorale;  l'oreille  est  pourvue  d'un 
oreillon  ;  les  narines  ne  sont  point  surmontées 
d'une  feuille  membraneuse,  et  les  dents  sont 
essentiellement  conformées  en  vue  d'un  régime 
insectivore.  Les  Vespertilions,  en  effet,  se  nour- 
rissent dinsecies  dont  ils  détruisent  dis  quan- 
tités considérables  ;  un  Vespertilion  noctule  peut 
avaler  do  suite  une  quinzaine  de  hannetons,  et 
soixante-dix  mouches  ne  suffisent  pas  à  satisfaire 
la  voracité  de  la  Pipistrelle. 


CHLORE 


—  417  — 


CHLORE 


Au  lieu  de  persécuter  et  de  détruire,  comme  on 
le  fdit  trop  souvent,  les  espèces  de  ce  groupe  et  en 
général  toutes  les  Cliauves-Souris,  on  devrait  au 
contraire  les  protéger  et  favoriser  leur  multiplica- 
tion, car  ces  animaux,  malgré  leur  aspect  repous- 
sant, doivent  être  considérés  comme  des  auxiliai- 
res éminemment  utiles  par  les  agriculteurs. 

[E.  Oustalet.] 
CHLORE.  —  Chimie,  VIII,  XIV.  —  Le  chlore  a 
été  découvert  en  1774  par  l'immortel  chimiste 
suédois  Scheele.  Jusqu'en  1809,  époque  à  laquelle 
Gay-Lussac  et  Thénard  le  reconnurent  comme  un 
•corps  simple,  les  chimistes  considérèrent  le  chlore 
comme  de  l'acide  muriatique  (acide  chlorhydrique, 
CIH)  oxygéné.  On  prépare  encore  aujourd'hui  ce 
gaz  par  le  procédé  par  lequel  Scheele  l'a  obtenu 
pour  la  première  fois. 

La  découverte  du  chlore  fut  très  importante,  car 
elle  montrait  un  nouveau  corps  ayant  la  propriété 
comburante  comme  l'oxygène,  ce  qui  permit  d'é- 
tendre le  sens  du  mot  combustion  en  l'appliquant 
à  toutes  les  combinaisons  chimiques  donnant  de  la 
chaleur  et  de  la  lumière.  C'était  le  point  de  départ 
d'une  première  généralisation  do  la  théorie  des 
•combinaisons  chimiques  par  Lavoisier.  Voici  avec 
quelle  simplicité  de  langage  le  chimiste  suédois 
raconte  sa  découverte  :  «Je  versai  une  once  d'acide 
muriatique  sur  une  demi-once  de  magnésie  noire 
en  poudre  (peroxyde  de  manganèse).  Au  bout  d'une 
heure  je  vis  ce  mélange  à  froid  se  colorer  en 
jaune;  par  l'application  de  la  chaleur,  il  se  déve- 
loppa une  forte  odeur  d'eau  régale...  Pour  mieux 
me  rendre  compte  de  ce  phénomène,  je  me  servis 
du  procédé  suivant.  J'attachai  une  vessie  vide  à 
l'extrémité  du  col  de  la  cornue  contenant  le  mé- 
lange de  magnésie  noire  et  d'acide  muriatique. 
Pendant  que  ce  mélange  faisait  effervescence,  la 
vessie  se  gonflait  ;  l'effervescence  ayant  cessé, 
j'ôtai  la  vessie.  Celle-ci  était  teinte  en  jaune  par  le 
corps  aériforme  qu'elle  contenait;  ce  corps  n'est 
point  de  l'air  fixe  (acide  carbonique)  ;  son  odeur, 
excessivement  forte  et  pénétrante,  affecte  singu- 
lièrement les  narines  et  les  poumons.  »  (Hœfer.) 

Action  du  chlore  sur  les  poumons  et  sur  la  peau. 
—  Le  chlore  est  un  gaz  jaune  verdâtre,  ce  qui  lui 
a  fait  donner  ce  nom  par  Davy  en  1810;  il  est  ir- 
ritant et  extrêmement  suffocant  ;  quand  on  en  a  res- 
piré une  trop  forte  proportion,  même  mélangée  à 
l'air,  on  éprouve  un  très  vif  besoin  de  respirer  de 
l'air,  besoin  qu'il  semble  impossible  de  satisfaire, 
l'odeur  et  l'action  irritante  du  chlore  provoquant 
une  toux  violente  à  chaque  inspiration  puissante 
que  l'on  fait  ;  il  en  résulte  une  véritable  congestion 
■de  la  face,  un  larmoiement  abondant,  et  enfin,  quel- 
quefois, des  crachements  de  sang.  Les  animaux 
plongés  dans  le  chlore  pur  périssent  en  quelques 
instants.  Le  chlore,  en  contact  avec  la  peau  pen- 
dant quelques  minutes,  produit  des  démangeai- 
sons ;  une  douche  d'eau  chlorée  rougit  la  peau. 

Le  contre-poison  du  chlore  est  l'ammoniaque, 
qu'il  faut  respirer  fortement,  ce  gaz,  dans  ces  con- 
ditions, ne  présentant  aucun  danger.  Quand  on 
prépare  du  chlore  ou  qu'on  s'en  sert  en  faisant 
des  expériences,  il  est  bon  d'avoir  toujours  à  côté 
de  soi  un  flacon  débouché  d'ammoniaque,  et  même 
■d'en  répandre  quelques  gouttes  sur  le  sol,  sans 
«"'inquiéter  en  rien  des  épaisses  fumées  qui  vont  se 
produire. 

Propriétés  physiques  et  chimiques.  —  Le  chlore 
•est  beaucoup  plus  lourd  que  l'air  ;  sa  densité  est 
2,44,  c'est-à-dire  qu'à  0»  et  à  76  centimètres  do 
pression,  un  litre  de  chlore  pèse  P'',2l)3  X  2,44  ; 
l«'',293  étant  le  poids  d'un  litre  d'air  à  0°  et  à  76  de 
pression. 

Le  clilore  est  un  des  premiers  gaz  liquéfiés  par 
Faradav.  sous  une  pression  de  5  atmosphères. 

Solubilité.  —  A  8°,  température  de  son  maximum 
de  solubiliié,  le  chlore  se  dissout  dans  l'eau  dans  la 
2«  Partie. 


proportion  de  3''',0't  pour  1  litre  d'eau.  A  0°,  l'eau 
n'en  dissout  qu'un  litre  et  demi,  et  à  50°,  un  litre. 
L'eau  chlorée  doit  être  conservée  dans  des  flacons 
de  verre  noir,  car  la  lumière  la  déco~ipose  :  le 
chlore  prend  l'hydrogène  pour  former  de  l'acide 
chlorhydrique  (ClH),  et  met  l'oxygène  en  liberté; 
c'est  ce  qui  fait  qu'on  peut  dire  que  le  chlore  a 
une  action  oxydante.  L'eau  chlorée  refroidie  dans 
le  voisinage  de  G"  se  prend  en  gros  cristaux  d'un 
blanc  jaunâtre,  qu'on  considère  comme  une  com- 
binaison d'eau  et  de  chlore,  et  qu'on  a  appelée  hy- 
drate de  chlore.  Lorsqu'on  les  chauffe,  ils  aban- 
donnent leur  chlore. 

Action  comburante  du  chlore.  —  Le  chlore  a 
une  action  comburante  peut-être  plus  énergique 
que  celle  de  l'oxygène,  quoiqu'elle  se  manifeste 
avec  une  lumière  moins  vive. 

Si  on  projette  de  la  poudre  d'antimoine  ou  d'ar- 
senic dans  un  flacon  de  chlore  sec,  chaque  grain 
donne  lieu  à  une  étincelle,  et  il  se  dégage  du  fla- 
con une  fumée  blanche  épaisse  de  chlorure,  très 
mauvaise  à  respirer.  Si  on  ferme  le  flacon,  on 
constatera,  après  quelques  minutes,  qu'il  est  inté- 
rieurement recouvert  d'une  couche  cristalline  de 
chlorure  d'arsenic  ou  d'antimoine.  L'étain  en 
feuille,  le  phosphore,  brûlent  spontanément  dans  le 
chlore  en  donnant  des  chlorures  volatils  (chlorure 
d'étain  et  chlorure  de  phosphore).  Le  fer  et  le 
cuivre  chauffés,  puis  plongés  dans  le  chlore,  y  brû- 
lent également.  Le  mercure  est  instantanément 
attaqué  à  froid,  et  il  brûle  avec  flamme  si  on  le 
projette  dans  du  chlore  très  chaud.  On  peut  dire 
que  le  chlore,  directement  ou  indirectement,  peut 
se  combiner  à  tous  les  métaux  et  à  tous  les  métal- 
loïdes. 

Action  du  chlore  sur  l'hydrogène.  —  Le  chlore 
se  combine  très  facilement  à  l'hydrogène  dans  un 
très  grand  nombre  de  circonstances.  Un  mélange 
de  chlore  et  d'hydrogène  dans  des  proportions  éga- 
les fait  instantanément  explosion  au  soleil  :  il  se 
forme  de  l'acide  chlorhydrique,  dont  le  volume  est 
égal  à  la  somme  des  volumes  des  deux  gaz  chlore 
et  hydrogène  ;  dans  la  lumière  diffuse,  la  combi- 
naison s'effectue  lentement  ;  dans  l'obscurité  com- 
plète, les  deux  gaz  restent  mélangés  sans  jamais  se 
combiner. 

Combin'iisons  du  chlore  avec  i'oxygè?ie.  —  Ces 
deux  gaz  forment  en  se  combinant,  suivant  la  loi 
des  proportions  définies,  un  grand  nombre  de  com- 
binaisons presque  toutes  très  instables.  Les  prin- 
cipales sont  l'acide  hypochloreux,  CIO,  l'acide  clilo- 
reux  GIO*,  hypochlorique  C10\  chlorique  ClO^, 
perchlorique  CIO''.  Il  est  à  remarquer  que,  pour  un 
certain  poids  de  chlore,  les  poids  d'oxygène  com- 
binés sont  entre  eux  comme  1,  3,  4,  5,  7.  (V.  Equi- 
valents.) 

L'acide  hypochloreux  jouit,  comme  le  chlore, 
d'un  grand  pouvoir  décolorant  et  désinfectant. 
C'est  lui  qui  est  l'agent  actif  de  Veau  de  javelle 
(chlorure  de  soude  employé  au  blanchiment),  et 
du  chlorure  de  chaux  employé  comme  désinfectant 
dans  les  hôpitaux  et  dans  les  endroits  malpropres 
des  villes.  L'acide  chlorique  existe  dans  le  chlo- 
rate de  potasse,  beau  sel  blanc  employé  en  méde- 
cine contre  les  affections  des  muqueuses  de  la 
bouche  et  du  pharynx  ;  ce  sel  sert  aussi  à  la  prépa- 
ration de  l'oxygène. 

Chlorures  métalliques.  —  Les  principaux  chlo- 
rures métalliques  sont  :  le  chlorure  de  sodium  (sel 
de  cuisine,  sel  marin,  sel  gemme  ;  V.  Sel  marin"}  ;  le 
chlorure  de  potassium,  qui  existe  comme  le  précé- 
dent dans  les  eaux  de  la  mer;  les  chlorures  de  ma- 
gnésium, de  calcium,  de  fer,  de  zinc,  d'étain.  de 
plomb,  d'argent,  de  mercure  (calomel  ou  protochlo- 
rure, sublimé  corrosif  ou  bichlorure),  d'or,  de 
platine. 

Action  du  clilore  sur  les  matières  organiques. 
—  Le  chlore  altère   plus  ou  moins  profondouient 

27 


CHLORE 


—  418  — 


CHLORE 


toutes  les  matières  organiques;  aucune  couleur  vé- 
gétale ne  lui  résiste,  aussi  est-il  employé  au  blanchi- 
ment de  la  pâte  à  papier,  du  linge,  etc.  Il  détruit 
les  miasmes,  il  est  donc  désinfectant  ;  c'est  en  1791 
que  Fourcroy,  pour  la  première  fois,  le  fit  employer 
pour  désinfecter  les  cimetières;  on  en  fit  grand 
usage  en  1832  lors  de  la  première  invasion  du  cho- 
léra. On  l'emploie  principalement  aujourd'hui  à 
l'état  de  chlorure  de  chaux  (CIO,  CaO)  ou  hypochlo- 
rite  de  chaux  impur. 

Il  a  été  employé  contre  toutes  les  maladies  épi- 
démiques  ou  contagieuses  avec  plus  ou  moins  de 
succès  ;  on  l'a  même  employé  à  l'intérieur  contre  la 
fièvre  typhoïde.  Il  est  le  contre-poison  de  l'acide 
prussique,  de  l'acide  sulfhydrique  i^gaz  des  cabinets 
d'aisances  et  des  œufs  pourris).  Son  action  sur  les 
matières  organiques  colorantes  ou  autres  s'ex- 
plique par  sa  tendance  à  se  combiner  à  l'hydro- 
gène constituant  pour  former  de  l'acide  chlorhy- 
drique  ;  il  en  résulte  une  destruction  au  moins 
partielle  de  la  molécule  organique.  C'est  par  l'ac- 
tion du  chlore  sur  la  cire  et  sur  l'hydrogène  bicar- 
boné  (gaz  oléfiant,  C*H*;  \.  Chimie  organique, 
p.  414,,  que  l'on  reconnut  que  dans  un  composé 
organique  un,  deux  ou  plusieurs  atomes  pouvaient 
se  substituer  à  un  même  nombre  d'atomes  d'hy- 
drogène, et  ce  fut  là  le  point  de  départ  de  la  théo- 
rie des  substitutions  qui,  depuis,  a  donné  lieu  à  tant 
d'importantes  découvertes. 

Pi-éparation  du  chlore.  —  On  le  prépare  encore 
comme  l'a  préparé  pour  la  première  fois  Scheele. 
Dans  un  ballon  dont  le  col  porte  un  bouchon  tra- 
versé par  un  tube  adducteur  et  un  tube  à  enton- 
noir, on  chauffe  doucement  un  mélange  de  bioxyde 
de  manganèse  et  d'acide  chlorhydrique  (acide 
muriatique  du  commerce)  ;letube  adducteur  plonge 
dans  des  flacons  vides  bien  secs;  le  chlore,  plus 
lourd  que  l'air,  soulève  successivement  la  couche 
d'air,  et  on  reconnaît  que  le  flacon  est  plein  quand 
il  est  jaune  depuis  le  bas  jusqu'en  haut.  C'est  le 
seul  gaz  qu'on  recueille  ainsi:  cela  tient  à  ce  qu'il 
se  dissout  dans  l'eau  et  attaque  à  froid  le  mercure. 
La  réaction  produite  est  :  MnO^  -(-  2  HCl  =  MnGl 
+  Cl  +  2H0  :  il  reste  dans  le  ballon  du  chlorure 
de  manganèse.  On  obtient  aussi  du  chlore  en 
chauflant  ensemble  du  sel  de  cuisine,  du  bioxyde 
de  manganèse  et  de  l'acide  sulfurique. 

Usages  du  chlore.  —  Nous  les  avons  déjà  indiqués 
en  partie  :  préparation  industrielle  du  chlorure  de 
chaux  et  de  l'eau  de  javelle  (conire-poison  de  l'acide 
,ussique;  c'est  le  seul).  On  l'emploie  également 
contre  les  piqûres  d'insectes ,  préférablement  à 
l'état  de  dissolution  dans  l'eau,  contre  les  maladies 
du  foie,  les  névralgies,  le  croup,  etc.  A  l'état  de 
chlorure,  c'est  certainement  un  des  corps  les  plus 
utiles  :  il  suffit  de  nommer  le  sel  de  cuisine. 

ExpérieJices  à  faire.  —  Préparer  du  chlore  dans 
quatre  ou  cinq  flacons  bien  secs,  jeter  dans  l'un 
de  la  poudre  d'arsenic,  dans  un  autre  de  la  poudre 
d'antimoine,  pour  montrer  la  combustion  d'un 
métal  dans  un  gaz  autre  que  l'air  ou  l'oxygène  ; 
agiter  du  vin  rouge  dans  le  troisième  flacon  et 
quelques  gouttes  de  mercure  dans  le  quatrième. 
On  fait  en  outre  arriver  du  chlore  gazeux  sur  du 
phosphore  :  celui-ci  s'enflamme  spontanément  :  ou 
sur  des  feuilles  d'étain,  qui  brûlent  en  répandant 
une  fumée  des  plus  épaisses.  Plonger  dans  un  fla- 
con de  chlore  un  fil  de  cuivre  d'abord  fortement 
chauffé  ;  approcher  un  verre  contenant  de  l'am- 
moniaque d'un  tube  dégageant  du  chlore,  ou,  si  on 
le  peut,  et  en  opérant  prudemment,  faire  arriver 
un  courant  de  gaz  ammoniac,  dans  un  flacon 
plein  de  chlore  :  on  constatera  l'inflannnation 
spontanée  du  gaz  ammoniac,  qui  cependant  est 
incombustible  dans  l'air.  Montrer  aux  élèves 
nombre  de  chlorures,  et  principalement  le  chlorure 
de  chaux  et  l'eau  de  javelle. 

Acide  chlorhydrique,  —  C'est  un  gaz  incolore, 


d'une  odeur  piquante,  très  irritante,  incombusti- 
ble, incomburani,  fumant  à  l'air,  mais  surtout  en 
présence  de  l'ammoniaque,  excessivement  soluble 
dans  l'eau;  un  litre  de  ce  liquide  en  dissout  jus- 
qu'à 600  litres.  Sa  densité  est  1,24.  Sa  dissolution 
a(|ueuse  est  connue  et  employée  depuis  longtemps 
sous  le  nom  d'acide  muriatique.  C'est  encore 
sous  ce  nom  qu'on  la  désigne  dans  le  commerce. 
C'est  alors  un  liquide  jaune  fumant  ;  il  doit  cette 
couleur  à  ce  qu'il  est  préparé  dans  des  cornues  de 
fer  ;  dans  les  laboratoires  on  obtient  cette  disso- 
lution pure  et  incolore.  L'acide  du  commerce  con- 
tient des  traces  de  chlorure  de  fer  et  d'acide  azo- 
tique. 

L'acide  chlorhydrique  dissout  le  zinc,  le  fer,  avec 
rapidité,  en  formant  des  chlorures  de  ces  métaux. 

L'acide  chlorhydrique  CIH  est  formé  de  1  volume 
de  chlore  et  1  volume  d'hydrogène,  qui,  en  se  com- 
binant, forment  2  volumes  d'acide  chlorhydrique 
conformément  à  la  loi  de  Gay-Lussac.  V.  Équi- 
valents. 

L'acide  chlorhydrique  est  un  des  acides  les  plus 
énergiques  :  il  corrode,  détruit  les  tissus,  noircit 
les  bouchons  de  liège.  L'empoisonnement  par  cet 
acide  produit  des  nausées,  une  inflammation  de  la 
gorge,  des  vomissements  acides  et  sanguinolents, 
donne  des  frissons,  une  soif  ardente,  une  face 
livide,  et  enfin  perfore  l'estomac.  La  médication 
consiste  dans  l'ingestion  abondante  d'eau 
dans  laquelle  onadélayé  de  la  craie,  di' la  magnésie 
ou  du  bicarbonate  de  soude,  ou  même  d'eau  de 
savon,  d'huile,  avec  diète  absolue  pendant  l'in- 
flammation consécutive;  on  comprend  facilement, 
ce  qui  se  passe  ;  la  craie,  la  magnésie,  neutrali- 
sent l'acide  ;  le  savon  également;  l'huile  empêche 
l'absorption. 

Eou  régale.  —  L'acide  chlorhydrique  mélangé  à 
l'acide  azotique  constitue  Veau  régale,  qui  dissout 
l'or  et  le  platine,  que  n'attaquent  en  particulier  ni 
l'un  ni  l'autre  de  ces  acides. 

Préparation  de  l acide  chlorhydrique.  —  L'acide 
chlorhydrique  est  un  produit  secondaire  de  l'indus- 
trie. On  l'obtient  en  abondance  dans  la  fabrication 
industrielle  du  sulfate  de  soude,  qui  sert  lui-même 
à  préparer  la  soude  du  commerce  (carbonate  de 
soude).  Pour  cela  on  chauiïe  dans  des  cylindres  ca 
fer  un  mélange  d'acide  sulfurique  et  de  sel  marin  : 
il  reste  du  sulfate  de  soude  dans  la  cornue,  et 
l'acide  qui  se  dégage  à  l'état  gazeux  est  dirigé  dans 
des  bonbonnes  en  grès  à  moitié  pleines  d'eau  où  li- 
se dissout.  Voici  la  réaction  : 

NaCl  +  S03,H0  =  NaO.SO'-f-  HGl. 

Dans  les  laboratoires  l'expérience  se  fait  dans  un  bal- 
lon de  verre  :  le  gaz  lavé  et  desséché  est  reçu  dans^ 
des  éprouvettes  pleines  de  mercure  et  placées 
dans  la  cuve  à  mercure,  ou  bien,  si  on  veut  l'avoir  en 
dissolution,  dans  une  série  de  flacons  de  Wol/f 
communiquant  par  des  tubes  en  verre  et  remplis 
en  partie  d'eau  distillée. 

Usage.  —  Cet  acide  est  employé'  dans  un  grand 
nombre  de  préparations  de  laboratoire  (prépara- 
tion du  chlore,  du  chlorure  de  zinc,  de  fer,  etc.). 
Dans  l'industrie  on  s'en  sert  aussi  dans  la  prépara- 
tion du  chlore  (préparation  de  l'eau  dejavelle  et  du 
chlorure  de  chaux),  dans  la  préparation  des  cou- 
leurs, dans  celle  de  l'eau  régale  (mélange  d'acide 
azotique  et  d'acide  chlorhydrique). 

Expériences  à  faire.  —  Action  de  l'acide  du 
commerce  sur  le  zinc  :  l'expérience  se  fera  dans  un 
verre,  et  on  mettra  le  feu  à  l'hydrogène  qui  s'en 
dégagera  ;  réaction  :  Zn  -|-  HCl  =  ZnCl  -î-  H.  — 
Action  de  l'acide  sur  l'ammoniaque  :  on  mélange 
quelques  gouttes  des  deux  liquides  sur  une  as- 
siette; fumées  très  épaisses  de  chlorhydrate  d'am-  ■ 
moniaque.  —  Quelques  gouttes  d'acide  seront  j 
versées  dans  du  tournesol  qui  sera  instantané- 
ment rougi.  On   pourra  le  ramener  au  bleu  par 


CHRISTIANISME 


—  419  — 


CHRISTIANISME 


l'ammoniaque  et  recommencer  plusieurs  loîs  cette 
double  expérience.  (V.  Acid(?s  et  Bases.)  —  On 
versera  quelques  gouttes  d'acide  sur  de  la  craie, 
lîffeivescence  ;  remarquer  que  c'est  la  base  de  la 
Tabrication  de  l'eau  de  Seltz  et  en  même  temps 
celle  du  chlorure  de  calcium,  employé  à  dessécher 
le  gaz  quand  il  a  été  calciné.  —  On  mettra  dans  un 
petit  tube  à  analyse  quelques  gouttes  d'acide  pur 
incolore;  on  essaiera,  sans  réussir,  d'y  dissoudre 
une  mince  feuille  d'or.  On  fera  le  même  essai  dans 
un  autre  tube  avec  de  l'acide  azotique  pur;  puis 
on  mélangera  les  deux  liquides,  et  on  verra  l'or 
se  dissoudre  et  disparaître  instantanément.  —  On 
pourra  aussi  préparer  l'acide  gazeux  si  on  a  une 
cuve  à  mercure.  Sinon  on  versera  dans  un  ballon 
quelques  gouttes  d'acide  sulfuriquc  sur  du  sel 
marin,  pour  montrer  leffervescence  qui  se  produit, 
même  à  froid  :  on  approchera  une  allumette  du  col 
du  ballon,  elle  s'éteindra  ;  ou  on  appochera  un  pa- 
pier bleu  de  tournesol,  il  rougira;  enfin  une  ba- 
guette de  verre  mouillée  d'ammoniaque,  et  on  verra 
les  fumées  épaisses  de  chlorhydrate  d'ammonia- 
que. [Alfred    Jacquemart.] 

CHRISTIANISME.  —  Histoire  générale,  XVI. 
—  {Etyyv.  :  du  mot  grec  Christ,  traduction  de  l'hé- 
breu Messie,  oint,  sacré.)  —  Pour  ce  qui  concerne 
l'instruction  religieuse,  voir,  dans  la  i"  Partie, 
l'article  Religion  et  ceux  auxquels  il  renvoie. 

Nous  n'avons  à  retracer  ici  que  l'histoire  exté- 
rieure du  christianisme,  considéré  dans  ses  rapports 
généraux  avec  le  développement  de  la  société  mo- 
derne, dans  son  influence  sur  cette  forme  de  la 
civilisation  qu'à  bon  droit  on  nomme  encore  la 
«  civilisation  chrétienne  ». 

Au  cours  de  cet  article,  nous  renverrons  aux 
différents  mots  qui  traitent  plus  spécialement 
quelques  parties  détachées  de  ce  vaste  sujet. 

I.  Le  christianissie  avant  Constantin.  —  L'É- 
glise primitive.  —  Les  débuts  historiques  du 
christianisme  sont  assez  mal  connus.  La  Judée, 
où  les  apôtres  commencèrent  leurs  prédications, 
était  dans  l'empire  romain  une  petite  province 
obscure  et  lointaine  sur  laquelle  se  portait  peu 
l'attention  des  historiens  ;  aussi,  tant  que  la  nou- 
velle religion  ne  s'adressa  qu'au  peuple  Israélite 
et  à  ses  voisins  immédiats,  elle  fut  à  peine  connue 
des  Romains. 

Je  fut  le  grand  apôtre  des  Gentils,  saint  Paul, 
qui,  en  affirmant  que  la  doctrine  nouvelle  s'adres- 
sait à  tous,  et  en  la  prêchant  lui-même  avec  éclat 
dans  les  principales  cités  de  l'Asie  Mineure,  de  la 
Grèce  et  de  l'Italie,  lui  donna  le  caractère  d'un 
grand  événement  intéressant  le  monde  romain. 

Acquitté  à  Rome  une  première  fois,  il  y  revint, 
y  fit  de  nombreux  prosélytes  et  y  subit  le  martyre, 
suivant  la  tradition,  avec  saint  Pierre,  sous  Néron, 
vers  l'an  6.i  ou  t;6  de  notre  ère. 

Quelques  années  après  ('0),  la  prise  de  Jérusa- 
lem, la  destruction  du  Temple  et  la  dispersion  du 
peuple  hébreu  appelèrent  l'attention  et  la  haine 
publique,  non  seulement  sur  les  Juifs,  mais  sur  les 
chrétiens,  qui  furent  longtemps  confondus  avec  eux. 

Les  dix  persécutions.  —  C'est  avec  Néron,  en 
l'an  64,  que  commence  la  série  des  persécutions 
qui  se  déchaînèrent  contre  cette  «  secte»  détestée  des 
uns,  redoutée  des  autres,  mal  connue  de  tous,  cette 
secte  contre  laquelle  l'historien  Tacite  résumait 
tous  les  griefs  de  l'opinion  publique,  quand  il 
l'accusait  de  «  la  haine  du  genre  humain  ».  On 
assure  que  Néron  avait  lui-môme  fait  allumer 
l'immense  incendie  qui  détruisit  en  6i  une  partie 
de  Rome.  Quoi  qu'il  en  soit,  ce  fut  le  prétexte  et 
le  signal  d'atroces  supplices  infligés  aux  chrétiens. 
On  a  attribué  à  Néron  les  plus  monstrueuses 
inventions  :  dans  certaines  nuits  d'orgie  il  donna, 
dit-on,  au  peuple  le  spectacle  de  chrétiens  mis  en 
croix  et  enduits  de  résine  pour  servir  de  flam- 
beaux vivants  dans  les  jardins  du  palais. 


La  tradition  chrétienne  affirme  que  depuis  lors, 
sauf  quelques  intervalles  d'apaisement  et  d'oubli 
relatifs,  l'Église  naissante  fut  sans  cesse  en  butte 
aux  traitements  les  plus  barbares;  elle  énumère 
comme  suit  les  dix  époques  où  la  persécution  sévit 
le  plus  cruellement  : 


2«. 

4=.. 


Empereur» 

Dates 

Prinripau 
martyrs 

Néron 

64^8.. 

Saint  Pierre,  saint 
Paul  (Rome),  saint 
Marc  (AlexandrieJ, 
saint    Gervais    et 
saintProtais  Milan). 

Domitien... 

91-96. 

Saint    Jean 
(Pathmos). 

Trajan 

100-116 

Saint    Ignace 
(Rome). 

Marc-Aurèle. 

162.    .. 

Saint  Justin  (Rome), 

saint  Potliin  (Lyon), 

saintMarcel  ,Châlon), 

saint  Bénigne  .Dijon) 

et  saint  Symphorien 

(Autun). 

Sévère 

202.  . . 

Saint  Irénée  (Lyon). 

Maximin. . .. 

2;;5 

Plusieurs  évêques. 

Décius 

249 

»  » 

Valérien 

257.... 

Saint    Etienne    et 
saint  Sixte  (Rome). 

Aurélien.. .. 

273-275 

Saint     Saturnin. 
(  Toulouse  ) ,     saint 
Savinien ,      évoque 
de  Sens. 

Galérius     et 

303-31-3 

a  Ère  des  martyrs.  » 

Dioclétien. 

10' 


Mais  nulle  persécution  ne  pouvait  étouff'er  le 
christianisme.  Depuis  longtemps,  le  paganisme 
n'était  plus  une  religion  :  non  seulement  tous  les 
esprits  cultivés  y  avaient  renoncé  ;  les  philosophes 
avaient  protesté  contre  cet  amas  d'absurdités,  les 
uns,  comme  les  stoïciens,  en  cherchant  à  constituer 
une  doctrine  morale  complètement  indépendante 
de  la  vieille  mythologie,  les  autres,  comme  Lucien, 
en  livrant  les  dieux  et  les  prêtres  aux  sarcasmes 
d'une  satire  sans  frein  ;  mais  la  foule  elle-même 
accusait  d'imposture  les  oracles,  les  augures,  les 
pontifes  ;  elle  se  détournait  avec  dégoût  de  ces 
croyances  puériles  ou  honteuses.  En  vain  quelques 
politiques  essayèrent-ils  d'opérer,  dans  une  sorte  de 
religion  officielle,  la  fusion  de  tous  les  cultes,  de 
toutes  les  croyances,  de  toutes  les  idoles  du  monde 
ancien.  Cet  immense  pêle-mêle  ne  pouvait  qu'ache- 
ver le  paganisme  expirant. 

C'est  au  milieu  de  ce  monde  en  décomposition 
que  grandit  une  doctrine  religieuse  forte,  sévère, 
absolue,  se  présentant  avec  l'autorité  d'une  révé- 
lation divine,  parlant  aux  hommes  le  plus  sublime 
langage  et  le  plus  simple  qu'ils  eussent  jamais 
entendu,  venant  de  si  haut  qu'elle  ne  connaît  plus 
aucune  des  distinctions  du  vieux  monde,  romain 
ou  barbare,  esclave  ou  libre,  s'imposant  à  l'esprit 
par  un  enchaînement  de  dogmes  indestructible,  à 
la  conscience  par  une  morale  qui  s'appelle  encore 
aujourd'hui  la  morale  de  l'Evangilo,  au  cœur  par 
un  merveilleux  épanouissement  des  sentiments  les 
plus  purs  et  les  plus  élevés  dont  notre  nature  soit 
capable,  à  l'imagination  même  par  une  suite  incom- 
parable de  mystères  et  de  miracles,  s'appuyant  enfin 
sur  un  miracle  plus  puissant  que  tous  les  autres  : 
l'obstination  invincible  des  fidèles,  la  multitude 
inépuisable  des  martyrs  et  l'exemple  quotidien  de 
l'héroïsme.  Tertullien  l'a  dit  :  a  Le  sang  des  mar- 
tyrs est  la  semence  des  chrétiens.  »  Ajoutez  qu'à 
une  époque  où  ils  n'étaient  pas  encore  divisés  par 
les  sectes  et  les  hérésies,  les  chrétiens  joignaient 
à  tous  leurs  autres  avantages  celui  d'une  disci- 
pline et  d'une  hiérarchie  fortement  organisée.  «  De 


CHRISTIANISME 


—  420  — 


CHRISTIANISME 


îa  Bretagne  aux  rives   de  l'Euphrato,  un  chrétien  i 
voyageant  avec  une  lettre  de  son  évêque  trouvait 
sur  toute  la  route  aide  et  protection.  Secouru  s'il  j 
était  pauvre,  soigné  s'il  était  malade,  il  rencontrait 
partout  des  frères,  un  signe  lui  servait  de  parole,  | 
et,  sans  se  comprendre,  ils  s'entendaient.  »  (Duruy.) 
Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  Constantin,  frappé 
de  la  puissance  de  cette  religion,  l'ait  fait  asseoir 
avec  lui  sur  le  trône  impérial. 
II.  Le  christianisme  de  Constantin  a  létablisse-  ' 

ilENT  DC  POUVOIR  TEMPOREL  DES  PAPES.  —  DunS  l'Em-  ! 

cî>e  romain.  —  Au  commencement  du  quatrième  1 
siècle,  six  empereurs  se  disputaient  l'Empire  ro-  ' 
main.  Constantin,  le   plus  habile,  le  plus  actif,   le 
plus  hardi  d'eux  tous,  comprit  le  premier  que  «  se  , 
déclarer  pour  les  chrétiens,  c'était  mettre  de  son  ' 
côté  une  force   immense  :   il  mit  la  crois  sur  ses  j 
étendards  et  se  fit  dresser  une  statue  à  Rome  te- 
nant la  croix  à  la  main.  En  313,  il  donna  à  Milan  un 
édit  de  tolérance  et  restitua  aux  chrétiens  leurs  biens, 
tout  en  évitant   de  promulguer  contre  les  païens  ] 
des  édits  menaçants;  si    ses   monnaies   portaient  i 
d'un  côté  le  monogramme  da  Christ,  de  l'autre  on 
y  voyait  une  divinité  païenne.  La  même  année  où  ; 
il  ordonna  de  célébrer  le  repos  religieux  du  diman- 
che, il  publia  une  loi  sur  la  consultation  des  arus-  | 
pices.  Et  lorsqu'il  eut  fondé  Constantinople,  pour  j 
donner  à  l'empire  une  capitale  chrétienne,  chaque 
année  il  fit  porter  dans  le   cirque  sa  statue  ayant  1 
en  main  une  image  de  la  Fortune.  »  (Duruy.) 

Peu  à  peu  cependant  la  religion  chrétienne  de-  ] 
vint  exclusivement  la  religion  de  i'Etat.  Si  Cons-  ] 
tantin  lui-même  oublia  plus  d'une  fois  qu'il  était 
chrétien,  avec  lui  cependant,  et  après  lui,  l'influence 
de  la  doctrine  et  de  la  morale  chrétiennes  se  fit  sentir 
dans  la  législation,  dans  le  gouvernement,  dans 
les  mœurs  et  dans  les  institutions  sociales.  iV.  Escla- 
vage, Femmes,  et  dans  la  I"  Partie  l'article  Pères 
de  l'Eglise,  et  ceux  auxquels  il  renvoie. 

Quant  à  l'Eglise  elle-même,  elle  constituait  son 
unité  dogmatique  et  hiérarchique,  d'abord  par  les 
décisions  théologiques  des  conciles,  puis  par  l'ex- 
clusion, et,  il  faut  bien  le  dire,  par  la  persécution 
des  hérétiques  ;  enfin,  dans  l'Eglise  latine  du  moins, 
par  la  souveraineté  spirituelle  conférée  au  pape. 
Y.  Eglise,  Conciles,  Hérésies,  Papauté. 

Chez  les  Barbares.  —  En  Germanie.  —  L'Em- 
pire romain  était  à  peine  conquis  à  la  religion  nou- 
velle que  celle-ci  était  déjà  portée  par  de  courageux 
et  ardents  missionnaires  jusque  chez  les  peuples, 
alors  confondus  sous  le  nom  de  Barbares,  qui 
s'échelonnaient  le  long  des  frontières  de  l'Empire. 
Dès  le  quatrième  siècle,  les  Goths,  les  Suèves,  les 
Vandales,  les  Burgundes,  les  Lombards  connurent 
le  christianisme,  mais  ceux  qui  les  y  convertirent 
étaient  des  prêtres  ariens  :  ces  peuplades  ne  re- 
çurent donc  pas  la  pure  doctrine  catholique,  et  ce 
fut  une  des  raisons  qui  contribuèrent  plus  tard  à 
leur  assujettissement  aux  Francs.  (V.  Clovis.) 

En  '-aule.  —  La  Gaule  étant  une  province  ro- 
maine, les  premiers  apôtres  du  christianisme  qui 
en  furent  aussi  les  martyrs,  y  avaient  prêché  la 
foi  nouvelle  dès  le  deuxième  siècle.  Après  l'inva- 
sion des  Francs,  et  ieur  conversion  en  masse  j'y.  Clo- 
vis], elle  fit  de  rapides  progrès,  bien  que  les  cri- 
mes dont  est  pleine  l'histoire  de  ces  premiers 
siècles  témoignent  assez  combien  la  doctrine  chré- 
tienne était  loin  d'avoir  pénétré  les  cœurs  et  les 
caractères. 

Quant  au  rôle  social  et  politique  du  christia- 
nisme ainsi  implanté  chez  les  Barbares,  M.  Guizot, 
cherchant  à  l'apprécier  en  quelques  traits,  le  ré- 
sume ainsi  dans  son  Histoire  de  la  civilisation  en 
France  :  «  Trois  résultats  étaient  consommés  au 
cinquième  s.ècle  : 

«  lo  La  séparation  de  la  société  relisieuse  (les 
fidèle,  le  peuple)  de  la  société  écdésiastioue 
clergé,  monasières),  et  ladominaiioa  de  la  société 


ecclésiastique  sur  la  société  religieuse  ;  résultat  dû 
surtout  à  l'extrême  inégalité  intellectuelle  et  so- 
ciale qui  existait  entre  le  peuple  et  le  clergé  chré- 
tien ; 

«  2°  La  prédominance  du  système  aristocratique 
dans  l'organisation  intérieure  de  la  société  ec- 
clésiastique: l'intervention  des  simples  prêtres 
dans  le  gouvernement  de  l'Eglise  devient  de 
jour  en  jour  plus  rare  et  plus  faible,  le  pouvoir  sn 
concentre  de  plus  en  plus  entre  les  mains  des 
évêques; 

«  3"  Enfin,  quant  aux  rapports  de  la  société  reli- 
gieuse avec  la  société  civile,  de  l'Eglise  avec  l'Etat, 
le  système  qui  prévaut  est  celui  de  l'alliance,  de 
la  transaction  entre  des  puissances  distinctes, 
mais  en  contact  perpétuel.  » 

En  Angleterre  et  en  Irlande.  —  D'après  la  tradi- 
tion, saint  Patrick  porta  la  foi  chrétienne  en  Irlande 
vers  430.  Mais  les  conquérants  germains  de  la 
Grande-Bretagne,  les  Anglo-Saxons,  ignorant  la 
langue  erse  que  parlaient  les  Irlandais,  étaient  en- 
core païens  îi  la  fin  du  sixième  siècle;  ce  fut  le 
pape  saint  Grégoire  \°'  qui  envoya,  pour  les  con- 
vertir, le  moine  Augustin  avec  quarante  mission- 
naires (596)  :  il  avait  remarqué,  dit-on,  dans  un 
marché  de  Rome,  des  esclaves  à  vendre,  Angles 
de  nation.  «  S'ils  étaient  chrétiens,  avait-il  dit  en 
admirant  leur  noble  maintien,  ce  ne  seraient  plus 
des  Angles,  mais  des  anges.  »  En  627,  le  Witena- 
gemot  ou  «  assemblée  des  sages  »  du  Northumber- 
land  décida  l'adoption  de  la  foi  nouvelle  ;  les  autres 
provinces  l'imitèrent.  En  Ecosse,  aussi  à  la  fin  du 
sixième  siècle,  Columban,  qui  avait  fondé  un  mo- 
nastère sur  un  rocher  des  îles  Hébrides,  traversant 
sur  son  bateau  d'osier  les  détroits  de  la  Bretagne 
septentrionale,  avait  prêché  trente  ans  l'Evangile 
aux  Pietés   et   aux  Scots. 

Dernières  missions  en  Germanie.  —  Les  derniè- 
res missions  accomplies  dans  l'Europe  centrale  et 
septentrionale  eurent  pour  objet  la  conversion  des 
Bataves,  des  Bavarois,  des  Alamans,  des  Frisons, 
des  Thuringiens,  des  Saxons.  Les  Irlandais  Kilian 
et  Columban,  l'Anglais  Willebrord  et  surtout  son 
disciple  saint  Winfrid  ou  saint  Boniface,  «  l'apôtre 
de  la  Germanie  »,  en  furent  les  principaux  auteurs. 
Boniface,  soutenu  par  Charles-Martel,  avait  ins- 
tallé des  évêques  et  était  lui-même  placé  à  la  tète 
de  la  métropole,  Alayence  (746)  ;  malgré  son  grand 
âge,  il  résigna  ses  fonctions  pour  retourner  dans 
les  bois  de  la  Frise  païenne  comme  simple  mis- 
sionnaire. Dn  jour  oîi  il  devait  confirmer  un  cer- 
tain nombre  de  néophytes,  il  fut  assailli  par  une 
troupe  de  païens  et  égorgé  avec  ses  compagnons 
sur  les  bords  du  Zuyderzée  (755).  Pépin  vengea  sa 
mort,  et  Charlemagne  acheva  au  prix  de  nombreu- 
ses campagnes  et  de  sanglantes  exécutions  la 
soumission  des  Saxons  au  christianisme. 

Le  christianisme  hors  de  l'Europe.  —  En  Orient, 
le  christianisme  fit  des  conquêtes  moins  sûres  et 
moins  étendues  :  il  ne  se  maintint  qu'eu  Arménie, 
où  il  subsiste  encore  ;  il  fut  presque  anéanti  en 
Perse  par  la  persécution;  les  succès  rapides  et 
merveilleux  de  1  islamisme  arrêtèrent  la  propaga- 
tion de  la  foi  chrétienne  en  Asie  et  en  Egypte. 
L'expansion  du  mahoméiisme  fut  telle  qu'il  ne 
fallut  rien  moins  qu'un  efi"ort  général  de  la  chré- 
tienté pour  en  arrêter  l'invasion  :  de  là  les  Croi- 
sades *. 

La  découverte  du  nouveau  monde  lui  valut  un 
nouvel  empire.  (V.  Colonies.) 

Pouvoir  temporel  des  pnpes.  —  V.  Papauté. 

III.  Le  christianisme  uepcis  la  fondation  do 
POUVOIR  temporel  jusqu'à  la  riIforme.  —  V.  Eglise. 
V.  aussi  Papauté,  conciles,  Schismes,  Hérésies, 
Réforme. 

IV.  Le   christianisme   dans   les   temps  MODERhBS. 

—  V.  les  mêmes  articles. 

V.  ArpRÊciATioN  générale.  —  En  résume,  pour 


CHYLE 


—  421 


CIRCULATION 


qui  so  place  au  point  de  vue  de  l'iiistoire  générale 
et  surtout  de  l'histoire  de  la  civilisation,  quel  a  été 
le  rôle,  quelle  a  été  la  fonction  sociale  du  christia- 
nisme ? 

En  Europe,  c'est  le  christianisme  qui  a  été  le  grand 
agent  de  l'éducation  et  de  la  civilisation  des  peuples 
barbares  dont  sont  issues  les  nations  modernes. 
C'est  lui  qui  a  recueilli  en  les  transformant  les  pré- 
cieux restes  de  la  civilisation  gréco-romaine;  c'est  lui, 
pendant  la  première  époque  du  moyen  âge,  après 
la  désorganisation  de  l'empire  et  avant  l'organisation 
de  la  féodalité,  qui  fut  presque  le  seul  représentant 
des  idées  morales  au  sein  d'une  société  qui  n'avait 
plus  de  bases,  plus  de  règles,  plus  de  loi  commune, 
le  seul  défenseur  des  faibles,  le  seul  consolateur 
des  affligés,  le  seul  prédicateur  des  idées  géné- 
reuses, le  seul  organe  de  la  conscience  publique, 
la  seule  force  qui  piît  tenir  tête  alors  à  la  force 
brutale.  Plus  tard,  quand,  grâce  à  tant  de  services 
rendus  à  l'humanité,  il  eut  fait  reconnaître  et  en 
quelque  sorte  matérialiser  sa  toute-puissance, 
d'abord  purement  spirituelle,  des  abus  purent  se 
glisser  dans  son  organisation;  ses  rapports  avec 
les  puissances  séculières,  tantôt  alliance  trop  in- 
time, tantôt  rivalité  trop  ardente,  tintôt  suprématie 
trop  absolue,  purent  nuire  à  son  prestige  moral  et 
social.  Mais,  même  après  la  grande  division  du 
seizième  siècle^  qui  sépara  les  chrétiens  en  catho- 
liques et  protestants,  le  christianisme  conserve 
aux  yeux  de  l'histoire  sa  grande  mission  civilisa- 
trice. Cette  mission  prend  un  éclat  plus  pur  encore 
quand  le  christianisme,  dans  ses  différentes  commu- 
nions, renonce  définitivement  à  un  droit  que  catho- 
liques et  protestants  n'avaient  que  trop  longtemps 
revendiqué  et  exercé,  le  droit  de  persécuter  et  de 
mettre  à  mort  les  hérétiques. 

Au  dehors,  il  continue  à  se  répandre  avec  la 
même  force  d'expansion  :  catholiques  et  protestants 
rivalisent  de  zèle  pour  convertir  et  pour  civiliser 
jusqu'aux  extrémités  de  la  terre  les  peuplades 
sauvages,  mais  sans  prétendre  les  soumettre  par 
la  force. 

Aujourd'hui  le  christianisme  possède  toute  l'Eu- 
rope, moins  la  Turquie,  toute  l'Amérique  et  l'Aus- 
tralie, sauf  les  peuplades  indigènes,  et  il  entame 
l'Afrique  et  l'Asie  par  tous  les  points  où  les  colo- 
nies européennes  se  sont  établies. 

Sous  les  formes  diverses  que  lui  donnent  les  dif- 
férentes communions,  dans  la  phase  nouvelle  où 
l'ont  fait  entrer  les  profonds  changements  apportés 
depuis  un  siècle  à  la  constitution  de  la  société 
civile  cliez  toutes  les  nations  de  l'Europe,  le  chris- 
tianisme prouve  d'autant  mieux  sa  sublimité  et  ré- 
pand d'autant  plus  sûrement  ses  bienfaits  qu'il 
ne  sort  plus  de  la  sphère  de  l'action  morale  et 
spirituelle,  ne  conteste  plus  ni  à  l'État  son  auto- 
rité, ni  à  l'individu  sa  liberté,  ne  revendique  enfin 
d'autre  empire  que  celui  des  consciences  volon- 
tairement venues  à  lui,  d'autre  pouvoir  que  celui 
de  la  persuasion,  d'autres  privilèges  que  ceux  de 
l'abnégation  et  du  dévouement,  d'autre  honneur 
que  celui  d'offrir  aux  individus  et  aux  sociétés  la 
consolation  de  ses  doctrines,  l'exemple  de  sa  foi 
et  le  modèle  de  toutes  les  vertus.  —  V.  aussi- Reli- 
gions. 

CIIIVOMQUES,  CHRONIQUEURS.  —  V.  Histo- 
7'iens. 

CHRONOLOGIE.  —  V.  Dates. 

CHUTE  DES  CORPS.  —V.  Pesanteur. 

CHYLE.  —  Zoologie,  XXXIV.  —  Après  que  les 
aliments  ont  subi  dans  l'estomac  et  dans  l'intes- 
tin les  modifications  nécessaires  pour  les  rendre 
absorbables,  c'est-à-dire  capables  de  passer  au 
travers  de  membranes  non  poreuses  (V.  Ahsor)i- 
tion),  ils  constituent  un  liquide  trouble  dans  lequel 
se  trouvent  tous  les  éléments  nutritifs  et  aussi  les 
parties  qui  seront  rejetées  à  l'état  de  résidu  pres- 


que solide.  Ce  liquide  complexe  s'appelle  chyle  (da 
grec  chylos,  suc). 

Dans  les  parois  de  l'intestin  rampent  des  vait- 
seaux  lymphatiques,  sortes  de  veines  très  ténues- 
qui  existent  dans  tous  les  organes  et  contiennent 
un  liquide  limpide  nommé  lymphe.  De  même 
que  les  veines  des  parois  de  l'estomac  absor- 
bent les  boissons,  les  lymphatiques  de  l'intestin 
absorbent  le  liquide  produit  final  de  la  digestion. 
Une  fois  filtré  par  l'absorption,  ce  liquide  trouble 
prend  l'apparence  de  lait  plus  ou  moins  mêlé 
d'eau.  Les  petits  vaisseaux  qui  l'absorbent  pour 
le  porter  dans  le  sang  s'appellent  vaisseaux 
chylifères. 

Le  chyle  pur  exposé  à  l'air  se  dédouble  en  un 
liquide  transparent  un  peu  rosé  et  une  sorte  de 
caillot  blanchâtre.  A  mesure  qu'il  chemine  dans 
ses  conduits,  il  se  mêle  à  la  lymphe  récoltée  dans 
tout  le  corps,  commence  à  s'organiser,  à  prendre 
vie  pour  ainsi  dire,  de  sorte  qu'en  arrivant  dans 
le  sang,  il  participe  déjà  de  sa  nature.  (V.  Diges- 
tion.) [Y)'  Saffray.] 

CIRCULATION.  —  1-  Circulation  chez  les  vé- 
gétaux. —  Botanique,  III.  —  Le  liquide  qu'absor- 
bent les  racines  s'appelle  sève.  Ce  liquide  nourricier, 
comparable  au  sang  des  animaux,  monte  tout  d'a- 
bord le  long  de  la  tige  ;  ce  n'est  qu'après  avoir 
subi  l'action  de  la  fonction  respiratoire  dans  les 
feuilles  (comme  le  sang  veineux  dos  animaux), 
qu'il  pourra  se  diriger  vers  toutes  les  parties  et 
les  nourrir  (comme  le  sang  artériel);  et  comme 
toutes  les  régions  de  la  plante  sont  plus  ou  moins 
bas  par  rapport  aux  feuilles,  on  l'appelle  alors- 
sève  descendante,  bien  que  le  mouvement  de  ce  li- 
quide soit  plutôt  un  mouvement  de  diffusion;  par 
opposition  on  appelle  sève  ascendaiite  la  sève  qui 
circule  des  racines  vers  les  feuilles.  —  Des  expé- 
riences nombreuses  ont  prouvé  que,  au  début  de 
la  période  végétative,  la  sève  monte  par  toutes  les 
parties  du  végétal,  sauf  l'ccorce  ;  peut-être  ce  mou- 
vement ascendant  est-il  général.  Une  sonde  intro- 
duite dans  les  troncs  d'arbres  en  végétation  n'est 
pourtant  mouillée  qu'à  son  extrémité.  Il  y  a  deux 
époques  de  l'année  pendant  lesquelles  la  montée 
de  la  sève  est  le  plus  énergique  :  la  première 
montée ,  printanière,  a  surtout  comme  mission 
l'accroissement  du  végétal  en  hauteur; la  seconde, 
automnale  (sève  d'août),  fournit  des  matériaux 
nutritifs  aux  bourgeons.  C'est  pendant  ce  dernier 
mouvement  de  la  sève  que,  par  suite  d'une  douce 
température  à  la  fin  de  la  saison,  des  bourgeons 
éclosent  accidentellement  à  l'époque  où  tombent 
déjà  les  feuilles  de  l'année. 

Après  avoir  subi  l'action  de  l'air,  la  sève  est 
épaisse  et  dite  élaborée;  elle  est  capable  de  nour- 
rir, ainsi  que  le  prouve  la  formation  abondante  de 
tissus,  se  manifestant  sous  forme  d'un  bourrelet 
saDlant  au-dessus  d'une  ligature  pratiquée  à  une 
branche. 

C'est  à  la  sève  descendante  qu'est  dévolue  la. 
fonction  d'élaborer  chaque  année,  sous  forme  de 
cambium,  une  couche  nouvelle  à  la  périphérie  du 
bois  (aubier),  et  une  couche  nouvelle  à  la  profon- 
deur du  liber  précédemment  formé,  ainsi  que  la 
nutrition  générale  de  toutes  les  parties  de  la  plante. 
Une  étude  plus  approfondie  de  la  fonction  circu- 
latoire chez  les  végétaux  se  trouve  à  l'article  Vé- 
gétal, p.  2270.  „    X.,  .,. 

[G.  Philippon.] 

2.  Circulation  du  sang.  —  Zoologie,  XXXIV.  — 
La  cavité  de  la  poitrine  abrite,  chez  les  animaui. 
supérieurs  et  chez  l'homme,  les  deux  organes  le? 
plus  importants,  ceux  de  la  respiration  et  de  la 
circulation. 

Le  cœur  est  un  muscle  creux,  divisé  en  compar- 
timents, qui  se  contracte  et  se  dilate  alternative- 
ment ;  là  commencent  et  viennent  aboutir  les  vais- 
seaux sanguins,  artères  et  veines,   dans   lesquels 


CIRCULATION 


—  422 


CLASSIFICATIONS 


circule  le  sang.  Chacune  de  ses  contractions  refoule 
un  peu  de  liquide  jusqu'aux  extrémités  des  canaux 
qu'il  doit  parcourir,  et  pro- 
duit le  battement  du  pouls. 
Une  figure  théorique  très 
simple  suffit  pour  donner 
une  idée  exacte  de  la  circu- 
lation chez  l'homme.  Le 
côté  A  représente  les  cavités 
du  cœur  du  côté  droit,  et  le 
côté  B  celles  du  côté  gau- 
che. Le  liquide  se  meut  dans 
le  sens  des  flèches.  Le  sang 
qui  arrive  à  droite  provient 
des  veines  ;  il  apporte  les 
produits  nourriciers  de  la 
digestion  ;  sa  couleur  est 
d'un  rouge  brun,  parce  qu'il 
a  perdu  en  route  l'oxygène 
que  les  globules  du  sang  ont 
cédé  partout  sur  leur  pas- 
sage. Dans  cet  état  il  ne 
pouvait  continuer  d'entrete- 
nir la  vie,  mais  il  suit  sa 
route  vers  les  poumons,  et 
là  il  se  trouve  en  contact 
avec  l'oxygène  de  l'air  qu'il 
absorbe  en  abondance,  re- 
prend sa  couleur  rutilante, 
et  retourne  au  cœur  où  il 
pénètre  par  le  côté  gauche, 
pour  être  lancé  dans  les  ar- 
tères dont  les  ramifications 
innombrables  le  distribuent 
à  tous  les  organes,  à  tous  les  tissus. 

Examinons  maintenant  avec  un  peu  plus  de  dé- 
tails les  organes  et  le  mode  d'action  de  la  circula- 
tion. 

Chacun  a  vu  le  cœur  du  bœuf,  du  mouton  ;  celui 
de  l'homme  a  la  même  apparence,  la  même  dispo- 
sition. 


Fig.  1.  —  Parcours  fictif 
du  sang  dans  la  circu- 
lation. La  figure  repré- 
sente les  comparti- 
ments du  cœur  vus  de 
face,  la  droite  étant  en 
A  et  la  gauche  en  6. 


Fig.  2.  —  Coupe  du  cœur.  —  A,  ventricule  droit.  —  B,  ven- 
tricule gauche.  —  C,  oreillette  droite.  —  D,  oreillecte 
gauche.  —  E,  F,  G,  valvules.  —  H,  origine  de  l'aurle  et 
valvules.  —  I,  orifice  de  la  veine  cave  inférieure  — 
K,  veine  cave  supérieure.  —  L,  L,  orifices  des  veines  pul- 
monaires. 

C'est  un  muscle,  ou  mieux  une  réunion  de  mus- 
cles formant  quatre  chambres  séparées  par  des 
cloisons,  mais  communiquant  au  moyen  de  portes 
qui  agissent  à  la  manière  des  soupapes  d'une  pompe 
aspirante  et  foulante.  Décrivons-le  en  suivant  le 


cours  du  sang  dans  ces  quatre  chambres.  De  gros 
troncs  veineux  (veines  caves)  apportent  dans  la 
première  chambre  (oreillette  droite)  le  sang  noir;i- 
tre  qui  revient,  par  les  veines,  de  tous  les  points 
du  corps.  Pour  l'y  faire  affluer  plus  vite,  les  parois 
élastiques  de  la  chambre  se  dilatent,  font  le  vide, 
et  le  liquide  se  précipite  pour  le  remplir,  commi 
l'eau  monte  dans  la  pompe  dont  on  augmente  laça 
pacité  en  soulevant  le  piston.  Dans  le  même  temps 
la  cavité  opposée,  à  gauche,  ou  quatrième  chambr.; 
(oreillette  gauche),  se  dilate  aussi  et  appelle  le 
sang  artériel  d'un  rouge  vermeil  qui  revient  des 
poumons  :  voilà  le  premier  temps  de  l'action  du 
cœur.  Après  un  repos  presque  imperceptible,  les 
deux  chambres  supérieures  se  contractent,  et, 
grâce  à  la  disposition  des  portes  ou  soupapes,  le 
sang  veineux  de  la  première  chambre  passe  dans 
la  seconde  (ventricule  droit),  tandis  que  le  sang 
artériel  de  la  quatrième  chambre  passe  dans  la 
troisième  (ventricule  gauche).  Le  ventricule  droit 
se  contracte  et  lance  le  sang  désoxygéné  dans  les 
poumons  ;  le  ventricule  gauche  se  contracte  aussi 
pour  lancer  dans  l'artère  principale,  l'aorte,  le 
sang  régénéré  revenu  des  poumons  et  que  lui  a 
cédé  l'oreillette  gauche. 

Le  sang  veineux,  avons-nous  dit,  se  trouve  lancé 
dans  les  poumons;  il  y  pénètre  tout  le  réseau  de 
veines  dites  capillaires,  c'est-à-dire  extrêmement 
minces,  bien  plus  minces  qu'un  cheveu,  puis- 
qu'elles ne  sont  visibles  qu'au  microscope.  Ces  vei  • 
nés  qui  communiquent  entre  elles,  en  faisant  mille 
détours,  circulent  dans  l'épaisseur  des  fines  mem- 
branes qui  divisent  en  une  infinité  de  cellules  le 
tissu  des  poumons,  puis  se  continuent  par  un  ré- 
seau non  moins  compliqué  de  fines  artères  :  c'est 
dans  le  tissu  même  du  poumon  que  le  sang  vei- 
neux se  transforme  en  sang  artériel,  passant,  on 
peut  le  dire,  de  la  mort  à  la  vie. 

Les  globules  du  sang  (V.  Sang)  jouissent  d'une 
propriété  fort  remarquable,  celle  d'emmagasiner 
les  gaz  avec  lesquels  ils  se  trouvent  en  contact, 
pour  les  laisser  s'échapper  juste  dans  le  lieu  et  le 
moment  opportuns. 

Lorsque  le  sang  veineux,  de  couleur  sombre, 
chargé  de  tous  les  détritus  du  corps  et  saturé 
d'acide  carbonique,  arrive  dans  le  réseau  capillaire 
qui  remplit  le  tissu  des  poumons,  leurs  minces  cloi- 
sons et  la  membrane  délicate  des  vaisseaux  s'inter- 
posent entre  lui  et  l'air  qui  remplit  les  cellules 
pulmonaires.  Mais  les  membranes  vivantes  très 
minces  se  laissent  traverser  par  les  gaz.  En  outre, 
des  gaz  de  densité  différente,  comme  l'oxygène  et 
l'acide  carbonique,  tendent  toujours  à  se  rempla- 
cer mutuellement  à  travers  les  membranes  qui  les 
séparent  (V.  Osmose).  Or  voici  ce  qui  résulte*, de 
ces  deux  lois  phj'siques  :  les  globules  chargés 
d'acide  carbonique,qui  leur  donne  une  couleur  som- 
bre, laissent  filtrer  ce  gaz  dans  les  cellules  pulmo- 
naires, tandis  que  l'oxygène  de  l'air  dont  elles  sont 
remplies  filtre  en  sens  inverse  et  vient  s'accumuler 
dans  les  globules.  Ceux-ci,  redevenus  rouges,  par- 
courent les  artères  du  poumon,  passent  entraînés 
par  le  sang  dans  la  portion  gauche  du  cœur  et  de 
là  dans  la  grande  circulation  artérielle,  cédant  par- 
tout sur  leur  passage  une  portion  de  l'oxygène 
dont  ils  se  sont  faits  les  dépositaires  :  tel  est  le  rôle 
principal  de  la  circuhition.  [D'  SafTray.] 

CIVILISATION  (Histoire  de  la).  —  Histoire 
générale,  XXXIX-XL.  —  Cette  importante  leçon  se 
confondant  pour  la  plus  grande  partie  de  son  objet 
a,vec  l'histoire  môme  des  sociétés  considérées  à 
leurs  différents  degrés  de  développement,  nous  la 
rattachons,  pour  éviter  des  redites,  à  l'article  gé- 
néral Société.  ' 

CLASSIFICATIONS.  —  Botanique.  X:  Zoologie. 
III;  Minéralogie,  p.  1313.  —  Dans  toutes  les  scien- 
ces, le  nombre  des  objets  à  comparer  devient  de 
plus  en  plus  considérable  à  mesure  que  nos  couuais- 


CLASSIFICATIONS 


—  423  — 


CLASSIFICATIONS 


sauces  augmentent  par  l'étude.  La  mémoire  serait 
promptemcnt  impuissante  à  retenir  les  noms  et 
Jes  caractères  isolés;  on  reconnaît  que  certains 
objets  peuvent  être  rapprochés  par  des  propriétés 
communes,  de  façon  à  former  un  groupe  dont  les 
<:aractères  communs  conviennent  à  toutes  les  par- 
ties ;  puis  les  groupes  de  premier  ordre  se  réunis- 
sent en  groupes  d'ordre  supérieur,  et  l'ensemble 
de  ces  groupes  constitue  la  classification  des  objets 
dont  on  veut  faire  l'étude  générale  et  particu- 
lière. 

Dans  les  sciences  d'observation,  pour  les  êtres 
organiques  ou  inorganiques,  la  nature  ne  nous 
donne  que  l'individu  et  Vespèce  ;  c'est  par  la  com- 
paraison et  l'examen  que  le  savant  établit  le  genre, 
comprenant  un  nombre  très  variable  d'espèces  à 
propriétés  communes,  puis,  en  s'élevant  dans 
l'ordre  progressif  des  groupes,  Xs.  famille,  la  tribu, 
Vordre,  la  classe,  V embranchement,  parfois  avec 
des  sous-divisions.  Il  faut  bien  remarquer  qu'il  y  a 
toujours  un  •  élément  essentiellement  arbitraire 
dans  tous  ces  groupes  à  partir  du  genre.  Suivant 
le  but  à  atteindre  ou  d'après  des  idées  préconçues, 
des  systèmes,  chaque  auteur  adopte  des  carac- 
tères dominateurs,  c'est-à-dire  auxquels  il  attache 
plus  d'importance  qu'à  d'autres,  et  établit  ses  grou- 
pements en  conséquence.  Cela  explique  les  nom- 
breuses différences  qu'on  rencontre  dans  les  clas- 
sifications des  divers  auteurs,  appliquées  cependant 
aux  mêmes  espèces. 

Classifications  artificielles.  —  Dans  leur  ensem- 
ble, les  classifications  se  divisent  en  artificielles  et 
naturelles. 

Les  classifications  dites  artificielles  sont  en  quel- 
que sorte  de  tous  les  instants  et  très  fréquentes, 
en  même  temps  que  très  utiles  pour  un  point 
de  vue  déterminé.  Elles  réunissent  les  objets 
par  un  seul  caractère  commun  ou  par  un  petit 
nombre,  sans  s'inquiéter  des  dissemblances  et 
même  en  associant  souvent  ensemble  des  choses 
fort  disparates.  Ainsi  le  pharmacien  subdivise  les 
plantes  les  plus  diverses  sous  le  rapport  botanique, 
uniquement  d'après  leurs  propriétés  curatives,  en 
émoUientes,  acres,  sudorifiques,  fébrifuges,  narco- 
tiques, etc.  ;  le  fourreur,  uniquement  préoccupé 
des  pelleteries  et  de  leur  valeur  relative,  divisera 
les  mammifères  en  deux  grands  groupes,  suivant 
■qu'ils  ont  le  poil  soyeux  ou  laineux,  et  sera  amené 
à  mettre  l'un  près  de  l'autre  des  animaux  très 
dissemblables,  tels  que  le  mouton  et  le  chien  ca- 
niche. 

Il  y  a  dans  la  science  des  classifications  arti- 
ficielles fort  utiles  et  célèbres.  Ainsi  la  classifica- 
tion des  métaux  par  Thénard,  perfectionnée  par 
Regnault,  divise  les  métaux  en  deux  grands  grou- 
pes, selon  qu'ils  n'attaquent  pas  l'eau  ou  qu'ils  la 
décomposent,  et  ces  derniers  en  plusieurs  sections, 
d'après    les  circonstances  de  cette  décomposition. 

Le  système  de  Linné  en  botanique  forme  de 
toutes  les  plantes  vingt-quatre  familles  ou  classes, 
d'après  l'absence  ou  la  présence  des  étamines, 
puis  l'existence  de  celles-ci  sur  deux  pieds  difl'é- 
rents  ou  sur  un  seul,  leur  insertion,  leur  liberté 
■ou  leur  soudure,  leur  grandeur  relative,  leur  nom- 
bre. Cette  classification  artificielle  a  eu  autrefois 
«ne  très  grande  faveur.  En  sortant  des  mains  de 
«on  auteur,  elle  offrait  un  moyen  commode  d'arri- 
ver à  la  détermination  des  plantes,  grâce  aux 
genres  peu  nombreux  sur  lesquels  elle  avait  été 
•construite,  tandis  qu'elle  n'offre  plus  ces  avantages 
après  les  nombreuses  additions  des  successeurs 
du  botaniste  suédois.  Il  est  évident  que  toutes  ses 
classes  sont  loin  d'avoir  la  môme  valeur,  puisque 
les  unes  sont  fondées  sur  un  caractère  qui  n'est 
plus  que  secondaire  dans  les  autres,  ainsi,  par  exem- 
ple, le  nombre  des  étamines.  La  plupart  des  classes 
réunissent  ensemble  des  plantes  fort  dissemblables  ; 
ainsi,  dans  la  fentandrie,  l'épinard  avec  le  fenouil. 


l'héliotrope,  le  tabac  et  le  liseron  ;  dans  la  dodê- 
candrie,  le  réséda  avec  les  euphorbes,  etc.  Le  ha- 
sard amène  parfois  des  groupes  naturels  dans  un 
système  de  classification  artificielle.  La didynamte 
de  Linné  correspond  aux  labiées  et  familles  an- 
nexes, et  la  tétradynamie  au  groupe  naturel  des 
crucifères.  De  même  les  sections  des  métaux,  dans 
le  système  de  Thénard,  mettent  en  général  à  côté 
les  uns  des  autres  des  corps  fort  différents,  comme 
le  plomb  avec  le  cuivre,  l'argent  près  du  platine  ; 
mais  la  première  section  se  trouve  constituer  un 
groupement  naturel,  celui  des  métaux  alcalins. 
La  méthode  tarsale  de  Geoflfroy  (que  nous  avons 
adoptée  pour  la  classification  pratique  des  coléo- 
ptères) présente  en  général  des  réunions  peu  ho- 
mogènes; les  ^e7erow2è?'<!s  toutefois  sont  un  assem- 
blage presque  naturel. 

Classifications  Jiaturelles.  —  Les  classifications 
naturelles  sont  celles  qui  se  proposent  de  réunir 
dans  le  même  groupe  les  êtres  qui  se  ressemblent 
plus  entre  eux  par  tous  leurs  caractères  qu'ils  ne 
ressemblent  aux  êtres  des  autres  groupes. 

Il  est  aisé  de  comprendre  l'extrême  difficulté,  je 
dirai  presque  l'impossibilité  de  réaliser  exactement 
une  pareille  donnée.  Il  faudrait  la  connaissance 
parfaite  de  tous  les  êtres  de  la  nature  et  dans  tous 
leurs  détails,  et  la  certitude,  en  supposant  même 
qu'on  ait  découvert  tous  les  êtres  qui  existent  ac- 
tuellement ou  qui  ont  vécu  à  des  époques  anté- 
rieures, qu'il  ne  puisse  pas  s'en  produire  de  non- 
veaux.  Aussi  les  essais  de  classification  naturelle 
que  nous  présente  la  science  doivent-ils  être  re- 
gardés comme  des  approximations. 

Telles  sont,  en  chimie,  la  classification  des  mé- 
talloïdes par  M.  Dumas,  et  une  classification,  encore 
fort  incertaine,  des  métaux. 

La  botanique,  après  les  premières  familles  na- 
turplles  de  Tournefort,  opposa  au  système  artificiel 
de  Linné  la  méthode  naturelle  d'Antoine-Laurent  de 
Jussieu,  subdivisant  les  plantes  en  trois  grands 
embranchements  :  dicotylédones,  monocotylédones, 
acotylédones,  classification  qui  n'a  été  modifiée 
gravement  qu'à  une  date  récente,  après  la  con- 
naissance plus  approfondie  des  végétaux  du  dernier 
embranchement. 

En  zoologie  aussi,  la  méthode  naturelle  ne  peut 
donner  qu'une  approximation  :  la  valeur  de  ses 
groupes  est  sujette  à  varier  profondément  avec  les 
progrès  dans  l'étude  des  êtres.  Linné  n'établissait 
que  trois  embranchements  animaux  :  vertébrés, 
insectes  (sens  général),  vers.  C'est  du  chaos  de  ces 
vers  que  Cuvier  tira  l'embranchement  des  mollus- 
ques ;  mais,  entraîné  par  l'intérêt  même  de  ses 
découvertes  à  attacher  trop  d'importance  à  un  sys- 
tème de  circulation  à  vaisseaux  clos,  il  plaça  les 
inollusques  avant  les  articulés,  ce  qui  est  tout  à 
fait  contraire  à  la  philosophie  naturelle,  ces  der- 
niers étant  bien  plus  élevés  au  point  de  vue,  essen- 
tiellement animal,  de  la  sensibilité  et  du  mouve- 
ment ;  c'est  la  même  importance  attribuée  à 
l'appareil  circulateur  qui  lui  fit  placer  les  anné- 
lides  en  tête  des  articulés,  bien  que  ne  répondant 
pas  réellement  à  la  définition.  Aujourd'hui  on  a 
fait  pour  les  zoofjhytes  (animaux-plantes)  de  Cuvier 
le  môme  travail  qu  il  opérait  sur  les  vers  de  Linné  ; 
on  y  a  créé  les  embranchements  distincts  des  échU 
nodermes,  des  polypes,  des  spongiaires.  En  par- 
tant d'autres  principes  et  subordonnant  tout  à  la 
forme  extérieure,  de  Blainville  divisait  les  animaux 
en  pairs  ou  symétriques,  rayonnes,  et  amorphes. 
On  s'accorde  maintenant  à  prendre  les  caractères 
naturels  les  plus  généraux  dans  la  fonction  de  re- 
production, en  empruntant  en  outre  à  l'embryogé- 
nie, ou  formation  évolutive  des  êtres,  des  caractères 
très  importants  de  classification  naturelle.  Pour 
nous  en  tenir,  par  exemple,  aux  vertébrés  seuls,  on 
les  sépare  en  allantoïdiens,  ayant  l'embryon  muni 
de  la  vésicule  allantoide,  l'œuf  se  développant  par 


CLASSIFICATIONS         —  424  —         CLASSIFICATIONS 


l'air,  avec  incubation  interne  (mammifères)  ou  ex- 
terne (oiseaux  et  reptiles);  et anaUiintoïdiens,  avec 
embryon  dépourvu  de  la  vésicule  allantoïde,  l'œuf 
ne  pouvant  accomplir  ses  évolutions  que  dans  Teau 
aérée.  Cette  variation  continuelle  des  caractères 
primordiaux,  ces  divergences  du  point  de  départ, 
suivant  les  auteurs,  font  bien  comprendre  cette 
vérité,  qu'il  ne  faut  demander  aux  classifications 
naturelles  réalisées  que  des  approximations. 

Méthodes  graphiques  pour  figurer  des  classifica- 
tions. —  On  a  cherché  à  représenter  les  classifi- 
cations naturelles  par  des  méthodes  graphiques  qui 
rentrent,  on  doit  le  dire,  dans  l'enseignement  par 
les  yeux.  Le  plus  habituellement  on  se  contente  de 
tableaux  synoptiques,  avec  des  accolades,  soit  de 
séparation,  soit  de  réunion. 

Depuis  longtemps  l'expérience  a  fait  renoncer  à 
la  chimère  d'une  classification  unilinéaire,  dans 
laquelle  tous  les  êtres  se  suivaient  sur  une  seule 
ligne,  de  la  monade  à  l'homme.  Les  séries  paral- 
lèles indiquent  qu'avec  un  type  difl'érent,  pour 
chaque  série,  il  y  a  des  analogies  multiples. 

Certains  auteurs  de  classifications  scientifiques 
disposent  les  êtres  en  séries  parallèles,  suivant  des 
éclielons  qui  se  correspondent  ou  se  placent  au 
contraire  à  des  hauteurs  difl"érentes  d'un  groupe  à 
l'autre;  il  y  a  des  analogies  dans  les  caractères  et 
les  propriétés  des  homologues  de  chaque  groupe. 
Souvent  il  arrive  que  des  échelons  manquent  dans 
une  série,  peut-être  par  la  non-découverte  jusqu'ici 
des  homologues.  Quelques  exemples  feront  com- 
prendre ces  séries.  Dans  les  familles  naturelles 
qui  commencent  en  chimie  par  l'oxygène  et  l'azote 
(ce  dernier  corps,  très  différent  de  l'oxygène,  ne 
devant  pas  figurer  dans  le  parallélisme)  nous  au- 
rons les  deux  séries  : 

Oxygène. 

Soufre ,     Phosphore 

Sélénium. 

Tellure Arsenic 

Les  correspondants  de  l'oxygène  et  du  sélénium 
manquent.  Les  vertébrés  peuvent  se  ranger  en 
quatre  séries  à  hauteurs  inégales: 

Mammifères 


Crocodiliens 
Lacertiens. . 


Ophidiens. 


Oiseaux 

Chéloniens. 


Batraciens 
anoures  et 
urodèles. 

Cécilies. 


Plagiostomes 
ou  poissons 
cartilagi- 
neux. 

Poissons  os- 
seux. 

Les  genres  de  l'ordre  des  rongeurs  se  placent  do 
même  aisément  en  parallélisme  avec  ceux  des  in- 
sectivores ;  on  trouve  dans  les  uns  et  les  autres 
des  sauteurs,  des  porte-piquants,  des  animaux  à 
parachute,  des  aquatiques,  avec  un  type  dentaire 
et  un  régime  fondamentalement  différents.  Quel- 
ques auteurs  avaient  même  supposé  que  ces  séries 
parallèles  étaient  la  véritable  loi  de  la  classifica- 
tion des  êtres  ;  mais  on  a  dû  renoncer  à  cette  opi- 
nion et  ne  voir  dans  ces  séries  que  des  cas  parti- 
culiers, la  plus  grande  partie  des  animaux,  des 
végétaux  ou  des  corps  bruts  échappant  à  tout  clas- 
sement de  ce  genre.  On  n'est  pas  plus  heureux, 
pour  la  généralité  des  cas,  en  imaginant  des  sé- 
lies  divergentes,  c'est  à-dire,  pour  les  êtres  orga- 
niques par  exemple,  en  partant  de  types  très  infé- 
rieurs, mixtes  en  quelque  façon,  comme  les  mycéto- 
zoaires  et,  de  cette  sorte  de  tronc  commun,  faisant 
partir  des  branches,  montant  de  plus  en  plus  en 
divergence,  à  mesure  que  les  animaux  se  séparent 
mieux  des  végétaux.  Un  des  défauts  de  cette  clas- 
sification, c'est  que  précisément  ces  formes  inter- 
médiaires très  inférieures    sont    en    général    mal 


connues  et  présentent  souvent  de  grandes  diffé- 
rences qu'on  ne  soupçonnait  pas  à  l'origine;  ainsi 
les  infusoires,  si  dédaignés  longtemps  par  leur 
extrême  petitesse,  ont  des  types  d'organisation 
assez  élevés. 

Un  dernier  mode  de  classification,  dont  nous  ne 
dirons  toutefois  qu'un  mot,  en  raison  de  sa  com- 
plexité, est  celui  des  classifications  circulaires. 
On  enferme  dans  des  courbes,  cercles  ou  ellipses 
en  général,  un  groupe  d'êtres,  en  plaçant  au  cen- 
tre le  type  qu'on  regarde  comme  fondamental  et 
en  éloignant  de  lui,  selon  les  rayons  et  en  se  rap- 
prochant du  pourtour  de  la  courbe,  les  types  qui 
s'écartent  de  plus  en  plus.  On  dispose  ces  courbes 
sur  le  papier  à  diverses  hauteurs,  et,  par  des  lignes 
allant  de  l'une  à  l'autre,  on  unit  des  types  qui  ont 
quelques  analogies,  bien  que  faisant  partie  de 
groupes  essentiellement  distincts  :  ainsi  une  ligne 
transverse  unira  les  cétacés  ou  mammifères  pisci- 
formes  aux  poissons.  Le  graphique  cherche  ici  à 
représenter  les  homologies  plus  exactement  encore 
qu'avec  les  séries  parallèles  ou  divergentes.  Les 
vertébrés  allantoïdiens  et  anallantoidiens  feront 
partie  de  deux  cercles  distincts,  l'un  présentant  en 
positions  d'inégale  hauteur  les  mammifères,  les 
oiseaux,  les  reptiles  ;  l'autre,  les  batraciens  et  les 
poissons. 

Disons-le  encore  hautement,  il  n'y  a  là  que  des 
graphiques  plus  ou  moins  ingénieux  et  non  la  re- 
production exacte  et  fidèle  de  la  nature.  Pour  re- 
présenter les  dispositions  réelles  des  êtres,  il  fau- 
drait des  figures  à  trois  dimensions,  à  la  façon  des 
constellations,  et  encore  il  y  a  des  êtres,  tout  à  fait 
isolés  dans  l'espace,  qui  sont  comme  des  étoiles 
perdues  ou  des  points  singuliers  de  certaines 
courbes.  La  nature,  dans  sa  complication  gran- 
diose, n'a  pas  suivi  ces  lois  simples  qu'affectionne 
limparfaite  intelligence  de  l'homme.  Il  n'y  a  prs 
de  classificatio?is,  et  nos  figures  planes  ne  seront 
jamais  que  des  approximations.  Il  ne  faut  donc 
pas  attacher  d'importance  exagérée  aux  divers  sys- 
tèmes ;  qu'on  prenne  la  classification  la  plus  claire 
et  la  plus  pratique  pour  le  but  qu'on  se  propose, 
sans  se  préoccuper  de  sa  valeur  philosophique. 
Nous  conseillons  aux  instituteurs  l'usage  des  clas- 
sifications les  plus  usitées  en  France,  parce  qu'il 
leur  sera  plus  facile  avec  leur  emploi  de  se  servir 
des  ouvrages  répandus  ;  ils  auront  la  connaissance 
des  êtres,  c'est  l'essentiel. 

a  II  est  vrai,  «  disait  déjà  Daubenton  en  ouvrant 
son  cours  d'histoire  naturelle  à  l'École  normale 
fondée  par  la  Convention,  «  il  est  vrai  que  la  no- 
menclature méthodique  de  15,000  espèces  de  plan- 
tes est  une  grande  affaire  de  détail,  mais  elle  ne 
doit  entrer  dans  l'enseignement  de  l'Ecole  normale 
que  pour  faire  voir  les  tentative-;  que  les  botanis- 
tes ont  faites  afin  d'évaluer  les  caractères  distirictifs 
des  plantes, Les  plus  sages  ont  composé  des  fa- 
milles qu'ils  ont  appelées  naturelles,  en  rassem- 
blant sous  des  dénominations  particulières  les 
espèces  des  plantes  qui  ont  plus  de  rapports  entre 
elles  qu'avec  les  autres.  »        [Maurice   Girard.] 

1.  Classification  des  animaux.  —  Aristote  fit 
une  classification  du  règne  animal  méritant  d'être 
signalée,  dans  laquelle  les  vertébrés,  subdivisés  en. 
mammifères,  7'e;itilet,  oiseaux,  poissons,  céacés, 
sont  par  conséquent  assez  bien  classés  et  forment 
le  groupe  des  animaux  sanguins.  Les  mollwques 
constituent  celui  des  anirhaux  dont  les  parties 
molles  sont  à  l'extérieur,  par  opposition  à  ceux  des 
insectes  et  des  crustacés  dont  les  parties  molles 
sont  à  l'intérieur.  Linné  voulut  baser  une  division 
du  règne  animal  sur  la  conformation  du  cœur,  et 
le  choix  de  ce  caractère  a  fait  grouper  dans  le 
même  embranchement  des  vers  les  mollusques,  les 
zoophytes,  etc.,  chez  lesquels  cet  organe  est  non 
seulement  loin  d'avoir  la  même  conformation,  mais 
encore  n'existe  pas  toujours.  C'est  Cuvier  qui  cta- 


CLASSIFICATIONS 


—  425  — 


CLASSIFICATIONS 


blit  la  classification  naturelle  du  règne  animal, 
dont  les  méthodes  actuellement  usitées  le  plus 
gcnt  ralement  ne  sont  que  des  perfectionnements. 
Le  tableau  suivant  donne  la  classification  telle  que 
la  conçut  Cuvier  : 

i"  Embranchement.  —  Aîîuhadx  vertébrés. 
Classe  1 .  —  Mammifères. 

—  î.  —  Oiseaux. 

—  3.  —  Beptiles. 

—  4.  —  Poissons. 


t'  Embrauchemen 

.  —  Animaci  mollusoces 

Classe  1.  — 

—  2.  — 

—  3.   — 

—  4.   — 

—  5.  — 

—  6.  — 

Céphalopodes. 

Piéropodes, 

Gastéropodes. 

Acéphales. 

Branchiopodes. 

Cirrhopodes. 

3«  EmbranchemeDt.  —  Animaux  AnxicuLiis. 

Classe  1.  — 

—  2.   — 

-  3.  — 
•    —      4.   — 

Annélides. 
Crustacés. 
Arachnides. 
Insectes. 

=■■  Embranchement 

(     Ostéoznaires 
)              ou 
\        Verttibrés. 

(b. 

t  Entomozoaires 

^A. 

' 

l              ou 
f         Anne  lés. 

(B. 

l   Malacozoaires 

l  A. 

"" 

l             ou 
/      Mollusques. 

Îb. 

- 

Zoophytes... 

A. 
B. 

4»  Embranchement.  —  Amnici  zoopbïtbs. 
Classe  1. 


—  3 

—  4. 

—  5 


Echinodermes. 

—  Sers  intestinaux. 

—  Afnlèphes. 

—  Pjlype^. 

—  Injusoires, 


De  Blainville  substitua  à  l'expression  embran~ 
chement  celle  de  tyi^e,  et  il  fit  cinq  types  au  lieu 
de  quatre  embranchements.  II  donna  aussi  des 
noms  nouveaux  à  ses  groupes,  qui  correspon- 
daient pourtant  à  ceux  de  Cuvier  : 

1"  type  :  Ostéozoaires,      correspondant  à  Vertébrés. 

2»     —  Entomozoaires,  —  Annelés. 

3»     —  Malacozoaires,  —  Mollusques. 

4«     —  Act'twzoaires,      I  „ ■    , 

5e     -  Amorphozoaxres\         "  Zoophytes. 

M.  Milne  Edwards  a  modifié  la  classification  de 
Cuvier  et  en  a  proposé  une  nouvelle,  qui  est  assez 
répandue  pour  que  nous  en  donnions  la  clef,  et  qui 
présente  l'avantage  de  se  rapprocher  du  groupe- 
ment des  animaux  dans  les  méthodes  récentes  : 


A. —  Sous-embranchement:      Allanioïdiens . 


Les  classifications  plus  récentes  divisent  le  rè- 
gne animal  tantôt  en  cinq  embranchements  :  Ver- 
tébrés, Annelés,  Mollusques,  Raj-onnés,  Proto- 
zoaires ;  tantôt  en  sis  :  Vertébrés,  Articulés  ou 
Annelés,  Mollusques,  Echinodermes,  Polj-pes,  Pro- 
tozoaires (Paul  Gervais,  Cours  élémentaire  d'his- 
toire naturelle)  ;  tantôt  en  sept  :  Vertébrés,  Arti- 
culés, Céphalopodes,  Mollusques,  Vers,  Rayonnes, 
Protozoaires  (Cari  Vogt,  Zoologi^cne  Briefe).  On 
trouvera  au  mot  Zoologie  celle  que  nous  suivons 
dans  ce  Dictionnaire. 

2.  Classification  des  végétaux.  —  Histoinque. 
—  Les  travaux  botaniques  d'Aristote  ne  sont  pas 
parvenus  jusqu'à  nous,  mais  Tbéophraste,  son 
élève,  a  légué  à  la  postérité  un  ouvrage  dans  le- 
quel plus  de  trois  cents  plantes  sont  fort  bien  dé- 
crites, et  il  avait  même  abordé  l'étude  de  l'organo- 
graphie.  En  Italie,  les  anciens  cor.naissaient  mieux 
la  culture  et  rutilitc  médicinale  des  végétaux  que 
leur  constitution  intime  et  leurs  rapports.  Malgré 
les  ouvrages  médicinaux  des  Arabes,  malgré  les 
voyages  lointains  du  quinzième  siècle,  malgré  les 
travaux  plus  récents  de  la  Renaissance,  les  pro- 
grès étaient  lents.  En  1604,  Zulienski  distingua 
les  fleurs  hermaphrodites  et  unisexuées  ;  Grew  en 
Angleterre,  Malpighi  en  Italie,  établirent  la  théorie 
de  la  fécondation,  qui  ne  fut  pas  immédiatemejit 
admise  en  France.  Jean  Ray,  né  dans  le  comté 
d'Essex  en  16V8,  s'illustra  par  des  travaux  de  bota- 
nique descriptive.  Tournefort,  savant  français 
(lGô6-1708),fit  un  essai  de  classification  artificielle; 
cette  division  des  végétaux  fut  admise  jusqu'à  ce 
que  Linné  publiât  son  système  en  17:55.  bans  ce 
système,  les  plantes  sont  disposées  en  vingt-quatre 
classes  établies  sur  la  comparaison  des  organes 
sexuels  et  surtout  sur  les  rapports  des  étaraincs, 
soit  entre  elles,  soit  avec  le  pistil.  Nous  donnons 
le   tableau  abrégé   de  la  classification   de   Linné 


Anallantûîdiens. . . . 


Mammifères. 

Oiseaux. 

Reptiles. 

Batraciens. 
Poissons. 


—  Arthropodes ex.  :  Insectes. 

—  Vers —    Helminthes. 

—  Mollusques —    Céphalopodes. 

—  Molluscoîles —    Tuniciers 

—  Radiaires —    Polypes. 

—  Sarcodaires —     Infusoires. 

comme  document  historique,  bien  que  cette  classi- 
fication soit  à  peu  près  universellement  abandon- 
née. Nous  devons  aussi  prévenir  toute  personne 
lisant  pour  la  première  fois  ce  tableau,  contre  l'er- 
reur facile  à  commettre  de  croire  le  système  de- 
Linné  basé  sur  le  nombre  des  étamines. 

I.  —  Élamineg  et  pistils  visibles  :  (PH.WÉnOGAillE). 

A)     ÉTAMINES     ET     PISTILS     S0R      LA     MÊME     FLEUR  : 
1.  —  Etamines  non  adhérentes  au  pistil  : 
a)    Etamines  libres  et  égales  entre  elles  : 

Classes.  Exemples. 


1  étamine 

I. 

Monandrie. . . 

.  (canna). 

2  étamines 

11. 

Diandrie  .... 

.   (véroiiique)i 

3         — 

III. 

Triaodrie  . . . 

.   (iris). 

4        — 

IV. 

Tétraiidrie. . . 

.  (plantain). 

5        — 

V. 

Pentandrie.  . 

.  (mouron). 

6         — 

YI. 

Hi'xandrie.. . . 

.   (lis.. 

7        

VU. 

Heptandrio. .. 

.   (marronnier d'Inde) 

S         — 

VIII. 

Octandrie.  . . . 

.   (épilobe). 

9        — 

IX. 

Eunéandrie. . . 

.   1  laurier). 

10        — 

X. 

Déoan  Irie. .  . . 

.   (œillet). 

10àl9— 

XI. 

Dodécandrie. . 

.  (joubarbe) 

20  étamines  ou  1 

plus, insérées  ■    XII 
sur  le  calice' 
20  étamines  ou  j 
plus.inséréisj  yj.r 
sur  le  récep-1 

tacle ) 

6)     Etamines  libres,  mais  inégales  entre  elles 


Icosandrie (fraisier). 

Polyandrie....  (renoncule). 


4    étamines,) 

dontiplus^  XIV, 

longues. . .) 
6      ctiniinesj 

dont  4  plus;     XV 

longues.. .  ! 


Didynamie  . ...  (muflier). 

Tétradynamic..  (giroflée). 
c)    Éiamiues  soudées  par  leurs  Glets  en  un  seul  groupi 


CLASSIFICATIONS 


426  —         CLASSIFICATIONS 


XVI.     Monadelphie...  (mauve). 
d)     Étamioes  soudées  par  leurs  filets  eo  deux  groupes  : 

XVII,     Diadelphie (pois). 

é)     Etamines  soudées  par  leurs  filets  en  plusieurs  groupes  : 
XVIII.     Polyadelphie. . .  (millepertuis). 
Etamines  soudées  par  leurs  anthères  en  un  cylindre  : 

XIX.  Syngénésie.. . .   (bluet). 
2.  —  Etamines  adhérentes  au  pistil  : 

XX.  Gynaodrie (orchis). 

B)   EXAMINES  ET  PISTILS  SUR  DES  FLEURS  DIFFÉRENTES  : 
a)    Fleurs  pistlllées  et  fleurs  staminées   sur  le  même    indi- 
vidu : 

XXI.     Monœcie (arum). 

i)     Fleurs  pistillées  et  fleurs  staminées  sur  deux  indi-vidus 
dillérents  : 

XXII.     Diœcie (orlie). 

c)    Fleurs  staminées  pistillées  ou  staminées   non   pistillées 
sur  un  ou  plusieurs  individus  : 

,     IXIII.     Polygamie (pariétaire). 

II.  —  Élamines  et  pistils  non  apparents  :  (CRYPTOGAMIE). 
XXIV.     Cryptogamie...  (fougère). 

Linné  reconnaissait  lui-même  que  son  système 
conduisait  seulement  avec  facilité  à  déterminer  le 
nom  des  plantes,  mais  il  le  condamnait  comme  ar- 
tificiel. 

La  classification  naturelle  des  plantes  est  d'ori- 
gine française  ;  c'est  l'œuvre  de  Bernard  de  Jussieu 
et  de  son  neveu  Antoine  de  Jussieu.  Ce  travail  fut 
nécessité  par  la  création  du  jardin  botanique  fondé 
par  Louis  XV  à  Trianon.  Antoine-Laurent  de  Jussieu 
démontra  que  les  végétaux  peuvent  être  divisés  en 
trois  groupes,  selon  que  leur  graine  est  pourvue 
ou  dépourvue  d"embryon,  et  selon  que  cet  embryon, 
lorsqu'il  existe,  présente  une  ou  deux  feuilles  co- 
tylédoniennes,  d'où  les  trois  embranchements  des 
Dicotylédones,  Mo7iocotylédo>ies,  Acoiylédones. 
Puis  il  forma  quinze  classes  d'après  les  insertions 
des  etamines,  selon  que, dans  les  plantes  herma- 
phrodites apétales,  monopétales  oupolypétales,les 
mêmes  organes  (etamines)  sont  insérés  diflférera- 
ment.  Les  diclines  sont  les  plantes  non  hermaphro- 
dites. 

Candolle  réduisit  à  huit  les  qumze  classes  de 
Jsusieu  ;  il  se  basa  sur  la  structure  intime 
des  tiges  [cellulaires,  vasculaires,  endoyènes,  exo- 
gènes). 

Après  la  classification  de  Candolle,  c'est  celle 
de  brongniart  qu'il  importe  de  connaître,  parce  que 
c'est  suivant  cette  méthode  que  les  végétaux  sont 
classés  au  Jardin  des  plantes  de  Paris. L'embranche- 
ment des  dicotylédones  est  subdivisé  en  deux  sous- 
embranchements    {angiospermes ,   gymnospermes). 

Comme,  suivant  l'ouvrage  de  botanique  consulté, 
on  trouve  telle  ou  telle  classification  adoptée,  nous 
avons  représenté  ci-contre  (V.  tableau,  p.  427.)  en 
séries  parallèles  le  règne  végétal,  rangé  d'après 
les  trois  méthodes  naturelles  adoptées  en  France. 
Nous  n'avons  donné  comme  exemples  que  les  prin- 
cipales  familles.  [G.  Philippon.j 

3.  Classication  des  minéraux.  —  En  minéralo- 
gie, les  principales  classifications  sont  celles  de 
Linné,  de  Werner,  de  Brongniart  et  de  Delafosse. 
Nous  les  donnons  ci-dessous. 

Classification  de  Linné. 


Fossiles. 


Classification  de  Werner. 

Tehuks  et  PiERBES ((Diamant,  rubis,    quartz,  feldspath, 

I     argile,  calcaires,  etc.) 

MATiènES  SALiT.ES (Carbonatcs,  nitrates,  muriates,  sul- 

I     fatcs.) 

SIatiéres  combustibles  (Soufre,  bitume,  graphites  résines). 

MÉTAUX i'°''',   mercure     argent,   cuivre,  ferj 

I     plomb,  etc.) 

Classification  de  Brongniart. 

(Métaux  gazeux. 
Métaux    solides,   fusible», 
,..  „.v.»„„.^vo^      volatils. 

I  Métaux  solides,  infusible», 
\     fixes. 


I.  Molécules  de 
pieniier  ordre 
composées  de' 
deux  éléments 


II.  Molécules   de 
premier  ordrej 
composées  de\ 
plus  de  deuxl 

éléments ' 

Minéraux    en/ 
masse i 


2.  Métaux  hé- 
téropsides(donl| 
les  oxydes  for- 
ment des  terres 
et  des  alcalis). 

3.  Métaux  au-] 
topsides  (mé- 
taux propre- 1 
ment  dits).       ) 


m 


Métaux  à  oxydes  insolubles 

—  peu  solub. 

—  très  solub. 


-Métaux  électro-positifs. 
—      électro-négatifs, 

ISels. 

<Bitumes. 

fCliarbons. 

\ Roches  tendres. 
/      —      dures. 

Classification  de  Delafosse. 

Substances  atmosphériques  gazeuses. . .     1.  Gaz. 
Substancesjmétal-lcorabustibles 2.  Combustibles. 

terrestres!  tiques jnoQ  combustibles...     3.  Métaux. 

liquides( 

ou  solides  non  métalliques 4.  Terres. 

CLIMAT.  —  Météorologie,  XIV-XIX,  Agricul- 
ture, II,  Hygiène,  V.  —  On  entend  par  climat 
l'ensemble  des  circonstances  géographiques  et  des 
phénomènes  atmosphériques  qui  déterminent,  pour 
un  lieu  donné,  les  degrés  de  chaleur  et  d'humidité 
qui  s'y  succèdent,  les  variations  électriques  et 
autres  auxquelles  il  est  soumis,  la  composition 
de  l'atmosphère  qu'on  y  respire,  du  sol  qu'on  y 
cultive,  et  des  eaux  qu'on  y  boit. 

Si  la  terre  offrait  une  surface  unie, couverte  par- 
tout d'une  végétation  régulière,  il  serait  facile  de 
classer  une  région  quelconque  au  point  de  vue  du 
climat.  Les  anciens  géographes  divisaient  la  terre, 
de  l'équateur  au  pôle,  en  trente-deux  zones  clima- 
tériques  parallèles,  d'après  les  rapports  de  lon- 
gueur des  jours  et  des  nuits  au  solstice  d'été.  Au- 
jourd'hui on  en  distingue  seulement  cinq  pour 
toute  la  surface  terrestre  :  la  zone  ton-ide,  comprise 
entre  les  deux  tropiques  ;  deux  zoties  tempérées, 
comprises  entre  les  tropiques  et  les  cercles  polaires  ; 
deux  zo?ies  glaciales,  à  l'intérieur  des  cercles  polai- 
res. Mais  chacune  des  deux  premières  surtout  ren- 
ferme des  climats  très  divers  dus  :  à  la  proximité 
ou  à  l'éloignement  des  grands  océans;  à  la  confi- 
guration du  sol  et  à  l'altitude  des  lieux  au-dessus 
du  niveau  de  la  mer;  à  l'état  du  sol  lui-même;  à 
la  rareté  ou  à  l'abondance  de  ses  eaux,  et  surtout 
à  l'influence  des  grands  courants  atmosphériques 
ou.  marins,  de  leur  direction  et  des  lieux  d'où  ils 
viennent.  Aussi  dans  chaque  zone  rencontre-t-on 
des  climats  mari?is  ou  uniformes,  et  des  climats 
continentaux  ou  excessifs,  qui  se  distinguent  par  la 
difl'crence  des  températures  de  l'été  à  l'hiver;  et 
aussi  ce  qu'on  nomme  vaguement  des  climats 
chauds,  tempérés,  froids,  secs,  humides.  ;. 

Au  point  de  vue  agricole,  le  climat  domine  les 
cultures.  Au  point  do  vue  de  l'hygiène,  aux  causes 
purement  physiques,  il  faut  en  joindre  d'autres, 
d'ordre  physiologique,  encore  mal  déterminées  et 
qui  font  qu'un  climat  est  réputé  sain  ou  malsain. 
Les  données  météorologiques  "ne  suffisent  pas  tou- 
jours à  expliquer  les  différences  qu'ils  présentent 
sous  ce  rapport;  il  faut  en  chercher  la  raison  dans 
le  sol,  dans  les  eaux  superficielles  ou  souterrainea 


CLASSIFICATIONS 


—  A21  — 


CLASSIFICATIONS 


Classification  de  Jussieu. 
ACOTYLÉDOXES. 

Algues. 

ibampignoDS. 

Lichens. 

Mousses. 
Fougères. 

MONOCOTTLÉDOXES. 

Monohypogynie. 
Graminées. 

Monopérigynie. 
Palmées. 
Liliacées. 

Monoépigynie. 
Iridées. 
Orchidées. 

DICOTYLÉDONES. 

APÉTALES. 

(Les  rycadées  et  les  Conifcros  =oiit 
rangés  par  Jussieu  dans  les  Di- 
clines.) 

Epistwninie 

Aristoloches. 

Péristaminie. 
Lîiurinées. 
Polygunées. 

Hypostaminie. 
Aniarantacées. 
{[Pour   Jussieu,  les    Euphorbiacées, 
les    Anienfacées    et    les  Urlicées 
sont  des  DicUnes.) 

MOSOPÉTALKS. 

Hypocoroilie. 
4afininées. 
Labiées. 
Solauées. 
Borraginées. 

Péricorollie. 
Erieinées. 
Campanulacées. 
^Les    Cucurbitacées     sont    rangées 
dans  les  Diclines.) 

Épic'-rollie  —  Synanthérie. 
Semi-flosculeuses  (chicorée). 
Flosi-uleuses  (chardon). 
Kadiées  (pâquerette). 
Épicorollie  —  Corysanthc'rie. 
Rubiacées  (garance). 

POLTPÉTALES. 

Épipétalie. 
Ombellifères. 

Péripétalie. 
•Cactées. 
Myrtées. 
Rosacées. 
Légumineuses. 

Hypopétalie. 
Renoncuiacées. 
Papa\éracées. 
Crucifères. 
-Vuiiantacées. 
Ampéldées. 
Gérauiées. 
MaKacées. 
Carjopbyllées. 

DicUnie. 
Euphorbiacées. 
Amentacées. 

Urticées.  ■  ". 

Cucurbitacées. 
•Co'iiferes. 
Cvcadées. 


Classiiication  de  Candolle. 

CRYPTOGAMES  ou  CELLULEUSES. 

CRTPTOGAIIES  CELLtLAIRES. 

Algues. 

Champignons. 

Lichens. 

CRYPTOGAMES  DEMl-TASCrLAIRES. 

Mousses. 
Fougères. 
PHANÉROGAMES  ou  VASCULAIRES. 

MOSOCOTTLÉDONES  OU  EXnOOÈXES. 


Palmiers. 
Liliacées. 

Iridées. 
Orchidées. 

DTCOTTLÉDOSBS  OU  EXOGÈ:<BS. 

Monocklamydées. 
Cycadées. 
Conifères. 

Aristoloches. 

Laurinées. 
Polvgonées. 


Amaranlacées. 
Eupliorbiacées. 
Atiienlaoées. 
Urticées. 

Corolli/lores. 

Jasœinées. 

Labiées. 

Solanées. 

Borraginées. 

Caliciflores, 
Erieinées. 
Campanulacées. 
Cucurbitacées. 


Composées    (chicoiée,    chardon, 
pâquerette). 


Rubîacées. 


Ombellifères. 

Cactées. 
.Myrtées. 
Rosacées. 
Légumineuses. 

ThalamifiOres. 
Renoncuiacées. 
l'apavéracées. 
Crucifères. 
Auraiitiacées. 
Ampél  idées. 
Géraniées. 
Malvacées. 
Caryot'hyllées. 

(Les  familles  qui  forment  le  groupe 
DicUnie  de  jussieu  simt  rangées 
piiur  la  plupart  par  Candolle 
dans  les  Aloiwchlamydces.) 


Caassification  de  A.  Brongniart. 
CRYPTOGAMES. 

AUPHIGS^BS. 

Algues. 

Champignons. 

Lichens. 

ACROGÈTBS. 

Muscinées. 
Filicinées. 

PHANÉROGAMES. 

MO^OCOTTLÉDOXES. 

Glumacées. 

Palmiers. 
Liliacées. 

Iridées. 
Orchidées. 

DICOTTLÉDOTTES. 

Gymnospermes. 
Cycadées. 
Conifères. 

Angiospermes  dialypéiales. 
Aristoloches. 

Laurinées. 
Polygonées. 

Amarantacées. 
Euphorbiacées. 
Amentacées. 
Urticées. 


(Les  Monopêtalcs  de  Jussieu  sont, 
pour  Brongniart,  des  Angio- 
spermes gamopétales  ;  Toir  plus 


Ombellifèies. 

Cactées. 
Myrtées. 
Rosacées. 
Légumineuses. 

Renoncuiacées. 

Papavéracées. 

Crucifères. 

Aurantiacées. 

Ampéliiées. 

Gérauiées. 

Malyacées. 

Caryophyllées. 

(Les   Euphorbiacées,  les    Amenta- 
cées  et    les  Urticées    ont   figuré 
plus  haut  ;  les  Cucurbitacées  ap 
partiennenl     aux    Angiospermes 
ganiopétales,  les  Conifères  et  les 
Cycadées  aux  Gymnospermes. 
Angiospermes  gamopétales. 
Jasminées. 
Labiées. 
Solanées,  etc. 
(Les  Angiospermes  gamopétales  cor- 
resDuadent  aux  Monovétales  de  Jussieu . 


CLIMAT 


—  428  — 


CLIMAT 


qu'on  y  rencontre,  dans  les  émanations  qui  s'en 
dégagent;  comme  aussi  dans  le  genre  de  vie  des 
populations,  dans  la  tenue  de  leurs  iiabitations, 
dans  le  degré  de  connaissance  qu'elles  ont  des 
lois  élémentaires  de  l'hygiène. 

La  météorologie  accumule  des  matériaux  pré- 
cieux sur  les  pliénomènes  de  toute  sorte  dont 
l'ensemble  modifie  le  climat  théorique  de  chaque 
lieu  ou  plutôt  son  climat  géographique.  L'hygiérie 
lui  emprunte  ces  renseignements  pour  mettre 
l'homme  en  garde  contre  les  dangers  ou  les  incon- 
vénients qu'il  ne  peut  modifier,  ou  pour  lui  indi- 
quer les  moyens  d'en  atténuer  les  effets.  Souvent 
aussi  elle  lui  fournit  les  indications  nécessaires 
pour  faire  cesser  des  causes  d'insalubrité  ou  de 
famine,  comme  la  sécheresse,  la  présence  des  ma- 
rais, contre  lesquels  luttent  avec  succès  l'industrie 
et  l'agriculture. 

Tout  être  vivant  est  soumis  à  l'action  lente  et 
continuelle  des  agents  extérieurs.  Comparez  les 
bœufs  et  les  chevaux  de  la  Flandre,  du  Perche, 
du  Boulonnais ,  avec  ceux  de  la  Bretagne,  des 
Landes  et  de  la  Camargue,  vous  n'hésiterez  pas  à 
dire  que  leur  taille,  leurs  formes,  leurs  aptitudes^ 
résultent  des  influences  locales  auxquelles  ils  sont 
soumis  depuis  longtemps.  Dès  que  ces  influences 
se  modifient  par  l'action  de  l'homme,  elles  impi'i- 
ment  aux  animaux  des  caractères  différents.  Là  où 
progresse  l'agriculture,  les  races  locales  se  trans- 
forment par  degrés  :  c'est  ainsi  que  s'améliorent 
lentement,  mais  sûrement,  les  bœufs  et  les  che- 
vaux dans  la  plupart  de  nos  provinces. 

L'homme  subit  comme  l'animal  les  influences 
climatériques.  mais  il  peut,  dans  une  large  me- 
sure, en  atténuer,  en  modifier  les  effets  et  changer 
sous  beaucoup  de  rapports  le  milieu  où  il  vit.  Il  ar- 
rive cependant,  surtout  dans  les  pays  très  peuplés, 
que  la  population  ne  choisit  pas  sa  place.  L'espace 
manque,  les  portions  du  territoire  que  l'on  consi- 
dérait justement  comme  malsaines  se  trouvent  gra- 
duellement envahies.  Les  habitants  de  ces  dange- 
reuses contrée?  n'ont,  dans  le  principe,  aucune 
ressource  pour  lutter  contre  les  influences  enne- 
mies du  sol,  de  l'air  et  des  eaux  ;  leur  corps  et  leur 
esprit  ne  tardent  pas  à  subir  une  dégénérescence 
plus  ou  moins  accusée. 

Citons  quelques  exemples  pour  démontrer  l'ac- 
tion du  milieu  sur  l'homme.  Le  département  du 
Gard  comprend  trois  régions  bien  distinctes  :  mon- 
tagnes, plaines,  marécages.  Au  commencement  du 
siècle,  alors  que  les  populations  étaient  plus  sé- 
dentaires qu'aujourd'hui ,  la  taille  moyenne  des 
conscrits  était  de  I.^MO  dans  la  plaine,  de  l™,58ô 
dans  les  montagnes  et  de  l^jGtîô  dans  les  parties 
marécageuses  ;  les  nombres  correspondants  de  ré- 
formés pour  infirmités  étaient,  pour  1  i  00  jeunes 
gens,  106  dans  la  plaine,  93  dans  la  montagne  et  148 
dans  la  partie  marécageuse.  Dans  la  Nièvre,  on 
constatait  également  le  rapport  entre  les  conditions 
hygiéniques  des  différentes  régions  et  la  taille  des 
jeunes  gens  :  dans  l'arrondissement  de  Clamecy, 
contrée  bien  cultivée  en  céréales,  la  taille  moj'enne 
était  de  l'",l;-}2,  avec  lô6  réformés  par  1  000;  tandis 
que  dans  l'arrondissement  de  Château -Chinon 
moins  salubre,  plus  pauvre,  moins  bien  cultivé  et 
beaucoup  plus  arriéré  à  tous  égards,  la  taille  tom- 
bait à  1"',593,  avec  235  réformés  sur  1  000  cons- 
crits. A  mesure  que  l'agriculture  y  fait  des  progrès, 
que  l'aisance  y  augmente,  que  l'hygiène  tend  h  s'y 
développer,  la  population  y  devient  plus  générale- 
ment saine. 

Le  goitre  constitue  une  manifestation  malheu- 
reusement trop  évidente  des  influences  climatéri- 
ques. En  1850,  sur  2G7  333  jeunes  gens  examinés 
par  les  conseils  de  revision,  1,420  furent  réformés 
comme  goitreux.  Sur  ce  nombre,  les  Hautes-Alpes 
en  avaient  fourni  121,  l'Aisne  99,  les  Vosges  8  i 
(sur  374  conscrits)  ;  la  Marne,  la  Seine,  la  Seine- 


Inférieure,  l'Orne,  le  Doubs,  de  7  à  9  chacun  ; 
le  Nord,  h  (sur  9  20G  conscrits)  ;  enfin  beaucoup 
de  départements  ne  comptaient  pas  un  seul  goi- 
treux. 

Là  où  les  causes  de  goitre  sont  compliquées  des 
plus  mauvaises  conditions  hygiéniques,  les  fils  de 
goitreux  deviennent  des  crétins,  pauvres  êtres  ché- 
tifs  de  corps  et  faibles  d'esprit^  dont  la  vie  est  une 
enfance  prolongée.  On  les  trouve  surtout  dans  les 
vallées  profondes  où  manque  la  lumière.  Dans  les 
pays  marécageux  où  l'alimentation  insuffisante 
ajoute  aux  autres  causes  de  dégradation  physique 
et  intellectuelle,  où  la  négligence  des  soins  corpo- 
rels enlève  à  l'homme  toute  dignité,  tandis  que 
l'habitude  de  l'ivresse  l'empêche  de  chercher  le  re- 
mède à  ses  maux,  la  misère  combinée  avec  l'action 
du  climat  engendre  deux  autres  fléaux  :  les  scro- 
fules et  le  rachitisme.  En  18.59,  il  y  eut  2  313  con- 
scrits réformés  pour  scrofules.  Des  habitations 
mieux  aérées,  une  meilleure  nourriture,  tendent 
à  diminuer  les  scrofules  ;  mais  l'éloignement  de  la 
vie  en  plein  air  dans  les  champs  et  les  habitudes 
sédentaires  qui  se  développent  dans  les  campagnes 
parmi  les  jeunes  femmes,  jointes  à  l'absence  de 
précautions  dans  le  choix  des  conjoints,  favorisent 
le  développement  de  la  phthisie. 

Chacun  connaît  l'influence  délétère  des  miasmes 
qui  s'échappent  des  marais,  surtout  à  l'époque  de 
leur  dessèchement  partiel.  Aux  maladies  qui  ré- 
sultent de  l'humidité  constante  de  l'air  et  du  sol 
s'ajoutent  alors  les  fièvres  paludéennes.  Dans  la 
Bresse,  les  Dombes,  la  Sologne,  la  mortalité  est 
effrayante,  surtout  chez  les  enfants  de  moins  d'un 
an  ei  les  adultes  de  35  à  55  ans. 

On  voit  par  ces  aperçus  combien  sont  utiles  les 
études  climatologiques  au  point  de  vue  de  l'hy- 
giène. » 

Dans  bien  des  cas,  toutefois,  en  signalant  la 
cause  du  mal,  on  peut  indiquer  le  remède.  L'homme 
peut  modifier  son  milieu,  son  climat  par  le  reboi- 
sement, le  défrichement,  le  drainage,  l'irrigatic.i, 
le  dessèchement  des  marais.  Môme  dans  les  condi- 
tions les  plus  désavantageuses,  il  diminue  les  in- 
fluences auxquelles  il  ne  saurait  se  soustraire,  en 
clioisissant  le  site  et  l'exposition  de  sa  demeure,  en 
faisant  bouillir  les  eaux  malsaines  avant  de  les 
boire,  en  évitant  l'emploi  du  sel  blanc  ou  raffiné  et 
ajoutant  au  besoin  aux  sels  gris  des  traces  d'iodure 
de  potassium  là  où  le  goitre  est  endémique,  en  se 
conformant  aux  règles  de  l'hygiène  autant  que  lui 
permettent  les  exigences  de  sa  position.  Les  pro- 
grès de  la  civilisation  ont  déjà  fait  disparaître  de 
notre  pays  plusieurs  maladies  endémiques  :  la 
peste,  le  mal  des  ardents  (ergotisme  gangreneux), 
le  scorbut,  la  variole,  qui  ne  se  montre  plus  qu'à 
l'état  d'épidémie.  Espérons  que  bientôt  on  pourra 
joindre  à  cette  liste  la  lèpre,  dont  il  existe  encore 
des  cas  assez  nombreux  en  Provence. 

Climats  françnis. —  On  peut  diviser  la  France  en 
cinq  régions  climatériques  présentant  entre  elles 
des  différences  générales  assez  tranché'es  soit  sous 
le  rapport  du  climat  proprement  dit  et  des  pro- 
ductions du  sol,  soit  sous  le  rapport  du  tempé- 
rament des  habitants  et  de  leurs  maladies  spé- 
ciales. Mais  il  existe  des  transitions  insensibles  de 
l'un  à  l'autre. 

'[°  Le  climat  du  noj^d-eston  vosgien.  —  Cette  région 
est  comprise  entre  le  Rhin,  la  Côte-d'Or,  les  sour- 
ces de  la  Saône  et  la  chaîne  qui  s'étend  de  Méziè- 
res  à  Auxerre.  C'est  dans  la  vallée  du  Rhin  qu'il 
est  le  mieux  caractérisé. 

Les  hivers  y  sont  plus  rigoureux  et  les  étés  plus 
chauds  que  dans  la  région  voisine  à  égale  latitude; 
les  vents  y  tournent  aussi  plus  fréquemment  vers 
le  nord.  11  y  pleut  un  peu  plus  rarement  mais  plus 
abondamment  qu'à  l'aris;  les  pluies  d'été  l'empor- 
tent sur  celles  de  l'automne.  Les  plantes  qui 
craignent  les  froids  de  l'hiver  y  viennent  mal;  mais 


CLIMAT 


—  429  — 


CLOVIS 


le  maïs  y  mûrit  et  la  vigne  y  remonte  vers  le  nord 
plus  haut  que  dans  le  climat  parisien. 

Le  tempérament  des  habitants  est  surtout  lym- 
phatico-sanguin  ;  les  maladies  dominantes  sont 
les  inflammations,  les  fièvres  éruptives  ;  le  goitre 
est  endémique  dans  quelques  localités. 

•2°  Le  climat  du  nord-ouest  ou  séquanien.  Cette 
région  est  comprise  entre  le  contrefort  du  plateau 
qui  va  d'Auxerre  à  Mézières,  la  frontière  du  nord  de 
Mézières  à  la  mer,  les  côtes  de  la  Manche  et  de 
rOcéan  jusqu'à  la  Loire ,  le  cours  de  la  Loire  et 
du  Cher.  C'est  sur  le  bord  de  la  mer,  de  Nantes  à 
Dunkerque,  qu'il  est  le  mieux  caractérisé,  et  qu'il 
s'éloigne  le  plus  du  climat  vosgien  pour  se  rap- 
procher de  celui  de  l'Angleterre. 

L'influence  de  la  mer  et  surtout  du  Gulf  s  stream 
élève  la  température  de  l'hiver  et  abaisse  celle  de 
l'été.  Le  nombre  des  jours  pluvieux  s'accroît  sur- 
tout en  automne  ;  le  total  des  eaux  pluviales,  faible 
à  Paris,  augmente  à  mesure  qu'on  s'approche  des 
côtes.  Les  vents  dominants  soufflent  du  sud-ouest  : 
en  seconde  ligne,  et  assez  loin  en  arrière,  viennent 
ceux  du  nord-est. 

Les  parties  voisines  des  côtes  sont  des  pays 
d'herbages  ;  le  blé  domine  de  plus  en  plus  à  me- 
sure qu'on  s'éloigne  de  la  mer.  Le  mais  a  peine  à 
y  mûrir,  sauf  vers  la  limite  sud  ou  est,  ou  à  des 
expositions  favorisées  ;  la  vigne  n'en  occupe  qu'une 
partie  très  limitée  et  sur  des  coteaux  exposés  au 
sud. 

Les  maladies  dominantes  sont  les  rhumatismes, 
les  bronchites,  les  pneumonies,  la  fièvre  typhoïde, 
les  fièvres  intermittentes. 

3°  Climat  du  sud-ouest  on  giro'din. —  Cette  ré- 
gion s'étend  de  la  Loire  aux  Pyrénées  et  de  l'O- 
céan au  plateau  central.  Ce  climat  se  fond  par  le 
nord  avec  le  climat  séquanien  ;  par  le  plateau 
central  avec  le  climat  rhodanien  ;  par  le  sud  avec 
une  partie  du  climat  méditerranéen  ;  il  reste  bien 
distinct  du  climat  vosgien.  C'est  dans  les  bassins 
de  la  Gironde,  de  la  Garonne  et  de  l'Adour  qu'il 
est  le  mieux  caractérisé.  Ses  hivers  ne  sont  pas 
beaucoup  plus  chauds  que  ceux  du  climat  séqua- 
nien :  ils  sont  plus  courts  ;  ses  étés  ont  une  tem- 
pérature notablement  plus  élevée.  Par  la  dilTérence 
entre  les  deux  saisons  il  est  intermédiaire  aux 
deux  précédents  ;  mais  il  est  plus  chaud.  Le  ciel  y 
est  aussi  moins  souvent  couvert,  surtout  en  hiver. 
Le  régime  des  vents  y  est  à  peu  près  le  même  qu'à 
Paris,  sauf  que  près  des  Pyrénées  leur  direction  in- 
cline plus  à  l'ouest  et  au  nord-ouest.  Le  blé,  le  mais, 
la  vigne  y  prospèrent.  L'olivier  n'y  occupe  que  le 
bord  méridional;  l'oranger  ne   s'y  maintient  pas. 

La  maladie  la  plus  commune  est  la  fièvre  in- 
termittente. Le  mais,  qui  entre  pour  une  assez  large 
part  dans  l'alimentation,  y  engendre  des  cas  de 
pellagre.  On  y  trouve  des  goitreux,  surtout  dans  les 
montagnes  de  l'Auvergne. 

4"  Climat  du  sud-est  ou  rhodanien.  —  C'est  le 
climat  de  la  vallée  de  la  Saône  et  du  Rhône,  depuis 
Dijon  et  Besançon  jusqu'à  Viviers.  Par  le  nord  il 
se  rattache  au  climat  vosgien  ;  par  le  sud,  il  se  rap- 
proche du  climat  méditerranéen.  Comme  le  cli- 
mat vosgien,  c'est  un  climat  continental  à  diffé- 
rences marquées  entre  les  températures  de  l'été 
et  celles  de  l'hiver;  mais  il  est  moins  froid  que  le 
climat  vosgien.  Les  pluies  y  sont  plus  abondantes 
que  dans  les  autres  bassins,  à  cause  des  grandes 
inégalités  de  hauteur  qu'il  pré-ene;  elles  y  sont 
plus  copieuses  que  fréquentes.  Les  vents  domi- 
nants sont  le  nord  et  le  sud,  direction  de  la  val- 
lée principale. 

La  vigne  et  le  maïs  y  prospèrent  dans  toute  sa 
longueur.  L'olivier,  autrefois  cultivé  jusqu'à  la  hau- 
teur du  Lyonnais,  en  a  été  repoussé  par  la  vigne  et 
par  le  mûrier. 

Les  maladies  les  plus  communes  sont  les  affec- 
tions inflammatoires,  les  rhumatismes,  les  bron- 


chites, la  fièvre  typhoïde  et  les  fièvres  intermitten- 
tes. 

5°  Climat  du  midi  médifei^anéen  on  provençal. — 
C'est  de  tous  les  climats  français  le  plus  nettement 
tranché.  Le  contraste  qu'il  forme  avec  les  quatre 
autres  se  traduit  dans  les  usages  des  habitants 
comme  dans  les  produits  du  sol.  11  forme  une 
bande  étroite  allant  de  Nice  à  Port-Vendres.  Sur 
l'ouest  il  se  relie  à  la  partie  orientale  du  climat  gi- 
rondin ;  à  Viviers,  sa  limite  nord,  il  se  rattache  au 
sud  du  climat  rhodanien  ;  dans  l'est  il  se  resserre 
sous  la  Corniche  et  se  spécialise  de  plus  en  plus. 
Les  hivers  y  sont  généralement  très  doux,  bien  que 
le  Rhône  puisse  y  geler.  L'olivier  lui-même  y  périt 
quelquefois  sous  l'action  de  gelées  intenses,  mais 
très  peu  durables.  L'été  y  est  toujours  chaud. 

Les  pluies  y  sont  très  rares  en  été  et  la  séche- 
resse de  cette  saison  y  rend  difficiles  les  cultures  her- 
bacées en  dehors  des  irrigations.  Le  vent  dominant 
y  est  celui  du  nord-ouest,  le  magistral  ou  mistral. 

Le  mûrier,  l'olivier,  la  vigne  sont  les  cultures 
dominantes  ;  dans  l'est  il  faut  y  ajouter  l'oranger. 

Les  maladies  les  plus  fréquentes  sont  les  fièvres 
rémittentes  (simples  ou  bilieuses},  les  fièvres 
intermittentes  (simples  ou  pernicieuses!.  On  y 
trouve  des  cas  assez  nombreux  de  lèpre. 

Du  fait  de  la  rétrogradation  de  certaines  cultures 
vers  le  Midi,  on  a  voulu  conclure  que  le  climat  de 
la  France  tend  à  se  refroidir.  Ce  fait  cultural  tient 
à  l'amélioration  des  moyens  de  transport  et  à  un 
accroissement  du  loyer  du  sol  et  du  prix  de  la 
main-d'œuvre  ;  c'est  un  fait  économique  et  non  cli- 
matérique.  Au  contraire,  dans  le  nord  de  la  France 
comme  en  Angleterre,  les  hivers  sembleraient 
s'adoucir,  et  tandis  que  le  mois  d'avril  deviendrait 
plus  tiède,  le  mois  de  mai  deviendrait  plus  frais; 
mais  rien  ne  prouve  que  cette  tendance  soit  per- 
manente et  non  temporaire.  [Marié-Davyj 

V.  Courants,  Régions  agricoles. 

CLOVIS.  —  Histoire  de  France,  IIL  —  Les  Bar- 
bares en  Gaule  au  ciiiquièm'^  siècle.  —  Vers  la  fin 
du  cinquième  siècle,  l'Empire  romain  d'Occident 
n'existait  plus.  La  Gaule,  qui  en  avait  fait  partie, 
était  sans  maîtres,  abandonnée  sans  défense,  off'erte 
à  qui  saurait  la  prendre.  Depuis  longtemps  un 
grand  nombre  de  Barbares  s'y  étaient  introduits. 
Beaucoup  étaient  entrés  isolément,  s'oiïrant  comme 
laboureurs  ou  s'engageant  comme  soldats.  D'autres 
étaient  venus  en  masse  d'une  manière  moins  pa- 
cifique. Au  nord-est,  les  Francs,  après  avoir  été 
longtemps  des  voisins  incommodes,  s'étaient  établis, 
les  uns  entre  la  Meuse  et  l'Escaut,  les  autres  sur 
la  rive  gauche  du  Rliin  et  dans  la  vallée  de  la 
basse  Moselle.  A  l'est,  les  Burgundes,  population 
germanique  mélangée  d'éléments  slaves,  avaient 
d'abord  campé  entre  le  Rhin  et  les  Vosges,  puis 
s'étaient  fixés  plus  au  sud  dans  les  vallées  de  la 
Saône  et  du  Rhône.  Au  sud  les  Wisigoths  occu- 
paient le  bassin  de  la  Garonne  et  presque  tout  le 
littoral  de  la  Méditerranée. 

De  ces  trois  peuples  barbares,  quel  était  celui 
qui  allait  recueillir  l'héritage  vacant  des  Césars  et 
devenir  maître  de  la  Gaule  "? 

Les  Wisigoths.  —  En  481  les  Wisigoths  parais- 
saient avoir  toutes  les  chances.  Formant  une 
niasse  d'environ  200,000  personnes,  ils  occu- 
paient une  partie  de  la  Provence  actuelle,  les  bas- 
sins de  l'Hérault,  de  l'Aude,  de  la  Garonne.  Au- 
delà  des  Pyrénées  ils  devenaient  les  dominateurs 
de  l'Espagne.  Alaric,  en  les  conduisant  au  pillage 
de  Rome,  leur  avait  fait  une  réputation  militaire 
presque  sans  égale.  Dans  ce  Midi  florissant  où  la 
civilisation  romaine  avait  laissé  sa  forte  empreinte, 
au  milieu  des  grands  municipes,  Toulouse,  Nar- 
bonne,  Carcassonne,  Nîmes,  Arles,  les  rudes  guer- 
riers du  Nord  s'étaient  rapidement  adoucis.  La 
cour  de  leur  roi  Euric,  à  Toulouse,  était  devenue 
le  rendez-vous  des  rhéteurs  et  des  poètes  et  aussi 


CLOVIS 


—  430  — 


GLOVIS 


l2  centre  politique  où  se  rencontraient  les  envoyés 
de  toutes  les  nations  barbares.  La  transformation 
de  leurs  institutions  et  de  leurs  mœurs  semblait 
préparer  une  fusion  prochaine  avec  les  populations 
gallo-romaines. 

Les  Burgundes.  —  Les  Burgundes  avaient  comme 
les  Wisigoihs  l'avantage  d'occuper  des  contrées 
opulentes  et  depuis  longtemps  civilisées.  Les  vil- 
les de  Besançon,  d'Autun,  de  Vienne,  de  Lyon,  de 
Genève,  comprises  dans  leurs  possessions,  étaient 
autant  de  grands  centres  où  s'étaient  développés 
dès  longtemps  les  arts,  l'industrie,  la  culture  ro- 
maine. D'un  caractère  naturellement  doux  et  facile, 
ils  avaient  abandonné  volontiers  leurs  courses 
aventureuses  pour  les  occupations  sédentaires. 
Labourant  le  sol  ou  s'adonnant  aux  métiers,  ils 
vivaient  avec  les   Romains  «  comme  des  frères». 

Les  Francs.  —  De  tous  les  Barbares,  les  Francs 
étaient  les  moins  favorisés  et  en  apparence  les 
plus  rétifs  à  la^ civilisation.  Les  pays  qu'ils  occu- 
paient, aux  environs  de  Cologne  et  de  Trêves 
dans  lest,  de  Tournai,  de  Thérouanne  et  de  Cam- 
.brai  dans  le  nord,  avaient  été  depuis  deux  siècles 
incessamment  parcourus  et  ravagés  par  le  torrent 
des  invasions.  Les  habitants  s'étaient  enfuis,  les 
forêts  avaient  tout  recouvert,  les  régions  de  cul- 
ture étaient  redevenues  des  territoires  de  chasse. 
Là  les  Francs  vivaient  comme  dans  leur  Germanie, 
courant  le  fauve  dans  les  bois  ou  se  formant  en 
bandes  pour  aller  au  pillage.  Ils  n'étaient  pas  arri- 
vés, comme  les  Wisigoths  ou  les  Burgundes,  à 
constituer  une  unité  politique.  Ripuaires  à  l'est, 
Saliens  au  nord  vivaient  à  part  et  chacun  pour  son 
compte.  Ces  deux  agglomérations  se  fractionnaient 
encore  en  tribus  dont  chacune  avait  son  chef  dis- 
tinct et  agissant  séparément.  Les  forces  militaires 
de  ces  petits  groupes  ne  pouvaient  être  bien  con- 
sidérables. Clovis  aura  besoin  du  concours  d'un 
autre  roi  pour  mettre  sur  pied  une  armée  de 
6  000  hommes. 

Ainsi  les  Francs  semblent  de  tout  point  inférieurs 
aux  Wisigoths  et  aux  Burgundes;  plus  faibles  maté- 
riellement, leur  barbarie  encore  complète,  leur  pa- 
ganisme grossier,  tout  semble  mettre  des  barrières 
infranchissables  entre  eus  et  les  populations  civili- 
sées et  catholiques  delà  Gaule  romaine. —  Et  pour- 
tant, trente  années  après,  en  511.  la  puissance  des 
Wisigoths  est  détruite,  celle  des  Burgundes  ébran- 
lée, et  c'est  aux  Francs  qu'appartient  décidément 
la  suprématie. 

Cette  fortune  rapide  et  subite  est  due  pour  une 
part  à  l'habileté  de  Clovis,  mais  elle  est  due  sur- 
tout à  une  cause  qu'il  est  facile  d'apercevoir  dès 
481.    Les   Wisigoths   et   les   Burgundes    s'étaient 
presque  f~'omanisés  ;   ils   étaient    même    devenus 
chrétiens.   Mais   leur    christianisme  n'était  pas   le 
christianisme   orthodoxe,  adopté   par  les  conciles, 
enseigné  par  les  évèques.  Ils  avaient  été  convertis 
par  des  disciples  d'Arius,  qui  niait  la   divinité  de 
Jésus-Christ.    Le   christianisme    était   alors    dans 
toute  la  ferveur   des   premiers   âges.  Les  haines 
religieuses  étaient  violentes  entre  les  orthodoxes 
et  les  hérétiques  ;  de  la  discussion  on  passait  fa- 
cilement à   la   lutte    armée.    Or    les   populations 
gallo-romaines   étaient  unanimement  catholiques. 
De  là  entre   ces  populations  et  les  Wisigoths  ou 
les  Burgundes,  entre  les  évoques  et  les  rois  bar-  | 
bares,  des   froissements    continuels,    parfois    des 
chocs  violents  ;  de  là  chez  les  Gaulois  le  désir  de 
secouer  une   domination   détestée.  Pour  détruire  i 
cette  domination,  tous  les  moyens  étaient   bons  ;  i 
au    besoin    on    aurait  recours  aux   païens,  moins 
od'ieux  que  les  hérétiques.  Les  païens  ne   discu-  < 
taient  pas   et  n'argumentaient  point.  On  pouvait  '. 
espérer  de  les  convertir,  de   les  transformer  en 
soldats   de   la  foi.    Telle  fut,  pendant  de  longues  | 
années,  la  pensée  politique  du  clergé  gaulois.  Il  lu 
réalisa  de  481  à  ôU.  Le  règne  de  Clovis  n'est  pas  ' 


autre  chose  que  l'alliance  de  l'épiscopat  catholique 
avec  la  barbarie  franque.  Clovis  prêtera  à  l'Église 
le  concours  de  ses  armes,  l'Église  lui  prêtera  en 
retour  ses  moyens  matériels  et  son  immense  in- 
fluence. Ils  triompheront  ensemble  et  l'un  par 
l'autre. 

Avétiement  de  Clovis  (481).  —  Le  mérite  de  ce 
chef  barbare  fut  de  comprendre  quels  immenses 
avantages  lui  donnerait  l'appui  des  évêques.  Il 
passa  sa  vie  à  s'assurer  cet  appui. 

Nous  le  voyons  dès  ses  débuts,  averti  par  une 
sorte  d'instinct  politique  un  peu  confus  encore, 
engager  des  relations  presque  amicales  avec  le 
clergé  des  Gaules. 

Il  est  resté  une  lettre  de  l'évêque  de  Reims, 
saint  Rémi,  qui  le  félicitait  de  son  avènement  et 
lui  donnait  des  conseils.  Saint  Rémi  était  considéré 
comme  le  chef  des  Églises  du  Nord  de  la  Gaule. 
Sa  parole  avait  par  là  même, une  certaine  autorité, 
et  il  n'est  pas  sans  intérêt  d'observer  que,  dès 
lors,  il  jetait  les  yeux  sur  Clovis. 

Guerre  contre  Syagrius  (486).  —  Cinq  ans 
après  qu'il  eut  été  élevé  sur  le  pavois,  Clovis  fit 
sa  première  expédition.  Il  avait  pour  voisin,  au 
sud,  le  gallo-romain  Syagrius.  Ce  personnage  n'é- 
tait pas,  comme  on  serait  tenté  de  le  croire,  un 
représentant  de  l'Empire  romain.  L'Empire  romain 
n'existait  plus,  en  Occident  du  moins,  qu'à  l'état 
de  souvenir.  Syagrius  était  tout  simplement, 
comme  Euric,  comme  Gondebaud,  comme  Clovis 
lui-même,  un  chef  d'armée  devenu  indépendant 
et  maître  du  pays  où  il  était  cantonné  ;  seulement, 
au  lieu  d'être  barbare,  il  était  gallo-romain  d'ori- 
gine ainsi  que  la  plupart  de  ses  soldats.  Clovis, 
avec  les  guerriers  de  sa  tribu  et  ceux  que  lui  four- 
nit son  parent  Ragnachaire,  roi  de  Cambrai,  ras- 
sembla une  petite  armée  de  5  à  6  000  hommes, 
attaqua  Syagrius  et  le  battit  devant  Soissons.  Sya- 
grius s'enfuit  chez  le  roi  des  Wisigoths,  Alaric  II, 
qui  lo  livra  à  la  première  sommation. 

Dans  cette  première  campagne,  Clovis  ordonne 
déjà  à  ses  soldats  de  respecter  les  biens  de  l'Église. 
Il  trouva  bientôt  l'occasion  de  donner  au  clergé 
une  marque  éclatante  de  sa  bonne  volonté.  Saint 
Rémi  lui  avait  fait  réclamer  un  vase  »  d'une  gran- 
deur et  d'une  beauté  merveilleuses  »  enlevé  par  le& 
Francs  dans  la  ville  de  Reims.  Clovis  demanda  à  ses 
guerriers  de  lui  abandonner  cet  objet  en  dehors  de 
sa  part  du  butin.  L'un  d'eux  lui  répondit  en  frap- 
pant le  vase  de  sa  hache  :  a  Tu  n'auras  de  tout 
cela  que  ce  que  te  donnera  vraiment  le  sort.  »  Ces- 
bandes  de  pillards  avaient  encore  conservé  leur 
farouche  indépendance  ;  beaucoup  ne  regardaient 
Clovis  que  comme  un  chef  volontairement  accepté. 
Clovis  dissimula  sa  colère,  mais  un  an  après,  pro- 
fitant d'un  prétexte,  il  tua  de  sa  main  le  soldat  au- 
dacieux qui  avait  bravé  son  autorité  naissante. 

La  défaite  de  Syagrius  donnait  à  Clovis  la  ville 
de  Soissons  et  son  territoire.  Mais  quand  il  voulut 
aller  plus  loin,  il  se  trouva  arrêté  par  l'opiniâtre 
résistance  que  lui  opposèrent  les  villes  de  la 
Somme  et  de  la  Seine,  Amiens,  Rouen,  Paris. 
C'est  alors  qu'il  épousa  Clotilde.  Cette  union  était 
un  mariage  politique. 

Mariage  de  Clovis.  —  Fille  d'un  frère  de  Gonde- 
baud, roi  des  Burgundes,  que  celui-ci  avait  fait 
tuer  avec  sa  famille,  Clotilde  avait  survécu  à  ce 
massacre.  Elle  était  la  seule  princesse  catholique 
qui  fût  alors  en  Gaule.  Les  évêques  résolurent  de 
la  faire  épouser  à  Clovis,  comptant  bien  user  en- 
suiie  de  son  influence  pour  déterminer  la  conver- 
sion de  son  mari  L'affaire  fut  menée  par  un  Gallo- 
Romain  catliolique,  du  nom  d'Aurelianus,  conseiller 
très  écouté  de  Clovis.  Gondebaud,  soit  par  impré- 
voyance, soit  p\v  crainte  de  blesser  le  vainqueur 
de  Soissons,  accueillit  favorablement  la  demande 
de  Clovis.  Clotilde  parût  avec  les  guerriers  francs 
envoyés  pour  lui  composer  une  escorte  d'hoaneur^ 


CLOVIS 


431  — 


CLOVIS 


On  raconte  ^^u'arrivée  sur  la  limite  du  territoire 
burgunde,  elle  pria  les  cavaliers  qui  l'accompa- 
gnaient de  piller  et  de  ravager  le  pays  environ- 
nant. A  la  lueur  des  incendies  allumés  par  son 
ordre,  elle  remerciait  Dieu  «  de  voir  commencer 
la  vengeance  de  ses  parents  et  de  ses  frères.  » 
Quoiqu'elle  fût  chrétienne,  Clotilde  était  bien  de 
son  temps  :  elle  en  avait  les  passions  violentes  et 
les  durables  haines. 

Presque  aussitôt  après,  Clovis  recueillit  les  résul- 
tats de  son  mariage.  A  l'appel  des  évêques,  les 
villes  de  Beauvais,  d'Amiens,  de  Rouen,  de  Paris, 
qui  avaient  résisté  jusqu'alors,  s'ouvrirent  à 
l'époux  d'une  princesse  catholique.  En  même  temps 
Clotilde  s'efforçait  de  préparer  la  conversion  de  son 
mari.  Il  est  curieux  de  suivre  dans  les  récils  des 
chroniqueurs  les  péripéties  de  cette  lutte  intime. 
Clovis  paraît  avoir  été  un  adorateur  assez  tiède  des 
divinités  germaniques;  cependant  il  avait  conservé 
au  fond  de  l'âme  quelque  reste  de  ses  superstitions 
et  de  ses  terreurs  religieuses.  On  le  voit  se  de- 
mandant, à  la  mort  de  son  fils  aîné  qui  avait  été 
baptisé,  s'il  n'a  pas  été  atteint  par  la  vengeance 
de  ses  anciens  dieux.  Trop  clairvoyant  politique 
pour  n'être  pas  frappé  de  la  puissance  du  catholi- 
cisme, il  hésite  et  diffère,  il  semble  craindre 
qu'une  conversion  trop  brusque  ne  scandalise  ses 
guerriers.  Il  attend  une  occasion. 

Victoire  de  Tolbiac.  —  En  ^96,  les  Alamans.  can- 
tonnés depuis  longtemps  le  long  du  Rhin,  passèrent 
le  fleuve  et  tombèrent  sur  les  Ripuaires.  Clovis 
accourut  à  la  tête  des  contingents  des  tribus  fran- 
ques  et  livra  bataille  aux  envahisseurs,  à  Tolbiac, 
près  de  Cologne.  Suivant  la  légende  accréditée,  les 
Francs  étaient  près  d'être  vaincus,  lorsque  Clovis 
invoqua  le  Dieu  de  Clotilde,  lui  promettant,  s'il  le 
secourait,  de  recevoir  le  baptême.  Ralliant  ses 
guerriers,  il  reprit  l'avantage  un  instant  perdu, 
enfonça  les  Alamans,  les  poursuivit  jusqu'en  Souabe, 
et  leur  fit  reconnaître  sa  suprématie.  Peut-être  la 
conversion  de  Clovis  était-elle  décidée  avant  la 
campagne  de  Tolbiac  ;  peut-être  attendait-il  qu'une 
grande  victoire  vînt  lui  donner  le  prestige  dont  il 
avait  besoin  pour  continuer  d'imposer  aux  Francs. 
Peut-être  aussi,  comme  le  raconte  le  chroniqueur 
Frédégaire,  Clovis  encore  hésitant  avait-il  promis 
à  Clotilde  de  se  faire  baptiser  s'il  était  victorieux, 
voulant  pour  ainsi  dire  éprouver,  par  une  sorte 
de  superstition  digne  d'un  barbare,  la  puissance 
du  Dieu  nouveau,  et  jouant  sa  foi  sur  le  sort  d'une 
bataille. 

Quoi  qu'il  en  soit,  au  retour  de  sa  campagne, 
Clovis,  après  une  instruction  très  sommaire,  se 
convertit  au  christianisme. 

Baptême  de  Clovis.  —  Les  écrivains  du  temps 
nous  ont  raconté  les  incidents  de  cette  conversion. 
Les  pompes  de  l'Église,  les  parfums,  les  lumières, 
les  chants,  produisaient  sur  l'imagination  du  bar- 
bare une  naïve  et  profonde  impression.  «  Sommes- 
nous  ici  dans  le  vestibule  du  ciel?  »  demandait-il 
en  entrant  dans  l'église  de  Reims,  splendidement 
décorée  et  illuminée  pour  la  circonstance.  Saint 
Rémi  en  personne  lui  donna  le  baptême.  «  Courbe 
la  tête,  fier  Sicambre,  adore  ce  que  tu  as  brûlé  et 
brûle  ce  que  tu  as  adoré.  »  Telles  sont  les  paroles 
que  l'on  prête  à  l'archevêque.  Clovis  écouta  doci- 
lement ces  conseils. 

Un  certain  nombre  de  guerriers  francs,  3000  en- 
viron, suivirent  l'exemple  donné  par  leur  chef. 
D'autres  furent  plus  rétifs.  Les  mécontents  se  reti- 
rèrent auprès  de  Ragnachaire,  roide  Cambrai.  Mais 
ces  défections  partielles  furent  amplement  com- 
pensées par  les  témoignages  d'amitié  que  donnè- 
rent à  Clovis  les  principaux  personnages  du  catho- 
licisme. L'évêque  de  Rome,  Anastase,  lui  écrivait  : 
«  Le  siège  apostolique  se  réjouit  de  ce  que  Dieu  a 
pourvu  au  salut  de  l'Eglise  en  élevant  un  si  grand 
prince  pour  la  protéger,  »  L'évoque  métropolitam 


de  Vienne,  Avitus,  qui  possédait  dans  l'est  de  la 
Gaule  la  même  influence  que  Rémi  daus  le  nord, 
tenait  un  langage  plus  significatif  encore  :  «  Ta 
victoire  est  notre  victoire  ;  désormais  où  tu  combats, 
nous  triomphons.»  Le  pacte  d'alliance  longuement 
préparé  entre  le  roi  des  Francs  et  le  clergé  catho- 
lique était  enfin  signé.  Comme  pour  montrer  que 
ce  n'étaient  pas  là  de  vaines  paroles,  les  cites 
dites  armoricaines,  qui  s'étendaient  dans  la  Nor- 
mandie et  la  Bretagne  actuelles  et  sur  les  bords  de 
la  Loire,  s'unirent  par  des  traités  à  Clovis.  Les  der- 
nières troupes  régulières  organisées  à  la  romaine 
entrèrent  à  son  service.  Elles  conservaient  encore 
cinquante  années  plus  tard  leur  costume  et  leur 
armement  distincts. 

Gwn-e  contre  les  Burgundes.  —  Clovis  et  lea 
évêques  avaient  des  ennemis  communs  dans  le» 
Wisigoths  et  les  Burgundes,  dont  la  puissance  em- 
pêchait Clovis  d'établir  l'unité  politique,  dont 
î'arianisme  empêchait  l'Eglise  d'établir  l'unité  reli» 
gieuse  dans  les  Gaules.  Le  roi  des  Francs  eût 
attaqué  immédiatement  les  'Wisigoths,  s'il  n'eût 
écouté  que  ses  convoitises  et  les  appels  passionnés 
que  lui  adressait  le  clergé  du  Midi.  Mais  derrière 
l'incapable  Alaric  II  il  y  avait  le  redoutable  Théo- 
doric,  roi  des  Ostrogoths  d'Italie,  dont  Alaric  avait 
épousé  la  fille.  Clovis  marcha  donc  d"abord  contre 
les  Burgundes,  que  désignait  à  ses  coups  la  haine 
toujours  ardente  de  sa  femme  Clotilde. 

Comme  pour  mieux  donner  à  cette  guerre  le 
caractère  d'une  expédition  religieuse,  les  évêques 
de  l'est  la  firent  précéder  d'un  suprême  avertisse- 
ment donné  au  roi  burgunde  Gondebaud.  Dan» 
une  conférence  tenue  à  Lyon,  ils  le  sommèrent  de 
se  convertir  au  catholicisme.  Gondebaud  refusa; 
ils  l'abandonnèrent  aux  armes  des  Francs.  La  ba- 
taille décisive  eut  lieu  sur  les  bords  de  la  rivière 
d'Ouche,  non  loin  de  Dijon.  On  en  était  déjà  venu 
aux  mains,  quand  tout  à  coup  le  frère  de  Gonde- 
baud, Godegisèle,  passa  à  l'ennemi  avec  ses  trou- 
pes. Gondebaud  vaincu  s'enfuit  le  long  du  Rhône 
et  alla  s'enfermer  dans  Avignon.  Clovis  commen- 
çait le  siège  de  cette  place,  lorsqu'on  lui  proposa 
d'entrer  en  accommodement.  Gondebaud  céda 
prudemment  devant  l'orage.  Il  accorda  tout  ce 
qu'on  lui  demanda  :  les  Francs  eurent  le  pays  de 
Langres  et  la  promesse  d'un  tribut;  les  Ostro- 
goths, leurs  alliés  dans  cette  guerre,  gardèrent  la 
Provence  marseillaise  qu'ils  avaient  conquise  ;  Go- 
degisèle resta  maître  de  tout  le  territoire  compris 
entre  l'Isère  et  la  Durance  (5oO).  Mais  les  Francs 
s'étaient  à  peine  éloignés,  que  Gondebaud  repre- 
nait les  armes,  franchissait  l'Isère  et  massacrait 
son  frère  Godegisèle,  fait  prisonnier  dans  Vienne. 
Instruit  par  ses  revers,  Gondebaud  chercha  à  se 
concilier  les  populations  et  surtout  le  clergé.  Il 
promit  aux  Gallo-Romains  une  législation  plus 
douce  et  plus  respectueuse  de  leurs  droits.  Il  au- 
torisa son  fils  Sigismond  à  se  faire  catholique,  et 
laissa  entrevoir  aux  évêques  la  perspective  de  sa 
propre  conversion.  Cette  politique  habile  le  pré- 
serva d'une  nouvelle  invasion  franque  et  différa  de 
quelques  années  la  ruine  de  la  puissance  bur- 
gunde. 

Guer7'e  contre  les  Wisigoths.  —  Clovis  s'était 
contenté  d'humilier  et  d'affaiblir  les  Burgundes.  Il 
traita  plus  rudement  les  Wisigoths.  Ces  derniers 
d'ailleurs  étaient  particulièrement  odieux  au  clergé 
catholique.  A  chaque  instant  les  conspirations  en- 
gendraient des  rigueurs  et  les  rigueurs  des  révol- 
tes. L'évoque  de  Tours  était  exilé,  l'évêque  de 
Rodez  se  réfugiait  dans  les  montagnes  de  l'Auver- 
gne, l'évêque  de  Béarn  était  tué  les  armes  à  la 
main  en  dirigeant  une  insurrection  prématurée. 
Clovis  se  décida  enfin  à  obéir  aux  instances  de 
lEglise  et  aux  suggestions  de  sa  propre  ambition. 
Il  convoqua  le  mal  (assemblée  militaire),  et  là, 
s'adressant  à  ses  soldats  :  «  Je  vois  avec  grande 


GLOYIS  —  «2  — 


GODES 


suis  resté  comme  un  voyageur  parmi  des  étrangers, 
n'ayant  pas  de  parents  qui  puissent  me  secourir 
si  l'adversité  venait  !  »  —  a  II  parlait  ainsi  par  ruse, 
ajoute  naïvement  Grégoire  de  Tours,  et  pour  dé- 
couvrir s'il  avait  encore  quelque  parent,  afin  de 
le  faire  tuer. 

«  Toutes  ces  choses  s'étant  passées  ainsi,  Clovis 
mourut  à  Paris,  où  il  fut  enterré  dans  la  basilique 
des  Saints-Apùtres,  qu'il  avait  fait  lui-même  cons- 
truire avec  la  reine  Clotilde  (581).  »  Barbare,  il 
avait  compris  les  avantages  d'une  alliance  avec 
l'Église.  Il  la  servit  et  fut  servi  par  elle.  Comme 
autrefois  Constantin,  il  fit  de  la  religion  un  instru- 
ment de  pouvoir,  mais  comme  lui  aussi  il  ne  se 
soumit  pas  lui-même  dans  sa  conduite  à  la  nou- 
velle loi  morale  qu'il  venait  d'admettre,  et  il  con- 
serva du  barbare  la  brutalité  et  la  perfidie. 

[Maurice  Wahl.] 
CODES.  —  Législation  usuelle,  VI-X.  — Histo- 
rique. —  Le  mot  Code  a  été  emprunté  par  la  lé- 
gislation moderne  au  droit  romain.  En  droit 
romain  ce  nom  fut  donné  aux  recueils  des  con- 
stitutions et  des  rescrits  des  empereurs.  Les  plus 
importants  de  ces  recueils  sont  :  le  Code  Théodo- 
sien  publié  en  43  par  Théodose  le  Jeune,  et  com- 
prenant les  constitutions  des  empereurs  chrétiens 
depuis  l'an  312,  c'est-à-dire  depuis  la  septième 
année  du  règne  de  Constantin  ;  le  Code  de  Justi- 
nien,  rédigé  par  ordre  de  cet  empereur,  et  con- 
tenant les  constitutions  promulguées  par  lui  et  par 
ses  prédécesseurs  {530-ô:U).  Sous  l'ancienne  mo- 
narchie française,  les  jurisconsultes  ont  appliqué 
cette  même  dénomination  à  des  ordonnances  ou  à 
des  recueils  d'ordonnances  des  rois  de  France  ; 
c'est  ainsi  qu'on  a  appelé  Code  Michau  la  grande 
ordonnance  de  lG'2'-\  rédigée  par  le  chancelier  Mi- 
chel Marillac,  et  qui  touchait  à  presque  toutes  les 
matières  du  droit,  droit  civil,  droit  commercial, 
droit  criminel,  droit  ecclésiastique  ;  Code  Louis, 
l'ensemble  des  ordonnances  du  règne  de  Louis  XIV  ; 
Code  ^'oir,  l'ordonnance  de  IG85,  relative  au  ré- 
gime, à  la  police  et  au  commerce  des  nègres  dans 
les  colonies  françaises.  Dans  le  langage  moderne, 
le  mot  Code  désigne  un  ensemble  de  lois  réunies 
en  un  seul  corps  et  statuant  dune  manière  com- 
plète sur  une  ou  plusieurs  matières  du  droit. 

2.  Avanf/ifjiiS  de  la  codification.  —  La  rédaction 
des  Codes  actuels,  qui  forment   la  base  principale 
de  notre  législation,  a  constitué  un  progrès  consi- 
dérable. Les  prescriptions  législatives,  réunies  en  un 
Des  trois   peuples  barbares  qui   se  disputaient,  |  seul  corps  et  dans  un  ordre  simple,  ont  acquis  une 
en  481,  la  domination  de  la  Gaule,  les  Burgundes  |  précision  et  une  netteté  qui  en  rendent  l'étude  et 


douleur,  s'écria-t-il,  que  ces  ariens  possèdent  une 
partie  des  Gaules.  Marchons  contre  eux,  et,  avec 
l'aide  de  Dieu,  emparons-nous  de  leur  terre,  car 
elle  est  bonne.  »  Le  seul  motif  religieux  eût  sans 
doute  touché  médiocrement  les  guerriers  francs, 
mais  l'appât  d'une  riche  conquête  les  décida.  Ils 
répondirent  par  des  acclamations  bruyantes,  et, 
quelques  jours  après,  Clovis,  renforcé  par  des  con- 
tingents ripuaires  et  bon  nombre  de  Gallo-Roraains, 
franchissait  la  Loire  et  pénétrait  dans  le  pays  wi- 
«igoth. 

En  traversant  la  Touraine,  il  faisait  respecter 
scrupuleusement  les  terres  de  saint  Martin.  Le 
<;oncours  empressé  de  l'Église,  des  miracles  écla- 
tant en  sa  faveur,  le  récompensèrent.  La  tradition 
enregistre  le  passage  de  la  Vienne  et  le  gué  indi- 
qué par  une  biche  de  taille  gigantesque,  le  globe 
de  feu  apparaissant  au  faîte  de  l'église  Saint-Hi- 
laire  de  Poitiers  et  guidant  dans  la  nuit  la  marche 
de  l'armée  franque.  Si  l'on  traduit  en  faits  positifs 
ces  récits  légendaires,  on  y  voit  que  les  avis,  les 
signaux,  les  renseignements  de  toute  sorte  ne 
manquèrent  pas  h  Clovis.  Trahis  de  tous  côtés, 
menacés  par  une  explosion  de  la  haine  qui  gron- 
dait partout  contre  eux,  les  Wisigoths  déconcertés 
reculaient  devant  l'invasion.  Clovis,  en  se  portant 
sur  le  Clain  et  en  coupant  ainsi  leurs  communica- 
tions, les  obligea  à  livrer  bataille.  Dans  les  plaines 
de  Veuille,  Alaric  II  fut  vaincu  et  tué. 

Aussitôt  l'armée  franque  se  répand  sur  le  terri- 
toire wisigoth  et  déborde  de  la  vallée  de  la  Loire 
dans  celle  de  la  Garonne.  Clovis  lui-même  soumet 
cette  partie  du  pays,  pendant  que  son  fils  Thierry 
traverse  la  région  montagneuse  du  centre  et  dé- 
bouche dans  la  vallée  du  Rhône.  Mais  les  Wisi- 
goths, incapables  de  tenir  en  rase  campagne,  es- 
sayèrent de  sauver  les  débris  de  leur  puissance 
en  combattant  derrière  des  remparts.  Les  francs 
étaient  peu  experts  dans  l'art  de  faire  les  sièges. 
Clovis  fut  repoussé  devant  Carcassonne.  Son  fils 
ne  put  venir  à  bout  de  prendre  Arles  :  une  armée 
d'Ostrogoihs  ,  conduite  par  l'excellent  général 
Ibbas,  accourut  d'Italie  et  lui  fit  éprouver  une  san- 
glante défaite.  Théodoric  le  Grand  se  décidait  à 
intervenir  en  faveur  de  son  petit-fils,  héritier  du 
malheureux  Alaric  II.  Clovis,  averti  par  ces  échecs, 
traita  avec  Théodoric  et  laissa  aux  \Msigoths  le 
pays  appelé  Première  Narbonnaise.  Le  reste  de  l'an- 
cien territoire  d' Alaric  II  fut  organisé  et  confié  à  des 
comtes  francs. 


avaient  perdu  tout  prestige  et  étaient  tributaires, 
les  Wisigoths  étaient  presque  rejetés  de  l'autre 
côté  des  Pyrénées,  les  Francs  l'emportaient  déci- 
dément. Mais  les  vainqueurs  restaient  divisés,  et 
Clovis,  malgré  l'ascendant  que  lui  avaient  procuré 
ses  succès,  n'était  que  le  chef  des  Saliens  de 
Tournai.  Il  voulut  commander  à  toute  la  nation  et 
rétablir  amsi  à  son  profit  l'unité  politique  de  la 
Gaule.  Les  rois  francs,  presque  tous  ses  parents, 
étaient  autant  d'obstacles  à  ses  projets.  Il  se  dé- 
barrassa de  tous  successivement  par  un  mélange 
de  ruse  et  de  violence  qui  montre  bien  qu'en  se 
convertissant  au  christianisme,  il  ne  s'était  pas  i 
converti  à  la  civilisation.  A  Cologne,  il  fait  tuer 
le  père  par  le  fils,  le  fils  par  ses  envoyés.  A  Cam- 
brai, il  se  fait  livrer  Ragnachaire  par  les  leudes, 
qu'il  triche  ensuite  sur  la  récompense  promise. 
Chararic,  roi  de  Thérouanne,  est  fait  prisonnier 
avec  son  fils.  Il  les  fait  tondre  et  ordonner  prêtres. 
Le  jeune  prince  s'indigne  et  menace:  «Les  bran- 
ches ont  été  coupées  d'un  arbre  vert  et  vivant,  il 


l'application  faciles.  Il  ne  faudrait  pas  croire  ce- 
pendant que  cette  codification  soit  une  oeuvre 
complète  ;  la  législation  de  notre  pays  se  compose, 
outre  les  Codes,  d'un  nombre  de  lois  très  consi- 
dérable ;  il  est  toute  une  partie  du  droit  fort  im- 
portante, le  droit  administratif,  qui  n'a  jamais  été 
codifiée,  et  dont  il  faut  chercher  les  éléments  dans 
des  lois  datant  de  diverses  époques,  éparses  dans 
les  recueils  officiels. 

3.  Code  civil;  sa  rédaction.  —  Le' premier  en 
date  de  nos  Codes  modernes  et  le  plus  important 
est  le  Code  civil,  qui  traite  des  principales  matiè- 
res du  droit  privé  :  l'état  des  personnes,  les  biens 
et  la  propriété, les  différentes  manières  d'acquérir,Ies 
obligations,  et  les  diverses  espèces  de  contrats.  Le 
Code  civil  a  réalisé  en  France  l'unité  de  législation 
vers  laquelle  depuis  le  xv^  siècle  les  plus  grands 
esprits  avaient  aspiré,  et  que  les  ordonnances  des 
rois  depuis  François  l"  avaient  vainement  tenté 
de  réaliser.  La  persistance  du  droit  romain  dans 
certaines  parties  de  la  France,  la  diversité  des  cou- 


ne  séchera  point  et  en  poussera  rapidement  de  i  tûmes,  les  résistances  des  parlements,  créaient 
nouvelles.  »  Clovis,  instruit  de  ces  propos,  se  dé-  |  un  obstacle  absolu  à  l'unité  législative.  Lorsque 
barrasse  de  toute  inquiétude  et  les  met  à  mort  l'Assemblée  constituante  eut  définitivement  établi 
tous  les  deux.  Ensuite  il  se  répand  en  hypocri-  |  l'unité  politique,  il  devint  possible  de  donner  à  la 
tes  protestations  de  regret  :  «  Malheur  à  moi  qui  .  France  une  législation  uniforme.  La  Constitution 


CODES 


—  433  — 


COLEOPTERES 


de  1791  avait,  par  un  article  spécial,  décidé  «  qu'il 
serait  *ait  un  Code  de  lois  civiles  communes  à  tout 
le  royaume  ».  En  i793,  la  Convention  posa  les  bases 
du  code  civil  ;  au  milieu  de  la  plus  efifroyable  crise 
intérieure  et  des  périls  de  l'invasion  étrangère, 
elle  consacra  soixante  séances  à  discuter  le  rapport 
que  lui  avait  présenté  Cambacérès;  et  trouvant 
que  le  projet  élaboré  par  ce  légiste  sentait  trop 
«  l'homme  du  palais,  »  elle  le  renvoya  à  un  comité 
de  philosophes.  Les  événements  politiques  qui 
suivirent  détournèrent  les  esprits  de  cette  grande 
œuvre.  Mais  l'idée  fut  reprise  sous  le  Consulat,  et 
un  arrêté  des  consuls  du  24  thermidor  an  viii  confia 
le  soin  de  préparer  un  projet  de  Code  civil  à  une 
commission  composée  de  Tronchet,  Bigot  de  Préa- 
meneu,  Portahs  et  Malleville.  Après  que  le  travail 
de  la  commission  eut  été  soumis  aux  observations 
du  tribunal  de  cassation  et  des  tribunaux  d'appel, 
les  divers  projets  de  lois  furent,  conformément  au 
mécanisme  législatif  de  cette  époque,  discutés 
par  le  Conseil  d"État  et  le  Tribunal,  puis  successi- 
vement votés  par  le  Corps  législatif.  Ces  lois,  au 
nombrb  de  trente-six,  ont  été  réunies  en  un  seul 
corps  par  une  loi  du  30  ventôse  an  xii  (31  mars 
1804}  sous  le  nom  de  Code  civil  des  Français.  Le 
Code  civil  a  pris  en  1807  et  en  1852  le  nom  de 
Code  Napoléon  ;  depuis  1870  on  est  revenu  à  la 
dénomination  originaire  de  Code  civil. 

4.  Division  du  Code  civil  ;  moiHfications  qui  y 
ont  été  apportées.  —  Le  Code  civil  est  divisé  en 
trois  livres  traitant,  le  premier,  des  personnes;  le 
second,  des  biens;  le  troisième,  des  différentes 
manières  d'acquérir  la  propriété,  des  obligations  et 
des  contrats.  Chaque  livre  est  divisé  en  un  certain 
nombre  de  titres,  les  titres  en  chapitres,  les  cha- 
pitres en  sections  ;  enfin  toutes  les  dispositions  du 
Gode  civil  forment  une  seule  série  d'articles,  au 
nombre  de  2281.  Cette  division  par  articles  rend 
les  recherches  et  les  indications  simples  et  faciles. 
Le  Code  civil  est  considéré  avec  raison  comme  le 
monument  le  plus  complet  et  le  plus  parfait  de 
notre  législation  ;  aussi  les  modifications  qui  y  ont 
été  apportées  sont-elles  peu  nombreuses  et  rela- 
tivement peu  importantes.  Nous  citerons  parmi 
les  lois  qui  ont  introduit  certains  changements  dans 
les  dispositions  du  Code  civil  :  la  loi  du  8  mai  1816 
qui  a  aboli  le  divorce;  la  loi  du  14  juillet  1819,  qui 
autorise  les  étrangers  h  succéder  en  France  ;  la  loi 
du  16  avril  1832,  qui  permet  au  chef  de  l'État  d"ac- 
cordev  des  dispenses  pour  le  mariage  entre  beau- 
frère  et  belle-sœur  ;  la  loi  du  31  mai  1854,  aboli- 
tive  do  la  mort  civile. 

h.  Code  de  procédure.  —  La  rédaction  du  Code 
civil  a  été  suivie  de  la  promulgation  d'autres 
codes,  dont  nous  devons  maintenant  parler.  Le 
Code  de  procédure  civile  date  de  1806;  il  règle 
les  formes  à  suivre  pour  les  instances  devant  les 
juridictions  civiles  :  justices  de  paix,  tribunaux 
de  première  instance,  tribunaux  de  commerce, 
cours  d'appel  ;  il  détermine  et  réglemente  les 
voies  d'exécution,  saisie  des  meubles  et  des  im- 
meubles, saisie-arrêt,  et  'e  mode  de  distribution 
des  deniers  entre  les  créanciers.  Le  Code  de 
procédure  a  été  l'objet  de  modifications  beaucoup 
dIus  considérables  que  le  Code  civil  :  toute  la  par- 
tie relative  aux  partages  et  aux  ventes  judiciaires, 
k  la  saisie  immobilière  et  à  la  distribution  du  prix 
des  immeubles  entre  les  créanciers,  a  été  complè- 
tement remaniée  par  les  lois  du  2  juin  1841  et 
du  21  mai  1858. 

6.  Code  de  commerce.  —  Le  Code  de  commerce 
a  été  mis  en  vigueur  en  1808;  il  réglemente  les 
actes  qualifiés  actes  de  commerce,  traite  des  obli- 
gations particulières  aux  personnes  qui  font  du 
commerce  leur  profession  habituelle,  des  rapports 
entre  les  commerçants  ;  il  organise  la  juridiction 
spéciale  des  tribunaux  de  commerce.  —  L'imper- 
fection de  certaines  dispositions  et  les  progrès  du 
2^  Partie. 


commerce  et  de  l'industrie,  les  nécessités  nou- 
velles qui  en  ont  été  la  conséquence,  ont  amené  le 
législateur  à  remanier  certaines  parties  du  Code 
de  commerce.  La  matière  des  faillites  a  été  com- 
plètement refondue  par  la  loi  du  28  mai  1838  ;  les 
sociétés  par  actions,  qui  depuis  la  promulgation 
du  Code  de  commerce  ont  pris  un  grand  déve- 
loppement, ont  été  réglementées  par  plusieurs  lois, 
dont  la  dernière  porte  la  date  du  24  juillet  1867. 

7.  Code  péîial  ;  Code  d'instruction  criminelle.  — 
Le  Code  civil,  le  Code  de  procédure  civile  et  le 
Code  de  commerce  traitent  des  matières  du  droit 
privé;  le  Code  pénal  et  le  Code  d'instruction  cri- 
minelle constituent  la  plus  grande  partie  de  la 
législation  pénale  :  le  premier  de  ces  codes  énu- 
mère  et  définit  les  faits  punissables,  crimes,  délit» 
ou  contraventions,  et  détermine  les  peines  qui  doi- 
vent leur  être  appliquées;  le  second  traite  de  la 
procédure  à  suivre  devant  les  diverses  juridictions 
pénales,  tribunaux  de  simple  police,  tribunaux 
correctionnels,  cours  d'assises.  Le  Code  pénal  et 
le  Code  d'instruction  criminelle  ont  été  l'un  et 
l'autre  mis  en  vigueur  en  1811.  —  Le  Code  pénal 
a  été  profondément  modifié  par  une  loi  du  18  aoiit 
1832;  cette  loi  a  adouci  un  grand  nombre  de  dis- 
positions jugées  trop  rigoureuses,  et,  en  introdui- 
sant d'une  manière  générale  la  faculté  pour  le 
jury  ou  le  juge  correctionnel  d'admettre  des  cir- 
constances atténuantes,  elle  a  permis  d'abaisser 
notablement  la  pénalité.  Une  autre  loi  du  13  mai 
1863  a  également  abrogé  ou  remplacé  un  grand 
nombre  de  dispositions  du  Code  pénal.  Le  Code 
d'instruction  criminelle  a  été  aussi  l'objet  de 
réformes  importantes  ;  citons  en  particulier  la 
loi  du  le'  juin  l863  sur  l'instruction  des  flagrants 
délits  devant  les  tribunaux  correctionnels,  la  loi 
du  14  juillet  18G5  qui  a  adouci  la  rigueur  de  la 
détention  préventive  en  facilitant  la  liberté  pro- 
visoire, la  loi  du  21  novembre  1872  sur  le  jury. 

8.  Code  forestier.  —  Les  bois  appartenant  à 
l'Etat,  aux  communes  et  aux  établissements  publics 
sont  soumis  à  un  régime  particulier.  La  législa- 
tion spéciale  applicable  à  ces  bois  se  trouve  dans 
le  Code  forestier,  qui  a  été  promulgué  le  31  juillet 
1827.  —  Le  Code  forestier  est  le  dernier  des 
recueils  législatifs  auquel  ait  été  donnée  officielle- 
ment la  dénomination  de  code.    [Delacourtie-l 

COEUR.  —  V.  Circulation. 

COLÉOPTÈRES  (Étym.  :  de  deux  mots  grecs 
signifiant  ailes  à  étui,  parce  que  leurs  ailes  infé- 
rieures membraneuses  sont  protégées  par  deux  ailes 
supérieures  appelées  élytres,  qui  forment  comme 
une  gaine  cornée) .  —  Zoologie,XXlII.  —  Ordre.de  la 
classe  des  insectes. 

Les  coléoptères  sont  les  insectes  les  mieux  connus, 
en  raison  surtout  de  leur  facile  conservation  en  col- 
lections, ce  qui  fait  qu'un  nombre  considérable 
d'amateurs  s'en  occupent.  Nous  leur  consacrons  à 
ce  titre,  ainsi  qu'aux  lépidoptères  ou  papillons  *,  un 
article  spécial. 

On  trouvera  au  mot  Insectes  l'énumération  des 
caractères  généraux  de  cette  classe  d'êtres  orgauisés, 
ce  qui  nous  dispense  d'y  revenir  ici. 

Les  coléoptères  ont  des  métamorpnoses  com- 
plètes ;  entre  les  deux  états  actifs  de  larve  et  d'a- 
duite  se  trouve  un  état  de  repos  et  d'abstinence 
de  nourriture,  celui  de  nymphe,  à  peau  assez  dure 
enveloppant  les  organes  de  l'adulte  bien  visibles, 
les  pièces  buccales,  les  antennes  et  les  pattes  re- 
pliées, les  ailes  en  moignons,  entourées  de  four- 
reaux. 

Les  mœurs  des  coléoptères  sont  des  plus  variées. 
Les  uns  volent  sur  les  fleurs  et  sur  les  feuilles, 
d'autres  nagent  au  sein  des  eaux  qui  sont  leur 
principale  station,  et  même  quelques  espèces  vi- 
vent aux  bords  de  la  mer,  dans  les  fissures  des  ro- 
chers, et  sont  submergées  par  le  flot  à  marée 
haute.  Beaucoup  de  coléoptères  ne   peuvent  que 

28 


COLEOPTERES 


—  434  — 


COLÉOPTÈRES 


courir  sur  le  sol,  souvent  privés  d'ailes,  ayant 
même  parfois  les  élytres  soudées  ;  il  en  est  qui  se 
cachent  sous  les  pierres,  dans  les  mousses,  d'au- 
tres qui  parcourent  les  sables  à  l'ardeur  du  soleil. 
De  nombreuses  espèces  ont  des  larves  se  nourris- 
sant de  racines  ou  perforant  de  leurs  galeries 
rintcrieur  des  tiges  des  végétaux  ;  beaucoup  de 
coléoptères,  à  l'état  de  larves  ou  d'adultes,  man- 
gent les  feuilles  des  plantes,  et  certains  le  pollen 
des  fleurs.  Les  détritus  animaux  ou  végétaux  de 
toute  sorte,  les  cadavres  à  divers  degrés  de  décom- 
position, les  matières  stercoraires,  les  fumiers, 
servent  d'aliments  à  un  grand  nombre  d'espèces, 
utiles  agents  de  la  salubrité  atmosphérique  ; 
d'autres  sont  malheureusement  de  grands  destruc- 
teurs des  matières  animales  ou  végétales  sèches, 
ils  causent  de  graves  préjudices  à  nos  provisions,  à 
nos  vêtements,  aux  bois  de  construction.  Quelques 
coléoptères  habitent  principalement  le  terreau  et 
le  sol  arable,  et  il  en  est,  objets  de  la  curiosité 
ardente  des  collectionneurs,  qui  ont  pour  séjour 
exclusif  l'horreur  de  la  profonde  nuit  des  cavernes, 
ou  bien  qui  habitent,  soit  en  ennemis,  soit  à  titre 
de  commensaux  affectionnés,  les  fourmilières,  les 
termitières,  les  guêpiers,  les  nids  de  divers  insec- 
tes creusés  dans  le  bois  ou  dans  la  terre. 

Nous  dirons,  pour  la  préparation  des  petites 
collections  scolaires,  que  les  coléoptères  récoltés 
se  placent  dans  des  flacons  remplis  de  rognures 
de  papier  ou  de  grosse  sciure  de  bois  de  sapin, 
imprégnées  de  quelques  gouttes  d'essence  de  té- 
rébenthine. On  doit  les  piquer  tous  à  la  même 
hauteur,  au  milieu  de  la  partie  supérieure  de  l'é- 
lytre  droite  ;  les  trop  minimes  espèces  se  collent 
à  la  gomme  arabique  un  peu  sucrée  sur  un  petit 
rectangle  de  carton  ou  sur  une  paillette  de  mica, 
qu'on  pique  à  l'épingle  dans  la  collection.  Les  très- 
grands  seuls  se  mettent  à  l'étaloir  pour  ranger 
contre  le  corps  les  antennes  et  les  pattes.  Il  ne 
faut  placer  les  coléoptères  en  boîte  fermée  qu'a- 
près leur  complète  dessiccation  à  l'air. 

Classification,  indication  des  espèces  de  France 
les  plus  importantes.  —  La  méthode  tarsale,  de 
Geoffroy,  est  la  plus  commode  pour  une  étude 
très  élémentaire  des  coléoptères ,  bien  qu'elle 
offre,  dans  diverses  tribus,  des  exceptions  de  dé- 
tail. Selon  qu'ils  ont  à  tous  les  tarses  cinq,  quatre 
ou  trois  articles,  on  les  nomme  pentamères,  tétra- 
m.ère-<  ettrimères;  ils  sonl  dits  hétéromères,  quand 
ils  offrent  cinq  articles  aux  tarses  antérieurs  et 
intermédiaires  et  quatre  seulement  aux  posté- 
rieurs. 

1"  Pentamères.  —  Les  trois  premières  tribus 
qui  suivent  ont  six  palpes,  deux  labiaux,  quatre 
maxillaires ,  l'interne  de 
ceux-ci  étant  le  lobe  ex- 
terne de  la  mâchoire  modi- 
fié et  divisé  en  articles. 

Cicindéliens.  —  Formes 
élancées  et  longues  pattes, 
un  crochet  articulé  h  l'ex- 
trémité de  la  mâchoire  ; 
odeur  de  tubéreuse  ou  de 
rose  ;  volent  en  général  au 
soleil,  mais  à  peu  de  dis- 
tance; carnassiers  d'insectes 
vivants,  ainsi  que  leurs  lar- 
ves, qui  se  tiennent  à  laf- 
fût  dans  des  trous  verticaux 
des  terrains  sablonneux. 
Espèces  :  Cicindela  ca>n- 
pestris, werte  h  taches  blan- 
ches; C.  hybrida.  bronzée 
à  taches  d'un  blanc  jaunâtre  ;  C.  gennanica,  pe- 
tite espèce  verte,  ne  volant  pas,  courant  dans  les 
chaumes. 

Carabi''ns.  —  Les  carabes,  à  corselet  en  cœur, 
souvent  sans  ailes,  dégageant  de  l'acide  butyrique 


C.icindèle  champêtre. 


par  l'anus,  sont  exclusivement  coureurs  et  chas- 
sent, ainsi  que  leurs  larves  cuirassées,  à  la  proie 
vivante;  à  introduire  dans  les  jardins  bien  clos. 
Espèces:  Carabus auratus  (la  jardinière),  vert  doré 


Carabe  doré  [la  Jardinière). 


Larve  de  Carabe. 


ou  bronzé,  à  trois  fortes  côtes  par  élytre  ;  C.  mo- 
nilis,  bronzé,  noir  ou  violet,  avec  trois  rangées  de 
granulations  par  élytre  ;  C .  purpurascens,  fort  al- 
longé, noir,  pourpré  sur  les  bords.  Dans  un  genre 
très  voisin  signalons  le  gros  Procrusies  coriaceus, 
noir  et  chagriné,  grand  destructeur  de  colimaçons 
et  de  limaces,  sous  les  fagots,  au  pied  des  haies, 
dans  les  vignes.  —  Les  calosomes  ont  des  ailes  sous 
les  élytres  élargies,  grimpent  aux  arbres  le  soir  et 
détruisent  les  chenilles,  notamment  les  proces- 
sionnaires dans  leurs  nids  soyeux.  Espèces:  Calo- 
soma  sycopha7ita,  à  tète  et  corselet  d'un  noir 
bleuâtre,  les  élytres  d'un  rouge  cuivreux  mêlé  de 
vert  ;  C.  iîiquisitor,  plus  petit  et  d'un  bronzé  bril- 
lant. —  Les  brachins  sont  de  petits  carabiens,  à 
corps  roux,  à  élytres  d'un  bleu  ardoisé,  vivant  sous 
les  pierres  et  les  débris  végétaux,  au  pied  des 
murs,  souvent  un  peu  enterrés  ;  ce  sont  les  bom- 
bardiers, répandant  parfois  la  nuit  une  faible  lueur 
phosphorescente  et  lançant  par  l'anus  une  vapeur 
acre,  avec  de  légères  explosions.  Espèces:  Bra- 
chinus  crepitans,  explodens  et  sclopeta.  —  Les 
féronies  sont  des  carnassiers  principalement  cou- 
reurs, plus  aplatis  que  les  carabes,  ce  qui  leur 
permet  de  s'introduire  à  la  recherche  de  la  proie 
par  d'étroites  fissures,  sous  les  pierres  et  les  écor- 
ces.  Une  espèce  très  répandue  et  très  utile,  privée 
d'ailes,  courant  sans  cesse  par  les  chemins  et  les 
sentiers,  est  Fcronia  vulgaris  ou  melanai'ia,  d'un 
noir  brillant,  à  élytres  striées.  —  Les  amarcs  et 
les  harpales  sont  des  carnassiers  de  faible  taille, 
attaquant  surtout  les  petites  espèces  d'insectes  qui 
sont  d'ordinaire  les  plus  nuisibles.  Citons,  dans  les 
cours,  dans  les  moindres  jardinets,  sur  les  places 
publiques,  les  Hnrpalus  ϔieus,  de  couleur  bron- 
zée verdàtre  ;  H.  ruficoniis,  noir,  à  antennes,  pal- 
pes et  pattes  jaunâtres  ;  Amara  trivialis,  d'un  doré 
étincelant. 

Dytisciens.  —  Ces  carnassiers  dits  hydrocantha- 
res.  à  pattes  aplaties  et  contournées  en  rames, 
habitent  les  eaux.  Quand  on  les  saisit  ils  répan- 
dent un  fluide  laiteux,  d'odeur  désagréable  ;  ils 
respirent  en  faisant  sortir  hors  de  l'eau  la  région 
anale,  soulevant  les  oiytres  et  englobant  une  bulle 
d'air  qui  entre  par  les  stigmates  postérieurs.  Les 
mâles  ont  les  tarses  de  devant  élargis  en  ventouses 
pour  se  crami)onner  aux  femelles.  Les  larves  et 
les  adultes  des  grandes  espèces  sont  nuisibles  au 
frai  des  poissons  et  détruisent  les  têtards  de  Ba- 
traciens, animaux  utiles.  Ex.  :  Dytiscus  margi- 
nal is. 

Tous  les  coléoptères  qui  vont  suivre  n'ont  plus 
que  quatre  palpes,  deux  maxillaires,  deux  labiaux. 
Citons,  pour  ne  pas  quitter  les  eaux  douces,  les 
gyrins  ou  tourniquets,  à  très  longues  pattes  anté- 


COLÉOPTÈRES 


—  433  —     COLÉOPTÈRES 


sieures,  laissant  suinter,  quand  on  parvient  à  les 
saisir,  un  fluide  laiteux  féiide.  Ils  se  tiennent  à  lu 
surface  de  Teau,  tournoyant  sans  cesse  avec  viva- 
cité, leurs  yeux,  divisés  en  deux,  voyant  à  la  fois 
dans  l'air  et  dans  l'eau  (  Gijrinus  nafator,  d'un 
noir  vernissé  un  peu  bleuâtre)  ;  les  hydrophiles 
ou  palpicornes,  dont  les  longs  palpes  maxillaires 
dépassent  les  antennes,  et  qui  ramassent  l'air  res- 
piratoire au  moyen  de  certains  articles  des  anten- 
nes excavés  en  godet.  Le  grand  hydrophile  brun 
{Hydrophilus  piceus)  est  un  de  nos  plus  forts  co- 
léoptères, allongé  et  ovalaire,  mangeant  souvent 
des  végétaux,  tandis  que  sa  larve,  le  ver  assassin 
de  Réaumur,  très  carnassière,  ne  vit  que  de  larves 
aquatiques  ou  de  mollusques  dont  elle  brise  la 
coquille.  Les  femelles  des  hydrophiles  filent  des 
cocons  cornés  autour  de  leurs  œufs. 

Staphylinieiis,  —  Ce  sont  des  carabiens  dégradés, 
n'ayant  plus  que  des  élytres  très  courtes,  parais- 
sant porter  une  veste.  La  plupart  vivent  dans  los 
fumiers,  les  grandes  espèces  chassent  aux  proies 
vivantes  ou  s'abattent  sur  les  charognes,  surtout 
pour  y  chercher  des  larves  de  mouches  (ainsi 
Emus  hirtus,  Creophi  us  maxillosus).  Le  staphylin 
le  plus  utile,  à  entourer  d'une  protection  efficace, 
est  celui  si  abondant  en  automne  par  les  chemins 
et  chassant  aux  chenilles  et  aux  limaçons  comme 
les  carabes,  rOcy/jMS  olens  qu'on  nomme  vulgaire- 


Staphylin  odorant  {Ocypus  olens)  dit  le  Diable. 

■ment  le  Diable,  d'un  noir  terne,  relevant  son  ab- 
domen, d'où  font  saillie  deux  vésicules  blanches  à 
odeur  d'éther  nitreux. 

Si/phiens.  —  Ce  sont 
surtout  des  carnassiers 
de  cadavres  que  leurs 
larves  larges  et  noires 
fouillent  en  tous  sens. 
Les  nécrophores  enter- 
rent avec  rapidité  les 
petits  cadavres  et  y  pon- 
dent leurs  œufs,  tels: 
Neo'ophorus  germa7iicus 
et  humator,  tous  deux 
noirs,  le  second  avec  le 
bout  en  massue  des  an- 
tennes roux;  plusieurs 
autres  espèces  sont  bi- 
garrées en  zig-zag  de  fauve  et  de  noir;  ainsi 
iV  •  vespillo.  —  Les  silphes  ou  boucliers  sont  noirs 


Nécrophore    fossoyeur. 


Silphe  lisse,  larve  et  colimaçon  dévoré. 

pour  la  plupart   et    vivent  de  cadavres,    certains, 
très  utiles,  de  proie  vivante  :  S.  Isevigata ,  de  coli- 


maçons, ainsi  que  sa  larve  ;  S.  quarirtpundata,  à 
élytres  jaunes  avec  quatre  points  noirs,  volant 
entre  les  arbres  à  la  chasse  des  chenilles  ;  S.  tho- 
I  acica,  à  corselet  roux,  à  élytres  carénées,  d'u'w_ 
noir  mat,  courant  sur  le  sol  après  les  chenilles  et 
les  limaces.  —  Les  histers  ou  escarbots  ont  un 
grand  nombre  de  petites  espèces  vivant  d'excré- 
ments et  de  détritus,  ainsi  Hister  quadrimacula- 
tus,  cadaverinus,  stercorarius,  etc. 

Dermestieiis.  —  Font  partie  des  anciens  clavicor- 
nes  de  Latreille,  à  cause  de  leurs  antennes  termi- 
nées en  massue,  très  nuisibles,  détruisant  toutes 
les  matières  animales  sèches,  comme  le  lard  et  les 
peaux,  fléaux  des  lainages,  des  pelleteries,  des 
collections.  Citons  Dermesies  lardarius,  Attagenus 


Attagène  des  pelleteries,  sa  nymphe  et  sa  larve. 

pdlio,  Anthenus  varius  ou  musœorum,  attaquant 
les  boîtes  d'insectes  dans  le  monde  entier.  Larve, 
poilues  et  très  voraces.  Employer  contre  eux  le 
sulfure  de  carbone,  la  benzine  phéniquée,  la  pou- 
dre de  pyrèthre. 

I.ucaniens.  —  Curieux  par  les  énormes  mandi- 
bmles  des  mâles.  Espèce  principale  :  Lucanus  cer- 
vus,  le  cerf-volant.  Larves  perforant  les  arbres, 
nymphe  dans  une  coque  de  débris  ligneux. 

Scarabéiens.  —  Sont  appelés  lamellicornes,  à 
cause  des  lamelles  de  leurs  antennes.  —  Scarabées 
de  terre.  Les  uns  sont  des  rouleurs  de  boules  ou 
pilulaires,  les  femelles  poussant  entre  leurs  pattes 
de  derrière  une  boulette  de  débris  stercoraires,  qui 
contient  leur  œuf,  et  l'enfouissant.  Ai  nsïAteuc'ius 
sacey,\Q  scarabée  sacré  des  Egyptiens,  uniquement 
des  plages  sableuses  de  la  Méditerranée,  et  deux  es- 
pèces du  même  genre  plus  petites,  remon  tant  jus- 
qu'au centre  de  la  France;  en  outre  lesGi/mno- 
pleurus  flagellatu^i,  pilularius,  SisyphuSySc'iœfferi, 
suivant  les  troupeaux  de  moutons,  recherchant  les 
excréments  humains.  Les  rouleurs  de  boule  man- 
quent dans  le  nord  de  la  France.  D'autres  scara- 
bées, noirs  aussi,  ne  font  pas  de  boules,  mais  vi- 
vent dans  les  crottins  et  les  bouses,  comme  les  Cop?'is 
et  Onthophagus,lB&  Aphodius,  de  petite  taille,  dis- 
persant rapidement  les  déjections  azotées  ;  les  Geo- 
trupes,  sillonnant  les  bouses  de  leurs  galeries  et 
les  enfouissant  avec  leurs  œufs,  insectes  parfois 
verts  ou  violets  en  dessous  :  G.  stercoruriuSy  ver- 


Vers  blancs  ou  larves  de  hannf-on, 

nalis,  etc.   —  Scarabées  de  feuilles  e;  Je  fleurs. 
Les  plus  nuisibles  sont  les  hannetons,  surtout  le 


COLEOPTERES 


—  430  — 


COLÉOPTÈRES 


hanneton  commun,  Me'olontha  vulgaris,  à  corse- 
let noir,  avec  ses  larves  ou  Vers  blancs,  vivant 
trois  ans,  détruisant  les  racines,  d'abord  des  plan- 
tes basses  des  jardins,  des  prairies  et  des  champs, 
puis  des  arbustes,  les  adultes  dépouillant  les  ar- 
bres de  leur  feuillage.  Le  seul  procédé  efficace  de 
diminution  du  nombre  de  cette  terrible  espèce  est 
un  hannttoiuiage  avant  la  ponte,  général  et  obli- 
gatoire. Bien  moins  nuisibles  sont  le  hanneton  du 
châtaignier,  Jf.  hippocastani,  à  corselet  brun,  et  le 
foulon,  PolyphijUa  fullo,  énorme  hanneton  marbré 
de  blanc,  de  toutes  nos  dunes,  les  Rhizolrogus,  pe- 
tits hannetons  blonds  et  poilus,  volant  le  soir  par 
mjTiados  autour  des  arbustes  et  des  haies,  dont 
leurs  larves  dévorent  les  racines.  Les  cétoines  vo- 
lent très  vivement  au  soleil,  les  élytres  demeurant 
fermées  ;  telles  sont  Cclonia  aurata  (la  cétoine  do- 


Cètoinc  dorée  volant. 

rée)  et  movio  (la  cétoine  noire'i,  très  nuisibles  dans 
l'extrême  midi  aux  abricotiers,  aux  pruniers,  aux 
poiriers,  dont  elles  font  avorter  les  fleurs  en  ron- 
geant le  pollen,  et  des  espèces  plus  petites,  Oxy- 
thyrea  stktica  et  hirtella,  nuisibles  aux  roses  et 
aux  fleurs  d'arbres  à  fruit. 

Bupj'esticns.  —  Ces  coléoptères,  nommés  ri- 
chards à  cause  de  leurs  couleurs  étincelantes,  exis- 
tant à  peine  dans  le  nord  de  la  France,  ont  des 
larves  presque  sans  pattes,  renflées  antérieurement, 
vivant  dans  les  troncs  et  les  branches  d'arbres, 
souvent  pendant  plusieurs  années.  Citons  Chalco- 
phorn  Mariana,  grande  espèce  bronzée  attaquant 
les  pins,  Lampra  rutilam  faisant  périr  les  or- 
meaux, etc. 

Elatéricîis.  —  On  appelle  ces  insectes  taupins 
ou  maréchaux,  car   ils  sautent,   en  se  retournant, 


Elatérien  sautant. 

avec  un  bruit  sec  comme  un  coup  de  marteau, 
quand  ils  sont  placés  sur  le  dos,  et  retombent  sur 
leurs  pattes.  Leur  régime  est  mixte  ;  il  en  est  de 
carnassiers  et  utiles  à  ce  titre,  d'autres  dévorant 
les  feuilles  pendant  le  jour  ;  ainsi  les  Agriotes, 
ofl'rant  des  espèces  communes  et  nuisibles,  noirà- 


Lampyre  noctiluque,    mâle 
et  femelle  (ver  luisant). 


]  cuirassées,  munies  de  pattes,  détruisent  les  raci- 
nes des  céréales  et  des  prairies,  au  poiiu  d'exiger 
parfois  une  alternance  de  culture,  et  aussi  les  ra- 
cines des  choux,  des  laitues,  etc. 

Lampi/ riens.  —  La  mollesse  des  téguments  de- 
ces  coléoptères  leur  a  valu  la  désignation  de  mala- 
codermes.  Les  lampyres  ont  des  femelles  sans  ai- 
les, ressemblant  à  leurs  larves,  pourvues  en  des- 
sous et  au  bout  de  l'abdomen  d'une  sécrétion 
phospliorescente  qui  les  fait  nommer  Vers  luisants  : 
ainsi  Lampyris  noctiluca,  de  toute  la  France  ;  L. 
splaididula,  du  midi.  11  faut  les  ramasser  dans  les 
])rés  et  sous  les  haies,  et  les  apporter  dans  les  jar- 
dins, car  ce  sont  de  grands  mangeurs  de  limaces,, 
de  colimaçons,  de  chenilles.  Il  est  bon  de  recher- 
ciior  de  même  la  gros- 
se femelle  poilue  et 
vermiforme,  non  phos- 
phorescente, du  Drilus 
flnvescens,  qui  vit  ex- 
clusivement do  coli- 
maçons. Les  mâles, 
ailés  et  volant  bien, 
viennent  d'eux-mêmes 
trouver  les  femelles. 
Les  téléphores  volent 
dans  les  buissons  e" 
les  arbres  au  prin 
temps  et  sont  à  leurs  deux  états  actifs  très  car- 
nassiers ;  les  plus  communs  sont  :  Telephorus  fuscu.'i, 
rusticus,  iivi'ius,  rufus,  melanunis,  le  plus  tardif. 
Les  malachies,  de  petite  taille  et  d'un  vert  brillant, 
ont  des  larves  qui  détruisent  les  insectes  sous  les- 
écorces;  aln&i  Malachius  œneus,bipustu/atus,  etc., 
faisant  saillir  sur  les  côtés,  quand  on  les  inquiète, 
des  caroncules  rouges,  qui  leur  ont  valu  le  nom  de- 
cocardiers. 

Clériens.  — Ce  sont  encore  des  insectes  A  larves 
carnassières,  tels  les  clairons  {Trichode^  apiarius 
et  alvearius),  à  corps  poilu  avec  bandes  rouges  ou 
jaunes  sur  fond  noir,  les  Thanasùmis  formicarius  et 
mutillarius,  d'aspect  de  fourmi,  chassant  sous  les 
écorces  ;  les  Corynetes  et  Necrobia,  dont  certaines 
espèces  vivent  dans  les  maisons  aux  dépens  des 
larves  lignivores. 

Ptiniens.  —  Par  contre  cette  tribu  renferme  de 
très  funestes  coléoptères,  les  ptines,  rongeant  des» 
matières  animales  sèches  comme  les  dermestes,  no- 
tamment le  Ptinus  fur,  vivant  dans  les  aumoires  à 
provisions,  les  greniers,  les  poulaillers,  détruisant 
les  étofl'es,  les  collections  ;  le  LiiKCxylon  navale,  des 
chênes  du  nord-est  de  la  France,  perforant  les  bois 
dans  les  chantiers  maritimes; les  anobies  ou  vrillet- 
tes,  ainsi  appelées  à  cause  des  trous  ronds,  parais- 
sant percés  à  la  vrille,où  vivent  leurs  larves  nommées 
vers  de  bois,  qui  détruisent  nos  bois  ouvrés,  meu- 
bles, charpentes,  frises  de  parquet,  boiseries,  et  ré- 
pandent des  petits  tas  de  poussière  jaune  qui  les 
décèlent.  Les  adultes  volent  au  printemps  et  s'ap- 
pellent la  nuit  par  des  coups  secs,  qui  leur  ont  valu 
le  nom  d'horloges  de  la  mort.  Les  plus  funestes  es- 
pèces des  maisons  sont  les  A7iobium  pei'tinax, 
striatum,  tessellatum  et  paniceum  ;  ce  dernier, 
outre  les  bois,  dévorant  les  livres,  les  archives,  les 
plantes  sèches,  les  pains  à  cacheter,  etc.  Il  faudrait 
passer  tous  les  bois  de  consiructiou  à  l'étuve  sèche 
à  90  degrés  pour  tuer  toutes  les  larves  des  vrillet- 
tes  et  aussi  celles  d'un  lignivore  d'une  tribu  voi- 
sine, le  Lictus  canaliculatus,  causant  souvent  de 
grands  dommages  aux  charpentes  du  chêne . 


Larve  de  l'Elatère  marin. 


très  à  puDescencc  roussâtre:  A.  segetis,  lineafus. 
striatus,  gilvellm,  sputator,  etc.  Leurs  larves  /T'cr.* 
nls  de  fer  des  Anglais)  allongées  et  cylindriques. 


2°  HÉTÉROMÈRES. 

Tcnébrionien^.  —  Les  mélasomes,  à  corps  géné- 
ralement noir,  présentent  de  nombreux  genres  des 
sols  secs  et  des  rivages,  et  ne  se  trouvent  guère  en 
France  que  dans  l'extrême  midi.  Les  blaps,  privés 
d'ailes,    dits    bétes  noires  des  caves,   se  traînent 


COLÉOPTÈRES 


437  — 


COLEOPTERES 


dans  les  caves  et  les  celliers.  Le  plus  commun  est 
le  Blaps  mortisaga,  qui  a  une  petite  utilité  en 
mangeant  les  limaces  des  caves.  Les  tcncbrions 
ont  pour  espèce  principale  le 
Tenehrio  molitor,  des  boulan- 
geries ,  dont  nous  trouvons 
souvent  les  débris  noirs  dans 
le  pain.  Sa  larve  allongée  et 
cuirassée,  munie  depa1tes,est 
le  ver  dit  de  farine,  substance 
dont  elle  se  nourrit.  On  s'en 
sert  pour  élever  les  rossignols, 
les  lézards,  etc. 

Caiithori'Hens.  —  Les  co- 
léoptères de  cette  tribu  vivent 
tous  dans  les  nids  d'hyménop- 
tères, où  ils  sont  apportés  à 
l'état  de  premières  larves  par 
les  femelles  qui  butinent  sur 
les  fleurs,  et  ils  y  subissent 
une  série  de  transformations 
compliquées  [hT/pennétamorphoses).  Les  Méloés,  à 
suintement  jaune,  faisant  enfler  les  bestiaux  qui  les 
avalent  en  raison  de  leur  principe  vésicant,  traînent 
dans  les  prairies  leur  énorme  corps  gonflé,  sans  ai- 
les, à  élytres  déhiscentes.  Le  plus  commun,  noir,  est 
le Mcloe proscarabteiis ;  le  M.  vanegafu<,  à'unhronyA 
cuivreux,  a  sa  première  larve  très  nuisible  aux 
abeilles,  les  faisant  périr  dans  la  i-age  ou  maladie 


Blaps  obtus. 


Cantharide  mâle  volant  et  CanthariJe  femelle. 

de  mai.  Les  cantharides  [Cantharis  vesicatoria) . 
d'un  beau  vert,  s'abattent  en  juin  par  essaims  sur 
les  frênes  et  les  lilas  qu'elles  dévorent,  et  s'em- 
ploient, séchées  ou  pilées,  en  raison  de  leur  caji- 
tharidine  pour  produire  des  vcsications  ;  cettp 
substance  a  une  action  irritante  sur  les  organes 
urinaires  et  peut  amener  de  graves  empoisonne- 
ments. De  même  pour  la  substance  vésicante  des 
mylabres,  ainsi  du  Mylahris  voriabitis,  noirâtre 
avec  trois  bandes  fauves,  du  midi  de  la  France. 

3°  TÉTR.\MÈRES. 

Scohjtiens.  —  Les  ravageurs  des  forêts,  passant 
aux  charansons  par  leur  peiit  rostre,  h  corps  cy- 
lindroïde,  dur,  hérissé  d'aspérités,  de  couleurs 
noirâtres  ou  ferrugineuses  ;  larves  sans  pattes, 
aveugles  et  courbées.  Les  femelles  recherchent 
les  arbres  déjà  vieux  ou  afTaiblis,  pour  que  la  sève 
n'obstrue  pas  les  galeries  de  ponte  qu'elles  creu- 
sent entre  l'ccorce  et  le  bois  et  sur  lesquelles  les 
larves  embranchent  des  galeries  transversales  qui 
vont  en  s'élargissant. 

Les  Scolijtus  attaquent  les  ormes  (S.  destnictor) 
et  les  chênes  (.''.  pygmœus,  intricatus)  ;  les  Hylesi- 
nus  le  frêne,  l'olivier,  etc. ,  les  [fijlurgiis  les  coni- 
fères [H.  piniperda),  les  Tomicus  tous  les  arbres 
{T.  bi(/e7is,  typographies,  etc.).  Le  décortiquage  et 
le   goudronnage  sont   des  moyens   peu  efficaces. 

Il  est  mieux  d'enlever  et  de  brûler  les  premiers 
arbres  atteints,  ou   de  placer  dans  les  allées  des 


arbres  abattus,  dits  arbres-pièges,  qu'on  emporte 
au  loin  quand  ils  sont  pleins  de  scolytiens.  Los 
entomophagcs    internes    (Hyménoptères)    et   les 


Ilylurge  pinipei'do,  très  grossi. 


Larve  de  Scolyte,  très 
grossie. 


agents  atmosphériques  sont  les  seuls  destructeurs 
efficaces  des  scolytiens.  Les  ormes  en  avenues,  les 
arbres  des  grandes  villes,  toujours  plus  ou  moins 
malades,  deviennent  leur  proie  aisée  ;  ils  respec- 
tent les  essences  exotiques  (robinier,  ailante)  qu'il 
est  bon  de  choisir  pour  les  plantations  urbaines, 
en  ayant  soin  d'aérer  et  d'arroser  les  racines. 

Curculio7iiens.  —  Ces  coléoptères  si  nuisibles 
sont  aussi  nommés  charansons  (telle  est  l'ortho- 
graphe adoptée  par  Geoffroy)  ;  leur  tête  est  plus 
ou  moins  prolongée  en  bec  bu  rostre,  avec  des  an- 
tennes terminées  en  massue  serrée,  ovalaire  ou 
fusiforme.  On  les  rencontre  en  général  sur  les 
plantes,  herbes  ou  arbres,  qui  ont  nourri  leurs 
larves,  parfois  enterrés  au  pied,  ou  sous  les  pier- 
res ou  sur  les  sols  sablonneux.  Une  partie  de  ces 
insectes,  dits  recticornes,  ont  les  antennes  droites. 
On  y  range  les  Bruches,  à  bec  court  et  large,  dont 
les  femelles  pondent  dans  les  jeunes  gousses  des 


Bruche  du  pois,  grossi  et  de  grandeur  naturelle^  et  pois  percé. 

légumineuses,  pois,  fèves,  lentilles,  pois  chiches 
ou  garvances,  vesces  ;  la  larve  vit  dans  la  graine 
mûre  que  l'adulte  perce  pour  sortir  d'un  trou 
rond,  et  n'attaque  pas  en  général  l'embryon,  mais 
seulement  les  cotylédons,  de  sorte  que  la  graine 
peut  encore  germer,  ce  qui  propage  l'espèce.  11 
faut  rejeter  comme  semence  les  graines  qui  flottent 
sur  l'eau.  Les  Rhyiiclntes,  ennemis  des  arbres  et 
arbustes,  nommés  lisefte,  béclie,  becmare,  bécare, 
urbec,  etc.,  roulent  les  feuilles,  ou  piquent  les 
bourgeons,  ou  coupent  à  demi  les  petites  branches, 
afin  de  diminuer  la  sève,  ou  percent  les  jeunes 
pommes  et  les  jeunes  poires.  11  faut  enlever  et 
brûler  les  parties  attaquées.  Le  genre  Apion  ren- 
ferme de  très  petits  charansons,  vivant  en  nom- 
breuses colonies  dans  les  fleurs  et  les  bourgeons, 
sur  les  feuilles  et  les  tiges,  parfois  produisant  des 
galles. 

La  grande  majorité  des  charansons  sont  fractri- 
cornes,  offrant  l'antenne  coudée  au  second  article. 
Le  premier  article  très  long  prend  alors  le  nom  de 
scape  et  se  loge  en  partie  dans  un  scrohe  ou  sillou  la- 
téral du  rostre,  le  reste  de  l'antenne  formant  le  fa- 
nicule.  Nous  citerons  seulement  les  genres  Hylobiiis 


COLÉOPTÈRES 


438  — 


COLÉOPTÈRES 


et  Pissor7es,  très  nuisibles  aux  arbres  résineux,  Poly- 
drosus  formé  de  charansons  verts  et  assez  mous, 
dangereux  pour  les  arbres  fruitiers  ;  Otioi  hynclnis. 


Charançon  du  pin,  Pissodes  nolafus. 

constitué  au  contraire  par  des  charansons  noc- 
turnes et  sans  ailes,  à  téguments  très  durs.  Il  faut 
recuoillir  les  adultes  pendant  la  nuit  et  les  tuer, 
ou  bien  les  chercher  le  jour,  cachés  au  pied  des 
arbustes  :  ainsi  0.  ligiistici,  gros  charanson  gris, 
nuisible  à  tous  les  arbres  d'espaliers  ;  0.  raucus  et 
picipes,  faisant  beaucoup  de  tort  aux  vignes.  Les 
Anthonomiis  pomorian  et  piri  pondent  leurs  œufs, 
donnant  les  larves  dites  vers  d'hiver,  dans  les 
bourgeons  à  fruit  des  pommiers  et  des  poiriers  ; 
couper  et  brûler.  Le  ver  des  noisettes  est  la  larve 
du  Balaiiinus  nucum,  le  ver  des  châtaignes  du  B. 
eleptias,  espèces  à  bec  très  grêle  et  très  long.  Il 
faut  ramasser  et  brûler  les  noisettes,  avelines  et 
marrons  attaqués.  Les  Baridius  ont  des  larves 
rongeant  les  tiges  des  choux,  celles  des  Ceutho- 
rhynclius  produisent  des  galles  sur  les  tiges  des 
navets,  des  choux,  des  colzas  ;  arracher  et  brûler 
les  tiges  atteintes.  Deux  très  petits  charansons, 
bruns,  sans  ailes,  sont  les  fléaux  des  réserves  de 


Calandre  du  blé,  très  grossie,  et  grain  attaqué. 

grains  de  blé  et  de  riz  [Sitopldlus  granarius  et 
orizœ).  Ces  calandres  lucifuges  vivent  à  l'intérieur 
des  tas  de  grains  amoncelés.  On  a  recommandé 
contre  elles  le  pellctage  des  grains,  l'emploi  des 
tarares  à  choc  qui,  par  la  force  centrifuge,  tuent 
les  insectes,  séparés  ensuite,  par  la  ventilation, 
des  grains  sains  plus  lourds,  le  chaufournage  ou 
usage  du  four  et  bien  mieux  des  étuves  h  air 
chauffé  à  la  vapeur  d'eau,  à  température  constariti-, 
trop  basse  pour  altérer  la  farine,  les  silos  en  ma- 
çonnerie bien  secs  avec  la  vapeur  de  sulfure  de 
carbone.  Les  dégâts  sont  très  diminués  aujour- 
d'hui, car  la  facilité  des  transports  rend  court  l'em- 
magasinage des  grains. 


Femelle  de  l'Astyno- 
me  édile  longicorne 
attaquant  les  pins  et 
sapins. 


Cérambyciens.  —  Appelés  aussi  longicornes,  en 
raison  de  l'extrême  longueurdeleurs  antennes, éga- 
lant et  souvent  dépassant  celle  du  corps  ;  ils  sont 
tous  plus  ou  moins  nuisibles,  car  leurs  larves  vi- 
vent à  l'intérieur  des  tiges  des  végétaux  qu'elles 
percent  de  leurs  galeries.  La  plupart  de  ces  larves 
ont  six  petites  pattes  tout  à 
fait  rudimentaires.  Il  y  a  d'a- 
bord à  citer  deux  espèces  d'un 
brun  noir  :  le  grand  capricorne 
[Ceramijyx  héros)  vivant  dans 
les  chênes,  le  petit  capricorne 
(C.  cerdn)  dans  les  pommiers 
et  les  cerisiers  ;  YArornia  mos- 
chata,  d'un  beau  vert  et  à 
odeur  de  rose,  attaquant  les 
saules  ;  les  Clytus,  noirs  à 
bandes  sinueuses  jaunes  ;  le 
Callidium  s'mguineum,  d'un 
rouge  velouté,  qu'on  voit  sor- 
tir au  printemps  de  tous  nos 
bois  de  chauffage,  etc.  Dans 
le  groupe  des  lamies  les  lar- 
ves sont  absolument  sans  pat- 
tes ,  à  citer  :  Astynomus  edilis,  d'un  gris  cendré, 
avec  les  antennes  du  mâle  dépassant  plusieurs 
fois  le  corps,  dont  la  larve  fait  beaucoup  de  dégâts 
dans  les  pins  et  sapins  ;  Lamin  textor,  d'un  brun 
noir,  attaquant  les  saules  ;  Saperda  carcliarias, 
couvert  d'une  fine  villosité  d'un  jaune  roux,  dévas- 
tant les  plantations  de  peupliers,  ainsi  que  S.  po- 
pulnea,  espèce  plus  petite,  à  élytres  annelées,  pi- 
quetée de  fauve  ;  S.  scalaris,  à  grandes  taches  jau- 
nes ou  vcrdâtres,  des  bouleaux,  des  cerisiers,  etc. 
Il  faut  tuer  les  longicornes  adultes,  qui  sont  tou- 
jours d'assez  grande  taille,  car  il  n'est  pas  possible 
d'atteindre  les  larves. 

Chrysoméliens.  —  Cette  dernière  tribu  de  té- 
tramères  formait  les  phytophages  de  Latreille, 
leurs  larves,  à  pattes  développées,  vivant  d'ordi- 
naire à  découvert  sur  les  feuil- 
les qu'elles  dévorent  ainsi  que 
les  adultes.  Les  Cassida  ont 
l'aspect  de  petites  tortues  pla- 
tes, comme  C.  viri-'is,  vert  ou 
rougeâtre,  sur  les  feuilles  des 
artichauts,  C.  nebulosa ,  d'un 
gris  nébuleux,  sur  celles  de  la 
betterave  rouge.  Les  larves  des 
cassides  portent  en  dessus  de 
leur  corps  un  paquet  d'excré- 
ments, retenu  sur  une  fourche 
anale,  comme  un  parasol  pro- 
tecteur. Il  faut  écraser  les  lar- 
ves et  les  adultes;  de  même 
pour  les  Crioceris,  dont  les 
larves  se  recouvrent  d'un  man- 
teau d'excréments  :  ainsi  C. 
merdigera,  d'un  beau  rouge, 
vivant  sur  les  lis  :  C.  asporayi 
et  duodecimpunctata,  détrui- 
sant les  plants  d'asperges  porte- 
graines.  Bien  plus  nuisible  en- 
core est  VAdoxiis  ou  Broniivs 
tij'iî^,  petit  coléoptère  noir,  à  élytres  rousses,  connu 
sous  le  nom  d'Eumolpe  de  (a  vigne,  d'Ecrivai?ï, 
car  ses  morsures  sur  les  feuilles  de  vigne  res- 
semblent à  des  réglures  de  musi(iue  ;  la  larve 
ronge  sous  terre  les  racines  des  vignes  et  peut 
les  faire  périr.  Il  faut  ramasser  ce  fléau  des  vi- 
gnobles dans  de  grandes  poches  de  toile  atta- 
chées à  un  cercle  de  fer  et  le  brûler.  Le  colaspe 
des  luzernes,  tout  noir,  dit  leNégril  (Cotaspidema 
(driim  ou  barbarum)  dévaste  les  luzernes  dans  le 
midi  de  la  France.  Il  faut  le  ramasser  dans  des 
poches  de  toile,  engourdi  par  la  fraîcheur  du  ma- 
tin, on  avec  une  faulx  en  bois,  derrière  laquelle 
est  une  grande  poche  flottante.  Ce  ramassage  sera 


Criocère  du  !i 


COLEOPTERES 


—  439  — 


COLÉOPTÈRES 


le  meilleur  moyen  à  employer  contre  le  chryso- 
mélien  des  pommes  de  terre  ou  doryphore  {Lep- 
tinotars-a  decemlineata),  si  ce  funeste  insecte, 
importé  d'Amérique,  fait  son  apparition  en  France. 
Les  peupliers  et  les  trembles  sont  attaqués  par 
deux  chrysoméliens  à  corselet  bronzé  et  à  élytres 


rouges  {Lina  populi  et  tremulx),  dont  les  larves 
ont  des  suintements  visqueux  propres  à  dégoûter 
les  oiseaux.  Les  galéruques  et  les  adimonies,  à 
téguments  mous,  à  femelles  gonflées  d'œufs,  sont 
très  nuisibles  à  divers  arbres,  notamment  la  galé- 
ruque  de  l'orme,  qui  découpe  les  feuilles  de  cet 


Colaspe  des  luzernes,  1  mâle.  2  femelle,  3  larve. 


arbre  en  dentelle.  Les  altises  ou  puces  de  jardin 
{genres  Altica  et  Phyllotreta)  sont  de  très  petits 
chrysoméliens  sauteurs,  criblant  de  trous  les 
feuilles  des  crucifères,  radis,  navet,  navette  ;  cer- 
tains très  nuisibles  aux  colzas,  rendant  les  siliques 
difformes  et  stériles,  d'autres  aux  lins,  une  espèce 
ravageant  les  vignes  dans  l'extrême  midi  de    la 


France  et  en  Algérie.  On  emploie  contre  les  alti- 
ses des  appareils  secoueurs,  qui  les  font  tomber 
dans  des  auges  où  elles  s'amassent  contre  des  re- 
gards vitrés,  en  cherchant  à  sortir.  Il  faut  les 
brûler  et  non  les  noyer,  car  elles  résistent  k  la 
submersion  comme  presque  tous  les  insectes. 
Comme    moyen  préventif,   on    projette    dans    les 


Altise  de  la  vigne  et  sa  iaivc.  —  Feuille  attaquée  et  appareil  ramasseur. 


champs  et  les  potagers  un  mélange  de  sable  et  de 
naphtaline  ou  de  goudron  de  houille,  afin  d'écar- 
ter les  altises  par  l'odeur. 

4°  Trimères. 

Coccinelliens.  —  La  plupart  sont  très  utiles,  dé- 
vorant les  pucerons  et  les  cochenilles  ;  nos  auxi- 
liaires sont  surtout  les  larves  munies  de  pattes 
des  coccinelles,  avec  taches  blanches,  rouges  ou 
jaunes,  qui  saisissent  les  pucerops  entre  leurs 
pattes  de  devant  et  les  dévorent.  Les  adultes,  ap- 


pelés bêtes  à  bon  Dieu,  sont  très  bombés,  rouges 
ou  jaunes  avec  taches  noires,  ou  parfois  à  l'inverse, 
noirs,  tachés  de  rouge  ou  de  jaune.  Ils  laissent 
suinter,  à  l'articulation  de  la  jambe  et  de  la  cuisse, 
des  gouttelettes  jaunes  et  fétides,  cette  mauvaise 
odeur  étant  un  caractère  de  tous  les  mangeurs  de 
pucerons.  Il  ne  faut  jamais  détruire  les  coccinel- 
les, qui  passent  souvent  l'hiver  dans  les  greniers 
et  les  granges  ;  il  est  bon  d'introduire  ces  précieux 
insectes  sous  les  châssis  et  dans  les  serres.  Les 
espèces  les  plus  communes  sont  Coccinella  septem- 
punctata  à  sept  points  noirs,  et 4da/ia  bi-punctata, 


COLONIES 


—  440  — 


COLONIES 


&  deux  points  noirs.  Par  inversion  de  régime 
quelques  coccinelliens  sont  nuisibles  et  dévorent 
des  végétaux.  Les  Epilachna  attaouent  les  cucur- 


# 


Coccinelle  à  sept  points  et  sa  larve  grossie. 

bitacées  et  les  lasia  [L.  globoso,  de  forme  très 
globuleuse)  détruisent  les  trèfles,  les  luzernes  et 
les  vesces. 

Les  coléoptères,  qui  comptent  en  France  envi- 
ron dix  mille  espèces,  ne  peuvent  être  étudiés 
complètement  dans  cet  article.  Nous  recomman- 
dons aux  instituteurs,  pour  les  collections  sco- 
lairos,  un  petit  ouvrage  d'un  prix  peu  élevé  : 
Faune  élémentaire  des  Coléoptères  de  France, 
par  Léon  Fairmaire,  1  vol.  in-12,  4*  édit.,  Paris, 
E.  DeyroUe.  [Maurice  Girard.] 

COLO>IES.  —  Histoire  générale,  XXI,  XXXVI; 
Histoire  de  France,  XXXVIII-XL.  —  Différentes 
sortes  de  colonies.  —  Le  mot  de  colonie,  dans  son 
acception  la  plus  générale,  désigne  un  établisse- 
ment formé  par  un  peuple  en  dehors  du  pays  qu'il 
occupe  ordinairement. 

Il  y  a  eu  et  il  peut  y  avoir  encore  plusieurs  sor- 
tes de  colonies  :  la  colonie  militaire  créée  pour 
surveiller  une  région  ou  pour  garder  une  route 
importante  ;  la  colonie  commerciale,  composée  de 
quelques  comptoirs  où  viennent  s'établir  des 
Iraflcants  ;  la  colonie  proprement  dite,  où  les  énii- 
grants  s'installent  tout  à  fait,  transportent  ou  fon- 
dent des  familles  et  sont  ainsi  à  la  mère-patrie 
comme  un  prolongement  lointain. 

Colonies  dans  l'antiquité.  —  Dans  l'antiquité, 
trois  peuples  surtout  ont  établi  des  colonies  :  les 
Phéniciens,  les  Grecs  et  les  Romains. 

Colonies  des  Phéniciens.  — Les  Phéniciens  habi- 
taient un  pays  étroit,  resserré  entre  les  montagnes 
et  la  mer  ;  leur  sol  présentait  en  abondance  le 
bois,  le  cuivre,  le  chanvre,  c'est-à-dire  les  maté- 
riaux nécessaires  à  la  construction  des  navires.  Ils 
devinrent  de  bonne  heure  des  marins  habiles  et  les 
premiers  commerçants  du  monde.  Pour  fournir  des 
points  de  relâche  à  leurs  navires,  des  entrepôts  à 
leurs  marchandises,  ils  songèrent  à  former  de  tous 
côtés  des  établissements  durables.  La  plupart 
de  leurs  colonies  ne  furent  guère,  surtout  à 
l'origine,  que  de  simples  comptoirs.  Ils  les  éche- 
lonnaient le  long  des  routes  maritimes  qu'ils  sui- 
vaient de  préférence  :  dans  les  îles  de  Chypre  et 
de  Rhodes,  dans  les  Cyclades,  à  Thasos  pour  aller 
vers  la  mer  Noire  ;  en  Crète,  en  Sicile,  sur  la  côte 
d'Afrique  et  d'Espagne,  pour  aller  vers  l'Océan  et 
les  contrées  occidentales.  Quelques-uns  de  ces 
comptoirs  devinrent  des  villes  plus  puissantes  que 
leurs  métropoles.  Adrumète,  Leptis,  Utique,  Car- 
tilage formèrent  comme  une  Phénicie  africaine. 
Carthage  surtout,  enrichie  par  le  commerce  et  la 
navigation,  maltresse  d'un  vaste  empire  continen- 
tal et  maritime,  surpassa  en  prospérité  et  en  puis- 
sance les  grandes  cités  de  Tyr  et  de  Sidon. 

Colonies  des  Grecs.  —  Les  colonies  grecques 
n'eurent  ni  la  même  origine,  ni  le  môme  caractère. 
Les  émigrants  par  lesquels  elles  étaient  fondées 
avaient  abandonné  leur  pays  devant  l'invasion 
d'autres  peuplades  ou  s'étaient  exilés  à  la  suite  de 
querelles  intestines.  Ils  emportaient  les  traditions, 
les  lois,  le  culte  de  leur  cite  natale,  avec  laquelle 
ils  continuaient   d'entretenir  des  rapports  suivis. 


Répandues  en  Asie  ^lineure,  en  Sicile,  dans  l'Ita- 
lie méridionale  et  sur  les  côtes  de  l'Afrique,  ces 
colonies  contribuèrent  pour  une  large  part  au  dé- 
veloppement et  à  l'éclat  de  la  civilisation  helléni- 
que. Les  hommes  qui  les  premiers  donnèrent  à  la 
Grèce  une  poésie,  une  histoire,  une  philosophie, 
une  science,  étaient  presque  tous  originaires  de 
l'Asie-  Mineure  ou  des  îles  voisines  :  «  Hérodote 
naquit  à  Halicarnasse,  Hippocrate  à  Cos,  Thaïes  h 
Milet,  Pythagore  à  Samos,  Anacréon  à  Téos,  Anaxa- 
gore  à  Clazomène,  Homère  partout.  » 

Colonies  des  Romains.  —  Les  colonies  romaines 
étaient  essentiellement  militaires.  Dans  les  pays 
nouvellement  conquis  on  installait  des  familles 
d'émigrants  auxquelles  on  distribuait  en  partie  le 
territoire  des  vaincus.  C'étaient  comme  des  garni- 
sons permanentes  qui  se  renouvelaient  d'elles- 
mêmes  :  leur  fidélité  était  certaine,  leur  vigilance 
était  garantie  par  le  soin  de  leur  propre  sécurité. 
Ces  colonies  n'étaient  point  placées  au  hasard  ; 
elles  gardaient  de  distance  en  distance  les  grandes 
voies  stratégiques,  comme  la  voie  Appienne  qui 
menait  de  Rome  à  l'extrême  sud  de  l'Italie.  Rome 
leur  dut  souvent  ses  succès,  quelquefois  son  salut. 
Lors  de  l'invasion  d'Annibal,  par  exemple,  elles 
tinrent  en  respect  les  populations  les  plus  mal 
disposées,  et  l'élan  victorieux  du  général  cartha- 
ginois se  brisa  contre  leur  résistance. 

Colonies  dans  les  temps  modernes.  —  Pendant 
toute  la  durée  du  moyen  âge,  où  les  peuples  de 
l'Occident  vécurent  repliés  sur  eux-mêmes,  on  ne 
s'occupa  guère  de  coloniser.  Il  faut  noter  cepen- 
dant la  fondation  par  les  marins  Scandinaves  d'é- 
tablissements en  Islande,  au  Groenland  et  dans  le 
nord  de  l'Amérique  actuelle.  A  la  fin  du  xv«  siècle 
seulement,  la  découverte  de  l'Amérique  par 
Christophe  Colomb,  celle  de  la  route  maritime  des 
Indes  par  Vasco  de  Gama,  déterminèrent  un  mou- 
vement qui  dure  encore  aujourd'hui. 

Cinq  nations  européennes  ont  possédé  et  possè- 
dent encore  d'importantes  colonies  :  le  Portugal, 
l'Espagne,  la  Hollande,  l'Angleterre,  et  enfin  la 
France.' 

Colonies  des  Portugais.  —  Comme  autrefois  les 
Phéniciens,  les  Portugais  furent  poussés  aux  expé- 
ditions maritimes  par  la  nature  même  de  leur 
pays.  Ils  commencèrent  par  longer  timidement 
la  côte  occidentale  de  l'Afrique,  gagnant  de 
proche  en  proche  sur  le  domaine  de  l'inconnu.  Il  y 
avait  dix  ans  que  le  cap  de  Bonne-Espérance  avait  été 
découvert  quand  Vasco  de  Gama,  en  1498,  se  ris- 
qua dans  l'Océan  Indien.  Il  aborda  à  Calicut,  et 
commença  la  conquête  de  l'Hindoustan.  Ses  suc- 
cesseurs, Alméida  et  Albuquerque,  continuèrent 
son  oeuvre.  L'empire  colonial  des  Portugais  s'é- 
tendit bientôt  sur  un  espace  immense.  Le  cen- 
tre principal  était  à  Goa,  sur  la  côte  du  Malabar  ; 
les  dépendances  comprenaient  Ceylan,  Malacca,  les 
Moluques,  Macao,  à  l'est;  et  à  l'ouest  Socotora, 
Ormuz,  le  Mozambique,  la  Guinée.  Le  tout  offrait 
un  développement  de  5000  lieues  de  côtes. 

Les  Portugais  ne  colonisèrent  jamais  sérieuse- 
ment ces  immenses  territoires.  Ils  se  bornèrent  à 
établir  sur  le  littoral  des  comptoirs.  Leurs  gou- 
verneurs et  leurs  marchands  venaient  y  faire  une 
fortune  rapide,  sans  se  préoccuper  de  l'intérêt 
général  ni  de  l'avenir.  Leur  avidité  et  leur  barba- 
rie les  firent  détester  des  peuples  indigènes.  Déjà 
la  décadence  avait  commencé  quand  se  produisit 
en  1580  la  réunion  du  Portugal  à  l'Espagne.  L'Es- 
pagne, qui  avait  peine  à  se  protéger  elle-même, 
laissa  tomber  en  ruines  l'empire  colonial  des  Por- 
tugais . 

Aujourd'hui  il  ne  reste  plus  au  Portugal  que  des 
débris  de  ses  vastes  possessions,  le  Brésil,  sa  der- 
nière grande  colonie,  s'étant  déclaré  indépendant 
en  18 -'l.  Goa  et  Diu  dans  l'Inde,  Macao  sur  les 
côtes  de   la  Chine,  quelques  points  dans  l'île   de 


COLONIES 


—  441  — 


COLONIES 


Timor,  en  Afrique  les  établissements  de  Mozambi- 
que et  du  Congo,  les  îles  du  Cap-Vert,  de  Madère 
et  des  Açores,  rappellent  les  grandeurs  du  passé. 
(V.  Découvertes). 

Colonies  des  Espagnols.  —  La  découverte  de  l'A- 
mérique par  Christophe  Colomb  avait  donné  l'essor 
à  la  colonisation  espagnole.  Etablis  d'abord  dans  les 
Antilles,  à  Saint-Doniingue,  à  Cuba,  à  Porto-Rico, 
à  la  Jamaïque,  les  Espagnols  se  répandirent  en- 
suite sur  le  continent  voisin.  Ponce  de  Léon  leur 
donna  la  Floride,  Cortez  le  Mexique,  Balboa  l'Amé- 
rique centrale,  Pizarre  le  Pérou.  En  1564  ils  se 
rendirent  maîtres  aussi  dans  l'extrême  Orient  des 
îles  Philippines  et  Mariannes  qu'avait  découvertes 
Magellan.  (V.  Découvertes,  Mexique,  Pérou.) 

Les  conquistadores  ou  conquérants  du  Nouveau- 
Monde  firent  preuve  d'une  éclatante  bravoure; 
mais  ils  déshonorèrent  leurs  exploits  à  force  de 
cruauté  et  d'avarice .  Accablée  par  eux  de  mauvais 
traitements,  la  population  indigène  diminua  rapi- 
dement et  en  certaines  contrées  disparut  tout  à 
fait.  Le  gouvernement  royal  ne  fut  guère  plus 
humain  ni  plus  habile.  Il  n'eut  d'autre  préoccupa- 
lion  que  d'extorquer  le  plus  d'or  possible  à  ses 
lointaines  colonies.  Les  Indiens  et,  plus  tard,  les 
nègres  amenés  d'Afrique  par  l'infâme  commerce 
de  la  traite,  étaient  employés  au  travail  des  mines 
Tous  les  ans  le  convoi  régulier  des  galions  appor- 
tait dans  les  ports  de  la  métropole  l'or  américain 
qu'on  devait  convertir  en  monnaie.  Ces  mêmes 
navires  partaient  d'Europe  chargés  des  marchan- 
dises que  les  négociants  espagnols  de  Cadix  avaient 
seuls  le  droit  d'expédier.  Il  était  sévèrement  inter- 
dit aux  indigènes  et  même  aux  colons  d'origine 
espagnole  de  commercer  avec  les  autres  pays;  la 
production  des  articles  les  plus  essentiels,  tels  que 
le  vin,  le  sel,  le  chanvre,  le  lin,  ne  leur  était  pas 
permise.  Pas  plus  de  liberté  religieuse  ou  politi- 
que que  de  liberté  commerciale.  L'inquisition  avait 
été  importée  d'Europe  dès  les  premiers  temps  ;  les 
deux  vice-rois,  celui  de  Lima  et  celui  de  Mexico, 
que  n'inquiétait  pas  beaucoup  le  contrôle  lointain 
d'un  conseil  des  Indes  résidant  à  Madrid,  pouvaient 
se  permettre  impunément  tous  les  abus. 

Ce  régime  inintelligent  ne  profita  à  personne  et 
nuisit  également  à  tout  le  monde.  L'Espagne  se 
désaccoutuma  du  travail  et  se  ruina  en  comptant 
toujours  sur  les  galions;  les  Indiens  souffrirent  et 
périrent  en  grand  nombre;  les  colons  prirent  en 
haine  la  mère-patrie.  Dès  le  commencement  du 
XIX'  siècle,  ils  se  soulevèrent,  et  presque  partout 
se  constituèrent  en  États  indépendants.  L'Espagne 
n'a  pu  conserver  que  ses  colonies  d'Océanie,  quel- 
ques stations  sur  les  côtes  nord  et  ouest  de  l'A- 
Irique,  et  en  Amérique  les  deux  îles  de  Cuba  et  de 
Porto-Rico. 

Colonies  des  Hollandais.  —  La  Hollande  est  une 
terre  conquise  sur  la  mer  ;  ses  habitants  ont  dû 
de  bonne  heure  se  familiariser  avec  l'Océan. 
Longtemps  cependant  ils  naviguèrent  et  commer- 
cèrent sans  bruit.  Vers  la  fin  du  xvi°  siècle  seule- 
ment ils  se  hasardèrent  à  poursuivre  dans  l'Océan 
Indien  les  Espagnols  centre  lesquels  ils  soutenaient 
une  lutte  acharnée.  Telle  fut  l'origine  de  leur  puis- 
sance maritime.  Les  établissements  portugais  pas- 
sés sous  la  domination  des  rois  d'Espagne  étaient 
négligés  par  ceux-ci;  les  Hollandais  les  ravagèrent 
d'abord,  s'en  emparèrent  ensuite.  En  Asie  et  en 
Océanie  ils  créèrent  cinq  gouvernements  dont  les 
sièges  étaient  à  Java,  à  Amboine,  à  Ternate,  h. 
Macassar  et  à  Ceylan;  en  Afrique  ils  colonisèrent 
le  Cap;  en  Amérique  ils  s'établirent  à  Tabago,  à 
Curaçao,  dans  la  Guyane,  dans  le  Brésil.  De  puis- 
santes compagnies  administraient  et  exploitaient 
en  même  temps  ces  lointaines  possessions. 

Grâce  à  leurs  colonies,  les  Hollandais  recueilli- 
rent l'héritage  maritime  de  l'Espagne  épuisée  et 
du  Portugal  asservi.  Ils  furent,  dès  les  premières 


années  du  xvii*  siècle,  a  les  rouliers  des  mers  ». 
Leurs  flottes  et  leurs  richesses  leur  valaient  en 
même  temps  une  importance  politique  égale  à 
celle  des  plus  grands  Etats.  Ils  curent  la  gloire  de 
tenir  en  échec  Louis  XIV  et  sa  fortune. 

La  décadence  commença  avec  le  xvni*  siècle. 
La  Hollande  s'effaça  devant  la  supériorité  navale 
de  l'Angleterre.  Mais  si  son  empire  colonial  fut 
diminué,  il  ne  fut  pas  détruit.  La  Hollande  a 
perdu  le  Brésil,  le  Cap,  Ceylan  et  le  continent  aus- 
tralien découvert  par  ses  navigateurs;  mais  elle 
conserve  en  Amérique  Saint-Eustache,  Curaçao,  une 
partie  de  la  Guyane;  elle  conserve  surtout  ses 
magnifiques  possessions  d'Océanie,  Java,  Sumatra, 
Célèbes,  Bornéo,  les  Moluques,  Timor,  ses  «  Indes 
néerlandaises  »,  administrées  avec  une  véritable 
habileté  qui  semble  devoir  y  perpétuer  sa  domi- 
nation. 

Colonies  des  Anglais.  —  Longtemps  distancés 
par  l'Espagne,  le  Portugal  et  la  Hollande,  les 
Anglais  durent  à  leurs  discordes  civiles  et  reli- 
gieuses leurs  premières  grandes  colonies.  Les 
puritains,  bannis  par  les  Stuarts,  allèrent  chercher 
pour  leurs  croyances  un  asile  sur  la  terre  d'Amé- 
rique. Ils  y  fondèrent  les  établissements  de  la 
Nouvelle- Angleterre,  dont  le  voisinage  favorisa 
l'occupation  de  plusieurs  points  importants  aux 
Antilles.  A  la  fin  du  xviii*  siècle,  la  Nouvelle-An- 
gleterre se  détacha  de  la  métropole  pour  former  la 
république  des  Etats-Unis;  mais  déjà  les  Anglais 
s'étaient  rendus  maîtres  du  Canada  et  de  l'espace 
compris  entre  le  Saint-Laurent  et  les  régions  polai- 
res. En  même  temps,  en  Asie,  ils  s'assuraient  la 
possession  des  Indes.  Les  voyages  de  leurs  navi- 
gateurs et  surtout  du  capitaine  Cook  attirèrent  leur 
attention  sur  les  terres  australes,  et  la  colonisa- 
tion de  l'Australie  fut  commencée.  Les  guerres  de 
la  Révolution  et  de  l'Empire  leur  fournirent  une 
occasion  pour  ruiner  tous  leurs  rivaux  et  s'agran- 
dir aux  dépens  mêmes  de  leurs  alliés.  C'est  ainsi 
qu'ils  prirent  Sainte-Lucie  et  Maurice  à  la  France 
Ceylan  et  le  Cap  aux  Hollandais. 

L'Angleterre  possède  actuellement  quatre  gran- 
des colonies  :  l'Inde  en  Asie,  l'Australie  en  Océa- 
nie, le  Canada  en  Amérique  et  le  Cap  en  Afrique. 
Beaucoup  parmi  les  autres  ont  par  elles-mêmes 
une  valeur  intrinsèque  considérable,  telles  la  Ja- 
maïque avec  ses  508  000  habitants,  Maurice  en 
Afrique  (340000  hab.),  la  Nouvelle-Zélande  en  Océa- 
nie. Mais  le  plus  souvent  elles  sont  surfout  des 
positions  stratégiques  destinées  à  surveiller  ces 
mers  et  à  garder  les  communications.  Ainsi,  en 
Europe  même,  Héligoland  observe  l'Allemagne  ; 
Gibraltar,  Malte,  Chypre  tiennent  le  milieu  et  les 
extrémités  de  la  Méditerranée. 

L'Inde  avec  son  immense  population  (191  000000 
hab.  pour  les  pays  directement  soumis),  composée 
en  grande  majorité  d'indigènes,  a  son  organisation  à 
part.  Elle  est  administrée  par  un  gouverneur  géné- 
ral qui  porte  le  titre  de  vice-roi,  et  auquel  sont 
adjoints  un  conseil  d'état  et  un  conseil  du  gouver- 
neur général.  La  reine  d'Angleterre  porte  le  titre 
d'impératrice  des  Indes  ;  un  ministre  des  Indes 
figure  parmi  les  membres  du  cabinet  anglais. 

Les  trois  autres  grandes  colonies,  Australie, 
Cap,  Canada,  où  domine  une  population  euro- 
péenne, possèdent  des  institutions  libres.  Un  gou- 
verneur y  représente  la  métropole,  mais  il  ne  peut 
exercer  le  pouvoir  exécutif  qu'avec  le  concours  de 
ministres  responsables  pris  dans  le  pays.  Les  lois 
et  le  budget  sont  votés  par  des  Parlements  électifs. 
La  domination  anglaise,  en  se  restreignant  ainsi 
elle-même  à  un  simple  protectorat  où  elle  trouve 
des  avantages  commerciaux  et  politiques,  s'est  ren- 
due supportable  et  durable. 

Colonies  françaises.  —  On  reproche  h  tort  aux 
Français  de  n'être  pas  colonisateurs.  Il  est  seule- 
ment vrai  de  dire  qu'ils  ne  sont  point  portés  à 


COLONIES  FRANÇAISES 


44-2  — 


COLONIES  FRANÇAISES 


émigrer.  S'ils  se  décident  à  le  faire,  ils  déploient 
dans  la  fondation  d'établissements  lointains  des 
qualités  de  premier  ordre.  Ils  ont,  comme  tant 
d'autres  peuples,  l'amour  du  travail  et  l'esprit 
d'entreprise,  ils  ont  de  plus  ce  qui  manque  aux 
autres,  la  sympathie.  Presque  partout  ils  ont  su 
lier  avec  les  populations  indigènes  des  relations 
d'amitié;  au  Canada  la  race  mélisse  des  Bois-Brù- 
lés  est  résultée  de  leurs  alliances  avec  les  tribus 
indiennes. 

Les  insuccès  de  la  France  dans  ses  entreprises 
coloniales  sont  dus,  non  pas  à  une  infériorité  na- 
tioniile,  mais  à  des  circonstances  malheureuses  ou 
à.  des  fautes  politiques. 

Les  marins  français  semblent  avoir  précédé  dans 
les  voyages  à  la  côte  d'Afrique  les  navigateurs  por- 
tugais. Le  dieppois  Jean  de  Béthencourt,  contem- 
porain de  Charles  VI,  fut  roi  aux  Canaries  ;  pen- 
dant le  seizième  siècle,  .lacques  Cartier  découvrit 
le  Canada,  et  Coligny  s'efforça  de  fonder  en  Amé- 
rique des  établissements  de  calvinistes.  Plus  tard, 
Champlain  créa  la  ville  de  Québec,  et  les  voyages 
de  Cuvelier  de  la  Salle  agrandirent  en  Amérique 
le  domaine  de  la  géographie  et  celui  de  la  France. 
Les  compagnies  commerciales  et  maritimes  orga- 
nisées par  Colbert  et  surtout  l'immense  mouve- 
ment imprimé  aux  affaires  par  le  système  de  Law, 
favorisèrent  à  la  fin  du  dix-septième  siècle  et  au 
commencement  du  dix-huitième  le  développement 
des  colonies  françaises. 

Vers  1750,  la  France  possédait  aux  Antilles  Saint- 
Domingue,  la  Martinique,  la  Guadeloupe,  Sainte- 
Lucie  ;  sur  le  continent,  le  Canada  et  la  Louisiane, 
que  reliait  l'occupation  de  la  vallée  de  l'Ohio.  En 
Afrique,  sans  compter  l'établissement  tout  com- 
mercial du  Sénégal,  l'ile  Bourbon  et  lile  de  France 
rivalisaient  de  prospérité  avec  les  Antilles,  promet- 
taient pour  l'avenir  la  conquête  de  Madagascar, 
et,  en  attendant,  gardaient  la  grande  route  des 
Indes.  Aux  Indes,  le  génie  de  Dupleix  rêvait  et 
préparait  la  conquête  de  toute  la  péninsule  ;  ce 
fut  le  temps  de  la  grandeur  coloniale  de  la  France. 
L'indifférence  et  l'incapacité  du  gouvernement 
royal  et  les  désastres  de  la  guerre  de  sept  ans 
ruinèrent  cet  empire  maritime.  Au  traité  de  Paris, 
en  1763,  Louis  XV  abandonna  le  Canada,  la  Loui- 
siane, une  partie  des  Antilles  et  toutes  nos  chan- 
ces de  succès  dans  l'Inde.  Sous  Louis  XVI,  la 
guerre  d'Amérique  (l778-l78:^)  rétablit  la  réputa- 
tion de  la  marine,  mais  non  la  prospérité  des  co- 
lonies françaises.  Plus  tard  la  révolte  de  Saint- 
Domingue,  les  guerres  de  la  Révolution  et  de 
l'Empire  où  l'Angleterre  garda  constamment  une 
écrasante  supériorité  navale,  portèrent  les  der- 
niers coups  à  nos  établissements  d'Amérique. 

Pour  la  géographie  des  possessions  actuelles  de 
la  France,  voir  l'article  ci-dessous. 

[Maurice  VVahl.] 
COLOMES  FRANÇAISES.  —  Géographie  de  la 
France,  IX.  —  Possessions  en  Afrique-  —  Le  Sé- 
négal. —  Outre  l'Algérie,  qui  a  fait  l'objet  d'un 
article  spécial,  la  France  possède  encore  en  Afri- 
que :  le  Sénégal  et  quelques  postes  sur  le  golfe  de 
Guinée,  du  côté  de  l'Océan  Atlantique;  l'île  de  la 
Réunion  et  plusieurs  petites  îles  voisines  de  Ma- 
dagascar, dans  la  mer  des  Indes. 

Sénégnl.  —  C'est  sous  le  IG""  degré  de  latitude  N. 
que  le  Sénégal,  fleuve  long  de  40u  lieues,  débouche 
dans  l'Océan  Atlantique.  Les  premiers  établisse- 
ments français  dans  cette  région  remontent  aux 
navigateurs  dieppois  du  quatorzième  siècle.  Au- 
jourd'hui la  colonie  française  comprend  nomina- 
lement le  cours  du  fleuve  et  le  littoral  depuis  le 
cap  Blanc,  situé  par  •21°  de  latitude  l\.,  jusqu'à 
la  baie  de  Sierra  Leone,  voisine  du  !)"  degré  de  la- 
titude N.  "200  000  indigènes  environ  reconnaissent 
l'autorité  de  notre  drapeau  ;  ce  sont  tous  des  nè- 
gres. Les  Européens,  y  compris  les    militaires  et 


fonctionnaires,  ne  sont  pas  au  nombre  de  2000. 
Saiiit-L'iuis,  le  chef-lieu  de  la  colonie,  bâti  sur 
le  Sénégal,  à  LS  kilomètres  au-dessus  de  son  em- 
bouchure, n'est  séparé  de  la  mer  que  par  une 
étroite  bande  de  terrain  sablonneux,  et,  comme  la 
barre  du  fleuve  ferme  souvent  l'accès  de  la  ville 
aux  navires  venant  du  large,  c'est  par  terre  que 
Saint-Louis  communique  dans  ce  cas  avec  TOcéan. 
Cette  ville,  dont  la  population  n'est  que  de  15  000 
habitants,  est  le  siège  d'une  Cour  d'appel. 

La  petite  île  de  Gorée,  qui  fait  face  au  cap  Vert, 
dont  elle  n'est  distante  que  de  2  kilomètres,  est  à 
une  cinquantaine  de  lieues  au  S.  0.  de  Saint-Louis. 
Très  forte  par  sa  position  insulaire,  elle  jouit  en 
outre  de  l'avantage  d'une  excellente  rade.  C'est  à 
Dakar,  situé  sur  le  continent,  en  face  de  Gorée, 
que  relâchent  les  grands  transatlantiques  qui  font 
la  traversée  de  France  au  Brésil,  en  partant  de 
Bordeaux. 

Les  autres  établissements  situés  sur  le  bord  dn 
Sénégal  sont  des  postes  où  les  noirs  apportent  leurs 
marchandises  pendant  la  saison  sèche,  et  dont  les 
communications  régulières  avec  le  bas  du  fleuve 
se  font  au  contraire  au  moment  des  pluies  qui 
gonflent  ses  eaux.  C'est  pendant  notre  été,  de  juin 
à  novembre,  qu'a  lieu  au  Sénégal  la  saison'  des 
pluies,  dite  hivernage,  tandis  que,  durant  notre 
hiver,  le  temps  est  sec  et  la  température  souvent 
très  élevée.  Ces  chaleurs,  plus  fatigantes  encore 
par  leur  continuité  que  par  leur  élévation,  les  mias- 
mes qui  se  développent  à  la  suite  des  inondations, 
rendent  le  climat  du  Sénégal  très  meurtrier  pour 
les  Européens  et  expliquent  le  peu  de  développe- 
ments de  la  colonie,  malgré  sa  situation  relative- 
ment voisine  de  la  France  (4500  kil.  de  Marseille). 

Médine,  sur  le  Sénégal,  à  260  lieues  de  Saint- 
Louis,  est  le  point  extrême  de  notre  occupation. 

Les  principaux  objets  d'exportation  du  pays 
sont  les  arachides,  graines  oléagineuses,  et  les 
gommes,  plus  estimées  que  celles  d'Arabie.  L'im- 
portation fournit  aux  indigènes  des  cotonnades  et 
spécialement  celles  qui  sont  teintes  en  bleu  à  Rouen 
ou  dans  l'Inde  et  fiui  ont  reçu  le  nom  de  guinées, 
du  p.iys  auquel  elles  sont  destinées.  Le  commerce 
total  de  la  colonie  s'élève  à  40  millions  environ, 
dont  moitié  avec  la  France. 

Côte  de  Guinée.  —  Sur  la  côte  de  .Guinée,  la 
France  possède  les  postes  de  Grand-Bassam,  Dabou 
et  Assinie,  qui  ne  sont  même  plus  occupés  par 
une  garnison.  Là  on  échange  surtout  des  guinées, 
des  liqueurs,  des  armes,  des  verroteries,  contre 
des  arachides,  de  l'huile  de  palme,  de  l'ivoire. 

Le  poste  du  Gaho7i,  sur  l'équateur,  est  plus  im- 
portant à  cause  du  voisinage  de  l'embouchure  du 
grand  fleuve  Ogououé.  On  en  tire  beaucoup  de 
caoutchouc.  Les  populations  noires  qu'on  y  ren- 
contre sont  entièrement  adonnées  au  fétichisme  le 
plus  grossier. 

La  Réunion.  —  C'est  encore  à  un  Dieppois  que 
la  France  doit  le  premier  établissement  fondé  à  la 
Réunion  en  163.S.  Longtemps  1  île  s'est  appelée 
Bourbon.  Traversée  par  le  21'  degré  de  latitude  S. 
et  le  .So'  de  longitude  E.  de  Paris,  elle  est  située  à 
600  kilomètres  à  l'est  de  la  côte  de  Madagascar. 
Elle  appartient  au  groupe  des  îles  Mascareignes, 
comme  lile  la  plus  voisine,  l'île  de  France  ou 
Maurice,  qui  a  longtemps  été  une  possession  fran- 
çaise, et  a  été  perdue  par  la  France  en  1810  sous 
l'empire. 

Lile  est  d'origine  volcanique  ;  au  S.-E.  le  piton 
de  la  Fournaise  (2  625"")  est  encore  en  activité; 
au  centre  le  piton  îles  Neiges,  volcan  éteint  aujour- 
d'hui, forme  le  point  culminant  de  la  Réunioa 
(3000  "■).  De  là  descendent  des  ravins  qui,  se  rem- 
plissant rapidement  avec  les  orages,  produisent  de 
grands  ravages. 

La  Réunion  est,  en  effet,  exposée  aux  typhons, 
aux  ras  do  marée,  qui  y  amènent  trop  souvent  de 


COLONIES  FRANÇAISES  —443—  COLONIES  FRANÇAISES 


grandes  calamités,  d'autant  plus  qu'elle  manquo 
absolument  de  port,  et  que  les  navires  qui  se  trou- 
vent sur  ses  côtes  doivent  alors  fuir  au  large,  pour 
éAiterune  perte  certaine. 

Gomme  tous  les  pays  situés  entre  les  tropiques, 
l'île  traverse  une  saison  pluvieuse  ou  d'hivernage 
et  une  saison  sèche.  La  première  dure  de  novem- 
bre à  mai.  C'est  pendant  ce  temps  qu'il  tombe 
l^SO  d'eau  et  que  la  température  est  le  plus  éle- 
vée. Les  Européens  vont  alors  chercher  sur  les 
plateaux  un  air  plus  frais  et  plus  salubre. 

Les  productions  de  cette  colonie  varient  avec 
l'altitude.  Dans  les  terres  chaudes  et  basses  crois- 
sent la  canne  à  sucre,  qui  est  la  plus  importante  de 
toutes  les  productions,  le  vanillier,  le  giroflier,  le 
caféier. 

Les  pentes  des  plateaux  offrent  de  belles  forêts, 
et  leurs  sommets  des  cultures  de  manioc,  de  pa- 
tates et  de  légumes  qui  ne  suffisent  pas  à  la  nour- 
riture des  habitants.  Ceux-ci  tirent  des  bœufs  de 
Madagascar;  de  la  morue  de  Terre-Neuve  ;  du  riz  et 
des  colonnades  de  l'Inde  ;  des  meubles  et  des  ma- 
chines de  France.  Le  sucre  alimente  à  lui  seul 
presque  toute  l'exportation  ;  le  commerce  total  de 
l'île  est  de  GO  millions,  dont  plus  de  moitié  avec  la 
France.  La  Réunion  communique  avec  la  France 
par  des  services  postaux  réguliers  qui  suivent  la 
voie  de  Marseille,  Suez,  Aden,  et  font  le  trajet  en 
un  mois  environ. 

L'île  de  la  Réunion  a  5500  kilomètres  carrés  de 
superficie  et  183000  habitants,  dont  le  tiers  formé 
de  coolies,  travailleurs  libres  recrutés  dans  l'Inde 
ou  en  Afrique. 

La  colonie  renferme  trois  villes  importantes, 
toutes  trois  situées  au  bord  de  la  mer  :  Saint-Denis, 
au  nord,  qui  est  le  siège  du  gouvernement,  d'une 
cour  d'appel  et  d'un  évèché,  et  renferme  ;'.6000 
habitants;  au  sud,  Saint-Pierre  (30000  hab.i,  où 
les  vaisseaux  trouvent  un  meilleur  abri,  et  entre 
les  deux,  à  l'ouest,  Saint-Paul  (2ô000  hab.). 

Iles  voisines  de  Madagascar.  —  La  France  a 
cherché,  à  plusieurs  reprises,  à  prendre  pied  dans 
la  grande  île  de  Madagascar.  Elle  occupe  actuelle- 
ment trois  îles  voisines  : 

Sainte-Marie  (175  kil.  car.),  située  sur  la  côte 
est  de  Madagascar,  dont  elle  n'est  séparée  que 
par  un  canal  de  quelques  kilomètres  de  largeur. 
Elle  est  par  17°  de  latitude  S.  et  47°  30'  de  longi- 
tude E.  Sa  population,  de  7  000  habitants,  ne  com- 
prend guère  que  des  Malgaches. 

Nossi-Bé,  sur  la  côte  N.-O.,  est  située  par  13°  de 
latitude  S.  et  4Go  de  longitude  E.  Son  sol  est  ex- 
trêmement fertile  en  canne  à  sucre,  indigo,  riz, 
patates,  manioc,  ignames,  etc.  ;  sa  population  est 
de  7  600  habitants,  sa  superficie  de  13(j  kilomètres 
carrés.  Elle  dépend  administrativement  de  l'île 
suivante. 

Maijotte,  située  par  13°  de  latitude  S.  et  43°  de 
longitude  E.,  dans  le  canal  de  Mozambique  qui 
sépare  le  continent  africain  de  l'île  de  Madagas- 
car, est  à  30(1  kilomètres  de  celle-ci.  Elle  appar- 
tient au  groupe  des  îles  Comores.  Son  sol,  d  ori- 
gine volcanique,  est  fertile  et  porte  des  cannas  à 
sucre,  des  cocotiers,  etc.  La  population  de  l'île 
est  de  15ii00  habitants;  sa  superficie,  de  3J6  kilo- 
mètres carrés. 

Colonies  françaises  en  Asie-  —  La  France  n'a 
plus  dans  l'Inde  la  suprématie  dont  elle  y  jouissait 
au  siècle  dernier  sous  l'habile  gouvernement  de 
Dupleix.  L'Angleterre  a  pris  le  rang  que  cet 
homme  de  génie  avait  rêvé  pour  la  France.  Il  ne 
nous  reste  plus  dans  la  péninsule  de  l'Hindoustan 
que  cinq  villes  :  Malié,  située  sur  la  côte  de  Mala- 
bar; Karik'il  et  Pondichéry,  sur  la  côte  de  Coro- 
mandel  ;  Yanaon.  près  de  l'embouchure  du  Goda- 
véry  dans  le  golfe  de  Bengale;  Chandernagor,  sur 
l'Hougli,  à  3.j  kilomètres  au  nord  de  Calcutta. 
Avec  le  territoire  qui  entoure  chacune  d'elles,  ces 


villes  couvrent  une  superficie  de  490  kilomètres 
carrés  et  ont  270000  habiiants.  La  France  possèd6 
en  outre  quelques  factoreries  ou  loges,  à  Surate, 
au  nord  de  Bombay  ;  à  Calicut,  au  sud  de  Mahé; 
à  Mazulipatam,  près  de  Yanaon.  Pondichéry  est  le 
chef-lieu  administratif  et  le  siège  d'une  cour  d'ap- 
pel. Son  territoire  comprend  à  lui  seul  la  moitié 
de  toute  la  population  soumise  à  l'autorité  fran- 
çaise. On  y  trouve  près  d'un  millier  d'Européens. 
Le  reste  est  formé  d'Indous  musulmans  ou  brah- 
mistes. 

Le  climat  de  ces  différentes  localités  est  généra- 
lement sain.  Elles  sont  soumises  à  un  hivernage 
(saison  des  pluies)  de  trois  mois,  entre  juillet  et 
octobre.  A  Chandernagor,  la  température  moyenne 
de  la  journée  s'élève  jusqu'à  37°  en  été.  Nillle 
part  ailleurs  le  thermomètre  ne  monte  aussi  haut. 

Les  colonies  françaises  de  l'Inde  produisent  du 
riz,  qui  forme  la  base  de  la  nourriture  des  habi- 
tants, de  l'indigo  qui  sert  à  teindre  les  guinées, 
principal  objet  de  fabrication  des  indigènes,  des 
noix  de  coco,  et  une  grande  quantité  de  fruits. 
L'indigo,  le  riz  et  les  guinées  forment  les  princi- 
paux produits  exportés.  Pondichéry  et  Karikal  font 
presque  tout  le  commerce  extérieur  qui  s'élève  ;\ 
un  total  de  "20  millions. 

Cochinchine  française.  —  La  Cochinchine,  que  la 
France  occupe  depuis  une  vingtaine  d'années,  est 
située  dans  la  presqu'île  Indo-Chinoise,  à  l'est  du 
golfe  de  Siam,  et  au  S.-O.  de  l'empire  d'Annam. 
Elle  est  comprise  entre  102°  et  i05°  de  long.  E., 
depuis  11°  30'  de  lat.  N.,  jusqu'à  8°  40'  de  lat.  N. 
Sa  superficie  est  de  56  000  kil.  carrés  et  sa  popu- 
lation actuelle  de  1  600  000  habitants. 

Sous  le  règne  de  Louis  XVI,  la  France  avait  con- 
clu un  traité  d'alliance  avec  l'empereur  d'Annam,. 
par  l'entremise  de  l'évêque  d'Adran,  Français  d'o- 
rigine, qui  avait  conquis  une  grande  influence  à  la 
cour  de  ce  souverain.  Plusieurs  places,  Saigon 
entre  autres,  furent  alors  fortifiées  par  des  ingé- 
nieurs français.  Dans  la  suite,  au  contraire,  les  suc- 
cesseurs de  Gia-Lor,g,àorït  l'évêque  d'Adran  avait  été- 
le  conseiller,  persécutèrent  les  missionnaires  euro- 
péens. Ce  fut  le  prétexte  de  l'intervention  française 
qui  aboutit,  en  1860,  à  la  cession  par  l'empereur 
d'Annam  à  la  France  des  trois  provinces  de  Saigon,. 
Bien-Hoa  et  My-tho.  Quelques  années  plus  tard, 
pour  assurer  la  colonie  contre  la  révolte  des  man- 
darins restés  hostiles,  les  troupes  françaises  durent 
occuper  les  trois  autres  provinces  de  Vin-Long, 
Chaudoc  et  Hatien,  situées  an  S.-O.  des  premiè- 
res. L'empereur  d'Annam  a  définitivement  renoncé 
à  la  possession  de  la  Cochinchine  par  le  traité  qu'il 
a  conclu  avec  la  France  en  1874. 

Le  Mékong  a  ses  bouches  comprises  dans  le  ter- 
ritoire de  la  Cochinchine  et  l'a  fertilisé  de  ses 
alluvions.  Ce  grand  fleuve,  dont  la  source  n'est 
pas  encore  connue,  ne  peut  malheureusement  pas 
fournir  de  voie  commerciale  pour  pénétrer  à  l'in- 
térieur de  la  Chine,  à  cause  des  nombreuses  ca- 
taractes qui  en  obstruent  le  cours,  mais  en  re- 
vanche la  rivière  de  Saigon,  chef-lieu  de  la  colonie, 
offre  un  chenal  navigable  de  lO  mètres  de  profon- 
deur, et  la  Cochinchine  est  sillonnée  de  nombreux 
canaux  par  lesquels  les  transports  se  font  très-fa- 
cilement d'un  point  à  un  autre. 

Le  sol  est  partout  tros  fertile.  Il  produit  une 
énorme  quantité  de  riz,  des  noix  d'arec  et  de  coco, 
du  sticre,  du  coton,  du  tabac,  du  poivre,  des  ara- 
chides. On  y  élève  des  vers  à  soie,  et  on  y  récolte 
de  nombreuses  plantes  textiles,  joncs  ou  autres. 
Les  forêts  fournissent  des  bois  précieux,  les  cours 
d'eau  une  pèche  abondante.  Aussi  ce  pays  semble- 
t-il  ofl'rir  un  grand  avenir.  Malheureusement^  son 
climat  chaud  et  humide  est  très  malsain  pour  les 
Européens  qui  n'y  peuvent  faire  de  longs  séjours, 
et  qui  n'ont  pas  la  ressource  d'aller  retrouver  la 
santé  sur  les  points  élevés  comme  à  la  Réunion.  Il 


COLONIES  FRANÇAISES     —  ^^^i  —     COLONIES  FRANÇAISES 


n'y  a  encore  dans  la  colonie  qu'un  millier  d'Euro- 
péens environ,  en  dehors  des  fonctionnaires  et  de 
la  garnison.  Les  Chinois  sont  près  de  50  000  ;  les 
Annamites,  'IS  000,  et  les  Cambodgiens  un  peu  moins 
nombreux.  Le  reste  est  formé  des  Cochinchinois 
indigènes.  Le  commerce  total  de  la  colonie  est  éva- 
lué à  30  millions  ;  il  comprend  surtout,  h  l'expor- 
tation, le  riz  et  le   poisson  salé. 

Saïf/on  est  le  siège  du  gouvernement,  d'une 
cour  d'appel  et  d'un  évêché.  La  ville,  dont  la  popu- 
lation est  de  65  à  70  000  habitants,  est  régulière- 
ment construite  et  animée  par  le  commerce  et  la 
garnison.  Les  Français  y  ont  déjà  élevé  plusieurs 
«difices  remarquables.  Son  portest  desservi  par  les 
navires  français  qui  vont  de  Marseille  à  Shanghaï 
et  qui  font  le  trajet  en  3.5  jours  jusqu'à  Saigon. 

Protectorat  du  Cambodge.  —  Au  Nord,  la  Co- 
chinchine  touche  au  royaume  de  Cambodge  (30  OoO 
kil.  carrés)  dont  le  royaume  de  Siam  et  l'empire 
d'Annam  se  disputaient  la  suzeraineté,  et  qui  s'est 
mis  sous  le  protectorat  de  la  France.  Il  renferme 
900,000  habitants  seulement.  C'est  dans  ce  royaume 
que  se  trouvent  les  ruines  d'Angcor,  d'où  l'on  a 
apporté  à  Compiègne  tant  de  merveilleux  restes 
de  l'art  des  Kmers  (nom  de  l'ancienne  population 
indigène,  qui  avait  atteint  à  un  degré  de  civilisa- 
tion plus  élevé  que  les  Cambodgiens  actuels).  Au 
nord  de  l'Annam,  la  France  a  récemment  obtenu, 
par  un  traité  conclu  avec  cet  empire,  le  droit  de 
naviguer  sur  le  fleuve  du  Tonkin,  qui  semble  être 
la  meilleure  voie  pour  pénétrer  dans  les  riches 
provinces  du  S.-O.  delà  Chine. 

Amérique.  —  En  Amérique  la  France  possédait 
au  siècle  dernier  le  Canada,  ainsi  que  la  Loui- 
siane, qui  comprenait  alors  tout  le  bassin  du  Mis- 
sissipi.  Par  le  traité  d'Utrecht,  en  1713,  elle  dut 
céder  aux  Anglais  l'Acadie  et  Terre-Neuve.  Au 
traité  de  Paris  en  17G3,  elle  abandonna  la  Louisiane 
aux  Espagnols,  ses  alliés,  et  le  Canada  aux  An- 
glais, ses  adversaires.  Il  ne  lui  reste  plus  aujour- 
d'hui en  Améiique  que  les  îlots  de  Saint-Pierre  et 
Miquelon,  près  de  Terre-Neuve,  quelques-unes  des 
Antilles  et  la  Guyane  française. 

Les  deux  îles  de  Siint-Pierre  et  de  Miquelon 
sont  situées  au  sud  de  Terre-Neuve  ;  Miquelon,  la 
plus  grande  et  la  plus  septentrional*',  est  traversée 
par  le  't'i"  degré  de  lat.  N.  et  voisine  du  59^  de 
long.  E.  Elle  n'est  qu'à  15  kilom.  de  la  côte  de  Terre- 
Neuve,  mais  à  plus  de  G  500  kil.  de  Brest,  le  port 
français  le  plus  rapproché.  Ces  deux  îles  sont  ro- 
cheuses et  stériles,  elles  ne  nourrissent  que 
quelques  bestiaux.  Mais  elles  sont  le  centre  de 
ravitaillement  des  bateaux  français  qui  vont  pêcher 
la  morue  dans  ces  parages.  La  population  normale 
des  îles  n'est  que  de  5  000  individus  pour  210  kil. 
carrés  de  superficie.  Elle  est  considérablement 
augmentée  pendant  là  saison  d'été  où  se  fait  la 
pèche.  La  France  a  conservé  le  droit  de  pêcher 
et  de  préparer  la  morue  sur  une  portion  des 
côtes  de  Terre-Neuve.  On  estime  à  12  millions  les 
produits  préparés  par  les  pêcheurs  français  tant  à 
Terre-Neuve  qu'à  Saint-Pierre  et  Miquelon. 

La  Guadeloupe  et  xcs  dèpendam-es. — La  France 
possède,  dans  les  petites  Antilles,  une  partie  de 
la  petite  île  Saint-Martin,  la  petite  île  Saint-Bar- 
thélémy, récemment  abandonnée  par  la  Suède,  la 
Désirade,  Marie-Galante  et  les  Saintes  groupées 
autour  de  !a  Guadeloupe.  Cette  première  série  d'îles 
est  considérée  comme  dépendance  de  la  Guade- 
loupe :  elles  ont  ensemble  une  superficie  de  1G73 
kil.  carrés  et  une  population  de  l-i5,00()  habitants. 

La  Guadeloupe,  la  plus  considérable  de  ces 
îles,  se  compose  de  deux  îles  séparées  par  un 
étroit  canal  que  l'on  appelle  la  Rivière  Salée.  La 
Guadeloupe  proprement  dite,  dirigée  du  N.  au  S., 
est  traversée  par  leGi'  degré  de  long.  E.  et  le  IC^  de 
lat.  N.  C'est  une  île  d'origine  volcanique,  sillon- 
née de  montagnes,  dont  le  point  culminant,    le 


volran  de  la  Soufrière,  atteintprès  de  1500  mètres 
d'aliitude,  et  est  encore  en  activité.  Ces  montagnes 
sont  couvertes  de  forêts.  La  Grande-Terre,  située 
à  l'Est  de  la  Rivière  Salée  et  au  N.-E.  de  la  Guade- 
loupe, est  au  contraire  peu  accidentée,  déboisée  et 
soumise  à  des  chaleurs  rigoureuses,  mais  très  fer- 
tile. C'est  sur  la  Grande-Terre,  au  bord  de  la  Ri- 
vière Salée,  dontia  largeur  ne  dépasse  pas eOmètres, 
que  se  trouve  la  Puinte-à-Pitre  (15,0u0  habitants), 
la  principale  place  de  commerce  de  l'île.  A  l'extré- 
mité S.-O. delà  Guadeloupe  se  trouve  la  Basse-Terre 
(10  000  habitants),  siège  du  gouvernement,  d'une 
cour  d'appel  et  d'un  évêché 

La  princioale  production  de  la  Guadeloupe  est 
la  canne  à  sucre  ;  on  y  récolte  aussi  du  café,  qui 
se  vend  sous  le  nom  de  café  de  la  Martinique,  et 
du  manioc.  Le  commerce  total  s'élève  à  une  cin- 
quantaine de  millions  et  se  fait  presque  exclusi- 
vement avec  !a  France. 

La  Martinique.  —  La  Martinique  est  traversée 
par  U»  30'  de  latitude  N.  et  par  63°  30'  de  lon- 
gitude E.  Elle  est  d'origine  volcanique  comme 
la  plupart  des  Antilles,  et  couverte  d'anciensvol- 
cans  ;  le  plus  élevé,  la  montagne  Pelée,  a  1,350  mè- 
tres d'altitude.  Les  montagnes  sont  couvertes  d'é- 
paisses forêts  et  sillonnées  de  ravins.  Ceux-ci  sont 
parcourus  par  des  torrents  furieux  au  moment  des 
pluies  de  la  saison  d'hivernage,  qui  versent  2  mè- 
tres d'eau  sur  le  sol. 

La  Martinique  couvre  une  superficie  de  987  ki- 
lomètres carrés  et  a  une  population  de  160,000  ha- 
bitants, dont  les  deux  tiers  de  nègres  ou  de  mu- 
lâtres. Pour  suppléer  au  travail  des  anciens 
esclaves,  on  introduit  aujourd'hui  dans  l'île  des 
coolies  indous,  africains  ou  chinois. 

C'est  sur  la  côte  occidentale  de  l'île  que  se 
trouvent  les  meilleurs  ports  :  Saint-Pierre  (25  000 
hab.),  le  principal  centre  du  commerce  et  le  siège 
d'un  évêché,  et  Fort-de-France  (15  000  hab.),  le 
si^ge  du  gouvernement  et  d'une  cour  d'appel.  Son 
port  est  situé  sur  une  baie  qui  offre  une  excel- 
lente rade,  et  où  relâchent  les  transatlantiques 
qui  de  Saint-Nazaire  se  dirigent  sur  l'isthme  do 
Panama. 

La  Martinique  produit  surtout  de  la  canne,  qui 
sert  à  fabriquer  du  sucre,  du  rhum,  du  tafia,  de  la 
mélasse;  du  cacao,  base  de  la  composition  du  cho- 
colat. Les  forêts  de  la  Martinique  et  de  la  Guade- 
loupe sont  riches  en  bois  précieux.  Le  commerce 
de  la  Martinique  atteint  une  valeur  de  60  millions, 
dont  les  deux  tiers  avec  la  France. 

La  Gui/ane.  —  La  Guyane,  où  les  Français  ont 
commencé  à  s'établir  sous  Richelieu,  est  située 
sur  la  côte  de  l'Amérique  Méridionale,  entre 
l'embouchure  de  l'Amazone  et  celle  de  l'Oréno- 
que,  depuis  4°  de  latitude  N.  jusqu'à  6°,  et  depuis 
54°  de  longitude  E.  jusqu'à  56°.  Deux  rivières 
moins  considérables  en  forment  les  limites  :  au 
nord,  le  Maroni  la  sépare  de  la  Guyane  hollan- 
daise ;  au  sud,  l'Oyapok  la  sépare  du  Brésil.  Ce- 
pendant la  France  prétend  avoir  le  droit  de  s'é- 
tendre plus  au  sud  de  ce  côté.  C'est  pourquoi  on 
évalue  approximativement  seulement  la  superficie 
de  la  Guyane  française  à  OOOuO  kilomètres  carrés. 

La  Guyane  comprend  un  littoral  composé  de 
terres  basses,  marécageuses,  et  des  plateaux  cou- 
verts de  superbes  forêts.  La  température  y  est 
très  élevée  durant  toute  l'année  (25  à  35°  centigra- 
des) :  la  saison  pluvieuse  dure  de  sept  à  huit  mois, 
de  décembre  à  juillet,  avec  une  courte  interruption 
en  mars.  Il  tombe  pendant  ce  temps  près  de  3  mè- 
tres et  demi  d'eau.  C'est  ce  qui  rend  le  climat  de 
la  Guyane  si  dangereux  pour  les  Européens.  La 
fièvre  jaune  y  fait  de  terribles  ravages  et  l'on  a 
renoncé  à  y  déporter  les  criminels  comme  on  le 
faisait  autrefois.  Le  pénitencier  de  Cayenne  e 
comprend  plus  que  des  noirs  ou  des  Arabes. 

La  population  de  la  Guyane  française  ne  s'élève 


COLONIES  FRANÇAISES     —  445 


COLORANTES 


qu'à  une  trentaine  de  mille  habitants,  groupés 
principalement  vers  l'embouchure  des  rivières.  Ils 
récoltent  du  riz,  du  mais,  des  ignames  et  du  ma- 
nioc, qui  font  la  base  de  leur  nourriture,  du  café, 
de  la  canne  à  sucre,  du  rocou,  qui  sert  à  teindre 
en  rouge,  et  surtout  des  bois  précieux  dans  les  fo- 
rêts. On  a  commencé  aussi  à  y  exploiter  des  mines 
d'or.  Le  commerce  ne  s'élève  encore  qu'à  une  di- 
zaine de  millions.  Cayenne,  le  siège  du  gouverne- 
ment et  d'une  cour  d'appel,  n'a  que  8  OOO  habi- 
tants. 

Océanie.  —  La  Nouvelle-Calédonie.  —  La 
France  a  pris  possession  en  1853  de  l'île  de 
Nouvelle-Calédonie,  située  dans  l'Océan  Austral, 
entre  20*  et  22°  de  latitude  S.,  1G2°  et  Inô"  de 
longitude  E.,  à  25n  lieues  à  l'est  de  l'Australie,  à 
1  000  au  S.-E.  de  la  Cochinchine.  Cette  île,  orien- 
tée du  N.-O.  au  S.-E.,  a  3U0  kilomètres  de  lon- 
gueur et  est  enveloppée  par  une  ceinture  de  récifs 
madréporiques  (ou  de  coraux)  qui  en  interdisent 
l'accès  aux  navires,  sauf  par  un  petit  nombre  de 
passes. 

A  50  kilomètres  au  S.-E.  de  la  pointe  méridio- 
nale de  l'île  se  trouve  l'île  des  Pins  ;  le  groupe 
des  îles  Loyalty  est  situé  à  une  distance  double 
h  l'est  de  la  Nouvelle-Calédonie.  L'archipel  tout 
entier  a  19  '00  kilomètres  de  superficie  et  une  po- 
pulation  de  soixante-dix  mille  âmes. 

Les  indigènes,  dont  une  partie  sont  anthropo- 
phages, n'ont  aucune  espèce  d'industrie.  Le  cli- 
mat de  l'île  convient  admirablement  aux  Euro- 
péens. La  température  ne  s'élève  pas  au-dessus  de 
;j2"  et  ne  descend  pas  au-dessous  de  lu".  L'hiver- 
nage, qui  est  en  même  temps  la  saison  des  pluies 
et  celle  des  chaleurs,  se  passe  de  janvier  à  avril. 

Mais  le  territoire  n'est  qu'en  partie  fertile.  Les 
cultures  tropicales,  canne  à  sucre,  café,  coton, 
ignames,  patates,  les  céréales  d'Europe,  le  tabac 
réussissent  bien  sur  un  certain  nombre  de  points. 
Les  troupeaux  prospèrent.  Les  forets  fournissent 
du  bois  de  sandal  et  les  produits  du  cocotier.  On 
pèche  sur  la  côte  des  tortues  recherchées  pour 
leur  écaille.  La  Nouvelle-Calédonie  possède  des 
mines  d'or,  de  fer,  de  nickel  et  un  peu  de  houille. 

Chacun  sait  qu'on  y  transporte  les  criminels 
condamnés  aux  travaux  forcés  et  les  condamnés 
politiques. 

Nouméa,  au  S.-O.,  est  le  chef-lieu  de  la  colonie. 
Kanala,  sur  la  côte  orientale,  offre  un  bcn  port.  Le 
commerce  de  la  Nouvelle-Calédonie  n'atteint  en- 
core que  quelques  millions. 

Autres  possessions  océaniennes.  —  La  France 
possède  encore  en  Océanie  les  îles  Marquises,  si- 
luées  par  10°  de  latitude  S.  et  140°  à  l'O.  de  Paris, 
et  elle  exerce  son  protectorat  sur  deux  archipels 
voisins,  celui  dos  îles  Basses  ou  Toitatnotou,  situé 
ù  quelques  degrés  au  sud,  et  celui  de  Tahiti  ou 
des  îles  de  la  Société,  à  quelques  degrés  au  S.-O. 
des  Marquises. 

Les  îles  Basses  sont  formées  par  les  construc- 
tions des  coraux,  et  peu  élevées  au-dessus  du  ni- 
veau de  l'océan  ;  elles  renferment  généralement 
dans  leur  intérieur  un  lac  communiquant  avec  la 
mer.  Elles  sont  couvertes  de  cocotiers. 

Les  Tahiti  et  les  Marquises  sont  au  contraire 
d'origine  volcanique,  montagneuses  et  boisées.  Le 
poini  culminant  de  l'île  Tahiti  dépasse  2,000  mè- 
tres d'altitude. 

Ces  îles  jouissent  d'un  climat  délicieux.  Pendant 
huit  mois  de  l'année,  d'avril  en  décembre,  le  ciel 
est  toujours  serein.  Pendant  l'hivernage,  qui  oc- 
cupe le  reste  de  l'année,  la  température  ne  dé- 
passe pas  31°.  Le  sol  est  fertile  et  produit  en  abon- 
dance des  fruits.  L'arbre  à  pain,  l'igname,  le  ma- 
nioc, forment  la  base  de  la  nourriture  des  habi- 
tants, qui  vendent  en  outre  de  la  nacre,  de  l'é- 
caille,  des  perles,  de  l'huile  de  coco,  de  l'arrow-root. 

Les    Marquises    ont  1  ■.:40  kilomètres  carrus   de  ' 


[  superficie  et  10  000  habitants  :  les  îles  de  la  Société 
avec  les  Touamotou,  8000  kilomètres  carrés  et 
20  000  habitants.  Les  îles  de  la  Société  ont  seules 
un  commerce  de  quelque  importance,  mais  qui 
n'atteint  pas  encore  10  millions. 

Conclusion  —  En  résumé,  la  France  possède  en 
dehors  do  l'Algérie,  qui  est  une  seconde  France, 
un  empire  colonial  de  200  00 J  kilomètres  carrés, 
peuplé  de  près  de  3  millions  d'habitants,  et  elle 
exerce  son  protectorat  sur  des  pays  dont  l'ensemble 
a  une  superficie  de  40000  kilomètres  carrés  peu- 
plée d'un  million  d'habitants. 

Les  colonies,  qui  durant  tout  l'empire  n'ont  pas 
eu  de  représentants  élus,  envoient  maintenant  des 
députés  et  des  sénateurs  au  Parlement  de  la  métro- 
pole. Il  y  a  trois  députés  et  trois  sénateurs  pour 
l'Algérie.  L'Inde  française,  la  Réunion,  la  Martini- 
que et  la  Guadeloupe  nomment  chacune  un  député 
et  un  sénateur.  Les  autres  colonies  n'ont  pas  de 
représentants  dans  les  Chambres. 

Comparée  aux  autres  puissances  européennes 
qui  ont  des  colonies,  l'Angleterre,  la  Hollande, 
l'Espagne  et  le  Portugal,  la  France  est  certaine- 
ment dépassée  par  les  trois  premières.  Le  Portu- 
gal possède  des  territoires  plus  étendus  que  les 
siens,  mais  moins  peuplés  que  l'ensemble  des  co- 
lonies françaises,  en  y  comprenant  l'Algérie,  et 
où  la  domination  de  la  métropole  est  moins  effec- 
tive que  dans  nos  possessions  d'ouire-mer. 

[G.  Meissas.J 

COLOR.irs'TES  (Matières).  —  Chimie,  XXVI.  — 
Co.NsiDÉKATio.Ns  GÉ.NÉR.ALES.  —  On  donue  spéciale- 
ment dans  l'industrie  le  nom  de  matières  coloran- 
tes aux  substances  colorées  ou  non,  employées  à 
communiquer  des  couleurs  variées  aux  différents 
tissus.  La  plupart  des  matières  colorantes  sont 
d'origine  végétale.  La  cocheiiille  et  le  kermès  sont 
des  insectes,  la  pourpre  des  anciens  provenait  de 
certains  coquillages.  Il  ne  faut  pas  confondre  avec 
les  matières  colorantes  les  nombreux  produits  em- 
ployés en  peinture  sous  le  nom  de  couleurs,  et  qui 
sont  toujours  des  oxydes  ou  des  sels.  (V.  Oxydes 
et  Sels.j  Quelques-uns  cependant  sont  employés 
dans  la  teinture;  tels  sont  :  l'arsénite  de  cuivre 
ou  vert  de  Scheele,  le  bleu  de  Prusse,  le  chro- 
mate  de  plomb,  les  sulfures  d'arsenic. 

Caractères  des  matières  colorajites.  —  La  plu- 
part des  matières  colorantes  sont  des  principes 
immédiats  formés  de  carbone,  d'hydrogène  et  d'o- 
xygène (V.  Chimie  organique)  ;  quelques-unes  con- 
tiennent de  l'azote,  Yorcéine  par  exemple,  Yindi- 
gotine,  l'aniline  et  ses  dérivés.  Les  matières  colo- 
rantes sont  plus  solubles  dans  l'alcool,  l'éther,  les 
alcalis  étendus,  que  dans  l'eau.  Elles  sont  quelque- 
fois formées  de  plusieurs  principes  colorants,  ou 
associées  à  des  substances  incolores. 

On  les  sépare  en  traitant  l'hifusion  dans  l'eau  de 
la  matière  colorante  par  de  l'oxyde  de  plomb  qui 
s'}'  combine  en  formant  ce  qu'on  appelle  une  laque; 
on  décompose  ensuite  ce  produit  par  l'acide  sul- 
fhydrique,  qui  précipite  le  plomb  à  l'état  de  sul- 
fure. Par  l'évaporation,  le  principe  colorant  se 
dépose  à  l'état  de  cristaux  incolores  qui  repren- 
nent leur  coloration  à  l'air. 

Action  de  l'oxygène,  du  chlore  et  des  corps  riches 
en  oxygène;  actions  des  corps  réductews.  —  Quel- 
ques matières  colorantes  sont  produites  par  l'action 
de  l'oxygène  de  l'air  sur  des  principes  végétatix 
incolores.  Ainsi  ri;ïd/^o<i«e  ou  indigo  pur  se  produit 
par  l'action  de  l'air  sur  un  principe  incolore  con- 
tenu dans  les  feuilles  de  l'indigofera,  et  qu'on  a 
appelé  Indican.  Le  produit  des  racines  de  ga- 
rance ne  se  fonce  également  qu'au  contact  de  l'air. 
Inversement  un  excès  d'oxygène  décolore  toutes 
ces  substances  ;  le  blanchiment  des  toiles  par 
l'exposition  à  la  rosée  est  une  application  de  C8 
fait  général. 

Les  acides  oxygénés   du  chlore,  de    l'azote,  du 


COLORANTES 


446  — 


COLORANTES 


chrome,  détruisent  également  les  couleurs  végé- 
tales en  les  oxydant.  Aucune,  sans  exception,  ne 
résiste  au  chlore  humide,  qui,  en  se  combinant  à 
leur  hydrogène,  produit  une  véritable  action 
oxydante  (V.  Clilore).  L'acide  sulfureux  (V.  Soufre: 
a  aussi  un  grand  pouvoir  décolorant,  par  suite  de 
son  pouvoir  désoxydant;  quelquefois  la  décolora- 
tion est  le  résultat  de  sa  combinaison  avec  le  prin- 
cipe colorant  :  dans  ce  cas  on  peut  faire  repa- 
raître la  couleur  en  neutralisant  l'acide  par  une 
Uqueur  alcaline  ou  en  l'exposant  à  des  vapeurs 
ammoniacales.  On  peut  faire  cette  double  expé- 
rience avec  un  bouquet  de  violettes  exposé  aux 
vapeurs  d'une  allumette  soufrée.  Tous  les  corps 
énergiquement  réducteurs  (  capables  d'enlever 
l'oxygène  aux  autres)  détruisent,  comme  l'acide 
sulfureux,  les  substances  colorantes;  tels  sont  : 
l'hydrogène  naissant,  le  protoxyde  de  fer,  les  sul- 
fures alcalins. 

Actioti  du  soleil,  action  de  la  chaleur.  —  Le 
soleil  tend  à  détruire  avec  le  temps  toutes  les  ma- 
tières colorantes  ;  quelques-unes,  comme  le  rose 
de  carlliame,  disparaissent  presque  instantané- 
ment sous  l'action  des  rayons  solaires.  Comme  tous 
les  principes  organiques,  les  matières  colorajites 
se  décomposent  à  une  température  plus  ou  moins 
élevée  ;  cependant  il  en  est  qui  peuvent  être 
obtenues  par  distillation  sèche  :  telle  est  l'indigo- 
tine.  qu'on  obtient  cristallisée  par  la  distillation 
de  l'indigo  du  commerce. 

Couleurs  solides,  couleurs  faux  teint.  —  On  a 
dor-né  le  nom  de  couleurs  soli/les,  bon  teint,  ou 
couleur  de  granit  teint,  à  celles  qui  résistent  long- 
temps au  soleil,  à  l'air,  à  l'eau,  à  l'eau  de  javelle 
ei  au  savon  ;  rappelons  ici  que  toutes  peuvent  être 
rapidement  détruites  par  une  action  trop  énergi- 
que de  l'eau  de  javelle  (V.  Chlore]  ;  c'est  ce  qu'on 
ne  constate  que  trop  souvent.  Les  couleurs  fugaces, 
qui  ne  suppportent  que  quelques  soleils,  et  que 
deux  ou  trois  blanchissages  font  disparaître,  sont 
•appelées  couleurs  de  faux  teint  ou  de  petit  teint. 
Dans  les  premières,  nous  rangerons  la  garance, 
h'indigo,  la  gaude,  le  ta/mate  de  fer,  etc  ,  dans  les 
secondes,  le  curcuma,  le  rocou,  le  cartiame. 

Notions  sur  quelques  matières  colorantes.  — 
Cochenille,  kermès.  —  Ces  deux  produ'its  tinctoriaux 
sont  des  insectes  desséchés,  appartenant  à  l'ordre 
des  Hémiptères.  La  cochenille  vit  sur  les  feuilles 
de  cactus;  on  la  cultive  aujourd'hui  au  Mexique, 
aux  Antilles,  aux  Indes,  en  Espagne  et  pu  Algérie. 
D'après  Humboldt,  le  Mexique,  au  commence- 
meutde  ce  siècle,  eu  récoltait  environ 400  000  kil. 
Le  kermès  est  la  cochenille  du  chêne  vert,  qui  se 
trouve  dans  l'Europe  méridionale  ;  on  s'en  servait 
pour  teindre  en  cramoisi,  mais  on  ne  l'emploie 
plus  guère  aujourd'hui. 

La  cochenille  desséchée  peut  se  conserver  pen- 
•dant  très  longtemps.  On  a  donné  le  nom  de  car- 
miyie  à  son  principe  colorant.  Le  carmin  n'est  autre 
chose  qu'une  laque  obtenue  en  traitant  une  décoc- 
tion de  cochenille  par  de  l'alun  et  de  la  crème  de 
tartre.  On  sait  que  le  carmin  est  très  employé  par 
les  fabricants  de  fleurs  artificielles  ;  on  s'en  sert 
aussi  pour  colorer  les  bonbons  ;  enfin  les  peintres 
en  miniature  en  font  un  très  grand  usage. 

Garance.  —  Parmi  les  couleurs  rouges,  citons 
encore  la  garance,  extraite  de  la  lacine  de  garance, 
plante  de  la  famille  des  Rubiacées.  Elle  croît  dans 
Je  midi  de  l'Europe,  dans  l'Afrique  septentrionale  ; 
elle  était  en  grand  usage  chez  les  anciens.  En 
France  elle  était  cultivée  en  grand  daus  le  départe- 
ment de  Vaucluse,  dont  elle  formait  une  des  ri- 
chesses. La  garance  donne  plusieurs  produits  diffé- 
rents :  la  giiranidiie,  Valizarine  et  la  fleur  de  ga- 
rance, tous  les  trois  employés  daus  la  teinture. 

On  fabrique  aujourd'hui  de  l'alizarine  artificielle, 
ce  quia  fait  perdre  à  la  cultui-e  de  la  garance  son 
importance  au  point  do  vue  industriel. 


B(jis  de  C'imjtêche  ou  bois  d'Inde,  bois  du  Brésil. 
—  Ces  produits  nous  arrivent  en  bûches;  on  les  pul- 
vérise, et  pour  en  extraire  la  matière  colorante  on 
les  traite  par  l'eau  bouillante  ;  on  évapore,  et  le 
résidu,  traité  par  l'alcool,  donne  un  produit  cris- 
tallin qu'on  appelle  Vhématine. 

Carthame.  —  Une  infusion  de  fleurs  de  carthame 
dans  l'eau  froide,  traitée  par  du  carbonate  de  soude, 
donne  une  liqueur  rouge. 

En  neutralisant  la  liqueur  alcaline  par  l'acide 
acétique,  on  obtient  la  carthamine,  qui  peut  se 
précipiter  sur  du  coton  plongé  dans  la  liqueur. 
La  carthamine,  traitée  par  l'acide  citrique,  donne 
une  couleur  cramoisie  qu'on  applique  sur  la  soie 
et  le  coton,  et  qui  leur  donne  les  plus  belles 
nuances,  rose,  cerise,  ponceau,  couleur  chair. 

Orseille.  —  L'orseille  est  une  pâte  d'un  violet 
foncé  qui  provient  de  la  putréfaction  de  certains 
lichens  en  présence  de  l'ammoniaque  ou  de  l'urine 
en  putréfaction. 

Le  principe  colorant  de  l'orseille  s'appelle  orcine 
ou  07\éine. 

Ce  principe  colorant  fut  isolé  en  1828  par  Ro- 
biquet.  On  l'obtient  en  prismes  incolores  solubles 
dans  l'eau  et  l'alcool  ;  traitée  par  l'ammoniaque, 
l'orcine  se  colore  eu  violet,  puis  en  brun  sous  l'ac- 
tion oxydante  de  l'air.  Nous  pouvons  ici  faire 
remarquer  une  propriété  très  générale  qu'ont  la 
plupart  des  principes  colorants  végétaux  de  changer 
de  nuances  sous  l'influence  des  alcalis  ou  des 
acides  étendus.  Ainsi  le  bois  de  Brésil,  dont  nous 
avons  parlé,  vire  au  jaune  par  l'action  des  acides 
et  au  pourpre  par  celle  des  alcalis,  tandis  que  le 
campêche  devient  bleu  par  les  alcalis  et  rouge 
par  les  acides. 

Orcanet/e.  —  C'est  une  espèce  de  résine  qui 
sert  à  teindre  en  violet  ;  son  principe  colorant, 
insoluble  dans  l'eau,  se  dissout  dans  l'alcool. 

Gaude.  —  Matière  colorante  jaune  assez  employée 
dans  la  teinture  :  on  l'extrait  des  feuilles  d'une 
espèce  de  réséda.  C'est  une  couleur  assez  solide. 

Indigo.  —  L'indigo  est  une  couleur  bleue  extrê- 
mement employée  ;  on  l'extrait  de  l'indigotier 
ou  Indigofera  et  du  pastel.  L'indigofera  est  une 
plante  de  la  famille  des  Légumineuses,  genre  des 
Papilionacées.  On  le  rencontre  dans  les  pays  inter- 
tropicaux. Le  principe  colorant,  qui  se  trouve 
exclusivement  dans  les  feuilles,  est  d'abord  com- 
plètement incolore;  c'est  pendant  la  fermentation 
des  feuilles  coupées  que  se  produit  la  matière  colo- 
rante bleue. 

Dans  le  commerce  on  rencontre  l'indigo  sous 
forme  de  morceaux  cubiques  ou  ronds  resse.ii- 
blant  à  des  boulettes  de  farine  bleuie,  et  dont  la 
couleur  varie  du  violet  au  bleu  foncé. 

En  chauffant  l'indigo,  on  en  extrait  un  principe 
immédiat,  cristallisable,  azoté,  d'un  violet  pourpré, 
et  qu'on  appelle  ïindigoti7ie.  Ce  principe  est  com- 
plètement insoluble. 

En  écrasant  l'indigo  bleu  dans  de  l'eau  contenant 
de  la  couperose  verte  (sulfate  de  protoxyde  de  fer, 
corps  désoxydant),  l'indigo  perd  une  partie  de  -on 
oxygène,  redevient  de  1  indigo  incolore  soluble 
dans  l'eau  ;  on  conserve  la  masse  dans  un  flacon 
bouché  :  c'est  ce  qu'on  appelle  une  cuve  d'indigo. 
Si  on  y  plonge  un  tissu  préparé,  l'indigotine  blanche 
s'y  hxe,  et  l'exposition  du  tissu  à  l'air  laisse  par 
oxydation  apparaître  la  couleur  bleue. 

Préparation  pratique  d'une  cuve  d'indigo  :  on 
place  dans  un  tonneau  de  IrO  litres  500  grammes 
d'indigo,  I  kilogramme  de  sulfate  ferreux,  1^,5  de 
chaux  éteinte,  on  achève  de  remplir  avec  de  l'eau 
chaude  et  on  ferme  hermétiquement  (Dumas). 

L'indiso  se  dissout  dans  l'acide  sulfurique  de 
Saxe  (,S03,'2HO),et  forme  le  sulfate  d'indigo,  qui 
sert  à  donner  à  la  laine  la  couleur  bleu   de  Saxe. 

ïeintwc  en  noir  et  en  brun,  acide  tannique, 
a<:tde  gallique.  —  Ces  couleurs  résultent  toutes  de 


COLORANTES 


—  447  — 


COMBINAISON 


l'action  des  acides  tannique  et  galltque  sur  les 
sels  de  fer  et  quelques  autres  sels  métalliques.  La 
noix  de  galle  avec  les  sels  de  fer  donne  du  noir, 
et  avec  les  sels  de  cuivre  du  gris.  Le  bichromate 
de  potasse  donne  des  rouges  plus  ou  moms  bruns 
avec  l'écorce  de  saule. 

L'acide  tannique  existe  dans  l'écorce  de  cheno, 
de  saule,  de  bouleau,  etc.  ;  on  l'extrait  principale- 
ment de  la  noix  de  galle.  Pour  cela  on  place  la 
noix  concassée  dans  une  allonge  plantée  dans  le 
col  dune  carafe,  on  y  verse  de  letlier  ordinaire, 
on  abandonne  lappareil  après  1  avoir  bouclie, 
et  le  lendemain  une  couche  aqueuse  formée  au 
fond  de  la  carafe  contient  la  plus  grande  partie  du 
tannin. 

L'acide  tannique  est  une  substance  jaunâtre, 
amorphe,  très  légère,  soluble  dans  Teau,  insoluble 
dans  Téther  pur,  très  fortement  astringente  ;  c'est 
le  principe  du  tannage  des  peaux  (V.  Cuir).  Sa 
dissolution  dans  l'eau  produit  dans  les  sels  de 
sesquioxyde  de  fer  un  précipité  noir  bleuâtre  : 
c'est  l'encre  ordinaire;  dans  les  sels  de  protoxydo, 
!a  couleur  noire  ne  se  forme  que  par  Texposition  à 
l'air.  C'est  grâce  au  tannin  que  la  sciure  de  chêne 
humide  noircit  les  outils  des  bûcherons  et  des 
scieurs  de  long,  que  les  artichauts  noircissent  les 
couteaux  de  table. 

La  solution  aqueuse  d'acide  tannique  fermente  à 
l'air  en  donnant  de  l'acide  galliqun. 

Acide picrique.  —  L'acide  picrique  est  une  ma- 
tière colorante  azotée,  découverte  à  la  fin  du  siè- 
cle dernier,  et  étudiée  depuis  par  Dumas  :  c'est 
le  résultat  de  l'action  de  l'acide  azotique  sur 
Talcool  phénique,  l'aloès.  l'indigo,  la  résine  de 
benjoin,  la  soie.  etc.  On  l'obtient  principalement 
en  traitant  l'alcool  phénique  par  l'acide  azotique 
fumant.  On  l'obtient  aussi  par  l'action  de  l'acide 
azotique  sur  les  huiles  lourdes  de  goudron.  C'est 
une  substance  peu  soluble,  cristallisant  en  larmes 
brillantes  jaune  citron.  Sa  saveur  est  amère,  aussi 
l'appelle-t-on  jaune  amer  de  Welter.  L'acide  pi- 
crique se  sublime  sans  s'altérer  (Wiirtz).  On 
l'emploie  principalement  pour  teindre  la  soie  en 
jaune.  Un  kilogramme  de  cette  substance  peut  tein- 
dre en  jaune  lOOc  kilogrammes  de  soie.  li  forme 
avec  les  bases  des  sels  jaunes  susceptibles  de  vio- 
lentes explosions  lorsqu'on  les  chautïe,  principale- 
ment le  picrate  de  potasse. 

Aniline  et  ses  dérivés  principaux.  —  L'aniline 
est  un  principe  colorant  artiiiriel,  azoté,  qui  a  été 
■découvert  en  1826  par  Unverdorben  dans  les  pro- 
duits de  la  distillation  sèche  de  l'indigo.  Son  im- 
portance dans  l'industrie  des  couleurs  dépasse 
aujourd'hui  de  beaucoup  celle  de  toutes  les  sub- 
stances colorantes  connues.  L'emploi  de  l  aniline 
et  de  ses  dérivés  se  substitue  successivement  à 
celui  d'un  grand  nombre  d'autres  couleurs  dont 
•elle  ruinera  les  industries  dans  un  temps  plus  ou 
moins  rapproché.  11  est  donc  indispensable  que 
uous  donnions  ici  quelques  détails  sur  cette  sub- 
■stance  si  riche  en  couleurs.  C'est  à  Lyon,  dans  le 
laboratoire  des  frères  Renard,  qu'on  i'a  préparée 
industriellement,  avec  les  produits  de  la  distillation 
du  goudron,  il  y  a  une  vingtaine  d'années. 

Depuis  cette  époque,  un  nombre  considérable  de 
chimistes  en  ont  fait  l'objet  de  leurs  études.  Elle 
coûtait  autrefois  50  francs  le  kilogramme,elle  se  vend 
aujourd'hui  moins  de  3  francs.  On  en  fabrique 
peut-ôire  aujourd'hui  plus  de  l.b,00i>  kilogrammes 
par  jour  en  Europe.  C'est  là  une  preuve  des  plus 
frappantes  de  la  puissance  ^Taiment  supérieure  et 
•créatrice  de  la  chimie,  des  sources  de  richesses 
que  l'humanité  a  trouvées  et  trouvera  dans  les  ap- 
plications de  cette  partie  des  sciences. 

L'aniline  est  le  résultat  de  l'action  de  l'acide  acé- 
tique et  du  fer  sur  la  nitrobenzine  ;  ce  dernier 
produit  est  lui-même  obtenu  par  l'aciion  de  l'acide 
azotique   sur  la    benzine.  On    chauffe  des  parties 


égales  de  nitrobenzine  et  d'acide  acétique,  et  on  y 
mélange  successivement  de  la  limaille  de  fer  très 
fine  ;  quand  la  masse  a  pris  une  consistance  épaisse, 
on  la  mélange  à  de  la  chaux  et  on  distille  au  rouge 
sombre  ;  l'aniline  se  dégage  et  se  condense  dans 
un  récipient  refroidi  :  elle  est  alors  impure  ;  on  la 
purifie  par  une  ou  deux  distillations  successives. 

L'aniline  est  un  liquide  incolore  très  réfringent, 
d'une  odeur  désagréable  et  dune  saveur  acre  ;  sa 
densité  est  un  peu  plus  grande  que  celle  de 
l'eau. 

A  —  20"  elle  s'épaissit;  elle  bout  à  18^°,8;  exposée 
à  l'air  elle  brunit  cl  finit  par  se  résinifier;  elle  est 
insoluble  dans  l'eau,  mais  se  mélange  en  toutes 
proportions  à  l'alcool,  à  l'éthor,  aux  huiles  grasses, 
aux  huiles  volatiles;  elle  ne  bleuit  pas  le  tournesol 
rouge;  elle  précipite  les  sels  d'alumine,  de  zinc  et 
de  fer  en  se  substituant  à  leurs  oxydes;  elle  se 
combine  5.  la  plupart  des  acides  en  formant  de  véri- 
tables sels. 

En  présence  d'un  azotate  et  de  l'acide  sulfurique 
elle  donne  une  coloration  rouge;  chauffée  avec  de 
l'acide  sulfurique  et  du  bichromate  de  potasse  en 
poudre,  elle  donne  une  coloration  bleue,  qui  devient 
violette  en  présence  de  l'eau.  En  présence  du  chlo- 
rure de  chaux,  elle  donne  également  une  coloration 
violette. 

L'aniline,  au  point  de  vue  chimique,  est  consi- 
dérée comme  un  alcaloïde  *.  C'est  un  poison  qui  se 
rapproche  de  la  nicotine  (WurtZj. 

Traitée  par  le  chlore,  l'aniline  donne  une  série 
de  produits  chlorés,  par  substitution  du  chlore  à 
l'hvdrogène  :  l'aniline  monochlorée,  l'aniline  bi- 
chiorée,  l'aniline  trichlorée,  dans  lesquels  le  ca- 
ractère basique  s'affaiblit  au  fur  et  à  mesure  que  la 
quantité  de  chlore  augmente. 

Dérivés  de  l'aniline.  —  Les  couleurs  diverses 
qui  ont  pour  base  l'aniline  sont  excessivement 
nombreuses;  elles  sont  toutes  d'une  richesse  et 
d'une  splendeur  incomparables  ;  nous  indiquerons 
seulement  quelques-uns  de  ces  produits. 

liosaniline.  —  La  rosaniline  s'obtient  en  oxydant 
l'aniline  par  l'acide  arsénique  ;  les  résidus  de  la 
préparation,  toujours  arsenicaux,  sont  une  source 
d'embarras  et  de  dangers.  La  fw-hilm,  malheu- 
reusement trop  employée  aujourd'hui  dans  la  co- 
loration des  vins,  est  un  sel  à  base  de  rosaniline  ;  le 
solferino.  le  magenta  sont  également  des  composés 
de  rosaniline. 

En  soumettant  l'arséniate  de  rosaniUne  à  l'action 
du  chlorure  de  sodium,  on  obtient  le  chlorhydrate 
de  rosamline,  qui  esi  une  couleur  rouge  magnifique 
très  à  la  mode.  En  traitant  ce  dernier  sel  par 
l'acide  hypophosphoreux,  on  obtient  le  jaune  de 
rosaniline;  le  violt  et  le  bleu  résultent  de  l'action 
de  la  rosaniline  sur  laniline. 

Pour  les  détails  relatifs  à  la  manière  d'employer 
les  matières  colorantes  h.  la  teinture  des  tissus, 
voyez  Teinture.  [A.  Jacquemart.] 

C03IB1>A1S0>'.  —  Chimie,  II.  —  En  chimie,  le 
mot  combinaison  a  deux  sens  que  nous  allons  suc- 
cessivement définir.  Dans  un  cas  c'est  le  phénomène 
de  l'union  intime,  chimique,  de  deux  corps  diffé- 
rents qui  en  constituent  ensemble  un  troisième. 
Par  ex.  si  on  chauffe  de  la  tournure  de  cuivre  avec 
de  la  fleur  de  soufre,  la  nia-se  devient  subitement 
incandescente  :  c'est  la  combinaison  de  ces  deux 
corps  simples  qui  s'effectue, et  il  en  résulte  un  corps 
nouveau,  du  sulfure  de  cuivre.  La  flamme  d'un  bec 
de  gaz  est  le  résultat  d'une  combinaison  qui  s'opère 
entre  l'oxygène  de  l'air  et  les  éléments  combusti- 
bles du  gaz,  hydrogène  et  carbone.  La  rouille  du 
fer  à  l'air  humide  est  le  résultat  dune  combi- 
naison entre  le  fer  et  l'oxygène  de  l'air  et  quelque- 
fois aussi  l'o-xygène  de  l'eau.  Tous  les  phénomè- 
nes chimiques  sont  des  combinaisons  ou  des 
décompositions. 
Dans  le  second  sens,  on  entend  çdiV  combinaison 


COMBINAISON 


—  448  — 


COMBINAISON 


la  substance  même  qui  est  produite  par  la  com- 
binaison de  deux  corps. 

Ainsi  on  dira  :  les  combinaisons  du  chlore  et  de 
l'oxygène  sont  peu  stables  ;  les  combinaisons  de 
l'hydrogène  et  du  carbone  sont  très  nombreuses. 
On  voit  que,  dans  ce  sens,  combinaison  est  à  peu 
près  synonyme  de  corps  composé. 

Caractères  d'un  phénomène  de  combinaison.  — 
Affinité.  —  Quand  deux  corps  se  combinent  faci- 
lement, directement,  c'est-à-dire  par  le  seul  fait  de 
leur  contact,  on  dit  qu'ils  ont  de  ïaffinitéïan  pour 
l'autre.  Ainsi  le  soufre  a  de  l'affinité  pour  presque 
tous  les  métaux;  il  en  est  de  même  du  chlore  et 
de  l'oxygène.  On  peut  dire,  dune  façon  très  géné- 
rale, que  deux  corps  ne  peuvent  se  combiner  que 
quand  ils  sont  liquides  ou  gazeux;  c'est  ce 
qu'exprime  l'adage  ancien  :  Corpora  no7i  agunt 
nisi  soluta.  La  chaleur,  l'électricité  favorisent  un 
grand  nombre  de  combinaisons  et  en  détruisent 
d'autres.  Un  mélange  d'hydrogène  et  d'oxygène  ou 
d'air  fait  explosion  à  l'approche  d'une  allumette 
ou  sous  l'action  d'une  seule  étincelle  électrique  ; 
les  deux  gaz  se  combinent  ainsi  et  forment  de  l'eau. 
M.  Deville  a  constaté  qu'à  une  température  très 
élevée  l'eau  pouvait  être  décomposée  en  l'absence 
de  tout  agent  chimique  étranger. 

Le  même  chimiste,  par  de  nombreuses  expérien- 
ces, a  mis  en  évidence  ce  fait  qui  semble  assez 
général,  qu'à  des  températures  très  élevées  toutes 
les  combinaisons  peuvent  être  défaites  ;  c'est  ce 
qu'on  a  appelé  avec  M.  Deville  la  dissociation  des 
corps  composés.  Il  y  a  des  combinaisons,  qu'on 
appelle  instables,  qui  se  défont  avec  une  extrême 
facilité  ;  le  moindre  choc,  le  plus  léger  contact  suffit 
pour  provoquer  la  séparation  de  leurs  éléments  :  tels 
sont  l'iodure  et  le  chlorure  d'azote,  qui  se  décom- 
posent brusquement  avec  explosion  quand  on  les 
touche,  fût-ce  avec  une  barbe  de  plume. 

Les  explosions  parfois  si  terribles  et  dont  quel- 
ques-unes sont  restées  célèbres  par  les  épouvan- 
tables désastres  qu'elles  causèrent,  sont  des  plié- 
nomènes  de  décompositions  brusques  dont  la  cause 
reste  quelquefois  inexplicable.  Nous  rappellerons 
ici  les  explosions  de  fulminate  de  mercure  de  la 
'•ue  Béranger,  en  1878,  f-t  de  picrate  de  potasse, 
place  de  la  Sorbonne,  eu  1869.  Les  phénomènes  de 
dissociation  dont  nous  avons  parlé  plus  haut  jouent 
un  rôle  important  dans  l'explication  d'un  grand 
nombre  d'observations  ijt^ologiques  et  asirono- 
miques  qui  avaient  été  jusqu'aiorâ  un  probleiaâ 
obscur  pour  les  savants. 

Action  déconiposajite  de  l'électricité  sur  les  com- 
hinaisons.  —  Le  gaz  ammoniac  se  décompose  en 
liydrogène  et  azote  sous  l'influence  d'une  série 
d'étincelles  électriques.  Depuis  l'invention  de  la 
pile  voltaïque,  on  a  soumis  la  plupart  des  sub- 
stances connues  à  l'action  d'un  courant  électrique, 
et  les  combinaisons  les  plus  stables  ont  été  dé- 
truites. C'est  ainsi  que  le  grand  chimiste  anglais 
Davy  a  pu  découvrir  le  potassium  et  le  sodium  en 
décomposant  les  combinaisons  de  ces  métaux  avec 
l'oxygène  ;  c'est  aussi  par  la  pile  que  Carlisle  et 
Nicholson  décomposèrent  l'eau  en  hydrogène  et 
oxygène  en  1800. 

Action  de  la  lumière  sur  les  combinaisons  chi- 
miques. —  La  lumière  est  aussi  un  agent  chimi- 
que. Elle  défait  et  forme  des  combinaisons.  C'est 
le  grand  chimiste  suédois  Scheele  qui  le  premier  a 
constaté  son  action  décomposante  sur  le  chlorure 
d'argent,  qu'elle  noircit  en  mettant  le  métal  en 
liberté  {"V.  Photographie).  C'est  là  le  fait  impor- 
tant qui  a  été  le  point  de  départ  des  merveilleux 
travaux  de  Daguerre  et  de  Niepce  de  Saint-Victor, 
les  inventeurs  du  daguerréotype. 

Un  mélange  de  chlore  et  d'hydrogène  détone 
immédiatement  sous  l'action  directe  des  rayons 
solaires  :  il  se  forme  de  l'acide  chlorhydrique  (V. 
Chlore).  Cette  combinaison  ne   se  produit  jamais 


dans  l'obscurité  complète,  mais  se  produit  lente- 
ment et  sans  détonation  dans  la  lumière  diffuse. 
La  puissance  chimique  réside  principalement  dans 
les  rayons  violets  du  spectre. 

Electro-chimie.  —  A  partir  du  commencement 
de  ce  siècle,  des  expériences  faites  par  un  grand 
nombre  de  physiciens  et  de  chimistes  démontrèrent 
que  toutes  les  combinaisons  minérales,  au  moins, 
dégagent  de  l'électricité  au  moment  où  elles  s'ac- 
complissent. 

Expériences.  —  Deux  lames  de  platine  séparées 
communiquent  avec  un  galvanomètre  par  un  fil  de 
cuivre  ;  on  interpose  entre  les  deux  lames  un  li- 
quide n'attaquant  pas  le  platine,  acide  azotique  ou 
chlorhydrique  purs,  par  exemple  :  le  galvanomètre 
n'indique  rien  ;  si  au  contraire,  le  liquide  interposé 
est  de  l'eau  régale  (V.  Chlore),  ou  si  on  y  met  un 
mélange  capable  de  former  une  combinaison,  de 
la  potasse  et  de  l'acide  sulfurique,  par  exemple, 
l'aiguille  du  galvanomètre  indiquera  toujours  la 
présence  d'un  courant.  Par  contre,  quand  on  dé- 
truit une  combinaison  par  un  courant  électrique, 
les  éléments  séparés  se  trouvent  dans  des  états 
électriques  contraires  ;  ce  sont  là  quelques-uns 
des  nombreux  faits  qui  ont  constitué  la  théorie 
électro-chimique. 

Actio7i  de  certains  corps  sur  les  combinaisons 
chimiques.  —  Certaines  substances  favorisent  di- 
verses combinaisons  sans  y  entrer  pour  rien.  Ainsi 
un  peu  de  jnousse  de  platine  projeté  dans  un  mé- 
lange d'air  et  d'hydrogène  produit  instantanément 
l'explosion  qui  caractérise  la  combinaison  de  ce» 
deux  gaz. 

Si  on  fait  tomber  goutte  à  goutte  de  l'alcool 
sur  de  la  mousse  de  platine  exposée  à  l'air,  on 
sent  immédiatement  une  odeur  d'aldéhyde  (V.  Al- 
cool) qui  indique  que  l'alcool  s'est  oxydé  aux  dé- 
pens de  l'oxygène  de  l'air;  on  sent  en  même  temps 
une  odeur  d'acide  acétique,  corps  dérivant  égale- 
ment de  l'alcool  par  oxydation  (V.  Acétique). 
Autrefois,  ne  pouvant  expliquer  cette  action  de  la 
7?iousse  de  platine,  les  chimistes  l'appelaient  action 
catabjtique.  On  s'en  rend  assez  bien  compte  au- 
jourd'hui que  l'on  sait  que  ce  corps  léger  et  poreux 
peut  condenser  dans  ses  pores  des  quantités  con- 
sidérables de  gaz,  jusqu'à  en  arriver  à  l'incan- 
descence. 

Lois  des  combinaisons  clihniques.  —  Les  combi- 
naisons diffèrent  essentiellement  de  ce  qu'on  ap- 
pelle un  mélange,  si  intime  qu'il  soit,  ou  une  disso- 
lution. 

Les  combinaisons  de  deux  corps  simples  ou 
composés  sont  toujours  formées  de  proportions 
précises,  constantes  pour  une  même  combinaison. 
Les  analyses  qui  ont  établi  cette  loi  fondamentale 
de  la  chimie  ont  été  assez  nombreuses  pour  qu'on 
puisse  dire  qu'elle  est  aussi  certaine  qu'impor- 
tante. 

Dans  les  combinaisons  chimiques  le  poids  du 
composé  est  toujours  égal  à  la  somme  du  poids 
des  corps  qui  se  combinent,  et  les  rapports  de 
ceux-ci,  constants  pour  ies  mêmes  corps,  changent 
avec  leur  nature,  tandis  que  dans  les  mélanges  et 
dans  les  dissolutions  les  proportions  des  diverses 
substances  peuvent  varier  indéfiniment.  Nous 
ne  nous  étendrons  pas  davantage  sur  ce  sujet  si 
vaste,  mais  nous  renvoyons  le  lecteur  aux  articles 
suivants  :  Chimie,  Chimie  organique,  Equivalents^ 
Nomeficlature. 

Classification  des  combinaisons  chimiques.  — 
La  classification  des  combinaisons  minérales  se 
fait  conformément  à  la  nomenclature  (V.  Chimie 
et  Nomenclature],  c'est-à-dire  qu'elle  repose  en- 
tièrement sur  le  nombre  des  éléments  qui  les 
constituent.  Nous  ne  ferons  ici  qu'en  rappeler  les 
noms  ;  pour  plus  de  détails  le  lecteur  se  repor- 
tera aux  articles  Aadei,  Bases,  Sels,  etc.  Les  com- 
binaisons  les  plus  simples  sont  celles  qui  sont 


COMBUSTIBLES 


—  449  — 


COMBUSTION 


formées  de  deux  corps  simples  et  qu'on  appelle 
combinaisons  ou  corps  binaires  :  tels  sont  les  aci- 
des minéraux,  les  bases,  les  sulfures,  les  chlo- 
rures, les  iodures,  etc.  ;  les  combinaisons  ter- 
naires ou  sels  ;  et  enfin  les  combinaisons  quater- 
naires formées  de  deux  sels  ternaires  ;  exemple  : 
les  aluns. 

Les  classifications  des  substances  minérales  na- 
turelles ou  minéralogiques  sont  tout  autres  ;  nous 
renvoyons  pour  celles-là  au  mot  Minéralogie. 

Quant  aux  classifications  des  combinaisons  orga- 
niques, nous  dirons  seulement  qu'elles  ont  subi 
de  nombreux  changements  depuis  trente  ans  que 
les  découvertes  dans  cette  partie  de  la  science 
se  sont  si  prodigieusement  multipliées.  Actuelle- 
ment il  y  existe  encore  différentes  sortes  de  clas- 
sifications, selon  le  point  de  vue  auquel  se  placent 
les  chimistes.  On  distingue  les  hydro-carbures, 
les  substances  oxygénées  non  azotées,  et  les  subs- 
tances azotées. 

Dans  le  premier  groupe  se  trouvent  la  plupart 
des  essences,  les  huiles  minérales  ;  dans  le  se- 
cond, les  alcools  de  différentes  classes,  les  aci- 
des organiques,  un  grand  nombre  de  corps  neu- 
tres ,  le  sucre ,  l'amidon ,  la  dextrine  ;  dans  le 
troisième  les  alcaloïdes.  Gerhardt,  vers  1850,  a  le 
premier  essayé  de  classer  les  nombreuses  subs- 
tances organiques  par  séries  comprenant  tous  les 
corps  dérivant  d'une  même  substance  caractérisant 
la  série.  Il  a  créé  ainsi  les  séries  alcooliques,  qui 
comprennent  tous  les  dérivés  d'un  même  alcool  : 
ainsi  la  série  alcoolique  vinique  ou  éthylique 
comprend  tous  les  produits  qu'on  peut  obtenir  par 
des  décompositions  ou  des  combinaisons  de  l'al- 
cool de  vin  :  soit  par  exemple  Ynldéhyde,  l'acide 
acétique  qui  résulte  de  son  oxydation,  l'éther  et 
les  différents  éthers  composés  viniques,  l'éthy- 
lène,  etc. 

Le  principe  de  cette  classification  est  loin  d'a- 
voir disparu  de  la  science  ;  les  synthèses  de 
M.  Berthelot  l'ont  au  contraire  confirmé  ;  néan- 
moins cette  classification  est  sinon  imparfaite,  tout 
au  moins  incomplète  et  impuissante  à  contenir 
tous  les  corps  organiques.  V.  Chimie  organique, 
Alcool,  Corps  gras,  etc.  [A.  Jacquemart.] 

En  mathématiques,  on  appelle  combinaisons  les 
divers  groupements  que  l'on  peut  faire  avec  les 
objets  en  les  prenant  un  à  un,  deux  à  deux,  trois 
à  trois,  etc.,  de  manière  que  deux  groupes  diffèrent 
au  moins  par  l'un  des  objets  qui  s'y  trouvent^ 
Les  combinaisons  mathématiques  s'emploient  en 
algèbre,  particulièrement  dans  le  calcul  des  proba- 
bilités *. 

COMBUSTIBLES.  —  Minéralogie,  p.  1313;  Géo- 
logie, II.  —  On  désigne  sous  ce  nom,  en  minéra- 
logie, une  classe  de  corps  minéraux  non  gazeux  et 
non  métalliques,  et  présentant  les  caractères  de 
la  combustibilité.  Nous  renvoyons,  pour  ce  qui 
concerne  leur  composition  et  leur  mode  de  forma- 
tion, ainsi  que  leurs  principales  propriétés,  aux 
articles  généraux  Minéralogie  et  Géologie,  et  aux 
mots  spéciaux  Charbon,  Houille,  Bitumes  (ce  der- 
nier au  supplément).  Pour  Ips  combustibles  végé- 
taux, bois,  tourbe,  etc.  V.  Forêts,  Charbon,  Mousse. 
V.  aussi  Combustion  et  Chauffage. 

COMBUSTION.  — Chimie,  l.  — Le  sens  ordinaire 
du  mot  combustion,  aujourd'hui  comme  autrefois, 
est  la  disparition  d'un  corps  qui  brûle  dans  l'air. 
La  combustion  du  bois,  du  gaz,  de  la  paille,  d'un 
tissu,  c'est  la  destruction  apparente  de  ces  corps 
en  brûlant.  C'est  là  un  fait  général  bien  connu  de 
tout  le  monde. 

Mais  la  nature  intime  de  ce  phénomène  n'a  été 
déterminée  que  dans  la  deuxième  moitié  du  der- 
nier siècle,  par  l'illustre  chimiste  français  Lavoisier. 
lorsqu'il  eut  fait  l'analyse  de  l'air.  Après  avoir  isolé 
1  oxygène,  Lavoisier  montra  par  des  expériences 
précises,   incontestables  et  qui   ont  été  répétées 

2e  Partie. 


bien  des  fois  depuis,  que  les  corps  qui  résultent 
de  la  combustion,  dans  l'oxygène  et  dans  l'air,  par 
exemple  du  phosphore,  du  carbone,  du  soufre,  du 
fer,  du  zinc,  et  on  peut  maintenant  ajouter  du  ma- 
gnésium, etc.,  sont  formés  par  l'union  de  ces  dif- 
férentes substances  avec  l'oxygène.  Ces  corps  sont  : 
l'acide  phosphorique,  l'acide  sulfureux,  l'acide 
carbonique,  l'oxyde  de  fer,  l'oxyde  de  magnésium 
(V.  Chimie,  Acides,  Nomenclature). 

Par  ces  expériences,  Lavoisier  donnait  l'expli- 
cation de  ce  qui  se  passe  lorsqu'on  chauffe  les  mé- 
taux à  l'air,  et  montrait  que  les  chaux  métalliques 
qui  en  résultent,  et  que  les  alchimistes  avaient 
considérées  comme  des  métaux  ayant  perdu  leur 
phlogistique,  n'étaient  autre  chose  que,  des  oxydes 
métalliques.  (V.  Oxydes.) 

La  combustion  est  donc  la  combinaison  chimique 
d'un  corps  combustible  avec  l'oxygène. 

Combustion  lente,  combustion  vive.  —  Comme  la 
rouille  des  métaux  à  l'air  humide  est  aussi  le  ré- 
sultat de  l'union  du  métal  avec  l'oxygène  de  l'air, 
Lavoisier  a  appelé  ce  phénomène  une  combustion 
lente,  par  opposition  à  la  désignation  de  combustion 
vive  réservée  au  cas  où  la  combustion  dans  l'oxy- 
gène ou  dans  l'air  s'effectue  avec  dégagement  de 
chaleur  et  de  lumière.  Ainsi,  quand  on  tient  à  la 
main  des  bâtons  de  phosphore  humide^,  il  s'en 
dégage  des  vapeurs  faiblement  lumineuses  dans 
l'obscurité  :  c'est  là  une  combustion  lente  appelée 
phosphorescence,  lien  est  de  même  quand  le  bois 
pourri  dégage  de  l'acide  carbonique.  Si  au  con- 
traire on  allume  des  substances  très-combustibles, 
elles  donnent  une  flamme  plus  ou  moins  chaude  : 
c'est  une  combustion  vive.  Telle  est  la  combustion 
du  charbon,  du  gaz  d'éclairage,  d'une  lampe,  etc. 

C'est  pour  cela  que  Lavoisier  a  appelé  l'oxygène 
le  gaz  comburant,  et  on  a  donné  le  nom  de  com- 
bustibles, en  chimie,  à  tous  les  corps,  simples  ou 
composés,  susceptibles  de  se  combiner  ainsi  è 
l'oxygène  rapidement  et  en  produisant  de  la  lu- 
mière et  de  la  chaleur. 

La  respiration  est  une  coinbustion,  —  Ayant  re- 
marqué que  le  phénomène  chimique  de  la  respi- 
ration consistait  en  une  production  d'acide  carbo- 
nique et  d'eau,  Lavoisier  compara  cette  grande 
fonction  vitale  à  une  combustion. 

Voici  une  double  expérience  qui  fera  bien 
comprendre  le  sens  précis  du  mot  comburant 
ainsi  que  celui  du  mot  combustible  :  On  a  deux 
éprouvettes,  l'une  remplie  d'oxygène,  l'autre  d'hy- 
drogène ;  dans  la  première,  on  introduit  une  allu- 
mette allumée,  elle  y  brûle  vivement,  et  si  on  la 
retire  le  gaz  de  l'éprouvette  ne  brûle  point;  on  la 
met  ensuite  à  l'entrée  de  l'autre  éprouvette,  elle  en- 
flamme l'hydrogène,  mais  l'allumette  s'éteint  si  on 
l'enfonce  dans  l'éprouvette.  Le  premier  gaz  est 
comburant,  le  second  est  combustible. 

Combustions  diverses.  Combustion  dans  le  sou- 
fre, dans  le  chlore,  etc.,  corps  comburants.  —  Par 
analogie,  on  a  appliqué  le  nom  de  combustion 
aux  combinaisons  chimiques  qui  s'effectuent  en 
produisant  l'incandescence  de  l'un,  au  moins,  des 
éléments  qui  se  combinent  ;  ainsi,  quand  on  pro- 
jette de  la  poudre  d'arsenic,  de  la  poudre  d'anti- 
moine, des  feuilles  d'étain,  du  phosphore  dans  du 
chlore,  il  se  forme  des  chlorures  de  ces  différents 
corps,  et  la  combinaison  des  deux  éléments  s  ef- 
fectue avec  dégagement  de  lumière  et  de  chaleur. 
C'est  là  une  combustion  dans  le  chlore,  aussi  ce 
gaz  est-il  appelé  un  corps  comburant.  Le  cuivre  et 
le  fer,  le  mercure  même  brûlent  dans  le  chlore 
lorsqu'on  les  a  préalablement  chauffés.  Le  gaz 
ammoniaque  s'enflamme  et  brûle  spontanément 
dans  le  chlore.  Le  soufre,  qui  est  un  corps  com- 
bustible en  présence  de  l'oxygène,  devient  un  corps 
comburant  en  présence  du  cuivre;  ainsi,  si  on 
chauffe  ensemble  ces  deux  corps  simples,  le  métal 
devient  incandescent  dans  la  vapeur  de  soufre,  et 

29 


COMBUSTION 


450  — 


COMBUSTION 


il  se  transforme  rapidement  en  sulfure  de  cuivre. 
Le  gaz  protoxyde  d'azote  est  comburant  comme 
l'oxygène  ;  le  phosphore,  le  soufre  y  briilent  vive- 
ment comme  dans  l'oxygène. 

Causes  qui  favorisent  la  combustion.  —  Les 
corps  combustibles  brûlent  plus  facilement  à  l'é- 
tat de  vapeur  ou  à  l'état  de  gaz  qu'à  l'état  solide 
ou  à  l'état  liquide.  Ainsi  le  soufre  en  bâton  s'al- 
lume difficilement,  tandis  qu'un  mélange  d'air  et 
de  vapeur  de  soufre  prend  feu  spontanément  (à 
300»)  ;  cela  tient  à  l'élévation  de  température  d'une 
part,  mais  aussi  à  l'intimité  du  mélange  du  corps 
combustible  et  du  corps  comburant.  Les  substan- 
ces en  poudre  extrêmement  divisées  deviennent 
beaucoup  plus  facilement  inflammables  ;  par 
exemple  le  fer  en  poudre  chimique,  réduit  par 
l'hydrogène,  s'enflamme  spontanément  quand  on 
le  projette  dans  l'air  ;  il  en  est  de  même  du  sul- 
fure de  potassium  fraîchement  préparé  et  du  phos- 
phore excessivement  divisé  et  étendu  sur  une 
feuille  de  papier  :  il  prend  feu  spontanément. 

Voici  comment  se  fait  cette  expérience  :  une 
feuille  de  papier  buvard  est  plongée  dans  une  dis- 
solution de  phosphore  dans  du  sulfure  de  carbone, 
aussitôt  qu'elle  en  est  retirée  ce  liquide  s'évapore 
et  une  couche  de  phosphore  pulvérulent  reste  à  la 
surface  du  papier  ;  au  bout  de  quelques  instants 
celui-ci  prend  feu.  Ces  combustions  spo?ita?iées 
s'expliquent  par  l'état  d'extrême  division  du  corps 
combustible  dont  toutes  les  parcelles  sont  ainsi 
enveloppées  d'oxygène. 

Combustion  dans  l'eau.  —  Il  y  a  des  corps  qui 
ont  une  telle  tendance  à  se  combiner  à  l'oxygène 
qu'ils  décomposent  l'eau  dès  qu'ils  sont  en  con- 
tact avec  ce  liquide,  qui  devient  ainsi  pour  eux 
un  corps  comburant  ;  tels  sont  les  métaux  alca- 
lins, le  potassium  et  le  sodium  principalement 
(V.  Potasse,  Soude). 

Feux-follets.  —  Nous  avons  cité  plus  haut  diffé- 
rentes substances  susceptibles  de  prendre  feu  au 
simple  contact  de  l'air. 

Le  phénomène  des  feux-follets,  c'est-à-dire  de 
ces  petites  flammes  brillantes  qui  apparaissent 
quelquefois  au-dessus  des  cimetières  ou  des  en- 
droits où  séjournent  des  cadavres  d'animaux,  n'est 
autre  chose  qu'un  cas  de  combustion  spontanée 
dans  l'air  du  gaz  hydrogène  p/iosphoré  gazeux  dé- 
couvert par  Gengembre  vers  la  fin  du  dernier  siè- 
cle. Ce  gaz  s'obtient  dans  les  laboratoires  en 
chauffant  quelques  petits  morceaux  de  phosphore 
dans  de  la  potasse  concentrée  ;  chaque  bulle  de 
gaz,  à  sa  sortie  du  tube  adducteur,  donne  sponta- 
nément une  flamme  brillante.  En  jetant  dans  de 
l'eau  quelques  morceaux  de  phosphure  de  calcium, 
on  voit  immédiatement  des  flammes  vives  se  pro- 
duire à  la  surface  de  l'eau  ;  elles  sont  dues  à  la 
combustion  de  l'hydrogène  phosphore  qui  résulte 
de  l'action  de  l'eau  sur  le  phosphure  de  calcium 
(V.  Phosphore).  Dans  le  phénomène  naturel  des 
feux-follets,  le  gaz  provient  de  la  décomposition 
putride  de  certaines  substances  organiques  phos- 
phorées,  de  ia  substance  cérébrale  principalement. 
M.  Paul  Thcnard  a  démontré  que  le  gaz  hydro- 
gène piiosphoré  n'était  spontanément  inflammable 
que  parce  qu'il  était  accompagné  de  vapeurs  d'hy- 
drogène phosphore  liquide  plus  riche  en  phos- 
phore que  le  premier;  et  ayant  préparé  de  ce  li- 
quide, M.  Thénard  rendit  inflammables  spontané- 
ment tous  les  gaz  combustibles,  en  les  y  faisant 
passer. 

L'hydrogène  phosphore  s'enflamme  spontané- 
ment dans  le  chlore  en  donnant  une  lueur  pâle 
et  en  produisant  une  violente  détonation  ;  l'expé- 
rience se  fait  sans  danger,  en  faisant  arriver  les 
deux  gaz  en  contact  bulle  par  bulle  au  milieu 
d'une  niasse  d'eau. 

11  n'existe  en  réalité  aucune  difTérence  essentielle 
entre  les  combustions  spontanées  et  les  autres  ; 


les  premières  se  produisent  à  des  températures 
voisines  de  la  température  ordinaire,  les  autres 
à  des  températures  plus  ou  moins  élevées. 

Combustion  humaine  spontanée.  —  Il  ne  paraît 
plus  possible  aujourd'hui  de  douter  des  phéno- 
mènes si  étonnants  de  destruction  spontanée  du 
corps  humain  par  une  inflammation  sans  cause 
apparente,  et  dont  on  ne  se  rend  pas  encore  bien 
compte.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  les  cas  assez 
nombreux  recueillis  dans  les  livres  de  médecine 
ont  été  constatés  sur  des  sujets  âgés,  généralement 
obèses  et  alcooliques  ;  cela  n'est  cependant  pas 
sans  exception.  Dans  beaucoup  de  cas,  on  a  re- 
trouvé près  du  cadavre  de  la  victime,  et  plus  ou 
moins  consumés,  des  objets  tels  qu'une  pipe,  des 
allumettes  cliiniiques,  etc.,  et  dont  la  présence 
semblait  expliquer  la  cause  immédiate  de  la  com- 
bustion ;  d'un  autre  côté  certaines  observations 
semblent  indiquer  que  ces  combustions  peuvent 
se  produire  d'une  façon  absolument  spontanée, 
c'est-à-dire  sans  cause  extérieure  ;  c'est  donc  une 
question  encore  assez  obscure. 

Chaleur  py^oduile  par  la  combustion.  —  Le  dé- 
gagement de  chaleur  et  de  lumière  est,  comme 
nous  l'avons  dit,  le  caractère  spécifique  des  phé- 
nomènes chimiques  auxquels  on  réserve  le  nom 
de  combustion  vive.  La  quantité  de  chaleur  pro- 
duite est  non  seulement  proportionnelle  au  poids  de 
la  substance  brûlée,  mais  elle  dépend  aussi  de  sa 
nature;  ainsi  on  sait  aujourd'hui  qu'un  gramme  de 
carbone  en  passant  à  l'état  d'acide  carbonique  pro- 
duit 8ii00  calories  ou  unités  de  chaleur,  autrement 
dit  8000  fois  ce  qu'il  faut  de  chaleur  pour  élever 
de  1°  centigrade  la  température  de  8000  grammes 
d'eau  ou  encore  pour  porter  de  0°  à  l'ébullition 
80  grammes  d'eau,  tandis  qu'un  gramme  d'hydro- 
gène donne  en  se  combinant  à  l'oxygène  pour  se 
transformer  en  eau  34000  calories.  Un  autre  fait 
démontré  aussi  par  de  nombreuses  expériences  et 
observations  de  toutes  sortes,  c'est  que  cette  capa- 
cité calorifique  d'un  corps  est  constante,  autre- 
ment dit  :  un  gramme  de  carbone  produit  toujours 
SOOO  calories  en  passant  à  l'état  d'acide  carbonique, 
que  ce  soit  par  une  combustion  lente  ou  par  une 
combustion  vive;  seulement,  comme  il  est  facile 
d'après  cela  de  s'en  rendre  compte,  la  quantité  de 
chaleur  produite  en  une  seconde  étant  beaucoup 
plus  grande  quand  la  combustion  est  rapide,  la 
température  devra  s'élever  bien  davantage  dans  ce 
cas  que  dans  celui  de  combustion  lente.  11  n'y  a 
donc  entre  ces  deux  sortes  de  combustion  que 
cette  seule  difTérence,  du  moins  lorsque  le  résul- 
tat de  la  combustion  est  le  môme  dans  les  deux 
cas. 

La  combustion  lente  du  carbone  dans  le  bois 
qui  se  pourrit  à  l'air  ne  donnera  pas  d'élévation 
de  température  sensible,  la  chaleur  se  dissipant 
au  fur  et  à  mesure  dans  l'espace;  tandis  que  la 
combustion  vive  d'un  foyer  de  charbon,  d'un  four- 
neau, d'un  chalumeau,  etc.,  dévorant  en  très  peu  de 
temps  une  grande  ([uantité  de  carbone  qui  passe 
à  l'état  de  gaz  acide  carbonique,  il  s'accumulera 
rapidement  sur  un  même  point  une  quantité  con- 
sidérable de  chaleur  et  par  suite  la  température 
pourra  s'élever  considérablement. 

Bien  plus,  les  nombreuses  expériences  faites 
depuis  Lavoisier  relativement  aux  sources  de  la 
chaleur  animale  tendent  à  rendre  incontestable  ce 
fait  extrêmement  remarquable,  à  savoir:  qu'en  dé- 
terminant par  le  calcul,  et  en  partant  des  capacités 
calorifiques  du  carbone  et  de  l'hydrogène,  la  quan- 
tité de  chaleur  (jui  a  dû  être  produite  par  la  for- 
mation de  l'acide  carbonique  et  de  la  vapeur  d'eau 
dans  la  respiration  d'un  homme  en  vingt-quatre 
heures,  on  arrive,  en  y  ajoutant  ce  qui  a  dû  être 
produit  pendant  le  môme  temps  par  les  autres 
actions  chimi(]ues  qui  se  sont  passées  dans  l'orga- 
nisme, au  nombre  de  ^250  calories,  qui  représente 


COMEDIE 


—  4ol  — 


COMEDIE 


à  peu  près  ce  que  rexpérience  a  donné  dans  la 
mesure  directe  de  cette  même  clialeur.  Il  résulte 
de  là  qu'on  peut  affirmer  que  dans  l'organisme  la 
combustion  ou  plutôt  les  combustions  obéissent 
aux  mêmes  lois  qu'ailleurs,  et  que  le  carbone  et 
l'hydrogène  y  conservent,  quoique  s'y  trouvant 
dans  des  combinaisons  complexes,  les  capacités 
calorifiques  qu'ils  ont  à  l'état  de  pureté  minérale. 

En  résumé,  un  kilogramme  de  carbone  pur,  pour 
se  transformer  en  acide  carbonique,  ou  un  kilo- 
gramme d'hydrogène,  pour  former  de  l'eau,  c'est- 
à-dire  pour  brûler  complètement,  produisent  des 
quantités  de  chaleur  qui  ne  changent  pas  avec  les 
conditions  de  la  combustion,  soit  que  celle-ci  s'opère 
lentement  comme  dans  la  pourriture  du  bois,  la  res- 
piration des  animaux,  soit  qu'elle  produise  de  la  lu- 
mière comme  le  bois,  la  houille  et  tous  les  combus- 
tibles carbonés  brîilés  dans  un  foyer  quelconque. 
Une  autre  conséquence  ressort  également  de  ces 
observations  physiologiques,  c'est  que  la  combus- 
tion est  la  véritable  source  de  la  chaleur  animale, 
comme  l'avait  prévu  le  génie  de  Lavoisier  (V.  Oxy- 
gène et  Respiration).  Nous  ajouterons  pour  termi- 
ner que  la  puissance  calorifique  des  principaux 
combustibles,  houille,  coke,  bois,  huile  minérale, 
etc.,  dépend  principalement  de  la  quantité  de  car- 
bone pour  100  qu'ils  renferment  ;  et  que  dans  les 
pays  où  les  différents  bois  de  chauffage  sont  éga- 
lement communs,  les  prix  établis  par  l'usage  sont 
presque  toujours  proportionnels  aux  quantités  de 
carbone  que  renferment  les  diverses  essences.  La 
combustion,  sous  toutes  ses  formes,  est  donc  un 
phénomène  d'une  extrême  importance,  puisqu'il  se 
manifeste  de  tant  de  façons,  et  qu'en  même  temps 
qu'il  est  une  des  manifestations  les  plus  générales 
de  la  vie  :  il  est  pour  nous  la  source  de  chaleur  la 
plus  importante  après  le  soleil. 

[A.  Jacquemart.] 

COMEDIE.  —  Littérature  et  style,  III.  —  Pour 
les  détails  concernant  les  origines  de  la  comédie 
et  son  histoire,  ainsi  que  pour  l'appréciation  litté- 
raire des  principaux  poètes  comiques  et  l'é numé- 
ration de  leurs  œuvres,  on  pourra  consulter  les 
mots  Dramatique  (genre')  et  Théâtre.  Le  présent 
article  offrira  simplement  quelques  observations 
sur  le  genre  comique  en  général,  et  sur  les  formes 
successives  qu'a  revêtues  à  diverses  époques  cette 
branche  de  l'art  dramatique. 

Les  anciens  traités  de  rhétorique  enseignaient 
fort  doctement  les  règles  immuables  de  chaque 
genre,  et  traçaient  d'une  main  rigoureuse  le  cadre 
dans  lequel  les  auteurs  étaient  tenus  de  s'enfer- 
mer. On  supposait  qu'il  existait  une  poétique  ab- 
solue, antérieure  aux  œuvres  elles-mêmes,  et  on 
louait  ou  condamnait  les  écrivains  selon  qu'ils 
s'étaient  plus  ou  moins  conformés  à  des  prescrip- 
tions qu'ils  étaient  censés  avoir  dû  observer,  et 
dont  ils  n'avaient  pu  s'écarter  sans  mériter  le 
blâme. 

La  comédie,  par  exemple,  comme  la  tragédie, 
était  soumise  aux  règles  de  l'unhé  de  temps  et  de 
lieu;  elle  devait  s'abstenir  des  personnalités;  évi- 
ter le  bouffon,  et  se  contenter  de  «  badiner  noble- 
ment »  ;  ne  pas  empiéter  sur  les  genres  voisins,  en 
mêlant  les  situations  sérieuses  aux  situations  plai- 
santes, en  faisant  alterner  le  rire  et  l'attendris- 
sement; enfin  elle  devait  se  proposer  pour  but 
«  d'instruire  et  de  reprendre  »  :  castiçiat  ridendo 
mores,  suivant  le  mot  de  Santeuil  si  souvent  attri- 
bué à  tort  à  Horace.  Ces  préceptes,  et  d'autres 
semblables,  pouvaient  renfermer  de  sages  conseils, 
et  ils  étaient  dictés  en  général  par  un  goût  cultivé 
et  délicat  ;  seulement  ils  avaient  le  tort  de  vouloir 
ériger  en  règle  absolue  ce  qui  n'était  que  l'idéal 
dramatique  d'une  époque  particuUère,  d'une  so- 
ciété polie,  mais  peu  apte  à  compcendre  tout  ce 
qui  ne  lui  ressemblait  pas,  tout  ce  qui  s'éloignait 
de  son  amour  de  la   mesure,  de  la   noblesse,  et 


des  conventions  littéraires  nées  d'une  situation 
historique  spéciale.  Au  nom  de  ces  conventions, 
Aristophane,  aussi  peu  compris  qu'Homère  et  que 
Pindare,  était  déclaré  barbare;  Molière  lui-même, 
coupable  d'avoir  écrit  les  farces  où  son  génie  éclate 
plus  encore  peut-être  que  dans  ses  grandes  comé- 
dies en  vers,  n'échappait  pas  à  la  condamnation  ; 
Boileau  disait,  malgré  son  admiration  pour  celui 
qu'il  appelait  le  plus  grand  poète  du  siècle  : 

Dans  le  sac  ridicule  où  Sc.ipin  l'enveloppe, 
Je  ne  reconnais  plus  l'auteur  du  Misanthrope. 

Dès  lors  cependant,  notons-le,  Molière,  avec  son 
admirable  bon  sens,  avait  revendiqué  les  droits 
de  l'invention  poétique  : 

«  Vous  êtes  de  plaisantes  gens,  fait-il  dire  à 
l'homme  raisonnable  d'une  de  ses  pièces,  avec  vos 
règles  dont  vous  embarrassez  les  ignorants,  et  nous 
étourdissez  tous  les  jours.  Je  voudrais  bien  savoir 
si  la  grande  règle  de  toutes  les  règles  n'est  pas  de 
plaire,  et  si  une  pièce  de  théâtre  qui  a  attrapé  son 
but,  n'a  pas  suivi  un  bon  chemin...  Car  enfin,  si  les 
pièces  qui  sont  selon  les  règles  ne  plaisent  pas,  et 
que  celles  qui  plaisent  ne  soient  pas  selon  les 
règles,  il  faudrait,  de  nécessité,  que  les  règles  eus- 
sent été  mal  faites.  Moquons-nous  donc  de  cette 
chicane,  où  ils  veulent  assujettir  le  goût  du  public, 
et  ne  consultons  dans  une  comédie  que  ''effet 
qu'elle  fait  sur  nous.  Laissons-nous  aller  df  jonne 
foi  aux  choses  qui  nous  prennent  par  les  er  .railles, 
et  ne  cherchons  point  de  raisonnements  pjur  nous 
empêcher  d'avoir  du  plaisir.  »  [La  Critique  de 
l'Ecole  des  femmes,  scène  VII). 

Et  Voltaire,  quatre-vingts  ans  plus  tard,  tran- 
chait définitivement  la  question  par  ce  mot  devenu 
proverbial  :  «  Tous  les  genres  sont  bons,  hors  le 
genre  ennuyeux».  (Préface  de  Y  Enfant  prodigué) . 

Aujourd'hui,  la  critique  littéraire  se  préoccupe 
médiocrement  de  règles  et  de  théories;  elle  n'es- 
time pas  une  œuvre  à  proportion  de  son  degré  de 
ressemblance  avec  tel  ou  tel  type  consacré;  pour 
l'apprécier,  elle  la  replace  dans  le  milieu  où  elle 
s'est  produite,  et  s'efforce  de  la  comprendre  plutôt 
qu'elle  ne  prétend  la  juger.  Le  point  de  vue  dog- 
matique a  fait  place  au  point  de  vue  historique. 

On  comprend  donc  qu'il  ne  s'agisse,  pas  plus 
dans  cet  article  que  dans  ceux  qui  traiteront  de  la 
tragédie,  du  drame,  du  poème  épique,  du  roman, 
d'énoncer  les  règles  d'un  genre.  La  seule  chose 
que  nous  ayons  à  faire,  c'est  d'indiquer  les  formes 
diverses  qu'un  genre  a  pu  prendre  dans  différents 
siècles  et  dans  des  pays  différents. 

Le  nom  de  la  comédie  a  été  formé  d'un  mot  grec 
qui  signifie  divertissement,  fête  joyeuse,  et  aussi 
orgie.  La  licence,  les  chants  bachiques,  les  plai- 
santeries obscènes,  furent  à  l'origine  son  essence 
même;  il  ne  faut  donc  pas  s'étonner  devoir  Aris- 
tophane, et  ses  prédécesseurs  Cratinos  et  Eupolis, 
employer  un  langage  que  la  scène  moderne  ne 
tolérerait  pas  ;  il  faut  leur  savoir  gré,  au  contraire, 
d'avoir  agrandi  le  cadre  de  la  comédie  primitive, 
d'en  avoir  élevé  le  ton,  d'avoir  transformé  ce  qui 
n  était  qu'une  simple  mascarade  en  une  satire  po- 
litique et  littéraire,  qu'ils  ornèrent  des  grâces  de  la 
muse  attique,  et  dans  laquelle  ils  jetèrent  à  plei- 
nes mains  le  sel  d'une  plaisanterie  que  nulle 
contrainte  ne  retenait.  Mais  la  comédie  aristoplia- 
nesque,  restée  l'une  des  formes  les  plus  originales 
et  les  plus  admirables  de  la  poésie  dramatique, 
n'était  possible  qu'à  Athènes,  et  sous  le  régime 
populaire  de  la  démocratie  du  V  siècle. 

L'époque  macédonienne,  fatale  aux  institutions 
libres,  et  qui  réduisit  les  Grecs  à  ne  plus  s'occuper 
que  d'affaires  privées,  d'intrigues  et  de  plaisirs, 
vit  naître  une  comédie  nouvelle,  celle  de  Ménandre, 
qui  s'attacha  à  la  peinture  des  mœurs  et  des  ca- 
ractères. Ce  fut  cette  comédie-là  que    Plaute  et 


COMEDIE 


—  452  — 


COMETES 


Térence  essayèrent  de  transplanter  à  Rome,  mais 
sans  réussir  à  l'y  faire  prendre  racine. 

Le  moyen  âge  produisit,  dans  le  domaine  comi- 
que, des  formes  dramatiques  nombreuses  et  va- 
riées. Telles  furent,  en  Italie,  la  commedia  deli'  arte, 
aux  dialogues  improvisés  sur  un  canevas  tradition- 
nel, et  dont  les  masques,  Pantalon,  le  Capitan, 
Arlequin,  etc.,  semblent  remonter  à  l'époque 
romaine;  en  Espagne,  la  comédie  «  de  cape  et 
d'épée  »,  qui  mêla  les  bouffonneries  aux  incidents 
romanesques.  Le  mélange  du  burlesque  et  du  tra- 
gique se  retrouve  du  reste  un  peu  partout,  dans  la 
Dériode  antérieure  au  xvii'  siècle  :  le?  pièces  de 
Shakespeare,  dont  un  petit  nombre  seulement  sont 
des  comédies  dans  le  sens  strict  du  mot,  nous  l'of- 
frent perpétuellement;  et  les  mystères  français  du 
moyen  âge,  malgré  le  caractère  religieux  des  sujets 
qu'ils  traitaient,  faisaient  une  part  souvent  très 
large  à  l'élément  comique. 

Les  farces,  qui  succédèrent  en  France  aux  mora- 
lités du  xiv^  siècle,  et  qui  partagèrent  la  vogue 
avec  les  5o^/'/es.  bouffonneries  satiriques  où  l'Église 
et  la  royauté  n'étaient  pas  ménagées  {S .  ThéCdre], 
furent  des  comédies  populaires,  souvent  remar- 
quables par  l'invention  des  caractères  et  par  la 
peinture  naïvement  malicieuse  des  ridicules.  Plu- 
sieurs scènes  de  YAvocat  Pathelin  (xve  siècle) 
n'ont  pas  été  surpassées  pour  le  naturel,  la  jus- 
tesse de  l'observation  et  la  franche  gaieté.  La 
Rena.-sance  tenta  vainement,  avec  Jodelle,  de 
faire  à  t  théâtre  ce  que  Ronsard  avait  entrepris 
pour  l'ode  et  pour  l'épopée  ;  le  génie  national 
ne  se  laissa  pas  imposer  sur  ce  point  l'imitation 
des  anciens,  et  lorsque  parut  Molière,  la  farce  était 
encore  si  vivante,  que  celui-ci  conserva,  pour  bon 
nombre  de  ses  chefs-d'œuvre,  ce  cadre  essentiel- 
lement français,  aimé  de  la  foule,  et  où  la  verve  du 
poète  pouvait  se  donner  plus  librement  carrière. 

Un  article  spécial  sera  consacré  à  Molière  ;  nous 
n'avons  donc  à  parler  ici  de  lui  que  pour  rappe- 
ler combien,  dans  son  théâtre,  ce  génie  si  sympa- 
thique et  si  profond  s'est  montré  neuf,  malgré 
les  emprunts  qu'il  a  pu  faire.  La  comédie  telle  que 
l'a  conçue  Molière  est  une  chose  unique  en  son 
genre,  dont  l'antiquité  n'avait  point  fourni  de  mo- 
dèle, et  qui  résume  merveilleusement  la  société 
du  xvii=  siècle. 

Sous  ce  tombeau  gisent  Plaute  et  Térence, 

a  dit  La  Fontaine  dans  son  épitaphe  de  Molière.  Cet 
éloge,  qui  d'ailleurs  n'en  serait  pas  un,  tombe  à 
faux  :  Plaute  et  Térence  avaient  copié  et  traduit 
Ménandre  ;  Molière  fut  lui-même,  et  ne  s'inspira  que 
de  la  nature  humaine  et  du  monde  qu'il  avait  sous 
les  yeux. 

Au  xviii^  siècle,  quelques  auteurs  dramatiques 
voulurent  introduire  dans  la  comédie  l'élément 
sentimental  :  ils  obéissaient  à  une  tendance  qui 
caractérise  l'époque.  Cette  tentative  n'eut  qu'un 
demi-succès,  malgré  l'appui  que  lui  prêta  Dide- 
rot, le  plus  éloquent  avocat  de  la  comédie  lar- 
moyante, et  même  quelquefois  Voltaire.  Le  chef 
de  ces  novateurs,  La  Cliaussée,  n'est  plus  guère 
connu  que  par  la  jolie  épigramme  que  lui  déco- 
cha Piron  : 

Connaissez-vous    sur  l'Hélicon 

L'une  et  l'autre  Thalie? 
L'une  est  chaussée,  et  l'autre  non, 

Mais  c'est  la  plus  jolie. 
L'une  a  le  rire  de  Vénus, 

L'autre  est  fioide  et  pincée» 
Honneur  à  la  belle  aux  pieds  nus, 

Nargue  de  La  Chaussée  1 

Toutefois  la  comédie  larmoyante,  ou  la  tragédie 
bourgeoise,  qui  répondait  à  des  besoins  nouveaux, 
ne  périt  pas  ;  Lessing  et  Schiller  l'introduisirent  en 
Allemagne,  et  en  France  on  la  retrouve,  de  nos 
jours,  dans  certains  drames  modernes. 


Beaumarchais,  créateur  comme  l'avait  été  Mo- 
lière, mais  avec  bien  moins  de  génie,  et  au  sein 
d'une  société  bien  difTércnte,  innova  à  son  tour, 
et  transforma  la  comédie  en  satire  politique  :  le 
Barbier  de  Séville  et  le  Mariage  de  Figaro  sont 
nés  de  ce  tumultueux  mouvement  d'idées  hostiles 
aux  vieilles  institutions,  d'où  allait  sortir  la  Révo- 
lution française. 

Nous  ne  suivrons  pas  la  comédie  dans  les  formes 
successives  qu'elle  a  revêtues  encore  jusqu'à  l'é- 
poque contemporaine;  il  nous  suffira  d'avoir  indi- 
qué comment,  de  siècle  en  siècle,  elle  a  dû  se  modi- 
fier suivant  les  milieux  et  les  circonstances.  Ces 
formes  diverses  sont  marquées  chacune  à  l'em- 
preinte de  l'époque  qui  les  a  produites,  mais  elles 
ont  toutes  également  droit  de  cité  dans  l'histoire 
littéraire  :  chaque  fois  que  la  scène  comique  a  été 
occupée  par  un  homme  de  génie,  qu'il  s'appelle 
Aristophane,  Shakespeare,  Molière,  ou  le  trouvère 
inconnu  qui  a  écrit  V Avocat  Patlielin,  la  critiqua 
salue  et  admire  des  chefs-d'œuvre. 

'J.  Guillaume.] 

COMÈTES.  —  Cosmographie,  Viil.  —  Astre  che- 
velu; telle  serait  du  moins  la  définition  des  comètes, 
si  l'on  s'en  tenait  à  l'étymologie.  Les  anciens,  que 
frappaient  les  apparences,  et  qui  d'ailleurs  ne  regar- 
daient point  les  comètes  comme  des  a.stres,  comme 
des  corps  célestes  ayant  un  cours  régulier,  mais 
comme  des  météores  sublunaires,  avaient  surtout 
considéré  la  forme,  l'aspect  nébuleux  de  l'étoile,  les 
auréoles  et  appendices  qui  l'entouraient  comme  une 
chevelure,  et  ces  longues  traînées  de  lumière  do  nt  les 
imaginations  étaient  vivement  étonnées  et  effrayées. 

Depuis  Newton,  la  vraie  nature  des  comètes  et 
de  leurs  orbites  est  connue.  Ce  sont,  comme  les 
planètes,  des  astres  qui  gravitent  autour  du  So- 
leil, et  qui,  au  moins  pendant  le  cours  d'une  de 
leurs  révolutions,  font  partie  du  système  solaire. 

Mais  les  comètes  se  distinguent  des  planètes  par 
des  caractères  assez  nets,  pour  qu'on  en  fasse  une 
classe  spéciale  de  corps  célestes  ;  il  ne  parait  guère 
probable  qu'elles  aient,  les  unes  et  les  autres,  ime 
commune  origine.  Les  orbites  cométaires  sont, 
comme  les  orbites  planétaires,  sous  la  dépendance 
des  lois  de  Kepler,  et,  par  suite,  du  principe  de  la 
gravitation  qui  régit  tous  les  mouvements  célestes. 
Mais,  au  lieu  d'être  des  courbes  à  peu  près  circu- 
laires, ce  sont  des  ellipses  très  excentriques,  très 
allongées,  et  même  le  plus  grand  nombre  de  ces 
orbites  se  confondent  avec  des  paraboles  qui  auraient 
le  même  foyer.  Voil;\  un  premier  caractère  distinciif  ; 
aussi,  sur  plus  de  trois  cents  comètes  catalog\iées, 
neuf  seulement  sont  des  comètes  périodiques,  à 
retour  constaté  ;  un  certain  nombre  ont  leurs 
périodes  calculées  sans  qu'on  ait  pu  encore  les 
revoir,  tant  la  durée  de  leurs  révolutions  est 
grande  ;  toutes  les  autres  ont  des  périodes  de 
révolution  si  longues,  que  c'est  par  milliers  d'années 
qu'elles  se  mesurent;  aussi  les  comètes  de  cette 
sorte  doivent-elles  être  regardées  comme  non  pé- 
riodiques. 

En  outre,  tandis  que  les  planètes  se  meuvent 
toutes  dans  le  môme  sens  autour  du  Soleil,  et 
dans  des  plans  qui  font  entre  eux  de  fort  petits 
angles,  les  comètes  ont,  les  unes  un  mouvement 
direct,  les  autres  un  mouvement  rétrograde,  et 
les  plans  de  leurs  orbites  ont  toutes  les  mclinai- 
sons  possibles  sur  l'éclipiique. 

Les  comètes  se  distinguent  encore  des  planètes 
par  d'autres  caractères  qui  ont  trait  à  leur  consti- 
tution physique.  Toutes  les  planètes  dont  les  di- 
mensions sont  assez  grandes  pour  être  mesurables, 
ou  du  moins  de  dimensions  appréciables  au  téles- 
cope, ont  la  forme  sphérique  ou  sphéroidale,  et  leurs 
globes  ont,  avec  le  globe  terrestre,  une  grande 
analogie.  Les  comètes,  au  contraire,  paraissent 
constituées  par  des  masses  vaporeuses,  de  forme 
indéterminée  et  variable.  Celles  qui  ont  un  noyau 


COMMERCE 


—  453  — 


COMMERCE 


iuuiineux  sont  elles-mêmes  entourées  d'atmosphè- 
res considérables,  de  nébulosités  qui  changent  con- 
tinuellement do  forme,  et  d'où  s'échappent,  sous 
forme  d'aigrettes  ou  de  queues,  de  longues  traînées 
d'une  matière  extrêmement  rare.  Les  queues  co- 
métaires,  généralement  opposées  au  Soleil,  se  dé- 
veloppent à  mesure  que  l'ast^re  approche  de  son 
périhélie  ou  du  point  de  son  orbite  le  plus  rappro- 
ché lu  Soleil,  pour  décroître  ensuite  et  disparaître 
à  mesure  qu'il  s'en  éloigne. 

Les  masses  des  comètes  sont  très  petites,  et,  pour 
ainsi  dire  insensibles,  par  comparaison  avec  celles 
des  planètes.  Cela  est  constaté  par  les  perturbations 
qu'elles  subissent  quand  leur  cours  les  amène  dans 
le  voisinage  d'une  planète,  et  par  l'absence  de  toute 
influence  réciproque  appréciable.  Aussi,  les  craintes 
que  les  superstitions  populaires  ont  si  longtemps 
entretenues  dans  les  populations  au  sujet  des  co- 
mètes, de  leur  influence  redoutable,  du  danger 
que  présenterait  leur  rencontre  avec  la  Terre,  nont- 
elles  aucun  fondement.  Une  théorie  récente,  due 
à  un  astronome  italien,  Schiaparelli,  identifie  les 
comètes  avec  les  essaims  de  corpuscules  météori- 
ques qui  circulent  dans  les  espaces  interplanétai- 
res, et  dont  l'existence  se  révèle  à  nous  par  ces 
■flux  ou  pluies  d'étoiles  filantes  dont  l'apparition  a 
été  signalée  à  diverses  époques.  Il  est  donc  pro- 
bable que  si  la  Terre  venait  h  rencontrer  quelque 
comète,  tout  se  bornerait  à  des  apparitions  sem- 
blables plus  ou  moins  abondantes,  à  des  phénomè- 
nes météoriques  inofi"ensifs. 

La  première  comète  dont  la  périodicité  ait  été 
reconnue  et  calculée  est  celle  de  Halley,  qui  fait 
sa  révolution  en  soixante-seize  ans,  et  dont  le  pre- 
mier retour  vérifié  a  été  celui  de  1759.  Une  autre 
comète  périodique,  celle  d'Encke,  ne  mot  que  trois 
ans  un  quart  à  parcourir  son  orbite.  Voici  du  reste 
le  tableau  des  neuf  comètes  périodiques  dont  il  a 
été  question  plus  haut  : 

DURÉES  ÉPOQUES 

lies  des    demiers 

révolutions  passages 

Comètes  de  Encke 3  ans  28  avril  1875 

—  Brorsen 5  48  cet.    1873 

—  Winnecke. ...  5  72  mars  1875 

—  Tempel 5  97  mai    1873 

—  D'Arrest 6  64  mai    1877 

—  Biéla, G  60  sept.  1852 

—  Faye 7  41  juil.   ISG'J 

—  Tuttle 13  81  nov.  1871 

—  Halley 76  37  nov.  1835 

L'une  de  ces  comètes,  celle  de  Biéla,  est  fameuse 
dans  l'histoire  de  l'astronomie.  Simple,  dans  ses 
premiers  passages,  elle  a  paru  dédoublée  en  1846 
et  en  1K52.  On  ne  l'a  point  revue  depuis,  ou,  du 
moins,  il  paraît  probable  que  c'est  un  de  ses  frag- 
ments qui  est  venu  frôler  la  Terre  à  la  date  du 
27  novembre  1872,  et  qui  a  donné  le  magnifique 
spectacle  de  la  pluie  d'étoiles  filantes  dont  les  ob- 
servateurs européens  ont  été  témoins  dans  la  soi- 
rée de  ce  jour,  [A.  Guillomin.] 

CO.MaïKllCE.  —  L'érhœ^ge.  —  L'homme  vit  de 
richesse.  Par  ce  dernier  mot,  l'économie  politique 
ne  désigne  pas  seulement,  comme  le  langage 
ordinaire,  l'abondance  de  biens,  mais  les  biens  de 
toute  nature ,  en  quelque  quantité  qu'ils  soient, 
qui  peuvent  servir  à  la  satisfaction  des  besoinsdc 
l'homme.  Un  morceau  de  charbon  de  terre  ou  une 
feuille  de  papier  sont  de  la  richesse  aussi  bien 
qu'un  palais  ou  que  l'ensemble  des  récoltes 
de  la  France.  L'homme  consomme  cette  richesse. 
Mais  pour  la  consommer,  il  faut  qu'elle  ait  été  pro- 
duite ;  et  pour  la  produire,  il  faut  travailler.  Pro- 
duire et  consommer,  voilà  les  deux  pôles  du  mou- 
vement économique  dans   les  sociétés  humaines. 

Si  chaque  homme  était  réduit  à  produire  lui- 
même  tout  ce  qu'il  doit  consommer,  le  nombre  et 
la  variété   des    besoins  que  chacun   pourrait  sa- 


tisfaire seraient  nécessairement  très  restreints  : 
c'est  le  cas  de  Robinson  dans  son  île.  Il  n'y  aurait 
ni  coopération  ni  division  du  travail  ;  l'emploi  du 
capital  serait  extrêmement  borné,  et  la  somme 
de  richesse  créée  en  moyenne  par  individu  serait 
très  minime. 

L'ÉCH.\NGE  établit  entre  la  production  et  la  con- 
sommation un  lien  qui  change  entièrement  les 
rapports  des  individus  et  qui  augmente  dans  une 
proportion  pour  ainsi  dire  indéfinie  les  moyens  de 
créer  la  richesse.  L'œuvre  économique  envisagée 
dans  son  ensemble  comprend  donc  trois  termes  : 
la  production,  qui  est  la  phase  première  de  la  ri- 
chesse ;  la  consommation,  qui  est  la  phase 
dernière;  la  circulation  par  l'échange,  qui  est  la 
phase  intermédiaire. 

Quelques  exemples  aideront  à  comprendre  la 
nature  et  le  bienfait  de  l'échange.  Deux  hommes 
vivent  isolés  dans  une  île  ;  Paul  est  chasseur, 
Pierre,  pêcheur.  Si  chacun  d'eux  se  contente  de 
ne  consommer  que  ce  qu'il  produit,  ils  n'auront 
tous  deux  qu'une  nourriture  monotone.  Mais  ils 
peuvent  entrer  en  relation,  et  Pierre  dire  à 
Paul  :  a  J'ai  passé  ma  journée  à  prendre  douze 
poissons  ;  tu  as  passé  la  tienne  à  tuer  deux  liè- 
vres :  donne-moi  un  de  tes  lièvres  pour  six  de 
mes  poissons,  c'est-à-dire  le  produit  d'une  demi- 
journée  contre  le  produit  d'une  demi-journée.  » 
Paul  accepte  et  l'échange  a  lieu  :  tous  deux  y 
trouvent  profit  et  gagnent  la  variété  des  aliments 
sans  dépenser  plus  de  travail.  L'échange  a  consisté 
dans  le  troc  d'un  produit  cojitre  un  produit  équi- 
valent. 

Survient  Jacques  qui  est  aussi  un  chasseur, 
mais  qui,  plus  habile  ou  muni  de  meilleures 
armes,  tue  quatre  lièvres  dans  sa  journée.  S'il 
s'entend  avec  Pierre  pour  échanger  un  lièvre  contre 
six  poissons,  il  aura  encore  fait  le  troc  d'un  pro- 
duit contre  un  produit  équivalent,  parce  que  l'é- 
quivalence ne  s'applique  pas  au  nombre  des 
heures  de  travail  de  chacun,  mais  à  la  valeur  des 
objets  échangés,  laquelle  dépend  en  grande  partie 
de  l'utilité  et  de  la  rareté  relatives  de  ces  objets. 

Dans  une  société  civilisée,  l'échange  a  lieu  non 
seulement  entre  Pierre,  Paul  et  Jacques,  mais 
entre  un  grand  nombre  de  per>onnes  qui,  exerçant 
chacune  une  industrie  particulière,  vendent  la  plus 
grande  partie  de  leurs  produits  et  achètent  la  plu- 
part des  articles  de  leur  consommation  personnelle. 
L'un  est  agriculteur,  un  autre  boulanger,  un  troi- 
sième cordonnier,  un  quatrième  charpentier.  Le 
boulanger  ne  consomme  pas  la  centième  partie  des 
pains  qu'il  fabrique  ;  il  vend  ses  pains  et,  avec 
l'argent  qu'il  en  tire,  il  achète  sa  farine,  ses  vête- 
ments, ses  souliers,  il  fait  réparer  sa  maison.  Dans 
une  petite  commune,  il  y  aura  une  dizaine  de  mé- 
tiers dilTérents  auxquels  chaque  acheteur  aura 
recours  ;  dans  une  ville  très  populeuse,  il  y  en 
aura  peut-être  plus  de  cent.  La  division  du  tra- 
vail augmente  avec  la  richesse  et  avec  le  nombre 
des  consommateurs.  La  création  de  grands  ateliers 
ou  de  grands  magasins  dans  certaines  circon- 
stances n'est  pas  une  exception  à  cette  loi  ;  car, 
dans  ces  vastes  établissements,  la  division  du  tra- 
vail sous  une  direction  unique  est  toujours  poussée 
plus  loin  que  dans  la  petite  industrie.  Dès  que  la 
division  du  travail  a  multiplié  les  échanges,  le  troc 
en  nature  devient  presque  impossible,  et  les 
hommes  sont  conduits  à  employer  une  marchan- 
dise qui,  ayant  cours  légal,  soit  reçue  partout  dans 
les  ventes,  et  serve  d'intermédiaire  général  dans 
les  échanges  en  même  temps  que  de  mesure  des 
valeurs.  La  77ionnaie  (V.  ce  mot),  remplit  ce  rôle. 
Fabriquée  avec  des  métaux  précieux,  elle  a  une 
valeur  réelle  ;  on  en  donne  une  quantité  propor- 
tionnelle à  la  valeur  de  l'objet  que  l'on  achète  et, 
en  réalité,  l'on  échange  toujours  un  produit  contre 
un  produit  équivalent. 


COMMERCE 


—  454 


COMMERCE 


Il  arrive  souvent  que  l'acheteur  prend  la 
niarcliaiidise  et  ne  donne  pas  immédiatement  la 
contre-valeur.  Il  s'engage  tacitement  ou  par 
écrit  à  la  donner  dans  un  délai  indéterminé  ou 
déterminé;  il  y  a  dans  ce  cas  un  fait  de  crédit; 
mais  le  crédit,  qui  est  une  avance  de  valeur,  sup- 
pose que  l'acheteur  s'acquittera  de  sa  dette.  Dan.s 
ce  cas  encore,  il  y  a  échange  d'un  produit  contre 
un  produit  équivalent  ou  plus  exactement  contre 
la  promesse  d'un  produit  équivalent. 

On  peut  échanger  un  produit  contre  un  service  : 
c'est  ce  que  fait  le  maître  avec  ses  domestiques  ou 
le  patron  avec  ses  ouvriers,  lorsqu'il  leur  donne  un 
salaire,c'est-àdirelorsqu'i]  achète  une  certaine  quan- 
tité de  travail  ou  un  certain  nombre  d'heures  de  tra- 
vail contre  une  somme  déterminée.  Les  honoraires 
payés  au  médecin,  le  traitement  de  l'instituteur, 
qu'il  soit  fourni  en  totalité  par  la  commune  ou  en 
partie  par  la  rétribution  mensuelle  des  parents, 
constituent  aussi,  mais  sous  une  autre  forme,  l'é- 
change d'un  produit  contre  un  service. 

Le  troc  et  le  commerce.  —  L'échange  des  pro- 
duits contre  des  produits  constitue  le  commerce. 
On  distingue  quelquefois  plus  particulièi-emcnt 
sous  le  nom  de  troc  l'échange  direct  des  marchan- 
dises contre  une  marchandise  quelconque,  tel 
qu'on  le  pratique  d'ordinaire  avec  les  sauvages  de 
l'Afrique  australe,  et  sous  le  nom  de  commerce 
l'échange  dos  marchandises  contre  la  monnaie; 
mais  l'un  et  l'autre  sont  en  réalité  des  manières 
d'être  du  commerce. 

Le  troc  est  un  mode  grossier  qui  a  de  graves 
défauts.  C'est  d'abord  de  ne  pas  fournir  exacte- 
ment une  mesure  commune  aux  valeurs  échan- 
geables. En  effet,  certains  peuples  de  l'antiquité 
ont  employé  comme  instrument  d'échange  le  bœuf, 
parce  que  le  bétail  était  leur  principale  richesse  ; 
mais  les  bœufs  diffèrent  entre  eux  par  l'âge,  le  poids, 
la  qualité  et  une  pareille  désignation  n'offre  pas 
l'idée  d'une  valeur  déterminée.  Les  indigènes  de 
l'Afrique  australe  se  servent  de  dents  d'éléphants 
et  de  pièces  de  calicot;  ce  sont  également  des 
expressions  vagues  de  la  valeur,  parce  que  tous 
les  mètres  de  calicot  et  toutes  les  dents  ne  se 
ressemblent  pas.  La  monnaie  au  contraire  a  ce 
caractère  de  détermination  précise  qui  facilite  les 
négociations  ;  lorsqu'on  dit  cent  francs,  mille  francs, 
on  sait  qu'il  s'agit  d'un  certain  nombre  de  pièces 
pesant  ensemble  450  et  4500  grammes  d'argent  fin, 
ou  32«',25  et  3■2•25^58  d'or  sans  compter  l'alliage, 
et  qu'en  vertu  de  la  loi  elles  seront  toujours  accep- 
tées pour  100  et  pour  1000  francs  :  la  monnaie  est 
une  mesure  commune.  Un  second  défaut  du  troc 
est  de  gêner  l'épargne  et  l'accumulation  des  ri- 
cliesses.  On  peut  épargner  en  quantité  indéfinie 
de  l'argent  et  le  placer  d'une  manière  fructueuse, 
parce  que  l'argent  peut  se  conserver  indéfiniment  et 
que,  reçu  en  échange  de  toute  espèce  de  marchan- 
dise, il  répond  à  tous  les  genres  de  besoins;  on 
n'en  dirait  pas  autant  d'un  bœuf  qu'il  faut  nourrir 
ou  d'une  marchandise  qui  ne  convient  qu'à  quel- 
ques personnes.  Aussi  ce  mode  de  commerce,  quia 
pour  effet  de  restreindre  les  échanges  dans  de 
très  étroites  limites,  n'est-il,  sauf  quelques  rares 
exceptions,  pratiqué  que  par  les  sauvages.  Tous 
les  peuples  qui  ne  sont  plus  dans  l'état  de  bar- 
barie ont  remplacé  le  troc  par  le  commerce  pro- 
prement dit,  lequel  consiste  dans  la  vente  et 
dans  Tachât,  c'est-à-dire  dans  Véchange  des  mar- 
chandises, quelles  qu'elles  soieiit,  contre  de  In  mon- 
naie, niarcnajidise  déterminée,  ppu  altérable,  pré- 
cieuse sous  un  petit  volume,  revêtue  d'un  carac- 
tère légal,  facile  à  accumuler  et  par  conséquent 
propre  à  so-vir  de  mesure  commune  aux  autres 
march'indiscs. 

Le  commerce,  intermédiaire  entre  la  production 
et  la  consommation,  a  pour  but  de  mettre  les  pro- 
duits à  la  portée  de  ceux  qui  en  ont  besoin  ;  il  a  pour 


objet  de  transporter  les  produits  d'un  lieu  à  un 
autre,  d'un  temps  pour  un  autre  et  d'un  pro- 
priétaire à   un    autre.  Il  peut  être  défini  en  trois 

mots  :   TRANSFORTlîR,  CO.NSERVER,  ÉCHANGER. 

La  plupart  des  actes  de  commerce  comprennent 
les  trois  phases,  le  marchand  faisant  venir  le  pro- 
duit d'une  autre  localité  ou  tout  au  moins  d'un 
autre  magasin,  le  gardant  avec  le  reste  de  ion  ap- 
provisionnement, soit  qu'il  le  mette  immédiatement 
en  vente,  soit  qu'il  le  réserve  pour  la  saison  pro- 
pice, et  le  livrant  ensuite  à  l'acheteur.  Cependant 
la  dernière  phase  seule  est  essentielle;  les  cou)- 
nierçants  font  souvent  sur  le  marché  ou  par  cor- 
respondance acte  de  commerce,  opérant  des  ventes 
sans  qu'il  y  ait  iransport  ni  conservation  de  la 
marchandise,  tandis  que  le  transport  et  la  garde 
seuls  ne  suffisent  pas  à  créer  un  acte  de  commerce 
dans  le  sens  économique  du  mot,  mais  constituent 
des  services  d'une  nature  particulière. 

L'homme  qui  fait  le  commerce  doit  être  consi- 
déré comme  un  producteur  aussi  bien  que  celui 
qui  s'adonne  à  l'agriculture  ou  à  l'industrie.  Car 
l'exercice  du  commerce  est  un  des  modes  du  tra- 
vail, et,  comme  tout  travail  utile,  il  ajoute  de  la 
valeur  aux  produits;  or  la  production,  dans  le  sens 
économique,  ne  consiste  pas  dans  une  création 
de  matière  (l'homme  est  impuissant  à  créer  un 
atome  de  matière;,  mais  dans  une  création  d'utilité. 
Un  exemple  fera  comprendre  le  genre  particulier 
d  utilité  créé  par  le  commerce. 

Dans  les  grandes  plaines  de  la  République  ar- 
gentine, les  troupeaux  de  bœufs  et  de  moutons 
sont  tellement  nombreux  que  les  peaux  et  la  laine 
n'y  auraient,  si  la  consommation  en  était  faite  seu- 
lement par  les  habitants  du  pays,  presqu'aucune 
valeur.  Un  négociant  fait  acheter  mille  de  ces 
peaux  à  très  bas  prix,  les  fait  transporter  au  Havre 
ou  à  Paris,  les  trie  suivant  la  qualité,  les  garde  en 
magasin  ;  puis,  lorsqu'un  cordonnier  se  présente, 
il  lui  vend  à  son  choix  de  la  vache,  du  veau,  du 
ventre  ou  du  dos,  et  il  lui  fait  légitimement  payer 
deux  fois  plus  qu'il  n'a  payé  lui-même.  Ce  sup- 
plément, qui  représente  les  frais  de  transport,  de 
garde,  de  manutention,  les  risques  et  le  profil  du 
négociant,  mesure  l'utilité  créée;  dans  les  plaines 
de  l'Amérique  la  peau  avait  une  valeur  médiocre, 
parce  qu'il  y  en  avait  beaucoup  et  que  peu  de  per- 
sonnes l'employaient;  à  Paris,  elle  a  une  valeur 
double,  parce  qu'on  en  fait  un  très  grand  emploi. 
Si  Paris  était  réduit  à  ne  consommer  que  les 
cuirs  provenant  des  bœufs  du  département  de 
la  Seine,  presque  tous  ses  habitants  marcheraient 
pieds  nus. 

Les  commerçants.  —  Dans  une  société  où  la 
richesse  et  le  nombre  des  habitants  ont  amené  une 
grande  division  du  travail,  tout  individu,  à  moins 
d'être  nourri  par  sa  famille  ou  de  vivre  d'au- 
mônes en  nature,  fait  des  échanges  et.  par  consé- 
quent, des  actes  de  commerce.  Le  rentier  n'é- 
chappe pas  plus  que  les  autres  à  cette  loi  ;  car,  cha- 
que jour,  il  échange  l'argent  provenant  de  son 
revenu  contre  les  marchandises  qu'il  consomme. 
Cependant  on  ne  donne  le  nom  de  commerçants 
qu'à  ceux  qui  font  des  actes  de  commerce  par  habi- 
tude et  par  profession. 

L'article  1"  du  Code  de  commerce  dit  :  o  Sont 
commerçants  ceux  qui  exercent  des  actes  de  com- 
merce et  en  font  leur  profession  habituelle  ».  La 
loi  comprend  sous  cette  dénomination  non  seule- 
ment les  commerçants  proprement  dits,  mais  les 
industriels  de  toute  espèce,  et  elle  les  soumet  aux 
prescriptions  du  Code  de  commerce  et  à  la  juridic- 
tion des  tribunaux  de  commerce.  Elle  n'y  com- 
prend pas  les  agriculteurs  qui  ne  font  que  vendre 
les  produits  de  leur  terre  ni  les  employés  et  ouvriers 
ijui  ne  font  qu'échanger  du  travail  contre  un  sa- 
laire. 

Dans  le  langage  ordinaire,  on  distingue  les  indus- 


COMMERCE 


—  455  — 


COMMERCE 


triels  et  les  commerçants,  et  on  désigne  seulement 
sous  ce  dernier  nom  ceux  qui  font  profession  d'aclie- 
ter  pour  vendre,  sans  transformer  le  produit  par  la 
fabrication  ;  les  manutentions  qui  ont  pour  objet 
de  conserver,  de  trier  ou  même  de  parer  légère- 
ment la  mar  bandise  ne  constituent  pas  une  fabri- 
cation. 

Dans  les  sociétés  primitives  ou  pauvres,  les 
échanges  sont  peu  développés  :  ce  qui  domine, 
c'est  le  commerce  de  détail,  lequel  s'exerce  pres- 
que toujours  du  marchand  au  consommateur,  le 
plus  souvent  avec  de  petits  capitaux,  tantôt  tous 
les  jours  à  poste  fixe  dans  un  magasin  ou  bouti- 
que, tantôt  à  certains  jours  dans  les  marchés  et 
foires,  tantôt  de  village  en  village  par  des  mar- 
chands forains  et  des  colporteurs. 

Dans  les  sociétés  riches,  la  première  place  est 
ordinairement  occupée  par  le  commerce  en  gros, 
qui  s'exerce  de  commerçant  à  commerçant,  avec 
de  gros  capitaux,  et  qui  exige  presque  toujours  un 
rayon  d'approvisionnement  étendu  et  un  marché 
considérable.  Il  a  pour  objet  de  former  les  grands 
approvisionnements,  d'accumuler  les  réserves  de 
produits  nationaux  pour  les  livrer  au  commerce 
de  détail  en  temps  opportun,  de  faire  venir  de 
loin  les  produits  étrangers  que  le  petit  commerce 
n'aurait  pas  la  puissance  de  se  procurer,  de  cons- 
tituer, par  ses  opérations,  les  cours,  c'est-à-dire 
les  prix  régulateurs  du  marché. 

On  désigne  vulgairement  sous  le  nom  de  mar- 
chand les  personnes  qui  exercent  le  commerce  de 
détail,  et  sous  celui  de  négociant  celles  qui  font 
le  commerce  en  gros.  Il  y  a,  dans  les  grands  centres 
de  consommation,  des  maisons  de  détail  assez  con- 
sidérables pour  faire  leurs  approvisionnements  en 
gros  et  pour  réunir  les  deux  caractères.  Le  nombre 
de  ces  maisons  s'est  accru  depuis  que  les  chemins 
de  fer  ont  rendu  les  communications  plus  faciles. 

Le  commerce  intérieur  et  le  commerce  extérieur. 
—  On  peut  distinguer  trois  degrés  dans  la  civili- 
sation commerciale  des  sociétés.  Au  premier  degré, 
le  travail  est  très  peu  divisé,  la  population  est 
clairsemée,  la  vie  est  presque  toute  pastorale  ou 
agricole,  et  le  commerce  est  très  faible,  quoique  les 
principales  familles  vivent  dans  une  abondance 
relative  de  denrées  naturelles  et  se  procurent 
même,  ordinairement,  par  des  marchands  forains 
certains  produits  de  luxe  apportés  de  loin.  Au  se- 
cond degré,  des  villes  se  sont  formées  par  l'agglo- 
mération d'une  partie  de  la  population,  les  petites 
industries  se  sont  multipliées  et  la  division  du  tru- 
val  est  plus  développée  ;  mais  elle  est  encore  en 
grande  partie  individuelle,  c'est-à-dire  que  dans 
chaque  contrée  qui  se  suffit  à  peu  près  à  elle- 
même,  il  y  a  des  individus  qui  s'adonnent  à  un 
travail  particulier  ;  le  cercle  des  échanges  est  peu 
étendu  et  le  petit  commerce  domine.  Au  troisième 
degré,  lorsque  la  richesse  est  devenue  plus  con- 
sidérable, que  les  voies  de  communication  sont 
plus  nombreuses  et  plus  commodes,  la  division 
territoriale  du  travail  se  développe  au  profit  de  la 
société  ;  non  seulement  chaque  individu  exerce 
une  profession  particulière  dans  laquelle  il  de- 
vient plus  habile  en  s'aidant  de  moyens  de  fabrica- 
tion plus  perfectionnés,  et  peut  livrer  ses  produits 
dans  de  meilleures  conditions  ;  mais  le  commerce, 
s'ouvrant  de  vastes  débouchés,  fait  venir  .les 
matières  premières  et  les  objets  manufacturés  que 
chaque  contrée  est  le  plus  apte  à  fournir  dans  de 
bonnes  conditions,  et  en  même  temps  il  porte  les 
produits  nationaux  sur  les  marchés,  voisins  ou 
lointains,  qui  paraissent  le  plus  avantageux.  La 
consommation,  qui  est  le  but  de  la  production,  jouit 
de  l'abondance  et  de  la  variété  des  marchandises  : 
elle  est  mieux  servie. 

Cette  division  territoriale  du  travail  peut  se 
produire  entre  les  différentes  parties  d'un  môme 
^UX  ou  entre  les  différents  Etats  de  la  terre.  Les 


échanges  qui  ont  lieu  dans  l'intérieur  des  fron- 
tières d'un  Etat  constituent  le  commerce  intérieur; 
ceux  qui  ont  lieu  d'un  Etat  à  un  autre  constituent 
le  commerce  extérieur. 

Le  commerce  intérieur  est  aujourd'hui  entière- 
ment libre  en  France.  Chacun  peut  s'établir  où  il 
veut,  faire  le  commerce  qu'il  veut  et  transporter 
dans  toutes  les  parties  du  territoire  ses  propres 
produits  et  les  produits  d" autrui.  Cette  règle  géné- 
rale ne  souffre  qu'un  petit  nombre  d'exceptions  qui 
ont  été  faites  en  vue  de  la  police  ou  de  la  perception 
des  impôts;  telles  sont  les  formalités  requises  pour 
le  transport  du  vin,  et  le  droit  d'octroi  à  l'entrée 
dans  les  villes.  Il  n'en  a  pas  toujours  été  ainsi.  Sous 
le  régime  féodal,  il  y  avait  des  péages  nombreux 
sur  les  routes  et  rivières  et  des  impôts  au  passage 
d'une  province  à  une  autre  ;  c'est  à  l'ordonnance  de 
1664,  rendue  sous  le  ministère  de  Colbert,  et  aux 
lois  votées  par  l'Assemblée  constituante  de  1789, 
créatrice  de  l'unité  administrative  de  la  France, 
qu'est  dû  le  bienfait  de  la  libre  circulation  du 
commerce  à  l'intérieur  du  territoire.  Ce  commerce, 
qui  porte  sur  la  plus  grande  partie  de  la  produc- 
tion agricole  et  presque  sur  la  totalité  de  la  pro- 
duction industrielle,  représente  un  chiffre  total 
d'affaires  beaucoup  plus  élevé  que  celui  du  com- 
merce extérieur;  mais,  comme  on  ne  saurait  enre- 
gistrer toutes  les  ventes  et  tous  les  achats  qui  se 
font  journellement  sur  la  surface  de  la  France,  il 
est  impossible  de  le  déterminer  exactement. 

Le  commerce  extérieur  au  contraire  peut  être 
déterminé,  parce  que  ladministration  des  douanes 
enregistre  toute  marchandise  qui,  entrant  ou  sor- 
tant, passe  la  frontière.  Les  marchandises  qui  en- 
trent constituent  l'importation,  qui  se  compose  en 
général  d'achats  faits  par  les  nationaux  chez  les 
étrangers.  Les  marchandises  qui  sortent  constituent 
V exportation,  qui  se  compose  en  général  des  ventes 
faites  par  les  nationaux  aux  étrangers.  Certaines 
marchandises  n'entrent  d'un  côté  que  pour  sortir 
par  un  autre  ;  elles  se  servent  du  territoire  d'une 
nation  comme  de  la  route  la  plus  commode  pour 
se  rendre  d'un  pays  étranger  à  un  autre  pays 
étranger  :  elles  constituent  le  transit.  Lorsqu'une 
marchandise  doit  payer  à  l'entrée  un  droit  de 
douanes,  le  négociant  qui  la  fait  venir  de  l'étran- 
ger sans  savoir  encore  s'il  la  vendra  dans  son  pays, 
la  dépose  provisoirement  en  certains  lieux  où  elle 
est  gardée  sans  avoir  à  acquitter  le  droit  :  ces 
lieux  sont  les  entrepôts.  Lorsqu'il  la  fait  sortir  de 
l'entrepôt  pour  la  vendre  hors  de  son  pays,  la  mar- 
chandise ne  paie  pas  le  droit  ;  au  contraire  elle  le 
paie  s'il  la  vend  dans  le  pays  même.  L'adminis- 
tration des  douanes  en  France  désigne  sous  le  nom 
de  commerce  général  le  total  des  importations  et 
des  exportations,  et  sous  le  nom  de  commerce 
spécial  le  commerce  des  marchandises,  non  com- 
pris celles  qui  sont  dans  les  entrepôts  ou  qui  en 
sont  sorties  pour  aller  sur  les  marchés  étrangers. 
Le  commerce  général  indique  dans  son  ensem- 
ble l'activité  commerciale  de  la  nation.  Le  com- 
merce spécial  indique  d'une  manière  plus  exacte 
les  ventes  de  produits  nationaux  faites  à  l'étranger 
et  la  consommation  de  produits  étrangers  faite  par 
les  nationaux.  La  distinction  n'est  pourtant  pas 
rigoureuse,  parce  que  les  négociants  ne  prennent 
pas  la  peine  do  mettre  en  entrepôt  les  matières 
premières  non  soumises  à  un  droit  qu'ils  impor- 
tent pour  les  réexporter. 

Les  douanes  sont  établies  sur  la  frontière  de 
presque  tous  les  États,  pour  percevoir  des  droits 
sur  les  marchandises  qui  entrent  ou  qui  sortent 
et  pour  constater  en  même  temps  le  mouvement 
du  commerce  extérieur.  En  général,  les  taxes  sont 
rares  à  l'exportation  ;  elles  sont  aujourd'hui  à  peu 
près  nulles  en  France.  Elles  sont  diversement  ré- 
parties à  l'importation,  suivant  que  la  législation 
douanière  s  inspire  du  système  restrictif,  qui,  im- 


COMMERCE 


—  436  — ■■ 


COMMERCE 


pose  des  prohibitions  et  des  droits  protecteurs,  ou 
du  système  de  la  liberté  commerciale,  qui  n'admet 
que  les  droits  fiscaux.  Le  premier  système,  se 
préoccupant  moins  de  l'intérêt  du  Trésor  et  de  la 
consommation  que  de  l'intérêt  particulier  de  cer- 
taines industries  nationales,  oppose  aux  produits 
analogues  de  l'industrie  étrangère  une  défense 
absolue  d'entrer  ou  des  droits  assez  élevés  pour 
en  restreindre  la  vente  en  les  faisant  renchérir, 
afin  de  réserver  ainsi  l'avantage  à  ces  industries  na- 
tionales sur  le  marché  intérieur.  Le  second  sys- 
tème, se  préoccupant  surtout  de  l'intérêt  général 
des  consommateurs  sans  toutefois  abandonner 
l'intérêt  du  Trésor  public,  met  sur  les  marchan- 
dises importées  des  droits  légers,  afin  qu'elles 
puissent  entrer  en  grande  quantité,  fournir  large- 
ment le  marché,  stimuler  par  la  concurrence  les 
manufactures  nationales  à  faire  mieux  que  l'étran- 
ger, et  rémunérer  le  Trésor  par  la  perception  d'un 
très  grand  nombre  de  petites  taxes. 

Les  produits  s'échangent  contre  des  produits, 
avons-nous  dit.  Une  nation  ne  peut  donc  acheter 
à  l'étranger  que  dans  la  mesure  où  elle  vend  elle- 
même  à  l'étranger  ;  si  la  balance  ne  se  fait  pas 
exactement  chaque  année,  elle  s'établit  peu  à  peu 
au  bout  d'un  certain  temps,  à  moins  de  circons- 
tances exceptionnelles,  telles  que  celle  d'une  na- 
tion qui  aurait  beaucoup  de  capitaux  placés  à  l'é- 
tranger et  qui  paierait  avec  ses  revenus  extérieurs 
l'excédant  de  ses  importations.  Par  conséquent  une 
grande  nation  ne  peut  être,  suivant  une  expres- 
sion quelquefois  employée,  «  inondée  »  de  produits 
êti'angers  que  dans  la  mesure  où  elle  «  inonde  » 
elle-même  l'étranger  de  ses  produits.  La  liberté  com- 
merciale profite  non  seulement  au  commerce,  qu'elle 
développe,  mais  à  l'industrie  nationale  prise  dans 
son  ensemble,  à  laquelle  elle  fournit  des  débouchés 
plus  larges  par  l'accroissement  de  l'exportation, 
en  même  temps  qu'à  la  consommation  qu'elle  ap- 
provisionne plus  copieusement.  Envisagée  au  point 
de  vue  des  droits  du  producteur,  elle  signifie  li- 
berté du  travail  et  égalité  ;  au  point  de  vue  des 
résultats  généraux  de  l'échange,  elle  signifie  faci- 
lité des  débouchés  et  extension  du  marché. 

hiflueiice  du  commerce  sur  la  civilisation.  — 
Les  nations  tendent  toutes  à  développer  leur  com- 
merce. Elles  ne  sauraient  rester  isolées  les  unes 
des  autres,  parce  que  les  produits  des  pays  les 
plus  divers  sont  entrés  aujourd'hui,  grâce  à  la 
facilité  des  relations  lointaines,  dans  la  consom- 
mation journalière  et  dans  les  habitudes  de  la 
plus   modeste  existence. 

Un  ouvrier  de  Paris,  avant  de  se  rendre  le  matin 
à  l'atelier,  mange  un  morceau  de  pain  fait  avec  la 
farine  de  la  Beauce  ou  peut-être  même  de  la  Rus- 
sie et  de  la  Californie,  et  il  boit  un  verre  de  vin, 
mélange  des  crûs  de  l'Orléanais  et  du  Languedoc, 
pendant  que  sa  femme  prend  le  café  au  lait  que 
les  caféiers  de  Java,  les  cannes  à  sucre  de  Cuba 
et  les  vaches  de  Normandie  ont  conspiré  à  lui 
composer.  Il  s'habille  avec  une  chemise  dont  le 
coton,  venu  des  États-Unis  ou  de  l'Inde,  a  été  tissé 
à  Rouen,  et  avec  un  paletot  dont  le  drap,  produit 
de  Lodève,  contient  des  laines  de  l'Australie  et 
du  Cap  ;  il  met  des  souliers  dont  le  cuir  a  été  la 
peau  d'une  vache  paissant  dans  les  pampas  de  la 
Plata.  Il  regarde  l'heure  à  sa  montre,  et  il  ne  se 
doute  pas  que,  dans  un  si  petit  objet,  il  y  ait  à  la 
fois  de  l'acier  de  la  Suède,  du  cuivre  du  Chili,  des 
rubis  du  Brésil,  de  l'or  de  l'Oural,  pas  plus  qu'il 
ne^  se  doute  que  les  cinq  parties  du  monde,  avant 
même  qu'il  ne  soit  hors  de  sa  maison,  ont  en  quel- 
que sorte  rivalisé  pour  satisfaire  ses  besoins,  et  que 
le  commerce  est  l'auteur  do  ces  jouissances. 

On  peut  résumer  de  la  façon  suivante  les  prin- 
cipaux avantages  (jue  le  commerce  procure  aux 
hommes  et  à  la  civilisation  : 

1°  En  apportant  chaque  chose  à  l'endroit  précis 


où  elle  est  le  plus  recherchée,   il  accroît  par  ce 
seul  fait  la  somme  des  utilités  partout  où  il  agit; 

1°  Il  est  la  condition  nécessaire  de  la  division  du 
travail,  qui  °st  elle-même  la  condition  nécessaire 
d'une  production  abondante  ;  le  commerce  extérieur 
donne  même  naissance  à  de  nombreuses  industries 
qui  n'existeraient  pas  sans  lui,  faute  de  matière 
première,  telles  que  la  fabrication  des  cotonnades 
en  Europe  ; 

3"  Il  tend  à  auçjmenter  l'activité  laborieuse  des 
hommes,  non-seulement  par  les  industries  dont  il 
provoque  l'établissement,  mais  par  les  jouissances 
nouvelles  qu'il  offre  et  qui  ne  peuvent  être  obte- 
nues qu'au  prix  du  travail  ; 

4°  En  établissant  des  relations  fréquentes  entre 
diverses  contrées,  il  apprend  aux  peuples  à  se  con- 
naître, et  il  contribue  à  les  éclairer  les  uns  par 
les  autres; 

5°  En  stimulant  les  découvertes  maritimes,  il  a 
enseigné  à  l'homme  à  mieux  connaître  la  terre, 
son  domaine  ; 

6°  En  lui  faisant  connaître  la  terre,  il  l'invite  à 
en  prendre  possession  par  la  colonisation.  C'est 
ainsi  que  les  Etats-Unis  et  une  partie  de  l'Australie 
sont  devenus  des  centres  importants  de  popula- 
tion et  des  foyers  nouveaux  de  civilisation  dans  le 
monde; 

7°  Le  commerce  lui-même  ne  peut  se  développer 
qu'à  l'aide  de  moyens  de  communication  faciles, 
rapides  et  économiques.  C'est  le  génie  du  com- 
merce qui  a  suscité  la  navigation  à  vapeur  et  les 
chemins  de  fer. 

Histoire  du  commerce.  —  La  civilisation  dont 
nous  sommes  les  héritiers  est  née  dans  la  haute 
Asie  et  sur  les  bords  du  Nil  ;  c'est  autour  du 
bassin  de  la  Méditerranée  qu'elle  s'est  épanouie. 
Les  grandes  nations  commerçantes  de  l'antiquité 
ont  habité  sur  ses  bords.  Les  Phéniciens,  qui  ne 
possédaient  qu'un  très  petit  territoire,  médiocre- 
ment fertile,  ont  eu  cependant  une  grande  puis- 
sance, parce  que  leurs  ports,  Sidon,  Tyr,  étaient 
précisément  situés  à  l'extrémité  orientale  de  cette 
mer,  sur  la  côte  où  les  caravanes,  venues  de  l'inté- 
rieur de  l'Asie,  apportaient  hîs  produits  de  l'Orient, 
et  d'où  les  navires  partaient  pour  les  distribuer 
dans  les  comptoirs  phéniciens  et  dans  les  con- 
trées riveraines  de  la  Méditerranée  ;  Carthage 
était  un  de  ces  comptoirs.  Plus  tard,  les  villes 
grecques  d'Asie  Mineure,  entre  autres  Milet,  et 
quelques-unes  des  républiques  de  la  Grèce,  Athè- 
nes surtout,  se  substituèrent  aux  Phéniciens  et 
héritèrent  en  partie  de  leur  puissance  commer- 
ciale. Alexandrie,  ville  grecque  fondée  par  Alexan- 
dre le  Grand  à  peu  de  distance  des  bouches  du  Nil, 
devint,  après  la  destruction  de  Tyr,  le  principal 
entrepôt  entre  l'Europe  et  l'Asie,  et  resta,  pendant 
toute  la  durée  de  l'empire  romain  et  pendant  le 
moyen  âge,  une  grande  place  de  commerce. 

A  l'époque  où  les  Arabes  étendirent  leur  domi- 
nation sur  toute  l'Asie  occidentale  et  sur  le  nord 
de  l'Afrique,  le  commerce  fut  florissant  dans  leur 
empire  ;  le  Caire,  la  Mecque,  Damas,  Bagdad,  Bas- 
sora,  Samarcande  furent  de  riches  marchés. 

Les  croisades  contribuèrent  à  ramener  en  Europe 
le  commerce  maritime  et  à  renouer  les  relations  de 
l'Occident  avec  l'Orient.  L'Italie,  péninsule  avancée 
au  centre  de  la  Méditerranée,  dut  en  grande  partie 
à  sa  situation  géographique  de  recueillir  presque 
tous  les  profits  de  ce  trafic.  Amalfi,  Pise,  Florence, 
surtout  Gènes  et  Venise,  ports  situés  l'un  à 
l'ouest,  au  fond.de  la  mer  Tyrrhénienne,  l'autre  à  l'est 
au  fond  de  la  mer  Adriatique,  près  des  routes  qui 
conduisaient  à  travers  les  Alpes  dans  l'Europe 
centrale,  devinrent  de  grandes  cités.  Le  commerce 
y  développa  l'industrie,  comme  il  arrive  d'ordi- 
naire, et  l'Italie  fut  la  contrée  la  plus  riche  de 
l'Europe.  Les  marchands  italiens  allaient  non-sou- 
lemeiit  à  Alexandrie  et  sur  les  côtes  de  l'Asie  Mi- 


COMMERCE 


1—  4o7  — 


COMMERCE 


neiiTC,  mais  jusqu'au  fond  de  la  mer  d'Azov,  d'où 
partaient  alors  tous  les  ans  des  caravanes  pour  la 
Cliine.  D'autres  foyers  d'activité  commerciale 
s'étaient  formés  sur  les  côtes  des  mers  du  nord  de 
l'Europe,  à  Lubeck,  à  Hambourg,  à  Brème,  à  An- 
vers, à  Bruges,  etc.  Ces  villes  s'étaient  unies  pour 
former  une  puissante  confédération  sous  le  nom 
de  Hanse  teutonique.  En  France,  Marseille  et 
Montpellier  dans  le  midi,  Lyon  sur  le  Rhône,  Paris, 
«talent  aussi  de  grandes  cités  commerçantes,  et  les 
foires  de  Champagne,  qui  se  tenaient  à  Troyes,  à 
Reims,  k  Provins,  étaient  renommées. 

La  découverte  de  YAmérique  par  Christophe 
Colomb  en  1492,  et  celle  de  la  route  maritime  des 
Indes  par  Vasco  de  Gama  en  149T-98,  changèrent  la 
direction  du  grand  commerce.  La  Méditerranée 
perdit  une  partie  de  son  importance,  et  les  répu- 
bliques italiennes  déclinèrent  ainsi  qu'Alexandrie. 
La  prépondérance  commerciale  passa  aux  Portu- 
gais et  aux  Espagnols,  qui  ne  surent  pas  la  conser- 
ver longtemps.  Mais  elle  resta  à  des  nations  rive- 
raines de  l'océan  Atlantique. 

Les  Portugais  dans  l'Inde  et  dans  les  mers  de  la 
Chine,  les  Espagnols  dans  l'Amérique  centrale  et 
dans  l'Amérique  du  sud,  avaient  fondé  des  comp- 
toirs et  de  vastes  colonies*,  etils  avaient  écarté  toute 
concurrence  commerciale  en  réservant  d'une  ma- 
nière absolue  à  la  mère-patrie  le  monopole  des 
produits  naturels  à  exporter  des  possessions  d'ou- 
ire-mer  et  celui  des  produits  de  tout  genre  à  y  im- 
porter. 

Les  Hollandais,  qui  s'étaient  affranchis  de  la  do- 
mination des  Espagnols  et  auxquels  l'Espagne  fer- 
mait par  représailles  les  ports  de  l'Espagne  et  du 
Portugal,  allèrent  eux-mêmes  chercher  dans  les 
Indes  les  produits  de  l'orient,  et  s'emparèrent  d'une 
partie  des  colonies  portugaises;  ils  créèrent  la 
Compagnie  des  Indes  orientales,  qui  ne  se  montra 
pas  moins  jalouse  de  son  monopole  que  ne  l'avaient 
été  les  Portugais  et  les  Espagnols,  et  ils  restèrent 
pendant  plus  d'un  siècle  la  puissance  prépondé- 
rante sur  les  mers  :  Amsterdam  devint  le  plus 
grand  marché  de  l'Europe. 

">ouis  XIV  et  son  ministre  Colbert  s'appliquèrent 
à  multiplier  les  manufactures  et  à  développer  la 
marine  en  France.  Us  pensèrent  y  réussir  en  éta- 
blissant un  tarif  de  douanes  qui,  d'une  part,  per- 
mettait, aussi  largement  que  possible,  l'entrée  des 
matières  premières  et  des  denrées  et  en  interdisait 
la  sortie,  qui,  d'autre  part,  facilitait  la  sortie  des 
produits  manufacturés  et  en  gênait  l'entrée  par 
des  droits  élevés,  afin  de  favoriser  les  fabriques  na- 
tionales. C'était  le  système  mercantile,  qui  est  moins 
propre  que  la  liberté  commerciale  au  progrès  des 
échanges.  Louis  XIV  fonda  des  colonies  et  chercha 
à  affaiblir  la  Hollande  dont  il  jalousait  la  prospérité. 
Il  l'envahit  en  1672  et  la  força  ainsi  à  se  jeter  dans 
ralliance  anglaise.  Il  n'en  eut  pas  le  profit.  Ce  fut 
\ Angleterre  qui  hérita  de  la  suprématie  des  mers 
et  qui  commença  à  fonder  au  xvii«  et  au  xviii*  siè- 
cle son  vaste  empire  colonial  dans  l'Inde  et  en 
Amérique. 

Pendant  la  Révolution  française  et  sous  l'Empire, 
la  France  soutint  contre  l'Angleterre  une  guerre 
maritime  de  vingt-trois  ans  ;  elle  y  perdit  ses  derniè- 
res colonies.  Napoléon  essaj-a  de  ruiner  son  enne- 
mie en  établissant  (de  1806  à  1814)  le  blocus  conti- 
nental, par  lequel  il  interdisait  l'accès  de  tous  les 
ports  du  continent  soumis  à  son  influence  à  la  ma- 
rine anglaise  et  prohibait  toute  marchandise  de 
provenance  britannique.  Il  ne  réussit  pas.  A  la 
chute  de  l'Empire,  les  relations  commerciales  se 
rétablirent  entre  les  Etats  européens. 

Depuis  le  commencement  du  xix«  siècle,  les  con- 
ditions générales  du  grand  commerce  ont  été  pro- 
fondément modifiées  : 

1°  Les  colonies  anglaises  de  l'Amérique  du  nord 
se  sont  émancipées,  et  ont  formé,  en  1"76,  la  répu- 


blique des  Etats-Unis,  qui  est  devenue  une  grande 
nation,  comptant,  après  cent  ans.  plus  de  40  mil- 
lions d'habitants,  ayant  une  marine  importante,  un 
commerce  considérable,  une  industrie  puissante  et 
approvisionnant  les  marchés  européens  de  matiè- 
res premières,  principalement  de  coton. 

2°  Dans  les  vingt-cinq  premières  années  du  dix- 
neuvième  siècle,  les  coloiiies  espagnoles  de  l'Améri- 
que et  le  Brésil,  colonie  portugaise,  se  sont  égale- 
ment émancipés  et  ont  formé  des  empires  ou  des  ré- 
publiques. Leurs  marchés,  jusques-là  exclusivement 
réservés  à  la  métropole,  se  sont  ouverts  à  tout  le 
commerce  européen;  l'Angleterre  et  la  France  y 
ont  pris  la  première  place. 

3°  Le  commerce  européen  a  pénétré  aussi,  quoi- 
que moins  complètement,  dans  l'intérieur  de  l'A- 
frique. Au  sud,  les  Anglais  se  sont  substitués  aux 
Hollandais  pendant  les  guerres  de  l'Empire  et  ont 
fondé  l'importante  colonie  du  Cap.  Au  nord,  les 
Français  occupent  V Algérie,  dont  la  conquête  a 
commencé  en  1830;  les  Anglais,  qui  tenaient  déjà 
Gibraltar,  ont  acquis,  depuis  1801,  par  la  prise  de 
possession  de  Malte,  un  nouvel  entrepôt  en  face  de 
la  côte  d'Afrique;  l'Egypte,  devenue  presque  in- 
dépendante, a  pris  un  notable  développement  de 
richesse  :  son  territoire  et  son  commerce  se  sont 
étendus  jusque  sous  l'équateur.  Les  marchandises 
anglaises  et  américaines  sont  portées  par  les  mar- 
chands arabes  et  par  les  tribus  nègres,  dans  Y  in- 
térieur de  l' Afrique,  dont  les  voyageurs  ont  exploré 
en  partie  les  régions  mystérieuses. 

4°  V Australie,  qui  a  eu  ses  premiers  colons  en 
1788,  est  aujourd'hui,  avec  la  Tasmanie  et  la  Nou- 
velle-Zélande, un  pays  civilisé  qui  fournit  à  l'Europe 
une  grande  quantité  de  laine  et  d"or. 

5°  Les  relations  avec  l'Asie  sont  devenues  aussi 
beaucoup  plus  importantes.  L'Angleterre  a  achevé 
la  conquête  de  VInde,  dont  tout  le  territoire  lui  est 
directement  ou  indirectement  soumis  ;  elle  y  a 
construit  des  chemins  de  fer  et  encouragé  la  cul- 
ture du  coton  et  même  l'établissement  de  manu- 
factures. La  Chine,  où  les  commerçants  européens 
n'étaient  tolérés  que  dans  un  seul  port,  à  Canton, 
a  été  ouverte  par  deux  guerres  suivies  de  traités  ; 
le  traité  de  1842,  qui  autorise  le  commerce  dans 
cinq  ports;  celui  de  1860,  qui  l'autorise  dans  treize 
ports.  L'Angleterre,  l'Amérique,  l'Allemagne  et  la 
j  France  ont  surtout  profité  de  ces  relations  nou- 
!  velles.  Les  Russes,  qui  ont  étendu  leur  domination 
dans  le  nord  de  l'Asie,  ont  pris  une  part  importante 
au  commerce  de  la  Chine  en  rendant  aux  routes  de 
terre  une  partie  de  l'activité  qu'elles  avaient  eue 
durant  le  moyen  âge.  Le  Japon  s'est  ouvert  égale- 
ment depuis  1854  au  commerce,  et  il  s'est  appliqué 
à  transformer  sa  constitution  intérieure  à  l'image 
des  nations  civilisées  de  l'Europe. 

6°  Ces  marchés  lointains  où  a  pénétré  l'Europe 
ont  été  rendus  plus  facilement  accessibles  à  la  na- 
vigation à  vapeur,  qui  a  commencé  sur  l'Océan 
après  les  guerres  de  l'Empire,  et  qui,  depuis  la  sub- 
stitution de  l'hélice  aux  roues  à  aubes,  tend  de  plus 
en  plus  à  remplacer  la  navigation  à  voiles. 

7°  La  création  des  chemins  de  fer,  qui  ont  sur 
le  roulage  le  triple  avantage  de  déplacer  rapide- 
ment et  à  moins  de  frais  des  quantités  beaucoup 
plus  grandes,  a  produit  dans  les  transports  par 
terre  des  changements  plus  considérables  encore 
que  la  vapeur  dans  les  transports  par  mer.  Ils 
peuvent  être  considérés  à  juste  titre  comme  une 
des  causes  qui  ont  exercé  la  plus  grande  influence  sur 
les  changements  qui  se  sont  produits  de  notre  temps 
dans  la  condition  économique  des  personnes  et 
dans  les  relations  du  commerce  intérieur. 

8°  Le  télégraphe  électrique,  qui  met  presque 
toutes  les  grandes  contrées  de  la  terre  en  relation 
immédiate  et  qui  permet  aux  négociants  de  conclure 
dans  le  même  jour  des  achats  et  des  ventes  dans 
les  cinq  parties  du  monde,  a  changé  les  anciennes 


COMMERCE 


—  458  — 


COMMERCE 


habitudes  et  donné   une  force  nouvelle  au  grand 
commerce. 

9"  Le  cannl  de  Suez,  en  faisant  communiquer  la 
Méditerranée  et  l'océan  Indien,  a  changé  et  abrégé 
pour  la  navigation  à  vapeur  la  route  d'Europe  en 
Orient;  il  a  ramené  le  commerce  dans  la  direction 
suivie  avant  la  découverte  du  Cap  de  Bonne -Espé- 
rance, mais  en  substituant  une  ligne  de  navigation 
continue  à  l'ancien  transport,  qui  se  faisait  partie 
par  navires  et  partie  par  caravanes. 

Le  commerce  consiste  à  transporter  et  à  échan- 
ger :  le  développement  qu'il  a  pris  au  xix'  siècle  est 
nécessairement  dû  en  grande  partie  h  l'ouverture  de 
marchés  aussi  vastes  et  à  la  création  de  moyens  de 
communication  aussi  avantageux. 

10°  Le  développement  des  banques  et  des  moyens 
de  crédit  a  donné  aussi  au  commerce  internaiional 
des  facilités  qu'il  était  loin  de  posséder  au  même 
degré  dans  les  siècles  précédents. 

Il"  Après  la  période  des  guerres  de  l'Empire, 
qui  avaient  placé  le  commerce  dans  une  situation 
anormale,  la  plupart  des  grandes  nations  de  l'Eu- 
rope établirent  des  tarifs  de  douanes  qui  gênèrent 
le  développement  des  affaires,  par  des  droits  élevés 
et  des  proîiibitions  :  c'est  ce  qu'on  appelait  le  sys- 
tème protecteur,  lequel  fut  pendant  longtemps  do- 
minant en  Angleterre,  en  France  et  dans  la  plu- 
part des  États  du  continent.  L'Angleterre  qui,  par 
la-  nature  de  sa  grande  industrie  et  de  son  com- 
merce, sentait  plus  que  d'autres  le  besoin  d'élar- 
gir les  débouchés  pour  son  approvisionnement  en 
substances  alimentaires  et  en  matières  premières 
et  pour  l'exportation  de  ses  ])roduits  manufacturés, 
fut  la  première  à  adopter  le  principe  de  \a.libe)té  com- 
merciale; elle  le  fit,  à  l'instigation  de  Cobden,  par  la 
réforme  de  Robert  Peel  (  1  «46)  .La  France  entra  en  18G0 
dans  la  même  voie  par  ]cs  t)'aités  de com7)ierce  qu'elle 
signa  avec  les  principales  nations  d'Europe  (la  Russie 
exceptée),  et  l'ensemble  du  commerce  de  ces  nations 
prit  un  plus  grand  essor.  Depuis  la  guerre  de 
1870-71,  les  défiances  causées  par  l'état  politique 
du  monde  et  par  les  crises  commerciales  ont  de 
nouveau  poussé  les  gouvernements  à  rendre  l'accès 
de  leurs  marchés  plus  difficile  aux  étrangers, et  à  cher- 
cher dans  l'augmentation  des  droits  de  douanes  le 
moyen  de  couvrir  une  partie  des  dépenses  crois- 
santes de  l'Etat. 

Cette  tendance  est  regrettable.  Les  droits  pro- 
tecteurs peuvent  plaire  au  petit  nombre  des  indus- 
triels dont  les  produits,  couverts  contre  la  concur- 
rence étrangère,  sont  vendus  plus  cher  sur  les 
marchés  nationaux  qu'ils  ne  le  seraient  sur  les 
marchés  étrangers  ;  ces  industriels  peuvent  en  effet 
être  portes  h  confondre  les  considérations  de  l'in- 
térêt privé  avec  celles  de  l'intérêt  général.  Mais 
de  tels  droits  ne  sauraient  plaire  à  tous  les  in- 
dustriels ;  car  la  protection  ne  s'adresse  toujours 
qu'à  un  nombre  restreint  de  produits  et  un  droit 
même  très  élevé  (de  30  à  60  0/0),  qui  frapperait  éga- 
lement les  importations  de  toute  nature,  consti- 
tuerait un  droit  fiscal  très  onéreux  et  impoliti- 
que, mais  non  un  droit  protecteur.  Ils  ne  sont 
pas  favorables  aux  ouvriers,  parce  qu'en  prin- 
cipe le  taux  du  salaire  se  règle  sur  Vétat  gé- 
néral de  la  richesse  et  des  habitudes  d'un  pays, 
et  qu'en  fait  les  journées  ne  sont  pas  mieux 
rétribuées  dans  une  filature  de  coton,  industrie 
qui  jouit  d'une  certaine  protection,  que  dans  une 
fabrique  de  soieries,  qui  n'est  pas  protégée.  Ils 
doivent  déplaire  aux  consommateurs,  qui  paient 
plus  cher;  or  ceux-ci  représentent  un  beaucoup  plus 
grand  nombre  d'individus  que  certains  groupes  d'in- 
dustriels. Ils  sont  désapprouvés  par  la  grande  ma- 
jorité des  économistes,  parce  que  l'économie  poli- 
tique enseigne  que  le  bon  marché  et  l'abondance 
des  produits  sont  le  but  principal  de  la  production, 
que  la  concurrence  est  un  des  moyens  les  plus 
sûrs  de  l'atteindre,  et  que  la  liberté  du  travail,  qui  est 


à  la  fois  un  droit  de  l'homme  et  une  cause  de 
richesse,  comprend  non-seulement  la  liberté  de 
produire,  mais  aussi  la  liberté  de  vendre  et 
d'acheter. 

Ét'if  du  commerce  actuel  du  monde  et  géogra- 
phie commerciale.  —  Le  commerce  du  monde  a 
son  foyer  principal  dans  VEurope  occidentale  et 
dans  une  partie  de  l'Europe  centrale  (Prusse  occi- 
dentale. Saxe,  Suisse,  Bohême),  qu'habitent  les 
nations  les  plus  riches  par  la  production  manufac- 
turière et  par  l'étendue  de  leurs  relations.  A  la 
tête  de  ces  nations  est  Y  Angleterre,  qu'aucune  autre 
n'égale.  Sa  marine  marchande  forme  à  peu  près  la 
moitié  de  toutes  les  marines  de  l'Europe  ;  car  l'en- 
semble de  ses  bâtiments  de  commerce  atteint  une 
capacité  de  plus  de  huit  millions  de  tonneaux  (un 
tonneau  équivaut  à  un  mètre  cube),  et  l'ensemble 
des  autres  marines  de  l'Europe  a  une  capacité  d'en- 
viron sept  millions  et  demi  de  tonneaux.  Son  com- 
merce dépasse  seize  milliards  de  francs  ;  celui  du 
reste  de  l'Europe  est  d'environ  quarante-huit  mil- 
liards. Au  second  rang  parmi  les  nations  commer- 
çantes se  place  la  Ft-atice,  avec  un  commerce  gé- 
néral de  plus  de  neuf  milliards.  Au  troisième,  VErn- 
pire  alleiiiand[1  milliards  et  demi),  puis  la  Belgique 
(4,30(1  millions),  qui  fait  un  commerce  considérable 
relativement  à  son  petit  territoire. "Vers  ce  foyer  occi- 
dental convergent  des  substances  alimentaii  es  et  des 
matières  premières  de  toute  espèce  venues  de  l'Eu- 
rope centrale,  méridionale  et  orientale  et  des  qua- 
tre autres  parties  du  monde,  ainsi  que  les  métaux 
précieux  ;  de  là  partent  quelques  produits  agri- 
coles, de  la  houille,  et  surtout  des  produits  manu- 
facturés avec  les  matières  fournies  par  l'importa- 
tion ou  par  la  culture  et  par  les  mines  des  pays 
mêmes. 

L'Europe  centrale,  orientale  et  méridionale  four- 
nit à  l'Europe  occidentale,  comme  substances  ali- 
mentaires, les  céréales  de  Russie  et  de  Hongrie, 
les  bei>tiaux  d'Allemagne,  d'Autriche  et  de  Suisse, 
les  fruits,  les  vins  et  l'huile  d'olive  de  la  région 
méditerranéenne,  le  Zm  et  le  chanvre  de  Russie, 
la  laine  d'Allemagne,  d'Autriche,  de  Russie,  de 
Turquie,  les  bois  de  construction  de  Scandinavie, 
de  Russie,  d'Allemagne  et  d'Autriche,  les  graines 
oléagineuses  d'Allemagne ,  de  Russie,  les  cuirs 
d'Allemagne,  de  Russie,  de  Turquie,  l'alcool  de 
l'Europe  orientale.  L'Europe  occidentale  vend  en 
retour  aux  autres  régions  de  l'Europe  la  houille, 
le  fer  et  les  autres  métaux  de  l'Angleterre,  le 
sucre  raffiné  de  France  et  de  Belgique  ;  les  pro- 
duits exotiques  (café,  coton,  métaux,  etc.),  que  le 
commerce  maritime  a  introduits  dans  ses  ports  et 
qu'elle  réexporte  ;  les  produits  manufacturés  de 
ses  fabriques,  tissus  et  fils  de  coton,  tissus  de 
laine,  de  lin  et  de  chanvre,  de  soie,  machines, 
métaux  ouvrés  et  quincaillerie,  armes,  mercerie, 
vêtements  confectionnés. 

L'Europe  et  surtout  l'Europe  occidentale  reçoit 
des  quatre  autres  parties  du  monde  les  céréales  et 
la  farine  des  États-Unis  et  du  Canada,  les  viandes 
salées  ou  conservées  des  États-Unis  et  de  la  Plata, 
le  sucre  des  Antilles,  de  la  Malaisie,  du  Brésil,  le 
café  du  Brésil,  de  Java,  de  Sumatra,  de  Ceylan, 
des  Antilles,  du  Venezuela,  le  thé  de  la  Chine,  du 
Japon,  de  l'Inde,  le  coton  des  États-Unis,  de 
l'Inde,  de  l'Egypte,  du  Brésil,  la  soie  de  la  Chine, 
du  Japon,  de  l'Inde,  les  métaux  précieux  des 
États-Unis,  de  l'Australie,  du  Mexique,  do  l'A- 
mérique du  sud,  les  métaux  usuels,  cuivre, 
étain,  etc.,  du  Chili,  des  Etats-Unis,  de  la  Malaisie, 
de  l'Australie,  les  bois  de  construction  et  les  bois 
d'ébmisterie  du  Canada,  des  États-Unis,  du  Brésil, 
de  l'Amérique  centrale,  des  Antilles,  de  l'Inde  et 
de  rindo-Cbine,  les  graines  oléagineuses  et  les 
huiles  de  la  côte  d'Afrique,  de  l'Inde,  le  pétrole 
des  États-Unis,  les  cuirs,  peaux,  cornes  et  dé 
pouilles  d'animaux  de  la  Plata,  de  l'Uruguay,  du 


COMMERCE 


—  439  — 


COMMERCE 


Brésil,  des  États-Unis,  les  fourrures  de  Sibérie  et 
du  Canada,  Yivoiie  de  rÉg3'i)te,  des  côtes  d'Afri- 
que, de  rindo-Cliine,  le  caoutchouc  du  Brésil^  de 
l'Inde,  de  la  Malaisie,  des  Antilles. 

L'Europe  reçoit  directement  la  majeure  partie  de 
ces  produits  lointains  dans  un  petit  nombre  de 
ports  :  Glasgow,  Liverpool,  Southampton,  Londres, 
en  Grande-Bretagne;  Marseille,  Bordeaux,  Saint- 
Kazaire,  le  Havre  en  France;  Anvers,  Rotterdam, 
Amsterdam,  Brème,  Hambourg  sur  la  mer  du  Nord, 
auxquels  il  faut  ajouter  Gênes  et  Trieste  dans  la 
Méditerranée.  Ces  ports  sont  eux-mêmes  des  mar- 
chés et  des  entrepôts  d'où  les  marchandises  se  ré- 
pandent, par  voie  de  mer  ou  de  terre,  dans  le 
reste  de  l'Europe. 

Hors  d'Europe,  les  foyers  de  commerce  les  plus 
importants  sont:  les  Etats-Unis, ([xxl  ont  une  nom- 
breuse marine,  une  industrie  et  une  agriculture 
florissantes,  et  qui,  exportant  surtout  des  subs- 
tances alimentaires  et  des  matières  premières  en 
Europe,  font  concurrence  en  Orient  et  en  Afrique 
aux  produits  manufacturés  des  nations  euro- 
péennes ;  VInde  et  la  Chine  avec  le  Japon,  qui  par 
leur  très  nombreuse  population  (près  de  700  mil- 
lions d'habitants),  sont  des  contres  importants  de 
production  et  de  consommation. 

Voici  le  tableau  comparé  du  commerce  des  na- 
tions pour  l'année  1876  et  années  voisines  : 


Angleterre 

Pays-Bas 

Belgique 

France 

Empire  allemand. . . 

Suisse 

Aulriche-HoBgrie. . . 

Portugal 

Espagne 

Italie 

Grèce 

Turquie 

Serbie 

Roumanie 

Russie 

Danemarli 

Suède  et  Norvège.  . 

Europe 

Egypte 

Etats  barbaresques  . , 
Algérie  et  col.  franc, 
Colonios  britannique: 
Le  reste  de  l'Afrique 

Afrique 


16.5 

2 

4,3 

9.3 

7.3 

2 

2.7 

ôis 

0.9 

2.3 

Ô!2 

0.7 

0.06 

0.22 

3.7 

1.1 

0.32 


54.5 


0.4 
O.i 
0.3 
0.3 
0.4 


Asie  russe 

Asie  britannique . 
Empire  chinois.. . 
Japon 

Le  reste  de  l'Asie. 

Asie 


Colonies  des  Pays-Bas 
Colonies  britanniques 
Le  reste  de  l'Océanie. 

Océanie 

Dominion  du  Canada. 

Etats-Unis 

Mexique 

Antilles 

Brésil 

Répub.  Argentine  . . . 

Ciiili 

Pérou 

Le    reste   de  l'Améri- 
que  

Amérique... 


0.13 

3 

1.2 


0.04 

2 

Ô.02 


2.42 


1 

5 

0.27 

0.9 

1 

0.61 

0.4 

0.28 

1.56 


Le  total  est  de  près  de  75  milliards  de  francs. 
Ces  nombres  ne  doivent  pas  être  pris  comme  l'ex- 
pression exacte  de  la  vérité.  Les  relevés  ne  sont 
pas  faits  dans  les  divers  pays  sur  les  mêmes  bases  ;  ils 
manquent  absolument  de  précision  pour  certaines 
contrées,  et  pour  plusieurs  le  commerce  de  mer 
seul  est  compté.  Si  chaque  nombre  était  exact,  il 
ne  faudrait  pas  en  conclure  que  la  somme  des 
marchandises  échangées  dans  le  commerce  exté- 
rieur du  monde,  soit  de  75  milliards  ;  car  toute 
marchandise  doit  nécessairement  être  comptée 
deux  fois,  une  première  fois  à  l'exportation  d'un 
Etat,  une  seconde  fois  à  l'importation  d'un  autre 
Etat;  le  total  se  réduirait  à -37  milliards  environ. 
D'autre  part,  chaque  nombre,  fùt-il  exact,  ne 
donnerait  encore  qu'une  idée  approximative  de 
l'activité  commerciale  d'une  population;  en  effet, 
dans   une  région   où   les  Etats  sont  de  médiocre 


étendue,  le  commerce  dans  les  échanges  journa- 
liers franchit  beaucoup  plus  souvent  des  frontières 
que  dans  un  très  grand  Etat,  comme  la  Cliine  qui 
possède  plus  d'habitants  que  toute  l'Europe. 

Toutefois  ces  chiffres  indiquent  d'une  manière 
approximative  l'importance  relative  des  États  de 
la  terre  au  point  de  vue  commercial  ;  ils  assignent 
à  l'Europe  le  premier  rang  parmi  les  parties  du 
monde  :  à  l'Angleterre  le  premier  rang  en  Europe 
et  à  la  France  le  second;  ils  placent  ensuite  l'A- 
mérique, dans  le  commerce  de  laquelle  les  États- 
Unis  figurent  pour  près  de  moitié.  Gomme  l'Améri- 
que civilisée  ainsi  que  les  îles  britanniques  de 
rOcéanie  sont  peuplées  par  la  race  européenne, 
c'est  à  cette  race  qu'appartient  aujourd'hui  la  su- 
prématie commerciale  dans  le  monde,  parce  que 
plus  que  toute  autre  elle  a  eu  le  génie  de  l'in- 
dustrie, de  l'invention  etde  l'entreprise, qu'elle  pro- 
duitbcaucoup  de  richesse,  et  qu'elle  s'est  répandue 
par  la  colonisation  et  par  la  navigation  sur  presque 
tout  le  globe  en  cherchant  des  terres  à  cultiver, 
des  matières  à  acheter  et  des  marchés  à  approvi- 
sionner. 

Histoire  du  commerce  français.  —  Dans  l'anti- 
quité, le  principal  centre  commercial  de  la  Gaule 
barbare  a  été  Marseille,  colonie  fondée  par  les 
Grecs  de  Phocée  sur  la  côte  de  la  Méditerranée  : 
Marseille  est  resté  pendant  de  longs  siècles  l'en- 
trepôt des  produits  de  l'Orient  et  de  la  Grèce,  que 
les  marchands  distribuaient  ensuite  dans  l'intérieur 
du  pays  en  remontant  le  Rhône  et  en  rapportant 
dos  matières  premières  ;  après  la  conquête  ro- 
maine, Lyon,  bâti  au  confluent  de  la  Saône  et  du 
Rhône,  au  débouché  des  routes  des  Alpes,  entre 
l'Italie  et  la  Gaule,  a  disputé  la  suprématie  com- 
merciale à  Marseille. 

Au  moyen  âge  comme  dans  l'antiquité,  les  cours 
d'eau  navigables  ont  été  très  fréquentés  par  le 
commerce  en  gros,  parce  qu'ils  sont  des  chemins 
tout  faits  sur  lesquels  le  transport  est  peu  coû- 
teux. Montpellier  et  Marseille,  Beaucaire,  célèbre 
par  sa  foire  où  venaient  les  marchands  de  l'Afrique 
et  de  l'Asie,  étaient  les  principaux  marchés  de  la 
région  méditerranéenne;  Bordeaux,  qui  entretenait 
des  relations  très  suivies  avec  l'Angleterrej  la  Ro- 
chelle, Nantes,  Saint-Malo,  Rouen,  Dieppe,  étalent 
ceux  de  la  région  océanique.  Dans  l'intérieur 
des  terres,  la  ville  d'Orléans,  entrepôt  naturel 
du  commerce  de  la  Loire  avec  Paris,  et  les  foires 
de  Champagne  où  les  marchandises,  venues  d'I- 
talie et  d'Orient  par  le  Rhône  et  la  Saône,  s'éta- 
laient à  côté  des  produits  de  la  Flandre,  avaient 
alors  une  importance  qu'elles  ont  perdue  aujour- 
d'hui. 

Colbert  est  le  premier  ministre  qui  ait  suivi  avec 
persévérance  une  politique  systématique  dans  les 
questions  de  commerce  :  favoriser  l'importation 
des  matières  premières  et  l'exportation  des  pro- 
duits manufacturés,  créer  de  grandes  compagnies 
privilégiées  à  1  imitation  des  Hollandais,  fonder  des 
colonies,  conclure  des  traités  de  commerce,  telle  a 
été,  comm«  nous  l'avons  dit  plus  haut,  sa  politique. 
Il  ne  réussit  pas  dans  toutes  ses  entreprises,  mais 
les  relations  extérieures  des  négociants  français  se 
développèrent  sous  son  administration. 

Peu  de  temps  avant  la  Révolution,  la  France 
avait  conclu  avec  l'Angleterre  (1786)  un  traité  qui 
modifiait  considérablement  le  système  restrictif  de 
Colbert  ;  pendant  la  Révolution,  elle  adopta  un 
tarif  général  (1791)  inspiré  égal-ement  par  un  esprit 
libéral.  Mais  la  guerre  avec  l'Angleterre  l'amena  à 
publier  un  acte  de  navigation  (1793)  calqué  sur  la 
législation  maritime  de  sa  rivale  et  tout  opposé  aux 
tendances  de  la  liberté;  puis,  sous  l'empire,  à  dé- 
créter (1806  et  1S07)  le  blocus  continental,  qui 
fut  plus  désastreux  encore  pour  le  commerce  eu- 
ropéen que  pour  la  marine  britannique.  La  plu- 
part des  ports  du  continent  furent  ruinés. 


COMMERCE 


—  460  — 


COMMERCE 


Sous  la  Restauration  les  manufacturiers  et  les 
propriétaires  fonciers,  redoutant  une  concurrence 
à  laquelle  le  régime  de  guerre  ne  les  avait  pas 
habitués,  conservèrent,  malgré  la  paix,  le  tarif  prolii- 
bitif  del806etr_aggravèrentenvotant,do  I81Gàl826, 
une  suite  de  lois  de  finances  qui  mirent  des  droits 
ou  élevèrent  les  droits  déjà  établis  sur  les  produits 
de  l'agriculture  et  sur  la  plupart  des  produits  de 
la  grande  industrie  ;  ils  constituèrent  le  système 
protecteur. 

Le  commerce  français  atteignait  presque  un 
milliard  de  francs  vers  la  fin  du  règne  de  Louis  XVL 
Depuis  1827,  date  à  laquelle  le  relevé  du  com- 
merce a  été  fait  d'une  manière  suivie  et  par  des 
procédés  qui  permettent  la  comparaison,  le  com- 
merce spécial  s'est  élevé  par  une  progression  con- 
tinue, quoique  lente  jusqu'en  184'!  inclusivement, 
de  920  millions  h  près  de  1  800  millions,  doublant 
ainsi  dans  l'espace  de  20  ans  ;  la  progression  n'a  été 
momentanément  interrompue  que  par  quelques 
crises  commerciales,  comme  celle  de  1830-31,  celle 
de  1837  et  celle  de  1847.  (Suivre  sur  la  figure  re- 
présentant par  une  courbe  le  commerce  spécial  de 
la  France  de  1827  à  1878).  L'année  de  la  révolution 
de  1848  a  amené  une  crise  beaucoup  plus  forte  : 
le  commerce  est  tombé  au-dessous  de  1  200  mil- 
lions. Mais  il  s'est  promptement  relevé  et,  en 
1859,  il  dépassait  3  900  millions;  il  avait  au  moins 
doublé  dans  l'espace  de  dix  ans.  Deux  causes  avaient 
particulièrement  contribué  à  ce  rapide  développe- 
ment :  quelques  adoucissements  apportés  au  tarif 
restrictif  du  système  protecteur,  et  surtout  le  déve- 
loppement du  réseau  des  chemins  de  fer  et  de  la 
navigation  à  vapeur.  Le  commerce  avait,  durant 
cette  période,  subi  la  crise  de  1857-58. 

En  1860,  la  France  rompit  avec  le  régime  pro- 
tecteur; elle  conclut  avec  l'Angleterre  d'abord 
(23  janvier  1860),  puis  avec  d'autres  nations  des 
traités  de  commerce  qui  facilitèrent  les  échang'js 
et  exercèrent  une  influence  analogue  à  celle  qu'a- 
vaient eue  la  transition  des  anciens  modes  do 
transport  à  l'emploi  de  la  vapeur.  De  3  900  millions 
le  commerce  spécial  s'éleva  en  dix  ans  à  plus  de 
6  200  millions.  Il  ne  doublait  pas;  mais  il  aug- 
mentait de  2  300  millions,  tandis  que  durant  la  pé- 
riode précédente,  il  avait  augmenté  de  2  100  mil- 
lions environ. 

Les  révolutions  et  les  guerres  occasionnent  tou- 
jours des  crises.  Le  commerce  français  qui  avait 
ressenti,  en  1867,  le  contre-coup  de  la  guerre 
allemande  de  1866,  s'affaissa  en  1870,  mais  pour 
se  relever  promptement  en  1872  et  1873  et  atteindre 
presque  7  600  millions  en  (876. 

Il  ne  faut  pas  accepter  sans  certaines  réserves  la 
progression  qui  résulte  de  la  comparaison  de  ces 
nombres.  Jusqu'en  1847,  on  évaluait  le  commerce 
d'après  les  «  valeurs  officielles  »  qui  avaient  été 
fixées  en  1827  et  qui  restaient  les  mêmes  quels  que 
fussent  les  prix  réels  des  ventes;  depuis  1847,  on 
évalue  le  commerce  d'après  les  valeurs  actuelles, 
c'est-à-dire  d'après  les  prix  du  marché  tels  qu'ils 
sont  relevés  pour  chaque  année  par  une  commis- 
sion spéciale.  Or,  les  prix  ont  pour  la  majeure 
partie  des  marchandises  augmenté  sensiblement 
depuis  1847,  et  des  valeurs  doubles  ne  correspon- 
dent pas  à  des  quantités  doubles. 

Après  la  stagnation  causée  par  la  guerre  de 
1870-71,  l'essor  avait  été  trop  rapide  pour  être 
durable  :  les  événements  politiques  et  économiques 
de  l'Europe  et  de  l'Amérique  ont  de  nouveau  ra- 
lenti le  progrès.  Les  négociants  sont  en  général 
prompts  à  s'alarmer  et  à  attribuer  à  la  concurrence 
les  défaillances  qui  ont  lieu  de  temps  à  autre  dans 
le  négoce  :  le  spectacle  du  mouvement  général  des 
affaires  durant  une  longue  suite  d'années  est  pro- 
pre à  ramener  l'esprit  à  un  jugement  plus  sain. 
Le  commerce  extérieur  de  la  France  est  en  progrès, 
comme  celui  de  toutes  les  grandes  nations  :  c'est 


un  point  auquel  il  faut  s'attacher.  En  dix-huit  ans, 
de  1859  à  1878,  il  a  augmenté  de  plus  de  3  700  mil- 
lions; dans  les  dix-huit  années  précédentes,  il 
avait  augmenté  de  2  400  millions.  Comme  celui  de 
toutes  les  nations  aussi,  il  est  exposé  à  être  arrêté 
par  des  obstacles  et  traversé  par  des  crises;  ces 
crises  sont  d'autant  moins  intenses  d'ordinaire 
que  le  crédit  est  plus  solidement  assis,  et  le  mal 
se  répare  d'autant  plus  vite  que  les  débouchés 
sont  plus  nombreux   et  plus  faciles. 

Le  commerce  se  compose  d'importations  et  d'ex- 
portations. C'est  un  préjugé  de  croire  qu'une 
nation  puisse  exporter,  sans  importer  ;  nous  avons 
dit  quelle  doit  nécessairement  recevoir  soit  en 
numéraire,  soit  en  marchandises,  l'équivalent  de 
ce  qu'elle  a  livré  sur  les  marchés  étrangers  ;  le 
numéraire  n'est  pas  un  objet  de  retour  plus  avan- 
tageux en  lui-môme  que  les  marchandises,  puis- 
qu'il sert  à  les  acheter,  et  il  ne  figure  dans  la 
balance  que  pour  la  part  la  moins  considérable 
(347  millions  en  moyenne  d'excédant  des  im- 
portations de  numéraire  sur  les  exportations  dans 
la  dernière  décade  sur  un  commerce  général  de 
8  46i  millions).  En  principe,  les  importations  et 
les  exportations,  en  y  comprenant  le  numéraire, 
devraient  se  balancer  ;  les  importations  dépas- 
seraient même  les  exportations  d'une  certaine 
quantité,  parce  que  les  produits  à  leur  entrée 
valent  le  prix  payé  sur  le  marché  étranger  et 
augmenté  des  frais  de  transport,  tandis  que  les 
produits  exportés  ne  sont  pas  encore  grevés  de  la 
totalité  des  frais  de  transport.  Dans  la  pratique 
(voir  la  figure  représentant  par  une  courbe  les 
importations  et  les  exportations  de  la  France  de 
1827  à  1878),  ce  sont  tantôt  les  importations  et 
tantôt  les  exportations  qui  l'emportent,  sans  qu'on 
puisse  en  inférer  que  le  commerce  souffre  ou  pros- 
père; par  exemple,  de  18i0  à  1847  et  de  1867  à 
1871,  l'avantage  a  été  à  l'importation;  il  a  été  à 
l'exportation  de  1848  à  1854  et  de  1862  à  1866. 

La  balance  s'établit  non  pas  dans  le  cours  d'une 
même  année,  mais  dans  une  période  plus  ou 
moins  longue. 

Si  les  exportations  sont  profitables  à  la  richesse 
publique,  parce  que  les  producteurs  nationaux  de 
tout  genre  ont  intérêt  à  trouver  le  placement  le 
plus  avantageux  de  leurs  produits,  les  importations 
ne  le  sont  pas  moins,  puisqu'elles  fournissent  aux 
consommateurs  les  marchandises  dont  ils  ont  be- 
soin pour  leur  travail  ou  pour  leur  consommation 
personnelle.  Une  bonne  politique  doit  moins  s'oc- 
cuper d'un  équilibre  qui  s'établit  naturellement, 
que  de  la  largeur  et  de  la  facilité  des  débouchés 
par  lesquels  s'accroissent  l'importation  et  l'expor- 
tation. 

Dans  les  trois  tableaux  ci-après  (page  462)  nous 
indiquerons  quelques-uns  des  principaux  mouve- 
ments du  commerce  français.  Les  deux  derniers 
confirment  la  loi  générale  que  nous  avons  indiquée 
pour  l'Europe  occidentale  :  importation  de  matières 
premières  et  de  denrées  coloniales,  exportation  de 
produits  manufacturés  et  de  certains  produits 
agricoles.  Ils  prouvent  qu'au  point  de  vue  de  nos 
industries  nationales  considérées  dans  leur  en- 
semble, la  France  a  un  grand  intérêt  à  ne  gêner  ni 
l'exportation  ni  l'importation. 

Le  premier  tableau  montre  le  progrès  constant 
des  échanges  d'une  période  à  l'autre.  Nous  au- 
rions pu  donner,  et  un  maître  pourrait  vouloir 
donner  dans  une  leçon  sur  le  commerce,  toute  la 
suite  des  résultats  par  année  depuis  1827.  Nous 
ne  l'avons  pas  fait,  parce  que  les  longues  colonnes 
de  chiffres,  utiles  à  consulter  dans  le  cabinet,  ne 
sont  pas  en  général  bonnes  pour  l'enseignement. 
En  accumulant  beaucoup  de  chiffres,  on  risque 
d'en  rendre  l'intelligence  moins  facile  et  de  ne  pas 
mettre  en  relief  la  notion  des  rapports  généraux 
qu'il  importe  surtout  de  conserver  dans  sa  mémoire. 


1.50  0 


l.OOO 


MILLIARDS 

an,  frascs 


Ui|:i'l..M'r;iiii[-^4ll 


COMMERCE 


—  462  — 


COMMUNE 


TABI^AU  DU  COMMERCE  FR.VN'ÇAIS 
par  périodes  décennale». 


MOYENNE 

exprimée  en  millions  de  francs 

pour  la  période  : 

COM.l 

^cni. 

lerce 
lai. 

Coiuui'Tce 
spe.i.l. 

Sumt- 
raire. 

c 

■^ 

a. 

a 

S 

ISI 
171 

363 
688 
648 

a 

70 
7o 

oO') 
301 

1827  —  1836 

667 

t08S 
i   03 
29  87 
4262 

698 
1024 
1672 
32<)3 
4202 

.'.80 

776 

1077 

2200 

.j40S 

321 

7i3 
1224 
.'430 
3307 

1837  —  1846 

1847  —  1856  

1S57  _  1866  

1867  —  1876  

VALEUR  (EX  MILLIONS  DE    FRANCS) 
dan!  la  première  et  dins  la  dernière  période  décennale, 
Ils  printnpaie.^  murdiandise»  impoitéeà  ;conimerce  spécial). 


Ire  péi  iode 
1827-36 

50  péiio  (. 
1867-76 

40 
16 
oS 
23 

9 
16 

9 
10 

0.4 

2 

386 

270 

242 

161 

132 

143 

137 

83 

80 

71 

Houille 

Calé 

Hiiile 8. 

VALEUR  (EN  MILLIONS   DE    1 

des  principales  marchandises  ex|iùrlées  (c 

^R.VNCS) 
ommerce  S[ 

écial). 

Ir' période 
1827-36 

b'pé.iod.. 
U-67-76 

Tissus  de  soie  et  de  bourre  de  soie. . 

121 

33 
46 

12 
34 
16 

8 
8 

429 
286 
244 
134 
169 

66 
115 
103 

61 

Soiss 

Ouvrages  en  peau  ou  en  cuir 

Outils  et  ouvrages  en  nîiétaux 

Au  lieu  de  donner  le  tableau  des  mouvements  du 
commerce  année  par  année  depuis  1827,  nous  avons 
préféré  représenter  ces  mouvements  par  deux  ta- 
bleaux grapliiques,  celui  du  commerce  spécial  et  ce- 
lui des  importations  et  des  exportations  ;  on  y  voit 
tout  d'abord  la  progression  et  les  grandes  oscilla- 
tions du  cotnmerce,  en  môme  temps  qu'on  peut,  en 
regardant  de  près,  y  lire  le  détail  de  chaque  année. 

Nota.  —  Ces  courbes  sont  commodes,  dans  bien 
d'autres  cas  que  celui-ci,  pour  mettre  an  évidence 
certaines  séries  de  nombres,  et  faire  saisir  d'un 
coup  d'œil  les  rapports  de  ces  nombres  entre  eux. 
Elles  sont  d'un  excellent  usage  dans  l'enseigne- 
ment supérieur  et  peuvent  être  employées  quelque- 
fois avec  avantage  dans  l'enseignement  primaire. 

Il  est  utile  de  donner,  dans  un  iniérùt  pédagogi- 
que, quelques  indications  sur  la  manière  de  les 
dresser.  Pour  les  construire,  il  faut  diviser  la  feuille 
de  papier  ou  le  tableau  noir  en  tranches  également 
espacées  par  des  lignes  parallèles  et  horizontales  ; 
puis  diviser  en  tranches  dans  l'autre  sens  par  des 
lignes  verticales,  parallèles  entre  elles  et  également 
espacées,  sans  que  l'intervalle  ait  besoin  d'ôtre  le 
môme  que  celui  des  lignes  horizontales.  Ce  premier 
travail  "îonstiiuc  le  quadrillage;  on  peut  s'en  épar- 
gner la  peine  en  se  procurant  du  papier  quadrillé. 
Les  lignes  horizontales  sont  dites  ordonnées;  les 
lignes  verticales  sont  dites  abscisses.  Sur  les  deux 
figures  ci-jointes,  l'espace  entre  deux  ordonnées 


représente  un  certain  nombre  de  millions  de 
francs;  l'espace  entre  deux  abscisses,  une  ou  plu- 
sieurs années. 

Nous  avons  employé  du  papier  quadrillé  au  mil- 
limètre qu'on  trouve  cemmunément  chez  les  pape- 
tiers, et,  comme  nous  avons  donné  au  centimètre 
une  valeur  de  cinq  années,  l'intervalle  entre  deux 
lignes  des  abcisses  représente  six  mois;  l'intervalle 
entre  deux  lignes  des  ordonnées  représente  \00  mil- 
lions de  francs  sur  une  figure  et  50  millions  sur 
l'autre. 

On  marque  le  point  d'intersection  de  la  coor- 
donnée et  de  l'abscisse  correspondant  au  pre- 
mier fait  que  l'on  veut  représenter,  puis  le  point 
correspondant  au  second  fait,  et  ainsi  de  suite;  la 
série  des  points  placés  ainsi  à  la  suite  les  uns  des 
autres  constitue  la  courbe  graphique.  Exemple  :  le 
commerce  spécial  a  été  de  921  millions  en  1827  ;  il 
faut  placer  le  point  à  l'endroit  où  la  ligne  verti- 
cale correspondant  à  l'année  1827  coupe  la  ligne 
horizontale  correspondant  à  921  millions;  en  1828, 
le  commerce  étant  de  965  millions,  il  faut  placer 
le  point  à  l'intersection  de  la  verticale  de  1828  et  de 
l'horizontale  de  965,  et  ainsi  de  suite.  Afin  de  rendre 
la  continuité  du  fait  plus  sensible  à  l'œil,  on  réunit 
d'année  en  année  (ou  de  période  en  période)  les 
points  par   des  lignes  droites.       [E.  Levasseur.] 

COMMUXB.  —  Législation  usuelle,  III.  —{Lois 
du  18  juillet\S^l  et  du  5  mai  1855.) 

Notions  générales.  —  La  commune  forme  le 
dernier  degré  de  la  division  administrative.  Elle 
constitue  à  la  fois  une  circonscription  administra- 
tive et  une  personne  morale  susceptible  de  pos- 
séder, de  contracter.  L'organisation  administrative 
de  la  commune  ou  administration  municipale  se 
compose  du  maire  et  des  adjoints  qui  forment 
l'administration  active,  et  du  conseil  municipal 
qui  représente  l'administration  délibérante. 

Maires  et  adjoints;  mode  de  nomination.  — 
Les  maires  et  adjoints  sont  nommés  parmi  les 
membres  du  conseil  municipal  par  décret  du  Pré- 
sident de  la  République,  dans  les  communes 
chicfs-lieux  de  département,  d'arrondissement  ou 
de  canton.  Dans  toutes  les  autres  communes,  le 
conseil  municipal  élit  le  maire  et  les  adjoints 
parmi  ses  membres  au  scrutin  secret  et  à  la  majo- 
rité absolue  ;  après  deux  scrutins,  si  aucun  candi- 
dat n'a  obtenu  la  majorité,  il  est  procédé  à  un 
scrutin  de  ballottage  entre  les  deux  candidats  qui 
ont  obtenu  le  plus  de  suffrages.  La  séance  du  con- 
seil municipal  dans  laquelle  il  est  procédé  à  l'é- 
lec'ion  du  maire  est  présidée  par  le  plus  âgé  des 
membres  du  conseil  municipal.  (Loi  du  12  août 
1870.)  Pour  être  nommé  maire  ou  adjoint,  il  faut 
être  âgé  de  vingt-cinq  ans  et  ne  se  trouver  dans 
aucun  des  cas  d'incompatibilité  prévus  par  la  loi. 

Durée  des  fondiiiis  des  maires  et  arljoinls.  — 
Les  fonctions  des  maires  et  adjoints  durent  cinq 
ans;  elles  sont  essentiellement  gratuites.  Les 
maires  et  adjoints  peuvent  être  révoques  par 
décret  du  Président  de  la  République;  ils  peuvent 
être  suspendus  de  leurs  fonctions  par  arrêté  du 
préfet,  mais  cet  arrêté  cesse  d'avoir  effet,  s'il  n'est 
confirmé  dans  le  délai  de  deux  mois  par  le  minis- 
tre de  l'intérieur. 

Attributions  diverses  du  maire:  officier  de  Vétat- 
civil ;  officier  de  police  judiciaire.  —  Les  attribu- 
tions du  maire  sont  nombreuses  et  ont  des  carac- 
tères divers.  Le  maire  est  officier  de  l'état-civil  ; 
il  reçoit  les  déclarations  de  naissance  et  de  décès, 
procède  à  la  célébration  des  mariages,  tient  les 
registres,  et  délivre  les  expéditions  des  actes  qui 
y  sont  contenus  II  a  certaines  fonctions  de  police 
judiciaire  pour  la  constatation  des  crimes,  délits 
et  contraventions  commis  sur  le  territoire  de  la 
commune.  Les  attributions  purement  administra- 
tives du  maire  se  rapportent  à  deux  ordres  di- 
dJes  différents  :  tantôt  il  est  agent  du  gouverne- 


COMMUNE 


—  463  — 


COMMUNE 


ment,  tantôt  représentant  des  intérêts  communaux. 

Attributions  du  maire  comme  agent  du  gouver- 
nement. —  Le  maire  est  chargé,  sous  l'autorité  de 
l'administration  supérieure,  de  la  publication  et 
de  l'exécution  dans  la  commune  des  lois  et  règle- 
ments, de  certaines  fonctions  spéciales  qui  lui  sont 
attribuées  par  la  loi,  notamment  en  matière  d'é- 
lections, de  recrutement,  de  contributions  ;  de 
l'exécution  dans  la  commune  des  mesures  de  sû- 
reté générale  prescrites  par  les  ministres  ou  le 
préfet. 

Attributions  de  police  municipale.  —  Le  maire 
est  chargé,  sous  le  contrôle  de  l'autorité  du  préfet, 
de  la  police  municipale.  On  appelle  plus  spéciale- 
ment police  municipale  celle  qui  s'exerce  dans 
l'intcrieur  de  la  commune;  police  rurale,  celle  qui 
a  pour  objet  la  protection  de  la  propriété  ru- 
rale. Les  matières  qui  rentrent  dans  les  pouvoirs 
de  police  du  maire  sont  nombreuses  :  il  est 
chargé  d'assurer  la  siireté  et  la  commodité  du 
passage  dans  les  rues,  places  et  voies  publiques, 
de  maintenir  l'ordre  dans  les  foires,  marchés, 
réunions  publiques  de  toute  nature,  de  veiller  à 
la  fidélité  du  débit  des  denrées  et  à  leur  salubrité, 
de  prendre  toutes  les  mesures  nécessaires  en  cas 
d'accident  ou  de  fléaux  calamiteux,  tels  qu'incen- 
dies, épidémies,  etc. 

Arrêtés  iridividuels;  règlements  temporaires  et 
permanents.  —  Pour  l'exercice  de  ses  pouvoirs  de 
police  municipale,  le  maire  procède  par  voie  d'ar- 
rêtés ;  ces  arrêtés  sont  individuels  ou  réglemen- 
taires. Les  arrêtés  individuels  ne  peuvent  être 
mis  à  exécution  qu'autani  qu'ils  ont  été  notifiés  à 
celui  qu'ils  intéressent.  Quant  aux  arrêtés  régle- 
mentaires, c'est-à-dire  ayant  un  caractère  général 
et  s' appliquant  à  tous  les  habitants  de  la  commune, 
on  les  divise  en  règlements  temporaires  et  règle- 
ments permanents  :  les  premiers,  pris  en  vue  de 
circonstances  transitoires,  sont  exécutoires  aussi- 
tôt qu'ils  ont  été  adressés  au  sous-préfet;  ils 
peuvent  seulement  être  annulés  par  le  préfet;  les 
arrêtés  portant  règlement  permanent  ne  sont 
exécutoires  qu'un  mois  après  la  remise  de  l'am- 
pliation  au  sous-préfet  chargé  de  la  transmettre 
au  préfet  :  dans  ce  délai  le  préfet  peut  suspendre 
l'exécution  de  l'arrêté  ou  en  prononcer  l'annulation. 
La  violation  des  arrêtés  légalement  pris  par  le 
maire  constitue  une  contravention  punie  des  pei- 
nes de  simple  police. 

Attributions  du  maire  comme  mandataire  de  la 
commune.  —  Le  maire  est  le  mandataire  légal  de 
la  commune  considérée  comme  personne  morale  ; 
il  la  représente  dans  les  actes  où  elle  est  intéres- 
sée, dans  les  procès  qu'elle  a  à  soutenir.  Sauf  pour 
quelques  actes  ayant  le  caractère  d'actes  conserva- 
toires, le  maire  ne  peut  agir  qu'en  vertu  d'une  dé- 
libération du  conseil  municipal.  Le  maire  présente 
au  conseil  municipal  le  budget  de  la  commune,  il 
ordonnance  les  dépenses  régulièrement  autorisées, 
c'est-à-dire  délivre  les  mandats  de  paiement  aux 
ayants  droit  ;  les  paiements  sont,  faits  soit  par  le  per- 
cepteur des  contributions  directes,  soit,  dans  les  com- 
munes plus  importantes,  par  un  receveur  munici- 
pal qui  a  le  maniement  des  deniers  communaux. 

Nomination  aux  emplois  communaux.  —  Le 
maire  a  pour  auxiliaires  dans  les  différentes  par- 
ties du  service  des  employés  qu'il  a  le  droit  do 
nommer  et  de  révoquer.  Il  nomme  les  secrétaires 
de  mairie  et  les  employés  placés  sous  leurs  ordres, 
les  agents  de  police,  les  pâtres  communaux,  etc. 
Les  gardes  champêtres  sont  nommés  par  le  préfet 
sur  la  présentai  ion  du  maire. 

Adjoints;  leur  nombre;  leurs  attributions.  — 
Le  nombre  des  adjoints  varie  selon  la  population 
de  la  commune;  jusqu'à  2  jOO  âmes,  il  n'y  a  qu'un 
seul  adjoint  ;  de  "2  ÔUO  à  10  000,  il  y  en  a  deux  ;  au- 
dessus  de  lO  000,  il  peut  y  avoir  un  adjoint  di' 
plus  par  chaque  excédant  de  20  000  habitants.  Les 


adjoints  ont  les  mêmes  pouvoirs  que  le  maire 
qu'ils  remplacent  en  cas  d'absence  ou  d'empêche- 
ment; ils  peuvent  être  investis;  par  délégation  du 
maire,  de  certaines  attributions  spéciales. 

Conseils  minicipaux.  —  Le  conseil  municipal 
est  un  corps  électif  chargé  de  la  gestion  des  inté- 
rêts communaux.  On  retrouve  dans  la  commune 
ce  qui  existe  aux  divers  degrés  de  la  hiérarchie 
administrative,  la  distinction  de  l'administration 
active  et  de  l'administration  délibérante.  Le  conseil 
municipal  délibère  ;  le  maire  agit,  exécute  les  dé- 
cisions prises  par  le  conseil. 

Compositloîi  du  conseil  municipal.  —  Le  nombre 
des  conseillers  municipaux  varie  suivant  la  popu- 
lation de  la  commune;  il  est  de  dix  au  moins,  de 
trente-six  au  plus.  Le  conseil  municipal  ne  se 
compose  que  de  dix  membres  dans  les  communes 
dont  la  population  n'excède  pas  500  âmes  ;  il  com- 
prend trente-six  membres  dans  les  communes  dont 
la  population  excède  60,000  âmes.  Pour  être  con- 
seiller municipal,  il  faut  avoir  atteint  l'âge  de 
vingt-cinq  ans,  être  électeur  dans  la  commune,  ou 
y  payer  une  des  quatre  contributions  directes.  Ne 
peuvent  être  conseillers  municipaux  les  compta- 
bles de  deniers  communaux,  les  agents  ou  entre- 
preneurs de  la  commune,  les  domestiques  attachés 
à  la  personne,  les  indigents  secourus  par  le  bureau 
de  bienfaisance  ;  dans  les  communes  au-dessus  de 
500  âmes,  les  parents  ou  alliés  au  degré  de  père, 
fils  ou  frère,  ne  peuvent  faire  partie  du  même 
conseil  municipal.  On  ne  peut  être  membre  de 
deux  conseils  municipaux,  ou  maire  et  adjoint  dans 
une  commune  et  conseiller  municipal  dans  une 
autre. 

Mode  de  nomination  des  co7iseillers  municipaux. 
—  Les  conseillers  municipaux  sont  élus  par  le 
suft'rage  universel,  au  scrutin  de  liste.  Chaque 
électeur  doit  voter  pour  un  nombre  de  candidats 
égal  à  celui  des  conseillers  municipaux.  La  com- 
mune peut,  à  raison  de  circonstances  particulières, 
notamment  à  raison  du  chiffre  de  sa  population, 
être  divisée  en  sections  par  le  conseil  général  ; 
cb.aque  section  nomme  un  certain  nombre  de 
membres  du  conseil  municipal. 

Listes  électorales.  —  Ne  peuvent  prendre  part  aux 
élections  municipales  que  les  citoyens  inscrits  sur 
les  listes  spéciales  dressées  à  cet  efl'et.  Ces  listes 
sont  distinctes  de  celles  établies  pour  les  élections 
législatives  et  comprennent  un  nombre  d'électeurs 
moins  considérable.  On  ne  doit  en  effet  porter 
sur  les  listes  spéciales  aux  élections  municipales 
que  les  citoyens  âgés  de  vingt-et-un  ans,  jouis- 
sant de  leurs  droits  civils  et  politiques,  et  rem- 
plissant l'une  des  conditions  suivantes  :  1°  être  né 
dans  la  commune  ou  y  avoir  tiré  au  sort  et  y  rési- 
der depuis  six  mois  au  moins  ;  2"  être  inscrit  de- 
puis un  an  au  rôle  des  contributions;  'i°  s'être 
marié  dans  la  commune  et  y  résider  depuis  un  an 
au  moins  ;  4°  avoir  une  résidence  de  deux  années 
consécutives  dans  la  commune  ;  5°  y  avoir  une 
résidence  obligatoire  comme  fonctionnaire  ou  mi- 
nistre du  culte.  Il  est  procédé  au  commencement 
de  chaque  année  à  la  révision  de  cette  liste  élec- 
torale. 

Elections  municipales .  —  Lorsqu'il  y  a  lieu  de 
procéder  à  des  élections  municipales,  les  électeurs 
sont  convoqués  par  arrêté  du  préfet.  Le  scrutin  a 
lieu  un  dimanche  et  ne  dure  qu'un  jour.  Le  bu- 
reau électoral  est  présidé  par  le  maire,  l'adjoint 
ou  un  conseiller  municipal.  Les  fonctions  de  scru- 
tateurs sont  remplies  par  les  deux  plus  âgés  et  les 
deux  plus  jeunes  des  électeurs  présents  à  l'ouver- 
ture du  scrutin.  Le  vote  est  secret;  il  a  lieu  au 
moyen  de  bulletins  préparés  en  dehors  de  l'assem- 
blée sur  papier  blanc  et  sans  aucun  signal  exté- 
rieur. Le  bulletin  est  remis  au  président,  et  le  vote 
est  constaté  par  la  signature  ou  le  paraphe  d'un 
membre   du  bureau  apposé  en  marge  du  nom  de 


COMMUNE 


—  464  — 


COMMUNES 


l'électeur  sur  la  copie  de  la  liste  électorale.  Le 
résultat  du  scrutin  est  proclamé  après  le  dépouil- 
lement par  le  président.  Pour  être  élu  au  premier 
tour  de  scrutin,  il  faut  réunir  la  majorité  absolue 
des  suffrages  et  un  nombre  de  voix  égal  au  quart 
des  électeurs  inscrits;  au  second  tour  de  scrutin, 
qui  a  lieu  le  dimanche  qui  suit  le  premier  tour,  la 
majorité  relative  suffit.  L'irrégularité  des  opéra- 
tions électorales  peut  en  entraîner  la  nullité,  qui 
est  prononcée  par  le  conseil  de  pré/ecture. 

Durée  des  fojidions  des  conseils  nmnicipnux.  — 
Dans  l'état  actuel  de  la  législation,  la  durée  des 
fonctions  des  conseils  municipaux  est  limitée  à 
trois  ans.  Dans  cette  période,  il  n'y  a  lieu  à  de 
nouvelles  élections  que  si  le  nombre  des  conseillers 
municipaux  est,  par  suite  de  décès  ou  de  démis- 
sions, réduit  de  plus  d'un  quart.  Les  conseils 
municipaux  peuvent  être  dissous  par  décret  du 
Président  de  la  République,  et  suspendus  par 
arrêté  du  préfet. 

Sessions  ordinaires  des  conseils  municipaux.  — 
Les  conseils  municipaux  no  sont  point  permanents. 
Ils  se  réunissent  en  session  ordinaire  quatre  fois 
par  an  :  en  février,  mai,  août  et  novembre.  Les 
membres  du  conseil  sont  convoqués  par  le  maire, 
par  écrit  et  à  domicile,  trois  jours  au  moins  à  l'a- 
vance. Chaque  session  peut  durer  dix  jours.  Dans 
les  sessions  ordinaires,  le  conseil  municipal  peut 
s'occuper  de  toutes  les  affaires  qui  rentrent  dans 
ses  attributions. 

Sessions  extraordinaires.  —  Le  conseil  munici- 
pal peut  se  réunir  en  session  extraordinaire  sur  la 
convocation  ou  avec  l'autorisation  du  préfet  ou  du 
sous-préfet.  Lorsque  le  tiers  des  membres  du  con- 
seil demande  la  réunion  du  conseil,  le  préfet  ne 
peut  refuser  de  faire  droit  à  cette  demande  que 
par  un  arrêté  motivé  qui  peut  être  déféré  au  mi- 
nistre de  l'intérieur.  La  convocation  pour  les  ses- 
sions extraordinaires  se  fait  cinq  jours  au  moins  à 
l'avance  et  doit  indiquer  l'objet  de  la  réunion.  Le 
conseil  municipal,  convoqué  en  session  extraordi- 
naire, ne  peut  s'occuper  que  de  l'affaire  ou  des 
affaires  pour  lesquelles  il  acte  convoqué. 

Tenue  des  séances.  —  Le  conseil  municipal  est 
présidé  par  le  maire  ou,  à  son  défaut,  par  l'adjoint. 
La  majorité  des  membres  en  exercice  est  néces- 
saire pour  que  le  conseil  puisse  délibérer  valable- 
ment. Toutefois,  après  deux  convocations  infruc- 
tueuses à  huit  jours  d'intervalle,  le  conseil  peut 
délibérer  quel  que  soit  le  nombre  de  membres 
présents.  Au  commencement  de  chaque  session  le 
conseil  nomme  un  secrétaire  parmi  ses  membres. 
Les  décisions  sont  prises  à  la  majorité  ;  en  cas  de 
partage,  la  voix  du  président  est  prépondérante. 
Les  délibérations  sont  inscrites  sur  un  registre 
coté  et  paraphé  par  le  sous-  préfet  ;  elles  sont  si- 
gnées de  tous  les  membres  du  conseil,  et  copie 
en  est  adressée  dans  la  huitaine  au  sous-préfet. 

Diverses  espèces  de  délibérations.  —  Les  déli- 
bérations du  conseil  municipal  n'ont  pas  toutes  le 
même  caractère  et  ne  produisent  pas  les  mômes 
effets.  On  distingue  :  1°  les  délibérations  exécutoi- 
res par  elles-mêmes  ;  2°  les  délibérations  soumises 
à  l'approbation  de  l'autorité  supérieure  ;  3°  les 
avis;  4°  les  vœux. 

Délibérations  exécutoires  par  elles-mêmes.  —  Le 
conseil  municipal  a  le  droit  de  statuer  définitive- 
ment sur  un  certain  nombre  d'objets  énumérés 
dans  l'article  1"  de  la  loi  du  "ii  juillet  1867,  no- 
tamment sur  certaines  acquisitions  d'immeubles, 
sur  les  locations  dont  la  durée  n'excède  pas  dix- 
huit  ans,  sur  les  projets  de  réparation  à  faire  aux 
édifices  communaux,  le  tarif  des  concessions  dans 
les  cimetières,  etc.  Lorsqu'il  y  a  désaccord  entre 
le  conseil  municipal  et  le  maire  qui  désapprouve 
la  mesure  votée  par  la  majorité,  la  délibération  ne 
devient  exécutoire  qu'avec  l'approbation  du  préfet. 
Dans  tous  les  cas  la  délibération  ne  peut  être  mise 


à  exécution  qu'à  l'expiration  du  délai  de  trente 
jours  à  compter  de  la  remise  de  l'ampliation  au 
sous-préfet,  si  le  préfet  ne  l'a  point,  dans  ce  délai, 
annulée  pour  violaiion  de  la  loi  ou  des  règlements. 
Le  préfet  peut  suspendre  l'exécution  de  la  délibé- 
ration pendant  un  nouveau  délai  de  trente  jours. 

Délibérations  soumises  à  l'approbation  de  l'au- 
torité supérieure.  —  Les  délibérations  relatives 
aux  objets  que  le  conseil  municipal  ne  peut  régler 
définitivement  ne  sont  exécutoires  qu'autant 
qu'elles  ont  été  approuvées  expressément  par 
l'autorité  supérieure.  Cette  approbation  est  donnée 
dans  la  plupart  des  cas  par  le  préfet  ;  la  nécessité 
de  recourir  au  ministre  ou  au  chef  de  l'État 
n'existe  que  pour  certaines  affaires  d'une  impor- 
tance particulière  et  spécifiées  par  la  loi. 

Avis  et  vœux.  —  Le  conseil  municipal  peut  être 
consulté  par  le  préfet,  toutes  les  fois  qu'il  juge 
son  avis  utile  ;  pour  certaines  affaires  le  préfet  ne 
peut  statuer  qu'après  avis  du  conseil  municipal. 
Le  conseil  municipal  peut  aussi  émettre  des  vœux, 
mais  seulement  sur  les  objets  d'intérêt  local. 

Budget  communal.  —  Les  recettes  et  les  dépen- 
ses municipales  sont  fixées  par  évaluation  chaque 
année  par  le  budget  de  la  commune.  Le  projet  de 
budget  est  présenté  par  le  maire,  discuté  et  voté 
par  le  conseil  municipal,  et  arrêté  par  le  préfet. 
Le  budget  ne  contenant  qu'une  prévision,  si,  dans 
le  cours  de  l'année,  de  nouveaux  crédits  sont  né- 
cessaires, le  conseil  municipal  peut  voter  des  cré- 
dits supplémentaires  qui  seront  soumis  à  l'appro- 
bation du  préfet.  Les  allocations  portées  au  budget 
ne  peuvent  être  modifiées  par  le  préfet,  à  condi- 
tion qu'il  soit  pourvu  à  toutes  les  dépenses 
obligatoires  et  qu'aucune  recette  extraordinaire  ne 
soit  employée  au  paiement  de  dépenses  obligatoi- 
res ou  simplement  facultatives. 

Dépenses  obligatoires  et  facultatives.  —  Les 
dépenses  qui  peuvent  figurer  au  budget  de  la 
commune  sont  obligatoires  ou  facultatives.  Le* 
dépenses  obligatoires  sont  des  dépenses  d'une 
absolue  nécessité,  telles  que  les  frais  de  réparation 
des  édifices  communaux,  l'entretien  du  local  affecté 
à  la  mairie,  le  traitement  des  agents  communaux, 
l'entretien  des  cimetières,  etc.  Le  conseil  munici- 
pal ne  peut  se  refuser  à  inscrire  au  budget  une 
somme  suffisante  pour  pourvoir  aux  dépenses 
obligatoires.  S'il  avait  omis  de  pourvoir  à  une  dé- 
pense obligatoire,  ou  s'il  n'avait  point  voté  un 
chiffre  suffisant  pour  cette  dépense,  le  préfet  au- 
rait le  droit  d'inscrire  d'office  la  dépense  au  bud- 
get. Les  dépenses  facultatives  au  contraire  peuvent 
être  admises  ou  rej-^tées  par  le  conseil  municipal, 
et  elles  ne  peuvent  être  rétablies  d'office  par  l'au- 
torité chargée  de  régler  le  budget. 

Recettes  ordinaires  et  extraordinaires.  —  Les 
recettes  qui  entrent  dans  le  budget  communal 
sont  ordinaires  ou  extraordinaires.  Les  recettes  _ 
ordinaires  sont  celles  qui  se  reproduisent  tous  les 
ans,  comme  le  produit  des  biens  communaux,  les 
centimes  ajoutés  aux  contributions  directes  par 
les  lois  de  finances  pour  les  besoins  de  la  com- 
mune, les  produits  divers  prévus  au  profit  de  la 
commune.  Ces  recettes  ordinaires  servent  au 
paiement  des  dépenses  obligatoires  et  facultatives. 
Les  recettes  extraordinaires  sont  affectées  à  des 
dépenses  spéciales  :  tels  sont  les  centimes  addi- 
tionnels attribués  à  l'enseignement  primaire  et 
aux  chemins  vicinaux,  les  emprunts  que  la  coni- 
mune  contracte  pour  l'exécution  de  travaux  d'uti- 
lité publique.  Ces  ressources  extraordinaires  ne 
peuvent  être  détournées  de  leur  destination,  et  le 
préfet  pourrait  modifier  le  projet  de  budget,  si  dos 
recettes  de  cette  nature  étaient  employées  au 
paiement  de  dépenses  obligatoires  ou  facultatives. 

[E.  Delacourtie.l 

COMMITNES.— Histoire  générale, XVlll-XlX;  His- 
toire de  France,  VIII-XI.  —  Prenant  ce  mot  dans 


COMMUNES 


—  465  — 


COMMUNES 


son  sens  le  plus  général,  nous  donnerons  dans  cet 
article  un  aperçu  de  l'histoire  des  organisations 
municipales  au  moyen  âge.  Le  développement  des 
institutions  urbaines  est  un  fait  très  important,  le 
plus  important  peut-être  que  nous  offre  cette  épo- 
que :  car  c'est  le  rôle  joué  par  les  villes  dans  leurs 
rapports  avec  la  royauté  et  la  noblesse  féodale  qui 
a  déterminé,  pour  les  Etats  modernes,  la  forme 
politique  sous  laquelle  nous  les  voyons  exister  au- 
jourd'liui.  Nous  insisterons  principalement  sur  la 
formation  des  communes  et  sur  leur  organisation 
intérieure,  en  renvoyant,  pour  la  narration  des 
événements  généraux  auxquels  elles  furent  mêlées, 
aux  articles  donnant  l'histoire  de  chaque  pays,  et, 
pour  la  France,  à  un  certain  nombre  d'articles  spé- 
ciaux qui  seront  indiqués  dans  le  cours  de  ce- 
lui-ci. 

État  des  institutions  municipales  au  moment 
de  l'invasion  germaine.  —  Lorsque  les  barbares 
se  répandirent,  aux  v=  et  vi^  siècles,  dans  les  pays 
qui  formaient  l'empire  romain  d'Occident,  ce  fut 
dans  les  campagnes  qu'ils  fixèrent  leur  résidence. 
Les  villes  furent  souvent  pillées  ou  même  détrui- 
tes par  les  envahisseurs  ;  mais  ils  ne  songèrent 
pas  à  en  changer  la  constitution  intérieure ,  en 
sorte  que  les  cités,  dernier  refuge  de  la  popula- 
tion libre  non-barbare,  conservèrent  d'abord,  sans 
grandes  modifications ,  le  régime  municipal  dont 
elles  jouissaient  sous  la  domination  romaine. 

Dans  les  villes  romaines  du  v'  siècle,  la  po- 
pulation comprenait  trois  classes  distinctes  :  celle 
des  esclaves ,  de  beaucoup  la  plus  nombreuse  ; 
celle  des  hommes  libres  de  condition  inférieure  : 
artisans,  marchands,  petits  propriétaires  ;  enfin 
celle  deb  propriétaires  possédant  un  domaine  de 
vingt-cinq  arpents  et  au-delà.  A  cette  dernière 
classe  seule,  dont  les  membres  portaient  le  titre  de 
ciiriales,  appartenait  l'administration  de  la  cité. 
L'assemblée  des  curiales  formait  la  curie  ou  sénat 
municipal;  la  curie  élisait  les  magistrats  urbains, 
décemvirs  ou  consuls,  édiles,  questeurs,  etc.  Le 
gouvernement  impérial,  les  préfets  et  les  gouver- 
neurs de  province,  absorbés  par  les  affaires  politi- 
ques et  militaires,  se  bornaient  à  réclamer  des  vil- 
les le  paiement  de  l'impôt,  dont  les  curiales  étaient 
solidairement  responsables  ;  l'impôt  payé,  la  cité 
jouissait  d'une  complète  autonomie;  elle  formait 
une  sorte  de  république  oligarchique,  qui  réglait 
souverainement  toutes  ses  affaires  intérieures. 
Pour  empêcher  les  abus  de  pouvoir,  tant  des  offi- 
ciers impériaux  que  de  la  curie,  un  magistrat  spé- 
cial, le  défenseur,  élu  dans  chaque  ville  par  l'en- 
semble de  la  population  libre,  fut  créé  vers  la  fin 
de  l'empire,  et  souvent  c'était  à  Tévêque  que  cette 
charge  était  conférée. 

Tel  est  le  point  de  départ  de  l'organisation  ur- 
baine que  nous  allons  voir,  dans  les  divers  pays, 
se  perpétuer  sous  la  domination  barbare,  se  mo- 
difier et  quelquefois  s'affaiblir  considérablement, 
puis  reprendre  ,  à  partir  du  xi*  siècle ,  une  vi- 
gueur et  des  formes  nouvelles. 

Italie.  Résumé  historique,  du  V  au  xiu'  siècle. 
—  L'Italie  était  devenue  la  proie  des  Ostrogoths 
d'abord  (v«  siècle),  puis  des  Lombards  (vi'  siècle). 
Charlemagne,  ensuite,  avait  détruit  la  monarchie 
lombarde  (774),  et  fait  de  l'Italie  une  province  de 
son  empire.  Mais,  dès  la  seconde  moitié  du  ix'  siè- 
cle, elle  échappa  définitivement  à  la  dynastie  car- 
lovingienne,  et,  tandis  que  des  rois  nationaux  es- 
sayaient vainement  d'y  faire  reconnaître  leur  au- 
torité, les  seigneurs  et  les  villes  profitaient  de 
l'absence  d'un  maître  puissant  pour  s'émanciper 
dans  la  mesure  où  le  comportait  une  époque  de 
violences  et  de  luttes  incessantes,  où  le  droit  du 
plus  fort  était  le  seul  qui  comptât. 

Un    certain   nombre   de   villes  n'avaient  jamais 
perdu  leurs  libertés  municipales.  Telles  étaient, 
en  particulier,  les  villes  maritimes,  Venise,  Gènes, 
2*  Partie. 


Pise,  Amalfi,  qui,  dès  cette  époque,  se  gouver- 
naient elles-mêmes  et  formaient  de  véritables  ré- 
publiques. Amalfi,  obligée  un  moment  de  recon- 
naître la  suzeraineté  des  ducs  lombards  de  Bénévent, 
s'en  était  définitivement  affranchie  en  840,  et  était 
devenue  promptement  un  centre  important  de 
commerce,  dont  le  code  maritime  acquit  bientôt 
force  de  loi  sur  tous  les  rivages  chrétiens  de  la  Mé- 
diterranée. Venise  avait  élu  en  697  son  premier 
duc  ou  doge  ;  et,  tout  en  reconnaissant  nominale- 
ment l'autorité  de  l'empereur  de  Constaniinople, 
elle  s'en  rendit  indépendante  de  fait.  Les  institu- 
tions municipales  de  Gènes  ne  datent  que  de  888  ; 
mais  elles  ne  firent  que  consacrer  et  fortifier  un 
état  de  choses  plus  ancien. 

Quant  aux  villes  de  terre  ferme,  la  plupart,  à 
l'époque  du  démembrement  de  l'empire  carlovin- 
gien,  étaient  gouvernées  par  leurs  évoques,  ce  qui 
leur  donnait  une  indépendance  relative  ;  les  comtes, 
représentants  de  l'autorité  impériale  ou  royale, 
n'avaient  sous  leur  juridiction  que  la  campagne 
(d'où  les  termes  italiens  contado,  campagne,  con- 
tadino,  paysan)  ;  quelques  villes  seulement  restè- 
rent sous  la  dépendance  des  comtes,  Turin,  Vérone, 
Lucques,  etc.  Rome  était  gouvernée  par  les  papes, 
auxquels  tantôt  les  nobles,  possesseurs  de  fiefs 
dans  la  campagne  romaine,  tantôt  le  parti  popu- 
laire, disputaient  l'autorité.  Florence  dépendait  du 
marquisat  de  Toscane,  mais  allait  bientôt  conquérir 
son  indépendance.  Les  villes  de  la  Romagne,  Ra- 
venne,  Bologne,  etc.,  relevaient  encore  de  l'em- 
pire de  Constantinople,  ainsi  que  celles  du  midi 
de  l'Italie,  où  toutefois  les  Arabes  disputaient  aux 
Grecs  la  possession  des  côtes  :  ces  cités  étaient 
restées  des  municipes  impériaux,  avec  des  consuls 
chargés  de  l'administration  et  de  la  justice,  et  des 
tribuns  pour  commander  aux  bourgeois  divisés  en 
compagnies;  à  Naples,  à  Gaëte,  à  Gapoue,  il  y 
avait  un  duc,  souvent  élu  par  le  peuple.  Mais  lors- 
que les  Normands  eurent  conquis  l'Italie  méridio- 
nale, la  féodalité  s'y  établit,  et  l'indépendance 
municipale  disparut;  les  villes  de  la  Romagne,  à 
leur  tour,  devinrent  l'une  après  l'autre  sujettes  du 
pape,  qui  les  fit  gouverner  par  les  évêques. 

Telle  était  à  peu  près  la  situation  des  cités  ita- 
liennes, lorsque  le  roi  de  Germanie  Othon  I^'  de 
Saxe,  franchissant  les  Alpes,  vint  se  faire  couron- 
ner empereur  à  Rome  ^^902).  Ce  qui  se  passa  alors 
dans  la  ville  pontificale  peut  nous  donner  une  idée 
du  rôle  prépondérant  que  jouait  déjà  dans  certai- 
nes cités  de  l'Italie  l'élément  populaire.  Le  peuple 
de  Rome,  mécontent  du  pape  Léon  VIII,  imposé 
par  l'empereur  allemand,  rappela  Jean  XII,  qu'un 
concile  avait  privé  de  la  tiare  ;  Jean  revint  à  la 
tète  d'une  bande  de  musulmans,  mais  fat  bien- 
tôt assassiné.  Othon,  ayant  alors  nommé  de  sa 
propre  autorité  Jean  XIII,  les  Romains  chassè- 
rent celui-ci,  et  élurent  un  préfet  et  douze  tribuns 
pour  gouverner  la  ville.  L'empereur  rétablit  Jean 
XIII,  dont  il  maintint  l'autorité  par  la  terreur  ;  mais 
à  peine  Othon  fut-il  mort,  qu'un  agitateur  popu- 
laire, Crescentius,  chassa  le  pape,  et,  prenant  le 
titre  de  consul,  proclama  le  rétablissement  de  la 
république  romaine.  Le  successeur  d'Othon  I"', 
Othon  II,  vint  assiéger  Crescentius  dans  le  châ- 
teau Saint-Ange,  et  l'ayant,  par  la  famine,  con- 
traint à  se  rendre,  le  fit  mettre  à  mort  avec  douze 
chefs  de  quartier.  Ainsi  se  termina  cette  première 
et  remarquable  tentative  du  peuple  romain  pour 
reprendre  son  indépendance,  tentative  qu'allaient 
renouveler  plus  tard  Arnaud  de  Brescia,  puis  Ni- 
colas Rienzi. 

Sous  la  domination  des  empereurs  de  la  mai- 
son de  Saxe,  les  villes  italiennes  virent  croître  la 
puissance  des  évêques,  qui  étaient  les  principaux 
soutiens  du  parti  allemand,  et  qui,  n'étant  plus 
obligés  de  ménager  les  habitants  des  villes  pour 
s'assurer    leur   appui   contre    les  prétentions  des 

30 


COMMUNES 


—  466  — 


COMMUNES 


comtes,  traitèrent  durement  les  bourgeois.  Mais, 
au  siècle  suivant,  l'empereur  Conrad  II,  chef  de 
la  maison  de  Franconie,  détruisit,  par  le  célèbre 
édit  de  1037,  la  féodalité  italienne,  tant  ecclésias- 
tique que  laïque  ;  il  n'y  eut  plus  dès  lors  de  sei- 
gneurs suzerains  ;  la  petite  noblesse  et  les  bour- 
geois des  cités  relevèrent  directement  de  l'em- 
pereur, ce  qui  équivalait  à  l'indépendance  com- 
plète. La  querelle  des  investitures,  qui  mit  aux 
prises  la  papauté  et  l'empire  durant  le  reste  du 
xi=  siècle,  favorisa  encore  l'émancipation  des  villes, 
et  bientôt  il  n'y  eut  plus  en  Italie,  sauf  quelques 
exceptions,  que  des  cités  souveraines,  se  gouver- 
nant par  des  consuls  élus,  et  dans  les  campagnes 
des  seigneurs  indépendants. 

Avec  l'avènement  de  la  maison  de  Souabe,  il 
semble  que  les  choses  vont  changer  de  face.  Fré- 
déric Barberousse  ne  se  contente  plus  d'une  auto- 
rité nominale:  il  prétend  exercer  les  droits  réga- 
liens sur  toutes  les  villes  italiennes.  Il  fait  brûler 
le  réformateur  Arnaud  de  Brescia,  qui  avait  établi 
à  Rome  un  sénat  républicain  ;  il  détruit  Milan,  et 
installe  dans  toutes  les  cités  des  podestats,  magis- 
trats chargés  d'exercer  l'autorité  impériale.  Mais 
bientôt  les  villes  du  nord  de  l'Italie  se  coalisent 
contre  lui,  et  forment  la  Ligue  lombarde  (llt)4). 
Les  podestats  de  Frédéric  sont  chassés,  les  armées 
impériales  battues.  Frédéric  étant  venu  en  per- 
sonne diriger  une  expédition  contre  les  confé- 
dérés, subit  une  déroute  complète  àLegnano  (1176), 
et  se  vit  obligé,  six  ans  après,  d  accorder  aux 
villes  italiennes  l'indépendance  pour  laquelle  elles 
avaient  héroïquement  combattu.  Lu  traité  de  Cons- 
tance reconnut  aux  villes  l'exercice  des  droits  ré 
galiens  dans  l'enceinte  de  leurs  murailles  ;  elles 
purent  lever  des  armées,  se  fortifier,  se  confédé- 
rer  entre  elles.  Mais  les  consuls  des  villes  durent 
être  confirmés  par  l'empereur,  et  dans  certaines 
d'entre  elles,  par  l'évèque  ;  en  outre,  les  citoyens 
fure)it  tenus  de  prêter  serment  de  fidélité  à  l'em- 
pereur tous  les  dix  ans.  Les  villes  comprises  dans 
le  traité  de  Constance  furent  Milan,  relevée  de 
ses  ruines,  Verceil,  Novare,  Lodi,  Bergame,  Bres- 
cia, Mantoue,  Vérone,  Vicence,  Padoue,  Trévise, 
Bologne,  Faenza,  Modène,  Reggio,  Parme,  Plai- 
sance, Côme,  Tortone,  Asti,  Alexandrie,  Gènes  et 
A\ha.  Venise  n'y  fut  pas  mentionnée,  parce  qu'elle 
était  complètement  indépendante  de  l'empire. 
Huit  villes  furent  exclues  expressément  des  droits 
reconnus  par  ce  traité.  D'autres,  comme  Florence 
et  Rome,  n'y  furent  pas  nommées,  parce  qu'elles 
n'avaient  pas  pris  part  à  la  lutte  ;  mais  elles  n'en 
bénéficièrent  pas  moins  de  l'amoindrissement  de  la 
puissance  impériale. 

A  partir  de  ce  moment,  les  communes  italiennes 
sont  pleinement  émancipées,  et  la  liberté  civile 
et  politique,  conquise  au  prix  de  glorieux  efi'orts, 
va  porter  ses  fruits  en  favorisant  le  rapide  essor 
de  l'industrie  et  du  commerce,  des  lettres  et  des 
arts.  Du  xii»  au  xv«  siècle,  l'Italie  sera  par  excel- 
lence la  terre  privilégiée,  le  foyer  d'où  rayonnent 
de  toutes  parts  la  lumière  et  la  vie  nouvelle. 

Les  restes  de  la  féodalité  seigneuriale,  qui  sub- 
sistaient encore  dans  les  campagnes,  ne  tardèrent 
pas  à  disparaître  après  le  triomphe  de  la  ligne  lom- 
barde. Les  villes,  que  les  comtes  et  les  barons 
avaient  autrefois  menacées  du  haut  de  leurs  châ- 
teaux-forts, se  sentaient  maintenant  assez  puis- 
santes pour  s'attaquer  à  ces  seigneurs.  Beaucoup 
de  châteaux  féodaux  furent  détruits  ;  souvent 
aussi  les  nobles  renoncèrent  spontanément  à  ha- 
biter leurs  donjons,  et  se  firent  admettre  comme 
simples  citoyens  des  villes,  où  ils  vinrent  établir 
leur  résidence. 

Organisation  intérieure  des  communes.  —  Il  est 
temps  de  parler  de  l'organisation  intérieure  que 
se  donnèrent  les  communes  italiennes.  Cette  or- 
ganisation variait  à  l'infini.  Tantôt,  comme  à  Ve- 1 


nise,  le  gouvernement  était  aristocratique,  et  une 
oligarchie  jalouse  concentrait  entre  ses  mains 
toute  l'autorité  ;  tantôt,  au  contraire,  comme  à 
Florence,  à  Lucques,  à  Arezzo,  à  Pise,  les  arti- 
sans seuls  jouissaient  des  droits  de  citoyens,  que 
les  nobles  ne  pouvaient  acquérir  qu'à  la  condition 
de  se  faire  inscrire  comme  membres  d'une  corpo- 
ration de  métiers  ;  ailleurs,  l'élément  populaire  et 
l'élément  aristocratique  ou  ecclésiastique  se  mé- 
langeaient ù  des  degrés  divers  dans  la  constitution 
municipale.  Ne  pouvant,  à  cause  de  cette  diversité, 
tracer  un  tableau  général  des  institutions  qui  ré- 
gissaient les  communes  italiennes  du  moyen  âge,, 
nous  nous  contenterons  d'indiquer  les  particula- 
rités de  quelques-unes  d'entre  elles,  à  titre  de  typea 
spécialement  remarquables. 

Bologne.  —  A  Bologne,  l'autorité  souverain» 
était  répartie  entre  trois  conseils  hiérarchiquement 
superposés.  Le  premier  et  le  plus  nombreux  était 
composé  de  tous  les  citoyens  âgés  de  plus  de  dix- 
huit  ans,  sauf  les  artisans  de  la  classe  inférieure  ; 
le  second  comptait  six  cents  membres  ;  le  dernier, 
qu'on  appelait  la  crede7iza,  était  un  corps  plus 
restreint  encore;  les  jurisconsultes*  en  étaient 
membres  de  droit.  Les  deux  conseils  supérieurs 
étaient  élus  par  quarante  personnes  tirées  au  sort 
dans  les  quatre  tribus  de  la  cité.  Le  pouvoir  exé- 
cutif et  judiciaire  était  confié  à  un  podestat,  ma- 
gistrat élu  qui  n'avait  de  commun  que  le  nom  avec 
les  anciens  podestats  impériaux  de  Frédéric  Barbe- 
rousse, et  à  des  consuls. 

Venise.  —  A  Venise,  le  doge,  dont  la  magistra- 
ture était  à  vie,  avait  d'abord  été  élu  par  le  peu- 
ple ;  mais  en  117;i  on  décida  que  sa  nomination 
serait  remise  à  un  corps  restremt  d'électeurs 
spéciaux.  L'assemblée  populaire  elle-même  fut  rem- 
placée par  un  grand  conseil  de  quatre  cent  quatre- 
vingt  membres,  nommés  par  quarante-huit  élec- 
teurs (douze  par  quartier)  que  le  peuple  choisis- 
sait tous  les  ans.  Au  milieu  du  xiu'  siècle,  de 
nouvelles  restrictions  furent  apportées  à  l'in- 
tervention du  peuple  dans  les  affaires  publiques,, 
et  l'élection  du  doge  se  fit,  à  partir  de  1268,  par 
un  mode  destiné  à  prévenir  les  brigues,  mais  si 
étrange  et  si  compliqué,  qu'il  vaut  la  peine  d'être 
rapporté  à  titre  de  curiosité. 

On  plaçait  dans  une  urne  480  boules  de  cire,  sur 
lesquelles  il  y  en  avait  30  ponant  l'inscription 
elector  ;  puis  les  membres  du  grand  conseil 
retiraient  chacun  de  l'urne  une  des  boules. 
Sur  les  neuf  premiers  à  qui  les  boules  conférant 
le  droit  électoral  venaient  à  échoir,  on  en  excluait 
deux  ;  les  sept  autres  désignaient  quarante  élec- 
teurs qui,  par  le  même  procédé  d'exclusion,  finis- 
saient par  se  réduire  à  douze.  Le  premier  de  ces 
douze  en  élisait  trois,  et  les  onze  autres  chacun 
deux.  Les  vingt-cinq  élus  étaient  ensuite  réduits- 
par  élimination  à  neuf,  dont  chacun  devait  en 
choisir  cinq.  Sur  les  quarante-cinq  ainsi  nommés, 
les  huit  premiers  et  les  trois  derniers  formaient  le 
collège  des  onze,  chargé  de  la  nomination  des. 
électeurs  définitifs.  Les  huit  premiers  des  onze  dé- 
signaient chacun  quatre  personnes,  et  les  trois 
derniers  chacun  trois.  Il  en  résultait  quarante  et 
un  électeurs,  dont  la  nomination  était  soumise  à 
la  sanction  du  grand  conseil  ;  si  l'un  des  quarante 
et  un  n'y  obtenait  pas  la  majorité  absolue,  les  onze 
devaient  lui  en  substituer  un  autre.  Les  quarante 
et  un  électeurs  étaient  alors  enfermés  dans  une 
salle,  où  ils  restaient  jusqu'à  ce  qu'ils  eussenî. 
choisi  le  doge.  Pendant  leur  réclusion,  ils 
étaient  libres  de  demander  toutce  qu'ils  désiraient, 
mais  ce  que  l'un  d'eux  réclamait  devait  être  donné- 
à  tous.  Il  y  en  eut  un  qui  désira  un  rosaire,  on 
en  apporta  quarante  et  un  ;  un  autre  voulut  les 
fables  d'Ésope,  et  on  eut  beaucoup  de  peine  à  s'en 
procurer  autant  d'exemplaires  (Cantù). 
La  tendance  oligarchique  continuant  à  s'accon- 


COMMUNES 


—  467  — 


COMMUNES 


tuer  toujours  davantage,  l'accès  aux  charges  pu- 
bliques finit  par  être  limité,  en  1297,  aux  familles  dont 
un  membre  se  trouvait,  cette  année-là,  faire  partie 
du  grand  conseil  ;  les  noms  de  ces  familles  furent 
inscrits  au  iivre  d'or.  Un  peu  plus  tard,  le  renou- 
vellement périodique  du  grand  conseil  fut  sup- 
primé, et  tout  noble  inscrit  au  livre  d'or  devint  de 
droit  membre  de  ce  corps.  A  la  même  époque  fut 
établi  le  fameux  Conseil  des  Dix  (1310),  chargé  de 
surveiller  le  doge  et  tous  les  fonctionnaires,  et  qui, 
pouvant  disposer  à  son  gré  de  la  vie  et  de  la  for- 
tune des  citoyens,  fondant  son  pouvoir  sur  l'es- 
pionnage, la  délation  et  la  procédure  secrète,  fit 
régner  à  Venise  un  despotisme  pareil  à  celui  des 
éphores  à  Sparte. 

Florence.  —  A  Florence,  la  première  assemblée 
du  peuple  avait  eu  lieu  en  1105,  sous  la  présidence 
de  l'évèque.  La  population  était  divisée  en  douze 
corporations,  savoir  :  les  sept  arts  majeur ^\  com- 
prenant les  jurisconsultes  et  notaires,  les  marchands 
de  drap,  les  changeurs,  les  fabricants  d'étoffes  de 
laine,  les  médecins  et  pharmaciens,  les  marcljands 
do  soieries,  et  les  pelletiers  ;  et  les  cinq  arts  mi- 
neurs, comprenant  les  marchands  de  vin,  les  bou- 
chers, les  cordonniers,  les  maçons  et  charpentiers, 
les  maréchaux  et  serruriers.  Pendant  la  domination 
de  la  maison  de  Souabe,  le  gouvernement  de  la 
ville  appartint  à  un  podestat;  mais  à  la  mort  de 
Frédéric  II  de  Hohenstaufifen  (l-Sfi),  une  révolu- 
tion populaire  s'accomplit  :  la  dignité  de  podestat 
fut  abolie;  la  ville  fut  divisée  en  vingt  gonfalons 
fournissant  chacun  une  compagnie  de  milice  com- 
mandée par  un  gonfalonier  ;  un  capitaine  du 
peuple  fut  placé  à  la  tète  des  gonfaloniers  ;  et  une 
seigneurie,  composée  de  douze  membres  élus  re- 
nouvelés tous  les  deux  mois,  fut  chargée  de  l'ad- 
ministratioH.  Les  nobles,  comme  nous  l'avons  dit 
plus  haut,  ne  purent  être  admis  aux  emplois  qu'à  la 
condition  de  se  faire  inscrire  dans  une  des  corpo- 
rations. 

Vers  la  fin  du  même  siècle,  de  nouvelles  mesu- 
res furent  prises  contre  la  noblesse  ;  trente-sept 
familles  patriciennes  furent  exclues  à  perpétuité 
de  tout  droit  civique.  En  même  temps  (1282),  l'ad- 
ministration communale  était  réorganisée  et  con- 
centrée dans  les  mains  d'une  oligarchie  bour- 
geoise :  le  pouvoir  exécutif  fut  remis  aux  prieurs 
des  arts  majeurs,  c'est-à-dire  aux  chefs  des  cor- 
poFations  principales  ;  et  un  magistrat  spécial,  le 
gonfalonier  de  justice,  exerça  le  pouvoir  judiciaire. 
Le  poète  Dante,  avant  son  exil,  avait  rempli  en 
laOO  les  fonctions  de  prieur,  pour  la  corporation 
des  médecins  et  pharmaciens,  dont  il  était  mem- 
bre. Une  nouvelle  réforme  eut  lieu  en  1344  :  le 
nombre  des  prieurs  fut  porté  à  huit,  dont  trois 
devaient  être  pris  dans  la  haute  bourgeoisie,  trois 
dans  la  petite,  et  deux  dans  la  moyenne;  l'un  des 
prieurs  remplissait  alternativement  les  fonctions 
de  gonfalonier  de  justice. 

Mais  la  plèbe  proprement  dite,  les  simples  ma- 
nouvriers  qu'on  appelait  ciompi  ou  compagnons, 
était  restée  exclue  de  la  participation  au  gouverne- 
ment; les  professions  jugées  inférieures  n'avaient 
pas  été  constituées  en  aj^ts,  comme  les  autres.  Les 
ciompi  firent  en  1378  une  révolution,  à  la  suite  de 
laquelle  ils  obtinrent  que  leurs  métiers  fussent 
érigés  en  corporations  :  il  y  eut  neuf  prieurs  au 
lieu  de  huit,  trois  pris  dans  les  arts  majeursi  trois 
dans  les  arts  mineurs,  et  trois  dans  les  corpora- 
tions nouvelles.  En  1382,  l'aristocratie  bourgeoise 
ayant  repris  le  dessus,  les  corporations  des  ciompi 
furent  abolies,  et  les  libertés  municipales  allèrent 
en  déclinant,  jusqu'au  moment  où  le  pouvoir 
ayant  définitivement  passé  des  mains  du  peuple  à 
celles  d'une  aristocratie  de  riclies  banquiers,  Flo- 
rence fut  mûre  pour  la  tyrannie  des  Médicis. 

Autres  villes.  —  Milan  avait  des  consuls  chargés 
d'administrer  la  république,  et  d'autres  magistrats 


revêtus  du  pouvoir  judiciaire,  sous  le  nom  de 
consuls  de  justice;  en  outre,  un  podestat  élu, 
toujours  choisi  dans  une  ville  étrangère,  exerçait 
une  part  de  l'autorité.  —  Gênes  aussi  fut  d'abord 
gouvernée  par  quatre  consuls  élus  par  le  peuple 
pour  le  terme  d'un  an  ;  en  1130,  le  soin  de  rendre 
la  justice  fut  remis  à  des  consuls  spéciaux.  A  la  fin 
du  xii«  siècle,  Gênes,  comme  Milan  et  beaucoup  d'au- 
tres villes,  se  donna  pour  premier  magistrat  un 
podestat,  qu'on  allait  chercher  à  l'étranger  afin 
qu'il  offrît  plus  de  garanties  d'impartialité.  Une 
noblesse  s'était  formée,  et  les  assemblées  généra- 
les du  peuple,  tombées  en  désuétude,  furent  rem- 
placées par  un  conseil  élu.  Enfin,  en  1339,  à  l'imi- 
tation de  Venise,  Gênes  se  donna  des  doges. 

Rivalités  des  communes  italiennes.  —  Pas  plus 
quo  les  cités  grecques  de  l'antiquité,  dont  l'histoire 
offre  avec  la  leur  une  ressemblance  frappante,  les 
communes  italiennes  n'arrivèrent  à  former  entre 
elles  une  confédération  stable,  assurant  l'indé- 
pendance et  les  droits  de  chacune  d'elles.  Les 
citoyens  d'une  ville  n'avaient  d'autre  idéal  que 
ia  grandeur,  la  puissance,  la  prospérité  de 
leur  propre  communauté,  qu'ils  cherchaient 
sans  cesse  à  accroître  aux  dépens  de  leurs  voi- 
sins. Ces  rivalités  amenèrent  des  luttes  conti- 
nuelles :  Florence  faisait  la  guerre  à  Lucques, 
Pise  à  Gênes,  Milan  à  Come  ou  à  Lodi.  Bientôt  les 
cités  les  plus  puissantes  réduisirent  leurs  voisines 
à  l'état  de  sujettes,  qu'elles  gouvernaient  en  y  en- 
voyant des  podestats,  mais  en  leur  laissant  d'ail- 
leurs leurs  institutions  propres  :  Florence  domi- 
nait sur  quarante-six  villes;  ainsi  autrefois 
Athènes  était  devenue  la  souveraine  d'un  empire 
formé  de  cités  qui  avaient  reconnu  sa  suprématie. 

Toutefois  il  ne  faudrait  pas  s'exagérer  le  côté 
fâcheux  des  guerres,  des  rivalités,  desluttes  intes- 
tines, dont  les  villes  italiennes  du  moyen  âge 
nous  offrent  le  spectacle. L'historien  italien  Cantù 
fait  à  ce  propos  des  réflexions  très  justes.  «  Les 
guerres  dynastiques  des  temps  modernes,  dit-il, 
nous  fourniraient  trop  d'exemples  à  opposer  à  ceux 
q\ii  tournent  en  dérision  celles  des  républiques 
d'Italie.  Il  périt  à  coup  siir  en  peu  de  mois,  dans  la 
seule  campagne  de  Moscou,  plus  d'hommes  que 
dai)S  toutes  les  batailles  des  communes  italiennes. 
Ces  guerres  étaient  une  cause  de  souffrances,  per- 
sonne ne  le  méconnaît  ;  mais  elles  étaient  inévita- 
bles. Elles  étaient  non  pas  le  résultat  de  la  liberté, 
mais  des  efforts  faits  pour  la  conquérir...  Au 
milieu  de  ces  débats  intérieurs,  l'existence  indivi- 
duelle se  développait;  et  cela  est  si  vrai,  qu'avec 
eux  cessa  soudain  toute  activité  en  Italie.  Cette 
agitation  même,  une  existence  occupée  des  intérêts 
publics,  un  drame  continuel,  les  questions  de  droit 
et  d'honneur  plus  que  d'intérêts  matériels,  les 
souffrances  éprouvées  pour  une  noble  cause,  les 
triomphes  de  la  patrie  ou  de  la  faction,  c'étaient  là 
autant  de  jouissances.  Rien  ne  paraît  plus  doux  à 
l'homme  que  de  contribuer  au  bonheur  et  à  la 
gloire  de  son  pays,  de  n'obéir  qu'aux  lois  sanction- 
nées par  lui-même,  de  ne  supporter  d'autres  char- 
ges que  celles  qu'il  a  acceptées,  de  ne  reconnaître' 
que  les  autorités  élues  par  lui,  de  sortir,  en  un 
mot,  du  cercle  étroit  de  la  vie  individuelle  et 
domestique,  pour  sentir  et  vivre  en  commun,  pour 
donner  et  recevoir  ainsi  l'impulsion  vers  des  actions 
généreuses...  Au  milieu  de  ces  luttes,  la  civilisa- 
tion s'étendait  et  grandissait;  l'état  florissant 
auquel  parvinrent  rapidement  les  républiques 
italiennes  répond  éloquemment  à  ceux  qui  déplo- 
rent les  misères  de  ces  temps  orageux...  C'est  une 
folie  de  dire  que  ces  discordes  livraient  Ja  patrie 
à  la  domination  de  l'étranger.  Jamais  les  populations 
ne  furent  plus  italiennes  qu'à  cette  époque  ;  et 
combien  de  longs  efforts  les  étrangers  n'eurent-ils 
pas  à  faire  pour  les  corrompre  avant  de  les  assu- 
jettir !    combien    ne   durent-ils    pas    travailler   à 


COMMUNES 


—  468  — 


COMMUNES 


détruire  toutes  ces  communes  qui  avaient  agité  et 
honoré  le  pajs,  avant  de  l'amener  à  cette  insou- 
ciance qui  se  résigne  à  obéir!  » 

Décadence  et  fin  des  communes  itcdiennes.  —  Une 
des  causes  qui  amenèrent  la  décadence  des  républi- 
ques italiennes,  ce  fut,  comme  le  dit  Cantù,  l'inter- 
vention des  étrangers,  et  surtout  des  empereurs 
d'Allemagne,  qui  travaillaient  sans  cesse  à  diviser 
et  à  corrompre  l'Italie  pour  y  établir  leur  domi- 
nation. Mais  une  autre  cause  doit  être  cherchée 
dans  l'inégalité  croissante  entre  les  diverses  classes 
de  citoyens,  qui  fut  fatale  à  la  liberté.  Dans  certaines 
villes,  comme  à  Venise,  une  noblesse  jalouse  finit 
par  établir  un  despotisme  pire  que  la  domination 
d'un  seul  ;  ailleurs,  des  ambitieux,  s'appuyant  sur 
les  classes  inférieures  mécontentes,  s'emparèrent 
du  pouvoir  comme  autrefois  les  tyrans  dans  les 
villes  grecques,  et  fondèrent  des  dynasties  princiè- 
res  sur  les  débris  des  institutions  républicaines  : 
ainsi  les  Médic'^  à  Florence,  les  Visconti  à  Milan, 
les  Délia  Scala  à  Vérone,  les  Pepoli  à  Bologne, 
les  Este  à  Ferrare,  à  Modène,  à  Reggio,  etc. 

\u  xv=  siècle,  la  transformation  était  définiti- 
vement accomplie  :  partout  des  oligarchies  ou 
des  princes  avaient  remplacé  les  magistrats  et  les 
conseils  républicains.  Malgré  l'éclat  que  jetteront 
encore  pendant  un  temps  les  lettres  et  les  arts, 
l'Italie,  privée  de  ses  libertés  intérieures,  a  perdu 
ce  qui  avait  fait  sa  grandeur  et  sa  force  ;  elle  ne 
pourra  plus  résister  aux  envahisseurs  étrangers  ;  et 
après  leur  avoir  servi  de  champ  de  bataille  durant 
un  demi-siècle,  elle  deviendra  une  simple  province 
de  l'empire  de  Charles-Quint. 

France.  — En  France  les  villes  n'arrivèrent  jamais 
au  degré  d'indépendance  qu'atteignirent  les  répu- 
bliques italiennes;  la  féodalité  y  était  trop  forte- 
ment établie  pour  qu'il  fût  possible  de  l'annihiler 
comme  en  Italie  ;  et  lorsque  la  puissance  des  sei- 
gneurs commença  à  être  ébranlée,  les  communes 
se  trouvèrent  en  face  de  l'autorité  royale,  contre 
laquelle  elles  vini-ent  se  briser.  Le  mouvement  com.- 
munaliste  n'en  a  pas  moins,  dans  l'histoire  de 
France,  une  importance  capitale. 

Etat  des  villes  soui  la  domination  franque.  — 
Nous  avons  vu  quel  était  le  régime  municipal  des 
villes  romaines.  C'est  celui  qui  régissait  les  cités 
de  la  Gaule  à  l'époque  de  l'invasion  franque.  Ces 
institutions  ne  périrent  pas  ;  pendant  la  période 
mérovingienne,  elles  se  modifièrent  insensiblement, 
mais  sans  qu'il  cessât  jamais  d'exister  une  admi- 
nistration municipale  qui  garantissait  à  la  popula- 
tion des  villes,  au  milieu  du  chaos  de  la  domination 
barbare,  une  certaine  somme  de  sécurité,  d'ordre 
et  de  liberté. 

Sur  la  nature  et  le  fonctionnement  de  cette  orga- 
nisation, nous  n'avons,  môme  après  Charlemagne, 
que  peu  de  renseignements. 

«  Quels  étaient  au  x''  siècle,  dit  Augustin 
Thierry  dans  son  Histoire  du  Tiers  Etat,  dans  les 
cités  gallo-frankes,  la  puissance  et  le  caractère  du 
régime  municipal  ?  Un  point  se  trouve  mis  hors  de 
doute,  c'est  qu'alors  la  population  urbaine  joignait 
à  sa  liberté  civile  immémoriale  une  administration 
intérieure,  qui,  depuis  les  temps  romains  et  par 
difi'érentes  causes,  avait  subi  de  grands  change- 
ments. Le  régime  héréditaire  et  aristocratique  de 
la  curie  s'était,  par  suite  d'altérations  progressives, 
transformé  en  gouvernement  électif,  et,  à  difi'érents 
degrés,  populaire.  En  outre,  le  Défenseur,  magis- 
trat suprême,  était  tombé  sous  la  dépendance  de 
l'évoque,  ou  avait  disparu  devant  lui.  » 

La  féodalité.  —  L'évêque  devient  ainsi  peu  à  peu 
le  seigneur  de  la  ville  ;  quelquefois  il  y  partage 
l'autorité  avec  l'officier  royal,  comte  ou  vicomte.  La 
féodalité  s'établissant,  les  villes  forment  de  véri- 
tables fiefs,  relevant  d'un  ou  de  plusieurs  suzerains 
qui  y  exercent  juridiction  ;  toutefois  les  citoyens  ne 
sont  pas  réduits  à  la  condition  de  serfs,  et  bien 


I  que  souvent  victimes  de  l'arbitraire  et  des  violen- 
ces du  seigneur  féodal,  ils  échappent  à  l'esclavage 
qui  pèse  sur  les  campagnes.  «  Si  l'ancien  nom  de 
i  liberté  romaine  avait  péri,  la  chose  elle-même, 
c'est-à-dire  l'état  civil  des  personnes  habitant  les 
i  anciennes  villes  municipales,  n'avait  point  encore 
'  disparu.  Tout  menacé  qu'il  était  par  la  pression 
[  toujours  croissante  des  institutions  féodales,  on  le 
retrouvait  dans  ces  villes,  plus  ou  moins  intact, 
et,  avec  lui,  comme  signe  de  sa  persistance,  le 
vieux  titre  de  citoyen.  C'est  de  là  que  venait,  pour 
les  villes  de  fondation  récente,  l'exemple  de  la 
communauté  urbaine,  de  ses  règles  et  de  ses  pra- 
tiques. » 

C'est  aux  xi^  et  xii*  siècles  que  l'abaissement 
de  la  population  urbaine  est  le  plus  complet  ;  mais 
elle  le  souffre  impatiemment,  et  va  bientôt  relever 
la  tête. 

Les  campagnes.  Communautés  rurales.  —  Mais 
ce  ne  sont  pas  les  villes  seulement  qui  vont  protes- 
ter contre  latjTannie;  les  campagnes  prendront 
part  au  mouvement.  Il  est  intéressant  de  recher- 
cher comment  ont  pu  se  former,  au  sein  des  popu- 
lations rurales,  les  premières  communautés. 

«  Sur  chaque  grande  terre  dont  l'exploitation 
prospérait,  les  cabanes  des  hommes  de  travail, 
lites  (colons  d'origine  germanique),  colons  (indi- 
gènes} ou  esclaves,  groupées  selon  le  besoin  ou  la 
convenance,  croissaient  en  nombre,  arrivaient  à 
se  peupler  davantage,  formaient  un  hameau. 
Quand  ces  hameaux  so  trouvèrent  situés  dans  une 
position  favorable,  près  d'un  cours  d'eau,  à  quel- 
que embranchement  de  routes,  ils  continuèrent 
de  grandir,  et  devinrent  des  villages  où  tous  les 
métiers  nécessaires  à  la  vie  commune  s'exerçaient 
sous  la  même  dépendance.  Bientôt,  la  construc- 
tion d'une  église  érigeait  le  village  en  paroisse,  et 
par  suite  la  nouvelle  paroisse  prenait  rang  parmi 
les  circonscriptions  rurales.  Ceux  qui  l'habitaient, 
serfs  ou  demi-serfs  attachés  au  même  domaine,  se 
voyaient  liés  l'un  à  l'autre  par  le  voisinage  et  la 
communauté  d'intérêts;  de  là  naquirent,  sous  l'au- 
torité de  l'intendant  unie  à  celle  du  prêtre,  des 
ébauches  toutes  spontanées  d'organisation  muni- 
cipale, où  l'Eglise  reçut  le  dépôt  des  actes  qui, 
selon  le  droit  romain,  s'inscrivaient  sur  les  regis- 
tres de  la  cité.  C'est  ainsi  qu'en  dehors  des  muni- 
cipes,  des  villes  et  des  bourgs,  où  subsistaient,  de 
plus  en  plus  dégradés,  les  restes  de  l'ancien  état 
social,  des  éléments  de  rénovation  se  formaient 
pour  l'avenir,  par  la  multiplication  des  colonies  de 
laboureurs  et  d'artisans,  et  par  la  réduction  pro- 
gressive de  l'esclavage  antique  au  servage  de  la 
glèbe. 

«  Cette  réduction,  déjà  très  avancée  au  ix*  siècle, 
s'acheva  dans  le  cours  du  x'.  Alors  disparut  la 
dernière  classe  de  la  société  gallo-franke,  celle  des 
hommes  possédés  à  titre  de  meubles,  vendus,  échan- 
gés, transportés  d'un  lieu  à  un  autre  comme  toutes 
les  choses  mobilières.  L'esclave  appartint  à  la  terre 
plutôt  qu'à  l'homme  ;  son  service  arbitraire  se  chan- 
gea en  redevances  et  en  travaux  réglés;  il  eut  une 
demeure  fixe,  et,  par  suite,  un  droit  de  jouissance 
sur  le  sol  dont  il  dépendait.  »  (Augustin  Thierry). 

Mouvement  d'émancipation  des  villes.  1°  Lans 
le  Midi.  —  Le  mouvement  d'émancipation  des 
villes  ne  s'opéra  pas  de  la  môme  manière  au  nord 
et  au  midi  de  la  France,  et  l'organisation  munici- 
pale que  se  donnèrent  les  cités  ne  fut  pas  identique 
dans  les  deux  régions.  Les  populations  urbaines 
du  midi  et  celles  du  nord,  séparées  par  la  langue, 
par  le  climat,  par  le  degré  de  civilisation,  eurent 
chacune  leur  histoire  distincte,  qui  doit  être  ra- 
contée séparément. 

Les  cités  du  midi  de  la  France,  de  la  Provence, 
du  Languedoc,  de  la  Guj'enne,  étaient  des  muni- 
cipes  romains  qui  avaient  toujours  réussi  à  pro- 
server,  dans  leurs  parties  essentielles,  leurs  an- 


COMMUNES 


—  469 


COMMUNES 


ciennes  institutions.  Lorsqu'au  W  siècle  les 
communes  italiennes,  s'érigeant  en  républiques 
souveraines,  ■  eurent  donné  le  signal  de  l'émanci- 
pation, leur  exemple  fut  contagieux  :  le  mouvement 
se  propagea  en  France  par  la  voie  de  mer,  et  les 
cités  du  midi  imitèrent  l'une  après  l'autre  la  con- 
stitution consulaire  que  s'étaient  donnée  les  villes 
de  Lombardie  et  de  Toscane.  Dès  le  xii*  siècle, 
le  consulat  apparaît  dans  les  villes  qui  ont  des 
relations  commerciales  avec  l'Italie.  La  bourgeoi- 
sie du  midi  était  déjà  riche  et  puissante  ;  il  lui 
fut  relativement  facile  d'obtenir  des  seigneurs 
féodaux  la  reconnaissance  des  libertés  municipales. 
«  Les  villes  de  la  Provence,  du  Languedoc,  de  l'A- 
quitaine, prirent  l'aspect,  les  mœurs  et  le  nom  de 
véritables  républiques;  Avignon,  Marseille,  Tou- 
louse faisaient  la  guerre  ou  la  paix  de  leur  propre 
autorité,  et  leurs  consuls  traitaient  souveraine- 
ment avec  les  rois  de  France  et  d'Aragon  ou  les 
républiques  d'Italie.  Leurs  seigneurs  n'avaient  que 
des  honneurs  féodaux  et  le  commandement  mili- 
taire :  tout  le  pouvoir  législatif  et  politique  appar- 
tenait aux  consuls.  »  (Lavallée.) 

Une  chose  avait  grandement  favorisé  dans  le 
Midi  cette  émancipation  des  cités  :  c'était  l'absence 
d'un-  roi,  d'un  suzerain  puissant.  Aussi,  lorsque  les 
pays  de  langue  d'oc,  à  la  suite  de  la  croisade  des 
Albigeois,  auront  été  réunis  à  la  France  du  nord 
et  obligés  de  reconnaître  l'autorité  roj'ale,  l'indé- 
pendance municipale  ne  pourra  s'y  maintenir. 

2°  Dans  te  Nord.  —  Dans  le  nord  de  la  France, 
le  mouvement  d'émancipation  se  fit  différemment. 
Il  n'y  avait  là  qu'un  petit  nombre  d'anciens  muni- 
cipes  romains,  et  ceux-là  n'avaient  pu  conserver, 
au  même  degré  que  les  cités  du  midi,  leurs  liber- 
tés intérieures;  les  autres  villes  étaient  de  fonda- 
tion nouvelle,  et  n'avaient  jamais  possédé  d'institu- 
tions municipales.  Tandis  que  le  midi  n'avait  eu 
qu'à  faire  sanctionner  et  à  fortifier  ce  qui  existait 
déjà,  dans  le  nord  il  fallut  tout  créer,  et  conqué- 
rir de  vive  force  des  droits  que  les  seigneurs  et 
les  évêques  n'étaient  point  disposés  à  reconnaître 
de  bon  gré.  Aussi  les  villes  du  nord  présentent- 
elles,  dans  leur  organisation,  un  type  original  et 
nouveau,  qui  n'est  pas  emprunté  à  la  tradition  ro- 
maine, mais  qui  est  sorti  de  toutes  pièces  des 
nécessités  d'une  situation  spéciale. 

Ce  type,  c'est  celui  de  la  commune  jurée,  ou  de 
la  commune  proprement  dite,  dans  le  sens  histori- 
que et  restreint  du  mot.  Le  nom  de  commune,  en 
effet,  s'est  appliqué  exclusivement,  à  l'origine,  aux 
organisations  municipales  constituées  en  vertu 
d'un  serment  que  se  prêtaient  les  uns  aux  autres 
les  habitants  d'une  ville,  de  se  défendre  et  de  s'en- 
tr'aider.  Les  communiers,  une  fois  liés  entre  eux 
par  cette  conjuration,  se  donnaient  des  magistrats, 
maires  et  échevins,  s'organisaient  en  milices  ;  et  si 
le  seigneur  féodal  duquel  relevait  la  ville  n'accep- 
tait pas  le  nouvel  état  de  choses,  la  guerre  com- 
mençait. Si  la  commune  était  vaincue,  les  habitants 
retombaient  sous  le  joug  seigneurial  jusqu'à  ce 
qu'une  occasion  se  présentât  de  tenter  une  nou- 
velle révolte;  si  c'était  le  seigneur  qui  avait  le  des- 
sous, il  se  voyait  obligé  de  reconnaître  les  institu- 
tions et  les  libertés  de  la  commune  au  moyen 
d'une  charte,  qui  stipulait  les  concessions  arra- 
chées par  les  bourgeois  et  consenties  par  le  sei- 
gneur. 

Les  communes  du  nord  ont  donc  le  caractère 
d'une  insurrection  violente  de  la  population  des 
villes  contre  la  féodalité.  Ce  que  ces  communes  ré- 
clamaient, et  ce  que  la  plupart  d'entre  elles  réussi- 
rent à  obtenir,  à  force  de  luttes  et  de  sang  versé, 
c'était  tout  simplement  «  ce  que,  dans  l'Europe 
actuelle,  la  simple  police  des  Etats  modernes  as- 
sure à  toutes  les  classes  de  sujets.  »  (Lavallée).  Les 
prétentions  des  communes  n'en  paraissaient  pas 
moins  exorbitantes  et  révolutionnaires  aux  classes 


dominantes  de  l'époque  ;  voici  comment  en  parle 
un  chroniqueur  de  la  fin  du  xi*  siècle,  l'abbé  Gui- 
bert  de  Nogent  :  «  La  commune,  mot  nouveau  et 
détestable,  est  une  institution  en  vertu  de  laquelle 
tous  les  censitaires  s'acquittenl  en  une  seule 
fois  par  an  de  la  redevance  qu'ils  doivent  aux  sei 
gneurs  ;  et  s'ils  ont  commis  quelque  délit,  ils  sont 
punis  d'une  amende  fixée  par  la  loi.  Quant  aux 
autres  impositions  et  corvées  qui  sont  exigées  des 
serfs,  ils  en  sont  entièrement  exempts.  »  Il  faut 
avouer  que  ces  libertés  détestables  et  nouvelles 
étaient  encore  bien  peu  de  chose. 

La  première  commune  établie  fut  celle  du 
Mans  (10G7)  ;  mais  elle  ne  dura  que  six  ans,  et 
fut  abolie  ensuite  par  le  seigneur.  Puis  vinrent 
celles  de  Cambrai,  de  Noyon,  de  Beauvais,  de 
Saint-Quentin,  de  Laon,  d'Amiens,  de  Saint-Omer, 
de  Reims,  de  Boissons,  etc.  Nous  ne  pouvons  en- 
trer dans  le  détail  des  luttes  soutenues  par  ces 
diverses  communes  pour  conquérir  leurs  libertés, 
ni  raconter  les  nombreuses  vicissitudes  de  leur 
histoire  agitée  et  souvent  héroïque.  On  lira  avec 
intérêt,  dans  les  Lettres  sur  l'hiitoire  de  France, 
d'Augustin  Thierry,  les  dramatiques  récits  relatifs 
à  la  commune  de  Laon  (lettres  16,  17  et  18)  et  à 
celle  de  Vézelay  (lettres  22,  23  et  24).  V.  aussi  les 
articles  Féodalité,  Croisades,  Louis  VI,  Louis  VII, 
Philippe- A uguste,  Louis  VIII,  Philippe  III,  Louis  IX, 
Philippe  IV  le  Bel,  Tiers-État. 

Chartes  coiyinvmales.  —  Ces  chartes  variaient  à 
l'infini  quant  au  degré  de  liberté  qu'elles  concé- 
daient et  aux  formes  dans  lesquelles  elles  le  ga- 
rantissaient. Mais  elles  offrent  ce  trait  commun, 
de  contenir  surtout  des  règlements  relatifs  à  la  vie 
civile,  aux  libertés  de  l'industrie,  à  la  sécurité  des 
biens  et  des  personnes;  quant  à  la  constitution 
communale  proprement  dite  (élection  et  fonctions 
des  magistrats  municipaux),  la  charte  ne  l'orga- 
nise pas  :  elle  en  suppose  au  contraire  l'existence 
antérieure,  et  la  mentionne  comme  une  chose 
connue,  comme  une  administration  fonctionnant 
déjà  régulièrement. 

Voici  quelques  extraits  de  la  charte  de  Saint- 
Quentin  (seconde  moitié  du  xi*  siècle)  ;  c'est  une 
des  plus  caractéristiques  : 

chaque  yure  (communier)  jure  aui  autres  commun  con- 
seil, commune  garde  et  commune  défense.  —  Chacun  d'eui 
jure  de  maintenir  dans  la  \ille  tous  fiefs,  offices,  gages, 
achats  et  possessions  de  tous  et  chacun.  —  Tout  individu, 
s'il  n'est  larron  de  nuit  ou  larron  de  jour,  pourra  vivre 
dans  la  commune,  et,  du  moment  qu'il  sera  entré  dans  la 
ville,  nul  ne  pourra  mettre  la  main  sur  lui,  si  ce  n'est  par 
la  commune  justice,  le  commun  avis  et  le  commun  jugement 
des  échevins.  —  Deux  jours  avant  et  deux  jours  après  le 
marché,  ceux  qui  s'y  rendront  et  ceux  qui  en  reviendront 
ne  redouteront  rien  et  seront  en  bonne  paix.  Et  si  quelqu'un 
les  troublait,  la  commune  leur  aiderait,  et  si  elle  pouvait 
le  prendre,  elle  en  ferait  plénièrement  justice,  en  abattant 
sa  maison,  en  lui  tranchant  la  main  ou  autrement.  —  C'est 
chose  sacrée  et  accoutumance  de  la  commune  que  les  gens 
de  justice  du  comte  ni  ceux  du  maire  ne  pourront  pénétrer 
dans  la  maison  d'un  bourgeois  pour  l'ajourner  ni,  si  sa 
porte  est  close,  l'ouvrir  de  force.  —  Si  quelqu'un  est  vassal 
ou  censitaire  d'un  seigneur,  il  acquittera  sa  redevance  en 
restant  sur  la  terre  du  seigneur  du  commencement  d'aoiit  à 
la  fin  de  la  moisson;  après  la  moisson,  il  reviendra  à  la 
ville;  puis,  du  i"  février  au  1"  mai,  il  repartira  pour 
cultiver  les  terres  du  seigneur;  mais  le  2  mai  il  pourra 
revenir  à  la  ville  jusqu'au  mois  d'août.  —  Les  bourgeois  de 
Saint-Quentin  ne  doivent  nul  impôt  en  nulle  manière  à 
leur  seigneur,  ni  ne  s'assemblent  pour  faire  la  taille;  mais 
si  aucun  veut  donner  de  son  gré  comme  requis  du  seigneur, 
selon  son  plaisir,  il  le  donnera. 

Les  paysans.  —  Les  serfs  des  campagnes,  bien 
plus  opprimés  et  plus  malheureux  que  n'avaient 
pu  le  devenir  les  habitants  des  villes,  avaient 
essayé  de  leur  côté  de  s'affranchir.  Comme  les 
bourgeois,  ils  avaient  formé  des  conjurations, 
c'est-à-dire  des  associations  de  défense  mutuelle, 
véritables  communes   dans  le  sens   originaire  du 


COMMUNES 


—  470  — 


COMMUNES 


mot,  et  ils  semblent  même  avoir  devancé  dans  la 
révolte  les  populations  urbaines.  Dès  la  fin  du 
X*  siècle,  on  voit  les  serfs  de  Normandie  se  coufé- 
dérer  pour  résister  à  leurs  seigneurs  : 

Les  paysans  et  les  Tilains, 

Ceux  du  bocage  et  ceux  de  la  plaine, 

Par  vingt,  par  trcutaines,  par  cents. 

Ont  tenu  plusieurs  parlements... 

Privéement  ont  pourparlé 

Que  jamais  de  leur  volonté. 

N'auront  seigneur  ni  avoué.... 

—  Pourquoi  nous  laissons  dommager? 
Mettons-nous  hors  de  leur  danger. 
Nous  sommes  hommes  comme  ils  sont, 
Tous  membres  avons  comme  ils  ont, 
Et  tout  aussi  grands  corps  avons. 
Et  tout  autant  souffrir  pouvons. 
Ne  nous  faut  que  cœur  seulement. 
Allions-nous  par  un  serment, 
Notre  avoir  à  nous  défendons 
Et  tous  ensemble  nous  tenons... 
Et  si  nous  veulent  guerroyer, 
Bien  avons,  contre  un  chevalier, 
Trente  ou  quarante  pavsans, 
Maniables  et  combattants. 

C'est  ainsi  que  le  Roman  de  Roii  fait  parler  les 
serfs  normands.  Mais  l'entreprise  de  ces  paysans, 
qui  osaient  se  dire  les  égaux  de  leurs  seigneurs 
{«  Nous  sommes  hommes  comme  ils  sont  »),  ne 
fut  pas  couronnée  de  succès  comme  celle  que  les 
montagnards  de  la  Suisse  tentèrent  trois  siècles 
plus  tard  :  le  comte  d'Évreux  et  ses  liommes 
d'armes  saisirent  les  chefs  des  confédérés,  qui 
périrent  dans  les  supplices,  et  la  révolte  fut  com- 
primée. 

Les  vilains  qui  sur  d'autres  points  du  territoire 
tentèrent  à  leur  tour  de  secouer  le  joug  féodal  ne 
furent  pas  plus  heureux.  Il  ne  resta  aux  serfs  qui 
voulurent  échapper  à  l'esclavage  d'autre  ressource 
que  de  s'enfuir  dans  les  villes,  où  ils  pouvaient 
devenir  citoyens,  et  où  la  commune  leur  assurait 
sa  protection. 

Villes  de  bourgeoisie  dans  la  région  du  centre. 
—  Le  roi,  qui  soutenait  quelquefois  les  villes  dans 
leurs  querelles  avec  leurs  seigneurs,  parce  qu'il 
trouvait  son  profit  à  amoindrir  la  puissance  des 
grands  feudataires,  mais  qui  souvent  aussi  aidait 
les  nobles  et  les  évoques  à  détruire  les  libertés 
communales,  ne  laissa  pas  établir  de  communes 
sur  le  domaine  royal.  Les  villes  qui  relevaient 
directement  du  roi,  comme  Paris  et  Orléans,  re- 
çurent certaines  franchises  municipales,  mais 
n'acquirent  pas  le  degré  d'autonomie  et  d'indé- 
pendance qui  firent,  pendant  un  temps,  des  com- 
munes du  nord  et  des  cités  consulaires  du  midi, 
des  républiques  presque  souveraines. 

D'autre  part,  quelques  seigneurs  concédèrent 
spontanément,  aux  villes  anciennes  et  nouvelles 
existant  sur  leurs  terres,  des  chartes  de  bour- 
geoisie, qui  leur  accordaient  quelques  privilèges  ; 
par  ce  moyen,  ils  y  attiraient  de  nouveaux  habitants , 
et  accroissaient  ainsi  leurs  propres  revenus.  Mais 
ces  villes  restaient  soumises  au  prévôt  du  sei- 
gneur, qui  y  rendait  la  justice  en  son  nom. 

Résumé.  —  En  résumé,  la  France  se  montre  di- 
visée, en  ce  qui  concerne  le  régime  municipal,  en 
trois  régions  :  celle  du  midi,  ou  des  cités  consu- 
laires; celle  du  nord,  ou  des  communes  jurées  ;  et 
entre  deux,  une  zone  intermédiaire,  où  les  villes 
n'arrivent  pas  à  la  pleine  autonomie,  et  demeurent 
sous  la  dépendance  plus  ou  moins  étroite  du  suze- 
rain qui  leur  a  octroyé  leurs  demi-franchises. 

Nous  avons  dit  que  la  conquête  du  midi  par  les 
rois  de  France  fit  perdre  aux  villes  consulaires 
leur  indépendance.  De  leur  côté,  les  communes  du 
nord  commencèrent  à  déchoir  dès  le  xiv'  siècle  ; 
lef'  privilèges  municipaux  disparurent  à  me- 
sure que  la  royauté  se  fortifiait;  et  ce  qui  s'en 
s'en  était  conservé  après  les  grandes  luttes  entre 


les  villes  et  le  pouvoir  royal,  qui  signalèrent  les 
règnes  de  Jean  le  Bon  et  de  Charles  VL  disparut 
définitivement  au  xvi*  siècle  ;  Charles  IX  enleva, 
à  toutes  les  villes  qui  l'avaient  conservé,  le  droit 
de  juridiction.  Mais  si  la  bourgeoisie  avait  dû 
renoncer  îi  constituer  comme  en  Italie  des  commu- 
nautés isolées  et  souveraines,  elle  n'en  avait  pas 
moins  continué  à  grandir;  et  tout  en  perdant  ses 
privilèges  locaux,  elle  avait  conquis,  dans  les 
affaires  générales  de  l'État,  une  importance  qui 
croîtra  toujours  davantage.  V.  les  articles  Tiers- 
Etat   et  Etals-généraux. 

Espagne.  —  D;ins  la  péninsule  ibérique,  la  fon- 
dation et  le  développement  des  institutions  muni- 
cipales, tant  en  Castille  qu'en  Aragon,  sont  con- 
temporaines des  premières  victoires  des  chrétiens 
sur  les  Maures.  A  mesure  que  ces  derniers  étaient 
chassés  d'une  ville,  celle-ci  recevait  du  roi  une 
charte  d'organisation,  qui  déterminait  les  droits 
des  citoyens.  Le  premier  de  ces  droits  était  celui 
de  s'administrer  eux-mêmes  et  d'élire  leurs  magis- 
trats; à  côté  de  ceux-ci  siégeait,  il  est  vrai,  un  offi- 
cier représentant  l'autorité  royale,  mais  dont  les 
pouvoirs  étaient  fort  restreints  ;  ainsi  la  charte  de 
Logrofio  permettait  de  le  tuer  s'il  entrait  de  force 
dansune  maison.  Toutefois,  en  Castille,  quand  des 
territoires  plus  étendus  eurent  été  enlevés  aux  mu- 
sulmans, beaucoup  de  nobles  reçurent  en  fief  les  ci- 
tés qu'ils  prenaient  aux  Arabes,  et  il  se  forma  de  la 
sorte,  dans  ce  royaume,  deux  catégories  de  villes  : 
celles  qui  relevaient  directement  du  roi,  et  celles 
qui  étaient  soumises  à  un  seigneur  ;  les  premières 
seules  furent  des  communes,  c'est-à-dire  des  cités 
libres,  possédant  le  droit  de  juridiction,  mais  sans 
arriver  toutefois  à  la  souveraineté  complète,  comme 
les  républiques  italiennes. 

L'Espagne  fut  le  premier  pays  de  TEurope  qui 
posséda  une  représentation  nationale  régulièrement 
organisée,  et.  de  très  bonne  heure,  les  communes 
eurent  le  droit  d'envoyer  leurs  députés  siéger  aux 
cortès  à  côté  des  seigneurs  et  des  évèques.  Tandis 
que  la  chambre  des  communes  d'Angleterre  ne 
date  que  de  126  4,  dès  ll-S-"?  les  députés  des  villes 
furent  admis  aux  cortès  d'Aragon.  En  Castille,  ceux 
des  villes  royales  siégèrent  dans  l'assemblée  na- 
tionale à  partir  de  1169;  mais  au  siècle  suivant, 
sous  le  règne  de  Ferdinand  III,  le  nombre  des  ci- 
tés castillanes  investies  du  droit  d'envoyer  leurs 
députés  aux  cortès  fut  réduit  à  dix-sept. 

Pendant  tout  le  moyen  âge,  le  pouvoir  du  sou  | 
verain  demeura  très  limité  dans  les  royaumes  es- 
pagnols; et  comme  la  féodalité,  de  son  côté,  n'a- 
vait pu  y  prendre  profondément  racine,  les  villes 
y  conservèrent  un  degré  de  liberté  assez  considé- 
rable. La  monarchie  n'était  qu'une  confédération 
dont  les  divers  membres,  liés  entre  eux  par  les 
besoins  de  la  défense  commune,  gardaient  d'ail- 
leurs leur  indépendance,  et  dont  le  roi  n'avait 
guère  que  la  présidence  nominale.  Mais,  après  la 
réunion  de  la  Castille  et  de  TAragon,  sous  Ferdi- 
nand V,  l'autorité  royale  s'étant  extraordinairement 
accrue,  les  villes  furent  privées  de  leurs  anciens 
droits.  Celles  de  la  Castille  prirent  les  armes  pour 
les  maintenir,  et  firent  en  15"20,  sous  Charles  I" 
(Charles-Quint),  l'insurrection  dite  des  comuneros, 
qui  aboutit  à  la  destruction  complète  des  libertés 
municipales.  L'Aragon,  à  son  tour,  vit  ses  cités 
dépouillées  de  leurs  derniers  privilèges  en  1591, 
sous  Philippe  II;  et,  depuis  lors,  l'Espagne  resta 
livrée  à  un  despotisme  sans  contrôle  qui  la  fit,  en 
peu  de  temps,  déchoir  de  son  ancienne  prospé- 
rité. 

Angleterre.  —  Avant  la  conquête  normande, 
les  villes  anglo-saxonnes  avaient  une  certaine  in- 
dépendance. Tandis  que  les  populations  rurales 
obéissaient  au  comte,  magistrat  électif,  et  au  shé- 
rif, fonctionnaire  nommé  par  le  roi,  les  villes  for- 
maient des  corporations  s'administrant  clles-mô- 


COMMUNES 


—  471 


COMMUNES 


mes.  Mais  lorsque  la  journée  de  Ilastings  (1066) 
eut  livré  l'Angleterre  aux  envahisseurs  normands, 
les  villes  se  trouvèrent  soumises,  aussi  bien  que 
ies  campagnes,  à  la  brutale  domination  des  vain- 
queurs. Les  cités  les  plus  populeuses  firent  partie 
du  domaine  royal,  les  autres  furent  données  aux 
barons  normands.  Pendant  le  premier  siècle  de  la 
conquête,  la  condition  des  villes  fut  déplorable; 
toute  sécurité  avait  disparu.  «  Nobles  et  évoques, 
dit  une  chronique  du  temps,  bâtissaient  des  châ- 
teaux, y  mettaient  des  garnisons  diaboliques,  op- 
primaient le  vulgaire,  et  extorquaient  de  l'argent 
à  force  de  tourments.  Ils  levaient  des  contributions 
sur  les  villes,  et  y  mettaient  le  feu  après  les  avoir 
saccagées.  On  pouvait  cheminer  à  la  ronde  une 
journée  entière  sans  rencontrer  une  bourgade  ha- 
bitée ou  une  terre  cultivée,  et  jamais  le  pays  n'avait 
«ouffert  tant  de  maux.  Lorsqu'on  voyait  deux  ou 
trois  cavaliers  s'approcher  d'une  ville,  les  habitants 
«'enfuyaient,  dans  la  crainte  qu'ils  ne  vinssent  pour 
les  rançonner  et  les  torturer.  Le  peuple  disait  tout 
haut  que  le  Christ  et  ses  saints  étaient  endormis.  » 

A  partir  du  règne  de  Henri  II,  le  fondateur  de 
la  dynastie  desPlantagenets,  la  situation  intérieure 
du  royaume  s'améliora  :  les  habitants  de  plusieurs 
villes  acquirent  la  propriété  du  sol  qu'ils  occu- 
paient, et  se  rachetèrent  des  tributs  individuels 
qu'on  leur  imposait  arbitrairement,  moyennant 
une  redevance  déterminée.  Lorsque  les  barons  ar- 
rachèrent à  Jean  sans  Terre  la  grande  charte  (1215) 
des  garanties  furent  stipulées  pour  les  bourgeois 
aussi  bien  que  pour  les  nobles,  et  les  villes  furent 
confirmées  dans  leiirs  anciens  privilèges  et  libres 
coutumes.  «  Les  villes,  redevenues  riches  et  for- 
tes, se  firent  respecter  des  seigneurs,  rois  ou  ba- 
rons, qui  n'exigèrent  plus,  mais  demnndèrent  des 
aides  (subsides)  aux  cités  et  bourgs  de  leurs  domai- 
nes; par  là,  elles  furent  placées  sur  le  même  pied 
•que  les  possesseurs  de  fiefs  :  les  chefs  des  citoyens 
de  Londres  et  des  Cinq-Ports  (Douvres,  Sandwich, 
Hyte,  Hastings  et  Romney)  obtinrent  même  les 
titres  de  nobles  et  de  barons.  »  (Dnruy).  Le  pre- 
mier magistrat  municipal  de  la  cité  de  Londres 
s'appelle  encore  aujourd'hui  le  lord  maire. 

Tandis  qu'en  France  la  bourgeoisie  se  fit,  dès  le 
règne  de  Phihppe  le  Bel,  l'alliée  de  la  royauté 
■contre  la  noblesse,  en  Angleterre  nobles  et  bour- 
geois se  coalisèrent  contre  le  pouvoir  royal-  Aussi, 
lorsque  sous  Henri  III  la  royauté  fut  obligée  de 
consentir  à  la  réunion  régulière  d'un  parlenient, 
«elui-ci  fut-il  compose,  non-seulement  des  sei- 
gneurs, mais  aussi  des  députés  des  villes.  Telle  fut 
l'origine  de  la  Chambre  des  Communes,  qui  s'as- 
sembla pour  la  première  fois  en  1264.  Admises 
ainsi  à  participer  au  gouvernement,  conjointement 
avec  l'aristocratie  féodale,  les  villes  anglaises  gran- 
dirent rapidement  en  importance  ;  et,  après  une 
lutte  dont  les  péripéties  diverses  remplissent  qua- 
tre siècles,  elles  réduisirent  la  couronne  à  ne  con- 
server plus  que  le  fantôme  da  pouvoir,  dont  elles 
partagèrent  avec  les  lords  la  réalité. 

Allemagne.  —  L'empire  allemand  ne  comptait 
■qu'un  petit  nombre  de  villes  d'origine  romaine, 
comme  Strasbourg,  Bâle,  Cologne  ;  les  autres  furent 
fondées  dans  le  courant  des  x',  xi=  et  xii*  siècles. 
Henri  I"  l'Oiseleur  contribua  beaucoup  à  la  créa- 
tion des  villes  en  ordonnant  de  construire  un 
grand  nombre  de  lieux  fortifiés  [Burg  en  allemand), 
dans  lesquels  il  obligea  la  neuvième  partie  des 
habitants  des  campagnes  à  venir  fixer  leur  rési- 
dence :  il  accorda  aux  habitants  de  ces  Burgs 
le  droit  de  se  constituer  en  une  corporation  ou 
•bourgeoisie,  administrée  par  un  bourymestre  et 
par  un  conseil  élu.  Les  seigneurs,  de  leur  côté, 
fondèrent  des  villes  sur  leurs  terres,  et  leur  con- 
cédèrent aiussi  des  privilèges  municipaux,  afin  dy 
attirer  des  habitants.  Les  villes  bâties  sur  le  ter- 
ritoire d'un  seigneur  [Landstudte)  restèrent  sujet- 


tes de  celui-ci;  celles  qui  s'élevèrent  sur  le  do- 
maine impérial,  au  contraire,  reçurent  le  nom  de 
villes  d'empire  [Reichstudte) ,  et,  ne  relevant  que 
de  l'empereur,  furent,  par  rapport  aux  seigneurs 
féodaux,  des  villes  libres.  Beaucoup  de  villes  su- 
jettes obtinrent  plus  tard,  à  prix  d'argent  ou  en 
échange  de  services  rendus,  d'être  élevées  au 
rang  de  villes  d'empire  ;  ainsi  Berne,  fondée  en 
1191  par  le  duc  Berthold  V  de  Zashringen,  et  par 
conséquent  ville  sujette,  reçut  vingt- sept  ans  plus 
tard,  de  l'empereur  Frédéric  II,  le  titre  de  ville 
libre  d'empire,  avec  le  droit  de  battre  monnaie. 

Les  députes  des  villes  d'empire  siégeaient  à  la 
Diète  germanique,  avec  les  seigneurs  et  les  évo- 
ques ;  mais  il  n'y  exercèrent  jamais  d'influence 
sérieuse,  et  la  Diète  elle-même  n'avait  qu'une 
autorité  fort  peu  étendue. 

Les  temps  troublés  qui  suivirent  l'extinction  de 
la  maison  de  Hohenstaufen  permirent  aux  villes 
allemandes  d'agrandir  leur  indépendance,  et  en 
même  temps  leur  fournirent  l'occasion  de  se  con- 
fédérer  entre  elles  pour  résister  aux  seigneurs, 
qui  prétendaient  les  opprimer.  La  fin  du  xiii*  et 
le  commencement  du  xiV  siècle  virent  naître  plu- 
sieurs ligues  de  ce  genre,  entre  autres  celle  des 
villes  du  Rhin  (1255).  La  plus  célèbre  est  la  Hanse 
ou  Ligue  hanséatique,qui  réunit  toutes  les  cités  mari- 
times et  commerçantes  de  l'Allemagne,  et  les  groupa 
en  quatre  sections,  à  la  tête  desquelles  -  étaient 
Lubeck,  Cologne,  Brunswick  et  Dantzig  :  les  dépu- 
tés des  diverses  villes  se  réunissaient  tous  les  ans 
au  chef-Heu  de  la  section,  et  s'assemblaient  tous 
les  trois  ans  en  une  diète  générale,  le  plus  souvent 
à  Lubeck.  La  Hanse  devint  une  puissance  formidable 
au  xiV  siècle,  mais  elle  déchut  à  partir  du  xvi%  et 
cessad'existeren  16-30  (V. unepagedeMicheletsurla 
Hanse  à  la  suite  de  l'article  Allemagne,  p.  95). 

L'organisation  intérieure  des  villes  libres  alle- 
mandes était  restée  aristocratique  ;  l'accès  des 
magistratures  y  était  réservé  aux  familles  nobles, 
et  les  corporations  de  métiers  ne  réussirent  qua 
rarement  à  obtenir  une  part  dans  le  gouverne- 
ment. 

Flandre,  Brabant,  Hollande.  —  Les  villes  de 
la  Flandre,  du  Brabant,  de  la  Hollande  atteignirent, 
dès  les  premiers  siècles  du  moyen  âge,  à  une  pros- 
périté égale,  sinon  supérieure,  à  celle  des  villes 
hanséatiques.  «  Elles  étaient  constituées  en  com- 
munes à  une  date  si  reculée  qu'elles  n'avaient  pro- 
bablement jamais  perdu  leurs  libertés  romaines.  » 
(Lavallée).  M'ayant  pour  suzerain  qu'un  comte  dont 
la  puissance  ne  pouvait  lutter  avec  la  leur,  elles 
devinrent  des  républiques  souveraines,  et  l'indus- 
trie en  fit  les  plus  riches  cités  de  l'Europe.  Leur 
histoire  intérieure  offre  les  mêmes  luttes  que  celles 
quon  a  vu  se  produire  dans  les  villes  italiennes. 

a.  Originairement,  les  échevins  étaient  toujours 
pris  dans  les  grandes  familles,  «  lignages»  ou  «  li- 
nages  »  (gestachten),  et  l'accès  du  pouvoir  était 
rigoureusement  interdit,  non  seulement  aux  ou- 
vriers, mais  aussi  aux  bourgeois,  même  les  plus 
riches.  Il  en  résulta  de  continuelles  discussions 
entre  les  petits  et  les  grands  de  chaque  ville.  Les 
corps  de  métier  se  soulevèrent  fréquemment  et 
profitèrent  de  chaque  guerre  civile  ou  extérieure 
pour  revendiquer  leurs  droits  au  gouvernement  de 
la  cité.  A  chaque  défaite  ils  furent  cruellement 
traités  :  c'est  ainsi  qu'après  une  révolte  réprimée, 
quinze  cents  tisserands  et  autres  ouvriers  d'Ypres 
furent  roués,  décapités  ou  pendus  sans  jugement. 
Malgré  défaites  et  massacres,  les  ghildes  ou  cor- 
porations des  petits  finirent  par  obliger  les  grands 
à  leur  faire  une  place  dans  le  conseil  des  cités.  Au 
XIII'  siècle,  et  surtout  durant  la  première  moitié 
du  xiY',  on  voit  se  constituer  régulièrement  dans 
presque  toutes  les  communes  un  large  conseil  où 
les  nations,  c'est-à-dire  les  mandataires,  consaïuc 
ou  jurés  des  corps   de  métiers,   siégeaient  à  côté 


COMMUNES 


—  472  — 


COMMUNES 


des  éclievins  et  des  notables  et  délibéraient  en 
égaux  sur  les  «  affaires  majeures  »  de  la  ville.  A 
Bruxelles,  à  Louvain  et  en  d'autres  villes  du  Bra- 
bant,  les  nations  avaient  un  bourgmestre  distinct 
de  celui  des  lignages.  A  Liège,  la  ville  fameuse 
dont  les  bourgeois,  portant  depuis  longtemps  le 
titre  de  seigneurs,  habitaient  un  domicile  inviola- 
ble, une  maison  sacrée,  le  triomphe  des  petits  fut 
beaucoup  plus  complet.  En  vertu  de  la  paix  d'An- 
gleur,  conclue  en  1313,  il  fut  décidé  qu'aucun  bour- 
geois de  Liège  appartenant  à  la  noblesse  ne  pour- 
rait devenir  bourgmestre  ou  membre  du  conseil, 
s'il  ne  faisait  partie  d'une  corporation  des  vingt- 
cinq  métiers;  tous  étaient  électeurs,  les  ouvriers 
comme  les  maîtres  ;  les  apprentis  eux-mêmes  — 
exemple  bien  rare  dans  l'Europe  de  cette  époque 
—  avaient  le  droit  d'acclamation  ou  de  suffrage. 

»  Dans  ce  grand  chaos  du  monde  féodal,  où  les 
seigneurs  étaient  en  lutte  permanente  les  uns  con- 
tre les  autres,  mais  où  «  nulle  terre  n'était  sans 
seigneur,  »  où  toute  autorité  était  censée  venir 
d'en  haut,  par  l'entremise  du  pape,  empereur  ou 
roi,  ce  fut  pour  les  villes  belges  une  grande  vic- 
toire que  de  se  faire  les  égales  des  barons,  d'ac- 
quérir une  personnalité  féodale,  de  traiter  direc- 
tement avec  les  souverains.  Un  nouvel  ordre  de 
choses  avait  commencé,  car  c'est  d'en  bas,  de  la 
masse  profonde  du  peuple,  qu'était  née  l'indépen- 
dance des  villes.  A  en  juger  par  les  éléments  épars 
de  la  nouvelle  société  flamande  et  wallonne,  telle 
qu'elle  essaya  de  se  constituer,  et  comme  on  le  vit 
surtout  à  Gand,  sous  la  direction  de  Jacques  van 
Artevelde,  il  semble  qu'elle  visait  à  former  une 
grande  ligue  de  cités  autonomes,  composées  elles- 
mêmes  de  libres  corps  de  métiers  :  la  fraternité 
ou  «  frairie  »  de  chaque  groupe  de  travailleurs, 
telle  était  la  molécule  primitive  de  la  société.  Cha- 
que association,  soit  d'ouvriers,  soit  de  bourgeois, 
était  un  corps  complet  représentant  en  résumé 
l'ensemble  de  l'Etat,  ayant  le  multiple  caractère 
de  confrérie  religieuse,  de  tribunal  pour  le  juge- 
ment des  crimes  et  délits,  de  syndicat  de  commerce 
pour  la  défense  des  intérêts  communs,  et  même 
d'association  de  plaisir  pour  la  célébration  des  fêtes. 
D'ailleurs,  les  métiers  imposaient  à  tous  leurs 
membres  une  discipline  très  sévère;  non-seule- 
ment le  costume  de  guerre,  mais  encore  les  vête- 
ments de  travail  étaient  réglés  strictement.  Des 
inspections  avaient  lieu,  à  des  époques  détermi- 
nées, pour  constater  si  les  confrères  tenaient 
leurs  armes,  leurs  cottes,  leurs  habits  en  bon  état. 
Dans  tous  les  actes  de  sa  vie,  l'individu  avait  à 
compter  avec  le  corps  dont  il  faisait  partie.  Il  reste 
encore  aujourd'hui  des  traces  de  cet  ancien  ordre 
de  choses... 

»  La  commune,  composée  des  associations  bour- 
geoises et  des  corps  de  métiers,  formait  le  groupe 
supérieur  ;  et  quand  la  cloche  du  beffroi  appelait 
les  citoyens  a^i  combat,  tous  ne  devaient  plus 
avoir  qu'une  seule  âme  contre  l'ennemi.  Souvent 
cet  ennemi  était  l'armée  d'une  cité  rivale  ;  mais  le 
danger  commun  avait  fait  comprendre  aux  villes 
la  nécessité  d'une  fédération...  En  13:i4,  un  traité 
de  fédération  fut  conclu  entre  les  habitants  de  la 
Flandre  et  ceux  du  Brabant  ;  il  fut  décidé  que  le 
commerce  serait  libre  entre  les  deux  provinces, 
qu'on  y  ferait  usage  de  la  même  monnaie,  et  que 
les  grandes  villes,  Bruxelles,  Anvers,  Louvain, 
Gand,  Bruges,  Ypres,  enverraient  trois  fois  par  an 
des  députés  à  une  assemblée  délibérante... 

»  Quoique  la  forme  de  société  nouvelle  qui  se 
préparait  dans  les  cités  de  la  Belgique  n'ait  pu  se 
réaliser  complètement,  et  que  la  prospérité  des 
citoyens  ait  toujours  été  orageuse,  exposée  à  d'in- 
cessants périls,  les  progrès  de  toute  espèce  accom- 
plis dans  ce  petit  coin  de  la  terre  en  firent  au 
moyen  âge  un  des  centres  de  la  civilisation.  Dans 
quelques  campagnes  mêmes  s'étaient  formées  des 


ghildes  semblables  à  celles  des  villes,  et  ces  asso- 
ciations rurales,  fières  de  leurs  heures,  confir- 
mation écrite  de  leurs  droits,  avaient  pu  justifier 
cette  conquête  par  l'admirable  culture  de  leurs- 
terres.  Quant  aux  progrès  des  communautés  fla- 
mandes dans  les  travaux  de  la  pensée,  ils  sont  attes- 
tés par  l'importance  qu'avait  prise  leur  langue  dans 
la  littérature  contemporaine.  »     (Elisée  Reclus.') 

Conclusion.  —  Les  communes  —  nous  conti- 
nuons à  prendre  ce  mot  dans  son  sens  le  plus  gé- 
néral —  visèrent  partout  à  affranchir  plus  ou  moins- 
complètement  la  cité  de  la  domination  du  seigneur 
féodal,  évêque,  comte,  roi  ou  empereur;  mais 
l'idée  de  l'égalité  des  citoyens  leur  fut  presque 
toujours  étrangère,  et  elles  conservèrent  dans 
leur  propre  sein,  à  des  degrés  divers,  le  principe 
d'une  hiérarchie  de  privilégiés  ;  les  libertés  mû- 
mes de  la  commune,  arrachées  de  force  ou  ache- 
tées à  prix  d'argent,  étaient  regardées  alors  par 
tous  comme  un  privilège,  non  comme  un  droit. 
Quelquefois  il  arriva  aux  habitants  des  villes  de 
faire  alliance  avec  les  serfs  révoltés  des  campa- 
gnes, dans  des  dangers  pressants  ;  mais  jamais  ils 
ne  proclamèrent  d'une  manière  générale  la  soli- 
darité de  leur  cause  et  de  celle  des  paysans.  La 
commune  du  moyen  âge,  il  ne  faut  pas  l'oublier, 
malgré  tout  ce  que  ses  revendications  purent  avoir 
de  révolutionnaire  pour  l'époque,  fut  et  resta  un 
membre  de  la  société  féodale. 

Quand  la  société  du  moyen  âge  commença  à 
se  dissoudre  pour  faire  place  à  une  organisation 
politique  nouvelle,  la  fortune  de  la  bourgeoisie 
des  villes  fut  diverse,  selon  la  ligne  de  conduite 
qu'elle  avait  adoptée  dans  sa  lutte  ppur  l'indé- 
pendance, et  aussi  selon  les  circonstances  inté- 
rieures ou  extérieures,  géographiques  quelquefois, 
propres  à  chaque  pays.  En  France,  où  cette  bour- 
geoisie, devenue  le  Tiers  État,  se  fit  l'alliée  de  la 
royauté  contre  les  feudataires  grands  et  petits,  la 
forme  politique  qui  prévalut  fut  celle  de  l'État 
centralisé  sous  le  despotisme  royal.  En  Italie,  où 
il  ne  se  trouva  pas  de  dynastie  nationale  pour  en- 
treprendre une  œuvre  analogue  à  celle  de  la 
royauté  française,  les  villes,  devenues  la  proie 
d'une  foule  de  tj-rans  locaux,  finirent  par  tomber 
sous  la  domination  étrangère.  En  Angleterre,  l'al- 
liance des  communes  et  des  lords  constitua  une 
forme  de  gouvernement  particulière,  où  l'autorité 
du  monarque  dut  s'incliner  devant  la  puissance 
d'une  oligarchie  moitié  bourgeoise,  moitié  nobi- 
liaire, mais  restée  féodale  jusqu'à  nos  jours.  En 
Espagne  et  en  Allemagne,  les  libertés  des  villes 
périrent  ici  sous  les  coups  de  l'arbitraire  royal, 
là  sous  ceux  des  princes  de  l'empire  devenus  sou- 
verains, et  il  ne  put  se  former,  comme  en  France, 
un  Tiers  État  capable,  à  un  moment  donné,  de 
briser  le  moule  monarchique  et  féodal,  et  d'ab- 
sorber dans  son  sein  la  nation  tout  entière.  Dans- 
deux  régions  de  l'Europe  seulement,  à  qui  leur 
situation  géographique  facilitait  la  sauvegarde  de 
l'indépendance  locale,  les  communes,  ne  s'alliant 
ni  avec  la  noblesse,  comme  en  Angleterre,  ni 
avec  la  royauté,  comme  en  France,  purent  s'affran- 
chir d'une  façon  définitive  et  par  leurs  seules  for- 
ces, et  se  donner  l'organisation  politique  qui  dé- 
coulait de  leur  principe  même,  celle  de  la  répu- 
blique fédérative  :  nous  avons  nommé  la  Suisse  et 
la  Hollande.  Mais  même  dans  ces  deux  pays,  où 
les  libertés  communales  purent  se  maintenir  au 
prix  de  luttes  héroïques  contre  la  féodalité  locale 
et  contre  les  souverains  voisins,  la  constitution 
intérieure  des  cités  demeura  aristocratique,  les 
campagnes  —  à  l'exception  de  quelques  coins  de 
terre  privilégiés  —  restèrent  dans  la  servitude  ,  et 
l'égalité  politique  et  civile,  sans  laquelle  l'indé- 
pendance nationale  n'est  qu'un  vain  mot.  ne  put 
y  être  introduite  que  par  la  main  puissante  de  la 
Révolution  française.  [J.  Guillaume,] 


COMPARATIF 


—  473  — 


COMPOSEES 


COMPARATIF.  —  V.  Degrés  de  comparaison. 

COSirOSÉES.— Botanique,  XXIX.— Définition 
—  Les  composées  appartiennentaux Phanérogames 
Dicotylédones  Angiospermes,  et  parmi  celles-ci  aux 
Gamopétales  Périgj'nes.  Dans  la  classification  de 
Brongniart,  elles  constituent  la  dix-septième  classe, 
dite  des  Astéroidées.  C'est  la  famille  la  plus  vaste 
du  règne  végétal  ;  elle  renferme  environ  la  dixième 
partie  des  Phanérogames. 

Caractères  botaniques.  —  ï.  Graine.  —  La  graine 
des  composées  n'est  jamais  libre,  mais  bien  enfer- 
mée dans  un  fruit  sec  unicarpellé  indéhiscent 
qu'on  nomme  achnine.  L'embryon  volumineux  rec- 
tiligne  a  deux  cotylédons  linéaires.  L'albumen  qui 
entoure  cet  embryon  est  souvent  fort  peu  déve- 
loppé; il  est  oléagineux,  rarement  amylacé. 

Les  graines  de  plusieurs  composées  sont  em- 
ployées dans  la  fabrication  des  huiles  ;  telles  sont 
celles  du  tournesol  ou  grand  soleil  des  jardins,  du 
Madi  des  Chinois,  du  Guizotia  oleifera  des  Abyssi- 
niens et  des  Indiens.  On  importe  actuellement 
de  grandes  quantités  de  graines  de  Guizotia  dans 
le  port  de  Dunkerque,  et  l'huile  qu'on  en  extrait 
sert  à  falsifier  l'huile  d'arachide. 

II.  Racine.  —  Les  composées  n'étant  jamais  des 
plantes  de  grande  culture,  mais  seulement  des 
plantes  ornementales,  médicinales  ou  maraîchères, 
nous  ne  parlerons  pas  de  leur  germination  et  passe- 
rons tout  de  suite  aux  caractères  de  leurs  racines. 

Un  grand  nombre  de  composées  ont  des  racines 
pivotantes  qui  s'enfoncent  veriicalement  dans  le 
sol.  Ce  pivoi  peut  prendre  un  certain  développe- 
ment et  constituer  pour  la  plante  un  réservoir  nu- 
tritif pour  le  temps  de  l'hibernation.  La  substance 
mise  en  réserve  dans  cet  organe  s'appelle  iiiuline  ; 
elle  appartient  au  groupe  des  matières  amylacées. 
Comme  exemple  de  ces  pivots  tubérifiés  nous  cite- 
rons les  tubercules  de  dahlia. 

Plusieurs  composées  remplacent  le  pivot  par 
nne  tige  souterraine  ;  dans  ce  cas,  leurs  racines 
sont  grêles  et  couvrent  toute  la  partie  inférieure 
de  cette  tige. 

Les  racines  des  composées  renferment  un 
suc  laiteux  ou  latex  qui  en  fait  employer  un  grand 
nombre  en  médecine.  Quelques-unes  sont  char- 
nues et  comestibles,  telles  sont  celles  de  la  scorzo- 
nère  d'Espagne  (salsifis  noir),  et  celles  de  notre 
salsifis  indigène  (salsifis  blanc). 

III.  Tige.  —  La  tige  des  composées  est  souvent 
extrêmement  courte,  presque  nulle  ;  alors  les 
feuilles  semblent  former  une  rosace  à  la  surface  du 
sol,  et  c'est  du  sein  de  cette  toufl'e  que  partent  les 
pédoncules  floraux  dont  la  longueur  est  très  va- 
riable. D'autres  fois,  la  tige  prend  une  certaine 
longueur  et  alors,  selon  les  espèces,  reste  souter- 
raine en  formant  un  rhizome  vivace,  ou  bien  forme 
une  sorte  de  toufl'e  rameuse  qui  s'épanouit  dans 
l'air.  Plus  rarement  cette  tige  devient  ligneuse, 
dressée  ou  grimpante.  Cette  tige  est  presque  sans 
usages,  sauf  cependant  quand  ce  sont  des  rhizomes 
tuberculeux  comme  ceux  du  topinambour. 

IV.  Feuilles.  —  Les  feuilles  des  composées  sont 
simples,  profondément  découpées,  exceptionnelle- 
ment dentées,  sans  stipules,  rarement  pétiolées, 
souvent  épineuses,  recouvertes  de  poils  parfois 
très  développés,  de  consistance  variable.  Toutes 
contiennent  de  nombreuses  glandes  dont  les  pro- 
duits donnent  aux  difl'érents  genres  les  propriétés 
médicinales  qui  les  font  employer  en  pharmacie. 

Ces  feuilles  sont  alternes,  rarement  opposées, 
souvent  polymorphes,  c'est-à-dire  que  celles  des 
pédoncules  floraux  n'ont  pas  la  même  forme  que 
celles  qui  recouvrent  la  tige. 

V.  Appareil  floral.  —  Les  pédoncules  qui  por- 
tent les  fleurs  sont  tantôt  terminaux,  tantôt  laté- 
raux ;  chacun  d'eux  peut  porter  une  ou  plusieurs 
inflorescences  qu'on  appelle  capitules. 

Chaque  capitule  comprend  un  pédoncule  terminé 


par  une  surface  aplatie  qu'on  nomme  réceptacle,  i 
la  surface  duquel  sont  insérées  les  fleurs.  La  pé- 
riphérie de  ce  réceptacle  est  couverte  d'écaillés 
disposées  sur  un  ou  plusieurs  rangs,  et  dont  l'en- 
semble est  désigné  sous  le  nom  d'involucre. 

Selon  les  genres,  et  suivant  la  position  qu'elles- 
occupent  sur  le  réceptacle,  les  fleurs  sont  herma- 
phrodites ou  unisexuées  ;  plus  rarement  les  fleurs 
mâles  et  les  fleurs  femelles  sont  localisées  dans- 
des  capitules  difl'érents. 

Chaque  fleur,  quand  elle  est  hermaphrodite,  com- 
prend :  1°  un  calice  décomposé  en  poils  ou  soies 
dont  le  nombre,  la  forme,  la  dimension,  la  persis- 
tance varient  d'une  espèce  à  l'autre  ;  2°  une  corolle 
régulière  ou  uriilabiée  ou  encore  bilabiée  ;  quelle 
que  soit  sa  forme,  le  bord  de  cette  corolle  présente- 
toujours  cinq  dents  et,  sauf  dans  lesfleurs  femelles, 
les  organes  mâles  (étamines)  viennent  s'insérer 
sur  sa  région  médiane;  lorsque  toutes  lesfleurs 
d'un  capitule  ont  une  corolle  entière  et  régulière, 
le  capitule  est  dit  flosculeux;  lorsque  les  fleurs 
de  la  périphérie  du  capitule  ont  une  corolle  uni- 
labiée  ou  bilabiée,  celles  du  centre  aj'ant  une  co- 
rolle entière,  le  capitule  est  dit  rarfié;  lorsque 
toutes  les  fleurs  du  capitule  sont  labiées  ou  ligu- 
lées,  le  capitule  est  dit  semi- flosculeux;  3°  cinq- 
étamines  à  filets  courts,  adhérentes  les  unes 
aux  autres  par  les  loges  de  leurs  anthères  ;  les  an- 
thères sont  articulées  sur  leur  filet,  et  leur  con- 
nectif  dépasse  supérieurement  les  loges  à  la  manière 
d'une  petite  languette  ;  les  étamines  tombent 
avec  la  corolle  qui  est  souvent  caduque  ;  4°  un 
ovaire  de  dimensions  considérables,  surmonté  d'un 
style  très  long.  Les  grains  de  pollen  sont  simples 
et  germent  très  rapidement  sur  le  stigmate.  La 
pollinisation  se  fait  par  les  insectes. 

Les  fleurs  unisexuées  ne  diffèrent  des  fleurs- 
hermaphrodites  que  par  l'arrêt  de  développement 
des  étamines  ;  dans  certains  capitules  les  fleurs 
de  la  circonférence  n'ont  ni  organes  mâles,  ni  or- 
ganes femelles. 

M.  Hœckel  de  Marseille  avait  attribué  une  cer- 
taine sensibilité  aux  étamines  des  composées.  Mis 
en  demeure  de  répéter  les  expériences  sur  les- 
quelles il  prétendait  s'appuyer  pour  démontrer 
cette  sensibilité,  il  n'a  pu  le  faire. 

Certaines  inflorescences  de  composées  sont  co- 
mestibles avant  la  floraison  :  exemple,  les  arti- 
chauts ;  beaucoup  d'autres  sont  employées  en  phar- 
macie à  cause  des  sucs  qu'elles  contiennent.     ' 

VI.  Findts.  —  Les  fruits  des  composées  sont 
des  achaines.  c'est-à-dire  des  fruits  secs  unicar- 
pellés,  indéhiscents,  monospermes  ;  ils  sont  char- 
gés de  disséminer  la  graine.  A  cet  effet,  un  très 
grand  nombre  d'entre  eux  transforment  le  calice 
qui  les  surmonte  en  une  aigrette  plumeuse  ou 
soyeuse  qui  leur  sert  de  parachute.  D'autres  fruits 
se  couvrent  d'épines  ou  de  crochets  et,  grâce  à  ces. 
organes,  s'attachent  aux  toisons  des  animaux  et  sont- 
ainsi  entraînés  au  loin. 

Habitat.  —  Les  composées  habitent  toutes  les 
régions  du  globe. 

Classification  des  Composées.  —  De  Candolle 
divise  les  composées  de  la  manière  suivante  : 

1 .  Liguliflores,    comprenant   la  tribu  des    Chicoracées. 
.  -L      j    Kilulisiacées. 
t.  Labiati flores,         —  ^^^  ^'^^^^^  ^'^^\ Xassamiacées. 

É  Cynarées. 
ySénéciom'dées. 
—  ^Astfifoîdées. 

IEupatoriacées^ 
Vernoniacées. 

Les  caractères  sur  lesquels  est  basée  cette  di- 
vision en  tribus  sont  trop  spéciaux  pour  que  nous 
les  énumérions  ici  ;  nous  nous  bornerons  à  indi- 
quer dans  chacune  de  ces  tribus  les  plantes  les 
plus  utiles. 


3.   Tubuliflores, 


COMPOSEES 


474  — 


COxMPOSITlOxN 


Usages  des  Composées.  —  Trihu  des  Cldcora- 
<:ées.  —  Dans  la  tribu  des  Chicoracées  nous  cite- 
rons : 

10  Les  laitues,  laitue  officinale,  laitue  vireuse, 
laitue  romaine,  laitue  sauvage  ou  scarole  ;  toutes 
■CCS  laitues  se  mangent  cuites  ou  en  salade  ;  de  la 
laitue  vireuse  et  de  la  laitue  officinale,  on  extrait 
par  des  incisions  pratiquées  à  la  tige  un  suc  qu'on 
-appelle  le  lactucarium  et  qui  est  emploj'é  comme 
succédané  de  l'opium  ;  il  convient  d'ajouter  que, 
pour  augmenter  l'activité  du  lactucarium,  les  phar- 
maciens y  ajoutent  de  l'opium. 

2"  La  Scorzonère  dEspague  dont  on  mange  la 
racine  crue  ou  cuite  ;  les  jeunes  pousses  fournis- 
sent une  excellente  salade. 

3"  Les  Salsifis,  qui  sont  employés  de  la  même 
manière  que  la  Scorzonère. 

4°  Le  Pissenlit  ou  deyit  de  lion,  mangé  en  sa- 
lade. 

5°  Les  Chicorées,  chicorée  sauvage,  chicorée  en- 
dive ;  toutes  se  mangent  en  salade  ou  cuites.  Avec 
la  chicorée  sauvage  on  fait  un  sirop  amer  très  em- 
ployé pour  purger  les  jeunes  enfants  et  comme 
fébrifuge.  La  racine  de  la  chicorée  sauvage  re- 
cueillie en  septembre,  coupée  en  tranches,  séchée, 
puis  torréfiée  et  réduite  en  poudre,  est  vendue 
sous  le  nom  de  chicorée  noire  ;  elle  donne  par 
décoction  un  breuvage  désagréable  et  laxatif  qu'on 
mêle  au  café,  surtout  dans  les  pays  du  Nord.  C'est 
à  tort  qu'on  l'a  considéré  comme  succédané  du 
café.  L'abus  de  la  chicorée  donne  au  visage  une 
couleur  terreuse  tout  à  fait  caractéristique.  La 
poudre  de  chicorée  peut  s'enflammer  spontané- 
ment lorsqu'elle  est  emmagasinée  en  grande  quan- 
tité. 

Tribu  des  Cynarées.  —  Dans  la  tribu  des  Cyna- 
Tées,  nous  citerons  :  1°  la  Bardant,  dont  les  feuil- 
les et  les  racines  sont  employées  contre  les  mala- 
-dies  chroniques  de  la  peau  soit  en  lotions,  soit 
«omme  dépuratifs  ; 

2°  L'Artichaut  cultivé,  dont  les  jeunes  inflores- 
cences sont  mangées  crues  ou  cuites;  sa  racine 
très  amère  passe  pour  diurétique  ; 

3"  \S Artichnui  cardon,  dont  la  côte  médiane  des 
feuilles  attendrie  par  l'étiolement  forme  un  mets 
facile  à  digérer,  servi  sur  les  tables  sous  le  nom 
■de  cardes: 

4°  Le  Carthame  des  teiîituri^.rs  (ou  Safrayium  à 
cause  de  sa  ressemblance  avec  le  safran).  On  ex- 
trait de  ses  capitules,  à  l'aide  d'un  alcali  et  en 
précipitant  par  un  acide  végétal,  une  couleur  rouge 
dont  on  se  sert  pour  teindre  la  soie,  et  que  les 
dames  emploient  sous  forme  de  laque  pour  se 
teindre  le  visage  et  les  lèvres. 

5°  Les  Carlines,  plantes  qui  tirent  leur  nom  de 
Cbarlemagne  parce  que  sous  le  règne  de  ce  prince 
on  les  a  employées  contre  la  peste.  Leur  racine 
très  odorante  a  comme  caractère  particulier  d'être 
fendue  dans  toute  sa  longueur,  et  n'est  plus  em- 
ployée aujourd'hui  que  pour  son  odeur  très  persis- 
"tante  qui  rappelle  celle  de  la  violette.  Les  racines 
des  Costus,  plantes  originaires  de  l'Inde,  voisines 
-des  Carlines,  se  vendent  comme  rhizome  d'iris  de 
Florence. 

Tritju  des  Sénécionidées.  —  Dans  la  tribu  des 
Sénécionidées  nous  citerons:  1°  V Arnica  des  tnon- 
tagnes,  dont  toutes  les  parties,  très  odorantes, 
"peuvent  être  employées  soit  comme  poudre  ster- 
nutatoirc,  soit  comme  vomitif  léger,  soit  en  solu- 
tion alcoolique  contre  les  contusions,  les  plaies  : 
employé  à  fortes  doses,  l'arnica  peut  devenir  un 
poison.  Ses  contre-poisons  sont  l'opium  et  le 
tannin. 

2°  Les  Immortelles,  très  employées  comme  plan- 
tes ornementales. 

3°  La  Tanaisie  vulgaire,  employée  comme  ver- 
■mifuge. 

4°   Les   Armoises,  parmi  lesquelles    nous   cite- 


rons :  le  Semen-confra  d'Alep,  dont  les  c-ipitules 
jouissent  de  propriétés  vermifuges;  on  en  exilait 
une  matière  blanche  cristalline  :  la  Santonine,  plus 
active  que  le  Semen-contra  lui-môme  ;  la  grande 
Ab.-iidhe,  qui  donne  une  essence  verte  fébrifuge 
donlla  solution  alcoolique  est  très  employée  comme 
boisson  ;  l'Estragon,  usité  pour  parfumer  la  salade 
et  le  vinaigre;  le  Gén-'pi,  qui  fournit  une  liqueur 
verte  succédanée  de  la  chartreuse. 

h°  Le  Pyrèlhre  du  Caucas»,  dont  les  capitules 
pulvérisés  forment  une  poudre  insecticide. 

6°  Les  Cfimomilles,  dont  la  Camomille  romaine 
est  la  seule  employée  comme  stomachique,  mais 
est  souvent  falsifiée  avec  la  camomille  vulgaire. 

7°  Les  Achillea  ou  Mille  feuilles,  dont  les  feuilles 
pilées  sont  appliquées  sur  les  coupures  pour  ar- 
rêter l'écoulement  du  sang. 

8»  Le  Cresson  de  Para,  dont  les  capitules  rubé- 
fient la  muqueuse  de  la  bouche  et  sont  employées 
comme  succédanés  du  Cochlearia. 

9°  Le  grand  Soleil  des  jardins,  dont  les  fruits 
fournissent  une  huile  grasse  propre  à  l'éclairage  et 
à  la  fabrication  des  savons. 

10°  Le  Topinambour,  dont  la  souche  vivace  tra- 
çante donne  des  bourgeons  monstrueux,  tubéreux, 
fort  employés  pour  nourrir  les  bestiaux  pendant 
l'hiver. 

11°  Le  Madi  des  Chinois,  qui  fournit  une  huile 
usitée  pour  la  table  en  Abyssinie,  mais  qui  ne  sert 
en  France  qu'à  falsifier  l'huile  d'arachide. 

Tribu  des  Astérdidées.  —  Dans  la  tribu  des  Asté- 
roidées  nous  citerons  :  X' Y  Année  officinale,  àoniXa. 
décoction  est  employée  en  lotions  contre  les  déman- 
geaisons dartreuses. 

^°  Le  Dahlia,  la  Verge  d'or,  les  Asters,  les  Reines- 
marguei'ites,  les  Pâquerettes,  connus  de  tout  le 
monde  comme  plantes  ornementales. 

Tribu  des  Eupaioriacés.  —  Dans  cette  tribu 
nous  citerons  :  I»  le  Pas  tfâyie  ou  Tussilage,  dont 
les  capitules,  d'une  saveur  douce  et  aromatique, 
sont  employés  contre  la  toux. 

2°  Les  Eupatoires,  dont  les  racines  sont  purga- 
tives. L'Eupatoire  aromatique  de  Cuba  sert  à  par- 
fumer les  cigares  de  la  Havane. 

[CE.  Bertrand.] 

COMPOSITION.  —  Littérature  et  style,  II.  '— 
(Éti/m.  :  du  même  mot  en  latin.) 

Sous  ce  titre  nous  essayons  de  résumer,  non  pas 
toutes  les  règles  de  l'art  d'écrire,  mais  les  notions 
qui  nous  paraissent  les  plus  indispensables  pour 
renseignement  populaire. 

Composer,  écrire,  rédiger,  c'est  toujours  un  dou- 
ble travail  :  c'est  d'abord  savoir  penser,  ensuite 
savoir  s'exprimer.  Celui  qui  veut  écrire  (et  qui 
n'a  pas  à  le  faire  en  mainte  occasion  ?)  a  besoin  : 

r  De  bien  choisir  et  de  bien  disposer  ses  idées; 

2°  De  bien  choisir  et  de  bien  disposer  ses 
expressions. 

Tel  est  le  point  de  départ  tout  naturel  de  l'étude 
des  règles  de  la  composition. 

Esfjuisse  d'une  leçon  prélimîjiaire  :  nécessité  de 
cette  étude.  —  Rendre  sensible  aux' élèves  non 
seulement  des  écoles  normales,  mais  aussi  des 
écoles  primaires,  cette  nécessité  d'apprendre  à 
écrire,  c'est  leur  donner  la  première  leçon  de 
«  rhétorique  »,  comme  on  disait  autrefois,  et  ce 
n'est  pas  une  tâche  bien  difficile. 

Vous  voulez  parler,  c'est  que  vous  avez  quelque 
chose  à  dire.  Si  vous  n'aviez  qu'une  idée,  qu'un 
sentiment  h,  exprimer,  ce  serait  bientôt  fait  :  un 
mot,  un  geste,  un  cri  suffiraient  souvent.  Mais 
vous  avez  d'ordinaire  plusieurs  choses  à  dire,  plu- 
sieurs faits  à  raconter,  plusieurs  raisons  à  donner, 
plusieurs  sentiments  h  exprimer.  Comment  allez- 
vous  vous  y  prendre  ?  Que  vous  ayez  à  vous  expri- 
mer de  vive  voix  ou  par  écrit,  il  faut  savoir  au  juste 
ce  que  vous  avez  à  dire  et  comment  vous  l'allez 
dire.  De  vive  voix,  on  peut,  à  la  rigueur,  se  per- 


COMPOSITION 


—  475  — 


COMPOSITION 


mettre  de  raconter  un  peu  à  tort  et  à  travers. 
On  commence,  on  s'arrête,  on  recommence,  on  est 
interrompu,  on  se  reprend.  Tant  bien  que  mal,  en 
y  mettant  plus  ou  moins  de  temps,  tantôt  en  in- 
téressant, tantôt  en  assommant  ceux  à  qui  Ton 
parle,  on  vient  toujours  à  bout  de  s'en  faire  en- 
tendre. 

Mais  quand  on  écrit,  la  tâche  devient  plus 
ardue.  La  plume  à  la  main,  vous  ne  pouvez  plus 
vous  permettre  tout  le  bavardage,  toutes  les  re- 
dites, toutes  les  expressions  incorrectes  et  obscu- 
res qui  vous  échappent  dans  la  conversation.  Un 
interlocuteur,  s'il  ne  vous  comprend  pas,  vous 
arrête,  vous  interroge,  vous  oblige  à  vous  expli- 
quer mieux  :  le  regard,  le  geste,  la  physionomie, 
tout  vous  aide  à  fqire  saisir  votre  pensée  ou  votre 
sentiment.  Mais  le  lecteur  n'a  rien  pour  le  guider, 
rien  que  la  feuille  de  papier  sur  laquelle  sont  tra- 
cés des  signes  très  clairs  et  très  intéressants  s'ils 
sont  bien  choisis  et  bien  disposés,  très  obscurs  et 
très  ennuyeux  dans  le  cas  contraire.  Vous  n'avez 
pas  le  temps  d'écrire,  et  il  aurait  encore  moins 
celui  de  lire  tout  ce  qui  vous  passe  par  la  tête, 
tout  ce  que  vous  auriez  dit  peut-être  dans  quel- 
ques minutes  d'un  entretien  familier.  Il  faut  donc 
faire  effort  pour  ne  dire  que  le  nécessaire,  pour  le 
dire  en  termes  clairs, dans  un  ordre  raison  nable, d'une 
manière  facilement  intelligible, et  propre  à  laisser  en- 
fin l'impression  que  vous  désirez  produire  dans  l'es- 
prit de  votre  lecteur.  —  Tel  est  le  fondement  de 
l'art  d'écrire,  la  raison  d'être  de  la  k  rhétorique  », 
la  nécessité  même,  et  surtout  dans  l'enseignement 
primaire, des  «  exercices  de  composition  et  de  style  ». 

Règles  essetiti^lles  et  parties  principales  de  la 
composition.  —  On  a  divisé  de  plusieurs  façons  le 
sujet  qui  nous  occupe,  et  il  importe  assez  peu 
qu'on  préfère  telle  division  à  telle  autre.  Nous 
avons  indiqué  en  commençant  celle  qui  nous  sem- 
ble le  mieux  convenir  à  l'enseignement  populaire. 

11  y  a  deux  choses  à  considérer  dans  la  compo- 
sition :  le  fond  et  la.  forme,  la  pensée  et  Vexpres- 
sio'i,  les  idées  et  les  mots.  Quelque  sujet  que  vous 
ayez  à  traiter,  la  parole  n'est  faite  que  pour  la 
pensée.  Quelle  est  donc  la  pensée  que  vous  avez  à 
exprimer?  Voilà  la  première  question.  Sous  quelle 
forme,  en  quels  termes,  par  quelles  expressions 
allez-vous  la  communiquer  à  autrui  ?  Voilà  la  se- 
conde. 

Mais  chacune  de  ces  deux  questions  se  subdi- 
vise à  son  tour.  Vous  n'avez  pas  seulement  à  choi- 
sir les  idées,  il  faut  les  classer,  les  présenter  dans 
«Il  certain  ordre,  les  enchaîner  d'une  façon  qui  sa- 
tisfasse et  votre  esprit  et  celui  du  lecteur.  De 
même  vous  n'avez  pas  seulement  à  choisir  des  ex- 
pressions convenables,  elles  demandent  à  être  dis- 
posées, arrangées,  coordonnées  de  manière  à 
plaire,  à  attacher,  à  intéresser,  à  persuader. 

Ainsi  on  pourrait  réduire  l'art  de  la  composition, 
pris  dans  ses  éléments  naturels,  à  quatre  parties  : 

Quant  au  fond  : 


PENSEE  ; 


loClioisirles  idées  p&r 
l'étude  du  Sujet. 

2°  Disposer  les  idéeb 
par  l'étude  du  Plan. 


Quant  à  la  forme  : 


EXPRESSION  ; 


3°  Choisir  les  termespax 
l'étude  du  Langage. 

4°  Disposer  les  termes 
par  l'étude  du  Style. 


(Invention.) 
(Disposition. 


(Ëlocution.) 


On  remarquera  que  nous  indiquons  dans  ce  ta- 
bleau quatre  parties  et  non  pas  trois  comme  le  fait 
la  rhétorique  des  anciens.  Ce  n'est  pas  seulement 
pour  maintenir  le  parallélisme  entre  les  deux  gran- 
dies études  corrélatives,  celle  du  fond  et  celle  de 
la  forme  ;  c'est  parce  que  nous  avons  en  vue,  non 
pas  un  enseignement  quelconque,  mais  l'enseigne- 


ment primaire.  Là,  en  effet,  il  est  nécessaire  d'in- 
sister plus  qu'ailleurs  sur  l'étude  du  langage  ou 
de  la  diction  proprement  dite,,  c'est-à-dire  sur  le 
choix  des  termes,  sur  les  règles,  les  lois  et  les  usa- 
ges de  la  bonne  langue.  Non  seulement  nos  élèves 
ont  souvent  à  désapprendre  le  patois  pour  appren- 
dre le  français,  mais  ils  ont  presque  tons  d'abord 
à  désapprendre  certaines  façons  de  parler  rudes, 
grossières,  triviales,  restes  non  sans  saveur  de  la 
vieille  langue  populaire,  ensuite  à  se  défendre 
d'un  certain  vocabulaire  prétentieux  et  banal  que 
leur  présente  parfois  la  petite  presse,  enfin  à  se 
familiariser  avec  les  termes  simples,  avec  les  tours 
naturels,  avec  les  formes  correctes,  avec  le  vrai 
français  des  bons  auteurs. 

De  là  notre  troisième  paragraphe,  qui  peut  être 
à  peu  près  inutile  à  des  enfants  élevés  dans  une 
société  très  cultivée,  au  sein  d'une  famille  où  ils 
n'entendront  que  bon  et  beau  langage,  mais  qui 
est  indispensable  aux  enfants  de  nos  populations 
rurales  et  ouvrières,  qui  parleront  la  langue  de 
l'atelier,  de  l'auberge  ou  de  la  foire,  s'ils  n'en  ap- 
prennent pas  une  autre  à  l'école. 

Règles  relatives  aux  différentes  parties  de  la 
coi7ipositio?i.  —  Reprenons  ces  quatre  grands  cha- 
pitres et  indiquons  très  succinctement  sur  chacun 
d'eux  les  règles  que  l'école  normale  et  l'école  pri- 
maire devront  développer  beaucoup  plus  par  la 
pratique  que  par  la  théorie. 

I.  Règles  de  l'Invention  ou  étude  du  sujet.  — 
Elles  se  réduisent  à  une  seule  :  se  pénétrer  de 
l'idée  ou  des  idées,  du  sentiment  ou  des  sentim.ents 
qu'on  va  exposer;  ct)ncevoir  nettement  ce  qu'on 
veut  dire,  ce  qu'on  doit  dire,  s'assurer  qu'on  ne 
va  pas  parler  dans  le  vide  : 

«  Avant  donc  que  d'écrire,  apprenez  à  penser.  » 

Bien  entendu,  le  sujet  varie  suivant  les  genres  df, 
composition  :  tantôt  il  est  tout  trouvé  et  fixé  d'avance, 
tantôt  il  est  complexe,  multiple,  variable  et  élasti- 
que, comme  dans  une  lettre  familière  par  exemple. 
Tantôt  il  demande  une  certaine  suite  de  raisonne- 
ments, comme  dans  une  pétition,  un  mémoire,  un 
plaidoyer  ;  tantôt  il  consiste  dans  un  exposé  de  faits, 
un  récit,  une  narration,  un  témoignage  en  justice, 
une  relation  de  voyage. 

Dans  tous  ces  exemples,  que  l'on  compose 
une  œuvre  d'imagination,  que  l'on  rédige  un  sim- 
ple résumé,  que  l'on  écrive  une  lettre  d'affaires  ou 
une  lettre  d'amitié,  on  ne  fera  rien  de  bien  qu'à 
la  condition  d'avoir  réfléchi  avant  de  parler.  Les  mots 
manquent  toujours  moins  que  les  idées.  Cette  pre- 
mière a  méditation  du  sujet  »  est  ce  qu'on  a  le  plus 
de  peine  à  obtenir  des  enfants  et  des  jeunes  gens. 
A  peine  ont-iis  saisi  une  face  du  sujet  à  traiter 
qu'ils  se  précipitent  sur  la  plume,  aussi  ne  tardent- 
ils  pas  à  rester  court.  Il  sera  facile  de  les  amener 
à  le  remarquer  d'eux-mêmes  et  à  se  prendre  pour 
ainsi  dire  en  flagrant  délit  d'étourderie. 

Les  anciens  appelaient  cette  première  partie  de 
la  composition  «  l'invention  »,  c'est-à-dire  l'art  de 
trouver  ce  qu'on  dira.  Ils  appelaient  la  seconde 
«  disposition  »,  c'est-à-dire  l'art  de  le  disposer  et 
de  le  présenter  en  un  ordre  convenable. 

II.  Règles  de  la  Disposition  ou  étude  du  plan.  — 
Quand  on  sait  bien  les  vérités  ou  les  faits,  les  idées 
ouïes  sentiments  qui  doivent  former  pour  ainsi  dire  la 
substance  du  sujet  à  traiter,  il  reste  à  se  tracer  un 
plan.  Il  faut  savoir  par  où  commencer,  par  où  con- 
tinuer, par  où  finir;  car  il  n'est  pas  indifférent  de 
suivre  un  ordre  ou  un  autre.  S'agit-il  de  /àits  ? 
Il  faut  non  seulement  qu'ils  s'enchaînent  chronologi- 
quement, mais  encore  qu'ils  s'expliquent  en  quel- 
que sorte  les  uns  les  autres.  S'agit-il  de  raisonne- 
ments? Il  faut  que  les  arguments  se  prêtent  une 
force  mutuelle,  que  dès  l'entrée  en  matière,  le  lec- 
teur se  sente  prévenu  en  votre  faveur,  que  les 
raisons  les  plus  naturelles,  les  plus  accessibles  se 


COMPOSITION 


—  476  — 


COMPTABILITÉ 


présentent  les  premières,  que  les  dernières  le  frap- 
pent d'une  impression  plus  forte  encore, s'il  est  possi- 
ble, que  l'encliaînement  du  discours  tout  entier  laisse 
son  esprit  convaincu,  sa  raison  éclairée,  et  s'il  y  a 
lieu  son  cœur  ému.  Au  lieu  d'une  œuvre  de  logique 
et  de  démonstration,  n'avez-vous  qu'à  donner  cours 
aune  causerie  familière,  à  un  simple  récit?  Suivez  la 
marche  qu'indiquent  les  associations  d'idées  les  plus 
naturelles,  comme  il  arrive  dans  la  conversation; 
que  rien  ne  sente  l'apprêt,  que  les  développements 
naissent  en  quelque  sorte  d'eux-mêmes  sous  votre 
plume  :  ici  le  comble  de  l'ordre  est  non  pas  le  dé- 
sordre, mais  l'absence  d'un  ordre  factice  et  rigou- 
reux. Le  plan  qui  conviendrait  à  un  discours  n'est 
pas  bon  pour  une  narration,  celui  d'une  disserta- 
tion ne  vaudrait  rien  pour  une  lettre. 

III.  Règles  de  VElondion  ou  étude  de  la  lan- 
gue et  du  style.  —  Avoir  de  bonnes  idées,  les 
bien  coordonner,  ce  serait  tout  l'art  d'écrire,  s'il 
n'était  parfois  si  difficile  de  trouver  le  mot  juste, 
de  construire  correctement  la  phrase,  d'exprimer 
bien  ce  qu'on  a  bien  conçu.  Pour  les  enfants  et 
même  pour  les  adultes  des  classes  laborieuses,  le 
choix  des  mots,  des  formes  grammaticales  ne  se 
fait  pas  sans  effort,  sans  réflexion  ;  à  plus  forte 
raison  la  recherche  des  qualités  du  style  propre- 
ment dit,  du  ton  et  du  mouvement  convenable,  de 
la  clarté,  de  la  précision,  de  la  vivacité  élégante 
et  brève,  de  l'harmonie  ou  de  la  vigueur,  de  l'éclat 
ou  de  la  grâce  du  discours  est-elle  pour  eux  une 
étude  difficile  et  délicate,  qu'il  ne  faut  leur  faire 
aborder  qu'avec  beaucoup  de  réserve.  —  V.  Style. 

L'important,  au  point  de  vue  populaire  qui 
nous  préoccupe,  c'est  moins  le  style  que  la  compo- 
sition, car  il  n'est  pas  donné  à  tous  de  prétendre 
au  style  et  tous  ont  besoin  de  savoir  s'exprimer. 

Exercices  de  compositiox.  —  Tous  les  degrés  de 
l'école  primaire  comportent  certains  exercices  de 
composition. 

Degré  élémentaire.  —  Premiers  exercices  : 

1°  Petites  phrases  à  compléter  ou  même  à  faire 
en  entier  comme  dans  les  excellents  exercices 
d'invention  que  Larousse  a  popularisés  en  gram- 
maire; 

2°  Questions  posées  et  auxquelles  l'élève  doit 
répondre  d'après  son  sentiment  :  ces  questions 
forment,  sans  qu'il  s'en  doute,  comme  le  canevas 
de  la  composition  et  l'habituent  à  procéder  par 
ordre  ; 

3"  Epithètes  à  trouver,  à  opposer  l'une  à  l'autre, 
à  varier,  à  graduer,  à  expliquer  ;  synonymes  et  an- 
tonymes ; 

4"  Propositions  données  sous  la  forme  détachée 
et  que  l'élève  doit  réunir  en  une  seule  phrase  ; 

ô"  Petites  descriptions  faites  au  moment  même 
où  l'impression  a  toute  sa  vivacité,  appel  aux  sou- 
venirs et  aux  idées  de  tous  les  élèves,  et  réunion 
de  ces  matériaux  en  quelques  phrases  simples  et 
justes  rédigées  en  quelque  sorte  sous  leur  dictée 
au  tableau  noir. 

Degré  intermédiaire.  —  1"  Piépétition  des  mêmes 
exercices  sur  des  exemples  plus  complexes  ; 

2"  Piésumé  d'une  lecture,  d'un  entretien  avec 
le  maître,  d'une  leçon  intéressante; 

3°  Description  libre  d'une  image  qu'on  a  mise 
sous  les  yeux  des  élèves  ; 

4°  Narrations  très  simples  toujours  sur  un  sujet 
vrai  et  bien  connu  des  enfants  ; 

5°  Lettres  roulant  sur  des  faits  réels,  sur  quel- 
ques détails  empruntés  à  la  vie  de  l'école  ou  de  la 
famille. 

Degré  supérieur.  —  1"  Continuation  des  mêmes 
exercices  ; 

2°  Correction  et  critique  du  devoir  d'un  élève 
par  un  autre  élève  ; 

3°  Lettres  et  narrations  fictives,  les  unes  sur  des 
sujets  d'agrément,  les  autres  sur  des  thèmes  sé- 
rieux et  des  questions  d'afl'aires  ; 


4"  Petites  compositions  d'un  caractère  didacti- 
que, telles  que  dissertations,  avis  motivés,  juge- 
ments sur  des  personnages  historiques,  réflexions 
sur  des  lectures,  sur  des  points  de  doctrine  ou  de 
fait  controversés; 

.S"  Sujets  choisis  par  les  élèves  et  traités  sans 
indications,  puis  corriges  par  le  maître  avec  le 
concours  de  différents  élèves,  ayant  chacun  à  l'exa- 
miner à  l'un  des  trois  points  de  vue  :  sujet,  plan, 
style. 

6°  Exercices  littéraires  de  divers  genres  (V.  Ana- 
lyse littéraire). 

COMPIABILITÉ.  —  Nous  n'avons  pu  songer  à 
donner,  dans  ce  Dictionnaire,  un  cours  complet  de 
comptabilité,  avec  les  exercices  spéciaux  et  les 
nombreux  tableaux  qu'exigeraitcet  enseignement. 

Nous  nous  bornons  h  donner  à  l'article  Tenue 
des  livres  (V.  au  Supplément)  les  définitions  et 
les  notions  fondamentales  de  la  science  du  comp- 
table, avec  des  modèles  de  tenue  des  livres  en 
partie  simple  et  en  partie  double. 

Pour  la  place  à  faire  à  l'enseignement  de  la 
comptabilité  dans  l'école  primaire,  voyez  notre 
article  Comptabilité  dans  la  V  Partie. 

COMPTABILITÉ  AGRICOLK,  —  Agriculture. 
X.VII.  —  La  comptabilité  a  pour  but  de  permet- 
tre aux  agriculteurs  de  se  rendre  compte  de 
leurs  opérations  culturales,  d'établir  avec  préci- 
sion les  pertes  et  les  bénéfices  qui  en  résultent, 
en  un  mot,  de  connaître  à  la  fin  de  chaque  année 
leur  situation  financière  exacte.  L'agriculteur  qui 
n'inscrit  pas  sur  des  livres  spéciaux  les  diverses 
opérations  ou  les  travaux  auxquels  il  se  livre,  les 
dépenses  et  les  achats  qu'il  fait,  le  mouvement  de 
son  bétail,  etc.,  ne  peut  connaître  que  d'une  ma- 
nière tout  à  fait  approximative  les  résultats  de  la 
conduite  de  sa  ferme,  et  il  lui  est  impossible  de 
se  rendre  compte  réellement  de  ses  bénéfices  ou 
de  ses  pertes  quand  il  en  éprouve. 

Pendant  longtemps,  l'agriculteur  n'a  pas  connu 
d'autre  comptabilité  que  celle  qui  consiste  à  ins- 
crire sur  un  livre  unique,  ou  sur  deux  livres  dis- 
tincts, les  recettes  et  les  dépenses,  au  fur  et  à 
mesure  qu'elles  se  produisaient  ;  cette  méthode 
est  encore  employée  dans  la  grande  majorité  des 
exploitations  rurales.  Mais  lorsque  les  hommes  de 
progrès  commencèrent  à  rechercher  les  lois  qui 
régissent  la  production  agricole,  ils  eurent  la  pen- 
sée qu'une  comptabilité  détaillée,  faite  avec  soin, 
serait  le  meilleur  guide  pour  dégager  ces  lois 
de  la  complexité  des  opérations  culturales.  On  es- 
saya tout  naturellement  d'adapter  à  l'agriculture  la 
comptabilité  en  partie  double,  qui  a  rendu  et  qui 
rend  encore  de  si  grands  services  à.  l'industrie  et 
au  commerce.  Difl'érents  systèmes  ont  été  ainsi 
proposés.  Ils  consistent,  avec  quelques  modifica- 
tions de  détail,  à  ouvrir  des  comptes  à  chacune 
des  opérations  de  la  culture,  en  supposant  des 
transactions  effectuées  entre  elles,  et  à  déterminer 
la  valeur  de  chacune  de  ces  opérations  par  la 
perte  ou  le  gain  résultant  de  ces  transactions. 

La  comptabilité  ainsi  comprise  répond-elle  aux 
besoins  de  l'agriculture  ;  donne-t-elle,  dans  une 
ferme,  à  la  fin  de  chaque  année,  le  bilan  exact  de 
la  situation  du  cultivateur;  en  un  mot,  est-elle  le 
miroir  fidèle  de  la  valeur  de  son  système  de  cul- 
ture"? De  nombreuses  discussions  ont  été  soule- 
vées h.  ce  sujet  entre  les  hommes  les  plus  autori- 
sés, les  uns  partisans  de  cette  méthode,  les  autres 
essayant  de  prouver  qu'elle  est  non  seulement 
trop  compliquée  pour  la  plupart  des  agriculteurs, 
mais  encore  sujette  à  induire  l'agriculteur  dans 
des  erreurs  fatales.  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  dis- 
cussion, il  est  aujourd'hui  démontré  que  la  compta- 
bilité en  partie  double,  qui  peut  rendre  de  grands 
services  en  agriculture,  h.  la  condition  qu'on  ne 
fasse  pas  de  comptes  factices  et  qu'on  n'y  intro- 
duise  pas    d'évalutions   arbitraires,  ne   peut  être 


COMPTABILITE 


—  477 


COMPTABILITE 


adoptée  que  dans  les  grandes  exploitations,  où  un 
homme  spécial  peut  être  attaché,  pendant  une 
partie  de  son  temps,  à  la  tenue  des  li^Tes.  Dans  la 
plus  grande  partie  des  fermes  et  surtout  chez  les 
petits  cultivateurs,  il  faut  adopter  une  comptabi- 
lité plus  simple,  qui  tout  en  ne  demandant  que  peu 
de  temps  au  fermier  ou  au  métayer,  présente  l'a- 
vantage de  condenser  tous  les  faits  qui  se  produi- 
sent dans  la  production  agricole. 

La  base  de  la  comptabilité  est  Yinventaire  an- 
nuel. On  donne  ce  nom  à  l'inscription  Sw^  un  li- 
vre spécial  de  tout  ce  que  possède  le  curiivateur 
en  estimant  chaque  chose  à  sa  véritable  valeur. 
L'inventaire  se  fait,  soit  à  la  date  correspondant, 
chaque  année,  à  l'entrée  en  ferme,  soit  à  la  fin  de 
décembre  ou  au  commencement  de  janvier.  Cette 
dernière  époque  présente  un  avantage,  c'est  qu'a- 
lors les  travaux  sont  moins  urgenis,  et  laissent 
plus  de  liberté  au  cultivateur  ;  en  outre,  elle  clôt 
l'année  qui  s'achève  et  ouvre  celle  qui  commence. 

L'inventaire  doit  comprendre  à  la  fois  le  capital 
du  cultivateur  sous  ses  diverses  formes,  et  les  pro- 
duits de  la  ferme  existant  en  magasin  dans  la 
ferme.  Il  devra  donc  renfermer,  sous  différents 
chapitres,  les  diverses  parties  de  ce  capital  et  de 
ces  produits.  Leur  ensemble  forme  l'actif  ou  l'avoir 
du  cultivateur.  Mais  celui-ci  peut  avoir  des  dettes, 
des  comptes  avec  quelques  fournisseurs  ;  l'ensem- 
ble de  ce  qu'il  doit  formera  un  dei-nier  chapitre 
consacré  à  son  passif.  La  différence  entre  l'actif  et 
le  passif  représente  exactement  sa  situation  de  for- 
tune. 

Les  divisions  de  l'inventaire  devront  donc  com- 
prendre les  chapitres  suivants  :  1°  mobilier  du 
ménage;  2°  mobilier  de  la  culture,  outils,  instru- 
ments et  machines,  harnais,  voitures,  mobilier  d'é- 
table,  etc.  ;  3°  bétail  :  chevaux,  bœufs  et  vaches, 
moutons,  porcs,  animaux  de  basse-cour  ;  4°  récol- 
tes en  magasin,  céréales  en  gerbe,  grains  battus, 
pailles,  fourrages,  racines,  plantes  de  toute  na- 
ture; 5°  fumiers,  engrais  commerciaux  en  maga- 
sin ;  6°  argent  en  caisse  ;  7°  créances,  c'est-à-dire 
sommes  dues  au  cultivateur.  Parmi  tous  ces  cha- 
pitres, il  en  est  quelques-uns  qui  ne  présentent 
aucune  difficulté  ;  tels  sont  ceux  relatifs  à  l'argent 
en  caisse,  aux  créances  ou  aux  dettes  ;  ce  sont  là 
des  faits  simples,  qu'il  suffit  de  consigner.  Il  en 
est  autrement  des  autres  chapitres  de  l'inventaire. 
Sans  doute,  on  compte  facilement  les  objets  de 
mobilier,  les  charrues,  les  herses,  les  têtes  de  bé- 
tail, etc.  ;  mais  il  est  plus  délicat  d'en  établir  la  va- 
leur. Les  meubles  et  les  instruments  s'usent  par 
l'usage,  les  animaux  domestiques  changent  de  va- 
leur d'une  manière  à  peu  près  continue.  Le  culti- 
vateur doit  ici  éviter  l'écueil  de  faire  des  estima- 
tions exagérées,  qui  le  tromperaient  sur  sa 
situation  réelle.  La  valeur  d'achat  du  mobilier, 
par  exemple,  ne  doit  être  portée  tout  entière  à 
l'inventaire  que  l'année  même  de  l'achat;  chaque 
année  suivante,  cette  valeur  doit  être  diminuée 
d'un  quantième  qui  varie  suivant  la  rapidité  de 
l'usure,  et  qui  permet  d'amortir  la  dépense  d'a- 
chat dans  un  temps  plus  ou  moins  long.  Il  en  est 
de  môme  des  outils  et  des  instruments  de  cul- 
ture ;  l'amortissement  doit  être  d'autant  plus  ra- 
pide que  l'instrument,  par  sa  nature  et  ses  usages, 
est  sujet  à  durer  moins  de  temps. 

En  ce  qui  concerne  les  récoltes  en  magasin,  des 
observations  analogues  doivent  être  présentées. 
La  valeur  pécuniaire  des  récoltes  ne  peut  pas  être 
appréciée  d'une  manière  absolue  ;  elle  dépend  de 
la  variation  des  cours  sur  les  marchés.  Il  est  donc 
prudent  de  ne  l'estimer  qu'au-dessous  du  cours, 
au  moment  de  l'inventaire.  En  suivant  cette  règle 
sage,  le  cultivateur  n'a  rien  à  craindre,  la  plus- 
value  que  la  vente  peut  lui  donner  se  traduisant 
ensuite  par  un  excédant  d'argent  en  caisse  après 
la  vente.  Au  contraire,  s'il  faisait  une  estimation 


trop  élevée,  cette  erreur  aurait  pour  conséquence 
de  cacher  à  ses  yeux  la  réalité  des  choses  ;  il 
pourrait  se  croire  plus  riche  qu'il  ne  l'est  en 
réalité,  et  être  amené  à  des  dépenses  qui  seraient 
au-dessus  de  ses  ressources  réelles. 

L'inventaire,  fait  avec  soin,  sert  de  base  à  l'ou- 
verture des  autres  livres.  Ceux-ci  doivent  être 
constamment  tenus  au  courant  de  toutes  les  opé- 
rations qui  s'y  rapportent.  Les  principaux  livres 
que  doit  renfermer  une  ferme  sont  :  1°  le  livre  de 
caisse  ;  2°  le  livre  de  magasin  ;  3°  le  livre  du  bé- 
tail ;  4°  le  livre  de  la  ménagère. 

Le  livre  de  caisse  est  destiné  à  inscrire  tous  les 
mouvements  de  fonds,  recettes  et  dépenses,  qui 
s'exécutent  dans  la  ferme.  Il  est  naturellement 
disposé  en  deux  parties  :  l'une  consacrée  aux  re- 
cettes, l'autre  aux  dépenses.  Le  plus  souvent,  le 
recto  des  feuillets  du  livre  reçoit  exclusivement  les 
dépenses  ;  sur  le  verso,  on  inscrit  les  recettes.  M.  Du- 
bost  a  donné  un  excellent  modèle  délivre  de  caisse 
dont  les  principales  dispositions  vont  être  repro- 
duites. Un  livre  de  caisse  n'a  que  trois  colonnes 
rigoureusement  indispensables,  soit  pour  .les  re- 
cettes, soit  pour  les  dépenses  :  l'une  destinée  à  in- 
diquer la  date  de  l'entrée  ou  de  la  sortie  du  numé- 
raire ;  l'autre  les  motifs  de  l'entrée  ou  de  la  sortie  ; 
la  troisième  enfin,  la  somme  reçue  ou  dépensée. 
Mais  il  est  utile  d'introduire  une  classification  dans 
les  dépenses  et  les  recettes.  Les  recettes  se  divi- 
sent en  deux  grandes  subdivisions  :  celles  qui  ont 
pour  origine  le  bétail  ou  ses  produits,  celles  qui 
proviennent  de  la  culture  ou  des  plantes  cultivées. 
On  doit  y  ajouter  les  recettes  diverses,  venant 
d'anciennes  créances,  de  vente  de  vieux  maté- 
riel, etc.  Les  sommes  reçues  s'inscriront  donc  deux 
fois  :  une  fois  dans  la  colonne  générale  des  re- 
cettes; une  seconde  fois,  dans  l'une  des  trois 
colonnes  ayant  pour  but  de  classer  l'origine  des 
rentrées  d'argent.  —  De  même  aussi,  les  dépen- 
ses ont  des  causes  diverses.  Ces  causes  peuvent 
être  rangées  en  cinq  classes:  salaires  et  main- 
d'œuvre,  mobilier  et  entretien  des  bâtiments, 
achat  de  bétail,  achat  de  semences  et  d'engrais, 
dépenses  diverses  comprenant  le  fermage,  les  im- 
pôts, les  dépenses  de  la  maison,  les  voyages^  etc. 
Il  faudra  donc  faire  autant  de  colonnes  sur  les 
pages  affectées  à  recevoir  les  dépenses.  Celles-ci 
seront,  comme  les  recettes,  inscrites  deux  fois, 
dans  la  colonne  générale  des  dépenses,  et  dans 
la  colonne  spéciale  indiquant  la  cause  de  la  dé- 
pense. Ce  modèle  a  été  adopté  dans  beaucoup  de 
fermes. 

Le  livre  de  caisse  doit  être  vérifié,  à  la  fin 
de  chaque  page  du  livre,  et  d'une  manière  géné- 
rale chaque  quinzaine  ou  au  moins  chaque  mois. 
De  la  comparaison  de  l'argent  en  caisse,  et  du  ré- 
sultat donné  par  la  vérification  des  écritures,  le 
cultivateur  constate  s'il  a  bien  réelieiiient  inscrit 
toutes  ses  dépenses  et  toutes  ses  recettes..  L'ins- 
cription des  mouvements  de  caisse  n'exige  d'ail- 
leurs que   quelques  minutes  de   travail  quotidien. 

Le  livre  de  magasm  est  celui  sur  lequel  sont 
consignés  tous  les  mouvements  des  denrées  pro- 
duites dans  la  ferme  ou  des  matières  diverses  qui 
y  sont  introduites  par  achat.  La  forme  de  ce  livre 
peut  être  des  plus  simples.  Il  contiendra  autant 
de  divisions  que  la  culture  comporte  de  produits  : 
céréales  diverses  (une  division  pour  chacune),  blé, 
orge,  seigle,  avoine, maïs,  sarrasin;  racines  et  tuber- 
cules, betteraves,  pommes  de  terre  ;  plantes  textiles 
ou  oléagineuses,  chanvre.  Un,  colza;  fourrages, foin 
de  prairie,  trèfle,  luzerne,  sainfoin  ;  plantes  légu- 
mineuses, haricots,  fèves;  graines  de  semences;  — 
puis  d'autres  divisions  pour  les  denrées  achetées, 
les  engrais,  les  amendements,  etc.  Chacune  des 
divisions  devra  comprendre  deux  colonnes  :  l'une 
où  sont  inscrites  à  leur  date  les  denrées  entrées  en 
magasin  ;  l'autre  consacrée  aux  quantités  qui  sont 


COMPTABILITE 


—  478  — 


CONCILES 


■vendues  ou  qui  sont  employées.  Pour  les  denrées 
qui  subissent  des  transformations  dans  la  ferme, 
le  chapitre  qui  les  contient  doit  renfermer  plu- 
sieurs subdivisions.  C'est  ainsi  que,  pour  leblc,  par 
exemple,  il  4evra  y  avoir  deux  colonnes  pour 
l'entrée  et  la  sortie  des  gerbes,  deux  autres  pour 
l'entrée  du  grain  battu  et  sa  sortie,  deux  autres 
enfin  pour  la  paille.  Outre  la  date  des  sorties,  pour 
chacune  des  denrées,  le  livre  de  magasin  doit 
renfermer  une  courte  indication  sur  la  destination 
qu'elles  ont  reçue,  si  elles  ont  été  portées  au 
marché,  ou  si  elles  ont  été  consommées  dans  la 
ferme,  et  dans  ce  dernier  cas,  par  qui  cette  con- 
sommation a  été  faite.  Outre  qu'il  permet  de  se 
rendre  compte  de  la  quantité  des  récoltes,  aussi 
bien  que  de  Jour  nature,  le  livre  de  magasin,  quand 
il  est  bien  tenu,  a  encore  l'avantage  de  permettre 
au  cultivateur  de  suivre  le  mouvement  de  la  con- 
sommation de  sa  ferme,  de  faire  distinguer  ce  qui 
est  consommé  par  la  bergerie,  l'écurie,  l'étable,  et 
de  faire  apprécier  les  ressources  nécessaires  pour 
chacune  de  ces  parties  de  l'exploitation. 

Le  livre  du  bétail  doit  être  tenu  de  la  même 
manière  que  le  précédent.  Il  est  destiné  à  enre- 
gistrer tous  les  mouvements  des  animaux  domes- 
tiques. Il  sera  divisé  en  autant  de  parties  que 
l'on  compte  d'espèces  d'animaux  employés  dans  la 
ferme  :  espèce  chevaline,  espèce  bovine,  espèce 
ovine,  espèce  porcine.  Pour  les  animaux  de  l'es- 
pèce bovine,  il  sera  utile  de  faire  une  distinc- 
tion entre  les  animaux  de  travail  et  ceux  de  vente. 
Dans  chacune  des  parties,  cinq  colonnes  doivent 
être  tracées.  Dans  la  première,  on  inscrit  le  nom 
de  l'animal  ou  sa  spécification,  dans  la  deuxième 
colonne  on  met  la  date  de  l'entrée  dans  la  ferme, 
dans  la  troisième  la  date  et  la  cause  de  la  sortie, 
rente,  abattage,  etc.,  dans  la  quatrième  les  dates 
des  saillies,  dans  la  cinquième  les  dates  des  mises 
bas.  De  cette  manière,  on  peut  très  rapidement 
suivre  un  animal  dès  son  entrée  dans  la  ferme, 
jusqu'au  moment  où  il  en  sort.  Pour  les  troupeaux 
d'engraissement  qui  sont  parfois  assez  nombreux, 
on  peut  sans  inconvénient  remplacer  par  des  indi- 
cations sur  des  lots  les  spécifications  qui  vien- 
nent d'être  indiquées  pour  les  individus.  Aujour- 
dliui  que  la  plupart  des  chevaux  de  ferme  sont 
immatriculés  pour  le  service  militaire,  l'agriculteur 
trouvera  avantage  à  reproduire,  pour  chacun  de 
ses  chevaux,  sur  son  livre,  les  indications  qu'il 
doit  donner  aux  commissions  militaires  d'exa- 
men. 

Le  dernier  livre  est  celui  de  la  méîiagère.  Le 
rôle  de  la  femme  dans  une  ferme  est  multiple. 
C'est  elle  qui  a  la  direction  de  la  maison,  qui 
surveille  la  laiterie,  qui  dirige  la  basse-cour.  Elle 
aura  donc  un  livre  spécial  divisé  en  plusieurs 
parties.  La  première  partie  sera  un  véritable  livre 
de  caisse  sur  lequel  elle  inscrira  ses  dépenses  et 
ses  recettes.  Le  résumé  de  ce  livre  devra  être 
transcrit,  à  des  époques  déterminées,  sur  le  livre 
de  caisse  de  la  ferme.  Dans  la  deuxième  partie, 
elle  inscrira  la  production  de  la  laiterie,  la  fabri- 
cation du  beurre,  sa  consommation  et  sa  vente,  la 
fabrication  et  la  destination  des  fromages.  C'est 
par  une  double  colonne  d'entrée  et  de  sortie  que 
ces  opérations  seront  consignées.  Enfin  la  troisième 
partie  renfermera  des  renseignements  analogues 
sur  le  mouvement  de  la  basse-cour,  sur  la  produc- 
tion, la  consommation  et  la  vente  des  œufs.  Pour 
ce  livre,  aussi  bien  que  pour  ceux  du  cultivateur, 
il  ne  faut  que  très  peu  de  travail  pour  inscrire  ce 
qui  est  relatif  à  chaque  journée. 

La  comptabilité,  telle  qu'elle  vient  d'être  décrite, 
n'offre  aucune  difficulté  sérieuse  dans  une  exploi- 
tation. Elle  met  en  lumière  l'ensemble  et  le  détail 
des  produits  fabriqués  dans  la  ferme  ;  elle  est 
pour  le  cultivateur  un  guide  qui  lui  permettra 
de  juger  les  diverses  parties  de  son  système  de 


culture.  La  cause  des  bénéfices,  celle  des  pertes, 
peuvi.'iit  être  ainsi  mises  au  jour;  on  peut  prendre 
des  mesures  pour  arrêter  celles-ci  ou  pour  augmen- 
ter ceux-là.  Au  contraire,  le  cultivateur  qui  n'a  pas 
de  comptabilité  marche  en  aveugle;  ce  n'est  que 
très  approximativement  qu'il  peut  se  rendre  compte 
de  sa  situation,  et  surtout  il  lui  est  souvent  impos- 
sible d'expliquer  pourquoi  ..celle-ci  aug'nente  ou 
pourquoi  elle  diminue.  En  créant  des  primes  pour 
les  fermes  dans  lesquelles  la  comptabilité  est  bien 
faite,  un  grand  nombre  d'associations  agricoles  ont 
organisé  un  des  systèmes  de  concours  qui  doit 
porter  le  plus  de  fruits.  [Henry  Sagnier.] 

(Ouvrages  à  consulter  :  Le  livre  de  la  ferme 
et  des  maisons  de  campagne.  —  Comptabilité  de 
la  ferme,  par  Dubost.) 

^CO^iCHYLIOLOGIli.  —  Zoologie,  XXVIIL  — 
(Étym.  :  Science  des  coquillages).  Partie  de 
l'histoire  naturelle  qui  traite  des  coquilles.  Autre- 
fois on  classait  les  mollusques  d'après  la  forme  et 
les  particularités  de  leur  enveloppe  testacée;  mais 
depuis  Cuvier,  ce  sont  surtout  les  caractères  anato- 
miques  que  la  science  considère  :  l'étude  des 
coquilles  ne  se  sépare  plus  de  celle  de  l'animal. 
V.  Mollusques. 

.CONCILES.  —Histoire  générale,  XXIX-XL.  — 
{Étym.  :  du  latin  concilium,  assemblée).  —  Un  con- 
cile est  une  assemblée  d'ecclésiastiques  convoqués 
pour  régler  ce  qui  concerne  la  foi,  les  mœurs  et  la 
discipline  ecclésiastique. 

Quoique  les  conciles  fussent  en  usage  bien 
avant  Constantin,  c'est  seulement  à  partir  du  rè- 
gne de  cet  empereur  que  ces  assemblées,  sortes 
d'États  généraux  catholiques ,  acquièrent  une 
grande  importance  historique. 

Les  conciles  sont  généraux  ou  particuliers. 

Généraux,  ou  œcuméniques,  quand  ils  représen- 
tent l'Église  universelle; 

Particuliers,  s'ils  en  représentent  seulement  une 
partie,  et  l'on  a  alors  : 

1°  Des  conciles  nationaux,  qui  sont  une  assemblée 
des  archevêques  et  évoques  d'un  royaume  ou  d'une 
nation,  présidée  par  un  patriarche  ou  un  primat: 
ainsi  la  plupart  des  conciles  de  Tolède,  de  Car- 
thage,  d'Orléans,  etc.  ; 

2"  Des  conciles  provinciaux,  composés  des  évè- 
ques  d'une  province  ecclésiastique,  sous  la  prési- 
dence de  l'archevêque  ou  métropolitain  ; 

3"  Des  conciles  ou  synodes  diocésains,  assem- 
blée des  cuiés  du  diocèse,  présidés  par  l'évêque. 

Les  conciles  œcuméniques  sont  les  seuls  dont 
nous  ayons  à  parler.  L'église  en  compte  dix-neuf: 

325.  Concile  de  Nicée,  convoqué  et  présidé  à  Ni- 
cée,  en  Bithynie,  par  l'empereur  Constantin.  Trois 
cent  dix-huit  évêques  venus  de  tous  les  pays  de 
l'Empire  se  trouvent  réunis  et  condamnent  la  doc- 
trine enseignée  par  un  prêtre  d'Alexandrie  nommé 
Arius.  Cette  doctrine,  qui  eut  de  nombreux  par- 
tisans avant  et  après  Arius,  était  contraire  au 
dogme  de  la  Trinité,  en  ce  qu'elle  niait  que  le  Fils 
fût  égal  au  Père  et  ne  voyait  en  Jésus-Christ  que 
la  première  des  créatures  de  Dieu,  h'arianisme 
fut  énergiquement  combattu  par  Athanase,  pa- 
triarche d'Alexandrie.  Arius  fut  anathématisé  et 
exilé.  Le  concile  dressa  ensuite  le  symbole  de  Nicée^ 
dit  symbole  dei  opotres. 

Mais  dans  les  années  suivantes,  les  empereurs 
qui  se  succédèrent  sur  le  trône  ayant  tour  à  tour 
pris  parti  les  uns  pour,  les  autres  contre  la  foi 
orthodoxe,  les  prêtres  ariens  et  les  prêtres  ortho- 
doxes furent,  tour  à  tour,  persécuteurs  et  persé- 
cutés ;  différents  conciles  particuliers  se  pronon- 
cèrent pour  l'une  ou  pour  l'autre  doctrine 

381.  1"  concile  de  Constaitinople,  convoqué  par 
Théodose  pour  condamner  deux  conciles  qui,  en 
309,  s'étaient  tenus  à  Rimini  et  à  Séleucie  et 
avaient  pris  des  décisions  contraires  à  celles  du 
concile  de  Mcée. 


GOiNCORDAT 


—  479  —     CONCOURS  CANTONAUX 


431.  Concile  d'Ephèse,  convoqué  par  l'empereur 
Théodose.  Ce  concile,  composé  de  deux  cents  évê- 
ques  et  présidé  par  saint  Cj'rille,  condamne,  ana- 
iJiématise  et  dépose  le  patriarche  d'Alexandrie.  Xes- 
torius,  accusé  de  prêcher  une  doctrine  contraire 
ai',  mystère  de  l'Incarnation. 

451.  Concile  de  Chalcédoine,  sous  l'empereur 
.Marcien:ilcundamne  l'hérésie  d'Eutychès  ;  débat 
entre  les  sièges  de  Rome  et  de  Constantinople,  qui 
fut  comme  l'origine  du  schisme  d'Orient. 

55-3.  -J.'  concile  de  Constantiiiople,  convoqué  par 
Justinicn.  11  confirme  les  déclarations  des  quatre 
grands  conciles  précédents. 

080.  3=  Concile  de  Constantiriople.  L'empereur 
Constantin  III  le  présida,  ayant  à  sa  droite  les 
patriarches  de  Constantinople  et  d'Antioche  et  à 
sa  gauche  les  députés  de  Rome.  On  y  condamna 
la  secte  des  monothélites,  à  laquelle  avait  appar- 
tenu le  pape  Honorius  l". 

787.  Nouveau  concile  de  Nicée,  convoqué  sous  le 
règne  de  l'impératrice  Irène  ;  il  condamne  les  ico- 
noclastes (briseurs  d'images). 

869.  4'  concile  de  Constantinople,  qui  confirme 
le  précédent  et  de  plus  condamne  le  patriarche 
de  Constantinople,  Photius. 

1122.  1"  concile  de  Lutran,  tenu  dans  l'église 
de  Saint-Jean  de  Latran,  à  Rome,  présidé  par  le 
pape  Calixte  XI.  On  y  discute  sur  la  question  dite 
des  investitures. 

1139.  2«  concile  de  Latran. 

1179  et  1215.  3*  et  4^  conciles  de  Latran. 

1245.  V  concile  de  Lyon,  sous  le  pape  Inno- 
cent IV  :  excommunication  de  l'empereur  Frédé- 
ric II. 

1274.  2^  concile  de  Lyon  :  il  n'a  pour  but  que  de 
régler  certains  points  de  discipline  et  de  travail- 
ler à  la  réforme  des  mœurs  et  de  quelques  abus  : 
il  fut  présidé  par  le  pape  Grégoire  X. 

1311.  Concile  de  Vienne,  en  Dauphiné,  qui,  sous 
le  pontificat  de  Clément  V,  prononce  l'abolition  de 
l'ordre  des  Templiers. 

1414.  Concile  de  Constance.  Il  dure  quatre 
années,  et  met  fin  au  schisme  d'Occident  en  dé- 
posant Jean  XXIII  et  Benoit  XiII  et  en  nommant 
Martin  V  ;  il  condamne  l'hérésie  d-;  Jean  Huss  et  de 
Jérôme  de  Prague  qui  furent  brûlés  vifs  (1415  et 
141G).Jean  Gerson,  chancelier  de  l'Université  de 
Paris  et  l'auteur  présumé  de  ï Imitation  de  Jésus- 
Christ,  accompagné  de  l'archevêque  de  Cambrai, 
Pierre  d'Ailly,  y  représentait  le  clergé  français. 

1431.  Grand  concile  de  Bàle,  où  l'on  dépose  le 
pape  Eugène  IV. 

1545.  Concile  de  Trente  :  il  se  prolongea  dix  ans, 
et  eut  pour  objet  principal  de  fixer  le  dogme  de 
l'église  catholique  et  de  régler  certains  points  de 
discipline.  La  France  reçut  les  décisions  relatives 
au  dogme,  mais  rejeta  les  articles  visant  la  disci- 
pline, comme  contraires  aux  libertés  gallicanes. 

1870.  Co?icile  du  Vatican,  qui  proclame  le  dogme 
de  l'infaillibilité  du  pape.         [Ch.-Fél,  Durand. J 

CONCORDAT.  —  Histoire  générale  XXXIX-XL  ; 
Histoire  de  France,  XXXVIU-XL.  —  Nom  donné 
aux  divers  traités  conclus  entre  le  Saint-Siège  et 
le  gouvernement  d'uii  État,  pour  déterminer  la 
part  du  pape  et  celle  du  gouvernement  national 
dans  l'administration  des  affaires  ecclésiastiques. 

L'histoire  du  moyen  âge  offre  un  concordat  fa- 
meux, celui  de  Worms  (1122),  qui  mit  fin  à  la 
longue  querelle  des  investitures  :  il  reconnaissait 
au  pape  le  droit  de  donner  aux  évoques  et  abbés 
l'investiture  ecclésiastique,  par  la  crosse  et  l'an- 
neau ;  mais  l'empereur  se  réservait  l'investiture 
par  le  sceptre,  qui  faisait  de  l'élu  un  prince  tem- 
porel vassal  de  l'empire. 

Dans  l'histoire  de  France,  on  rencontre  deux 
concordats  : 

1°  Celui  de  1516,  conclu  entre  François  I"  et 
le  pape  Léon  X,  et  qui  défit  l'œuvre  de  la  Prag- 


matique sanction  de  Bourges.  La  Pragmatique 
avait  déclaré  l'autorité  des  conciles  supérieure  à 
celle  des  papes  ;  elle  avait  aboli  les  annales,  ou 
tribut  que  le  Saint-Siège  se  faisait  payer  par  les 
bénéficiers  nouvellement  nommés  ;  et  avait  re- 
connu aux  chapitres  le  droit  de  libre  élection  aux 
bénéfices.  Le  concordat  rendit  au  pape  les  annates, 
reconnut  l'iniaillibilité  du  souverain  pontife,  et 
donna  en  retour  au  roi  de  France  le  droit  de  nom- 
mer aux  bénéfices. 

2°  Celui  de  1801,  conclu  entre  le  premier  consul 
Bonaparte  et  le  pape  Pie  VII.  H  déclara  le  catho- 
licisme «  religion  do  la  majorité  des  Français  »  ; 
divisa  la  France  en  dix  archevêchés  et  cinquante 
évêchés  ;  accorda  au  premier  consul  la  nomination 
des  prélats,  mais  en  réservant  au  pape  le  droit  de 
leur  donner  l'institution  canonique  ;  et  consacra 
définitivement  la  renonciation  du  clergé  à  son  an- 
cienne dotation  territoriale,  en  échange  d'un  trai- 
tement annuel  payé  par  l'État.  Ce  sont  les  disposi- 
tions du  Concordat  de  1801  qui  régissent  encore 
aujourd'hui  l'église  catholique  de  France. 

CONCOURS  CANTONAUX.  —  Ces  compositions 
annuelles  entre  les  écoles  primaires  d'un  même 
canton,  qui  avaient  été  instituées,  à  partir  de  1S65, 
dans  un  très  grand  nombre  de  départements,  sous 
le  nom  de  co?2Coiir.y  cantonaux  {S .  Concours  can- 
tonaux dans  la  l^e  Partie),  ont  été  implicitement 
abolies  par  le  règlement  d'organisation  pédago- 
gique du  27juillet  1881.  Nous  donnons  ci-dessous 
deux  spécimens  complets  de  l'examen  tel  qu'il 
existait  en  1876,  empruntésl'un  à  la  France,  l'autre 
à  la  Belgique. 

I.  -  ÉPREUVES  DU  CONCOURS  CANTONAL  DE  LIÈGE 
1876 

Sept  matières  d'examen  :  catéchisme,  histoire 
sainte,  dictée,  questions  de  grammaire,  rédaction ^ 
géographie,  écriture. 

Catéchisme. 

1°  a.  Combien  de  personnes  y  a-t-il  en  Dieu? 
6.  Combien  y  en  a-t-il  en  Jésus-Christ? 

c.  Pourquoi  Jésus-Christ  a-t-il  dû  être  Dieu  et 
homme  pour  être  notre  Rédempteur  ? 

d.  Écrivez  les  paroles  de  l'acte  de  foi  que  ren- 
ferme le  mystère  de  l'Incarnation? 

2°  a.  Quand  et  pourquoi  Jésus-Christ  a-t-il  ins- 
titué le  Sacrement  d'Eucharistie? 

b.  Qu'est-ce  que  communier  ? 

c.  Quels  sont  les  fruits  d'une  bonne  commu- 
nion? 

Histoire  sainte* 

1°  a.  Nommez  les  quatre  fêtes  établies  par 
Dieu  pour  les  Hébreux. 

b.  Dites  en  mémoire  de  quoi  elles  furent  ins- 
tituées. 

2°  Dites  :  1°  La  ville  dans  laquelle  est  né  le 
Sauveur  du  monde  ;  2"  où  il  fut  porté  quarante 
jours  après  sa  naissance  ;  3°  où  il  dut  fuir  aussitôt 
après  ;  4°  où  il  passa  ensuite  sa  vie  jusqu'à  trente 
ans  ;  5°  ce  qu'il  fit  dans  le  désert  après  son 
baptême  ;  6°  quand  il  fit  son  premier  miracle  ; 
7°  ce  qu'il  dit  sur  la  croix  pour  ses  bourreaux  ; 
8°  ce  qu'il  y  dit  à  sa  mère  ;  9°  et  enfin  sa  dernière 
parole 

Dictée  (10   points). 

Le  FORGERON'.  —  H  y  a  quelque  temps,  mon  père 
passant,  vers  minuit,  devant  l'atelier  de  Thomas, 
pauvre  (1)  forgeron  (2)  de  notre  village,  entendit 
les  coups  redoublés  de  l'enclume.  Il  entra,  voulant 
savoir  i3j  le  motif  qui  le  retenait  ainsi  à  l'ouvrage 
jusqu'au  milieu  de  la  nuit.  «  Ce  n'est  pas  pour 
moi  que  je  travaille,  dit  le  forgeron;  c'est  pour 
pierre,  mon  voism  :  le  malheureux  a  été  incendié. 


CONCOURS  CANTONAUX 


480 


CONCOURS   CANTONAUX 


il  est  sw  la  paille  (4)  avec  ses  enfants.  Je  me 
lève  (G)  deux  heures  plus  tôt  (5),  je  me  couche 
deux  heures  plus  tard,  cela  fait  deux  journées  par 
semaine  àont  je  puis  céder  (6)  le  produit  :  ce  n'est 
que  quelques  coups  de  marteau  de  plus  à  donner. 
Si  je  possédais  (6)  quelque  chose,  je  le  partagerais 
avec  lui  ;  mais  je  n'ai  que  mon  enclume.  Dieu 
merci,  la  besogne  ne  manque  pas  dans  cette  sai- 
son, et  quand  on  a  des  bras,  il  faut  bien  les  faire 
servir  à  secourir  son  prochain  ».  —  «  C'est  fort  bien, 
répondit  mon  père,  mais  croyez-vous  que  votre 
voisin  Pierre  sera  jamais  en  état  de  vous  rendre 
ce  que  vous  lui  donnez  ?  »  —  «  Oh  !  peut-être 
bien  que  non,  je  le  crains  plus  pour  lui  que  pour 
moi;  mais  que  voulez-vous?  Chaque  jour  apporte 
son  pain  ;  au  total,  je  n'en  serai  pas  plus  pauvre, 
et  ses  malheureux  enfants  ne  seront  pas  morts 
de  faim.  Il  faut  bien  s'aider  l'un  l'autre  (7)  ;  si  c'é- 
tait ma  maison  qui  eût  brûlé  18),  je  serais  bien 
aise  qu'il  en  fit  autant  pour  moi.  »  (Th.  Barrau.) 

Questions  sur  te  texte  de  la  dictée  (10  points) . 

1.  Pauvre.  Formez  au  moj'en  de  ce  mot  un  verbe 
■et  un  adverbe,  et  construisez  deux  phrases  dans 
lesquelles  vous  emploierez  les  dérivés  que  vous 
aurez  trouvés.  Dans  la  première  phrase,  vous  fe- 
rez entrer  le  verbe,  dans  la  seconde  l'adverbe 
(2P-). 

2.  Forgeron.  Quel  est  le  verbe  qui  sert  à  former 
ce  nom?  Construisez  une  phrase  dans  laquelle  ce 
verbe  sera  employé  à  l'imparfait  de  l'indicatif  (i  p.) 

3.  Savoir.  Donnez  les  temps  primitifs  de  ce 
verbe  (1  point). 

4.  //  est  sur  la  paille.  Remplacez  cette  expres- 
sion par  une  autre  équivalente  (1  p.), 

5.  Je  me  lève  deux  lieures  plus  tôt.  Justifiez  l'or- 
thographe de  plus  tôt  dans  cette  phrase  (1  point). 

6.  Je  me  lève,  Je  puis  céder,  si  je  possédais. 
Quel  accent  mettez-vous  sur  l'e  qui  précède  la 
terminaison  de  chacun  de  ces  verbes  ?  Dites- en 
la  raison  (1  p.). 

7.  S'aider  l'un  l'autre.  Quelle  différence  y  a-t-il 
entre  l'un  l'autre  et  l'un  et  l'autre  ?  Employez  ces 
expressions  dans  deux  phrases  à  votre  choix  (2  p.i 

8.  Qui  eût  brûlé.  Justifiez  l'emploi  du  mode  et 
du  temps  de  ce  verbe  (1  p.). 

Rédaction,  —  Lettre  (30  points). 

Racontez  à  un  ami  qu'à  la  distribution  des  prix 
de  votre  école  vous  avez  reçu  votre  récompense 
dos  mains  de  votre  grand-père.  Émotion  de  ce 
digne  vieillard  ;  bonheur  de  vos  parents.  Bonne 
résolution  pour  l'avenir. 

(L'étendue  de  la  lettre  devra  être  de  25  lignes 
environ). 

Géographie {Ib  points). 

1.  Tracez  la  carte  de  la  Flandre  occidentale  en  y 
indiquant  :  1°  les  limites;  2"  la  direction  de  deux 
cours  d'eau  et  de  quatre  canaux  ;  3°  la  situation 
des  villes  principales  et  4°  les  cliemins  de  fer  qui 
aboutissent  au  chef- lieu  de  la  province  (7  points). 

2.  Faites  connaître,  en  outre,  l'aspect  général  de 
cette  province  ainsi  que  ses  productions  naturel- 
les et  ses  principales  industries  (4  p.). 

3.  Nommez  les  pays  baignés  par  la  mer  du 
Nord,  les  capitales  de  ces  pays,  et,  s'il  y  a  lieu,  les 
fleuves  sur  lesquels  celles-ci  sont  situées  (4   p.). 

Calligraphie    (20  points). 

Écrivez,  en  reproduisant  la  phrase  suivante,  une 
ligne  en  gros,  deux  lignes  en  moyen,  et  trois  li- 
gnes en  fin  : 

«  La  parole  est  sans  -ioute  le  plus  grand  avan- 
«  tage  qui  ait  été  réser  é  à  l'homme,  mais   l'écri- 


«  ture  nous  en  a  procuré  un  qui  n'est  guère  moins 
«  précieux,  celui  de  transmettre  aux  absents 
«  l'expression  de  nos  sentiments  divers,  d'entrer 
«  avec  eux  en  communication  de  pensées,  d'inté- 
«  rôts,  d'affections.  » 

Ajoutez  l'alphabet  des  lettres  majuscules  et  les 
chiffres. 

II.  — ÉPREUVES  DU  CONCOURS  CANTONAL  DU  DÉPAR- 
TEMENT DE  SEINE-ET-MARNE,   1876-1877. 

Nous  donnons  les  sujets  de  la  )"  et  de  la  2*  ca- 
tégorie. 

2«  catégorie  {élèves  de  12  à  13  ans). 

1"  épreuve  :  dictée. 

Le  besoin  et  la  satisfaction.  —  Pourquoi 
l'homme  travaille-t-il?  Pour  satisfaire  ses  besoins, 
dont  le  plus  impérieux  est  de  vivre.  Tous  les  êtres 
animés  possèdent  l'instinct  de  la  conservation,  et 
tous  emploient  la  plus  grande  partie  de  leurs  for- 
ces et  de  leur  temps  à  le  satisfaire  en  pourvoyant 
à  leur  subsistance,  depuis  l'araignée  qui  tisse  sa 
toile  et  attend  le  moucheron,  jusqu'à  l'hirondelle 
qui  poursuit  et  happe  l'insecte  au  vol,  depuis  la 
biche  qui  va  cherchant  les  meilleurs  pâturages  de 
la  forêt  en  tondant  l'herbe  et  les  jeunes  pousses, 
jusqu'au  lion  qui  rode  et  s'apprête  à  surprendre 
sa  proie.  L'homme  ne  fait  pas  exception  à  cette 
loi.  Lui  aussi,  dans  l'état  sauvage  *  il  guette  sa 
proie  une  partie  du  jour,  et  il  va  cherchant  les 
fruits  et  les  racines  de  la  forêt  propres  à  le  nour- 
rir. Mais  son  intelligence  supérieure  lui  apprend 
qu'il  peut,  dans  certaines  limites,  soumettre  la  na- 
ture à  sa  volonté,  et  qu'il  lui  est  plus  profitable 
d'employer  son  temps  à  produire  lui-même,  ou  à 
diriger  la  production  des  choses  dont  il  a  besoin, 
qu'à  récolter  les  choses  que  la  nature  produit 
spontanément.  Dès  qu'il  entre  dans  cette  voie,  la 
civilisation  commence,  et  les  phénomènes  écono- 
miques se  produisent.  Or,  il  est  bon  de  remarquer 
qu'on  n'a  jamais  vu  de  tribu  de  sauvages,  tout 
grossiers  qu'ils  étaient,  qui  ny  fût  déjà  quelque 
peu  entrée. 

2'  épreuve  :  calcul. 

Un  fermier  a  acheté  35  800  kilog.  de  foin  pour 
nourrir  27  têtes  de  bétail  pendant  168  jours  d'hi- 
ver. Après  42  jours  de  consommation,  son  bétail 
s'accroît  de  trois  têtes.  Combien  lui  faudra-t-il  en- 
core acheter  de  foin  s'il  ne  veut  pas  diminuer  la 
ration  ? 

On  a  creusé  une  cave  ayant  ISi^SS  de  longueur, 
G^ÔO  de  largeur  et  2'"70  de  profondeur.  Les  dé- 
blais ont  été  enlevés  à  la  brouette  à  raison  de  0'''15 
le  mètre  cube,  et  le  creusage  a  été  payé  1"'40  le 
mètre  cube.  Combien  doit-on  pour  ce  travail? 

3'  épreuve  :  histoire  et  géographie. 

Racontez  le  règne  de  Louis  XI  depuis  1461  à 
1483. 

Tracez  le  réseau  des  chemins  de  fer  de  Seine-et- 
Marne  en  partant  de  Paris  et  indiquez  les  principa- 
les localités  du  département  desservies  par  les  li- 
gnes, en  donnant  quelques  détails  géographiques 
sur  chacune  de  ces  localités? 

4*'  épreuve  :  style. 

N'ayons  pas  honte  d'avouer  nos  fautes.  —  Paul, 
jeune  écolier,  a  apporté  en  classe  des  hannetons 
qu'il  a  làcliés;  grand  tumulte  parmi  les  élèves. 
L'instituteur  demande  que  le  coupable  se  dénonce. 
Paul  n'ose  pas  le  faire.  Toute  la  classe  est  punie. 

De  retour  chez  lui,  Paul  écrit  à  son  maître.  Il  se 
reconnaît  comme  l'auteur  du  méfait.  Il  dit  combien 


CONDIMENTS 


—  481 


CONDIMENTS 


il  s'en  repent  et  demande  qu'on  lui  inflige  une 
forte  punition,  et  qu'en  même  temps  ses  camara- 
des soient  exemptés  de  la  punition  générale  dont 
la  classe  a  été  frappée.  Il  promet  qu'à  l'avenir  il 
ne  lui  ardvera  plus  jamais,  s'il  a  le  malheur  de 
commettre  quelque  faute,  de  la  dissimuler. 

±"  catégorie  :  élèves  de  13  ans  révolus. 

Style.  —  Narration. 

Le  cerisier  du  grand  Frédéric.  —  Frédéric  II,  roi 
de  Prusse,  aimait  passionnément  les  cerises.  Aussi, 
bien  que  le  climat  de  la  Prusse  se  prêtât  mal  à 
cette  culture,  il  ne  négligeait  rien  pour  faire  pous- 
ser des  cerisiers  dans  son  jardin  de  Potsdam. 
Lorsque  les  arbres  fm^^!nt  en  plein  rapport,  les 
moineaux  fondirent  sur  les  fruits.  Colère  du  roi, 
qui  leur  fait  faire  une  chasse  d'extermination.  Ré- 
sultat contraire  à  ce  qu'on  attendait  :  les  cerisiers 
ne  produisirent  rien  l'année  suivante  et  même  plu- 
sieurs années  de  suite.  Frédépic  s'aperçoit  de 
l'utilité  des  moineaux,  fait  cesser  la  chasse  et  se 
contente  de  placer  des  épouvantaiis. 

A  l'occasion  de  ce  récit,  on  dimontrera  la  néces- 
sité de  protéger  les  oiseaux  utiles. 

Calcul. 

I.  —  Une  personne  achète  une  maison.  Elle  paie 
immédiatement  pour  frais  de  contrat  et  autres 
14'''50  0/0  da  prix  principal.  Au  bout  de  3  ans 
6  mois,  elle  paie  le  prix  principal  et  ses  intérêts 
à  raison  de  5  0/0  et  elle  se  trouve  ainsi  avoir  dé- 
boursé en  tout  20  658  francs.  Quel  était  le  prix 
net  de  la  maison? 

II.  —  Le  mille  marin  vaut  une  minute  ou  la  soi- 
xantième partie  d'un  degré.  Combien  de  mètres 
vaut- il? 

III.  —  Déterminer  :  1°  le  volume,  2°  la  valeur 
d'une  barre  de  fer  pesant  104'^7468'',  la  densité 
étant  7,788  et  le  quintal  valant  78  francs? 

CONDIMENTS.  —  Hygiène,  IX.  —  On  peut 
regarder  comme  absolument  synonymes  les  mots 
condiment  et  assaisonnement  :  l'un  et  l'autre  in- 
diquent des  substances  que  l'on  emploie  surtout 
pouraugmenterla  sapidité  des  aliments.  Quelques- 
uns  n'agissent  que  sur  l'appareil  nerveux  à  titre 
de  stimulant  :  tels  sont  les  aromates,  les  essen- 
ces ;  d'autres,  comme  le  sel,  remplissent  en  outre 
des  fonctions  très  importantes  dans  l'économie  et 
rentrent  dans  la  catégorie  des  aliments.  Le  sucre, 
l'huile,  sont  surtout  des  condiments  alimentaires. 

Les  oondiments  sont  simples  ou  composés.  Dans 
la  première  classe  on  distingue  des  condiments 
salins,  acides,  sulfureux,  aromatiques,  aromatico- 
à-eres,  sucrés  et  gras.  Les  condiments  composés 
peuvent  varier  à  l'infini  :  citons  seulement  les 
anchois,  le  saucisson,  le  caviar  (œufs  d'esturgeon 
marines),  la  moutarde,  les  sauces  en  flacons. 

Condiments  salins.  —  Le  tjT)e  est  le  sel  commun, 
substance  qui  existe  naturellement  dans  tout  notre 
corps  et  dont  le  sang  contient  une  quantité  nota- 
ble. Il  est  indispensable  à  la  santé,  et  l'on  estime 
qu'un  homme  se  livrant  à  des  travaux  manuels  a 
besoin  d'en  absorber  de  15  à  30  grammes  par  jour, 
pour  remplacer  celui  qu'il  perd  dans  le  même 
temps.  C'est  le  plus  simple  et  le  plus  répandu 
des  coEdiments,  le  seul  indispensable.  Il  rend  di- 
gestibles beaucoup  d'aliments  qui  sans  lui  se- 
raient en  partie  réfraci aires. 

Il  semble  que  le  sel  joue  un  rôle  important  dans 
la  formation  des  globules  du  sang,  car  sa  priva- 
tion rend  promptement  anémique.  S'il  se  trouve 
en  excès  dans  l'économie,  on  en  est  averti  par  la 
soif  et  l'irritation  de  la  gorge  :  il  est  bon  alors  de 
boire  une  astez  grande  quantité  d'eau  pour  le  di- 
luer et  en  provoquer  la  prompte  élimination. 

Dans  les  villes  on  emploie  le  sel  blanc  de  préfé- 

2'  Partie. 


rence  au  sel  gris,  cependant  celui-ci  est  plus  sa- 
lubre,  en  raison  même  de  son  impuretéi  Le  sel 
gris  contient,  en  effet,  de  2  à  7  pour  100  de  sels 
de  chaux  et  de  magnésie,  entre  autres  des  bro- 
mures, des  indurés,  unis  au  sel  pur  (chlorure  de 
sodium).  Op  ces  substances  sont  très  utiles,  sur- 
tout lorsqu'il  s'agit  de  prévenir  ou  de  combattre  le 
lymphatisme  et  la  scrofule.  L'emploi  du  sel  gris 
naturel  est  donc  bien  préférable  à  celui  du  sel 
blanc,  dont  la  couleur  ne  ^rantit  point  la  pureté. 

Condiments  acides.  —  Les  plus  communément 
employés  sont  l'acide  acétique,  base  du  vinaigre, 
et  l'acide  citrique,  qui  domine  dans  le  jus  de  citron. 

Le  meilleur  vinaigre  est  celui  fabriqué  avec  le 
vin;  ceux  de  cidre  et  de  poiré  viennent  ensuite; 
celui  de  bière  est  inférieur.  Quant  au  vinaigre 
d'alcool,  il  est  moins  facilement  assimilable,  par 
cela  même  qu'il  est  trop  pur;  ce  n'est  guère  qu'un 
acide  acétique  dilué.  On  vend  souvent  des  vinai- 
gres fabriqués  avec  de  l'acide  sulfurique  additionné 
de  substances  sapides  et  odorantes  ;  ceux-là  sont 
dangereux,  de  môme  que  le  vinaigre  impur  pro- 
duit par  la  distillation  du  bois. 

Les  condiments  acides  excitent  la  salivation, 
animent  l'appétit,  produisent  une  seneation  de 
fraîcheur  agréable  :  ils  neutralisent  ou  masquent 
un  commencement  de  décomposition  des  aliments 
et  facilitent  la  digestion  des  corps  gras.  Cepen- 
dant ils  ne  sont  utiles  qu'en  petites  quantités  ;  leur 
usage  ordinaire,  même  à  dose  modérée,  offre  des 
inconvénients.  Pour  peu  que  la  dose  soit  forte,  ils 
irritent  l'estomac  et,  une  fois  absorbés,  causent  des 
troubles  sérieux  dans  la  nutrition,  un  amaigris- 
sement accompagné  de  désordres  souvent  très 
difficiles  à  réparer.  Les  jeunes  filles  qui  contrac- 
tent la  malheureuse  habitude  de  boire  du  vinai- 
gre pour  se  faire  maigrir  deviennent  infailliblement 
victimes  de  maladies  chroniques  de  l'estomac. 

Ce  que  nous  disons  du  vinaigre  s'applique  au 
jus  de  citron,  au  verjus,  et  en  partie  à  l'oseille  qui 
est  spécialement  irritante. 

Condiments  soufrés.  —  Cette  classe  comprend 
un  grand  nombre  de  plantes  appartenant  à  diffé- 
rentes familles  (liliacées  et  crucifères)  qui  renfer- 
ment des  huiles  essentielles  piquantes,  acres,  très 
stimulantes,  dans  lesquelles  la  chimie  découvre 
du  soufre,  tels  sont  l'ail,  l'oignon,  l'échalotte,  la 
ciboule,  le  raifort,  le  cochléaria,  la  moutarde,  le 
cresson. 

Au  point  de  vue  des  convenances,  des  égards  que 
l'on  doit  aux  personnes  avec  qui  l'on  est  en  rapport, 
l'ail,  l'échalotte  et  les  autres  liliacées  qui  causent 
une  fétidité  de  l'haleine  devraient  être  bannis  du 
régime  des  gens  civilisés.  La  sensualité  peu  déli- 
cate qui  les  fait  rechercher  n'est  innocente  qu'à  la 
condition  de  s'isoler  ou  de  ne  se  trouver  en  con- 
tact qu'avec  des  gens  adonnés  à  la  même  habitude. 

Le  raifort  et  la  moutarde  sont  des  agents  très 
actifs  qu'il  est  bon  de  réserver  pour  les  cas  ex- 
ceptionnels, afin  de  profiter  à  l'occasion  de  leurs 
propriétés  stimulantes  sans  être  obligé  de  recourir 
à  des  doses  assez  élevées  pour  produire  l'irritation 
de  l'appareil  digestif. 

Com/imentf  aromatiques.  —  Cette  classe  com- 
prend une  foule  de  plantes  (labiées,  ombellifères, 
lauracées,  etc.)  auxquelles  on  ne  demande  guère 
qu'un  parfum  agréable  :  tels  sont  le  persil,  le 
cerfeuil,  la  pimprenelle,  le  romarin,  le  serpolet, 
le  thym,  l'estragon,  la  vanille,  la  cannelle,  le  giro- 
fle, le  zeste,  le  citron,  etc. 

Condiments  aromatico-âcres.  —  Ceux-ci  con- 
tiennent des  huiles  essentielles  abondantes  et  des 
principes  très  énergiques  qui  en  font  à  la  fois  des 
aromates  et  des  irritants  :  ce  sont  le  poivre,  le  pi- 
ment (poivre  long),  la  noix  muscade,  le  gingembre, 
la  badiane,  le  laurier,  etc. 

Co7idinients  sucrés.  —  Ce  sont  le  sucre,  la  mé- 
lasse   le   miel ,  la  glucose  (sucre   fabriqué  avec 

31 


CONDIMENTS 


—  48a  — 


CONDUCTIBILITÉ 


l'amidon),  etc.  Le  miel  est  un  mélange  de  sucre 
en  deux  états  distincts  (sucre  de  canne  cristalli- 
sable  et  sucre  de  raisin  incristallisable),  de  mu- 
cilage et  de  cire,  rendu  aromatique  par  une  faible 
quantité  9  d'huile  essentielle.  Cette  composition 
multiple  le  rend  facilement  digestible, en  outre  que 
le  sucre  s'y  trouve  en  partie  à  l'état  incristallisable, 
état  que  doit  prendre  dans  l'estomac  le  sucre  de 
canne  pour  être  digéré.  Pour  transformer  ainsi  le 
sucre  de  canne,  il  faut  une  assez  grande  quantité 
de  suc  gastrique,  de  sorte  que  son  ingestion  en 
trop  grande  quantité  donne  lieu  à  des  indigestions. 
Les  condiments  sucrés  sont  de  véritables  aliments, 
car  l'amidon  ne  sert  d'aliment,  c'est-à-dire  n'est 
brûlé  ou  assimilé,  qu'après  avoir  été  converti  en 
sucre  dans  les  organes  digestifs. 

Co7idiments  gras.  —  En  outre  de  leur  emploi 
nécessaire  comme  aliment,  les  corps  gras  sont 
usités  comme  véritables  condiments,  surtout  lors- 
qu'une cuisson  à  haute  température  les  a  trans- 
formés partiellement  en  produits  empyreumatiques 
plus  ou  moins  acres  et  odorants,  comme  il  arrive 
quand  on  fait  roussir  le  beurre. 

Condimejits  composés.  ~  Les  caprices  gastrono- 
miques et  les  ressources  de  chaque  contrée  peu- 
vent les  faire  varier  à  l'infini.  On  considère  comme 
simples  condiments  un  grand  nombre  de  hors- 
d'œuvre  :  anchois,  caviar,  saucisson,  etc.,  mais  les 
sauces  en  flacons  et  la  moutarde  sont  les  condi- 
ments composés  les  plus  répandus. 

Utilité  et  usages  des  condiments.  —  On  dit  avec 
raison  que  l'appétit  est  le  meilleur  des  assaisonne- 
ments. Pour  l'homme  qui  vit  dans  de  bonnes 
conditions  hygiéniques  et  prend  un  exercice  ré- 
gulier, le  sel  est  le  seul  condiment  vraiment 
utile,  pourvu  toutefois  qu'il  dispose  d'aliments 
suffisamment  variés  ;  user  de  condiments  dans  ces 
circonstances,  c'est  chercher  à  surexciter  les  fa- 
cultés digestivcs  pour  satisfaire  non  plus  le  besoin, 
mais  le  plaisir  de  manger. 

Mais  il  arrive  souvent  que,  par  suite  de  maladie, 
du  manque  d'exercice  ou  de  mauvaises  conditions 
hygiéniques,  ou  bien  parce  que  la  nourriture  n'est 
pas  assez  variée,  l'appétit  n'est  pas  en  proportion 
des  besoins  du  corps.  Dans  ces  circonstances, 
manger  à  sa  faim  ne  suffit  pas  et  conduit  à  l'inani- 
tion. Il  est  donc  utile  d'éveiller  le  désir  de  prendre 
des  aliments,  et  on  y  arrive  en  les  rendant  plus 
agréables,  plus  sapides,  plus  excitants,  au  moyen 
de  condiments.  Dans  ce  cas  les  condiments  agis- 
sent surtout  sur  l'appareil  nerveux.  En  flattant  le 
goiît  et  l'odorat,  ils  provoquent  la  sécrétion  de  la 
salive  et  du  suc  gastrique  indispensables  à  la  di- 
gestion, et  produisent  un  effet  tout  différent  de 
celui  qui  résulterait  de  leur  ingestion  dans  l'esto- 
mac sous  forme  de  pilule.  A  ce  point  de  vue  leur 
utilité  est  incontestable  ;  elle  varie  d'ailleurs  selon 
les  tempéraments,  les  climats  et  l'habitude.  On 
s'accoutume  vite  aux  sensations  du  goût  et  de 
l'odorat,  de  sorte  que  pour  produire  chaque  fois 
une  excitation  équivalente,  il  faut  augmenter  pro- 
gressivement les  doses  d'excitants,  pour  peu  que 
l'on  se  laisse  aller  à  la  sensualité  ou  que  le  manque 
d'appétit  continue.  Voilà  ce  qui  conduit  à  user  à 
l'excès  de  substances  condimentairos  sans  lesquelles 
la  digestion  devient  impossible,  mais  qui  finissent 
par  agir  comme  des  poisons  irritants.  Pour  éviter 
ces  dangers,  alors  que  remploi  dus  stimulants  de 
l'appétit  est  indispensable,  il  importe  de  varier 
souvent  les  condiments  afin  de  laisser  aux  organes 
le  temps  d'oublier,  pour  ainsi  dire,  l'impression 
causée  par  chacun,  et  de  pouvoir  le  reprendre  à 
très  faibles  doses. 

Diderot  disait  :  «  Nous  avons  dans  notre  société 
deux  ordres  de  personnes,  les  médecins  et  les 
cuisiniers,  dont  le^  uns  travaillent  sans  cesse  à 
conserver  notre  santé  et  les  autres  à  la  détruire, 
avec  cette  différence  que  les  derniers  sont  plus 


sûrs  de  leur  fait  que  les  premiers.  »  Cela  cessera 
d'être  vrai  quand  l'art  du  cuisinier  consistera  non 
pas  à  exciter  l'appétit  par  des  moyens  factices,  mais 
à  le  satisfaire  par  la  préparation  hygiénique  des 
aliments.  (V.  Aliments.)  [H'  SafTray.] 

CONDUCTIBILITÉ.  —  Physique,  XIX.  —  Les 
physiciens  donnent  le  nom  de  conductibilité  jl  se- 
rait plus  logique  de  dire  conduciion)  à  la  propriété 
dont  jouissent  les  corps  de  propager  la  chaleur  et 
l'électricité  dans  leur  masse  ou  à  leur  surface  et 
de  les  communiqtier  aux  corps  voisins. 

A.  Conductibilité  des  corps  pour  la  chaleur.  — 
L'existence  de  ce  mode  de  propagation  peut  être 
mise  en  évidence  par  une  foule  d'expériences  :  la 
chaleur  d'un  poêle  se  fait  rapidement  sentir  au  de- 
hors ;  l'eau  bouillante  que  l'on  verse  dans  un  vase 
en  rend  la  surface  brûlante;  une  barre  de  fer  s'c- 
chauflfe  jusqu'à  son  extrémité  alors  même  qu'elle 
ne  plonge  que  peu  dans  un  foyer,  et  malgré  la 
précaution  que  l'on  prend  de  placer  un  écran  qui 
empêche  la  chaleur  du  foyer  de  rayonner  vers  la 
barre  ;  en  un  mot,  lorsque  la  chaleur  frappe  un 
corps,  elle  est  absorbée  ;  la  surface  du  corps  s'é  ■ 
chauffe,  la  température  des  portions  intérieures 
s'élève  peu  à  peu,  réchauffement  se  fait  couche 
par  couche  et  avec  une  lenteur  qui  dépend  de  la 
nature  du  corps.  Il  semble  que  la  partie  A  devienne 
en  quelque  sorte  une  source  de  chaleur  pour  la 
partie  B,  celle-ci  pour  la  suivante  et  ainsi  de  suite  ; 
et  tout  se  passe  comme  si  la  chaleur  cheminait  de 
la  portion  chauffée  vers  l'extrémité  la  plus  éloignée 
en  s'affaiblissant  graduellement. 

Les  corps  offrent  entre  eux  des  différences  très 
grandes  au  point  de  vue  de  la  conductibilité.  On 
sait  qu'un  morceau  de  fer  d'un  décimètre  de  lon- 
gueur, rouge  à  un  bout,  ne  peut  pas  être  tenu  à  la 
main  par  l'autre  extrémité,  tandis  qu'on  prend 
impunément  un  morceau  de  charbon  très  court 
dont  une  partie  est  en  ignition.  Une  cuillère  d'ar- 
gent, en  partie  plongée  dans  un  liquide  chaud, 
est  très  vite  chaude  à  l'autre  extrémité,  tandis  que 
la  chaleur  ne  se  communique  pas  dans  les  mêmes 
circonstances  à  une  cuillère  de  bois.  On  exprime 
ces  différences  en  disant  que  l'argent  et  le  fer  sont 
bons  co7iducleiirs,  que  le  charbon  et  le  bois  sont 
mauvais  coJiducteiirs. 

1.  Conductibilité  des  solides  pow  la  chaleur.  — 
Une  expérience  d'ingenhousz  permet  de  comparer 
les  pouvoirs  conducteurs  des  substances  que  l'on 
peut  tailler  en  tiges  cylindriques.  On  fixe  dans  la 
paroi  d'une  petite  caisse  métallique  en  fer  blanc 
ou  en  laiton  plusieurs  barreaux  de  même  longueur 
et  de  même  diamètre,  mais  de  substances  diverses: 
d'argent,  de  cuivre,  d'étain,  de  fer,  de  zinc,  de  verre 
et  de  bois.  On  les  recouvre  d'une  même  couche  de 
cire  en  les  plongeant  à  la  fois  dans  de  la  cire  fon- 
due, et  on  laisse  refroidir.  On  remplit  la  caisse 
d'eau  bouillante,  et  on  voit  la  cire  qui  recouvre  les 
barreaux  fondre  sur  une  étendue  plus  ou  moins 
grande  ;  elle  fond  complètement  sur  l'argent,  le 
cuivre;  elle  fond  à  peine  sur  le  verre  et  le  bois. 
La  chaleur  s'est  donc  propagée  très  inégalement 
dans  les  différentes  tiges. 

Cette  méthode  ne  peut  pas  permettre  d'étudier 
la  conductibilité  des  étoffes  et  des  matières  fila- 
menteuses qu'il  est  impossible  de  se  procurer  sous 
forme  de  baguettes.  On  la  remplace  par  celle  de 
Fourier.  Qu'on  imagine  un  vase  conique  en  tôle 
dont  le  fond  est  une  membrane  mince,  rempli  de 
mercure  dans  lequel  plonge  un  thermomètre.  On 
pose  ce  vase  sur  le  tissu  ou  la  lame  dont  on  veut 
étudier  la  conductibilité  et  qui  repose  elle-même 
sur  une  caisse  chauffée,  et  on  constate  l'élévation 
du  thermomètre.  En  opérant  sur  divers  corps  tl'é- 
gale  épaisseur,  ou  peut  comparer  leurs  pouvoirs 
conducteurs. 

On  a  reconnu  par  ces  divers  moyens  que  les  mé- 
taux sont  les  corps  qui  conduisent  le   mieux   la 


CONDUCTIBILITE 


—  483  — 


CONDUCTIBILITE 


chaleur  ;  et  de  toutes  les  expériences  faites,  il  ré- 
sulte qu'on  peut  les  classer  comme  l'indique  le 
tableau  suivant,  où  les  nombres  représentent  les 
pouvoirs  conducteurs  en  prenant  100  pour  celui  de 
l'argent: 


Argent 100 

Cuivre 74 

Or 64 

Laiton 23 

Étain 15 


Fer 12 

Acier 11 

Plomb 9 

Platine 8 

Bismuth 2 


Après  les  métaux  viennent  les  substances  pier- 
reuses, le  marbre,  la  porcelaine,  la  brique,  la  terre, 
le  soufre,  les  résines  et  le  verre  ;  les  matières 
pulvérulentes  et  le  charbon  de  bois.  Les  substan- 
ces filamenteuses,  la  soie,  la  laine,  le  coton,  le  lin 
et  le  chanvre  sont  remarquables  par  la  difficulté 
que  rencontre  la  chaleur  à  les  traverser;  ce  sont 
des  corps  mauvais  conducteurs,  et  il  en  est  de 
même  en  général  des  substances  qui  composent 
les  animaux  et  les  végétaux. 

Les  applications  de  ces  faits  sont  nombreuses  et 
intéressantes.  Lorsque  l'on  a  intérêt  à  ce  que  la 
chaleur  traverse  facilement  un  corps,  on  le  prend 
de  nature  métallique  ;  ainsi  doivent  être  les  vases 
où  l'on,' chauffe  de  l'eau  pour  la  faire  bouillir  ou 
évaporer.  Les  poêles  destinés  à  répandre  promp- 
tement  la  chaleur  doivent  être  en  métal  et  présen- 
ter un  long  développement  de  tuyaux  métalliques. 
Ceux  qui  sont  en  usage  dans  le  nord  sont  faits  de 
matières  peu  conductrices;  ils  s'échaufi"ent  lente- 
ment, mais  ils  gardent  et  distribuent  longtemps 
'eur  chaleur.  (V.  Chaiffage.) 

Souvent  on  tire  parti  de  la  faible  conductibilité 
de  certaines  substances  pour  empêcher  la  chaleur 
de  passer  :  c'est  ainsi  qu'on  fait  en  bois  ou  qu'on 
garnit  d'osier  les  anses  de  certains  ustensiles  des- 
tinés à  contenir  des  liquides  chauds,  les  manches 
des  outils  qui  doivent  être  portés  à  une  haute 
température.  Quand  on  veut  prendre  un  corps 
chaud,  on  interpose  entre  la  main  et  ce  corps  des 
étoffes  épaisses  ou  des  tresses  en  paille.  Pour 
conserver  la  glace  et  la  soustraire  à  la  tempéra- 
ture de  l'été  qui  la  fondrait,  on  l'entasse  dans  des 
trous  profonds,  dont  les  parois  sont  en  briques  et 
la  couverture  épaisse  en  chaume,  substances  très 
peu  conductrices.  Pour  la  transporter,  on  l'en- 
toure de  sciure  de  bois  ou  même  de  laine. 

C'est  encore  la  conductibilité  qui  explique  la 
différence  de  sensation  qu'on  éprouve  l'hiver  en 
touchant  du  fer  ou  du  bois  ;  le  métal  enlève  à  la 
main  beaucoup  de  chaleur  qu'il  perd  rapidement, 
tandis  que  le  bois  la  garde  à  l'endroit  touché  et  se 
trouve  bientôt  à  la  même  température  que  la  main  ; 
si  même  le  tissu  appliqué  sur  le  métal  froid  n'a 
qu'un  épiderme  peu  épais  et  humide,  le  métal 
enlève  une  quantité  de  chaleur  suffisante  pour 
faire  congeler  cette  humidité  et  faire  adhérer  le 
métal  à  la  peau. 

En  hiver,  par  les  fortes  gelées,  les  parties  du  sol 
couvertes  de  neige  sont  toujours  moins  froides  que 
celles  qui  sont  à  nu  :  c'est  que  la  neige-  conduit 
mal  la  chaleur  ;  aussi  la  considère-t-on  comme 
protectrice  des  plantes  dans  les  hivers  rigou- 
reux. 

2.  Conductibilité  des  liquides.  —  On  a  cru  pen- 
dant longtemps  que  les  liquides  et  notamment 
leau  étaient  de  bons  conducteurs  de  la  chale.ur  ; 
on  s'appuyait  sur  ce  fait  d'observation  journalière 
qu'en  metunt  un  vase  plein  d'eau  sur  le  feu, 
celle-ci  ne  tarde  pas  à  s'échauffer  à  la  surface. 
Une  étude  plus  attentive  du  phénomène  a  fait  re- 
connaître qu'un  liquide  chauffé  par  le  bas  s'é- 
chauffe, non  pas  parce  que  la  chaleur  est  trans- 
mise par  conductibilité,  mais  parce  qu'elle  est 
pour  ainsi  dire  charriée  par  les  parties  qui  l'ont 
reçue  et  qui  la  transportent  dans  leur  mouvement. 
On  constate  en  effet,  en  chauffant  de  l'eau  dans  un 


vase  de  verre  profond,  surtout  si  on  y  a  mêlé  de 
la  sciure  de  bois  qui  y  reste  en  suspension,  un 
courant  ascendant  central  et  des  courants  descen- 
dants latéraux  très  visibles  :  ce  sont  les  particules 
liquides  échauffées  au  contact  de  la  paroi  chaude 
qui,  devenues  plus  légères,  s'élèvent  et  sont  rem- 
placées par  des  molécules  froides  qui  descendent  ; 
et  toute  la  masse  arrive  rapidement  à  une  tempe- 
rature  élevée  parce  qu'il  y  a  eu,  non  pas  conduc- 
tion par  des  molécules  restant  en  place,  mais 
transport  de  la  chaleur  par  des  molécules  en  mou* 
vement. 

Il  faut  donc,  pour  étudier  la  conductibilité  des 
liquides,  les  échauffer  par  en  haut.  C'est  ce  qu'a 
fait  M.  Despretz,  et  il  a  reconnu  que  les  liquides 
conduisent  la  chaleur,  ynais  la  conduisent  mal. 

Tout  ce  qui  gêne  les  mouvements  d'une  masse 
liquide  empêche  la  chaleur  de  s'y  propager;  c'est 
pourquoi  les  liquides  visqueux,  les  compotes,  les 
marmelades  s'échauffent  si  lentement  et  mettent 
si  longtemps  à  se  refroidir,  à  moins  qu'on  ne  re- 
nouvelle leur  surface  en  les  remuant.  Les  fruits 
charnus,  les  plantes  grasses,  les  tissus  végétaux 
imbibés  d'eau  conduisent  très  mal  la  chaleur  ; 
aussi  les  voit-on  parfois  résister  à  des  froids  ca- 
pables de  congeler  les  liquides  qu'ils  contien- 
nent. 

Les  tissus  animaux  sont  aussi  mauvais  conduc- 
teurs ;  aussi  peut-on  échauffer  fortement  une  par- 
tie du  corps  sans  qu'il  en  résulte  nécessairement 
une  impression  de  chaleur  générale. 

L'application  de  la  chaleur  aux  liquides,  pour 
être  rapide,  doit  s'aider  des  mouvements  qu'elle  y 
produit  ;  c'est  la  raison  des  qualités  que  présen- 
tent les  calorifères  à  eau  pour  le  chauffage  des 
grands  espaces. 

3.  Conductibilité  des  gaz.  —  La  conductibilité 
des  gaz  est  encore  plus  faible  que  celle  des  liqui- 
des ;  seulement  on  ne  peut  la  mettre  en  évidence 
par  des  expériences  directes,  car  il  se  forme  tou- 
jours des  courants  qui  mêlent  l'air  chaud  à  l'air 
froid.  On  reconnaît  ces  mouvements  de  l'air  en 
regardant  un  fourneau  chaud  et  en  tournant  le 
dos  à  la  lumière  qui  vient  d'une  fenêtre  et  qui 
éclaire  l'appartement  ;  les  poussières  suspendues 
dans  l'air,  entraînées  par  le  gaz  chaud,  forment  un 
courant  ascendant  très  visible. 

Les  physiciens  font  une  exception  pour  l'hydro- 
gène qui,  de  tous  les  gaz,  serait  le  seul  bon  con- 
ducteur de  la  chaleur. 

Une  masse  d'air  étant  un  mauvais  conducteur, 
tout  ce  qui  y  gênera  la  formation  des  courants  di- 
minuera la  perte  de  chaleur  :  voilà  pourquoi  les 
fourrures  des  animaux,  le  plumage  des  oiseaux, 
enveloppes  extrêmement  légères,  empêchent  pour- 
tant le  refroidissement  de  leurs  corps  ;  pourquoi 
les  édredons,  sacs  remplis  d'air  et  de  duvet, 
maintiennent  si  bien  la  chaleur  dans  un  lit,  pour- 
quoi les  doubles .  vitrages  avec  leur  couche  d'air 
interposée  conservent  si  bien  la  chaleur  des  ap- 
partements chauffés. 

Les  vêtements  que  l'on  dit  chauds  n'ont  d'^ytre 
but  que  d'empêcher  la  chaleur  du  corps  de  se  per- 
dre au  dehors  ;  ils  doivent  cette  propriété  à  leur 
épaisseur  d'abord,  à  leur  nature  spongieuse,  et 
surtout  à  l'air  qui  remplit  les  interstices  qui  exis- 
tent entre  leurs  filaments.  Les  fourrures  sont  plus 
chaudes  quand  le  poil  est  tourné  en  dedans,  parce 
que  l'air  y  forme  une  couche  épaisse  qui  ne  peut 
s'y  renouveler. 

B.  Conductibilité  des  corps  pour  l'électricité.  — 
Les  corps  peuvent  être  partagés  en  deux  catégories 
suivant  la  manière  dont  ils  conservent  l'électricité 
ou  se  laissent  traverser  par  elle  :  on  appelle 
tjons  conducteurs  ceux  qu'elle  traverse  facilement, 
et  mauvais  conducteurs  ceux  qui  la  retiennent. 
Ces  derniers  se  nomment  aussi  corps  isolantsi 
parce  qu'on  s'en  sert  pour  séparer  du  sol  les  corps 


CONDUCTIBILITE 


484 


CONGRÈS 


bons  conducteurs  sur  lesquels  on  veut  consprver 
rélectricitc  qui,  sans  cette  précaution,  se  perdrait 
dans  la  torre. 

Parmi  les  corps  isolants,  nous  citerons  la  gomme- 
laque,  les  résilies,  le  soufre,  l'ambre,  le  verre,  la 
porcelaine,  la  gutta-perclia,  le  caoutcliouc,  la  soie, 
les  pierres,  les  briques,  le  bois,  surtout  quand  il 
est  sec,  la  moelle  de  sureau.  L'air  sec  est  mauvais 
conducteur,  sans  cela  les  phénomènes  électriques 
dus  à  l'influence  (V.  Electricité)  nous  seraient  in- 
connus. 

Les  corps  bons  conducteurs  sont  les  métaux,  le 
corps  des  animaux,  les  corps  humides  en  général, 
le  lin  et  le  chanvre.  La  plombagine  est  aussi  un 
bon  conducteur.  Le  cliarbon  de  bois  le  devient 
quand  il  a  été  fortement  calciné.  Il  en  est  de 
même  pour  la  chaleur,  et  l'on  peut  dire,  en  général, 
que  tous  les  corps  solides  qui  sont  bons  ou  mau- 
vais conducteurs  pour  la  chaleur  sont  dans  le 
même  cas  pour  l'électricité. 

Après  cette  distinction,  on  s'explique  pourquoi 
le^frottement  électrise  le  verre  et  non  pas  les  mé- 
taux. Le  bâton  de  verre  que  l'on  frotte  conserve 
l'électricité  à  son  extrémité  parce  que  les  autres 
couches  du  verre  l'isolent  de  la  main.  Et  si  on 
frotte  un  métal  tenu  îi  la  main,  on  ne  peut  rien 
observer,  parce  que  l'électricité  qui  se  produit  au 
point  frotté  traverse  immédiatement  le  métal,  la 
main,  le  reste  du  corps  et  va  se  perdre  dans  la 
terre. 

Tant  qu'on  n'a  connu  que  l'électricité  produite 
par  le  frottement,  on  s'est  borné  à,  ces  notions  sur 
la'conductibilité  électrique  des  corps.  Mais  depuis 
qu'on  emploie  l'électricité  produite  par  les  actions 
chimiques  et  mécaniques,  à  laquelle  on  a  donné  le 
nom  d'électricité  dynamique  pour  rappeler  la  fa- 
cilité avec  laquelle  elle  parcourt  les  distances,  on 
a  dû  étudier  plus  particulièrement  la  conductibilité 
de?  51s  métalliques. 

Quand  on  réunit  les  deux  pôles  d'une  pile  par 
un  fil  de  dix  mètres  de  long,  l'électricité  passe 
d'une  extrémité  à  l'autre  avec  une  rapidité  si 
grande  qu'il  est  impossible  de  la  mesurer.  On 
donne  le  nom  de  courant  à  la  manifestation  élec- 
trique dont  le  fil  est  le  siège. 

Les  physiciens  ont  cherché  comment  varie  la 
propagation  do  ce  courant  avec  la  nature,  la  gros- 
seur ou  la  section  et  surtout  avec  la  longueur  du 
fil  conducteur. 

Il  résulte  des  recherches  de  M.  Wheatstone  en 
Angleterre  et  de  M.  Fizeau  en  France,  que  la 
vitesse  du  courant  électrique  est  énorme  dans  un 
fil  de  cuivre  ou  de  fer,  comme  les  fils  télégraphi- 
ques ou  les  conducteurs  ordinaires  des  piles:  elle 
a  été  troïivée  d'environ  deux  cent  mille  kilomèti-es 
par  seconde. 

On  comprend  qu'une  vitesse  aussi  grande  se  mo- 
difie d'une  manière  peu  sensible  quand  on  fait 
varier  le  conducteur.  Aussi,  pour  étudier  les  va- 
riations que  la  nature,  la  section  et  la  longueur 
amènent  dans  la  conductibilité  des  fils,  a-t-on  été 
amené  à  chercher  comment  ils  affaiblissent  le  cou- 
rant, quelles  résistances  ils  lui  opposent. 

En  comparant  des  fils  de  même  longueur  et  de 
même  nature,  mais  de  sections  différentes,  on  a 
reconnu  que  les  plus  gros  affaiblissent  !■  .luins  le 
courant,  que  la  résistance  introduite  est  en  raison 
inverse  de  la  section.  On  en  conclut  que  les  gros 
flls  conduisent  mieux  que  les  fils  fins,  et  que  ces 
derniers  peuvent  opposer  une  résistance  assez 
grande  pour  afl'aiblir  beaucoup  un  courant  élec- 
trique donné. 

En  prenant  deux  portions  inégalement  longues 
d'un  même  fil,  on  a  vu  l'affaiblissement  croître  avec 
la  longueur,  et  par  suite  l'intensité  diminuer  beau- 
coup quand  on  forçait  le  courant  à  traverser  un 
très  long  fil. 

Enfin,  en  comparant  entre  eux  les  différents  fils 


métalliques,  on  les  a  classés,  pour  leur  conducti- 
bilité, dans  l'ordre  suivant  : 

Argent,  cuivre,  or,  zinc,  étain,  fer,  platine. 
C'est  à  peu  près  l'ordre  de  leur  conductibilité  pour 
la  ciialeur. 

On  a  aussi  étudié  la  conductibilité  des  liquides  : 
le  mercure,  qui  est  un  métal,  est  le  liquide  qui  con- 
duit le  mieux  l'électricité,  et  il  la  conduit  soixante 
fois  moins  bien  qu'un  fil  d'argent  de  même  lon- 
gueur. Les  autres  liquides  n'ont  que  dos  conducti- 
bilités excessivement  faibles,  ils  opposent  d'énor- 
mes résistances  au  passage  du  courant;  ainsi,  pour 
ne  citer  qu'un  exemple,  la  dissolution  de  sulfate 
de  cuivre  employée  dans  la  pile  de  Daniel!  et  dans 
les  cuves  galvanoplastiques  oppose  au  courant  une 
résistance  près  de  deux  cent  mille  fois  plus  grande 
que  celle  que  lui  opposerait  un  fil  d'argent. 

Les  conséquences  pratiques  de  ces  faits  sont  fa- 
ciles à  tirer.  De  tous  les  métaux  d'un  prix  mo- 
déré, le  cuivre  est  celui  qui  convient  le  mieux 
pour  conduire  des  courants,  à  cause  de  sa  faible 
résistance  ;  c'est  en  effet  lui  qui  est  toujours  em- 
ployé dans  les  appareils  électriques.  La  télégra- 
phie, cependant,  lui  préfère  le  fer  pour  relier  ses 
stations  :  c'est  parce  que  le  fer  est  d'un  prix 
moins  élevé,  et  qu'il  supporte  sans  se  rompre  l'ef- 
fort nécessaire  pour  le  tendre  entre  les  poteaux. 
Il  est  vrai  qu'il  conduit  huit  fois  moins  bien  que 
le  cuivre  ;  mais  on  obvie  à  cet  inconvénient  en  le 
prenant  plus  gros  pour  diminuer  d'autant  sa  résis- 
tance. 

Les  piles  à  liquides  offrent  au  passage  du  cou- 
rant qu'elles  produisent,  et  qui  les  traverse,  une 
grande  difficulté  ;  on  cherche  à  la  diminuer  autant 
que  possible  en  rapprochant  l'une  de  l'autre  les 
deux  lames  métalliques  qui  les  forment.  C'est 
pour  la  même  raison  qu'il  faut  rapprocher  les  deux 
extrémités  du  fil  d'une  pile  emplo5'ée  à  décompo- 
ser un  liquide  par  l'électricité  et  à  déposer  sur 
un  objet  le  cuivre,  l'argent  ou  l'or. 

Expériences.  —  L  Pour  vérifier  le  grand  pouvoir 
conducteur  des  métaux,  prendre  une  boule  métal- 
lique, l'envelopper  d'une  étofi'e  fine  qui  y  soit  bien 
appliquée,  poser  sur  la  toile  un  charbon  incan- 
descent dont  on  active  encore  la  combustion  en  le 
soufflant  ;  on  constate  que  la  toile  ne  brûle  pas. 
Elle  brûlerait  immédiatement  si  la  boule  était  de 
bois. 

II.  Recouvrir  de  papier  deux  cylindres,  l'un  de 
fer,  l'autre  de  bois,  les  exposer  tous  deux  à  la 
flamme  d'une  lampe  ;  le  papier  ne  s'enflamme  que 
sur  le  bois. 

III.  Mettre  une  toile  métallique  sur  la  flamme 
d'un  bec  de  gaz  ou  d'une  bougie,  la  flamme  est 
comme  coupée  ;  les  gaz  refroidis  ne  brûlent  pas 
au-dessus  de  la  toile. 

IV.  Vérifier  qu'une  allumette  humide  conduit  la 
chaleur,  tandis  qu'une  allumette  sèche  ne  la  con- 
duit pas. 

V.  Vérifier  le  peu  de  conductibilité  des  liquides 
en  mettant  un  morceau  de  glace  dans  un  tube,  de 
l'eau  par  dessus  et  chaufi'ant  l'eau  à-la  partie  su- 
périeure, la  glace  ne  fond  pas. 

VI.  Montrer  les  courants  que  produisent  les  gaz 
chauds  en  suspendant  à,  la  clef  d'un  poêle  al- 
lumé une  spirale  de  papier  ;  elle  tourne  d'un  mou- 
vement rapide.  [Haraucourt.] 

CÔNE.  —  V.  Coi'ps  ronds, 

CONGRÈS.  —  Histoire  générale,  XXXIX-XL  ; 
Histoire  de  France,  XXXVIII-XL.  —  On  appelle 
ainsi,  dans  l'histoire  moderne,  des  réunions  diplo- 
matiques où  les  gouvernements  de  difl'érents  pays, 
représentés  soit  par  leurs  souverains,  soit  par  des 
plénipotentiaires,  négocient  des  traités  destinés 
ti  régler  des  questions  Internationa.     . 

Le  premier  en  date  est  celui  de  Munster  (164fi- 
1648),  complété  par  celui  d'Osnabruck,  d'où  sortit 
la  paix  de  Westphalie,  qui  mit  fin  à  la  guerre  de 


CONIFÈRES 


—  485  — 


CONIFERES 


Trente  Ans,  et  établit  l'équilibre  européen  sur  des 
bases  nouvelles. 

Viennent  ensuite,  parmi  les  plus  célèbres  : 

Celui  d'Ulrecht  (1713),  auquel  prirent  part  les 
renrésentants  de  la  France,  de  l'Angleterre,  du 
Portugal,  de  la  Savoie,  de  la  Prusse  et  de  la  Hol- 
lande :  il  remania  la  carte  de  l'Europe,  comme 
l'avait  fait  le  congrès  de  Munster.  Son  œuvre 
dura  presque  intacte  jusqu'à  la  Révolution  fran- 
çaise ; 

Celui  de  Rastadt,  qui  s'ouvrit  en  1797,  après 
le  traité  de  Campo-Formio,  et  se  termina  par  l'as- 
sassinat des  plénipotentiaires  français  (:;8  avril 
1799);  ,    ^ 

Celai  de  'Vienne  (1814-15),  réuni  après  la  chute 
de  Napoléon  I",  et  où  siégèrent  les  représentants 
des  principales  puissances  de  l'Europe.  L'œuvre 
du  congrès  de  Vienne  est  connue  sous  le  nom  de 
traités  rfe  1815  ; 

Celui  de  Vérone  (1822),  tenu  par  les  représen- 
tants des  puissances  formant  la  Sainte-Alliance,  et 
qui  décida  l'intervention  dans  les  affaires  d'Espa- 
gne  en  faveur  du  roi  Ferdinand  VII  ; 

Celui  de  Paris  (1856),  qui  régla  la  question  d'O- 
rient après  la  guerre  de  Crimée  ; 

Enfin  celui  de  Berlin  (1878),  convoqué  pour 
s'occuper  à  nouveau  de  la  question  d'Orient. 
V.  Traités. 

Le  nom  de  Congrès  désigne  aux  États-Unis  le 
pouvoir  législatif  fédéral,  composé  du  Sénat  et 
de  la  Chambre  des  représentants   (V.  États-Unis). 

CONIFERES.  —  Botanique,  XV.  —  (Etym.  :  de 
cône,  nom  donné  au  fruit  des  arbres  de  cette  classe, 
et  du  verbe  latin  ferre,  porter). 

Définition.  —  Los  conifères  ou  arbres  verts,  ou 
encore  arbres  résineux,  sont  une  des  trois  classes 
des  végétaux  phanérogames  oymnospermes  (on  ap- 
pelle végétaux  gijmnospermes  ceux  dont  les  grai- 
nes sont  nues,  non  enfermées  dans  un  ovaire). 
Dans  la  classification  botanique,  on  place  les  coni- 
fères entre  lesgnétacées  (V.  p.  489)  et  les  cycadées*. 

I .  Caractères  botaniques  des  conifères  et  usages 
de  ces  végétaux-  —  I.  Graine.  —  La  graine  des 
conifères  est  ovoïde,  à  testa  dur,  sans  aile  chez  les 
biota,  avec  une  aile  postéro-latérale  chez  les  pins, 
les  sapins,  les  cèdres,  les  sapinettes,  les  mélèzes  ; 
elle  est  aplatie  et  présente  un  testa  membraneux 
muni  de  deux  ailes  latérales  symétriques  chez  les 
cyprès,  les  thuia,  les  callitris,  les  séquoia.  Dans 
un  petit  nombre  de  conifères,  l'extérieur  de  la 
graine  devient  charnu,  rappelant  ainsi  une  sorte  de 
drupe  comestible:  telle  est  celle  du  ginko  ou  arbre 
aux  quarante  écus,  dont  les  Chinois  et  les  Japonais 
consomment  de  grandes  quantités  malgré  son  goût 
d'huile  rance. 

A  l'intérieur  de  la  coque  ligneuse  de  la  graine 
des  conifères,  on  trouve  une  amande  presque  tou- 
jours comestible  (telle  est  celle  du  pin  pignon)  ;  cette 
amande  elle-même  est  formée  d'un  embryon  etd'un 
albumen  oléagineux  charnu  dont  on  retire  par  la 
pression  une  huile  de  très  bonne  qualité.  A  l'ex- 
trémité de  la  radicule  de  l'embryon  se  voit  un 
suspenseur  bien  développé  ;  la  tigelle  de  cet  em- 
bryon porte  deux  cotylédons  seulement  chez  les 
taxinées  et  les  podocarpées,  de  trois  ;'i  treize  coty- 
lédons chez  les  abiétinées. 

Les  graines  des  conifères  perdent  rapidement 
leur  faculté  germinative,  surtout  celles  qui  sont 
pourvues  d'enveloppes  charnues;  aussi  doit-on  les 
semer  aussitôt  après  la  récolte  ;  les  autres,  c'est- 
à-dire  celles  qui  ne  sont  pas  charnues,  doivent  être 
semées  dans  le  courant  de  l'année  qui  suit  leur 
récolte;  cependant,  en  les  conservant  dans  des  en- 
droits bien  frais  et  bien  secs,  leur  faculté  germi- 
native peut  persister  pendant  deux  années. 

II.  Germination.  —  La  durée  de  la  germination, 
entreprise  à  une  époque  convenable,  varie  entre 
quinze  jours  et  six  mois  ;  elle  est  accélérée  par  la 


chaleur,  par  la  rupture  préalable  du  testa  ligneux, 
rupture  qui  doit  être  faite  longitudinalemont,  du 
petit  bout  de  la  graine  vers  le  gros.  Dans  la  pra- 
tique, cette  opération  se  fait  à  l'aide  d'un  casse- 
noisette;  la  graine  est  placée  entre  les  mors  de 
l'instrument,  son  grand  axe  parallèle  aux  branches, 
sa  petite  extrémité  vers  le  talon. 

Lorsque  la  graine  des  conifères  germe,  la  radi- 
cule sort  tout  d'abord,  donnant  la  première  racine 
ou  pivot;  celui-ci  s'allonge  beaucoup  et  fixe  la  jeune 
plante  au  sol.  Se  servant  de  son  pivot  comme  d'un 
point  d'appui,  la  plante  se  redresse,  dégage  ses 
cotylédons  des  enveloppes  séminales  ;  les  cotylé- 
dons, devenus  libres,  s'élèvent  au-dessus  de  la 
surface  du  sol,  ce  qu'on  exprime  en  disant  qu'ils 
sont  épigés. 

Parfois,  peu  de  temps  après  la  germination,  les 
jeunes  plants  de  conifères  sont  atteints  d'une  mala- 
die qu'on  appelle  la  fonte;  les  paysans  disent  que 
ces  jeunes  plants  nuilent.  Cette  maladie  est  provo- 
quée par  un  champignon  phycomycète  qui  attaque 
les  jeunes  sujets  dans  le  voisinage  du  collet  et  qui 
provoque  la  pourriture  des  racines  ;  les  dégâts 
occasionnés  par  cette  maladie  sont  considérables  : 
le  seul  remède  efficace  qu'on  ait  signalé  jusqu'ici 
pour  enrayer  le  mal,  c'est  de  repiquer  les  jeunes 
plants  atteints  (repiquer  une  plante,  c'est  l'arracher 
et  couper  les  extrémités  de  ses  racines). 

IW.Raciiie.  — Les  conifères  présentent  tous  une 
racine  principale  qui  acquiert  un  développement 
considérable  cliaque  fois  que  l'arbre  n'a  pas  été  re- 
piqué. L'opération  du  repiquage  a  pour  but  de 
provoquer  le  développement  de  nombreuses  racines 
secondaires.  Lorsque  le  cultivateur  trouve  que, 
malgré  le  repiquage,  le  végétal  a  une  tendance  à 
prendre  une  forme  trop  élancée,  à  filer,  comnie_  on 
dit  vulgairement,  il  pratique  une  nouvelle  opéra- 
tion analogue  au  repiquage,  qu'on  nomme,  re- 
laijage. 

Les  racines  secondaires  des  conifères  sont  dis- 
posées sur  la  racine  principale  en  deux,  trois 
ou  quatre  rangées  verticales;  leur  coiffe  est  peu 
visible  ;  toutes  présentent  une  écorce  épaisse 
très  riche  en  canaux  résinil'ères  ;  leur  bois  même 
est  imprégné  de  résine  ;  c'est  pour  cela  qu'on  les 
débite  en  copeaux  destinés  à  allumer  le  feu;  on 
les  utilise  aussi  dans  la  fabrication  du  noir  de 
fumée. 

IV.  La  tige.  —  La  tige  des  conifères  se  présente 
généralement  sous  la  forme  d'une  colonne  cylin- 
dro-conique  dont  la  taille  varie  depuis  quelques 
décimètres  jusqu'à  130  et  160  mètres;  c'est,  en 
effet,  parmi  les  conifères  que  se  trouve  le  plus 
grand  arbre  connu,  le  Wellingtonia  gigantea;  le 
diamètre  de  cet  arbre  peut  atteindre  jusqu'à  10 
mètres. 

Les  tiges  d'un  grand  nombre  de  conifères  pré- 
sentent cette  particularité  que  leurs  branches,  in- 
sérées presque  au  même  niveau,  paraissent  verti- 
cillées  ;  la  longueur  de  ces  organes  diminuant  de 
la  base  de  l'arbre  à  son  sommet,  il  en  résulte  pour 
la  plante  une  forme  conique  ou  pyramidale  qu'on 
exagère  encore  parla  culture;  ce  qui  fait  employer 
ces  végétaux  comme  plantes  d'ornement  dans  les 
parcs  et  les  jardins.  Quand  la  plante  est  de  petite 
taille,  si  ses  branches  se  développent  également 
de  la  base  au  sommet  du  tronc,  l'apparence  du 
végétal  est  celle  d'un  buisson.  Rarement  la  partie 
inférieure  du  tronc  re^te  prédominante,  les  hau- 
tes branches  prenant  toutes  un  développement 
assez  considérable  ;  si  alors  les  feuilles  sont  larges 
comme  chez  les  dammara  et  les  ginko,  le  port  de 
la  plante  rappelle  celui  de  nos  arbres  fruitiers. 

Les  rameaux  naissent  de  chaque  côté  des  bran- 
ches, de  façon  à  se  placer  avec  elles  dans  un  même 
plan  ;  les  feuilles  de  ces  rameaux  partagent  ce 
mouvement,  et  se  disposent  à  droite  et  à  gauche 
de  l'axe  qui  les   porte,  si  bien  que  branches,  ra- 


CONIFERES 


—  -4B6  — 


CONIFÈRES 


meaux  et  feuilles  forment  une  surface  plane  ;  tou- 
tes ces  feuilles  tournent  vers  le  sol  leur  face  infé- 
rieure, et  si  par  une  raison  quelconque,  acciden- 
telle ou  volontaire,  on  retourne  un  rameau,  les 
bourgeons  qui  en  naissent  disposent  leurs  feuilles 
normalement,  c'est-à-dire  dans  la  position  inverse 
de  celle  qu'elles  auraient  occupée  si  aucun  accident 
ne  s'était  produit  sur  le  rameau  qui  porte  leur 
axe. 

On  appelle  ^ècAe  la  tige  principale  des  conifères. 
Lorsque  la  flèche  est  abattue,  l'arbre  ne  croit  plus 
en  hauteur,  à  moins  que  naturellement  ou  artifi- 
ciellement il  ne  produise  une  autre  flèche,  par  le 
redressement  d'une  de  ses  branches  latérales.  On 
peut  rendre  une  flèche  à  un  arbre  qui  l'a  perdue 
en  greffant  sur  la  plaie  la  flèche  d'un  autre  arbre. 

Cette  tige  est  formée,  comme  celle  des  végétaux 
dicotylédones  angiospermes,  d'une  moelle  centrale 
enveloppée  par  des  courbes  ligneuses  concentri- 
ques, dont  chacune  représente  l'accroissement 
ligneux  pendant  une  année.  Ce  bois  est  exclusi- 
vement formé  de  fibres  dont  les  parois  latérales 
portent  des  ponctuations  aréolées  ;  les  rayons  mé- 
dullaires sont  peu  nombreux,  les  couches  libé- 
riennes peu  développées,  l'écorce  parenchymateuse 
contient  de  nombreuses  glandes  résinifères  ;  le 
bois  des  pins  se  distingue  de  celui  des  autres  co- 
nifères par  la  présence  de  canaux  résinifères.  La 
surface  de  l'écorce  se  décortique  par  plaques  rou- 
geâtres  de  consistance  variable.  Ces  plaques  for- 
ment d'excellents  copeaux,  et  dans  quelques  pays 
elles  sont  employées  à  la  fabrication  du  tan. 

L'accroissement  de  la  tige  en  diamètre  est  ra- 
pide dans  quelques  essences,  très  long  chez  d'au- 
tres. Dans  le  premier  cas,  le  bois  fort  léger  est 
toujours  imprégné  de  résine,  ce  qui  lui  assure  une 
longue  durée;  dans  le  second  cas,  les  zones  li- 
gneuses très  petites  (un  millimètre  à  peine  dans 
le  sapin  de  Norvège,  Picea  excelsa)  sont  formées 
d'éléments  très  grêles  et  très  serrés  ;  ce  bois  est 
très  recherché  pour  la  mâture  des  navires. 

La  résine  des  conifères  s'extrait  de  la  tige  de 
ces  végétaux  en  pratiquant  dans  l'arbre  soit  des 
entailles  à  la  hache,  ou  mieux  des  trous  avec  une 
tarière. 

Dans  les  séquoia  très  âgés,  la  surface  de  l'écorce 
est  revêtue  d'une  étoupe  grossière  que  l'on  peut 
filer  et  qui  pendant  quelques  années  a  donné  des 
étoffes  vendues  sous  le  nom  de  flanelle  faite  avec 
des  feuilles  de  pin.  Tous  les  déchets  résultant  du 
travail  de  la  tige  de  ces  végétaux  sont  vendus 
sous  le  nom  de  semelles  résineuses  pour  allumer 
les  feux. 

\.  Feuilles.  —  Les  feuilles  des  conifères  sont 
simples,  entières,  sessiles,  rarement  pétiolées. 
Chez  les  dammara  la  forme  des  feuilles  rappelle 
celles  du  laurier  ;  dans  le  ginko,  on  croirait  avoir 
afi'aire  à  des  feuilles  de  fougères  ;  dans  les  arau- 
caria les  feuilles  sont  triangulaires,  sessiles,  co- 
riaces ;  ces  trois  genres  ont  des  feuilles  pluriner- 
viées  à  nervures  dichotomes  et  parallèles.  Seul, 
l'arbre  aux  quarante  écus  a  des  feuilles  pétiolées; 
dans  tous  les  autres  conifères,  la  feuille,  quelle 
que  soit  sa  forme,  n'a  jamais  qu'une  nervure  mé- 
diane, saillante  ou  non  à  la  face  inférieure  de  la 
feuille.  Ces  feuilles  sont  aplaties,  lancéolées,  mucro- 
nées  ou  arrondies  à  leur  extrémité;  telles  sont  celles 
des  podocarpus,  des  sapins,  des  mélèzes.  Les 
feuilles  des  capressinécs  ne  sont  pas  distinctes 
du  rameau  qui  les  porte,  à  peine  leur  extrémité 
est-elle  libre.  Les  feuilles  des  pins  sont  linéaires, 
arrondies,  ou  triangulaires,  à  bords  lisses  ou  den- 
tés, solitaires  dans  le  jeune  âge,  et  réunies  par 
groupes  de  2  à  5  à  une  époque  plus  avancée. 

En  général,  les  feuilles  des  conifères  sont  co- 
riaces, persistantes,  sauf  chez  les  ginko  et  les 
mélèzes  où  elles  sont  annuelles.  Dans  les  cyprès 
chauves  ou  cyprès  de   Virginie,  les  rameaux  qui 


portent  les  feuilles  tombent  avec  elles  à  la  fin  de 
l'automne,  aussi  celles-ci  prennent-elles  à  cette 
saison  une  belle  teinte  rouge,  puis  jaune,  qui 
donne  à  ces  végétaux  un  aspect  très  ornemental  : 
on  les  recherche  pour  la  décoration  des  parcs, 
d'autant  plus  que,  chose  rare  chez  les  arbres  ré- 
sineux, ils  aiment  beaucoup  l'humidité. 

Toutes  les  feuilles  des  conifères,  sauf  celles  des 
ifs,  présentent  des  canaux  résinifères,  soit  un 
seul  situé  sous  la  nervure  médiane,  soit  deux,  si- 
tués symétriquement  sous  les  bords  latéraux  de  la 
feuille,  soit  trois,  un  médian  et  deux  latéraux,  soit 
un  plus  grand  nombre  ;  dans  certaines  espèces  de 
pin,  on  en  compte  onze  et  même  treize.  L'abondance 
de  la  résine  dans  les  feuilles  des  conifères  expli- 
que la  lenteur  de  leur  destruction,  la  rapidité 
avec  laquelle  elles  s'enflamment,  et  la  sensation 
de  glissement  qu'on  éprouve  quand  on  marche  sur 
un  terrain  incliné  recouvert  par  ces  feuilles.  Dans 
quelques  conifères  seulement  les  feuilles  sont 
polymorphes,  linéaires,  solitaires  et  écartées  dans 
le  jeune  âge,  elles  sont  plus  tard  remplacées 
par  des  écailles  ou  groupées  au  nombre  de  deux, 
trois  ou  cinq,  la  base  de  chaque  groupe  étant  pro- 
tégée par  un  étui  formé  des  écailles  dont  nous  ve- 
nons de  parler.  Ex  :  les  pins. 

Dans  quelques  conifères,  les  feuilles  très  peti- 
tes, écailleuses,  caduques,  sont  remplacées  par 
des  rameaux  aplatis  et  transformés  en  cladodes, 
ou  bien  par  des  rameaux  transformés  d'une  façon 
toute  particulière,  qui  se  présentent  sous  la  forme 
de  lanières  vertes  nommées  aiguilles. 

Sauf  chez  les  ginko,  les  stomates  sont  disposés 
en  files  et  lorsque  les  feuilles  sont  aplaties,  ces 
files  de  stomates  sont  exclusivement  cantonnées  à 
leur  face  inférieure.  Les  stomates  peuvent  être 
localisés  dans  des  chambres  spéciales  disposées  de 
part  et  d'autre  de  la  nervure  médiane  de  la  feuille 
et  toujours  à  la  face  inférieure  de  celle-ci. 

Les  feuilles  sont  tantôt  disposées  sur  la  tige  en 
verticilles  alternant  régulièrement,  tantôt  elles 
sont  complètement  alternes.  Les  feuilles  sont  ver- 
ticillées  par  deux  chez  les  thuia,  les  biota,  les 
cyprès  ;  elles  sont  verticillées  par  trois  dans  les 
genévriers.  Les  feuilles  sont  alternes  dans  les 
abiétinées,  les  podocarpées,  les  araucaria,  les 
salisburiées.  Lorsque  les  feuilles  des  conifères 
sont  alternes,  elles  sont  éparses  ou  rapprochées 
en  paquets  enveloppés  à  leur  base  par  des  feuilles 
atrophiées,  réduites  à  l'état  de  minces  écailles 
membraneuses. 

La  couleur  générale  des  feuilles  de  conifères 
est  le  vert  foncé  en  dessus  et  le  vert  blanchâtre 
en  dessous  ;  cette  dernière  coloration  tient  à  la 
présence  des  stomates  sur  cette  partie  de  la 
feuille. 

Les  feuilles  de  lif  sont  vénéneuses.  Les  bour- 
geons de  quelques  sapins  sont  employés  pour 
fabriquer  une  bière  très  douce  fort  estimée  des 
Canadiens, 

VI.  Appareil  floral.  —  Les  fleurs  des  conifères 
sont  diclines  ou  uiiisexuées  ;  fréquemment  les 
fleurs  mâles  et  les  fleurs  femelles  sont  portées 
sur  des  pieds  séparés,  ce  qui  lait  dire  de  la  plu- 
part de  ces  plantes  qu'elles  sont  dioiques.  Par  la 
greffe, un  seul  individu  peut  porter  les  deux  sexes: 
c'est  ainsi  que  l'arbre  aux  quarante  écus  ou  ginko 
du  Jardin  botanique  de  Montpellier  était  un  pied 
femelle  sur  lequel  on  a  grifl'é  un  rameau  dun 
pied  mâle  ;  dans  un  grand  nombre  de  parcs  où 
cet  arbre  est  cultivé  comme  ornement  à  cause  de 
son  feuillage  bizarre,  on  pratique  la  même  opéra- 
tion. 

Los  fleurs  mâles  des  conifères  ne  sont  jamais 
solitaires.  Les  inflorescences  ou  réunions  de  fleurs 
mâles  sont  plus  spécialement  nommées  chatons. 
Chaque  fleur  mâle  comprend  un  pédicelle  ou  filet 
terminé  par  une  sorte  d'écaillé  ou  de  chapeau 


CONIFERES 


—  487 


COiNIFÈRES 


{anthère),  à  la  partie  inférieure  duquel  sont  fixés 
les  sacs  polliniques  ou  loges  de  l'anthère.  Ceux-ci 
renferment  les  grains  de  pollen.  Chaque  fleur 
mâle  chez  les  conifères  est  donc  réduite  à  une 
étamine  composée  d'un  filet  et  de  trois  à  huit  sacs 
polliniques.  Ce  n'est  guère  que  dans  le  genre 
ginko  qu'on  trouve  seulement  deux  loges  à  l'an- 
thère. Les  sacs  polliniques,  au  moment  de  la  pol- 
linisation ou  dispersion  du  pollen,  s'ouvrent  tous 
par  une  fente  longitudinale.  Les  étamines  sont 
caduques,  en  général  le  rameau  qui  les  porte 
tombe  avec  elles.  Cette  chute  suit  de  près  la  pol- 
linisation. 

Aucun  périanthe,  calice  ou  corolle,  n'accompagne 
la  fleur  mâle  des  conifères. 

La  dissémination  des  grains  de  pollen  se  fait 
exclusivement  par  le  vent  et  elle  est  parfois  favo- 
risée par  deux  ailes  membraneuses  dont  sont 
pourvus  les  granules  polliniques  de  certaines  es- 
pèces. A  certaines  époques  de  l'année  (avril, 
mai),  en  Suède  et  en  Norvège,  les  grains  de  pol- 
len des  sapins  sont  transportés  en  si  grande  abon- 
dance qu'ils  couvrent  tout  le  pays  d'une  fine  pous- 
sière jaune.  Les  paysans  suédois  et  norvégiens 
disent  qu'il  pleut  du  soufre.  Le  pollen  des  coni- 
fères sert  aux  mêmes  usages  que  la  poudre  de 
lycopode,  qu'il  sert  à  falsifier.  Ainsi  on  l'emploie 
au  théâtre  pour  simuler  des  éclairs  ;  en  médecine 
on  en  fait  usage  pour  saupoudrer  les  parties  orga- 
niques susceptibles  de  se  fendiller  par  le  frotte- 
ment. Pour  reconnaître  la  poudre  de  lycopode 
falsifiée,  il  suffit  de  regarder  les  granules  à  la 
loupe  ;  les  grains  de  Ijxopode  sont  petits  et  trian- 
gulaire ;  le  pollen  des  conifères  est  formé  de 
masses  arrondies,  ailées,  volumineuses. 

Les  fleurs  femelles  des  conifères  sont  rarement 
solitaires  (if),  plus  ordinairement  elles  sont  réu- 
nies en  grand  nombre,,  et  c'est  leur  inflorescence 
qui  porte  plus  particulièrement  le  nom  de  cône, 
qui  a  fait  donner  le  nom  de  Conifères  à  la  famille 
entière.  Chaque  fleur  femelle  comprend  une  feuille 
écailleuse  qu'on  appelle  bractée  mère,  dans  l'ais- 
selle de  laquelle  apparaît  un  axe  transformé  en 
une  lame  foliacée  appelée  écaille  ovulifère.  Cette 
écaille  ovulifère,  plus  ou  moins  adhérente  à  la 
bractée  mère,  porte  les  ovules  sur  sa  face  supé- 
rieure. Suivant  les  genres,  ces  ovules  sont  dres- 
sés, horizontaux  ou  renversés  ;  chacun  d'eux  est 
nu,  droit,  et  pourvu  dun  seul  tégument  plus  ou 
moins  longuement  adhérent  à  l'écaillé. 

Chaque  écaille  ovulifère  porte  un  ovule  chez  les 
podocarpus,  les  araucaria^  deux  ovules  chez  les 
abiétinées ,  les  thuia,  les  biota,  de  trois  à  treize 
chez  les  sequoïa,  les  cyprès. 

Au  sommet  du  nucelle  de  chaque  ovule  se  pro- 
duit une  cavité,  la  chambre  pollinique,  dans  la- 
quelle les  grains  de  pollen  s'accumulent  et  séjour- 
nent pendant  le  temps  très  long  qui  sépare  la 
pollinisation  de  la  fécondation.  La  chambre  polli- 
nique est  tapissée  par  une  matière  gommo-rési- 
neuse  contractile,  qui  a  pour  but  de  recueillir  les 
grains  de  pollen  quand  ceux-ci  ont  traversé  le 
micropyle  ;  sitôt  aprè:  l'entrée  des  grains  de  pol- 
len dans  la  chambre  pollinique,  le  micropyle  se 
ferme. 

La  fécondation  des  conifères  ne  s'opère  qu'au 
bout  d'un  temps  très  long,  variant  entre  six  mois 
et  deux  ans. 

Après  la  fécondation,  et  même  déjà  après  la 
pollinisation,  le  tégument  ovulaire  se  transforme 
de  façons  extrêmement  variées,  donnant  tantôt 
l'enveloppe  mi-partie  charnue  et  mi-partie  ligneuse 
du  ginko,  tantôt  l'enveloppe  ligneuse  des  pins, 
ou  l'enveloppe  membraneuse  des  thuia. 

A  la  suite  de  la  fécondation,  les  écailles  ovuli- 
fères  et  les  bractées  sont  s(Hivent  transformées  en 
organes  protecteurs  spéciaux.  Quelques-unes  de 
ces  parties  joignent  à  ce  rôle  d'organe  protecteur 


celui  d'organe  disséminateur:  nous  citerons  comme 
exenrples  les  arilles  rouges  qui  enveloppent  les 
graines  d'if  et  qui  en  provoquent  la  dissémination 
par  les  oiseaux,  les  écailles  ovulifères  charnue» 
des  genévriers  si  recherchées  des  grives.  Les  baies 
de  genièvre,  qui  proviennent  de  ces  écailles  trans- 
formées en  enveloppes  charnues  accessoires,  sont 
employées  pour  parfumer  certaines  liqueurs  alcoo- 
liques vendues  sous  le  nom  de  genièvre.  Dans  le 
Dauphiné,  les  vieilles  gens  ont  coutume  d'employer 
les  baies  de  genièvre  à  parfumer  la  fumée  qui  doit 
atteindre  les  salaisons  qu'on  veut  conserver  sè- 
ches et  fumées.  Cette  habitude  se  retrouve  encore 
en  Franche-Comté  et  dans  la  Lorraine.  En  Alle- 
magne et  en  Suisse,  on  s'en  sert  pour  assaisonner 
la  choucroute. 

VIL  Époque  d'apparition  des  conifères.  —  Les 
conifères  sont  des  plantes  très  anciennes  ;  leurs 
premiers  représentants  apparaissent  dans  le 
trias;  c'est  pendant  la  période  jurassique  que  ces 
végétaux  ont  atteint  leur  plus  grand  développe- 
ment. Toutes  les  espèces  de  cette  période  appar- 
tiennent à  des  genres  aujourd'hui  disparus  et  que 
l'on  rapporte  aux  familles  exotiques  des  araucarias 
et  des  séquoiées.  Pendant  la  période  crétacée,  la 
famille  dominante  fut  celle  des  abiétinées.  Les 
plus  modernes  des  conifères  sont  les  cupressinées  : 
c'est  la  famille  qui  a  le  plus  de  représentants  ac- 
tuellement. 

Vliï.  Classification  des  conifères  actuels.  —  On 
peut  subdiviser  les  conifères  actuels  selon  que 
leurs  ovules  sont  renversés  ou  dressés,  comme 
l'indique  le  tableau  ci-dessous. 

1  ovule  sur  chaque  écaille  ovuli- 
fère ;  pas  d'ai  les àbaccabiÉbs. 

Genres  principaux  :  Arauca- 
ria, Dammara. 

2  oTules  sur  chaque  écaille  ovu- 
lifère ;  1  aile  postéro-Iatérale..  Abiétihêbs. 

Ovules    y  Genres  principaux  ;  l'in,  Sa- 

renversés.)  P'n.    Sapinette,    Mélèze, 

Cèdre. 

Plus  de  2  ovules  sur  chaque 
écaille  ;  2  ailes  latérales  sy- 
métriques   Skocoîbbs. 

Genre       principal    :      Se  - 
quoia. 

Mêmes  caractères  que  les  Sé- 
quoiées, sauf  des  ovules  dres- 
sés   et    des    graines     à    testa 

charnu  ligneux Salisbdbibes. 

Genre  unique  :  Ginko, 

Graines  charnues Taxinées. 

Genre  principal  :  If. 


Graines  et  bractées  charnues 


PODOCABPEBS 


Ovules 
dressés. 


Graines  sèches,  à  ailes    symétri- 
ques   ou    sans   ailes;    noix  ou 

J       charnue  ou   ligneuse Cuprbssinées 

I  Genres    principaux  ;  Thuia., 

1  Cyprès,    Callilris,   Gené- 

\  vrier, 

2.  Produits  des  conifères.  —  I.  Bois.  —  Nous 
avons  fait  connaître  les  bois  des  conifères  en  par- 
lant de  leurs  tiges.  Ces  bois  sont  très  employés 
dans  la  marine  et  dans  la  menuiserie  courante. 
Nous  ajouterons  à  ces  premières  indications  quel- 
ques renseignements  complémentaires.  Le  bois  des 
loupes  de  cullitris  d'Algérie  fournit  à  l'ébénisterie 
un  bois  très  estimé.  L'histoire  rapporte  que  Cicé- 
ron  paya  un  million  une  table  dun  seul  morceau 
pris  dans  l'une  de  ces  loupes.  Le  boi?  de  thuia 
rivalise  encore  aujourd'hui  avec  le  bois  de  rose. 
Le  bois  de  \'if,  veiné  de  rouge,  est  susceptible 
d'un  très  beau  poli  ;  il  est  fort  recherché  des  lu- 
thiers et  des   tourneurs.  L'odeur  aromatique  du 


CONIFÈRES 


488 


CONIFÈRES 


bois  de  cyprès  l'a  fait  employer  par  les  anciens 
pour  fabriquer  des  cercueils  et  des  sarcophages. 
Le  bois  du  genévrier  de  Virginie,  légèrement 
violacé  et  odorant,  est  désigné  vulgairement  sous 
le  nom  de  bois  de  cèdre  ou  de  cèdre  rouge;  il  sert 
à  envelopper  les  crayons  de  graphite;  à  la  distilla- 
tion, ce  bois  de  genévrier  donne  une  essence  que 
l'on  a  qualifiée  à: essence  de  cèdre.  Le  bois  du  getié- 
vrier  oxycèdre,  brûlé  à  l'abri  de  l'air,  comme  on 
le  pratique  pour  fabriquer  les  goudrons,  laisse 
écouler  un  liquide  brunâtre,  huileux,  inflammable, 
d'une  odeur  empyreumatique,  connu  sous  le  nom 
à'huide  de  code;  ce  liquide  presque  caustique  est 
employé  pour  la  guérison  des  ulcères  des  chevaux 
et  de  la  gale  des  moutons;  on  lui  substitue  sou- 
vent y  huile  de  goudron  de  pin ,  qui  lui  est  infé- 
rieure comme  qualité,  et  très  souvent  Vhuile  de 
goudron  de  houille,  qui  n'a  aucune  de  ses  pro- 
priétés. 

II.  Résines  et  leurs  dérivés. 
a.  Ambre  OM  succin.  —  L'ambre  ou  succin  est 
une  résine  fossile,  qui  provient  du  Piiius  succini- 
fera.  Cette  substance  est  transparente  jaune  ou 
brune,  ou  opaque  lactescente  et  verdâtre.  Mau- 
vaise conductrice  de  l'électricité,  d'une  densité  de 
0,9,  elle  fond  vers  180°  en  donnant  un  liquide 
noir,  analogue  à  la  poix. 

Cette  résine  fossile  sert  à  fabriquer  une  foule 
de  menus  objets,  porte-cigares,  perles,  etc.  Les 
anciens  s'en  servaient  beaucoup,  ils  connais- 
saient l'ambre  de  Constantinople  et  celui  de  la 
Baltique  ;  ils  en  faisaient  des  amulettes  /fouilles 
d?  Pompéi).  De  nos  jours  cette  habitude  s'est 
conservée,  et  c'est  ainsi  qu'on  fait  souvent  porter 
aux  jeunes  enfants  des  colliers  d'ambre  soi-disant 
pour  les  préserver  des  convulsions.  De  tout  temps 
l'ambre  le  plus  estimé  fut  celui  de  Turquie. 

On  trouve  l'ambre  au  fond  de  la  mer  Baltique 
d'oii  on  l'extrait  à  la  drague;  on  le  trouve  en- 
core dans  les  environs  de  Paris,  dans  les  ter- 
rains connus  sous  les  noms  d'argile  plastique  et 
de  grès  vert.  Mais  dans  cette  localité  l'ambre  est 
à  l'état  de  granules  très  petits.  Dans  les  gros 
morceaux  d'ambre  de  la  Baltique  on  rencontre  sou- 
vent des  insectes  admirablement  conservés,  de 
petits  reptiles  et  jusqu'à  des  gouttes  d'eau.  Ces 
objets  ont  été  englobés  au  moment  même  où  le 
succin  s'écoulait  de  l'arbre  qui  l'a  produit.  De  nos 
jours  on  voit  des  faits  analogues  se  produire  dans 
la  résine  de  copal,  produite  par  les  dammara,  arau- 
cariées  de  la  Nouvelle-Calédonie. 

La  plus  belle  collection  d'ambre  qui  existe  est 
celle  de  M.  Reboux,  savant  archéologue  pari- 
sien. 

Dans  le  commerce,  on  vend  souvent  le  copal 
sous  le  nom  d'ambre.  Le  copal  est  plus  friable 
que  l'ambre  ;  on  l'écrase  facilement  sous  la  dent. 

b.  Copal  blanc  ou  Dammar.  —  Cette  résine 
coule  spontanément  du  tronc  des  dammara,  végé- 
taux conifères  de  la  famille  des  araucariées,  qui 
habitent  toute  l'Océanie.  Les  dammara  abondent 
surtout  dans  la  Nouvelle-Calédonie.  Au  moment 
où  on  la  recueille,  la  résine  de  copal  est  blanche, 
transparente  comme  du  cristal  blanc;  elle  durcit  à 
l'air  et  prend  peu  à  peu  une  ressemblance 
souvent  très  grande  à  tous  les  points  de  vue  avec 
le  succin. 

c.  Sandaraque.  —  La  résine  sandaraque  provient 
du  Callitris  quadrivalvis  ;  elle  se  présente  sous 
forme  de  petites  larmes  recouvertes  d'une  pous- 
sière fine.  Elle  se  laisse  broyer  sous  la  dent.  Avec 
l'alcool  elle  donne  un  fort  beau  vernis  très  em- 
ployé. On  se  sert  souvent  de  la  sandaraque  pour 
rendre  au  papier  l'imperméabilité  de  sa  surface 
Quand  il  l'a  perdue  accidentellement. 

d.  Térébenthine  et  autres  produits  des  pi?is  et 
des  sapifis.  —  Térébenthiiie  du  mélèze  ou  de 
Strasbourg.  —  Cette   substance  vient  de  Suisse  ; 


elle  est  très  amère,  soluble  dans  l'alcool  à  35°; 
elle  est  assez  molle  ;  on  l'appelle  aussi  térébentldne 
de  V(fjiise.  On  extrait  cette  résine  au  moyen  de 
trous  faits  à  l'aide  d'une  tarière,  en  commençant  à 
1  mètre  du  sol  et  en  continuant  jusqu'à  la  hauteur 
de  4  mètres.  On  adapte  à  chaque  trou  un  canal  en 
bois  qui  conduit  la  résine  dans  une  auge  d'où  elle 
est  retirée  pour  être  passée  au  tamis.  Lorsqu'un 
trou  ne  laisse  plus  couler  de  résine,  on  le  bouche 
avec  une  cheville  et  on  l'ouvre  de  nouveau  15 
jours  après;  il  en  donne  alors  de  grandes  quanti- 
tés. La  récolte  dure  de  mai  à  la  fin  de  septembre. 
Un  mélèze  vigoureux  produit  ainsi  de  3  à  4  kilo- 
grammes de  résine  par  année;  il  peut  en  produire 
pendant  quarante  ou  cinquante  ans.  Le  bois  qui 
en  provient  ne  peut  guère  servir  à  la  construc- 
tion. 

Térébenthine  du  sapin  ou  au  citron.  —  Cette 
substance  vient  des  Vosges  et  des  Alpes.  Deux  fois 
l'an,  au  printemps  et  en  automne,  le  suc  résineux 
des  sapins  suinte  à  travers  l'écorce  et  vient  former 
à  sa  surface  des  larmes  que  les  pâtres  recueillent 
dans  des  cornets  de  fer  blanc.  Cette  résine  est  tou- 
jours fort  rare,  car  chaque  collecteur  peut  à  peine, 
en  travaillant  bien,  en  recueillir  125  grammes  par 
jour,  et,  de  plus,  le  sapin  ne  donne  cette  résine 
que  quand  son  diamètre  dépasse  O^SS,  et  il 
cesse  d'en  donner  quand  son  épaisseur  atteint  un 
mètre.  La  térébenthine  du  sapin  est  très  fluide, 
parfaitement  transparente,  peu  soluble  dans  l'al- 
cool ;  son  odeur  est  suave,  citronnée. 

Baume  du  Cnnada.  —  Cette  résine  est  produite 
par  l'Abies  balsamea  ou  sapin  balsamique.  On  la 
recueille  comme  la  térébenthine  au  citron  et  aux 
mêmes  époques.  Les  propriétés  du  baume  de  Ca- 
nada sont  très  peu  différentes  de  celles  de  la  téré- 
benthine au  citron. 

Poix  des  Vosges.  —  Par  des  incisions  faites  à 
l'écorce  des  sapinettes  coule  un  liquide  résineux 
qui  se  concrète  à  l'air  en  prenant  des  teintes  roses 
assez  foncées.  Fondue  avec  de  l'eau  dans  une  chau- 
dière, on  en  obtient  une  poix  opaque  fauve  foncé. 
Cette  poix  est  solide,  cassante  à  froid,  mais  avec 
le  temps  elle  finit  toujours  par  couler  ;  son  odeur 
est  balsamique,  sa  saveur  douce,  parfumée,  non 
amère.  A  Bordeaux  et  à  Rouen  on  fabrique  une 
poix  blanche  que  l'on  vend  au  lieu  et  place  de  la 
poix  des  Vosges.  Cette  poix  blanche  est  faite  avec 
du  galipot  du  pin  maritime,  de  la  résine  jaune,  de 
la  térébenthine  de  Bordeaux  et  de  l'essence  de  té- 
rébenthine, le  tout  fondu  et  brassé  dans  l'eau. 
Cette  pseudo-poix  blanche  est  très  amère,  elle  sent 
la  térébenthine  de  Bordeaux  ou  son  essence  ;  elle 
se  dissout  entièrement  dans  l'alcool. 

Encens  de  Russie.  —  Cette  résine  provient  du 
pi7ï  laricio  ou  pin  de  Corse.  En  brûlant,  cette  subs- 
tance répand  une  odeur  balsamique  des  plus  agréa- 
bles. On  s'en  sert  en  Russie  pour  parfumer  les 
appartements. 

Térébe7ithine  de  Bordeaux  et  ses  dérivés.  —  Cette 
térébenthine  découle  du  Pinus  maritima,  que  l'on 
a  planté  dans  les  Landes  pour  arrêter  les  progrès 
des  dunes.  On  commence  à  exploiter  l'arbre  quand 
il  est  âgé  de  trente  ans.  On  le  travaille  chaque 
année,  du  mois  de  février  au  mois  d'octobre,  plus 
ou  moins  selon  l'année.  On  fait  d'abord  au  pied  de 
l'arbre  une  entaille  avec  une  hache  à  angles  relevés 
en  dehors  afin  qu'elle  n'entre  pas  trop  avant,  et  on 
continue  tous  les  huit  jours  de  faire  une  nouvelle 
plaie  au-dessus  de  la  première  jusqu'au  milieu  de 
l'automne.  Chaque  entaille  a  8  centimètres  de 
largeur  sur  2  à  3  centimètres  de  hauteur,  de  sorte 
que  lorsqu'on  a  continué  d'en  faire  du  môme  cùté 
pendant  quatre  ans,  on  se  trouve  arrivé  à  la  hau- 
teur de  3  mètres.  Alors  on  entame  le  tronc  par  le 
cùté  opposé  et  on  continue  ainsi  tant  qu'il  reste 
de  l'écorce  saine  sur  l'arbre;  mais,  comme  pendant 
ce  temps  les  anciennes  plaies  se  sont  cicatrisées, 


CONIFÈRES 


-  489 


CONJONCTION 


lorsqu'on  a  fait  le  tour  de  l'arbre  on  recommence 
sur  le  bord  de  ses  plaies.  De  cette  manière,  quand 
l'arbre  est  vigoureux  et  l'exploitation  bien  con- 
duite, elle  peut  durer  cent  ans. 

La  résine  qui  découle  des  incisions  est  reçue  dans 
«n  creux  fait  au  pied  de  l'arbre  :  on  le  vide  tous 
les  mois.  Dans  le  pays,  cette  résine  brute  est  ap- 
pelée gomme  molle.  Pour  purifier  la  térébenthine, 
on  peut  ou  la  filtrer  sur  de  la  paille  après  l'avoir 
fondue  au  feu,  ou  la  filtrer  au  soleil.  Le  second 
procédé,  qui  ne  peut  s'appliquer  qu'en  été,  est  de 
beaucoup  préférable  au  premier;  il  donne  la  téré- 
benthine vierge;  malgré  son  nom,  cette  térében- 
thine est  trouble,  d"une  saveur  acre,  amère,  d'une 
odeur  désagréable. 

Par  la  distillation  sans  eau,  on  extrait  de  la  téré- 
benthine de  Bordeaux  l'essence  de  téréhentliine. 

On  appelle  barras  ou  galipot  la  résine  qui  s'est 
écoulée  durant  le  cours  de  l'hiver  des  plaies  faites 
pendant  l'été.  Cette  résine  a  séché  sur  l'arbre, 
s'est  salie  et  se  présente  sous  l'aspect  de  plaquet- 
tes brunes. 

Le  résidu  de  la  distillation  à  feu  nu  de  la  téré- 
benthine et  du  galipot  est  la  colophane,  employée 
pour  donner  du  mordant  aux  archets  de  violon. 

La  colophane  cuite  à  l'eau  donne  la  poix  résine 
ou  poix  jaune.  Cette  poix  est  peu  odorante,  à  cas- 
sure vitreuse. 

La  poix  noire  s'obtient  en  brûlant  dans  un  four- 
neau sans  air  les  détritus  de  la  fabrication  des 
matières  précédentes.  Le  fourneau  en  question  est 
allumé  par  le  haut.  La  résine  produite  coule  dans 
des  baquets  pleins  d'eau  ;  à  la  surface  de  ce  li- 
quide surnage  une  matière  huileuse,  huile  de  poix 
ou  pisseleon.  La  masse  demi-solide  qui  reste  au 
fond  du  baquet  est  fondue  avec  de  leau  et  cuite 
jusqu'à  ce  qu'elle  devienne  cassante  par  un  refroi- 
dissement brusque  ;  alors  on  la  coule  dans  des 
moules  :  c'est  la  poix  noire. 

Le  goudroii  s'obtient  de  la  même  manière,  mais 
en  brûlant  les  troncs  épuisés. 

3.  Usages  pharmaceutiques.  —  A  ceux  déjà,  in- 
diqués ci-dessus,  nous  ajouterons  l'usage  des  tisa- 
nes de  bourgeons  de  sapi?is,  ainsi  nommés  bien  que 
ces  bourgeons  soient  fournis  par  le  pin  sylcestre, 
et  les  propriétés  vénéneuses  de  Vif  et  an  genévrier 
sabiiie. 

4.  Culture  des  conifères.  —  Les  conifères  pous- 
sent dans  tous  les  terrains  ;  le  sol  qui  leur  convient 
le  mieux  est  un  sol  calcaire  perméable  ;  sauf  pour 
le  taxodium  ou  cyprès  de  Virginie,  la  persistance 
d'une  humidité  trop  grande  du  sol  fait  périr  les 
arbres  résineux.  Dans  les  jardins  ou  dans  les  pots, 
la  terre  qui  convient  le  mieux  aux  conifères  est  la 
terre  de  bruyère  meuble. 

En  petit,  les  semis  de  conifères  se  font  en  pot 
ou  en  terrines,  sur  la  terre  de  bruyère.  En  grand, 
le  semis  est  fait  soit  après  un  défrichement  com- 
plet du  terrain^  soit  après  avoir  nettoyé  le  sol  de 
place  en  place.  Dans  l'un  comme  dans  l'autre  cas, 
le  semis  est  fait  à  la  volée.  Le  second  procédé  est 
nommé  ensemencement  par  paquets.  Ces  semis 
en  grand,  surtout  sur  les  terrains  en  pente  rapide, 
doivent  être  faits  un  peu  avant  la  chute  des  neiges. 
Dans  les  semis  en  petit,  comme  dans  les  semis  en 
grand,  il  faut  éviter  avec  soin  de  trop  enterrer  les 
graines.  Pour  toutes  les  graines  charnues,  les  semis 
doivent  suivre  de  très-près  la  récolte  des  graines  ; 
pour  les  autres  graines,  on  doit  les  semer  à  l'en- 
trée de  l'hiver  ou  au  commencement  du  printemps. 
Ne  jamais  semer  trop  dru  ;  il  y  a  toujours  avantage 
à  avoir  des  plants  trapus,  ils  résistent  beaucoup 
mieux  à  l'action  des  haies. 

La  durée  de  la  germination  varie  de  quinze  jours 
à  dix  mois.  Après  quelques  semaines,  on  repique 
les  jeunes  plants;  cette  opération  a  pour  but  de 
donner  des  plants  plus  trapus,  et  aussi  d'enrayer 
les  ravages  de  la  maladie  de  la  fonte.   Quelques 


conifères,  comme  le  pin  de  Corse,  reprennent  dif- 
ficilement après  le  repiquage  ;  pour  ces  plantes, 
il  convient  d'arracher  les  jeunes  plants  en  novem- 
bre, de  les  préparer  pour  le  repiquage,  puis  de  les 
enterrer  tout  entiers  dans  un  silo  peu  profond, 
creusé  dans  un  sol  très-sablon.neux  ;  au  printemps, 
la  base  de  ces  jeunes  plants  est  couvei'te  de  nou- 
velles racines  ;  on  les  replante  avec  précaution,  et, 
pendant  quelque  temps,  on  les  recouvre  d'un 
paillis. 

On  peut  multiplier  les  conifères  par  boutures, 
par  marcottes  et  par  greffes.  Le  bouturage  et  le 
marcottage  des  conifères  ne  présentent  aucune 
condition  particulière,  sinon  qu'il  convient  pour 
les  boutures  de  les  faire  soit  à  chaud  et  à  l'étouffée 
dans  la  serre  à  multiplication,  soit  à  froid  sous 
cloche  éclairée  au  nord  seulement.  Les  deux  pro- 
cédés réussissent  également  bien.  Les  greffes  de 
conirères  se  font  en  fente. 

Les  graines  de  conifères  doivent  être  cueillies  à 
parfaite  maturité,  puis  semées  immédiatement  ou 
conservées  au  plus  une  année  et  demie  dans  un 
endroit  sec  et  frais.  Passé  ce  temps,  ces  graines, 
comme  nous  l'avons  déjà  dit,  perdent  leur  faculté 
germinative. 

^.  Famille  des  Gnêtacées.  --  Les  Gnétacées  ont 
été  détachées  des  Conifères  et  constituées  en  une 
famille  à  part.  Elle  comprend  aujourd'hui  deux 
genres  principaux.  Le  genre  Gneium,  qui  a  donné 
son  nom  à  la  famille,  renferme  des  arbres  de  l'Inde 
et  de  rOcéanie,  à  tronc  droit  et  noueux,  à  rameaux 
élancés,  à  feuilles  opposées,  ovales,  pointues,  lui- 
santes en  dessus.  Le  G.  gnemon,  des  Moluques, 
est  le  type  du  genre  :  il  porte  un  fruit  rouge,  sem- 
blable à  celui  du  cornouiller  ;  l'amande  cuite  est 
comestible.  Le  genre  Ephedra  est  représenté  en 
Europe  par  VE.  distachya,  vulgairement  raisin  de 
mer,  qui  croît  sur  les  plages  sablonneuses  de  la 
Provence  et  du  nord  de  l'Afrique. 

Les  Gnétacées^  qui  ne  comptent  plus  aujourd'hui 
que  de  rares  représentants,  ont  été  l'une  des  fa- 
milles les  plus  répandues  à  l'époque  carbonifère; 
on  désigne  les  Gnétacées  fossiles  sous  le  nom  de 
Cordaïtes  {\.  Végétal,  pç.  2275  et227G';. 

[C.-E.  Bertrand.] 

CONJO^CTIO^^  —  Grammaire,  XVIL  —  (Éty- 
mol.  :  du  même  mot  en  latin  signifiant  unio?i.) 

La  conjoyiction  est  un  mot  invariable  qui  sert  à 
réunir  deux  mots  ou  deux  membres  de  phrase. 
Ex.  :  Pierre  et  Paul  sont  frères;  aimons  Dïqw. puis- 
qu'il est  bon.  Et,  puisque,  sont  des  conjonctions. 

Conjonctions  simples  et  locutions  conjonctives. 
—  Les  conjonctions  formées  d'un  seul  mot,  comme 
et,  ou,  ni,  mais,  sont  dites  conjonctions  simples. 
Les  conjonctions  formées  de  deux  ou  de  plusieurs 
mots,  comme  tcmdis  que,  bie?i  que,  parce  que,  sont 
dites  locutions  conjonctives. 

Les  principales  conjonctions  simples  sont  :  car, 
comme,  donc,  et,  quand,  que,  )nais,  îii,  or,  ou,  si, 
qui  ne  sont  réellement  formées  que  d'un  seul 
mot. 

Car  vient  du  latin  quare.  Il  avait  conservé  en 
vieux  français  son  sens  originaire  de  pourquoi.  «  Je 
ne  sais  ni  car  ni  coi7iment,  »  disait-on  au  treizième 
siècle.  —  Mais  (du  latin  maqis,  plus)  avait  autre- 
fois le  sens  de  jlus.  Cette  signification  a  persisté 
dans  la  locution  n'e«  pouvoir  mais  (n'en  pouvoir 
plus).  —  Ni  (latin  7iec,  vieux  français  ne).  On  trouve 
encore  dans  Molière  xe  plus,  ne  moins. —  Or  signi- 
fiait en  vieux  françuia  tnainfenant,  proprement:  à 
cette  heure,  du  latin  liora,  heure  :  a  or  dites-moi,  » 
c'est-à-dire  «  dites-moi  jnaintenant.  » 

Conjonctions  formées  primitivement  de  deux 
mots,  aujourd'hui  écrites  en  un  seu^.  —  Il  faut  y 
joindre  les  conjonctions  telles  que />^w/'3/,  puisque, 
néanmoins,  cepeîidant,  aussi,  encore,  lorsque;  elles 
sont,  en  réalité,  composées  de  deux  mots  distincts, 


CONJONCTION 


490 


CONJUGAISON 


mais  l'orthographe  moderne  Itî  a  réunis  en  un 
seul. 

Aussi  (vieux  français  alsi,  du  latin  alhid-sic).  — 
Cependant,  de  ceetpenilant,  Vittérsilement  pendant 
cela  :  «  Nous  lisons,  et  cepewiant  la  nuit  vient.  » 

—  Encore  (vieux  français  ancore,  à  cette  heure, 
du  latin  ha7ic  horam).  —  Lorsque  (de  lors  et  que). 
Cette  locution  est  encore  séparable  :  lors  même 
que. 

Néanmoins,  vieux  français  nêantmoins,  de  némit 
et  de  moins.  Néaiit  signifie  littéralement  non, 
rien.  C'est  dans  ce  sens  que  La  Fontaine  l'a  encore 
employé  :  «  J'ai  maints  chapitres  vus,  qui  pour 
héant  se  sont  tenus.  »  ]Sémit-77ioi7is  est  l'équiva- 
lent do  ne  pas  m(n7is  :  «  II  est  jeune  et  néan77ioins 
sérieux,  »  c'est-à-dire  il  n'en  est  pas  77wins  sérieux. 

—  Plutôt  (plus  et  tôt).  —  Puisque  {pius  et  que). 
Les   principales    locutions   conjonctives   sont   : 

parce  que,  afin  que,  tmidis  que,  alo7's  que,  sa7is 
que,  dès  que,  ava7it  que,  api^ès  que,  etc. 

Remarques  pour  l'o7't/tog)'aphe  et  l'nnahjse.  — 
l»  Que  est  pronom  relatif  quand  il  signifie  lequel, 
laquelle;  2»  adverbe  lorsqu'il  signifie  C077i/jitn; 
;i°  conjonction  lorsqu'il  sert  à  joindre  deux  mem- 
bres de  phrase,  comme  dans  :  je  crois  que  Dieu  est 
saint. 

Quand  est  conjonction  et  signifie  quoique,  lo7-s- 
qiœ.  Ex.  :  Je  vïe7idrai  quand  même  il  pleuv/^ait. 

—  Je  pa7-tirai  quand  fawai  fini. 

Quant  suivi  de  à  est  une  locution  prépositive 
qui  signifie  pour,  à  l'égard  de.  Ex.  :  Quant  à  77101, 
je  ?fe7i  ferai  rie7i. 

Oit,  adverbe,  marque  le  lieu  et  prend  un  accent 
grave  ;  ou,  conjonction,  signifie  ou  bien  et  ne  prend 
pas  d'accent  :  Mon  frère  ou  moi. 

Si  est  adverbe  lorsqu'il  signifie  ta)\t,  telle77ient; 
dans  les  autres  cas,  il  est  conjonction  :  «  Je  sorti- 
rai si  le  temps  est  beau.  » 

Il  ne  faut  pas  confondre  pa7'ce  que  et  par  ce 
que. 

Parce  que  (en  deux  mots)  est  une  location  con- 
jonctive qui  signifie  par  la  raison  que.  Ex.  :  Je  me 
tais,  parce  que  je  C7^ai7is. 

Par  ce  que  (en  trois  mots)  est  une  locution  qui 
signifie  par  la  chose  que,  d'après  la  chose  que. 
Ex.  :  Je  suis  instruit  par  ce  que  77ion  pèi-e  771a 
dit  (c'est-à-dire  par  cela  que  77io7i  père  77i'n  dit,. 

Il  ne  faut  pas  confondre  quoique  et  quoi  que. 

Quoique  (en  un  seul  mot)  est  une  conjonction 
signifiant  iien  que.  Ex.:  Quoique  pa7-esseux,  d 
réussit  asssez  bien. 

Quoi  que  (en  deux  mots)  signifie  quelle  que  soit 
la  chose  que  :  Ex.  :  Quoi  que  vous  disiez,  il  fait 
la  sourde  oreille. 

Exercices.  —  La  distinction  de  que  pronom  rela- 
tif et  de  que  adverbe  ou  conjonction  est  un  des 
sujets  sur  lesquels  on  ne  saurait  trop  appeler  ni 
trop  retenir  l'attention  des  élèves  ;  il  faut  des  exer- 
cices multipliés  pour  leur  rendre  familière  cette 
distinction  qui  est  logiquement  très  simple,  mais 
qui,  dans  la  pratique,  ne  leur  apparaît  par  aucun 
signe  sensible. 

Voici  un  exemple  de  dictée  qui,  sans  multiplier 
artificiellement  les  difficultés,  donne  lieu  à  un  nom- 
bre suffisant  de  questions  sur  les  conjonctions  et 
particulièrement  sur  les  trois  sortes  de  que  (que, 
adverbe;  que,  conjonction;  que,  pronom  relatif)  : 

Fnfancede  C7jrus.  —  lin  ioar  que  le  jeune  Cyrus 
assistait  à  un  repas  très  somptueux,  que  donnait 
son  grand-père  Astyage,  celui-ci  lui  permit  de  dis- 
poser à  son  gré  de  tous  les  mets  qu'on  avait  ser 
vis;  l'enfant  les  distribua  à  tous  les  officiers  du 
roi,  mais  il  ne  donna  rien  à  Sacas,  l'échanson  d'As- 
tyage.  Le  roi  se  montra  sensible  à  cet  afl'ront,  et 
reprocha  vivement  à  Cyrus  d'avoir  manqué  d'égards 
envers  un  officier  si  distingué  par  son  dévouement 
et  par  l'adresse  mi'rveilleuse  avec  laquelle  il  lui 
servait  à  boire.  «  Ne  faut-il  que  cela,  repartit  Cyrus, 


pour  mériter  vos  bonnes  grâces?  Je  les  aurai  bien- 
tôt gagnées,  car  je  me  fais  fort  de  vous  servir 
mieux  que  lui.  »  Aussitôt  on  équipe  le  petit  Cyrus 
en  échanson.  Il  s'avança  gravement,  d'un  air  sé- 
rieux, la  serviette  sur  l'épaule,  et  tenant  la  coupe 
délicatement  de  trois  doigts,  il  la  présenta  au  roi 
avec  une  grâce  et  une  dextérité  que  tout  le  monde 
admira.  Quand  cela  fut  fait,  il  se  jeta  au  cou  de 
son  grand-père,  et  s'écria  plein  de  joie  :  «  O  Sacas! 
pauvre  Sacas!  que  je  te  plains!  te  voilà  certaine- 
ment perdu  !  j'aurai  ta  charge.  »  Astyage  lui  dit  en 
lui  témoignant  beaucoup  d'amitié  :  «  Je  suis  très 
content,  mon  fils,  on  ne  peut  pas  mieux  servir. 
Vous  avez  cependant  oublié  une  cérémonie  qui  est 
essentielle,  c'est  de  goûter  la  liqueur  que  vous 
m'avez  présentée.  —  Ce  n'est  point  du  tout  par 
oubli,  reprit  Cyrus,  que  j'en  ai  usé  ainsi.  —  Et 
pourquoi  donc?  dit  Astyage.  —  C'est  çwe  j'ai  craint 
que  cette  liqueur  ne  fût  du  poison.  —  Du  poison! 
s'écria  le  roi,  et  comment  cela  ?  —  Oui,  mon 
père,  répliqua  le  jeune  prince,  car  il  n'y  a  pas  long- 
temps que  dans  un  repas  que  vous  donniez  aux 
grands  seigneurs  de  votre  cour,  je  m'aperçus 
qu'après  qu'on  eut  bu  de  cette  liqueur,  la  tête 
tourna  à  tous  les  convives.  On  criait,  on  chantait, 
on  parlait  à  tort  et  à  travers.  Vous  paraissiez  avoir 
oublié,  vous,  que  vous  étiez  le  roi,  et  eux,  qu'ils 
étaient  vos  sujets.  Enfin,  quand  vous  voulûtes  vous 
mettre  à  danser,  vous  ne  pouviez  pas  vous  soutenir. 
—  Comment!  reprit  Astyage,  n'arrive-t-il  pas  la 
môme  chose  à  votre  père  ?  —  Jamais  !  répondit 
Cyrus  :  quand  il  a  bu,  il  cesse  d'avoir  soif,  et  voilà 
tout.  M  (RoUin.)  [J.  Dussouchet.] 

CO>'JUGAl.sOX.— Grammaire,  Xin.  —  Dans  son 
sens  général,  ce  mot  désigne  l'arrangement  ou  la 
suite  ordonnée  des  diverses  formes  du  verbe  pour 
exprimer  les  voix,  les  modes,  les  temps,  les 
nombres  et  les  personnes.  La  conjugaison  forme 
la  pièce  la  plus  importante  du  mécanisme  gram- 
matical :  c'est  ce  qui  explique  la  place  qu'elle 
occupe  dans  les  grammaires  et  l'importance  (ju'on 
y  attache  dans  les  exercices  scolaires  pour  l'étude 
de  la  langue. 

Ce  n'est  point  ici  le  lieu  de  faire  une  théorie 
complète  de  la  conjugaison  :  on  la  trouvera  dans 
toutps  les  grammaires.  Il  nous  suffira  d'appeler 
l'attention  sur  les  faits  mis  en  lumière  par  la 
philologie  moderne  et  notamment  par  MM.  Littré, 
Egger,  G.  Paris,  Brachet  et  Chabaneau.  Ils  four- 
nissent l'explication  de  ce  qui  paraissait  jusqu'a- 
lors des  anomalies  ou  de  pures  bizarreries  de 
langage. 

Le  principe  fondamental  de  toute  conjugaison 
est  de  faire  suivre  le  radical  ou  le  thè>7ie  du  verbe 
d'une  partie  variable  appelée  tf777ii7iais07i  ou 
flexion  :  Aime?',  j'aime,  nous  aiimons,  tu  aimais, 
vous  aimff:;,  il  aim«,  ils  aimè>'P7it,  etc. 

Le  radical  exprime  l'idée  générale  de  l'attribut 
(action  d'aimer)  ;  la  terminaison  marque  les  rap- 
ports subjectifs  de  cette  idée  (modes,  temps,  nom- 
bres, personnes). 

Dans  les  langues  classiques  anciennes,  le  grec 
et  le  latin,  la  conjugaison  présentait  une  grande 
variété  de  terminaisons.  Ainsi,  à  l'actif,  le  latin 
avait  pour  les  différents  temps  :  ar7io,  amaha77i, 
aniavi,  umavira7n,  n77iabo,  amavero,  ama,  nme777, 
a77iii7'em,  a77iavcri)7i,  a7t)ai  isse77i;  au  passif  les  di- 
verses personnes  du  présent  de  l'indicatif  étaient  : 
i'77ïor,  o77iaiis,  u77iatur,  anin77iur,  a77ïU7iiini,  a77iun- 
tur.  Dans  le  passage  du  latin  au  roman,  puis  au 
français,  les  terminaisons  se  sont  assourdies  et 
beaucoup  ont  cessé  d'être  distinctes.  Un  nouveau 
système  de  conjugaison  s'est  alors  formé.  «  La 
conjugaison,  dit  M.  Gaston  Paris,  est  peut-être  la 
partie  de  la  langue  latine  que  les  langues  romanes 
ont  traitée  avec  le  plus  d'originalité,  qu'elles  ont 
le  plus  profondément  renouvelée.  Des  voix  se 
sont  perdues  ;  des  modes,  des  temps  ont  disparu, 


CONJUGAISON 


-  4'J1   — 


CONJUGAISON 


d'autres  ont  été  crées  que  ne  connaissait  pas_  la 
langue  mère  ;  les  conjugaisons  ont  été  mêlées 
l'une  avec  l'autre  et  classées  d'après  d'autres  prin- 
cipes ;  enfin  la  décomposition  a  été  complète  et 
c'est  bien  un  édifice  nouveau  qui  est  sorti  des  dé- 
bris de  l'ancien.  »  {De  l'accent  latin,  p.  63.) 

Le  français  n'a  pas  de  forme  pour  exprimer  la 
voix  passive.  Il  y  supplée  par  une  conjugaison 
composée  du  verbe  être  et  du  participe  passé. 

Nous  n'avons  plus  ni  le  supin,  ni  le  gérondif, 
mais  nous  avons  un  nouveau  mode,  le  conditionnel, 
qui  a  été  formé  de  l'infinitif,  comme  le  futur. 

Deux  modifications  ont  été  introduites  dans  les 
temps  :  1°  les  temps  passés,  au  lieu  d'être  exprimés 
par  des  désinences  [amavi,  amaverom,  amavero, 
amaverim,  omavissem),  le  sont  par  des  temps 
composés  de  l'auxiliaire  avoir  et  du  participe  passé 
(j'ai  aimé,  f  avais  aimé,  j'aurai  aimé,  que  j'aie 
(limé,  que  feu.^se  aimé)  ;  2°  le  futur  s'exprime  en 
joignant  à  l'infinitif  les  formes  ai,  as,  a,  etc.,  du 
verbe  avoir,  de  sorte  que  j'aimerai  ::=  aimer  j'ai 
ou  j'ai  à  aimer.  C'est  ce  qui  est  rendu  évident  par 
certaines  formes  non  encore  agglutinées  de  ce 
temps  en  espagnol  et  en  provençal.  Le  conditionnel 
exprimant  l'avenir  par  rapport  à  un  passé,  comme 
le  futur  exprime  l'avenir  par  rapport  à  un  présent, 
ce  sont  les  terminaisons  ais,  ais,  ait,  etc.,  de  l'im- 
parfait du  verbe  avoir  ajoutées  à  l'infinitif  qui  ont 
formé  ce  temps  nouveau. 

La  terminaison  5  est  restée  afi'ectée,  en  français 
comme  en  latin,  à  la  deuxième  personne  du  sin- 
gulier. Quant  à  la  troisième,  elle,  a  eu  longtemps 
pour  finale  un  t,  même  dans  les  verbes  en  er;  on 
écrivait  il  aimet,  qu'on  ne  prononçait  pas  autre- 
ment que  il  aime  :  de  là  Tapparition  de  ce  t  dans 
les  formes  interrogaiives  aime-t-il,  viendra- i-on? 
La  première  personne  n'avait  d'abord  jamais  d's; 
on  écrivait  je  croi,  je  voi,  je  tien,  comme  on  écrit 
j'aime.  Vs  final  n'apparaît  qu'à  partir  du  xiV  siè- 
cle et  n'est  admis  que  vers  \&'1Ç>  :  dans  la  poésie 
on  se  dispensa  encore  souvent  de  l'écrire. 

L'imparfait  du  subjonctif  n'a  pas  été  formé  du 
temps  correspondant  en  latin,  mais  du  plus-que- 
parfait  auquel  on  a  attaché  le  sens  de  l'imparfait. 
Ainsi  j'aimasse  ne  vient  pas  de  aynarem,  mais  de 
amavissem,  par  contrat^don  amassem. 

On  remarquera  que  le  latin  n'avait  qu'une  forme  : 
amavi,  pour  rendre  les  trois  parfaits  français  :  j'ai- 
mai,  j'ai  aime,  j'eus  aimé.  C'est  une  constatation 
du  caractère  analytique  des  langues  romanes  ou 
néo-latines. 

11  a  été  d'usage  assez  longtemps  de  distinguer 
quatre  conjugaisons  en  français  :  en  er,  en  ir,  en 
oir,  en  re,  et  cela  parce  que  les  grammairiens  la- 
tins avaient  aussi  quatre  classes  de  verbes  :  en 
are,  en  ère,  en  ère  et  en  ire. 

Aujourd'hui  on  est  généralement  d'accord  pour  y 
substituer  une  autre  classification  qui  consiste  à  re- 
connaître deux  conjugaisons  vivantes  ou  modernes, 
l'une  en  er,  l'autre  en  ir  avec  allongement  en  iss, 
et  une  conjugaison  morte  ou  archaïque,  compre- 
aint  des  verbes  en  ir  sans  allongement,  les  verbes 
en  oir  et  en  re, 

M.  Chabaneau  rend  parfaitement  compte  des 
faits  sur  lesquels  repose  ce  classement.  «  La  pre- 
mière et  la  quatrième  conjugaisons  latines  ofl'raient 
à  la  majeure  partie  de  leurs  formes  des  flexions 
accentuées;  aussi,  quand  la  nouvelle  langue  com- 
mença à  avoir  conscience  d'elle-même  et  que, 
distincte  enfin  du  latin  dont  elle  s'était  sensible- 
ment séparée,  elle  sortit  du  chaos  des  transforma- 
tions confuses  où  les  lois  phonétiques  jouaient  le 
principal  rôle,  et  que  la  loi  de  l'analogie  prit  à  son 
tour  la  prépondérance,  les  seuls  modèles  en  entier 
dont  elle  se  trouva  alors  en  possession  et  qu'elle 
dut,  par  conséquent,  se  proposer  exclusivemeiit, 
tant  pour  la  création  ou  l'appropriation  de  ses  nou- 
veaux verbes  que  pour  la  régularisation  de  ceux 


qui  existaient  déjà,  furent  d'abord  la  première  con- 
jugaison (er  =  are)  et  ensuite  la  quatrième  {ir=ire). 
Les  verbes  appartenant  originairement  à  la  troi- 
sième et  à  la  seconde,  c'est-à-dire  dérivés  de  ver- 
bes en  ère  ou  en  ère,  qui  n'avaient  pas  été  ramenés 
par  le  latin  vulgaire  à  la  conjugaison  en  ire,  con- 
tinuèrent d'être  en  usage,  mais  le  nombre  ne  s'en 
accrut  pas  et  beaucoup,  au  contraire,  furent  suc- 
cessivement délaissés. 

«  Ces  conjugaisons  vivantes  en  er  et  en  ir  sont 
les  seules  qui  aient  jamais  servi  et  qui  servent 
encore  à  former  de  nouveaux  verbes,  la  première 
avec  des  substantifs  (boiser,  draper)  ;  la  seconde 
avec  des  adjectifs  (grandir.,  cfiérir).  Ce  sont  aussi 
les  seules  sur  lesquelles  se  soient  modelés  les  ver- 
bes empruntés  aux  langues  étrangères,  soit  an- 
ciennes, soit  modernes.  Etant  les  seuls  moules  à 
verbes  de  la  langue  française,  elles  devaient  être 
et  elles  furent,  dès  le  début,  des  moules  complots. 
Elles  devaient  être  aussi  des  moules  complètement 
distincts,  puisqu'elles  devaient  servir  à  des  usages 
différents.  »  (Histoire  et  théorie  de  la  coiijugaison 
française,  p.  54,  69.) 

Les  verbes  en  er  forment  les  quatre  cinquièmes 
des  verbes  français;  les  verbes inchoatifs  en  ir  sont 
au  nombre  d'environ  330.  Les  verbes  de  la  conju- 
gaison morte  ne  sont  au  plus  que  120  et  composent 
divers  groupes. 

On  avait  proposé,  d'après  une  distinction  venue 
des  langues  germaniques  et  dont  nous  parlerons 
bientôt  pour  l'allemand  et  l'anglais,  de  diviser  les 
verbes  français  en  verbes  forts  et  en  verbes  faibles. 
Mais  M.  Gaston  Paris  a  parfaitement  démontré  que 
cette  division  ne  reposait  pas  sur  les  faits,  et  que 
s'il  y  a  des  verbes  à  formes  fortes  ou  accentuées 
sur  le  radical  :  croître,  dites,  tins,  et  des  verbes  à 
formes  faibles  ou  accentuées  sur  la  terminaison  : 
dormir,  devez,  aimai,  on  ne  trouve  pas  de  verbes 
français  qui  soient  complètement  forts. 

Toutefois  les  conjugaisons  vivantes  sont  surtout 
composées  de  verbes  faibles,  tandis  que  la  conju- 
gaison archaïque  comprend  la  plupart  des  verbes 
forts.  On  voit  que  cette  distinction  correspond  à 
celle  de  verbes  réguliers  et  de  verbes  irréguliers. 

«  Le  verbe  fort,  dit  M.  Littré,  répond,  en  un 
certain  sens,  au  verbe  irrégulier,  le  verbe  faible 
au  verbe  régulier;  mais,  tandis  que  la  notion  d'ir- 
régularité et  de  régularité  ne  fait  que  constater  un 
fait,  ceci  pénètre  plus  avant  et  est  une  théoi-ie.  A 
ce  point  de  vue,  l'ancienne  notion  d'irrégularité 
disparaît  pour  ne  plus  rester  qu'aux  verbes  ano- 
maux, défectueux  ou  véritablement  irréguliers,  et 
le  verbe  fort  est  considéré  comme  une  autre  ma- 
nière de  conjuguer.  L'idée  d'irrégularité  fait  sup- 
poser des  formations  qui,  pour  une  cause  quelcon- 
que, ont  été  déviées  de  leur  type  ;  or,  ce  ne  serait 
ici  nullement  le  cas.  Le  verbe  fort  serait  aussi  ré- 
gulier que  tout  autre,  seulement  il  obéirait  à  une 
loi  difl'érente.  Il  faut,  en  elïet,  qu'il  y  ait  autre 
chose  que  l'irrégularité  pour  que  la  langue  d'oil  ait 
pris  à  son  compte  les  formes  que  les  grammai- 
riens nomment  présentement  verbes  forts,  et  les 
ait  appliquées  en  tant  de  cas  où  le  latin  ne  lui  en 
fournissait  pas  le  modèle.  C'est  sans  doute  une 
euphonie,  un  balancement  entre  le  radical  et  la 
terminaison  qui  déterminent  cette  sorte  de  conju- 
gaison. » 

A  l'appui  de  cette  distinction  en  verbes  forts  et 
verbes  faibles,  M.  Littré  cite  la  division  des  verbes 
en  ir  en  deux  classes.  «  La  première  classe  com- 
prend les  verbes  simples,  comme  partir,  mentir, 
servir;  la  deuxième  comprend  les  verbes  inchoatifs 
(dans  leur  forme  et  non  dans  leur  signification)  : 
fleurir,  languir,  attendrir.  Les  premiers  se  conju- 
guent simplement  en  ajoutant  au  radical  les  lettres 
de  flexion,  je  partais,  je  mentais^  je  servais;  les 
seconds,  qui  répondent  au  latin  florescere,  lati- 
guescere,  etc.,  et  à   l'italien  fiorisco,    intercalenj 


CONJUGAISON 


—  492  — 


CONRAD 


avant  les  lettres  de  flexion  la  syllabe  iss  :  Je  fleu- 
rissais, je  languissais,  j'attendrissais.  Cela  forme 
deux  conjugaisons  distinctes  des  verbes  en  ir,  et 
non  des  verbes  irrcguliers  et  des  verbes  réguliers.  » 
{Hist.  de  la  langue  fr.,  I,  121.) 

Le  système  de  la  conjugaison  française  se  re- 
trouve, avec  quelques  variantes,  dans  les  autres 
langues  romanes,  mais  celui  des  langues  ger- 
maniques en  diffère  notablement.  Là  on  trouve 
deux  systèmes  distincts  :  celui  de  la  conjugaison 
faible  ou  nouvelle,  qui  ajoute  au  radical  invariable 
tiré  de  l'infinitif  les  diverses  terminaisons  des 
temps  simples  ;  celui  de  la  conjugaison  forte  ou 
ancienne,  qui  caractérise  les  temps  par  l'apophonie 
ou  la  modification  delà  voyelle  du  radical  [['umlaut 
des  allemands). 

Voici  les  exemples  de  deux  verbes,  en  allemand 
et  en  anglais,  lun  de  la  conjugaison  faible,  l'autre 
de  la  conjugaison  forte  : 


Inf.  pr.  : 
Part.  pr.  : 
Part,  passé 
Ind.  pr.  : 

Imparfait  : 


loben,   louer. 

la  !  fend. 
:  geloht. 

Ich  lobe, 

du  lobst,  etc. 

Ich  lob  te, 
du  lobtest,  etc. 


sprechen,  parler. 

sprechend. 

gesprochen. 

Ich  spreche, 

du  spric/ist,  etc. 

Ich  sprach, 

du  sprachst,  etc. 


Inf.  pr.  :        fo /oue,  aimer.  ^)  r/ù'c,  donner. 

Part.  pr.  :      loving.  giiu?i'/. 

Part,  passé  :  loved.  giren. 

Ind.  pr.  :      I  love,  I  gire, 

thou  lovest,  etc.  thou  givest,  etc. 

Imparfait  :  /  loved,  I  gave, 

thou  lovedst,  etc.  thou  gavest,  etc. 

Les  terminaisons  sont  d'ailleurs  peu  nombreuses 
et  bien  moins  variées  qu'en  français. 

L'allemand  a  trois  verbes  auxiliaires  :  htben, 
avoir,  sein,  être,  et  werden,  devenir.  Ce  dernier 
joint  à  l'infinitif  sert  à  former  le  futur  et  le  condi- 
tionnel et,  joint  au  participe  passé,  il  forme  la  voix 
passive. 

L'anglais  a,  outre  les  deux  auxiliaires  to  hâve, 
avoir,  et  to  he.  être,  les  verbes  to  shall,  devoir,  et 
to  will,  vouloir,  qui  joints  à  l'infinitif  servent  h 
former  les  futurs  et  les  conditionnels. 

Ces  indications  très  générales  n'ont  d'ailkurs 
pour  objet  que  de  faire  comparer  les  deux  sys- 
tèmes de  conjugaison  dans  leurs  caractères  géné- 
raux, et  non  d'en  donner  une  connaissance  com- 
plète, ce  qui  est  l'œuvre  propre  des  grammaires. 

La  conjugaison  dans  les  exercices  scolaires.  — 
Un  des  abus  les  plus  fréquents  dans  les  écoles 
est  celui  des  conjugaisons  écrites.  Condamné 
bien  souvent,  il  se  maintient  parce  qu'il  permet 
d'occuper  l'élève  assez  longtemps  et  que  ce  de- 
voir est  bientôt  trouvé  et  dicté.  Que  de  fois  un 
maître,  embarrassé  pour  un  devoir  de  grammaire, 
jette  à  sa  classe  ces  mots  :  «  Vous  conjuguerez  tel 
verbe  (en  er  le  plus  souvent)  »,  et  voilà  tout  le 
monde  au  travail.  Mais  h  ce  travail  fastidieux,  à 
cette  suite  monotone  de  formes  dont  beaucoup  ne 
sont  pas  d'un  usage  courant,  les  élèves  n'appor- 
tent aucun  soin,  et  les  fautes  fourmillent.  Que  de 
fois  on  trouvera  un  verbe  de  la  4"  conjusjaison, 
comme  mettre  ou  perdre,  avec  un  passé  défini  ou 
un  imparfait  du  subjonctif  semblables  à  ceux  dos 
Terbes  en  er!  Les  conjugaisons  des  temps  simples 
constituent  seules  un  exercice  utile,  et  pour  que 
l'élève "jompare  les  formes,  se  rende  compte  des 
terminaisons,  il  faut  lui  donner  plusieurs  verbes 
à  conjuguer  à  un  même  temps,  ou  mieux  encore  à 
faire  entrer  dans  des  phrases  courtes  avec  tel  ou 
tel  sujet.  Puis  il  importe  de  prendre  ces  verbes 
parmi  ceux  qui  désignent   des  actes   familiers  à 


l'enfant  et  qui  peuvent  alors  entrer  dans  son  usage 
courant.  Les  formes  des  exercices  peuvent  être 
très  variées,  si  le  maître  sait  choisir  dans  les  lec- 
tures les  verbes  intéressants  qui  s'y  présentent, 
pour  en  expliquer  le  sens  et  en  faire  étudier 
l'orthographe  aux  divers  temps.    <    [B.  Berger.] 

Ouvrages  à  consulter.  —  Brachet,  Grammaire  histo- 
riqui;  rff  la  languit  française  (Hetzel);  et  Nouvelle  gram- 
maire française  (Hachette)  ;  —  Chabaneau,  Histoire  et 
théorie  de  la  conjugaison  française;  —  Ayer,  Grammaire 
comparée  de  la  langue  française;  —  B.  Berger,  Cours  de 
langue  française  (degré  supérieur)  ;  —  A.  Chassang,  Nou- 
velle  grammaire  française  (cours  supérieur). 

CONNAISSANCES  USUliLLES.  —  Nous  réu- 
nissons sous  ce  titre  un  certain  nombre  de  con- 
naissances qui,  sans  appartenir  rigoureusement  à 
une  science  déterminée,  font  partie  des  premières 
et  indispensables  notions  que  lenfant  doit  recevoir 
dans  la  famille  ou  à  l'école  (V.  le  même  mot  dans 
la  P*  Partie). 

A  proprement  parler,  un  programme  complet 
de  ces  Connaissances  usuelles  embrasserait  toutes 
les  études  primaires.  Voici,  du  moins,  les  sujets 
principaux  auxquels  nous  consacrons  des  articles 
distincts,  sauf  à  renvoyer,  pour  l'étude  plus  mé- 
thodique et  plus  approfondie  de  la  même  matière, 
aux  articles  des  différentes  sciences  auxquelles  elle 
se  rattache  : 

—  V 


I. 

[J.-V. 

VI. 

VII. 

VIII.  • 

IX,  — 


l.  Abréviations,  Signes  et  Signaux, 
Vocabidaire. 

V.  Assurances,  Banques,  Monnaie, 
Commerce,  Industrie. 

V,  Société,  Commune.  Justice,  Tribu- 
naux, Service  militaire. 

V.  Cadastre,  Postes,,  Télégraphes,  Che- 
mins de  fer,  Locomotives,  Canaux. 

V.  Temps  [Mesure  du\  Cadran  solaire, 
Orientation,  Calendrier,  Année,  Mois, 
Jour,  Ere,  Ère  républicaine  (au  Sup- 
plément). 

V.  Chauffage, Eclairage,  Vêtements,  Ali- 
ments, ïioissons.  Blé,  Café,  Viande, 
Vin,  Alcool,  Pèche. 

X.  —  V.  Usages,  Légendes,  Superstitions,  Jeux. 

XI.  —  V.    Inventions,   Métiers,  Fer,  Poterie, 

Porcelaine,  Verre,  Tissage,  Papier, 
Imprimerie,  Poudre  à  canon,  Pho- 
tographie, Galvanoplastie. 

XII.  —  V.  Proverbes,  Enigmes 

CONRAD.  —  Hist.  générale,  XVIII.  XIX  et, 
XXVII.  —  Nom  de  quatre  souverains  d'Alle- 
magne. 

Conrad  I". —  Ce  prince,  qui  descendait  de  Char- 
lemagne  par  les  femmes,  était  duc  de  Franconie  ; 
il  fut  élu  roi  de  Germanie  en  91.',  après  l'extinc- 
tion de  la  famille  carlovingienne.  Son  règne  fut 
rempli  par  des  luttes  contre  les  grands  feudataires, 
ducs  de  Saxe,  de  Lorraine,  de  Bavière,  et  contre 
les  Hongrois.  C'est  en  combattant  contre  ces  der- 
niers qu'il  mourut  en  918. 

Conrad  II  le  Salique.  —  Premier  empereur  ae 
la  maison  de  Franconie.  Il  succéda  en  102 i  à 
Henri  II,  dernier  représentant  de  la  maison  de 
Saxe.  Il  réunit  à  l'empire  germanique  le  royaume 
d'Arles  ou  de  Bourgogne  (Suisse  occidentale , 
Franche-Comté  et  vallée  du  Rhône).  En  Italie, 
pour  diminuer  le  pouvoir  des  évêques,  il  rendit  le 
célèbre  édit  de  1037,  qui  déclarait  tous  les  fiefs  d'Ita- 
lie immédiats  et  héréditaires.  Il  mourut  on  103:i. 
Conrad  III.  —  Premier  empereur  de  la  maison 
de  Souabe   ou  de  Hohcnstaufen.    Élu  en   1138,  il 


CONSCIENCE 


—  493  — 


CONSCIENCE 


dut  disputer  la  couronne  à  Henri  le  Superbe,  duc 
de  Bavière  ;  et  ce  fut  cette  lutte  qui  donna  nais- 
sance aux  deux  partis  rivaux  des  guelfes  (Bavière) 
et  des  gibelins  (Souabe).  Il  fit  avec  Louis  VII,  roi 
deeFrance,  la  seconde  croisade  (1147-1149),  qui 
n'amena  aucun  résultat,  et  mourut  en  1152. 

Conrad  IV.  —  Dernier  empereur  de  la  maison 
de  Souabe,  fils  de  Frédéric  II.  Il  fut  élu  empe- 
reur en  1250  îi  la  mort  de  son  père,  mais  ne  put 
se  faire  universellement  reconnaître,  le  pape  Inno- 
cent IV,  le  grand  ennemi  de  sa  famille,  lui  ayant 
opposé  Guillaume  de  Hollande  ;  aussi  l'histoire, 
sans  tenir  compte  du  titre  d'empereur  porté  par 
Conrad  IV,  fait-elle  commencer  le  grand  interrègne 
dès  la  mort  de  Frédéric  II.  Conrad  occupa  tout  son 
règne  à  guerroyer  dans  le  royaume  de  Naples,  dont 
il  portait  aussi' la  couronne  ;  il  y  mourut  en  1254. 

Son  fils,  le  jeune  Conradin,  dernier  rejeton  de 
la  famille  de  Hohenstaufeu.  ayant  voulu  vingt- 
quatre  ans  plus  tard  disputer  Naples  à  Charles 
d'Anjou,  fut  fait  prisonnier  par  ce  prince,  et  dé- 
capite en  ]268. 

COKSCIEIVCE.  — Psychologie  et  Morale,  VII  et 
XVIII. 

1.  Psychologie.  —  Conscience  de  soi  ou  cons- 
cience psychologique.  —  Nous  disons  communé- 
ment que  nous  pensons  à  telle  ou  telle  chose,  que 
nous  éprouvons  telle  ou  telle  sensation,  tel  ou  tel 
sentiment,  que  nous  voulons  accomplir  tel  ou  tel 
acte  :  comment  le  savons-nous  ?  Car  autre  chose 
est  sentir  et  savoir  que  l'on  sent,  penser  et  savoir 
que  l'on  pense,  agir  et  savoir  que  l'on  agit  :  dans  le 
sommeil,  l'esprit  fonctionne,  les  membres  se  meu- 
vent, mais  à  notre  insu.  H  y  a  donc  en  nous,  indé- 
pendamment des  facultés  de  vouloir,  de  penser, 
de  sentir,  une  faculté  spéciale,  distincte  de  celles- 
là,  et  dont  le  rôle  est  pour  ainsi  dire  de  nous  faire 
assister  à  tous  les  pliénomènes  qui  résultent  dans 
l'âme  de  l'exercice  de  ces  facultés.  Nous  disons 
que  nous  avons  conscience  de  ces  phénomènes. 
C'est  en  effet  la  conscience  [cum  et  scire,  savoir  avec 
soi-même)  qui  nous  les  révèle,  et  qui  pour  cette 
raison  est  définie  la  faculté  qu'a  l'âme  de  connaî- 
tre ses  difi'érentes  manières  d'être  et  de  se  con- 
naître elle-même.  Pour  la  môme  raison,  on  lui 
donne  quelquefois  le  nom  de  sens  intime,  par 
analogie  avec  la  faculté  que  nous  avons  de  connaî- 
tre le  monde  extérieur  au  moyen  des  sens. 

En  thèse  générale,  connaître  un  objet,  c'est  s'en 
distinguer.  Je  vois  le  soleil,  j'ai  l'idée  d'un  corps 
qui  donne  la  chaleur  et  la  lumière,  et  qui  n'est  pas 
moi,  qui  n'est  pas  même  mon  corps;  j"ai conscience 
de  la  sensation  de  lumière  et  de  chaleur  qu'il  me 
procure,  mais  en  même  temps  je  me  reconnais 
moi-même  et  je  sais  que  l'être  qui  sent,  et  que 
j'appelle  moi,  n'est  pas  le  même  que  l'objet  de  ma 
sensation.  Je  fais  effort  en  ce  moment  pour  expri- 
mer ma  pensée  avec  clarté  et  avec  suite  :  j'ai 
conscience  de  l'effort  que  je  fais,  et  je  sais  que 
l'objet  en  est  en  dehors  de  moi.  C'est  de  moi- 
même  et  de  moi  seul  que  j'ai  conscience.  Il  suit  de 
là  que  le  moi  est  l'àme  ayant  conscience  d'elle- 
même  ;  que  la  conscience  nous  fait  connaître  non 
seulement  les  faits  qui  se  passent  dans  l'âme  et 
qu'on  appelle  faits  psychologiques,  non  seulement 
les  facultés  dont  ils  sont  les  manifestations,  mais  le 
moi  lui-même  qui  est  le  principe  de  ces  facultés. 
Il  est  impossible  que  le  moi  ait  connaissance  de 
ses  \  manières  d'être  sans  se  concevoir  aussitôt 
comme  en  étant  le  sujet  réel  et  le  sujet  unique  : 
l'être  qui  en  moi  sent  n'est  pas  différent  de  l'être 
qui  pense,  ni  l'être  qui  pense  de  l'être  qui  veut; 
le  moi  se  connaît  non  comme  un  être  composé, 
mais  comme  un  être  un  et  simple,  identique  à  lui- 
même  ;  et  cet  être  un,  simple,  identique,  il  le 
connaît  aussi  comme  une  cause,  comme  une  force 
libre  et  personnelle.  Car  si  l'àme  n'avait  pas  de 
personnalité,  si  elle  n'était  pas  quelque  chose  par 


elle-même,  on  ne  comprendrait  pas  qu'elle  eût 
conscience  de  soi.  Pour  avoir  conscience  de  soi, 
il  faut  être  soi-même  quelque  chose,  il  faut  avoir 
une  personnalité.  La  conscience  est  donc  l'appari- 
tion d'une  force  différente  et  distincte  des  forces 
physiques  et  extérieures,  d'une  force  interne  qui 
est  l'âme  et  dont  le  mode  d'activité  est  la  liberté. 
Donc  encore,  la  conscience  atteint  l'àme  ou  le  moi 
dans  sa  nature  intime. 

La  conscience  dans  son  exercice  a  deux  degrés  : 
d'abord  spontanée,  elle  devient  réfléchie  et  volon- 
taire par  l'attention,  et  prend  alors  le  nom  de 
réflexion,  la  réflexion  étant  l'acte  par  lequel  l'es- 
prit se  replie  sur  lui-même  pour  s'étudier.  Sous 
l'une  et  l'autre  forme,  son  témoignage  est  infailli- 
ble. Les  phénomènes  de  la  conscience  ont  ce  pri- 
vilège de  ne  pouvoir  être  mis  en  question  :  puis-je 
douter  que  j'écris  à  l'heure  présente  ces  lignes? 
en  d'autres  termes,  puis-je  douter  que  je  pense, 
que  j'agis,  que  j'existe,  que  je  suis  moi  et  non  le 
lecteur  qui  feuilleté  ce  volume  ? 

C'est  pourquoi  on  a  encore  défini  la  conscience: 
le  sentiment  que  l'être  intelligent  a  de  lui-même, 
définition  qui  serait  jusqu'à  un  certain  point  appli- 
cable aux  animaux,  suivant  les  degrés  qu'ils  occu- 
pent sur  l'échelle  des  êtres.  En  rapport,  comme 
l'homme,  avec  le  monde  physique,  ils  en  reçoivent 
comme  lui  des  impressions  qui  occasionnent  en  eux 
de  la  peine  ou  du  plaisir  :  le  chien,  caressé  par  son 
maître,  témoigne  son  contentement  par  des  mou- 
vements et  des  cris  joyeux;  maltraité,  la  crainte 
qu'il  montre,  les  plaintes  qu'il  fait  entendre  prou- 
vent qu'il  sait  ce  que  c'est  que  la  douleur  :  il  a 
conscience  de  ses  diverses  manières  d'être;  que 
les  enfants  et  aussi  les  hommes  en  soient  persua- 
dés, et  ne  l'oublient  pas.  Cet  exercice  de  la  cons- 
cience chez  les  animaux  est  évidemment  circons- 
crit, quoique  réel. 

2.  Morale.  —  Conscience  morale  ou  Cons- 
cience du  bien  et  du  mal.  —  Nous  savons  que  nous 
sommes  doués  d'intelligence  et  de  libre  arbitre. 
Il  en  résulte  que  nous  avons  des  devoirs  à  rem- 
plir, en  d'autres  termes  que  l'exercice  de  notre 
activité  est  soumis  à  une  règle,  à  une  loi,  qui 
est  la  loi  morale  :  intelligents,  nous  pouvons  con- 
naître cette  loi  ;  libres,  nous  pouvons  nous  y  con- 
former. C'est  ici  qu'intervient  une  faculté  distincte 
de  la  conscience  proprement  dite  ou  sens  intime, 
et  qui  est  la  conscience  morale. 

Nous  faisons  à  chaque  instant  la  distinction  du 
bien  et  du  mal,  du  juste  et  de  l'injuste,  nous  qua- 
lifions nos  actions  et  celles  d'autrui  de  bonnes  ou 
de  mauvaises  :  pourquoi  ?  Parce  que  nous  avons 
en  nous  une  idée  du  bien  en  soi,  du  bien  moral, 
qui  nous  sert  pour  ainsi  dire  de  terme  de  compa- 
raison. Avons-nous  conçu'  un  acte  comme  morale- 
ment bon  ou  moralement  mauvais,  nous  nous  sen- 
tons obligés  dans  le  premier  cas  de  l'accomplir, 
dans  le  second  de  nous  en  abstenir,  abstraction 
faite  de  l'avantage  ou  du  détriment,  du  plaisir  ou 
de  la  peine  qu'il  pourrait  nous  procurer  :  nous 
avons  donc  l'idée  du  devoir,  lequel  est  obligatoire 
sans  que  l'obligation  contraigne  la  volonté,  car 
nous  nous  sentons  toujours  libres.  La  preuve, 
c'est  que  nous  savons,  à  n'en  pouvoir  douter,  que 
la  détermination,  bonne  ou  mauvaise,  que  nous 
prendrons  nous  sera  imputable  :  nous  avons  donc 
l'idée  de  la  responsabilité.  Étant  responsables,  et 
nous  connaissant  comme  tels,  nous  savons  que 
nous  mériterons,  si  nous  agissons  bien,  que  nous 
démériterons  si  nous  agissons  mal.  Ainsi  s'en- 
chaînent rigoureusement  les  idées  du  mérite  et 
du  démérite,  de  la  responsabilité,  du  devoir,  du 
bien,  de  la  vertu:  le  devoir  n'existe  qu'à  la  condi- 
tion d'une  fin  à  atteindre  ;  cette  fin,  pour  un  être 
libre,  est  le  bien  moral  ;  le  mérite  n'existe,  pour 
un  être  responsable,  qu'à  la  condition  du  devoir  ; 
quand  l'homme  obéit   au  devoir,   en  vue  du  bien 


CONSCIENCE 


—  404 


CONSERVES 


moral,  il  obéit  librement  à  un  motif  supérieur, 
impersonnel,  désiniéressé  ;  il  se  dévoue  à  quoique 
chose  qui  n'est  pas  lui,  il  poursuit  un  bien  qui 
n'est  pas  le  sien,  qui  n'est  même  pas  celui  d'un 
être  en  particulier,  mais  qui  est  te  Bien.  Ce  dé- 
vouement, c'est  la  vertu. 

Or,  ces  idées,  nous  les  devons  à  la  conscience 
morale,  ou  faculcé  de  concevoir  le  bien,  de  le  dis- 
linguer  du  mal,  de  concevoir  en  un  mot  la  loi  du 
devoir.  La  conscience  morale  atteste  donc  à 
l'homme  la  supériorité  de  sa  nature  sur  tous  les 
êtres  qui  l'environnent  ;  l'homme  seul  a  des  de- 
voirs, parce  que  seul  il  est  capable  de  moralité. 
L'âne  qui  «  tond  d'un  pré  la  largeur  de  sa  lan- 
gue »  n'est,  quoi  qu'en  dise  La  Fontaine,  ni  res- 
ponsable ni  coupable  ;  c'est  son  maître  qui  répon- 
dra du  dommage.  Le  paysan  dont  parle  Jouff'roy, 
qui  la  nuit  va  cueillir  les  pommes  de  son  riche 
voisin,  a  beau  se  dire  qu'il  ne  lui  fait  pas  tort  :  il 
sait  fort  bien,  tout  illettré  qu'il  est,  qu'il  se  rend 
coupable  de  vol.  L'âne  ne  se  reproche  rien  ;  le 
voleur,  qu'il  échappe  ou  non  à  l'œil  de  ses  sem- 
blables, n'échappe  pas  aux  reproches  d'une  voix 
intérieure  qui  constituent  son  premier  châtiment. 
L'accomplissement  du  bien  et  du  mal,  en  effet, 
est  toujours  accompagné  d'un  sentiment  particu- 
lier auquel  nul  ne  peut  se  soustraire,  et  qui  est, 
suivant  les  cas,  une  récompense  ou  une  punition, 
une  satisfaction  intérieure  ou  un  remords.  La  loi 
du  devoir  trouve  ainsi  sa  première  sanction  dans 
notre  nature  elle-même  ;  cette  sanction  n'est  pas 
la  seule,  mais  elle  est  indépendante  des  autres. 

Qu'est-ce  donc  au  fond  que  la  conscience  mo- 
rale ?  C'est  la  raison  elle-même,  car  les  idées 
qu'elle  nous  donne  et  que  nous  avons  énumérées 
ont  tous  les  caractères  des  idées  de  la  raison  : 
elles  sont  nécessaires,  immuables,  universelles  ; 
nous  ne  les  formons  pas  comme  nous  formons,  par 
exemple,  l'idée  du  règne  animal  ;  nous  ne  les 
imaginons  pas,  comme  nous  imaginons  l'idée  de  la 
chimère  :  nous  les  concevons  et  nous  ne  pouvons 
pas  ne  pas  les  concevoir.  Elles  n'appartiennent  pas 
à  un  individu  en  particulier,  mais  à  toutes  les  in- 
telligences ;  elles  sont  de  tous  les  temps  et  de 
tous  les  pays  ;  partout  et  toujours  on  fait  la  dis- 
tinction du  bien  et  du  mal,  partout  et  toujours  on 
porte  le  jugement  du  juste  et  de  l'injuste.  «  Il  est 
au  fond  de  nos  âmes  un  principe  inné  de  justice 
et  de  vertu,  sur  lequel,  malgré  nos  propres  maxi- 
mes, nous  jugeons  nos  propres  actions  et  celles 
d'autrui,  comme  bonnes  ou  mauvaises.  »  (.I.-J. 
Rousseau.)  Une  action  n'est  pas  bonne  ou  mau- 
vaise parce  que  la  loi  écrite  la  qualifie  ainsi  :  la 
loi  écrite  la  qualifie  selon  sa  conformité  avec  l'i- 
dée du  bien,  et  elle-même  emprunte  sa  valeur  à 
sa  conformité  avec  la  loi  non  écrite  ou  loi  morale, 
loi  éternelle  et  infaillible,  écrite  au  fond  de  nos 
cœurs  par  la  conscience,  et  dont  Aristote  disait  : 
«  Ni  l'étoile  du  soir  ni  l'étoile  du  matin  ne  sont 
aussi  belles  à  contempler.  »  Cicéron  l'a  définie 
ainsi  :  «  La  loi  morale  est  la  raison  suprême,  in- 
hérente à  notre  nature,  ordonnant  ce  qui  doit  être 
fait,  défendant  ce  qui  doit  être  évité,  loi  éternelle 
antérieure  à  toute  loi  écrite,  à  toute  constitution 
de  société.  » 

On  donne  quelquefois  à  la  conscience  morale  le 
nom  de  raison  pratique  parce  qu'elle  dirige  notre 
conduite,  et  par  opposition  à  la  raison  spécutative; 
mais  on  voit  qu'elle  n'est  autre  chose  que  la  raison. 
Les  notions  qu'elle  nous  révèle  ont  donc  leur  ori- 
gine en  Dieu,  comme  les  autres  idées  de  la  raison, 
puisque  les  vérités  éternelles  sont  les  formes  et 
les  pensées  de  l'intelligence  divine.  Cela  ne  signifie 
pas  qu'elles  émanent  d'un  décret  arbitraire  de  la 
volonté  de  Dieu  ;  que  le  bien  n'est  le  bien,  que  le 
mal  n'est  le  mal  que  parce  que  Dieu  la  voulu  ainsi. 
Cette  erreur  a  été  combattue  non-seulement  par 
les  philosophes,  mais  par  les  plus  grands  théolo- 


giens :  la  loi  morale  n'est  pas  l'expression  de  la 
volonté  divine,  mais  de  la  raison  divine.  C'est  pré- 
cisément ce  qui  lui  imprime  un  caractère  auguste 
d'autorité  et  d'universalité  :  le  Verbe  éternel,  selon 
l'expression  de  Malebranche,  parle  à  toutes  les  na- 
tions le  même  langage.  Les  divergences  d'opinion 
qui  se  produisent  portent  non  sur  le  principe,  mais 
sur  ses  applications.  Cela  tient  au  degré  de  civili- 
sation, de  culture  intellectuelle,  à  l'ignorance,  aux 
usages,  aux  préjugés,  à  tous  les  mobiles  de  nos  ac- 
tions. Dans  les  premières  années  de  son  existence, 
l'homme  n'a  pas  plus  atteint  son  complet  dévelop- 
pement moral  que  son  développement  physique; 
la  conscience,  comme  toute  autre  faculté,  est  sus- 
ceptible de  culture  et  de  perfectionnement.  L'idée 
du  bien,  comme  toutes  les  idées  de  la  raison,  n'est 
innée  qu'en  ce  qu'elle  forme  l'essence  de  la  raison, 
et  se  développe  avec  elle.  La  passion  peut  l'obscur- 
cir, mais  non  l'éteindre  entièrement;  les  méchants 
mêmes  admirent  la  vertu  :  (^  l'hypocrisie  est  un 
hommage  que  le  vice  rend  à  la  vertu.  »  (La  Roche- 
foucauld.) L'homme  cesserait  plutôt  d'être  homme 
que  de  perdre  son  attribut  moral,  la  conscience. 

On  voit  par  là  en  quoi  la  conscience  morale  dif- 
fère de  la  conscience  proprement  dite  :  celle-ci  est 
un  témoin,  celle-là  est  un  législateur  et  un  juge. 
Elle  dicte  à  l'homme  sa  loi,  elle  l'approuve  ou  le 
blâme,  selon  qu'il  l'a  observée  ou  violée;  elle  le 
rend  ainsi  l'arbitre  de  sa  destinée.  Concluons  que 
l'éducation  est  toute-puissante  sur  le  développe- 
ment de  la  conscience  morale,  et  qu'il  dépend 
d'elle  de  faire  marcher  du  même  pas  le  progrès  de 
l'instruction  et  celui  de  la  moralité.  Entendre  ainsi 
la  mission  d'éducateur,  s'appliquer  ainsi  à  soi- 
même  la  notion  de  responsabilité,  c'est  faire  son 
devoir  et  travailler  au  bien  commun,  car  la  cons- 
cience des  individus  fait  celle  de  la  société  tout 
entière.  [Paul  Rousselot.] 

COASERVKSALIMEKTAIRES.— Chimie, XXVII. 
—  On  donne  le  nom  de  conserves  alimentaires  à 
toutes  les  substances  destinées  à  l'alimentation  et 
préparées  de  manière  à  pouvoir  être  conservées 
longtemps,  des  mois,  et  même  des  années.  Ainsi 
on  dit  :  conserve  de  gibier,  de  petits  pois,  de  sar- 
dines, etc. 

Généralités.  —  Toutes  les  matières  organisées, 
végétales  ou  animales,  dès  qu'elles  sont  mortes, 
subissent  dans  l'air,  à  la  température  ordinaire, 
des  transformations  diverses  plus  ou  moins  nom- 
breuses, jusqu'à  ce  que  tout  leur  carbone  soit 
transformé  en  acide  carbonique,  leur  hydrogène 
en  eau,  leur  azote  en  ammoniaque ,  en  un  mot, 
leurs  éléments  reviennent  à  l'état  minéral,  après 
avoir  passé  par  une  série  de  produits  de  décompo- 
sition. C'est  cette  altération  plus  ou  moins  spon- 
tanée qu'on  appelle,  selon  le  cas  :  putréfaction, 
fermentation,  pourriture.  Dans  le  langage  scienti- 
fique, on  n'emploie  plus  guère  que  le  mot  de  fer- 
mentation, depuis  que  les  remarquables  travaux  de 
M.  Pasteur  ont  fait  voir  que  tous  ces  phénomènes, 
en  apparence  si  différents^  avaient  une  même  ori- 
gine :  l'action  des  ferments  sur  les  substances 
organiques  (V.  Fermentatioii). 

Les.  conditions  essentielles  pour  que  les  matières 
organiques  fermentent  ou  se  putréfient  sont  non- 
seulement  la  présence  de  ces  ferments,  mais  en- 
core une  certaine  température,  de  l'humidité,  et 
le  contact  de  l'oxygène.  Tous  les  moyens  employés 
pour  conserver  plus  ou  moins  longtemps  les  subs- 
tances organiques  avec  leurs  principales  propriétés 
reviennent  à  les  mettre  à  l'abri  d'une  ou  de  plu- 
sieurs de  ces  conditions. 

Ici,  comme  dans  beaucoup  d'autres  circonstan- 
ces, la  pratique  a  devancé  la  théorie;  néanmoins, 
comme  toujours,  celle-ci,  depuis  les  travaux  de 
M.  Pasteur,  auxquels  on  revient  toujours  dans  ces 
sortes  de  questions,  a  permis  de  perfectionner  et 
de  multiplier  les  moyens  de  conservation.  Nous 


CONSERVES 


—  495  — 


CONSERVES 


allons  les  classer  comme  on  le  fait  généralement 
et  conformément  aux  différentes  industries  qui 
emploient  en  grand  ces  différents  procédés. 

Divers  modes  de  conservation  des  substances  ali- 
mentaires. —  1°  Par  le  froid.  Depuis  longtemps 
on  sait  que  la  viande  peut  être  indéfiniment  con- 
servée lorsqu'elle  est  constamment  maintenue  à 
une  température  inférieure  à  zéro. 

Le  géograplie  Baibi,  parlant  de  Saint-Pétersbourg, 
décrit  ainsi  le  marché  d'hiver  de  cette  ville  :  «  L'Eu- 
ropéen du  midi  est  frappé  d'étonnement  en  voyant 
s'élever,  sur  une  vaste  place,  d'énormes  pyramides 
formées  de  corps  d'animaux  entassés  les  uns  sur 
les  autres.  Ce  sont  des  bœufs,  des  moutons,  des 
cochons,  des  poules  :  ensuite  du  beurre,  des  œufs, 
des  poissons  ;  enfin  toutes  sortes  de  provisions  :  le 
froid  a  rendu  ces  objets  durs  comme  des  pierres. 
Les  poissons  conservent  encore  toute  leur  fraîclieur 
et  leurs  couleurs  naturelles  ;  on  serait  presque 
tenté  de  les  croire  vivants.  Mais  les  autres  ani- 
maux offrent  un  spectacle  pour  ainsi  dire  effrayant. 
On  en  voit  des  milliers  tout  écorchés,  rangés  les 
uns  à  côté  des  autres.  Leur  dureté  est  extrême  ; 
on  emploie  la  hache  pour  en  couper  les  morceaux, 
et  les  éclats  volent  au  loin  comme  si  l'on  coupait 
du  bois.  Les  provisions  amassées  dans  ce  marché 
y  sont  apportées  des  parties  les  plus  éloignées  de 
l'empire,  au  moyen  des  traîneaux.  Tout  s'y  vend 
à  meilleur  marché  à  cause  de  la  facilité  des  trans- 
ports et  du  grand  nombre  de  vendeurs,  et  chacun 
se  hâte  de  faire  ses  provisions.  Elles  se  conservent 
d'ailleurs  pendant  longtemps  lorsqu'on  a  la  pré- 
caution de  les  mettre  dans  des  caves  garnies  de 
glace  qui  se  trouvent  dans  toutes  les  maisons.  » 

On  raconte  qu'il  y  a  quelques  années  plusieurs 
savants  voulurent  goûter,  dans  un  repas  donné  à 
Saint-Pétersbourg,  de  la  chair  parfaitement  con- 
servée des  cadavres  de  mammouths,  qu'Adams 
avait  découverts  dans  les  glaces  de  l'Océan  Arcti- 
que où  ils  se  trouvaient  enfoncés  depuis  quelque 
dix  mille  ans.  Mais  ce  sont  là  des  circonstances 
naturelles  qui  ne  peuvent  pas  être  appliquées  in- 
dustriellement. Depuis  une  dizaine  d'années,  et 
principalement  depuis  deux  ans,  par  d'heureuses 
applications  de  la  dépense  de  chaleur  nécessitée 
pour  l'évaporation  des  liquides  très  volatils,  on  est 
arrivé  à  produire  le  froid  industriellement,  c'est- 
à-dire  à  volonté  et  à  bon  marché  (procédé  Carré, 
par  l'évaporation  de  l'ammoniaque  liquide  ;  procédé 
Tellier,  par  l'évaporation  des  éthers  ;  procédé  Gif- 
fard,  par  la  dilatation  brusque  de  l'air  comprimé  ; 
procédé  Pictet,  par  l'évaporation  de  l'acide  sulfu- 
reux liquide).  Aussi,  aujourd'hui,  la  conservation 
des  viandes  de  boucherie,  du  gibier,  des  poissons, 
peut-elle  se  faire  sur  une  grande  échelle  par  le 
froid  artificiel  ;  comme  beaucoup  d'autres  person- 
nes, nous  avons  pu  voir,  dans  les  galeries  de  l'Ex- 
position universelle,  des  cadavres  entiers  d'ani- 
maux de  boucherie,  moutons,  bœufs,  parfaitement 
conservés  et  ayant  le  même  aspect  que  s'ils  arri- 
vaient de  l'abattoir,  quoique  ces  animaux  eussent 
été  abattus  onze  mois  auparavant  dans  les  pâtu- 
rages de  l'Amérique  du  Sud,  et  que,  par  suite  d'un 
accident  arrivé  au  na\ire,  ces  viandes  eussent  sé- 
journé trois  mois  sous  l'équateur. 

Plusieurs  compagnies,  qui  viennent  de  se  former 
pour  exploiter  ces  différents  procédés,  vont  impor- 
ter en  Europe,  conservées  par  le  froid,  les  viandes 
de  bœuf  et  de  mouton  qui  sont  à  si  bon  marché 
dans  diverses  régions  de  l'Amérique  méridionale. 
Déjà,  il  y  a  deux  ans,  la  compagnie  qui  exploite  le 
système  Carré  a  pu  livrer  à  la  consommation  pa- 
risienne et  à  bas  prix  plus  de  six  cent  mille  kilo- 
grammes de  viande  parfaitement  intacte. 

"i"  Dessiccation.  —  La  viande  de  boucherie, 
chauffée  à  l'air,  perd  la  plus  grande  partie  de  son 
eau,  et  peut  ainsi  se  conserver  longtemps  ;  ce  pro- 
cédé de  conservation  est  très  ancien  :  les  Gaulois 


en  faisaient  usage.  Les  indigènes  de  la  Plata  et  du 
Paraguay  se  nourrissent  de  lanières  de  viande 
sèche  appelées  tasajo,  qu'on  prépare  en  exposant 
au  soleil  sur  des  claies  de  bambou  des  bandes 
minces  de  viande  de  bœuf  saupoudrées  de  farine 
de  maïs.  Les  prunes,  les  poires,  les  champignons 
sont  aussi  conservés  par  la  dessiccation. 

Boucanage.  —  Le  boucanage  consiste  à  fumer 
la  viande  après  qu'elle  a  été  desséchée  ;  c'est  ainsi 
que  se  conservent  les  jambons,  les  harengs,  le 
bœuf,  etc.,  et  toutes  les  viandes  dites  fumées. 
Souvent  elles  ont  été  préalablement  salées. 

Les  viandes  exposées  à  la  fumée  s'imprègnent 
lentement  des  substances  anti-septiques  (anti-pu- 
trides), principalement  de  créosote,  que  contient 
la  fumée. 

Les  légumes  peuvent  aussi  être  conservés  par 
la  dessiccation.  Pour  cela  on  leur  donne  la  forme 
de  tablettes  en  les  soumettant  à  une  pression  con- 
sidérable au  moyen  de  la  presse  hydraulique.  On 
les  expédie  ensuite  enfermés  dans  des  boîtes  de 
for-blanc,  qui  peuvent  contenir  jusqu'à  20,000  ra- 
tions de  20  à  25  grammes.  Plongés  dans  l'eau  pen- 
dant deux  heures,  ces  légumes  reprennent  toute 
l'apparence  et  le  volume  de  légumes  frais. 

3°  Expulsion  -de  l'air.  —  Procédé  Appert.  —  Le 
plus  simple  et  de  beaucoup  le  plus  employé  de 
tous  les  procédés  imaginés  pour  débarrasser  de 
l'air  les  substances  à  conserver  a  été  inventé  en 
1809  par  Appert. 

Les  produits  que  l'on  veut  préserver  sont  placés 
dans  des  boîtes  en  fer-blanc,  de  dimensions  varia- 
bles, qu'on  plonge  dans  un  bain-marie  de  'b<>  à 
100°;  puis,  au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins  long, 
selon  la  quantité  de  conserves  qui  se  trouve  dans 
chaque  boîte,  on  ferme  celle-ci  hermétiquement 
par  une  soudure.  On  se  rend  facilement  compte 
des  différents  avantages  de  ce  procédé.  La  tempé- 
rature d'ébullition  détruit  les  ferments,  expulse 
l'air  et  produit  un  commencement  de  cuisson,  tout 
en  conservant  aux  viandes  ou  aux  légumes  l'apca- 
rence  de  substances  tout  à  fait  fraîches. 

Le  procédé  Appert  a  été  perfectionné  en  1840 
par  M.  Fastier,  fabricant  de  conserves.  En  mettant 
dans  le  bain-marie  un  mélange  de  sel  et  de  sucre, 
il  a  pu  élever  la  température  Jusqu'à  110°  avant 
qu'on  procède  à  la  soudure;  de  cette  façon  l'air 
est  plus  complètement  expulsé  et  les  ferments 
plus  sûrement  détruits.  M.  Chevalier-Appert  sou- 
met les  boîtes  à  une  pression  qui  peut  aller  jus- 
qu'à 1  atmosphère  1/2  en  les  plongeant  dans  une 
chaudière  à  couvercle  boulonné  et  munie  d'un  ma- 
nomètre. 

La  dilatation  de  l'air  intérieur  gonfle  les  boîtes, 
l'oxygène  de  l'air  est  absorbé  par  la  conserve  pen- 
dant le  refroidissement,  la  boîte  alors  devient  con- 
cave, ce  qui  est  pour  l'acheteur  une  garantie  que 
le  produit  est  bien  préparé.  M.  Martin  de  Lignac 
a  encore  apporté  au  procédé  Appert  divers  perfec- 
tionnements qui  permettent  de  conserver  parfaite- 
ment des  masses  de  viandes  de  boucherie  de  10  à 
20  kilogrammes  dans  un  état  de  fraîcheur  presque 
complète.  Ces  divers  perfectionnements  ont  ap- 
porté un  développement  considérable  à  l'industrie 
de  la  conservation  des  viandes  et  des  légumes, 
principalement  en  Angleterre  et  en  France.  Pour 
cette  dernière,  la  fabrication  des  conserves  repré- 
sente une  valeur  de  40  à  50  millions,  sans  parler 
du  commerce  si  important  des  sardines,  des  ha- 
rengs, etc.,  qui  représente  aussi  plusieurs  mil- 
lions. 

Nous  avons  pu  voir,  dans  quelques  grandes  mai- 
sons de  Paris,  des  produits  conservés  par  le  pro- 
cédé Appert  perfectionné,  préparés  en  18G7  où  ils 
ont  figuré  à  l'Exposition  universelle  de  Paris. 
Ces  produits  avaient  la  plus  belle  apparence. 
C'étaient  des  poulets,  des  cailles,  des  crêtes  et  ro- 
gnons, des  petits  pois,  asperges,  choux-fleurs,  etc.  : 


CONSERVES 


496 


CONSTITUTIONS 


nous  en  avons  même  vu  de  1851  qui  avaient  l'air 
d'être  préparés  depuis  un  mois. 

Les  conserves  jouent  un  rôle  important  dans 
l'alimentation  des  armées  en  campagne.  Pendant 
la  guerre  de  Crimée,  une  seule  maison  fournis- 
sait 120  000   rations    par  jour  à  l'armée  française. 

Pendant  la  guerre  de  LsTO  et  1871,  l'armée  alle- 
mande fit  un  grand  usage  d'un  mélange  cuit  de 
pois  et  de  viande,  conservé  dans  des  boîtes  en  fer 
blanc  de  1  à  2  litres  de  capacité. 

4°  Agents  antiseptiques .  —  On  donne  ce  nom  à 
toutes  les  substances  qui,  en  détruisant  les  fer- 
ments et  germes  de  toute  sorte,  s'opposent  à  la 
putréfaction  des  substances  organiques.  Tels  sont 
le  sel,  la  créosote,  le  vinaigre,  l'acide  phénique,  etc. 
Le  salage  et  le  fumage  des  viandes  reposent  sur 
l'action  des  agents  antiseptiques.  Il  en  est  de 
même  du  boucanage  dont  nous  avons  parlé,  puis 
du  sauragp  des  harengs. 

Saurage.  —  On  suspend  les  harengs,  préalable- 
ment salés,  dans  une  vaste  cheminée  appelée 
roussable,  on  y  brûle  du  bois  menu  et  vert  en  fai- 
sant en  sorte  d'obtenir  beaucoup  de  fumée  ;  on 
peut  ainsi  en  24  heures  saurer  10  000  harengs  à  la 
fois. 

M.  Milne-Edwards,  professeur  à  la  Sorbonne, 
propose  de  saler  des  animaux  entiers  en  injectant 
de  l'eau  salée  dans  la  veine  jugulaire.  Nous  croyons 
que  ce  procédé  n'est  guère  employé,  quoiqu'il  ait 
été  essayé  en  grand  par  M.  de  Lignac  dans  son 
usine  de  Charonne. 

Conservation  du  lait.  —  Ici  encore  nous  ren- 
controns différents  procédés.  Nous  décrirons  seu- 
lement celui  de  M.  Mabru  qui  conserve  le  lait  li- 
quide sans  lui  ajouter  aucune  substance  étrangère  ; 
il  a  été  récompensé  par  l'Académie  des  sciences 
en  1855. 

M.  Mabru  place  le  lait  dans  des  bouteilles  de  fer 
blanc  construites  de  telle  façon  que  quand  elles 
ont  été  remplies  de  lait  et  plongées  dans  un  bain 
à  100°,  elles  se  trouvent  complètement  purgées 
d'air  et  absolument  remplies  de  lait  ;  on  les  ferme 
alors  hermétiquement  pendant  qu'elles  sont  plon- 
gées dans  l'eau  froide. 

Conservation  des  œufs.  —  On  conserve  les  œufs 
en  empêchant  par  un  moyen  quelconque  l'air  de 
pénétrer  à  l'intérieur.  Pour  cela  on  les  recouvre, 
soit  d'une  couche  de  vernis  à  la  gomme,  ou  d'une 
couche  d'un  mélange  formé  d'huile  et  de  cire,  soit 
d'une  dissolution  sirupeuse  de  gélatine.  Un  pro- 
cédé plus  économique  consiste  à  les  conserver  à  la 
cave  dans  un  lait  épais  de  chaux  auquel  on  a  ajouté 
quelques  centièmes  de  sucre  ;  enfin  on  les  con- 
serve assez  bien  après  les  avoir  plongés  pendant 
quelques  heures  seulement  dans  de  l'eau  salée. 

Biscuit.  —  Le  biscuit  est  une  espèce  de  pain 
sec  et  dur  fabriciué  avec  de  la  farine  de  froment 
pétrie  avec  le  dixième  de  son  poids  d'eau. 

La  pâte  fermentée  est  découpée  en  disques 
ronds  ou  rectangulaires,  percés  de  trous  afin  que 
les  gaz  puissent  sortir  et  que  les  pains  ne  se  gon- 
flent point;  elle  est  ensuite  rapidement  cuite  et 
séchée.  Le  biscuit  est  fade,  lourd,  altérant;  il  ne 
se  conserve  pas  indéfiniment,  et  se  gâte  souvent 
sous  l'action  de  larves  dont  la  cuisson  n'a  pas  dé- 
truit les  gormes. 

Meat-buiscuit.  —  Ce  biscuit-viande  est  formé 
d'un  mélange  de  farine  de  froment  et  de  bouillon 
concentré  de  viande  de  bœuf.  Il  peut  servir  à  faire 
de  bons  bouillons,  mais  il  ne  contient  point  les 
principes  les  plus  nutritifs  de  îa  viande. 

Extraits  de  bouillon.  —  Jusqu'à  présent  les 
bouillons  concentrés  et  solidifiés  n'ont  point  pé- 
nétré bien  profondément  dans  la  consommation, 
malgré  les  essais  nombreux  faits  dans  ce  sens.  A 
la  dernière  Exposition  nous  avons  pu  en  expéri- 
menter plusieurs,  principalement  d'origine  an- 
glaise, qui  nous  ont  beaucoup  plu.  Le  bouillon  dit 


Liebig,  qui  a  jusqu'à  présent  fait  le  plus  de  bruit, 
ne  paraît  pas  plus  que  les  autres  avoir  une  grande 
valeur. 

Pour  terminer  nous  dirons  que  si  la  plupart  des 
procédés  de  conservation  des  substances  alimen- 
taires sont  imparfaits,  il  y  en  a  quelques-uns  ce- 
pendant qu'une  longue  pratique  a  consacrés  et  qui 
entrent  pour  une  grande  part  dans  l'alimentation 
journalière. 

Nous  pouvons  citer  entête  les  conserves  de  sar- 
dines à  l'huile,  qui  sont  un  aliment  excellent  de 
tout  point,  introduit  dans  l'alimentation  des  équi- 
pages de  la  flotte  par  décret  du  7  sept.  1872  ;  le 
thon  mariné,  les  olives,  les  fruits  à  l'eau-de-vie, 
les  viandes  fumées,  le  beurre  salé,  depuis  long- 
temps consommés  sur  une  vaste  échelle  dans  tous 
les  pays.  [Alfred  Jacquemart.] 

CO^STIC LL.\TION.  —  V.  Etoiles. 

COAS'MTUA.NTE.  —  "V.   Révolution  française. 

CONSTITUTIOIVS.— Histoire  de  France, XXXVIII- 
XL.  —  Avant  1789,  la  France  n'avait  pas,  à  propre- 
ment parler,  de  constitution.  L'ensemble  des 
institutions  de  l'ancienne  monarchie,  mélange 
confus  de  vieilles  coutumes,  de  privilèges,  de  con- 
cessions et  d'abus,  ne  formait  pas  une  constitution 
dans  le  sens  moderne  du  mot  ;  l'arbitraire  du 
souverain  n'avait  d'autres  limites  que  celles  que  lui 
imposait  parfois  l'opinion  publique. 

Depuis  17S9,  une  dizaine  de  constitutions  suc- 
cessives ont  été  votées  par  des  assemblées  déli- 
bérantes, imposées  par  un  dictateur  ou  octroyées 
par  un  souverain.  Comme  chacune  d'elles  a  laissé 
sa  trace  dans  [l'organisation  politique  de  notre 
pays,  il  est  utile  de  les  connaître.  Nous  allons 
donc  en  analyser  sommairement  les  dispositions 
principales,  qu'on  trouve  assez  rarement  exposées 
dans  les  ouvrages  élémentaires. 

Constitution  de  1791.  —  Votée  par  l'Assemblée 
constituante  le  3  septembre  1791,  après  des  dé- 
bats qui  s'étaient  prolongés  plus  de  deux  ans,  et 
jurée  par  Louis  XVI  le  14  septembre.  Elle  est 
précédée  d'une  Déclaration  des  droits  de  l'homme 
et  du  citoyen,  en  dix-sept  articles,  votée  le  26 
aoîit  1789. 

Tous  les  pouvoirs  émanent  de  la  nation,  qui  les 
exerce  par  délégation  :  ses  représentants  sont  le 
Corps  législatif  et  le  roi. 

La  ?iation,  toutefois,  considérée  comme  corps 
politique,  n'embrasse  pas  la  totalité  des  citoyens. 
Ceux-ci  sont  divisés  en  deux  catégories  :  les  ci- 
toyens actifs,  c'est-à-dire  ceux  qui  ont  vingt-cinq 
ans  et  qui  paient  une  contribution  directe  au  moins 
égale  à  la  valeur  de  trois  journées  de  travail;  et 
les  citoyens  passifs,  qui  ne  réunissent  pas  ces  con- 
ditions. Les  citoyens  actifs  jouissent  seuls  des 
droits  politiques.  Réunis  en  assemblées  primaires, 
ils  élisent  directement  les  administrations  commu- 
nales (conseil  municipal  et  maire)  et  les  juges  de 
paix.  Quant  aux  autres  fonctionnaires,  la  nomina- 
tion en  est  réservée  à  une  catégorie  plus  restreinte 
de  citoyens,  les  clecteurs. 

Ces  électeurs  sont  choisis  par  les  citayens  actifs, 
à  raison  d'un  électeur  pour  cent  citoyens  actifs. 
Pour  pouvoir  être  nommé  électeur,  il  faut  être 
propriétaire  d'un  bien  dont  le  revenu  soit  égal  à  la 
valeur  locale  de  cent  cinquante  ou  de  deux  cents 
journées  de  travail  (suivant  les  régions),  ou  loca- 
taire d'une  maison  dont  le  revenu  soit  égal  à  la 
valeur  de  cent  journées  de  travail,  ou  fermier 
d'une  terre  dont  le  revenu  soit  égal  à  la  valeur  de 
quatre  cents  journées  de  travail.  Ce  sont  les  élec- 
teurs, et  non  l'ensemble  des  citoyens  actifs,  qui 
nomment  les  députés  à  l'Assemblée  nationale,  les 
administrateurs  et  les  juges  du  département  et  du 
district. 

Le  pouvoir  législatif  est  exercé  par  VAssc-mblée 
nationale,  composée  de  745  députés,  qui  sont  dis- 
tribués entre  les  départements  selon  les  trois  pro- 


CONSTITUTIONS 


497  — 


CONSTITUTIONS 


portions  du  territoire,  de  la  population,  et  de  la 
contribution  directe  :  247  députés  sont  attachés  au 
territoire,  soit  trois  représentants  à  élire  pour 
chaque  département,  à  l'exception  du  département 
de  Paris  qui  n'en  nomme  qu'un  ;  1249  députés  sont 
attribués  à  la  population,  la  masse  totale  de  la  po- 
pulation du  royaume  étant  divisée  en  249  parts,  et 
chaque  département  nommant  autant  de  députés 
qu"il  a  de  parts  de  population  ;  enfin  2î9  députés 
sont  attachés  à  la  contribution  directe,  chaque  dé- 
partement nommant  autant  de  députés  qu'il  paie 
de  parts  de  contribution. 

Le  pouvoir  exécutif  suprême  réside  dans  la  main 
du  roi,  qui  l'exerce  par  des  ministres  choisis  par 
lui  et  responsables  devant  l'Assemblée.  Les  lois 
votées  par  l'Assemblée  nationale  ont  besoin,  pour 
devenir  exécutoires,  de  recevoir  la  sanction  royale  : 
le  roi  peut  la  refuser  (droit  de  veto)  ;  mais  lorsque 
les  deux  législatures  qui  suivent  celle  qui  a  pré- 
senté la  loi  auront  successivement  représenté  la 
même  loi  dans  les  mêmes  termes,  le  roi  sera  censé 
avoir  donné  sa  sanction.  Le  roi  n'a  pas  le  droit  de 
dissoudre  le  Corps  législatif. 

Le  territoire  du  royaume  est  divisé  en  83  dépar- 
tements ;  chaque  département  en  districts  ;  chaque 
district  en  cantons.  Le  département  et  le  district 
sont  administrés  par  des  autorités  élues  :  celles  du 
département  sont  un  conseil  de  départemeiit ,  de 
trente-six  membres,  qui  tient  une  session  annuelle, 
et  un  directoire  de  départem<mt,  de  huit  membres, 
formant  l'administration  permanente  ;  celles  du  dis- 
trict, un  conseil  de  district,  de  douze  membreS;,  et 
un  directoire  de  district  permanent.  Les  commu- 
nes sont  régies  par  un  conseil  communal,  un 
procureur-syndic,  et  un  maire,  élus  par  l'ensem- 
ble des  citoyens  actifs  habitant  chaque  commune. 

Quant  à  l'organisation  judiciaire,  il  y  a  dans 
chaque  département  un  tribunal  criminel  et  d'ap- 
pel, dans  chaque  district  un  tribunal  civil  :  les  ju- 
ges, ainsi  que  l'accusateur  public,  sont  nommés 
par  les  électeurs.  Chaque  canton  a  un  juge  de 
paix,  élu  par  les  citoyens  actifs.  En  matière  crimi- 
nelle, le  point  de  fait  est  apprécié  par  un  jury. 

Au  point  de  vue  ecclésiastique,  le  royaume  est 
divisé  en  un  nombre  d'évêchés  égal  à  celui  des 
départements  :  évêques  et  curés  sont  clioisis  par 
l'élection  populaire.  Cette  partie  des  dispositions 
constitutionnelles  est  connue  sous  le  titre  de  Cons- 
titution civile  du  clergé  :  ce  fut  elle  qui  amena 
le  schisme  entre  les  prêtres  dits  constitutionnels 
et  les  prêtres  réfractaires  ou  insermentés . 

Quoique  la  Constitution  de  1791  ait  créé  l'unité 
de  la  France,  en  renversant  les  anciennes  barriè- 
res et  en  substituant  au  chaos  des  institutions  de 
l'ancien  régime  une  organisation  uniforme  dans 
tout  le  royaume,  elle  avait  cependant  laissé  au  dé- 
partement et  à  la  commune  une  large  mesure 
d'autonomie  administrative,  qui  leur  fut  enlevée 
par  la  constitution  de  l'an  VIII. 

Constitution  de  1793  ou  de  l'an  I.  —  Votée  du 
10  au  24  juin  1793  par  la  Convention  nationale, 
ratifiée  par  le  vote  populaire  dans  le  courant  du 
mois  suivant.  Elle  est  précédée,  comme  celle  de 
1791,  d'une  Déclaration  des  drohs  de  l'homme  et 
du"  citoyen. 

C'est  la  Constitution  de  1793  qui  a  consacré  la 
première  le  principe  du  suffrage  universel,  en  sup- 
primant la  distinction  entre  les  citoyens  actifs  et 
les  citoyens  passifs,  distinction  qui  d'ailleurs  s'é- 
tait trouvée  abolie  aussitôt  après  la  chute  de  la 
royauté,  par  le  décret  de  la  Législative  ordon- 
nant l'élection  d'une  Convention  nationale  (13 
août  1792). 

En  outre,  elle  stipule  que  les  lois  proposées  par 
le  Corps  législatif  doivent  être  soumises  à  la  sanc- 
tion du  vote  populaire,  toutes  les  fois  qu'un  nom- 
bre déterminé  de  citoyens  le  demande.  Mais  si,  qua- 
rante jours  après  l'envoi  de  la  loi  proposée  par  le 

2e  PauTIE. 


Corps  législatif,  dans  la  moitié  des  départements 
plus  un,  le  dixième  des  assemblées  primaires  de 
chacun  d'eux,  régulièrement  formées,  n'a  pas  ré- 
clamé, le  projet  est  accepté  et  devient  loi. 

L'ensemble  des  citoyens  d'un  canton  forme  une 
assemblée  primaire.  Les  citoyens  réunis  en  assem- 
blées primaires  nomment  des  électeurs,  à  raison 
d'un  électeur  pour  deux  cents  citoyens.  Tout  ci- 
toyen peut  devenir  électeur.  Les  députés,  magis- 
trats, fonctionnaires,  etc.,  sont  nommés,  les  uns 
directement  par  les  assemblées  primaires,  les  au- 
tres par  les  assemblées  électorales  de  district  ou 
de  département,  c'est-à-dire  par  une  élection  à  deux 
degrés.  Tout  citoyen  est  éligible. 

La  représentation  nationale  a  pour  base  unique 
la  population  :  elle  est  formée  d'un  Corps  législatif 
dont  les  membres  sont  élus  par  les  assemblées 
primaires,  à  raison  d'un  député  pour  quarante 
milie  individus.  Le  Corps  législatif  est  renouvelé 
chaque  année.  Il  propose  des  lois,  sous  réserve  de 
la  sanction  du  peuple,  et  rend  des  décrets. 

Le  pouvoir  exécutif  est  confié  à  un  Conseil  exé- 
cutif de  vingt-quatre  membres,  nommés  par  le 
Corps  législatif  sur  une  liste  que  lui  présentent 
les  assemblées  électorales  de  département.  Il  est 
renouvelé  par  moitié  chaque  année. 

Les  administrateurs  de  département  et  de  dis- 
trict, les  juges  civils,  criminels  et  de  cassation  sont 
nommés  par  les  assemblées  électorales.  Les  fonc- 
tionnaires municipaux  et  les  juges  de  paix  sont 
élus  par  les  assemblées  primaires. 

Le  libre  exercice  des  cultes  est  garanti  :  mais 
nulle  disposition  constitutionnelle  n'organise  un 
clergé  national. 

La  Constitution  de  1793  ne  fut  jamais  appliquée. 
La  Convention  en  avait  ajourné  la  mise  en  vigueur 
par  un  décret  du  10  octobre  1793,  déclarant  le 
gouvernement  «  révolutionnaire  jusqu'à  la  paix  », 
et  plus  tard,  en  1795,  elle  la  remplaça  par  une 
constitution  nouvelle,  celle  de  l'an  III. 

Constitution  de  17^5  ou  de  l'an  IJl.  —  Votée  par 
la  Convention  le  5  fructidor  an  l'î  '.  2  août  1795), 
et  ratifiée  parle  vote  populaire  quelques  jours  plus 
tard.  Précédée  d'une  Déclaration  des  droits  et  d'une 
Déclaration  des  devoirs. 

Elle  conserve  le  système  de  l'élection  à  deux  de- 
grés (assemblées  primaires  et  assemblées  électo- 
rales) établi  par  la  constitution  de  1793,  mais  en 
y  ajoutant  un  cens  électoral  :  pour  pouvoir  voter 
dans  une  assemblée  primaire,  il  faut  payer  une 
contribution  directe  ;  pour  pouvoir  être  nommé 
électeur,  il  faut  être  propriétaire  ou  locataire  d'un 
bien  évalué  à  un  l'evenu  de  cent  à  deux  cents  jour- 
nées de  travail,  suivant  les  localités.  Les  assem- 
blées électorales  de  département  nomment  les  dé- 
putés, les  administrateurs  de  département,  les 
juges  civils,  criminels  et  de  cassation,  les  accusa- 
teurs publics.  Les  autorités  communales  sont  nom- 
mées par  les  assemblées  primaires. 

Le  district,  division  créée  par  la  constitution  de 
1791  et  intermédiaire  entre  le  département  et  le 
canton,  est  supprimé. 

Le  pouvoir  législatif  se  compose  de  deux  cham- 
bres :  le  Co7iseil  des  Cinq  Cents,  qui  propose  et 
discute  les  lois;  le  Cojiseil  des  Anciens,  de  deux 
cent  cinquante  membres,  qui  adopte  ou  rejette  les 
lois  sans  pouvoir  les  discuter.  Ces  deux  conseils 
sont  renouvelés  par  tiers  tous  les  ans.  L'éligibilité 
n'est  soumise  à  aucune  condition  de  cens. 

Le  pouvoir  exécutif  est  remis  à  un  Directoire  de 
cinq  membres,  élu  par  les  deux  conseils.  Le  Di- 
rectoire est  partiellement  renouvelé  par  la  sortie 
et  le  remplacement  annuels  d'un  de  ses  membres. 
Il  choisit  et  révoque  les  ministres.  Il  nomme,  au- 
près de  chaque  administration  départementale  et 
municipale,  un  commissaire  chargé  de  surveiller 
l'exécution  des  lois. 

A  l'égard  des  cultes,  la  Constitution  de  l'an  III 

32 


CONSTITUTIONS 


—  493  — 


CONSTITUTIONS 


se  borne  h  dire  :  «  Nul  ne  peut  être  forcô  ae  contri- 
buer aux  dépenses  d'un  culte.  La  République  n'en 
salarie  aucun.  » 

Constitution  de  1799  ou  de  l'an  Vlîl.  — OEuvre 
de  Sieyès  et  de  Bonaparte,  promulguée  api-ès  le 
coup  d'Etat  du  18  brumaire,  et  ratifiée  par  le  vote 
populaire  en  décembre  1799. 

Tandis  qu'uu  trait  caractéristique  des  trois  con- 
stitutions précédentes  était  la  subordination  du 
pouvoir  exécutif  au  pouvoir  législatif,  la  Constitu- 
tion de  l'an  VIII,  au  contraire,  concentra  tome  l'au- 
torité aux  mains  de  l'exécutif,  c'est-à-dire  du  pre- 
mier consul  Bonaparte. 

Elle  institue  trois  consuls  chargés  du  gouverne- 
mont  :  mais  \e  premier  consul  est  le  chef  de  l'Etat, 
les  deux  autres  n'ont  que  voix  consultative.  Les 
fonctions  de  premier  consul  sont  conférées  par  la 
constitution  elle-même  (art.  39)  à  Napoléon  Bona- 
parte ;  c'est  lui  qui  nomme  seul  tous  les  fonction- 
naires de  l'ordre  militaire,  judiciaire  et  administra- 
tif, y  compris  les  maires  ;  seul  il  a  le  dreit  de 
proposer  les  lois,  qu'il  fait  préparer  par  un  Conseil 
d'État.  Le  pouvoir  législatif  se  compo.se  de  deux 
assemblées  :  un  Tribunal  de  100  membres,  qui 
discute  les  lois  proposées  par  le  premier  consul, 
et  un  Corps  législatif  de  300  membres,  qui  les 
accepte  ou  les  rejette  sans  discussion.  Enfin  un 
Sénat  conservateur  (orme  le  premier  corps  de  l'Etat  : 
sa  fonction  est  de  choisir  les  consuls  et  les  mem- 
bres des  deux  assemblées  législatives  ;  mais  ce 
Sénat,  de  qui  émanaient  tous  les  autres  pouvoirs, 
n'avait  pas  été  nommé  par  voie  élective  :  les  auteurs 
du  coup  d'Etat  de  Brumaire  s'étaient  attribué,  de 
leur  propre  autorité,  le  droit  d'en  désigner  les 
membres. 

Une  modification  importante  est  introduite  dans 
l'administration  départementale  :  chaque  départe- 
ment est  désormais  administré  par  un  préfet,  et 
chaque  arrondissement  (circonscription  rempla- 
çant les  districts  de  1791)  par  un  sous-préfet,  à  la 
nomination  du  premier  consul. 

Les  juges  sont  déclarés  inamovibles. 

Un  article  célèbre,  l'art.  75,  qui  est  resté  en  vi- 
gueur sous  tous  les  gouvernements  qui  suivirent 
et  n'a  été  abrogé  qu'en  1871,  interdit  toute  pour- 
suite juridique  contre  un  fonctionnaire,  à  moins 
d'autorisation  préalable  du  Conseil  d'Etat. 

La  participation  du  peuple  aux  affaires  publiques 
se  réduit  à  la  confection  de  listes  de  notables, 
parmi  lesquels  sont  choisis  les  fonctionnaires. 
Les  assemblées  primaires  de  chaque  arrondis- 
sement forment  une  liste  contenant  dix  fois 
moins  de  noms  qu'il  n'y  a  d'électeurs  primaires  ; 
c'est  dans  cette  première  liste  que  sont  pris  les 
fonctionnaires  de  l'arrondissement.  Les  citoyens 
portés  sur  les  listes  d'arrondissement  désignent 
ensuite  un  dixième  d'entre  eux  :  il  en  résulte  une 
seconde  liste,  dite  départementale,  dans  laquelle 
doivent  être  pris  les  fonctionnaires  du  département. 
Enfin  les  citoyens  portés  sur  la  liste  départemen- 
tale désignent  à  leur  tour  un  dixième  d'entre  eux, 
et  établissent  ainsi  une  troisième  liste  compre- 
nant les  éligibles  aux  fonctions  nationales  :  elle  ne 
se  compose  que  de  cinq  à  six  mille  noms  pour 
toute  la  France. 

«  C'était  l'ombre  du  gouvernement  représentatif 
qu'une  telle  constitution,  où  il  n'y  avait  de  Répu- 
blique que  le  nom,  où  la  souveraineté  du  peuple 
était  dérisoire,  où  tous  les  principes  démocratiques 
posés  par  l'Assemblée  constituante  n'existaient 
plus.  »  (Lavallée.) 

La  Constitution  de  l'an  VIII  était  muette  à  l'é- 
gard des  cultes;  mais  le  concordat*  de  1801  dé- 
clara la  religion  catholique  «  religion  de  la  majorité 
des  Français  », 

Un  sénatus-consulte  du  16  thermidor  an  X 
(4  août  1^02)  restreignit  encore  les  conditions 
d'éligibilité,  en  ordonnant  que  les  membres  des 


conseils  municipaux  seraient  pris  sur  la  liste  dos 
cent  plus  imposés  du  canton,  et  les  membres  dos 
collèges  électoraux  de  département  (contenant  les 
citoyens  aptes  aux  fonctions  de  sénateur,  législa- 
teur, tribun,  conseiller  général)  sur  la  liste  des 
six  cents  plus  imposés  du  département. 

Constitution  de  l'Empire.  —  Cette  constitution 
n'est  autre  que  celle  de  l'an  VIII,  modifiée  par  le 
sénatus-consulte  du  28  floréal  an  XII  (18  mai  1804). 
On  y  lit  à  l'art.  1"  : 

«  Le  gouvernement  de  la  République  est  confié 
à  un  empereur,  qui  prend  le  litre  d'empereur  des 
Français.  » 

Sauf  cette  transformation  du  premier  magistrat 
en  souverain  revêtu  d'une  dignité  héréditaire, 
l'organisation  politique  resta  la  même,  les  grands 
corps  de  l'État  conservèrent  les  attributions  que 
leur  avait  données  la  constitution  consulaire. 
Toutefois  le  Tribunat,  qui  seul  avait  le  droit  de 
discuter  les  lois,  fut  supprimé  en  1807. 

Charte  des  4-10  juin  1814.  —  Octroyée  par 
Louis  XVIIl  à  son  retour  en  France  :  «  Nous  avons 
volontairement,  et  par  le  libre  exercice  de  notre 
autorité  royale,  accordé  et  accordons,  fait  conces- 

;  sion  et  octroi  à  nos  sujets,  tant  pour   nous  que 

!  pour  nos  successeurs,  et  à  toujours,  de  la  Charte 

I  constitutionnelle  qui  suit.  »  {l'réambule.) 

Le  roi  est  le  chef  suprême  de  l'État.  A  lui  seul 
appartient  la  puissance  executive,  qu'il  exerce  par 

'■  des  ministres  responsables.  La  puissance  législative 
s'exerce  collectivement  par  le  roi,  la  Chambre  dis 
pairs  et  la  Chambre  des  députés  des  départements. 

'  Le  roi  propose  et  sanctionne  les  lois. 

Les  pairs  sont  nommés  par  le  roi,  en  nombre 
illimité  ;  leur  dignité  est  héréditaire  ou  à  vie,  selon 
la  volonté  royale. 

Pour  être  éligible  comme  député,  il  faut  payer 
une  contribution  directe   de   mille  francs  ;  pour 

,  être  électeur,  une  contribution  directe   de    trois 

I  cents  francs.  La  Chambre  des  députés  est  renou- 

,  velable  chaque  année  par  cinquième  (en  1824,  le 
renouvellement  devint  intégral  et  septennal).  Le 
roi  peut  la  dissoudre. 

1      Les  juges  sont  nommés  par  le  roi  et  inamo- 

]  vibles. 

I  La  religion  catholique  est  déclarée  religion  de 
l'État. 

I  L'art.  14  donne  au  roi  le  droit  de  «  faire  les 
règlements  et  ordonnances  nécessaires  pour  l'exé- 

j  cation  des  lois  et  la  sûreté  de  l'État.  »  C'est  en 
s'appuyant  sur  cet  article   que  Charles  X  rendit 

j  les  fameuses  ordonnances  qui  amenèrent  la  révo- 
lution de  1830. 

Acte  adiliiionnel  aux  constitutions  de  l'Empire. 
—  Cet  Acte  fut  promulgué  par  Napoléon  le  '2'2- 
23  avril  1815,  pendant  les  Cent-Jours,  et  ratifié  par 
l'assemblée  du  Cbamp-de-Mai  ;  mais  le  second 
retour  des  Bourbons  en  empêcha  la  mise  à  exécu^ 
lion. 

L'Acte  additionnel  emprunte  à  la  Charte  la 
Chambre  des  pairs  et  celle  des  députés  ;  pour 
l'élection  de  celle-ci,  les  collèges  électoraux  da 
Consulat  et  de  l'Empire  sont  maintenus  sous  la. 
forme  ordonnée  par  le  sénatus-consulte  du 
1()  thermidor  an  X.  L'empereur  propose  les  loi&, 
nomme  les  pairs  et  peut  dissoudre  la  Chambre  des 
députés.  L'industrie  et  la  propriété  manufactu- 
rière et  commerciale  obtiennent  à  la  Chambre 
une  représentation  spéciale,  nommée  par  les  col- 
lèges électoraux  de  département  sur  une  liste 
d'cligibles  dressée  par  les  chambres  de  commerce 
et  les  chambres  consultatives  réunies. 

Charte  de    1830.  —  Reproduction  de  la  Charte 

de    1814,    amendée    par    les    deux   Chambres    Ifr 

7  août  1S.30. 

Les  principales  modifications  sont  les  suivantes  : 

Le  roi  peut  faire  des  ordonnances,  mais  «  san» 

jimais  pouvoir  suspendre  les  lois  elles-mêuies  »> 


CONSTITUTIONS 


—  4C9 


CONSTRUCTION 


Le  cens  exigé  pour  réli.ûibilité  et  l'électorat 
n'est  plus  déterminé  par  la  Charte;  la  fixation  en 
est  laissée  à  la  loi  (la  loi  du  19  avril  1831  abaissa  à 
200  francs  le  cens  électoral). 

La  religion  catholique  cesse  d'être  «  religion  de 
l'État  »,  pour  redevenir  «  religion  de  la  majorité 
des  Français  ». 

La  loi  du  29  décembre  1831  abolit  l'hérédité  de 
la  pairie. 

Uimstitutmi  de  1848.  —  Votée  par  l'Assemblée 
nationale  constituante  le  \  novembre  1848. 

La  souveraineté  réside  dans  l'universalité  des 
citoyens.  Le  peuple  délègue  le  pouvoir  législatif 
à  une  assemblée  unique,  nommée  pour  trois  ans. 
Les  représentants  sont  élus  par  départements,  an 
scrutin  de  liste.  Tout  citoyen  âgé  de  vingt  et  un  ans 
est  électeur,  tout  citoyen  âgé  de  vingt-cinq  ans 
éligible. 

Le  pouvoir  exécutif  est  remis  à  un  président 
de  la  République,  élu  pour  quatre  ans  par  le  suf- 
frage universel  (le  célèbre  amendement  Grévy, 
repoussé  par  643  voix  contre  158  le  7  oct.  184k,  pro- 
posait que  le  chef  du  pouvoir  exécutif  fût  élu  par 
l'Assemblée  et  révocable  par  elle).  Il  nomme  les 
ministres  et  tous  les  fonctionnaires. 

Rien  n'est  changé  à  l'ensemble  du  système  ad- 
ministratif et  judiciaire,  sauf  quelques  détails  peu 
importants.  Le  Conseil  d'Etat  est  maintenu,  mais 
c'est  l'Assemblée  nationale  qui  le  nomme. 

La  loi  du  ol  mai  1850,  sans  abolir  expres- 
sément le  suffrage  universel,  y  apporta  une  res- 
triction considérable  en  exigeant  trois  ans  de 
domicile  pour  l'inscription  sur  les  listes  électorales: 
elle  priva  ainsi  du  droit  de  suffrage  environ  trois 
millions  d'électeurs. 

Constitution  de  1 852.  —  Rédigée  par  Louis-Na- 
poléon Bonaparte  après  le  coup  dÉtat  du  2  dé- 
cembre 1851,  et  promulguée  le  23  janvier  1852. 

Elle  repose  sur  les  bases  suivantes,  au  sujet  des- 
quelles le  président  de  la  République  avait,  par  sa 
proclamation  du  2  décembre,  invité  le  peuple  à  se 
prononcer  : 

1°  Un  chef  responsable  nommé  pour  dix  ans  ; 

2°  Des  ministres  dépendants  du  pouvoir  exécu- 
tif seul  ; 

3°  Un  Conseil  d'État  formé  des  hommes  les  plus 
distingués,  préparant  les  lois  et  en  soutenant  la 
discussion  devant  le  Corps  législatif; 

4"  Un  Corps  législatif  discutant  et  votant  les  lois, 
nommé  par  le  suffrage  universel  sans  scrutin  de 
liste  ; 

5"  Une  seconde  Assemblée  (le  Sénat)  formée  de 
toutes  les  illustrations  du  pays,  pouvoir  pondéra- 
teur, gardien  du  pacte  fondamental  et  des  libertés 
publiques. 

Le  Sénat  et  le  Conseil  d'État  sont  nommés  par  le 
chef  de  l'État. 

Cette  constitution  reproduit  dans  ses  traits  prin- 
cipaux celle  de  l'an  VIII,  avec  le  suffrage  universel 
en  plus.  «  Puisque  la  France,  disait  le  rédacteur 
dans  son  préambule,  ne  marche  depuis  cinquante 
ans  qu'en  vertu  de  l'organisation  administrative, 
militaire,  judiciaire,  religieuse,  financière  du  con- 
sulat et  de  l'empire,  pourquoi  n'adopterions-nous 
pas  aussi  les  institutions  politiques  de  cette  épo- 
que? » 

Un  sénatus-consulte  du  7  novembre  1852,  ratifié 
par  le  plébiscite  des  21-22  novembre,  rétablit  la 
dignité  impériale.  La  Constitution  de  1852  devint, 
sans  autre  changement  essentiel  que  celui  du  titre 
du  chef  de  l'État,  la  constitution  du  second  em- 
pire. 

En  1869  et  en  1870,  deux  sénatus-consultes  ren- 
dirent au  Corps  législatif  le  droit  d'initiative  et 
celui  d'amendement,  que  ne  lui  avait  pas  accordés 
la  Constitution,  et  rétablirent  la  responsabilité  mi- 
nistérielle. 

Constitution  républicaine  de  1875.  —  Pour  l'ana- 


lyse des  dispositions  constitutionnelles  actuelle- 
ment en  vigueur,  V.  l'article  Droit  public  et  les 
divers  mots  auxquels  renvoie  le  programme  de  Lé- 
gislation usuelle  *. 

CO.XSTITUTIOISS.  —  V.  Tempérament. 

CONSTRUCTION.  —  Grammaire,  XX.  —  On  en- 
tend par  là  l'arrangement  des  mots  dans  le  dis- 
cours, c'est-à-dire  la  place  qu'il  faut  donner  aux 
divers  termes  dans  la  proposition,  ou  aux  diverses 
propositions  dans  la  phrase,  pour  que  la  pensée  soit 
exprimée  clairement. 

On  distingue  la  construction  naturelleou  directe, 
appelée  quelquefois,  mais  à  tort,  construction  lo- 
gique,  de  la  construction  transpositive  ou  figurée. 

La  première  consiste  à  énoncer,  dans  une  phrase 
simple,  d'abord  le  sujet  avec  les  mots  qui  le  dé- 
terminent ou  l'expliquent,  puis  le  verbe,  enfin  l'at- 
tribut avec  ses  divers  compléments;  ou,  dans  une 
phrase  composée,  à  commencer  par  la  proposition 
principale  pour  la  faire  suivre  des  subordonnées 
dans  l'ordre  de  leur  importance,  en  reliant  les 
incidentes  directement  aux  termes  qu'elles  com- 
plètent. 

Cet  ordre  que  nous  appellerons  analytique  est 
commandé  en  français  et  dans  les  langues  romanes 
par  l'absence  de  cas  pour  marquer  le  rôle  et  les 
rapports  des  mots  dans  la  phrase.  Il  faut  que  le 
mot  déterminant  accompagne  le  mot  déterminé, 
que  le  complément  vienne  après  le  terme  dont  il 
dépend.  Aussi  Fénelon  a-t-il  dit  «  qu'en  français  le 
substantif  sujet  mène  toujours  son  adjectif  comme 
par  la  main,  que  le  verbe  ne  manque  de  marcher 
derrière,  suivi  d'un  adverbe  qui  ne  souffre  rien 
entre  eux  deux  et  d'un  régime  direct  qui  ne  peut 
se  déplacer.  »  On  peut  formuler  cotte  loi  d'une 
manière  bien  plus  explicite  en  disant  avec  un  gram- 
mairien contemporain,  M.  Ayer  :  «  Le  principe 
fondamental  de  la  construction  de  la  proposition  en 
français  est  de  placer  :  1"  le  prédicat  ou  attribut, 
comme  mot  principal,  après  le  sujet  :  Charles /oî/e; 
2"  le  mot  déierminant  après  le  mot  déterminé,  s'il 
a  l'accent  tonique,  et  avant,  s'il  ne  l'a  pas  :  l'em- 
pire à' Allemagne  compte  vingt-six  Etats.  J'ai  un 
jardin,  je  le  cultive.  Avez-vous  donné  du  pain  aux 
pauvres?  Oui,  je  leur  en  ai  donné.  »  {Grammaire 
usuelle  de  la  langue  française,  187S,  p.  233.) 

Mais  il  s'en  faut  bien  que  cet  ordre  soit  inflexible, 
et  nos  bons  prosateurs  ont  su  varier  leurs  cons- 
tructions sans  rendre  leur  pensée  obscure.  Comme 
le  fait  très  bien  remarquer  M.  Egger,  a  l'écrivain 
français,  ne  pouvant  varier  l'ordre  des  mots  une 
fois  trouvés  et  placés,  change  l'ordre  de  ses  idées 
avant  de  les  rendre  par  les  mots.  Prenons  pour 
exemple  le  fait  suivant  :  à  la  bataille  de  Marathon 
deux  adversaires  étaient  en  présence,  les  Perses 
et  les  Grecs.  Si  je  dis  en  latin  :  vicerunt  Grœci 
Persas,  selon  que  je  voudrai  attirer  l'attention  sur 
l'idée  de  victoire,  ou  sur  le  nom  du  vainqueur,  ou 
sur  celui  du  vaincu,  je  pourrai,  sans  rien  changer 
à  la  syntaxe  de  cette  phrase,  placer  en  tête  vicerunt, 
—  oxiGrœci, —  onPersas.  N'ayant  pas  en  français  la 
même  liberté,  je  prendrai  un  autre  tour  pour  la 
phrase  entière,  c'est-à-dire  que  je  présenterai  les 
Grecs  et  les  Perses  comme  sujet  ou  comme  régime 
du  verbe,  selon  que  je  voudrai  mettre  en  relief 
l'une  ou  l'autre  de  ces  idées  ;  le  verbe  lui-môme 
deviendra  actif  ou  passif,  selon  que  j'aurai  conçu 
et  présenté  d'une  manière  ou  de  l'autre  l'idée  de 
la  bataille  de  Marathon.  On  aura  donc  :  A  Ma- 
rathon, les  Grecs  ont  vaincu  les  Perses,  ou  A  Ma- 
rathon, les  Perses  ont  été  vaincus  par  les  Grecs. 
Si  c'est  l'idée  de  victoire  que  je  veux  surtout  si- 
gnaler, je  dirai  :  La  victoire,  à  Marathon,  fut  rem- 
portée par  les  Grecs;  et  ainsi  de  suite.  Dans  cet 
exemple ,  pour  changer  la  construction,  j'ai  dii 
changer  aussi  la  syntaxe;  pour  changer  la  syn- 
taxe, j'ai  dû  changer  un  peu  le  tour  de  ma  pensée. 
Mais  tous  ces  changements  nous  sont  si  familiers 


CONSTRUCTION 


—  500 


CONSTRUCTIONS 


et  si  faciles  par  l'effet  de  l'habitude  que,  même 
dans  l'improvisation,  ils  ne  retardent  pas  la  rapi- 
dité du  langage,  u 

Il  est  facile  de  se  rendre  compte,  en  lisant  nos 
bons  auteurs,  de  la  variété  de  leurs  constructions. 
Ils  sont  loin  de  s'astreindre  à  cet  ordre  invariable  : 
sujet,  verbe,  attribut,  compléments.  Ainsi  nous 
trouvons  en  tête  de  la  proposition  : 

Le  complément  circonstanciel  : 

A  force  de  vouloir  être  grand,  vous  avez  pensé 
ruiner  votre  véritable  grandeur  (Fénelon)  ; 

Le  complément  direct  : 

Tout  ce  que  peut  faire  un  grand  homme  d'Etat 
et  un  grand  capitaine,  Annibal  le  fit  pour  sauver 
la  patrie  (Montesquieu)  ; 

Le  verbe  même  : 

Restait  à  la  monarchie  espagnole,  au-delà  du 
continent,  Vile  de  Sardaigne  et  celle  de  Sicile  (Vol- 
taire). 

//  se  passa  480  airs  avant  que  Dieu  donnât  à  son 
peuple  la  terre  qu'il  lui  avait  protnise  (Bossuet). 

Une  des  formes  les  plus  fréquentes  consiste 
même  à  commencer  la  phrase  par  les  circonstances 
de  lieu  et  de  temps  : 

Au  pied  du  trône  de  Pluton  était  la  Mort  pâle 
et  dévorante  (Fénelon). 

Souvent,  dans  une  grande  plaine,  j'ai  cru  voir 
de  riches  moissons  (Chateaubriand). 

La  langue  française  offre  deux  tournures  pro- 
pres à  faire  ressortir  le  terme  essentiel  de  la 
phrase. 

La  première  consiste  à  le  faire  précéder  de  c'est 
{ce  so7it)  avec  qui  ou  que: 

C'est  du  sein  inépuisable  de  la  terre  que  sort 
tout  ce  qu'il  y  a  de  pluf  précieux  (Fénelon). 

Ce  n'est  pas  l'intérêt  public  qui  iious  pique,  c'est 
la  jalousie  et  le  chaqrin  de  n  avoir  pas  été  nous- 
mêmes  choisis  (Massillon). 

La  seconde  emploie  le  verbe  sous  la  forme  im- 
personnelle, surtout  quand  le  sujet  est  un  infinitif 
ou  une  proposition  : 

Il  vaut  bien  mieux  prévenir  le  mal  que  d'être 
réduit  à  le  punir  (Fénelon). 

//  se  peut  et  il  arrive  trop  souvent  que  la  per- 
suasion de  la  justice  divine  ne  soit  pas  tin  frein 
à  l'emportement  d'une  passioîi  (Voltaire). 

//  s'est  trouvé  dans  tous  les  temps  des  hommes 
qui  07it  su  commayider  aux  autres  par  la  puissance 
de  la  parole  (Buffon). 

Les  principales  figures  de  construction  sont 
Yi7iversion,  l'ellipse  et  le  pléonasme,  dont  traitent 
toutes  les  grammaires.  On  peut  y  joindre  Vanaco- 
luthe,qm  brise  tout  à  coup  une  construction  com- 
mencée pour  passer  à  une  autre  : 

Il  faut  toujours  tendre  à  la  perfection,  et  alors 
cette  justice  qui  nous  est  quelquefois  refusée 
par  nos  contemporains,  la  postérité  sait  nous  la 
rendre  (La  Bruyère). 

On  attendait  un  verbe  ayant  pour  sujet  justice, 
et  l'auteur,  changeant  de  tournure,  fait  de  ce  mot 
le  complément  direct  de  rendre. 

«  Notre  langue  n'est  donc  pas  dépourvue  de 
procédés  et  de  ressources  pour  varier  l'expression 
de  la  pensée  ;  elle  diffère,  à  cet  égard,  du  grec  et 
du  latin  plutôt  qu'elle  ne  leur  est  inférieure,  et 
nous  ne  voyons  pas  qu'elle  ait  jamais  fait  défaut 
aux  hommes  de  génie  qui  ont  su  s'en  servir.  » 
(Egger,  Notions  de  grammaire  comparée,  ch.  XVI.) 

Deux  écueils  sont  à  signaler  à  ceux  qui  s'exer- 
cent à  écrire  :  l'emploi  équivoque  des  pronoms 
personnels  de  la  troisième  personne,  et  la  multi- 
plicité des  subordonnées  reliées  par  la  conjonction 
que.  On  évite  le  premier  en  se  gardant  de  mettre 
dans  la  même  phrase  des  propositions  ayant  des 
sujets  différents,  ou  en  répétant  les  noms  plutôt 
que  de  rester  obscur.  Contre  le  second  danger, 
il  faut  s'habituer  à  marquer  par  les  modes  imper- 
sonnels (infinitif  et  participe)  certaines  circonstan- 


ces accessoires,  et  surtout  il  faut  savoir  couper  h 
propos  la  phrase. 

Les  langues  vivantps  entrant  aujourd'hui  dans 
les  matières  facultatives  de  l'enseignement  pri- 
maire, il  ne  sera  pas  inutile  de  placer  ici  quelques 
considérations  sur  les  lois  de  la  construction  en 
allemand  et  en  anglais.  Nous  les  empruntons  à 
un  remarquable  mémoire  de  M.  H.  ^Veil,  maître  de 
conférences  à  l'école  normale  supérieure,  sur 
Vùrdre  des  mots  da7is  les  langues  anciennes  com- 
parées aux  lanyues  modernes  (Paris,  librairie 
Franck,  1869)  : 

«  L'allemand,  ainsi  que  les  langues  de  la  même 
souche,  s'accorde  avec  le  français  dans  un  point 
important.  Il  veut  que  dans  toutes  les  phrases 
principales  le  verbe  se  mette  au  milieu  do  la 
phrase,  avant  l'attribut,  et  après  le  sujet  ou  la  par- 
tie de  la  proposition  qui  en  tient  la  place.  On  dit 
donc  :  Gott  schuf  die  Welt,  dans  le  même  ordre 
qu'on  dit  en  français  :  Dieu  créa  le  monde.  Jlais 
quant  aux  compléments  soit  du  sujet,  soit  de  l'at- 
tribut, ils  sont  généralement  placés  avant  les  ter- 
mes qu'ils  complètent.  L'adjectif  est  suivi  de  son 
substantif  et  est  précédé  de  ses  compléments.  Si  le 
verbe  est  à  un  temps  composé,  ce  n'est  que  l'auxi- 
liaire qui  se  met  au  milieu  de  la  phrase,  la  partie 
attributive  du  mot  se  met  à  la  fin,  après  les  com- 
pléments. Parmi  ces  compléments,  celui  qui  se 
rattache  le  plus  intimement  à  la  partie  attributive 
du  verbe,  ordinairement  le  complément  direct,  se 
place  le  dernier,  après  le  complément  indirect, 
qu',  à  son  tour,  est  précédé  des  circonstanciels. 
On  dit  donc  :  Eine  plôtzliche  Freude  hat  diesem 
U7iglùck lichen  das  Leben  gekostet.  «  Une  subite 
joie  a  à  ce  malheureux  la  vie  coûtée.  »  Von  der 
Mitwelt  ve7'ka/mte  Dichter  ervcarten  von  der 
Sachwelt  ein  gerechferes  Urtheil.  «  Par  les  con- 
temporains méconnus  les  poètes  attendent  de  la 
postérité  un  plus  équitable  jugement.  »  Dans  les 
phrases  subordonnées,  le  verbe,  tant  l'attributif 
que  l'auxiliaire,  se  met  toujours  à  la  fin  :  Ma7i 
weiss,  dass  Rom  deyi  unterworfe?7e7i  Vôlkern  seine 
Sprache  aufzwang.  «  On  sait  que  Rome  aux  peu- 
ples soumis  sa  langue  imposa.  » 

L'anglais  a  adopté  pour  les  compléments  du 
verbe  l'ordre  français,  mais  il  a  gardé  l'usage  alle- 
mand de  placer  le  substantif  qui  régit  après  les 
adjectifs  qui  s'y  rapportent  et  après  les  substantifs 
régis  par  lui  sans  le  secours  dune  préposition  : 
The  king's  eldest  so7i  has  given  a  feast  to  tbe  citi- 
zens.  «  Le  fils  aîné  du  roi  a  donné  une  fête  aux 
citoyens.  »  Des  Kœnigs  attester  Sohn  hat  dea 
Biirge7m  ei7i  Fest  gegebe7i.  En  représentant  par 
des  chiffres  l'ordre  des  mots  en  français  de  la  ma- 

12  3      4         s 

nière  suivante  :  «  Le  fils  aîné  du  roi  a  donné  une 

6  T 

fête  aux  citoyens,  »  on  a  en  anglais  cet  ordre  :  3,  2, 
1,  4,  5,  6,  7  ;  en  allemand  celui-ci  :  3,  2,  1,  4,  7,  6, 
5.»  (H.  WEiL,Afé»i.cité,p.45,  46,  47.) 

[B.  Berger.] 

CONSTRUCTIONS  RUR.4LES.  —  Agriculture, 
XVIII.  —  Le  cultivateur  n'a  pas  à  sa  disposition, 
quand  il  veut  réparer  ou  refaire  les  bâtiments  de 
sa  ferme,  les  ressources  que  peut  trouver  l'habi- 
tant des  villes  qui  n'a  qu'à  choisir  parmi  les  archi- 
tectes, les  entrepreneurs,  les  ingénieurs,  etc.  Il  doit 
donc  posséder  quelques  connaissances  relatives 
à  l'art  des  constructions  ;  il  doit  surtout  connaître 
les  conditions  que  doivent  remplir  les  bâtiments, 
suivant  les  usages  auxquels  ils  sont  destinés.  En 
effet,  «  l'art  de  loger  les  hommes,  les  animaux  et 
les  récoltes  avec  simplicité,  solidité  et  économie,  a 
dit  François  de  Neufchàteau,  est  le  premier  pro- 
blème ù,  résoudre  dans  la  science  des  campa- 
gnes. » 

Les  bâtiments  d'une  exploitation  rurale  se  com- 
posent toujours  de  trois  parties  :  le  logement  du 


CONSTRUCTIONS 


—  501  — 


CONSTRUCTIONS 


cultivateur,  celui  des  animaux,  les  constructions 
destinées  h,  abriter  les  récoltes.  Chacune  de  ces 
parties  doit  répondre  à  des  conditions  spéciales 
qui  seront  indiquées  sommairement.  Mais  aupa- 
ravant, il  faut  étudier  les  caractères  généraux  de 
l'aménagement  bien  compris  des  bâtiments  d'une 
exploitation  rurale.  Ces  caractères  ont  été  déter- 
minés par  les  architectes  qui  se  sont  occupés  spé- 
cialement des  constructions  rurales.  Voici  com- 
ment l'un  d'eux,  M.  Ernest  Bosc,  les  a  définis. 

On  doit  placer  le  bâtiment  d'habitation  au  fond 
et  au  centre  de  la  cour,  de  manière  à  permettre 
au  chef  d'exploitation  d'exercer  une  surveillance 
permanente  et  facile  ;  le  jardin  et  le  potager  se- 
ront placés  en  arrière  de  la  maison  d'habitation. 
Autant  que  possible,  les  divers  bâtiments  doivent 
être  séparés  les  uns  des  autres  par  des  hangars  ou 
des  vides.  Suivant  l'importance  de  la  ferme,  les 
bâtiments  seront  groupés  différemment  :  sur  une 
seule  ligne  dans  une  petite  exploitation  ;  en  re- 
tour d'équerre,  pour  les  fermes  moyennes  ;  en  pa- 
rallélogramme avec  cour  centrale,  pour  les  gran- 
des fermes.  On  rapproche  de  l'habitation  les  écu- 
ries des  animaux  de  choix  ou  reproducteurs,  de 
même  que  les  parties  consacrées  aux  bêtes  mala- 
des, afin  de  dépenser  moins  de  temps  pour  leur 
surveillance  ;  il  faut,  au  contraire,  isoler  ou  au 
moins  placer  en  dehors  de  la  direction  du  vent  do- 
minant les  porcheries.  Il  y  a  lieu  de  ménager  de 
larges  passages  h  l'entrée  et  à  la  sortie  des  bâti- 
ments, afin  de  faciliter  la  circulation  des  animaux 
et  celle  des  voitures  chargées.  Enfin,  les  bâtiments 
doivent  être  groupés  de  telle  manière  qu'on 
puisse,  au  besoin,  agrandir  l'un  ou  l'autre,  sans 
avoir  besoin  de  rien   démolir. 

L'aire  ou  fosse  à  fumier  est  une  des  parties 
essentielles  des  constructions  rurales.  Elle  doit 
être  à  proximité  des  étables,  afin  que  les  trans- 
ports de  fumier  se  fassent  le  plus  rapidement 
possible.  Mais  on  a  trop  souvent  tendance  à  la 
rapprocher  de  la  maison  d'habitation  ;  elle  doit, 
au  contraire,  en  être  éloignée,  afin  que  les  éma- 
nations qu'elle  dégage  toujours  ne  soient  pas 
nuisibles  à  la  santé.  A  l'aide  de  rigoles  couvertes, 
on  doit  y  diriger,  avec  une  pente  plus  ou  moins 
forte  suivant  la  distance  à  parcourir,  les  urines 
des  étables  et  des  écuries.  Il  faut  l'entourer  d'un 
petit  parapet  en  pierres  sèches  ou  en  maçonnerie, 
pour  empêcher  l'écoulement  dans  la  cour  du  pu- 
rin qui  se  produit  toujours  dans  le  fumier.  Ce  pu- 
rin est  précieux,  et  sa  déperdition  entraîne  une 
sensible  diminution  dans  la  valeur  du  fumier. 

Habitation  du  fermier.  —  La  première  qualité 
qu'elle  doit  posséder  est  la  salubrité  ;  celle-ci  est 
indispensable  au  maintien  de  la  santé.  Dans  ce 
but,  il  faut  avant  tout,  soit  par  le  choix  des  ma- 
tériaux, soit  par  l'exhaussement  du  sol  du  rez-de- 
chaussée,  se  prémunir  contre  l'humidité.  Les 
meilleures  orientations  sont  celles  du  midi  et  de 
l'est  ;  en  tous  cas,  les  bâtiments  doivent  être  au- 
tant que  possible  disposés  de  manière  que  le  soleil 
frappe  toutes  les  parties  de  la  couverture.  Le 
pourtour  des  habitations  sera  pavé  avec  dos 
pierres  ou  recouvert  de  carreaux  en  terre  cuite, 
en  grès,  etc.  ;  c'est  encore  un  excellent  préservatif 
contre  l'humidité. 

Quant  à  la  disposition  intérieure  des  bâtiments, 
la  plus^  simple  sera  la  meilleure.  Chaque  paysa, 
à  cet  égard,  ses  usages  auxquels  on  peut  obéir 
sans  inconvénient,  à  la  condition  toutefois  que  les 
ouvertures,  portes  et  fenêtres,  soient  établies  de 
manière  à  assurer  une  large  circulation  d'air  et  de 
lumière  dans  toutes  les  pièces.  On  a  encore  trop 
souvent  la  mauvaise  habitude,  à  la  campagne,  de 
diminuer  autant  que  possible  le  nombre  des  ou- 
vertures, pour  échapper  à  l'impôt.  C'est  une  mau- 
vaise économie,  dont  les  effets  se  traduisent  par 
l'insalubrité    des  maisons.    Des  dispositions  doi- 


vent aussi  être  prises  pour  assurer  l'écoulement 
normal  des  eaux  ménagères  ;  il  est  bon  que  des 
conduits  souterrains  les  dirigent  vers  la  fosse  à 
fumier. 

La  plus  grande  partie  des  maisons  de  cultivateurs 
n'ont  pas  de  cabinets  d'aisance.  C'est  une  grave 
erreur,  pour  beaucoup  de  raisons;  citons  les  deux 
principales.  La  première  est  une  question  d'hy 
giène  sur  laquelle  il  est  inutile  d'insister.  La 
deuxième  est  la  déperdition  d'un  engrais  abondant 
et  puissant,  qui,  recueilli  avec  soin,  et  mélangé 
au  fumier,  en  augmente  puissamment  la  valeur. 
Dans  une  exploitation  bien  tenue,  l'engrais  hu- 
main ne  doit  pas  être  dédaigné  ;  malheureu- 
sement il  est  trop  souvent  presque  complètement 
perdu. 

Ecuries.  —  Les  écuries  sont  les  bâtiments  des- 
tinés aux  chevaux  de  la  ferme.  Ces  bâtiments, 
aussi  bien  que  ceux  destinés  au  fermier,  doivent 
être  construits  conformément  aux  lois  de  l'hygiène. 
Celle-ci  exige  que  l'on  ne  ménage  pas  aux  che- 
vaux l'air,  la  lumière  et  l'espace.  L'expérience  t 
démontré  que,  pour  qu'un  cheval  se  trouve  dans 
des  conditions  normales,  il  lui  faut  30  à  35  mètres 
cubes  d'air.  Les  dimensions  de  l'écurie,  pour  un 
nombre  déterminé  de  chevaux,  doivent  don*  êtra 
établies  d'après  cette  règle.  En  outre,  il  faut 
prendre  garde  qu'un  cheval  demande  une  largeur 
de  l^joO  à  \^,lb  pour  être  à  l'aise,  et  2  mètres 
à  2™,.S0  pour  sa  longueur,  sans  compter  le  passage 
qui  doit  régner  derrière  les  animaux  ;  ce  passage 
doit  être  suffisant  non-seulement  pour  le  net- 
toyage, le  transport  des  litières  et  des  fumiers, 
mais  aussi  pour  faire  sortir  et  entrer  les  animsnx 
sans  qu'ils  se  gênent  mutuellement. 

La  meilleure  orientation  pour  une  écurie  est  le 
midi.  C'est  de  ce  côté  que  doivent  être  placées  les 
portes  et  les  fenêtres.  Le  sol  doit  être  pavé  pu 
cimenté,  ou  formé  de  terre  fortement  battue,  et 
incliné  dans  le  sens  de  la  tête  aux  pieds,  pour 
faire  écouler  les  urines  dans  une  rigolo  creusée 
derrière  les  animaux  et  destinée  à  entraîner  les 
liquides  au  dehors.  Le  râtelier  et  la  mangeoire 
doivent  être  disposés  de  manière  à  pouvoir  être 
facilement  nettoyés,  ei  de  telle  sorte  que  lé  che- 
val puisse  prendre  sa  nourriture  avec  facilité  et 
sans  mouvements  fatigants.  Quant  à  la  ventilation, 
elle  doit  être  l'objet  de  soins  spéciaux.  Rien  n'est 
plus  malsain  qu'une  écurie  mal  ventilée,  mais  aussi 
rien  n'est  plus  pernicieux  pour  un  cheval  rentrant 
fatigué  et  couvert  de  sueur  qu'un  brusque  cou- 
rant dair  froid.  Les  ouvertures  doivent  donc  être 
ménagées  de  manière  que  les  courants  d'air  pas- 
sent au-dessus  de  la  tête  des  chevaux,  et  que  la 
température  ne  descende  pas  subitement  dans  l'in- 
térieur du  bâtiment. 

Souvent  les  chevaux  sont  attachés  les  uns  à  côté 
des  autres  sans  séparation  ;  cette  disposition  n'a 
d'inconvénient  que  quand  on  a  des  bêtes  méchan- 
tes. On  peut  les  séparer  par  des  planches  dites 
bas-flancs  ou  des  barres  de  bois  suspendues  au  pla- 
fond par  des  cordes.  Parfois  on  les  isole  complè- 
tement par  des  cloisons  en  bois  ;  mais  cette  der- 
nière disposition  convient  plus  aux  écuries  de  luxe 
qu'à  celles  des  exploitations  agricoles. 

Il  est  toutefois  important  d'avoir  une  ou  plu- 
sieurs boxes  isolées  dans  lesquelles  on  place  les 
animaux  malades,  ou  les  mères  accompagnées  de 
leurs  jeunes  poulains. 

Les  écuries  sont  longitudinales  ou  transversales, 
à  un  ou  plusieurs  rangs.  La  préférence  à  donner 
à  l'un  de  ces  systèmes  dépend  du  nombre  des 
chevaux  à  loger,  do  l'emplacement  dont  on  dis- 
pose, etc.  ;  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'y  arrêter  ici. 

Etables.  —  Le  mot  d'étables  est  employé  quel- 
quefois d'une  manière  générale  pour  indiquer  le 
logement  des  animaux  domestiques  ;  mais  le  plus 
souvent,  et  c'est  ce  sens  qui  est  adopté  ici,  il  dé- 


CONSTRUCTIONS 


—  502  — 


CONSTRUCTIONS 


signe  les  constructions  servant  à  loger  les  animaux 
de  l'espèce  bovine. 

Les  règles  d'hygiène  indiquées  pour  les  écuries 
doivent  également  être  adoptées  dans  la  construc- 
tion des  étables.  Toutefois,  il  est  juste  de  faire 
observer  que  les  bœufs  et  les  vaches  sont  d'une 
nature  plus  rustique  que  les  chevaux  et  ne  crai- 
gnent pas  autant  les  influences  atmosphériques. 
D'une  manière  générale,  ce  qu'il  faut  redouter 
avant  tout,  c'est  l'humidité  ;  pour  l'espèce  bovine, 
comme  pour  tous  les  animaux  domestiques,  c'est 
le  pire  des  ennemis.  Pour  éviter  le  séjour  des 
urines  sous  les  animaux,  le  sol  doit  être  incliné, 
et  une  rigole  doit  conduire  les  liquides  au  dehors. 
L'air  doit  circuler  facilement  pour  enlever  les  mias- 
mes qui  peuvent  se  produire,  mais  cette  circula- 
tion ne  doit  pas  être  trop  active.  Une  température 
de  18  à  20  degrés  doit  être  maintenue,  autant  que 
possible,  d'une  manière  permanente.  Une  certaine 
demi-obscurité,  dans  l'étable,  n'est  pas  nuisible 
au  développement  des  animaux,  qui  sont  ainsi  pré- 
disposes à  ruminer  plus  tranquillement. 

La  plupart  du  temps,  il  n'y  a  pas  de  râteliers 
dans  les  étables.  La  ration  des  animaux  leur  est 
servie  dans  des  auges  ou  mangeoires  en  maçonnerie 
ou  en  bois.  Ces  auges  doivent  être  aisément  ac- 
cessibles, afin  d'en  faciliter  le  nettoyage.  Comme 
les  vaches  et  les  bœuis  sont  enclins  à  gaspiller 
leur  nourriture,  on  met  souvent  entre  la  mangeoire 
et  l'animal  une  cloison  verticale,  percée  d'une  ou- 
verture à  chaque  place,  de  manière  que  l'animal 
n'atteint  sa  nourriture  qu'en  passant  la  tête  dans 
l'ouverture  ;  ce  qui  s'échappe  de  ses  dents  retombe 
dans  l'auge. 

Dans  les  grandes  fermes,  il  y  a  souvent  plusieurs 
étables  :  celles  d'élevage,  d'entretien,  de  vaches  à 
lait,  d'engraissement.  Mais,  dans  les  petites  exploi- 
tations, il  n'y  a  qu'une  ou  deux  étables  suivant  le 
nombre  des  animaux  de  la  ferme.  Le  plus  souvent 
les  vaches  et  les  bœufs  sont  placés  côte  à  côte 
sans  séparation  ;  cela  n'a  généralement  pas  d'im- 
portance, pourvu  qu'il  y  ait  des  séparations  dans 
les  auges,  afin  que  chaque  bête  mange  bien  toute 
la  ration  qui  lui  est  destinée.  Mais  il  faut  avoir  des 
compartiments  réservés  pour  les  taureaux,  et  au- 
tant que  possible  pour  les  animaux  qui  peuvent 
être  atteints  de  maladies. 

Il  y  a  un  très  grand  nombre  de  modèles  d'éta- 
bles.  On  en  construit  de  longitudinales  à  un  ou 
deux  rangs  ;  de  transversales  simples  ou  doubles. 
Dans  les  petites  fermes,  la  forme  la  plus  adoptée 
est  l'étable  longitudinale  à  un  seul  rang,  avec  cou- 
loir par  derrière  pour  le  transport  des  litières  et 
des  fumiers,  et  pour  le  service  de  la  nourriture. 
Lorsque  l'étable  a  une  certaine  importance,  qu'elle 
comporte  vingt  à  vingt-cinq  têtes  adultes,  une 
très  bonne  forme  à  adopter  consiste  à  placer  les 
animaux  sur  deux  rangées  parallèles,  avec  un 
couloir  central  sur  lequel  donnent  les  auges.  La 
nourriture  est  ainsi  très  facilement  distribuée,  et 
on  surveille  sans  peine  les  animaux  pendant  leurs 
repas,  en  même  temps  que  les  auges  se  nettoient 
très  facilement.  Dans  l'espace  qui  reste  entre  les 
animaux  et  le  mur,  on  peut  circuler  pour  changer 
les  litières,  enlever  les  fumiers,  etc. 

La  meilleure  orientation  à  adopter  pour  une  éta- 
ble  est  celle  de  l'est  ou  du  midi  ;  il  faut  éviter  de 
les  ouvrir  au  nord. 

Bergeries.  —  Les  bergeries  servent  à  abriter  les 
moutons.  Le  plus  souvent,  ces  animaux  sont  placés 
ensemble;  de  simples  séparations  forment  plu- 
sieurs catégories  pour  mettre  à  part  les  animaux 
d'élevage  ou  d'entretien  et  ceux  d'engraissement. 
D'une  manière  générale,  on  peut  dire  qu'une  ber- 
gerie peut  renfermer  autant  de  bêtes  adultes  qu'elle 
compte  de  mètres  carrés  de  surface;  une  brebis 
et  son  agneau  demandent  ensemble  1  m.  50.  11 
est  donc  très  facile  de  calculer  les  dimensions  à 


donner  à  une  bergerie,  d'après  le  troupeau  qu'on  y 
doit  loger.  Sous  le  prétexte  que  les  moutons  sont 
des  animaux  très  rustiques,  on  néglige  souvent 
dans  les  bergeries  de  suivre  les  lois  les  plus  élé- 
mentaires de  l'hygiène;  c'est  une  proftmde  erreur 
contre  laquelle  on  ne  saurait  trop  réagir.  11  faut 
donc,  dans  les  bergeries,  des  fenêtres  pour  la  ven- 
tilation ;  mais  il  faut  éviter  de  les  ouvrir  au-des- 
sous de  1  mètre  du  sol,  pour  que  l'air  ne  tombe 
pas  directement  sur  les  moutons. 

On  donne  le  nom  de  crèches  aux  appareils  qui 
reçoivent  la  nourriture  du  troupeau.  Le  plus  sou- 
vent la  crèche  est  formée  de  deux  parties  :  un  râ- 
telier et  une  auge  placée  au-dessous.  Tantôt  les 
crèches  sont  fixées  le  long  des  murs,  tantôt  elles 
sont  mobiles  dans  l'intérieur  de  la  bergerie,  et  elles 
peuvent  même  être  utilisées  pour  faire  les  sépara 
tiens.  Il  faut  environ  50  centimètres  de  crèche  par 
tête.  On  emploie  parfois  des  crèches  circulaires  en 
fonte  qui  peuvent  servir  pour  une  dizaine  de  mou- 
tons„ 

L'école  d'agriculture  de  Grignon  renferme  une 
bergerie  qui  peut  être  citée  comme  un  modèle. 
Elle  se  compose  de  deux  pignons  en  maçonnerie 
entre  lesquels  on  a  élevé  des  piliers  de  même 
nature  qui  mesurent  près  de  4  mètres  de  hauteur. 
Entre  chaque  pilier,  il  existe  à  l'intérieur  des  po- 
teaux posés  sur  des  dés  en  pierre,  qui  servent, 
concurremment  avec  les  piliers,  à  supporter  les 
fermes  de  charpente  qui  sont  en  bois  de  grume 
refendus.  A  l'extérieur,  on  a  construit  des  murs 
en  briques  de  1™,.S0  de  hauteur,  dans  lesquels 
sont  pratiquées  des  portes  d'une  largeur  de  l™,2â. 
L'espace  restant  est  rempli  par  des  cloisons  lé- 
gères en  torchis  recouvertes  de  chaume.  Les 
poutres  qui  supportent  le  plancher  supérieur  pré- 
sentent à  l'extérieur  une  saillie  de  2"", 75,  qui  est 
soutenue  par  des  contre-fiches  buttant  contre  les 
piliers.  Cette  forte  saillie  forme  un  auvent,  qui 
peut  être  clôturé  de  manière  à  former  une  annexe 
de  la  bergerie.  A  l'intérieur  de  celle-ci,  on  peut 
former  des  séparations  au  moyen  de  claies  ou  de 
doubles  râteliers. 

Une  bergerie  bien  construite  a  une  hauteur  de 
3  à  4  mètres.  Elle  peut  avantageusement  être  sur- 
montée par  un  grenier  à  fourrages.  Mais  il  faut 
séparer  celui-ci  de  la  bergerie  par  un  plafond  en 
briques  qui  arrête  l'humidité  et  les  émanations 
du  troupeau,  qui  seraient  des  causes  de  détériora- 
tion rapide  pour  les  fourrages.  Toutefois  les  bri- 
ques ne  doivent  pas  être  recouvertes  de  plâtre  qui 
absorberait  l'humidité  et  les  miasmes. 

Porcheries.  —  C'est  une  opinion  très  répandue 
que  le  porc  se  plaît  dans  l'ordure  et  la  saleté  ;  c'est 
là  une  erreur  complète.  Pas  plus  qu'aucun  autre 
animal  domestique,  le  porc  ne  se  trouve  bien  de 
mauvaises  conditions  hygiéniques.  Il  faut  donc 
autant  de  soin  pour  l'établissement  d'une  porcherie 
que  pour  une  étable  ou  une  bergerie. 

En  vue  de  réunir  les  conditions  nécessaires  h  un 
bon  entretien  de  ses  habitants,  la  porcherie  doit  être 
spacieuse,  aérée,  autant  que  possible  exposée  au 
midi.  Elle  sera  divisée  en  loges  pour  chacun  des 
animaux  qu'elle  renferme;  ces  loges  sont  plus  ou 
moins  grandes  suivant  la  race  qu'on  élève.  Géné- 
ralement, des  dimensions  de  2  mètres  de  largeur 
sur  3  mètres  de  longueur  peuvent  être  considérées 
comme  tout  à  fait  suffisantes;  il  est  même  bon 
pour  les  animaux  d'engraissement  d'adopter  des 
dimensions  un  peu  plus  faibles.  A  chaque  loge 
correspond  une  portion  de  cour  dans  laquelle  l'a- 
nimal pi'ut  sortir. 

La  ventilation  est  une  condition  essentielle  de 
la  salubrité  d'une  porcherie.  Elle  peut  facilement 
être  obtenue  par  des  châssis  fixés  à  des  ouvertures 
pratiquées  aux  deux  extrémités. 

Le  sol  doit  être  bien  dallé  ;  le  carreau  convient 
très  bien  pour  le  dallage.  Il  faut  y  ménager  une 


CONSULAT 


—  503  — 


CONSULAT 


pente  pour  l'écoulement  des  déjections,  et  pour 
faciliter  les  lavages  qui  doivent  êire  faits  souvent 
à  grande  eau. 

Les  auges  seront  solides;  elles  doivent  être  dis- 
posées de  telle  sorte  qu'on  puisse  y  verser  la  nour- 
riture sans  entrer  dans  la  loge.  A  cet  eflfet,  elles 
sont  encastrées  dans  les  murs  ou  dans  les  cloisons 
des  logeSj  ou  bien  encore  elles  sont  munies  de 
volets  de  séparation. 

La  disposition  des  porcheries  peut  varier  comme 
celles  des  autres  bâtiments  de  ferme.  Elles  peu- 
vent être  simples  ou  doubles,  suivant  la  forme 
du  terrain  dont  on  dispose,  ou  suivant  le  nombre 
des  animaux  à  loger. 

Hangars,  grmiges.  —  Il  y  a  peu  de  choses  à 
dire  sur  les  granges  destinées  à  recevoir  les  ré- 
coltes, aussi  bien  que  sur  les  hangars  qui  servent  à 
abriter  les  instruments  de  culture  et  les  machines. 
Ces  bâtiments  doivent  être  construits  avec  une 
grande  simplicité,  en  employant  les  matériaux 
qu'on  peut  facilement  se  procurer  et  qui  coûtent 
le  moins  cher,  tout  en  écartant  ceux  qui  ne  sont 
pas  d'une  durée  suffisante  ou  qui  sont  trop  sujets 
aux  risques  d'incendie.  Quant  aux  dispositions  à 
adopter,  elles  peuvent  varier  à  l'infini.  La  simpli- 
cité, la  commodité  et  la  solidité,  voilà  ce  que  le 
cultivateur  doit  chercher  avant  tout.  Les  construc- 
tions luxueuses  coûtent  très  cher;  c'est  un  capital 
qui  dort,  et  qui  trouverait  un  emploi  beaucoup  plus 
utile  dans  les  opérations  de  la  culture.  Ce  qui  ne 
répond  pas  à  des  besoins  réels  est  de  trop. 

[Henri    Sagnier.] 

(Ou\Tage  à  consulter  :  Traité  des  constructions 
rurales,  par  Ernest  Bosc.) 

Lectures  et  dictées.  —  CoxsTr.ucTioxs  rurales 
CL'  HYGIÈNE  :  «  Aérez  votro  maison,  disais-je  aux 
paysans.  —  Mais  elle  est  si  petite,  les  chambres 
en  sont  si  petites.  —  Raison  de  plus,  bonnes 
gens  :  de  l'air,  de  la  lumière,  pour  chasser  de 
vos  habitations  et  de  celles  de  vos  bestiaux  la 
langueur,  les  maladies,  la  mort.  »  A  ceux  qui 
bâtissaient,  ou  plutôt  à  ceux  qui  étaient  sur  le 
point  de  bâtir,  je  disais  :  <>  Que  vous  en  coùte- 
rait-il  de  plus  pour  bien  tourner  votre  maison, 
pour  en  placer  la  cour,  la  laiterie  au  nord  ;  pour 
ne  pas  mettre  votre  habitation  sous  le  vent  de 
celle  des  animaux,  pour  exhausser  la  cuisine,  les 
chambres,  pour  bien  les  percer,  pour  isoler  le 
fournil,  le  toit  à  porcs  ;  et  quant  à  votre  escalier, 
je  vous  le  demande,  vous  en  coûterait-il  plus  de  le 
faire  en  dedans  que  d'établir  en  dehors  une  mas- 
sive et  dispendieuse  montée  de  pierre?  »  Ces  gens- 
là  m'écoutaient,  me  regardaient,  ni  plus  ni  moins 
que  si  je  leur  eusse  parlé  grec  ou'  hébreu.  » 
(A.  Monteil,  Histoire  agricole  de  la  France.) 

CONSULAT.  —  Histoire  de  France,  XXXIII 
[Etym.  :  du  latin  consul.).  —  Différents  sens  du 
MOT  CONSULAT.  —  Avant  d'étudier  la  période  de 
notre  histoire  qui  porte  ce  nom,  il  est  bon  de 
rappeler  qu'il  s'est  appliqué  dans  le  cours  des 
temps  à  des  magistratures  d'origine,  de  nature  et 
d'époque  très  différentes  : 

r  Le  consulat  de  Rome,  établi  lors  de  l'aboli- 
tion de  la  royauté  (àiO  avant  J.-C),  était  la  charge 
des  deux  magistrats  électifs  et  annuels  qui,  sauf  la 
couronne^  avaient  toutes  les  prérogatives  des  rois. 
Kous  en  définissons  les  attributions  à  l'article 
Home. 

2°  Ce  titre  survécut  à  la  république  romaine  et 
même  à  l'Empire.  Plusieurs  chefs  barbares,  dont 
l'un  des  derniers  fut  Clovis,  reçurent  les  insignes 
du  consulat,  qui,  bien  entendu^  n'était  plus  alors 
qu'un  vain  titre. 

ù°  Au  moyen  âge,  dans  les  pays  où  les  tradi- 
tions romaines  restèrent  vivaces,  par  exemple  dans 
le  midi  de  la  France,  beaucoup  de  cités  munici- 
pales donnèrent  à  leurs  magistrats,  beaucoup  de 
communautés  de  marchands  donnèrent  à  leurs  syn- 


dics le  titre  de  consuls.  Toulouse,  Lyon,  Paris  eu- 
rent, de  temps  immémorial,  des  consuls  revêtus 
d'une  juridiction  analogue  à  celle  de  nos  tribunaux 
de  commerce.  Le  tribunal  consulaire  de  Paris  se 
composait  d'un  juge  et  de  quatre  consuls  élus  par 
les  notables  marchands.  On  comptait  encore  au 
XVIII*  siècle,  en  France,  C7  villes  dotées  de  ces  jus- 
tices consulaires,  dont  le  nom  même  s'est  conservé 
dans  notre  organisaiion  actuelle. 

4°  C'est  de  là  aussi  qu'est  née  l'acception  du  mot 
consul  dans  la  langue  diplomatique.  Dans  les  ports 
et  les  places  de  commerce  de  la  Méditerranée^  on 
donna  ce  titre  à  des  représentants  chargés  de  dé- 
fendre les  droits  et  les  marchandises  des  négociants 
établis  en  pays  étrangers.  C'est  ainsi  que,  vers  1190, 
Guy,  roi  de  Jérusalem,  accorda  aux  Marseillais  la 
faculté  de  se  choisir,  à  Saint-Jean-d'Acre,  des  con- 
suls de  leur  nation  devant  lesquels  devaient  être 
portées  les  contestations  qui  s'élèveraient  soit  entre 
eux,  soit  avec  les  étrangers.  Ces  consuls  étaient 
les  gardiens  naturels  des  lois  et  coutumes  qui  ré- 
gissaient, comme  d'un  commun  accord,  toutes  les 
nations  commerçantes.  De  là  le  nom  de  consulat  de 
la  mer  donné  à  une  collection  célèbre  de  lois  ma- 
ritimes, qui,  pendant  plusieurs  siècles  à  partir  du 
xiii'=,  ont  été  en  vigueur  et  unanimement  respectées 
sur  tout  le  littoral  du  midi  de  l'Europe  et  dans  les 
Echelles  du  Levant. 

Dans  les  temps  modernes,  les  officiers  consu- 
laires ont  revêtu  un  caractère  diplomatique.  Ce 
sont  des  agents  à  la  fois  commerciaux  et  politi- 
ques. Les  consuls  d'aujourd'lmi  ont  pour  attribu- 
tions, non-seulement  de  protéger  à  l'étranger  les 
opérations  commerciales  de  leurs  nationaux,  mais 
de  remplacer  les  officiers  de  l'état  civil,  d'intervenir 
comme  arbitres  dans  leurs  contestations,  de  les 
juger  en  matière  civile  et  môme,  dans  certaines 
contrées,  en  matière  criminelle.  Ce  corps,  en  ce 
qui  concerne  notre  pays,  se  compose  aujourd'hui 
de  consuls  généraux,  de  consuls  et  d'élèves-con- 
suls, qui  relèvent  directement  du  ministère  des 
affaires  étrangères,  et  qui  représentent  la  France 
et  son  drapeau  sur  tous  les  points  du  globe. 

Consulat  de  Napoléon  Bonaparte  (l8nU-1804).  — 
Ce  nom  désigne,  dans  l'histoire  de  France,  la  ma- 
gistrature dont  la  constitution  de  l'an  VIII  investit 
le  général  Napoléon  Bonaparte,  à  la  suite  du  coup 
d'État  du  18  brumaire;  et  par  extension,  on  l'ap- 
plique à  la  période  historique  comprise  entre  le 
régime  du  Directoire  et  celui  de  1  Empire,  de  la  fin 
de  1799  au  18  mai  180i. 

Par  sa  première  campagne  d'Italie  (1796-97)  Bona- 
parte s'était,  d'un  seul  bond,  élevé  à  l'apogée  de  la 
gloire  des  armes  ;  l'expédition  d'Egypte  venait  d'en 
faire  un  héros  légendaire.  Il  ne  manquait  plus  à 
son  ambition  que  le  pouvoir  suprême.  Revenu  d'E- 
gypte à  la  hâte  pour  offrir  son  épée  au  Directoire 
contre  la  nouvelle  coalition  qui  menaçait  la  France, 
il  avait  trouvé,  il  est  vrai,  le  péril  conjuré  par  les 
brillantes  victoires  de  Brune  et  de  Masséna;  mais 
le  gouvernement  était  méprisé,  le  crédit  public 
anéanti,  les  administrations  désorganisées.  Un  rôle 
s'offrait  à  Bonaparte  :  se  substituer  au  Directoire, 
pour  rendre  à  la  France  l'ordre,  la  sécurité,  le 
respect  de  l'Europe.  Ce  rôle,  il  le  prit,  et  s'en 
acquitta  avec  un  rare  succès,  avec  une  profonde 
habileté,  bien  moins  malheureusement  au  profit 
du  pays  et  de  la  liberté,  que  dans  l'intérêt  de  sa 
propre  ambition. 

Invoqué  par  tous  les  partis,  mais  ne  voulant  se 
livrer  à  aucun,  il  renversa  cette  constitution  de 
l'an  m  que  personne  ne  reconnaissait  plus.  Le 
Directoire  contraint  de  donner  sa  démission;  des 
deux  corps  qui  formaient  la  représentation  natio- 
nale, l'un,  le  Conseil  des  Anciens,  gagné,  l'autre, 
le  Conseil  des  Cinq-Cents,  dispersé  par  les  baïon- 
nettes, tel  fut  le  coup  d'Ktat  du  18  brumaire 
(9  novembre  1799).  Cent  cinquante  membres  des 


CONSULAT 


—  i04  — 


CONSULAT 


Anciens,  trente  des  Cinq-Cents  nomme;  r>nt  Bona- 
parte, Sieyès  et  Roger-Ducos  consuls  provisoires, 
et  deux  commissions  de  vingt-cinq  membres  pris 
dans  les  anciens  Conseils  furent  chargées  de  faire 
une  nouvelle  Constitution. 

Cette  révolution,  où  pas  une  goutte  de  sang  no 
fut  versée,  mais  d'où  la  notion  du  droit  fut  ab- 
sente, fut  accueillie  avec  une  joie  non  équivoque 
et  par  une  confiance  générale.  Les  populations  y 
voyaient  la  fin  des  discordes  civiles  ;  la  France, 
lasse  des  secousses  de  la  Révolution,  avide  d'ordre 
et  d'unité,  abdiqua  entre  les  mains  d'un  maître 
qu'elle  savait  glorieux  et  fort;  elle  fit  au  génie  of- 
frande de  ses  libertés. 

Bonaparte  n'attendit  pas  la  constitution  des  pou- 
voirs nouveaux  pour  gouverner.  Il  emprunta  aux 
divers  partis  leurs  hommes  les  plus  éminents 
pour  leur  distribuer  les  ministères  et  les  com- 
mandements d'armées.  Adoptant  une  politique 
d'impartialité  et  de  réparation,  il  abolit  l'odieuse 
loi  des  otages  et  celle  de  l'emprunt  forcé,  rappela 
les  proscrits,  et  se  hâta  de  remettre  un  peu  d'ordre 
dans  les  finances.  En  même  temps  il  pacifiait  la 
Vendée,  à  la  fois  par  des  mesures  de  conciliation 
et  par  une  répression  énergique. 

Le  13  décembre  1799,  la  Constitution  dite  de 
l'an  VIII,  et  dont  Bonaparte  avait  dicté  les  ter- 
mes, fut  proposée  à  l'acceptation  du  peuple.  Le 
gouvernement  était  remis  à  trois  consuls.  Au 
premier  consul,  qui  fut  Bonaparte,  appartenait  la 
décision;  les  deux  autres,  Cambacérès  et  Lebrun, 
n'avaient  que  voix  consultative.  Nommé  pour  dix 
ans,  le  premier  consul  avait  la  plénitude  du  pou- 
voir exécutif  ;  il  promulguait  les  lois,  nommait  les 
membres  des  administrations  et  des  tribunaux, 
avait  la  direction  des  armées  de  terre  et  de  mer, 
traitait  avec  les  puissances  étrangères.  Sous  une 
forme  républicaine,  le  consulat  était  un  véritable 
retour  à  la  monarchie. 

Le  pouvoir  législatif  était  partagé  entre  quatre 
grands  corps  :  1°  Le  Conseil  d'Etat  préparait  les 
projets  de  loi,  rédigeait  les  règlements  d'adminis- 
tration publique,  et  jugeait  en  dernier  ressort  les 
conflits  administratifs;  2°  Le  Tribimut  examinait  les 
projets  de  loi,  signalait  les  abus,  émettait  des 
vœux;  3°  Le  Corps  législatif  \otait  silencieusement 
les  projets  de  loi,,  qui  étaient  discutés  contradic- 
toirement  devant  lui  par  trois  commissaires  du 
Conseil  d'Etat  et  trois  orateurs  du  Tribunal;  4"  Le 
Sé?iat  conservateur,  placé  au-dessus  des  autres 
corps,  nommait  les  grands  dignitaires  de  l'Etat, 
veillait  au  maintien  de  la  Constitution  et  déclarait 
si  les  lois  votées  y  étaient  conformes.  C'est  après 
avoir  passé  par  toutes  ces  épreuves  que  les  lois 
étaient  promulguées  par  le  premier  consul. 

Ce  partage  compliqué  d'attributions  avait  pour 
but  de  prévenir  le  despotisme,  d'une  assemblée 
unique,  comme  la  Convention,  mais  aussi  pour 
résultat  d'amoindrir  l'autorité  des  corps  existants, 
de  paralyser  la  vie  publique  dans  la  représentation 
du  pays.  Cette  atonie  était  d'autant  plus  inévita- 
ble que  non  seulement  les  fonctionnaires  de  tout 
ordre,  mais  les  membres  des  grands  corps  eux- 
mêmes  étaient  choisis  sur  des  listes  de  notaliilité 
procédant  hiérarchiquement  et  par  sélection  l'une 
de  l'antre,  listes  nationale,  dépurtementale,  com- 
munale. 

Si  la  Constitution  de  l'an  VIII  a  fait  rétrograder 
les  conquêtes  politiques  de  la  Révolution,  elle  en 
consacra  du  moins  les  conquêtes  civiles  :  égalité 
dans  l'Etat  et  dans  la  famille  ;  égalité  devant  la 
loi  et  devant  la  justice;  liberté  individuelle;  in- 
violabilité de  la  propriété  et  du  domicile  ;  admis- 
sibilité de  tous  les  citoyens  aux  fonctions  publi- 
ques. «  La  Révolution  est  fixée  aux  principes  qui 
l'ont  commencée;  elle  est  finie,  »  —  du  moins  le 
croyait-on. 

Cette  constitution,  acceptée  par  3  millions  de 


suflrages  contre  15,000,  fut  promulguée  le  24  dé- 
cembre 1709. 

Ce  n'était  pas  tout  de  rendre  à  la  France  la  vie 
intérieure,  il  fallait  par  de  nouveaux  triomphes 
forcer  l'Europe  à  lui  accorder  une  paix  glorieuse. 
L'Autriche  nous  menaçait  avec  deux  armées,  Kray 
sur  le  Rhin,  Mêlas  sur  le  Var.  Bonaparte  opposa 
Moreau  au  premier.  Lui-même,  reparaissant  tout  à 
coup  sur  le  premier  théâtre  de  sa  fortune,  il  fran- 
chit.les  Alpes  au  col  du  grand  Saint-Bernard  (16-20 
mai  1800).  Par  une  admirable  manœuvre,  servie 
d'ailleurs  par  l'héroïque  défense  que  Masséna  lit 
dans  Gênes,  il  avait  tourné  l'ennemi  et  forcé  Mêlas 
d'abandonner  le  Var  et  Gênes  pour  venir  livrer  ba- 
taille à  Marengo  (14  juin).  La  victoire  longtemps 
disputée  fut  complète  et  décida  du  sort  de  l'Italie. 
Moreau,  de  son  côté,  pénétrait  au  cœur  de  l'Alle- 
magne, gagnait  la  bataille  de  Hohenlinden  (3  dé- 
cembre) et  menaçait  Vienne.  L'Autriche  épuisée 
signa  la  paix  de  Lunéville  (9  février  ISOl).  La 
France  se  trouvait  couverte  d'une  ceinture  de  ré- 
publiques alliées,  batave,  helvétique,  cisalpine, 
ligurienne,  et  gagnait  enfin  sur  le  Rhin,  de  la 
Suisse  à  la  Hollande,  cette  frontière  naturelle 
qu'une  insatiable  ambition  devait,  treize  ans  après, 
lui  faire  perdre. 

Le  tsar  Paul  P"",  grand  admirateur  du  premier 
consul,  se  réconciliait  avec  la  République  française, 
et  se  mettait  même  à  la  tète  d'une  ligue  de  neu- 
tralité formée  par  les  nations  maritimes  contre 
l'Angleterre.  Celle-ci  restait  seule,  obstinée  à  la 
lutte.  Maîtresse  de  la  Méditerranée,  elle  chassa  les 
Français  de  Malte  et  de  l'Egypte.  Mais  exclue  par 
les  armes  ou  la  politique  de  la  France  de  la  moi- 
tié du  continent,  elle  consentit  h  signer  avec  le  pre- 
mier consul  (25  mars  1802)  la  paix  d'Amiens,  qui 
fut  accueillie  avec  enthousiasme  des  deux  côtés  du 
détroit. 

En  paix  avec  l'Europe,  Bonaparte  put  mener  à 
terme  l'œuvre  de  la  réorganisation  de  la  France. 
Le  sujet  vaut  la  peine  qu'on  s'y  arrête  ;  car  le  sys- 
tème administratif,  judiciaire,  ecclésiastique  môme, 
dont  est  faite  notre  vie  d'aujourd'hui,  est  là  pres- 
que tout  entier. 

Administration.  —  A  la  tête  de  chaque  départe- 
ment on  mit,  au  lieu  d'un  directoire  électif  qui 
manquait  d'unité  et  d'action,  un  préfet,  manda- 
taire du  pouvoir  exécutif;  dans  chaque  arrondisse- 
ment un  sous-préfet;  à  la  tête  de  chaque  commune 
un  maire;  auprès  de  chacun  de  ces  magistrats, 
une  sorte  de  corps  législatif,  Conseil  g énéraly  d'ar- 
rondissetnent,  municipal;  de  plus,  dans  chaque  dé- 
partement, un  Conseil  de  préfecture,  espèce  de 
Conseil  d'Etat  institué  pour  juger  le  contentieux 
administratif.  Ainsi,  à  tous  les  degrés  dans  l'Etat, 
la  délibération  appartenait  à  plusieurs^  l'action 
était  réservée  à  un  seul. 

l\éorganisation  financière.  —  Renonçant  au  vieux 
mode  des  adjudications  et  des  fermes,  Bonaparte 
fit  percevoir  directement  l'impôt  foncier  par  des 
agents  de  l'Etat;  il  créa  V  administration  des  con- 
tributions directes,  avec  des  contrôleurs  pour  dres- 
ser les  rôles  de  l'impôt,  avec  des  percepteurs,  un 
receveur  particulier  d'arrondissement,  un  receveur 
général  du  département,  par  les  mains  desquels 
successivement  le  produit  arrivait  dans  la  caisse  du 
Trésor.  La  Constitution  avait  fait  retomber  presque 
tout  le  poids  de  l'impôt  sur  la  propriété  immobi- 
lière; le  premier  consul  la  dégreva  en  rétablissant, 
sous  le  nom  de  Droits  réunis,  les  anciennes  taxes 
sur  les  boissons,  sels,  tabacs,  voitures,  etc.;  ce  fut 
plus  tard  V  administrai  ion  des  contributions  indi- 
rrctef.  Pour  éteindre  graduellement  la  dette  publi- 
que, on  créa  la  caisse  d'amortissement.  Enfin,  pour 
rétablir  le  crédit  commercial,  Bonaparte  provoqua 
(janvier  ISOO)  la  fusion  de  plusieurs  caisses  d'es- 
compte qui  devinrent  la  Banque  de  France.  Cette 
compagnie,  constituée  au  capital  de  45  millions  et 


CONSULAT 


503 


CONSULAT 


à  laquelle  il  donna  le  caractère  d'une  grande  in- 
stitution publique,  avec  la  faculté  d'émettre  des 
billets  circulant  comme  monnaie  et  toujours  rem- 
boursables, est  devenue  le  plus  solide  établisse- 
ment financier  qu'il  y  ait  dans  le  monde. 

Réorganisation  judiciaire.  —  Rapprocher  la  jus- 
tice des  justiciables,  assurer  à  ceux-ci  les  garanties 
d'une  véritable  justice  d'appel,  tel  est  le  double 
but  que  se  proposa  le  premier  consul  en  complé- 
tant le  système  judiciaire  créé  par  la  Constituante. 
Il  y  eut  désormais  un  tribunal  civil  par  arrondis- 
sement, et  29  cowr5,  comprenant  chacune  plusieurs 
départements,  furent  créées  pour  recevoir  les  ap- 
pels des  tribunaux  de  première  instance.  Des  ma- 
gistrats détachés  de  ces  cours  allèrent  tenir  dans 
les  départements  des  assises  jugeant  au  criminel 
avec  l'assistance  du  Jiir!/. 

Le  tribunalde  cassation,  agrandi  en  attributions 
et  en  dignité,  tout  en  continuant  à  recevoir  les  ap- 
pels en. dernier  ressort,  au  civil  et  au  criminel,  fut 
chargé  d'interpréter  les  lois  et  de  fonder  l'unité 
de  jurisprudence. 

Code  civil  (1804).  Le  droit  civil,  avant  la  Révo- 
lution, était  régi  par  une  foule  de  coutumes  et 
d'ordonnances  souvent  contradictoires.  La  Consti- 
tuante avait  proclamé  la  nécessité  d'un  code  uni- 
que; la  Convention  l'avait  ébauché,  ce  fut  Bona- 
parte qui  eut  l'honneur  de  réaliser  l'œuvre.  Une 
commission  de  jurisconsultes,  les  cours  et  tribu- 
naux, le  conseil  d'Etat  furent  successivement  ap- 
pelés à  préparer,  à  examiner,  à  discuter  les  projets 
de  loi  qui  devaient  composer  ce  code.  Lui-même 
prit  part  aux  discussions,  et  ce  soldat  étonna  sou- 
vent les  vieux  jurisconsultes  par  les  éclairs  qu'il 
jetait  sur  les  points  les  plus  obscurs.  Les  projets 
de  loi  furent  soumis  ensuite  au  Tribunat  et  au 
Corps  législatif,  où  ils  trouvèrent  une  résistance 
inattendue,  puis  au  Sénat.  C'est  après  tant  d'é- 
preuves que  cette  œuvre,  l'un  des  monuments 
législatifs  les  plus  complets  et  les  plus  harmonieux 
qu'on  ait  vus  jusqu'alors,  fut  promulguée,  le  7  mai 
1804,  sous  le  nom  de  Code  civil  des  Français. 

Concordat  (1802).  Les  églises  étaient  rouvertes 
et  la  liberté  rendue  au  culte.  Mais  il  y  avait  tou- 
jours un  trouble  profond  dans'les  esprits;  la  France 
était  séparée  de  fait  du  centre  de  l'Eglise  catho- 
lique, et  renfermait  deux  clergés  ennemis,  les 
prêtres  qui  avaient  prêté  et  ceux  qui  avaient  re- 
fusé le  serment  à  la  Constitution  civile  du  clergé 
votée  par  la  Constituante.  Fondre  ces  deux  clergés 
en  un  seul,  réconcilier  l'Église  et  l'État  et  donner 
satisfaction  au  sentiment  religieux  en  rattachant 
la  France  au  Saint-Siège,  tel  est  le  but  que  se  pro- 
posa le  premier  consul.  A  la  suite  d'une  délicate  et 
laborieuse  négociation  commencée  à  Rome  et  que 
le  cardinal  Consalvi  vint  poursuivre  à  Paris,  un 
Concordat  fut  signé  avec  le  pape  Pie  VII.  La  reli- 
gion catholique  reconnue  comme  la  religion  de  la 
majorité  des  Français  ;  réconciliation  des  prêtres 
constitutionnels  avec  le  Saint-Siège  ;  acceptation 
tacite  de  l'aliénation  des  biens  du  clergé  qui  reçut 
une  dotation  annuelle  ;  la  France  divisée  en  60  évê- 
chés  dont  les  titulaires,  nommés  par  le  pouvoir  ci- 
vil, étaient  institués  par  le  pape  ;  la  juridiction  ecclé- 
siastique remise  au  conseil  d'Etat  et  la  police  ex- 
térieure du  culte  à  l'autorité  temporelle  ;  toi  fut 
l'acte  important  qui,  promulgué  le  18  avril  1S02, 
nous  régit  encore.  Il  fut  complété  par  les  articles 
organiques  qui  réglaient  en  détail  les  rapports 
du  pouvoir  civil  avec  l'autorité  religieuse,  et  qui 
étendaient  aux  cultes  réformé  et  Israélite  les  dis- 
positions du  Concordat. 

Réorganisation  de  l'instruction  publique.  Les 
anciennes  universités,  les  écoles  ecclésiastiques 
avaient  sombré  dans  la  tempête  révolutionnaire. 
La  Constituante  s'Otait  bornée  h  poser  le  principe 
d'un  grand  système  d'instruction  publique.  La 
Convention  avait  créé  une  école    normale    qui  ne 


lit  que  passer  et  des  écoles  centrales,  une  par 
département,  où  l'on  n'enseignait  guère  que  les 
sciences  et  d'où  l'enseignement  classique  avait 
à  peu  près  disparu.  Peu  fréquentées,  il  n'en  res- 
tait que  32  en  1802.  Le  premier  consul  en  fit  des 
hjcées  où  la  jeunesse  dut  recevoir  une  forte  ins- 
truction littéraire  et  scientifique,  et  qui  devaient 
être  en  même  temps  pour  elle  des  écoles  d'égalité 
civile  et  de  discipline  militaire  ;  6,400  bourses 
payées  par  l'Etat  assurèrent  le  personnel  scolaire 
des  lycées.  Quant  à  l'instruction  spéciale,  le  pre- 
mier consul  y  pourvut  par  dix  écoles  de  droit, 
six  écoles  de  médecine.  A  l'école  polytechnique, 
créée  par  la  Convention,  il  ajouta  une  école  mili- 
taire, fixée  d'abord  à  Fontainebleau,  une  école  des 
arts  mécaniques,  àCompiègne.  Mais  l'enseignement 
primaire  fut  complètement  oublié.  Une  partie  des 
biens  nationaux  non  vendus  fut  affectée  à  l'entretien 
de  l'instruction  publique. 

Plus  tard,  il  appliqua  à  l'enseignement  ce  ca- 
ractère d'unité  qui  a  été  à  la  fois  la  gloire  et 
l'excès  de  son  règne.  Par  la  loi  du  10  mai  1806,  il 
fonda,  sous  le  nom  à' Université,  un  corps  exclusi- 
vement chargé  de  donner  l'enseignement  dans 
tout  l'empire  et  à  tous  les  degrés. 

Mais  cet  enseignement  fut  soigneusement  ren- 
fermé dans  le  cercle  des  applications  scientifiques 
et  de  la  littérature  classique.  L'histoire  et  la  phi- 
losophie en  furent  à  peu  près  bannies.  Le  premier 
consul  n'aimait  ni  les  idéologues,  ni  les  manifesta- 
tions de  la  pensée  indépendante. 

Cette  défiance  s'accuse  dans  le  décret  du  27 
septembre  180:^  sur  la  presse.  La  liberté  de  la 
presse  ne  pouvait  en  eft'et  trouver  grâce  auprès 
d'un  dictateur  militaire  :  tous  les  livres  furent  sou- 
mis à  une  commission  de  censure,  et  on  ne  laissa 
subsister  des  journaux  que  le  petit  nombre  de 
ceux  qui  consentirent  à  se  faire  les  porte-voix  du 
gouvernement. 

Et  cependant  il  y  avait,  à  ce  mompnt  même,  une 
remarquable  résurrection  de  l'esprit  humain.  C'est 
ainsi  que  dans  des  courants  d'idées  très  divers. 
Chateaubriand,  avec  Atala  et  le  Génie  du  christia- 
nisme, Mo"^  de  Staël,  a.\Qc  Delphine  (lt-02)  qui  an- 
nonçait Corinne  et  \  Allemagne ,'Lexa&VQ.iQT  avec  son 
drame  de  Pinto,  Destutt  de  Tracy  avec  son  Idéolo- 
gie, préludaient  à  cette  double  et  généreuse  réac- 
tion littéraire,  religieuse  d'un  côté,  philosophique 
et  libérale  de  l'autre,  qui  devait  caractériser  le 
premier  tiers  du  siècle. 

En  même  temps  Laplace,  Carnot,  Fourcroy, 
Berthollet,  Haûy,  Bichat,  Cabanis,  par  leurs  tra- 
vaux, leurs  découvertes  et  leurs  publications,  élar- 
gissaient prodigieusement  l'horizon  de  la  science. 
Enfin,  pour  clore  la  longue  liste  des  créations 
improvisées  dans  un  temps  si  court,  en  i802  fut 
institué  l'ordre  de  la  Légion  d'hoiviear,  récom- 
pense qui  s'adressait  aux  plus  modestes  serviteurs 
de  l'État  comme  aux  plus  élevés;  consécration  de 
la  véritable  égalité,  «  non  celle  qui  égalise  les 
hommes  en  les  abaissant,  mais  qui  les  égalise  en 
les  élevant  »  (Thiers). 

En  même  temps,  partout  s'ouvraient  ou  se  ré- 
paraient des  routes,  des  canaux,  des  ponts;  les 
manufactures  renaissaient,  des  industries  nou- 
velles étaient  créées  ;  la  France  déployait  à  l'inté- 
rieur cette  puissance  de  résurrection  si  fréquem- 
ment mise  à  l'épreuve  par  nos  secousses  ou  nos 
revers.  Une  seule  tache  faisait  ombre  ;  notre  co- 
lonie de  Saint-Domingue,  où  le  premier  consul 
avait  englouti  une  armée,  était  à  jamais  perdue 
pour  la  France  (1803). 

Au  dehors  notre  prépondérance  grandissait  cha- 
que jour.  Malheureusement,  exercée  sans  mesure, 
elle  menaçait  déjà  de  devenir  un  danger  et  allait 
réveiller  les  défiances  et  les  haines  de  l'Europe. 
C'est  ainsi  que  Bonaparte  réunissait  le  Piémont  à 
la  France   et  en   faisait  six    départements;   qu'il 


CONTAGION 


—  506  — 


CONTAGION 


imposait  à  la  republique  batave  une  constitution 
nouvelle;  qu'il  contraignait  la  république  helvé- 
tique à  l'accepter  comme  médinleiir  ;  qu'il  se  fai- 
sait donner  la  présidence  de  la  république  cisal- 
pine :  titres  qui  déguisaient  mal  une  domination 
directe  et  personnelle. 

Ces  envahissements  exaspérèrent  l'Angleterre, 
qui  se  refusa  à  l'abandon  de  Malte  stipulé  par  la 
paix  d'Amiens.  Elle  rouvrit  la  première  les  hosti- 
lités (mai  1803).  Le  premier  consul  fit  occuper  le 
Hanovre,  et  commença  à  Boulogne  les  préparatifs 
d'une  formidable  expédition  maritime  qui  devait 
jeter  150,000  soldats  sur  le  rivage  de  la  Grande- 
Bretagne. 

Les  émigrés  royalistes  profitèrent  de  cette  rup- 
ture pour  ourdir  de  nouvelles  menées  contre  le 
premier  consul.  Déjà,  en  1800,  ils  avaient  fait  écla- 
ter sur  son  passage  une  machine  infernale,  et  Bona- 
parte avait  saisi  le  prétexte  de  cet  attentat  pour 
proscrire  et  déporter  13-i  jacobins,  gens  peu  dignes 
d::  pitié  à  la  vérité,  mais  qu'il  savait  innocents.  En 
1803,  Georges  Cadoudal,  ancien  chef  de  chouans, 
organisa  avec  le  traître  Pichegru  une  conspiration 
qui  avait  pour  but  de  tuer  ou  d'enlever  le  premier 
consul.  Pichegru  fut  trouvé  étranglé  dans  sa  pri- 
son, Cadoudal  fusillé  ;  le  républicam  Moreau,  qui, 
par  jalousie  contre  Bonaparte,  s'était  prêté  à  des 
pourparlers,  fut  exilé.  Cette  affaire  devait  avoir  un 
dénouement  plus  tragique  encore.  Persuadé  que  le 
duc  d'Enghien,  un  Bourbon,  était  du  complot,  bo- 
iiaparte  le  fit,  par  représailles,  enlever  sur  le  ter- 
ntoire  allemand,  amener  à  Vincenncs  et  fusiller 
(*2ii  mars  l!S04'.  Ce  sang  innocent  pèsera  à  jamais 
sur  sa  mémoire. 

Après  ce  défi  jeté  aux  vieilles  familles  monar- 
chiques, Bonaparte  franchit  le  dernier  pas  qui 
le  séparât  du  rang  suprême.  La  machine  infernale 
avait  amené  le  consulat  à  vie,  la  conspiration  de 
Pichegru  devait  motiver  l'empire.  Huit  jours 
après  le  drame  de  Vincennes,  il  se  faisait  offrir 
rhérédité  par  le  Sénat,  et  le  18  mai  suivant,  sur 
la  proposition  du  tribun  Curée,  le  Sénat  le  pro- 
clama Empereur  des  Français.  Le  fils  de  la 
Révolution  avait  détrôné  sa  mère,  et  l'Europe 
comptait  une  dynastie  déplus  (1.^04). 

La  période  que  nous  venons  de  parcourir  est, 
sinon  la  plus  pure,  on  l'a  vu  tout  à  l'heure,  du 
moins  la  plus  féconde,  la  plus  prospère  et  la  plus 
solidement  grande,  dans  la  vie  de  ce  génie  ex- 
traordinaire qui  a  étonné  le  monde.  Mris  issu 
d'un  coup  d'Etat  militaire,  le  consulat  portait  en 
germe  le  despotisme,  les  intempérances  et  les 
gloires  désastreuses   de  l'empire. 

[Léon  Puiseux.] 

A  consulter  :  Thiers,  le  Consulat  et  l'Empire,  t.  I  à  IV; 
l'Histoire  de  France  racontée  à  mes  peliis-enfants  (1789- 
1848),  par  M.  Guizot,  publiée  par  M""  de  Witt,  t.  I,  ch.  yii  ; 
Duvergicp  de  Hauranne,  Histoire  du  gouvernement  parle- 
mentaire, t.  I  ;  Lanfrey,  Histoire  de  Najwlèon  I". 

COiXTAGIOK.    —   Hygiène,  III,  XVII,  XVIII.  — 

On  appelle  contagion  la  transmission  d'une  maladie 
d'uu  individu  malade  à  un  individu  sain,  par  le  con- 
tact immédiat  ou  par  le  contact  de  vêtements,  d'ob- 
jets à  son  usage.  La  transmission  peut  s'opérer 
aussi,  dans  un  grand  nombre  de  cas,  par  l'air  qui 
se  charge  de  miasmes,  de  poussières,  de  germes 
contagieux. 

Quelques  maladies,  appelées  virulentes  parce 
qu'elles  résultent  de  l'absorption  d'un  poison  spé- 
cial, d'un  virus,  ne  sont  contagieuses  que  par  ino- 
culation, c'est-à-dire  par  leur  introduction  à  tra- 
vers la  peau  ou  les  muqueuses,  au  moyen  d'une 
piqûre,  d'une  plaie,  d'une  écorchure  si  petite  qu'elle 
soit;  telles  sont  la  vaccine,  la  morve,  la  rage,  le 
charbon,  etc.  D'autres  maladies  virulentes,  comme 
la  variole,  sont  inoculables  et  en  môme  temps 
contagieuses  par  le  simple  toucher  à  travers  la 
peau  intacte 


Le  plus  grand  nombre  des  maladies  épidémiques 
se  transmettent  par  contagion  indirecte  ;  on  les 
appelle  infeciieuses.  Les  miasmes,  les  poussières, 
les  émanations,  les  germes  de  plantes  ou  d'ani- 
maux microscopiques  qui  servent  à  les  reproduire, 
sont  emportés  par  l'air,  par  les  eaux,  et  se  répan- 
dent au  loin.  C'est  ce  qui  arrive  pour  la  peste,  le 
choléra,  la  suette,  le  typhus,  la  fièvre  t5fphoide,  la 
dyssenterie,  la  scarlatine,  la  rougeole,  la  diphtérie, 
la  coqueluche,  la  grippe,  les  oreillons,  les  teignes, 
etc.  Dans  ce  cas,  le  poison  spécial  de  la  maladie 
pénètre  dans  l'organisme  des  personnes  saines 
par  la  peau,  par  les  poumons,  et  par  les  membra- 
nes muqueuses  qui  tapissent  la  bouche,  la  gorge, 
l'estomac  et  les  intestins. 

Quant  aux  maladies  parasitaires  qui  consistent, 
comme  la  gale,  dans  la  présence  d'un  insecte  dont 
les  œufs  ne  sont  pas  transportés  par  l'air,  il  est 
évident  qu'elles  ne  sont  contagieuses  que  par  con- 
tact. 

Il  existe  encore  une  autre  sorte  de  contagion  que 
l'on  appelle  nerveuse  et  qui  constitue  simplement 
une  imitation  morbide.  L'imitation  est  instinctive 
chez  l'homme  et  chez  un  assez  grand  nombre 
d'animaux.  Le  cheval  qui  a  le  tic  de  Vours  (balan- 
cement de  la  tête  à  droite  et  à  gauche)  le  commu- 
nique à  ses  voisins  qui,  peu  à  peu,  s'habituent  à 
imiter  son  mouvement.  Certaines  maladies  nerveu- 
ses comme  la  chorée,  les  convulsions  ;  d'autres 
d'un  genre  différent  comme  le  strabisme,  produi- 
sent parfois  chez  ceux  qui  sont  témoins  de  leurs 
effets  un  ébranlement  du  système  nerveux  accom- 
pagné d'imitation  involontaire  des  signes  extérieurs 
de  la  maladie. 

Précautions  générales  contre  la  contagion.  — 
Les  gouvernements  ont  adopté  des  règles  d'hygiène 
internationale  pour  éviter  autant  que  possible  la 
propagation  des  maladies  infectieuses  par  les 
voyageurs,  les  troupeaux,  les  marchandises.  On  a 
établi  à  cet  effet  des  quarantaines  et  des  lazarets 
où  sont  retenus  les  navires  arrivant  de  pays  où 
régnent  certaines  maladies  contagieuses,  peste, 
fièvre  jaune,  choléra,  et  ceux  qui  ont  à  bord  des 
personnes  atteintes  de  ces  maladies.  Après  exa- 
men médical  et  désinfection,  s'il  y  a  lieu,  des  per- 
sonnes, des  vêtements,  des  marchandises,  on  lève 
la  quarantaine  ou  on  la  maintient  jusqu'à  ce  que 
tout  danger  soit  passé.  On  empêche  aussi  l'ex- 
portation des  troupeaux  atteints  de  maladies  com- 
municables  à  l'homme  ou  aux  animaux.  De  plus, 
on  prend  des  précautions  pour  empêcher  les  épi- 
démies les  plus  communes  de  naître  dans  leurs 
foyers  ordinaires  par  suite  d'encombrement  et  de 
mauvaises  conditions  hygiéniques. 

L'hygiène  publique  a  des  devoirs  plus  nombreux 
et  doit  entrer  dans  les  plus  petits  détails  pour  pré- 
venir le  développement  spontané  des  maladies  in- 
fectieuses, pour  détruire  le  plus  tôt  possible  les 
germes,  les  miasmes  dangereux,  pour  isoler  les 
malades  et  aussi  pour  répandre  dans  les  masses 
les  notions  d'hygiène  indispensables. 

Plusieurs  Etats  européens  ont  rendu  la  vaccina- 
tion obligatoire,  et  il  est  à  désirer  que  la  France 
suive  cet  exemple  :  c'est  le  moyen  de  neutraliser 
les  efl'ets  de  la  variole  qui  faisait  jadis  tant  de  vic- 
times. Mais  si  cet  ennemi  est  aujourd'hui  à  peu 
près  vaincu,  il  en  reste  d'autres  contre  lesquels 
devraient  se  tourner  les  efforts  des  législateurs, 
des  administrateurs,  des  médecins,  de  tous  ceux 
qui  ont  pour  mission  de  veiller  aux  intérêts  maté- 
riels et  moraux  des  populations. 

L'isolement  des  malades  atteints  de  maladies 
contagieuses  est  la  première  mesure  à  prendre, 
la  plus  indispensable,  quelles  que  puissent  être  les 
difficultés  matérielles  et  les  dépenses  qu'elle  en- 
traine. Ne  pas  isoler,  c'est  consentir  à  répandre  la 
maladie,  c'est  commettre  un  attentat  contre  la  santé 
et  la  vie  des  autres. 


CONTAGION 


—  o07  — 


CONTRACTION 


En  même  temps  que  Ton  isole  les  malades,  il 
est  indispensable  de  détruire  les  germes  de  conta- 
gion dans  les  lieux  où  ils  ont  séjourné.  Cela  est 
beaucoup  plus  difficile  qu'on  ne  le  croit  générale- 
ment; les  désinfectants  vraiment  efficaces  sont  peu 
nombreux  et  surtout  ils  n'agissent  que  si  on  les 
emploie  sous  une  forme  concentrée.  L'acide  pho- 
nique pur  est  un  des  meilleurs.  Le  plus  simple, 
le  plus  efficace  dans  les  circonstances  ordinaires 
est  le  gaz  acide  sulfureux.  S'il  s'agit  de  désinfecter 
une  chambre,  contenant  des  vêtements,  de  la  lite- 
rie, des  ustensiles  suspects,  il  suffit  d'y  placer  un 
fourneau  allumé  sur  lequel  on  projette  une  poi- 
gnée de  fleur  de  soufre.  Le  gaz  acide  sulfureux 
qui  se  dégage  est  très  avide  d'oxygène,  il  décom- 
pose les  miasmes,  tue  les  germes,  en  s'emparant 
de  rox3-gène  qui  entre  dans  leur  composition.  11 
pénètre  dans  les  crevasses  des  murs  et  des  plan- 
chers, derrière  les  papiers  de  tenture,  mieux  que 
ne  le  ferait  aucun  liquide.  Après  son  emploi,  on 
lave,  on  brosse,  on  savonne  tout  ce  qui  a  été  sou- 
mis aux  vapeurs  sulfureuses.  Le  seul  inconvénient 
de  ce  procédé,  c'est  d'oxyder  les  objets  en  métal. 
On  fera  donc  bien  de  ne  laisser  dans  la  pièce  que 
ceux  qui  ne  peuvent  s'enlever. 

Tout  ce  qui  sert  aux  personnes  atteintes  de  ma- 
ladies infectieuses  doit  être  soumis  à  une  désin- 
fection journalière  ;  il  faut  mêler  à  leurs  déjections 
et  aux  matières  vomies  un  peu  de  sulfate  de  fer 
(couperose  verte),  et  prendre  un  soin  tout  spécial 
pour  que  ces  matières  ne  puissent  devenir  une 
source  de  contagion.  Le  mieux  serait  de  les  en- 
terrer profondément  loin  des  puits  et  des  cours 
d'eau. 

Les  personnes  que  le  devoir  ou  l'afiFection  retient 
auprès  de  ces  malades  devront  prendre  les  pré- 
cautions suivantes  :  ne  pas  dormir  dans  leur 
chambre,  n'y  séjourner  que  le  temps  nécessaire, 
observer  une  propreté  minutieuse,  veiller  à  l'aéra- 
tion parfaite.  Pour  chaque  cas  spécial  le  médecin 
donnera  des  indications  pratiques,  comme  l'emploi 
de  la  glycérine  pour  empêcher  les  poussières  dan- 
gereuses de  se  détacher  de  l'épiderme  du  malade, 
dans  certaines  maladies  de  la  peau. 

Devoirs  des  instituteurs.  —  Le  règlement  des 
écoles  (article  2)  dispose  que  l'instituteur,  avant 
d'admettre  un  enfant,  «  s'assure  qu'il  a  été  vacciné 
ou  qu'il  a  eu  la  petite  vérole,  et  qu'il  n'est  point 
atteint  de  maladies  ou  d'infirmités  de  nature  à 
nuire  à  la  santé  des  autres  élèves.  » 

Mais  comment  le  maître  pourra  t-il  reconnaître 
les  maladies  et  les  infirmités  de  nature  à  nuire  à 
la  santé  des  autres  élèves,  c'est-à-dire  contagieuses, 
s'il  n'a  pas  appris,  dans  un  cours  d'hygiène,  les 
caractères  les  plus  saillants  de  ces  maladies? 
C'est  donc  à  bon  droit  que  l'hygiène  a  été  intro- 
duite comme  branche  obligatoire  dans  le  pro- 
gramme des  écoles  normales  primaires  par  l'arrêté 
du  -i  août  1881. 

Aujourd'hui  le  service  médical,  obligatoire  pour 
les  salles  d'asile  (Décr.  21  mais  IS.5,  art.  16j, 
n'existe  pas  pour  les  écoles.  Cependant  ce  service 
fonctionne  à  Paris,  et  le  directeur  de  l'instruction 
primaire  (Cire.  15  juillet  1872,  Bulletin  de  l'ius- 
truction  primaire,  n"  89)  annonce  l'envoi  d'un 
registre  pour  recevoir  les  prescriptions  du  médecin 
de  l'école.  «  Il  importe,  dit  la  circulaire,  que  toutes 
les  causes  de  maladies  épidémiques  soient  écartées 
de  nos  établissements  par  l'intelligente  surveil- 
lance des  maîtres  et  des  maîtresses.  » 

En  l'absence  de  règlements  suffisants,  l'institu- 
teur ne  doit  pas  moins  s'inspirer  de  l'esprit  que 
l'on  retrouve  dans  les  différents  essais  ou  projets 
sur  cette  matière.  Son  devoir  est  fort  simple. 
Reconnaissant  son  incompétence  pour  établir  le 
diagnostic  des  maladies  contagieuses,  il  refusera 
l'entrée  de  la  classe  à  tout  enfant  malade  jusqu'à 
ce  qu'il  reçoive  d'un  médecin  l'attestation  que  la 


maladie  ne  peut  se  communiquer.  Si  la  maladia 
est  contagieuse,  il  n'admettra  de  nouveau  l'enfant 
que  sur  le  vu  d'un  certificat  autorisant  sa  ren- 
trée. 

Pour  bien  remplir  cette  partie  de  sa  tâche,  il 
devra  chaque  jour  passer  la  revue  sanitaire,  ce 
qui  lui  permettra  de  donner  des  conseils  de  pro- 
preté et  de  bonne  tenue  et  de  s'assurer  qu'ils 
sont  mis  en  nratioue.  TD'  Saffrav.l 

CONTRACTION.  —  Grammaire,  lY.  XX.  —  On 
appelle  conlraction  en  grammaire  la  réduction  ou 
la  réunion  de  deux  éléments  grammaticaux,  sylla- 
bes, mots  ou  propositions,  en  un  seul,  et  l'on 
distingue  ainsi  la  contraction  des  stjtlabes,  celle 
des  mots,  et  celle  des  phrases  ou  propositions. 

1.  Contraction  de  deux  syllabes  en  une  seule.  — 
Beaucoup  de  mots  ont  perdu,  dans  le  passage  du 
latin  au  français,  certaines  consonnes  médiates, 
isolées  entre  deux  voyelles,  et  qui  dès  lors  ont 
laissé  ces  voyelles  en  présence  ;  il  en  est  résulté 
un  hiatus  que  l'ancien  français  admettait  sans 
difficulté;  ainsi  ca[th)edra ,  pav)or,  mat)urus, 
(jra[d)ire  donnent  à  l'origine  de  notre  langue 
cha-ëre,  pe-ùr,  me-ûr,  grn-ïr.  Mais  dès  le  xiV^ 
siècle,  l'hiatus  tend  à  disparaître,  soit  par  l'in- 
tercalaiion  d'une  nouvelle  consonne,  comme  gra- 
\-ir  de  gra-ïr,  soit  par  l'élision  de  la  première 
voyelle,  mûr  de  me-ûr,  soit  enfin  par  la  contrac- 
tion. Cette  contraction  porte  le  nom  de  synérèse, 
lorsque  les  deux  voyelles  se  rapprochent  simple- 
ment de  manière  à  se  souder  l'une  à  l'autre  et  à 
former  une  diphthongue  propre  ou  impropre, 
comme  chaire  de  chu-ère;  et  de  contraction  pro- 
prement dite,  lorsqu'il  y  a  fusion  des  deux 
voyelles  en  un  seul  son  :  peur  de  pe-ù-. 

11  y  a  des  cas  de  contraction  où  l'une  des 
voyelles  est  élidée  phonétiquement,  c'est-à-dire 
pour  l'oreille,  quoiqu'elle  soit  consarvée  graphi- 
quement dans  l'usage  actuel,  par  ex.  7;ao7î^=pan, 
de  pavonem  ;  tao?i=tàn,  de  tabamis ;  noùt^oùt, 
d'augustus;  seoir=soir,  de  seclere;  e«=:u,  de  ha- 
butus  pour  habitus;  Saône^Sone,  de  Sauconna; 
Jean=id,n,  de  Johanf.es  ;  veau=\à\i  de  titellus,  etc. 

2.  Contraction  de  deux  mots  en  un  seul.  —  La 
langue  française  en  offre  deux  exemples  remar- 
quables :  1°  L'article  dit  contracté  :  du,  des,  au, 
aux,  forme  ancienne  :  del,  dels,  al,  ah\  contrac- 
tion de  de  le,  de  les,  à  le,  à  les,  ainsi  que  cela  a 
déjà  été  expliqué  au  mot  Article;  —  2°  Les  expres- 
sions voici  et  voilà,  formées  par  contraction  de 
vois  ici  et  vois  là;  dans  l'ancienne  langue  on  sépa- 
rait les  deux  mots,  et  on  plaçait  immédiatement 
après  l'impératif  le  pronom  représentant  la  per- 
sonne ou  la  chose  que  l'on  voulait  indiquer  ;  au 
xvie  siècle,  Piabelais  dit  encore  :  «  Voy  me  là 
prest  à  boire,  »  pour  «  me  voilà  prêt.  »  C'est 
donc  bien  à  tort  que  l'Académie  et  la  plupart  des 
grammairiens  considèrent  ces  expressions  comme 
des  prépositions  ;  la  préposition  marque  un  rapport 
entre  deux  mots,  comme  dans  :  «  Je  viens  de 
Paris,  »  ce  qui  ne  peut  s'appliquer  à  voici  dans  : 
«  Voici  mon  livre,  »  qu'il  faut  analyser  ainsi  ; 
vois,  impératif  de  voir,  2'  personne  du  singulier  ; 
ci  pour  ici,  adverbe  du  lieu. 

L'analyse  de  l'article  dit  contracté  doit  égale- 
ment se  faire  en  séparant  les  deux  mots  :  ainsi  du 
dans  «  le  livre  du  maître  »  s'analysera  de  la  même 
manière  que  de  le  dans  «  le  livre  de  Técolier  », 
c'est-à-dire  :  de,  préposition,  et  le,  article  défini 
(V.  notre  Grammaire  usue  le,  §  140). 

3.  Contraction  de  deux  pi-opositions  en  une 
seule.  Deux  ou  plusieurs  propositions  réunies  en 
une  phrase  et  ayant  un  membre  commun  peuvent 
se  contracter  en  une  seule,  le  terme  commun 
n'étant  exprimé  qu'une  fois. 

En  pareil  cas,  si  les  propositions  conservent 
chacune  leur  verbe,  la  phrase  est  réellement  com- 
posée, et  il  y  a  autant  de  propositions  qu'il  y  a  de 


CONVENTION 


—  oU8  — 


CORNEILLE 


verbes  :  «  Le  malheur  empirelcs  mauvais  caractères 
et  (le  malheur)  améliore  les  bons.  —  Le  prodigue 
déjeûne  avec  l'abondance,  dine  avec  la  pauvreté  et 
soupe  avec  la  misère.  » 

Mais  les  propositions  unies  ainsi  par  contraction 
n'en  forment  qu'une,  quand  elles  n'ont  ensemble 
qu'un  seul  verbe,  c'est-à-dire  une  seule  affirmation  ; 
la  phrase  est  alors  considérée  comme  une  forme 
de  la  proposition  simple  que  l'on  appelle  proposi- 
tion  complexe  :  «  Le  soleil  et  la  lune  brillent  =^  le 
soleil  brille  et  la  lune  brille.  » 

De  là  il  résulte  que  la  proposition  peut  être 
complexe  par  chacun  de  ses  membres,  sauf  par 
le  verbe  : 

1°  Le  sujet  est  complexe  :  «  La  paresse  et  la  pau- 
vreté sont  sœurs  jumelles.  >> 

2°  L'attribut  (adjectif)  est  complexe  :  «  La  jujube 
est  pectorale  et  apéritive.  » 

3»  L'objet  (complément  ou  circonstanciel)  est 
complexe  :  «  Le  sage  est  ménager  du  temps  et 
des  paroles.  » 

4°  Le  déterminatif  est  complexe  :  «  Sans  la  cul- 
ture il  n'y  aurait  pas  de  climats  salubres  et  agréa- 
bles. » 

La  contraction  est  une  forme  propre  à  la  phrase 
de  coordination  ;  cependant  elle  se  présente  aussi 
dans  la  phrase  de  subordination,  mais  seulement 
lorsque  la  subordonnée  est  une  proposition  adver- 
biale exprimant  une  comparaison  ou  une  conces- 
sion ;  dans  ce  cas,  le  mot  conjonctif  pronom 
relatif  ou  conjonction)  reste,  mais  on  supprime 
toujours  le  verbe  et  tout  autre  membre  commun 
aux  deux  propositions,  principale  et  accessoire  : 
«  Il  en  sait  autant  que  vous  (en  savez).  —  Il  est 
aussi  savant  que  (il  est)  modest",.  —  Il  naquit  de 
parents  pauvres,  quoique  (ils  fussent)  nobles.  » 
(V.  notre  Grammaire  usuelle,  §§  535,  847,  857.) 

[C.  Ayer]. 

CONVENTION.  —  V.  Révolution  française. 

CONVERSION  DES  MESURES.  —  V.  Mesu7^es 
anciennes. 

CORNEILLE  (Pierre).  —  Littérature  française,  X. 

—  Le  réformateur  ou  plutôt  le  créateur  de  notre 
art  dramatique,  le  grand  Corneille,  naquit  le  6  juin 
1606,  à  Rouen,  rue  de  la  Pie,  dans  une  maison  pa- 
trimoniale dont  il  ne  reste  plus  que  la  porte  d'en- 
trée déposée  au  musée  de  cette  ville  (Merlet). 
Son  père,  comme  celui  de  La  Fontaine,  avait  la 
charge  de  maître  des  eaux  et  forêts.  Après  de 
bonnes  études  classiques  faites  chez  les  jésuites, 
le  jeune  Corneille  se  mit  à  l'étude  du  droit  et  se 
fit  inscrire  au  barreau  de  Rouen.  Il  n'eût  jamais 
été  sans  doute  qu'un  avocat  médiocre,  car  il  n'a- 
vait, paraît-il,  aucun  talent  de  parole.  «  Sa  conver- 
sation était  si  pesante  qu'elle  devenait  à  charge  dès 
qu'elle   durait  un  peu  »,  dit  un  de  ses  biographes. 

—  «  Corneille  était  d'une  ennuyeuse  conversation,  » 
a  dit  La  Bruyère. 

Il  s'adonna  de  bonne  heure  à  la  poésie  :  à  vingt- 
trois  ans  il  débuta  par  une  comédie,  Mélite  (102!Jj, 
dont  l'idée  première  lui  avait  été  inspirée  par  une 
aventure  de  jeunesse,  et  qui  eut  un  grand  succès  à 
Paris,  à  l'hôtel  de  Bourgogne. 

Cette  pièce,  bien  qu'elle  se  distinguât  déjà  par  un 
certain  naturel  et  par  une  simplicité  relative,  n'é- 
tait pas  exempte  des  défauts  à  la  mode,  et  c'est 
peut-être  ce  qui  fit  son  succès  :  on  y  admira  sur- 
tout quelques  traits  d'esprit  dans  le  goût  du  temps, 
et  l'habileté  du  poète 

A  brouiller  quatre  amants  dans  une  seule  intrigue. 

Dans  les  années  suivantes,  le  jeune  avocat  de 
Rouen  livra  à  la  scène  quelques  autres  comédies 
qui  n'avaient  pas  plus  de  valeur.  Le  cardinal  de 
Richelieu  le  mit  au  nombre  des  poètes  chargés  de 
travailler  pour  son  théâtre.  Soit  faute  «  d'esprit  de 
suite  »,  comme  le  lui  reprocha  Richelieu,  soit 
plutôt  par  instinct  d'indépendance,  Corneille  mé- 


c)ntenta  son  puissant  protecteur  et  ne  tarda  pas 
à  retourner  à  Rouen  ;  la  même  année  (163.J),  quit- 
tant tout  à  coup  la  comédie,  il  écrivit  sa  première 
tragédie,  Médée. 

C'est  là  que  se  trouvait  un  mot  fameux,  cette 
réponse  de  Médée,  premier  éclair  de  ce  qu'on 
nomma  plus  tard  «  le  sublime  »  de  Corneille  : 

Contre  tant  d'ennemis  que  tous  reste-t-il  ?  —  Moi  ! 

La  pièce  n'eut  qu'un  succès  médiocre.  Corneille, 
un  moment  découragé  peut-être,  revint  à  la  co- 
médie et  réussit  dans  une  pièce  imitée  de  l'espa- 
gnol, V Illusion  co?nique.  Mais  sa  véritable  vocation 
finit  par  l'emporter.  C'est  à  la  fin  de  novembre 
1636  qu'il  fit  représenter  le  Cid,  le  premier  monu- 
ment de  la  gloire  de  notre  théâtre,  chef-d'œuvre 
qui  non  seulement  révélait  au  public  le  génie  de 
Corneille,  mais  lui  révélait  du  même  coup  la  vé- 
ritable notion  du  beau.  —  V.  Théâtre  classique. 

On  sait  que  Richelieu  vit  avec  déplaisir  cet  écla- 
tant succès.  Etait-ce  un  sentiment  de  jalousie  qui 
à  son  insu  peut-être  égarait  le  cardinal,  auteur 
de  pièces  médiocres  ?  Etait-ce,  comme  on  l'a  sup- 
posé de  nos  jours,  que  l'homme  d'Etat  ne  trouvait  pas 
sans  danger  cette  glorification  de  l'héroïsme  espa- 
gnol au  moment  môme  où  les  armées  de  l'Espagne 
envahissaient  la  Picardie,  et  cette  apologie  du 
point  d'honneur  tandis  que  Richelieu  multi- 
pliait en  vain  les  édits  pour  arrêter  la  fureur  du 
duel?  Quoi  qu'il  en  soit,  l'impérieux  cardinal 
exigea  que  l'Académie,  tout  récemment  fondée, 
entreprit  un  examen  critique  du  Cid.  L'Académie, 
après  toute  une  année  de  débats  et  d'intrigues, 
publia  ses  Sentiments  sur  le  Cid,  sentence  équi- 
voque qui  ne  satisfit  personne  et  dont  le  grand 
tort  était,  dit  un  critique  moderne,  a  de  prendre 
parti  pour  la  médiocrité  prudente  contre  les  heu- 
reuses hardiesses  du  génie.  » 

Boileau  a  résumé  le  jugement  du  public  sur  cet, 
jugement  : 

En  Tain,  contre  le  Cid  un  ministre  se  ligue  : 
Tout  Paris  pour  Chimène  a  les  yeux  de  Rodrigue. 

Corneille  se  vengea  de  ces  cabales  impuissantes 
par  deux  nouveaux  chefs-d'œuvre,  composés  en 
1639  et  joués  en  l(i40.  L'idée  première  en  était 
cette  fois  empruntée  non  plus  au  théâtre  espagnol, 
mais  à  l'histoire  romaine.  Horace  est  tiré  d'une 
page  de  Tite-Live,  Cinna,  d'une  page  de  Sénèque. 

ijans  la  première  de  ces  tragédies,  on  a  critiqué, 
non  sans  justesse,  la  structure  de  la  pièce,  remar- 
qué que  l'action  en  est  double,  et  que  partant  la 
marche  en  est  gênée  et  l'intérêt  diminué  ;  mais  ce 
qu'on  n'a  pu  trop  admirer,  c'est  le  caractère  des 
personnages,  le  relief  des  grandes  figures  sculptées 
par  le  poète  et  qui  sont  autant  d'immortelles  per- 
sonnifications de  l'héroïsme  romain,  disons  mieux, 
de  l'héroïsme  humain. 

DansC'/«?îa,  au  contraire,  le  cadre  est  parfait,  le 
canevas  très  habilement  tissé,  l'intrigue  bien  con- 
duite, tandis  que  les  caractères,  pouf  qui  veut 
étudier  Corneille  de  près,  semblent  parfois  comme 
fléchir  sous  le  poids  de  leur  propre  grandeur. 
Mais  «  s'il  y  a  des  fautes  dans  la  conception  de 
Cinna,  comment  ne  les  pardonnerait-on  pas  au 
poète  qui,  mieux  que  tout  autre,  a  su  faire  couler 
ces  nobles  et  délicieuses  larmes  qui  ne  sont  que 
l'attendrissement  de  l'admiration,  l'cfl'usion  de 
l'enthousiasme.  »     (Merlet.) 

T)a.ns  Pohjeucte,  qui  parut  à  la  fin  de  1640,  Cor- 
neille met  en  scène  la  sublimité  du  christianisme, 
de  même  que  dans  Cinna  il  avait  essayé  de  montrer 
la  monarchie  sous  un  aspect  idéal. 

Un  passage  obscur  de  la  Vie  des  Saints  a  suffi  à  lui 
fournir  les  éléments  du  plus  émouvant  peut-être 
de  ses  chefs-d'œuvre.  L'hôtel  de  Rambouillet, 
cette  réunion  de  beaux  esprits  fermés  à  l'enthou- 


CORNEILLE 


509  — 


CORPS  GRAS 


siasme,  Taccueillit  froidement,  mais  le  public 
n'hésita  pas. 

Ainsi,  Mélite,  puis  Médée  ;  enfin  le  Cid ,  Ho- 
race, Cinna,  Polyeucte!...  Le  soleil  que  nous 
avons  vu  s'élever  à  l'horizon,  les  rayons  pâles  et 
faibles  d'abord,  puis  et  peu  à  peu  plus  larges, 
plus  chauds,  plus  brillants,  et  enfin  resplendissants 
d'une  splendeur  idéale,  est  arrivé  à  son  zénith  ; 
il  va  maintenant  décliner,  et  comme  il  a  eu  son 
aurore  indécise,  il  aura  son  crépuscule. 

Dans  Pompée  (ICil)  on  admire  une  grande  et 
fîère  figure,  celle  de  Cornélie.  Le  Metiteur  (1642) 
fut  comme  la  révélation  de  la  vraie  comédie  ;  la 
pièce  n'est  point  sans  défaut,  l'intrigue  en  est  fai- 
ble, mais  elle  a  ce  mérite  de  bannir  à  jamais  de  la 
scène  la  fausse  élégance  des  uns,  l'indécente 
bouffonnerie  des  autres,  et  d'indiquer  à  Molière 
la  voie  qu'il  parcourra  triomphalement. 

Dans  Rodogune,  que  Corneille  préférait  à  ses 
autres  pièces,  parce  que  c'était  celle  qui  lui  coûta 
le  plus  d'efforts,  notre  poète  abandonne  le  ressort 
qu'il  a  jusqu'alors  fait  vibrer,  l'admiration  :  c'est 
à  la  terreur  qu'il  demande  des  effets  pathétiques, 
dont  le  comble  est  atteint  dans  le  cinquième  acte 
de  Rodogune.  Il  faut  signaler  encore  un  dernier 
effort  heureux  dans  Hévadius  (1G46),  et  dans  Ni- 
comède  (1050). 

Mais  toutes  les  pièces  qui  suivirent  furent  une 
suite  d'échecs  déplorables. 

Corneille  était  enfin  entré  à  l'Académie  fran- 
çaise, en  1647.  La  chute  complète  d'une  de  ses  plus 
malheureuses  pièces,  Pertliarite  (1G52),  lui  fit  aban- 
donner le  théâtre  pendant  sept  années,  qu'il  con- 
sacra àtraduire  en  vers  Y  Imitation  de  Jésus-Christ. 

En  1659,  sur  les  sollicitations  du  surintendant 
Fouquet,  il  se  décide  à  reprendre  la  plume  du 
poète  dramatique: 

«  Je  sens  le  même  feu,  je  sens  la  même  audace. 
Qui  fit  plaindre  le  Cid.  qui  fit  combattre  Horace, 
Et  je  me  trouve  encor  la  main  qui  crayonna 
L'âme  du  grand  Pompée  et  l'esprit  de  Ciuna.  » 

Il  donna  successivement  CEc?i/;e(  16591,  la  Toison 
d'or  (1660),  pièce  à  machines  représentée  à  l'occa- 
sion du  mariage  du  roi,  puis  Sertorius  (l66i),  où 
l'on  entend  encore  des  accents  vraiment  corné- 
liens, puis  Sophonisbe,  Othon,  Agésilas,  Attila. 
Qui  ne  connaît  la  cruelle  épigramme  : 

Après  Agésilas, 

Hélas! 
Après  Attila, 

Holà! 

Dans  cette  dernière  pièce  cependant,  on  re- 
trouve des  étincelles  de  son  génie  :  la  scène  où  le 
terrible  roi  des  Huns  délibère  s'il  doit  prêter 
l'appui  de  son  épée  au  vieux  monde  romain  qui 
s'écroule,  ou  à  la  France  qui  vient  de  naître,  est 
une  situation  qui  n'est  pas  indigne  de  l'auteur  de 
Cinna. 

Mais  en  cette  même  année  (1667)  où  fut  joué 
Attila,  Racine  donnait  Andromaque.  '  Corneille 
n'est  plus  dès  lors  que  «  le  vieux  Corneille  »  ; 
parfois  il  sent  qu'il  ne  peut  lutter  contre  l'astre 
nouveau  qui  va  l'éclipser  ;  parfois  aussi  il  lui  en 
coûte  de  se  l'avouer,  il  est  tenté  d'accuser  l'ingra- 
titude publique,  il  en  appelle  au  roi  et  essaie  de 
lui  persuader  que  parmi  ses  ouvrages 

...Les  derniers  n'ont  rien  qui  dégénère, 
Rien  qui  les  fasse  enfants  d'un  autre  père. 

En  1670,  il  eut  la  faiblesse  d'accepter  une  sorte 
de  concours  avec  Racine  sur  un  sujet  qui  n'était 
pas  fait  pour  son  talent,  et  que  celui  même  de  Ra- 
cine ne  put  animer  :  Bérénice.  En  1672,  Racine 
donnait  Bajazet: 

«  Étant  une  fois  près  de  Corneille  sur  le  théâtre 
à  une  représentation  de  Bajazet,  raconte  Segrais, 


il  me  dit  :  Je  me  garderais  bien  de  le  dire  à 
d'autres  que  vous,  parce  qu'on  pourrait  croire 
que^  j'en  parle  par  jalousie,  mais  prenez-y  garde, 
il  n'y  a  pas  un  seul  personnage  dans  ce  Bajazet 
qui  ait  les  sentiments  qu'il  doit  avoir  et  que  l'on 
a  à  Constantinople  :  ils  ont  tous  sous  un  habit 
turc  les  sentiments  qu'on  a  au  milieu  de  la 
France.  Il  avait  raison,  ajoute  Segrais,  et  l'on  ne 
voit  pas  cela  dans  Corneille  :  le  Romain  y  parle 
comme  un  Romain,  le  Grec  comme  un  Grec,  l'In- 
dien comme  un  Indien,  l'Espagnol  comme  un  Espa- 
gnol. » 

A  propos  de  cette  même  tragédie,  madame  de 
Sévigné  écrivait  ;\  sa  fille,  après  une  critique  assez 
sévère  des  caractères  et  du  dénouement  :  «  Il  y  a 
pourtant  des  choses  agréables,  mais  rien  de  par- 
faitement beau,  rien  qui  enlève,  point  de  ces  ti- 
rades de  Corneille  qui  font  frissonner.  Ma  fille, 
gardons-nous  bien  de  lui  comparer  Racine,  sentons 
toujours  la  différence.  Vive  notre  vieil  ami  Cor- 
neille !  Pardonnons-lui  de  méchants  vers  en  faveur 
des  divines  beautés  qui  nous  transportent;  ce  sont 
des  traits  de  maître  inimitables.  Despréaux  en  dit 
encore  plus  que  moi.  En  un  mot,  c'est  le  bon  goût; 
tenez-vous-y.  » 

Cette  fidélité  d'admiration  de  quelques  esprits 
supérieurs  eût  consolé  le  vieux  poète  de  l'abandon 
de  la  foule,  si  des  chagrins  domestiques,  et  il  faut 
le  dire,  des  moments  de  détresse  n'avaient  attristé 
ses  dernières  années.  Il  perdit  successivement  ses 
deux  fils,  fut  obligé  de  vendre  sa  maison  natale, 
et  dut  solliciter  plus  d'une  fois  Colbert  pour  obtenir 
le  paiement  de  sa  modique  pension.  Boileau,  indigné 
de  voir  l'abandon  où  était  laissé  le  grand  tragique, 
parla  au  roi  en  sa  faveur  et  obtint  un  secours  qtu 
arriva  deux  jours  avant  la  mort  de  Corneille  :  il 
avait  78  ans  ;  il  expira  dans  la  nuit  du  30  septembre 
au  !"■  octobre  1684. 

«  A  voir  JI.  de  Corneille  —  disait  un  biographe 
contemporain,  —  on  ne  l'aurait  pas  cru  capable 
de  faire  si  bien  parler  les  Grecs  et  les  Romains,  et 
de  donner  un  si  grand  relief  aux  sentiments  et  aux 
pensées  des  héros.  La  première  fois  que  je  le  vis, 
je  le  pris  pour  un  marchand  de  Rouen.  Son  exté- 
rieur n'avait  rien  qui  parlât  pour  son  esprit,  et 
quant  à  sa  conversation,  une  grande  princesse  di- 
sait qu'il  ne  fallait  pas  l'écouter  ailleurs  qu'à 
l'hôtel  de  Bourgogne.  » 

Et  La  Bruyère  :  «  Simple,  timide,  d'une  en- 
nuyeuse conversation,  il  prend  un  mot  pour  un 
autre  et  il  ne  juge  de  la  bonté  d'une  pièce  que  par 
l'argent  qui  lui  en  revient  ;  il  ne  sait  pas  la  réciter, 
ni  lire  son  écriture.  Laissez-le  s'élever  par  la 
composition,  il  n'est  pas  au-dessous  d'Auguste,  de 
Pompée,  de  Nicomède,  d'Héraclius;  il  est  roi  et 
grand  roi,  il  est  politique,  il  est  philosophe;  il 
entreprend  de  faire  parler  les  héros,  de  les  faire 
agir,  il  peint  les  Romains;  ils  sont  plus  grands  et 
plus  romains  dans  ses  vers  que  dans  leur  histoire.  » 
[Ch.-Fél,  Durand.] 
CORPS  GRAS. —  Chimie,  XXIV.—  On  désigne 
sous  le  nom  général  de  corps  gras  les  graisses,  les 
huiles,  et  toutes  les  substances  qui  leur  ressem- 
blent par  un  toucher  onctueux,  et  surtout  par  la 
propriété  caractéristique  de  tacher  le  papier,  en  le 
rendant  translucide  sans  qu'on  puisse  lui  faire 
reprendre  son  opacité  naturelle. 

Caractères  des  co?ys  gras.  —  Les  corps  gras, 
selon  leur  consistance  ou  leur  fluidité,  sont  appe- 
lés spécialement  graisses,  huiles,  beurre,  cire. 

Les  corps  gras  ne  contiennent  point  du  tout  d'a- 
zote, ils  sont  assez  pauvres  en  oxygène,  mais  très 
riches  en  carbone  et  on  hydrogène;  aussi  sont-ils 
combustibles.  Ils  sont  insolubles  dans  l'eau,  peu 
solubles  dans  l'alcool,  solubles  dans  l'étlier,  le  sul- 
fure de  carbone  et  dans  les  essences.  Presque  tous 
sont  plus  légers  que  l'eau. 
Ceux  qui  sont  solides  à  la  tempér»*4ire  ordinaire 


CORPS  GRAS 


—  510  — 


COUPS  GRAS 


se  fondent  aisément.  Vers  200°  les  corps  gras  en- 
trent, en  ébullition  et  se  décotnposent  plus  ou  moins 
profondément;  ils  donnent  lieu  alors  à  un  dégage- 
ment d'acide  carbonique,  d'hydrocarbures,  d'acides 
acétique,  palmitique,  stéarique,  et  répandent  une 
odeur  acre,  très  désagréable,  due  à  la  production 
de  Yaooléine. 

A  une  température  plus  élevée,  les  corps  gras 
subissent  une  décomposition  complète,  en  produi- 
sant une  fumée  épaisse  pouvant  s'enflammer  et 
donner  une  flamme  très  éclairante. 

Extraction  des  corps  gras.  —  Pour  extraire  les 
graisses  d'origine  animale,  on  les  fond  en  chauffant 
le  tissu  qui  les  contient,  et  en  favorisant  la  destruc- 
tion du  tissu  déjà  divisé  par  l'addition  d'eau  aci- 
dulée au  moyen  d'acide  sulfurique. 

La  graisse  monte  à  la  surface,  on  la  décante. 
Ainsi  on  obtient  le  suif,  qui  sert  à  la  fabrication 
des  chandelles,  en  fondant  le  suif  eu  branches  li- 
vré à  l'industrie  par  les  abattoirs,  et  qui  n'est 
autre  chose  que  les  graisses  brutes  de  bœuf,  de 
mouton  ou  de  porc.  Le  saindoux  des  charcutiers 
est  de  la  graisse  de  porc  obtenue  sous  l'action  de 
la  chaleur  seule. 

Le  beurre,  graisse  solide  du  lait,  où  il  existe  en 
suspension  à  l'état  de  crème,  s'extrait  par  une 
agitation  plus  ou  moins  prolongée  du  lait  reposé. 

Les  huiles  végétales  qui  sont  contenues  dans  les 
fruits  des  plantes  dites  oléagineuses,  olives,  grai- 
nes de  lin.  noisettes,  noix,  navette,  amandes  douces, 
faînes,  s'extraient  par  la  compression  mécanique. 
Quand  elles  sont  très  liquides,  l'expression  se  fait 
h  froid  par  la  presse  hydraulique  ou  par  des 
meules  verticales  ;  pour  les  huiles  concrètes,  l'o- 
pération se  fait  entre  des  plaques  métalliques 
chauffées. 

Action  de  l'air  sur  les  huiles.  —  L'air  agit  sur 
toutes  les  huiles  grasses  en  les  oxydant  plus  ou 
moins  rapidement.  Les  unes,  comme  les  huiles  de 
lin,  de  chènevis,  d'œillette,  de  noix,  se  transfor- 
ment très  vite  ainsi  en  une  substance  jaune  assez 
transparente  ressemblant  à  du  vernis  :  on  les  ap- 
pelle huiles  siccatives,  et  elles  servent  à  fabriquer 
les  vernis  et  les  couleurs  à  l'huile.  Les  autres,  qui 
s'altèrent  plus  lentement,  restent  liquides  tout  en 
s'oxydant  à  l'air,  mais  s'acidifient  légèrement  en 
dégageant  de  l'acide  carbonique;  elles  exhalent 
alors  une  odeur  toute  particulière,  et  on  dit  qu'elles 
rancissent  ;  ce  sont  les  huiles  non  siccatives:  telles 
sont  les  huiles  d'olives,  de  navette,  de  faînes,  de 
noisettes. 

D'après  de  Saussure,  l'oxydation  des  huiles  peut 
devenir  très  rapide  quand  elle  se  fait  sur  une 
grande  surface,  comme  par  exemple  quand  l'huile 
est  étalée  sur  des  mèches  ou  répandue  sur  le  sol  ; 
on  peut  certainement  expliquer  par  cette  oxyda- 
tion rapide  les  incendies  qui  parfois  se  dévelop- 
pent spontanément  là  où  de  grandes  masses 
d'huile  se  trouvent  dans  ces  conditions  d'exposi- 
tion à  l'air. 

•J  ction  osjjdante  de  l'acide  azotique  sur  les  huiles. 
—  Les  huiles  sont  décomposées  d'une  façon  très 
vive  par  l'acide  azotique  concentré  ou  par  ce  même 
acide  étendu  et  bouillant;  cette  action  donne 
lieu  à  un  abondant  dégagement  de  vapeurs  ni- 
treuses  rutilants,  et  il  se  forme  différents  acides 
tels  que  :  l'acide  acétique,  l'acide  butyrique,  ca- 
proique,  subérique,  etc.  Les  huiles  non  siccatives 
sont  transformées  en  une  substance  solide  par 
l'acide  hypoazotique;  ainsi  l'huile  d'olive  pure, 
agitée  avec  "2  à  3  centièmes  d'acide  azotique  mé- 
langé d'acide  hypoazotique,  se  solidifie  en  très  peu 
de  temps;  tandis  que  si  elle  est  impure,  la  solidi- 
fication n'a  lieu  qu'au  bout  d'un  temps  considé- 
rable :  c'est  là  un  mo3-en  de  reconnaître  sa  pu- 
reté. 

Saponiftcntion.  —  Il  y  a  plus  de  cinquante  ans 
que  M.  Chevreul,  le  savant  directeur  du  Muséum, 


a  donr.é  la  théorie  des  corps  gras  en  ciudiani 
l'actiun  des  alcalis  sur  les  huiles  et  sur  les  graisses. 
Lorsqu'on  lave  ou  qu'on  agite  ces  substances  avec 
une  solution  de  potasse  ou  de  soude,  il  se  forme 
un  corps  plus  ou  moins  solide  qui  est  un  savon*,  et 
il  reste  autour  un  liquide  à  peu  près  incolore,  fai- 
blement huileux,  nommé  glycérine,  t'est  là  ce 
qu'on  appelle  la  saponification  des  corps  gras.  On 
peut  aussi  les  saponifier  en  les  traitant  par  de  la 
vapeur  d'eau  surchauffée  à  300°;  c'est  ainsi  qu'en 
Angleterre  on  opère  la  saponification  de  l'huile  de 
palme  sur  une  grande  échelle.  Enfin,  dans  la  fa- 
brication de  la  stéarine,  qui  sert  à  la  confection 
des  bougies,  on  saponifie  le  suif  par  la  chaux;  ce 
procédé  date  de  1829;  il  a  été  indiqué  par  M.  de 
Milly;  dans  ce  cas  il  se  forme  un  savon  calcaire 
auquel  on  enlève  ensuite  la  chaux  en  le  traitant 
par  l'acide  sulfurique. 

Comme  nous  venons  de  le  dire,  les  savons  sont 
donc  constitués  par  la  combinaison  d'un  alcali 
avec  l'un  des  éléments  des  corps  gras  jouant  le 
rôle  d'acide;  ces  acides  sont  principalement  l'acide 
oléique  (acide  gras  des  huiles),  l'acide  margari- 
que,  l'acide  stéarique.  l'acide  palmitique.  Les  sa- 
vons peuvent  donc  être  considérés  comme  des  mé- 
langes de  stéarate,  de  margarate,  de  palmiiate  et 
doléate  de  soude  ou  de  potasse.  On  les  obtient 
principalement  :  les  savons  durs  avec  l'huile  d'o- 
live de  qualité  inférieure,  traitée  par  la  soude,  et 
les  savons  mous  avec  les  huiles  de  chènevis, 
d'œillette  et  de  lin,  saponifiées  par  la  potasse.  Ceux- 
ci  sont  généralement  colorés  en  vert  ou  en  noir 
avec  du  sulfate  de  cuivre  ou  de  fer,  de  la  noix  de 
galle  ou  du  bois  de  campêche. 

Les  corps  gras  ne  sont  donc  pas  des  principes 
immédiats,  comme  on  l'avait  cru  avant  les  travaux 
de  M.  ChevTeul,  mais  des  mélanges  intimes,  en 
proportions  variables,  de  combinaisons  des  acides 
gras  avec  la  glycérine.  Ainsi,  les  huiles  végétales 
sont  formées  par  le  mélange  d'une  substance  li- 
quide appelée  oléine,  constituée  par  la  combinai- 
son de  l'acide  oléique  avec  la  glycérine,  et  d'une 
autre  substance  solide,  fusible  à  28°,  appelée 
margarine,  et  qui  est  elle-même  une  combinaison 
d'acide  margarique  et  de  glycérine. 

Quand  on  refroidit  l'huile  d'olive,  !a  margarine 
devient  insoluble  dans  l'oléine  et  se  précipite. 

Les  graisses  animales,  le  suif,  le  saindoux,  sont 
constituées  par  des  mélanges  intimes  d'oléine  li- 
quide, et  de  margarine  et  de  stéarine  solides , 
cette  dernière  substance  est  une  combinaison 
d'acide  stéarique  et  de  glycérine. 

Glycérine.  —  Ce  corps,  qu'on  appelle  encore 
principe  doux  des  huiles,  a  pour  formule  C'^H'G*; 
il  a  été  découvert  en  1779  par  Sclieele  en  saponi- 
fiant de  l'huile  par  de  l'o.xyde  de  plomb  (préparation 
d'un  emplâtre).  Les  travaux  de  MM.  Chevreul, 
Pelouze,  Berthelot  ont  amené  les  chimistes  à 
considérer  la  glycérine  comme  un  alcool  dont  la 
molécule  serait  triplement  condensée.  C'est  le 
type  des  alcools  triatomiques;  d'après  cette  ma- 
nière de  voir,  qui  rend  parfaitement  compte  de 
toutes  les  transformations  chimiques  que  subis- 
sent les  corps  gras,  ceux-ci  seraient  des  éthera 
de  glycérine,  par  analogie  avec  les  éthers  compo- 
sés des  alcools  (V.  Alcool).  La  glycérine  a  été  ob- 
tenue artificiellement  par  M.  Wurtz. 

Préparation  de  la  g'ycérine.  —  On  l'obtient, 
comme  nous  l'avons  déjà  vu,  par  la  saponification 
des  huiles  ou  des  graisses,  mais  surtout  comme 
produit  accessoire  de  la  fabrication  des  bougies 
stéariques.  Dans  ce  cas,  on  traite  les  corps  gras 
par  la  vapeur  d'eau  surchauffée.  La  glycérine  est 
décolorée  par  le  charbon  aiiimal,  puis  concentrée 
au  bain-marie  et  ensuite  dans  le  vide.  La  glycé- 
rine est  un  liquide  incolore,  sirupeux,  légèrement 
.sucré  ;  sa  densité  est  1,28;  elle  attire  l'humidité 
de  l'air,  elle  se  dissout  dans  l'eau  et  dan*  l'alcool, 


CORPS  GRAS 


511  — 


COUPS  GRAS. 


et  elle  dissout  le  sel  de  cuisine,  les  alcalis,  les 
azotates  de  soude  et  d'argent.  Elle  distille  vers 
280°.  Si  on  verse  de  la  glycérine  dans  un  mélange 
d'acide  sulfurique  et  d'acide  azotique,  il  se  forme 
des  gouttes  huileuses  d'une  substance  appelée  tri- 
nitroglycérine  ,  qui  est  susceptible  <Je  détoner 
avec  la  plus  grande  violence  par  la  chaleur  ou  par 
le  choc. 

Lorsqu'elle  est  exposée  à  l'air  pendant  long- 
temps, eNe  se  décompose  lentement  sans  explo- 
sion, en  produisant  de  l'acide  oxalique,  de  l'acide 
nitrique,  de  l'ammoniaque  et  de  l'acide  cyanhy- 
drique.  M.  Nobel,  en  mélangeant  la  trinitroglycé- 
rine  à  du  sable  fin,  à  do  la  brique  pilée,  etc.,  a 
rendu  cette  substance  bien  moins  dangereuse  tout 
en  lui  conservant  sa  puissance  explosive  ;  c'est  ce 
mélange  qu'on  appelle  la  dynamite,  extrêmement 
employée  aujourd'hui  dans  les  mines. 

Usages  rie  la  glijcériyie.  —  Outre  la  fabrication 
de  la  dynamite,  qui  se  fait  aujourd'hui  sur  une 
grande  échelle,  la  glycérine  sert  dans  l'industrie 
à  dissoudre  le_s  gommes,  les  couleurs  d'aniline. 
V.  Colorantes  {Matières"^..  On  l'emploie  aussi  à  la 
conservation  des  cuirs  verts,  et,  en  général,  de 
toutes  les  matières  d'une  consistance  molle.  En- 
fin, elle  sert  à  penser  les  plaies  et  la  plupart  des 
affections  cutanées. 

Acides  gras  principaux.  —  Les  acides  gras  sont, 
avec  la  glycérine  ,  les  principes  immédiats  des 
corps  gras  ;  les  principaux  sont  l'acide  stéarique, 
l'acide  margarique,  l'acide  butyrique,  l'acide  ca- 
proïque,  l'acide  palmitique,  l'acide  oléique,  etc. 

Acide  stéarique.  —  Il  a  été  découvert  par 
M.  Chevreul.  11  existe  principalement  dans  les 
graisses  solides  ;  on  l'obtient  en  les  saponifiant 
avec  la  potasse  ;  on  le  purifie  par  l'alcool.  C'est 
un  corps  solide  et  blanc,  fusible  h  69°  ;  eu  se  re- 
froidissant il  se  prend  en  une  masse  blanche 
feuilletée.  Il  est  employé  dans  la  fabrication  des 
bougies  stéariques,  dont  l'invention  est  due  à 
Gay-Lussac.  Cette  industrie  tout  à  fait  perfec- 
tionnée a  pris  aujourd'hui  uja  développement  con- 
sidérable. 

La  saponification  des  suifs  s'opère  par  la  chaux 
dans  des  cuves  qui  peuvent  contenir  à  la  fois 
chacune  jusqu'à  8,000  kilog.  de  suif.  L'acide  stéa- 
rique forme  avec  la  chaux  une  combinaison  so- 
lide de  savon  calcaire  qu'on  décompose  ensuite 
par  l'acide  sulfurique,  qui  forme  avec  la  chaux  un 
dépôt  au  fond  de  la  cuve.  Un  second  lavage  à  l'a- 
cide sulfurique  étendu  et  un  autre  à  l'eau  bouil- 
lante débarrassent  l'acide  gras  encore  liquide  des 
dernières  traces  de  chaux  et  d'acide  sulfurique. 
Ainsi  purifié,  on  le  coule  dans  des  moules  en  fer- 
blanc,  puis  la  matière  solide  est  comprimée  à  la 
presse  hydraulique  dans  des  sacs  en  laine  appelés 
mal  fil;  on  obtient  ainsi  ces  masses  de  stéarine 
blanche  ou  incolore  que  les  marchands  de  bougies 
exposent  à  leurs  vitrines. 

Acide  palmitique.  —  Cet  acide  a  été  retiré  de 
l'huile  de  palme  par  M.  Frémy;  il  existe  aussi 
dans  le  blanc  de  baleine,  dans  la  cire  du  Japon, 
dans  la  cire  d'abeilles;  c'est  un  corps  solide  et 
blanc,  foudant  à  62'^;  on  l'emploie  en  Angleterre 
dans  la  fabrication  des  bougies. 

Acide  butyrique.  —  M.  Chevreul  l'a  découvert 
dans  le  beurre;  il  est  aussi  le  résultat  de  la  fer- 
mtntation  butyrique  (V.  Fermentation).  C'est  lui 
qui  donne  son  odeur  au  beurre  rance;  c'est  un 
liquide  incolore,  un  peu  plus  léger  que  l'eau, 
bouillant  à  150°. 

Acide  oléique.  —  Comme  le  précédent  il  a  été 
découvert  par  M.  Chevreul  ;  on  le  rencontre  sur- 
tout dans  les  huiles  à  l'état  d'oléine,  c'est-à-dire 
'combiné  à  la  glycérine.  On  l'obtient  en  saponifiant 
Ipar  la  potasse  l'huile  d'amandes  douces  ;  le  savon 
obtenu  est  traité  par  l'acide  chlorhydrique,  qui 
s'empare  de   la  potasse.  L'acide   gras  impur  est 


mélangé  à  du  massicot  en  poudre  (oxyde  de 
plomb).  Il  se  forme  un  oléate  de  plomb;  on  le 
dissout  dans  l'éther;  cette  dissolution  traitée  par 
l'acide  chlorhydrique  donne  un  précipité  de  chlo- 
rure de  plomb,  et  la  liqueur  qui  surnage  est  une 
dissolution  d'acide  oléique  dans  l'éther.  On  dis- 
tille au  bain-marie.  L'acide  oléique  est  liquide 
à  14".  plus  léger  que  l'eau,  insapide  et  inodore. 
A  l'air,  il  absorbe  rapidement  l'oxygène  ;  il  de- 
vient alors  acre  et  acquiert  une  odeur  rance  ;  il 
est  très  vivement  attaqué  par  l'acide  azotique,  se 
combine  à  l'acide  suHurique,  en  formant  de  l'a- 
cide sulfoléique.  On  l'obtient  impur  dans  l'indus- 
trie comme  produit  secondaire  de  la  fabrication 
des  bougies  stéariques.  Il  entre  dans  la  fabrica- 
tion des  savons  et  sert  aux  dégraissages  des 
laines. 

Notions  sur  que'qiies  corps  gras.  —  La  graisse 
humaine  est  principalement  constituée  par  de  la 
margarine,  et  un  peu  d'oléine  mélangée  h  une 
substance  jaune  ressemblant  à  de  la  bile.  La 
graisse  de  bœuf  contient  beaucoup  de  stéarine 
avec  un  peu  de  margarine  et  d'oléine.  Elle  fond  à 
39"  ;  elle  est  employée  en  grand  dans  la  fabrica- 
tion du  savon ,  des  chandelles  et  des  bougies. 
Celle  de  mouton  est  à  peu  près  de  la  même  composi- 
tion ,  mais  elle  contient  en  plus  un  principe  qui 
est  odorant,  surtout  quand  il  se  décompose. 

La  graisse  de  porc  ou  saindoux,  appelée  encore 
a.Tonge,  est  formée  de  stéarine,  de  margarine,  d'o- 
léine et  d'une  matière  odorante  ;  elle  est  employée 
dans  les  usages  domestiques,  dans  la  préparation 
des  onguents,  dans  le  graissage  des  roues  de  voi- 
tures. 

Beurre.  —  Le  beurre  qui  vient  du  lait  est  riche 
en  margarine  ;  il  contient  en  outre ,  d'après 
M.  Chevreul,  de  \' oléine,  de  la  butyrine ,  de  la 
caprine  et  de  la  caproïne.  Exposé  h  l'air,  le  beurre 
se  rancit  en  répandant  une  odeur  caractéristique 
qui  est  due  à  un  dégagement  d'acide  gras  vo- 
latil. 

Le  beurre  de  coco  est  extrait  des  amandes 
écrasées  des  noix  de  coco  en  les  traitant  par  l'eau 
bouillante.  Il  est  incolore,  fond  à  20^  rancit  rapi- 
dement ;  il  est  employé  pour  l'éclairage  et  pour  la 
fabrication  des  bougies  et  du  savon. 

Blanc  de  baleine  ou  speimiaceli .  —  Cette  ma- 
tière grasse  provient  de  diverses  espèces  de  Cé- 
tacés et  principalement  du  cachalot  ;  chez  l'animal 
vivant  elle  est  liquide  et  remplit  de  grandes  cavités 
situées  au-dessus  du  cerveau;  elle  se  solidifie  pat- 
son  exposition  à  l'air;  par  expression  on  chasse 
l'huile  qui  la  tenait  en  dissolution,  on  la  fond,  et 
par  le  refroidissement  on  l'obtient  en  masses  na- 
crées, cristallines,  blanches  et  douces  au  toucher. 

Le  blanc  de  baleine  fond  à  44';  il  est  soluble 
dans  l'alcool  bouillant,  dans  l'éther  et  dans  les  es- 
sences ;  à  l'air  il  jaunit,  s'oxyde  et  rancit.  Le 
blanc  de  baleine  se  saponifie  par  la  potasse  con- 
centrée au  bout  de  plusieurs  jours  seulement;  le 
principe  neutre  qu'on  en  extrait  ainsi  n'est  pas  de 
la  glycérine,  mais  de  Véthal,  et  l'acide  gras  qui  se 
combine  à  la  potasse  est  appelé  acide  éthalique. 
Il  sert  à  la  fabrication  des  bougies,  de  quelques 
pommades  et  cosmétiques. 

Beurre  de  muscade.  —  On  l'extrait  des  noix  de 
muscades  écrasées  en  les  comprimant  entre  des 
plaques  de  fonte  chauffées.  C'est  un  corps  gras 
solide,  jaune,  très  aromatique.  Il  est  employé  en 
pharmacie. 

Pour  des  détails  sur  les  huiles,  qui  constituent 
les  plus  importants  des  corps  gras,  nous  renvoyons 
à  l'article  Huile. 

Usages  des  corps  gras.  —  Nous  n'avons  qu'à, 
résumer  les  principaux,  puisque  nous  les  avons 
indiqués  dans  le  cours  de  cet  article,  et  qu'en  ou- 
tre on  en  trouvera  le  complément  à  l'article  Huile. 

Les  corps  gras  sont  surtout  extrêmement  em- 


CORPS   HUMAIN 


512  — 


CORPS  RONDS 


ployés  dans  la  fabrication  des  savons*  et  dans  l'é- 
clairage ;  là  on  les  emploie  à  l'état  de  suif  dans  les 
chandelles,  d'acide  gras  (stéarique  principale- 
ment) dans  les  bougies,  et  à  l'état  d'huile  brute 
dans  les  lampes. 

Les  graisses  d'oie,  de  porc,  le  beurre  sont  em- 
pl03'és  dans  l'alimentation  de  diverses  manières  : 
les  huiles  également,  principalement  dans  le  midi 
de  la  France,  où  presque  toutes  les  préparations 
culinaires  se  font  à  l'huile  ;  on  consomme  aussi 
beaucoup  d'huile  dans  la  préparation  de  certaines 
co7iserves  alimentaires  (V.  ce  mot),  telles  que  les 
sardines,  le  thon,  etc.  La  pharmacie  fait  un  grand 
usage  des  graisses,  des  huiles,  dans  la  préparation 
des  pommades  ou  des  onguents  ;  l'huile  de  foie  de 
morue,  l'huile  de  ricin  sont,  la  première  un  for- 
tifiant de  premier  ordre,  la  seconde  un  purgatif 
des  plus  en  usage  aujourd'hui.  Enfin  la  prépara- 
tion des  couleurs  et  celle  des  vernis  consomment 
chaque  année  des  quantités  considérables  d'huiles 
végétales,  de  lin  principalement.  La  plupart  des 
graisses  dites  de  voitures,  dont  les  chemins  de  fer 
et  les  grandes  usines  font  un  si  grand  usage,  ont 
pour  bases  des  graisses  impures  plus  ou  moins 
altérées,  préparées  spécialement  pour  graisser 
les  essieux,  les  engrenages,  les  harnais,  etc.  ; 
telles  sont  la  graisse  de  cheval,  l'huile  de  pied  de 
bœuf,  etc.  [Alfred  Jacquemart.] 

CORPS  HUMAIN.  —  V.  l'article  P//^s20%ie  et 
les  mots  auxquels  il  renvoie. 

CORPS  UO\DS.  —  Géométrie,  XXIV.  —  On 
nomme  ainsi  trois  corps  géométriques  que  l'on 
étudie  dans  la  géométrie  élémentaire,  et  qui  sont 
terminés,  en  tout  ou  en  partie,  par  une  surface 
courbe  :  ce  sont  le  cylindre,  le  cône  et  la  sphère. 
1.  Gyllndre.  —  C'est  le  corps  géométrique  en- 
gendré par  un  rectangle  ABCD  (fig.  I),qui  tourne- 
rait autour  de  l'un  de  ses  côtés  AB.  Les  côtés 
AD  et  BC  engendrent  ainsi  des  cercles  égaux 
dont  les  plans  sont  perpendiculaires  à  AB  et  qui 
ont  pour  centres  les  points  A  et  B.  Le  côté  CD 
engendre  une  sui-face  courbe  à  laquelle  on  donne 


Fig.  1. 

le  nom  de  surface  cylindrique.  La  droite  AB,  au- 
tour de  laquelle  est  suppos'ée  s'exécuter  la  rota- 
tion, s'appelle  ïaxe  du  cylindre  ;  les  cercles  AD 
et  BC  sont  ses  bases;  la  droite  AB  qui  mesure 
aussi  la  distance  des  deux  bases  se  nom'me  la  hau- 
teur du  cylindre. 

Un  cylindre  peut  être  considéré  comme  un  prismo 
régulier  (V.  Polyèdre'^)  dont  la  base  est  un  polygosio 
d'un  nombre  infini  de  côtés  infiniment  petits. 

2.  —  Tout  plan  perpendicuiaire  à  l'axe  du  cylin- 
dre coupe  sa  surface  latérale  suivant  une  circonté- 
rence  de  cercle.  —  Cela  résulte  des  propriétés  du 
prisme,  mais  on  peut  le  reconnaître  autrement  : 
car  ce  plan  couperait  le  rectangle  ABCD  suivant 
une  droite  égale  et  parallèle  à  AD,  et  qui,  dans  la 
rotation,  décrirait  un  cercle  égal  au  cercle  AD. 

3.  —  On  nomme  cylindres  semblables  ceux  qui 
sont  engendrés  par  des  rectangles  semblables  tour- 
nant autour  de  deux  côtés  homologues. 

Les  bases  de  deux  cylindres  semblables  sojit  entre 


elles  comme  les  carrés  des  hauteurs.  Car  si  R  et  r 
représentent  les  rayons  des  bases,  H  et  A  les  hau- 
teurs, on  a,  d'après  la  définition, 

R       H        ,.   ,       r;        112 

-  =  -,     dou     -=^, 

ou,  en  multipliant  par  ti  les  deux  termes  du  pre- 
mier rapport 

7:Rî       H^ 

ce  qui  revient  à  l'énoncé  du  théorème,  puisque  les 
beses  des  deux  cylindres  ont  respectivement  pour 
expression  tiR^  et  izr^. 

4.  Cô.N'E.  —  C'est  le  solide  engendré  par  un  trian- 
gle rectangle  ABC  (fig.  2;  qui  tournerait  autour 
de  l'un  des  côtés  AB  de  l'angle  droit.  Le  côté 
perpendiculaire  BC  engendre  un  cercle  dont  B 
est  le  centre,  et  dont  le  "plan  est  perpendiculaire  à 
AB  ;  l'hypoténuse  AC  engendre  une  surface  courbe 
à  laquelle  on  donne  le  nom  de  surface  conique.  La 
droite  AB  autour  de  laquelle  est  supposée  s'effec- 
tuer la  rotation  s'appelle  Vaxe  du  cône,  le  cercle 
BC  est  sa  base,  le  point    A   son  sommet,  la  ligne 


Fie 


AC  sa  génératrice.  La  longueur  AB,  qui  mesure 
la  distance  du  sommet  à  la  base,  est  la  hauteur  du 
cône. 

Un  cône  peut  être  considéré  comme  une  pyra- 
mide régulière  (V.  Polyèdres)  dont  la  base  serait 
un  polygone  d'un  nombre  infini  de  côcés  infiniment 
petits. 

5.  —  Deux  cônes  sont  dits  semblables  lorsqu'ils 
sont  engendrés  par  des  triangles  rectangles  sem- 
blables tournant  autour  d'un  côté  homologue  de 
l'angle  droit. 

Les  bases  de  deux  cônes  semblables  sont  entre 
elles  comme  les  carrés  des  haideurs.  Car  si  l'on 
nomme  R  et  r  les  rayons  des  bases,  H  et  A  les 
hauteurs,  on  aura,  d'après  la  définition, 

R       H      ^,  ,     R2       H2 

—  =-,    dou    --p=-r-, 
r        h  r--        Ifl 

ou,  en  multipliant  par  t:  les  deux  termes  du  pre- 
mier rapport, 

7lR2  II» 

ce  qui  revient  à  l'énoncé  du  théorème,  puisque  les 
bases  ont  respectivement  pour  mesure  uR^  et  nr*. 
6.  —  Si,  dans  le  triangle  générateur  ABC,  on 
mène  DE  parallèle  à  BC,  cette  droite,  dans  la 
rotation  du  triangle,  décrira  un  cercle  dont  le  cen- 
tre sera  le  point  D,  et  dont  le  plan  sera  perpen- 
diculaire à  l'axe  AB,  et  par  conséquent  parallèle 
au  plan  du  cercle  BC.  La  portion  de  cône  com- 
prise entre  la  base  BC  et  le  plan  parallèle  DE 
est  ce  que  l'on  appelle  un  tronc  de  cône.  Les  deux 
cercles  BC  et  DÉ  sont  les  deux  bases  du  tronc 
de  cône  ;  la  portion  DB   de  l'axe  comprise  entre 


CORPS  RONDS 


—  513  — 


CORPS  SIMPLES 


les  deux  bases,  et  qui  mesure  leur  distance,  est 
la  hauteur  du  tronc  ;  et  la  portion  EC  de  Thj-po- 
ténuse  AC  est  sa  génératrice  ou  son  côté. 

Un  tronc  de  cône  peut  être  considéré  comme  une 
pj'ramide  régulière  tronquée,  dont  les  bases  sont 
des  polygones  réguliers  semblables  d'un  nombre 
infini  de  côtés  infiniment  petits. 

On  peut  remarquer  que  le  cône  ADE  est  sem- 
blable au  cône  total  ;  car  les  triangles  générateurs 
ADE   et  ABC  sont  semblables. 

7.  Sphère.  —  Cest  un  corps  engendré  par  un 
demi-cercle  ABC  (fig.  ^J)  qui  tournerait  autour  de 
son  diamètre  AB.  Ce  corps  est  terminé  par  une 
surface  unique  qu'on  appelle  surface  sphérique. 
On  désigne  souvent  cette  surface  par  le  mot  sphère 
lui-même:  mais  le  sens  du  discours  indique  tou- 
jours suffisamment  s'il  s'agit  de  cette  surface  ou  du 
corps  géométrique  qu'elle  termine. 


Fig.  3. 


Il  résulte  du  mode  même  de  génération  de  la 
sphère  que  tous  les  points  de  sa  surface  sont  éga- 
lement distants  du  centre  O  du  demi- cercle  gé- 
nérateur, point  que  l'on  nomme  pour  cette  raison 
le  centre  de  la  sphère.  On  nomme  rayon  toute 
droite  telle  que  OF  qui  joint  le  centre  à  un  point 
de  la  surface  ;  toim  les  rayons  sont  égaux.  On  nomme 
diamètre  toute  droite,  telle  que  CH,  qui  passe 
par  le  centre  et  se  termine  de  part  et  d'autre  à  la 
surface.  Chaque  diamètre  est  le  double  du  raj-on, 
et,  par  conséquent,  taxis  les  diamètres  sont 
égaux. 

8.  —  Toute  section  de  la  splière  par  un  ploji  est 
un  cercle.  —  Soit,  en  effet,  EFG  la  courbe  déter- 
minée par  son  intersection  avec  un  plan.  Abaissons 
01  perpendiculaire  sur  ce  plan  ;  prenons  sur  la 
courbe  deux  points  quelconques  È  et  F,  et  joi- 
gnons OE,  OF,  lE,  IF.  Les  triangles  OEI  et  OFI 
sont  égaux  comme  étant  rectangles  en  I,  ayant 
des  hypoténuses  égales,  et  un  côté  commun  01. 
Il  on  résulte  lE  =  IF.  Tous  les  points  de  la 
courbe  EFG  sont  donc  à  égale  distance  du  point 
I  ;   cette  courbe  est  donc  un  cercle. 

Remarqi-es.  —  Ce  cercle  est  d'autant  plus  grand 
que  son  plan  est  plus  voisin  du  centre;  car,  à  me- 
sure que  la  distance  01  diminue,  la  corde  EG 
augmente.  Ce  cercle  est  le  plus  grand  possible 
quand  son  plan  passe  par  le  centre,  comme  CDH  ; 
son  rayon  est  alors  celui  de  la  sphère  elle-même, 
et  il  prend  le  nom  de  grand  cercle.  Si  le  plan  ne 
passe  pas  par  le  centre,  il  porte  le  nom  de  petit 
cercle. 

9.  —  Le  plan  d'un  grand  cercle  CDH  divise  la 
sphère  en  deux  parties  égales.  Car  si  l'on  renverse 
la  partie  inférieure  de  manière  à  faire  coïncider  les 
deux  parties  suivant  la  circonférence  CDH,  les 
deux  portions  de  la  sphère  doivent  coïncider,  car 
autrement  il  y  aurait  des  points  inégalement  dis- 
tants du  centre  0. 

2*  Partie. 


Chacune  des  deux  moitiés  de  la  splière  se  nomme 
un  hémisphère. 

10.  —  Lorsqu'un  diamètre  AB  est  pris  pour  axe 
de  révolution,  le  grand  cercle  CDH,  dont  le  plan 
est  perpendiculaire  à  ce  diamètre,  prend  le  nom 
d'équafeur.  Les  extrémités  A  et  B  de  l'axe  de 
révolution  se  nomment  pôles.  Les  cercles  détermi- 
nés par  des  plans  parallèles  à  l'équateur,  comme 
EFG,  se  nomment  des  cercles  prirallè'es.  ou  sim- 
plement des  parallèles.  Les  cercles  dont  le  plan 
passe  par  Taxe  AB,  comme  ACB,  ADB,  sont  des 
méi  idiens.  Toutes  ces  dénominations  sont  emprun- 
tées à  la  géographie. 

11.  —  On  nomme  calotte  sphérique  la  portion  de 
la  surface  de  la  sphère  détachée  par  un  plan.  Telle 
est  la  portion  de  sphère  supérieure  au  petit  cercle 
EFG.  Le  petit  cercle  est  la  base  de  la  calotte,  et 
la  portion  AI  de  l'axe  comprise  entre  le  pôle  A 
et  le  centre  I  de  la  base  est  la  hauteur  de  la  ca- 
lotte. 

On  nomme  zone  la  portion  de  la  surface  de  la 
sphère  comprise  entre  deux  cercles  parallèles. 

La  portion  de  l'axe  comprise  entre  les  plans  de 
ces  cercles  est  la  hauteur  de  la  zone. 

On  nomme  segment  sphérique  la  portion  du  vo- 
lume de  la  sphère  comprise  entre  deux  plans 
parallèles  ;  quand  l'un  de  ces  deux  plans  de- 
vient tangent  à  la  sphère,  le  segment  est  dit  à 
U7ie  base. 

On  nomme  secteur  sphérique  le  volume  engendré 
par  un  secteur  de  cercle,  tel  que  EOA,  tournant 
autour  de  OA.  La  calotte  engendrée  par  l'arc  AE 
se  nomme  la  base  du  secteur. 

[H.  Sonnet.] 

CORPS  SIMPLES.  —  Chimie,  IL  —  En  soumet- 
tant à  l'action  des  forces  physiques  ou  chimiques 
les  divers  corps  naturels  ou  artificiels,  les  chimistes 
sont  presque  toujours  arrivés  à  extraire  de  chacun 
d'eux  plusieurs  corps  différents.  On  donne  le  nom 
de  corps  sinif^'les  ou  à.' éléments  à  ceux  qui  ont  jus- 
qu'ici résisté  à  toute  tentative  de  décomposi- 
tion. 

Les  alchimistes  et  les  premiers  chimistes  avaient 
arbitrairement  considéré    comme    éléments   l'air, 
l'eau,  la  terre,  auxquels  ils  avaient  joint  plus  tard 
I  le  soufre,  élément  supposé  des  métaux,  le  mercure, 
!  le  feu  ou  phlogistique.  Ce  sont  les  travaux  de  La- 
voisier  et  de   ses  contemporains  qui   ont  les  pre- 
miers donné  une  idée  précise  des  corps  simples. 
ILavoisier  détermina    la    composition    exacte    des 
chaux  métalliques,    montra  qu'elles    étaient   com- 
posées de  quantités  déterminées,  constantes  pour 
chacune  d'elles,  de  métal  et  d'oxygène,  fit  la  syn- 
thèse  de   l'acide    carbonique,  celle  de  l'eau.    Ni- 
cholson  fit  l'analyse  de  ce  liquide  en  le  faisant  tra- 
verser par  un  courant  électrique,  en  1S0(»,  un  an 
après  la  découverte  de  la  pile  de  Volta. 

Peu  de  temps  après,  Humphry  Davy,  en  opé- 
rant avec  une  puissante  pile  électrique ,  obtint 
la  décomposition  en  oxygène  et  en  métal,  déjà 
prédite  par  Lavoisier,  d'un  grand  nombre  d'autres 
chaux  métalliques,  potasse,   soude,   etc 

Les  premiers  corps  reconnus  simples  turent  les 
sept  métaux  connus  des  anciens,  et  les  métaux  dé- 
couverts du  XV'  au  XVIII*  siècle,  antimoine,  bis- 
muth, zinc,  nickel,  etc.  On  donna  le  nom  très  mal 
choisi  de  métalloïdes  (semblable  aux  métaux)  à 
des  corps  tels  que  le  soufre,  le  carbone,  etc.,  qui 
n'avaient  avec  les  métaux  d'autre  ressemblance  que 
celle  d'être  également  des  corps  simples.  La  divi- 
sion en  métalloïdes  et  en  métaux,  encore  conservée 
aujourd'hui,  n'a  pas  de  bases  scientifiques  bien  so- 
lides. (Voyez  à  ces  deux  mots  la  classification  des 
corps  simples.) 

On  connaît  actuellement  65  éléments;  en  voici 
la  liste  par  ordre  de  découverte  du  corps  simple 
lui-même  ou  du  premier  composé  nettement  re- 
connu : 

33 


CORPS  SIMPLES 


—  514 


COSMOGRAPHIE 


Or 

Argent. . 
Mercure. 
Cuivre  . . 
Fer 


Etain 

Plomb 

Antimoine 

Bismuth 

Zinc 

Carbone. 
Soufre. 

Phosphore 

Bore  (borax) . 

Arsenic 

Cobalt 

Platine 

Nickel 

Sodium 

Potassium 

Calcium 

Silicium 

Aluminium 

Magnésium 

Hyiirogène 

Fluor  (acide  fluorique 

Azote 

Chlore 

Oxygène  

Manganèse 

Baryum 

Molybdène 

Tungstène 

Tellurium 

Uranium 

Zirconium 

Titanium 

Strontium 

Yttrium 

Chromium 

Glycinium 

Tantalum 

Ceriura 

Palladium 

Rhodium 

Iridium 

Osmium 

iode 

Lithium 

Sélénium 

Cadmium 

Brome 

Thorium 

Vanadium 

Lanthanum 

Didymium 

Erbium 

Ruthénium 

Niobium 

Cœsium 

Rubidium 

Thallium 

Indium 

Gallium 

Davyum 


connus  des  Anciens. 


Basile  Valentii 

Agricola 

Paracelse 


Brandt 

Homberg. . 

G.  Brandt. 


Woods .  . . . 
Cronstedt . 


Duhamel.. 
Margraaf. . 
Bergiuann. 

Scheele  . . . 


Cayendish. . 
Scheele  . . . . 
Rutherford  . 
Scheele  . . . , 
Priestley.. . 

Gahu 

Scheele  . . . , 
Uelhuart  . . . 

.Millier 


1490 
1530 
1341 


1669 
1702 

1733 

1741 
1751 

De 

1736 

à 
1758 

1766 
1771 

1772 
1774 
1774 
1774 
1774 
177S 
1781 
1782 


j  Klaprotli 1789 


Gregor 

Hope 

Gadolin 

Yauquclio 

Hatchott 

Klaproth. 

WoUaston 

Collet-Dcscotilzet  Smith- 
son  Tennant 

Courtois 

Arfwedson 

Berzélius 

Stromeycr 

Balard 

Berzélius 

Sefstrœm 


Mosandcr. 


Bunsen 

Crookes 

Reich  et  Richtcr 

Lecoq  de  Boisbaudran. 
Sergius  Kern 


1791 
1793 
1794 
1797 
1798 
1802 
1803 

1803 

1803 

1811 
1817 
1817 
1818 
18-26 
1828 
1830 
1839 
1841 
1843 
1844 
1846 

1859 

1861 
1863 
1877 
1877 


Hypothèse  de  L'unité  de  la  matière.  —  La  dé- 
couverte moderne  de  l'équivalence  dos  diverses 
forces  physiques,  gravitation,  chaleur,  électricité, 
a  conduit  des  penseurs  k  reprendre  l'iiypothèse 
des  alchimistes,  que  les  divers  éléments  pourraient 
bien  être  seulement  des  groupements  atomiques 
différents  d'un  élément  unique.  On  a  cherché  à  in- 
terpréter dans  ce  sens  diverses  expériences.  Ci- 
tons-en deux.  La  première  a  été,  dans  ces  dernier.? 
mois,  mise  en  vive  lumière  par  les  travaux  de 
M.  Lockyer.  Si  l'on  chauffe  un  corps  dans  l'arc  vol- 
taique,  i-"  se  vaporise  en  donnant  une  flamme  co- 
lorée. En  examinant  cette  flamme  au  spectroscope 
(V.  Réfractio7i),  on  la  voit  décomposée  en  raies  lu- 
mineuses de  positions  parfaitement  déterminées, 
ayant  des  longueurs  d'onde  mesurables.  Si  l'on 
opère  sous  une  très  faible  pression,  l'arc  lumineux 
s'étend.  Or,  pour  un  même  corps  réputé  simple, 
les  raies  lumineuses  varient  en  nombre,  en  lon- 
gueur, en  largeur  dans  diverses  régions  de  l'arc. 
On  en  conclurait  à  l'existence,  au  sein  du  corps 


simple,  d'éléments  différents  qui  se  séparent  dans 
ces  circonstances  spéciales. 

D  autre  part  (seconde  expérience),  si  la  pres- 
sion de  la  masse  gazeuse  rendue  brillante  par  l'ac- 
tion électrique  augmente,  les  raies  s'élargissent, 
et  l'on  peut  calculer  la  pression  à  laquelle,  si  l-'»  lui 
demeurait  constante,  le  gaz  donnerait  comme  •  les 
liquides  et  les  solides  un  spectre  continu,  le  même 
pour  tous  les  corps.  Cette  expiM-ience  conduirait 
à  admettre  la  possibilité  de  conditions  spéciales  de 
température,  de  pression,  etc.,  où  tous  les  corps 
deviendraient  identiques. 

Remarquons  bien  que,  jusqu'à  présent,  l'unitc 
de  la  matière  n'est  qu'une  hypothèse  propre  à  in- 
spirer des  recherches,  une  hypot/tèse  de  travail, 
qu'il  faut  bien  se  garder  de  considérer  comme  une 
vérité  déjà  démontrée,  ou  démontrable  à  courte 
échéance,  ou  même  simplement  probable. 

[P.  Robin.] 

COSMOGRAPHIE.  —  D'après  l'étymologie  [kos- 
mos,  monde,  et  graphô,  décrire),  ce  mot  signifie 
description  du  monde  ou  de  l'univers.  La  cosmo- 
graphie a  donc  en  vue  le  même  objet  que  l'astrono- 
mie; mais  c'est  la  partie  purement  descriptive  de 
cette  science.  L'Encyclopédie  du  dix-huitième  siècle 
définit  la  cosmographie:  «  la  science  qui  enseigne  la 
construction,  la  figure,  la  disposition  et  le  rapport 
de  toutes  les  parties  qui  composent  l'univers.  » 
D'après  Littré,  «  un  cours  de  cosmographie  est 
l'étude  des  mouvements  des  corps  cosmiques, 
abstraction  faite  de  tous  les  calculs.  » 

La  cosmographie  doit  être  distinguée  de  la  cos- 
mologie, qui  étudie  les  lois  générales  gouvernant 
le  monde  physique  et  particulièrement  celles  des 
mouvements  des  corps  célestes,  et  qui  constitue  la 
partie  théorique  de  l'astronomie.  A  fortiori  doit- 
elle  être  distinguée  de  la  cosmogonie,  en  entendant 
par  là  cette  branche  encore  bien  peu  avancée  de  la 
P/iysique  céleste,  qui  a  pour  objet  les  modes  de 
formation  et  l'histoire  des  développements  des 
astres.  Ces  distinctions  sont  importantes  pour  l'in- 
telligence des  programmes  de  cosmographie,  d'où 
l'on  doit  éliminer  toutes  les  parties  de  l'astronomie 
qui  regardent  la  démonstration  mathématique  des 
lois,  les  méthodes  d'observation  et  tout  l'attirail  des 
formules  nécessaires  à  l'astronome  de  profession. 

Nous  définirons  donc  simplement  la  cosmogra- 
phie en  disant  que  c'est  Vustronomie  descriptive. 

Mais  la  description  des  phénomènes  célestes 
peut  et  doit  s'entendre  de  deux  manières,  soit  que 
l'on  ait  en  vue  les  phénomènes  apparents,  les 
mouvements  que  constate  la  simple  observation, 
soit  que  l'on  considère  les  mouvements  réels,  tels 
que  la  science  est  arrivée  à  les  démêler  à  travers 
les  complications  des  apparences.  L'explication 
raisonnée  de  ces  deux  ordres  de  phénomènes  est 
en  réalité  le  but  propre  que  doit  se  proposer  l'ins- 
tituteur,   en  faisant   un   cours  de   cosmographie. 

Un  tel  cours,  d'ailleurs,  comporte  un  programme 
plus  ou  moins  étendu,  plus  ou  moins  complet,  sui- 
vant le  degré  d'instruction  préalable  des  élèves 
auxquels  il  est  destiné,  suivant  le  degré  d'initia- 
tion aux  connaissances  astronomiques  où  le  pro- 
fesseur veut  conduire  ses  élèves  ;  nous  nous  bor- 
nerons ici  à  considérer  trois  de  ces  degrés  : 

Le  premier  correspondant  à  un  cours  de  cosmo- 
graphie à  l'usage  des  éco  es  primaires  ; 

Le  second  à  un  cours  de  cosmographie  pour  les 
élèves  des  écoles  primaires  supérieures,  ou  encore 
pour  les  élèves  des  écoles  d'enseignement  spécial 
ou  professionnel  ; 

Le  troisième  enfin,  à  un  cours  de  cosmographie 
pour  les  élèves  des  lycées  ou  des  collèges  qui  se 
destinent  aux  écoles  scientifiques,  ou  au  baccalau- 
réat es  sciences. 

D'ailleurs,  nous  n'entrerons  dans  quelques  dé- 
tails que  pour  les  programmes  des  deux  premiers 
degrés.  Il  est  inutile  d'expliquer  la  raison  de  cette 


COSMOGRAPHIE 


—  515 


COSMOGRAPHIE 


préférence  :  le  but  que  se  propose  le  Dictionnaire 
de  Pé'/agogie  l'indique  suffisamment. 

Met /iodes  d' exposition.  —  L'ordre  dans  lequel 
doivent  se  classer  et  se  subdiviser  les  matières 
d'un  cours  de  cosmographie  dépend  de  la  métbode 
qu'adoptera  le  professeur  :  cela  va  de  soi.  Mais  ici 
il  nous  semble  à  peu  près  indifférent  d'adopter 
Fune  ou  l'autre  des  deux  principales  méthodes 
d'exposition,  à  savoir  la  méthode  syyithétique  ou  la 
méthode  analytique.  Entrons  dans  quelques  dé- 
tails sur  cliacune  d'elles. 

Par  méthode  synthétique,  nous  entendons  celle 
qui  procède  de  "la  réalité  aux  apparences  et  de 
l'ensemble  aux  détails.  La  science  astronomique  est 
aujourd  hui  parvenue  à  une  connaissance  suffisam- 
ment complète  de  l'univers,  de  l'étendue  et  de  la 
disposition  de  ses  diverses  parties,  pour  qu'il  soit 
possible  de  le  décrire  clairement  tel  qu'il  est,  dans 
ses  deux  parties  essentielles  :  d'une  part,  l'univers 
sidéral,  comprenant  la  multitude  indéfinie  des 
étoiles,  des  étoiles  isolées  qui  sont  autant  de  so- 
leils semblables  à  notre  Soleil,  comme  des  étoiles 
réunies  en  groupes,  formant  des  amas  oti  nébu- 
leuses stellaires  :  comprenant  aussi  la  grande  ag- 
glomération connue  sous  le  nom  de  Voie  Lactée, 
dont  notre  Soleil  est  une  étoile  composante.  Tous 
les  astres  qui  composent  le  monde  sidéral,  ou,  si 
l'on  veut,  l'univers  même,  ont  pour  la  Terre  un 
caractère  commun,  qui  est  celui  d'une  fixité  appa- 
rente. Tous  paraissent  immobiles,  à  cause  de  l'im- 
mensité des  distances  qui  les  séparent  de  notre 
monde. 

11  est  donc  permis  de  commencer  le  cours  de 
cosmographie  par  une  description  des  phénomènes 
célestes  propres  à  l'univers  sidéral. 

De  là,  on  arrive  à  l'autre  partie  du  cours,  à  celle 
<îui  a  pour  objet  la  région  du  ciel  où  se  trouve  no- 
tre globe,  le  groupe  particulier  de  corps  célestes 
dont  ce  globe  fait  partie,  et  qui  a  le  Soleil  lui-même 
comme  centre  ou  foyer  de  tous  les  mouvements 
de  ces  corps.  C'est  le  monde  solaire,  que  le  pro- 
fesseur décrira  d'abord  (en  suivant  toujours  la 
même  méthode/  dans  son  ensemble,  faisant  l'énn- 
mération  des  planètes  et  de  leurs  satellites,  de 
leurs  doubles  mouvements  de  rotation  et  de  révo- 
lution, puis  passant  aux  comètes  qui  sont  en 
grande  partie  de  simples  satellites  du  Soleil. 

Appliquant  à  la  Terre  môme  les  notions  géné- 
rales acquises  dans  cette  description  préalable  du 
monde  planétaire,  le  professeur  abordera  enfin, 
avec  des  détails  plus  complets,  tout  ce  qui  est  par- 
ticulier à  la  Terre  considérée  comme  planète.  i;e 
ses  mouvements  réels  de  rotation  et  de  translation 
il  remontera  à  l'explication  raisonnée  des  mouve- 
ments apparents  qui  en  sont  la  conséquence  ;  il 
expliquera  le  mouvement  diurne  des  étoiles  et  des 
autres  astres,  la  succession  des  jours  et  des  nuits, 
les  variations  de  durée  de  ces  phénomènes,  le 
mouvement  apparent  annuel  du  Soleil,  et  enfin  la 
succession  des  saisons.  De  même,  il  rendra  compte 
des  phases  de  la  Lune,  des  éclipses,  des. stations 
et  rétrogradations  des  planètes,  etc. 

Ce  qui  précède  suffit  à  montrer  quelle  est  la 
marche  à  suivre,  si  l'on  veut  employer  la  méthode 
synthétique  pour  développer  le  cours  de  cosmo- 
graphie. Cette  méthode  a  certainement  ses  avan- 
tages, en  ce  sens  qu'elle  permet  de  graver  dans 
l'esprit  des  élèves  le  tableau  d'ensemble  de  l'Uni- 
vers, et  qu'elle  résume  plus  clairement  pour  eux 
les  connaissances  acquises  en  astronomie  ;  mais 
elle  développe  moins  bien  que  la  méthode  analyti- 
que, dont  nous  allons  parler,  l'esprit  de  recherche 
et  d'investigation  qui  est  proprement  l'esprit 
scientifique.  A  notre  sens,  elle  serait  surtout  ap- 
plicable au  cours  du  degré  le  plus  élémentaire, 
suivi  par  des  élèves  qui  n'auraient  que  des  notions 
très  simples  de  géométrie. 

La  seconde  méthode  suit  une  marche  absolument 


inverse.  Elle  part  des  phénomènes  apparents 
pour  arriver  îi  la  conception  de  l'ordre  réel  tel  qu'il 
a  fini  par  être  deviné,  conçu,  puis  démontré.  Le  mou- 
vement apparent  diurne,  d'Orient  en  Occident,  le 
mouvement  opposé  du  Soleil,  ceux  de  la  Lune 
et  des  planètes,  leurs  stations  et  rétrograda- 
tions, etc.,  seront  les  points  de  départ  de  chacun 
des  chapitres  du  cours.  Par  conséquent,  c'est  la 
Terre  considérée  comme  planète  qui  sera  décrite 
la  première  ;  le  jour  sidéral  et  le  jour  solaire,  la 
succès-ion  et  la  variation  des  jours  et  des  nuits, 
des  saisons,  de  l'année,  devront  être  successive- 
ment définis,  puis  expliqués  par  la  rotation  réelle 
de  notre  globe  sur  son  axe,  par  sa  révolution  an- 
nuelle autour  du  Soleil  et  par  la  combinaison  de  ses 
deux  mouvements.  Même  marche  à  suivre  pour 
les  phénomènes  lunaires  et  pour  leur  explication. 

De  la  Terre,  le  professeur  passera  aux  autres 
planètes,  à  leurs  satellites,  aux  comètes,  puis  au 
Soleil  lui-même. 

Le  monde  solaire  décrit,  ce  sera  le  tour  des 
astres  fixes,  dont  il  n'y  avait  eu  lieu  jusqu'ici  de 
s'occuper  que  comme  des  points  de  repère  néces- 
saires à  l'étude  des  mouvements  de  la  Terre  et 
des  planètes. 

Nous  abrégeons  l'exposé  de  cette  seconde  mé- 
thode, qui  est  celle  généralement  adoptée  pour  les 
programmes  de  cosmographie  des  écoles  et  des 
lycées,  et  nous  abordons  la  question  du  contenu  de 
ces  programmes  eux-mêmes,  de  leur  étendue  et 
de  leur  degré  de  rigueur  démonstrative. 

Mais  auparavant,  nous  ferons  une  réflexion  qui 
nous  paraît  devoir  s'appliquer  aux  uns  et  aux  au- 
tres, et  en  tout  cas  aux  deux  premiers  degrés  : 
c'est  que  la  cosmographie,  telle  qu'il  s'agit  de 
l'enseigner  à  la  grande  généralité  des  élèves,  doit 
être  surtout  considérée  comme  une  introduction 
à  l'étude  de  la  géographie.  Pour  les  élèves  seuls 
qui  se  destinent  aux  écoles  savantes,  elle  peut 
dépasser  les  bornes  d'une  telle  adaptation,  et  former 
les  préliminaires  d'un  cours  d'astronomie. 

Premier  degré.  Cosmographie  des  écoles  primai- 
res. —  Cinq  ou  six  leçons  doivent  suffire  à  l'exposé 
des  notions  du  cours  le  plus  élémentaire.  Voici, 
selon  nous,  quelles  devraient  en  être  la  substance 
et  les  divisions  principales  : 

r*  leçon.  —  Le  ciel  étoile.  Mouvement  diurne. 
Lever  et  coucher  des  étoiles.  Lever  et  coucher  du 
Soleil  et  de  la  Lune.  Mouvement  de  rotation  de  la 
Terre. 

2'  leçon.  —  Mouvement  apparent  du  Soleil  parmi 
les  étoiles.  Jour  sidéral  et  jour  solaire.  La  Terre  se 
meut  autour  du  Soleil  en  une  année.  Les  saisons. 

3'  leçon.  —  Jlouvement  et  phases  de  la  Lune.  La 
Lune  se  meut  autour  de  la  Terre.  Explication  des 
éclipses  de  Lune  et  des  éclipses  de  Soleil. 

4'  leçon.  —  Les  planètes.  Distinction  des  pla- 
nètes et  des  étoiles.  Les  planètes  circulent  comme 
la  Terre  autour  du  Soleil  ;  leurs  satellites.  Les  co- 
mètes. Le  monde  solaire. 

5°  leçon.  —  Les  constellations.  Les  étoiles  sont 
des  soleils,  ou  le  Soleil  est  une  étoile.  Distances 
des  étoiles. 

6^  leçon.  —  Notions  sur  les  étoiles  doubles,  sur 
les  amas  stellaires,  les  nébuleuses,  la  voie  lactée. 

Il  est  bien  évident  que  ce  programme  ne  fait 
qu'indiquer  la  matière  des  leçons,  la  disposition 
du  cours,  et  qu'il  peut  et  doit  être  complété  par 
des  détails  sur  la  constitution  physique  desastres, 
611  insistant  sur  la  similitude  des  planètes  entre 
elles  et  avec  la  Terre,  sur  celle  du  Soleil  et  des 
étoiles,  et  en  entrant  au  besoin  dans  quelques  dé- 
veloppements sur  les  astres  les  plus  connus,  les 
montagnes  do  la  Lune,  les  terres  et  les  mers  de 
Mars,  l'anneau  de  Saturne,  la  composition  du 
Soleil,  de  façon  à  piquer  la  curiosité  des  élèves.  Le 
professeur  étendra  ou  restreindra  ce  programme 
en  raison  de  l'intelligence  ou  du  degré  d'instruc- 


COSMOGRAPHIE 


—  516 


COSMOGRAPHIE 


tion  des  enfants.  Ceux  d'entre  eux  rjui  auraient 
des  connaissances  suffisantes  e*n  aritlimétiriue  et 
en  géomctiie  pourraient  aller  jusqu'à  l'exposé  des 
lois  de  Kepler,  à  des  notions  très  simples  sur  la 
gravitation  et  les  marées.  Il  est  plus  facile,  en  pa- 
reille matière,  d'étendre  les  programmes,  que  de 
les  maintenir  dans  les  bornes  de  l'intelligible.  Il 
faut  s'arrêter  là  où  l'esprit  de  l'enfant  ne  voit  plus 
clairement  ce  qu'on  lui  enseigne. 

Deuxième  d'ogre.  Cosmographie  des  écoles  pri- 
'•■fiires  supérieures.  —  Dans  ce  cours,  le  pro- 
gramme comportera  un  plus  grand  nombre  de 
leçons  et  un  exposé  plus  détaillé,  plus  complet 
des  notions  de  cosmographie.  On  peut  le  rédiger 
en  une  douzaine  de  leçons  dont  l'ordre  serait, 
|.ar  exemple,  celui  que  nous  allons  indiquer  : 

re  leçon.  —  Mouvement  diurne  et  rotation  de 
la  terre.  Notions  sur  la  forme  sphéroidale  du 
globe  terrestre  et  sur  les  mesures  géodésiques  des 
méridiens.  Aplatissement  des  pôles.  Dimensions 
de  la  Terre. 

'2^  leçon.  —  Preuves  du  mouvement  de  rotation. 
Jour  sidéral.  Cooidonnéeséquatoriales  des  étoiles. 
Longitudes   et  latitudes   des  lieux  géographiques. 

3'  leçon.  —  3Iouvement  propre  apparent  du 
Soleil.  Mouvement  annuel  de  translation  de  la 
'l'erre.  Orbite  terrestre.  Inclinaison  et  parallélisme 
de  l'axe  terrestre.  Inégalité  des  jours  solaires. 
Jour  et  temps  moyens.  L'année. 

4^  leçon.  —  Variations  de  durée  des  jours  e- 
des  nuits  aux  différentes  latitudes.  Les  saisons. 
La  précession  des  oquinoxes.  —  Pour  ces  quatre 
premières  leçons,  V.  Terre,  Jour,  Année,  Saisons, 
Calendrier,  Latitude  et  Longitude. 

b"  leçon.  —  La  Lune,  satellite  de  la  Terre.  Mou- 
vement apparent  et  phases.  Mouvement  réel  et 
orbite  de  la  Lune.  Explication  des  phases.  Phéno- 
mènes des  éclipses  de  Lune  et  de  Soleil.  — 
V.  Lune,  Eclipse. 

C°  leçon.  —  Le  Soleil.  Distance  et  dimensions. 
Mouvement  de  rotation.  Notions  sur  les  taches, 
les  protubérances,  l'atmosphère  et  la  constitution 
physique  et  chimique  du  Soleil.  —  V.  Soleil. 

7'  leçon.  —  Les  planètes.  Leurs  mouvements 
propres,  stations  et  rétrogradations.  Orbites  des 
planètes,  et  lois  de  Kepler.  Notions  sur  la  con- 
stitution physique  des  planètes  principales.  Hypo- 
thèse de  Laplace.  —  V.  Planètes,  Terre. 

8*  leçon.  —  Les  comètes.  Orbites  cométaires. 
Comètes  périodiques.  Étoiles  filantes  et  bolides. 
Lumière  zodiacale.  —  V.  Comètes,  Aérolithes. 

9'  leçon.  —  Le  ciel  étoile.  Les  constellations. 
Nombre  des  étoiles  de  diverses  grandeurs.  Fixité 
apparente  des  étoiles.  —  V.  Etoiles. 

10"  leçon.  —  Distances  des  étoiles.  Les  étoiles 
sont  des  soleils.  Constitution  physique  des  étoiles. 
Étoiles  doubles,  multiples,  variables.  —  V.  Étoiles. 

11<=  leçon.  —  Amas  stellaires  et  nél)uleuses. 
Voie  lactée.  Notions  sur  la  structure  de  l'univers. 
—  V.  Étoiles,  Soleil,  Terre. 

l'}"  leçon.  —  Motions  sur  la  gravitation  et  son 
identité  avec  la  pesanteur.  Marées.  Applications 
de  l'astronomie  au  calendrier,  ;\  la  naviiration.  Ca- 
drans solaires.  —  \.  Attraction,  Marée,  Calendrier, 
Navigation,  Cadran  solaire. 

Poui-  toutes  les  leçons,  consulter  en  outre  l'ar- 
ticle général  Astronomie. 

Ce  programme  renferme  tout  ce  qu'on  peut 
regarder  comme  étant  du  domaine  de  l'astronomie 
descriptive,  de  sorte  qu'il  pourrait  également 
servir  au  cours  de  troisième  degré.  La  différence 
n'est  pas  tant  dans  la  matière  même  que  dans  le 
plus  ou  moins  de  rigueur  de  l'exposé  ou  des  mé- 
thodes de  démonstration. 

Il  nous  reste  maintenant  à  insister  précisément 
sur  les  méthodes  d'exposition  des  deux  program- 
mes tracés  plus  haut,  ainsi  que  sur  les  pro- 
cédés auxiliaires  propres   à  faciliter  la  tâche  du 


maître  et  à  rendre  plus  accessible  aux  élèves  l'irî 
telligence  de  leurs  diverses  parties.  On  peut  ran- 
ger ces  modes  d'exposition  ou  de  démonstration 
en  trois  catégories,  susceptibles  d'être  employées 
séparément  et  successivement  ou  simultanément  : 
1"  les  observations;  2"  les  dessins  et  cartes  ou 
atlas  cosmographiques  ;  3°  les  appareils  méca- 
niques. 

1.  Observations.  —  Le  professeur,  surtout  dans 
le  cours  élémentaire,  devra  avoir,  le  plus  souvent 
possible,  recours  aux  observations  directes.  Nous 
allons  en  donner  quelques  exemples. 

Rien  de  plus  simple  que  de  faire  observer  au.x 
enfants  le  mouvement  diurne  des  étoiles,  celui  du 
Soleil  ou  de  la  Lune,  de  faire  remarquer,  outre  le 
lever  et  le  coucher  des  astres,  les  cercles  de  plus 
en  plus  grands  qu'ils  décrivent  à  mesure  qu'ils  ap- 
prochent de  la  zone  circumpolaire  ;  de  faire  voir 
que,  dans  cette  zone,  les  étoiles  ne  se  lèvent  ni  ne 
se  couchent  jamais,  de  faire  remarquer  enfin  l'im- 
mobilité de  l'étoile  polaire.  Ces  observations,  fai- 
tes parles  belles  nuits  d'été,  seront  autant  d'occa- 
sions de  noter  les  constellations  principales  et  les 
étoiles  les  plus  remarquables.  Le  professeur  insis- 
tera sur  le  fait  que  les  étoiles  ne  se  lèvent  ni  ne 
se  couchent  aux  mêmes  heures  aux  époques  suc- 
cessives de  l'année,  de  sorte  que  l'aspect  du  ciel 
étoile  varie  d'un  jour  à  l'autre  :  c'est  ce  qui  dé- 
montre et  le  mouvement  apparent  du  Soleil  et  le 
mouvement  réel  de  translation  de  la  Terre.  Le 
mouvement  beaucoup  plus  rapide  de  la  Lune  s'ob- 
servera d'une  nuit  à  l'autre  ou  encore  dans  la  même 
nuit. 

L'observation  des  phases  lunaires,  de  la  position 
de  la  Lune  par  rapport  au  Soleil  et  à  la  Terre, 
pourra  se  faire  avec  la  même  facilité  et  frappera 
l'esprit  des  enfants  plus  que  les  figures  de  géomé- 
trie. 

Les  phénomènes  des  éclipses  seront  aussi  parmi 
ceux  que  le  maître  ne  manquera  point  de  faire  ob- 
server si  l'occasion  s'en  présente.  S'il  possède  une 
lunette  d'approche,  une  simple  longue-vue,  il  pourra 
faire  voir  la  configuration  du  globe  de  la  Lune,  les 
trous  ou  cratères,  les  ombres  de  ses  montagnes, 
et  même,  si  le  grossissement  est  suffisant,  les  sa- 
tellites de  Jupiter,  l'anneau  de  Saturne. 

La  variation  des  hauteurs  méridiennes  du  Soleil 
sera,  parmi  les  phénomènes  astronomiques,  un 
des  plus  importants  à  faire  observer,  sauf  à  en  de- 
mander l'explication  à  d'autres  procédés. 

Il  est  bien  entendu  que  ces  simples  observations, 
que  nous  recommandons  aux  instituteurs  primai- 
res, ne  seraient  pas  moins  fructueuses  pour  les 
cours  supérieurs.  Ici,  seulement,  les  autres  moyens 
sont  plus  nombreux,  plus  complets,  plus  à  la  por- 
tée des  professeurs  et  des  élèves. 

2.  Cartes,  dessins,  ntlns.  —  Une  carte,  à  grande 
échelle,  des  deux  hémisphères  célestes  :  un  pla- 
nisphère donnant  les  constellations  visibles  sur 
l'horizon  de  Paris  ;  une  carte  du  système  des  orbi- 
tes des  planètes  et  des  comètes,  et  une  série  de 
dessins  représentant  l'aspect  des  printipaux  corps 
célestes  et  les  détails  télescopiques,  quelques  co- 
mètes, amas  stellaires  et  nébuleuses,  suffiraient  am- 
plement à  aider  l'intelligence  des  descriptions  du 
maître.  Pour  les  cours  plus  élevés,  il  y  aurait  lieu 
de  dresser  des  atlas  astronomiques  plus  complets. 
Ola  manque  en  France  ;  mais,  en  Angleterre,  en 
Allemagne,  aux  Etats-Unis,  des  atlas  de  ce  genre 
existent,  tandis  que  c'est  à  peine  si,  en  France,  on 
trouve,  au  début  des  atlas  géographiques,  quelques 
représentations  imparfaites  des  phénomènes  céles- 
tes. La  voie  est  ouverte  dans  ce  sens,  cependant, 
et  nous  nous  sommes  efforcé  d'y  contribuer  pour 
notre  part. 

3.  Appareils  cosmographiques.  —  Nous  compre- 
nons, sous  cette  rubrique,  tous- les  moyens  maté- 
riels  de  représentation  des  phénomènes  célestes, 


COSMOGRAPHIE 


—  517 


COULEUR 


tous  les  moyens  mécaniques  ayant  pour  objet  l'ex- 
plication des  mouvements  apparents  et  réels  des 
astres. 

Les  globes  célestes  et  terrestres  sont  au  nombre 
de  ces  moyens.  Tout  le  monde  les  connaît,  si  tout 
le  monde  ne  sait  pas  en  tirer  tout  le  profit  possi- 
ble. Ceci  est  l'affaire  des  maîtres. 

Quant  aux  appareils  mécaniques,  ils  sont  assez 
nombreux,  et  on  ne  peut  guère  leur  reprocher  que 
d'être,  par  leur  prix,  assez  difficilement  accessibles 
aux  écoles,  surtout  aux  écoles  primaires.  On  peut 
y  suppléer  par  des  moyens  fort  simples. 

Avec  une  lampe  munie  de  son  globe  qui  figure 
le  Soleil,  deux  boules  d'inégales  grosseurs,  repré- 
sentant la  Terre  et  la  Lune,  quelques  autres  boules 
figurant  les  planètes,  on  peut  aisément  faire  com- 
prendre aux  enfants  les  plus  importants  des  phé- 
nomènes dont  la  description  fait  l'objet  d'un  cours 
de  cosmographie. 
Quoi  de  plus  simple  que  d'expliquer  ainsi  : 
1"  Le  mouvement  de  rotation  de  la  Terre  sur  son 
axe  et  la  succession  du  jour  et  de  la  nuit,  le  mou- 
vement apparent  diurne  des  étoiles,  la  division  du 
ciel  étoile  en  zones  circumpolaires,  où  les  étoiles 
ne  se  lèvent  ni  ne  se  couchent,  et  zones  équato- 
riales,  où  elles  décrivent  des  portions  croissantes 
ou  décroissantes  de  leur  cercle  diurne  ; 

2"  L'égalité  du  jour  et  de  la  nuit  aux  deux  équi- 
noxes,  et  les  inégalités  croissantes  ou  décroissan- 
tes du  jour  et  de  la  nuit,  selon  les  latitudes,  et 
aux  diverses  époques  de  l'année  ;  tout  cela  résultant 
de  la  position  inclinée  de  l'axe  terrestre  sur  l'or- 
bite ou  sur  l'écliptique,  ainsi  que  de  son  parallé- 
lisme dans  tout  le  cours  de  la  révolution.  En  pro- 
menant la  boule  qui  représente  la  Terre  autour 
d'une  table  ronde  ou  ovale,  ayant  la  lampe  Soleil 
à  son  centre  ou  à  son  foyer,  et  en  arrêtant  la  pre- 
mière dans  diverses  positions  principales,  la  dé- 
monstration sera  aussi  claire  que  possible  ; 

;jo  Les  phénomènes  des  éclipses  de  Lune  et  de 
Soleil,  la  raison  pour  laquelle  les  éclipses  ne  peu- 
vent avoir  lieu  à  chaque  lunaison,  les  particularités 
des  éclipses  totales  ou  partielles  et  même  des  éclip- 
ses annulaires  de  Soleil. 

On  a  construit,  à  diverses  époques,  en  France 
et  à  l'étranger,  des  appareils  mécaniques  ayant 
pour  objet  la  représentation  et  l'explication  des 
mouvements  de  la  Terre,  de  la  Lune  et  des  planè- 
tes. Il  existe  des  spécimens  fort  intéressants  de  ce 
genre  dans  les  musées,  notamment  au  Conserva- 
toire des  arts  et  métiers  ;  mais,  tout  ingénieux  que 
soient  ces  appareils  (il  en  est  dont  les  mouvements 
sont  réglés  par  des  rouages  d'horlogerie),  ils  ont 
le  grave  inconvénient  d'être  fort  coûteux.  Un  pla- 
nétaire, construit  par  MM.  Lerebours  et  Secre- 
tan,  ne  coûte  pas  moins  de  350  francs.  Les  plané- 
taires de  J.  Felkl,  à  Rostock,  coûtent  de  30  à  :200  flo- 
rins. Ceux  de  E.  Schott,  h  Vienne,  valent  de  22  à 
(jô  thalers.  Les  appareils  nommés  Tellurien  et  Lu- 
narien,  se  bornant  à  la  représentation  des  mou- 
vements de  la  terre  et  de  la  lune,  sont  cotés  de 
€  à  34  thalers.  Tous  ces  prix  sont  inabordables 
pour  la  plupart  de  nos  écoles.  Nous  en  citerons, 
on  France,  de  plus  accessibles  et  qui  ont  été 
faits  spécialement  en  vue  de  l'enseignement 
dans  les  lycées  et  les  collèges  :  tels  sont  ceux 
de  M.  Henri  Robert.  11  est  à  désirer  que  nos  édi- 
teurs et  constructeurs  résolvent,  dans  la  fabrica- 
tion de  ces  procédés  matériels,  après  tout  fort 
utiles,  le  problème  de  la  simplicité  et  du  bon 
marché,  unis  h  la  rigueur  et  à  l'exactitude  des 
représentations  des  pliénomènes. 

En  attendant,  c'est  aux  professeurs,  aux  institu- 
teurs à  suppléer  à  cette  lacune  du  matériel  de  notre 
enseignement;  nous  avons  essayé  de  leur  donner^ 
dans  cet  article,  une  idée  des  moyens  qu'ils  pour- 
ront mettre  en  œuvre  dans  ce  but.  Le  jour  où  la 
cosmographie  sera  sérieusement  enseignée,  où  des 


cours  gradués,  depuis  le  plus  élémentaire  jusqu'à 
celui  des  lycées,  initieront  progressivement  nos 
enfants  à  ces  connaissances  si  importantes,  les  mé- 
thodes se  perfectionneront  de  plus  en  plus,  les  li- 
vres écrits  sur  ce  sujet  s'amélioreront  pareillement, 
et  les  moyens,  procédés,  appareils  de  démonstration 
ne  manqueront  plus.  [Amédée  Guillemin.j 

COTOX.  —  V.  Textiles  (Plantes). 

COTYLÉDON.  —  'V.   Tige. 

COULEUR.  —  Physique,  XXXL  —  La  couleur 
est  l'impression  produite  sur  l'organe  de  la  vue 
par  la  lumière  qu'envoient  les  corps  lumineux  et 
par  celle  que  réfléchissent  ou  diffusent  les  corps 
éclairés  et  dont  les  teintes  varient  avec  l'état  de 
la  surface  et  la  nature  des  substances  réfléchis- 
santes. Ce  mot  exprime  donc  à  la  fois  les  qualités 
particulières  qui  distinguent  les  rayons  lumineux, 
et  la  propriété  des  corps  de  renvoyer  telle  ou  telle 
espèce  des  rayons  qui  les  ont  frappés,  tout  aussi 
bien  que  la  sensation  spéciale  produite  dans  l'oeil 
par  chacun  d'eux. 

C'est  à  Newton  que  l'on  doit  les  premières  étu- 
des précises  sur  les  colorations  si  diverses  que  les 
différents  objets  donnent  à  la  lumière.  Il  a  le  pre- 
mier montré  que  la  lumière  blanche  n'est  pas, 
comme  on  le  croyait  avant  lui,  simple  et  indivi- 
sible, mais  qu'elle  s'analyse  par  réfraction  *  dans 
un  prisme  et  présente  sept  couleurs  :  violet,  in- 
digo, bleu,  vert,  jaune,  orangé,  rouge,  fondues  les 
unes  dans  les  autres,  différentes  par  leur  réfran- 
gibilité,  indécomposables,  mais  capables  par  leur 
mélange  de  reproduire  le  blanc.  Il  a  appelé  cou- 
leurs simples  ces  sept  couleurs  apparentes  dans  le 
spectre  solaire  et  dans  celui  des  principales  sour- 
ces lumineuses  artificielles  ;  couleurs  composées, 
celles  qui  résultent  de  leur  mélange  en  proportions 
diverses  ;  couleurs  complémentaires,  celles  dont  la 
réunion  produit  du  blanc. 

La  décomposition  par  le  prisme  de  la  luinière 
solaire  donne  la  raison  des  brillants  météores  que 
l'on  remarque  parfois  dans  l'atmosphère  et  dont 
la  cause  a  été  si  longtemps  inconnue.  Les  rayons 
du  soleil,  en  pénétrant  dans  les  fines  vésicules 
d'eau  des  nuages  qui  se  résolvent  en  pluie,  s'y 
décomposent,  s'y  réfléchissent  et  donnent  lieu  aux 
arcs-en-ciel  aux  riches  couleurs  disposées  comme 
celles  que  l'on  obtient  par  le  prisme  dans  une 
chambre  obscure. 

Les  diverses  sources  lumineuses  artificielles  s'a- 
nalysent avec  autant  de  facilité  et  décèlent  aussi 
les  qualités  spéciales  de  leurs  rayons.  On  y  trouve 
toutes  les  nuances  du  spectre  solaire,  mais  avec 
des  différences  marquées  dans  les  intensités  et 
les  proportions  relatives.  La  flamme  d'un  bec  de 
gaz  ou  d'une  bougie  émet  en  abondance  des  rayons 
rouges,  orangés  et  jaunes,  peu  de  bleus  et  de  vio- 
lets. La  flamme  du  magnésium,  au  contraire,  pro- 
duit une  lumière  remarquable  par  l'abondance  des 
rayons  les  plus  réfrangibles.  Considérées  isolément, 
toutes  ces  sources  apparaissent  blanches  ;  mais 
quand  on  les  compare  à  la  lumière  du  soleil,  elles 
apparaissent  avec  la  couleur  qui  domine  dans  cha- 
cune d'elles.  Cette  couleur  dominante  dans  une 
lumière  artificielle  est  aussi  celle  qui  domine  dans 
le  spectre  que  l'on  obtient  en  la  regardant  avec  un 
prisme  :  les  flammes  rouges,  jaunes,  vertes  ou 
bleues  donnent  des  spectres  où  la  couleur  princi- 
pale est  le  rouge,  le  jaune,  le  vert  ou  le  bleu. 

L'analyse  prismatique  s'applique  également  à 
l'étude  de  la  lumière  réfléchie  ou  transmise  par 
les  corps  éclairés.  L'expérience  a  montré  que  cette 
lumière  est  formée  d'un  plus  ou  moins  grand 
nombre  de  couleurs  simples,  lors  même  quf  les 
rayons  éclairants  appartiennent  à  la  lumière  blan- 
che ou  à  l'un  quelconque  des  rayons  du  spectre. 
Los  corps  colorés  modifient  donc  la  couleur  de  la 
lumière  ;  et  les  phénomènes  produits  sont  assez 
nombreux  et  divers  pour  qu'il  soit  utile  de  mettre 


COULEUR 


—  518  — 


COULEUR 


un  peu  de  clarté  dans  leur  étude  et  d'examiner 
d'abord  le  passage  de  la  lumière  dans  les  corps 
transparents,  puis  le  renvoi  des  rayons  lumineux 
par  les  corps  opaques. 

La  lumière  transmise  par  un  corps  transparent 
ne  l'est  jamais  intégralement;  chaque  corps  exerce 
une  action  élective  sur  telle  ou  telle  région  du 
spectre,  laisse  passer  certains  rayons  et  arrête  les 
autres.  Un  verre  rouge  doit  sa  couleur  spéciale  à 
ce  qu'il  laisse  passer  tous  les  rayons  rouges  et  ab- 
sorbe la  plus  grande  partie  des  autres.  Un  second 
verre  rouge  placé  à  la  suite  d'un  premier  n'ab- 
sorbe qu'une  très  faible  portion  de  la  lumière  qu'il 
reçoit,  parce  que  le  premier  a  arrêté  à  peu  près 
tout  ce  que  le  second  est  incapable  de  transmettre. 
11  résulte  de  cette  expérience  quun  milieu  coloré 
d'une  épaisseur  suffisante  ne  doit  laisser  passer 
qu'une  seule  des  couleurs  du  spectre,  la  sienne 
propre;  et  qu'il  peut  dès  lors  servir  à  obtenir  une 
lumière  simple  ou  monochromatique. 

Un  milieu  transparent  incolore  est  celui  qui 
laisse  passer,  dans  les  mêmes  proportions,  toutes 
les  espèces  de  rayons  colorés  ;  la  lumière  blanche 
qui  y  pénètre  en  sort  blanche. 

Quelques  substances  possèdent  la  propriété  de 
présenter  des  colorations  variables  selon  l'épais- 
seur qu'elles  offrent  au  passage  de  la  lumière.  La 
cause  en  est  due  à  l'inégale  transparence  pour  les 
rayons  des  diverses  couleurs.  Tels  sont  les  vins 
rouges  vieux  qui,  sous  une  faible  épaisseur,  parais- 
sent d'un  jaune  paille,  et  vus  en  plus  grande  masse 
d'une  couleur  rouge  accusée.  C'est  le  polychroïstyie; 
il  est  plus  ou  moins  prononcé,  mais  une  analyse 
minutieuse   le  constate  dans  la  plupart  des  corps. 

L'étude  des  corps  opaques  est  moins  simple  que 
celle  des  corps  transparents.  La  lumière  qu'ils  re- 
çoivent s'y  partage  en  effet  en  trois  portions  or- 
dinairement inégales  :  l'une  est  réfléchie,  l'autre 
diffusée,  le  reste  absorbé.  La  diversité  des  rayons 
lumineux  qui  y  tombent,  les  actions  différentes 
que  chacun  y  subit  suivant  la  nature  du  corps  et 
l'état  de  sa  surface,  font  du  phénomène  de  la  gé- 
nération des  couleurs  quelque  chose  de  très  com- 
plexe, mais  dont  la  cause  primordiale  est  la  décom- 
position de  la  lumière. 

L'influence  de  la  réflexion  est  la  plus  facile  à 
suivre.  Il  semble  au  premier  abord  qu'elle  ne  mo- 
difie pas  la  lumière  ;  et  cependant  on  peut  s'as- 
surer par  l'expérience  qu'elle  lui  imprime  une  co- 
loration appréciable.  Que  l'on  projette  sur  un  écran 
blanc  un  rayon  solaire  réfléchi  par  un  miroir  de 
cuivre  poli,  il  paraîtra  d'un  blanc  pur  ;  mais  si  on 
le  force  à  se  réfléchir  successivement  sur  plusieurs 
miroirs  semblables,  il  prendra  une  teinte  rouge 
prononcée.  Chaque  substance  réfléchit  donc  de 
préférence  certains  rayons,  qu'elle  fait  ainsi  valoir 
dans  la  lumière  renvoyée. 

Ce  phénomène  est  bien  plus  saillant  dans  la 
réflexion  irrcgulière  qu'on  nomme  diffusion  et  qui 
est  propre  à  tous  les  corps.  On  le  met  en  évidence 
en  montrant  que  des  substances  très  brillantes 
avec  la  lumière  du  jour  apparaissent  complètement 
noires  si  on  les  éclaire  avec  des  rayons  lumineux 
qu'elles  ne  sont  pas  capables  de  diffuser.  On 
éclaire  des  fleurs  de  toutes  nuances  avec  la  lu- 
mière jaune  monochromatique  que  donne  la 
flamme  de  l'alcool  salé  ;  et  on  constate  que  les  cou- 
leurs jaunes  conservent  seules  leur  éclat  et  que 
les  plus  éclatantes  des  autres  apparaissent  noires. 
Un  corps  n'a  donc  pas  par  lui-même  de  couleur 
propre,  sa  nuance  est  intimement  liée  à  la  nature 
di's   rayons  qu'il  reçoit  et  qu'il  peut  transmettre. 

L'absorption  vient  à  son  tour  exercer  une  part 
prépondérante  dans  la  formation  des  couleurs.  La 
lumière  pénètre  dans  les  divers  corps  colorés  ;  elle 
y  éteint  telle  ou  telle  portion  de  ses  rayons, 
comme  dans  les  corps  transparents  ;  le  reste  est 
réfléchi  ou  diffusé  par  la  surface  ou  par  des  par- 


ticules intérieures,  et  le  résultat  final  est  la  cou- 
leur sensible  du  corps  considéré.  La  coloration 
d'un  corps  opaque  a  donc  toujours  pour  cause 
première  un  phénomène  d'absorption  qui  est  suivi 
de  réflexions  régulières  ou  irrégulières.  A  vrai 
dire,  il  n'y  a  pas  de  corps  complètement  opaques, 
puisque  tous,  réduits  à  une  épaisseur  de  plus  en 
plus  mince, deviennent  plus  oumoins  transparents; 
et  les  changements  de  structure  qui  y  surviennent 
y  font  valoir  ou  l'absorption  lumineuse  ou  la  ré- 
flexion et  en  modifient  l'aspect. 

Le  nombre  des  couleurs  est  infini,  puisque  les 
couleurs  simples  peuvent  être  combinées  de  mille 
manières,  et  que  chaque  nuance  peut  encore  être 
mélangée  de  plus  ou  moins  de  noir  et  de  blanc  et 
offrir  une  très  grande  variété.  Pour  les  définir,  on 
les  rapporte  à  des  objets  naturels  bien  connus  pris 
comme  termes  de  comparaison,  tels  que  les  ani- 
maux, les  fleurs,  les  pierres  précieuses.  C'est 
ainsi  qu'on  dit  :  un  lilas  clair  ou  foncé,  un  jaune 
serin,  un  bleu  turquoise,  un  rouge  groseille,  etc. 
Mais  cette  nomenclature  est  bien  insuffisante  ;  et 
elle  repose  sur  des  données  trop  peu  précises 
pour  présenter  quelque  utilité  dans  l'industrie  de 
la  teinture  et  dans  l'art  du  peintre.  M.  Chevreul  a 
essayé  de  remédier  à  cet  inconvénient  et  de  faire 
cesser  la  confusion  en  établissant,  sur  des  données 
scientifiques,  une  classification  des  couleurs  indus- 
trielles. 

M.  Chevreul  donne  aux  mots  ton  et  nuance  des 
valeurs  différentes  définies  sans  ambiguïté.  11  ap- 
pelle nuance  le  résultat  du  mélange  des  couleurs 
pures,  l'une  modifiant  l'autre  sans  la  ternir.  11  ap- 
pelle Ions  les  différents  degrés  d'intensité  dont 
une  couleur  est  susceptible,  suivant  que  la  matière 
qui  la  présente  est  pure  ou  mélangée  simplement 
de  blanc  ou  de  noir.  La  gamme  est  l'ensemble 
des  tons  d'une  même  couleur;  elle  présente  des 
tons  èdaircis,  c'est-à-dire  mélangés  de  blanc,  ou 
rabattus,  c'est-à-dire  mélangés  de  noir. 

Pour  appliquer  ces  principes,  il  a  imaginé  le 
cercle  chromatique.  C'est  un  cercle  divisé  en  soi- 
xante-douze secteurs  égaux.  Sur  trois  secteurs 
équidistants  sont  placées  les  trois  couleurs  prin- 
cipales :  jaune,  rouge  et  bleu  ;  puis,  à  égale  dis- 
tance de  chacune  d'elles,  celles  qui  résultent  de 
leur  mélange  deux  à  deux,  l'orangé,  le  vert,  le 
violet;  et  enfin  le  cercle  est  complété  par  les  nuan- 
ces intermédiaires,  ce  qui  donne  soixante-douze 
nuances  passant  graduellement  de  l'une  à  l'autre. 

Le  cercle  est  divisé  par  vingt  cercles  concentri- 
ques qui  font  dans  chaque  secteur  des  cases.  Au 
centre  est  un  petit  cercle  complètement  blanc,  à 
partir  duquel  chaque  nuance  se  fonce  en  perdant 
du  blanc  jusqu'à  devenir  pure,  puis  s'assombrit  de 
plus  en  plus  par  des  proportions  croissantes  de 
noir  jusqu'au  bord  du  disque  qui  est  d'un  noir  ab- 
solu. 

Le  tout  forme  mille  quatre  cent  quarante  cou- 
leurs dont  chacune  peut  être  définie  par  un  nu- 
méro d'ordre,  et  retrouvée  toujours  identique  à 
elle-même  avec  la  plus  grande  facilité.' 

Expériences.  —  1.  Décomposer  un  rayon  lumi- 
neux qui  pénètre  dans  une  chambre  obscure,  par 
un  prisme,  et  projeter  l'image  colorée  sur  un  écran. 

Observer  la  décomposition  de  la  lumière  d'une 
bougie  en  la  regardant  à  travers  un  prisme. 

2.  Mélanger  une  dissolution  rose  d'un  sel  de 
nickel  avec  une  dissolution  bleue  d'un  sel  de  co- 
balt, on  obtient  un  liquide  qui  paraît  incolore. 

Placer  sur  une  table  noire  un  disque  jaune  et  un 
disque  blanc,  entre  eux  une  glace  verticale  sans 
tain  ;  se  poser  de  manière  que  l'image  réfléchie  de 
l'un  des  disques  se  superpose  à  l'autre  vu  à  travers 
la  glace,  le  tout  parait  blanc. 

3.  Eclairer  une  chambre  à  la  flamme  de  l'alcool 
salé  et  constater  l'aspect  des  objets  diversement 
colorés. 


COULEURS 


—  319 


COURANTS 


4.  Vérifier  sur  une  eau-de-vie  vieille  versée 
dans  un  verre  conique  que  la  teinte  se  fonce  avec 
l'épaisseur  du  liquide. 

ô.  Dessiner  un  disque  de  Newton  avec  six  sec- 
teurs contenant  chacun  les  sept  couleurs  du  spec- 
tre, le  faii'B  tourner  rapidement,  il  apparaît  blanc. 

Le  même,  avec  des  interruptions  de  couleurs, 
donne  un  aspect  différent  suivant  la  couleur  mas- 
quée. 

[Haraucourt] 

COUHANTS  aériens  et  marins.  —  Météorologie, 
I.  —  Courants  aériens.  —  Les  vents,  envisagés 
seulement  dans  la  localité  où  ils  soufflent, 
sont  doués  d'une  extrême  variété  dans  leur 
force  et  leur  direction.  Il  n'en  est  plus  ainsi 
lorsque  l'on  considère  dans  leur  ensemble  l'at- 
mosphère terrestre  et  les  grands  courants  qui  s'y 
produisent. 

Si,  par  la  pensée,  on  se  place  en  un  point  cir- 
conscrit de  la  surface  d'un  grand  fleuve  dont  le  lit 
est  irrégulier,  et  si,  au  lieu  d'embrasser  l'ensemble 
du  courant,  on  limite  son  attention  au  point  oc- 
cupé, on  verra  souvent,  surtout  sur  les  bords, 
leau  tourbillonner  sur  elle-même  et  marcher  suc- 
cessivement dans  tous  les  sens.  Il  serait  alors  dif- 
ficile d'en  conclure  la  direction  vraie  du  courant 
général.  Il  en  est  de  même  des  vents,  avec  cette 
différence  que  les  fleuves  aériens,  sans  lits  délimi- 
tés, se  déplacent  aisément  à  la  surface  du  globe, 
et  qu'une  même  localité  peut  se  trouver  alterna- 
tivement en  plein  courant,  ou  sur  ses  bords,  ou 
même  en  dehors  de  son  action.  Ce  sont  les  gran- 
des lois  de  la  circulation  de  l'atmosphère  que  nous 
voulons  résumer  ici. 

Sur  tout  le  pourtour  du  globe,  et  dans  le  voisi- 
nage de  l'équateur,  se  trouve  une  zone,  assez  ir- 
rogulière  surtout  quand  elle  traverse  les  conti- 
nents, dans  laquelle  la  température  moyenne  delà 
couche  atmosphérique  est  plus  élevée  que  dans 
les  parties  situées  de  chaque  côté. 

On  sait  l'efi'et  que  produit  un  corps  chaud  placé 
dans  l'intérieur  d'un  appartement  relativenieat 
froid.  Au  contact  do  ce  corps,  l'air  s'échauffe,  se 
dilate,  devient  plus  léger;  il  monte  vers  le  plafond, 
déterminant  ainsi  dans  les  parties  froides  un  con- 
tre-courant descendant  qui  compense  l'effet  du 
premier.  Si  rien,  d'autre  part,  ne  vient  troubler 
le  phénomène  ainsi  jjroduit,  une  circulation  régu- 
lière s'établit  allant,  par  le  haut,  du  corps  chaud 
aux  parois  froides  et,  par  le  bas,  des  parois  froides 
au  corps  chaud.  Pareil  effet  se  produit  naturelle- 
ment dans  l'atmosphère  et  sur  une  immense 
échelle.  Sur  toute  la  zone  à  température  maxima, 
l'air  monte  en  une  nappe  ascendante  qui  se  ma- 
nifeste par  divers  efl'ets. 

En  premier  lieu,  l'ascension  tend  à  produire  sur 
le  pourtour  de  la  terre  une  raréfaction  de  l'air  à 
laquelle  cor#espond  une  diminution  de  la  pression 
barométrique.  Le  baromètre  est  en  effet  plus  bas 
de  quelques  millimètres  dans  la  zone  équatoriale 
que  dans  les  régions  voisines.  L'appel  d'air  qui  en 
résulte  va  produire  les  alizés  dont  nous  parlons 
plus  loin. 

D'un  autre  côté,  l'air,  en  montant,  se  refroidit 
graduellement  ;  sa  capacité  pour  la  vapeur  dimi- 
nue, et  comme  la  quantité  de  vapeur  qu'il  renferme 
ne  diminue  pas  encore,  cet  air,  déjà  très  humide 
à  la  surface  des  mers,  se  rapproche  de  plus  en 
plus  de  son  point  de  saturation  qu  il  atteint  bien- 
tôt. L'air  continuant  à  gagner  de  plus  grandes 
hauteurs,  une  partie  de  sa  vapeur  se  condense  en 
nuages  et  en  pluie.  Aussi,  la  région  occupée  par 
la  nappe  équatoriale  ascendante  est-elle  marquée 
par  une  ceinture  de  nuages  permanents  qui  fait  le 
tour  à  peu  près  complet  de  la  terre.  C'est  Vanneau 
de  nuages  des  météorologistes,  ie  pot  au  noir  des 
marins:  les  pluies  et  les  orages  y  sont  fréquents 
et  d'une  grande  violence.  L'anneau  de  nuages  se 


déplace  à  la  surface  du  globe  avec  le  soleil  qu'il 
suit  d'un  peu  loin  ;  il  promène  ainsi  ses  pluies  du 
sud  au  nord  de  l'équateur  dans  la  première  moitié 
de  l'année,  du  nord  au  sud  dans  la  seconde.  Au 
centre  de  la  région  parcourue,  nous  trouvons  donc 
chaque  année  deux  saisons  pluviales  ;  vers  sa  li- 
mite nord,  nous  n'en  trouvons  qu'une,  celle  des 
pluies  d'été;  vers  sa  limite  sud,  nous  n'en  trou- 
vons également  qu'une,  mais  correspondant  à  no- 
tre hiver. 

Enfin  la  vitesse  générale  de  l'air,  s'y  dirigeant 
vers  la  verticale,  y  devient  à  peu  près  nulle  dans 
le  sens  horizontal;  la  zone  occupée  par  la  nappe 
ascendante  est  aussi  ce  que  les  marins  nomment  la 
région  des  calmes  équatoriaux.  Il  serait  plus 
exact  de  dire  la  région  des  brises  ou  des  le?*^*  va- 
riables, car  le  calme  y  est  souvent  interrompu  par 
des  coups  de  vents  orageux. 

De  chaque  côté  de  la  nappe  ascendante,  nous 
trouvons  à  la  surface  des  mers  deux  courants  se 
dirigeant  des  tropiques  vers  l'équateur  :  ce  sont 
les  alizés.  Leur  direction  serait  celle  de  chaque 
méridien  si  la  terre  était  immobile;  le  mouvement 
de  rotation  diurne  du  globe  les  incline  vers  l'ouest. 
Tous  les  points  de  la  surface  terrestre  tournent 
avec  la  même  vitesse  angulaire  de  15°  par  heure  ;  ils 
décrivent  chaque  jour  un  cercle  complet  dont  le 
centre  est  placé  sur  l'axe  terrestre.  Mais  les  rayons 
de  ces  cercles  croissant  du  pôle  à  l'équateur,  le 
chemin  parcouru,  et,  par  suite,  la  vitesse  linéaire 
croît  dans  le  même  sens.  Une  masse  d'air  prise  au 
tropique  a  donc,  de  l'ouest  à  l'est,  une  vitesse 
moindre  qu'à  l'équateur.  Il  en  résulte  que  l'air  qui 
est  entraîné  par  les  alizés  vers  la  nappe  équato- 
riale ascendante  retarde  de  plus  en  plus  à  mesure 
qu'il  se  rapproche  de  l'équateur;  et,  comme  nous 
ne  jugeons  que  des  vitesses  relatives,  que  nous 
rapportons  tous  les  mouvements  à  nous-mêmes 
que  nous  considérons  comme  immobiles,  cet  air 
nous  semble  rétrograder  vers  l'ouest  La  direction 
des  alizés  va  donc  du  nord-est  vers  le  sud-ouest 
dans  l'hémisphère  nord,  et  du  sud-est  vers  le  nord- 
ouest  dans  l'hémisphère  sud.  Cette  direction,  gé- 
nérale sur  les  océans,  est  encore  modifiée  d'un  lieu 
à  1  autie  par  l'action  propre  des  continents. 

Les  alizés  soufflent  avec  une  grande  régularité. 
La  double  zone  qu'ils  occupent  à  la  surface  du 
globe  se  balance  seulement  un  peu  au  cours  de 
chaque  année  suivant  la  position  occupée  par  la 
zone  des  calmes.  Leurs  limites  tropicales  changent 
moins  toutefois  que  leurs  limites  équatoriales,  les- 
quelles, ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit,  suivent 
d'un  peu  loin  les  déplacements  du  soleil.  On  doit 
toutefois  faire  une  exception  pqur  la  mer  des  In- 
des. En  hiver,  la  nappe  équatoriale  ascendante 
descend  au  sud  de  l'équateur  ;  les  alizés  du  nord- 
est  y  régnent  donc  sur  de  vastes  surfaces.  En  été, 
cette  nappe  passe  rapidement  sur  le  continent  in- 
dien. L'alizé  du  nord-est  disparaît;  l'alizé  du  sud- 
est  franchit  la  ligne  pour  remonter  jusque  sur  les 
terres  indiennes;  mais  alors  il  gagne  des  parallèles 
dont  la  vitesse  va  au  contraire  en  diminuant  à  par- 
tir de  l'équateur;  il  prend  donc  graduellement  de 
l'avance  sur  la  surface  de  la  mer  et  se  transforme 
à  partir  de  l'équateur  en  vent  du  sud,  puis  du 
sud-ouest.  Ces  vents  du  nord-est  en  hiver  et  du 
sud-ouest  en  été  constituent  ce  que  l'on  nomme 
les  moussons  de  l'Inde.  Le  passage  de  l'un  à  l'au- 
tre est  le  renversement  de  la  mousson.  C'est  l'épo- 
que des  ti/p/ions  ou  tempêtes  tournantes  de  ces 
mers,  qui  aeviennent  alors  redoutables. 

Outre  la  régularité  de  leur  régime  des  vents, 
les  zones  des  alizés  sont  en  outre  caractérisées 
par  la  constance  de  leur  ciel.  Les  nuages  y  sont 
rares  et  les  pluies  encore  plus,  sauf  pour  les  côtes 
exposées  aux  moussons. 

.Vous  avons  vu  l'air  des  régions  tropicales  arriver 
à  l'équateur  et  s'y  élever  dans  un  plan  vertical  ; 


COURANTS 


—  520  — 


COURANTS 


ce  n'est  que  la  première  moitié  de  la  circulation  1 
atmosphérique.  La  nappe  équatorialo  ascendante, 
arrivée  à  une  certaine  hauteur,  s'y  divise  en  doux 
nappes  allant,  au  contraire,  de  l'équateur  vers  les 
tropiques  :  elles  constituent  les  contre-alizés. 
L"eiret  de  la  rotation  terrestre  se  produit  sur  eux 
comme  sur  les  alizés.  En  tenant  compte  du  ren- 
versement de  leur  direction,  on  comprend  que, 
s'éloignant  de  l'équateur,  ils  doivent  prendre  de 
l'avance  sur  le  mouvement  terrestre,  comme  la 
mousson  d'été,  et  incliner  de  plus  en  plus  vers 
l'est,  en  soufflant  du  sud-ouest  vers  le  nord-est 
dans  rhcmisphère  nord,  et  du  nord-ouest  vers  ie 
sud-est  dans  l'hémisphère  sud. 

Les  contre-alizés  se  tiennent  d'abord  à  de  gran- 
des hauteurs  et,  comme  ils  se  sont  dépouillés  de 
leur  excès  de  vapeur  en  traversant  l'anneau  de 
nuages,  il  est  rare  qu'ils  en  conservent  quelques 
débris  flottants.  A  mesure  qu'ils  s'éloignent  de  l'é- 
quateur, ils  s'abaissent  progressivement,  et  l'é 
chauffement  qui  résulte  pour  eux  de  ce  mouvement 
de  descente  compense  et  au-delà  le  refroidissement 
très  lent  qui  résulte  de  leur  marche  vers  le  pôle. 
Dans  le  voisinage  des  tropiques,  ce  mouvement  de 
descente  s'accélère  beaucoup  et  une  grande  partie 
du  contre-alizé  vient  rejoindre  l'alizé,  terminant 
ainsi  le  double  circuit  complet  qui  s'opère  de 
chaque  côté  de  la  nappe  équatoriaîe.  Une  notable 
portion  de  l'air  échappe  toutefois  à  ce  retour  direct 
à  l'alizé,  et  forme  le  grand  courant  du  S.-O.  qui 
domine  dans  nos  régions  tempérées  de  l'hémisphère 
nord ,  courant  auquel  correspond  le  courant  du 
N.-O.  dans  l'hémisphère  sud. 

La  zone  de  descente  de  chacune  des  deux  )iap- 
pes  des  contre-alizés  est  accusée  par  des  caractères 
qui  sont  la  contre-partie  de  ceux  que  présente  la 
nappe  équatoriaîe  ascendante.  Autant  cette  der- 
nière est  régulière  et  stable,  autant  la  première 
est  mobile,  irrégulière  et  fragmentée.  La  zone  des 
calmes  équatoriaux  est  limitée  des  deux  côtés  par 
les  alizés,  qui,  tout  en  convergeant,  portent  tous 
les  deux  vers  l'ouest.  Les  nappes  tropicales  pro- 
duisent bien,  là  où  elles  descendent,  un  calme  plus 
ou  moins  complet  ;  mais  elles  sont  bordées  du 
côté  du  pôle  par  le  surplus  des  contre-alizés  qui 
continuent  à  porter  vers  Test  et  qui  se  traduisent 
par  le  grand  courant  du  S.-O.  des  régions  tempé- 
rées de  l'hémisphère  nord,  ou  par  le  grand  courant 
du  N.-O.  des  régions  correspondantes  de  l'hémi- 
sphère sud.  Au  contraire,  sur  leur  bord  équatorial, 
régnent  des  vents  plus  faibles  soufflant  du  N.  et  N.-E., 
et  d'où  naissent  les  alizés.  Comme  d'ailleurs  ces 
masses  d'air  sont  toujours  circonscrites,  elles 
semblent  tourner  sur  elles-mêmes  de  l'ouest  à  l'est 
par  le  nord,  dans  notre  hémisphère  ;  c'est-à-dire 
dans  le  sens  des  aiguilles  d'une  montre,  sens 
contraire  à  la  rotation  des  tempêtes  tournantes, 
ou  cyctojies,  d'où  leur  vient  le  nom  d'anticyclones. 
,  La  descente  du  contre-alizé  produit  en  même 
temps  une  surcharge  dans  la  pression  atmosphéri- 
que. Le  baromètre  est  en  effet  très  sensiblement 
plus  haut,  dans  cette  zone,  que  dans  la  zone  équa- 
toriaîe et  que  dans  une  partie  des  régions  extra- 
tropicales. En  second  lieu,  l'air  en  descendant  s'é- 
chauffe parce  qu'il  est  de  plus  en  plus  comprimé 
par  le  poids  des  couches  supérieures.  Il  devient 
donc,  en  même  temps,  plus  sec.  La  région  où 
s'effectue  cette  descente  participe  du  beau  temps 
des  régions  alizées. 

Dans  ce  grand  mouvement  de  double  circulation 
continue  dont  le  centre  moteur  est  dans  la  zone 
des  calmes  équatoriaux,  ce  qui  nous  touche  le 
plus,  en  France,  est  précisément  cette  portion  du 
contre-alizé  qui,  après  s'être  abaissée  vers  le  sol, 
et  au  lieu  do  retourner  directement  à  l'alizé,  con- 
tinue sa  rotation  en  longeant  la  surface  terrestre. 
Son  origine  fait  donner  à  cette  masse  d'air  en 
mouvement  le  nom  de   courant  équatorial.  Après 


avoir  couru  du  S.-O.  au  N.-E.,  ce  courant  s'incline 
peu  à  peu  vers  rO.,puis  vers  le  N.-O.,  puis  enfin 
vers  le  N.  et  le  N.-E.  Au  lieu  donc  deffectuer  la 
fin  de  sa  rotation  dans  le  sens  de  la  hauteur  de 
l'atmosphère,  il  l'effectue  à  la  surface  même  de  la 
terre.  La  question  de  hauteur  disparaissant,  la 
question  de  latitude  reste  seule.  Tant  qu'il  se 
rapproche  du  nord,  qu'il  gagne  des  pays  plus 
froids,  ce  courant  est  humide,  chargé  de  nuages 
et  de  pluies  ;  il  charrie  les  bourrasques  et  les 
orages . 

Au  cours  des  saisons,  il  se  déplace  avec  le  soleil 
du  sud  au  nord,  ou  du  nord  au  sud.  De  plus,  il 
acquiert  un  surcroît  d'activité  en  automne  ou  dans 
r  hiver,  parce  que,  notre  hémisphère  se  refroidissant, 
son  atmosphère  se  contracte  et  que  l'air  y  afflue 
du  midi.  Dans  le  printemps  ou  l'été,  il  faiblit  au 
au  contraire  par  l'effet  inverse.  Mais  en  dehors  de 
ces  causes  générales,  des  circonstances  particuliè- 
res, qui  nous  sont  encore  inconnues,  font  que  le 
courant  équatorial  nous  envahit  ou  nous  quitte  ; 
qu'il  aborde  à  peine  notre  pays  ou  bien  s'élève 
plus  haut  vers  le  nord  pour  se  dévenier  sur  l'Al- 
lemagne, la  Russie  ou  même  le  continent  d'Asie. 
Son  activité,  son  ampleur,  comme  la  position  de 
son  lit,  sont  donc  très  variables,  ce  qui  distingue 
entre  elles  les  années  comme  les  saisons.  Il  do- 
mine généralement  en  France  dans  les  années  ou 
les  saisons  pluvieuses.  C'est  à  lui  que  nous  de- 
vons la  douceur  de  nos  hivers,  soit  parce  que, 
venant  de  l'océan,  il  est  par  lui-même  tiède  et  hu- 
mide, soit  parce  qu'il  développe  dans  l'Atlantique 
un  courant  à  peu  près  parallèle  qui  baigne  nos 
côtes  des  eaux  tièdes  amenées  des  régions  équa- 
toriales. 

Centrants  marins.  —  Nous  retrouvons  dans  les 
grands  océans  une  circulation  complète  analogue 
à  celle  de  l'atmosphère. 

Les  régions  équatoriales  de  l'Atlantique  sont 
incessamment  traversées  par  les  deux  alizés  qui 
portejit  à  l'ouest  en  convergeant.  Sous  l'influence 
du  frottement  persistant  qui  en  résulte,  les  eaux 
superficielles  de  la  mer  sont  entraînées  vers 
l'ouest  ;  arrivées  sur  les  côtes  du  Brésil,  elles  se 
divisent  en  deux  courants.  L'un,  le  plus  faible, 
descend  vers  le  sud  en  longeant  les  côtes  de  l'A- 
mérique méridionale  ;  l'autre,  le  plus  abondant, 
remonte  vers  le  golfe  du  Mexique.  Dans  la  zone 
tempérée  règne  au  contraire  le  courant  équatorial 
portant  vers  l'est,  moins  constant,  il  est  vrai,  mais 
encore  très  fréquent.  Les  eaux  de  l'Atlantique  nord 
sont  donc  poussées  de  l'Amérique  vers  l'Europe  ; 
et  comme  celles  de  la  région  équatoriaîe  possèdent 
une  vitesse  acquise  en  abordant  les  côtes  d'Amé- 
rique, les  deux  courants  inverses  se  rejoignent 
par  un  fleuve  abondant  d'eaux  chaudes  qui  cons- 
titue le  Gulfstream,  rivière  du  golfe.  Ce  nom,  ap- 
pliqué d'abord  au  courant  qui  débouche  du  golfe 
du  Mexique  par  le  canal  de  Bahama  et  longe  les 
côtes  des  États-Unis,  s'est  ensuite  étendu  à  toute 
la  masse  des  eaux  qui  en  dérivent  vers  l'Europe. 
Peu  large  mais  très  profond  à  son  origine,  il  s'é- 
tale progressivement  à  la  surface  do  la  mer  qui, 
sur  son  parcours,  fume  en  hiver,  comme  «  une 
chaudière  en  ébullition».  Sa  température  peut  être 
alors  de  15  à  16  degrés  plus  élevée  que  celle  de 
l'air.  Dans  la  dernière  partie  de  son  parcours,  le 
Gulfstream  s'étale  sur  les  côtes  de  l'Europe,  de 
l'Espagne  au  cap  Nord.  Ses  eaux  s'y  divisent  en 
deux  branches.  L'une  retourne  au  sud  en  longeant 
les  côtes  de  France,  d'Espagne  et  de  Portugal,  et 
restitue  ses  eaux  au  courant  marin  de  l'équateur. 
L'autre  s'élève  vers  le  nord-est,  le  long  des  côtes 
d'Irlande,  d'Ecosse,  de  Norvège,  et  paraît  s'éten- 
dre jusqu'au  pôle,  où  Kane  a  entrevu  une  mor  li- 
bre. Le  contre-courant  compensateur  descendrait 
vers  le  sud  dans  les  parages  de  l'Islande,  du 
Groenland,   du  Labrador,  et  passerait  ensuite,  au 


COURBES 


—  521  — 


CRÉDIT  FONCIER 


niveau    de  Terre-Neuve,   au-dessous  du   Gulf- 
stream. 

En  partie  produite  par  le  courant  équatorial,  la 
branche  européenne  du  Gulfstream  suit,  en 
partie,  les  vicissitudes  de  ce  courant  aérien.  Les 
eaux  qu'elle  nous  amène  sont  plus  abondantes  et 
plus  chaudes  en  hiver,  quand  le  courant  équato- 
rial est  bien  établi,  et  elles  contribuent  à  soutenir 
ce  dernier  et  à  lui  donner  sa  tiédeur  et  son  hu- 
midité. C'est  ainsi  qu'il  arrive  dans  les  hivers  doux 
et  humides.  Quand,  au  contraire,  le  courant  équa- 
torial manque  et  est  remplacé  par  le  courant  de 
retour  ou  polaire,  les  eaux  du  Gulfstream  nous 
arrivent  plus  rares,  moins  tièdes,  ce  qui  contribue 
à  accroître  la  rigueur  et  la  durée  du  froid. 

Une  circulation  semblable  se  produit  dans  l'o- 
céan Pacifique  du  nord;  d'autres  analogues  sont 
constatées  dans  les  grands  océans  de  l'hémisphère 
sud  ;  mais  ces  derniers  étant  largement  ouverts 
vers  le  pôle,  les  courants  y  sont  plus  diffus  et 
moins  apparents,  sauf  près  des  côtes  des  grands 
continents. 

Ainsi  donc,  en  règle  générale,  les  courants 
aériens  et  marins  portent  vers  l'ouest  dans  les  ré- 
gions chaudes  de  l'équateur.  C'est  dans  l'ouest 
des  océans,  ou  dans  l'est  des  continents  qui  les 
bordent,  que  se  trouvent  les  plus  chaudes  régions 
du  globe  :  la  Guyane,  la  Nouvelle-Grenade,  le 
golfe  du  Mexique,  les  côtes  d'Arabie,  l'Egypte.  Dans 
les  régions  tempérées,  au  contraire,  les  courants 
aériens  et  marins  portent  vers  l'est  :  c'est  donc 
dans  l'ouest  des  grands  continents  et  près  des 
côtes  que  se  rencontrent  les  climats  les  plus  doux 
en  hiver.  C'est  ainsi  qu'à  New- York,  qui  est  situé 
~  à  peu  près  à  la  même  latitude  que  Naples,  le  cli- 
mat est  beaucoup  plus  rude  qu'à  Paris  ou  que 
dans  le  nord  de  l'Ecosse. 

V.  Température,   Vent,  Tempête,  Pluie,  Oraije. 
[Marié-Davy.] 

COURBES  USUELLES.  —  Géométrie,  XXIV. 
—  Jusqu'à  ces  derniers  temps,  la  circonférence  a 
été  la  seule  ligne  courbe  qui  fût  étudiée  dans  les 
cours  de  géométrie  élémentaire  des  Ij^cées.  Depuis 
quelques  années,  on  y  a  introduit,  sous  le  nom  de 
coui-bes  usuelles,  quatre  autres  lignes  :  Yellipse, 
la  parabole,  Vhyperbole  et  l'hélice. 

Vellipse  est  la  plus  connue,  en  même  temps 
qu'elle  est  la  plus  importante.  C'est  en  quelque 
sorte  une  circonférence,  qui  aurait  été  plus  ou 
moins  aplatie  dans  la  direction  d'un  diamètre  et 
allongée  dans  la  direction  du  diamètre  perpendi- 
culaire au  premier.  Sa  forme,  qui  paraît  plus 
élégante  que  celle  du  cercle,  est  d'un  emploi 
assez  fréquent;  on  la  voit  dans  les  cadres  do 
beaucoup  de  tableaux,  surtout  pour  les  porti-aits  ; 
elle  est  donjiée  aux  compartiments  formant  dans 
les  jardins  des  corbeilles  de  fleurs.  La  moitié  d'une 
ellipse  se  montre  dans  la  voûte  des  ponts  en  pierre 
surbaissés. 

Ce  n'est  pas  seulement  au  point  de  vue  indus- 
triel que  l'ellipse  mérite  d'être  connue  ;  elle  joue 
un  grand  rôle  dans  la  mécanique  céleste.  Les 
orbites  que  la  terre  et  toutes  les  planètes  décri- 
vent, dans  leur  mouvement  de  translation  autour 
du  soleil,  sont  des  ellipses  de  dimensions  diverses. 
Le  temps  que  la  terre  emploie  à  parcourir  la 
sienne  est  précisément  ce  qu'on  appelle  année. 

La  parabole  n'est  pas  une  courbe  fermée.  On 
peut  s'en  faire  une  idée,  en  la  regardant  comme 
une  moitié  d'ellipse  qui  se  serait  agrandie  au-delà 
de  toute  limite,  en  s'ouvrant  de  plus  en  plus,  à 
mesure  qu'elle  s'allongeait.  Elle  ne  se  présente 
pas  aussi  fréquemment  que  l'ellipse.  La  ligne  sui- 
vie par  une  bombe  lancée  dans  l'air  est  un  arc 
de  parabole.  Certaines  comètes  décrivent  dans 
leur  marche  une  parabole,  tandis  que  d'autres  par- 
courent seulement  une  elli])se. 

Vhyperbole  se  compose  de  deux  parties  égales. 


qui,  semblables  en  apparence  à  une  parabole,  sont 
opposées  l'une  à  l'autre  dans  des  situations  sy- 
métriques. Ses  propriétés  sont  plutôt  théoriques 
que    pratiques.    Elle    ne    doit   son    introd'^c^ion 


Hyperbole. 

dans  le  cours  de  mathématiques  élémentaires 
qu'à  sa  parenté  avec  les  deux  autres  ;  toutes 
trois  en  effet,  ainsi  que  le  cercle,  résultent  de  la 
section  d'un  cône  indéfini  par  un  plan  ayant  des 
positions  différentes  par  rapport  à  l'axe.  C'est 
pour  cette  raison  qu'elles  portent  le  nom  de 
sections  coniques.  La  construction  et  les  proprié- 
tés utiles  des  deux  premières  seront  exposées  aux 
articles  Ellipse  et  Parabole. 

L'hélice  est  la  courbe  figurée  par  le  filet  d'une 
vis,  d'un  tire-bouchon.  Par  cet  exemple  on  entre- 
voit l'importance  de  cette  courbe  ;  mais  son  étude 
sort  trop  du  cadre  de  l'enseignement  primaire 
pour  que  nous  jugions  à  propos  d'en  parler  ici. 
Nous  nous  bornerons  à  en  indiquer  la  génération. 
Qu'on  enroule  un  triangle  rectangle  de  papier 
j  sur  la  surface  courbe  dun  cylindre,  en  appliquant 
sur  sa  longueur  l'un  des  côtés  de  l'angle  droit  ; 
l'autre  côté'  de  cet  angl«  s'appliquera  sur  la  cir- 
conférence du  cylindre,  et  l'hypoténuse  sera  trans- 
formée en  une  ligne  courbe,  qui  est  précisément 
Vhéiice. 

Il  ne  faut  pas  confondre  cette  courbe  avec  la 
spirale.  Celle-ci  est  une  courbe  plane  composée 
d'arcs  dont  la  convexité  diminue,  à  mesure  qu'ils 
sont  de  plus  en  plus  éloignés  de  l'origine  de  la 
courbe,  parce  qu'ils  sont  décrits  avec  des  rayons 
de  plus  en   plus  grands.  (V.  Spii^ale.) 

Les  arcs  d'hélice  conservent  la  même  courbure, 
mais  ne  sont  pas  situés  sur  une  surface  plane. 

Les  noms  hélice  et  spirale  viennent  tous  deux 
du  grec  ;  ils  signifient  l'un  et  l'autre  enroule- 
ment. 

C'est  à  la  même  langue  qu'appartiennent  les 
noms  des  trois  autres  courbes.  Ellipse  signifie 
défaut,  manque;  hyperbole,  excès;  parabole,  com- 
paraison. Il  ne  serait  pas  possible  d'expliquer 
ici  la  raison  pour  laquelle  ces  noms  ont  été  don- 
nés à  ces  lignes.  [G.  Bovier-Lapierre.] 

COUREURS.  —Zoologie,  XVIII.  —  Nom  donné 
à  un  sous-ordre  de  l'ordre  des  Échassiers,  classe 
des  Oiseaux.  11  comprend  les  autruchos,  les  ca- 
soars,  etc.  Blainville  a  séparé  ces  oiseaux  des 
Échassiers,  et  a  érigé  les  Coureurs  en  un  ordre  à 
part.  (V.  Echassiers.) 

COURS  ET  TRIBUNAUX.  —  V.  Justice.  V.  aussi 
Tribunaux  au  Supplément. 

CREDIT  FONCIER.  —  Arithmétique  (E.  N.),  LVI. 

1.  —  Le  Crédit  f'o7icier  est  une  institution  éta- 
blie pour  servir  d'intermédiaire  entre  les  proprié- 
taires fonciers  et  les  capitalistes.  La  Société  du 
Crédit  foncier  prête  sur  première  hypothèque,  et 
pour  un  temps  qui  peut  varier  de  20  à  ôO  ans, 
moyennant  une  annuité  totale  qui  se  compose  : 

1°  Des  intérêts  à  i  {  pour  100  du  capital  em- 
prunté ; 

2°  De  60  centimes  par  100'  pour  frais  d'adminis- 
tration ; 

3»  De  l'annuité  nécessaire  pour  amortir  le  capi- 


CRÉDIT   FONCIER         —  322  — 

tal  omprunté  au  bout  du  temps  fixé  par  l'acte  de 
prêt,  les  intérêts  se  capitalisant  par  semestre.  'En 
taisant  la  somme  de  ces  trois  parties  pour  un  ca- 
pital de  100^  on  force  le  résultat  de  manière  à 
compléter  un  nombre  exact  de  centimes.) 

Exemple  :  Quelle  anyiuité  un  propriétaire  foncier 
aura-t-il  à  payer  s'il  empt-unte  72  000'  pour  30 
ans  ? 

Pour  100'  il  aura  à  payer  : 

1°  Les  intérêts  de    100'  à  4  i,  soit 4',25  ; 

2°  Les  frais  d'administration 0',60  ; 

3°  L'amortissement,  exprimé  par  la  for- 
mule (V.  Amortissement,  Annuité)  : 


CREDIT   FONCIER 


100'.  0,0425 


(l4-(>,02125j6û-  1 


-,  ou  en  effectuant  :     l',679036 


Total 6',529t).36 

Pour  72  000'  l'annuité  sera  72')  fois  plus  grande, 
ou  4  700',  90,  soit  2  3.iU',45  par  semestre. 

2.  —  Lorsque  la  durée  du  prêt  est  de  50  ans, 
la  Société  du  Crédit  foncier  offre  au  choix  de  l'em- 
prunteur une  autre  combinaison  dans  laquelle 
l'annuité  pour  HO'  est  de  5'.  Dans  le  calcul  de 
l'amortissement,  le  taux  de  l'intérêt  est  alors  fixé 
à  3,70  p.  100,  et  les  intérêts  se  capitalisent  par 
semestre. 

L'annuité  à  payer  pour  l'amortissement  est  alors 
donnée  par  la  formule  : 

,'  '    ,, -■,  ou  en  effectuant 0',704332 

Si  on  y  ajoute  l'intérêt 

de  100'  à  3,70  °/o,  ou ■3',7n 

on  obtient 4',4 04332 

Cette  somme,  retranchée  de  5',  donne  O',59o  G68 
pour  les  frais  d'administration. 

Cette  combinaison  n'est  avantageuse  que  dans 
certains  cas  de  libération  anticipée. 

3.  —  L'emprunteur  a,  en  effet,  la  faculté  de  se 
libérer  avant  le  temps  fixé  par  l'acte  de  prêt.  Nous 
supposerons  d'abord  qu'il  s'agisse  du  premier 
mode  d'emprunt.  La  somme  que  l'emprunteur  doit 
payer  pour  se  libérer  s'obtient  en  calculant  la 
portion  de  capital  déjà  amortie,  et  la  retranchant 
du  capital  emprunté;  mais  la  Société  du  Crédit  fon- 
cier prend  en  outre  un  droit  de  3  p.  100  sur  ce  qui 
reste  pour  se  dédommager  de  la  perte  des  frais 
d'administration. 

Supposons  qu'un  propriétaire,  qui  a  emprunté 
12ii  OOO'  pour  40  ans.  veuille  se  libérer  au  bout 
de  la  25^  année.  L'annuité  à  payer  pour  amortir 
une  somme  de  100'  en  40  ans  est  donnée  par  la 
formule  : 


100'  .  0',0425 
;l,02l2ô;S"—  1 


•5    qui  donne    0',9709I6. 


Au  bout  de  25  ans,  cette  annuité   a  produit  un 
capital  définitif  exprimé  par  : 


0',970916   '^(1.02125)°°  —  1] 
0,04V5 
Sur  100'  il  reste  donc  à  payer 
et,  en  y  ajoutant  3  p.  100,  ou., 
on  obtient 


ou     4i',527577 


57',47242:! 
l'.T24l73 


5'.)',190aijG 


pour  la  somme  qu'il  y  aurait  à  payer  si  l'emprunt 
eût  été  de  100';  pour  un  emprunt  de  120  000',  la 
somme  à  payer  sera  1200  fois  plus  grande,  c'est- 
à-dire  71 035', 92. 

4.  —  Lorsqu'il  s'agit  d'un  prêt  de  50  ans,  d'a- 
près le  2'  mode  d'emprunt  indiqué  au  n"  2,  le 
remboursement  anticipé  s'opère  d'une  autre  ma- 
nière. Le  droit  proportionnel  de  3  p.  lOi)  sur  le 
capital  non  encore  amorti  est  alors  réduit  à  2  p. 
100  ;  mais  pour  se  couvrir  de  ses  déboursés  la  So- 


ciété retient  en  outre  une  prime  calculée  comme 
suit  :  on  prend  le  cinquième  du  capital  non  en- 
core amorti,  et  on  en  retranche  autant  de  fois  1,5 
p.  100  qu'il  y  a  eu  de  versements  opérés  par  l'em- 
prunteur. Le  calcul  montre  que  ce  second  mode 
d'emprunt  pour  50  ans  n'est  avantageux  que  lors- 
que l'emprunteur  se  libère  au  bout  de  18  ans  au 
moins.  Nous  n'insisterons  pas  sur  ce  cas  trop  peu 
fréquent. 

5.  —  L'emprunteur  peut  aussi  se  libérer  par- 
tiellement :  le  chiffre  de  son  annuité  se  trouve 
alors  diminué.  Mais  pour  éviter  une  trop  grande 
complication  dans  la  comptabilité,  la  Société  n'ad- 
met la  libération  partielle  que  pour  un  multiple 
de  100'. 

Supposons  qu'un  cultivateur  ait  emprunté 
45n00'  pour  40  ans  et  qu'il  veuille  se  libérer  de 
9000'  au  bout  de  18  ans.  L'annuité  à  payer  pour 
amortir  100'  au  bout  de  40  ans  est,  comme  on  l'a 
déjà  vu,  de  0',970916;  pour  amortir  9  000'  l'annuité 
est  donc  90  fois  plus  grande,  c'est-à-dire  87', 38. 
Cette  annuité,  servie  pendant  18  ans  ou  36  se- 
mestres, a  produit  un  capital  définitif  exprimé 
par 

87',38[(102125)3e-i]     ^^ 

Il  reste  dû  par  conséquent  sur  les 

9000' 6675',€9 

et,  en  ajoutant  les  3  p.  100,  ou 2it0',18 

on  obtient  pour  la  somme  à  payer.. .  6872',87 

Quant  à  l'annuité  totale  que  payait  l'emprunteur, 
elle  se  trouvera  diminuée  d'une  quantité  facile  à 
calculer.  Pour  100'  cette  annuité  étant  de 

4',25  -j-  0',G0  -f  0',970916,  soit  5',820916  ; 

pour  9000'  elle  était  90  fois  plus  grande,  soit 
5"23',8S.  C'est  de  cette  quantité  que  l'annuité  sera 
diminuée. 

G.  —  En  même  temps  que  la  Société  du  Ciédit 
foncier  prête  aux  conditions  indiquées  plus  haut, 
ses  statuts  l'obligent  à  devenir  emprunteur  à  son 
tour  pour  une  somme  précisément  csale.  A  cet 
effet,  elle  émet  de?  Obligations  for^cières  an  porteur 
(V.  Banques).  Ces  obligatious  sont  de  divers  types; 
les  plus  récentes  sont  des  coupures  de  lO»  francs, 
rapportant  un  intérêt  de  4  °/o>  et  remboursables  en 
50  ans  par  voie  de  tirage  au  sort  sans  primes. 

7.  —  On  pourra  proposer  aux  élèves  les  exercices 
suivants 

L     —  Un  propriétaire  empninte  iOOW  pour  37 
ans  ;  quelle  annuité  devra-t-il  payer  ? 
Réponse  :  4  789', il. 
IL    —  Le  chef  d'mie   exploitation   agricole    em- 
prunte 200  00:)'  pour  50  ans  {d'après  le 
1"  mode);  quelle  sera  l'annuité  à  payer? 
Réponse  :   l0882',44. 

III.  —  Un  cultivateur  qui  a  emprunté  60  000' poi^r 

40  ans  vei  t  se  libérer  au  boid  de  25  an^ ; 
quelle  somme  aura-t-il  à  payer? 
Fxéponse  :  35ol7',96. 

IV.  —  Un  propriétaire   a   empninté  30  000'  pour 

50  ans  (d'à/  rès  le  2'  mode),  et  il  voudr/iit 
se   libérer   au  bout    di-.    25   ans;  quelle 
somme  aura-t-il  à  payer  ? 
Réponse  :  24  60r,56. 

V.  —  Un  fermier  qui  a  emprunté  15000'  pour  40 

ans  veut  s-  libérer  de  3000'  au  bout  de 
18  ans;  qu'aura-t-il  à  payer,  et  de  com- 
bien son  annuité  ^era-t-elle  réduite? 
Réponse  :  11  aura  à  payer  2"-90',9G  ;  et 
son  annuité  sera  diminuée  del74',G3. 


CRISTAL 


523  — 


CRISTAL 


VI.  —  Un  propriétaire  qui  a  emprunté  200  000' 
pour  5»  ans  (d'à près  le  2*  7nof/e)  veut  se 
libérer  de  40  00U'  au  bout  de  25  ans; 
qu'oura-t-il  à  payer,  et  de  combien  son 
annuité  sera-t-elle  réduite? 

Réponse:  Il  aura  à  payer  32 802', 05;  et 
l'annuité  sera  réduite  de  2  000'. 

[H.  Sonnet.l 
CRISTAL  ET  CRISTALLISATION.  —  V.  Miné- 
ralogie, p.  1312.  —  La  cristallisation  est  l'opéra- 
tion pendant  laquelle  un  corps  prend  de  lui-même 
la  forme  qui  lui  est  propre,  et  devient  un  cristal. 
Tant  que  dure  leur  état  gazeux  ou  liquide,  les 
particules  d'un  corps  sont  maintenues  à  un  degré 
extrême  de  division  ;  elles  se  meuvent  avec  la  plus 
grande  facilité  les  unes  par  rapport  aux  autres. 
Lorsqu'elles  passent  à  l'état  solide,  elles  peuvent 
le  faire  de  deux  manières  :  ou  bien  instantanément  ; 
elles  sont  alors  saisies  brusquement,  pour  ainsi 
dire,  dans  la  position  qu'elles  occupaient;  ou  bien 
lentement  ;  c'est  la  condition  la  plus  favorable  à  la 
cristallisation  ;  car  elles  s'orientent  les  unes  par 
rapport  aux  autres,  et  la  masse  qui  résulte  de  leur 
agrégation  revêt  une  forme  extérieure  géomé- 
trique. 

Le  sel  marin,  appelé  aussi  à  cause  de  ses  usages 
sel  de  cuisine,  composé  de  chlore  et  de  sodium, 
estsoluble  dans  leau;  une  partie  d'eau  peut  dis- 
soudre environ  27  fois  son  poids  de  sel  marin  à  la 
température  ordinaire;  mais,  lorsque  l'eau  s'éva- 
pore, le  sel,  qui  est  bientôt  en  proportion  trop 
forte,  reprend  son  état  solide,  et  se  présente  alors 
en  parallélipipèdes,  c'est-à'dire  en  petits  solides  à 
6  faces  parallèles  deux  à  deux  et  rectangulaires 
entre  elles. 

L'eau  elle-même,  lorsqu'elle  est  suffisamment 
refroidie,  devient  solide,  et  porte  le  nom  de  glace. 
La  glace  est  cristallisée.  Les  cristaux  qui  compo- 
sent la  neige  se  montrent  souvent  groupés  en 
forme  de  polygones  étoiles,  qu'on  peut  toujours 
décomposer  en  6  parties  semblables. 

Du  soufre  fondu  dans  un  creuset,  abandonné  à 
un  refroidissement  lent,  cristallise  aussi  :  si  l'on 
perce  la  croûte  solide  dans  le  creuset,  avant  la 
solidification  de  toute  la  masse,  et  si  l'on  fait  écou- 
ler par  ce  trou  la  partie  restée  liquide,  on  voit,  en 
sciant  le  creuset,  sa  paroi  intérieure  tapissée  d'ai- 
guilles cristallines,  de  parallélipipèdes,  dont  deux 
faces  très  étroites  sont  obliques  sur  le  prisme 
formé  par  les  quatre  autres  faces.  L'arsenic  vola- 
tilisé peut  être  sublimé  sur  des  surfaces  froides, 
et  se  présente  en  jolis  cristaux  qui  appartiennent 
à  ce  qu'on  nomme  en  cristallographie  le  système 
rhomboédrique.  Le  verre  n'est  pas  cristallisé  ;  les 
particules  qui  le  composent  sont  associées  pêle- 
mêle,  irrégulièrement;  aussi  le  verre  ne  présente- 
t-il  jamais  naturellement  une  forme  extérieure  ré- 
gulière. On  le  taille  à  facettes,  et  sous  cette  forme, 
on  l'appelle  cristal  ;  mais  les  verres  ainsi  taillés  ne 
sont  que  des  imitations  de  cristaux.  Le  caractère 
d'un  cristal,  c'est  que  non  seulement  sa  forme 
extérieure,  mais  toute  sa  masse  est  soumise  à  un 
arrangement  symétrique  et  régulier. 

On  a  pu  amener  à  l'état  cristallisé  presque  tous 
les  composés  chimiques  connus.  On  sait  que  cha- 
cun d'eux  peut  se  présenter  sous  des  aspects  très 
variés  au  premier  abord  ;  mais  ces  formes,  quel- 
quefois très  nombreuses,  peuvent  toujours,  être 
ramenées  à  un  type  commun  dans  les  échantillons 
de  même  composition  chimique,  au  moyen  des 
lois  suivantes  : 

1"  Les  cristaux  sont  des  polyèdres  réguliers, 
dont  les  faces  sont  normalement  planes. 

2°  Ce  sont  des  polyèdres  convexes,  c'est-à-dire 

des  polyèdres  tels  que  si  on  applique  un  plan  sur 

une  de  leurs  faces,  tout  le  polyèdre  est  situé  d'un 

seul  et  même  coté  de  ce  plan. 

3*  Si  l'on  mesure  les  angles  de  deux  faces  dans 


une  forme  déterminée  d'une  certaine  substance, 
par  exemple  du  soufre  fondu,  et  refroidi  lente- 
ment, on  voit  que  cet  angle  est  toujours  le  môme, 
quel  que  soit  l'échantillon  sur  lequel  on  le  mesure. 
Cet  angle  varie  au  contraire  d'une  espèce  à  une 
autre.  Le  cristal  de  i-oche  ou  quartz  a  la  forme  de 
prismes  hexagonaux  terminés  par  des  pyramides 
à  six  faces.  Dans  tous  les  cristaux  de  quartz,  quelle 
que  soit  leur  couleur,  quelle  que  soit  leur  prove- 
nance, l'angle  d'une  face  de  la  pyramide  et  d'une 
face  adjacente  du  prisme  est  constamment  de 
141°,  4T.  Dans  le  phosphate  de  chaux,  appelé 
ojDrtfiYe,  la  forme  générale  est  la  même;  mais  l'angle 
d'une  face  du  prisme  et  d'une  face  de  la  pyramide 
est  de  130",  J3',  et  il  a  cette  valeur  dans  tous  les 
cristaux  d'apatite.  Cette  loi  de  la  constance  des 
angles  dans  la  même  espèce  est  fondamentale. 
C'est  à  Rome  de  Lisle  qu'on  en  doit  l'énoncé. 

Les  autres  lois  qui  ont  élucidé  toute  la  cristal- 
lographie ont  été  formulées  nettement  pour  la 
première  fois  par  Hatiy.  Elles  sont  connues  sous 
le  nom  de  lois  de  symétrie.  Elles  suffisent  pour 
faire  comprendre  comment  toutes  les  formes  ob- 
servées dans  les  corps  cristallisés  peuvent  être 
ramenées  à  six  types  principaux.  L'ensemble  d'un 
type  et  des  formes  qui  s'y  rattachent  en  obéissant 
à  ces  lois  constitue  un  système  cristallin.  En  vertu 
de  ces  lois,  une  des  formes  du  système  étant 
connue,  on  peut  prévoir  toutes  les  autres.  Avant 
de  les  exposer,  abordons  l'étude  des  systèmes 
cristallins. 

Premier  système:  système  cubique.  —  Le  type 
est  le  cube,  parallélipipède  à  faces  égales  et  rec- 
tangulaires entre  elles.  Exemples:  le  sel  marin  ou 
sel  gemme,  chlorure  de  sodium  ;  la  galène  ou  sul- 
fure de  plomb  ;  la  fluorine  ou  fluorure  de  calcium; 
les  aluns. 

La  galène  est  souvent  cristallisée  en  cubes;  sou- 


Fig.   1. 


Cube  tancent  à  l'ociaèdre. 


vent  aussi  les  angles  des  cubes  sont  remplacés 
par  des  facettes  planes  triangulaires  (V.  figure 
du   cubo-octaèdre).  Le  cube  a  huit  angles,  et  ces 


Tétraèdre. 


Fij?.  3.  —  Cube. 


huit  angles  sont  tous  modifiés;  on  conçoit  qu'il  en 
doit  être  ainsi;  car  il  n'y  a  pas  de  raison  pour 
qu'un  angle  porte  une  facette  plutôt  qu'un  autre, 
puisque  dans  un  cube  tous  les  angles  solides  à 


CRISTAL 


524  — 


CRISTAL 


trois  faces  sont  composés  d'angles  plans  égaux  :i 
ÎIO".  Les  angles  solides  sont  semblables.  Ils  se  mo- 
difient tous  à  la  fois,  et  tous  de  la  môme  façon.  Si 
l'on  suppose  maintenant  que  les  facettes  triangu- 
laires qu'on  voit  naître  sur  les  angles  ou  sommets 
du  cube  se  développent  davantage,  les  petits  côtés 
de  l'octogone  qui  a  remplacé  chaque  face  du  cube 
deviennent  de  plus  en  plus  longs  et  les  faces  du 


Fig.  4.  —  Cubo-octaèdre. 


Fig.  5.  —  Octaèdro-cube. 


cube  de  plus  en  plus  courtes.  La  figure  de  l'octaè- 
dro-cube  nous  montre  les  huit  faces  placées  sur 
les  angles  plus  développées;  elles  se  coupent  mu- 
tuellement et  leurs  lignes  d'intersection  dessinent 
déjà  la  forme  suivante  (fig.  de  l'octaèdre),  tandis 
que  les  faces  du  cube  primitif  sont  réduites  à  de 
petits  carrés.  Dans  la  figure  de  l'octaèdre,  les  fa- 
céties symétriques  enveloppent    et  masquent  les 


Fig.  6 —Octaèdre.       Fig.7.— Dodécaèdre  rhomboïdal. 

faces  du  cube.  Les  faces  de  cet  octaèdre  sont, 
comme  on  voit,  également  inclinées  sur  les  trois 
faces  adjacentes  concourant  à  former  l'angle  solide 
du  cube  qu'elles  remplacent.  Si  au  lieu  de  pose;- 
un  plan  sur  l'angle  du  cube,  on  le  pose  sur  une 
arête  ;  comme  toutes  les  arêtes  ont  la  même  lon- 
gueur et  correspondent  à  des  angles  dièdres  de 
:90°,  égaux  entre  eux  dans  le  cube,  toutes  les  arêtes 
devront  porter  un  plan  dans  la  même  position. 
Puisque  les  deux  faces  qui  forment  l'arête  ne  dif- 
fèrent en  rien  l'une  de  l'autre,  le  plan  devra  être 
également  incliné  à  droite  et  à  gauclie  de  l'arête  ; 
si  les  douze  plans  dont  chaque  arête  est  ainsi 
chargée  se  rencontrent,  ils  se  coupent  quatre  à 
quatre  au-dessus  des  faces  du  cube,  trois  par  trois 
vis-à-vis  de  ses  angles,  et  donnent  lieu  au  solide 
qu'on  appelle  dodécaèdre  rliomboïdal,  parce  qu'il 
est  formé  de  douze  faces,  et  parce  que  ces  faces 
ont  la  forme  de  losanges  ou  de  rhombes,  comme 
l'indique  la  symétrie  (fig.  7). 

La  méthode  que  nous  avons  employée  pour 
j  montrer  le  passage  du  cube  à  l'octaèdre  régulier 
s'appelle  méthode  des  troncatures;  elle  repose 
uniquement  sur  l'application  des  lois  de  symé- 
trie. Ces  lois  sont  des  plus  simples,  elles  portent  : 
1°  que  toutes  les  parties  semblables  d'une  forme 
se  modifient  ensemble;  2»  qu'elles  se  modifient 
toutes  de  la  même  façon.  Pour  être  semblables, 
les  faces  doivent  avoir  la  même  forme  et  la  même 
étendue  ;  les  arêtes  doivent  être  de  même  longueur 
et  correspondre  à  des  angles  dièdres  égaux  ;  les 
angles  solides  doivent  être  formés  du  même 
nombre  d'angles  plans  égaux  semblable  ment  dis- 
posés. 

La  seconde  méthode,  celle  que  nous  avons  appli- 


quée pour  faire  concevoir  la  formation  du  dodécaèdre 
rhomboïdal,  est  dite  méthode  des  plans  tangents. 
Les  plans,  au  lieu  d'enlever  peu  à  peu  les  angles 
ou  les  arêtes,  leur  sont  tangents.  Les  lois  do  sy- 
métrie sont  également  la  base  de  cette  méthode. 

Enfin,  il  est  un  troisième  moyen  de  concevoir 
les  connexions  du  cube,  de  l'octaèdre  régulier,  du 
dodécaèdre  rhomboïdal.  Si  l'on  mène  une  droite  du 
milieu  d'une  face  du  cube  au  milieu  d'une  face 
opposée,  comme  toutes  les  faces  sont  semblables, 
et  qu'elles  sont  au  nombre  de  six,  il  y  aura  dans 
un  cube  trois  de  ces  lignes  qu'on  appelle  des 
axes.  Les  axes  sont,  comme  il  est  facile  de  le  voir, 
des  lignes  menées  par  le  centre  parallèlement  aux 
arêtes  :  ils  sont  égaux  et  rectangulaires  entre  eux. 
I/octaèdre  régulier  n'est  pas  autre  chose  que  l'en- 
semble de  huit  plans  qui  rencontrent  les  trois  axes 
à  des  distances  égales  du  centre.  Le  dodécaèdre 
rhomboïdal,  c'est  un  solide  formé  de  douze  plans 
parallèles  à  l'un  des  axes,  et  coupant  les  deux  au- 
tres à  des  distances  égales,  en  comptant  toujours 
ces  distances  à  partir  du  centre. 

Le  système  cubique  se  compose  non  seulement 
du  cube,  de  l'octaèdre  régulier,  du  dodécaèdre 
rhomboïdal.  mais  encore  de  formes  à  :2i  ou  à 
48  faces.  11  est  toujours  facile  de  reconnaître 
que  ces  formes  appartiennent  au  système  cubique, 
fn  étudiant  la  composition  de  leurs  angles  solides, 
de  ceux  surtout  qui  comprennent  le  plus  d'angles 
plans,  ou  mieux  encore,  en  menant,  par  le  centre 
du  cristal,  des  axes  qui  joignent  les  sommets  de 
CCS  angles  solides.  On  voit  aisément  qu'une  de 
ces  formes,  le  cube  pyramide,  peut  être  considérée 
comme  un  cube  dont  toutes  les  faces  seraient  sur- 
montées de  petites  pyramides  à  quatre  faces 
triangulaires.  C'est  par  les  sommets  de  ces  pyra- 
mides que  passent  nos  trois  axes  rectangulaires. 
Les  quatre  angles  dièdres  qu'on  observe  autour 
de  soi,  en  se  plaçant  par  la  pensée  dans  l'un  de  ces 
axes,  sont  égaux  pour  chacune  de  ces  pyra- 
mides. 

Deux  autres  formes  ont  aussi  24  faces  ;  dans 
l'une,  nommée  traj>é:oèdre,  les  faces  sont  des 
quadrilatères  ayant  leurs  côtés  adjacents  égaux 
deux  à  deux  ;  elles  se  rencontrent  aux  e.xtrémités 
des  axes,  autour  desquelles  elles  donnent  lieu  à 
quatre  angles  plans  et  à.  quatre  angles  dièdres 
égaux.  Dans  l'autre,  les  faces  sont  des  triangles 
isocèles  ;  autour  des  axes,  on  observe  huit  de  ces 
faces  ;  cette  forme  est  appelée  octolrièdre. 

Enfin,  an  système  cubique  appartiennent  encore 
les  scalénoèdres,  composés  de  4S  faces,  qui  se  cou- 
pent liuit  par  huit  autour  des  axes  précédents. 

Toutes  ces  formes  peuvent  se  combiner  par 
deux,  trois,  etc.;  l'on  en  observe  par  conséquent 
une  grande  variété,  qu'on  peut  toujours  reconnaître 
au  moyen  des  trois  axes,  et  de  la  disposition  sy- 
métrique des  groupes  de  quatre  angles  dièdres 
égaux  qui  les  entourent. 

Deuxième  si/stètne  :  système  qiadp.atujue.  — La 


8.  —  Prisme  droit 
carré. 


Fig.  9. 


-  Octaèdre  droit 
carré. 


forme  qui  sert  de  point  de  départ  est  celle  d'un 
prisme  dont  la  hauteur  est  quelconque,  et  dont  la 
base  reste  un  carré  perpendiculaire  aux  faces  du 


CRISTAL 


—  525  — 


CRISTAL 


prisme  ;  les  arêtes  de  ce  prisme  sont  encore  per- 
pendiculaires l'une  sur  l'autre,  mais  celles  qui  en 
mesurent  la  hauteur  ne  sont  plus  comme  dans  le 
cube  égales  aux  arèies  de  la  base.  Les  arêtes  de  la 
base  sont  semblables,  et  ne  peuvent  être  remplacées 
par  des  plans  les  unes  sans  les  autres;  comme 
elles  sont  au  nombre  de  huit,  on  obtient  ainsi  huit 
plans  parallèles  aux  arêtes;  ces  plans  se  rencon- 
trent en  formant  deux  pyramides  à  quatre  faces, 
qui  se  touchent  par  leur  base  commune,  et  celle-ci 
garde  la  forme  d'un  carré.  Dans  une  même  espèce 
minérale  ou  chimique  de  ce  système  cristallin,  on 
trouve  souvent  plusieurs  octaèdres  de  hauteurs 
différentes.  Mais,  si  l'on  calcule  les  rapports  des 
hauteurs  de  ces  pyramides  à  leur  base,  on  voit 
qu'ils  sont  des  multiples  fort  simples  les  uns  des 
autres,  et  que  si  l'on  compare  les  rapports  obte- 
nus dans  une  espèce  h  ceux  qu'on  obtient  pour  une 
aiitre,  ils  sont  incommensurables  entre  eux.  Ils 
caractérisent  donc  les  espèces. 

Les  formes  de  ce  système  sont  des  octaèdres, 
et  deux  prismes  à  base  carrée,  ceux-ci  inscrits  l'un 
dans  l'autre,  ou  bien  des  prismes  à  huit  pans, 
et  des  doubles  pyramides  à  huit  faces.  En  joignant 
les  sommets  des  angles  solides  à  huit  faces  de  ces 
pyramides,  on  obtient  l'axe  de  la  Hauteur,  autour 
duquel  on  observe  une  symétrie  par  quatre  ou 
par  huit  comme  autour  d'un  des  axes  du  cube. 
Mais  c'est  la  seule  direction  qui  jouisse  de  cette 
propriété  dans  le  système  quadratique.  On  l'ap- 
pelle axe  prmcipal  ou  axe  de  figure.  Si  l'on  mène 
un  plan  parallèle  aux  bases  par  le  centre  du 
cristal,  ou  par  la  base  commune  à  quatre  ou  à 
huit  faces,  on  voit  que  la  partie  supérieure  et  la 
partie  inférieure  sont  symétriques  ;  si  par  l'axe 
principal  on  fait  passer  deux  plans  perpendicu- 
laires au  précédent,  et  parallèles  aux  faces  du 
prisme,  ces  plans  divisent  chacun  de  leur  côté  le 
prisme  en  deux  moitiés  identiques. 

Les  trois  axes  menés  par  le  centre  parallèlement 
aux  arêtes  du  prisme  primitif  sont  rectangulaires 
entre  eux  ;  deux  de  ces  axes,  parallèles  aux  côtés  du 
carré,  sont  égaux;  le  troisième  est  différent  des 
deux  autres. 

Troisième    système  :  système    du  prisme    droit 

A    BASE    RECTANGULAIRE   OU   BHOMBIQUE.     —   Qu'OU  SO 


rhombique  correspond  un  octaèdre  de  même  sec- 
tion ;  les  faces  sont  ici  parallèles  aux  côtés  d'un 
losange  qui  sont  semblables. 

En  résumé,  dans  ce  système,  les  formes  sont 
des  prismes  ou  des  octaèdres  à  base  rectangulaire 
ou  rhombique  ;  les  trois  axes  sont  rectangulaires 
entre  eux  et  inégaux;  les  trois  plans  menés  par 
le  centre  du  cristal  parallèlement  aux  arêtes  du 
prisme  rectangulaire  le  divisent  chacun  de  leur 
côté  en  deux  moitiés  égales  et  symétriques  ;  mais 
les  moitiés  ainsi  produites  par  un  plan  ne  sont 
plus  égales  à  celles  que  produit  un  autre  plan 
perpendiculaire  au  premier,  comme  dans  les  sys- 
tèmes précédents. 

Quatrième  système  :  système  hexagonal  ou  rhom- 
BoÉDRiQUE.  —  Le    prisme  hexagonal   a  les    plus 


ha^ér. 


grandes  analogies  avec  le  prisme  à  base  carrée  ; 
il  en  diffère  en  ce  que  sa  base  est  un  hexagone,  et 
que  ses  faces  sont  au  nombre  de  six;  il  faut  donc 
partout  substituer  six  à  quatre.  Aussi  le  système 


Fig.  10. —  Prisme  droit    Fig.  11.  —  Bases  des  prismes  rec- 
rectangulaire.  [angulaires  et  rhomboïdaux. 

représente  un  prisme  dont  les  faces  sont  rectan- 
gulaires entre  elles,  mais  inégales;  chacune  des 
arêtes  est  perpendiculaire  au  plan  des  deux  autres, 
et  les  trois  arêtes  diffèrent  de  longueur.  On  con- 
çoit qu'à  chacun  des  prismes  rectangulaires,  bien 
que  les  faces  n'en  soient  plus  semblables,  corres- 
pondent des  octaèdres,  c'est-à-dire  des  doubles 
pyramides,  dont  les  faces  n'ont  pas  la  même  éten- 
due, et  dont  la  base  commune  est  un  rectangle 
parallèle  à  celui  qui  sert  de  base  au  prisme.  Si 
l'on  joint  les  milieux  des  côtés  du  rectangle,  on 
obtient  un  rhombe  ou  losange,  qui  peut  servir  de 
base  à  un  prisme  inscrit  dans  le  primitif.  Aussi 
l'on  regarde  comme  appartenant  au  même  système 
les  prismes  droits  h  base  rectangulaire,  et  ceux 
dont  la  base  est  un  rhombe  ;  les  côtés  du  rectangle 
sont  les  diagonales  du  rhombe.  A  chaque  prisme 


Fig.  14.  —  Prisme 
hexaèdre  pyramide. 


Fig.  15.  —  iléSastatique. 


se  compose-t-il  de  deux  prismes  hexagonaux  ins- 
crits l'un  dans  l'autre,  et  de  doubles  pyramides  à 
six  ou  à  douze  faces,  dont  les  bases  communes  sont 
par  conséquent  des  pol3'gones  de  six  ou  de  douze 
côtés,  et  qu'on  appelle  dihexaèdres  ou  didode- 
cuèilres. 

Les  dihexaèdres  sont  faciles  à  placer  sur  le 
prisme.  Les  uns  ont  leurs  faces  parallèles  à  six 
arêtes  de  la  base  ;  c'est  aux  trois  diagonales  de 
cette  base  que  sont  parallèles  les  faces  des  autres 
dihexaèdres,  placées  sur  les  angles  solides  du 
prisme  hexagonal.  Si  l'on  suppose  que  les  arêtes 
de  la  base  de  ce  prisme,  au  lieu  de  se  modifier 
toutes  les  six  sur  chaque  base,  ne  se  modifient  que 
de  deux  en  deux,  en  sorte  que  les  arêtes  rempla- 
cées par  des  plans  alternent  avec  celles  qui  ne 
le  sont  pas  ;  ou,  ce  qui  revient  au  mèiue,  si  l'on 
suppose  qu'une  seule  face  sur  deux  subsiste  dans 
un  dihexaèdre,  double  pyramide  à  six  faces,  de 
telle  façon  que  les  faces  disparues  alternent  avec 
celles  qui  sont  conservées;  ccmme  à  cause  de 
cette  alternance  une  face  de  I?  pyramide  supé- 
rieure ne  rencontre  plus  son  opposée  à  la  pyramide 
inférieure,  mais  une  face  adjacente  à  celle-ci,  au- 
trement tournée  par  rapport  à  l'axe,  les  faces  qui 


CRISTAL 


526  — 


CRISTAL 


ont  subsisté  dans  les  deux  pyramides  se  rencon- 
trent en  biais  en  formant  des  arêtes  d'intersection 
disposées  en  zigzag.  Les  deux  pyramides  se  trou- 
vent réduites  cliacune  à  trois  faces,  et  l'ensemble 
constitue  un  parallélipipède  qui  a  pour  faces  six 
rhombes  égaux,  et  qu'on  appelle  un  rltomhoèdre. 

Souvent  on  prend  le  rhomboèdre  comme  forme 
primitive;  on  voit  que  c'est  un  cube,  dont  les  fa- 
ces, restant  égales,  deviennent  obliques  les  unes 
sur  les  autres.  Deux  de  leurs  angles  solides  sont 
formés  de  faces  égales,  et  leurs  dièdres  sont  égaux. 
La  droite  qui  joint  ces  deux  angles  solides  opposés 
est  égale  à  l'axe  de  la  hauteur  du  dihexaèdre, 
d'où  le  rhomboèdre  peut  être  dérivé.  Autour  de 
cete  droite  on  observe  la  disposition  symétrique 
des  faces  et  des  arêtes  par  trois.  Le  rhomboèdre 
offre  donc  autour  d'une  droite  particulière  une 
symétrie  ternaire  ;  il  se  rattache  par  conséquent 
au  même  système  général  que  les  dihexaèdres  et 
les  prismes  hexagonaux.  Mais,  comme  nous  l'avons 
dit  précédemment,  le  rhomboèdre  n'offre  que  la 
moitié  des  faces  du  dihexaèdre  ;  c'est  une  forme 
hémiédriqtie.  Si,  dans  un  didodécaèdre,  on  supprime 
aussi  des  faces  alternativement,  mais  ici  deux  sur 
quatre,  de  façon  qu'une  paire  de  faces  adjacentes 
symétriques  par  rapport  à  une  des  trois  diago- 
nales de  la  base  étant  conservée,  la  paire  consécu- 
tive ne  se  développe  pas,  les  faces  qui  persistent 
forment  ensemble  une  sorte  de  double  pyramide 
à  six  faces  ;  les  deux  pyramides  supérieures  se 
coupent  suivant  une  surface  gauche  limitée  par 
douze  arêtes  en  zigzag;  leurs  faces  sont  des  trian- 
gles scalènes  ;  on  les  appelle  scnlmoèdres. 

Cinquième  système  :  puisme  lnioblique  ou  mo- 
noclinique.   —  Sur    un  prisme  formé  de  quatre 


/" 


7 


Fig.  16. — Prisme  oblique     Fig.  17.  —  Prisme  rectangu- 
rhombuïdal.  laireetrhombuïdaldeprotil. 

faces  rectangulaires,  ou  sur  le  prisme  inscrit  à 
section  de  losange,  plaçons  une  base  qui  s'incline 
dans  une  direction,  mais  dans  une  seule,  d'arrière 
en  avant,  par  exemple,  de  façon  par  conséquent  à 
rester  encore  également  inclinée  à  droite  et  à 
gauche  :  nous  aurons  un  prisme  monoclinique  ou 
unioblique.  Si  la  base  est  rectangulaire,  un  des 
côtés  de  cette  base  est  incliné  d'arrière  en  avant 
comme  la  base  elle-même  dont  il  montre  la  pente, 
l'autre  côté  est  perpendiculaire  au  précédent 
comme  côté  d'un  rectangle  ;  il  reste  horizontal, 
puisque  le  rectangle  ne  penche  pas  plus  à  gauche 
qu'à  droite.  Mais  le  prisme  étant  rectangulaire, 
deux  de  ses  faces  étant  dirigées  latéralement,  les 
deux  autres  se  trouvent  l'une  en  avant,  et  la  qua- 
trième en  arrière  ;  le  côté  horizontal  de  la  base 
est  perpendiculaire  aux  faces  latérales  du  prisme 
et  à  ses  arêtes  verticales.  Si  donc,  par  le  centre 
du  cristal,  on  mène  trois  axes,  l'un  vertical,  le  se- 
cond parallèle  au  côté  incliné  du  rectangle  qui  sert 
de  base,  le  troisième,  parallèle  au  côté  horizontal 
de  ce  rectangle,  est  perpendiculaire  aux  deux  au- 
tres axes.  Ou  dit  que  dans  ce  système  il  y  a  trois 
axes  inégaux,  dont  l'un  est  perpendiculaire  au  plan 
des  deux  autres.  Si,  au  lieu  de  prendre  le  prisme 
rectangulaire  pour  point  de  départ,  on  choisit  le 
prisme  rhombique  inscrit,  les  axos  sont,  le  premier 
vertical, et  les  deux  autres  parallèles  aux  diagonales 
du  rhombe  inscrit  dans  le  rectangle. 
Les  octaèdres,   les  prismes,  toutes  les   formes 


de  ce  système  présentent  toujours  ce  caractère, 
qu'on  peut  mener  par  leur  contre  un  plan  qui  les 
divise  en  deux  moitiés  symétriques.  Un  seul  plan 
jouit  de  cette  propriété  ;  on  l'appelle  plan  de 
si/inétrie.  C'est  le  plan  auquel  la  base  est  perpen- 
diculaire. Il  n'y  en  a  qu'un,  puisque  dans  les  au- 
tres directions  la  base  est  oblique. 

Sixième  système:  système  bioblique.  —  Ici,  la  base 
s'incline,  non  seulement  d'arrière  en  avant,  mais 
de  gauche  à  droite,  ou  de  droite  a  ga-iche.  Aussi 
aucune  des  faces  du  parallélipipède  qui  sTt  de 
point  de  départ  n'est  perpendiculaire  aux  autres. 
On  ne  trouve  plus  de  plan  de  symétrie. 

De  l'hémiédkie.  —  Nous  avons  dit  que  dans  un 
cube  ou  dans  un  prisme  à  base  carrée,  tous  les 
angles  solides  doivent  être  modifiés  en  même 
temps.  Dans  certains  cristaux  un  angle  sur 
deux  seulement  est  remplacé  par  une  face,  et 
les  angles  ainsi  modifiés  alternent  avec  ceux  qui 
ne  le  sont  pas.  C'est  ce  qu'on  observe  fréquemment 
sur  les  cristaux  de  boracite  (borate  de  magnésie). 
Quatre  angles  du  cube  portent  seuls  des  facettes, 
et  celles-ci,  en  se  développant  assez  pour  se  ren- 
contrer, donnent  lieu  au  tétraèdre  régulier  (fig.  2) 
ou  pyramide  triangulaire,  dont  la  base  est  égale 
aux  faces.  Le  cuivre  gris  (sulfure  d'antimoine,  de 
cuivre  et  autres  bases)  cristallise  sous  cette  forme. 
En  joignant  les  milieux  des  arêtes  qui  se  croisent, 
on  retrouve  les  axes  du  cube.  Dans  la  pyrite  (bisul- 
fure de  fer),  la  forme  la  plus  ordinaire  est  celle 
d'un  solide  à  douze  faces,  qui  sont  elles-mêmes 
des  pentagones.  On  démontre  facilement  que  ce 
solide  est  la  forme  hémièdrc  d'un  cube  pyramide  ; 
les  cubes  pyramides  ont,  comme  nous  l'avons  vu 
plus  haut,  vingt-quatre  faces;  en  ne  prenant  qu'une 
sur  deux  de  leurs  faces,  suivant  la  loi  d'alternance 
que  nous  avons  déjà  indiquée,  on  obtient  le  dodé- 
caèdre pentagonal.  Les  octaèdres  à  base  carrée, 
les  octaèdres  à  base  rhombique  peuvent  aussi  se  dé- 
doubler d'une  manière  analogue  en  solides  à 
quatre  faces  ou  tétraèdres.  Mais  dans  ces  solides 
on  peut  toujours  retrouver  les  systèmes  d'axes  de 
symétrie  qui  caractérisent  le  système  cristallin 
auquel  ils  appartiennent. 

Quant  à  la  cause  qui  produit  cette  hémicdrie, 
elle  provient  de  ce  que  les  parties  d'un  cristal, 
pour  être  semblables,  doivent  présenter  la  même 
structure  intime,  et  non  pas  seulement  la  même 
forme  extérieure.  Delafosse  a  montré  qu'un  cube 
peut  être  composé  d'éléments  d'une  autre  forme, 
de  tétraèdres  par  exemple,  qui  auraient  tous  leur 
hauteur  dirigée  vers  le  sommet  d'un  angle  solide 
et  leur  base  appliquée  sur  le  sommet  de  l'angle 
opposé.  Les  angles  opposés  du  cube  qui  en  ré- 
sultent ne  sont  donc  plus  réellement  semblables  ; 
ils  le  sont  en  apparence  dans  le  cube,  parce  que 
les  particules  élémentaires  en  sont  trop  petites 
pourqu'onen  puisse  apercevoir  la  véritable  forme. 

Au  mot  Minéral,  nous  exposons  les  causes  de 
l'harmonie  qui  existe  entre  ces  caractères  de  sy- 
métrie cristalline  et  les  caractères  physiques,  tels 
que  la  pyro-éleciricité,  la  polarisation  rotatoire,  etc. 

IsoJioRPHissiE  et  DiMORPHisME.  —  Certaines  subs- 
tances ont  des  formes  presque  identiques.  Le  mi- 
nerai d'argent  appelé  argent  rouge  (sulfure  d'an- 
timoine et  d'argent),  et  le  calcaire  ou  carbonate 
de  chaux  rhomboédrique,  cristallisent  en  rhomboè- 
dres, dont  les  angles  sont  très  voisins  les  uns  des 
autres  ;  mais  l'on  ne  peut  pas  encore  s'expliquer 
ces  analogies  de  formes  dans  des  matières  de  com- 
position si  différente.  Il  en  est  autrement  lorsqu'il 
s'agit  de  matières  analogues  au  point  de  vue  de 
leur  constitution  chimique  en  même  temps  qu'au 
point  de  vue  de  leurs  formes.  Les  carbonates  de 
chaux,  de  magnésie,  de  fer,  de  manganèse  et  de 
zinc,  par  exemple,  appartiennent  au  même  type 
chimique  ;  un  équivalent  du  môme  acide  carboni- 
que et  un  équivalent  de  base,  tels  en  sont  les  clé- 


CRITIQUE 


—  527  — 


CRITIQUE 


ments,  de  façon  que  ces  carbonates  ne  diffèrent  les 
uns  des  autrps  que  par  leur  métal  ;  et  ces  métaux, 
le  fer,  le  manganèse,  le  zinc,  en  particulier,  se 
remplacent  en"  général  assez  facilement.  Ces  car- 
bonates ont  des  formes  qu'on  peut  dériver  d'un 
rhomboèdre,  dont  les  faces  font  entre  elles  des 
angles  qui  ont  pour  limites  extrêmes  :  105°5' 
^calcaire)  et  10"''40'  (carbonate  de  zinc).  Les 
substances  qui  ont  cette  double  analogie  de  forme 
et  de  composition  chimique  sont  dites  isomor- 
phes. 

Le  dimorphisme  esi  un  phénomène  inverse.  Une 
même  substance  peut  offrir  quelquefois  des  formes 
très  différentes,  suivant  les  conditions  où  elle  cris- 
tallise. Le  carbonate  de  chaux,  par  exemple,  se 
présente  en  rhomboèdres  (calcaire)  ou  en  prismes 
droits  à  base  rhombique  (aragonite)  ;  le  soufre,  quand 
on  l'a  dissous  dans  le  sulfure  de  carbone,  se  dé- 
pose après  l'évaporation  du  dissolvant  sous  la  forme 
d'octaèdres  droits  à  base  rhombique,  tandis  que  le 
soufre  obtenu  cristallisé  après  fusion  se  présente, 
comme  nous  l'avons  dit,  en  prismes,  dont  la  base 
est  oblique  sur  les  pans. 

Mesure  des  angles.  —  On  mesure  les  angles  diè- 
dres des  formes  cristallines  au  moyen  d'instru- 
ments appelés  goniomètres.  Les  uns,  goniomètres 
d'application,  consistent  en  deux  alidades,  espèces 
de  branches  de  compas,  mobiles  l'une  sur  l'autre, 
en  même  temps  qu'autour  d'un  bouton  qui  sert  de 
centre  à  la  rotation.  Les  deux  alidades  sont  appli- 
quées sur  les  faces  de  l'angle  dièdre  du  cristal, 
dans  un  plan  perpendiculaire  à  l'arête  du  dièdre; 
on  les  porte  ensuite  sans  en  changer  l'écartement 
sur  un  cercle  divisé  ou  rapporteur,  au  centre  du- 
quel se  place  le  bouton  des  alidades.  On  lit  sur 
ce  cercle  divisé  l'angle  des  alidades  ;  c'est  l'angle 
plan  qui  mesure  le  dièdre  cherché. 

Les  goniomètres  qu'on  appelle  à  réflexion  per- 
mettent d'évaluer  les  angles  dièdres  à  une  minute 
près.  On  regarde  sur  les  deux  faces  de  l'angle  dièdre 
qu'on  mesure,  et  qui  sont  en  général  assez  bril- 
lantes pour  fonctionner  comme  de  petits  miroirs, 
l'image  d'une  ligne  ou  d'un  point  lumineux  éloi- 
gnés, de  l'extrémité  d'une  flamme  vive,  par  exem- 
ple. Pour  amener  successivement  les  deux  faces 
dans  la  position  où  elles  montrent  l'image  du  point 
lumineux,  il  faut  tourner  le  cristal  d'un  certain 
angle,  qu'on  mesure  au  moyen  d'un  cercle  divisé 
muni  d'un  vernier.  L'arête  du  dièdre  doit  être  bien 
perpendiculaire  au  plan  du  cercle  divisé  ;  elle  doit 
passer  par  son  centre.  Les  images  qu'on  regarde 
sur  les  faces  du  cristal  sont  amenées  l'une 
après  l'autre  à  un  même  point  de  repère  ;  tout 
cola  est  réalisé  dans  l'appareil  imaginé  par  Wol- 
laston. 

Groupement.  —  Nous  avons  dit,  au  commence- 
ment de  cet  article,  que  les  cristaux  sont  des  po- 
lyèdres convexes  ;  ils  ne  peuvent  donc  présenter 
aucun  angle  rentrant;  il  en  est  cependant  qui  of- 
frent des  angles  de  cette  sorte  ;  mais  ce  sont  des 
cristaux  groupés.  En  effet,  deux  cristaux,  en  se 
produisant  au  contact  l'un  de  l'autre,  se  gênent 
mutuellement,  et  ne  se  développent  que  dans  leur 
moitié  libre.  Souvent  il  arrive  qu'ils  se  placent  en 
face  l'un  de  l'autre,  dans  la  même  position  qu'un 
objet  et  son  image  vue  dans  un  miroir.  Un  plan 
qui  s'abaisse  vers  un  miroir  paraît  remonter  de 
l'autre  côté,  en  sorte  qu'il  y  a  entre  l'objet  et-  son 
image  angle  rentrant. 

Enfin  les  cristaux  sont  souvent  allongés  dans  une 
direction  particulière,  bien  que  les  angles  de  leurs 
faces  ne  changent  pas  ;  en  même  temps  qu'ils  s'al- 
longent, ils  peuvent  se  grouper  en  masses  fibreu- 
ses, en  boules,  en  bandes,  en  spirales,  etc. 

[Edouard  Jannettaz.] 

CRITIQUE .  —  Littérature  et  style,  'VIL  —  La 
critique  (du  grec  kritikè,  art  de  juger)  est  cette 
appréciation  réfléchie  qui,  dans  les  œuvres  littérai- 


res, discerne  le  vrai  du  faux,  le  spécieux  du  solide, 
les  beautés  des  délauts,  motive  ses  arrêts,  et  juge 
les  écrivains  par  le  blâme  ou  la  louange. 

Elle  exige  des  conditions  ou  des  aptitudes  qui 
intéressent  l'intelligence,  la  sensibiliLé,  la  cons- 
cience. 

Avant  tout,  elle  suppose  la  rectitude  de  l'esprit, 
une  raison  nette,  qui,  cultivée  par  les  modèles,  et 
guidée  par  un  idéal,  sache  démêler  le  fort  et  le 
faible  des  talents,  traite  chacun  selon  ses  mérites, 
récompense  les  uns  par  son  estime,  avertisse  les 
autres  par  d'équitables  censures,  concilie  la  tradi- 
tion et  le  progrès,  modère  ceux-ci.  anime  ceux-là, 
et  contribue  ainsi  à  former  un  public  d'élite,  à  re- 
dresser les  écarts  de  l'opinion,  à  devenir  son  guide 
prudent  et  libéral. 

Pour  y  réussir,  il  ne  suffit  pas  d'être  instruit, 
éclairé,  judicieux.  A  l'excellence  des  doctrines,  à 
l'étendue  de  l'érudition,  à  la  valeur  des  principes 
ou  à  la  sûreté  des  aperçus,  il  convient  d'allier  en- 
core la  faculté  de  sentir  vivement,  et  de  commu- 
niquer l'émotion.  Car  l'ennui  que  propage  une 
parole  sèche  et  froide  rend  toute  leçon  stérile.  Il 
faut  donc  trouver  en  soi  les  sources  de  l'éloquence, 
pour  être  digne  de  l'admirer  ;  et  comme  disait 
Vauvenargues,  il  est  nécessaire  d'avoir  de  l'âme 
pour  avoir  du  goût. 

La  passion  du  beau,  l'intuition  rapide  qui  com- 
prend tout  par  instinct  et  par  expérience,  cette 
clairvoyance  qui  distingue  toutes  les  nuances  du 
sentiment  ou  delà  pensée,  la  pénétration  d'un  re- 
gard qui  cherche  l'homme  sous  l'auteur,  la  finesse 
du  pinceau  qui  fixe  l'expression  des  physionomies, 
le  sens  psychologique  do  moralistejoint  à  l'habileté 
du  peintre,  une  sympathie  hospitalière  pour  toutes 
les  formes  de  l'art,  la  tolérance  d'un  goût  géné- 
reux qui  n'a  rien  d'exclusif,  et  fait  cordial  accueil 
aux  inépuisables  variétés  de  l'esprit  humain  ••  tels 
sont  ici  les  principaux  signes  de  vocation. 

Mais  à  ces  dons  de  la  nature  et  de  l'étude  s'ajou- 
teront les  devoirs  d'une  responsabilité  sociale.  Car 
cette  magistrature  qui  s'exerce  sur  les  livres,  et 
porte  sur  le  fond  comme  sur  la  forme,  doit  avoir 
souci  de  son  influence  ;  elle  ne  sera  donc  pas  seu- 
lement un  jeu  de  la  fantaisie  individuelle. 

Nous  entendons  par  là  que  ce  ministère  péril- 
leux oblige  celui  qui  le  pratique.  Nous  lui  deman- 
dons des  garanties  de  bonne  foi,  le  culte  de  la 
justice,  une  impartialité  souveraine,  et  une  indé- 
pendance supérieure  à  tout  soupçon  de  parti  pris, 
de  prévention^  de  préjugés,  à  plus  forte  raison  de 
complaisance,  de  dénigrement  ou  d'intérêt.  Il  ne 
mentira  donc  jamais  à  sa  conviction.  Il  ne  sera 
pas  flatteur  pour  ses  amis,  malveillant  pour  ses 
ennemis.  Etranger  à  la  faveur  ou  à  l'envie,  heu- 
reux des  succès  d'autrui  pourvu  qu'ils  soient  légi- 
times, résolu  à  n'être  ni  adulateur  ni  détracteur, 
il  aura  l'autorité  de  l'honnête  homme,  dont  le 
caractère  commande  le  respect. 

Enfin,  quand  on  prétend  décider  sur  les  talents, 
il  est  bon  de  n'être  pas  un  écrivain  médiocre  qui 
se  réfugie  dans  la  critique  par  impuissance.  Au- 
trement, nous  aurions  droit  de  récuser  un  juge 
qui  se  discréditerait  par  son  stjie. 

Revue  historique.  —  Antiquité.  —  C'est  ce  que 
démontre  l'exemple  des  maîtres  qui  ont  élevé  la 
critique  à  la  hauteur  d'un  art  égal  à  tous  les 
autres. 

Ici,  comme  ailleurs,  les  anciens,  et  surtout  les 
Grecs,  ont  été  des  précurseurs,  ou  plutôt  des  ins- 
tituteurs pour  les  âges  suivants. 

Sans  insister  sur  des  temps  lointains,  et  des  mo- 
numents inspirés  par  des  besoins  ou  des  mœurs 
qui  ne  sont  plus  les  nôtres,  nous  ne  pouvons  ce- 
pendant omettre  un  nom  devenu  classique, 
celui  d'Aristote,  qui  régna  si  despotiquement 
sur  notre  théâtre.  Pour  ce  génie  encyclopédique, 
pour  ce  profond  penseur  calomnié  par  ses  pré- 


CRITIQUE 


—  528  — 


CRITIQUE 


tendus  disciples,  l'cloquencc  et  La  poésie  furent, 
comme  la  nature  et  lame  humaine,  un  objet  d'é- 
tude vraiment  scientifique.  Car  il  définit  les  règles 
de  chaque  genre,  et  il  remonta  par  une  logique 
merveilleusement  déliée  aux  principes  mêmes  qui 
gouvernent  tous  les  procédés  de  l'invention.  Les 
yeux  fixés  sur  les  chefs-d'œuvre  incomparables 
que  la  patrie  des  Muses  ofi"rait  à  son  observation, 
il  dégagea  de  ces  exemplaires  parfaits  les  lois  que 
la  raison  impose  à  l'imagination.  Aussi  ne  faut-il 
pas  s'étonner  qu'il  ait  régné  longtemps  sur  l'es- 
prit humain  dont  il  avait  analysé  tous  les  ressorts. 
Regrettons  seulement  que  ce  philosophe  ait  été 
compromis  soit  par  la  subtile  barbarie  du  moyen 
âge,  soit  par  le  pédantisme  tyrannique  des  docteurs 
qui  firent  peser  sur  Corneille  le  joug  de  sa  poétique 
mal  comprise. 

Renaissance.  xvi«  siècle.  —  La  critique  n'existe 
pas  au  berceau  d'un  peuple  ;  car  sa  langue  s'ignore, 
et  en  est  encore  aux  bégaiements  de  la  première 
enfance.  Pour  que  le  goût  s'éveille  il  faut  attendre 
l'âge  déraison.  Aussi  ne  nous  attarderons-nous  pas 
à  l'époque  pourtant  si  intéressante  qui  précéda  le 
XVI'  siècle.  Sans  être  de  ceux  qui  voient  des  landes 
arides  dans  ce  sol  plantureux  où  plongent  les  ra- 
cines de  l'esprit  français,  nous  pensons  que  les 
purs  lettrés  y  sont  fort  dépaysés,  h  moins  d'avoir 
la  curiosité  du  philologue  ou  de  l'historien. 

La  Renaissance  même  compta  peu  de  critiques. 
Elle  adorait  trop  les  anciens  pour  oser  les  juger, 
et  dédaignait  trop  les  modernes  pour  en  faire  une 
sérieuse  étude.  En  dehors  des  Essais  de  Montaigne, 
ce  fantaisiste  qui  touche  à  toutes  les  questions,  et 
les  résout  en  se  jouant  par  un  bon  sens  charmant 
comme  le  caprice  d'une  haute  raison,  nous  ne 
mentionnerons  que  le  manifeste  lancé  par  le  poète 
Du  Bellay,  sous  ce  titre  :  Défense  de  la  langue  fran- 
çaise (1549).  Bien  des  idées  justes  sont  exprimées 
avec  une  verve  belliqueuse  dans  ce  programme,  où 
un  disciple  de  Ronsard  enseigne  avec  une  sorte 
d'enthousiasme  l'art  de  concilier  l'imitation  et  l'in- 
vention, d'enrichir  le  vocabulaire,  et  d'égaler  les  an- 
ciens, sans  renier  le  génie  national.  Il  y  eut  là  une 
impulsion  donnée  à  une  société  littéraire  qui  s'as- 
soupissait dans  la  routine  ou  l'ignorance.  Ce  fut 
le  signal  d'un  avènement  pour  l'ode,  l'épopée,  la 
tragédie,  en  un  mot  pour  les  genres  relevés  qui 
n'avaient  pas  encore  droit  de  cité  parmi  nous. 

Quant  à  Malherbe,  qui  vint  enfin,  comme  dit  Boi- 
leau,  ce  «  tyran  des  syllabes  »  fit  aussi  œuvre  criti- 
que, et  des  meilleures,  puisqu'il  façonna  l'instru- 
ment d'où  Corneille  tirera  des  accords  sublimes,  et 
Racine  des  accents  mélodieux.  Grammairien  et  pé- 
dagogue jusqu'au  dernier  soupir,  il  institua  la  pu- 
reté de  la  langue  française,  et  réconcilia  le  vers 
avec  l'harmonie,  la  rime  avec  la  raison.  Ce  fut 
ainsi  qu'il  prépara  le  grand  siècle,  qui  apprit  de 
lui  le  choix  du  mot  propre,  la  sobriété  de  la  pen- 
sée, la  convenance  des  images  et  la  rigueur  d'une 
prosodie  sévère. 

xvii'  SIÈCLE.  —  Bienheureux  sont  les  âges  où  la 
critique  n'est  point  cultivée  comme  une  spécialité 
qui  finit  par  être  envahissante  !  Car  c'est  un  signe 
de  puissance  créatrice. 

Tel  fut  le  siècle  de  Louis  XI"V.  Toutefois,  avant 
l'apparition  des  inventeurs,  il  y  eut  un  travail 
d'épuration  préliminaire  qui  tendit  à  substituer  la 
discipline  à  l'anarchie.  On  y  réussit  même  plus 
qu'il  ne  convenait,  et  le  purisme  faillit  tout  gâter; 
témoin  l'Hôtel  de  Rambouillet  où  les  «  précieuses  » 
se  livrèrent  à  d'interminables  discussions  sur  le 
vocabulaire.  Si  ce  petit  cercle  d'élite  donna  comme 
un  vernis  d'élégance  et  une  fleur  de  politesse  à  ce 
qu'on  appelait  le  beau  langage,  il  encouragea 
trop  l'afféterie  de  ces  ruelles  et  de  ces  alcôves 
où  l'on  n'était  admis  qu'à  condition  de  connaître 
le  grayid  fin,  le  fin  du  fin.  Mais  le  bon  sens  de 
Molière  coupera  court  à  ces  ridicules. 


En  dehors  des  salons,  l'Académie  fut  un  tribu- 
nal officiel  qui  contribua  singulièrement  à  instau- 
rer ou  maintenir  les  principes  du  goût  et  les  tra- 
ditions de  l'esprit  français.  Pourtant  elle  eut  le 
tort,  dans  le  procès  du  Ci'l,  de  prendre  parti  pour 
la  médiocrité  prudente  et  jalouse  contre  les  fécon- 
des hardiesses  du  génie. 

Si  nous  voulons  rencontrer  alors  des  jugements 
définitifs,  prononcés  avecune  autorité  qui  s'impose, 
allons  droit  aux  grands  classiques  dont  la  parole 
a  force  de  loi. 

C'est  ainsi  que  Corneille,  dans  VExamen  de  ses 
propres  tragédies,  les  apprécie  avec  un  désinté- 
ressement et  une  candeur  d'équité  qui  nous  font 
aimer  et  admirer  son  cœur  et  son  caractère. 

C'est  ainsi  que  La  Bruyère,  dans  son  discours  de  ré- 
ception, trace  le  portrait  de  La  Fontaine,  deBoileau, 
de  Racine,  de  Fénelon,  deBossuet,  et  dicte  à  la  posté- 
rité l'hommage  qu'elle  confirmera.  Son  chapitre 
sur  les  Ouvrages  de  l'esprit  contient  aussi  des 
maximes  qui  ont  la  portée  d'un  axiome,  des  cen- 
sures qui  demeurent  sans  appel,  et  des  éloges  qui 
témoignent  que  le  génie  doit  être  jugé  par  ses 
pairs. 

Parmi  les  illustres,  comment  oublier  Fénelon, 
qui  de  tous  fut  encore  le  plus  délicat?  Dans  ses 
Dialogues  sur  l'éloqtience  {1686";,  il  réforma  l'élo- 
quence de  la  chaire,  et  la  délivra  des  servitudes 
scolastiques.  A  la  froideur,  à  la  recherclie,  au  vain 
souci  de  plaire,  il  oppose  l'idéal  du  vrai,  du  simple, 
du  naturel  et  de  l'aimable,  se  conciliant  avec  la 
sévérité  du  ministère  évangélique.  Dans  sa  Lettre 
à  l'Académie  (1715),  charmant  opuscule  qui  est 
comme  son  testament  littéraire,  il  traite  sans  ap- 
prêt du  dictionnaire,  de  la  grammaire,  des  moyens 
d'enrichir  la  langue,  de  la  rhétorique,  de  la  poé- 
tique, de  la  tragédie,  de  la  comédie,  de  l'histoire, 
de  la  querelle  des  anciens  et  des  modernes,  en 
un  mot  de  toutes  les  questions  qui  intéressent  le 
goût,  et  cela  sous  la  forme  d'une  causerie  libre  et 
familière  qui  rappelle  par  l'esprit  ou  la  grâce  les 
Dialogues  de  Cicéron,  ou  les  Épitres  d'Horace. 
Il  y  aurait  plaisir  à  le  prouver  par  quelques  dé- 
tails d'analyse.  Faute  d'espace,  bornons-nous  à 
dire  que,  par  son  amour  des  nouveautés,  par 
l'éveil  d'une  intelligence  prompte  aux  pressenti- 
ments d'avenir  et  franche  de  toute  entrave,  Féne- 
lon est  tout  voisin  de  nous,  et  le  plus  moderne  de 
nos  anciens. 

Mais  Boileau  reste  encore  celui  qu'il  faut  signa- 
ler au  premier  rang.  Car  sa  raison  passionnée  pour 
le  vrai  ne  cessa  pas  d'exercer  une  sorte  de  police 
dans  la  république  des  lettres. 

De  1660  à  1608,  il  combattit  à  outrance  les  mé- 
chants poètes,  pour  faire  place  aux  bons.  En  pros- 
crivant les  fades  imitateurs  de  l'Espagnt  ou  de  l'I- 
talie, il  rendit  la  France  à  elle-même,  et  fut  comme 
un  libérateur  de  son  territoire  littéraire.  Bref,  il 
chassa  du  Parnasse  tous  les  intrus  qui  le  désho- 
noraient. 

De  1669  à  1677,  maître  du  champ  de  bataille, 
il  laissa  reposer  ses  armes;  et,  dans  son  Art  poé- 
tique (1674),  il  propiulgua  un  de  ces  codes  dont 
quelques  articles  peuvent  devenir  lettre  morte, 
périmés  qu'ils  sont  par  d'autres  besoins,  mais  dont 
l'ensemble  se  soutient  sur  des  assises  durables. 
Bien  que  le  temple  soit  trop  étroit,  il  est  d'une 
architecture  toute  française,  et  mieux  vaut  l'ad- 
mirer que  le  renverser. 

Même  en  publiant  le  Lutrin,  où  il  relevait  le 
plus  humble  sujet  jusqu'à  la  noblesse  de  l'épopée, 
Boileau  donnait  encore  une  leçon  de  goût  aux 
partisans  du  burlesque,  à  ces  profanateurs  qui  ra- 
valaient de  grands  noms  jusqu'aux  misères  de  la 
parodie. 

En  résumé,  cet  honnête  homme,  malgré  ses 
boutades  d'intolérance,  et  quelques  lacunes,  fut 
aussi  cordial  et  infaillible  dans  l'éloge  que  sincère 


CRITIQUE 


529  -- 


CRITIQUE 


et  ingénieux  dans  la  satire.  C'est  le  plus  vif  des 
lettrés  sérieux,  et  le  plus  agréable  des  censeurs  : 

C'est  a-voir  profité  que  de  savoir  s'y  plaire. 

XVIII»  SIÈCLE.  —  Au  xviiie  siècle,  la  critique 
gagna  tout  le  terrain  que  perdait  l'invention. 

A  mesure  que  s'épuisèrent  les  sources  de  l'ori- 
ginalité, la  réflexion  prit  de  plus  en  plus  posses- 
sion de  ces  domaines  vacants.  En  même  temps, 
le  principe  d'autorité  s'afifaiblissant  de  jour  en  jour, 
les  horizons  s'élargiçent,  et  la  liberté  d'examen 
eut  ses  coudées  franches. 

Déjà,  sous  la  contrainte  d'un  règne  trop  despo- 
tique, le  scepticisme  érudit  de  Bayle,  le  caprice 
épicurien  de  Saint-Evremond,  et  la  fine  ironie  de 
Fontenelle  avaient  été  comme  les  préludes  d'une 
émancipation  prochaine. 

Elle  fut  victorieusement  accomplie  par  Voltaire, 
qui,  touchant  à  tout,  abordant  toutes  les  idées, 
s'essayant  à  tous  les  genres,  ne  pouvait  manquer 
d'èire  un  critique,  parce  qu'il  était  universel.  Ce 
fut  donc  un  des  titres  glorieux  de  ce  grand  homme 
qui  domina  son  siècle,  et  remplit  le  monde  de  sa 
bruyante  renommée.  Mais  ne  demandons  que  des 
pages  éparses  à  cette  irritable  sensibilité  qui  pre- 
nait feu  sur  toute  question,  à  cette  intelligence 
rapide  et  vive  dont  le  bon  sens  effleurait  les  sujets 
les  plus  divers.  Il  serait  précieux  de  recueillir 
la  fleur  de  ces  jugements  exquis,  improvisés  au 
jour  le  jour  par  une  verve  étincelante,  surtout 
dans  cette  Correspondance  incomparable,  qu'on 
pourrait  appeler  une  encyclopédie  familière. 

Toutefois,  disons  que  son  goût  fut  un  peu  ti- 
mide, du  moins  lorsqu'il  railla  si  durement  les 
sauvageries  de  Shakespeare.  Ajoutons  que,  s'il  ex- 
celle quand  il  veut  être  impartial,  il  admira  inéga- 
lement Corneille  dont  la  simplicité  sublime  le  dé- 
passait. 

Dans  son  voisinage,  des  disciples  qui  faisaient 
alors  grande  figure,  et  sont  aujourd'hui  de  minces 
personnages,  continuèrent  la  tradition  classique, 
mais  en  l'énervant  par  la  routine.  Distinguons  seu- 
lement Marmontel,  le  collaborateur  de  d'Alem- 
bert.  Ses  articles  réunis  sous  ce  titre  :  Eléments 
de  littérature,  devinrent  un  répertoire  judicieux, 
mais  froid  et  commun,  où  un  rhéteur  habile  ré- 
péta, sans  originalité,  les  leçons  des  anciens. 

A  ces  traités  dogmatiques  nous  devons  préférer 
les  essais  de  Grimm  et  de  Diderot.  L'un,  dans  sa 
correspondance  avec  les  cours  d'Allemagne,  inau- 
gura le  feuilleton  littéraire.  L'autre,  peu  capable 
de  suite  et  de  tenue,  sut  tracer  en  courant  de 
brillantes  esquisses.  Intelligence  prodigue  jusqu'à 
l'excès,  il  créa  la  critique  d'art  dans  ses  Salons 
de  peinture;  et,  dans  les  pages  qu'il  dispersait  à 
tous  les  vents,  il  sema  bien  des  idées  qui  allèrent 
germer  ailleurs,  même  au  delà  du  Rhin,  où  elles 
furent  recueillies  par  Gœthe  et  Lessing. 

Enfin,  saluons  le  chef  du  chœur,  la  Harpe,  qui, 
le  premier,  entreprit  de  dérouler  l'imposant  ta- 
bleau delà  littérature  ancienne  et  moderne.  C'était 
une  haute  ambition,  mais  à  laquelle  manquait  trop 
le  sens  historique.  Il  s'arrêta  aux  surfaces,  et  ses 
commentaires  académiques  ne  pénétrèrent  jamais 
jusqu'au  cœur  de  l'homme  ou  de  la  société.  Les 
préjugés  d'école  pesèrent  aussi  dans  la  balance  de 
sa  critique,  du  reste  judicieuse. 

Toutefois  il  y  aurait  ingratitude  à  ne  pas  estimer 
en  cet  aristarque  l'admirateur  éclairé  de  notre 
théâtre.  Corneille,  Racine,  Molière  et  Voltaire 
n'avaient  pas  encore  eu  d'interprète  plus  sûr.  Sans 
doute  son  érudition  est  légère,  il  ignore  le  moyen 
âge  et  le  xvi'  siècle  ;  il  eut  aussi  trop  de  morgue, 
il  déplaît  par  le  ton  tranchant  d'un  docteur  et  les 
allures  hautaines  d'un  dictateur;  mais  il  apprécia 
sainement  ses  contemporains  ;  et,  quand  il  châtia 
des  vanités  turbulentes,  on  doit  applaudir  aux  exé- 
cutions dont  il  eut  le  courage. 

2*  Paktie. 


Avec  lui  finit  une  école  qui  avait  l'endu  bien  des 
services,  mais  allait  dégénérer,  en  attendant  qu'elle 
s'accommodât  aux  besoins  d'un  esprit  nouveau. 

RÉVOLUTION.  —  Quand  des  troubles  profonds 
agitent  une  société,  les  plaisirs  désintéressés  de 
l'esprit  ne  sont  plus  de  saison.  Aussi  la  culture 
des  élégances  fut-elle  brusquement  interrompue 
par  l'explosion  de  la  crise  salutaire  qui  ouvrit 
comme  un  abîme  entre  deux  mondes.  Parmi  tant 
d'émeutes,  de  coups  de  force,  de  guerres  civiles 
ou  étrangères,  quand  l'avenir  était  aussi  incertain 
que  le  présent  orageux,  on  ne  pouvait  songer  aux 
agréments  qui  sont  le  luxe  du  loisir,  et  de  la  paix. 
La  France  avait  alors  mieux  à  faire  qu'à  disserter, 
sur  des  questions  de  goût;  et,  si  les  voluptés  lit- 
téraires furent  perdues  pour  un  jour,  on  retrouva 
ce  qui  était  plus  précieux,  la  virilité  des  caractères, 
les  accents  d'une  éloquence  militante,  le  vrai  souci 
des  intérêts  publics,  le  franc-parler,  les  émotions 
de  la  tribune  et  du  forum.  Alors  on  n'avait  pas  be- 
soin de  beaux  esprits, mais  de  citoyens  et  de  soldats. 

Reconnaissons  pourtant  que  le  vocabulaire  des 
clubs  fit  trop  oublier  celui  des  salons  et  des  aca- 
démies. Déplorons  aussi  les  excès  qui  affligèrent 
les  amis  de  la  liberté,  et  cette  anarchie  sanglante 
de  la  Terreur  qui  faillit  corrompre  la  langue  comme 
les  notions  du  droit  et  du  devoir. 

Lorsqu'après  thermidor  la  France  reprit  cons- 
cience d'elle-même,  on  s'étonna  de  voir  que  l'inof- 
fensive  poétique  de  l'ancien  régime  restait  seule 
debout,  défiant  le  flot  qui  avait  tout  renversé. 
L'heure  n'était  pas  encore  venue  où  la  Révolution 
devait  produire  sa  littérature,  et  par  suite  sa  cri- 
tique. L'Empire  et  son  ciel  inclément  allaient  retar- 
der la  maturité  de  ces  fruits. 

Empire.  —  Sous  le  règne  de  l'épée,  le  droit  de 
juger  les  talents  fut  la  seule  liberté  laissée  au 
pays.  Encore  nous  paraît-elle  très  précaire  I  Cepen- 
dant, faute  de  mieux,  il  fallut  s'en  contenter.  Les 
discussions  littéraires  eurent  donc  un  attrait  uni- 
versel pour  un  public  sevré  brusquement  des  dé- 
bats politiques.  Dans  ce  vaste  silence,  tout  faisait 
bruit,  même  les  livres  les  plus  médiocres,  et  qui 
aujourd'hui  meurent  tout  seuls.  Alors,  les  aristar- 
ques  taillaient  leur  plume  pour  les  immoler.  Il  ne 
se  produisait  pas  une  traduction  sans  susciter  des 
milliers  de  notices  ou  de  comptes  rendus.  Toutes 
les  cloches  sonnaient  même  pour  un  almanach. 
Une  simple  préface  obtenait  les  honneurs  d'une 
analyse  ou  d'un  examen.  Les  lieux  communs  les 
plus  rebattus  avaient  une  saveur  de  nouveauté 
pour  cette  société  convalescente  dont  la  mémoire, 
afiTaiblie  par  une  sorte  de  fièvre  cérébrale,  semblait 
avoir  oublié  les  notions  élémentaires  de  l'enfance. 
De  là  une  curiosité  avide  d'enseignement.  Loin 
d'en  sourire,  nous  serions  tentés  plutôt  d'éprouvet 
une  sorte  de  compassion  sympathique  pour  cer 
grands  écoliers  qui  recommençaient  si  vaillammens 
leurs  études  et  voulaient  trouver  dans  leur  journal 
môme  un  instituteur. 

La  critique  fut  donc  un  asile  pour  les  rares  hu- 
manistes qui  survivaient  encore,  et  dont  le  talent, 
en  quête  d'emploi,  ne  voulait  pas  se  brouiller  avec 
la  censure. 

Entre  tous  se  distinguèrent  quatre  écrivains  qui, 
doués  d'aptitudes  diverses,  travaillèrent  à  la  même 
œuvre,  à  la  restauration  de  ce  qu'ils  appelaient 
les  bons  principes  et  le  goût.  Nous  voulons  par- 
ler de  Geoffroy,  Hofi'mann,  Dussault  et  de  Félctz, 
Ils  firent  campagne,  sous  un  commun  drapeau, 
contre  les  idées  fausses  et  le  mauvais  style.  A 
mesure  que  le  terrain  politique  devint  plus  étroit, 
les  gazettes  élargirent  leur  cadre  littéraire,  et 
tâchèrent  de  regagner  ainsi  l'attention  des  lecteurs. 
Les  Débuts  furent  le  quartier-général  de  ces  inno- 
centes controverses,  qui  se  tournèrent  parfois  en 
luttes  ardentes,  soutenues  au  nom  de  la  tra'Htion 
classif/ue. 

34 


CRITIQUE 


—  530 


CRITIQUE 


Sans  esquisser  la  physionomie  des  cliampions 
enrôles  dans  cette  croisade,  avouons  qu'il  n'était 
pas  mauvais  d'inaugurer  comme  un  cours  de  rhé- 
torique h  l'usage  des  générations  que  la  tourmente 
avait  dispersées,  loin  de  tout  centre  d'études,  dans 
l'exil  ou  dans  les  camps. 

De  ce  besoin  procède  cette  critique  toute  ver- 
bale qui  épluche  les  phrases,  pèse  les  mots, 
discute  le  choix  des  épithètes,  chicane  sur  la  pro- 
priété des  termes,  ergote  sur  des  constructions 
grammaticales,  relève  des  néologismes,  s'appesan- 
tit sur  les  minuties  de  la  diction,  enfin  monte  en 
chaire  pour  régenter,  férule  en  main. 

Mais  hâtons-nous  d'ajouter  que  ces  docteurs  de 
collège  sentent  à  la  fois  le  professeur  et  l'élève. 
Ils  ont  de  l'un  la  morgue,  de  l'autre  la  docilité  pa- 
resseuse. Ils  ne  vont  guère  au  delà  des  ingrates 
questions  de  forme.  Ils  ne  se  doutent  pas  des 
sources  vives.  Ils  énervent  les  imaginations  par 
leur  timidité.  Ils  ne  livrent  pas  de  batailles  qui 
fassent  avancer  les  idées.  Infatués  d'un  vain  savoir 
et  esclaves  de  la  routine,  ils  vivent  sur  un  fond  de 
doctrines  convenues,  de  formules  stériles,  de 
règles  contestables  ou  mortes.  Ils  ont  perdu  le 
sens  des  grands  modèles  qu'ils  adorent  des  lèvres, 
et  non  du  cœur.  Leur  orthodoxie  n'est  qu'une  su- 
perstition. Leur  goût  n'est  que  du  dégoût.  On  sait 
d'avance  leurs  phrases  toutes  faites.  On  sent  venir 
leurs  tirades.  S'ils  aperçoivent  la  paille  qui  est 
dans  la  plume  de  leurs  justiciables,  ils  ne  voient 
pas  la  poutre  qui  est  dans  celle  dont  ils  se  servent. 
Même  quand  leur  jugement  est  sain,  la  médiocrité 
native  de  leur  prose  les  déconsidère. 

Bref,  cette  critique,  sauf  exception,  a  les  travers 
de  la  vieillesse.  Idolâtre  du  passé,  elle  est  ennemie 
de  l'avenir.  Elle  s'enferme  dans  ses  dogmes 
comme  dans  une  forteresse,  sans  vouloir  faire  un 
pas  au  dehors,  sans  regarder  le  grand  jour  et  l'air 
libre  autrement  que  par  des  meurtrières.  Au 
lieu  d'encourager  les  indépendants,  elle  a  horreur 
de  l'originalité.  Elle  ne  fut  qu'un  pédantisme  im- 
puissant. 

Dix-neuvième  siècle.  —  Le.';  novateurs.  —  C'est 
qu'à  la  France  nouvelle,  datant  de  89,  il  fallait  un 
art  nouveau. 

Ce  bienfait,' nous  en  sommes,  en  grande  partie, 
redevables  à  deux  nobles  intelligences  alors  ri- 
vales, mais  depuis  réconciliées  par  leur  illustra- 
tion, à  Chateaubriand  et  à  M™"  de  Stacl,  qui  eu- 
rent la  gloire  do  ranimer  une  flamme  éteinte,  et 
de  propager  un  souffle  inspirateur. 

Oui,  tous  deux,  partis  d'origines  opposées,  se 
rencontrèrent  en  une  même  pensée  d'affranchis- 
sement. Tous  deux,  par  leurs  exemples  comme 
par  leurs  doctrines,  rendirent  la  vie  à  une  litté- 
rature qui  se  mourait  d'inanition,  et  dont  le  sou- 
venir ne  rappelle  plus  aujourd'hui  que  des  procédés 
mécaniques,  des  corps  sans  âmes. 

Avocat  chevaleresque  de  toutes  les  causes  gé- 
néreuses, au  moins  par  l'imagination  et  le  cœur, 
toujours  dévoué  à  la  liberté  parmi  les  vicissitudes 
de  sa  fortune  politique,  Chateaubriand  soupçonna 
cette  critique  féconde  qui  ne  s'enchaîne  à  aucun 
système,  contemple  le  beau  sous  toutes  ses  formes, 
y  cherche  les  variétés  mêmes  de  l'esprit  humain, 
et  vivifie  l'histoire  des  livres  par  celle  des  mœurs 
et  des  institutions.  C'est  ainsi  psir  exemple  qu'il 
découvrit  les  beautés  poétiques  du  moyen  âge, 
et  fit  jaillir  d'un  sol  desséché  tant  d'autres 
sources  où  le  romantisme  s'abreuva  jusqu'à  l'i- 
vrosse. 

Nous  devons  une  égale  Teconnaissance  à 
Mnio  de  Staël,  dont  le  génie  sympathique  eut 
toutes  les  inquiétudes  de  la  pensée  moderne,  et 
donna  le  signal  d'une  renaissance  aux  explorateurs 
qu'elle  conviait  à  la  découverte  de  l'éloquence,  de 
la  poésie,  de  l'histoire  et  de  l'art.  Elle  fut  leur 
interprète  et  leur  guide  par  rcn;lhousiasme  d'une 


foi  communicative,  et  toujours  passionnée  pour  la 
liberté. 

Publiées  en  1800,  ses  Considéraiiona  sur  la  lit- 
térature furent  un  événement,  même  dans  Je  voi- 
sinage de  Marengo.  Elle  y  trace,  avec  l'optimisme 
d'un  zèle  patriotique,  tout  un  programme  de  con- 
quêtes littéraires  qui  allaient  étendre  les  frontières 
de  l'esprit  français.  Pour  la  première  fois  elle  dé- 
montre que  les  œuvres  de  la  plume  sont  l'expres- 
sion d'un  milieu  social;  et,  tout  en  éclairant  le 
passé  d'une  subite  lumière,  elle  ouvre  par  un 
instinct  prophétique  les  perspectives  du  lende- 
main. Il  y  a  là  des  idées  mères  qui  ont  la  vertu 
d'un  principe,  et  ressemblent  à  ces  hauteurs  au  pied 
desquelles  jaillissent  les  grands  fleuves.  Si  elle  ne 
résout  pas  toutes  les  questions,  elle  les  soulève. 
D'autres  aborderont  aux  rivages  qu'elle  entrevoit 
à  travers  la  brume.  Croire  au  progrès,  c'est  le 
préparer.  En  le  désirant,  elle  le  rendit  possible. 

Bien  que  l'Empire  donnât  de  cruels  démentis  à 
ces  espérances,  elle  ne  les  abdiqua  pas  en  face 
des  mécomptes  publics  ni  de  la  persécution.  Son 
salon  de  Coppet,  où  la  relégua  le  plus  injuste  exil, 
devint  une  sorte  d'Académie  cosmopolite,  d'où 
rayonna  son  influence,  en  dépit  de  la  police  qui 
mit  au  pilon  son  li^Te  sur  V Allemagne.  Si  aujour- 
d'hui le  portrait  qu'elle  traçait  de  la  poésie  d'ou- 
tre-Rhin nous  semble  à  bon  droit  trop  flatteur,  sa- 
chons pourtant  admirer  jusque  dans  ses  illusions 
cette  initiative  qui  offrait  à  notre  émulation  les 
monuments  trop  ignorés  de  la  littérature  étrangère. 
C'était  faire  brèche  dans  cette  muraille  de  Chine 
qui  nous  séparait  de  nos  voisins.  A  lui  seul,  ce 
service  recommande  la  mémoire  de  l'auteur  de 
Corinne,  et  oblige  notre  gratitude. 

Les  maîtres  contemporaiîis.  —  Tant  de  germes 
semés  à  tous  les  vents  ne  tardèrent  pas  à  éclore 
au  premier  rayon  de  soleil,  sous  la  tutelle  des 
institutions  parlementaires  qui  donnaient  enfin 
une  voix  à  la  tribune.  La  critique  tendit  de  plus 
en  plus  à  devenir  un  art  et  une  science,  qui  se 
confondit  avec  la  morale,  la  politique,  la  philoso- 
phie, et  surtout  l'histoire. 

Nous  ne  citerons  point  tous  les  maîtres  qui  s'ap- 
prochèrent de  cet  idéal.  Rappelons  seulement  les 
noms  qui  sont  encore  populaires. 

Le  plus  académique  est  celui  de  M.  Villemain, 
dont  l'érudition  fut  aussi  étendue  que  sa  mémoire 
était  puissante,  et  sa  parole  ingénieuse  dans  les 
petites  clioses,  ou  éloquente  dans  les  grandes.  Soit 
qu'il  fasse  revivre  le  moyen  âge,  soit  qu'il  compose 
le  Tableau  du  dix-huitième  siècle,  il  cueille  la 
fleur  de  tout  sujet.  Il  excelle  à  rendre  le  savoir  sé- 
duisant, à  raconter  finement  l'anecdote,  à  aiguiser 
en  ironie  la  fin  d'un  compliment,  à  revêtir  de 
grâce  un  bon  sens  spirituel,  à  varier  les  formes 
de  l'admiration,  à  faire  passer  dans  son  style  le 
souffle  de  la  parole  et  le  mouvement  d'un  discours. 
En  le  lisant,  on  croit  l'écouter.  Le  causeur  même 
est  encore  un  orateur  plein  de  ruses  discrètes. 
S'il  fut  habile  à  insinuer  le  blâme,  il  eut  le  don 
de  tout  comprendre  plus  que  le  courage  de  con- 
clure. C'est  à  l'état  d'épigrammes  qu'il  faut  saisir 
ses  arrêts. 

Un  autre  académicien,  M.  Saint-Marc  Girardin, 
nous  charme  par  un  esprit  souriant  et  malicieux, 
par  la  verve  d'une  raison  pratique  et  bourgeoise, 
que  relèvent  la  franchise,  l'agrément  et  le  sans- 
façon  d'un  badinage  sérieux.  Il  eut  le  secret  d'ins- 
truire en  amusant,  et  de  rajeunir  les  questions  par 
des  aperçus  imprévus  qui  donnent  à  la  vérité  la 
saveur  d'un  paradoxe.  Sa  chaire  fut  un  fauteuil,  et 
la  familiarité  judicieuse  de  ses  entretiens  avait  une 
singulière  prise  sur  la  jeunesse  dont  il  semblait  le 
directeur.  Il  mérita  cette  autorité,  car  il  était  mo- 
raliste autant  que  lettré.  Son  Cours  de  littérature 
dramatique  est  une  histoire  de  nos  travers,  de  nos 
idées,  de   nos  mœurs  ;  on  y  retrouve  un   coin   de 


CRITIQUE 


—  531  — 


CROISADES 


la  société  française  et  du  cœur  humain.  Pour  lui, 
le  goût  et  la  conscience  ne  font  qu'un,  les  carac- 
tères expliquent  les  talents  ;  et,  sans  dogmatiser, 
il  convertit  au  bon  sens,  par  ses  sermons  où  l'on 
ne  dormait  pas,  beaucoup  d'auditeurs  exposés  à  la 
contagion  des  idées  fausses  ou  chimériques.  Il  se 
fit  toujours  applaudir  sans  flatter  son  auditoire.  Sa 
popularité  se  composa  de  nos  meilleurs  senti- 
ments. 

Nous  on  dirons  autant  de  M.  de  Sacy,  dont 
nous  regrettons  si  vivement  la  perte  récente.  Sa 
dévotion  classique  fut  un  instinct  de  nature.  Le 
dix-septième  siècle  était  vraiment  sa  patrie.  Il 
nous  semble  un  contemporain  de  Fénelon  dont  il 
eut  l'onction,  de  Nicole  dont  il  possédait  la  bon- 
homie, la  finesse  et  la  gravité.  Il  y  avait  là  sym- 
pathie secrète  de  croyances,  de  sentiments,  et  de 
talent  :  car,  dans  ses  deux  volumes  de  Variétés,  il 
célèbre  ces  maîtres  favoris  avec  leur  tour  d'esprit 
et  leur  langage.  Ses  jugements  nous  font  com- 
prendre les  relations  nécessaires  qui  unissent  le 
bien  dire  au  bien  penser.  Ses  prédilections  trop 
exclusives  pour  les  classiques  de  vieille  roche 
n'ont  pourtant  rien  d'hostile  à  ceux  qui  ne  parta- 
gent pas  ses  convictions.  Au  lieu  d'imposer  ses 
préférences  comme  les  articles  d'un  Credo,  il  les 
propose  comme  un  plaisir  qui  tente  les  délicats. 
C'est  la  religion  tolérante  d'un  idéal  qui  ne  gène 
pas  les  dissidents.  Sans  courir  les  hasards  du 
caprice,  il  en  a  le  piquant  et  l'imprévu  ;  car  ses 
études  ne  sont  que  des  confidences  d'impressions 
personnelles,  naïves  et  involontaires  comme  un 
premier  mouvement.  Il  n'écrivit  que  pour  se  satis- 
faire lui-même,  quand  le  cœur  lui  en  disait. 

Puisque  nous  parlons  de  la  critique  conserva- 
trice, comment  ne  pas  rendre  hommage  à  l'un  de 
ses  doyens,  M.  Cuvillier-Fleury,  à  sa  plume  de 
combat  et  à  l'entrain  oratoire  de  sa  dialectique 
éloquente  ?  Ne  cherchez  pas  en  lui  un  de  ces 
voluptueux  qui  n'ouvrent  un  li^Te  que  pour  leur 
plaisir.  Il  lui  faut  une  cause  à  défendre,  une  ré- 
plique à  lancer,  un  duel  logique  à  soutenir.  Alors 
se  déploient  les  ressources  de  son  escrime.  La 
plupart  de  ces  plaidoyers  sont  de  vrais  discours, 
parfois  de  *ribune,  où  le  style  a  de  l'action  ;  on 
croit  voir  le  geste,  on  croit  entendre  l'accent, 
et  le  mouvement  de  l'ensemble  nous  entraîne.  A 
beaucoup  de  savoir  faire,  de  mise  en  œuvre,  de 
pratique  et  d'expérience,  il  unit  le  mordant,  le 
trait,  une  franchise  gauloise,  un  je  ne  sais  quoi  de 
ferme  et  de  résolu  (surtout  dans  les  sujets  histo- 
riques où  il  est  de  premier  ordre),  en  un  mot,  les 
mérites  d'un  publiciste  qui  a  vécu  près  de  la  poli- 
tique militante,  et  en  garde  l'habitude. 

Mais  restons  dans  le  domaine  littéraire,  où  le 
maître  qui  a  le  plus  d'autorité  est  encore  M.  Dé- 
siré Nisard,  le  premier  et  le  seul  qui  ait  consacré 
à  l'histoire  de  notre  littérature  un  monument 
qu'on  pourrait  appeler  national,  puisque  nul  sujet 
n'intéresse  plus  notre  gloire.  OEuvre  de  longue 
patience  et  de  talent  très- exigeant  pour  lui-même, 
ce  livre,  qui  manquait  jusqu'alors  à  la  France,  fut 
vraiment  un  exemple  dans  un  temps  qui  répugne 
à  la  discipline  comme  à  une  servitude.  Au  lieu 
d'encourager  la  fantaisie  et  ses  improvisations, 
M.  Nisard  n'a  pas  cessé  de  réagir  contre  ce  qu'il 
appelait  la  littérature  facile  et  inutile.  Peut-être 
incline-t-il  trop  volontiers  du  côté  de  la  tradition. 
Peut-être  n'a-t-il  pas  rendu  pleine  justice  soit  aux 
premiers  représentants  de  l'esprit  gaulois,  soit  aux 
écrivains  du  xviir  siècle  dont  quelques-uns  l'in- 
quiètent par  la  turbulence  de  leur  génie  réforma- 
teur. Il  se  défie  de  ceux  qui  sont  ennemis  des 
abus  plus  que  des  vices,  et  ne  croit  pas  qu'on 
puisse  affranchir  les  esprits  par  la  Hcence  qui  les 
corrompt.  Mais,  s'il  est  sévère  pour  des  imprudences 
ou  des  paradoxes  qui  n'empêchèrent  pas  les  vérités 
utiles  de  remédier  aux  maux  d'une  société  malade. 


nul  n'a  mieux  jugé  Descartes,  Pascal,  Corneille, 
Racine,  la  Fontaine,  Molière,  Bossuet,  Boileau, 
la  Bruyère,  en  un  mot,  tous  les  immortels  qu'il 
nous  propose  comme  l'exemplaire  des  qualités 
maîtresses  qui  doivent  caractériser  notre  littéra- 
ture, à  savoir  la  raison,  la  mesure  et  la  règle.  Plus 
d'un  chapitre  participe  à  la  perfection  des  œuvres 
qu'il  comprend  si  intimement,  et  ajoute  de  nou- 
veaux modèles  à  ceux  qui  sont  adoptés  par  la  pos- 
térité. 

Toutefois,  il  est  un  esprit  plus  hospitalier,  plus 
prompt  à  tous  les  éveils,  et  qui  par  conséquent 
repond  mieux  aux  instincts  de  notre  âge.  Chacun 
le  nomme  d'avance  :  c'est  M.  Sainte-Beuve.  Peintre 
de  Portraits,  il  a  cette  intuition  qui  pénètre  au 
fond  des  âmes,  et  en  révèle  tous  les  secrets.  On 
dirait  qu'il  a  été  le  familier,  le  confident,  le  con- 
fesseur de  tous  les  morts,  grands  ou  petits,  qu'il 
ressuscite  par  la  vertu  de  son  pinceau.  Chaque 
original  de  son  immense  galerie  se  trahit  par  des 
aveux  involontaires  dont  l'analyse  découvre  les 
traits  décisifs  d'un  talent  ou  d'un  caractère.  Il  puise, 
comme  il  le  dit,  dans  l'écritoire  de  chacun  l'encre 
dont  il  se  sert  pour  parler  de  lui.  Nous  entendons 
par  là,  qu'il  se  prête  à  tous  les  tons,  et  qu'il  est  ^Tai 
comme  un  miroir  où  se  reflètent  les  physionomies 
les  plus  diverses.  Ses  Causeries  sont  un  répertoire 
qui  embrasse  tous  les  types  moraux  ou  littéraires, 
depuis  le  cèdre  jusqu  à  l'hysope.  Il  voulut  tout 
connaître,  et  traverser  toutes  les  doctrines,  sans 
prendre  pied  nulle  part,  avec  l'indépendance  om- 
brageuse d'une  curiosité  infatigable  qui  eut  toti- 
jours  peur  d'être  dupe.  Si  le  scepticisme  fut  son 
dernier  asile,  il  faut  honorer  la  bonne  foi  d'une 
intelligence  qui  contribua  plus  que  toute  autre  à 
élargir  nos  horizons,  ù  former  le  vrai  connaisseur, 
à  renverser  les  barrières  du  préjugé,  de  la  routine, 
de  la  convention,  et  à  conclure  la  trêve  de  la  to- 
lérance entre  toutes  les  écoles.  Grâce  à  lui,  le 
Temple  du  goût  est  devenu  comme  une  église 
universelle  où  se  rencontrent  tous  les  croyants  de 
cœur  sincère,  qui  ont  adoré  le  beau  dans  tous  les 
temps. 

Terminons  cependant  par  quelques  réserves. 
Craignons  qu'à  force  de  voyager  en  tous  pays,  la 
critique  ne  devienne  indifférente  aux  principes.  Ce 
péril  est  le  nôtre.  On  a  vu,  de  nos  jours,  plus 
d'un  juge  s'assoupir  sur  son  fauteuil,  ou  paraître 
même  complice  des  méfaits  littéraires,  au  lieu  de 
les  châtier  courageusement.  Quelques-uns  ont  pu 
rappeler  ce  personnage  de  Piabelais  qui  «  senten- 
ciait  les  procès  au  sort  des  dés.  » 

Nous  conclurons  en  disant  que  la  raison  et  la 
vérité  ne  doivent  jamais  abdiquer  leurs  droits. 
C'est  une  question  de  patriotisme,  car  les  desti- 
nées de  notre  littérature  y  sont  engagées.  Conci- 
lier la  discipline  et  la  liberté,  dans  l'intérêt  du 
progrès,  voilà  donc  le  devoir  de  la  critique. 

[Gustave  Merlet.] 

CROISADES.  —  Histoire  générale,  XVIII.  —  On 
a  donné  ce  nom  à  des  expéditions  guerrières,  en- 
treprises par  les  nations  chrétiennes  de  l'Occident 
pour  délivrer  la  Terre-Sainte  du  joug  des  mu- 
sulmans ;  on  l'a  appliqué  aussi  à  des  guerres  ins- 
pirées par  le  fanatisme  et  l'intolérance  religieuse, 
et  qui,  comme  celle  des  Albigeois,  avaient  pour 
but  l'extermination  des  hérétiques.  Nous  ne  nous 
occuperons,  ici,  que  des'  croisades  d'Orient. 

Les  causes  de  ce  grand  mouvement  qui,  pendant 
deux  siècles  (  de  1095  à  1291),  a  précipité  l'Eu- 
rope sur  l'Asie,  sont  multiples  et  complexes.  Au 
sordr  des  terreurs  de  l'an  mil,  où  le  monde  avait 
cru  sombrer,  un  immense  besoin  d'activité,  un 
réveil  universel  s'étaient  emparés  de  toutes  les 
âmes.  La  papauté  rêvait  de  faire  de  la  chréticnîé 
une  grande  république  théocratique,  unie  dans  un 
même  sentiment  rehgieux;  elle  engageait  en  Oc- 
cident une  lutte  gigantesque  contre   les   souve- 


CROISADES 


532  — 


CROISADES 


rainetés  temporelles,  et  songeait  à  rattacher  l'É- 
glise grecque  à  l'Église  romaine  :  tout  au  moins 
réussit-elle  à  réunir  sous  sa  bannière  l'Europe  en- 
tière contre  les  infidèles.  Ceux-ci,  en  effet,  avaient 
repris  leur  marche  en  avant  ;  les  Turcs,  maîtres 
de  l'Asia  Mineure,  menaçaient  le  Bosphore,  et 
l'empereur  de  Constantinople,  Alexis  Comnène, 
envoyait  à  ses  coreligionnaires  d'Europe  des  appels 
désespérés.  Les  croisades  n'ont  point  été  seule- 
ment des  guerres  d'agression  et  de  représailles, 
elles  ont  été  des  guerres  défensives.  D'autre  part 
les  républiques  maritimes  et  marchandes  de  Pise, 
de  Gênes,  de  Venise  y  voyaient  l'occasion  de  fon- 
der en  Orient  de  nouveaux  comptoirs,  d'utiliser 
leurs  armements,  de  multiplier  les  pèlerinages 
lucratifs.  La  France,  principal  théâtre  de  la  re- 
naissance intellectuelle  et  guerrière  du  xi«  siècle, 
obéissait  h  des  motifs  plus  désintéressés.  La  che- 
valerie française,  emportée  alors  par  l'amour  des 
aventures  et  des  exploits  héroïques,  quittait  ses 
manoirs,  ses  donjons,  pour  s'élancer  à  la  conquête 
de  l'Angleterre  sur  les  Saxons,  de  l'Italie  méri- 
dionale sur  les  Grecs,  de  la  Sicile  sur  les  Arabes, 
pour  guerroyer  en  Espagne  contre  les  Maures, 
préludant  ainsi  à  la  croisade  de  Jérusalem.  Mais 
le  sentiment  qui  dominait  chez  tous  les  hommes 
de  ce  temps,  chevaliers  et  vilains,  en  France  et 
jusqu'aux  extrémités  les  plus  reculées  de  l'Occi- 
dent, c'était  l'enthousiasme  religieux,  l'irrésistible 
désir  de  venger  le  Christ  et  de  délivrer  son  tom- 
beau de  la  souillure  des  infidèles;  l'espoir  certain 
de  gagner  le  ciel  en  livrant  leur  fortune  et  leur 
vie    aux  périls,  aux  fatigues,  aux  combats. 

Depuis  longtemps  l'Europe  chrétienne  avait  pré- 
ludé à  la  guerre  sainte  par  des  pèlerinages.  Des 
princes  puissants,  un  duc  de  Normandie,  Robert 
le  Magnifique,  un  comte  d'Anjou,  Foulques  Nerra, 
s'étaient,  pour  l'expiation  de  leurs  péchés,  ache- 
minés vers  Jérusalem,  le  bourdon  à  la  main. 
En  1054,  trois  mille  pèlerins  picards  et  flamands 
étaient  partis  pour  la  Terre-Sainte  sous  la  conduite 
de  l'évêque  de  Cambrai.  Dix  ans  plus  tard,  des 
évoques  des  bords  du  Rhin  y  conduisaient  sept  mille 
Allemands  :  le  pèlerinage  se  faisait  armée. 

Tant  que  les  Arabes  et  les  Syriens  avaient  été 
les  maîtres  de  Jérusalem,  ils  avaient  accordé  aux 
chrétiens  une  tolérance  relative,  qu'ils  se  faisaient 
payer.  Mais  lorsque  cette  ville  fut  passée  au  pou- 
voir des  Turcs,  le  sort  des  chrétiens  y  devint  in- 
tolérable. Dans  les  dernières  années  du  xi"  siècle, 
un  pèlerin  français,  Pierre  l'Ermite,  le  cœur  tout 
saignant  des  souffrances  dont  il  avait  été  témoin, 
apporta  en  Europe  l'écho  des  cris  de  détresse  de 
la  Terre-Sainte.  Déjà  plusieurs  pontifes.  Syl- 
vestre II  et  Sergius  IV,  deux  Français,  et  plus 
tard  Grégoire  VII,  avaient,  dans  des  lettres 
éloquentes,  invité  les  princes  et  les  peuples  de 
l'Occident  à  faire  trêve  à  leurs  querelles,  pour 
délivrer  le  Saint-Sépulcre.  Ce  fut  un  autre  pape 
français,  Urbain  II,  qui  eut  l'honneur  de  détermi- 
ner le  grand  mouvement  des  croisades.  A  Plai- 
sance d'abord,  puis  au  concile  de  Clermont  (109ô), 
devant  une  foule  immense,  il  prêcha  la  guerre 
sainte  contre  les  infidèles.  Le  peuple  répondit  à 
son  appel  par  le  cri  de  Dieu  le  veut!  Tous  se  pré- 
cipitèrent pour  recevoir  les  croix  que  leur  dis- 
tribuaient le  pape  et  les  cardinaux,  signe  de  ral- 
liement de  cette  guerre  ;  de  15,  les  noms  de  croisés 
et  de  croisades. 

Première  Croisade  (1095-1099.)  —  De  Clermont 
le  mouvement  se  propagea  dans  toute  la  France, 
dans  toute  l'Europe.  Des  Jiommes  de  toutes  races, 
de  toutes  conditions  se  rassemblèrent.  Ils  par- 
laient des  langues  différentes  ;  mais  ils  avaient  un 
signe  commun,  la  croix,  et  ils  se  comprenaient. 
Français  et  Flamands,  Normands  et  Saxons,  Alle- 
mands et  Italiens,  partisans  du  pape  et  soldats  de 
l'empereur,    suzerains    rivaux,    vassaux  révoltés, 


qui  naguères  se  combattaient  et  s'entrc-déchiraient, 
étaient  maintenant  unis  dans  une  pensée  com- 
mune. C'est  là  certainement  un  des  plus  beaux 
moments  de  l'humanité. 

Des  pauvres,  des  serfs,  hommes,  femmes,  en- 
fants, vieillards,  partirent  les  premiers  sans  rien 
attendre,  sous  la  conduite  de  Pierre  l'Ermite,  d'un 
prêtre  allemand,  Gotteschalk,  d'un  pauvre  cheva- 
lier, Gautier-sans-Avoir  (1095).  Ces  multitudes  in- 
disciplinées, sans  provisions,  presque  sans  armes, 
s'acheminèrent  par  l'Allemagne  et  la  vallée  du 
Danube,  ravageant  tout  sur  leur  passage.  Les 
Hongrois,  les  Bulgares  et  les  Grecs  en  firent  d'ef- 
froyables boucheries.  A  leur  arrivée  à  Constanti- 
nople, l'empereur  Alexis  les  transporta  en  Asie, 
où  leurs  débris  tombèrent  sous  le  fer  des  Turcs. 

Cependant  l'armée  des  princes  et  des  chevaliers 
se  mit  en  mouvement  l'année  suivante  (1096). 
On  n'y  comptait  point  de  rois,  mais  les  sei- 
gneurs les  plus  illustres  de  la  chrétienté.  C'é- 
taient le  frère  du  roi  de  France,  Hugues  de 
Vermandois,  le  comte  de  Toulouse,  Raymond,  le 
comte  de  Flandre,  Robert,  à  la  tête  des  Français  ; 
Robert,  II,  duc  de  Normandie,  à  la  tête  des  Nor- 
mands de  France  et  des  Anglais  ;  le  Normand  Bo- 
hémond  et  le  Normand  Tancrède,  avec  les  Italiens 
et  les  Siciliens,  etc.  Le  plus  célèbre,  le  plus  res- 
pecté de  tous,  le  futur  chef  de  l'expédition,  Gode- 
froy  de  Bouillon,  duc  de  Basse-Lorraine,  condui- 
sait les  Brabançons  et  les  Allemands. 

Le  rendez-vous  était  à  Constantinople .  Les 
divers  corps  s'y  rendirent  par  trois  routes  diffé- 
rentes :  par  l'Allemagne  et  la  Hongrie  ;  par  l'Illyrie 
et  l'Esclavonie  ;  par  le  détroit  de  Brindes,  l'Epire 
et  la  Macédoine.  L'empsreur  grec,  effraye  de  leur 
nombre  et  de  leur  humeur  conquérante,  exigea  des 
chefs  l'hommage  féodal,  et  se  hâta  de  leur  faire 
passer  le  Bosphore.  Arrivés  en  Asie,  ils  se  comp- 
tèrent; ils  étaient  600  000  (1097). 

Le  premier  exploit  des  croisés  fut  la  prise  de 
Nicée.  Ils  s'enfoncèrent  ensuite  dans  l'Asie  Mi- 
neure, où  ils  eurent  cruellement  à  souffrir  de  la 
chaleur,  de  la  faim  et  des  attaques  incessantes 
des  Turcs.  Ils  furent  obligés,  pour  vivre,  de  se  di- 
viser en  deux  corps.  Mais  l'un  d'eux,  enveloppé  par 
l'ennemi,  allait  être  écrasé  à  Dorylée,  lorsqu'il  fut 
dégagé  par  Godefroy  de  Bouillon,  et  la  journée  se 
termina  par  une  grande  victoire  sur  les  Turcs.  Les 
croisés  reprirent  leur  marche,  s'emparèrent  de 
Tarse  en  Cilicie,  et  pendant  que  l'un  d'eux,  Bau- 
douin, frère  de  Godefroy,  allait  conquérir  Edesse 
sur  l'Éuphrate,  pour  y  opposer  une  barrière  aux 
armées  de  l'Orient,  le  gros  de  l'expédition  venait 
mettre  le  siège  devant  Antioche  (1098).  Les  croi- 
sés étaient  déjà  réduits  à  cent  mille  hommes.  Le 
siège  de  cette  grande  cité,  défendue  par  460  tours, 
les  arrêta  huit  mois.  Déjà  le  découragement,  les 
discordes  intestines  et  l'esprit  de  désertion  les 
gagnaient,  lorsqu'un  renégat  arménien,  acheté  par 
Bohémond,  livra  une  des  tours  de  la  ville.  Mais,  à 
peine  maîtres  d' Antioche,  les  croisés  s'y  virent  à 
leur  tour  assiégés  par  l'armée  du  Persan  Kerboga 
et  réduits  à  la  plus  affreuse  famine.  Une  vigou- 
reuse sortie  leur  ouvrit  le  chemin  de  Jérusalem. 
Enfin,  au  printemps  de  l'année  1099,  ils  arrivèrent 
en  vue  de  la  ville  sainte  :  celle-ci,  dans  l'inter- 
valle, était  passée  de  la  domination  des  Turcs  aux 
mains  du  kalife  d'Egypte,  qui  y  avait  jeté  une  gar- 
nison de  40000  hommes.  L'armée  chrétienne  ne 
comptait  plus  que  50  000  combattants,  dont  20  000 
chevaliers.  Baudouin  et  Bohémond  étaient  restés 
l'un  à  Edesse,  l'autre  à  Antioche,  où  ils  s'étaient 
taillé  des  principautés  en  pays  musulman.  Mais 
les  autres,  chez  qui  le  zèle  de  la  croix  faisait  taire 
toute  ambition  mondaine,  sentiront  décupler  leurs 
forces,  à  la  vue  de  ces  lieux  qui  leur  rappelaient 
la  vie  et  la  passion  du  Christ.  Là  les  attendaient 
de   nouveaux  combats,   de  nouvelles  souffrances. 


CROISADES 


—  o33 


CROISADES 


Enfin,  le  vendredi  15  juillet  1009,  à  l'heure  même 
où  le  Christ  avait  expire  sur  la  croix,  Jérusalem 
fut  emportée  d'assaut. 

Le  Saint-Sépulcre  était  délivré  et  l'œuvre  de  la 
croisade  semblait  accomplie.  La  plupart  des  sur- 
vivants de  l'expédition  retournèrent  en  Occident. 
Les  autres  restèrent  h  la  garde  des  lieux  saints  ; 
ils  formèrent  une  colonie  européenne  et  surtout 
française,  qui,  sans  avoir  pu  jamais  occuper  le 
pays  tout  entier,  établit  mi  long  cordon  de  postes 
fortifiés  qui  s'étendit  le  long  de  la  mer  et  sur  les 
crêtes  du  Liban,  puis  de  l'Egypte  jusqu'atix  mon- 
tagnes de  rArménie  et  jusqu'aux  rives  de  l'Eu- 
phrate. 

Avant  de  se  séparer,  les  croisés  instituèrent  un 
royaume  sur  le  modèle  des  monarchies  d'Occident. 
Gôdefroy  de  Bouillon  fut  élu  roi  de  Jérusalem,  et 
eut  pour  feudataires  Bohémond,  prince  d'Antio- 
che  ;  Tancrède,  prince  de  Galilée  ;  Baudouin, 
prince  d'Edesse  ;  il  y  eut  un  comté  de  Tripoli,  un 
marquisat  de  Tyr,  etc.  Les  institutions  du  nouveau 
royaume  furent  formulées  dans  un  code  appelé  les 
Assises  de  Jérusalem.  La  féodalité  européenne 
était  transportée  tout  d'une  pièce  sur  le  sol  de 
l'Orient.  Pour  défendre  le  nouvel  Etat,  pour  aider 
et  protéger  les  pèlerins  accourus  maintenant  en 
foule,  se  fondèrent  des  associations  à  la  fois  cha- 
ritables et  militaires,  mais  où  ce  dernier  carac- 
tère ne  tarda  point  à  prévaloir.  Tels  furent 
Tordre  des  Hospitaliers  ou  chevaliers  de  Saint- 
Jean  de  Jérusalem,  fondé  en  1100;  celui  des  Tem- 
pliers, en  1118;  celui  des  chevaliers  Teuto?iiqiœs, 
en  1130.  Ce  dernier  se  recrutait  exclusivement 
chez  les  Allemands;  les  deux  autres  chez  les  Ita- 
liens, les  Anglais,  mais  surtout  chez  les  Français  : 
car  la  première  croisade  fut  surtout  française  ;  ce 
fut  la  France  qui  porta  sur  cette  terre  lointaine 
ses  institutions,  ses  usages,  sa  langue  et  jusqu'à 
son  nom.  Pour  les  Orientaux,  tous  les  Européens 
furent  et  sont  encore  des  Francs. 

Jérusalem  était  une  conquête  difficile  à  garder. 
On  peut  dire  que  pendant  plus  d'un  siècle  et  demi 
un  flot  continu  d'émigration  guerrière  s'écoula  de 
l'Europe  vers  la  ville  sainte  pour  la  défendre  ou 
pour  la  ressaisir.  De  ces  nombreuses  expéditions, 
huit,  y  compris  celle  que  nous  venons  de  racon- 
ter, ont  mérité  plus  particulièrement  le  nom  de 
croisades. 

A  la  nouvelle  de  la  prise  de  Jérusalem,  300,000 
Frajiçais,  Allemands,  Italiens  s'étaient  mis  en  mar- 
che par  la  route  qu'avaient  suivie  les  premiers 
croisés  :  ils  furent  détruits  par  les  Turcs  dans  l'A- 
sie Mineure.  Pendant  ce  temps,  Gôdefroy  de  Bouil- 
lon, qui  se  contentait  par  humilité  du  titre  de  ba- 
ron du  Saint-Sépulcre,  luttait  péniblement  avec 
quelques  centaines  de  chevaliers  pour  affermir  son 
royaume  naissant.  Il  remporta  sur  le  kalife  d'Egypte 
une  grande  victoire  h  Ascalon  (1099).  Ses  premiers 
successeurs  ajoutèrent  à  la  colonie  chrétienne 
Sidon,  Tyr,  Ptolémais  ou  Saint-Jean  d'Acre.  Mais 
les  rivalités  des  princes  chrétiens  et  des  ordres 
militaires,  l'indiscipline,  l'absence  de  tactique  vin- 
rent bientôt  compromettre  le  nouvel  Etat.  Les 
émirs  Atabeks  de  Syrie  reprirent  victorieusement 
l'offensive.  L'un  d'eux,  Noureddin,  s'empara  d'E- 
desse et  y  fit  un  effroyable  massacre  des  chrétiens 
(1144).  L'Europe  frémitde  douleur  et  de  vengeance  ; 
un  nouvel  appel  fut  fait  aux  guerriers  d'Occident. 

Seconde  croisade  (l  147-1149).  —  Ce  fut  saint  Ber- 
nard, le  célèbre  abbé  de  Clairvaux,  l'arbitre  de 
l'Église,  qui  se  fit  l'apôtre  de  la  nouvelle  croisade. 
Il  prêcha  les  Français  à  Vézelay,  les  Allemands  à 
Spire.  Comme  la  première  fois,  d'immenses  multi- 
tudes répondirent  à  cet  appel  ;  les  châteaux  et  les 
chaumières  se  dépeuplèrent.  Deux  monarques, 
cette  fois,  prirent  la  croix,  le  roi  de  France, 
Louis  VII,  et  l'empereur  d'Allemagne,  Conrad  lll! 
On  suivit  encore  la  route  de  terre,  par  Constan- 


tinople.  Les  Allemands,  transportés  les  premiers 
en  Asie  Mineure,  y  furent  très  maltraités  par  les 
Turcs;  les  Français  n'arrivèrent  que  pour  recueil- 
lir les  débris  de  leur  armée.  L'indiscipline,  le  dé- 
sordre des  mœurs,  les  trahisons  des  Grecs  amenè- 
rent désastres  sur  désastres.  Cette  seconde  croisade 
n'offre  ni  les  grands  caractères,  ni  les  grandes 
passions  de  la  première  :  elle  n'a  rien  d'héroïque 
ni  de  chevaleresque.  Les  deux  rois,  abandonnant 
au  fer  des  barbares  la  foule  des  soldats  et  des 
pèlerins,  s'embarquèrent  avec  l'élite  de  leurs  che- 
valiers h  Satalieh  et  gagnèrent  Jérusalem.  De  là 
ils  allèrent  assiéger  Damas,  où  le  défaut  de  con- 
cert fit  échouer  l'entreprise  :  ils  revinrent  en 
Europe  sans  armées  et  sans  honneur.  Louis  VII 
fut  même  arrêté  au  retour  par  une  escadre  mu- 
sulmane, et  ne  fut  sauvé  que  par  des  pirates 
grecs. 

Cependant  les  chrétiens  de  Palestine  conti- 
nuaient à  lutter  avec  des  fortunes  diverses.  Ils 
s'emparèrent  de  la  forte  place  d'Ascalon,  qui,  en 
1178,  donna  son  nom  à  une  seconde  victoire  ga- 
gnée presque  miraculeusement  par  le  roi  de  Jéru- 
salem, Baudoin  IV.  Mais  les  Francs  dissipèrent 
leurs  forces  dans  de  folles  et  désastreuses  expé- 
ditions en  Egypte  et  contre  les  -s-illes  saintes  d'Ara- 
bie. Toutes  les  forces  musulmanes  se  réunissaient 
au  contraire  sous  la  main  du  héros  de  l'Orient, 
Salah-Eddin,  dont  chrétiens  et  infidèles  se  sont 
accordés  à  vanter  la  vaillance,  la  sagesse  et  la 
générosité.  Chef  de  la  dynastie  des  sultans  Ayou- 
bites,  maître  de  l'Egypte,  de  la  Sj^ie,  de  l'Arabie, 
de  la  Mésopotamie,  Salah-Eddin  fondit  avec  toutes 
ses  forces  sur  le  petit  royaume  de  Jérusalem.  Les 
chrétiens  furent  écrasés  dans  une  grande  bataille, 
à  Tibériade,  le  roi  Guy  de  Lusignan  fut  fait  pri- 
sonnier, et,  moins  d'un  siècle  après  sa  délivrance, 
la  ville  sainte  était  perdue  pour  la  chrétienté 
(1187). 

Troisièyne croisade 'yl\Sd-ll92).  —  A  cette  nouvelle 
la  consternation  fut  extrême  en  Occident.  Guil- 
laume, archevêque  de  Tyr,  vint  y  faire  un  nouvel 
appel  aux  armes  chrétiennes.  Les  trois  souverains 
les  plus  illustres  de  ce  temps  prirent  la  croix  : 
Frédéric  Barberousse,  empereur  d'Allemagne,  Phi- 
lippe-Auguste, roi  de  France,  Richard  Cœur-de- 
Lion,  roi  d'Angleterre.  Une  contribution  appelée 
dime  saladine  fut  levée  dans  toute  la  chrétienté 
pour  subvenir  aux  frais  de  l'expédition.  Cependant 
l'enthousiasme  religieux  allait  déjà  s'afifaiblissant. 
Cette  croisade  ne  fut  pas  tumultueuse  comme  les 
premières  :  elle  fut  faite,  non  plus  par  des  foules 
de  pèlerins,  mais  par  des  chevaliers  et  des  sol- 
dats marchant  sous  la  bannière  de  leurs  suzerains, 
par  des  armées  à  peu  près  régulières  pour  les- 
quelles des  règlements  et  une  discipline  sévère 
avaient  été  édictés. 

Frédéric  partit  le  premier  par  la  route  de  terre; 
mais  après  avoir  traversé  victorieusement  l'Asie 
Mineure,  il  trouva  une  mort  restée  mystérieuse 
dans  les  eaux  du  Selef,  en  Cilicie.  Philippe  de 
Souabe,  son  fils,  et  Léopold,  duc  d'Autriche,  par- 
vinrent avec  les  restes  de  son  armée  sous  les 
murs  de  Saint-Jean-d'Acre.  Le  siège  de  cette  Aille 
devint  le  rendez-vous  où  pendant  près  de  trois  ans 
affluèrent  les  vaisseaux  et  les  soldats  de  l'Occident. 

Cependant  les  rois  de  France  et  d  Angleterre 
avaient  pris  la  voie  de  mer,  plus  rapide  et  plus 
sûre.  Ils  s'embarquèrent,  le  premier  t  Gênes,  le 
second  à  Marseille.  A  peine  arrivés  en  Sicile,  ils 
se  brouillèrent  et  se  séparèrent.  Philippe  gagna 
directement  Saint-Jean-d'Acre,  attendant  Richard, 
qui  s'attardait  à  la  conquête  de  Chypre  sur  un 
petit  prince  grec.  Cette  île  de\1nt  un  petit  royaume 
latin  rattaché  aux  destinées  de  celui  de  Jérusalem. 
Enfin  le  roi  d'Angleterre,  après  une  victoire  na- 
vale remportée  sur  les  Turcs,  arriva  et  le  siège  fut 
vigoureusement  poussé.  Vainement  Salah-Eddin, 


CROISADES 


—  534 


CROISADES 


qui,  lui  aussi,  avait  fait  prêcher  la  guerre  sainte 
dans  tout  l'Orient  musulman,  harcelait  avec  une 
armée  de  secours  le  camp  des  ciirétiens  ;  en  vain 
ceux-ci  laissèrent-ils  plus  d'une  fois  échapper  la 
victoire  par  l'amour  du  pillage  et  parleurs  discor- 
des, —  Philippe  soutenant  h'S  prétentions  du  mar- 
quis de  TjT.  Richard,  celles  de  Guj-  de  Lusignan 
à  la  royauté  nominale  de  Jérusalem,  —  la  cause  de 
la  croix  l'emporta  ;  Saint-Jean  d'Acre  se  rendit 
1191).  Ce  fut  là  le  seul  fruit  d'une  expédition  qui 
vait  dévoré  plus  de  200  000  soldats.  Richard, 
oin  de  suivre  les  exemples  de  générosité  donnés 
par  Salah-Eddin,  déshonora  les  armes  chrétien- 
nes en  massacrant  de  sang-froid  tous  les  prison- 
niers. 

Philippe  se  hâta  de  revenir  en  France  pour 
mettre  à  profit  l'absence  du  roi  d'Angleterre.  Le 
Cœur-de-Lion  continua  à  guerroj-er  en  Palestine 
et  à  mériter  son  surnom  par  de  merveilleux  mais 
stériles  exploits.  Il  remporta  bien  sur  Salah-Eddin 
une  grande  victoire  à  Arsur.  Mais  sans  plan,  sans 
génie,  ce  géant  batailleur,  ne  sut  que  pleurer  à  la 
vue  de  Jérusalem,  qu'il  entrevit  de  loin  sans  pou- 
voir la  prendre,  et  quitta  la  Palestine,  laissant  chez 
les  Orientaux  un  long  souvenir  d'admiration  et  d'é- 
pouvante (1192).  Au  retour,  jeté  par  la  tempête 
sur  les  côtes  de  Dalmatie,  il  fut  fait  prisonnier  par 
le  duc  Léopold  d'Autriche,  dont  il  avait  insulté  la 
bannière  à  Saint-Jean  d'Acre.  Le  duc  le  livra  à 
l'empereur  Henri  VI,  qui  lui  fit  acheter  sa  liberté 
au  prix  énorme  de  150  000  marcs  d'argent  (plus  de 
soixante  millions  d'aujourd'hui). 

Quairiéme  croisade  (1202-1204^.  —  Jérusalem 
était  toujours  captive.  Mais  Salah-Eddin  était  mort, 
et  son  empire,  divisé  entre  ses  fils,  était  déchiré 
par  les  gueri-es  civiles  ;  une  armée  de  pèlerins 
allemands  avait  repris  Sidon  ;  l'occasion  semblait 
favorable.  Le  pape  Innocent  III  fit  prêcher  une 
quatrième  croisade  par  Foulques,  curé  de  Neuilly. 
Aucun  roi,  cette  fois,  ne  s'arma  :  mais  un  grand 
nombre  de  seigneurs 'français,  flamands  et  italiens 
prirent  la  croix  :  Baudouin  IX,  comte  de  Flandre  ; 
Boniface  II,  marquis  de  Montferrat;  Simon  de 
Montfort;  Geoffroy  de  Villehardouin,  maréchal  de 
Champagne,  l'historien  de  cette  croisade.  Le  ren- 
d(;z-vous  était  à  Venise.  On  emprunta  des  vais- 
seaux aux  Vénitiens  moj'ennant  80000  marcs,  dont 
.'ÎOoOO  seulement  purent  être  payés.  Afin  de  s'ac- 
quitter du  reste,  les  chevaliers,  ajournant  le  voyage 
de  Terre-Sainte,  allèrent  faire  pour  la  république 
la  conquête  de  Zara  sur  le  roi  de  Hongrie.  Pen- 
dant le  siège,  un  prince  grec,  Alexis,  vint  implo- 
rer leur  secours  en  faveur  de  son  père,  l'empereur 
Isaac  l'Ange,  détrôné  par  un  usurpateur  :  il  pro- 
mettait de  riches  récompenses  et  la  réunion  de 
l'Eglise  grecque.  Malgré  les  instances  et  les  me- 
naces du  pape,  la  croisade  fut  encore  une  fois  dé- 
tournée de  son  but.  Conduits  par  le  vieux  doge  de 
Venise,  Dandolo,  les  croisés  cinglèrent  vers  Cons- 
tantinople.  A  la  vue  de  la  magnifique  et  imposante 
cité,  •(  il  n'y  eut  si  hardi  à  qui  le  cœur  ne  frémît  », 
dit  Villehardouin.  Toutefois  les  Grecs  n'opposèrent 
qu'une  faible  résistance  ;  la  ville  fui  prise  d'assaut 
à  la  fois  par  terre  et  par  mer,  et  Isaac  rétabli  sur 
le  trône.  Mais,  pour  payer  ce  service,  il  fallut 
lever  d'énormes  impôts,  et  provoquer  ainsi  des 
révoltes.  Un  second  usurpateur,  Ducas  Murzu- 
phle,  renversa  Isaac  et  ne  put  davantage  satis- 
faire les  Latins.  Ceux-ci  donnèrent  un  nouvel 
assaut  à  Constantinople,  la  pillèrent  et  la  gardè- 
rent. Ils  partagèrent  ensuite  entre  eux  et  avec  les 
Vénitiens  les  provinces  de  l'empire.  Un  empereur 
français,  Baudouin  de  Flandre,  fut  établi  à  Cons- 
tantinople avec  un  étroit  territoire  ;  le  marquis  de 
Montffrrat  tut  fait  roi  de  Thessalonique  ;  Othon  de 
la  Rociie  duc  d'Athènes  ;  Guillaume  de  Champlitte 
duc  d'Achaïe,  etc.  La  féodalité  française  fut  trans- 
plantée dans  la   patrie  des   Hellènes  comme  elle  ' 


l'avait  été  sur  les  bords  du  Jourdain.  Quant  aux 
Vénitiens,  ils  ne  .s'oublièrent  pas;  ils  se  firent 
donner,  outre  le  faubourg  de  Péra,  les  îles  Ionien- 
nes, Candie,  l'Eubée  et  la  plupart  des  îles  de  l'Ar- 
chipel, les  villes  de  Modon  et  de  Coron  en  Morée, 
etc.  ;  et  s'intitulèrent  bizarrement  «  seigneurs  d'un 
quart  et  demi  de  l'empire  d'Orient.  » 

Annoncée  et  entreprise  au  nom  de  la  croix,  cette 
expédition  ne  fut  point  une  \Taie  croisade,  mais 
une  conquête  politique.  Elle  eût  pu  cependant 
avoir  au  point  de  vue  chrétien  deux  grands  résul- 
tats :  faire  des  Églises  latine  et  grecque  une  seule 
Église  ;  constituer  un  poste  avancé  d'où  l'Europe 
eîit  donné  la  main  à  ses  colonies  d'Orient.  La  con- 
duite arrogante  et  brutale  des  Latins  à  l'égard  des 
Grecs,  l'émiettement  de  l'empire  conquis  entre 
les  conquérants,  l'incapacité  et  l'indigence  des 
empereurs  français,  firent  échouer  la  question  re- 
ligieuse et  empêchèrent  qu'aucune  aide  pût  être 
apportée  de  ce  côté  aux  chrétiens  d'Asie.  L'em- 
pire latin  ne  devait  durer  que  cinquante-sept  ans 
(1204-1261). 

Cinquième  croisade  (1217-1221).  — Les  chrétiens 
d'Orient,  réduits  à  quelques  places  fortes,  étaient 
divisés  les  uns  contre  les  autres;  les  chevaliers 
de  Saint-Jean  et  ceux  du  Temple  se  faisaient  la 
guerre.  Les  sultans  d'Egypte  les  resserraient  de 
plus  en  plus.  Une  croisade  fut  prêchée  par  In- 
nocent III,  puis  par  Honorius  III.  Au  défaut  de 
l'empereur  Frédéric  II,  qui  devait  la  commander, 
mais  qui  s'était  soustrait  à  cet  honneur,  le  pape 
désigna  André  II,  roi  de  Hongrie.  Le  rendez-vous 
fut  à  Saint-Jean  d'Acre  ;  trois  rois  s'y  rencontrè- 
rent :  celui  de  Hongrie,  qui  mourut  bientôt;  le  roi 
nominal  de  Jérusalem,  Jean  de  Brienne;  le  roi  de 
Chypre,  Hugues  de  Lusignan.  Jean  seul  persista, 
et,  de  concert  avec  le  légat  Pelage,  porta  la  guerre 
en  Egypte.  Par  une  diversion  qui  ne  manquait  pas 
d'habileté,  c'était  au  Caire  qu'on  allait  chercher 
les  clefs  de  Jérusalem.  Les  croisés  s'emparèrent 
de  Damiette.  et  ils  auraient  pu,  en  échange  de  cette 
ville,  obtenir  Jérusalem,  si  le  légat  ne  se  fût  obstiné- 
ment opposé  à  toute  transaction  avec  les  infidèles. 
Les  croisés  éprouvèrent  à  leur  tour  des  revers,  et 
se  trouvèrent  heureux  d'acheter  au  prix  de  Da- 
miette la  liberté  du  retour.  Cette  cinquième  croi- 
sade fut  complètement  stérile. 

Sixième  croisade  (1 228-1229».  —  L'empereur  Fré- 
déric II  avait  pris  la  croix  depuis  quinze  ans,  mais 
ne  se  hâtait  pas  d'acquitter  son  vœu.  Le  pape  Gré- 
goire IX,  poussé  à  bout,  l'excommunia.  Frédéric, 
bravant  l'anathème,  partit  alors  pour  la  Palestine. 
Au  lieu  de  combattre,  il  négocia,  et  se  fit  céder  la 
ville  sainte  par  le  sultan  Méledin  (Malek-al-Kamel). 
Comme  gendre  de  Jean  de  Brienne,  il  prit  le  titre 
de  roi  de  Jérusalem,  et  aucun  évèque  ne  voulant 
donner  l'onction  royale  à  un  prince  excommunié, 
il  se  couronna  de  sa  propre  main.  Puis  il  se  hâta 
de  revenir  en  Europe. 

On  vit  alors  l'Orient  chrétien  et  musulman  tom- 
ber en  proie  à  une  anarchie  universelle.  Les  che- 
valiers de  Saint-Jean  et  ceux  du  Temple,  les  sultans 
d'Egypte  et  les  Turcs  se  livraient  entre  eux  des 
combats  furieux.  La  secte  fameuse  des  Assassins 
avait  couvert  de  ses  châteaux  forts,  véritables  nids 
de  vautours,  la  crête  des  montagnes  depuis  la 
Syrie  jusqu'en  Perse  ;  son  chef,  le  cheik  ou  Vieux 
de  la  Montagne,  exerçait  autour  de  lui  une  terreur 
mystérieuse  qui  avait  gagné  jusqu'à  l'Europe  elle- 
même.  Quant  à  Jérusalem,  bientôt  reperdue  pour 
les  chrétiens,  disputée  par  les  princes  musulmans, 
elle  fut  envahie,  en  12i-i.  par  les  Tartares  Kharis- 
miens  qui  y  firent  un  effroyable  massacre  des  ha- 
bitants. 

Septième  croisade  (124S-1254).  — Les  nouveaux 
malheurs  de  la  ville  sainte  déchirèrent  cruellement 
le  cœur  du  pieux  roi  qui  régnait  alors  sur  la  Fi-ance. 
Le  vœu.  que  Louis  IX  avait  fait  de  prendre  la  croix, 


CROISADES 


—  535  — 


CROISADES 


pendant  une  grave  maladie,  il  le  renouvela  après 
sa  guérison,  et  il  le  voulut  tenir,  malgré  sa  mère, 
Blanche  de  Castille,  malgré  ses  plus  sages  conseil- 
lers. Le  doute  à  l'endroit  de  ces  expéditions  ga- 
gnait les  âmes  les  plus  ferventes.  Saint  Louis  s'em- 
barqua, avec  une  partie  de  son  armée,  à  Aigues- 
Mortes  ;  le  reste  à  Marseille.  Après  une  trop  longue 
relâche  en  Chypre,  où  s'altéra  le  moral  de  l'ar- 
mée, le  roi  de  France,  reprenant  le  plan  de  la 
cinquième  croisade,  alla  débarquer  en  Egypte  où 
il  s'empara  de  Damiette.  De  là,  après  avoir  encore 
perdu  un  temps  précieux  au  milieu  des  canaux 
du  Nil,  on  se  mit  en  marche  sur  le  Caire.  Mais 
l'avant-garde  chrétienne  fut  détruite  à  Mansourah 
(1350).  Enveloppés  bientôt  par  des  nuées  d'enne- 
mis, décimés  par  la  famine  et  par  la  peste,  les 
croisés,  malgré  la  bravoure  personnelle  déployée 
par  saint  Louis,  durent  opérer  une  retraite  désas- 
treuse à  travers  les  inondations  du  fleuve.  Malade 
lui-même,  il  resta  prisonnier  avec  ses  frères  et 
20000  des  siens.  Pendant  sa  captivité  où,  par  sa 
vertu  et  sa  grandeur  d'âme,  il  étonna  les  musul- 
mans eux-mêmes,  une  insurrection  éclata  parmi 
ceux-ci.  Les  Mamelouks  vainqueurs  traitèrent  avec 
le  saint  roi,  qui  racheta  sa  liberté  en  rendant  Da- 
miette_,  et  celle  de  ses  compagnons  au  prix  de 
400000  besans  d'or. 

A  peine  libre,  Louis  IX  passa  en  Palestine  où 
il  resta  quatre  ans  (1250-1254),  prodiguant  aux 
chrétiens  les  secours,  les  consolations  et  les  appels 
à  la  concorde,  fortifiant  les  places  qui  leur  res- 
taient encore,  négociant  avec  les  princes  musul- 
mans ,  recevant  des  présents  du  cheik  de  la 
Montagne,  envoyant  des  ambassadeurs  et  des  mis- 
sionnaires au  khan  des  Mongols  et  jusque  dans  les 
profondeurs  de  l'Asie  orientale.  La  mort  de  sa 
mère  (1254)  le  rappela  en  France;  mais  il  n'avait 
pas  renoncé  à  délivrer  Jérusalem. 

Huitième  et  der?iiére  croisade  (1270).  —  Un  an- 
cien esclave,  Bibars,  qu'une  nouvelle  révolution 
avait  fait  sultan  d'Egypte,  après  avoir  chassé  les 
Mongols  de  la  Syrie,  se  jeta  sur  les  chrétiens  et 
leur  enleva  Tyr,  Césarée,  JafTa  et  la  grande  cité 
d'Antioche.  Ces  nouvelles  réveillèrent  les  douleurs 
de  Louis  IX  ;  une  seconde  fois  il  prit  la  croix. 
Cette  expédition,  plus  encore  que  la  première,  fut 
son  œuvre  personnelle  :  plus  d'enthousiasme,  plus 
de  foi;  l'obéissance  féodale  lui  donna  seule  des 
soldats.  Son  frère,  Charles  d'Anjou,  roi  de  Naples 
et  de  Sicile,  qui  avait  des  ^Ties  de  commerce  et  de 
conquête  sur  la  côte  d'Afrique,  lui  persuada  de 
commencer  la  croisade  par  Tunis  :  le  roi  de  cette 
ville,  dLsait-on,  était  prêt  à  recevoir  le  baptême. 
Débarqués  à  Tunis,  les  chrétiens  en  trouvèrent  les 
portes  fermées, et  la  peste  se  mit  dans  leur  camp. 
Le  roi  lui-même,  atteint  du  fléau,  mourut  étendu 
sur  la  cendre,  en  prononçant  le  nom  de  Jérusalem, 
la  grande  préoccupation  de  sa  vie.  Au  lieu  même 
où  il  expira,  sur  les  ruines  de  l'antique  Carthage, 
la  France  du  xix«  siècle  a  élevé  un  monument  à  la 
mémoire  du  saint  roi,  en  qui  se  sont  résumées  les 
aspirations  du  moyen  âge  chrétien  vers  l'Orient. 
Le  nouveau  roi  de  France,  Philippe  III,  et  celui  de 
Naples,  ramenèrent  en  Europe  les  débris  de  la 
dernière  armée  levée  sous  la  bannière  de  la  croix. 

C'en  était  fait  de  la  Terre-Sainie.  Les  ordres 
militaires  et  religieux,  héroïque  arrière-garde  de  la 
croisade,  refoulés  de  plus  en  plus  au  rivage,  dispu- 
tèrent pierre  par  pierre  les  murs  de  Saint-Jean 
d'Acre,  ei  furent  chassés  de  ce  dernier  asile  en 
1291.  De  Chypre,  où  ils  s'étaient  retirés,  les  Tem- 
pliers firent  en  1300  un  retour  ofl'ensif  sur  Tortose 
qu'il  leur  fallut  quitter  en  1302  ;  puis  tout  fut  fini; 
l'ère  des  croisades  d'Orient  était  close.  Les  Hospi- 
taliers s'établirent  (1310)  à  Rhodes,  qui  leur  donna 
son  nom  ;  les  Templiers  ne  revinrent  en  Europe 
que  pour  voir  leur  ordre  aboli  (1312);  les  clieva- 
liers  Teutoniques  allèrent  engager  une  nouvelle 


croisade  contre  les  infidèles  du  nord  de  l'Europe, 
et  fonder  sur  les  rivages  de  la  Baltique  une  dorai- 
nation  d'où  devait  sortir  la  Prusse  moderne. 

On  parla  de  croisades  longtemps  encore  après 
saint  Louis.  Mais  l'esprit  des  croisades  était  mort, 
et  tout  se  passa  en  vaines  parades  ou  en  folles 
expéditions.  C'est  ainsi  que  Philippe  VI  prit  la 
croix  en  1334;  que,  sous  son  petit-fils  Charles  "VI, 
en  1396,  la  brillante  chevalerie  française  alla  se 
faire  exterminer  sur  le  Danube,  à  Nicopolis,  par 
les  Turcs  Ottomans  ;  que  les  chevaliers  de  France, 
de  Bourgogne  et  de  Flandre  s'engagèrent  par  le 
vœu  du  faisan  h  délivrer  Jérusalem  dans  cette  fête 
de  Lille  qui  ne  fut  qu'une  pompeuse  masca- 
rade (1453).  Quelques  années  après,  le  pape 
Pie  II  mourait  en  vue  de  la  flotte  qui  devait  l'em- 
porter en  Orient  et  qui  ne  partit  point.  La  victoire 
navale  de  Lépante,  gagnée  en  1572  sous  la  ban- 
nière pontificale,  n'arrêta  point  les  progrès  des 
Ottomans.  Enfin,  au  xvii'  siècle,  la  voix  du  grand 
Leibnitz,  invitant  Louis  XIV  à  recommencer  contre 
l'Egypte  la  croisade  de  son  pieux  ancêtre,  se  perdit 
dans  l'indifférence  universelle. 

Résultats  des  croisades.  —  Les  croisades  ont 
manqué  leur  but.  Malgré  une  dépense  énorme 
d'hommes,  de  forces  et  d'argent,  elles  n'ont  point 
rendu  la  Terre-Sainte  au  monde  chrétien  ;  elles  ont 
retardé  tout  au  plus,  elles  n'ont  point  arrêté  l'inva- 
sion musulmane  qui  devait  au  xv'  siècle,  avec  les 
Turcs,  engloutir  toute  la  péninsule  hellénique. 
Mais,  sorties  d'une  idée  noble  et  désintéressée, 
elles  ont  suscité  les  grands  courages,  développé 
les  instincts  héroïques,  et  noué  entre  les  peuples 
de  l'Europe  des  liens  de  confraternité  que  la  poli- 
tique malheureusement  devait  briser.  Elles  ont  eu 
aussi  des  conséquences  plus  positives,  politiques, 
économiques,  scientifiques  même  ;  les  unes  immé- 
diates, les  autres  qui  ne  devaient  porter  leurs 
fruits  que  plus  tard,  et  qu'à  coup  sûr  n'avaient 
pas  prévues  ceux  qui  ont  provoqué  ces  grands 
mouvements,  ou  s'y  sont  engagés  :         '' 

1°  Dans  l'ordre  religieux,  en  réunissant  tautes  les 
nationalités  sous  la  bannière  de  l'Eglise,  les  croisa- 
des fortifièrent  la  papauté  et  en  firent  pendant  plus 
de  deux  siècles  l'arbitre  de  l'Europe.  Dans  l'ordre 
temporel,  en  arrachant  la  noblesse  féodale  au  sol 
qui  faisait  sa  force,  en  dissipant  ses  richesses  et 
son  sang  dans  des  combats  lointains,  elles  forti- 
fièrent la  royauté  en  France,  et  y  favorisèrent  la 
formation  de  l'unité  nationale.  Elles  provoquèrent 
l'affranchissement  des  classes  inférieures,  en  les 
associant  à  la  sainte  et  glorieuse  entreprise,  en  les 
relevant  à  leurs  propres  yeux,  en  leur  fournissant 
l'occasion  d'acheter  leur  liberté  des  seigneurs  : 
l'établissement  des  communes,  la  mobilisation  de 
la  propriété,  la  formation  du  tiers  état  datent  des 
croisades. 

2°  Ces  expéditions  développèrent,  surtout  chez 
les  populations  maritimes ,  l'activité  commer- 
ciale et  industrielle  ;  les  grandes  flottes  armées 
pour  le  transport  des  pèlerins  prenaient  en 
retour  les  riches  productions  de  l'Asie  et  de 
l'Afrique.  Les  colonies  chrétiennes  et  surtout 
françaises  de  la  Palestine  et  de  la  Syrie  n'offraient 
pas  seulement  ces  modèles  de  forteresses  féodales 
(Margat,  le  Château  des  Chevaliers,  le  Château- 
Pèlerin)  dont  on  admire  encore  aujourd'iiui 
les  ruines  gigantesques,  mais  aussi  de  grandes 
places  de  commerce,  des  ports  fréquentés. 
Chypre,  cette  terre  dénudée  par  la  barbarie  mu- 
sulmane et  dont  l'Angleterre  rêve  la  résurrection, 
était  devenue  entre  les  mains  des  Lusignan  de 
France  un  des  plus  riches  pays  du  monde.  C'était 
une  sorte  de  jardin  d'acclimatation  où  les  Francs 
avaient  naturalisé  et  d'où  l'Europe  devait  transpor- 
ter ailleurs  les  mûriers  et  le  ver  à  soie,  la  canne 
à  sucre,  le  coton,  la  garance  et  les  ceps  de  vigne 
qui  ont  fait  la  fortune  de  Madère.  C'e.stde  l'Orient 


CROMWELL 


536 


CROMWELL 


encore  que  les  Européens  rapportèrent  le  blé  de 
Turquie,  l'usage  des  moulins  à  vent,  la  fabrica- 
tion du  verre,  etc.  ;  le  feu  grégeois  conduisit  à 
l'invention  de  la  poudre  h  canon.  Après  avoir  de- 
mandé aux  intermédiaires  les  épices,  les  pierreries 
de  l'extrême  Orient,  on  songea  à  les  y  aller  cher- 
cher et  on  s'achemina  sur  les  routes  de  l'Inde. 
L'Italie^  qui  n'apporta  aux  croisades  qu'un  enthou- 
siasme religieux  très  modéré,  devait  en  retirer  les 
fruits  les  plus  positifs.  C'est  de  là  que  datent  la 
prospérité  des  républiques  maritimes  de  Pise,  de 
Gènes  et  surtout  de  Venise,  qui  semèrent  de  leurs 
comptoirs  les  échelles  du  Levant,  et  ce  prodigieux 
mouvement  d'affaires  qui  par  répercussion  se  fai- 
sait sentir  dans  les  villes  de  Flandre  et  dans  les 
ports  hanséatiques.  Le  change,  les  banques,  la 
création  des  valeurs  fiduciaires  changèrent  les 
conditions  du  commerce. 

3°  Il  ne  se  pouvait  faire  enfin  que  ces  expéditions, 
guerrières  ou  commerciales,  n'établissent  un  grand 
courant  d'idées  entre  l'Occident  et  l'Orient  :  on  em- 
prunta aux  Grecs  la  connaissance  de  l'antiquité  ; 
aux  Arabes  les  sciences  exactes,  le  papier,  la  bous- 
sole et  des  connaissances  médicales  nouvelles  ;  les 
hauts  faits  des  chevaliei-s  inspirèrent  la  poésie  des 
trouvères  et  des  troubadours,  et  ce  sont  les  croi- 
sades qui  nous  ont  donné  nos  deux  plus  anciens 
historiens  français,  Villehardouin  et  Joinville. 
L'architecture  navale  et  l'hydrographie  des  côtes 
furent  perfectionnées  ;  et  ces  nombreux  voyages 
entrepris  dans  des  buts  pieux  ou  intéressés  con- 
tribuèrent à  élargir  démesurément  le  champ  de 
la  géographie.  De  tels  résultats  compensent  assu- 
rément les  sacrifices  que  les  croisades  ont  coûtés 
et  les  ruines  qu'elles  ont  faites.  Il  serait  donc  oi- 
seux de  se  livrer  à  des  récriminations  à  propos 
d'événements  si  lointains.  Et  cependant  on  ne 
peut  s'empêcher  de  regretter  qu'un  esprit  plus 
pratique  et  des  vues  mieux  concertées  n'aient  pas 
présidé  à  l'organisation  des  colonies  chrétiennes 
de  Syrie.  Combien  cette  avant-garde,  en  refoulant 
l'islamisme  dans  ses  déserts,  n'eût-elle  point  hâté 
l'œuvre  de  la  civilisation  que  les  nations  modernes 
poursuivent  aujourd'hui  en  Orient  !  N'est-il  point 
également  regrettable  que  ce  manque  d'intelli- 
gence politique  ait  empêché  l'empire  Latin  de 
s'asseoir  sur  les  rives  du  Bosphore  ?  Par  là  eût 
été  arrêté  dans  son  germe  cet  empire  Ottoman 
qui,  après  avoir  stérilisé  l'une  des  plus  belles 
contrées  du  monde  et  épouvanté  l'Europe,  met  à 
chaque  instant  en  péril  aujourd'hui,  par  sa  déca- 
dence même  et  son  incurable  faiblesse,  l'équilibre 
de  l'Occident.  [Léon  Puiseux.] 

A  consulter  :  Gestà  Dei  per  Francos,  de  Bongars  ;  — 
l'Histoire  des  Croisades,  par  Michaud,  édition  de  Huillard- 
BréhoUes,  4  vol.  in-8  ;  —  Monuments  de  l'architecture  des 
Croisés  en  Syrie,  par  G.  Rey,  1  vol.  ia-4. 

CROMWELL.—  Histoire  générale.XXIV,  XXVIII. 
—  «  Un  homme  s'est  rencontré,  d'une  profondeur 
d'esprit  incroyable,  hypocrite  raffiné  autant  qu'ha- 
bile politique,  capable  dç  tout  entreprendre  et  de 
tout  cacher,  également  actif  et  infatigable  dans  la 
paix  et  dans  la  guerre,  qui  ne  laissait  rien  à  la  for- 
tune de  ce  qu'il  pouvait  lui  ôter  par  conseil  et  par 
prévoyance,  mais  au  reste  si  vigilant  et  si  prêt  à 
tout,  qu'il  n'a  jamais  manqué  les  occasions  qu'elle 
lui  a  présentées  ;  enfin  un  de  ces  esprits  remuants 
et  audacieux  qui  semblent  être  nés  pour  changer 
le  monde.  >>  Ainsi  s'exprime  Bossuet  dans  le  por- 
trait fameux  qu'il  a  tracé  d'Olivier  Cromwell 
{Oraison  funibre  de  la  reine  d Amjleterre) .  Le 
portrait  est  ressemblant,  sauf  en  un  point  ;  il  ne 
paraît  pas  que  Cromwell  ait  été  un  hypocrite  ; 
sa  correspondance  intime,  aujourd'hui  publiée, 
atteste  la  sincérité  de  ses  croyances  religieuses. 

Olivier  Cromwell  naquit  en  1599  dans  le  comté 
de  Huntingdon.  Il  entra  dans  la  vie  publique  en 
1640,  comme  membre  du  Long  Parlement  (V.  Char- 


les l"  (V Angleterre).  Lorsque  la  guerre  eut  éclaté 
entre  le  roi  et  le  parlement,  il  se  distingua  à  la 
tête  d'un  régiment  de  volontaires;  puis,  ayant  reçu 
un  commandement  dans  l'armée  du  Nord,  il  gagna 
sur  les  royalistes  les  batailles  de  Marston-Moor  et 
de  Ncwbury  (1644).  L'année  suivante,  il  remporta 
la  victoire  décisive  de  Naseby,  qui  acheva  la  ruine 
de  la  cause  royale.  Ces  brillants  succès  valurent 
à  Cromwell  une  grande  popularité  :  elle  s'accrut 
encore  lorsque,  après  l'exécution  de  Charles  \"  et 
la  proclamation  de  la  république,  il  eut  comprimé 
la  révolte  de  l'Irlande,  et  vaincu  à  Dunbar  (1650) 
et  à  "Worcester  (1651)  les  Écossais  soulevés  en  fa- 
veur du  prétendant  Charles  II. 

Le  Long  Parlement,  d'où  les  presbytériens  avaient 
été  expulsés  en  1G48,  et  qui  ne  se  composait 
plus  que  à'indépe7idants  ou  puritains,  gouver- 
nait la  république  anglaise.  Mais  il  avait  contre 
lui  deux  partis  :  celui  des  niveleurs,  qui  réclamait 
des  institutions  plus  démocratiques,  et  celui  des 
presbytériens,  qui  désirait  la  monarchie  constitu- 
tionnelle. Voyant  le  prestige  du  parlement  diminué, 
Cromwell,  assuré  de  la  faveur  de  l'armée,  entrevit 
pour  lui-même  la  possibilité  d'un  nouveau  rôle. 
Le  20  avril  1653,  il  entra  dans  la  salle  des  séances 
du  parlement,  à  la  tête  d'une  compagnie  de  sol- 
dats, et  la  fit  évacuer  par  la  force  ;  la  salle  vide, 
il  en  mit  la  clef  dans  sa  poche,  et  fit  placer 
sur  la  porte  un  écriteau  avec  ces  mots  :  Maison 
à  louer. 

Devenu  le  maître  par  ce  coup  d'État,  il  nomma 
de  sa  propre  autorité  un  nouveau  parlement,  com- 
posé d'hommes  obscurs  qu'il  pensait  trouver  do- 
ciles à  ses  volontés.  Mais  cette  assemblée  lui  ayant 
paru  gênante,  il  s'en  débarrassa,  comme  il  l'avait 
fait  pour  le  Long  Parlement,  au  moyen  d'un  pelo- 
ton d'infanterie;  puis,  s'appuyant  sur  un  conseil 
d'État  qu'il  avait  institué,  il  se  fit  décerner  le  titre 
de  Lord  Protecteur  d'Angleterre,  avec  un  pouvoir 
analogue  au  pouvoir  royal. 

L'acte  constitutionnel  du  protectorat  contenait 
les  dispositions  suivantes  :  le  gouvernement  réside 
dans  une  seule  personne  et  un  parlement  ;  —  le 
parlement  comptera  460  membres,  dont  400  pour 
l'Angleterre  et  60  pour  l'Ecosse  et  l'Irlande  ;  — 
sont  électeurs  les  citoyens  qui  possèdent  la  valeur 
de  200  livres  sterling. 

L'usurpation  de  Cromwell  souleva  de  vives  op- 
positions ;  plusieurs  républicains  protestèrent  pu- 
bliquement, entre  autres  le  poète  Milton.  Les  élec- 
tions pour  un  nouveau  parlement  (1654)  se  firent 
en  général  dans  un  sentiment  d'hostilité  contre  le 
Protecteur.  Celui-ci  avait  déclaré  d'avance  que 
«  les  élus  n'auraient  pas  le  pouvoir  de  changer  le 
gouvernement  tel  qu'il  était  actuellement  établi  en 
une  personne  et  un  parlement.  »  La  chambre 
décida  néanmoins  de  discuter  cette  question  ;  pour 
l'en  empêcher,  Cromwell  en  fit  exclure  150  mem- 
bres. Le  parlement  ainsi  épuré  rejeta  néanmoins, 
par  200  voix  contre  03,  une  proposition  tendant  à 
assurer  l'hérédité  du  protectorat  dans  la  famille  de 
Cromwell  :  aussitôt  il  fut  dissous. 

Des  complots  royalistes  fournirent  au  Protecteur 
un  prétexte  pour  prendre  des  mesures  destinées  à 
mieux  assurer  son  autorité  :  l'Angleterre  fut  divi- 
sée en  douze  districts,  gouvernés  militairement  par 
des  majors  généraux  ;  les  journaux  furent  supprimés, 
sauf  deux  feuilles  appartenant  au  gouvernement. 
En  même  temps,  une  alliance  avec  la  France  et 
des  victoires  remportées  sur  l'Espagne  donnaient 
à  l'Angleterre,  au  dehors,  une  situation  propre  à 
flatter  l'amour-propre  national  :  la  gloire  militaire 
remplaçait  la  liberté. 

Des  difficultés  intérieures  décidèrent  toutefois 
Cromwell  à  convoquer  un  nouveau  parlement  ;1k56). 
Une  forte  minorité  républicaine,  fut  élue  ;  le  Pro- 
tecteur, habitué  aux  procédés  sommaires,  lui 
interdit  l'entrée  de  la  cliambre;  puis  il  se  lit  ofl'rir 


CRUCIFÈRES 


—  337  — 


CRUCIFERES 


la  couronne  par  les  députes  qu'il  avait  admis  à 
siéger  :  mais  il  n'osa  pas  la  prendre,  à  cause  du 
mécontentement  que  manifesta  l'armée. 

L'année  suivante,  il  fit  un  nouveau  pas  vers  le 
trône,  en  rétablissant  la  Chambre  des  lords,  qui 
avait  été  abolie  en  1049. 

Mais  entouré  de  complots  sans  cesse  renaissants, 
l'esprit  assombri  par  les  soupçons  et  des  chagrins 
domestiques,  afiaibli  en  outre  par  une  longue  ma- 
ladie, il  expira  avant  d'avoir  pu  atteindre  au  but 
final  que  s'était  proposé  son  ambition  (16.'>8). 

Son  fils  Richard  lui  succéda  comme  Protecteur, 
mais  abdiqua  au  bout  de  quelques  mois.  Les 
membres  survivants  du  Long  Parlement  reprirent 
alors  le  pouvoir,  et  proclamèrent  de  nouveau  la 
république  (1C59).  Mais  le  général  Monk,  qui  mé- 
ditait la  restauration  des  Stuarts,  fit  rentrer  au 
Long  Parlement  les  membres  presbytériens  qui 
en  avaient  été  exclus  en  1648  :  ceux-ci,  servant  le 
])rojet  de  Monk,  votèrent  la  dissolution  définiiive 
de  cette  glorieuse  assemblée.  Elle  fut  remplacée 
par  une  nouvelle  Chambre  des  communes,  élue  sous 
la  pression  des  soldats  de  Monk,  et  qui,  d'ac- 
cord avec  la  Chambre  des  lords,  décida  le  rétablis- 
sement de  la  royauté  et  le  rappel  de  Charles  II* 
(1G60).  Le  cadavre  d'Olivier  Cromwell  fut  déterré 
et   attaché  ^  au   gibet. 

CRUCIFÈRES.  — Botanique,  XXllI.—  De/z?ie<ion. 
—  Les  plantes  dont  l'ensemble  forme  la  famille  des 
Crucifères  appartiennent  aux  Phanérogames  dico- 
tylédones angiospermes  et,  parmi  celles-ci,  aux 
Dialypétales  hypogynes.  M.  Brongniart  les  place 
dans  sa  40*  classe  dite  des  Cruciférinées,  avec  les 
Résédas  et  les  Câpriers. 

Caractères  botaniques.  —  \.  Graine.  —  Les 
graines  des  crr.cifères  sont  généralement  petites, 
globuleuses,  lisses.  Leur  tégument,  dont  la  surface 
se  change  en  mucilage  sous  l'action  de  l'eau,  a 
pour  rôle  de  fixer  la  graine  au  sol,  en  même  temps 
qu'il  protège  un  embryon  volumineux  pourvu  de 
deux  cotylédons  bien  développés.  Dans  quelques 
espèces,  les  deux  cotylédons,  profondément  divi- 
sés, simulent  quatre  ou  même  six  cotylédons. 
L'embryon  des  crucifères  est  toujours  courbé  et, 
selon  les  genres,  la  tigelle  vient  s'appliquer  sur  la 
ligne  de  séparation  des  cotylédons,  auquel  cas  ces 
derniers  sont  qualifiés  d'accombcoits,  ou,  au  con- 
traire, la  tigelle  vient  s'appliquer  sur  le  dos  de  lun 
des  deux  cotylédons,  auquel  cas  ces  derniers  sont 
dits  incombants.  Les  cotylédons  incombants  peu- 
vent se  présenter  de  quatre  manières  :  1°  plans; 
2°  plies  en  gouttière  et  embrassant  la  tigelle  ;  3°  en- 
roulés eu  spirale  ;  4°  ondulés  ou  repliés  plusieurs 
fois  sur  eux-mêmes.  L'albumen  des  crucifères  est 
très  peu  développé. 

Les  graines  des  crucifères  sont  employées  pour 
fabriquer  de  l'huile  (cameline,  colza),  ou  pour 
faire  des  farines  qui,  délayées  avec  de  l'eau  et  du 
vinaigre,  donnent  les  moutardes,  employées  comme 
condiment. 

II.  Racine.  —  La  racine  des  crucifères  est  pi- 
votante, ses  radicelles  sont  disposées  sur  deux 
rangées  verticales;  elle  atteint  quelquefois  un 
volume  considérable,  se  renfle  et  devient  comes- 
tible; celle  du  raifort,  qui  est  dans  ce  cas,  se 
mange  en  salade;  celle  du  crambe  des  Tartares, 
appelée  pain  des  Tartares,  se  mange  cuite  ou 
crue  assaisonnée  de  sel,  d'huile  et  de  vinaigre  ; 
celles  des  radis  et  des  navets  sont  connues  de 
tout  le  monde. 

III.  Tige.  —  La  tige  des  crucifères  est  herbacée, 
rarement  ligneuse,  toujours  dressée;  elle  se  ra- 
mifie seulement  à  une  certaine  distance  du  sol,  et 
tous  ses  rameaux  se  terminent  par  un  groupe  de 
fleurs.  Dans  la  plupart  des  cas,  la  tige  principale 
s'élève  du  centre  d'un  bouquet  de  feuilles  formant 
une  rosette  à  la  surface  du  sol. 

IV.  Feuilles.  —  Les  feuilles  des  crucifères  sont 


toujours  simples  ;  elles  peuvent  être  entières, 
simplement  dentées  ou  profondément  divisées  ; 
toujours  dépourvues  de  stipules.  Généralement 
alternes  sur  la  tige,  les  feuilles  de  la  partie  infé- 
rieure, dites  radicales,  sont  rapprochées  en  ro- 
sette, tandis  que  celles  des  rameaux,  dites  cau- 
linaires,  sont  éparses.  Dans  quelques  cas,  les 
feuilles  caulinaires  diffèrent  un  peu  des  feuilles 
radicales  par  leur  forme  :  elles  sont  plus  petites, 
moins  découpées,  et  peuvent  présenter  des  auri- 
cules. 

Les  feuilles  d'un  grand  nombre  d'espèces  de 
crucifères  sont  comestibles. 

V.  Appa/'cil  floral.  —  Les  fleurs  des  crucifères, 
jaunes,  blanches  ou  roses,  sont  disposées  en  grap- 
pes corymbiformes  dépourvues  de  bractées.  Elles 
présentent  de  l'extérieur  à  l'intérieur  : 

1°  Un  calice  formé  de  quatre  sépales  verts,  bos- 
sus à  leur  base,  souvent  caducs  ;  deux  sont  exté- 
rieurs et  deux  intérieurs; 

2°  Une  corolle  formée  de  quatre  pétales  étalés 
en  croix,  qui  ont  fait  donner  aux  plantes  le  nom 
de  crucifères,  d Q?,t-k-àive. porteurs  de  croix:  cha- 
cun de  ces  pétales  se  compose  d'une  partie  large 
et  étalée,  supportée  par  une  sorte  de  pédoncule 
nommé  onglet  (d'où  leur  nom  de  pétales  ongui- 
culés) ;  les  quatre  onglets  sont  enveloppés  par 
le  calice  et  alternent  avec  les  sépales  de  ce  der- 
nier; 

3°  Deux  étamines  courtes  ; 

4°  Quatre  étamines  plus  longues,  ce  qui  fait  en 
tout  six  étamines  ;  cette  disposition  spéciale  des 
étamines  au  nombre  de  six,  dont  quatre  longues 
et  deux  courtes,  est  désignée  sous  le  nom  de  tétra- 
dynamie,  et  les  six  étamines  elles-mêmes  sont  dites 
tétradynames  ; 

5°  Un  pistil  formé  de  deux  carpelles  avec  deux 
placentas  pariétaux,  qui  portent  les  ovules;  une 
cloison,  qui  va  de  l'un  des  placentas  à  l'autre,  di- 
vise l'ovaire  en  deux  loges.  Les  ovules  sont  ana- 
tropes  et  bitéguraentés. 

Yî.  Fruit.  —  Le  fruit  des  crucifères  est  sec, 
déhiscent,  s'ouvrant  au  moyen  de  deux  valves  qui 
se  détachent  tout  près  des  placentas  et  de  bas  en 
haut  ;  les  placentas  forment  alors  un  cadre  isolé 
portant  les  graines;  sur  ce  cadre  est  tendue  la 
membrane  simple  ou  double  qui  divise  le  fruit  en 
deux  cavités  longitudinales  distinctes.  Quand  ce 
fruit  très  étroit  est  en  même  temps  très  allongé, 
comme  dans  le  chou-colza,  il  porte  le  nom  de 
silique;  s'il  est  court  et  assez  large,  il  est  nommé 
silicule. 

Classification  des  crucifères.  —  La  subdivision 
des  crucifères  en  sous-familles  est  basée  sur  la 
position  relative  de  la  tigelle  et  des  cotylédons  de 
l'embryon,  et  sur  le  mode  de  plissement  des  coty- 
lédons. 

Dans  chacune  de  ces  diverses  sous-familles, 
nous  citerons  quelques-unes  des  plantes  les  plus 
usuelles. 


l'e  sous-famille. 
Pleuro'-hizées. 


Cotylédons     plans  ,    t 

gelle  latérale. 
(Cotylédons  accombant? 


/Giroflée  des  jardins. 
Quarantaine. 

[Giroflée  des  murailles  ou  violier 
I    jaune. 
ICresson  officinal, 
/lourette. 

\Cardamine  des  prés. 
JAlysson  jaune  oii  corbeille  d'or. 
Icoehléaria  olTicinal. 
[Raifort. 

I  Rose  de  Jéricho. 
\Thlaspi  des  champs. 


2e  sous-famillo.  .Alliaire. 

lErysimum  officinal. 
Nothorhizées.  jCanielinc  cultivée. 

<  Cresson  alénois. 
Cotylédons  plans,  tigclleJThhispi  ofticinal. 
dorsale.  [Bourse  à  pasteur. 

(Cotylédons  incombants. )\Pastel  ou  guèdc. 


CRUCIFÈRES 


—  538  — 


CRUCIFERES 


3f  sons-famille. 
Orthoplocées. 

Cotyléflons  conduplifun's 
longitudinalement  it 
embrassant  la  tigclle 
dorsale. 

(Cotylédons  incombants.) 


/Chou    cultivé. 

—  vert. 

—  pommé. 

—  chou-flonr. 

—  chou-rave. 

—  chou  champêtre. 

—  colza. 

—  navet. 

—     tnrneps  ou  rabioule. 
Xavette. 
Roquette. 
Moutarde. 
Chou    marin   et   crambe   dos  Tar- 

tares. 
Radis. 
Radis  noir. 


Senebière  pinnatifide. 
—        corne  de  cerf. 


4»  sous-famille. 
Spirolobées. 

Cotylédons  linéaires,  en-'-"='''=;^  .«^^    ^''''^'''''    (^""'^^     '^'•"- 

roulés       transversalc-i     '^''S"/- 

ment  sur    eux-raèmos, 

tigelle  dorsale. 
(Cotylédons  incombants.) 

5«  sous-famille. 
Diplécolohérs. 

Cotylédons  linéaires  . 
piiés  deux  fois  en  tra- 
vers sur  eux-mêmes, 
tigclle  dorsale. 

(Cotylédons  incombants  ) 

Usages  des  crucifères.  —  Les  seules  crucifères 
dont  nous  ayons  à  dire  quelques  mots  ici  sont  les 
suivantes  : 

1°  La  fjiroflée  des  jardins,  la  quarantaine,  le 
violier,  la  corbeille  d'or,  cultivées  comme  plantes 
d'ornement. 

2°  Cresson  officinal  ou  cresson  de  fontaine.  — 
Ce  cresson  croît  naturellement  dans  les  eaux  cou- 
rantes peu  profondes;  à  Senlis  et  aux  environs  de 
Rouen,  on  le  cultive  dans  des  jardins  à  demi  inondes 
nommes  cresson7nères.  Il  est  excitant,  antiscorbu- 
tique ;  c"est  le-  meilleur  et  le  plus  recherché  de 
tous  les  cressons  que  l'on  mange  en  salade. 

3°  Cochlearia  officinal.  —  Le  cochlearia  est  une 
herbe  bisannuelle  qui  habite  le  littoral  maritime 
et  le  rivage  des  lacs  salés  du  nord  de  l'Europe  ; 
elle  est  fort  recherchée  comme  antiscorbutique. 
Ses  congénères  des  Alpes  européennes,  de  la  ré- 
gion méditerranéenne,  de  l'Asie  et  de  l'Amérique 
septentrionale,  possèdent  des  vertus  analogues, 
mais  à  un  moindre  degré. 

4°  Raifort.  —  Le  raifort  est  vivace,  on  le  cultive 
dans  tous  les  jardins  de  l'Europe  moyenne  ;  sa 
racine  contient  beaucoup  de  sucre,  de  fécule, 
d'huile  grasse  et  d'albumine  ;  on  la  mange  comme 
condiment.  Le  principe  acre  qu'elle  renferme  et 
qui  se  développe  sous  l'action  de  l'eau  lui  donne 
des  propriétés  antiscorbutiques. 

5°  Rose  de  Jcricho.  —  On  donne  ce  nom  à  une 
petite  plante  annuelle,  haute  de  8  à  12  centi- 
mètres, qui  croît  dans  les  lieux  sablonneux  de 
l'Arabie,  de  l'Egypte  et  de  la  Syrie.  Lorsque  ses 
fruits  sont  miirs,  les  feuilles  tombent,  les  rameaux 
s'endurcissent,  se  dessèchent,  se  courbent  en  de- 
dans et  se  contractent  en  un  peloton  arrondi.  Les 
vents  déracinent  la  plante  et  l'emportent  jusqu'au 
bord  de  la  mer;  c'est  \h  qu'on  la  recueille  toute 
desséchée  ;  si,  alors,  on  la  place  dans  une  atiuo- 
sphère  humide,  ou  si  or.  plonge  sa  racine  dans 
l'eau,  ses  rameaux  s'étendent,  la  plante  semble 
revivre,  ses  fruits  s'ouvrent  et  les  graines  peuvent 
être  disséminées. 

C°  AUiaire.  —  On  donne  ce  nom  à  une  crucifère 
vivace  qui  croît  le  long  des  haies  et  dont  la  racine 
et  les  feuilles  ont  l'odeur  d'ail;  elle  a  été  em- 
ployée comiue  vermifuge,  diuréti(iue  et  dépurative. 

1°  Erysimum  officinal.  —  L'érysimum'ou  vélar 


est  aiuiuel,  il  croît  dans  les  lieux  Incultes  ;  ses 
feuilles  sont  astringentes;  on  les  emploie  en  in- 
fusion contre  le  catarrhe  pulmonaire;  elles  forment 
la  base  du  sirop  d'érysimum. 

8°  Cameline  cultivée.  —  Cette  plante  est  culti- 
vée dans  le  nord  de  la  France  ;  on  retire  de  ses 
graines  une  huile  fixe  propre  à  l'éclairage.  On  peut 
la  semer  depuis  le  printemps  jusqu'au  mois  de 
juin  ;  elle  a  ainsi  l'avantage  de  pouvoir  remplacer 
le  colza  quand  celui-ci  a  été  détruit  par  les  gelées 
tardives  de  mars  et  d'avril. 

9°  Pastel  des  teinturiers.  —  La  guède  ou  pastel 
est  commune  dans  toute  la  France;  ses  feuilles 
fournissent  une  matière  colorante  bleue  analogue 
à  l'indigo,  mais  d'une  qualité  inférieure.  Les 
Pietés  et  les  Celtes  l'employaient  pour  se  poindre 
le  corps  en  bleu  ;  depuis,  le  bleu  est  resté  la  cou- 
leur nationale  du  manteau  des  rois  de  France.  Le 
pastel  a  souvent  été  proposé  comme  plante  fourra- 
gère, parce  (ju'il  pousse  sur  tous  les  sols,  et  que, 
résistant  aux  froids  les  plus  intenses,  il  peut 
donner  un  fourrage  vert  à  une  époque  de  l'année 
où  l'on  en  manque  constamment,  c'est-à-dire  en 
février  et  en  mars. 

10°  Choux.  —  Les  choux  pommés,  le  chou  de 
Bruxelles,  le  chou-fleur,  le  chou  brocoli,  sont  co- 
mestibles et  connus  de  tout  le  monde.  Dans  les 
deux  derniers,  on  mange  les  jeunes  inflorescences  ; 
dans  les  premiers,  on  mange  les  feuilles  non 
encore  développées  et  étalées,  mais  réunies  en 
une  masse  arrondie  ou  bourgeon.  La  culture  de 
ces  choux  varie  un  peu  de  l'un  à  l'autre.  Les 
choux  pommés  sont  d'abord  semés  en  pépinière 
ou  sur  couclie,  ou  en  pleine  terre  (quand  les  gelées 
ne  sont  plus  à  craindre),  puis  on  les  replante 
quand  ils  sont  âgés  d'un  mois  environ,  en  lignes 
suffisamment  espacées  (de  1  mètre  à  l^jGô)  dans 
un  terrain  convenablement  préparé.  L'époque  des 
semis  varie  avec  les  variétés  de  choux.  Ainsi  le 
chou  de  Vaugirard  se  sème  exclusivement  k  la  fin 
de  juin,  et  se  met  en  place  du  8  au  15  août.  Le 
chou  d'York,  qui  est  très  hâtif,  se  sème  à  la  lin 
d'août  ou  au  comiuencement  de  septembre,  et  se 
replante  en  octobre  ou  novembre.  On  peut  aussi 
le  semer  en  février  ou  en  mars,  mais  alors  sur 
couche,  en  prenant  soin  de  l'abriter  contre  les 
gelées  tardives.  Les  autres  choux  pommée  se 
sèment  à  la  fin  de  juillet  ou  dans  le  courant  d'août. 
Le  plus  souvent  alors  on  replante  le  jeune  chou  en 
pépinière  et  on  ne  le  met  en  place  qu'en  février 
ou  en  mars.  Si  le  sol  n'est  pas  humide  et  exposé  ù 
geler,  il  est  beaucoup  plus  avantageux  de  mettre 
en  place  avant  l'hiver.  Les  semis  d'aaùt  sont  les 
plus  fréquents  ;  cependant  on  peut  faire  encore 
plusieurs  semis,  surtout  en  mars  et  en  avril  ;  dans 
ce  dernier  cas,  les  jeunes  plants  sont  mis  en  place 
dès  qu'ils  ont  atteint  la  force  nécessaire.  Les  jeunes 
plantsde  printemps  et  d'étéontàredouter  la  séche- 
resse, et  certains  insectes  tels  que  le  tiquet,  contre 
lequel  on  les  protège  en  les  saupoudrant  de  cendre. 
Leur  pivot,  à  la  naissance  des  racines,  est  aussi 
quelquefois  piqué  par  un  insecte  qui  y  dépose  sa 
larve  et  occasionne  une  tumeur.  Quand  on  re- 
plante le  chou,  on  ouvre  cette  tumeur  et  on  tue  la 
larve  qui  l'habite. 

Le  cltou  de  Bruxelles  se  sème  du  15  avril  au 
15  juin.  On  fait  d'ordinaire  des  semis  successifs,  et, 
comme  ce  chou  résiste  fort  bien  aux  gelées,  on  le 
cueille  depuis  l'automne  jusqu'à  la  fin  de  l'hiver. 

Le  chou-fleur  se  semé  en  trois  saisons,  de  façon 
que  les  diftérentes  récoltes  se  succèdent  du  prin- 
temps à  l'automne.  On  le  sème  en  automne,  en 
hiver  et  en  été.  Les  semis  d'automne  se  font  dans 
le  courant  de  septembre  sur  couche;  quand  les 
jeunes  plants  sont  âgés  de  15  jours  environ,  on  les 
replante  sur  une  autre  couche  abritée  par  un  mur 
ei  on  les  hiverne  sous  cloches  en  recouvrant  ces 
dernières  de  paillassons  et  même  de  litière  peu- 


CRUCIFERES 


o39  — 


CRUSTACES 


dant  les  gelées,  en  ayant  soin  d'aérer  pendant  le 
jour  toutes  les  fois  que  le  temps  le  permet.  Les 
plants  sont  mis  en  place  en  mars  et  produisent  en 
mai,  juin  et  quelquefois  juillet.  Les  semis  d'hiver 
se  font  de  la  fin  de  janvier  au  l5  février;  les  soins 
sont  les  mêmes  que  pour  les  semis  d'automne, 
seulement  les  semis  eux-mêmes  se  font  sous 
cloches.  On  les  met  en  place  en  mars  ou  en  avril  : 
ils  donnent  en  juin  et  juillet.  Les  semis  d'été  se 
font  dans  le  courant  de  juin  sur  une  plate-bande 
formée  de  terreau  ;  on  les  met  en  place  en  juillet. 
Dans  cette  culture,  qui  est  fort  simple,  on  a  à 
redouter  la  sécheresse  :  aussi  a-t-on  soin  de  semer 
à  l'ombre  et  d'arroser  fréquemment  quand  on  a 
replanté.  Ces  semis  produisent  depuis  la  fin  d'août 
jusqu'en  novembre. 

Le  cliou  brocoli  n'est  qu'une  variété  du  chou- 
fleur;  il  en  dilTère  surtout  par  ses  feuilles  qui 
sont  ondulées,  tandis  que  celles  du  chou-fleur 
sont  lisses. 

Le  chou-rave  et  le  chou-fiavef:  ont  une  racine 
charnue,  riche  en  sucre  et  en  albumine,  comes- 
tible ;  leurs  graines  contiennent  une  huile  fixe  em- 
ployée pour  l'éclairage. 

Le  colza  est  cultivé  dans  le  nord  de  la  France 
et  en  Belgique  ;  on  retire  de  ses  graines  une  huile 
propre  à  l'éclairage.  Quand  on  le  cultive  pour  ses 
graines,  on  le  sème  du  15  juillet  à  la  fin  du  mois 
d'août  ;  les  semis  doivent  être  sarclés  et  bien  en- 
tretenus pendant  un  mois  et  demi  ou  deux  mois, 
puis  on  les  replante  en  lignes  espacées  de  32  cen- 
timètres ;  il  faut  ensuite  rechausser  les  plants.  Les 
graines  sont  mûres  l'été  suivant  ;  on  fait  la  récolte 
avant  la  maturité  complète,  quand  les  siliques 
sont  jaunes,  parce  que,  ces  dernières  s'ouvrant 
avec  la  plus  grande  facilité,  on  risquerait  de 
perdre  une  bonne  partie  des  graines.  Lorsqu'on 
cultive  le  colza  comme  plante  fourragère,  on  le 
sème  aussitôt  après  la  moisson,  sur  un  chaume  de 
blé  que  l'on  retourne  à  cet  effet.  Ce  semis  donne 
quelquefois  en  hiver,  mais  surtout  au  printemps, 
un  fourrage  vert  que  l'on  fait  manger  sur  place  ou 
que  l'on  coupe  pour  l'étable. 

La  7iavette,  de  même  que  le  colza,  est  cultivée 
soit  pour  ses  graines,  soit  comme  fourrage.  Dans 
le  premier  cas,  on  peut  la  semer  de  la  fin  de 
juillet  au  commencement  de  septembre  ;  le  semis 
est  fait  tout  de  suite  en  place  et  à  la  volée  ;  on 
bine,  on  sarcle,  on  éclaircit  les  plants  et  on  ré- 
colte l'été  suivant  quand  les  siliques  sont  jaunes. 
Sa  culture  comme  fourrage  est  la  même  que  celle 
du  colza. 

Il»  Moutardes.  —  Sénevé  noir  ou  moutarde 
noire.  Sa  graine  pulvérisée  est  employée  comme 
condiment  ou  appliquée  sur  la  peau  comme  médi- 
cament rubéfiant  (sinapismes).  Ses  vertus  exci- 
tantes sont  dues  à  l'huile  volatile  très  acre  qu'elle 
renferme,  huile  qui  n'est  mise  en  liberté  que  sous 
l'action  de  l'eau.  Il  en  résulte  que,  quand  on  veut 
employer  la  farine  de  moutarde  pour  faire  des  si- 
napismes, on  doit  la  délayer  dans  l'eau..  La  mou- 
tarde noire  se  sème  au  printemps  et  se  récolte  en 
été  avant  la  maturité  complète  des  graines. 

La  moutarde  blanche  a  des  propriétés  analogues 
à  celles  de  la  moutarde  noire,  mais  moins  actives; 
sa  graine  entière  peut  être  administrée  pour 
exciter  les  fonctions  digestives.  Dans  certains  pays, 
on  l'appelle  la  plante  au  beurre,  parce  qu'on  la 
cultive  surtout  pour  fournir  du  fourrage  vert  aux 
vaches  depuis  la  fin  de  l'été  jusqu'aux  gelées.  On 
la  sème  alors  après  les  moissons  sur  les  chaumes 
labourés. 

12°  Chou  marin.  —  Il  habite  le  littoral  de 
l'océan  Atlantique  et  de  la  Manche  ;  il  est  cultivé 
comme  plante  potagère  :  on  mange  ses  jeunes 
pousses  qu'on  fait  blanchir  au  printemps  en  les 
privant  de  la  lumière.  Nous  avons  déjà  parlé  du 
crambe  des  Tartures,  qui  est  une  plante  voisine  du 


chou  marin;  elle  habite  les  champs  sableux  de  la 
Hongrie  et  de  la  Moravie. 

13°  Radis.  —  On  cultive  deux  espèces  de  radis, 
l'une  à  racine  noire  en  dehors  et  blanche  en  de 
dans,  l'autre  à  racine  blanche  ou  rose  ou  violette  ; 
toutes  deux  sont  originaires  de  la  Chine  et  em- 
ployées comme  condiment.  Le  radis  noir  (appelé 
aussi  raifort  cultivé)  se  sème  à  la  fin  de  mai;  on 
doit  l'arroser  fréquemment;  on  le  récolte  en  hiver. 
Le  radis  rose,  ou  blanc  ou  violet  se  sème  presque 
toute  l'année;  en  hiver  sur  couche,  en  été,  en 
pleine  terre;  il  aime  l'ombre  et  l'iiumidité. 

[C.-E.  Bertrand.! 
CRUSTACES.  —  Zoologie,   XXVL   —  Dernière 
classe  du  sous-embranchement  des  Articulés. 

Nous  avons  indiqué,  au  mot  Articulés,  les  ca- 
ractères généraux  des  Crustacés. 

Le  nom  de  ces  animaux  vient  de  la  dureté  de 
leur  système  tégumentaire,  due  à  ce  que  leur 
peau  s'incruste  fortement  de  carbonate  de  chaux. 
De  là,  la  nécessité  de  mues  fréquentes  pour  per- 
mettre l'accroissement  du  corps,  renfermé  dans 
une  gaîne  inflexible. 

Les  Crustacés  sont  presque  tous  marins;  quel- 
ques-uns pourtant  habitent  les  eaux  douces.  Une 
seule  famille,  celle  des  cloportes,  est  terrestre. 

Une  particularité  à  signaler,  c'est  que,  lorsqu'un 
crustacé  vient  à  perdre  une  patte  par  un  accident 
quelconque,  le  membre  ainsi  perdu  repousse  ; 
tout  le  monde  a  pu  voir  des  crabes,  des  homards, 
des  écrevisses  ayant  une  de  leurs  grosses  pinces 
antérieures  beaucoup  plus  petite  que  l'autre  :  la 
petite  pince  est  un  membre  nouveau  qui  a  re- 
poussé pour  en  remplacer  un  autre,  et  qui  n'est 
pas  encore  arrivé  à  croissance  complète. 

Classification  des  Crustacés.  Espèces  de  France 
les  plus  importantes.  —  Les  Crustacés  se  divi- 
sent en  une  dizaine  d'ordres,  auxquels  on  peut 
encore  rattacher  le  groupe  des  Cirripèdcs,  dont 
quelques  naturalistes  font  une  classe  à  part. 

Ordre  des  Décapodes.  —  Cet  ordre  comprend 
des  crustacés  munis  de  dix  pattes,  d'où  leur  nom. 
Leurs  yeux  sont  portés  sur  des  pédoncules  mobi- 
les ;  les  branchies  sont  placées  à  la  base  des  pat- 
tes, dans  deux  chambres  internes.  On  subdivise 
les  Décapodes  en  deux  sections,  suivant  la  gran- 
deur et  la  forme  de  l'abdomen.  Ceux  qui  ont  l'ab- 
domen très  court,  replié  sous  le  céphalo-thorax, 
de  telle  façon  qu'il  ne  se  voit  que  si  l'on  renverse 
l'animal  sur  le  dos,  forment  la  section  des  Bra- 
chijures,  c'est-à-dire  courtes  queues  (t}'pe  :  le 
crabe)  ;  ceux  dont  l'abdomen  est  long  et  développé 
s'appellent  les  Macroures,  c'est-à-dire  grandes 
queues  (type  :  l'écrevisse). 

A.  Bracliyures.  —  Là  plupart  des  Brachyures 
ou  Crabes  sont  marcheurs,  et  le  dernier  article  de 
leurs  pattes  postérieures  se  termine  en  stylet,  tan- 
dis que  la  première  paire  est  munie  de  pinces  sou- 
vent très  grosses.  Citons  parmi  ceux-là  le  Tourteau 
ou  Crabe  poupart  i Platijcarcinus  paguines,  fig.  1), 
de  très  grande  taille,  ovalaire,  d'un  brun  rouge  en 
dessus,  devenu  rare  tant  on  le  recherche  pour  la 
table  à  cause  du  goût  délicat  de  la  chair  de  ses 
grosses  pinces  et  surtout  de  son  foie  jaunâtre  (/"«rce), 
qui  remplit  presque  tout  l'intérieur  du  corps  et  que 
l'on  estime  beaucoup  pour  faire  la  sauce  du  homard 
ou  de  la  langouste  ;  le  Crabe  enragé  {Carci7ius 
mœnos),  courant  de  côté  et  assez  vite,  s'enfouissant 
dans  le  sable  à  marée  basse,  de  couleur  verdàtre, 
de  chair  médiocre  ;  le  Maia  squinado,  dit  arcn- 
gnée  de  mer,  à  longues  pattes  grêles,  à  carapace 
ovoïde  et  allongée,  rétrécie  en  avant,  hérissée 
d'épines,  se  vendant  sur  les  marchés  de  toutes 
nos  côtes  dé  l'Ouest.  D'autres  Crabes  sont  nageurs 
et  ont  les  pattes  postérieures  terminées  par  un 
article  aplati  en  rame,  élargi,  cilié  sur  les  bords. 
Tels  sont  les  Partîmes,  qui  ne  vienn  Mit  pas  sur 
la  côte  contre  terre,  mais  nagent  à  distance,  par- 


CRUSTACES 


540  — 


CRUSTACES 


fois  assez  loin,  libres  ou  soutenus  sur  des  algues 
flottantes.   On  estime  beaucoup,   pour  le  goût  fin 
de  sa  chair  et  de  son  foie,  ï Etrille  {Portu7ius pu- 
ber),  d'un    gi'is  brunâtre,  qui    se  cuit  au    court- 
bouiilon,  comme   l'ccrevisse.  On  va  chercher  ce 
crabe,  à  la  marée  basse,  sous  les  rocliers  et  sous 
les  pierres,  qu'on  fouille  avec  des  crocs.  Sur  les 
côtes  de  la  Méditerranée  on  mange   les  Calappes 
(Calappa  grayiuhtta),  à   bouche    triangulaire   sur 
laquelle  s'appliquent  les  pattes  antérieures  com- 
primées en  largos  crêtes  trancliantes.   Citons  en- 
core des  petits  Crabes  de  la  grosseur  d'un  pois,  à 
contour    circulaire,    les    Pinnothères,   qui   vivent 
dans  les  moules,  dont  les  anciens  les  regardaient 
comme  les  gardiens.  Ordinairement  la  moule  ren- 
ferme à  la  fois  le  mâle  et  la  femelle^  celle-ci  plus 
grosse,  à  carapace   plus    bombée,    moins    consis- 
tante. Ces  Crabes  épuisent  le  mollusque  par  leurs 
morsures,  le   font  beaucoup   maigrir,  et  rendent 
sa  chair  peu   savoureuse.  Les  Crabes  ont  pour  la 
plupart  des  métamorphoses.    En   sortant  de  l'œuf, 
ils  ont  une  forme  très  différente  de  celle  de  l'a- 
dulte, avec  des  pattes  Inniollouses  et  de  grandes 
épines     courbées 
à    la    tête  et  au 
tlierax  ;  on  y  avait     '    , 
vu  longtemps  des 
Crustacés     parti- 
culiers qu'on  ap- 
pelait des  Zoés. 

B.  Macroures. 
—  L'abdomen  est 
muni  d'appendi- 
ces servant  soit  à 
la  natation,  soit  à, 
retenir  les  œufs, 
qui  restent  quel- 
que temps  atta- 
chés en  grappes 
sous  le  ventre 
après  la  ponte. 
Cet  abdomen  à 
muscles  puissants 
constitue  dans  di- 
verses espèces 
une  importante 
ressource  alimen- 
taire pour  l'hom- 
me. Les  Macrou- 
res sont  des 
nageurs,  ne  mar- 
chant que  peu  au 
fond  de  l'eau, 
mais  se  lançant  en  arrière  dans  l'eau  avec  une 
grande  vitesse  par  les  mouvements  puissants  de 
leur  addomen,  que  termine  une  large  nageoire  à 
cinq  lamelles  étalées. 

La  tribu  des  Astaciens  (Ecrevisses  et  Homards) 
comprend  des  espèces  sans  métamorphoses.  Les 
pattes  antérieures  sont  fortes  et  terminées  par 
une  énorme  pince  de  préhension,  les  pattes  de  la 
seconde  et  de  la  troisième  paire  également  avec 
pince,  mais  grêles  ;  celles  des  deux  dernières  pai- 
res terminées  par  un  seul  ongle  en  stylet.  Les 
Astaciens  deviennent  d'un  beau  rouge  après  la 
cuisson. 

Les  Ecrevisses  habitent  les  eaux  douces,  vivant 
sous  les  pierres.  Elles  sont  omnivores  ;  on  les 
nourrit  très  bien  dans  les  vivieri  avec  des  ronds 
do  carotte  ou  des  orties  hachées  ;  elles  aiment 
beaucoup  les  chairs  un  peu  avancées  dont  on  mu- 
nit les  balances  ou  filets  tendus  sur  un  cercle  de 
fer  avec  lesquels  on  les  pêche  la  nuit  ;  le  jour  on 
les  recherche  sous  les  pierres.  Il  est  très  impor- 
tant d'interdire  aux  enfants  la  pêche  des  ecre- 
visses trop  jeunes.  Ce  précieux  crustacé,  qui  a  de 
fréquentes  mues,  est  de  croissance  fort  lente  ;  il 
faut  huit  h  dix  ans  pour  former  une  belle  écre- 


visse,  et  leurs  œufs  sphériques,  très  gros  eu  égard 
à  la  taille  de  la  femelle^nc  sont  qu'en  petit  nombre. 
Les  cours  d'eau  de  la  France,  si  riches  autrefois 
en  ecrevisses,  en  sont  bien  dépeuplés  aujour- 
d'hui ;  le  marché  parisien  n'est  guère  approvi- 
sionné que  par  la  Meuse,  le  Rhin  et  les  exporta- 
tions de  la  Silésie. 

L'écrevisse  la  plus  estimée  {Astacus  fluviatilis) 
est  de  couleur  brun  verdàtre,  avec  des  pattes 
rougeâtres  au  bout;  il  y  a  des  variétés  bleues  et 
certaines  rougeâtres,  peut-être  par  suite  d'une 
insolation.  UÀstacus  pallipes,  à  pattes  blanchâtres, 
a  la  chair  bien  moins  savoureuse  et  se  vend  à 
moindre  prix  sur  les  marchés. 

Les  Homards,  qui  atteignent  une  grande  taille, 
sont  marins.  A   l'état  vivant,    leur  test  offre  des 
nuances  variées    d'un   bleu  sombre.  Chaque  fe- 
melle produit  un  nombre  immense  de   très  petits 
œufs,  jusqu'à  12  millions,  dit-on  ;  mais  beaucoup 
sont  perdus.  Cette  fécondité  prodigieuse   retarde 
la  dispariiion  sur  nos  côtes  de  cette  précieuse  es- 
pèce, qui  atteint  un  prix  élevé.  UHomarus  mari- 
nus  ou  vulgaris  se  plaît  sur  nos  côtes  rocheuses, 
^^     surtout    sur  cel- 
^     les   de  Bretagne. 
^     On  le  pêche  avec 
—  ^£^j2      des   amorces    de 
>__  viande     avancée, 

dans  des  paniers 
d'osierimmergés, 
ayant  une  ouver- 
ture en  nasse,  ou 
sous  des.  caisses 
de  bois,  retenues 
par  de  fortes  pier- 
res et  que  le  flot 
de  la  marée  mon- 
tante soulève,  de 
sorte  que  le  crus- 
tacé se  glisse  en 
dessous  et  reste 
prisonnier  quand 
la  mer  se  retire. 
On  va  aussi  cher- 
cher les  homards 
à  marée  basse,  en 
fouillant  avec  des 
crocs  sous  les 
grosses  pierres 
et  à  la  base  im- 
mergée des  ro- 
chers. 
Les  Anglais  font 
une  consommation  énorme  de  homards.  Ils  abon- 
dent sur  les  côtes  d'Ecosse  et  d'Irlande  ;  ce  sont 
surtout  les  côtes  de  Norvège,  celles  des  îles  Shet- 
land et  Orcades  qui  les  fournissent  au  commerce 
britannique.  Les  navires  de  pêche  ont  des  réser- 
voirs annexés  à  la  carène  où  on  les  garde  vivants. 
Ils  sont  ensuite  emmagasinés  par  milliers  dans  des 
viviers  qu'alimente  l'eau  de  mer. 

La  tribu  des  Palémoniens  offre  sur  nos  côtes  des 
petites  espèces  en  nombre  immense,  connues  sous 
le  nom  général  de  Crevettes  (fig.  2).  On  les  pèche 
dans  un  grand  filet  en  demi-cercle  qu'on  pousse 
devant  soi,  avec  un  manche,  à  travers  le  sable, 
quand  la  mer  monte.  Il  faut  recommander  aux 
enfants  de  ne  pas  enlever  les  crevettes  trop  pe- 
tites, car  nos  côtes  se  dépeuplent  rapidement.  Ces 
Crustacés  nagent  contre  la  côte.  Leur  test  à  demi 
transparent  laisse  voir  les  viscères  internes. 

Les  Palémons  proprement  dits  {Palemon  ser- 
ratus)  ont  en  avant  un  long  rostre  denté  en  scie, 
et  les  deux  premières  paires  de  pattes  munies 
d'une  pince  grêle.  Ce  sont  les  Chevrettes,  Bou- 
quets, Salicoques  ou  Crevettes  rouges  (après 
cuisson),  à  chair  fort  estimée.  Les  Crangons  [Cran- 
gon    vulgaris)    ou    Crevettes    grises,    deviennent 


Platycarcinus  pagunis  (tourteau). 


CRUSTACÉS 


—  541 


CRUSTACES 


gris  par  la  cuisson.  Ils  n'ont  pas  de  rostre  et  ont 
les  pattes  antérieures  terminées  par  un  seul  doigt 
replié  en  griffe.  Leur  petite  taille  et  leur  chair 
moins  savoureuse  que  celle  des  Salicoques  les 
maintiennent  à  bas  prix.  Sur  les  côtes  de  la  Médi- 
terranée on  mange  les  Pénées,  dont  une  espèce,  dite 
Caramote,  a  la  chair  très  délicate.  Comme  les 
écrevisses,  ils  ont  les  pattes  des  trois  premières 
paires   terminées     ._ .— , — = = 


en  pinces,  mais 
grêles,  et  leurs 
téguments  sont 
peu  solides. 

La  tribu  des 
Palinuriens  nous 
présente  une  es- 
pèce importante, 
la  Langouste  (Pa- 
linurus  vulgaris] 
qui  atteint  la 
grande  taille  du 
homard  ;  toutes 
les  pattes  sont 
terminées  par  un 
seul  doigt  ou  on- 
gle conique,  cel- 
les de  la  première 
paire  étant  seu- 
lement un  peu 
plus  fortes  que 
les  autres.  On 
distingue  surtout 
immédiatement  la 
langouste  du  ho- 
mard à  son  cé- 
phalothorax for- 
tement épineux 
en  dessus,  à  sa 
couleur  d'un  brun  rougeatre.  Même  pèche  que 
pour  le  homard.  La  chair  de  la  langouste  n'a  pas 
le  goût  un  peu  prononcé  de  celle  du  liomard  et 
est,  en  général,  plus  recherchée  en  France  pour  la 
table. 

Les  métamorpho.^es  des  langoustes  sont  fort 
curieuses.  Elles  commencent  par  avoir  la  forme 
de  Crustacés  translucides,  aplatis  comme  une 
feuille,  ayant  un  abdomen 
rudimentaire,  des  pattes 
très  grêles  et  biramées.  On 
en  a  fait  longtemps  un 
groupe  à  part  sous  le  noni 
de  Phyllosomes  ^corps  en 
feuilles).  Ils  nagent  loin  des 
Cotes  et  en  haute  mer,  puis 
reviennent  contre  les  côtes 
rocheuses  et  donnent  les 
langoustes  ,  qui  ne  quit- 
tent pas  les  rivages. 

Un  dernier  groupe  de 
Macroures  présente  l'ab- 
domen mou  et  non  cuiras- 
sé. Ce  sont  les  Pagures  ou 
Bernards-l'Hennite.  Ils  ont 
l'instinct  d'enfermer  cet  ab- 
domen dans  des  coquilles 
univalves  vides,  comme  des 
Buccins,  des  Troques,  des 
Murex,  etc.,  en  l'attachant 
au  fond  de  la  coquille  par  leurs  pattes  postérieu- 
res très  courtes  et  en  crochets,  ne  laissant  sortir 
<îue  la  région  antérieure  de  leur  corps  et  leurs 
grosses  pattes  en  pinces  à  téguments  très  durs. 

On  recherche  mauitenant  beaucoup  ces  Pagures 
comme  excellentes  amorces  des  lignes  de  fond, 
surtout  pour  la  pêche  des  Squales  (Anges,  Rous- 
settes, Chiens  de  merj. 

Ordre  des  Stomapodes.  —  Yeux  sur  pédoncules 
mobiles  ;  brancliies  extérieures  et   en  houppes,  en 


Palémon  et  Ciaiiiron. 


dedans  des  pattes  de  l'abdomen.  A  citer  :  les 
Squilles  de  la  Méditerranée,  dont  les  pattes  anté- 
rieures, très  longues,  sont  conformées  en  pinces 
ravisseuses,  comme  chez  les  Mantes  (insectes 
Orthoptères),  la  jambe  repliée  contre  la  cuisse, 
saisissant  leur  proie  entre  une  double  rangée 
d'épines  acérées. 
Les  Crustacés  qui  suivent  ont  les  yeux  sessiles, 

_ .^^_    c'est-à  dire   insé- 

-.  =^~-^~-  '^-        T    rés,  immobiles  de 

chaque    côté    de 
la  tête. 

Ordre  des  Am- 
PHipoDES.  —  Res- 
piration par  de 
grandes  vésicules 
membraneuses  at- 
tachées à  la  base 
des  pattes.  Abdo- 
men long  et  dé- 
veloppé ,  se  dé- 
bandant comme 
un  ressort  au 
saut. 

A  citer  les  Cre- 
vettes deruisseau, 
nageant  de  côté, 
dites  Puces  d'eau, 
abondantes  dans 
les  eaux  douces, 
qu'on  trouve  sou- 
vent à  l'intérieur 
des  bottes  de 
cresson  ;  les  Ta- 
litres  ou  .  Puces 
de  mer,  enfouis 
dans  le  sable  pen- 
dant le  jour,  sor- 
tant le  soir  et  sautant  avec  vivacité,  en  myriades, 
la  nuit,  sur  les  algues  amoncelées  sur  le  rivage, 
faisant  entendre  comme  un  bruissement  par  le  saut 
simultané  de  leurs  multitudes.  Les  Talitres  font 
disparaître  avec  rapidité  tous  les  débris  animaux 
rejotés  par  la  mer  et  dissèquent  les  petits  cadavres 
qu'ils  réduisent  en  squelettes  à  la  façon  des  fourmis. 
0/Y//'erfesIsopoi.)Es;Cloportesj. — Les  Crustacés  de 
cet  ordre  ont  presque  tous 
sept  paires  de  pattes  tho- 
raciques,  égales  entre  elles, 
et  portées  sur  des  anneaux 
distincts.  L'abdomen  n'est 
jamais  terminé  par  des  or- 
ganes propres  au  saut  ou 
par  une  nageoire. 

Les  Cloportes  vivent  en 
terre,  mais  toujours  en  des 
lieux  humides,  de  sorte  que 
leurs  branchies  ne  puis- 
sent se  dessécher.  Le  genre 
Oniscus  ne  se  roule  pas  en 
boule  ;  à  ce  genre  appar- 
tient le  Cloporte  ordinaire 
ou  des  jardins  (0.  mura- 
rius),  des  murs  et  des  troncs 
d  Hrbre,  se  cachant  entre 
les  pierres,  sous  les  écor- 
ccs,  derrière  les  tiges  des 
arbustes  en  espalier,  sous 
les  pots  à  fleur.  Il  est  très  nuisible  aux  plantes  de 
serre,  ronge  beaucoup  de  fruits,  de  bulbes,  de  ra- 
cines. On  attire  les  cloportes  dans  de  petits  amas  de 
mousse,  des  pots  renversés,  des  pommes  de  terre 
creusées,  des  sabots  de  cheval,  etc.,  en  un  mot 
des  abris  contre  la  lumière,  que  craignent  ces  Crus; 
tacés.  Il  faut  les  écraser  ou  les  échauder  à  l'eau 
bouillante. 

Les    Porcellions  se  roulent  à  demi   en  boule 
parmi   eux   est  le  Cloporte   des  caves,    Porcellio 


3.  —  Pagure  ou  Bernard-l'Hermite. 


CRUSTACES 


U2  — 


CRUSTACES 


scaber,  des  celliers  et  réduits  obscurs  et  souter- 
rains, rongeant  les  bouchons  des  bouteilles,  les 
légumes  conservés  au  frais. 

Les  Armnd'Ules  sont  les  Cloportes  des  bois,  se 
roulant  complètement  en  boule  comme  moyen 
défensif.  Ils  ne  sont  pas  nuisibles  ;  une  espèce  du 
midi  de  la  France,  Armadillo  offlcinalis  ou  Clo- 
porte des  pharmacies,  était  autrefois  employée 
comme  remède  dans  les  affections  de  l'appareil 
respiratoire. 

Les  Idotces  sont  de  grands  Cloportes  marins,  à 
corps  allongé,  qu'on  voit  courir  à  marée  basse  sur 
les  rochers  ruisselants  d'eau  salée. 

Il  y  a  des  Isopodes  de  petite  taille,  à  vie  parasi- 
taire :  les  Cymot/ioés,  qu'on  trouve  sur  les  bran- 
chies des  homards;  les  Bopyres,  qui  se  fixent  sous 
les  flancs  du  céphalothorax  des  Palémons  et  for- 
ment ces  bosselures  d'un  rouge  noirâtre  (après 
cuisson),  bien  connues  de  toutes  les  personnes 
qui  ont  mangé  des  crevettes  rouges. 

0)xh'e  des  Brwchiopodes.  —  Dans  ces  Crusta- 
cés, la  plupart  des  eaux  douces,  les  pattes,  en 
nombreuses  paires  molles  et  membraneuses,  ser- 
vent à  la  fois  à  la  nage  et  à  la  respiration. 

Les  plus  fréquents  sont  les  Apiis,  atteignant  la 
grandeur  du  pouce,  dont  la  tête  et  le  thorax  sont 
cachés  sous  un  grand  bouclier,  comme  une  valve 
de  coquille  que  termine  un  abdomen  en  forme  de 
queue  avec  une  nageoire  au  bout  fig.  4  et  5).  Nous 


Fig.  4.  —  Apus  prodacLus  Fig.  5.  —  Apus  producius 
(en  dessus),  grandeur  na-  (eu  dessous)  ,  grîuideur 
turelle.  naturelle. 

en  avons  en  France  deux  espèces  d'un  vert  grisâtre 
foncé.  Elles  apparaissent  tout  d'un  coup  par  multi- 
tudes dans  des  mares  desséchées  depuis  longtemps 
et  que  remplit  l'eau  de  pluie,  ou  dans  les  grandes 
flaques  d'eau  qui  persistent  quelque  temps  après 
le  débordement  des  rivières.  On  reste  ensuite  bien 
des  années  sans  revoir  les  Apus.  11  y  en  avait,  il 
y  a  quelques  années,  un  nombre  immense  près 
de  Paris  dans  l'île  de  la  Grande- Jatte  et  à  Genne- 
villiers,  et  aussi  dans  des  petits  fossés  des  fortifi- 
cations contre  la  porte  d'Ivry.  Les  œufs  des  Apus 
se  conservent  très  longtemps  dans  la  vase  dessé- 
chée, ce  qui  explique  ces  singulières  et  subites 
résurrections.  Les  mâles  des  Apus  sont  très  peu 
nombreux  comparativement  aux  innombrables  lé- 
gions des  femelles  ;  ces  Crustacés  se  dévorent 
entre  eux  quand  ils  ont  consommé  tous  les  détritus 
animaux  ou  les  petites  proies  vivantes  qui  les  en- 
touraient. 


Dans  les  derniers  ordres  des  Crustacés,  il  faut 
mentionner  de  très  petites  et  presque  microscopi- 
ques espèces  qui  pullulent  dans  les  eaux  marines 
et  surtout  dans  les  eaux  douces.  Elles  servent  à 
nourrir  les  très  jeunes  poissons  dès  la  résorption 
de  la  vésicule  ombilicale  de  l'œuf  ou  vitellus  ;  c'est 
grâce  h  ces  minuscules  crustacés  des  eaux  douces 
qu'on  peut  élever  dans  les  aquariums  de  salon  de 
jolies  espèces  de  poissons  exotiques  qui  sont  une 
distraction  amusante. Tels  sont  les  Ci/clopes,  n'ayant 
qu'un  œil,  à  corps  piriforme,  à  pattes  natatoires 
non  membraneuses:  le»  Cypris,  aussi  à  un  seul  œil, 
à  corps  renfermé  dans  une  mince  coquille  bivalve, 
comme  un  double  bouclier  ;  les  uaplmies,  aussi  à 
double  bouclier  bivalve  et  à  pattes  natatoires 
membraneuses  qui  fourmillent  dans  les  eaux  crou- 
pies et  dans  les  tonneaux  d'arrosage. 

Ordre  des  Xypiioslres.  —  On  commence  à  voir 
maintenant  â  l'état  vivant,  dans  les  aquariums 
d'eau  de  mer  (ainsi  au  Jardin  d'Acclimatation),  de 
gigantesques  Crustacés,  les  Limules  ou  Xi/p/iosures , 
dits  Crabes  des  Mohiques,  très  abondants  sur  les 
côtes  de  la  zone  torride  en  Asie  et  en  Amérique. 
La  majeure  partie  de  leur  corps  est  sous  un  vaste 
bouclier  très  convexe,  la  bouche  au  milieu  de  six 
paires  de  pattes,  dont  le  premier  article  hérissé 
d'épines  fait  fonction  de  mâchoires.  Puis  vient 
une  longue  et  robuste  queue  en  stylet.  Les  Limu- 
les restent  couchés  sur  le  sable  au  fond  de  l'eau, 
relevant  sournoisement  un  des  bords  de  ce  large 
bouclier  ;  un  poisson  s'y  glisse,  comme  sous  une 
fente  de  rocher  où  il  espère  trouver  une  proie.  La 
trappe  perfide  se  referme  aussitôt  sur  sa  victime. 
(]es  Limules  ont  de  grandes  analogies  avec  les 
Arachnides. 

CiRRiPÈDES.  —  Les  Cirripèdes,  rangés  autrefois 
parmi  les  Mollusques,  et  dont  M.  Milne-Edwards 
a  fait  un  ordre  des  Crustacés,  tandis  que  d'autres 
auteurs  en  ont  formé  une  classe  à  part,  tiennent 
aux  Mollusques  par  certaines  analogies  avec  les 
Mollusques  Brachiopodes,  mais  présentent  plus 
de  rapports  avec  les  Crustacés.  Toutefois  leurs 
affinités  réelles  sont  masquées,  à,  Tétat  adulte, 
par  un  de  ces  phénomènes  de  développement 
rétrograde  comme  en  présentent  souvent  les  ani- 
maux qui  deviennent  fixes  lors  de  la  phase  de 
reproduction  (ainsi  les  Crustacés  suceurs  para- 
sites, les  Eponges,  etc.). 

Les  Cirripèdes  sont  exclusivement  marins,  et,  à 
leur  sortie  de  l'œuf,  sont  libres  et  nageurs,  res- 
semblant beaucoup  aux  petits  Crustacés  d'eau 
douce  si  abondants  dans  les  eaux  stagnantes,  les 
Cypris,  les  Daphnies,  etc.  Ensuite  ils  se  fixent  par 
la  région  dorsale  sur  des  objets  sous-rnarins,  et 
leur  corps,  recourbé  sur  lui-même  et  plus  ou  moins 
piriforme,  est  renfermé  dans  une  coquille  à  plu- 
sieurs pièces.  Ils  sont  aveugles,  des  organes  de 
vision  étant  inutiles  vu  leur  station  fixe.  Leur  face 
ventrale  possède  une  double  rangée  de  lobes 
charnus,  portant  chacun  une  paire  de  cirres  ou 
longs  appendices  multi-articulés  et  ciliés,  recour- 
bés sur  eux-mêmes,  que  l'animal  fait  constammeni 
sortir  et  rentrer  par  la  fente  de  sa  coquille  multi- 
ple, et  qui  lui  servent  à  saisir  au  passage  les  ali- 
ments cliarriés  par  les  vagues.  Ils  respirent  par 
des  branchies. 

Deux  ordres  bien  naturels  se  partagent  les  èîres 
de  ce  petit  groupe  ;  nous  désignerons  chacun  par 
le  nom  de  leur  principal  genre. 

Les  Anatifes  ont  la  queue  prolongée  en  un  long 
tube  cylindrique  d'attache,  qui  se  termine  supé- 
rieurement par  le  corps  de  l'animal,  protégé  i 
l'extérieur  par  cinq  valves  dures  et  calcaires,  dont 
les  deux  principales  ressemblent  assez  Ji  celles 
d'une  moule.  On  trouve  en  abondance  dans  nos  mors 
VAyiatifccO'iuniinc  (fig.  6),  dont  les  valves  d'un  blnnc 
de  lait  se  détachent  sur  la  couleur  foncée  des  ]iar- 
ties  cartilagineuses.  La  base  immergée  des  rochers, 


CRYPTOGAMES 

Ips  bois  flottants,  les  pilotis  des  ports  présentent 
souvent  des  colonies  de  ces  singuliers  animaux , 
elles  recouvrent  fréquemment,  comme  une  sorte 
de  véiîctation,  la  quille  des  navires  couchés  sur  les 
bassins -de  radoub.  Au  moyen  âge,  les  Anatiies 
ct;iient   le  sujet   des   contes   les  plus   ridicules; 


Ç^^ 


Fig.6.    —  Auatifcs. 

d'après  leur  ressemblance  très  grossière  avec  une 
ète  d'oiseau  emmanchée  d'un  long  cou,  on  croyait 
qu'elles  se  changeaient  en  Bernaches,  Palmipèdes 
voisins  des  oies. 

La  base  d'attache  est  très  large  et  très  courte 
chez  les  Balanes,  dont  le  corps  est  contenu  en  en- 
tier dans  une  sorte  de  tronc  pyramidal  fixé  au;; 
objets  par  sa  grande  base  et  consotué  par  des  val- 
ves calcaires  à  pans  irréguliers  ;  l'ensemble  externe 
de  ces  bizarres  animaux  n'est  pas  sans  ressem- 
blance avec  le  fruit  du  chêne,  ce  qui  les  fait  appe- 
ler (/lands  de.  mer,  mot  qui  n'est  que  la  traduction 
vulgaire  de  leur  nom  scientifique.  Ces  Balanes 
abondent,  comme  des  incrustations,  sur  la  partie 
immergée  des  rochers,  sur  les  pierres  que  recou- 
vre le  flot,  sur  beaucoup  de  coquilles,  surtout  les 
peignes  et  les  moules.  Les  espèces  de  France  ne 
dépassent  pas  six  à  huit  millimètres  de  hauteur  ; 
les  mers  chaudes  en  ont  de  bien  dus  grandes. 
[Maurice  Girard.] 

CRYPT0GA31ES.  —Botanique,  XL  —  (Etym.  : 
de  deux  mots  grecs,  signifiant  mariage  caché.) 
Nom  donné  par  Linné  à  l'une  des  grandes  sec- 
tions du  règne  végétal,  divisé  par  lui  en  deux 
embranchements,  les  Phanéroçjames,  chez  lesquels 
les  organes  de  reproduction  sont  apparents,  et  les 
Cryptogames,  chez  lesquels  ces  organes  sont  peu 
apparents  ou  cachés. 

Jussieu,  prenant  pour  base  de  sa  classification 
l'existence  ou  la  non-existence  des  cotylédons  et 
leur  nombre,  a  donné  aux  Cryptogames  le  nom 
d'Acott/lédones  *  {sans  cotylédons).  C'est  à  ce  mot, 
ainsi  qu'aux  mots  Champit/ïwns,  Lichens,  Moussp.9, 
que  nous  traitons  des  familles  végétales  compo- 
sant le  groupe  naturel  dont  il  est  ici  question  :  les 
algues,  les  champignons,  les  lichens,  les  mousses, 
les  fougères. 

Le  nom  de  Cryptogames  a  été  repris  par  Can- 
dolle  et  par  Brongniart,  et  continue  à  s'employer 
comme  l'équivalent  universellement  reçu  de  celui 
d'Acotylédones 


—  o43  —  CUBAGE 

CI.BAGE  DES  BOIS.  —  Géométrie,  XXVIL  — 
Évaluaiion  en  mètres  cubes  ou  en  stères  du  vo- 
lume des  bois  de  charpente  ou  des  bois  de  chauf- 
fage. 

1 .  Les  bois  de  charpente  affectent  d'ordinaire 
la  forme  du  parallélipipède  rectangle  ;  leur  volume 
s'obùent  conséquemraent  en  faisant  le  produit  de 
leurs  trois  dimensions,  qu'on  évalue  en  décistères 
(le  décistère  remplace  l'ancienne  mesure  appelée 
golive).  Si,  par  exemple,  il  s'agit  d'une  poutre 
ayant  0'°,3  de  largeur,  O^jS  d'épaisseur,  et  2°',50de 
longueur,  son  volume  sera  exprimé  en  mètres  cubes 
par  0,-3  X  0,2  X  2,5  ou  O^^jlSO,  ce  qui   revient  à 

Le  même  procédé  s'applique,  dans  les  chantiers, 
aux  piles  de  planches  ou  de  bois  de  chauffage  ; 
mais  quand  il  s'agit  ainsi  d'un  volume  considé- 
rable, on  l'évalue  en  stères.  Ainsi  une  pile  de  8  m. 
de  long  sur  3"°, 42  de  large  (3  longueurs  de  bû- 
ches), et  6"", 50  de  haut,  a  un  volume  exprimé  en 
mètres  cubes  ou  stères,  par  8  X  3,42  X  6,50  ou 
17'Î'S84,  ou  environ  177  stères  et  S  décistères. 

2.  Les  bois  en  grume,  c'est-à-dire  coupés, 
mais  non  encore  dépouillés  de  leur  écorce,  aflfec- 
tent  en  général  la  forme  d'un  cylindre  ou  d'uï 
cône  tronqué,  suivant  que  les  bases  sont  de  même 
diamètre  ou  de  diamètres  différents. 

Si  la  forme  est  cylindrique,  on  sait  que.  pour  ob- 
tenir le  volume,  il  faut  multiplier  la  surface  de  la 
base  par  la  hauteur.  Soit,  par  exemple,  0°'.o(i  le  dia- 
mètre de  la  base  et  3"", 20  la  hauteur.  On  obtiendra 
d'abord  la  base  en  faisant  le  carré  du  rayon,  c'est- 
à-dire  le  carré  de  G", 18,  qui  est  0""l, 0324,  et  en  le 
multipliant  par  le  rapport  de  la  circonférence  au 
diamètre,  ou  3,1416,  ce  qui  donne  O""). 101787  ;  on 
multipliera  ensuite  cette  surface  par  3°", 20,  ce  qui 
donne  0""!, 325721,  ou  environ  3  décistères  \.    :■ 

Si  la  forme  est  celle  d'un  tronc  de  cône,  on  n'a 
pas  immédiatement  la  hauteur  ;  mais  on  mesure  la 
génératrice,  et  l'on  peut  en  déduire  la  hauteur  en 
remarquant  qu'elle  est  l'un  des  côtés  de  l'angle 
droit  d'un  triangle  rectangle  qui  a  pour  hypoté- 
nuse cette  génératrice,  et  pour  troisième  côté  la 
difl'érence  entre  les  rayons  des  deux  bases.  On  fait 
le  carré  de  cette  différence,  on  le  retranche  du 
carré  de  la  génératrice,  et  l'on  extrait  la  racine 
carrée  du  reste  ;  c'est  la  hauteur  cherchée.  On  sait 
alors  que  le  volume  du  tronc  de  cône  s'obtient, 
conformément  à  la  formule 

V=  I  Tr/i  (R2  +  ;-2 -f  R;-), . 

en  faisant  le  carré  du  plus  grand  rayon,  le  carré 
du  plus  petit,  et  le  produit  de  ces  deux  rayons, 
additionnant  ces  trois  quantités,  multipliant  par  la 
hauteur,  puis  par  le  nombre  3,1416,  et  prenant  le 
tiers  du  résultat. 

Soient,  par  exemple,  0°,44  et  0'°,28  les  diamètres 
des  deux  bases,  et  4°, 5  la  longueur  de  la  généra* 
trice.  Les  rayons  sont  0™,22  et  0",I4  ;  leur  diffé- 
rence est  0°',08  dont  le  carré  est  0">'!,0064  ;  retran- 
chant cette  valeur  du  carré  de  4"°, 5,  c'est-à-dire 
de  20"'q,25,  on  obtient  pour  reste  20"'q,2436,  dont 
la  racine  carrée  4"°, 4993  est  la  hauteur  du  Ironc 
de  cône  ;  elle  diffère  fort  peu  de  la  génératrice  me- 
surée, et  c'est  ce  qui  arrive  le  plus  souvent.  ^lain- 
tenant,  la  formule  ci-dessus  donnera 

V=|.3,14l6.4",499[(0'"22)M-(0,"14)2-h0,"-22X0"',14] 

En  effectuant  les  calculs,  on  trouve  0™'', 4 65859 
ou  à  peu  près  4>'"'5',G6  (V.  Volumes,  p.  2350;. 

Remarque.  —  Quand  les  bases  diffèrent  peu,  on 
obtient  une  approximation  suffisante  en  calculant 
le  volume  comme  celui  d'un  cylindre  qui  aurait 
pour  diamètre  une  moyenne  entre  les  diamètres 
extrêmes,  et  dont  la  hauteur  serait  égale  à  la  ge- 
I  nératrice  du  tronc  de  cône. 


CUBE 


—  544  — 


CUGURBITAGÉES 


II 


III. 


3.   On  pourra  proposer  aux  élèves  les  exemples 
suivants  ; 

1.  —  Ujiepoutre  a0'o,i2  de  la9'geu)^,0<°,n  d'épais- 
seiD'  et  ô"",!  de  longueur;  quel  est  son 
volume? 

Réponse  :  On>«,599760,    ou    à  très  peu 
près  6  décistères. 
Une  pile  de  bois  a  O^iôO  de  long,  4'«',o6  de 
large  et  7  m.  de  haut;  combien  contient- 
elle  de  stères? 

Réponse  :  303",2. 
Une  pièce  de  bois  en  grume,  de  forme  cy- 
lindrique, a  0",42  de  diamètre  et  4", 50  de 
longueur;  quel  est  son  volume? 
Réponse  :  C^'s'jSS. 
IV.  —  Une  pièce  de  bois  en  grume,  ayant  la  forme 
d'un  tronc  de  cône,  a  0",48  et  0™,32  de 
diamètre  à  ses  deux  bouts  ;  et  sa  généra- 
trice a  3"",C0;  combien   contient-elle   de 
décistères  ? 
Réponse  :  4<i«isi,579,  ou  près  de  4''écist^6. 
[H.  Sonnet.] 

CUBE.  —  Arithmétique  (É.  N.),  XLTX.  —  Le 
cube  d'un  nombre  est  le  produit  de  trois  facteurs 
égaux  à  ce  nombre. 

Le  cube  d'un  jumibre  coynposé  de  deux  parties 
est  égal  au  cube  de  la  première,  plus  trois  fois  le 
carré  de  la  première  multiplié  par  la  seconde, 
plus  trois  fois  la  première  multipliée  par  le  carré 
de  la  seconde,  plus  le  cube  de  la  seconde. 

On  peut  vérifier  ce  théorème  en  effectuant  le 
cube  de  la  somme  de  deux  nombres  quelconques, 
qu'il  est  plus  simple  d'appeler  ici  a  et  b. 

a  -\-b 
a  -\-h 


quelconque  est  égal  à  la  somme  de  celui  qui  est 
au-dessus  et  de  celui  qui  est  à  la  droite  de  ce 
dernier. 


Nombres. 

Cubes. 

Diff.  1". 

Diff.  2". 

Diff.  3". 

0 

0 

1 

6 

0 

1 

1 

7 

12 

6 

2 

8 

19 

18 

6 

3 

27 

37 

24 

6 

4 

64 

61 

30 

6 

5 

125 

91 

36 

6 

512 

127 

7 

343 

... 

a2  +  ab 

ab  +  h^- 

a^  +  lah  +  b-^ 
a  +6 

a3  +  2a-h  -\-  ab''- 

4-    a-6  +  %ab^-  -f  6^ 
a3  +  3a*è  +  3aé2  +  b^ 

Conséquences.  —  \.  Le  cube  d'un  nombre  com- 
posé de  dizaines  et  d'unités  est  égal  au  cube  des 
dizaines,  +  3  fois  le  carré  des  dizaines  X  par  les 
unités,  -+-  S  fois  les  dizaines  y,  par  le  carré  des 
unités,  4-  le  cube  des  unités. 

{d  +  uY  =  rf3  +  ^dhi  +  3f7u2  +  2^3. 

Cette  propriété  sert  de  base  à  l'extraction  de  la 
racine  cubique. 

2.  La  différence  entre  les  cubes  de  deux  nom- 
bres co7isécutifs  est  :  3  fois  le  carré  du  petit  nom- 
bre 4-  3  fois  ce  nombre  +  1. 

(?i+l)3  — n3==3„î4.3„_j_  1, 

Cette  propriété  peut  servir  à  faire  une  table  de 
cubes  à  l'aide  de  simples  additions.  En  effet,  la 
différence  entre  deux  différences  consécutives  ou 
différence  seconde,  est  égale  à  6  fois  le  nombre 
moyen  : 

3h«  4-  3w  +  1  —  [3fn  —  l)-'  4-  3(n  —1)4-1]  =  6?j. 

Et  la  différence  entre  ces  différences  secondes 
ou  différence  troisième  est  constante  et  égale  à  6. 

On  pourra  donc  par  de  simples  additions  revenir 
de  la  différence  troisième  aux  différences  se- 
condes, au.\  différences  premières  et  aux  cubes. 

Le  tableau  suivant,  qu'on  peut  prolonger  indéfi- 
niment, indique  la  marche  du  calcul.  Un  nombre 


3.  Le  cube  d'une  fraction  est  une  fraction  qui 
a  pour  numérateur  le  cube  du  numérateur  de 
la  fraction  donnée,  et  pour  dénominateur  le  cube 
de  son  dénominateur. 


(f 


a3 
6» 


C'est  une  conséquence  évidente  de  la  multipli- 
cation des  fractions  (V.  Fractions). 

4.  Le  cube  d'un  nombre  décmial  a  trois  fois 
autant  de  chiffres  décimaux  que  le  nombre  lui- 
même  ;  car,  si  on  l'écrivait  sous  forme  de  fraction 
ordinaire,  on  devrait  tripler  le  nombre  des  zéros 
au  dénominateur. 

Le  calcul  des  carrés,  des  cubes,  des  racines 
carrées  et  cubiques  se  fait  aisément  à  l'aide  de  la 
Règle  à  calcul  ou  de  l'Abaque  *.  Ce  sont  les 
seules  méthodes  pratiques  dans  les  applications 
ordinaires  de  l'industrie.  Les  calculs  plus  précis 
se  font  à  l'aide  des  logarithmes.        [P.  Robin.] 

CUBE.  —  Géométrie,  XXllI.  —  V.  Polyèdres. 

CUBE.  (Minéralogie).  —  V.  Cristal.    . 

CUCURBITACÉES.  —  Botanique,  "  XIX.  — 
yEtym.  :  du  latin  cucurbita,  courge,  citrouille.) 
Définition.  —  Les  plantes  dont  l'ensemble  forme 
la  famille  des  Cucurbitacées  appartiennent  aux 
Phanérogames  dicotylédonées  angiospermes.  On 
ne  sait  si  on  doit  les  considérer  comme  gamopé- 
tales, c'est-à-dire  à  corolle  formée  de  pièces 
adhérentes,  ou  comme  dialypétales,  c'est-à-dire  à 
corolle  formée  de  pièces  distinctes.  Brongniart  les 
rapportait  à  ce  dernier  groupe,  et  les  plaçait  à 
côté  des  Bégonias. 

Caractères  botaniques.  —  Les  graines  des  Cu- 
curbitacées sont  aplaties  ;  leur  tégument  peu 
épais,  dont  la  surface  devient  mucilagineuse  au 
contact  de  l'eau  liquide,  protège  un  embryon  vo- 
lumineux à  tigelle  très  courte,  à  cotylédons  très 
développes,  plans,  foliacés.  Leur  albumen  est  fort 
peu  développé.  Certaines  de  ces  graines  sont  em- 
ployées comme  vermifuges. 

A  la  germination,  la  graine  est  fixée' au  sol  par 
la  surface  de  son  tégument  devenue  mucilagineuse 
au  contact  de  l'eau  ;  l'embryon  se  gonfle,  fait 
éclater  le  tégument  qui  s'ouvre  comme  une  boîte  ; 
sur  le  côté  de  la  tige  de  l'embryon  se  forme  un 
renflement  nommé  talon,  qui  écarte  les  deux 
parties  de  la  coque  de  la  graine  ;  en  même  temps 
la  racine  se  développe  et  s'implante  dans  le  sol  ; 
alors  l'embryon,  tiré  d'une  part  par  la  racine, 
s'appuyant  d'autre  part  sur  le  tégument  par  l'in- 
termédiaire de  son  talon,  sort  complètement  de 
son  enveloppe,  se  redresse,  prend  une  direction 
verticale  et  étale  dans  l'air  ses  cotylédons  qui 
eont  épigcs.  Ces  cotylédons  verdissent  et  se  com- 
portent comme  des  feuilles  ordinaires. 

La  racine  des  Cucurbitacées  est  pivotante,  char- 
nue, ou  fibreuse  et  à  renflements  charnus. 


CUGURBITAGEES 


—  543  — 


CUGURBITAGEES 


La  tige  des  cucurbitacées  est  grimpante  ou 
rampante,  et  pour  cette  raison  peut  atteindre  une 
assez  grande  longueur,  tout  en  conservant  un  dia- 
mètre relativement  petit;  elle  est  herbacée  et 
annuelle,  quelquefois  sous-frutescente  et  vivace, 
couverte  de  poils  rudes  au  toucher.  Elle  s'accroche 
aux  plantes  voisines,  aux  arbres,  au  moyen  de 
■vTilles  simples  ou  rameuses  qui  naissent  isolé- 
ment au  niveau  des  feuilles. 

Les  feuilles  des  cucurbitacées  sont  alternes, 
pétiolées,  simples,  à  nervation  palmée,  dentées  ou 
palmilobées  ou  même  palmatifides  ;  de  même  que 
la  tige,  elles  sont  couvertes  de  poils  rudes. 

Les  fleurs  jaunes  eu  blanches,  quelquefois  vio- 
lettes ou  rouges,  sont  isolées  sur  la  tige,  ou  grou- 
pées en  panicules  ou  en  grappes.  Elles  sont  ordi- 
nairement unisexuées  monoïques  ,  quelquefois 
dioïques  et  très  rarement  hermaphrodites. 

Les  fleurs  mâles  ou  fleurs  ne  présentant  que 
des  étamines  sans  pistil  sont  constituées  comme  il 
suit  :  1°  un  calice  campanule  à  cinq  lobes.  — 
2°  Une  JoroUe  gamopétale  insérée  au  fond  du 
calice;  cette  corolle  est  plus  ou  moins  profondé- 
ment divisée  en  cinq  lobes.  —  3°  Les  étamines 
insérées  vers  la  partie  inférieure  de  la  corolle  au 
nombre  de  deux  et  demie  ou  de  cinq.  Quand  il  y 
en  a  deux  et  demie,  on  remarque  trois  filets  bien 
développés,  gros  et  courts,  dont  deux  portent 
chacun  deux  loges  d'anthère  et  constituent  deux 
étamines  complètes,  tandis  que  le  troisième  ne 
porte  qu'une  seule  loge;  il  forme  donc  avec  celle-ci 
une  demi-étamine  ;  les  anthères  sont  soudées 
entre  elles,  leurs  loges  sont  sinueuses.  Dans  le 
cas  où  il  y  a  cinq  étamines  normales,  quatre  sont 
soudées  entre  elles  deux  à  deux,  et  la  cinquième 
est  libre.  Les  anthères  sont  toujours  extrorses, 
c'est-à-dire  que  leur  ligne  de  déhiscence  regarde 
la  corolle. 

Les  fleurs  femelles  ou  fleurs  pistillées,  dépour- 
vues d'étamines,  diffèrent  extérieurement  de  la 
fleur  mâle,  en  ce  qu'on  aperçoit,  au-dessous  de 
leur  calice,  un  renflement  dû  à  la  présence  de 
l'ovaire.  Le  calice  et  la  corolle  des  fleurs  femelles 
ne  diffèrent  pas  de  ceux  de  la  fleur  mâle.  Au 
centre  de  la  fleur,  on  voit  le  pistil.  Ce  dernier  se 
compose  d'un  ovaire  dit  mfère,  parce  qu'il  est 
au-dessous  du  calice  et  de  la  corolle,  et  d'un  style 
court,  trifide,  portant  trois  stigmates  épais,  lamel- 
leux  ou  frangés.  Il  est  formé  par  trois  ou  cinq  car- 
pelles dont  les  placentas  pariétaux  très  développés 
portent  de  nombreux  ovules.  Ceux-ci  sont  ana- 
tropes  et  bitégumentés. 

Le  fruit  des  cucurbitacées  est  charnu,  plus  ra- 
rement sec;  on  le  nomme  pépon  ou  péponide. 
Celui  des  melons,  des  courges,  des  concombres, 
ne  s'ouvre  pas  ;  celui  de  leoballie,  qui  croît  en 
Provence,  se  détache  de  son  pédoncule  et  lance 
par  sa  partie  inférieure  toute  la  pulpe  et  toutes 
les  graines  qu'il  renferme.  Dans  d'autres  cas,  le 
fruit  s'ouvre  au  moyen  d'un  opercule,  ou  bien  ses 
parois  se  brisent  d'une  façon  irrégulière.  . 

Usages  des  cacurbitaeées.  —  1°  Bryone.  —  Les 
racines  de  nos  bryones  indigènes  (bryone  blanche, 
bryone  dioîque)  ont  des  propriétés  purgatives 
qui  les  font  employer  en  pharmacie  .  Cette 
plante  se  rencontre  dans  les  endroits  couverts  de 
buissons.  Les  Abyssiniens  recherchent  à  titre 
d'aliment  la  racine  d'une  autre  bryone,  qui  croît 
spontanément  dans  leur  pays,  et  qu'on  nomme 
bryone  abyssinienne. 

2°  EcbaUie.  —  Les  fruits  et  les  racines  de  cette 
plante  ont  aussi  des  propriétés  purgatives.  On  ne 
la  cultive  plus  guère  aujourd'hui  qu'à  cause  de  la 
singularité  qui  caractérise  la  dissémination  de  ses 
graines.  On  appelle  quelquefois  ses  fruits  des  pé- 
tards, bien  que  la  matière  projetée  soit  un  liquide 
mucilagineux. 

3»  Coloquvtte.  —  Les  fruits  de  cette  plante  sont 
2e  Pautie. 


doués  d'une  très  grande  amertume.  Les  anciens 
s'en  servaient  comme  purgatif  ;  aujourd'hui  en- 
core, dans  les  campagnes,  les  médecins  font  entrer 
la  coloquinte  dans  plusieurs  médicaments. 

4°  Luffa.  —  Les  luffa  sont  originaires  de  l'Inde 
et  de  1  Arabie.  Avant  leur  maturité,  leurs  fruits 
sont  comestibles  ;  après  la  maturité,  ces  fruits  dé- 
pouillés de  leur  écorce,  puis  séchés  et  lavés  à 
plusieurs  reprises  et  blanchis  au  soleil,  fournissent 
de  très  belles  éponges  fort  employées  dans  l'Inde. 
Les  graines  des  luffa  sont  purgatives. 

5°  Les  cucwbites,  qui  tirent  leur  nom  de  la 
forme  et  du  volume  de  leurs  fruits,  et  qui  ont  fait 
donner  ce  nom  à  la  famille  tout  entière,  com- 
prennent :  la  courge,  la  citrouille,  le  potiron, 
dont  les  fruits  comestibles  sont  employés  en  mar- 
melade pour  faire  des  tartes  ou  des  soupes.  Les 
graines  du  potiron  sont  employées  efficarement 
contre  le  taenia  ou  ver  solitaire.  Aux  cucurbites  se 
rattachent  le  pâtisson  ou  artichaut  d'Espagne,  les 
fausses  oranges,  les  fausses  polices  ;  ces  dernières 
plantes  sont  cultivées  comme  plantes  d'ornement. 
Dans  les  campagnes  du  midi  de  la  France,  on  fait 
sécher  leurs  fruits  sur  les  armoires  où  ils  simulent 
des  ornements  de  poterie  grossière. 

(j°  Les  gourdes,  dont  le  nom  est  tiré  de  l'usage 
qu'on  fait  de  leurs  fruits.  Une  fois  mûrs,  ces  fruits 
sont  séchés,  perforés  par  une  ouverture  pratiquée 
près  de  leur  sommet  ;  on  fait  sortir  leurs  graines  ; 
le  réservoir  obtenu  se  recommande,  comme  bou- 
teille portative,  par  sa  grande  légèreté  et  aussi 
comme  mauvais  conducteur  de  la  chaleur,  ce  qui 
permet  aux  liquides  qui  y  sont  enfermés  de  se 
tenir  frais  plus  longtemps.  Parmi  les  gourdes  les 
plus  connues,  nous  citerons  la  gourde  du  pèlerin, 
la  gourde  trompette,  la  gourde  de  Corse.  Les 
gourdes  ne  mûrissent  que  dans  le  midi  de  la 
France  ;  on  sème  leurs  graines  au  printemps  et  on 
récolle  leurs  fruits  à  la  fin  de  l'été.  Il  se  fait  un 
commerce  local  assez  considérable  de  ces  sortes 
de  bouteilles. 

7°  Les  concombres.  —  On  distingue  deux  variétés 
de  concombres.  L'une  est  jaune,  elle  s'en  ploie 
quelquefois  comme  aliment,  et  ses  fruits  se  man- 
gent crus  assaisonnés  de  sel  et  de  vinaigre.  Ces 
mêmes  fruits  fournissent  un  cosmétique  très 
recherché^  qui  se  fait  en  mélangeant  leur  suc  à  de 
la  graisse  de  veau.  L'autre  variété  de  concombres, 
de  couleur  verte  ou  jaunâtre,  porte  le  nom  vulgaire 
de  cornichons .  Leurs  fruits,  cueillis  avant  la  ma- 
turité, et  confits  dans  le  vinaigre,  sont  employés 
comme  condiment.  Les  concombres  se  sèment  sur 
les  couches  à  melon,  de  décembre  à  la  lin  de  mars, 
et  en  place  dans  des  trous  recouverts  de  fumier  et 
de  terreau  en  avril  et  mai.  Pour  obtenir  certaines 
variétés  hâtives,  on  les  taille  d'une  façon  spéciale. 
Les  cornichons  se  sèment  en  place  en  avril,  mai 
et  juin. 

8"  Le  melon,  plante  voisine  des  concombres, 
dont  les  fruits  sont  mangés  crus  soit  après  le  po- 
tage, soit  au  commencement  du  dessert.  Le  melon 
est  très  indigeste  ;  aussi  convient-il  d'absorber  une 
petite  quantité  de  vin  riche  en  alcool  après  l'in- 
gestion de  cet  aliment.  Chez  quelques  personnes 
le  melon  provoque  des  vomissements  et  détermine 
quelquefois  tous  les  caractères  d'un  empoisonne- 
ment. La  culture  des  melons  n'est  facile  et  pro- 
ductive que  dans  les  pays  méridionaux.  Dans  les 
pays  du  Nord,  on  les  élève  sous  châssis  et  sous 
cloche  presque  jusqu'à  la  maturité  ;  les  soins  né- 
cessaires pour  mener  à  bien  les  quelques  fruits 
obtenus  font  de  ceux-ci  un  mets  de  luxe.  Nous  ne 
pouvons  indiquer  ici  le  détail  des  opérations  de  la 
taille,  du  renouage,  du  repiquage,  qui  constituent 
cette  culture. 

9°  Le  pastèque  ou  melon  d'eau  a  des  fruits  ana- 
logues à  ceux  du  melon,  verts  à  l'extérieur,  roses 
à  l'intérieur;  cette  chair  rose  très  aqueuse  et  très 

35 


CUIR 


—  546  — 


CUIR 


rafraîchissante  ne  peut  être  appréciée  que  dans  les 
pays  chauds.  [C.-E,  Bertrand.] 

CUIR.  —  Chimie,  XXVII.  —  On  appelle  cuir, 
d'une  façon  générale,  toute  peau  rendue  imputres- 
cible. Quelquefois,  dans  le  langage  ordinaire,  on 
appelle  aussi  cuir  la  peau  épaisse  naturelle  du 
bœuf,  du  cheval,  du  rhinocéros,  etc.  ;  on  dit 
même  le  cuir  chevelu  pour  désigner  la  peau  du 
crâne  de  l'homme. 

Les  préparations  des  diverses  espèces  de  cuirs 
constituent  plusieurs  industries  de  la  plus  grande 
importance:  la  tannerie  en  tête,  la  mégisserie,  la 
chamoiserie,  la  maroquinerie,  etc.  L'ensemble  de 
ces  diverses  industries  représente  en  France  un 
produit  annuel  dépassant  aoO  millions  de  francs. 

Cuirs  crus;  peaux  conservées.  —  On  donne  le 
nom  de  cuirs  c?-wv  ou  cuirs  verts  aux  peaux  fraî- 
ches qui  viennent  directement  de  l'abattoir,  et 
celui  de  peaux  sèches  ou  penux  salées  aux  peaux 
qui  nous  sont  fournies  par  l'Amérique  du  Sud  et 
qu'on  a  desséchées  ou  salées  pour  qu'elles  puis- 
sent se  conserver  pendant  la  traversée.  Buenos- 
Ayres,  Bahia,  Fernambouc  nous  expédient  aujour- 
d'hui des  quantités  considérables  de  peaux  salées 
et  de  peaux  sèches  ;  elles  sont  principalement  em- 
ployées à  faire  des  cui7-s  forts,  utilisés  dans  la  fa- 
brication des  semelles  de  chaussures,  des  cour- 
roies et  de  tout  ce  qui,  dans  la  carrosserie  et  la 
sellerie,  exige  un  cuir  dur  et  épais. 

iTannage.  —  Le  tannage  a  pour  but  principal  de 
former  une  véritable  combinaison  de  la  peau  avec 
le  tannin  ou  acide  tannique.  Une  peau  ainsi  péné- 
trée de  cette  substance  est  dite  tannée  :  elle  est 
imputrescible,  et  peut  supporter  l'humidité  sans 
s'altérer.  Le  tannin  est  fourni  par  l'écorce  du  chêne 
principalement  ;  celle-ci  est  séchée,  puis  réduite 
en  poudre  dans  des  moulins  dits  moulins  à  écorce. 
Les  Ardennes,  la  Nièvre  et  quelques  contrées  de 
la  Bourgogne  font  un  grand  commerce  d'écorces 
de  chêne  destinées  à  la  tannerie.  On  tanne  aussi 
avec  l'écorce  de  saule,  de  bouleau  (cuirs  de  Russie), 
avec  le  sumac,  l'écorce  de  cliàtaignier,  et  enfin 
nous  avons  vu  à  l'Exposition  universelle  des  cuirs 
parfaitement  tannés,  quoiqu'un  peu  pâles  de  cou- 
leur, avec  le  bois  d'Amérique  dit  le  Quebraco. 
La  poussière  d'écorce  s'appelle  tan,  et  on  donne 
le  nom  de  tannée  au  tan  en  partie  épuisé.  La  dis- 
solution roussâtre  de  la  tannée  dans  l'eau  est  une 
liqueur  acide  (acide  tannique  et  acide  gallique), 
dans  laquelle  on  plonge  les  peaux  avant  de  les 
soumettre  à  l'action  du  tan  neuf. 

Le  tannage  proprement  dit  est  précédé  et  suivi 
de  diverses  opérations  que  nous  allons  successive- 
ment décrire. 

1°  Le  pelanage  on  plainage  ou  plamage.  —  On 
débarrasse  d'abord  les  peaux  des  parties  inutiles, 
telles  que  la  queue,  les  cornes,  les  oreilles,  qu'on 
appelle  Vémouche'  ;  puis  on  les  lave  à  l'eau  cou- 
rante pendant  plusieurs  jours  ;  on  les  étire  au  che- 
valet, et  enfin  on  les  place  dans  des  cuves  conte- 
nant de  l'eau  de  chaux.  Cette  opération  dure  à 
peu  près  un  mois.  Tous  les  huit  jours  on  les  sort 
de  la  cuve,  et  on  les  retrempe  dans  de  l'eau  de 
chaux  de  plus  en  plus  concentrée. 

Epilage  ou  débourrage.  —  Les  peaux  qui  ont 
été  passées  à  la  chaux  sont  gonflées,  ramollies,  et 
le  poil  peut  en  être  facilement  arraché;  on  l'en- 
lève alors  en  les  raclant  à  rebrousse-poil  avec  un 
couteau  rond  émoussé,  puis  avec  un  morceau  de 
grès  qui  les  rend  unies.  Quand  on  a  préalablement 
traité  les  peaux  par  la  soude,  l'épilage  se  fait  très 
facilement.  Les  peaux  ne  sont  pas  encore  soumises 
au  tannage;  elles  doivent  cire  d'abord  gonflées, 
afin  que  le  tannin  puisse  les  pénétrer  complète- 
ment. Pour  produire  le  gonflement  nécessaire,  on 
les  met  pendant  une  quinzaine  de  jours  dans  de 
la  t'ijinéf,  où  elles  subissent  en  même  temps  un 
premier  tannage. 


Tannage  proprement  dit.  —  Le  tannage  se  fait 
dans  des  cuves  cylindriques  de  2  à3  mètres  de  dia- 
mètre, et  autant  de  profondeur;  on  y  dispose  les 
peaux  horizontalement,  par  couches  séparées  par  du 
tan  ;  elles  restent  ainsi  pendant  un  temps  varia- 
ble, de  deux  à  six  mois;  on  renouvelle  alors  le  tan 
et  on  retourne  les  peaux,  puis  on  les  laisse  ainsi  de 
nouveau  pendant  un  temps  qui  varie  de  trois  à 
quatre  mois. 

Cuirs  forts.  —  Avant  l'épilage  des  cuirs  forts, 
on  soumet  les  peaux  pendant  un  ou  deux  jours  à 
une  température  de  .30°  dans  des  chambres  spécia- 
les, ou  bien  on  fait  agir  sur  elles  de  la  vapeur 
chaude;  il  s'y  produit  un  commencement  de  pu- 
tréfaction qui  rend  l'épilage  très  facile.  On  les 
plonge  ensuite  dans  un  bain  de  tannée  acidulé 
par  de  l'acide  sulfurique,  puis  enfin  dans  les  cuves 
à  tannin  où  elles  restent  pendant  près  de  deux  ans. 

A  leur  sortie  des  cuves,  les  cuirs  sont  séchés  len- 
tement, puis  frottés  avec  du  tannin  sec,  et  soumis 
au  martelage  ou  à  une  grande  pression  sous  des 
planches  chargées  de  pierres,  de  manière  à  les 
rendre  lisses  et  unis.  Les  cuirs  bien  tannés  ne 
doivent  pas  offrir,  quand  on  les  coupe,  la  raie  blan- 
che qui  indique  qu'ils  n'ont  pas  été  assez  nourris, 
ce  qu'on  désigne  par  crudité  des  cuirs. 

Divers  procédés  de  tannage.  —  La  longue  durée 
du  tannage  des  peaux,  qui  exige  par  conséquent 
de  la  part  du  tanneur  une  grande  avance  de  ca- 
pitaux, a  souvent  tenté  les  inventeurs,  et  de  nom- 
breux procédés  de  tannage  rapide  ont  été  essayés, 
mais  sans  grand  succès;  nous  indiquerons  seule- 
ment les  principaux,  en  faisant  remarquer  toute- 
fois que  l'action  du  tannin  sur  les  peaux  paraît 
devoir  exiger  un  temps  assez  long  pour  que  l'an- 
cien procédé  que  nous  venons  de  décrire  et  qui 
est  encore  presque  exclusivement  employé,  soit 
considéré  comme  de  beaucoup  le  meilleur. 

Depuis  longtemps  déjà  on  a  essayé  de  transfor- 
mer les  peaux  en  cuir  par  l'action  de  l'acide  sulfu- 
rique étendu  d'eau  ;  aujourd'hui  l'usage  de  cet 
acide  corrosif  n'est  pas  complètement  abandonné, 
quoique  les  résultats  qu'il  donne  soient  en  géné- 
ral très  mauvais;  il  ne  faut  pas  confondre  l'emploi 
de  l'acide  sulfurique  comme  moyen  de  tannage 
rapide,  avec  l'usage  qu'on  en  fait  pour  faciliter 
l'épilage  et  le  gonflement  des  peaux. 

On  appelle  tannage  au  sippage  un  moyen  de 
tannage  assez  rapide  qui  vient,  paraît-il,  du  Da- 
nemark, et  qui  consiste  à  comprimer  la  dissolution 
concentrée  du  tan  dans  des  sacs  formés  des  peaux 
que  l'on  veut  tanner. 

Un  autre  procédé  consiste  à  suspendre  les  peaux 
dans  des  caisses  où  on  a  mis  du  tan  et  où  on  fait 
le  vide.  Dans  le  procédé  Gibbon,  on  introduit  le 
tan  sous  une  forte  pression  dans  les  peaux  cousues 
en  forme  de  sacs.  Enfin  on  a  même  essayé  d'acti-  • 
ver  le  tann.Tge  en  soumettant  les  peaux  à  l'action 
de  courants  électriques  dispersés. 

Corroierie.  —  En  sortant  du  tannage,  les  cuirs 
qui  ne  sont  pas  destinés  à  faire  des  semelles  sont 
ramollis  avec  de  l'eau,  puis  assouplis  par  un 
battage  au  moyen  d'une  bigorne  en  bois;  ensuite 
on  leur  donne  une  épaisseur  uniforme  en  les  ra- 
clant du  côté  de  la  chair  avec  un  butoir  ou  cou- 
teau émoussé,  puis  du  côté  des  poils  avec  un  cou- 
teau à  revers  ;  on  les  fait  ensuite  sécher;  enfin  on 
tes  tire  à  la  paumelle,  opération  qui  consiste  à  les 
frotter  fortement  sur  l'une  et  l'autre  des  laces 
avec  un  outil  de  bois  appelé  paumelle. 

Les  cuirs  subissent  ensuite  différents  traitements 
variables  selon  les  usages  auxquels  on  les  destine, 
et  dans  les  détails  desquels  nous  ne  pouvons  pas 
entrer  ici.  Nous  d'rons  seulement  que  les  cuirs  en 
suif,  qui  sont  principalement  employés  par  les 
bourreliers,  sont  des  cuirs  imbibés  de  suif  par  les 
deux  faces  ;  les  cuirs  de  vaches  çjrises  sont  des 
cuirs  en  suif  préparés  avec  soin  ;  les  cuirs  en  huile 


CUIR 


—  5^47  — 


CUIR 


sont  préparés  comme  les  précédents,  seulement 
on  a  remplacé  le  suif  par  de  l'huile  de  poisson. 
Les  cuirs  dits  vaches  de  cire  sont  les  cuirs  fins  du 
bourrelier  ;  les  cuirs  façon  d'Angleterre,  qui  ser- 
vent aux  harnais,  ont  conservé  la  nuance  fauve 
naturelle. 

Mégisserie.  —  Le  mégissier  prépare  les  peaux 
non  pelées  qui  servent  à  faire  des  fourrures,  les 
peaux  blanches  de  la  ganterie  et  les  doublures 
de  chaussures.  Ce  ne  sont  pas  à  proprement  parler 
des  peaux  tannées.  On  les  traite  par  un  mélange 
d'alun  et  de  sel  qui  donne  du  chlorure  d'alumi- 
nium. Les  peaux  qui  doivent  perdre  leur  poil  sont, 
avant  toute  autre  préparation,  traitées  par  un  mé- 
lange de  chaux  et  de  sulfure  d'arsenic. 

Chamoiserie.  —  Cette  industrie  prépare  spécia- 
lement les  peaux  destinées  aux  vêtements.  Elle 
utilise  principalement  les  peaux  de  chamois,  de 
daim,  de  bouc,  de  chèvre,  d'agneau  ;  elles  ne  sont 
nullement  tannées,  mais  assouplies  par  une  ab- 
sorption d'huile. 

Maroquinerie.  —  Autrefois  tous  les  maroquins 
nous  venaient  de  l'Orient  ou  du  nord  de  l'Afrique  ; 
on  ne  les  fabrique  en  France  que  depuis  cent 
ans. 

Les  maroquins  sont  des  peaux  de  chèvre  ou  des 
peaux  de  mouton ,  qu'on  appelle  alors  moutons 
maroquinéSf  qui,  après  avoir  été  tannées  à  la  noix 
de  galle  ou  au  sumac,  sont  ensuite  colorées  en 
jaune,  en  bleu,  en  violet  ou  en  rouge:  ces  dernières 
sont  les  plus  belles.  On  a  aussi  des  maroquins 
noirs.  La  couleur  rouge  est  due  à  la  cochenille. 
Le  jaune  est  obtenu  par  l'épine- vinette,  le  noir  par 
un  mélange  de  rouille  et  de  vinaigre  faible,  le  bleu 
par  l'indigo.  Le  violet  s'obtient  en  passant  succes- 
sivement les  peaux  dans  du  bleu  et  dans  de  la  co- 
chenille. 

Cuirs  préparés  d'une  façon  spéciale.  Basanes. 
—  Les  basanes  sont  des  peaux  de  mouton  d'assez 
faible  valeur,  employées  cependant  à  de  nombreux 
usages.  On  en  fait  des  dessus  de  tables,  des  por- 
tefeuilles, des  fauteuils,  des  étuis,  des  garnitures 
de  chapeaux,  des  tapisseries.  Les  reliures  de  livres 
se  font  avec  des  basanes  préparées  à  l'alun. 

Chagrin.  —  On  appelle  ainsi  un  cuir  tanné,  so- 
lide et  gi-enu,  qu'on  prépare  en  Orient  avec  de  la 
croupe  de  cheval  ou  d'âne.  Les  petits  mamelons 
qui  caractérisent  le  chagrin  s'obtiennent  en  faisant 
sécher  les  peaux  après  les  avoir  saupoudrées  de 
graine  de  moutarde.  En  Europe  on  fabrique  des 
imitations  de  chagrin  en  comprimant  des  peaux  de 
mouton  avec  des  planches  mamelonnées  artificiel- 
lement. 

Cuî;'5  de  Russie.  —  On  appelle  ainsi  des  cuirs 
préparés  à  la  façon  ordinaire,  puis  plongés  pendant 
plusieurs  jours  dans  une  décoction  d'écorce  de 
saule  et  de  bouleau.  Les  bons  rui)-s  de  Russie  ont 
une  assez  grande  valeur  ;  ils  se  conservent  très 
bien,  et  ont  une  odeur  caractéristique. 

Cuirs  de  Hongrie.  —  Ce  sont  des  cuirs  non  épi- 
lés,  mais  rasés  et  préparcs  au  chlorure  d'alumi- 
nium ;  ils  sont  généralement  très  forts,  et  sont  sur- 
tout utilisés  dans  la  sellerie. 

Cuir  bouilli.  —  Le  cuir  bouilli  sert  à  fabriquer 
des  casques  militaires,  des  tabatières,  des  bou- 
teilles, des  chapeaux,  etc.  ;  on  l'obtient  en  soumet- 
tant le  cuir  à  l'action  d'un  mélange  bouillant  de 
cire  et  de  résine. 

Cuirs  vernis.  —  Les  cuirs  vernis  sont  très  em- 
ployés dans  la  sellerie,  la  carrosserie  et  la  fabrica- 
tion des  chaussures  ;  pour  les  préparer  on  soumet 
la  peau,  qui  a  été  soigneusement  tannée,  à  un  pon- 
çage répété,  qui  a  pour  but  de  la  rendre  propre  à 
recevoir  Vappi-ét.  On  la  recouvre  •  ensuite  par  les 
deux  faces  d'un  mélange  de  minium,  d'huile  de 
lin,  de  craie  et  d'ocre.  Quand  celui-ci  est  bien  sec, 
on  la  recouvre  d'un  nouveau  mélange  de  minium, 
d'huile  et  de  bleu  de  Prusse  (V.  Cyanogène).  La 


peau  est  alors  prête  à  recevoir  le  vernis.  Les  ver« 
nis  sont  de  différentes  couleurs  ;  le  noir,  qui  est 
le  plus  employé,  consiste  en  un  mélange  de  mi- 
nium, d'huile,  de  bleu  de  Prusse,  de  bitume  de 
Judée  et  de  vernis  au  copal.  La  fabrication  des 
cuirs  vernis,  qui  est  connue  en  Angleterre  depuis 
cent  ans,  a  été  introduite  en  France  dans  les  pre- 
mières années  de  ce  siècle  par  Plummer  de  Pont- 
Audemer  ;  cette  fabrication  a  été  depuis  perfec- 
tionnée par  Nys  et  par  M.  Chapman  de  Pont-Au- 
demer. 

Statistique.  —  Nous  avons  dit  au  commencement 
de  cet  article  que  la  tannerie  était  une  industrie  des 
plus  importantes;  nous  pouvons  ajouter  que  la  tan- 
nerie française  ne  le  cède  à  aucune  autre,  surtout 
au  point  de  vue  de  la  qualité  et  de  la  beauté  de 
ses  produits.  L'Exposition  de  1S78,  où  elle  était 
représentée  par  800  exposants  de  cuirs,  de  peaux, 
de  matières  tannantes  et  de  matériel  se  rattachant 
à  l'industrie  des  cuirs,  a  comfirmé  cette  supériorité 
d'une  manière  éclatante.  «  Pour  les  gros  cuirs,  la 
véritable  raison  de  cette  supériorité,  dit  un  homme 
compétent  en  ces  matières,  M.  J.-B.  Moulin,  pour- 
rait bien  être  dans  ce  fait,  que  la  plupart  de  nos 
tanneurs  français  se  sont  appliqués  à  conserver  le 
vieux  principe  du  tan  et  du  temps.  Les  cuirs  qui 
attiraient  dans  la  section  française  l'attention  des 
connaisseurs,  et  qui  étaient  incontestablement  supé- 
rieurs aux  cuirs  étrangers,  étaient  des  cuirs 
tannés  à  l'écorce  de  chêne  et  restés  longtemps 
en  tannerie.  »  Ceci  correspond  parfaitement  à 
ce  que  nous  disions  plus  haut  des  autres  procé- 
dés. 

Voicf  quelques  chiffres  que  nous  extrayons  du 
journal  la  Halle  aux  Cuirs,  et  qui  donneront  au 
lecteur  une  idée  assez  exacte,  sinon  complète,  de 
l'importance  de  la  tannerie  en  France. 

Ils  ont  été  pris  sur  les  états  de  douane  de  1876. 

Importations.     Exportations.  Totaux 

Peaux  brutes 157  272  351'     35  167  339'  192  439  690 

Pelleteries 11336  162        4  222  849  15  579  011 

Peaui  préparées   .       35  579  609       77  595  824  lU  175  433 
Ouvrages  en  peaux 

et  en  cuirs 2  870  627     157  491235  160  361862 

205  078  749'    274  477  ::47'    479  555  996 

On  estime  le  nombre  des  animaux  abattus  an- 
nuellement en  France  à  l,SOO,0(iO;  Paris  seul  livre 
à  la  consommation  les  cuirs  de  2li>,000  animaux,  et 
ces  chiffres  ne  font  que  s'accroître. 

Tableau  des  animaux  abattus  à  Paris  en  1877  : 

Bœufs 145  087 

Vaches (il  552 

Taureaux 13  189 

Nous  recevons  annuellement  de  l'étranger  envi- 
ron deux  millions  de  cuirs  représentant  un  poids 
de  38,592,838  kilog.  Les  pays  d'où  nous  tirons  prin- 
cipalement les  cuirs  bruts  nécessaires  à  notre  in- 
dustrie sont:  le  Chili,  le  Pérou,  les  Etats-Unis  du 
Nord,  le  Brésil,  l'Uruguay  et  le  Rio  de  la  Plata. 
En  dehors  de  l'Amérique,  les  autres  parties  du 
monde  nous  envoient  peu  de  cuirs  ;  ceux  du  Maroc 
et  du  Sénégal  arrivent  surtout  à  Marseille. 

C'est  principalement  à  Londres  qu'arrivent  les 
cuirs  des  Indes,  de  la  Chine,  dos  colonies  anglaises, 
du  Cap,  d'Australie,  etc. 

Nous  recevons  d'Europe  une  grande  quantité 
de  cuirs  bruts  d'Allemagne,  de  Hollande,  de  Suisse. 
Les  peaux  de  buffle  se  rencontrent  sur  les  marchés 
d'Amsterdam  et  de  Rotterdam.  On  tanne  aussi 
maintenant  des  peaux  de  crocodile  et  de  serpent. 

L'industrie  de  la  préparation  des  peaux  est  ex- 
trêmement ancienne.  De  tout  temps  les  hommes 
se  sont  servis  de  la  peau  des  animaux  pour  se 
vêtir.  Ils  l'ont  d'abord  employée  à  l'état  brut  et 


CUIVRE 


—  548  — 


CUIVRE 


simplement  séchée  ;  puis  ils  ont  appris  à  lui  don- 
ner plus  de  solidité  et  à  la  rendre  imputrescible, 
d'abord  par  l'enfumage,  ensuite  en  l'imprégnant 
de  solutions  astringentes  et  tannantes.  Il  y  a  bien 
peu  de  villages  aujourd'hui  en  Europe  qui  ne  pos- 
sèdent pas  au  moins  une  tannerie.  Les  centres 
les  plus  importants  de  cette  fabrication  en  France 
sont  :  Givet,  Pont-Audemer,  Saint-Saens,  Romans, 
Cliâteau-Renault,  Sanlieu,  Hemicliemont,  Levroux. 
Grenoble  est  le  centre  d'un  grand  commerce  de 
pelleterie  ;  la  petite  ville  de  Saint-Junien  (Haute- 
Vienne)  compte  trente  établissements  de  mégis- 
serie qui  préparent  annuellement  plus  de  500,000 
peaux  de  mouton  représentant  une  valeur  de 
:2, 000,000  de  francs.  Annonay,qui  depuis  longtemps 
est  en  France  à  la  tête  de  la  mégisserie,  emploie 
à  cette  industrie  plus  de  2n(i0  ouvriers  préparant 
chaque  année  de  12  à  15  millions  de  peaux. 

[Alfred  Jacquemart.] 

CUIVRE.  —  Chimie,  XIX.  —  (Etym.  :  du  latin 
Cuprum;  du  grec  Kypros,  Cliypre,  île  où  il_  paraît 
avoir  été  exploité  dès  la  plus  haute  antiquité).  For- 
mule chimique  :  Cu;  équivalent  rapporté  à  l'hydro- 
gène, 31. 

Etats  du  cuivre  dans  la  nature.  —  Le  cuivre  se 
rencontre  assez  fréquemment  à  l'état  libre  (natif), 
ce  qui  explique  comment  il  a  été  probablement 
le  métal  le  plus  anciennement  exploité.  On  le 
trouve  ainsi  dans  les  sables,  en  Bolivie,  aux  Etats- 
Unis,  en  Espagne.  On  le  trouve  aussi  en  dendrites, 
en  lamelles  et  en  masses  arrondies  plus  ou  moins 
grosses,  dans  les  roches  qui  avoisinent  les  dépôts 
de  sulfures,  de  carbonates  et  d'oxydes  de  cuivre  ; 
on  cite  une  masse  de  cuivre  natif  trouvée  au  Ca- 
nada et  qui  pesait  3000  kilogrammes.  Mais  ce  sont 
les  minerais  d'oxyde (cwàve  oxydulé),de  cai'bonate 
{cuivre  carbo7iaté  vert,  vert  de  montagne  ou  mala- 
chite; cuivre  carbonate  àleH,Cî(ivre azuré ouazurite), 
et  surtout  le  sulfure  de  cuivre  et  de  fer  {cuivre pijri- 
ieux,  cuivre  jaune  ou  chalkopyrite),  que  l'on  exploite 
le  plus  en  grand.  On  les  rencontre  principalement 
en  filons  dans  les  Cornouailles,  en  Norvège,  en 
Hongrie,  en  Allemagne.  Dans  le  Harz,  au  Mexique, 
dans  les  Pyrénées,  et  à  Sainte-Marie  dans  les  Vos- 
ges, on  exploite  un  sulfure  à  base  de  cuivre,  de 
zinc,  d'arsenic,  de  fer  et  d'argent  ;  ce  dernier  métal 
en  est  souvent  la  principale  richesse. 

Métallurgie.  —  Pour  séparer  le  cuivre  du  fer  et 
du  soufre,  on  soumet  le  minerai  à  des  opérations 
trop  longues  et  trop  compliquées  pour  être  dé- 
crites ici  ;  qu'il  nous  suffise  de  dire  qu'après  un 
premier  traitement  on  obtient  un  produit  appelé 
7natte  qui  contient  beaucoup  de  matériaux  étran- 
gers; en  poursuivant  le  traitement,  la  matte  se 
débarrasse  du  fer  et  du  soufre,  et  produit  le  cuivre 
noir,  très  riche  en  cuivre  (95  p.  100).  En  projetant 
sur  le  métal  en  fusion  un  peu  d'eau  froide,  on 
obtient  une  plaque  solide  à  contour  irrégulier, 
appelée  cuivre  rosette.  Ce  cuivre  est  cassant;  on 
le  fond  enfin  sous  une  couche  de  charbon,  et  il 
devient  le  cuivre  rouge  ductile  qu'on  livre  au  com- 
merce. On  obtient  du  cuivre  très  pur,  dit  cuivre  de 
cément,  en  précipitant  par  le  feu  le  cuivre  des 
eaux  qui  ont  servi  au  lavage  des  minerais. 

Propriétés  du  cuivre.  —  Le  cui\Te  écroui  a  pour 
densité  8,9;  sa  couleur  rouge  permet  facilement 
de  le  reconnaître  ;  c'est  après  le  fer  le  métal  le 
plus  tenace.  Un  fil  de  cuivre  de  2"""  de  diamètre 
supporte  sans  se  rompre  un  poids  de  135  kilo- 
grammes. Frotté  entre  les  doigts,  le  cuivre  dé- 
gage une  odeur  spéciale  désagréable  ;  il  fond  vers 
1150°,  et  en  se  refroidissant  il  cristallise  en  cube. 
Chauffé  au  blanc,  il  donne  des  vapeurs  qui  brù'ent 
avec  une  flamme  verte  caractéristique.  Un  fil  de 
cuivre  introduit  dans  la  flamme  de  la  lampe  à 
alcool  la  verdit  immédiatement.  Le  cuivre  se  con- 
serve parfaitement  à  l'air  sec,  mais,  dans  l'air  hu- 
mide, il  se  recouvre  de  vert-de-gris  (hydrocarbo- 


natc  de  cuivre).  L'acide  sulfurique  l'attaque  à 
ciiaud  en  donnant  du  sulfate  de  cuivre  (vitriol 
bleu)  et  de  l'acide  sulfureux.  Il  se  dissout  dans 
l'acide  azotique,  en  donnant  de  l'azotate  de  cui- 
vre et  du  bioxyde  dazote.  Quand  on  chauffe  du 
cuivre  avec  du  soufre,  la  combinaison  s'opère 
vivement  avec  incandescence.  Enfin  le  cuivre 
chauff'é  brûle  dans  le  chlore  (V.  Combustion  et 
Chlore).  Le  cuivre  est  très  ductile  et  très  malléa- 
ble ;  on  en  fait  des  feuilles  assez  minces  pour 
être  faiblement  translucides  et  laisser  passer  la 
couleur  verte. 

Usages.  —  On  se  sert  du  cuivre  pour  fabriquer 
un  grand  nombre  d'ustensiles  de  cuisine.  Dans  ce 
cas  il  doit  être  étnmé,  car  le  vinaigre,  les  corps 
gras  attaquent  le  cuivre,  et  forment  avec  lui  des 
combinaisons  verdàtres,  dont  l'absorption  par  les 
organes  digestifs  peut  présenter  de  grands  dan- 
gers. Nous  ajouterons  cependant  que  quelques 
médecins  et  chimistes  soutiennent  absolument  que 
les  composés  du  cuivre  sont  inoffensifs.  Le  cuivre 
est  employé  au  doublage  des  navires  ;  il  sert  à  la 
fabrication  des  fils  électriques;  il  est  aussi  extrê- 
mement employé  à  l'état  d'alliage  {S.  Alliages). 
Les  alliages  du  cuivre  et  de  l'étain  sont  :  le  bronze 
des  canons  jaunes  ;  le  chrysocale,  h;  tombac  qui 
contiennent  en  outre  du  zinc  ;  le  laiton  ou  cuivre 
jaune,  le  plus  employé  peut-être,  d'une  composi- 
tion qui  varie  avec  les  usages  auxquels  on  le  des- 
tine ;  mais  il  est  toujours  principalement  formé  de 
cuivre  et  de  zinc  ;  quand  il  doit  être  martelé,  il 
contient  70  p.  100  de  cuivre,  30  de  zinc. 

Les  épingles  ordinaires  sont  du  laiton  étamé  ;  le 
maillecliort,  très  employé  dans  la  fabrication  des 
services  de  table,  est  formé  de  cuivre,  de  zinc  et 
de  nickel.  Enfin  le  cuivre  est  employé  à  la  fabri- 
cation des  monnaies  d'une  valeur  inférieure  à 
0  fr.  50. 

Principaux  composés  du  cuivre.  —  Sulfate  de 
cuivre,  ou  couperose  bleue,  ou  vitriol  bleu.  —  Le 
sulfate-  de  cuivre  a  pour  formule  CuO,S03,5HO. 
C'est  un  beau  sel  bleu  qu'on  rencontre  dans  le 
commerce  sous  forme  de  gros  cristaux  parallélipi- 
pédiques  obliques,  qui  s'efûeurissent  à  l'air  sec. 
Vers  100°  ils  deviennent  blancs  en  perdant  les  qua- 
tre cinquièmes  de  leur  eau  ;  plongés  alors  dans 
une  liqueur  qui  contient  de  l'eau,  ils  reprennent  la 
forme  cristalUne  et  rebleuissent.  Ils  ont  une  saveur 
métallique,  styptique  et  désagréable.  Au  blanc  le 
sulfate  de  cuivre  se  décompose,  et  donne  comme 
résidu  de  l'oxyde  de  cuivre  ;  à  é'  les  cristaux  se 
dissolvent  dans  trois  parties  d'eau,  à  100°  dans 
0,55  d'eau.  La  dissolution  bleue  donne  avec  l'am- 
moniaque un  précipité  blanc  qui  se  redissout  dans 
un  excès  en  donnant  une  belle  liqueur  bleu  foncé 
qu'on  voit  souvent  à  la  vitrine  des  pharmaciens 
et  qu'on  appelle  \'eau  céleste.  Une  lame  de  fer 
qu'on  y  plonge  se  recouvre  immédiatement  d'une 
couche  de  cuivre  rouge  qui  permet  de  reconnaître 
j5^j^  de  cuivre  (Wurtz). 

Préparation  du  vitriol  bleu.  —  On  l'obtient  en 
grand  dans  les  arts  en  grillant  le  sulfure  de  cui- 
vre ;  on  lessive  ensuite  la  masse  avec  de  l'eau 
chaude.  Le  sulfate  de  cuivre  ainsi  obtenu  contient 
du  sulfate  de  fer  dont  on  le  débarrasse  ensuite. 

Usages.  —  Le  vitriol  bleu  est  fort  employé  dans 
la  galvanoplastie,  dans  la  teinturerie,  etdans  la  fabri- 
cation des  couleurs  ;  il  sert  en  outre  à  chauler  le 
blé. 

Carbonate  de  cuivre.  —  Le  carbonate  de  cuivre 
existe  dans  la  nature  malachite  et  azurite),  mais 
celui  qu'on  emploie  dans  la  peinture  à  l'huile  sous 
le  nom  de  vert  minéral  est  préparé  en  versant  du 
carbonate  de  potasse  ou  de  soude  dans  un  sel  de 
cuivre.  La  patine  verte  qui  se  forme  à  l'air  à  la 
surface  du  cuivre  et  des  bronzes,  et  qui  est  connue 
sous  le  nom  de  vert  de  gris,  est  un  carbonate  de 
cuivre  hydraté. 


CUIVRE 


—  549  — 


CUNEIFORME 


Acétate  de  cuivre.  —  Ce  sol  est  connu  dans  le 
commerce  sous  le  nom  de  verdet  cristallise  ;  on  le 
rencontre  sous  forme  de  beaux  cristaux  verts  ayant 
pour  formule  CuO,  OHSQ',  HO,  et  résultant  de  la 
combinaison  de  l'oxyde  de  cuivre  avec  l'acide  acé- 
tique*. 

Chauffé  à  l'air,  il  brûle  avec  une  flamme  verte. 
Dans  le  midi  de  la  France,  on  le  prépare  en  pla- 
çant dans  des  pots  de  grès  des  lames  de  cuivre 
alternant  avec  des  couches  de  marc  de  raisin.  Ce 
sel  est  employé  en  grand  dans  la  fabrication  d'un 
grand  nombre  de  couleurs,  et  principalement  du 
vei^t  de  Schweinfurt  (mélange  d'arsénite  et  d'acé- 
tate de  cuivre  \ 

Usages  médicaux  des  sels  de  cuivre.  —  Plusieurs 
sels  de  cuivre  sont  employés  en  médecine  ;  à  l'ex- 
térieur ce  sont  des  stimulants  et  des  corrosifs. 
Les  pilules  dites  de  Gerbier,  employées  contre  les 
cancers,  contiennent  du  sous-acétate  de  cuivre. 
En  Angleterre  le  sulfate  de  cuivre  est  employé 
comme  vomitif  ;  il  est  aussi  en  usage  dans  le  trai- 
tement de  certains  ulcères  fongueux;  à  l'intérieur 
il  stimule  et  irrite  les  muqueuses. 

Action  torique  des  sels  de  cuivre.  —  On  a  con- 
staté que  30  à  40  grammes  de  sulfate  ou  d'acétate 
de  cuivre  introduits  dans  l'économie  peuvent  mettre 
la  vie  en  danger.  Dans  d'autres  cas  des  doses  beau- 
coup plus  fortes  n'ont  pas  occasionné  la  mort.  Le 
cuivre  se  rend  principalement  dans  le  foie  et  les 
reins.  Après  la  mort  on  constate  que  la  muqueuse 
du  canal  digestif  est  rouge,  épaissie,  érodée,  quel- 
quefois perforée.  Les  symptômes  d'empoisonne- 
ment par  le  cuivre  sont  ceux  des  poisons  irri- 
tants: saveur  cuivreuse,  acre,  langue  sèche,  soif 
excessive;  l'abdomen  est  ballonné  et  douloureux, 
le  pouls  est  petit,  irrégulier,  rapide.  Le  malade  a 
des  selles  abondantes  et  sanguinolentes,  des  cra- 
chotements continuels;  des  mouvements  convul- 
sifs,  des  tremblements  tétaniques,  ou  bien  une 
insensibilité  complète  précèdent  la  mort. 

La  saveur  styptique  ainsi  que  la  coloration  bleue 
des  sels  de  cuivre  peuvent  souvent  mettre  en  garde 
contre  leur  présence  dans  les  aliments. 

Mais  les  ouvi-iers  qui  les  manient  journelle- 
ment peuvent  être  sujets  à  un  empoisonnement 
chronique  qui,  il  faut  le  dire,  est  cependant 
assez  rare  ou  plutôt  assez  bénin  quand  il  se 
produit.  La  colique  de  cuivre ,  qui  est  bien 
moins  dangereuse  que  la  colique  de  plomb,  est 
accompagnée  de  vomissements  bilieux  et  de 
diarrhée. 

Contre-poisoni.  —  On  administre'  au  malade  la 
plus  grande  quantité  possible  de  blancs  d'oeufs  dé- 
layés dans  de  l'eau,  puis  on  provoque  les  vomis- 
sements. Si  le  poison  est  déjà  dans  les  intestins, 
on  administre  un  purgatif;  on  traite  les  coliques 
par  les  boissons  émollientes  et  les  potions  hui- 
leuses. On  ordonne  aussi  le  lait,  le  sucre,  la  li- 
maille de  fer  qui  agit  en  précipitant  le  cuivre 
(Wurtz). 

Circonstances  particulières  dans  lesquelles  on 
peut  être  empoisonné  par  le  cuivre.  —  Le  cuivre 
est  très  employé  soit  à  l'état  métallique,  soit  à 
l'état  de  combinaison  ;  il  n'est  donc  pas  rare  qu'il 
donne  lieu  à  des  accidents  plus  ou  moins  graves. 
Li's  plus  nombreux  résultent  d'aliments  prépa- 
rés dans  des  vases  en  cuivre  et  dont  la  nature 
provoque  l'oxydation  du  métal  ;  car,  chose  à  re- 
tenir, les  confiseurs  se  servent  constamment  de 
vases  en  cuivre  sans  le  moindre  inconvénient, 
parce  que  le  sucre  qu'ils  emploient  agit  comme 
désoxydant. 

Certaines  espèces  de  thé  vert  ne  doivent  leur 
belle  couleur  qu'à  la  présence  du  carbonate  de 
cuivre,  qui  est  un  poison.  Le  vert  de  Schecle  et  le 
vert  de  Schweinfurt,  qui  sont  également  toxiques, 
entrent  souvent  dans  la  coloration  des  bonbons  et 
quelquefois  dans  celle  des  conserves. 


Le  sulfate  de  cuivre  a  trop  souvent  servi  à  voi- 
ler l'aspect  anormal  des  farines  avariées. 

[Alfred  Jacquemart.] 

CULTURE.  —  Agriculture,  l.  —  On  comprend 
sous  le  nom  générique  de  culture  l'ensemble  des 
travaux  par  lesquels  l'homme  tire  du  sol  les  pro- 
duits végétaux  dont  l'obtention  est  le  but  de  l'a- 
griculture. Les  labours,  les  semailles  et  planta- 
tions, les  travaux  de  récolte,  etc.,  sont  autant  d'o- 
pérations de  culture.  Suivant  que  ces  opérations 
ont  pour  but  telle  ou  telle  nature  de  produits,  elles 
forment  un  ensemble  déterminé:  ainsi,  on  dit  cul- 
ture du  blé,  culture  des  arbres  fruitiers,  culture 
des  légumes,  etc. 

A  côté  de  cette  signification  générique,  le  mot 
culture  a  trouvé  plusieurs  autres  applications.  La 
principale  est  celle  dans  laquelle  cette  expres- 
sion est  employée  pour  désigner  l'étendue  relative 
d'une  exploitation  agricole.  Ainsi  on  dit  :  petite 
culture,  moyenne  culture,  grande  culture,  comme 
synonymes  de  petites  exploitations,  exploitations 
d'une  étendue  moyenne,  et  exploitations  d'une 
étendue  considérable.  En  France,  dans  le  langage 
ordinaire,  une  exploitation  appartient  à  la  petite 
culture,  quand  son  étendue  ne  dépasse  pas  20  hec- 
tares ;  jusqu'à  KiO  hectares,  une  exploitation  ap- 
partient à  la  moyenne  culture  ;  au  delà  de  100  hec- 
tares, elle  entre  dans  la  grande  culture.  On  a  beau- 
coup discuté  sur  les  avantages  et  les  inconvénients 
de  la  petite  culture  ;  en  fait,  la  production  du  sol 
a  augmenté  presque  toujours  à  mesure  que  l'étendue 
des  exploitations  est  devenue  plus  restreinte.  Mais 
il  ne  faut  pas  confondre  la  division  de  la  propriété 
avec  le  morcellement  ou  parcellement,  qui  con- 
siste dans  la  division  des  héritages  en  parcelles 
séparées  et  souvent  éloignées  les  unes  des  autres. 
Le  parcellement  ofl're,  au  contraire,  de  graves 
inconvénients  que  la  réforme  de  la  loi  sur  les  par- 
tages pourrait  seule  faire  disparaître. 

On  dit  encore  :  système  de  culture,  pour  dési- 
gner l'ensemble  des  métliodes  adoptées  dans 
l'exploit ition  d'un  domaine.  On  trouve  sur  ce  su- 
jet des  détails  suffisants  aux  mots  Assolements  et 
Exploitations  rurales. 

Les  deux  expressions  culture  intensive  et  cul- 
ture extensive  sont  souvent  employées,  par  oppo- 
sition l'une  à  l'autre.  On  doit  entendre  par 
culture  extensive  celle  qui  se  contente  des  moyens 
d'exploitation  tirés  du  sol  même  du  domaine  et 
de  ses  produits.  La  culture  intensive  est,  au  con- 
traire, celle  qui,  pour  entretenir  et.  accroître  la 
production  du  sol,  a  recours  aux  engrais  commer- 
ciaux. Cette  ligne  de  démarcation  est  la  seule  qui 
puisse  logiquement  séparer  ces  deux  systèmes 
d'exploitation. 

Le  mot  cidture  entre  dans  la  composition  de 
mots  qui  désignent  les  différentes  branches  de 
l'exploitation  du  sol.  Ainsi  :  agriculture,  ou  culture 
des  champs  ;  arboriculture  ou  culture  des  arbres  ; 
horticulture  ou  culture  des  jardins  ;  praticulture, 
ou  culture  des  prairies  ;  sylviculture,  ou  culture 
des  forêts  ;  sériciculture,  ou  exploitation  des  vers 
à  soie;  viticulture,  ou  culture  de  la  vigne,  etc. 

[Henry  Sagnier.] 

CULTURE  (Instruments  de).  —  V.  Instruments 
aratoires. 

CUNÉIFORME  (Écriture).  —  Histoire  générale, 
n.  —  (Etym.  :  en  forme  de  com.)  On  devrait  plutôt 
dire  en  forme  de  clou,  d'après  l'aspect  général  du 
principal  élément  T  qui  entre  dans  la  composition 
de  cette  écriture.  Les  Anglais  ont  parfois  substitué 
à  l'épithète  cunéiforme  ou  cunéatique,  employée 
d'ordinaire,  l'épithète  arrow-headed  (à  tête  de  flè- 
che),  qui  n'a  pas  été  adoptée  dans  l'usage  commun. 

L'écriture  cunéiforme  se  compose  actuellement 
de  trois  éléments,  dont  la  combinaison  donne  nais- 
sance  à  une   foule    innombrable  de   caractères  :; 


CUNÉIFORME 


—  550  — 


CUNEIFORME 


1*  le  coin,  T,  occupant  toute  la  hauteur  de  la  ligne 
ou  T,  n'occupant  que  la  moitié  ou  le  tiers  de  la 
hauteur  de  la  ligne  :  il  se  rencontre  couche  hori- 
zontalement fc—  ►■,  et  quelquefois,  incliné  selon  la 
diagonale,  pointe  en  haut  ^^  ou  pointe  en  bas  ^^ — 
2°  <;^,  formé  de  deux  coins  reliés  par  le  sommet  et 
formant  un  angle  obtus;  3»  le  triangle  ^,  qui  ne 
se  rencontre  qu'en  relation  avec  le  coin  ordinaire  TÇr, 
ou  répété  trois  fois  ^.  Tous  les  signes  de  l'écri- 
ture cunéiforme  dérivent  de  la  multiplication  et 
de  la  combinaison  de  ces  trois  signes  :  |y,  composé 
du  coin  vertical  trois  fois  répété  sous  ses  trois 
formes  différentes,  répond  à  la  lettre  a,  par  exem- 
ple ;  Tjr  à  la  syllabe  sha,  etc.  Gravés  sur  la  pierre 
ou  sur  le  métal  dans  les  inscriptions  de  bon  style, 
les  caractères  ont  toujours  la  forme  du  coin,  ou 
des  formes  s'en  rapprochant.  Dans  les  inscriptions 
cursives  tracées  à  la  pointe,  le  coin  est  remplacé 
par  une  simple  ligne  partout  identique  en  lar- 
geur :4i41-  P°"'"  ►^^^^i  ^*'  ^'"^'  ^^  suite.  On  n'a 
jusqu'à  présent  aucun  manuscrit  assyrien  ou  chal- 
déen,  qui  nous  apprenne  quelles  formes  prenaient 
les  caractères,  quand  on  les  traçait,  à  l'encre,  sur 
du  papyrus  ou  sur  du  parchemin. 

Au  début,  les  signes  étaient  de  véritables 
dessins,  représentant  l'objet  exprimé.  Ainsi  l'é- 
toile ^  à  huit  branches  figurait  d'abord  Vétoile, 
puis  l'idée  de  dieu.  L'ignorance  des  dessinateurs 
fit  bientôt  perdre  à  ces  objets  leur  forme  première, 
et  substitua  aux  traits  du  dessin  régulier  des  traits 
qui  rappelaient  vaguement  la  forme  primitive  de 

l'objet  :  ■'^-  pour  l'étoile.  Les  signes,  ainsi  mo- 
difiés, subirent  peu  à  peu  un  travail  de  simplifica- 
tion qui  en  dénatura  entièrement  l'aspect:  l'étoile 
devint  >->4^  ►•—T.  En  fait,  les  caractères  de  l'écri- 
ture cunéiforme,  tels  que  nous  les  rencontrons  dans 
l'usage  courant,  ne  sont  plus  que  de  véritables  pa- 
quets de  clous,  disposés  pour  la  plus  grande  com- 
modité de  l'écrivain  ou  du  graveur,  et  do  telle  ma- 
nière qu'il  est  presque  toujours  impossible  d'en 
reconnaître  la  distribution  primitive. 

L'écriture  cunéiforme  n'est  pas  d'origine  sé- 
mitique. Elle  paraît  avoir  été  inventée  par  le 
peuple  de  race  inconnue  qu'on  appelle  tantôt 
Soumir,  tantôt  Akkad  (V.  Chaldée).  Elle  servit 
d'abord  à  écrire  la  langue  de  ce  peuple,  laquelle, 
déjà  hors  d'usage  vers  le  xx"  siècle  avant  notre 
ère,  continua  de  servir  de  langue  liturgique  en 
Chaldée  jusque  vers  l'époque  gréco-romaine.  Elle 
se  compose  en  partie  de  syllabes,  en  partie  d'idéo- 
grammes, mais  présente  cette  particularité  que 
chaque  signe  est  polyphone,  en  d'autres  termes, 
sert  à  rendre  plusieurs  sons.  Ainsi  [^  se  lisait  a, 
comme  lettre,  puis  comme  idéogramme  77ïou,  se 
mettait  devant  les  noms  de  canaux,  répondait  aux 
idées  à' eau  et  de  fils.  Cette  variété  de  sons,  de 
sens  et  d'emplois,  était  une  des  difficultés  de  la 
lecture  des  textes  écrits  en  caractères  cunéiformes  ; 
elle  ne  produisait  pas  cependant  autant  de  confu- 
sion qu'on  pourrait  croire.  Le  contexte  des  signes 
voisins  montrait  aux  Chaldéens  instruits,  et  montre 
aux  assyriologues,  si  le  signe  était  pris  dans  sa  va- 
leur alphabétique  ou  dans  une  de  ses  valeurs  idéo- 
graphiques :  le  sens  des  mots  voisins  indiquait 
presque  toujours,  d'une  manière  évidente,  laquelle 
des  valeurs  idéographiques  était  nécessaire  au  dé- 
veloppement de  la  phrase. 

Les  peuples  de  langue  sémitique  qui  adoptr-rent 
le  système  cunéiforme  le  compliquèrenl  de  valeurs 
nouvelles  empruntées  aux  mots  de  leur  langue. 
L  étoile  »^-|-  signifiant  Lieu,  avait,  dans  la  langue 


première,  la  prononciation  a?i,  dimer,  dingir,  ré- 
pondant aux  idées  de  dieu  et  de  ciel.  Dans  la  lan- 
gue sémitique,  dieu  se  dit  ilou  ;  le  ciel,  shamoû, 
shami;  l'cioi/e,  knkkabou:  ces  valeurs  ilou,  xhnmi^ 
kakkabou,  vinrent  s'ajouter  aux  valeurs  an,  dimer, 
dingir,  qui  existaient  déjà.  De  plus,  le  Sémite  qui, 
voyant  *— {-  dans  le  sens  de  Dieu,  le  lisait  ilou, 
garda  à  ce  signe  la  valeur  an  lorsqu'il  s'agit 
d'écrire  des  mots  de  sa  langue  qui  renfermaient 
la  syllabe  an  :  llshanou,  la  langue,  put  s'écrire 
>^TTT  x^  ►►—I  >y^  li-sha-kn-nou,  et  ainsi  de 
suite  pour  tous  les  signes.  Les  idéogrammes  d'em- 
ploi courant  gardèrent  leur  valeur  idéographique, 
mais  substituèrent  aux  prononciations  anciennes 
des  prononciations  sémitiques  :  |^  garda  la  valeur 
de  fils,  mais  se  prononça  haba.1  dans  les  textes 
sémitiques.  Les  colonies  chaldéennes  qui  fon- 
dèrent Ninive  (V.  Assyrie),  emportèrent  avec 
elles  le  système  ainsi  modifié,  et  le  conservèrent 
presque  intact  jusqu'à  la  fin  de  l'empire  assyrien. 
Les  seules  différences  qu'on  ait  notées  jusqu'à 
présent  entre  les  caractères  ninivites  et  les  ca- 
ractères babyloniens  sont  de  simples  différences 
d'agencement  dans  la  répartition  des  clous  qui 
forment  chaque  caractère,  et  sont  assez  insigni- 
fiantes pour  ne  créer  aucune  difficulté  de  lec- 
ture. 

De  Babylone  d'abord,  puis  de  Ninive,  le  système 
d'écriture  cunéiforme  se  répandit  chez  les  peu- 
ples voisins.  Les  Elamites  (V.  Elam)  furent  les 
premiers  à  l'adopter.  Leur  langue  paraît  n'être 
qu'un  dialecte  de  la  langue  parlée  par  les  inven- 
teurs de  l'écriture  cunéiforme  :  aussi  le  syllabaire 
est-il  à  peu  près  le  même.  Quelques-unes  des 
inscriptions  trouvées  à  Suse  pourraient  bien  re- 
monter jusqu'au  xxii"  ou  xxiii'  siècle  avant  notre 
ère.  Vers  le  viii'  siècle  avant  notre  ère,  les  Armé- 
niens empruntèrent  le  système  ninivite,  qu'ils 
adaptèrent  à  leur  langue  en  le  modifiant  lé- 
gèrement. Nous  avons  des  inscriptions  de  plu- 
sieurs de  leurs  rois  dont  on  comprend  le  sens, 
grâce  aux  idéogrammes  qui  sont  les  mêmes  que 
dans  l'assyrien,  mais  sans  pouvoir  toujours  lire 
les  mots.  Un  peu  plus  tard,  les  peuples  non  aryens 
de  Médie,  qui  parlaient  un  langage  apparenté  à 
celui  de  l'Elam,  firent  un  emprunt  analogue  à  l'As- 
syrie. Malheureusement,  les  seules  inscriptions 
que  nous  ayons  en  leur  langue  datent  de  l'époque 
perse. 

Elamites,  Arméniens,  Mèdes  avaient  conservé 
assez  fidèlement  les  procédés  et  les  valeurs  attri- 
buées aux  signes  par  les  premiers  inventeurs: 
les  Perses  modifièrent  profondément  le  système 
pour  l'adapter  aux  exigences  des  dialectes  aryens. 
Ils  négligèrent  tous  les  idéogrammes,  sauf  un  ou 
deux,  prirent,  parmi  les  syllabiques,  un  très 
petit  nombre  de  signes,  auxquels  ils  attribuè- 
rent une  valeur  fixe  de  syllabe,  ou  même  de  lettre 
simple,  et  arrivèrent  à  composer  une  écriture  com- 
plètement différente  de  l'écriture  dont  elle  est 
dérivée.  Peut-être  faut-il  rattacher  ciicore  aux 
écritures  cunéiformes  l'écriture  chypriote,  mais 
c'est  un  point  qui  n'est  pas  encore  suffisamment 
démontré. 

L'usage  de  chacun  des  systèmes  d'écriture  cu- 
néiforme disparut  avec  la  puissance  politique 
ou  la  prospérité  commerciale  du  peuple  qui 
s'en  était  servi.  Après  le  vi'  siècle  on  ne  trouve 
plus  d'inscriptions  ninivites,  ni  d'inscriptions 
arméniaques  ;  après  le  iV,  plus  d'inscriptions  mé- 
diques  et  elamites,  et  seulement  quelques  rares 
inscriptions  persanes  ;  après  le  ii»  siècle  de  notre 
ère,  plus  d'inscriptions  chaldéennes.  Longtemps 
avant  l'invasion  arabe,  on  peut  dire  que  les  systè- 
mes d'écritures  cunéiformes  avaient  cessé  dôtre 
I  employés.    Ils  restèrent  inconnus  jusque  vers  la 


CYANOGENE 


551  — 


CYANOGÈNE 


fin  du  x\T  siècle,  époque  à  laquelle  le  voyageur 
italien  Pietro  délia  Valle  en  rapporta  quelques 
spécimens  en  Europe.  C'est  en  1801  que  le 
savant  allemand  Grotefend  commença  le  déchif- 
frement par  le  système  perse,  le  plus  simple  de 
tous.  Moins  de  cinquante  ans  plus  tard,  l'étude 
des  inscriptions  trilingues  de  Bisoutoun,  rédigées 
en  persan,  en  médique  et  en  babylonien,  donna  à 
MM.  Oppert  et  Rawlinson  la  clef  des  systèmes 
chaldéens  etmédiques.  En  moins  de  trente  années 
le  déchiffrement  a  fait  des  progrès  considérables. 
On  ne  peut  pas  encore  affirmer  que  tous  les  textes 
connus  jusqu'à  présent  soient  aisés  à  lire.  Les 
textes  religieux  sont  remplis  de  difficultés  qu'on 
n'a  pas  toutes  surmontées  :  mais  les  textes  histo- 
riques, sauf  quelques  passages,  peuvent  être  tra- 
duits couramment  par  les  trop  rares  savants  qui 
s'occupent  de  leur  étude.  [G.  Maspero.] 

CYAIVOGÈ>'E.  CYANURES.  —  Chimie,  XV.  — 
En  1814,  lillustre  chimiste  français  Gay-Lussac, 
en  étudiant  la  composition  du  bleu  de  Prusse, 
découvrit  un  gaz  incolore,  d'une  odeur  de  kirsch, 
composé  de  carbone  et  d"azote,  C^Az,  qu'il  fut 
amené  à  considérer  comme  un  radical  composé, 
jouant  dans  les  combinaisons  métalliques  où  il 
entre  le  même  rôle  que  les  corps  simples  de  la 
famille  du  chlore  :  l'iode,  le  brome,  le  fluor.  C'é- 
tait là  une  importante  découverte,  car  pour  la  pre- 
mière fois  on  considérait  une  molécule  composée 
se  combinant  aux  métaux  comme  un  corps  simple 
et  pouvant  être  séparée  de  ses  combinaisons  sans 
se  détruire.  C'était  en  germe  la  théorie  des  radi- 
caux organiques  qui,  trente  ans  plus  tard,  devait 
porter  tant  de  lumière  dans  les  réactions  com- 
plexes que  présentent  les  composés  organiques 
(V.  Chimie  organique).  Cette  découverte  rendait 
compte  de  la  composition  de  l'acide  prussique, 
de  celle  du  prussiate  de  potasse,  et  enfin  de  celle 
du  bleu  de  Prusse,  découvert  un  siècle  plus  tôt  par 
Diesbach  de  Berlin.  Gay-Lussac,  considérant  le 
nouveau  corps  comme  le  radical  de  ces  composés, 
l'appela  cyanogène,  de  kyanos,  bleu,  et  de  gennuô, 
j'engendre,  au  lieu  de  l'appeler^  conformément  à  la 
nomenclature,  un  carbure  d'azote. 

Propriétés  du  cyanogène.  —  Le  cyanogène  est  un 
gaz  incolore  qui  se  liquéfie  à  —  25°  au-dessous  de  0°;  il 
se  solidifie  à  — 34°.  Sa  densité  est  1 .8, c'est-à-dire  t)ue, 
dans  les  mêmes  conditions  que  l'air,  il  pèse  1.8  fois 
plus  à  volume  égal.  Un  litre  de  cyanogène  renferme 
1  litre  d'azote  et  1  litre  de  vapeur  de  carbone.  Il 
a  une  odeur  pénétrante  qui  rappelle  celle  de  l'a- 
cide prussique  et  des  amandes  amères.  Il  brûle 
avec  une  flamme  purpurine  très  jolie  et  caracté- 
ristique. Il  est  délétère,  mais  à  un  degré  beau- 
coup moindre  que  l'acide  prussique.  Un  litre  d'eau 
peut  dissoudre  4  à  5  litres  de  cyanogène.  Cette 
dissolution  se  décompose  au  bout  de  quelques 
jours  en  donnant  par  évaporation  un  dépôt  brun 
contenant  de  l'urée,  du  carbonate,  du  cyanhydrate 
et  de  l'oxalate  d'ammoniaque  ;  la  lumière  favorise 
cette  décomposition.  L'alcool  dissout  20  à  30  fo»s 
son  volume  de  cyanogène. 

Le  cyanogène  peut  se  combiner  directement  au 
potassium  en  donnant  du  cyanure  de  potassium. 
Préparation  du  cyanogèyie  et  circonstances  dans 
lesquelles  il  se  produit.  —  Gay-Lussac  l'a  obtenu 
pur  en  décomposant  par  la  chaleur  le  prussiate  ou 
cyanure  de  mercure.  C'est  encore  comme  cela 
qu'on  le  prépare  dans  les  laboratoires.  L'opération 
se  fait  dans  une  petite  cornue  de  verre  portant  un 
tube  qui  par  l'une  de  ses  extrémités  plonge  dans 
la  cuve  à  mercure  ;  on  chauflTe  à  la  lampe  à  al- 
cool. 

Le  sel  se  décompose  en  cyanogène  et  en  mercure 
qui  se  condense  en  gouttelettes  sur  les  parois.  On 
trouve  au  fond  de  la  cornue  une  substance  noire 
charbonneuse  qu'on  a  appe\ée paracyanogène,  parce 
que  l'analyse  chimique  lui  a  trouvé  la  même  com- 


position qu'au  cyanogène.  Le  cyanogène  ne  se 
rencontre  pas  dans  la  nature,  mais  on  le  trouve, 
paraît-il,  dans  le  gaz  qui  se  dégage  des  hauts- 
fourneaux  ;  il  prend  naissance  dans  l'action  de 
l'air  à  chaud  sur  un  mélange  de  charbon  et  d'al- 
cali ;  enfin  il  se  rencontre  dans  les  produits  de  la 
distillation  sèche  de  l'oxalate  d'ammoniaque. 

Combinaisons  du  cyanogène  avec  l'oxygène.  — 
Le  cyanogène,  en  se  combinant  à  l'oxygène,  forme 
quatre  acides  qu'on  peut  considérer  comme  des 
corps  isomères  (V.  Chimie  organique)  :  ce  sont 
l'acide  cyanique,  l'acide  fulminique,  l'acide  cyanu- 
rique,  et  l'acide  cyanylique. 

Le  premier  s'obtient  en  condensant  par  let 
froid  les  produits  de  la  distillation  de  Yurée  ;  c'es  à 
un  liquide  incolore,  d'une  odeur  vive  analogue 
celle  de  l'acide  acétique;  il  irrite  les  yeux;  une 
goutte  sur  la  peau  y  produit  une  brûlure.  Il  forme 
des  cyanates  avec  l'oxyde  d'argent,  l'ammoniaque. 

L'acide  fulminique  existe  en  combinaison  a  vec 
l'oxyde  de  mercure  dans  le  sel  détonant  appelé 
fulminate  de  mercure,  qui  sert  à  la  fabrication  des 
amorces.  C'est  un  sel  très  dangereux  qui  détone 
par  le  choc  (explosion  terrible  de  la  rue  Béran- 
ger,  1878). 

Nous  ne  dirons  rien  ici  des  deux  autres  acides. 

Acide  cyanhydrique  ou  prussique.  —  L'acide 
prussique  a  été  découvert  en  1780  par  Scheele, 
chimiste  suédois,  le  contemporain  et  presque  l'é- 
gal de  Lavoisier  ;  c'est  la  seule  combinaison  du 
cyanogène  avec  l'hydrogène.  Par  ses  propriétés 
chimiques,  cet  acide  se  rapproche  des  acides  chlor- 
hydrique,  iodhydrique,  bromhydrique,  fluorhy- 
drique. 

Son  nom  lui  fut  donné  par  Scheele  parce  qu'il 
l'obtint  pour  la  première  fois  en  traitant  le  bleu 
de  Prusse  par  l'acide  sulfurique. 

On  a  pensé  que  cet  acide  était  connu  des  prêtres 
de  l'ancienne  Egypte,  qui  s'en  servaient  pour  em- 
poisonner ceux  qui  révélaient  les  secrets  de  l'art 
sacré . 

L'acide  cyanhydrique  existe  dans  le  pêcher,  l'a- 
mandier, le  laurier-cerise,  le  cerisier  ;  c'est  lui  qui 
donne  son  odeur  au  kirsch,  ainsi  qu'aux  noyaux 
des  fruits  d'un  grand  nombre  de  rosacées.  Il  prend 
naissance  dans  l'action  des  acides  sur  les  prus- 
siates. 

Propriétés  de  l'acide  prussique  ou  cyanhydrique. 
—  Cet  acide  constitue  à  la  température  ordinaire  un 
liquide  incolore,  très  volatil,  d'une  odeur  d'amandes 
amères,  rougissant  faiblement  le  tournesol  ;  sa  den- 
sité est  0.7  ;  il  brûle  facilement  avec  une  flamme 
pâle  ;  le  résultat  de  la  combustion  est  de  l'eau  et 
de  l'acide  carbonique.  Il  est  soluble  dans  l'eau  ;  cette 
dissolution  se  décompose  rapidement  en  donnant 
naissance  à  de  l'ammoniaque.  Il  en  est  de  même 
de  l'acide  pur,  mais  cependant  sa  décomposition 
est  plus  lente.  L'acide  liquide  pur  est  extrême- 
ment volatil  ;  si  on  en  évapore  quelques  gouttes 
sur  une  feuille  de  papier,  une  portion  se  solidifie 
par  suite  du  froid  produit.  L'acide  cyanhydrique 
donne  dans  les  sels  d'argent  un  précipité  blane 
soluble  dans  l'ammoniaque. 

Si  on  chaufi'e  dans  un  verre  de  montre  quelques 
gouttes  d'une  solution  étendue  d'acide  prussique 
avec  une  goutte  de  sulfhydrate  d'ammoniaque,  et 
qu'on  y  ajoute  une  goutte  de  perchlorure  de  fer, 
on  obtient  une  coloration  rouge-sang  (VVurtz). 

En  médecine  on  l'emploie  à  l'état  de  dissolution 
dans  l'eau  comme  antispasmodique.  C'est  le  plus 
violent  poison  que  l'on  connaisse. 

Préparation.  —  C'est  Gay-Lussac  qui  a  indiqué 
cette  préparation.  Il  est  prudent  de  le  préparer  à 
l'air  ou  bien  dans  une  salle  aérée  et  vaste.  On 
l'obtient  en  chauffant  doucement  du  cyanure  de 
mercure  et  de  l'acide  chlorhydrique;  les  vapeurs 
doivent  pas'-er  dans  un  tube  rempli  de  morceaux  de 
craie  qui  retiennent  les  vapeurs  d'acide  chlorhydri- 


DANEMARK  —  5; 

que  ;  l'acide  cyanliydrique  va  de  !à  se  condenser 
dans  un  ballon  refroidi. 

On  peut  aussi  l'obtenir  impur  en  distillant  un 
mélange  de  10  parties  de  ferrocyanure  de  po- 
tassium et  de  1  d'acide  sulfurique.  C'est  avec  de 
l'acide  prussique  ainsi  préparé  que  Troppmann, 
de  sinistre  mémoire,  empoisonna  en  186'J  le  chef 
de  l'infortunée  famille  Kink.  L'acide  conserve 
dans  ce  cas  des  traces  de  ferrocyanure  qui  per- 
sistent dans  le  cadavre,  et  peuvent  servir  h 
constater  l'empoisonnement  longtemps  après  la 
disparition  de  l'acide  prussique  lui-même. 

Action  de  V acide  cyanhydriqiie  sur  /'organisme. 
—  C'est  le  plus  rapide  de  tous  les  poisons.  Il  tue 
instantanément,  soit  qu'on  en  place  une  goutte 
sur  la  langue,  sur  la  muqueuse  des  paupières  ou 
qu'on  le  fasse  respirer  en  petite  quantité.  Si  la 
dose  a  été  assez  faible  pour  que  l'animal  ne 
tombe  pas  comme  foudroyé,  il  se  déclare  alors  des 
accès  de  tétanos  suivis  d'une  prostration  complète; 
l'haleine  répand  une  odeur  d'acide  prussique,  la 
respiration  est  difficile  et  convulsive  ;  le  pouls  est 
intermittent.  La  mort  arrive  au  bout  d'une  heure 
au  plus. 

Comme  contre-poisons,  on  administre  du  chlore, 
de  l'ammoniaque,  et  on  fait  des  aflfusions  d'eau 
froide  sur  la  tète  et  le  long  de  la  colonne  verté- 
brale. La  plupart  des  auteurs  mettent  en  doute 
l'efficacité  de  tous  les  moyens  employés  jusqu'à 
ce  jour.  Nous  nous  permettrons  cependant  de  dire 
ici  que  nous  avons  h  deux  reprises  différentes 
guéri  complètement  en  quelques  heures  deux  la- 
pins qui  avaient  été  foudroyés  par  une  injection 
d'acide  prussique  sous  les  paupières,  et  cela  en 
leur  faisant  respirer  une  dissolution  aqueuse  con- 
centrée de  chlore;  au  bout  d'une  heure  l'animal  se 
promenait,  mangeait,  tout  en  ayant  encore  l'ar- 
rière-train  en  partie  paralysé  ;  après  quatre  heures 
il  était  en  parfaite  santé. 

Cyanure  de  potassium.  —  C'est  un  sel  blanc 
qui  cristallise  en  cube  ;  il  est  caustique  et  possède 
un  goût  d'amandes  amères.  11  est  très  soluble 
dans  l'eau  et  l'est  peu  dans  l'alcool.  Sa  solution 
dissout  le  cyanure  d'argent  :  c'est  cette  propriété 
qui  le  fait  employer  en  photographie.  C'est  un 
poison  très  énergique  ;  on  l'emploie  en  médecine,  à 
très  petite  dose. 

Préparation.  —  Pour  obtenir  le  cyanure  de  po- 
tassium, on  chauffe  au  rouge  du  prussiate  de 
potasse  desséché  (cyanure  ou  prussiate  jaune  du 
commerce).  Après  le  refroidissement,  on  traite  la 
masse  noire  par  l'alcool  bouillant  qui  dissout  le 
cyanure  ;  on  évapore  dans  le  vide,  et  on  obtient 
une  masse  blanche  cristalline  do  cyanure  de  po- 
tassium. On  l'obtient  pliM>  économiquement  en 
chauffant  au  rougo  dans  un  creuset  de  fer  un  mé- 
lange de  ferrocyanure  de  potassium  et  de  carbo- 
nate de  potasse  sec  (Wurtz).  Ce  procédé  est  em- 
ployé en  Angleterre. 

Cyanure  de  mercure.  —  On  l'obtient  en  faisant 
bouillir  un  mélange  de  sulfate  do  bioxyde  de  mer- 
cure  et    de  ferrocyanure  de  potassium.  C'est  un 


2  —  DARWINISME 

beau  sel  cristallisé  d'une  saveur  métallique  et 
nauséabonde;  il  est  très  vénéneux.  Il  sert  à  pré- 
parer le  cyanogène  et  l'acide  prussique. 

Ferrocyanure  de  potassium.  —  Ce  sel,  qui 
est  un  cyanure  double  de  potassium  et  de  fer 
(Cy3Fe,K^),  s'appelle  aussi  pi-ussiate  jaune  de  po- 
tasse ;  on  le  rencontre  dans  l'industrie  sous  forme 
de  beaux  gros  cristaux  jaune-citron;  ce  sont  des 
octaèdres  à  base  carrée;  le  sel  est  blanc  quand 
on  le  débarrasse  de  son  eau  par  la  clialeur.  Il  se 
dissout  dans  4  parties  d'eau  froide.  Chauffé  avec 
de  l'acide  sulfurique,  il  donne  de  l'acide  prussique, 
et  laisse  un  résidu  bleu-clair.  Avec  les  sels  de  pro- 
toxyde  de  fer,  il  donne  un  précipite  blanc  bleuâ- 
tre qui  se  fonce  à  l'air,  et  avec  les  sels  à  base  de 
sesquioxyde  il  forme  un  produit  bleu  foncé  carac- 
téristique qui  est  le  bleu  de  Prusse. 

Le  lerrocyanure  do  potassium  se  prépare  en 
grand  dans  l'industrie.  On  l'obtient  eu  calcinant 
en  vase  clos  du  sang,  de  la  corne  ou  des  débris  de 
peau  avec  du  carbonate  de  potasse  et  do  la  limaille 
do  fer;  après  le  refroidissement,  on  traite  la  masse 
par  l'eau  bouillante  et  on  laisse  évaporer. 

Bleu  de  Prusse.  —  La  découverte  de  cette  ricne 
matière  tinctoriale  est  due  à  Dicsbach  de  Berlin  : 
j  elle  remonte  au  commencement  du  xviii^  siècle, 
et  a  été  le  point  de'  départ  de  celle  des  substances 
que  nous  venons  de  passer  en  revue  et  de  toutes 
celles  qu'on  considère  comme  contenant  le  radical 
cyanogène.  C'est  Scheele  qui  fit  voir  que  le  bleu 
de  Prusse  contenait  une  «  matière  subtile  tincto- 
riale »,  l'acide  prussique.  Conformément  à  sa  con- 
stitution, le  bleu  de  Prusse  doit  être  appelé  un 
ferrocyanure  de  fer  (Cy3Fey',Fe*. 

On  l'obtient  à  l'état  de  précipité  bleu  foncé,  en 
versantune  dissolution  de  prussiate  jaune  dans  un  sel 
de  sesquioxyde  de  fer.  Dans  lindustrie,  on  emploie- 
le  sulfate  de  p'rotoxyde  de  fer,  et  on  a  un  préci- 
pité qui  ne  devient  bleu  de  Prusse  que  quand  on  l'a 
traité  par  l'acide  chlorhydrique,  qui  dissout  la  po- 
tasse, et  par  le  chlc/rure  de  chaux,  qui  fait  passer 
le  fer  de  l'état  deprotoxyde  à  l'état  de  sesquioxyde. 

Le  bleu  de  Prusse  du  commerce  se  présente  en 
gros  morceaux  cubiques  à  reflets  cuivrés.  Calciné 
à  l'air,  il  laisse  un  résidu  de  protoxyde  de  fer.  Il 
est  insoluble,  si  ce  n'est  dans  l'acide  oxalique 
(acide  des  oseilles).  [Alfred  Jacquemart. 1 

CYCADÉES.  —  Botanique,  XV.  —  Famille  de 
plantes  dicotylédones  gymnospermes,  diclines,  voi- 
sines des  conifères,  et  rappelant  par  leur  port  les 
palmiers  et  les  fougères  arborescentes.  Le  genre 
type  est  le  genre  Cycas,  dont  les  espèces  les  plus 
remarquables  sont  le  C.  circinalis,  de  la  Chine  et 
des  Moluques,  qui  a  l'aspect  du  palmier,  et  dont 
les  feuilles  pennées  ont  plus  d'un  mètre  de  long; 
et  le  C.  revoluta  du  Japon,  dont  les  feuilles  res- 
tent roulées  à  leur  sommet  en  forme   de  crosse. 

A  l'époque  carbonifère  et  à  l'époque  jurassique 
les  cycadées  comptaient  de  nombreux  représen- 
tants (V.  Végétal,  pp.  2275  et  T2Hj]. 

CVLl^DUi;.  —  V.  Corps  ronds. 


D 


DANEMARK.  — V.  Scandinaves  [États) 
I)ARVVI?<1S3IE.  —  Botanique,  I,  XXX  ;  Géolo- 
gie, IX;  Zoologie,  III.  — Théorie  de  Darwin  sur  l'o- 
rigine des  espèces.  Ce  système  scientifique,  fondé 
par  le  savant  anglais  Darwin^  n'est  qu'une  branche, 
une  variante  du  transformisme* imaginé  par  La- 
marck.  11  peut  se  définir  ainsi  :  «  La  sélection 
naturelle  par  la  lutte  pour  l'existence,  appliquée 
au  transformisme  de  Lamarck.  »  Prenant  comme 
point  de   départ  la  théorie  transformiste,  qui  fait 


remonter  l'origine  des  êtres,  y  compris  bien 
entendu  la  race  humaine,  à  un  petit  nombre  de 
germes  primordiaux  ou  tJiotiades,  venus  par  géné- 
ration spontanée,  Darwin  donne  pour  cause  i\  la 
transformation  et  à  la  variabilité  des  espèces  la 
supériorité  que  procure  h  un  individu  un  avantage 
quelconque  dans  la  lutte  quotidienne.  De  même 
que  par  la  sélection  artificielle  les  hommes  par- 
viennent à  modifier  et  à  perfectionner  les  végétaux 
ou  les  animaux  domestiques,  de  même  les  hùsards 


DARWINISME  —  ' 

de  la  concurrence  vitale,  reportés  sur  une  période 
d'une  durée  indéterminée,  c'est-à-dire  la  sélection 
naturelle,  produisent  des  effets  identiques  sur  les 
êtres.  Par  exemple,  deux  individus  d'une  môme 
espèce  ou  d'une  même  famille  ne  se  ressemblent 
pas  absolument,  ils  diffèrent,  soit  par  des  caractères 
sans  valeur^  ou  par  des  caractères  qui  leur  donnent 
un  avantage  dans  la  lutte  avec  ceux  dont  les  besoins 
sont  les  mêmes,  ou  vis-à-vis  des  conditions  de 
milieux  et  de  subsistances  de  toutes  sortes.  L'ani- 
mal qui  a  une  couleur  protectrice,  c'est-à-dire 
semblable  au  terrain  sur  lequel  il  fuit,  échappera 
mieux  à  la  dent  de  ses  ennemis.  L'animal  à  la 
fourrure  plus  épaisse  sera  favorisé  aux  pôles,  celui 
à  la  peau  glabre  à  l'équateur.  Par  conséquent,  tout 
avantage  acquis  dès  la  naissance,  et  par  cela  même 
plus  facilement  transmissible,  met  l'individu  dans 
des  conditions  meilleures  de  résistance  aux  causes 
de  destruction  et  de  stérilité.  Il  s'ensuit  que  cer- 
tains individus  seront  comme  triés,  choisis,  par  un 
procédé  naturel  qui  remplace  l'action  de  l'homme 
dans  la  sélection  artificielle  ;  et  que,  précisément, 
ces  individus  seront  ceux  qui  s'écartent  le  plus  des 
autres  par  quelque  caractère  nouveau.  Le  fait  se 
répétant  pendant  plusieurs  générations,  les  diver- 
gences s'accentuent,  la  tendance  à  l'hérédité 
augmente  et  des  types  se  forment  de  plus  en  plus 
éloignés  du  point  de  départ.  Il  en  résulte  aussi 
que,  partout  où  se  montrera  un  ensemble  de 
conditions  permettant  à  une  divergence  de  se  dé- 
velopper sans  être  étouffée  par  des  divergences 
rivales,  il  y  aura  une  place  à  prendre  dans  la  série 
des  êtres  et  la  possibilité  de  la  formation  d'une 
espèce  zoologique  pour  l'occuper.  L'une  des  diffé- 
rences entre  la  sélection  artificielle  et  la  sélection 
naturelle  est  dans  le  temps  qu'elles  demandent 
pour  confirmer  une  transformation.  Dans  la  pre- 
mière, rien  n'est  laissé  au  hasard,  les  choses  vont 
vite,  mais  aussi  les  types  sont  mal  fixés  et  re- 
viennent aisément  au  type  primitif;  dans  la  se- 
conde, c'est  par  siècles  qu'il  faut  compter,  le  hasard 
intervenant  aussi  bien  pour  détruire  ce  qui  est 
commencé  que  pour  le  compléter;  en  revanche  les 
résultats  une  fois  obtenus  sont  plus  stables. 

Telle  est  l'idée  fondamentale  de  la  théorie  darwi- 
nienne. Nous  nous  bornons  ici  à  l'exposer  sans  la 
discuter;  nous  exposerons  à  l'article  Espèces  les 
doctrines  qui  lui  ont  été  opposées. 

Extrait.  «  Je  crois  que  tous  les  animaux 
descendent  de  quatre  ou  cinq  formes  primitives 
tout  au  plus,  et  toutes  les  plantes  d'un  nombre  ! 
égal  ou  même  moindre.  L'analogie  me  conduirait  ' 
à  faire  un  pas  de  plus,  et  je  serais  disposé  h  croire 
que  tous  les  animaux  et  toutes  les  plantes  descen- 
dent d'un  prototype  unique,  mais  l'analogie  peut  être 
un  guide  trompeur.  Toutefois  toutes  les  formes  de 
la  vie  ont  beaucoup  de  caractères  communs  :  la 
composition  chimique,  la  structure  cellulaire,  les 
lois  de  croissance  et  la  faculté  qu'elles  ont  d'être 
affectées  par  certaines  influences  nuisibles.  Cette 
susceptibiUté  se  remarque  jusque  dans  les  faits 
les  plus  insignifiants;  ainsi  un  même  poison' affecte 
souvent  de  la  même  manière  les  plantes  et  les 
animaux.  La  reproduction  sexuelle  semble  être 
essentiellement  semblable  chez  tous  les  êtres 
organisés,  sauf  peut-être  chez  quelques-uns   des 

plus  infimes 

«  Il  est  intéressant  de  contempler  un  rivage 
luxuriant,  tapissé  de  nombreuses  plantes  appar- 
tenant à  de  nombreuses  espèces,  abritant  des  oi- 
seaux qui  chantent  dans  les  buissons,  des  insectes 
variés  qui  voltigent  çà  et  là,  des  vers  qui  rampent 
dans  la  terre  humide,  si  l'on  songe  que  ces  formes 
si  admirablement  construites,  si  différemment 
conformées,  ont  toutes  été  produites  par  des  lois 
qui  agissent  autour  de  nous.  Ces  lois,  prises  dans 
leur  sens  le  plus  large,  sont  :  la  loi  de  croissance 
et  de  reproduction  ;  la  loi  d'hérédité  qu'implique 


53  —  DATES 

presque  la  loi  de  reproduction;  la  loi  de  variabi- 
lité, résultant  de  l'action  directe  et  indirecte  des 
conditions  d'existence,  de  l'usage  et  du  défaut 
d'usage;  la  loi  de  la  multiplication  des  espèces  en 
raison  assez  élevée  pour  amenei  la  lutte  pour 
l'existence,  qui  a  pour  conséquence  la  sélection 
naturelle,  laquelle  détermine  la  divergence  des 
caractères  et  l'extinction  des  formes  moins  perfec- 
tionnées. Le  résultat  direct  de  cette  guerre  de  la 
nature,  qui  se  traduit  par  la  famine  et  par  la  mort, 
est  donc  le  fait  le  plus  admirable  que  nous  puis- 
sions concevoir,  à  savoir,  la  production  des  ani- 
maux supérieurs.  N'y  a-t-il  pas  une  véritable 
grandeur  dans  cette  manière  d'envisager  la  vie, 
avec  ses  puissances  diverses  attribuées  primitive- 
ment par  le  Créateur  à  un  petit  nombre  de  formes, 
ou  même  à  une  seule?  Or,  tandis  que  notre  pla- 
nète, obéissant  à  la  loi  fixe  de  la  gravitation, 
continue  à  tourner  dans  son  orbite,  une  quantité 
infinie  de  belles  et  admirables  formes,  sorties  d'un 
cummencement  si  simple,  n'ont  pas  cessé  de  se 
développer  et  se  développent  encore.  »  (Darwin). 
[Louis  Rousselet.] 

Bibliographie.  —  Ch.  Darwin,  l'Origine  des  Espèces; 
—  De  la  Variation  des  Animaux  et  des  Plantes  sous  l'ac- 
tion de  la  domestication  ; —  La  Descendance  de  l'Homme  et 
la  Sélection  sexuelle;  —  De  la  fécondation  des  Orchidées 
par  les  insectes, 

DATES.  —  Nous  donnons  ci-dessous  le  tableau 
des  principales  dates  qu'il  nous  paraît  utile  de 
faire  figurer  dans  l'enseignement  de  l'histoire 
à  l'école  normale  primaire.  Nous  avons  donné  en 
première  ligne  celles  qu'il  n'est  pas  permis  d'igno- 
rer, c'est-à-dire  celles  des  vingt  ou  trente  grands 
faits  de  l'histoire  universelle  qui  en  caractérisent 
les  principales  périodes.  Nous  y  avons  ajouté  les 
événements  principaux  de  l'histoire  de  France  et 
de  l'histoire  générale,  et  un  certain  nombre  de 
faits  moins  importants,  mais  dont  la  date,  h  cause 
du  groupement  particulier  de  ses  chiffres,  ou  de 
la  bizarrerie  de  quelque  coïncidence  fortuite,  se 
grave  plus  facilement  dans  le  souvenir  et  peut  of- 
frir à  la  mémoire  des  points  de  repère  utiles.  En- 
fin, nous  avons  fait  une  place,  h  côté  des  batailles 
et  des  changements  de  dynastie,  aux  grandes  dé- 
couvertes scientifiques,  aux  événements  littéraires, 
et  aux  inventions  industrielles  les  plus  remar- 
quables. 

HISTOIRE    A^CIE^"^'E 

776  avant  J.-G.  Première  Olympiade. 

7S4.  An  1"  de  Piome  (date  de  la  fondation  de  cette 
ville,  selon  la  tradition  romaine). 

587.  Prise  de  Jérusalem  par  Nabuchodonosor,  roi 
do  Babylone, 

510.  Le  tyran  Hippias  chassé  d'Athènes.  Selon  la 
tradition  romaine,  le  roi  Tarquin  le  Superbe 
est  chassé  de  Rome  cette  même  année. 

490.  Bataille  de  Marathon.  Siège  de  Rome  par 
Coriolan  et  les  Volsques. 

480.  Bataille  de  Salamine. 

450.  Apogée  de  la  puissance  de  Périclès  à  Athè- 
nes. Loi  des  XII  Tables  à  Rome. 

431.  Commencement  de  la  guerre  du  Pélopon- 
nèse. 

404.  Prise  d'Athènes  par  les  Spartiates  et  leurs 
alliés;  fin  de  la  guerre  du  Péloponnèse. 

•390.  Prise  de  Rome  par  les  Gaulois. 

.33G.  Avènement  d'Alexandre  le  Grand. 

333.  Bataille  d'Issus,  entre  Darius  et  Alexandre. 

3l'3.  Mort  d'Alexandre  à  Babylone. 

301.  Bataille  dipsus;  partage  définitif  de  l'empire 
d'Alexandre. 

29».  Fin  des  guerres  samnites.  Rome  est  maîtresse 
de  toute  l'italio  centrale. 

28i».  Pyrrhus  en  Italie.  Bataille  d'Hcraclée.  —  En 
Grèce,  commencement  de  la  ligue  acliéenne. 


DATES 


—  554 


DATES 


^(',0.  Victoire  navale  du  consul  Duilius  sur  les 
Carthaginois,  à  Myles  (If"  guerre  punique). 

2iO.  A  l'issue  de  la  première  guerre  punique,  ré- 
volte des  mercenaires  de  Carthage  (la  guerre 
inexpiahle) . 

202.  Bataille  de  Zama  (2*  guerre  punique). 

lyO.  Bataille  do  Magnésie,  où  Antiochus  le  Grand, 
roi  de  Syrie,  est  vaincu  par  les  Romains. 

14().  Destruction  de  Carthage  (3'  guerre  punique) 
et  de  Corinthe  (la  Grèce  réduite  en  province 
romaine). 

101.  Défaite  des  Cimbres  à  Verceil  par  Marius. 
90.  Commencement  de  la  guerre  sciale  en  Italie. 
48.  César  triomphe  de  Pompée  à  Pliarsalc. 
31.  Octave  triomphe  d'Antoine  à  Aclium. 
70  après  J.-C.  Destruction  de  Jérusalem  par  Ti- 
tus, sous  le  règne  de  Vespasien. 
9G.  Avènement  de  Nerva,   le  premier   des  Anto- 
nins. 

103.  Avènement  de  Septinic  Sévère. 

28').  Avènement  de  Dioclétien. 

325.  Concile  de  Nicée  sous  Constantin. 

364.  Premier  partage  de  l'empire  romain  entre  Va- 
lentinien  et  Valens. 

3!J5.  Second  partage  de  l'empire  entre  Honorius 
et  Arcadius,  fils  de  Théodose. 

451.  Défaite  d'Attila  à  Châions-sur-Marne. 

476.  Déposition  de  Romulus  Augustule  et  fin  de 
l'empire  romain  d'Occident. 

HISTOIRE    DU  MOYEN  AGE 

486.  Clovis  entre  dans  la  Gaule  romaine,  et  rem- 
porte la  victoire  de  Soissons  sur  Syagrius. 

527.  Avènement  de  Justinien,  empereur  d'Orient. 

587.  Traité  d'Andelot  entre  Brunehaut  et  Gontran 
de  Bourgogne. 

622.  Fuite  de  Mahomet  de  la  Mecque  à  Médine 
(première  année  de  Vhégire,  ou  ère  musul- 
mane). 

G33.  Mort  de  Mahomet. 

687.  Bataille  de  Testry,  qui  assure  la  prépondé- 
rance dans  les  trois  royaumes  francs  au  maire 
du  palais  d'Austrasie,  Pépin  d'Héristal. 

714.  Mort  de  Pépin  d'Héristal. 

73.'.  Bataille  de  Poitiers,  gagnée  par  Charles  Mar- 
tel sur  les  Arabes. 

751).  Massacre  des  Ommiades,  et  avènement  d'A- 
bouI-Abbas,  chef  de  la  dynastie  des  Abbassides. 

SOO.  Charlemagne  couronné  à  Rome  empereur 
d'Occident  par  le  pape  Léon  III. 

814.  Mort  de  Charlemagne. 

843.  Traité  de  Verdun,  qui  partage  définitivement 
l'empire  carlovingien  entre  les  trois  fils  de 
Louis  le  Débonnaire  :  Lothaire,  Louis  le  Germa- 
nique et  Charles  le  Chauve. 

8()6.  Mort  de  Robert  le  Fort,  duc  de  France,  tué 
en  combattant  le  pirate  normand  Hastings. 

887.  Diète  de  Tribur,  et  déposition  de  Charles  le 
Gros,  dernier  empereur  de  la  dynastie  carlovin- 
gienne. 

OU.  Conrad  de  Franconie  est  élu  roi  de  Germanie 
à  l'extinction  de  la  famille  carlovingienne.  Ces- 
sion de  la  Neustrie  aux  Normands  par  Charles 
le  Simple. 

062.  Othon  I"'  de  Saxe,  roi  de  Germanie,  se  fait 
couronner  empereur  à  Rome. 

987.  Avènement  de  Hugues  Capet. 

1033.  Conrad  II,  premier  empereur  de  la  maison 
de  Franconie,  réunit  le  royaume  d'Arles  à  l'em- 
pire d'Allemagne. 

lOiiO.  Bataille  de  Hastings. 

1077.  L'empereur  Henri  IV  vient  à  Canossa  implo- 
rer le  pardon  de  Grégoire  VIL 

1099.  Prise  de  Jérusalem  par  les  croisés. 

)122.  Concordat  de  Wornis,  qui  met  fin  à  la  que- 
relle des  investitures. 

1189,  Troisième  croisadej  à  laquelle  prennent  part 


Frédéric  Barberousse,  Philippe-Auguste  et  Ri- 
chard Cœur  de  Lion. 
1204.  Quatrième   croisade  :  fondation  de  l'empire 
latin  à  Constantinople. 

1214.  Bataille  de  Bouvines. 

1215.  La  grande  charte  en  Angleterre. 

1250.  Mort  de  Frédéric  II  de  Hohenstaufen  et 
commencement  du  grand  interrègne. 

1270.  Mort  de  saint  Louis  et  fin  des  croisades. 

r<!73.  Avènement  de  Rodolphe  de  Habsbourg  et  fin 
du  grand  interrègne. 

1301».  Le  poète  Dante  est  nommé  l'un  des  prieurs 
de  la  république  de  Florence. 

1314.  Supplice  des  Templiers  et  mort  de  Philippe 
le  Bel. 

1315.  Bataille  de  Morgarten.  gagnée  sur  Léopold 
d'Autriche  par  les  Suisses  des  Waldstaetten. 

1336.  Commencement   de  la  guerre    de  Cent  ans 

entre  la  France  et  l'Angleterre. 
134(;.  Bataille  de  Crécy. 
1356.  Bataille  de  Poitiers. 
1415.  Bataille  d'Azincourt.  Supplice  de  Jean  Huss, 

que  le  concile  de  Constance  a  déclaré  hérétique. 
1431.  Supplice    de  Jeanne    d'Arc.   Ouverture  du 

concile  de  Bâle. 
1430.  Paris  se  rend  à  Charles  VII.  Fin  de  la  guerre 

de  Cent  ans. 
1453.  Prise  de  Constantinople  par  les  Turcs. 

HISTOIRE  MODERNE. 

1456.  Apparition  à  Mayence  de  la  Bible  latine  de 
Gutenberg    premier  livre  imprimé. 

1476.  Charles  le  Téméraire  est  vaincu  par  les  Suis- 
ses à  Grandson  et  à  Morat. 

1492.  Découverte  de  l'Amérique. 

1515.  Avènement  de  François  l".  Bataille  de  Ma- 
rignan. 

1520.  Luther  brûle  la  bulle  du  pape.  Couronne- 
ment de  Charles-Quint  à  Aix-la-Chapelle. 

1525.  Bataille  de  Pavie. 

1543.  Publication  du  livre  de  Copernic  exposant  le 
système  du  monde. 

1547.  Mort  de  François  l"  et  de  Henri  "VIII. 

1555.  Paix  d'Augsbourg  accordant  la  liberté  des 
cultes  aux  Luthériens. 

1572.  Massacre  de  la  Saint-Barthélémy. 

1579.  Union  d'Utrecht,  par  laquelle  se  constitue 
la  confédération  des  Sept-Provinces  néerlan- 
daises. 

15S9.  Assassinat  de  Henri  III.  Avènement  de 
Henri  IV. 

1.S98.  Edit  de  Nantes  et  paix  de  Vervins. 

1603.  Mort  d'Elisabeth  d'Angleterre. 

1610.  Assassinat  de  Henri  IV. 

1614.  Dernière  réunion  des  Etats-Généraux  avant 
la  Révolution  française. 

1615.  Publication  du  livre  intitulé  Raison  nés  for- 
ces mouvantes,  par  le  Dieppois  Salomon  de  Caus  : 
première  démonstration  expérimentale  de  la 
force  d'expansion  de  la  vapeur  d'eau. 

1616.  Mort  de  Shakespeare  et  de  Cervantes. 
1618.  Commencement  de  la  guerre  de  Trente  ans. 
1620.  Publication  du  Sovum  Organum  de  Bacon. 
1625.  Avènement  de  Charles  Pf  d'Angleterre. 
1632.  Bataille  de  Lùtzen,  mort  de  Gustave-Adolphe. 
1636.  Corneille  donne  le  Cid. 

1037.  Descartes  fait  paraître  le  Discours  de  la  Mé- 
thode. 

1643.  Mort  de  Louis  XIII.  Bataille  de  Rocroi. 

1644.  Invention  du  baromètre  par  le  pliysicien  ita- 
lien Torricelli,  de  Faenza. 

1648.  Paix  de  Westphalie  et  fin  de  la  guerre  de 
Trente  ans.  En  Angleterre,  épuration  du  Parle- 
ment et  triomphe  du  parti  indépendant,  qui  con- 
somme la  révolution.  En  France,  commence- 
ment de  la  Fronde. 

1656.  Pascal  publie  les  Provinciales. 


DATES 


—  555  — 


DATES 


Ifi59.  Traité  des  Pyrénées,  Molière  donne  à  Paris 
les  Précieuses  ridicules. 

1660.  Restauration  monarchique  en  Angleterre; 
avènement  de  Charles  II. 

1661.  Mort  de  Mazarin;  Louis  XIV  commence  à 
régner  par  lui-même. 

1666.  Invention  de  la  machine  électrique  par  Otto 
de  Guericke,  bourgmestre  de  Magdebourg. 

1C78.  Paix  de  Nimègue. 

1685.  Révocation  de  l'édit  de  Nantes. 

1687.  Publication  du  livre  de  Newton  exposant  les 
lois  de  la  gravitation  universelle. 

1088.  Seconde  révolution  d'Angleterre  ;  avènement 
de  Guillaume  III. 

1690.  Invention  du  premier  moteur  à  vapeur  (cylin- 
dre à  piston)  par  le  Français  Denis  Papin,  de 
Blois. 

1*00.  Mort  de  Charles  II,  dernier  roi  d'Espagne 
de  la  maison  d'Autriche. 

1709.  Batailles  de  Malplaquet  et  de  Pultava. 

1713.  Paix  d'Utrecht. 

1715.  Mort  de  Louis  XIV. 

1735.  Mort  de  Pierre  le  Grand. 

1740.  Avènement  de  Frédéric  II  de  Prusse  et  de 
Marie-Thérèse.  Guerre  de  la  succession  d'Au- 
triche. 

1745.  Bataille  de  Fontenoy. 

17iS.  Paix  d'Aix-la-Chapelle,  qui  termine  la  guerre 
de  la  succession  d'Autriche.  Montesquieu  publie 
ï Esprit  des  lois. 

1749.  Buflfon  commence  la  publication  de  son  His- 
toire naturelle;  J.-J.  Rousseau  écrit  son  premier 
Discours. 

1750.  Voltaire  part  pour  la  Prusse. 

1751.  Publication  du  premier  volume  de  \'En- 
cyclopédie. 

1756.  Commencement  de  la  guerre  de  Sept  ans. 

1763.  Traités  de  Paris  et  de  Hubertsbourg,  qui  ter- 
minent la  guerre  de  Sept  ans. 

1773.  Révolution  d'Amérique.  Premier  partage  de 
la  Pologne.  Première  introduction  en  France  de 
la  filature  mécanique  du  coton,  due  aux  inven- 
tions des  Anglais  Highs,  Arkwright  et  Crampton. 

1778.  Mort  de  Voltaire  et  de  Rousseau. 

1782.  Invention  de  la  machine  à  vapeur  à  tiroir, 
par  l'Anglais  James  Watt. 

1783.  Invention  des  ballons  par  les  frères  Mont- 
golfier. 

1787.  Invention  de  la  machine  à  tisser,  par  l'Anglais 

Cartwright. 
1789.  Commencement  de  la  Révolution  française. 

1791.  Fin  de  l'Assemblée  constituante. 

1792.  Proclamation  de  la  République  par  la  Con- ! 
vention  nationale.  ] 

1793.  Exécution  de  Louis  XVI.  Première  coalition. 
Second  partage  de  la  Pologne.  Invention  du  télé- 
graphe aérien  par  l'abbé  Ghappe. 

1794.  Réaction  du  9  thermidor  :  exécution  de  Ro- 
bespierre. 

1795.  Paix  de  Bâle  ;  constitution  de  l'an  III;  fin 
de  la  Convention.  Troisième  et  dernier  partage 
de  la  Pologne. 

1796.  Première  campagne  d'Italie. 

1797.  Traité  de  Campo-Formio. 

1798.  Expédition  d'Egypte.  Essai,  sur  la  rivière 
Hudson,  du  premier  bateau  à  vapeur,  construit 
par  l'Américain  Rpbert  Livingston. 

1799.  Seconde  coalition.  Coup  d  Etat  du  I8  bru- 
maire. Invention  de  la  pile  i-iectrique  par  le 
physicien  italien  Alexandre  Volta,  de  Côme,  et 
de  l'éclairage  au  gaz  par  l'ingénieur  français 
Lebon. 

1800.  Seconde  campagne  d'Italie.  Marengo. 

1801.  Découverte  de  la  lumière  électrique  par  le 
chimiste  anglais  Humphry  Davy. 

18t)2.  Paix  d'Amiens.  Consulat  à  vie.  Invention  du 
métier  servant  à  fabriquer  les  tissus  façonnés, 
par  le  Lyonnais  Jacquan. 


1803.  Premier  bateau  à  vapeur  lancé  sur  la  Seine, 
par  l'Américain  Robert  Fulton.  Invention  de  la 
locomotive  par  l'Anglais  Trevithick. 

1804.  Napoléon  Bonaparte  se  fait  couronner  em- 
pereur. 

1805.  Bataille  d'Austerlitz.  Mort  de  Schiller, 

1806.  Bataille  d'Iéna. 

1807.  Batailles  d'Eylau  et  de  Friedland  ;  entrevue 
de  Tilsit. 

1808.  Commencement  de  la  guerre  d'Espagne. 

1809.  Bataille  de  Wagram. 

1810.  Napoléon  épouse  Marie-Louise. 
l.Sll.  Naissance  du  roi  de  Rome. 

1812.  Campagne  de  Russie. 

1813.  Bataille  de  Leipzig. 

1814.  Les  alliés  à  Paris.  Napoléon  envoyé  à  l'Ile 
d'Elbe.  Louis  XVIII. 

1815.  Les  Cent-Jours.  Waterloo.  Seconde  Restau- 
ration. Napoléon  à  Sainte-Hélène. 

18'20.  Révolutions  constitutionnelles  d'Espagne  et 

de  Naples. 
1S21.  Insurrection  des  Grecs. 

1823.  Intervention  française  en  Espagne  en  faveur 
du  roi  Ferdinand  VII. 

1824.  Avènement  de  Charles  X.  Mort  de  Byron. 
1S27.  Bataille  de    Navarin.  Elections  libérales   en 

France. 
1828.  Chute  du  ministère  Villèle. 

1830.  Prise  d'Alger.  Révolution  de  juillet  à  Paris; 
avènement  de  Louis-l'hilippe.  Révolution  à 
Bruxelles;  la  Belgique  se  sépare  de  la  Hollande. 
—  Inauguration  du  premier  chemin  de  fer  des- 
tiné au  transport  des  voyageurs,  entre  Liverpool 
et  Manchester. 

1831.  Insurrection  polonaise. 

1832.  Le  choléra  à  Paris;  mort  de  Casimir  Périer. 
Mort  de  Gœthe.  Adoption  du  bill  de  réforme  en 
Angleterre. 

1837.   Avènement  de   la  reine  Victoria.  Invention 
simultanée  du  télégraphe  électrique  par  Wheat- 
stone  en  Angleterre,  par  Steinheil   en  Bavière, 
et  par  Morse  aux  États-Unis. 
1840.  Complications   européennes  au  sujet  de  la 
question  d'Orient.  Ministère  Thiers  (1«''  mars)  ; 
sa  chute.  Ministère  du  29  octobre  ^Gnizot). 
I  1846.  Abolition  des  lois  sur  les  céréales  en  Angle- 
terre :  triomphe  des  libre-échangistes. 
j  1847.    Agitation   pour  la   réforme    électorale   en 

France.  Guerre  du  Sonderbund  en  Suisse. 
I  184,8.  Révolution  de  février  à  Paris  ;  proclamation 
do  la  République.  Révolutions  à  Vienne,  à  Berlin, 
à  Milan,  à  Venise,  à  Rome. 
Remarques.  —  Il  ne  sera  pas  inutile  de  signaler  à 
l'attention  des  élèves  certaines  coïncidences,  cer- 
tains rapprochements  qui  peuvent  aider  à  retenir 
quelques-unes  des  dates  ci-dessus  en  les  groupant. 

1.  On  remarquera  le  singulier  paralléusme  qui 
existe  entre  plusieurs  dates  de  l'histoire  grecque 
et  de  l'histoire  romaine.  Ainsi  l'an  510  avant  J.-C. 
voit  simultanément  l'expulsion  d'Hippias  et  celle 
des  Tarquins  ;  en  490,  au  moment  où  les  Athé- 
niens sont  victorieux  à  Marathon,  Coriolan  vient 
assiéger  Rome.  En  450,  la  république  romaine, 
encore  à  demi  barbare,  se  donne  ses  premières  lois 
écrites  au  moment  où  l'Athènes  de  Périclès  est 
dans  tout  l'éclat  de  sa  gloire. 

2.  Qu'on  écrive  la  série  suivante  :  404,  303,  202, 
101  ;  et  qu'ensuite  on  remplace,  dans  cette  série, 
le  nombre  303,  qui  n'y  figure  que  pour  la  symétrie, 
par  le  nombre  ;i01.  On  a  de  la  sorte  les  dates  de 
quatre  événements  importants  ;  les  deux  premières 
(404  et  301)  appartiennent  à  l'histoire  grecque,  les 
deux  autres  (202  et  101)  à  l'histoire  romaine 

L'irrégularité  de  la  date  301  fournit  précisément 
le  moyen  de  retenir  trois  autres  dates  de  l'histoire 
grecque  du  iv*  siècle.  En  cfl'et,  si  301,  date  de  la 
bataille  d'Issus,  péchait  contre  la  symétrie,  dans 
la  série  ci-dessus,  par  l'absence  d  un  3,  nous  trou- 


DATES 


556  — 


DÉCLAMATION 


vonsune  sorte  de  compensation  dans  la  date  de  la 
bataille  à' Issus,  qui  en  offre  trois  (333);  h  cette 
dernière  on  rattachera  la  date  de  la  mort  d'Alexan- 
dre (323)  et  de  son  avènement  (336). 

3.  Dans  l'histoire  romaine,  au  temps  de  la 
République,  l'année  90  de  chaque  sicclQ  offre  un 
événement  important.  Voir,  dans  le  tableau  ci-des- 
sus, 4ÎJ0,  390,  290, 190,  90.  —A  noter  aussi,  dansle 
111'  siècle  avant  J.-C,  trois  dates  romaines  se  sui- 
vant h  vingt  ans  de  distance  :  280,  200,  2'i0. 

4.  L'histoire  de  Rome  sous  les  empereurs  n'offre 
presque  pas  de  dates  marquantes  et  faciles  à  retenir. 
L'essentiel,  pour  cette  période,  est  de  se  rappeler 
le  caractère  propre  de  chaque  siècle  : 

I"  —  Siècle  des  douze  Césars. 

Il"  —  Siècle  des  Antonins. 

iii^  —  Siècle  des  empereurs  militaires,  s'ouvrant 
avec  Septime  Sévère,  se  fermant  avec  Dioclctien; 
au  milieu,  période  d'anarchie. 

iv«  —  Siècle  du  triomphe  du  christianisme,  s'ou- 
vrant avec  Constantin,  se  terminant  par  le  partage 
de  l'empire  entre  les  fils  de  Théodose. 

v"  —  Siècle  de  l'invasion  des  barbares;  dans  la 
seconde  moitié,  destruction  de  l'empire  d'Occident. 

5.  Dans  l'histoire  de  France,  sous  les  deux  pre- 
mières dynasties,  noter  les  dates  587,  687,  S87, 
987. Une  s'en  faut  qued'unan  pour  que  labataillede 
Soissons  (486)  puisse  figurer  aussi  dans  cette  série. 
—  Si  on  prend  la  date  de  l'avènement  de  Hugues 
Capet  (987),  et  qu'on  en  retourne  les  chiffres,  on  a 
la  date  de  la  révolution  qui  mit  fin  à  la  monarchie 
capétienne  (1789). 

6.  La  mort  de  Mahomet  (632)  arrive  dix  ans  après 
l'hégire  (622).  comme  la  mort  d'Alexandre,  cet 
autre  grand  chef  de  peuples,  arrive  dix  ans  après 
son  triomphe  d'Issus,  et  comme  la  chute  de  Na- 
poléon (1814)  arrive  dix  ans  après  son  couronne- 
ment (1804).  —  Cent  ans  après  la  mort  de  Mahomet, 
bataille  de  Poitiers  (732),  marquant  le  terme  de  la 
période  ascendante  de  l'invasion  arabe. 

7.  La  quatorzième  année  d  un  certain  nombre 
de  siècles  est  une  date  marquante  de  l'histoire  de 
France  :  714,  8l4,  1214,  1*14,  1014,  1814. 

8.  La  quinzième  année  de  chaque  siècle,  à  par- 
tir du  xiii*,  est  une  date  marquante  de  l'histoire 
générale. 

9.  On  peut  établir  une  certaine  connexité  entre 
la  date  du  traité  de  Verdun,  qui  démembre  l'em- 
pire carlovingien ,  et  celle  du  couronnement 
d'Othon  P''  de  Saxe,  qui  restaure  l'empire  au  profit 
de  l'Allemagne.  Les  deux  nombres  842  et  963 
offrent  à  l'œil  une  symétrie  assez  marquante;  opé- 
rons la  transposition  de  leurs  deux  derniers  chiffres, 
nous  aurons  843  et  962,  qui  sont  les  dates  des 
deux  événements  ci-dessus. 

10.  En  866,  l'ancêtre  des  Capétiens,  Robert  le 
Fort,  est  tué  en  combattant  les  Normands  com- 
mandés par  le  pirate  Hastings;  deux  siècles  plus 
tard  (lOGOj,  le  dernier  des  rois  anglo-saxons,  Harold, 
périt  à  Hastings  sous  les  coups  des  Normands  de 
Guillaume  le  Conquérant. 

11.  On  peut  résumer  l'histoire  du  xi*  siècle  en 
quatre  faits  saillants,  dont  les  dates  ont  une  appa- 
rence très  caractéristique  :  1033,  1066,  1077,  lOiJO. 

12.  Pour  avoir  les  dates  essentielles  de  la  guerre 
de  Cent  ans,  il  suffit  de  retenir  celle  du  commen- 
cement de  la  guerre,  1336;  Crécy  et  Poitiers  sui- 
vent à  dix  ans  d'intervalle  chaque  fois,  1316,  1356. 
Pour  la  date  d',\zincourt,  elle  se  trouve  dans  la 
série  des  quinze. 

13.  L'histoire  do  la  maison  de  Bourbon  (abstrac- 
tion faite  de  la  Restauration)  tient  entre  deux 
quatre-vingt  neuf:  Henri  IV,  le  chef  de  la  dynastie, 
est  monté  sur  le  trône  en  1589;  en  1781  com- 
mence la  révolution  qui  renversera  le  trône  de 
Louis  XVI. 

14.  Quarante- huit  semble  être  une  date  fatidique; 


à  plusieurs  reprises  dans  l'histoire,  cette  année 
est  signalée  par  de  profondes  commotions  politi- 
ques, par  des  changements  radicaux  dans  l'ordre 
de  choses  établi.  En  l'an  48  avant  J.-C,  César 
détruit  la  république  romaine  à  Pharsale  ;  en 
16i8,  la  révolution  d'Angleterre  triomphe  de  la 
royauté,  pendant  que  la  Fronde  agite  la  France  et 
que  le  traité  de  'VVesphalie  remanie  la  carte  de 
l'Europe;  en  1848,  une  nouvelle  secousse  ramène 
en  Fiance  la  République  et  ébranle  la  plupart  des 
trônes  de  l'Europe.  [J.  Guillaume.] 

DÉCLAMATION  —  Littérature  et  style,  X; 
Grammaire,  V,  VI.  —  «  Déclamer,  dit  le  Dic- 
tionnaire de  l'Académie,  c'est  prononcer,  débi- 
ter à  haute  voix  avec  le  ton  et  les  gestes  con- 
venables. »  C'est  une  gymnastique  fort  utile  de  la 
voix  en  même  temps  qu'une  partie  essentielle  de 
l'art  oratoire,  un  élément  considérable  de  ce  que 
les  traités  de  rhétorique  appellent  Vadion. 

En  France,  cependant,  on  n'a  jamais  considéré 
la  déclamation  que  comme  un  art  se  rattachant  au 
théâtre,  et  quand  on  veut  en  recevoir  des  leçons, 
il  faut  les  aller  chercher  au  Conservatoire  de  mu- 
sique. Il  n'en  est  pas  question  à  l'École  normale 
supérieure,  où  se  forme  l'élite  de  nos  professeurs, 
à  l'École  de  droit,  qui  nous  prépare  des  avocats,  ni 
dans  les  écoles  de  tiiéologie,  pour  les  ministres  des 
cultes.  Ce  n'est  que  depuis  quelques  années  que 
M.  Legouvé  s'est  fait  l'âpôtred'an  art  dans  lequel 
il  excelle,  la  lecture  à  haute  voix,  et  que  l'attention 
des  chefs  de  l'enseignement  public  a  été  attirée  sur 
cette  partie  importante  de  l'éducation.  Alors  a  paru 
la  circulaire  ministérielle  d'octobre  1878,  qui  de- 
mande aux  recteurs  de  réformer  sur  ce  point  les  ha- 
bitudes des  écoles  normales  primaires  et  des  lycées. 

C'est  un  pays  libre,  la  puissante  démocratie 
des  États-Unis,  qui,  à  cet  égard,  nous  a  donné 
l'exemple.  On  y  a  vite  compris,  ainsi  que  l'a  dit 
M.  Bardoux,  «  combien  cet  art  est  utile  chez  un 
peuple  qui  fait  lui-même  ses  affaires,  qui  discute, 
qui  a  des  réunions,  des  comités,  des  assemblées 
de  toute  sorte.  »  Là,  dans  toutes  les  écoles  publi- 
ques, avec  la  4^  ou  la  5*  année  d'études,  com- 
mence une  série  d'exercices  conduisant  l'élève  à 
parler  nettement,  à  lire  et  à  débiter,  avec  assurance 
et  dans  une  attitude  convenable,  les  meilleurs 
morceaux  de  prose  et  de  poésie.  Depuis  le 
i"  Renfler  (on  sait  que  chaque  année  du  cours 
d'études  a  là  son  livre  de  lecture  spécial),  on 
trouve  des  préceptes  sur  l'accentuation,  le  ton,  les 
gestes  qui  doivent  accompagner  tel  ou  tel  morceau. 
Nous  avons  vu  nous-même  à  Boston,  à  New-York, 
à  l'école  normale  de  Keystone,  quelle  importance 
on  attache  à  obtenir  une  prononciation  nette,  une 
variété  de  tons  bien  étudiée,  et  même  une  respira- 
tion rythmée.  Au  lieu  de  laisser  l'élève,  assis  dans 
une  attitude  plus  ou  moins  correcte,  tenir  son  li- 
vre à  deux  mains,  avec  sa  tête  courbée  en  avant, 
comme  cela  a  lieu  le  plus  souvent  dans  nos  exer- 
cices de  lecture,  on  le  fait  avancer  debout,  la  tête 
bien  droite  sans  raideur,  la  poitrine  en  avant,  le 
livre  dans  la  main  gauche  et  à  la  hauteur  voulue 
pour  une  vision  facile.  Il  doit  lire  lentement,  bien 
détacher  tous  les  mots,  placer  les  repos  avec  in- 
telligence, et  se  faire  nettement  entendre  de  toute 
la  classe.  Plus  tard ,  il  doit  débiter,  déclamer 
un  fragment  de  discours  de  Daniel  Webster  ou 
d'Everctt,  une  poésie  de  Bryant  ou  de  Longfellow. 
Son  esprit  s'élève  aux  plus  nobles  idées  de  patrio- 
tisme, au  culte  des  gloires  nationales,  à  l'amour 
de  la  famille  et  de  la  terre  natale. 

C'est  là  ce  qu'il  serait  vraiment  utile  d'introduire 
dans  toutes  nos  écoles.  Cette  éducation  de  la  voix 
comporte  trois  degrés  : 

1°  Une  prononciation  et  une  accentuation  bien 
nettes  ; 

2"  Une  lecture  expressive,  bien  nuancée  et  bien 
rythmée  ; 


DÉCLINAISON 


—  5o7  — 


DÉCLINAISON 


3°  Une  récitation  ferme,  naturelle,  accompagnée 
de  gestes  mesurés  et  justes. 

Cette  partie  de  Féducation  avait  déjà  apparu 
avec  toute  son  utilité  à  l'éminent  M.  Gauthey, 
directeur  de  l'école  normale  de  Courbevoie.  Dans 
le  premier  volume  de  ses  Principes  de  pédagogie 
chrétienne  (Paris,  Meyrueis,  1854),  on  lit  : 

«  Pour  fortifier  les  organes  de  la  voix,  il  est 
utile  d'habituer  les  enfants  à  des  lectures  et  à  des 
récitations  à  voix  haute  et  soutenue.  Lorsque  ces 
exercices  sont  faits  convenablement,  ils  donnent  à 
la  voix  plus  d'ampleur,  perfectionnent  le  ton,  le 
timbre,  l'articulation.  Seulement,  il  est  important 
de  ne  pas  trop  les  prolonger  et  de  ne  pas  les  ren- 
dre trop  fréquents,  de  peur  que  la  poitrine  n'en 
souffre.  Une  lenteur  suffisante,  l'observation  exacte 
des  repos  indiqués  par  la  ponctuation,  le  soin  de 
respirer  fréquemment  et  pas  trop  fortement  dans 
les  endroits  les  plus  favorables,  sont  des  précau- 
tions indispensables  pour  rendre  la  lecture  non- 
seulement  agréable,  mais  encore  propre  à  former 
l'organe  et  à  rendre  la  poitrine  robuste. 

»  A  la  lecture,  il  faut  joindre  de  temps  en  temps 
la  récitation  et  la  déclamation.  Ce  dernier  exercice 
donne  plus  d'aplomb  et  de  fermeté  à  l'organe  ;  il 
appelle  à  une  prononciation  et  à  une  expression 
plus  soignées  que  ne  le  fait  la  simple  lecture,  et  il 
constitue  une  très  bonne  préparation  pour  ceux 
qui  seront  plus  tard  appelés  à  parler  en  public. 

»  En  développant  la  voix  par  des  exercices  de 
lecture  et  de  déclamation,  il  ne  faut  pas  omettre 
entièrement  le  geste,  qui  donne  tant  d'expression 
à  la  parole  humaine. 

»  Le  geste  doit  être  considéré  comme  l'auxiliaire 
naturel  de  la  voix.  //  doit  tout  premièrement  être 
juste,  c'est-à-dire  en  harmonie  avec  ce  qu'exprime 
la  parole.  Comme  elle,  il  peindra  jusqu'à  un  cer- 
tain point  la  pensée,  sans  que  toutefois  cette  pein- 
ture soit  minutieuse  ou  exagérée,  car  alors  elle  de- 
viendrait ridicule. 

»  Les  gestes  ne  doivent  pas  être  trop  inultipliés, 
car  ils  perdraient  sensiblement  leur  effet,  et  l'on 
n'aurait  plus  de  rorisourco,  quand  il  faudrait  pein- 
dre les  grandes  émotions.  Cet  abus  est  fréquent 
chez  les  Italiens  et  chez  d'autres  peuples  du 
Midi.  Que  l'on  réserve  donc  les  gestes  expressifs 
pour  les  moments  où  il  s'agit  de  produire  des 
effets  puissants  ;  pour  les  occasions  où  il  faut 
étonner,  convaincre,  entraîner   une  assemblée. 

»  Enfin  les  gestes,  sans  perdre  leur  caractère  de 
justesse,  doivent  avoir  une  certaine  grâce.  Les 
mouvements  anguleux,  brusques  produisent  tou- 
jours un  mauvais  effet.  »  [B.  Berger.] 

Ouvrages  à  consulter  :  L'Art  de  la  lecture,  par 
E.  Legou\é  ;  Paris,  Hetzel.  —  De  V Education,  par  Gau- 
they, I,  ch.  X. 

DÉCLIXAISOX.  —  Grammaire,  VIIL  —  (Et};m.  : 
declinatio,  du  verbe  de-clinare,  pente,  inflexion). 
On  désigne  sous  ce  nom  l'ordre  des  modifications 
que  reçoivent  dans  les  langues  anciennes,  et  dans 
l'allemand  et  le  russe  parmi  les  langues  modernes, 
certaines  espèces  de  mots  (noms,  adjeciifs,  pro- 
noms) pour  exprimer  leurs  rapports  dans  la  pro- 
position. 

Le  grec  comptait  trois  déclinaisons  et  le  latin 
cinq.  Mais  ce  classement,  suivi  par  la  plupart  des 
grammairiens,  ne  doit  point  être  considéré  comme 
indiquant  des  formes  bien  distinctes  et  établissant 
des  catégories  bien  tranchées.  «  En  comparant  les 
cinq  déclinaisons  latines,  surtout  si  l'on  lient 
compte  de  leurs  formes  anciennes  ou  populaires, 
on  s'aperçoit  qu'elles  ont  entre  elles  beaucoup  de 
ressemblances,  et  qu'elles  paraissent  dériver  toutes 
d'une  déclinaison  commune.  On  peut  arriver  au 
même  résultat  pour  les  diverses  déclinaisons  de  la 
langue  grecque.  »  (Egger.) 

Le  mécanisme  de  la  déclinaison  consiste  à  ajou- 
ter à  une  partie  invariable  du  mot,  appelée  thème, 


une  terminaison  qui  lui  donne  un  sens  spécial,  et 
indique  sa  fonction  dans  la  proposition. 

On  obtient  ainsi  ce  qu'on  appelle  les  cas  (du 
latin  casus,  chute),  expression  qui,  comme  celle  de 
déclinaison,  répond  à  l'idée  d'une  règle  qui  s'in- 
cline, qui  fléchit. 

Bien  que  la  déclinaison  n'existe  pas  dans  le  fran- 
çais moderne,  létude  en  est  utile  pour  expliquer 
certains  faits  de  notre  langue  qui,  nous  le  verrons 
bientôt,  a  gardé  quelque  temps  du  latin  la  distinc- 
tion des  cas. 

La  déclinaison  grecque  avait  cinq  cas  :  le  no- 
minatif, le  vocatif,  le  génitif,  le  datif  et  l'accu- 
satif. Le  latin  avait,  en  outre,  V ablatif .  Mais  les 
travaux  de  la  philologie  ont  récemment  révélé 
l'existence  de  deux  autres  cas  qui  avaient  fini  par 
se  fondre  avec  les  précédents  :  le  locatif  et  Vinstim- 
mental. 

On  trouvera  dans  toute  grammaire  de  ces  langues 
les  diverses  formes  qui  caractérisaient  les  cas. 
Il  nous  suffira  d'en  examiner  la  valeur  dans  le  la- 
tin, d'où  est  dérivé  le  français. 

Le  Nominatif  (ex.  dominus,  le  seigneur,  rex,  le 
roi)  marque  que  le  nom  est  sujet  de  la  proposition. 
Le  Vocatif  {domine,  seigneur,  rex,  roi;  désigne 
l'être  à  qui  l'on  adresse  la  parole.  Ce  sont  les  cas 
direct--. 

Le  Génitif  {domini,  du  seigneur,  7-egis,  du  roi) 
indique  un  rapport  de  détermination  par  l'indica- 
tion de  la  possession,  de  l'origine,  de  l'espèce.  Le 
Datif  {domiyio,  au  seigneur,  régi,  au  roij  indique 
le  nom  à  qui  l'on  donne  ou  l'on  attribue  quelque 
chose.  L'Accusatif  ((/o»iî«u»z,  le  seigneur,  regem, 
le  roi)  fait  connaître  le  nom  qui  reçoit  l'action  du 
verbe,  ou  vers  lequel  tend  le  mouvement.  Enfin 
l'Ablatif  (domi7W,  du  ou  par  le  seigneur,  rege, 
du  ou  par  le  roi)  exprime  ordinairement  une  idée 
d'éloignement,  de  séparation.  Ce  sont  les  cas  obli- 
ques. 

Les  langues  dites  néo-latines  :  l'italien,  l'espa- 
gnol, le  français,  n'ont  pas  conservé  l'usage  des 
cas.  L'allemand  a  retenu  de  la  riche  déclinaison  de 
l'ancienne  langue  gothique  quatre  cas  :  le  nomi- 
natif, le  génitif,  le  datif  et  l'accusatif  Quant  à 
l'anglais,  il  n'a  gardé  qu'une  espèce  de  génitif  formé 
par  l'addition  d'un  s  au  radical  du  nom  :  the  child's 
book,  le  livre  de  l'enfant.  Le  russe  a  sept  cas  : 
nominatif,  vocatif,  génitif,  datif,  accusatif,  instru- 
mental et  prépositionnel. 

Les  langues  qui  n'admettent  pas  les  cas  ne  peu- 
vent se  permettre  les  hardiesses  de  construction 
des  langues  à  flexions  casuelles.  Elles  sont  tenues 
de  suivre  plus  rigoureusement  l'ordre  des  idées, 
et  elles  ne  peuvent  exprimer  les  rapports  entre  les 
mots  qu'au  moyen  des  prépositions. 

Il  suffit  de  comparer  par  exemple  cette  simple 
phrase  de  Cicéron  :  Rationem  hominibus  Deus 
dédit,  avec  sa  traduction  en  français,  «Dieu  donna 
la  raison  aux  hommes,  »  pour  se  rendre  compte 
de  la  différence  de  construction  des  deux  langues. 

Le  latin  a  peu  à  peu  perdu  l'usage  des  cas,  et 
ce  changement  s'explique  d'abord  par  la  pronon- 
ciation qui  tendait  à  confondre  les  voyelles  o  et  u, 
surtout  devant  m,  ainsi  que  e  et  i,  puis  par  l'accent 
tonique  qui,  n'affectant  que  la  pénultième  (avant- 
dernière)  ou  l'antépénultième  syllabe,  laissait 
inaperçue  la  flexion  casuelle.  Mais,  comme  l'a 
bien  montré  M.  Michel  Bréal,  ces  deux  raisons  ne 
suffiraient  pas  à  expliquer  cet  abandon  des  cas. 
Il  faut  encore  tenir  compte  de  la  diversité  des  re- 
lations qu'un  même  cas  devait  exprimer  et  poiir 
la  distinction  desquelles  on  avait  fini  par  recourir 
à  certaines  particules  qui,  du  rôle  d'adverbes,  ont 
passé  à  celui  de  prépositions.  On  voit  dans  le  latin 
des  temps  mérovingiens  que  c'était  par  les  pré- 
positions que  se  marquaient  les  divers  rapports 
exprimés  autrefois  par  les  seules  flexions  casuelles. 
Au  lieu  de  dire  :  do  panem  l'etro,  equus  Pétri,  le 


DÉCOUVERTES 


—  558  — 


DECOUVERTES 


latin  vulgaire  disait  :  dono  panem  ad  Petrum,  ca- 
ballui  de  Pctro. 

Dans  la  transformation  qui  a  fait  du  latin  le 
français  actuel,  on  rencontre  d'abord  la  langue 
d'oc  et  la  langue  d'oil,  qui  se  parlaient  et  s'écri- 
vaient en  France  du  x'  au  xiii'  siècle.  Toutes 
deux  avaient  gardé  la  distinction  de  deux  cas 
pour  les  noms,  le  cas  sujet  et  le  cas  régime. 
C'est  là  le  fait  important  que  Raynouard  découvrit 
vers  1811  par  l'étude  des  grammaires  provençales 
de  Uc  Faidit  et  de  Raimond  Vidal.  De  ce  moment 
un  jour  tout  nouveau  fut  jeté  sur  notre  ancienne 
littérature,  et  fit  voir  une  régularité  vraiment  ad- 
mirable là  où  l'on  avait  vu  jusqu'alors  le  désordre 
et  la  bizarrerie.  C'est  ce  qu'on  a  appelé  la  règle  de 
Vs.  «  On  l'explique  en  disant  que  la  langue  d'oc  et 
la  langue  d'oil  réduisirent  les  cinq  déclinaisons 
latines  à  une  seule,  la  seconde  (et  encore  sous  sa 
forme  masculine)  et  dès  lors  attachèrent  Vs  au 
sujet  singulier  et  au  régime  pluriel,  qui  l'avaient 
en  latin  [dominus  —  dominos),  la  supprimant  au 
régime  singulier  et  au  sujet  pluriel,  qui,  en  latin, 
ne  l'avaient  pas  {dominum  —  dommi).  «(Littré). 

Un  autre  fait  connexe,  c'est  le  déplacement  de 
l'accent  qu'amenait  la  troisième  déclinaison  latine 
en  passant  du  cas  sujet  {pdstor)  à  l'un  des  cas  ré- 
gimes {pastôrem ,  pastôre).  De  là  deux  dérivés 
français  pour  ces  noms  :  pâtre,  pasteur  ;  et  de 
même  :  sire,  seigneur; ber,  baron;  cuens  ou  coms, 
comte  ;  homs,  home. 

Mais  à  partir  du  xrv*  siècle  cette  distinction  des 
deux  cas  cessa  d'être  observée,  et  ce  fut  la  forme 
du  cas  régime  qui  resta.  C'est  ainsi  que  s'explique 
la  formation  du  pluriel  des  noms  par  la  lettre  s- 
qui  terminait  toujours  le  cas  régime   au  p.jriel. 

On  trouve  encore  des  cas  dans  nos  pronoms  per- 
sonnels : 

Nominatif:  je;         accusatif:  me;  datif:  me,  moi. 

—  tu;  —  te;  —  te,  toi. 

—  il,  elle  ;        —  le,  la;  —  lui. 

—  ils,  elles;     —  eux.elles;    —  leur. 

—  on;  —  se;  —  se,  soi. 

Cf.  Bracbet,  Grammaire  historique  de  la  langue  fran- 
çaise; LiTTRÉ,  Histoire  de  la  langue  française;  Breal,  la 
forme  et  la  fonction  des  mots. 

[B.  Berger.] 

DÉCOUVERTES    MARITIMES    du    XV«    et    du 

xvi'  siècle.  —  Histoire  générale,  XXI. 

Les  découvertes  maritimes  du  xv«  et  du  xvi«  siè- 
cle forment  un  des  chapitres  les  plus  intéressants 
de  l'histoire,  un  de  ceux  que  nul  ne  doit  ignorer. 
Les  noms  de  Colomb,  de  Gama,  de  Magellan  ap- 
partiennent, pour  ainsi  dire,  à  l'histoire  de  tous  les 
peuples,  puisque  tous  ont  profité  de  la  découverte 
du  Nouveau-Monde,  de  celle  du  cap  de  Bonne-Es- 
pérance, et  de  la  démonstration  expérimentale  de 
la  sphéricité  de  la  terre. 

Au  commencement  du  xv*  siècle,  l'océan  Atlan- 
tique, que  des  milliers  de  marins  traversent  main- 
tenant en  quelques  jours  pour  aller  à  New- York, 
tn  quelques  semaines  pour  aller  aux  Antilles,  au 
Erésil  ou  à  la  Plata,  était  presque  inconnu.  Au 
xiv«  siècle,  quelques  navigateurs  normands,  sur- 
tout des  Dieppois,  avaient  pourtant  doublé  le  cap 
Bojador  et  le  cap  Vert,  et  établi,  dit-on,  un  comp- 
toir sur  la  côte  de  Gainée.  Des  Italiens  et  des  Ca- 
talans s'étaient  aussi  aventurés  sur  la  côte  ouest 
de  l'Afrique.  Sur  une  carte  italienne  de  1351,  on 
voit  figurer  les  Canaries,  les  Açores  et  Madère. 
En  1402,  un  Normand,  Jean  de  Béthencourt,  alla 
aux  Canaries;  son  expédition  fut  infructueuse  :  on 
a  la  relaiion  de  son  voyage  ;  mais  les  navigateurs 
du  XIV  siècle  n'ayant  pas  laissé  de  témoignages 
écrits  de  leurs  découvertes,  ont  perdu,  aux  yeux  de 
la  i  oslérité,  le  fruit  de  leurs  efforts.  Les  Portu- 
gais du  XV'  siècle,  qui  surent  trouver  la  route  des 
Indes  par  le  cap  de  Bonne-Espérance,  ont  occupé 


sans  rivaux  le  premier  rang  dans  les  explorations 
maritimes  sur  la  côte  d'Afrique. 

Trouver  une  route  à  travers  les  mers  pour  arri- 
ver aux  Indes,  c'est-à-dire  aux  pays  que  l'on  con- 
sidérait comme  les  plus  riches  du  monde,  fut 
pendant  un  siècle  le  but  poursuivi  par  les  navi- 
gateurs. Comme  les  Indes  se  trouvaient  à  l'extrême 
Orient,  les  Portugais  dirigèrent  vers  l'est  toutes 
leurs  tentatives.  Mais  avant  que  Vasco  de  Gama 
eût  franchi,  le  premier,  l'océan  Indien  entre  le 
cap  de  Bonne-Espérance  et  Calicut  (1497-98), 
Christophe  Colomb,  convaincu  que  la  terre  était 
sphérique,  résolut  de  chercher,  par  l'ouest,  la 
route  maritime  des  Indes.  Après  trente  années  de 
labeurs  et  d'études,  il  découvrit  dans  un  voyage  de 
quelques  semaines  (du  3  août  au  12  octobre  H!)2), 
le  Nouveau-Monde,  qu'il  crut  être  une  partie  des 
Indes.  Il  traversa,  pour  la  première  fois,  de  l'est  à 
l'ouest,  l'océan  Atlantique,  océan  redouté  parce 
qu'il  était  inconnu,  immense  solitude  que  les  lé- 
gendes du  moyen  âge  appelaient  la  mer  Téné- 
breuse, d'où  les  hommes,  disait-on,  ne  revenaient 
pas. 

La  découverte  du  Nouveau-Monde  excita  l'ému- 
lation des  navigateurs  espagnols;  s'ils  n'eurent  pas 
le  génie  de  Colomb,  ils  imitèrent  son  audace.  En 
moins  d'un  demi-siècle,  la  mer  des  Antilles,  le 
golfe  du  Mexique,  les  côtes  de  l'Amérique  depuis 
la  Floride  jusqu'à  la  Plata,  furent  explorés.  Balboa 
franchit  Hsthme  de  Panama  (151.3),  et  découvrit 
l'océan  Pacifique  ;  Cortez  conquit  le  Mexique,  Pi- 
zarre,  le  Pérou;  et  l'immortel  Magellan,  digne 
émule  de  Colomb,  entreprit  (1519)  le  premier 
voyage  autour  du  monde. 

D'un  autre  côté,  le  roi  Emmanuel  de  Portugal, 
jaloux  de  la  découverte  de  Colomb,  ayait  confié 
quatre  vaisseaux  à  Vasco  de  Gama  pour  chercher 
la  route  des  Indes  par  l'Orient.  L'exi  édition  fut 
décisive,  la  voie  maritime  de  Lisbonne  à  Calicut  fut 
découverte.  Le  petit  royaume  de  Portugal  expé- 
dia ensuite  des  flottes  dans  l'o»  éan  Indien,  dans 
le  golfe  Persique,  et  jusqu'aux  Moluques.  Le  grand 
Albuquerque  fit  respecter  et  redouter  le  nom  des 
Portugais  jusqu'aux  extrémités  de  l'Asie. 

Pour  faire  comprendre  à  des  enfants  l'ensemble 
de  ces  découvertes,  on  peut  utilement  se  servir 
d'un  globe  terrestre  ou  d'un  planisphère  sur  le- 
quel on  leur  montrera,  tout  d'abord,  quelles  étaient 
les  connaissances  géographiques  acquises  au  com- 
mencement du  xv  siècle  : 

L'Europe,  une  partie  de  l'Asie  et  de  l'Afrique  sep- 
tentrionale, formaient  alors  le  monde  connu  ; 
entre  ce  monde  connu  et  les  parties  du  globe 
absolument  inconnues,  il  y  avait  de  vastes  contrées 
asiatiques  entrevues  par  les  intrépides  voyageurs 
du  moyen  âge.  —  Le  franciscain  Plan  Carpin  avait 
pénétré  au  xiii'  siècle  chez  les  Tartares  de  l'Asie 
centrale  (1215).  Le  moine  flamand  Rubruquis,  en- 
voyé par  saint  Louis,  avait  suivi  les  traces  de  Plan 
Carpin  et  visité  Karakorum  (1253).  On  possède 
la  relation  de  leurs  voyages.  —  Vers  1250,  deux 
Vénitiens,  Nicolao  et  Matteo  Polo,  partis  de  Cons- 
tantinople,  avaient  été  nouer  des  relations  de 
commerce  avec  les  Tartares.  Revenus  à  Venise 
après  vingt  ans  d'absence,  ils  reprirent  bientôt  le 
chemin  de  l'Asie  centrale  :  l'illustre  Marco  Polo, 
fils  de  Nicolao,  accompagnait  son  père  et  son  oncle. 
Ils  furent  reçus  avec  honneur  par  le  grand  khan 
des  Mogols,  Koubilaï,  et  atteignirent  l'extrémité 
nord-ouest  de  la  Chine.  De  là,  ils  se  dirigèrent  vers 
le  sud  de  la  Chine,  vers  la  Cochinchine,  et  revin- 
rent en  Perse  par  mer  ;  Marco  Polo,  après  vingt- 
cinq  ans  d'absence,  rentra  en  li9b  à  Venise,  et 
dicta  à  Rusticien  de  Pise  la  relation  de  ses 
voyages.  Cette  relation  véridique,  écrite  en  français, 
est  un  monument  des  plus  précieux  pour  l'histoire 
de  la  géographie.  —  Les  contrées  absolument  in- 
connues en  1400  étaient  :  le  continent  africain,  sauf 


DECOUVERTES 


—  559  — 


DECOUVERTES 


l'Egypte,  le  littoral  méditerranéen,  et  une  petite 
partie  des  côtes  occidentales  de  l'Afrique  ;  le  Nou- 
veau-Monde, sauf  quelques  terres  de  l'Amérique 
septentrionale  qui  avaient  été  découvertes  par  les 
Scandinaves  du  moyen  âge  (mais  il  ne  restaitde 
ces  expéditions  qu'un  vague  souvenir)  ;  enfin  l'O- 
céanie  tout  entière.  —  Quant  aux  mers,  on  ne  con- 
naissait bien  que  les  mers  d'Europe  :  la  Méditerra- 
née, que  les  Catalans,  les  Provençaux,  les  Génois 
et  les  Vénitiens  avaient  traversée  en  tout  sens  soit 
pour  prendre  part  aux  croisades,  soit  pour  étendre 
leur  commerce;  la  mer  Noire,  où  les  Vénitiens  et 
les  Génois  avaient  établi  des  comptoirs  importants  ; 
la  Manche  qui  n'avait  été  un  obstacle  ni  pour 
Guillaume  le  Conquérant  envahissant  l'Angleterre, 
ni  pour  ses  successeurs  qui  envahirent  la  France 
pendant  la  guerre  de  Cent  ans  ;  la  mer  du  Nord  et 
la  Baltique  que  parcouraient  les  vaisseaux  de  la 
ligue  Hanséatique.  De  l'océan  Atlantique,  on  ne 
connaissait  que  la  partie  nord-est  qui  s'étend  sur 
les  côtes  d'Islande,  d'Irlande,  de  France,  d'Espa- 
gne, de  Portugal  et  le  long  de  l'Afrique  jusqu'aux 
Canaries.  On  connaissait  l'existence  de  la  mer 
Rouge,  du  golfe  Persique  et  de  l'océan  Indien,  où 
.es  musulmans  faisaient  le  trafic  avec  l'Inde,  mais 
où  aucun  navire  européen  ne  pénétra  avant  le 
voyage  de  Vasco  de  Gama. 

Le  grand  océan  Pacifique  était  absolument  inconnu. 

Nous  allons  suivre,  d'après  l'ordre  chronologi- 
que, les  principales  découvertes  maritimes  du 
xv«  et  du  xvi*  siècle. 

Découvertes  des  Portugais  sur  la  côte  d'Afrique 
jusqu'au  cap  de  Bonne-Espérance.  —  Les  naviga- 
teurs portugais  commencèrent  l'exploration  de  la 
côte  d'Afrique  en  1418  (découverte  de  Puerto 
Santo  h,  sept  lieues  de  Madère),  et  Barthélémy 
Diaz  reconnut  le  cap  de  Bonne-Espérance  en  1486; 
ils  mirent  donc  soixante-huit  ans  pour  atteindre 
l'extrémité  méridionale  du  continent  africain.  Ne 
nous  étonnons  pas  de  ces  délais,  et  essayons  de 
nous  rendre  compte  des  difficultés  et  des  périls 
de  ces  expéditions  :  il  fallait  s'avancer  dans  une 
mer  inconnue,  longer  les  côtes  au  risque  d'échouer 
sur  un  banc  de  sable,  ou  de  se  briser  contre  un 
rocher,  atterrir  de  temps  à  autre  pour  se  procurer 
de  l'eau,  courir  le  risque  de  manquer  de  provi- 
sions que  l'on  ne  pouvait  renouveler  dans  des 
pays  déserts,  souffrir  de  la  chaleur  d'un  climat 
torride,  sous  lequel  l'homme  blanc,  croyait-on, 
pouvait  devenir  noir,  s'engager  parfois  dans  la 
haute  mer  au  risque  de  s'y  perdre,  pour  triompher 
des  courants  qui  viennent  battre  le  cap  Bojador 
ou  le  cap  Vert. 

Peu  d'existences  ont  été  aussi  pénibles  et  aussi 
laborieuses  que  celles  des  rudes  matelots  qui  ma- 
nœuvraient à  bord  des  petits  vaisseaux  portugais. 
Il  fallut,  on  le  comprend,  bien  des  efforts  succes- 
sifs, pour  franchir  les  39  degrés  de  latitude  nord 
qui  séparent  le  Portugal  de  l'équateur,  puis  les  35 
degrés  de  latitude  sud  entre  l'équateur  et  le  cap  de 
Bonne-Espérance.  Ces  74  degrés  représentent  plus 
du  cinquième  de  la  circonférence  du  globe  ter- 
restre. 

Le  prince  Henri,  troisième  fils  du  roi  Jean  de 
Portugal,  fut  le  promoteur  des  découvertes.  Il 
avait  pris  une  part  glorieuse  à  l'expédition  contre 
les  Maures  du  Maroc,  laquelle  avait  eu  pour  résul- 
tat la  prise  de  Ceuta  par  les  Portugais  en  1415  ;  il 
était  grand  maître  de  l'ordre  militaire  du  Christ.  Il 
voulut  continuer,  contre  les  infidèles  d'Afrique,  les 
croisades  interrompues  contre  les  Maures.  Il  éta- 
blit sa  résidence  au  petit  port  de  Sagres,  près  du 
cap  Saint-Vincent;  réunit  autour  de  lui  des  hom- 
mes instruits,  des  marins  courageux,  recueillit  un 
grand  nombre  de  renseignements  sur  la  science 
nautique  de  son  temps,  et  mit  en  pratique,  avec 
persévérance,  la  noble  devise  qu'il  avait  adoptée  : 
«  Talent  de  bien  faire.  » 


En  1418,  deux  gentilshommes  de  la  maison  du 
prince  Henri,  Zarco  et  Vaz  Texeira,  partirent  pour 
tenter  de  doubler  le  cap  Bojador.  Ils  furent  jetés 
par  la  tempête  dans  la  petite  île  de  Puerto-Santo, 
et  revinrent  en  Portugal.  L'année  suivante  ils 
abordèrent  à  Madère  qu'ils  crurent  avoir  décou- 
verte. Cette  île  fertile,  dont  les  forêts  furent,  dit- 
on,  incendiées,  reçut  de  l'infant  Henri  des  plants 
de  vigne  de  Chypre  et  de  Grèce  et  de  cannes  à 
sucre  de  Sicile  :  c'est  de  Madère  que  la  canne  h 
sucre  fut  plus  tard  importée  dans  les  Antilles.  En 
1433,  le  cap  Bojador,  longtemps  redouté,  fut  dou- 
blé par  Gil  Eannez.  Le  pape  Martin  V  venait  d'as- 
similer les  expéditions  maritimes  aux  croisades 
contre  les  infidèles,  et  d'accorder  le  droit  de  con- 
quête à  la  couronne  de  Portugal  et  l'indulgence 
plénière  à  ceux  qui  périraient  dans  ces  expédi- 
tions. En  1443,  Nugno  Tristan  franchit  le  tropique 
du  Cancer  (23°  28'),  doubla  le  cap  Blanc  et  recon- 
nut la  baie  d'Arguin.  Trois  ans  après,  il  découvrit 
l'embouchure  du  Sénégal  et  arriva  au  cap  Vert. 
Les  Portugais  trouvèrent  dans  ces  parages  des  côtes 
habitées  et  y  recueillirent  un  peu  de  poudre  d'or. 
Ils  tuèrent,  ou  prirent  comme  esclaves,  les  natu- 
rels qu'ils  rencontrèrent.  Le  désir  du  lucre  l'em- 
porta sur  l'esprit  de  prosélj'tisme.  Un  marché 
d'esclaves  s'ouvrit  à  Lagos,  en  Portugal,  et  le 
chroniqueur  Azurara,  ému  à  la  vue  du  désespoir 
de  ces  malheureux,  s'écrie  :  «  Leur  humanité  force 
la  mienne  à  pleurer  de  compassion  sur  leurs  souf- 
frances. » 

Lorsque  le  prince  Henri  mourut  à  soixante-sept 
ans  (1463),  les  vaisseaux  portugais  étaient  parvenus 
à  l'entrée  du  golfe  de  Guinée;  on  avait  découvert 
les  îles  du  cap  Vert  et  Sierra- Leone.  On  n'était 
encore  qu'au  tiers  de  la  distance  qui  sépare  le 
détroit  de  Gibraltar  du  cap  de  Bonne-Espérance  ; 
mais  l'impulsion  était  donnée.  A  partir  du  golfe 
de  Guinée,  la  côte  africaine  s'infléchissant  vers 
l'est  et  le  sud-est,  l'espoir  de  découvrir  l'extré- 
mité du  continent  et  la  route  des  Indes  excita 
l'audace  des  navigateurs.  Jean  de  Santarem  et 
Pierre  d'Escalone,  après  avoir  exploré  la  côte  de 
Guinée,  franchirent  l'équateur  :  les  matelots  aper- 
çurent la  grande  Ourse  et  l'étoile  polaire  à  l'hori- 
zon ;  puis  ils  perdirent  de  vue  toutes  les  étoiles  de 
notre  hémisphère  et  se  trouvèrent  dans  une  mer 
inconnue  et  sous  un  ciel  nouveau  ;  mais  on  put 
constater  que  l'aiguille  aimantée  de  la  boussole 
gardait,  dans  l'hémisphère  austral,  sa  direction 
vers  le  nord.  En  148<,  Diego  Cara  arriva  à  l'embou- 
chure du  grand  fleuve  Zaïre  ou  Congo,  auquel 
l'heureux  et  intrépide  voyageur  Stanley  vient  de 
donner  le  nom  de  fleuve  Livingstone,  —  Enfin,  <n 
1486,  Barthélémy  Diaz,  avec  deux  bâtiments,  attei' 
gnit  l'extrémité  de  l'Afrique,  et  dépassa  le  cap 
qu'il  appela  cap  des  Tempêtes,  parce  qu'il  faillit 
y  périr  victime  d'un  ouragan.  Il  revint  à  Lisbonne 
après  un  voyage  de  seize  mois  et  dix-sept  jours. 
Le  roi  Jean  II  de  Portugal  changea  le  nom  du  cap 
en  celui  du  cap  de  Bonne-Espérance.  La  route  des 
Indes  semblait  ouverte;  mais  il  s'écoula  encore 
onze  années  avant  l'immortelle  expédition  de  Vasco 
de  Gama.  —  Dans  l'intervalle,  Christophe  Colomb 
donna  à  l'Espagne  le  Nouveau-Monde. 

Christophe  Colomb.  Découierte  de  V Amérique, 
1492.  —  Christophe  Colomb  naquit  à  Gênes,  vers 
1436,  d'une  famille  d'artisans.  «  Dès  l'âge  le  plus 
tendre  j'allais  en  mer,  écrivait-il  en  1  01,  et  j'ai 
continué  de  naviguer  jusqu'à  ce  jour.  Quiconque 
se  livre  Ji  la  pratique  de  cet  art  désire  savoir  les 
secrets  de  la  nature  d'ici-bas.  Voilà  déjà  plus  de 
quarante  ans  que  je  m'en  occupe.  1  out  ce  que  l'on 
a  navigué  jusqu'ici  sur  les  mers,  je  l'ai  navigué 
aussi.  J'ai  eu  des  rapports  constants  avec  des 
hommes  lettrés,  ecclésiastiques  et  séculiers,  latins 
et  grecs,  juifs  et  maures  et  de  beaucoup  d'autres 
sectes.  Pour  accomplir  ce  désir,  le  Seigneur  s'est 


DÉCOUVERTES 


560 


DECOUVERTES 


montré  favorable  à  mes  desseins;  c'est  lui  qui 
m'accorda  des  dispositions  et  de  l'intelligence.  Le 
Seigneur  me  gratifia  abondamment  de  connais- 
sances dans  les  choses  de  la  marine.  De  la  science 
des  astres  il  me  donna  ce  qui  pouvait  suffire  ; 
de  même  de  la  géométrie  et  de  raritlimétique. 
De  plus,  il  m'accorda  la  capacité  et  l'habileté 
manuelle  pour  dessiner  les  sphères  et  y  placer 
en  leurs  propres  lieux  les  villes,  les  rivières  et  les 
montagnes.  Dans  ce  temps,  j'ai  étudié  toutes  sortes 
d'écrits,  l'histoire,  les  chroniques,  la  philosophie 
et  d'autres  arts  pour  lesquels  Notre-Seigneur  m'ou- 
vrit l'intelligence J'ai  passé  vingt-trois  ans  sur 

mer.  J'ai  vu  tout  le  Levant  et  le  Couchant,  et  le 
Nord  ;  j'ai  vu  l'Angleterre,  j'ai  été  plusieurs  fois  de 
Lisbonne  à  la  côte  de  Guinée.  »  —  Ces  lignes  ré- 
sument presque  tout  ce  que  nous  savons  sur  la 
première  partie  de  la  vie  de  Colomb. 

La  découverte  du  Nouveau-Monde  ne  fut  pas  une 
aventure.  Quand  on  demandait  à  Nev/ton  com- 
ment il  avait  trouvé  et  déterminé  les  lois  de  l'at- 
traction, il  répondit  :  «  En  y  pensant  toujours,  m 
Colomb  eût  pu  faire  la  même  réponse  à  ceux  qui 
lui  demandaient  comment  il  avait  découvert  l'Amé- 
rique. Après  de  longues  années  de  navigation  et 
d'études,  il  crut  à  la  sphéricité  de  la  terre,  niée 
par  la  plupart  des  théologiens  espagnols,  parce 
que  saint  Augustin  avait  écrit  que  les  antipodes 
n'existaient  pas,  mais  admise  par  quelques  savants, 
et  particulièrement  par  l'astronome  florentin  Tos- 
canelli  ;  c'est  sur  sa  foi  en  ce  principe  qu'il  songea 
à  se  rendre  aux  Indes  par  l'ouest,  tandis  que  les 
Portugais  cherchaient  à  y  pénétrer  en  contournant 
l'Afrique.  Dans  l'ignorance  où  l'on  était  de  la 
grosseur  de  la  terre,  Colomb  crut  qu'il  rencontre- 
rait l'extrémité  de  l'Asie  à  90  degrés  de  longitude 
ouest;  or  la  distance  était  de  plus  du  double;  il 
n'arriva  pas  aux  Indes,  mais  il  découvrit  le  Nou- 
veau-Monde. 

Pendant  huit  ans  Colomb  sollicita  inutilement 
l'aide  des  souverains  pour  accomplir  son  entreprise. 
Ni  Charles  VIII  de  France,  ni  Henri  VII  d'Angle- 
terre, ni  Jean  II  de  Portugal,  ni  les  Etats  mariti- 
mes de  l'Italie,  n'accueillirent  sa  démarche  d'une 
manière  efficace.  L'insistance  du  moine  Jean  Perez 
lui  fit  enfin  obtenir  un  accueil  favora'i)le  de  la 
reine  de  Castille.  Par  un  traité  signé  à  Santa-Fé, 
près  de  Grenade,  Colomb  était  créé  grand-amiral 
dans  toutes  les  mers  et  les  continents  qu'il  allait 
découvrir,  et  recevait  en  même  temps  pour  lui  et 
sa  postérité  le  titre  de  vice-roi.  Trois  grandes  cha- 
loupes, la  Santa-Maria,  la  Pi7ita  et  la  Nina  com- 
posaient la  petite  flottille  qui  allait  traverser 
l'Océan.  Les  deux  frères  Pinzon,  marins  éprouvés, 
s'associèrent  à  la  fortune  de  Colomb  ;  quelques 
matelots,  mais  en  petit  nombre,  s'embarquèrent 
volontairement  ;  d'autres  furent  contraints  de 
prendre  part  à  l'expédition.  Après  avoir  reçu  la 
communion,  Colomb  et  les  équipages  mirent  à  la 
voile  au  petit  port  de  Palos  en  Andalousie  (3  août 
1492).  Jusqu'aux  Canaries  la  route  était  connue; 
de  là,  Colomb  se  dirigea  vers  l'ouest.  Le  temps  fut 
favorable;  les  vents  périodiques  ou  alizés,  qui 
soufflent  de  l'est  à  l'ouest  dans  la  mer  des  tro- 
piques, poussèrent  rapidement  les  vaisseaux  dans 
l'océan  inconnu.  La  mer  était  si  calme  et  le  ciel 
si  pur  que  Colomb,  dans  son  journal  de  bord,  com- 
parait ces  belles  nuits  de  la  région  des  tropiques 
à  celles  de  l'Andalousie.  «  Il  n'y  manquait,  dit-il, 
que  le  chant  du  rossignol  ».  On  arriva  à  une  mer 
embarrassée  d'herbes,  et  l'on  crut  prématurément 
au  voisinage  de  la  terre  ;  mais  les  journées  se  suc- 
cédaient sans  qu'on  aperçût  autre  chose  qu'une 
mer  sans  limites.  Le  découragement,  puis  la  ter- 
reur s'emparèrent  de  l'esprit  des  matelots  :  il  n'y 
a  là  rien  de  surprenant  ;  ce  qui  l'est  plus,  c'est 
que  l'amiral,  par  sa  confiance  dans  le  succès  de 
l'entreprise,   par  l'ascendant  que   lui  donnait  son 


grade  et  surtout  par  l'indomptable  énergie  de  son 
âme,  ait  triomphé  des  accès  de  mécontentement 
et  du  désespoir  des  équipages. 

«  Dans  la  soirée  du  11  octobre,  après  que  l'é- 
quipage du  vaisseau  amiral,  selon  la  coutume  de 
chaque  jour,  eut  entonné  le  Salve  Rfgina,  ce  doux 
hymne  à  la  Vierge  qui  est  le  chant  d'adoration 
des  matelots,  Christophe  Colomb  leur  adressa  une 
allocution  propre  à  faire  impression  sur  ces 
hommes  à  l'enveloppe  grossière.  Il  leur  montra  le 
doigt  de  Dieu  les  conduisant  par  des  brises  favora- 
bles à  travers  une  mer  tranquille,  entretenant  leur 
espérance  par  des  signes  sans  cesse  renouvelés, 
multipliant  ces  signes  d'espoir  à  mesure  que  leurs 
craintes  augmentaient,  et  les  guidant  ainsi  comme 
à  une  terre  promise.  11  regardait  comme  probable 
qu'on  toucherait  terre  dans  la  nuit  même  ;  il  or- 
donnait donc  une  garde  vigilante  du  haut  de  la 
dunette,  et  promit  à  celui  qui  verrait  la  terre  le 
premier  un  beau  pourpoint  de  soie,  en  addition  à 
la  pension  considérable  donnée  par  le  roi. 

w  Cette  terre  tant  désirée  fut  reconnue  presque 
à  la  fois  par  Colomb  lui-même  et  par  un  matelot 
du  navire  d'Alonzo  Pinzon,  dans  la  nuit  du  11  au 
1"2.  Le  lendemain  dès  l'aube,  on  s'approcha  du  ri- 
vage. C'était  une  île  plate,  de  plusieurs  lieues 
d'étendue,  toute  couverte  d'arbres  comme  un  vaste 
verger  et  présentant  le  frais  aspect  d'une  magnifi- 
que verdure.  »  (Vivien  Saint-Martin,  Histoire  de  la 
géographie). 

On  apercevait  sur  la  plage  des  habitants  nus  et 
tatoués  ;  les  vaisseaux  jetèrent  l'ancre.  Les  canots 
furent  mis  à  la  mer. 

L'amiral  descendit  à  terre,  vêtu  d'un  riche  cos- 
tume écarlate  et  tenant  à  la  main  l'étendard  royal; 
il  prit  possession  du  sol  au  nom  d'Isabelle  de  Cas- 
tille et  de  Ferdinand  d'Aragon,  et  donna  à  l'île  le 
nom  de  San  Salvador.  (C'est  probablement  l'île  du 
Chat,  une  des  Lucayes.)  Les  compagnons  de  Chris- 
tophe Colomb,  après  avoir  rendu  grâces  à  Dieu 
pour  leur  heureuse  traversée,  firent  éclater  leur 
admiration  pour  l'amiral.  Les  indigènes  inofifensils 
croyaient  voir  arriver  dans  leur  île  des  êtres  venus 
du  ciel.  Hélas  !  cette  première  entrevue  pacifique 
entre  les  habitants  des  Deux  Mondes  devait  être 
suivie  de  cruelles  déceptions. 

Les  indigènes,  que  Colomb  désigna  par  le  nom 
d'Indiens  parce  qu'il  croyait  avoir  touché  à  l'extré- 
mité de  l'Asie,  étaient  timides  et  inoffensifs  ;  les 
Espagnols  firent  moins  d'attention  à  leur  teint  cui- 
vré, à  leur  visage  imberbe,  à  leur  peau  tatouée, 
qu'aux  petites  plaques  d'or  qu'ils  portaient  aux  na- 
rines ;  les  naturels  indiquèrent  le  Sud  comme 
étant  la  région  d'où  provenait  cet  or.  Colomb  remit 
à  la  voile,  découvrit  Cuba,  et  Haïti  qu'il  nomma 
Hispanioia  ;  le  vaisseau  amiral  ayant  échoué  contre 
un  écueil,  les  insulaires  vinrent  en  aide  aux  nau- 
fragés. 

Colomb  n'avait  plus  qu'un  vaisseau.  Abandonné 
par  Pinzon  qui  montait  la  Pinta,  il  résolut  de  re- 
tourner en  Espagne  sur  la  Nina,  petite  caravelle 
délabrée.  11  bâtit  un  fort  à  Hispanioia,  l'arma  des 
canons  de  ia  Sa7itn-Maria  naufragée,  y  laissa  une 
partie  de  ses  compagnons,  et  mit  à  la  voile  le  4 
janvier  1-493.  Après  avoir  été  assailli  par  une 
affreuse  tempête,  il  put  gagner  l'embouchure  du 
Tage  à  Lisbonne,  où  son  expédition  excita  l'admi- 
ration et  la  jalousie  du  Portugal,  et  rentra  au  port 
de  Palos  le  15  mars. 

Il  traversa  l'Espagne,  au  milieu  des  acclamations, 
pour  se  rendre  à  Barcelone  où  Isabelle  et  Ferdi- 
nand le  reçurent  avec  les  plus  grands  honneurs. 
Une  flotte  de  17  vaisseaux,  montée  par  1500 
hommes,  fut  rapidement  préparée  pour  aller  cher- 
cher dans  l'Inde  nouvelle  l'or  et  les  précieux  pro- 
duits de  l'Asie  :  on  ne  savait  pas  encore  qu'il  y  eût 
un  nouveau  monde,  un  continent  quatre  fois  plus 
grand  que  l'Europe,  entre  l'Atlantique  et  les  mers 


DECOU\'ERTES 


—  561  — 


DÉCOUVERTES 


asiatiques.  Colomb  mit  à  la  voile  le  25  septembre 
1493,  et  traversa  l'Atlantique  en  vingt-six  jours. 
Dans  ce  second  voyage ,  il  découvrit  la  Dési- 
rade,  la  Dominique,  Marie-Galante,  la  Guade- 
loupe et  d'autres  îles  de  Tarchipel  des  petites  An- 
tilles, habitées  par  les  Caraïbes,  dont  les  habitudes 
violentes  et  belliqueuses  contrastaient  avec  la 
douceur  des  insulaires  des  Lucayes  et  d'Hispaniola  ; 
la  Jamaïque,  Sainte-Marthe  et  une  partie  du  litto- 
ral de  Cuba. 

Lorsqu'il  arriva  à  Hispaniola,  la  petite  colonie 
qu'il  y  avait  laissée  n'existait  plus.  Les  insulaires, 
poussés  à  bout  par  les  Espagnols,  étaient  parvenus 
à  exterminer  les  oppresseurs  qui  s'étaient  montrés 
à  leur  égard  aussi  impitoyables  que  les  Caraïbes. 
Les  nouveaux  arrivants,  établis  d'abord  à  Isa- 
belle, puis  à  Saint-Domingue,  fondée  par  Barllié 
lemy  Colomb,  frère  de  l'amiral,  virent  s'évanouir 
leurs  rêves  d'opulence.  Pour  extraire  l'or  des  mi- 
nes, pour  récolter  des  céréales  sur  une  terre  fer- 
tile et  brûlante,  où  les  indigènes  ne  semaient 
qu'un  peu  de  maïs,  il  fallait  s'adonner  au  travail. 
Les  bêtes  de  somme  faisaient  défaut.  On  sait  que 
le  cheval  était  inconnu  en  Amérique.  Les  gentils- 
hommes espagnols  qui  avaient  accompagné  Colomb 
considéraient  le  travail  manuel  comme  une  occu- 
pation abjecte.  Les  Espagnols  de  condition  infé- 
rieure ne  se  refusaient  pas  au  travail,  mais  beau- 
coup succombaient  à  la  fatigue.  L'indiscipline 
troubla  la  petite  colonie,  et  l'amiral  eut  alors  plus 
do  peine  h  se  faire  obéir,  qu'il  n'en  avait  eu  à  bord 
des  vaisseaux  de  sa  première  expédition.  On  eut 
à  combattre  les  insulaires  ;  deux  cents  hommes 
d'infanterie,  vingt  cavaliers  et  quelques  limiers 
pour  lesquels  les  indigènes  étaient  un  gibier  de 
chasse,  triomphèrent,  presque  sans  péril,  d'une 
multitude  terrifiée  à  la  vue  des  chevaux,  des  do- 
gues, et  surtout  des  ravages  causés  par  les  armes 
à  feu.  Les  malheureux  vaincus  durent  fournir,  par 
tête  et  tous  les  trois  mois,  les  uns  une  quantité 
déterminée  de  poudre  d'or,  les  autres  vingt-cinq 
livres  de  coton.  Beaucoup  moururent  plutôt  que 
d'accomplir  de  tels  travaux  :  en  vingt-trois  ans  la 
population  indigène  d'Haïti  fut  réduite  d'un  million 
d'habitants  h  quatorze  mille.  On  ne  peut  lire  sans 
horreur  les  actes  de  férocité  commis  par  les  Espa- 
gnols, tels  que  les  rapporte  le  respectable  Las 
Casas,  évêque  de  Chiapa.  Les  bras  des  indigè- 
nes manquant  pour  la  culture  et  les  autres  tra-. 
vaux,  le  gouvernement  espagnol  favorisa  la  traite 
des  nègres  africains  en  Amérique,  où  la  plaie  de 
l'esclavage  ne  fit  que  s'étendre  pendant  plusieurs 
siècles. 

La  science  économique  se  développa  plus  len- 
ement  que  la  science  géographique  ;  il  fallut 
attendre  plus  de  trois  cents  ans  pour  que  les  hom- 
mes apprissent  que  les  métaux  précieux  ne  cons- 
tituent pas  la  richesse,  dont  ils  ne  sont  que  le  signe 
et  la  représentation  convenue  ;  que  le  travail  est, 
sous  toutes  les  latitudes,  le  seul  élément  de  ri- 
chesse pour  les  peuples  comme  pour  les  individus  ; 
enfin,  que  le  travail  doit  être  libre.  Ces  principes, 
aujourd'hui  élémentaires,  échappaient  aux  meil- 
leurs esprits  du  xv=  et  du  xvi=  siècles.  Le  désir 
de  conquête,  avec  toutes  ses  violences,  et  la  passion 
de  l'or,  provoquèrent  des  entreprises  audacieuses 
et  héroïques,  mais  marquées  presque  toujours, 
malgré  les  intentions  généreuses  d'Isabelle  de 
Castille,  et  l'intervention  de  quelques  prêtres  cha- 
ritables, par  des  actes  de  perfidie  et  d'une  abomi- 
nable férocité. 

Revenons  à  Colomb.  Au  moment  où  son  autorité 
était  parfois  méconnue  aux  Antilles,  sa  conduite 
était  calomniée  en  Espagne  ;  il  revint  en  Europe, 
reçut  d'Isabelle  et  de  Ferdinand  un  accueil  hono-^ 
rable,  et  obtint  une  nouvelle  escadre  qui  devait  por- 
ter aux  Antilles  des  colons  pour  y  cultiver  la  terre 
et  y  exploiter  les  mines:  sur  la  demande  de  l'ami- 
2*  Partie. 


rai,  des  malfaiteurs  condamnés  aux  galères  ou  à 
la  mort  obtinrent  d'être  déportés  dans  le  nouveau 
monde. 

Colomb  partit  pour  son  troisième  voyage  le 
-30  mai  1498,  avec  six  vaisseaux.  Il  aborda  le 
1"  août  à  l'île  de  la  Trinité.  Il  reconnut  le  golfe 
de  Paria,  et,  avec  le  génie  d'observation  qui  lui 
était  propre,  il  devina,  en  présence  d'un  courant 
d'eau  douce  qui  se  déversait  dans  l'Océan,  l'exis- 
tence d'un  grand  fleuve  continental,  l'Orénoque. 
Dans  ce  troisième  voyage,  il  ne  fit  pas  d'autres 
découvertes  :  il  trouva  à  Hispaniola  les  Espagnols 
divisés  entre  eux  et  rebelles  à  son  autorité.  Les 
ennemis  qu'il  avait  en  Espagne,  et  parmi  lesquels 
on  doit  nommer  Fonseca,  évêque  de  Badajoz,  ca- 
lomnièrent son  administration  et  sa  conduite. 
Ferdinand  et  Isabelle  envoyèrent  à  Hispaniola 
François  de  Bobadilla  pour  y  décider  du  sort  de 
l'amiral.  On  connaît  l'acte  odieux  qui  a  valu  à  ce 
commissaire  une  triste  immortalité  :  il  fit  embar- 
quer pour  l'Espagne  Colomb  chargé  de  chaînes. 
En  arrivant  à  Cadix,  l'amiral  reçut  de  ses  souve- 
rains une  demi-réparation  :  mais  le  gouvernement 
d'Hispaniola  fut  donné  à  Ovando.  Il  y  a  des  injus- 
tices que  les  âmes  les  mieux  trempées  ne  peuvent 
oublier.  Colomb  voulut  garder  sans  cesse  devant 
ses  yeux  les  chaînes  qu'il  avait  portées  :  «  J'ai  tou- 
jours vu  ces  chaînes  suspendues  dans  son  cabinet, 
dit  Fernand  Colomb  dans  l'histoire  de  son  père, 
et  il  prescrivit  qu'à  sa  mort  on  les  enterrât  avec 
lui.  » 

Il  demanda  les  moj-ens  d'entreprendre  un  qua- 
trième voyage  :  il  voulait  réaliser  le  rêve  de  sa 
vie,  arriver  aux  Indes  par  l'ouest,  en  trouvant  un 
détroit  qui  lui  ouvrît  l'entrée  de  l'océan  Indien. 
On  lui  accorda  quatre  caravelles,  et  il  partit  de 
Cadix  le  9  mai  1.S02.  Il  explora  la  côte  septentrio- 
nale de  l'Amérique  du  Sud  jusqu'à  l'isthme  de 
Darien  :  il  ne  pouvait  découvrir  un  détroit  qui 
n'existe  pas.  Il  perdit  deux  de  ses  caravelles,  et 
fit  naufrage  sur  la  côte  de  la  Jamaïque,  gardant  au 
milieu  de  tant  de  périls  toute  l'intrépidité  de  son 
âme.  Enfin  il  revint  en  Espagne  en  1504  (7  novem- 
bre). Isabelle  de  Castille  mourut  le  26  du  même 
mois.  Colomb  perdait  en  elle  son  dernier  appui. 
Il  mourut  à  Séville  le  20  mai  1506,  à  l'âge  de 
soixante  ans. 

Vaico  de  Gama.  Les  Portugais  aux  Indes.  — En 
nous  conformant  à  l'ordre  chronologique^  qui  est, 
surtout  pour  exposer  de  grands  événements,  la 
méthode  historique  la  plus  sûre,  nous  avons  inter- 
rompu l'histoire  des  voyages  des  Portugais  après 
la  découverte  du  cap  de  Bonne-Espérance  par 
Barthélémy  Diaz  en  i486,  pour  résumer  la  vie  et 
les  découvertes  de  Christophe  Colomb  ;  nous  arri- 
vons maintenant  au  grand  voyage  de  'N'asco  de 
Gama,  de  Lisbonne  à  Calicut. 

Lorsque  le  roi  de  Portugal  Emmanuel,  succes- 
seur de  Jean  II,  résolut  de  préparer  une  expédition 
pour  aller  aux  Indes  en  contournant  l'Afrique,  des 
renseignements  certains  fournis  par  le  voyageur 
portugais  Corilham  permettaient  de  prévoir  le 
succès  de  l'entreprise.  Corilham  s'était  rendu  au 
Caire,  puis  à  Aden  ;  de  là,  sur  un  navire  arabe,  à 
la  côte  occidentale  de  l'inde;  des  relations  fré- 
quentes existaient  entre  l'Inde  et  la  côte  d'Afri- 
que. L'extrémité  du  continent  africain  ayant  été 
découverte  par  Diaz,  il  était  évident  qu'on  pourrait, 
en  se  dirigeant  du  cap  de  Bonne-Espérance  vers 
le  nord-est,  arriver  à  l'océan  Indien,  bien  connu 
des  navigateurs  musulmans  :  mais  quelle  distance 
à  franchir,  et  que  d'obstacles  à  surmonter  ! 

Le  roi  Emmanuel  fit  construire  et  équiper,  avec 
l".  plus  grand  soin,  quatre  navires,  montés  par 
16n  hommes  d'élite,  tant  matelots  que  soldats,  et 
en  confia  le  commandement  à  Vasco  de  Gama, 
gentilhomme  portugais  de  grande  réputation,  che- 
valier de  l'ordre  du  Christ. 

36 


DÉCOUVERTES 


—  562  — 


DECOUVERTES 


Le  8  juillet  14  97,  le  départ  eut  lieu,  après  de 
pieuses  cérémonies  religieuses  et  de  ferventes 
prières.  «  Il  se  répandit  tant  de  larmes  parmi  tous 
ceux  qui  étaient  présents,  dit  Texcellent  historien 
Barros,  qu'à  partir  de  ce  jour,  le  rivage  prit  pos- 
session de  ces  douleurs  immenses.  Ah  !  ce  n'est 
pas  sans  raison  que  nous  l'appelons  la  rive  des 
pleurs  pour  ceux  qui  s'en  vont,  la  terre  du  plai- 
sir pour  ceux  qui  reviennent,  u 

Le  voj'age  d'abord  fut  heureux  :  après  avoir 
relâché  à  la  baie  de  Sainte-Hélène,  à  peu  de  dis- 
tance du  Cap,  Gama  doubla  le  cap  de  Bonne-Espé- 
rance, le  2'2  novembre.  En  arrivant  à  l'extrémité 
sud-est  de  l'Afrique,  la  flottille  fut  mise  en  péril 
par  un  ouragan.  Le  jour  dii  Noël  on  découvrit  une 
côte  qui  reçut  le  nom  de  Terre  de  Natal. 

Gama  passa  au  large  du  cap  Gorrientes  et  du 
port  de  Sofala,  relâcha  àMozambique,  où  il  recueil- 
lit quelques  renseignements  sur  la  route  des 
Lides,  et  remit  à  la  voile  le  1"^  avril  U98.  Il 
relâcha  encore  à  Monbaça,  puis  à  Mélinde.  Dirigés 
par  un  pilote  indien,  les  vaisseaux  portugais  fran- 
chirent les  700  lieues  qui  séparent  l'Afrique  de 
l'Inde,  et  jetèrent  l'ancre,  le  20  mai,  près  de  Cali- 
,  eut,  sur  la  côte  de  Malabar. 

Ce  jour-là,  Gama  prit  place  parmi  les  hommes 
que  l'histoire  n'oublie  pas.  Plus  heureux  que 
Colomb,  il  eut  un  grand  poète  pour  chanter  ses 
exploits,  Camoens,  l'auteur  des  Liisiades. 

Slais  lorsque  Camoens  composa  son  poème,  plus 
d'un  demi-siècle  après  la  découverte  de  la  route 
des  Indes  (les  Lusiades  furent  publiées  en  lô"2). 
les  Portugais  avaient  établi  des  comptoirs  sur  les 
côtes  de  l'Afrique,  de  l'Hindoustan  et  de  l'Indo- 
Chine,  occupé  Ormuz  à  l'entrée  du  golfe  l'ersiquc, 
Socotora  à  l'entrée  de  la  mer  Rouge,  Colombo 
dans  l'île  de  Geylan.  pris  possession  de  Malacca, 
des  Moluques  et  de  Macao,  et  fait  de  Goa  la  capi- 
tule de  leur  empire  colonial.  Leurs  vaisseaux  ap- 
portaient à  Lisbonne  la  poudre  d'or  et  l'ivoire  de 
l'Afrique,  les  perles  du  golfe  Persique,  l'indigo, 
les  tissus,  les  diamants  de  l'Inde,  le  poivre,  la 
cannelle,  le  girofle  des  Moluques,  et  le  cuivre  du 
Japon.  Ne  nous  étonnons  pas  qu'en  présence  de 
si  grands  résultats,  Camoens  ait  consacré  son 
génie  épique  à  célébrer  l'expédition  de  Vasco  de 
Gama,  comme  l'événement  le  plus  glorieux  de 
l'histoire  du  Portugal. 

A  vrai  dire,  cette  expédition  fut  avant  fout  une 
grande  découverte  géographique  ;  avec  trois  vais- 
seaux et  une  centaine  de  soldats,  Gama  ne  pouvait 
pas  songer  à  devenir  un  conquérant.  Son  arrivée  à 
Calicut  excita  l'animosité  des  musulmans,  maîtres 
du  commerce  de  la  mer  des  Indes,  et  le  dédain 
du  roi  de  Calicut  auquel  il  n'offrit  que  des  pré- 
sents mesquins. 

Il  revint  à  Lisbonne  en  1499;  mais  la  voie  des 
Indes  était  ouverte  et  les  expéditions  se  succé- 
dèrent rapidement.  Alvarez  Cabrai  partit  en  1500 
avec  13  vaisseaux  et  1  200  hommes.  Il  fut  jeté  par 
la  tempête  sur  la  côte  du  Brésil  dont  il  prit  pos- 
session au  nom  du  roi  du  Portugal,  et  perdit 
quatre  vaisseaux  en  se  dirigeant  vers  le  cap  de 
Bonne-Espérance  :  l'illustre  Barthélémy  Diaz  fut 
du  nombre  des  victimes.  Cabrai  établit  un  comp- 
toir à  Calicut  :  on  appelait  comptoir  un  terrain 
concédé  aux  Portugais,  sur  lequel  ils  élevaient 
des  constructions  et  des  magasins,  une  forteresse 
et  une  église. 

Les  divisions  qui  existaient  entre  les  rois  de 
l'Hindoustan  furent  mises  à  profit  par  Cabrai  et  par 
ses  successeurs;  le  roi  d'  Cochin  fit  alliance  avec 
les  Portugais  et  leur  permit  de  bâtir  une  forteresse. 
Soarez  Almeida,  premier  vice-roi  des  Indes,  Jean 
de  Castro  et  Albuquerque  assurèrent  et  étendirent 
av,  loin  la  puissance  coloniale  de  leur  pays.  Les 
musulmans  perdirent  la  domination  de  l'océan 
Indien.  «  On  a    peine  à    concevoir   comment  le 


petit  peuple  portugais  put,  en  moins  d'un  demi- 
siècle,  couvrir  de  ses  comptoirs  ou  dominer  par 
ses  forteresses  un  littoral  de  4  000  lieues.  Mais  il 
faut  songer  à  quel  point,  pour  la  foule,  l'amour  du 
lucre  devait  être  excité  par  cette  grande  révolution 
commerciale,  et  aussi  quel  héroïsme  patriotique 
et  religieux  animait  les  premiers  conquérants  de 
l'Inde.  L'homme  trouve  dans  les  grandes  idées 
morales  une  force  invisible.  Les  Gama,  les  Cabrai, 
les  Albuquerque,  les  Jean  de  Castro  se  regardaient 
comme  les  apôtres  armés  de  la  civilisation  et  de 
la  foi  ;  et,  à  leur  suite,  en  effet,  vinrent  ces  hom- 
mes qui  ont  créé  une  espèce  nouvelle  de  héros, 
les  missionnaires.  Jean  de  Castro  mourut  dans 
les  bras  de  saint  François  Xavier.  »  (V.  Duruy.) 

L'empire  colonial  des  Portugais  ne  fut  pas  du- 
rable. Aujourd'hui  les  Hollandais  occupent  les 
Moluques  ;  l'Inde,  Ceylan  et  une  partie  de  l'Indo- 
Chine  appartiennent  aux  Anglais  ;  la  route  décou- 
verte par  Vasco  de  Gama  est  en  partie  délaissée. 
Les  bâtiments  à  vapeur  vont  en  dix-sept  jours  dç 
Marseille  à  Bombay,  par  le  canal  d.'  Suez.  Les  dé- 
pêches télégraphiques  sont  transmises  en  quelques 
heures,  de  Calcutta  à  Londres.  Mais  ni  les  chan- 
gements survenus  dans  l'importance  maritime  et 
commerciale  des  peuples  européens,  ni  les  merveil- 
veilleux  progrès  de  la  science  moderne,  ne  doivent 
nous  faire  oublier  les  efforts  gigantesques  des  pre- 
miers explorateurs. 

Lex  Espagnols  en  Amérique  après  les  voyages  de 
Colomb.  —  Colomb  donna  aux  découvertes  une 
durable  impulsion.  Les  progrès  furent  rapides  ; 
d'intrépides  explorateurs  franchirent  l'océan  Atlan- 
tique sous  des  latitudes  diverses  :  c'est  ainsi  que 
l'on  connut  l'existence  d'un  nouveau  continent, 
d'un  nouveau  monde,  situé  entre  l'Europe  occiden- 
tale et  l'Asie  orientale.  Hojeda,  qui  avait  accom- 
pagné Colomb  dans  son  second  voj'age,  partit  de 
Cadix  en  1499,  avec  un  ancien  pilote  de  Colomb, 
nommé  Jean  do  la  Cosa,  et  longea  les  côtes  du 
nouveau  continent,  de  la  Guyane  au  Venezuela, 
sur  un  espace  de  six  cents  lieues.  Pinzon,  un  des 
anciens  compagnons  de  Colomb,  franchit  l'équateur 
et  arriva  à  la  côte  du  Brésil,  près  du  cap  Saint- 
Augustin,  le  20  janvier  1500,  trois  mois  avant  que 
le  Portugais  Cabrai  fût  jeté  fortuitement  sur  cette 
côte  par  la  tempête.  Il  se  dirigea  vers  le  nord,  dé- 
couvrit l'embouchure  de  l'Amazone,  doubla  le  cap 
Saint-Roch  et  explora  la  côte  de  l'Amérique  sur 
un  espace  d'environ  1  20  i  lieues. 

En  1508  Yanez  Pinzon  et  Diaz  de  Solis  suivirent 
la  côte  en  se  dirigeant  vers  le  sud  jusqu'au  40'  de- 
gré de  latitude  méridionale.  Dans  un  second 
voyage,  Solis  découvrit  l'embouchure  du  Rio  de  la 
Plata.  et  périt  chez  les  indigènes. 

Le  Florentin  Améric  Vespuce  prit  part  à  quatre 
voyages  dans  le  nouveau  monde.  Il  écrivit  une  re- 
lation de  ses  voyages,  et  eut  l'étrange  fortune  de 
donner  son  nom  au  continent  découvert  par  Colomb. 
On  a  beaucoup  disputé  et  même  déclamé  sur  l'in- 
justice de  celte  dénomination.  Elle  fut  l'effet  du 
hasard  et  non  préméditée  par  Vespuce.  Aucun 
voyageur  du  xv'  et  du  xm°  siècle  n'eut  la  préten- 
tion de  donner  son  nom  aux  pays  qu'il  découvrait; 
c'eût  été  une  sorte  de  prise  de  possession  que  les 
rois  n'eussent  pas  tolérée  ;  ni  Colomb,  ni  Cortez, 
ni  Pizarre,  ni  Gama,  ni  Albuquerque,  ni  même 
Magellan  ne  donnèrent  leur  nom  aux  terres  qu'ils 
découvrirent  ou  dont  ils  furent  les  conquérants. 
Le  Mexique,  le  Pérou  gardèrent  leurs  anciens 
noms  ou  furent  désignés  par  le  nom  de  Nouvelle- 
Espagne.  Il  y  eut,  plus  tard,  en  Amérique,  une 
Nouvelle  France  (Canada)  et  une  Nouvelle-Angle- 
terre (Etats-Unis  .  Le  nom  de  la  mère  patrie  se 
retrouvait  ainsi  dans  les  colonies  lointaines,  et  les 
villes  fondées  dans  le  nouveau  monde  portèrent 
le  plus  souvent  le  nom  d'une  ville  d'Europe,  cher 
aux  colons  (New- York,  Nouvelle  Orléans,  etc.)  Le 


DECOUVERTES 


—  563  — 


DECOUVERTES 


plus  souvent  les  caps,  les  îles,  ou  certaines  parties 
du  littoral  étaient  désignés  par  les  noms  des  fêtes 
ou  des  saints  célébrés  le  jour  de  la  découverte  (terre 
de  Natal,  caps  Saint-Augustin,  Saint-Roch,  etc.)- 
Comment  le  Florentin  Vespuce  eut-il  l'honneur 
imprévu  de  donner  son  prénom,  du  reste  assez 
modifié  (Alberico,  Amerigo)  au  continent  tout  en- 
tier? 

Le  nom  à' America  appliqué  au  nouveau  monde 
se  trouve  pour  la  première  fois  dans  un  petit  traité 
de  cosmographie,  rédigé  en  latin  et  imprimé  en 
1507  à  Saint-Dié,  en  Lorraine.  Deux  mappemondes 
dressées  en  Allemagne,  en  15"20  et  en  1522,  por- 
tent aussi  le  nom  d'America.  Dès  lors,  parmi  les 
géographes,  l'usage  prévalut  de  désigner  ainsi  le 
nouveau  continent.  La  gloire  de  Colomb  n'a  pas 
souffert,  on  peut  le  dire,  de  cette  dénomination, 
qui  n'est  qu'une  convention  géographique.  Deman- 
dez à  un  enfant,  dans  toutes  les  écoles  d'Europe, 
qui  a  découvert  l'Amérique?  Il  répondra:  Chris- 
tophe Colomb.  Mais  si  vous  lui  demandez  d'où 
vient  le  nom  d'Amérique,  il  sera,  le  plus  souvent, 
aussi  embarrassé  que  si  on  lui  demandait  d'où 
vient  le  nom  de  l'océan  Atlantique. 

Maqellan.  Premier  viyage  autour  du  monde.  — 
C'est  à  l'expédition  dirigée  par  Magellan  qu'était 
réservée  la  gloire  d'accomplir  le  premier  voyage 
autour  du  monde  et  de  fournir  la  démonstration, 
non  plus  théorique,  mais  expérimentale,  de  la 
sphéricité  de  la  terre. 

Ferdinand  Magellan,  gentilnomme  portugais,  né 
à  Porto  en  1470,  avait  été  aux  Indes  à  l'époque  où 
Albuquerque  faisait  la  conquête  de  Malacca  (1511): 
il  avait  reçu  de  Serrano,  l'explorateur  des  Moluques, 
des  renseignements  sur  les  îles  des  épices,  der- 
nière limite,  à  cette  époque,  des  découvertes  des 
Portugais  dans  l'extrême  Orient.  Revenu  en  Por- 
tugal, il  éprouva  quelques  dégoûts  à  la  cour  du 
roi  Emmanuel  et  offrit  ses  services  au  roi  d'Es- 
pagne. Charles-Quint  eut  confiance  dans  le  génie 
de  Magellan,  et  le  protégea  comme  son  aïeule  Isa- 
belle avait  protégé  <  hristoplie  Colomb.  Ainsi  l'Es- 
pagne dut  à  un  Génois  et  à  un  Portugais  une 
partie  de  sa  gloire.  Si  l'on  considère  l'audace 
de  l'entreprise  de  Magellan,  les  difficultés  presque 
invincibles  qu'il  eut  à  surmonter,  l'immensité  du 
trajet  parcouru  dans  des  mers  inconnues,  et  la 
grandeur  du  résultat  obtenu  par  un  premier 
voyage  autour  du  monde,  on  ne  peut  hésiter  à 
mettre  le  nom  de  Magellan  de  pair  avec  celui  de 
Qu'istophe  Colomb. 

Charles-Quint  donna  à  Magellan  le  commande- 
ment d'une  flottille  de  cinq  bâtiments;  le  but  de 
de  l'expédition  était  surtout  commercial  ;  il  s'agis- 
sait d'arriver  aux  Moluques  et  aux  Indes  par  l'ouest  ; 
il  fallait  donc  contourner  la  partie  méridionale  du 
nouveau  monde  ou  découvrir  un  détroit  qui  mît 
en  communication  l'océan  Atlantique  avec  la  mer 
du  Sud,  vue  parBalboa.  Les  efforts  de  Cabot  et  de 
Cortereal  pour  trouver  un  passage  au  nord  du 
nouveau  continent  avaient  été  infructueux  ;  l'explo- 
ration de  la  mer  des  Antilles  et  d'une  partie  du 
golfe  du  Mexique  avait  montré  qu'aucun  détroit 
n'existait  dans  ces  parages.  A  quelle  latitude  mé- 
ridionale, au  delà  du  Rio  de  la  Plata,  trouverait-on 
un  détroit  ou  un  cap  extrême  ?  Là  était  le  pro- 
blème. 

Des  cinq  vaisseaux,  trois  étaient  commandés  par 
des  capitaines  espagnols,  Quesada,  Mendoza  et 
Carthagena.  On  a  conservé  les  rôles  des  équipages  ; 
ils  comptaient  3Co  hommes,  et  parmi  eux  un  cer- 
tain nombre  de  Français  :  Jean-Baptiste,  de  Mont- 
pellier, l'etit-Jean,  d'Angers,  maître  Jacques,  de 
Lorraine,  Roger  Dupet,  Simon,  de  la  Rochelle, 
Etienne  Villon,  de  ïroyes,  Bernard  Mahuri,  de 
Narbonne,  Barthélémy  Prier,  de  Saint-Malo,  Ripart, 
Bruzen,  de  Normandie,  Pierre  le  Gascon,  de  Bor- 
deaux, Laurent  Caurat    Jean  Breton,  du  Groisic. 


Mentionnons  encore  l'Italien  Pigafetta,  qui  a  écrit, 
en  français,  une  relation  très  intéressante  du  voyage, 
bien  qu'elle  ait  été  faite  avec  plus  de  sincérité  que 
de  discernement. 

Magellan  mit  à  la  voile,  de  San  Lucar  de  Barra- 
meda,  le  20  septembre  1519.  Peu  de  temps  après  le 
départ,  il  eut  à  réprimer,  d'abord  la  familiarité  in- 
solente, puis  l'insubordination  du  capitaine  espa- 
gnol Jean  de  Carthagena,  qui  fut  constitué  prison- 
nier. Le  15  décembre  1520,  la  flottille  arrivait  aux 
côtes  du  Brésil  et  pénétrait  dans  la  baie  de  Rio 
Janeiro.  De  là,  elle  s'avança  jusqu'à  l'embouchure 
du  Rio  de  la  Plata,  qui  fut  dépassée  ;  le  capitaine 
général  s'arrêta,  le  31  mars  153(t,  à  la  baie  de  Saint- 
Julien  où  il  avait  l'intention  d'hiverner.  Le  mé 
contentement  se  répandit  parmi  les  équipages.  Les 
capitaines  Quesada,  Mendoza  et  Carthagena  se  ré- 
voltèrent ouvertement  contre  l'autorité  du  capi- 
taine général.  Magellan,  avec  une  énergie  impi- 
toyable, envoya  six  hommes  résolus  porter  à  Men- 
doza, à  bord  de  la  Victoria,  l'ordre  de  se  rendre  à 
bord  de  la  Tnnidad.  Mendoza  reçut  cet  ordre 
avec  un  sourire  qui  annonçait  le  refus  d'obéir.  Il 
fut  immédiatement  poignardé  ;  en  même  temps 
quinze  hommes  armés,  envoyés  de  la  Trinidad  par 
Magellan,  montèrent  à  bord  de  la  Victoria  où  ils 
ne  trouvèrent  p;is  de  résistance.  Le  lendemain,  les 
deux  autres  vaisseaux  rentrèrent  dans  le  devoir. 
Quesada  fut  décapité. 

C'est  dans  ces  parages  que  l'on  rencontra  quel- 
ques indigènes  de  haute  stature,  les  Patagons  ou 
grands  pieds,  que  Pigafetta,  le  narrateur  de  l'expé- 
dition, représenta  à  tort  comme  des  géants.  Le 
21  octobre  1520,  Magellan  découvrit  le  cap  des 
Vierges,  à  l'entrée  du  fameux  détroit.  L'équipage 
d'un  vaisseau  envoyé  en  reconnaissance  s'ameuta 
et  revint  en  Espagne.  Magellan  traversa  en  vingt 
jours  le  détroit  auquel  on  a  donné  son  nom,  péné- 
tra dans  le  grand  Océan  qu'il  appela  la  mer  Paci- 
fique, et  prit  la  direction  du  nord-ouest.  Pendant 
plus  de  trois  mois  on  n'aperçut  aucune  terre  ; 
beaucoup  d'hommes  moururent  du  scorbut  ;  peu 
s'en  fallut  que  tout  le  monde  ne  pérît  de  faim.  En- 
fin, le  6  mars  1521,  Magellan  découvrit  les  îles  Ma- 
riannes,  qu'il  nomma  îles  des  Larrons,  et  dix  jours 
après,  l'archipel  des  Philippines.  Le  grand  navi- 
gateur avait  résolu  le  problème  d'arriver  par 
l'ouest  aux  îles  des  épices  et  au  continent  asiati- 
que. Mais  il  ne  lui  fut  pas  donné  de  jouir  de  sa 
gloire.  Attaqué  par  les  insulaires  de  la  petite  île  de 
Mntan,  il  tomba  percé  de  lances.  Uii  seul  vais- 
seau, la  Victoria,  revint  en  Espagne  par  le  cap  de 
Bonne-Espérance,  sous  le  commandement  de  Sé- 
bastien del  Cano,  avec  dix-huit  survivants  de  l'ex- 
pédition, dont  un  Français  (<î  septembre  1522).  Le 
premier  voj'age  autour  du  monde  avait  duré  trente- 
sept  mois. 

Conclusion.  —  Nous  arrêterons  ici  notre  récit. 
L'histoire  de  la  conquête  du  Mexique*  par  Cortez, 
celle  du  Pérou*,  par  Pizarre,  la  découverte  de  la 
Floride,  le  voyase  de  l'Anglais  Drake  autour  du 
monde,  l'histoire  des  établissements  hollandais  en 
Océanie,  et  tant  d'autres  questions  intéressantes, 
nous  entraîneraient  à  donner  à  cet  article  des  dé- 
veloppements trop  étendus.  Bornons-nous  à  men- 
tionner les  efforts  souvent  héroïques  et  rarement 
heureux  des  explorateurs  français. 

Jacques  Cartier,  capitaine  de  navire  de  Saint- 
Malo,  fit  quatre  voyages  à  Terre-Neuve,  et  remonta 
le  Saint-Laurent  jusqu'à  la  hauteur  de  Montréal, 
au  Canada  (15:i3-1541'.  Les  capitaines  Jean  Ribaut 
et  Laudonnière  tentèrent  d'établir  des  colonies  de 
protestants  à  la  Floride  (1562-156i).  Sous  Henri  IV, 
Samuel  Champlain  organisa  la  colonie  du  Canada, 
qui  fut  vraiment  une  nouvelle  France.  Au  xviii* 
siècle,  la  France  entreprit  des  explorations  lointai- 
nes :  les  noms  de  d  Entrecastaux  et  de  La  Pey- 
rouse  méritent  d'être   cités  avec  celui  de  l'Anglais 


DEDUCTION 


-.  5G4 


DENSITE 


Cook.  Enfin,  de  nos  jours,  c'est  à  un  Français  que 
le  monde  entier  doit,  non  la  découverte,  mais  la 
création  de  la  nouvelle  route  maritime  des  Indus, 
par  le  canal  de  Suez;  le  nom  de  M.  de  Lesseps 
trouve  naturellement  sa  place  à  la  fin  d'un  article 
consacré  aux  grands  hommes  qui  ont  ouvert  des 
voies  de  communication  entre  les  continents. 

[Alfred  Gérardin.] 

Ouvrages  à  consulter  :  Vi'vien  de  Saint-Martin,  His- 
toire lie  la  Géogra/tliie.  —  Ferdinand  Denis,  Histoire  du 
Porlwjal.  —  Article  Magellan  dans  la  Biographie  univer- 
selle, de  Didot.  —  Washington  Irving,  Histoire  de  Chris- 
tophe Colomb.  —  Éd.  Charton,  les  Voyageurs  anciens  et 
modernes. 

DÉDUCTION.  —  V.  Raisonnement. 

DEGRÉS  DE  COMl'AUAlSOiV  OU  DE  QUALI- 
FICATION. —  Grammaire,  XI.  —  On  appelle 
ainsi  la  forme  que  prennent  les  adjectifs  et  cer- 
tains adverbes  pour  exprimer  l'extension  donnée 
à  la  qualité  ou  à  la  manière  d'être. 

Il  y  a  trois  degrés  de  qualification  : 

1.  Le  positif,  qui  énonce  simplement  la  qualité  : 
cette  fleur  est  belle  ;  vous  marchez  vite. 

2.  Le  comparatif,  qui  élève  la  qualité  par  com- 
paraison :  la  rose  est  plus  belle  que  la  violette; 
vous  marctiez  plus  vite  que  moi. 

3.  Le  superlatif,  qui  porte  la  qualité  à  son 
plus  haut  degré  :  la  rose  est  la  plus  belle  de 
toutes  les  fleurs  ;  vous  marcherez  le  plus  vite 
possible. 

On  a  distingué  trois  comparatifs  :  de  supériorité, 
cette  maison  est  plus  g  r  aride, — d'infériorité,  cette 
maison  est  moins  grande,  —  d'égalité,  cette  mai- 
son est  aussi  grande  que  la  nôtre. 

Et  deux  sortes  de  superlatifs  :  l'absolu,  qui  n'é- 
tablit pas  de  comparaison  :  cette  maison  est  très 
belle,  fort  grande;  —  le  relatif,  qui  établit  cette 
comparaison  :  cette  maisoji  est  la  plus  belle,  la  })lus 
grande  que  nous  ayons  vue. 

Le  superlatif  relatif  est  toujours  formé  par  l'ar- 
ticle défini /e,  la,  les,  et  les  adverbes  plus,  mieux, 
moins,  etc. 

Dans  les  langues  anciennes,  les  degrés  de  qua- 
lification s'exprimaient  par  des  flexions.  En  grec, 
le  comparatif  se  terminait  par  teros  ou  iôn;  le 
superlatif  par  tatos  ou  istos:  sophos  (sage),  sophô- 
teros,  sopkôtutos  ;  kakos  (méchant),  kakiôn,  ka- 
kistos. 

En  latin,  les  comparatifs  finissaient  en  ior  et  les 
superlatifs  enissimus  (parfois  rimus)  : 

Dodus  (savant),  doctior,  doctissimus ;  pulcher, 
pulchrior,  pulcherrimus . 

Mais,  dans  ces  deux  langues,  il  y  avait  des  com- 
paratifs et  des  superlatifs  composés  avec  des  ad- 
verbes ;  ainsi,  en  latin,  pius  (pieux)  avait  pour 
comparatif  magis  pius  et  pour  superlatif  maxime 
vius. 

En  allemand  et  en  anglais,  les  degrés  de  qua- 
lification seformentpar  les  terminaisons  ener,  est 
ou  st. 

Allemand  :  schôn  (beau),  schôner,  der  schônste. 

Anglais  :  s/iort  (court),  shorter,  shortest. 

Il  y  existe  cependant  des  formes  composées  au 
moyen  d'adverbes  :  me/jr  (plus),  am  meisten[\(i 
plus),  en  allemand;  — more,  mo5< en  anglais. 

Le  français  et  les  autres  langues  nées  du  latin 
ont  formé  les  degrés  de  qualification  seulenieni 
au  moyen  des  particules.  Toutefois  il  est  resté  en 
français  trois  comparatifs  latins  :  meiilmr,  qui 
remplace  jo/ws  bon; pire,  qui  existe a.\ec plus  7nau- 
vais;  moindre,  avec  }>lus  petit.  Ils  ont  pour  ad- 
verbes correspondants  :  mieux,  pis,  moins. 

Plusieurs  est  aussi  le  comparatif  do  moult. 
tombé  hors  d'usage.  Enfin  on  peut  encore  regarder 
comme  des  comparatifs  :  majeur,  mineur,  anté- 
rieur, postérieur^  ultérieur,  citérieur. 


Quant  aux  superlatifs  latins  en  issimus,  on  en 
trouve  la  trace  dans  un  petit  nombre  de  mots  ;  les 
uns  sont  des  termes  de  cérémonie  imités  de  l'ita- 
lien :  illustrissime,  séré?iissime,  éminentissvne  ; 
d'autres  des  termes  plaisants  ou  familiers  :  raris- 
sime, richissime,  xava?itissime. 

Les  adjectifs  suprême,  sublime,  intime,  extrême, 
ultième  (syllabe),  ont  quelque  ressemblance  avec 
les  superlatifs  latins. 

Certains  grammairiens  ont  fait  disparaître  de  la 
grammaire  française  ce  qui  concerne  les  degrés  de 
qualification,  disant  que  notre  langue  n'a  pas  de 
formes  spéciales  pour  les  exprimer.  Nous  croyons  ce- 
pendant qu'il  est  utile  de  faire  distinguer  aux  élèves 
les  formes  composées  de  nos  comparatifs  et  de  nos 
superlatifs,  à  cause  des  compléments  qu'ils  amè- 
nent et  des  formes  spéciales  que  prend  la  propo- 
sition subordonnée.  Ordinairement  après  la  con- 
jonction que  qui  suit  le  comparatif,  on  trouve  une 
ellipse,  parfois  du  verbe  et  de  l'attribut  :  voire  sœur 
est  plus  itistruiie  que  la  yniemie  (n'est  instruite)  : 
quelquefois  du  sujet  et  du  verbe  :  votre  ami  est 
aussi  savant  que  (il  est)  modeste. 

Après  les  superlatifs  relatifs,  on  met  au  subjonc- 
tif le  verbe  de  la  proposition  incidente  détermina- 
tive  :  «  Scipion  et  César,  les  plus  vaillants  liommes 
qui  aient  été  parmi  les  Romains,  ne  se  sont  jamais 
exposés  qu'avec  précaution.  »  —  Ce  sont  là  tout 
autant  de  caractères  de  la  langue  qu'il  est  utile  de 
signaler. 

Enfin  pour  l'étude  des  langues  vivantes  de  la 
famille  germanique,  la  distinction  des  degrés  de 
qualification  est  indispensable.  Il  nous  semble 
donc  (.|u'd  faut  la  faire  entrer  dans  l'étude  de& 
éléments  de  la  langue  française. 

[B.  Berger.] 

DENSITÉ.  —  Physique,  VIII.  — -  Si  l'on  prend 
de  plusieurs  corps  un  même  volume,  un  décimètre 
cube  pour  les  solides,  un  litre  pour  les  liquides, 
par  exemple,  et  qu'on  les  pèse,  on  trouve  en  gé- 
néral des  poids  très  différents.  Ainsi,  tandis  que  le 
litre  d'eau  pèse  l  kilogr.,  le  litre  de  mercure  en 
pèse  13,5,  le  litre  d'alcool  0,792  ;  le  décimètre  cube 
de  platine  pèse  22  kilogr.,  celui  de  plomb  11  kilogr., 
celui  d'argent  lu'', 5,  celui  de  fer  7  kilogr.  Ces 
nombres,  dont  chacun  appartient  à  un  corps  donné, 
spécifient  ces  corps  et  pourraient  les  faire  recon- 
naître. Pour  les  comparer,  il  est  indispensable  de 
choisir  une  unité,  un  terme  de  comparaison  ;  on  a 
pris  l'eau,  qui  donne  l'unité  de  poids  dans  notre 
système  de  mesures.  On  peut  dire  alors  qu'à  vo- 
lume égal  le  fer  pèse  7  fois  plus  que  l'eau,  l'ar- 
gent 10,5,  le  plomb  11,  le  platine 22,  l'alcool  0,792, 
le  mercure  13,5.  Ces  nombres  abstraits,  qui  ex- 
priment combien  de  fois  chacune  de  ces  substances 
pèse  plus  ou  moins  que  l'eau,  s'appellent  poids 
spécifiques,  ou  plus  souvent  encore  de7isités.  Le 
poids  spécifique  ou  la  densité  d'un  corps  est  donc 
le  nombre  qui  exprime  combien  de  fois  ce  corps 
pèse  plus  ou  moins  que  l'eau  sous  le  même  vo- 
lume. 

Les  physiciens  distinguent  la  densité  du  poids 
spécifique,  et  ils  la  définissent  rigoureusement  :  la 
masse  de  l'unité  de  volume.  Mais,  si  l'on  veut  bien 
remarquer  que  des  volumes  égaux  de  diverses 
substances  ont  des  masses  proportionnelles  à  leurs 
poids,  on  conclura  que  la  table  des  poids  spécifi- 
ques est  aussi  celle  des  densités  relatives,  et  on 
s'expliquera  la  synonymie  qui  s'est  établie  entre 
ces  deux  expressions. 

La  connaissance  des  densités  ou  poids  spécifi- 
ques est  d'un  usage  continuel  ;  elle  sert  à  trouver 
le  poids  d'un  corps  quand  on  connaît  son  volume. 
Ainsi,  soit  à  ti-ouver  le  poids  d'une  règle  de  fer 
dont  le  volume  est  4  décimètres  cubes  et  la  den- 
sité 7.7  : 

Puisque  la  densité  est  7.7,  c'est  que  le  fer  pèse 
7.7  fois  plus  que  l'eau,  ou  que  le  décimètre  cube 


DENSITE 


—  5Go  — 


DENSITÉ 


de  fer  pèse  7", 700.  Le  poids  de  la  règle  est  donc 
4X7.7  =  30S8. 

Pour  le  trouver,  il  a  suffi  de  multiplier  le  vo- 
lume par  la  densité. 

Si  nous  voulons  traduire  algébriquement  ce  calcul 
en  représentant  îe  poids  par  P,  le  volume  par  V  et 
la  densité  par  D,  nous  écrirons  : 


•d'où  l'on  tire 


P  =  VD , 


•c'est-à-dire  que  la  densité  est  le  quotient  du  poids 
par  le  volume. 

Si  donc  nous  voulons  connaître  la  densité  d'un 
•corps  donné,  il  faudra  chercher  son  poids  et  son 
volume,  et  diviser  l'un  par  l'autre  les  nombres  qui 
les  expriment. 

Recherche  de  la  densité  des  solides.  —  Lorsque 
le  corps  a  une  forme  géométrique  nette  et  simple, 
la  mesure  de  ses  dimensions  donne  son  volume  et 
une  pesée  fait  connaître  son  poids  ;  les  deux  nom- 
bres dont  le  quotient  donne  la  densité  sont  donc 
faciles  à  obtenir.  Ainsi,  proposons-nous  de  trouver 
la  densité  du  cuivre  avec  un  cube  de  ce  métal 
dont  l'ai-ête  est  de  -i  centimètres.  La  pesée  du 
corps  indique  pour  son  poids  5635'',2;  son  volume 
est  43  ou  G4  centimètres  cubes, 


la  densité  est 


503.2 
64 


La  plupart  des  corps  ne  sont  pas  dans  ce  cas. 
Une  pesée  donne  toujours  leur  poids;  mais  leur 
volume  ne  peut  pas  être  obtenu  par  des  mesures, 
puisqu'on  opère  sur  des  fragments  de  toutes  les  for- 
mes. Il  faut  donc,  pour  en  connaître  la  densité, 
recourir  à  d'autres  métliodes.  Toutes  celles  qu'on 
emploie  reposent  sur  le  principe  d'Archimède.  On 
sait,  en  effet,  qu'un  corps  plongé  dans  l'eau  perd 
de  son  poids  le  poids  de  l'eau  qu'il  déplace;  le 
poids  de  l'eau  déplacée  et  le  volume  de  cette  eau, 
qui  est  aussi  le  volume  du  corps,  sont  exprimés 
par  le  même  nombre  :  il  en  résulte  qu'on  peut 
svibstituer  au  volume  d'un  corps  le  nombre  qui  ex- 
prime sa  perte  de  poids  dans  l'eau.  La  recherche 
de  la  densité  nécessite  donc  celle  du  poids  et  celle 
de  la  perte  de  poids  de  l'eau. 

I"  Méthode  de  la  balance.  —  On  suspend  le 
corps,  un  morceau  de  marbre  par  exemple,  par  un 
fil  fin,  à  l'un  des  plateaux  d'une  balance  ;  on  lui 
fait  équilibre  avec  une  tare  placée  dans  l'autre 
plateau.  On  enlève  le  corps  et  on  le  remplace  par 
des  poids  marques  jusqu'à  ramener  l'équilibre.  On 
a  ainsi,  par  double  pesée,  le  poids  du  corps;  soit 
140  grammes.  On  enlève  les  poids  marqués,  on 
suspend  à  nouveau  le  corps  et  on  apporte  au-des- 
sous de  lui  un  vase  d'eau  où  il  peut  plonger.  L'é- 
quilibre est  détruit.  Pour  le  rétabHr,  onajoute  des 
poids  sur  le  plateau  qui  suspend  le  marbre,  soit 
50  grammes  ;  ce  dernier  poids  représente  le  poids 
du  même  volume  d'eau  que  le  corps. 

La  densité  trouvée  pour  le  marbre  est  ^  ou  2,8. 
Le  marbre  pèse  2  fois  8  dixièmes  de  fois  plus  que 
l'eau. 

2"  Méthode  de  l'aréomètre  de  Nicholson.  — 
Varéomètre  *  de  Nicholson  est  un  flotteur  à  vo- 
lume constant.  C'est  un  cylindre  creux  en  tùle 
mince,  terminé  par  deux  cônes  ;  le  cône  supérieur 
porte  une  tige  surmontée  d'un  plateau;  le  cône 
inférieur  suspend  une  petite  corbeille  contenant 
des  corps  lourds  pour  lester  l'appai-eil.  Le  tout  est 
construit  dételle  sorte  que,  dans  l'eau,  il  enfonce 
d'à  peu  près  moitié  de  sa  longueur.  On  marque 
d"abord  sur  la  lige  un  point  qu'on  appelle  poi}it 


d'affleurement.  Puis  on  place  le  flotteur  dans  l'eau. 
Soit  h  chercher  avec  lui  la  densité  du  cristal.  On 
en  prend  un  morceau,  qui  ne  fasse  pas  complète- 
ment enfoncer  l'appareil.  On  le  met  sur  le  pla- 
teau supérieur,  et,  à  côté  de  lui,  de  la  grenaille  de 
plomb  jusqu'à  ce  que  le  flotteur  plonge  jusqu'au 
point  d'affleurement.  On  enlève  le  corps  "et  on  le 
remplace  par  des  poids  gradués,  qui  produisent  !• 
même  effet.  On  a  ainsi,  par  double  pesée,  le  poids 
du  corps  :  le  flotteur  a  servi  de  balance.  Soit 
4«'',72.  On  retire  les  poids  et  on  met  le  corps  dans 
la  corbeille  de  l'aréomètre  que  l'on  fait  de  nouveau 
plonger.  Pour  ramener  l'affleurement,  il  faut  ajou- 
ter des  poids  sur  le  plateau  supérieur;  soit  P',43. 

La  densité  trouvée  est  p||  =  3.3.  Le  cristal 
pèse  3  fois  3  plus  que  l'eau. 

30  Méthode  rapide.  —  Quand  on  veut  opérer  ra- 
pidement et  qu'on  n'exige  pas  des  résultats  d'une 
exactitude  rigoureuse,  on  se  procure  un  tube  en 
pipette,  effilé  à  une  extrémité  et  gradué  en  centi- 
mètres cubes,  et  un  flacon  au  goulot  duquel  on  a 
fixé  verticalement  une  aiguille,  la  pointe  en  bas. 
On  pèse  le  corps  dont  on  veut  trouver  la  densité 
sur  une  balance  ordinaire.  On  remplit  ensuite  le 
flacon  jusqu'à  la  pointe  de  l'aiguille.  On  y  plonge 
le  corps;  puis,  avec  le  tube-pipette,  on  enlève 
d'abord  assez  d'eau  pour  découvrir  la  pointe  qui 
plonge  dans  le  liquide  depuis  l'immersion  du 
corps,  et  on  laisse  retomber  l'eau  goutte  à  goutte 
jusqu'à  ramener  le  niveau  à  la  pointe  de  l'aiguille. 
Le  nombre  de  centimètres  cubes  d'eau  restés  dans 
le  tube  exprime  le  volume  du  corps.  Il  reste  à  di- 
viser le  poids  par  ce  volume  pour  avoir  la  densité 
cherchée. 

Voici  le  tableau  de  la  densité  des  principaux 
corps  solides  : 


.\cier 7.  SI 

.\lbâtre 1.87 

Aluminium 2.07 

Antimoine 0.71 

Argent 10,47 

Arsenic .ï .  "5 

Bois  de  cèdre 0.50 

—  de  hêtre 0.83 

—  d'orme (i.80 

—  de  peuplier 0.S8 

—  de  sapin 0.66 

—  de  tilleul O.fO 

Cobalt 8. .51 

Corail 2.68 

Cristal  de  roche 2.65 

Cuivre  en  fil S. 88 

Diamant .3. .53 

Étain 7.29 

Fer 7.79 

Klint-glass 3.60 

Fonte  de  fer 7.21 

Glace 0.93 


Gypse   2.33 

Granit 2.70 

Gra|>liite 2.23 

Houille 1.33 

Iode 4.95 

Ivoire 1.92 

Laiton 8.30 

Liège 0.24 

Jlarbrc 2.84 

Or 19.26 

Phosphore 1.84 

—  rouge 2.10 

Platine 21.15 

Plomb 11.33 

Porcelaine  de  Chine..  2.38 

—  dB  Sèvres..  2.24 

Potassium 0.86 

Sodium 0.97 

Soufre 2.03 

Succin 1.08 

Verre 2.49 

Zinc 6.86 


Recherche  de  la  de?isité  des  liquides.  —  La  den- 
sité d'un  liquide  est  le  rapport  du  poids  d'un  cer- 
tain volume  de  ce  liquide  au  poids  du  même  vo- 
lume d'eau.  D'après  cette  définition,  il  faut  donc, 
pour  obtenir  la  densité  d'un  liquide  donné,  cher- 
cher le  poids  d'un  volume  déterminé  de  ce  liquide, 
celui  du  même  volume  d'eau,  et  diviser  le  premier 
par  le  second. 

1"  Méthode  rapide.  —  Quand  on  n'a  pas  besoin 
d'une  exactitude  rigoureuse,  on  peut  employer  la 
méthode  suivante,  qui  est  la  plus  prompte.  On  met 
sur  l'un  des  plateaux  d'une  balance  un  petit  vase 
avec  150  ou  200  grammes  et  on  fait  sa  tare  sur 
l'autre  plateau.  On  prend  avec  une  pipette  graduée 
lOU  centimètres  cubes  du  liquide  donné  et  on  les 
verse  dans  le  petit  vase;  on  enlève  alors  des  poids 
du  plateau  pour  rétablir  l'équilibre.  Ces  poids  re- 
présentent le  poids  de  lOO  centimètres  cubes  du 
liquide,  et  Ion  sait  que  lOl)  centimètres  cubes  d'eau 
pèsent  100  grammes.  Il  suffit  donc  de  diviser  par 


DENSITE 


—  o6G 


DEiNSlTE 


100  les  poids  retirés  de  la  balance  pour  avoir  la 
densité  du  liquide. 

2°  Méthode  de  l'aréoinèfre  de  Fahrenheit.  —  Cet 
instrument  est  un  flotteur  en  verre  creux,  sur- 
monté d'une  petite  tige  où  se  trouve  un  point 
marqué  pour  l'affleurement  et  d'un  petit  plateau  ; 
il  est  terminé  à  sa  partie  inférieure  par  une  boule 
qui  contient  des  grains  de  plomb  ou  du  mercure 
destiné  à  lester  l'appareil.  On  détermine  d'abord 
le  poids  de  l'aréomètre  avec  une  balance;  soit 
80  grammes.  On  plonge  ensuite  l'appareil  dans 
l'eau  pure  et  on  met  sur  le  plateau  supérieur  les 
poids  nécessaires  pour  le  faire  affleurer,  soit 
15  grammes.  Comme  tout  corps  flottant  déplace 
un  poids  de  liquide  égal  à  son  propre  poids,  on 
en  conclut  que  le  poids  de  l'eau  déplacée  par 
l'appareil  pour  affleurer  est  de  80  +  15  ou  95  gram- 
mes. On  inscrit  ce  nombre  sur  l'aréomètre,  ainsi 
que  son  poids  80  grammes,  pour  servir  dans  toutes 
les  recherches  ultérieures.  On  n'a  plus  alors  pour 
chaque  liquide  qu'une  opération  à  faire  pour  trou- 
ver sa  densité. 

4insi  soit  à  trouver  la  densité  de  l'acide  sulfu- 
rique.  On  en  verse  une  certaine  quantité  dans 
une  large  éprouvette  ;  on  y  plonge  l'aréomètre 
que  l'on  charge  de  poids  jusqu'à  ce  qu'il  affleure. 
On  a  ajouté  fi4«',8.  Le  poids  de  l'acide  sulfurique 
déplacé  est  donc 

94.8  +  80    ou    174.8. 

Le  poids  du  même  volume  d'eau  est  95  grammes. 

La  densité  de  l'acide  est  ^^^  =^  1 .84. 

3°  Méthode  du  flacon.  —  Pour  les  recherches 
rigoureuses,  on  se  sert  d'un  petit  flacon  surmonté 
d'un  tube  fin.  On  le  pèse  plein  du  liquide,  puis 
vide,  et  on  obtient  par  différence  le  poids  du  liquide 
qui  y  est  contenu.  On  le  pèse  à  nouveau  plein 
d'eau  distillée  et  on  déduit  le  poids  de  l'eau  qui  le 
remplit.  On  divise  le  premier  poids  par  le  second 
et  on  obtient  la  densité  du  liquide.  Mais  cette  mé- 
thode ne  donne  des  résultats  qu'entre  des  mains 
exercées. 

Voici  un  tableau  des  densités  des  principaux  li- 
quides : 


0.806 

1.217 

1.21 

1.84 

1.026 

1.000 

0.715 

0.S70 

0.917 

0.9 

0.913 

Acide  azotique 

—  chlorliydrique  . . 

—  sulfurique 

—  de  pavot 

—  de  chènevis 

—  distillée 

Éther  ordinaire  

Lait 

nulle  d'olive 

—  de  suif  ou  oléine 

—  de  colza 

Sulfure  de  carbone... 
Vin  de  Bordeaux 

0.918 
0.924 
0.927 
0.934 
0.961 
0.927 
1.03 
.13.59 
l.ï93 
0.994 


Corrélation  des  volumes  et  des  poids  pour  les 
solides  et  les  liquides.  —  Des  trois  quantités,  le 
poids,  le  volume  et  la  densité  d'un  corps,  si  deux 
sont  connues,  on  peut  très  facilement  trouver  la 
troisième.  Elles  sont  en  effet  liées  par  la  relation 


d'où  l'on  tire 


P  =  VXD, 

P  P 

V  =  -      et     D  =  _, 


c'est-à-dire  qu'on  obtient 

Le  poids  d'un  corps,  en  multipliant  son  volume  par  sa  densité  ; 
Le  volume        —      en  divisant  son  poids  par  sa  densité  ; 
La  densité       ■>-     en  divisant  le  poids  par  le  volume. 

Mais  il  importe  de  ne  jamais  perdre  de  vue,  dans 
les  calculs  sur  ces  questions,  la  corrélation  qui 
existe  entre  le  poids  et  le  volume.  L'unité  de  poids 
peut  varier  :  c'est  tantôt  le  gramme,  le  kilogramme 
OU  la  tonne.  A  chacune  de  ces  unités  correspond 


une  unité  de  volume  particulière.  Si  donc  le  poids 
est  exprimé  en  grammes,  le  volume  sera  évalué 
en  centimètres  cubes;  si  le  poids  est  donné  en 
kilogrammes,  le  volume  s'exprimera  en  décimètres 
cubes  ;  si  le  poids  est  évalué  en  tonnes,  le  volume 
le  sera  en  mètres  cubes.  Inversement,  à  des  vo- 
lumes exprimés  en  mètres  cubes,  décimètres  et 
centimètres  cubes,  correspondront  des  poids  en 
tonnes,  kilogrammes  ou  grammes.  Et  si  un  énoncé 
de  problème  gssociait  des  poids  et  des  volumes 
non  corrélatifs,  il  faudrait  d'abord  mettre  ces  quan- 
tités en  harmonie  l'une  avec  l'autre  avant  de  com- 
mencer les  calculs. 

Densité  des  gaz  et  des  vapeurs.  —  Les  poids 
spécifiques  des  gaz  et  des  vapeurs  n'ont  pas  été 
rapportés,  comme  ceux  des  solides  et  des  liquides, 
au  poids  spécifique  de  l'eau  pris  comme  unité.  On 
aurait  eu,  en  effet,  des  nombres  décimaux  peu  com- 
modes pour  les  calculs  et  dont  on  n'aurait  pas 
aperçu  facilement  les  rapports.  Ainsi,  la  densité 
du  chlore,  l'un  des  gaz  les  plus  lourds,  aurait  été 
exprimée  par  le  nombre  0.00317;  et  celle  de  l'hy- 
drogène, le  gaz  le  plus  léger,  par  le  nombre 
0.00008996. 

L'unité  choisie  est  l'air.  Et  comme  l'air,  ainsi 
que  tous  les  autres  gaz,  varie  de  volume  avec  la 
température  et  la  pression,  il  faut  le  prendre  dans 
des  conditions  bien  déterminées.  On  prend  l'air  à 
la  température  (t°  et  sous  la  pression  barométri- 
que de  160  millimètres.  La  densité  d'un  gaz  se 
définit  alors  le  nombre  de  fois  que  le  litre  de  ce 
ij'iz  pèse  plus  ou  moins  que  l'air  à  la  température 
()"  et  sous  In  pression  7(j0  millimètres  ;  ou  encore, 
d'une  manière  plus  générale,  c'est  le  rapport  du 
poids  d'un  volume  de  gaz  au  poids  du  même  vo- 
lume d'air  pris  tous  deux  dans  les  mêmes  condi- 
tions de  température  et  de  pression. 

C'est  ainsi  qu'on  dit  que  la  densité  de  l'oxygène 
est  1.1056,  celle  du  chlore  2.44,  pour  indiquer  que 
le  premier  de  ces  gaz  pèse  1.1056  fois  plus  que 
l'air,  et  le  second  2.44  fois  plus. 

Le  poids  du  litre  de  chaque  gaz,  à  0°  et  sous 
la  pression  de  760  millimètres,  est  le  produit  de  la 
densité  du  gaz  par  le  poids  du  litre  d'air  dans  ces 
conditions.  Or  le  poids  du  litre  d'air,  à  t  °  et  sous 
la  pression  7(50,  est  H',293  ou  approximativement 
l'^.S.  Il  faut  donc,  pour  obtenir  le  poids  du  litre 
d'un  gaz,  multiplier  sa  densité  par  l.-'93,  ou,  si 
l'on  ne  tient  pas  à  une  exactitude  aussi  rigou- 
reuse, par  1.3. 

Remarquons  que,  tandis  que  le  litre  d'un  liquide 
ou  le  décimètre  cube  d'un  solide  s'exprime  en  ki- 
logrammes, le  litre  d'un  gaz  est  exprimé  en  gram- 
mes ;  que  le  poids  d'un  certain  volume  de  gaz  dont 
on  donne  la  densité  est  le  produit  de  trois  fac- 
teurs, le  nombre  de  litres,  la  densité  et  le  poids 
du  litre  d'air  ;  et  enfin  qu'à  un  poids  de  gaz  ex- 
primé en  grammes  correspond  un  volume  évalué 
en  litres. 

Le  calcul  du  poids  d'un  volume  donné  d'un  gaz, 
et  celui  du  volume  que  doit  occuper  un  poids 
connu,  dans  telles  ou  telles  conditions  de  tempé- 
rature et  de  pression,  nécessitent  la  connaissance 
de  la  loi  de  Mariette  et  des  dilatations* ;  nous  les 
renvoyons  à  ce  mot. 

Au  lieu  de  prendre  comme  unité  de  densité  des 
gaz  le  poids  du  litre  d'air,  on  choisit  souvent  le  poids 
du  litre  d'hydrogène  qui  est,  à  0°  et  sous  la  pres- 
sion 7G0,  de  0^',0896.  Le  poids  du  litre  de  chaque 
gaz  est  alors  le  produit  par  ce  nombre  de  la  den- 
sité du  gaz  rapportée  à  l'hydrogène. 

Ce  choix  de  l'hydrogène  présente  en  chimie  un 
très  grand  avantage  :  c'est  que  les  densités  des 
gaz  simples  sont  égales  à  leurs  équivalents  *  ou 
doubles  de  ces  équivalents,  et  que  celles  des  gaz 
composés  en  sont  le  plus  souvent  des  sous-multi- 
ples. On  en  peut  juger  par  le  tableau  suivant  qui 
indique  la  densité  des  principaux  gaz. 


DENTS 


567  — 


DENTS 


DENSITÉS  DES  GAZ. 

FORMULES 

rapportées 
a  l'air. 

rapportées 
à   l'hydrogène. 

anciennes. 

noinellcs. 

0.069Î 

0.971 

2.44 

1.1056 

0.596 

0.556 

0.9S3 

1.^29 

0.967 

2.231 

1   19 

1.24 

1.529 

1.03 

2. il 

2.64 

2.77 

2.56 

0.622 

1.60 

3.06 

1.12 

l.SO 

0.947 

1 

14 

35.5 
16 

8.5 

8 

14 
22 
14 
32 
17 

18.25 
22 
15 
32 
38 
39 
57 

9 
23 
44 
16 
26 
13.5 

H    =     \ 

Az —     14 

H 1 

Az.                       14 

Azote 

Chlore 

CI =     35.5 

0 =       8 

AzH3 =     17 

C2H> —     16 

Cl 35.3 

0            .             16 

AzH3 17 

CH»        .       .     16 

C-H* =     28 

C02 —     22 

C^H' 28 

C02        .            44 

CO —     14 

CO  . . .                ^3 

SOS —     32 

SO "     64 

HS =     17 

HCl —     36.5 

H2S 34 

HCl.                '     o6  5 

AzO =     22 

AzO* —     30 

AzJO 44 

AzO 30 

S 3^ 

S —     16 

—      de  .'ulfure  de  carbone. 

CS2 =     3S 

C12H6 =     78 

C4H50 =     37 

HO =       9 

C4H602 —     46 

CmsO,  C'U30i     =     88 

C2H402 =:     32 

C2Az =     26 

HCSAz =     27 

CS2 76 

cens 78 

C4H100 74 

H20 18 

C2H60 46 

OWOi 88 

CHiO 32 

C\z "6 

—  d'éther  acétique 

—  d'esprit  de  bois 

Cyanogène 

HCAz 27 

La  recherche  de  la  densité  des  gaz  et  des  vapeurs 
présente  beaucoup  de  difficultés.  Il  faut  avoir  le 
poids  d'un  volume  exactement  connu  du  gaz 
donné,  dans  des  conditions  connues  de  température 
et  de  pression;  puis,  en  second  lieu,  le  poids  du 
même  volume  d'air,  absolument  dans  les  mêmes 
conditions.  Le  faible  poids  des  gaz,  les  variations 
qu'il  subit  avec  la  pression  et  la  température  font, 
de  cette  expérience,  l'une  des  plus  difficiles  de  la 
physique.  Elle  n'a  été  conduite  à  bien  que  par  les 
expérimentateurs  les  plus  habiles. 

Expériences  et  applications.  —  1.  Déterminer  la 
densité  du  fer  en  mesurant  les  dimensions  d'une 
règle  de  fer  et  en  cherchant  son  poids  par  la  ba- 
lance; —  la  densité  d'un  minerai,  par  le  flotteur 
de  Nicholson. 

2.  Calculer  le  poids  d'un  corps  dont  on  connaît 
le  volume  et  la  densité;  le  volume  d'un  solide  ou 
d'un  liquide  dont  on  adonné  la  densité  et  le  poids. 

3.  Calculer  le  poids  d'un  volume  connu  à  0"  d'un 
gaz  simple  ou  composé,  en  prenant  sa  densité  par 
rapport  à  l'air  et,  en  second  lieu,  par  rapport  à 
l'hydrogène. 

Chercher  quel  volume  doit  occuper  à  0°  un  poids 
donné  d'un  gaz.  [Haraucourt.] 

DE>TS.  —  Zoologie  et  Physiologie,  XXXIIL  — 
Les  dents  sont  des  produits  de  la  peau  comme  les 
poils,  de  consistance  osseuse,  implantés  dans  les 
mâchoires  et  sur  leurs  bords  de  façon  à  constituer 
les  arcades  dentaires,  et  servant  à  la  division  des 
substances  alimentaires.  —  Elles  doivent  être  étu-  ! 
diées  chez  l'homme  :  1°  en  général,  2°  en  particu- 
lier, et  ensuite  chez  les  animaux  vertébrés. 

I.  Des  de.nts  chez  l'homme.  —  Dents  en  général. 
—  Toute  dent  est  enfoncée  dans  un  cul-de-sac 
creusé  sur  le  bord  inférieur  de  la  mâchoire  su-  \ 
périeure  ou  le  bord  supérieur  de  la  mâchoire  in-  \ 
férieure  et  qu'on  nomme  alvéole  :  celui-ci  est  ta- 
pissé tout  entière  par  un  repli  de  la  muqueuse  ' 
qui  a  produit  la  dent,  ainsi  que  nous  le  verrons. 

Létude  de  la  dent  en  général  comprend  celle  ' 
de  ses  parties,  de  son  développement,  de  sa  struc-  ' 
tare. 

1°  Parties  d'une  dent.  —  La  région  de  la  dent 
contenue  dans  l'alvéole  se  nomme  racine;  celle 
qui  en  émerge  s'appelle  couronne;  et  la  région 
intermédiaire,  ordinairement  un  peu  étranglée, 
est  le  col  ou  collet. 


La  racine  (ou  les  racines,  car  la  dent  peut  en 
avoir  de  une  à  quatre)  est  creusée  intérieurement 
d'un  canal  en  cul-de-sac,  ouvert  à  son  extrémité 
par  le  méat  deritaire,  et  dirigé  suivant  l'axe  de  la 
dent. 

2°  Structure  des  dents.  —  Ces  organes  sont 
formés  d'un  tissu  mou  et  de  tissus  pierreux.  Le 
premier  est  renfermé  dans  le  canal  dentaire,  dans 
lequel  il  pénètre  par  le  méat  ;  il  est  constitué  par 
un  nerf  sensible,  une  artériole  et  une  veinule.  Les 
tissus  durs  sont  au  nombre  de  trois,  ïivoire,  l'émail 
et  le  cément. 

h'ivoire  occupe  tout  l'intérieur,  sauf  le  :anal 
dentaire.  C'est  une  substance  blanc  jaunâtre , 
calcaire  et  poreuse  ;  elle  est  en  effet  creusée  de 
canalicules  ramifiés,  d'une  ténuité  extrême,  qui 
rayonnent  des  parois  du  canal  dentaire,  dans  le- 
quel ils  s'ouvrent,  à  la  périphérie  de  la  dent 
jusque  sous  les  tissus  extérieurs  à  l'ivoire.  Vémail 
est  extérieur  et  recouvre  l'ivoire  sur  la  couronne; 
c'est  un  corps  très  blanc,  très  dur,  très  cassant  et 
très  dense.  Il  est  formé  de  petites  fibres  à  section 
hexagonale,  juxtaposées  sans  laisser  entre  elles 
d'intervalle,  et  par  conséquent  faisant  fonction 
d'un  tégument  protecteur.  Le  rément  recouvre  la 
surface  de  la  racine  comme  l'émaii  recouvre  celle 
de  la  couronne,  mais  son  épaisseur  est  moindre 
chez  l'homme.  C'est  des  trois  tissus  dentaires  le 
seul  qui  soit  identique  à  la  substance  osseuse  ;  ce 
qui  explique  la  possibilité  du  phénomène  de  la 
dent  barrée,  consistant  en  une  soudure  du  cément 
et  de  l'os  maxillaire  à  travers  la  muqueuse  de 
l'alvéole. 

Développement  des  dents.  —  Les  dents  se  déve- 
loppent chez  l'homme  dans  l'épaisseur  des  mâ- 
choires et  dans  l'intérieur  de  petits  sacs  à  parois 
vasculaires  constituant  la  capsule  dentaire.  Dans 
la  capsule  dentaire  est  renfermé  le  bulbe,  bourgeon 
pulpeux  recevant,  du  dehors  de  la  capsule,  des 
vaisseaux  nourriciers  et  des  filets  nerveux.  Sur  ce 
bulbe  apparaît  d'abord  par  petits  Ilots  séparés 
l'ivoire,  qui  peu  à  peu  le  coiffe  complètement 
en  le  comprimant  de  plus  en  plus,'  l'émail  se 
déposera  alors  à  la  surface  de  l'ivoire,  et  ce  sont 
les  parois  do  la  capsule  qui  le  produisent;  quand 
la  couronne  est  formée,  la  racine  apparaît,  ou  n'ap- 
paraît pas  si  les  dents  (ce  qui  arrive  pour  Vhomme) 
doivent  être  remplacées  ultérieurement  par  d'au- 


DENTS 


568  — 


DENTS 


très.  Dans  les  dents  définitives,  le  bulbe  peut  dis- 
paraître complètement,  ou  devenir  plus  ou  moins 
rudimentaire  (pulpe  dentaire)  ;  mais  la  cavité 
centrale,  quoique  très  diminuée,  persiste.  D'autres 
fois  le  bulbe  conserve  toute  sa  vitalité,  et  alors  la 
dent,  en  s'usant  par  son  extrémité,  repousse  par  sa 
base  {rongeurs.  Quand  l'organe  masticateur  est 
formé  dans  l'épaisseur  des  mâchoires,  il  s'accroît 
de  bas  en  haut,  et  n'a.  pour  ainsi  dire,  que  la  gen- 
cive à  percer  pour  faire  saillie  au  dehors,  le  plan 
osseux  qui  la  sépare  de  l'extérieur  étant  extrême- 
ment mince. 

Dents  en  particulier.  —  On  distingue,  d'après 
leur  position  sur  les  mâchoires  et  leur  fonction, 
les  dents  en  incisives,  canines,  molaires.  Ces  der- 
nières, chez  l'homme,  sont  divisées  en  petites  ou 
fausses  molaires,  et  grosses  ou  vraies  molaires. 

On  sait  que  dans  l'espèce  humaine  les  dents  se 
renouvellent;  l'enfant  a  d'abord  vingt  dents  ca- 
duques qui  seront  remplacées  par  vingt-imit  autres; 
puis  à  l'âge  adulte  quatre  molaires  viendront  com- 
pléter l'armature  buccale  et  portera  trente-deux  le 
nombre  des  organes  de  la  mastication.  Quel  que  soil 
l'âge,  le  nombre  des  incisives  et  des  canines  est 
le  même.  Les  dents  de  la  première  dentition  ne 
se  distinguent  des  dents  définitives  que  par  l'ab- 
sence de  racines  et  leur  dimension  un  peu  moindre; 
en  indiquant  la  forme  de  la  couronne  de  ces  der- 
nières, nous  décrirons  donc  en  même  temps  celle 
des  dents  de  lait. 

Les  incisives,  au  nombre  de  quatre  en  haut  et  de 
quatre  en  bas,  sont  situées  à  la  région  moyenne  et 
antérieure  de  la  mâchoire.  Leur  couronne  est 
aplatie  en  avant  et  en  arrière,  convexe  antérieure- 
ment, à  bord  taillé  en  biseau  en  arrière.  Les  in- 
cisives supérieures  dépassent  un  peu  en  avant  les 
inférieures,  et  elles  n'ont  qu'une  racine  ;  ces  dents 
coupent  en  agissant  comme  deux  lames  de  ciseaux. 
—  Les  canines  sont  au  nombre  de  deux  à  chaque 
mâchoire,  une  de  chaque  côté  des  quatre  incisives; 
on  nomme  quelquefois  celles  du  haut  œillères . 
Leui*'couronne  rappelle  celles  des  précédentes; 
elles  sont  pourtant  plus  coniques  ;  elles  ne  sont 
pourvues  que  d'une  racine  ;  comme  les  suivantes, 
elles  servent  à  déchirer  les  substances  alimentaires, 
et  surtout  la  pulpe  de  la  viande. — Les  fausses  mo- 
laires sont  au  nombre  de  six  chez  l'adulte,  trois  à 
la  suite  de  chaque  canine;  nous  reparlerons  plus 
loin  de  leur  forme  ;  elles  ont  de  deux  à  trois  racines. 
Enfin,  les  grosses  molaires,  au  nombre  de  quatre  à 
chaque  maxillaire,  également  chez  l'adulte,  ont 
des  couronnes  propres  à  broyer,  comme  des  meules 
larges  et  divisées  en  quatre  tubercules  ;  elles  peu- 
vent avoir  jusqu'à  quatre  racines,  et  servent  à  broyer 
les  substances  alimentaires. 

C'est  à  l'âge  de  six  à  dix  mois  qu'apparaissent 
chez  l'enfant  les  premières  dents.  Les  deux 
incisives  moyennes  et  inférieures  se  montrent  les 
premières  ;  deux  ou  trois  semaines  plus  tard  ap- 
paraissent les  deux  incisives  supérieures  corres- 
pondantes, puis  les  deux  autres  incisives  infé- 
rieures, auxquelles  succèdent  les  dents  correspon- 
dantes supérieures.  C'est  à  un  an  que  les  canines 
se  montrent  d'abord  en  bas,  puis  en  haut  ;  et,  peu 
de  temps  après,  les  huit  molaires  (deux  de  chaque 
côté  à  chaque  mâchoire)  complètent  la  première 
dentition,  constituée  par  des  dents  temporaires  ou 
dents  de  lait,  qui  commenceront  à  tomber  à  l'âge 
de  sept  ans  pour  être  remplacées  définitivement  par 
des  organes  semblables  [dents  permanentes  ou  de 
remplacement].  De  sept  à  neuf  ans  toutes  les 
incisives  sont  remplacées;  la  première  molaire 
pousse  à  dix  ans  ;  viennent  alors  les  canines,  puis 
les  deuxièmes  molaires  et  les  grosses  molaires. 
C'est  de  dix  à  onze  ans  que  se  ter  aiine  l'éruption  des 
dents  de  remplacement,  au  nombre  de  vingt-huit. 
Enfin  de  dix-huit  à  vingt-cinq  ans  la  poussée  de 
quatre  molaires  (une  de  chaque  côté  et  à  chaque 


mâchoire) ,  qu'on  nomme  dents  de  sagesse,  termine 
le  travail  de  la  dentition,  à  moins  d'anomalies,  et 
le  nombre  total  des  organes  de  mastication  est 
alors  de  trente-deux. 

On  a  représenté  sous  une  forme  symbolique,  ap- 
pelée formule  dentaire,  la  répartition  des  différen- 
tes dents  sur  la  mâchoire.  La  formule  dentaire  de 


l'homme  adulte  est  la  suivante  : 


ki,  1c,  4m,  GM 


Le 


4t',  2c,  \m,  «jM 
numérateur  de  cette  expression  représente  la 
mâchoire  supérieure,  le  dénominateur  la  mâchoire 
inférieure,  i  signifiant  incisives,  c,  canines,  m, 
petites  molaires,  et  M  grosses  molaires.  En  ne 
prenant  que  la  moitié  de  chaque  mâchoire,  on  a  : 

2i,  le,  1m,  .351 

-r  X  2. 

Il,  le,  1m,  3M 

IL  Dents  chez  les  animaux  vertébrés.  —  Les 
mammifères  ont  pour  la  plupart  les  mâchoires  ar- 
mées de  dents,  mais  quelques-uns,  comme  la  ba- 
leine, en  sont  complètement  dépourvus.  Quand  ils 
en  possèdent,  il  y  a  lieu,  comme  chez  l'homme, 
de  distinguer  des  incisives,  canines  et  molaires, 
suivant  leur  point  d'insertion  sur  les  maxillaires,  et 
le  plus  souvent  suivant  leur  fonction.  Si  les  trois 
sortes  de  dents  existent,  on  dit  que  la  dentition 
est  complète. 

Dans  la  classification  des  mammifères,  Cuvier 
faisait  intervenir  la  dentition  comme  un  carac- 
tère des  plus  importants.  Après  avoir,  en  effet,  dis- 
tingué dans  cette  classe  deux  groupes,  l'un  compre- 
nant les  mammifères  pourvus  de  quatre  pieds,  l'au- 
tre les  mammifères  en  ayant  deux  seulement  (les 
membres  antérieurs  étant  disposés  en  rames),  il 
subdivisait  le  premier  de  ces  deux  groupes  en  on- 
guiculés et  ongulés  ;  mais  il  distinguait  dans  les 
onguiculés  :  1°  ceux  qui  possèdent  les  trois  espèces 
de  dents  [bimanes,  quadrumanes,  carnassiers,  mar- 
supiaux) ;  T  ceux  qui  n'en  ont  que  de  deux  sor- 
tes, des  incisives  et  des  molaires  {rongews)  ; 
3°  Ceux  dont  les  mâchoires  ne  portent  de  dents 
(quand  elles  en  portent)  qu'à  la  place  occupée  par 
les  molaires  [édentés). 

De  Blainville  a  attaché  la  même  importance  à  la 
dentition  pour  établir  les  ordres  qu'il  admet,  ainsi 
que  le  prouve  le  tableau  suivant  : 

(Quadrumanes  (Singe). 
1  \  Chéiroptères  (Chauve- Souris). 

;Onguiculés< Insectivores  (Taupe). 

i  Rongeurs  (Rat). 

(carnivores  (Chat). 

.Proboscidiens  (Eléphant). 

)Jumentés  (Cheval). 

I  Ruminants  (Mouton). 

'Porcins  (Cochon). 
Dents  d'une  seule 

sorte Edentés  (Tatou). 

Le  développement  relatif  plus  ou  moins  grand 
de  telle  sorte  de  dents  peut  dans  un  certain  nom- 
bre de  cas  éclairer  le  naturaliste  sur  le  régime 
alimentaire  de  l'animal  ;  mais  c'est  surtout  la  con- 
formation des  molaires  qui  présente  des  variations 
liées  à  la  nature  végétale  ou  animale  de  la  nourri- 
ture. Généralement^  si  l'animal  doit  mordre  la  pul- 
pe de  végétaux  durs,  comme  le  font  les  lapins, 
ou  tondre  l'herbe  comme  le  fait  l'âne,  les  incisives 
sont  à  couronne  large  et  plate  en  avant,  taillée  en 
biseau  en  arrière  ;  néanmoins,  les  ruminants  n'ont 
pas  pour  la  plupart  (mouton,  taureau)  d'incisives 
supérieures. 

Le  grand  développement  do«  canines  caractérise 
le  régime  carnassier  ;  et  pourtant  chez  le  gorille, 
qui  est  un  singe,  ces  dents  ont  des  dimensions 
considérables. 

Chez  l'homme,  omnivore,  les  premières  dents 
molaires  présentent  une  forme  rappelant  celle  des 
dents  correspondantes  des  carnassiers,  c'est-à-dire 


Dents  de  deux  ou 
de  trois  sortes. 


Ongulés. 


DEPARTEMENTS 


—  569  — 


DEPARTEMENTS 


que  la  dent  est  hérissée  de  pointes  ;  et  ses  gros- 
ses molaires  ressemblent  plus  aux  dents  correspon- 
dantes des  Lerbivorcs  ;  les  couronnes  sont  larges 
et  divisées  par  un  sillon  crucial,  ainsi  que  nous 
l'avons  dit,  en  quatre  masses  appelées  tuherodes. 

Chez  les  insectivores,  les  tubercules  deviennent 
plus  aigus  ;  et  chez  les  vrais  carnassiers,  ces  divisions 
de  la  couronne  sont  de  véritables  pointes  placées 
les  unes  à  côté  des  autres,  et  pouvant  même  être 
tranchantes  comme  chez  les  félins  (lion,  chat). 
Chez  les  herbivores,  les  molaires  sont  pourvues  de 
larges  couronnes,  dans  lesquelles  l'émail  peut 
pénétrer  l'ivoire  et  former  à  la  surface  des  crêtes 
transversales  ou  longitudinales. 

Il  existe  des  mammifères  qui,  bien  que  carnas- 
siers, n'ont  de  dénis  qu'à  la  région  occupée  par 
les  molaires  (les  tatous,  de  l'ordre  des  édentés, 
qui  mangent  des  insectes)  et  même  d'autres  ayant 
le  même  régime  (fourmilier,  de  l'ordre  des  éden- 
tés/  qui  n'ont  aucune  dent.  Parmi  ces  derniers, 
nous  citerons,  outre  le  fourmilier,  la  baleine  (de 
l'ordre  des  cétacés},  qui  se  nourrit  de  petits  ani- 
maux marins,  et  dont  les  mâchoires  sont  absolu- 
ment dépourvues  d'organes  de  mastication.  Les 
fanons  qui  pendent  des  mâchoires  supérieures  de 
la  baleine  sont  des  homologues  des  dents,  bien 
qu'il  n'existe  entre  ces  organes  et  les  dents  au- 
cune analogie  apparente.  D'autre  part,  un  cétacé 
voisin  de  la  baleine,  le  cachalot,  n'a  de  dents 
que  sur  les  parties  latérales  du  maxillaire  infé- 
rieur. Enfin,  chez  l'orniihorhynque,  animal  repré- 
sentant le  type  de  transition  entre  les  mammifères 
et  les  oiseaux,  la  bouche  est  armée  seulement 
d'un  bec  carré,  absolument  semblable  à  celui  de 
ces  derniers. 

Les  oiseaux  n'ont  pas  de  dents.  Les  reptiles  peu- 
vent en  posséder  (vipère)  ou  en  manquer  (tor- 
tue), et,  quand  il  s'en  présente,  ou  bien  elles  sont 
implantées  dans  des  alvéoles  comme  chez  les  cro- 
codiles, ou  bien  elles  font  corps  avec  la  mâchoire 
comme  chez  les  serpents.  Les  batraciens  ont,  sur 
les  bords  de  leurs  mâchoires,  de  petites  aspérités 
plus  on  moins  serrées  et  disposées  en  plusieurs 
rangées,  rappelant  les  dents  de  certains  pois- 
sons. 

Enfin,  les  poissons  possèdent  presque  tous  aux 
deux  mâchoires  un  nombre  de  dents  considérable, 
et  de  formes  très  variées,  qui  peuvent  également  se 
montrer  sur  toutes  les  parties  de  la  bouche,  jus- 
que dans  le  pharynx.  [G.  Philippon;. 

DÉPARTEMENTS.—  Géographie  de  la  France,  V. 
—  Origine.  —  L'origine  des  départements,  en 
France,  remonte  à  l'Assemblée  constituante  de 
1190,  qui  pensa  «  que  la  France  ne  devait  pas  être 
un  tout  formé  par  l'agrégation  de  diverses  parties 
plus  ou  moins  hétérogènes  »  comme  les  anciennes 
provinces,  «  mais  devait  être  une,  homogène,  indi- 
visible, et  n'avoir  de  délimitations  intérieures  que 
pour  ses  nécessités  administratives.  »  (Barrau,  Ré- 
volution frariçaise.) 

Les  commissaires  de  l'Assemblée  divisèrent 
le  territoire  français  en  83  départements  à  peu 
près  égaux  en  étendue,  et  le  résultat  de  cette 
division  uniforme  fut  de  grouper  quelquefois  dans 
un  même  département  des  hommes  difi'érents 
entre  eux  par  la  race  et  le  langage,  comme  les  Béar- 
nais et  les  Basques  dans  le  département  des 
Basses-Pyrénées. 

Les  départements  furent  subdivisés  par  l'assem- 
blée en  districts,  ceux-ci  en  cantom.  Chaque  ville, 
chaque  ancienne  paroisse  rurale  forma  une  com- 
mune, et  plusieurs  communes  groupées  ensemble 
constituaient  les  éléments,  mais  non  les  subdivi- 
sions, d'un  canton. 

Modifications  survenues  dans  la  division  primi- 
tive. —  Cette  organisation  subsiste  encore  aujour- 
d'hui, avec  ces  deux  différences  toutefois  :  le  Con- 
sulat, en  1800,  a  remplacé  la  division  du  départe- 


ment en  districts  par  la  division  en  arrondisse- 
ment?, généralement  plus  grands  que  les  anciens 
districts  ;  et  en  second  lieu,  le  nombre  primitif 
des  départements  a  été  modifié  par  des  annexions 
nouvelles,  par  des  cessions  de  territoire,  ou  par 
un  groupement  nouveau  des  départements. 

Les  annexions  comprennent  : 

1°  Le  département  de  Vaucluse,  formé  en  1791 
de  la  principauté  d  Orcnge  qui  avait  été  confis- 
quée sous  Louis  XIV,  et  d'Avignon  avec  le  Comtat 
Venaissin,  dont  les  papes  cédèrent  définitivement 
la  propriété  à  la  France  au  traité  de  Tolentino,  en 
17û7; 

2°  La  principauté  de  Montbéliard,  réunie  en 
1793  au  département  du  Doubs; 

3'  Les  départements  de  Savoie  et  de  Haute- 
Savoie,  cédés  à  la  France  en  iStîO  par  le  roi  de 
Sardaigne  ; 

4°  Le  département  des  Alpes-Maritimes,  formé 
à  la  même  époque  du  comté  de  Xice,  que  venait 
aussi  de  nous  céder  le  roi  de  Sardaigne,  et  d'une 
partie  de  l'ancien  département  du  Var. 

Les  cessions  comprennent  des  fragments  de  ter- 
ritoire cédés  par  la  France  en  ISU  et  1815,  et 
VAlsace-Lorraiîie  perdue  en  1871. 

La  dernière  guerre  a  enlevé  à  la  France  tout  le 
département  du  Bas-R/ii7i ;  le  département  du 
Haut-Rhin  presqu'en  entier,  y  compris  la  ville 
libre  de  Mulhouse,  qui  était  devenue  française  en 
1798  ;  une  partie  du  département  des  Vosges;  la 
moitié  du  département  de  la  Meurthe,  et  la  plus 
grande  partie  de  celui  de  la  Moselle. 

Les  groupements  nouveaux  ont  consisté  : 

1°  Dans  la  division,  en  1793,  du  département  uni- 
que de  Rhône-et- Loire,  en  deux  départements  dis- 
tincts, celui  du  Rhône  et  celui  de  la  Loire  ; 

2°  Dans  la  formation  du  département  de  Tarn-et- 
Garonne,  aux  dépens  des  départements  voisins,  en 
1808  ; 

3°  Dans  la  réunion  des  parties  restées  françaises 
des  départements  de  la  Meunhe  et  de  la  Moselle 
en  un  seul  département,  celui  de  Meurthe-et-Mo- 
selle, en  1871. 

Administration  et  autorités  diverses  du  départe- 
ment. —  V.  aux  mots  Droit  a'/ministratif  et  Com- 
mune, pour  ce  qui  concerne  l'administration  pro- 
prement dite  du  département  et  de  ses  subdivi- 
sions. 

Sous  le  rapport  judiciaire,  chaque  canton  pos- 
sède un  Juge  de  paix,  et  chaque  arrondissement  un 
tribunal  de  première  instance,  qui  siège,  à  peu 
d'exceptions  près,  au  chef-lieu  de  l'arrondisse- 
ment, et  qui  relève  d'une  cour  d'appel  comprenant 
dans  son  ressort  plusieurs  départements.  La  cour 
d'assises  siège  en  général  au  chef-lieu  du  départe- 
ment. 

Au  chef-lieu  réside  aussi  un  inspecteur  daca- 
démie,  relevant  du  recteur,  dont  l'académie  com- 
prend plusieurs  départements. 

Le  département  forme  généralement  un  diocèse, 
à  la  tête  duquel  se  trouve  un  archevêque  ou  un 
évoque.  Cependant  plusieurs  diocèses  compren- 
nent dans  leur  circonscription  des  départements 
difl"crents,  et  les  départements  des  Bouchesdu- 
Rhône  et  de  la  Marne  ont  chacun  deux  sièges  éois- 
copaux.  Celui  de  la  Savoie  en  a  trois. 

Pour  l'administration  de  la  guerre,  le  départe- 
ment est  placé  sous  le  commandement  d'un  des 
dix-huit  généraux  en  chef  qui  se  partagent  le  terri- 
toire. 

Nous  donnons  ci-dessous  le  tableau  des  dépar- 
tements, rangés  par  ordre  alphabétique,  en  indi- 
quant, pour  chacun  d'eux,  son  chef-lieu,  le  siège 
de  la  cour  d'appel  dans  le  ressort  de  laquelle  il  se 
trouve,  l'académie  à  laquelle  il  appartient,  le 
diocèse  dont  il  fait  partie  (les  sièges  des  arche- 
vêchés sont  suivis  de  la  lettre  A),  le  chef-lieu  de 
corps  d'armée  dans  la  région  duquel  il  est  rangé. 


DEPARTEMENTS 


—  570  — 


DEPARTEMENTS 


DEPARTEMENTS. 


CHEF-LIEL'. 


OUR  D'APPEL. 


Am 

Aisne 

Allier 

Alpes  (Bisses-).  ., 

—  (Haltes-)  . . 

—  (Mauitimes) 

.^BDÈCHK 

Arde>nks 

-Vhiège 

Aube 

Aide 

AVEYRON 

B0UCHES-0L-r>HÔNE. 


Calvados  

Cantal    

(Charente 

CHAnENTE-I>F£KlErRE. 

Cher 

CORllÉZE 

Corse 


Côte-d'Or 

côtes-dl-nord 

Creuse 

dordogxe 

DOUBS  

Drôme 

Eure 

EuRF.-ET-Loitt 

Finistère 

Gard 

Garonne  (Halte-).  .  . . 

Gers 

Gironde 

Hérault 

Illh-et-Vilainb 

Indre 

Indre-et-Loire 

Isère 

Jura 

Landes 

Loir-et-Cher 

Loire 

Loire  (Haute-) 

Loire-Inférieure  .... 

Loiret , 

Lot , 

Lot-et-Garonne 

Lozère 

Maine-et-Loire 

Manche 

Marne 


Marne  (Haute-) 

Mayenne 

Mecrthe-et-Moselle,  . 

Meuse 

Morbihan 

Nièvre 

Nord 

Oise 

Orne 

Pas-de  Calais 

Puy-de-Dôme 

Pyrénées  (Basses-).... 

—  (Hautes-)  . . . 

—  (Orientales), 
Rhin  (Haut-),  ou  terri- 
toire de  Belfort 

Rhône 


Saône  (Haute-) 
Saône-et-Loire  . 

Sarthb , 

Savoie 


Bourg 

L.ion 

Moulins 

Digne 

G.'P 

Nice 

Privas 

Mézières  . . . . 

Foix 

Troyps 

Carc.'issonnc. 

Rodez 

Marseille.. . . 


Caen 

Aurillac 

Angoiilèriie. .  . . 
La  Roclielle  . . . 

Bourges 

Tulle 

Ajaccio 

Dijon 

Saint-Bricuc. . . 

Guéret 

Périgui'ux 

Besançon 

Valence 

Evreux , 

Chartres 

Quimper . ...,., 

Nîmes 

Toulouse 

Auch 

Bordeaux 

Montpellier 

Rennes 

Chàteauroux.  .. . 

Tours 

Grenoble 

Lons-le-Saunier 
Mont-de-Marsan. 

Blois 

Saint-Etienne. . . 

Le  Puy  

Nantes 

Orléans 

Cahors 

Agen 

Mende 

Angers  ........ 

Saint-Lô 

Châlons-sur-Marne 


Chaumont 

Laval 

Nancy 

Bar-le-Duc. . . . 

Vannes 

Nevers 

Lille 

Beauvais 

Alençon 

Arras , 

Clennont-Ferrand 

Pau 

Tarbes 

Perpignan 


Belfort. 
Lvon  . . 


—    (Hautc- 


Vesoul. . , . 
Màcon.  . . . 
Le  Mans  . . 
Chambérv. 


Annecy 


Lyon 

Amiens  . . . , 

Riom 

Aix 

Grenoble  . . 

Aix 

Nîmes 

Nancy 

Toulouse.  ., 

Paris 

M(jntprllior 
Montpellier 
Aix 


Cien 

Riom 

Boi  deaux  . 
Poitiers.. . 
■Rnurges. . . , 
Limoges  ... 

Bastia 

Dijon 

Rennes  . . . . 
Limoges  . . . 
Bordeaux  . . 
Besançon. . . 
Grenoble.  .. 

Rouen 

Paris 

Rennes 

Nîmes 

Toulouse. . . 

A  gen 

Bordeaux.. . 
Mont|)ellier. 

Rennes 

Bourges. . . . 
Orléans. .  .  . 
Grenoble.  . . 
Besançon.. . 

Pau 

Orléans  . . . . 

Lyon 

Riom 

Rennes 

Orléans  . . .. 

Agen 

Agen 

Nîmes 

Angers  .... 

Caen. 

Paris 


Dijon 

Angers  . . . . 

Nancy 

Nan  cy 

Rennes  . . . . 
Bourges. . . . 

Douai 

Amiens  . . . . 

Caen 

Douai 

Riom 

Pau 

Pau 

Montpellier. 

Besançon.. . 
I-yon  .' 


Besançon.. 

Dijon 

Angers.... 
Chambéry. 


Chaml  6r 


Lyon 

Douai 

Clermont-Fer 

Aix 

Grenoble. . . 

Aix 

Grenoble. . . 

Douai 

Toulouse.. . 

Dijon 

Montpellier. 
Toulouse  . . 
Aix 


Caen 

Clermont  FeiT,iiuJ 

Poitiers 

Poitiers 

Paris 

Clermont-Ferrand 

Aix 

Dijon 

Rennes 

Clermonl-Fcrr.inil 

Bordeaux  

Besançon 

Grenoble , 

(;aen 

Paris 

Rennes 

Montpellier 

Toulouse 

Toulouse 

Bordeaux 

.Montpellier 

Rennes 

Poitiers 

Poitiers   

Grenoble 

Besançon 

Bordeaux  

Paris 

Lyon 

Clermont-Ferrand . 

Rennes  

Paris 

Toulouse 

Bordeaux  . . . 
Montpellier  . 

Rennes 

Caen 

Paris 


Dijon 

Rennes 

Nancy 

Nancy 

Rennes 

Dijon 

Douai 

Paris 

Caen 

Douai 

Clerraont  Fenand, 

Bordeaux 

Toulouse 

Montpellier  . . .  . 

Besançon 

Lvon 


Besançon.. 

Lyon 

Caen 

Chambéry. 


Chambérv 


DIOCi;SE. 


lJell.-y 

Soissons 

Moulins 

Digne 

Gap 

Nice 

Viviers 

Reiras  (A) 

Pamicrs 

Troyes 

Carcassonne. . . . 

Rodez 

Aix  (A,  et   Mar- 
seille  

Baveux  

Saint- Flour  . . . . 

.ingoulème 

La  Rochelle 

Bourges  l'.i). . . . 

Tulle...; 

Ajaccio  

Dijon 

Saint-Brieuc 

Limoges 

Périgueux 

Besançon  (A). . . 

Valence 

Evreux 

(>hartres 

Quimper 

Nîmes 

Toulouse  'X) 

Auch  (A).'. 

Bordeaux  (A). . . 

Montpellier 

Rennes  (A) 

Bourges (A) 

Tours  (A) 

Grenoble 

Saint-Claude.. .. 

Aire 

Blois 

Lyon  l'A) 

Le  Puv 

Nantes" 

Orléans 

Cahors 

Agen    

Mende 

Angers 

Coutances.  .. 
C  h  à  1  o  n  s        et 

Heims  (A) 

Langres 

Laval 

Nancy  

Verdun 

Vannes 

Nevers 

Cambr.ai  (A).. . . 

Beauvais 

Séez  

-Vrras 

Clermont-Ferrand . 

Bavonne 

Tarbes 

Perpignan 


CIIEF-LIEU 

de 

CORPS  T)'A:;Mtc. 


Besançon(A). . 
Lyon  (A)...., 


Besançon  (.A)  . . . 

Autun 

Le  Mans 

Chambéry  (.A) . . 

Mouticrs 

Saint  -  Jean     d( 

Maurienne  . . . 

Annecy 


Besançon. 

Amiens. 

Clermonl  Ferrand. 

Marseille. 

Grenoble. 

Marseille. 

-Marseille. 

Ch.ilons-sur-Mame. 

Toulou.se. 

Ch.ilonsRiirM.irne. 

Montpellier. 

Montpellier. 

Marseille. 

Rouen. 

Clermonl-Fcrr.:nd. 

Limoges. 

Bordeaux. 

Bourges. 

Limoges. 

Marsfille. 

lîourges. 

Rennes. 

Limoges. 

Limoges. 

Besançon. 

Grenoble. 

Rouen. 

Le  Mans. 

Nantes. 

Marseille. 

Toulouse. 

Toulouse. 

Bordeaux. 

Montpellier. 

Rennes. 

Tours. 

Tours. 

Grenoble. 

Besançon. 

Bordeaux. 

Orléans. 

Clermont-Ferrand . 

Clermont-Fi;rrand. 

Nantes. 

Orléans. 

Toulouse. 

Toulouse. 

Montpellier. 

Tours. 

Rennes. 

Châlons-sur-ilarne 

Besançon. 

Le  Mans. 

Châlons-sur-Mar.ie 

Chàlons-sur-Marne. 

Nantes. 

Bourges. 

Lille. 

Amiens. 

Le  .Mans. 

Lille. 

Clermont  Forrand. 

Bordeaux. 

Bordeaux. 

Montpellier 

Besançon. 

Besançon. 

Bourges. 

Grenoble. 

Clerraant-FerranJ  . 

Besançon. 

Bourges. 

Le  Mans. 

Grenoble. 


G.-cn^^blc. 


DERIVATION 


—  571 


DERIVATION 


DÉPARTEMENTS. 

CHEF-LIEU. 

COUR  D'APPEL. 

ACADÉMIE. 

DIOCÈSE. 

CIIEF-LIEU 

de 

CORPS  d'aruÉe. 

Paris 

Paris 

Paris 

Paris  (A) 

Rouen  (A) 

.\  mien  s. 

Rouen. 

Le  Mans. 

Orléans. 

Rouen. 

Orléans. 

Amiens. 

Rouon. 

Le  Mans. 

Orléans. 

Tours. 

Amiens. 

Montpellier. 

Toulouse. 

Marseille. 

Marseille. 

Nantes. 

Tours. 

Limoges. 

Châlons -sur-Marne 

Orléans. 

SEINK-IrrFÉRIKnRE 

Seine-et-Mar>e 

Caen 

Paris 

Paris 

Versailles 

Mort 

Paris 

Versailles 

Poitiers 

Amiens 

Albi  (A) 

Montauban 

Sbvbes  (Dbci-) 

Poitiers 

Amiens 

Toulouse 

Toulouse 

Aix 

Poitiers 

Douai 

Toulouse 

Toulouse 

Ail 

Amiens 

Albi 

Tark-et-Garos>'k 

Vab 

Montauban 

Draguignaii  .... 

Avignon 

La  Roche-sur-Yon. 

Poitiers 

Limoges 

Epinal 

Auxerro 

Ail 

Avignon  (A). ... 

Poitiers 

Poitiers 

Limoges 

Xancy 

Paris" 

Poitiers 

Poitiers 

Poitiers 

Nancy 

Poitiers 

Limoiïos 

Saint-Uié 

Sens  (.i) 

—     (Hacte-) 

Yox>K 

DÉRIV.\TIOX.  —  Grammaire,  VIII.  —  Les  mots 
se  forment  d'autres  mots  par  dér-ivation,  c'est-à- 
dire  en  ajoutant  au  mot  dit  primitif  m^q  terminai- 
son dune  valeur  spéciale,  appelée  suffixe,  qui  lui 
donne  un  sens  particulier  et  le  rend  dérivé. 

On  distingue  les  suffiiies  de  formation  populaire 
des  suffixes  de  formation  savante;  ces  derniers 
n'entrent  pas  dans  la  dérivation  proprement  fran- 
çaise, mais  il  en  est  quelques-uns,  comme  aire,  al 
et  il,  iste.  isme,  etc.,  qui  sont  devenus  assez  fa- 
miliers à  la  langue  commune  pour  qu'elle  les  ait 
adoptés  et  les  ait  fait  servir  à  ses  dérivations  orga- 
niques ;  c'est  pourquoi  nous  les  assimilons,  dans 
cette  étude,  aux  suffixes  purement  français. 

Chaque  suffixe  en  français  est  accentué  et  forme 
au  moins  une  syllabe  pleine.  Il  a  son  sens  ou  sa 
valeur  propre,  qui  se  retrouve  dans  tous  les  dérivés 
qu'il  sert  à  former. 

La  dérivation  s'appelle  nominale  ou  verbale, 
selon  qu'elle  forme,  soit  des  noms  (substantifs  ou 
adjectifs),  soit  des  verbes. 

I.  DÉRIVATION   NOMINALE. 

Les  substantifs  et  les  adjectifs  dérivés  se  tirent 
de  substantifs,  de  verbes  ou  d'adjectifs  au  moyen 
de  suffixes  :  cerisier  de  cerise,  passage  de  passe)', 
bonté  de  bon;  mais  la  dérivation  peut  aussi  avoir 
lieu  sans  le  secours  de  ces  terminaisons,  comme 
dans  cri  de  crier;  c'est  ce  qu'on  appelle  dérivation 
ijyjpropre. 
A.  f  érivation  impropre  (sans  l'aide  de  suffixes). 

Les  noms  de  cette  catégorie  peuvent  être  tirés 
directement  du  radical  verbal  ou  de  l'une  des 
formes  nominales  du  verbe,  savoir  :  Vinfimtif,  le 
participe  présent  et  le  participe  passé. 

On  appelle  substavtifs  verf/aaxlcs  noms  formés 
du  radical  verbal  pur  ou  avec  l'adjonction  d'un  e 
muet  servant  à  rendre  sonore  la  consonne  finale, 
comme  aboi  de  aboyer,  galop  de  galoper,  soutien 
de  soiiteinr,  offre  de  offrir,  etc.  Ces  substantifs 
verbaux  sont  presque  tous  des  noms  abstraits. 

La  langue  emploie  rarement  aujourd'hui  Yinfi- 
nitif  comme  substantif,  par  exemple  Vavenir.  le 
boire,  le  repentir,  etc.  Mais  un  certain  nombre 
d'infinitifs  sont  devenus  de  vrais  substantifs,  qui 
peuvent  s'employer  au  pluriel,  comme  le  devoir, 
le  déjeu'icr,  le  sourire,  etc.  Tous  ces  mots  sont  du 
genre  masculin. 

Les  noms  tirés  du  participe  présent  sont  :  1° 
des  adjectifs  ou  des  noms  de  personnes  du  genre 


[G.  Meissas. 

masculin,  qui  ont  quelquefois  un  correspondant 
féminin  en  ante  :  charmant,  e;  le  moumnt  ;  2°  de» 
noms  de  choses  et  des  noms  abstraits  du  genre 
masculin  :  l'aimant,  le  pejichant. 

Les  noms  formés  du  participe  passé  sont  :  1* 
des  substantifs  masculins,  comme  un  fait,  un  ré- 
duit, participes  passés  de  faire,  réduire;o\x  fémi- 
nins, et  alors  ils  se  distinguent  par  la  terminaison 
féminine  e  ajoutée  aux  participes  passés,  comme 
la  durée,  la  pensée,  la  sortie,  la  découverte,  etc.  ; 
2"  des  adjectifs,  comme  poli,  fleuri,  connu,  ab- 
solu, etc. 

B.  Dérivation  propre  (à  l'aide  de  suffixes). 

Les  suffixes  nominaux  peuvent  se  classer  difîé- 
remmcnt,  selon  que  l'on  considère  :  1"  la  valeur 
des  mots  qu'ils  servent  à  former,  substantifs  ou 
adjectifs,  noms  de  personnes  ou  noms  de  choses, 
noms  concrets  ou  noms  abstraits  ;  2°  la  forme  de 
la  dérivation,  la  base  pouvant  être  verbale  ou  no- 
minale. Quand  la  base  est  verbale,  les  suffixes 
s'ajoutent  au  radical  du  verbe,  qui  se  trouve  tou- 
jours pur  au  participe  présent;  ainsi,  croître  a 
pour  radical  la  forme  croiss,  d'où  croiss-ance.  Les 
mots  dérivés  des  verbes  en  ir  qui  se  conjuguent 
sur  finir  ont  pour  base  le  radical  allongé  du  par- 
ticipe présent,  par  exemple  :  polir,  poliss-ant, 
d'où  poliss-eur,  poliss-oir,  poliss-ure. 

Certains  suffixes  peuvent  servir  à  plusieurs  usa- 
ges ;  ainsi  âge  a  pour  base  un  substantif  (esclav- 
age)  ou  un  verbe  (chauff-açe),  et  il  sert  à  former 
non  seulement  des  noms  abstraits,  mais  aussi  des 
noms  concrets  {yiU-age)  ;  ier  produit  à  la  fois  des 
adjectifs  (fruit-fer)  et  des  substantifs,  soit  noms 
de  personnes  (cheval-ier),  soit  noms  de  chose» 
(sucr-i'er). 

La  classification  suivante  tient  compte  de  ces 
divers  points  de  vue. 

1.  Noms  de  personnes. 

Les  suffixes  qui  servent  à  désigner  les  personne» 
sont  originairement  des  suffixes  adjectifs.  Les  noms 
formés  par  ces  .suffixes  sont  masculins,  mais  ils 
peuvent  avoir  des  féminins  correspondants  en  e; 
ils  ont  pour  base,  soit  des  substantifs,  soit  des 
verbes. 

A.  Les  noms  de  personnes  tirés  de  substantifs 
sont  formés  au  moyen  des  suffixes  ier,  aire,  iste, 
aiJi  et  ie7i,  in,  on,  ard,  oit  ou  ais. 

1.  1er,  au  féminin  ière,  se  change  en  er  et  ère 


DERIVATION 


372 


DERIVATION 


après  le  y  consonne  ou  le  l  mouillé,  qui  contient 
le  y,  ainsi  qu'après  les  chuintantesy  et  ch. 

C(;  suffixe  signifie  qui  a  ou  fait  habituellement, 
qui  lient  à;  il  s'ajoute  à  des  noms  de  choses  pour 
former  : 

«)  des  noms  de  personnes  qui  désignent  un  mé- 
tier ou  une  fonction,  comme  st-rruner,  qui  fait  des 
serrures,  écuyer,  conseiller,  porcher,  batelier,  ba- 
teh'è'-e,  linger,  lingère,  et  quelques  adjectifs  : 
fruitter,  viager,  etc. 

lij  des  noms  de  choses  :  les  uns,  en  ier,  sont  des 
noms  d'arbres  et  de  quelques  plantes  désignés  en 
quelque  sorte  par  leur  principale  fonction  végé- 
tale, celle  de  produire  tel  fruit  ou  telle  fleur, 
comme  cens z'er,  arbre  qui  porte  des  cerises,  cognas- 
sier, pêcher;  les  autres,  en  /erou  ière,  sont  des  noms 
de  réceptacles,  c'est-à-dire  de  vases,  d'instruments 
ou  de  lieux  qui  servent  à  contenir  ou  à  resserrer 
les  objets  désignés  par  les  primitifs,  ou  aussi  des 
collectifs  :  guêpier,  lieu  où  sont  les  guêpes  ;  ove'û- 
1er,  théière,  fourmihère. 

2.  Aire  est  la  forme  savante  de  ier  ;  mais  ce  suf- 
fixe a  pris  une  telle  extension  dans  la  langue  com- 
mune qu'il  forme  directement  des  dérivés  à  l'aide 
de  radicaux,  non  plus  latins,  mais  français.  Les 
mots  en  aire  sont  :  a)  des  noms  masculins  de  per- 
sonnes, tels  que  commissionnaire,  mandat<7i?-e, 
pensionnaire,  sectaire,  ou  de  choses,  comme  an- 
nuai?'e  ;  b)  des  adjectifs,  tels  que  originaire,  qui 
tient  à  Yorigiyie,  budgétaire,  réglementaire,  etc. 

3.  Iste  signifie  qui  s'applique  à,  ou  prend  parti 
pour  ;  il  désigne  ainsi  des  personnes  agissantes, 
comme  c/ii?nis/e,  qui  s'applique  à  la  chimie,  artiste, 
dentiste,  journalisme,  libre-échangiste,  roj^alis<e, 
unitarisCe,  etc. 

4.  Ain,  lëm.  aine  (forme  accessoire  a?î,  fém. 
a7ie  ou  anne)  et  ien,  fém.  ienne,  ont  la  même  ori- 
gine et  la  même  valeur.  Ces  suffixes  forment  des 
noms  de  personnes  et  des  adjectifs  ;  ils  signifient 
qui  appartient  à,  de  la  nature  de,  et  marquent  un 
rapport  d'origine  :  Africaiw,  Égyptien,  Européen; 
d'habitation  :  châtelain,  mondoin,  vih/i»,  courti- 
sa'/, paysan,  citoye??,  et  par  extension  la  commu- 
nauté, la  secte  ou  la  profession  à  laquelle  on  ap- 
partient :  dominicai??,  épicurie^i,  musicie?;,  artisa?;, 
etc.  Ai7i,  aine,  forme  aussi  des  noms  de  nombre 
collectifs  :  un  quatrain,  un  dizai?i,  la  huitai?îe, 
une  neuvai/je,  la  douzai?ie,  etc. 

h.  Ijï,  iyic  forme  des  noms  de  personnes  et  des 
adjectifs,  et  marque  aussi  un  rapport  d'origine, 
d'habitation  ou  de  communauté  ;  il  a  souvent  un 
sens  dépréciatif  :  Florenti??,  citadi?^,  capuci'/,  ga- 
lopi?2,  enfanti?j,  alpin,  cristalli??,  sauvagin,  etc. 
Ce  suffixe  sert  encore  à  créer  des  noms  d'animaux 
ou  de  choses,  masculins  en  in,  féminins  en  ine  : 
roussin,  bouqui?i  (vieux  bouc),  grappin  (de  grappe, 
proprement  crochet),  gratin;  routine,  vermine. 

6.  On  désigne  des  personnes  agissantes,  comme 
champio7i,  celui  qui  combat  en  champ  clos,  charron, 
marmiton,  vigneron.  Il  marque  aussi  un  rapport 
d'origine  :  Saxon. 

7.  Ard  marque  l'habitude  et  l'accumulation  de  la 
qualité;  il  désigne  des  personnes  :  campagnard/, 
montagnard,  richard,  vieillard  ;  des  animaux  : 
canard,  et  des  choses  :  billard,  brassard,  épiuar./, 
poignard.  Il  marque  un  rapport  d'origine  dans 
Savoyard,  et  a  un  sens  abstrait  dans  milliard.  On 
trouve  le  féminin  arcie  dans  moutarde,  de  moût. 

8.  Ois,  oise,  et  ais,  aise  sont  des  variétés  d'un 
même  suffixe,  qui  marque  l'origine  et  l'habitalion  : 
bourgeois,  courtois,  villageois,  et  sert  surtout  à 
former  des  noms  de  peuples  :  Carthaginois,  Po- 
lonais. 

Les  suffixes  aiîi  et  ieîi,  in,  on,  ard,  ois  et  ais  ont 
cela  de  commun  qu'ils  marquent  un  rapport  d'ori- 
gine, et  c'est  pourquoi  ils  servent  presque  exclu- 
sivement à  foi  mer  les  noms  de  peuples  ou  de  na- 
lions.  Ces  noms  ont  les  deux  genres  et  s'emploient  j 


aussi  adjectivement  :  le  peuple  romain,  un  Romain. 
Ils  dérivent  des  noms  propres  de  paj'S  et  de  villes 
et  sont  surtout  formés  par  les  suffixes  ain  et  ie7i, 
ois  et  ais. 

B.  Les  noms  de  personnes  tirés  de  verbes  sont 
formés  au  moyen  des  suffixes  eur,  on  et  ard,  qui 
désignent  des  personnes  agissantes,  cest-à-dirc 
qui  font  l'action  exprimée  par  le  verbe. 

1.  Eur,  euse  ne  forme  que  des  noms  de  person- 
nes :  danseur,  grogneur,  faiseur,  menteur,  blan- 
ch'isseur, 

2.  On  forme  des  noms  de  personnes  :  brouillon, 
forgeron,  fripon,  grognon,  souillon;  ou  des  noms 
de  choses,  comme  bouillon,  rejeton,  et  des  noms 
abstraits  d'actions  :  juron,  plongeon. 

3.  Ard  marque  la  réitération  de  l'action  et  par 
suite  l'excès  ;  c'est  pourquoi  il  a  souvent  un  sens 
dépréciatif.  Ce  suffixe  forme  des  adjectifs  et  des 
noms  de  personnes  :  havard,  babillard,  criard, 
grognard,  nasillard,  pillard,  et  i-arement  des  noms 
de  choses  :  brouillard. 

2.  Adjectifs. 

Le  français  crée  des  adjectifs  nouveaux  à  l'aide 
de  substa7itifs  et  de  verbes  déjà  existants,  comme 
peiir-eux  de  peur,  sey^vi-abie  de  servir. 

A.  Les  adjectifs  tirés  de  subitnntifs  sont  formés 
à  l'aide  des  suffixes  al  et  e/,  ique,  eux,  é,  u  et 
esque. 

1 .  Al,  fém.  aie,  et  el,  fém.  e//e,  ne  sont  que 
les  deux  formes  différentes  d'un  même  suffixe; 
quelques  mots  ont  deux  dérivés,  l'un  en  al.  l'autre 
en  el,  comme  origmal  et  0)-i</i7ieL  Les  adjectifs 
ainsi  terminés  expriment  que  l'idée  de  leur  radical 
convient  à  la  chose  dont  on  parle,  par  exemple 
brutal,  dans  un  homme  brutal,  qui  tient  de  la 
brute.  Ces  adjectifs  ne  font  point  connaître  ce 
qu'est  la  chose  en  elle-même,  mais  ils  la  détermi- 
nent par  l'idée  de  conformité  pour  le  lieu  [central), 
le  temps  (accidente/),  le  rang  (voyal),  la  forme 
(monumenta/),  la  fin  ou  destination  (thermaZ;. 

2.  Ique  indique,  comme  ni,  un  rapport  entre 
l'idée  du  sujet  et  celle  qui  est  représentée  par  le 
radical  de  l'adjectif,  mais  il  s'en  distingue  en  ce 
qu'il  marque  la  conformité  pour  la  nature,  l'es- 
sence, l'ensemble  des  propriétés  intrinsèques  : 
aristocratique,  qui  appartient  à  V aristocratie;  phi- 
losophique, qui  a  trait  h  la,  philosophie  ;  colérique, 
classique,  chari\arique,  féerique,  idolâtriçue,  ro- 
mantiç'ne,  etc. 

3.  Eux,  fém.  ense,  marque  la  possession  et  le 
plus  souvent  la  plénitude  de  possession,  c'est-à- 
dire  l'abondance  de  la  qualité  exprimée  par  l'ad- 
jectif qu'il  sert  à  former,  comme  épineux,  qui  a 
des  épines;  fangeux,  plein  de  fange;  ennuyeux, 
facétieux,  soyeux,  etc. 

4.  É,  fém.  ee,  marque  simplement  la  posses- 
sion :  ailé,  qui  a  des  ailes,  écervclè,  fourché,  lettre, 
perlé,  sensé,  veiné. 

5.  U,  fém.  ue,  marque,  comme  eux,  la  posses- 
sion, le  plus  souvent  avec  l'idée  de  plénitude  : 
barbu,  qui  a  de  la  barbe;  c/iarnu,  rempli  de  chair; 
chevelu,  cossu,  fourchu,  grenu,  têtu. 

G.  Esque  marque  quelque  chose  de  bizarre. 
d'étrange  pour  la  forme  ou  la  grandeur,  que  ce 
soit  un  agrément  ou  un  défaut  dans  le  sujet  :  che- 
valeres^zfe,  pédantes^ue,  romanes9ue. 

B  Les  adjectifs  tirés  de  verbes  sont  formés  à 
l'aide  des  suffixes  if  et  able. 

1.  If,  fém.  ive,  forme  un  grand  nombre  d'adjec- 
tifs dont  le  sens  est  actif  et  exprime  la  capacité  de 
faire  :  hdtif,  qui  se  hdte  ;  pensi/,  otïensi/',  oppres- 
sif.  tard'/,  etc. 

Ce  suffixe  appartient  essentiellement  à  la  for- 
mation savante  et  se  joint  le  plus  souvent,  non  pas 
au  radical  verbal,  mais  au  radical  dos  participes 
passés  latins  :  acti/",  exclusi/',  impérati/',  offeiisi/', 
sédati/",  etc. 


DERIVATION 


—  573  — 


DERIVATION 


5.  Ahle  forme  un  nombre,  considérable  d'adjec- 
tifs dont  la  base  est  le  radical  verbal  ;  il  indique 
une  possibilité  passive,  quand  le  verbe  est  actif  : 
fuisable,  qui  peut  être  fait,  et  une  possibilité  ac- 
tive, quand  le  verbe  est  neutre  :  valnbl",  qui  peut 
valoir;  Aimable,  agréable,  périssa6/e.  etc. 

Ible  est  de  formation  savante  et  se  joint  au  thème 
des  participes  passés  latins  :  îasible,  \isible,   etc. 

3.  Diminutifs. 

Les  diminutifs  désignent  les  objets  comme  dimi- 
nués, amoindris,  quant  à  leur  étendue  ou  à  leur 
force. 

Les  diminutifs  substantifs  sont  à  base  de  subs- 
tantifs, tonnenu  de  tonne,  et  les  diminutifs  adjec- 
tifs à  base  d'adjectifs,  doucet  de  doux.  Les  pre- 
miers sont  de  beaucoup  les  plus  nombreux. 

La  personne  ou  la  chose  est  représentée  comme 
plus  petite  dans  les  substantifs  diminutifs,  et  la 
qualité  est  représentée  comme  portée  à  un  moindre 
degré  dans  les  adjectifs  diminutifs.  On  emploie 
aussi  les  substantifs  diminutifs  pour  nommer  les 
petits  des  animaux  :  chevreau,  cachet,  aiglon, 
oursin. 

Un  suffixe  diminutif  est  souvent  renforcé  par  la 
consonne  r  (er)  ou  par  un  autre  suffixe  intercalé 
entre  le  radical  et  le  suffixe  final  :  mouche-r-on, 
lap-er-eau,  c:iaj)-ei-ei,  louv-e^eau,  carp-z/Z-on. 

Le  français  iLiuerme  un  assez  grand  nombre 
de  mots  à  désinences  diminutives  et  qui,  néan- 
moins, ne  sont  plus  des  diminutifs.  Un  mot  formé 
par  un  suffixe  diminutif  n'exprime  l'idée  de  dimi- 
nution que  lorsque  son  primitif  existe  encore  en 
français;  ainsi  les  mots  anneau,  couteau,  chapeau, 
no  sont  pas  des  diminutifs,  bien  qu'ils  soient  for- 
més par  le  suffixe  emi.  (el).  En  pareil  cas,  un  second 
suffixe  devient  nécessaire  pour  faire  revivre  la  force 
iliminutive;  ainsi  château  fera  chât-el-et. 

La  langue  française  n'a  pas  de  suffixes  augmen- 
tatifs. Pour  exprimer  l'augmentation,  à  laquelle 
s'ajoute  souvent  une  idée  accessoire  de  mépris,  on 
se  sert  des  suffixes  diminutifs,  par  exemple  on 
A&nssal  in,  caisson. 

Les  suffixes  diminutifs  sont  eau,  et,  ot,  on,  in, 
aille  et  ille.  as.  ard,  ûtre,  and. 

\.  Eau,  au  féminin  elle,  était  autrefois  e/,  qui  re- 
paraît dans  les  dérivés  :  marteau,  marte/  (par  ex. 
Charles  Martel ,  marteler.  — a)  masculins  ;  beaucoup 
de  mots  en  eau  ont  perdu  leur  force  diminutive  : 
bureau,  cervea!^  écviteau,  faisand-'a?;,  fourneaw, 
pvaneati,  trousseau.  caillote«?<,  louvetea2i,  etc.  ; 
b;  féminins  :  cervelle,  prune/Ze,  tonne//e. 

2.  Et,  fém.  etfe,  est  un  suffixe  très  fécond  qui 
forme  :  a)  des  substantifs  :  arche/,  bosque/  et  bou- 
qnet  pour  bousque/  (bois),  chevet,  coche/  et  co- 
que/, poigne/,  sache/,  cervele/,  mantele/,  roitele/; 
charre//e,  chevre//e,  table//e,  bandele//e,  côtele//e, 
etc.  ;  b)  des  adjectifs  :  aigre/,  douille/  (du  vieux 
français  douille,  mou,  tendre),  pauvre/,  aigrele/, 
maigrele/. 

3.  Ot,  fém.  otte,  est  peu  fécond  et  n'a  conservé 
la  force  diminutive  que  dans  quelques  mots  :  a) 
substantifs  :  bachoZ,  billo/,  chario/,  cuisso/,  culo/, 
goulo/,  îlo/;  culo//e,  lino//e,  meno//e;  b)  adjectifs  : 
heUot.  pâlot,  vieillo/  ;  ce  sont  les  seuls, 

4.  0/t  est  employé  à  la  diminution  dans  quelques 
noms  de  personnes,  ex.:  négrillo//,  mais  surtout  dans 
les  noms  des  animaux  :  knon,  cochon,  chato??,  oi- 
S071,  raton,  bouvillo?!,  oisillow,  pucero7î,  ainsi  que 
dans  les  noms  des  choses  :  chiïïoti,  jambo?2,  sablo?2 , 
tronço72,  feuilleton  ;  dans  ce  dernier  cas,  le  suf- 
fixe 07?  marque  souvent  l'augmentation,  à  l'in- 
star de  l'italien  :  ballo7i ,  caisso7z ,  capucho72 , 
sauvageo7i,  etc.  Médail.on  est  à  la  lois  diminutif 
et  augmentatif. 

5.  In,  fém.  ine,  quand  il  marque  l'idée  diminu- 
tive,  est  le  plus  souvent  renforcé   par  un  autre 


diminutif  :  gradzTi,  oxxvsin,  diablot/;?,  agneh'7j, 
bouquetm,  buUetzTz;  bécassî7îe,  bott??îe,  etc. 

G.  .Aille  forme  des  collectifs  le  plus  souvent  dé- 
préciatifs,  et  ille  des  collectifs  diminutifs,  tous  fé- 
minins :  antiqufl(7/e,  futai//e  (de  fût),  fermille, 
muraille,  valetaille;  harhille,  charmille,  flott'//e, 
ram!7/e. 

7.  As  ou  asse  a,  en  général,  une  signification 
collective  augmentative  ou  dépréciative  :  coutel'ï.j, 
cervel(75,  plàtr^.f,  hestlasse,  cuirrt^se,  paperosse,  etc. 

8..4?y/ est  diminutif  dans  le  seul  mot  chevriU^r*/. 

9.  Atre  marque  d'abord  la  diminution  :  hleuôtre., 
un  peu  bleu,  puis  la  dépréciation  :  douceâ/;-e,  fo- 
lûtre. 

10.  Aud  est  dépréciatif  comme  ûtre  :  finaud^ 
lourdaud,  salaud. 

4.  Noms  de  choses. 

Les  noms  de  choses  peuvent  avoir  pour  base 
des  substantifs,  des  adjectifs  ou  des  verbes. 

A.  Les  noms  de  choses  tirés  de  substantifs  déjà 
existants  sont  formés  à  l'aide  des  suffixes  at,  ée, 
ade,  aie,  isme,  âge  et  e?'/e;  ils  sont  masculins, 
sauf  ade  et  aie,  et  servent  à  former  des  noms  con- 
crets ou  abstraits. 

1.  At  désigne  un  emploi,  une  dignité  ou  aussi 
le  lieu  occupé  ou  possédé  par  celui  qui  est  revêtu 
d'une  dignité  ou  d'un  titre  :  consula/,  orphelin«/^ 
landgravic//,  etc. 

2.  Ée,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  subs- 
tantif participial  en  e  (la  pe?isée\  exprime  une  idée 
de  capacité,  quelque  chose  d'entier,  de  plein,  et 
sert  à  former  des  noms  abstraits  ou  concrets  à 
base  de  substantifs  concrets,  comme  charretée, 
plein  une  charrette;  soirée,  plein  un  soir,  c"est-,\- 
dire  tout  un  soir  ;  nichée  ou  nitée,  nuée,  poignée, 
sachée,  vallée,  etc. 

3.  Ade,  qui  a  la  même  origine  que  l'ancienne 
forme  ée,  ne  date  que  du  xvi*  siècle  et  nous  est 
venu  de  l'Italie.  Il  sert  à  former  un  grand  nombre 
de  noms  abstraits  féminins,  qui  énoncent  une  idée 
d'ensemble  ou  de  collection,  comme  colojinade, 
réunion  à.e  colonnes,  faça^/e,  œillo^/e,  peuplarfe,  etc. 

^.Aie.  qui  a  pour  forme  accessoire  oie,&e  trouve 
dans  quelques  nomsexprimantune  collection  :  A o(<?- 
sai'!.  lieu  planté  de  hmx,  aunaie.  charmote,  fou- 
telaî'e  (de /b«/ea«  ou  hêtre),  futaie  (de  fût),  etc 

5.  Isme  sert  à  former  des  noms  abstraits  qui  cor- 
respondent aux  adjectifs  en  iste,  jque  et  2e7z  ;  pu- 
ri<)ne,  puriste;  fanatistne,  îanatirjue;  stolciiinr, 
stoici'e'j.  Ce  suffixe,  d'origine  grecque,  s'emploie 
pour  exprimer  un  système  ou  une  doctrine  qu'on 
professe,  une  méthode  que  l'on  suit,  comme  maté- 
rial(S7He,  christian!S77ie,  libérah's)«e,  idiot!"57?ze,  etc. 

6.  Age  forme  un  grand  nombre  de  substantifs 
qui  expriment  :  a)  l'idée  concrète  d'une  chose  : 
ermitage,  villcr^'e,'  b)  une  collection  :  faiillnge, 
réunion  de  feidVes,  laitage,  nufl^e,  paysage;  par- 
fois une  idée  d'augmentation  :  maréca^'e  (de  ma- 
rais] ;  c)  un  état  :  esclavage,  apprentissage,  ou 
môme  l'action  :  lang^g^e,  voy«je. 

7.  Erie  est  un  allongement  du  suffixe  ie  et  sert 
à  former  des  substantifs  :  a]  avec  les  noms  en  ter 
ou  ei\  chevalerie  de  chevalier,  bergsrie  de  berocr; 
b)  avec  les  mots  en  eur  :  blanchisserie  de  blan- 
cliisreur,  tromprie  de  trompeur,  etc.  Par  analo- 
gie, on  a  ajouté  ce  suffixe  à  des  noms  qui  n'étaient 
terminés  ni  en  ier  ni  en  eur,  comme  boise-  ie,  dra- 
perie,  filouterie,  soierie,  toile/we,  etc.  Les  mots 
en  e'7'e  expriment  soit  une  collection  d'objets  con- 
fectionnés de  la  même  manière,  boise?'Je,  verrote- 
rie,  soit  le  lieu  où  on  les  prépare.  laitTj'e,  soit  en- 
core l'art  de  les  préparer,  mégisse^-ze.  Le  plus 
souvent,  le  même  mot  réunit  deux  de  ces  accep- 
tions ou  même  toutes  les  trois,  comme  imprimerie, 
qui  signifie  à  la  fois  le  matériel  dont  se  compose 
une  imprimerie,  le  lieu  où  l'on  imprime  et  l'art 
d'imprimer. 


DERIVATION 


—  574  — 


DÉRIVATION 


B.  Le  français  crée  des  noms  abstraits  de  qualité 
en  ajoutant  aux  adjectifs  les  quatre  suffixes  esse, 
cur,  té  et  ie.  Les  noms  ainsi  formés  sont  tous  du 
genre  féminin. 

1.  Esse  a  pour  forme  accessoire  ise  :  délicatesse, 
qualité  da  ce  qui  est  délicat;  franchise,  qualité 
de  ce  qui  est  fraîic,  etc. 

Il  ne  faut  pas  confondre  le  suffixe  esse  avec  la 
terminaison  féminine  esse  de  quelques  noms  de 
personnes  ou  d'animaux  :  princess'^,  tigvesse. 

2.  i'M?"  doit  être  distingué  du  suftixe  eur  servant 
h,  former  des  noms  d'agents  :  aigreur,  qualité  de 
(0  c|ui  est  aigre;  blancheu;-,  fraîche^/',  froideur, 
noircew/-,  etc. 

:j.  Té  est  devenu  de  bonne  heure  été  ou  plutôt 
té  s'est  fixé  à  la  forme  féminine  des  adjectifs  : 
Oonté,  qualité  de  ce  qui  est  bon;  fausse/é,  naïveté, 
oisive/é,  sûre^^,  saleté,  etc. 

4.  le  a  fait  place,  comme  on  l'a  vu,  à  la  forme 
allongée  crie  et  ne  forme  plus  de  nouveaux  dérivés  : 
lizarrene,  qualité  de  ce  qui  est  bizarre;  cour- 
toisie, folie,  etc. 

C.  Les  suffixes  qui  servent  à  créer  des  substan- 
tifs à  l'aide  de  verbes  sont  aison,  ure,  ance,  ade, 
qui  forment  des  noms  abstraits  féminins,  et  nt, 
âge,  ment,  is  et  oir,  qui  forment  des  noms  abstraits 
ou  concrets  du  genre  masculin  [oir  a  un  féminin 
en  oire).  Les  uns  et  les  autres  expriment  l'action 
ou  le  résultat  de  l'action,  ou  aussi  quelquefois  le 
lieu  ou  l'instrument  de  l'action. 

1.  Aison  ou  ison  (dans  les  dérivés  des  verbes  en 
tr)  marque  l'action  :  liaison,  action  de  lier,  conju- 
^aison,  démangea!SO?i,  ïenai^on,  pendflwo?i,  gué- 
ri^oii,  etc.  Le  suffixe  oison,  qu'on  trouve  dans 
pâmoison,  est  une  ancienne  forme  de  aisoii.  Dans 
la  langue  moderne,  aison  a  fait  place  à  ation  : 
centralisaiîo?i,  démoralis«/io?z,  réglcmenta^/o7î,  etc. 
Quelquefois  on  a  deux  dérivés,  l'un  avec  la  forme 
française  aison  et  l'autre  avec  la  forme  savante 
atio7i  :  terminflîson  et  déterminatioJi,  exlialaiso?i 
et  exlialah"?2,  inc\'inaiso7i  et  ïnrÀwation. 

Nous  avons  une  foule  de  noms  abstraits  d'action 
en  ion  qui  ont  pour  base  le  participe  passé  latin, 
comme  effusion,  intuition,  perceptio?j,  Téûexio7i, 
etc. 

'2.  Ure  marque  le  résultat  de  l'action  :  la  bles- 
sure est  le  résultat  de  l'action  de  blesser  ;  brûh^re, 
enûure,  gra.\ure,  serrure,  etc.  Quelques  mots  en 
ure  sont  à  base  nominale  ;  ce  sont  en  général  des 
collectifs,  comme  che\e\ure,  miuire,  etc. 

Il  y  a  beaucoup  de  mots  en'  ure  qui,  comme 
ceux  en  ion,  sont  formés  du  radical  du  participe 
latin  :  ceintwe,  ligatz^re,  pcintwre,  ruptw/ e,  struc- 
ture,  etc. 

3.  Ance  forme  des  noms  abstraits  qui  correspon- 
dent d'ordinaire  aux  adjectifs  en  ant  et  marquent 
l'action  ou  le  résultat  de  l'action  :  vengeunce,  ac- 
tion de  se  venger;  croyance,  résultat  de  l'action 
de  croire;  naissonce,  obéissa?zce,  séance,  etc. 

4.  A' le  exprime  une  action  ou  un  résultat  : 
ruade,  action  de  ruer,  fusilla(/e^  glissac/e,  noyade, 
tivadt'. 

5.  At  marque  dans  quelques  mots  le  résultat  ou 
le  produit  d'une  action  :  assigna^^  attentai,  cra- 
chai, résulta?,  etc. 

6.  Age  exprime  l'action  ouïe  résultat  de  l'action  : 
ouvrage,  action  d'o«urer,  c'est-à-dire  de  travailler  ; 
et  ce  qui  résulte  d'un  travail:  affinage,  chaufl"«(/e, 
éclairage,  espionnage,  labourc/gre,  nsuge. 

7.  Me7it  désigne  une  action  :  enrùlment,  action 
û'oirôler,  ou  le  résultat  d'une  action  :  fondement, 
ou  le  moyen  par  lequel  se  fait  l'action  :  vêtement. 
Ment  est  le  plus  souvent  précédé  d'un  e  qui,  après 
une  voyelle,  peut  se  remplacer  par  l'accent  circon- 
flexe :  dénouew2e/if,  àénwGDient,  cngoMQment,  en- 
ioxxiîment,  qu'on  peut  écrire  ûénoùmcnt,  ùéimment, 
etc.;  accroissement,  assortiment,  rugissement,  etc. 

S.  Is  désigne  le  résultat  d'une  action,  un  assem- 


blage et  souvent,  en  raison  de  son  caractère  de 
dépréciation,  un  mélange  ou  un  amas  conlus  :  ha- 
chis, résultat  du  hochement,  chamaillw,  cailloutas, 
color/s,  gâchw,  lavt'i-,  rouh's,  semis.  Il  y  a  quelques 
noms  féminins  en  me  ;  hitisse,  jaunisse,  etc. 

9.  Oir  ou  oire  désigne  :  1°  le  lieu  où  se  fait  l'ac- 
tion :  comptoir,  table  sur  laquelle  on  compte; 
2"  l'instrument,  l'outil,  le  meuble  au  moyen  du- 
quel se  fait  l'action  :  arrosoir,  instrument  pour 
arroser.  Les  substantifs  formés  par  ce  suffixe  sont 
de  doux  espèces  :  a  masculins  en  oir  :  encensoir, 
trotto»',  battozV,  éteignoir,  rùtissoir;  6)  féminins 
en  oire  :  balançoi/e,  mangeoire,  bouilloire.  Quel- 
quefois on  a  les  deux  sortes  de  mots  avec  des  si- 
gnifications différentes  :  couloir  et  couloire,  dé- 
crottoir et  décrottoire,  polissoir  et  poeissoire,  ra- 
cloir  et  racloire. 

II.  Dérivation  verbale. 

Les  verbes  dérivés  français  se  terminent  en  er 
ou  ir;  ils  sont  formés  de  noms  (substantifs  ou  ad- 
jectifs) :  ferrer  de  fer,  grandir  de  grand  ;  quel- 
ques-uns, en  petit  nombre,  ont  une  base  verbale, 
comme  sautiller  de  sauter. 

La  plupart  des  verbes  dérivés  sont  transitifs  et 
ont  un  sens  causatif,  c'est-à-dire  qu'ils  expriment 
une  action  faite  pour  donner  à  la  personne  ou  à 
la  chose  la  qualité  marquée  par  le  primitif,  par 
exemple  :  le  vent  sèclie  [rend  sec)  le  linge  ;  le  so- 
leil mûrit  {rend  7nùré)  la  mo:i-on. 

A.  La  plupart  des  verbes  dérivés  dé  notns  sont 
formés  par  la  simple  addition  de  la  terminaison 
verbale  er  ou  ir  au  mot  primitif,  substantif  ou  ad- 
jectif. 

L  Les  verbes  dérivés  de  substa7itifs  sont  pres- 
que tous  terminés  en  er  :  sangloter,  flotter,  gazer, 
puise/-  (de  puis,  ancienne  forme  de  puits),  tapis- 
ser, tousser,  courrouce'-,  campe/-,  ranger,  choquer, 
joncher,  sucer,  ferrer,  éraailler,  vacciner,  tâtonner, 
baigner,  affamer,  corner,  abriter.  La  terminaison 
ir  est  rare  :  garantir. 

2.  Les  verbes  dérivés  à.'adje:tifi  se  terminent  en 
e/',  qui  signifie  j'e?if//e,/"a'/-e,  comme  se  Aer,  rendre 
sec,  et  le  plus  grand  nombre  en  ir,  qui  signifie 
aussi  bien  lendre  que  devenir:  mÛ7-ir,  rend7^e  itiùr 
et  devr?iif  mûr. 

Les  verbes  formés  de  substantifs  ou  d'adjectifs 
dérivés  forment  une  catégorie  importante  dans  la- 
quelle on  doit  surtout  remarquer  les  verbes  dé- 
rivés de  diminutifs,  par  ex.:  bourreler,  b7'eveter,  bal- 
lotter, jnétiner,  cra]jon7ier,  /"errai/Zer,  curasser, 
bavarder,  parle77ie7iter,  voyager,  etc.,  verbes  qui 
sont  formés  de  noms  dérivés  en  euu  (elj,  et,  ol, 
m,  on,  aille,  asse,  ard,  7nent,  âge,  etc. 

Un  certain  nombre  de  verbes  sont  produits  par 
des  suffixes  spéciaux,  savoir  iser,  nyer,  fier. 

1.  Iser  sert  à  former  un  grand  nombre  de  verbes 
intransitifs  marquant  une  imitation  des  primitifs, 
comme  fi-atetmi^er,  agir  en  frère,  et  de  verbes 
transitifs  ayant  en  général  un  sens  causatif  :/erii- 
liser,  rendre  fertde,  favoriser,  humaniser,  etc. 

2.  Oyer  se  joint  surtout  à  des  substantifs  pour 
former  des  verbes  qui  sont  en  général  intransitifs 
et  marquent  la  manifestation  de  l'activité  du  pri- 
mitif :  foudr/.y/er,  gxhoyer,  larmof/cr,  nettoyer,  on 
doyer,  \erdoye>-. 

3.  Fier  exprime  l'idée  de  faire  la  chose  ou  de 
donner  la  qualité  indiquée  par  les  primitifs  :  bo- 
7iifier,  rendre  bon;  te/Tifier,  faire  ou  causer  de  la 
terreur,  etc. 

B.  Les  verbes  dérivent  de  verbes  au  moyen  des 
suffixes  verbaux  eler,  adlcf.  Hier,  eter,  oter.  oJi/ie'', 
"sser,  foi-més  des  suffixes  nominaux  eau,  aille, 
ille,  et.  ot,  071,  asse  :  grone/e/ ,  crualler,  morddler, 
craqueie/-,  crachoter,  (rlsutter,  chantonner,  rêvas- 
se/-. Ces  verbes  dérivés  ont  en  général  un  sens  di  • 
minutif  ou  fréquentatif  :  cliantonner,  chanter  h 
demi-voix. 


DESSIN  —  S" 

Modèles  d'exercices, 

1.  Dicter  un  morceau  choisi  et  faire  ensuite 
dresser  la  liste  des  mots  dérivés  avec  l'indication 
des  suffixes  employés  et  de  leur  signification. 

2.  Dicter  des  mots  primitifs  et  faire  chercher  les 
dérivés  avec  indication  des  suffixes  ;  par  exemple  : 
■poli,  —  poh?',  polissewr,  polisson-,  polissi^-e. 

3.  Faire  composer  de  petites  phrases  dans  les- 
quelles entreront  les  mots  dérivés  dictés  par  le 
maître. 

On  peut  varier  ces  exercices  de  toute  espèce  de 
façons.  [C.  Ayer.] 

DESSECHEMENT.  —  V.  Drainage. 

DESSIN.  —  Dans  l'article  Dessin  de  la  partie 
théorique  de  ce  Dictionnaire,  on  a  exposé  la  nature 
du  dessin,  et  l'utilité  dont  l'étude  peut  en  être 
soit  pour  l'éducation  générale,  où  cet  art  doit  jouer 
un  rôle  analogue  à  celui  de  la  musique,  soit  pour 
la  meilleure  pratique  de  presque  toutes  les  pro- 
fessions. 

On  a  expliqué  dans  cet  article  que  l'étude  du 
dessin  ne  devait  pas  conduire  seulement  une  par- 
tie de  ceux  qui  s'y  adonneraient  à  acquérir  le  ta- 
lent de  représenter  les  formes  des  choses  visibles, 
soit  par  une  pure  imitation,  soit  en  imaginant  et 
inventant,  et  en  s'élevant  ainsi  jusqu'à  l'art,  mais 
que  ceux  qui  n'arriveraient  pas  à  acquérir  ce  ta- 
lent ou  qui  ne  l'acquerraient  que  dans  une  faible 
mesure,  cette  étude,  si  on  la  fondait  sur  l'imitation 
d'excellents  modèles,  leur  apprendrait  à  apprécier 
ce  qui  est,  en  fait  de  choses  visibles,  exact  ou 
inexact,  correct  ou  incorrect,  surtout  beau  ou  laid, 
gracieux  ou  disgracieux,  séant  ou  mal  séant;  qu'elle 
enseignerait  ainsi  à  mieux  voir  et  à  mieux  juger, 
qvielle  formerait,  enfin,  l'œil  et  le  goût,  dont 
l'utilité  est  presque  universelle  ;  on  a  expliqué  que 
le  talent  de  dessiner  est  surtout  celui  de  repré- 
senter le  caractère  ou  l'esprit  des  formes  ;  que 
c'est  là  ce  qui  suffit  dans  presque  toutes  les  pro- 
fessions, où  l'on  a  moins  souvent  besoin  d'exécuter 
des  dessins  réguliers  et  achevés  que  des  esquisses 
rapides  ou  croquis  qui  mettent  en  relief  ce  qu'un 
objet  a  d'essentiel,  et,  en  même  temps,  que  dans 
un  ou\Tage  quelconque,  terminé  ou  non,  c'est 
l'expression  de  la  physionomie  ou  de  l'esprit  des 
clioses  dont  la  beauté  marque  le  point  le  plus 
élevé,  qui  seule  constitue  l'art;  que  c'est  par  la 
recherche  seule  du  caractère  et  de  l'esprit  des 
choses,  que  se  forme  le  goût  ;  que  sur  ces  vérités, 
enfin,  repose  la  méthode  pour  l'enseignement  du 
dessin  qu'ont  pratiquée  et  prescrite  les  maîtres 
qui  l'ont  le  mieux  possédée,  en  particulier  Léonard 
de  Vinci;  qu'en  effet,  cette  méthode  se  résume 
dans  la  pratique  suivante  :  après  avoir  montré 
comment  nous  apparaissent  les  choses  visibles, 
après  avoir  indiqué  les  lois  optiques  auxquelles 
il  faut,  par  suite,  avoir  égard  pour  représenter 
ces  choses  telles  qu'elles  nous  apparaissent,  ce 
qui  est  l'objet  propre  de  la  peinture  et  du  dessin, 
en  d'autres  termes,  après  avoir  exposé  les, princi- 
pes scientifiques  dont  la  connaissance  nous  aide  à 
mieux  voir  et  à  mieux  juger,  former  l'œil  et  le 
goût  tout  ensemble  par  l'étude  et  l'imitation  pro- 
gressives des  formes  qui  offrent  le  plus  de  carac- 
tère et  de  beauté  et  qui.  en  conséquence,  outre 
quelles  sont  par  elles-mêmes  les  plus  importantes 
de  touies,  doivent  servir  à  comprendre  et  à  juger 
toutes  les  autres. 

En  suivant  cette  méthode,  au  lieu  de  commen- 
cer, ainsi  qu'on  l'entend  recommander  souvent, 
par  l'imitation  des  simples  figures  géométriques, 
pour  s'élever  ensuite  à  celle  des  formes  vivantes, 
sous  prétexte  que  celles-ci  seraient  des  composés 
de  celles-là,  remarquant,  au  contraire,  que  les 
formes  vivantes  ne  se  lai-sent  aucunement  réduire 
à  des  éléments  géométriques,  on  commencera  par 
ce»  formes,   les   plus  intéressantes   et   les  plus 


3  —  DESSIN 

instructives  de  toutes,  puisqu'elles  sont,  de  toutes, 
les  plus  susceptibles  d'une  véritable  beauté  ;  on 
commencera  enfin  par  celles  de  ces  formes  mêmes 
qui  sont  susceptibles  de  la  beauté  la  plus  parfaite 
et  chez  lesquelles  se  trouvent,  par  là  même,  les 
principes  et  raisons  de  toutes  les  autres,  c'est-à- 
dire  par  les  formes  humaines. 

Ainsi  se  vérifiera,  dans  le  domaine  que  l'on  con- 
sidère ici,  cette  théorie  qui  a  été  proposée  [La  Phi- 
losophie au  A7X'  siècle)  comme  éclairant  toutes 
les  sphères  auxquelles  s'étend  notre  intelligence  : 
que  ce  qui  est  d'ordre  inférieur  ne  rend  point  rai- 
son, pour  l'essentiel,  de  ce  qui  est  d'un  ordre  plus 
élevé,  mais  que  c'est  au  contraire  le  plus  parfait 
qui  sert  le  mieux  à  expliquer  le  reste,  y  compris 
ces  choses  relativement  très  simples  que  consi- 
dèrent les  mathématiques,  tout  ce  qui  n'est  pas  le 
plus  parfait  et  le  meilleur  n'en  étant  guère  qu'al- 
tération et  appauvrissement. 

En  conséquence  de  ces  principes,  en  procédera, 
dans  l'enseignement  élémentaire  du  dessin,  de  la 
manière  suivante  : 

Avant  de  faire  dessiner  les  élèves,  on  leur  ex- 
pliquera ce  que  c'est  que  de  dessiner,  pourquoi  il 
est  utile  de  l'apprendre,  quel  est  le  meilleur  et 
le  plus  court  chemin   pour  y  arriver. 

Cette  explication,  divisée  entre  plusieurs  leçons, 
sera  néanmoins  sommaire  et  donnée  à  peu  près 
comme  il  suit  : 

Les  arts  figuratifs  ou  plastiques  qui  travaillent 
pour  la  vue  en  produisant  des  formes,  comme  la 
musique  travaille  pour  l'ouie  en  produisant  des 
combinaisons  de  sons,  sont  appelés  les  ai-ts  du 
dessin  parce  que  le  dessin  leur  sert  à  tous  pour 
exprimer  les  idées  qu'ils  ont  à  réaliser. 

Les  arts  du  dessin  sont  :  l'architecture,  la 
sculpture  et  la  peinture. 

L'architecture  ne  fait  pas  seulement  les  bâti- 
ments :  elle  a  encore  sous  sa  dépendance  la  com- 
position de  la  plupart  des  meubles  et  d'une  très 
grande  partie  des  objets  si  divers  que  fabrique 
l'industrie. 

La  sculpture  et  la  peinture  façonnent  ces  mômes 
objets,  et  surtout  s'appliquent  à  la  représentation 
des  formes  qui  sont  l'œuvre  de  la  nature  et  au 
premier  rang  desquelles  est  la  figure  humaine. 

Quant  au  mode  de  représentation,  il  est  de 
deux  sortes,  dont  l'une  consiste  à  représenter 
les  objets  tels  quils  occupent  l'espace  (en  mon- 
trer un  exemple)  :  c'est  ce  qu'on  nomme  la 
sculpture;  l'autre  consiste  à  figurer  les.  objets  par 
des  images  sur  une  surface  telle  qu'un  panneau 
de  bois,  un  morceau  de  toile,  une  feuille  de  papier  ; 
c'est  ce  qu'on  nomme  la  peinture  (en  montrer  un 
exemple). 

La  peinture,  enfin,  lorsqu'elle  laisse  de  côte  la 
variété  des  couleurs  et  représente  les  choses  par 
les  seules  nuances  d'une  teinte  unique,  se  bornant 
ainsi  à  rendre  les  clairs  et  les  ombres  plus  ou 
moins  complètement  avec  leurs  forces  ou  valeurs 
différentes, i,est  appelée  proprement  peinture  en 
camaïeu.  Emploie-t-on  au  lieu  d'un  pinceau  une 
estompe  ou  un  crayon,  soit  noir,  soit  de  couleur, 
le  mode  de  représentation  est  appelé  du  nom  de 
dessin.  C'est  encore  un  dessin  qu'une  représenta- 
tion de  ce  genre  où,  négligeant,  soit  en  partie,  soit 
même  totalement  les  clairs  et  les  ombres,  on  se 
borne  à  figurer  les  objets  par  des  traits  qui  les 
limitent  et  les  séparent  de  ce  qui  les  entoure. 

Le  dessin  n'est  donc  qu'une  peinture  incom- 
plète, le  projet  (dessein^  dont  la  peinture  complète 
est  l'achèvement. 

Les  images  des  objets  peintes  ou  dessinées 
difl"èrent  de  ces  objets  qui.  généralement,  ont 
de  l'épaisseur  ou  du  relief,  en  ce  qu'elles  sont 
plates.  Elles  en  sont,  en  effet,  ce  que  les  géomè- 
tres nomment  des  projections.  Supposons  qu'un 
corps  soit  jeté   ou  projeté   sur  une  surface  plate. 


DESSIN 


57G  — 


DESSIN 


et  qu'il  y  laisse  la  trace  de  son  contact; supposons, 
plutôt  encore,  qu'il  traverse  cette  surface  en  y  lais- 
sant la  trace  de  son  passage,  cette  trace  est  ce 
qu'on  nomme  sa  projection,  'i'elles  sont  les  images 
qu'offre  un  tableau  ou  un  dessin. 

Maintenant  la  projection,  en  représentant  par 
une  image  plate  un  objet  qui  a  du  relief  et  de  la 
profondeur,  qui  avance  vers  nous  ou  s'enfonce 
dans  l'espace,  le  représente  plus  ou  moins  déformé. 
Si  une  ligne  projetée  sur  un  tableau  lui  est  paral- 
lèle au  moment  où  elle  l'atteint,  elle  y  laisse  une 
trace  qui  la  représente  telle  qu'elle  est  ;  mais  si 
elle  a  de  la  profondeur  par  rapport  au  tableau,  il 
n'en  est  pas  de  même  :  s'y  projette-t-elle  de  biais, 
ou  obliquement,  elle  s'y  laisse  une  trace  qui  la  re- 
présente raccourcie  (en  montrer  un  exemple);  s'y 
projette-t-elle  de  face,  par  un  de  ses  bouts,  autre- 
ment dit  en  se  dirigeant  perpendiculairement  au 
tableau,  sa  projection  s'y  réduit  à  un  point.  De  même 
pour  une  surface;  sa  projection  parallèle  lui  est  sem- 
blable et  égale,  sa  projection  oblique  la  représente 
raccourcie,  sa  projection  perpendiculaire  la  repré- 
sente réduite  à  une  ligne. 

Les  objets  sont  donc  raccourcis  sur  le  tableau  où 
ils  se  projettent,  à  proportion  qu'ils  y  tombent 
plus  de  face,  ou,  en  termes  géométriques,  à  pro- 
portion qu'ils  s'y  projettent  en  formant  avec  ce  ta- 
bleau un  angle  plus  approchant  d'un  droit. 

Ce  n'est  pas  tout  :  les  objets  se  peif:nent  à  notre 
œil  non  seulement  plus  ou  moins  raccourcis  à  pro- 
portion de  leur  obliquité,  mais  encore  plus  ou 
moins  réduits  dans  toutes  leurs  dimensions  à  pro- 
portion de  leur  éloignement.  Ce  dernier  phénomène 
est  celui  qu'on  nomme  la  perspective. 
,  En  effet,  les  objets,  d'où  émanent  des  rayons 
lumineux  qui  portent  leurs  images  dans  toutes  les 
directions  (le  montrer  par  le  rayonnement  d'une 
lumière  et  des  images  qu'elle  envoie  dans  tous  les 
sens  à  travers  des  trous  percés  dans  des  feuilles  de 
papier),  ces  objets  se  font  voir  par  ceux  de  ces 
rayons  lumineux  qui  arrivent  à  l'œil  ou  plutôt  au 
point  de  l'œil  où  la  vision  s'opère.  En  conséquence, 
une  ligne  qui  se  présente  à  l'œil  autrement  que 
perpendiculairement,  lui  envoie  son  image  par  des 
rayons  qui  forment  un  triangle  dont  la  ligne  est  la 
base  et  dont  le  sommet  touche  à  l'œil.  S'agit-il, 
non  d'une  ligne,  mais  d'une  surface,  les  rayons  qui 
en  apportent  l'image  à  l'œil  forment,  au  lieu  d'un 
triangle,  un  cône  dont  la  pointe  touche  à  l'œil 
comme  le  sommet  du  triangle  dans  le  cas  précé- 
dent. 

Or  de  cela  il  résulte  que,  si  l'on  suppose  entre 
l'œil  et  l'objet  un  tableau  que  nous  appellerons 
le  tableau  optique,  coupant  le  cône  optique,  et  sur 
lequel  par  conséquent  se  projette  et  s'imprime 
l'image  qu'apporte  ce  cône,  plus  l'objet  s'éloigne,  et 
plus,  envoyant  son  image  à  l'œil  par  un  cône  plus 
allongé,  il  donne  sur  le  tableau  une  image  réduite. 
(Démontrer  cette  proposition  par  un  tracé.) 

On  pourrait  dire  que  la  projection  simple  ou 
projection  droite,  que  les  géomètres  nomment 
orthogonale  (rectangulaire),  se  fait  comme  si  l'objet 
ou  son  image  portée  par  des  rayons  qui  en  émanent 
arrivait  au  tableau  en  glissant  entre  les  parois  d'un 
cylindre  qui  s'y  appuierait  à  angles  droits,  et  que 
la  projection  perspective  se  fait  comme  si  l'objet 
ou  son  image  arrivait  au  tableau  entre  les  parois 
d'un  cône  qu'il  obligerait,  sans  changer  aucune- 
ment sa  forme,  de  se  réduire  au  fur  et  à  mesure  à 
de  moindres  dimensions  (ce  qui,  par  parenthèse, 
devrait  conduire  à  donner  à  la  projection  droite  ou 
orthogonale  le  nom  corrélatif  de  projection  cylin- 
drique). La  projection  qui  se  fait  dans  ces  conditions 
est  nommée  quelquefois  projection  centrale,  parce 
qu'elle  se  fait  par  des  rayons  qui  de  l'objet  tendent 
vers  un  centre.  On  l'appelle  plus  souvent  projec- 
tion conique  ;  on  pourrait  aussi,  par  opposition  à, 
l'ortliogonale  ou  rectangulaire,  l'appeler  oxygonalc 


ou  acutangulaire.  Dans  la  projection  conique  réside 
ainsi  la  cause  des  figures  qu'on  appelle  perspectives, 
lesquelles  constituent  les  apparences  visuelles  ou 
optiques,  et  qu'on  oppose  aux  figures  réelles  ou 
géométrales.  On  appelle  en  effet  géométrales  les 
grandeurs  qu'ont  les  choses  dans  la  réalité,  et 
perspectives,  les  grandeurs  réduites  sur  le  tableau 
par  la  convergence  optique,  en  raison  des  distances. 

Les  choses  nous  intéressent  par  leurs  figures  ei 
leurs  dimensions  réelles  ou  géométrales.  C'est  par 
\h  qu'elles  nous  sont  utiles,  c'est  par  là  qu'elles 
nous  plaisent.  Les  figures  perspectives  ne  sont,  en 
tant  (iu'elles  diffèrent  des  figures  réelles,  que  des 
signes,  dans  lesquels  nous  reconnaissons  celles-ci, 
et  au  moyen  desquels  notre  imagination  les 
reconstruit.  Ces  figures  constituent  ainsi  une 
espèce  de  langage,  langage  sujet  à  des  règles  qui 
permettent,  si  on  les  a  toujours  présentes,  de 
comprendre  ce  qu'il  signifie,  langage  nécessaire  à 
connaître  pour  quiconque  veut  bien  dessiner,  bien 
plus,  pour  quiconque  veut  bii^n  voir. 

En  effet,  faute  d'en  avoir  l'idée  ou  d'y  être  atten 
tif,  on  voit  mal,  en  croyant  bien  voir.  Quiconque 
n'a  pas  été  irùtié  à  la  connaissance,  au  moins  élé- 
mentaire, de  la  projection  et  de  ses  effets,  n'ap- 
précie exactement  ni  les  raccourcis,  ni  les  dimi- 
nutions que  produit  l'éloignement.  Connaissant 
les  grandeurs  réelles,  tant  qu'il  ne  se  sera  pas 
exercé  suffisamment  à  apprécier  comment  et  com- 
bien en  diffèrent  les  apparences  perspectives,  il 
sera  toujours  porté  à  en  trop  rapprocher  ces  der- 
nières. C'est  ce  que  font  voir  les  dessins  des 
comiï>ençants  qui,  sachant  que  les  maisons  d'une 
rue,  par  exemple,  sont  à  peu  près  de  même  hau- 
teur, ne  manquent  guère  de  représenter  les  plus 
éloignées  d'une  hauteur  beaucoup  moins  diffé- 
rente qu'il  ne  le  faut  des  plus  rapprochées. 

Un  bon  maître  mettra  ses  élèves  en  garde  contre 
ces  estimations  erronées,  en  leur  montrant,  soit 
sur  le  tableau  optique,  soit  sur  des  estampes  ou 
des  photographies,  comment  et  à  quel  degré  les 
grandeurs  varient,  dans  les  apparences  optiques, 
avec  l'inclinaison  des  objets  et  avec  leur  éloigne- 
ment. Il  leur  exposera  la  cause  de  ces  phéno- 
mènes et,  par  suite,  leur  donnera  le  moyen  de  les 
apprécier.  C'est  la  tâche  à  laquelle  se  bornera, 
mais  aussi  que  devra  remplir,  dans  un  cours 
élémentaire  de  dessin,  l'enseignement  de  la 
perspective. 

La  théorie  développée  de  la  perspective  fait 
connaître  les  procédés  imaginés  par  les  géomètres 
pour  obtenir  des  apparences  optiques  exactes  dans 
toutes  sortes  de  cas  où  il  est  nécessaire,  en  effet, 
pour  un  peintre  de  profession,  et  surtout  pour  un 
architecte,  d'en  savoir  exécuter  de  telles.  Dans  un 
enseignement  élémentaire  du  dessin  on  se  bornera 
à  l'exposé,  avec  exercices  pratiques  à  l'appui,  des 
notions  générales  indispensables  pour  enseigner 
à  bien  voir  et,  sinon  à  dessiner  à  vue  d'œil  avec 
une  entière  justesse,  talent  qu'on  ne  peut  acquérir 
sans  une  suffisante  pratique,  du  moins  à  se  pré- 
server, en  dessinant,  des  erreurs  de  perspective 
où  il  est  le  plus  ordinaire  de  tomber. 

Aux  explications  précédentes  on  pourra  donc  se 
contenter  d  ajouter    les  remarques  qui  suivent  : 

Premièrement  de  ce  fait  fondamental  que  les 
objets  nous  sont  visibles  par  les  rayons  qui  con- 
vergent vers  notre  œil  et  qui,  par  suite,  donnent 
sur  le  tableau  optique  des  images  altérées  et 
réduites  à  proportion  de  l'inclinaison  et  de  l'éloigne- 
ment de  ces  objets,  de  ce  fait  il  résulte  que  toutes 
les  lignes  parallèles  dans  la  réalité  à  un  rayon 
visuel,  c'est-à-dire  à  une  ligne  droite  qui  va  d'un 
objet  à  l'œil,  se  dirigent  sur  le  tableau,  ou  en 
perspective,  vers  le  point  où  le  traverse  ce  rayon. 

Une  application,  de  la  plus  grande  importance 
pratique  de  cette  vérité,  c'est  que  le  point  où  le 
tableau  est  traversé  par  un  rayon  qui  y  tombe  à 


DESSIN 


—  577  — 


DESSIN 


plomb,  en  d'autres  termes,  qui  lui  est  perpendi- 
culaire, ce  point,  qu'on  appelle  le  point  principal, 
qu'on  appellera  mieux  le  point  de  vue  principal, 
est  le  lieu  où  convergent  en  perspective  toutes  les 
ligues  qm  dans  la  réalité  ont  la  même  direction, 
c'est-à-dire  toutes  celles  qui  sont  également  per- 
pendiculaires au  tableau. 

C'est  ce  qu'on  fera  voir  en  montrant  sur  le  ta- 
bleau optique,  sur  une  estampe  ou  une  photogra- 
phie, une  rue,  une  allée  d'arbres,  un  portique  en 
perspective. 

En  troisième  lieu,  ce  point  principal  où  rencontre 
le  tableau  le  rayon  visuel  qui  lui  est  perpendicu- 
laire, y  marque  la  hauteur  à  laquelle  l'œil  se 
trouve,  hauteur  que  mesure,  par  rapport  à  un  plan 
tel  que  le  sol,  la  ligne  qui  de  l'œil  y  tombe  à  plomb 
ou  verticalement.  Si  l'on  suppose  un  autre  plan, 
également  perpendiculaire  à  cette  verticale,  qui 
comprenne  et  le  point  de  l'œil  d'où  elle  tombe  et, 
par  suite,  le  point  de  vue  principal,  ce  dernier 
plan,  qu'on  appelle  ordinairement  le  plan  de  l'œil 
(à  quoi  il  faut  ajouter  :  perpendiculaire  à  la  verti- 
cale) coupera  le  tableau  en  y  marquant  une  ligne 
perpendiculaire  au  rayon  visuel  principal,  ligne 
qu'on  appelle  l'horizon.  D'après  ce  qui  précède,  le 
plan  de  l'œil  contiendra  tous  les  rayons  visuels  allant 
par  les  différents  points  de  l'horizon  aboutir  à.  l'œil. 

Or,  en  vertu  de  la  loi  générale  placée  en  tète 
de  cet  exposé,  toute  ligne  droite  parallèle  dans 
la  réalité  à  un  de  ces  rayons  se  rend  en  perspec- 
tive au  point  où  il  joint  l'horizon.  En  conséquence, 
le  sol  tout  entier  semble  sur  le  tableau  optique 
s'élever  vers  l'horizon,  et  vers  l'horizon  convergent 
tous  les  plans  semblablement  horizontaux  et  par 
suite  parallèles  au  sol.  Ceux  qui  sont  au-dessous 
du  plan  de  l'œil  paraissent  y  monter,  ceux  qui  sont 
au-dessus  paraissent  y  descendre.  Supposons,  de 
plus,  un  plan  passant  verticalement  par  l'œil  et  par 
le  point  principal  et  coupant  ainsi  en  croix  le  plan 
horizontal  de  l'œil  ;  ce  plan,  qu'on  peut  appeler 
plan  vertical  principal,  coupera  le  tableau  au  point 
de  vue  principal  suivant  une  ligne  qui  croisera  à 
angle  droit  l'horizon.  Et  à  cette  ligne  tendront  sur 
le  tableau  tous  les  plans  qui,  dans  la  réalité,  seront 
parallèles  au  plan  vertical  principal,  ou,  ce  qui 
revient  au  même,  perpendiculaires  au  tableau. 

C'est  ce  qu'on  fera  voir  sur  une  image  d'un  sujet 
tel  qu'un  portique  ou  une  église  d'une  grande  pro- 
fondeur, où  l'on  montrera  le  sol,  le  plafond  d'une 
part,  et  de  l'autre  les  côtés,  convergeant  par  leurs 
lignes  perpendiculaires  au  tableau  optique  vers  un 
point  situé  h  la  hauteur  de  l'œil. 

Ces  cas  principaux  bien  compris,  on  appliquera 
aisément  les  principes  dont  ils  dépendent  aux  cas 
d'usage  plus  rare  que  présentent  les  lignes  et  les 
surfaces  obliques,  dans  la  réalité,  soit  au  vertical, 
soit  à  l'horizontal,  soit  aux  choses  de  niveau,  soit 
aux  clioses  d'aplomb.  Sans  entrer  à  cet  égard  dans 
les  détails  qui  ne  sont  pas  indispensables,  on 
se  bornera  à  rendre  sensibles  sur  quelques  exem- 
ples et  à  expliquer  brièvement  comment  les  lignes 
et  les  surfaces  d'une  direction  quelconque  tendent 
en  perspective,  ou  sur  le  tableau,  vers  le'  point  de 
vue  qu'y  marque  un  rayon  visuel  de  même  direction. 

On  fera  observer  qa'en  conséquence  de  ce  fait 
que  les  raj^ons  qui  apportent  à  l'œil  les  images  dos 
corps  forment  dans  la  réalité  des  cônes  dont  les 
sommets  viennent  le  toucher,  il  résulte  que  l'ap- 
parence sur  le  tableau  optique  de  celles  de  leurs 
lignes  qui  lui  sont  inclinées  est  composée  de 
lignes  convergeant  vers  les  différents  points  où  le 
traversent  les  rayons  visuels  auxquelles  elles  sont 
parallèles,  et  que,  par  suite,  lorsque  nous  commen- 
çons à  nous  apercevoir  de  la  perspective  qu'elles  for- 
ment sans  voir  encore  comment  elle  se  réduit  ;\  une 
projection  sur  un  plan,  elles  nous  semblent  consti- 
tuer des  cônes  dont  les  parois  convergent  vers  les 
sommets  en  s'enfonçant  loin  de  nous  dans  l'espace. 

2^:  Pautie 


Sans  exposer,  encore  une  fois,  les  moyens,  soit 
graphiques,  soit  arithmétiques,  de  déterminer  sur 
un  tableau  où  l'on  veut  reproduire  les  apparences 
perspectives  telles  que  les  offre  le  tableau  optique, 
les  lieux  précis  de  ces  apparences,  —  ce  qui  serait 
fournir  de  quoi  se  passer  du  jugement  de  l'œil, 
qu'il  s'agit  avant  tout  d'exercer,  —  néanmoins, 
pour  aider  h  ce  jugement,  en  lui  fournissant  un 
moyen  approximatif  de  vérification,  on  fera  remar- 
quer que  si,  pour  toutes  les  apparences,  la  gran- 
deur sans  changement  dans  les  rapports,  ou  l'é- 
chelle, varie  en  raison  de  la  distance  du  tableau  à 
l'œil,  pour  les  lignes  perpendiculaires  au  tableau, 
qu'on  appelle  communément  les  fuyantes,  la  figure 
perspective  varie  en  raison,  soit  de  la  hauteur  de 
l'œil,  soit  de  son  éloignement,  et  de  même  pour  les 
obliques,  à  proportion  de  leur  obliquité. 

Dans  l'enseignement  élémentaire,  on  n'exposera 
pas  comment,  en  marquant  sur  le  tableau  la  dis- 
tance qui  le  sépare  de  l'œil,  on  arrive  h  mettre  en 
perspective,  par  la  détermination  de  l'apparence 
de  sa  diagonale,  un  carré,  la  plus  simple  des 
figures,  ce  qui  fournit  le  moyen  de  mettre  en 
perspective  quelque  forme  régulière  que  ce  soit  : 
c'est  là  un  de  ces  procédés,  quoique  le  plus  simple 
de  tous,  qui  sert,  non  pas  proprement  à  éclairer 
le  jugement  de  l'œil,  mais  à  y  suppléer,  et  qui 
n'est  qu'une  application  mécanique  de  la  géométrie 
à  l'exécution  de  la  peinture  et  du  dessin  ;  on  fera 
remarquer  seulement,  pour  guider  l'œil  dans  l'éva- 
luation des  diminutions  qui  résultent,  en  perspec- 
tive, pour  les  lignes  parallèles  au  tableau,  de  leur 
éloignement,  que  la  grandeur  de  ces  lignes  diminue, 
dans  le  cône  optique,  en  raison  exacte  des  distances  ; 
d'où  il  suit  aussitôt  que  les  surfaces  diminuent 
comme  augmentent  les  carrés  des  distances 

Maintenant,  pour  juger  des  rapports  du  peispectif 
au  géométral,  et  apprécier  ainsi  l'effet  perspectif, 
ce  n'est  pas  assez  de  considérer  dans  les  figures 
les  traits  ou  les  points  qui  les  séparent  de  ce  qui 
les  entoure,  il  faut  considérer  encore  les  clairs  et 
les  ombres,  leurs  situations  et  leurs  grandeurs. 

Pour  un  œil  tout  à  fait  inexpérimenté,  un  des- 
sin au  trait  représentant  un  objet  en  perspective, 
cet  objet  fùt-il  un  simple  édifice,  n'offrira  guère 
que  confusion  et  incertitude.  Y  ajoute-t-on  les  clairs 
et  les  ombres,  tout  y  devient  aussitôt  intelligible. 

A  l'enseignement  des  principes  généraux  de  la 
perspective  appliques  aux  lignes  seules  ou  aux 
contours  des  objets,  on  devra  donc,  pour  faire 
comprendre  les  apparences  optiques,  ajouter  l'en- 
seignement des  principes  généraux  de  la  distri- 
bution de  la  luiuière. 

Le  premier  de  ces  principes  est  la  marche  de 
la  lumière  en  ligne  droite,  de  laquelle  il  résulte 
que,  selon  que  ce  qui  éclaire  est  plus  petit  que 
la  surface  qui  lui  est  opposée  du  corps  qu'il 
éclaire  ou  lui  est  égal  ou  est  plus  grand,  ce 
corps  en  est  éclairé  dans  dos  parties  plus  ou 
moins  considérables  de  son  étendue  ;  qu'en 
outre,  la  manière  dont  il  est  éclairé  varie  avec 
sa  position  par  rapport  à  ce  qui  l'éclairé,  que, 
par  exemple,  c'est  lorsqu'une  surface  est  directe- 
ment opposée  à  la  lumière  qui  l'éclairé  qu'elle  en  est 
le  plus  fortement  éclairée,  et  qu'elle  en  est  éclairée 
plus  faiblement  à  mesure  qu'elle  lui  est  plus  oblique  ; 
ce  qu'il  sera  facile  de  rendre  sensible  en  exposant 
une  feuille  de  papier  à  la  lumière  du  soleil  de  face 
d'abord  et   ensuite  sous  des  inclinaisons  diverses. 

On  fera  observer  que  l'ombre  ne  couvre  pas 
seulement  la  partie  d'un  corps  qui  est  cachée  à.  la 
lumière  dont  il  est  éclairé,  mais  qu'elle  se  prolonge 
au  delà,  en  sorte  que,  s'il  se  rencontre  dans  la 
direction  qu'elle  suit  une  partie  d'un  antre  corps, 
on  voit  sur  ce  dernier  une  ombre  qu'on  dit  portée 
par  le  premier,  et  l'on  signalera  l'importance,  pour 
l'eftet  optique  d'un  objet,  de  son  ombre  port;ée. 

Un  deuxième  principe  général  de  la  distribution 

37 


DESSIN 


—  578  — 


DESSIN 


de  la  lumière  est  son  élasticité,  en  vertu  de  la- 
quelle elle  est  réfléchie  par  les  surfaces  qu'elle 
rencontre.  Par  suite  de  cette  propriété,  les  corps 
sont  éclairés  de  divers  côtés  et  à  divers  degrés 
par  les  autres  corps  qui  les  environnent  ;  et  il 
importe  en  particulier  de  remarquer  que,  dans  le 
cas  de  l'ombre  poriée  par  un  corps  sur  un  autre,  la 
lumière  qui  éclaire  le  premier  et  que  lui  renvoie 
encore  une  partie  du  second  éclaire  dans  une  cer- 
taine mesure  la  partie  obscure  de  celui-là,  de  telle 
sorte  qu'une  partie  ombragée  du  premier  corps  se 
détache  en  clair  sur  la  partie  du  second  que  couvre 
l'ombre  portée  ;  autrement  dit,  que  l'ombre  qui  met 
dans  l'obscurité  une  partie  du  premier  corps ,  et  qu'on 
appel!  e  l'ombre  propre,  ainsi  mêlée  d'une  lumière  ré- 
fléchie, ou  reflet,  est  plus  faible  que  l'ombre  portée. 

De  ce  qu'une  surface  est  éclairée  proportionnel- 
lement à  son  inclinaison  à  la  lumière,  il  résulte 
que  sur  les  surfaces  qui  ne  sont  pas  planes  il  y  a, 
outre  les  clairs  et  les  ombres,  des  teintes  moyen- 
nes ou  demi-teintes.  D'autre  part,  toute  ombre  est 
bordée  d'une  pénombre  ou  presque-ombre.  Et  de 
ces  deux  sortes  de  phénomènes,  il  résulte  qu'il  n'y 
a  guère  dans  la  nature  d'opposition  tranchée  entre 
la  lumière  et  l'ombre,  mais  qu'à  cet  égard,  comme 
à  tous  autres,  il  s'y  trouve  partout  quelque  liaison 
entre  les  extrêmes,  il  s'y  rencontre  partout  tran- 
sitions insensibles  et  continuité. 

On  fera  observer  encore  que  si  les  grandeurs 
diminuent  par  degrés  à  proportion  de  l'éloignement, 
il  en  est  de  même  de  la  force  des  teintes.  Ce 
phénomène  est  appelé  la  perspective  aérienne, 
parce  qu'on  l'attribue  généralement  à  l'air  inter- 
posé entre  l'objet  et  l'œil  en  plus  grande  quantité 
à  mesure  qu'ils  sont  plus  distants  ;  cependaut  la 
principale  raison  paraît  en  être  que  la  force  de  la 
lumière  diminue  nécessairement,  comme  diminue 
en  perspective  la  grandeur  des  surfaces,  à  pro- 
portion du  carré  des  distances,  d'où  il  suit  qu'une 
surface  éclairée,  et  telles  sont  toutes  celles  que  nous 
voyons,  envoie  à  notre  œil  une  quantité  de  lumière 
d'autant  moindre  qu'elle  est  plus  éloignée,  et  cela 
dans  une  mesure  proportionnelle  au  carré  de  la 
distance  par  laquelle  elle  est  séparée  de  nous. 

Supposons  maintenant  deux  objets  qui  donnent  sur 
le  tableau  optique  deux  images  semblables  mais  de 
grandeurs  différentes.  Comment  savoir  si  elles  pro- 
Tiennent  d'objets  qui  offrent  réellement  la  même 
différence  de  grandeur,  ou  d'objets  dont  l'un  ne 
paraît  différent  de  l'autre  que  parce  qu'il  est  plus 
éloigné?  Ce  qui  résout  avec  plus  ou  moins  de 
certitude  la  question,  c'est  la  perspective  aérienne. 
Les  deux  objets  nous  offrent-ils  le  même  degré  de 
force  et  de  précision?  c'est  sans  doute  qu'ils  sont 
à  la  même  distance.  Celui  qui  semble  le  plus  petit 
des  deux  parait-il  moins  distinct  et  moins  décidé? 
c'est  la  preuve  qu'il  est  plus  éloigné,  et  l'explica- 
tion de  sa  petitesse  relative. 

Après  avoir  signalé  ainsi  dans  les  phénomènes  de 
la  perspective  soit  linéaire,  soit  aérienne  ces  acci- 
dents par  lesquels  les  images  diffèrent  des  réalités, 
et  expliqué  comment,  par  la  connaissance  de  ce 
qu'il  y  a  de  régulier  dans  ces  accidents,  on  arrive 
à  les  interpréter,  et  à  rétablir  à  travers  le  perspectif 
le  géométral,  dont  les  dimensions  et  les  proportions 
sont  ce  qui  nous  importe,  on  fera  remarquer,  dans 
les  cas  où  est  sensible  la  perspective  tant  aérienne 
que  linéaire,  et  soit  sur  la  nature,  soit  sur  de  bonnes 
estampes,  que  c'est  encore  une  source  de  beautés 
que  celle  de  la  gradation,  continue  et  harmonique 
tout  ensemble,  suivant  laquelle  vont  se  perdre  par 
degrés  dans  le  lointain  de  l'espace  et  les  formes  et 
les  couleurs. 

A  quoi  il  faudra  ajouter  que  lorsqu'on  en  viendra 
à  l'élude  du  coloris,  qui  dépasse  le  cadre  de  l'en- 
seignement élémentaire  dont  il  s'agit  ici.  on  verra 
qu'à  mesure  que  les  objets  sont  plus  loin,  il  s'y  mêle 
plus  de  ce  bleu  qui  est  la  couleur  de  l'atmosphère  ; 


de  sorte  qu'en  s'éloignant  les  choses  ne  se  perdent 
pas  dans  une  triste  obscurité,  mais  qu'en  même 
temps  que  les  figures  gagnent  en  grandeur  d'aspect 
par  la  disparition  de  détails  qui  en  rendaient  souvent 
l'ensemble  moins  intelligible,  les  teintes  vont  peu 
à  peu  se  mélangeant  d'azur,  et,  les  couleurs  plus 
terrestres  s'évanouissant,  tout  se  résout  finalement 
ou  tend  à  se  résoudre  en  quelque  chose  d'aérien 
et  de  céleste. 

Après  cette  étude  préliminaire,  dont  l'objet  n'est 
pas  tant,  à  proprement  parler,  d'apprendre  à  bien 
voir  que  de  préserver  de  voir  mal  en  faisant  remar- 
quer comment  le  géométral  est  altéré  dans  le  perspec- 
tif et  en  en  faisant  comprendre  la  raison,  on  abordera 
l'étude  directe,  qui  consiste  à  tâcher  d'exécuter  à 
vue,  en  tenant  compte  des  rapports  du  perspectif 
au  géométral,  des  images  perspectives  des  objets. 

On  ne  prendra  pas  pour  premiers  modèles  des 
objets  en  relief,  sur  lesquels  il  est  plus  difficile 
que  sur  des  images  planes  de  ces  corps  de  s'aper- 
cevoir des  effets  de  la  perspective,  c'est-à-dire  de 
distinguer  le  perspectif  du  géométral,  et  dont  par 
conséquent  il  est  plus  difficile  de  représenter  cor- 
rectement le  géométral  par  une  image  perspective  ; 
et  c'est  de  quoi  Ton  s'assurera  facilement  si  l'on 
donne  à  copier  à  des  commençants  d'une  part  un 
objet  en  relief,  tel  qu'un  cube,  mi  édifice,  une 
rue,  de  l'autre  une  image  plane  de  cet  objet.  On 
verra  en  effet  qu'ils  imiteront  plus  exactement 
l'image  que  l'original;  en  outre,  on  verra  qu'après 
avoir  reproduit  l'image  ils  reproduiront  l'original 
plus  facilement  ;  d'où  il  résulte  que  c'est  par  la 
considération  et  l'imitation  de  la  perspective  réa- 
lisée sur  les  images  qu'on  arrive  le  mieux  à  la 
comprendre  sur  les  corps.  Autrement  dit,  c'est 
par  la  vue  du  tableau  extérieur  ou  objectif  qu'on 
arrive  le  mieux  à  former  en  son  esprit  le  tableau 
imaginaire  ou  subjectif  sur  le  modèle  duquel 
s'exécute  ensuite  le  tableau  peint  ou  dessiné.  >- 

On  prendra  donc  pour  modèles,  jusqu'à  ce  qu'on 
sache  les  reproduire  aisément,  soit  des  estampes 
des  meilleurs  graveurs,  qui  ont  été  avant  tout 
d'excellents  dessinateurs,  soit  des  fac-similés  pho- 
tographiques de  dessins  des  plus  grands  maîtres, 
soit  enfin  des  reproductions  photographiques  de 
chefs-d'œuvTe  de  la  sculpture  et  de  la  peinture, 
surtout  de  la  sculpture  grecque  en  son  plus  beau 
temps,  et  de  la  peinture  telle  que  l'ont  comprise 
les  plus  savants  maîtres  de  la  Renaissance. 

Les  modèles  seront  d'abord  de  ceux  qui  repré- 
sentent les  originaux,  dont  ils  sont  les  images,  de 
la  manière  la  plus  fidèle. 

Ce  n'est  qu'à  des  yeux  déjà  exercés  qu'on  pré- 
sentera de  ces  ouvrages  qui  n'offrent  des  choses 
que  des  images  abrégées  et,  par  cela  même,  d'une 
interprétation  plus  ou  moins  difficile.  Les  premiers 
modèles  devront  offrir  des  formes  déterminées  par 
le  modelé  le  plus  exact  et  le  plus  complet. 

Pour  apprendre,  on  devra  aussi,  en  les  imitant, 
les  reproduire  complètement,  tels  qu'ils  sont,  avec 
la  plus  rigoureuse  exactitude,  sans  omettre  quoi 
que  ce  soit  des  clairs,  des  ombres,  des  demi-tein- 
tes, des  reflets,  par  lesquels  s'accusent  les  formes. 

En  conséquence,  et  pour  n'être  pas  empêché, 
dans  la  recherche  du  caractère  et  des  formes,  par 
des  difficultés  matérielles  d'exécution,  il  sera  bon 
de  commencer  par  s'exercer  à  exécuter  des  teintes, 
d'abord  à  l'estompe,  ensuite  au  crayon,  en  passant 
du  clair  à  la  demi-teinte  et  de  la  demi-teinte  à 
l'ombre  par  une  gradation  insensible,  telle,  comme 
dit  Léonard  de  'Vinci,  que  celle  que  fait  voir  la 
fumée.  Ce  n'est  qu'après  être  devenu  ainsi  capable 
d'exécuter,  soit  d'après  un  modèle,  soit  sans  mo- 
dèle, des  teintes  bien  dégradées  qu'on  devrait  com- 
mencer à  imiter  des  modèles. 

Dans  l'imitation  de  quelque  objet  que  ce  soit, 
le   but   principal   qu'on  doit  se  proposer  étant  de 


DESSIN 


—  579  — 


DESSIN 


rendre  l'esprit  des  formes,  et  cet  esprit  se  mani- 
lestant  surtout  dans  les  choses  organisées,  types 
supérieurs  de  toutes  les  autres,  par  l'ensemble 
auquel  se  rapportent  et  pour  lequel  sont  faites  les 
parties,  on  s'attachera  avant  tout  h  mettre  l'ensem- 
ble. On  ne  passera  de  l'ensemble  aux  détails  que 
de  degré  en  degré,  c'est-à-dire  en  le  décomposant 
en  ensembles  subordonnés,  et  ces  ensembles  en 
de  moindres  encore,  jusqu'à  ce  qu'on  parvienne  aux 
plus  petites  parties.  Réciproquement,  en  s'occupant 
de  chaque  partie,  on  aura  sans  cesse  égard  à  son 
rapport  avec  le  tout  dans  lequel  elle  est  comprise 
immédiatement,  puis  au  rapport  de  ce  tout  au  tout 
plus  compréhensif  qui  le  contient^  et  ainsi  de  suite 
jusqu'au  tout  absolu. 

L'objet  dont  l'imitation  ainsi  conduite  mènera  le 
mieux  et  le  plus  promptement  à  acquérir  et  le 
talent  de  voir  et  celui  de  dessiner  quoi  que  ce  soit, 
parce  que  c'est  celui  qui  offre  la  plus  parfaite 
beauté,  où,  par  conséquent,  les  parties  ont  le  plus 
de  proportions  avec  le  tout,  et  qui,  par  conséquent 
aussi,  éveillant  le  plus  lintérêt,  développe  le  mieux 
par  cela  seul  l'intelligence  et  le  goût,  cet  objet  est 
la  figure  humaine,  la  figure  humaine  telle  qu'elle 
doit  être  et  dans  sa  plus  grande  perfection. 

De  même  qu'avant  d'aborder  l'imitation  d'appa- 
rences visibles  en  général,  il  convient  de  prendre 
connaissance  des  lois  auxquelles  ces  sortes  d'appa- 
rences sont  sujettes,  et  qui  composent  la  perspec- 
tive, de  même,  avant  de  chercher  à  imiter  une  es- 
pèce déterminée  d"objcts,  il  convient  de  prendre 
connaissance  de  la  constitution  normale  du  géomé- 
tra\  de  leurs  formes.  Avant  de  commencer  à  des- 
siner la  figure  humaine  dans  sa  plus  grande  per- 
fection, on  apprendra  donc  quelle  en  est  la  struc- 
ture typique,  au  moins  dans  ses  traits  généraux,  et 
quelles  en  sont  les  proportions  les  plus  constantes. 
(Je  n'est  pas  qu'on  doive  se  sernr  de  cette  connais- 
sance pour  construire  en  quelque  sorte  à  priori  les 
formes  qu'il  s'agit,  au  contraire,  d'apprendre,  en 
les  imitant,  à  estimer  et  à  mesurer  de  l'œil  :  c'est 
seulement  que  la  connaissance  de  la  structure  et 
des  proportions  doit  servir,  comme  celle  de  la 
perspective,  à  mettre  l'œil  en  garde  contre  l'er- 
reur, surtout  alors  qu'il  est  encore  peu  exercé,  et  à 
lui  fournir  des  moyens  de  contrôle  et  de  vérification . 

Maintenant,  pour  bien  comprendre  la  figure 
humaine  en  sa  perfection  même,  il  importe  de 
considérer  distingués  les  éléments  qu'elle  présente 
fondus,  pour  ainsi  dire,  dans  une  unité  supérieure. 

La  parfaite  beauté  dans  une  figure  jeune,  en  un 
complet  repos,  ne  laisse  voir  en  saillie  aucun  des 
muscles.  Un  mouvement  doux  les  révèle  à  demi, 
telles  que  se  montrent  des  ondulations  faibles  à  la 
surface  d'une  eau  à  peine  remuée;  les  mouvements 
que  produit  une  passion  violente  les  mettent  for- 
tement en  saillie.  Ce  sont  donc  ces  mouvements 
qui  donnent  le  moyen  de  connaître,  de  compren- 
dre les  surfaces  faiblement  ondulées  qu'offrent  les 
belles  formes. 

Pour  bien  connaître  et  apprendre  à  bien  repré- 
senter la  figure  humaine,  on  imitera  donc  des 
modèles  qui  la  représentent  sous  ces  deux  aspects 
opposés,  l'un  de  sa  constitution  arrivée  à  l'unité 
harmonique  de  la  beauté  parfaite,  l'autre  de  cette 
constitution  plus  ou  moins  décomposée  dans  les 
éléments  qu'elle  implique.  Tel  est  le  contraste  que 
forme  dans  l'art  antique  la  beauté  calme  d'un 
Bacchus  avec  les  formes  mouvementées  des'  êtres 
sauvages.  Pans  et  Satyres,  qu'il  mène  après  lui  à 
demi  domptés  comme  le  tigre,  son  compagnon  ordi- 
naire, mais  encore  animés  de  passions  véhémentes. 

En  présence  d'un  modèle,  on  cherchera  toujours, 
avant  d'entreprendre  de  l'imiter,  à  en  saisir  la  phy- 
sionomie, de  manière  à  pouvoir  le  caractériser  de 
telle  sorte  par  ses  traits  essentiels,  en  le  décrivant 
à  qui  ne  l'aura  pas  vu,  qu'il  le  reconnaisse  aisé- 
ment. On  s'appliquera  ensuite  à  en  indiquer  l'aspect 


par  quelques  traits  ou  points  détachés  marquant  le 
mouvement  d'abord,  puis  les  situations  des  princi- 
pales parties:  c'est  ce  qu'on  nomme  l'esquisse. 

En  second  lieu,  on  indiquera  par  les  clairs  et 
les  ombres  les  masses  que  constituent  ces  parties  : 
c'est  ce  qu'on  nomme  l'ébauche. 

On  ira  plus  loin  en  descendant  peu  à  peu  dans 
le  détail  par  un  clair-obscur  de  plus  en  plus  ana- 
lytique, ne  marquant  un  contour  qu'à  mesure  que 
le  progrès  du  modelé  en  montrera  la  place,  et 
réservant  ainsi  pour  la  fin,  selon  le  précepte  de 
Léonard  de  Vinci,  la  précision  parfaite  des  profils. 

Ajoutons  que  ces  profils  ne  devront  pas  être 
marqués  par  un  trait  durement  détaché  ;  qu'un 
objet  ne  doit  en  effet  se  distinguer  d'un  objet  con- 
tigu  que  par  une  différence  de  teinte  ou  de  valeur; 
bien  plus,  que  les  objets  sont  presque  toujours 
terminés  par  des  demi-teintes  ou  des  reflets  indi- 
quant que  la  forme  est  tournante  et  laissant  de- 
viner une  épaisseur  par  delà  le  profil;  en  sorte 
que  la  perfection  en  fait  de  contour  est  qu'en  dé- 
finitive le  contour  s'évanouisse. 

Enfin,  dans  toute  la  suite  de  ce  travail,  on  visera 
toujours,  à  tous  égards,  à  la  perfection.  Après  avoir 
cherché  d'abord  à  établir  l'ense.nbîe  aussi  parfaite- 
ment qu'il  est  possible  de  le  faire  avant  que  les  détails 
viennent  le  vérifier,  on  visera  dans  l'exécution  des 
détails  au  plus  parfait  fini,  ('/est  le  précepte  de  tous 
les  grands  maîtres.  Se  contenter,  en  étudiant,  de 
l'a  peu  près,  c'est  se  fermer  à  soi-même  le  chemui 
qui  mène  au  but. 

Le  moyen  de  remplir  ces  préceptes  est  de 
n'embrasser  jamais  que  ce  qu'on  est  capable 
d'étreindre,  de  mesurer  toujours  ce  qu'on  veut  à 
ce  qu'on  peut,  de  ne  point  prétendre,  en  consé- 
quence, résoudre  dès  l'abord  des  problèmes  com- 
pliqués, mais,  conformément  à  toute  saine  théorie 
de  la  méthode,  en  ayant  toujours  en  vue  le  but.  de 
ne  prétendre  y  atteindre  qu'en  montant  succes- 
sivement tous  les  degrés  qui  y  conduisent 

Pour  reproduire  un  tout  complexe,  il  faut  en  avoir 
d'abord  étudié  et  reproduit  les  parties.  On  ne  don- 
nera donc  à  imiter  aux  élèves  une  figure  entière 
qu'après  leur  avoir  fait  imiter  préalablement  et  la 
tète  et  le  corps  et  les  extrémités  La  tête  est  ce  qui, 
de  tout  l'ensemble,  offre  le  plus  d'intérêt,  puisque 
le  visage  est  le  principal  siège  de  l'expression,  et 
que  là  aussi  réside  plus  que  dans  tout  le  reste 
une  beauté  qu'on  ne  peut  altérer  sans  que  l'erreur 
soit  très  sensible,  et  dont  l'étude,  par  conséquent, 
est  plus  propre  qu'aucune  autre  à  former  l'œil  et 
le  goût.  On  commencera  donc  le  dessin  par  la  tète. 

Mais  la  tête  est  encore  un  objet  trop  complexe 
pour  un  commençant.  Avant  de  dessiner  la  tête 
entière,  on  en  dessinera  les  parties,  l'œil,  la  bou- 
che, le  nez,  Toreille,  la  demi-tête,  et  sous  divers 
aspects  ;  on  les  dessinera  d'après  des  modèles  qui 
en  rendent  aussi  parfaitement  que  possible  les 
formes  constitutives,  et  qui  fassent  bien  voir  soit 
toute  la  force,  soit  toute  la  délicatesse  dont  ces 
formes  sont  susceptibles.  C'est  seulement  lorsqu'on 
saura  reproduire  exactement  ces  parties,  soitd'après 
des  modèles,  soit  de  mémoire,  qu'on  dessinera  la 
tête  entière. 

Après  la  tête,  ce  n'est  qu'après  avoir  dessiné 
séparément,  d'abord  d'après  des  modèles  choisis  de 
la  même  manière,  ensuite  de  souvenir,  les  mem- 
bres et  surtout  les  extrémités,  qu'on  arrivera  au 
dessin  de  la  figure  entière. 

Enfin  ce  n'est  qu'alors  qu'on  saura,  au  jugement  du 
maître,  suffisamment  dessiner  d'après  des  estampes, 
des  dessins  ou  des  photographies,  qu'on  dessi- 
nera, suivant  l'expression  usitée,  d'après  la  bosse. 

Le  terme  de  l'élude  est  le  dessin  d'après  nature. 
Mais  c'est  où  commence  l'enseignement  appro- 
fondi. Dans  un  enseignement  élémentaire  on  ne 
dépassera  pas  le  dessin  d'après  la  bosse. 

Ajoutons  à  ce  programme   qu'alors  qu'on    saura 


DESSIN 


-  580  — 


DESSIN 


dessiner  suriisamment  la  figure,  on  pourra  consa- 
crer un  certain  temps,  par  exemple  une  heure 
chaque  semaine,  au  dessin  d'architecture  et  d'or- 
nement. Ce  sera  une  préparation  générale  aux 
professions  où  est  en  usage  cette  sorte  de  dessin  ; 
ce  sera  surtout  une  occasion  de  dire  et  un  moyen 
de  faire  voir  que,  pour  qui  sait  dessiner  la  figure, 
toute  autre  espèce  de  dessin  est  aisée,  et  que  si, 
pour  bien  dessiner  quelque  objet  que  ce  soit,  il  est 
indispensable  d'avoir  fait  de  sa  structure  et  de 
toute  sa  constitution  une  étude  spéciale  et  appro- 
fondie, néanmoins  le  dessin  de  la  figure  humaine 
met  en  possession  de  ce  qu'il  y  a  dans  toute  autre 
espèce  de  dessin  de  plus  élevé  et  de  plus  difficile,  et 
par  conséquent  en  livre  pour  la  plus  grande  partie 
le  secret. 

Répétons,  en  terminant,  ce  qui  a  été  expliqué 
dans  la  partie  tliéorique  de  cet  article,  que  c'est  en 
suivant  la  méthode  qui  vient  d'être  exposée  qu'on 
arrivera  et  le  plus  sûrement  et  le  plus  vite  soit  à 
bien  voir,  ce  qui  doit  être  le  principal  objet  de  l'é- 
tude du  dessin,  soit  à  bien  dessiner  ;  que  cette 
méthode,  en  effet,  reproduit,  purgée  de  toute  alté- 
ration, celle  qui  fut  toujours  pratiquée  et  prescrite, 
en  tout  genre,  par  les  meilleurs  maîtres,  laquelle 
se  ramène  en  dernière  analyse  à  ces  vérités  uni- 
verselles qui  doivent  régner  sur  tout  enseignement  : 
que  chaque  genre  d'étude  a  ses  principes  propres  ; 
que  les  principes  sont  d'une  part  les  derniers  élé-  { 
ments,  de  l'autre  la  plus  haute  unité  sous  laquelle  j 
ils  s'ordonnent;  qu'en  chaque  étude  enfin  c'est  de} 
la  connaissance  aussi  distincte  et  aussi  parfaite 
que  possible  des  principes  que  dépend  le  succès. 

fF.  Ravaisson.J 

Dans  la  I'»  Partie  de  ce  Dictionnaire,  au  mot 
Dessin,  on  trouvera,  à  côté  de  la  théorie  exposée 
par  M.  Ravaisson,  la  théorie  opposée  défendue  par 
un  membre  éminent  de  l'Académie  des  beaux-arts, 
M.  Eugène  Guillaume.  Lorsqu'il  s'est  agi  de  fixer 
les  programmes  officiels  de  l'enseignement  du  des- 
sin dans  les  écoles  primaires  et  dans  les  écoles 
normales,  le  Conseil  supérieur  de  l'instruction 
publique,  après  avoir  mîii'ement  pesé  le  pour  et'le 
contre,  s'est  prononcé  en  faveur  de  la  méthode 
recommandée  par  M.  Guillaume.  Nous  donnons 
ci-dessous  le  texte  de  ces  programmes. 

PROGRAMMES  OFFICIELS    DE   L'ENSEIGNEMENT 
DU   DESSIN'. 

Ecoles  primaires. 
(Arrêté  du  14  janvier   1881.) 

COURS    ÉLÉMENTAIRE. 

Tracé  des  lignes  droites  et  leur  division  en  par- 
lies  égales.  Evaluation  des  rapports  des  lignes  en- 
tre elles.  Reproduction  et  évaluation  des  angles. 

Premiers  principes  du  dessin  d'ornement.  Cir- 
conférences, polygones  réguliers,  rosaces  étoilées. 

COURS   MOYEN. 

Dessix  a  main  levée.  —  Courbes  géométriques 
usuelles  :  ellipses,  spirales,  etc.  Courbes  em- 
pruntées au  règne  végétal  :  tiges,  feuilles,  fleurs. 

Copie  de  plâtres  représentant  des  ornements 
plans  d'un  faible  relief. 

Premières  notions  de  dessin  géométral  et  élé- 
ments de  perspective. 

Représentation  géométrale  au  trait  et  représen- 
tation perspective,  au  trait,  puis  avec  les  ombres, 
de  solides  géométriques  et  d'objets  usuels  sim- 
ples. 

Dessix  géométrique.  —  Emploi  (au  tableau)  des 
instruments  servant  au  tracé  des  lignes  droites  et 
des  circonférences  :  règle,  compas,  équerre  et 
rapporteur. 

Se  borner,  dans  cette  partie  du  cours,  à  faire 
comprendre  aux  élèves  lusago  de  ces  instruments, 


dont  ils  acquerront  le  maniement  dans  le  coura 
supérieur. 

COURS  SUPÉRIEUR, 

Dessix  a  main  levée.  —  Dessin,  d'après  l'es- 
tampe et  d'après  le  relief,  d'ornements  purement 
géométriques  :  moulures,  oves,  rais  de  coeur,  per- 
les, denticules,  etc. 

Dessin,  d'après  l'estampe  et  d'après  le  relief, 
d'ornements  empruntant  leurs  éléments  au  règne 
végétal  :  feuilles,  fleurs  et  fruits,  palmettes,  rin- 
ceaux, etc. 

Notions  élémentaires  sur  les  ordres  d'architec- 
ture données  au  tableau  par  le  maître  (3  leçons). 

Dessin  de  la  tête  humaine  :  ses  parties,  ses 
proportions. 

DESSIN  GÉOMÉTRIQUE.  — Exéculion  sur  Ic  papier, 
avec  l'aide  des  instruments,  des  tracés  géométri- 
ques qui  ont  été  faits  au  tableau  dans  le  cours 
moyen . 

Principes  du  lavis  à  teintes  plates. 

Dessin  reproduisant  des  motifs  de  décoration  de 
surfaces  planes  ou  d'un  faible  relief  :  carrelages, 
parquetages,  vitraux,  panneaux,  plafonds.  Lavis 
à  l'encre  de  Chine  et  à  la  couleur  de  quelques-uns 
de  ces  dessins. 

Relevé,aveccotes,  et  représentation  géométrale 
au  trait,  de  solides  géométriques  et  d'objets  sim- 
ples, tels  que  :  assemblages  de  charpente  et  de 
rnenuiserie,  dispositions  extérieures  d'appareils  de 
pierre  de  taille,  grosses  pièces  de  serrurerie, 
meubles  les  plus  ordinaires,  etc.  —  Emploi  du 
lavis  pour  exprimer  la  nature  des  matériaux.  — 
Lavis  des  plans  et  des  cartes. 

Ecoles  primaires. 
(Arrêté  du  3  août  J8S1.) 

r.e  programme  est  commun  aux  écoles  normales  dos 
deux  sexes,  à  l'exception  des  portions  imprimées  en  itali- 
ques, qui  ne  s'appliquent  qu'aux  écoles  normales  d'institu- 
teurs. 

PREMIÈRE  ANNÉE. 

Dessin  d'imitation. —  Principes  du  dessin  d'or- 
nement :  lignes  droites,  circonférences,  polygones 
réguliers,  rosaces  étoilées;  courbes  géométriques 
diverses  :  ellipses,  spirales,  etc.  ;  courbes  emprun- 
tées au  règne  végétal  :  tiges,  feuilles,  fleurs. 

Copies  de  plâtres  représentant  des  ornements 
plats  d'un  faible  relief. 

Dessin,  d'après  l'estampe  et  le  relief  :  1°  d'or- 
nements purement  géométriques  :  moulures, 
oves,  rais  de  cœur,  perles,  denticules,  etc.; 
2°  d'ornements  empruntés  au  règne  végétal  : 
feuilles,  fleurs,   fruits,    palmettes,    rinceaux,  etc. 

Notions  succinctes  sur  les  ordres  d'architecture, 
données  au  tableau  par  le  maître. 

Dessin  élémentaire  de  la  tète  humaine;  ses  par- 
ties et  ses  proportions. 

Dessin  géométrique.  —  Emploi  au  tableau  des 
instruments  pour  le  tracé  des  lignes  droites  et 
des  circonférences  :  règle,  compas,  équerre  et 
rapporteur. 

Exécution  sur  le  papier,  avec  l'aide  des  instru- 
ments, des  tracés  géométriques  qui  ont  été  faits 
d'abord  au  tableau.  —  Applications  à  des  motifs 
de  décoration.  (Dans  les  écoles  normales  d'insti- 
tutrices, le  programme  ajoute  :  Broderie,  dentel- 
les, tapisserie.)  —  Parquetnge .  —  CaiTelage.  — 
Notio?is  lie  dessin  géométral.  —  Vitratcx.  —  Pan- 
neaux.  —  Plafon  Is. 

Relevé,  avec  cotes,  et  représeyitntion  géométrale, 
au  trait  et  à  une  échelle  clétennin''e,  de  solides 
géométriques  et  d'objets  simples  :  assemôlages  de 
charpente  et  de  menuiserie,  voussoirs,  meubles, 
etc. 

Principes  du  lavis  à  teintes  plates. 


DETTE 


DEUXIEME  ANNEE. 


—  581   - 


DETTE 


Dessin  d'imitation.  —  Éléments  de  perspective. 

—  Représentation  perspective,  au  trait,  puis  avec 
les  ombres,  de  solides  géométriques  et  d'objets 
usuels. 

Dessins  d'après  des  fragments  d'architecture  : 
piédestaux,  bases  et  fûts  de  colonne,  antes,  cor- 
niches. 

Dessin, d'après  l'estampe,  des  extrémités  et  des 
diflcrentes  parties  du  corps  humain.  —  Notions 
sur  la  structure  générale  et  les  proportions  de 
ces  parties  par  rapport  îi  l'ensemble. 

DfssiN  GÉOMÉTRIQUE.  —  Notious  sur  la  ligne 
droite  et  le  plan  dans  l'espace  et  sur  les  projec- 
tions. 

Projections  de  solides  géométriques  et  d'objets 
simples.  —  Copie  et  réduction  de  r>lans  de  bâti- 
ments et  de  muc/iines  ;  parties  du  bâtiment;  orga- 
nes des  machines.  (Pour  les  iii-^titutrices,  le  pro- 
gramme dit  ici  :  Modèles  de  coupes  de  vêtements.) 

—  Notions  pratiques  sur  le  lavis.  Teintes  conven- 
tionnelles . 

TROISIÈME   ANNÉE. 

Dessin  d'imitation.  —  Dessins  ombrés  d'après 
des  fragments  d'architecture,  piédestaux,  bases 
it  fûts  de  colonnes,  consoles,  chapiteaux  simples, 
vases,  etc. 

Frises  ornées;  ensemble  et  détails  des  ordres 
dorique,  ionique  et  corinthien. 

Dessin  de  plantes  ornementales,  d'animaux  et 
de  figures,  d'après  l'estampe  et  d'après  la  bosse. 

Dessin  de  la  figure  humaine,  d'après  l'estampe 
et  d'après  la  bosse  (détails  et  ensemble). 

DESSIN  GÉoMÉTRiQi/E.  —  Dessiu  de  bâtiments  et 
dessin  de  machines.  ' 

Relevé,  avec  cotes, d'un  édifice  et  des  principaux 
détails  de  sa  construction.  —  Croquis  et  mise  au 
net  à  une  échelle  déterminée.  —  Relevé,  avec 
cotes, ^de  machines  et  de  quelques  organes  conve- 
nablement choisis.  —  Croquis  et  mise  au  net  à 
une  échelle  déterminée. 

Copie  et  réduction  de  plans  et  de  cartes  topo- 
graphiques. 

Exercices  de  lavis  des  plans  et  des  cartes. 

DETTE  PUBLIQUE.  —  L'emprunt  étant  pour 
un  gouvernement  le  moyen  le  plus  commode  de 
se  procurer  les  sommes  dont  il  a  besoin,  on  y  a 
toujours  eu  recours  dans  tous  les  pays  et  dans 
tous  les  temps.  Avant  la  Révolution  il  y  avait, en 
France,  la  dette  constituée,  la  dette  perpétuelle,  la 
dette  viagère,  lys  tontines;  toutes  ces  dettes  repo- 
saient sur  la  couronne,  sur  l'État,  sur  les  com- 
munes, sur  les  villes.  La  Convention,  voulant  met- 
tre de  l'ordre  dans  les  finances  de  l'ancien  régime, 
décida  la  conversion  de  toutes  les  dettes  anciennes 
et  nouvelles  en  une  seule,  et,  h,  cet  effet,  créa  le 
Grand-Livre  de  la  dette  publique,  où  toutes  ces 
créances  diverses  furent  inscrites  sous  la  forme  uni- 
que de  rentes  5  p.  100,  perpétuelles  et  rachetables. 
La  somme  annuelle  nécessaire  pour  le  service  de  ces 
rentes  s'élevait,  lors  de  la  création  du  Grand-Livre 
en  1793,  au  chillre  de  160  millions  de  francs  en- 
viron. 

En  1797,  la  détresse  du  trésor,  produite  à  la  fois 
par  les  dépenses  énormes  de  la  guerre  et  par  la 
mauvaise  administration  du  Directoire,  décida  les 
Conseils  législatifs  à  décréter  une  mesure  extrême  : 
il  fut  résolu  que  les  deux  tiers  de  la  dette  seraient 
remboursés,  au  capital  de  vingt  fois  la  rente,  en 
bons  recevables  en  paiement  des  biens  nationaux  ; 
et  que  l'autre  tiers  serait  consolidé,  et  resterait 
inscrit  au  Grand-Livre  sous  la  forme  de  rentes 
perpétuelles.  Les  bons  sur  les  biens  nationaux  ne 
constituaient  guère  à  ce  moment,  pour  beaucoup 


de  rentiers,  qu  une  valeur  fictive,  en  sorte  qu'il  y 
avait  là  une  banqueroute  déguisée;  le  Directoire 
revenait  ainsi  aux  errements  de  la  monarchie,  qui 
trop  souvent,  sous  Louis  XIV  et  Louis  XV,  avait 
eu  recours  à.  dos  mesures  de  ce  genre.  -^ 

Après  cette  réduction  forcée,  procédé  sommaire 
pour  se  libérer,  mais  qui  fait  disparaître  pour 
longtemps  le  crédit  de  l'État  et  ne  permet  pas  d'y 
avoir  recours,  les  rentes  inscrites  sur  le  Grand- 
Livre  ne  dépassaient  pas  40  000  000  fr.,  alors  que 
la  dette  anglaise,  même  avant  les  guerres  de  l'Em- 
pire, s'élevait  déjà  îi  422  000  000  francs. 

La  dette  sous  l'Empire.  —  Napoléon,  renonçant 
aux  emprunts  directs,  fie  face  aux  dépenses  à  l'aide 
d'emprunts  détournés  sur  les  receveurs  généraux, 
sur  la  Banque  de  France  dont  il  amena  la  suspen- 
sion de  paiements  pendant  la  crise  de  1804,  mais 
surtout  avec  les  contributions  de  guerre  prélevées 
sur  les  nations  vaincues. 

Quand  sa  course  victorieuse  fut  interrompue, 
en  1814,  la  dette  s'élevait  à  63  000  000  fr.,  et  en- 
core la  plus  grande  partie  de  l'accroissement  était 
antérieure  à  1800-,  car  de  1800  à  1814  on  ne  créa 
que  7  millions  de  rente.  La  charge  n'était  pas  en- 
core bien  lourde,  mais  il  fallut  y  ajouter  l'indem- 
nité de  guerre  de  700  000  000  fr.  imposée  par  les 
puissances  alliées,  et  toutes  les  sommes  nécessaires 
pour  la  liquidation  du  régime  impérial. 

La  dette  sous  la  Restauration.  —  Les  ministres 
des  finances  de  la  Restauration,  mis  ainsi  en  pré- 
sence d'une  dette  exigible  à  court  terme,  de  beau- 
coup au-dessus  des  ressources  du  budget,  ne  purent 
songer  à  y  faire  face  par  l'impôt.  Ils  firent  donc  in- 
tervenir le  crédit,  c'est-à-dire  les  emprunts,  et  mon- 
trèrent dans  les  diverses  combinaisons  qui  furent 
mises  en  pratique  une  habileté  dont  les-  comptes- 
rendus  du  Moniteur  nous  ont  conservé  le  souvenir, 
et  qu'on  ne  saurait  trop  étudier  encore  aujourd'hui. 
On  eut  donc  recours  aux  emprunts,  mais  sous 
quelles  formes?  C'est  alors  que  le  5  p.  100  ayant 
été  admis  comme  le  type  de  l'émission,  on  le 
lança  sur  le  marché  tantôt  par  l'intermédiaire  des 
banquiers  groupés  en  syndicat,  tantôt  même  par 
souscription  publique.  Ce  procédé,  que  l'on  regar- 
dait comme  d'invention  moderne  sous  le  second 
Empire,  avait  donc  déjà  été  employé  avec  le  plus 
grand  succès,  et  le  suffrage  universel  des  capitaux 
avait  précédé  le  suffrage  universel  des  citoyens. 
L'emprunt  de  198  millions  émis  sous  cette  forme 
en  1 818  fut  souscrit  quinze  fois  ;  le  capital  ainsi  offert 
s'éleva  à  3  260  000  000  fr.  !  On  ne  pouvait  souhaiter 
un  plus  beau  résultat,  et  néanmoins  le  ministre, 
malgré  tout  ce  qu'une  telle  souscription  pouvait 
avoir  de  flatteur  pour  la  confiance  qu'on  lui  témoi- 
gnait, en  reconnut  les  inconvénients  et  les  abus 
Même  par  la  souscription  publique,  on  ne  peut 
empêcher  les  banquiers  de  prendre  la  plus 
grosse  part  ;  d'un  autre  côté  les  titres  sont  mal 
classés,  parce  que  du  haut  en  bas  de  l'échelle  la 
spéculation  s'en  mêle,  le  taux  d'émission,  pour 
attirer  le  public,  devant  être  plus  abaissé  qu'il  ne 
le  serait  avec  des  banquiers.  La  pratique  a  prouvé 
qu'on  ne  peut  se  passer  de  leur  intervention  di- 
recte ou  indirecte.  Veut-on  s'en  passer,  ils  se  font 
concurrence  entre  eux,  et  les  moins  bien  partagés 
s'efforcent  de  déprécier  la  valeur  pour  en  prendre 
un  morceau.  Il  a  toujours  été  préférable  de  s'as- 
surer leur  concours  pour  soutenir  le  marché,  main- 
tenir les  cours,  et  écouler  peu  à  peu  les  titres 
comme  les  entrepositaires  en  gros  écoulent  la 
marchandise  en  détail.  • 

On  émettait  de  la  rente  au  taux  nominal  de  5 
I  p.  100,  mais  en  réalité  on  la  donnait  à  un  cours 
I  beaucoup  plus  bas.  Le  Trésor  recevait  ,S0,  60,  70, 
'  pour  laquelle  somme  il  s'engageait  à  payer  une 
j  rente  perpétuelle  de  h  fr.,  et  de  plus  à  rembourser 
'  un  capital  de  IdO  fr.  11  empruntait  ainsi  bien  au- 
1  dessus  du  taux  nominal  de  5  p.  100,  et  quand  il 


DETTE 


—  582  — 


DETTE 


voulait  se  libérer  et  rembourser  sa  dette,  il  était 
obligé  de  payer  une  somme  beaucoup  plus  consi- 
dérable que  celle  qu'il  avait  reçue. 

On  le  comprenait  déjà  très  bien  en  1814  quand  on 
s'occupait  de  l'émission  des  emprunts.  Le  duc  de 
Richelieu  proposait  d'emprunter  non  pas  au  taux 
nominal  de  6  p.  l'iO,  mais  au  taux  réel  de  7,  8,  9 
p.  iO'>  sans  accroissement  du  capital  et  avec  la 
faculté  de  convertir  en  un  taux  plus  favorable 
aussitôt  que  l'état  du  crédit  le  permettrait.  Ce 
projet  si  soigneux  de  l'intérêt  public  fut  repousse 
par  M.  Baring,  un  des  principaux  parmi  les  ban- 
quiers avec  lesquels  on  traitait,  parce  que  c'était 
les  empêcher  de  replacer  au  pair,  c'est-à-dire  h  lOO 
fr  ,  ce  qu'ils  prenaient  beaucoup  au-dessous,  et  il 
fallut  l'abandonner. 

La  liquidation  de  l'Empire  en  1814  et  dans  les 
années  suivantes  amena  un  accroissement  consi- 
dérable de  la  dette  dont  le  gouvernement  de  la 
Restauration  dut  se  charger. 

Notons  ici  l'indemnité  à'un  milliard  aux  émi- 
grés, votée  en  1825.  Comme  on  ne  pouvait  songer 
à  payer  un  tel  capital,  on  se  contenta  d'en,  servir 
la  rente  au  taux  de  3  p.  100,  soit  en  chiffres  ronds 

30  millions.  La  Restauration,  toutefois,  ne  délivra 
aux  intéressés  que  25  995:510  fr.  de  rentes;  ce  fut 
le  gouvernement  de  Louis-Philippe  qui  acheva 
de  solder  l'indemnité,  jusqu'à  concurrence  de 
28  959  700  fr.  de  rentes. 

Voici  rénumération  des  sommes  réclamées  pour 
les  divers  services  en  souffrance  : 

Bentes  créées. 

10  Dette  arriérée 35  600  000  fr. 

2"  Insuffisance  des  budgets 69  974  000 

3°  Contribution  de  guerre 43  185  000 

4»  Conversion  facultative,  1825. .     25  493O00 
5"  Indemnité  aux  émigrés 25  995  000 

soit  un  total  de  190  000  000  de  rentes  créées  sous 
la  Restauration. 

Par  contre,  la  conversion  facultative  de  1S25  du 
5p.lii0en3p.l00avait  annulé31  7v3000fr.derentes, 
d'autres  avaient  fait  retour  à  l'Etat  jusqu'à  concur- 
rence de  3  ^641100  fr.,  et  16  020  0  '0  fr.  de  rentes  ap- 
partenant à  la  Caisse  d'amortissement,  soit  ensemble 
pour  51  198  000  fr.  de  rentes  avaient  été  annulés. 

L'augmentation  réelle  de  la  dette  sous  la  Restau- 
ration fut  de  136  700()0(»  fr.,  ce  qui,  ajouté  aux 
63  001)000  de  1814,  donne  au  1"  août  IH30  une 
somme  totale  de  199  400(100  fr.  (Les  situations  de 
la  dette  française  données  dans  le  présent  article 
sont  prises  dans  le  Compte  général  des  finances.) 

D'après  le  détail  donné  plus  haut,  nous  consta- 
tons que  la  plus  grande  partie  des  rentes  inscrites 
l'ont  été  pour  payer  l'arriéré  et  faire  face  à  l'in- 
suffisance des  budgets  de  l'Empire,  ce  qu'on  ap- 
pelle aujourd'hui  les  découverts,  c'est-à-dire  l'écart 
qui,  à  la  fin  de  l'année,  existe  entre  les  recettes 
et  les  dépenses.  Ces  deux  articles  seuls  ont  accru 
la  dette  de  près  de  100  millions,  tandis  que  l'in- 
demnité de  guerre  de  700  000  000  fr.  imposée  par 
les  armées  alliées  n'a  exigé  qu'une  inscription  de 
43  0U0  000  fr.  de  rentes. 

La  conversion  facultative  de  1825,  en  autorisant  l'é- 
change du  5  p.  1 00  en  3  p.  1 00  fit  inscrire  25  tiOO  Oi)0  fr. 
de  rentes,  mais  en  môme  temps  permit  d'en  rayer 

31  OdOOOU  fr.,  d'où  un  bénéfice  et  une  économie  de 
6  millions  pour  le  Trésor.  En  outre,  par  l'amortisse- 
ment, on  avait  racheté  pour  53  millions  de  rentes. 

Depuis  la  suspension  des  paiements  en  1797  et 
l'inscription  du  tiers  consolidé,  ce  qui  avait  non 
seulement  allégé  mais  unifié  la  dette,  il  ne  restait 
plus  en  circulation  que  du5  p.  100.  On  avait  réalisé 
ce  que  l'on  regardait  comme  l'application  d'un 
principe  scieniitiiiue  ;  mais  lorsqu'on  fut  forcé  d'a- 
voir encore  recours  aux  emprunts,  immédiate- 
ment la  variété  des  formes  reparut.  L'unification,  à 
laquelle  on  avait  tout  sacrifié,  fui  abandonnée.  Pour 


répondre  à  divers  besoins  et  suivre  les  variations 
du  taux  de  l'intérêt  et  par  suite  sa  capitalisation,  la 
Restauration  dut  créer  à  côté  du  5  p.  l<i()  le  4  1/2 
p.  100  et  le  3  p.  100,  et,  dès  le  principe,  ces  fonds  fu- 
rent accueillis  avec  une  telle  faveur  que  le  .3  p.  loO 
émis  en  1825  à  75  fr.  fut  de  suite  coté  76  fr.  35,  c'est- 
à-dire  presqu'au  même  taux  où  nous  le  voyons  au- 
jourd'hui, malgré  la  différence  de  la  richesse  de  la 
population  aux  deux  époques. —  Sous  l'influence  de 
la  paix  et  d'un  gouvernement  régulier,  le  crédit  pu- 
blic, éclipsé  pour  un  temps,  n'avait  pas  tardé  à  re- 
paraître. Les  premiers  emprunts  en  5  p.  100  avaient 
été  adjugés  de  57  à  67  fr.  pour  5  fr.  de  rente  ;  dès 
1821,  le  taux  d'émission  s'était  déjà  élevé  à  85  fr.  55 
pour  atteindre  même  89  fr.  55  en  1823. 

Nous  avons  déjà  noté  le  succès  du  3  p.  100  émis 
à  75  fr.,  c'est-à  dire  à  15  fr.  au-dessus  du  pair 
(60  fr.),si  nous  le  comparons  au  5  p.  100  qui,  alors, 
était  coté  seulement  106  fr.  25.  Cet  écart  entre  les 
deux  fonds  avait  une  cause,  et  cette  cause,  c'était 
la  crainte  du  remboursement,  de  la  conversion  ou 
de  la  réduction  du  taux  de  l'intérêt.  Pour  le  5  p.  100 
coté  au-dessus  du  pair,  c'est-à-dire  do  100  fr.,  on 
pouvait  tout  craindre,  et  comme  on  offrait  au  pu- 
blic un  fonds,  sous  le  titre  de  3  p.  100,  do«t  le  prix 
démission  ('i5  fr.)  était  bien  éloigné  du  pair  (lOO 
fr.)  quoique  ne  donnant  que  4  p.  100  d'intérêt,  il 
n'est  pas  surprenant  que  l'empressement  pour  en 
obtenir  ait  été  grand.  En  échangeant  son  5  p.  100 
contre  du  3  p.  lOO  à  75  fr.,  le  rentier  perdait,  il  est 
vrai,  1  p.  100  d'intérêt,  soit  1/5°',  mais  il  avait  la 
chance  de  gagner  1/4  sur  le  capital,  si  le  3  p.  100 
atteignait  le  pair,  comme  on  l'avait  vu  en  Angleterre. 

Le  développement  naturel  de  la  prospérité  pu- 
blique, quand  rien  ne  vient  la  troubler,  se  mani- 
feste jusqu'au  dernier  moment,  et,  à  la  veille  des 
fautes  politiques  qui  devaient  entraîner  la  chute 
du  gouvernement,  l'habile  gestion  financière  du  Tré- 
sor permettait  d'adjuger  en  1830  un  emprunt  de 
80(100  000  fr.  en  4  p.  100  à  102,07,  c'est-à-dire  de 
2  fr.  07  au-dessus  du  pair!  On  n'avait  jamais  vu 
pareil  empressement  et  dans  de  telles  conditions, 
car  on  se  trouvait  ainsi  sous  le  coup  d'une  réduc- 
tion ou  d'un  remboursement  à  100  fr.  Mais  le  5  p.  100 
était  coté  109  fr. ,  après  avoir  atteint  110  fr.  65 
l'année  précédente;  on  ne  pouvait  alors  prévoiries 
troubles  qui,  accompagnant  le  changement  de  la 
dynastie,  devaient  le  précipiter  en  1831  à  7't  fr.  80. 

De  1814  à  1830,  la  dette  s'était  élevée  de 
63  000  000  fr.  à  199400(i00  fr.,  soit  de  136  millions  ; 
la  liquidation  seule  de  l'Empire,  y  compris  l'indem- 
nité de  guerre,  entrait  dans  cette  somme  pour 
138('000(iO  fr.  La  différence,  ainsi  que  la  somme  in- 
scrite pour  l'indemnité  aux  émigrés,  soit  25  mil- 
lions, et  divers  autres  emprunts,  avait  été  com- 
pensée par  l'annulation  de  16  millions  de  rentes 
appartenant  à  la  caisse  d'amortissement,  par  plu- 
sieurs rentes  ayant  fait  retour  à  l'État,  et  enfin  par 
les  6  millions  d'économie  annuelle  provenant  de  la 
conversion  d'une  partie  du  5  p.  100  en  3  p.  lOO.  La 
part  de  la  Restauration  est  donc  bien  faible  dans 
l'accroissement  de  la  dette  que  nous  constatons. 

La  dette  publique  sous  Louis-Philippe  (1830-1848). 
—  Le  découvert,  c'est-à-dire  les  insuffisances  du  bud- 
get de  la  Restauration,  ne  dépassait  pas  20  millions 
de  fr.  ;  la  somme  était  légère,  et  il  ne  fut  pas  néces- 
saire de  procéder  à  une  liquidation  forcée.  Il  y  eut  ce- 
pendant des  emprunts  comme  sous  tous  les  ré- 
gimes, et  les  rentes  créées  parle  gouvernement  de 
Juillet  pour  le  service  des  intérêts  se  sont  élevées 
à 77  700000  fr. 

Mais,  par  suite  des  annulations 
des  rentes  rachetées  par  la  caisse 
d'amortissement 32  800000  fr. 

L'accroissement  total  de  la  dette 
ne  dépassa  pas 44900000  fr. 

Ce  qui  porte  le  total  de  la  dette 
inscrite  au  24  février  1848  à 244300  000  fr. 


DETTE 


KQn  


DETTE 


Le  crédit  public,  déprimé  au  début  du  nouveau 
régime,  ne  tarda  pas  îi  s'améliorer;  cependant  le 
taux  d'émission  des  premiers  emprunts  en  5  p.  100 
varia  de  84  à  98  fr.,  puis  on  renonça  à  cette  forme 
pour  ne  mettre  en  adjudication  que  du  3  p.  100. 

La  première  émission,  en  1841,  fut  faite  à  78  fr.  12; 
la  seconde  en  1844  fut  souscrite  à  84  fr.  75;  à  aucune 
époque  on  n'avait  vu  coter  un  pareil  cours  au  mo- 
ment où  on  avait  recours  au  crédit  public,  et  depuis, 
malgré  l'abondance  des  capitaux,  on  ne  l'a  pas  revu. 

La  même  année,  le  5  p.  100  avait  été  coté  126fr.  .3(1, 
le  plus  haut  cours  qui  ait  été  noté  ;  l'année  sui- 
vante, le  3  p.  100  devait  aussi  atteindre  son  cldffre 
maximum,  86  fr.  40  qui,  de  même,  n'a  pas  reparu. 

Dans  des  conditions  aussi  favorables,  on  aurait 
pu  convertir  le  5  p.  100  en  4  1/2  et  même  en  4  p.  100; 
des  considérations  politiques  en  détournèrent,  et 
le  moment  propice  n'ayant  pas  été  saisi,  il  fut  bien- 
tôt impossible  d'y  songer. 

La  dette  publique  sous  la  République,  1848-1852. 

—  La  dynastie  royale  ayant  été  encore  expulsée 
en  1848,  il  y  eut  une  crise  violente  et  un  grand 
ébranlement  du  crédit  public.  Des  hauts  cours  que 
nous  venons  de  constater,  le  5  p.  100  et  le  3  p.  100 
furent  précipités,  le  premier  de  126  fr.  30  à  50  fr., 
le  second,  de  86  fr.  40  à  32  fr.  50  !  On  voit  com- 
bien l'oscillation  a  été  grande  et  la  chute  profonde. 

Au  1"  mars  1848,  la  dette  s'élevait  donc  à  ;'44 
millions  de  francs,  mais  on  se  trouvait  en  présence 
des  insuffisances  du  budget  du  règne  précé- 
dents, et  le  découvert  s'élevait  à  997  millions  de 
francs.  On  eut  donc  recours  à  l'emprunt  : 

Emprunt  des  7  et  24  juillet 14  935  387  fr. 

Consolidation  des  fonds  de  la  dette 
flottante  et  des  caisses  d'épargne.      35  "74  513 

Rachat  du  chemin  de  fer  de  Lyon.       6  818  848 

Indemnité  coloniale  pour  l'aboli- 
tion de  l'esclavage 6  000000 

et  divers  autres  articles 15 100000 


Total 78628  748  fr. 

Pendant  la  même  période,  les  ra- 
chats et  les  consolidations  des  réser- 
ves de  l'amortissement  s'élevaient  à    83600000  fr. 

Ce  qui  non  seulement  faisait  dis- 
paraître tout  l'accroissement  de  la 
dette,  mais  réduisait  même  de 
5  000  000  fr.  le  chififre  constaté  au 
24  février  1848. 

De  telle  sorte  que  malgré  les  nom- 
breuses émissions  de  rentes,  le  total 
de  la  dette  inscrite,  qui  s'élevait  au 

1er  mars  1848  à. 244  300  000 

fut  réduit  au  1"  janvier  1852  à 239  300  000 

On  remarquera  que  cette  diminution  de  la  dette 
n'a  pas  été  le  résultat  du  jeu  naturel  de  l'amortis- 
sement, mais  bien  de  la  suspension,  de  la  suppres- 
sion même  de  cet  ingénieux  mécanisme,  donnant 
des  résultats  sur  le  papier,  mais  impuissant  dans 
la  pratique. 

La  dette  sous  le  second  Empire  (1852-1870).  — 
Pour  faire  saisir  par  un  coup  d'oeil  d'ensemble  les 
mouvements  delà  dette,  nous  donnerons  les  princi- 
paux articles. 

1"  Création  de  rentes  ; 

Rentes  échangées  pour  faciliter  la  conversion 
(avril  1852^ 4  403  400  fr. 

Légion  d'honneur 500  000 

Emprunts,  guerre  de  Crimée 
1854-1855 71  709  000 

Liquidation  reine  des  Belges 200000 

Rachat  du  palais  de  l'Industrie. .         441  100 

Dotation  de  l'armée 2  503  100 

Emprunt,  guerre  d'Italie 25  773  300 

Emprunt  1862 12  000  000 

—  1864. 14  249  000 

—  1868 19  514  0110 

L'accroissement  total  fut  de 303  yoO  000  fr. 


En  présence  des  créations  plaçons 
les  annulations  : 

Bénéfice  de  la  conversion  du 
5  p.  100  en  4  1/2  (1852).  17  500  000 

Rentes  annulées  par  suite  de  ra- 
chat, remboursement,  échange  et 
divers 167  600  000 


Total 185  100  000  fr. 

Déduisant  cette  somme  des  303  millions  de  rentes 
de  nouvelle  création,  il  reste  un  accroissement  total 
de  118  800  000  de  rentes  pour  la  période  1^5^-1870, 
et  la  dette  inscrite  se  trouva  portée  de  239  3o0  000, 
en  1852,  à  358  100  000,  en  1870. 

L'accroissement  a  été  considérable,  et  les  guerres 
de  Crimée,  d'Italie,  de  Chine,  du  Mexique,  ont 
absorbé  la  plus  grande  partie  des  sommes  récla- 
mées par  l'emprunt  et  par  les  impôts  nouveaux. 

Sur  un  capital  emprunté  de  plus  de  3  5o0  000  000 
fr.,  on  n'a  guère  consacré  que  600  000  000  fr.  aux 
travaux  de  la  paix^  dont  la  postérité  pourra  pro- 
fiter. Cela  donne  à  réfléchir  sur  1  utilité  des 
guerres  entreprises  sans  un  intérêt  vital  pour  la 
nation. 

La  période  impériale  laissera  néanmoins  une 
trace  brillante  dans  l'histoire  financière  par  la 
prospérité  qui  a  régné  pendant  ces  dix-huit  an- 
nées. A  aucune  époque,  grâce  aux  chemins  de 
fer,  à  la  production  abondante  de  l'or,  à  l'abais- 
sement du  tarif  des  douanes,  le  développe  ment 
de  la  richesse  publique  n'a  été  plus  rapide;  aussi 
le  succès  de  tous  les  nombreux  emprunts 
que  nous  venons  d'énumérer  a-t-il  été  des  plus 
brillants. 

On  débuta  d'abord,  le  nouveau  régime  à  peine 
installé,  par  la  conversion  du  5  p.  100  en  4  1/2 
p.  100,  mesure  visée  depuis  longtemps,  mais  que 
jusqu'ici  on  n'avait  pu  exécuter,  soit  parce  que  les 
circonstances  ne  s'y  prêtaient  pas,  soit  parce  qu'on 
craignait  de  perdre  sa  popularité  en  réduisant  le 
revenu  du  porteur  de  rentes  au  taux  du  marché 
des  fonds  publics. 

Dès  le  mois  de  mars  1852  la  mesure  fut  décré- 
tée, quoique  le  5  p.  100  fût  à  peine  au-dessus  du 
pair,  puisque  depuis  le  2  décembre  1851  le  plus 
haut  cours  coté  n'avait  pas  dépassé  106  fr. 

On  remplaçait  ainsi  175  600  000  fr.  de  rentes 
5  p.  100  par  158  000  000  de  rentes  4  1/2  p.  100, 
soit  17  600  000  fr.  de  différence.  Ce  qui,  réduisant 
la  dette  perpétuelle  d'une  somme  annuelle  de 
17  600  000  fr. ,  privait  les  rentiers  d'une  somme 
égale  dans  leur  revenu. 

On  leur  avait  offert  cette  alternative  :  le  rem- 
boursement à  100  fr.  des  rentes  qui  avaient  été  ad- 
jugées aux  souscripteurs  primitifs  bien  au-dessous 
de  cette  somme,  ou  la  réduction  du  taux  de  l'in- 
térêt de  1/2  p.  100,  en  acceptant  l'échange  de 
leur  titre  5  p.  100  contre  un  titre  4  1/2  p.  100. 

Sur  les  175  000  000  fr.  de  rentes  5  p.  lOO, 
3  000  000  seulement  demandèrent  le  rembourse- 
ment, et  le  Trésor  n'eut  à  débourser  qu'une  somme 
de  80  000  000  fr.  Le  succès  fut  donc  complet  et  le 
moment  bien  choisi,  car  deux  ans  après,  la  con- 
version, par  suite  de  la  guerre  de  Crimée,  n'aurait 
plus  été  possible. 

Cette  guerre  ouvrit  l'ère  des  grands  emprunts 
comme  on  n'en  avait  pas  vu  jusqu'alors,  et,  pour 
leur  donnerun  caractère  particulier,  on  eut  recours 
à  la  souscription  publique  comme  à  une  nouveauté. 
On  ne  paraissait  pas  se  douter  que  sous  la  Restau- 
ration elle  avait  déjà  été  employée  avec  le  plus 
grand  succès.  ,j 

Le  premier  emprunt  de  250  000  000  fr.  en  1854 
fut  souscrit  deux  fois;  celui  de  500  000  000,  quatre 
fois;  celui  de  7 50  000  000,  cinq  fois.  L'empressement 
à  souscrire  croissait  avec  la  somme  offerte. 

L'emprunt  de  la  guerre  d'Italie  de  520  millions 
de  fr.  fat  souscrit  cinq  fois,  mais  on  sortait  à  peine 


DETTE 


584  — 


DETTE 


de  la  crise  de  1857,  et  la  nation,  ne  se  rendant  pas 
bien  compte  des  causes  de  la  guerre,  était  inquiète  et 
rcdoutaitles  complications  qui  pouvaient  en  résulter. 

La  guerre  terminée  et  les  traités  de  commerce 
de  1860  conclus,  on  s'occupa  des  emprunts  de  la 
paix  pour  subvenir  aux  travaux  publics,  et  l'entrain 
fut  tel,  la  confiance  et  l'abondance  de  capitaux  si 
grandes,  que  l'emprunt  de  315O0O0Û0fr.  fut  sous- 
crit quinze  fois. 

Le  succès  de  la  souscription  de  18G8  fut  encore 
plus  brillant.  On  offrait  4^0  000  000  fr.  de  rentes,  et 
on  demanda  trente-quatre  fois  la  somme  ! 

Cet  accroissement  prodigieux  du  chiffre  des 
souscriptions  publiques  n'est  pas  un  fait  particu- 
lier à  la  France;  partout  où  la  spéculation  s'en 
mêle  on  observe  les  mômes  résultais.  L'expé- 
rience a  été  faite  en  Portugal,  en  Russie,  et  les 
emprunts,  quand  les  circonstances  s'y  prêtaient, 
ont  été  couverts  dix  et  quinze  fois. 

La  souscription  publique  a  surtout  le  grand 
avantage  de  vulgariser  la  rente  et  d'augmenter 
le  nombre  des  coupures  dans  les  mains  du  public; 
c'est  un  des  bons  côtés;  le  mauvais,  c'est  que  par 
les  facilités  qu'elle  offre  pour  se  procurer  des  ca- 
pitaux, elle  tente  sans  cesse  le  pouvoir  dy  avoir 
recours  et  de  reporter  sur  l'avenir  les  charges  qui 
devraient  être  supportées  par  la  population,  pour 
une  partie  du  moins,  sous  forme  d'impôts. 

Pendant  tout  l'Empire  on  a  recherché  l'appro- 
bation du  public,  que  l'on  pensait  trouver  dans  le 
suffrage  universel  des  capitaux  dont  l'empresse- 
ment paraissait  toujours  donner  raison  à  ses  entre- 
prises, et  on  évitait  autant  que  possible  d'aggraver 
les  impôts  ou  d'en  établir  de  nouveaux. 

Les  emprunts  lui  ont  fourni  plus  de  3  500000  000  fr., 
et  tout  compte  fait  des  modifications  d'impôts,  on 
trouve  que  si  la  somme  des  aggravations  de  taxes 
s'élève  à  32s  000  000  fr.,  les  dégrèvements  ont  été 
encore  plus  considérables  et  montent  à  337  000  000  f. 
C'est  à  peine  si  on  s'est  occupé  d'établir  pour 
100  000  000  fr.  de  nouveaux  impôts,  dont  on  s'em- 
pressait de  réduire  les  produits  par  un  remaniement 
général  des  taxes  pour  en  alléger  le  fardeau.  Pen- 
dant toute  cette  période  d'une  prospérité  matérielle 
qui  n'a  pas  été  égalée,  si  ce  n'est  par  celle  qui  lui  a 
succédé,  le  gouvernement  se  fiait  à  la  plus-value 
annuelle  des  impôts  suivant  le  développement  de 
la  richesse  publique,  et  c'est  avec  cet  accroissement 
constant  des  recettes  du  budget  qu'il  a  fait  face 
au  paiement  des  intérêts  de  ses  emprunts. 

Pour  tenir  une  pareille  conduite,  il  fallait  compter 
sur  une  prospérité  continue  ;  aussi  quand  les  revers 
sont  venus,  la  dette  consolidée  n'avait  pas  été  ré- 
duite, et  l'arriéré  s'élevait  à  794  000  000  fr.  sous 
le  nom  de  dette  flottante. 

Deux  méthodes  bien  différentes  de  conduire  les 
finances  se  trouvèrent  alors  en  présence  :  en 
France  on  avait  recours  à  l'emprunt,  en  Angleterre 
à  l'impôt  et  à  l'emprunt,  quand  il  fallait  avoir  la 
somme  à  sa  disposition  immédiate  pour  des  besoins 
urgents.  Le  contraste  a  été  frappant  pendant  la 
guerre  de  Crimée.  Les  dépenses  qu'elle  entraîna 
se  soni  élevées  à  peu  près  h  la  même  somme  dans 
les  deux  pays,  1  700  000  000  fr.  En  France  on  tira 
toute  cette  .somme  de  l'emprunt;  en  Angleterre  on 
ne  demanda  que  1  000  OitO  000  fr.  à  l'emprunt,  mais 
on  préleva  750  000  000  fr.  par  de  nouveaux  im- 
pôts. La  génération  qui  faisait  la  guerre  en  sentait 
le  poids,  tandis  qu'en  France  on  rejetait  tout  sur 
l'avenir;  aussi  en  1870  la  liquidationjle  l'Empire  vint 
encore  ajouter  son  poids  h  toutes  les  charges  que 
nous  imposait  cette  guerre  désastreuse. 

La  dette  zonsolidée  sous  la  troisième  République 
(1870-1S781.  —  Au  1"  janvier  1870  la  dette,  après 
tous  les  accroissements  que  nous  avons  énumérés, 
ne  dépassait  pas  358  000  000  fr.  de  rentes  annuelles. 
En  187s,  elle  s'élève  à  747  00i)(i00  fr  de  rentes. 
Mais  h.  côté  de  cette  dette  consolidée  en  5  p.  100, 


4  1/2  p.  100,  4  p.  100  et  3  p.  100,  il  faut  placer 
une  autre  dette  de  création  récente,  qui  a  été 
créée  d'une  manière  détournée  pour  .satisfaire  à  des 
besoins  pressants  sans  avoir  recours  à  l'emprunt 
direct.  L'Etat  promettait  une  annuité  comprenant 
les  intérêts  et  l'amortissement  de  la  somme  que 
l'on  consentait  à  lui  avancer,  et  l'opération -cHait 
conclue  d'une  manière  dissimulée,  sans  bruit  et 
sans  aucune  émission  de  rente  sur  le  marché,  ce 
qui  donnait  beaucoup  de  fermeté  aux  cours  des 
fonds  publics,  base  naturelle  du  taux  d'intérêt 
pour  ces  négociations.  Ces  annuités  consenties  au 
jour  le  jour,  selon  les  besoins,  n'ont  pas  tardé  à 
s'élever  à  une  somme  considérable,  et  on  n'a  pas 
été  peu  surpris  de  la  voir  dépasser  300  000  000  fr., 
dont  voici  les  principaux  preneurs  : 

La  Banque  de  France 150000000  fr. 

La  dette  flottante  du  Trésor 38  000  000 

Les  chemins  de  fer  de  l'Est  (ra- 
chat)         20  000  000 

Les  compagnies  de  chemins  de  fer.      18  000000 

Les  villes  et  communes  pour 
dommages  de  guerre 17  000  000 

L'emprunt  Morgan 1 7  000  000 

Soit,  en  y  comprenant  divers  ar- 
ticles de  moindre  importance,  un 
total  de 300  000  000  fr. 

Ajoutons  à  ces  deux  chapitres  la 
dette  viagère,  quoique  perpétuelle  ' 

pour  la  plus  grosse  part,  puisque 
les  fonctionnaires  civils  et  mili- 
taires réclament  à  eux  seuls  près 
de  100 000 000  fr.,  ci 1;'3 OOÛ 000  fr. 

Et  les  dotations  comprenant  le 
traitement  du  Président  de  la  Ré- 
publique, des  sénateurs  et  des 
députés,  la  dotation  de  la  Légion 
d'iionneur  et  les  subventions  à  la 
caisse  des  invalides  de  la  ma- 
rine, soit 33  000  000 

45GOO0O0Ofr. 

Et  nous  arrivons,  en  ajoutant  cette  somme  aux 
747  millions  mentionnés  plus  haut,  à  un  total  do 
un  milliard  203  millions  consacrés  au  service  de  la 
dette,  sur  un  budget  dont  les  dépenses  totales 
s'élèvent  à  2  milliards  700  millions. 

Inutile  d'insister  et  de  faire  remarquer  le  poids 
qui  pèse  et  qui  pèsera  sur  les  générations  à  venir 
pour  liquider  ces  dettes  du  passé  ;  les  chiffres  en 
disent  plus  que  tous  les  commentaires. 

Comment  cette  dette  a-t-elle  pris  un  pareil  dé- 
veloppement depuis  1)^70? 

Devant  l'immensité  des  chiffres,  inouïs  jus- 
qu'ici, il  était  d'abord  difficile  de  se  reconnaître, 
on  hésitait  dans  l'estimation  entre  8  et 9  milliards; 
il  fallut  bientôt  admettre  que  pour  faire  face  aux 
charges  du  passé,  une  somme  de95000"0'00  fr. 
était  nécessaire,  et  voici  lénumération  des  moyens 
que  l'on  mit  en  pratique  pour  se  la  procurer  : 

Août  1870  ,  emprunt  de 
750  (100  000  fr 804  000  000  fj-. 

Octobre  1870,  emprunt  Morgan, 
G  p.  100 208  000  000 

Juin  1871  ,  emprunt  de 
2000000000  fr 2225000000 

Juillet  1872  ,  emprunt  de 
3  000  000  000  fr 3  498  000000 

Emprunts  à  la  Banque 1  470  000000 

Emprunt  au  chemin  de  fer  de 
l'Est 325  000  000 

Annuités  aux  communes  et  aux 
départements 251  000000 

Indemnité  pour  réparer  les  dé- 
gâts du  génie  militaire 26000000 

Aliénation  des  rentes  de  la 
caisse  d'amortissement 90000000 


DETTE 


—  080 


DETTE 


Aliénation  des  rentes  de  la  do- 
tation de  l'armée 92 OOOCCO 

Total,  y  compris  divers  autres 
postes 8993000000 

Dès  l'ouverture  des  hostilités  le  crédit  public 
fut  profondément  ébranlé,  et  néanmoins  le  pre- 
mier emprunt  de  750  000  000  fr.  put  encore  être 
adjugé  à  GO  fr.  (iO,  quoique  souscrit  sans  enthou- 
siasme. Les  cours  des  fonds  publics  se  soutinrent 
à  la  Bourse  jusqu'au  désastre  de  Sedan,  la  marche 
seule  de  l'armée  allemande  sur  Paris  fit  tomber  le 
3  p.  100  à  50  fr.  80,  le  plus  bas  cours  coté  de  toute 
la  guerre.  La  rente  n'avait  pas  fléchi  dans  la  pro- 
portion de  nos  échecs,  et  la  nation  se  montrait 
beaucoup  plus  calme  que  dans  les  paniques  précé- 
dentes, alors  qu'en  1831  et  en  184S,  h  la  suite  de 
deux  révolutions,  on  la  voj'ait  tomber  à  46  fr.  et 
32  fr.  La  richesse  plus  grande  du  pays  et  une 
meilleure  répartition  des  titres  leur  donnaient  une 
stabilité  plus  grande  en  raison  de  l'étendue  du 
marché.  Pendant  la  guerre,  alors  que  Paris  était 
cerné  et  les  contributions  presque  suspendues  ou 
prélevées  par  les  armées  ennemies,  pour  alimenter 
les  caisses  du  Trésor  on  eut  recours,  comme  tou- 
jours, à  l'emprunt,  sous  deux  formes  bien  diffé- 
rentes :  d'abord  par  un  emprunt  direct  sur  la  place 
de  Londres,  l'emprunt  Morgan  de  250  000000  fr. 
en  6  p.  100,  qui  ne  produisit  que  208  000  000  fr.  au 
taux  de  7  fr.  42  p.  lOu  ;  puis  par  l'emprunt  dissimulé 
fait  à  la  Banque  de  la  France,  à  laquelle,  en  échange 
de  bons  du  Trésor,  c'est-à-dire  de  promesses  de 
payer  de  l'Etat  qu'on  faisait  escompter,  on  deman- 
dait des  billets,  c'est-à-dire  aussi  ses  promesses 
de  payer,  mais  auxquels  le  public  était  habitué,  ce 
qui  ne  changeait  rien  aux  usages  commerciaux.  Le 
signe  de  la  valeur  pour  l'échange  des  produits 
étant  toujours  le  même,  on  put  ainsi  en  mettre 
en  circulation  pour  une  somme  de  1  500000  00U  fr. 
en  papier. 

Ce  fut  la  principale  ressource  de  la  guerre,  celle 
à  laquelle  partout  et  toujours  on  a  recours  ;  nous 
l'avons  vue  mise  en  pratique  aux  Etats-Unis,  en 
Italie,  en  Turquie,  et  c'est  par  le  même  procédé  que 
la  Russie  a  fait  la  dernière  guerre  d'Orient. 

Ce  prêt  de  la  Banque  sous  la  forme  d'escomptes 
de  bons  du  Trésor  a  été  d'autant  plus  avantageux  à 
l'Etat  qu'au  lieu  de  payer  7  fr.  42  p.  100  comme 
pour  l'emprunt  Morgan,  ou  C  fr.  29  p.  lOo  comme 
pour  les  emprunts  de  2  et  de  3  milliards,  il  ne 
payait  que  1  p.  100. 

La  guerre  terminée,  pour  solder  l'indemnité  de 
guerre  des  cinq  milliards,  l'emprunt  direct  était 
devenu  inévitable,  malgré  tous  les  expédients 
proposés  alors  pour  l'éviter. 

La  souscription  patriotique  et  l'adjudication  au 
pair  avaient  déjà  été  essayés  à  d'autres  époques, 
en  1831,  en  1848,  au  milieu  d'embarras  beaucoup 
moins  grands,  et  n'avaient  donné  que  des  résultats 
insignifiants,  20  à  30  millions,  quand  on  deman- 
dait des  centaines  de  millions. 

Restait  la  contribution  de  guerre  répartie  d'of- 
fice selon  la  fortune  de  chaque  citoyen  ;  mais 
comment  estimer  cette  richesse  individuelle  ?  et 
même  en  supposant  qu'on  y  arrivât,  ne  risquait- 
on  pas  souvent  de  déplacer  et  d'arracher  une  partie 
du  capital  qui  servait  de  fonds  de  roulement  pour 
faire  marcher  le  travail  industriel  ou  agricole  ? 
Pour  ne  pas  suspendre  ou  arrêter  la  machine, 
chacun  aurait  dû  emprunter  pour  combler  le  vide 
fait  à  son  capital,  et  de  là  une  succession  d'opé- 
rations qui  eussent  été  souvent  très  lourdes  sinon 
impossibles. 

On  s'arrêta  donc  à  une  émission  de  rentes,  se 
rappelant,  d'après  la  remarque  de  M.  Laffitte,  que 
les  contribuables  refusent  l'impôt,  tandis  que  les 
capitalistes  réclament  l'emprunt  :  ce  qu'un  peu  de 
réflexion  suffit  pour  faire  comprendre,  l'impôt  pre- 


nant les  capitaux  où  ils  ne  sont  pas,  l'emprunt,  au 
contraire,  les  prenant  là  où  ils  sont;  de  là  des 
frais  moindres  dans  le  second  cas  que  dans  le 
premier. 

Restait  le  mode  d'adjudication  :  à  des  banquiers 
ou  au  public  ?  Pour  ne  pas  s'écarter  de  la  tradition, 
on  adopta  la  souscription  publique,  et  le  premier 
emprunt  de  deux  milliards  émis  en  5  p.  100  au 
cours  de  82  fr.  50  fut  couvert  deux  fois  en  août 
1871. 

L'année  suivante,  en  juillet  1872,  les  cours 
s'étant  bien  soutenus,  on  émit  par  le  même  procédé 
les  trois  derniers  milliards,  mais  quoique  la  sous- 
cription ait  été  beaucoup  plus  brillante,  puisque 
malgré  le  taux  fixé  (8*  fr.  50)  elle  s'éleva  à  53 
fois  la  somme  offerte,  l'emprunt  fut  moins  bien 
classé  et  l'élasticité  des  cours  beaucoup  moindre. 
Une  partie  de  la  somme  fut  souscrite  hors  de 
France,  et  si  les  portefeuilles  français  n'avaient  pas 
été  garnis  de  valeurs  étrangères,  ils  n'auraient  pu 
absorber  les  nouveaux  titres  qu'on  leur  offrait.  11 
y  eut  donc  des  arbitrages  qui  se  firent  peu  à  peu  ; 
on  vendit  les  valeurs  étrangères  qui  retournèrent 
dans  leur  pays  d'origine,  en  Allemagne,  en  Italie,  aux 
États-Unis,  et  on  les  remplaça  par  des  coupures 
des  deux  nouveaux  emprunts. 

Sans  cet  heureux  échange,  il  eût  été  difficile  et 
plus  long  de  retirer  pareilles  sommes  de  l'épargne 
française  ;  grâce  à  cette  ressource,  on  retira  cet 
énorme  capital  sans  diminuer  le  fonds  de  roule- 
ment des  affaires,  car  à  aucune  époque  l'activité 
industrielle  ne  fut  plus  grande  et  la  prospérité 
plus  générale.  Le  poids  de  la  dette  n'est  donc  pas 
toujours  en  raison  de  son  chift're  ;  rien  ne  le  prouve 
mieux  qu'un  coup  d'oeil  sur  les  budgets  avant  et 
après  la  guerre  : 

Dette  publique  consolidée  1870,  358  millions  fr. 
—  1876,  747         — 

Elle  a  donc  plus  que  doublé,  et  les  diverses 
natures  de  rentes  se  répartissent  ainsi  : 

5  p.  100 346  000  000  fr. 

4  1/2  p.  100 37  443  000 

4  p.  100 446  000 

3  p.  100 363  337  000 

A  la  même  époque  la  dette  flottante  s'élevait 
à  863  000  000  fr.  et  nous  n'avons  pas  encore  tout 
énuméré. 

Récapitulons  les  procédés  suivis  jusqu'ici  :  d'a- 
bord en  août  1871,  l'emprunt  de  750  millions;  puis, 
pendant  le  siège  de  Paris,  l'emprunt  Jlorgan  pour 
250  millions,  et  les  avances  réclamées  à  la  Banque 
sous  la  forme  de  billets  en  échange  de  bons  du 
Trésor  déposés  dans  ses  caisses  jusqu'à  concur- 
rence de  1450  000  000  francs;  et  enfin  les  em- 
prunts de  2  et  3  milliards  pour  la  libération  du 
territoire.  On  avait  épuisé  toutes  les  formes  du 
crédit,  et  après  avoir  porté  la  dette  à  un  tel  chiffre, 
on  hésitait  à  émettre  de  nouveaux  titres  sur  le 
marché.  Pressé  cependant  par  les  besoins  du  ser- 
vice pour  remettre  le  matériel  de  guerre  en  état, 
pour  le  compte  de  liquidation  et  pour  les  travaux 
publics,  on  préféra  laisser  le  crédit  se  relever  et 
manifester  sa  puissance  par  la  hausse  des  rentes, 
et,  pour  ne  pas  contrarier  ce  mouvement  par  de 
nouvelles  émissions  de  rentes,  on  offrit  des  bons 
du  Trésor  à  long  terme,  en  graduant  le  taux  de 
l'intérêt  selon  le  taux  de  l'escompte  du  papier  de 
la  haute  banque.  Le  ministre  des  finances,  sans 
bruit,  sans  troubler  le  marché,  reçut  ainsi  tout 
l'argent  qui  lui  était  nécessaire  et  qu'on  lui  ap- 
portait sans  qu'il  allât  le  demander  ;  l'élévation 
ou  l'abaissement  du  taux  de  l'intérêt  réglaient 
seuls  l'intensité  des  oft'ros. 

Le  succès  couronna  ce  premier  essai  ;  alors  on 
s'occupa  d'étendre  les  périodes.  Au  lieu  d'emprun- 
ter pour  quelques  années  un  capital  qu'il  fallait 
rcmbourticr  à  l'échéance,  ce  qui  est  toujours  une 


DETTE 


586  — 


DETTE 


source  d'embarras,  on  laissa  à  d'autres,  aux  so- 
ciétés, aux  villes,  aux  corporations  le  soin  de  so 
prociirrr  les  sommes  nécessaires  pour  l'opération 
qu'elles  avaient  en  vue,  l'État  s'engageant  seule- 
ment à  payer  une  annuité  comprenant  lintérêt  ot 
l'amortissement  de  la  somme  nécessaire.  Il  n'i' 
avait  plus  d'échéance  terminale,  liquidation  tou- 
jours si  délicate  et  souvent  si  pénible  quand  elle 
tombe  dans  un  mauvais  moment.  La  dette  s'étei- 
gnait d'elle-même,  automatiquement,  goutte  à 
goutte  pour  ainsi  dire. 

Ces  annuités  figuraient  déjà  au  budget  de  1878 
pour  une  somme  de  309  000  OOD  fr.;  elles  attein- 
dront, en  18S0,  35y  OOO  000  fr..  puis  elles  iront  en 
diminuant  jusqu'en  1963,  époque  à  laquelle  elles 
seront  éteintes. 

Le  ministre  des  finances  a  divisé  cette  dette  en 
deux  catégories  : 

1°  Les  dettes  contractées  par  l'État  sous  forme 
d'avances  faites  pour  travaux  publics  et  rembour- 
sables par  annuités  ; 

2"  Les  engagements  à  long  terme  contractés 
par  l'État  pour  l'exécution  de  divers  services  pu- 
blics. 

Au  1"  janvier  187G,  il  restait  sur  la  première 
catégorie  une  somme  totale  d'annuités  de 
1  393  106  000  fr.  à  rembourser  jusqu'en  1960,  et 
8  079  076  953  fr.  pour  la  seconde  catégorie,  dont 
moitié  de  cette  somme  représente  les  intérêts  et 
moitié  le  capital. 

Par  ces  moyens  détournés  et  plus  ou  moins  dis- 
simulés qui  ne  paraissaient  au  budget  que  le 
fait  accompli,  on  a  évité  d'avoir  recours  à  un  em- 
prunt public,  et  on  a  tiré  du  crédit  de  l'État  un 
meilleur  parti  que  par  le  passé,  mais  on  a  en- 
gagé l'avenir  à  long  terme. 

Le  trois  p'iur  cent  amortissable.  —  Nous  avons 
déjà  remarqué  combien  il  avait  été  difficile  de 
conserver  l'unité  de  la  dette  en  5  p.  100,  comme 
on  avait  essayé  de  le  faire  au  moment  de  la 
création  du  Grand-Livre:  aussitôt  qu'on  eut  recours 
à  de  nouveaux  emprunts  sous  la  Restauration,  nous 
avons  vu  reparaître  des  émissions  au  taux  de  4, 
de  4  1/2  et  3  p.  100.  Toutes  ces  rentes  étaient 
dotées  d'un  fonds  d'amortissement,  mais  l'expé- 
rience ne  tarda  pas  à  montrer  que  ce  fonds  étant 
le  plus  souvent  détourné  de  l'usage  auquel  il 
était  destiné,  le  rachat  de  la  dette  publique  ne 
fonctionnait  pas. 

La  même  pratique  essayée  en  Angleterre  avait 
éprouvé  le  même  échec.  Ce  mécanisme  si  parfait 
en  théorie,  sur  le  papier,  y  fut  donc  condamné,  et 
on  chercha  à  le  remplacer.  Pour  se  mettre  à 
l'abri  des  accidents  que  pouvait  entraîner  un 
vote  du  Parlement  venant  détruire  toutes  les  com- 
binaisons adoptées,  on  tourna  la  difficulté  en 
créant  des  rentes  viagères  devant  s'éteindre  tout 
naturellement  à  la  mort  de  chaque  titulaire  ;  on 
obtenait  ainsi  un  amortissement  automatique 
que  l'on  avait  recherché  en  vain  jusqu'alors  :  la 
rente  perpétuelle  se  transformait  en  rente  viagère, 
et  l'opération  se  liquidait  d'elle-même. 

En  France,  la  caisse  de  la  retraite  pour  la 
vieillesse  opérerait  d'une  manière  analogue,  si  la 
rente  viagère  pour  chaque  titulaire  pouvait  dé- 
passer 1500  fr.,  ce  qui  ne  lui  permet  pas  de  ré- 
pondre à  tous  les  besoins.  Cette  dette  viagère  peut 
rendre  l'amortisssement  inévitable,  mais  dans 
aucun  cas  elle  ne  peut  procurer  les  capitaux  dont 
on  a  besoin. 

Jusqu'ici,  comme  nous  l'avons  vu,  on  avait 
employé  avec  le  plus  grand  succès,  par  suite  de 
la  richesse  de  notre  pays,  tous  les  moyens  de 
trésorerie,  non  timidement  comme  autrefois,  mais 
sur  la  plus  grande  échelle.  Ces  moyens  auraient 
suffi,  si  le  ministre  des  travaux  publics  n'avait 
présenté  en  1878  son  projet  du  rachat  des  lignes 
secondaires  de  chemins  de  fer  et  de  leur  exten- 


sion sur  un  réseau  beaucoup  plus  grand.  Uno 
somme  de  cinq  cents  millions  était  immédiatement 
nécessaire,  sans  parler  des  milliards  que  l'on  so 
réservait  de  réclamer  dans  l'avenir.  Pour  l'obtenir, 
on  voulut  créer  un  nouvel  instrument  financier 
applicable  aux  travaux  publics,  et  qui  se  dévelop- 
perait, avec  l'assentiment  des  Chambres,  selon  les 
besoins  de  chaque  année.  Le  type  choisi  fut  sem- 
blable à  celui  des  obligations  de  chemins  de  fer, 
c'est-à-dire  des  coupures  de  500  fr.  rapportant 
15  fr.  d'intérêt,  amortissables  au  pair  en  75  ans 
et  cotées  à  tant  pour  100  au  lieu  de  l'être  en  bloc. 
L'amortissement  devait  se  faire  d'une  manière 
régulière  par  des  tirages  annuels. 

On  avait  d'abord  pensé  émettre  ces  obligations 
aux  guichets  du  Trésor^  comme  les  compagnies  de 
chemins  de  fer  débitent  les  leurs,  à  un  taux  va- 
riable chaque  jour,  d'après  le  cours  de  la  Bourse  ; 
mais  le  ministre  préféra  avoir  recours  à  une  émis- 
sion directe  sur  la  place  et,  au  mois  de  juillet  1878, 
le  premier  million  de  rente  amortissable  fut  enlevé 
au  cours  de  85  fr.  80,  alors  que  le  3  p.  100  n'était 
coté  que  77  fr.  50  ;  la  chance  de  gagner  la  prime 
de  remboursement  avait  comme  toujours  attiré  de 
nombreux  preneurs. 

La  dette  publique  dans  les  pays  étrangers.  — 
Après  avoir  suivi  le  développement  de  la.  dette 
publique  dans  notre  pays,  on  voudra  sans  doute 
jeter  un  coup  d'oeil  sur  les  transformations  qu'elle 
a  subies  dans  les  autres  États. 

On  trouvera  sur  le  tableau  ci-joint  l'estimation 
du  capital  de  cette  dette  en  milliards  de  francs. 


TABLEAU  COMPAnATIF  DK  LA  BBTTE  PUBLIQUE  DASS  LES  PAYS 

ÉTRAKGEBS  (capital  en  milliards  de  francs.) 


^ 

ii 

" 

s 

:a 

1 

z 

s 

si 

-< 

K 

2 

H 

3 

ï 

Q. 

H 

z   - 

o 

-; 

"  1 

3 

- 

S 

S- 

;7i3. 

3.1 

0.9 

))     Jl 

2.2 

{   2 

..     „ 

»    >l 

7.3 

1793. 

0.8 

7.0 

0.8 

0.4 

0.2 

2.5 

0.2 

»     » 

0.2 

12.1. 

lS:iO. 

3.5 

22.5 

2.4 

1.2 

1.3 

3.6 

1.3 

0.6 

0.7 

38." 

184S. 

4.5 

20.5 

3.1 

■J.5 

1.0 

2  5 

2. S 

1.2 

1  .2 

43.2 

187. ■. 

13.7 

iO.O 

7.7 

7.  h 

4.0 

2.0 

5.9 

13.3 

2.5 

97.7 

1877. 

26.0 

18.0 

"   " 

"   " 

»    » 

"  " 

»  1. 

125.0 

Répartition  de  la  dette  par  tète,  en  1870.  dans  chaque 

pavs (en  francs)  :  France,  12.15;  Grande-Bretagne,  19.65; 

Aii'triche.  9.0;  Russie.  4.65;  Pays-Bas,  15.10  ;  Espagne, 

10.0;  États-Unis,  17.93. 

Au  premier  aperçu,  on  notera  combien  les 
chiffres  sont  différents  et  combien  ils  ont  varié. 
Si  nous  considérons  le  plus  grand  nombre  des 
États,  nous  constatons  que  la  dette  a  une  tendance 
marquée  à  s'accroître,  et  cependant  dans  deux 
États  des  plus  riches,  en  Angleterre  et  dans  les 
Pays-Bas,  elle  a  diminué;  le  maximum  qui  avait 
été  atteint  en  1820  a  toujours  baissé  depuis.  11 
n'en  a  pas  été  de  même  en  France,  car  la  dette, 
après  avoir  suivi  une  progression  croissante  jus- 
qu'en 1848,  a  plus  que  triplé  en  ls70,  et  nous 
trouvons  ce  dernier  chiffre  doublé  en  1877  et 
s'élevant  à  "26  milliards  !  La  dette  anglaise  n'a  pas 
dépassé  22  milliards.  Ces  chiffres,  si  on  s'en  tenait 
à  eux  seuls,  étonnent  l'imagination,  et  on  se  de- 
mande comment  les  populations  ont  pu  supporter 
de  pareilles  charges.  Pour  en  trouver  l'explication, 
il  faut  observer  le  milieu  dans  lequel  ces  transfor- 
mations ont  eu  lieu,  tenir  compte  du  nombre  des 
habitants,  de  leur  richesse,  de  la  valeur  relative 
de  l'or  et  de  l'argent,  du  taux  auquel  les  emprunts 
ont  été  conclus. 

Ainsi  la  densité  plus  grande  de  la  population, 


DETTE 


—  587  — 


DICOTYLEDONES 


•n  répartissant  la  charge  sur  un  plus  grand  nom- 
Dre  de  têtes,  en  rendra  le  poids  plus  léger,  quoi- 
que la  masse  soit  plus  lourde. 

Il  en  sera  de  môme  si  la  richesse  marche  du 
même  pas  que  la  decte  :  la  part  qu"on  en  retire 
pour  le  paiement  des  intérêts,  quoique  plus  grande, 
ne  fera  pas  une  brèche  proportionnellement  plus 
grande  aux  revenus  de  la  nation. 

En  Angleterre,  si  on  estime  le  revenu  de  la  na- 
tion en  1784  et  en  1870,  on  constatera  qu'une  dette 
de  9000(00,  dans  le  premier  cas,  absorbait  6  0/0, 
tandis  qu'une  dette  de  24000000000,  dans  le 
second  cas,  ne  prélève  que  2  0/0  ! 

Comme  dans  la  plupart  des  phénomènes  écono- 
miques, les  chiffres,  les  sommes  que  l'on  constate 
n'ont  toujours  qu'une  importance  relative,  et  on  se 
tromperait  si  on  voulait  conclure  sans  tenir  compte 
des  circonstances  dans  lesquelles  on  les  observe. 

En  France,  malgré  l'accroissement  inouï  de  la 
dette  (26  milliards  de  francs),  pour  un  revenu  na- 
tional qu'on  estime  de  24  à  26  milliards,  le  prélè- 
vement annuel  pour  payer  les  intérêts  dépasse  à 
peine  5  0/0  ! 

La  répartition  par  tête  de  la  dette  de  chaque 
nation  ne  donne  pas  une  idée  aussi  juste  de  la 
charge  qui  en  résulte.  Le  tableau  ci-dessus  établit 
que  pour  l'Angleterre,  en  1870,  la  proportion  par 
tête  était  de  19'',6.S,  alors  qu'elle  n'était  que  de 
12'',15  en  France.  Eh  bien,  la  différence  des  deux 
sommes  indique  sans  doute  là.  où  on  perçoit  la  plus 
forte,  mais  ne  peut  faire  sentir  le  poids  dont  elle 
pèse  sur  les  épaules  des  contribuables,  parce  que 
ces  deux  chiffres  n'indiquent  pas  la  richesse  de  ces 
derniers  et  la  proportion  qu'on  retire  sur  leur 
avoir. 

Pour  rendre  le  problème  moins  complexe  et  se 
rendre  un  compte  immédiat  du  poids  de  la  dette, 
il  est  plus  simple  de  comparer  le  chiff're  de  la  dette 
à  celui  du  budget  et  de  rechercher  pour  quelle 
part  elle  entre  dans  les  dépenses  publiques. 

La  proportion  que  l'on  observe  indique  tout  de 
suite  si  les  contribuables  peuvent  supporter  le 
sacrifice  qu'on  leur  demande  sans  compromettre 
les  services  publics  indispensables  à  la  marche 
des  affaires. 

Si  nous  étudions  la  question  à  ce  point  de  vue, 
voici  ce  que  l'observation  nous  apprend  : 

PROPORTION  DE  LA  DETTE  DANS  LES  BUDGETS 

Pay».  Budget.  Dette.        Proportion 

Prusse 694  000  000  marcs  50  000  000     "  Vî% 

Grand  e-B  r  e- 

tagne 74  000  000  liv.  st.  27  000  000        36  O/o 

France 2  791  000  000  francs  1200  000  000        43  0/q 

Italie 1  400  uOO  000  francs  700  000  OOO         50  O/j 

Sauf  en  Prusse,  où  le  domaine  de  l'État  joue  un 
très  grand  rôle,  on  voit  pour  quelle  part  la  dette 
entre  dans  les  dépenses  publiques  :  36  0/0  dans  la 
Grande-Bretagne,  43  0/0  en  France,  50  0/0  en  Ita- 
lie. Ici,  nous  sommes  arrivés  à  la  limite  extrême, 
car  quand  la  proportion  s'élève  au-dessus  de  ce 
chiffre,  et  nous  en  avons  des  exemples  en  Espa- 
gne, en  Turquie,  en  Tîgypte,  alors  la  suspension 
des  paiements  est  inévitable,  les  recettes  prove- 
nant de  l'impôt  étant  à  peine  suffisantes  pour  faire 
marcher  les  services  publics. 

D'après  ces  observations,  la  somme  nécessaire 
pour  le  service  des  intérêts  de  la  dette  ne  devrait 
jamais  dépasser  la  proportion  de  35  à  40  p.  100  des 
recettes  du  budget,  et,  à  ce  taux,  on  sent  quel  efi'ort 
il  faut  faire  pour  le  supporter. 

*  [Clément  Juelar.l 

DIAMAAT.  —  V.  Charbon.  ^ 

D1COTYLEDO>ES.  —  Botanique,  XVI.  —  On 
appelle  Dicotylédoius  celles  des  plantes  phanéro- 
games dont  l'embryon  présente  deux  feuilles  sémi- 


nales ou  cotylédoiis,  que  ces  feuilles  soient  oppo- 
sées ou  non. 

Nous  nous  bornerons,  dans  le  présent  article,  i 
indiquer  les  caractères  généraux  de  l'embranche- 
ment des  Dicotylédones,  en  renvoyant,  pour  Tétudc 
des  principales  familles  botaniques  qui  le  compo- 
sent, aux  articles  spéciaux  que  nous  leur  consa- 
crons. 

Le  rapport  du  volume  de  l'embryon  des  Dicotylé- 
dones à  celui  do  la  réserve  nutritive  [albumen)  qui 
l'accompagne  dans  le  tégument  séminal  est  très 
variable.  Tantôt  l'albumen  est  volumineux  et 
l'embryon  très  petit,  tantôt  c'est  l'inverse  qui  a 
lieu  ;  toutes  les  dispositions  intermédiaires  sont 
possibles.  Ce  rapport  dépend  de  la  durée  de  la 
germination  et  de  la  solubilité  des  substances 
mises  en  réserve.  Lorsque  l'albumen  semble  faire 
défaut,  c'est  que  l'embryon  l'a  consommé  avant  la 
germination.  Rarement  l'albumen  est  double;  alors 
l'embryon  est  très  petit  et  la  durée  de  sa  germi- 
nation fort  longue. 

Lorsque  l'embryon  des  Dicotylédones  est  fort 
petit,  on  ne  peut  décomposer  sa  forme  en  parties 
distinctes  (Monotropa,  Pyrola).  Le  plus  ordinaire- 
ment cet  embryon  présente  une  partie  centrale 
que  l'on  appelle  fige/le  ou  axe  hj/pocotylé,  termi- 
née inférieurement  par  un  filament  très  grêle  qui 
est  le  suspenseur  ;  c'est  ordinairement  de  la  partie 
inférieure  de  la  tigelle  que  naît  la  première  ra- 
cine ipivot).  A  l'extrémité  supérieure  de  la  tigelle, 
on  trouve  un  bourgeon  nommé  gemmule  ou  plu- 
mule;  ce  bourgeon  est  abrité  par  les  cotylédons 
qui  l'embrassent  en  s'appliquant  l'un  contre  l'au- 
tre. La  gemmule  est  mise  en  liberté  par  l'écarte- 
ment  des  cotylédons  lorsque  ceux-ci  sont  entière- 
ment libres(exemple:germination  du  haricot);  ou  par 
écanement  de  la  base  de  ces  mêmes  organes  lors- 
que leur  partie  supérieure  reste  enfermée  dans  la 
graine  (exemple  :  germination  du  chêne)     ^ 

Ordinairement  chaque  embryon  dicotylédoné 
présente  deux  cotylédons  égaux  à  contours  sim- 
ples ;  foliacés  lorsqu'ils  jouent  le  rôle  d'organes 
absorbants  ;  charnus  et  de  grand  volume,  lorsqu'ils 
jouent  le  rôle  d'organes  de  réserve.  Dans  certaines 
crucifères,  les  deux  cotylédons  de'l'embrj^on  sont 
bifurques  et  leur  disposition  simule  l'existence  de 
quatre  cotylédons.  En  généralisant  cette  observa- 
tion, quelques  botanistes  ont  été  conduits  à  re- 
garder les  nombreux  cotylédons  des  conifères 
comme  des  lobos  de  deux  cotylédons  profondément 
divisés.  Certaines  renoncules  ne  développent 
qu'un  seul  des  cotylédons  de  leur  embryon.  Bien 
que  la  Cuscute  soit  une  plante  dicotylédonée, 
son  embryon  n'a  pas  de  cotylédons. 

Chez  la  plupart  des  Dicotylédones,  la  première 
racine  de  l'embryon  devient  la  racine  principale 
de  la  plante.  Celles  qui  se  développent  dans  la 
suite  ont  un  moindre  volume  et  n'acquièrent  ja- 
mais la  même  importance.  Rarement  cette  pre- 
mière racine  ou  pivot  est  remplacée  par  un  fais- 
ceau de  racines  secondaires  nées  de  la  partie  infé- 
rieure de  la  tigelle.  Lorsque  la  première  racine 
de  l'embryon  se  tubérifie,  on  la  nomme  pivot.  Le 
pivot  peut  manquer  (exemple  :  la  Cuscute). 

Les  racines  des  Dicotylédones  se  distinguent  des 
racines  des  Monocotylédones  en  ce  qu  elles  pré- 
sentent toujours  des  couches  concentriques  de  bois 
et  de  liber  secondaires,  productions  qui  manquent 
dans  les  racines  des  Monocotylédones. 

D'une  manière  générale,  la  tige  d'une  plante 
dicotylédoné  est  plus  ramifiée  que  celle  d'une 
plante  monocotylédone  ;  de  plus,  ces  tiges  crois- 
sent en  diamètre,  et  certaines  d'entre  elles  peu- 
vent acquérir  plusieurs  mètres  de  circonférence. 
Une  section  transversale  d'une  tige  de  Dicotylé- 
doné nous  montre,  du  centre  à  la  circonférence  : 
1"  une  moelle  ou  tissu  lâche  peu  développé;  2°  des 
zones  concentriques  de  bois  d'autant  plus  jeunes 


DICTEE 


388  — 


DICTÉE 


qu'elles  sont  plus  éloignées  du  centre  ;  la  partie  de 
la  zone  ligneuse  qui  touche  la  moelle  est  ordinai- 
rement désignée  sous  le  nom  d'étui  médullnire ; 
chaque  zone  ligneuse  représente  la  production  du 
bois  pendant  une  année;  le  bois  de  printemps  est 
moins  dense  que  le  bois  d'hiver  ;  le  vieux  bois  est 
plus  dense  que  le  bois  nouvellement  formé  ;  le 
premier  est  nommé  duramen,  le  second  aiiôiei'; 
3°  une  zone  génératrice  ou  cambiurn,  qui  produit 
à  sa  face  interne  du  bois,  et  h.  sa  face  externe  la 
partie  fibreuse  de  l'écorce  ou  liber  ;  i°  enfin  vient 
l'écorce,  subdivisée  en  liber  et  parenchyme  exté- 
rieur. Des  rayons  allant  de  la  moelle  à  l'écorce, 
en  traversant  le  bois,  ont  reçu  le  nom  de  rayons 
médullaires.  Bon  nombre  de  tiges  de  Dicotylédo- 
nes ont  une  structure  notablement  différente  de 
celle  que  nous  venons  de  décrire  (tiges  herba- 
cées, et  tiges  ligneuses  dites  anormales). 

Les  feuilles  des  Dicotylédones  sont  caractérisées 
par  leur  nervaiioii  très  fréquemment  réticulée.  Les 
pièces  de  la  fleur  des  Dicotylédones  sont  parfois 
disposées  sur  une  même  li<pie  spirale,  ou  bien 
elles  forment  des  verticillfs  comprenant  cliacun 
cinq  pièces,  plus  rarement  quatre,  et  plus  rarement 
encore  deux.  Ce  type  général  des  fleurs  dicotylé- 
dones peut  être  modifié  par  avortement  d'une  ou 
de  plusieurs  pièces,  par  interposition  de  pièces 
surnuméraires,  par  superposition  de  pièces  ordi- 
nairement alternes,  par  ramification  de  pièces  or- 
dinairement simples. 

La  fleur  des  Dicotylédones  peut  se  présenter  avec 
tous  les  degrés  de  complication,  depuis  l'étamine 
ou  l'ovule  complètement  nu,  jusqu'à  la  fleur  si 
complexe  des  nymphes,  des  renoncules,  des  pas- 
siflores. 

Les  ovules  des  Dicotylédones  sont  orlhotropes, 
unitégumentés,  avec  chambre  pollinique  chez  les 
(jymiiospermes  (les  gymnospermes  sont  des  plan- 
tes dicotylédones  sans  ovaire).  Ils  sont  générale- 
ment anatropes  avec  un  ou  deux  téguments  chez 
les  angiospermes  (les  angiospermes  sont  des  plan- 
tes dicotylédones  dont  les  ovules  sont  enfermés 
dans  un  ovaire).  Quelques  angiospermes  ont  clos 
ovules  dépourvus  de  téguments. 

Pour  la  classification  des  Dicotylédones,  V.  l'ar- 
ticle Classifications,  p.  427.         [C.-E.  Bertrand.] 

DICTÉli.  —  Grammaire,  XXV IIL  —  Une  dictée 
est  un  texte  suivi  devant  servir  d'exercice  d'orthogra- 
phe, un  devoir  dicin.',  prononcé  à  haute  voix  par  le 
maître  et  écrit  au  fur  et  à  mesure  par  l'élève.  Ce 
genre  d'exercice  tient  à  juste  titre  le  premier  rang 
dans  nos  écoles  :  c'est  celui  qui  apprend  le  mieux 
notre  langue  aux  élèves,  en  les  mettant  aux  prises 
avec  ses  difficultés  ;  c'est  celui  qui  sert  à  constater 
les  progrès  des  écoliers  dans  les  classes,  leur  degré 
d'instruction  dans  la  plupart  des  examens.  Dès  que 
les  enfants  savent  copier  correctement  une  page 
de  français,  il  faut  leur  apprendre  à  écrire  sous  la 
dictée,  et  cet  exercice  devrait,  selon  nous,  les  sui- 
vre jusqu'à  la  fin  de  leurs  études. 

Mais  comment  faut-il  dicter  et  que  faut-il  dicter? 
Deux  questions  délicates,  peu  étudiées  jusqu'à 
présent,  et  qui  attendent  encore  une  réponse  pré- 
cise. Pourtant  la  manière  de  dicter  influe  sur  la 
manière  d'écrire,  et  le  môme  texte  sera  plus  ou 
moins  régulièrement  orthographié  par  les  élèves 
selon  qu'il  aura  été  plus  ou  moins  bien  lu  par  le 
maître.  Il  est  à  remarquer  que  l'enfant  encore  jeune 
répète  tout  bas  le  mot  dicté  avant  de  l'écrire  ;  mal 
dit  par  le  maître  ou  estropié  par  l'élève,  ce  mot 
peut  se  trouver  tout  à  fait  défiguré  ;  aussi  les  en- 
fants sourds  ou  bègues  mettent-ils,  d'ordinaire,  très 
mal  l'orthographe.  Dicter  est  un  art  comme  décla- 
mer, comme  lire  ;  il  faut,  pour  y  réussir,  des  qua- 
lités variées  qui  se  trouvent  rarement  réunies. 
Nous  n'en  voulons  pour  preuve  que  la  déconvenue 
qu'on  éprouverait  si  par  hasard  on  se  déchargeait 
de  ce  soin  sur  un  élève.  Nous  allons  donc  exami- 


ner en  premier  lieu  comment  il  faut  dicter;  nous 
examinerons  ensuite  ce  qu'il  faut  dicter,  et  com- 
ment on  doit  corriger  la  dictée. 

10  Commeid  faut-il  dicter?  —  Il  faut  d'abord 
proportionner  l'efl^ort  de  la  voix  à  l'étendue  do  la 
salle,  et  la  rapidité  de  la  dictée  à  l'âge  des  élèves, 
à  leur  degré  d'instruction,  même  au  sujet  plus  ou 
moins  facile  qu'on  aura  choisi.  Cola  dit,  supposons 
une  salle  de  médiocre  étendue  et  des  élèves  du 
cours  moyen  ;  toute  la  classe  est  attentive  ;  le 
maître  prend  son  livre  et  lit  :  «  La  Touraine. 

«  Connaissez-vous  cette  partie  de  la  France  que 
l'on  a  surnommée  son  jardin  ;  ce  pays  où  l'on  res- 
pire un  air  pur  dans  des  plaines  verdoyantes,  ar- 
rosées par  un  grand  fleuve?  Si  vous  avez  traversé 
dans  les  mois  d'été  la  belle  Touraine,  vous  aurez 
longtemps  suivi  avec  enchantement  la  Loire  paisi- 
ble; vous  aurez  regretté  de  ne  pouvoir  déterminer 
entre  les  deux  rives  celle  où  vous  choisiriez  votre 
demeure...  etc.  »  Cette  lecture  préparatoire  fait 
connaître  aux  élèves  le  sujet  qu'on  va  traiter,  les 
difficultés  qu'on  y  pourra  rencontrer,  et  surtout  le 
sens  et  la  liaison  des  idées,  choses  qui,  une  fois  com- 
prises, peuvent  épargner  bien  des  bévues  à  ces  jeu- 
nes intelligences.  Inutile  d'ajouter  que  c'est  dans  un 
pareil  exercice  que  le  maître  peut  et  doit  déployer 
toutes  ses  qualités  de  lecteur,  pour  faire  mieux 
apprécier  à  ses  élèves  le  devoir  qu'il  va  leur  donner. 

La  lecture  achevée,  le  maître  commence  la 
dictée  : 

«  En  titre  :  La  Touraine un  point....  à  la 

ligne.  » 

Tout  cela  doit  être  dit  presque  à  demi-voix  pour 
imposer  l'attention  et  faire  cesser  tout  bruit  im- 
portun. 

Le  maître  reprend  vivement  pour  presser  les 
retardataires  et  donner  le  coup  de  fouet  du  départ  : 
«  Connaissez-vous....  cette  partie....  de  laFrance.... 
que  Voua  suryiommée so7i  jardi7i?  n  La  pre- 
mière pause  doit  être  plus  longue  pour  permettre 
aux  traînards  de  rentrer  dans  le  rang  et  de  mar- 
cher avec  les  autres  ;  les  pauses  suivantes  doivent 
varier  d'étendue  d'après  le  nombre  des  mots  dictés. 
En  général,  il  faut  couper  la  phrase  en  plusieurs 
parties,  ne  dire  que  quelques  mots  à  la  fois,  ne 
répéter  presque  jamais,  prononcer  plutôt  distinc- 
tement que  fort,  ne  jamais  se  promener  en  dictant. 
Si,  dans  le  cours  d'un  devoir  de  vingt  lignes, 
comme  le  passage  que  nous  avons  là  sous  les  yeux 
(La  Touraine,  d'Alfred  de  Vigny),  on  rencontre 
des  mots  tels  que  Touraine,  Loire,  etc.,  qui  prê- 
tent aux  développements,  on  va  jusqu'au  point,  et, 
la  phrase  achevée,  on  suspend  la  dictée  pendant 
deux  ou  trois  minutes  pour  interroger  les  élèves 
sur  la  valeur  de  ces  termes  géographiques.  Ce  repos 
est  utile,  nécessaire  même,  si  vous  ne  voulez  pas 
éteindre  l'ardeur  de  vos  élèves  et  les  fatiguer  avant 
la  fin.  Le  devoir  terminé,  quelques  élèves  relisent 
successivement  à  haute  voix,  lentement,  pour  que 
les  mots  sautés  ou  déformés  par  quelques-uns 
soient  redressés  ou  remis  à  leur  place. 

2"  Que  faut-il  dicter  ?  —  Le  maître  ns  saurait 
apporter  un  soin  trop  scrupuleux  au  choix  de  ses 
dictées.  La  page  ainsi  écrite  par  les  élèves  sera 
relue,  commentée,  presque  apprise  par  cœur  ;  il 
faut  donc  qu'elle  soit  bonne,  c'est-à-dire  que  rien 
n'y  ofl'ense  la  morale  ni  le  goût  ;  que  rien 
n'y  vienne  à  l'encontre  de  cette  bonne  éducation, 
but  idéal  de  notre  enseignement.  Il  faut  encore  que 
le  style  soit  autant  que  possible  irréprochable,  que 
le  sujet  traité  soit  intéressant,  instructif,  enfin  que 
le  devoir  ott're  quelques  applications  des  règles  de 
la  grammaire.  Toutes  ces  qualités  se  trouvent  ra- 
rement réunies.  En  efi'et,  si  l'on  prend  un  passage 
de  nos  auteurs  classiques,  on  aura  un  excellent 
modèle  littéraire  à  admirer,  mais  probablement 
peu  de  difficultés  orthographiques  à  résoudre.  Il 
en  est  de  même  si  l'on  choisit  un   sujet  dans  un 


DICTEE 


—  589 


DIGESTION 


de  nos  traités  sp(kiaux  d'histoire  ou  de  géographie. 
Restent  les  textes  composés  uniquement  en  vue 
de  l'élude  de  tel  ou  tel  paragraphe  de  la  gram- 
maire. Ce  o;piire  de  dictées,  oui  donne  lieu  à  l'ap- 
plication directe  et  immédiate  des  règles  par  les 
élèves,  n'est  pas  h  dédaigner;  mais  ces  qualités 
pratiques  sont  trop  souvent  balancées  par  la  vul- 
garité d'un  style  bizarre  et  tourmenté.  On  a  es- 
sayé de  tourner  la  difficulté  en  donnant  des  mor- 
ceaux choisis  de  nos  meilleurs  auteurs  comme  exer- 
cices d'orthographe  usuelle,  et  des  phrases  déta- 
chées comme  exercices  de  syntaxe  orthographique. 
Nous  approuvons  volontiers  la  première  partie  du 
système,  mais  en  rejetant  absolument  la  seconde. 
Selon  nous,  les  phrases  détachées  sont  générale- 
ment banales,  dépourvues  d'intérêt,  tout  au  plus 
bonnes  à  remplir  les  exemples  d'écriture,  et  utiles 
seulement  pour  des  exercices  de  vive  voix  ou  au 
tableau.  Enfin  quelques  auteurs  ont  choisi  les  pas- 
sages les  plus  intéressants  de  nos  grands  écrivains, 
et  y  ont  glissé  discrètement  des  adjectifs  tels  que 
demi,  quelque,  vtème  et  trois  ou  quatre  participes 
passés,  essayant  ainsi  de  tout  concilier  en  émail- 
lant  une  belle  page  de  français  de  quelques  bon- 
nes difficultés  orthographiques.  Le  père  Girard, 
dans  son  Cours  éducatif  de  Langue  maternelle, 
traite  ce  procédé  de  profanation  ;  le  mot  est  sévère 
et  certainement  exagéré.  Un  maître,  en  dictant  un 
devoir,  peut  ajouter  un  mot  ou  en  changer  un 
autre  dans  l'intérêt  de  ses  élèves  sans  manquer 
pour  cela  de  respect  à  nos  classiques  ;  pourvu  tou- 
tefois qu'il  agisse  avec  ménagement  et  qu'il 
prévienne  ses  jeunes  auditeurs.  En  résumé,  un 
sujet  intéressant  et  instructif  pi'is  chez  nos  meil- 
leurs écrivains  et  assez  difficile  au  point  de  vue 
orthographique  pour  que  l'on  puisse  se  dispenser 
de  remanier  le  texte,  voilà  la  dictée  que  le  maître 
doit  préférer;  c'est  là  d'ailleurs  la  seule  méthode 
adoptée  aujourd'hui  dans  nos  examens  publics. 

Peut-on  faire  de  la  dictée  un  exercice  à  double 
fin,  une  leçon  de  chose  en  même  temps  qu'une 
leçon  de  mots  ?  En  d'autres  termes  peut-on  se 
servir  de  la  dictée  pour  le  fond  et  pour  la  forme, 
de  telle  sorte  que  non  seulement  elle  soit  instruc- 
tive, mais  qu'elle  se  compose,  par  exemple,  d'un  ré- 
sumé d'histoire,  d'une  leçon  de  sciences,  d'un 
'récit  de  voyages,  d'une  description  de  phénomènes 
naturels  ou  de  produits  de  l'industrie  ?  Ce  double 
usage  d'un  même  exercice  nous  semble  générale- 
ment difficile  et  sujet  à  bien  des  inconvénients. 
La  science  est  une  chose,  la  langue  en  est  une  autre. 
Dans  la  pratique  scolaire,  il  est  assez  malaisé 
d'appeler  tout  ensemble  l'attention  de  l'enfant  sur 
des  faits  historiques,  scientifiques,  géographiques 
et  sur  les  mots  et  leur  orthographe.  Il  faut  au 
moins  que  les  deux  exercices  se  succèdent  sans  se 
confondre,  que  le  même  morceau  dicté  soit  d'a- 
bord relu  et  expliqué  au  point  de  vue  de  la  gram- 
maire, puis  repris  comme  leçon  à  étudier  au  point 
de  vue  des  idées.  C'est  en  ce  sens  que  nous  indi- 
quons, dans  ce  dictionnaire  même,  par  exemple,  à 
la  suite  de  certains  articles  de  sciences,  d'his- 
toire ou  de  littérature,  sous  le  titre  de  Lectures  et 
dictées,  un  grand  nombre  de  morceaux  qui  nous 
paraissent  pouvoir  être  donnés  en  dictée  et  en 
même  temps  servir  à  compléter  l'étude  de  la 
question.  { 

3°  Comment  f mit-il  corriger  la  dictée?  —  Les 
maîtres  usent  de  divers  procédés  pour  la  correction 
de  la  dictée;  les  uns  font  écrire  le  texte  au  tableau 
par  un  élève,  les  autres  font  simplement  épeler  cha- 
que mot  sur  le  cahier,  d'autres  enfin  font  aussi  épe- 
ler le  devoir,  mais  en  donnant  à  chaque  élève  une 
copie  autre  que  la  sienne  à  corriger.  Dans  le  pre- 
mier cas,  les  élèves  doivent  à  la  fois  suivre  sur  le 
tableau  et  sur  leur  brouillon,  c'est-à-dire  relever, 
tantôt  leurs  erreurs,  tantôt  celles  de  leur  cama- 
rade; ce  double  elTort  lasse  bien    vite  l'attention. 


Quand  un  élève  cpello  à  haute  voix,  ses  condisci- 
ples doivent  de  même  signaler  ses  fautes  et  cor- 
riger les  leurs  ;  le  premier  travail  est  facile  à  cons- 
tater, mais  il  est  presque  impossible  de  contrôler 
le  second.  Au  contraire,  si  l'on  confie  à  un  écolier 
la  copie  d'un  concurrent,  l'amour-propre  est  en 
jeu,  l'émulation  est  surexcitée  ;  que  le  maître  ne 
craigne  rien  :  et  on  se  voit  d'un  autre  œil  qu'on  ne 
voit  son  prochain  ;  »  autant  le  petit  correcteur  était 
lent  à  trouver  ses  fautes,  autant  il  sera  attentif  et 
prompt  à  biffer  d'un  trait  celles  du  voisin.  Nous 
avons  souvent  essayé  de  ce  moyen  que  nous  nous 
permettons  de  recommander  à  3LM.  les  instituteurs  ; 
presque  toujours  la  correction    était  scrupuleuse, 

sévère,  trop  sévère  même Le  correcteur  avait 

marqué  plus  de  fautes  qu'il  n'y  en  avait. 

[J.  Dussouchet.] 

DIGESTION.  — Zoologie,  XXIII.  —  I  définition.— 
La  digestion  est  la  fonction  de  nutrition  par  laquelle 
l'homme  comme  les  animaux  prend,  introduit 
dans  son  corps  des  substances  dites  substances 
olimentaires,  qui  y  sont  transformées  par  l'action 
de  liquides,  les  sucs  digestifs,  de  façon  à  être  ren- 
dues absorbnhles  en  partie. 

Idée  générale  de  l'appareil  et  du  travail  diges- 
tifs. —  L'appareil  digestif  a  la  forme  d'un  tube 
ouvert  à  ses  deux  extrémités,  en  haut  et  en  avant 
par  la  bouche,  en  bas  et  en  arrière  du  tronc  par 
l'anus.  De  la  bouche  il  descend  verticalement 
dans  le  thorax  (œsophage),  suivant  l'axe  médian  du 
corps  ;  après  avoir  traversé  le  diaphragme,  il  se  di- 
rige, dans  l'abdomen,  d'abord  de  droite  à  gauche 
en  se  dilatant  (estomac),  puis,  rétréci  et  tubulaire, 
alternativement  de  gauche  à  droite  et  de  droite  à 
gauche  jusqu'à  la  région  inférieure  et  droite  de 
Vahdomen  (intesti7i  grêle).  A  ce  niveau  son  calibre 
augmente  (gros  intestin],  il  remonte  à  droite  et 
en  dehors  des  anses  de  l'intestin  grêle  jusqu'à  l'es- 
tomac, devient  alors  transverse  pour  redescendre  à 
gauche,  et  après  s'être  projeté  en  arrière,  il  s'ouvre 
à  l'extérieur  par  l'anus.  Dans  toute  son  étendue, 
l'appareil  digestif  est  tapissé  par  une  membrane 
de  nature  muqueuse,  modification  de  la  peau,  com- 
mençant aux  lè\Tes  buccales,  et  se  terminant  à  l'a- 
nus, où  elle  se  modifie  de  nouveau  en  peau.  La 
muqueuse,  sous  laquelle  rampent  des  vaisseaux, 
peut  se  laisser  traverser  :  1°  de  dehors  en  dedans  par 
des  substances  alimentaires  transformées  sous  l'in- 
fluence des  sucs  digestifs  ;  et  2°  de  dedans  en  dehors 
par  les  liquides  que  laissent  exsuder  les  vaisseaux 
sanguins  et  qui  elTectuent  sur  les  substances  ali- 
mentaires des  transformations  les  rendant  absorba- 
bles.  Les  glandes  par  l'intermédiaire  desquelles 
sont  versés  ces  liquides  sont  elles-mêmes  des  re- 
plis profonds  de  la  muqueuse. 

Division  de  l'étude  de  la  digestion.  —  La  diges- 
tion est  la  plus  longue  à  étudier  des  fonctions  de 
nutrition,  et  voici  le  plan  que  nous  suivrons  pour 
l'exposer  : 

I.  Anatomie  de  l'appareil  digestif  proprement  dit 
chez  l'homme,  comprenant  :  1°  une  région  au- 
dessus  du  diaphragme  (bouche,  œsophage); 
2°  une  région  au-dessous  du  diaphragme  (esto- 
mac, intestin  grêle,  gros  intestin). 

II.  Anatomie  des  organes  annexes,  comprenant  les 
dents  et  les  glandes  (glandes  salivaires,  foie, 
pancréas), 

III.  Physiologie  de  la  digestion,  comprenant  :  1°  les 
phénomènes  mécaniques  ;  1°  les  phénomènes  chi- 
miques (sucs  digestifs,  aliments,  action  des  sucs 
digestifs  sur  les  aliments)  ;  3°  les  pliénomènes 
instinctifs  (faim  et  soif). 

IV.  Etude  de  l'appareil  digestif  dans  la  série  ani- 
male. 

I.  Anatomie  de  l'appareil  digestif  prophemeni 
DIT.  Bouche.  —  La  bouche  est  la  partie  supérieure 


DIGESTION 


—  590  — 


DIGESTION 


du  tube  digestif.  C'est  un  entonnoir  ouvert  en 
avant,  au  dehors,  par  sa  partie  évasée  entre  les  lè- 
vres, et  eu  arrière,  dans  le  pharynx,  par  sa  partie 
rétrccie,  le  gosier;  elle  est  située  au-dessous  des 
fosses  nasales,  dont  elle  est  séparée  par  le  paUns, 
et  en  arrière  des  os  inférieurs  de  la  face.  Elle 
comprend  une  poi'tie  osseuse ,  que  nous  pou- 
vons appeler  le  squelette  buccal,  soutenant  des 
parties  molles,  musculeuses,  qui  en  forment  les 
parois  et  sont  elles-mêmes  recouvertes  à  l'extérieur 
par  la  peau,  et  dans  l'intérieur  par  la  muqueuse 
qui  a  pris  naissance  sur  les  muscles  des  lèvres. 
Enfin,  en  arrière  des  lèvres,  implantés  dans  les  os. 
nous  trouvons  une  double  rangée  horizontale  et 
superposée  d'organes  très  durs,  disposée  chacune 
en  arcade  convexe  antérieurement  :  ce  sont  les 
dents  (V.  Dents). 

1.  Squelette  de  la  bouche.  —  Il  est  formé  par  les 
os  maxillaires  et  les  os  palatins.  Il  y  a  deux  os 
maxillaires  supérieurs  et  un  os  maxillaire  inférieur. 
Les  deux  premiers  forment  deux  pièces  parfaite- 
ment symétriques,  articulées  l'une  et  l'autre  en 
avant,  et  représentant  ensemble  un  fer  à  cheval 
convexe  en  avant,  fixé  à  la  base  de  la  face,  et  sur  le 
bord  libre  duquel  sont  ouverts,  chez  l'adulte  seize 
culs-de-sacs  appelés  alvéoles  :  dans  chaque  alvéole 
est  implantée  une  dent.  Les  deux  os  palatins  for- 
ment un  plancher  horizontal  comblant  la  concavité 
du  maxillaire  supérieur,  et  séparant  les  fosses  na- 
sales de  la  bouche.  Le  maxillaire  inférieur  a  la 
forme  d'un  fer  à  cheval  situé  parallèlement  au- 
dessous  des  maxillaires  supérieurs;  à  chacune  de 
ses  extrémités  postérieures  s'élève  une  branche  os- 
seuse, montante,  se  dressant  en  arrière  des  maxil- 
laires supérieurs  et  allant  s'appuyer  à  la  base  du 
crâne,  en  avant  du  trou  de  l'oreille.  C'est  sur  ce 
double  point  de  contact  que  la  mâchoire  inférieure 
est  mobile,  grâce  à  l'action  des  muscles  insérés 
à  sa  surface  et  sur  les  côtés  du  crâne.  Le  bord 
supérieur  de  ce  dernier  os  est  creusé  de  seize  al- 
véoles dentaires  correspondant  aux  alvéoles  de  la 
mâchoire  supérieure. 

'2.  Parties  charnues  de  la  bouche. —  Les  muscles 
buccaux  sont  des  ligaments  contractiles  allant  exté- 
rieurement d'une  mâchoire  à  l'autre,  sur  la  surface 
profonde  desquels  s'étend  la  muqueuse  labiale,  et 
dont  la  surface  externe  est  recouverte  par  la  peau. 
C'est  dans  un  espace  inter-musculaire  horizontal, 
appelé  lèvres,  situé  en  avant  des  arcades  dentaires, 
que  la  muqueuse  prend  naissance.  Elle  se  réflé- 
chit sur  les  mâchoires  pour  former  les  gencives, 
s'enfonce  dans  les  alvéoles  en  contournant  les 
racines  dentaires,  recouvre  le  palais  jusqu'à  son 
bord  postérieur  ;  à  ce  niveau,  elle  se  détache 
des  os  palatins  et  tombe  librement  au  fond  de  la 
bouche  comme  un  rideau  membraneux  qu'on 
nomme  voile  du  palais,  séparant  la  bouche  du 
pharynx.  Le  bord  inférieur  de  ce  voile  est  taillé 
en  forme  de  voûte  présentant  à  sa  partie  moyenne 
une  clef  de  voûte  charnue,  la  luette.  A  droite  et  à 
gauche,  le  voile  du  palais  est  adhérent  aux  parois 
buccales,  et  on  observe  dans  cette  région,  symétri- 
quement à  gauche  et  à  droite,  un  petit  corps  d'as- 
pect spongieux,  de  nature  glandulaire,  qu'on  nomme 
amygdales.  —  Enfin,  la  langue  est  un  organe  mus- 
culaire remplissant  la  concavité  du  maxillaire  in- 
férieur, libre  en  haut  et  en  avant,  attaché  en  bas  et 
en  avant  à  la  mâchoire  inférieure,  en  arrière  à 
l'os  hyoide,  petit  os  situé  au-dessus  du  bord  supé- 
rieur et  antérieur  du  larynx.  Ce  dernier  organe, 
ainsi  que  nous  le  verrons  dans  une  leçon  ultérieure, 
est  placé  en  avant  du  pharynx  et  s'ouvre  en  haut 
dans  celui-ci.  Par  sa  racine  laryngienne,  la  langue 
s'attache  â  l'os  hyoïde,  de  même  qu'un  petit  appa- 
reil cartilagineux  (c'est-à-dire,  de  consistance  domi- 
osseuse)  dressé  verticalement,  Yépiylotte,  recouvert 
comme  elle  par  la  muqueuse. 

[{é;;iu?is  bucca'ci.  —  La  partie  de  la  bouche  si- 


tuée entre  les  muscles  externes  (formant  les  joues 
et  les  lèvres)  et  les  mâchoires,  se  nomme  le  vesti- 
bule. La  région  située  en  arrière  des  dents,  en 
avant  du  pharynx,  au-dessus  de  la  langue  et  au- 
dessous  du  palais,  s'appelle  la  ttouche  proprement 
dite.  Nous  savons  que  le  palais  est^la  cloison 
horizontale  séparant  les  fosses  nasales  de  la  bou- 
che. On  appelle  plancher  de  la  bouche  l'espace  in- 
termaxillaire inférieur;  isthme  du  r/osier,  l'ouver- 
ture postérieure  de  la  bouche  dans  le  pharynx  :  on 
y  trouve,  en  haut,  le  bord  inférieur  du  voile  du  pa- 
lais et  la  luette  ;  latéralement,  les  amygdales  dans 
les  piliers  du  voile  palatin  ;  en  bas,  la  racine  de  la 
langue  et  l'épiglotte. 

Phanpix.  —  Le  pharynx  est  une  gouttière  située 
en  arrière  de  la  bouche  et  en  avant  d*  la  colonne 
vertébrale  ;  elle  est  ouverte  : 

Î'  en  avant  dans  les  fosses  nasales. 
latéralement  dans  l'oreille  moyenne   par  l'in- 
termédiaire d'ua  petit  conduit,  la  trompe 
d'Eustache. 
-"•  Dans  sa  région  moyenne  et  en  avant,  dans  la  boucbc,  par 

l'isthme  du  gosier. 
3°  Inférieure-  J  en  avant  dans  le  larjTix. 
meut  et. . .    (en  arrière  dans  l'œsophage. 

On  peut  considérer  le  pharynx  comme  une  sorte 
de  carrefour  où  se  croisent  les  deux  appareils  res- 
piratoire (ouvert  au  dehors  par  les  fosses  nasales) 
et  digestif  (ouvert  extérieurement  entre  les  lèvres). 
—  La  surface  du  pliarynx  et  celle  de  la  trompe 
d'Eustache  sont  tapissées  par  le  prolongement  de 
la  muqueuse  buccale. 

Œsophage.  —  C'est  un  conduit  vertical  et  mé- 
dian s'étendant  du  pharynx  à  l'estomac,  appliqué 
en  avant  de  la  colonne  vertébrale  et  en  arrière  du 
conduit  respiratoire  (la  trachée-artère),  aux  dépens 
duquel  il  se  dilate  lorsqu'il  est  traversé  par  des 
substances  alimentaires. 

Estomac.  —  C'est  une  dilatation  du  tube  diges- 
tif située  immédiatement  au-dessous  du  dia- 
phragme, ayant  la  forme  d'une  poire  couchée  hori- 
zontalement et  transversalement  sur  son  grand  axe. 
présentant  sa  grosse  extrémité  {grosse  tubérosité 
ou  gros  cul-de-sac)  à  gauche  ;  sa  pointe  {petite  tu- 
bérosité ou  petit  cul-de-sac]  est  à  droite  et  relevée. 
L'œsophage  s'ouvre  dans  la  grosse  tubérosité,  et 
sa  communication  avec  l'estomac  se  nomme  cardia 
(mot  grec  signifiant  cœur),  parce  que  cette  région 
n'est  séparée  de  la  pointe  du  cœur  que  par  l'épais- 
seur du  diaphragme.  De  la  petite  tubérosité  part 
l'intestin  grêle,  et  la  communication  entre  l'esto- 
mac et  la  suite  du  tube  digestif  se  nomme  pylore 
(en  grec  :  porte).  Enfin,  le  bord  supérieur  de  l'esto- 
mac se  nomme  petite  courbure  et  le  bord  inférieur 
grande  courbure. 

Au  point  de  vue  de  la  structure,  l'estomac  a  ses 
parois  constituées  par  trois  tuniques  superposées  : 
1°  la  tunique  interne  ou  muqueuse,  dans  l'épaisseur 
de  laquelle  sont  des  replis  glandulaires,  les  /'o/- 
licules  gastriques,  formés  chacun  par  la  réunion 
de  petits  tubes  en  cul-de-sac  ouverts  h.  la  surface 
de  la  muqueuse  par  un  seul  orifice  ;  —  2°  la  tunique 
moyenne  on  musculeuse,  qui  est  formée  de  filaments 
musculaires  se  contractant  indépendamment  de  la 
\o\onié  {fibres  7nusculaires  organiques)  et  disposés 
surdeux  couches  principales,  l'une  dans  laquelle  les 
fibres  sont  longitudinales,  l'autre  dans  laquelle  les 
fibres  sont  transversales.  Au  pylore  et  au  cardia, 
les  dernières  sont  très  serrées  et  disposées  en  an- 
neau ;  cet  anneau  musculaire  est  semblable  à  ceux 
qui  resserrent,  quand  ils  sont  e!i  contraction,  l'a- 
nus et  le  col  de  la  vessie.  Ces, muscles  annulaires 
se  nomment  des  sphincters  ;  '—  3°  la  tunique  e.x- 
terne,  ])rolongement  de  la  membrane  correspon- 
dante étendue  tout  autour  de  l'intestin;  elle  est  de 
nature  dite  séreuse;  nous  parlerons  plus  loin  de  sa 
disposition. 


DIGESTION 


—  591  — 


DIGESTION 


Intestin  grêle.  —  Nous  avons  décrit  plus  haut 
Tensemble  de  cette  partie  du  tube  alimentaire.  On 
la  divise  en  plusieurs  régions,  dont  les  noms  sont, 
en  s'éloignant  de  l'estomac  et  en  allant  vers  le  gros 
intestin  :  le  duodénum  (en  latin  :  douzaine,  parce 
que  sa  longueur  est  d'environ  douze  travers  de 
doigts)  ;  le  jej-num  (en  latin  :  à  jeun,  parce  que 
l'absorption  y  est  si  intense  que  cette  partie  est 
toujours  vide)  ;  et  l'iléon  (en  grec  :  qui  décrit  des 
circonvolutions).  —  Les  parois  de  l'intestin  grêle 
possèdent  les  mêmes  tuniques  que  celles  de  l'es- 
tomac, placées  dans  le  même  ordre.  La  muqueuse 
présente  des  replis  en  profondeur,  les  glandes  in- 
testinales, et  des  replis  en  saillie,  savoir  :  1"  les 
valvules  conniventes,  sortes  de  rides  transversales 
en  relief  qui  augmentent  l'étendue  de  la  muqueuse 
en  surface  sans  qu'elle  occupe  un  plus  grand  espace  ; 
2°  les  viilosités,  qui  sont  de  petits  soulèvements  fili- 
formes de  la  muqueuse  coiffant  l'extrémité  des 
vaisseaux  chylifères  (vaisseaux  absorbants  ;  V.  Ab- 
sorption). 

Gros  intestin.  —  Avant  d'en  décrire  les  diverses 
divisions,  nous  devons  nous  arrêter  sur  la  région 
où  l'intestin  grêle  se  jette  dans  le  gros  intestin, 
dans  la  partie  inférieure,  antérieure  et  droite  de  la 
cavité  abdominale.  Cette  région  se  nomme  iléo- 
cœcale.  L'intestin  grêle  y  rencontre  le  gros  intes- 
tin latéralement  et  par  la  gauche  de  sa  paroi  ;  au- 
dessous  de  ce  confluent  celui-ci  se  termine  en 
un  cul-de-sac,  le  cœcum,  puis  il  remonte  verticale- 
ment. La  muqueuse  de  l'iléon  se  prolonge  dans  le 
cœcum  on  un  repli  en  forme  de  lèvre  horizontale,  fai- 
sant fonction  de  soupape  à  deux  valves,  qui  s'ouvrent 
du  colon  dans  le  cœcum  ;  on  appelle  cette  soupape 
valvule  iléo-cœcale,  ou  barrière  des  apothicaires, 
parce  que  les  liquides  introduits  par  l'anus  pour 
laver  les  intestins  ne  peuvent,  à  cause  de  la  dis- 
position de  cet  appareil  se  fermant  sous  leur  pres- 
sion, pénétrer  dans  l'intestin  grêle.  La  région 
ascendante  du  gros  intestin  se  nomme  colon  ascen- 
dant. A  la  hauteur  de  la  grande  courbure  de  l'es- 
tomac ce  tube  devient  horizontal  et  se  dirige  de 
droite  à  gauche,  pour  former  le  colo?i  transv^rse ; 
puis,  parvenu  au  côté  gauche  de  la  cavité  abdomi- 
nale ,  il  redescend  verticalement,  constituant  le  co- 
lon descendant.  Par  une  double  inflexion,  qui  se 
nomme  l'S  iliaque,  le  gros  intestin  est  alors  pro- 
jeté en  arrière  de  la  masse  intestinale  générale, 
devient  vertical,  descend  suivant  l'axe  médian  du 
corps  sous  la  dénomination  de  rectum,  et  se  ter- 
mine en  s'ouNTant  au  dehors  dans  un  espace  inter- 
musculaire recouvert  par  la  muqueuse  qui  s'y  mo- 
difie en  peau,  et  qui  est  l'anus.  Un  sphincter  formé 
de  couches  musculaires  dont  les  unes  obéissent  à 
la  volonté,  dont  les  autres  en  sont  indépendantes, 
ferme  l'orifice  anal  ou  lui  permet  de  s'ouvrir. 

Les  parois  du  gros  intestin  sont  constituées  par 
la  couche  muqueuse,  recouverte  de  la  musculeuse 
que  recouvre  elle-même  la  séreuse. 

La  séreuse  intestinale,  qu'on  appelle  le  péritoine 
(du  grec  péri,  autour,  et  teinô,  étendre),  a  la  dis- 
position de  loutes  les  séreuses  recouvrant  les 
viscères  (cœur,  poumons,  cerveau).  Le  péritoine 
est  constitué  dans  son  ensemble  par  deux  sacs 
membraneux  emboîtés  l'un  dans  l'autre  et  en  con- 
tinuité par  leur  bord,  de  sorte  que  le  sac  interne 
est  le  prolongement  du  sac  externe.  Le  premier 
se  moule  exactement  sur  les  anses  intestinales  et 
sur  la  surface  extérieure  de  l'estomac  :  c'est  le 
feuillet  viscéral;  le  sac  externe  est  libre  :  c'est  le 
feuillet  pariétal.  Entre  ces  deux  feuillets  est  un 
liquide  dit  sérosité,  sécrété  par  les  deux  surfaces 
en  contact,  et  qui  rend  facile  le  glissement  des  deux 
feuillets  l'un  sur  l'autre  pendant  les  mouvements 
des  viscères  abdominaux.  De  nombreux  vaisseaux 
circulent  dans  le  péritoine.  ' 

II.  Annexks  de  l'appareil  digestif.  —  Ces  an- 
nexes, à  part  les  dents,  étudiées  dans  un  article  spé- 


cial, sont  glandulaires  ;  ce  sont  :  les  glandes  sali- 
vaires,  le  foie,  le  pancréas.  —  Toutes  les  glandes 
digestives  annexes  ont  la  même  forme  :  ce  sont  des 
glandes  dites  en  grappe  composée,  c'est-à-dire  des 
appareils  affectant  la  disposition  de  grappes  creu- 
ses, dont  les  éléments  ne  sont  visibles  qu'à  la 
loupe,  et  qui  s'ouvriraient  par  leur  pédoncule  à  la 
surface  de  la  muqueuse  dont  elles  ne  sont  que  des 
replis  profonds.  C'est  autour  des  grains  que  vient 
circuler,  dans  un  très  riche  réseau  vasculaire,  le 
sang  dont  les  glandes  retirent  les  éléments  divers 
des  sucs  digestifs.  Toutes  ces  glandes  déversent 
donc  leur  produit  sur  la  muqueuse  digestive,  à 
l'exception  cependant  de  la  glande  hépatique  ',  glande 
faisant  partie  du  foie  et  sécrétant  la  bile),  qui  emma- 
gasine le  liquide  qu'elle  élabore  dans  une  poche, 
la  vésicule  biliaire  ou  du  fiel,  d'où  il  ne  sort  que 
suivant  les  besoins  par  un  canal  qui  vient  l'y  cher- 
cher, le  cholédoque,  débouchant  dans  le  duodénum. 

1°  Glandes  salivaires.  —  Elles  sont  au  nombre 
de  trois  paires,  les  parotides,  les  sublinguales  et 
les  sous-maxillaires.  La  première  est  entre  l'oreille 
et  la  mâchoire  inférieure  ;  son  canal  [canal  de 
Sténon)  va  s'ouvrir  dans  le  vestibule  sous  les  joues. 
Les  noms  des  autres  indiquent  leur  situation,  de 
chaque  côté  et  au-dessous  de  la  langue. 

2°  Pancréas.  —  Situé  derrière  l'estomac  et  ayant 
la  longueur  de  son  grand  axe,  le  pancréas  com- 
munique par  son  canal  avec  le  duodénum  au  même 
point  que  le  cholédoque. 

3°  Foie.  —  11  est  formé  de  deux  glandes,  la  glande 
hépatique  et  la  glawle  ghjcogène,  ayant  chacune 
une  mission  bien  différente,  et  dont  les  éléments, 
quoique  distincts,  sont  enchevêtrés. 

La  glande  hépatique  seule  intéresse  la  digestion, 
parce  que  c'est  elle  qui  élabore  la  bile  ;  nous  en 
connaissons  déjà  la  structure  intime,  mais  il  nous 
reste  à  parler  de  l'ensemble  du  foie. 

C'est  la  plus  volumineuse  des  glandes  du  corps. 
De  couleur  brun-sombre,  il  recouvre  le  duodénum 
sur  lequel  il  retombe  pour  le  séparer  du  dia- 
phragme. Entre  cette  partie  du  tube  digestif  et  le 
foie  est  située  la  vésicul"  du  fiel,  dont  le  fond  dé- 
passe un  peu  le  bord  inférieur  de  celui-ci.  Nous 
verrons  ailleurs  que  la  deuxième  glande  entrant 
dans  la  composition  du  foie  est  chargée  de  prépa- 
rer les  éléments  du  sucre  nécessaire  à  l'économie. 

III.  Physiologie  de  la  digestion.  —  1.  Phéno- 
7nè?ies  méca?iiques.  —  Les  phénomènes  mécaniques 
de  la  digestion  ont  pour  but  :  1°  la  division  des 
substances  alimentaires,  division  indispensable 
pour  que  les  sucs  digestifs  les  pénètrent  dans 
toutes  leurs  parties  ;  2°  la  progression  de  ces 
substances  dans  le  tube  digestif;  3°  l'expulsion 
des  matières  fécales  formées  de  tout  ce  qui  n'a 
pu  être  absorbé  pendant  le  travail  dige.stif. 

Ces  phénomènes  sont  les  suivants  :  La  préhen- 
sio?i,  acte  par  lequel  la  substance  alimentaire  est 
saisie  et  portée  du  dehors  à  la  bouche.  —  La  mas- 
tication, ou  la  division  de  la  substance  alimentaire 
sous  les  dents,  qui  les  coupent,  les  déchirent,  ou 
les  écrasent,  grâce  au  balancement  de  la  mâchoire 
inférieure.  —  h' insalivation,  ou  l'épanchement  de 
la  salive  pendant  la  mastication,  c'est-à-dire  d'un 
liquide  qui,  humectant  les  corps  hachés  par  les 
dents,  en  facilitent  le  passage  dans  le  gosier;  la 
salive  est  également  utile  pour  la  gustation,  et  à 
cause  de  l'action  chimique  qu'elle  exerce  sur  cer- 
tains aliments.  —  La  déglutition,  acte  par  lequel 
les  substances  alimentaires  vont  de  la  bouche  à 
l'estomac.  Pour  cela,  l'épiglotte  s'abaisse  sur  le 
larynx,  qui,  du  reste,  va  au-devant  de  cette  sou- 
pape en  se  soulevant  en  même  temps  que  le 
pharynx  qui,  lui,  se  dirige  vers  la  substance 
alimentaire  ;  pendant  ce  mouvement,  le  voile  du 
palais  oblitère  en  se  relevant  la  communication 
entre  les  fosses  nasales  et  la  bouche  ;  de  sorte  que 
le  tube  digestif  est  la  seule  voie  ouverte,  —  Les 


DIGESTION 


—  592  - 


DIGESTlOiN 


mouvements  sfonuicrnix  ont  pour  but  de  diviser  de 
nouveau  la  substance  alimentaire,  afin  que  ie  suc 
gastrique,  s'épancliant  des  glandes  de  l'estomac, 
])uisse  le  pénétrer  et  agir  sur  certains  aliments 
pour  les  rendre  absorbables.  —  Les  mouvements 
intestinaux  appelés  vermiculaires  font  progresser 
les  substances  dans  le  tube  digestif  en  les  éloignant 
toujours  de  l'estomac  ;  en  même  temps  les  sucs 
digestifs  qui  s'épanchent  des  glandes  digèrent 
certains  aliments,  l'absorption  se  produit,  et  les 
résidus  constituant  les  matières  fécales  s'accumu- 
lent dans  le  rectum,  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  expulsés 
par  le  dernier  acte  mécanique,  la  défécation. 

2.  P/iéno/nènes  ehimiques.  —  Les  phénomènes 
chimiques  de  la  digestion  sont  ceux  qui  font  subir 
aux  alhnents  les  transformations  nécessaires  pour 
que  ceux-ci  soient  absorbés  par  la  muqueuse  di- 
gestive. 

Pour  qu'un  phénomène  chimique  se  produise 
il  faut  qu'il  y  ait  au  moins  deux  corps  en  présence, 
et  comme  résultat  de  cette  présence,  naissance  d'un 
ou  de  plusieurs  composés  nouveaux.  Nous  avons 
donc,  dans  la  chimie  digestive,  à  étudier  les  élé- 
ments en  présence,  c'est-à-dire  les  sucs  digestifs 
et  les  aliments,  et  l'action  des  sucs  digestifs  sur 
les  aliments. 

Les  sucs  digestifs  sont  :  la  salive,  le  suc  gastri- 
que, le  suc  pancréatique,  la  bile  et  le  suc  intestinnl. 
"Toutes  ces  humeurs,  produites  par  les  glandes  que 
nous  avons  étudiées  déjà,  contiennent  :  une  pro- 
portion d'eau  supérieure  à  90  p.  100,  à  l'exception  de 
la  bile  qui  n'en  contient  que  S5  ;  des  sels  en  dis- 
solution, et  des  principes  actifs  de  nature  toute 
particulière  et  n'exerçant  leur  action  que  sur  des 
substances  déterminées.  Le  principe  actif  de  la 
salive  est  la  ptyaline,  celui  du  suc  gastrique  la 
pt^psine,  celui  du  suc  pancréatique  la  pancréatijie. 
La  composition  exacte  du  suc  intestinal  est  encore 
peu  connue  ;  quant  à  la  bile,  elle  a  plutôt  une 
action  mécanique  qu'une  action  chimique  propre- 
ment dite. 

Et  maintenant,  qu'est-ce  qu'un  aliment  ? 

On  appelle  aliment  un  corps  capable  d'être  ab- 
sorbé, soit  immédiatement,  soit  après  avoir  subi 
certaines  transformations  dues  à  l'action  des  liqui- 
des digestifs.  Il  est  rare  que  l'aliment  soit  introduit 
dans  le  corps  sous  sa  forme  simple;  il  fait  le  plus 
souvent  partie  composante  d'une  substance  plus 
ou  moins  complexe  qu'on  appelle  substance  ali- 
7ne7itaire.  L'eau,  le  sel  marin  et  un  grand  nombre 
de  sels,  le  fer,  etc.,  sont  des  aliments  à'origine 
minérale  contenus  dans  un  grand  nombre  de  sub- 
stances alimentaires.  Les  aliments  d'origine  orga- 
nique, c'est-à-dire  qui  proviennent  des  tissus  des 
corps  vivants,  se  divisent  en  trois  classes  :  1°  les 
féculents,  ex.  :  l'amidon  (dans  les  farines)  et  les 
sucres,  ex.  :  le  sucre  de  lait  (dans  le  lait),  le  sucre 
de  raisin  (dans  les  fruits  sucrés,  le  miel  et  les 
boissons  formentées)  ;  —  2° les  azotés,  ex.  :  le  gluten 
(qui  accompagne  l'amidon  dans  les  farines),  l'albu- 
mine (contenue  dans  le  blanc  d'œuf  et  dans  le  sang)  ; 
—  3°  les  graisses,  ex.  :  l'huile  et  la  graisse.  — 
L'organisme  réclame  des  corps  de  chacune  de  ces 
trois  classes  :  aussi,  l'alimentation  doit-elle  être 
variée.  Le  rôle  de  chaque  aliment  dans  la  profon- 
deur des  tissus,  les  proportions  qu'il  en  faut  absor- 
ber pour  que  les  pertes  matérielles  incessantes  de 
tous  les  tissus  soient  réparées,  les  qualités  relatives 
des  substances  alimentaires,  sont  des  questions 
fort  intéressantes,  mais  qui  sont  plutôt  du  domaine 
de  l'hygiène.  Ce  dont  nous  avons  à  parler  ici,  au 
point  de  vue  de  la  physiologie  digestive,  ce  sont 
des  transformations  qu'ont  à  subir,  pour  être 
absorbés,  les  aliments  de  chaque  catégorie.  Tous 
ceux  qxii  ne  sont  pas  déjà  solubles,  à  r(!Xception 
des  graisses,  le  deviennent  dans  les  sucs  digostifs. 
Les  fécules  deviennent  solubles  en  se  transformant 
en  sucre  de  raisin  sous  l'influence  do  la  ptyaline 


et  de  la  pnncréatine.  Les  aliments  azotés  devien- 
nent solubles  quand  ils  ont  subi  l'action  de  la 
pepsine.  Les  graisses,  en  présence  de  la  pnncréa- 
tine et  sans  doute  des  sels  de  la  bile,  sont  réduin.'S 
en  une  sorte  de  poussière  liquide,  formée  d'une 
multitude  de  petites  gouttelettes  en  suspension 
dans  le  liquide  actif,  et  sont  alors  capables  d'être 
absorbées  à  cet  état  de  division  extrême.  Ce  mé- 
lange intime  des  graisses  avec  certains  liquides  se 
nomme  émulsion  ;  le  lait  est  une  émulsion  natu- 
relle. 

3.  Phénomènes  instinctifs.  —  Ce  sont  ceux  qui 
avertissent  l'homme  et  l'animal  qu'ils  doivent  man- 
ger ou  boire  ;  c'est  par  conséquent  la  faim  et  la  soif. 

Tout  le  monde  connaît  la  sensation  particulière 
de  la  faim  ;  d'abord  agréable  quand  on  peut  l'ap- 
peler appétit,  puis  de  plus  en  plus  pénible  si  elle 
se  prolonge.  Des  expériences  très  précises  ont 
prouvé  que  ce  sentiment  ne  résidait  pas  dans 
l'estomac  seulement,  mais  que  c'était  plutôt  le 
résultat  d'un  besoin  de  réparation  ressenti  par 
l'organisme  tout  entier.  La  soif  est,  de  même,  lasen- 
sation  particulière  invitant  à  introduire  l'eau  dans 
le  tube  digestif,  parce  que  tout  l'organisme  en  a 
besoin.  Si  la  muqueuse  buccale  est  particulière- 
ment desséchée,  c'est  qu'elle  est  sans  cesse  sou- 
mise à  l'action  de  l'air  qui  pénètre  dans  l'appareil 
respiratoire  ou  s'en  échappe. 

IV.  Digestion  dans  la  série  animale.  —  Nous 
serons  très  bref  sur  ce  sujet,  parce  que,  si  l'appareil 
digestif  présente  quelque  particularité  dans  un 
groupe,  c'est  en  faisant  l'étude  de  celui-ci  que  nous 
le  signalerons.  Nous  allons  seulement  indiquer 
d'une  façon  très  générale  comment  il  se  modifie 
depuis  les  types  inférieurs  jusqu'à  l'homme. 

Chez  les  animaux  les  plus  simples,  les  protozoai- 
res, il  n'y  a  pas  de  cavité  viscérale  ;  le  corps  est 
formé  par  une  substance  homogène  transparente, 
molle,  que  peuvent  pénétrer  les  substances  ali- 
mentaires ;  elles  sont  digérées  dans  l'intérieur  de  cet 
organisme  simple  qu'elles  traversent,  puis  sont  re- 
jetées à  l'état  de  matières  fécales  par  un  point  diffé- 
rent de  celui  par  lequel  elles  ont  pénétré.  En  s'é- 
levant  dans  la  série  animale  jusqu'aux  polypes 
(corail,  hydre  d'eau  douce),  on  trouve  le  corps  creuse 
d'un  cul-de-sac  tapissé  par  un  repli  interne  du  té- 
gument extérieur  ;  c'est  l'esquisse  d'une  cavité  vis- 
cérale, à  laquelle  est  dévolue  la  fonction  d'absorber 
les  aliments  comme  celle  de  respirer.  Enfin  pa- 
raît, dans  le  groupe  des  rayonnes,  le  tube  digestif 
ouvert  à  ses  deux  extrémités  par  la  bouche  et  l'a- 
nus, devenant  de  plus  en  plus  complexe  quand  on 
s'élève  dans  le  règne  animal  et  servi  par  un  plus 
grand  nombre  d'annexés.  Chez  les  invertébrés,  les 
glandes  salivaires  apparaissent  dans  l'embranche- 
ment des  annelés  :  les  insectes,  par  exemple,  en 
sont  pourvus  ;  la  plupart  des  mollusques  en  ont 
également.  Le  foie  n'existe  comme  organe  distinct 
que  chez  les  mollusques  assez  élevés;  il  existe  aussi 
chez  les  crustacés  ;  dans  d'autres  classes,  il  est 
représenté  par  des  organes  différents,  mais  aux- 
quels on  attribue  la  fonction  hépatique  (insectes, 
arachnides).  Chez  les  vertébrés,  l'appareil  de  la  di- 
gestion est  plus  ou  moins  semblable  à  celui  de 
l'homme  ;  il  présente  plus  de  complication  chez  les 
oiseaux  et  certains  mammifères  herbivores,  les 
ruminants.  Les  annexes  sont  aussi  les  mômes  que 
chez  l'homme,  mais  les  dents  n'existent  jamais 
chez  les  oiseaux,  peuvent  manquer  aux  reptiles 
(tortues)  ;  les  glandes  salivaires  font  toujours  dé- 
faut chez  les  poissons,  et  la  vésicule  biliaire  chez 
quelques  animaux  :  le  cheval  et  le  pigeon  sont 
dans  ce  cas.  Au  point  de  vue  de  la  longueur  et  de 
la  complexité,  nous  indiquerons  une  loi  absolue  : 
c'est  que  le  tube  digestif  est  d'autant  plus  court  et 
moins  compliqué,  que  l'animal  est  plus  carnassic:-. 

Olisert'ations.  —  Nous  recommandons,  sur  le  su- 
jet de  la  digestion,  la  lecture  de  l'IIistuire  dune 


DILATATION 


—  593  — 


DILATATION 


bouchée  de  pain,  de  Jean  Macé  (librairie  Hetzel).  — 
Il  est  facile  d'ouvrir  le  corps  de  rats,  de  lapins,  de 
poules,  de  pigeons  pour  étudier  le  tube  digestif  des 
mammifères  et  des  oiseaux  :  pour  cela,  il  faut  in- 
ciser longitudinalement  la  paroi  abdominale,  saisir 
une  anse  quelconque  de  l'intestin,  et  le  dérouler, 
en  n'exerçant  pas  de  trop  fortes  tractions,  et  en 
le  séparant,  avec  la  pointe  d'un  petit  couteau,  des 
parties  environnantes  ;  on  pourra  faire  ainsi  sortir 
tous  les  viscères  abdominaux  jusqu'au  diaphragme 
chez  les  mammifères,  et  jusqu'en  haut  chez  les  oi- 
seaux. Si  l'on  veut  étudier  la  bouche  d'un  lapin, 
on  pourra  scier  la  tête  en  deux,  verticalement  et 
longitudinalement,  par  sa  partie  moyenne.  La 
coupe  montrera  la  cavité  crâni(!nne  en  haut,  au- 
dessous  les  fosses  nasales,  au-dessous  enfin  la 
bouche  et  le  pharynx.  Il  est  évident  que  ces  peti- 
tes dissections,  toutes  simples  qu'elles  soient,  doi- 
vent être  effectuées  par  des  mains  prudentes  et 
pratiquées  sur  des  animaux  frais,  les  coupures  dé- 
terminées par  les  instruments  ayant  servi  à  couper 
de  la  chair  pouvant  être  très  dangereuses  surtout 
si  la  pièce  n'est  pas  récemment  morte. 

[G.  Philippon.] 
DILATATION.  —  Physique,  XV.—  La  dilata- 
tion est  l'augmentation  de  volume  que  prennent 
les  corps  sous  l'influence  de  la  chaleur.  Tous  les 
corps,  qu'ils  soient  solides,  liquides  ou  gazeux, 
augmentent  de  dimensions,  se  dilatent,  en  un  mot, 
quand  ils  gagnent  de  la  chaleur  ;  ils  se  contractent 
quand  ils  en  perdent.  Quelques  substances  parais- 
sent faire  exception  à  cette  loi  générale  :  telle  est 
l'argQe  desséchée  qui  se  contracte  quand  on  la  met 
dans  le  feu;  mais  c'est  qu'elle  subit  un  changement 
dans  sa  nature  chimique,  puisque  le  volume  ne 
reprend  pas  sa  valeur  primitive  après  le  refroidis- 
sement. 

On  montre  facilement  la  dilatation  et  la  contrac- 
tion que  les  corps  éprouvent  quand  leur  tempéra- 
ture s'élève  ou  s'abaisse. 

Une  tige  métallique  s'alloncre  quand  on  la  chauffe 
et  ne  peut  plus  tenir  entre  deux  obstacles  fixes  où 
elle  entrait  d'abord.  Si  l'une  de  ses  extrémités  est 
fixée  et  que  l'autre  appuie  contre  la  petite  branche 
d'un  levier  coudé  dont  la  grande  branche  est  une 
aiguille  se  mouvant  sur  un  cadran,  l'aiguille  rend 
visible  la  dilatation  de  la  tige  chauffée.  Une  boule 
métallique  qui  passe  aisément  dans  un  anneau, 
quand  elle  est  froide,  n'y  peut  plus  passer  lors- 
qu'elle est  chaude,  et  elle  ne  reprend  ses  premiè- 
res dimensions  qu'en  perdant  la  chaleur  qu'on  lui 
avait  donnée.  Voilà  pour  les  solides. 

Si  Ion  chauffe  un  ballon  surmonté  d'un  tube  fin 
et  plein  d'eau  colorée,  on  voit  la  colonne  liquide 
s'élever.  Enfin,  quand  on  prend  à  la  main  un  ballon 
auquel  on  a  soudé  un  tube  en  S  contenant  un  li- 
quide dans  sa  coudure  inférieure,  on  voit  l'index 
liquide  se  déplacer  comme  sous  une  pression  de 
l'intérieur  :  c'est  le  gaz  qui,  en  se  dilatant,  occupe 
un  volume  plus  grand  que  celui  qu'il  occupait. 

1.  Dilatation  des  solides.  —  Si  dans  un  corps  so- 
lide l'une  des  dimensions  est  très  grande  par  rap- 
port aux  autres,  comme  cela  a  lieu  dans  une  corde 
métallique  ou  dans  une  longue  barre  de  fer,  l'al- 
longement dans  le  sens  de  la  longueur  est  très 
grand  par  rapport  à  celui  des  autres  dimensions; 
on  néglige  ces  derniers  pour  ne  s'occuper  que  du 
premier,  et  on  nomme  dilatation  linéaire laccrois- 
sement  de  longueur  que  subit  une  barre  en  s'é- 
chauffant,  tandis  qu'on  nomme  dilatation  cubique 
l'augmentation  de  volume  de  la  même  substance. 
a)  Dilatation  linéaire.  —  L'expérience  a  montré 
que  lorsqu'il  s'agit  de  corps  homogènes,  comme  les 
métaux,  la  dilatation  est  sensiblement  uniforme 
pour  des  températures  qui  ne  dépassent  pas  100", 
c'est-à-dire  que  si  une  barre  s'allonge  d'un  mil- 
limètre, par  exemple,  pour  un  échauffement  de 
30°,  elle  s'allongera  de  2  millimètres  pour  60°.  Il 
2e  Paiitie 


suffit  dès  lors  de  connaître  pour  chaque  substance 
la  dilatation  produite  pour  1°. 

On  appelle  coefficient  de  dilatation  liiwaire  d'une 
substance  l'allongement  que  subit  l'unité  de  lon- 
gueur (c'est-à-dire  le  mètre)  pour  chaque  degré 
dont  on  la  chauffe. 

La  recherche  des  coefficients  de  dilatation  ne 
manque  pas  de  difficulté,  parce  que  l'allongement 
est  toujours  très  faible,  même  sur  une  barre  de 
plusieurs  mètres  chauffée  d'un  assez  grand  nombre 
de  degrés.  La  mesure  directe  ne  pourrait  pas  don- 
ner la  précision  nécessaire  ;  il  faut  avoir  recours  à 
des  moyens  détournés  pour  obtenir  des  résultats 
exacts.  A'ous  ne  pouvons  pas  décrire  avec  détail  les 
opérations  faites  par  d'habiles  physiciens  dans  ce 
genre  de  recherches;  nous  nous  bornerons  à  en 
exposer  le  principe. 

Une  barre  de  4  mètres  a  l'une  de  ses  extrémités 
fixée  à  un  obstacle  solide,  et  elle  repose  sur  des 
galets  dans  une  auge.  L'autre  bout  appuie  contre 
un  levier  vertical  supportant  une  lunette  horizon- 
tale. L'auge  est  d'abord  remplie  d'eau  que  l'on 
amène  à  0°  par  de  la  glace.  On  note  alors  la  division 
d'une  mire  éloignée  qui  est  visible  dans  la  lunette. 
On  chauffe  l'eau  de  la  caisse,  et  à  chaque  obser- 
vation on  en  prend  exactement  la  température. 
L'extrémité  libre  de  la  barre,  en  s'allongeant,  fait 
incliner  le  levier  et  la  lunette,  on  voit  alors  par 
celle-ci  une  autre  division  de  la  mire.  Un  calcul 
simple  permet  de  trouver  l'allongement  de  la  barre 
d'après  la  distance  des  deux  divisions  vues  sur  la 
mire,  la  distance  à  laquelle  elle  est  placée  et  la 
longueur  du  levier. 

Voici,  en  millionièmes  de  mètre,  les  coefficients 
trouvés  pour  les  principaux  métaux. 


Acier  non  trempé 10 

—     trempé 12 

Fer  en  fil 12.2 

—  forgé 1-2.3 

Platine 9 

Or 15 

Cuivre 17 


Laiton 18 

.\.rgc>nt 19 

Étàin 22 

Plomb 28 

Zinc 29 

Fopite 11 

Verre  ordinaire S 


Pour  donnera  ces  nombres  une  signification  plus 
facile  à  saisir,  on  peut  supposer  une  barre  de 
10  mètres  cliauffée  de  0°  à  lOU",  c'est-à-dire  portée 
de  la  température  de  la  glace  fondante  à  celle  de 
l'eau  bouillante  :  les  nombres  précédents  exprime- 
ront alors  l'allongement  en  millimètres. 

Ces  coefficients  sont  d'un  usage  fréquent  dans 
les  calculs.  Ainsi,  soit  à  trouver  cjuelle  sera  la  lon- 
gueur à  80°  du'i  fît  de  laiton  qui  mesure  4  mètres 
à  0°. 

L'allongement  pour    1",  par  mètre,  est  0™,000017, 

—  80°,  —  0"", 000017  X  80 

—  et  pour  4  mètres,         4  X  0"»,000017  X  80. 
La  longueur  à  80°  est  dune 

4  +  4X0,000017  XSO, 
ou,  en  mettant  4  en  facteur, 

4  (1-f  0,000017  X  80)=:4™,00o44. 
Pour  généraliser  ce  résultat,  si  on   désigne  la 
longueur    à    0°    (ici  4")    par    l^,  par  k  le  coeffi- 
cient, par  t  la  température,  par  ^j  la  longueur  cher- 
chée, on  écrira 

{=l^{l  +  kt). 

Cette  quantité  entre  parenthèses  porte  le  nom  de 
binôme  de  dilatation  :  c'est  l'unité  plus  autant  de 
fois  le  coefficient  qu  il  y  a  de  degrés. 

De  cet  exemple,  on  tire  les  deux  règles  suivan- 
tes, utiles  pour  la  résolution  des  problèmes  : 

1"  On  obtient  la  longueur  d'une  barre  à  f,  en 
multipliant  sa  longueur  à  0"  par  le  binôme. 

2"  On  trouve  la  longueur  à  0"  d'une  barre  en 
divisant  sa  longueur  donnée  à  t"  par  le  binôme 
pour  cette  température. 

33 


DILATATION 


—  594  — 


DILATATION 


h)  Dilatation  cubique.  —  La  dilatation  cubique 
des  solides  est  encore  bien  plus  difficile  à  déter- 
miner que  leur  dilatation  linéaire.  IMais  on  peut 
employer  cette  dernière  à  trouver  l'autre,  pour  les 
solides  qui  ont  pu  être  mis  en  barres  ou  en  tiges. 
Si  l'on  remarque  en  effet  que 

Une  tige  de  1™  h  0»  devient  à  1°. .     \-{-  k, 
on  conclut  que 

Un  cube  de  l"  à  0°  devient  à  1». .     (1  -\-kf. 
Or,  en  développant  ce  cube,  on  trouve 

Les  deux  dernières  quantités  A'  et  Zk^  peuvent  être 
supprimées  ;  ce  sont  des  nombres  décimaux  où 
le  premier  chiffre  significatif  est  le  dixième  ou  le 
quinzième  après  la  virgule.  Le  volume  de  fs  à 
0"  est  donc  1  ""3  -|-  s/c  à  1  "  ;  l'unité  de  volume  aug- 
mente donc  de  3  A  par  degré,  c'est-à-dire  que  le 
coefficient  cubique  ou  en  volume  est  trois  fois  le 
coefficient  linéaire. 

Le  coefficient  cubique  connu,  on  résout  tous  les 
problèmes  de  variation  des  volumes,  d'après  les 
deux  règles  citées  ci-devant  pour  les  variations  de 
longueur;  le  coefficient  seul  change. 

La  dilatation  des  corps  par  la  chaleur  et  la  diffé- 
rence qui  existe  entre  leurs  coefficients  expliquent 
un  très  grand  nombre  de  faits.  Les  tuyaux  en 
fonte  ou  en  tout  autre  métal  qui  servent  à  con- 
duire les  eaux  ou  le  gaz  ne  doivent  jamais  être 
réunis  invariablement  les  uns  aux  autres  ni  soudés, 
afin  qu'ils  ne  se  déforment  pas  par  la  dilatation. 
On  ne  fixe  que  par  un  de  leurs  côtés  les  lames 
de  zinc  employées  pour  toiture  ;  sans  cette  précau- 
tion, elles  se  déchireraient  l'hiver  et  se  gonfle- 
raient l'été.  On  applique  la  force  énorme  de  con- 
traction développée  par  un  solide  qui  se  refroidit 
pour  fixer  entre  elles  deux  barres  de  fer  bout  à 
bout.  On  taille  l'une  en  cylindre  ;  on  perce  l'autre 
d'un  trou  un  peu  plus  petit  que  ce  cylindre  ;  on 
chauffe  cette  dernière,  la  cavité  s'agrandit  assez 
pour  qu'on  puisse  y  faire  entrer  à  force  l'extrémité 
cylindrique  froide  ;  par  le  refroidissement,  la  ca- 
vité se  rétrécit  et  serre  avec  force  le  cylindre  qui 
la  remplit.  C'est  une  raison  analogue  qui  fait  ap- 
pliquer à  chaud  le  cercle  en  fer  qui  doit  relier  les 
pièces  de  la  jante  des  roues;  par  le  refroidisse- 
ment, ce  cercle  resserre  tous  les  joints  et  conso- 
lide l'ensemble. 

Les  changements  de  température  ont  de  l'in- 
fluence sur  la  marche  des  horloges  réglées  par  les 
oscillations  d'un  pendule.  Ces  pendules  sont  or- 
dinairement formés  d'une  tige  métallique;  ils  s'al- 
longent quand  la  température  s'élève,  et  leurs  os- 
cillations deviennent  plus  lentes  ;  le  contraire  a 
lieu  quand  la  température  diminue.  Une  horloge 
avance  donc  ou  retarde  suivant  qu'il  fait  froid  ou 
chaud.  Pour  éviter  ces  irrégularités^  on  munit  les 
horloges  de  précision  d'un  pendule  compensateur. 
L'un  des  plus  communs  est  le  pendule  à  grille, 
formé  de  deux  métaux  différents,  le  fer  et  le  cui- 
vre, et  disposés  de  manière  que  la  dilatation  de 
l'un  faisant  descendre  le  centre  de  gravité,  la  dila- 
tation de  l'autre  le  fasse  remonter  d'une  quantité 
égale,  en  sorte  que  le  centre  de  gravité  reste  tou- 
jours à  la  même  distance  du  point  de  suspension. 
Pour  les  horloges  ordinaires,  un  pendule  formé 
d'une  règle  mince  en  bois  de  sapin  bien  sec  avec 
les  fibres  dans  le  sens  de  la  longueur,  et  au  bout 
une  petite  lentille  en  fer  ou  en  cuivre,  convient 
ass  z  bien,  parce  que  le  bois  se  dilate  très-peu 
dans  le  sens  des  fibres. 

2.  Dilatation  des  liquides.  —  Les  liquides  étant 
nécessairement  contenus  dans  des  vases,  leur  aug- 
mentation de  volume  par  la  chaleur  sera  modifiée 
par  la  dilatation  de  l'enveloppe.  Pour  le  montrer, 


on  remplit  un  ballon  d'eau  rougio  ;  on  le  ferme 
avec  un  bouchon  traversé  d'un  long  tube,  le  li- 
quide coloré  monte  dans  le  tube  à  un  niveau  que 
l'on  marque  par  une  petite  bande  de  papier 
gommé.  On  plonge  ensuite  brusquement  le  ballon 
dans  de  l'eau  bouillante  :  on  voit  le  niveau  du  li- 
quide liaisser  d'abord,  remonter  après  à  son  pre- 
mier niveau  et  le  dépasser  enfin  de  beaucoup. 
C'est  que  le  vase  s'est  dilaté  le  premier,  sa  capacité 
s'est  agrandie  ;  voilà  pourquoi  le  niveau  a  d'abord 
baisse.  Le  liquide  s'est  finalement  dilaté  plus  que 
le  solide  qui  le  contenait,  et  le  résultat  final,  le 
seul  apparent,  est  la  différence  entre  la  dilatation 
du  liquide  et  celle  du  vase. 

La  dilatation  du  liquide,  telle  qu'elle  serait  si  on 
pouvait  le  mettre  dans  un  vase  non  dilatable, 
constitue  sa  dilidation  absolue,  tandis  que  nous 
appelons  dilatation  apparente  l'augmentation  de 
volume  telle  qu'on  l'observe  dans  le  vase,  sans 
s'occuper  du  changement  de  capacité  de  ce  der- 
nier. 

La  dilatation  absolue  est,  pour  chaque  liquide,  un 
nombre  invariable,  caractéristique,  comme  ii  ar- 
rive pour  les  solides,  tandis  que  la  dilatation  ap- 
parente varie  nécessairement  avec  la  nature  de 
l'enveloppe  ;  elle  serait  nulle  dans  un  vase  qui  se 
dilaterait  autant  que  le  liquide. 

Les  liquides  n'ont  pas  la  régularité  de  dilatation 
des  corps  solides;  leur  accroissement  en  volume 
n'est  pas  uniforme  même  entre  0"  et  100°  ;  il  aug- 
mente à  mesure  que  la  température  s'élève  ;  aussi 
ne  peut-on  indiquer  les  coefficients  que  pour  un 
degré  déterminé,  ou  le  coefficient  moyen  entre  deux 
limites  de  température.  Seul,  le  mercure  a  une 
dilatation  uniforme  comme  les  solides,  ce  qui  le 
rend  précieux  pour  les  thermomètres. 

Voici,  exprimés  en  millièmes,  les  coefficients  de 
dilatation  absolue  de  quelques  liquides: 


Alcool 1,049 

Éther 1,513 

Huile  grasse 0,b3 

Sulfure  de  carbone..  1.14 


Eau 0,43P 

Chloreforme 1,107 

Mercure...  0,18     ou   : — -. 
00  50 


On  donne  à  ces  nombres  une  signification  plas 
facile  à  saisir,  en  prenant  dix  litres  du  liquide  que 
l'on  suppose  chauffé  de  0"  à  100";  ils  expriment 
alors  en  litres  l'augmentation  du  volume.  Ainsi, 
10  litres  de  mercure,  en  passant  de  0°  à  100°,  aug- 
mentent de  0  litre  18  centilitres;  un  même  volume 
d'éther  dans  les  mêmes  conditions  augmente  de 
1  litre  5. 

Les  problèmes  auxquels  donne  lieu  la  dilatation 
des  liquides  se  résolvent  encore  comme  ceux  des 
solides  ;  ils  se  compliquent  seulement  de  la  dila- 
tation du  vase.  Mais  on  passe  du  volume  à  0°  au 
volume  à  t°  en  multipliant  le  premier  par  le  binôme 
de  dilatation  (qui  est  toujours  l'unité  plus  autant 
de  fois  le  coefficient  qu'il  y  a  de  degrés);  et  on 
revient  du  volume  V  au  volume  à  0°  en  divisant 
le  premier  par  le  binôme.  C'est  ce  qu'expriment 
les  deux  formules  suivantes  : 


/  =  V  (1  -f  d/)  et  V    =  - 

t  0  ^  '  1 


dt 


où  r/ représente  le  coefficient  du  liquide  considéré. 
1-/)  Correction  des  lectures  barométrique^'.  — 
La  hauteur  du  mercure  dans  le  baromètre  dépend 
de  la  pression  de  l'air  au  moment  de  l'observa- 
tion ;  mais  elle  dépend  aussi  un  peu  de  la  tempé- 
rature. Si  en  effet  la  température  est  élevée,  le 
mercure  dilaté  a  une  densité  moindre,  il  monte 
davantage  pour  la  même  pression  de  l'air;  si  la 
température  est  plus  basse,  le  mercure  contracte 
est  plus  lourd  et  s'élève  moins  pour  une  môme 
pression.  Ainsi,  à  égalité  de  pression  atmosphérique, 
la  colonne  mesurée  du  baromètre  peut  être  plus 
longue  ou  plus  courte  suivant  la  température.  Les 


DILATATION 


—  595 


DILATATION 


indications  barométriques  cesseraient  donc  d'être 
comparables  si  on  ne  les  corrigeait  pas.  Cette  cor- 
rection consiste  à  ramener  la  hauteur  observée  à 
la  hauteur  qu'on  aurait  trouvée  si  la  température 
eût  été  do  0°.  Elle  peut  être  faite  très  rapidement 
à  l'aide  d'une  table  à  double  entrée  dressée  pour 
cet  objet.  Le  calcul  qui  la  donne  est  d'ailler  ^ 
très  simple.  Ainsi,  soit  à  corriger  la  hauteur  'i'i'2 
lue  à  20°.  La  hauteur  à  0°  est  à  celle-là  dans  le 
rapport  inverse  des  densités  du  mercure»  à  0°  et 
à  'Ml";  mais  ces  densités  sont  elles-mêmes  en  rai- 
son inverse  des  volumes  occupés  par  le  mercure 
à  0°  et  à  20°;  et  ce  dernier  volume  est  égal  au 
premier  multiplié  par  le  binôme  de  dilatation  du 
liquide.  De  ces  considérations,  on  peut  déduire 


1 


Hauteur  à  0°  

Hauteur  à  20°         binôme  pour  20» 

H,,  1 


H^  „         l  +  6/  X  20 


d'où  l'on  tire  : 

H 

H    =  . — ; — t-^t;  ou 


772 


1  +  d  30         1  +  0,(10018  X  20 

H 

et  en  général  H 


1  -+-  (It 


b]  Maximum  de  densité  de  l'eau.  — L'eau,  com- 
parée aux  autres  liquides,  présente  une  anomalie 
remarquable:  tandis  que  tous  les  liquides  se  con- 
tractent constamment  et  diminuent  de  volume  à 
mesure  qu'on  les  refroidit,  l'eau  ne  se  contracte 
que  jusqu'à  4°;  refroidie  au-dessous  de  cette  tem- 
pérature elle  augmente  de  volume.  Cette  tempéra- 
ture de  4°  à  laquelle  l'eau  occupe  le  plus  petit 
volume  est  celle  du  maximum  de  densité  de  l'eau. 
Puisqu'un  poids  donné  d'eau  occupe  le  volume  le 
plus  petit,  il  en  résulte  que  le  litre  aura  à  ce  mo- 
ment le  plus  grand  poids,  que  la  densité  aura  sa 
plus  grande  valeur. 

Cette  propriété  remarquable  explique  pourquoi 
'.es  grandes  masses  d'eau  ne  se  congèlent  jamais 
qu'à  la  surface^  même  dans  les  hivers  les  plus  ri- 
goureux. La  surface  d'un  lac  ou  d'une  rivière  se 
refroidit  par  son  contact  avec  l'air  froid  ;  l'eau  y 
augmente  de  densité,  descend  au  fond  tandis  que 
l'eau  du  fond  moins  froide  remonte,  pour  se  re- 
froidir à  son  tour  et  redescendre;  il  s'établit  ainsi 
des  courants  ascendants  et  descendants  jusqu'à  ce 
que  toute  la  masse  ait  atteint  4°.  A  partir  de  ce 
moment,  la  surface  continue  à  se  refroidir  ;  mais 
comme  l'eau  est  moins  lourde  qu'à  4°,  elle  ne  des- 
cend plus,  les  courants  cessent,  et  l'eau  du  fond 
reste  à  4°  pendant  que  celle  d'en  haut  arrive  à  0° 
et  se  congèle.  Il  en  serait  autrement,  si  l'eau  se 
contractait  toujours  de  plus  en  plus  en  se  refroi- 
dissant ;  sa  densité  grandirait  jusqu'à  0°  ;  toute 
la  masse  arriverait  à  cette  température  et  se  con- 
gèlerait entièrement. 

"»°  Dilatation  des  gaz.  —  Les  gaz  augmentent 
plus  de  volume  que  les  liquides,  et  à  plus  forte  rai- 
son bien  plus  que  les  solides.  Il  n'y  a  lieu  de  re- 
chercher que  leur  dilatation  en  volume.  Les  pre- 
mières recherches  faites  sur  ce  sujet  sont  dues  à 
Gay-Lussac,  qui  était  arrivé  à  ces  lois  remarqua- 
bles: 1°  que  tous  les  gaz  avaient  le  même  coeffi- 
cient, égal  à  0,00375  ou  à  ^,  c'est-à-dire  qu'un 
litre  de  gaz  augmentait  de  0,00375  par  degré  ou 
de  0'"",375  pour  100°;  2^  que  pour  tous  les  gaz 
la  dilatation  ctaii  toujours  proportionnelle  à  la 
température.  Les  recherches  plus  récentes  de 
M.  Regnault  ont  fixé  le  coefficient  de  la  plupart  des 
gaz  à  0,00366  ou  j-*j  et  montré  que  ce  coefficient  j 


grandit  un  peu  quand  le  gaz  peut  être  facilement 
liquéfié. 

il  est  facile  de  montrer  expérimentalement  com- 
bien le  volume  des  gaz  grandit  vite  sous  l'action 
de  la  chaleur,  en  chauffant  légèrement  le  gaz  con- 
tenu dans  un  ballon  soudé  à  un  tube  en  S  conte- 
nant de  l'eau  dans  sa  coudure.  On  s'en  rend  éga- 
lement compte  par  le  calcul  en  cherchant  à  com- 
bien de  degrés  il  faut  chauffer  un  gaz  pour  doubler 
son  volume.  Si  l'on  prend  à  0°273  litres  de  gaz, 
puisque  le  coefficient,  c'est-à-dire  l'augmentation 
de  l'unité  de  volume  par  degré  est  ^,  on  voit  de 
suite  qu'il  suffira  de  chauft'er  à  273"'pour  obtenir 
une  augmentation  de  volume  de  273  litres  ou  bien 
un  volume  double  du  volume  primitif. 

Cette  rapide  variation,  qui  entraîne  forcément 
celle  du  poids,  oblige  à  noter  avec  soin  la  tempéra- 
ture à  laquelle  on  mesure  un  gaz  quand  on  v^nit 
en  trouver  le  poids.  On  comprend  parfaitement  que 
la  densité  d'un  gaz  chauffé  à  273°  ne  soit  que  moi- 
tié de  la  densité  à  0°  puisque  le  même  poids  y 
occupe  un  volume  double. 

Il  intervient  encore  un  autre  facteur  pour  mo- 
difier le  volume,  c'est  la  pression  qui  peut  grandir 
ou  diminuer,  comme  on  s'en  rend  compte  en 
chauffant  à  273°  un  litre  de  gaz  que  l'on  empêclie 
de  se  dilater,  en  le  tenant  dans  un  vase  fermé. 
S'il  était  libre,  le  gaz  occuperait  2  litres;  il  n'en 
occupe  qu'un,  sa  pression  est  donc  double  :  elle  a 
varié  comme  aurait  varié  le  volume.  V.  Elasticité 
des  gaz  et  Mariotte  (loi  de). 

La  connaissance  du  coefficient  de  dilatation  des 
gaz  peimet  de  résoudre  tous  les  problèmes  con- 
cernant leurs  variations  de  volume  par  la  chaleur. 
On  a  encore,  dans  ce  cas,  comme  pour  les  solides 
et  les  liquides,  les  deux  règles  suivantes  : 

1°  On  passe  du  volume  à  0°  au  volume  à 
t"  en  multipliant  le  premier  par  le  binôme  de 
dilatation. 

2°  On  revient  du  volume  à  t"  au  volume  à  0° 
en  divisant  le  premier  par  le  binôme. 

Ce  que  l'on  traduit  par  les  deux  formules  sui- 
vantes : 

V 

V  =V    (1  +  at)  et  V   =  ^— 

'        0  '■      '       ''  0         i  -i-  at 

où  a  désigne  le  coefficient  des  gaz  O,00oG!J  ou  .— r 

Lsi  densité*  des  gaz  est  donnée  pour  chacun  à  la 
température  0°  et  sous  la  pression  de  700°'°'.  Il 
en  résulte  que  pour  connaître  le  poids  d'un  vo- 
lume V  (soit  20  litres)  mesuré  à  f  (soit  50°)  sous  la 
pression  H  (soit  G40°""),  il  faut  d'abord  chercher 
ce  que  serait  le  volume  à  0°  et  sous  la  pression 
760""  pour  pouvoir  ensuite  multiplier  le  nombre 
de  litres  trouvés  par  le  poids  d'un  litre. 

Dans  l'exemple  numérique  précédent  on  au- 
rait : 

20 
Volume  à  0°  = 


1  +  0,0  me  X  50 


et  volume  à  0°  et  à  760-^°'  = 


20  X  640 


(l  +  0,003(.6x50)  7G0) 

En  généralisant,  appelant  p  le  poids  du  litre  et  P 
le  poids  cherché,  on  arrive  h  la  formule  suivante, 
utile  pour  tous  les  cas  : 

P=  ^"/^ 

(i  -\-  at,  760 

Appliquée  au  calcul  du  poids  d'un  mètre  cube  d'air 
chauffé  à  100°  sous  la  pression  57tjmiii,  elle  donne 
pour  ce  poids  : 


P  = 


lOOK  X   570  X   1,293 


,    „,.,,.,. — - — ,.'""  . — ■   ou  710  grammes. 

(I  -t-  O.OOoCc  X  lOO)  7U0  ^ 


DIRECTOIRE 


596 


DIRECTOIRE 


Dans  le  cas  de  la  vapeur  d'eau  à  la  pression  de 
20°"=  à  la  température  de  20°,  la  densité  étant  9 
par  rapport  à  l'hj'drogène  et  le  poids  du  litre  de 
ce  gaz  0,09,  on  aurait  pour  le  poids  du  mètre 
cube  : 


P  = 


1000  X  20  X  0,09  X  9 


-    =  19  grammes  8G. 


(1  +  0,00306  X  -0}  760 

On  trouve  encore  à  l'aide  de  la  même  formule 
quel  volume  à  f  sous  la  pression  H  occupe  un  gaz 
dont  on  connaît  le  poids;  il  suffit  de  mettre  ce 
poids  à  la  place  de  P  et  de  prendre  Y  comme  in- 
connue. 

Si  cette  méthode  rapide  paraît  trop  algébrique, 
on  emploie  alors  la  suivante  qui  conduit  au  même 
résultat.  Soit  à  chercher  guel  volume  occuperaient 
à  100°  sous  la  pression  ôTO^^iS  grammes  iCoxygène, 
le  poids  du  litre  de  ce  gaz  à  0°  et  à  760  étant 
H  437  : 

Le  volume  à  0°  sous  la  pression  760  serait  : 


1,437 

Le  volume  à  lOO*  sous  la  pression  760  serait 
48 


1,437 


X  (1  +  0,00366  X  100) 


Le  volume  à   100°  sous  la  pression  570  serait  : 
48  (1  +  0,00366  X  ino)  760 
1,437  X  Ô70 
ce  qui  amène  60  litres  80. 

Expériences  et  exercices.  —  Gonfler  à  demi  une 
vessie  d'air,  la  ceinturer  d'une  ficelle  qui  ne  la 
serre  presque  pas,  l'approcher  du  feu  et  constater 
qu'elle  grossit. 

Calculer  le  poids  d'un  litre  de  mercure  à  100°. 

Corriger  une  hauteur  barométrique  de  768""° 
lue  à  la  température  de  20°. 

Ramener  à  0°  et  à  la  pression  760°"°  10  litres 
d'un  gaz  mesurés  à  50°  et  sous  la  pression  680. 

Chercher  le  poids  de  15  mètres  cubes  d'air 
à  20°  sous  la  pression  770°"".         [Haraucourt . ] 

DILUVIEX  (Terrain).  —  V.  Alluviojis. 

DIRECTOIRE.  —  Histoire  de  France,  XXXII; 
Histoire  générale,  XV.  —  La  Constitution  dite  de 
l'an  III,  votée  en  1795  par  la  Convention  nationale 
en  remplacement  de  la  Constitution  de  1793  décla- 
rée Impraticable,  avait  remis  le  pouvoir  exécutif  à 
un  conseil  de  cinq  directeurs  ou  Dirtctoire,  et 
partagé  le  pouvoir  législatif  entre  deux  assem- 
blées, le  conseil  des  Cinq-Cents  et  le  conseil  des 
Anciens  (V.  Comtitutions).  Le  régime  du  Direc- 
toire dura  quatre  ans,  du  5  brumaire  an  IV  (27 
octobre  1795)  ;.u  18  brumaire  an  VIII  (9  novembre 
1799);  nous  allons  esquisser  brièvement  cette  pé- 
riode de  notre  histoire. 

Le  13  vendéminire .  Fin  de  la  Convention; 
installation  du  Directoire .  —  Immédiatement 
après  l'acceptation  de  la  Constitution  de  l'an  III 
par  le  vote  populaire,  et  avant  que  la  Convention 
nationale  eût  remis  ses  pouvoirs  au  gouvernement 
qui  devait  lui  succéder,  des  conspirateurs  roya- 
listes, d'accord  avec  le  comte  d'Artois  et  le  traître 
Picliegru,  avaient  tenté  un  mouvement  insurrec- 
tionnel h.  Paris  même  (13  vendémiaire  1795).  Cette 
révolte  fut  facilement  réprimée  ;  et  le  général 
Bonaparte,  que  les  commissaires  de  la  Convention 
avaient  chargé  de  la  direction  des  opérations  mili- 
taires contre  ies  insurgés^  se  vit  recommandé  par 
ce  triomphe  à  l'attention  et  à  la  bienveillance  du 
gouvernement  républicain.  Trois  semaines  plus 
tard,  la  Convention  se  séparait;  mais  les  deux  tiers 
de  ses  membres  siégeaient  dans  les  nouvelles  as- 
semblées législatives. 


Celles-ci  élurent,  pour  former  le  Directoire, 
Barras,  Carnot,  Letourneur,  Rewbell  et  Laréveil- 
lère-Lcpcaux,  qui  tous  cinq  étaient  des  ex-conven- 
tionnels ayant  voté  la  mort  de  Louis  XVI.  Ils  en- 
trèrent en  fonction  le  13  brumaire  an  IV  (4  nov. 
1795). 

i>iiuatioii  intérieure  en  Van  IV.  —  Le  nouveau 
gouvernement  avait  à  lutter,  d'une  part  contre  les 
royalistes,  qui,  ménagés  après  leur  défaite  de  ven- 
démiaire, n'en  étaient  devenus  que  plus  auda- 
cieux ;  d'autre  part,  contre  les  restes  du  parti  mon- 
tagnard ou  jacobin,  que  la  constitution  de  l'an  III  ne 
pouvait  satisfaire.  En  outre,  par  suite  de  la  dépré- 
ciation croissante  des  assignats,  tombés  au  cen- 
tième de  leur  valeur,  la  détresse  du  trésor  était  au 
comble. 

Le  comte  d'Artois,  conduisant  une  flotte  anglaise, 
s'était  approché  des  côtes  de  la  Vendée  ;  mais  il  s'é- 
loigna sans  avoir  osé  débarquer  (décembre  1795).  En 
trois  mois,  grâce  à  l'énergie  et  au  talent  de  Hoche, 
la  Vendée  fut  pacifiée;  les  derniers  des  chefs  ven- 
déens, Stofflet  et  Charette,  furent  pris  et  fusillés 
(février  et  mars  1796). 

Quant  aux  révolutionnaires,  ils  avaient  fondé  à 
Paris  la  société  du  Panthéon,  que  le  Directoire  fit 
fermer.  La  découverte  de  la  conspiration  dite  de 
Babeuf,  et  l'arrestation  des  principaux  conjurés 
(mai  1796),  acheva  la  ruine  du  parti  démocratique. 

Pour  faire  face  aux  pressants  besoins  de  la  fcitua- 
tion,  le  Directoire  dut  émettre  en  cinq  mois  28 
milliards  d'assignats,  qui  ne  représentaient  guère 
que  200  millions  effectifs.  On  ne  pouvait  continuer 
à  marcher  de  la  sorte.  La  planche  aux  assignats 
fut  brisée  (mars  1796),  et  une  nouvelle  valeur  fidu- 
ciaire, les  mandats  territoriaux,  remplaça  le  pa- 
pier-monnaie de  la  Révolution.  Mais  les  embarras 
financiers  du  gouvernement  n'en  continuèrent  pas 
moins. 

Situation  extérieure.  Campagnes  de  1796f?i/;'a- 
lie  et  en  Atlemngne.  —  Grâce  aux  victoires  de  la 
Convention,  la  France  n'avait  plus  à  combattre  que 
l'Angleterre,  l'Autriche,  le  Piémont  et  quelques 
petits  princes  d'Allemagne.  Pour  en  finir  avec  les 
ennemis  de  l'extérieur  et  les  contraindre  à  la  paix, 
le  Directoire  prit  une  offensive  hardie  :  Bonaparte 
reçut  l'ordre  de  chasser  les  Autrichiens  du  nord 
de  l'Italie,  pendant  nue  Jourdan  et  Moreau  devaient 
pénétrer  en  Allemagne. 

L'armée  d'Italie,  entrant  en  campagne  en  mars 
1790,  remporta  une  série  de  brillants  succès 
(V.  Napoléon  I").  Le  Piémont  demanda  tm  armis- 
tice. Milan  ouvrit  ses  portes,  les  princes  italiens 
achetèrent  la  paix,  et  Bonaparte  put  envoyer  au 
Directoire  30  millions  et  de  nombreux  chefs- 
d'œuvre  artistiques.  Le  général  autrichien  Wurm- 
ser,  battu  et  cerné,  fut  réduit  à  s'enfermer  dans 
la  citadelle  de  Mantoue  (septembre). 

Jourdan  et  Moreau  avaient  été  moins  heureux  ; 
après  s'être  avancés  jusqu'en  Bavière,  ils  durent 
battre  en  retraite  et  repasser  le  Rhin  (septembre 
et  octobre". 

Une  nouvelle  armée  autrichienne  descend  alors 
en  Itahe  (novembre).  Bonaparte  la  repousse  à  Ar- 
éole et  à  Rivoli,  reçoit  la  capitulation  de  Mantoue 
(février  1797),  défait  les  troupes  du  pape,  qui  s'é- 
tait allié  aux  Autrichiens,  et  lui  impose  le  traité 
de  Tolentino,  par  lequel  le  Saint-Siège  dut  céder 
les  Légations  et  la  Romagne. 

Tandis  que  Bonaparte  chassait  les  Autrichiens 
d'Italie,  le  Directoire  tenta  de  frapper  un  grand 
coup  contre  l'Angleterre.  Une  flotte  partie  de  Brest 
devait  conduire  en  Irlande  une  armée  comman- 
dée par  Hoche;  mais  une  tempête,  qui  dispersa  les 
vaisseaux  français,  fit  manquer  l'expédition  (dé- 
cembre 1796). 

Campagnes  de  1797.  —  L'Autriche  avait  perdu 
l'Italie,  mais  elle  ne  s'avouait  pas  encore  vaincue. 
Trois  armées,  celle  d'Itahc  sous  Bonaparte,  celle 


DIRECTOIRE 


—  597 


DIRECTOIRE 


du  Rhin  sous  Moreau,  celle  de  Sambre-et-Meuse 
sous  Hoche,  reçurent  l'ordre  de  marcher  sur 
Vienne.  Bonaparte  culbute  l'archiduc  Charles  qui 
essayait  de  défendre  les  passages  des  Alpes,  pénè- 
tre en  Carinlhie,  en  Styrie,  et  arrive  jusqu"à  Leo- 
ben,  à  vingt-cinq  lieues  de  Vienne.  Là  il  s'arrête, 
et  de  sa  propre  autorité  signe  des  préliminaires  de 
paix  (18  avril).  Cependant  Hoche  et  Moreau,  vic- 
torieux de  leur  côté,  s'avançaient  en  Allemagne  : 
la  nouvelle  de  l'armistice  de  Leoben,  que  le  Direc- 
toire ratifia  après  quelque  hésitation,  les  força  de 
s'arrêter  à  leur  tour. 

Bonaparte  organisa  alors  en  république  cisal- 
pine toute  la  haute  Italie,  moins  Gênes,  qui  forma 
la  république  ligurienne,  et  Venise,  que  le  général 
vainqueur  destinait  à  indemniser  l'Autriche. 

Affaires  intérieures.  Le  18  fnictidor.  Campo- 
Fo'mio.  —  La  République  triomphait  de  l'étran- 
ger, mais  elle  n'avait  jamais  couru  de  si  grands 
périls  à  l'intérieur.  En  effet,  presque  tout  ce 
qu'il  y  avait  d'énergique  dans  le  parti  républicain 
avait  péri  dans  les  luttes  intestines  de  la  Révolu- 
tion, ou  se  trouvait  aux  armées;  et  les  royalistes, 
restés  ou  rentrés  en  France,  y  avaient  le  champ 
libre  pour  leurs  intrigues  et  leurs  complots.  Dans 
beaucoup  de  départements,  ils  avaient  organisé 
une  véritable  terreur  contre  les  patriotes.  Ils  ob- 
tinrent ainsi  la  victoire  aux  élections  de  1797,  qui 
renonvelèrent  un  tiers  des  assemblées  législatives, 
et  ils  se  trouvèrent  alors  en  majorité  dans  les  Con- 
seils. Ils  portèrent  Pichegru  à  la  présidence  des 
Cinq-Cents,  et  remplacèrent  le  directeur  sortant, 
Letourneur,  par  le  royaliste  Barthélémy.  Leur 
plan  était  de  faire  proclamer  Louis  XVIII  par  les 
Conseils. 

Le  Directoire  voyait  le  péril,  et  n'avait  aucun 
moyen  légal  de  le  conjurer.  Les  armées,  pleines 
d'enthousiasme  républicain,  s'indignèrent  ;  celle 
d'Italie  vota  des  adresses  énergiques  contre  les 
royalistes  :  «  Tremblez,  traîtres  ;  de  l'Adige  à  la 
Seine  il  n'y  a  qu'un  pas,  et  le  prix  de  vos  iniquités 
est  au  bout  de  nos  baïonnettes.  »  Bonaparte  con- 
seilla au  Directoire  un  coup  d'Etat,  et  celui-ci  s'y 
résolut.  Un  détachement  de  l'armée  de  Hoche  fut 
appelé  à  Paris  :  les  élections  de  quarante-huit  dé- 
partements furent  annulées,  et  des  mesures  rigou- 
reuses furent  prises  contre  les  ennemis  de  la 
République  (18  fructidor  an  V,  4  sept.  1797).  Bar- 
thélémy et  Carnot,  expulsés  du  Directoire,  furent 
remplacés  par  Merlin  de  Douai  et  François  de 
\eufchateau. 

Quelques  jours  plus  tard,  le  décret  du  tiers 
consolidé  liquidait  la  situation  financière,  en  allé- 
geant le  budget  des  deux  tiers  de  la  dette  par  un 
remboursement  fictif  qui  équivalait  à  une  ban- 
queroute partielle.  ^V.  Dette  publique.) 

La  République  semblait  raffermie  ;  mais  elle  ve- 
nait de  perdre  Hoche  ;  et  la  popularité  de  Bona- 
parte, qui  grandissait  tous  les  jours,  lui  préparait 
de  nouveaux  dangers. 

Le  général  victorieux  négociait  en  ce  moment  en 
Italie  le  traité  de  paix  définitif  avec  l'Autriche.  Il 
fut  signé  à  Campo-Formio  (17  octobre).  L'Autri- 
che cédait  la  Belgique  et  le  Milanais,  et  recevait 
en  échange  Venise.  Un  congrès,  réuni  à  Rastadt, 
dut  régler  ce  qui  concernait  les  princes  d'Allema- 
gne. 

De  retour  à  Paris  en  décembre  1797,  Bonaparte 
y  reçut  un  accueil  triomphal  ;  mais  il  ne  jugea  pas 
le  moment  venu  encore  de  réaliser  les  ambitieux 
projets  qu'il  méditait  déjà.  Il  songea  donc  à  quel- 
que nouvelle  campagne  qui  continuât  à  grandir  le 
prestige  de  son  nom. 

Ré/iublique  romaine.  Réjmblique  helvétique. 
Le  22  floréal.  Erpéditiori  dÉ'gi/pte.  —  A  la  suite 
de  troubles  civils  à  Rome,  le  général  Duphot 
venait  d'être  assassiné  par  les  dragons  du  pape  ("28 
déc.  1797).  Aussitôt  le  Directoire  fit  occuper  Rome, 


et  le  parti  démocratique  y  proclama  la  République 
romaine,  qui  se  mit  sous  la  protection  de  la 
Fraiïce  (février  1798).  Le  pape  Pie  VI  fut  conduit 
à  Valence,  où  il  mourut  l'année  suivante. 

Presque  en  même  temps,  sur  l'appel  des  Vau- 
dois  opprimés  par  les  Bernois,  deux  armées  fran- 
çaises entrèrent  en  Suisse  et  s'emparèrent  de 
Berne  après  de  sanglants  combats  (mars  1798). 
L'ancienne  ligue  oligarchique  des  treize  cantons 
suisses  fut  remplacée  par  une  République  helvé- 
tique, dans  laquelle  les  pays  sujets,  émancipés  par 
la  France,  eurent  les  mêmes  droits  que  leurs  an- 
ciens maîtres. 

En  France,  cependant,  le  parti  démocratique 
avait  repris  des  forces  depuis  le  18  fructidor,  et 
faisait  une  opposition  assez  vive  au  Directoire. 
Aux  élections  de  1798  pour  le  renouvellement  d'un 
tiers  des  Conseils,  il  y  eut  lutte  entre  les  candi- 
dats démocrates  ou  patriotes,  et  les  candidats  di- 
rectoriaux:. Ce  furent  les  premiers  qui  l'empor- 
tèrent. Le  Directoire,  se  voyant  menacé,  renouvela 
le  coup  d'État  du  18  ''ructidor,  mais  cette  fois  en 
sens  inverse  :  il  annula  arbitrairement  toutes  les 
élections  de  députés  patriotes  (22  floréal  an  VII, 
11  mai  1798).  Cet  acte  acheva  de  lui  aliéner  le 
sentiment  populaire,  et  fut  pour  beaucoup  dans  sa 
chute. 

Treilhard  fut  élu  par  les  Conseils  ainsi  mutilés, 
en  remplacement  de  François  de  Neufchâteau,  di- 
recteur sortant. 

Huit  jours  après  le  coup  d'État  du  22  floréal, 
Bonaparte  s'embarquait  pour  l'Egypte  avec  36000 
hommes.  Le  Directoire  avait  d'abord  songé  à  lui 
donner  le  commandement  d'une  armée  destinée  à 
une  descente  en  Angleterre  :  l'occasion  paraissait 
favorable,  car  une  révolte  avait  éclaté  en  Irlande: 
mais  Bonaparte  refusa.  11  rêvait  d'une  expédition 
lointaine,  qui  fît  de  lui  un  héros  légendaire.  En 
conséquence,  il  proposa  de  tenter  la  conquête 
de  l'Egypte,  et  le  Directoire  finit  par  adopter  son 
plan. 

L'expédition  d'Egypte  ne  se  rattachant  qu'indi- 
rectement au  sujet  de  cet  article,  nous  renvoyons 
pour  les  détails  au  mot  Napoléon  I". 

Deuxième  coalition.  République  parthéno- 
péenne.  Revers  en  Allemagne  et  en  Italie.  — 
L'Europe  monarchique  voyait  avec  colère  la  France 
créer  autour  d'elle  une  ceinture  de  républiques 
alliées.  L'Autriche  d'ailleurs  avait  ses  défaites  à 
venger,  et  l'Angleterre  craignait  les  résultats  de 
l'expédition  d'Egypte.  La  coalition  se  reforma,  et 
cette  fois  la  Rus-ie  promit  son  concours  effectif. 
Pour  tenir  tête  aux  adversaires  qui  menaçaient  la 
France,  les  Conseils  votèrent  alors  la  loi  de  la 
conscription  (8  septembre  i79S). 

Ce  fut  le  roi  de  Naples  qui  commença  la  guerre 
en  attaquant  la  République  romaine.  Mais  ses 
troupes  furent  battues,  et  en  janvier  1799  Cham- 
pionnet  entrait  victorieux  à  Naples  et  y  constituait 
la  République  parthénopéenne. 

Les  Autrichiens  et  les  Russes  entrèrent  alors  en 
ligne.  Jourdan  fut  vaincu  en  Allemagne  et  dut  se 
replier  sur  le  Rhin  (mars  1799).  En  Italie,  les  Fran- 
çais reculèrent  devant  les  Autrichiens  renforcés  des 
Russes  de  Souvaroff,  et  évacuèrent  Milan.  Par 
une  indigne  violation  du  droit  des  gens,  les  plé- 
nipotentiaires français,  qui  se  trouvaient  encore  au 
congrès  de  Rastadt,  y  furent  assassinés  (avril).  La 
situation  devenait  critique.  Seul  Masséna,  en 
Suisse,  tenait  tête  à  l'ennemi  et  gardait  les  che- 
mins de  la  France. 

Coup  d'Etat  du  30  prairial.  Agitation  inté- 
rieure. Ascejulnnt  de  Sicj/ès.  —  Cependant  les 
élections  annuelles  venaient  de  renouveler  un  tiers 
des  Conseils.  Rewbell,  directeur  sortant,  fut  rem- 
placé par  Sieyès  (10  mai  1799).  Avec  ce  dernier, 
un  élément  de  dissolution  entre  dans  le  Directoire. 
Sieyès    voulait   substituer   à    la   Constitution    de 


DIRECTOIRE 


—  598  — 


DISCOURS 


Tan  III  une  forme  de  gouvernement  laissant  en- 
core moins  de  place  à  l'initiative  populaire ,  et 
concentrant  l'autorité  aux  mains  d'un  seul. De  leur 
côté,  les  patriotes  accusaient  l'incapacité  des  di- 
recteurs. Treilhard,  dont  l'élection  était  entachée 
d'un  vice  de  forme,  fut  sacrifié  et  remplacé  par  le 
républicain  Gohier.  Puis  Laréveillère  et  Merlin 
lurent  forcés  de  se  démettre  (30  prairial  an  VII, 
18  juin  1799);  on  les  remplaça  par  Roger-Ducos 
et  Moulins. 

Un  moment,  sous  la  pression  des  dangers  exté- 
rieurs et  intérieurs  (la  Vendée  s'était  de  nouveau 
soulevée),  il  sembla  que  l'exaltation  patriotique  de 
1793  allait  renaître.  Les  patriotes  rossuscitèrent 
le  club  des  Jacobins  sous  le  nom  de  Société  du 
Manège,  et  réclamèrent  des  mesures  énergiques. 
Les  Conseils  votèrent  la  loi  des  otages  (12  juillet 
1799).  Mais  la  majorité  du  Directoire,  dominée  par 
Sieyès,  et  appuyée  sur  le  Conseil  des  Anciens, 
réagit  contre  l'esprit  révolutionnaire;  bientôt  la 
Société  du  Manège  fut  dissoute  et  les  journaux  pa- 
triotes suspendus. 

Nouveaux  triomphes  des  armées  républicaines. 
—  Le  Directoire  venait  de  placer  à  la  tête  de 
l'armée  dltalie  le  jeune  généralJoubert,  sur  lequel 
Sieyès  fondait  de  grandes  espérances  :  mais  il  fut 
battu  et  tué  à  Novi  (15  août  1799).  Un  mois  aupa- 
ravant, Naples  avait  dû  capituler.  L'Italie  tout 
entière,  sauf  Gênes,  était  retombée  aux  mains  de 
la  coalition. 

Souvarofif  vainqueur  franchit  alors  les  Alpes  au 
Saint-Gothard,  pour  aller  rejoindre  en  Suisse  les 
Autrichiens  et  une  autre  armée  russe  sous  Korsa- 
koff,  et  accabler  Masséna.  En  même  temps  une 
armée  anglo-russe  débarquait  en  Hollande.  Il 
semblait  que  la  France  ne  pût  échapper  à  l'inva- 
sion, lorsque  soudain  tout  changea  de  face.  Les 
Anglo-Russes  furent  battus  à  Bergen  par  Brune 
(19  septembre),  et  forcés  de  se  rembarquer;  et 
presque  en  même  temps,  Masséna  remportait  sur 
Korsakoff  l'immortelle  victoire  de  Zurich  (25  sep- 
tembre), qui  sauva  la  France.  Souvaroff,  qui 
n'avait  pu  opérer  sa  jonction  avec  Korsakoff,  fut 
rejeté  derrière  les  Alpes  après  plusieurs  jours 
de  combats  terribles,  et  se  retira  en  Bavière. 

ie  18  brumaire.  Fin  du  Directoire.  —  Bonaparte 
avait  quitté  l'Egypte  en  apprenant  les  revers  de  la 
France.  Lorsqu'il  débarqua  à  Fréjus  (9  octobre), 
la  coalition  était  repoussée.  Mais  à  Tintérieur,  les 
dissensions  des  partis  offraient  à  l'ambitieux  gé- 
néral l'occasion  désirée  pour  s'emparer  du  pouvoir. 
S'alliant  avec  Sieyès,  qui  pensait  faire  de  lui  un 
simple  instrument  de  ses  propres  projets,  il  ré- 
solut de  changer  la  constitution  par  un  coup  de 
force.  Barras  et  Roger-Ducos,  ainsi  que  la  majorité 
du  conseil  des  Anciens,  entrèrent  dans  le  complot. 
Les  journées  des  18  et  19  brumaire  an  VIII  (9  et 
10  novembre  1799)  mirent  fin  au  régime  du  Direc- 
toire. (V.  Consulat  et  Napoléon  I".) 

Ce  gouvernement  avait  rendu  sa  chute  inévitable 
par  ses  fautes  et  sa  mauvaise  administration.  Tou- 
tefois, la  réussite  du  18  brumaire  tint  à  des  causes 
plus  profondes  que  les  actes  personnels  des  mem- 
bres du  Directoire,  dont  quelques-uns,  d'ailleurs, 
furent  des  républicains  intègres  et  sincères.  Les 
classes  auxquelles  la  Révolution  venait  de  donner 
le  pouvoir,  enrichies  des  dépouilles  des  anciens 
privilégiés,  et  peu  soucieuses  des  libertés  démo- 
cratiques, ne  songeaient  plus  qu'à  leurs  intérêts 
matériels  :  c'est  à  leur  égoîsme  et  à  leur  incapacité 
politique,  bien  plus  qu'aux défautsde  la  constitution 
ou  à  la  médiocrité  des  gouvernants,  qu'il  faut 
attribuer  la  fâcheuse  issue  de  cette  première  ten- 
tative d'organisation  républicaine  en  France. 

Reconnaissons,  en  outre,  que  si  l'époque  du 
Directoire  offre  trop  souvent,  à  1  intérieur,  un 
triste  spectacle  de  corruption  et  de  désordre,  ja- 
mais la  France  ne   fut  plus  grande  à  l'extérieur 


que  dans  ces  années  mémorables  où  l'esprit  ré- 
publicain animait  encore  ses  armées,  et  où  ses 
victoires  n'avaient  pour  but  que  la  dcf.mse  de  son 
territoire  ou  l'affranchissement  des  peuples.  Le 
mouvement  intellectuel,  durant  cette  période,  mé- 
rite aussi  d'être  signalé  :  h's  sciences  mathémati- 
ques, physiques  et  naturelles  étaient  représentées 
à  l'Institut  par  Lagrange ,  Laplace ,  Berthollet , 
Monge,  Fourcroy,  Jussieu,  Lamarck,  Daubenton, 
Cuvier,  etc.;  la  peinture,  la  sculpture,  la  musique, 
par  David,  Houdon,  Méhul,  Grétry.  Les  écrivains 
de  la  Décù'ie  pniloiOphigue,  Daunou,  Dupuis,  Ca- 
banis, Destutt  de  Tracy,  Ginguené,  etc.,  conti- 
nuaient avec  talent  la  tradition  des  Encyclopédis- 
tes, tandis  que  la  poésie  et  la  littérature  d'imagi- 
nation offraient  des  noms  comme  ceux  de  M.-J. 
Cliénier,  Lebrun,  N.Lemercier,  Bernardin  de  Saint- 
Pierre,  M°"  de  Staël.  Ce  mouvement,  plein  de 
brillantes  promesses,  fut  brusquement  interrompu  : 
avec  la  perte  de  la  liberté  et  l'avènement  du  régime 
militaire  commença  la  décadence  littéraire  et 
scientifique  qui  allait  caractériser  l'empire. 

DISCOURS.  —  Littérature  et  style,  IV  et  X.  — 
Bien  que  nous  ne  songions  aucunement  à  faire 
revivre  dans  les  écoles  normales  les  anciens  cours 
de  rhétorique  des  collèges,  il  peut  être  utile  de 
familiariser  les  élèves-maîtres  avec  quelques-unes 
des  idées  les  plus  simples  et  des  expressions  les 
plus  usitées  en  ce  qui  concerne  l'art  oratoire. 

Le  discours  est  un  morceau  oratoire,  c'est-à-dire 
une  suite  de  phrases  destinées  à  être  dites  et  non 
lues,  et  qui  doivent  être  enchaînées  avec  art,  de 
manière  à  convaincre  un  auditoire. 

Quelque  différents  que  puissent  être  les  sujets 
traités,  il  y  a  cependant  des  règles  naturelles  à 
observer  :  on  ne  peut  dire  tout  à  la  fois,  ni  laisser 
les  idées  venir  pêle-mêle,  au  hasard  ;  l'homme  le 
plus  inculte,  l'enfant  même,  quand  il  veut  persua- 
der, sait  bien  qu'il  y  a,  comme  on  dit  vulgairement, 
une  manière  de  s'y  prendre,  une  certaine  habileté 
à  déployer  soit  pour  bien  commencer,  soit  pour 
bien  continuer,  soit  pour  bien  finir. 

Ces  règles  de  l'art  de  persuader,  règles  devinées, 
pressenties  par  quiconque  parle  avec  une  certaine 
conviction  et  avec  un  vif  désir  de  succès,  l'ancienne 
rhétorique  les  avait  quelque  peu  lourdement 
classées  et  étiquetées  :  résumons  seulement  celles 
qui  font  partie  de  l'instruction  élémentaire  et  dont 
chacun  aura  dans  la  vie  mille  occasions  de  faire 
un  utile  emploi. 

Un  discours  se  compose  ordinairement  de 
six  parties;  voici  les  noms  que  la  rhétorique  leur 
donne  : 

1°  L'exorde  ou  le  début.  —  L'orateur  débute  : 
suivant  qu'il  parle  devant  une  grande  assemblée 
ou  devant  un  petit  nombre  de  personnes,  suivant 
qu'il  est  ému,  inquiet,  embarrassé,  ou  au  contraire 
transporté  par  la  passion,  sûr  de  son  droit,  impa- 
tient de  le  faire  triompher,  le  ton  différera.  De  là 
l'exorde  par  insitiuatton,  début  timide,  modeste, 
qui  semble  fait  pour  donner  le  temps  à  l'orateur 
de  se  rassurer,  et  qui  en  môme  temps  doit  servir  à 
lui  concilier  la  faveur,  la  bienveillance,  l'indul- 
gence même  de  l'auditoire;  ou  bien  l'exorde  ex 
abrupto,  par  lequel  il  entre  en  matière  avec  une 
sorte  de  violence  impétueuse,  sans  préparation  et 
sans  précautions  oratoires. 

2°  La  propositio7i  ou  l'exposé  de  la  thèse.  —  11 
faut  qu'on  sache  bien,  dès  le  début,  ce  que  vous 
voulez  démontrer,  afin  de  ne  plus  le  perdre  de  vue 
dans  le  cours  des  démonstrations  qui  vont  suivre. 
C'est  pourquoi,  dans  une  ou  deux  phrases  nettes, 
précises,  lumineuses,  vous  exposez  votre  thèse, 
vous  indiquez  le  plan  que  vous  allez  suivre, 
vous  appelez  fortement  l'attention  sur  l'idée 
principale  dont  tout  le  discours  sera  le  développe- 
ment. 

^0  La  narration  ouïe  récit  .'es  faits.  —  Dans  un 


DISCOURS 


—  399  — 


LIVISEUaS 


discours,  il  y  a  généralement  une  question  de  fait 
à  cclaircir  d'abord;  l'auditeur  ne  s'intéressera  à 
vos  prétentions,  ne  les  comprendra  même,  que 
quand  vous  lui  aurez  raconté  les  faits  en  les  lui 
présentant  habilement  sous  le  jour  que  vous  croyez 
Otre  le  vrai.  Cette  narration  oratoire  ne  ressemble 
pas  à  la  narration  liistorique  ou  à  la  simple  rela- 
tion des  événements;  celle-ci  peut  être  froide, 
impartiale,  neutre,  et  laisser  l'esprit  indifférent  ou 
hésitant;  l'autre  est  nécessairement  colorée,  vive, 
courte,  passionnée,  faite  surtout  pour  servir  la 
cause  qu'on  soutient  :  en  admettant  même  qu'elle 
reste  dans  le  vrai,  elle  insiste  natu-elloment  sur 
les  côtés  les  plus  avantageux  à  l'intérêt  de  celui 
qui  parle. 

4°  La  confirmation,  la  preuve  ou  le  corps  d'/iriju- 
mentation.  —  La  cause  eiposée,  les  faits  racontés, 
il  faut  en  faire  sortir  les  conséquences  logiques  : 
le  moment  est  venu  de  faire  appel  à  toutes  les 
ressources  d'un  raisonnement  serré,  vigoureux, 
qui  s'impose  à  l'auditeur  et  se  grave  malgré  lui 
dans  son  esprit.  Quelquefois,  le  plus  souvent 
même,  ce  n'est  pas  une  seule  preuve  qu'on  in- 
voque, on  en  a  de  plusieurs  degrés  :  on  commence 
par  les  plus  faibles,  et  graduellement  on  y  en 
ajoute  d'autres  qui  soient  de  nature  à  amener 
l'évidence  complète  et  irrésistible. 

5°  La  réfutation  ou  réponse  aux  objections.  — 
Quand  l'auditeur  est  bien  convaincu  par  vos  dé- 
monstrations, bien  gagné  à  votre  cause,  bien 
d'accord  avec  vous,  il  n'y  a  plus  d'inconvénients  à 
lui  signaler,  pour  les  mettre  en  pièces,,  les  argu- 
ments de  votre  adversaire,  les  objections  qu'il 
vous  oppose  ou  va  vous  opposer.  L'art  de  l'orateur 
est  d'atténuer  autant  que  possible  les  raisons  de 
la  partie  adverse,  de  résoudre  les  sopliismes,  les 
paralogismes  (faux  raisonnements),  de  dissiper 
toute  confusion,  tout  malentendu,  de  rétorquer  les 
arguments  spécieux  et  superficiels,  qui  ne  résistent 
pas  à  un  examen  approfondi.  C'est  ici  que  l'orateur 
peut  être  le  plus  vif  à  l'attaque  et  avoir  les  plus 
beaux  mouvements  oratoires  :  tantôt  l'ironie,  tantôt 
l'indignation,  lui  servent  d'arme  vengeresse  pour 
confondre  l'erreur  et  faire  triompher  la  justice. 

6°  La  péroraison  ou  fin  du  discours.  —  L'orateur 
a  fini  la  discussion  des  faits  et  des  idées,  il  a  fait 
la  lumière  dans  les  esprits,  il  se  recueille  mainte- 
nant et  s'efforce  de  laisser  en  quelques  graves  et 
éloquentes  paroles  la  trace  de  son  passage;  ému 
lui-même  en  se  sentant  arrivé  au  terme  de  sa 
tâche  et  au  moment  décisif,  il  communique  à  son 
auditoire  les  sentiments  dont  il  est  plein.  A  ce  mo- 
ment seulement,  sa  tâche  achevée,  il  semble  faire 
un  retour  sur  lui-même,  et  termine  par  quelques 
mots,  soit  de  modestie,  soit  de  confiance,  qui  com- 
plètent ce  qu'avait  commencé  l'exorde,  qui  doivent 
provoquer  dans  l'auditoire,  outre  la  persuasion,  un 
sentiment  de  sympathie,  d'estime  et  de  respect 
pour  l'orateur  qu'on  vient  d'entendre. 

Différents  genres  de  discours.  —  Cette  esquisse 
générale  et  théorique  de  la  structure  d'un  discours 
s'applique  aux  différents  genres  oratoires.  On  peut 
distinguer  :  le  discours  politique  (éloquence  de  la 
tribune),  le  discours  académique  (éloquence  acadé- 
mique), le  plaidoyer  (éloquence  du  barreau),  le 
discours  tumulaire  ou  oraison  funèbre  (éloquence 
funèbre),  le  sermon  ou  l'homélie  (éloquence  de  la 
chaire),  la  conférence  (éloquence  familière),  les 
harangues  ou  proclamations  militaires  (éloquence 
militaire]. 

On  a  donné  le  nom  de  (Hscours  à  certains  ou- 
vrages qui  ne  sont  pas  même  pour  la  forme  des 
œuvres  oratoires  :  c'est  dans  le  sens  étymologique 
ancien  du  mot  discours,  qui  signifiait  ensemble  de 
raisonnements,  de  déductions,  de  réflexions,  comme 
dans  la  fameuse  strophe  de  Malherbe  : 

Ta  douleur,  Du  Perler,  sera  donc  éternelle. 
Et  les  tristes  discours 


Que  te  met  en  l'esprit  l'amitié  paternelle 
L'augmenteront  toujours  ! 

C'est  en  cette  acception  que  s'est  pris  le  mot 
discours  dans  les  titres  suivants  :  Discours  sur  la 
méthode,  de  Dcscartes^  Discours  sur  C histoire  uni- 
verselle, de  Bossuet,  etc. 

DISPOSITION.  —  V.  Composition. 

DISTILLATION.  —  V.  Elnillition. 

DIVISEURS.  —  Arithmétique,  XI,  XIII.  —  1.  On 
nomme  diviseur  d'un  nombre  tout  nombre  qui  le 
divise  exactement,  c'est-à-dire  sans  reste.  Ainsi  7 
est  un  diviseur  de  35,  parce  que,  si  l'on  divise  35 
par  7,  on  obtient  un  quotient  exact,  5.  Par  une 
raison  analogue,  13  est  un  diviseur  de  78,  etc.  Tout 
nombre  admet  au  moins  deux  diviseurs,  car  il  est 
divisible  par  lui-môme  et  par  l'unité:  ainsi  37  di- 
visé par  37  donne  pour  quotient  exact  1,  et  37 
divisé  par  I  donne  pour  quotient  exact  37.  Il  y  a 
des  nombres  qui  admettent  un  grand  nombre  de 
diviseurs  ;  ainsi  on  peut  vérifier  que  60  est  divi- 
sible par  1,  2,  3,  4,  5,  6,  10,  1'-',  15,  20,  -30,  60.  Un 
même  nombre  peut  être  à  la  fois  diviseur  de  plu- 
sieurs autres  ;  ainsi  13  est  un  diviseur  de  52,  de  78, 
de  91,  etc.  On  dit  alors  que  c'est  un  diviseur  com- 
mun à  ces  nombres. 

2.  —  Tout  nombre  qui  en  divise  deux  aidi-es 
divise  leur  somme.  Sachant,  par  exemple,  que  13 
divise  52  et  78,  on  en  conclut  qu'il  divise  la  somme 
de  52  et  de  7k,  c'est-à-dire  130.  Dire,  en  effet,  que 
52  est  divisible  par  13,  c'est  dire  qu'il  se  compose 
d'un  nombre  exact  de  fois  13  ;  il  en  est  de  même 
pour  78  ;  or  si  à  un  nombre  exact  de  fois  13  on 
ajoute  un  nombre  exact  de  fois  13,  la  somme  se 
composera  évidemment  d'un  nombre  exact  de 
fois  13,  c'est-à-dire  qu'elle  sera  divisible  par  13. 
Le  même  raisonnement  montrerait  que  tout  nom- 
bre qui  en  divise  plusieurs  aidres  divise  leur 
somme.  Ainsi  7  divisant  les  nombres  35,  63,  84, 
105,  divise  leur  somme  287. 

3.  —  Tout  nombre  qui  en  divise  un  autre  divise 
ses  multiples.  Ainsi  8  divisant  24  divisera  tous  les 
multiples  de  24,  par  exemple  5  fois  24,  ou  U'O. 
Car  120  est  la  somme  de  5  nombres  divisibles  par  8, 
il  est  donc  lui-même  divisible  par  8,  d'après  ce  qui 
a  été  dit  ci-dessus. 

4.  —  Toid  nombre  qui  en  divise  deux  aidres 
divise  leur  différeiice.  Sachant,  par  exemple,  que 
13  divise  91  et  52,  on  en  conclu^'a  qu'il  divise  leur 
différence  ;i9;  car  si  de  91  qui  se  compose  d'un 
nombre  exact  de  fois  13,  on  retranche  52,  qui  se 
compose  aussi  d'un  nombre  exact  de  fois  13,  on 
obtiendra  pour  reste  un  nombre  exact  de  fois  13, 
c'est-à-dire  un  nombre  divisible  par  13. 

On  en  conclut  que  tout  nombre  qui  divise  une 
somme  de  deux  parties  et  l'une  d'elles,  divise  né- 
cessairement l'autre,  qui  est  la  différence  entre 
la  somme  des  deux  parties  et  l'une  d'elles. 

5.  Caractères  de  divisibilité.  —  Il  arrive  quel- 
quefois qu'on  peut  reconnaître  à  certains  carac- 
tères qu'un  nombre  est  divisible  par  un  autre  ;  ces 
caractères  de  divisibilité  trouvent  leur  application 
dans  les  calculs. 

Un  nombre  est  divisible  par  2  quand  le  dernier 
chiffre  à  droite  est  0  ou  u/c  det  chiffres  pairs  2,  4, 
6,  8.  En  effet,  tout  nombre  peut  être  considéré 
comme  partagé  en  dizaines  et  en  unités  ;  or,  10 
étant  divisible  par  2,  tout  nombre  de  dizaines,  qui 
est  un  multiple  de  10,  est  aussi  divisible  par  2. 
Pour  que  le  nombre  total  soit  lui-même  divisible 
par  2,  il  faut  donc,  et  il  suffit,  que  le  chiffre  des 
unités  soit  0,  ou  un  chiffre  divisible  par  2.  Ainsi 
24,  36,  78,  382,  490  sont  des  nombres  divisibles 
par  2. 

Un  nombre  terminé  par  l'un  des  chiffres  impairs 
1,  3,  5,  7,  9  n'est  point  divisible  par  2,  et,  en  fai- 
sant la  division,  on  obtiendrait  pour  reste  1. 

6.  —  Un  nombre  est  divisible  par  5  quand  le 
chiffre  de  ses  unités  est  un  0  ou  un  5.  Tout  nom- 


DIVISEURS 


—  600  — 


DIVISEURS 


bre  peut  être  considéré  comme  composé  de  di- 
zaines et  d'unités  ;  or,  10  étant  divisible  par  5,  les 
dizaines,  qui  sont  un  multiple  de  10,  sont  divisibles 
par  5.  Pour  que  le  nombre  total  soit  divisible 
par  5  il  faut  donc,  et  il  suffit,  que  le  cbiffrc  des 
unités  soit  divisible  par  5,  ce  qui  exige  que  ce 
chiffre  soit  0  ou  5.  Ainsi  35,  60,  75,  90,  105,  etc., 
sont  des  nombres  divisibles  par  5. 

7.  —  On  peut  remarquer  que  si  l'on  divise 
par  2  ou  par  5  un  nombre  quelconque,  et  que  la 
division  ne  se  fasse  pas  exactement,  on  obtient  le 
môme  reste  qu'en  divisant  par  'i  ou  par  5  le  chiffre 
des  unités.  Car  les  dizaines  étant  un  multiple 
de  2  et  de  5,  le  reste  de  la  division  ne  peut  pro- 
venir que  du  chiffre  des  unités. 

8.  —  Un  hombre  est  divisible  par  4  quand  le 
nombre  formé  par  ses  deux  derniers  chiffres  à  droite 
est  divisible  par  4.  En  effet,  tout  nombre  peut  être 
considéré  comme  composé  de  centaines  et  d'un 
nombre  moindre  que  100.  Or  100  étant  un  mul- 
tiple de  4,  les  centaines,  qui  sont  un  multiple 
de  100,  forment  un  nombre  divisible  par  4.  Pour 
que  le  nombre  total  soit  divisible  par  4,  il  suffit 
donc  que  le  nombre  formé  par  les  deux  derniers 
chiffres  à  droite  soit  divisible  par  4.  Ainsi  les  nom- 
bres 528,  2  940,  15  684,  23  796,  etc.,  sont  divisibles 
par  4,  parce  que  28,  40,  84,  96,  etc.,  sont  des  mul- 
tiples de  4. 

9.  —  Tout  nombre  est  divisible  par  25  quand  le 
nombre  formé  par  ses  deux  derniers  chiffres  à 
droite  est  divisible  par  25.  Même  démonstration 
qu'au  n"  8.  Les  nombres  divisibles  par  25  sont  donc 
ceux  qui  se  terminent  à  droite  par  00,25,  50  ou  75. 
Ainsi  les  nombres  1  800,  725,  4  750,  16  375,  etc., 
sont  divisibles  par  25. 

10.  —  On  peut  remarquer  que  si  l'on  divise  un 
nombre  par  4  ou  par  25,  et  que  la  division  ne  se 
fasse  pas  exactement,  on  obtient  le  même  reste 
qu'en  divisant  par  4  ou  par  25  le  nombre  formé  par 
les  deux  derniers  chiffres  à  droite.  Car  les  cen- 
taines étant  un  multiple  de  4  et  de  25,  le  reste  ne 
peut  provenir  que  de  la  division  dunombre  formé 
par  les  chiffres  des  dizaines  et  dos  unités. 

11.  —  Toid  nombre  est  divisible  par  9  quand 
la  somme  de  ses  chiffres,  pris  en  valeur  absolue, 
est  divisible  jiar  0.  Remarquons  d'abord  que  tout 
nombre  formé  de  l'unité  suivie  d'un  nombre  quel- 
conque de  zéros  est  un  multiple  de  9,  augmenté 
de  l'unité.  Ainsi  10  000  est  égal  à  9990,  qui  est 
un  multiple  de  9,  plus  1.  En  second  lieu,  tout 
nombre  formé  d'un  chiffre  significatif  suivi  d'un 
nombre  quelconque  de  zéros,  est  égal  à  un  mul- 
tiple de  9,  augmenté  de  ce  chiffre  significatif. 
Ainsi  70  0;.'0.  ou  7  fois  10  000,  équivaut  à  7  fois 
9  SJU9,  c'est  à-dire  à  un  multiple  de  9,  plus  7  fois  l, 
ou  7.  Soit  maintenant  un  nombre  quelconque 
78  345;  on  pourra  le  décomposer  de  la  manière 
suivante  : 

70000,  qui  est  un  multiple  de  9,  plus  7 

8000,  —  9,    —    S 

300,  —  9,-3 

40,  —  9,-4 

5,  qui  est  égal  h,  zéro,  —    5 

En  faisant  la  somme,  on  voit  donc  que  le  nom- 
bre proposé  78  435  se  compose  d'une  somme  de 
multiples  de  9,  qui  est  un  multiple  de  9,  plus  la 
somme 

7  +  8-1-3-1-44-5 

qui  est  la  somme  de  ses  chiffres  pris  en  valeur 
absolue.  Pour  que  le  nombre  donné  soit  divisible 
par  9,  il  faut  donc,  et  il  suffit,  que  la  somme  de 
ses  chiffres  soit  elle-même  divisible  par  9.  —  C'est 
ce  (ini  a  lieu  dans  cet  exemple,  puisque  la  somme 
des  chiffres  est  27  qui  est  un  multiple  de  9. 
On  peut  remarquer  qu'en  faisant  la  somme  des 


chiffres  on  peat  passer  les  9,  et  môme  les  couples 
de  chiffres  dont  la  somme  fait  9. 

12.  —  Tout  nombre  est  divisible  par  3  quand  la 
somme  de  ses  chiffres,  prl's  en  valeur  absolue,  est 
divisible  par  3.  Car  tout  nombre  étant  égal  à  un 
multiple  de  9,  qui  est  en  même  temps  un  multiple 
de  3,  augmente  de  la  somme  de  ses  chiffres,  il  suffit, 
pour  qu'il  soit  divisible  par  3.  que  la  somme  de  ses 
chiffres  soit  un  multiple  de  3.  Ainsi  le  nombre 
19  687  est  divisible  par  3  ;  car  si  l'on  fait  la  somme 
de  ses  chiffres  en  passant  le  chiffre  9  et  le  couple 
de  chiffres  1  et  8,  qui  font  9,  «n  trouve  12  qui  est 
un  multiple  de  3. 

13.  —  Si  l'on  divise  un  nombre  par  9  ou  par  3, 
et  que  la  division  ne  se  fasse  pas  exactement,  on 
obtient  le  même  reste  qu'en  divisant  par  9  ou  par  3 
la  somme  des  chiffres  de  ce  nombre.  Car  le  nom- 
bre donné  se  composant  d'un  multiple  de  9  plus  la 
somme  de  ses  chiffres,  le  reste,  s'il  y  en  a  un,  ne 
peut  provenir  que  de  la  division  de  la  somme  des 
chiffres.  Ainsi  1578  472  divisé  par  9  donnerait  pour 
reste  7,  car  la  somme  de  ses  chiffres  est  un  mul- 
tiple de  9  augmenté  de  7.  Le  même  nombre,  di- 
visé par  3,  donnerait  pour  reste  1,  qui  est  le  reste 
de  la  division  de  7  par  3. 

14.  es.  —  Tout  7iombre  est  divisible  par  11 
quand  la  différence  entre  la  somme  de  ses  chiffres 
de  rang  impair  et  la  somme  de  ses  chiffres  de 
ranq  pair  est  nulle  ou  égale  à  un  multiple  de  11. 

On  remarque  d'abord  que  l'on  a  : 

10  =  11  —  1, 

d'où     10X10=(11  —  l)Xl0  =  m.ll  — 10 

ou  100  =  ?w.ll  — m-l  =  m.lH-l 

(en  désignant  par  m.  11  un  multiple  quelconque 
de  11). 
Multiplions  par  10,  nous  aurons  : 

100X10=(w.)l-hl)X10  =  ?».H-f  10=w.ll  — 1 

ou  1000  =  »i.ll— 1. 

Multiplions  encore  par  10,  il  viendra  : 

1000xlO=(w.ll— l)X10=>n.ll— lC=m.ll— 11-fl 

ou  10000  =  »i. 11-1-1. 

En  continuant  ainsi  on  reconnaît  que  l'unité 
suivie  d'un  nombre  impair  de  zéros  équivaut 
à  un  multiple  de  1 1  diminué  de  l'unité,  et  que 
l'unité  suivie  d'un  nombre  pair  de  zéros  équivaut 
à  un  multiple  de  il  augmenté  à&  l'unité. 

Par  un  raisonnement  pareil  à  celui  qui  a  été  fait 
plus  haut  h.  propos  de  la  divisibilité  par  9,  on 
en  déduit  que  tout  nombre  composé  d'un  chiffre 
significatif  suivi  de  zér»-;  équivaut  à  un  multiple 
àc  11,  augmenté  ou  diminué  de  ce  chiffre  signifi- 
catif suivant  que  ce  chiffre  est  de  rang  impair  ou 
pair,  h  partir  de  la  droite. 

Cela  posé,  soit  à  considérer  le  nombre  659  318, 
on  pourra  le  décomposer  de  la  manière  suivante  : 

eooooo  =  m.W  —  6 

50000  =  w.ll  -f-  5 

9000  =  w.ll  —  9 

300  =  w.ll  -f  3 

10  =  m.  11 

8=0 


—  1 

+  8 


d'où,  en  faisant  la  somme: 


C5931S  =  ?n.ll-f  (8-f3-|-5)  — (l-i-9-fG). 

Ce  qui  montre  que  tout  nombre  est  égal  à  un 
multiple  de  11  auqmrnté  de  la  différence  eiitrela 
somme  de  ses  chiffres  de  rang  impair  et  la  somme 
de  SCS  chiffres  de  rang  pair.  Û  en  résulte  que,  pour 
qu'un  nombre  soit   divisible  par  11  il  suffit  que 


DIVISEURS 


601  — 


DIVISEURS 


cette  différence  soit  elle-même  ou  nulle  ou  divi- 
sible par  11. 

iSi  la  somme  des  chiffres  de  rang  impair  était 
moindre  que  la  somme  des  chiffres  de  rang  pair, 
on  pourrait  ajouter  à  la  première  11  ou  un  mul- 
tiple de  It  sans  changer  la  conclusion). 

Dans  l'exemple  actuel  on  voit  que  659  318  est 
divisible  par  11,  car  les  deux  sommes  de  chiffres 
considérées  sont  toutes  deux  égales  à  16. 

16.  C.  S.  —  Si  l'on  divise  par  11  un  nombre 
quelconque,  et  que  la  division  ne  se  fasse  pas  exac- 
tement, le  reste  obtenu  est  le  même  que  si  l'on 
divisait  par  11  la  différence  entre  la  ^omme  des 
chiffres  de  rang  impair  et  la  somme  des  chiffres 
de  rang  pair  (la  première  de  ces  deux  sommes 
étant,  s'il  est  nécessaire,  augmentée  de  II  ou  d'un 
multiple  de  11).  Si,  par  exemple,  on  divise  par  11 
le  nombre  GÔ9  348,  on  obtiendra  pour  reste  8  ;  car 
la  somme  des  chiffres  de  rang  impair  8-l-3-f-5  est 
16;  la  somme  des  chiffres  de  rang  impair  4-)- i) -h  G 
est  19  ;  si  l'on  augmente  la  première  somme 
de  11  ce  qui  donne  27,  et  qu'on  en  retranche  19. 
il  reste  8. 

Exercice.  Parmi  les  nombres  : 

27,  28,  30,  3G,  40,  44,  45,  50,  55,  00, 
234,  615,  3773,  6831, 

reconnaître  ceux  qui  sont  divisibles  par  2,  3,  4, 
5,  9,  11  ou  25. 

16.  —  Preuve  par  9  de  la  multiplication.  —  Soit 
à  multiplier  les  deux  nombres  53  et  34.  Le  nom- 
bre 53  équivaut  à  un  multiple  de  9,  plus  8  ;  et 
le  nombre  ;54  équivaut  à  un  multiple  de  9  plus  7, 
si  l'on  multiplie  la  première  somme  par  la  seconde; 
le  produit  se  composera  évidemment  du  produit 
de  chacune  des  deux  parties  du  multiplicande  par 
chacune  des  deux  parties  du  multiplicateur;  c'est- 
à-dire  qu'il  contiendra  quatre  parties,  dont  trois 
seront  des  multiples  de  9  ;  la  quatrième  sera  le 
produit  des  deux  restes  8  et  7,  c'est-à-dire  56.  Or 
ce  nombre  équivaut  lui-même  à  un  multiple  de  9 
plus  2.  Le  reste  de  la  division  du  produit  53  X  34, 
ou  1  802,  par  9  doit  donc  être  égal  à  2. 

De  là  cotte  règle:  ;joMr  faire  la  preuve  d'une 
multiidication  par  9,  on  cherche  les  restes  de  la 
division  par  i!  du  midtiplicande  et  du  multiplica- 
teur ;  on  fait  le  produit  de  ces  deux  restes,  et  l'o7i 
cherche  le  reste  de  la  divisioiide  ce  produit  par  S); 
ce  reste  doit  être  le  même  que  celui  de  la  division 
par  9  du  produit  des  deux  nombres  donnés. 

On  ferait  de  la  môme  manière  la  preuve  de  la 
multiplication  par  1 1 . 

On  peut  aussi  faire  par  le  même  procédé  la 
preuve  d'une  division,  attendu  que  le  dividende, 
diminué  du  reste  s'il  y  en  a  un,  est  le  produit  du 
diviseur  par  le  quotient. 

17.  es.  —  Nombres  premiers.  Tout  nombre 
qui  n'est  divisible  que  par  lui-même  et  par  l'unité, 
est  ce  qu'on  appelle  un  yiombre  premier  ;  tels  sont 
les  nombres  2,  3,  5,  7,  11.  La  considération  des 
nombres  premiers  a  une  grande  utilité  en  arithmé- 
tique. 

Pour  reconnaître  si  un  nombre  donné  est  un 
nombre  premier,  le  moyen  naturel  est  d'essayer 
la  division  de  ce  nombre  successivement  par  2, 
par  3,  par  4,  par  5,  etc.,  jusqu'à  ce  qu'on  soit  parvenu 
aune  division  qui  donne  un  quotient  plus  petit 
qi\e  le  diviseur  ;  si  aucune  des  divisions  essayées 
n'a  donné  un  quotient  exact,  on  peut  affirmer  que 
le  nombre  proposé  est  premier.  Soit,  par  exemple, 
le  nombre  461  ;  eu  opérant  comme  il  vient  d'être 
dit,  on  parvient  jusqu'au  diviseur  23,  qui  donne 
pour  quotient  20  et  pour  reste  1.  Le  quotient  2  i 
étant  moindre  que  le  diviseur  23,  on  en  conclut 
que  461  est  premier.  Car  si  un  diviseur  plus  grand 
que  23  donnait  un  quotient  exact,  ce  quotient 
serait  moindre  que  20  ;  mais,  dans  une  division 


qui  se  fait  exactement.  le  qtiotient  est  contenu 
un  nombre  exact  de  fois  dans  le  dividende  ;  le 
nombre  401  admettrait  donc  un  diviseur  moindre 
que  23,  ce  qui  est  contraire  à  l'hypothèse  qui  a 
été  faite. 

Il  faut  bien  remarquer  que  dans  ces  essais  il 
n'est  nécessaire  d'essayer,  comme  diviseur,  que 
les  nombres  qui  sont  premiers.  Si  l'on  a  reconnu, 
par  exemple,  que  3  n'est  pas  un  diviseur  du  nombre 
proposé,  il  est  inutile  d'essayer  6  ou  tout  autre 
multiple  de  3.  Car  si  le  nombre  proposé  se  com- 
posait d'un  nombre  exact  de  fois  6,  il  se  compo- 
serait par  cela  même  d'un  nombre  exact  de  fois  3, 
et  serait  divisible  par  3.  De  môme,  si  5  ne  divise 
pas  le  nombre  proposé,  il  est  inutile  d'essayer 
comme  diviseur  un  multiple  quelconque  de  5  ;  et 
ainsi  pour  tous  les  nombres  premiers. 

On  peut  remarquer  encore  qu'il  résulte  de  ce 
qui  précède  que  tout  nombre  qui  n'est  pas  premier 
admet  au  moins  un  diviseur  premier;  car  si,  en 
opérant  comme  il  vient  d'être  dit,  aucune  division 
ne  se  faisait  exactement,  le  nombre  dont  il  s'agit 
serait  premier. 

IH.  es.  —  La  suite  des  nombres  premiers  est  il- 
limitée ;  car  si  l'on  considère  un  nombre  premier 
quelconque,  1 1  par  exemple,  il  est  facile  de  dé- 
montrer qu'il  doit  exister  un  nombre  premier  plus 
grand.  Considérons,  en  effet,  la  somme 

1.2.3.5.7.11-f  1 

qui  est  évidemment  plus  grande  que  11.  Ou  bien 
cette  somme  est  un  nombre  premier;  ou,  si  elle 
admet  un  diviseur  premier,  ce  diviseur  doit  être 
plus  grand  que  11  ;  car  les  nombres  premiers  jus- 
qu'à 11,  divisant  la  première  partie  de  la  somme 
ci-dessus,  sans  diviser  la  seconde  qui  est  1,  ne 
peuvent  diviser  la  somme.  Dans  les  deux  cas,  il 
existe  un  nombre  premier  plus  grand  que  1 1 . 

Voici  la  liste  des  nombres  premiers  moindres 
que  100  : 

1,  2,  3,  5,  7,  11,  13,  17,  19,  23,  29,  31,  37,  41,  43, 
47,  53,  59,  61,  67,  71,  73,  79,  83,  89,  97. 

19.  C.  s.  —  Un  nombre  peut  toujours  être  dé- 
composé en  facteurs  premiers.  Pour  cela,  on  le 
divise  par  2  si  cela  est  possible,  puis  le  quotient 
par  2,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  ce  qu'on  parvienne 
à  un  quotient  qui  ne  soit  plus  divisible  par  2.  On 
épuise  alors  le  diviseur  3  comme  on  a  épuisé  le  di- 
viseur 2  ;  on  opère  de  même  pour  les  diviseurs 
premiers  5,  7,  11,  etc.,  jusqu'à  ce  qu'on  obtienne 
pour  quotient  l'unité.  'Tous  les  diviseurs  emploj'és 
sont  les  facteurs  premiers  du  nombre  proposé. 
S'il  s'agit,  par  exemple,  du  nombre  2  520,  on  for- 
mera comme  il  suit  le  tableau  des  opérations. 


2520 

2 

1260 

2 

030 

2 

315 

3 

105 

3 

35 

5 

7 

7 

1 

en  écrivant  chaque  quotient  au-dessous  du  précé- 
dent. L'opération  montre  que  l'on  a 

2.520  =  2X2X2X3X3X5X7  =  23.32.5.7 

Exercices.   —  En  appliquant  cette  méthode  on 
arrivera  de  môme  aux  résultats  suivants  : 

360  =  23.32.5;     10.50  =  2.3.52.7;     840=23.3.5.7; 

4851=32.72.11  ;      24750  =  2.32.5».  11  ; 

6825  =  3.52.7.13;     10000  =  2*. 5*. 

20.  C.  S.  —  Un  môme   diviseur  peut  être  corn- 


DIVISEURS 


—  602  — 


DIVISEURS 


niun  à  plusieurs  nombres.  Ainsi  15   est  un  divi- 
seur commun  à  45  et  à  60. 

Le  plus  grand  commun  diviseur  de  deux  nom- 
bres est  le  plus  grand  nombre  qui  les  divise  exac- 
tement tous  les  deux.  Supposons  que  l'on  demande 
le  plus  grand  commun  diviseur  des  deux  nombres 
G'21  et  184.  On  commence  par  remarquer  que  le 
plus  grand  commun  diviseur  cherché  ne' peut  pas 
surpasser  le  plus  petit  nombre  18  i  ;  mais  il  pourrait 
bien  lui  être  égal  si  celui-ci  divisait  le  plus  grand. 
Essaj'ons  donc  la  division.  En  divisant  6;'l  par  184 
on  trouve  pour  quotient  3  et  pour  reste  69  ;  on  en 
conclut  que  le  plus  petit  nombre  184  n'est  pas  le 
plus  grand  commun  diviseur  cherché.  Mais  il  est 
aise  de  faire  voir  que  ce  plus  grand  commun  divi- 
seur est  le  même  que  celui  qui  existe  entre  le  plus 
petit  184  des  deux  nombres  donnés  et  le  reste  69 
de  leur  division.  En  efifet,  la  division  efifectuée  donne 
l'égalité 

621  =  184X3  +  69. 

Tout  nombre  qui  divise  à  la  fois  621  et  184,  di- 
visant aussi  I8i  X  3,  divise  une  somme  et  l'une 
de  ses  parties,  il  faut  qu'il  divise  l'autre  69.  Réci- 
proquement :  tout  nombre  qui  divise  184  et  69, 
divisant  184  x  3,  divise  les  deux  parties  d'une 
somme,  donc  il  faut  qu'il  divise  la  somme  621.  Il 
en  résulte  que,  si  l'on  formait  d'une  part  le  tableau 
de  tous  les  diviseurs  communs  à  6'.il  et  à  184,  et 
de  l'autre  le  tableau  de  tous  les  diviseurs  communs 
à  184  et  à  69,  ces  deux  tableaux  seraient  identi- 
ques. Donc,  le  plus  grand  de  ces  diviseurs  serait  le 
môme  dans  les  deux  tableaux.  —  Ceci  démontre 
que  le  plus  grand  commun  diviseur  de  deux  nom- 
bres est  le  même  que  celui  qui  existe  entre  le  plus 
petit  d'entre  eux  et  le  reste  de  leur  division. 

La  question  étant  ramenée  à  chercher  le  plus 
pi-and  commun  diviseur  entre  184  et  69,  on  devra, 
d'apiès  les  mêmes  considérations  que  ci-dessus, 
chercher  si  69  ne  divise  pas  18 i;  on  trouve  pour 
quotient  2  et  pour  reste  46.  On  en  conclura  comme 
plus  haut  que  le  plus  grand  commun  diviseur  en- 
tre 184  et  69  est  le  même  qu'entre  69  et  46. 

Divisant  69  par  46,  on  trouve  pour  quotient  1  et 
pour  reste  23.  On  divise  46  par  23,  ce  qui  donne 
pour  quotient  2  sans  reste  ;  le  nombre  23  est  donc 
le  plus  grand  commun  diviseur  entre  46  et  23,  par 
suite  entre  69  et  46,  par  suite  entre  184  et  69,  par 
suite  enfin  entre  les  deux  nombres  donnés  621  et 
184. 

On  dispose  l'opération  comme  ci -dessous  : 

3    I    2    I     1    I    2 


1S4      69       46       23 


138       iC 


46 


46      ::3 


0 


en  mettant  les  quotients  au-dessus  des  diviseurs 
correspondants  pour  ne  pas  gêner  les  calculs. 

On  voit  que  la  règle  consiste  à  diviser  le  plus 
grand  nombre  par  le  plus  petit,  celui-ci  par  le 
reste  de  la  division,  ce  premier  reste  par  le  se- 
cond, et  ainsi  de  suite  jusqu'à  ce  qu'on  obtienne 
un  reste  qui  divise  exactement  le  reste  précédent  ; 
ce  dernier  diviseur  sera  le  plus  grand  commun 
diviseur  cherché. 

On  trouvera  ainsi  que 


Le  plus  graud  commun 
diviseur  des  nombres.... 


455  et  175  est  35 

9:2  —  336  —  4s 

265  —  77  —  7 

\  1260  —  4S0  —  60 

21.  G.  S.  —  On  peut  remarquer  qu'en  faisant 
ces  opérations,  on  parviendra  toujours  à  un  reste 
qui  divise  exactement  le  reste  précédent;  car  les 
restes  allant  toujours  en  diminuant,  on  finira  tou- 


jours par  le  reste  0.  Si  le  reste  précédent  était  1| 
le  plus  grand  commun  diviseur  des  nombres  pro- 
posés serait  1 ,  ce  qui  revient  à  dire  qu'ils  n'auraient 
pas  de  diviseur  commun.  On  dit  dans  ce  cas  que 
les  deux  nombres  sont  premiers  entre  eux.  Ainsi 
35  et  4S  (qui  ne  sont  pas  des  nombres  premiers) 
sont  premiers  entre  eux. 

On  peut  remarquer  encore  que  tout  nombre  qui 
en  divise  deux  autres  divise  le  reste  de  leur  divi- 
sion, et  tous  les  restes  successifs  obtenus  en  ap- 
pliquant la  règle  pour  la  recherche  du  plus  grand 
commun  diviseur,  et  par  conséquent  le  plus  grand 
commun  diviseur  lui-même  qui  est  le  dernier  des 
restes  obtenus. 

Enfin,  il  est  important  de  remarquer  que  si  l'on 
multiplie  deux  nombres  par  un  troisième,  leur 
plus  grand  commun  diviseur  est  multiplié  par  ce 
troisième.  On  sait,  en  efi'et,  que  si  l'on  multiplie 
par  un  même  nombre  le  dividende  et  le  diviseur, 
dans  une  division  quelconque,  le  quotient  ne 
change  pas,  mais  le  reste  se  trouve  multiplié  par 
ce  même  nombre.  Il  en  résulte  que  si  l'on  multi- 
plie deux  nombres  par  un  troisième,  l'application 
du  procédé  employé  dans  la  recherche  du  plus 
grand  commun  diviseur  conduira  à  des  restes  suc- 
cessifs qui  seront  tous  multipliés  par  ce  môme 
nombre  ;  il  en  sera  donc  ainsi  du  plus  grand  com- 
mun diviseur  qui  est  le  dernier  de  ces  restes.  — 
Ainsi,  les  nombres  621  et  184,  ayant  pour  plus  grand 
commun  diviseur  23,  les  nombres  3  105  et  920,  qui 
sont  les  produits  des  deux  premiers  par  5,  auront 
pour  plus  grand  commun  diviseur  ll5  qui  est  le 
produit  de  23  par  5. 

22.  G.  S.  —  On  peut  avoir  à  chercher  le  plus 
grand  commun  diviseur  de  trois  nombres,  par 
exemple  1440,  960  et  600.  Pour  cela,  on  cherchera 
d'abord  le  plus  grand  commun  diviseur  des  deux 
premiers,  qui  est  480  ;  puis  le  plus  grand  commun 
diviseur  de  480  et  du  troisième  nombre  600;  on 
trouvera  120,  qui  sera  le  plus  grand  commun  di- 
viseur des  trois  nombres  donn?s.  Gar  1°  tout  nom- 
bre qui  divise  les  trois  nomhre-  donnés  divise  480 
qui  est  le  plus  grand  commun  diviseur  des  deux 
premiers  ;  divisant  480  et  600,  il  divise  leur  plus 
grand  commun  diviseur  120.  Réciproquement 
2°  le  nombre  qui  divise  120  divise  480  et  600  qui 
en  sont  des  multiples,  et  par  suite  1  440  et  960  qui 
sont  des  multiples  de  480.  Ainsi,  en  vertu  du  2», 
le  nombre  120  est  un  diviseur  commun  aux  trois 
nombres  donnés  ;  et  il  résulte  du  1°  qu'ils  n'en 
peuvent  pas  avoir  de  plus  grand,  puisqu'il  doit  di- 
viser 120;  donc  120  est  bien  le  plus  grand  diviseur 
commun  des  trois  nombres  donnés. 

On  verrait  de  même  que  pour  obtenir  le  plus 
grand  commun  diviseur  de  quatre  nombres,  il  faut 
chercher  le  plus  grand  commun  diviseur  des  trois 
premiers,  puis  le  plus  grand  commun  diviseur  de 
celui-ci  et  du  quatrième  nombre. 

Il  serait  facile  d'étendre  la  même  opération  à 
plus  de  quatre  nombres. 

Exercices.  —  On  trouve  que  : 

Lepiu^  grand.des  3  nombres  2S6,  264  et  110  est  22 
commun  di-'—  3  —  1104.  690  —  460  —  46 
"■«"■^ (—    4       —       340,510,  595 et  935  —  85 

23.  G.  S.  —  Propriétés  des  nombres  premiers 
ENTRE  eux.  —  Si  uti  lombrc  divise  un  produit  de 
deux  facteuj-s  et  qu'il  soit  premier  avec  l'un  d'eux, 
il  divise  nécessairement  l'autre.  —  Par  exemple, 
le  nombre  840  étant  le  produit  des  deux  facteurs 
35  et  24,  le  nombre  12,  qui  divise  le  produit  et 
qui  est  premier  avec  35,  divise  nécessairement  24. 
En  effet,  le  plus  grand  commun  diviseur  des  nom- 
bres 12  et  35,  qui  sont  premiers  entre  eux,  est  1  ; 
le  plus  grand  commun  diviseur  des  nombres 
12  X  24  et  35  X  24  est  donc  24.  Or  12  divise 
évidemment  le  produit  12   X  24  ;  il   divise  aussi 


DIVISEURS 


—  603  — 


DIVISION 


par  hypothèse  le  produit  de  3S  X  24,  ou  840;  donc 
il  divise  leur  plus  grand  commun  diviseur  2i. 

On  déduit  de  ce  principe  que  tout  nombre  pi'e- 
rnier  qui  divise  un  produit  divise  au  moins  l  un 
de  ses  facteurs;  et  que  tout  nombre  premier  qui 
divise  une  puissance  d'unnombre  divise  ce  nombre. 

On  en  déduit  encore  que  si  deux  nombres  sont 
premiers  entre  eux,  leurs  puissances  sont  premiè- 
res entre  elle->.  Ainsi  8  et  9  étant  premiers  entre 
eux,  83  et  9*  le  sont  aussi  ;  car,  s'ils  avaient  un 
facteur  premier  commun,  ce  facteur  divisant  une 
puissance  de  8  et  une  puissance  de  9  diviserait  8 
et  9  ;  ces  deux  nombres  ne  seraient  donc  pas  pre- 
miers entre  eux.  . 

24.  C.  S.  —  Quand  un  nombre  est  divisible  par 
deux  autres  nombres  premiers  entre  eux,  il  est 
divisible  par  leur  produit.  —  Ainsi  360,  qui  est 
divisible  par  8  et  par  9,  est  divisible  par  8  fois  9 
ou  72.  En  effet,  soit  q  le  quotient  de  360  par  8, 
on  aura 

360  =  8  X  q. 

Le  nombre  9  divisant  360,  et  étant  premier  avec 
le  facteur  8,  divise  nécessairement  l'autre  facteur 
5';  on  a  donc 

<7  =  9  X  <?' 

en  désignant  par  q'  le  quotient  de  q  par  9. 
Par  suite,  on  peut  écrire 

360  =  8  X  (9  X  ?')  =  8  X  9  X  ?'  =  (8  X  9)  X  î, 

Le  nombre  360  est  donc  divisible  par  le  produit 
8x9. 

Pour  qu'un  nombre  soit  divisible  par  U7i  autre, 
il  faut  et  il  suffit  qu'il  contienne  tous  les  facteurs 
premiers  de  cet  autre,  affectés  des  lyiêmes  expo- 
sants. —  Ce  principe,  évident  pour  deux  facteurs 
d'après  ce  qui  précède,  s'étend  sans  peine  à  un 
nombre  quelconque  de  facteurs. 

25.  —  Un  n^ûnbre  ne  peut  être  décomposé  que 
d'une  seule  manière  eu  facteurs  premiers.  —  Sup- 
posons qu'un  nombre  décomposé  en  ses  facteurs 
premiers  ait  donné  pour  résultat 

3  X  5X  7  Xll 

et  que,   décomposé  d'une   autre   manière,   il   ait 
donne 

«XôXcXû;.. 

a,  b,  c,  d  représentant  des  facteurs  premiers  que 
nous  ne  désignons  pas  ;  on  devra  avoir 

3.5.7.11  =  a.b.c.d... 

Le  premier  membre  étant  divisible  par  3,  il 
faut  que  le  second  le  soit,  3  divise  donc  un  des 
facteurs  de  ce  second  membre  ;  mais  ces  facteurs 
sont  premiers,  il  faut  donc  que  3  soit  égal  à  l'un 
d'eux.  Supposons  «  =  3  ;  on  pourra  diviser  les 
de  uxmembres  par  3,  et  il  en  résultera  l'égalité  : 

S.lAl  =  b.c.d... 

Le  premier  membre  étant  divisible  par5,  il  en  est 
de  même  du  second;  5  divise  donc  un  des  facteurs 
de  ce  second  membre;  mais  ces  facteurs  sont  pre- 
miers ;  il  faut  donc  que  5  soit  égal  à  l'un  d'eux. 
Supposons  A=  5  ;  on  pourra  diviser  les  deux  mem- 
bres par  5,  et  on  aura  l'égalité 

7.11  =c.d.. 

En  continuant  ainsi  on  verra  que  tout  facteur  du 
premier  membre  est  égal  à  un  facteur  du  second, 
et  que  les  deux  membres  sont  identiques. 

Nous  avons  supposé,  pour  plus  de  clarté,  les 
facteurs  premiers  diflfcrents,  mais  le  môme  rai- 
sonnement s'appliquerait  à  des  facteurs  égaux. 


26.  —  Quand  deux  ou  plusieurs  nombres  sont 
décomposés  en  leurs  facteurs  premiers,  on  peut 
former  à  vue  leur  plus  grand  commun  diviseur. 
Il  suffit  pour  cela  de  faire  le  produit  de  tous  les 
facteurs  premiers  communs  à  ces  nombres,  en 
affectant  chacun  de  son  plus  petit  exposant.  Soient 
donnés,  par  exemple,  le  nombre 

360  =  2». 32. 5;      240  =  2*. 3. 5;      200  =  23.5» 

leur  plus  grand  commun  diviseur  sera  23.5  ou  40. 
D'abord  ce  sera  un  diviseur  commun;  et  ce  sera  le 
plus  grand;  car  on  ne  pourrait  y  introduire  un 
facteur  de  plus  sans  rendre  impossible  la  division 
de  l'un  au  moins  des  nombres  donnés  par  le  pro- 
duit ainsi  formé. 

On  pourra  exercer  les  élèves  à  trouver  par  ce 
procédé  le  plus  grand  commun  diviseur  des  nom- 
bres 


ou 
ou 


252 

660 

2400 


840  —  2800 
1386  —  14S5 
3600    —    4890 


27.  —  On  nomme  plus  petit  multiple  commun 
de  plusieurs  nombres,  le  plus  petit  nombre  qui 
soit  divisible  par  chacun  d'eux.  —  Quand  les  nom- 
bres donnés  sont  décomposés  en  leurs  facteurs 
premiers,  on  forme  leur  plus  petit  multiple  com- 
mun en  faisant  le  produit  de  tous  leurs  facteurs 
premiers,  affectés  chaam  de  son  plus  haut  expo- 
sant. 

Soient  donnés  comme  ci-dessus  les  nombres 

350  =  23.32.5  240=21.3.5  200  =  23.5* 
Ijur  plus  petit  commun  multiple  sera 
2*. 32.52  ou  3600. 

D'abord  ce  sera  un  multiple  commun  des  nom- 
bres donnés  puisqu'il  contient  tous  leurs  facteurs  ; 
et  ce  sera  le  plus  petit,  car  on  ne  pourrait  y  sup- 
primer un  facteur  sans  rendre  impossible  la  divi- 
sion de  ce  nombre  par  l'un  au  moins  des  nombres 
donnés. 

On  pourra  exercer  les  élèves  à  former  le  plus 
petit  multiple  des  nombres  donnés  comme  exem- 
ple à  la  fin  de  l'article  précédent.     [H.  Sonnet.] 

DIVISION.  —  Arithmétique,  IX  et  X.  —  1.  La 
division  est  une  opération  qui  a  pour  but  de  par- 
tager un  nombre  donné  en  autant  de  parties  égales 
qu'il  y  a  d'unités  dans  un  autre  nombre  donné.  Le 
nombre  à  partager  s'appelle  le  divide7ide ;  celui  qui 
indique  le  nombre  des  parties  à  obtenir  s'appelle  le 
diviseur;  et  le  résultat  de  l'opération,  c'est-à-dire 
l'une  des  parties  demandées,  porte  le  nom  de  quo- 
tient. Si,  par  exemple,  on  demande  de  partager  40 
en  5  parties  égales,  auquel  cas  chacune  des  parties 
demandées  sera  8,  le  nombre  40  sera  le  dividende, 
5  le  diviseur  et  8  le  quotient.  On  peut  remarquer 
que  si  l'on  répète  l'une  des  parties  trouvées,  au- 
tant de  fois  qu'il  y  a  de  parties,  on  doit  obtenii^ 
le  nombre  à  partager  ;  ainsi,  dans  l'exemple  ci- 
dessus,  5  fois  8  font  bien  40.  C'est  ce  qu'on  ex- 
prime généralement  en  disant  que  le  dividende 
est  le  produit  du  quotie?it  par  le  diviseur. 

Mais  la  même  opération  peut  être  présentée  sous 
un  autre  pointde  vue.  Puisque  40  contient 5  parties 
égales  chacune  à  8,  et  que  5  fois  8  est  la  même 
chose  que  8  fois  5,  on  peut  dire  que  l'opération 
a  pour  but  de  chercher  combien  de  fois  5  est  con- 
tenu dans  40,  ou,  en  général  combien  de  fois  le 
diviseur  est  contenu  dans  le  dividende  ;  le  résultat, 
8,  exprimant  ce  nombre  de  fois,  s'appelle  quoti-^nt 
(du  latin  quoties,  combien  de  fois).  Sous  ce  point 
de  vue,  le  dividende  est  regardé  comme  le  produit 
du  diviseur  par  le  quotient. 

Enfin,  comme  dans  ces  deux  manières  d'envisager 
la  division,  le  dividende  est  un  produit  dont  les 


DIVISION 


604  — 


DIVISION 


deux  facteurs  sont  le  diviseur  et  le  quotient,  on 
peut  dire  que  la  division  a  pour  but,  étant  donné 
un  produit  de  deux  facteurs,  appelé  dividende, 
ft  l'un  de  ses  facteurs,  appelé  diviseur,  de  trouver 
l'autre  facteur,  appelé  quotient. 

Ces  divers  points  de  vue  peuvent  être  emp1o\-és 
tour  à  tour  dans  la  théorie  de  la  division.  iDans 
le  cours  élémentaire  on  pourra  introduire  l'idée 
de  division  en  supposant  qu'on  ait  à  partager  éga- 
lement entre  des  écoliers  un  certain  nombre  de 
billes,  un  certain  nombre  de  noix,   etc.) 

Il  n'arrive  pas  toujours  que  le  dividende  con- 
tienne un  nombre  exact  de  fois  le  diviseur;  le  but 
de  l'opération  est  alors  de  chercher  le  plus  grand 
nombre  de  fois  que  le  diviseur  est  contenu  dans 
le  dividende.  Celui-ci  n'est  plus  alors  le  produit 
exact  du  diviseur  par  le  quotient;  mais  il  est  égal 
à  ce  produit  ausmenté  d'un  certain  reste,  néces- 
sairement moindre  que  le  diviseur.  Ainsi  43  étant 
le  dividende  et  5  le  diviseur,  le  premier  nombre 
contient  le  second  S  fois,  plus  un  reste,  qui  est  3  ; 
et  43  est  égal  à  5  fois  8  augmenté  de  3. 

2.  —  Lorsque  le  diviseur  n'a  qu'un  chiffre  et 
que  le  dividende  est  moindre  que  lO  fois  le  divi- 
seur, la  table  de  multiplication  fait  connaître  im- 
médiatement le  quotient.  Soit,  par  exemple,  à 
diviser  61  par  7.  On  sui\Ta,  dans  la  table,  la  co- 
lonne verticale  qui  commence  par  7  ;  on  n'j-  trou- 
vera pas  le  nombre  61,  mais  on  verra  que  61  est 
compris  entre  deux  multiples  consécutifs  de  7, 
savoir  56  et  63.  Or  ôG  est  dans  la  colonne  hori- 
zontale qui  commence  par  8  ;  c'est  donc  le  produit 
de  7  par  8.  On  en  conclut  que  61  contient  8  fois  7, 
plus  un  reste  qui  est  la  différence  entre  56  et  61, 
c'est-à-dire  5.  Le  quotient  est  donc  8  et  le  reste  h  ; 
et  le  dividende  61  est  bien  égal  au  produit  du  di- 
viseur 7  par  le  quotient  8,  augmenté  du  reste  3. 


,      .       57  par  9  on  obtient  6    . 
Onverradememe  >-c         a       .^..m-       r>  et 
qu  ea  divisant:  '^ 


3; 

n  Cl    pour   ,  . 
reste  •        ' 

53  —  6  quotieut:  8  '    5;   etc. 


3.  —  Supposons  maintenant  que  le  diviseur  n'ait 
qu'un  chiffre,  mais  que  le  dividende  en  ait  plusieurs, 
et  soit  à  diviser  3215  par  7.  Le  quotient  aura  plu- 
sieurs chiffres  ;  mais  ses  plus  hautes  unités  seront 
des  centaines,  car  un  seul  mille  répété  7  fois  don- 
nerait un  produit  plus  grand  que  le  dividende. 
On  aura  donc  les  centaines  du  quotient  en  prenant 
la  7'  partie  des  32  centaines  du  dividende,  ce  qui 
rentre  dans  le  cas  ci-dessus.  On  trouvera  pour 
quotient  4  centaines,  et  il  restera  4  centaines,  qui, 
jointes  aux  dizaines  du  dividende,  donneront  41 
dizaines.  On  aura  les  dizaines  du  quotient  en  pre- 
nant la  7'  partie  de  ces  41  dizaines.  On  trouve 
pour  quotient  5  dizaines  ;  et  il  reste  6  dizaines, 
qui.  jointes  aux  5  unités  du  dividende,  donnent  65 
unités.  On  prendra  la  7*  partie  de  ces  65  unités, 
ce  qui  donne  9  unités;  et  il  reste  2  unités.  Le 
quotient  total  est  donc  459,  et  le  reste  de  l'opéra- 
tion est  2.  —  Dans  la  pratique,  on  dispose  l'opéra- 
tion comme  ci-dessous  : 


3215 

1  7 

2S 

459 

41 

35 

05 
63 

2 

Les  nombres  32  centaines,  41  dizaines,  63  unités 
sont  les  dicidend^s  jmrtiels  successivement  em- 
ployés; les  nombres  28  centaines,  35  dizaines,  63 
unités  sont  les  produits  du  diviseur  7  par  les  cen- 
taines, par  les  dizaines,  et  par  les  unités  obtenus 
successivement  au  quotient.  Le  second  dividende 
partiel  41  a  été  obtenu  en  retranchant  28  de  32  et 


écrivant  à  côté  du  reste  4  centaines  le  chiffre  1  des 
dizaines  du  dividende.  Le  troisième  dividende 
partiel  65  a  été  obtenu  en  retranchant  35  de  41,  et 
en  écrivant  à  côté  du  reste  6  dizaines  le  chiffre  5 
des  unités  du  dividende.  Enfin  le  reste  2  de  l'opé- 
ration a  été  obtenu  en  retranchant  63  de  65. 

Pour  abréger  l'écriture  on  se  dispense  ordinai- 
rement d'écrire  les  produits  28,  35,  63,  et  l'on 
opère  les  soustractions  de  tête.  L'opération  est 
alors  disposée  comme  ci-dessous: 

3215     j_7 

41  4S!J 

Co 
2 

et  elle  s'énonce  comme  il  suit:  le  7*  de  32  est  4, 
que  j'écris  au  quotient;  7  fois  4  font  28;  de  Zi 
reste  4;  et  je  descends  le  chiffre  1  du  dividende. 
Le  1"  de  41  est  5,  que  j'écris  au  quotient  à  la  suite 
du  4  ;  7  fois  5  font  35  ;  de  41  reste  6  ;  et  je__  des- 
cends le  chiffre  suivant  5  du  dividende.  Le  7»  de 
65  est  9,  que  j'écris  au  quotient  à  la  suite  de  5; 
7  fois  9  font  63  ;  de  65  reste  2. 

4.  —  Il  peut  arriver  que  l'un  des  dividendes  par- 
tiels ainsi  obtenus  soit  plus  petit  que  le  diviseur  ; 
cela  indique  que  le  quotient  n'a  pas  d'unités  de 
l'ordre  de  ce  dividende  partiel  ;  on  met  un  zéro 
au  quotient  pour  en  tenir  la  place,  et  Ion  abaisse 
le  chiffre  suivant  du  dividende  pour  former  un 
nouveau  dividende  partiel  de  l'ordre  immédiate- 
ment inférieur.  Soit,  par  exemple,  à  diviser  3562 
par  7. 

3562     I  7  ou  3562     1  7 


508 


6 

62 
6 


508 


06 
0 
62 
56 
6 


Le  7^  des  35  centaines  du  dividende  est  5  cen- 
taines, et  il  reste  0;  à  coté  de  ce  zéro  on  descend 
le  chiffre  6  du  dividende,  ce  qui  donne  pour  divi- 
dende partiel  6  dizaines;  ce  dividende  partiel  étant 
moindre  que  le  diviseur  7,  cela  indique  que  le 
quotient  ne  contient  pas  de  dizaine  ;  on  écrit  0  au 
quotient  pour  en  tenir  la  place,  et  l'on  abaisse  le 
chiffre  2  du  dividende,  ce  qui  donne  pour  nouveau 
dividende  pirtiel  62  unités.  Le  7=  de  62  est  8,  que 
l'on  écrit  au  quotient  ;  et  il  reste  6  unités.  On  a 
figuré  l'opération,  d'abord  en  écrivant  les  produits 
des  divers  chiffres  du  quotient  par  le  diviseur,  et 
secondement  en  ne  les  écrivant  pas. 

5.  —  Exercices  et  problèmes. 

Diviser    8543  par  9,  le  quotient  est  949  et  le  reste  2 

—  1762  i  —  8,  —  2203        —        0 

—  51G97  —  6,  —  8616        —         l 

—  200  9  —  5,  —  4007         —        4 

—  62-JlO  —  8,  —  7777         —        0 

Partager  1242"  entre  9  personnes.  (Part  de  cha- 
cune :  l:i."'f). 

En  365  jours  combien  y  a-t-il  de  semaines  ? 
Rép.  :  52,  et  il  reste  1  jour. 

hes  porteurs  portent  respectivement  22  kilofj., 
29  kilog.,  31  kilog.,  18  kiloy.  et  25  kilo;/.;  quelle 
serait  la  charge  de  chacun,  si  la  charge  totale  était 
également  iépartie?  Rép.  :  La  charge  totale  est  125 
kilogrammes  ;  dans  l'hypothèse  d'une  égale  répar- 
tition, chacun  porterait  le  cinquième  de  cette 
charge,  c'est-à-dire  25  kilogrammes. 

6.  —  Nous  supposerons  maintenant  que  le  divi- 
seur ait  un  nombre  de  chiffres  quelconque,  mais 
que  le  dividende  soit  moindre  que  10  fois  le 
diviseur,    ce  qu'on    reconnaîtra  sur-le- champ   en 


DIVISION 


—  GOo  — 


DIVISION 


mettant  par  la  pensée  un  zéro  à  la  droite  du 
diviseur.  Et  soit  à  diviser  3  345  par  459.  Le  quo- 
tient n'ayant  qu'un  chiffre,  on  pourrait  l'obtenir 
par  tâtonnement  en  multipliant  successivement  le 
diviseur  par  1,  2,  3,  4.  etc.,  jusqu'à  ce  qu'on  ob- 
tienne deux  produits  consécutifs  comprenant  en- 
tre eux  le  dividende  ;  le  multiplicateur  ayant  donné 
le  plus  petit  de  ces  deux  produits  serait  le  quo- 
tient demandé.  Ainsi,  dans  l'exemple  actuel,  on 
trouvera  que  le  dividende  3  34ô  est  compris  entre 
3  213,  produit  du  diviseur  par  ',  et  3672,  produit 
du  diviseur  par  8.  Le  quotient  demandé  est  donc  7, 
et  le  reste  de  l'opération  est  la  différence  entre 
3213  et  3  345,  c'est-à-dire  132. 

Mais  on  abrège  le  tâtonnement  de  la  manière 
suivante.  On  considère  les  plus  hautes  unités  du 
diviseur,  ici  4  centaines,  et  les  unités  du  même 
ordre  du  dividende,  ici  33  centaines.  On  divise  33 
par  4,  le  quotient  8  est  le  chiffre  que  l'on  cherche, 
ou  bien  un  chiffre  trop  fort. 

Il  ne  peut  pas  être  trop  faible,  car  le  produit 
des  4  centaines  du  diviseur  par  9  serait  plus  grand 
à  lui  seul  que  le  dividende  ;  mais  il  peut  être  trop 
fort  à  cause  des  centaines  qui  peuvent  provenir  de 
la  multiplication  des  dizaines  et  des  unités  du 
diviseur  pour  le  chiffre  8,  et  du  reste  de  l'opéra- 
tion s'il  y  en  a  un. 

Ici,  on  reconnaît  que  8  est  trop  fort,  on  le  dimi- 
nue d'une  unité,  et  le  produit  de  459  par  7  étant 
moindre  que  le  dividende,  on  en  conclut  que  7 
est  le  véritable  chiffre  du  quotient.  —  On  dispose 
l'opération  comme  plus  haut  : 

3345    I  459 

3213        7 


132 


7.  —  Supposons  enfin  que  nous  ayons  à  diviser 
l'un  par  l'autre  deux  nombres  entiers  quelcon- 
ques, par  exemple  2701S6  par  3(j5.  La  première 
chose  à  faire  est  de  chercher  combien  le  quotient 
aura  de  chiffres;  pour  cela  on  suit  la  règle  sui- 
vante :  on  prend  sur  la  gauche  du  dioidende  assez 
de  chiffres  pour  former  un  iiombre  qui  contienne 
le  diviseur  au  moins  une  fois,  et  moins  de  dix; 
dans  l'exemple  actuel  on  voit  qu'il  faut  en  prendre 
quatre;  le  chiffre  1,  auquel  on  s'arrête  ai7isi,sera 
de  l'ordre  des  plus  hautes  unités  du  quotient.  En 
effet,  le  quotient  aura  des  centaines,  puisqu'en 
partageant  2  701  centaines  en  365  parties  égales 
on  obtiendra  au  moins  une  centaine  ;  mais  le  quo- 
tient n'aura  pas  de  mille,  parce  que  '^70  mille  par- 
tagés en  365  parties  égales  ne  pourrait  donner  un 
mille  pour  chacune  d'elles.  Le  quotient  aura  donc 
trois  chiffres. 

On  divisera  donc  d'abord  les  2  701  centaines  du 
dividende  en  365  parties  égales  :  c'est  le  cas  du  n°  6  ; 
on  trouve  pour  quotient  7  centaines,  et  il  reste 
146  centaines  qui  valent  1  460  dizaines  ;  en  y  ajou- 
tant les  8  dizaines  du  dividende,  on  obtient  1  468 
dizaines  qui  forment  un  second  dividende  partiel. 
On  divisera  donc  1468  par  365;  on  trouve  pour 
quotient  4  dizaines,  et  pour  reste  8  dizaines  qui 
valent  80  unités  ;  en  y  aioutant  les  6  unités  du  di- 
vidende, on  obtient  86  unités  qui  forment  le  troi- 
sième dividende  partiel.  Ce  dividende  partiel  étant 
moindre  que  le  diviseur,  cela  indique  que  le  quo- 
tient n'a  pas  d'unités  simples  ;  on  met  donc  un 
zéro  au  quotient  pour  en  tenir  la  place.  Le  quo- 
tient cherché  est  donc  740,  et  le  reste  de  l'opéra- 
tion est  86. 

On  dispose  l'opération  comme  ci-dessous  : 


270186 

1  365  ou  simplement  270186 

(  365 

2555 
1468 
1460 

74'J              1468 
86 

740 

80 


8.  On  peut  énoncer  de  la  manière  suivante  la 
règle  générale  de  la  division. 

Ecrivez  le  diviseur  à  la  droite  du  dividende  en 
les  séparant  par  un  trait;  tirez  wi  trait  sous  le 
diviseur  pour  le  séparer  du  quotient.  Prenez  sur  la 
gauche  du  dividende  assez  de  chiffres  pour  former 
un  nombre  qui  contienne  le  diviseur  au  moins  une 
fois  et  moins  de  dix  fois  ;  vous  aurez  ainsi  wi  pre- 
mier divide?ide  partiel.  Divisez  (par  la  méthode 
du  deuxième  cas,  n"  6)  ce  dividende  partiel  par  le 
diviseur;  vous  aurez  le  premier  chiffre  du  quo- 
tient ;  multipliez  le  diviseur  par  ce  chiffre  et  re- 
tranchez le  produit  du  dividende  partiel.  A  côté  du 
reste,  abaissez  le  chiffre  suivant  du  diviiJende; 
V'US  aurez  le  second  dividende  partiel.  Divisez  ce 
second  divi^en/e  partiel  par  le  diviseur;  vous  au- 
rez le  second  chiffre  du  quotient.  Multipliez  le  di- 
viseur par  ce  second  chiffre  et  retranchez  le  pro- 
duit du  second  dividende  partiel.  A  coté  du  reste, 
abaissez  le  chiffre  suivaiit  du  dividende  ;  vous  au- 
rez le  troisième  dividende  partiel.  Opérez  sur  ce 
nouveau  dividende  partiel  comme  sur  les  précé- 
dents, et  continuez  ainsi  jusqu'à  ce  que  vous  ayez 
épuisé  les  chiffres  du  dividende. 

S'il  an-ive  qu'un  dividende  partiel  soit  moindre 
que  le  diviseur,  mettez  zéro  au  quotient,  et  abaissez 
le  chiffre  suivant  du  dividende  pour  former  un 
nouveau  dividende  partiel. 

9.  —  Pour  faire  la.  preuve  de  la  division,  il  sufSt 
de  multiplier  le  di\iseur  par  le  quotient,  et  d'ajou- 
ter à  ce  produit  le  reste  de  l'opération  ;  la  somme 
obtenue  doit  être  égale  au  dividende. 

On  peut  aussi  faire  la  preuve  par  9.  (V.  l'article 
Diviseurs.) 
Exercices  et  problèmes  : 

Diviser  369  par    17  (le  quotient  est      21,  le  reste    12) 

—  l-5127i3  —  546  (  —  3E074,       —      319) 

—  1199937  —  133  (  —  888S,       —        79) 

—  20000  —  97  (     —       206,   —    ISf 

—  97273  —  239  (     —       407,  sans  reste^. 

Partager  une  somme  de  952  fr.  entre  28  person- 
nes. (Part  de  l'une  d'elles  :  34  fr.) 

Combien  2856  heures  font-elles  de  jours?  (Rép.: 
119.) 

Sachant  que  213  mètres  d'une  étoffe  ont  coûté 
3  621  fr.,  calculer  le  prix  du  mètre.  ^Rép.  :  17.) 

U?i  voyageur  a  fait  713  kilomètres  en  31  jours 
en  marchant  d'une  manière  uniforme;  combien 
dt  kilomètres  a-t-il  faits  par  jour?   Rép.  :  23;. 

Da?is  une  expérience  on  a  co?istaté  que  le  son 
avait  parcouru  15  oOO  mètres  en  45  secondes;  quel 
espace  a-t-il  parcouru  par  seconde  ?  {B.ép.  :  340  mè- 
tre.s). 

Combien  56  625  tninutes  font-elles  de  semaines,  de 
jours  et  d'heures  .'(Rép.  :  5  semaines,  4  jours,  7  heu- 
res et  45  minutes). 

On  a  recueilli  2500  fr.,  puis  850  fr..puis  4220  fr., 
puis  encore  970  fr.,  puis  enfin  1000  fr.,  à  répartir 
entre  160  personnes;  quelle  sera  la  part  de  chacun  ? 
^Rép.  :  90  fr.) 

Un  marchand  qui  avait  132  mit.  d'un  certain 
drap.,  en  a  vendu  30  met.  à  18  fr.,  puis  45  met.  à 
16  fr.,  puis  encore  54  met.  à  15  fr.,  et  enfin  le  reste 
à  14  fr.  Quel  est  le  prix  moyen  du  mètre?  (Rép.  : 
16  fr.) 

10.  —  Remarques  sur  la  divisio.v.  —  Lorsqu  on 
augmente  le  dividende,  sans  changer  le  diviseur, 
le  quotient  augmente.  Lorsqu'on  augmente  le  di- 
viseur, sans  changer  le  dividende,  le  quotient  di- 
minue. 

Si  l'on  multiplie  à  la  fois  le  dividende  et  le  di- 
vueur  lar  un  même  nombre,  le  quotient  ne  change 
pas,  rnais  le  reste  de  la  division  est  multipli'i  par 
ce  liOmbre.  Soit,  par  exemple,  à  diviser  33  S99  par 
.-i29,  ce  qui  donne  pour  quotient  64  et  pour  reste 
43.  On  aura  l'égalité 

33899  =  529X64 -h  43. 


DIVISION 


606  — 


DRAINAGE 


On  ne  troublera  pas  l'égalité  si  l'on  multiplie  les 
deux  membres  par  un  même  nombre,  par  V2,  par 
exemple,  pour  fixer  les  idées.  Et  si  l'on  remarque 
que  pour  multiplier  une  somme  on  peut  multiplier 
séparément  ses  narties,  et  que  pour  multiplier  un 
produit  il  suffit  de  multiplier  l'un  de  ses  facteurs, 
on  pourra  écrire 

33899X12  =  (529X12)X6i+43X  12. 

Or  cette  nouvelle  égalité  exprime  que  si  l'on  di- 
visait 33  899  X  12  par  buO  X  12,  on  obtiendrait 
pour  quotient  64  et  pour  reste  43  X  12;  ce  qui  dé- 
montre la  proposition. 

Si  l'on  divise  à  lu  fois  le  dividende  et  le  diviseur 
par  un  même  >. ombre,  le  quotient  ne  chançje  pas, 
mais  le  reste  est  divisé  par  ce  nombre.  Soit  à  di- 
viser 22G4par  6i,  ce  qui  donne  pour  quotient  35 
et  pour  reste  2i  ;  on  aura  l'égalité 

2264=64X35+24. 

On  ne  troublera  pas  l'égalité  en  divisant  les  deux 
membres  par  un  nombre  moindre,  par  8,  par  exem- 
ple. Et  si  l'on  remarque  que  pour  diviser  une 
somme  par  8  on  peut  diviser  par  8  chacune  de  ses 
parties,  et  que  pour  rendre  un  produit  8  fois  moin- 
dre il  suffit  de  rendre  l'un  de  ses  facteurs  8  fois 
moindre,  on  trouvera 

283  =.8X35  +  3. 

Or  cette  égalité  exprime  que  si  l'on  divise  283 
par  8,  on  obtient  pour  quotient  35  et  pour  reste  3. 
Ceci  démontre  la  proposition. 

11.  —  On  se  sert  de  cette  propriété  pour  sim- 
plifier la  division  quand  le  dividende  et  le  diviseur 
sont  terminés  par  des  zéros.  On  peut,  en  effet,  en 
supprimer  un  même  nombre  au  dividende  et  au 
diviseur,  ce  qui  revient  à  les  diviser  par  une 
môme  puissance  de  10  ;  le  quotient  ne  change  pas  ; 
mais  le  reste  est  divisé  par  cette  puissance  de  10. 

Soit^  par  exemple,  à  diviser  3640000  par  850(i0; 
on  pourra  diviser  ces  deux  nombres  par  1  000,  et 
opérer  la  division  sur  les  nombres  3640  et  85,  le 
quotient,  qui  est  42,  n'aura  pas  changé.  Mais  on 
trouvera  pour  reste  70  au  lieu  de  70  000  qu'on  au- 
rait eu  en  opérant  sur  les  nombres  proposés. 

Exercices  et  problèmes  : 

Diviser        2*700  par        600  ; 

—  210    —  80; 

—  3G10000    —    190000. 

Une  locomotive  a  parcouru  72  kilomètres  en  une 
heure,  quel  chemin  a-t-elle  parcouru  en  une  se- 
conde? [En  divisant  72  000  met.  par  3600,  on  trouve 
20  met.) 

La  distance  de  la  terre  au  soleil  est  de 
153048000  000  ?«è^,  et  le  rai/on  moyen  du  globe 
terrestre  est  de  6306000  met  ;  combien  de  fois  ce 
rayon  est-il  contenu  dayis  la  distance  de  la  terreau 
5o/e//.^(Rép.  :  24  041  fois,  avecunrestede9;i60nièt.) 

i2.  —  On  indique  la  division  par  le  signe  : 
placé  entre  le  dividende  et  le  diviseur.  Ainsi  35  ;  5 
indique  le  quotient  de  'Ah  par  5,  c'est-à-dire  7. 

La  même  opération  s'indique  encore  d'une  autre 
manière  ;  on  écrit  le  diviseur  au-dessous  du  divi- 
dende en  les  séparant  par  un  trait  horizontal. 
Ainsi  |5  a  la  même  signification  que  35  :  5. 

Cetteseconde  manière  d'écrire  le  quotient  est  la 
seule  en  usage  lorsqu'il  s'agit  d'opérations  combi- 
nées. Si,  par  exemple,  on  veut  diviser  par  8  tous 
les  termes  de  l'égalité  considérée  ci-dessus  : 

2264  =  64  X  35  +  24 , 


"'^''   ^'  s^  1-  a-  2^ 
_-  ==  _  X  3o  +  -^, 


ce  qui  revient  à 

283  =  8X35  +  3, 
comme  ci-dessus. 


[H.  Sonnet.] 


DOUBLETS.  —  Grammaire,  VIII.  —  On  appelle 
doublets  les  doubles  dérivations  d'un  même  mot 
qui  répondent  d'ordinaire  à  deux  âges  différents 
dans  l'histoire  de  notre  langue.  On  les  a  classés 
comme  suit  : 

1°  Un  radical  latin  donne  en  français  un  doublet, 
si  ce  radical  a  produit  dans  notre  langue  deux 
mots,  l'un  populaire  et  l'autre  savant  ;  ainsi,  de 
porticus,  le  peuple  fit  porche  et  les  savants  por- 
tique ;  fragilis,  frêle  et  fragile  ;  rigidus,  raide  et 
rigide;  fiospiiale,  hôtel  et  hôpital;  separare,  sevrer 
et  séparer;  dotare,  douer  ei  doter;  nativus,  naïf 
et  natif;  poUonem,  poison  et  potion  ;  acris,  aigre 
et  acre;  capfivus,  chéiif  et  captif;  cattsa,  chose  et 
cause;  pensare,  peser  et  penser,  etc.  En  général, 
le  dérivé  savant  a  un  sens  plus  précis  et  plus  spé- 
cial que  le  dérivé  populaire,  par  exemple  lét^al 
comparé  à  l"yal,  l'un  et  l'autre  venant  de  legalis. 

2°  Il  y  a  encore  doublet  lorsque  à  côté  d'un  mot 
français  d'origine  populaire  vient  se  placer  un  mot 
d'importation  étrangère,  provenant  du  même  ra- 
dical ;  ainsi  cadentia  a  donné  chance  et  cadence, 
qui  nous  est  venu  de  l'italien  cadenza  au  xvi* 
siècle. 

3°  Enfin,  il  y  a  encore  doublet  lorsqu'un  même 
radical  donne  en  français  deux  dérivés  d'origine 
populaire,  qui,  pour  l'ordinaire,  appartenaient  dans 
l'origine  à  des  dialectes  différents,  comme  campus, 
champ  et  camp;  capsa,  châsse  et  caisse;  caput, 
chef  et  cap;  credentia,  croyance  et  créance;  gabata, 
jatte  et  joue  ;  plicare,  ployer  et  plier,  etc. 

[G.  Aycr.l 

DRAINAGE.  —  Agriculture,  IV.  — L'expression 
drainage  est  empruntée  à  la  langue  anglaise  ;  elle 
dérive  du  mot  drain,  rigole,  tranchée.  C'est  de 
l'Angleterre,  en  effet,  que  vient  la  pratique  du 
drainage. 

Le  drainage  a  pour  but  de  débarrasser  les  terres 
cultivées  des  eaux  surabondantes,  et  de  leur  don- 
ner un  écoulement  régulier  par  des  conduits  sou- 
terrains, sans  rien  enlever  à  la  quantité  de  surface 
productive.  Autrefois,  dans  les  terres  qui  avaient 
besoin  d'être  débarrassées  d'eaux  en  excès,  on 
creusait  des  fossés  plus  ou  moins  nombreux  pour 
y  faire  écouler  les  eaux.  Outre  que  ces  fossés 
enlevaient  souvent  une  proportion  notable  de  terre 
bonne  à  cultiver,  ils  avaient  l'inconvénient  de  ren- 
dre difficiles  l'accès  et  le  travail  des  champs.  Plus 
tard,  on  eut  l'idée  de  placer  au  fond  de  ces  fossés 
de  grosses  pierres  laissant  un  espace  vide,  ou  des 
fascines  remplissant  le  même  but,  et  on  recouvrit 
ces  fosses.  Mais  ces  méthodes  n'ont  donné  que 
des  résultats  le  plus  souvent  imparfaits;  l'assai- 
nissement des  terres  humides  n'a  pu  devenir  éco- 
nomique en  général  que  depuis  les  perfection- 
nements apportés,  d'abord  en  Angleterre,  aux 
méthodes  adoptées  jusqu'alors,  par  l'emploi  des 
tuiles  et  des  tuyaux  en  terre  cuite ^ 

Quel  est  le  but  du  drainage?  Pour  répondre  à 
cette  question,  il  suffit  de  reproduire  quelques 
phrases  des  instructions  pratiques  sur  le  drainage 
publiées  en  1855  par  le  ministre  de  l'agriculture  : 
«  Le  drainage  exerce  sur  les  phénomènes  de  la 
végétation  et  sur  les  travaux  de  la  culture  l'in- 
fluence la  plus  avantageuse  et  les  effets  les  plus 
remarquables.  Le  rapide  écoulement  des  eaux  de 
pluie  à  travers  le  sol,  et  l'abaissement  des  eaux 
stagnantes,  quelle  qu'en  soit  l'origine,  à  une  pro- 
londeur  suffisante  pour  ne  plus  nuire  au  dévelop- 
pement des  racines,  sont  les  deux  résultats  directs 
et  immédiats  d'un  drainage  bien  fait.  De  ces  deux 
premiers  effets  résultent,  pour  les  terres  auxquelles 
le   drainage    peut    s'appliquer    avantageusement, 


DRAINAGE 


—  607 


DRAINAGE 


une  moindre  évaporation  à  la  surface  de  la  terre, 
un  accroissement  notable  de  la  chaleur  du  sol, 
une  modilication  profonde  de  la  constitution  de  la 
couche  arable,  qui  a  moins  de  tendance  à  se  fendre, 
et  conserve,  par  suite,  plus  de  fraîcheur  pendant 
l'été  ;  une  augmentation  énorme  de  la  fertilité^  par 
l'introduction,  dans  la  terre,  des  gaz  et  des  sub- 
stances les  plus  nécessaires  au  développement  de 
toutes  les  récoltes;  et  enfin  une  amélioration  con- 
sidérable dans  l'état  sanitaire  et  le  régime  des 
eaux  des  contrées  où  les  travaux  de  cette  espèce 
s'exécutent  sur  une  certaine  échelle.  Les  eaux  de 
pluie,  étant  rapidement  absorbées  par  les  terrains 
drainés,  ne  peuvent  plus  se  réunir,  dégrader  la 
surface  des  champs  et  délaver  les  fumiers,  en  en- 
traînant au  loin  leurs  principes  les  plus  précieux. 
C'est  pour  le  cultivateur  une  économie  de  chaque 
jour,  dont  on  n'apprécie  pas  assez  généralement 
toute  l'importance. 

»  L^application  du  drainage  aux  terres  humides 
permet  de  les  labourer  presque  en  toute  saison, 
avantage  que  les  agriculteurs  sauront  apprécier. 
La  santé  des  bestiaux  s'améliore  rapidement  sur 
les  terrains  drainés.  La  pourriture,  en  particulier, 
cesse  d'attaquer  les  moutons  :  aussi  voit-on  tou- 
jours les  animaux  se  réunir  de  préférence  sur  les 
parties  drainées  de  la  pièce  qu'ils  pâturent.  L'eau 
qui  imbibe  le  sol  et  qui  est  entraînée  par  les 
tuyaux  est  immédiatement  remplacée  par  de  l'air 
atmosphérique,  que  chasse  ensuite  une  nouvelle 
pluie.  Ce  nouveau  volume  d'eau  est  ensuite  rem- 
placé par  de  l'air,  et  ainsi  de  suite  successivement. 
Ce  renouvellement,  autour  des  racines,  des  prin- 
cipes les  plus  nécessaires  h  l'alimentation  des  végé- 
taux, permet  aux  plantes  de  se  développer  dans  les 
meilleures  conditions.  L'époque  de  la  maturité  des 
récoltes  est  notablement  avancée  par  l'accroisse- 
ment de  chaleur  qui  résulte,  pour  le  sol,  d'un 
drainage  bien  exécuté.  Quant  à  l'influence  du  drai- 
nage sur  la  salubrité  publique,  elle  est  manifeste. 
On  a  vu,  dans  beaucoup  de  localités,  les  fièvres 
intermittentes  épidémiques  disparaître  après  l'exé- 
cution de  grandes  opérations  de  cette  espèce.  Sou- 
vent les  brouillards  cessent  de  se  manifester  sur 
les  terres  assainies.  » 

Ces  considérations,  dont  l'expérience  a  partout 
justifié  tous  les  termes,  permettent  d'indiquer 
quelles  sont  les  terres  qu'il  convient  particulière- 
ment de  drainer.  Ce  sont  celles  généralement 
désignées  sous  la  dénomination  de  terres  froides 
et  fortes,  les  sols  argileux,  et  en  général  tous  les 
terrains  plus  ou  moins  imperméables  ou  reposant 
sur  un  sous-sol  imperméable.  Il  peut  arriver,  en 
efi'et,  que  des  sols  sablonneux,  c'est-à-dire  ne  rete- 
nant pas  l'eau  par  eux-mêmes,  aient  besoin  d'être 
drainés.  Le  cas  se  présente  quand  des  terrains  de 
cette  nature  reposent  sur  un  sous-sol  d'argile  ou 
ne  se  laissant  pas  pénétrer  par  l'eau.  Dans  ce  cas, 
à  mesure  que  l'action  du  soleil  fait  évaporer  l'eau 
qui  est  à  la  surface  du  sol,  d'autre  eau  vient  rem- 
placer celle  qui  a  disparu  ;  de  telle  sorte  que  le 
sol  est  toujours  froid  et  mouillé,  et  qu'.au  lieu  d'un 
courant  d'air  continu  de  l'extérieur  dans  l'intérieur 
du  sol,  il  y  a  un  courant  d'eau  de  bas  en  haut.  Les 
racines  des  plantes  cultivées  sont  ainsi  privées  de 
l'action  bienfaisante  de  l'air. 

Il  est  inutile  d'insister  sur  l'avantage  que  pré- 
sente le  drainage  des  terrains  tourbeux  et  maré- 
cageux de  leur  nature.  Mais  il  est  certains  carac- 
tères qui  permettent  de  juger  si  un  terrain  non 
marécageux  a  besoin  d'être  drainé.  Les  terres  qui 
ont  besoin  d'être  drainées  conservent  encore  des 
flaques  d'eau  plusieurs  jours  après  la  pluie.  Quand 
on  y  creuse  des  trous,  même  après  une  longue 
sécheresse,  leurs  parois  présentent  des  suinte- 
ments d'eau.  Au  printemps,  quelques  parties  du 
sol  présentent  une  teinte  plus  foncée  que  le  reste 
de  la  pièce.  Les  caractères  tirés  de  la  végétation 


sont  aussi  faciles  à  reconnaître.  Les  plantes  y  sont 
généralement  languissantes  et  poussent  lentement  ; 
les  tiges  jaunissent,  à  partir  du  pied,  longtemps 
avant  la  maturité.  Si  le  sol  est  en  jachère,  il  se 
couvre  rapidement  d'une  petite  mousse.  Enfin 
parmi  les  plantes  de  la  végétation  spontanée  des 
terres  qui  demandent  le  drainage,  il  convient  de 
citer  les  renoncules,  les  prêles,  les  joncs,  les 
carex,  les  colchiques  d'automne,  etc.,  toutes  plan- 
tes d'ailleurs  que  le  drainage  tend  à  faire  dispa- 
raître plus  ou  moins  rapidement  suivant  leur  abon- 
dance et  d'après  la  manière  dont  il  a  été  pratiqué. 
D'une  manière  générale,  tout  caractère  extérieur 
qui  indique  un  excès  d'eau  dans  la  couche  arable, 
est  un  signe  qui  suffit  pour  appeler  l'attention  sur 
l'opportunité  de  drainer  le  sol  ;  avec  un  peu  d'ob- 
servation, ces  caractères  deviennent  promptemcnt 
familiers. 

Il  faut  maintenant  donner  des  indications  sur  les 
principales  phases  de  l'exécution  du  drainage.  Ces 
phases  sont  :  le  tracé  du  travail  et  l'exécution  des 
opérations. 

Tracé  du  drainage.  —  Lorsqu'un  terrain  d'une 
certaine  étendue  doit  être  soumis  au  drainage,  il  faut 
commencer  par  en  lever  le  plan  et  par  en  opérer  le 
nivellement.  Cette  double  opération  doit  être  faite 
suivant  les  règles  ordinaires  de  l'arpentage,  et  il 
estinutile  d'y  insister  davantage.  Ce  travail  prélimi- 
naire peut  être  fait  ou  par  l'agriculteur  ou  par  un 
arpenteur  ;  la  i'aible  dépense  qu'il  occasionne  est 
couverte,  et  au  delà,  par  la  facilité  qu'on  en  retire 
pour  opérer  régulièrement  le  tracé  du  drainage. 

Pour  indiquer  la  direction  à  donner  aux  fosses 
de  drainage,  il  faut  se  rappeler  que  c'est  sa  pe- 
santeur qui  y  détermine  l'écoulement  de  l'eau. 
Les  tranchées  doivent  donc  être  faites  suivant 
l'inclinaison  du  sol  ;  la  règle  la  plus  simple  est  de 
les  tracer  suivant  la  ligne  de  plus  grande  pente. 
Cette  règle  doit  être  considérée  comme  absolue, 
pourvu  que  la  pente  du  terrain  ne  soit  pas  exces- 
sive et  ne  dépasse  pas  15  à  20  centimètres  par 
mètre.  En  effet,  le  canal  placé  au  fond  d'une  tran- 
chée dirigée  suivant  la  ligne  de  plus  grande  pente 
se  trouve  symétriquement  placé  par  rapport  à  la 
surface  du  sol,  et  si  celui-ci  est  homogène  il  fait 
sentir  son  action  à  égale  distance  à  droite  et  à 
gauche.  Dans  le  cas  où  le  tracé  ne  suit  pas  cette 
ligne  de  plus  grande  pente,  le  drainage  agit  entiè- 
rement du  côté  où  le  terrain  s'élève,  et  n'exerce 
presque  aucune  action  du  côté  où  il  descend.  Si 
donc,  dans  un  champ,  plusieurs  parties  présentent 
des  pentes  difl'érentes,  il  sera  bon  de  le  diviser  eu 
autant  de  parties,  et  de  tracer  dans  chacune  les- 
tranchées  de  drainage  suivant  la  ligne  de  plus 
grande  pente. 

On  donne  le  nom  de  drains  aux  tuyaux  en  terre 
cuite  qu'on  place  au  fond  des  tranchées  pour  re- 
cueillir les  eaux.  On  appelle  drains  ordinaires, 
ceux  des  tranchées  dont  le  tracé  vient  d'être  indi- 
qué ;  drains  collecteurs  ou  drains  principaux  de 
premier  ordre,  ceux  dans  lesquels  débouchent  les 
drains  ordinaires;  drains  collecteurs  de  deuxième 
ordre,  ceux  qui  reçoivent  les  eaux  des  précédents 
et  qui  les  emmènent  dans  un  canal  de  décharge. 

Les  drains  collecteurs  occupent  ordinairement 
les  parties  basses  du  terrain;  le  nivellement  fait 
d'avance  permet  de  déterminer  facilement  la  direc- 
tion qui  doit  leur  être  donnée.  Aux  points  d'inter- 
section des  drains  collecteurs,  il  convient  d'établir 
des  regards  qui  permettent  de  constater  la  régu- 
larité avec  laquelle  se  fait  l'écoulement  des  eaux. 
Les  raccordements  des  drains  ordinaires  sur  ceux 
d'un  degré  supérieur  doivent  être  faits  à  .uigle 
aigu,  de  manière  à  faciliter  la  marche  de  l'eau  ; 
une  inclinaison  de  60  degrés  est  celle  que  la  prati- 
que a  consacrée  comme  la  plus  favorable.  En  outre, 
il  est  indispensable  que  les  drains  collecteurs 
soient  placés  à   un  niveau  inférieur  de  quelques 


DRAINAGE 


—  608 


DRAINAGE 


centimètres  à  celui  des  drains  dont  il  reçoivent  les 
€aux.  Les  bouches  des  derniers  drains  dans  le 
canal  de  décharge  doivent  être  aussi  rares  que 
possible;  elles  sont  faites  en  maçonnerie  et  mu- 
nies de  petites  grilles  pour  empêcher  l'introduc- 
tion des  animaux  et  des  mauvaises  herbes. 

Les  drains  ordinaires  ont  trois  centimètres  à 
f:;)is  centimètres  et  demi  de  diamètre;  la  lon- 
gueur de  chaque  partie  de  drain  est  de  30  à  40 
centimètres.  Dans  la  plupart  des  cas,  il  faut  limiter 
de  300  à  350  mètres,  suivant  la  pente  du  terrain, 
la  longueur  d'une  tranchée  de  cet  ordre.  Quant 
aux  drains  collecteurs,  ils  ont  un  diamètre  plus 
considérable,  qui  varie  suivant  la  quantité  d'eau 
qu'ils  sont  appelés  à  débiter. 

On  a  longtemps  discuté  sur  la  proportion  sui- 
vant laquelle  les  drains  devaient  être  écartés.  Les 
uns  conseillaient  de  rapprocher  les  tranchées,  en 
les  creusant  à  une  faible  profondeur;  les  autres 
voulaient  qu'on  fît  des  tranchées  très  profondes  et 
très  écartées.  Voici  comment  s'expriment  à  ce  sujet 
les  instructions  déjà  citées  :  «  La  profondeur  la 
plus  convenable  à  donner  aux  drains  pour  qu'ils 
enlèvent  toute  l'eau  surabondante^  et  abaissent  en 
même  temps  assez  le  plan  de  l'eau  stagnante  pour 
qu'elle  ne  puisse  pas  remonter  jusqu'aux  racines, 
ou  même  à  la  surface  du  sol,  par  l'action  de  la 
capillarité,  est  comprise  entre  0°',90  et  1°',50;  elle 
suffit,  dans  les  cas  ordinaires,  pour  atteindre  ce 
ûo  uble  but.  En  principe,  on  adopte  pour  les  petits 
drains  une  profondeur  de  1°',20;  mais  il  doit  être 
bien  entendu  que  cette  règle  n'est  pas  absolue.  Il 
ne  faut  point,  évidemment,  vouloir  l'appliquer  au 
centimètre  près,  et  tenir  compte  des  petites  iné- 
galités du  terrain,  en  faisant  suivre  exactement  au 
fond  de  la  tranchée  une  ligne  parallèle  à  toutes 
les  ondulations  de  la  surface.  Au  contraire,  la  pente 
du  terrain  doit  être  uniforme,  ce  qui  implique 
nécessairement,  en  général,  des  profondeurs  un 
peu  variables.  La  profondeur  de  I'°,20  est  donc  une 
moyenne  dans  la  longueur  de  chaque  drain,  dont 
il  convient  de  s'écarter  le  moins  possible,  et  dont, 
en  effet,  on  ne  s'écarte  pas  sensiblement  dans  les 
terrains  réguliers  et  égalisés  par  une  longue  cul- 
ture. »  Dans  quelques  cas  exceptionnels,  la  profon- 
deur de  certains  drains  doit  être  augmentée  beau- 
coup, quand  il  s'agit  de  franchir  des  parties  hautes 
ou  d'atteindre  des  points  d'écoulement;  de  même, 
dans  les  tourbières,  il  faut  descendre  les  drains 
jusqu'à  ce  qu'on  atteigne  le  sol  solide,  si  elles 
sont  peu  profondes,  ou  dans  tous  les  cas,  à  une 
profondeur  assez  considérable  pour  éviter  les  in- 
convénients du  tassement  du  sol  quand  il  se  des- 
sèche. Des  tranchées  d'essai  peuvent  toujours 
servir  de  guide  pour  régler  la  profondeur  à  donner 
aux  drains  suivant  la  nature  du  sol. 

Quant  à  l'écartement  des  drains,  c'est  une  ques- 
tion plus  compliquée  et  dont  la  solution  dépend 
surtout  de  la  nature  du  sol.  Le  drainage  agit,  en 
effet,  d'une  manière  assez  inégale  sur  les  diverses 
sories  de  terres.  Toutefois  on  peut  dire  que  l'écar- 
tement des  tranchées  creusées  à  une  profondeur  de 
l^jSO  doit  varier  entre  les  limites  extrêmes  de  6 
mètres  à  20  mètres.  Il  est  rare  que  l'assainisse- 
ment du  sol  soit  parfait,  sauf  dans  les  sols  très 
poreux,  quand  l'écartement  dépasse  15  à  16  mètres. 
Dans  la  plupart  des  terres  fortes  de  la  partie  sep- 
tentrionale de  la  France,  l'écartement  qui  paraît  le 
plus  convenable  est  celui  de  10  à  II  mètres.  Il 
faut  toutefois  rappeler  qu'il  est  nécessaire  de  rap- 
procher davantage  les  tranchées  quand  on  est 
obligé,  par  quelque  raison  que  ce  soit,  de  réduire 
leur  profondeur;  ces  chiffres  sont  donnés  pour  la 
profondeur  normale  de  l'',20. 

En  deliors  des  systèmes  de  drains  qui  viennent 
d'être  décrits,  et  qui  servent  directement  à  l'as- 
sainissement du  sol,  on  peut  être  conduit  à  en  éta- 
blir d'autres,  dirigés,  non  plus  dans  le  sens  de  la 


plus  grande  pente,  mais  en  suivant  le  périmètr® 
des  parties  drainées.  Ces  drains,  qu'on  appelle 
drains  de  ceinture,  ont  pour  fonction  spéciale  d'ar- 
rêter les  eaux  provenant  d'infiltrations  de  terres 
placées  à  un  niveau  supérieur.  Il  suftii,  la  plupart 
du  temps,  d'une  ligne  de  petits  drains  pour  at- 
teindre ce  but;  parfois  même  des  tranchées  d'une 
profondeur  suffisante   arrêtent  ces  inlikrations. 

Les  différentes  parties  des  opérations  qui  vien- 
nent d'être  indi(|uées  doivent  être  figurées  avec 
soin,  au  moyen  de  signes  conventionnels,  sur  le 
plan  de  chaque  champ  qui  doit  être  drainé,  afin 
que  les  travaux  puissent  être  exécutés  sur  le  ter- 
rain avec  régularité  et  sans  tâtonnements.  Ce  plan 
est  d'ailleurs  d'une  grande  utilité  pour  établir  à 
l'avance  le  prix  de  l'opération,  qui  dépend  à  la  fois 
de  la  longueur  des  drains,  de  leur  profondeur  et 
de  leur  écai'tement. 

Exécution  des  travaux.  —  Pour  la  bonne  exé- 
cution des  travaux  de  drainage,  il  importe  d'avoir 
des  ouvriers  exercés  à  ces  opérations  qui,  quoique 
peu  difficiles  en  elles-mêmes,  demandent  beaucoup 
de  soins  et  d'attention. 

Il  faut  d'abord  établir,  sur  le  terrain,  à  l'aide  de 
piquets,  la  direction  des  tranchées  dont  les  pro- 
portions ont  été  fixées  par  le  travail  préliminaire 
déjà  décrit.  Ce  tracé  exécuté,  il  convient  de  pro- 
céder à  l'ouverture  des  tranchées.  Le  profil  adopté 
pour  les  tranchées  est  la  forme  triangulaire.  On  a 
dit  que  leur  profondeur  varie  généralement  de 
'JO  centimètres  à  1™,50.  Dans  ce  cas,  elles  ont  au 
sommet,  c'est-à-dire  à  la  surface  du  sol,  30  à  70 
centimètres  de  largeur  suivant  la  nature  des  terres, 
et  au  fond  6  à  7  centimètres  seulement.  11  importe 
que  les  ouvriers  ne  dépassent  pas  les  dimensions 
voulues,  car  c'est  un  excès  de  travail  tout  à  fait 
inutile.  Pour  ouvrir  et  creuser  les  tranchées,  on 
emploie  des  instruments  spéciaux,  dont  les  prin- 
cipaux sont  la  bêche  à  découper  le  gazon  à  la  sur- 
face, des  bêches  spéciales  à  fer  long  et  étroit,  des 
dragues  à  fer  creux.  Généralement,  des  brigades 
de  trois  ouvriers  suffisent  pour  creuser  une  tran- 
chée :  le  premier  trace  la  tranchée  et  fait  la  pre- 
mière levée  de  terre,  le  deuxième  ouvrier  fait  les 
levées  suivantes,  et  le  troisième  achève  l'opération. 
Il  importe  que  les  parois  des  tranchées  soient  tou- 
jours lisses  et  les  talus  bien  droits.  Dans  les  ter- 
rains qui  présentent  des  pierres,  ou  qni  sont  diffi- 
ciles à  travailler,  on  a  recours  à  des  pics  qui,  pour 
une  partie  du  travail,  remplacent  les  bêches.  Les 
terres  enlevées  de  la  tranchée  sont  placées  avec 
soin  de  chaque  côté  de  celle-ci  :  la  terre  végétale 
d'un  côté,  les  couches  plus  profondes  de  l'autre 
côté. 

Une  opération  indispensable  est  de  bien  régler 
la  profondeur  et  la  pente  dos  tranchées.  Sans  cette 
précaution,  le  di'ainage  serait  imparfait.  A  cet  effet, 
à  mesure  qu'une  tranchée  est  creusée,  le  contre- 
maître en  vérifie  la  pente  à  l'aide  de  cordeaux,  de 
petites  mires,  de  niveaux  à  fil  à  plomb,  etc.  Cette 
vérification  faite,  on  pose  les  tuyaux  au  fond  des 
tranchées.  Les  tuyaux  à  peu  près  exclusivement 
employés  sont  en  terre  cuite  et  cylindriques;  leur 
diamètre  varie  suivant  qu'ils  sont  destinés  à  des 
collecteurs  de  premier  ou  de  deuxième  ordre.  On 
les  place  dans  la  tranchée  à  la  suite  les  uns  des 
autres  ;  quelquefois  leurs  extrémités  sont  munies 
de  colliers  qui  permettent  de  les  emmancher  les 
uns  dans  les  autres.  Pour  les  raccordements,  une 
ouverture  circulaire  est  préparée  dans  le  plus  gros 
tuyau,  et  le  plus  petit  pénètre  dans  cette  ouver- 
ture. La  pose  des  tuyaux  exige  beaucoup  de  soins  ; 
il  importe  que  les  extrémités  soient  bien  assujetties 
pour  qu'il  n'y  ait  pas  de  solution  de  continuité.  On 
se  sert,  pour  la  [)osc,  d'un  instrument  spécial  au- 
quel on  donne  le  nom  de  broche,  et  qui  consiste  en 
un  fer  long  recourbé  à  angle  droit  et  fixé  à  l'extré- 
mité d'un  long  manche.  Quand  on  s'est  assuré  de 


DRAMATIQUE 


—  609  — 


DRAMATIQUE 


la  pose  régulière  des  tuyaux,  la  tranchée  est  com- 
blée avec  la  terre  ^u"on  en  a  retirée,  mais  celle-ci 
est  placée  avec  les  précautions  nécessaires  pour 
ne  pas  modifier  la  position  des  tuyaux.  Avant  de 
combler  la  partie  la  plus  élevée  de  chaque  tran- 
chée, on  bouche  le  dernier  tuyau  avec  une  pierre, 
pour  empêcher  l'entrée  dans  ce  tuyau  de  la  terre 
délayée  par  l'eau. 

L'établissement  d'un  drainage  comporte  quel- 
ques travaux  accessoires  qu'il  reste  à  indiquer.  En 
premier  lieu  vient  la  construction  des  re- 
gards qu'on  place  aux  points  de  jonction  des  tuyaux 
collecteurs.  Ces  regards  sont  des  ouvertures  qui 
permettent  de  juger  comment  se  fait  l'écoulement 
des  eaux.  Ils  sont  le  plus  souvent  formés  par  des 
tuyaux  à  emboîtement  placés  verticalement  et 
fermés  à  leur  partie  supérieure  par  une  large  pierre 
plate.  —  Les  bouches  des  drains,  soit  dans  un  talus 
de  fossé,  soit  à  l'origine  d'un  fossé,  doivent  aussi 
être  construites  avec  des  dispositions  spéciales 
pour  empêcher  l'introduction  des  animaux,  les  ob- 
structions, etc.  ;  le  plus  souvent,  elles  sont  munies 
d'une  grille  de  fer  encastrée  dans  la  maçonnerie. 

La  fabrication  des  tuyaux  de  drainage  est  du 
ressort  d'une  industrie  spéciale.  Ce  n'est  que  dans 
des  cas  extrêmement  rares  et  tout  à  fait  exception- 
nels que  des  agriculteurs  ont  été  amenés  à  les 
fabriquer  eux-mêmes. 

Législation  du  drainage.  —  Lorsque  les  avan- 
tages du  drainage  furent  bien  établis  en  France, 
on  s'occupa  de  prendre  des  mesures  législatives 
pour  faciliter  cette  importante  amélioration  fon- 
cière. La  plus  grave  difficulté  était  dans  l'écoule- 
ment des  eaux  provenant  des  terrains  drainés  ; 
elle  a  été  levée  par  la  loi  du  10  juin  1854. 
■  En  vertu  de  cette  loi,  tout  propriétaire  qui  veut 
assainir  son  fonds,  par  le  drainage  ou  un  autre 
mode  d'assèchement,  peut,  moyennant  une  juste 
et  préalable  indemnité,  en  conduire  les  eaux,  sou- 
terrainement  ou  à  ciel  ouvert,  à  travers  les  pro- 
priétés qui  séparent  ce  fonds  d'un  cours  d'eau  ou 
de  toute  autre  voie  d'écoulement.  Les  maisons, 
cours,  jardins,  parcs  et  enclos  attenant  aux  habi- 
tations sont  toutefois  exceptés  de  cette  servitude. 
Les  propriétaires  des  fonds  voisins  ou  traversés 
ont  la  faculté  de  se  servir  des  travaux  faits,  pour 
l'écoulement  de  leurs  propres  fonds.  Dans  ce  cas, 
ils  supportent  une  part  proportionnelle  dans  la 
valeur  des  travaux  dont  ils  profitent,  les  frais  ré- 
sultant des  modifications  que  l'exercice  de  cette 
faculté  peut  rendre  nécessaires,  et  enfin  une  part 
contributive  dans  l'entretien  des  travaux  devenus 
communs. 

Une  autre  disposition  importante  de  cette  loi  est 
celle  qui  autorise  les  propriétaires  qui  veulent, 
par  des  travaux  d'ensemble,  assainir  leurs  terres 
par  le  drainage ,  à  se  constituer  en  associa- 
tions syndicales.  Les  travaux  que  voudraient  exé- 
cuter les  associations  syndicales,  les  communes  ou 
les  départements,  pour  faciliter  le  drainage,  ou 
tout  autre  mode  d'assèchement,  peuvent  être  dé- 
clarés d'utilité  publique.  Cette  dernière  disposition 
de  la  loi  a  reçu  plusieurs  applications  importantes; 
des  résultats  considérables  ont  été  obtenus  par 
l'association  de  propriétaires  en  vue  du  drainage, 
notamment  dans  le  département  de  Seine-et-Marne. 

[Henry  Sagnier.] 

Ouvrages  à  consulter.  —  Instructions  pratiquas  sur 
le  drainage,  réunies  par  ordre  du  ministre  de  l'agriculture. 
—  Traité  du  drainage,  par  J.-A.  Barrai.  —  Traité  du  drai- 
nage, par  Leclerc. 

DRAMATIQUE  (Genre)  et  DRAME.  —Littérature 
et  style, III. —  Le  genre  dramatique  embrasse  toutes 
les  œuvres  littéraires  qui  ont  pour  caractère  de 
mettre  en  scène  une  action  {drama  en  grec  signifie 
action).  hQ  drame,  —  dans  le  sens  étymologique  du 
mot, —  c'est  la  suite  des  événements  dont  l'enchaî- 
nement forme  l'intérêt  de  la  pièce  représentée;  mais 
2*  Partie. 


on  a  donné  à  ce  mot,  depuis  la  fin  du  XVIIP  siècle, 
un  sens  plus  étroit  que  nous  expliquerons  ci-des- 
sous. 

Le  genre  dramatique  comprend  trois  grandes 
divisions  :  œuvres  tragiques,  œuvres  comiques,  et 
œuvres  mixtes  ou  tragi-comiques. 

La  première  division  embrasse  elle-même  la 
tragédie  proprement  dite  et  l'opéra  sérieux,  qu'on 
appelait  autrefois  tragédie  lyrique  ou  drame  ly- 
rique. 

La  seconde  contient  toutes  les  formes  diverses 
de  la  comédie,  depuis  la  farce  jusqu'à  la  comédie 
de  mœurs;  en  y  ajoutant  les  soties  du  moyen 
âge,  la  parodie,  le  vaudeville,  l'opéra  comique,  etc. 

Dans  la  troisième  se  place  le  drame,  ainsi  défini 
par  le  Dictionnaire  de  l'Académie  :  «  Pièce  de 
théâtre  en  vers  ou  en  prose,  d'un  genre  mixte  entre 
la  tragédie  et  la  comédie,  dont  l'action,  sérieuse  par 
le  fond,  souvent  familière  par  la  forme,  admet  toutes 
sortes  de  personnages  ainsi  que  tous  les  sentiawnts 
et  tous  les  tons.  » 

Nous  parlons  ailleurs  de  la  tragédie  *  et  de  la 
comédie  ' ;  nous  n'avons  ici  qu'à  dire  quelques 
mots  du  drame  proprement  dit. 

On  en  pourrait  rechercher  les  origines  dans 
l'antiquité  grecque  et  romaine,  mais  il  ne  s'est 
réellement  constitué  qu'au  xvi*  siècle.  Les  deux 
grands  créateurs  du  drame  moderne  sont  biiaiie- 
speare  et  Calderon.  —  V„  l'article  Shakespeare,  et 
sur  Calderon,  l'anicle  Espagne  ^littérature).  . 

En  France,  les  débuts  du  drame  au  milieu  du 
xviiie  siècle  furent  difficiles,  peu  brillants  et  long- 
temps contestés.  Un  auteur  médiocre,  qui  n'est 
plus  connu  aujourd'hui  que  par  une  épigramme  de 
Piron  (V.  Comédie),  La  Chaussée,  eut  le  premier 
l'idée  de  donner  au  public  des  pièces  ofi"rant  à  la 
fois  l'intérêt  de  la  tragédie  et  le  piquant  de  la 
comédie  :  au  lieu  de  princes  et  de  seigneurs,  les 
personnages  y  sont  de  simples  bourgeois  ;  au  lieu 
d'actions  héroïques  et  d'infortunes  légendaires,  ce 
sont  les  événements,  les  sentiments,  les  passions 
de  la  vie  commune  qui  attachent  et  qui  touchent 
le  spectateur,  non  sans  que  de  temps  à  autre  un 
incident  comique  vienne  le  faire  sourire. 

Cette  innovation  fut  repoussée  d'abord  comme 
contraire  à  toutes  les  traditions  classiques  :  la  sé- 
paration complète  des  genres  était,  comme  la  règle 
des  trois  unités,  un  de  ces  dogmes  dont  l'esprit 
français  ne  pouvait  concevoir  alors  le  renverse- 
ment. D'ailleurs  La  Chaussée  n'avait  pas  assez  de 
talent  pour  forcer  l'admiration,  même  avec  l'appui 
que  donna  Voltaire  au  genre  nouveau,  dans  lequel 
lui-même  fit  quelques  essais. 

Diderot  tenta  avec  plus  de  succès  l'application 
de  la  même  idée  dans  le  Fils  naturel  et  le  Père 
de  famille.  Sedaine  écrivit  la  meilleure  pièce  du 
genre,  le  Philosophe  sans  le  savoir  (1765);  enfin 
Beaumarchais  dans  Eugénie,  dans  les  Deux  amis 
(1770),  et  dans  la  Mère  coupable  (1792),  acheva 
d'introduire  chez  nous  le  drame  bourgeois. 

Mercier,  auteur  de  plusieurs  pièces  du  même 
genre,  fut  en  outre  un  des  premiers  promoteurs  du 
drame  historique. 
-En  Allemagne,  la  fin  du  xviii^  siècle  et  le  com- 
mencement de  celui-ci  furent  marqués  par  l'avène- 
ment du  drame,  tel  que  le  conçurent  Leasing, 
Goethe  et  Schiller  (V.  Allemagne,  Littérature,  au 
Supplément). 

Victor  Hugo  lança  en  1827,  dans  la  préface  de 
Cromwell,  le  manifeste  du  drame  nouveau,  qu'il 
caractérisait  par  l'alliance  des  deux  éléments  si 
longtemps  séparés,  le  tragique  et  le  comique,  le 
sublime  et  le  grotesque,  et  qui  rompt  avec  toutes 
les  règles  étroites  de  l'ancien  théâtre  classique,  en 
introduisant  une  liberté  de  formes,  une  ampleur 
d'action,  une  variété  de  tons,  une  richesse  et  une 
mobilité  do  style  jusqu'alors  inconnues.  Hernani 
(1830)  et  Ruy  Blas  (1838)   sont  les  deux  œuvres 

3a 


DROIT  ADMINISTRATIF    —  610 


DROIT  ADMINISTRATIF 


capitales  de  ce  théâtre  de  Victor  Hugo,  qui  compte 
en  outre  Lucrèce  Borgia  (183;}),  Marion  Delorme 
(1831),  Le  roi  s'amuse  (1832).  Presque  en  môme 
temps  paraissaient  les  grands  drames  historiques 
d'Alexandre  Dumas,  qui  eussent  pu  balancer  le 
succès  des  drames  de  Victor  Hugo  si  l'auteur  avait 
eu,  comme  écrivain  et  comme  penseur,  des  qualités 
plus  solides,  un  goût  plus  sûr  et  moins  de  facilité. 
Depuis  lors,  le  drame  sous  ses  différentes  formes, 
et  particulièrement  le  drame  bourgeois,  n'a  pas 
disparu  de  notre  scène;  mais  il  n'a  pas  conservé 
la  grande  popularité  qu'il  eut  de  1830  à  1848;  il 
s'est  rapproché  de  la  comédie  de  mœurs  et  semble 
à  peine  s'en  distinguer  aujourd'hui.     " 

DROITADMINISTUATIF.— Législation  usuelle, 
II,  IV.  —  1.  DÉFINITION.  —  Le  droit  administratif 
comprend  l'organisation  administrative  à  ses  di- 
vers degrés,  les  matières  administratives,  c'est-à- 
dire  l'ensemble  des  objets  auxquels  se  rattachent 
les  services  administratifs,  enfin  le  jugement  des 
contestations  auxquelles  peut  donner  lieu  le  con- 
flit entre  l'action  de  l'administration  et  les  in- 
térêts des  particuliers;  c'est  ce  qu'on  nomme  le 
contentieux  administratif. 

2.  Organisation  administrative.  —  Administra- 
tion CENTRALE.  —  Si  l'actiou  administrative  à  ses 
divers  degrés  et  dans  ses  différentes  applications 
doit  appartenir  à  un  fonctionnaire  unique,  il  im- 
porte qu'à  côté  de  l'administrateur  chargé  d'agir 
se  trouve  un  conseil  qui  l'éclairé  de  ses  avis  ;  de 
là  la  distinction  de  l'administration  active  et  de 
l'administration  délibérante,  distinction  qui  se  re- 
trouve aux  divers  degrés  de  la  hiérarchie.  Au  cen- 
tre, l'action  administrative  appartient  au  président 
de  la  République  et  aux  ministres  ;  auprès  d'eux 
est  placé  le  conseil  d'Etat,  corps  délibérant. 

Principes  constitutifs;  centralisation;  hiérarchie. 
—  L'administration  centrale  donne  l'impulsion  aux 
divers  rouages  de  l'organisation  administrative  ; 
elle  exerce  son  contrôle  sur  les  actes  émanés  des 
autorités  locales  et  sur  la  gestion  des  intérêts 
locaux  ;  ce  contrôle  de  l'administration  centrale 
constitue  ce  qu'on  nomme  la  centralisation  admi- 
nistrative. L'impulsion  donnée  par  l'administra- 
tion centrale  se  transmet  et  s'étend  aux  divers 
points  du  territoire  par  des  agents  subordonnés 
hiérarchiquement  les  uns  aux  autres. 

Division  administrative  de  la  France.  —  Au 
point  de  vue  administratif,  la  France  se  divise  en 
départements,  arrondissements,  cantons  et  com- 
munes. Le  département  et  la  commune  ne  sont  pas 
seulement  des  circonscriptions  administratives  ; 
ils  forment  des  personnes  morales,  pouvant  avoir 
des  droits  et  des  obligations  :  le  département  et 
la  commune  peuvent  être  propriétaires,  créanciers, 
débiteurs.  L'arrondissement  et  le  canton  n'ont 
point  le  caractère  de  personnes  juridiques  :  ce  sont 
de  simples  divisions  administratives.  Le  canton  n'a 
point  d'administration  particulière  ;  cette  subdivi- 
sion administrative  présente  toutefois  de  l'intérêt 
à  plusieurs  points  de  vue:  le  conseil  de  révision 
pour  le  recrutement  de  l'armée  se  tient  au  chef- 
lieu  de  canton  ;  chaque  canton  nomme  un  con- 
seiller général,  et  au  moins  un  conseiller  d'arron- 
dissement. 

3.  Administration  du  département.  —  L'admi- 
nistration du  département  se  compose  du  préfet, 
du  secrétaire  général  de  la  préfecture,  qui  repré- 
sentent l'administration  active,  du  conseil  de  pré- 
fecture et  du  conseil  général  qui  forment  l'admi- 
nisiration  délibérante. 

Préfet.  ^  Les  préfets  sont  nommés  et  révoqués 
par  le  président  de  la  République  sur  la  proposi- 
tion du  ministre  de  l'intérieur.  Bien  que  dépen- 
dant plus  particulièrement  de  ce  département  mi- 
nistériel, le  préfet  concentre  dans  ses  mains  les 
diverses  branches  des  services  publics,  recrute- 
ment, travaux  publics,  instruction  publiqtie,  etc.; 


il  reçoit  et  fait  exécuter  les  ordres  et  les  instruc- 
tions de  tous  les  ministres.  Le  préfet  a  deux  or- 
dres d'attributions  :  tantôt  il  est  agent  du  gouver- 
nement, tantôt  il  représente  le  département. 

Attributions  du  préfet  comme  agent  du  gouver- 
nement. —  Le  préfet  est  chargé,  comme  agent  du 
gouvernement,  d'assurer  dans  le  département 
l'exécution  des  lois,  décrets  et  règlements  ;  il 
nomme  et  révoque  un  certain  nombre  d'agents  de 
l'administration  ;  il  représente  le  domaine  de  l'Etat 
devant  les  tribunaux. 

Attributions  du  préfet  comme  représentant  h 
département.  —  La  gestion  des  intérêts  du  dépar- 
tement appartient  au  conseil  général  et  à  la  com- 
mission départementale,  délégation  du  conseil 
général.  Le  préfet  est  chargé  de  l'instruction  des 
affaires  intéressant  le  département;  il  propose  au 
conseil  général  les  mesures  qu'il  juge  utiles  ;  il 
suit  l'exécution  des  décisions  prises  par  le  conseil 
général  et  la  commission  départementale. 

Tutelle  administrative  [Décret  du  25  mars  1852). 
—  Un  grand  nombre  d'actes  intéressant  le  dépar- 
tement, les  communes,  les  établissements  publics, 
bureaux  de  bienfaisance,  hospices,  etc.,  sont  sou- 
mis à  l'approbation  de  l'autorité  administrative 
supérieure,  dont  la  surveillance  prend  le  nom  de 
tutelle  administrative.  Dans  la  plupart  des  cas, 
cette  approbation  est  donnée  aujourd'hui  par  le 
préfet,  ce  qui,  sans  faire  disparaître  le  contrôle, 
évite  les  retards  et  les  lenteurs  qu'entraînait  la 
nécessité  de  recourir  à  l'administration  centrale. 
Le  préfet  exerce  ces  fonctions  de  tutelle  adminis- 
trative sous  l'autorité  du  ministre  de  l'intérieur. 

Secrétaires  généraux  de  préfecture.  —  H  y  a 
dans  chaque  département  un  secrétaire  général 
nommé  par  le  président  de  la  République.  Le  se- 
crétaire général  délivre  et  signe  les  ampliations  des 
arrêtés  du  préfet;  il  peut  être  investi  par  déléga- 
tion de  quelques-unes  des  attributions  du  préfet; 
enfin  il  peut  remplacer  le  préfet  lorsqu'il  est  absent 
ou  empêché. 

Conseils  de  préfecture.  —  11  y  a  dans  chaque 
département  un  conseil  de  préfecture,  composé 
de  trois  ou  quatre  membres  nommés  par  le  prési- 
dent de  la  République.  Le  conseil  de  préfecture 
est  présidé  par  le  préfet  ou  par  un  des  conseillers 
de  préfecture  désigné  chaque  année  pour  exercer 
la  présidence. 

Attributio7is.  —  Le  conseil  de  préfecture  est 
appelé  à  donner  son  avis  sur  un  grand  nombre 
d  affaires  intéressant  le  département.  Il  faut  re- 
marquer que  son  rôle  est  purement  consultatif  en 
matière  administrative,  et  que  le  pouvoir  de  déci- 
sion appartient  au  préfet.  Le  conseil  de  préfecture 
est  juge  de  certaines  contestations  en  matière  ad- 
ministrative, par  exemple  les  réclamations  en  ma- 
tière de  contributions  directes,  les  demandes  en 
nullité  des  élections  municipales.  Lorsqu'il  exerce 
des  attributions  contentieuses,  le  conseil  de  pré- 
fecture a  un  pouvoir  propre,  les  décisions  qu'il 
rend  ont  le  caractère  et  la  force  de  jugements. 

Autorisations  de  plaider.  —  C'est  au  conseil 
de  préfecture  que  doivent  s'adresser,  pour  obtenir 
l'autorisation  de  plaider,  les  communes  ou  établis- 
sements publics  qui  se  trouvent  engagés  dans  un 
procès  en  demandant  ou  en  défendant.  La  com- 
mune ou  l'établissement  public  auquel  l'autorisa- 
tion a  été  refusée  par  le  conseil  de  préfecture 
peut  se  pourvoir  contre  cette  décision  devant  le 
conseil  d'Etat. 

Conseils  généraux  {Loi  du  10  aoiit  1871).  — 
Le  conseil  général  est  un  corps  électif  spéciale- 
ment chargé  de  la  gestion  des  intérêts  du  départe- 
ment. 

Composition  du  conseil  général.  —  Le  conseil 
général,  dans  chaque  département,  se  compose  d'un 
conseiller  général  par  canton.  Pour  être  élu  mem- 
bre d'un  conseil  général  il  faut  être  âgé  de  25  ans, 


DROIT  ADMINISTRATIF 


611  —     DROIT  ADMINISTRATIF 


être  domicilié  dans  le  département  ou  y  être  in- 
scrit au  rôle  de  l'une  des  quatre  contributions 
directes.  On  ne  peut  faire  partie  de  deux  conseils 
généraux  ou  d'un  conseil  général  et  d'un  conseil 
d'arrondissement. 

Élection  des  conseillers  généraux.  —  Les  con- 
seillers généraux  sont  élus  pour  six  ans,  et  se  re- 
nouvellent par  moitié  tous  les  trois  ans.  L'élection 
a  lieu  par  le  suffrage  universel,  dans  chaque 
commune,  sur  les  listes  dressées  pour  les  élec- 
tions municipales.  Pour  être  élu  au  premier  tour 
de  scrutin,  il  faut  la  majorité  absolue,  c'est-à-dire 
la  moitié  plus  un  des  suffrages  exprimés  et  un 
nombre  de  voix  égal  au  quart  du  nombre  des  élec- 
teurs inscrits.  Au  second  tour  de  scrutin,  la  ma- 
jorité relative  suffit.  Les  réclamations  contre  les 
élections  au  conseil  général  sont  jugées  par  le 
conseil  d'État. 

Sessions  des  conseils  généraux.  —  Les  conseils 
généraux  ont  chaque  année  deux  sessions  ordi- 
naires :  la  première  s'ouvre  de  plein  droit  le  second 
lundi  qui  suit  le  jour  de  Pâques,  la  seconde  le 
premier  lundi  qui  suit  le  15  août.  C'est  dans 
cette  session  d'aoiit  que  le  conseil  général  nomme 
son  bureau,  composé  d'un  président,  de  vice-pré- 
sidents et  de  secrétaires.  Les  séances  du  conseil 
général  sont  publiques  ;  le  préfet  assiste  aux  déli- 
bérations et  doit  être  entendu  toutes  les  fois  qu'il 
le  demande.  Le  conseil  général  peut  être  convoqué 
extraordinairement  sur  la  demande  des  deux  tiers 
de  ses  membres.  La  nullité  des  délibérations  pri- 
ses par  le  conseil  général  en  dehors  de  ses  attri- 
butions est  prononcée  par  décret  du  président  de 
la  République  rendu  en  conseil  d'État. 

Attributions  des  conseils  généraux  ;  diverses  es- 
véces  de  délibérations.  —  Le  conseil  général 
statue  définitivement,  et  sans  que  l'approbation 
de  l'autorité  supérieure  soit  nécessaire,  sur  un 
grand  nombre  d'affaires  intéressant  le  département, 
par  exemple  :  l'acquisition,  l'aliénation  et  l'échange 
de  certaines  propriétés  départementales,  le  clas- 
sement et  la  direction  des  routes  départementales 
et  des  chemins  de  grande  communication,  la  ré- 
partition entre  les  communes  des  contributions  di- 
rectes, etc.  Les  délibérations  sur  ces  différents 
objets  sont  exécutoires  par  elles-mêmes.  Pour 
d'autres  délibérations,  la  décision  du  conseil  géné- 
ral ne  devient  définitive  qu'autant  que,  dans  les 
trois  mois  qui  suivent  la  clôture  de  la  session,  un 
décret  motivé  n'en  a  pas  suspendu  l'exécution  ; 
nous  citerons  comme  exemple  les  délibérations 
par  lesquelles  le  conseil  général  statue  sur  les  de- 
mandes des  communes  relatives  à  l'établissement 
et  au  renouvellement  de  taxes  d'octroi.  Le  conseil 
général  est  appelé  à  donner  son  avis  sur  un  grand 
nombre  d'affaires  intéressant  le  département  et 
dont  la  décision  appartient  à  l'autorité  supérieure. 
Il  peut  enfin  émettre  des  vœux  sur  toutes  les 
questions  économiques  et  d'administration  géné- 
rale ;  mais  les  vœux  politiques  lui  sont  interdits. 

Budget  départemental;  centimes  additionnels.  — 
Le  département  a  son  budget  spécial,  coaiprenant 
pour  chaque  exercice  la  prévision  des  dépenses  à 
faire  et  des  recettes  à  opérer.  La  principale  res- 
source du  budget  départemental  consiste  dans  les 
centimes  additionnels.  Le  conseil  général  peut, 
dans  certaines  limites  fixées  par  la  loi,  voter,  pour 
subvenir  aux  dépenses  départementales,  un  certain 
nombre  de  centimes  qui  s'ajoutent  au  chiffré  des 
contributions  directes,  et  se  calculent  à  raison  de 
tant  de  centimes  par  franc.  Pour  suppléer  à  l'in- 
suffisance du  produit  des  centimes  additionnels, 
il  a  été  créé  un  fonds  spécial  appelé  fonds  com- 
mun, qui  est  réparti  chaque  année  entre  les  dé- 
partements les  plus  pauvres.  Le  projet  de  budget 
présenté  par  le  préfet,  délibéré  par  le  conseil  gé- 
néral, est  définitivement  arrêté  par  décret  du  pré- 
sident de  la  liépublique.  Le  conseil  général,  à  la 


fin  de  Vexercice,  c'est-à-dire  de  l'année  budgétaire, 
reçoit  le  compte  que  rend  le  préfet  des  recettes 
et  dépenses  effectuées  pendant  l'année. 

Commission  départementale .  —  La  commission 
départementale  a  pour  mission,  pendant  l'inter- 
valle des  sessions  du  conseil  général,  de  veiller 
aux  intérêts  du  département  et  de  contrôler  la  ges- 
tion du  préfet. 

Sa  composition;  ses  attributions.  —  La  com- 
mission départementale  est  élue  chaque  année 
parle  conseil  général  à  la  fin  de  la  session  d'août; 
elle  est  composée  de  quatre  membres  au  moins 
et  do  sept  au  plus.  Lorsque  le  conseil  général 
n'est  point  en  session,  elle  doit  se  réunir  au 
moins  une-  fois  par  mois.  La  commission  départe- 
mentale statue  sur  certaines  affaires,  et  donne  sur 
d'autres  son  avis  ;  à  l'ouverture  de  chaque  session, 
elle  fait  un  rapport  au  conseil  général  sur  ses  tra- 
vaux depuis  la  session  précédente,  et  lui  soumet 
les  propositions  qu'elle  juge  utiles. 

4.  Administration'  de  l'arro.n'dissement.  —  Sous- 
préfet;  ses  attributions.  —  Dans  tous  les  arron- 
dissements autres  que  l'arrondissement  chef-lieu, 
il  y  a  un  sous-préfet  nommé  par  le  président  do 
la  République.  Le  sous-préfet  est  habituellement 
chargé  d'instruire  les  affaires,  de  correspondre 
avec  les  autorités  locales,  de  transmettre  au  préfet 
le  résultat  de  ses  informations  en  y  joignant  son 
avis.  Il  a  dans  certains  cas  un  pouvoir  de  décision 
propre  :  c'est  ainsi  qu'il  peut  délivrer  les  passe- 
ports et  les  permis  de  chasse,  qu'il  règle  le  bud- 
get et  les  comptes  des  bureaux  de  bienfaisance, 
qu'il  opère  le  placement  des  fonds  de  ces  éta- 
blissements. 

Co7iseil  d'arrondissement;  sa  composition.  — 
Il  existe  dans  chaque  arrondissement  un  conseil 
d'arrondissement,  composé  d'autant  de  membres 
qu'il  y  a  de  cantons  dans  l'arrondissement,  sans 
toutefois  que  le  nombre  puisse  être  inférieur  à 
neuf;  si  l'arrondissement  compte  moins  de  neuf 
cantons,  ils  sont  divisés  de  manière  à  compléter 
le  minimum.  Le  mode  d'élection  est  le  même 
que  pour  les  conseils  généraux  ;  les  membres  du 
conseil  d'arrondissement  sont  élus  pour  six  ans, 
et  se  renouvellent  par  moitié  tous  les  trois  ans.  La 
session  ordinaire  du  conseil  d'arrondissement  se 
divise  en  deux  parties  :  la  première  précède,  la 
seconde  suit  la  session  du  conseil  général. 

Ses  attributioyis .  —  L'attribution  essentielle  du 
conseil  d'arrondissement  consiste  à  répartir,  sous 
l'autorité  du  conseil  général,  les  contributions  di- 
rectes entre  les  communes.  Il  a  en  outre  des 
attributions  consultatives  :  il  peut  être  appelé  à 
donner  son  avis  sur  toutes  les  affaires  qui  intéres- 
sent l'arrondissement;  il  peut  émettre  des  vœux 
sur  les  divers  objets  sur  lesquels  le  conseil  général 
est  appelé  à  délibérer,  en  tant  qu'ils  intéressent 
l'arrondissement. 

Pour  compléter  le  tableau  de  l'organisation  ad- 
ministrative, nous  aurions  à  traiter  ici  de  l'admi- 
nistration municipale.  Ce  sujet  a  été  développé 
au  mot  Commune,  auquel  nous  renvoyons. 

5.  Matières  admimstratives.  —Notions  générales 
sur  les  divers  services  publics.  —  Après  avoir  étu- 
dié l'organisation  administrative,  nous  avons  à 
nous  occuper  des  matières  administratives,  c'est- 
à-dire  des  divers  objets  auxquels  l'administration 
doit  pourvoir  dans  un  intérêt  général.  Les  matières 
administratives  comprennent  l'organisation  de  la 
force  publique,  les  cultes,  les  finances,  l'instruc- 
tion publique,  les  travaux  publics,  la  voirie,  les 
règlements  relatifs  à  l'industrie.  Chacun  de  ces 
services,  placé  sous  la  direction  supérieure  des 
ministres,  comprend  un  certain  nombre  d'agents, 
les  uns  employés  par  l'administration  pour  le  ser- 
vice intérieur,  ayant  pour  mission  d'instruire  les 
affaires,  de  préparer  les  décisions  ;  les  autres 
chargés  d'un  service  actif  et  extérieur.  C'est  dans 


DROIT  ADMINISTRATIF     -  012  —     DROIT  ADMINISTRATIF 


cette  dernière  classe  que  rentrent  les  ingénieurs 
qui  dirigent  et  surveillent  les  travaux  publics,  les 
agents  chargés  de  la  perception  des  revenus  pu- 
blics, etc.  Chacun  des  services  administratifs  a  son 
organisation  particulière. 

Nous  laisserons  de  côté,  parmi  les  matières  ad- 
ministratives, ce  qui  a  rapport  à  l'armée,  à  la  voi- 
rie, aux  impôts.  On  trouvera  les  développements 
sur  ces  divers  points  aux  mots  :  Service  militaire. 
Voirie  et  Impôts.  Nous  ne  traiterons  que  des  cultes, 
des  travaux  publics,  et  des  règlements  relatifs  aux 
industries  dangereuses,  incommodes  et  insalubres. 
Quant  à  l'instruction  publique,  de  nombreux  arti- 
cles de  la  I"  Partie  de  ce  Dictionnaire  en  expo- 
sent en  détail  l'organisation. 

G.  Cultes.  —  Notio?is  sur  rorqwiisatioji  du 
culte  catholique.  —  L'organisation  du  culte  catho- 
lique repose  sur  la  division  du  territoire  en  un 
certain  nombre  de  diocèses  qui  se  subdivisent 
eux-mêmes  en  paroisses.  Chaque  diocèse  a  un 
archevêque  ou  éA'èque  qui  centralise  tous  les  pou- 
voirs ecclésiastiques.  Les  archevêques  et  évêques, 
nommés  par  le  président  de  la  République,  reçoi- 
vent du  pape  l'institution  canonique.  Les  arche- 
vêques et  évêques  sont  assistés  par  des  vicaires 
généraux  dont  la  nomination  doit  être  soumise 
par  l'évêque  à  l'approbation  du  gouvernement.  '- 

Cures  ;  paroisses  ;  succursales.  —  Les  diocèses 
sont  divisés  en  un  certain  nombre  de  paroisses  ou 
cures;  il  y  a  au  moins  une  cure  par  canton.  Le 
curé,  ou  pasteur  de  l'église  paroissiale,  est  désigné 
par  l'évêque,  mais  doit  être  agréé  par  le  chef  de 
l'Etat;  il  est  inamovible  et  ne  peut  être  révoqué 
ou  déplacé  par  l'évêque,  sans  une  sentence  rendue 
dans  les  formes  canoniques.  A  côté  des  cures  ou 
paroisses  se  trouvent  les  succursales,  dont  les  ti- 
tulaires portent  le  nom  de  desservants  ;  les  desser- 
vants sont  nommés  directement  par  l'évêque  et  ne 
sont  point  inamovibles.  Les  intérêts  temporels  de 
Téglise  sont  administrés  par  un  conseil  de  fabri- 
que., composé  du  curé  ou  desservant,  du  maire  de 
la  commune  et  d'un  certain  nombre  de  membres 
laïques.  La  fabrique  constitue  une  personne  mo- 
rale ;  elle  peut  avoir  des  biens,  recevoir  des  dons 
et  des  legs  ;  ces  dons  et  legs  ne  peuvent  être  ac- 
ceptés par  la  fabrique  qu'en  vertu  d'une  autorisa- 
tion de  l'autorité  supérieure. 

Cultes  non  catholiques.  —  Deux  cultes  protess* 
tants  sont  reconnus  en  France  :  l'Eglise  réformée 
ou  calvinisme,  et  l'Eglise  de  la  confession  d'Augs- 
bourg  ou  luthéranisme.  Tout  groupe  de  protestants 
ayant  un  pasteur  forme  une  paroisse  ;  la  paroisse 
est  administrée  par  un  conseil  presbytéral.  Les 
paroisses  se  groupent  sous  l'autorité  d'un  consis- 
toire. Pour  le  culte  Israélite,  nous  trouvons  les 
synagogues,  réparties  en  un  certain  nombre  de 
consistoires  départementaux,  au-dessus  desquels 
est  placé  le  consistoire  central  qui  siège  à  Paris.  Les 
ministres  des  cultes  protestants  reconnus,  et  ceux 
du  culte  Israélite,  reçoivent  de  l'État  un  traitement, 
de  même  que  les  ministres  du  culte  catholique. 

7.  Travaux  publics.  —  On  appelle  travaux  pu- 
blics les  travaux  de  construction  et  d'appropria- 
tion, de  réparation  ou  d'entretien  qui  s'exécutent 
dans  un  intérêt  général.  Ces  travaux  peuvent  être 
exécutés  pour  le  compte  de  l'Etat,  du  département 
ou  de  la  commune,  directement  ou  par  des  con- 
cessionnaires que  l'administration  se  substitue 
pour  l'exécution. 

Servitudes  imposées  à  là  propriété  privée.  — 
L'exécution  des  travaux  publies  peut  entraîner 
pour  les  propriétés  voisines  certaines  charges  ou 
servitudes.  Ainsi  les  entrepreneurs  peuvent  être 
autorisés  à  déposer  des  matériaux  sur  les  terrains 
voisins  des  travaux.  Les  agents  de  l'administration 
ou  les  entrepreneurs  peuvent  être  autorisés  par 
un  arrêté  du  préfet  à  prendre  sur  les  terrains  des 
particuliers  les  matériaux  nécessaires  aux  travaux» 


Dans  ces  deux  cas,  le  particulier  à  la  propriété 
duquel  un  préjudice  a  été  porté  peut  réclamer 
une  indemnité  qui,  en  cas  de  contestation,  est 
fixée  par  le  conseil  de  préfecture.  Cette  indemnité, 
lorsqu'il  s'agit  d'extraction  de  matériaux,  s'étend 
à  la  valeur  des  matériaux,  s'ils  ont  été  pris  dans 
une  carrière  déjà  exploitée  ;  elle  est  limitée  au 
dégât  causé  au  sol  lui-môme,  s'il  n'y  a  point  de 
carrière  exploitée  dans  le  terrain. 

Expropriation  pour  cause  d'utilité  publique.  — 
L'expropriation  pour  cause  d'utilité  publique  est 
la  prise  de  possession  par  l'administration,  moyen- 
nant indemnité,  d'une  propriété  dont  la  cession  est 
nécessaire  pour  l'exécution  d'un  travail  d'utilité 
publique.  La  faculté  d'expropriation  permet  d'écar- 
ter les  obstacles  que  pourraient  apporter  aux  pro- 
jets d'intérêt  général  la  résistance  ou  les  préten- 
tions exagérées  des  propriétaires  atteints  par  les 
travaux. 

Formes  et  procédure  de  l'expropriation  {Loi  du 
3  mai  1841).  —  L'utilité  publique  du  travail  à 
exécuter  est  déclarée  par  une  loi  ou  par  un  dé- 
cret rendu  en  conseil  d'Etat.  Après  la  déclaration 
d'utilité  publique,  les  ingénieurs  dressent  un  pian 
comprenant  toutes  les  propriétés  dont  la  cession 
est  nécessaire  pour  l'exécution  des  travaux.  Ce 
plan  est,  pendant  huit  jours,  déposé  à  la  mairie  où 
chacun  peut  en  prendre  connaissance.  Les  inté- 
ressés peuvent  soumettre  leurs  réclamations  au 
maire  ou  à  [une  commission  qui  se  réunit  à  la 
sous-préfecture, \  Ces  formalités  accomplies,  le 
préfet  désigne  par  un  arrêté  motivé  les  propriétés 
qui  doivent  être  cédées,  et  le  tribunal  de  première 
instance  prononce  par  un  jugement  l'expropriation. 
Fixation  et  paiement  de  l'indemnité.  —  Le  ju- 
gement d'expropriation  transfère  la  propriété  de 
l'immeuble  à  l'administration,  mais  elle  ne  peut' 
se  mettre  en  possession  avant  que  l'indemnité  ait 
été  fixée  et  payée  :  le  principe  est  que  l'indem- 
nité doit  être  préalable,  c'est-à-dire  touchée  par 
le  propriétaire  avant  sa  dépossession.  Si  le  proprié- 
taire ne  s'entend  point  avec  l'administi'ation  pour 
le  chiffre  de  l'indemnité,  elle  est  fixée  par  un  jury 
spécial,  appelé  jury  d'expropriation.  Le  jury  est 
choisi  par  la  Cour  d'appel  ou  le  tribunal  du  chef- 
lieu  judiciaire  sur  une  liste  de  jurés  dressée  par  le 
conseil  général  pour  chaque  arrondissement.  Lors- 
que l'indemnité  a  été  fixée,  l'administration  paie 
le  propriétaire,  ou,  s'il  y  a  des  obstacles  au  paie- 
ment, dépose  l'indemnité  à  la  caisse  des  consigna- 
tions :  alors  seulement  elle  peut  prendre  posses- 
sion de  l'immeuble  exproprié. 

Travaux  de  dé f crise  militaire;  servitudes.   — 
Certaines  restrictions  particulières  sont  apportées 
!  à  l'exercice  du  droit  de  propriété  dans  le  voisinage 
'  des  places  de  guerre.  Il  est  interdit,  dans  une  cer- 
taine zone  autour  des  fortifications,   de  bâtir,  do 
planter  des  arbres,   des  haies  vives.  Autour  des 
I  magasins  à  poudre,  il  ne   peut  être  établi  de  clô- 
I  tures  en    bois,  des  dépôts   de  bois,  fourrages  ou 
I  matières  combustibles,  etc. 

Dessèchement  des  marais  {Loi  du  16  septembre 
1807).  —  Au  nombre  des  entreprises' qui  présen- 
'  tent  au  plus  haut  degré  le  caractère  de  travail 
'  d'utilité  publique,  on  doit  compter  le  dessèche- 
ment des  marais.  Aussi,  lorsque  les  propriétaires 
ne  peuvent  eux-mêmes  procéder  à  cette  opération, 
l'Etat  peut  intervenir,  exécuter  les  travaux  lui- 
même  ou  les  faire  exécuter  par  des  concession- 
naires. La  concession  est  accordée  par  décret 
rendu  en  conseil  d'Etat.  Les  concessionnaires  ont 
droit,  à  titre  d'indemnité,  à  une  certaine  partie  de 
l'augmentation  de  valeur  qui  résulte  du  dessèche- 
ment pour  les  terrains  assainis  ;  cette  indemnité 
est  à  la  charge  des  propriétaires  auxquels  appar- 
tiennent les  terres  en  nature  de  marais,  et  ils 
peuvent  s'en  acquitter,  soit  en  argent,  soit  en 
abandonnant  une  partie  de  leur  i)ropriétc. 


DROIT  ADMINISTRATIF 


613 


DROIT  PRIVÉ 


Milles,  minières  et  cannères.  —  Les  mines,  ou 
gisements  de  matières  métalliques,  charbons,  bois 
fossiles,  bitumes,  ne  peuvent  être  exploitées  qu'en 
vertu  d'un  décret  de  concession  rendu  en  conseil 
d'Etat.  Le  concessionnaire  paie  une  redevance 
au  propriétaire  du  sol  sous  lequel  s'exploite  la 
mine.  L'exploitation  des  mines  est  soumise  à  la 
surveillance  des  ingénieurs  et  agents  de  l'admi- 
nistration des  mines.  Les  minières,  qui  compren- 
nent les  minerais  de  fer  d'alluvion,  les  terres  py- 
riteuses,  alumineuses  et  les  tourbes,  peuvent  être 
exploitées  K  ciel  ouvert,  moyennant  une  simple  dé- 
claration faite  au  préfet  par  le  propriétaire.  Les 
carrières,  qui  renferment  des  grès,  pierres  à  bâ- 
tir, ardoises,  marbres,  marne,  argile,  ne  peuvent 
être  ouvertes  et  exploitées  que  par  le  proprié- 
taire du  sol  ou  de  son  consentement.  Les  carriè- 
res exploitées  à  ciel  ouvert  sont  soumises  à  la  sur- 
veillance de  la  police  ;  celles  exploitées  au  moyen 
de  galeries  souterraines  sont  soumises  à  la  sur- 
veillance de  l'administration  des  mines. 

8.  Etablissements  dangereux,  incommodes  et  in- 
salubres. —  Le  principe  de  la  liberté  de  l'industrie 
reçoit  une  restriction  nécessaire,  lorsque  l'exercice 
de  cette  industrie  peut  nuire  à  l'intérêt  général. 
De  là  les  règles  spéciales  aux  établissements  clas- 
sés sous  le  nom  d'établissements  dangereux,  in- 
commodes ou  insalubres. 

Division  en  trois  classes.  —  Ces  établissements, 
suivant  leur  nature  et  les  inconvénients  plus  ou 
moins  grands  qu'ils  comportent,  sont  divisés  en 
trois  classes.  La  première  comprend  les  établis- 
sements qui  doivent  être  éloignés  des  habitations 
à  cause  de  leurs  exhalaisons  malsaines  ou  des  acci- 
dents auxquels  ils  peuvent  donner  lieu  :  tels  sont 
les  abattoirs,  les  ateliers  d'artificiers,  etc.;  la  se- 
conde classe  comprend  des  industries  dont  l'éloi- 
gnement  des  habitations  n'est  pas  absolument  né- 
cessaire, mais  dont  il  importe  de  ne  permettre  la 
formation  qu'avec  certaines  précautions:  tels  sont 
les  usines  à  gaz,  les  raffineries  et  fabriques  de 
sucre,  etc.;  enfin  dans  la  troisième  classe  rentrent 
certains  établissements  qui  sont  seulement  incom- 
modes, mais  ne  présentent  point  de  danger,  et 
ne  sont  pas  insalubres  ;  par  exemple,  les  brasse- 
ries, les  buanderies,  les  ateliers  pour  le  battage 
et  le  cardage  des  laines,  etc.  La  nomenclature 
de  ces  établissements  avec  la  classe  à  laquelle 
ils  appartiennent  a  été  faite  à  différentes  reprises 
et  en  dernier  lieu  par  un  décret  du  31  décembre 
1866. 

Formes  et  conditions  de  l'autorisation  ;  enquêtes 
de  commodo  et  incommoda.  —  Aucun  de  ces  éta- 
blissements ne  peut  être  exploité  sans  une  auto- 
risation administrative.  Pour  les  établissements 
de  première  classe,  l'autorisation  est  accordée  par  le 
préfet  ;  la  demande  est  portée  à  la  connaissance 
du  public  par  des  affiches  qui  restent  apposées 
pendant  un  mois.  Une  enquête  de  commodo  et 
incommodo  est  faite  par  le  maire  de  la  commune 
où  l'établissement  doit  être  formé  ;  le  maire  re- 
cueille les  observations  des  personnes. intéressées, 
et  transmet  le  procès-verbal  de  l'enquête  avec 
son  avis  au  préfet  qui  statue.  Les  formalités  sont 
les  mêmes  pour  les  établissements  de  seconde 
classe;  l'autorisation  ne  peut  être  accordée  qu'a- 
près une  enquête  de  commodo  et  incommodo, 
mais  cette  enquête  n'est  pas  précédée  de  l'apposi- 
tion d'affiches.  Pour  les  établissements  de  troi- 
sième classe,  l'autorisation  est  accordée  par  le 
sous-préfet  ou  par  le  préfet  dans  l'arrondissement 
chef-lieu;  il  n'y  a  ni  affiches,  ni  enquête;  le  sous- 
préfet  doit  seulement  demander  l'avis  du  maire. 

Oppositions;  recours.  — Les  propriétaires  aux- 
quels pourrait  nuire  le  voisinage  de  l'établisse- 
ment peuvent  d'abord  formuler  leur  opposition 
lors  de  l'enquête  de  commodo  et  incommodo .  Si 
l'autorisation  a  été  accordée,  ils  peuvent  se  pour- 


voir devant  le  Conseil  de  préfecture  contre  l'ar 
rêté  d'autorisation.  De  son  côté,  l'industriel  don 
la  demande  a  été  rejetée  peut  déférer  au  Conseil 
d'Etat  la  décision  du  préfet,  s'il  s  agit  d'un  établis 
sèment  de  première  ou  de  seconde  classe,  et  au 
Conseil  de  préfecture  la  décision  du  préfet  ou  du 
sous-préfet,  s'il  s'agit  d'un  établissement  de  troi- 
sième classe.       ,  [E.  Delacourtie.] 

DROIT  PRIVÉ.  —  Législation  usuelle.  VI,  VIII. 
—  1.  Définition  et  division.  —  Le  droit  privé  est 
cette  partie  de  la  législation  qui  règle  les  rapports 
des  particuliers  entre  eux.  Le  droit  privé  traite 
des  personnes  (V.  Etat  civil),  des  choses  (V.  Pro- 
priété), des  différentes  manières  d'acquérir  et  de 
transmettre  la  propriété,  enfin  des  contrats  et 
des  obligations  auxquels  les  contrats  donnent  nais- 
sance. Sous  allons  parcourir  les  modes  d'acquisi- 
tion de  la  propriété  et  donner  quelques  notions 
sommaires  sur  les  obligations  et  les  principaux 
contrats. 

2.  Successions  [Code  civil,  art.  718  à  892).  — 
L'acquisition  par  succession  est  la  transmission  des 
biens  d'une  personne  à  l'héritier  que  la  loi  lui  dé- 
signe. La  succession  s'ouvre  au  décès  et  ne  peut 
s'ouvrir  qu'à  ce  moment. 

Divers  ordres  d'héritiers.  —  Les  héritiers  sont  : 
d'abord  les  enfants  et  descendants,  puis  les  père 
et  mère  en  concours  avec  les  frères  et  sœurs;  les 
ascendants  et  enfin  les  collatéraux.  Les  descen- 
dants succèdent  par  représentation ,  c'est-à-dire 
que  les  petits-enfants,  nés  d'un  fils  ou  d'une  fille 
décédée,  ont  la  part  qu'aurait  leur  père  ou  leur 
mère,  s'ils  étaient  vivants.  Les  frères  et  sœurs  ex- 
cluent les  parents  autres  que  les  père  et  mère,  qui 
partagent  avec  les  frères  et  sœurs  ;  le  père  et  la 
mère  ont  chacun  un  quart,  les  frères  et  sœurs 
prennent  le  surplus.  Lorsque  la  succession  est  dé- 
volue aux  ascendants  et  aux  collatéraux,  elle  se 
divise  par  moitié  entre  les  deux  branches  pater- 
nelle et  maternelle  ;  dans  cliaque  ligne,  l'ascendant 
exclut  le  collatéral,  mais  il  succède  en  concours 
avec  le  collatéral  de  l'autre  ligne.  Dans  chaque 
ligne,  l'ascendant  ou  le  collatéral  le  plus  proche 
est  appelé  à  recueillir  la  succession. 

Successeurs  i)V'éguliers.  —  Après  les  héritiers 
proprement  dits,  qui  sont  les  parents  légitimes 
de  la  personne  décédée,  la  succession  est  dévolue 
à  ceux  qu'on  nomme  les  successeurs  irréguliers  : 
d'abord  aux  enfants  naturels,  qui  succèdent  en 
concours  avec  les  héritiers,  puis  aux  père  et  mère, 
aux  frères  et  sœurs  de  l'enfant  naturel,  à  l'époux 
survivant  qui  vient  après  tous  les  parents  légitimes 
et  naturels,  enfin,  en  dernier  lieu,  à  l'État,  qui  re- 
cueille les  successions ,  lorsqu'elles  ne  sont  ap- 
préhendées par  personne.  Les  successeurs  irrégu- 
liers doivent,  pour  se  mettre  en  possession  des 
biens  de  la  succession,  obtenir  du  tribunal  de  pre- 
mière instance  un  jugement  d'envoi  en  possession. 

Différents  partis  que  ('héritier  peut  prendre  relatif 
vemeut  à  la  succession,  —L'héritier  appelé  à  une  suc- 
cession peut  ou  l'accepter  purement  et  simplement  : 
il  est  tenu  dans  ce  cas  de  payer  toutes  les  dettes, 
même  si  elles  excèdent  Tactil'  de  la  succession;  ou 
l'accepter  sous  bénéfice  d'inventaire:  il  n'est  alors 
tenu  des  dettes  que  jusqu'à  concurrence  des  biens, 
mais  à  la  condition  d'avoir  fait  inventaire  et  de 
rendre  compte  aux  créanciers  ;  ou  renoncer,  et,  en 
prenant  ce  parti,  l'héritier  devient  étranger  à  la 
succession  :  il  n'est  pas  tenu  des  dettes,  mais  il 
n'a  plus  aucun  droit  sur  les  biens  ou  valeurs  dé- 
pendant de  la  succession.  L'acceptation  sous  béné- 
fice d'inventaire  et  la  renonciation  se  font  par  une 
déclaration  au  greffe  du  tribunal.  L'héritier  a,  pour 
prendre  parti,  un  délai  de  trois  mois  et  quarante 
jours  à  compter  du  jour  de  l'ouverture  de  la  suc- 
cession. 

Partages.  — Lorsque  plusieurs  héritiers  recueil- 
lent une  succession,  chacun  d'eux  peut  exiger  qu'il 


DROIT  PRIVE 


-614   - 


DROIT  PRIVE 


soit  procédé  au  partage.  Si  toutes  les  parties  senti 
majeures  et  capables  et  qu'elles  s'entendent,  elles 
peuvent  procéder  amiablcmeiu  au  partage,  soit  par 
devant  notaire,  soit  par  simple  acte  sous  seing 
privé  Lorsque  parmi  les  intéressés  se  trouvent  des 
incapables,  mineurs  ou  interdits,  ou  des  absents, 
ou  bien  lorsque  des  contestations  existent  entre 
les  héritiers,  il  doit  être  procédé  judiciairement. 
Le  partage  est  ordonné  par  un  jugement  du  tri- 
bunal qui  renvoie  devant  un  notaire  et  statue  en- 
suite sur  les  difficultés  que  peut  soulever  le  travail 
du  notaire. 

3.  Donations  entre  vifs  et  testaments  {Code 
civil,  nrt.  893  à  11»  0).  —  Le  Code  civil  ne  recon- 
naît que  deux  modes  de  disposition  à  titre  gratuit  : 
la  donation  entre  vifs  et  le  testament.  La  donation 
entre  vifs  est  un  acte  par  lequel  le  donateur  (celui 
qui  donne)  se  dépouille  actuellement  et  irrévoca- 
blement de  la  chose  donnée  en  faveur  du  donataire 
(celui  qui  reçoit)  qui  l'accepte.  Par  le  testament, 
le  testateur  dispose  seulement  pour  le  temps  où  il 
ne  sera  plus,  et  il  peut  toujours  révoquer  les  dis- 
positions qu'il  a  faites. 

Portion  de  biens  disponible  et  réserve.  —  La 
faculté  de  disposer  à  titre  gratuit  n'est  point  illi- 
mitée pour  ceux  qui  laissent  des  enfants  ou  des 
ascendants;  une  partie  de  la  succession,  appelée 
la  réserve,  est  assurée  aux  descendants  et  aux  as- 
cendants. La  réserve  des  enfants  se  calcule  ainsi  : 
elle  est  de  moitié,  lorsqu'il  j'a  un  enfant;  des  deux 
tiers,  lorsqu'il  y  en  a  deux;  des  trois  quarts,  lors- 
qu'il y  a  trois  enfants  ou  plus;  suivant  cette  dis- 
tinction, la  quotité  disponible  est  de  moitié,  du 
tiers  ou  du  quart.  Pour  les  ascendants,  la  réserve 
est  du  quart  pour  chaque  ligne,  et  par  conséquent 
de  la  moitié  de  la  succession  s'il  y  a  des  ascen- 
dants dans  les  deux  lignes.  Les  donations  ou  legs 
qui  excèdent  la  quotité  disponible  peuvent  être 
réduits  à  cette  quotité  sur  la  demande  des  héritiers 
au  profit  desquels  est  établie  la  réserve. 

Formes  des  do7ialio?is.  —  Les  donations  ne  peu- 
vent être  faites  qu'en  forme  solennelle;  elles  sont 
reçues  par  un  notaire  assisté  de  deux  témoins  ou 
par  deux  notaires  ;  le  donataire  doit  accepter  par 
l'acte  même  ou  dans  un  acte  postérieur  également 
passé  par-deVant  notaire  ;  l'acceptation  faite  paracte 
séparé  doit  être  notifiée  au  donateur.  Les  donations 
d'immeubles  ne  produisent  leur  efl'et  complot  qu'à 
la  condition  qu'elles  aient  été  transcrites  au  bureau 
des  hypothèques  de  l'arrondissement  où  les  biens 
sont  situés. 

Irrévocabilité  des  donations  entre  vifs;  exceptions. 
—  La  donation  entre  vifs  est  irrévocable,  c'est-à- 
dire  que  le  donateur  ne  peut  se  réserver  le  droit 
de  reprendre  ce  qu'il  a  donné.  Trois  exceptions 
sont  admises  à  ce  principe;  le  donateur  peut  de- 
mander la  révocation  :  lorsque  le  donataire  n'exé- 
cute pas  les  conditions  sous  lesquelles  la  donation 
a  été  faite  ;  lorsqu'il  se  montre  ingrat,  en  se  ren- 
dant coupable  envers  le  donateur  de  mauvais  trai- 
tements, d'injures  graves;  enfin,  lorsque  le  dona- 
teur n'ayant  pas  d'enfant  vivant  lors  de  la  donation, 
il  lui  en  survient  un  postérieurement  ;  la  donation 
est  alors  révoquée  de  plein  droit  pour  cause  de 
survenance  d'enfant.  Notons  encore  que  le  dona- 
teur peut,  sans  porter  atteinte  au  principe  de  l'ir- 
révocabilité,  stipuler  que  les  biens  lui  reviendront 
en  cas  de  prédécès  du  donataire  seul  ou  de  prédé- 
cès du  donataire  et  de  ses  enfants;  c'est  ce  qu'on 
appelle  le  droit  de  retour. 

Formes  des  testaments.  —  La  personne  qui  veut 
faire  un  testament,  c'est-à-dire  disposer  de  ses  biens 
pour  le  temps  où  elle  ne  sera  plus,  peut  se  servir  de 
l'une  des  trois  formes  de  testament:  le  testament 
par  acte  public,  le  testament  olographe,  le  testa- 
ment mystique.  Le  testament  par  acte  public  est 
reçu  par  un  notaire  assisté  de  quatre  témoins  ou 
par  deux  notaires  assistés  de  deux  témoins  ;  il  est 


dicté  par  le  testateur  au  notaire.  Le  testament 
olographe  présente  la  forme  la  plus  simple  do  tes- 
tament :  il  suffit  qu'il  soit  écrit  en  entier,  daté  et 
signé  de  la  main  du  testateur.  Le  testament  mysti- 
que est  signé  par  le  testateur,  mais  peut  être  écrit 
par  un  tiers  ;  il  est  remis  clos  et  scellé  par  le  tes- 
tateur, en  présence  de  six  témoins,  à  un  notaire 
qui  dresse  un  acte  de  suscription. 

Formalités  pour  Vexécution  des  testaments.  — 
Le  testament  par  acte  public,  à  raison  de  son  ca- 
ractère d'acte  authentique,  peut  être  mis  à  exécution 
aussitôt  la  mort  du  testateur,  sans  aucune  forma- 
lité. Le  testament  olographe  ou  mystique  doit,  à 
la  mort  du  testateur,  être  présenté  au  président 
du  tribunal  ;  ce  magistrat  ouvre  le  testament,  s'il 
est  cacheté,  dresse  procès-verbal  de  son  état  et  en 
ordonne  le  dépôt  dans  l'étude  d'un  notaire. 

Diverses  espèces  de  legs.  —  Les  dispositions  tes- 
tamentaires, ou  legs,  peuvent  se  ramener  à  trois 
formes  :  le  legs  universel,  le  legs  à  titre  universel, 
le  legs  à  titre  particulier.  Le  legs  universel  est 
celui  qui  donne  au  légataire  un  droit  éventuel  à 
la  totalité  des  biens  de  la  succession  :  le  légataire 
universel  doit  demander  la  délivrance  aux  héritiers 
à  réserve,  s'il  y  en  a  ;  s'il  n'y  a  point  d'héritier  à 
réserve,  le  légataire  universel  n'a  aucune  formalité  à 
remplir  pour  se  mettre  en  possession  des  biens,  lors- 
que le  testament  est  authentique  :  lorsque  le  testa- 
ment est  olographe  ou  mystique,  le  légataire  univer- 
sel se  fait  envoyer  en  possession  par  ordonnance  du 
président  du  tribunal;  le  légataire  universel  esttenu 
d'acqtiitter  les  dettes  ainsi  que  les  legs.  Le  legs  à 
titre  universel  est  celui  qui  porte  sur  une  fraction 
de  tous  les  biens,  la  moitié,  le  quart,  sur  tous  les  meu- 
bles ou  sur  tous  les  immeubles,  ou  sur  une  frac- 
tion des  meubles  ou  des  immeubles.  Le  légataire 
à  titre  universel  doit  demander  la  délivTance  aux 
liéritiers  ou  au  légataire  universel  :  il  est  tenu  des 
dettes  en  proportion  de  la  part  qu'il  prend  dans  la 
succession.  Tout  legs  qui  n'est  ni  universel,  ni  à 
titre  universel,  est  un  legs  particulier  ;  le  légataire 
particulier  doit  demander  la  délivrance  aux  liéri- 
tiers,  au  légataire  universel  ou  à  titre  universel. 

Exécuteurs  testamentaires .  —  Le  testateur  peut 
désigner,  pour  surveiller  l'exécution  de  ses  dispo- 
sitions, un  ou  plusieurs  exécuteurs  testamentaires. 
L'exécuteur  testamentaire  doit  faire  apposer  les 
scellés,  faire  procéder  à  l'inventaire,  provoquer  la 
vente  du  mobilier  pour  acquitter  les  legs,  interve- 
nir dans  les  contestations  relatives  à  la  validité  du 
testament.  Le  testateur  peut  donner  à  l'exécuteur 
testamentaire,  pendant  une  année  à  compter  du 
décès,  la  possession  ou  saisine  des  valeurs  mobi- 
lières dépendant  de  la  succession. 

Partages  d'ascendants.  —  Les  ascendants  peu- 
vent faire  de  leur  vivant  le  partage  de  leurs  biens 
entre  leurs  enfants,  par  acte  en  forme  de  donation 
entre-vifs  ou  de  testament.  Le  partage  n'est  vala- 
ble qu'à  la  condition  d'être  fait  entre  tous  les  enfants 
existant  au  jour  du  décès  et  de  ne  point  contenir 
au  profit  de  l'un  des  enfants  un  avantage  plus 
considérable  que  celui  qui  est  autorisé  par  la  loi. 

Donations  par  contrat  'te  mariage.  —  Les  dona- 
tions faites  dans  le  contrat  de  maria£:e  par  des 
tiers  aux  époux  sont  soumises  à  des  règles  parti- 
culières :  elles  ne  sont  point  assujetties  à  la  condi- 
tion d'une  acceptation  par  acte  authentique;  elles 
ne  sont  pas  révocables  pour  ingratitude  ;  elles 
peuvent  comprendre  les  biens  à  venir  et  être  faites 
sous  des  conditions  dépendant  de  la  volonté  du 
donataire  ;  elles  sont  toujours  subordonnées  à  la 
condition  que  le  mariage  aura  lieu. 

Donations  entre  époux.  —  Les  mômes  règles 
s'appliciuent  aux  donations  que  les  époux  se  foin 
par  contrat  de  mariage.  Les  donations  que  h'.< 
époux  se  font  pendant  le  mariage  sont  essentielle- 
ment révocables  :  l'époux  donateur  peut  toujonr; 
revenir  sur  la  libéralité  qu'il  a  faite.  La  quotité  dis- 


DROIT  PRIVE 


—  615  — 


DROIT  PRIVE 


ponible  entre  époux  n'est  pas  la  même  que  la 
quotité  disponible  ordinaire  :  lorsqu'il  y  a  des  as- 
cendants, les  libéralités  entre  époux  peuvent 
comprendre  la  quotité  disponible  ordinaire,  c'est- 
à-dire  la  moitié  ou  les  trois  quarts,  et  en  outre 
l'usufruit  de  la  portion  réservée  aux  ascendants,  la 
moitié  ou  le  quart  ;  lorsqu'il  y  a  des  enfants  du 
mariage,  l'époux  peut  disposer  au  profit  de  son 
conjoint  d'un  quart  en  pleine  propriété  et  d'un 
quart  en  usufruit  ou  d'une  moitié  en  usufruit  ; 
lorsqu'il  y  a  des  enfants  d'un  premier  mariage,  les 
libéralités  au  profit  du  second  conjoint  ne  peu- 
vent excéder  une  part  d'enfant  et,  dans  tous  les 
cas,  le  quart,  s'il  y  a  moins  de  quatre  enfants. 

4.  Des  contrats  (Code  civil,  art.  1101  à  1386).  — 
On  appelle  contrat  la  convention  qui  a  pour  objet 
de  créer  des  obligations  ou  de  transférer  la  pro- 
priété. Il  y  a  plusieurs  espèces  de  contrats  :  la 
division  la  plus  importante  est  celle  en  contrats 
unilatéraux  et  contrats  synallagmatiques.  On 
appelle  contrat  unilatéral  celui  dans  lequel  une 
seule  des  parties  est  obligée,  comme  le  prêt;  con- 
trat synallagmatique,  celui  dans  lequel  chacune 
des  parties  est  réciproquement  obligée,  comme  la 
vente.  Le  contrat  crée  toujours  des  obligations;  il 
peut  aussi  transférer  la  propriété  :  ainsi  dans  la 
vente,  lorsque  le  contrat  porte  sur  un  objet  cer- 
tain et  déterminé,  comme  une  maison,  un  champ, 
un  cheval,  la  propriété  est  transférée  par  le  seul 
effet  de  la  convention. 

Obligation;  défiiiition. —  On  appelle  obligation 
un  lien  de  droit  qui  nous  astreint  envers  une  per- 
sonne à  donner,  à  faire  ou  à  ne  pas  faire  quelque 
chose  ;  celui  au  profit  duquel  existe  l'obligation 
s'appelle  créancier  ;  celui  qui  en  est  tenu  est  le 
débiteur.  L'obligation  n'est  valable  qu'autant  qu'elle 
a  un  objet  et  une  cause  licite.  L'inexécution  par 
le  débiteur  de  l'obligation  ou  le  retard  à  l'exécuter 
peut  entraîner  contre  lui  une  condamnation  à  des 
dommages-intérêts,  qui  représentent  le  préjudice 
causé  au  créancier  par  l'inexécution  ou  le  retard 
apporté  à  l'exécution.  Dans  les  obligations  de 
sommes  d'argent,  le  retard  par  le  débiteur  à  payer 
ne  peut  entraîner  que  la  condamnation  aux  inté- 
rêts légaux  fixés  à  5  p.  100  en  matière  civile,  6  p. 
100  en  matière  de  commerce  ;  les  intérêts  ne  sont 
dus,  à  moins  d'une  disposition  spéciale  de  la  loi 
ou  d'une  convention  particulière,  que  du  jour  de  la 
demande  en  justice. 

Diverses  espèces  dobligations.  —  Les  obligations 
comportent  diverses  modalités  :  elles  sont  à  terme, 
lorsque  le  créancier  accorde  au  débiteur  un  cer- 
tain délai  pour  1  exécution  ;  conditionnelles,  lors- 
que l'existence  de  l'obligation  est  subordonnée  à 
un  événement  incertain  :  «  je  m'oblige  à  vous  payer 
1,000  francs,  si  tel  navire  arrive  d'Amérique  ;  »  soli- 
daires, lorsque  le  créancier  ayant  deux  ou  plusieurs 
débiteurs,  il  est  convenu  qu'il  pourra  demander  à 
chacun  la  totalité,  mais  de  telle  façon  que  le  paie- 
ment fait  par  l'un  libère  tous  les  autres.  La  solida- 
rité est  pour  le  créancier  une  garantie  :  il  suffit 
qu'un  seul  des  débiteurs  soit  solvable,  pour  que 
le  créancier  soit  assuré  d'être  payé  intégralement. 

Extinction  des  obligations.  —  Les  obligations 
peuvent  s'éteindre  d'abord  par  le  paiement,  c'est- 
à-dire  l'exécution  effective  de  l'obligation.  Le  paie- 
ment peut  être  fait  par  le  débiteur  lui-même  ou 
par  un  tiers  dans  son  intérêt;  dans  ce  dernier  cas, 
le  tiers  qui  fait  le  paiement  peut  stipuler  qu'il  sera 
mis  au  lieu  et  place  du  créancier;  c'est  ce  qu'on 
appelle  payer  par  subrogation.  L'obligation  s'éteint 
en  outre  :  par  la  novation,  lorsqu'une  obligation  nou- 
velle est  substituée  à  l'obligation  primitive;  par  la 
remise  de  la  dette,  lorsque  le  créancier  renonce  à 
son  droit;  par  la  compensation,  lorsque  deux  per- 
sonnes sont  respectivement  créancières  et  débi- 
trices l'une  de  l'autre  ;  par  la  confusion,  lorsque  le 
débiteur  succède  au  créancier,  ou  réciproquement. 


Enfin,  lorsque  le  créancier  laisse  passer  trente  ans 
sans  exercer  de  poursuites,  le  débiteur  peut  invo- 
quer la  prescri  ption,  qui  est  un  mode  d'extinction 
de  l'obligation. 

Des  preuves.  —  A  propos  des  obligations,  la  loi 
a  tracé  les  règles  générales  suivant  lesquelles  les 
droits  de  diverses  natures  peuvent  être  prouvés  en 
justice.  Le  mode  ordinaire  de  preuve  est  la  preuve 
résultant  d'un  acte  écrit,  ou  preuve  littérale  ;  en 
matière  civile,  la  preuve  par  témoins  n'est  admise 
qu'exceptionnellement.  La  rédaction  d'un  écrit  est 
dans  la  plupart  des  cas  une  mesure  de  précaution 
nécessaire  pour  celui  qui  veut  faire  valoir  son 
droit.  Les  conventions  peuvent  être  cnnstatéos  par 
acte  authentique  ou  par  acte  sous  seing  privé 

Acte  authentique.  —  L'acte  authentique  est  celui 
qui  est  dressé  par  un  officier  public  avec  les  so- 
lennités requises  :  les  actes  notariés  sont  des  actes 
authentiques.  L'avantage  de  l'acte  authentique  est 
qu'il  fait  par  lui-même  foi  de  sa  date,  et  qu'il  peut, 
comme  les  jugements,  entraîner  l'exécution,  c'est- 
à-dire  la  saisie  des  biens  meubles  ou  immeubles  du 
débiteur.  Certains  actes,  la  donation,  le  contrat  de 
mariage,  la  constitution  d'hypothèque,  ne  peuvent 
se  faire  que  par  acte  notarié. 

Acte  sous  seing  privé.  —  Toutes  les  autres  con- 
ventions peuvent  être  constatées  par  un  acte  sous 
seing  privé,  c'est-à-dire  rédigé  par  les  parties 
elles-mêmes  ou  par  toute  autre  personne  qu'un 
notaire.  L'acte  sous  seing  privé  est  soumis  à  des 
formes  qui  diffèrent  suivant  qu'il  est  destiné  à 
constater  une  convention  synallagmatique  ou  une 
convention  unilatérale.  L'acte  sous  seing  privé  qui 
contient  des  conventions  synallagmatiques  doit  être 
fait  en  autant  d'originaux  qu'il  y  a  de  parties  ayant 
un  intérêt  distinct,  et  chacun  de  ces  actes  doit 
mentionner  le  nombre  d'originaux.  Quant  aux  en- 
gagements unilatéraux  qui  ont  pour  objet  une 
somme  d'argent,  ils  doivent  être  écrits  de  la  main 
du  débiteur  ou  porter  sa  signature  avec  cette  men- 
tion :  bon  ou  approuvé,  avec  la  somme  en  toutes 
lettres,  le  tout  écrit  de  la  main  du  débiteur.  La 
signature  suffit  lorsque  le  billet  émane  de  mar- 
chands, artisans,  laboureurs,  gens  de  journée  ou 
domestiques. 

Preuve  testimoniale.  —  La  preuve  par  témoins 
n'est  admise  en  justice  qu'autant  que  l'importance 
du  litige  n'excède  pas  cent  cinquante  francs,  ou, 
au-dessus  de  cette  somme,  qu'autant  qu'il  existe 
un  commencement  de  preuve  par  écrit,  c'est-à-diro 
un  acte  écrit  émané  de  celui  contre  lequel  on  de- 
mande à  faire  la  preuve,  et  qui  rend  vraisemblable 
le  fait  allégué  par  le  demandeur.  La  preuve  testi- 
moniale est  encore  admise  lorsqu'à  raison  de  la 
nature  du  fait  qui  donne  lieu  au  procès  le  deman- 
deur a  été  dans  l'impossibilité  de  se  procurer  une 
preuve  écrite. 

5.  Notions  sur  les  principaux  contrats.  — Les 
conventions  auxquelles  peut  donner  lieu  le  mouve- 
ment des  affaires  sont  d'une  infinie  variété  ;  il  y  a 
toutefois  un  certain  nombre  de  contrats  qui  se 
présentent  le  plus  fréquemment  et  dont  la  loi  a 
tracé  les  règles.  Nous  allons  rapidement  parcourir 
les  plus  importants  de  ces  contrats. 

Contrat  de  mariage  ;  priiicipes  généraux  (Code 
civil,  art.  1387  à  15S1).  —  Le  contrat  de  mariage, 
qui  ne  doit  pas  être  confondu  avec  le  mariage,  est 
un  acte  passé  par  devant  notaire,  avant  la  célébra- 
tion du  mariage  par  l'officier  de  l'état  civil,  et  qui 
a  pour  objet  de  régler  les  intérêts  pécuniaires  des 
époux.  Aucune  modification  ne  peut  être  apportée 
au  contrat  pendant  le  mariage.  La  loi,  tout  en 
laissant  aux  époux  la  plus  grande  liberté  pour  leurs 
conventions  matrimoniales,  a  groupé  sous  quatre 
formes,  qui  constituent  ce  qu'on  appelle  les  régi- 
mes matrimoniaux ,  les  règles  le  plus  souvent 
adoptées.  Ces  régimes  sont  :  le  régime  de  commu- 
nauté, le  régime  dotal,  la  séparation  de  biens  et 


DROIT  PRIVE 


610 


DROIT  PRIVE 


le  régime  exclusif  de  communauté.  A  défaut  de 
conirat  fait  par  devant  notaire,  les  époux  sont  ma- 
riés sous  le  régime  de  la  communauté  légale. 

Régime  de  communauté.  —  Sous  le  régime  de 
communauté,  il  existe,  outre  les  biens  propres  au 
mari  et  ceux  propres  à  la  femme,  un  patrimoine 
commun  ou  communauté.  La  communauté  com- 
prend les  revenus  de  tous  les  biens  des  époux,  les 
bénéfices  qu'ils  peuvent  réaliser  pendant  le  ma- 
riage, et  même,  sous  le  régime  de  la  communauté 
légale,  tous  les  biens  meubles  des  époux,  y  com- 
pris ceux  qui  leur  appartiennent  au  jour  du  ma- 
riage, et  ceux  qui  leur  advienncnt  par  succession 
ou  donation.  Le  mari  administre  la  communauté 
avec  des  pouvoirs  très  étendus;  il  a  aussi  l'admi- 
nistration des  biens  personnels  de  la  femme,  mais 
avec  des  pouvoirs  plus  restreints.  Lorsque  le  mari 
fait  de  mauvaises  affaires,  la  femme  peut  deman- 
der sa  séparation  de  biens  pour  reprendre  l'admi- 
nistration de  sa  fortune  personnelle.  A  la  dissolu- 
tion de  la  communauté,  qui  a  lieu  soit  par  la  mort 
de  l'un  des  époux,  soit  par  la  séparation  de  biens, 
la  femme  ou  ses  héritiers  peuvent  renoncer  à  la 
communauté,  et  se  soustraire  ainsi  au  paiement 
des  dettes  que  le  mari  a  pu  contracter.  «» 

Régime  dotal.  — Lorsque  les  époux  adoptent  le 
régime  dotal,  les  biens  dotaux,  c'est-à-dire  appor- 
tés par  la  femme  pour  subvenir  aux  charges  du 
maria'j,e,  sont  inaliénables  à  moins  que  le  contraire 
n'ait  été  stipulé  :  le  mari  et  la  femme,  conjointe- 
ment ou  séparément,  ne  peuvent  en  disposer.  Le 
mari  a  l'administration  et  la  jouissance  des  biens 
dotaux  ;  la  femme  conserve  l'administration  et  la 
jouissance  des  biens  qu'elle  ne  s'est  pas  constitués 
en  dot,  ou  biens  paraphernaux. 

S  parution  de  biens;  régime  exclusif  de  com- 
munauté. —  Les  époux  peuvent,  dans  leur  contrat 
de  mariage,  stipuler  qu'ils  seront  séparés  de  biens  ; 
chacun  d'eux  conserve  l'administration  et  la  jouis- 
sance de  ses  biens  personnels.  On  appelle  régime 
exclusif  de  communauté  un  régime  sous  lequel  le 
mari  a  l'administration  et  la  jouissance  de  tous 
les  biens  de  la  femme,  mais  qui  diffère  du  régime 
dotal  en  ce  que  les  biens  de  la  femme  peuvent 
être  aliénés  par  elle  avec  l'autorisation  de  son 
mari. 

Vente  (Code  civil,  art.  1582  à  1707).  —  La  vente 
esc  un  contrat  par  lequel  une  personne,  le  ven- 
deur, transfère  ou  s'oblige  à  transférer  la  propriété 
d'une  chose  à  une  autre  personne,  l'acheteur,  qui 
s'oblige  à  payer  le  prix.  La  vente  est  parfaite  dès 
que  les  parties  sont  d'accord  sur  la  chose  et  sur 
le  prix;  toutefois,  pour  les  immeubles,  l'effet  com- 
plet de  la  vente  est  subordonné  à  cette  condition, 
que  l'acte  constatant  la  vents  ait  été  transcrit  au 
bureau  des  hypothèques  de  l'arrondissement  où 
l'immeuble  est  situé.  La  vente  diffère  de  l'échange, 
en  ce  que  dans  la  vante  une  chose  est  livrée  contre 
un  prix  en  argent,  tandis  que  dans  l'échange  les 
deux  parties  se  livrent  respectivement  une  chose 
pour  une  autre. 

Obligations duvendeur ;  garantie.  —  L'obligation 
principale  du  vendeur  est  l'obligation  de  garantir 
l'acheteur.  La  garantie  a  un  double  objet  :  l'évic- 
tion et  les  vices  cachés  de  la  chose  vendue.  Lors- 
que l'acheteur  est  dépossédé  de  la  chose  en  tout 
et  en  partie,  il  y  a  éviction,  et  l'acheteur  a  un 
recours  contre  son  vendeur,  duquel  il  peut  exiger 
la  restitution  du  prix,  le  remboursement  de  tous 
les  frais  qu'il  a  faits,  une  indemnité  représentant 
le  dommage  que  la  privation  de  la  chose  a  pu  lui 
l'aire  éprouver. 

Garantie  des  vices  cachés.  —  Le  vendeur  doit  éga- 
lement indemniser  l'acheteur  à  raison  des  vices  ca- 
chés de  la  cliose  vendue  qui  la  rendent  impropre  à 
l'usage  auquel  elle  est  destinée  ou  diminuent  sa  va- 
leur. L'action  fondée  sur  les  vices  cachés  doit  être 
intentée  dans  un  bref  délai.  Une  loi  du  20  mai  1838 


a  réglé  cette  matière  pour  les  ventes  d'animaux 
appartenant  aux  espèces  bovine,  ovine  et  chevaline  ; 
cette  loi  a  énuméré  pour  ces  sortes  de  ventes  les 
vices  rédhibitoires,  c'est-à-dire  qui  entraînent  la 
résiliation  du  marché,  et  elle  a  fixé  le  délai  dans 
lequel  l'acheteur  doit  agir  :  ce  délai  est  de  neuf 
jours  en  général  ;  dans  ce  délai,  l'acheteur  doit, 
sinon  intenter  son  action,  du  moins  s'adresser  au 
juge  de  paix  du  lieu  où  se  trouve  l'animal  vendu, 
afin  d'obtenir  la  nomination  d'experts  chargés  de 
constater  l'état  de  cet  animal. 

Obligations  de  l'acheteur  :  paiement  du  prix.  — 
L'acheteur  est  tenu  de  payer  le  prix  au  terme 
convenu  ;  il  doit  les  intérêts  du  prix  du  jour  de 
la  vente,  si  cela  a  été  ainsi  convenu,  ou  tout  au 
moins  du  jour  où  le  vendeur  lui  a  fait  sommation 
de  payer.  Lorsque  l'acheteur  ne  paie  pas  le  prix 
à  l'échéance,  le  vendeur  peut  faire  prononcer  en 
justice  la  résolution  de  la  vente. 

Transport  des  ci^éances.  — ■  Les  créances  peuvent, 
comme  tout  autre  bien,  faire  l'objet  d'une  vente 
ou  transport.  Pour  que  le  transport  d'une  créarice 
produise  tous  ses  effets,  il  faut  qu'il  ait  été  signi- 
fié au  débiteur,  ou  que  le  débiteur  l'ait  accepté 
expressément  dans  un  acte  authentique.  Le  débi- 
teur peut  valablement  payer  le  créancier  primitif 
tant  que  le  transport  n'a  point  été  accepté  ou 
qu'il  ne  lui  a  pas  été  signifié.  Après  la  significa- 
tion du  transport  ou  son  acceptation  par  le  débi- 
teur, le  cessionnaire  devient  créancier  direct  du 
débiteur,  et  le  débiteur  ne  peut  valablement  payer 
qu'entre  ses  mains. 

Louage  [Code  civil,  art.  1708  à  1831).  —  On 
distingue  deux  sortes  de  louage  :  le  louage  des 
choses  et  le  louage  d'ouvrage  ou  d'industrie.  Le 
louage  des  choses  est  un  contrat  par  lequel  une 
personne  s'engage  à  faire  jouir  une  autre  personne 
d'une  chose  moyennant  un  prix  convenu  et  pour 
un  temps  déterminé.  On  appelle  bail  à  loyer,  le 
louage  des  maisons  ;  bail  à  ferme,  le  bail  des  biens 
ruraux.  Le  louage  d'ouvrage  ou  d'industrie  est  un 
contrat  par  lequel  une  personne  loue  ses  services 
à  une  autre  pour  un  certain  temps,  ou  se  charge 
d'exécuter  un  travail  pour  un  prix  convenu. 

Preuve  du  contrat  de  louage.  —  Lorsque  le  bail 
n'est  point  rédigé  par  écrit,  et  qu'il  n'a  reçu  aucun 
commencement  d'exécution,  la  preuve  testimo- 
niale n'est  point  admise  pour  prouver  le  contrat, 
et  le  seul  mode  de  preuve  autorisé  est  le  serment 
qui  peut  être  déféré  à  la  partie  qui  nie  le  bail.  Si 
l'existence  du  bail  n'est  pas  contestée  et  qu'il  y 
ait  seulement  difficulté  sur  le  prix,  la  preuve  se 
fait  par  les  quittances  antérieures  ;  s'il  n'y  a  point 
de  quittance,  le  propriétaire  sera  cru  sur  son 
serment,  à  moins  que  le  locataire  ne  préfère,  pour 
déterminer  la  valeur  de  la  location,  provoquer 
une  expertise  dont  les  frais  resteront  à  sa  charge, 
si  l'estimation  dépasse  le  prix  qu'il  a  offert. 

Obligations  du  bailleur.  —  Le  propriétaire  de 
la  chose  louée,  ou  bailleur,  doit  livrer  la  chose 
louée  au  preneur,  l'entretenir  en  état  de  servir  à 
l'usage  auquel  elle  est  destinée,  en  faire  jouir 
paisiblement  le  preneur.  Le  bailleur  doit  faire  à 
la  chose  louée  les  réparations  nécessaires  :  les 
grosses  réparations  faites  par  le  bailleur  doivent 
être  supportées  par  le  locataire  sans  indemnité,  si 
elles  ne  durent  pas  plus  de  quarante  jours  ;  lors- 
que les  travaux  dépassent  ce  temps,  le  locataire  a 
droit  à  une  diminution  proportionnelle  de  son 
loyer. 

Obligations  du  preneur .  — Le  preneur  doit  user  de 
la  chose  en  bon  père  de  famille,  et  suivant  sa  des- 
tination ;  il  est  tenu  de  payer  le  prix  du  bail  aux 
termes  convenus  ;  à  défaut  de  paiement,  le  bailleur 
peut  demander  la  résiliation.  Le  preneur  répond,  à 
l'égard  du  propriétaire,  de  l'incendie  survenu  dans 
les  lieux  loués, à  moins  qu'il  ne  prouve  que  l'incendie 
provient  d'un  fait  de  force  majeure,  comme  le  feu 


DROIT  PRIVE 


617 


DROIT  PRIVÉ 


du  ciel,  ou  d'un  vice  de  construction,  ou  qu'il  a  été 
communiqué  par  la  maison  voisine.  Le  preneur 
peut  céder  son  bail  ou  sous-louer,  si  cette  faculté 
ne  lui  a  été  expressément  retirée  par  la  conven- 
tion. 

Comment  finit  le  bail.  —  Le  bail  fait  pour  une 
durée  déterminée  cesse  de  plein  droit  à  l'expiration 
du  temps  fixé.  Lorsque  le  bail  n'a  pas  été  fait 
pour  un  temps  déterminé,  chacune  des  parties 
peut  faire  cesser  la  location  en  prévenant  l'autre 
partie  par  un  congé  un  certain  temps  à  l'avance. 
L'époque  à  laquelle  cessent  les  locations  verbales 
et  le  délai  du  congé  varient  suivant  l'usage  des 
diverses  localités.  Le  bail  d'un  fonds  rural  fait  sans 
durée  limitée  est  censé  fait  pour  le  temps  néces- 
saire afin  que  le  fermier  puisse  récolter  tous  les 
fruits  de  l'héritage  qui  lui  est  affermé. 

Société  {Code  civil,  art.  1832  à  187.3}.  —  La 
société  est  un  contrat  par  lequel  deux  ou  plusieurs 
personnes  conviennent  de  mettre  quelque  chose  en 
commun,  dans  le  but  de  partager  le  bénéfice  qui 
pourra  en  résulter.  L'apport  des  associés  peut  con- 
sister en  argent,  en  toute  autre  valeur  ou  en  indus- 
trie. On  distingue  les  sociétés  civiles  et  les  so- 
ciétés commerciales  ;  la  distinction  se  fait  d'après 
la  nature  des  opérations  en  vue  desquelles  la  so- 
ciété s'est  formée:  la  société  pour  l'exploitation 
d'une  maison  de  banque  ou  d'un  fonds  de  com- 
merce est  une  société  commerciale  ;  la  société  qui 
serait  formée  pour  l'exploitation  d'une  ferme  serait 
une  société  civile.  Les  règles  du  Code  civil  doi- 
vent ôtre  complétées  pour  les  sociétés  commercia- 
les par  les  dispositions  du  Code  de  commerce, 
art.  18  à  50,  et  celles  des  lois  spéciales,  notamment 
de  la  loi  du  24  juillet  1867  sur  les  sociétés  en  com- 
mandite et  anonymes. 

Prêt  {Code  civil,  art.  1874  à  1914).  —  Le  prêt, 
sous  sa  forme  habituelle,  est  un  contrat  par  lequel 
l'une  des  parties  livre  à  l'autre  une  somme  d'ar- 
gent à  la  charge  par  l'emprunteur  de  rendre  la 
somme  prêtée  au  terme  convenu.  Le  prêteur  peut 
stipuler  un  intérêt,  qui  ne  saurait  dépasser  5  0/0 
en  matière  civile,  6  0/0  en  matière  de  commerce  (Loi 
du  3  septembre  1807).  Le  fait  de  prêter  habituelle- 
ment à  un  taux  qui  excède  le  taux  légal  constitue 
le  délit  d'habitude  d'usure,  qui  peut  être  pour- 
suivi devant  les  tribunaux  correctionnels. 

Dépôt  {Code  civil,  art.  1915  à  19G3).  —  Le  dépôt 
est  un  contrat  par  lequel  on  reçoit  une  chose  ap- 
partenant à  autrui,  à  la  charge  de  la  garder  et  de 
la  restituer  en  nature.  Le  dépôt  est  un  contrat  gra- 
tuit :  le  dépositaire  ne  peut  se  servir  de  la  chose 
déposée  sans  la  permission  du  déposant. 

Contrats  aléatoires  {Code  civil,  art.  1964  à  1983). 
—  Les  contrats  aléatoires  sont  ceux  dont  le  résul- 
tat, quant  au  bénéfice  ou  à  la  perte,  dépend  d'un 
événement  incertain.  Au  nombre  des  contrats  aléa- 
toires, il  faut  mentionner  :  la  constitution  de  rente 
viagère,  contrat  par  lequel  une  personne  reçoit 
une  somme  d'argent,  à  la  charge  par  elle  de  payer 
une  rente  pendant  la  vie  du  créancier  ou  d'un 
tiers;  et  les  diverses  applications  du  contrat  d'as- 
surance. L'assurance  est  un  contrat  qui  a  pour 
but  d'indemniser  une  personne  du  dommage  pou- 
vant résulter  pour  elle  d'un  événement  fortuit  ; 
on  peut  assurer  contre  l'incendie  sa  maison  ou  son 
mobilier  ;  les  cultivateurs  peuvent  assurer  leurs 
récoltes  contre  la  grêle,  leurs  bestiaux  contre  la 
mortalité. 

Mandat  {Code  civil,  art.  1984  à  2010).  —  Le  man- 
dat est  un  contrat  par  lequel  une  personne  charge 
une  autre  personne  de  faire  quelque  chose  pour 
elle  et  en  son  nom.  L'acte  par  lequel  le  mandat 
est  donné  s'appelle  procuration  ou  pouvoir.  Le 
mandataire,  celui  auquel  le  mandat  est  donné,  doit 
exécuter  fidèlement  sa  mission;  il  est  responsable 
des  fautes  qu'il  peut  commettre  dans  l'accomplis- 
sonient  du  mandat.  Le  mandant,  celui  qui  donne 


le  mandat,  doit  indemniser  le  mandataire  des  dé- 
penses que  lui  a  occasionnées  l'exécution  du  man- 
dat. Le  mandant  a  toujours  le  droit  de  retirer  les 
pouvoirs  qu'il  a  donnés.  Les  tiers  qui  traitent  avec 
un  mandataire  doivent  avoir  soin  de  s'assurer  de 
l'existence  et  de  l'étendue  de  ses  pouvoirs,  car  les 
actes  faits  par  le  mandataire  en  dehors  de  ses  pou- 
voirs ne  lient  point  le  mandant. 

Cautionnement  {Code  civil,  art.  2011  à  2043).  — 
Le  cautionnement  est  un  contrat  par  lequel  une 
personne  s'oblige  envers  le  créancier  à  acquitter 
la  dette  d'un  tiers  pour  le  cas  où  ce  tiers,  débiteur 
principal,  ne  paierait  pas  lui-même.  La  caution, 
poursuivie  avant  le  débiteur  principal,  peut,  si 
elle  ne  s'est  pas  obligée  solidairement  avec  le  dé- 
biteur, renvoyer  le  créancier  à  poursuivre  d'abord 
les  biens  libres  du  débiteur  principal.  La  caution 
qui  a  payé  a  son  recours  contre  le  débiteur  princi- 
pal, sur  lequel  l'obligation  doit  définitivement  pe- 
ser. 

Transaction  {Code  civil,  art.  2044  à  2058).  — 
La  transaction  est  un  contrat  par  lequel  les  parties 
terminent  une  contestation  déjà  née  ou  prévien- 
nent une  contestation  à  naître.  La  transaction  pré- 
sente souvent  cet  avantage  d'épargner  aux  parties 
les  frais,  les  lenteurs,  les  incertitudes  d'un  pro- 
cès. La  transaction  doit  toujours  être  rédigée  par 
écrit  :  elle  a  entre  les  parties  l'autorité  d'une  dé- 
cision judiciaire,  définitive  et  irrévocable. 

Nantissement  (Code  civil,  a)'t.  2071  à  2091).  — 
Le  nantissement  est  un  contrat  par  lequel  le  dé- 
biteur remet  une  chose  à  son  créancier  pour  sû- 
reté de  sa  dette.  Le  nantissement  appliqué  aux 
meubles  s'appelle  gage;  il  prend  le  nom  d'anti- 
chrèse  lorsqu'il  s'agit  d'une  chose  immobilière. 
Pour  constituer  valablement  un  gage,  il  faut  un 
acte  notarié  ou  un  acte  sous  seing  privé  enregis- 
tré ;  la  chose  donnée  en  gage  doit  être  remise  au 
créancier  ou  entre  les  mains  d'un  tiers  convenu 
entre  les  parties.  Le  créancier  régulièrement  nanti 
d'un  gage  se  fait  payer  avant  les  autres  créanciers 
sur  le  produit  de  la  vente  de  la  chose  qui  lui  a 
été  donnée  en  gage. 

6.  Privilèges  et  hypothèques  {Code  civil, 
art.  2092  à  2218).  —  En  règle  générale,  les  créan- 
ciers ont  un  droit  égal  sur  les  biens  de  leur  dé- 
biteur :  le  prix  s'en  distribue  entre  eux  propor- 
tionnellement au  chiffre  de  leurs  créances.  Il  peut 
exister  au  profit  des  créanciers  certaines  causes 
de  préférence  qui  leur  permettent  de  se  faire  payer 
avant  les  autres  créanciers  :  ces  causes  de  préfé- 
rence sont  les  privilèges  et  les  hypothèques. 

Privilèges.  —  Les  créanciers  privilégiés  sont 
payés  en  première  ligne  et  avant  même  les  créan- 
ciers hypothécaires.  La  loi  reconnaît  des  privilèges 
généraux  qui  s'exercent  sur  les  meubles  et  les 
immeubles  ;  les  créances  privilégiées  sur  la  géné- 
ralité des  meubles  et  des  immeubles  sont  ies  frais 
de  justice,  les  frais  de  dernière  maladie,  les  salai- 
res des  domestiques,  les  fournitures  de  subsis- 
tances. Un  privilège  spécial  existe  au  profit  du 
propriétaire  pour  le  paiement  des  loyers  sur  les 
objets  garnissant  la  maison  louée  ou  la  ferme, 
au  profit  de  celui  qui  a  fait  des  frais  pour  la  conser- 
vation d'un  objet  mobilier,  au  profit  du  vendeur  non 
payé  sur  la  chose  vendue,  au  profit  de  l'aubergiste 
sur  les  effets  du  voyageur,  au  profit  du  voiturier 
sur  la  chose  transportée;  enfin  le  cautionnement 
fourni  par  les  officiers  publics  est  affecté  par  privi- 
lège au  paiement  de  sommes  qu'ils  peuvent  devoir 
à  raison  de  fautes  commises  dans  l'exercice  de  leurs 
fonctions. 

Privilèges  spéciaux  sur  les  immeubles.  —  Les 
créanciers  privilégiés  sur  les  immeubles  sont  le 
vendeur  pour  le  paiement  du  prix  qui  lui  est 
dû,  les  cohéritiers  ou  les  co-partageants,  sur  les 
immeubles  de  la  succession  pour  les  créances 
qu'ils  peuvent  avoir  à  exercer  en  vertu  du  partage; 


DROIT  PRIVÉ 


—  618 


DROIT  PUBLIC 


les  architectes,  entrepreneurs  et  ouvriers,  qui  ont 
fait  des  travaux  sur  un  immeuble  peuvent  avoir, 
pour  le  paiement  de  ces  travaux,  un  privilège  qui 
s'exerce  sur  l'augmentation  de  valeur  apportée  par 
les  travaux  à  l'immeuble.  Les  privilèges  sur  les 
immeubles  doivent  être  rendus  publics  et  portés  à 
la  connaissance  des  tiers  par  des  inscriptions  pri- 
ses au  bureau  des  hypothèques. 

Des  hypothèques.  —  L'hypothèque  est  un  droit 
sur  des  immeubles  affectés  à,  l'acquittement  d'une 
obligation.  Les  immeubles  seuls  sont  susceptibles 
d'hypothèque.  On  distingue  trois  sortes  d'hypothè- 
ques :  les  hypothèques  légales,  judiciaires  ou  con- 
ventionnelles. 

Hypothèques  légales  et  judiciaires.  —  La  loi  a 
créé  elle-même  une  hypothèque  au  profit  de  la 
femme  mariée,  pour  les  créances  quelle  a  à  exer- 
cer contre  son  mari,  sur  tous  les  immeubles  pré- 
sents et  à  venir  du  mari;  au  profit  des  mineurs 
et  interdits,  sur  les  biens  de  leur  tuteur,  pour 
garantie  de  sa  gestion  ;  ce  sont  les  hypothè- 
ques légales.  L'hypothèque  judiciaire  résulte  des 
jugements  :  tout  jugement  qui  prononce  une  con- 
damnation, entraîne  au  profit  du  créancier  une 
hypothèque  sur  tous  les  immeubles  appartenant  au 
débiteur  ou  qu'il  pourra  acquérir  plus  tard. 

Hypothèques  conventio7melles ;  formes  de  la  cons- 
titution d  hypothèque.  —  Celui  qui  veut  emprun- 
ter et  qui  est  propriétaire  d'un  immeuble  peut 
offrir  à  son  créancier  comme  garantie  une  hypo- 
thèque sur  cet  immeuble.  La  constitution  d'hypo- 
thèque ne  peut  se  faire  que  par  acte  notarié  ;  elle 
doit  être  spéciale,  c'est-à-dire  indiquer  les  immeu- 
bles sur  lesquels  elle  porte  :  le  débiteur  ne  peut 
hypothéquer  d'une  manière  générale  tous  ses  im- 
meubles. 

Rang  des  hypothèques  entre  elles.  —  Le  rang  des 
hypothèques  se  détermine  par  la  date  de  l'inscrip- 
tion ;  le  premier  créancier  inscrit  est  payé  le  pre- 
mier, et  ainsi  de  suite.  La  loi  toutefois  dispense  de 
la  formalité  de  l'inscription  les  hypothèques  légales 
des  femmes  et  des  mineurs.  L'hypothèque  légale 
de  la  femme  remonte  en  général  au  jour  du  m.a- 
riage  ;  celle  du  mineur  ou  de  l'interdit,  au  jour  ou 
la  tutelle  a  commencé.  La  dispense  d'inscription 
pour  ces  hypothèques  cesse  lorsque  le  mariage  est 
dissous  ou  lorsque  la  tutelle  cesse  :  la  veuve 
ou  les  héritiers  de  la  femme  doivent  pren- 
dre inscription  dans  l'année  qui  suit  la  dis- 
solution du  mariage  ;  le  mineur,  devenu  majeur, 
ouïes  héritiers  du  mineur  décédé,  doivent  inscrire 
l'hypothèque  légale  dans  l'année  de  la  cessation  de 
la  tutelle.  [Loi  du  23  mars  1855,  art.  8.) 

Inscription  des  hypothèques.  —  L'inscription 
des  hypothèques  est  la  mention  de  l'hypothèque 
sur  un  registre  spécial  tenu  dans  chaque  arrondis- 
sement par  un  fonctionnaire  appelé  conservateur 
des  hypothèques. Les  inscriptions  prises  produisent 
leur  effet  pendant  dix  années  ;  le  non  renouvellement 
de  l'inscription  dans  ce  délai  fait  perdre  au 
créancier  le  rang  que  lui  attribuait  la  date  de  son 
Inscription  primitive. 

Effets  de  l'hypothèque.  —  L'hypothèque  donne 
au  créancier  le  droit  d'être  payé  avant  les  créan- 
ciers qui  n'ont  point  d'hypothèque  ;  mais  le  créan- 
cier privilégié  passe  encore  avant  le  créancier 
hypothécaire.  En  outre  les  créanciers  hypothé- 
caires ou  privilégiés  sur  les  immeubles  ont  le 
droit  de  suite,  c'est-à-dire  qu'ils  peuvent  saisir 
l'immeuble  qui  leur  sert  de  gage  même  lorsqu'il 
est  sorti  du  patrimoine  de  leur  débiteur  et  qu'il 
est  passé  dans  les  mains  d'un  tiers. 

Précautions  à  prendre  par  le  tiers  détenteur 
d'un  immeuble  hy/iothéqué.  —  Cette  faculté  qui 
appartient  au  créancier  hypothécaire  de  saisir 
l'immeuble  sorti  du  patrimoine  de  son  débiteur  im- 
pose à  celui  qui  acquiert  un  immeuble  hypothé- 
qué l'obligation  de  prendre  certaines  précautions. 


L'acheteur  ne  peut  payer  son  vendeur,  tant  qu'il 
existe  des  inscriptions  ;  car  il  pourrait  être  obligé 
de  payer  de  nouveau  au  créancier  hypothécaire.  Si 
le  prix  n'est  pas  suffisant  pour  désintéresser  les 
créanciers  hypothécaires,  l'acquéreur  peut  libérer 
l'immeuble  en  remplissant  les  formalités  de  la  purge 
des  hypothèques  inscrites.  En  même  temps  l'ac- 
quéreur, au  moyen  d'une  procédure,  appelée  purge 
légale,  s'assure  s'il  n'existe  point  sur  l'immeuble 
des  hypothèques  dispensées  d'inscriptions  au  pro- 
fit de  femmes  ou  de  mineurs.  Ces  deux  procédures 
ne  peuvent  se  faire  que  par  le  ministère  d'un  avoué. 

7.  Prescription  (Code  civil,  art.  '2219  à  2286).  — 
La  prescription  est  un  moyen  d'acquérir  ou  de  se 
libérer  par  un  certain  laps  de  temps  et  sous  les 
conditions  déterminées  par  la  loi.  Il  y  a  donc  deux 
espèces  de  prescription  :  la  prescription  à  l'effet 
d'acquérir,  ou  prescription  acquisitive,  et  la  pres- 
cription libératoire,  dont  l'effet  est  d'affranchir  le 
débiteur  de  sa  dette. 

Prescription  acquisitive.  —  Pour  acquérir  par 
prescription  la  propriété  d'un  immeuble,  il  faut  l'a- 
voir possédé,  c'est-à-dire  en  avoir  eu  la  jouissance 
complète  et  à  titre  de  propriétaire,  pendant  le 
temps  nécessaire.  Le  délai  de  la  prescription  est 
de  trente  ans  ;  ce  délai  est  réduit,  lorsque  celui 
qui  prescrit  possède  de  bonne  foi  et  en  vertu 
d'un  acte  qui  lui  aurait  transmis  la  propriété,  s'il 
avait  acquis  du  véritable  propriétaire;  celui  qui 
possède  de  bonne  foi  et  avec  juste  titre  acquiert 
la  propriété  par  une  possession  de  dix  ans  au 
moins,  de  vingt  ans  au  plus,  suivant  que  le  véri- 
table propriétaire  habite  ou  n'habite  pas  dans  le 
ressort  de  la  Cour  d'appel  où  l'immeuble  est  situé. 

Prescriptio7i  libératoire.  —  L'inaction  du  créan- 
cier, lorsqu'elle  s'est  prolongée  pendant  trente  ans 
depuis  l'échéance  de  la  dette,  a  pour  effet  de  libé- 
rer le  débiteur,  qui  peut  invoquer  la  prescription 
libératoire.  Le  délai  de  la  prescription  est  réduit 
pour  certaines  créances  :  ainsi  l'action  des  maî- 
tres et  instituteurs  pour  les  leçons  qu'ils  donnent 
au  mois  se  prescrit  par  six  mois  ;  les  sommes  dues 
aux  médecins,  pharmaciens,  maîtres  de  pension,  le 
prix  des  marchandises  vendues  aux  particuliers  se 
prescrivent  par  un  an  ;  les  intérêts  des  sommes 
prêtées,  les  loyers  et  fermages  se  prescrivent  par 
cinq  ans. 

Interruption  et  suspension  de  la' prescription,  — 
Le  cours  de  la  prescription  est  interrompu  par 
des  actes  de  poursuite,  par  la  demande  en  justice, 
par  la  reconnaissance  que  le  détenteur  ou  le  débi- 
teur fait  du  droit  du  propriétaire  ou  du  créancier. 
La  prescription  est  suspendue  au  profit  des  mi- 
neurs et  interdits  ;  mais  elle  recommence  à  courir 
dès  que  cesse  l'incapacité  de  la  personne  contre  la- 
quelle elle  s'accomplit.  |E.  Delacourtie. 

DROIT  PUBLIC.  —  Législation  usuelle,  L  — 
1.  Définitions  ET  généralités.  —  Le  droit  public 
proprement  dit  a  pour  objet  l'étude  des  droits 
primordiaux  garantis  à  tous  les  citoyens,  l'organi- 
sation des  grands  pouvoirs  de  l'Etat  et  les  rapports 
établis  entre  eux. 

Principes  fondamentaux.  —  Droits' garanti.',-  et 
obligations  imposées  à  tous  les  citoyens.  —  Le 
premier  principe  de  notre  droit  public  est  l'unité 
nationale.  La  France,  jadis  divisée  en  provinces 
qui  possédaient  des  lois,  des  coutumes,  une  orga- 
nisation distinctes,  est,  depuis  1789,  soumise  dans 
toutes  les  parties  de  son  territoire  aux  mêmes  lois, 
à  la  même  organisation,  à  la  même  constitution 
politique. 

Certains  droits,  considérés  comme  fondamentaux, 
sont  garantis  à  tous  les  citoyens  français.  Les 
principaux  de  ces  droits  sont  :  1°  l'égalité  civile, 
c'est-à-dire  le  droit  pour  tous  d'être  admis  aux 
fonctions  et  emplois,  l'égale  répartition  de  limpôt, 
la  suppression  de  tous  privilèges  de  classes  ou  1*0 
personnes;  2"  la  liberté  individuelle,  qui  implique 


DROIT  PUBLIC 


—  619  — 


DROIT  PUBLIC 


le  droit  pour  tout  citoyen  de  n'être  arrêté  ou  détenu 
qu'en  vertu  d'un  ordre  de  justice  ;  3°  l'inviolabilité 
du  domicile  et  de  la  propriété  ;  4°  la  liberté  de 
conscience  ;  6"  la  gratuité  de  la  justice  et  la  publi- 
cité des  débats  judiciaires  ;  6»  le  vote  de  limpùt 
par  les  représentants  de  la  nation  ;  1"  la  responsa- 
bilité des  agents  du  pouvoir  à  raison  des  fautes 
qu'ils  peuvent  commettre  dans  l'exercice  de  leurs 
fonctions. 

A  ces  droits  qui  appartiennent  à  tous  les  citoyens 
correspondent  certaines  obligations  imposées  éga- 
lement à  tous.  Les  plus  importantes  sont  :  l'obliga- 
tion du  service  militaire  et  l'obligation  de  payer 
l'impôt  sous  les  difTérentes  formes  établies  par  les 
pouvoirs  publics. 

Distiîiction  des  pouvoirs  législatif,  exécutif  et  ju- 
diciaire. —  Tout  gouvernement  régulier  comprend 
nécessairement  ces  trois  pouvoirs  :  le  pouvoir  lé- 
gislatif, qui  fait  les  lois,  ou  règles  générales  im- 
posées à  tous  les  citoyens  ;  le  pouvoir  exécutif,  qui 
pourvoit  à  l'exécution  des  lois;  le  pouvoir  judiciaire, 
qui  juge  les  contestations  entre  les  citoyens,  pour- 
suit et  réprime  les  faits  coupables.  La  distinction 
de  ces  trois  pouvoirs  est  une  condition  essentielle 
de  la  liberté  ;  c'est  ce  que  démontre  Montesquieu 
dans  un  passage  célèbre  de  VEspnt  des  lois  (liv.  XI, 
ch.  fi)  :  «  Lorsque  dans  la  même  personne,  dit-il, 
ou  dans  le  môme  corps  de  magistrature,  la  puis- 
sance législative  est  réunie  à  la  puissance  exécu- 
trice, il  n'y  a  point  de  liberté,  parce  qu'on  peut 
craindre  que  le  même  monarque  ou  le  même  sénat 
ne  fasse  des  lois  tyranniques  pour  les  exécuter  ty- 
ranniquement.  Il  n'y  a  point  encore  de  liberté  si  la 
puissance  de  juger  n'est  pas  séparée  de  la  puis- 
sance législative  et  de  l'exécutrice.  Si  elle  était 
jointe  à  la  puissance  législative,  le  pouvoir  sur  la 
vie  et  la  liberté  des  citoyens  serait  arbitraire,  car 
le  juge  serait  législateur.  Si  elle  était  jointe  à  la 
puissance  exécutrice,  le  juge  pourrait  avoir  la  force 
d'un  oppresseur.  Tout  serait  perdu  si  le  même 
homme,  ou  le  même  corps  des  principaux,  ou  des 
nobles  ou  du  peuple,  exerçait  ces  trois  pouvoirs  : 
celui  de  faire  les  lois,  celui  d'exécuter  les  résolu- 
tions publiques,  et  celui  de  juger  les  crimes  ou  les 
difl'érends  des  particuliers.  »  Ces  principes  ont 
reçu  leur  application  dans  les  différentes  constitu- 
tions qui  ont  régi  la  France  depuis  1789  :  toutes 
ont  consacré  la  règle  essentielle  de  la  séparation 
des  pouvoirs. 

2.  Pouvoir  législatif.  —  Le  pouvoir  législatif 
s'exerce  par  les  deux  chambres  :  le  Sénat  et  la 
Chambre  des  députés.  La  loi  n'existe  qu'autant 
qu'elle  a  été  votée  par  l'une  et  l'autre  chambre. 

Sénat;  sénateurs  inamovibles,  séjiateurs  élus 
[Loi  du  24  février  1875).  — Le  Sénat  se  compose 
de  trois  cents  membres.  Soixante-quinze  ont  été 
élus  à  vie  par  l'Assemblée  nationale  en  1875  :  ils 
sont  désignés  sous  le  nom  de  sénateurs  inamovi- 
bles. En  cas  de  vacance  par  décès  ou  autrement 
d'un  siège  de  sénateur  inamovible,  le  Sénat  pour- 
voit lui-même  au  remplacement.  Les  deux  cent 
vingt-cinq  autres  membres  du  Sénat  sont  élus  par 
les  départements,  dans  une  proportion  qui  varie 
de  deux  à  cinq  par  département,  suivant  l'impor- 
tance de  la  population. 

Mode  d'élection  et  durée  des  fonctions  des  sé- 
nateurs élus.  —  Les  sénateurs  des  départements 
sont  élus  à  la  majorité  absolue  des  suflrages  et  au 
scrutin  de  liste  par  un  collège  électoral  spécial 
réuni  au  chef-lieu  du  département.  Ce  collège  élec- 
toral se  compose  :  des  députés  du  département, 
des  conseillers  généraux,  des  conseillers  d'arron- 
dissement, et  d'un  délégué  élu  dans  chaque  com- 
mune par  le  conseil  municipal.  Pour  être  élu  sé- 
nateur, il  faut  avoir  quarante  ans  au  moins  et  jouir 
de  ses  droits  civils  et  politiques.  La  durée  des  fonc- 
tions des  sénateurs  élus  est  de  neuf  années  ;  ils  se 
renouvellent  par  tiers  tous  les  trois  ans  ;  les  dépar- 


tements ont  été  divisés  en  trois  séries  contenant 
un  nombre  égal  de  sénateurs,  et  l'ordre  de  re- 
nouvellement des  séries  a  été  déterminé  par  un 
tirage  au  sort. 

Election  des  délégués  sénatoriaux  par  les  conseils 
municipnux.  —Lorsqu'il  y  a  lieu  dans  un  départe- 
ment à  l'élection  d'un  sénateur,  les  conseils  munici- 
paux sont  convoqués,  un  mois  au  moins  avant  l'élec- 
tion^ pour  procédera  l'élection  de  leurs  délégués. 
Chaque  conseil  municipal  nomme  un  délégué  et  un 
suppléant  pour  remplacer  le  délégué  en  ca^  de  refus 
j  ou  d'empêchement.  L'élection  se  fait  sans  débat, 
au  scrutin  secret,  à  la  majorité  absolue  ;  après 
deux  tours  de  scrutin,  la  majorité  relative  suffit. 
Le  conseil  municipal  peut  choisir  pour  délégué 
toute  personne  ayant  la  qualité  d'électeur  dans  la 
commune,  à  l'exception  des  députés,  conseillers 
généraux  et  conseillers  d'arrondissement  qui  ont 
déjà  la  qualité  d'électeurs  sénatoriaux. 

Chambre  des  députés;  sa  composition  {Loi  du 
1"  décembre  1875).  —  Les  membres  de  la  Chambra 
des  députés  sont  élus  par  le  suffrage  universel  au 
scrutin  individuel.  Chaque  arrondissement  adminis- 
tratif nomme  au  moins  un  député  ;  les  arrondisse- 
ments dont  la  population  dépasse  100  000  habi- 
tants élisent  un  député  déplus  par  100  000  habitants 
ou  fraction  de  100  000  habitants.  L'arrondisse- 
ment est  alors  divisé  en  autant  de  circonscriptions 
qu'il  a  de  députés  à  élire.  Les  députés  sont  élus 
pour  quatre  ans  ;  la  Chambre  se  renouvelle  inté- 
gralement à  l'expiration  du  mandat  de  ses  membres. 

Election  des  députés  ;  listes  électorales.  —  Pour 
participer  à  l'élection  des  députés,  il  faut  être  ins- 
crit sur  les  listes  électorales.  Tous  les  Français, 
âgés  de  vingt  et  un  ans,  jouissant  de  leurs  droits 
civils  et  politiques,  et  ayant  six  mois  de  résidence 
dans  la  commune,  ont  le  droit  d'être  portés  sur  la 
liste  électorale. 

Confection  et  révision  des  listes  électorales.  — 
La  liste  électorale  est  dressée  dans  chaque  com- 
mune par  une  commission  composée  du  maire, 
d'un  délégué  de  l'administration  choisi  par  le  pré- 
fet, et  d'un  délégué  du  conseil  municipal.  Il  est 
procédé  chaque  année,  au  commencement  de 
janvier,  à  la  révision  des  listes  électorales.  Tout 
citoyen  indûment  omis  peut,  dans  les  vingt  jours 
de  la  publication  de  la  liste,  réclamer  son  ins- 
cription :  de  même  tout  électeur  peut  demander  la 
radiation  ou  l'inscription  de  toute  personne  indû- 
ment inscrite  ou  omise.  Les  réclamations  sont 
d'abord  soumises  à  une  commission,  dont  la  déci- 
sion peut  être  frappée  d'appel  devant  le  juge  de 
paix;  la  sentence  du  juge  de  paix  peut  enfin  être 
déférée  à  la  Cour  de  cassation. 

Formes  de  Vélection.  —  Lorsqu'il  y  a  lieu  de 
procéder  à  une  élection,  les  électeurs  sont  convo- 
qués par  un  décret  du  Président  de  la  République. 
Le  scrutin  a  lieu  un  dimanche  ou  un  jour  férié  et 
ne  dure  qu'un  seul  jour  ;  le  vote  a  lieu  au  chef- 
lieu  de  la  commune,  à  moins  qu'à  raison  de  l'im- 
portance de  la  population  la  commune  n'ait  été 
divisée  en  plusieurs  sections.  Les  votes  sont  re- 
cueillis par  un  bureau  électoral,  présidé  par  le 
maire,  l'adjoint  ou  un  conseiller  municipal  assisté 
de  quatre  assesseurs  et  d'un  secrétaire.  Le  scrutin 
est  secret  ;  les  électeurs  votent  au  moyen  de  bul- 
letins préparés  en  dehors  de  l'assemblée,  sur  pa- 
pier blanc  et  sans  signe  extérieur.  Le  bulletin  est 
remis  au  président  qui  le  dépose  dans  l'urne  ;  le 
vote  est  constaté  par  la  signature  ou  le  parafe 
de  l'un  des  membres  du  bureau  mis  à  côté  du 
nom  du  votant  sur  la  copie  de  la  liste  électorale. 
Le  dépouillement  a  lieu  immédiatement  après  la 
clôture  du  scrutin. 

Conditions  d'éligibilité.  —  Tout  électeur  est  éli- 
gible  à  l'âge  de  vingt-cinq  ans,  à  moins  de  se  trouver 
dans  un  des  cas  d'incompatibilité  prévus  par  la  loi  : 
les  militaires  et  marins  en  activité  de  service,  les 


DROIT  PUBLIC 


—  620  — 


DROIT  PUBLIC 


fonctionnaires  publics,  sauf  quelques  exceptions, 
ne  peuvent  être  investis  du  mandat  de  députe. 
Pour  être  élu  au  premier  tour  de  scrutin,  il  faut 
réunir  la  majorité  absolue,  c'est-à-dire  la  moitié 
plus  un  des  suffrages  exprimés,  et  un  nombre  de 
suffrages  égal  au  quart  des  électeurs  inscrits.  Lors- 
qu'aucun  candidat  no  réunit  cette  double  condition, 
il  est  procédé  à  un  second  tour  de  scrutin  qui  a 
lieu  le  deuxième  dimanche  qui  suit  la  proclamation 
du  résultat  du  scrutin.  Au  second  tour  de  scrutin, 
la  majorité  relative  suffit.  La  Cbambre  des  députés 
vérifie  les  pouvoirs  de  ses  membres  ;  elle  juge 
souverainement  si  le  député  élu  était  éligible  et  si 
les  opérations  électorales  se  sont  opérées  loyale- 
ment et  régulièrement. 

Pi^oposition,  discussion  et  vote  de  la  loi.  —  Les 
projets  de  lois  peuvent  être  présentés  par  le  gou- 
vernement et  portés  par  lui  h  l'une  ou  l'autre 
chambre,  au  Sénat  ou  à  la  Chambre  des  députés. 
Les  lois  de  finance  seules  doivent  être  soumises 
d'abord  à  la  Chambre  des  députés  et  votées  par 
elle  avant  d'être  portées  au  Sénat.  Outre  les  pro- 
jets émanant  du  gouvernement,  chaque  Chambre 
peut  être  saisie  de  projets  de  lois  présentés  par 
un  ou  plusieurs  de  ses  membres.  Le  projet,  après 
examen  et  rapport  d'une  commission,  est  discuté  en 
séance  publique.  La  loi  votée  par  le  Sénat  est 
transmise  à  la  Chambre  des  députés,  et  récipro- 
quement la  loi  votée  par  la  Chambre  des  députés 
passe  au  Sénat  ;  elle  ne  devient  définitive  qu'à  la 
suite  du  vote  des  deux  Chambres. 

Pi^omulgation;  comment  la  loi  devient  exécutoire. 
—  La  loi  votée  par  les  deux  Chambres  doit  être 
promulguée  par  le  président  de  la  République.  La 
promulgation  résulte  de  l'insertion  au  Journal 
Officiel.  La  loi  est  exécutoire  à  Paris  un  jour  après 
sa  promulgation  ;  dans  l'étendue  de  chaque  arron- 
dissement, un  jour  après  que  le  Journal  officiel 
est  parvenu  au  chef-lieu  de  cet  arrondissement  ; 
la  date  de  la  réception  est  constatée  par  un  registre 
tenu  à  la  préfecture  ou  sous-préfecture. 

3.  Pouvoir  exécutif.  —  Président  de  la  Républi- 
que, —  Le  chef  du  pouvoir  exécutif  prend  le  nom 
de  président  de  la  République.  Aux  termes  de  la 
loi  du  25  février  187.'),  relative  à  l'organisation  des 
pouvoirs  publics,  le  président  de  la  République  est 
élu  à  la  majorité  absolue  des  suffrages  par  le  Sénat 
et  la  Chambre  des  députés  réunis  en  congrès.  Le 
président  de  la  République  est  nommé  pour  sept 
ans  ;  il  est  rcéligible. 

Ses  préi^ogatives.  —  Le  président  de  la  Républi- 
que a,  concurremment  avec  les  membres  des  deux 
Chambres,  l'initiative  dos  lois.  Il  nomme  à  tous 
les  emplois  civils  et  militaires,  dispose  de  la  force 
armée  •,  les  ambassadeurs  des  puissances  étrangè- 
res son  t  accrédités  auprès  de  lui.  Le  président  de 
la  République  assure  l'exécution  des  lois,  fait,  avec 
l'assistance  du  conseil  d'Etat,  les  règlements  d'ad- 
ministration publique,  négocie  et  ratifie  les  trai- 
tés; toutefois  les  traités  de  paix,  de  commerce, 
ceux  qui  engagent  les  finances  de  l'Etat,  ou  qui  sont 
relatifs  à  l'état  des  personnes  ou  au  droit  de  pro- 
priété des  Français  à  l'étranger,  ne  sont  définitifs 
qu'avec  l'approbation  des  deux  Chambres.  Des  dé- 
crets du  président  de  la  République  accordent 
les  concessions  de  mines,  ordonnent  les  grands 
travaux  d'utilité  publique,  autorisent  l'établisse- 
ment des  octrois,  confèrent  aux  étrangers  la  natu- 
ralisation, etc. 

Le  président  de  la  République  a  le  droit  de  faire 
grâce,  d'accorder  à  un  condamné  remise  totale  ou 
partielle  de  la  peine  ;  l'amnistie,  ou  remise  accor- 
dée à  toute  une  catégorie  d'individus  avant  ou 
après  la  condamnation  prononcée,  ne  peut  être 
accordée  que  par  une  loi.  Le  président  de  la 
République  ne  peut  déclarer  la  guerre  qu'avec 
l'assentiment  des  deux  Cliambres. 

Rapports  avec  les  Chambres.  —  Le  Sénat  et  la 


,  Chambre  des  députés  se  réunissent  chaque  annde 
de  plein  droit  le  second  mardi  de  janvier.  Le  pré- 
sident de  la  République  peut  les  convoquer 
extraordinairement  ;  il  prononce  la  clôture  des 
sessions,  peut  ajourner  les  Chambres  pendant  un 
mois  au  plus  ;  cet  ajournement  ne  peut  être  pro- 
noncé plus  de  deux  fois  dans  la  même  session. 
La  Chambre  des  députés  peut  être  dissoute  par  le 
président  de  la  République  .sur  l'avis  conforme  du 
Sénat.  Le  président  de  la  République  communi- 
que avec  les  Chambres  par  des  messages.  Lors- 
qu'une loi  a  été  votée  par  le  Sénat  et  la  Chambre 
des  députés,  le  président  de  la  République  peut, 
avant  de  la  promulguer,  provoquer,  par  un  mes- 
sage moiivc,  une  nouvelle  délibération  qui  ne  peut 
être  refusée. 

^  Mijiistres.  —  Les  ministres  sont,  sous  l'autorité 
du  président  de  la  République,  les  chefs  de  l'ad- 
ministration dans  les  différentes  branches  de  ser- 
vices publics;  ils  sont  nommés  par  le  président  de 
la  République  et  délibèrent  en  conseil  sous  sa  pré- 
sidence ;  ils  sont  responsables;  ils  ont  entrée 
dans  les  deux  Chambres  et  doivent  y  être  en- 
tendus toutes  les  fois  qu'ils  le  demandent.  Un  des 
ministres  porte  le  titre  de  président  du  conseil, 
et  préside  le  conseil  à  défaut  du  présideut  de  la 
République. 

Nombre-  de  nnjiistères.  —  Les  ministères  sont 
au  noml)re  de  dix  :  1°  le  ministère  de  la  justice; 
le  ministre  de  la  justice,  dépositaire  des  sceaux 
de  l'Etat;  prend  le  nom  de  garde  des  sceaux; 
2°  le  ministère  des  affaires  étrangères  ;  3°  le  minis- 
tère de  la  guerre  ;  4°  le  ministère  de  la  marine  et 
des  colonies;  5°  le  ministore  de  l'intérieur  et  des 
cultes;  0°  le  ministère  des  finances;  7°  le  minis- 
tore de  l'agriculture  et  du  commerce  ;  8"  le  mi- 
nistère des  travaux  publics  ;  9°  le  ministère  de 
l'instruction  publique  et  des  beaux-arts  ;  10°  le 
ministère  des  postes  et  télégraphes. 

Attributions  et  fonctions  des  ministres.  —  Les 
ministres  dirigent  le  service  public  qui  leur  est 
confié  ;  ils  suivent  l'exécution  des  lois  et  décrets  ; 
nomment  et  révoquent  un  grand  nombre  d'agents  ; 
préparent  les  règlements  et  mesures  nécessaires  ; 
annulent  et  confirment  les  décisions  prises  par 
les  autorités  qui  leur  sont  subordonnées.  Tous  les 
actes  du  président  de  la  République  doivent  être 
contresignés  par  un  ministre. 

Conseil  cF Etat.  —  Le  conseil  d'Etat  est  un  corps 
délibérant,  chargé  d'éclairer  par  ses  avis  l'adminis- 
tration centrale,  et  de  statuer  comme  juge  suprême 
sur  les  affaires  administratives.  Le  conseil  d'État  se 
compose  de  conseillers  d'Etat,  maîtres  des  requêtes 
et  auditeurs  nommés  par  le  président  de  la  Répu- 
blique. 

Attributions  administratives.  —  Le  conseil  d'E- 
tat est  appelé  à  donner  son  avis  sur  les  règlements 
d'administration  publique  préparés  par  les  minis- 
tres, sur  tous  les  décrets  qui,  d'après  la  loi,  doi- 
vent être  rendus  dans  la  forme  des  règlements 
d'administration  publique,  enfin,  sur  toutes  les 
questions  administratives  qui  lui  sont  soumises  par 
le  président  de  la  République  ou  les  ministres.  Le 
conseil  d'Etat  peut  également  donner  son  avis  sur 
les  projets  de  loi  que  l'une  des  deux  Chambres 
ou  le  gouvernement  juge  opportun  de  lui  ren- 
voyer. 

Attributions  contentieuses.  —  Le  conseil  d'Etat 
est  le  juge  suprême  en  matière  administrative.  Il 
connaît,  comme  juge  d'appel,  des  décisions  rendues 
par  les  juridictions  administratives,  conseils  de 
préfecture,  ministres,  etc.  Il  connaît  en  outre  des 
recours  formés  pour  excès  de  pouvoir,  incompé- 
tence ou  vice  de  forme,  contre  les  actes  de  toutes 
les  autorités  administratives.  Les  décisions  du  con- 
seil d'Etat  au  contentieux  ne  sont  point  de  sim- 
ples avis,  mais  de  véritables  jugements  qui  ont 
par  eux-mêmes  une  autorité  pleine  et  entière. 


DROITES  ET  PLANS      —  621 


DROITES  ET  PLANS 


Dénomination  des  actes  de  Cautorité  publique. 
Décrets.  —  Les  actes  émanant  des  divers  organes 
de  la  puissance  publique  prennent  des  noms  diflfc- 
rents.  Les  décrets  sont  les  actes  qui  émanent  du 
président  de  la  République.  On  distingue  plusieurs 
espèces  de  décrets  :  les  décrets  simples,  rendus 
sur  le  rapport  d'un  ministre  ;  les  règlements  d'ad- 
ministration publique,  qui  ont  un  caractère  géné- 
ral, et  sont  faits  pour  assurer  l'exécution  de  la  loi 
dans  les  détails  qu'elle  n'a  pu  prévoir  ;  les  règle- 
ments d'administration  publique  doivent  être  soumis 
au  conseil  d'Etat,  et  l'accomplissement  de  cette  for- 
malité est  constatée  dans  le  préambule  du  décret 
par  ces  mots  :  le  Conseil  d' Etat  entendu.  Certains 
décrets  spéciaux,  non  réglementaires,  par  exemple 
ceux  relatifs  aux  concessions  de  mines,  à  l'établis- 
sement des  octrois,  etc.,  ne  peuvent  être  rendus 
qu'après  avis  du  conseil  d'Etat.  Ces  décrets  sont 
désignés  sous  le  nom  de  :  décrets  reiidus  dans  la 
forme   des  règlements  d'administration  publique. 

Arrêtés;  circulaires  ;  instructions.  —  Les  actes 
faits  par  les  différentes  autorités  administratives 
dans  les  limites  de  leurs  attributions  prennent  le 
nom  d'«;veYes.  On  dit  ainsi:  arrêté  ministériel, 
arrêté  préfectoral,  arrêté  municipal.  Les  instruc- 
tions sont  des  avis  adressés  par  le  fonctionnaire 
supérieur  à  ses  subordonnés  pour  leur  expliquer 
le  sens  des  lois  et  des  décrets  qu'ils  ont  à  appli- 
quer, des  ordres  qu'ils  ont  à  exécuter.  Lorsque  ces 
instructions  s'appliquent  à  toute  une  catégorie  de 
fonctionnaires,  elles  prennent  le  nom  de  circulai- 
res. Les  circulaires  et  les  instructions  sont  obliga- 
toires pour  les  agents  à  qui  elles  sont  destinées. 

[E.  Delacourtie.] 

DROITES  ET  PLANS.  —  Géométrie,  XVllI-XX.— 
1.  —  Trois  points  qui  ne  so?it  pas  en  ligne  droite 
déterminent  unplan;  car  si  l'on  mène  une  droite 
par  deux  de  ces  points,  on  pourra  toujours  conce- 
voir un  plan  passant  par  cette  droite;  et  si  on  le 
fait  tourner  autour  de  cette  même  droite  jusqu'à 
ce  qu'il  vienne  passer  par  le  troisième  point,  sa 
position  sera  fixée. 

Deux  droites  qui  se  coupent  déterminent  unplan; 
car  si  l'on  considère  leur  point  de  rencontre  et  un 
point  sur  chacune  d'elles,  on  aura  trois  points  qui 
ne  seront  pas  en  ligne  droite,  et  qui  déterminent 
un  plan  dans  lequel  chacune  des  droites  sera  con- 
tenue, puisqu'elle  y  aura  deux  points. 

Deux  droites  parallèles  déterminent  un  plan; 
cela  résulte  de  la  définition  même  des  parallèles. 

2.  —  L'intersection  de  deux  plans  est  une  ligne 
droite.  D'abord  cette  intersection  est  une  ligne  ; 
et  si  cette  ligne  avait  seulement  trois  points  qui 
ne  fussent  point  en  ligne  droite,  ces  trois  points 
détermineraient  un  plan  qui  coïnciderait  avec  cha- 
cun des  plans  donnés,  ces  deux  plans  coïncide- 
raient donc  eux-mêmes,  ce  qui  est  contraire  à 
l'hypothèse. 


Fjg.  1. 


3.  —  Siune  droite  AO  (fig.  1)  est  perpendiculaire 
à  deux  droiks  OB,  OC,  vassant  par  son  pied  daîu 


unplan  MX,  elle  est  perpendiculaire  à  toute  autre 
droite  OD  passant  par  son  pied  dans  ce  tnême 
pla7i.  Prolongeons,  en  effet,  la  droite  AO,  de  l'au' 
tre  côté  du  plan,  d'une  longueur  OA'  égale  à  OA. 
Coupons  les  trois  droites  OB,  OC,  OD  par  une 
même  droite  BC,  et  joignons  AB,  AC,  AD,  A'B, 
A'C,  A'D.  Les  droites  AB  et  A'B  seront  égales 
comme  obliques,  s'écartant  également  du  pied  O 
de  BO  perpendiculaire  i\  AA'  ;  de  même  A'C  sera 
égal  à  AC  ;  les  deux  triangles  BAC  et  BA'C  seront 
donc  égaux  comme  ayant  leurs  trois  côtés  égaux 
chacun  à  chacun  ;  et  si  Ton  fait  tourner  le  trian- 
gle BA'C  autour  de  BC,  il  viendra  coïncider  avec 
BAC  Mais,  dans  ce  mouvement,  le  point  D  n'aura 
pas  changé  de  place  ;  donc  les  droites  A'D  et  AD 
coïncideront.  Donc  la  droite  OD  qui,  dans  le 
triangle  isocèle  AD  A',  joint  le  sommet  D  au  milieu 
O  de  la  base,  est  perpendiculaire  sur  cette  base  ; 
et  réciproquement  AA'  est  perpendiculaire  à  OD. 

Une  droite  qui  est  ainsi  perpendiculaire  à  toutes 
les  droites  passant  par  son  pied  dani  un  plan  est 
dite  perpendiculaire  à  ce  plan  ;  et  le  plan  est  dit 
aussi  perpendiculaire  à  la  droite. 

4.  -r-  Toutes  les  perpendiculaires  OB,  OC,  OD 
(fig.  2)  élevées  dans  l'espace  par  U7i  même  point  O 


à  une  droite  AA'  sont  dons  un  même  pian  perpen- 
diculaire à  cette  droite.  Menons,  en  effet,  un  plan 
par  les  droites  OB  et  OC,  et  un  autre  par  les  droi- 
tes OA  et  OD  ;  ces  plans  se  couperont  suivant  la 
droite  OD  elle-même,  car  s'ils  se  coupaient  suivant 
une  autre  droite  01,  cette  droite  01  étant  dans  le 
plan  BOC  perpendiculaire  à  AA'  serait  perpendi- 
culaire à  AA'  ;  on  pourrait  donc,  par  un  même 
point  O  d'une  droite  AA',  mener,  dans  un  même 
plan  AOD,  deux  perpendiculaires  01  et  OD  à  une 
droite  AA',  ce  qui  est  impossible. 

5.  —  Par  un  même  point  on  ne  peut  métier 
qu'une  perpendiculaire  à  un  plan  donné.  —  Sup- 
posons, en  eflet,  qu'on  en  puisse  mener  deux.  Si 
le  point  est  extérieur  au  plan,  les  deux  perpendi- 
culaires et  la  droite  qui  joint  leurs  pieds  forme- 
raient un  triangle  dans  lequel  il  y  aurait  deux  an- 
gles droits,  ce  qui  est  impossible. 

Si  le  point  est  pris  sur  le  plan  même,  les  deux 
perpendiculaires  détermineraient  un  plan  qui  cou- 
perait le  premier  suivant  une  droite  perpendicu- 
laire aux  deux  premières,  ce  qui  est  impossible. 

6.  —  Par  un  même  point  on  ne  peut  7nener  qu'un 
plan  perpendiculaire  à  une  droite  donnée.  —  Si 
le  point  est  donné  sur  la  droite  même,  le  plan  per- 
pendiculaire doit  contenir  toutes  les  perpendicu- 
laires à  la  droite  menée  dans  l'espace  par  le  point. 
Ce  point  est  donc  déterminé  et  unique. 

Si  le  point  est  donné  hors  de  la  droite  ;  admet- 
tons qu'on  puisse  par  ce  point,  que  nous  nomme- 
rons O,  mener  deux  plans  perpendiculaires  à  la 
droite,  lesquels  couperont  cette  droite  en  des  points 
A  et  B  ;  dans  le  triangle  AOB  il  y  aurait  deux  an- 
gles droits,  ce  qui  est  impossible.  —  On  ne  peut 
pas  .supposer  que  les  points  A  et  B  coïncident, 
car  alors  on  aurait  deux  plans  perpendiculaires  à 
la  droite  menés  par  un  même  point  de  cette  droite, 
ce  qui  a  été  reconnu  impossible. 


DROITES  ET  PLANS       —  622 


DROITES  ET  PLANS 


7.  —  Si  par  un  point  O  (fig.  3)  pris  hors  d'un 
plan  MN,  on  lui  mène  la  perpendiculaire  OP  et 
différentes  obliques  OA,  OB,  OC;  1°  toute  oblique 
sera  plus  longue  que  la  perpendiculaire;  2°  deux 


l'ig.  3. 

obliques  qui  s'écartent  également  du  pied  P  de  la 
perpendiculaire  seront  égales  ;  3"  de  deux  obliques 
s'écartant  inégalement  du  pied  de  la  perpendicu- 
laii^e,  celle  qui  s'en  écartera  le  plus  sera  la  plus 
longue. 

1°  Joignons  AP  ;  dans  le  triangle  OPA,  rectangle 
en  P,  l'hypoténuse  OA  sera  plus  longue  que  la 
perpendiculaire  OP. 

2°  Soient  PA  =  PB.  Les  triangles  rectangles 
OPA  et  OPB  seront  égaux  comme  ayant  OP  com- 
mun et  PA  =  PB;  donc  les  hypoténuses  OA  et 
OB  seront  égales. 

3°  Soit  PC  >  PA.  Prenons  sur  PC  une  longueur 
PB  égale  à  PA  et  joignons  OB,  on  aura  OB  =  OA. 
Mais  les  trois  droites  OP,  OB,  OC  étant  dans  un 
même  plan,  et  OP  étant  perpendiculaire  à  PC,  on 
a  OC  >  OB,  et  par  conséquent  OC  >  OA. 

Il  résulte  de  ce  théorème  que  la  véritable  dis- 
tance d'un  point  a  un  plan  est  la  perpendiculaire 
abaissée  de  ce  point  sur  ce  plan. 

8.  —  Si  du  pied  O  (fig.  4)  d'une  droite  OA  per- 
pendiculaire à  un  plan  MN,  on  abaisse  OD  per- 
pendiculaire  sur  une  droite  quelconqueBC  tracé' 
dans  ce  plan,  et  qu'on  joigne  AD,  la  droite  AD  sera 
perpendiculaire  à  BC. 


Fig. 


Prenons,  en  effet,  CD  =  BD,  et  joignons  OB,  OC, 
AB,  AC.  Les  obliques  OB  et  OC  seront  égales 
comme  s'écartant  également  du  pied  D  de  la  per- 
pendiculaire OD.  Dès  lors  les  obliques  AB  et  AC 
seront  égales  comme  s'écartant  également  du  pied 
0  de  la  perpendiculaire  AO.  La  droite  AD  a  donc 
deux  de  ses  points,  A  et  D,  à  égale  distance  des 
extrémités  de  BG;  donc  AD  est  perpendiculaire 
sur  BC. 

Ce  théorème,  souvent  utile,  est  connu  sous  le 
nom  de  théorème  des  trois  perpendiculaires. 

9.  —Deux  droites  AO  et  ET)  ij\%.  h)  perpendicu- 
laires à  un  même  plan  MN  sont  parallèles  entre 
elles.  Il  faut  d'abord  démontrer  que  ces  droites 
sont  dans  un  même  plan.  Pour  cela  joisrnonsOD; 
menons,  dans  le  plan  MN,  la  droite  BCD  perpen- 


diculaire à  OD,  et  joignons  AD,  qui  sera  perpen- 
diculaire sur  BC  en  vertu  du  théorème  précédent. 
Mais  BC  est  aussi  perpendiculaire  à  DO  et  à  DE, 
puisque  celle-ci  est  perpendiculaire  au  plan  I4N  " 


les  trois  droites  DO,  DA,  DE  sont  donc  dans  un 
même  plan;  or  OA  est  dans  ce  plan  puisqu'elle  y 
a  deux  points  O  et  A.  Donc  AO  et  DE  sont  dans  un 
même  plan.  Dès  lors  elles  sont  parallèles  comme 
étant  toutes  deux  perpendiculaires  à  OD. 

Réciproquement  :  Si  deiLX  droites  AO  et  DE^on/ 
parallèles,  tout  plan  WS perpendiculaire  à  tune, 
AO  par  exemple,  est  perpendiculaire  à  l'autre.  Car, 
si  DE  n'était  pas  perpendiculaire  au  plan  MN,  on 
pourrait,  par  le  point  D,  mener  une  perpendicu- 
laire à  ce  plan,  laquelle  serait  parallèle  à  AO,  en 
vertu  du  théorème  ci-dessus.  On  pourrait  donc,  par 
un  même  point  D,  mener  deux  parallèles  à  une 
môme  droite,  ce  qui  est  impossible. 

10.  —  Deux  plans  perpendiculaires  à  une  même 
droite  ne  peuvent  se  rencontrer  quelque  loin  qu'on 
les  prolonge.  Soient,  en  effet,  A  et  B  les  points 
où  la  droite  perce  les  deux  plans.  Si  ces  deux 
plans  pouvaient  avoir  un  point  commun,  que  nous 
désignerons  par  O,  les  droites  menées  du  point  O 
aux  points  A  et  B  seraient  toutes  deux  perpendi- 
culaires à  AB,  ce  qui  est  impossible. 

Deux  plans  qui  ne  peuvent  se  rencontrer  quel- 
que loin  qu'on  les  prolonge  sont  ce  que  l'on  ap- 
pelle des  plans  parallèles. 

11.  —  Les  intersections  de  deux  plans  parallèles 
par  un  troisième  sont  parallèles  entre  elles.  Car 
si  ces  intersections,  qui  sont  dans  un  môme  plan, 
n'étaient  pas  parallèles,  elles  se  rencontreraient, 
et  leur  point  commun  appartiendrait  aux  deux 
plans  proposés,  ce  qui  serait  contraire  à  l'hypo- 
thèse. 

12.  —  Une  droite  T),  parcdlèle  à  ime  droite  D' 
située  dans  un  plan  P,  ne  peut  rencontrer  ce  plan 
quelque  loifi  qu'on  la  prolonge.  Car  les  parallèles 
D  et  D'  déterminent  un  plan  qui  coupe  le  plan  P 
suivant  la  droite  D'  elle-même.  Si  donc  la  droite  D 
rencontrait  le  plan  P,  ce  ne  pourrait  être  qu'en  un 
point  de  D',  ce  qui  est  impossible. 

Une  droite  qui  ne  peut  rencontrer  un  plan  quel- 
que loin  qu'on  le  prolonge  est  dite  parallèle  à  ce 
plan  ;  et  le  théorème  ci-dessus  peut  s'énoncer  en 
disant  que  toute  droHe  parallèle  à  une  autre 
droite  située  dans  un  plan  est  parallèle  à  ce  plan. 

13.  -r-  Si  une  droite  D  est  parallèle  à  un  plan  P, 
tout phniQ  mené  par  la  dndteYi  coupe  le  plan  P 
suiva}it  u)ie  parallèle  à  cette  droite.  Car  si  ces 
droites,  qui  sont  dans  un  même  plan  Q,  n'étaient 
pas  parallèles,  leur  point  d'intersection  appartien- 
drait à  la  fois  h  la  droite  D  et  au  plan  P,  ce  qui 
serait  contraire  :\  l'hypothèse. 

14.  —  Une  droite  D  étant  parallèle  à  un  plan  P, 
si,  par  un  point  M  de  ce  plan,  on  mène  une  pa- 
rallèle D'  à  la  droite  D,  elle  sera  contt^nue  tout 
entière  dans  le  plan  P.  En  effet,  menons  un  plan 
par  la  di-oitc  D  et  par  le  point  M  ;  ce  plan  coupera 
le  plan  P  suivant  une  parallèle  ;'i  la  droite  D  ;  cette 
intersection  devra  donc  se  confondre  avec  la  droite 
D',  autrement  on  pourrait,  par  un  même  point  M, 


DROITES  ET  PLANS 


623  —       DROITES  ET  PLANS 


mener  deux  parallèles  à  une  même  droite,  ce  qui  I  AI  et  AC   faisons  passer  un  plan  ;  il  coupera  les 
est  impos-sible.  [ 

15.  —  Lorsque  deux  plans  MN  et  PQ  (fig.  6)  sont 
parallèles,  toute  droite  AB  perpendiculaire  à  l'un 


Fif.   6. 

d'eux  MN,  est  perpendiculaire  à  l'autre.  Menons,  en 
effet,  dans  le  plan  PQ  la  droite  BD  de  direction  quel- 
conque. Si  par  les  droites  AB  et  BD  nous  menons 
un  plan,  il  coupera  MX  suivant  une  droite  AC, 
parallèle  à  BD.  La  droite  AB  perpendiculaire  à  j  aurâ'donc^ 
MN  sera  perpendiculaire  à  AC  qui  passe  par  son  ' 
pied  dans  ce  plan  ;  elle  le  sera  donc  aussi  à  sa 
parallèle  BD.  La  droite  AB  étant  perpendiculaire 
à  une  droite  quelconque  menée  par  son  pied  dans 
le  plan  PQ,  est  perpendiculaire  à  ce  plan. 

Corollaires.  I.  Par  un  point  B  pris  hors  d'un 
plan  MN,  on  ne  peut  lui  mener  qu'un  plan  pa- 
riillèle  PQ.  Car  si  on  pouvait  en  mener  un  second. 


Fis.   8. 


plans  PQ  et  RS  suivant  les  parallèles  HB  et  IC.  On 

AB  :  BC  =  AH  :  Hl 

ou,  ce  qui  revient  au  même, 

AB  :  BC  =  DE  :  £F 

co  qu'il  fallait  démontrer. 

Kemarque.  On  a  aussi  la  proponion  AB  :  AC  = 
ils  devraient  être  tous  deux  perpendiculaires  à  la  j  DE  :  DF. 
droite  BA  abaissée  du  point  B  perpendiculairement     ,  18- ,-  S^  deux  angles  ABC,  DEF  yfig.  9)   ont, 
à  MN.  On  pourrait  donc,  par  un  même  point,  me-  \  dans  l  espa'je,  leurs  cotes  parallèles  et  diriges  dan^ 
ner  deux  plans  perpendiculaires  aune  même  droite, 
ce  qui  est  impossible. 

IL  De"X  plans  parallèles  ù  un  troisième  so^H 
parallèles  entre  eux.  Car  si  l'on  mène  une  per- 
pendiculaire au  troisième,  elle  sera  aussi  perpenr- 
diculaire  aux  deux  premiers;  or,  deux  plans  per- 
pendiculaires à  une  même  droite  sont  parallèles 
entre  eux. 

IC.  —  Les  portions  AC  et  BD  (fig.  7)  de  deux 
parallèles,  comprises  entre  deui  plans  parallèles 


le  même  sens,  ils  sont  égaux,  et  leurs  plans  sont 
parallèles. 

Prenons  BA=ED.BG  =  EF;  etjoignons  AB,BE, 
CF,  AD,  DF.  Les  droites  AB  et  DE  étant  égales  et 
parallèles,  la  figure  ABED  estun  parallélogramme. 
Par  une  raison  analogue  la  figure  BCFE  est  aussi 
un  parallélogramme.  lien  résulte  AD=-BE  =  CF. 
Par  conséquent  la  figure  ACFD  est  aussi  un  pa- 
rallélogramme, et  Ton  aAC  =  DF.  Dès  lors  les 
triangles  ABC  et  DEF  étant  égaux  comme  ayant 
leurs  côtés  égaux  chacun  à  chacun,  il  en  résulte 
que  les  angles  ABC  et  DEF  sont  égaux. 

Les  plans  de  ces  angles  sont  en  même  temps 
parallèles.  Car  s'ils  ne  Tétaient  pas,  comme  le  plan 
ABC  est  mené  par  une  droite  AB  parallèle  à  DE, 
il  devrait  couper  le  plan  DEF  suivant  une  paral- 
lèle à  AB  et  par  conséquent  à  DE:  mais  comme  co 
même  plan  ABC  est  mené  par  une  droite  BC  pa- 
rallèle à  EF,  il  devrait  couper  le  plan  DEF  suivant 
une  parallèle  à  EF.  Ces  deux  conditions  étant  con- 
tradictoires, il  s'en  suit  que  le  plan  ABC  ne  sau- 
rait couper  le  plan  DEF  ;  donc  ces  plans  sont  pa- 
rallèles. 

19.  —  Soit  AO  (fig.  10)  une  droite  qui  rencontre 
en  O  un  plan  MN.  D'un  point  quelconque  A  de 
cette  droite,  abaissons  sur  le  plan  la  perpendi- 
culaire AC,  et  joignons  OC.  Cette  droite  OC  est  ce 
que  Ton  appelle  la  projection  de  la  droite  OA  sur 
le  plan  MN. 

On  peut  remarquer  d'abord  que  cette  projection 


Fis. 


MN  et  PQ,  sont  égales.  Car  si,  par  les  deux  paral- 
lèles AC  et  BD  on  fait  passer  un  plan,  il  coupera 
les  deux  plans  MN  et  PQ  suivant  deux  parallèles 
AB  et  CD.  La  figure  ABDC  sera  donc  un  parallé- 
logramme, et  l'on  aura  AC  =  BD. 

Remarque.  Le  théorème  subsiste  lorsque  les  deux 
parallèles  données  sont  perpendiculaires  aux  deux 
plans  MNetPQ;  mais  alors  ces  perpendiculaires 
mesurent  la  distance  des  deux  plans,  puisque  toute 
oblique  serait  plus  longue.  On  peut  donc  directe 
deux  plans  parallèles  sont  partout  également  dis- 
tants. 

1 7.  —  Deux  droites  quelconques  ABC,  DEF  (fig.  8) 
sont  coupées  proportionnel lemeyit  par  trois  plans 
parallèles  MN,  PQ,  RS.  Menons,  en  effet,  AHI  pa- 
rallèle à  DEF.  En  vertu  du  théorème  précédent 
on  aura  AH  =  DEetHI  =  EF   Par  les  deux  droites 


DROITES  ET  PLANS       —  624 


DROITES  ET  PLANS 


rpste  la  même  quel  que  soit  le  point  de  OA  d'où 
l'on  abaisse  la  perpendiculaire.  Car  si  BD  est  une 
seconde  perpendiculaire  abaissée  sur  MN  d'un  point 
de  OA,  les  deux  perpendicuhiires  sont  parallèles 


ri  g.  10. 

entre  elles,  et  déterminent  un  plan,  qui  contient  AB 
et  par  conséquent  le  point  O  ;  l'intersection  CD 
de  ce  plan  avec  le  plan  MiV  passe  donc  par  le 
point  0. 

L'angle  dune  droite  et  d'un  plan  est  Vangle  que 
fait  cette  droite  avec  sa  projection  sur  ce  plan. 
Ainsi  l'angle  de  OA  avecle  plan  MN  est  l'angle  AOC. 

Cet  angle  est  plus  petit  que  celui  que  ferait  OA 
avec  une  autre  droite  quelconque  01  menée  dans 
le  plan  MN  par  le  point  O.  Car  si  l'on  prend  01 
=  OC  et  qu'on  joigne  BI,  les  deux  triangles  OBD 
et  OBI  auront  deux  côtés  égaux  chacun  à  chacun, 
savoir  OB  commun  et  01  égal  à  OC  ;  mais  le  troi- 
sième côté  de  l'un,  BD,  qui  est  une  perpendicu- 
laire à  MN,  est  moindre  que  le  troisième  côté  de 
l'autre,  BI,  qui  est  une  oblique.  Il  en  résulte  que 
l'angle  BOD  est  moindre  que  l'angle  BOI. 

20.  —  L'angle  de  deux  plans  est  le  plus  ou 
moin''  d'écart  de  deux  plans  qui  se  coupent. 
On  donne  à  un  pareil  angle  le  nom  d'angle 
dièdre  (c'est-à-dire  à  deux  faces)  ;  les  deux  plans 
sont  les  faces  du  dièdre,  et  leur  intersection  est 
Vare'le  de  ce  dièdre.  La  figure  11  montre  plusieurs 


dièdres  ayant  une  arête  commune  OD.  Pour  de- 
signer un  dièdre  on  emploie  quatre  lettres,  dont 
les  deux  extrêmes  sont  prises  respectivement  sur 
chaque  face  et  les  deux  intermédiaires  sur  l'arête. 
Ainsi  le  dièdre  formé  par  les  deux  plans  AODE  et 
BODF  pourra  être  désigné  par  AODB;  celui  qui  a 
pour  faces  BODF  et  CODG  pourra  être  désigné 
par  BODC;  etc. 

Pour  comparer  entre  eux  les  angles  dièdres,  on 
leur  substitue  les  angles  plans  formés  par  des 
perpendiculaires  élevées  dans  chaque  face  par  un 
même  point  de  l'arête.  Si,  par  exemple,  OA,  OB, 
OC  sont  des  perpendiculaires  à  OD,  il  suffira,  pour 
comparer  les  deux  dièdres  que  nous  venons  de 
nommer,  de  comparer  les  angles  plans  AOB  et  BOC 
qui  leur  correspondent.  On  démontre,   en    effet, 


que  si  l'on  prend  pour  unité  d'angle  dièdre  celui 
qui  a  pour  angle  plan  l'unité  d'angle,  les  angles 
dièdres  sont  proportionnels  à  leurs  angles  plans. 
Pour  cela  on  montre  d'abord  que  deux  angles  diè- 
dres qui  ont  des  angles  plans  égaux  sont  super- 
posables  :  on  démontre  ensuite  que  si  l'angle  plan 
d'un  dièdre  contient  un  certain  nombre  de  fois 
l'unité  d'angle  plan,  le  dièdre  contient  le  môme 
nombre  de  fois  l'unité  d'angle  dièdre. 

Quand  l'angle  plan  est  droit,  le  dièdre  prend  le 
nom  de  dièdre  droit,  et  ses  deux  faces  sont  dites 
perpendiculaires  entre  elles.  Si,  par  exemple,  l'angle 
.\0(;  était  droit,  le  dièdre  AODC  serait  droit  aussi, 
et  les  faces  AODE,  CODG  de  ce  dièdre  seraient 
perpendiculaires  entre  elles. 

Deux  plans  perpendiculaires  entre  eux  sont  donc 
des  plans  qui  forment  un  dièdre  droit;  c'est-à- 
dire  que  si,  par  un  même  point  de  l'arête,  on 
élève  dans  chaque  face  une  perpendiculaire  à 
cette  arête,  les  deux  perpendiculaires  ainsi  menées 
forment  un  angle  droit, 

21.  —Si  deux  pkmsUyi  et  OP  (fig.  12)  sontper. 
pendiculaircs  entre  eux,  toute  droite  AB,  menée 
dans  l'un  de  ces  plans  perpendiculairement  à  leur 


intersection  OD,  est  perpendiculaire  à  l'antre  plan. 
Car  si  l'on  mène  dans  le  plan  MN  la  droite  BC  per- 
pendiculaire à  OD,  l'angle  ABC  sera  l'angle  plan 
du  dièdre  formé  par  les  deux  plans,  et  sera  donc 
droit  ;  ainsi  la  droite  AB,  perpendiculaire  aux  deux 
droites  OD  et  BG  menées  par  son  pied  dans  le  plan 
MN,  est  perpendiculaire  à  MN. 

Corollaires.  I.  —  Si  par  un  point  B  de  l'inler- 
section  on  élevait  une  perpendiculaire  au  plan  MN, 
elle  serait  tout  entière  dans  le  plan  OP.  Car,  si 
elle  difl'érait  de  BA,  on  pourrait  en  un  même  point 
d'un  plan  lui  élever  deux  perpendiculaires,  ce  qui 
est  impossible. 

IL  —  Si  par  un  point  A,  pris  dans  le  plan  OP, 
on  abaissait  une  perpendiculaire  sur  le  plan  MN. 
elle  serait  toute  entière  dans  le  plan  OP.  Car  si 
elle  différait  de  AB,  on  pourrait,  par  un  point  pris 
hors  d'un  plan,  lui  mener  deux  perpendiculaires, 
ce  qui  est  impossible. 

22.  —  Tout  plan  OP  (fig.  12),  mené  suivant  une 
droite  AB  perpendiculaire  à  un  plan  MN,  est  lui' 
même  perpendiculaire  à  ce  plan.  Car  si  l'on  mène, 
dans  le  plan  MN,  la  droite  BC  perpendiculaire  à 
l'intersection  OD,  les  angles  ABC  et  ABO  seront 
droits,  puisque  AB  est  perpendiculaire  au  plan  MN. 
L'angle  ABC  sera  donc  l'angle  plan  du  dièdre  formé 
par  les  deux  plans  OP  etMN,  et  puisque  cet  angle 
est  droit,  les  deux  plans  sont  perpendiculaires. 

Remarques.  —  On  peut  énoncer  ce  théorème  en 
disant  que  tout  flan  JIN  perpendiculaire  à  une 
droite  AB  située  dans  un  plan  OP  est  perpendicu- 
laire à  ce  plan. 

23.  —  l'oitt  plan  perpendiculaire  à  deux  pla/is 
qui  se  coupent  est  perpendiculaire  à  leur  intersec- 
tion. Car  si,  par  le  point  de  rencontre  des  trois 
plans,  on  élevait  une  perpendiculaire  au  premier, 
elle  serait  tout  entière  dans  chacun  des  deux 
autres.  Elle  n'est  donc  autre  que  leur  intersec- 
tion. 

24.  —  La  direction  verticale  est  celle  que  prend 


DROITES  ET  PLANS        —  625 


DYNASTIES 


le  fil-à-plomb  ;  elle  est  perpendiculaire  à  la  sifrface 
des  eaux  tranquilles  dans  le  lieu  de  l'observation. 
Dans  un  même  lieu  les  verticales  sont  donc  des 
droites  parallèles. 

On  nomme  ^lan  horizontal  tout  plan  perpendi- 
culaire à  la  verticale.  Dans  un  même  lieu  toutes 
les  verticales  étant  parallèles,  il  en  est  de  même 
de  tous  les  plans  horizontaux. 

Toute  droite  menée  dans  un  plan  horizontal  est 
ce  qu'on  nomme  une  horizontale.  Si,  par  un  point 
quelconque  d'une  horizontale,  on  mène  une  verti- 
cale, les  deux  droites  seront  perpendiculaires  eiitre 
elles.  Réciproquement  :  toute  perpendiculaire  à  la 
verticale  est  une  horizontale. 

Deux  horizontales  qui  se  coupent  déterminent  un 
plan  horizontal.  Car  si,  par  leur  point  de  rencon- 
tre, on  élève  une  verticale,  elle  sera  perpendicu- 
laire à  chacune  des  deux  horizontales,  et  par  con- 
séquent au  plan  déterminé  par  ces  horizontales. 
—  C'est  sur  ce  principe  qu'est  fondé  l'emploi  des 
nù'eai^a;  pour  vérifier  l'horizontalité  d'un  plan.  V. 
Arpentage  (instruments  d'). 

Tout  plan  qui  contient  une  verticale  est  lui- 
même  ce  qu'on  nomme  un  plan  vertical.  Par  une 
droite  donnée,  on  peut  toujours  faire  passer  un 
plan  vertical.  Car  si,  par  un  point  de  celte  droite, 
on  élève  une  verticale,  cette  verticale  et  la  droite 
donnée  détermineront  un  plan  qui  est  vertical. 

Deux  plans,  dont  l'un  est  vertical  et  Vautre  ho- 
rizontal, sont  toujours  perpendiculaires  entre  eux. 
Car  si  dans  le  plan  vertical  on  mène  une  verti- 
cale, elle  sera  perpendiculaire  au  plan  horizontal. 
Réciproquement  :  tout  pla7i  perpendiculaire  à  ua 
plan  horizontal  est  un  plan  vertical;  car  si,  par 
un  point  de  leur  intersection,  on  élève  une  per- 
pendiculaire au  plan  horizontal,  c'est-à-dire  une 
verticale,  cette  droite  sera  contenue  tout  entière 
dans  l'autre  plan  ;  donc  celui-ci  est  vertical. 

L'intersection  de  deux  plans  verticaux  est  une 
verticale.  Car  tout  plan  horizontal,  étant  perpen- 
diculaire à  chacun  d'eux,  est  perpendiculaire  à  leur 
intersection  ;  donc  cette  intersection  est  verticale. 

Un  plan  quelconque  est  coupé  par  un  plan  hori- 
zontal suivant  une  horizontale;  et  toutes  les  hori- 
zontales d'un  même  plan  sont  parallèles. 

25.  —  On  nomme  ligne  de  plus  grande  pente 
d'un  plan  une  droite  menée  dans  le  plan  perpen- 
diculairement à  ses  horizontales.  On  démontre,  en 
efi'et,  pour  justifier  cette  dénomination,  que  cette 
ligne  fait  avec  cette  projection  sur  un  plan  hori- 
zontal un  angle  plus  grand  que  celui  que  ferait 
toute  autre  droite  du  plan  considéré  avec  sa  pro- 
jection horizontale.  Soit  MN  (fig.  13)  le  plan  con- 
sidéré ;  AB  son  intersection  avec  le  plan  horizontal 


Fig.  13. 

BAC  ;  10  une  perpendiculaire  à  l'horizontale  AB, 
dans  le  planMN;  OH  la  perpendiculaire  abaissée 
d'un  point  de  10  sur  le  plan  BAC  ;  OD  une  autre 
droite  quelconque  menée  par  le  point  O  dans  le 
planMN.  Joignons  HD  ;  prenons  sur  cette  droite 
une  longueur  HI' égale  àHI,ct  joignons  01'.  Les 
deux  triangles  lOH  et  l'OH  sont  égaux  comme  étant 
tous  deux  rectangles  en  H^  et  ayant  les  côtés  de 
2<~  Partie. 


l'angle  droit  égaux  chacun  à  chacun  ;  donc  l'angle 
OI'H  est  égal  à  l'angle  OIH.  Mais  l'angle  OI'H  ex- 
térieur au  triangle  OI'D  est  plus  grand  que  ODH. 
DoncOIH  est  aussi  plus  grand  que  ODH. 

[H.  Sonnet.] 

DYNASTIES.—  Histoire  générale,  XXXIX-XL. 
—  On  appelle  ainsi  une  série  de  dynastes,  c'est-à- 
dire  de  souverains,  se  succédant  par  filiation,  par 
adoption,  ou  de  toute  autre  manière,  et  formant 
dans  le  canon  des  monarques  d'un  pays  un  groupe 
distinct,  qui  donne  souvent  son  nom  à  une  période 
historique. 

Nous  énumérerons,  dans  cet  article  de  récapitu- 
lation, les  principales  dynasties  de  l'histoire  an- 
cienne et  moderne,  en  renvoyant  pour  les  détails, 
soit  à  des  articles  spéciaux  qui  seront  indiqués,  soit 
aux  articles  généraux  consacrés  à  l'histoire  de  cha- 
que nation. 

Nous  laissons  de  côté  les  pays  de  l'extrême 
Orient  ("V.  Orient  et  Mongols),  ainsi  que  l'Inde*. 
Nous  ne  reviendrons  pas  non  plus  sur  ce  qui  a  été 
dit  ailleurs  concernant  les  dynasties  des  Assyriens, 
des  Chaldéens,  des  Egyptiens,  des  Israélites, 

-Nous  divisons  les  temps  historiques  en  deux 
grandes  sections  :  les  tetnps  anciens  d'une  part, 
le  moyen  âge  et  les  temps  modernes  d'autre  part. 

TEMPS  ANCIENS. 

Perse.  —  La  dynastie  nationale  des  rois  de  la 
Perse  ancienne,  fondée  par  Cyrus,  porte  le  nom 
d'Achéménides.  Le  légendaire  Achéménès,  qui  a 
servi  de  héros  patronymique  à  la  famille  dont  sor- 
tit Cyrus,  paraît  être  le  même  que  le  Djcmchiddu 
Zend-Avesta  CV.  Pe7'se).  Les  Achéménides  régnè- 
rent de  636  à  330  avant  J.-C. 

Après  la  conquête  d'Alexandre,  la  Perse  fit  par- 
tie de  l'empire  des  Séleucides  (V.  plusloini;  puis 
elle  devint  une  province  de  l'empire  des  Parthes, 
sous  la  dynastie  des  Arsacides  (255  avant  J.-G.  à 
22G  après  J.-C).  En  226,  Artaxerxès,  fils  de  Sas^' 
san,  renversa  la  domination  parthe  et  rétablit  le 
royaume  de  Perse  :  ses  «uccesseurs  forment  la 
dynastie  des  Sassariides,  contre  laquelle  curent  à 
lutter  durant  quatre  siècles  les  empereurs  de 
Rome  et  de  Byzance.  Le  dernier  des  Sassanides, 
Yezdedgerd  IIl,  fut  renversé  du  trône  par  les  Ara- 
bes en  652. 

Grèce.  —  Athènes.  Les  rois  d'Athènes,  formant 
la  dynastie  dite  Cécropide,  sont  antérieurs  à  la 
période  historique.  Cette  dynastie  tire  son  nom  de 
Cécrops,  le  fabuleux  fondateur  d'Athènes  :  c'est  à 
elle  qu'appartiennent  entre  autres  les  rois  légendai- 
res Erechthée,  Egée,  Thésée,  Codrus.  —  Au  si- 
xième siècle  avant  J.-C,  Athènes  fut  gouvernée 
par  la  dynastie  des  Pisistratides,  comprenant  Pi- 
sistrate  et  ses  deux  fils  Hipparque  et  Hippias. 

Spa7'te.  Sparte  eut  deux  dynasties  :  l'une  légen- 
daire, celle  des  Pélopides,  à  laquelle  appartient 
jMénélas  ;  l'autre  historique,  celle  des  HéracUdes. 
Toutefois,  les  origines  de  la  dynastie  héraclide 
plongent  encore  dans  les  temps  mythiques;  Lycur- 
gue  lui-même,  dont  on  fait  l'oncle  du  roi  Chari- 
iaiis,  ne  semble  pas  un  personnage  historique.  Ce 
n'est  qu'à  partir  du  sixième  siècle  avant  J.-C.  que 
l'histoire  de  Sparte,  comme  celle  d'Athènes,  de- 
vient certaine. 

On  sait  que  Sparte  était  gouvernée  par  deux  rois  ; 
ils  étaient  choisis  dans  deux  branches  différentes 
de  la  famille  des  HéracUdes,  celle  des  Proclida  et 
celle  des  Eurysthénides;  Démarate,  Agésilas, 
Agis  111  étaient  des  Proclides  ;  Léonidas,  Cléo- 
mène  III,  des  Eurysthénides. 

Après  l'extinction  des  HéracUdes  en  219  avant 
J.-C,  Sparte  fut  gouvernée  par  des  tyrans,  dont  les 
Achéens  la  délivrèrent;  bientôt  après,  elle  dut 
accepter  la  domination  romaine,  comme  le  reste 
de  la  Grèce. 

40 


DYNASTIES 


—  626  — 


DYNASTIES 


Macédoine.  —  La  première  dynastie  des  rois  de 
Macédoine,  celle  à  laquelle  appartiennent  Phi- 
lippe II  et  son  fils  Alexandre  III  le  Grand,  était  aussi 
une  famille  à'Héradides,  c'est-à-dire  prétendant 
descendre  d'Hercule.  Elle  s'éteignit  en  311  avant 
J.-C,  à  la  mort  d'Alexandre  Aigus,  fils  posthume 
d'Alexandre  le  Grand. 

Après  des  luttes  entre  divers  prétendants,  la 
couronne  resta  aux  descendants  d'Antigone,  l'un 
des  généraux  d'Alexandre.  Cette  famille  conserva 
la  couronne  jusqu'en  168,  année  où  Persée,  dernier 
roi  de  Macédoine,  fut  détrôné  parles  Romains. 

Royaumes  gréco-macédoniens.  —  Syrie.  La  dy- 
nastie des  Séleucides,  qui  tire  son  nom  de  Séleu- 
cus  Nicator,  l'un  des  généraux  d'Alexandre,  fonda 
en  Asie,  au  commencement  du  quatrième  siècle 
avant  J.-C,  un  vaste  empire  dont  la  Syrie  fut  le 
centre. 

Au  bout  d'un  siècle  et  demi,  la  puissance  des 
Séleucides  commença  à  décliner,  leur  empire  se 
démembra,  les  discordes  et  l'anarchie  l'aftaiblirent 
de  plus  en  plus,  et  enfin  la  Syrie  devint  une  pro- 
vince romaine  en  l'an  63  avant  J.-C. 

Egypte.  La  dynastie  des  Ptolémées  ou  Lngides 
eut  pour  fondateur,  comme  celle  des  Séleucides, 
un  des  généraux  d'Alexandre,  Ptolémée,  fils  de 
Lagus  ;  elle  gouverna  l'Egypte  pendant  près  de 
trois  siècles  (323-31  avant  J.-C).  Elle  comprend 
quatorze  souverains  qui  portent  tous  le  nom  de 
Ptolémée,  et  sont  distingués  les  uns  des  autres 
par  des  surnoms  :  les  principaux  sont  les  trois  pre- 
miers, Ptolémée  Soter,  Ptolémée  Philadelphe,  et 
Ptolémée  Evergète.  Cléopàtre,  sœur  et  épouse  de 
Ptolémée  XII  et  de  Ptolémée  XIII,  et  mère  de 
Ptolémée  XIV  Césarion,  est  le  personnage  le  plus 
connu  qu'offre  cette  dynastie. 

Rome.  —  Les  sept  rois  de  Rome  ne  forment  pas, 
à  proprement  parler,  une  dynastie  ;  ce  sont  des 
personnages  légendaires  qui  symbolisent  les 
différentes  phases  de  l'histoire  de  la  Rome  primi- 
tive. 

Les  empereurs  romains,  de  Jules  César  à  Romu- 
lus  Augustule,  peuvent  être  partagés  en  sept  sé- 
ries, dont  les  unes  sont  de  véritables  dynasties, 
tandis  que  d'autres  forment  de  simples  groupes  où 
l'ordre  de  succession  est  souvent  déterminé  par  le 
hasard  des  révolutions.  Ce  sont  : 

1.  Les  douze  Césars,  comprenant  :  a)  Jules  Cé- 
sar, Auguste,  et  les  quatre  empereurs  de  la  famille 
d'Auguste;  b)  les  trois  premiers  successeurs  de 
Néron  :  Galba,  Othon,  Vitellius  ;  c)  les  trois  Fla- 
viens  :  Vespasien  et  ses  deux  fils; 

2.  Les  Antcmins-,  qui  se  succèdent  par  adoption, 
de  Nerva  à  Marc-Aurèle,  et  finissent  au  fils  indigne 
de  ce  dernier.  Commode.  Viennent  ensuite  les 
règnes  éphémères  de  Pertinax  et  de  Didius  Ju- 
lianus  ;  , 

3.  Les  Sévère  ou  les  empereurs  syriens,  de 
Septime  Sévère  à  Alexandre  Sévère; 

4.  Les  empereurs  de  l'époque  d'anarchie  mili- 
taire, commençant  à  Maxiinin,  finissant   à  Gallien  ; 

6.  Les  empereurs  illyriens,  dont  les  principaux 
sont  Aurélien,  Probus,  Diocléiien,  Constantin.  Ils 
finissent  à  Julien  et  à  son  successeur  Jovien  ; 

0.  Les  empereurs  de  l'époque  des  partages.  Ce 
sont  Valentinien  et  Valens,  puis  ïhéodose  et  ses 
deux  fils,  Honorius  et  Arcadius. 

7 .  Les  derniers  empereurs  d'Occident  après 
Honorius,  au  nombre  de  onze,  dont  le  dernier  est 
Uomulus  Augustule,  déposé  en  476  après  J.-C. 

MOYEN  AGE  ET  TEMPS  MODERNES. 

Empire  d'Orient  ou  de  Constantinople.  —  De 
Tavènement  d'Arcadius  (395)  à  la  prise  de  Constan- 
tinople parles  Turcs  (14ô3j,  l'histoire  de  l'empire 
dOrieni  embrasse  une  période  de  plus  de  mille 
ans.  Onze  dynasties  se  succédèrent  sur  le  trône  : 


1°  Maison  de  Théodose  (395-457)  ; 

2°  Première  maison  thrace  (157-518); 

3°  Seconde  maison  thrace  (518-610),  à  laquelle 
appartient  Justinien  I"  ; 

4°  Maison  des  Héraclides  (610-717),  dont  le  chci 
fut  Héraclius  ; 

5°  Maison  isaurienne  (717-820),  qui  tire  son  nom 
de  Léon  IV  l'Isaurien  ou  ITconoclasle  ; 

6°  Maison  phrygienne  (820-867); 

7°  Maison  macédonienne  (867-1081); 

8°  Maison  des  Comnènes  (1081-1204),  à  laquelle 
appartiennent  Alexis  I",  qui  régnait  lors  de  la 
première  croisade,  et  Isaac  II  l'Ange,  qui  amena 
à  Constantinople  les  chevaliers  de  la  quatrième 
croisade  ; 

9°  Empereurs  latins  (1204-1261),  des  maisons  de 
Flandre  el  de  Courtenay; 

10"  Maison  des  Lascaris  (1206-1260),  qui  régna 
à  Nicée,  pendant  que  les  empereurs  latins  occu- 
paient Constantinople  ; 

11"  Maison  des  Paléologues  (1260-1453),  dont  le 
chef,  Michel,  reprit  Constantinople  en  1261,  et 
dont  le  dernier  représentant  fut  Constantin  XII. 

Grèce  moderne.  —  Le  royaume  de  Grèce,  consti- 
tué en  1832,  n'a  encore  eu  que  deux  souverains, 
appartenant  à  deux  familles  différentes  :  Othon  \" 
de  Bavière,  renversé  du  trône  en  1862;  et 
George  I^'  de  Danemark,  élu  roi  en  1863. 

Empire  ahabe.  —  Les  successeurs  de  Mahomet 
(mort  en  632)  prirent  le  titre  de  khalifes  '  ou 
vicaires.  Les  trois  premiers  califes  furent  élus  au 
détriment  des  droits  d'Ali,  qui  se  prétendait  l'héri- 
tier légitime  de  Mahomet  dont  il  était  le  gendre 
(origine  de  la  séparation  enira  sumiites  etschiites), 
Ali  fut  le  quatrième  khalife  ;  puis  vint  la  dynastie 
usurpatrice  des  Ommiades,  qui  régna  à  Da- 
mas (fi61-750).  Elle  fut  renversée  par  AboulAbbas, 
tige  des  Ahbasddes;  ceux-ci  transférèrent  le  siège 
du  khalifat  à  Bagdad.  L'abbasside  Al-Rhadi-Billah 
céda  en, 935  le  pouvoir  temporel  à  un  chef  mili- 
taire, YÈmir-al-omrah,  et  ne  garda  pour  lui  et 
ses  successeurs  que  le  pouvoir  spirituel.  On  vit 
bientôt  s'élever,  sur  divers  points  de  l'empire  arabe, 
des  souverains  indépendants.  Ainsi,  en  Afrique,  un 
aventurier  qui  prétendait  descendre  de  Fatime, 
fille  de  Mahomet,  fonda  une  dynastie  nouvelle  ;  les 
Fat  imites  s'emparèrent  de  l'Egypte,  où  ils  ré- 
gnèrent pendant  deux  siècles  avec  le  titre  de 
khalifes  (968-1171).  En  Asie  apparut  la  dynastie 
des  sultans  Gaznévides  (!i97),  puis  celle  des  sultans 
Seldjoukides  qui  la  remplaça  (1037).  A  la  domi- 
nation des  Seldjoukides  succéda  au  xii'  siècle 
celle  des  Atabeks,  dont  les  plus  connus  sont  les 
Atabeks  de  Syrie  (Noureddin,  1145-1173);  puis 
celle  des  Ayoubites,  dont  le  chef,  Saladin,  renversa 
les  Fatimites  d'Egypte  et  s'empara  de  la  Syrie. 
Enfin  arrivèrent  les  Turcs  (V.  ci-dessous)  ;  le 
dernier  khalife  abbasside,  Motawakkel,  céda  au 
sultan  turc  Sélim  1"  son  titre  et  ses  prérogatives 
religieuses  (1516). 

Apres  le  renversement  des  Ommiades,  un  mem- 
bre de  cette  famille,  Abd-el-Rhaman,  s'était  ré- 
fugié en  Espagne  où  il  fonda  le  kkalifai  de  Cor- 
(/oiie.  Les  Ommiades  de  Cordoue  régnèrent  près 
de  deux  siècles  (950-1031),  puis  leur  khalifat  se 
démembra.  Vers  la  fin  du  xi»  siècle,  les  Almora- 
vides  du  Maroc  vinrent  fonder  en  Espagne  une 
dynastie  militaire,  à  laquelle  succéda  celle  des 
Almohades  (xii'  siècle)  et  celle  des  Mérinides  (xiii' 
siècle).  Mais  bientôt  il  ne  resta  plus  aux  Maures 
d'Espagne  que  le  petit  royaume  de  Grenade,  gou- 
verné depuis  1235  par  la  famille  des  AUiamarides, 
et  qui  disparut  en  1492. 

Ti;rcs.  —  Le  premier  sultan  des  Turcs  fut  Osman 
ou  Otliman,  qui  se  créa  vers  1300  un  royaume 
aux  dépens  des  petits  Etats  seldjoukides  d'Asie- 
Mineure.  C'est  de  lui  que  ses  successeurs  prirent 
le    nom   à'Osmanlis  ou   d'Ottomans.   Mahomet.   Il 


DYNASTIES 


—  G^21  - 


DYNASTIES 


j'empara  de  Constantinople  (1453),  qui  est  restée 
lusqu'à  nos  jours  le  siège  de  la  dynastie  ottomane. 

Perse.  —  Après  la  conquête  arabe,  la  Perse  fut 
soumise  aux  khalifes  de  Bagdad,  puis  aux  sultans 
gaznévides  et  seidjoukides,  et  ensuite  à  diverses 
dynasties  mongoles  et  turcomanes.  En  1499  monta 
sur  le  trône  la  dynastie  des  Sophis,  qui  régna 
jusqu'en  17;Ui.  Après  une  période  d'un  demi-siècle 
durant  laquelle  régnèrent  des  princes  divers,  la 
couronne  échut  à  la  dynastie  àes  Kadjars  (179^), 
qui  occupe  encore  le  trône  aujourd'hui. 

Italie.  —  Après  Romulus  Augustule,  l'Italie  fut 
gouvernée  par  le  roi  hérule  Odoacre  (476-49:^), 
puis  par  les  rois  Ostrogoths  (493-553)  et  les  rois 
Lombards  (568-774).  La  couronne  d'Italie  passa 
ensuite  à  la  famille  carlovingienne  (774-888),  et,  à 
l'extinction  de  celle-ci,  à  une  série  de  princes 
féodaux,  jusqu'au  moment  où  Othon  I"  de  Saxe 
s'en  empara  (951).  Les  empereurs  allemands  gar- 
dèrent pendant  plusieurs  siècles  le  titre  de  roi 
d'Italie.  Ce  titre  fut  repris  en  1805  par  Napo- 
léon 1",  et  en  1860  par  "Victor-Emmanuel  II,  roi  de 
Sardaigne. 

Dans  le  cours  du  moyen  âge,  plusieurs  villes  ou 
provinces  d'Italie  s'étaient  constituées  en  Etats  in- 
dépendants, où  régnèrent  des  dynasties  particuliè- 
res. Ce  sont  entre  autres  : 

Naples  et  la  Sicile,  qui  formèrent  le  royaume  des 
Deux-Siciles  sous  les  dynasties  normande  (xii'  siè- 
cle) et  souabe  ;,xii^  etxiii  siècle).  A  l'avènement  de 
la  maison  à' Anjou  au  trône  de  Naples  (1266),  la  Si- 
cile se  sépara  et  se  donna  à  des  rois  de  la  maison 
d'AragoJi  :  cette  dernière  réunit  en  1435  les  deux 
couronnes.  Après  les  guerres  d'Italie,  le  royaume 
des  Deux-Siciies  resta  aux  rois  d'Espagne  de  la 
maison  à' Autriche  ;  au  xviii'  siècle,  il  se  sépara  de 
l'Espagne  sous  des  rois  de  la  branche  espagnole 
des  Bourbons,  qui  y  régnèrent,  avec  quelques  in- 
terruptions, jusqu'en  1860,  date  de  l'annexion  de 
Is'aples  au  royaume  d'Italie. 

Florence,  où  la  famille  des  Médicis  régna  de 
1429  à  1737  (avec  le  titre  de  grands-ducs  de  Tos- 
cane à  partir  de  1669).  A  la  mort  du  dernier  Médi- 
cis, Jean-Gaston,  le  duché  de  Toscane  passa  à  la 
maison  de  Lorraine- A utriclie.  qui  en  conserva  la 
souveraineté  jusqu'en  1860  (sauf  une  interruption 
de  18U1  ;\  1814). 

Mibtn,  qui  fut  gouverné  par  les  Visconti  de  1277 
à  14.S0,  et  parles  ^forza  de  1450  à  1535.  Le  duché 
de  Milan  devint  ensuite  une  possession  espagnole, 
puis  autrichienne  (1713).  Il  lit  partie  de  la  répu- 
blique cisalpine  et  du  royaume  d'Italie  (  1797-18 14 1, 
puis  revint  à  l'Autriche  comme  partie  intégrante 
du  royaume  lombard-vénitien.  Le  Milanais  fut 
réuni  en  1860  au  nouveau  royaume  d'Italie. 

Esp.\GNE.  —  L'Espagne  formait  au  moyen  âge 
quatre  royaumes  :  Navarre,  Léon  et  Asturies,  Cas- 
tille,  et  Aragon. 

Navarre.  —  La  Navarre  eut  une  première  dynas- 
tie de  rois  nationaux  de  857  à  1076.  Elle  fut  en- 
suite réunie  un  moment  à  l'Aragon,  et  redevint 
indépendante  en  Ila4.  En  1234,  la  couronne  échut 
à  la  dynastie  de  Champagne,  et  en  1285  un  mariage 
la  donna  aux  rois  de  France.  En  1328,  la  Navarre 
redevint  un  royaume  séparé  qui  passa  successive- 
ment aux  maisons  d'Evreux,  de  t'oix,  d'Aragon  et 
d'Albrei.  Henri  de  Bourbon,  fils  de  Jeanne  d'Al- 
bret,  réunit  de  nouveau  les  couronnes  de  Navarre 
et  de  France;  mais  le  royaume  de  Navarre  ne  com- 
prenait plus  alors  que  le  territoire  situé  au  nord 
des  Pyrénées,  la  partie  méridionale  ayant  été  con- 
quise en  1512  par  Ferdinand  V  le  Catholique. 

Léon  et  Asturies.  —  Ce  roj'aume,  appelé  d'abord 
royaume  des  Asturies,  le  plus  ancien  état  chrétien 
de  la  péninsule  ibérique,  fut  fondé  par  Pelage  en 
718. 11  prit  en  761  le  nom  do  royaume  d'Oviédo,  et 
en  913,  après  un  agrandissement,  celui  de  royaume 
de  Léon  et  Asturies.  Réuni  temporairement  à  la 


Castille  à  deux  reprises,  il  se  fondit  définitivement 
dans  ce  dernier  royaume  en  12-30. 

Castille.  —  Le  royaume  de  Castille,  fondé  en 
1034  par  Sanche  le  Grand,  roi  de  Navarre,  en  fa- 
veur de  son  fils  Ferdinand  l",  fut  gouverné  d'abord 
par  une  dynastie  navarraise,  puis  (  1 126-1 36!')  par  la 
maison  de  Bourgogne,  qui  réunit  au  treizième  siè- 
cle les  couronnes  de  Castille  et  de  Léon.  Une  troi- 
sième maison,  celle  de  Transtamare,  régna  de 
1369  à  1479,  date  de  la  réunion  de  l'Aragon  et  de  la 
Castille  sous  Ferdinand  d'Aragon  et  Isabelle. 

Aragon.  —  Le  comté  d'Aragon  fut  érigé  en 
royaume  en  1035  par  Ramire,  fils  du  roi  de  Na- 
varre Sanche  le  Grand.  En  1137  arriva  au  trône  la 
dynastie  de  Barcelone,  et  en  1412  une  dynastie  cas- 
tillane, d'où  sortit  Ferdinand  le  Catholique,  l'é- 
poux d'Isabelle  de  Castille. 

Hoisd'Espag/ie.  —Après  que  le  royaume  d'Espa- 
gne eut  été  définitivement  constitué  sous  Ferdinand 
le  Catholique,  il  eut  pour  souverains  des  rois  de  la 
maison  d'Autriche  (1516-1700),  puis  de  la  maison 
de  liourbon,  qui  a  conservé  la  couronne  jusqu'à 
nos  jours,  avec  deux  interruptions  (de  1808  à  1813, 
et  de  18t;8  à  1875). 

Portugal.  —  Ce  pays,  dont  Henri  de  Bourgogne 
devint  comte  en  li  95,  fut  érigé  en  royaume  par 
son  fils  Alphonse  P""  en  1139.  Il  fut  gouverné  par 
des  rois  de  la  branche  directe  de  Bourgogne  jus- 
qu'en 1383,  puis  par  des  souverains  de  la  branche 
d\4 vis,  à  l'extinction  de  laquelle  il  passa  sous  la 
domination  de  l'Espagne,  Il  recouvra  son  indépen- 
dance en  l(j40,  sous  les  rois  de  la  maison  de  Bra- 
gatice,  qui  y  régnent  encore  aujourd'hui. 

France.  —  Pour  les  dynasties  qui  ont  régné  sur 
la  France,  nous  renvoyons  aux  mots  Mérovingiens, 
Carlovingiens,  et  Capétiens,  ainsi  qu'aux  articles 
consacrés  à  chacun  des  principaux  souverains 
français. 

Angleterre.  —  Après  la  réunion  de  l'heptarchie 
anglo-saxonne  en  un  seul  royaume  sous  Egbert  de 
Wessex  (827),  l'Angleterre  fut  gouvernée  par  des 
rois  saxons,  dont  la  série  fut  interrompue,  au  on- 
zième siècle,  par  trois  rois  dajiois.  Après  la  mort  du 
dernier  roi  saxon  Harold  à  la  bataille  de  Hastings, 
le  trône  fut  occupé  par  la  dynastie  normande  (1066- 
1 154),  puis  parcelles  àp.sPlantagenets* [\\b'i-\\'èh), 
des  Tudors'  (1485-1603),  des  S;war;s*(1603-16!-8), 
avec  un  interrègne  de  1649  à  1660.  Viennent  en- 
suite Guillaume  d'Orange,  Anne  Stuart^  puis  la 
dynastie  de  Hanovre  (1714),  à  laquelle  appartient 
la  souveraine  régnante  Victoria. 

Hollande.  —  Après  que  les  Provinces-Unies  se 
furent  affranchies  de  la  domination  espagnole  au 
xvi°  siècle,  elles  confièrent  le  gouvernement  à  un 
stathouder,  qui  fut  pris  héréditairement  dans  la 
maison  à'0ra7ige  ou  de  Nassau  (1559-1795).  Le 
stathoudérat  fut  supprime  temporairement  à  deux 
reprises,  de  1650  à  1672  (Jean  de  Witt,  grand- 
pensionnaire),  et  de  1702  à  1744  (Heinsius,  grand- 
pensionnaire).  De  1795  à  1806,  la  Hollande  forma 
la  république  batave,  puis  elle  fut  érigée  en 
royaume  sous  Louis  Bonaparte  (1806-1810),  et  en- 
suite réunie  à  la  France.  En  1814,  les  souverains 
alliés  constituèrent  le  royaume  des  Pays-Bas,  dont 
la  couronne  fut  donnée  à  Guillaume  I"  d'Orange, 
fils  du  dernier  stathouder. 

Belgique.  —  La  Belgique,  après  avoir  été  réunie 
au  royaume  des  Pays-Bas  en  1814,  s'en  sépara  en 
1830,  pour  former  un  État  indépendant,  qui  choisit 
pour  roi  un  prince  de  la  maison  de  Saxe-Cobourg, 
Léopold  \",  père  du  souverain  actuel. 

Allemagne.  — Lors  du  démembrement  définitif 
de  l'empire  carlovingien  (.iSS),  la  Germanie  se 
donna  dos  rois  dont  les  deux  premiers  furent  des 
princes  de  la  race  de  Charlemagne,  et  le  troisième 
un  duc  de  Franconie.  La  couronne  passa  ensuite 
dans  la  maison  de  Saxe  (919-1024)  ;  le  second 
prince  de  cette  dynastie,  Othon  \",  reprit  le  titre 


EAU 


—  628  — 


EAU 


d'empereur.  A  la  maison  de  Saxe  succfjdala  mai- 
son de  Fra'(Cow?e  (1024-1 125),  puis,  après  un  nouvel 
empereur  saxon,  la  maison  de  èouale  ou  de 
U'jhenstauffen  (1138-1250),  à  l'extinction  de  la- 
quelle il  y  eut  un  interrègne  de  vingt -trois  ans.  La 
couronne  passa  alors  à  la  maison  de  Habsbourg, 
puis,  durant  le  quatorzième  siècle,  à  diverses 
autres  familles,  dont  la  principale  est  celle  de 
Luxembourg.  En  1438,  la  maison  de  Habsbourg 
ou  d'Autriche  obtint  de  nouveau  la  dignité  impé- 
riale, qu'elle  conserva  jusqu'en  180G.  L'Allemagne 
cessa  alors  de  former  un  empire.  En  1815,  elle  se 
réorganisa  en  Confédération  germanique  ;  et  en 
isn  un  nouvel  empire  allemand,  dont  1" Autriche 
fut  exclue,  se  reconstitua  avec  le  roi  de  Prusse 
pour  empereur. 

Autriche.  —  Lors  de  la  dissolution  de  l'empire 
allemand,  en  ISOG,  se  forma  l'empire  d'Autriche, 
sous  la  souveraineté  de  la  maison  de  Habsbourg. 

Prusse.  —  La  Prusse  est  devenue  un  royaume  à 
partir  de  1701  ;  ses  rois  appartiennent  à  la  famille 
de  HohrnzoUern. 

Bavière.  —  L'électorat  de  Bavière  fut  érigé  en 
royaume  par  Napoléon  \"  en  1806  :  ses  rois  appar- 
tiennent à  la  maison  dite  palatine. 

Wurtemberg .  —  Le  duché  de  Wurtemberg  fut 
transformé  en  royaume  en  même  temps  que  la 
Bavière,  Les  rois  actuels  sont  les  descendants  des 
anciens  ducs,  qui  régnèrent  sur  ce  pays  dès  les 
premiers  siècles  du  moyen  âge. 

Saxe.  —  La  Saxe  est  le  troisième  des  royaumes 
allemands  créés  en  1S06  par  Napoléon.  La  famille 
qui  y  règne  est  la  branche  cadette  ou  Albertine  de 
la  maison  de  Misnic. 

Hiinovre.  —  L'électeur  de  Hanovre  étant  devenu 
roi  d'Angleterre  en  1714,  le  Hanovre  demeura  uni 
à  l'Angleterre,  même  après  qu'il  eut  été  érigé  en 
royaume  en  1814.  A  l'avènement  de  la  reine  Vic- 
toria (1837),  le  Hanovre  se  sépara  pour  former  un 
Etat  à  part,  dont  le  duc  de  Cumberland,  Ernest-Au- 
guste, reçut  la  couronne.  Sous  le  règne  de  son  fils 
Georges,  le  Hanovre  fut  annexé  à  laPrusse  (1860). 

Hongrie.  —  La  dynastie  nationale  ou  à'Arpad 
régna  de  890  à  1301.  Vint  ensuite  la  dynastie  d'An- 
jou (1308-1386),  celle  de  Luxembourg  (1386-1437), 
et  celle  d'Autriche,  qui  a  gardé  la  couronne  jus- 
qu'à nos  jours,  avec  deux  interruptions,  savoir  : 
de  1440  à  1445,  un  Jagellon  de  Pologne;  de  1458  à 
1526,  Mathias  Corviii  et  deux  Jagellons  de  Bohême. 

États  scaîv"dixavt;s.  —  Danojiark.  —  Les  dynas- 
ties du  moyen  âge  sont  celles  des  Skioldungs\'3H)- 
1047),  et  des  Esthrithides  (1047-1376).  Des  rois  de 
diverses  familles  régnèrent  de  1376  à  1448;  c'est 
durant  cette  époque  que  se  fit  l'union  de  Calmar 


(1.397),  qui  reunit  pendant  plus  d'un  siècle,  avec 
quelques  interruptions,  le  Danemark,  la  Norvège 
et  la  Suède.  En  1448  monta  sur  le  trône  la  maison 
d^ Oldenbourg ,  qui  régna  jusqu'à  1863;  elle  a  été 
remplacée  par  celle  de  Sonderbourg-Glucksbourg. 

Norvège.  —  Une  dynastie  nationale  régna  en  Nor- 
vège depuis  le  onzième  siècle  jusqu'en  1319  :  elle 
fut  remplacée  par  celle  des  Folkungs  de  Suède, 
qui  s'éteignit  en  1387.  Après  un  interrègne,  la 
Norvège  fut  réunie  au  Danemark  (union  de  Cal- 
mar), et  eut  les  mêmes  rois  que  ce  pays  jusqu'en 
1814.  A  cette  date,  elle  fut  jointe  à  la  Suède. 

Suède.  —  Antérieurement  à  l'union  de  Calmar, 
la  Suède  fut  gouvernée,  d'abord  par  des  descen- 
dants de  Regnar  Lodbrog,  puis  par  des  princes 
des  races  de  Stenkill,  de  Sverker,  d'Eric,  et  do 
Folkung.  Pendant  la  période  de  l'union,  la  Suède 
se  donna  plusieurs  fois  des  souverains  particuliers 
(famille  des  Sture).  Enfin,  après  l'expulsion  des 
Danois,  régna  la  dynastie  des  Wa-su  (152.3-16o4), 
puis  celle  de  Deux-Ponts  (1654-1751),  celle  de 
Holstein-Gottorp  (1751-1818),  et  enfin  la  dynastie 
française  de  Bernadotte  (à  partir  de  1818). 

Pologne.  —  La  première  dynastie  fut  celle  des 
Piast,  qui  tire  son  nom  de  Piast,  duc  de  Pologne 
au  neuvième  siècle.  Le  titre  de  roi  fut  pris  par  Bo- 
leslas  I",  vers  l'an  1000.  La  famille  des  Piast  s'étant 
éteinte  en  1370,  fut  remplacée  par  la  dynastie 
d'Anjou,  puis  par  celle  des  Jagellons  (1386),  qui 
finit  en  1571.  La  royauté  devint  alors  élective. 
Henri  de  Valois  (Henri  HI,  roi  de  France),  Etienne 
Bathori,  puis  trois  rois  de  la  famille  suédoise  des 
Wasa,  se  succédèrent  sur  le  trône  de  1573  à  lfi60; 
il  y  eut  ensuite  deux  rois  polonais,  Micliel  Wis- 
niowiecki  et  Jean  Sobieski.  En  1694,  la  couronne 
fut  donnée  à  l'électeur  de  Saxe  Auguste  11,  qui 
eut  pour  compétiteur  Stanislas  Leszczinski  ;  vint 
ensuite  Auguste  III  de  Saxe,  puis  Stanislas  Ponia- 
towski,  le  dernier  roi.  sous  le  règne  duquel  eut 
lieu  le  partage  de  la  Pologne. 

RcssiE.  —  Ruiik,  qui  "fonda  en  962  la  princi- 
pauté de  Novogorod,  fut  la  souche  de  la  première 
aynastie  russe,  qui  se  divisa  bientôt  en  plusieurs 
branches.  Celle  de  Moscou  finit  par  l'emporter  sur 
les  autres,  au  quatorzième  siècle.  Les  souverains 
de  la  famille  de  Rurik  i^ortaient  le  titre  de  grand 
duc  ;  ce  fut  Ivan  IV  le  'l'errible  qui  prit  le  premiei 
le  titre  de  tsar  en  1547.  Après  F éodor,  mort  en 
1598,  commence  une  période  de  troubles  civils  qu' 
se  termine  à  l'élection  de  Michel  Romanoff  en  1613 
La  dynastie  des  lîomnnoff'  règne  encore  aujour- 
d'hui; mais  la  ligne  directe  s'est  éteinte  en  1762. 
et  a  été  remplacée  par  la  branche  de  Holstein- 
Gottorp. 


E 


ËAU.  —  Chimie,  III  ;  Hj-gièno,  VIII.  —  Substance 
que  nous  rencontrons  sur  le  globe  ou  dans  l'atmo- 
sphère sous  les  trois  états  solide,  liquide  ou  gazeux. 

La  glace  fond  spontanément  à  la  température 
constante  de  0°.  Ce  phénomène  est  accompagné  de 
l'absorpiion  d'une  quantité  de  chaleur  qui  devient 
latente  et  qui  suffirait  pour  élever  de  79°  environ 
la  température  du  même  poids  d'eau  liquide.  L'eau 
peut  conserver  son  état  liquide  à  une  température 
de  plusieurs  degrés  au-dessous  du  point  de  fusion 
de  la  glace.  Ce  phénomène  dit  de  surfasion  est 
présenté  en  particulier  par  certaines  pluies  dont 
les  gouttes  se  congèlent  dès  qu'elles  touchent  le 
sol  ou  un  corps  solide.  L'eau  en  se  congelant  rend 
libre  la  chaleur  latente  qu'elle  reprendra  pendant 
la  fusion  de  la  giace  formée.  En  môme  temps,  elle 
i.wgiuciuc  de  volume  avec  une  force  presque  irré- 


sistible. De  là,  les  efl'ets  de  rupture  de  vases  con- 
tenant de  l'eau  qu'on  expose  à  la  gelée  ;  de  là  aussi, 
le  gel  de  certaines  pierres.  Le  gel  des  plantes  a 
été  attribué  à  la  même  cause  ;  mais  il  faut  y  voii 
surtout  un  effet  physiologique  d'un  autre  ordre 
(V.  Gel.)  La  glace  et  l'eau  peuvent  à  toute  tem- 
pérature se  résoudre  en  vapeur  gazeuse.  L'air  con- 
tient de  cette  vapeur  en  toute  saison  et  sous  tous 
les  climats  (V.  Humidité,  Vapeurs).  L'eau  en  sf 
vaporisant  fait  passer  à  l'état  latent  une  énorme 
quantité  de  chaleur,  qu'elle  restitue  à  l'état  de 
liberté  quand  elle  reprend  sa  forme  aqueuse.  Cette 
chaleur  suffirait  pour  élever  de  lO't  degrés  la  tem- 
pérature de  6  fois  le  poids  de  la  vapeur  formée  ou 
condensée.  Il  en  est  do  même  de  la  glace  qui  se 
vaporise,  en  notant  qu'elle  prend  en  plus  toute  la 
chaleur  qu'il  lui  faudrait  pour  fondre,  alors  môme 


EAU 


—  629  — 


EAU 


que  sa  vaporisation  est   directe  sans  passage  par 
l'état  liquide. 

L'eau  est  incolore  sous  un  petit  volume  ;  en 
grande  masse,  elle  prend  une  teinte  variant  du  bleu 
indigo  pur  au  vert  glauque  ou  au  jaune  verdàtre, 
suivant  la  nature  des  substances  organiques  ou 
minérales  qu'elle  tient  en  suspension  ou  en  dissolu- 
tion. A  l'état  de  pureté  absolue,  l'eau  a  une  saveur 
fade  ;  elle  est  d'une  digestion  difficile  ;  elle  serait 
impropre  à  une  alimentation  régulière.  Pour  être 
agréable  et  saine  à  boire,  elle  doit  être  aérée  et 
renfermer  en  proportions  convenables  des  sub- 
stances salines  dont  notre  organisme  a  besoin,  et 
qu'elle  prend  naturellement  au  sol.  Elle  redevient 
impropre  aux  usages  domestiques  lorsqu'elle  ren- 
ferme ces  substances  en  proportion  trop  forte,  et 
surtout  quand  elle  contient  certains  produits  de 
la  décomposition  des  matières  organiques. 

L'eau  était  considérée  par  les  anciens  comme 
un  élément  entrant  dans  la  constitution  de  la 
nature  entière.  (V.  Corps  simples.) 

En  effet,  quand  on  chauffe  fortement  une  terre 
ou  une  pierre  quelconque,  il  s'en  dégage  presque 
toujours  de  la  vapeur  d'eau.  Calcinons  du  papier, 
du  bois,  de  la  laine,  du  sucre,  de  la  chair,  en  un  mot 
une  matière  organique  quelconque,  et  la  fumée  qui 
s'en  dégagera  sera  mélangée  de  vapeur  d'eau. 

Sans  parler  de  l'énorme  quantité  d'eau  qui  re- 
couvre les  4/5  du  globe  terrestre,  nous  ajouterons 
que  jusqu'à  6  à  7  mille  mètres  de  hauteur  l'air 
contient  des  quantités  de  vapeurs  d'eau  extrême- 
ment variables  qui  donnent  naissance  à  tous  les 
phénomènes  aqueux  (pluie,  neige,  orage,  brouil- 
lard), qui  ont  pour  siège  l'atmosphère. 

On  s'explique  donc  très  bien  l'erreur  des  anciens. 
L'eau  a  une  extrême  importance,  mais  elle  n'est 
point  un  élément  constitutif  de  tous  les  corps,  et 
de  plus  elle  n'est  point  indécomposable,  elle  est 
elle-même  formée  de  deux  corps  gazeux  considérés 
comme  simples  :  l'oxygène  et  l'hydrogène. 

En  1781  le  savant  anglais  Cavendish  s'assura 
qu'en  mettant  un  corps  froid,  comme  un  verre,  au- 
dessus  d'un  bec  d'hydrogène  qui  brûle,  on  recueille 
de  l'eau  ;  la  combustion  de  l'hydrogène  dans  l'air 
donne  donc  de  l'eau.  Cette  expérience  si  concluante 
fut  assez  mal  interprétée  jusqu'au  moment  où  La- 
voisier  et  Laplace  eurent  pu  réaliser  la"  synthèse 
de  l'eau,  c'est-à-dire  la  fabrication  de  l'eau  en  com- 
binant l'hydrogène  à  l'oxygène  et  en  mesurant  les 
proportions  des  deux  gaz  qui  se  combinaient.  C'est 
en  1783  que  fut  faite  cette  mémorable  expérience. 
La  même  année,  Lavoisier,  faisant  passer  de  la  va- 
peur d'eau  sur  du  fer  chauffé  au  rouge,  vit  qu'en 
même  temps  que  le  fer  s'oxydait  il  se  dégageait  de 
l'air  inflammable,  c'est-à-dire  de  l'hydrogène,  et 
l'illustre  chimiste  put  même  refaire  la  synthèse  de 
l'eau  en  combinant  de  nouveau  l'hydrogène  recueilli 
à  l'oxygène  fixé  par  le  fer.  C'est  cette  dernière 
expérience  qu'on  fait  tous  les  jours  dans  la  phar- 
macie pour  obtenir  du  fer  pur  et  pulvérulent  dit 
fer  réduit  par  l'hydrogène. 

En  1800,  quelques  années  après  l'invention  de 
la  pile  voltaîque,  deux  chimistes  anglais,  Carlisle 
et  Nicholson,  parvinrent  à  décomposer  l'eau  en 
ses  deux  éléments  gazeux  à  l'aide  de  ce  nouvel 
instrument.  En  1805,  Humboldt  et  Gay-Lussar 
purent  définitivement  affirmer  que  l'eau  est  formée 
par  la  combinaison  de  l'oxygène  avec  de  l'hydro- 
gène dans  la  proportion  de  1  litre  du  premier  et 
2  litres  du  second.  Enfin,  en  1843,  M.  Dumas,  opé- 
rant avec  toute  la  précision  désirable,  démontra 
que  ces  deux  gaz  se  combinaient  pour  former  l'eau 
dans  la  proportion  de  8  parties  en  poids  d'oxygène 
et  d'une  partie  en  poids  d'hydrogène,  ce  qui  est 
conforme  d'ailleurs  au  résultai  de  Gay-Lussac, 
l'hydrogène  ayant  une  densité  seize  fois  moindre 
que  l'oxygène.  La  formule  chimique  de  l'eau  est 
HO  ;  quelques  chimistes  l'écrivent  H^O» 


L'affinité  de  l'hydrogène  pour  l'oxygène  est  con- 
sidérable et  sa  combustion  dégage  une  énorme 
quantité  de  chaleur,  celle  qu'il  faudrait  pour  élever 
de  lOO  degrés  la  température  de  345  fois  environ  le 
poids  de  l'eau  formée.  Cette  affinité  disparaît  ce- 
pendant aux  températures  excessives,  telles  que 
celles  qui  existent  à  la  surface  du  soleil.  Elle  est 
moindre  que  celle  des  métaux  alcalins  qui,  comme 
le  potassium  et  le  sodium,  décomposent  l'eau  à 
froid.  D'autres  métaux,  tels  que  le  fer,  ne  décom- 
posent l'eau  que  sous  l'influence  de  la  chaleur,  à 
moins  que  leur  action  ne  soit  favorisée  par  la  pré- 
sence d'un  acide  énergique.  Mais  les  métaux  pré- 
cieux sont  sans  action  sur  elle. 

L'eau  n'est  ni  acide,  ni  basique,  elle  est  neutre  ; 
cependant  elle  se  combine  soit  aux  acides  soit  aux 
bases  pour  former  des  acides  hydratés  ou  des 
hydrates  d'oxyde;  elle  décompose  même  partielle- 
ment certains  sels  peu  stables.  Elle  peut  donc  se 
comporter,  suivant  les  cas.  comme  un  acide  ou 
comme  une  base.  Elle  s'unit  avec  la  plupart  des 
corps,  en  dissout  un  grand  nombre,  elle  joue  un 
rôle  essentiel  dans  la  vie  végétale  et  animale  et 
dans  nos  opérations  industrielles,  comme  elle  l'a 
fait  et  le  fait  encore  dans  la  constitution  de  la  sur- 
face terrestre.  On  ne  rencontre  jamais  dans  la 
nature  l'eau  à  l'état  de  pureté  complète.  Pour  l'a- 
voir à  cet  état,  il  faut  la  distiller  avec  des  précau- 
tions spéciales  ;  mais  ses  usages  sont  alors  des  plus 
restreints.  Les  eaux  naturelles  les  plus  pures  sont 
fournies  par  les  pluies,  surtout  quand  ces  pluies 
sont  prolongées  et  recueillies  sur  des  surfaces  pro- 
pres et  loin  des  villes  ou  des  centres  industriels. 
Elles  sont  en  effet  le  résultat  d'une  sorte  de  distilla- 
tion, puisqu'elles  sont  fournies  par  la  condensation 
aérienne  des  vapeurs  qui  émanent  des  eaux  ter- 
restres. Mais  dans  leur  trajet  elles  entraînent  les 
poussières  organiques  et  minérales  tenues  en  sus- 
pension dans  l'atmosphère  ou  déposées  sur  les 
toits.  Les  eaux  de  sources,  de  fleuves  ou  rivières, 
de  puits,  ont  en  somme  la  même  origine,  les 
pluies  ;  mais  elles  ont  pris  aux  terrains  qu'elles 
ont  traversés  des  substances  solubles  et  souvent 
aussi  des  matières  terreuses  ou  organiques  qu'elles 
tiennent  en  suspension.  Leur  composition  peut 
donc  être  très  variable  suivant  les  localités,  et  leur 
limpidité  n'est  pas  un  sûr  indice  de  leur  bonne 
qualité  comme  eaux  potables. 

Eaux  potables  ou  eaux  douces.  —  La  santé  générale 
d'un  pays,  la  longévité  de  ses  habitants,  l'absence  ou 
la  fréquence  de  certaines  infirmités,. et  quelquefois 
même  de  grandes  épidémies,  dépendent  en  partie 
de  la  qualité  des  eaux  qu'on  y  boit  habituellement. 
Lors  de  la  première  invasion  du  choléra  en  France, 
de  graves  désordres  se  sont  produits  dans  cer- 
taines communes  au  détriment  de  personnes  faus- 
sement accusées  d'avoir  empoisonné  les  puits.  La 
science  a  montré  que  cet  empoisonnement  peut 
être  réel,  mais  qu'au  lieu  d'être  le  produit  de  la 
malveillance,  il  résulte  seulement  de  l'incurie  ou 
du  manque  de  soins  des  habitants. 

Pour  être  bonne  à  boire,  l'eau  doit  être  fraîche 
et  suffisamment  aérée  pour  renfermer  de  28  à  .30 
centimètres  cubes  d'air  en  dissolution  par  litre 
d'eau.  Elle  doit  contenir  un  peu  de  carbonate  de 
chaux  dissous  à  la  faveur  de  l'acide  carbonique,  la 
chaux  entrant  dans  la  composition  des  os  ;  il 
doit  s'y  trouver  des  traces  des  sulfates  et  des 
chlorures  alcalins  ou  terreux  qui  existent  natu- 
rellement dans  le  sol  ;  mais  elle  doit  renfermer  le 
moins  possible  de  matières  organiques,  toujours 
suspectes. 

Au  point  de  vue  des  substances  minérales  que 
renferment  les  eaux,  leur  saveur  et  leur  digestibi- 
lité  sont  les  caractères  les  plus  simples  pour 
constater  leurs  qualités;  mais  ils  ne  suffisent  pas 
toujours.  La  manière  dont  ces  eaux  se  comportent 
avec  le  savon  ou  dans  la  cuisson  des  légumes  four- 


EAU 


—  630  — 


EAU 


nit  également  de  bonnes  indications.  Si  les  lé- 
gumes y  cuisent  mal  ou  si  le  savon  y  forme  des 
gi'umeaux  abondants,  c'est  que  les  sels  terreux  y 
sont  en  excès;  l'eau  est  impropre  aux  usages  do- 
niestif|UPs.  Si,  conservée  dans  des  vases  en  bois, 
elle  y  acquiert  une  odeur  d'œufs  pourris,  c'est 
qu'elle  contient  en  quantité  notable  du  plâtre  ou 
sulfate  de  chaux.  Si  le  même  résultat  se  produit 
dans  des  vases  de  verre  ou  de  terre,  c'est  que 
l'eau  contient,  en  outre,  des  matières  organiques  : 
dans  l'un  et  l'autre  cas,  l'eau  est  de  mauvaise 
qualité.  Si,  au  contraire,  elle  se  conserve  sans 
odeur,  si  elle  cuit  bien  les  légumes,  si  le  savon  y 
forme  des  grumeaux  peu  nombreux  et  lents  à  ap- 
paraître, l'eau  est  généralement  bonne  à  boire. 
Mais  on  ne  doit  pas  oublier  que  le  voisinage  de 
fumiers  ou  de  fosses  d'aisances  à  parois  non 
éianches  peuvent  introduire  dans  des  eaux  natu- 
rellement pures  et  de  bonne  qualité  des  matières 
organiques  qui  en  changent  bien  un  peu  la  saveur, 
mais  qui  n'en  allèrent  pas  toujours  la  limpidité  et 
n'agissent  pas  sur  la  cuisson  des  légumes  ou  sur 
la  dissolution  du  savon  ,  alors  que  cependant 
elles  peuvent  troubler  gravement  la  santé  des 
personnes  qui  font  usage  de  ces  eaux.  Ce  danger 
peut  se  révéler  en  tout  temps,  mais  il  peut  devenir 
l'odouiable  en  temps  d'épidémie. 

Les  eaux  les  plus  saines  sont  les  eaux  prises  à 
leur  émergence  du  sol,  quand  les  terrains  qu'elles 
ont  traversés  ne  sont  pas  exceptionnellement  défa- 
vorables. On  sait  en  effet  que  certaines  sources 
sont  tellement  chargées  de  substances  salines 
qu'elles  sont  dites  minérales  et  acquièrent  des 
])ropriétés  spéciales.  Toutes  les  eaux  de  sources  ne 
sont  donc  pas  également  bonnes  ;  il  en  est  de  trop 
riches  en  principes  salins;  il  en  est  qui  en  sont 
trop  pauvres.  Les  eaux  provenant  do  la  fonte  des  gla- 
ciers sont  dans  ce  dernier  cas  ;  et  bien  que  l'on  ne 
connaisse  pas  encore  exactement  le  rôle  que  joue 
chaque  substance  dans  notre  économie,  on  com- 
prend que  l'absorption  à  dose  très  faible,  mais 
continue,  de  certaines  d'entre  elles,  puisse  agir  à  la 
longue  en  bien  ou  en  mal.  Mais  une  source  de 
bonne  qualité  étant  donnée,  ses  eaux  sont  géné- 
ralement à  l'abri  de  toute  cause  de  souillure.  Il 
n'en  est  plus  ainsi  de  l'eau  des  rivières  ou  des 
puits.  L'eau  des  rivières  a  par  elle-même  les  qua- 
lités ou  les  défauts  des  sources  d'où  elle  provient; 
mais  à  mesure  que  l'industrie  se  développe,  et  que 
les  villes  tendent  à  s'assainir,  les  cours  d'eau  re- 
çoivent des  déjections  de  plus  en  plus  nombreuses 
et  variées,  et  la  pureté  de  leurs  eaux  en  éprouve 
un  dommage  croissant.  Il  en  est  de  même  des 
puits.  Les  nappes  souterraines  qui  les  alimentent 
sont  naturellement  pures  quand  elles  ne  coulent 
pas  au  travers  de  terrains  séléniteux;  mais  elles 
sont  facilement  contaminées  par  les  infiltrations 
des  fumiers,  des  déjections  animales,  des  fosses 
d'aisance  à  parois  non  étanches  ou  bien  par  les 
résidus  des  usines.  Ces  infiltrations  sont  très 
lentes  à  se  produire  jusqu'aux  nappes  souterraines, 
mais  aussi  leurs  effets  sont  encore  plus  lents  à 
disparaître.  L'emploi  des  eaux  pluviales  ou  des 
eaux  provenant  de  la  fonte  des  neiges  pour  l'ali- 
mentation doit  être  considéré  comme  une  ex- 
ception qu'il  convient  d'éviter  autant  qu'on  le 
peut. 

Dans  les  campagnes  comme  dans  les  villes,  on 
ne  saurait  apporter  trop  de  soins  dans  le  choix  des 
eaux  potables  et  entourer  de  trop  de  précautions 
la  conservation  de  leurs  qualités  :  c'est  tout  le 
contraire  de  ce  qui  a  lieu  trop  souvent.  Il  est 
essentiel  d'écarter  des  eaux  alimentaires  toute 
cause  d'altération.  Le  mal  qui  résulte  de  l'emploi 
d'eaux  de  mauvaise  qualité  frappe  d'autant  moins 
l'attention  qu'on  y  est  plus  habitué  ;  il  n'en  est  pas 
moins  grave.  Celui  qui  résulte  de  l'altération  par 
infiltration  des  eaux  primitivement  pures  est  par- 


fois très  lent  à  se  manifester,  et  sa  cause  nous 
échappe  souvent  parce  qu'elle  s'accuse  d'une  ma- 
nière insensible  jusqu'au  jour  où  le  danger  prend 
des  proportions  anormales  ou  inquiétantes.  En 
temps  d'épidémie,  il  convient  de  redoubler  de 
précautions  et,  si  on  n'a  h  sa  disposition  que  des 
eaux  suspectes,  de  les  faire  bouillir  avant  de  les 
boire  en  nature  ou  en  infusions. 

Eaux  viiyiérales,  eaux  thermales.  —  Certaines 
eaux  naturelles  doivent  à  leur  température  ou  aux 
substances  qu'elles  contiennent  en  dissolution  des 
propriétés  spéciales  qui  les  rendent  précieuses 
pour  la  guérison  ou  le  soulagement  de  diverses 
maladies.  Les  premières  sont  dites  thern^^Ues,  les 
autres  minérales  ;  mais  ces  deux  qualités  sont  gé- 
néralement associées  à  des  degrés  divers,  une  eau 
thermale  étant  toujours  plus  ou  moins  chargée  de 
substances  minérales.  Une  eau  minérale  peut  de- 
voir ses  propriétés  à  une  substance  peu  active  par 
elle-même,  mais  s'y  trouvant  en  proportion  élevée  : 
tel  est  le  cas  des  eaux  salées  ;  ou  bien  à  une  sub- 
stance très  active  qu'on  n'y  rencontre  qu'en  pro- 
portion très  faible,  comme  il  arrive  pour  les  eaux 
arsenicales. 

Les  eaux  minérales  se  distinguent  en  eaux  aci- 
dulés, eaux  alcalines,  eaux  ferrugineuses,  eaux 
salines,  eaux  sulfureuses. 

Les  eaux  acidulés  sont  assez  généralement 
froides  ou  à  température  peu  élevée;  elles  ren- 
ferment de  l'acide  carbonique  dont  le  volume  peut 
s'élever  de  250  à  lOOO  centimètres  cubes  par  litre, 
et  qui  s'en  dégagent  spontanément  à  l'air  ou  sous 
l'influence  d'une  faible  chaleur.  Sous  l'action  du 
gaz  acide  ces  eaux  prennent  aux  terrains  qu'elles 
traversent  des  quantités  notables  de  substances 
terreuses,  chaux  et  magnésie,  ou  de  substances 
alcalines,  soude  et  potasse,  qui  alors  masquent 
leurs  propriétés  acidulés.  Leurs  qualités  changent 
beaucoup  suivant  la  proportion  et  la  nature  de  ces 
substances.  Les  principales  eaux  acidulés  calcaires 
et  magnésiennes  sont  celles  de  Seltz  (duché  de 
Nassau),  de  Saint-Galmier  (Loire),  de  Boyat,  de 
Saint-Allyre^  de  Cliatehlon  (Puy-de-Dôme),  de 
Soultzmatt  (Alsace).  Les  principales  eaux  alcalines 
gazeuses  sont  celles  de  la  Bourboide,  de  Mont-Dore, 
de  Saint-Nectaire  (Puy-de-Uôme;,  de  Saint-Alban 
fLoire),  de  Vais  (Ardèche),  à' Lvian  (Savoie),  de 
Viclty  (Allier),  d'Ems  (Nassau). 

Les  enux  alcalines  ne  renferment  pas  sensible- 
ment d'acide  carbonique  libre  :  telles  sont  en  parti- 
culier les  eaux  da  Plombières  (Vosges),  d'Evaux 
(Creuse).  La  silice  y  est  généralement  combinée 
avec  l'alcali. 

Les  eaux  ferrugiiieuses  sont  extrêmement  ré- 
pandues; il  n'est  même  guère  d'eau  minérale  qui 
ne  renferme  du  fer;  on  la  dit  ferrugineuse  quand 
le  métal  y  entre  en  proportion  notable.  A  l'air,  ces 
eaux  laissent  déposer  un  précipité  ocreux,  et  elles 
ont  un  peu  la  saveur  de  l'encre  ordinaire.  Elles 
sont  généralement  froides;  elles  sont  souvent  aci- 
dulés ou  chargées  d'acide  carbonique  :  telles  sont 
celles  de  Spa  (Belgique),  de  Dussang  -(Vosges), 
d'Orezza  (Corse).  D'autres  contiennent  le  fer  asso- 
cié à  l'acide  sulfurique,  à  l'état  de  sulfate  de  fer  : 
telles  sont  celles  d'Auteuil,  de  Passy  (Paris),  de 
Cra7isac  (Aveyron).  Dans  d'autres  encore,  le  fer 
est  dissous  à  la  faveur  d'un  acide  organique,  l'acide 
crénique  :  telles  sont  celles  de  Foryes  (Seine-Infé- 
rieure), de  Plombières  (Vosges). 

Les  eaux  salines  contiennent  généralement  des 
sels  de  soude,  de  magnésie,  de  chaux,  associés  à 
des  substances  diverses.  Les  eaux  de  Krfiizuach, 
près  Mayence,  employées  contre  la  scrofule,  con- 
tiennent des  indurés  et  des  bromures  de  potassium 
et  de  sodium  ;  les  eaux  laxatives  de  Niederbronn 
(Alsace)  contiennent  beaucoup  de  chlorures  alca- 
lins et  des  traces  de  bromures  et  d'iodurcs.  Les 
eaux  à'Epsom  (Angleterre),  de  Secllitz,  de  Vulhia 


EAUX  AGRICOLES 


631  — 


EAUX  AGRICOLES 


Bohème)  doivent  leur  action  à  une  assez  forte  pro- 
portion de  sulfate  de  magnésie. 

Les  eaux  sulfureuses  sont  nombreuses  en  France. 
Elles  contiennent  de  l'acide  sulfhydrique  ou  des 
sulfures  alcalins  et  se  distinguent  par  leur  odeur 
d'œufs  pourris. 

Let  eauK  de  Bagnères,  de  Luchon,  de  Barrges. 
^ù  l'aulerets,  à' Eaux-Bonnes,  de  Saint -Sauveur, 
r.'l.ï:.dVl???c7;>-/i?5-/>ams,  c'est-à-dire  toutes  les  eaux 
thermales  des  Pyrénées,  sont  des  eaux  sulfureuses 
naturelles. 

Les  eaux  connues  d'Aix-la-Chapelle,  à'Uriage 
(Isère,  à'Aix  en  Savoie,  contiennent  accidentelle- 
ment de  l'acide  sulfhydrique.  C'est  le  résultat  de  la 
formation  de  sulfures  de  calcium  ou  de  sodium  par 
l'action  désoxydante  de  matières  organiques  sur  les 
sulfates  de  ces  métaux  ;  l'acide  carbonique  produit 
ensuite  la  décomposition  de  ces  sulfures  en  donnant 
naissance  h  un  dégagement  d'acide  sulfliydrique 
(d'après  Wurtz). 

Eau  de  mer.  —  C'est  une  eau,  tout  le  monde  le 
sait,  très  riche  en  chlorure  de  sodium  (sel  marin, 
sel  de  cuisine). 

Mais  elle  contient  en  outre  du  sulfate  de  ma- 
gnésie, des  chlorures  de  potassium  et  de  magné- 
sium, des  quantités  très  appréciables  d'iodure  et 
de  bromure,  et  même  des  traces  d'arsenic  à  l'état 
d'arséniate.  Toutes  ces  substances  contribuent  à 
lui  donner  sa  saveur  et  son  action  sur  l'économie. 

Au  reste,  la  composition  des  eaux  minérales  et 
par  suite  de  l'eau  de  mer  qui  les  reçoit  toutes,  est 
loin  d'être  complètement  connue.  Grâces  aux  nou- 
veaux procédés  d'investigation  ouverts  par  l'analyse 
spectrale  fV.  Spectre),  on  a  pu  découvrir  dans 
certaines  eaux,  telles  que  celles  de  Bourbonne-les- 
Bains,  considérées  comme  peu  minéralisées,  des 
substances  dont  on  n'y  soupçonnait  pas  la  pré- 
sence :  la  strontiane,  la  lithine,  et  deux  nouveaux 
métaux,  le  césium  et  le  rubidium. 

[A.  Jacquemart.] 

EAUX  AGRICOLES.  —  Agriculture,  IV.  — 
L'eau  est  nécessaire  à  tous  les  animaux  pour  que 
la  fonction  dont  chacun  de  leurs  organes  est  chargé 
s'accomplisse,  et  pour  que  la  circulation  puisse 
opérer  le  renouvellement  des  matériaux  épuisés 
dans  l'exercice  de  ces  fonctions.  De'plus,  elle  prend 
une  part,  faible  mais  réelle,  dans  leur  alimentation 
par  les  matériaux  salins  qu'elle  fournit. 

Nous  retrouvons  dans  la  végétation  ce  double  rôle 
de  l'eau,  avec  cette  différence  que  la  part  qu'elle 
prend  dans  l'alimentation  de  la  plante  est  plus  ac- 
cusée que  chez  les  animaux.  Tous  les  végétaux  pui- 
sent dans  l'atmosphère,  sous  l'action  delà  lumière, 
une  grande  partie  de  leur  carbone  qu'ils  retirent 
de  l'acide  cai'bonique  de  l'air,  et  une  portion  no- 
table de  leur  azote  qu'ils  prennent  aux  traces  d'am- 
moniaque renfermées  dans  cet  air.  Mais  c'est  sur- 
tout dans  le  sol  que  nos  récoltes  s'alimentent  par 
l'intermédiaire  de  l'eau  qu'elles  y  puisent  par  leurs 
racines.  Là  où  l'eau  manque,  la  végétation  s'arrête  ; 
là  où  l'eau  fournie  aux  racines  est  trop  pauvre  en 
substances  nutritives,  la  végétation  languit  et  se 
transforme. 

Les  matériaux  que  les  eaux  du  sol  doivent  four- 
nir aux  plantes  ont  une  double  origine,  minérale 
et  organique.  L'acide  phosphorique,  la  potasse,  la 
chaux,  sont,  entre  autres,  des  éléments  essentiels 
à  nos  récoltes  ;  un  sol  qui  n'en  contient  pas  en  quan- 
tités suffisantes  ou  suffisamment  solubles,  manque 
de  fertilité.  Le  chaulage  des  terres  dépourvues  de 
calcaire  les  transforme  au  point  de  vue  de  leur 
rendement  ;  et  des  pays  entiers  ont  perdu  leur  an- 
cienne fertilité,  parce  que  l'enlèvement  des  récoltes, 
sans  une  restitufion  suffisante  des  matériaux  enle- 
vés, a  épuisé  la  provision  du  sol  en  acide  phos- 
phorique, en  potasse,  etc.  A  côté  des  matières  miné- 
rales se  placent  les  produits  organiques  pour  leur 
carbone  et  surtour  pour  leur  azote.  Maisàl'encontre 


des  animaux  qui  ne  peuvent  s'alimenter  que  de 
produits  organiques  tout  formés  qu'ils  détruisent 
ou  transforment,  les  végétaux  ne  peuvent  retirer 
du  sol  que  les  résidus  de  la  combustion  des  com- 
posés organiques  antérieurs,  dont  ils  font  servir 
les  matériaux  à  l'élaboration  do  nouveaux  produits 
alimentaires  pour  l'animal,  ou  pour  l'homme.  Ces 
résidus  sont  :  l'acide  carbonique,  provenant  de  la 
combustion  du  carbone  ;  l'ammoniaque  et  l'acide 
nitrique,  provenant  de  l'azote  des  matières  organi- 
ques. De  cette  première  opposition  en  naît  une  se- 
conde. La  combustion  des  produits  organiques  dé- 
gage de  la  chaleur,  qu'elle  ait  lieu  dans  nos  foyers 
ou  dans  l'intérieur  de  nos  organes.  L'exercice  même 
de  la  vie  en  nous  est  donc  une  cause  de  production 
de  la  chaleur  qui  nous  est  nécessaire.  La  reconsti- 
tution des  produits  organiques  à  l'aide  des  résidus 
de  leur  combustion  nécessite,  au  contraire,  l'ab- 
sorption d'une  quantité  de  chaleur  précisément 
égale  à  celle  qui  s'est  dégagée  de  cette  combustion. 
Les  plantes  doivent  donc  recevoir  du  dehors  et 
emmagasiner  la  chaleur  que  l'animal  dégagera  de 
leur  combustion.  Cette  chaleur,  elles  ne  la  pren- 
nent point  à  l'air  ou  aux  objets  environnants  ;  elles 
la  reçoivent  des  rayons  solaires  directs  ou  diffusés 
par  les  nuages.  La  lumière  du  jour  est  donc  indis- 
pensable à  la  végétation,  comme  î'eau  et  les  sub- 
stances assimilables  qu'elle  lui  fournit.  On  dit  gé- 
néralement :  année  pluvieuse,  année  de  fourrage, 
mauvaise  année  de  récolte  en  grain.  Ce  dicton  est 
le  résultat  d'une  expérience  plusieurs  fois  sécu- 
laire, il  est  vrai.  On  en  conclut  que  les  blés  crai- 
gnent l'eau  plus  qu'ils  ne  la  demandent  ;  cette  con- 
clusion est  basée  sur  une  appréciation  inexacte  des 
faits.  On  peut  faire  vivre  et  prospérer  du  blé  dans 
de  l'eau,  sans  terre,  mais  renfermant  l'engrais  mi- 
néral et  azoté  nécessaire  ;  on  peut  le  faire  vivre  et 
prospérer  dans  une  terre  suffisamment  riche  et 
arrosée  tous  les  jours.  Mais  les  années  pluvieuses 
sont  des  années  à  ciel  chargé  de  nuages,  consé- 
quemment  de  faible  lumière  :  c'est  ie  défaut  de  la 
lumière,  bien  plutôt  que  l'excès  d'eau  qui  nuit  alors 
aux  céréales.  Et  ce  qui  est  vrai  pour  le  blé  l'est 
aussi  pour  toutes  les  autres  plantes.  En  réalité, 
même  dans  les  pays  du  nord  de  la  France,  la  terre 
manque  le  plus  souvent  de  l'eau  qui  lui  serait  né- 
cessaire pendant  la  belle  saison  pour  en  obtenir 
des  récoltes  maxima  ;  elle  en  manque  tous  les  ans 
dans  le  midi  et  le  sud-est  de  la  France.  Et  cepen- 
dant, non  seulement  d'énormes  quantités  d'eau 
sont  perdues  chaque  année  pour  l'agriculture,  mais 
elles  lui  causent  trop  souvent  d'immenses  dom- 
mages. 

Toutefois,  il  ne  faut  point  aller  au  delà  de  la 
vérité,  et  l'on  sait  que  les  eaux  stagnantes  sont 
nuisibles  aux  terres  qu'elles  recouvrent  trop  long- 
temps. C'est  que  l'eau  est  un  moyen  d'alimenta- 
tion et  non  un  aliment  à  elle  seule.  Sous  l'action 
de  la  lumière  la  plante  expulse  par  voie  de  trans- 
piration une  quantité  d'eau  en  rapport  avec  son 
degré  d'éclairement  et  avec  le  degré  d'humidité  du 
sol.  L'eau  ainsi  évacuée  est  pure;  elle  est  rem- 
placée par  celle  que  les  racines  puisent  dans  le 
sol  pour  lui  apporter  un  nouveau  contingent  de 
matières  nutritives.  Ce  double  pouvoir  d'évacua- 
tion par  les  feuilles  et  d'absorption  par  les  racines 
est  limité  comme  la  lumière  (|ui  l'excite.  Si  donc 
l'eau  puisée  dans  le  sol  est  peu  riche  en  matières 
assimilables,  la  plante  est  mal  alimentée.  Mais, 
d'autre  part,  les  détritus  organiques  du  sol  ne  peu- 
vent être  absorbés  par  les  plantes  qu'autant  que 
l'action  de  l'air  les  a  oxydés  et  transformés  en 
acide  carbonique,  en  ammoniaque  ou  en  acide 
nitrique.  Dans  un  sol  couvert  par  des  eaux  sta- 
gnantes, cette  oxydation  est  arrêtée  ;  Teau  ne 
manque  pas,  mais  elle  ne  fournit  pas  à  la  plante 
l'aliment  nécessaire  ou  le  lui  fournit  en  quantité 
insuffisante.  Quand  la  terre  est  trop  sèche,  l'oxyda- 


ÉBULLITION 


632 


EBULLITION 


tion  par  l'air  est  encore  suspendue  et  d'ailleurs  le 
véhicule  fait  défaut.  Il  faut  de  l'eau,  mais  il  faut 
aussi  de  l'air  dans  le  sol,  comme  il  lui  faut  encore 
des  produits  organiques  oxydables  et  des  sub- 
stances minérales  que  la  plante  réclame  :  ce  qu'on 
nomme  engrais,  amendements. 

Dans  les  pays  de  médiocre  lumière  solaire, 
comme  le  nord  et  le  nord-ouest  de  la  France,  les 
terres  doivent  être  riches  en  engrais  :  l'eau  aspirée 
par  les  racines  doit  être  d'autant  plus  chargée  de 
matières  alimentaires  que  sa  circulation  dans  la 
plante  est  moins  fortement  excitée  par  la  lumière: 
l'irrigation  y  produit  cependant  encore  d'excellents 
effets.  Dans  les  pays  à  ciel  clair  et  à  vive  lumière, 
l'eau  peut  être  proportionnellement  moins  riche 
quand  elle  ne  fait  pas  défaut  ;  mais  comme  elle 
traverse  la  plante  en  quantités  considérables,  la 
somme  de  matières  qu'elle  lui  fournit  après  les 
avoir  enlevées  au  sol  est  elle-même  très  forte.  Là, 
il  faut  de  l'eau  d'abord  et  beaucoup  ;  il  faut  ensuite 
beaucoup  d'engrais  pour  obtenir  de  grandes  ré- 
coltes en  conservant  la  fertilité  du  sol. 

D'après  un  rapport  de  M.  Barrai  au  ministre  de 
l'agriculture,  le  produit  brut  des  terres  arrosées  est, 
dans  les  Bouches-du-Rhône,  de  1500  à  3500  francs 
à  l'hectare,  au  lieu  de  200  àooO  ou  600  francs  à  peine 
pour  les  meilleures  terres  qui  n'ont  pas  l'avantage 
de  l'irrigation.  Le  revenu  net  de  l'hectare  des 
terres  arrosées  est,  tous  frais  payés,  de  200  i\ 
500  francs  et  même  davantage,  souvent  quintuple 
de  celui  des  terres  similaires  non  arrosées.  La  va- 
leur de  la  propriété  s'accroît  dans  une  proportion 
analogue  par  le  fait  de  l'introduction  des  irriga- 
tions. Même  dans  nos  pays  du  nord,  les  agricul- 
teurs savent  combien  les  terres  de  labour  gagnent 
à  être  transformées  en  prairies  permanentes  ;  et 
un  judicieux  emploi  des  eaux  pluviales  et  des  eaux 
courantes,  inutiles  ou  nuisibles  en  hiver  par  leur 
excès,  rendrait  cette  transformation  possible  sur 
une  grande  partie  du  territoire.  Là  où  l'irrigation 
n'est  pas  pratiquée  ni  praticable,  les  plantes  ne 
vivent  que  de  l'eau  des  pluies,  et  comme  dui-ant 
la  période  d'activité  de  la  végétation  les  pluies  sont 
insuffisantes  pour  leurs  besoins,  les  récoltes  puisent 
dans  les  réserves  du  sol  le  complément  qu'elles  y 
peuvent  trouver.  Il  importe  d'accroître  ces  réserves 
en  augmentant  par  dos  labours  profonds  l'épais- 
seur de  la  couche  arable  qui  les  fournit.  On  accroît 
ainsi  en  même  temps  le  cube  de  la  terre  qui  con- 
court à  l'alimentation  minérale  de  la  plante.  Mais 
on  commettrait  une  grave  erreur  si  l'on  supposait 
que  ce  moyen  peut  suffire  à  lui  seul.  En  augmen- 
tant le  produit  des  récoltes,  on  accroît  la  somme 
des  matières  fertilisantes  qu'on  lui  enlève  chaque 
année,  et  on  arriverait  à  l'épuisement  si  on  ne  lui 
restituait  ces  matières  par  des  engrais  plus  abon- 
dants. [Marié-Davy.] 

EAUX  MÉTÉORIQUES.  —Météorologie,  VII-IX. 
—  Eaux  du  ciel,  provenant  des  pluies,  neiges, 
grêles,  etc.  (V.  Pluies,  Orages). 

ÉBULLITION.  —  Physique,  XVIIL  —  L'ébulli- 
tion  est  la  transformation  d'un  liquide  en  vapeur, 
s'eflectuant  tumultueusement  au  milieu  môme  du 
liquide  et  sous  forme  de  bulles  plus  ou  moins 
grosses  qui  montent  et  viennent  crever  à  la  sur- 
lace. Quand  on  place  sur  le  feu  un  vase  de  verre 
contenant  de  l'eau  où  plonge  un  thermomètre,  le 
vase  s'échauffe,  transmet  la  chaleur  à  son  contenu, 
et  la  température  du  liquide  s'élève  peu  à  peu.  Il 
s'établit  dans  l'eau  un  mouvement  d'ascension  des 
parties  plus  chaudes  et  plus  légères,  de  descente 
des  parties  plus  froides  et  plus  lourdes,  dos  cou- 
rants qu/  répartissent  la  chaleur  et  que  l'on  met 
en  évidence  en  jetant  dans  l'eau  un  peu  de  sciure 
de  bois.  On  voit  bientôt  se  former  au  fond  du  ballon 
des  bulles  de  vapeur  qui  montent  à  travers  le  li- 
quide et  se  condensent  sans  atteindre  la  surface; 
elles  rencontrent  des  couches  d'eau  de  moins  en 


moins  chaudes,  dont  elles  prennent  la  température, 
et  leur  disparition  produit  un  frémissement,  une 
agitation  du  liquide  qui  fait  dire  que  l'eau  chante. 
Le  thermomètre  accuse  une  température  crois- 
sante. En  même  temps,  les  bulles  formées  au  fond 
montent  plus  haut,  se  renouvellent  sans  cesse,  et 
quand  elles  viennent  crever  à  la  surface,  le  mou- 
vement est  tumultueux,  le  liquide  bout.  La  vapeur, 
en  arrivant  dans  l'atmosphère  plus  froide  qu'elle, 
repasse  à  l'état  liquide  et  forme  au-dessus  du  vase 
un  nuage  blanchâtre  de  gouttelettes  excessivement 
fines  qui  se  répandent  dans  l'air. 

Si  on  observe  le  thermomètre,  on  constate  que 
tout  le  temps  de  l'ébuUition,  il  reste  absolument 
stationnaire,  quelle  que  puisse  être  d'ailleurs  l'ar- 
deur du  foyer.  Et  si  on  recommence  plusieurs  fois 
l'expérience  avec  le  même  liquide  en  se  plaçant 
dans  les  mêmes  conditions,  on  retrouve  toujours 
la  même  température  d'ébullition. 

Pour  les  différents  liquides,  cette  température 
change  ;  elle  varie  beaucoup  de  l'un  à  l'autre;  ainsi, 
le  mercure,  pour  bouillir,  exige  une  température 
supérieure  à  celle  de  la  fusion  du  plomb  ;  tandis 
que  la  chaleur  de  la  main  suffit  presque  pour  faire 
bouillir  l'éther,  et  que  l'acide  sulfureux  liquide 
entre  en  ébullition  au  contact  d'un  morceau  de 
glace.  La  température  constante  à  laquelle  un 
liquide  bout  sous  la  pression  barométrique  de 
760  millimètres  s'appelle  le  point  d'ébullition. 
■Voici  ce  point  pour  certains  liquides  bien  connus: 

Acide  sulfureux —  10° 

Éther  ordinaire -\-  37° 

Sulfure  de  carbone 47» 

Alcool  de  bois 63" 

(Chloroforme 63° 

Alcool  de  vin 79° 

Benzine 80° 

Acide  azotique  concentré 86" 

Eau 100° 

Essence  de  térébenthine 157° 

Acide  sulfurique 325° 

Huile  de  lin 316o 

Mercure 3(iO' 

Soufre 440° 

Influence  de  la  pression  sur  le  point  d'ébulli- 
tion. —  Parmi  les  conditions  qui  influent  sur  la 
température  à  laquelle  se  fait  lébullition,  la  plus 
importante  est  la  pression  que  supporte  la  surface 
du  liquide.  Les  bulles  de  vapeur,  pour  se  dégager, 
ont  à  vaincre  la  résistance  de  l'air  ;  il  faut  donc 
que  leur  force  élastique  soit  égale  à  la  pression 
de  l'atmosphère  qui  surmonte  le  liquide.  Il  est 
alors  évident  que  si  la  résistance  de  l'air  ambiant 
augmente,  l'ébuUition  sera  plus  difficile,  exigera 
une  température  plus  élevée  ;  tandis  que  si  la  ré- 
sistance diminue.  l'ébuUition  rendue  plus  facile 
nécessitera  une  température  moindre.  Il  semble 
donc  qu'on  puisse  faire  bouillir  l'eau  à  toutes  les 
températures  au-dessous  de  100»,  son  point  d'é- 
bullition sous  la  pression  normale,  si  on  diminue 
assez  la  pression  de  l'air  ambiant,  et  à  toutes 
les  températures  au-dessus  de  100°,  en  rendant 
la  pression  de  l'air  ambiant  supérieure  à  celle  do 
l'atmosphère.  C'est  ce  que  l'expérience  vérifie  plei- 
nemerit. 

1.  Ébullition  sous  des  pressions  faibles.  —  Si 
l'on  dispose  d'une  pompe  pneumatique,  il  est  facile 
de  montrer  que  la  raréfaction  do  l'air  favorise  et 
avance  l'ébuUition.  On  place  sous  la  cloche  de  la 
machine  un  long  vase  contenant  de  l'eau,  puis  on 
fait  le  vide  ;  quand  la  pression  de  l'air  dans  la 
cloche  est  devenue  assez  faible  pour  ne  plus  dé- 
passer la  force  élastique  que  prend  spontanément 
la  vapeur,  le  liquide  se  met  à  bouillir  comme  s'il 
était  sur  des  charbons  ardents,  bien  qu'il  soit  à  la 
température   ordinaire. 


EBULLITION 


—  G33  — 


EBULLITION 


Si  l'on  n'a  pas  de  machine  pneumatique,  on  dé- 
montre le  même  fait  par  l'expérience  suivante  aussi 
simple  que  frappante  : 

On  fait  bouillir  de  l'eau  dans  un  ballon  à  long 
col  de  manière  à,  chasser,  par  la  vapeur  qui  se  dé- 
gage, l'air  que  contient  le  ballon.  On  le  ferme  avec 
un  bon  bouchon  ;  on  le  renverse,  le  col  en  bas,  en 
le  supportant  convenablement  et  en  faisant  plon- 
ger l'ouverture  fermée  dans  un  verre  plein  d'eau, 
afin  d'empêcher  l'air  extérieur  de  rentrer  dans 
le  ballon.  Si  alors  on  verse  de  l'eau  froide  sur  le 
haut  du  ballon,  l'ébullition  se  produit  tumultueuse 
à  l'intérieur  par  des  bulles  qui  prennent  naissance 
dans  la  masse  du  liquide  et  en  soulèvent  vivement 
la  surface  ;  et  ce  phénomène  se  reproduit  par  toutes 
les  additions  d'eau  froide  sur  le  ballon  tant  que 
celui-ci  n'est  pas  arrivé  à  la  température  ambiante. 
C'est  une  contradiction  avec  nos  idées  habituelles, 
de  recourir  au  refroidissement  pour  produire 
l'ébullition.  L'explication  en  est  simple  :  l'air  ayant 
été  chassé  du  vase,  il  n'y  a  au-dessus  du  liquide 
que  de  la  vapeur  ;  si  on  la  refroidit,  une  partie 
se  condense,  la  pression  diminue,  et  l'ébullition 
5e  trouve  favorisée.  Quand  elle  se  produit  vi- 
vement ,  on  peut  la  faire  cesser  si  l'on  jette  de 
l'eau  chaude  sur  le  ballon  ;  celle-ci  en  effet,  au 
lieu  de  condenser  la  vapeur  intérieure  qui  est  l'at- 
mosphère du  liquide  bouillant,  en  favorise  le  dé- 
veloppement, augmente  sa  pression  au  lieu  de  la 
diminuer. 

Sur  une  haute  montagne,  l'ébullition  de  l'eau  a 
lieu  à  une  température  plus  basse  que  dans  la 
plaine.  Ce  fait  s'explique  facilement,  puisque  la 
pression  diminue  à  mesure  qu'on  s'élève  dans 
l'atmosphère.  Ainsi,  aux  bains  du  mont  Dore,  à 
1040  mètres  d'altitude,  l'eau  bouta  90°  ;  à  l'hospice 
du  Saint-Gothard,  à  2075  mètres,  elle  bout  à  92°  ; 
au  sommet  du  mont  Blanc,  à  4800  mètres,  l'ébulli- 
tion se  fait  à  84". 

Comme  le  point  d'ébullition  de  l'eau  dépend  de 
la  pression  que  supporte  le  liquide,  il  peut  servir 
à  mesurer  cette  pression.  Si  donc  on  a  constaté 
dans  deux  expériences  la  température  à  laquelle 
l'eau  bout  à  la  base  et  au  sommet  d'une  mon- 
tagne, on  en  déduira  la  différence  des  pressions  et 
la  hauteur  de  la  montagne,  comme  on  aurait  pu 
l'avoir  par  le  baromètre.  Mais  pour  servir  à  des 
observations  de  ce  genre,  le  thermomètre  doit 
accuser  de  petites  fractions  de  degrés  aux  abords 
de  son  point  100,  car  pour  une  différence  de  ni- 
veau de  10  mètres,  le  point  d'ébullition  ne  baisse 
que  de  1/27  de  degré. 

La  facilité  de  l'ébullition  sous  des  pressions 
faibles  est  mise  à  profit  dans  l'industrie,  quand  il 
faut  vaporiser  prompicment  certains  liquides, 
comme  les  jus  sucrés  qu'un  trop  long  contact 
avec  une  source  de  chaleur  pourrait  altérer. 

2.  Ehullition  sous  de  fortes  pressions.  —  Pour 
retarder  l'ébullition,  il  suffit  d'augmenter  la  pres- 
sion au-dessus  de  la  surface  du  liquide.  On  se  sert 
dans  ce  cas  de  la  vapeur  elle-même  ;  au  lieu 
d'opérer  dans  un  vase  ouvert  où  l'eau  n'atteindrait 
qu'une  température  de  100",  on  chauffe  l'eau 
dans  un  vase  fermé  ;  alors  les  vapeurs  accumulées 
dans  la  partie  supérieure  du  vase  exercent  sur  le 
liquide  une  pression  qui  augmente  avec  la  tempé- 
rature et  qui  retarde  l'ébullition.  Il  faut  nécessai- 
rement que  la  paroi  du  vase  soit  assez  forte  pour 
résister  à  cette  pression  croissante.  Celui  qu'on 
emploie  dans  les  cabinets  de  physique  porte  le 
nom  de  marmite  de  Papin.  C'est  un  vase  en 
bronze,  à  parois  épaisses,  que  l'on  ferme  par  un 
couvercle  solidement  fixé,  après  avoir  mis  de  l'eau 
dedans.  Ce  couvercle  porte  une  ouverture  fermée 
d'une  petite  plaque  supportant  un  poids.  C'est 
une  soupape  de  sûreté  que  la  vapeur  peut  ouvrir 
pour  s'échapper  quand  sa  force  élastique  devient 
capable  de  soulever  le  poids.  On  peut  porter  l'eau 


dans  cet  appareil  à  des  températures  bien  supé- 
rieures à  100°;  à  123°,  si  la  soupape  supporte  un 
poids  correspondant  ;\  2  atmosphères;  à  180°,  si 
les  parois  peuvent  supporter  une  pression  de 
10  atmosphères.  On  a  même  pu,  dans  une  marmite 
assez  résistante,  chaufl'er  assez  l'eau  pour  y  fondre 
de  l'étain  ;  il  fallait  pour  cela  une  température  de 
230°  qui  correspond  à  une  pression  de  27  atmo- 
sphères. 

L'industrie  emploie  aujourd'hui  beaucoup  d'ap- 
pareils de  ce  genre  pour  y  soumettre  des  subs- 
tances à  l'action  de  la  vapeur  d'eau  très  chaude  ; 
tous  sont  munis  d'une  soupape  de  siireté  que  la 
vapeur  peut  soulever  pour  s'échapper  avant  que 
sa  force  soit  devenue  assez  grande  pour  briser  les 
parois  qui  la  contiennent. 

Autres  influenxes  qui  modifient  l'ébullition.  — 
C'est  d'abord  la  ?tature  du  vase.  L'eau  bout  plus 
facilement  et  avec  plus  de  régularité  dans  un  vase 
métallique  que  dans  un  vase  de  verre.  Cela  tient 
probablement  à  l'adhérence  plus  ou  moins  grande 
du  liquide  aux  parois  du  vase,  qui  gêne  plus  ou 
moins  la  formation  des  bulles  de  vapeur.  Une 
expérience  due  à  Gay-Lussac  vient  appuyer  cette 
hypothèse  :  on  fait  bouillir  de  l'eau  dans  un  ballon 
de  verre,  et  quand  elle  bout,  on  retire  le  vase  du 
feu;  l'ébullition  s'arrête;  mais  si  on  projette  dans 
le  liquide  une  pincée  de  limaille  de  fer,  l'ébullition 
reprend  aussitôt. 

L'adhérence  de  l'acide  sulfurique  pour  le  verre 
explique  les  soubresauts  qui  se  produisent  dans 
l'ébullition  de  ce  liquide  et  qui  en  font  une  opé- 
ration irrégulière  et  dangereuse;  de  petits  mor- 
ceaux de  ponce  ou  des  fils  de  platine  mêlés  à 
l'acide  favorisent  la  formation  des  bulles  de  va- 
peur, et  rendent  l'ébullition  aussi  régulière  que 
l'est  celle  de  l'eau. 

Une  autre  influence  est  celle  des  substances  dis- 
soutes dans  l'eau,  qui  en  retardent  l'ébullition  ; 
ainsi  l'eau  de  mer  ne  bout  qu'à  104°;  à  108°,  si 
elle  est  saturée  de  sel.  Tandis  que  quand  c'est  de 
l'air  que  l'eau  tient  en  dissolution,  l'ébullition  est 
favorisée  ;  de  l'eau  complètement  privée  d'air  a  pu 
être  portée  jusqu'à  l35o  sans  bouillir. 

Applications-  —  La  constance  de  la  température 
d'ébullition  tant  que  la  pression  ne  change  pas  a 
servi  pour  déterminer  l'un  des  points  fixes  du  ther- 
momètre. Elle  est  appliquée  souvent  quand  on 
veut  maintenir  un  corps  à  une  température  inva- 
riable ou  ne  pas  le  chauffer  au-delà  d'une  certaine 
hmite.  Il  suffit  de  le  plonger  dans  L'eau,  si  celle-ci 
ne  doit  pas  l'altérer,  ou  de  le  placer  dans  un  vase 
plongeant  dans  de  la  vapeur  d'eau  bouillante  ou 
dans  de  l'eau  que  l'on  fait  bouillir;  c'est  le  prin- 
cipe du  bain-marie,  que  l'on  applique  comme  mode 
de  chauffage  pour  toutes  les  substances  que  la 
chaleur  directe  pourrait  altérer. 

L'application  la  plus  fréquente  est  la  distilla- 
tion. 

Distillation.  —  Son  but  est  de  séparer  un  li- 
quide des  solides  qu'il  a  dissous,  comme  l'eau  des 
sels  qu'elle  contient  pour  obtenir  l'eau  pure  ;  ou 
bien  deux  liquides  dont  les  points  d'ébullition  sont 
différents,  comme  l'alcool  des  corps  avec  lesquels 
il  est  mélangé  dans  le  vin.  Elle  consiste  essen- 
tiellement à  faire  bouillir  le  liquide,  ou  l'élément 
le  plus  volatil,  pour  le  réduire  en  vapeur,  et  à  faire 
repasser  celles-ci  à  l'état  liquide.  Tout  appareil 
distillatoire  se  composera  donc  de  deux  parties  : 
une  pour  chauffer  le  mélange,  c'est  la  cornue  ou 
la  chaudière  ;  l'autre  pour  recevoir  la  vapeur  et  la 
ramener  en  liquide,  c'est  le  réfrigérant  ou  conden- 
seur. 

Pour  condenser  le  plus  possible  de  vapeur,  on 
la  fait  circuler  dans  un  tube  long,  contourné  en 
spirale^  et  qu'à  cause  de  sa  forme  on  nomme  ser- 
pentin.  Comme  la  vapeur  a  beaucoup  de  chaleur  à 
perdre,  le  refroidissement  par  son  passage  dans  un 


EGHASSIERS 


—  G34 


EGHASSIERS 


serpentin  en  contact  avec  l'air  ambiant  serait  abso- 
lument insuffisant  et  de  peu  de  durée  ;  aussi  plonge- 
t-on  le  serpentin  dans  un  vase  où  l'eau  froide  peut 
se  renouveler  avant  d'être  chaude,  cette  eau  suivant 
dans  son  trajet  une  marche  inverse  à  celle  do  la 
vapeur.  L'ensemble  d'un  appareil  porte  le  nom 
A'alambic;  il  sert  à  distiller  l'eau,  l'alcool,  les  es- 
sences et  un  grand  nombre  d'autres  liquides. 

Expériences-  —  Faire  bouillir  de  l'éther,  y  plon- 
ger un  thermomètre  pour  constater  son  point 
d'ébuUition. 

Constater  le  point  d'ébuUition  do  deux  mélanges 
difiërents  d'alcool  et  d'eau. 

Faire  bouillir  de  l'eau  un  jour  où  le  baromètre  est 
bas,  où  il  marque  par  exemple  745,  et  constater 
que    le  thermomètre  marque  à  peine  99. 

S'assurer  que,  quelle  que  soit  l'ardeur  du  foyer, 
la  température  reste  constante  pendant  l'ébullit.ion; 
que  dans  un  bain-marie  à  l'eau,  la  température  du 
vase  intérieur  n'excédera  pas  100°;  que  si  on  rem- 
place l'eau  par  l'huile,  on  pourra  atteindre  une  tem- 
pérature constante  de  plus  de  300°. 

Distiller  du  vin  pour  chercher  dans  le  liquide 
recueilli  la  proportion  d'alcool  qui  y  est  contenu. 
S'assurer  que  tout  l'alcool  a  passé  à  la  distillation 
quand  on  a  recueilli  la  moitié  du  liquide  au  réfri- 
gérant. [Haraucourt.J 

ÉCHASSIERS.  —Zoologie,  XVIII.  —  Les  Echas- 
siers  sont  des  oiseaux  aux  formes  généralement 
élancées,  presque  toujours  montés  sur  de  longues 
jambes,  de  véritables  cc/nisses,  qui  sont  dénudées, 
sauf  dans  la  partie  immédiatement  contigue  à  l'ab- 
domen, et  qui  se  terminent  par  des  doigts  grêles 
souvent  réunis  les  uns  aux  autres  ou  bordés  par 
une  membrane.  Grâce  à  cette  organisation,  les  Echas- 
siers  peuvent  courir  avec  rapidité  sur  le  sable  des 
rivages,  traverser,  sans  mouiller  leurs  plumes,  les 
ruisseaux  et  les  marais,  ou,  quand  la  mer  est  basse, 
se  livrer  à  la  pêche  des  mollusques  et  des  petits 
crustacés.  En  revanche,  ces  oiseaux  ne  perchent, 
pour  la  plupart,  qu'avec  beaucoup  de  difficulté. 
Leurs  ailes  sont  assez  développées  pour  qu'ils  puis- 
sent traverser  les  airs  d'un  vol  soutenu,  et  même 
exécuter  des  migrations  lointaines.  Quand  ils  vo- 
lent, leurs  pattes,  au  lieu  d'être  repliées  sous  le 
ventre  comme  chez  les  autres  oiseaux,  sont  gé- 
néralement étendues  en  arrière,  pour  faire  con- 
tre-poids à  la  partie  antérieure  du  corps.  Celle-ci 
est  en  effet  généralement  allongée,  et  la  tête 
est  portée  sur  un  cou  mince  et  flexible,  dont  les 
dimensions  sont  calculées  de  telle  sorte  que  l'a- 
nimal, sans  se  baisser,  peut  facilement  prendre 
sa  nourriture.  Le  bec  varie  beaucoup  de  forme  : 
il  est  large  et  aplati  chez  les  Spatules,  excavé  en 
cuiller  chez  les  Flammants,  recourbé  vers  le  haut 
chez  les  Avocettes,  ou  vers  le  bas  chez  les  Ibis,  long 
et  droit  chez  les  Bécasses,  avec  une  extrémité 
renflée  et  criblée  de  trous  comme  un  dé  à  coudre, 
de  forme  conique  et  h  pointe  acérée  chez  les  Hé- 
rons et  chez  les  Grues,  etc.  Quant  au  plumage,  il 
n'offre  en  général  que  des  couleurs  ternes,  du 
brun,  du  noir,  du  gris  et  du  blanc  ;  quelques  Ibis, 
cependant,  ainsi  que  les  Flammants  et  les  Agamis, 
se  font  remarquer  par  une  livrée  somptueuse,  d'un 
rouge  éclatant,  d'un  rose  vif,  ou  d'un  vert  mé- 
tallique. 

De  caractère  triste  et  d'humeur  sauvage,  les 
Echassiers  ne  sont  guère  susceptibles  d'éducation, 
et  ne  montrent  qu'une  intelligence  assez  médiocre. 
Aussi  sont-ils  peu  recherchés  comme  oiseaux  de 
volière  ou  de  basse  cour  :  en  revanche,  plusieurs 
d'entre  eux,  les  Râles,  les  Pluviers,  les  Bécasses, 
sont  fort  estimés  comme  gibier. 

Les  Echassiers  sont  répandus  sur  toute  la  sur- 
face du  globe  :  mais  les  Hérons,  les  Grues,  les  Ci- 
gognes et  les  Ibis  se  trouvent  principalement  dans 
les  contrées  chaudes  et  tempérées,  tandis  que  les 
Pluviers,  les  Chevaliers  et  les  Combattants  remon- 


tent volontiers  jusque  sous  les  latitudes  boréales. 
Ils  ont  été  divisés  par  Cuvier  en  5  groupes  princi- 
paux, savoir  : 

1°  Les  Pressi7'0stres,  à  bec  médiocre,  h.  jambes 
longues  et  munies  seulement  de  trois  doigts,  le 
pouce  étant  atrophié  ou  ne  touchant  pas  le  sol. 
Dans  ce  groupe  se  placent  les  Outar  les,  qui 
étaient  jadis  fort  communes  dans  les  plaines  do 
l'est  et  du  centre  de  la  France^;  les  Pluviers,  dont 
les  uns,  comme  le  Pluvier  doré,  ont  le  plumage 
moucheté  de  brun  et  de  jaune,  tandis  que  les  au- 
tres, comme  le  Pluvier  à  collier,  portent  sur  la 
poitrine  une  écharpe  brune  ;  les  Vanneaux,  à  la 
tête  ornée  d'une  huppe  élégante,  au  manteau  vert 
et  pourpre  ;  les  Huilriers,  au  bec  et  aux  pieds  rou- 
ges, à  la  livrée  pie,  etc. 

2°  Les  Cultrirostres,  dont  le  bec  est  robuste  et 
tranchant  sur  les  bords,  et  dont  le  pouce  est  assez 
développé  pour  toucher  le  sol  :  ils  compren- 
nent les  Cigognes,  qui  nichent  en  grand  nombre 
sur  les  cheminées  des  villes  d'Alsace,  les  Hérons, 
les  Bec-Ouvert,  etc. 

3"  Les Lo?igirostres,  au  bec  grêle,  faible,  au  pouce 
court  ou  même  complètement  avorté.  Parmi  eux 
sont  les  Courlis,  les  Ibis  vénérés  des  Egyptiens, 
les  Bécasses  si  recherchées  des  chasseurs,  les  Com- 
ba liants,  dont  le  col  est  orné  chez  les  mâles  d'une 
fraise  de  plumes,  les  Mies,  qui  se  coulent  avec 
une  prestesse  singulière  parmi  les  herbes  des 
marécages,  etc. 

4°  Les  Macrodactyles  ;  ils  sont,  comme  l'indique 
le  nom  qu'ils  portent  et  qui  est  tiré  de  deux  mots 
grecs,  pourvus  de  doigts  démesurément  longs,  etsou- 
vent  bordés  de  membranes  découpées,  ce  qui  leur 
permet  de  courir  facilement  sur  la  vase  et  sur  les 
herbes  des  marais.  Les  Porphyrions  ou  Poules- 
Sullanes,  au  plumage  azuré,  et  les  Foulques,  à  la 
livrée  sombre,  rentrent  dans  ce  groupe. 

5°  Les  Urévipeûies  ou  Coureurs,  dont  les  natu- 
ralistes modernes  font  un  ordre  à  part. 

Enfin,  dans  l'ancienne  classification,  on  plaçait 
à  la  fin  des  Echassiers  les  Flammants  ou  Phœni- 
coptères,  qui  doivent  probablement  être  plutôt  rap- 
prochés des  Palmipèdes,  ayant  comme  ces  der- 
niers les  pieds  complètement  palmés  et  le  bec 
muni  de  lamelles  membraneuses. 

Les  Brévipennes  ou  Coureurs,  que  tous  les  natura- 
listes sont  d'accord  maintenant  pour  ranger  dans  un 
ordre  h  part,  se  distinguent  des  Echassiers  par  l'en- 
semble de  leur  organisation,  et  ne  leur  ressemblent 
guère  que  par  l'allongement  de  leurs  membres  pos- 
térieurs. Les  membres  antérieurs  au  contraire,  qui 
chez  les  Echassiers,  comme  chez  la  plupart  des 
oiseaux,  sont  transformés  en  ailes  plus  ou  moins 
puissantes,  sont  ici  presque  entièrement  atrophiés; 
aussi  les  Brévipennes  ne  peuvent-ils  s'élever  dans 
les  airs,  tandis  qu'ils  courent  sur  le  sol  avec  une 
grande  rapidité.  Les  plumes  qui  revêtent  certaines 
parties  du  corps  affectent  la  nature  des  poils  ou 
des  piquants,  ou  présentent  une  structure  beau- 
coup plus  simple  que  celle  que  l'on  observe  chez 
les  autres  oiseaux.  Les  Autruches,  qui  habitent  les 
plaines  sablonneuses  de  l'Afrique,  les  Na>idous, 
qui  représentent  les  Autruches  dans  les  steppes 
de  l'Amérique,  les  Caso'u-s  et  les  Emeux,  qui  sont 
dispersés  à  la  Nouvelle-Guinée,  dans  le  nord  de 
l'Australie  et  dans  quelques  petites  îles  voisines, 
et  les  Aptéryx,  qui  vivent  à  la  Nouvelle-Zélande, 
sont  actuellement  les  seuls  représentants  de  ce 
groupe,  qui  comptait  jadis  des  animaux  de  taille 
colossale.  Les  Autruches  et  les  Casoars,  tout  en 
étant  inférieurs,  sous  le  rapport  des  dimensions, 
aux  espèces  éteintes,  atteignent  cependant  encore 
une  grandeur  remarquable,  et  sont  pourvus  de 
pattes  robustes,  admirablement  conformées  pour  la 
course.  La  tête  est  petite  chez  l'Autruche  et  chez 
les  Nandous,  un  peu  plus  grosse  et  surmontée 
d'un  casque  corné  de  forme  variable  chez  les  Ca- 


ECLAIRAGE 


—  635  — 


ECLAIRAGE 


soars  :  ces  derniers  ont  en  outre  pour  la  plupart 
le  cou  dénudé  et  coloré  de  teintes  plus  ou  moins 
vives.  Les  Aptéryx,  beaucoup  plus  petits  que  les 
Casoars  et  les  Autruches,  diffèrent  en  outre  de  ces 
derniers  par  leur  bec  allongé  comme  celui  d'une 
bécasse. 

Les  plumes  d'autruche  ont  été  depuisla  plus  haute 
antiquité  l'objet  d'un  commerce  important  :  mais 
jadis,  pour  se  les  procurer,  on  mettait  h  mort  l'ani- 
mal, ce  qui  amenait  une  diminution  très  rapide 
dans  le  nombre  des  représentants  de  l'espèce, 
tandis  qu'aujourd'hui  on  a  recours  à  une  méthode 
beaucoup  plus  sage;  on  élève  des  autruches  en 
domesticité  dans  le  sud  de  l'Afrique  et  au  cap  de 
Bonne-Espérance,  et  on  les  soumet  à  une  exploi- 
tation régulière.  lE.  Oustalet.J 

ÉCLAIRAGE.  —  Quand  la  température  d'un 
corps  s'élève,  il  arrive  un  moment  où  il  devient 
incandescent  :  il  est  alors  lumineux.  Si  l'incandes- 
cence résulte  de  la  constitution  même  du  corps,  si  elle 
est  permanente,  comme  cela  a  lieu  pour  le  soleil 
et  les  étoiles,  le  corps  est  dit  lumineux  par  lui- 
même. 

La  lumière  produite  à  la  surface  de  ces  corps  se 
propage  dans  l'espace  comme  le  son  ;  il  y  a  des 
ondes  lumineuses  comme  des  ondes  sonores.  Si 
ces  ondes  lumineuses  rencontrent  un  corps  qui 
n'est  pas  lumineux  par  lui-même,  une  partie  de  la 
lumière  est  absorbée  par  le  corps,  une  autre  rebon- 
dit pour  ainsi  dire  sur  le  corps  et  se  remet  en  mou- 
vement en  sens  contraire,  comme  si  elle  était  émise 
par  le  corps  lui-même  :  c'est  le  phénomène  de  la 
réflexion  ;  et  le  corps  qui  était  obscur,  c'est-à-dire 
invisible,  semble  être  devenu  lumineux  lui-même, 
il  devient  visible,  il  est  éclairé. 

Le  soleil,  lumineux  par  lui-même,  est  la  source 
naturelle  de  lumière  qui  éclaire  les  objets  terres- 
tres. Quand  une  partie  de  la  terre  cesse  de  rece- 
voir cette  lumière,  elle  est  obscure  ainsi  que  les 
objets  qui  sont  à  sa  surface  ;  pour  suppléer  à  cette 
lumière  naturelle,  il  faut  faire  naître  une  lumière 
artificielle  qui  puisse  éclairer  et  rendre  visibles  les 
corps.  Les  qualités  qu'on  devra  chercher  adonner  à 
cette  lumière  artificielle  seront  celles  de  la  lumière 
naturelle,  de  la  lumière  du  jour .  L'art  de  l'éclairage 
consiste  à,  chercher  les  procédés  propres  à  pro- 
duire une  lumière  artificielle  se  rapprochant  le 
plus  possible  de  celle  du  soleil. 

Cet  art  s'est  borné  longtemps  à  des  procédé» 
grossiers  et  insuffisants  ;  ce  n'est  qu'à  la  fin  du 
dernier  siècle  que  ces  procédés  se  sont  perfection- 
nés par  l'introduction  des  appareils  à  double  cou- 
rant d'air.  Comme  pour  un  grand  nombre  de  pro- 
cédés industriels,  le  progrès,  activé  par  le  besoin  de 
bien-être  général  résultant  du  nouvel  état  social, 
fut  rapide,  et  les  perfectionnements  se  succédè- 
rent sans  interruption. 

Tous  les  procédés  d'éclairage,  à  l'exception  du 
plus  récent,  l'éclairage  électrique,  qui  est  encore 
à  son  début,  consistent  dans  la  combustion  ignée 
(V.  CombustioJi)  d'un  corps  solide  et  plus  généra- 
lement gazeux.  Ces  procédés  exigent  doac  la  pic- 
sence  d'un  corps  combustible.  Le  corps  comburant 
est  généralement  l'oxygène,  fourni  par  l'air,  qui  en 
contient  21  parties,  mélangées  avec  79  d'azote, 
corps  neutre  qui  ne  peut  que  diminuer  l'intensité 
de  la  lumière.  Les  corps  combustibles  employés 
sont  en  général  des  corps  désignés  sous  le  nom 
d'hydrocarbures,  ce  qui  veut  dire  composés  d'hy- 
drogène et  de  carbone.  Les  hydrocarbures  em- 
ployés sont  :  1°  les  différentes  espèces  d'huile  : 
huile  de  colza,  de  navette,  de  noix,  de  baleine  : 
20  les  graisses  provenant  du  corps  des  animaux  : 
on  les  désigne  sous  le  nom  de  suifs  ;  modifiés, il- 
constituent  l'acide  stéarique  ;  3°  les  huiles  di- 
schiste,  qu'on  extrait  d'un  minerai;  4°  les  huiles 
de  pétrole,  qu'on  trouve  à  l'état  naturel  dans 
le  sol. 


Dans  les  appareils  anciens,  on  employait  uni- 
quement les  huiles  de  graine  ou  de  baleine  et  les 
suifs  à  l'état  brut.  Une  mèche  plongeait  dans 
l'huile  et  le  liquide,  par  la  capillarité,  montait  jus- 
qu'à un  orifice  où  la  mèche  enflammée  transfor- 
mait l'huile  en  un  produit  gazeux  plus  ou  moins 
riche  en  hydrogène.  Ce  gaz  éminemment  combus- 
tible brûle  facilement,  mais  le  charboiî  mis  en 
liberté  ou  celui  produit  par  la  mèche  [brûlait  très 
incomplètement  ;  par  suite,  la  flamme  devenait  fu- 
ligineuse et  peu  éclairante  ;  déplus,  la  respiration 
et  l'odorat  étaient  péniblement  affectés  par  les 
produits  de  cette  combustion  incomplète. 

La  chandelle  rentrait  dans  ce  système.  Elle  pré- 
sentait un  grave  inconvénient,  c  est  que  la  mèche 
carbonisée  et  non  brûlée  a  besoin  d'être  coupée 
fréquemment.  Avec  la  bougie  stéarique,  formée  de 
même  avec  un  suif  traité  par  la  chaux,  mais  ayant 
une  mèche  tressée,  on  évite  l'inconvénient"  du 
mouchage  de  la  chandelle.  La  bougie  présente  sur 
la  chandelle  un  progrès  considérable  ;  mais  malgré 
l'abaissement  de  prix  amené  par  le  perfectionne- 
ment des  procédés,  ce  mode  d'éclairage  rentre  en- 
core dans  les  éclairages  de  luxe.  Il  est  bon  de  dire 
que  cette  industrie  si  importante  aujourd'hui  a  été 
créée  par  deux  savants  français,  ^LM.  Gay-Lussac 
et  Chevreul,  qui  prirent  le  premier  brevet  en  An- 
gleterre en  juin  1825. 

Argand,  physicien  et  chimiste  do  Genève,  sub- 
stitua en  1182  aux  mèches  plates  ou  rondes,  mais 
pleines,  des  anciennes  lampes,  des  mèches  cylin- 
driques tissées  au  métier;  ces  mèches  s'adaptaient 
à  des  griffes  soudées  à  un  tube  mobile  et  cylindri- 
que, glissant  à  l'aide  d'une  crémaillère  le  long  d'un 
autre  cylindre  fixe,  de  manière  à  pouvoir  à  volonté 
faire  monter  ou  descendre  cette  mèche.  L'huile, 
fournie  par  un  réservoir  placé  un  peu  au-dessus  de 
l'orifice  où  brûle  la  mèche,  l'alimente  d'une  façon 
constante  par  le  principe  du  vase  de  Mariette.  La 
mèche  est  entourée  d'un  double  courant  d'air,  l'un 
intérieur  au  cylindre  porte-mèche,  l'autre  exté- 
rieur :  la  combustion  ainsi  activée  empêche  le  dé- 
pôt de  charbon. 

Un  pharmacien  français,  Quinquet,  modifia  un  peu 
la  distribution  de  l'huile  et  adapta  aux  appareils 
une  galerie  extérieure  sur  laquelle  on  posa  un 
verre  cylindrique,  qui  régularisait  et  augmentait 
le  courant  d'air  :  par  ce  moyen  une  grande  partie 
des  produits  non  brûlés  dans  les  anciens  appareils 
l'étaient  par  le  renouvellement  plus  rapide  de 
l'oxygène  ;  de  plus,  les  produits  de  la  combustion 
étaient  entraînés  dans  la  partie  supérieure  de  la 
chambre.  Les  progrès  réalisés  depuis  dans  toutes 
les  lampes  à  huile  n'ont  eu  pour  but  que  la  distri- 
bution plus  régulière  du  combustible  ;  l'idée  ingé- 
nieuse du  bec  Argand  et  du  verre  formant  chemi- 
née est  restée  dans  l'application. 

Les  lampes  à  huile  ont  maintenant  le  réservoir 
au-dessous  de  la  mèche;  un  mécanisme  fait  mon- 
ter l'huile  de  manière  à  alimenter  la  mèche  régu- 
lièrement, ce  qui  est  très  important  pour  la  bonne 
(jualité  de  la  lumière. 

La  lampe  Carcel  réalise  toutes  les  conditions 
d'un  éclairage  excellent.  L'huile  monte  au  moyen 
d'un  système  do  pompe  mu  par  un  mécanisme  ; 
mais  la  délicatesse  de  l'appareil  exige  l'emploi 
d'huile  bien  épurée  et  demande  un  entretien  mi- 
!mtieux.  Aussi,  tout  en  restant  un  type  de  ln-^iière 
ïilanche  assez  régulière  pour  qu'on  puisse  la  pren- 
dre pour  unité  dans  les  expériences  de  photomé- 
rrie  (mesure  de  l'intensité  des  lumières),  cette 
iampe  est  d'un  prix  trop  élevé  et  demande  trop 
d'entretien  pour  se  vulgariser. 

La  lampe  modérateur,  à  ce  point  de  vue,  a  été 
un  grand  progrès  :  sans  avoir  toutes  les  qualités 
de  la  lampe  Carcel,  elle  donne  une  lumière  blan- 
■  •he  régulière.  L'huile,  placée  dans  un  réservoir  in- 
férieur, monte  par  un  tube  assez  fin  sous  la  près- 


ÉCLAIRAGE 


-  630  — 


ÉCLAIRAGE 


sion  d'un  piston  poussé  par  un  ressort  en  hélice  ; 
la  force  du  ressort  diminuant  à  mesure  que  le  pis- 
ton descend,  la  force  ascensionnelle  de  l'huile  di- 
minuerait également  :  on  y  obvie  au  moyen  du 
jnodéi  ateur,  formé  par  une  tige  qui  s'engage  dans 
le  tube  de  distribution  et  qui  est  fixée  de  laçon  à 
descendre  avec  le  piston.  Au  commencement  delà 
détente,  le  modérateur  empêche  l'huile  de  monter 
avec  autant  de  force,  et  dégage,  au  contraire,  l'ou- 
verture à  la  fin  de  la  détente  du  ressort,  et  cela, 
progressivement,  de  façon  à  obtenir  une  alimenta- 
tion régulière  de  la  mèche.  Cet  appareil  simple 
et  à  bon  marché  s'est  promptement  vulgarisé. 

Depuis  quelques  années  on  a  substitué,  aux 
huiles  ordinaires,  l'huile  de  schiste  et  l'huile  de 
pétrole. 

L'huile  de  schiste  s'extrait  du  schiste  bitumi- 
neux que  l'on  trouve  en  assez  grande  quantité  aux 
environs  d'Autun.  Cette  ville  est  restée  le  centre 
de  la  fabrication  de  cette  huile.  Cet  éclairage,  par 
son  bon  marché  et  la  blancheur  de  sa  lumière,  a 
eu  un  moment  un  certain  succès  à  Paris  ;  mais 
l'odeur,  ainsi  que  l'irrégularité  de  l'approvisionne- 
ment, en  ont  beaucoup  restreint  l'usage. 

L'huile  de  pétrole,  huile  minérale  naturelle  qui 
nous  vient  des  Etats-Unis,  a  pris  à  son  tour  une 
place  importante  dans  l'éclairage,  d'abord  à  cause 
do  son  bon  marché,  ensuite  par  la  simplicité  des 
appareils  et  du  mode  d'emploi.  La  disposition  des 
appareils  doit  avoir  pour  but  d'augmenter  assez 
la  température  pour  transformer  rapidement  l'hy- 
drocarbure liquide  en  gaz,  puis  de  fournir  un  ra- 
pide courant  d'air  pour  activer  la  combustion  ;  une 
mèche  plongeante  suffit  pour  amener  l'huile  dans 
un  bec  à  capsule  qui  s'échaulTe  rapidement.  Ce 
produit,  comme  l'huile  de  schiste,  étant  riche  en 
carbone,  donnerait  facilement  par  une  combus- 
tion imparfaite  une  grande  quantité  de  noir  de 
fumée. 

Nous  venons  d'indiquer  les  principaux  modes 
d'éclairage  par  l'emploi  des  hydrocarbures  solides 
ou  liquides  ;  il  nous  reste  à  parler  de  l'éclairage  au 
gaz  et  de  l'éclairage  électrique. 

Eclairage  au  gaz.  —  La  distillation  de  la  houille 
donne  un  gaz  formé  principalement  d'hydrogène, 
de  carbone,  et  de  leurs  composés  :  c'est  par  cette 
distillation  qu'on  obtient  le  gaz  d'éclairage. 

Ce  fut  Lebon,  ingénieur  des  ponts  et  chaussées, 
qui  eut  le  premier  l'idée  d'employer  à  l'éclairage 
le  gaz  provenant  de  la  combustion  du  bois.  Il  fit 
part  de  sa  découverte  à  l'Académie  des  sciences 
en  178G,  et  publia  un  mémoire  relatif  à  des  appa- 
reils qu'il  appelait  thermolampes.  Les  premiers 
furent  fabriqués  au  Havre  et  ne  réussirent  pas, 
surtout  par  la  mauvaise  qualité  du  gaz  employé. 
Murdoch,  en  Angleterre,  fit  les  premières  applica- 
tions industrielles  de  la  découverte  de  Lebon.  Le 
premier  établissement  éclairé  par  lui,  l'usine  de 
Bultcn  et  Watt,  près  Birmingham,  le  fut  en  1798  ; 
et  en  1808  seulement  l'éclairage  au  gaz  fit  son 
apparition  dans  les  rues  de  Londres.  Les  premiers 
essais  ne  furent  faits  à  Paris  qu'en  1816,  au  passage 
des  Panoramas,  puis  au  Luxembourg  et  au  pourtour 
de  l'Odéon,  et  simultanément  à  l'hôpital  Saint- 
Louis,  sous  l'impulsion  du  préfet  de  la  Seine, 
M.  de  Chabrol,  et  sous  la  direction  du  chimiste 
Darcet.  Aujourd'hui  la  ville  entière,  les  magasins, 
les  théâtres,  beaucoup  d'appartements  sont  éclairés 
au  gaz.  De  ce  mode  d'éclairage  si  commode^  si 
économique,  on  a  déduit  encore  des  appareils  de 
chauffage,  surtout  pour  les  fourneaux  de  cuisine  et 
les  laboratoires  de  chimie. 

Comme  nous  l'avons  dit,  on  extrait  le  gaz  de  la 
houille.  L'opération  se  fait  dans  des  vases  clos 
appelés  cornues;  elles  étaient  autrefois  en  fonte; 
on  les  fabrique  maintenant  presque  toujours  en 
terre  réfractaire.  Ce  sont  de  longs  demi-cylindres 
aplatis   dont   la   coupe    transversale  présente   la 


forme  d'un  D.  Klle.=  se  composent  de  deux  parties: 
le  corps  et  la  tète  ;  celle-ci  est  fixée  par  des  écrous, 
et  le  joint  se  fait  avec  un  mélange  de  terre  et  de 
mastic  de  fer. 

C'est  à  la  tête  que  s'embranchent  les  tuyaux 
conduisant  le  gaz.  Quand  il  sort  des  cornues,  il 
contient  plusieurs  matières  étrangères  au  gaz 
d'éclairage  proprement  dit,  et  dont  il  faut  le  dé- 
barrasser. On  le  soumet  à  deux  épurations  succes- 
sives, qui  lui  enlèvent  du  goudron,  des  produits 
ammoniacaux,  de  l'acide  carbonique,  et  de  l'acide 
sulfhydrique.  Il  reste  néanmoins  toujours  un  peu 
d'acide  sulfhydrique,  dont  la  présence  est  accusée 
par  l'odeur  que  répand  la  moindre  fuite  de  gaz  ; 
l'inconvénient  de  cette  odeur  est  en  partie  com- 
pensé par  l'avantage  de  dénoncer  cette  fuite,  qui 
pourrait  devenir  dangereuse  par  la  détonation  for- 
midable que  produit  l'inflammation  d'un  mélange 
d'air  et  de  gaz. 

Les  corps  combustibles  que  contient  le  gaz 
épuré  sont  de  l'oxyde  de  carbone,  de  l'hydrogène 
et  de  l'hydrogène  protocarboné.  L'hydrogène  pur 
brûle  avec  une  flamme  dégageant  beaucoup  de 
chaleur,  mais  peu  de  lumière;  les  deux  autres  gaz 
donnent  du  charbon  qui,  brûlant  dans  la  flamme, 
la  rend  plus  éclairante. 

Cent  kilogrammes  de  houille  de  Mons  donnent 
environ  2'i  mètres  cubes  de  gaz;  les  houilles  an- 
glaises, plus  riches  en  hydrogène,  donnent  jusqu'à 
27  mètres  cubes.  Le  mètre  cube  de  gaz  coûte  en- 
viron Ofr.  30. 

Aussitôt  après  l'épuration,  le  gaz  se  rond  dans 
de  vastes  réservoirs  cylindriques  ou  gazomètres, 
recouverts  d'une  cloche  de  même  forme  qui  peut 
monter  ou  descendre  au  moyen  de  poulies  et  de 
contre-poids.  Sous  cette  cloche  débouchent  le 
tuyau  de  production,  qui  amène  le  gaz,  et  le  tuyau 
de  consommation,  qui  le  distribue.  Quand  le  gazo- 
mètre est  plein,  la  cloche  est  à  son  maximum  de 
hauteur.  Au  fur  et  à  mesure  que  le  gaz  se  con- 
somme, la  pression  sous  la  cloche  diminue,  les 
contre-poids  la  font  descendre,  de  sorte  que  l'écou- 
lement du  gaz  se  fait  sous  une  pression  con- 
stante. 

On  a  étudié  avec  soin  les  diamètres  à  donner 
aux  tubes  de  distribution,  la  nature  du  métal,  la 
forme  des  coudes,  au  double  point  de  vue  de  l'é- 
conomie et  du  minimum  de  résistance  à  l'écoule- 
ment da  gaz.  Cet  écoulement  doit  se  faire  avec 
une  vitesse  constante,  et  pour  que  le  consomma- 
teur puisse  avoir  du  gaz  à  volonté,  il  faut  qu'avant 
le  compteur  il  ait  une  pression  de  20  millimètres  ; 
il  faut  donc  une  pression  plus  forte  dans  les  con 
duites,  qui  doit  atteindre  .'iO  millimètres  pendant 
l'éclairage.  La  pression  dans  l'usine  doit  être  en 
proportion  ,  d'après  la  distance,  les  montées  et 
descentes  des  tuyaux.  D'ailleurs  pour  les  cas  par- 
ticuliers et  accidents  du  terrain,  des  régulateurs 
sont  disposés  afin  de  maintenir  la  régularité  de  la 
distribution. 

Dans  les  premiers  temps  de  l'application  du 
gaz  à  l'éclairage  des  maisons  particulières,  la  dé- 
pense était  réglée  à  tant  l'heure  et  le  bec.  Certains 
magasins  étaient  éclairés  jusqu'à  dix  heures,  d'au- 
tres jusqu'à  onze  heures,  etc.  ;  à  l'heure  dite,  l'em- 
ploj'é  de  la  compagnie  fermait  le  robinet  et  l'obscu- 
rité se  produisait  instantanément.  Il  n'est  pas 
nécessaire  d'insister  sur  les  inconvénients  de  ce 
système.  Aujourd'hui  la  consommation  est  réglée 
par  le  consommateur  lui-môme,  au  moyen  d'un 
appareil  appelé  compteur,  qui  est  poinçonné  par 
l'administration  avant  d'être  livré  au  public.  Cet 
appareil  est  formé  d'une  boîte  cylindri(|ue  renfer- 
mant à  l'intérieur  une  caisse  rectangulaire  à  plu- 
sieurs compartiments.  Le  gaz  arrive  dans  une  pre- 
mière caisse  munie  d'une  ouverture  à  soupape,  qui 
n'est  ouverte  et  ne  donne  passage  au  gaz  que  si  le 
compteur  contient  l'eau  nécessaire.  De  cette  pre- 


ECLAIRAGE 


C37 


ÉCLAIRAGE 


mière  caisse,  il  passe  dans  une  seconde  à  moitié 
pleine  d'eau,  débouche  par  un  tube  en  f/sous  une 
cloche,  et  par  son  écoulement  dans  les  appareils 
détermine  la  rotation  d'un  volant,  lequel,  au  moyen 
d'une  vis  sans  fin  et  d'une  crémaillère,  donne  le 
mouvement  à  un  arbre  vertical  ;  celui-ci  fait  mou- 
voir les  aiguilles  de  trois  cadrans  disposés  de 
façon  à  marquer  les  tours,  dizaines  et  centaines  de 
tours  du  volant,  qui  fait  d'ordinaire  un  tour  par  ICO 
litres  de  gaz  consommés. 

Les  becs  les  plus  employés  pour  l'éclairage  au 
gaz  sont  les  becs  à  double  courant  d'air,  comme  les 
becs  Argand  ;  puis  les  becs  à  fente,  donnant  une 
flamme  large  et  plate  appelée  papillo7i. 

Le  bec  réglementaire  de  Paris,  dit  bec  de  ville, 
consomme  140  litres  de  gaz  à  l'heure,  la  flamme 
ayant  67  millimètres  de  large  sur  32  de  haut;  la 
lumière  est  un  peu  supérieure  à  celle  de  la  lampe 
Carcel  normale,  c'est-à-dire  ayant  un  bec  Argand  de 
23°"",5  de  diamètre  extérieur  sur  17  de  diamètre 
intérieur,  la  mèche  brûlant  à  blanc,  montée  k 
10  millimètres  et  consommant  42  grammes  d'huile 
à  l'heure. 

L'éclairage  au  gaz  a  réalisé  d'immenses  progrès 
comme  économie,  propreté  et  facilité  d'entretien  ; 
mais  il  présente  divers  inconvénients,  entre  autres 
le  danger  des  explosions,  que  nous  avons  déjà 
signalé. 

Eclairage  électrique.  —  Quinze  années  après  la 
découverte  de  Volta,  vers  1S13,  Humphry  Davy  fit 
l'expérience  suivante,  qui  a  donné  naissance  à 
l'éclairage  électrique  : 

Il  prit  deux  morceaux  de  charbon  rouge,  qu'il 
éteignit  dans  le  mercure  ;  les  ayant  taillés  en 
pointe,  il  fit  passer  entre  eux  le  courant  d'une  forte 
pile  ;  les  deux  pointes,  au  contact,  devinrent  in- 
candescentes; les  ayant  éloignées  l'une  de  l'autre, 
il  vit  jaillir  entre  elles  un  arc  lumineux  du  plus 
grand  éclat;  il  put  l'agrandir  ainsi  jusqu'à  lO  centi- 
mètres; à  partir  de  cette  distance,  l'arc  s'éteignait, 
et  ne  pouvait  être  rallumé  qu'au  contact. 

Tant  qu'on  n'employa  que  les  piles  à  un  seul 
liquide.,  il  fallait,  pour  produire  cet  effet  lumineux, 
une  pile  de  500  éléments  ;  on  ne  songea  même  pas 
à  tirer  de  cette  expérience  une  application  indus- 
trielle. La  lumière  ainsi  obtenue  était  égale,  quel- 
quefois supérieure,  à  celle  du  soleil  ;  elle  se  pro- 
duisait même  dans  le  vide  :  ce  n'était  donc  pas 
une  lumière  provenant  d'une  combustion;  il  y  avait 
là  un  fait  scientifique  nouveau. 

Les  piles  à  deux  liquides  permirent  d'obtenir 
l'arc  lumineux  avec  un  moins  grand  nombre  d'élé- 
ments; on  essaya  dès  lors  d'en  faire  des  applica- 
tions, mais  elles  furent  fort  restreintes.  Les  dif- 
ficultés provenaient  de  la  non-permanence  du 
courant,  qui  variait  d'intensité  avec  l'appauvrisse- 
ment du  liquide  de  la  pile;  puis  du  transport  mo- 
léculaire du  charbon  qui  s'effectuait,  sous  l'action 
du  courant,  du  pôle  positif  au  pôle  négatif,  trans- 
port qui  déformait  les  cônes  de  charbon  et,  faisant 
par  suite  varier  la  distance  des  extrémités  de 
l'arc,  modifiait  l'intensité  de  la  lumière.  Celle-ci 
devenait  scintillante,  agissant  sur  l'œil  par  sac- 
cade ;  il  n'y  avait  pas  encore  là  un  procédé  d'éclai- 
rage. 

On  commença  par  modifier  la  construction  des 
piles  de  façon  à  rendre  le  courant  plus  constant  ; 
puis  on  construisit  des  régulateurs  électriques 
pour  maintenir  les  cônes  à  la  même  disT.ance. 
M.  Foucault  fil  construire  le  premier  appareil,  qui 
est  resté  comme  type.  MM.  Serrin,  Dubosq,  etc., 
en  France,  et  plusieurs  savants  et  constructeurs  à 
l'étranger,  cherchèrent  et  trouvèrent  des  modifica- 
tions ingénieuses.  Dans  tous  ces  appareils,  les 
charbons,  fixés  entre  des  pinces  de  métal,  se  rap- 
prochent jusqu'au  contact  par  l'effet  d'un  méca- 
nisme à  ressort;  à  cet  instant  la  lumière  jaillit,  le 
courant    établi   contourne  un    électro-aimant  nui 


agit  sur  un  levier,  dont  le  mouvement,  contraire 
à  celui  du  ressort,  écarte  lescliarbons  et  développe 
l'arc;  celui-ci  s'éteignant,  le  levier  cesse  d'agir 
puisque  le  courant  est  interrompu,  le  ressort  re- 
prend son  action,  les  charbons  reviennent  au  con- 
tact et  ainsi  de  suite.  On  comprend  que  le  pro- 
blème n'est  ainsi  résolu  qu'en  partie  :  la  lumière 
passe,  rapidement  il  est  vrai,  successivement  d'un 
plus  grand  éclat  à  un  moindre,  puis  de  nouveau 
revient  à  l'éclat  maximum  ;  elle  n'a  pas  de  fixité, 
les  piles  ne  pouvant  fournir  lui  courant  absolu- 
ment constant.  L'application  s'était  donc  bornée 
à  des  expériences  dans  les  laboratoires  de  physi- 
que pour  des  analyses  spectrales,  des  épreuves 
photographiques,  quelques  effets  scéniques  assez 
réussis  d'ailleurs  dans  les  théâtres,  quelques  éclai- 
rages accidentels  pour  des  travaux  de  nuit,  éclai- 
rages très  ooùteux,  peu  commodes  à  établir,  et  non 
susceptibles  de  division,  ce  qui  faisait  que,  même 
pour  l'esprit  si  sagace  de  M.  Foucault,  l'éclairage 
électrique  semblait  encore  bien  éloigné  d'une  appli- 
cation simple  et  économique.  En  quelques  années, 
toutes  les  principales  difficultés  ont  disparu. 

Les  machines  électro-magnétiques  qui,  depuis 
l'invention  de  labobine  Ruhmkorff,  se  sont  modifiées 
si  rapidement,  fournissent  maintenant  un  courant 
constant,  alternatif.  La  machine  Gramme,  modi- 
fiée par  son  auteur,  et  la  bougie  Jablochkoff,  ont 
résolu  le  problème  do  l'éclairage  électrique  et  de 
la  division  de  l'électricité  :  la  machine,  en  fournis- 
sant la  constance  et  la  puissance  du  courant;  la 
bougie,  en  fournissant  l'équi-distance  par  le  prin- 
cipe naturel  qui  doit  laproduii'e,  le  parallélisme,  et 
en  permettant  à  la  même  machine  d'alimenter 
plusieurs  foyers.  Nous  ne  pouvons  décrire  ici  en 
détail  ce  procédé,  qui  du  reste  est  encore  suscep- 
tible de  perfectionnement. 

Cet  éclairage,  essayé  avec  succès  sur  plusieurs 
points  de  la  voie  publique  à  Paris,  est  aussi  em- 
ployé dans  plusieurs  usines,  tant  à  Paris  qu'en 
province  et  à  l'étranger.  Il  présente  de  grands 
avantages  :  l'éclat  de  la  lumière,  sa  facilité  d'em- 
ploi, son  économie  qui  n'a  pas  dit  son  dernier  mot, 
—  c'est  une  industrie  née  d'hii  r.  Dans  les  usi- 
nes, les  avantages  hygiéniques  sont  considérables  : 
contrairement  aux  autres  procédés,  pas  de  corps 
comburant  ni  de  corps  combustible,  par  conséquent 
aucune  altération  de  l'air  ambiant,  aucune  forma- 
tion de  produit  gazeux  délétère  ou  incommode. 
Enfin,  ce  qui  est  remarquable,  ce  foyer,  qui  pro- 
duit une  température  suffisante  pour  fondre  comme 
cire  des  fils  de  platine,  ne  dégage  pas,  comme  le 
gaz  et  les  autres  sources  de  lumière,  de  chaleur 
sensible.  Cela  s'explique  par  la  nature  des  rayons 
lumineux  produits.  Le  gaz  et  les  autres  hydrocar- 
bures dégagent  de  la  lumière  rouge  et  jaune,  la 
lumière  électrique  des  rayons  bleus  et  violets  ;  or, 
en  promenant  un  thermomètre  très  sensible  dans 
les  couleurs  du  spectre,  on  traverse  sans  échauffe- 
ment  sensible  les  raies  violettes  et  bleues,  la  tem- 
pérature commence  à  s'élever  dans  la  partie  verte, 
et  l'élévation  continue  en  s'approchant  du  rouge 
et  de   la  chaleur  obscure. 

La  température  des  corps  augmentant,  la  pro- 
portion des  rayons  calorifiques  diminue,  tandis 
que  celle  des  rayons  lumineux  augmente.  Ainsi 
l'arc  électrique,  qui  est  le  plus  chaud  des  foyers, 
émet  la  plus  grande  quantité  de  lumière  avec  le 
minimum  de  chaleur. 

On  comprendra  comment,  avec  tous  ces  avanta- 
ges, la  lumière  électrique  est  appelée  à  jouer  un 
grand  rôle  dans  l'éclairage,  et  pourquoi  on  lui  a 
décerné  la  médaille  d'or  à  l'Exposition  universelle. 

Nous  terminerons  cet  exposé  des  procédés  d'é- 
clairage par  un  tableau  du  prix  de  revient  de  ces 
différents  procédés  ;  nous  l'empruntons  à  l'excel- 
lent liictionnaire  An  M.  Labouinje. 

[E.  Dacosta.] 


ECLIPSE 


—  638  — 


KCLIPSE 


SOURCES   LUMINEUSES. 

VOLUME  OU  POIDS 

DES   MATIÈRES   CONSOIIMÉkS    PAR  HEURE 

et  donnant  une  liiniii>re 

cr|uivalente  à  une  bougie  stéarique. 

PRIX  DE  REVIEXT 
DE    LA    LUMIÈRE    ÉQUIVALENTE 

à  700  bougies  stéariques  par  heure. 

Lumière  électrique  par  les  appareils  ma- 
gnéto-électriques  

—      électrique  par  la  pile  Toltaïque  de 
60  a  80  éléments 

» 

15  litres. 
4e..S2. 
5s,60. 
5S.18. 

los.sg. 

lOs.49. 

86.26. 

De  O',10à  0f,20. 

De  3  à  5  francs. 

3f.20. 

3f,85. 

4f. 

6M0. 
12f,60. 
2if,20. 
32f,40. 

—      par  le  gaz  de  houille 

—  par  l'huile  de  schiste  légère 

—  par  l'hui le  de  pétrole 

—  par  l'huile  de  colza  épurée 

—  par  le  suif 

—      par  les  bougies  stéarique? 

ECLirSE.  —  Cosmographie,  III. —  (Etym.  :  d'un 
mot  grec  signifiant  abandon,  défection).  —  Les 
éclipses  n'épouvantent  plus  personne,  si  ce  n'est 
chez  les  peuplades  sauvages.  Elles  n'en  excitent 
pas  moins  la  curiosité,  quand  elles  arrivent  au 
moment  prédit  par  les  astronomes  et  annoncé 
au  public  par  les  almanachs.  Elles  ne  sont  point 
rares,  quoiqu'elles  passent  souvent  inaperçues 
pour  nous  :  chaque  année  il  y  en  a  deux  au  moins 
et  sept  au  plus,  trois  ou  quatre  en  moyenne.  Dans 
un  espace  de  18  ans  11  jours,  il  se  produit  70 
éclipses  dont  41  de  soleil  et  29  de  lune,  qui  re- 
viennent à  chaque  période  dans  le  même  ordre. 
C'est  donc  là  un  phénomène  sur  lequel  l'institu- 
teur peut  être  interrogé  dans  sa  classe  et  même 
au  dehors,  et  s'il  n'est  pas  tenu  à  en  donner  la 
théorie  astronomique,  il  ne  pourrait  cependant  se 
borner  à  la  démonstration  sommaire  de  Périclès 
qui,  pour  rassurer  le  pilote  de  son  navire  effrayé 
par  une  éclipse,  lui  jota  son  manteau  sur  la  figure 
et  lui  fit  comprendre  ainsi  que  la  lune  interposée 
entre  lui  et  le   soleil  cachait  cet  astre  à  ses  yeux. 

Au  reste,  l'éclipsé  est  un  des  phénomènes  célestes 
qui  se  prêtent  le  plus  facilement  à  une  démons- 
tration simple  et  familière  ;  tel  sera  le  caractère 
de  celle  que  nous  allons  exposer  ici. 

Rappelons  d'abord  (jue  le  Soleil,  éloigné  de  nous 
d'une  distance  moyenne  de  .37  millions  de  lieues 
(lieues  de  4  kilomètres),  a  un  diamètre  qui  con- 
tient 108  fois  celui  de  la  Terre;  que  la  Lune,  dont 
le  diamètre  est  à  peu  près  le  quart  seulement  de 
celui  de  la  Terre,  est  à  97  mille  lieues  de  nous  ; 
qu'elle  n'est  pas  lumineuse  par  elle-même  et 
qu'elle  ne  fait  que  réfléchir  la  lumière  qu'elle  re- 
çoit du  Soleil,  comme  la  Terre  et  tous  les  corps  de 
l'espace.  En  outre  elle  tourne  autour  de  la  Terre, 
en  mettant  29  jours  et  demi  pour  reprendre  la 
même  position  qu'elle  occupait  par  rapport  à  la 
Terre  et  au  Soleil,  pendant  que  la  Terre  se  meut 
elle-même  autour  du  Soleil  dans  l'intervalle  d'une 
année. 

Posons  maintenant  sur  une  table,  à  l'extrémité 
de  la  classe,  une  lampe  allumée  qui  représentera 
le  Soleil,  et  à  quelque  distance,  au  sommet  d'un 
support,  une  boule  qui  figurera  la  Terre.  Une 
boule  plus  petite  qu'on  promènerait  circulairemcnt 
autour  de  la  précédente,  mais  à  une  distance 
moindre  que  la  lampe,  sera  l'image  de  la  Lune. 

Lors((ue  la  Lune  est  placée  derrière  la  Terre 
par  rapport  au  Soleil,  ce  qui  est  indiqué  par  la 
position  de  la  petite  boule  au-deh'i  de  la  grosse,  à 
rojjposé  de  la  lampe,  et  un  peu  en  dehors  de  la 
direction  de  la  droy.e  qui  passerait  par  les  centres 
du  Siileil  et  de  la  Terre,  elle  nous  montre  sa 
moiiii';  éclaiiée;  c'est  alors  que  nous  la  voyons 
avec  l'apparence  d'un  cercle  entièrement  lumineux 
et  que  nous  la  nommons  pleine  lime.  Mais  si  à  ce 
moment  e'I"   se   trouve  sur    la   ligne    passant  par 


les  centres  du  Soleil  et  de  la  Terre,  elle  ne  re- 
çoit plus  les  rayons  solaires  qui  sont  arrêtés  par 
la  Terre;  elle  est  obscure  au  lieu  d'être  brillante 
et  ne  nous  présente  qu'un  disque  noirâtre  :  c'est 
en  cela  que  consiste  Véclipse  de  lune.  Si  elle  se 
trouve  seulement  près  de  cette  direction,  il  n'y  a 
qu'une  partie  plus  ou  moins  grande  de  sa  surface 
qui  est  privée  de  la  lumière  solaire  ;  l'éclipsé  de 
lune  est  pa7-tielle.  Il  est  bon  d'observer  qu'au 
commencement  d'une  éclipse  totale,  le  disque  lu- 
naire ne  passe  pas  tout  à  coup  de  la  lumière  à 
l'obscurité  complète  ni  réciproquement,  à  la  fin,  de 
l'obscurité  à  la  lumière  complète.  Il  commence  à 
s'obscurcir  sur  un  bord,  et  la  teinte  noire  l'envahit 
de  plus  en  plus,  à  mesure  que  la  Lune  pénètre  de 
plus  en  plus  dans  l'ombre  qui  s'étend  derrière  la 
Terre;  puis  quand  elle  sort  du  côté  opposé,  la 
partie  obscure  se  rétrécit  graduellement  jusqu'au 
moment  où  la  Lune,  complètement  dégagée  de 
l'ombre,  apparaît  de  nouveau  comme  un  disque 
lumineux.  La  durée  de  l'éclipsé  totale  ne  dépasse 
jamais  deux  heures. 

Quinze  jours  après  le  moment  où  elle  était 
pleine,  la  Lune  ayant  continué  à  marcher,  arrive 
dans  une  sittiation  tout  opposée  à  la  première, 
entre  la  Terre  et  le  Soleil  ;  nous  avons  alors  en 
face  de  nous  sa  moitié  qui  n'est  pas  éclairée.  Elle 
paraîtrait  noirâtre,  si  la  terre  ne  lui  renvoyait  pas 
la  lumière  qu'elle  reçoit  elle-même  du  soleil.  Le 
disque  lunaire  prend  ainsi  une  teinte  pâle  qu'on 
nomme  lumière  cendrée;  c'est  alors  qu'on  dit  que 
la  lune  est  nouvelle.  Si  dans  cette  situation  elle 
est  sur  la  droite  joignant  les  centres  du  Soleil  et 
de  la  Terre,  elle  cache  le  Soleil  en  tout  ou  en 
partie  pour  le  lieu  de  la  terre  rencontré  par  cette 
droite  et  les  lieux  voisins.  Il  y  a  à  ce  moment 
éclipse  de  soleil,  totale  pour  les  uns,  partielle  seu- 
lement pour  les  autres.  La  durée  de  l'éclipsé 
totale  no  dépasse  jamais  cinq  minutes  pour  le  lieu 
où  on  l'observe.  Dans  certaines  éclipses,  c'est  la 
partie  centrale  du  Soleil  qui  est  cachée  par  la  Lune, 
et  il  déborde  tout  autour  sous  la  forme  d'un  an- 
neau lumineux;  l'éclipsé  est  annulaire.  Rien  n'est 
plus  facile  à  expliquer.  Il  suffit  pour  cela  de 
prendre  un  sou  entre  les  deux  doigts,  par  deux 
bords  opposés,  de  le  tenir  ainsi  devant  l'œil 
droit,  pendant  que  celui  de  gauche  reste  fermé, 
et  de  regarder  un  grand  cercle  dessiné  en  face  sur 
un  mur.  Suivant  que  le  sou  sera  plus  ou  moins 
près  do  l'œil,  il  cachera  une  partie  centrale  du 
cercle  plus  ou  moins  considérable. 

Il  importe  de  remarquer  une  difi"érence  caracté- 
ristique entre  les  éclipses  de  soleil  et  les  éclipses 
de  lune.  Dans  les  premières  le  soleil  est  réelle- 
ment caché  en  tout  ou  en  partie  îi  nos  yeux; 
dans  les  autres  la  Lune  reste  visible  pour  nous, 
avec  la  diflérencc  qu'elle  a  perdu  momentané- 
mont   son  éclat.   Les  éclipses  de  soleil  n'arrivent 


ECLIPSE 


639  — 


ECLIPSE 


qn'à  la  nouvelle  lune  ;  celles  de  lune  à  la  pleine 
lune. 

Xous  compléterons  ces  explications  familières 
par  une  exposition  géométrique  du  phénomène  à 
l'aide  de  la  figure  1. 

Le  Soleil  immobile  dans  l'espace  est  à  la  partie 
supérieure  ;  h.  l'extrémité  opposée  est  la  Terre 
dcicrivaut  autour  du  Soleil  une  immense  ellipse, 


qui  n'y  est  pas  marquée,  mais  dont  le  plan  est 
celui  de  la  figure.  Au-dessous  de  la  Terre  s'étend 
un  cône  dombre  déterminé  par  des  droites  tan- 
gentes à  la  Terre  et  au  Soleil  :  on  n'en  voit  que  le 
commencement.  Autour  de  ce  cône  se  dessine  un 
espace  conique  moins  obscur,  qui  va  s'élargissant 
de  plus  en  plus,  et  qui  est  limité  par  des  droites 
qui  se  croisent  entre  le  Soleil  et  la  Terre,  en  .itaiit 


tangentes  à  leur  surface.  L'obscurité  y  décroit 
depuis  le  contour  du  cône  d'ombre  jusqu'au  bord 
opposé.  Cet  espace  est  la  pénombre  (mot  latin  si- 
gnifiant presque  ombre).  De  l'un  des  points  de  la 
pénombre  on  n'aperçoit  qu'une  partie  du  disque 
du  soleil.  Autour  de  la  Terre  on  voit  la  Lune,  dans 
<|uatre  positions  différentes,  suivie  du  cône 
d'ombre  qu'elle  projette,  enveloppé  de  la  pé- 
nombre. 
Au  bas  de  la  figure,  la  lune,  qui  èisÀi  plein"  pa- 


raît noyée  dans  le  cône  d'ombre  de  la  terre  ;  il  y  a 
éclipse  totale  de  lune.  L'éclipsé  ne  serait  que  par- 
tielle, si  la  Lune  se  trouvait  un  peu  au-dessus  ou 
un  peu  au-dessous  du  plan  de  l'orbite  terrestre, 
représenté  par  le  plan  de  la  figure. 

Dans  la  situation  opposée,  entre  la  Terre  et  le 
Soleil,  est  la  nouvelle  lune.  Son  cône  d'ombre,  at- 
teignant la  Terre,  y  couvre  une  petite  calotte,  pour 
les  habitants  de  laquelle  il  y  a  éclipse  totale  de 
soleil.  Autour  de   cette  calotte   s'étend  une   zone 


ÉCONOMIE  POLITIQUE       —  G4U  —       ÉCONOMIE  POLITIOUG 


recouverte  par  la  pénombre  de  la  lune  ;  c'est  pour 
les  habitants  de  cette  zone  que  l'éclipsé  est  par- 
tielle. 

Quelquefois  la  Terre,  quoique  en  ligne  droite 
avec  la  Lune  et  le  Soleil,  est  un  peu  trop  éloignée 
pour  que  le  cône  d'ombre  de  la  Lune  puisse  l'at- 
teindre, comme  le  montre  la  figure  2. 


Mais  les  droites  qui  forment  le  cône  étant  pro- 
longées plus  loin  que  le  sommet,  le  cône  opposé 
qui  en  résulte  va  couvrir  sur  la  Terre  un  petit 
espace  environné  d'une  zone  sur  laquelle  tombe  la 
pénombre.  Pour  les  habitants  de  cet  espace,  il  y  a 
une  éclipse  annulaire,  en  même  temps  que  ceux 
de  la  zone  environnante  ont  une  éclipse  par- 
tielle. 

^  Les  explications  qui  précèdent  montrent  que 
l'éclipsé  de  soleil  n'est  jamais  visible  que  pour 
une  petite  partie  de  la  surface  de  la  terre.  Elle  ne 
commence  pas  et  ne  finit  pas  au  même  instant  pour 
tous  ceux  qui  en  sont  témoins;  ils  ne  la  voient  que 
successivement,  à  mesure  que  la  Lune  dans  sa 
marche  entraîne  avec  elle  son  ombre,  qui  passe 
ainsi  d'un  lieu  à  l'autre,  jusqu'à  ce  qu'elle  quitte 
la  Terre.  L'éclipsé  de  lune  au  contraire  est  visible 
pour  tous  les  lieux  qui  ont  la  Lune  sur  leur 
horizon  au  moment  du  phénomène. 

[G.  Bovier-Lapierre.] 

ECONOMIE  POLITIQUE.  —  L'enseignement  de 
l'économie  politique  tend  à  se  répandre  rapide- 
ment. Un  nombre  déjà  important  de  villes  ont 
commencé  à  lui  donner  place  dans  leurs  cours  du 
soir.  L'arrêté  du  2  août  1881  l'a  introduit  dans  le 
programme  des  écoles  normales  d'iustitutcnrs, 
à  la  suite  du  cours  d'instruction  morale  et  civiquw. 
D'autre  part,  des  écoles  primaires  supérieures  se 


créent   de   toutes  parts,  et   l'économio   politique 
figure  dans  leurs  programmes. 

Il  y  a  tout  lieu  de  se  féliciter  de  ce  mouvement; 
car  la  connaissance  des  éléments  au  moins  de  la 
science  économique  est  désormais  indispensable  à 
tous.  C'est  une  des  premières  conditions  de  la 
prospérité  et  de  la  tranquillité  publiques,  et  dans 
un  pays  de  démocratie  et  de  suffrage  universel  la 
nécessité  s'en  accroît  chaque  jour.  L'économie 
politique,  comme  l'a  bien  dit  M.  Jules  Simon, 
n'est  pas  autre  chose  que  la  «  science  du  sens 
commun.  » 

Mais  il  y  a,  en  même  temps,  à  s'en  préoccuper; 
car  il  y  a  un  apprentissage  à  faire  en  toute  chose, 
et  «  il  faut,  a  dit  également  M.  J.  Simon,  que 
l'économie  politique,  pour  rendre  les  services 
qu'on  est  en  droit  d'attendre  d'elle,  soit  bien  en- 
seignée. » 

Or  les  professeurs,  on  ne  peut  se  le  dissimuler, 
sont  rares  encore,  et  tous  n'ont  pas  l'expérience 
nécessaire.  Si  ce  n'est  que  demi-mal  dans  les 
sphères  élevées  où  l'on  peut,  sans  grand  danger, 
se  former  en  pratiquant,  c'est  un  danger  réel  dans 
l'enseignement  élémentaire  où  tout  doit  être  net, 
précis  et  simple.  Les  éléments,  à  vrai  dire,  sont 
la  moelle  de  la  science,  et  les  maîtres  seuls  sont 
en  état  de  l'extraire  avec  sûreté. 

Nous  avons  donc  cru  faire  une  œuvre  qui  ne 
serait  pas  inutile  en  essayant  de  tracer,  en  quelques 
pages,  un  résumé  des  notions  essentielles  qui 
paraissent  devoir  entrer  dans  un  enseignement 
primaire  supérieur  :  c'est,  en  quelque  sorte,  une 
réduction  de  l'économie  politique,  faite  par  un 
vieux  professeur  à  l'usage  des  jeunes.  A  chacun  à 
mettre,  selon  ses  aptitudes  et  ses  goûts,  la  couleur 
et  la  vie  sur  cette  esquisse. 

Les  professeurs  auront,  avant  tout,  à  donner 
une  idée  générale  de  la  science  économique  et  de 
son  objet  :  ce  qu'ils  pourront  faire,  sans  recourir  à 
des  définitions  abstraites  et  toujours  insuffisantes, 
en  appelant  l'attention  de  leurs  jeunes  auditeurs 
sur  le  fait  universel  du  travail  et  sur  sa  nécessité 
pour  le  maintien  et  l'amélioration  de  l'existence 
humaine.  Ils  montreront  comment  l'homme,  presse 
de  besoins  auxquels  il  ne  peut  donner  satisfaction 
qu'en  s'emparant  des  objets  qui  l'entourent  et  les 
appliquant  à  son  usage,  se  livre  d'abord,  dans  ce 
but,  à  des  efforts  isolés,  puis  à  des  efforts  plus  ou 
moins  heureusement  concertés  avec  ses  sem- 
blables. 

Ils  saisiront  ainsi  à  sa  naissance  le  fait  de  la 
}iroductio7i ,  fait  propre  à  l'homme  ,  puisque 
l'homme  seul,  parmi  les  animaux,  non  seulement 
utilise,  en  les  consommant,  les  ressources  que 
fournit  la  nature,  mais  en  prépare,  par  une  activité 
intelligente,  le  renouvellement  et  l'accroissement. 
Ils  y  saisiront  du  même  coup  le  fait,  également 
propre  à  l'homme,  de  l'échange,  qui  nous  constitue 
à  toute  heure  et  sous  mille  formes  les  serviteurs 
les  uns  des  autres  et  fait  de  l'impuissance  de 
chacun,  grâce  au  merveilleux  mécanisme  de  la 
division  du  travail,  la  puissance  de  tous  ;  et  le 
fait  corrélatif  aussi  de  la  propriété,  conséquence 
de  l'appropriation  des  choses  et  récompense  de 
l'effort  par  lequel  s'opère  cette  appropriation.  Il 
importera  ici  de  bien  montrer  comment  cette  ap- 
propriation, loin  de  rien  enlever  à  la  communauté 
primitive,  est  au  contraire  la  condition  nécessaire 
de  l'exploitation  active  et  féconde  par  laquelle  se 
forme  graduellement  le  patrimoine  commun.  Vhé- 
ritage,  sans  lequel  cette  œuvre  bienfaisante  serait 
incessamment  à  recommencer,  grâce  auquel  seul 
l'homme  est  appelé  à  se  survivre  à  lui-même  en 
transmettant  à  d'autres  existences  le  fruit  de  la 
sienne,  permettra  d'cclaircir  encore,  en  les  com- 
plétant, ces  premières  vérités. 

Les  cléments  de  la  production  sont  divers;  il 
conviendra  de  les  indiquer.  Il  y  a  la  matière,  que 


ÉCONOMIE  POLITIQUE    —  641  —     ÉCONOMIE  POLITIQUE 


f 


l'homme  n'a  pas  créée  et  dont  il  ne  peut  changer 
la  substance,  mais  à  laquelle  il  peut,  en  y  appli- 
quant la  force  dont  il  est  dépositaire,  faire  subir 
des  façons  diverses  et  plus  ou  moins  heureuses. 
Il  y  a  la  science,  qui,  en  étudiant  les  propriétés  de 
la  matière  et  en  en  pénétrant  les  lois,  apprend  à 
se  mieux  servir  des  utilités  connues  ou  à  faire 
apparaître  des  utilités  jusqu'alors  inconnues.  11  y 
a  les  outils,  compléments  nécessaires  de  la  main 
humaine,  qui  ne  sont  que  de  premiers  produits 
destinés  à  en  obtenir  d'autres,  et  sans  lesquels 
l'homme  serait  le  plus  dépourvu  et  le  plus  exposé 
des  animaux.  Il  y  a  la  volonté  enfin,  impulsion  de 
tout  le  reste,  et  la  force  morale,  ressort  indispen- 
sable de  tout  progrès  même  matériel. 

La  volonté  est  libre,  le  travail  doit  l'être  aussi, 
et  c"est  dans  la  proportion  où  il  l'est  que  sa  fécon- 
dation s'accroît  avec  son  énergie.  Cn  coup  d'œil 
sur  le  passé  et  sur  la  misère  des  pays  à  esclaves 
d'abord,  puis  sur  les  gênes  et  les  entraves  de  la 
réglementation  des  industries  sous  le  régime  des 
corporations  fermées,  trouvera  tout  naturellement 
sa  place  à  la  suite  de  ces  indications. 

Les  machines  ne  sont  autre  chose  que  des  outils, 
plus  compliqués  ou  plus  puissants;  quelle  qu'en 
soit  la  nature,  leur  rôle  est  le  même  :  faire  mieux, 
faire  plus  vite,  ou  faire  avec  moins  de  dépense  et 
de  peine.  Ce  sont  donc  les  auxiliaires  par  excel- 
lence du  travail,  qu'elles  tendent  à  développer  en 
«n  variant  les  formes  et  en  en  multipliant  les  ré- 
sultats. Des  exemples,  puisés  dans  les  industries 
connues  de  tous  et  empruntés  aux  faits  de  chaque 
jour,  rendront  aisément  sensible  cette  influence 
bienfaisante  et  permettront  de  mettre  les  élèves 
en  garde,  sans  les  fatiguer  de  raisonnements  gé- 
néraux, contre  les  apparences  trop  souvent  trom- 
peuses qui  font  voir  dans  le  progrès  de  l'outillage 
un  danger  pour  le  travail  et  pour  le  salaire. 

De  même  pour  le  capital,  qui  devra  être  examiné 
tour  à  tour  dans  sa  source  et  dans  ses  effets,  au 
double  point  de  vue  de  celui  qui  le  possède  et  de 
celui  qui  en  est  encore  privé.  On  fera  voir  comment 
ce  capital,  que  l'on  a  trop  l'habitude  de  restreindre 
à  quelques-unes  de  ses  formes  seulement,  est  en 
réalité  partout  où  se  trouve  une  ressource  préparée 
pour  l'usage  de  l'homme  ;  et  l'on  montrera 
comment  pour  le  former  deux  conditions  sont  né- 
cessaires :  le  travail  d'abord,  qui  est  un  premier 
titre,  et  l'épargne  ensuite,  qui  en  est  un  second.  On 
pourra  donner  à  cette  occasion  quelques  aperçus 
sur  les  divers  aspects  de  l'épargne,  sur  la  puis- 
sance des  moindres  économies,  et  en  particulier 
sur  les  caisses  d'épargne  scolaires. 

On  expliquera  également  comment,  une  fois 
formé,  le  capital  devient  l'aliment  du  travail  et  le 
réservoir  du  salaire  ;  et  l'on  fera  comprendre,  en 
prenant  toujours  ses  démonstrations  dans  les  faits, 
que  toute  destruction  de  capital,  sous  quelque 
forme  qu'elle  se  produise,  a  nécessairement  pour 
conséquences  un  ralentissement  du  travail,  un 
amoindrissement  de  la  production  et  un  abaisse- 
ment du  salaire. 

Ni  le  salaire  proprement  dit,  qui  est  la  rémuné- 
ration du  travail,  ni  Y  intérêt  ou  le  profit,  qui  sont 
la  rémunération  du  capital  ou  de  l'intelligence,  ne 
sont  livrés  au  hasard.  Ils  dépendent,  ainsi  que  le 
prix  des  produits  eux-mêmes,  de  leur  proportion 
réciproque  et  de  la  façon  dont  ils  sont  offerts  ou 
demandés.  On  s'attachera  à  donner  une  idée  juste 
et  claire  de  cette  loi  de  l'offre  et  de  la  demande, 
aussi  inflexible  dans  l'ordre  économique,  qu'elle 
domine  tout  entier,  que  l'est  dans  l'ordre  physique 
la  loi  de  l'équilibre  des  liquides  sous  l'action  de 
la  pesanteur;  et  l'on  fera  entrevoir,  sous  cette  fa- 
talité apparente,  l'accord  de  la  justice  et  de  la 
prospérité  générale,  également  intéressées  à  ce 
que  les  besoins  les  plus  vifs  soient  les  premiers 
satisfaits  et  les  services  les  plus  désirés  les  mieux 

2e  Partie. 


rétribués.  Toute  intervention  de  la  force,  soit  par 
la  violence  privée,  soit  par  la  loi,  ne  pouvant  que 
porter  atteinte  à  ce  nivellement  naturel,  est  pré- 
judiciable; et  voilà  pourquoi  la  puissance  publique 
ne  doit  intervenir  dans  les  échanges  ou  les  contrats 
que  pour  en  protéger  et  en  garantir  la  liberté  et 
la  loyauté.  On  pourra  donner  à  ce  propos  un 
aperçu  tant  des  anciennes  réglenuatations  de  prix 
et  de  salaires  que  des  grèves  et  air.res  tentatives 
faites  pour  en  modifier  anificicllemci.t  7e  t;ux;  et 
l'on  spécifiera  dans  quelles  limites  et  sous  quelles 
formes  les  réclamations  collectives  peuvent  être 
licites  et  efficaces,  à  quel  moment  elles  deviennent 
iniques  et  funestes  On  aura  soin  d'ailleurs  de 
bien  marquer  le  caractère  du  salaire  ;  et,  tout  en 
faisant  équitablement  la  part  de  V association,  on 
établira  bien,  d'une  part,  que  le  salaire,  conversion 
volontaire  en  un  forfait  du  dividende  aléatoire  du 
travail,  n'a  rien  ni  de  dégradant  ni  d'oppressif,  et, 
d'autre  part,  que  l'extension  de  l'association  pro- 
prement dite,  subordonnée  à  des  conditions  di- 
verses et  parfois  irréalisables,  ne  convient  ni  à 
toutes  les  industries  ni  à  toutes  les  situationt . 
Elle  ne  saurait  en  tout  cas  être  jamais  le  résultsa 
de  mesures  impératives  et  générales. 

Quelques  mots  sur  les  modes  divers  de  coopéra- 
tion et  de  participatio7i  pourront  ici,  selon  le 
degré  de  l'enseignement,  se  trouver  plus  ou  moins 
à  propos.  Des  exemples  montreront  comment  les 
petits  capitaux,  en  s'unissant  comme  les  gouttes 
d'eau  pour  former  un  ruisseau,  peuvent  acquérir 
la  puissance  qui  leur  manque  dans  l'isolement,  et 
comment  aussi,  lorsqu'ils  se  livrent  sans  prudence 
à  des  ambitions  exagérées,  ils  ne  font  que  courir 
à  leur  perte. 

Cet  exposé,  quelque  modeste  que  doive  être  la 
tâche,  ne  serait  pas  complet  si  l'on  ne  donnait 
encore,  en  quelques  mots  au  moins,  une  notion 
exacte  de  quelques-uns  des  phénomènes  les 
plus  usuels,  et  les  plus  mal  compris  souvent. 

Au  premier  rang  est  la  monnaie,  dont  il  est 
essentiel  de  bien  définir  la  nature  et  le  rôle,  en 
montrant  qu'elle  n'est  ni  un  signe  arbitraire  et 
une  valeur  conventionnelle,  ni  la  richesse  princi- 
pale et  le  capital  par  excellence  ;  mais  bien  et 
tout  simplement  une  des  formes  aussi  réelle  que 
limitée  de  la  richesse,  une  marchandise  ayant  en 
elle-même  sa  valeur  reconnue  de  tous,  et  investie, 
en  raison  de  cette  valeur  intrinsèque  et  de  cer- 
taines qualités  spéciales  qui  la  rendent  plus  par- 
ticulièrement propre  à  cet  usage,  de  la  fonction 
d'instrument  habituel  des  échanges  et  de  /noyen 
d'évaluation  entre  les  autres  marchandises.  D'où 
il  suit  qu'on  ne  peut  ni  se  passer  de  monnaie  au 
delà  d'une  certaine  limite,  ni  sacrifier  à  l'acquisi- 
tion indéfinie  de  la  monnaie  la  possession  des 
autres  richesses  plus  directement  utiles  et  con- 
sommables. Si  l'on  peut,  pour  la  facilité  des 
transactions,  remplacer  plus  ou  moins  le  paiement 
actuel  en  espèces  par  des  promesses,  ces  pro- 
messes ne  valent,  en  somme,  qu'autant  qu'elles 
sont  réalisables  en  espèces,  comme  la  monnaie  à 
son  tour  est  réalisable  en  produits  ou  en  services  : 
le  papier,  supposant  la  monnaie,  ne  saurait  la 
supprimer,  ainsi  qu'on  l'a  vainement  tenté  à  di- 
verses reprises. 

La  même  observation  s'applique  au  crédit,  qui 
peut  avoir  la  vertu  d'activer  la  circulation  des  pro- 
duits et  par  suite  la  fécondité  du  travail,  mais  qui 
ne  saurait  être  ni  illimité,  parce  qu'on  ne  peut 
prêter  que  ce  qui  existe,  ni  gratuit,  parce  qu'on 
ne  peut  se  dessaisir  d'un  avantage  qu'en  vue  d'un 
avantage  au  moins  équivalent.  Tout  prêt,  pour  être 
possible,  suppose  d'abord  l'existence  de  l'objet 
prêté,  et  tout  emprunt,  pour  n'être  pas  insensé, 
suppose,  de  la  part  de  celui  qui  emprunte,  l'inten- 
tion d'appliquer  à  cet  objet  un  travail  qui  en 
assurera  la  reproduction  avec  accroissement. 

41 


ÉCONOMIE  POLITIQUE     —  642  — 


ECRITURE 


Mais  aucun  travail,  et  à  plus  forte  raison  aucun 
échange,  n'est  possible  sans  l'existence  de  certai- 
nes conditions  de  sécurité,  à'ordre,  de  circulation, 
qui  ne  peuvent  être  procurées  et  garanties  autre- 
ment que  sous  la  forme  de  se-  vices  collectifs.  Pour 
assurer  ces  services,  d'autant  plus  nombreux  et 
pins  considérables  que  les  sociétés  sont  plus  avan- 
cées, des  dépenses,  pareillement  coliecùves,  sont 
indispensables,  et  il  y  faut  pourvoir.  C'est  l'objet 
des  contriàutions,  souvent  appelées  encore,  d'un 
mot  qui  a  le  tort  d'éveiller  une  idée  différente,  du 
nom  d'impôts.  Il  ne  peut  convenir,  dans  un  ensei- 
gnement élémentaire,  d'entrer  dans  le  détail  des 
diverses  formes  d'impôts  ni  de  se  livrer  à  une  dis- 
cussion comparative  de  leurs  mérites  respectifs  et 
des  systèmes  proposés  pour  les  remplacer.  Mais  il 
est  de  la  pUis  grande  utilité  de  bien  mettre  hors 
de  doute  la  vraie  nature  et  le  vrai  principe  des 
charges  publiques  en  faisant  bien  comprendre 
qu'elles  ne  sont  pas,  comme  le  disait  Turgot, 
«  une  charge  imposée  par  la  force  à  la  faiblesse,  » 
mais  bien  la  rétribution  et  la  compensation  d'a- 
vantages équivalents  :  la  part  de  chacun,  en  d'au- 
tres termes,  dans  l'acquittement  des  frais  généraux 
de  la  société.  C'est  une  cotisation,  pour  tout  dire, 
que  le  progrès  des  institutions  doit  rendre,  autant 
qu'il  est  possible,  proportionnelle  à  ce  que  chacun, 
b.  raison  de  ses  intérêts,  recueille  de  services. 
I.îi,  comme  pour  le  régime  du  travail,  il  existe 
un  abîme  entre  les  institutions  du  passé  et  celles 
du  présent,  quelque  imparfaites  que  soient  encore 
celles-ci;  et  il  ne  sera  pas, inutile  d'en  faire  la  re- 
marque en  montrant,  par  quelques  traits  au  moins, 
ce  qu'était  autrefois  l'impôt. 

Avant  de  terminer,  et  afin  d'aller  au-devant  de 
fâcheuses  impressions,  il  conviendra  de  jeter  un 
coup  d'œil  rapide,  mais  ferme,  sur  les  souffrances 
dont  les  sociétés  modernes  ne  sont  pas  exemptes, 
et  de  s'arrêter  un  instant  sur  le  fait  douloureux 
de  la  misère. 

On  rappellera,  d'abord,  qu'en  ce  point,  comme 
en  d'autres,  le  passé  n'a  pas  été  supérieur  au  pré- 
sent; et,  sans  se  montrer  injuste  envers  les  âges 
précédents,  sans  diminuer  en  rien  ni  les  maux  ni 
les  fautes  du  temps  actuel,  on  fera,  par  quelques- 
uns  des  côtés  les  plus  simples  et  les  plus  accessi- 
bles, la  comparaison  de  la  condition  de  nos  pères 
avec  la  nôtre.  On  dira,  par  exemple,  ce  qu'était  la 
vie  autrefois  et  ce  qu'elle  est  de  nos  jours  sous  le 
rapport  du  logement,  de  la  nourriture,  du  vête- 
ment, des  moyens  de  communication  et  de  trans- 
port, de  l'instruction,  de  la  salubrité  et  de  la  sé- 
curité. On  énumérera  ensuite  les  principales  causes 
de  la  misère,  soit  publique,  soit  privée,  et  en  regard 
on  placera  l'indication  des  principaux  remèdes. 
D'un  côté,  c'est  le  désordre,  l'inconduite,  l'impré- 
voyance, les  dépenses  inutiles  et  irréfléchies,  le 
cabaret  avec  ses  influences  fatales,  l'oisiveté  avec 
ses  entraînements;  et  aussi,  parmi  les  circonstan- 
ces qui  paraissent  au  premier  abord  plus  étran- 
gères à  l'action  de  la  volonté  individuelle,  mais 
qui  en  réalité  n'y  échappent  pas,  les  crises  inté- 
rieures et  extérieures,  les  transformations  d'outil- 
lage, les  chômages,  les  accidents.  les  maladies;  et, 
par  dessus  tout,  l'ignorance,  source  de  la  plupart 
des  impuissances  et  des  fautes.  De  l'autre  côté, 
c'est  l'instruction  et  la  moralité,  qui,  en  donnant  à 
l'homme  plus  de  valeur  et  plus  d'empire  sur  lui- 
même,  le  rendent  plus  apte  à  se  bien  diriger  et  à 
se  bien  employer;  l'ordre,  l'économie,  la  modéra- 
tion dans  les  désirs,  grâce  auxquels,  à  chances 
égales,  on  tire  meilleur  parti  de  ses  ressou^ces  ; 
les  institutions  de  prévoyance,  enfin,  sous  toutes 
les  formes,  assura/ices  sur  la  vie  o\x  contre  les 
accidents,  sociétés  de  secours  mutuels,  caisses  de 
retraites,  bibliothèques,  associations  d'instruction, 
etc  qui  n'ont  pas  sans  doute  la  vertu  de  préserver 
toujours  du  mal,  mais  qui  en  atténuent  au  moins 


les  conséquences  et  procurent,  dans  une  mesure 
toujours  incomplète,  mais  plus  considérable  cha- 
que jour,  le  plus  précieux  de  tous  les  biens,  la 
sécuiité. 

Deux  conditions,  pour  que  cette  sécurité  ne  soit 
pas  à  tout  instant  troublée,  sont  avant  tout  néces- 
saires :  l'ordre  intérieur  et  la  paix  extérieure.  L'un 
n'est  possible  qu'avec  des  habitudes  sérieuses  de 
respect  mutuel  et  d'obéissance  aux  lois;  l'autre  ne 
se  peut  obtenir  que  par  des  notions  plus  justes 
des  devoirs  des  nations  les  unes  à  l'égard  des 
autres  et  des  véritables  conditions  de  leur  gran- 
deur et  de  leur  puissance.  Ni  les  révolutions  Di  les 
guerres,  quels  qu'en  soient  les  premiers  résultats 
apparents,  ne  rapportent  en  somme  ce  qu'elles 
coîitent,  et  elles  arrêtent  plus  de  progrès  qu'elles 
n'en  réalisent.  La  solidarité,  désormais  si  visible, 
qui  unit  les  uns  aux  autres  non-seulement  les 
membres  d'une  même  société,  mais  les  diverses 
parties  du  monde  civilisé,  tend  à  faire  mieux  com- 
prendre de  jour  en  jour  les  intérêts  communs  de 
l'humanité  ;  et  l'extension  des  échanges  interna- 
tionaux, en  mêlant  à  toute  heure  les  destinées  des 
nations  les  plus  éloignées,  devient  l'un  des  plus 
puissants  obstacles  aux  entraînements  trop  fré- 
quents encore  de  l'esprit  d'aventures.  On  peut, 
sans  jamais  toucher  en  rien  aux  questions  pendan- 
tes, faire  comprendre  la  haute  importance  de  cette 
évolution  tout  économique,  et  mettre  ainsi  en  relief 
le  véritable  caractère  de  ces  doctrines  de  liberté 
commerciale  qui  tendent  à  faire  du  globe  entier, 
par  une  application  plus  large  de  la  division  du 
travail,  un  même  atelier  et  une  même  famille. 

Tout  ce  qu'il  y  a  d'essentiel  dans  la  science  éco- 
nomique est,  croyons-nous,  contenu  dans  ce  rapide 
exposé.  Nous  osons  l'offrir,  au  nom  d'une  expé- 
rience déjà  longue,  à  ceux  qui  seront  appelés  à 
répandre  l'enseignement  de  cette  science,  avec 
l'espoir  qu'il  leur  pourra  être  de  quelque  secours. 
[Frédéric  Passy,  de  l'Institut. J 

ÉCRITURE  etCALLIGRAl'IlIE.  —  «  Le  but  de 
l'instruction  primaire  étant  de  mettre  tous  les  en- 
fants en  possession  des  premiers  instruments 
indispensables  au  développement  de  leur  intelli- 
gence, »  il  est  évident  que  l'écriture  en  est  une 
partie  essentielle.  C'est  par  l'écriture  que  nos  pen- 
sées prennent  de  la  fixité,  se  classent  et  se  préci- 
sent. C'est  aussi  par  l'écriture  que  nous  commu- 
niquons avec  les  absents  et  que  nous  étendons  au 
loin  notre  influence. 

Si  de  tout  temps  l'écriture  est  entrée  dans  le 
programme  de  l'enseignement  primaire,  il  s'en 
faut  bien  que  tous  les  élèves  l'y  aient  toujours 
suffisamment  apprise.  Quand  l'école  était  placée 
dans  les  réduits  obscurs  que  nous  ont  dépeints  les 
rapports  de  M.  Lorain.  et  des  premiers  visiteurs 
nommés  par  M.  Guizot  en  1833,  quand  le  mobilier 
n'en  consistait  qu'en  quelques  bancs  le  long  des 
murs  et  tout  au  plus  une  ou  deux  tables  d'écri- 
vains, quand  le  taux  de  la  rétribution  scolaire  va- 
riait selon  que  l'élève  n'apprenait  que  la  lecture, 
ou  la  lecture  et  l'écriture,  il  y  avait  bon  nombre 
d'élèves  qui  quittaient  l'école  sans  savoir  écrire, 
souvent  même  sans  savoir  signer  leur  nom.  On 
distinguait  alors,  entre  ceux  qui  savaient  lire,  ceux 
qui  le  pouvaient  faire  seulement  sur  la  lettre  moulée 
et  ceux  qui  déchiffraient  l'écriture.  Il  n'est  pas 
bien  sur  qu'on  ne  rencontre  pas  encore,  en  quel- 
ques cantons  de  la  Bretagne,  du  Limousin  ou  des 
Cévennes,  des  écoles  où  les  enfants  ne  doivent 
apprendre  à  écrire  que  lorsqu'ils,  lisent  couram- 
ment et  savent  bien  leur  catéchisme.  On  trouvait 
encore,  il  n'y  a  pas  quinze  ans,  des  maires  et  dos 
curés  qui  recommandaiicnt  cette  gradation  dans  la 
première  instruction  de  l'enfant,  et,  dans  maintes 
écoles  congréganistes  de  filles,  les  petites  classes 
n'avaient  pas  de  tables  à  écrire.  C'était  là  surtout 
la  condition  des  élèves  gratuites  ;  les  familles  ne 


ÉCRITURE 


--  643  — 


ECRITURE 


pouvant  faire  la  dépense  de  cahiers  et  de  plumes, 
on  n'enseignait  pas  l'écriture  à  leurs  enfants. 

Il  n'est  plus  guère  d'écoles  dirigées  par  des  maî- 
tres iniellip;ents,  sortis  des  écoles  normales,  où  l'on 
ajourne  l'écriture  jusqu'à  ce  que  les  élèves  lisent 
couramment.  On  comprend  aujourd'hui  que  ces 
deux  branches  doivent  marcher  ensemble  et  se 
prêter  un  mutuel  concours.  Il  est  bon  que  le  jeune 
élève  sache,  en  émettant  un  son  ou  une  articulation, 
tracer  le  signe  alphabétique  correspondant,  et  à  ce 
sujet  nous  "ne  saurions  trop  recommander  la  mé- 
thode récemment  publiée  à  la  librairie  Hachette 
sous  ce  titre  :  Enseignement  simultané  de  la  lec- 
ture et  de  l'écriture  (1  livre  du  maître  et  2  livrets 
de  l'élève).  D'ailleurs  il  existe  d'autres  méthodes 
conçues  sur  le  même  plan  :  celle  de  M.  Magnat, 
directeur  de  l'école  des  sourds-muets  de  l'avenue 
de  Villiers  (Sandoz  et  Fischbacher,  éditeurs),  et 
celles  de  MM.Mougeol  et  Théodore  (Delagrave,  édi- 
teur). 

L'enseignement  de  l'écriture  se  généralisant,  on 
a  dû  abandonner  les  anciens  procédés.  Autrefois 
le  maître  faisait  lui-même  en  tête  de  chaque  page 
ua  modèle  qui  était  reproduit  jusqu'au  bas  par  l'é- 
lève, c'est-à-dire  de  douze  à  quinze  fois.  Parfois  il 
venait  lui  prendre  la  main  et  le  diriger  dans  le 
tracé  des  lettres  difficiles.  Il  devait  aussi  tailler 
les  plumes  pour  la  plus  grande  partie  de  la  classe. 
Aujourd'hui  tout  ce  travail  fastidieux  lui  est  enlevé 
par  la  publication  à  bon  marché  des  cahiers  de 
calque  et  des  modèles  d'écriture,  et  par  l'usage  des 
plumes  métalliques. 

Néanmoins  il  s'en  faut  que  l'écriture  se  soit 
améliorée  en  proportion  des  facilités  procurées 
pour  l'enseigner.  Beaucoup  de  maîtres  n'y  appor- 
tent plus  autant  d'intérêt;  ils  en  font  une  partie 
machinale  qu'ils  surveillent  de  loin  et  ne  dirigent 
guère.  Les  élèves  copient  les  modèles  sans  atten- 
tion parce  que  les  défauts  dans  l'exécution  ne 
sont  point  relevés  et  qu'aucun  principe  ne  leur  est 
donné  pour  les  guider.  Ils  voient  rarement  le  maî- 
tre tracer  devant  eux  la  lettre  qu'ils  ont  manquée 
et  leur  donner  la  clef  d'une  écriture  régulière. 

Autrefois  il  existait  des  méthodes  d'écriture  à 
principes  bien  déterminés.  Aujourd'hui  il  n'y  a 
guère  que  des  cahiers  dont  les  modèles,  quoique 
généralement  fout  soignés,  ne  sauraient  suffire. 
Les  élèves  n'aperçoivent  pas  la  raison  des  formes 
qui  leur  sont  offertes  ;  ils  ne  s'intéressent  pas  à  les 
reproduire,  et  on  le  voit  bien  par  les  fautes  qu'ils 
commettent  dans  le  texte  copié. 

Une  des  causes  qui  nuisent  aussi  à  la  bonne 
écriture  dans  les  écoles  primaires  est  la  multipli- 
cation des  devoirs  à  faire  dans  la  famille.  On  a  peu 
à  peu  glissé  sur  la  pente  tant  reprochée  à  l'ensei- 
gnement secondaire,  et  les  conséquences  ont  été 
les  mêmes  :  l'irrégularité,  l'illisibilité  de  beaucoup 
d'écritures.  Il  y  a,  à  notre  avis,  une  réforme  à 
opérer  sur  ce  point  :  il  faut  restreindre  les  tâches 
toutes  mécaniques,  pour  faire  appel  à  l'invention, 
à  la  réflexion,  à  la  comparaison,  et  tenir  toujours 
compte  de  la  netteté  et  du  soin  apportés  à  un  tra- 
vail écrit  rendu  moins  considérable. 

Cahiers  et  Méthodes  d'écriture.  —  Le  nombre 
des  collections  ùe  cahiers  préparés  pour  les  le- 
çons d'écriture  augmente  de  jour  en  jour.  Chaque 
librairie  classique,  chaque  maison  importante  de 
papeterie  veut  avoir  la  sienne.  Nous  donnons  ici, 
par  ordre  alphabétique  d'auteurs,  celles  dont  l'u- 
sage est,  le  plus  répandu. 

1.  V Ecriture  pratique  démontrée  rapidement 
par  le  système  de  calques  et  de  modèles  à  imiter: 
S  cahiers  de  cursive  par  Charraux,  chez  Maugars. 
Il  n'y  a  pas  de  direction  pour  l'exécution  ;  la  pente 
est  marquée  seulement  sur  3  cahiers  en  lignes 
poinlillées. 

i.  L'Lcrilure  des  écoles  et  des  familles,  par 
Clerget,  ancien  professeur  à  l'école  normale  et  au 


lycée  de  Dijon,  chez  Delagrave  :  12  cahiers,  6  de 
cursive,  1  de  ronde,  1  de  gothique,  1  d'écriture 
française,  1  de  bâtarde  et  d'expédiée  et  2  d'écri- 
ture allemande. 

Les  principes  de  la  méthode  sont  imprimés  sur 
la  couverture  des  cahiers  et  réunis  dans  un  album 
de  modèles  gravés  avec  soin,  à  l'usage  des  maîtres. 

3.  Cours  progressif  d'écriture  contenant  des  exer- 
cices propres  à  conduire  l'élève  à  une  bonne  expé- 
diée, par  V.  Colombel,  inspecteur  de  l'enseigne- 
ment primaire,  chez  Fouraut;  10  cahiers,  9  de 
cursive  dont  5  avec  calque  en  noir,  et  1  de  bâtarde, 
de  ronde  et  de  gothique. 

Les  principes  généraux  et  les  directions  parti- 
cuhères  sont  contenus  en  3  pages  de  la  couver- 
ture. 

4.  Nouvelle  méthode  d'écriture  française,  par 
Ed.  Flament,  professeur  au  lycée  et  aux  écoles 
normales  de  Douai,  chez  Eugène  Belin  :  11  cahiers, 
8  d'écriture  française  dont  4  avec  calque  en  bleu 
clair,  1  de  ronde,  1  de  bâtarde  et  1  de  gothique. 
Quelques  conseils  sur  les  couvertures. 

5.  Nouveaux  cahiers  d'écriture  ou  modèles  gra- 
dués imprimés  en  noir  et  en  bleu,  méthode  Garnier 
frères  :  8  cahiers,  7  de  cursive  et  1  avec  des  mo- 
dèles de  ronde  et  de  gothique. 

6.  Méthode  d'écriture  des  frères  des  écoles  chré- 
tiejvies,  par  F.  P.  B.,  chez  Godchaux  :  12  cahiers, 
8  de  cursive  dont  3  avec  calque,  1  de  ronde,  l  de 
bâtarde,  1  de  gothique  et  1  d'exercices  variés. 

7.  Cahiers  d'écriture  réglés  avec  modèles  gravés 
et  gradué^,  par  Godchaux  :  12  cahiers,  8  de  cursive, 
2  de  ronde,  l  de  bâtarde,  1  de  gothique.  Pas  de 
calque,  ligne  de  pente  pointillée  sur  4  cahiers  de 
cursive. 

8.  Méthode  générale  d'écritures,  par  Gédalge 
jeune  :  12  cahiers,  8  d'anglaise,  2  de  ronde,  1  de 
bâtarde  et  i  de  gothique  ;  calque  en  noir  sur 
2  cahiers  et  ligne  de  pente  pointillée  sur  4. 

9.  Méthode  rationnelle  cCécriture,  par  L.  M-aire, 
chef  d'institution  ;  chez  Aug.  Boyer,  éditeur:  9  ca- 
hiers, dont  6  de  cursive,  1  de  ronde,  1  de  bâtarde 
et  1  de  gothique.  Pas  de  calque,  ligne  de  pente 
sur  4  cahiers. 

10.  Méthode  perfectionnée  d'écritu7'e, pa.vTh.  Mas- 
sicault,  en  vente  chez  Bazin  (maison  Vanblotaque)  : 
10  cahiers,  7  de  cursive,  1  de  ronde,  1  de  bâtarde, 

1  de  gothique.  Directions  pour  la  position  du  corps 
et  la  tenue  de  la  plume. 

1 1.  Cours  complet  d'écriture,  par  M'"' A.  Quema, 
chez  Papillon  et  Herment,  76,  boulevard  Saint- 
Germain:  10  cahiers  de  cursive,  dont  6  avec  calque 
en  bleu,  le  7*  avec  ligne  de  pente  seulement. 

12.  Cahiers  d'écriture  conduisant  rapidement  à 
une  bonne  expédiée  commerciale,  par  Paul  Reverdy, 
chez  Picard-Bernheim  :  10  cahiers,  8  de  cursive 
dont  5  avec  calque  en  bleu,  1  de  bâtarde,  1  de 
ronde  et  de  gothique. 

13.  L'écriture  rendue  facile,  par  L.  Rollin,  chez 
Th.  Lefèvre,  rue  des  Poitevins,  2:  10  cahiers.  7  de 
cursive  dont  5  avec  calque  en  bleu  clair,  1  de  bâ- 
tarde, 1  de  ronde,  I  de  gothique. 

1 4  Cahiers  préparés  d'exercices  d'écriture  d'après 
ta  Méthode  élémeiitaire  de  citographie,  par  J.  Tai- 
clet,  chez  Paul  Dupont:  10  cahiers  de  cursive  dont 
6  avec  calque  en  bistre.  M.  Taiclet  a  publié  à  la 
même  librairie  les  conférences  qu'il  a  faites  dans 
les  écoles  normales  primaires,  depuis  1860,  sur 
l'enseignement  de  l'écriture. 

15.  Écriture  cursive  :  nouveaux  cahiers  Taupier, 
chez  Hachette  :  16  cahiers  oblongs,  10  de  cursive, 

2  de  ronde,  2  de  bâtarde,  2  de  gothique. 

M.  Taupier  avait  été  chargé,  ainsi  que  M.  Tai- 
clet, de  faire  à  la  Sorbonne,  en  1867,  une  confé- 
rence sur  l'enseisnement  de  l'écriture,  aux  insti- 
tuteurs venus  à  l'Exposition  universelle. 

16.  Cahiers  prép.irés  pour  leçons  d'écriture,  mé- 
thode A.-V.  Thiolat,  chez  Hachette:  8  cahiers;  6  de 


ÉCRITURE 


—  644 


ECRITURE 


cursive  avec  calque,  1  de  ronde  et  de  bâtarde,  1  de 
gotliique. 

1 7.  Méthode  pratique  cTécritvre,  par  le  frère  Vic- 
torin ,  chez  Godchaux  :  12  cahiers,  8  de  cursive 
dont  5  avec  calque  en  bleu,  2  de  ronde,  1  de  bâ- 
tarde et  1  de  gothique. 

18.  Nouvelle  méthode  d'écriture  des  frères  Ma- 
ristes,  chez  Hachette:  12  cahiers  oblongs,  8  d'an- 
glaise dont  5  avec  calque  en  pointillé  noir,  2  de 
ronde,  1  de  gotliique  et  1  de  bâtarde. 

19.  Cahiers  d'écriture  de  l'école  Monge,  par 
Crapelet,  chez  G.  Masson  :  9  cahiers  avec  tracés 
pour  tableau  noir  et  lignes  de  pente. 

20.  Méthode  d'écriture  française,  d'après  les 
procédés  du  calque  et  de  l'imitation,  par  Manoury, 
chez  Hacliette,  12  cahiers  in-4  couronne,  dont  10 
•de  cursive,  1  de  ronde,  et  1  de  bâtarde  et  de  gothi- 
que. Dans  cette  méthode,  le  procédé  du  calque  est 
employé  d'abord,  puis  viennent  les  modèles  à  imiter. 

On  ne  trouve  point  dans  ces  collections  un  en- 
semble de  principes  rendant  compte  des  proportions 
des  lettres.  Aussi  ne  faut-il  pas  y  voir  de  véritables 
méthodes  comme  celles  qu'ont  publiées  MM.Werdet 
père  etTaupicr  à.  la  librairie  Hachette,  MM. Régnier 
jeune  et  Clerget  à  la  librairie  Delagrave.  MM.  Colom- 
bel  et  Flamentont  bien  donné  quelques  directions 
sur  l'exécution  de  leurs  modèles,  et  MM.  Massicault, 
RoUin,  Crapelet  et  les  frères  Maristes,  sur  la  po- 
sition du  corps  et  la  tenue  de  la  plume  ;  mais  il 
n'y  a  pas  là  un  ensemble  de  principes  bien  liés. 

L'écriture  la  plus  généralement  enseignée  est  la 
cursive  ou  anglaise  ;  M.  Flament  seul  fait  exception 
dans  toutes  les  collections  énumérées  plus  haut. 
Mais  cette  cursive  n'a  pas  dans  tous  les  cahiers  les 
mêmes  caractères.  Depuis  M.  Werdet,  qui  présente 
le  plus  ancien  type  de  l'anglaise  (voir  aux  spéci- 
mens, n°  1),  jusqu'à  MM.  Régnier  (n°  4)  et  Colom- 
bel  (n"  6),  elle  passe  par  une  série  de  formes  plus 
ou  moins  penchées,  plus  ou  moins  arrondies, 
MM.  Clerget  (n"  2)  et  Taupier  (n  °5j  marquait  les 
degrés  intermédiaires. 

La  pente  qui  dans  M.  Werdet,  comme  dans  les 
cahiers  du  frère  Victorin  et  des  frères  Maristes, 
est  la  diagonale  d'un  rectangle  ayant  3  de  base  et 
4  de  hauteur,  s'incline  peu  à  peu  et  devient  chez 
MM.  Taiclet  (n"  3),  Taupier  et  surtout  Colombel, 
la  diagonale  même  du  carré.  Les  jambages  se 
trouvent  nécessairement  plus  écartés  et  les  ron- 
deurs moins  marquées  à  mesure  que  la  pente  aug- 
mente. La  liaison,  au  lieu  de  partir  du  milieu  du 
jambage,  paît  alors  du  pied  même  du  jambage. 

Ce  genre  a  l'avantage  de  mieux  se  concilier  avec 
le  besoin  d'une  écriture  rapide,  mais  on  lui  reproche 
parfois  d'être  peu  lisible  et  de  tenir  beaucoup  de 
place.  C'est  par  réaction  que  s'est  produit  le  genre 
d'écriture  des  cahiers  Flament  (n"  7),  l'écriture 
dite  française,  mélange  de  la  bâtarde  et  de  la  cou- 
lée. La  pente  n'est  guère  que  la  diagonale  d'un 
rectangle  ayant  5  de  base  et  3  de  hauteur,  et  les 
formes  sont  plus  lourdes  encore  que  dans  la  bâ- 
tarde pure.  Cette  écriture  est  certainement  plus 
lisible  que  celle  des  cahiers  Taupier  et  Colombel, 
mais  elle  est  moins  propre  à  l'expédiée,  parce 
qu'un  mot  peut  rarement  s'écrire  sans  l'elever  la 
plume.  Aussi  se  répand-elle  peu  dans  les  maisons 
de  commerce,  qui  lui  reprochent  encore  la  forme 
lourde  de  ses  chiffres. 

Ici,  comme  en  bien  d'autres  choses,  il  faut  sa- 
voir prendre  un  moyen  terme  entre  les  extrêmes, 
comme  ont  fait  les  auteurs  de  quelques  cahiers. 

La  ronde  et  la  bâtarde  sont,  après  la  cursive, 
d'ua  usage  très  courant.  Nous  donnons  des  mo- 
dèles de  ces  deux  genres,  ainsi  que  de  la  coulée 
et  de  la  gothique,  d'après  les  excellents  modèles 
de  Werdet  (n-  8). 

M.  Flament  a  modifié  la  ronde  classique  en  adop- 
tant pour  les  lettres  m  et  n  des  formes  tirées  de 
a  bâtarde,  afin  de  ne  pas  les  faire  confondre  avec 


r«.  Nous  croyons  qu'il  ne  faut  pas  mêler  ainsi  ce 
deux  genres  d'écriture. 

La  méthode  du  calque  fixe,  si  employée  aujour- 
d'hui, ne  doit  pas  être  trop  généralisée.  Elle  peut 
servir  utilement  à  apprendre  aux  jeunes  élèves  la 
forme  exacte  des  lettres,  mais  elle  suppose  que  le 
maître  a  d'abord  indiqué  la  direction  selon  laquelle 
chaque  lettre  doit  être  exécutée.  Nous  ne  croyons 
pas,  par  exemple,  que  ces  cahiers  puissent  lairc 
l'objet  de  devoirs  dans  la  famille  :  le  jeune  élève 
non  guidé  ferait  souvent  de  gauche  à  droite  ou  de 
haut  en  bas  ce  qui  devrait  se  faire  de  droite  à  gauche 
ou  de  bas  en  haut. 

Il  ne  faut  pas  que  l'élève  soit  trop  exclusivement 
occupé  aux  cahiers  préparés  ;  il  doit  s'exercer  à 
imiter  librement  des  modèles  et  s'habituer,  en 
quelque  sorte,  à  marcher  sans  lisières.  Dans  les 
classes  du  cours  supérieur,  les  cahiers  préparés  ne 
doivent  venir  que  de  temps  à  autre  pour  corriger 
des  formes  devenues  irrégulières  et  ramener  à  l'ap- 
plication des  principes. 

Dans  toute  leçon  d'écriture  le  maître  doit  : 

1°  Rappeler  les  règles  pour  la  position  du  corps 
et  la  tenue  de  la  plume  ; 

2°  Faire  lire  le  modèle,  qui  doit  être  le  même  pour 
toute  la  classe; 

'6°  Montrer  au  tableau  la  manière  d'exécuter  les 
lettres  les  plus  difficiles  ou  celles  qui  sont  le  plus 
souvent  mal  formées  ; 

4°  Enfin  passer  do  table  en  table  pour  redresser 
les  positions  mauvaises  du  corps  et  de  la  plume  et 
corriger  les  formes  bizarres, 

L'écriture  dans  les  écoles  normales  primaires. 
—  Le  programme  dressé  pour  l'enseignement  dans 
les  écoles  normales  primaires,  le  31  juillet  1851, 
avait  fait,  selon  nous,  une  place  trop  grande  à 
l'écriture.  Cela  n'a  rien  d'étonnant  sous  le  régime 
de  la  loi  du  15  mars  1850,  qui  tendait  à  abaisser  le 
niveau  de  l'enseignement  primaire  Ct  à  substituer 
aux  connaissances  solides  des  arts  ou  des  procédés 
tout  mécaniques. 

Il  y  était  dit: 

«L'écriture  comprendra  les  cinq  genres  d'écriture, 
qu'on  est  convenu  d'appeler  gothique,  bâtarde, 
ronde,  coulée  et  cursive. 

«  L'écriture  devra  toujours  être  nette  et  facile 
à  lire. 

«  L'écriture  cursive,  étant  d'un  usage  plus  géné- 
ral, sera  plus  particulièrement  cultivée. 

«  Les  modèles  d'écriture  contiendront  des  ma- 
ximes religieuses  et  morales,  des  traits  remar- 
quables de  l'histoire  de  France,  ou  des  notions 
scientifiques  utiles  aux  instituteurs  et  aux  élèves. 

«  Ou  exercera  les  élèves  à  dresser  des  états 
pareils  à  ceux  qui  sont  en  usage  dans  les  mairies 
et  dans  les  écoles,  des  mémoires,  des  factures,  etc. 

«  Les  élèves  donneront  tous  leurs  soins,  aussi 
bien  à  l'écriture  de  leurs  compositions  et  de  leurs 
rédactions,  qu'à  celle  des  pages  qu'ils  auront  à 
faire  dans  la  leçon  spéciale  d'écriiure. 

«  Il  y  aura  par  semaine  cinq  leçons  d'écriture 
dans  chacune  des  deux  premières  années,  et  deux 
dans  la  troisième. 

«  On  se  servira  pour  ces  leçons  des  cours  et 
modèles  de  Werdet,  de  Taupier  et  de  Taiclet.  » 

C'était  donner  beaucoup  de  temps  à  l'écriture 
quand  l'histoire  et  la  géographie  n'avaient  chacune 
qu'une  leçon  d'une  heure  par  semaine,  et  dans  la 
troisième  année  seulement. 

On  remarquera  que,  d'après  le  règlement  du 
15  février  lSo3,  sur  les  examens  pour  le  brevet  de 
capacité,  comme  plus  tard  dans  ceux  du  3  juillet 
1866  et  du  5  janvier  1881,  l'épreuve  d'écriture  ne 
porte  que  sur  les  trois  principaux  genres  :  l'écri- 
ture cursive,  la  bâtarde  et  la  ronde  (art.  8).  Dès 
lors  à  quoi  bon  inscrire,  au  programme  des  écoles 
normales,  la  gothique  et  la  coulée  ? 

Dans  la  circulaire  du  10  mai  1855,  sur  les  exa- 


K»    1.    —   CURSIVE    WERDET. 


-^ 


o- 


Qj^.ap^66>À^^r^  /^yf>tP7zn^yÂ^^6/^t€^  .^é^'^i^ y^^^z^^^,  y^ptoûîn^. 


K°   2.    —   CURSIVE   CLERGET. 


'^^uuz^^lû7^  û^^^€-' 


^^:z-<;^^p^2.^cZZ€^  ^ 


%^ 


é^L^e^ 


^/Z^^  .^^Z-i^- 


<;::c^9-7^z-<i>'2^-€^. 


N">   3.    —   CURSIVE   TAICLET. 


ay/>6/eà. 


ci^i^  c^^s^c^ 


^s.'t..à^^f-^::i^^a-€:^c^ 


^^^"^^"^^ 


N°    4.    —   CURSIVE   RÉGNIER. 


^''C^'/^l^<^^^^l^e^l^/^ 


S 


^. 


^  i^^^^•^x^^;^>  ^O-^  / 


3. 


-Hcx 


'-L-^Z^i^ 


^.û-tT-a- 


2:SC^{^ 


N"    O.    —     CUR5IVE   TAUPIEU. 


<V 77 


-Ty — rr- 


LAi 


-^-z^^- 


N°    6.    —   CURSIVE  COLOMBEL 


/ 


^^-^/^  C<:::>:^^z 


'z^^<p'y'^^^^/c^.if■^^4^  c>^^>i:^r-'-^<>^^<>^  <?^     '^^^si^^cyc/t.^ 


2--ci.^eyZ^>' 


N"    7.    —   MKTQODE    FLAME.XT. 


r^ 


y7haa&.  zeruJi2ya&. 


N°  8.  —  GENRES  d'Écriture  d'après  werdet. 

(Bâtarde,  coulée,   ronde,  gothiques.) 


-vanneàer.  ^^outoeoù/ey 


-eçMf/ieùkiue;  -eiwftûiiimie-. 


aommc ,  Îï0urcur$ . 


EDENTES 


—  649  — 


ÉGLISE 


mens  du  brevet,  M.  Fortoul  faisait  observer  que  , 
«  l'examen  des  copies  d'écriture  dénote,  chez  pres- 
que tous  les  candidats  qui  n'ont  point  passé  par 
les  écoles  normales,  l'ignorance  absolue  des  prin- 
cipes »,  et  il  demandait  aux  commissions  «  de  juger 
cette  épreuve  plus  sévèrement  que  par  le  passé  ». 

Il  faut  bien  reconnaître,  en  effet,  que  la  calligra- 
phie, cette  partie  importante  des  études  des  anciens 
maîtres  d'école,  n'est  plus  aussi  en  honneur  parmi 
nos  instituteurs.  Cependant  les  administrations 
publiques,  les  maisons  de  commerce  et  surtout 
les  banques  tiennent  plus  que  jamais  en  haute 
estime  les  écritures  régulières;  elles  préfèrent  les 
formes  simples  aux  fioritures  et  la  lisibilité  facile 
à  l'élégance.  Il  faut  donc  ramener  l'attention  du 
personnel  enseignant  sur  cette  branche  essentielle 
des  études  primaires. 

L'arrêté  du  3  août  1881  a  fixé  le  nombre  des 
heures  de  leçons  d'écriture,  dans  les  écoles  nor- 
males d'instituteurs  et  d'institutrices,  à  trois  par 
semaine  en  1"  année,  et  à  une  par  semaine  en 
2*  année  ;  il  n'y  en  a  pas  en  3"  année. 

Une  bonne  écriture  se  rattache  étroitement  au 
dessin,  et  on  a  remarqué  depuis  longtemps  que 
ces  deux  branches  gagnent  à  être  enseignées  con- 
curremmeni.  L'élève  rendu  attentif  à  la  symétrie, 
aux  justes  proportions  des  formes  géométriques, 
le  devient  aussi  au  parallélisme  des  lignes,  au 
tracé  gracieux  des  courbes  composant  les  majus- 
cules :  en  un  mot  il  s'accoutume  à  unir  l'élégance  à 
la  simplicité.  Aussi  avons-nous  remai-qué  à  Boston 
que  les  leçons  élémentaires  de  dessin  d'après  la 
méthode  AValter  Smith  s'appuient  beaucoup  sur 
l'étude  des  formes  géométriques  entrant  dans  la 
composition  des  lettres.  [  B.  Berger.] 

'  ÉDENTÉS.  —  Zoologie,  XII.  —  Les  Edentés 
constituent  parmi  les  mammifères  un  ordre  peu 
homogène  :  quelques-uns,  en  effet,  méritent  bien  le 
nom  qui  leur  a  été  donné  par  les  naturalistes,  et 
sont  presque  complètement  privés  de  dents  ; 
d'autres  possèdent  un  très  grand  nombre  de  ces 
organes,  qui,  toutefois,  par  leur  structure,  diffèrent 
toujours  plus  ou  moins  des  dents  des  autres  qua- 
drupèdes. Chez  certains  Edentés,  dont  le  régime 
est  exclusivement  végétal,  le  museau  est  court,  la 
langue  épaisse,  l'estomac  conformé  un  peu  comme 
chez  les  ruminants  ;  chez  d'autres  au  contraire, 
qui  se  nourrissent  d'insectes,  le  museau  est  allongé 
en  forme  de  groin,  la  langue  filiforme,  l'estumac 
semblable  à  celui  dune  taupe  ou  d'une  musaraigne. 
Mais  chez  tous  le  corps  est  plus  ou  moins  difforme, 
la  démarche  gauche  et  embarrassée. 

En  tête  de  l'ordre  des  Edentés  se  placent  les 
Paresseux  de  lAmérique  méridionale,  animaux  à 
la  tête  arrondie,  aux  bras  longs,  aux  doigts  niun's 
d'ongles  robustes,  à  la  queue  presque  atrophiée,  à 
la  fourrure  grossière.  L'Unau  et  l'Aï,  deux  espèces 
que  l'on  voit  de  temps  en  temps  dans  les  ménage- 
ries, sont,  en  captivité,  d'une  lenteur  extrême, 
mais  déploient,  paraît-il,  à  l'état  sauvage  une  cer- 
taine activité  et  grimpent  sur  les  arbres  pour  dé- 
vorer les  feuilles  et  les  bourgeons. 

Ensuite  viennent  les  Tatous,  qui  vivent  également 
en  Amérique,  et  dont  la  tète,  le  tronc,  parfois 
même  la  queue,  sont  revêtus  d'une  cuirasse 
constituée  aux  dépens  de  la  peau  et  des  poils. 
Cette  cuirasse  se  compose  d'une  série  de  bandes 
articulées,  de  telle  sorte  que  l'animal  peut,  à 
l'approche  du  danger,  se  rouler  en  boule  à  la  ma- 
nière des  cloportes.  Les  Tatous,  qui  étaient  repré- 
sentes, aux  époques  antérieures  à  la  nôtre,  par 
des  formes  gigantesques,  et  qui  comptent  encore 
de  nos  jours  des  espèces  de  grandes  dimensions, 
se  nourrissent  principalement  de  cadavres.  On  voit 
fréquemment  dans  nos  jardins  zoologiques  le  Tatou 
encoubert,  le  Tatou  cahassou  et  le  ChUnnyphore 
tronqué.  —  D'autres  Edentés,  les  Pmigolins,  qui 
habitent  l'Inde  et  l'Afrique,  ont  aussi  le  corps  pro- 


tégé en  dessus  par  une  carapace,  mais  celle-ci 
offre,  au  lieu  de  bandes  mobiles,  des  pièces  cor- 
nées, imbriquées  comme  les  tuiles  d'un  toit.  — 
Les  Oryctéropes,  au  contraire,  qui  par  leur  aspect 
extérieur  méritent  assez  bien  leur  nom  vulgaire  de 
cochons  (le  terre,  ne  présentent  à  la  surface  de  leur 
corps  que  des  poils  clairsemés.  Dans  leur  pays 
natal,  en  Nubie,  en  Abyssinie  et  au  cap  de  Bonne- 
Espérance,  ces  animaux  passent  leurs  journées 
dans  des  terriers  et  ne  sortent  qu'à  la  tombée  de 
la  nuit  pour  se  mettre  à  la  recherche  des  four- 
milières, dont  ils  éventrent  les  parois  avec  leurs 
pattes  et  dont  ils  saisissent  les  habitants  avec  leur 
langue  visqueuse.  —  Enfin  les  Fourmiliers  de 
l'Amérique  tropicale,  qui  se  nourrissent  aussi  de 
fourmis,  ont  les  formes  moins  massives  que  les 
Oryctéropes,  le  pelage  touffu,  la  queue  en  panache 
et  les  doigts  armés  d'ongles  puissants. 

[E.  Oustalet. 

ÉDIT.  — Histoire  générale,  X\XIX-XL  ;  Histoire 
de  France,  XXXVIII-XL.  —  Ce  nom  fut  d'abord 
donné,  chez  les  Romains,  à  une  ordonnance  judi- 
ciaire rendue  chaque  année  par  le  préteur  ou  juge 
au  moment  de  son  entrée  en  charge.  En  l'an  131 
de  notre  ère,  sous  le  règne  d'Adrien,  le  juriscon- 
sulte Salvius  Julianus,  par  ordre  de  l'empereur, 
codifia  tous  les  anciens  édits  prétoriens  et  en 
forma  Védit  perpétuel,  qui  devint  la  base  perma- 
nente de  la  jurisprudence  romaine. 

Le  mot  édit  s'appliquait  aussi,  à  Rome,  à  une 
ordonnance  du  souverain,  et  c'est  dans  ce  sens  qu'il 
a  été  employé  également  dans  l'histoire  du  moyen 
âge  et  des  temps  modernes. 

Parmi  les  édits  les  plus  célèbres,  nous  citerons  : 

Védit  de  Milan  (313),  par  lequel  l'empereur 
Constantin  accorda  aux  chrétiens  la  liberté  du 
culte. 

Ucdit  de  1037,  rendu  par  l'empereur  d'Allema- 
gne Henri  III,  qui  déclara  les  fiefs  d'Italie  hérédi- 
taires, immédiats  et  irrévocables,  et  détruisit  ainsi 
la  puissance  des  grands  vassaux  dans  ce  pays. 

Védit  de  Chài.eaubriant  (1551),  par  lequel  le 
roi  de  France  Henri  II  proscrivit  le  culte  protes- 
tant. 

h'édit  de  Nantes  {\b9S),  sous  Henri  IV,  qui  assura 
aux  protestants  la  liberté  de  conscience  et  une  li- 
berté nartielle  de  culte. 

Vêdlt  de  Paillette  (I60'0  qui  tire  son  nom  de 
Ch.  Paulet,  secrétaire  du  Parlement,  et  par  lequel 
les  membres  ae  ce  corps  reçurent  le  privilège  de- 
transmettre  leur  charge  à  leurs  héritiers  moyen- 
nant le  paiement  d'une  redevance  annuelle. 

EDOUAUD  LE  CONFESSEUR.  —  Histoire  gé- 
nérale, XVIII.  —  Roi  d'Angleterre,  fils  d'Eth'elred, 
monta  sur  le  trône  à  l'extinction  de  la  dynastie 
danoise  (1042).  Il  était  Saxon  par  son  père.  Nor- 
mand par  sa  mère,  et  avait  des  liens  de  parenté 
avec  le  duc  Guillaume  de  Normandie  :  aussi  ce- 
lui-ci réclama-t-il  son  héritage  lorsqu  Edouard 
mourut  sans  enfants  en  10G6.  Son  règne  avait  été 
paisible.  Edouard  fut  un  prince  pieux,  et  l'Eglise 
l'a  mis  au  rang  des  saints. 

EDOUAUD  I",  II,  m,  rois  d'Angleterre.  — 
V.  Plantagenet. 

EDOUARD  IV  ET  'V,  rois  d'Angleterre.  —  \, 
Plantagenet  et  Guerre  des  Deux-Roses. 

EDOUARD  VI,  roi  d'Angleterre,  —  V.  Tndor. 

ÉGLISE  (Etym.  :  du  grec  ekklcsia  ou  ekklisitty 
assemblée).  —  Histoire  générale,  XVI-XXXVIII; 
Histoire  de  France,  III-XL.  —  Nom  donné  à  l'en- 
semble des  personnes  qui  professent  la  foi  chré- 
tienne. 

Nous  avons,  à  l'article  Christianisme,  fait  l'his- 
toire de  l'Eglise  primitive.  Lorsqu'un  schisme,  dont 
les  origines  remontent  à  la  querelle  des  iconoaas- 
tes  et  à  l'élection  du  patriarche  Pliotius  à  Constan- 
tinople,  et  qui  fut  définitivement  consommé  en  1054 
(■V.  Schismes),  eut  séparé  le  siège  de  Constantino- 


EGYPTE 


—  650  — 


EGYPTE 


pie  de  celui  de  Rome,  l'Eglise  chrétienne  se  trouva 
divisée  en  deux  fractions  :  l'Eglise  d'Occident  ou 
Eglise  latine,  qui  s'appela  l'Eglise  catholique, 
apostolique  et  romaine,  et  qui  reconnut  pour  chef 
le  pape;  et  l'Eglise  d'Orient  ou  Eglise  grecque, 
dont  le  chef  fut  le  patriarche  de  Constantinople. 

On  trouvera  l'histoire  de  l'Eglise  romaine  aux 
mots  Papauté,  Conciles,  Hérésies,  Schismes,  Ré- 
forme. Quant  à  l'Eglise  grecque,  elle  vit  se  sépa- 
rer d'elle  successivement  l'Eglise  grecque  tinie,  qui 
s'est  rapprochée  de  l'Eglise  romaine  en  adoptant 
la  formule  signée  au  concile  de  Florence  (1439),  et 
l'Eglise  russe,  qui  se  donna  dès  I58S  un  patriarche 
distinct,  celui  de  Moscou,  et  dont  le  chef,  depuis 
Pierre  le  Grand,  est  le  tsar  de  Russie. 

Plusieurs  communions  chrétiennes  indépendan- 
tes ont  aussi  pris  le  nom  d'Eglise  :  telles  sont 
l'Eglise  arméniejine  et  YEglise  copte,  qui  ont 
adopté  la  doctrine  d'Eutychès  ou  le  monophysisme 
(V.  Hérésies),  et  les  diverses  confessions  dissi- 
dentes qui  se  sont  séparées  de  l'Eglise  romaine 
au  xvi*  siècle  :  YEglise  luthérienne,  YEglise  /m- 
glicane,  YEglise  calviniste  ou  réformée,  YEglise 
presbytérienne  (V.  Réforme).  L'Eglise  gallicane  ou 
Eglise  de  France,  tout  en  reconnaissant  l'autorité 
du  pape  dans  les  choses  spirituelles,  avait  reven- 
diqué dans  la  célèbre  déclaration  de  1G82  certaines 
franchises  connues  sous  le  nom  de  libertés  galli- 
cones  {\.  Louis  XIV.) 

^EGYPTE.  —  Histoire  générale,  III;  Géographie 
générale,  III.  —  L'Egypte  était  appelée  par  ses  ha- 
bitants Kimit,  Kimet,  plus  tard,  par  chute  du  t  fémi- 
nin, Kîmi,  Kime,  »  la  Noire  »,  par  opposition  au 
désert,  Dôshirt,  Dôs/iir,  Dùshi,  «  le  rouge  ».  Le 
Delta  et  la  vallée  jusqu'au  sud  de  Memphis  étaient 
To-mouri,  n  le  pays  des  canaux  »,  ou  To-mih, 
«  le  pays  du  Nord  »  ;  la  vallée  depuis  Memphis  jus- 
•qu'à  Syène,  To-ris  ou  Patkros,  «  le  pays  du  Sud  », 
Ouïsf,  «  la  Thébaïde  ».  Les  deux  parties  réunies 
formaient  Toouï,  «  les  deux  pays  ».  d'oii  le  titre  Niù 
tooiiï,  «  maître  des  deux  pays  »,  pour  les  rois.  Le 
nom  sémitique  Mazor,  chez  les  Assyriens  Mou- 
s'ourei  Mous'ri,  Moudrayà  chez  les  Perses,  aujour- 
d'hui, sous  la  forme  Mvr,  nom  officiel  de  l'Egypte 
■arabe,  était  inconnii  aux  Egyptiens  ;  le  Mizrairn 
<les  Hébreux  en  est  la  forme  duelle  calquée  sur  la 
division  en  deux  pays  des  indigènes.  Le  nom  grec 
Aigyptos, .  d'où  Egypte,  paraît  dériver  d'un  des 
noms  communs  de  Memphis,  Haïc-kou-i,tnh,  avec 
chute  du  ^féminin  Hai-kou-ptnh,  «  la  demeure  de 
Ptah  »,  appliqué  au  pays  entier. 

Géographie  aucierme.  —  L'Egypte  est  propre- 
ment la  vallée  du  Nil,  de  la  première  cataracte  à 
la  mer.  Au  delà  de  la  première  cataracte,  on  ren- 
contrait d'abord  To-Qonous,  la  Nubie,  puis  Koush, 
l'Ethiopie.  On  rattachait  d'ordinaire  à  lEgypte, 
vers  l'ouest,  les  Oasis,  la  vallée  des  Lacs  de  Natron 
(Ouady  Natroun),  et  même  l'oasis  d'Ammon 
{Syouah);  à  l'est,  le  pays  montagneux  situé  entre 
le  Nil  et  la  mer  Rouge,  et  la  côte  de  la  Méditer- 
ranée jusqu'au  torrent  d'Egypte  {Oundy'l  Arish). 

L'Egypte  était  divisée  en  nomes  ou  districts,  dont 
le  nombre  et  l'étendue  varia  selon  les  temps.  On 
en  trouve  le  plus  souvent  quarante-quatre,  dont 
vingt-deux  pour  la  Haute  et  vingt- deux  pour  la 
Basse-Egypte,  chacun  d'eux  administré  par  un 
gouverneur  et  ayant  son  culte  local.  Les  villes 
principales  étaient  :  dans  le  Delta,  Mannofri 
(Mempiiis),  On  du  Nord  (Héliopolis),  Poubasti 
(Bubastis),  Tanis,  Mendès,  Saï  (Saïsj  ;  dans  la 
Haute-Egypte,  Hâkhninsouten  (Héracléopolis),  Oun 
(Hermopolis),  Siout  (Lycopolis),  Ahowl  (Abydos), 
Qoubti  (Coptos),  Ouist  ou  T.  ope  (Thèbes,  Diospo- 
lis  Magna),  Souannou  (Syène)  et  Abou  (Eléphan- 
tine). 

La  race  égyptienne  pure  était  blanche,  et  succéda 
à  une  race  noire  qui  fut  en  partie  refoulée  vers 
'intérieure  de  l'Afrique,  en  partie  absorbée  dans 


la  race  conquérante.  Dans  le  Delta  elle  se  môla 
d'éléments  sémitiques  et  libyens,  qui  en  modifiè- 
rent profondément  la  physionomie.  La  langue  était 
apparentée  de  loin  aux  langues  sémitiques,  et  pa- 
raît se  rattacher  h  une  famille  encore  mal  connue 
à  laquelle  appartiennent  les  dialectes  berbères  et 
certains  idiomes,  Bishori,  Barea,  Hadendoa,  etc., 
parlés  aujourd'hui  encore  entre  le  Nil  et  la  mer 
Rouge,  sur  les  confins  de  l'Abyssinie.  (Pour  l'écri- 
ture, V.  l'article  Hiéroglyphes.) 

Religion  et  morale.  —  La  religion,  d'abord  po- 
lythéiste, ne  tarda  pas  à  aboutir  à  un  monothéisme 
pratiqué  par  les  classes  instruites.  Le  Soleil,  la 
Lune,  le  Nil,  autant  de  dieux  différents  adorés 
selon  les  lieux  sous  des  noms  divers  :  ainsi  le 
soleil  était  Rù  à  Héliopolis,  Anbour  dans  Abydos, 
Hor  et  Shou  dans  certaines  villes  du  Delta.  Dès 
les  premiers  monuments  qui  nous  aient  été  con- 
servés, tous  ces  dieux  n'étaient  plus  que  des  for- 
mes secondes,  et  comme  le  nom,  d'un  seul  être,  qui 
les  résumait  tous  et  qu'on  nommait  simplement 
«  dieu  »,  houtir,  ou  «  le  dieu  grand  ».  pa  noutir  ô/i, 
Ptah  ou  Phtah  était  le  nom  de  ce  dieu  à  Mcmphi«, 
Ammon  son  nom  à  Thèbes,  Sovek  son  nom  à  Om- 
bos  :  l'étiquette  changeait,  l'ôtre  adoré  restait  le 
même.  Il  était  le  «  un  unique,  aux  bras  multiples.  » 
le  «  père  des  pères  »,  la  «  mère  des  mères  »,  lo 
«  vieillard  toujours  rajeuni.  »  Unique  en  substan- 
ce, il  n'était  pas  unique  en  personne,  mais  se  fai- 
sait père  et  mère,  mère  et  fils,  et  composait  une 
véritable  trinité  :  Ammon,  le  père.  Moût,  la  mère, 
Khonsou,le  fils,  à  Thèbes;  Osiris,  Isis,  Hor  dans 
Abydos;  Phtah,  Sokhit  et  Imhotpou  (hnouthés)  :i 
Memphis.  Ce  dieu  se  crée  lui-même  'i  chaque  ins- 
tant de  son  existence,  et,  se  créant,  crée  le  ciel  et 
la  terre.  Sa  vie  et  la  vie  du  monde  ne  sont  donc 
qu'une  création  perpétuelle,  et  par  suite  une  lutte 
perpétuelle  contre  les  puissances  mauvaises  qui 
tondent  5,  faire  rentrer  le  monde  dans  le  néant. 
C'était  la  guerre  du  dieu  Soleil  contre  le  serpent 
Aphophi,  la  guerre  d'Osiris  contre  Set-Typhon. 
Osiris,  surpris  en  trahison  par  son  adversaire,'  dé- 
membré par  lui,  ressuscitait  par  les  soins  d'Isis, 
et,  prenant  le  nom  d'Hor,  triomphait  à  son  tour, 
mais  sans  jamais  détruire  l'ennemi.  Sa  destinée 
divine  devenait  le  type  de  la  destinée  humaine. 
L'homme,  composé  du  corps,  du  double  (A-«),  et  de 
l'àme,  devenait  au  moment  de  la  mort  identique  à 
Osiris  :  on  disait  YOsiris  Séti,  comme  on  dit  chez 
nous  défunt  .lean.  Sous  cette  forme,  tandis  que  le 
corps  et  le  double  allaient  s'enfermer  dans  le  tom- 
beau, où  le  double  continuait  une  sorte  de  vie 
spectrale,  l'âme  continuait  dans  l'autre  monde  la 
série  de  ses  existences  ou  plutôt  de  ses  devenirs 
{khoprioii).  Elle  avait  h  lutter  contre  les  puissances 
mauvaises,  et  le  chapitre  C.\XV  du  Livre  des  Morts 
nous  apprend  les  vertus  qu'elle  devait  avoir  pos- 
sédées sur  terre  afin  de  pouvoir  arriver  plu?  tard 
à  la  félicité  suprême.  «  Jamais,  disait-elle  devant 
le  jury  infernal  chargé  de  la  juger,  jamais  je  n'ai 
commis  de  péché  contre  les  hommes!  Je  n'ai  pas 
tourmenté  la  veuve  !  Je  n'ai  pas  enlevé  le  lait  de 
la  bouche  des  nourrissons  !  Je  n'ai  pas  porté  de 
faux  témoignage  !  Je  ne  connais  pas  le  mensonge  !... 
Je  n'ai  pas  calomnié  l'esclave  auprès  de  son  maître! 
Je  n'ai  pas  affamé  !  Je  n'ai  pas  fait  pleurer  !  Je 
n'ai  pas  tué  !...  Je  n'ai  pas  fait  de  gains  fraudu- 
leux!... Je  suis  pur,  je  suis  pur,  je  suis  pur.  »  Et 
ailleurs,  il  ajoutait  avec  plus  de  force  :  a  J'ai  donné 
des  pains  à  qui  avait  faim  !  J'ai  donné  de  l'eau  à  qui 
avait  soif!  J'ai  donné  des  vêtements  au  nu  ».'  Le 
culte  égyptien  était  peu  sanglant  :  rarement  des 
victimes,  le  plus  souvent  des  fleurs  et  des  fruits. 
La  plupart  des  cérémonies  se  pratiquaient  dans 
l'intérieur  des  temples,  où  les  profanes  n'étaient 
jamais  admis;  à  de  certains  jours  seulement,  l'ar- 
che sainte,  qui  renfermait  parfois  l'image  du  dieu 
et  le  plus  souvent  ne  rcntermait  rien,  sortait  en 


EGYPTE 


—  651 


EGYPTE 


procession  sur  les  épaules  des  prêtres,  et  parcou- 
rait les  cours  du  temple,  les  rues  de  la  ville,  les 
campagnes  environnantes.  Les  statues  des  dieux 
avaient  tantôt  la  forme  humaine,  tantôt  la  forme 
animale,  tantôt  une  forme  mixte  résultant  de  la 
confusion  de  l'homme  et  de  la  bête.  Hor  était  tan- 
tôt un  homme,  tantôt  un  épervier,  tantôt  un  homme 
à  tête  d'épervier  ou  un  épervier  h  tète  humaine. 
L'animal  ainsi  choisi  devenait  le  symbole  vivant 
du  dieu,  et  prenait  la  dignité  d'animal  sacré  Le 
plus  connu  des  animaux  sacrés  était  le  bœuf  Hapi, 
qui  procédait  à  la  fois  d'Osiris  et  de  Phtah.  Vivant, 
il  était  «  la  seconde  vie  de  Phtah  »  et  «  l'âme  d'Osi- 
ris»; mort,  il  devenait  Osiri-Hapi  ou  Sérapis.  On 
le  reconnaissait  à  certaines  marques  spéciales 
qu'il  avait  sur  le  corps  :  la  vache  qui  l'avait  porté 
passait  pour  vierge  et  concevait  par  une  opération 
divine.  Il  résidait  pendant  sa  vie  dans  le  grand 
temple  de  Phtah  à  Memphis,  et  après  sa  mort  était 
enterré  dans  le  Sérapéum  avec  les  autres  Hapis, 
ses  prédécesseurs. 

Mœurs  et  coutumes.  —  L'Egypte  était  un  pays 
féodal,  dont  le  sol  était  divisé  entre  le  roi  et  les 
temples  ou  les  princes  qui  tenaient  du  roi,  à  titre 
héréditaire,  des  villes,  des  portions  de  nomes  et  des 
nomes  entiers.  Ces  princes  {Inq)  devaient  au  roi 
un  tribut  et  le  service  militaire  ;  les  femmes  héri- 
taient au  même  titre  que  les  hommes,  et  faisaient 
passer  les  biens  de  la  famille  au  mari  qu'elles  se 
choisissaient  et  h  leurs  enfants.  Ces  petites  dynas- 
ties locales  étaient  pour  la  dynastie  qui  rognait  sur 
toute  l'Egypte  un  sujet  d'inquiétudes  perpétuelles. 
Quand  le  souverain  vivant  avait  la  main  ferme,  il 
les  maintenait  dans  l'obéissance  sans  trop  de  peii>e  ; 
sinon  les  princes  refusaient  le  tribut,  se  déclaraient 
indépendants,  essayaient  de  déposséder  la  famille 
régnante  et  y  réussissaient  quelquefois.  Le  reste 
de  la  population  se  divisait  en  classes  ouvertes, 
■que  les  auteurs  anciens  ont  confondues  par  erreur 
avec  les  castes.  Il  est  vrai  que  certaines  fonctions 
se  perpétuaient  dans  certaines  familles,  que  sou- 
vent le  fils  du  prêtre  était  prêtre  et  le  fils  du  soldat 
soldat;  mais  ce  n'était  pas  par  obligation,  c'était 
par  hérédité  d'usage  ou  de  convenance,  comme 
cheir  nous  le  fils  d'un  n  élecin  ou  d'un  professeur 
devient  médecin  ou  professeur  à  son  tour.  Les 
inscriptions  prouvent  que  toutes  les  professions 
pouvaient  se  trouver  réunies  dans  la  même  famille, 
et  c'est  un  lieu  commun  de  la  rhétorique  égyp- 
tienne que  le  scribe,  c'est-à-dire,  l'homme  ins- 
truit, arrive  à  tout.  Aussitôt  donnait-on  les  plus 
.grands  soins  à  l'éducation  des  enfants,  et  les  éco- 
les publiques  étaient-elles  fréquentées  par  les 
garçons  et  par  les  filles,  au  moins  pendant  les  épo- 
ques brillantes.  Les  bourgeois,  les  paysans  et  les 
esclaves  n'étaient  pas  dans  des  conditions  is  vie 
malheureuse  :  les  ouvriers  des  grandes  villes, 
telles  que  Thèbes  et  Memphis,  souffraient  davan- 
tage. L'impôt  pesait  sur  la  terre  et  sur  les  produits 
des  manufactures,  sans  qu'on  sache  au  juste  dans 
quelle  proportion.  Le  commerce  se  faisait  par 
échange,  ou  bien,  la  monnaie  n'étant  pas  connue, 
au  moyen  de  lingots  d'or,  d'argent  et .  de  cuivre 
qu'on  pesait  chaque  fois.  L'unité  courante  était 
Vouten,  environ  'J2  grammes.  Peu  d'administrations 
ont  été  a.\i%s,i  iiaperassières  que  l'était  l'administra- 
tion égyptienne  :  chaque  opération  du  trésor  exi- 
geait l'envoi  de  lettres,  de  rapports,  d'ordres  écrits, 
dont  un  grand  nombre  sont  parvenus  jusqu'à  nous 
et  nous  permettent  de  rétablir  petit  à  petit  fout  le 
système  du  gouvernement.  La  loi  était  équitable 
et  douce  :  elle  n'ordonnait  que  rarement  la  peine 
de  mort,  et  ne  connaissait  pas  les  supplices  cruels 
usités  dans  tout  le  reste  de  l'Orient.  Elle  était  ap- 
pliquée par  des  juges  locaux,  assistés  d'un  jury,  et 
relevant  d'un  grand  conseil  suprême  dont  chaque 
membre  était  élu  par  un  des  nomes  de  l'Egypte. 
L'armée  se  recrutait  par  les  contingents  des  prin- 


ces et  des  temples,  par  des  levées  faites  sur  les 
terres  du  roi,  et  par  l'adjonction  de  troupes  auxi- 
liaires composées  de  prisonniers  noirs  ou  de  mer- 
cenaires asiatiques  et  libyens.  Elle  comprenait  de 
l'infanterie  de  ligne  pesamment  armée,  de  l'infan- 
terie légère,  et  des  chars.  La  marine  militaire  était 
formée  de  matelots  indigènes,  et  en  partie  d'auxi- 
liaires phéniciens.  Les  monuments  nous  font  con- 
naître en  détail  la  vie  privée  des  anciens  Egyptiens. 
Leurs  maisons  étaient  petites,  étroites;  leur  train 
ordinaire  et  leur  nourriture  des  plus  simples.  La 
famille  était  très  unie  ;  la  polygamie  était  permise, 
mais  rarement  pratiquée  :  seuls  ,  les  Pharaons 
avaient,  par  nécessité  politique,  un  harem  bien 
rempli.  La  femme  égyptienne  était  d'ailleurs  aussi 
libre  que  la  femme  moderne.  Elle  héritait  au 
même  titre  et  dans  la  même  proportion  que  ses 
frères,  conservait  dans  le  mariage  la  libre  disposi- 
tion de  ses  biens.  Son  titre  comme  femme  mariée 
était  7iibt  îït,  «  la  maîtresse  de  la  maison  ». 

Histoire  :  l'Egypte  pharaonique.  —  On  n'a  pas 
encore  réussi  à  construire  une  chronologie  abso- 
lue qui  permette  de  dire  exactement  en  quelle  an- 
née avant  J.-C.  se  passa  tel  ou  tel  événement  de 
l'histoire  d'Egypte  ;  mais  la  chronologie  relative 
des  faits  est  bien  établie.  Vers  l'an  oOOO  avant 
notre  ère,  un  prince  do  Tliinis,  dans  la  Moyenne- 
Egypte,  nommé  Mini  (Menés),  réunit  toutes  les 
principautés  indépendantes  qui  se  divisaient  le 
pays,  et  en  fit  un  seul  État,  auquel  il  fonda  une 
capitale  nouvelle,  M-^mpliis.  A  partir  de  lui  jus- 
qu'à la  conquête  d'Alexandre,  l'historien  Manéthon 
comptait  trente  dynasties.  Le  titre  officiel  de  cha- 
cun des  rois  était  Souten,  «  le  roi  »,  ou  Pherô  (d'où 
PAa'v;on),  littéralement  «  la  grande  maison.  »  Par 
une  fiction  religieuse,  il  était  appelé  Si-Râ,  «  fils 
du  Soleil  »,  et  était  censé  descendre  du  dieu. 
Les  trente  dynasties  passaient  pour  ne  former 
qu'une  famille,  et  cette  prétention  était  justifiée 
en  partie  au  moins  :  le  chef  de  chaque  dynastie 
nouvelle  éi  ousait  lui-même  ou  faisait  épouser 
à  ses  fils  les  princesses  héritières  de  la  dynastie 
précédente.  On  partage  les  trente  dynasties  en 
quatre  fractions  -correspondant  à  quatre  pério- 
des :  la  pcrio'/e  Memphite  (l'-x"  dynasties),  pen- 
dant laquelle  Memphis  fut  la  capitale  de  l'Egypte  ; 
la  prenâère  période  Thébaine  (xi'^-xvi'  dynasties\ 
séparée  par  l'invasion  des  Pasteurs  de  la  seconde 
période  Thébaine  (xvn^-xx°  dynasties),  périodes 
pendant  lesquelles  Thèbes  devint  la  capitale  ; 
enfin  la  période  Suite  (xxi'-xxx«  dynasties),  pen- 
dant laquelle  les  différentes  villes  du  Delta,  et 
surtout  Sais,  furent  le  siège  des  familles  régnantes. 

Les  descendants  directs  de  Mini  fournirent  les 
deux  premières  dynasties  (Thinites),  pendant  les- 
quelles la  constitution  religieuse  et  politique  de 
l'Egypte  acheva  de  se  former.  A  l'ouest  les  tribus 
libyennes,  à  l'est  les  nomades  du  désert,  au  sud 
les  nègres  d'Ethiopie,  furent  vaincus  et  soumis  au 
tribut;  la  péninsule  du  Sinaï  fut  colonisée  pour 
l'exploitation  des  mines  de  cuivre  et  de  turquoises 
qu'elle  renfermait,  et  devint  partie  intégrante  de 
l'empire.  Sous  les  trois  dynasties  suivantes  (Mera- 
phites),  des  Pharaons  conquérants  et  construc- 
teurs, Snofrou,  Khoufi  (Khéops).  Khâfri  (Khe- 
phren),  Menkourî  (xMykérinos),  qui  édifièrent  les 
trois  grandes  pyramides,  firent  de  l'Egypte  le  pays 
le  plus  puissant  et  le  plus  prospère  qu'il  y  eût  à 
la  surface  du  globe.  Non  seulement  les  arts,  mais 
la  littérature  étaient  florissants  :  nous  avons,  de 
cette  époque,  un  traité  de  morale  :  les  Insfruetions 
de  Phtahhotpou,  des  livres  de  médecine,  et  de 
nombreux  fragments  d'hymnes.  Sous  la  vi<=  dy- 
nastie (Eléphantine),  les  expéditions  heureuses  de 
Pipi  I''  mirent  pour  un  moment  la  Nubie,  et  peut- 
être  une  partie  de  la  côte  syrienne,  sous  l'autorité 
immédiate  des  Pharaons.  Mais  des  troubles  éclatè- 
rent, pendant  lesquels  Memphis  perdit  la  prépon- 


EGYPTE 


—  632  — 


EGYPTE 


dérance.  Le  centre  de  gravité  de  l'Egypte  se  dé- 
plaça et  descendit  vers  le  sud.  Il  s'arrêta  un  instant 
à  Khninsouten  (ix*  et  x'  dynasties,  Héracléopoli- 
taines},  et,  après  quelques  oscillations,  vint  se 
fixer  à  Thèbes,  où  il  resta  près  de  deux  mille  ans. 

La  II*  dynastie  d'abord,  puis  la  iii'',  firent  de 
Thèbes  la  capitale  du  pays  entier,  vers  3500  avant 
J.-C.  Tous  les  souverains  delà  xii'  dynastie  furent 
à  des  titres  divers  des  hommes  remarquables.  Ils 
portèrent  surtout  leur  attention  vers  le  Sud.  Ou- 
sirtasen  1^%  Amenemhaît  II,  Ousirtasen  II  refou- 
lèrent, en  un  siècle,  les  tribus  qui  occupaient  la 
Nubie,  et  leur  substituèrent  des  colons  égyptiens. 
Ousirtasen  III  fixa  la  frontière  h  la  seconde  cata- 
racte. Amenemhaît  III  régularisa  le  système  des 
canaux  qui  couvraient  l'Egypte,  et  agrandit  dans 
le  Fayoum  le  célèbre  lac  Mœris.  Sous  la  xiii«  dy- 
nastie, la  conquête  de  l'Ethiopie  fut  achevée  jus- 
qu'à la  qu:itrième  cataracte  ;  mais  des  guerres  ci- 
viles afl'aibJirent  l'Egypte  et  la  livrèrent  presque 
désarmée  aux  pasteurs  cananéens  (Shos)  qui  n/j- 
naçaicnt  la  ironiière  syrienne.  Le  chef  de  ces  pas- 
teurs, Shalit  (Salatis),  prit  Memphis  ;  ses  succes- 
seurs réduisirent  les  princes  tliébains  (xv'  dynas- 
tie), qui  se  maintenaient  encore  dans  le  sud,  et  ils 
lormèrent,  sous  le  nom  de  Hyk-shos,  «  rois  des 
pasteurs  »,  une  dynastie  nouvelle  (xvi'),  qui  régna 
plusieurs  siècles  sur  l'Egypte. 

Vers  l'an  2000,  les  princes  thébains  se  soulevè- 
rent, et  pendant  cent  cinquante  ans  (xvir  dynas- 
tie) reconquirent  pied  à  pied  le  territoire  que  leurs 
ancêtres  avaient  perdu.  Les  Pasteurs  chassés 
d'Avaris  (Ha-ouar)  par  Ahmôs  I"',  la  xviii'  dynastie 
ouvrit  l'ère  des  grandes  conquêtes.  Thoutmôs  1" 
soumit  la  Syrie  et  pénétra  jusqu'à  l'Euphrate.  Ses 
successeurs,  et  parmi  eux  surtout  Thoutmôs  III, 
Amenhotpou  (Aménophis)  II  et  Amenhotpou  III, 
portèrent  la  puissance  de  l'Egypte  à  son  apogée. 
La  Mésopotamie,  la  Syrie,  la  Phénicie,  l'Arabie 
Pétrée,  les  Libyens,  toute  la  vallée  du  Nil  jusqu'à 
la  région  des  grands  lacs,  payèrent  le  tribut  :  l'As- 
syrie et  la  Cîialdée  elles-mêmes  furent  entamées 
(V.  Assyrie).  Des  guerres  religieuses  ruinèrent, 
après  trois  cents  ans,  la  grandeur  égyptienne.  Mais 
ce  ne  fut  que  pour  un  moment.  Les  rois  de  la 
XIX'  dynastie,  Ramsès  I",  Séti  I'^'',  Ramsès  II,  ra- 
menèrent h  l'ûb  Jissance  les  provinces  qui  s'étaient 
soulevées  ;  Ramsès  II  surtout,  le  Sésostris  des 
Grecs,  dont  le  long  règne  de  soixante-sept  ans  fat 
peut-être  le  temps  le  plus  heureux  de  l'Egypte. 
Mais  après  Ramsès  II,  l'invasion  des  peuples  pira- 
tes de  l'Archipel  grec  et  de  l'Asie  Mineure,  re- 
poussée à  grand'peine  sous  Minepl)tah  I''  ;  puis 
l'usurpation  de  quelques  princes  ambitieux  et 
l'invasion  des  peuples  syriens,  remirent  tout  en 
question.  Ramsès  III,  le  dernier  des  grands  con- 
quérants égyptiens,  sauva  encore  une  fois  l'Egypte. 
Sous  ses  successeurs  (xx'  dynastie-,  le  pays,  épuisé 
par  huit  siècles  de  luttes,  perdit  successivement  et 
sans  secousses  toutes  ses  provinces  extérieures. 
Les  grands-prêtres  d'Ammon  thébain  profilèrent  de 
la  faiblesse  des  derniers  Ramsès  pour  ceindre  la 
couronne  ;  mais  les  villes  du  Delta  n'acceptèrent 
pas  leur  joug.  Tandis  que  Thèbes  et  l'Ethiopie 
demeuraient  aux  mains  des  prêtres  d'Ammon, 
Memphis  et  le  Delta  proclamaient  la  xxi''  dynastie 
(Tanite). 

Elle  ne  fit  que  passer  sur  le  trône.  Le  premier 
roi  de  la  xxir'  dynastie  (Bubastite),  Shishonq  P'', 
essaya  do  recouvrer  la  Palestine,  s'allia  avec  Jé- 
roboam qui  venait  de  fonder  le  royaume  d'Israël, 
prit  et  pilla  Jérusalem.  Après  lui,  l'Egypte  ne  tarda 
pas  à  se  diviser  en  vingt  Etats  indépendants.  Les 
ïanites  de  la  x.xin'  dynastie,  attaqués  par  les  rois 
d'Ethiopie  descendants  des  grands-prêtres  d'Am- 
mon, qui  essayaient  de  reconstituer  à  leur  profit  le 
royaume  des  Ramessides  (Piônkhi-Miamoun  et 
KasIito\   cédèrent    la  place  au    Saîte   Bokenranf 


(Bocchoris,  xxiv«  dynastie),  qui  lui-môme  fut  dé- 
trôné parShabakou,  roi  de  Napata  (Sabacon,  Sua). 
L'Egypte  devint  une  annexe  de  l'Ethiopie  (xxv* 
dynastie).  Ses  nouveaux  maîtres  ne  surent  pas  la 
protéger  contre  les  Assyriens  (V.  Assyrie)  qui, 
après  avoir  conquis  la  Palestine,  venaient  d'arriver 
aux  confins  du  Delta.  Shabakou  fut  battu  par  Sa- 
ryoukin  à  Raphia  (720)  ;  son  second  successeur, 
Taharqou  (Téarcon,  Tirhakah),  fut  moins  heureux 
encore.  L'Egypte,  conquise  par  Assourakhéidin 
(672),  reconquise  par  Taharqou,  envahie  de  nou- 
veau par  Assourbanhabal  (666),  devint  un  champ 
de  bataille  dont  Assyriens  et  Ethiopiens  se  dispu- 
tèrent la  possession.  Psamitik  !•',  de  Sais,  aidé  par 
des  mercenaires  ioniens  et  cariens,  la  délivra  et 
lui  donna  une  dynastie  nouvelle  (la  xxvi*),  qui  ré- 
gna non  sans  gloire  pendant  un  siècle  et  quart. 
xNéko  II,  vainqueur  de  Josiah  à  Mageddo,  vaincu  par 
Naboukoudouroussour  (V.  Chaldée)  à  Karkémisch 
(610),  ne  put  conserver  la  Syrie  qu'il  avait  un  moment 
reprise  ;  Ouhabrî  'Apriès,  Ouaphrîs)  se  rendit  maî- 
tre de  la  Phénicie  et  de  Chypre  et  fat  détrôné 
par  Ahmôs  II  (Amasis).  Ahmôs,  menacé  par  les 
Chaldéens,  puis,  après  la  chute  de  la  Chaldée,  par 
Cyrus  et  les  Perses  {\.  Perse),  sut  maintenir  son 
pouvoir  intact  pendant  plus  de  cinquante  ans 
(ô77-52.'>).  L'orage  éclata  aussitôt  après  sa  mon. 
Psamitik  III,  vaincu  à  Péluse,  pris  dans  Memphis, 
fut  détrôné  :  Cambyse  se  proclama  roi  et  l'Egypte 
devint  une  province  de  l'empire  perse  (S25).  Elle 
ne  se  résigna  pas  à  sa  défaite.  De  nombreuses 
révoltes  sous  Darius,  Xerxès,  Artaxerxès  I",  pré- 
parèrent l'avènement  en  408  d'un  roi  national, 
Amyrtasos  (xxviii'  dynastie,  Saîte),  auquel  succé- 
dèrent deux  autres  dynasties  nationales,  la  xxix*  et 
la  XXX'.  La  défaite  de  Nakhtnibf  (Nectanébo)  par 
Ochus  ramena  les  Perses  (xxxi*  dynastie)  pour 
quelques  années  seulement.  En  330,  Alexandre 
conquit  l'Egypte,  et  fonda  Alexandrie  sur  l'empla- 
cement du  bourg  égyptien  de  Rhakotis. 

U Egypte  gréco-romaine.  —  La  conquête  de  l'E- 
gypte par  les  Grecs  rendit  au  pays  une  nouvelle 
vigueur.  Après  la  mort  d'Alexandre  le  Grand,  un 
de  ses  généraux,  Piolémée,  filsdeLagus,  maintint 
le  pouvoir  de  la  famille  du  conquérant  sous  le  nom 
de  Philippe  Arrhidée  et  d'Alexandre  ^Egus  (xxvii* 
dynastie.  Macédonienne),  et  après  la  mort  de  ce 
dernier,  prenant  le  titre  de  roi,  devint  le  chef  de 
la  dernière  des  grandes  dyi'asties  égyptiennes 
(xxxiii'),  celle  des  Lagides.  Il  joignit  à  la  vallée  du 
ISil  la  Palestine,  la  Phénicie,  la  Cœlésyrie,  Chypre, 
la  Cyrénaîque,  les  côtes  de  la  Mer  Rouge,  une 
partie  des  Cyclades.  Il  développa  le  commerce,  et 
fit  d'Alexandrie,  par  la  construction  du  port,  le 
marché  du  monde  oriental  ;  par  la  fondation  du 
Musée  et  de  la  Bibliothèque,  le  centre  de  la  vie 
intellectuelle  de  l'époque.  Ses  deux  successeurs 
Ptolémée  II  Philadelphe  (284-246)  et  Ptolémée  III 
Evergète  (246-221)  portèrent  au  plus  haut  point 
la  puissance  égyptienne;  après  eux  la  décadence 
commence.  Ptolémée  IV  Philopator  (221-204), 
battit  encore  Antiochus  de  Syrie  à  Raphia,  mais 
son  fils  Ptolémée  V  Epiphane  (20i-181)  ne  fut 
sauvé  de  la  captivité  que  par  l'intervention  du 
sénat  romain.  Dès  lors  ce  ne  furent  plus  que 
guerres  civiles  et  révolutions  intérieures.  Les  Pto- 
lémées  avaient  laissé  aux  Eg3'ptiens  leur  admi- 
nistration, leur  religion  et  leurs  coutumes  :  ils 
avaient  pris  tous  les  titres  des  Pharaons  et  s'é- 
taient bornés  à  fonder  deux  colonies,  dont  l'une, 
Alexandrie,  dominait  le  Delta,  tandis  que  l'autre, 
Plolémais,  commandait  la  Haute-Egypte.  Cepen- 
dant, les  Egyptiens  se  soulevèrent  plus  d'une  fois, 
et  essayèrent  de  chasser  les  Grecs  pour  rétablir 
leurs  dynasies  nationales.  Dans  la  dernière  de  ces 
révoltes,  Thèbes,  déjà  bien  réduite,  soutint  un 
siège  de  trois  ans  (87-84)  après  lequel  elle  fut 
détruite   par  Ptolémée  X  :    désormais,  ce  ne  fut 


EGYPTE 


633 


EGYPTE 


plus  qu'une  cité  ruinée,  sur  l'emplacement  de  la- 
quelle s'élevèrent  plusieurs  bourgades.  Au  milieu 
de  ces  troubles,  la  puissance  romaine  devenait  de 
plus  en  plus  menaçante  ;  Pompée,  puis  Gabi- 
nius,  intervenaient  officiellement  dans  les  que- 
relles de  la  dynastie.  César,  assiégé  dans  Alexan- 
drie {47\  faisait  et  défaisait  les  rois.  La  dernière 
Lagide,  Cléopâtre  (52-30),  après  avoir,  par  l'ascen- 
dant du  triumvir  Antoine,  dominé  plusieurs  an- 
nées sur  l'Orient,  vaincue  avec  lui  à  Actium  et 
prisonnière  d'Auguste,  se  donna  la  mort  pour  ne 
pas  survivre  à  la  perte  de  la  royauté  (30).  L'Egypte 
fut  réduite  en  province  romaine. 

Sous  la  domination  des  Césars,  l'Egypte  devint 
un  des  greniers  de  Rome.  Quelques  révoltes  aus- 
sitôt réprimées  marquèrent  l'agonie  de  l'esprit 
national  :  l'esprit  religieux  subsista  plus  longtemps. 
La  race  indigène  s'enfonça  dans  l'ignorance  et 
le  fanatisme,  et  les  maîtres  latins,  comme  aupara- 
vant les  maîtres  grecs,  l'y  encouragèrent  de  leur 
mieux.  Les  grands  temples  d"Edfou,  de  Philœ,  de 
Dendérah,  d"Ombos,  d'Esnèh,  sont  le  témoignagne 
le  plus  splendide  qu'on  puisse  imaginer  de  la  fer- 
veur pieuse  de  ce  dernier  âge.  Ils  n'étaient  pas  en- 
core terminés  quand  le  christianisme  survint.  Im- 
porté de  bonne  heure  à  Alexandrie,  vers  l'an  62 
de  notre  ère,  il  se  répandit  de  là  dans  la  Haute- 
Egvpte.  La  lutte  fut  longue  entre  lui  et  le  vieux 
culte.  Dès  le  milieu  du  ni'  siècle,  les  grandes 
constructions  de  temples  étaient  arrêtées  ;  l'Arabe 
Philippe  est  le  dernier  empereur  qui  ait  fait  tran- 
scrire son  nom  en  hiéroglyphes.  Au  temps  de 
Dioclétienet  de  Constantin,  l'Egypte  était  plus  qu'à 
moitié  chrétienne,  et  prenait  une  part  ardente  aux 
discussions  théologiques  qui  divisaient  alorsl'Eglise. 
Elle  était  alors  orthodoxe,  et  les  deux  évèques 
d'Alexandrie,  Alexandre,  puis  Athanase,  furent  les 
défenseurs  de  la  foi  contre  les  Ariens  d'abord,  puis 
contre  Julien  Moins  d'un  siècle  plus  tard,  elle  se  sé- 
parait de  l'Eglise  orthodoxe  et  embrassait  l'hérésie 
d'Eutychès  (451),  qui  domine  encore  aujourd'hui 
dans  l'Eglise  copte.  Cependant,  la  vieille  religion, 
à  peu  près  anéantie  dans  le  Delta  et  dans  la  Thé- 
baîde,  se  maintenait  encore  à  Philœ  avec  le  culte 
d'Isis,  grâce  à  la  protection  de  la  tribu  des  Blem- 
myes,  ennemie  de  l'empire.  Elle  ne  disparut  que 
vers  554,  dans  les  dernières  années  du  règne  de 
Justinien  I'^.  Quant  à  la  vie  politique,  elle  était 
morte  depuis  longtemps,  et  l'Egypte  n'était  plus 
qu'un  membre  inerte  de  l'Etat  byzantin.  Envahie 
par  Chosroës,  en  C19,  et  soumise  aux  Perses  pen- 
dant dix  ans  (619-629),  elle  ne  fut  reprise  par  Hé- 
raclius  I"'  que  pour  tomber  bientôt  après  entre  les 
mains  des  Arabes.  Amr-ben-el-As,  lieutenant  du 
khalife  Omar,  l'envahit  en  63^,  prit  Memphis,  en 
face  duquel  il  fonda  Foslât,  qui  devint  plus  tard 
un  quartier  du  Caire,  enleva  Alexandrie  après  un 
long  siège  (611),  et  fit  de  l'Egypte  une  province 
de  l'empire  musulman. 

L'Egi//4e  arabe  et  turque.  —  Elle  suivit  d'abord 
la  fortune  des  khalifes,  et  fut  administrée  par  des 
gouverneurs  dépendant  des  Omme3-ades  (661-750) 
et  des  Abbassides  \750-870).  Colonisée  par  des  tri- 
bus arabes  et  syriennes,  une  partie  de  sa  popula- 
tion devint  musulmane  :  le  reste  demeura  chrétien 
et  fut  d'abord  traité  avec  douceur.  En  peu  d'années, 
les  Grecs  disparurent,  et  la  seule  langue  qui 
subsista  à  côté  de  l'arabe,  langue  des  vainqueurs, 
fut  le  copte,  dialecte  abâtardi  dérive  de  la  langue 
des  anciens  habitants  du  pays.  Les  Coptes,  em- 
ployés par  les  Arabes  comme  marchands,  scribes, 
commis  aux  finances,  devinrent  riches  et  prospères. 
Vers  870.  le  gouverneur  de  l'Egypte,  Ahmed-ibn- 
Touloun,  se  souleva  contre  le  khalife  de  Bagdad  et 
se  rendit  indopendant.  Sa  dynastie,  celle  des  Tou- 
lounides,  n'eut  qu'une  courte  durée  (870-904)  ;  après 
quelques  années,  elle  fut  remplacée  par  les  Fati- 
mites  de  Tunis,  dont  le  chef.  Moezz,  fonda  Masr- 


el-Qahirah,  plus  tard  le  Caire  («  la  Victorieuse  »), 
qui  devint  dès  lors  la  capitale  du  pays  (969-978). 
Les  premiers  Fatimites  furent  des  princes  puis- 
sants, qui  encouragèrent  l'agriculture  et  le  com- 
merce. Mais  à  partir  de  Hakim  (99^-1020),"^'  le 
fondateur  de  la  secte  des  Druses,  leur  domination 
ne  cessa  de  décliner.  En  1096-1100,  les  Croisés 
conquirent  Jérusalem  et  la  côte  syrienne  :  leurs 
rois  Beaudoin  l"  et  Amaury  P"'  portèrent  à  plu- 
sieurs reprises  la  guerre  dans  le  DelKi.  Après 
plusieurs  guerres  sanglantes,  le  dernier  Fatimite, 
réduit  à  l'impuissance,  mourut,  laissant  pour  suc- 
cesseur son  ministre  Salah-eddin  (Saladin),  qui 
fut  le  chef  de  la  dynastie  Eyyoubite  (1171-1250). 
Vainqueur  des  chrétiens  à  îlittin  (11S7),  Saladin 
leur  reprit  Jérusalem  et  réunit  la  Syrie  à  l'Egypte. 
Après  sa  mort  fll93),  ses  successeurs  3Ialek-el- 
Adel  (I193-121.S)"  et  Malek-el-Kamel  (1218-12:38), 
rognèrent  avec  éclat.  Mais  bientôt  la  milice  des 
Mameloucks,  formée  d'esclaves  circassiens  et  turcs 
et  qui  servait  de  garde  aux  princes,  détrôna  les 
Eyyoubites  et  mit  son  chef  Malek-es-Saleh  sur  le 
trône  (1240-1249).  Ce  prince  eut  à  repousser  la 
neuvième  croisade  :  ce  fut  lui  qui  battit  à  Man- 
sourah  et  fit  prisonnier  saint  Louis  (r,49).  Après 
lui,  l'Egypte  resta  près  de  trois  cents  ans  sous  la 
domination  des  Mamelouks  (12i9-1517). 

Les  Turcs,  après  avoir  détruit  l'empire  grec,  se 
.•etournèrent  contre  l'Egypte.  Le  sultan  Sélim  I" 
battit  successivement  les  princes  mamelouks  El- 
Ghouri  (1501-1516)  et  Toman-Bey  (1517),  et  fit  de 
l'Egypte  un  pachalik  turc.  Les  Mamelouks  conti- 
nuèrent de  dominer,  sous  l'autorité  souvent  nomi- 
nale d'un  pacha,  jusqu'à  l'arrivée  du  général 
Bonaparte  en  1798.  Les  Français  occupèrent  l'Egypte 
quatre  ans  (179S-L^OI)  sous  Bonaparte,  Kléber  et 
Menou.  Chassés  parles  Anglais,  ils  se  retirèrent  eu 
laissant  dans  le  pays  des  germes  de  civilisation 
qui  ne  tardèrent  pas  à  se  développer.  Un  Turc 
d'origine  macédonienne,  Méhémet-Ali,  né  en  17(;9, 
réussit  en  I8n5  à  se  faire  nommer  pacha  d'Egypte 
par  le  sultan.  Il  se  débarrassa  des  Mamelouks  par 
un  massacre  en  181 T,  et  commença  résolument  la 
réorganisation  de  l'Egypte.  Aidé  par  des  officiers 
et  des  ingénieurs  français,  il  créa  une  armée  et 
une  flotte  dont  il  se  servit  d'abord  pour  soumettre 
l'Arabie  (l.sll-1819),  la  Nubie,  puis  plus  tard,  en 
1832,  la  Syrie.  Vainqueur  des  Turcs  à  Xisibi  en 
1839,  il  fut  forcé  par  les  Anglais  (1841)  à  recon- 
naître l'auloriié  du  sultan,  et  dut  se  contenter 
d'obtenir  en  Egypte  une  sorte  de  vice-royauté 
presque  indépendante  pour  lui  et  ses  successeurs. 
En  même  temps,  il  essayait  d'introduire  en 
Egypte  la  civilisation  européenne,  créait  des  ma- 
nufactures, creusait  des  canaux,  établissait  des 
routes.  Après  sa  mort  en  1849  le  pouvoir  passa  à 
son  petit-fils  Abbas  (1849-1854),  puis  à  son  fils 
Said  (1854-1803)  qui  continua  l'œuvre  commencée 
par  son  pore.  La  grande  entreprise  du  canal  de 
Sue/,  comn-ftcée  sous  lui  en  1858,  n'a  été  termi- 
née (|u'en  1869  sous  son  successeur  Ismaïl.  Ce 
dei'DJiT  a  été  remplacé  en  1879  par  son  fils 
Tewfik. 

Géographie  de  CEgypte  actuelle.  —  Aujourd'hui, 
la  vice-royauté  d'Egypte  comprend  la  Basse-Egypte, 
le  Said,  le  Dongolah,  et  la  province  de  Soudan,  à 
laquelle  des  conquêtes  récentes  ont  ajouté  le 
Darfour  et  les  provinces  de  l'équateur.  Toute  la 
vallée  du  Nil,  depuis  le  lac  Victoria-Nyanza  jusqu'à 
la  Méditerranée,  et  tout  le  pays  à  l'est  du  Nil 
jusqu'à  la  mer  Rouge,  sauf  l'Abyssinie,  relève  du 
Khédive  :  c'est  l'empire  africain  de  Thoutmôs  III. 
Cette  vaste  étendue  de  territoire  et  divisée  en  pro- 
vinces [moudiriyhp)  gouvernées  par  un  préfet 
[moudir),  assisté  par  un  conseil  de  fonctionnaires 
civils,  militaires  et  religieux.  Les  provinces  sont 
divisées  en  cantons  administrés  par  des  kaslwfs. 
La  population  est  d'environ  17  000  000  d'habitants. 


ELAM 


—  U34  — 


ÉLASTICITÉ 


dont  5  2^0  000  habitants  pour  l'Egypte  propre,  près 
de  4O11OOHO  pour  le  Darfour,  et  le  reste  réparti 
dans  les  autres  provinces  du  Soudan.  La  majorité 
de  la  population  est  musulmane  ;  dans  l'Egypte 
proprement  dite,  on  compte  quelques  cent  mille 
coptes  chrétiens,  et  environ  quatre-vingt  mille  ca- 
tholiques et  protestants,  la  plupart  Européens.  Le 
Soudan  renferme,  à  côté  de  tribus  musulmanes, 
un  grand  nombre  de  tribus  idolâtres. 

Les  principales  villes  sont  :  le  Caire,  capitale  de 
la  vice-royauté  :  Alexandrie,  le  grand  port  de 
l'Egypte  sur  la  Méditerranée  ;  Port-Saïd  et  Suez, 
aux  deux  extrémités  du  canal  de  Suez  ;  Beni-souef, 
Siout,  Kenéh,  Assouan,  dans  l'Egypte  propre; 
Dongoiah,  dans  la  Nubie;  Khartoum  et  Gondokoro, 
dans  les  provinces  du  Soudan  ;  Qossélr,  Souakim 
Massaouah,  Zéla,  Berbera,  ports  importants  sur  la 
mer  Rouge  et  à  l'entrée  du  détroit  de  Bab-el- 
Mandeb.  Le  Xil  et  les  canaux  mettent  en  rapports 
faciles  la  plupart  de  ces  localités.  Depuis  plusieurs 
années  on  a  construit  nombre  de  chemins  de  fer. 
Outre  la  ligne  d'Alexandrie  au  Caire  et  du  Caire  à 
Suez,  le  Delta  possède  huit  lignes  d'importance 
moindre.  Une  ligne  partant  du  Caire,  et  allant  au- 
jourd'hui jusqu'au  delà  de  Siout,  dessert  la  Haute- 
Egypte.  Enfin,  on  a  commencé  récemment  à  con- 
struire une  ligne  qui.  partant  de  la  seconde 
cataracte,  ira  aboutir  à  Khartoum,  et  de  là,  s'il  y 
a  lieu,  rayonnera  dans  le  Soudan. 

L'armée  et  la  flotte,  assez  nombreuses,  sont  bien 
disciplinées  et  bien  conduites,  mais  sans  qualités 
militaires.  Le  commerce  et  l'industrie,  concentrés 
presque  entièrement  entre  les  mains  du  Khédive  et 
des  étrangers,  sont  assez  florissants.  Par  malheur 
les  finances  ont  été  mal  administrées,  et  les  em- 
barras que  le  Khédive  s'est  créés  par  des  emprunts 
dont  il  a  peine  à  payer  les  intérêts,  amèneront  tùt 
ou  tard  des  complications  fâcheuses,  et  peut-être 
la  ruine  de  l'empire  que  la  famille  de  Méhémet- 
Ali  a  fondé  sur  le  vieux  sol  des  Pharaons. 

[G.  Maspero.] 

ÉLAM.  —  Histoire  générale,  H.  —  Chez  les 
Perses  Ouvayâ,  chez  les  Grecs  Elymaïs  et  Susia?ie. 
C'est  le  pays  situé  à  l'est  et  vers  l'embouchure  du 
Tigre,  entre  la  partie  inférieure  de  ce  fleuve,  le 
golfe  Persique  et  les  montagnes  qui  bordent  au 
sud  le  plateau  de  l'Iran.  Le  sol,  fertile  en  céréales 
dans  les  parties  avoisinant  le  fleuve,  devient  boisé 
et  rocheux  à  mesure  qu'on  s'élève  vers  l'intérieur. 
11  est  arrosé  par  plusieurs  rivières  dont  la  princi- 
pale. rOulaî  (Eulœos),  va  se  jeter  dans  le  Tigre. 

L'Elam  a  été  de  bonne  heure  le  centre  d'un  em- 
pire civilisé,  dont  la  grandeur  est  contemporaine 
du  premier  empire  chaldéen-  La  race  qui  Ihabitait 
était  identique,  pour  l'origine  et  la  langue,  aux 
premiers  habitants  de  la  Médie  et  de  la  Chaldée  (V. 
Chaldée  et  Méilie)  ;  elle  employait  un  système  d'é- 
criture cunéiforme  presque  en  tout  point  semblable 
au  système  babylonien  (V.  Cunéiformes),  et  qu'on 
commence  à  déchifl'rer  sans  trop  de  peine.  Les 
villes  principales  étaient  Suse  (S/iouJian)  et  Ba- 
daka  [Madaktou).  Vers  le  xx'  siècle  avant  notre 
ère,  une  des  principales  tribus  de  l'Elam,  celle 
des  Kassi  (Kossiens,  Cissiens),  soumit  la  Chaldée, 
et  donna  à  Babylone  une  dynastie  qui  a  fourni 
plusieurs  rois  célèbres  :  Khoudour-Nakhounté, 
Khammourabi  (\' .  Chaldée).  Chassés  de  Chaldée,  les 
rois  d'Elam  se  maintinrent  indépendants  et  fu- 
rent, pour  les  rois  de  Babylone  d'abord,  plus  tard 
pour  les  rois  d'Assyrie,  des  ennemis  redoutables 
(V.  Assyrie).  Us  ne  furent  définitivement  soumis  à 
l'empire  de  Ninive  que  par  Assourbanhabal,  entre 
C06  et  t)40,  et,  après  la  chute  de  l'empire  ninivite^ 
passèrent  aux  mains  des  Chaldéens  (025),  et  bien- 
tôt après  à  celles  des  Perses  (vers  540).  Darius  I" 
fit  du  leur  ville,  Suse,  une  des  capitales  de  l'em- 
pire perso. 

Tout  ce  qu'on  sait  jusqu'à   présent  de  l'Elam 


montre  que  ce  pays  a  joué  un  grand  rôle  dans 
Ihistoire  primitive  de  l'Asie  antérieure.  Peut-être 
aurons-nous  un  jour,  quand  on  aura  fouillé  les 
ruines  de  ses  villes,  assez  de  monuments  pour  nous 
permettre  de  rétablir  son  histoire.  En  ce  moment, 
presque  tous  les  documents  que  nous  avons  sur 
lui  se  trouvent  dans  les  textes  chaldéens  et  assy- 
riens. ^  [G.  Maspero."; 

ÉLASTICITÉ.  —  Physique,  V  et  X.  —  L'élasti- 
cité est  la  propriété  qu'ont  les  corps  de  reprendre 
leur  forme  primitive  lorsque  certaines  causes 
extérieures  l'ont  modifiée  et  que  ces  causes  cessent 
d'agir.  C'est  ainsi  qu'une  lame  d'acier  fixée  par 
une  extrémité  et  libre  à  l'autre,  courbée,  puis 
abandonnée  à  elle-même,  revient  à  sa  première 
position  et  reprend  sa  forme  après  une  série 
d'oscillations. 

Les  corps  présentent  de  très  grandes  différences 
au  point  de  vue  de  l'élasticité;  les  uns,  comme  le 
caoutchouc,  peuvent  subir  de  très  grandes  défor- 
mations et  revenir  encore  à  leur  premier  état; 
d'autres,  comme  l'argile  ou  la  cire,  conservent  les 
diverses  formes  qu'on  leur  donne  successivement. 
On  dit  que  les  premiers  sont  très  élastiques,  tan- 
dis que  les  seconds  le  sont  très  peu  ou  pas  du  tout. 

L'énergie  avec  laquelle  un  corps  résiste  à  une 
déformation  ou  tend  à  reprendre  son  premier  vo- 
lume, d'abord  modifié,  s'appelle  force  élastique, 
force  de  ressort  ou  tension.  Si  on  la  considère 
comme  la  mesure  de  l'élasticité,  on  est  conduit  à 
considérer  comme  parfaitement  élastiques  les 
corps  tels  que  les  liquides  et  les  gaz,  qui  re- 
prennent toujours  leur  volume,  quelque  modifica- 
tion qu'on  iui  ait  fait  subir,  aussi  le  verre  et  l'acier 
trempé  qui  reviennent  à  leur  premier  état  lorsque 
la  force  qui  les  pressait  cesse  d'agir  et  se  rompent 
quand  cette  force  est  trop  grande.  Les  autres  corps 
ne  sont  pourvus  que  d'une  élasticité  limitée;  si 
les  efl'orts  dépassent  une  certaine  intensité,  ils  ne 
reprennent  plus  leur  forme,  mais  ils  conservent 
tout  ou  partie  de  la  déformation  qu'on  leor  a 
donnée. 

1.  Elasticité  des  solides.  —  Un  corps  solide 
peut  être  déformé  sous  des  actions  diverses,  sui- 
vant qu'on  le  tire,  qu'on  le  presse  ou  qu'on  le 
tord;  et  dans  les  différents  cas,  son  énergie  à 
reprendre  sa  forme  primitive  est  variable  ;  on  a 
donc  été  conduit  à  distinguer  plusieurs  genres 
d'élasticité;  on  les  désigne  sous  les  noms  d'élasti- 
cité de  tensio7i,  de  compressioîi,  de  flexion  et  de 
torsion. 

Lorsqu'un  fil,  spécialement  un  fil  métallique,  est 
fixé  à  une  de  ses  extrémités,  et  qu'on  exerce  à 
l'autre  des  tractions  variables  en  y  suspendant  un 
poids  que  l'on  augmente  graduellement,  le  fil 
s'allonge  de  plus  en  plus,  tout  en  restant  capable 
de  reprendre  sa  première  longueur,  quand  cessera 
la  force  ;  à  moins  que  celle-ci  n'ait  été  trop  grande 
et  n'ait  déterminé  un  allongement  permanent  en 
dépassant  la  limite  d'élasticité.  L'allongement 
temporaire  ou  élastique  est  soumis  à  des  lois 
simples  :  il  augmente  avec  la  longueur  du  fil  et  en 
proportion  de  la  charge  supportée;  mais  il  est 
inverse  du  diamètre  ou  de  la  surface  de  la  section. 
On  le  détermine  par  l'expérience  pour  les  métaux 
usuels,  et  pour  chacun  d'eux  on  a  calculé  le 
nombre  de  kilogrammes  qu'il  faudrait  faire  agir  à. 
l'extrémité  d'un  fil  de  un  millimèti'e  carré  de  sec- 
tion pour  l'allonger  d'une  longueur  égale  à  la 
sienne  en  supposant  que  cela  fût  pliysiquement 
possible.  Les  nombres  trouvés  ainsi  sont  les 
coef/icie7its  d'élasticité  des  métaux.  C'est  le  fer 
qui,  toutes  choses  égales,  s'allonge  le  plus;  mais 
son  allongement  est  peu  considérable  :  un  fil  de 
fer  d'un  centimètre  carré  de  section  et  de  2  mètres 
et  demi  de  longueur  ne  s'augmente  que  d'ua 
dixième  de  millimètre  sous  une  charge  de  100  ki- 
logrammes. 


ÉLASTICITÉ 


653 


ELASTICITE 


Au  lieu  de  tirer  un  fil  ou  une  barre  prismatique 
dans  le  sens  de  sa  longueur,  on  peut  supposer  le 
corps  appuyé  sur  une  base  inébranlable  et  le 
charger  d'un  ])oids  qui  le  comprime  sans  le  faire 
fléchir.  On  met  ainsi  en  jeu  Vélasticité  de  coin- 
pression.  Le  corps  diminue  de  longueur,  sous 
l'action  de  la  force  comprimante,  de  la  même  quan- 
tité dont  il  s'allongerait  si  l'eflort  lui  était  appliqué 
par  traction.  La  force  élastique  suit  les  mêmes 
variations  que  dans  la  tension,  et  les  coefficients 
d'élasticité  permettent  d'en  calculer  la  valeur. 

Quand  une  barre  est  fixée  par  une  de  ses  extré- 
mités, on  peut  la  déformer  en  la  ployant,  et  elle 
revient  à  sa  première  forme  quand  on  n'a  pas  dé- 
passé certaines  limites.  C'est  Vélasticité  de  flexion, 
celle  dont  les  applications  sont  les  plus  nom- 
breuses. Les  différents  ressorts  dont  nous  faisons 
usage  sont  des  lames  fléchies  ou  roulées  en  spi- 
rale qui,  par  leur  tendance  à  reprendre  leur  forme 
première  quand  on  les  tendues,  entraînent  avec 
elles,  par  leur  force  de  réaction,  les  rouages  ou 
les  pièces  qu'elles  doivent  faire  mouvoir.  C'est 
aussi  à  la  flexion  que  les  brins  de  laine  ou  de 
crin  des  coussins  doivent  leur  élasticité  ;  ils 
agissent  comme  de  menus  ressorts  tendus  par  le 
poids  supporté.  Avec  le  temps,  leur  souplesse  se 
perd,  non  jias  qu'ils  aient  perdu  de  leur  élasticité; 
mais  parce  que  les  filaments  se  sont  enchevêtrés, 
feutrés,  et  forment  une  agglomération  où  les  di- 
verses parties  entravent  mutuellement  leur  force 
de  ressort.  C'est  si  vrai  qu'on  rend  au  crin  et  à  la 
laine  leur  élasticité  première  en  les  cardant  ou  en 
les  battant  pour  les  défeutrer. 

Enfin  on  développe  dans  un  fil,  en  le  tordant,  une 
élasticité  spéciale  dite  de  torsion,  qu'il  est  très 
facile  de  rendre  manifeste  ;  elle  n'est  utilisée  que 
dans  quelques  appareils  de  physique. 

Tous  ces  phénomènes  d'élasticité  reposent  évi- 
demment sur  les  forces  moléculaires.  L'énergie 
qui  anime  une  lame  quand  elle  reprend  sa  forme 
première  est  occasionnée  par  le  dérangement  des 
molécules  que  la  courbure  a  produit;  la  force 
élastique  est  le  résultat,  la  conséquence  du  chan- 
gement de  forme  imposé  au  corps.  Alors  même 
que  ce  changement  est  le  moins  évident,  il 
existe  et  peut  toujours  être  rendu  sensible.  Ainsi 
une  bille  d'ivoire  tombée  sur  une  table  de  marbre 
rebondit  et  remonte  presque  à  la  hauteur  d'où 
elle  est  descendue,  sans  qu'elle  paraisse  avoir 
changé  de  forme.  Mais  sa  force  élastique  considé- 
rable est  due  à  une  déformation  et  au  retour 
brusque  des  molécules  à  leur  première  position  ; 
car  si  la  bille  tombe  sur  une  surface  huilée,  elle 
marque  son  contact  suivant  un  cercle  et  non  pas 
sur  un  point,  rendant  ainsi  évident  l'aplatissement 
momentané  qu'elle  i  subi. 

II.  Elasticité  des  liqcides.  —  L'élasticité  des 
liquides  peut  être  mise  en  évidence  par  deui  expé- 
riences :  une  goutte  de  mercure  sur  une  lame  de 
verre  bien  propre,  ou  une  goutte  d'eau  sur  une 
surface  huilée,  prend  naturellement  la  forme  sphé- 
rique;  on  peut  l'aplatir  et  l'allonger;  mais  elle 
redevient  ronde  quand  on  l'abandonne  à  elle- 
même.  Si  dans  un  mélange  convenable  d'alcool  et 
d'eau,  dont  la  densité  est  égale  à  celle  de  l'huile, 
on  dépose  de  ce  dernier  liquide,  il  y  prend  la 
forme  d'une  sphère  parfaite  qui,  déformée,  revient 
à  sa  première  forme. 

L'élasticité  ne  peut  être  développée  daas  les  li- 
quides que  par  la  compression.  11  faut  de  très 
grands  efforts  pour  diminuer  un  peu  le  volume 
d'une  masse  d'eau  ;  et  celle-ci  réagit  et  renvoie  la 
pression  qu'elle  a  reçue. 

III.  Elasticité  des  gaz.  —  Loi  de  Mariotte.  — 
Les  gaz  sont  éminemment  élastiques;  quel  que 
soit  l'effort  qui  les  comprime,  ils  reprennent  leur 
premier  volume  quand  l'effort  a  disparu.  Une  vessie 
pleine  d'air  rebondit  quand  on   la  jette   à   terre. 


comme  une  bille  d'ivoire  tombant  sur  un  plan  de 
marbre.  Doué  de  la  propriété  d'occuper  un  volume 
plus  grand,  le  gaz  a  une  force  spéciale  dont  l'effet 
est  de  dilater  son  volume,  quand  il  n'y  a  pas  d'ob- 
stacles, ou  de  presser  contre  les  obstacles  qui 
s'opposent  à  son  expansion.  On  peut  le  comparer 
à  un  ressort  tendu  qui  fait  effort  pour  se  détendre; 
et  on  nomme  force  élastique,  tension  ou  pression, 
l'efi'ort  avec  lequel  il  agit  sur  les  parois  du  vase 
qui  le  contient  ou  sur  les  corps  qui  y  sont  plongés. 
Dans  les  circonstances  habituelles,  la  force  élas- 
tique d'une  masse  d'air  limitée  ne  se  manifeste  pas, 
parce  qu'elle  est  entravée  par  la  résistance  de  l'air 
environnant  :  une  vessie  à  moitié  remplie  d'air 
et  fermée  par  une  ficelle  ne  se  gonfle  ni  ne  s'aplatit, 
parce  que  la  pression  de  l'air  du  dehors  contre- 
balance la  force  expansive  du  gaz  intérieur;  mais 
si  on  place  la  vessie  sous  une  cloche  de  laquelle 
on  enlève  l'air  à  l'aide  de  la  machine  pneumatique, 
la  vessie  se  gonfle,  se  remplit  et  peut  même  écla- 
ter, sous  l'effort  évident  de  l'air  qui  y  est  con- 
tenu. 

Les  gaz  sont  très  compressibles  ;  ils  diminuent 
de  volume  à  mesure  qu'on  les  presse  et  réagissent 
de  plus  en  plus  sur  les  parois  des  corps  qui  les 
contiennent.  On  le  prouve  très  facilement  en  en- 
fonçant un  piston  dans  un  tube  fermé  par  un  bout. 
Tout  d'abord  le  piston  s'avance  dans  le  tube  sans 
difficulté,  bien  qu'il  refoule  l'air.  Mais  peu  à  peu 
la  résistance  s'accroît,  et  l'effort  delà  main  ne  suffit 
plus  pour  la  vaincre  ;  l'air  contracté  sous  un  petit 
volume  gagne  en  élasticité,  sa  force  de  ressort 
devient  considérable. 

Y  a-t-il  une  relation  entre  les  volumes  différents 
qu'occupe  une  même  quantité  de  gaz  et  les  pres- 
sions qu'on  lui  fait  supporter  et  qui  mesurent  sa 
force  élastique  ?  Cette  question  a  été  résolue  expé- 
rimentalement par  l'abbé  Mariotte  vers  i670;  ce 
savant  est  arrivé  à  formuler  cette  loi  simple  et 
remarquable  qui  a  conservé  son  nom  :  Les  volumes 
occupés  par  une  méiiie  masse  de  gaz  sont  en  raiso7t 
invtrse  des  pressions  supportées,  quand  la  tempé- 
rature est  invariable.  Ce  qui  veut  dire  que  si  une 
masse  d'air  ou  d'un  gaz  quelconque  occupe  un  vo- 
lume de  10  litres  sous  la  pression  de  l'atmosphère, 

son  volume  deviendra  2,   3,  4 10  fois  plus 

petit  si  la  pression  devient  2,  3,  4 10  fois  plus 

grande;  et  inversement,  le  volume  deviendra  2,  3, 
4  fois  plus  grand,  si  la  pression  devient  2,  3,  4  fois 
plus  faible. 

La  vérification  de  la  loi  de  Mariotte  comporte 
deux  expériences  :  il  faut  prouver  que  la  pression 
grandit  quand  le  volume  diminue  et  ensuite  que  la 
pression  devient  plus  faible  lorsque  le  volume 
augmente. 

1°  On  se  sert,  pour  la  première,  d'un  tube 
recourbé  à  deux  branches  inégales,  la  grande  ou- 
verte et  la  petite  fermée.  On  y  verse  une  petite 
quantité  de  mercure  qu'on  amène  par  tâtonnements 
au  même  niveau  dans  les  deux  branches.  On  em- 
prisonne ainsi  dans  la  petite  un  volume  d'air  connu 
qui  se  trouve  être  soumis  à  une  pression  égale  à 
celle  de  l'atmosphère.  On  verse  alors  du  mercure 
dans  la  grande  branche  ;  le  liquide  de  la  petite 
monte  peu  à  peu,  bien  moins  vile ,  puisque  l'air 
emprisonné  lui  oppose  sa  force  de  ressort.  Quand 
l'air  n'occupe  plus  que  la  moitié  de  l'espace  qu'il 
tenait  dans  la  petite  branche,  que  son  volume  est 
devenu  deux  fois  plus  petit,  on  estime  sa  pression  ; 
elle  est  mesurée  par  la  force  de  l'atmosphère  aug- 
mentée de  toute  la  hauteur  de  mercure  qui  sépare 
les  deux  niveaux,  et  cette  hauteur  mesurée  esc 
égale  à  la  hauteur  barométrique  du  moment.  La 
pression  est  donc  de  deux  fois  celle  de  l'atmosphère; 
elle  est  bien  devenue  deux  fois  plus  grande. 

Si  le  tube  est  très  solide,  que  sa  branche  ouverte 
soit  très  longue,  on  peut  pousser  plus  loin  la  véri- 
fication. Les  physiciens    modernes    l'ont    portée 


ELASTICITE 


—  656 


ÉLASTICITÉ 


jusqu'à  27  atmosphères  d'abord,  et  depuis  jusqu'il 
une  limite  beaucoup  plus  élevée. 

2°  Pour  montrer  que  la  pression  d'un  gaz  diminue 
quand  le  volume  augmente,  on  se  sert  d'une  cuvu 
profonde  à  mercure,  appareil  coûteux,,  qu'on  ne 
trouve  que  dans  les  cabinets  de  physique.  Mais  on 
peut  lui  substituer  une  cuve  à  eau  d'un  mètre  de 
profondeur  et  un  tube  d'un  peu  plus  d'un  mètre  de 
long,  divisé  en  centimètres.  On  remplit  le  tube 
d'eau  jusqu'à  10  centimètres  de  son  ouverture;  on 
le  bouche  avec  le  doigt  et  on  le  renverse  sur  la 
cuve  à  eau  où  on  l'enfonce  jusqu'à  ce  que  le  niveau 
de  l'eau  dans  le  tube  soit  sur  le  même  plan  que  le 
niveau  de  l'eau  dans  la  cuve.  On  constate  alors  que 
l'air  emprisonné  occupe  une  longueur  de  10  centi- 
mètres et  que  sa  pression  est  celle  de  l'atmosphère 
équivalant  à  une  colonne  d'eau  de  10™3.3.  On  sou- 
lève le  tube  jusqu'à  ce  que  l'air  y  occupe  exacte- 
ment 1 1  centimètres  et  on  mesure  la  coloime  d'eau 
soulevée  dans  le  lube  ;  elle  est  de  O^nS.  La  pression 
du  gaz  à  l'intérieur  du  tube  est  donc  de  .0"'33 — 0"93 
ou  S^iO.  Le  volume  de  l'air  est  devenu  les  ~  de 
ce  qu'il  était:  la  pression  est  devenue  les  |A  de 
W'èZ  ou  &"40;  elle  a  donc  bien  varié  en  raison 
inverse  du  volume. 

Cette  double  expérience  répétée  sur  tout  autre 
gaz  que  l'air  conduit  au  même  résultat.  Tontes  les 
ma-ses  gazeus(  s  obéissent  à  la  loi  de  Mariette,  c'est- 
à-dire  qu'à  chaque  variation  de  leur  volume  corres- 
pond une  variation  inverse  de  la  pression  avec 
laquelle  elles  agissent  sur  les  parois  qui  les  ren- 
ferment. 

1.  La  première  conséquence  à  tirer  de  cette 
loi,  c'est  qu'une  masse  de  gaz  n'est  pas  suffisamment 
déterminée  si  l'on  se  borne  à  indiquer  le  volume 
qu  elle  occupe  et  si  l'on  n'y  joint  pas  la  valeur  de 
la  pression  ou  au  moins  une  indication  qui  permette 
de  trouver  facilement  cette  dernière. 

Supposons  en  effet  une  masse  de  gaz  occupant  un 
volume 

de  V    litres  sous  la  pression  H    et  prenant  un  volume 
de  y     —  —  H'. 

V 

Le  rapport  des  volumes  est   — • 

H' 

Le  rapport  inverse  des  pressions  est  —> 

U 

et,  d'après  la  loi  de  Mariotte,  on  écrit 


H  '■ 


ce  qui  peut  se  mettre  sous  la  forme 

V  X  H  =  V  X  H' , 

c'est-à  dire  que  le  produit  du  volume  d'i  n  gaz  par 
la  press-ion  qu'il  supporte  ou  la  force  élastique 
qu'il  possède  est  une  quantité  constante. 

11  est  donc  nécessaire  d'indiquer  toujours  les 
deux  facteurs  de  ce  produit  constant,  pour  désigner 
suffisamment  un  gaz.  Les  volumes  s'expriment, 
comme  pour  les  liquides,  en  mètres  cubes,  en  litres 
ou  en  centimètres  cubes.  Les  pressions  s'énoncent 
en  millimètres  ,  lorsqu'elles  sont  inférieures  à  la 
pression  atmosphérique  (unité  de  IGU  millimètres), 
et  en  atmosphères  et  fractions  d'atmosphère  quand 
elles  sont  supérieures.  Ainsi  on  dit  20  mètres  cubes 
de  gaz  d'éclairage  à  la  pression  atmosphérique, 
■JO  litres  d'hydrogène  à  la  pression  de  g40  milli- 
mètres et  20  centimètres  cubes  d'oxygène  à  la  pres- 
sion de  4  atmosphères. 

Cet    énoncé   des   hautes   pressions   a  l'avantage 
d'indiquer  de  suite  approximativement  la  valeur  de  ! 
la  force  élastique  du  gaz,  si  l'on  se  souvient  que  ! 
l'atmosphère  presse  d'environ   1   kilogramme  par  j 


centimètre  carré  de  surface  :  de  la  vapeur  à  10  at 
mosphères  presse  donc  à  peu  près  de  10  kilogrammes 
par  centimètre  carré. 

La  connaissance  de  la  loi  de  Mariotte  permet  de 
déterminer  toutes  les  variations  de  volume  ou  de 
pression  que  subit  une  masse  de  gaz  dont  on 
connaît  le  volume  et  la  pression  correspondante. 

Soit  à  chercher  :  Quel  volume  occupe,  sous  la 
pression  de  .'>(  0  niiltimètres,  une  masse  Je  gaz  de 
25  litres  sous  la  pression  de  TGÛ"""? 

A  la  pression  de  Imm,  le  volume  serait. .. .    25  X  '760. 
_  oOOmm,  le  volume  est  500  fois  moins  grand 


25  X  "^GO 
ôOO 


=  38  litres 


D'une  manière  générale,  des  trois  quantités 
données,  deux  forment  un  produit  constant,  qu'il 
suffit  de  diviser  par  la  troisième  pour  trouver 
l'inconnue   : 


Produit  constant.. 
Pression  nouvelle. 


=  25  X  7S0. 
500. 


Volume  cherché 


25  X  'GO 
500 


On  résout  de  môme  la  question  suivante  :  Quelle 
est  la  force  élastique  que  prend  un  volume  d'air 
mesurajit  2i  centimètres  cubes  sous  la  pression 
540  millimètres  quand  on  réduit  son  volume  à 
18  centimètres  cubes? 


Produit  constant , .     24  X 

Volume  nouveau 18 


Pression  : 


24  X  540 
18 


=  720"' 


2.  Une  deuxième  conséquence  de  la  loi  de  Ma- 
riotte, c'est  la  variation  de  ia  densité  d'un  gaz  sui- 
vant le  volume  qu'il  occupe  ou  la  pression  qu'il 
supporte.  De  ce  que  les  gaz  se  compriment  faci- 
lement, il  résulte  qu'à  volume  égal,  le  poids  d'un 
même  gaz  est  d'autant  plus  grand  que  la  pression 
est  elle-même  plus  grande;  et  par  conséquent,  le 
poids  spécifique  d'un  gaz,  autrement  dit  le  poids 
d'un  litre,  augmente  avec  cette  pression.  On  com- 
prend alors  pourquoi  il  faut  indiquer,  avec  la  den- 
sité de  chaque  gaz,  la  pression  sous  laquelle  elle 
a  été  mesurée.  Et  comme  la  chaleur  amène  dans 
les  gaz  des  changements  notables  de  volume,  on  a 
été  conduit  à  prendre  la  densité  des  gaz  à  une  tem- 
pérature déterminée  aussi  bien  que  sous  une  pres- 
sion indiquée  ;  on  a  choisi  la  température  0"  et  la 
pression  de  ToO  millimètres. 

Lmite  de  la  loi  de  Mariotte.  —  Un  gaz  ne  peut 
pas  indéfiniment  diminuer  de  volume  à  mesure  que 
la  pression  augmente.  Il  arrive  un  moment  où  les 
molécules  sont  assez  rapproch'.es  pour  que  l'état 
gazeux  ne  soit  plus  possible  ;  alors  la  substance  se 
liquéfie.  Tous  les  corps  gazeux  connus  ont  pu  être 
amenés  à  l'état  liquide,  les  uns  facilement  comme 
l'acide  sulfureux,  le  gaz  ammoniaque,  le  gaz  acide 
carbonique ,  û'autres  plus  difficilement  comme 
l'oxygène,  l'azote,  l'hydrogène,  qui  ont  longtemps 
résisté  à  toutes  les  pressions  qu'on  avait  essayées 
sur  eux.  Les  uns  et  les  autres  n'obéissent  plus 
exactement  à  la  loi  de  Mariotte  dans  le  voisinage 
de  leur  point  de  liquéfaction  ;  mais  cette  loi  n'en 
est  pas  moins  d'une  exactitude  parfaite  dans  les 
limites  où  l'on  en  fait  usage,  cestà  dire  pour  des 
pressions  qui.  pour  les  gaz  difficilement  liquéfia- 
bles conmie  l'air,  ne  dépassent  pas  quinze  à  vingt 
atmosphères. 

En  général,  pour  obtenir  la  condensation  d'un 
gaz,  on  le  fait  dégager  dans  un  tube  hermétique- 
ment fermé  et  offrant  un  faible  volume  ;  la  qu^wUtô 


ELASTICITE 


—     657  — 


ÉLECTRICITÉ 


de  gaz  augmentant  dans  cet  espace  restreint,  la 
force  élastique  croît  rapidement,  et  il  se  liquéfie 
par  le  fait  de  sa  propre  pression  ;  c'est  ainsi  du 
moins  qu'on  a  amené  à  l'état  liquide  l'ammoniaque, 
le  chlore,  l'acide  carbonique,  et  tout  récemment 
riiydrogéne  en  ajoutant,  pour  ce  dernier,  à  une 
très  forte  pression,  une  température  très  basse. 

Mesure  des  pressions-  du  gaz.  —  Manomètres. _ — 
Pour  estimer  la  force  élastique  des  gaz  plus  ou  moins 
comprimés,  et  particulièrement  la  force  de  la  vapeur 
qui  met  en  mouvement  les  machines,  on  se  sert  d'ap- 
pareils appelés  manomètres.  Comme  on  mesure  la 
force  élastique  d'un  gaz  par  la  hauteur  de  la 
colonne  de  mercure  qui  produirait,  sur  la  môme 
surface,  la  même  pression  que  le  gaz,  le  moyen  le 
l)lus  simple  qui  se  présente,  c'est  de  faire  agir  le 
i;az  dans  une  des  branches  d'un  tube  recourbé 
contenant  du  mercure  :  ce  dernier  s'élève  dans 
l'autre  branche  si  la  pression  du  gaz  est  plus 
grande  que  celle  de  l'atmosphère;  et  dans  ce  cas, 
la  pression  du  gaz  est  égale  h  la  pression  atmo- 
sphérique augmentée  de  la  colonne  de  mercure 
mesurée  verticalement  entre  les  deux  niveaux. 
C'est  là  le  principe  du  manomètre  à  air  tiljre. 
Qu'il  soit  formé  d'un  lougtube  recourbé  dontlaplus 
petite  branche  peut  être  mise  en  communication 
avec  le  récipient  contenant  le  gaz,  la  seconde 
branche  étant  ouverte  et  verticale,  ou  bien  qu'il 
consiste  en  un  long  tube  ouvert  plongeant  dans 
une  cuvette  de  mercure  dans  laquelle  le  gaz  ou 
la  vapeur  vient  exercer  sa  pression,  il  a  toujours 
l'inconvénient  d'exiger  des  dipiensions  considéra- 
bles, de  présenter  une  longueur  embarrassante 
de  0">,76  par  atmosphère,  et  de  rendre  diflicile  la 
lecture  de  ses  indications. 

Le  manomètre  à  air  comprimé  repose  sur  la  loi 
de  Mariette.  C'est  un  tube  fermé  par  un  bout,  dont 
l'extrémité  ouverte  plonge  dans  le  mercure  d'une 
petite  cuvette.  On  y  a  emprisonné  do  l'air  ;  et 
quand  le  gaz  ou  la  vapeur  comprimée  d'un  récipient 
vient  presser  sur  le  liquide  de  la  cuvette,  celui-ci 
monte  dans  le  tube  on  refoulant  l'air  qui  lui  oppose 
une  résistance.  On  marque  sur  le  tube  les  points 
où  la  colonne  doit  s'élever  pour  indiquer  des  pres- 
sions de  2,  3,  4,  atmosphères,  etc., dans  le  récipient. 
Cet  appareil^  beaucoup  plus  court  que  le  précé- 
dent, a  cependant  un  inconvénient;  c'est  l'incer- 
tiiude  dans  l'estimation  des  hautes  pressions  :  on 
remarque  en  effet,  si  l'on  se  reporte  à  la  vérifica- 
tion de  la  loi  de  Mariette,  qu'à  mesure  que  les 
pressions  grandissent,  les  volumes  occupés  par 
l'air  emprisonné  diminuent,  et  les  traits  qui  les 
marouent  se  rapprochent  beaucoup  les  uns  des 
autres. 

Le  plus  employé  des  manomètres,  c'est  le 
maJiomètre  métaléique,  dont  le  principe  est  tout 
différent.  Il  consiste  en  un  tube  à  section  ellipti- 
q^ae,  en  laiton  mince,  courbé  et  fixé  à  une  de  ses 
extrémités,  tandis  que  l'autre  est  en  communica- 
tion par  un  levier  spécial  avec  l'aiguille  d'un 
cadran.  La  pression  vient-elle  à  augmenter  dans 
l'intérieur  du  tube,  celui-ci  tend  à  se  redresser,  la 
branche  libre  tire  sur  l'aiguille  et  la  fait  avancer 
sur  le  cadran.  L'appareil  est  gradué  sur  un  bon 
manomètre  à  air  libre  ;  il  donne  alors  des  indica- 
tions faciles  à  lire,  et  il  a  sur  les  deux  précédents 
le  double  avantage  d'être  peu  volumineux  et  très 
solide. 

Expériences  et  applications.  —  1 .  Constater  la 
différence  d'élasticité  dune  lame  d'acier,  d'une 
même  lame  de  fer,  d'une  lame  de  cuivre,  d'une  de 
zinc,  d'une  de  plomb. 

2.  Ployer  une  règle  de  bois  ou  de  métal  dans  le 
sens  de  son  épaisseur,  puis  dans  le  sens  de  sa 
largeur;  constater  que  c'est  plus  difficile  dans  ce 
second  cas  à  cause  du  déplacement  des  molécules 
les  plus  éloignées. 

3.  Ployer  une  tige  fraîche  de  bois  et  remarquer 

2*^    PAnTIK. 


que  l'écorce  se  plisse  dans  la  courbure  interne  et 
se  crevasse  dans  la  courbure  externe. 

4.  Laisser  tomber  sur  un  plan  de  marbre  deux 
billes  égales,  l'une  de  plomb,  l'autre  d'ivoire  ; 
mesurer  l'aplatissement  de  la  première  ;  laisser 
retomber  la  seconde  après  avoir  huilé  le  plan  et 
constater  qu'elle  s'aplatit  momentanément  autant 
que  la  bille  é>^  plomb. 

5.  Gonfler  des  bulles  de  savon  avec  de  l'air,  les 
faire  tomber  sur  un  tissu  bien  tendu  ;  elles  rebon- 
dissent en  le  touciiant  ;  les  faire  aussi  rebondir  sur 
une  couche  d'acide  carbonique  occupant  le  fond 
d'un  grand  vase. 

G.  Approcher  d'un  foyer  un  petit  ballon  gonflé, 
il  augmente  de  volume  jusqu'à  faire  éclater  son 
enveloppe. 

7.  Chercher  de  combien  s'allongerait,  sous  une 
charge  de  100  kilgr. ,  un  fil  de  fer  de  10  mètres  de 
long  et  fie  3  millimètres  carrés  de  section,  le  coef- 
ficient étant  de  18613.  [Haraucourt.] 

ÉLKCTniClTÉ.  —  Physique,  XXII-XXVIL  — 
(Etym.  :  du  grec  elektron,  l'ambre  jaune.)  —  La 
partie  de  la  physique  qui  porte  aujourd'hui  le 
nom  à' électricité  n'a  pris  une  importance  véritable 
que  depuis  le  milieu  du  siècle  dernier.  Les  anciens 
n'avaient  su  apercevoir  aucune  relation  entre  les 
phénomènes  d'attraction  exercée  sur  les  corps  lé- 
gers par  les  résines  préalablement  frottées,  et  ces 
autres  phénomènes  grandioses  ^éclair,  tonnerre, 
foudre)  dont  nous  sommes  les  témoins  pendant 
les  orages. 

I.  Premiers  phénomènes.  —  La  tradition  veut  que 
ce  soit  le  philosophe  grec  Thaïes  qui  ait  le  premier 
appelé  l'attention  de  ses  contemporains  sur  la  pro- 
priété attractive  développée  dans  l'ambre  jaune 
ou  succin  par  le  frottement  ;  ce  qu'il  y  a  de  cer- 
tain, c'est  que  jusque  dans  les  premières  années 
du  XVII'  siècle,  jusqu'en  1600,  année  de  la  publi- 
cation du  livre  du  physicien  anglais  William 
Gilbert,  la  science  de  l'électricité  ne  comprenait 
que  ce  fait  unique  :  Le  succin  frotté  attire  les 
corps  légers  et  les  maintient  pendant  quelque 
temps  adhérents  à  sa  surface.  Gilbert  établit  le 
premier  qu'une  foule  d'autres  substances  :  verre, 
gomme  laque,  soufre,  soie,  jouissent  exactement  de 
même  propriété. 

L'Allemand  Otto  de  Guéricke  construisit,  cin- 
quante ans  plus  tard,  la  première  machine  élec- 
trique qui  ait  existé,  et  qui  était  composée  simple- 
ment d'un  globe  de  soufre  auquel  on  imprimait 
un  mouvement  de  rotation.  Le  frottement  de  la 
main  contre  le  globe  de  soufre  provoquait  un  dé- 
veloppement continu  d'électricité.  Otto  de  Gué- 
ricke obtint  avec  cet  appareil  les  phénomènes  d'at- 
traction déjà  connus  et,  en  outre,  l'étincelle  élec- 
trique et  la  traînée  lumineuse  qui  a  la  même 
origine.  Il  faut  aller  jusqu'en  1727  pour  constater 
des  découvertes  importantes  dans  le  même  ordre 
de  phénomènes.  Gray  annonça  et  démontra  à  cette 
époque,  par  de  nombreuses  expériences,  que  tous 
les  corps  de  la  nature,  sans  exception  :  solides, 
liquides,  gaz,  sont  susceptibles  de  s'électriser  par 
le  frottement  tout  aussi  bien  que  la  résine  et  que 
le  verre.  Seulement,  tandis  que  ces  dernières  sub- 
stances (résine  et  verre),  conservent  pendant  un 
certain  temps  l'électricité  amenée  sur  elles  par  le 
frottement,  ou  pour  mieux  dire  ne  transmettent  pas 
à  d'autres  corps  par  voie  de  conductibilité  l'élec- 
tricité qu'elles  ont  reçue;  au  contraire,  les  métaux, 
le  bois,  etc..  conduisent  bien  le  fluide  électrique  à 
mesure  qu'on  le  développe  à  leur  surface  et  le 
cèdent  aux  corps  avec  lesquels  ils  sont  en  contact. 
En  un  mot,  Gray  mit  en  évidence  ce  point  capital, 
qu'au  point  de  vue  des  phénomènes  électriques 
les  corps  de  la  nature  se  divisent  en  deux  catégo- 
ries :  les  bons  conducteurs  de  l'électricité  (mé- 
taux, êtres  vivants,  etc.),  et  les  mauvais  conduc- 
teurs (verre,  soufre,  résine,  etc.). 


ELECTRICITE 


—  658  — 


ELECTRICITE 


II.  Hypothèse  des  deux  fluides.  —  En  1733-34,  Du 
Fay,  membre  de  l'Acadcmie  des  sciences  de  Paris, 
alla  pins  loin  :  il  établit  par  des  expér-«nces  décisives 
que  rélecaùcité  qui  se  développe  sur  le  verre  par  le 
frottementavecla  laine  u'a  pas  la  môme  propriété  que 
celle  qu'on  produit  sur  la  résine  en  se  servant  du 
même  frottoir.  Ces  expériences,  tout  h  fait  nouvelles 
à  l'époque  où  furent  elle  signalées  par  Du  Fay,  devin- 
rent le  point  de  départ  de  l'iiypothèse  célèbre  des 
deux  fluides  électriques,  —  fluide  vitré,  fluide  rési- 
neux, qu'on  a  nommés  plus  tard  fluide  positii, 
fluide  négatif,  —  hypothèse  que  l'on  conserve  encore 
pour  l'explication  élémentaire  des  phénomènes 
électriques,  parce  qu'elle  donne  un  moyen  com- 
mode de  grouper  les  faits  et  de  montrer  leur 
dépendance  mutuelle,  mais  sur  l'insuffisance  de 
laquelle  personne  ne  se  fait  aujourd'hui  d'illusion. 
L'hypothèse  dont  il  s'agit  peut  être  ramenée  à  la 
formule  suivante  :  tous  les  corps  sans  exception 
renferment  un  fluide  électrique,  neutre  ;  ce  fluide 
doit  sa  neutralité  à  la  combinaison  de  deux  élé- 
ments distincts  :  le  fluide  vitré,  le  fluide  résineux. 
Ces  derniers  ont  en  efi"et  des  propriétés  antago- 
nistes qui  se  masquent  réciproquement.  Ils  sont 
tels  que  mis  en  présence  et  de  noms  contraires,  ils 
s'attirent  ;  mis  en  présence  et  de  même  nom,  ils  se 
repoussent. 

III.  Bouteille  df-  Leyde.  —  Douze  ans  après  la  dé- 
couverte de  Du  Fay,  en  1746,  une  expérience  de- 
meurée célèbre  fut  réalisée  à  Leyde  par  Cuneus 
et  Musschenbroeck  :  ces  physiciens  parvinrent  à 
condenser  l'électricité,  et,  comme  on  le  disait  alors 
plaisamment,  à  la  mettre  en  bouteille.  A  l'aide 
d'un  simple  flacon  de  verre,  plein  d'eau,  tenu  à  la 
main  et  dont  l'intérieur  était  mis  en  communica- 
tion métallique  avec  le  conducteur  d'une  machine 
électrique  d'Otto  de  Guéricke,  ils  obtinrent  des 
effets  d'une  énergie  exceptionnelle.  Les  fortes  étin- 
celles que  l'on  produisait  ainsi,  les  secousses  vio- 
lentes qui  se  manifestaient  dans  le  corps  des  ani- 
maux traversés  par  la  décharge,  purent  être 
reproduites  à  volonté  avec  un  dispositif  d'appa- 
reils très  peu  compliqué.  La  bouteille  de  Leyde 
—  c'est  le  nom  qu'on  donna  à  l'instrument  de 
Cuneus  et  de  Musschenbroeck  —  fut  considérée 
pendant  quelques  années  comme  la  merveille  de 
la  physique.  La  singularité  de  ses  effets  frappa 
l'imagination  du  public  ;  la  condensation  facile 
qu'elle  produisait  de  cette  électricité  qui  n'avait 
paru  jusque-là  qu'une  force  très  faible,  provoqua 
la  curiosité  et  les  investigations  des  savants  ; 
Le  Monnier  (Louis-Guillaume;  et  l'abbé  Nollet  sur- 
tout varièrent  les  expériences  de  mille  manières,  et 
donnèrent  à  la  bouteille  de  Leyde  des  formes  diver- 
ses :  l'eau  qui  la  remplissait  au  début  fut  rempla- 
cée par  une  feuille  métallique,  la  main  qui  la  sou- 
tenait pendant  la  charge  ne  fut  plus  jugée  néces- 
saire ;  on  lui  substitua  une  armature  de  métal  com- 
muniquant au  sol.  On  passa  ensuite  de  la  bouteille 
de  Leyde  ordinaire  aux  jarres  électriques,  aux  bat- 
teries, tous  appareils  encore  utilisés  de  nos  jours 
pour  donner  (quelque  idée  des  puissants  effets 
de  la  foudre. 

IV.  Electricité  atmosphérique.  —  C'est  à  Benja- 
min Franklin  qu'est  due  l'idée  de  constituer  de 
vastes  condensateurs  par  l'association  de  plusieurs 
l)outeilles  de  Leyde.  C'est  à  lui  qu'appartient  tout 
d'abord  la  réalisation  des  expériences  qui  démon- 
trèrent l'identité  de  la  foudre  et  de  l'électricité. 
Cette  identité  avait  sans  doute  été  soupçonnée 
avant  lui  par  l'abbé  Nollet  et  les  physiciens  de  l'é- 
poque. Il  y  avait  même  eu  un  essai  de  démonstra- 
tion expérimentale  tenté  par  Dalibard  à  Marly-la- 
■yille.  Mais  ce  ne  fut  véritablement  qu'en  175'.?  que 
Franklin,  par  la  célèbre  expérience  du  cerf-volant, 
armé  d'une  pointe  métallique  et  dirigé  vers  un 
nuage,  vint  fixer  les  idées  des  savants  sur  ia  cause 
vraie  des  phénomènes  orageux. 


Dans  la  seconde  moitié  du  dix-huitième  siècle, 
l'électricilé  se  constitua  réellement  à  l'état  de 
science  ;  elle  devint  un  chapitre  important  de  la 
pliysique  générale.  Franklin,  après  avoir  établi, 
comme  nous  le  disions  plus  haut,  les  bases  de  cette 
partie  de  la  météorologie  qu'on  a  appelée  Vélec- 
tricité  atmosphérique,  inventa  le  paratonnerre  et 
décrivit  la  meilleure  disposition  à  adopter  pour  le 
rendre  efficace.  Les  travaux  entrepris  depuis 
Franklin,  les  rapports  des  commissions  académi- 
ques en  vue  d'assurer  la  protection  des  édifices 
contre  la  foudre,  n'ont  modifié  que  bien  peu  les 
indications  que  le  savant  américain  avait  fournies. 

\ .  Galvanisme.  Pile  de  Voila.  —  Dans  le  même 
temps,  un  médecin  de  Bologne,  Galvani,  se  livrait 
à  des  études  sérieuses  sur  les  contractions  spas- 
modiques  qu'éprouvaient  les  muscles  des  animaux 
récemment  tués,  quand  on  mettait  ces  muscles  en 
contact  avec  certains  métaux;  il  croyait  en  aperce- 
voir la  cause  dans  la  production  d'une  sorte  dé- 
lectricité,  la  même  qui  prenait  naissance  dans  les 
centres  nerveux  et  à  laquelle  les  nerfs  servaient  de 
conducteurs.  .Volta,  professeur  à  l'Université  de 
Pavie,  répéta  en  les  variant  les  expériences  te 
Galvani;  il  fut  conduit  à  une  conclusion  touie 
différente.  Il  attribua  au  passage  de  l'électricilé 
ordinaire  dans  les  muscles  les  contractions  obser- 
vées. Cette  électricité,  selon  lui,  avait  son  foyer 
de  production,  non  pas  dans  les  ganglions  nerveux 
principaux,  comme  l'avait  pensé  Galvani,  mais  bien 
dans  les  métaux  de  nature  différente  que  le  mé- 
decin de  Bologne  avait  employés  pour  faire  com- 
muniquer ensemble  les  nerfs  lombaires  et  les 
muscles  des  pattes  dans  une  grenouille  fraîche- 
ment écorchée.  Tel  a  été  le  point  de  départ  de 
cette  célèbre  théorie  du  contact  que  Volta  géné- 
ralisa depuis  en  attribuant,  dans  l'espèce,  la 
faculté  productrice  de  l'électricité,  non  pas  seule- 
ment aux  métaux  de  nature  différente,  que  l'on 
fait  toucher  l'un  à  l'autre,  mais  encore  à  toutes 
les  substances  d'origine  quelconque,  organique  et 
inorganique,  ofl'rant  une  constitution  ou  une  com- 
position différente,  et  qui  sont  en  contact  immé- 
diat. 

Les  expériences  de  Volta  le  conduisirent  à  la 
découverte  de  la  pile  qui  porta  son  nom,  décou- 
verte qui  date  de  la  dernière  année  du  dix-hui- 
tième siècle  (1800),  et  qui  a  été  l'origine  d'appli- 
cations si  importantes  dans  les  sciences,  dans 
l'industrie,  dans  la  médecine. 

La  pile  de  Volta  eut  pour  point  de  départ,  dans 
sa  construction,  les  principes  théoriques  suivants  : 
1°  Deux  métaux  différents  en  contact  constituent 
une  source  permanente  d'électricité;  l'un  des  mé- 
taux est  chargé  d'électricité  positive,  l'autre  d'élec- 
tricité négative.  La  force  particulière,  qui  naît  à  la 
suite  du  contact  et  de  ces  métaux,  et  qui  provoque 
jusqu'à  une  certaine  limite  la  décomposition  du 
fluide  neutre,  a  été  nommée  par  Volta  foixe  e/ec- 
tro-motrice  ;  2°  quand  les  substances  en  contact 
ne  sont  changées  ni  l'une  ni  l'autre,  cette  force 
électro-motrice  conserve  une  grandeur  constante: 
que  les  dites  substances  soient  préalablement  olec- 
trisées  ou  qu'elles  ne  le  soient  pas,  qu'elles  soient 
ou  non  en  communication  avec  le  sol,  elle  est  me- 
surée, dans  tous  les  cas,  par  la  différence  des  char- 
ges électriques  qui  s'accumulent  sur  les  corps  e  n 
contact. 

La  conséquence  rigoureuse  de  ces  deux  principes, 
c'est  que  la  charge  électrique  dans  une  même  pile 
doit  aller  en  croissant,  à  mesure  qu'on  augmente  le 
nombre  des  couples  métalliques  qui  la  consti- 
tuent {zinc-cuivre  dans  l'appareil  de  Volta),  mais 
à  la  condition  toutefois  que  ces  couples  soient 
séparés  l'un  de  l'autre,  par  un  corps  simplement 
conducteur  (rondelle  de  drap  imprégnée  d'eau 
acidulée).  De  plus,  l'une  des  moitiés  de  la  pile 
duit  Cire  exclusivement  chargée  d'électricité  posi- 


ELECTRICITE 


—  659  — 


ELECTRICITE 


tive,  l'autre  d'électricité  négative,  et  les  tensions 
de  chaque  électricité  doivent  aller  en  augmentant, 
depuis  le  milieu  où  les  charges  ne  peuvent  être 
que  nulles,  jusqu'aux  extrémités  nommées  pôles 
où  elles  sont  maximum. 

Toutes  les  conséquences  de  la  théorie  se  sont 
trouvées  vérifiées  par  l'expérience.  La  première 
pile  imaginée  par  Volta,  la  pile  à  colonne,  com- 
posée de  couples  zinc-cuivre,  superposés  et  sépa- 
rés l'un  de  l'autre  par  des  disques  de  drap 
humide,  fournit  en  effet  tous  les  résultats  qui 
viennent  d'être  indiqués.  Le  côté  de  la  pile  qui  se 
termine  par  un  zinc  est  un  pôle  positif,  celui 
qui  se  termine  par  un  cuivre  est  un  pôle  négatif; 
la  charge  électrique  est  nulle  au  milieu  de  la  pile, 
et  présente  sa  plus  grande  intensité  à  chaque 
extrémité.  Quand  on  met  en  communication  les 
deux  pôles  par  l'intermédiaire  d'un  corps  con- 
ducteur, un  fil  de  cuivre  par  exemple,  les  élec- 
tricités de  nom  contraire  qui  s'j"  trouvaient  accu- 
mulées se  réunissent  par  la  voie  conductrice  qui 
leur  est  offerte.  De  là  est  venue  aux  premiers 
expérimentateurs  cette  idée,  que  l'hypothèse  des 
fluides  ne  pouvait  manquer  de  faire  naître,  de  l'exis- 
tence, dans  le  fil  conducteur  interpolaire,  d'un 
double  courant  d'électricité  :  l'un  de  fluide  posi- 
tif, marchant  dans  le  fil  métallique  du  pôle  zinc  au 
pôle  cuivre  de  la  pile,  l'autre  cheminant  en  sens  in- 
verse, dans  le  même  fil,  du  pôle  cuivre  au  pôle 
zinc.  Empressons-nous  d'ajouter  qu'on  est  convenu, 
et  ceci  est  parfaitement  arbitraire,  d'appeler  sens 
du  courant,  la  marche  du  fluide  électrique  du 
p  Me  positif,  pôle  zinc  de  la  pile  à  colonne,  au  pôle 
négatif,  pôle  cuivre  de  la  même  pile,  dans  le 
fil  conducteur  interpolaire.  En  réalité,  pour  nous 
et  en  dehors  de  toute  hypothèse,  la  définition 
du  courant  doit  être  celle-ci:  c'est  l'état  physique 
spécial,  signalé  par  despropriétés  distinctes,  dans 
lequel  se  trouve  placé  tout  corps  conducteur  qui 
réunit  les  deux  pôles  d'une  pite. 

La  théorie  du  contact  de  Volta,  vraie  dans  le 
fond,  est  trop  restreinte,  quand  on  s'en  tient  à  la 
formule  adoptée  par  son  auteur.  Il  est  démontré 
aujourd'hui  que  toute  action  chimique,  quelle 
qu'en  soit  l'origine,  action  qui  suppose  toujours  le 
contact  préalable  de  deux  substances  de  nature 
différente,  est  accompagnée  d'un  dégagement  d'é- 
lectricité. S'il  s'agit  par  exemple  d'un  métal  atta- 
qué par  un  acide,  le  métal  se  charge  toujours 
d'électricité  négative,  et  l'acide  d'électricité  posi- 
tive. Dans  la  pile  de  Volta,  en  particulier,  le  zinc 
est  le  métal  attaqué  ;  l'acide  sulfurique,  dont  la 
rondelle  du  drap  est  imprégnée,  représente  le 
corps  attaquant  :  le  zinc  se  charge  donc  d'électri- 
cité négative,  et  le  drap  humide  d'électricité  posi- 
tive; le  cui\Te  de  chaque  couple  n'étant  point  at- 
taqué par  l'acide,  joue  simplement  le  rôle  de  corps 
conducteur. 

La  théorie  chimique  de  la  pile  est  fondée  sur 
des  faits  d'expérience,  qui  ne  sauraient  laisser 
aucun  doute  en  ce  qui  concerne  leur  interpré- 
tation. 'Son  seulement  elle  a  rendu  compte  des 
eft-eis  produits  par  l'appareil  qu'avait  imaginé 
Volta,  par  la  pile  h  colonne,  mais  encore  elle  a 
conduit  les  physiciens  à  améliorer,  à  perfection- 
ner les  piles  à  ce  point  qu'il  est  devenu  possible 
de  recourir  à  leur  emploi  quotidien,  même  pour 
d'importantes  opérations  industrielles. 

La  pile  à  colonne  en  effet,  et  toutes  ceU'es  qui 
en  dérivent  immédiatement  —  pile  à  couronne  de 
tr.sses,  pile  à  auges,  pile  de  Wollaston,  etc,.  — 
avaient  un  inconvénient  commun  :  à  la  suite  de  leur 
mise  en  activité,  le  courant  auquel  elles  don- 
naient naissance  s'affaiblissait  de  plus  en  plus 
avec  rapidité,  et  au  bout  de  peu  de  temps,  une 
demi-heure,  une  ou  deux  heures  au  plus,  ce  cou- 
rant devenait  sensiblement  nul.  On  a  recherché  les 
causes  de  cet  affaiblissement  en  utilisant  les  don- 


nées que  fournissait  la  théorie  chimique;  on  les 
a  découvertes,  et  bientôt  on  a  trouvé  le  moyen  de 
les  supprimer. 

VL  Piles  à  courimt  co'istant.  —  Le  courant  élec- 
trique, qui  ne  peut  exister  qu'autant  que  le  circuit 
dans  lequel  il  va  se  mouvoir  est  un  circuit  com- 
plet, un  circuit  fermé,  ne  parcourt  pas  seulement 
le  fil  extérieur  interpolaire  ;  il  se  complète  en  tra- 
versant tous  les  corps  de  nature  diverse  et  plus  ou 
moins  bons  conducteurs  qui  sont  interposés  sur 
son  chemin  entre  les  deux  pôles  dans  la  pile  elle- 
même.  Dans  ce  parcours,  il  trouve  de  l'eau  (HO) 
qu'il  décompose;  il  amène  l'hydrogone  (H)  sur  le 
conducteur  non  attaqué,  le  cuivre  dans  la  pile 
ordinaire  de  Volta,  et  l'oxygène  (G)  sur  le  métal 
attaqué,  le  zinc.  —  Le  même  eô'et  est  produit  par 
ce  même  courant  dans  la  dissolution  saline  (sul- 
fate de  zinc,  ZnO,  SO?;,  qu'il  traverse  nécessai- 
rement dans  toute  pile  voltaïque.  De  là  transport 
du  zinc  Zn)  dans  le  sens  du  courant,  c'est-à-dire 
sur  le  cuivre,  et  de  toute  la  partie  non  métallique 
(SO^)  qui  appartenait  au  sel,  en  sens  contraire  du 
courant,  c'est-à-dire  sur  le  zinc. 

Or  il  résulte  de  ce  transport  d'éléments  très  fa- 
cilement oxydables  (H  et  Zn)  sur  le  cuivre  que  ce 
dernier  se  trouve  recouvert  d 'une  couche  métalli- 
que attaquable  par  les  acides;  que  cette  couche 
est  en  efiet  attaquée;  et  que  dès  lors  le  cuivre, 
qui  recueillait  tout  d'abord  l'électricité  positive  de 
l'acide,  change  de  rôle  et  devient  au  contraire  une 
source  d'électricité  négative;  un  courant  de  sens 
contraire  au  courant  principal  prend  dès  lors  nais- 
sance. Moins  intense  que  lui  au  début,  il  aû'aiblit 
d'abord  les  effets  de  ce  dernier;  mais  son  intensité, 
allant  toujours  en  croissant,  devient  forcément 
égale  à  celle  du  courant  primitif;  les  deux  flui 
électriques  de  sens  inverse  s'annulent  alors  l'un 
l'autre,  et  tout  se  passe  à  partir  de  ce  moment 
comme  si  le  com-ant  primitif  n'existait  pas. 

On  a  remédié  à  ce  grave  inconvénient  par  la 
construction  des  piles  à  deux  liquides,  dites  aussi 
piles  à  com-ant  constant.  Sturgeon  imagina  d'abord 
de  substituer  le  zinc  amalgamé  au  zinc  ordinaire. 
Ce  fut  la  une  première  amélioration  qui  a  son  im- 
portance. Glace  à  l'emploi  du  zinc  amalgamé,  l'ac- 
tion chimique  ne  s'exerce  point  de  la  part  de  l'a- 
cide sur  le  métal  tant  que  les  deux  pôles  de  la  pile 
ne  sont  point  réunis  par  un  conducteur  distinct.  Le 
zinc  s'use  donc  en  moindre  quantité  et  d'ailleurs, 
quand  le  courant  passe,  l'attaque  du  métal  est  plus 
régulière.  M.  Becquerel  construisit,  sans  s'en 
douter,  une  pile  à  courant  constant  qui  ne  reçut 
aucune  application;  l'honneur  de  la  découverte 
revient  équitablement  au  physicien  Danieil. 

Un  élément  Danieil  est  ainsi  constitué  :  vase 
cylindrique  de  grès  à  l'extérieur,  vase  poreux  ou 
sac  de  toile  concentrique  à  l'intérieur,  lame  de 
cuivre  contournée  en  cylindre,  entre  le  vase  de 
grès  et  le  vase  poreux,  et  enfin  lame  de  zinc  dans 
le  vase  poreux.  Une  dissolution  saturée  de  sulfate 
de  cuivre  baigne  la  lame  de  cuivre  et  remplit  l'es- 
pace annulaire  compris  entre  les  deux  vases  ;  de 
l'eau  acidulée  remplit  le  vase  poreux  et  se  trouve 
en  contact  par  suite  avec  la  lame  de  zinc 

La  production  de  l'électricité  dans  cet  élément 
est  due,  comme  toujours,  à  la  cause  déjà  indiquée  : 
l'attaque  du  zinc  par  l'acide  ;  le  zinc  se  charge 
d'életiricité  négative  et  devient  le  pôle  négatif  de 
cette  pile  ;  l'acide  et  le  sulfate  de  cuivre,  qui  sont 
en  contact  par  l'intermédiaire  du  vase  poreux, 
recueillent  l'électricité  positive  et  la  transmettent 
au  cuivre  qui  devient  ainsi  un  pôle  positif.  Où  est 
donc  la  différence  avec  les  piles  anciennes  ?  la  voici  : 
L'hydrogène  provenant  de  la  décomposition  de  l'eau 
dans  l'élément  est  arrêté  par  le  sulfaife  de  cuivre 
(CuO,S03;  qu'il  réduit  :  en  cuivre  (Cu)  qui  va  se 
déposer  sur  la  lame  de  cuivre,  et  en  SO^  ou  SO'  -f  O 
qui  va  attaquer  le  zinc.  Donc  déjà,  point  d  liydro- 


ELECTRICITE 


-  660 


ÉLECTRICITÉ 


gène  allant  recouvrir  le  zinc.  En  second  lieu,  le 
sulfate  do  zinc  est,  lui  aussi,  dccouiposé  par  le  cou- 
rant, mais  le  zinc  est  arrête  par  le  vase  poreux; 
enfin,  pas  de  dépôt  de  cuivre  possible  sur  le  zinc. 
On  le  voit,  les  causes  d'affaiblissement  du  courant 
ont  été  éliminées,  son  intensité  doit  demeurer  sen- 
siblement constante. 

On  a  fait  varier  de  bien  des  manières  les  dis- 
positions adoptées  par  Daniell.  Mais  en  principe 
le  mode  d'opérer  est  resté  le  même.  Toujours,  dans 
les  piles  nouvelles,  l'hydrogène  transporté  trouve 
sur  sa  route  un  composé  susceptible  de  réduction 
qui  l'arrête  et  l'absorbe  :  dans  la  pile  de  M.  Marié- 
Davy  c'est  le  sulfate  de  mercure  ;  dans  la  pile  de 
Grove  cost  l'acide  nitrique,  et  en  môme  temps  le 
cuivre  esi  remplacé  par  une  lame  de  platine  plon- 
gée dans  cet  acide  ;  dans  la  pile  de  liunsen  c'est 
encore  l'acide  nitrique,  mais  c'est  du  charbon  de 
cornue  qui  est  substitué  à  la  lame  de  cuivre  de 
l'élément  Daniell. 

Dans  les  piles  nouvelles  comme  .dans  les  piles 
anciennes,  les  éléments  voltaiques  ont  pu  être 
ajoutés  les  uns  aux  autres  de  manière  à  augmen- 
ter la  puissance  des  effets.  Il  y  a  d'ailleurs,  quel 
que  soit  l'élément  employé,  deux  modes  de  grou- 
pement possible  :  le  groupement  en  série  et  le 
groupement  en  batterie.  Dans  le  premier  cas,  h'S 
éléments  sont  réunis  l'un  à  l'autre  par  leurs  pôles 
de  nom  contraire.  Chaque  élément  dans  la  pile  en 
série  a  son  pôle  positif  en  contact  immédiat  avec 
le  pôle  négatif  de  l'élément  qui  le  précède  et  son 
pôle  négatif  en  contact  avec  le  pôle  positif  de 
l'élément  qui  le  suit.  Le  pôle  libre  dans  le  pre- 
mier anneau  de  la  chaîne  est  le  pôle  positif  de  la 
pile;  le  pôle  libre  dans  le  dernier  anneau  est  le 
pôle  négaiif.  C'est  avec  la  pile  disposée  en  série 
qu'on  obtient  les  effets  de  tension,  la  lumière 
électrique,  etc. 

Dans  le  second  cas,  les  pôles  de  même  nom  de 
tous  les  éléments  qui  doivent  former  la  pile  sont 
réunis  ensemble  métalliquement,  de  telle  façon 
que  la  pile  tout  entière  n'est  autre  qu'un  élément 
unique  dont  la  surface  serait  égale  à  la  somme  des 
surfaces  de  tous  les  éléments  individuels.  La  pile 
dite,  cette  fois,  pile  en  hatterie,  ne  produit  pas  des 
effets  de  tension,  mais  des  effets  de  quantité  :  l'in- 
candescence de  fils  fins  métalliques,  etc. 

yïl.Ëlectro-magjiétisine.  —  Le  courant  fourni  par 
une  pile  quelconque  agit  à  distance  sur  l'aiguille  ai- 
luaniée.  (-'est  là  un  phénomène  desplus  remarqua- 
bles. Sa  découverte  est  due  au  physicien  danois  OEr- 
sted,  qui  le  signala  au  monde  savant  en  18'20.  L'expé- 
rience est  du  reste  des  plus  simples.  Le  fil  de 
cuivre  qui  réunit  les  deux  pôles  d'une  pile  est 
placé  dans  le  méridien  magnétique  au-dessus  ou 
au-dessous  d'une  aiguille  de  déclinaison  et  parallè- 
lement à  sa  direction  ;  on  voit  aussitôt  l'aiguille  se 
dévier  et  tendre  à  se  mettre  en  croix  avec  le  cou- 
rant. Seulement, son  pôle  nord  ou  austral  dévie  d'une 
manière  inverse  vers  l'orient  ou  vers  l'occident, 
suivant  que  le  courant  est  placé  au-dessus  ou  au- 
dessous  de  l'aiguille.  Ampère  a  indiqué  un  moyen 
commode  de  formuler  clairement  et  dans  tous  les 
cas  possibles  la  loi  du  phénomène.  Pour  cela,  il 
distingue  dans  le  courant  un  côté  droit  et  un  côté 
gauche,  comme  il  existe  une  droite  et  une  gauche 
dans  le  corps  de  l'homme,  et  il  les  définit  de  la 
manière  suivante  :  qu'on  suppose  un  spectateur 
couché  dans  le  courant  de  manière  que  celui-ci 
lui  entre  par  les  pieds  et  lui  sorte  par  la  tète; 
qu'on  suppose  en  outre  que  le  spectateur  regarde 
dans  tous  les  cas  l'aiguille  aimantée;  sa  droite  et  sa 
gauche  seront  la  droite  et  la  gauche  du  courant. 
Ceci  convenu,  la  loi  d'OErsted  peut  être  énoncée 
ainsi  :  Quand  un  rounuit  e*t  }>lacf  pa'  a  lèemen/ 
àwie  aujudle  de  dcclinais''/i  et  dims  so?i  voisinage, 
cette  aiguille  se  met  en  croix  w  ec  le  courdiit  et  de 
telle  façon  que  son  pôle  austral  se  trouve  porté 


à  la  gauche  dudit  courant.  Cet  énoncé  comprend 
tous  les  cas  possibles  et  permet  de  prévoir  à  l'a- 
vance de  quel  côté  aura  lieu  la  déviation  de  l'ai- 
guille. De  même,  quand  le  sens  de  cette  déviation 
est  connu  par  un  essai  direct,  on  pourra  en  con- 
clure la  position  de  la  gauche  du  courant  et  par 
suite  le  sens  de  ce  dernier.  C'est  sur  ce  principe 
qu'a  été  construit  le  galvanomètre,  instrument 
composé  essentiellement  d'une  aiguille  de  décli- 
naison parfaitement  mobile  placée  autour  d'un 
cadre  en  bois  de  forme  rectangulaire  et  à  gorge, 
sur  lequel  est  enroulé  le  fil  de  cuivre  dans  lequel 
circulera  le  courant.  L'aiguille  étant,  dans  son  état 
d'équilibre,  parallèle  au  long  côté  du  cadre  et  par 
suite  au  fil  conducteur  du  couiant,sera  déviée  dans 
un  sens  ou  dans  l'autre  aussitôt  que  le  courant  pas- 
sera, et  le  sens  de  sa  déviation  accusera  le  sens- 
véritable  du  courant.  De  plus  la  grandeur  de  cette 
déviation  permettra  d'apprécier,  par  une  gradua- 
tion préalable,  l'intensité  de  ce  même  courant. 
L"idée  de  multiplier  ainsi  le  courant  autour  de 
l'aigui'le  en  enroulant  le  fil  sur  le  cadre  de  bois  est 
due  à  Schweigger.  L'idée  d'augmenter  la  sensibilité 
de  l'instrument  en  employant  dans  le  galvanomè- 
tre deux  aiguilles  solidaires  lune  de  l'autre,  paral- 
lèles l'une  A  l'autre  et  avec  leurs  pôles  de  nom 
contraire  en  regard  (aiguilles  astatiques),  est  due  à 
Nobili. 

Vlll.  Thei^mo-électriciié.  —  Une  découverte  de 
Seebeck  qui  date  à  peu  près  de  la  même  époque 
que  celle  d'OErsted — Seebeck  i8-3,OErsled  1S20  — 
celle  du  courant  thermo-électrique,  n'a  été  possible 
que  glace  à  la  faculté  que  donnait  le  galvanomè- 
tre de  constater  le  passage  des  courants  et,  au  be- 
soin, dé  mesurer  leur  intensité.  Le  point  de  dé- 
part de  la  production  de  ces  courants  est  celui-ci  : 
Si  l'on  chaufl'e,  en  un  quelconque  de  ses  points, 
un  circuit  métallique  homogène,  il  s'établit  de  part 
et  d'autre  du  point  chaufl'e  des  courants  égaux  et 
de  sens  conti'aire  qui  s'annulent  en  se  croisant 
dans  le  circuit  fermé.  Tout  se  passe  alors  comme 
si  aucun  flux  d'électricité  n'avait  été  mis  en  mou- 
vement. Aucun  efl'et  d'électricité  n'est  sensible. 
Mais  si  à  droite  et  à  gauche  du  point  chauffé  les 
métaux  sont  de  nature  difl'érente  ou  bien  si  le 
même  méial  y  possède  des  structures  non  iden- 
tiques, les  courants  qui  prennent  naissance  de  part 
et  d'autre  du  point  chaufl'e  n'oni  pas  la  même  in- 
tensité. Ils  ne  s'animlent  plus  réciproquement,  la 
résultante  est  égale  à  leur  différence,  et  l'aiguille 
du  galvanomètre  placée  dans  le  circuit  est  déviée. 
C'est  surtout  en  soudant  ensemble  bout  à  bout 
deux  barreaux  métalliques  d'espèce  diflerente' (bis- 
muth-antimoine, cuivre-platine),  et  en  chauffant  ju 
point  de  soudure  (le  circuit  qui  comprend  les  deux 
métaux  étant  d'ailleurs  complété  par  un  fil  conduc- 
teur), qu'on  est  arrivé  à  faire  naître  des  courants 
thermo-électriques  qui  ont  été  utilisés  dans  quel- 
ques cas  pour  des  expériences  de  physique.  La 
pile  de  Melloni,  qui  a  rendu  tant  de  services  dans^ 
l'étude  de  la  chaleur  rayonnante,  est  précisément 
construite  d'après  ces  principes. 

La  découverte  d'OErsted,  la  science  de  ïélectro- 
magnélisme  qu'il  a  fondée,  ont  eu  la  plus  grande 
portée  tant  au  point  de  vue  des  spéculations  théo- 
riques qu'à  celui  des  applications  industrielles. 
Pour  la  première  fois,  en  1820,  on  aperçut  le  lieu 
étroit  qui  unissait  le  magnétisme  à  l'électricité.  Il 
était  réservé  à  un  physicien  français,  à  Ampère,  de 
fondre  désormais  ces  deux  sciences  en  une  seule 
et  d'établir  par  des  expériences  décisives  cette 
vérité  fondamentale,  que  les  phénomènes  du  ma- 
gnétisme sont  tous  explicables  par  le  seul  fait  de 
l'existence  de  courants  électriques  dans  des  condi- 
tions bien  déterminées. 

I\.  Electro-ilynaniique.  —  Il  y  avait  dix  mois  à 
peine  que  l'expérience  d'OErsted  était  comme,  et 
déjà  Ampère,  s'aidant   à  la  fois    du  calcul  et  de 


ELECTRICITE 


—  661  — 


ÉLECTRICITÉ 


l'expérience,  avait  créé  de  toutes  pièces  l'électro-  '  réalisée  :  un  fil  de  cuivre  contourné  en  spirale  et 
d!///am/g((e,  la  science  de  l'action  des  courants  sur  J  rendu  mobile  autour  d'un  axe  vertical  ,  a  été 
les  courants.  Cette  création  a  eu  cela  de  très  re-  parcouru  par  un  courant;  aussitôt  le  petit  appa- 
marquable  qu'elle  a  été  complète  dès  l'origine  :  '  reil  qu'on  a  nommé  un'  sehhiou/e  s'est  comporté 
tout  a  été  calculé,  tout  a  été  prévu,  et  les  pbjsi-  '  comme  l'aiguille  aimantée,  et  sous  l'acdou  terros- 
ciens  qui  ti  la  suite  d'Ampère  se  sont  occupés  '  tre  son  axe  a  pris  la  direction  sud-nord  et  de  telle 
d'électro-dvnamique  n'ont  ajouté  rien  d'essentiel  1  manière  que  le  courant  descendant  du  sélénoîde 
à  la  découverte  du  savant  français.  On  trouverait  marchait  de  l'est  à  l'ouest.  Les  sélénoïdes  fixes 
peu  d'exemples  dans  les  sciences  expérimentales  [  agissent  sur  des  solénoides  mobiles  comme  le  font 
de  conceptions  aussi  vastes,  embrassant  un  nombre  ,  des  aimants  fixes  sur  des  aimants  mobiles, 
aussi  considérable  de  phénomènes  et  complète-  En  un  mot,  toutes  les  expériences  exécutées 
ment  réalisées  par  un  seul  homme  en  aussi  peu  ^  avec  les  aimants  réussissent  de  la  raêiue  manière 
de  temps.  avec  des  sélénoïdes.  L'identité  du  magnétisme  et 

Les  courants  agissent  sur  les  courants  suivant  de  l'électricité  est  aussi  bien  démontrée  qu'il  est 
des  lois  très   simples  :  Deux  courants  parallèles  '  possible. 

et  de  même  sens  s'atlirent.  —  Deux  courants  pa- 1  X.  In'hiction.  —  .fusqu'en  1832  les  découvertes  de 
7'allèles  etde  sejxs  contraii-e  se  repoussent.  —  Deux  i  Volta,  d'OErstedet  d'Ampère  avaient  permis  seule- 
courants  croisés  agissent  toujours  l'un  sur  l'autre  ment  de  produire  des  aimants  par  l'emploi  de  cou- 
de  telle  façon  que  le  courant  mobile  devient  par  rants  électriques.  Les  électro-aimants  ainsi  obte- 
suite  un  c  uront  fixe  et  de  même  sens  que  lui.  nus  pouvaient  même  acquérir  sous  l'influence  du 
Partant  de  ces  lois  que  l'expérience  vérifiait,  Am-  courant  un  haut  degré  de  puissance  attractive  ?ur 
père  n'eut  pas  de  peine  à  rendre  compte  de  la  ;  le  fer  doux.  Mais  on  n'avait  pas  cherché  à  produire 
découverte  d'OErsted,  et  de  celle  d'Arago,  qui,  le  phénomène  inverse,  c'est-à-dire  à  faire  naître  des 
dès  1820,  avait  montré  qu'un  courant  électrique  '  courants  par  l'action  .même  des  aimants.  Un  illus- 
agit  sur  le  fer  doux  et  le  transforme  en  un  aimant  tre  physicien  anglais,  Faraday,  y  est  parvenu  le 
temporaire  pendant  toute  la  durée  de  son  action,    premier  ;  il  a  su  reconnaître    avec  une  rare  saga- 

Voici  les  points  principaux  de  l'explication  qu'il  cité  dans  quelles  conditions  spéciales  cette  in- 
donna des  phénomènes  magnétiques  :  Il  n'existe  :  iluence  réciproque  des  aimants  devait  se  mani- 
ni  fluide  austral  ni  fluide  boréal  dans  les  aimants,  i  fester  par  la  production  de  l'électricité  dans  un 
Autour  des  particules  matérielles  qui  les  compo-  circuit  formé.  La  branche  nouvelle  de  la  science 
sent  circulent  d'une  manière  permanente  des  '  qui  doit  son  origine  aux  travaux  de  Faraday  porte 
courants  éleciriques  tous  de  même  sens.  Ces  cou-  !  le  nom  à'induction  électrique.  Voici  très  sommai- 
rants  existent  déjà  dans  les  substances  magnéti-  rement  l'indication  des  principales  lois  établies 
ques,    fer,   acier,   etc.,    avant  qu'elles    ne   soient    par  le  phj'sicien  anglais. 

aimantées;  seulement  les  courants  particulaires  I  Un  courant  d'intensité  constante,  placé  à  une 
n'j'  sont  pas  parallèles  ;  ils  ont  une  direction  quel-  distance  invariable  d'un  circuit  conducteur  fermé, 
conque  et  annulent  mutuellement  leurs  efl'ets.  Une  n'a  sur  lui  aucune  action  apparente  ;  le  circuit  en 
substance  magnétique  est  convertie  en  un  aimant  question  ne  donne  aucun  signe  sensible  de  cir- 
lorsqu'on  est  parvenu  par  un  procédé  convenable  à  \  culation  électrique.  Mais  vient-on  à  faire  varier 
donner  aux  courants  particulaires  un  sens  et  une  '  par  un  moyen  quelconque  l'action  du  c  urant  sur 


direction  fixes,  les  mêmes  pour  tous. 

La  théorie  d'Ampère  est  sortie  victorieuse  de 
toutes  les  épreuves  auxquelles  elle  a  été  soumise. 
Si  l'aiguille  d'OErsted  se  met  en  croix  avec  le  cou- 
rant en  portant  son  pôle  austral  à  la  gauche  de 
ce  dernier,  c'est  parce  que  les  courants  particulai- 


le  circuit  ;  ;iugmente-t-on  ou  diminue-t-on  l'intensité 
propre  du  courant,  augmente-t-on  ou  diminue -t-oa 
la  distance  qui  le"s  sépare,  aussitôt  le  circuit  est 
parcouru  par  un  courant  dit  courant  indicit.  Ce 
courant  induit  est  de  sens  contraire  au  courant 
inducteur,  si  l'action  de  ce  dernier  augmente  par 


res  de  l'aiguille  jouent  par  rapport  au  courant  '  un  accroissement  d'intensité  ou  une  diminution  de 
«lectrique  le  rôle  de  courants  croisés,  et  qu'obéis-  distance  ;  il  est  de  même  sens  que  le  courant  in- 
sant  aux  lois  de  l'électro-dynamique,  ils  tournent  ducteur,  si  l'action  de  celui-ci  diminue  soit  par  un 
de  manière  à  devenir  parallèles  et  de  même  sens  ,  affaiblissement  d'intensité,  soit  par  un  accroisse- 
que  le    courant  fixe.   Si,  dans    l'expérience   d' A-    ment  de  distance. 

rago,  un  barreau  de  fer  doux  devient  un  aimant  I  Dans  le  cas  particulier  où  le  courant  naît  dans 
quand  on  enroule  autour  de  lui  un  fil  de  cuivre  le  fil  inducteur,  oii  il  passe  par  conséquent  de 
traversé  par  un  courant,  c'est  que  les  courants  l'intensité  zéro  à  une  intensité  qui  a  une  certaine 
particulaires  du  fer  doux,  qui  avaient  des  posi-  '  valeur,  le  circuit  induit  est  traversé  par  un  coû- 
tions quelconques  eu  égard  au  courant  fixe,  se  di-  rant  de  sens  contraire.  Quand  il  finit  dans  le  fil 
rigent  et  s'orientent  sous  son  influence  tous  de  '  inducteur  et  qu'il  passe,  par  conséquent,  d'une  in- 
la  même  façon  jjour  lui  devenir  parallèles  et  de  '  tensité  déterminée  à  zéro,  le  circuit  induit  est  par- 
même  sens,  et  le  barreau  de  fer  doux  devient  par  couru  par  un  courant  de  sens  contraire.  Le  cou- 
suite  un  aimant  véritable  ou,  comme  on  l'a  nommé,  j  rant  inducteur  qui  s'approche  agit  comme  le 
un  électro-aimard.  courant  qui  coiumonce:  celui  qui  s'éloigne  comme 

Si  l'aiguille  aimantée  librement  suspendue  se  le  courant  qui  finit.  Le  caractère  commun  de  tous 
•dirige  et  s'oriente  du  nord  au  sud  soùs  l'influence  .  ces  courants  induits,  c'est  de  n'avoir  qu'une  très 
de  la  terre,  c'est  que  celle-ci  est  traversée  par  des  .  faible  durée. 

courants  particulaires  cheminant  de  l'est  à  l'ouest  Or,  ce  que  peut  faire  le  courant  électrique 
dans  des  plans  à  peu  près  perpendiculaires  à  l'axe  passant  dans  le  fil  inducteur,  quand  on  l'appro- 
terrestre;  les  courants  de  l'aiguille  mobile  doivent  che  ou  qu'on  l'éloigné  du  circuit  formé,  n'est-il 
donc  pour  l'équilibre  venir  se  placer  parallèlement  '  pas  probable  que  l'aimant,  qui  n'est  qu'un  en- 
aux  courants  terrestres  et  avoir  le  même  sens  1  semble  de  courants,  tous  parallèles  et  de  même 
qu'eux.  Dans  ces  conditions,  l'axe  de  l'aiguille  doit  sens,  pourra  l'efTcctucr  à  son  tour  par  une  sem- 
so  fixer  à  très  peu  près  dans  le  méridien.  |  blable  variation  de  distance?  La  probabilité  d'une 

Du  reste,   si  la  théorie  d'Ampère  est  vraie,  les    réponse  affirmative  était  telle  que  Faraday  n'hésita 


aimants  pourront  être  remplacés  par  un  ensemble 
de  courants  circulaires  rendus  solidaires  l'un  de 
l'autre,  disposés  comme  il  vient  d'être  dit  au  point 
de  vue  du  sens  et  de  la  direction,  et  sans  que  le 
fer  ou  l'acier  ou  toute  autre  substance  magnétique 
aient  à  intervenir.  Cette  conception  a  été  en  effet 


point  à  tenter  l'expérience  ;  elle  réussit  au  gré  de 
son  désir,  [^n  aimant  qui  s'approche  d'une  bobine 
sur  laquelle  est  enroulé  un  fil  de  cuivre  revêtu 
de  soie,  y  développe  un  courant  induit  de  sens 
inverse  au  courant  qui  constitue  l'aimant;  un  ai- 
mant qui  s'éloigne  de  la  même  bobine  y  provoque 


ELECTRICITE 


—  662  — 


ELLIPSE 


l'apparition  d'un  courant  induit   de    sens   direct. 

Si  donc,  par  une  disposition  mécanique  convena- 
ble, on  produit  la  rotation  rapide  de  l'aimant  au- 
teur d'un  axe  fixe  à  une  petite  distance  de  ladite 
bobine,  le  pôle  excitateur  de  l'aimant  s'éloignera 
et  se  rapprochera  tour  à  tour  du  circuit  formé  et 
y  développera  des  courants  alternatifs  directs  et 
inverses  qui  s'y  succéderont  avec  une  grande  ra- 
pidité. La  bobine  sera  dans  les  mêmes  conditions 
que  si  les  deux  extrémités  du  fil  qu'elle  porte 
communiquaient  avec  les  pôles  d'une  pile  en  acti- 
vité, seulement  avec  cette  particularité  que  des  in- 
terversions périodiques  et  fréquemment  répétées 
dans  le  sens  du  courant  se  manifesteront  dans  le 
circuit.  Déplus,  on  imagine  sans  peine  qu'une 
disposition  puisse  être  adaptée  h  l'appareil  qui 
permette  de  renverser  constamment  le  sens  de  l'un 
des  courants  induits  de  manière  qu'ils  soient 
toujours  l'un  et  l'autre  de  même  sens.  Cette  dis- 
position existe  en  effet:  le  petit  instrument  qui  la 
réalise  porte  le  nom  de  conwndateur. 

X.I.  Machines  électro-magnétiques.  —  Plusieurs 
machines  fondées  sur  l'induction  électrique  ont  été 
inventées  tant  en  France  qu'à  l'étranger.  Sans 
recourir  à  la  pile,  sans  mettre  en  jeu  les  actions 
chimiques,  on  peut  actuellement  produire  et  utili- 
ser tous  les  effets  des  courants  électriques  :  efi'ets 
physiques,  chimiques  et  physiologiques.  Nous 
citerons,  en  France,  la  machine  de  Pixii,  à  l'étran- 
ger celles  de  Clarke,  de  Siemens  ;  la  machine  ma- 
gnéto-électrique de  Wilde  ;  enfin,  la  machine  de 
l'Alliance  et  la  machine  de  Gramme,  employées 
surtout  pour  l'éclairage  électrique. 

Quant  à  la  bobine  de  Ruhmkorflf,  qui  a  eu  son  mo- 
ment de  célébrité,  elle  doit  aussi  ses  effets  aux  cou- 
rants induits,  mais  engendrés  dans  des  conditions 
tout  autres  que  dans  les  précédentes  machines.  Cette 
fois,  le  courant  de  la  pile  ordinaire  est  indispensable 
pour  la  mise  en  jeu  de  la  machine.  La  bobine  de 
EuhmkorlT  a  deux  fils,  un  gros  fil  qui  servira  d'in- 
ducteur, un  fil  fin  et  très  long  —  de  plusieurs 
kilomètres  de  longueur  —  qui  sera  le  fil  in- 
duit. Suivant  l'axe  de  cette  bobine  à  deux  fils  et 
dans  son  intérieur  est  placé  un  barreau  de  fer 
doux,  que  le  courant  inducteur  aimantera  par  son 
passage  et  désaimantera  par  son  interruption.  Ces 
aimantations  et  ces  désaimantations  successives 
auront  déjà  pour  résultat  l'apparition  de  courants 
alternativement  directs  et  inverses  dans  le  fil  fin. 
Mais  ce  n'est  point  là  la  cause  productrice  essen- 
tielle des  courants  induits.  Cette  cause  réside 
dans  les  interruptions  fréquemment  répétées  du 
courant  inducteur.  Ce  courant,  qu'une  pile  formée 
habituellement  de  plusieurs  éléments  Bunsen, 
lance  d'une  manière  continue,  dans  le  circuit  induc- 
teur, se  trcuve  mécaniquement  interrompu  et  re- 
mis ensuite  en  activité,  et  cela  à  des  intervalles  de 
temps  très  rapprocliés.  Chaque  passage  du  courant 
et  chaque  interruption  amène  alternativement  des 
courants  induits  inverse  et  direct  dans  le  fil  fin. 
L'expérience  a  montré  que  dans  ces  conditions, 
l'électricité  qui  parcourt  le  fil  fin  possède  une 
tension  exceptionnelle  qui  se  manifeste  par  de 
vives  étincelles  à  travers  l'air,  par  l'incandescence 
des  fils  métalliques,  par  des  effets  physiologi- 
ques d'une  grande  énergie.  Des  deux  courants 
engendrés,  le  courant  direct  a  seul  une  tension 
suffisante  pour  traverser  la  couche  d'air  inter- 
posée entre  les  deux  bouts  de  fil  fin. 

Pour  compléter  cet  aperçu  très  rapide  de  la 
science  électrique,  il  faudrait  indiquer  les  applica- 
tions les  plus  importantes  auxquelles  ses  progrès 
ont  donné  lieu  ;  le  télégraphe  électrique,  la  galva- 
noplastie, la  dorure,  l'argenture,  l'éclairage  élec- 
trique, l'électro-mécanique.  Mais  chacune  d'elles  a 
pris  une  si  large  place  dans  la  pratique  indus- 
trielle, qu'il  n'est  possible  de  traiter  un  semblable 
sujet  qu'en  entrant  dans  des  développements  un 


peu  étendus,  qui  reculeraient  outre  mesure  les 
limites  de  cet  article.  Il  vaut  mieux  consacrer  à 
quelques-unes  des  principales  applications  de  l'é- 
lectricité un  article  distinct.  (V.  Éctairaqe,  galva- 
noplastie, télégraphe.  [A.  Boutan."' 

ELEMENTS.  —  V.  Corp.s  Simples. 

ELISABETH.  —  V.  Ti/dors. 

ELLIPSE.  —  (Etym.  :  d'un  mot  srec  signifiant 
manque,  omission.)  —  Géométrie,  XXIV. —  Qu'on 
attache  un  fil  par  ses  deux  bouts  à  deux  points  F 
et  F  (fig.  1)  d'un  papier  fort  et  bien  uni,  puis  qu'on 
tienne  le  fil  tendu  avec  un  crayon  à  pointe  fine, 
comme  dans  la  position  F'MF.  Si  on  promène  le 
craj'on  ainsi  guidé  par  le  fil,  et  qu'il  fasse  un  tour 
complet,  il  décrit  une  ligne  courbe  A'BAB'A'  qu'on 
nomme  ellipse. 


De  cette  construction  découle  la  définition  sui- 
vante :  l'ellipse  est  une  courbe  plane  fermée,  telle 
que  la  somme  des  distances  de  chacu?i  de  ses 
points  à  deux  points  fixes  est  constante. 

Il  est  évident  que  le  fil  et  le  crayon  prennent 
d'un  côté  de  la  droite  passant  par  les  points  F' 
et  F  des  positions  identiques  à  celles  qu'ils  avaient 
de  l'autre  côté;  par  conséquent  les  deux  parties  de 
la  courbe  situées  de  part  et  d'autre  de  cette  droite 
sont  égales.  Elles  coïncideraient,  si  la  figure  était 
pliée  le  long  de  cette  droite  :  cette  droite  est  donc 
un  axe  de  symétrie.  La  perpendiculaire  menée  par 
le  milieu  de  la  droite  F'F  jouit  de  la  même  pro- 
priété ;  la  partie  BB'  limitée  à  la  rencontre  de  la 
courbe  est  le  }  etit  axe;  la  droite  A'A  est  le  grand 
axe.  Le  srrand  axe  est  égal  à  la  longueur  du  fil 
employé  à  décrire  la  courbe. 

Le  point  O  d'intersection  des  deux  axes  est  le  cen- 
tre de  l'ellipse  ;  les  deux  points  F  et  F'  sont  nommés 
fogers.  La  droite  menée  d'un  foyer  à  un  point  quel- 
conque de  la  courbe  est  appelée  rayon  veaeur. 

Si  on  rapprochait  de  plus  en  plus  les  deux 
foyers,  la  courbe  différerait  de  moins  en  moins 
d'un  cercle.  On  peut  d'après  cela  regarder  le  cercle 
comme  une  ellipse  dont  les  deux  foyers  sont  con- 
fondus avec  le  centre. 

Quand  on  a  besoin  de  construire  une  ellipse,  les 
axes  sont  le  plus  souvent  donnés  d'avance.  On 
ramène  ce  cas  au  précédent  en  déterminant  les 
foyers.  Pour  cela  ayant  tiré  une  droite  A'A  égale 
au  grand  axe,  on  élève  en  son  milieu  une  perpen- 
diculaire, sur  laquelle  on  prend  des  longueurs  OB 
et  OB'  égales  à  la  moitié  du  petit  axe.  Puis  de 
l'extrémité  B  prise  pour  centre,  on  décrit  avec  un 
rayon  égal  à  OA  un  arc  qui  coupe  la  droite  A'A 
en  deux  points  F'  et  F  :  ces  deux  points  sont  les 
deux  foyers.  On  décrit  alors  l'ellipse,  comme  pré- 
cédemment, avec  un  fil  ayant  une  longueur  égale 
au  grand  axe.  C'est  ainsi  qu'opèrent  les  jardinieia 
pour  dessiner  dans  un  parterre  une  corbeille  de 
fleurs  de  forme  elliptique. 

Première  const)'UCtio?i  par  points.  —  La  cons- 
truction à  l'aide  d'un  fil  n'est  pas  très  commode 
sur  le  papier;  aussi  se  borne-t-on  souvent  à  dé- 
terminer un  certain  nombre  de  points  de  la  courbe 
et  à  faire  ensuite  passer  un  trait  continu  par  tous 
ces  points.  Pour  cela  on  divise  le  grand  axe  en 
deux  parties  par  un  point  quelconque  placé  entre 


ELLIPSE 


—  663  — 


EMPIRES 


les  foyers  F'  et  F,  par  exemple  le  point  I  (fig.  2). 
Des  foyers  pris  successivement  pour  centres,  on 
décrit  deux  arcs  avec  la  partie  AI  du  grand  axe 
pour  rayon  ;  puis  des  mômes  centres,  avec  l'autre 


partie  A'I  pour  rayon,  on  décrit  deux  arcs  dont 
chacun  coupe  en  deux  points  celui  des  deux  autres 
qui  n'a  pas  le  même  rayon  que  lui;  les  quatre 
points  d'intersection  ainsi  déterminés  M  et  M', 
N  et  N'  sont  des  points  de  l'ellipse. 

En  déplaçant  le  point  I  entre  les  foyers  F'  et  F 
et  en  répétant  les  mêmes  constructions,  on  aura 
autant  de  groupes  de  quatre  points  qu'on  voudra, 
pour  déterminer  avec  assez  d'exactitude  le  contour 
de  l'ellipse  demandée. 

Deuxième  construction  par  points.  —  Voici  un 
autre  moyen  assez  commode  de  construire  une 
ellipse  par  points,  sans  compas,  à  l'aide  d'une  règle 
formée  tout  simplement  par  une  petite  bande  de 
papier  pliée  en  deux. 

Soient  A'A  et  B'B  (fig.  3)  les  deux  axes  de  l'ellipse 


à  tracer.  Ayant  plié  en  deux  une  petite  bande  de 
papier,  on  marque  sur  le  pli  une  distance  ca 
égile  à  OA  et  une  distance  cb  égale  à  OB.  On 
place  ensuite  cette  règle  de  papier  en  diverses  po- 
sitions, en  ayant  soin  que  le  point  o  soit  toujours 
sur  le  petit  axe  et  le  point  6  sur  le  grand  axe; 
on  marque  chaque  fois  le  point  c  sur  le  papier; 
les  points  ainsi  donnés  par  c  sont  des  points  de 
l'ellipse. 

Tangente  à  l'ellipse.  —  La  tangente  à  l'ellipse 
jouit  d'une  propriété  qui  rend  très  facile  le  tracé 
de  cette  droite.  Elle  fait  des  angles  égaux  ai^ec 
les  deux  rayons  vecteurs  menés  au  point  de  con- 


Fisr.  4. 


Soit  la  droite  T'T  (fig.  4)  tangente  à  l'ellipse  au 


point  M;  les  angles  T'MF'  et  TMF  sont  égaux.  Si 
l'on  mène  MX  perpendiculaire  à  la  tangente,  cette 
droite  est  ce  qu'on  appelle  normale  à  l'ellipse  au 
point  M  ;  elle  divise  en  deux  parties  égales  l'angle 
MF  que  forment  les  deux  rayons  vecteurs  menés 
en  ce  point. 

Origine  de  la  dénomination  de  foyers.  —  Suppo- 
sons qu'une  surface  concave  d'une  forme  semblable 
à  la  surface  intérieure  d'un  œuf  vide,  ait  été  en- 
gendrée par  une  ellipse  tournant  autour  de  son 
grand  axe,  et  plaçons  à  l'un  des  foyers  F'  un  char- 
bon ardent.  Un  rayon  de  chaleur  tel  que  F'M  ren- 
coiitrant  cette  surface,  est  réfléchi,  et  après  cette 
réflexion  il  fait  avec  la  normale  MN  un  angle  égal 
à  l'angle  d'incidence  F'MN;  il  suit  la  direction  du 
rayon  vecteur  MF.  Tous  les  rayons  de  chaleur 
partis  de  F'  et  réfléchis  par  la  surface  concave  iront 
donc  se  croiser  à  l'autre  foyer  F,  et  là  ils  produi- 
ront une  accumulation  de  chaleur  capable  d'en- 
flammer un  corps  très  combustible,  comme  un 
morceau  d'amadou. 

Le  même  phénomène  aurait  lieu  pour  les  rayons 
sonores  ;  c'est  ce  qu'on  peut  observer  dans  une  des 
salles  du  Conservatoire  des  Arts  et  Métiers  à 
Paris,  dont  la  voûte  est  ellipsoïdale.  Deux  per- 
sonnes qui  se  tiennent  aux  deux  angles  opposés, 
peuvent  converser  à  demi-voix,  tandis  que  celles 
qui  sont  dans  la  salle  n'entendent  rien  de  leur 
conversation.  A  l'article  Courtjes  vsiietles,  on  a 
déjii  indiqué  quelques  applications  de  l'ellipse. 

Ovale.  —  L'ellipse  ne  pouvant  être  tracée  d'un 
mouvement  continu  h  l'aide  d'un  compas,  on  la 
remplace  le  plus  souvent  par  une  courbe  qui  en 
diffère  très  peu  et  qui  se  compose  d'arcs  de  cercle 
raccordés  ensemble. 

Cette  courbe,  nommée  ovale,  peutêtre  construite 
de  diverses  manières.  (V.  Ovde.) 

[G.  Bovier-Lapierre.] 

ELOCUTION.  —  y.  Style  et  Composition. 

ÉLOQUENCE.  —  'V.  Discours  eî  Orateurs. 

EMPIRES.  —  Géographie  générale,  XVI-X'VII  ; 
Histoire  générale,"  XXXIX-XL.  —  (Étym.  :  du  latin 
imperium.,  commandement,  domination).  —  Le  mot 
empire  s'emploie  tantôt  dans  le  sens  général  gue 
lui  donne  son  étymologie,  et  désigne  alors  la  do- 
mination exercée  soit  par  un  monarque,  soit  par 
une  ville  ou  par  un  peuple,  sur  une  étendue  con- 
sidérable de  territoire  et  le  plus  souvent  sur  des 
nations  étrangères  :  c'est  dans  ce  sens  qu'on  dit 
Vempire  athénien,  l'empire  arabe,  aussi  bien  qup 
l'empire  romain  ou  Vempire  russe;  tantôt  il  a  un 
sens  plus  restreint,  et  signifie  ua  État  gouverné 
par  un  empereur. 

La  géographie  politique  contemporaine  nous 
présente  une  dizaine  d'empires,  qui  sont . 

1°  En  Europe:  l'empire  russe,  l'empire  d'Alle- 
magne, l'empire  austro-hongrois,  l'empire  turc  ; 

2°  En  Asie  :  l'empire  des  Indes  (la  reine  d'Angle- 
terre a  pris  le  titre  d'impératrice  des  Indes  en  1877), 
l'empire  birman,  l'empire  chinois,  l'empire  du 
Japon  ; 

3"  En  Afrique  :  l'empire  du  Maroc. 

4°  En  Amérique:  l'empire  du  Brésil. 

Voici,  par  ordre  chronologique  autant  que  pos- 
sible, la  liste  des  principaux  empires  mentionnés 
par  l'histoire  universelle  ;  on  y  retrouvera,  à  leur 
rang,  ceux  que  nous  venons  de  nommer  déjà  : 

L'empire  chinois,  dont  les  annales  historiques 
commencent  vers  le  xxvii'  siècle  avant  notre  ère  ; 
V.  Orient. 

L'empire  égyptien,  qui  s'étendit  sur  une  partie 
de  l'Asie  occidentale  à  l'époque  des  pharaons  des 
18*  et  19'  dynasties  ;  V.  Egypte. 

L'empire  assyrien  ou  ninivite,  qui  dura  du  xm* 
au  vn«  siècle  avant  notre  ère  ;  V.  Assyrie. 

L'empire  chaldéen  ou  babylonien, qui  lui  succéda, 
et  qui  fut  détruit  par  les  Perses  au  vi'  siècle  ; 
V.  Chaldée. 


EMPIRES 


—  GG4  —       ENCYCLOPÉDISTES 


L'empire  perse,  fondé  par  Cyrus  au  vi"=  siècle, 
détruit  par  Alexandre  dans  la  seconde  moitié  du  iv«  ; 
V.  Perse. 

L'empire  macédonien,  dont  Pliilippe  prépara  la 
puissance,  et  qui,  après  la  mort  d'Alexandre,  se 
démembra  rapidement;  V.  Grèce, 

L'empire  des  Séleucides  (du  m*  au  i*'  siècle), 
dont  les  frontières,  au  temps  de  sa  plus  grande  puis- 
sance, furent  à  peu  près  les  mêmes  que  celles  de 
l'empire  perso  ;  V.  Grèce. 

L'empire  parthe  (du  milieu  du  m'  siècle  avant 
J.-G.  au  commencement  du  m'  siècle  après  J.C.), 
qui  réunit  sous  sa  domination  un  grand  nombre 
de  provinces  enlevées  à  l'empire  des  Séleucides  ; 
\.Pe:se. 

L'empire  des  Sassanides  (du  m"  au  vu*  siècle 
de  notre  ère),  qui  reconstitua  l'empire  perse; 
V.  Pe?ve. 

L'empire  romain,  qiii  s'étendit  d'abord  sur  l'Italie 
(m'  siècle  avant  J.-C),  puis  successivement  sur 
tout  le  bassin  de  la  Médiierranée  et  sur  l'Europe 
centrale  et  occidentale.  A  la  fin  du  iv*  siècle  de 
notre  ère,  il  se  partagea  en  deux  moitiés  ;  V. 
Rome. 

L'empire  romain  d'Orient,  ou  empire  grec,  appelé 
aussi  Bas-Empire  ou  empire  byzantin  (du  iv"  auxv* 
siècle);  V.  G'èce  et  Rome. 

L'empire  latin  de  Constantinople,  qui  se  substitua 
pendant  cinquante-sept  ans  à  l'empire  grec  (xiii* 
siècle)  ;  V.  Croisades. 

L'empire  romain  d'Occident,  qui  dura  de  395  à 
476;  V.  Rome. 

L'empire  arabe  ou  des  khalifes,  fondé  au  vu* 
siècle,  partage  au  VIII^  puis  successivement  dé- 
membré, du  x'  au  xv"  siècle;  V.  Khalifes. 

L'empire  franc,  fondé  par  Cliarlemagne,  qui 
régna  sous  le  titre  d'empereur  d'Occident;  défini- 
tivement dissous  en  887  à  la  diète  de  Tribur  ;  V. 
CJiarlemarjne. 

L'empire  allemand,  dont  les  souverains  préten- 
dirent aussi  reconstituer  l'empire  d'Occident,  sous 
le  nom  de  Saint-Empire  romain  de  la  nation  ger- 
manique. Il  dura  de  963  à  1S06.  —  Un  nouvel 
empire  allemand,  comprenant  vingt-cinq  États  con- 
fédérés, s'est  formé  en  ls'il;V.  Allemagne. 

L'empire  mongol,  fondé  par  Gengis-Khan  (xiii* 
siècle),  démembré  à  sa  mort,  rétabli  par  Tamer- 
lan  (xiV  siècle),  puis  définitivement  ruiné.  Au 
XVI*  siècle,  Babour,  descendant  de  Tanierlan,  fonda 
en  Inde  l'empire  dit  du  Grand-Mogol,  qui  dura 
jusqu'à  la  conquête  de  l'Inde  par  les  Anglais  au 
XVIII*  siècle;  V.  Moiigols  et  Inde. 

L'empire  turc  ou  ottoman,  qui  se  substitua  à 
l'empire  arabe  au  xiii*  siècle,  et  à  l'empire  grec 
au  XV*  ;  V.  Turcs. 

L'empire  russe,  qu'on  fait  dater  du  règne  d'Ivan 
IV  le  Tc^rrible,  lequel  prit  le  premier  le  titre  de 
tsar  (c'est-à-dire  César)  en  1547  ;  V.  Russie. 

L'empire  français,  de  1804  à  1815,  et  de  1852  à 
1870;  V.  Napoléon  I"  et  Napoléon  III. 

L'empire  d'Autriche,  dont  l'origine  remonte  à  la 
destruction  du  Saint-Empire  germanique  par  Napo- 
léon en  180G  ;  V.  Autriche  (au  supplément). 

L'empire  du  Maroc,  détaché  du  khalifat  des  Fa- 
timitcs  au  xi*  siècle,  et  resté  depuis  lors  un  État 
indépendant;  V.  Khalifes. 

L'empire  du  Mexique,  fondé  plusieurs  siècles 
avant  la  découverte  de  l'Amérique,  et  qui  fut  dé- 
truit par  Cortez.  De  nos  jours,  deux  tentatives  ont 
été  faites  pour  substituer  au  Mexique  le  régime 
impérial  au  gouvernement  républicain:  celle  d'Itur- 
bide  (1H22)  et  celle  de  Maximilien  (18G2-186G); 
V.  Mexique. 

L'empire  d'Haïti.  Cette  île,  république  indépen- 
dante depuis  la  fin  du  siècle  dernier,  a  formé  à 
deux  reprises  un  empire  nègre,  sous  Dessalines 
(IKO.^-ISUO)  et  Soulou(iue  (1849-1859);  V.  Hispano- 
américaines  (Républiques). 


L'empire  du  Pérou,  gouverné  par  les  Incas  à 
l'époque  de  la  découverte  de  lAmérique,  et  qui 
fut  détruit  par  Pizarre  ;  V.  Pérou. 

L'empire  du  Brésil,  autrefois  colonie  portugaise, 
État  indépendant  depuis  1822  ;  V.  Portugal. 

L'empire  anglais  des  Indes;  V.  Angleterre  et 
Inde. 

L'empire  du  Japon,  gouverné  par  le  mikado;\. 
Orient. 

EACYCLOPÉDlSTrs.  —  Littérature  française, 
XX.  —  On  appelle  de  ce  nom  les  écrivains  du 
dix-huitième  siècle  qui  collaborèrent  à  YEucyclo- 
pédie,  et  que  permet  de  grouper  sous  la  môme 
dénomination,  non  seulement  leur  participation  à 
la  grande  œuvre  de  d'Alembert  et  de  Diderot,  mais 
aussi  l'analogie  de  leurs  doctrines,  la  communauté 
de  leurs  aspirations  politiques  et  philosophiques. 

On  sait  ce  que  voulait  être,  dans  la  pensée  de 
ceux  qui  dirigèrent  cette  mémorable  entreprise,  le 
dictionnaire  général  des  connaissances  humaines 
qui  parut  de  17.il  à  1771  sous  le  titre  d'Encyclo- 
pédie. Cette  immense  publication  n'aspirait  pas 
seulement  à  résumer  les  travaux  accomplis,  à  noter 
avec  exactitude  l'état  de  la  science  :  elle  prétendait 
inaugurer  un  esprit  nouveau,  donner  de  l'unité  aux 
tendances  un  peu  confuses  du  siècle,  être  enfin  le 
programme  de  l'avenir,  le  code  du  progrès,  et 
selon  l'expression  d'Henri  Martin,  la  «  Bible  de 
la  perfectibilité.  » 

Mais  les  En  yclopédiste>  eurent  à  lutter  contre 
des  résistances  tenaces  qui  gênèrent  la  liberté  de 
leur  travail.  L'œuvre  fut  plusieurs  fois  interrompue. 
Dès  1752,  après  la  publication  des  deux  premiers 
volumes,  l'impression  fut  interdite  par  arrêt  du 
conseil  du  roi.  Les  papiers  de  Diderot  furent  saisis, 
les  deux  volumes  supprimés.  Cependant  l'année 
suivante,  grâce  à  l'influence  du  directeur  de  la  li- 
brairie, Lamoignon  de  Malesherbes,  la  cour  céda 
et  la  publication  reprit  en  1' 53,  avec  le  troisième 
volume.  Pendant  six  ans  le  travail  des  Encyclopé- 
distes coniiiiua  paisiblement,  à  peine  troublé  par 
les  plaisanteries  inoffensives  des  Palissot  et  des 
Fréron;  mais  en  1759  un  nouvel  orage  survint, 
qui  faillit  tout  perdre.  Le  conseil  du  roi,  le  parle- 
ment, l'archevêque  de  Paris  frappèrent  à  la  fois 
sur  l'Encyclopédie.  C'est  alors  que  d'Alembert 
découragé  se  retira  de  l'œuvre.  Diderot,  plus  per- 
sévérant, s'obsiina,  et  il  poursuivit  l'impression  de 
l'ouvrage.  Il  réussit  enfin  à  le  mener  à  bonne  fin 
après  vingt  ans  d'efl'orts,  à  travers  les  menaces  et 
:  les  persécutions,  malgré  les  condamnations  répé- 
!  tées  du  clergé  et  les  hésitations  d'un  gouvernement 
tantôt  complaisant,  tantôt  hostile. 

Exposés  à  tant  de  haines,  les  Encyclopédistes  ne 
sont  pas  toujours  allés  Jusqu'au  bout  de  leur  pen- 
sée. Ils  durent  consentir  à  bien  des  concessions, 
et  user  de  ménagements.  «  Vous  acceptez,  leur 
écrivait  Voltaire,  des  articles  dignes  du  Joui'nal  de 
Trévoux.  »  Diderot  fut  encore  celui  qui  garda  le 
plus  son  franc  parler,  mais  il  ne  put  éviter  les  mu- 
tilations et  les  coupures  que  l'imprimeur  Lebreton, 
en  homme  prudent,  faisait  subir  à  ses  épreuves, 
même  après  le  bon  à  tirer.  Quand  Diderot  s'aper- 
çut de  la  fraude  commise,  il  était  trop  tard  pour  la 
réparer,  et  il  fallut  bien  qu'il  se  résignât,  non  sans 
colère.  C'est  alors  que,  prenant  au  sérieux  les  vagues 
avances  de  Catherine  II,  il  caressa  un  moment  l'idée 
de  refaire  rjE'7îc?/c/o;)ed/e  librement  et  sans  réticence, 
à  l'usage  des  Russes.  «  Si  je  ne  refais  pas  ï'En'-y- 
clopé'Ue  pour  vous,  écrivait-il  au  général  Betzky, 
ministre  de  l'impératrice,  je  ne  veux  plus  en  en- 
tendre parler.  Ou  vous  l'aurez  telle  que  je  la  con- 
çois, ou  elle  restera  à  mes  compatriotes  telle  qu'ils 
l'ont  voulue  Elle  n'est  encore  que  trop  bonne  pour 
cette  canaille-là!  » 

Ne  prenons  pas  à  la  lettre  les  vivacités  de  Di- 
derot et  le  jugement  irrité  qu'il  portait  lui-mênxe 
sur  son  œuvre.  Malgré  ses  imperfections,  VEncrj- 


ENCYCLOPEDISTES   —  665  —   ENCYCLOPÉDISTES 


dopédie  reste  un  monument  remarquable.  Il  suffi- 
rait, pour  en  être  convaincu,  d'énumérer  les  noms 
des'liommes  de  talent  ou  de  génie  qui  y  mirent  la 
main.  Sous  /es  ordres  de  deux  généraux  en  chef. 
on  vit  s'organiser  toute  une  armée  de  travailleurs, 
animée  dun  même  esprit,  ou  plutôt  une  vraie 
association  laïque,  une  véritable  congrégation  : 
«  Je  ne  serai  content,  écrivait  Voltaire,  que  lorsque 
vous  m'apprendrez  que  les  frères  dînent  ensemble 
au  moins  une  fois  par  semaine.  » 

Au  premier  rang  des  collaborateurs  de  Diderot 
et  de  d'Alembert,  il  faut  citer  pour  la  philosophie 
Voltaire,  Helvétius,  Condillac,  d'Holbach,  Jaucourt. 
l'un  des  ouvriers  les  plus  laborieux  et  les  plus 
persévérants  de  YEncyc/o/cdie;  pour  la  littérature, 
Marmontel.  Duclos,  de  Bros  es,  Saint-"Lanibert,  Mon- 
tesquieu qui  donna  l'article  sur  le  Goût;  pour  la 
grammaire,  Dumarsais;  pour  la  médecine.  Barthez; 
pour  le  droit.  Boucher  d'Argis;  pour  la  théologie, 
l'abbé  Morellet  et  le  calviniste  Polier;  pour  l'his- 
toire, Raynal,  Mably;  pour  l'économie  politique, 
Turgot,  Xecker,  Quesnay,  Condorcet  ;  pour  la  mu- 
sique, J.-J.  Rousseau,  qui  écrivit  aussi  l'article 
Écofiomie  politique;  pour  l'histoire  naturelle,  Buf- 
fon,  Daubenton;  pour  les  arts  et  métiers,  un  ingé- 
nieur des  colonies,  Le  Romain,  un  fabricant 
Ij'onnais,  Buisson,  et  Diderot  lui-même  qui,  se 
faisant  pour  la  circonstance,  grâce  à  la  sonplesse 
de  son  génie,  industriel  et  mécanicien,  étudia  avec 
passion  et  décrivit  avec  minutie  les  instruments 
et  les  machines.  De  cette  multitude  d'efforts  indivi- 
duels devait  nécessairement  sortir  une  œuvre  col- 
lective puissante,  d'où  l'on  a  pu  détacher,  en 
réunissant  les  articles  d'un  même  auteur,  des 
livres  considérables,  tels  que  les  Éléments  de  lit- 
térature de  Marmontel  et  le  Dictionnaire  philoso- 
phique de  Voltaire. 

Le  titre  exact  de  cet  immense  répertoire  de  la 
science  du  dix-huitième  siècle  était  ainsi  conçu  : 
Encyclopédie  ou  dictionnaire  raisonné  des  s  iences. 
des  arts  et  métiers,  par  w  e  socié'é  de  gens  rie 
lettres,  mis  en  ordre  par  Diderot ,  et  quant  à  la  par- 
tie mathématique  par  d'Alembert. 

Le  prospectus  que  Diderot  publia  en  1750,  et  le 
discours  préliminn ire  que  d'Alembert  plaça  en  tête 
de  l'ouvrage,  marquent  nettement  dès  l'abord  l'es- 
prit des  Encyclopédistes.  Diderot  paraît  surtout 
préoccupé  de  la  nécessité  de  joindre  aux  connais- 
pances  littéraires  et  scientifiques  les  études  pra- 
siques  et  les  connaissances  usuelles.  Son  but  est 
de  glorifier  les  arts  mécaniques,  de  vulgariser  les 
inventions  de  l'industrie,  de  préparer  les  progrès 
matériels  de  l'humanité.  «  ÎNous  nous  sommes  con- 
vaincus, disait-il,  de  l'ignorance  dans  laquelle  on 
est  sur  la  plupart  des  objets  de  la  vie,  et  de  la 
nécessité  de  sortir  de  cette  ignorance.  »  Diderot 
voulait  apprendre  aux  hommes  des  classes  supé- 
rieures le  respect  du  travail  manuel,  et  pour  cela 
leur  raconter  l'histoire  de  l'origine  et  des  progrès 
des  métiers.  D'Alembert  prend  les  choses  de  plus 
baut,  et  son  Discours  est  un  essai  de  philosophie 
générale.  Sans  doute  il  résout  à  la  façon  de  Locke 
le  problème  de  l'origine  des  idées  ;  il  voit  dans  les 
sens  le  principe  de  nos  connaissances  ;  mais  à  côté 
des  sensations  il  place  le  sentiment,  le  sentiment 
du  bien,  principe  de  la  morale,  et  le  sentiment  du 
beau,  principe  de  l'art.  Quant  à  la  classification  qu'il 
propose  pour  les  sciences,  d'Alembert  a  peut  être 
eu  tort  de  reprendre  le  système  de  Bacon,-  fondé, 
comme  on  sait,  sur  la  distinction  des  facultés  de 
l'esprit  humain  (mémoire,  imagination,  raison)  ; 
mais  il  a  corrigé  sur  plusieurs  points  la  théorie  du 
philosophe  anglais,  notamment  par  le  soin  qu'il  a 
pris  de  marquer  le  développement  historique,  la 
filiation  naturelle  et  comme  la  généalogie  des 
Bcicnces  et  des  arts. 

A  part  les  infidélités  inévitables  d'une  exécution 
confiée  à  un  si  grand  nombre  d'hommes,   parmi 


lesquels,  à  côté  d'excellents  ouvriers,  se  trouvaient 
quelques  manœuvres  médiocres,  on  peut  dire  que 
VEncyclo/é'Ue  a  tenu  les  promesses  de  ses  fonda- 
teurs. Elle  est  l'image  exacte  et  l'expression  la 
plus  complète  du  dir.-hv.itième  siècle;  elle  en  pré- 
pare les  réformes  les  plus  importantes  ;  elle  en 
accepte  les  hardiesses  et  les  erreurs  :  elle  s'empare 
de  son  esprit  critique,  négatif  et  novateur;  elle  est 
enfin  comme  la  préface  théorique  de  la  Révolution 
française. 

En  politique,  les  Encyclop  distes  sont  les  élèves 
de  Montesquieu  et  de  Rous  eau.  Ils  attribuent  au 
pouvoir  comme  origine  le  consentement  du  peuple, 
et  comme  condition  de  durée,  la  préoccupation  de 
l'intérêt  général.  Us  admettent  le  droit  h  l'insurrec- 
tion contre  «  le  tyran.  »  a  Les  hommes  n'ont  jamais 
prétendu  se  livrer  sans  réserve  à  des  maîtres  ar- 
bitraires, ni  donner  les  mains  à  la  tyrannie  et  à 
l'oppression,  ni  conférer  à  d'autres  le  droit  de  les 
rendre  malheureux.  «  (Article  Pouvoir).  —  «  La 
volonté  générale  est  toujours  bonne.  »  (.\rlicle 
Doit).  Les  Encyclopédistes  considèrent  la  liberté 
comme  le  premier  des  avantages  sociaux.  Us  pro- 
clament la  liberté  de  penser  et  d'écrire,  et  ils  en 
donnent  eux-mêmes  l'exemple.  Ils  se  défient  des 
corporations,  des  corps  particuliers  qui  sont  un 
danger  pour  l'État,  et  qui  doivent  disparaître  dès 
qu'ils  cessent  d'être  utiles  à  la  société,  cette  utilité 
sociale  étant  leur  seule  raison  d'être.  Dans  l'exer- 
cice de  la  souveraineté,  ils  distinguent  avec  Mon- 
tesquieu trois  pouvoirs,  le  pouvoir  législatif,  le 
pouvoir  exécutif,  le  pouvoir  judiciaire.  Comme  lui 
encore,  ils  séparent  les  formes  de  gotivernement  en 
trois  catégories:  les  gouvernements  monarchiques, 
aristocratiques,  démocratiques,  et  manifestent  leur 
préférence  pour  un  gouvernement  mixte,  composé 
de  ces  trois  éléments. 

En  philosophie,  les  Encyclopédistes  sont  les  dis- 
ciples de  Bacon,  de  Locke,  de  Newton,  beaucoup 
plus  que  de  Descartes.  Ils  n'admirent  guère  dans 
la  philosophie  cartésienne  que  les  théories  mathé- 
matiques. Ils  préfèrent  la  physique  à  la  métaphy- 
sique, et  se  défient  des  idées  pures.  Ils  admettent 
cependant  l'existence  de  Dieu.  «  L'existence  de 
Dieu,  pour  être  reconnue,  n'aurait  besoin  que  de 
notre  sentiment  intérieur,  quand  même  le  témoi- 
gnage des  autres  hoxnmes  et  celui  de  la  nature  en- 
tière ne  s'y  joindraient  pas.  »  (Articles  Dieu  ctPro- 
videiice).  Ils  critiquent  l'idéalisme  de  Berkeley,  et 
ne  peuvent  se  résoudre  à  douter  du  monde  exté- 
rieur. Quant  aux  religions  positives,  ils  prêchent 
la  tolérance,  et  la  pratiquent  eux-mêmes.  En  ré- 
sumé, ils  professent  dans  les  questions  pliiloso- 
phiques  un  rationalisme  ferme,  mais  discret,  et 
s'il  faut  leur  reprocher  quelques  erreurs  de  doc- 
trine, il  n'est  que  juste  de  reconnaître  l'excellence 
de  leurs  intentions.  Sans  le  vouloir  peut-être , 
M.  Msard  a  fait  de  leurs  principes  le  plus  bel 
éloge  en  disant:  «L'esprit  des  Encyclopédistes, 
c'est  la  raison  se  détournant  de  tout  ce  qui  la  dé- 
passe et  se  portant  exclusivement  sur  les  choses 
dont  elle  peut  se  rendre  compte  :  détachant  les 
yeux  du  ciel  pour  s'abaisser  vers  la  terre  et  s'y 
fixer.  » 

Une  des  nouveautés  les  plus  importantes  de  Y  En- 
cyclopédie, ce  fut  la  place  accordée  aux  questions 
économiques.  Il  serait  peut-être  difficile  de  ramener 
à  une  doctrine  unique  les  idées  qu'y  exposèrent 
sur  l'agriculture,  le  commerce  et  l'industrie  les 
économistes  comme  Turgot  et  les  physiocrates 
comme  Quesnay.  Mais  tous  les  Encyclopédistes 
sont  au  moins  d'accord  pour  repousser  les  privi- 
lèges, le  monopole  des  corporations  industrielles, 
pour  réclamer  la  libre  circulation  des  produits,  et 
en  général  la  liberté  commerciale  (articles  }Iai- 
trise.  Jurandes  et  corporatw}is^.  D'antre  part  les 
Encyclopédistes  combattirentavec  vivacité  l'accrois- 
sement des  biens  de  main-morte,  c'est-à-dire  l'ac- 


ENGRAIS 


—  666  — 


ENGRAIS 


caparement  des  richesses  par  les  corporations  re- 
ligieuses (article  Mam-morte).  Signalons  aussi 
leurs  vues  justes  et  neuves  sur  la  monnaie,  sur 
l'intérêt  de  l'argent,  sur  l'assiette  et  la  perception 
de  l'impôt.  Malgré  des  erreurs  de  détail,  les  éco- 
nomistes de  ÏEricyclopr'die  ont  contribué  à  consti- 
tuer une  science  nouvelle.  Ils  eurent  le  mérite  de 
placer  au-dessus  de  toute  autre  considération  l'in- 
térêt général,  et  de  viser  au  soulagement  des  classes 
populaires.  «  Gloire,  grandeur,  puissance  d'un 
royaume,  que  ces  mots  sont  vains  et  vides  de  sens 
auprès  de  ceux  de  liberté,  aisance  et  bonheur  des 
sujets  !  »  (Article  Impôt). 

Comment  s'étonner  après  cela  de  l'influence  que 
Y  Encyclopédie  exerça  sur  la  marche  des  idées  au 
dix-huitième  siècle  ?  Comme  l'a  fait  remarquer 
M.  Pascal  Duprat  dans  son  livre  sur  les  Encyclo- 
pédistes, elle  eut  la  puissance  d'une  institution. 
«  Ce  n'était  plus  un  seul  homme  marchant  isolé- 
ment à  l'assaut  des  abus  ou  des  préjugés  :  c'était 
une  légion  qui  entrait  en  campagne  et  livrait  ba- 
taille au  passé  !  » 

Les  écrivains  de  la  dernière  moitié  du  dix-hui- 
tième siècle  se  sont  inspirés  presque  tous  des  doc- 
trines de  V Encyclopédie:  ils  la  citent  ou  la  copient. 
Les  cahiers  de  la  Révolution  ne  firent  souvent  que 
reproduire  les  réclamations  des  Encyclopédistes. 
Mais  avant  même  que  la  Révolution  n'éclatât,  un 
certain  nombre  des  réformes  sollicitées  par  VEn- 
cyclopédie  furent  consenties  par  le  gouvernement. 
La  liberté  du  commerce  des  grains  fut  proclamée 
dès  1764.  Comme  intendant  de  la  généralité  de 
Limoges,  et  ensuite  comme  ministre  de  Louis  XVI, 
Turgot  eut  l'occasion  de  réaliser  quelques-uns  des 
progrès  qu'il  avait  réclamés  comme  rédacteur  de 
V Encyclopédie,  par  exemple  la  liberté  du  travail, 
et  la  suppression,  momentanée  il  est  vrai,  des 
maîtrises  et  des  jurandes.  Même  dans  notre  siècle 
il  est  permis  de  dire  que  l'influence  de  ÏEncyclo- 
pédie  est  encore  vivante,  et  son  positivisme  discret 
a  peut-être  inspiré  en  partie  le  système  d'Auguste 
Comte. 

En  résumé,  V Encyclopédie  a  été  un  brillant 
essai  de  propagande  scientifique.  Elle  a  voulu, 
non  sans  succès,  faire  servir  les  connaissances 
qu'elle  vulgarisait  au  progrès  de  l'espèce  humaine 
et  au  développement  du  bien-être  matériel.  Elle  a, 
sans  doute,  commis  quelques  excès  dans  l'entraî- 
nement de  sa  critique  négative  ;  mais  elle  a  ra- 
cheté ses  fautes  par  son  ardent  amour  de  l'huma- 
nité, par  son  zèle  pour  la  liberté,  par  les  vérités 
qu'elle  a  proclamées,  comme  la  souveraineté  de 
la  raison  en  philosophie,  et  la  souveraineté  du 
peuple  en  politique.  Dans  la  Déclaration  des  droits 
de  rhomme  et  dans  les  oeuvres  utiles  de  la  Révo- 
lution française,  il  est  impossible  de  ne  pas  en- 
tendre comme  un  écno  prolongé  du  grand  bruit 
que  produisit  l'Encyclopédie. 

[Gabriel  Compayré.] 

ENGRAIS  ET  AMENDEMENT.S.  —  Agriculture, 
III.  —  L'influence  des  engrais,  dans  l'exploitation 
agricole,  n'a  pas  besoin  d'être  démontrée.  C'est  de 
l'abondance  des  engrais  dont  le  cultivateur  peut 
disposer  et  qu'il  utilise,  que  dépend  la  richesse  des 
récoltes,  quelles  que  soient  celles-ci.  Le  meilleur 
moyen  d'améhorer  les  champs,  tout  en  leur  deman- 
dant des  produits  abondants,  c'est  de  fumer  beau- 
coup. La  pratique  universelle  est  ici  complètement 
d'accord  avec  la  théorie.  Malheureusement  un  trop 
grand  nombre  de  cultivateurs,  tout  en  déplorant 
leur  pauvreté  en  engrais,  montrent  dans  le  traite- 
ment de  ceux  qui  sont  h  leur  disposition  une  in- 
curie si  grande,  qu'ils  paraissent  en  ignorer  com- 
plètement la  valeur.  Il  faut  donc  insister  d'une 
manière  toute  spéciale  sur  le  rôle  des  engrais,  leur 
valeur  et  les  moyens  d'en  tirer  le  meilleur  parti. 

Les  engrais  dont  le  cultivateur  peut  disposer  sont 
de  deux  sortes  :  ceux  qu'il  produit  dans  la  ferme 


et  ceux  qu'il  achète.  Le  fumier  est  le  principal  de 
la  première  catégorie  ;  les  seconds  forment  ce  que 
l'on  appelle  les  engrais  complémentaires,  engrais 
de  commerce.  11  faut  donc  étudier  successivement 
le  fumier,  puis  les  autres  engrais  de  la  ferme,  enfin 
les  engrais  commerciaux.  L'étude  des  amendements 
viendra  ensuite. 

Fumier.  —  On  donne  le  nom  générique  de  fu- 
mier aux  pailles  qui  ont  servi  de  litières  aux  ani- 
maux domestiques,  qui  sont  mélangées  à  leurs  ex- 
créments, et  qui,  après  ce  mélange,  ont  subi  un 
degré  plus  ou  moins  avancé  de  décomposition.  Le 
fumier  est  donc  un  mélange  d'une  composition  fort 
compliquée,  et  qui  présente  des  éléments  assez  dif- 
férents suivant  les  animaux  dont  il  provient,  sui- 
vant la  nature  des  pailles  ou  autres  végétaux  qui 
ont  servi  de  litières,  suivant  encore  la  constitution 
des  animaux  domestiques  et  la  nourriture  qu'ils  ont 
reçue. 

Le  fumier  le  plus  ordinaire  est  celui  qui  provient 
des  bêtes  à  cornes,  nourries  îi  l'étable.  Quand*  les 
bêtes  ont  reçu  une  litière  suffisante  et  assez  fré- 
quemment renouvelée  pour  absorber  toutes  le» 
déjections,  le  fumier  qu'elles  produisent  pèse  de 
300  à  400  kilog.  par  mètre  cube  à  sa  sortie  de  l'é- 
table ;  au  bout  de  quelque  temps,  sous  l'influence 
du  tassement,  son  poids  s'élève  de  700  à  800  kilog. 
Il  renferme  alors  70  pour  100  de  son  poids  en  eau, 
et  22  de  matières  organiques.  D'après  M.  Boussin- 
gault,  la  richesse  en  acide  phosphorique  est  de 
0.36, et  en  azote  de  o.SS)  pour  100.  Hâtons-nous  d'a- 
jouter que  ces  nombres  ne  sont  que  des  moyennes, 
et  que,  par  conséquent,  dans  les  circonstances  par- 
ticulières, ils  peuvent  varier  dans  des  limites  assez 
grandes. 

Quand  il  est  sorti  de  l'étable,  le  fumier  n'est  pas 
propre  à  être  conduit  dans  les  champs.  Enfoui  dans 
le  sol,  il  ne  se  décomposerait  qu'avec  une  très 
grande  lenteur  et  ne  donnerait  pas  les  résultats 
qu'on  est  en  droit  d'en  attendre.  Il  faut  donc  lui 
consacrer,  dans  la  cour  de  la  ferme,  une  place 
spéciale  où  il  séjourne  pendant  un  certain  temps, 
et  où  il  doit  être  l'objet  d'un  traitement  particulier 
qui  en  développe  les  qualités.  De  là  le  tas  de  fu- 
mier, la  fosse  à  fumier,  qu'on  rencontre  dans  toutes 
les  fermes.  Rien  n'est  plus  important  pour  le  cul- 
tivateur que  de  soigner  son  tas  de  fumier,  et  ce- 
pendant rien  n'est  plus  commun  qu'un  tas  de  fu- 
mier non  seulement  mal  soigné ,  mais  encore 
complètement  abandonné  et  perdant,  sous  l'œil 
même  du  fermier  et  sans  que  celui-ci  s'en  préoc- 
cupe, une  grande  partie  de  sa  valeur.  Cependant 
les  soins  à  donner  au  fumier  sont  très  simples  et 
n'exigent  que  peu  de  travail,  mais  ils  demandent 
de  la  persévérance. 

La  fosse  à  fumier  consiste  en  une  fosse  creusée 
à  80  centimètres  ou  un  mètre  de  profondeur,  et 
d'une  surface  variant  suivant  la  quantité  de  fumier 
produite,  c'est-à-dire  d'après  le  nombre  des  ani- 
maux qu'on  nourrit.  La  fosse  est  parfois  supprimée, 
et  l'on  se  borne  à  choisir  un  emplacement  bien  ni- 
velé et  sur  un  point  de  la  cour.  Le  fond  doit  être 
imperméable,  et  légèrement  incliné  dans  un  sens, 
de  manière  à  diriger  les  liquides  qui  s'écoulent  du 
fumier  dans  une  autre  fosse,  appelée  citerne  ou 
fosse  à  purin.  Ce  nom  de  purin  est  le  nom  donné 
aux  liquides  qui  sortent  du  fumier.  Il  est  bon  que 
la  fosse  soit  abritée  ou  placée  au  nord,  de  manière 
à  éviter  une  dessiccation  trop  grande  sous  l'in- 
fluence du  sol.  Lorsqu'on  n'a  pas  fait  une  fosse,  il 
faut  entourer  le  tas  par  une  rigole  qui  con- 
duit au  réservoir  à  purin  le  liquide  sortant  du  fu- 
mier. Enfin,  il  convient  d'entourer  le  tas  ou  la  fosse 
par  un  talus  de  manière  à  éviter  le  lavage  par 
les  eaux  pluviales  venant  des  autres  parties  de  la 
cour. 

Il  est  indispensable  que  le  fumier  soit  constam- 
ment humide,  afin  que  la  fermentation  puisse  s'y 


ENGRAIS 


—  6G7 


ENGRAIS 


développer.  S'il  est  bien  tassé,  et  s'il  en  arrive 
chaque  jour  des  étables,  cette  fermentation  ne 
devient  pas  tumultueuse,  et  il  n'y  a  pas  à  craindre 
de  perte  par  l'évaporation  des  gaz  et  des  vapeurs. 
Les  litièrei  nouvellement  apportées  modèrent  la 
chaleur  développée  par  la  putréfaction,  et  absor- 
bent les  principes  volatils  dont  il  importe  d  em- 
pêcher la  déperdition. 

Pour  que  le  fumier  se  fasse  bien,  il  faut  que  le 
tas  ne  soit  ni  trop  élevé,  ni  trop  bas.  La  hauteur 
maximum  doit  être  de  1  mètre  50  à  2  mètres. 
L'enlèvement  et  le  chargement  sur  les  charrettes 
pour  le  transport  dans  les  champs  peut  alors  se 
faire  facilement. 

Le  purin  doit  être  recueilli  avec  le  plus  grand 
soin,  comme  il  a  été  dit  plus  haut.  On  l'emploie  à 
arroser  le  tas,  soit  à  l'aide  d'une  écope,  soit  avec 
une  pompe  dont  il  existe  aujourd'hui  beaucoup  de 
bons  modèles.  Trop  souvent  on  voit,  dans  les 
villages  ou  autour  des  fermes,  le  purin  se  perdre 
dans  les  ruisseaux  des  chemins.  Cette  pratique 
est  absolument  déplorable.  Le  purin  est,  en  effet, 
une  des  parties  les  plus  riches  du  fumier^  il  ren- 
ferme la  presque  totalité  des  matières  salines  con- 
tenues dans  les  déjections  des  animaux  et  primi- 
tivement dans  les  fourrages.  Dans  tous  les  pays 
bien  cultivés,  on  attache  un  grand  prix  au  purin. 
La  quantité  qui  n'est  pas  employée  à  l'arrosage 
du  fumier  est  répandue  sur  les  prairies  naturelles 
ou  artificielles  dont  elle  accroît  puissamment  la 
végétation. 

L'arrosage  du  fumier  avec  le  purin  permet  de 
régler  la  marche  de  la  fermentation,  pour  produire 
la  décomposition  convenable  suivant  qu'on  doit 
emploj'er  le  fumier  pour  telle  ou  telle  nature  de 
plantes,  à  l'automne  ou  à  Ihiver,  etc. 

Un  des  agronomes  français  les  plus  éminents, 
M.  Girardin,  résume  comme  il  suit  les  conditions 
de  bon  traitement  du  fumier: 

1°  Recueillir  tout  le  purin  dans  un  réservoir, 
placé  de  manière  qu'il  soit  facile  de  reverser,  au 
besoin,  ce  liquide  sur  le  fumier  ; 

2°  Ne  laisser  arriver  sur  le  fumier  aucune  eau 
étrangère  ; 

3°  Garantir  le  fumier  d'une  évaporation  trop 
prompte  et  des  lavages  opérés  par  les  eaux  plu- 
viales ; 

4°  Tasser  fortement  le  fumier  à  la  surface  pour 
que  l'ammoniaque  produite  par  la  fermentation 
dans  le  centre  de  la  masse  ne  s'en  échappe  point, 
et  toucher  et  remuer  le  tas  le  moins  possible  ; 

5°  Donner  à  l'emplacement  du  fumier  une  lar- 
geur suffisante  pour  qu'il  ne  soit  pas  nécessaire 
d'élever  les  tas  à  une  trop  grande  hauteur; 

6"  Faire  sur  cet  emplacement  assez  de  divisions 
pour  que  l'ancien  fumier  ne  se  trouve  pas  toujours 
enfoui  sous  le  nouveau; 

7°  Disposer  l'emplacement  dételle  sorte  que  les 
voitures  puissent  en  approcher  facilement,  et  qu'il 
ne  faille  pas  de  trop  grands  efforts  pour  enlever 
les  charges  un  peu  lourdes. 

L'évaporation  des  gaz  azotés  est  une  des  prin- 
cipales causes  de  déperdition  du  fumier,  quand  la 
fermentation  est  devenue  trop  active.  On  peut 
obtenir,  à  cet  égard,  d'excellents  résultats  en  ré- 
pandant à  la  surface  du  tas  une  légère  couche  de 
sulfate  de  chaux  ou  plâtre  qui  fixe  Tammoniaque. 
Quelques  agriculteurs,  et  notamment  M.  de  Bé- 
hague,  se  sont  très  bien  trouvés  de  l'emploi,,  dans 
le  même  but,  du  sulfate  de  fer  ou  couperose  verte, 
qui  est  employé  pour  la  désinfection  des  vidanges. 
Une  excellente  pratique  consiste  aussi  à  saupou- 
drer de  temps  en  temps  le  fumier,  dans  les  étables, 
avec  du  phosphate  de  chaux  fossile;  c'est  le  meil 
leur  moyen  d'accroître  sa  richesse  en  acide  phos- 
phorique. 

Il  est  nécessaire  de  ne  pas  laisser  trop  longtemps 
la    même   litière,  mais    d'ajouter   à  celle-ci  tous 


les  deux  jours  au  moins  de  la  paille  fraîche.  On 
enlève  les  litières  tous  les  dix  ou  douze  jours.  Le 
piétinement  opéré  par  les  animaux  rend  la  paille 
plus  molle,  la  brise,  de  telle  sorte  que  sa  transfor- 
mation devient  beaucoup  plus  facile. 

Des  recherches  faites  par  M.  Thenard  sur  le» 
réactions  qui  se  produisent  dans  le  fumier,  il  ré- 
sulte que  la  masse  doit  avoir  fermenté  pour  donner 
son  maximum  d'effet  utile;  mais  il  est  essentiel 
que  cette  fermentation  n'ait  pas  atteint  les  dernières 
limites.  Le  fumier  trop  décomposé,  transformé  en 
beurre  noir,  suivant  l'expression  consacrée,  est  en 
partie  insoluble  et  a  perdu  une  partie  notable  de 
sa  valeur.  La  pratique  permet  de  constater  les 
divers  états  de  fermentation,  et  le  point  le  plus 
propice  pour  l'épandage  dans  les  champs. 
\  Pour  enlever  le  fumier,  il  convient  de  procéder 
'  par  tranches  verticales,  et  non  par  couches  hori- 
'  zontales.  Par  cette  manière  de  faire,  on  mélange 
ensemble  les  couches  de  diverse  profondeur, 
dans  lesquelles  la  décomposition  est  inégale,  et 
on  obtient  une  masse  plus  homogène.  Dans  les 
champs,  il  est  essentiel  d'enfouir  le  fumier  le  plus 
rapidement  possible,  pour  éviter  les  déperditions, 
d'autant  plus  considérables  que  l'engrais  est  resté 
plus  longtemps  étalé  sur  le  sol.  Le  fumier  enfoui 
ne  perd  plus  rien. 

Quant  à  la  quantité  à  employer,  elle  varie,  pour 
une  surface  déterminée,  suivant  la  nature  du  sol, 
'  la  récolte  qu'on  veut  obtenir,  celle  qui  a  précédé, 
I  le  soin  avec  lequel  le  fumier  a  été  préparé.  Mais  il 
importe  plus  de  se  préoccuper  du  poids  que  du 
volume.    Pour  un  assolement  de  trois  ans,  une 
bonne  fumure,  dans  le  nord,  est  estimée  à  40,000 
kilog.  par  hectare  ;  une  forte  fumure,  de  50,000  à 
I  60,000  kilog.  ;  une  fumure  ordinaire  à  30,000  kilog., 
1  et  une  fumure  faible  à  20,000  kilog.   Mais  il  faut 
!  ajouter  que  ces  appréciations  sont  celles  des  culti- 
vateurs les   plus   avancés.   Que  de  régions   dans 
!  lesquelles  les  cultivateurs  qui  emploient  20,000  h 
;  25,»  00  kilog.  de  fumier  par  hectare  pour  un  assole- 
1  ment  de  trois  ans,  passent  pour  faire  une  bonne  et 
non  une  faible  fumure. 
Autres  engi-ais  de  la  ferme.  —  En  dehors  du 
'  fumier,  le  cultivateur  peut  se  procurer,  sans  grands 
j  frais,  des  quantités  assez  considérables  d'engrais, 
en  mélangeant  ensemble  diverses  substances  qui 
se  perdent  le  plus  souvent,  telles  que  balayures  de 
cours,  résidus  de  cuisine,  plâtras,  feuilles  mortes, 
limons,  matières  fécales,  mauvaises  herbes,  débris 
I  de  paille,  de  fourrages,  etc.  En  stratifiant  ces  sub- 
!  stances  avec  de  petites  quantités  de  fumier,  on 
j  forme  des  composts  dont  la  ricliesse  est  variable 
suivant  les   substances  employées,  et  est  parfois 
considérable.  Le  cultivateur  peut  ainsi  se  procurer 
de  grandes  ressources,  en  partant  de  ce  principe 
que,    dans  une  ferme  bien  administrée,   aucune 
substance  animale  ou  végétale  ne  doit  se  perdre, 
1  mais  que  tout  doit  être  employé  à  augmenter  la 
fécondité  du  sol. 

Dans  le  pays  de  Caux,   d'après  M.  Girardin,  les 
cultivateurs   ont  la  vieille  habitude  de  former  de 
distance  en  distance,  sur  leurs  champs,  des  tas  ou 
'  meules  d'engrais  qu'ils  composent  avec  des  terres 
ramassées   dans  les  rues   et    chemins,   dans   les- 
cours  des  fermes,  partout  où  on  en  trouve,  aux- 
'  quelles  on  ajoute  parfois  un  peu  de  fumier  d'étable. 
Remués  et  retournés  de  temps  en  temps,  arrosés 
'  avec  des  purins  ou  des  eaux  chargées  de  matières 
'  organiques,  ces  composts  peuvent  donner  d'excel- 
lents résultats.  Les  terres  entretenues  humides  et 
mêlées    de    matières    animales   ne  tardent  pas  à 
acquérir  des  propriétés  fertilisantes  remarquables. 
Engrais  humain.  —  Les  déjections   humaines 
peuvent  être  employées  soit  à  l'état  naturel,  comme 
dans  le  nord  de  la  France,  et  alors  elles  portent  le 
nom  d'engrais  flamand;  soit  après  un  traitement 
qui  les  dessèche   et  les  transforme  en  poudretie» 


ENGRAIS 


—  6tJ8  — 


ENGRAIS 


L'engrais  flamand  est  recueilli,  dans  les  habita- 
tions, dans  des  citernes  closes  avec  soin  ;  le  culti- 
vateur l'envoie  chercher  à  la  ville  dans  des  ton- 
neaux, puis  le  remet  dans  une  citerne  située  le  plus 
souvent  au  milieu  des  champs,  où  il  fermente  len- 
tement pendant  plusieurs  mois  avantd'ctro  répandu 
sur  les  champs.  Pour  l'épandage,  on  emploie  des 
tonneaux  arroseurs  ou  des  cuves  qu'on  vide  à  l'aide 
d'écopes.  L'engrais  flamand  est  répandu  avant  ou 
immédiatement  après  les  semailles.  Ses  effets  sont 
remarquables,  à  la  condition  qu'on  évite  pour  l'é- 
pandage les  jours  de  fortes  chaleurs  ou  de  grandes 
pluies,  et  qu'on  choisisse  de  préférence  les  temps 
couverts  ou  de  brouillard. 

La  poudrette  est  obtenue  par  la  séparation  des 
matières  solides  et  liquides  des  vidanges,  en  fai- 
sant séjourner  celles-ci  dans  de  grands  bassins.  Les 
matières  solides  enlevées  avec  des  dragues  sont 
desséchées  à  l'air.  Au  bout  d'un  temps  assez  long, 
€lles  forment  une  poudre  brune  qui  est  employée 
comme  engrais.  Ce  procédé  de  fabrication  a  l'in- 
convénient de  laisser  perdre  une  grande  partie  des 
principes  fertilisants  que  renferment  les  matières 
fécales. 

Engrais  de  V'iles.  —  Les  boues  et  immondices 
•des  rues  des  villes  peuvent  être  employées  comme 
engrais  avec  grand  avantage.  On  en  fait  un  grand 
usage  dans  tout  le  nord,  ainsi  que  dans  le  rayon 
de  Paris.  Les  boues  forment  un  engrais  chaud 
très  estimé  dans  la  culture  maraîchère. 

La  décomposition  des  matières  organiques  qui 
«ntrent  dans  les  boues  est  facilitée  par  des  mani- 
pulations qui  en  font  un  excellent  terreau. 

Engrais  verts.  —  Certaines  récoltes  sont  assez 
souvent  enfouies  en  vert  pour  augmenter  la  ferti- 
lité du  -sol.  Les  plantes  dont  la  croissance  est 
rapide  sont  les  plus  propres  à  cette  opération. 
Elles  doivent  être  semées  dru,  de  manière  h 
fournir  une  plus  grande  quantité  de  feuilles  et  (!e 
tigelles. 

Enrjrnis  commerciaux.  —  Le  fumier  de  ferme 
est  l'engrais  naturel  ;  mais  il  n'est  pas  suffisant 
pour  maintenir  la  fertilité  du  sol,  et  surtout  pour 
en  accroître  la  production.  Il  no  peut,  en  effet, 
restituer  à  celui-ci  qu'une  partie  des  princi- 
pes que  les  récoltes  consommées  par  le  bétail 
renfermaient ,  il  ne  peut  rendre  les  matières  con- 
tenues dans  le  blé  ou  les  autres  produits  ven- 
dus aux  mai-chés.  pas  plus  que  celles  qui  consti- 
tuent la  viande  du  bétail,  le  lait,  etc.  L'agriculteur 
qui  veut  augmenter  la  fertilité  de  ses  champs  est 
donc  obligé  de  chercher  ailleurs  des  principes 
constitutifs  de  cette  fertilité.  Tout  agriculteur  pro- 
gressif est  donc  acheteur  d'engrais  complémentai- 
res du  fumier  produit  dans  sa  ferme.  Les  sources 
auxquelles  il  peut  s'adresser  sont  nombreuses,  et 
il  peut  choisir  suivant  les  nécessités  de  son  exploi- 
tation, les  prix  d'achats,  etc.  Le  commerce  des 
engrais  a  pris,  depuis  trente  ans,  un  développe- 
ment qui  est  un  indice  de  la  marche  progressive 
de  l'agriculture. 

On  donne  parfois  aux  engrais  du  commerce  la 
dénomination  d'engrais  chimiques,  par  opposition 
au  fumier.  Cette  désignation  est  tout  à  fait 
impropre,  et  doit  être  bannie  du  langage  précis; 
«lie  n'a,  en  effet,  qu'un  résultat,  c'est  de  jeter 
de  l'obscurité  sur  le  rôle  des  uns  et  des  autres, 
et  de  faire  croire,  en  faveur  des  engrais  commer- 
ciaux, à  une  puissance  spéciale  et  à  un  but  parti- 
culier qu'ils  ne  peuvent  avoir.  Leur  action  varie 
suivant  leur  composition  et  les  conditions  dans  les- 
quelles ils  sont  employés  ;  mais  ce  qui  domine  la 
situation,  c'est  qu'ils  ne  peuvent  que  compléter  le 
fumier.  La  question  de  savoir  si  les  engrais  com- 
merciaux peuvent  remplacer  celui-ci  est  oiseuse 
au  point  de  vue  pratique.  Toute  exploitation  agri- 
cole produit  nécessairement  du  fumier,  et  elle  doit 
l'employer  ;  en  outre,  c'est  l'engrais  le  plus  natu- 


rel, et  quand  même  cela  ne  serait  pas,  ce  ne  peut 
être  que  son  insuffisance  qui  force  à  avoir  recours 
aux  engrais  commerciaux.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu, 
pour  l'agriculteur,  de  se  préoccuper  de  l'agricul- 
ture par  l'emploi  exclusif  de  ces  engrais,  d'autant 
plus  qu'en  France  les  produits  animaux  étant  ceux 
dont  la  valeur  augmente  le  plus,  il  est  sollicite  à 
en  produire  davantage  et  par  suite  à  augmenter  la 
masse  de  ses  fumiers. 

OnsaitfV.  Chimie  agricole]  que  les  principcsqu'il 
est  le  plus  nécessaire  de  rendre  au  sol  sont  l'azote, 
l'acide  phospliorique,  la  potasse  et  la  chaux.  C'est 
donc  d'après  leur  richesse  en  ces  divers  princi- 
pes et  d'après  la  rapidité  de  leur  assimilation  par 
les  plantes  que  les  engrais  commerciaux  doivent 
être  jugés. 

Les  engrais  commerciaux  peuvent  être  divisés, 
suivant  leur  origine,  en  engrais  organiques  et  en 
engrais  inorganiques. 
Les  principaux  engrais  organiques  sont  : 
1"  Le  guano  du  Pérou,   formé   par  l'accumula- 
tion de  fientes  d'oiseaux  de  mer  sur  les  côtes  de 
l'Océan  pacifique  au   Pérou.  Il  se  présente  sous 
la  forme  d'une   poudre  grossière,  d'une   couleur 
jaune  plus  ou  moins  foncée,  avec  une  forte  odeur 
ammoniacale.  Il  est  principalement  riche  en  matières 
organiques  azotées  et  en  phosphates  ; 
I      "2"  Les  os  d'animaux,  qui  sont  une  source  pré- 
cieuse   de    matière   azotée,  d'acide   phospliorique 
et  de  chaux.  Il  est  donc  important  de  ne  pas  les 
perdre  ; 

[  3"  Le  noir  animal,  qui  est  le  résultat  de  la  car- 
bonisation des  os  en  vases  clos,  et  les  cendres 
d'os  ; 

I  4°  Le  sang  desséché^  les  débris  de  laines,  de  cor- 
nes, de  matières  animales,  etc.; 

5"  Les  tourteaux  ou  gâteaux  formés  par  les  ré- 
sidus solides  que  l'on  obtient  par  l'extraction  de 
l'huile  des  graines  ou  des  fruits  des  plantes  oléa- 
gineuses. Il  y  a  un  grand  nombre  de  tourteaux,  le 
plus  souvent  désignes  sous  le  nom  de  la  plante 
d'où  ils  proviennent  Les  principaux  sont  ceux  de 
lin,  de  colza,  d'œillette,  de  cameline,  d'ara- 
chide, etc.  Leur  richesse  est  aussi  très  variable. 

Parmi  les  engrais  inorganiques,  les  principaux 
sont  : 

1"  Les  phosphates  de  chaux  fossiles,  principa- 
loment  recherchés  pour  leur  richesse  en  acide 
phospliorique.  Les  phosphates  de  chaux  se  ren- 
contrent dans  la  nature,  soit  à  l'état  de  coprolithes, 
soit  sous  la  forme  de  gisements  stratifiés.  Les 
principaux  gisements  en  France  sont  ceux  du  Pas- 
de-Calais,  des  Ardennes,  du  Ouercy.  Leur  richesse 
est  très  variable.  Pour  être  employés,  ils  doivent 
être  réduits  en  farine.  L'acide  phospliorique  s'y 
rencontre  à  l'état  de  phosphate  tribasique  de 
chaux  insoluble  dans  l'eau. 

Pour  rendre  l'acide  phosphorique  plus  rapide- 
ment soluble,  on  traite  les  phosphates  par  l'acide 
sulfurique,  et  on  obtient  des  superphosphates.  Les 
os  peuvent  être  traités  de  la  même  manière  pour 
donner  des  superphosphates  d'os. 

2°  Le  sulfate  d'ammoniaque,  qui  renferme  20  à 
21  p.  lot)  d'azote.  Ce  sel  est  principalement  extrait 
des  eaux  des  usines  à  gaz. 

3°  Le  nitrate  de  soude,  qui  renferme  15  à  16 
p.  100  d'azote.  Le  Pérou  renferme  des  gisements 
considérables  de  nitrate  de  soude  qui  est  importé 
en  Europe  pour  les  besoins  de  l'industrie  et  de  l'a- 
griculture. 

Comme  beaucoup  de  branches  de  commerce,  la 
vente  des  engrais  commerciaux  peut  être  l'objet 
de  fraudes  parfois  difficiles  à  saisir,  et  qui  sont 
d'autant  plus  dangereuses  que  le  cultivateur  livré 
à  lui-même  ne  peut  s'en  apercevoir  que  lorsque  la 
récolte  est  faite.  C'est  pourquoi  une  loi,  qui  date 
de  1SGT,  a  établi  des  pénalités  rigoureuses  contre 
ceux  qui,  en  vendant  ou  en  mettant  en  vente  des 


ÉNIGME 


—  669  — 


EPHEMERIDES 


engrais,  auront  trompé  ou  tenté  de  tromper  l'aclie- 
tcur,  soit  sur  leur  nature,  leur  composition  ou  le 
dosage  des  éléments  qu'ils  contiennent,  soit  sur 
leur  provenance,  soit  en  les  désignant  sous  un 
nom  qui,  d'après  l'usage,  est  donné  à  d'autres  sub- 
stances fertilisantes.  Pour  se  mettre  en  garde  con- 
tre la  fraude,  le  cultivateur  a  deux  moyens  :  s'a- 
dresser à  une  maison  de  vente  honorablement 
connue,  et  faire  analyser  les  engrais  qu'il  achète 
par  un  chimiste.  Depuis  quelques  années,  il  a  été 
crée  en  Fçance  un  grand  nombre  de  stations  agro- 
nomiques, dont  une  des  attributions  est  de  se 
livrer  à  ce  contrôle  des  engrais  commerciaux. 

Il  faut  toutefois  faire  remarquer  que  la  compo- 
sition chimique  d'un  engrais  ne  suffit  pas  toujours 
pour  en  faire  apprécier  la  valeur  agricole.  Cette 
valeur  dépend  de  circonstances  extérieures,  telles 
que  la  nature  du  sol.  les  conditions  climatériques, 
les  plantes  auxquelles  on  les  applique,  etc.  Il  est 
donc  utile,  pour  apprécier  l'eflet  utile  qu'on  peut 
retirer  d'un  engrais,  de  faire  des  essais  sur  une 
petite  échelle,  avant  d'en  faire  l'emploi  en  grand. 
Ces  essais  sont  délicats,  mais  ils  sont  nécessaires 
pour  marcher  avec  chance  de  succès. 

Ameyidenients.  —  A  côté  des  engrais  se  placent 
les  amendements.  On  donne  ce  nom  à  des  sub- 
stances qu'on  ajoute  au  sol  pour  en  modifier  l'état 
primitif.  S'il  est  trop  argileux,  on  lui  ajoutera  un 
élément  calcaire  ou  sihceux  ;  quand  il  est  trop 
calcaire,  on  ajoute  de  l'argile  ou  de  la  silice,  etc. 

Les  amendements  le  plus  généralement  adoptés 
sont  :  la  marne,  la  chaux,  le  plâtre,  les  cendres. 

La  marne  est  formée  d'un  mélange  de  chaux, 
d'argile  et  de  sable,  dans  des  proportions  variables. 
La  marne  est  calcaire,  quand  elle  renferme  tJO  à 
90  p.  liiO  de  carbonate  de  chaux;  elle  est  argileuse, 
quand  elle  ne  contient  pas  plus  de  10  à  ^0  p.  100  de 
carbonate  de  chaux.  Le  marnage  convient  à  pres- 
que tous  les  sols. 

La  chaux,  obtenue  en  cuisant  les  pierres  calcai- 
res, est  employée  dans  les  terres  argilo-siliceuses. 
Elle  agit  de  diverses  manières.  Outre  qu'elle  com- 
plète les  sols  pauvres  en  calcaire,  elle  détruit  l'a- 
cidité des  terres  tourbeuses  et  des  landes,  et  elle 
contribue  à  la  formation  de  l'humus.  Sur  quelques 
parties  des  côtes  de  Bretagne  et  de  Normandie,  la 
tangue  et  les  sables  calcaires  retirés  de  la  mer  pro- 
duisent des  résultats  semblables  à  ceux  de  la 
chaux.  La  chaux  est  répandue  sur  les  champs 
après  avoir  été  mélangée  avec  quatre  à  cinq  fois 
son  poids  de  terre. 

Les  cendres  agissent  partout  par  les  sels 
de  chaux  et  la  potasse  qu'elles  renferment  ;  on  les 
applique  principalement  sur  les  sols  argileux 
qu'elles  contribuent  à  ameublir.  On  peut  employer 
à  cet  effet  les  cendres  de  bois  lessivées  ou  non 
lessivées,  celles  de  houille,  etc.  Les  plâtres  prove- 
nant des  démolitions,  et  qui  ont  été  réduits  en 
poudre,  produisent  des  résultats  analogues. 

Les  amendements  produisent  un  effet  d'autant 
plus  rapide  qu'avant  d'être  employés  ils  ont  été 
réduits  en  poudre  plus  fine.  La  pulvérisation  des 
roches  présente  des  avantages  considérables  que 
M.  Menier  a  mis  en  lumière  il  y  a  quelques  an- 
nées, en  montrant  que  la  dissolution  a  lieu  pro- 
portionnellement à  l'étendue  des  surfaces  du  so- 
lide en  contact  avec  le  liquide  disolvant.  La  marne, 
par  exemple,  employée  en  morceaux  concassés 
très  finement,  agira  avec  beaucoup  plus  de  rapidité 
que  si  elle  est  mise  sur  le  sol  en  morceaux  plus 
gros  ;  il  en  faudra  donc  beaucoup  moins  pour  ob- 
tenir un  efiet  déterminé.  Il  y  aura  ainsi  économie 
d'achat,  de  transport  et  de  main-d'œuvre.  C'est 
par  cette  considération  qu'il  est  bon  d'achever  certe 
notice,  parce  qu'elle  est  d'un  intérêt  capital  en  ce 
qui  concerne  l'emplui  des  amendi^ments. 

[Ufcnry  Saunier. 1 

ÉMGME.  —  Connaissances  usuelles,  XII.  —  L'é- 


nigme est  un  jeu  d'esprit  qui  consiste  à  présenter 
«  la  définition  d'une  chose  en  termes  obscurs,  mais 
qui,  tous  réunis,  désignent  exclusivement  leur  ob- 
jet et  sont  donnés  à  deviner.  »  (Littré.) 

L'énigme  ayant  pour  objet  de  piquer  la  curio- 
sité et  par  là  même  d'aic;uiser  la  sagacité  de  l'es- 
prit, il  n'est  pas  difficile  de  comprendre  l'usage 
qu'on  en  peut  faire  dans  l'enseignement.  Sans 
devenir  un  exercice  scolaire  régulier  et  continu, 
ces  jeux  d'esprit  seront  de  temps  à  autre  non  seu- 
lement une  agréable  distraction  et  un  utile  stimu- 
lant, mais  même  un  bon  petit  exercice  de  gym- 
nastique intellectuelle. 

On  pourra  proposer  aux  élèves  des  énigmes  qui 
serviront  de  récapitulation,  sous  une  forme  impré- 
vue et  piquante,  des  matières  enseignées  dans  les 
différents  ordres  d'études  : 

Enigmes  grammaticales.  —  Donner  la  défi- 
nition de  l'article,  de  l'adjectif,  du  pronom,  du 
verbe,  etc.,  en  y  ajoutant  tel  trait  ou  tel  déve- 
loppement que  fournira  l'imagination,  et  faire 
deviner. 

Enigmes  littéraires.  —  Par  exemple,  on  fait 
le  portrait  d'un  écrivain,  d'après  ses  qualités 
marquantes  et  quelques  traits  qui  rappellent,  sans 
les  faire  trouver  immédiatement,  le  titre  de  ses 
principaux  ouvrages  :  quel  est  son  nom  ? 

E'igmes  historiques.  —  Exemple  :  «  Nom- 
mez un  homme  sans  la  hardiesse  et  le  génie  du- 
quel nous  ne  connaîtrions  ni  la  pomme  de  terre, 
ni  le  cacao,  ni  le  tabac,  ni  le  quinquina,  etc  ;  dont 
le  berceau  fut  une  ville  jadis  très  puissante  et 
qu'on  avait  surnommée  la  Superbe  ;  qui  passa 
vingt-cinq  années  de  sa  vie  sur  la  mer  ;  et  qui  or- 
donna en  mourant  de  placer  à  côté  de  lui,  dans  sa 
tombe,  les  fers  dont  un  monarque  ingrat  l'avait 
laissé  enchaîner  ?  » 

Eniymes  géographiques.  —  Exemple  :  «  Je  sors 
d'un  glacier,  et  j'arrose  d  abord  une  longue  et 
fertile  vallée  :  puis  je  traverse  un  lac  célèbre  par. 
les  paysages  encltanteurs  qu'offrent  ses  rives.  Bien- 
tôt, quittant  le  pays  où  je  suis  né,  j'entre  dans  ma 
seconde  patrie,  à  laquelle  appartient  le  reste  de 
mon  cours.  J'y  baigne  une  grande  ville  con- 
nue dans  le  monde  entier  par  la  fabrication  de 
ses  admirables  soieries,  et  j'y  reçois  mon  principal 
affluent  ;  puis,  changeant  de  direction  pour  me 
rendre  à  la  mer,  distante  encore  de  cent  lieues,  j& 
m'y  jette  en  formant  un  delta.  » 

Enigmes  chronologiques.  —  Exemple  :  a  In- 
diquez la  date  de  deux  événements  célèbres  qui 
sont  séparés  l'un  de  l'autre  par  un  intervalle 
de  trente-trois  ans,  et  dont  le  premier  arriva  deux 
cent  cinquante-deux  ans  après  la  mort  de  Char- 
lemagne.  » 

Enigmes     tirées     des    sciences    naturelles.     — 
Exemple   :  «  Je  suis  une  des  substances  les  plus 
utiles  que  la  nature  offre  à  l'homme  ;  aussi  fais  je 
entrer  chaque  année  des  millions  dans  les  caisses 
;  de  tous  les  gouvernements  de  l'Europe.  Sur  la  ta- 
j  ble  du  millionnaire  comme  sur  celle  du  plus  pau- 
,  vre  paysan,  je  suis   indispensable;  mais  on  nap- 
j  précie  mes    services  que  lorsqu'ils  ne  se  font  pas 
1  sentir,  et  si  l'on  me  prodigue,  je  fais  faire  la  gri- 
I  mace     On   me  trouve  également  au  sein  des  flots 
do  l'Océan  et  dans  les  entrailles  de  la  terre.  Se- 
ra-ce trahir  mon  incognito  que  de  vous  révéler  le  nom 
I  par  lequel  les  savants  me  désignent  ?  ils  m'appel- 
I  lent  chlorure  de  sodium.  « 
Etc.,  etc. 

Él'HKMÉRIDES.  —  Histoire  générale,  XXXIX- 
XL.  —  (Etym.:  du  grec  éphe'méris,  journal,  calen- 
drier). —  Sans  aller  jusqu'à  prétendre  que  l'his- 
toire doive  être  enseignée  sous  la  forme  d'éphé- 
mérides,  et  qu'il  faille  attendre,  par  exemple,  de 
se  trouver  au  jour  anniversaire  de  quehjue  grand 
événement  pour  le  raco;Uer  aux  enfants,  nous 
pensons  que  l'instituteur  frappera  plus  vivement 


EPHEMERIDES 


670 


EPHEMERIDES 


l'imagination  de  ses  élèves,  si,  de  temps  en  temps, 
il  fait  coïncider  avec  le  retour  d'un  anniversaire 
remarquable  le  récit  historique  qui  s'y  rapporte. 
Nous  avons  réuni  ci-dessous  un  choix  dcplicmé- 
ridos  qui  pourront  être  de  quelque  utiliic  aux 
maîtres.  Il  nous  eût  été  facile  d'en  donner  une 
pour  cliaque  jour  de  l'année  ;  nous  avons  préféré 
toutefois  nous  limiter  à  un  nombre  restreint, 
parce  que  notre  but  n'était  que  de  donner  une 
simple  indication.  En  pareille  matière,  d'ailleurs, 
il  importe  moins  d'être  ou  de  paraître  complet, 
chose  impossible,  que  de  faire  un  choix  méthodi- 
que et  raisonné.  Chacun  pourra,  selon  ses  conve- 
nances, allonger  notre  liste  à  son  gré. 


I.  —  1338.  Le  duc  de  Guise  reprend  Calais  aux 
Anglais. 

5.  —  1071.  Commencement  du  bombardement  de 

Paris  par  les  Prussiens. 
10.  —  1778.  Mort  de  Linné. 
14.  —  1797.    Bataille   de  Pàvoli,    gagnée    sur  les 

Autrichiens  par  le  général  Bonaparte. 

20.  —  1790.  Création  des  départements  par  l'As- 
semblée constituante. 

21.  —  1795.  Exécution  de  Louis  XVL 

2o.  —  1379.  Union  d'Utrecht,  par  laquelle  se 
constitue  la  république  des  Sept  Provinces  Unies. 
—  1860.  Traité  de  commerce  entre  la  France  et 
l'Angleterre  ;  abaissement  des  tarifs. 

20.  —  1077.  L'empereur  Henri  IV  s'humilie  à  Ca- 
'  nossa  devant  le  pape  Grégoire  VII. 

28.  —  814.  Mort  de  Charlemagne. 

FÉVRIER. 

5.  —  1794.  Décret  de  la  Convention  émancipant 
les  esclaves  dans  les  colonies  françaises. 

9.  —  1649.  Exécution  de  Charles  I",  roi  d'Angle- 
terre. 

II.  —  1630.  Mort  de  Descartes  en  Suède. 

13.  —  1790.  La  Constituante  abolit  les  vœux  mo- 
nastiques. —  1791.  La  Constituante  abolit  les 
jurandes,  maîtrises  et  corporations. 

17.  —  1673.  Mort  de  Molière.  —  1684.  Mort  de 
Pierre  Corneille. 

18.  —  1387.  Exécution  de  Marie  Stuart. 

2-i.  —  1323.  Bataille  de  Pavie.  —  1848.  Une  révo- 
lution renverse  le  trône  de  Louis-Philippe  et 
rétablit  la  république  en  France. 

25.  —  1873.  Vole  par  l'Assembl  e  de  Versailles  de 
la  loi  qui  consacre  définitivement  l'existence  de 
la  troisième  Répu^  1  que  française. 

26.  —  1848.  Le  gouvernement  provisoire  de  la 
République  française  abolit  la  peine  de  mort  en 
matière  politique. 

28.  —  615.  Supplice  de  Brunehaut. 


4.  —  1789.  Washington,  premier  président  des 
Etats-Unis,  entre  en  fonctions. 

6.  —  521.  L'empereur  Constantin  rend  le  dimanche 
jour  férié. 

là.  —  1781.  Découverte  de  la  planète  Uranus  par 
l'astronome  anglais  Herschel. 

15.  —  44  (avant  J.-C).  Meurtre  de  Jules  César. 

18.  —  1514.  Supplice  de  Jacques  Molay,  grand- 
maître  des  Templiers. 

20.  —  1727.  Mort  d'Isaac  Newton. 

22.  —  1852.  Mort  de  Gœthe. 

30.  —  1282.  Vêpres  siciliennes. 

31.  —  1014.  Entrée  des  aUiés  à  Paris. 


.  —  1791.  La  Constituante  transforme  l'église 
Sainte-Geneviève  en  un  Panthéon  consacré  à  la 
sépulture  des  grands  hommes. 


7.  —  1793.  La  Convention  établit  le  système  mé- 
trique. 

10.  —  1502.  Réunion  des  premiers  Etats-Généraux 
à  Xoire-Dame  de  Paris,  sous  Philippe  le  Bel. 

13  —  1390.  Henri  IV  dorme  l'édit  de  Nantes.  — 
1093-  iMort  de  La  Fontaine. 

14.  —  1863.  Assassinat  du  président  Lincoln. 

IG.  —  1788.  Mort  de  Bufl'on. 

17.  —  1790.  Mort  de  Benjamin  Franklin. 

19.  —  1024.  Mort  de  Byron  à  Missolonghi.  s 

23.  —  1610.  Mort  de  Shakespeare. 

27.  —  1321.  Mori  du  navigateur  Magellan,  lue  par 
les  indigènes  des  îles  Philippines.  —  1848.  Le 
gouvernement  provisoire  abolit  l'esclavage  dans 
ies  colonies  françaises  (V.  5  février  et  iO  mai). 
,  30.  —  1635.  Coup  d'Etat  militaire  de  Cromwell 
contre  le  Long  Parlement. 

M.U. 

1".  —  1831.  Ouverture,  à  Londres,  de  la  pre- 
mière exposition  universelle. 

4.  —  1848.  Première  séance  de  l'Assemblée  cons- 
tituante de  la  seconde  république  française. 

5.  —  1709.  Ouverture  des  Etats-Généraux  à  Ver- 
sailles. —  1821.  Mort  de  Napoléon  à  Sainte- 
Hélène. 

6.  —  1839.  Mort  d'Alexandre  de  Humboldt. 

5.  —  1796.  Bataille  de  Lodi.  —  1842.  Accident  du 
chemin  de  fer  de  Versailles, 

9.  —  1803.  Mort  de  Sciiiller. 

11.  —  1743.  Bataille  de  Foutenoy.  —  1860.  Débar- 
quement des  Mille  de  Garibaldi  à  Marsala. 

14.  —  1610.  Assassinat  d'Henri  IV. 

19.  —  1645.  Bataille  de  Rocroi. 

20.  —  1002.  Rétablissement  de  l'esclavage  dans 
les  colonies  françaises  (V.  5  février  et  V7  avril). 

21.  —  987.  Mort  de  Louis  V,  dernier  des  Carlo- 
vingiens. 

24.  —  1345.  Mort  de  Copernic. 

29.  —  1435.  Prise  de  Constantinople  par  les  Turcs. 

30.  —  1451.  Supplice  de  Jeanne  d'Arc.  —  1778. 
Mort  de  Voltaire. 

JUIN. 

4.  —  1839.  Bataille  de  Magenta. 

6.  —  1368.  Exécution  des  comtes  d'Egmont  et  de 
Horn  à  Bruxelles.  —  1785.  Premier  essai  des 
ballons  par  Etienne  Montgolfier  à  Annonay. 

11.  —  1213.  La  grande  charte  d'Angleterre  signée 
à  la  conférence  de  Runny-Mead,  près  Windsor. 

14. —  1800.  Bataille  de  Marengo;  mort  de  Desaix. 
Le  même  jour.  Kléber  est  assassiné  au  Caire. 

15.  —  1783.  Mort  de  l'aéronaute  Pilâtre  des  Ro- 
ziers,  à  Boulogne. 

18.  —  1813.  Bataille  de  Waterloo. 

19.  —  1790.  La  Constituante  abolit  les  titres  de 
noblesse.  —  1867.  Exécution  de  l'empereur  Maxi- 
milien  à  Queretaro. 

20.  —  1789.  Serment  du  Jeu-de-Paume. 

22.  —  1635.  Le  Saint-Ofiice  oblige  Galilée  à  se 
rétracter. 

24.  —  1839.  Bataille  de  Solférino. 

25.  —  1846.  Abolition  des  lois  sur  les  céréales  en 
Angleterre,  et  triomphe  des  libres  échangistes, 

26.  —  1794.  Bataille  de  Fleurus,  gagnée  par" Jour, 
dan  sur  Co bourg  et  les  Impériaux. 


3.  —  1778.  Mort  de  Jean-Jacques   Rousseau.  — 
1866.  Bataille  de  Sadowa. 

4.  —    1776.     Déclaration     d'indépendance     des 
Etats-Unis. 

5.  —  1850.  Capitulation  d'Alger. 
9.  —  1709.  Bataille  do  Pultava. 

11.  —  1702.  L'Assemblée  législative  proclaaue  la 

patrie  en  danger. 
14.  —  1789.  Prise  de  la  Bastille. 


ÉPHEMERIDES 


—  6T1 


ÉPIDÉMIES 


j5.  1099.  Prise  de  Jérusalem  par  les  Croisés. 

Ifj'  _  622.  Fuite  de  Mahomet  de  la  Mecque  à 
Médine(liéuire). 

15.  —  1870.  Le  Concile  du  Vatican  vote  le  dogme 
de  l'infaillibilité  du  pape. 

19.  —  61.  Incendie  de  Rome  par  Néron. 

20.  —  1847.  La  diète  suisse  vote  la  dissolution  du 
Sonderbund  et  l'expulsion  des  Jésuites. 

25.  —  1830.  Charles  X  publie  les  ordonnances  qui 
amènent  la  révolution  de  juillet. 

27.  1214.  Bataille  de  Bouvines.  —  1673.  Tu- 
renne  est  tué  à  Salzbach. 

29.  1830.  Troisième  et  dernière  journée  de  la 

révolution  qui  renverse  la  dynastie  des  Bourbons. 

31.  —  1S89.  Assassinat  d'Henri  III  par  Jacques 
Clément. 

AOÛT. 

1".  —  1338.  Assassinat  d'Etienne  Marcel. 

2.  —  216  (avant  J.-C).  Bataille  de  Cannes. 

3.  —  538  (avant  J.-C).  Bataille  de  Chéronée. 

4.  —  1789.  La  Constituante  abolit  le  régime  féodal. 

6.  —  1762.  Arrêt  du  Parlement  de  Paris  pronon- 
çant la  dissolution  de  la  société  de  Jésus.  — 
1806.  François  II  d'Autriche  abdique  le  titre 
d'empereur  d'Allemagne. 

9  —  1803.  Essai  du  premier  bateau  à  vapeur  sur 
la  Seine  (Fulton).  Bonaparte  repousse  l'inven- 
teur. 

10.  —  1792.  Prise  des  Tuileries  par  le  peuple,  et 
renversement  de  la  royauté. 

16.  —  1790.  La  Constituante  décrète  l'établisse- 
ment du  jury. 

17.  —  1786.  Mort  de  Frédéric  II  le  Grand,  roi  de 
Prusse. 

18.  —  1303.  Le  pape  Alexandre  VI  Borgia  meurt 
empoisonné. 

19.  —  14.  Mort  de  l'empereur  Auguste  à  Nola  en 
Campanie.  —  1662.  Mort  de  Pascal. 

20.  —  1672.  Massacre  du  grand  pensionnaire  Jean 
de  Witt  et  de  son  -rère  à  la  Haye. 

22.  —  1838.  Première  dépêche  officielle  échangée 
par  le  câble  transatlantique  entre  le  président 
des  Etats-Unis  et  la  reine  d'Angleterre. 

23.  —  79.  Première  éruption  du  Vésuve,  qui  dé- 
truit Herculanum  et  Po    peï. 

24.  —  1372.  Massacre  de  la  Saint-Barthélémy. 

25.  —  1270.  Mort  de  saint  Louis.  —  1819.  Mort 
de  James  Watt,  inventeur  de  la  machine  à  va- 
peur à  tiroir. 

26.  —  1346.  Bataille  de  Crécy. 

SEPTEMBRE. 

1".  —  1713.  Mort  de  Louis  XIV. 

4.  —  1870.  Renversement  du  gouvernement  de 
Napoléon  III. 

5.  —  1798.  Loi  établissant  la  conscription  en 
France . 

6.  —  1685   Mort  de  Colbert. 

8.  —  1833.  Prise  de  Sébastopol. 

10.  —  1419.  Assassiiiat  de  Jean-Sans-Peur  au  pont 
de  Montereau. 

11.  —  1709.  Bataille  de  Malplaquet. 

14.  —  1321.  Mort  de  Dante  Alighieri  à  Ravenne. 
—  1813.  Traité  de  la  Sainte -Alliance,  auquel 
l'Angleterre  refuse  d'adhérer. 

15.  —  1797.  Mort  de  Hoche.  —  1812.  Incendie  de 
Moscou  (du  15  au  i7j. 

19.  —  1336.  Bataille  de  Poitiers. 

20.  —  1792.  Bataille  de  Valmy. 

21.  —  1338.  Mort  de  Charles-Quint.  —  1792.  Pre- 
mière séance  de  la  Convention  et  proclamation 
de  la  République.  —  1796.  Marceau  est  tué  à 
Alikirchen. 

23.  —  1862.  Proclamation  du  président  Lincoln 
émancipant  les  esclaves  à  partir  du  l*'  janvier 
1863. 

23.  —  1846.  La  planète  Neptune,  dont  les  calculs 


de  Leverrier  avaient   démontré  l'existence,  e's*. 
aperçue  par  l'astronome  prussien  Galle. 
25.  —  1799.  Bataille  de  Zurich,  gagnée  par  Mas- 
séna  sur  les  Russes. 

29.  —  310  (avant  J.-C  ) .  Bataille  de  Marathon. 

30.  —  331  (avant  J.-C.}.  Bataille  d'Arbèles. 


1"='.  —  1791.  Ouverture  de  l'Assemblée  législative. 
7.  —  1371.  Bataille  de  Lépante. 

12.  —  1492.  Découverte  de  l'Amérique.  Christophe 
Colomb  aborde  à  l'île  de  Guanahani. 

14.  —  1066.  Bataille  de  Hasiings. 

17.  — 1683.  Révocation  de  l'édit  de  Nantes  (V.  13 
avril) . 

18.  —  1737.  Mort  du  savant  français  Rcaumur, 
physicien  et  naturaliste. 

24.  —  1793.  Troisième  et  dernier  partage  de  la 
Pologne. 

25.  —  1413  Bataille  d'Azincourt.  —  1793.  La  Con- 
vention crée  l'Institut. 

26.  —  1268.  Supplice  de  Conradin,  dernier  des 
Hohenstaufen, 

27.  —  1614.  Ouverture  des  Etats-Généraux,  les 
derniers  avant  ceux  de  1789. 

NOVEMBRE , 

1".  —  1733.  Tremblement  de  terre  de  Lisbonne. 

2.  —  1789.  La  Constituante  décide  que  les  biens 
du  clergé  sont  à  la  disposition  de  la  nation. 

5.  —  1688.  Guillaume  d  Orange  débarque  en  An- 
gleterre. 

0.  —  1792.  Victoire  de  Jemmapes  sur  les  Autri- 
chiens. 

9.  —  1799  (18  brumaire).  Coup  d'Etat  de  Bona- 
parte contre  la  république.  Le  même  jour,  mort 
de  Washington. 

10.  —  522  (avant  J.-C).  Mort  de  Démosthènes. 

13.  _  1003.  Massacre  des  Danois  en  Angleterre, 
le  jour  de  la  Saint>Brice. 

15.  —  1796    Bataille  d'Arcole. 

21.  —  1806.  Décret  du  blocus  continental,  daté  de 
Berlin. 

22.  —  1497.  Vasco  de  Gama  double  le  cap  de 
Bonne-Espérance. 

24.  —  1793.  Etablissement  du  calendrier  répu- 
blicain. 

30.  —  1794.  Inauguration  du  télégraphe  Chappe 
par  l'annonce  de  la  prise  de  Condé  sur  les  Au- 
trichiens. 


2.  —  1804.  Sacre  de  Napoléon  !«'  à  Notre-Dame. 
—  1803.  Bataille  d'Austerlitz.  —  1831.  Coup 
d'Etat  de  Louis-Napoléon  contre  l'Assemblée  na- 
tionale. 

4.  —  1642.  Mort  de  Richelieu. 

7.  —  43  (avant  J.-C.  .  Mort  de  Cicéron. 

10.  —  1320.  Luther  brûle  la  bulle  du  pape. 

11.  —  1718.  Charles  XJI  de  Suède  est  tué  au  siège 
de  Frederickshall. 

13.  —  1343.  Ouverture  du  concile  de  Trente. 
17.  —  1789.  La  Constituante  décrète  la  création 

des  assignats. 
25.  —  800.   Cliarlemagne  est  couronné  à   Rome 

empereur  d'Occident. 

EPIDEMIES.  —  Hygiène,  m  et  XVll  .  —  On  ap- 
pelle épidémie  une  maladie  qui  attaque  en  même 
temps,  dans  le  môme  lieu,  un  grand  nombre  de 
personnes  à  la  fois,  et  qui  dépend  d'une  cause 
commune  survenue  accidenUdlement,  comme  l'al- 
tération de  l'air,  des  eaux,  des  aliments,  etc.  Le 
caractère  accidentel  distingue  l'épidémie  de  l'en- 
démie. Celle-ci  consiste  en  une  maladie  locale  qui 
attaque  un  grand  nombre  ou  la  généralité  des 
habitants,  et  qui  dépend  de  causes  permanentes 


ÉPIDÉMIES 


—  672  — 


ÉPIDÉMIES 


telles  que  le  climat,  la  nature  des  eaux,  la  nourri 
ture,  les  mœurs. 

Il  existe  une  classe  de  maladies  qui  naissent 
dans  un  foyer  limité,  se  propagent  plus  ou  moins 
rapidement  e:  do  diverses  manières,  frappent  les 
habitants  de  toute  une  contrée,  puis  s'éteignent 
complètement  ou  i:iiparfaitement  pour  renaître 
lorsque  certaines  circonstances,  encore  mal  déter- 
minées, seront  favorables  à  leur  développement 
et  à  leur  dissémination  :  ce  sont  les  maladies 
infectieuses  et  contagieuses.  (V.  Contagion.) 

L'infection  diffère  de  l'empoisonnement  ordi- 
naire en  ce  qu'elle  résulte  de  l'imprégnation  de 
l'organisme  par  une  matière  capable  de  se  repro- 
duire, de  se  multiplier  presque  indéfiniment, 
comme  se  multiplie  une  simple  cellule  de  levure 
placée  dans  un  milieu  convenable. 

De  plus,  la  maladie  infectieuse  est  spécifique, 
c'est-à-dire  constitue  une  espèce  bien  distincte  qui 
se  reproduit  toujours,  cliez  tous  les  sujets,  avec  des 
caractères  bien  tranchés  et  sous  l'influence  d'une 
cause  unique  :  la  pénétration  dans  l'organisme 
d'un  poison  vivant,  ou  capable  d'organisation,  de 
vie  et  de  reproduction. 

On  a  donné  le  nom  de  contage  ou  de  virus  à 
ce  poison  vivant  capable  de  reproduire  les  mala- 
dies infectieuses.  On  réservait  autrefois  le  nom 
de  virus  aux  coiUages  qui  ne  peuvent  s'introduire 
que  par  une  petite  solution  de  continuité,  une 
piqûre,  une  érosion,  une  blessure  si  petite  qu'elle 
soit,  c'est-à-dire  par  inoculation  :  aujourd'hui  la 
distinction  entre  les  virus  et  les  contages  ne  pa- 
raît pas  fondée. 

Quant  à  la  nature  des  contages,  elle  n'a  pas  été 
suffisamment  reconnue  pour  que  l'on  puisse  la 
déterminer  scientifiquement  :  toutefois  des  analo- 
gies nombreuses  tendent  à  faire  supposer  qu'ils 
appartiennent  à  des  familles  de  végétaux  et  d'ani- 
maux microscopiques,  si  petits  que  les  meilleurs 
instruments  permettent  à  peine  d'en  commencer 
l'étude,  quant  à  la  classification  végétale  ou  ani- 
male . 

Au  point  de  vue  pratique  il  importe  peu  que  l'on 
ait  vu  et  nommé  la  plante  ou  l'insecte  qui  causent 
et  propagent  les  épidémies.  On  est  fixé  sur  ce 
point  important  :  l'usage  de  fruits  verts,  les  bois- 
sons froides,  ne  peuvent  engendrer  le  choléra;  la 
présence  de  matières  en  putréfaction  ne  peut 
engendrer  la  peste  ;  les  émanations  des  marais  ne 
peuvent  engendrer  la  fièvre  jaune.  Pour  que  ces 
épidémies  s'implantent  dans  une  localité,  il  faut 
absolument  qu'on  en  ail  apporté  le  germe,  la 
semence,  le  contage  spécifique.  Mais  il  est  re- 
connu également  que  cette  semence  d'épidémie 
pourra  mourir  faute  d'aliment,  faute  de  circons- 
tances favorables  à  son  existence  et  à  sa  reproduc- 
tion, dans  un  milieu  soumis  à  d'excellentes  con- 
ditions hygiéniques,  tandis  qu'elle  prospérera  et  se 
reproduira  promptement  dans  un  milieu  favorable. 
Or,  tout  ce  qui  contribue  à  diminuer  la  vitalité  des 
individus,  leur  force  de  résistance  ;  tout  ce  qui 
modifie  les  propriétés  normales  de  l'air,  des  eaux, 
des  aliments,  prépare  le  terrain  pour  l'acclimate- 
ment des  épidémies  et  pour  leur  dissémination. 

Il  impoi'te  de  bien  fixer  les  idées  sur  ces  prin- 
cipes fort  simples,  car  toute  l'hygiène  privée,  pu- 
blique et  internationale  des  épidémies  dépend  des 
applications  pratiques  auxquelles  ils  donnent  lieu. 
Si  les  épidémies  n'étaient  pas  causées  par  un  poi- 
son vivant,  un  virus  de  nature  spécifique,  il  fau- 
drait renoncer  à  toute  précaution,  à  toute  mesure 
de  police  sanitaire,  et  se  résoudre  à  un  fatalisme 
expectant. 

Pour  ce  motif,  nous  insisterons  sur  la  définition 
difl'érentiolle  de  trois  mots  que  l'on  confond  sou- 
vent :  miasme,  virus,  contage. 

Autrefois  on  désignait  sous  le  nom  de  miasme  ' 
tout  germe  répandu  dans  lair  et  capable  de  doter-  1 


miner  des  maladies.  Aujourd'hui  on  réserve  ce 
mot  pour  désigner  un  agent  spécifique  qui  naît  en 
deliors  de  l'homme  et  ne  peut  se  reproduira  dans 
l'économie.  Tel  est  le  miasme  paludéen,  qui  cause 
des  fièvres  spéciales  non  transmissibles  et  que  le 
malade  ne  peut  importer  avec  lui  dans  un  nouveau 
milieu.  Le  miasme  agit  donc  sur  chaque  individu 
comme  un  poison  spécifique,  mais  borne  son  effet 
à  l'individu  attaqué  ;  il  ne  se  multiplie  pas  dans 
son  organisme,  ou  s'il  se  multiplie,  il  n'en  sort 
pas  pour  frapper  d'autres  victimes. 

On  appelle  indifl'éremment  virus  et  contage  des 
principes  morbides  provenant  d'un  individu  ma- 
lade et  capables  de  communiquer  la  même  maladie 
à  un  individu  sain  :  c'est  cette  cu-nmimiicalion 
qui  constitue  la  contagion  Ainsi  la  rougeole,  1? 
morve,  la  variole,  sont  des  maladies  virulente 
qui  se  propagent  par  contagion. 

On  distingue  deux  grandes  classes  de  virus.  Les 
virus  fixes  se  propagent  directement  par  contact 
d'un  individu  malade  ou  d'un  objet  sur  lequel  il 
s'en  trouve  une  quantité  si  minime  qu'elle  soit. 
Quelques-uns  pénètrent  dans  l'organisme  par  un 
point  quelconque  de  la  muqueuse  des  yeux,  de  la 
bouche,  des  poumons,  de  l'intestin,  etc.  D'autres 
ne  peuvent  s'introduire  que  par  une  petite  solution 
de  continuité,  plaie,  piqûre,  éraillure.  c'est-à-dire 
par  inoculation.  Les  virus  dits  volatils  se  ré- 
duisent en  particules  tellement  fines  qu'elles  se 
mêlent  très  facilement  à  l'air  où  elles  accompa- 
gnent les  poussières  inertes.  Ce  ne  sont  ni  des 
gaz  ni  des  vapeurs,  mais  on  leur  a  donné  le  nom 
de  volatils  pour  indiquer  leur  mode  ordinaire  de 
dissémination.  De  ce  nombre  sont  les  virus  de  la 
diphtérie,  du  typhus,  de  la  rougeole,  etc.  Notons 
que  certaines  maladies  donnent  lieu  à  deux  modes 
de  propagation.  Ainsi  la  variole  se  communique 
par  inoculation  et  par  l'air.  On  comprend  que  le 
vent  peut  transporter  à  de  grandes  distances  les 
virus  volatils,  mais  c'est  un  fait  exceptionnel.  En 
suivant  la  direction  des  vents,  en  étudiant  les 
changements  de  direction  causés  par  quelques 
obstacles  :  édifices,  rideau  d'arbres,  collines,  on 
se  rend  compte  de  l'immunité  observée  quelque- 
fois sur  un  espace  très  restreint  dans  un  pays 
envahi  par  une  épidémie. 

Certains  virus  sont  doués  d'une  vitalité  extraor- 
j  dinaire  et  peuvent  se  conserver  pendant  de  lon- 
I  gués  années  sans  perdre  de   leur  énergie.   Ainsi 
,  l'on  vaccine  avec  du  virus  de  cow-/'OX  (vaccin)  con- 
1  serve  dans  des  tubes  de  verre.  La  morve,  le  char- 
I  bon,    se  communiquent  après  dix  ans  et  plus  par 
le  contact  de  dépouilles  d'animaux  atteints  de  ces 
maladies.  Le  virus  de  la  variole  est  un  des  plus 
tenaces;  c'est  ce  qui  explique  comment  il  est  fort 
difficile   d'éteindre,    dans  les    giandes  villes,  les 
petites  épidémies  de  variole  qui  sévissent  tantôt 
dans  un  quartier,  tantôt  dans  l'autre.  L'exhumation 
des  personnes   mortes  de  la  variole  devrait  être 
absolument  interdite.  Il   conviendrait  même  d'a- 
dopter, pour  les  inhumations,  des  précautions  spé- 
ciales. Il  est  arrivé  souvent  que  des  fossoyeurs  et 
des   personnes  assistant  à   des    inhumations   ont 
ainsi  contracté  la  maladie  et  l'ont  propagée  daas 
tout  un  district. 

La  reproduction  et  la  dissémination  des  virus 
semble  influencée  par  une  foule  de  circonstances 
climatériques  générales  ou  locales,  constantes  ou 
accidentelles,  mais  justju'à  présent  on  ne  connaît 
pas  les  lois  de  ces  rapports.  On  constate  seule- 
ment, d'ordinaire,  que  la  chaleur  et  l'humidité  favo- 
risent l'évolution  des  virus.  Cependant  celui  de 
la  peste  perd  son  activité  dans  les  sa  sons  très 
chaudes,  et  les  froids  rigoureux  ne  diminuent  pas 
l'énergie  du  virus  du  choléra. 

Un  individu  sain  sert  souvent  à  la  transmission 
de  virus  qui  se  sont  attachés  à  ses  vôiemenis  ou 
même  à  sa  peau  sans  lui  causer  aucun  mal.  Par 


EPIDEMIES 


—  673  — 


ÉPIDÉMIES 


conséquent  ce  ne  sont  pas  seulement  les  malades 
qu  il  importe  d'isoler,  mais  tous  ceux  qui  les  ap- 
prochent. Et,  si  l'isolement  de  ceux-ci  n'est  pas 
praticable,  il  est  indispensable  de  les  soumettre  à 
•des  mesures  spéciales  de  propreté  qui  diminuent 
■de  beaucoup  les  chances  de  transport  do  maladies 
par  leur  personne,  leurs  vêtements  ou  les  objets 
à  leur  usage. 

Les  virus  fixes  qui  s'introduisent  seulement  par 
voie  d'inoculation  trouvent  peu  de  sujets  réfrac- 
taires.  L'immunité,  en  ce  qui  les  concerne,  cons- 
titue une  rare  exception.  Il  n'en  est  pas  de  même 
pour  ceux  qui  pénètrent  par  absorption,  et  sur- 
tout pour  les  virus  volatils.  Il  faut  que  l'économie 
se  trouve  dans  certaines  conditions  spéciales  pour 
se  laisser  envahir  par  ces  ennemis  invisibles. 
En  général  le  jeune  âge,  le  sexe  féminin,  la  con- 
stitution faible,  le  tempérament  lymphatique, 
favorisent  l'absorption  des  virus  :  tout  ce  qui  dé- 
range les  fonctions  et  diminue  la  vitalité  peut  deve- 
nir une  cause  de  prédisposition  spéciale. 

Outre  l'immunité  naturelle,  encore  mal  expli- 
quée, il  yen  a  une  bien  déterminée,  que  l'on 
peut  produire  à  volonté  :  elle  dépend  d'une  modi- 
fication de  l'organisme  causée  par  une  première 
attaque  de  la  maladie.  Il  est  rare  qu'un  même 
sujet  soit  atteint  plusieurs  fois  de  variole,  de  scar- 
latine, de  rougeole,  de  fièvre  typlioîde.  Notons 
cependant  que  pour  le  choléra,  la  fièvre  jaune,  la 
dy3senterie,une  première  attaque,  loin  de  produire 
l'immunité,  semble  prédisposer  à  un  nouvel  em- 
poisonnement. 

Au  point  de  vue  théorique  comme  au  point  de 
vue  pratique,  il  est  impossible  de  s'occuper  avec 
fruit  des  épidémies  si  l'on  ne  commence  par  éta- 
blir scientifiquement  l'existence  de  causes  maté- 
rielles, spécifiques,  contre  lesquelles  on  puisse 
diriger  les  efforts  de  l'hygiène  privée,  publique  et 
internationale.  Or  cette  détermination  scientifique, 
cette  distinction  rationnelle  des  termes  usuels, 
sont  toutes  récentes.  Il  y  a  peu  d'années,  on  re- 
gardait encore  les  épidémies  comme  des  maladies 
inexplicables,  et,  sans  les  attribuer  comme  autre- 
fois à  des  manifestations  de  la  colère  divine,  on 
se^  complaisait  à  leur  reconnaître  un  caractère 
mystérieux.  C'était  une  excuse  de  l'ignorance  ou 
de  l'impuissance.  Sous  l'influence  de  ce  fatalisme, 
les  mesures  sanitaires  étaient  nécessairement  ca- 
pricieuses, vexatoires  et  incomplètes.  Leur  insuffi- 
sance conduisait  même  à  en  nier  l'utilité. 

Aujourd'hui  que  l'on  a  fixé  la  valeur  des  termes 
de  la  discussion  et  que  l'on  appuie  chaque  asser- 
tion sur  des  données  rigoureusement  scientifiques, 
on  peut  espérer  de  voir  adopter  contre  les  épidé- 
mies des  mesures  capables  de  les  étoufi"er  dans 
leur  foyer,  ou  du  moins  de  ne  laisser  subsister 
qu'un  seul  mode  de  propagation,  la  diffusion  par 
les  vents,  celle  qui  offre  le  moins  de  danger  pour 
les  épidémies  les  plus  redoutables. 

On  peut  établir  entre  les  maladies  infectieuses 
et  contagieuses  les  distinctions  suivantes  : 

Les  maladies  pestilentiel/es  n'ont  pas  de  siège 
anatomique  nettement  déterminé,  bien  qu'elles 
donnent  lieu  à  certains  accidents  localisés;  ce  sont 
le  choléra,  la  peste  d'Orient,  le  typhus  des  camps 
et  la  fièvre  jaune.  Ces  quatre  maladies  ne  sont 
pas  inoculables,  c'est-à-dire  ne  sont  pas  suscepti- 
bles d'être  développées  chez  un  individu  sain  en 
introduisant  sous  l'épiderme  du  pus,  du  sang 
ou  un  liquide  quelconque  provenant  d'un  individu 
malade. 

Plusieurs  malaiies  virulentes  ont  leur  siège 
principal  dans  l'abdomen  :  ce  sont  la  fièvre  typhoïde, 
la  dyssenterie  épidémique.  On  n'a  pas  réussi  à  les 
inoculer;  elles  ne  semblent  pas  contagieuses  par 
contact,  mais  elles  le  sont  certainement  par  l'en- 
tremise des  déjections  des  malades.  La  chaleur 
€St  favorable  au  développement  du  poison  typhoïde, 
2«  Partie 


qui  est  absorbé  surtout  par  les  individus  jeunes 
et  non  acclimates  dans  les  grandes  villes.  Le  poi- 
son dyssentérique  se  propage  rapidement  partout 
où  il  y  a  encombrement  d'individus  sains  ou  ma- 
lades. 

Plusieurs  maladies  virulentes  épidémiques  se 
manifestent  spécialement  à  la  peau  ;  ce  sont  :  la 
variole,  qui  est  inoculable,  la  scarlatine,  la  rou- 
geole et  la  suette  miliaire,  dont  l'inoculabilité 
n'est  pas  démontrée.  Le  germe  morbide  de  ces 
quatre  maladies  semble  plus  actif  sous  l'influence 
de  la  chaleur.  La  contagion  se  produit  par  le  con- 
tact de  l'individu  malade,  des  vêtements  et  objets 
à  son  usage,  et  aussi  par  l'air  de  la  chambre,  de  la 
maison,  du  quartier.  Il  suffit  d'ouvrir  une  porte 
ou  une  fenêtre  pour  infecter  tout  le  voisinage. 

Dans  certaines  circonstances  que  l'on  n'a  pas 
encore  pu  déterminer,  un  assez  grand  nombre  de 
maladies  ordinairement  isolées  deviennent  épidé- 
miques :  ce  sont  la  grippe,  la  méningite  cérébro- 
spinale, l'érysipèle,  la  dyssenterie,  l'angine  couen- 
neuse,  le  croup,  la  coqueluche,  etc. 

L'histoire  de  la  médecine  et  même  l'histoire  géné- 
rale des  peuples  nous  montrent  que  les  épidémies 
diminuent  de  fréquence  et  d'intensité  à  mesure 
que  progresse  la  civilisation.  Partout  ce  sont  les 
classes  ignorantes  et  misérables  qui  fournissent 
aux  épidémies  le  plus  grand  nombre  de  victimes. 
Par  conséquent  le  premier  devoir  des  individus  et 
des  gouvernements,  c'est  de  combattre  les  épidé- 
mies et  de  les  faire  disparaître  par  la  diffusion  de 
l'instruction  et  l'augmentation  du  bien-être.  On 
peut  dire  en  toute  confiance  que  l'hygiène  tuera 
les  épidémies.  Leur  propagation  n'a  rien  de  mys- 
térieux et  de  fatal  ;  on  est  aujourd'hui  suffisam- 
ment renseigné  sur  leur  nature  pour  les  combat- 
tre avec  certitude  de  succès.  Mais  pour  cela  il  faut 
que  les  particuliers  et  les  gouvernements  appli- 
quent sans  réserve  l'adage  a  Qui  veut  la  fin  veut 
les  moyens.  » 

Pour  les  particuliers,  on  peut  résumer  ainsi  les 
règles  à  observer  en  temps  d'épidémie. 

Les  poisons  épidémiques  ne  prospèrent  que 
dans  un  milieu  favorable.  Un  individu  sain,  ro- 
buste, qui  mène  une  vie  régulière  et  se  conforme 
aux  principes  de  l'hygiène,  est  un  mauvais  terrain 
pour  les  germes  morbides.  Le  plus  souvent  ils  ne 
peuvent  s'y  implanter.  Au  contraire,  l'individu 
maladif,  affaibli  par  des  excès  ou  des  privations, 
dos  imprudences  passagères,  une  vive  préoccupa- 
tion, la  peur,  etc.,  offre  peu  de  résistance  vitale 
aux  germes  prêts  à  pénétrer  dans  toute  place  mal 
gardée.  Il  importe  donc,  en  temps  d'épidémie, 
d'observer  scrupuleusement  les  conseils  de 
l'hygiène,  surtout  en  ce  qui  concerne  le  travail,  les 
fatigues  de  toute  sorte,  le  sommeil,  la  nourriture, 
les  plaisirs,  la  propreté. 

La  propreté  mérite  une  mention  toute  spéciale, 
car  le  grand  air,  le  soleil,  l'eau  et  le  savon  cons- 
tituent les  moyens  de  prévention  et  de  défense  les 
plus  énergiques,  en  même  temps  que  ce  sont  les 
plus  simples.  L'humidité  et  l'encombrement  sont 
des  causes  actives  de  fixation  et  de  propagation 
des  contages. 

Tout  en  se  gardant  des  préoccupations  timorées, 
de  la  peur  qui  affaiblit,  on  doit  surveiller  attenti- 
vement sa  santé  afin  de  reconnaître,  dès  le  début, 
les  symptômes  d'un  malaise  qui  serait  passé  ina- 
perçu dans  d'autres  circonstances,  mais  qui  acquiert 
une  importance  toute  particulière  en  temps  d'épi- 
démie. 

Des  soins  intelligents,  ceux  du  médecin  seule- 
ment, pourront,  dans  bien  des  cas,  enrayer  le  mal 
dès  son  apparition,  faire  avorter  des  accidents  qui, 
livrés  à  eux-mêmes,  auraient  suivi  leur  marche 
naturelle  et  causé  une  grave  maladie.  Ainsi  le 
moindre  rhume  doit  éveiller  l'attention  en  temps 
d'épidémie  de  grippe.  Lorsque  sévit  le  choléra,  le 

43 


EPIDEMIES 


674  — 


EPISTÛLAIRE 


plus  petit  dérangement  intestinal  appelle  une 
médication  immédiate;  dans  la  grande  majorité 
des  cas,  la  maladie  débute  par  une  simple  diar- 
rhée que  l'on  appelle  très  instement  p}-éi7i07ii foire  : 
si  on  Tan-ète  au  début  par  les  préparations  d'o- 
piutn  et  autres  moyens  appropriés,  on  coupe  court 
à  la  maladie.  Si  dans  chaque  maison  on  exerce 
cette  viîïilance,  on  peut  faire  avorter  en  quelques 
jours  une  épidémie. 

C'est  surtout  pendant  les  épidémies  qu'il  faut 
se  garder  de  suivre  les  conseils  des  commères, 
des  guérisseurs,  ou  de  perdre  un  temps  précieux 
à  essayer  les  remèdes  banals  de  la  médecine 
domestique  sous  prétexte  qu'ils  ne  peuvent  pas 
faire  de  mal.  Une  infusion  de  fleurs  de  guimauve 
peut  tuer  le  malade  atteint  de  diarrhée,  en  retar- 
dant l'administration  d'un  remède  capable  d'em- 
pêcher le  choléra  de  se  déclarer  sous  sa  forme 
mortelle. 

L'isolement  des  malades  est  indispensable.  Il 
est  très  important  de  détruire  leurs  évacuations  par 
les  procédés  aujourd'hui  vulgarisés.  Le  moyen  le 
plus  simple  consiste  h  les  mélanger  de  chlorure 
de  zinc  ou  de  sulfate  de  fer.  Toutes  les  personnes 
qui  ne  sont  pas  appelées  par  le  devoir  strict  ou 
l'utilité  immédiate  à  donner  leurs  soins  au  ma- 
lade atteint  d'une  maladie  infectieuse  et  conta- 
gieuse, doivent  s'abstenir  do  l'approcher,  d'entrer 
dans  sa  chambre,  de  toucher  aux  objets  à  son  usage. 
Les  liens  de  famille  el  d'affection  cèdent,  en  ces 
circonstances,  à  un  devoir  qui  prime  tout  dévoue- 
ment et  toute  charité.  Puisqu'il  est  prouvé  qu'une 
personne  saine  peut  transporter  sur  sa  personne, 
sur  ses  vêtements,  les  germes  de  ces  maladies, 
c'est  commettre  une  imprudence  coupable  que  de 
s'exposer  à  devenir  une  source  d'infection  :  le  dé- 
lit est  le  même  que  celui  de  blessure  ou  d'homi- 
cide par  imprudence. 

En  Angleterre,  dès  que  se  manifeste  une  mala- 
die épidémique,  les  règlements  sanitaires  sont  ap- 
pliqués pour  contrôler  et  limiter  la  liberté  indivi- 
duelle, .'ii  respectée  dans  ce  pays,  et  pour  s'opposer 
à  toute  imprudence  de  la  part  de  ceux  qui  entou- 
rent le  malade.  Les  tribunaux  condamnent  sévère- 
ment toute  personne  atteinte  de  variole,  de  scar- 
latine, etc.,  qui  voyage  dans  une  voiture  publique  ou 
en  chemin  de  fer  avant  la  période  où  la  maladie 
cesse  d'être  transmissible.  Un  maître  est  également 
poursuivi  pour  laisser  sortir  un  serviteur  qui  n'est 
pas  complètement  guéri. 

La  France  est  très  arriérée  pour  ce  qui  con- 
cerne l'hygiène  publique  des  maladies  infectieuses 
et  contagieuses,  isolées  ou  à  l'état  d'épidémie.  Il 
existe  cependant,  au  moins  sur  le  papier,  des 
règlements  que  nous  devons  indiquer. 

D'après  une  circulaire  ministérielle  de  1813,  il 
doit  y  avoir  dans  chaque  arrondissement,  sous  le 
titre  de  médecin  des  épidémies,  un  médecin  chargé 
spécialement  de  suivre  le  traitement  des  maladies 
épidémiques  et  de  se  transporter  dans  les  commu- 
nes oîi  elles  éclatent,  à  la  première  invitation  qu'il 
en  reçoit  du  sous-préfet. 

\ussitôt  que  les  malades  d'une  commune  excè- 
dent le  nombre  ordinaire  et  qu'il  y  a  apparence 
d'épidémie,  le  maire  doit  en  informer  le  sous- 
préfet. 

Est-il  nécessaire  de  démontrer  que  cette  marche 
hiérarchique  rendait  inapplicables  les  bonnes  inten- 
tions do  cette  circulaire? 

La  création  des  conseils  d'hygiène  et  de  salu- 
brité en  1848  faisait  en  partie  justice  des  erreurs 
de  la  réglementation  précédente.  Puis,  en  1851, 
une  circulaire  relia  tant  bien  que  mal  les  attri- 
butions dos  conseils  et  celles  des  médecins  d'épi- 
démies. Ceux-ci  eurent  le  droit  de  siéger  au  con- 
scil-  Jlais  la  seule  mesure  efficace,  c'est  de  donner 
l'initiative  et  les  pouvoirs  nécessaires  aux  méde- 
cins du  service  sanitaire. 


En  pratique,  tout  est  à  créer  chez  nous  pour 
obtenir  un  service  sanitaire  efficace,  comparable  à 
ceux  qui  fonctionnent  aux  États-Unis  et  surtout  en 
Angleterre.  Quel  ministre  répétera  h.  notre  parle- 
ment ces  paroles  de  lord  Beaconsfield  à  la  Cham- 
bre haute  d'Angleterre  :  n  La  santé  du  peuple  doit 
être  le  premier  soin  des  gouvernements.  » 

Les  définitions  que  nous  avons  données,  les 
faits  que  nous  avons  établis  indiquent  suffisamment 
quelles  sont  les  mesures  d'hygiène  publique  et 
internationale  qu'il  importe  d'adopter  pour  préve- 
nir le  développement  et  la  propagation  des  épidé- 
mies. Une  fois  que  tous  les  intéressés  se  seront 
mis  d'accord  sur  ces  bases  de  la  discussion,  il  sera 
facile  de  s'entendre  pour  la  réglementation  des 
cordons  sanitaires,  des  quarantaines  de  terre  et  de 
mer,  des  lazarets,  de  la  circulation  des  individus  et 
des  marcliandises,  des  procédés  de  désinfection. 
Espérons  que  les  nouvelles  études  auxquelles  ont 
donné  lieu  les  récentes  épidémies  de  fièvre  jaune 
aux  États-Unis  et  de  poste  en  Russie  \  àtcront  des 
décisions  qv.e  l'on  peut  prendre  aujourd'hui  en 
toute  connaissance  de  cause,  et  qu'on  les  mettra 
immédiatement  en  pratique.  —  V.  Contaqion. 

'{D'  Saffray.] 

ÉPISTOLAIRE  (Genre).  —  Littérature  et  style, 
IV.  —  I.  Introduction.  —  L'art  d'écrire  une 
lettre  doit  compter  parmi  les  plus  essentiels  ré- 
sultats de  toute  éducation.  Car  s'il  n'est  point  in- 
dispensable d'être  poète,  orateur  ou  philosophe, 
les  relations  de  la  vie  nous  invitent  tous  à  cor- 
respondre avec  des  parents,  des  amis,  des  étran- 
gers, en  un  mot  avec  les  personnes  que  les  affec- 
tions, les  devoirs  ou  les  intérêts  mettent  sans  cesse 
en  rapport  avec  nous.  Il  importe  donc  à  tous  les 
âges  et  à  toutes  les  conditions  de  pouvoir  satisfaire 
à  ces  obligations  sociales,  et  l'on  ne  saurait  s'y 
exercer  ou  s'y  préparer  trop  tôt. 

La  lettre  est  de  tous  les  genres  le  plus  souple, 
le  plus  varié,  celui  qui  se  prête  le  moins  à  des 
règles  précises  :  car  il  s'accommode  à  tous  les 
tons,  à  tous  les  sujets,  à  toutes  les  formes,  de- 
puis le  simple  billet  tracé  par  le  crayon  qui  court 
jusqu'au  rapport  officiel  dont  chaque  mot  est  cal- 
culé par  la  prudence  la  plus  circonspecte  ;  depuis 
ce  babillage  qui  voltige  sur  des  riens,  jusqu'aux 
considérations  littéraires  et  politiques,  morales  ou 
religieuses. 

D'ailleurs  les  préceptes  sont  comme  des  semen- 
ces qui  ne  germent  que  dans  un  sol  fertile.  Écrire, 
c'est  traduire  des  idées  ou  des  sentiments.  Or,  on 
n'apprend  pas  plus  à  penser  qu'à  sentir.  La  nature 
y  suffit,  et  l'art  ne  peut  rien  sans  elle.  Avant  de 
prendre  la  plume,  réfléchissez  donc  à  ce  que  vous 
devez  dire  :  car  le  plus  souvent  ce  qu'on  appelle 
indigence  d'esprit  n'est  que  défaut  d'attention,  et 
le  bon  sens  est  le  meilleur  des  maîtres. 

Aussi  nous  réduirons-nous  à  ces  conseils  géné- 
raux qui,  sans  suppléer  aux  aptitudes  heureuses, 
les  dirigent  et  préviennent  les  écarts  de  l'inexpé- 
rience. 

Une  lettre  est  une  conversation  entre  absents. 
Pour  y  réussir,  figurez-vous  donc  que  vous  êtes 
en  présence  de  celui  qui  vous  lira,  qu'il  entend  le 
son  de  votre  voix,  et  a  les  yeux  fixés  sur  les  vôtres. 
C'est  ici  surtout  qu'on  peut  dire  :  Le  style,  cest 
l'homme  même.  Cela  est  si  vrai  que  des  lettres 
d'amis  ne  devraient  pas  avoir  besoin  d'être  signées, 
tellement  la  signature  se  révèle  à  chaque  ligne 
par  l'accent,  l'humeur,  le  caractère,  par  tous  les 
symptômes  qui  rendent  une  physionomie  indivi- 
duelle et  distincte.  L'écriture  même  est  expressive, 
et  son  allure  habituelle  peut  trahir  les  qualités  ou 
les  défauts  de  l'être  moral.  Le  naturel,  la  simpli- 
cité, l'aisance,  un  tour  libre  et  vif.  tel  est  le  mé- 
rite principal  d'une  causerie  épistolaire  :  la  parole 
ne  doit  faire  qu'un  saut  de  vos  lèvres  sur  le  pa- 
pier. 


ÉPISTOLAIRE 


—  675  — 


EPISTOLAIRE 


Mais  il  n'en  faut  pas  conclure  qu'on  peut  se 
permettre  tout  ce  qui  passe  par  une  tète  étourdie. 
Outre  que  la  rapidité  de  l'improvisation  porte  tou- 
jours mallieur  à  qui  s'y  confie,  certaines  négli- 
gences ne  sont  pas  de  mise  dans  ces  entretiens 
qui,  laissant  une  trace  durable,  exigent  de  la  so- 
briété, du  choix,  de  la  mesure,  de  la  discrétion,  de 
la  tenue  et  du  gotit.  Le  sans-gène  y  est  aussi  dé- 
plaisant que  la  recherche,  et  tout  homme  bien 
élevé  ne  doit  montrer  en  ses  écrits  les  plus  fami- 
liers que  le  meilleur  de  lui-même.  On  se  peint 
dans  ses  lettres  :  faites  donc  en  sorte  que  votre 
image  soit  sympathique. 

Surtout,  observez  scrupuleusement  les  bien- 
séances. Ne  perdez  jamais  de  vue  l'âge,  le  rang, 
la  condition  des  personnes  :  mesurez  les  distan- 
ces; appréciez  les  rapports  ;  ayez  une  idée  juste  de 
ce  qui  sépare  et  de  ce  qui  rapproche.  On  peut  se 
permettre  envers  les  uns  ce  qu'il  convient  de 
s'interdire  envers  les  autres  ;  on  ne  traite  pas  un 
supérieur  comme  un  égal,  ou  un  subalterne.  Les 
degrés  de  parenté  comportent  aussi  des  nuances 
qui  varient  suivant  les  situations  ;  et,  dans  l'amitié 
même,  il  faut  approprier  le  ton  de  sa  correspon- 
dance à  la  diversité  des  caractères  ou  des  circons- 
tances. C'est  affaire  d'instinct,  de  tact  et  d'usage. 
Un  principe  résume  tous  les  autres  ;  le  voici  :  Sa- 
chons bien  ce  que  nous  sommes  et  ce  que  nous 
devons  à  chacun. 

Sans  énumérer  toutes  les  espèces  que  comprend 
le  genre  épistolaire,  nous  allons  maintenant  pas- 
ser en  revue  celles  dont  on  use  le  plus  ordinaire- 
ment. 

II.  Lettres  d affaires.  —  Concision  et  précision  : 
ces  deux  mots  sont  toute  la  rhétorique  des  lettres 
commerciales,  litigieuses  ou  administratives.  Elles 
doivent  aborder  immédiatement  leur  sujet,  et  aller 
droit  au  but  par  les  voies  rapides  et  simples.  Point 
d'ambages,  point  de  verbiage,  point  de  plaisante- 
ries, point  de  prétention  à  l'esprit  :  le  meilleur  style 
est  alors  le  plus  uni,  celui  qui  se  borne  au  néces- 
saire. Tout  ce  qui  détourne  ou  amuse  l'attention 
serait  de  trop.  Cependant,  que  la  brièveté  ne  soit 
point  un  laconisme  obscur  :  car  le  moindre 
nuage  qui  voilerait  notre  pensée  pourrait  entraîner 
de  fâcheuses  méprises.  Au  besoin,  il  vaut  mieux 
se  répéter,  ou  du  moins  insister  sur  ses  intentions, 
que  de  courir  le  risque  de  n'être  pas  entendu.  La 
clarté  est  donc  ici  de  première  importance,  et  le 
fonds  l'emporte  sur  la  forme  ;  mais  n'oublions  pour- 
tant pas  que  la  correction  et  le  goût  ne  nuisent 
jamais  à  l'expédition  des  affaires,  et  que  la  langue 
française  peut  suffire  à  tous  les  besoins  sans  être 
estropiée  par  un  jargon  barbare  qui  répugne  éga- 
lement à  la  grammaire  et  à  la  bonne  compagnie. 

Dans  cette  classe  rentrent  les  comptes  rendus  et 
les  rapports  adressés  soit  à  un  chef  de  service,  soit 
à  une  assemblée  politique,  ou  à  une  compagnie 
industrielle.  Embrasser  l'ensemble  d'une  question, 
en  résumer  les  détails  sans  s'y  perdre,  ana- 
lyser des  faits,  poser  des  principes,  déduire 
des  conséquences,  ordonner  des  raisons  avec 
méthode,  conclure  avec  siireté,  être  toujours  loyal 
et  adroit,  équitable  et  modéré,  surtout  lorsqu'il 
s'agit  des  personnes  :  telles  sont  les  conditions 
requises  pour  ce  rôle  qui  met  en  jeu  la  responsa- 
bilité et  ne  s'apprend  bien  que  par  la  pratique. 

Notons,  en  terminant,  que,  pour  répondre  sûre- 
ment ù  un  correspondant,  il  ne  faut  jamais  s'en 
remettre  à  sa  mémoire ,  fût-elle  excellente.  La 
pièce  reçue  doit  être  sous  nos  yeux  :  elle  nous 
donne  le  canevas  de  nos  idées  :  elle  nous  préserve 
du  péril  de  supposer  ce  qui  n'est  pas,  ou  d'omettre 
ce  qui  est;  elle  nous  indique  ce  que  nous  devons 
taire,  ce  que  nous  devons  dire. 

in.  Lettres  de  recommandation.  —  Il  sied  de  ne 
recommander  que  des  gens  recommandables.  Cela 
étant,  que  ces  lettres  ne  soient  ni  l'effet  dune  com- 


plaisance banale,  ni  une  monnaie  sans  valeur  dis- 
tribuée aux  importuns  dont  on  veut  se  débarrasser 
poliment.  Directes  ou  indirectes,  froides  ou  cha- 
leureuses, respectueuses,  dignes  et  adaptées  aux 
occasions,  elles  débuteront  volontiers  par  des 
excuses  préliminaires,  et  se  termineront  presque 
toujours  par  des  remercîments  anticipés.  Croire  au 
crédit  ou  à  la  bonne  volonté  de  ceux  qu'on  invo- 
que est  aussi  un  moyen  de  les  stimuler,  de  les 
piquer  d'iionneur,  d'engager  leur  amour-propre  ou 
leur  bienveillance.  La  confiance  d'un  avocat  a 
quelquefois  contribué  au  succès  de  sa  plaidoirie, 
et  la  réserve  elle-même  peut  être  pressante.  Tou- 
tefois craignons  d'être  indiscrets,  et  de  compro- 
mettre notre  client  par  un  excès  de  zèle. 

Sans  porter  ombrage  à  la  délicatesse  des  per- 
sonnages auprès  desquels  on  intercède,  intéres- 
sons-nous à  notre  requête,  si  nous  désirons  que 
les  autres  s'y  intéressent.  Mclons-y  ces  tours  aima- 
bles qui  ne  sont  point  des  civilités  de  commande, 
et  disons-nous  encore  que  les  ennuyeux  sont  tou- 
jours et  partout  mal  reçus.  Une  brièveté  spirituelle 
sera  donc  de  rigueur  en  bien  des  cas. 

IV.  Lettres  de  sollicitation.  —  Ces  lettres  res- 
semblant à  celles  dont  nous  venons  de  parler,  les 
mêmes  conseils  peuvent  leur  convenir.  Elles  en 
diffèrent  seulement  en  ce  que  nous  plaidons  nous- 
mêmes  notre  propre  cause.  Le  ton  de  la  prière  se 
réglera  sur  la  nature  des  intérêts  qu'elle  fait  valoir, 
sur  la  qualité  des  personnes  qui  peuvent  nous  être 
utiles,  et  sur  les  relations  qui  existent  entre  elles 
et  nous.  Les  meilleures  requêtes  senties  plus  cour- 
tes, surtout  si  elles  s'adressent  à  de  hauts  fonc- 
tionnaires :  il  faut  supposer  qu'ils  sont  très  occupés, 
et  épargner  leur  peine  ou  leur  temps,  en  sorte  qu'ils 
nous  lisent  rapidement  et  d'un  coup  d'oeil.  «  Dans 
mes  demandes,  disait  Voltaire,  je  tâche  d'être 
extrêmement  bref;  car  rien  n'est  plus  insupporta- 
ble que  la  prolixité  de  ces  gens  qui  s'imaginent 
qu'un  ministre  doit  oublier  le  monde  entier  pour 
leurs  affaires.  »  Une  pétition  qui  se  fonde  sur  un 
droit  incontestable  n'en  sera  pas  moins  modeste 
et  persuasive  :  car  il  est  plus  sûr  de  plaire  que 
d'exiger  ;  il  y  a  donc  un  milieu  à  tenir  entre  l'as- 
surance et  la  défiance,  entre  la  fermeté  qiii  bles- 
serait en  se  montrant  impérieuse,  et  la  timidité 
qui  balbutierait  ses  titres  à  voix  basse  d"un  air 
embarrassé.  N'ayez  ni  la  raideur  qui  indispose,  ni 
le  trouble  qui  déconcerte  la  parole.  Adressez-vous 
au  cœur,  au  bon  sens,  à  l'équité,  à  la  générosité 
de  ceux  qui  vous  écoutent.  So)-ez  respectueux  sans 
bassesse,  poli  sans  flatterie;  et,  en  inspirant  une 
opinion  favorable  sur  vous-mêmes,  laissez  entendre 
qu'on  n'obligera  point  un  ingrat. 

Nous  ne  dirons  qu'un  mot  des  convenances  que 
supposent  les  réponses  faites  aux  solliciteurs.  Elles 
consistent  dans  l'art  ou  d'accorder,  en  ajoutant  au 
prix  de  la  faveur  la  bonne  grâce  d'un  empresse- 
ment heureux  de  l'annoncer  en  termes  courtois, 
ou  de  laisser  espérer  sans  pourtant  contracter  un 
engagement,  ou  de  refuser,  mais  en  y  mettant  les 
formes,  en  sachant  appliquer  le  baume  à  la  bles- 
sure, et  sans  épargner  ces  regrets  bien  sentis  qui 
peuvent  être  des  fiches  de  consolation.  Que  de 
variétés  dans  cette  dernière  classe!  Mais  passons  à 
d'autres. 

V.  Lettres  de  remer ciment.  —  Il  semble  que  ce 
soient  les  plus  faciles  à  bien  traiter;  car  elles 
comportent  une  éloquence  naturelle  aux  âmes  bien 
nées,  celle  de  la  reconnaissance.  Et  pourtant,  il  ar- 
rive trop  souvent  qu'on  sait  demander,  et  qu'après 
avoir  obtenu,  on  ne  sait  pas  remercier.  Bien  qu'il 
paraisse  superflu  d'assujettir  îi  des  règles  ce  qui 
doit  être  inspiré  par  un  premier  mouvement,  peut- 
être  no  sera-t-il  pas  inutile  d'indiquer  au  moins 
les  bienséances  qui  s'imposent  toujours  à  l'obligé. 
11  devra,  selon  les  cas,  apprécier  les  nuances  que 
détermine  l'importance  du  service   rendu.  Tantôt 


ÉPISTOLAIRE 


—  676 


KPISTOLAIRE 


on  n'accomplit  qu'un  devoir  de  civilité  qui  ne  va 
guère  au  delà  des  politesses  qu'on  échange  dans 
le  commerce  du  monde.  Tantôt  on  obéit  à  un 
devoir  de  conscience  :  on  paie  une  dette  à  la- 
quelle on  ne  saurait  faillir  sans  se  mépriser  soi- 
même.  Alors  il  faut  l'effusion  de  tous  les  senti- 
ments généreux  qui  se  tournent  en  respect,  en 
affecton,  en  dévouement.  Surtout,  point  d'apprôt, 
point  do  phrases  ;  ce  serait  rendre  votre  sincérité 
suspecte. 

Si  la  reconnaissance  doit  tressaillir  sous  cha- 
■que  ligne  de  votre  lettre,  sachez  pourtant  surveil- 
ler une  plume  rapide  ;  défiez-vous  des  traits  qui 
pourraient  paraître  excessifs  au  sang-froid  de  la 
réflexion  ;  ayez  souci  de  votre  dignité  ;  gardez-vous 
d'pmbarrasser  par  des  flagorneries  la  modestie  du 
bienfaiteur  ou  du  protecteur.  Le  talent  est  alors  de 
se  montrer  plus  sensible  aux  procédés  dont  on  est 
l'objet  qu'à  la  faveur  accordée  ou  au  droit  reconnu. 
Nous  voulons  dire  par  là  qu'au  lieu  de  témoigner  le 
plaisir  d'un  homme  heureux,  il  vaut  mieux  ne 
laisser  voir  que  la  gratitude  d'une  âme  touchée 
par  la  bienveillance  d'autrui,  et  désireuse  d'y  ré- 
pondre par  des  démonstrations  chaleureuses,  ou 
m*'me  par  des  actes,  si  l'occasion  le  permet. 

VI.  Lettres  de  compliments  eu  de  condoléances. 
—  Il  n'y  a  que  l'égoïste  qui  soit  indifférent  au  bon- 
heur ou  au  malheur  de  ses  semblables. 

C'est  donc  se  faire  tort  à  soi-même  que  de  garder 
le  silence,  quand  il  convient  de  féliciter  ou  de 
plaindre  les  personnes  qui  nous  touchent  par  les 
liens  du  sang  ou  de  l'amitié.  Si  par  impossible  la 
sympathie  ne  nous  y  invitait  pas,  l'intérêt  le  con- 
seillerait :  car,  pour  nous  comme  pour  autrui,  les 
joies  et  les  souffrances  veulent  être  partagées  : 
en  se  communiquant  à  qui  nous  approche,  les 
unes  deviennent  plus  vives,  et  les  autres  moins 
amères. 

S'il  s'agit  de  faire  un  compliment,  qu'il  soit 
franc  et  cordial.  Mettons-nous  à  la  place  de  ceux 
auxquels  il  est  destiné  :  entrons,  au  besoin,  mais 
sans  adulation,  dans  les  faiblesses  de  leur  amour- 
propre  ;  ou  plutôt  réjouissons-nous  de  leur  bonne 
fortune  comme  si  elle  nous  était  personnelle. 
Puisque  le  ton  de  la  lettre  dépend  de  l'événement 
qui  leur  agrée,  on  ne  peut  guère  recommander  ici 
qu'une  précaution  dont  l'oubli  serait  un  manque 
de  tact  :  c'est  de  ne  jamais  faire  un  retour  sur  nous- 
mêmes  dans  le  cas  où  nous  serions  tentés  d'en- 
vier le  bien  qui  arrive  à  autrui.  Ces  arrière-pen- 
sées seront  refoulées  au  dedans,  ainsi  que  les  es- 
pérances intéressées  que  peut  susciter  en  nous 
la  situation  élevée  d'un  ami. 

Les  lettres  de  condoléance  ne  doivent  être  étu- 
diées que  pour  ne  point  trahir  l'étude.  Car  il  ne 
faut  pas  que  les  larmes  paraissent  réflécliies,  ou 
préméditées.  Prenez  garde  aussi  d'irriter  la  dou- 
leur en  voulant  l'adoucir  :  consolez  par  le  regret, 
le  souvenir,  l'espérance.  Surtout  soyez  naturels, 
et  pleurez  avec  qui  pleure. 

Dans  les  billets  de  nouvel  an,  de  fêtes,  ou  d'an- 
niversaires, évitez  le  lieu  commun,  la  fadeur,  les 
formules  banales  qui  traînent  partout,  et  ressem- 
blent à  des  circulaires  pouvant  aller  à  n'importe 
quelle  adresse.  Que  de  lettres  signées  et  pourtant 
anonymes,  parce  qu'elles  ne  révèlent  ni  le  carac- 
tère, ni  le  cœur  ni  l'espi-it  de  celui  qui  les  envoie  ! 
Or,  ce  défaut,  qui  serait  excusable  quand  on  écrit  à 
des  étrangers,  un  parent,  un  ami  doit  en  rougir. 

VII.  Lettres  de  conseils.  —  Les  conseils  sont 
toujours  délicats  à  donner,  même  lorsqu'on  les 
demande  :  car,  trop  souvC:!t,  ceux  qui  nous  consul- 
tent ont  déjà  pris  une  lesolution  d'avance;  leur 
siège  est  fait,  et  ils  désireui  être  approuvés  plutôt 
que  contredits.  A  moins  que  l'autorité  de  l'âge,  do 
la  position,  do  l'expérience,  des  lumières,  et  sur- 
tout de  l'atTectioii  ne  nous  donne  le  droit  de  par- 
ler haut  pour  être  entendus,  ne  risquons  les  avis  ' 


qu'avec  circonspection,  prudence  et  réserve,  sur- 
tout s'ils  intéressent  les  défauts  de  caractère  et  ce 
fonds  d'amour-propre  qui  existe  plus  ou  moins 
en  chacun  de  nous.  Fénelon,  faisant  un  jour  de  la 
morale  à  son  neveu,  officier  aux  gardes  du  roi, 
terminait  ainsi  son  petit  sermon  :  «  Il  faut  prier 
Dieu,  lire  de  bons  livres,  voiries  gens  qui  méritent 
d'être  cultivés,  et  se  cultiver  soi-même  pour  de- 
venir capable  de  tous  ses  devoirs  :  je  ne  prêche 
qu'à  cause  que  vous  le  voulez.  »  C'est  assez  dire 
qu'il  faut,  dans  ces  rencontres,  de  la  souplesse, 
de  la  dextérité,  de  la  politesse,  des  ménagements, 
et  surtout  une  rare  bienveillance,  capable  toutefois 
de  s'allier  à  la  décision  réfléchie  qui  exerce  une 
influence  sans  paraître  s'imposer. 

Dans  le  Misanthrope  de  Molière,  Alccste  est 
plein  de  bonnes  intentions;  mais  il  en  compromet 
tous  les  effets  par  ses  brusques  incartades,  et  par 
un  ton  grondeur  qui  irrite  ou  blesse  ceux  qu'il 
voudrait  rendre  meilleurs.  Or,  on  ne  fait  pas  du 
bien  aux  gens  malgré  eux,  et  les  offenser  ne  sera 
jamais  le  moyen  de  les  éclairer.  Mais,  en  revanche 
n'imitons  point  les  molles  complaisances  de  Phi' 
linte,  qui,  dans  l'intérêt  de  son  repos,  et  par  u^ 
principe  d'égoîsme,  flatte  les  défauts  qu'il  voit  d 
peur  de  s'en  faire  des  ennemis,  s'efface  lorsqu'il 
faut  se  montrer,  et,  sous  prétexte  d'être  l'ami  du' 
genre  humain,  n'aime  en  réalité  que  lui-même. 

VIII.  Lettres  de  reproches.  —  Il  serait  désirable 
de  n'avoir  jamais  soit  à  en  recevoir,  soit  à  en  écrire. 
Mais  qui  oserait  l'espérer?  Il  y  a  bien  des  degrés 
dans  la  plainte  comme  dans  la  faute,  depuis  la 
rude  semonce  qui  se  met  en  colère  jusqu'à  la  ré- 
primande qui  suppose  elle  aussi  chez  son  auteur 
un  droit  naturel  ou  acquis  de  direction,  d'influence 
morale  ou  de  commandement.  Si  le  blâme  est  un 
devoir,  qu'il  soit  exercé  sans  faiblesse,  mais  sans 
dureté,  de  manière  à  montrer  la  voie  du  repentir 
au  lieu  de  la  fermer.  Les  leçons  les  plus  sévères 
gagnent  à  être  charitables,  et  agissent  plus  effica- 
cement par  la  bonté  que  par  la  crainte.  Elles  en- 
durcissent leurs  victimes,  lorsqu'elles  ne  sont  que 
l'arrêt  d'un  juge  condamnant  un  accusé. 

Quant  au  simple  reproche,  il  est  sage  de  le  tem- 
pérer aussi  par  la  mesure  et  même  la  douceur,  sur- 
tout si  l'on  relève,  entre  amis,  un  tort  dont  on  s'af- 
flige. Êtes-vous  fondés  dans  vos  griefs,  soyez  assez 
généreux  pour  ne  pas  triompher  avec  supériorité 
de  vos  avantages. 

Les  mots  piquants  aggravent  ce  qu'il  faudrait 
réparer,  et  enveniment  les  blessures  qui  appellent 
des  calmants.  La  plus  noble  manière  de  confondre 
un  coupable  est  de  lui  faire  sentir  par  l'indulgence 
qu'il  a  besoin  d'être  pardonné.  Laissez  donc  voir 
votre  tristesse  plus  que  votre  humeur  ou  votre 
rancune.  Atténuez  l'âpreté  des  récriminations  pé- 
nibles à  prononcer  ou  à  entendre.  Que  la  raison  im- 
pose silence  à  la  passion  qui  gronde  ;  agissez  de 
préférence  sur  les  bons  sentiments,  au  lieu  de 
mettre  en  émoi  les  mauvais.  Témoignez  par  l'accent 
de  votre  langage  conciliant  que  vous  désirez  un 
rapprochement  plutôt  que  des  excuses,  et  offrez 
prétexte  à  ces  retours  qui  font  oublier  le  passé. 
Le  plus  ordinairement,  les  explications  deviennent 
des  complications  nouvelles,  et  attisent  le  feu  qu'il 
est  urgent  déteindre.  C'est  de  l'huile  et  non  pas 
de  l'eau  qu'on  jette  sur  l'incendie. 

Cicéron  nous  donne  un  bel  exemple  quand  il 
écrit  :  «  Je  ne  puis  me  fâcher  contre  ceux  que 
j'ainip.  Tout  ce  qui  m'est  possible  alors,  c'est  de 
m'affliger,  et  j'entends  cela  à  merveille.» 

Voilà  quelle  est  l'attitude  d'un  galant  homme  en 
face  d'un  ami  qui  s'est  permis  un  faux  pas  ou  une 
chute.  Il  lui  tend  la  main  pour  le  relever.  Ces 
réflexions  ne  sauraient  être  commentées  plus  élo- 
quemmcnt  que  par  la  lettre  fière  et  maguanimo 
dans  laquelle  M">e  de  Sévigiié,  outragée  sa.is  la 
moindre  provocation  par  la  fatuité  de  son  cousin 


EPISTOLAIRE 


—  677  — 


EPISTOLAIRE 


Bussj'-Rabutin,  relève  avec  une  dignité  supérieure 
l'ingratitude  d'un  procédé  cruel,  et,  sans  rompre 
avec  un  parent,  force  sa  conscience  à  crier  merci. 
Il  n'en  fut  pas  ainsi  de  Voltaire  et  du  roi  de 
Prusse  Frédéric,  qui,  après  une  séparation  ora- 
geuse, firent  mine  de  se  cajoler  encore,  comme 
auparavant,  mais  cachaient  la  griffe  sous  les  ca- 
resses, et  déguisaient  mal  par  des  coquetteries 
complimenteuses  le  levain  d'un  ressentiment  réci- 
proque. Combien  madame  de  Sévigné  avait  plus  de 
pliilosopliie  que  ces  philosophes! 

IX.  Lettres  d'excuses  et  de  pardon.  —  Du  repro- 
che à  l'excuse  la  transition  est  le  repentir.  Avez- 
vous  des  torts,  avouez-les  aux  autres  aussi  sincè- 
rement,  aussi  naïvement  qu'à  vous-même;  c'est 
l'unique  moyen  de  les  effacer.  On  ne  se  tire  d'une 
position  fausse  que  par  la  droiture  et  la  bonne  foi. 
Mais  cela  est  plus  facile  à  dire  qu'à  faire.  Car, 
comme  dit  un  poète, 

J'ai  tort,  ce  mot,  j'ai  tort,  nous  déchire  la  bouche. 

Puisque  tous,  plus  ou  moins,  nous  répugnons  à 
l'articuler  nettement  et  sans  périphrases,  permet- 
tons à  Tamour-propre  l'art  des  circonlocutions  ou 
des  détours  honnêtes  qui  plaident  les  circonstances 
atténuantes. 

Mais  n'abusez  pas  de  ces  subtilités  qui  finissent 
par  altérer  le  sens  moral,  et  ne  trompent  que  vous. 
11  est  bien  plus  simple  et  bi -n  plus  sur  de  recon- 
naître vaillamment  sa  faute,  au  lieu  de  la  pallier 
par  d'ingénieuses  raisons  qui  ne  démontrent  que 
notre  vanité.  On  peut  être  humble  sans  s'abaisser, 
et  s'accuser  en  se  faisant  aimer  ou  estimer  par 
cela  même  qu'on  s'accuse.  Mais  que  la  franchise 
avec  laquelle  vous  vous  frappez  la  poitrine  ne  soit 
pas  le  sans-façon  cavalier  de  létourderie  impudente 
et  prête  aux  rechutes.  Le  badinage  ou  la  légèreté 
de  ton  n'est  tolérable  que  s'il  est  question  d'une 
peccadille,  d'un  mince  délit.  Alors  le  proverbe  a 
raison  :  Qui  a  ri  est  désarmé. 

Parmi  les  lettres  d'excuses,  je  mentionnerai 
comme  un  chef-d'œuvre  celle  que  Mirabeau,  détenu 
au  donjon  de  Vincennes  par  l'ordre  de  son  père, 
traité  par  lui  plus  durement  qu'un  criminel  d'Etat, 
écrivit  à  son  oncle  pour  le  conjurer  d'intercéder 
en  son  nom,  d'avoir  pitié  de  ses  maux,  de  croire  à 
ses  promesses,  de  lui  jeter  comme  à  un  naufragé 
une  planche  de  salui.  Rien  de  plus  touchant  que 
cette  prière.  Il  y  a  là  l'éloquence  du  ferme  propos 
qui  a  droit  à  la  rémission,  ne  fût-ce  que  par  ses 
larmes  suppliantes.  Pour  ne  pas  entendre  ces  cris 
partis  du  cœur,  il  fallait  être  impitoyable  comme 
ce  père  féodal  qui  s'intitulait  VAmi  des  Jiommes, 
et  n'exceptait  apparemment  que  son  fils  de  sa  phi- 
lanthropie universelle. 

Nous  n'ajouterons  qu'une  remarque  sur  les  lettres 
de  réconciliation  et  de  pardon.  Quand  on  se  pro- 
pose de  faire  des  avances  à  qui  semble  les  désirer, 
il  ne  messied  pas  d'avoir  recours  à  l'enjouement. 
Voici  un  échantillon  du  genre:  c'est  un  billet  d'une 
illustre  tragédienne,  W^"  Rachel;  il  mérite  d'être 
cité  :  «  Cher  Monsieur,  on  me  dit  que  j'ai  chance 
do  me  réconcilier  avec  vous:  je  vais  bien  voir; 
voici  une  petite  loge  que  je  vous  offre  pour  ce  soir. 
Si  je  vous  y  aperçois,  je  jouerai  très  bien  Corneille. 
Si  vous  n'y  venez  pas,  je  me  vengerai  de  vous  en 
jouant  encore  mieux,  afin  que  vous  regrettiez  de 
n'y  être  pas  venu.  » 

Enfin,  pour  terminer,  est-il  besoin  de  dire  qu'en 
accordant  un  pardon,  on  devra  le  plus  souvent 
faire  comprendre  la  chose  sans  exprimer  le  mot  ? 
Ici,  comme  dans  tout  ce  qui  précède,  les  conseils 
littéraires  deviennent  donc  dts  règles  de  bien- 
séance morale.  C'est  que  le  goût  et  la  conscience 
HP  font  qu'un,  si  l'on  y  regarde  de  près. 

X.  Lettres  familières.  —  Aimons  la  familiarité  : 
elle  rend  l'intelligence  agile  et  déliée  :  elle  est 
voisine  du  vrai^elle  guérit  du  maniéré,  de  l'exagéré, 


du  solennel,  de  tout  ce  qui  sonne  faux;  elle  met 
l'esprit  à  l'aise,  elle  repose,  elle  soulago,  elle  est 
une  école  de  franchise. 

Mais  défiez-vous  de  ses  écueils.  Que  sa  liberté 
ne  dégénère  pas  en  licence,  son  abandon  en  sans- 
gêne.  Qu'elle  se  conciHe  toujours  avec  l'urbanité, 
la  polhesse,  le  savoir-vivre,  en  un  mot  le  respect 
de  nous-mêmes  et  d'autrui.  Qu'elle  ne  soit  donc 
ni  incorrecte,  ni  triviale,  ni  évaporée,  ni  témé- 
raire ni  indiscrète  ;  qu'elle  glisse  légèrement  sur 
les  sujets  dont  elle  cueille  la  fleur.  Qu'elle  ait  un 
sourire  avenant  pour  les  plus  délicats.  Qu'elle 
ressemble  au  mouvement  gracieux  d'un  esprit 
flexible,  d'une  humeur  aimable,  d'une  imagina- 
tion heureuse  qui  s'anime  au  jeu  de  la  parole, 
s'amuse  de  ses  rencontres,  et  cause  pour  le  plaisir 
de  causer.  En  un  mot,  qu'elle  ait  de  l'agrément, 
sans  le  vouloir,  par  l'instinct  d'un  art  qui  s'ignore. 

C'est  aux  parents,  c'est  aux  amis  surtout  qu'elle 
fera  fête.  Avec  les  uns  elle  sera  respectueuse  et 
attendrie.  Avec  les  autres,  elle  pourra  laisser 
trotter  la  plume,  «  la  bride  sur  le  cou,  »  mais  sans 
cesser  d'avoir  l'œil  sur  elle,  de  peur  qu'elle  ne  bron- 
clie.  Car  la  fantaisie  n'est  jamais  le  droit  de  parler 
à  tort  et  à  travers,  et  il  n'y  a  que  sottise  dans  les 
caprices  qui  offensent  la  grammaire,  la  langue,  le 
bon  sens  ou  le  goût. 

Le  tête-à-tête  qui  s'établit  entre  absents  par  la 
correspondance,  déconcerte,  par  l'infinie  variété  de 
ses  ressources,  toutes  les  prévisions  du  guide  qui 
prétendrait  lui  servir  de  mentor  littéraire.  Avouons 
donc  ici  l'impuissance  de  la  critique.  On  ne  gou- 
verne pas  l'imprévu.  Constatons  seulement  que  les 
mille  détails  de  la  vie  quotidienne  sont  la  matière 
des  lettres  intimes.  Il  faut  qu'elles  coulent  de  source. 
Aussi  plaignons  ceux  pour  qui  elles  seraient  un 
travail.  Dès  que  la  veine  des  confidences  est  tarie, 
sachez  vous  taire,  au  lieu  de  lutter  contre  votre 
silence  intérieur.  Mais  ce  péril  est  peu  redoutable. 
Car  le  ?«'■!  est  volontiers  intarissable.  Pour  ceux, 
qui  s'aiment,  il  n'a  rien  d'importun,  et  n'en  dit 
jamais  assez.  Pourtant  n'usons  de  son  éloquence 
qu'à  huis  clos,  entre  nous,  en  famille  :  car,  ce  cer- 
cle une  fois  franchi,  notre  moi  court  le  risque  de 
n'être  plus  aussi  complaisamment  accueilli. _  Il  est 
si  rare  de  trouver  un  autre  novs-même,  qui  aime 
mieux  nous  entendre  parler  de  nous  que  de  lui  ! 

XI.  Lettres  descriptives.  —  Une  des  variétés  de 
cette  classe  est  la  lettre  où  l'on  raconte  une  fête, 
une  cérémonie,  des  impressions  de  voyage.  Il  y 
faut  de  l'esprit,  de  la  couleur,  de  l'animation,  et 
surtout  l'habitude  non  pas  de  voir,  mais  de  regar- 
der, non  pas  d'entendre  mais  d'écouter,  c'est-à-dire 
de  distinguer  dans  un  tableau,  dans  un  paysage  les 
traits  qui  intéressent  le  plus  la  curiosité.  C'est 
l'imagination  qui  fait  vivre  une  peinture.  Plusieurs 
formes  de  langage  peuvent  désigner  un  seul  objet  : 
mais  une  seule  le  rend  visible  aux  yeux.  A  vous  de 
la  choisir,  au  lieu  devons  contenter  de  ces  termes 
vagues  et  abstraits  qui  effacent  les  contours  et 
énervent  la  pensée  par  l'a  peu  près.  Cherchez  donc 
ou  plutôt  rencontrez  le  mot  unique,  indispensable 
et  pittoresque,  qui  éveille  en  nous  comme  la_ sen- 
sation immédiate  de  la  réalité  présente.  Le  vérita- 
ble artiste  est  celui  qui  par  la  magie  du  style  pro- 
duit cet  effet.  On  ne  l'obtient  point  par  des  recettes 
de  rhétorique  :  rien  de  plus  impuissant  qu'un  pro- 
cédé d'école.  Le  sentiment  seul  peut  peindre.  Vous 
serez  donc  naturel  et  original  si  chacune  de  vos  phra- 
ses est  comme  un  mouvement  de  votre  âme,  et  garde 
le  souvenir  fidèle  d'une  émotion  sincère  ;  car  vous 
direz  bien  ce  que  vous  avez  éprouvé  vous-même. 
La  justesse  et  la  vérité  sont  sœurs.  N'oubliez  pas 
non  plus  qu'une  description  ne  doitpointressembler 
à  un  procès-verbal  ;  une  analyse  exacte  et  complète 
peut  être  aussi  froide  qu'ennuyeuse.  Le  signale- 
ment d'un  passeport  n'est  pas  un  portrait,  et  une 
photographie  même  est  souvent  menteuse  ou  insi- 


EPISTOLAIRE 


—  678  — 


ÉPOPÉE 


gnifiante.  C'est  que  l'art  consiste  dans  l'expression, 
je  veux  dire  dans  le  choix  des  détails  qui  résument 
le  mieux  la  ressemblance,  qui  dégagent  des  choses 
sensibles  la  chaleur  du  sentiment  ou  la  lumière 
de  l'inielligence,  en  un  mot  qui  rendent  une  phy- 
sionomie morale.  Là  est  le  principal,  et  tout  le 
reste  ne  vaut  qu'à  titre  accessoire  :  ou  il  faut  le 
négliger,  ou  l'on  s'en  servira  seulement  comme  un 
écrivain  se  sert  du  vocabulaire  pour  rendre  ses 
idées. 

XII.  Lettres  iiarratives.  —  Ici  le  champ  est  vaste  : 
car  tous  les  événements  humains  peuvent  entrer 
dans  le  cadre  d'un  récit  épistolaire. 

Mais  le  plus  souvent  on  cause  de  ces  bagatelles 
qui  voltigent  dans  l'air  que  nous  respirons.  S'agit- 
il  donc  de  satisfaire  la  curiosité  mondaine  et  frivole, 
d'être  l'écho  des  mille  bruits  qui  circulent  parmi 
les  salons,  de  rédiger,  en  se  jouant,  la  gazette  du 
milieu  que  nous  habitons,  sachons  tirer  parti  de 
tout  et  broder  agréablement  ces  riens  qui  s'asso- 
cient, chemin  faisant,  à  la  finesse  de  la  pensée,  à 
la  légèreté  de  l'ironie,  au  sérieux  même  de  l'obser- 
vateur habile  à  démêler  toutes  les  nuances  des 
caractères,  à,  dessiner  des  scènes  de  mœurs,  ou  à 
tracer  des  croquis  comiques.  Il  faudra  donc  donner 
du  corps  à  l'impalpable,  piquer  l'attention  par  des 
saillies,  l'amuser  par  des  surprises,  être  alerte, 
enjoué,  plaisant,  saisir  les  anecdotes  au  passage, 
esquisser  des  figures,  mettre  en  jeu  des  personnages, 
mêler  l'historiette  à  l'épigrammp,  sous-enteadre 
des  allusions  malicieuses,  être  compris  à  demi-mot, 
enfin  faire  sourire  l'imagination  et  surtout  le  bon 
sens. 

Dans  le  cas  où  .la  narration  serait  historique,  on 
se  rappellera  qu'elle  doit  avoir  son  exposition  et 
son  dénoùment.  c'est-à-dire,  cette  unité  d'ensem- 
ble qui  tient  le  lecteur  en  éveil  depuis  la  première 
ligne  jusqu'à  la  dernière.  Pas  de  monotonie  :  les 
détails  seront  choisis  et  variés.  Pas  de  digression  : 
courez  au  but  tout  d'une  haleine,  et  faites  en  sorte 
que  l'intérêt  soit  de  plus  en  plus  vif  à  mesure  que 
vous  approcherez  du  terme.  Tracez  vous  donc  un 
plan  qui  indique,  sans  contraindre  l'aisance  de  vos 
mouvements,  toutes  les  stations  de  la  route  à  par- 
courir. Mais  vous  auriez  beau  appliquer  à  la  lettre 
les  formules  qui  encombrent  depuis  des  siècles  les 
traités  de  rhétorique  où  traînent  tant  de  lieux  com- 
muns, vous  ne  réussirez  qu'à  être  terne  et  froid, 
si  vous  manquez  de  franchise,  de  délicatesse  et  de 
cette  sensibilité  qui  vous  fait  trouver  un  plaisir 
dans  ce  que  vous  écrivez. 

XIII.  Lettres  morales.  —  Sans  avoir  la  prétention 
d'enseigner  et  sans  dégénérer  en  dissertation  ou 
en  sermon,  une  lettre  peut  s'élever  au-dessus  des 
régions  moyennes  du  style  simple,  sinon  par 
la  forme  qui  sera  toujours  celle  de  la  conversation, 
du  moins  par  le  fond  des  développements  qui  par- 
fois abordent  les  sujets  les  plus  graves.  Il  en  est 
comme  de  ces  entretiens  dont  le  ton  monte  ou  des- 
cend, suivant  la  nature  des  questions  que  suscite 
l'association  des  idées. 

Songez  alors  que  le  fauteuil  d'un  causeur  n'est 
point  une  tribune  ou  une  chaire.  Les  aperçus  les 
plus  profonds  ne  perdent  rien  à  s'exprimer  par  ce 
langage  uni  qui  ne  vise  pas  à  l'effet  et  s'interdit 
toute  prétention. 

Madame  de  Maintenon  excelle  dans  l'art  d'ins- 
truire, de  diriger  et  d'édifier,  sans  avoir  l'air  de 
prêcher,  de  faire  la  leçon  ou  de  soutenir  des  thèses. 
La  philosophie  de  l'expérience  est  la  seule  qui  con- 
vienne ici.  Encore  faut-il,  s'il  est  possible,  y  semer 
le  sel  de  la  sagesse,  et  ne  jamais  confondre  le  genre 
ennuyeux  ou  pédant  avec  le  genre  sérieux  et  austère. 
Seulement,  que  l'esprit  ne  paraisse  qu'à  la  dérobée, 
pour  mieux  faire  valoir  des  pensées  solides. 

■^fV'.  Les  modèles.  —  Xous  venons  de  nommer 
M""=  de  Maintenon.  Mais  comment  oublier  M'"»  de 
Sévigaé,  dont  les   lettres  sont  le  chef-d'œuvre   du 


genre  épistolaire?  Elles  en  demeurent  l'inimitable 
modèle.  Tendre,  enjouée,  rêveuse,  malicieuse, 
compatissante,  pathétique  et  parfois  sublime  sans 
y  penser,  aussi  prompte  au  sourire  qu'aux  larmes, 
elle  raille  sans  amertume,  badine  sans  licence 
comme  sans  pruderie,  prend  le  ton  des  sujets  les 
plus  divers  avec  une  souplesse  qui  ravit,  et  un 
abandon  qui  défie  l'art  le  plus  accompli.  Parmi 
les  Françaises  illustres  dont  la  postérité  se  sou- 
vient, nulle  ne  lui  est  supérieure  par  l'imagination, 
la  sensibilité,  la  verve  d'une  gaieté  qui  coule  de 
source,  enfin  par  les  qualités  brillantes  qui  sont 
l'ornement  d'une  raison  solide. 

Voltaire  est  aussi  le  maître  des  maîtres,  dans 
cette  mfatigable  Correspotidance  dont  les  pages 
fugitives,  écloses  en  une  heure  de  caprice  ou  d'à- 
propos,  sont  pétillantes  de  verve,  et  dureront  au- 
tant que  notre  langue.  Il  faut  y  chercher  son  por- 
trait en  même  temps  que  le  tableau  de  la  société 
qu'il  éblouit  sans  la  rendre  meilleure. 

Au-dessous  de  tels  génies,  il  faudrait  citer  en- 
core Balzac  et  Voiture,  l'un  trop  solennel,  l'autre 
trop  coquet,  tous  deux  beaux  esprits  qui  passèrent 
leur  vie  à  distribuer  des  compliments  comme  des 
dragées  dans  une  bonbonnière,  et  à  charmer  par 
des  bagatelles  prétentieuses  les  coteries  et  les 
ruelles  où  on  se  diputait  leurs  moindres  billets. 
Nous  devons  leur  préférer  les  écrivains  chez  les- 
quels les  pensées  naissent  de  l'âme,  et  les  senti- 
ments du  cœur.  Ils  ne  manqueront  jamais  parmi 
nous;  car  le  naturel  et  la  sincérité  sont  le  fonds 
même  de  l'esprit  français.  [G.  Merlet.] 

ÉPITUE.  —  Littérature  et  style,  III.  —  Ce 
mot,  dans  son  acception  propre,  veut  dire  lettre 
missive,  et  s'applique  aux  lettres  des  anciens  : 
ainsi  l'on  dit  les  épitres  de  Cicéron,  les  épîtres  de 
saint  Paul. 

Mais  il  désigne  aussi,  et  dans  ce  cas  il  s'ap- 
plique aux  écrivains  modernes  comme  aux  écri- 
vains anciens,  des  lettres  en  vers  adressées  à  quel- 
qu'un, et  l'on  dit  les  épîtres  de  Boileau,  les  épîtres 
d'Horace. 

Il  y  a  des  épîtres  satiriques,  des  épîtres  héroï- 
ques, des  épîtres  morales,  didactiques;  il  en  est 
même  d'élégiaques  et  de  passionnées  ;  telles  sont 
les  Héroïdes  d'Ovide  et  de  quelques  poètes  français. 

On  comprend  dès  lors  que  le  ton  des  épîtres 
n'ait  point  de  règles  fixes.  Cependant  les  sujets 
didactiques  sont  ceux  auxquels  on  donne  le  plus 
ordinairement  la  forme  de  l'épître.  Le  poète,  dans 
ce  cas,  n'a  pas  eu  l'intention  d'écrire  un  traité  ré- 
gulier sur  telle  ou  telle  matière,  mais  seulement 
de  présenter  les  pensées  qui  lui  sont  venues  à 
l'esprit  en  écrivant. 

Parmi  les  poètes  anciens,  Horace  est  celui  dont 
les  épîtres  sont  le  plus  connues.  La  plus  célèbre 
est  celle  qui  est  adressée  aux  Piso?is,  et  dans  la- 
quelle Horace  donne  les  règles  de  Varf  poétique. 

Boileau,  à  l'imitation  d  Horace,  a  cultivé  l'épître 
avec  succès  :  c'est  dans  ses  épîtres  qu'il  a  peut-être 
le  mieux  déployé  ses  qualités  de  versificateur  noble, 
élégant  et  correct  :  citons  entre  autres  celle  sur  le 
Passage  du  Rhi?i,  et  celle  adressée  à  Racine,  qui 
est  de  beaucoup  la  plus  parfaite. 

Voltaire  a  écrit  aussi  des  épîtres,  dont  quelques- 
unes  sont  des  chefs-d'œuvre  de  grâce  aimable  et 
spirituelle. 

La  littérature  anglaise  compte  beaucoup  de  poètes 
célèbres  par  leurs  épîtres;  mais  entre  eux  il  faut 
distinguer  Dryden,  et  surtout  Pope,  qui.  lui, aussi, 
a  été  un  des  imitateurs  d'Horace,  et  dont  les  Épitres 
morales  sont  généralement  con.sidérées  comme  des 
modèles  parfaits  de  ce  genre  de  poésie. 

[C.-F,  Durand.] 

ÉPOl'KE  et  POÈ.ME  ÉPIQUE.  —  Littérature  et 
style,  III.  —  Le  mot  Epopée  vient  du  grec  épos, 
primitivement  récit,  discours,  plus  tard  vers,  et 
de  poïeô,  faire.  11  signifie  donc,  d 'après  son  sens 


EPOPEE 


—  679  — 


EPOPEE 


étymologique,  récit  ou  discours  en  vers.  On  em- 
ployait autrefois  le  mot  épopée  ou  poème  épique 
pour  désigner  les  mêmes  œuvres.  Aujourd'hui  on 
donne  plutôt  le  nom  d'épopées  à  ces  compositions 
primitives  que  la  critique  moderne  a  eu  la  gloire 
d'exhumer  de  la  poussière  des  bibliothèques  où 
elles  gisaient  ignorées,  et  qui,  sans  réunir  tous  les 
caractères  consacrés  par  la  tradition,  rentrent  évi- 
demment dans  le  genre  épique.  Le  mot  de  poème 
épique  s'applique  plutôt  à  ces  ouvrages  d'une  forme 
plus  littéraire  et  plus  savante,  qui  ont  pour  but  de 
chanter  Jles  vertus  d'un  héros,  ou  de  célébrer  un 
événement  important,  religieux  ou  profane,  oii 
même  une  aventure  badine.  Toutes  les  œuwes  si 
diverses  qui  relèvent  de  l'épopée  ou  du  poème  épi- 
que peuvent  se  diviser  en  plusieurs  classes,  sui- 
vant la  nature  des  sujets  qu'elles  traitent  :  1°  épo- 
pées primitives  et  nationales  ;  2°  poèmes  épiques 
proprement  dits  ;  3°  poèmes  historiques  ;  4°  poè- 
mes religieux  ;  5"  poèmes  divers,  satiriques,  héroï- 
comiques  et  badins,  et  poèmes  en  prose.  Nous 
nous  bornerons  à  signaler  les  œuvres  principales 
dans  chaque  classe. 

I .  Epopées  primitives  et  nationales .  —  On  trouve 
des  épopées  chez  presque  tous  les  peuples  à  l'ori- 
iîine  de  leur  civilisation  et  de  leur  littérature.  Elles 
ont  pour  fondement  des  légendes  nationales.  Le  ré- 
cit des  hauts  faits  des  anciens  héros  passe  d'abord 
de  bouche  en  bouche,  en  s"augmentant  sans  cesse 
de  détails  nouveaux  et  d'exploits  extraordinaires, 
qui  frappent  d'admiration  les  auditeurs  et  sont  ac- 
cueillis avec  respect  par  leur  naïve  crédulité.  Au 
bout  d'un  certain  nombre  d'années  paraît  un  poète 
ou  plutôt  un  arrangeur,  qui  recueille  ces  légendes 
confuses ,  souvent  contradictoires,  les  réunit,  les 
coordonne,  écarte  celles  qui  sont  trop  en  désac- 
cord avec  le  reste,  et  en  compose  un  ensemble  à 
peu  près  régulier.  Puis  |le  poète  disparaît  à  son 
tour,  sans  laisser  souvent  son  nom  i\  son  ouvrage, 
et  celui-ci  se  transmet  de  générations  en  généra- 
tions, en  se  modifiant  quelquefois,  mais  en  char- 
mant toujours  les  hommes  auxquels  il  parle  de 
leurs  dieux,  de  leurs  héros  favoris,  ou  qu'il  con- 
sole de  leur  misère  et  de  leur  abaissement  par  le 
souvenir  de  leur  première  gloire  et  de  leurs  an- 
ciens triomphes.  Ces  épopées  primitives  sont 
en  vers.  Rien  de  plus  naturel.  L'écriture  n'est 
pas  assez  connue,  et  les  matières  nécessaires  à  la 
transcription  de  la  pensée  sont  rares  et  coiiteuses. 
Aussi  ces  poèmes,  souvent  considérables,  se  con- 
servent par  la  mémoire,  qui  retient  mieux  les  vers 
que  la  prose.  Ils  sont  chantés,  et  se  répandent 
peu  à  peu  grâce  aux  chanteurs  qui  vont  les  répé- 
ter de  village  en  village,  jusqu'au  jour  où  ils  sont 
fixés  par  l'écriture  d'une  manière  définitive. 

Les  épopées  les  plus  anciennes  de  ce  genre  que 
l'on  connaisse  appartiennent  à  l'Inde.  Il  y  en  a 
deux  principales.  Le  Maltabharata,  composé  en 
langue  sanscrite,  raconte  en  18  livres  et  en  plus 
de  200  000  stances  les  guerres  de  Kourous  (ou 
Korovas)  et  des  Pandous  (ou  Pandavas)  et  les 
exploits  de  Krichna  et  d'Ardjouna.  On  lui  donne 
pour  auteur  le  poète  Vy<àsa,  fils  du  savant  Parasara 
et  de  la  belle  Satyavati,  et  on  place  Fépoque  où  il 
fut  composé  tantôt  auxv«,  tantôt  auxn'=  siècle  avant 
notre  ère.  Mais  comme  le  nom  de  Vj-âsa  signifie 
compilateur,  plusieurs  savants  sont  d'avis  de  voir 
dans  leMahabharata  une  œuvre  collective  et  la  réu- 
nion d'une  foule  do  poèmes  particuliers.  La  se- 
conde épopée  indienne  est  le  Mmâyana,  qui 
raconte  les  exploits  de  Ràma  et  sa  victoire  sur  le 
géant  Ravana,  roi  de  Lanka  ou  Ceylan.  Il  se  com- 
pose de  25  000  vers  distribués  en  T  livres.  On  l'at- 
tribue à  un  poète  nommé  Valmiki,  qui  aurait  vécu 
au  \\o  avant  J.-C.  ;  d'autres  en  font  l'œuvre  de 
plusieurs  poètes  appartenant  à  la  même  école. 

Beaucoup  plus  moderne  est  le  Shah-Nameh , 
poème  persan  composé  par  le  poète  Ferdoucy  et 


qui  est  écrit  en  pàrsi  ou  nouveau  persan.  Fer- 
doucy, qui  naquit  l'an  940  et  mourut  l'an  1020 
après  J.-C,  consacra  trente  années  de  sa  vie  à 
écrire  cette  vaste  composition  de  120  000  vers. 
C'est  une  épopée  nationale,  une  sorte  d'histoire 
des  rois  de  Perse,  qui  a  servi  de  modèle  à  beau- 
coup de  poèmes  du  même  genre,  tels  que  le  Barsu- 
Nameh  et  le  Sam-Nameli.  Il  a  été  traduit  en 
français  par  M.  Jules  Mohl  (Paris,  1838-1850). 

Au  nord  de  l'Europe,  les  Islandais  et  les  Xorwé- 
giens  ont  eu  de  bonne  heure  dans  leurs  Sagas 
(récits  ou  légendes)  les  éléments  d'épopées  natio- 
nales. Ces  chants  antiques  qui  célébraient  les 
héros  indigènes  n'ont  commencé  à  être  consignés 
par  écrit  que  dans  la  seconde  moitié  du  xi'=  siècle, 
et  ont  été  au  xii'  et  surtout  au  xiii*  siècle  l'objet 
de  nombreuses  additions  et  imitations.  On  peut 
encore  placer  au  nombre  de  ces  épopées  primi- 
tives les  chansons  guerrières  du  Cid  en  Espagne,  ou 
Bomanceros,  les  chants  des  Slaves,  les  ballades 
écossaises,  les  chants  des  vieux  Bretons  dans  l'Ar- 
morique.  etc.  Mais  les  plus  célèbres  et  les  plus 
intéressantes  de  ces  œuvres  sont  les  Nibelungen 
allemands  et  nos  chansons  de  gestes  françaises. 
Les  chants  des  Xibelungen  datent  dans  leur  forme 
actuelle  de  l'an  1210  environ,  où  ils  furent  rema- 
niés par  un  poète  que  l'on  appelle,  sans  raisons 
bien  convaincantes,  du  nom  d'Heinrich  von  Ofter- 
dingen.  C'est  l'histoire  de  la  rivalité  de  Kriemhilt, 
sœur  du  roi  des  Bourguignons,  et  de  Brunhilt, 
souveraine  de  l'Islande  et  femme  de  Gunther,  roi 
des  Bourguignons.  Pour  venger  le  meurtre  de  Sieg- 
fried, son  époux,  assassiné  par  ordre  de  Brunhilt, 
Kriemhilt  attire  dans  un  piège  les  guerriers  de 
Bourgogne,  et  les  fait  massacrer  dans  une  longue 
lutte  à  la  suite  de  laquelle  elle  périt  elle-même. 
Le  poème  tire  son  nom  du  trésor  enlevé  par  Sieg- 
fried aux  Nibelungen,  princes  du  Nord,  et  qui  glt 
enfoui  sous  un  rocher  dans  le  Rhin. 

Les  chansoîis  de  gestes  françaises  sont  des  poè- 
mes qui  ont  souvent  de  vingt  à  trente  mille  vers 
se  suivant  par  tirades  de  vingt  à  deux  cents  vers  sur 
une  seule  rime  ou  assonance.  Ils  sont  formés  la 
plupart  du  temps  de  deux  ou  plusieurs  poèmes  sur 
le  même  sujet,  que  le  rédacteur  a  recueillis  et  a 
juxtaposés  plus  souvent  qu'il  ne  les  a  fondus  dans 
son  ouvrage.  Ces  poèmes  se  partagent  en  trois 
groupes  principaux,  suivant  la  nature  des  sujets 
qu'ils  traitent.  On  a  ainsi  le  cycle  français  ou  de 
Charlemagne,  le  cycle  armoricain  ou  d'Arthur,  et 
le  cj'cle  d'Alexandre.  Le  poème  le  plus  célèbre  du 
cycle  de  Charlemagne  et  de  toutes  les  chunsons  de 
gestes  est  la  Chanson  de  Roland.  Ce  poème  de  4  00') 
vers  raconte  la  mort  du  paladin  Roland,  neveu  de 
Charlemagne,  surpris  dans  les  défilés  de  Ronce- 
vaux,  au  milieu  des  Pyrénées,  par  une  armée 
innombrable  de  Sarrasins.  Une  bataille  terrible 
s'engage  :  Roland,  l'archevêque  Turpin,  les  douze 
pairs  de  France  accomplissent  des  prodiges  de  va- 
leur. Trois  fois  Olivier  supplie  Roland  de  faire 
entendre  ce  cor  ou  olifant  dont  les  sons  connus 
arriveront  jusqu';\  Charlemagne,  qui  est  en  avant  avec 
le  reste  de  l'armée  française.  Roland  s'j'  refuse  ;  il 
s'y  décide  trop  tard  en  voyant  arriver  une  nouvelle 
réserve  de  60  000  ennemis.  Mais  dans  l'effort  de 
cet  appel  suprême,  il  se  rompt  les  veines  de  la 
poitrine.  Alors,  désespéré  de  la  mort  de  tous  les 
siens,  il  essaie  de  briser  sur  un  i-ocher  son  épée, 
sa  fameuse  Durandal,  pour  qu'elle  ne  devienne 
pas  la  proie  de  l'ennemi.  Il  n'y  peut  parvenir  ;  il  la 
couvre  alors  de  son  corps,  puis  adresse  au  ciel  une 
dernière  prière  que  les  anges  portent  à  Dieu  avec 
son  âme.  Charlemagne,  qui  a  entendu  le  son  du 
cor,  venge  son  neveu  en  détruisant  l'armée  sarra- 
sine  et  en  mettant  à  mort  le  traître  Ganelon,  qui  a 
fourni  aux  Sarrasins  l'occasion  de  surprendre  la 
petite  armée  de  Roland.  Telle  est  l'analyse  rapide 
de  ce  poème  grandiose  qu'anime  déjà  un  sentiment 


EPOPEE 


—  680  — 


EPOPEE 


patriotique  très  marqué,  et  qui  chante  la  gloire  et 
le  charme  de  la  «  douce  terre  de  France  ». 

2.  Poèniff  épiques  ■'proprement  dits.  —  L'épopée 
ou  poème  épique,  dans  le  sens  plus  restreint  qu'on 
attache  à,  ce  mot,  est  le  récit  en  vers  d'un  événe- 
ment considérable,  ou  d'une  action  héroïque,  où  le 
poète  introduit  le  merveilleux  pour  donner  aux 
faits  plus  de  grandeur,  et  frapper  plus  vivement 
l'esprit  des  lecteurs.  Là,  comme  dit  Boileau  {Art 
poétique,  chant  III)  dans  les  règles  qu'il  trace  du 
poème  épique  : 

lii,  pour  nous  enchanter,  tout  est  mis  en  usa^e  ; 
Tout  prend  un  corps,  une  âme,  un  esprit,  un  visage. 
Chaque  vertu  devient  une  divinité  : 
Minerve  est  la  prudence,  et  Vénus  la  beauté. 

Mais  comme  le  récit  d'une  seule  aventure  ne 
pourrait  suffire  à  de  longs  développements,  le 
poète  a  recours  à  des  épisodes  qui  soutiennent 
l'action,  la  varient  et  préparent  le  dénoûment.  Il 
ne  saurait  être  question  ici  de  reproduire  les  pré- 
ceptes relatifs  à  la  composition  du  poème  épique 
que  Boileau,  le  père  le  Bossu  et  tant  d'autres  ont 
indiqués  après  eux.  Ces  règles,  du  reste,  sont  très 
vagues  et  très  générales  :  elles  ne  font  que  consta- 
ter les  procédés  mis  en  œuvre  par  les  poètes  qui 
ont  le  mieux  réussi  dans  ce  genre.  Elles  ne  peu- 
vent s'appliquer  à  l'avenir,  ni  régler  d'avance  les 
formes  nouvelles  que  le  génie  créateur  d'un  grand 
poète  donnera  peut-être  à  l'épopée.  Ainsi,  au  mo- 
ment même  où  Boileau,  s'appuyant  sur  les  poè- 
mes qu'il  connaissait,  proscrivait  le  merveilleux 
chrétien  «  avec  Astaroth,  Belzébuth,  Lucifer  »,  et 
s'écriait  : 

Et  quel  objet  enfin  à  présenter  aux  yeux 
Que  le  diable  toujours  tiurlant  contre  les  cieux. 
Qui  de  votre  héros  veut  rabaisser  la  gloire, 
Et  souvent  avec  Dieu  balance  la  victoire, 

au  même  moment,  disons-nous,  Milton  publiait 
son  Paradis  perdu  (V.  plus  loin),  et  démentait  en 
Angleterre  lesarrêts  rendus  en  France  par  Boileau. 

Il  suffira  de  signaler  à  l'attention  du  lecteur 
les  parties  principales  d'un  poème  :  le  début,  qui 
est  l'exposition  du  sujet  et  est  suivi  le  plus  sou- 
vent d'une  invocation  ;  la  narration,  qui  forme  le 
nœud  de  l'action  et  est  mêlée  d'épisodes  particu- 
liers qui  ajoutent  à  l'intérêt  ;  enfin  le  dénoûment^ 
qui  est  le  triomphe  ou  la  chute  du  héros  du  poème. 

Nous  allons  passer  en  revue,  en  les  analysant 
brièvement,  les  œuvres  épiques  les  plus  célèbres. 

Ull'ade  et  YOdyssée,  que  l'on  trouve  à  l'origine 
de  la  littérature  grecque,  faisaient  partie  sans  doute 
de  ces  épopées  primitives  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut.  On  croit  que  la  forme  sous  laquelle  elles 
sout  connues  aujourd'hui  date  du  vi'  siècle  avant 
notre  ère.  Depuis  cette  époque,  elles  ont  été 
l'objet  de  l'admiration  universelle,  et  ont  servi  de 
modèles  h  tous  les  poèmes  épiques  qui  ont  survécu. 
L'Iliade  est  le  récit  de  la  querelle  qui  s'élève  pen- 
dant la  neuvième  année  de  la  guerre  de  Troie  entre 
Agamemnon,  le  chef  de  l'armée,  et  Achille,  roi  des 
Myrmidons,  le  plus  vaillant  des  Grecs.  Achille, 
irrité  de  s'être  vu  enlever  par  Agamemnon  la 
captive  qu'il  aime,  refuse  de  combattre  désormais 
contre  les  Troyens.  Ceux-ci  profitent  de  son  ab- 
sence, et  Hector,  leur  chef,  vient  mettre  à  son  tour 
le  siège  devant  le  camp  des  Grecs.  En  vain  on 
supplie  Achille  de  revenir  au  combat.  Il  ne  se 
laisse  toucher  ni  par  les  prières,  ni  par  les  pro- 
messes, et  il  ne  prend  de  nouveau  part  à  la  lutte 
que  lorsque  son  ami  Patrocle  est  tombé  sous  les  coups 
d'Hector.  Il  le  venge  alors  en  tuant  ceiui-ci  et  en 
traînant  son  cadavre  autour  de  la  ville.  Malgré  son 
ressentiment,  il  s'apaise  cependant  en  voyant  les 
larmes  du  vieux  Priam,  roi  de  Troie,  qui  est  venu 
le  trouver  dans  sa  tente,  et  il  consent  à  lui  rendre 
le  corps  de  son  fils.  De  nombreux  épisodes,  tous 


intéressants,  remplissent  les  vingt-quatre  chant? 
de  ce  poème  qui  embrasse  seulement  un  espace  de 
quarante-sept  jours. 

Le  poème  de  ïOdi/ssée  est  attribué  également  à 
Homère,  et  contient  aussi  vingt-quatre  chants. 
Ulysse,  roi  d'Ithaque,  un  des  principaux  parmi  les 
chefs  qui  ont  pris  part  à  la  guerre  de  Troie,  erre  de- 
puis dix  ans  sur  les  mers,  écarté  sans  cesse  de  sa 
patrie  par  la  colère  de  Neptune,  le  dieu  de  la  mer, 
dont  il  a  aveuglé  le  fils,  le  cyclope  Polyphème.  Après 
mille  aventures  chez  les  Lotophages,  dans  la  con- 
trée habitée  par  les  Cyclopes,  chezEole,  le  roi  des 
vents,  chez  les  Lestrj'gons,  dans  l'île  de  l'enchante- 
resse Circé  dont  les  breuvages  changent  les  hom- 
mes en  bêtes,  dans  l'île  de  la  nymphe  Calypso,  il 
est  jeté  sur  les  côtes  de  l'île  des  Phéaciens. 
Ceux-ci,  charmés  de  ses  récits,  lui  donnent  un  na- 
vire qui  le  ramène  à  Ithaque.  Mais  les  aventures 
d'Ulysse  ne  sont  pas  terminées.  Pendant  sa  longue 
absence,  son  palais  a  été  envahi  par  de  nombreux 
prétendants  qui,  persuadés  de  sa  mort,  veulent 
que  sa  femme  Pénélope  choisisse  parmi  eux  un 
nouvel  époux.  Aidé  de  son  fils  Télémaque  et  de 
quelques  serviteurs  fidèles,  Ulysse,  qui  est  rentré 
dans  son  palais  sous  l'habit  d'un  mendiant,  sur- 
prend les  prétendants,  les  enferme  dans  la  salle 
des  festins,  les  tue  avec  les  flèches  de  son  arc  ter- 
rible et  se  fait  reconnaître  de  Pénélope. 

Le  poème  le  plus  célèbre  de  la  littirature  latine 
est  \  Enéide,,  composé  par  Virgife  sous  le  règne  de 
l'empereur  Auguste.  Des  légendes  qui  remon- 
taient à  une  époque  reculée  rapportaient  qu'une 
colonie  de  Troyens,  conduite  par  Enéo,  était  venue 
s'établir  en  Italie  après  la  rume  de  Troie.  Elles- 
prétendaient  faire  descendre  d'Enée  la  famille  du 
dictateur  César,  et  par  conséquent  d'Auguste, 
son  neveu  et  fils  adoptif.  Virgile  a  réuni  toutes  ces 
légendes  et  en  a  tiré  un  heureux  parti  dans  son 
poème.  Enée  s'est  embarqué  avec  tous  les  Troyen& 
qui  ont  échappé  à  la  destruction  de  leur  ville. 
Mais  la  colère  de  Junon,  l'ennemie  acharnée  des 
Troyens,  le  poursuit  sur  mer  et  l'écarté  sans  cessa 
de  ITtalie  où  les  destins  l'appellent.  Un  des  épiso- 
des les  plus  intéressants  du  poème  est  le  IV* 
chant,  qui  raconte  les  amours  d'Enée  et  de  Didon, 
reine  de  Carthage.  La  volonté  de  Jupiter  arrache 
enfin  Enée  au  séjour  de  l'Afrique  et  le  conduit  en 
Italie.  Après  avoir  visité  aux  enfers  l'ombre  de 
son  père  Anchise,  Enée  demande  au  roi  Latinus 
la  main  de  sa  fille  Lavinie.  Turnus,  le  roi  des 
Rutulos,  la  lui  dispute,  et  commence  contre  lui 
une  guerre  sanglante  qui,  après  bien  des  péripé- 
ties, se  termine  par  le  triomphe  d'Ence  et  la  mort 
de  son  rival.  Par  ce  poème  qui  secondait  sa  poli- 
tique, l'empereur  Auguste  espérait  donner  au  ré- 
gime nouveau  qu'il  fondait  lappui  des  traditions 
les  plus  anciennes  et  les  plus  respectées  des  Ro- 
mains. 

Si  de  l'antiquité  classique  nous  passons  aux 
temps  modernes,  nous  trouvons  en  France,  outre 
les  chansons  de  gestes  et  les  épopées  du  moyen 
âge,  un  grand  nombre  de  poèmes  épiques  au 
xvi^  et  surtout  au  xviie  siècle.  Il  suffit  de  citer  la 
/«Va^icirtf/e  de  Ronsard,  1'.^  to-jc  de  Scudéry,  \c  Saint- 
Louis  du  père  Lemoyne,  et  la  Pucelle  de  Chape- 
lain. Mais  la  Franci':de,  malgré  quelques  beaux 
vers,  n'a  pas  survécu  à  son  auteur.  Quant  aux  au- 
tres poèmes,  on  ne  les  connaît  plus  guère  que  par 
les  critiques  de  Boileau. 

Au  xviii'=  siècle,  Voltaire  a  essayé  de  faire  revi- 
vre ce  genre  qui  appartient  plutôt  aux  époques  de 
foi  et  d'imagination  naïve,  et  il  a  composé  la  Hen- 
■I  iade.  C'est  l'histoire  du  siège  de  Paris  commence 
par  Henri  III  et  Henri  IV  et  terminé  par  le  triom- 
phe de  ce  dernier  qui  est  reconnu  roi  de  France. 
Voltaire  a  fait  entrer  habilement,  dans  le  cadre 
qu'il  avait  choisi,  l'histoire  des  guerres  de  reli- 
gion, les  fureurs  de  la  Ligue,  le  massacre  de  l.i 


ÉPOPÉE 


—  681  — 


ÉPOPÉE 


Saint-Barthélemy,  la  bataille  d'Ivry,  le  récit  des 
deux  sièges  de  Paris  et  de  l'horrible  famine  qui 
désola  la  ville.  Mais,  malgré  de  beaux  épisodes, 
des  portraits  intéressants  et  bien  dessinés,  l'ou- 
vrage a  un  caractère  monotone  et  peu  intéressant. 
Le  merveilleux  y  a  sa  place,  mais  il  embarrasse 
le  poème  plutôt  qu'il  n'en  fait  l'ornement  :  la 
Religion,  la  Discorde,  le  Fanatisme,  la  Vérité,  qui 
interviemient,  sont  de  froides  allégories  qui  ne 
présentent  à  l'esprit  aucune  image  facile  à  saisir,  et 
remplacent  mal  les  divinités  païennes  qu'Homère 
et  Virgile  avaient  introduites  dans  leurs  ouvrages. 

Plus  vivante  et  plus  intéressante  est  la  Jérusa- 
lem délivrée,  composée  par  le  Tasse,  poète  italien 
du  xvi«  siècle.  C'est  l'histoire  poétique  de  la  fin 
de  la  première  croisade.  Les  chrétiens  sont  arrivés 
sous  les  murs  de  Jérusalem  et  se  préparent  à  lui 
donner  le  dernier  assaut.  Mais  l'Esprit  du  mal  pro- 
tège les  Musulmans  et  s'efforce  par  des  enchante- 
ments et  des  sortilèges  d'empêcher  les  chrétiens  de 
s'emparer  de  la  ville.  Dieu  lui-même,  pour  punir 
les  fautes  des  croisés,  lui  permet  de  les  éprouver. 
Aussi,  à  chaque  instant,  ce  sont  de  nouvelles  péri- 
péties qui  retardent  leur  succès.  Ce  qui  donne 
surtout  de  l'intérêt  au  poème  du  Tasse,  c'est  que 
ses  personnages  sont  vivants  et  tracés  avec  une 
rare  habileté.  Du  côté  des  Musulmans,  c'est  Aladin, 
le  roi  perfide,  le  farouche  Argant,  la  belliqueuse  Clo- 
rinde,  l'enchanteresse  Armide  aux  dangereuses  sé- 
ductions. Du  côté  des  chrétiens,  c'est  le  sage  Go'le- 
froi  de  Bouillon,  l'impétueux  Renaud,  le  tendre  et 
vaillant  Tancrède,  sans  compter  beaucoup  d'autres 
personnages  secondaires  dont  chacun  a  sa  physio- 
nomie propre  et  son  caractère.  Enfin,  Clorinde  est 
tuée  et  reçoit  en  mourant  le  baptême  de  la  main 
de  Tancrède,  Argant  tombe  à  son  tour,  et  Godefroi 
entre  en  triomphe  dans  le  temple  de  Jérusalem. 

Quelques  années  avant  le  poème  du  Tasse  pa- 
raissaient, en  Portugal,  les  Liisiades  de  Camoëns. 
Cette  œuvre  fut  provoquée  par  l'enthousiasme 
qu'excitèrent  les  découvertes  des  Portugais  sur 
les  côtes  de  l'Afrique,  surtout  quand  elles  attei- 
gnirent et  dépassèrent  le  cap  de  Bonne-Espérance. 
Camoëns,  qui  lui-même  avait  vécu  aux  Indes, 
chanta  la  plus  célèbre  de  ces  expéditions,  celle  de 
Vasco  de  Gama,  qui  le  premier  franchit  le  cap  le 
plus  méridional  de  l'Afrique  et  changea  son  nom  de 
Promontoire  des  Tempêtes  en  celui  de  cap  do 
Bonne-Espérance  qu'il  a  gardé.  Camoëns  décrit 
les  difl'érents  peuples  qui  habitent  les  côtes  de 
l'Afrique,  et  mêle  avec  art  à  son  récit  l'histoire 
du  Portugal.  On  admire  surtout  dans  le  troisième 
chant  les  aventures  tragiques  de  la  célèbre  Inès 
de  Castro,  que  don  Pedro,  fils  d'Alphonse  IV,  roi 
de  Portugal,  avait  épousée  en  secret,  et  qu'Al- 
phonse IV,  irrité  de  cette  mésalliance,  fit  assassi- 
ner. Rien  de  plus  touchant  que  le  récit  de  ses  vertus 
et  de  ses  malheurs;  c'est  au  jagement  des  con- 
naisseurs la  partie  la  plus  intéressante  et  la  mieux 
écrite  du  poème.  On  cite  encore  l'apparition  du 
géant  Adamastor,  qui  essaie  vainement  par  les 
menaces  qu'il  profère  et  les  tempêtes  qu'il  sou- 
lève d'empêcher  les  Portugais  de  franchir  le  cap 
de  Bonne-Espérance.  Mais  on  est  choqué  do  voir 
les  Néréides  et  Thétis,  déesse  de  la  mer,  in- 
tervenir pour  récompenser  Gama  et  ses  compa- 
gnons de  leurs  fatigues,  et  Vénus  seconder  les 
efforts  des  Portugais  pour  propager  la  foi  chré- 
tienne dans  les  Indes.  Ce  mélange  du  christia- 
nisme et  du  paganisme  gâte  les  dernières  par- 
ties du  poème. 

3.  Poèmes  historiques.  —  On  donne  ce  nom  à 
des  ouvrages  composés  sur  le  modèle  des  poèmes 
épiques,  mais  qui  n'admettent  pas  le  merveilleux. 
Ils  chantent  les  événements  tels  qu'ils  se  sont 
passés  et  les  reproduisent  avec  la  fidélité  de  l'histoire. 
Ils  empruntent  leurs  seuls  ornements  à  la  grandeur 
des  faits,  à  l'éclat  des  tableaux  qu'ils  déroulent  et 


à  la  beauté  du  style.  Aussi  les  conditions  de  ce 
genre,  si  difficiles  à  remplir,  rendent  ces  poèmes 
froids  et  monotones.  La  Pliarsale  de  Lucain,  qui 
vivait  au  temps  de  Néron,  est  le  poème  historique 
le  plus  remarquable.  C'est  le  récit  de  la  guerre 
civile  qui  éclata  entre  César  et  Pompée,  et  qui 
se  termina  par  la  mort  de  celui-ci  et  par  la  dic- 
tature de  César.  Les  épisodes  sont  empruntés 
aux  divers  événements  de  la  guerre.  Le  poème, 
interrompu  par  la  mort  de  Lucain  impliqué  dans 
une  conjuration  contre  Néron,  s'arrête  au  milieu  du 
dixième  livre.  Les  descriptions  et  les  discours  sont 
les  plus  brillantes  parties  du  poème,  qu'animent, 
malgré  de  nombreuses  fautes  de  goût,  un  souffle 
puissant  et  un  généreux  amour  de  la  liberté.  On 
remarque  les  mêmes  mérites  dans  Y Aroucana, 
poème  historique  de  don  Alonzo  de  Ercilla,  auteur 
espagnol  du  xvi=  siècle.  C'est  l'histoire  de  la  con- 
quête du  pays  des  Araucaniens  (près  du  Chih)  par 
les  Espagnols.  Mais  la  répétition  des  mêmes  faits, 
des  mêmes  luttes  sanglantes  où  ne  change  que  le 
nom  des  chefs,  produit  la  monotonie.  Aussi  l'œuvre 
d'Ercilla  ne  mérite  guère  les  éloges  enthousiastes 
que  Cervantes  lui  adresse  par  amour -propre 
national. 

4.  Poèmes  religieux.  —  On  classe  sous  ce  nom 
un  grand  nombre  de  poèmes  qui  traitent  de  sujets 
religieux  ou  touchant  à  la  religion.  L'ouvrage  du 
caractère  le  plus  étrange  et  le  plus  admirable  en 
ce  genre  est  la  Divine  Comédie  de  Dante  Alighieri, 
qui  parut  en  Italie  au  commencement  du  xiv^  siè- 
cle. Ému  des  malheurs  de  son  pays,  poursuivi  par 
la  haine  implacable  de  ses  ennemis  politiques,  le 
Florentin  Dante  conçoit  l'idée  d'une  épopée  extra- 
ordinaire où  l'enfer,  le  purgatoire  et  le  paradis 
s'ouvriront  devant  lui  tour  à  tour.  L'un  lui  offrira 
ses  supplices  éternels,  l'autre  ses  peines  expiatoires, 
l'autre  une  félicité  sans  fin,  pour  punir  et  récom- 
penser les  ennemis  et  les  amis  de  l'Italie,  les  op- 
presseurs ou  les  défenseurs  de  sa  liberté.  Le  poè- 
me se  compose  donc  de  trois  parties,  l'Enfer,  le 
Purgatoire,  le  Paradis.  La  plus  belle  est  l'Enfer. 
Guidé  par  le  poète  Virgile,  Dante  visite  l'enfer, 
formé  de  neufs  cercles  concentriques  où  les  cou- 
pables sont  soumis  à  des  supplices  aussi  variés  que 
leurs  crimes.  L'imagination  de  Dante  est  inépuisa- 
ble à  dépeindre  leurs  souffrances.  Il  place  parmi 
les  damnés  ses  ennemis,  même  ceux  qui  vivaient 
encore,  et  dont  quelques-uns,  dit-on,  se  tuèrent 
de  désespoir  pour  échapper  à  la  honte  que  le  poète 
avait  répandue  sur  eux.  Les  plus  beaux  épisodes 
sont  ceux  de  Françoise  de  Rimini,  assassinée  avec  son 
amant  par  un  mari  jaloux,  et  le  supplice  d'Ugolin 
et  de  ses  enfants  mourant  de  faim  dans  la  tour  où 
on  les  a  enfermés.  Le  Purgatoire  et  le  Paradis, 
malgré  de  nombreuses  beautés,  offrent  moins  d'in- 
térêt. Les  supplices  du  purgatoire  ne  différant  de 
ceux  de  l'enfer  que  par  l'intensité  et  la  durée,  les 
descriptions  deviennent  monotones,  et  la  tliéologie 
mêlée  à  l'astronomie  rend  fatigante  la  lecture  du 
Paradis. 

Une  inspiration  presque  aussi  élevée  a  dicté  en 
1G65  à  l'Anglais  Milton  son  poème  du  Paradis  per- 
du.  Milton  a  pris  pour  point  de  départ  de  son 
œuvre  l'histoire  de  la  Genèse.  Il  raconte  en  vers- 
admirables  et  animés  d'un  souffle  vraiment  poéti- 
que la  création  du  monde  et  celle  du  premier 
homme  et  de  la  première  femme.  Bien  n'est  plus 
gracieux  que  les  épisodes  où  il  dépeint  le  bonheur 
du  premier  couple  dans  le  séjour  de  félicité,  dans 
ce  Paradis  terrestre  qui  lui  a  été  donné.  Mais  ce 
bonheur  ne  saurait  durer.  Satan  en  est  jaloux. 
L'ange  déchu,  tout  meurtri  encore  de  la  lutte  au- 
dacieuse qu'il  a  soutenue  contre  les  anges  restés 
fidèles,  veut  entraîner  Adam  et  Eve  dans  sa  chute. 
Il  pense  trouver  un  moyen  de  se  venger  de  Dieu  en 
perdant  les  créatures  que  celui-ri  a  formées  avec 
amour.  Il  tente  live,  la  séduit  d'abord,  et  avec  elle: 


ÉPOPÉE 


—  G82  — 


ÉQUATIONS 


et  par  elle,  il  entraîne  Adam  au  péché.  Le  paradis 
est  alors  perdu,  et  nos  premiers  parents  n'auraient 
plus  qu'à  se  livrer  au  désespoir,  si  Dieu  ne  faisait 
briller  à  leurs  yeux  l'espérance  du  pardon  et  de  la 
rédemption.  On  ne  saurait  trop  admirer  l'habileté 
avec  laquelle  Milton  a  rempli  un  cadre  si  simple 
et  si  connu.  Un  critique  anglais  disait  de  lui  que 
la  nature  avait  formé  son  génie  de  l'àme  d'Homère 
et  de  celle  de  Virgile.  Son  style,  surtout,  qui  sait 
opposer  les  images  les  plus  grandioses,  la  peinture 
terrible  de  la  Mort,  du  Péché,  aux  tableaux  délicieux 
de  la  terre  à  ses  premiers  jours,  n'a  pas  été  sur- 
passé. Quelques  fautes  de  goût  déparent  seules 
cet  ouvrage.  En  vain  les  Allemands  ont  voulu  lui 
opposer  au  xvni'  siècle  la  Messiade  de  Klopstock. 
Ce  poème,  qui  raconte  les  miracles  du  christia- 
nisme, la  vie  et  les  souffrances  du  Rédempteur, 
offre  un  caractère  plus  religieux,  mais  est  moins 
intéressant  et  moins  poétique  que  le  Paradis 
perdu. 

5.  Poèmes  divers,  satiriques,  héroï-comiques, 
badins  ;  poèine<  en  prose.  — On  rattache  encore 
au  genre  du  poème  épique  une  foule  considérable 
de  compositions  différentes  de  style  et  de  caractère. 
En  premier  lieu  se  placent  les  poèmes  satiriques 
du  moyen  âge,  le  Roman  de  la  Rose  et  le  Roman 
du  Renart.  Le  Roman  de  la  Rose  (xiii^  siècle)  n'est 
dans  sa  première  partie  qu'une  histoire  amoureuse, 
une  longue  allégorie  remplie  de  personnifications 
bizarres.  Il  s'agit  de  la  conquête  d'une  rose  qui 
représente  la  femme  aimée.  Le  poète  est  aidé 
ou  entravé  dans  sa  tentative  par  Bel-Accueil,  Cour- 
toisie, Peur,  Jalousie,  et  par  cent  autres  personnages 
aussi  impalpables  qui  dissertent  et  raisonnent,  et 
à  qui  il  ne  manque  que  la  vie.  La  seconde  partie 
du  poème  a  un  caractère  de  satire  plus  marqué. 
L'auteur,  Jean  de  Meung,  ne  ménage  aucune  classe 
de  la  société  ;  il  poursuit  damères  critiques  la  no- 
blesse, le  clergé  et  même  la  royauté.  On  sent  l'es- 
prit moderne  qui  s'éveille  et  qui  se  venge  de  ses 
longs  siècles  d'oppression  avec  la  seule  arme  qu'il 
a  :i  son  service,  l'esprit  et  la  raillerie. 

Mais  l'œuvre  satirique  par  excellence  du  moyen 
âge  est  le  lloman  du  Renart,  création  ou  plutôt 
compilation  gigantesque,  œuvre  de  nombreux  poè- 
tes dont  la  plupart  sont  inconnus,  et  qui  appar- 
tiennent les  uns  à  la  fin  du  xii'  siècle  et  les  der- 
niers au  XIV'.  Mais  tous  ces  poètes  sont  réunis 
par  une  inspiration  commune,  la  haine  de  l'op- 
pression et  de  la  tyrannie  féodale.  Ce  poème  est 
la  revanche  du  faible,  la  lutte  de  l'intelligence 
contre  la  force,  le  triomphe  de  la  ruse  sur  l'esprit 
chevaleresque.  En  vain  Isengrin  le  loup  a  pour 
lui  la  puissance  et  la  richesse^  Renart,  le  héros 
du  poème,  l'emporte  toujours  sur  lui  grâce  à  son 
esprit,  et  finit  même  par  ceindre  la  couronne. 

Le  Roland  Furieux  de  l'Italien  Arioste,  au 
xvi«  siècle,  est  le  plus  célèbre  des  poèmes  héroi- 
comiques.  Il  a  pour  cadre  la  croisade  fabuleuse 
de  Charlemagne  contre  les  Sarrasins,  et  la  lutte 
des  chevaliers  chrétiens  contre  les  chevaliers  mu- 
sulmans sous  les  murs  de  Paris.  Le  plan  du  poème 
finit  par  disparaître  sous  la  multitude  des  épisodes 
intéressants  qui  y  sont  accumulés.  Les  parties 
principales  sont  la  peinture  de  la  folie  qui  s'em- 
pare de  Roland  en  apprenant  qu'Angélique  qu'il 
aime  est  éprise  du  beau  Médor,  le  voyage  d'Astol- 
phe  dans  la  lune  à  la  recherche  de  la  raison  de 
son  malheureux  ami,  et  enfin  le  mariage  de  Roger 
et  de  Bradaniante,  retardé  sans  cesse  par  toutes 
sortes  de  péripéties,  d'infortunes  et  d'enchante- 
ments. Aucun  poète  n'a  eu  l'imagination  plus 
Iraîche  et  plus  éclatante  que  l'Arioste,  et  n'a  su 
mieux  que  lui  mêler  le  sérieux  et  le  plaisant,  le 
sublime  et  le  familier. 

Les  poèmes  épiques  badins  sont  la  parodie  de 
l'épopée  sérieuse.  Le  plus  ancien  ouvrage  dans  ce 
genre  est  la  Batrachomyomachie  ou  combat  des 


rats  et  des  grenouilles,  attribué  à  Homère,  maïs  qui 
a  pour  auteur  un  poète  de  l'école  d'Alexandrie. 
On  cite  encore  en  Italie  le  Seau  de  bois  ravi  de 
Tassoni;  en  Angleterre  la  Boucle  de  c'ieveiuc  enle- 
vée de  Pope  ;  en  France  le  Lutrin  de  Boileau,  le 
Vert-Vert  et  le  Lutrin  vivant  de  Gresset. 

On  range  quelquefois  dans  l'épopée  certaines 
grandes  compositions  en  prose,  comme  le  Téléma- 
que  de  Fénelon,  et  les  Martyrs  de  Chateaubriand. 
Ces  ouvrages  sont  trop  connus  et  trop  répandus 
pour  qu'il  soit  nécessaire  d'insister.  L'un  raconte 
les  voyages  et  les  aventures  de  Télémaque  à  la 
recherche  de  son  père  Ulysse.  L'autre  est  la  pein- 
ture de  la  lutte  du  paganisme  expirant  contre  le 
christianisme,  et  se  termine  par  le  martyre  d'Eu- 
dore  et  de  Cymodocée. 

Nous  avons  passé  en  revue  un  grand  nombre  de 
poèmes  de  toutes  sortes  et  dans  tous  les  genres  : 
il  eût  été  facile  d'en  citer  davantage,  et  de  prolon- 
ger ces  analyses.  Nous  nous  sommes  borné  à  indi- 
quer, avec  leurs  détails  principaux,  les  ouvrages 
les  plus  célèbres  dont  tout  homme  qui  a  reçu  une 
éducation  libérale  doit  connaître  les  noms,  et  dont 
il  doit  avoir  lu  au  moins  quelques-uns.  Toutefois, 
pour  bien  apprécier  leur  mérite  et  tirer  un  réel 
profit  de  cette  lecture,  il  faut  y  apporter  une  cer- 
taine préparation,  il  faut  être  initié  à  une  multi- 
tude de  faits,  d'idées  et  de  connaissances  auxquels 
l'instruction  primaire  seule  n'a  pas  habitué  les 
meilleurs  esprits.  Sans  parler  des  épopées  orien- 
tales et  de  quelques  autres,  les  chansons  de  gestes 
elles-mêmes,  quoique  écrites  en  français,  sont 
d'une  lecture  difficile  pour  quiconque  n'a  pas  fait 
une  étude  spéciale  du  latin  et  de  notre  vieille  lan- 
gue. Enfin,  comme  la  plupart  des  poèmes  épiques 
qui  appartiennent  aux  époques  de  culture  littéraire 
se  sont  inspirés  des  souvenirs  de  l'antiquité  clas- 
sique, il  faut  s'être  familiarisé  avec  les  idées,  la 
mythologie  et  la  littérature  des  anciens.  Mais  aussi, 
quand  on  réunit  ces  conditions,  avec  quel  plaisir, 
avec  quel  intérêt  on  lit  ces  œuvres  remarquables, 
le  plus  bel  effort  du  génie  humain!  Comme  on 
goûte  tantôt  l'élévation  des  pensées,  l'éclat  du 
style,  tantôt  la  finesse,  le  piquant  des  détails  et 
des  allusions!  C'est  pour  l'esprit  la  plus  intéres- 
sante et  la  plus  saine  des  récréations  et  des  lec- 
tures. [Victor  Cucheval.] 

ÉQUATIONS.  —  Algèbre,  VII-IX.  —  \.  —  Deux 
expressions  algébriques  séparées  par  le  signe  = 
constituent  ce  qu'on  appelle  une  égalité;  chacune 
des  expressions  ainsi  séparées  forme  un  des  mem- 
bres de  l'égalité.  On  peut,  sans  troubler  une  éga* 
lité,  ajouter  une  même  quantité  aux  deux  membres, 
en  soustraire  une  même  quantité,  multiplier  ou 
diviser  h  la  fois  les  deux  membres  par  une  même 
quantité.  On  peut  faire  passer  un  terme  quel- 
conque de  l'un  des  membres  dans  l'autre,  à  la 
condition  de  changer  son  signe.  Soit,  par  exemple, 
l'égalité 

a  -{-  b  =  c  —  d. 

Si  l'on  efface  dans  le  premier  membre  le  terme  ô 
qui  était  additif,  on  diminue  ce  membre  de  5;  il 
faut  donc  diminuer  aussi  de  b  le  second  membre, 
ce  qui  donne 

a=  c  —  d  —  6, 

et  l'on  voit  que  le  terme  -\-  b  a.  changé  de  signe 
en  changeant  de  membre. 
Si   l'on  efface  dans  le  second  membre  le  terme 

—  d  qui  était  soustractif,  on  augmente  ce  membre 
de  d;  il  faut  donc  augmenter  aussi  de  d  le  premier 
membre,  ce  qui  donne 

a  -f  rf  =  c  —  b, 

et  l'on  voit  qu'en  changeant  de  membre,  le  terme 

—  d  &  aussi  changé  de  signe. 


ÉQUATIONS 


—  683  — 


2.  —  Les  égalités   peuvent   être  d'espèces   très 
différentes.  Soit,  par  exemple,  Tégalité 
{x  +  2)  (x  —  2)  =  x2  _  4. 

Quelque  valeur  qu'on  attribue  à  x,  l'égalité  est 
toujours  satisfaite.  Une  égalité  ainsi  indépendante 
de  la  valeur  des  lettres  qui  y  entrent  est  ce  qu'on 
nomme  une  identité. 

Soit  au  contraire  l'égalité  fort  simple 

a;  +  3  =  8. 

On  voit  aisément  qu'elle  est  satisfaite  quand  on 
y  remplace  x  par  5  ;  mais  qu  elle  ne  saurait  l'être 
par  tout  autre  nombre.  Une  pareille  égalité,  dans 
laquelle  x  représente  une  quantité  inconnue,  est 
ce  qu'on  appelle  une  équation;  et  le  nombre  5,  qui 
satisfait  à  l'égalité,  est  la  valeur  de  l'inconnue  x. 
Trouver  la  valeur  que  doit  prendre  l'inconnue  pour 
que  l'équation  soit  satisfaite  est  ce  que  l'on  appelle 
résoudre  l'équation. 

.3.  —  Equations  du  premier  degré  à  une  seule 
inconnue.  —  Une  équation  ne  renfermant  qu'une 
inconnue  est  dite  du  premier  degré,  lorsque  l'in- 
connue, n'entrant  pas  en  dénominateur,  n'y  figure 
qu'à  la  première  puissance.  Ainsi  l'équation 


X  —  3       X- 


=  10 


est  une  équation  du  premier  degré.  Pour  la  ré- 
soudre, il  suffit  de  lui  faire  subir  des  transforma- 
tions très  simples.  On  peut  d'abord  réduire  tous  les 
termes  au  même  dénominateur,  et  écrire 


(a  — 3).  3        (X  +  2).  2 
6  "*"  6 


£2. 


ÉQUATIONS 

:: = : }-5)      dOU     X'  =  17  5 

5  7 

i£±i==£+i  +  4,    d'où    x  =  ll. 


4.  —  Voici  quelques  exemples  de  problèmes 
conduisant  à  une  équation  du  premier  degré  à  une 
inconnue.  Déduire  de  l'énoncé  l'équation  qui  don- 
nera l'inconnue  est  ce  que  l'on  appelle  mettre  le 
problème  en  équation  ;  il  n'y  a  pour  cela  d'autre 
règle  que  la  suivante  :  Indiquer,  à  l'aide  des 
signes  algébriques,  les  calcu/s  que  l'on  aurait  à 
effectuer  si  fon  voulait  vérifier  la  valeur  de  l'in- 
connue. 

I.  —  Partager  42  en  deux  parties  telles  que  le 
tiers  de  l'une  soit  égale  au  quart  de  Vautre.  Soit  x 
la  première  partie  ;  la  seconde  sera  42  —  x;  on 
devra  donc  avoir,  d'après  l'énoncé  : 

X      42  — œ 


On  peut  ensuite  multiplier  tous  les  termes  par  6, 
ce  qui  revient  à  supprimer  le  dénominateur  commun, 
et  donne 

{x  —  3).  3  4-  (a;  +  2).  2  =  60, 

ou,  en  effectuant  les  calculs  indiqués, 

3x  —  9  -I-  2a;  -f  4  =  60. 

On  peut  ensuite  faire  passer  dans  le  second 
membre  les  termes  —  9  et  +  4,  ce  qui  donne 

3x  +  2x  =  60  +  9  —  4, 

ou,  en  réduisant,       hx  =  65. 

On  peut  enfin  diviser  les  deux  membres  par  5,  ce 
qui  donne 

x  =  13. 

Sous  cette  forme  l'équation  est  résolue;  il  est  clair, 
en  effet,  qu'elle  est  satisfaite  par  la  valeur  13,  mise 
pour  x;  et  que  le  nombre  13  est  le  seul  qui  y  sa- 
tisfasse. 

Toutes  les  équations  du  premier  degré  à  une 
seule  inconnue  peuvent  être  traitées  de  la  même 
manière,  ce  qui  conduit  à  la  règle  suivante  : 

Pour  résoudre  une  équation  du  premier  degré  à 
une  inconnue,  il  faut:  1°  réduire  tous  les  tenues 
au  même  dénomiyiateur  ;  2°  suppri)7ier  le  dénomi- 
nateur commun;  3°  effectuer,  s'il  y  a  lieu,  les  calculs 
indiqués;  4°  faire  passer  dans  un  membre  tous  les 
termes  affectés  de  Viaconnue,  et  dans .  Vautre 
membre  toui  les  termes  connus;  5°  réduire  les 
termes  semblables  ;  6°  enfin  diviser  les  deux 
membres  par  le  coefficient  de  Vinconnue. 

On  pourra  proposer  aux  élèves  les  exemples 
suivants  : 


d'où  l'on  tire  a:  =  18  pour  la  première  partie,  et 
par  conséquent  24  pour  la  seconde;  ce  qu'il  est  fa- 
cile de  vérifier. 

II.  Un  père  a  .34  ans  et  son  fils  en  a  6;  on  de- 
mande dam  combien  d'années  Vûge  du  père  serale 
triple  de  Vàqe  du  fils.  Soit  x  le  nombre  d'années 
cherché.  Dans  x  années  l'âge  du  père  sera  devenu 
34  -1-  X,  et  celui  du  fils  6  -f  x;  on  devra  donc  avoir 

3i -I- a;  =  (6 -f  œ)  3,    d'où    x=8, 

et,  en  effet,  dans  8  ans  le  père  aura  42  ans  et  le 
fils  14. 

III.  —  Un  marchand  de  vin  a  acheté  une  pièce 
de  vin  à  raisoji  de  0  fr.,75  le  litige;  et,  après  y  avoir 
ajouté  30  litres  d'eau,  il  a  vendu  le  mélange  à  1  fr. 
le  litre,  et  a  gagne  ainsi  bO  fr.  Que  Ce  était  la  conte- 
najice  de  la  pièce?  Soit  x  le  nombre  de  litres  qui 
exprime  cette  contenance.  Le  prix  d'achat  sera 
Ofr.,75  .  a;;  le  prix.de  vente  sera  (a;-t-30).  1  fr.; 
on  devra  donc  avoir 

(x  -f  30).  1'  —  0',75.  X  =  50',     d'où    x  =  240. 

La  pièce  contenait  donc  240  litres. 

IV.  —  On  a  fondu  2  kil.  de  monnaie  d'or  fran* 
çaise  avec  3'',48  de  monnaie  d'or  autrichienne,  et 
l'on  a  obtenu  un  alliage  au  titre  de  0,953;  quel 
était  le  titre  de  Vor  autrichien?  Soit  x  le  titre  de- 
mandé. Les  2  kil.  de  monnaie  française  contiennent 
un  poids  d'or  pur  exprimé  par  2"^  X  0,9  ou  l'',8. 
Les  3'',48  d'or  autrichien  contiennent  un  poids  d'or 
exprimé  par  3'',48  X  x;  le  poids  de  l'or  pur  contenu 
dans  l'alliage  est  donc  iSS  +  3^48.  x.  En  même 
temps,  le  poids  total  de  l'alliage  est  2  kil.  +  3^,48 
ou  5^48.  Le  titre  de  l'alliage  est  le  quotient  du 
poids  de  l'or  pur  par  le  poids  total  ;  on  doit  donc 
avoir 


d'où 


:a-}-6; 


1,8  +  3,48.  X 
5,48 


=  0,953,    d'où    x  =  0,9834.... 


V.  —  Deux  trains  partent  en  même  temps,  l'tcn 
de  Paris,  Vautre  de  Rouen,  et  vo?it  à  la  rencontre 
rua  de  Vautre,  avec  des  vitesses  moyennes  respec- 
tives de  40  et  de  30  kilomèires  à  Vheure.  On  de- 
mande à  quelle  distance  de  Paris  ils  se  croiseront, 
sachant  que  la  distaiice  de  Pai  is  à  Rouen  est  de 
137  kilomètres.  Soit  x  la  distance  demandée.  Le 
temps  employé  par  le  premier  train  pour  parcou- 

X 

rir  la  distance  x  est  exprimé  en  heures  par  —  ;  le 

temps  employé  parle  second  train  pour  parcourir  la 

.     .  ^        .  137  —  X    „  . 

distance  est  exprime  de  ueme  par  — --- — .  Mais 

oU 


EQUATIONS 


—  684  — 


ÉQUATIONS 


ces  deux  temps  doivent  être  égaux  ;  on  doit  donc 
avoir 

X       137  — a: 

40"      30 


-)     d'où  l'on  tire    a;  =  78'^'",285. 


VI.  —  Un  marchand  a  acheté  à  5  fr.  le  mètre  une 
certaine  quan'ité  d'étoffe.  Il  en  a  vendu  te  quart  à 
raison  de  6  fr.  le  mètre,  le  quart  du  reste  à  7  fr., 
le  cinquième  de  ce  second  reste  à  8  /;■.,  et  enfin 
tout  le  reste  à  9  fr.  Il  a  réalisé  ainsi  un  bénéfice  de 
221  fr.  On  demaiide  combien  il  y  aviit  de  mètres 
de  cette  étoffe.  Soit  x  le  nombre  do  mètres  deman- 
de. Le  prix  d'acliat  est  5  fr.  X  •!"  ou  ô  x.  Le  prix 
de  vente  se  compose  de  plusieurs  parties.  En 
premier   lieu  le    quart   de  a;  à   raison    de  6  fr., 

1  3 

ou    -  X  .  6.  Il  reste  cette  première  fois  -r  x  ;    le 

quart  de  ce  reste  est  --  a;,  qui  a  été  vendu  à  raison 

10 

3 
de  7  fr.,  et  a  produit  —■  x  .1.  Le   second  reste  est 

16 

•rX a;  OU  -^  a;.  Le  cinquième  de  ce  second  reste 

4  Itj  16 

9 
est  —  X,  qui  a  été  vendu  à  raison  de  8  fr.,  et  a  pro- 

80 

^   .     î^        „  T,  .    ,         9  9  36 

duit  —  X.  8.  Il  est  reste  alors  —  a;  —  —  a;  ou  —  x, 

80  1()  80  80 

9 
soit  —  X,  nui  ont  été  vendus  à  raison  de  9  fr.,  et 

20         ' 
9 
ont  produit—  x.  9.  L'excès  de   la   somme   de  ces 

prix  de  vente  partiels  sur  5  x  doit  faire  221  fr.  ;  on 
a  donc  l'équation 

i.6x  +  1.7x  +  ^..8a:  +  |.9.-5x=.22I, 

d'où  l'on  tire  x  =  80. 

5.  —  Quantités  négatives.  —  Il  peut  arriver  que 
la  réduction  d'une  équation  du  premier  de^ré  con- 
duise, pour  l'inconnue,  à  une  valeur  numérique 
précédée  du  signe — ,  comme — 5,  — a;  c'est  ce 
que  l'on  appelle  une  quantité  négative.  Une  pareille 
expression,  qui  n'a  aucun  sens  par  elle-même,  in- 
dique généralement  un  vice  dans  l'énoncé  du  pro- 
blème; elle  fait  supposer  que  l'inconnue,  si  on  l'a 
regardée  comme  additive,  devrait  au  contraire  être 
regardée  comme  soustractive,  ou  vice  versa.  Pour 
rectifier  l'énoncé,  on  change  a;  en  —  a?  dans  l'équa- 
tion du  problème,  ou  —  a;  en  -|-  ar;  et  l'on  cherche 
quelle  modification  il  faut  apporter  à  l'énoncé  pour 
qu  il  conduise  à  la  nouvelle  équation.  Comme  le 
signe  de  l'inconnue  se  trouve  ainsi  changé  dans 
toute  la  suite  des  calculs,  on  est  conduit  à  la 
même  valeur  que  précédemment,  mais  changée  de 
signe. 

Supposons,  par  exemple,  que  l'on  demande  quel 
nombre  il  faut  ajouter  aux  deux  termes  de  la  fraction 
8  1 

—  pour  obtenir  une  fr.action  équivalente  à  -.  On 
oo  o 

trouve   immédiatement   pour    l'équaiion    du   pro- 
blème 


S-f.r        1 
3J  +  X       6 


—  3. 


Mais  si  l'on  change  x,  en  —  x  on  obtient  la  nou- 
velle équation 

—, "  =  rî   qui  donne    ar  =  4-3. 

On  rectifiera  donc  l'énoncé  en  demandant  quoi 
nombre  il  faut  rciranclicr  des  deux  termes  d-^  la  frac- 

8  1 

tion  —  pour  obtenir  une  fraction  é'juivaiente  à-  : 

Où  '  (j 


dès  lors  a;  =  3  est  bien  la  solution  du  problème 
car  si  l'on  retranche  3  aux  deux  termes  de  la  frac- 

.5  1 

tion  donnée,  on  obtient  —  qui  équivaut  en  effet  à  -. 
oO  6 

Les  solutions  négatives  s'interprètent  très  facile- 
ment quand  l'inconnue  est  susceptible  d'être 
comptée  dans  deux  sens  opposés,  comme  un  gain 
ou  une  perte,  un  temps  compté  postérieurement 
ou  antérieurement  à  une  époque  déterminée,  une 
longueur  susceptible  d'être  portée  à  la  suite  d'une 
autre  dans  un  sens  ou  dans  le  sens  contraire.  Nous 
ne  saurions,  sans  sortir  des  limites  imposées  à  cet 
article,  donner  des  exemples  de  ce  genre  d'inter- 
prétation. 

6.  —  Mais  le  besoin  de  généraliser  les  formules 
a  fait  introduire  les  quantités  négatives  dans  le 
calcul,  d'après  les  mêmes  règles  que  pour  les  quan- 
tités positives.  Ainsi,  pour  ajouter  à  g  la  quantité 
—  6,  on  l'écrit  à  la  suite  de  a  en  lui  conservant 
son  signe,  et  l'on  a  «  —  b  pour  le  résultat  de  l'ad- 
dition .  De  même  pour  soustraire  —  è  de  a,  on 
l'écrit  à  la  suite  en  changeant  son  signe,  et  l'on  a 
a  -\-  b  pour  le  résultat  de  la  soustraction.  On  a  vu 
à  l'article  Algèljre  la  règle  des  signes  dans  la  mul- 
tiplication et  dans  la  division  ;  cette  règle,  intro- 
duite par  les  opérations  sur  les  polynômes,  s'étend 
aux  monômes  isolés.  Il  en  résulte  que  les  formules 
algébriques  s'appliquent  non  seulement  à  des  va- 
leurs entières  ou  fractionnaires,  mais  positives, 
des  lettres  qui  y  entrent,  mais  encore  à  des  valeurs 
négatives  de  ces  mêmes  lettres.  Cette  généralité 
est  un  des  caractères  de  l'algèbre  ;  mais  nous 
n'insisterons  pas  davantage  sur  ce  point,  parce 
qu'on  a  rarement  à  en  faire  usage  dans  les  ques- 
tions de  pure  arithmétique. 

7.  —  Eqimtioiis  du  preinier  degré  à  deux  in- 
connues.  —  Une  équation  à  deux  inconnues  est 
dite  du  premier  degré  lorsque,  après  qu'on  a  fait 
disparaître  les  dénominateurs,  ces  inconnues  n'y 
entrent  qu'à  la  première  puissance  et  n'j-  sont  pas 
multipliées  entre  elles.  Une  pareille  équation, 
quand  on  fait  passer  les  termes  inconnus  dans  un 
membre  et  les  termes  connus  dans  l'autre,  et  qu'on 
opère  les  réductions,  se  présente  toujours  sous  la 
forme 

ax  -\-  by  =:  c  (1) 

a,h,c  étant  des  coefficients  entiers  ou  fraction- 
naires, numériques  ou  algébriques,  positifs  ou  né- 
gatifs. 

Si  \\n  problème  à  deux  inconnues  ne' fournissait 
qu'une  seule  équation  pareille,  la  question  serait 
évidemment  indéterminée;  car  on  pourrait,  dans 
une  équation  de  la  forme  (1),  attribuer  à  y  une  va- 
leur arbitraire,  et  l'on  en  déduirait  la  valeur  cor- 
respondante de  x.  Pour  que  le  problème  soit 
déterminé,  il  faut  qu'il  fournisse  deux  équations, 
s'il  comporte  deux  inconnues.  La  méthode  de  solu- 
tion consiste  alors  à  déduire  de  ces  deux  équations 
h  deux  inconnues  une  équation  ne  renfermant  plus 
qu'une  inconnue;  c'est  ce  que  l'on  appelle  éliminer 
une  inconnue. 

Supposons,  par  exemple,  qu'un  problème  ait 
fourni  les  deux  équations 


5x'  -{-'y  =  'Q    et    6x  —  by 


17. 


On  n'altérera  pas  ces  deux  équations  en  multi- 
pliant tous  les  termes  de  la  première  par  le  coeffi- 
cient .j  de  y  dans  la  seconde,  et  tous  les  termes  de 
la  seconde  par  le  coefficient  7  de  ?/  dans  la  pre- 
mière, ce  qui  donne 

25a; -f  35y  =  350    et    42a;  — 35^  =  119. 

Si  l'on  ajoute  alors  ces  deux  équations  membre  à 
membre,  on  obtient 

67j;  =  469, 


ÉQUATIONS 


685  — 


ÉQUATIONS 


équation  qui  ne  renferme  plus  que  l'inconnue  x,  et 
d'où  Ton  tire  x  =  7.  Si  alors  on  remplace  x  par  7 
dans  l'une  ou  l'autre  des  équations  primitives,  on 
en  tire  également  y  =  5. 

Si,  dans  les  deux  équations,  les  termes  en  y 
avaient  été  de  même  signe,  il  aurait  fallu.,  après  les 
multiplications  indiquées,  les  soustraire  au  lieu  de 
les  ajouter,  pour  éliminer  l'inconnue  y.  Ce  mode 
d'élimination,  le  plus  simple  de  tous,  est  connu 
sous  le  nom  de  méthode  par  multiplication  en 
croix. 

8.  —  Voici  quelques  exemples  de  problèmes  con- 
duisant à  deux  équations  du  premier  degré  à  deux 
inconnues. 

I.  _  On  a  deux  espèces  de  pièces  de  monnaie 
étrangère  :  5  pièces  de  la  première  espèce  et  2  pièces 
de  la  seconde  font  13  />■.  ;  et  18  p:èces  de  la  pre- 
mière surpassent  de  l'%05  5  joîèce?  de  la  seconde; 
quelles  sont  les  valeurs  de  ces  deux  espèces  de  pièces? 
En  appelant  x  et  y  ces  valeurs,  la  première  condi- 
tion conduit  à  l'équation 

5x  +  2?/=13 

et  la  seconde  à  l'équation 

18x  =  5!/+l',0o    ou    ISx  — 5y  =  1,05. 

Pour  éliminer?/,  on  multipliera  donc  la  première 
équation  par  5  et  la  seconde  par  2,  et  l'on  ajoutera 
membre  à  membre,  ce  qui  donne 

61x  =  67',10    d'où    x  =  l',10. 

Remplaçant  ensuite  x  par  l'',10  dans  la  première, 
on  en  tire  y  =  'd"^,'b. 

II.  —  Trouver  une  fraction  telle  que,  si  l'on  aug- 
mente ses  deux  termes  de  3  unités,  elle  devienne 

5 
équivalente  à  —r,  et  que,  si  l'on  diminue  au  con- 

iraire  ses  deux  termes  d'une  unité,   elle  devienne 

équivalente  à  — . 

Soient  x  le  numérateur  et  y  le  dénominateur  de 
la  fraction  cherchée  ;  les  deux  conditions  de  i'énoncé 
conduisent  immédiatement  aux  deux  équations 


y  +  à 


ou,  en  faisant  disparaître  les  dénominateurs  et  ré- 
duisant à  la  forme  (1)  ci-dessus  : 

6x  —  5y  =  —  3    et    ix  —  Zy  =  -i- 1. 

Multipliant  la  première  par  3,  la  seconde  par  5 
et  retranchant  membre  à  membre,  on  obtient 

2x=14,     d'où    x  =  7. 

Remplaçant  alors  x  par  7  dans  une  des  deux  équa- 
tions précédentes,  on  en  tire  y  =  Q. 

7 
La  fraction  demandée  est  donc  —  ;  ce  qu'il  est 

facile  de  vérifier. 

III.  —  U/t  bassin  reçoit  l'eau  par  un  robinet  A. 
et  Veau  s'en  écoule  par  un  robinet  B.  St  le  robinet 
A  est  ouvert  pendant  3  heures,  et  le  robinet  B  pe7î- 
dant  4  heures,  le  bassin  contiewira  40  litres  de 
plus  ;  si  le  robinet  A  reste  ouvert  pendant  5  heures 
et  le  robinet  B  pendant  6  heures,  la  quantité  d'eau 
aura  augmenté  de  120  litres.  On  deoiande  combien 
chacun  de  ces  robinets  débite  d'eau  dans  une  heure. 
Six  est  le  débit  du  robinet  A,  et  y  celui  du  robinet 
B,  les  deux  conditions  de  l'énoncé  seront  exprimées 
par  les  équations 

.3x  —  4y  =  40    et    5x  —  Gy  =  120. 

Pour  rendre  égaux  ces  deux  coefficients  de  y,  il 


n'est  pas  nécessaire  ici  de  multiplier  la  première 
équation  par  G  et  la  seconde  par  4  ;  il  suffit  démul- 
tiplier la  première  par  3  et  la  seconde  par  2,  ce  qui 
donne  : 

9x— 12y  =  120    et     lOx— 12!/  =  240, 

et,  en  retranchant  la  première  de  la  seconde,  x=  1 20. 
La  première  des  deux  équations  priiiiitives  donne 
alors  y  =  80. 

IV".  —  Sj  l'on  augmente  de  I"  la  base  d'un  rec- 
tangle, mais  qu'on  diminue  sa  hauteur  de  2™,  sa 
surface  diminue  de  ô2""T  ;  si  l'on  diminue  au  con- 
traire sa  base  de  2°  et  qu'on  aiLgmente  sa  hauteur 
de  1'",  sa  -urface  iliminue  de  7""l;o?i  demande  sa 
base  et  sa  hnutew\  sachant  que  sa  surface  a  pour 
expressio7i  le  produit  de  sa  base  par  sa  hauteur. 
Soient  x  la  base  et  y  la  hauteur. 

Les  deux  conditions  de  l'énoncé  sont  exprimées 
par  les  équations 

(x+l)(y— 2)=xv  — 52  et  (x -2)  (y  +  l)=X(/— 7. 

En  efi'ectuant  les  multiplications  indiquées,  et 
réduisant,  on  obtient 

•2x  -  y  =  bO    et    2y  —  x  =  5. 

Multipliant  la  première  par  2  et  ajoutant  membre 
à  membre,  il  vient 

3x  =  105,    d'où    x  =  35. 

La  première  des  deux  équations  donne  alors 
y  =  20. 

Y.  —  Un  -nombre  est  composé  de  deux  chiffres 
dont  la  somme  absolue  est  16;  si  l'on  retourne  ce 
nombre,  il  diminue  de  18  unités.  Quel  est  ce 
nombre? 

Soit  X  le  chiffre  des  dizaines  et  y  le  chiff're  des 
unités.  La  première  condition  fournit  immédiate- 
ment iéquation 

x  +  y  =  \Q. 

La  seconde  condition  est  exprimée  par 

10x  +  y=10y +  X  +  18    ou    9x  — 9y=18, 

ou  encore  x  —  y  =  2. 

11  s'agit  donc  de  trouver  deux  nombres  dont  la 
somme  est  16  et  la  différence  2  ;  on  les  obtient  en 
additionnant  membre  à  membre,  ou  en  retranchant, 
ce  qui  donnex  =  9  et  y  =7.  Le  nombre  demandé 
est  donc  97. 

VI.  —  Un  voyageur  qui  a  marché  dune  manière 
régulière  pendant  un  certain  nombre  de  jours 
remarque  que,  s'il  avait  fait  4  kilomètres  de  plus 
par  jour,  et  qu'il  eût  marché  un  jour  de  moins,  il 
aurait  fait  en  tout  6  kilomètres  de  plus;  que  si  au 
contraire  il  avait  marché  un  jour  de  plus,  )7iais 
qu'il  eût  fait  2  kilomètres  de  moins  par  jour,  il 
aurait  fait  en  tout  8  kilomètres  de  plus.  On  demande 
com'denil  a  marché  de  jours,  et  combien  il  faisait 
de  kilomètres  par  jour.  Si  x  représente  le  nombre 
de  jours  de  marche  et  y  le  nombre  de  kilomètres 
faits  par  jour,  les  deux  conditions  du  problème 
seront  exprimées  par  les  équations 

(y  +  4)(x-l)=xy  +  6    et    (y  — 2)(x  +  l)=xy-l-8 

ou,  en  simplifiant, 

4x  — y  =  10    et    y  — 2x=10. 

Comme  y  a  le  même  coefficient  numérique  dans 
les  deux  équations,  mais  avec  un  signe  contraire, 
on  élimine  immédiatement  cette  inconnue  en  ajou- 
tant les  deux  équations  membre  à  membre,  ce  qui 
donne  2x  =  20,  d'où  x  -=  10.  Par  suite  y  =  30. 

9.  —  Il  peut  se  présenter  une  circonstance  dont 


EQUATIONS 


—  686  — 


ÉQUATIONS 


îl  est  bon  d'être  prévenu.  Les  deux  équations  pro- 
posées étant  mises  sous  la  forme  ax  +  6.y=  c,  il 
peut  arriver  que  les  coeftic.ients  des  deux  inconues 
soient  proportionnels;  et  alors,  en  multipliant  en 
croix,  comme  il  a  été  expliqué  plus  haut,  les  pre- 
miers membres  des  deux  équations  deviennent 
identiques.  Il  faut  alors  distinguer  deux  cas  :  ou 
les  seconds  membres  deviennent  identiques  aussi, 
et,  les  deux  équations  se  réduisant  à  une  seule,  le 
problème  est  iiidtiterminé  :  ou  les  membres  sont 
différents,  et  alors  les  équations  proposées  sont 
incompatibles,  et  le  problème  n'admet  aucune 
solution. 
Soient,  par  exemple,  les  deux  équations 

IOj:  — 2Gy  =  ?n    et    lôx  —  SOy  =  n. 

En    multipliant  la  première   par  3  et  la  seconde 
par  2,  on  obtient 

30a:  —  18y  =  Zm    et    30a;  —  78y  =  2n. 

Les  premiers  membres  étant  identiques^  si  3m  est 
égal  à  2'»  il  y  a  indétermination  ;  si  Zm  est  différent 
de  2u  il  y,  a  incompatibilité. 

10.  —  Equations  du  premier  deqré  à  plus  de  2 
inconnues.  —  Une  équation  à  plusieurs  inconnues 
est  du  premier  degré  lorsque,  après  avoir  fait  dis- 
paraître les  dénominateurs,  les  inconnues  n'y  en- 
trent qu'à  la  première  puissance  et  n'y  sont  pas 
multipliées  entre  elles.  Une  équation  du  premier 
degré  à  trois  inconnues,  quand  on  a  fait  passer  tous 
les  termes  affectés  de  l'inconnue  dans  un  même 
membre,  les  quantités  connues  dans  l'autre,  et  opé- 
ré les  réductions,  est  de  la  forme 


ax  +  ôy  -j-  cz=d, 


(1) 


a,  b,  c,  d  étant  des  quantités  connues.  Lorsqu'un 
problème  comporte  trois  inconnues,  il  faut  qu'il 
fournisse  trois  opérations,  car,  s'il  n'en  fournissait 
que  deux,  on  pourrait  attribuer  une  valeur  arbi- 
traire à  l'une  des  inconnues  et  l'on  aurait  deux 
équations  pour  déterminer  tes  deux  autres.  Sup- 
posons donc  que  l'on  ait  trois  équations  du  premier 
degré  entre  les  trois  inconnues  x,  y,  z,  on  ramène 
ce  cas  à  celui  de  deux  équations  à  deux  inconnues, 
en  éliminant  l'une  des  trois  inconnues,  s  par  exem- 
ple, deux  fois,  entre  l'une  des  trois  équations  et  les 
deux  autres.  Quand  les  inconnues  x  et  y  ont  été 
déterminées,  on  substitue  leurs  valeurs  dans  l'une 
quelconque  des  équations  primitives,  qui  donnera 
la  valeur  de  z. 

Supposons,    par   exemple,    qu'un   problème   ait 
conduit  aux  trois  équations 


2x  -f  3y  —  2:  =  3 
■àx  —  iy  +  4z=  14 
bx  +  2y  +  Zz  =  31 


(2) 


Si  l'on  multiplie  la  première  par  2  et  qu'on 
l'ajoute  à  la  seconde,  on  obtient 

7x  +  2î/  =  20. 

Si  l'on  multiplie  la  première  par  3  et  la  troisième 
par  2  et  qu'on  les  ajoute,  on  trouve 

16x+  132/ =  71. 

Ces  deux  équations  en  x  et  y  donnent  a;^  2  et 
y  =  3,  et,  en  mettant  ces  valeurs  dans  l'une  quel- 
conque des  équations  proposées,  on  en  tire  2  =.  5. 

11-  —  Voici  quelques  problèmes  conduisant  à 
trois  équations  du  premier  degré  à  trois  inconnues  : 

I.  —  Un  bassin  reçoit  l'eau  par  trois  robinets. 
Si  on  les  ouvre  respectivement  pendant  2,  3  e<  4 
heures,  on  obtient  un  débit  de  798  litres  ;  si  les  temps 
sont  respectivement  3,  4  ei  2  heun-s,  le  débit  est  de 
86  i  litres,  et  si  les  temps  sont  respectivement  4,  2  et 


3  heures,  le  débit  est  de  876  litres.  On  demande 
combien  chacun  des  robinets  fournit  d'eau  par 
heure?  En  désignant  par  x,  y,  z  les  trois  inconnues, 
on  a  immédiatement  les  trois  équations 

2x  -f  3y  +  4z  =  798, 
3a;  -f  4y  -f  22  =  864, 
4a;  -f  2?/  -H  32  =  876. 

En  éliminant  z  deux  fois,  entre  la  seconde  et  les 
deux  autres,  on  obtient  les  deux  équations  à  deux 
inconnues 

4a;  -f  5y  =  930, 
x-\-  8y=840, 

qui  donnent  x  =  120  et  ,y=  90.  Ces  valeurs  mises 
dans  l'une  des  trois  équations  primitives  donnent 
z~  72. 

II.  —  lin  nombre  est  composé  de  trois  chiffres 
dont  la  somme  est  21;  si  l'on  permute  les  deux 
premiers  chiffres  ù  gauche,  il  auqoteyite  de  180;  et  si 
on  le  retourne  complètement,  il  augmeiite  de  396  ; 
quel  est  ce  nombre  ? 

Soit  r  le  chiffre  des  centaines,  y  le  chiffre  des 
dizaines  et  z  le  chiffre  des  unités. 

La  première  condition  donne 

a; +  2/ +  -  =  21.  (1) 

La  seconde  donne 

100y  +  JOx-f  ;=r=il00x  + 10!/  + z -1-180 
ou  80;/  —  90  J  =  180, 

ou  encore  y  —x  ==2.  (2) 

La  troisième  fournit  l'équation 

1002  +  10y  +  x  =  lOOx  +  lOy  +  z  +  396 


99z  —  99x  =  396, 


ou  plus  simplement 


2  —  a;  =  4. 


(3) 


Ici  la  méthode  d'élimination  se  simplifie  ;  car  on 
tire  des  équations  (2)  et  (3)  : 

y  =  x  +  2    et    z  =  X  +  i, 

valeurs  qui,  substituées  dans  (1),  donnent 

a;  =  5,    d'où    y  =  l    et    z  =  9. 

Le  nombre  demandé  est  donc  579. 

III.  Un  marchand  opère  dans  son  commerce  sur 
trois  qualités  de  drap  :  dans  une  semaine  il  a  vendu 
liO  mètres  de  la  première  qualité  et  40  de  la  se- 
conde, et  acheté  110  mètres  de  la  troisième;  dans 
une  autre  semaine  il  a  vendu  20  mètres  de  la 
première,  100  mètres  de  la  troisième,  et  acheté  70 
mètres  de  la  seconde  ;  dans  une  troisième  seinaine, 
il  a  vendu  60  mètres  de  la  secojide  et  40  mètres 
de  la  troisième,  et  acheté  30  mètres  de  la  pre- 
mière ;  la  recette  a  surpasse'  la  dépense  de  116  fr. 
la  première  semaine,  de  480  fr.  la  seco7ide,  et  de 
798  fr.  la  troisième.  On  demande  le  prix  d'achat 
de  chacune  de  ces  trois  qualités  de  drap,  sachant 
que  le  prix  de  vente  a  dépassé  de  20  pour  100  le 
prix  d'achat. 

Soient  x,  y,  z  les  prix  d'achat  d'un  mètre  de  cha- 
cune de  ces  qualités  de  drap  ;  le  prix  de  vente 
s'en    déduira    en    s'augmentant   de    20    p.    100, 

c'est-à-dire  de  -  ;  le  prix  de  vente  sera  donc  pour 

chacune  -x,  -  y  et   r  =,  ou  1,2j-,  l,2y  1,22.  Dès 

6         5  .1 

lors  les  trois  conditions  fournies  par  l'énoncé  don- 
neront les  trois  équations  : 


ÉQUATIONS 


—  687  — 


ÉQUATIONS 


60.1, 2j;  +  40.1,2?/ —  nOc  =  776, 
20.1,2a:  +  100.1,23  —  70//=  480, 
60.1,2y  +  40.1,2z  —  30a;  =  798, 
ou  72x  +  48y  — 110j=776,  (1) 

24x4- 1203  — 70(/=  480,  (2) 

72y_^48z  — 30a;=798.  (3) 

On  élimine  x  entre  (I)  et  (2)  en  multipliant  (2)  par 
3,  et  retranchant,  ce  qui  donne 

470z  —  258y  =  664    ou    235z— 129;/  =  332. 

On  élimine  x  entre  (2)  et  (3)  en  multipliant  (2) 
par  6  et  (3)  par  4,  et  ajoutant,  ce  qui  donne 

792z  —  62y  =  5592    ou    396z  —  31?/ =  2796. 

On  tire  de  ces  deux  dernières  ?/=  12  et  3  =:  8  ; 
l'une  quelconque  des  équations  primitives  donne 
alors  X  =  lô. 

IV.  On  a  trois  lingots  qui  contiennent  : 

le  premier     2  k.  d'or,  3  \i.(T argent,  4  k.  de  cuivre 
le  second      3      —      4  —  ô         — 

le  troisième  4      —      5  —  9         — 

Combien  fuut-il  prendre  de  chactm  d'eux  pour 
former  un  quatrième  lingot  qui  contienne 

75^  d'or,  lOO^'  d'argent  et  149^'  de  cuivre? 

Soient  x,  y,  z  les  nombres  de  grammes  de  chacun 
des  trois  premiers  lingots  qu'il  faut  prendre  pour 
former  le  quatrième.  On  remarque  que,  dans  le 
premier  lingot,  il  y  a  i^  d'or  sur  ;;  -|-  3  +  4  ou  9'', 

2 
c'est-à-dire   que  l'or  y  entre  pour  -.  Dans  le  se- 

cond  lingot  l'or  entre  pour  —  ,   et   dans  le   troi- 

4 
sieme   pour  —  .  Ce  métal  entrera  en  mêmes  pro- 

lo 

portions  dans  les  parties  x,y,z  qu'on  prendra  des 
trois  lingots;  on  devra  donc  avoir 

2  3  4 

~  x-\ V  A 3  =  7o. 

En  raisonnant  de  même  pour  l'argent  et  pour  le 
cuivre,  on  obtiendra  les  équations 


12' 


18 


4  c;  q 

9^+r2^+r8^'=^^^- 

En  réduisant  tout  au  dénominateur  36,  et  multi- 
pliant par  36,  on  met  ces  équations  sous  la  forme 

ix+    9^-f  83  =  2700,  (1) 

12x-t- 12(/-fl03  =  3600,    ■  (2 

161-1-15?/ -1-183=  5364.  (3) 

En  éliminant  x  entre  (1)  et  (2)  et  entre  (1)  et  (3), 
on  obtient  : 

3?/  -f-  43  =  900    et    3y  —  2z  =  36, 

d'où  3=- 144,    puis    ?/=l08. 

Dès  lors  l'équation  (1)  donne  x  =  72. 

12.  —  Si  l'on  avait  à  résoudre  quatre  équations  du 
premier  degré  entre  quatre  inconnues,  on  ramène- 
rait le  problème  au  cas  de  trois  équations  à  trois 
inconnues,  en  éliminant  l'une  des  quatre  inconnues 
trois  fois,  entre  l'une  des  équations  données  et  les 
trois  autres. 


Nous  ne  croyons  pas  nécessaire  de  développer 
ici  cette  question. 

13. —  Equations  du  second  degré.  —  Une  équation 
aune  inconnue  est  dite  du  second  degré  lorsque, 
après  avoir  fait  disparaître  les  dénominateurs, 
l'inconnue  y  entre  à  la  seconde  puissance. 

La  plus  simple  des  équations  du  second  degré 
est  une  équation  de  la  forme  x^  =:  49.  On  voit, 
dans  ce  sens,  que  x  représente  un  nombre  qui, 
élevé  au  carré,  donne  49,  ainsi  a;  =  7  est  une  so- 
lution. Mais  il  est  évident  que  x  ^  —  7  en  est  une 
autre,  car,  d'après  la  règle  des  signes,  le  produit  de 
—  7  par  —  7  est  aussi  -+-49.  On  réunit  ces  deux 
solutions  en  écrivant 


x=±:l. 


0) 


14.  Lorsque,  dans  une  équation  du  second  de- 
gré, on  a  opéré  toutes  les  réductions,  elle  ne  peut 
contenir  que  trois  espèces  de  termes  :  des  termes 
en  x-,  des  termes  en  x,  et  des  termes  indépen- 
dants de  X.  Telle  est  par  exemple  l'équation 

3x2  —  7x4-4  =  0,  (2) 

que  l'on  peut  écrire,  en  divisant  par  3, 


7     ,  4      „ 
r  +  3=«- 


(3) 


On   ramène   la   résolution   de  cette   équation   à 
celle   d'une  équation  de  la   forme  (i)  en  remar- 

7 
quant  que  x^  —  -  x  sont  les  deux  premiers  termes 

du  carré  d'un  binôme  dont  le  premier  terme  se- 

raitxetlesecond-I;carona: 

(^x--j^  =  x^--x  +  -, 

49 
Si  donc  nous  ajoutons  --  aux    deux    membres 

36 
de  l'équation  (3),  ce   qui  n'altérera  pas  l'égalité, 
nous  aurons 

/         7\,  ,   4       49  /         7\,      49       4 

(^-6/+3^36'     °"     (,^-6/=3l-3' 

et,  par  conséquent,  en  extrayant  la  racine  carrée 
des  deux  membres. 


d'où  enfin 


^-6=-V36~3' 

7_^.   /49       4 
^=6-V^6-3- 


On  conclut  de  ce  calcul  que,  dam  une  éq'ialion 
de  la  forme  (3),  r inconnue  est  égale  à  la  moitié  du 
coeflicient  de  la  première  puissance  de  x,  changé 
de  signe,  plus  ou  moins  la  racine  carrée  du  cai'ré 
de  cette  moitié,  suivi  du  terme  indépendant  de  x, 
p?'is  avec  un  signe  contraire  à  celui  qu'il  avait 
dans  le  premier  membre.  

En  réduisant  sous  le  signe    radical  v       ,     on 

trouve  ^„  y  dont  la  racine  est  ^  ;  les  deux  valeurs 
36  t) 

de  l'inconnue  sont  donc 

^=6  +  6  =  6  =  3     ''     ^=6-6-6-^- 

On  peut  vérifier,  en  eflfet,  que  ces  deux  valeurs 
satisfont  à  l'équation  (1). 
On  pourra  proposer  aux  élèves  les  exemples 

a;2  — 7x4-12  =  0,    d'où    x  =  3    et    x  =  4. 


ÉQUATIONS 


688 


EQUATIONS 


2a;j_9x— 143  =  0^    d'où  a:  =  ll     Ct    a;  =  — 6-- 

7x*  + 2x  —  185  =  0,     d'où    x  =  b    et   x  =  — oz- 
Sx»— 9x+6=0,     d'où    x=I     et    a;  =  2. 

15.  —  Il  peut  arriver,  dans  ce  calcul,  qu'on  ait 
à  extraire  la  racine  d'une  quantité  qui  n'est  point 
un  carré  exact;  on  sait  que,  dans  ce  cas,  la  racine 
ne  peut  être  obtenue  exactement  ;  c'est  ce  qu'on 
appelle  une  quantité  incommensurable.  Mais  on 
peut  en  approcher  autant  qu'on  le  veut:  on  peut 
toujours  trouver  deux  quantités  commensurables, 
différant  entre  elles  d'aussi  peu  qu'on  le  voudra,  et 
dont  les  carrés  comprennent  entre  eux  la  quantité 
dont  on  veut  extraire  la  racine.  Les  valeurs  appro- 
chées ainsi  obtenues  vont  en  se  rapprochant,  et 
tendent  vers  une  limite  commune  qui  est  ce  qu'on 
doit  entendre  par  la  valeur  de  la  quantité  incom- 
mensurable. 

Nous  donnerons  pour  exemple  l'équation 


x2— 25a;-f  155  =  0, 


d'où  l'on  tire 
25 


-\/f 


625       ,,,        1h±\jb 
15o  = • 


Si  l'on  calcule  la  racine  de  5  à  un  dix-millième 
près,  on  peut  écrire 

25  db  2,2309 
x= , 

ou         a;=  13,6154...    et    x=  12,3815... 

IG.  —  Il  peut  arriver  aussi  que,  dans  la  valeur 
de  X  obtenue,  le  radical  porte  sur  une  quantité  né- 
gative; dans  ce  cas  le  problème  n'admet  aucune 
solution.  Il  n'existe  aucune  quantité  réelle,  soit 
positive,  soit  négative,  dont  le  carré  soit  négatif; 

ainsi  une  expression  telle  que  y  —  3,  k  —  7, 
etc.^  ne  représente  rien  de  réel;  c'est  ce  que  l'on 
appelle  une  quantité  imaginaire.  Cependant  les 
valeurs  imaginaires  obtenues  pour  x  satisfont  à 
l'équation  qui  les  a  fournies,  pourvu  que  l'on  con- 
vienne d'appliquer  aux  quantités  imaginaires  les 
mômes  règles  de  calcul  qu'aux   quantités   réelles; 

K  —  1  étant  regardé  simplement  comme  une  ex- 
pression dont  le  carré  est —  l. 

On  peut  même  se  servir  des  quantités  imagi- 
naires pour  démontrer  certaines  propriétés  des 
quantités  réelles;  mais  ceci  n'entre  point  dans  notre 
sujet. 

17.  —  Voici  quelques  exemples  de  problèmes 
conduisant  à  une  équation  du  second  degré  à  une 
inconnue  : 

I.  —  Une  personne,  qui  a  1 20  000^  de  capital,  en 
a  fait  deux  parts  qui  lui  rapportent  l'une  2  800'  par 
an  et  l'autre  2  bOO';  on  demande  à  quel  taux  la 
première  est  placée,  sachant  que  la  seconde  e^t pla- 
cée à  un  taux  plus  élevé  de  l'. 

Soit  x  le  taux  demandé.  La  première  part  rap- 
portant annuellement  2  .SOO',  on  aura  cotte  première 
part  en  multipliant  l'intérêt  par  100  et  divisant 
par  le  taux,  ce  qui  donne 

28!i000 

X 

On  trouvera  de  même  que  la  seconde  part  a  pour 
expression 

250000 

x  +  l  ' 

En  écrivant  que  la  somme  de  ces  deux  parts 
forme  le  capital  de  120  000',  on  a  l'équation 


280000  _^  250000 
x  +  1 
25 


x 


?+ 


= 120000 
=  12, 


ou 

ou  encore  12x2 — ^ix  —  23  =  0, 

d'où  Ion  tire  x  =  i,  et  une  valeur  négative  étran- 
gère à  la  question. 

II.  —  Partnger  13  en  deux  parties  telles  que  2 
fois  le  carré  de  la  première  plus  3  fois  le  carré  de 
lasecojide  fasse  ï42. 

Soit  x  la  première  partie  ;  la  seconde  sera  13 — x; 
et  l'équation  du  problème  sera 

2x2  4-3  (13  — x)2  =  242. 

Effectuant  les  calculs  et  réduisant,  on  obtient 

5j;'^  — 78x-f  205  =  0, 

d'où  l'on  tire    x  =  5    et    x  =  10-« 

o 

III.  —  Partager  li  en  deux  parties  telles  que  la 
somme  de  leurs  cubes  fasse  407. 

Soit  x  la  première  partie;  la  seconde  sera  11  —  x; 
on  aura  donc 

x'  +  (ll  — x)3  =  407, 
ou,  en  développant  et  réduisant 

33xî  — 363x-f  924  =  0, 
ou  encore  x^— llx-|- 28  =  0, 

d'où  l'on  tire      x=:4    et    x  =  7. 

Ces  deux  solutions  ne  correspondent  qu'à  un 
même  mode  de  partage,  parce  que  les  deux  parts 
entrent  symétriquement  dans  le  calcul. 

18.  —  Il  n'entre  pas  dans  le  cadre  de  cet  article 
de  traiter  d'une  manière  générale  des  équations  du 
second  degré  à  2  inconnues.  Nous  nous  contente- 
rons de  donner  deux  exemples  de  ce  calcul  : 

I.  —  Trouver  la  base  et  la  hauteur  d'un  rec- 
tangle saclumt  que  son  périmètre  a  38  mètres  et  que 
sa  surface  C't  de  84  mètres  carrés. 

Soient  X  la  base  et  y  la  hauteur;  on  aura  les  deux 
équations 

2x  -f-  2î/  =  38    et    xy  =  84. 

La  première  peut  s'écrire  x  +y  =  19,  d'où 
y  =  19  —  X. 

Si  l'on  met  pour  y  cette  valeur  dans  la  seconde 
équation,  elle  devient 

x(19  — x)  =  84    ou    x2  —  19x -f  84  =  0, 

d'où  X  =  7     et    x=  12, 

par  suite  y  =  12    et    y  =  1' 

II.  —  Pour  clore  un  terrain  de  360"  de  tour,  on 
a  employé  des  planches  toutes  de  même  largeur,  et 
r<,n  remarque  que  si  les  planches  avaient  eu  6  cen- 
timètres déplus  en  largeur,  on  aurait  nnplyé  200 
pUmches  de  7noins.  On  demande  le  nombre  et  la 
largeur  des  planches  employées. 

Soient  X  la  largeur  des  planches,  exprimée  en  cen- 
timètres, et  y  le  nombre  des  planches  employées  ; 
on  a  d'abord 

xy  =  36000.  (1) 

La  seconde  condition  est  exprimée  par  l'équation 

(x  +  6)  {y  —  200)  =  36000. 

ou  xy  +  6y  —  200x  —  1200  =  36000 

Or,  en  remarquant  que,  en  vertu  de  l'équation  (1), 
celle-ci  se  réduit  à 

Oî/  — 200x=l200    ou    3y— 100x=600  (2) 


EQUILIBRE 


—  689  — 


ÉQUILIBRE 


on  en  tire  x  =  0,03 .y  —  6,  (3) 

et,  en  substituant  à  x  cette  valeur  dans  (1), 

y  (0,03 .  y  —  6)  =  36000    ou    O.OSt/*  —  6y  =  36000 

ou  encore         y^  —  200y  =  1200000 

d'où  y  =  1200,  et  une  valeur  négative  étrangère  à 
la  question. 

L'équation  (3)  donne  ensuite  a;  =  30. 

[H.  Sonnet.] 

EQUILIBUE.  —  Physique,  III  et  VIL  —  L'équili- 
bre est  l'état  d'un  corps  sollicité  par  deux  ou  plu- 
sieurs forces  qui  se  détruisent  sur  une  même  ré- 
sistance ou  s'annulent.  Un  corps  peut  n'être  pas 
toujours  mis  en  mouvement  par  une  force  qui  agit 
sur  lui  ;  il  suffit  qu'au  même  instant  vienne  agir 
une  autre  force  qui  seule  produirait  un  effet  égal 
et  opposé  à  la  première;  le  corps  restera  au  repos 
malgré  l'action  des  forces  antagonistes  ;  on  dit,qu'il 
est  en  équilibre. 

Tous  les  corps  étant  soumis  à  l'action  de  la 
pesaiiteitr  *  qui  les  dirige  vers  le  centre  de  la  terre, 
aucun  d'eux  n'est  dans  un  repos  absolu  ;  ceux  que 
nous  voyons  sans  mouvement  sont  simplement  en 
équilibre  :  une  résistance  détruit  ou  annule  pour 
eux  l'action  de  la  pesanteur,  et  si  cette  résistance 
vient  à  cesser,  le  corps  tombe. 

La  résistance  qui  s'oppose  à  la  chute  des  corps 
peut  afl'ecter  trois  formes  principales  :  c'est  le  fil 
qui  suspend  le  corps,  le  plan  sur  lequel  il  appuie, 
le  milieu  dans  lequel  il  est  plongé.  De  là,  pour  le 
physicien,  la  nécessité  d'étudier  trois  cas  d'équili- 
bre des  corps  pesants  :  les  corps  suspendus,  les 
corps  reposant  sur  un  plan,  et  les  corps  plongés. 

D'une  manière  générale,  comme  il  faut  que 
l'action  de  la  pesanteur  soit  détruite,  et  que  cette 
force,  appliquée  au  centre  de  gravité,  agit  dans  la 
direction  verticale,  il  faut  pour  l'équilibre,  ou  bien 
que  le  centre  de  gravité  soit  directement  soutenu, 
ou  bien  que  le  corps  solide  soit  soutenu  par  un 
point  situé  sur  la  verticale  passant  par  le  centre 
de  gravité. 

I.  Corps  suspendus.  —  Tout  corps  solide,  sus- 
pendu par  un  point  fixe  autour  duquel  il  peut  tour- 
ner, est  en  équilibre  quand  son  centre  de  gravité 
est  sur  la  verticale  menée  par  le  point  de  suspen- 
sion. Il  est  en  effet  soumis  à  la  pesanteur,  ou 
comme  sollicité  par  une  force  verticale  égale  à  son 
poids,  appliquée  en  son  milieu  sil  est  homogène, 
et  d'une  manière  générale  au  centre  de  gravité.  Si 
la  direction  prolongée  de  cette  force  rencontre  le 
point  de  suspension,  la  résistance  due  à  la  solidité 
de  la  partie  du  corps  comprise  entre  les  deux  points 
équilibre  le  poids,  et  celui-cin'a  plus  d'autre  action 
que  de  tendre  le  fil  de  suspension  qu'on  suppose 
assez  résistant.  Le  point  de  suspension  peut  être 
au-dessus  du  centre  de  gravité  ;  dans  ce  eus,  le 
corps  écarté  de  sa  position  d'équilibre  y  revient 
de  lui-même  après  quelques  oscillations  ;  on  dit 
que  l'équilibre  est  stable.  Quand  le  point  de  sus- 
pension est  au-dessous  du  centre  de  gravité,  pour 
peu  que  le  corps  soit  écarté  de  la  verticale,  la  force 
du  poids,  n'étant  plus  détruite  par  la  résistance  du 
fil,  entraîne  le  centre  de  gravité  le  plus  bas  pos- 
sible, le  corps  tourne,  l'équilibre  est  instable. 

L'équilibre  est  indifférent  si  le  corps  est  suspen- 
du au  centre  de  gravité  même. 

II.  Corps  appuyés  xur  un  plan.  —  Si  un- corps 
reposant  sur  un  obstacle  fixe,  un  plan  horizontal 
par  exemple,  ne  touche  le  plan  que  par  un  point, 
il  faut  que  la  verticale  du  centre  de  gravité  passe 
par  ce  point.  La  moindre  inclinaison  rompt  l'équi- 
libre et  fait  tourner  le  corps.  C'est  pourquoi  il  est 
si  difficile  de  faire  tenir  un  cône  sur  sa  pointe,  un 
œuf  sur  l'un  de  ses  bouts.  L'équilibre  peut  devenir 
stable,  si  le  corps,  bien  que  ne  reposant  que  par 
un  point,  est  prolongé  en  dessous  du  point  d'appui 

2'  Partie. 


par  des  portions  lourdes,  ou  bien  si  la  forme  du 
corps,  comme  dans  les  jouets  d'enfants  appelés 
poussah,  est  telle  qu'un  déplacement  ait  pour 
effet  d'élever  le  centre  de  gravité. 

Quand  le  corps  repose  sur  un  plan  par  deux  ou 
plusieurs  points,  il  suffit  pour  que  l'équilibre  soit 
stable  que  la  verticale  menée  par  le  centre  de  gra- 
vité rencontre  le  polygone  formé  par  les  points 
d'appui  et  qu'on  nomme  la  base  de  sustentation. 
On  s'en  rend  facilement  compte  avec  une  table  mu- 
nie d'une  rallonge  à  glissières;  en  chargeant  la  ral- 
longe d'un  poids  suffisant  pour  déplacer  le  centre 
de  gravité  et  l'amener  hors  de  la  base  de  sustenat- 
tion,  on  fait  tomber  la  table.  L'homme  dans  la 
marche  obéit  à  cette  loi  d'équilibre  ;  est-il  chargé 
d'un  fardeau,  il  se  penche  en  avant  pour  ramener 
la  verticale  du  centre  de  gravité  à  passer  par  la 
base.  D'une  manière  générale,  l'équilibre  sera 
d'autant  plus  facilement  rompu  que  la  verticale  du 
centre  de  gravité  pourra  plus  facilement  soi  tir  de 
la  base.  Il  en  résulte  que  non  seulement  plus  cette 
base  sera  grande,  mais  encore  plus  le  centre  de 
gravité  sera  abaissé,  et  plus  la  stabilité  sera  assurée  : 
c'est  une  remarque  qu'il  ne  faut  pas  perdre  de  vue 
dans  le  chargement  d'un  véhicule,  pour  y  placer 
dans  le  fond  les  corps  les  plus  lourds  si  on  veut 
qu'il  ne  renverse  pas  quand  par  hasard  il  rencontre 
un  plan  incliné. 

III.  Cù7-ps  plongés  et  flottaiits.  —  Tout  corps  plon- 
gé dans  un  liquide  est  soumis  à  son  poids  qui  le 
presse  verticalement  de  haut  en  bas  et  à  la  poussée 
verticale  du  liquide  s'exerçant  de  bas  en  haut. 
Quand  le  poids  du  corps  est  plus  grand  que  le 
poids  du  liquide  déplacé,  la  force  de  haut  en  bas 
l'emporte  sur  l'autre  et  le  corps  tombe  au  fond.  Il 
reste  où  on  le  met  si  son  poids  est  exactement  égal 
à  la  poussée  du  liquide.  Enfin,  quand  cette  dernière 
l'emporte  sur  le  poids,  le  corps  remonte  et  flotte  sur 
le  liquide.  A  ce  moment  le  poids  est  entièrement 
contrebalancé  par  la  poussée  du  liquide  :  c'est  ce 
que  l'on  exprime  en  disant  qu'un  corps  flottant 
déplace  un  poids  de  liquide  égal  au  sien.  On  com- 
prend, dès  lors,  que  l'on  puisse  faire  flotter  sur 
l'eau  des  corps  très  lourds,  comme  les  métaux,  si 
par  la  forme  qui  leur  est  donnée  ils  arrivent  à  dépla- 
cer un  poids  d'eau  considérable  capable  de  contre- 
balancer leur  poids.  On  saisit  de  même  l'utilité  des 
vessies  gonflées  d'air  que  les  personnes  s'essaj'ant 
à  la  nage  s'attachent  au  corps  pour  se  maintenir 
sur  l'eau  sans  effort. 

Un  navire  pèse  avec  sa  charge  autant  que  l'eau 
qu'il  déplace  ;  il  doit  donc  déplacer  plus  d'eau  dans 
une  rivière  et  s'enfoncer  plus  que  dans  la  mer,  puis- 
que l'eau  salée  est  plus  lourde  que  l'eau  ordinaire. 
Il  faut  donc  moins  le  charger  quand  il  doit  remonter 
un  fleuve. 

Si  le  corps  flottant  est  homogène,  comme  son 
centre  de  gravité,  point  d'application  de  son  poids, 
est  au-dessus  du  centre  du  liquide  déplacé,  l'équi- 
libre est  instable, kmom?,  cependant  qu'un  déplace- 
ment quelconque  du  corps  n'ait  pour  effet  d'élever 
le  centre  de  gravité. 

Si  au  contraire,  il  n'est  pas  homogène,  l'équilibre 
devient  stable  quand  le  centre  de  gravité  s'abaisse 
au-dessous  du  centre  du  liquide  déplacé.  C'est  ainsi 
que  pour  maintenir  la  stabilité  d'équilibre  des  na- 
vires ou  des  bateaux,  on  charge  dans  le  fond  des 
objets  lourds,  et  à  défaut  de  marchandises,  des 
pierres,  du  charbon,  qui  constituent  le  lest  destiné 
à  abaisser  le  plus  possible  le  centre  de  gravité  et  à 
permettre  au  navire  d'évoluer  sans  chavirer. 

On  a  fait  une  application  heureuse  de  la  théorie 
des  corps  flottanis  au  sauvetage  des  corps  tombés 
au  fond  de  la  mer,  comme  les  débris  d'un  vaisseau 
naufragé.  On  leur  attache  des  tonneaux  pleins  d'eau 
ayant  l'ouverture  en  dessous.  On  introduit  par 
cette  ouverture  de  l'air  qu'on  refoule  avec  des  pom- 
pes et  qui  chasse  l'eau  des  tonneaux  ;  le  poids  de 

44 


ÉQUIVALENTS 


—  G90  — 


ceux-ci  est  alors  bien  inférieur  au  poids  du  liquide 
qu'ils  déplacent  et  la  poussée,  en  les  soulevant, 
soulève  le  débris,  si  le  nombre  des  tonneaux  est 
suffisant. 

Expériences  et  applications.  —  1°  Prendre  une 
équerrc  isocèle,  y  marquer  le  centre  de  gravité  aux 
deux  tiers  de  la  ligne  qui  joint  le  sommet  au  milieu 
du  grand  côté  ;  suspendre  l'équerre  par  deux  de 
ses  points  successivement  ;  dans  chaque  cas,  la 
direction  du  fil  de  suspension  passe  par  le  centre 
de  gravité  et  peut  servir  à  le  retrouver. 

2°  Faire  reposer  un  cône  sur  la  pointe  :  on  l'y 
fait  tenir  en  suspendant  par  des  fils  plus  longs  que 
le  cône  deux  billes  lourdes,  aux  extrémités  d'un 
diamètre  de  la  base  ;  —  suspendre  au  centre  de 
gravité  d'une  petite  table  un  fil  à  plomb  ;  poser  la 
table  sur  un  plan  que  l'on  peut  incliner  à  volonté, 
on  constate  que  la  table  tombe  quand  la  verticale 
ne  passe  plus  entre  les  pieds. 

3°  Faire  flotter  sur  l'eau  un  cube  creux  de  fer- 
blanc,  à  arête  verticale  graduée  ;  on  connaît  ainsi 
de  suite  le  poids  de  l'eau  déplacée  qui  est  égal  au 
poids  du  cube  ;  —  découper,  pour  en  faire  une  boîte, 
une  feuille  de  fer-blanc;  la  feuille  brute  s'enfonce 
dans  l'eau  ;  soudée  en  boîte,  elle  flotte  sur  l'eau  ;  — 
faire  tenir  verticalement  dans  l'eau  un  tube  de  verre 
fermé  par  un  bout  en  mettant  peu  à  peu  dans  le 
fond  des  grains  de  plomb  ou  du  mercure  qui 
abaisse  le  centre  de  gravité  :  le  tube  est  lesté,  il 
est  très  stable  ;  le  lester  également  en  y  mettant 
de  l'eau,  sa  stabilité  est  bien  moins  grande,  le 
centre  de  gravité  n'est  pas  aussi  bas. 
«  [Haraucourt.] 

ÉQUIVALENTS.  —  Chimie,  II.  —  C'est  Wollas- 
ton,  né  à  Londres  en  176G,  qui  le  premier  a  intro- 
duit ce  mot  dans  la  science  ;  il  correspond  à  l'ex- 
pression de  poids  atomiques  de  Dalton,  ou  à  celle 
de  nombres  proportiomiels  employée  par  Davy. 
Quelle  que  soit  aujourd'hui  la  distinction  entre  la 
signification  du  mot  équivalent  et  celle  du  mot 
atome,  introduit  dans  la  théorie  des  combinaisons 
chimiques  par  Berzélius,  on  peut  affirmer  que  si 
celui-ci  conserve  quelque  chose  d'hypothétique,  le 
premier  est  et  restera  l'expression  synthétique  des 
lois  expérimentales  les  mieux  démontrées  et  les 
plus  rigoureuses  aussi  bien  que  les  plus  impor- 
tantes de  la  chimie. 

Lois  expérimentales  des  équivalents. —  Nous  allon  s 
énoncer  successivement,  et  dans  l'ordre  historique 
de  leur  découverte,  les  lois  sur  lesquelles  repose 
Yïàée  àes  équivalents.  Elle  en  ressort  clairement  et 
sera  mieux  comprise  que  par  une  définition  a  ;)riori. 

Quand  on  verse  une  dissolution  de  sulfate  neu- 
tre de  potasse  dans  une  dissolution  également 
neutre  d'azotate  de  chaux,  il  se  forme,  par  l'é- 
change réciproque  des  acides  et  des  bases,  un  sul- 
fate neutre  de  chaux  et  un  azotate  neutre  de  po- 
tasse . 

Ce  fait  important ,  connu  dès  le  milieu  du 
dix-huitième  siècle,  était  formulé  de  la  manière  sui- 
vante par  Wenzel  :  Les  quantités  relatives  des  bases 
qui  neutralisent  un  poids  donné  dun  certain  acide, 
sont  exactement  celles  qui  neutralisent  un  poids 
do7iné  d'un  autre  acide.  Autrement  dit  :  les  com- 
binaisons des  acides  et  des  bases  pour  former  des 
sels  se  font  suivant  des  proportions  définies. 

Pour  saturer  100  grammes  d'acide  sulfurique  il 

faudra  toujours 96«%l  de  potasse  anhydre, 

63  ,2  de  soude, 
166   ,1  de  bar^.., 
57  ,1  de  chaux, 
86   ,6  d'oxyde  de  zinc,  etc. 

P'iur  saturer  100  grammes  d'acide  azotique  le 
plus  concentré  possible,  il  faudra  toujours  : 

li^',!  de  potasse  anhydre, 
49  ,2  de  soude, 
121    ,'i  de  baryte. 


EQUIVALENTS 

44«',4  de  chaux, 

65  ,1  d'oxyde  de  zinc. 


Or  ces  derniers  nombres  sont  entre  eux  dans  les 
mêmes  rapports  que  ceux  qui  représentent  les 
poids  des  mêmes  oxydes  qui  saturent  100  grammes 
d'acide  sulfurique.  Ces  différents  poids  ou  plus 
exactement  ces  proportions  de  bases  s'équivalent 
donc  chimiquement  en  présence  d'un  même  poids 
d'acide. 

Par  la  proportion  :  n  100  d'acide  azotique  satu- 
rent 74,7  de  potasse  anhydre,  x  d'acide  azotique 
satureront  96,  i  de  potasse  anhydre,  »  on  trouve 
128,0  pour  représenter  la  proportion  d'acide  azo- 
tique concentré  qui  équivaut  chimiquement  à  100 
d'acide  sulfurique  en  présence  de 

9GB',1  de  potasse, 
03   ,2  de  chaux,  etc. 

Loi  de  Richter.  —  Si  on  plonge  une  lame  de  cuivre 
dans  une  dissolution  d'azotate  d'argent,  le  cuivre 
se  dissout  et  l'argent  se  précipite,  aucun  gaz  ne  se 
dégage.  Si  la  liqueur  était  neutre,  elle  le  restera; 
si  dans  l'azotate  de  cuivre  formé,  on  plonge  une 
lame  de  zinc,  ce  métal  se  substituera  au  cuivre, 
sans  que  la  neutralité  de  la  liqueur  soit  altérée. 
On  peut  donc  dire  avec  Richter  :  que  les  quantités 
différentes  d'oxyde  d'argent,  d'oxyde  de  cuivre, 
d'oxyde  de  zinc,  qui  saturent  un  même  poids  da- 
cide,  contienjient  le  même  poids  d'oxygène.  On 
peut  ajouter  que  les  différents  poids  d'argent,  de 
cuivre,  de  zinc  qui  entrent  dans  ces  proportions 
d'oxydes,  s'équivalent  en  présence  de  ce  même 
poids  d'oxygène  et  de  ce  même  poids  d'acide. 

Loi  de  Dalton  ou  loi  des  p>  oportions  ?nultiples. 
—  En  1801,  Dalton,  chimiste  anglais,  fut  amené  par 
l'étude  des  gaz  hydrogènes  carbonés  (gaz  des  ma- 
rais, gaz  oléfiant),  et  par  celle  de  l'oxyde  de  carbone 
et  de  l'acide  carbonique,  à  formuler  la  loi  suivante 
qui  porte  le  nom  de  loi  de  Dalton  ou  de  loi  des 
proportions  multiples  :  Quand  deux  corps  se  com- 
binent en  plusieurs  proportions  de  manière  à  for- 
mer ensemble  un  certain  nombre  de  composés  diffé- 
rents, les  divers  poids  de  F  un  combinés  à  un  même 
poids  de  l'autre  sont  entre  eux  dans  des  rapports 
simples  comme  l:2;l:3;2:3;l:4;l:5,  etc. 

Un  exemple  entre  mille  fera  comprendre  cette  loi 
générale.  On  connaît  cinq  composés  bien  définis  for- 
més d'azote  et  d'oxygène  seulement.  Les  poids 
d'oxygène  qui  s'y  trouvent  combinés  à  14  d'azote 
sont  :  8  ;  2  X  8  ;  3  X  8  ;  4  X  8  ;  5  X  8.  Pour  s'en 
rendre  compte,  I)alton  suppose  «  que  chaque  es- 
pèce de  matière  ou  corps  élémentaire  a  des  atomes 
d'un  poids  invariable,  et  que  la  combinaison  entre 
diverses  espèces  de  matières  ou  corps  élémentaires 
résulte  de  la  juxtaposition  de  leurs  atomes.  » 
C'est  l'antique  théorie  des  atomes  ressuscitant  dans 
la  science  nouvelle,  pour  expliquer  simplement  les 
bases  mêmes  de  la  chimie. 

Lois  de  Gay-Lussac.  —  Pour  former  de  l'eau,  il 
faut  employer  2  volumes  d'hydrogène  et  1  volume 
d'oxygène;  si  on  met  en  présence  d'autres  propor- 
tions de  ces  deux  gaz,  il  restera  un  excès  de  l'un 
ou  de  l'autre.  L'hydrogène  et  le  chlore,  pour  for- 
mer de  l'acide  chlorhydrique,  se  combinent  en 
volumes  égaux,  et  donnent  un  volume  d'acide  qui 
est  exactement  le  double  du  volume  de  chacun  des 
gaz.  Un  volume  d'azote  et  trois  volumes  d'iiydro- 
gène  donnent  deux  volumes  d'ammoniaque  sans 
résidu.  (V.  Eau,  Chlore,  .Ammoniaque.)  Gay-Lussac, 
en  généralisant  ces  observations  par  des  analyses 
multipliées,  put  formuler  les  lois  suivantes  que 
nous  recommandons  à  l'attention  des  lecteurs,  tout 
en  les  renvoyant  aux  mots  Chimie,  Chimie  organi- 
que, Combinaisojis  : 

1°  Les  gaz  se  combinent  en  volumes  égaux  ou  en 
volutnes  qui  sont  da?is  un  rapport  très  simple, 
comme  :  1  :  2  ;  1  :  3  ;  2  :  3. 


ÉQUIVALENTS 


—  691  — 


ERE 


2*  //  existe  un  rapport  simple  entre  la  somme 
des  volumes  des  gaz  composants  et  le  volume  du 
gaz  composé. 

Il  résulte  de  l'ensemble  de  toutes  ces  lois  : 

l"  Que  les  corps  se  combinent  en  proportions 
défi7iies,  constantes  pour  les  mêmes  corps.  Autre- 
ment dit  :  la  composition  d'un  corps  composé  est 
toujours  faite  d'après  les  mêmes  proportions,  quel 
que  soit  le  mode  de  préparation. 

2"  Que  les  proportions  de  deux  corps  différents 
capables  de  saturer  séparément  un  certain  poids 
d'un  troisième  C07'ps,  seront  les  mêmes,  quel  que 
soit  ce  poids  ou  ce  corps. 

Ce  sont  précisément  ces  proportions  qui,  rap- 
portées à  un  d'hydrogène,  constituent  les  équiva- 
lents des  corps  simples.  Ainsi  l'équivalent  de  l'oxy- 
gène est  8  parce  que  8  grammes  d'oxygène  se  com- 
binent h  1  gr.  d'hydrogène  pour  former  de  l'eau. 
L'équivalent  du  soufre  est  16,  parce  que  16  gram- 
mes de  soufre  se  combinent  à  1  d'hydrogène  pour 
former  de  l'acide  sulfhydrique  :  16  de  soufre  pour- 
ront saturer  un  poids  d'un  corps  quelconque  qui 
serait  saturé  par  8  d'oxygène  ou  par  1  d'hydrogène, 
et  ce  poids  sera  l'équivalent  de  ce  corps.  On  dira 
que  1  équivalent  du  fer  est  28,  parce  que  28  de  fer 
se  combinent  à  8  d'oxygène  pour  former  du  pro- 
toxyde  de  fer  et  à  16  de  soufre  pour  former  du 
protosulfure  de  fer. 

Equivalents  des  corps  composés.  —  L'équivalent 
d'un  corps  composé  est  égal  à  la  somme  des  équi- 
valents des  corps  simples  qui  entrent  dans  sa  com- 
position, chacun  d'eux  étant  multiplié  par  le  nom- 
bre des  équivalents  indiqué  dans  la  formule. 
(V.  Nomenclature.)  Ainsi  l'équivalent  de  l'acide 
sulfurique,  S03,H0  ou  SO*H,  sera  la  somme  de 
16  +  4X8  +  1;  celui  de  l'acide  azotique  Az05,HO 
sera  14  +  6x8+1. 

Utilité  des  équivalents.  —  Outre  l'importance 
théorique  capitale  de  la  notion  d'équivalents,  leur 
connaissance  intervient  constamment  dans  le  cal- 
cul des  poids  qu'on  emploie  ou  qu'on  veut  obtenir 
dans  les  réactions  des  laboratoires  ou  dans  celles 
de  l'industrie.  Supposons  qu'on  veuille  calculer  le 
poids  de  zinc  nécessaire  pour  saturer  1  kilogr. 
d'acide  sulfurique  en  formant  du  sulfate  de  zinc. 
La  formule  chimique  du  sulfate  de  zinc  étant 
ZnO,S03,  celle  de  l'acide  sulfurique  HO.SO',  nous 
dirons  :  l'équivalent  du  zinc  33  est  à  celui  de  la- 
cide  sulfurique  49  comme  a;  est  à  1  kilogr.,  ou 
33 


a;  =  —,  ou  en  grammes 


6735',4. 


Autre  problème  :  Quel  est  le  poids  de  fer  qui  se 
trouve  dans  1  kilog.  de  sesquioxyde  de  fer  pur?  — 
La  formule  de  cet  oxyde  est  Fe^O'.  Il  faudra  donc 
partager  1 000  gr.  en  deux  parties  qui  soient  entre 
elles  comme  2  fois  l'équivalent-du  fer  ou  2  X  28 
est  à  3  fois  celui  de  l'oxygène  ou  3  X  8. 

Remarque.  —  Dans  notre  époque,  la  théorie 
atomique,  soutenue  en  France  principalement  par 
M,  Wurtz,  a  introduit  dans  la  science  une  notion 
nouvelle,  celle  du  poids  atomique. 

L'équivalent  reste  la  base  inébranlable  de  toute 
théorie  chimique,  mais  des  considérations  théo- 
riques qui  ont  surtout  prévalu  dans  l'étude  des 
composés  organiques  (V.  Chimie  organique)  font 
considérer  l'équivalent  d'un  grand  nombre  de  corps 
comme  étant  différent  du  poids  de  son  atome  ou 
plutôt  du  nombre  qui  le  représente  proportionnel- 
lement. Sans  entrer  ici  dans  aucun  détail  sur  la 
théorie  atomique,  que  bon  nombre  de  chimistes 
distingués  considèrent  encore  comme  hypothétioue, 
nous  donnerons  cependant  l'énoncé  de  l'a  loi  d'Am- 
père sur  laquelle  elle  s'appuie  princioalement  : 
Des  volume-'  égaux  de  deux  gaz  mesurés  dans  des 
conditions  identiques  de  température  et  de  pres- 
sion, contiennent  le  même  nombre  d'atomes. 
[A.  Jacquemart.l 


£RE.  —  Histoire  générale,  XXXIX-XL.  (Etym.  : 
du  latin  aéra,  môme  signification.) 

Les  différents  peuples  comptent  leurs  années  à 
partir  de  certaines  époques  mémorables  qu'on  dé- 
signe sous  le   nom  de  commencement  de  l'ère. 
Notre  ère  a  la  prétention  de  remonter  jusqu'à  la 
naissance  de  Jésus-Christ,  bien  qu'il  ne   semble 
pas  qu'elle  ait  été  en  usage  dans  les  actes  publics 
avant   le   commencement   du  huitième  siècle,  et 
qu'elle  ait  été  imaginée  pour  la  première  fois  par 
le  moine  Denys  le  Petit,  en  532. 
Les  ères  principales  sont  : 
L'ère  des  Olympiades,  usitée   dans  l'ancienne 
Grèce,  en   l'honneur  des   jeux  Olympiques  (776 
avant  J.-C). 
L'ère  de  la  fondation  de  Rome  (753  avant  J.-C). 
L'ère  de  Nabo7iassar,  adoptée  par  Ptolémée  et 
les  anciens  astronomes  (747  avant  J.-C), 
L'ère  chrétienne. 

L'ère  de  la  République  française  (1792). 
L'ère  des  Juifs,  qui  prétend  remonter  à  la  créa- 
tion du  monde  (37G1  avant  J.-C). 

L'ère  vnisulmane,  qui  remonte  à  l'époque  de  la 
fuite  de  Mahomet  (622  après  J.-C). 

Enfin,  l'ère  ou  la  période  Julienne,  adoptée  par 
les  astronomes  de  nos  jours,  et  ainsi  nommée  par 
Joseph  Scaliger,  qui  l'introduisit  dans  la  chronologie 
en  1583,  en  l'honneur  de  son  père  Jules  Scaliger. 
Pour  comprendre  cette  dernière  période,  il  est 
nécessaire  d'expliquer  certaines  autres  périodes 
qu'il  est  utile  de  connaître,  parce  qu'on  les  trouve 
dans  les  calendriers.  Ce  sont  : 

1°  Le  Cycle  de  Méton  ou  le  cycle  lunaire.  Ce 
cycle,  de  19  ans,  a  donné  lieu  aux  Nombres  d'or^ 
ainsi  nommés  à  cause  des  caractères  d'or  avec  les- 
quels on  en  inscrivit  la  découverte  dans  l'ancienne 
Grèce.  Le  nombre  d'or  d'une  année  est  le  nu 
méro  de  cette  année  dans  une  période  de  19  an- 
nées solaires  au  bout  desquelles  les  phases  de  la 
Lune  reviennent  dans  le  même  ordre  et  aux  ■ 
mêmes  dates,  parce  que  19  années  solaires  font 
presque  exactement  235-  lunaisons.  Les  fêtes  des 
Grecs  étant  réglées  d'après  les  phases  de  la  lune, 
on  comprend  quel  enthousiasme  accueillit  la  dé- 
couverte de  Méton  donnant  le  moyen  de  reconnaî- 
tre dix-neuf  années  d'avance  les  époques  des  fêtes. 
En  divisant  le  millésime  d'une  de  nos  années,  aug- 
menté d'une  unité,  par  19,  le  reste  que  l'on  trouve 
est  le  nombre  d'or  de  cette  année.  Ainsi  1878  +  1 
=  19  X  98  +  17.  17  est  le  nombre  d'or  de  1878, 
c'est-à-dire  que  1878  est  la  17^  année  du  99'  cycle 
de  Méton  depuis  le  commencement  de  notre  ère. 
Lorsqu'un  millésime  augmenié  de  un  et  divisé  par 
19  donne  pour  reste  zéro,  comme  cela  est  arrivé  pour 
1880,  le  nombre  d'or  ae  cette  année  est  19.  11  est 
facile  au  reste  de  s'assurer  que  19  années  de  365 
jours  5  heures  48  minutes  47  secondes  5  tierces, 
et  235  lunaisons  de  29  jours  12  heures  44  minutes 
2  secondes  9  tierces,  donnent  presque  le  même 
temps,  et  qu'il  n'y  a  que  2  heures  4  minutes  18  se- 
condes 72  tierces  de  différence. 

2°  Cycle  solaire.  —  Le  cycle  solaire  est  une 
période  de  28  ans  au  bout  de  laquelle  les  mêmes 
jours  de  la  semaine  reviennent  aux  mêmes  quan- 
tièmes de  chacun  des  mois  de  l'année.  Comme 
l'année  civile  commune  de  365  jours  contient 
52  semaines  et  un  jour,  si  une  année  a  commencé 
un  lundi,  l'année  suivante  commencera  un  mardi, 
et  ainsi  de  suite.  Les  mêmes  jours  de  la  semaine 
reviendraient  de  cette  façon  aux  mêmes  quan- 
tièmes du  mois  au  bout  de  sept  ans,  s'il  n'y  avait 
pas,  dans  l'intervalle,  une  année,  quelquefois  deux 
années  bissextiles,  qui  font  reculer  chacune  les 
dates  de  l'année  suivante  de  deux  jours  de  la  se- 
maine. Mais  au  bout  de  7  fois  4  ou  28  ans,  les 
années  bissextiles,  au  nombre  de  7,  ayant  produit 
un  dérangement  de  7  jours  en  plus  que  les  années 
communes,  la  période  est  exacte.  Pour  trouver  le 


ESCLAVAGE 


—  602  — 


ESCLAVAGE 


cycle  solaire  d'une  année,  on  ajoute  9  au  millésime 
de  cotte  année,  on  divise  le  résultat  par  28,  et  le 
reste  est  le  cycle  solaire.  Ainsi  l'opération  1878 
+  !)  =  28  X  67  +  11,  fait  voir  que  le  chiffre  du 
cycle  solaire  pour  1878  est  11,  c'est-à-dire  que  1878 
est  la  onzième  année  du  soixante-huitième  cycle 
solaire  écoulé  depuis  le  commencement  de  notre 
ère,  le  premier  cycle  étant  supposé  commencer 
9  ans  avant  notre  ère. 

3"  Ind-iction  romuine.  —  C'est  une  période  de 
15  années  que  l'on  suppose  avoir  commencé  3  ans 
avant  notre  ère,  et  dont  on  s'est  servi  depuis  l'an 
313  jusqu'à  l'établissement  de  l'ère  chrétienne. 
Cette  période  ne  paraît  avoir  aucune  base  astro- 
nomique et  avoir  été  imaginée  pour  éviter  de 
compter,  comme  on  le  faisait  auparavant,  par  les 
années  de  règne  d'un  empereur  ou  d'un  pape.  En 
ajoutant  3  au  millésime  d'une  année  et  divisant 
le  résultat  par  15,  on  a  l'indiction  romaine  de 
cette  année.  Ainsi  1878  +  3  =  15  X  125  -f  6; 
l'indiction  romaine  de  1878  est  6. 

On  obtient  la  période  julienne  en  multipliant 
le  cycle  de  Méton,  19  ans,  par  le  cycle  solaire, 
28  ans,  ce  qui  donne  d'abord  une  période  de  5:>2 
ans  appelée  période  dionysienne,  de  Denys  le 
Petit,  son  inventeur;  puis  en  multipliant  cette 
période  de  532  ans  par  l'indiction  romaine  de  15 
ans,  ce  qui  fait  7  980  ans  pour  la  période  julienne. 

On  admet  que  l'année  1880  de  l'ère  chrétienne 
correspondra  à  l'an  : 

6593  de  la  période  julienne, 

26;iG  des  Olympiades, 

2C33  de  la  fondation  de  Rom_e, 

89  de  la  République  française,  qui  commence  le 
22  septembre. 

5(J4Î  des  Juifs,  qui  commence  le  6  septembre. 

1298  des  Musulmans,  qui  commence  le  4  décem- 
bre. [J.  Vinot.) 

ESCLAVAGE.  —  Histoire  générale,  XXXIX-XL. 
—  1°  Cojidition  de  l'esclove,  —  «  Le  besoin  réci- 
proque que  le  pauvre  a  du  riche  et  que  le  riche  a 
du  pauvre,  fit  des  serviteurs.  Mais  dans  cette  sorte 
de  régime  patriarcal,  esclaves  ou  serviteurs,  c'est 
tout  un...  Un  curieux  usage,  qui  subsista  long- 
temps dans  les  familles  athéniennes,  nous  montre 
comment  l'esclave  entrait  dans  la  famille.  On  le 
laisait  approcher  du  foyer;  on  le  mettait  en  pré- 
sence de  la  divinité  domestique;  on  lui  versait  sur 
la  tète  de  l'eau  lustrale,  et  il  partageait  avec  la 
famille  quelques  gâteaux  et  quelques  fruits.  »  (Fus- 
tel  de  Coulanges),  Le  nouveau  serviteur  acquérait 
donc  la  religion  de  son  maître,  mais  par  là  même, 
il  perdait  sa  liberté.  «  Il  était  attai-hé  à  la  famille 
pour  toute  sa  vie  et  même  pour  le  temps  qui  sui- 
vait sa  mort  ;  »  car  on  l'enterrait  dans  le  tombeau 
domestique,  et  ses  enfants  continuaient  après  lui 
sa  servitude. 

Celle-ci  était  absolue.  Les  formalités  d'achat  et 
de  vente  étaient  les  mêmes  pour  l'esclave  et  pour 
le  bétail  ;  le  maître  avait  sur  lui  droit  de  mort  et 
de  vie;  la  loi  ne  le  connaissait  point,  ni  pour  le 
protéger,  ni  pour  le  punir.  S'il  était  blessé,  tué, 
c'était  son  maître  qui  recevait  une  indemnité 
comme  pour  la  mort  d'un  cheval  ou  le  dommage 
d'un  meuble.  Pour  lui,  point  de  mariage,  point  de 
paternité  ;  sa  femme,  ses  enfants  étaient,  comme 
lui-même,  à  son  maître.  On  l'appelait  enfant,  puer. 
En  effet,  c'était  un  mineur,  l'enfant  de  la  famille, 
toujours  incapable  de  se  conduire,  pour  qui  l'on 
devait  agir  ci  vouloir.  Le  maîire  était  légalement 
son  tuteur,  son  père,  armé  d'un  pouvoir  sans  li- 
mite. 

Pourtant  l'esclave  conservait  son  rang  d'homme. 
Avec  la  famille,  il  assistait  aux  prières,  il  prenait 
part  aux  fêtes  religieuses  ;  mort,  il  avait  sa  place 
au  tombeau  domestique.  Surtout,  on  le  chargeait 
souvent  d'instruire  les  enfants  du  maître,  et  l'af- 
franchissement pouvait  le  faire  légalement  citoyen. 


C'était  donc  un  homme,  mais  devenu  la  propriété 
d'un  autre  homme. 

Jamais  les  anciens  n'ont  senti  le  plus  faible  doute 
sur  le  droit  de  posséder  l'homme,  que  ne  com- 
prennent plus  les  modernes.  «  Il  est  évident,  dit 
Aristote,  que  parmi  les  hommes,  les  uns  sont  na- 
turellement libres  et  les  autres  naturellement  os- 
claves;  pour  ces  derniers,  la  servitude  est  aussi 
utile  que  juste.  »  On  la  jugeait  surtout  juste  parce 
qu  elle  semblait  nécessaire. 

En  effet,  l'esclavage  fut  la  pièce  fondamentale 
et  maîtresse  de  l'ordre  social  antique.  L'homme 
n'ayant  encore  découvert  de  machine  que  lui- 
même,  sur  l'esclave  reposaient  l'agriculture  et 
l'industrie,  c'est-à-dire  la  nourriture  et  l'existence 
des  sociétés.  Aussi  l'esclavage  est-il  plus  vieux 
que  l'histoire  même,  et  le  souvenir  de  son  origine 
n'est  pas  parvenu  jusqu'à  nous.  Les  monuments 
de  l'Egypte  nous  montrent  des  marchés  et  des 
ateliers  de  captifs  ;  la  Bible  parle  des  esclaves  de 
Palestine  et  de  Phénicie;  dans  Homère,  Antinous 
menace  Ulysse  de  l'envoyer  vendre  en  Chypre. 

2°  L'esclavnge  en  Grèce.  —  Nous  savons  par 
Thucydide  que  les  esclaves  étaient  nombreux  en 
Grèce.  A  Sparte  ils  nourrissaient  l'orgueilleuse 
inaction  de  leurs  maîtres.  On  lit  dans  Plutarque 
que  dans  une  seule  campagne,  les  Thébains  en 
enlevèrent  50  Oi'O  de  Laconie.  Presque  au  niveau 
d'esclaves,  et  plus  nombreux  encore  étaient  placés 
les  Ilotes,  descendants  des  Laconiens  vaincus  ; 
c'étaient  des  paysans,  tenanciers  héréditaires,  liés 
au  sol  plutôt  qu'à  leur  maître,  loin  des  regards 
duquel  ils  vivaient.  Jlais  la  servitude  exaspérait 
leur  haine  séculaire,  toujours  prête  à  éclater  en 
insurrections.  Au  milieu  de  leur  foule  hostile  veil- 
lait la  petite  garnison  du  peuple  lacédémonien 
Sparte,  en  effet,  ne  fut  jamais  qu'un  camp  sous  les 
armes  ;  aux  repas  mêmes  les  citoyens  portaient 
leur  épée.  Cette  inquiétude  était  justifiée.  A  peine 
le  tremblement  de  terre  de  46^  (av.  J.-C.)  avait-il  bou- 
leversé la  Laconie,  écrasant  20  0'  0  personnes,  que 
les  Ilotes  étaient  en  armes  sur  le  montithome,  où 
ils  résistèrent  dix  ans.  L'Athénien  Démostliène 
s'étant  rendu  maître  de  Pylos,  dans  la  guerre  du 
Péloponèse,  les  Ilotes  se  soulevèrent;  Sparte  ne 
s'en  tira  que  par  un  massacre  Mais  les  survivarits 
restèrent  toujours  à  l'affvit  d'un  malheur  public 
pour  une  révolte  nouvelle.  Epaminoi.das  en  peu- 
pla sa  Messène,  plantée  comme  un  poignard  au 
cœur  du  Péloponèse. 

Athènes,  ville  de  travail,  d'industrie  et  de  com- 
merce, comptait  400  000  esclaves  pour  20000  ci- 
toyens. Les  négociants  de  Corinthe  en  possédaient 
plus  de  360  000.  Mais  le  besoin  même  que  leurs 
maîtres  avaient  d'eux  pour  le  commerce  et  l'indus- 
trie, la  loi  du  travail  qui  s'imposait  à  tous,  libres 
ou  non,  enfin  des  mœurs  plus  humaines,  tempé- 
raient ici  l'esclavage.  Athènes  vécut  exempte  des 
mortelles  alarmes  qui  tourmentaient  sa  rivale. 

3"  L'escl'ivoge  à  Rome.  —  Avec  les  victoires  de 
Rome  s'étaient  multipliés  d'effroyables  encans 
d'esclaves.  Car  la  défaite  entraîna  toujours  en  droit 
la  perte  des  biens  et  de  la  personne.  —  «  Etes- 
vous  les  députés  et  les  orateurs  envoyés  par  le 
peuple  de  la  ville  pour  vous  mettre,  vous  et  le 
peuple  de  cette  ville,  en  ma  puissance?  disait  le 
consul  vainqueur.  —  Nous  le  sommes.  —  Le  peuple 
de  votre  ville  est-il  libre  de  disposer  de  lui-même? 

—  Il  l'est.  —  Vous  donnez-vous  à  moi  et  au  peuple 
romain,  vous,  le  peuple  de  la  ville,  avec  la  ville, 
la  terre,  l'eau,  les  limites,  les  temples,  les  biens 
meubles,  et  toutes  les  choses  divines  et  humaines? 

—  Nous  les  donnons.  —  Et  moi  je  les  reçois.  » 
.\près  ce  dialogue,  le  vainqueur  était  maître  ;  sui- 
vant l'ordre  du  sénat,  il  rendait  aux  vaincus  une 
partie  de  leur  terre  et  de  leurs  biens  ou  les  con- 
fisquait eux-mêmes  pour  les  vendre  au  profit  du 
trésor  public.  Dans  la  première  guerre  punique 


ESCLAVAGE 


—  693  — 


ESCLAVAGE 


on  asservit  ainsi  tous  les  Siciliens  qui  ne  purent 
■se  racheter  d'une  livre  d'argent.  Après  la  défaite 
d'Antioclius,  on  mit  en  vente  les  150  OOU  habitants 
de  l'Épire. 

Derrière  les  armées  suivaient  les  marchands 
•d'esclaves.  Les  captifs  étaient  dirigés  vers  les  mar- 
chés, dans  les  grandes  villes,  surtout  à  Délos.  Là, 
on  les  exposait  nus  sur  un  échafaud  qui  tournait 
sur  lui-même.  On  leur  avait  blanclii  les  pieds  à  la 
craie  ;  ils  portaient  des  écriteaux  indiquant  leurs 
défauts  et  leurs  maladies  ;  le  marchand  coiffait  d'un 
bonnet  de  laine  ceux  qu'il  vendait  sans  garantie, 
et  d'une  couronne  ceux  qui  avaient  été  faits  pri- 
sonniers de  guerre. 

Vendu,  l'esclave  suivait  l'acheteur  qui  l'envoyait 
à  sa  ferme,  ou  le  gardait  dans  sa  maison  de  ville, 
pour  le  travail  de  l'industrie  ou  la  domesticité. 
Mais  la  plupart  allaient  avec  les  moutons  et  les 
bœufs  peupler  le  désert  des  Idtifumlia,  ces  vastes 
domaines  des  patriciens  qui  ruinèrent  l'agriculture 
de  l'Italie. 

Achetés  à  bas  prix,  ces  esclaves  vivaient  en  im- 
menses troupeaux  sur  les  terres  des  grands  pro- 
priétaires de  Rome,  surveillés  par  l'intendant  de 
la  ferme;  chaque  mois  on  leur  distribuait  du  blé, 
du  sel,  avec  un  peu  d'olives  et  de  poisson  salé. 
Habituellement,  ils  ne  portaient  pas  de  chaînes  ; 
mais  au  moindre  soupçon  d'évasion  on  les  en 
accablait  sans  pitié.  Leur  situation  était  si  misé- 
rable, que  ces  malheureux  «  en  Sicile  étaient  obli- 
gés d'aller  voler  sur  les  grands  chemins,  armés  de 
lances  et  de  massues,  couverts  de  peaux  de  bêtes, 
de  grands  chiens  autour  d'eux.  »  (Diodore  de 
•Sicile.) 

Dès  le  second  siècle  avant  Jésus-Christ,  ils  con- 
stituaient un  redoutable  danger.  En  185,  il  se 
forma  en  Apulie  une  conspiration  servile  et  7  000 
esclaves  furent  misa  mort.  En  135,  les 400  esclaves 
du  Sicilien  Damophilo  égorgent  leur  maître  ;  ils 
s'emparent  de  la  ville  d'Enna.  De  toutes  parts  leurs 
compagnons  révoltés  viennent  se  joindre  à  eux  ; 
bientôt  ils  sont  deux  cent  mille  et  prennent  pour 
chef  le  Syrien  Eunus,  Ils  écrasent  quatre  préteurs 
et  un  consul  envoyés  contre  eux.  Mais  en  132, 
<juelques  traîtres  livrèrent  à  Rupilius  la  citadelle 
d'Enna  ;  Eunus  surpris  fut  étranglé  dans  son  ca- 
chot, et  d'innombrables  supplices  rassurèrent  les 
vainqueurs. 

Cependant  en  73  (av.  J.-C.)  les  78  gladiateurs 
du  Campanien  Batiatus  s'évadaient  de  Capoue  et 
se  fortifiaient  sur  le  Vésuve.  Victorieux  d'un  pré- 
teur, ils  appelaient  aux  armes  les  esclaves  des 
environs,  et  leur  chef  Spartacus  conduisait  80  000 
■soldats  vers  les  Alpes,  c'est-à-dire  à  la  liberté. 
Mais  la  vengeance  leur  tenait  au  cœur  ;  ils  revinrent 
piller  l'Italie.  Malheureusement  la  jalousie  mit 
la  division  dans  leur  camp.  Forcé  par  ses  soldats 
à  livrer  bataille,  «  Spartacus  se  précipita  au  mi- 
lieu des  ennemis,  et,  resté  seul  par  la  fuite  de 
tous  les  siens,  il  vendit  chèrement  sa  vie.  »  (Plu- 
tarque.)  —  V.  Guerres  serviles. 

Depuis  Auguste,  il  n'y  eut  plus  de  prises  d'armes. 
Les  esclaves  comme  les  hommes  libres  s'endor- 
mirent dans  la  langueur  de  l'empire.  Ils  eurent 
d'ailleurs,  par  l'adoucissement  progressif  des 
mœurs,  une  situation  peu  à  peu  meilleure  ;  mais 
corrompus  par  leurs  maîtres,  ils  les  corrompaient 
à  leur  tour.  A  côté  d'Esope,  de  Phèdre,  de  Térence 
et  d'Epictète,  il  faut  placer  les  Chrysogonus,  les 
Pallas  que  l'affranchissement  ne  relevait  point  de 
leur  dégradation,  et  qui  devinrent  les  maîtres  du 
monde. 

4°  Résultats  de  l'esclavage  dans  Pantiquité.  — 
La  société  antique  entrait  dans  une  décadence 
mortelle.  «  Le  mal  réel  qui  la  minait  ne  tenait  ni 
au  gouvernement,  ni  à  l'administration.  C'était  un 
mal  social,  et  rien  ne  pouvait  en  tarir  la  source,  à 
moins  qu'une  société  nouvelle  ne  vînt  remplacer 


la  société  antique.  Ce  mal  était  l'esclavage.  Le 
système  antique  étant  fondé  sur  la  guprre,  sur  la 
conquête  de  l'homme  (l'industrie  est  la  conquête 
de  la  nature),  ce  système  devait,  de  guerre  en 
guerre,  de  proscription  en  proscription,  de  servi- 
tude en  servitude,  aboutir  vers  la  fin  à  une  dépo- 
pulation effroyable.  Tel  peuple  de  l'antiquité  pou- 
vait, comme  les  sauvages  d'Amérique,  se  vanter 
d'avoir  mangé  cinquante  nations.  »  (Michelet.)  Long- 
temps les  esclaves  grecs,  carthaginois ,  syriens 
avaient  cultivé  les  arts  et  l'industrie  pour  leurs 
maîtres;  ces  peuples  usés,  on  leur  substitua  les 
Germains,  les  Scythes,  des  barbares.  L'ignorance 
de  ceux-ci  tua  l'industrie,  qui  ne  produisit  plus; 
et  la  société,  comme  la  terre  même,  entre  des 
mains  inhabiles  et  paresseuses,  devint  absolument 
stérile.  La  désolation  couvrit  le  monde  ;  le  désert 
s'étendit  chaque  jour.  La  société  antique  succom- 
bait sous  la  montée  de  l'esclavage,  quand  arri- 
vèrent les  barbares. 

5°  L'esclavage  au  moyen  âge.  —  Les  esclaves 
pourtant  ne  disparurent  point  avec  l'invasion.  Les 
lois  des  Francs,  des  Wisigoths  sont  même  très 
cruelles  à  leur  égard.  La  femme  libre  qui  épousait 
un  esclave  pouvait  être  mise  à  mort  ;  en  tout  cas 
elle  devenait  esclave  avec  son  mari. 

Mais  l'influence  du  christianisme  devait  être  plus 
puissante.  Les  prédications  du  clergé,  l'exemple 
des  évoques,  les  décisions  des  conciles  réformèrent 
lentement  les  mœurs. 

Le  nombre  des  esclaves,  dont  la  situation  s'adou- 
cit graduellement,  diminua  peu  à  peu.  Au  xii"  siè- 
cle, le  concile  de  Toulouse  (1110)  parle  encore  des 
ménagements  que  leur  doivent  les  maîtres  ;  mais 
le  silence  des  Etablissements  de  saint  Louis  à  cet 
égard  prouve  qu'ils  avaient  complètement  disparu 
au  siècle  suivant.  La  servitude  antique  s'était  trans- 
formée en  servage  *. 

6"  Esclavage  aux  coloni'^s.  —  Aboli  en  Europe, 
l'esclavage  s'introduisit  aux  colonies.  Affamés  d'or, 
les  colons  astreignirent  les  Américains  au  travail  ' 
des  mines.  Malgré  les  ordonnances  d'Isabelle  de 
Gastille  pour  protéger  «  ses  pauvres  Indiens  »,  ceux- 
ci  furent  réduits  en  servitude.  La  barbarie  fut  telle 
qu'en  15ii7  60  000  indigènes  survivaient  à  peine  à 
Haïti  des  900  000  que  Colomb  y  avait  comptés  en 
1492.  En  151  fi,  il  n'en  restait  plus  que  14  000,  et 
beaucoup  se  tuaient  de  désespoir.  Témoin  de  ces 
misères  depuis  1502,  Las  Casas  essaya  d'y  porter 
remède, mais  en  vain;  il  fallait  des  bras  pour  tirer 
du  sol  les  métaux  précieux  et  les  productions 
coloniales.  C'est  alors  que,  suivant  l'exemple  des 
Portugais,  on  commença  d'exploiter  l'immense 
réservoir  de  force  humaine  que  contenait  l'Afrique. 
Rapidement  généralisée,  la  traite  des  noirs  emplit 
bientôt  les  colonies  d'esclaves.  Chaque  année,  sur 
tous  les  points  de  la  côte,  s'abattaient  les  navires 
européens  pour  emporter  à  travers  l'Océan  leur 
cargaison  «  d'ébène  ».  En  1786,  350  vaisseaux  em- 
portèrent plus  de  100  000  têtes  de  bétail  humain. 

Dans  les  colonies  françaises  ces  malheureux 
étaient  livrés  au  caprice  des  planteurs  jusqu'en 
1685.  A  cette  époque  fut  publié  le  Code  noir. 
Malgré  sa  dureté,  ce  code  imposait  aux  maîtres 
de  nourrir  et  vêtir  suffisamment  leurs  esclaves  ;  il 
ordonnait  la  punition  du  meurtre  d'un  esclave,  et 
défendait  de  vendre  séparément  le  mari,  la  femme 
et  leurs  enfants  en  bas  âge.  Mais  le  noir  qui  frap- 
pait, même  légèrement,  son  maître,  sa  maîtresse 
ou  leurs  enfants,  était  puni  de  mort  ;  il  ne  pouvait 
porter  d'armes,  ni  devenir  propriétaire.  L'article 
44  l'assimilait  à  toute  autre  propriété  mobilière. 
Enfin  une  prime  de  2  millions  était  accordée  cha- 
que année  aux  armateurs  qui  faisaient  la  traite 
et  dont  le  centre  principal  était  le  port  de 
Nantes. 

7"  Abolition  de  l'esclavage.  —  Mais  le  code  noir 
lui-même,  malgré  sa  rigueur,  tomba  en  désuétude 


ESCOMPTE 


694  — 


ESCOMPTE 


avant  d'avoir  été  appliqué.  L'arbitraire  fut  le  régime 
des  nègres  jusqu'au  29  août  1703.  Quelques  mem- 
bres de  la  Convention  voulurent  s'opposer  au 
décret  d'émancipation,  craignant  pour  nos  colo- 
nies l'explosion  des  haines  séculaires  amassées 
dans  le  cœur  des  esclaves.  «  Périssent  les  colonies 
plutôt  qu'un  principe,  »  répondit  Robespierre,  et 
Icsclavagc  fut  aboli.  Il  reparut  après  les  troubles 
de  Saint-Domingue  et  la  captivité  de  Toussaint 
Louverture,  sous  le  Consulat.  Mais  dès  lSt4  les 
gouvernements  français  et  anglais  s'occupèrent  de 
supprimer  la  traite.  Enfin ,  après  une  série  de 
mesures  progressives,  le  1"  août  183.S  il  n'y  eut 
plus  d'esclaves  dans  les  Antilles  anglaises.  L'un 
des  premiers  actes  du  gouvernement  républicain 
provisoire  de  1848  fut  de  supprimer  l'esclavage 
dans  toutes  les  colonies  françaises. 

Les  autres  Etats  ont  peu  à  peu  suivi  cet  exem- 
ple, qui  est  devenu  général  depuis  l'émancipation 
des  nègres  aux  Etats-Unis.  Vers  la  fin  de  1859,  le 
supplice  de  John  Brown,  coupable  d'avoir  pousse 
les  noirs  à  s'armer  pour  leur  liberté,  avait  soulevé 
l'opinion.  Lincoln,  chef  des  abolitionistes  des  Etats 
du  Nord,  fut  élu  président  le  6  novembre  1860. 
Aussitôt  les  Etats  à  esclaves  prirent  les  armes. 
Après  une  guerre  terrible,  etl'assassinat  de  Lincoln 
(1866;,  les  esclavagistes  furent  complètement  vain- 
cus, et  l'esclavage  aboli  (1866).  En  1872,  le  Brésil 
adoptait  une  loi  transitoire  pour  préparer  l'aflfran- 
chissement  des  noirs.  Ceux-ci  sont  devenus  libres 
le  1"  janvier  1878. 

8°  L esclavage  en  1879.  —  Et  pourtant  les  horreurs 
de  la  traite  durent  encore,  au  centre  et  à  l'est  de 
l'Afrique,  malgré  le  zèle  courageux  des  Livingstone 
et  des  Cameron  qui  en  ont  prêché  l'abolition  au 
centre  même  du  continent  africain.  Chaque  année 
plus  de  100  000  malheureux  sont  conduits  enchaînés 
vers  Iç  rivage  de  la  mer,  qu'ils  franchissent,  sur- 
tout par  la  complicité  des  autorités  égyptiennes. 
De  là,  cette  marchandise  humaine  est  répartie  et 
vendue  dans  les  maréhés  de  l'Asie  musulmane. 
Cliaque  année  «  le  seul  empire  égyptien  importe 
70  000  nègres,  le  quart  seulement  de  ce  qui  a  été 
arraché  de  ses  foyers,  les  blessures  dans  la  razzia, 
les  traitements  barbares,  la  fatigue  et  la  fièvre 
ayant  enlevé  les  trois  quarts  des  victimes...  Avec 
ce  que  consomment  l'Arabie,  la  Berbérie,  le  Sahara, 
et  quelques  traitants  d'Europe,  combien  les  nègres 
paient-ils  annuellement  au  Minotaure  ?  Un  million 
d'hommes  peut-être  lui  sont  jetés  en  pâture  dans 
le  cours  des  douze  mois.  »  (O.  Reclus.)  Et  cela, 
malgré  la  surveillance  des  flottes  et  des  agents  de 
l'Europe  civilisée.  [Paul  Schàfer.J 

ESCOMPTE  (Règle  d').— Arithmétique,  XLIIL— 
1.  —  On  nomme  Escompte  la  retenue  que  l'on  opère 
sur  la  somme  énoncée  dans  un  effet  de  commerce 
lorsqu'on  l'acquitte  avant  son  échéance. 

On  distingue  deux  espèces  d'escompte  :  l'es- 
compte commercial  ou  eii  dehors,  qui  est  celui 
dont  on  fait  usage  en  France,  et  l'escompte  en  de- 
dans, usité  dans  quelques  pays  étrangers. 

Nous  parlerons  d'abord  de  l'escompte  en  dehors. 
Cet  escompte  se  calcule  comme  V Intérêt  *.  Sup- 
posons, par  exemple,  que  l'on  ait  à  faire  escompter 
un  billet  de  720'  payable  dans  90  jours,  le  taux 
de  l'intérêt  étant  de  6  pour  100.  On  calculera  ce 
que  rapportent  720'  à  ce  taux  en  90  jours  ;  on  trou- 
vera : 


720*.  6. 90 
30  000 


ou      10',80. 


Le  banquier  prend   ordinairement  en  outre  une 
commission,  qui  est  de  '  pour  lOO    de    la   somme 

.  .  720' 

énoncée  ;  ici  ce  serait  ■- —  ou  3',60.     Il    retien- 

200  ' 

drait  donc  en    tout   10', 80  +  3',60  ou    14',40  ;  et 


paierait  par  conséquent  720'  —  14',40,  c'est-à-dire 
705',GC. 

Autre  exemple  :  Un  billet  de  4800'  a  été  so7is- 
crit  au  \*'  mars,  à  une  échéance  de  90  jours;  le 
détenteur  du  billet  veut  le  faire  escompter  le  17 
avril  suivant  ;  quel  sera  l'escompte,  le  taux  étant 
de  5  pour  100  ?  Au  17  avril,  il  y  a  déjà  47  jours  d'é- 
coulés depuis  la  signature  du  billet,  il  n'en  reste 
donc  plus  que  43  jusqu'au  jour  de  l'échéance.  L'in- 
térêt de  4800'  à  5  pour  lOO  en  43  jours  est 


4800'.  5.43 
36  000 


OU     28',67; 
4800 


tel  sera  l'escompte.  En  y  ajoutant  -— -  ou  24'  de 

commission,  on  aura  52',67  pour  la  somme  que  le 
banquier  aura  à  retenir:  il  paiera  donc  au  déten- 
teur du  billet  4800'—  52',67  c'est-à-dire  4747',33. 
2.  —  es.  —  On  établit  facilement  la  formule 
de  l'escompte  en  dehors.  Soient  a  la  somme  énoncée 
dans  le  billet,  n  le  nombre  de  jours  compris  entre 
la  date  de  la  présentation  du  billet  et  la  date  de 
son  échéance,^  le  taux  de  l'intérêt  ;  l'escomptée, 
calculé  comme  l'intérêt  ainsi  que  nous  venons  de 
le  dire,  aura  pour  expression 

a.n.t    ,     a  ... 

e  =  ^^-^  +  —,  (I) 


36  000 


200' 


en  tenant  compte  de  la  commission  du  |  pour  100. 

Cette  formule  renferme  la  régie  d'escompte,  que 
l'on  peut  énoncer  de  la  manière  suivante  : 

Pour  calculer  l'escompte  en  dehors,  multipliez  la 
somme  éîioncée  dans  le  billet  par  le  nombre  de 
jours  à  eowir  jusqu'à  l'époque  de  l'écuéance,  et 
par  le  taux  de  l'intérêt,  et  divisez  le  produit  par 
36000. 

Ajoutez  ensuite  le  tant  pour  100  sur  la  somme 
énoncée,  fixé  par  l'escompteur. 

Comme  cette  formule  renferme  quatre  quantités 
variables  a,  n,  t,  e,  elle  peut  résoudre  quatre  pro- 
blèmes, suivant  celle  de  ces  quatre  quantités  qui 
est  inconnue.  Ces  problèmes,  bons  comme  exer- 
cices, sont  peu  usités  dans  la  pratique.  Pour  en 
donner  cependant  un  exemple,  nous  supposerons 
qu'un  billet  de  1800',  présenté  54  jours  avant  son 
échéance,  ait  donné  lieu  à  un  escompte  de  23'85, 
y  compris  une  commission  de  \  pour  100;  et  que 
l'on  demande  le  taux  de  l'escompte.  On  remarquera 
d'abord  que  |  pour  100  sur  1  800'  donne  9'.  Si  l'on 
retranche  ces  9'  de  l'escompte  total,  il  reste  14',^3. 
Cette  somme  résulte  de  la  multiplication  de  1  SOO' 
par  54  et  par  le  taux,  et  de  la  division  du  produit 
par  36000.  On  a  donc 

14',85  X  36000  =  1800'.54./ 

ou,  en  divisant  les  deux  membres  par  1800, 

14f,85  X  20  =  hk.t. 

Il  en  résulte  qu'on  obtiendra  le  taux  t  en  multi- 
pliant 14'85  par  20,  ce  qui  donne  297',  et  divisant 
297  par  54,  ce  qui  donne  5',5.  Le  taux  demandé 
était  donc  de  5  *. 

3.  —  C.  S.  —  Nous  parlerons  maintenant  de 
l'escompte  en  dedans.  Cette  manière  de  calculer 
l'escompte,  moins  commode  que  celle  qui  est 
adoptée  en  France,  est  cependant  plus  rationnelle, 
comme  on  va  le  voir.  Paul  souscrit  aujourd'hui,  au 
profit  de  Jacques,  un  billet  payable  dans  un  an,  et 
représentant  une  dette  de  100'  contractée  pour  un 
motif  commercial  quelconque;  sur  ce  billet  il 
ajoute  aux  100'  qu'il  doit  les  intérêts  de  lnO'  pen- 
dant un  an,  soit  6',  par  exemple,  en  sorte  que  la 
somme  évaluée  dans  le  billet  est  106'.  Supposons 
qu'aujourd'hui  même  Jacques  ait  besoin  d'échan- 
ger ce  billet  contre  do  l'argent  comptant,   il    s'a 


ESCOMPTE 


—  695  —   ESPAGNE  ET  PORTUGAL 


drcs'sera  à  un  banquier,  qui  lui  en  paiera  la  valeur  ; 
mais  cette  valeur  n'est  pas  106',  le  billet  ne  vaudra 
106'  que  dans  un  an  ;  aujourdhui  il  ne  vaut  que 
100'.  montant  de  la  dette  contractée  par  Paul.  Sur 
l06f,  Je  banquier  retiendra  donc  6';  ce  sera  \  es- 
compte en  dedans,  c'est-à-dire  que  dans  cette  ma- 
nière d'escompter  on  considère  la  somme  énoncée 
dans  le  billet  comme  un  capital  déjà  augmenté  de 
son  intérêt  pour  le  temps  à  courir;  et  c'est  cet  in- 
térêt, retenu  par  l'escompteur,  qui  constitue  1  es- 
compte en  dedans.  .  ,   •       • 

Considérons  un  cas  moins  simple,  celui  qui  a 
été  traité  à  la  fin  du  n»  1  dans  l'hypothèse  de  1  es- 
compte en  dehors.  Soit  donc  à  escompter  en  de- 
dans un  billet  de  4  800f  payable  dans  43  jours,  le 
taux  de  l'intérêt  étants  pour  100.  On  raisonnera 
comme  suit  :  Une  somme  de  100'  produisant  5' 
d'intérêt  en  un  an,   ou  360  jours,  produira  en  43 

iours   -'  ^  ^^-  ou  0',59722...  Sur  une  somme  de 
■■  360 

10  '  +  0',59722..  ou  100',59722. .,  l'escompteur 
devrait  donc  retenir  0',59722. ..  Sur  1'  il  retien- 
0',59722 


f,  on  résoudrait  la  formule  (2),  par  rapport  à  l'in- 
connue (V.  Equations).  Si,  par  exemple,  l'inconnue 
était  le  taux,  on  trouverait 


drait 


lU0',597ï2' 
0',59722..  X  4800' 


et  sur  4  800'  il  retiendra 


ou    28',49. 


100',59722 

(Au  lieu  de  28',67  que  nous  avons  obtenu  par  l'es- 
compte en  dehors.) 

Avec  une  commission  de  \  pour  100,  qui  s'élè- 
verait ici  à  24f,  on  voit  que  le  banquier  aurait  à 
retenir  52',49  et  paierait  4800'  —  52',49,  soit 
4747',51. 

4.—  C.  S.  — Il  est  facile  d'obtenir  par  les  mpmes 
considérations  la  formule  générale  de  l'escompte 
en  dedans.  L'intérêt  de  100'  pour  n  jours  au  taux  t 
est  (V.  Intérêt  simple)  : 

n.t 
36Ô* 

Sur  une  somme  égale  à  100'  -f  :^)  l'escomp- 


360' 


n.t 


leur  retiendrait  ~  ■>  ou,  ce  qui  revient  au  même, 

ooO 
sur   une    somme    360    fois    plus     grande ,    soit 
36000'  -{-n.t,  il  retiendrait  360  fois  plus  ou  n.^ 

Sur  1' il  retiendrait  TTTT:r-^^ :  ;     et'    sur    la 


somme  a  il 


36000+  n.C 
n.n.t 
retiendra 


360U0  +  n.t 
a.n.t 


36000 


t  = 


{'  -  m) 


la  —  e  -\ 1.7 

V  ^  200/ 


Supposons,  par  exemple,  qu'un  billet  de  1280' 
payable  dans  90  jours  ait  donné  lieu  à  un  escompte 
de  25',32  y  compris  une  commission  de  ^  pour  100, 
et  que  l'on  demande  le  taux  de  l'intérêt,  on  aura 

.36  000  (25'.32  —  6f.40) 


On  aura  donc 


36000 -t-  n.t 

Cette  formule  contient  la  règle  de  l'escompte 
en  dedans,  que  l'on  peut  énoncer  ainsi  : 

Pow  obtenir  l'escompte  en  dedans,  multipliez 
la  somme  énoncée  dans  le  billet  par  le  nombre  de 
jours  à  courir  jusqu'à  la  date  de  l'échéance  et  par 
le  taux  de  l'intérêt,  et  divisez  le  produit  par  36  uOO 
augmenté  du  produit  du  nombre  de  jours  par  le 
taux. 

On  voit  que  la  différence  entre  la  règle  d'es- 
compte en  dehors  et  la  règle  d'escompte  en  dedans, 
consiste  à  substituer  au  diviseur  36  000  le  diviseur 
36  000  +  nf.  Il  en  résulte  que  l'escompte  en  de- 
dans est  toujours  moindre  que  l'escompte  en  de- 
hors. 

Si  l'on  tient  compte  de  la  commission  de  |  pour 
100,  on  devra  écrire 


a.n.t 


36000 


n.t 


+  — . 
200 


(2) 


(1280'  —  2o',32  +  6',40),90' 


5.  —  E.  N.  —  Si  l'inconnue,  au  lieu  d'être  l'es- 
compte, était  l'une  des  trois  autres  quantités  a,  n, 


et,  en  effectuant,  on  obtiendra  t  =  6'. 

Nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  l'escompte 
en  dedans,  qui  n'a  point  d'application  dans  la  pra- 
tique ordinaire,  et  qu'il  convient  plutôt  de  regar- 
der comme  un  sujet  d'exercice  algébrique  que 
comme  un  sujet  d'arithmétique  courante. 

6.  —  Exercices. —  1.  U?ie  personne  fuit  escomp- 
ter (en  dehors),  au  taux  de  6  p.  100,  loi  billet  de 
liW, payable  dans  12 jours;  la  commission  retenue 
par  le  banquier  étant  de  |  pour  100,  on  demande 
quelle  est  la  iomme  que  paiera  le  banquier.  — 
(Rép.  1416',24.) 

2.  On  fait  escompter  {en  dehors)  un  biVet  de 
540',  payable  dans  iS  jours  ;  on  touche  538', 3  i  ;  on 
demande  le  taux  de  l'intérêt,  cachant  que  la  com- 
mission a  été  de  \  pour  100?—  (Rép.  5  \.) 

3.  Un  banquier  a  payé  S2¥ ,88  pour  un  billet 
de  840'  escompté  en  dehors;  le  taux  de  l'intérêt 
était  de  6  pour  100,  et  la  commission  de  |  p.  100  ; 
on  demande  combien  il  y  avait  de  jours  à  courir 
jusqu'à  l'échéance.  —  (Rép.  63.) 

4.  Calculer  l'escompte  en  dedans  pour  un 
billet  de  1  SOQf,  payable  dans  90  jours;  le  taux  étant 
Qpour  100,  et  la  commission^  pour  100.  —  (Rép. 
29f,67.) 

5.  Un  billet  de  2250'',  payable  dans  83  jours, 
et  escompté  en  dedans^  a  donné  lieu  à  une  retenue 
totale  de  45',05,  y  compris  une  com.mifsion  de  | 
p.  100  ;  quel  était  le  taux  de  l'intérêt? — (Rép.  5  |.) 

[H.  Sonnet.]" 

ESPAGNE  ET  PORTUGAL.  —  Géographie  gé- 
nérale, XI\'.  — Gréograpliie  physique.  —  Situation. 
—  Ces  deux  contrées  forment  ensemble  une  pénin- 
sule bien  tranchée  qui,  du  côté  du  nord,  se  rattachf 
à  la  France  et  au  reste  de  l'Europe  par  l'isthme  des 
Pyrénées,  et  qui  tenait  à  l'Afrique, du  côté  du  sud, 
avant  que  les  eaux  de  l'océan  Atlantique  se 
fussent  ouvert  vers  la  Méditerranée  un  passage, 
large  de  quelques  kilomètres  seulement,  le  détroit 
de  Gibraltar,  où  elles  se  précipitent  encore  avec 
une  vitesse  de  4  à  5  kilom.  à  l'heure. 

Limites.  —  La  Méditerranée,  à  l'E.  et  au  S.  E.  ; 
l'océan  Atlantique,  au  S.  0.,  à  10.  et  au  N.  O.; 
la  mer  de  Biscaye,  ou  golfe  de  Gascogne,  au  nord, 
baignent  les  côtes  de  la  Péninsule,  dont  le  dévelop- 
pement est  sept  fois  aussi  long  que  la  frontière  de 
terre  qui  sépare  l'Espagne  de  la  France. 

Position  astronomigue.  —  En  latitude,  les  points 
extrêmes  sont  la  pointe  de  Tarifa,  au  S.  O.  de 
Gibraltar,  qui  est  sous  le  36*  degré  de  lat.  N.,  et  le 
cap  Ortégal,  situé  par  43°.45'  au  N.  de  la  Galice. 
En  longitude,  le  cap  Creus,  au  N.  E.  de  la  Catalo- 
gne, touche  le  1"  degré  à  l'E.  de  Paris,  et  le  cap 
de  laRoca,  àl'O.  de  Lisbonne,  est  àll'SO'àrO.  de 
Paris. 

Forme  et  superficie.  —  Mais  pour  circonscrire  à 
peu  près  exactement  la  Péninsule  et  en  rapprocher 
la  forme  d'une  figure  géométrique,  il  faut  joindre 
le  cap  Creus  au  cap  Finistère,  à  l'O.  de  la  Ga- 
lice; celui-ci  au  cap  Saint-Vincent,  au  S.  O.  du 


ESPAGNE  ET  PORTUGAL  —  696  —  ESPAGNE  ET  PORTUGAL 


Portugal;  le  cap  Saint-Vincent  à  la  pointe  de  Ta- 
rifa ;  Tarifa  au  cap  de  Palos,  près  de  Carthagène, 
et  enfin  le  cap  de  Palos  au  cap  Creus.  On  trace  ainsi 
un  pentagone  dont  les  côtés  sont  respectivement 
tournés  vers  le  N.,  10.,  le  S.  S.  0.,  le  S.  S.  E.  et 
l'E.  S.  E. 

Entre  ces  limites  la  superficie  de  la  Péninsule 
est  de  5S4  301  kil.  carrés,  dont  494  94G  pour  l'Es- 
pagne et  89  355  pour  le  Portugal. 

Orographie  et  hydrographie.  —  Dans  son  ensem- 
ble, la  péninsule  forme  un  plateau  élevé  de  plu- 
sieurs centaines  de  mètres  au  dessus  de  la  mer, 
et  séparé  de  celle-ci  presque  partout  par  des  chaînes 
côtières  qui  dominent  les  rivages. 

Au  sud,  la  Sierra  Nevada,  qui  se  développe  de 
rO.  à  TE.  depuis  Gibraltar  jusqu'au  cap  de  Gâta, 
renferme,  avec  les  Pyréiv'^es,  les  plus  hautes  som- 
mités de  l'Espagne.  Leur  altitude  va  jusqu'à 
3000  mètres.  Entre  ces  deux  hautes  chaînes,  la 
ligne  de  faîte,  qui  sépare  le  bassin  de  la  Méditer- 
ranée de  celui  de  l'océan  Atlantique,  est  plutôt,  en 
général,  un  simple  renflement  du  sol  qu'une  véri- 
table chaîne.  La  Sierra  do  Moncayo,  à  l'O.  deTarra- 
gone,  et  la  Sierra  de  Albarracin,  aux  sources 
opposées  du  Jiloca,  affluent  de  l'Èbre,  du  Tage,  du 
Jucar  et  du  Guadalaviar,  les  sierras  de  Alcarraz  et 
de  la  Sagra,  entre  les  sources  du  Guadalquivir  et 
du  Segura,  sont  les  points  les  plus  saillants  de  cette 
ligne  de  faîte,  qu'on  désigne  dans  son  ensemble 
sous  le  nom  de  monts  Ibêriens,  parce  qu'ils  sépa- 
rent les  versants  opposés  de  la  péninsule  ibé- 
rique. (Les  anciens  habitants,  avant  la  domina- 
tion romaine,  s'appelaient  les  Ibères.) 

Fleures  du  versant  méditerranéen.  —  Le  long 
du  littoral  méditerranéen,  les  monts  de  la  Catalo- 
gne, des  royaumes  de  Valence  et  de  Murcie,  géné- 
ralement moins  élevés,  sont  traversés  par  VEbre, 
le  Guadalaviar,  le  Jucar  et  le  Ségiira,  qui,  formés 
sur  le  plateau,  se  sont  violemment  ouvert  un  pas- 
sage vers  la  Méditerranée. 

Versaîit  de  l'Atlantique.  —  Le  versant  de  l'A- 
tlantique est.  bien  plus  étendu  et  partagé  en  plu- 
sieurs bassins  par  des  chaînes  de  montagnes 
remarquables. 

A  l'ouest,  ies  Pyrénées  se  continuent  par  les 
monts  Cantabres,  dont  les  points  culminants,  les 
Peùa"  de  Europa,  au  S.  0.  de  Santander,  dépas- 
sent 2  000  mètres.  Les  monts  Cantabres  couvrent  de 
leurs  ramifications  la  province  de  Santander,  les 
Asturies  et  la  Galice,  et  enveloppent  les  sources 
des  rivières  peu  étendues  qui  sont  tributaires  de 
la  mer  de  Biscaye,  et  du  Minho,  fleuve  de  Galice, 
qui  forme  la  frontière  entre  l'Espagne  et  le 
Portugal. 

Un  lac  occupait  autrefois  la  plus  grande  partie 
de  la  région  au  sud  des  Cantabres.  Les  monts  Can- 
tabres au  nord,  les  monts  Ibériens  à  l'E.,  la  Sierra 
Morena  au  sud,  les  plateaux  du  Portugal  à  l'O., 
formaient  les  limites  de  cette  région  lacustre,  dont 
le  Douro,  le  Tage  et  le  ('>uadiima  ont  emporté  les 
eaux  vers  l'Océan,  une  fois  qu'ils  ont  réussi  à  per- 
cer vers  l'occident  les  barrières  qui  forment  la 
limite  naturelle  entre  l'Espagne  et  le  Portugal. 

Ce  plateau  central  de  l'Espagne,  qui  est  élevé 
en  moyenne  de  600  ou  700  mètres  au-dessus  de  la 
mer,  est  divisé  en  deux  parties  par  les  montagnes 
qui  séparent  le  bassin  du  Douro  de  celui  du  Tage  : 
la  haute  Sierra  de  Guadarrama,  qui  dresse  au  nord 
de  Madrid  des  cimes  de  2  000  mètres,  en  formant  à 
cette  capitale  une  ligne  de  défense  du  côté  du 
nord,  et  qui  se  prolonge  à  l'ouest  sous  le  nom  de 
Sierra  de  Grcdos,  Sierra  de  Gâta,  puis  Sierra  d'Es- 
trella,  dans  le  Portugal.  Cette  dernière  se  continue 
jusqu'auprès  de  Lisbonne,  où  elle  se  termine  par 
dus  montagnes  volcaniques  qui  n'ont  peut-être  pas 
encore  perdu  toute  leur  activité.  En  1755,  un  ter- 
rible tremblement  de  terre  renversa  Lisbonne,  en 
y  faisant  périr  40  ou  50  000  habiunts. 


Entre  le  Tage  et  leGuadiana,  les  monts  de  Tolède 
ne  forment  pas  une  ligne  bien  saillante,  les  pla- 
teaux de  la  Manche  se  continuant  sans  interruption 
entre  le  Tage,  le  Jucar  et  Je  Guadiana.  La  Sierra 
Morena,  qui  forme  le  rebord  méridional  du  plateau, 
n'a  l'apparence  un  peu  élevée  que  vue  des  plaines 
de  l'Andalousie,,  au  sud.  Elle  se  prolonge,  à  l'ouest 
du  Guadiana,  en  Portugal,  sous  le  nom  de  Sierra 
de  Monchique.  Celle-ci  sépare  les  plaines  de  l'A- 
lemtéjo,  au  nord,  des  riants  rivages  de  l'Algarve. 

Entre  la  Sierra  Morena  et  la  Sierra  Nevada, 
s'étend  la  fertile  Andalousie  qu'arrose  le  Guadal- 
quivir. 

Divisions  naturelles.  —  A  voir  sur  une  carte  ces 
grands  fleuves  dirigés  de  l'est  à  l'ouest,  on  pourrait 
croire  que  l'Espagne  et  le  Portugal  sont  dotés  de 
belles  voies  navigables  propres  h  faciliter  leurs  rap- 
ports commerciaux  et  à  préparer  leur  réunion  po- 
litique. Il  n'en  est  rien.  Quand  bien  même  ces 
fleuves  rouleraient  des  eaux  plus  abondantes,  ils 
ont  un  cours  trop  violent,  et  traversent  pour  pas- 
ser d'Espagne  en  Portugal  des  défilés  et  des  ra 
pides  infranchissables  à  la  navigation,  et  qui  cons- 
tituent précisément  les  limites  naturelles  entre  les 
deux  royaumes.  La  péninsule  entière  se  divise, 
du  reste,  en  plusieurs  régions  bien  distinctes.  Au 
S.  O..  lePortw/al,  occupant  les  bassins  inférieurs 
du  Minho,  du  Douro,  du  Tage  et  du  Guadiana,  au- 
dessous  de  leurs  rapides,  et  tourné  vers  l'Océan, 
où  il  a  joué  un  si  grand  rôle  maritime.  Au  sud, 
[Andalousie,  occupant  le  bassin  du  Guadalquivir, 
qui  a  conservé  son  nom  arabe  et  sur  les  rives  du- 
quel s'élèvent  encore  tant  de  beaux  monuments 
dus  aux  architectes  musulmans,  tandis  que  la  pro- 
vince entière  garde  le  nom  des  anciens  Vandales, 
qui  la  traversèrent  au  début  du  moyen  âge,  avant 
d'aller  fonder  leur  empire  en  Afrique.  Dans  les 
montagnes  de  la  Sierra  Nevada,  le  royaume  de 
Grenade,  tourné  vers  l'Afrique,  dont  il  est  la  conti- 
nuation naturelle.  Le  long  de  la  Méditerranée,  les 
roj'aumes  de  Murcie  et  de  Valence,  et  la  Cata- 
logne  dont  la  vie  s'est  concentrée  sur  le  littoral. 
Dans  le  bassin  de  l'Èbre,  \ Aragon  et  la  Navarre. 
Sur  le  plateau,  la.  Nouvelle-Castille  et  VEstrama- 
dure  occupant  la  partie  méridionale  et  la  plus 
basse,  —  la  Vieille-Castille  et  le  royaume  de 
Léon,  la  partie  septentrionale  et  la  plus  élevée  de 
l'ancien  bassin  lacustre  dont  nous  avons  parlé. 
Dans  les  njonts  Cantabres  enfin,  où  les  Romains 
ne  purent  jamais  étendre  leur  domination,  les 
provinces  basques,  où  se  maintiennent  les  derniers 
descendants  d'une  race  d'origine  inconnue  dont 
la  langue  ne  peut  être  rapprochée  d'aucune  autre 
langue  européenne  ;  les  Asturies,  où  les  chrétiens 
défendirent  victorieusement  leur  indépendance 
pendant  la  domination  musulmane.  Enfin,  à  l'extré- 
mité N.  O.  de  la  Péninsule,  la  Galice,  dont  les 
côtes,  découpées  en  profondes  sinuosités  comme 
les  fjords  de  la  Norvège,  offrent  des  ports  nombreux 
et  sûrs  aux  navires  venant  du  large,  tandis  qu'ils 
ne  trouvent  que  difficilement  un  abri  plus  au  sud 
sur  la  côte  sablonneuse  et  régulièrement  unie  du 
Portugal,  qui  rappelle  celle  des  landes  françaises. 

Climat.  —  Bien  qu'entourée  de  tous  côtés  par  la 
mer,  l'Espagne  ne  jouit  pas  en  général  des  avan- 
tages que  procure  ce  voisinage.  Arrêtées  par  les 
montagnes  côtières,  qui  enveloppent  le  plateau  cen- 
tral, les  pluies  tombent  presque  exclusivement 
sur  les  rivages.  La  Galice  et  le  Portugal  sont  abon- 
damment arrosés.  Il  y  tombe  jusqu'à  quatre  et  cinq 
mètres  d'eau  dans  une  seule  année ,  comme 
sous  les  tropiques.  Le  versant  de  la  mer  de  Bis- 
caye est  aussi  rafraîchi  par  de  fréquentes  ondées. 
Les  arbres  et  les  champs  y  gardent  leur  verte 
parure  qui  rappelle  l'Angleterre.  Dans  la  Castille 
et  l'Aragon,  au  contraire,  il  ne  tombe  presque  pas 
d'eau.  L'été  y  est  brûlant,  l'hiver  presque  glacial, 
à  cause  de  l'altitude  de  la  contrée.  On  y  trouve  de 


ESPAGNE  ET  PORTUGAL   —  697  —  ESPAGNE  ET  PORTUGAL 


Tcritables  steppes  arides  comme  les  déserts  de 
l'Asie  ou  de  l'Afrique.  Si  le  sol  y  porte  par  places 
de  superbes  moissons,  cela  tient  souvent  à  des 
nappes  d'eau  souterraines  qui  rafraîchissent  le 
sous-sol  et  les  racines  des  plantes.  La  contrée 
n'offre  presque  pas  d'arbres.  Les  rivières,  à  sec 
pendant  l'été,  peuvent  alors  servir  de  routes. 

Sur  le  rivage  de  la  Méditerranée,  les  écarts  de 
température  entre  les  chaleurs  de  l'été  et  les  froids 
de  l'hiver  deviennent  bien  moindres.  La  végétation, 
favorisée  par  des  irrigations  très  soignées,  atteint 
un  superbe  développement,  qui  a  fait  la  répu- 
tation de  la   huer  ta  de  Valence. 

Dans  le  roj-aume  deMurcie,  le  climat  devient  vé- 
ritablement africain.  Les  vallées  arrosées  à  grand 
peine  sont  encore  admirables.  A  Elche,  sur  les 
confins  du  roj'aume  de  Valence,  on  trouve  une 
des  rares  forêts  de  palmiers  qui  croissent  en  Eu- 
rope. Ailleurs  ce  sont  des  orangers,  des  grenadiers, 
des  bananiers  et  des  nopals,  sur  lesquels  se  déve- 
loppe la  cochenille.  A  l'ombre  des  arbres  frui- 
tiers le  sol  produit  encore  d'autres  cultures.  Mais 
sur  les  plateaux  desséchés,  on  ne  trouve  que  le 
sparte  ou  alfa  qu'on  récolte  maintenant  en  si 
grande  quantité  sur  les  plateaux  de  l'Algérie. 

Au  pied  de  la  Sierra  Nevada,  la  côte,  tournée  au 
midi,  serait  encore  plus  brûlante  pendant  l'été,  si 
les  neiges,  qui  fondent  sur  la  montagne,  n'y  entre- 
tenaient un  peu  de  fraîcheur.  A  Gibraltar,  à  Ma- 
laga,  la  température  moj^enne  de  l'année  s'élève  à 
17  ou  18»,  et  le  séjour  des  villes  devient  intoléra- 
ble, au  moment  des  grandes  chaleurs,  pour  les 
Européens  qui  se  réfugient  alors  sur  les  montagnes 
voisines.  Dans  cette  région  croissent  le  café,  le 
coton,  la  canne  à  sucre,  les  arachides  et  autres 
cultures  tropicales,  et  en  outre  on  trouve  vivant 
à  l'état  sauvage  autour  de  Gibraltar  les  singes,  que 
l'on  ne  rencontre  que  dans   les  pays   très  chauds. 

L'Andalousie,  qui  se  revêt  au  printemps,  ou 
plutôt  en  février,  de  la  plus  admirable  végétation. 
€st  briilée  en  été.  On  n'y  trouve  plus  d'eau  que 
dans  le  lit  des  rivières.  Sur  les  bords  même  du 
Genil ,  qui  parcourt  la  vallée  si  justement  vantée 
de  Grenade,  on  traverse  de  véritable*  steppes.  A 
l'oufst  de  l'embouchure  du  Guadiana,  le  rivage 
de  YAlgarve,  abrité  au  nord  par  la  Sierra  de  Mon- 
chique,  porte  encore  le  même  nom  que  les  Maures 
lui  avaient  donné  en  même  temps  qu'au  Maroc, 
(pays  de  l'occident)  et  de  fait  les  rives  des  deux 
pays  se  ressemblent.  La  douceur  du  climat  en 
ferait  un  excellent  séjour  d'hiver  pour  les  ma- 
lades qui  vont  chercher  à  recouvrer  la  santé  à 
Bladère. 

Géograpliie  politique  et  économique.  —  Géogra- 
phie AGRICOLE.  —  L'Espagne  offre  des  genres  de 
culture  bien  dififérents  suivant  les  climats  de  ses  di- 
verses régions.  Dans  la  Vieille-Castillc  on  récolte 
beaucoup  de  blé.  Les  terres  dos  environs  de  Valla- 
dolid  sont  particulièrement  fertiles  sous  ce  rapport 
et  on  exporte  une  partie  de  leurs  grains  pour  l'An- 
gleterre ou  pour  la  France  par  le  port  de  Santan- 
der.  L' Aragon  et  l'Estramadure  produisent  aussi  du 
blé,  mais,  dans  toute  cette  région  du  centre  de 
l'Espagne  l'agriculture  souffre  des  ravages  des 
troupeaux  transhumants.  La  finesse  de  la  toison 
des  mérinos  a  fait  accorder  de  trop  grands  privi- 
lèges aux  producteurs  de  cette  source  de  riches- 
ses pour  le  pays.  Pendant  l'hiver  leurs  moutons 
paissent  dans  les  plaines  de  l'Estramadure,  de  la 
Manche,  ou  dans  ies  montagnes  de  Murcie,  puis  à 
mesure  que  les  pâturages  naturels  disparaissent 
sous  l'influence  de  la  sécheresse,  les  bergers  re 
montent  vers  les  montagnes  des  Castilles,  de  l'A- 
ragon,  du  royaume  de  Léon  et  des  Cantabres,  et 
pendant  ce  parcours  leurs  troupeaux,  pénétrant 
librement  dans  les  champs  sans  clôture,  y  brou- 1 
tent  et  détruisent  des  moissons  en  herbe. 

Sur   les  bords  de    la   Méditerranée,  le  blé  faiti 


place  au  mais,  et  au  riz  qui  pousse  dans  les  la- 
gunes ou  albuferas  du  littoral.  On  cultive  le 
seigle  dans  les  Pyrénées,  et  l'orge  dans  toutes 
les  provinces. 

L'Espagne  produit  beaucoup  de  vins.  Dans  les 
Castilles  et  l'Aragon,  la  vigne  croît,  pour  ainsi 
dire,  sans  culture.  Mais  les  vins,  mal  soignés,  em- 
magasinés dans  des  vases  en  terre  ou  transportés 
dans  des  outres,  sont  grossiers,  et  ne  conviennent 
qu'à  la  consommation  intérieure.  Dans  l'Andalou- 
sie, au  contraire,  les  vins  de  Xérès  sont  très  re- 
cherchés par  les  Anglais  qui  en  consomment  dans 
tous  les  pays  du  monde  sous  le  nom  de  Sherry. 
Les  vins  de  Malaga  et  ceux  d'Alicante,  sur  la  côte 
de  la  Médiierranée,  sont  également  très  estimés  . 
On  récolte,  en  outre,  dans  le  royaume  de  Valence 
et  la  Catalogne,  une  grande  quantité  de  vins  ordi- 
naires, qui  viennent  depuis  quelques  années  en 
France  suppléer  aux  vides  causés  par  les  ravages 
du  phylloxéra.  Sur  la  côte  de  la  mer  de  Biscaye, 
le  raisin  ne  viendrait  plus  à  maturité,  et  le  vin  est 
remplacé  comme  boisson  par  le  cidre.  C'est  encore 
un  des  points  de  ressemblance  entre  cette  région 
et  la  Bretagne  française. 

L'olivier  est  très  répandu  en  Espagne  sur  le 
littoral  méditerranéen,  dans  l'Estramadure  et  l'An- 
dalousie, mais,  comme  pour  les  vins,  les  huiles  sont 
mal  fabriquées  et  peu  estimées. 

Les  fruits  de  table  sont  très  abondants.  Les 
oranges  de  Valence  ont  une  grande  réputation, 
mais  il  en  vient  aussi  de  Malaga  et  de  l'Andalou- 
sie, ainsi  que  des  figues  et  des  grenades.  Malaga  a 
la  spécialité  des  raisins  secs.  La  Catalogne  envoie 
en  France  des  amandes  et  des  abricots  qu'elle 
récolte  plus  tôt  que  nous. 

Malgré  la  renommée  des  chevaux  andalous, 
l'Espagne  possède  un  très  petit  nombre  de  ces 
animaux.  Les  mulets  et  les  ânes  y  soni  plus  nom- 
breux, et  la  France  fournil  ;\  l'Espagne  une  partie 
des  premiers,  entre  autres  les  mules  qui  font  les 
attelag-'s  de  luxe.  Les  moutons,  dont  nous  avons 
déjà  parlé,  forment  le  bétail  le  plus  nombreux.  On 
élève  encore  t)eaucoup  de  porcs,  en  Estramadure 
notamment.  Les  bêtes  à  cornes  se  rencontrent  sur- 
tout dans  les  pâturages  de  la  Galice,  et  les  navires 
anglais  viennent  en  charger  des  troupeaux  entiers 
dans  les  ports  de  Vigo  ou  de  la  Corogne  pour  les 
marchés  de  l'Angleterre.  En  Andalousie,  les  éle- 
veurs ont  un  autre  but  ;  ils  produisent  ces  beaux 
taureaux  de  combat  dont  les  Espagnols  sont  si 
grands  amateurs. 

En  résumé,  l'agriculture  espasnole  est  peu  avan- 
cée :  la  difficulté  des  communications,  la  séche- 
resse du  climat,  les  ravages  des  troupeaux,  la 
concentration  de  la  propriété  entre  les  mains  de 
grands  propriétaires,  les  troubles  des  guerres 
civiles,  les  mauvais  errements  dans  la  fabrication 
des  produits,  font  surtout  obstacle   à  ses  progrès. 

Géographie  industrielle.  —  Mines.  —  L'Espagne 
est  très  riche  en  productions  minérales.  Le  fer  y  est 
répandu  sur  un  grand  nombre  de  points  ;  mais  les 
mines  les  plus  célèbres  sont  celles  des  provinces 
basques.  A  Sommorostro,  près  de  Bilbao,  la  mon- 
tagne n'est  qu'un  immense  bloc  ferrugineux.  C'est 
là  que  s'approvisionnaient  les  célèbres  armuriers 
de  Tolède.  Maintenant  l'exploitation  en  est  si 
active  que  les  eaux  de  la  rivière  de  Bilbao  sont 
constamment  rougies  jusqu'à  la  mer  par  les  débris 
qu'elles  entraînent.  Les  usines  françaises  et  alle- 
mandes s'approvisionnent  à  Sommorostro,  et  Portu- 
r/alèle,  le  port  de  Bilbao,  en  tire  une  importance 
qui  le  place  au  troisième  ou  quatrième  rang  parmi 
les  ports  de  l'Espagne.  Naguère  encore,  les  carlis- 
tes, maîtres  de  cette  région,  tiraient  de  là  du  mine- 
rai, que  les  fourneaux  et  les  forges  du  voisinage 
transformaient  pour  eux  en  armes  et  en  projectiles 
de  guerre.  Du  côté  de  la  Méditerranée,  Cartha- 
gène    est  un  autre  grand    port    d'exportation    du 


ESPAGNE  ET  PORTUGAL  —  698  —   ESPAGNE  ET  PORTUGAL 


minerai  de  fer  exploité  dans  le  voisinage  et  qui 
va  alimenter  les  hauts  fourneaux  de  Marseille  et 
des  environs.  Alméria  est  le  centre  de  la  produc- 
tion minière  du  versant  de  la  Sierra  Nevada,  où  se 
trouvent,  avec  le  fer,  du  cuivre,  du  plomb  et  de  l'ar- 
gent. Le  plomb,  généralement  uni  à  l'argent, 
forme  de  très  riches  gisements  sur  divers  autres 
points  de  l'Espagne.  Le  plus  important  est  celui 
qui  groupe  plusieurs  milliers  d'ouvriers,  adonnés 
à  cette  exploitation,  autour  de  Linarès,  petite  lo- 
calité du  liaut  bassin  du  Guadalquivir,  dans  la 
province  de  Jaen.  On  en  tire  210  000  tonnes  de 
minerai  par  an.  Les  mines  de  cuivre  étaient 
déjà  connues  et  exploitées  par  les  Phéniciens, 
les  Carthaginois,  les  Romains.  Dans  l'ouest  de 
l'Andalousie,  au  nord  du  port  de  Huelva,  les 
mines  du  Rio-Tinto  ne  renferment  pas  moins  de 
300  millions  de  tonnes  de  minerai  exploitables. 
(E.  Reclus.)  Celles  de  Tharsis,  moins  riches,  sont 
cependant  plus  activement  exploitées  ;  elles  pro- 
duisent une  grande  quantité  de  pyrites,  qui  servent 
à  fabriquer  la  moitié  des  .SOO  000  tonnes  d'acide 
sulfurique,  produites  annuellement  par  les  usines 
de  l'Ecosse;  et  la  cinquième  partie  du  cuivre  pro- 
duit dans  le  monde  entier  sort  des  mines  de  Thar- 
sis.  (E.  Reclus). 

L'Espagne  possède  à  Almaden,  au  nord  de  la 
Sierra  Morena,  une  des  deux  mines  de  mercure 
exploitées  en  Europe.  Elle  produit  1  200  tonnes  de 
mercure  par  an. 

Leminerai  dezincse  trouve  notamment  dans  les 
monts  Cantabres,  et  Santander  ou  de  petits  ports 
voisins  en  chargent  des  navires  entiers  pour  les 
usines  belges  de  la  Vieille-Montagne. 

Les  principaux  bassins  houillers  sont  ceux  de 
Gijon,  dans  les  Asturies  ;  de  la  province  de  Palen- 
cia,  dans  le  royaume  de  Léon  ;  de  Belmez,  au  nord- 
ouest  de  Cordoue  ;  de  la  source  du  Ter,  dans  la 
Catalogne. 

L'Espagne  possède  des  marais  salants  à  l'em- 
bouchure de  l'Ebre  et  aux  environs  de  Cadix,  et 
en  outre  des  gisements  de  sel  sur  plusieurs  points 
de  l'intérieur.  Dans  la  Catalogne,  la  montagne  de 
Cardona  forme  un  immense  bloc  de  sel  gemme 
haut  de  100  mètres  et  dont  la  masse  renferme 
300  millions  de  mètres   cubes  de  sel.  (E.  Reclus}. 

L'Estramadure  possède  des  gisements  de  phos- 
phate de  chaux,  maintenant  très  recherché  comme 
engrais. 

On  trouve,  en  Espagne,  de  nombreuses  sources 
d'eaux  minérales,  notamment  sur  le  versant  des 
Pyrénées  et  dans  les  Cantabres. 

L'industrie  est  peu  développée  dans  ce  pays.  Bar- 
celone, toutefois,  qui  occupe  le  premier  rang  sous  ce 
rapport,  renferme  d'importantes  manufactures  de 
coton,  des  fabriques  de  toiles,  de  draps,  de  soieries, 
de  dentelles,  de  produits  chimiques,  de  machines, 
et  des  sucreries. 

Les  manufactures  de  tabacs,  et  celle  de  Séville 
au  premier  rang,  occupent  un  grand  nombre  d'ou- 
vriers. Séville  fabrique  aussi  des  porcelaines,  et 
Cordoue  des  alcarazas,  vases  en  terre  poreuse  où 
l'eau  se  rafraîchit.  Les  armes  à  feu  se  fabriquent 
dans  les  provinces  basques,  ainsi  que  le  choco- 
lat, qui  jouit  dune  grande  réputation  comme  celui 
de  Rayonne. 

Géographie  commerciale.  —  L'Espagne  ne  com- 
munique avec  la  France  que  par  deux  chemins  de  fer 
placés  à  chaque  extrémité  des  Pyrénées:  la  ligne 
de  Rayonne  à  Saint-Sébastien,  qui  se  continue  par 
Burgos  et  Valladolid  et  appartient  à  la  grande  ligne 
de  Paris  à  Madrid,  —  et  la  ligne  de  Perpignan  à  Bar- 
celone qui  suit  le  littoral  de  la  Méditerranée.  Entre 
ces  deux  voies  ferrées,  le  Roussillon  communique 
aisément  avec  la  Cerdagne  espagnole  par  le  col  de 
la  Perche,  relativement  peu  élevé,  qui  sépare  la 
vallée  de  la  Têt  de  celle  de  la  Sègre,  et  que  des- 
sert   une  route   carrossable  reliant   Perpignan    à 


Lérida.  Les  deux  versants  de  ce  col  appartiennent 
à  la  France. 

A  l'intérieur  de  l'Espagne,  le  réseau  des  che- 
mins de  fer  est  encore  très  peu  développé,  leur 
longueur  totale  ne  dépasse  pas  6  000  kilomètres. 
C'est  à  peu  près  le  quart  de  ce  que'  nous  possé- 
dons en  France.  Et  dans  ce  pays,  qui  manque  de 
voies  navigables,  les  voies  ferrées  sont  indispen- 
sables au  développement  de  l'agriculture,  de  l'ex- 
ploitation des  mines,  des  manufactures.  Mais  les 
obstacles  naturels  rendent  cette  construction  très 
dispendieuse,  et  les  agitations  politiques,  si  fré- 
quentes en  Espagne,  ont  empêché  jusqu'à  présent 
les  chemins  espagnols  d'atteindre  un  trafic  rému- 
nérateur pour  les  capitaux  dépensés.  Le  cliemin  du 
nord  de  l'Espagne,  entre  Saint-Sébastien  et  Burgos, 
traverse  continuellement  des  travaux  d'art,  tunnels, 
ponts,  viaducs,  dont  la  destruction  par  l'armée 
carliste  a  été  une  perte  considérable  à  laquelle 
s'ajoutait  l'impossibilité  d'exploiter  la  ligne  pen- 
dant de  .longs  mois.  Ce  même  chemin  traverse  la 
sierra  de  Guadarrama,  entre  Avila  et  Madrid,  à  une 
altitude  plus  élevée  que  le  tunnel  du  mont  Cenis. 
C'est  par  une  suite  imposante  de  défilés  et  de 
tunnels  à  travers  la  Sierra  Morena,  qu'au  passage 
de  Despefiaperros  on  descend  de  la  plaine  si  mo- 
notone de  la  Manche  dans  les  riantes  vallées  de 
l'Andalousie.  Entre  Cordoue  et  Malaga,  le  chemin 
de  fer,  qui  suit  le  Guadalhorce,  ne  traverse  pas 
moins  de  dix-sept  tunnels  pour  franchir  la  sierra 
côtière. 

Ports.  —  Parmi  les  ports  de  l'Espagne,  Barcelone 
tient  le  premier  rang.  C'est  une  belle  ville  de  près 
de  200  000  habitants,  l'une  des  plus  importantes 
des  rivages  de  la  Méditerranée,  et  l'ancien  port  du 
royaume  d'Aragon,  qui  a  joué  un  rôle  prépondé- 
rant dans  la  Méditerranée  occidentale,  quand  il 
était  maitre  de  Naples  et  de  la  Sicile. 

En  descendant  au  sud  la  côte  espagnole,  on 
trouve  Tarragone,  aujourd'hui  déchue,  mais  qui  eut 
peut-être  un  million  d'habitants  sous  les  Romains. 
L'Èbre  étant  obstrué  paf  une  barre  à  son  embou- 
chure, c'est  un  canal,  aboutissant  au  port  des 
Alfaques,  qui  sert  de  débouché  à  son  bassin.  Ce. 
port  est  situé  au  sud  de  la  péninsule  formée  par 
les  alluvions  de  l'Èbre.  Un  peu  au  nord  de  Valence, 
Murviédro  occupe  la  place  de  l'ancienne  Sagonte, 
riche  ville  détruite  par  Annibal. 

Valence  est,  comme  Barcelone,  une  ville  indus» 
trieuse,  de  plus  de  cent  mille  habitants.  Le  Grao 
lui  sert  de  port.  Au  delà  du  cap  de  la  Nao,  qui 
se  projette  vers  les  îles  Baléares,  Alicante  (30  000 
hab  )  a  l'avantage  d'être  le  port  le  plus  rapproché 
de  Madrid,  auquel  il  est  relié  par  une  voie  ferrée. 
A  l'ouest  du  cap  dePalos,  Cm'thagène  [Ib  000  h&h.), 
dont  le  nom  rappelle  l'origine  carthaginoise,  n'est 
pas  seulement  port  de  commerce  pour  l'exportation 
des  minerais.  C'est  une  place  forte  imprenable  au- 
trement que  par  la  famine,  un  excellent  port  mili- 
taire et  une  escale  pour  les  navires  qui  de  France 
se  dirigent  vers  le  port  d'Oran.  Au  cap  de  Gâta,  le 
rivage  tourne  à  l'ouest  pour  passer  devant  Alméria 
(27  000  hab.),  puis  Malaga,  le  second  port  de 
l'Espagne.  C'est  une  ville  de  près  de  cent  mille  ha- 
bitants, dont  la  fondation  remonte  aux  Phéniciens, 
et  qui,  comme  Barcelone,  tire  son  importance  de 
la  richesse  des  produits  de  la  région  voisine  et 
de  son  industrie  propre.  Parmi  ses  usines  on  peut 
citer  ses  fabriques  et  raffineries  de  sucre.  Gi6ra/to*, 
isolé  sur  son  rocher,  qu'une  étroite  langue  sa- 
blonneuse relie  à  la  terre  ferme,  tout  hérissé  de 
forts  et  percé  de  galeries  souterraines,  d'où  lea 
canons  sont  partout  prêts  à  tirer,  abrite  le  pavillon 
britannique  qui  s'y  est  établi  par  surprise  et  qui 
surveille  jalousement  le  passage  de  l'Atlantique 
dans  la  Méditerranée.  Des  miniers  de  navires  en- 
trent chaque  année  dans  son  port  pour  se  ravitail- 
ler dans  ses  entrepôts  ou  y  prendre  des  nouvelles. 


ESPAGNE  ET  PORTUGAL 


699  —   ESPAGNE  ET  PORTUGAL 


En  face  de  Gibraltar,  dans  la  même  baie,  Algé- 
siras  nous  rappelle  un  succès  de  notre  pavillon  sur 
mer,  tandis  que,  de  l'autre  côté  du  détroit,  Tra- 
falgar  a  été  témoin  de  la  ruine  de  notre  marine 
sous  le  premier  empire. 

Plus  loin.  Cadix  (60  000  bab.)  est  une  des  rares 
villes  dont  la  prospérité  se  soit  continuée  dans 
tous  les  temps,  grâce  à  sa  situation  privilégiée. 
Bâtie  dans  une  île  et  occupant  une  position 
avancée  à  l'extrémité  du  continent,  elle  a  joué 
un  rôle  important  sous  les  Phéniciens  et  les 
Romains.  Plus  tard,  elle  a  eu  le  monopole  du 
commerce  de  l'Espagne  avec  ses  riches  colonies 
d'Amérique.  Malheureusement,  le  Guadalète,  qui 
débouche  près  de  son  port  et  sur  les  rives  du- 
quel s'étendent  les  riches  celliers  de  Xérès  (35  OOO 
hab.),  y  jette  beaucoup  de  sables. 

Sur  le  Guadalquivir,  la  marée  se  fait  sentir 
jusqu'à  SéviUe,  où  remontent  les  navires  de  100 
ou  200  tonneaux.  Plus  bas,  les  rives  marécageuses, 
couvertes  d'eau  pendant  les  crues,  se  dessèchent 
en  été.  A  l'embouchure  du  fleuve,  sur  sa  rive 
gauche,  San  Lucar  de  Barrameda  a  vu  partir  en 
1519,  sous  les  ordres  de  Magellan,  le  premier  na- 
vire qui  ait  accompli  en  entier  le  tour  du  globe. 
Puis,  au  delà  d'une  plage  sablonneuse,  on  rencontre, 
sur  les  deux  rives  opposées  du  même  petit  fleuve, 
Palos,  où  s'embarqua  Christophe  Colomb  pour  aller 
découvrir  le  Nouveau-Monde,  et  Huelva  au  riche 
bassin  minier. 

Sur  la  mer  de  Biscaye,  Saint-Sébastien,  près  de 
la  frontière  de  France,  est  plus  fréquenté  comme  sé- 
jour de  bains  de  mer  que  comme  place  commerçante. 
Santander  est  le  grand  port  de  cette  région,  parce 
qu"au  sud  de  cette  ville  le  passage  de  Reinosa 
ouvre  aux  Castillans  une  route  facile  vers  la  mer. 
Ce  passage  est  utilisé  par  le  chemin  de  fer  de  Ma- 
drid et  Valladolid  à  Santander.  C'est  ce  qui  a  fait 
rattacher  la  province  de  Santander  à  la  Castille 
plutôt  qu'aux  Asturies.  Santander  a  30  000  habi- 
tants. Son  port  exporte  les  farines  de  Castille,  les 
laines  du  Léon  et  des  minerais.  Les  navires  trans- 
atlantiques, qui  se  rendent  de  France  dans  le 
golfe  du  Mexique,  y  font  escale  ;  et  c'est  un  des 
moyens  de  transport  économique  entre  Paris  et 
Madrid.  Dans  la  Galice,  le  Fei'rol  est  un  excellent 
port  de  guerre,  la  Corogjie  (20  000  hab.)  et  Vigo 
deux  ports  de  commerce. 

Les  eaux  qui  baignent  ces  rivages  sont  remar- 
quablement poissonneuses,  probablement  à  cause 
des  courants,  venus  de  régions  très  difl'érentes  par 
leur  climat  et  leur  faune,  qui  s'y  rencontrent,  et  les 
pêcheurs  de  sardines,  notamment,  s'y  livrent  à 
une  industrie  très  active. 

Grandes  villes.  —  C'est  dans  l'Andalousie,  la 
province  la  plus  remplie  du  souvenir  et  des 
œuvres  des  Maures ,  qu'on  trouve  le  plus  de 
villes  considérables  à  l'intérieur  de  l'Espagne.  Sé- 
viUe (80  000  hab.),  renommée  par  la  beauté  de  ses 
jardins  d'orangers  et  la  gaieté  de  ses  habitants,  a  con- 
servé des  Maures  la  merveilleuse  tour  de  la  Giralda. 
Elle  passe  pour  la  plus  belle  ville  de  l'Espagne. 

Grenade,  qui  avait  400  000  habitants  sous  les 
Maures,  n'en  a  plus  que  60000.  Mais  il  lui  reste  le 
palais  de  VAlhambra,  le  plus  beau  chef-d'œuvre  de 
l'architecture  arabe^  et  la  riche  vallée  du  Génil,  qui 
l'arrose,  mérite  sa  réputation.  C'est  une  des  plus 
belles  huertas  de  l'Espagne.  Cordoue,  qui  eut  un 
million  d'habitants,  une  industrie  très  florissante, 
et  dont  la  bibliothèque  renfermait  les  trésors  de 
science  accumulés  par  les  Arabes,  ne  renferme 
plus  que  45  000  habitants.  Mais  il  lui  reste  l'antique 
mosquée,  le  plus  beau  temple  de  l'art  arabe,  dont 
les  voûtes  sont  portées  par  une  véritable  forêt  de 
piliers,  près  d'un  millier,  provenant  de  tous  les 
points  de  l'empire  musulman  où  se  rencontrait  un 
beau  marbre. 

Dans  l'Aragon,  Saragosse,  dont  le  nom  est  insépa- 


rable de  la  bravoure  de  ses  habitants  défendant 
leurs  maisons  pied  à  pied  en  1808  ,  occupe  la 
position  centrale  du  bassin  de  l'Ebre.  Au  sud-ouest 
le  Jalon,  affluent  de  l'Ebre,  lui  ouvre  une  route  fa- 
cile vers  Madrid.  Au  nord-est  et  au  nord,  la  Sègre 
et  le  Gallego,  autres  affluents  de  l'Ebre,  condui- 
sent de  Saragosse  vers  les  Pyrénées.  Le  canal  Im- 
périal, qui  borde  la  rive  de  l'Ebre  en  amont  et  en 
aval  de  Saragosse,  sert  à  la  navigation  en  même 
temps  qu'à  l'arrosage.  Saragosse  a  de  50  à  600000 
habitants. 

Dans  la  région  de  la  Vieille-Castille,  Valladolid 
(GO  000  hab.)  occupe  également  une  position  cen- 
trale. C'était  la  capitale  des  chrétiens  d'Espagne, 
lorsque  les  Khalifes  *  régnaient  à  Cordoue.  A  Ségo- 
vie,  on  admire  un  aqueduc;  à  Alcantara,  sur  le 
Tage,  près  delà  froniière  portugaise,  un  pont  cons- 
truit sous  l'empereur  Trajan,  deux  beaux  spécimens 
des  œuvres  d'art  utiles  dont  les  Romains,  avant  les 
Maures,  avaient  doté  l'Espagne.  Burgos  a  une  su- 
perbe cathédrale. 

Dans  le  bassin  du  Tage,  Madrid  (330  000  hab.) 
ne  doit  son  rôle  de  capitale  qu'à  sa  position  cen- 
trale et  au  caprice  d'un  souverain  irrité  contre 
Tolède.  Celle-ci,  qui  fut  la  capitale  des  Visigoths 
avant  la  domination  maure,  et  qui  était  déjà  im- 
portante sous  les  Romains,  n'a  conservé  sa  supré- 
matie qu'au  point  de  vue  religieux.  Son  archevê- 
que est  le  premier  de  l'Espagne.  Mais  sa  merveil- 
leuse cathédrale  et  ses  autres  monuments  anciens 
en  font  la  ville  la  plus  curieuse,  peut-être,  de 
toute  la  péninsule. 

Gouvernement.  Population.  —  L'Espagne  forme 
une  monarchie  constitutionnelle  et  parlementaire.La 
religion  catholique  y  domine,  mais  les  autres  cul- 
tes sont  tolérés.  Le  territoire,  est  divisé  en  douze 
capitaineries  générales  correspondant  à  peu  près^ 
aux  régions  naturelles  ;  la  Nouvelle-Castille,  l'An- 
dalousie, Grenade,  Valence  et  Murcie,  les  îles  Ba- 
léares, l'Aragon,  la  Catalogne,  la  Navarre,  les 
provinces  basques,  la  Galice,  la  Vieille-Castille,. 
Burgos  et  l'Estramadure .  Ces  capitaineries  se  sub- 
divisent en  quarante-sept  provinces  portant  le  nom 
de  leur  chef-lieu. 

La  population  de  l'Espagne  s'élève  à  16  260  OOO 
habitants.  Cette  faible  population  est  très  inégale- 
ment répartie  sur  le  territoire.  La  province  la  plus 
peuplée  est  celle  de  Pon^euerfra  dans  la  Galice,  surla 
rive  droite  du  Minho.  Elle  renferme  167  habitants 
par  kilomètre  carré.  La  moins  peuplée  est  celle  de 
Ciudad  Real,  qui  occupe  une  partie  de  la  Manche, 
au  sud  de  la  Nouvelle-Castille.  La  population  kilo- 
métrique n'y  est  que  de  13  habitants.  La  moyenne 
de  tout  le  royaume  est  de  33  habitants.  Cette  pro- 
portion est  dépassée  sur  les  rives  de  la  mer  de 
Biscaye,  où  Santander,  les  Asturies  et  la  Galice  ont 
G3  habitants  par  kilomètre  ;  dans  la  Navarre,  la  Bis- 
caye (Bilbao)  etLogrono  (haut  bassin  de  l'Ebre)» 
où  la  moyenne  est  de  43  habitants  ;  dans  Valence 
et  Murcie  où  elle  est  de  41.  L'Andalousie  avec- 
38  habitants,  la  Catalogne  et  l'Aragon  avec  34,  sont 
les  provinces  moyennes.  Les  Gastilles,  Léon  et 
l'Estramadure,  avec  21  habitants,  représentent  les 
régions  les  moins  peuplées.  On  peut  conclure  de 
ce  tableau  que  contrairement  à  ce  qui  se  passe 
en  France,  où  Paris  joue  le  rôle  de  pôle  d'at- 
traction par  rapport  aux  populations,  Madrid  oc- 
cupe  la  région  la  moins  peuplée  de  l'Espagne,, 
et  c'est  au  pourtour,  dans  les  régions  plus  humi- 
des, au  climat  plus  tempéré,  sur  les  rivages  in- 
vitant au  commerce  et  aux  entreprises  maritimes, 
que  se  groupent  de  préférence  les  populations. 

Ethnologie.  —  Races  primitives.  —  Les  Espa- 
gnols actuels  sont  issus  de  bien  des  races  diffé- 
rentes. La  plus  ancienne  est  celle  des  Ibères,  dont 
les  Basques  actuels  paraissent  être  les  derniers 
représentants,  et  dont  la  domination  s'étendait  sur 
toute  l'Espagne,  le  littoral  de  la  Méditerranée  jus 


ESPAGNE  ET  PORTUGAL 


700  —   ESPAGNE  ET  PORTUGAL 


qu'à  Gênes,  et  la  Gascogne  française,  à  en  juger  par 
des  noms  do  localités  qu'on  trouve  dans  ces  ré- 
gions et  qui  appartiennent  évidemment  à  cet 
idiome  différent  de  toutes  les  langues  actuellement 
parlées  en  Europe.  Les  Phéniciens,  les  Grecs,  les 
Carthaginois,  ont  fondé  des  colonies  florissantes 
dans  la  Péninsule,  avant  que  les  Romains  la 
fissent  entrer  dans  leur  empire.  Dans  le  flot  de 
l'invasion  des  barbares,  elle  fut  traversée  par  les 
Alains  qui  ont  laissé  quelques  descendants  dans  le 
Portugal,  s'ils  n'ont  point  entièrement  disparu,  par 
les  Suèves,  qui  sont  les  ancêtres  d'une  partie  des 
habitants  de  la  Galice,  parles  Vandales,  dont  l'An- 
dalousie conserve  le  nom.  par  les  VIsigoths  enfin,  qui 
j- ont  fondé  un  empire  durable  et  florissant  jusqu'à 
ce  qu'ils  fussent  refoulés  à  leur  tour  par  les  Arabes 
et  les  Maures  venus  d'Afrique.  A  côté  de  ces  races 
dont  le  sang  s'est  plus  ou  moins  mêlé,  on  trouve 
encore  en  Espagne  des  juifs,  convertis  à  l'époque 
de  l'inquisition  qui  les  proscrivait  en  masse,  et  des 
Gitanes  semblables  à  nos  Bohémiens  de  France,  qui, 
dans  plusieurs  villes,  forment  la  population  exclu- 
sive d'un  quartier. 

Les  habitants  des  diverses  provinces  de  l'Es- 
pagne ont  du  reste  leur  caractère  propre  résultant 
des  conditions  historiques  de  leur  origine,  de  leur 
développement,  des  conditions  climatériques  et 
économiques  dans  lesquelles  ils    vivent. 

Les  Basques,  qui  w  fusionnent  avec  aucune  au- 
tre race,  sont  très  jaloux  de  leurs  privilèges, 
de  leurs  fiioros,  comme  on  les  appelle,  qui  leur 
ont  été  octroyés  par  les  anciens  souverains  de  la 
Castille,  mais  qui  doivent  disparaître  aujourd'hui 
dans  l'intérêt  commun  de  toute  la  monarchie. 

Les  Catalans  se  rapprochent  des  Provençaux,  avec 
qui  ils  n'ont  longtemps  formé  qu'un  seul  peuple. 
Ce  sont  des  travailleurs  actifs  et  industrieux,  van- 
tards, querelleurs,  mais  audacieux  et  entrepre- 
nants pour  aller  chercher  fortune. 

Les  Galiciens  sont  aussi  portés  à  l'émigration  à 
cause  de  la  population  surabondante  de  leur  pro- 
vince. Ce  sont  les  Auvergnats  de  l'Espagne  ;  ils 
ont,  dans  toute  l'Espagne,  le  monopole  des  mé- 
tiers d'hommes  de  peine,  portefaix,  etc. 

Les  Andalous  sont  ceux  qui  ont  conservé  le  plus 
de  sang  maure  dans  les  veines.  Ils  en  ont  tiré  un 
très  grand  orgueil. 

Les  Castillans,  qui  sont  généralement  détestés 
des  autres  Espagnols,  sur  qui  ils  ont  établi  suc- 
cessivement leur  suprématie,  imposent  de  plus  en 
plus  leur  langue  à  toute  l'Espagne,  comme  ils  lui 
ont  imposé  leur  domination. 

En  général,  les  Espagnols  sont  de  petite  taille, 
musculeux,  sobres,  très  endurcis  à  la  fatigue,  sol- 
dats excellents  par  leur  obstination  dans  la  lutte, 
par  leur  résignation  pour  endurer  toutes  les  pri- 
vations E.  Reclus).  En  revanche,  ils  sont  vindicatifs, 
superstitieux,  souvent  cruels. 

Possessions  extérieures.  —  L'Espagne  a  main- 
tenant perdu  la  plus  grande  partie  de  l'immense  em- 
pire colonial  qui  faisait  dire  à  Charles-Quint  «  que  le 
soleil  ne  se  couchait  jamais  sur  ses  Etats.  »  Si  elle 
on  avait  tiré  d'immenses  richesses,  5i  milliards  de 
francs  de  métaux  précieux  pendant  les  deux  pre- 
miers siècles  qui  ont  suivi  la  conquête,  de  1500  à 
1702,  elle  y  avait  perdu  ses  enfants  les  plus  au- 
dacieux, et  le  caractère  national  se  trouvant  amolli 
par  l'indolence,  cette  grande  fortune  coloniale  a 
été  pour  l'Espagne  l'origine  de  la  décadence,  dont 
elle  semble  en  traiu  de  se  relever. 

De  ces  immenses  domaines,  où  du  moins  se 
conserve  encore  l'usage  de  la  langue  castillane,  il 
ne  reste  à  1  Espagne  que  Cuba  et  Porto-Rico  dans 
les  Antilles  (V.  Amérique),  les  Philippines  et 
quelques  archipels  voisins  dans  l'Océanie  (V. 
Océanie),  les  Canaries,  des  îles  dans  le  golfe  de 
Guinée  et  quelques  établissements  sur  la  côte  du 
Maroc  (V.  Afrique .  et  enfin  les  îles  Baléares  dans 


la  Méditerranée  ;  l'ensemble  de  ces  possessions  cou- 
vre une  superficie  de  300  000  kil.  carrés  peuplée 
de  8  500  000  habitants. 

Iles  Baléares.  —  Les  Baléares,  qui  tirent  leur 
nom  de  l'habileté  de  leurs  anciens  habitants  pour 
lancer  la  fronde,  forment  une  prolongation  des 
montagnes  de  l'Espagne  méridionale  vers  le  N.  E. 
Iviça,  !a  plus  rapprochée  de  la  c  te,  est  à  85  kil. 
du  continont.  Près  d'Iviça  et  au  sud  est  la  petite 
île  de  Fermentera.  Ces  deux  îles  s'appelaient  les 
Pityuses,  à  cause  des  pins  qui  en  couvraient  une 
partie.  Au  N.  E.  d'Iviça  viennent  successivement 
Majorque ,  la  plus  grande  île  du  groupe  ,  puis 
Minurqne.  Les  montagnes,  qui  ne  dépassent  pas 
400  m.  d'altitude  dans  Iviça,  forment  sur  la  côte 
\.  O.  de  Majorque  une  sorte  de  rempart  qui  s'é- 
lève jusqu'à  1  OitO  ou  1  oOO  mètres,  pour  s'abaisser 
de  nouveau  dans  Minorque.  Cette  dernière  île  est 
celle  qui  reçoit  le  plus  de  pluie.  Les  autres,  mal- 
gré leur  situation  insulaire,  ne  sont  pas  suffisam- 
ment arrosées  par  les  pluies,  et  si  on  y  récolte  en 
abondance  des  oranges,  des  vins,  des  olives,  des 
légumes,  c'est  grâce  à  des  canaux  d'irrigation  bien 
ménagés  et  à  cette  activité  propre  aux  habitants, 
qui  les  fait  rechercher  comme  jardiniers  dans  les 
contrées  voisines. 

Minorque  renferme  un  bon  port,  celui  de  Mahon 
(1  5000  hab.),  qui  sert  d'escale  sur  la  route  de 
France  en  Algérie,  car  il  est  situé  à  peu  près  sur 
la  ligne  directe  qui  relie  Marseille  à  Alger. 

La  capitale  de  Majorque,  Palma,  où  réside  le  ca- 
pitaine général,  a  une  population  plus  considéra- 
ble (40  000  hab.). 

Les  îles  Baléares  jouissent  d'un  climat  salnbre. 
et  les  habitants,  en  dehors  de  leurs  produits  agrico- 
les, ne  manquent  pas  d'industrie.  Ce  sont  eux  qui 
ont  donné  leur  nom  aux  faïences  dites  majoliques, 

Géographie  politique  et  économique  du  Portu- 
gal. —  lié<jio7îs  a^jricolex.  —  Sur  la  frontière  de  l'Es- 
pagne, le  Portugal  forme,  au  nord  du  Tage,  une 
région  montagneuse,  dont  la  Sierra  d'Estrella 
renferme  les  sommets  culminants  et  qui  est  prin- 
cipalement occupée  par  des  pâturages.  A  l'ouest, 
le  territoire  s'abaisse  en  formant  de  petites  mon- 
tagnes couvertes  de  cliâtaigniers  et  des  coteaux 
revêtus  de  riches  vignobles,  au  milieu  desquels 
s'étendent  des  vallées  très  fertiles,  où  l'on  cultive 
surtout  le  mais. 

L'Estramadure,  qui  occupe  les  deux  rives  du 
Tage,  renferme  des  montagnes  stériles,  un  lit- 
tiiral  sablonneux,  mais  offrant  de  riclios  marais  sa- 
lants, et  le  long  du  Tage  des  terres  û'alluvion  très 
fertiles  cultivées  en  riz,  en  mais,  en  froment.  A 
l'est  de  l'Estramadure,  sur  la  rive  droite  du  Gua- 
diana,rAlemtejo  offre  des  plateaux  souvent  couverts 
de  landes  qui  ne  conviennent  qu'à  la  culture  pas- 
torale. C'est  là  que  les  troupeaux  transhumants 
passent  l'hiver,  tandis  qu'ils  remontent  pendant 
l'été  dans  le  Beïra  et  le  Tras-os-mont(^s  au  nord 
du  Tage  et  du  Douro. 

Enfin  l'Algarve,  au  midi,  offre  de  belles  forêts  de 
chênes  et  des  champs  de  blé  fertiles  au-dessus 
des  jardins  du  littoral  qui  regarde  l'Afrique. 

Productinns  agricoles.  —  La  principale  produc- 
tion du  Portugal  est  le  vin.  La  région  qui  est  sur 
la  rive  droite  du  Douro,  entre  ses  deux  affluents,  le 
Tua  et  le  Tamega,  est  si  riche  en  vignobles  qu'elle 
porte  le  nom  caractéristique  de  Paiz  'la  Vinho. 
Les  produits  en  sont  exportés  par  le  port  de  Porto, 
dont  ils  portent  le  nom,  et  sont  principalement 
consommés  en  Angleterre.  Les  oranges  et  les 
citrons  de  Lisbonne  et  de  l'Algarve  forment  une 
source  importante  de  commerce.  A  ces  produits 
il  faut  ajouter  les  huiles,  les  noix,  amandes,  figues 
et  autres  fruits. 

Productions  minérales.  —  La  principale  richesse 
minérale  consiste  dans  le  sel  qu'on  recueille  en 
grande  abondance  sur  les  rivages,  et  particulière- 


ESPAGNE  ET  PORTUGAL 


701 


ESPAGNE 


ment  autour  de  Sétuval,  dont  la  baie  s'omTe  un 
peu  au  sud  de  Fembouchure  du  Tage. 

Le  minerai  de  cuivre  est  activement  exoloiié 
à  San  Domingo,  entre  le  Guadiana  et  son  affluent 
de  gauche,  la  Chanza,  qui  sert  de  frontière  aux 
deux  royaumes  de  Portugal  et  d'Espagne.  Un  che- 
min de  fer,  qui  de  la  mine  aboutit  au  confluent 
des  deux  rivières,  sert  de  débouché  à  l'exploita- 
tion, dont  les  produits  sont  ensuite  embarqués  sur 
le  fleuve  pour  gagner  l'Océan. 

Pêche.  —  Comme  les  côtes  de  la  Galice,  celles  du 
Portugal  sont  le  théâtre  d'une  pêche  très  active. 
On  y  trouve  des  sardines,  des  thons,  des  huîtres, 
dont  on  élève  un  grand  nombre  dans  des  parcs 
pour  les  expédier  ensuite  au  dehors.  Les  eaux  des 
fleuves  nourrissent  aussi  beaucoup  de  poissons. 

Commerce.  —  La  construction  des  chemins  de 
fer  est  encore  très  peu  avancée  en  Portugal.  A 
superficie  égale,  on  n'y  compte  que  le  quart  de 
ceux  qu'on  trouve  en  France.  Lisbonne  ne  commu- 
nique encore  avec  Madrid  que  par  Badajoz  ;  il 
pourrait  être  relié  directement  à  la  France  et  ser- 
vir de  tête  de  ligne  vers  l'Amérique  pour  l'Europe 
entière.  Les  fleuves  du  Portugal,  plus  considérables 
qu'en  Espagne,  conviennent  à  la  navigation,  et  à 
leur  embouchure  se  trouvent  des  ports  où  les  mar- 
chandises sont  transbordées  des  bateaux  de  rivière 
sur  les  navires  do  l'Océan.  Porto  (DfiOOO  hab.)  est 
la  première  ville  du  royaume  par  l'importance  de 
son  commerce  et  de  son  industrie.  Malheureuse- 
ment la  barre  du  Douro,  sur  laquelle  il  n'y  a  quel- 
quefois que  4  mètres  d'eau,  en  interdit  l'accès  aux 
navires  qui  ont  un  tirant  d'eau  plus  fort.  Le  Douro 
est  en  outre  sujet  à  des  crues  subites  qui  j'  rendent 
la  navigation  dangereuse.  On  trouve  à  Porto,  à  côté 
des  immenses  celliers,  des  raffineries  de  sucre, 
des  filatures  et  diverses  autres  usines. 

Lisbonne,  la  capitale  du  royaume  ("iôû  OOO  liab.\ 
est  dans  une  situation  admirable.  Bien  que  séparée 
de  l'embouchure  du  Tage,  de  manière  à  être  à 
l'abri  de  l'agitation  des  vagues  et  facilement  dé- 
fendue contre  les  attaques  du  dehors  (cependant 
la  flotte  française,  sous  l'amiral  Roussin,  en  a 
forcé  l'entrée  en  1831),  elle  a  devant  ses  quais  une 
profondeur  de  25  ou  30  mètres  d'eau,  où  peuvent 
mouiller  les  navires  les  plus  forts,  et  sa  rade 
immense  en  peut  contenir  des  milliers.  Tandis  que 
sur  la  rive  gauche  s'étendent  des  marais,  les 
alentours  de  Lisbonne,  sur  la  rive  droite,  sont 
escarpés  et  sont  revêtus  d'une  luxuriante  végéta- 
tion d'orangers,  de  palmiers,   de  nopals. 

Gouvernement,  population.  —  Le  gouvernement 
du  Portugal  est  une  monarchie  constitutionnelle. 
La  religion  catholique  est  celle  de  la  majorité  des 
habitants.  La  population  du  royaume  est  de  4  mil- 
lions d'habitants,  ou  4i  habitants  par  kilomètre 
carré  en  moyenne.  C'est  plus  qu'en  Espagne,  c'est  en- 
core beaucoup  moins  qu'en  France  (70 habitants  par 
kilomètre  carré).  La  population  la  plus  dense  est  dans 
la  partie  nord-est  du  royaume,  qui  alimente  une 
assez  nombreuse  émigration.  De  tous  les  Européens, 
les  Portugais,  en  effet,  sont  ceux  qui  s'acclimatent  le 
mieux  dans  les  pays  chauds.  Cette  disposition  e>t 
quelquefois  attribuée  au  sang  nègre  qu'ont  introduit 
les  noirs  d'Afrique,  ùont  un  grand  nombre  ont  été 
amenés  en  l'ortugal,  avant  d'être  transportés  comme 
esclaves  en  Amérique.  Les  Maures  ne  se  sont  pas 
établis  en  Portugal  aussi  solidement  qu'en  Espa- 
gne, et  y  ont  laissé  beaucoup  moins  de  traces. 

Coto'  tes.  —  Par  sa  situation  maritime,  le  Portu- 
gal était  appelé  à  jouer  un  rôle  colonial,  aussitôt 
que  ses  marins  curent  découvert  la  route  de  l'Amé- 
rique méridionale  et  celle  de  l'Inde  par  le  cap  de 
Bonne-Espérance.  Après  avoir  eu  en  Orient  un 
grand  empire  colonial,  ils  ont  été  supplantés  pres- 
que partout  par  les  Hollandais;  et  le  Brésil,  leur 
plus  belle  possession  en  Amérique,  s'est  déclaré 
indépendant  en  1822.  Il  ne  reste  actuellement  au 


Portugal  que  les  îles  Açores,  Madère,  et  du  cap 
Vert  dans  l'Atlantique,  l'île  Saint-Tliomas  et  l'île 
du  Prince  dans  le  golfe  de  Guinée,  Géba  dans  la 
Sénégambie,  une  partie  de  la  Guinée  méridionale 
et  le  Mozambique  dans  l'Afrique  méridionale 
(V.  Afriquei  ;  Diu  et  Goa  dans  l'Hindoustan,  et 
Macao  en  Chine  (V.  Asie)  ;  une  partie  de  l'île  Timor 
(V.  Océanie);  en  tout  1  82ôi  00  kilomètres  carrés, 
peuplés  de  3C00  0U0  habitants.  [G.  Meissas.] 

Pour  l'histoire  et  la  littérature  du  Portugal, 
V.  Portugal. 

ESFAOE.  —  Histoire.  —  Histoire  générale, 
XXIX.  —  De  l'Espagne  surtout  on  peut  dire  que 
la  géographie  y  régit  l'histoire.  «  Une  position 
continentale  aussi  isolée,  une  forme  aussi  monta- 
gneuse ne  sont  pas  les  plus  favorables  aux  com- 
munications ni  au  mouvement.  On  pénètre  diffici- 
lement d'Europe  en  Espagne  :  la  grande  muraille 
des  Pyrénées  en  ferme  l'accès.  On  ne  passe  point 
aisément  d'une  partie  de  l'Espagne  dans  l'autre  ; 
les  chaînes  intérieures  s'y  opposent.  L'isolement 
extérieur  et  l'isolement  intérieur  sont  donc  les 
caractères  généraux  de  l'Espagne.  Pour  l'unir  au 
reste  du  monde,  et  pour  lier  ses  provinces  entre 
elles,  il  a  fallu  l'invasion  du  dehors,  et  la  conquêto 
au  dedans.  »  (Mignet.) 

Le  peuple  espagnol  est  formé  d'Ibères  auxquels 
se  sont  d'abord  mélangés  des  Celtes  :  puis  quelques 
colons  grecs  de  Marseille,  des  Phéniciens  et  des 
Carthaginois;  puis  des  Romains,  qui  dominèrent 
quatre  siècles,  durant  la  fin  des  temps  antiques; 
puis  des  Goths,  des  Juifs,  des  Berbers  et  des 
Arabes,  dont  la  défaite  en  1492  ferme  en  Espagne  le 
moyen  âge  et  la  période  des  invasions.  Aux  temps 
modernes,  l'Espagne  a  étonné  le  monde  pendant 
un  siècle  par  sa  monstrueuse  grandeur,  depuis 
159R  par  la  rapidité  et  la  profondeur  de  sa  chute. 

Antiquité.  —  V^  pério<le  d'mvasio/i.  —  Les  pre- 
miers envahisseurs  furent  les  colons  carthaginois. 
Des  comptoirs  de  la  côte  orientale  s'embarquaient 
les  lingots  d'argent  des  mines  espagnoles,  et  la 
foule  des  Barbares,  Ibères  ou  Celtes,  qu'enrôlaient 
pour  défendre  leur  avarice  les  riches  négociants 
de  Canhage.  Plus  tard,  c'est  en  Espagne  que  le 
grand  Hamilcar  fonda  l'empire  des  Barcas,  assez 
loin  de  Cartilage  pour  être  indépendant,  assez 
riche  pour  payer  la  populace  punique,  assez  brave 
pour  fournir  une  armée  contre  Rome  ;  Carthagène  en 
fut  la  capitale.  La  Péninsule  soumise  jusqu'à  lÈbre 
devint  la  base  des  opérations  d'Annibal,  malgré 
Sagonte,  digne  déjà  de  Saragosse.  Après  son  frère. 
Asdrubal  put  s'échapper  encore  et  franchir  la 
Gaule  pour  passer  en  Italie  (20.s).  Depuis  dix  ans 
les  Espagnols,  mobiles  et  pauvres,  flottaient  entre 
les  deux  partis  de  Rome  et  des  Parcas.  En  202  ils 
furent  le  prix  du  vainqueur.  Mais  ce  fut  pour 
Rome  deux  siècles  de  guerre  acharnée  à  soutenir. 
Les  prisonniers,  embarqués  comme  esclaves,  per- 
çaient la  cale  du  navire  et  coulaient  dans  les  flots 
avec  leurs  nouveaux  maîtres.  Un  pâtre  de  la  Sierra 
Morena,  Viriathe,  fut  neuf  ans  invincible  ;  un  ins- 
tant, il  y  eut  une  paix  a  conclue  entre  le  peuple 
romain  et  Viriathe  »  ;  et  le  berger  battit  les  légions 
jusqu'au  jour  où  on  l'assassina  (140;.  En  134,  il 
fallut  Scipion  Emilien,  60  000  légionnaires  et  la 
famine  pour  réduire  à  se  tuer  4000  Xumantins 
emprisonnés  dans  leur  ville.  SousSertorius  (82-72,, 
ils  battirent  Métellus  et  Pompée;  à  Munda  (45)  ils 
affrontèrent  César  et  tinrent  une  journée  sa  for- 
tune en  balance;  sous  Auguste,  ils  remuaient 
encore  dans  les  gorges  des  monts  Cantabres  et  dos 
Asturies. 

Mais,  comme  le  reste  du  monde,  comme  Rome 
elle-même,  ils  allaient  entrer  dans  la  grande  paix 
de  l'empire.  Leurs  trois  provinces,  Lusitanie  au 
sud-ouest,  Béti(iue  au  midi,  Tarraconaise  au  nrird, 
se  peuplaient  de  villes  aux  noms  romains,  Mérida, 
Cordoue,  Séville,  Lugo,  Saragosse,  à  côté  des  an- 


ESPAGNE 


—  702  — 


ESPAGNE 


ciennes,  Gadès,  Carthagène,  Sagonte  el  Rosas.  Les 
temples,  les  cirques,  les  bains,  les  af|ueducs,  les 
ponts  se  multipliaient  dans  les  villes.  Depuis  1750 
ans,  la  tour  bâtie  sur  le  pont  d'Alcantara  domine 
le  Tage  de  64  mètres,  la  hauteur  de  Notre-Dame. 
Livrée  au  commerce,  à  l'agriculture,  à  l'industrie, 
la  Péninsule  était  pacifiée;  le  long  des  routes  ro- 
maines, h  la  suite  de  ses  préteurs,  de  ses  armées, 
de  SCS  publicains,  de  ses  commerçants  se  répan- 
daient partout  les  idées  et  la  langue  du  vainqueur. 
Fondue  dans  l'empire  romain,  l'Espagne  lui  donna 
ses  gloires  :  Pomponius  Mêla  le  géographe,  l'agro- 
nome Columelle,  le  rhéteur  Quintilien  ;  Florus 
écrivait  une  histoire  romaine  ;  Martial  aiguisait 
1500  cpigrammes  ;  surtout,  Sénèque  et  son  neveu 
Lucain  mirent  en  latin  la  raideur  sioïcienne  et 
l'emphase  espagnole.  Moins  d'un  siècle  après  Au- 
guste, la  province  donnait  des  maîtres  à  Rome 
môme;  Trajan  (98  après  Jésus-Christ)  commençait 
la  dynastie  des  empereurs  espasinols,  Adrien,  Marc- 
Aurèle,  dont  la  vertu  réalisa  l'idéal  antique,  enfin 
Thcodose  qui  le  dernier  tint  sous  ses  lois  l'Orient  et 
l'Occident,  de  l'Euiihrate  à  l'Atlantique. 

MoYE.N  AGE.  —  '2^  période  d'viuasion.  —  Mais 
Théodoso  emportait  l'empire  romain  dans  sa  tombe 
En  409  le  Ilot  dévastateur  aes  Alains,  Vandales  et 
Suèves  roulait  des  Pyrénées  au  détroit  de  Gadès. 
Après  vingt  ans  les  Vandales  partirent  pour  l'Afrique, 
ne  laissant  d'eux  en  Espagne  que  des  ruines  et  le 
nom  d'Andalousie.  Les  Suèves  étaient  refoulés  en 
Galice  et  les  Alains  en  Lusitanie  par  de  nouveaux 
venus,  les  Visigoths,  établis  sur  les  deu.x  flancs 
des  Pyrénées  comme  soldats  de  l'empire.  Sans 
cesse  ébranlée  par  les  discordes  des  rois  et  de 
l'aristocratie,  par  la  haine  des  indigènes  catho- 
liques contre  leurs  maîtres  ariens,  rapidement 
afl"aiblie  par  ramollissement  des  Barbares  sous  le 
soleil  du  Midi,  la  nouvelle  domination  ne  fut  jamais 
bien  assise  et  il  suffit  d'une  journée  —  celle  de 
Xérès  (7 11)  —  pour  la  balayer  de  la  Péninsule  devant 
les  escadrons  des  Arabes.  Arrêtés  à  Tours  en 
732,  ceux-ci  se  replièrent  derrière  le  miir  glacé  des 
Pyrénées,  et  en  752  fut  fondé  le  Khalifat  de  Cor- 
doue.  «Ils  y  introduisirent  leur  civilisation,  qui  fut, 
comme  leur  croyance,  le  résultat  d'un  emprunt. 
Mis  en  rapport  par  le  commerce  avec  les  juifs  de 
la  Palestine  et  les  chrétiens  de  la  Syrie,  ils  avaient 
enfanté  l'Islamisme  ;  mis  en  communication  par 
la  conquête  avec  les  Grecs,  les  Hindous,  les  Clii- 
nois,  ils  créèrent  cette  civilisation  mélangée,  sans 
originalité  et  sans  profondeur,  mais  non  sans  éclat 
ni  sans  utilité,  qui  rattacha  les  unes  aux  autres  les 
découvertes  de  trois  civilisations  isolées,  et  rétablit 
le  mouvement  suspendu  de  l'esprit  dans  le  moyen 
âge.  »  C'est  par  eux  que  l'Occident  reçut  les  pre- 
miers manuscrits  d'Aristote.  C'est  dans  leur  voi- 
sinage et  par  leur  influence  que  se  réveilla  l'esprit 
scientifique.  Astronomie,  géométrie,  algèbre,  phy- 
sique, médecine,  géographie  étaient  alors  ensei- 
gnées dans  de  nombreuses  écoles  espagnoles. 
L'agriculture  fut  cultivée  comme  une  science,  et 
la  fécondité  du  sol  multipliée  par  des  irrigations 
merveilleuses  ;  la  vigne,  l'olivier,  la  canne  h  sucre, 
le  cotonnier  couvraient  les  provinces  méridionales  ; 
les  100  000  palmiers  d'Elche  près  d'Alicante  ont 
été  plantés  par  Abd-er-Rhaman.  Séville  comptait 
600UO  métiers  à  tisser  la  soie  au  xii^  siècle  ;  il  n'y 
en  a  pas  aujourd'hui  20  000  dans  toute  l'Espagne. 
Et  la  Péninsule  reçut  encore  des  mains  des  Arabes 
la  poudre  à  canon,  le  papier  de  chiffon,  l'art  des 
préparations  chimiques,  de  la  distillation,  l'usage 
des  chifi'res  dont  nous  nous  servons  aujourd'hui, 
les  orgues,  les  horloges  à  sonnerie,  les  almanachs, 
la  boussole,  le  pendule.  De  tout  cela,  nous  ne 
voyons  plus  que  quelques  monuments:  la  Giralda 
de  Séville,  qui  fut  un  observatoire  astronomique  et 
qui  est  devenue  un  clocher  catholique,  la  mosquée 
de  Cordouc  qu'éclairaient  4600  lampes  et  dont  plus 


de  mille  colonnes  en  marbre  soutenaient  les  3i 
nefs  ;  surtout  l'Alhambra  de  Grenade  avec  ses 
dentelles  de  pierre,  ses  frais  jardins,  ses  claires 
fontaines.  «  Mais  ce  qui  s'arrête  recule.  Le  Khalifat 
de  Cordouc  s  était  détaché  de  celui  de  Bagdad  ;  les 
diverses  parties  de  lEspagne  se  détachèrent  du 
Khalifat  de  Cordoue.  Lorsque  le  lien  de  la  conquête 
se  brisa,  la  puissance  des  lieux  reparut,  et  la  na- 
ture divisa  ce  que  la  force  avait  un  moment  ré- 
uni. »  (Mi'j;net.)Aprèslachute  du  Khalifat (1044),  les 
émirs  érigèrent  leurs  provinces  en  royaumes  ;  et 
l'anarchie  livra  les  débris  de  l'empire  arabe  aux 
attaques  des  chrétiens. 

Formation  territoriale.  —  Cependant  chaque 
pas  de  la  décadence  arabe  avait  marqué  un  progrès 
des  chrétiens.  Dès  711,  l'Espagne  était  devenue 
le  champ  clos  des  deux  religions.  Quelques  fugitifs 
de  Xérès,  sous  le  comte  Pelage,  s'étaient  main- 
tenus libres  dans  les  gorges  des  Asturies.  Leurs 
fils  descendaient  peu  à  peu  des  montagnes  ;  en 
7G0  ils  fondaient  Oviédo,  en  914  Léon,  et  leur  fron- 
tière se  hérissait  de  châteaux  forts,  dont  le  pays 
reçut  bientôt  le  nom  de  Castille.  En  même  temps 
la  Marche  d'Espagne,  fondée  par  Charlemagne, 
devenait  le  royaume  de  Navarre  ^857),  dont  le  roi, 
Sanche  le  Grand,  uni  à  celui  de  Léon,  frappait  sur 
le  Khalifat  de  Cordoue  l'irréparable  désastre  de 
Kalat-Anosor  (1002).  Les  chrétiens,  disent  les  chro- 
niques, se  battirent  comme  des  loups  affamés.  Des 
trois  fils  de  Sanche  le  Grand,  l'aîné,  Garcias,  agran- 
dissait la  Navarre,  le  deuxième,  Ferdinand,  unissait 
les  royaumes  de  Léon  et  de  Castille  (1037),  le  troi- 
sième, Ramire,  prenait  l'Aragon  sur  les  Maures 
(1035-1063). 

Vainqueurs  à  Tolède,  mais  vaincus  à  Zalacca  (1086) 
par  les  Maures  Almoravides,  puis  à  Uclès  (1108),  les 
Croisés  espagnols  n'en  conquéraient  pas  moins  deux 
royaumes  nouveaux,  en  Portugal  sous  Henri  de 
Bourgogne  (1139),  à  Valence  sous  le  Cid,  qui  fut 
le  Roland  de  la  Péninsule  et  que  chanta  le  roman- 
cero. Désormais  les  clirétiens,  solidement  adossés 
aux  Pyrénées,  soutinrent  contre  les  Musulmans 
une  croisade  régulière,  grâce  aux  ordres  militaires 
deCalatrava(1158),  de  Saint-Jacques  (J 161),  d'Alcan- 
tara (1176).  En  1212,  malgré  les  chaînes  qui  reliaient 
entre  eux  les  premiers  rangs  des  Almohades,  mal- 
gré le  Coran  que  tenait  en  main  leur  émir,  les 
Maures  vinrent  se  briser  sous  les  haches  d'armes 
des  Espagnols  aux  Navas  de  Tolosa.  Le  destin  de 
la  Péninsule  était  fixé  ;  tôt  ou  tard  les  Musulmans 
en  devaient  sortir.  Dépouillés  de  Cordoue,  de 
Séville,  de  Jaen,  de  Cadix  par  les  Castillans,  de 
Valence  par  les  Aragonais,  des  Algarves  par  le 
Portugal,  ils  ne  possédaient  plus  en  1248  que  Gre- 
nade et  son  territoire. 

Mais  les  barons  espagnols,  terribles  aux  Maures, 
ne  l'étaient  pas  moins  à  leurs  maîtres.  L'anarchie 
déchirait  les  quatre  royaumes  chrétiens.  Les  Certes, 
formées  des  députés  du  clergé,  des  villes  et  de  la 
noblesse,  possédaient  le  pouvoir.  En  Aragon,  le 
Justiza,  choisi  par  les  barons,  surveillait  les  actes 
du  roi  ;  et  voici  le  serment  que  les  sujets  prêtaient 
à  leur  prince  :  «  Nous,  qui,  chacun  en  particulier, 
sommes  autant  que  vous,  et  qui,  tous  réunis, 
sommes  plus  que  vous,  nous  vous  jurons  obéissance 
et  fidélité,  si  vous  observez  nos  lois  (  t  coutumes  ; 
sinon,  non.  »  Et  la  liberté  du  langage  ne  surpassait 
point  celle  des  actes,  et  les  discordes  des  princes 
s'ajoutaient  à  la  désobéissance  des  barons.  Cepen- 
dant à  la  fin  du  moyen  âge  (1453),  la  bannière  ara- 
gonaise  flottait  sur  les  Baléares,  la  Sardaigne, 
Malte,  et  les  Deux-Siciles  enlevées  aux  Angevins 
français. 

Trois  princes  ont  alors  entrepris  d'établir  l'unité 
sous  le  pouvoir  absolu  en  France,  en  Angleterre,  en 
Espagne.  Ferdinand  d'Aragon  fut  le  Louis  XI  espa- 
gnol. L'unité  politique  et  religieuse  de  la  Pénin- 
sule fut  le  but  de  ses   talents  et   de  sa  perfidie. 


ESPAGNE 


—  703  — 


ESPAGNE 


Mari  d'Isabelle  de  Castille,  il  consacre  l'union  des 
deux  grands  royaumes  espagnols  par  la  victoire  de 
Tore  remportée  sur  les  nobles  et  les  Portugais 
(1476).  En  1492,  après  onze  ans  de  guerre,  il  entre  h 
Grenade  ;  Boabdil,  ledernierdesroismaures,pleure 
comme  une  femme  le  royaume  qu'il  n'a  pas  su  dé- 
lendre  comme  un  Homme.  En  1493,  Ferdinand  ob- 
tient de  Cliarles  VIII  le  Roussillon  ;  en  1512  il  con- 
quiert la  Navarre,  dont  Ximenès  achève  la  soumis- 
sion (1516-1518). 

En  même  temps  il  transforme  la  milice  des 
villes  (Sainte  Hermandad),  et  la  tourne  contre  la 
noblesse.  Il  attribue  à  la  couronne  la  grande  maî- 
trise des  ordres  militaires.  Enfin  il  crée  l'Inquisi- 
tion, organisée  par  Torquemada.  Dix-sept  tribunaux 
ecclésiastiques,  dirigés  par  le  grand-inquisiteur, 
veillent  sur  la  conscience  religieuse  des  Espagnols, 
ils  chassent  les  Juifs  (1492)  et  les  Maures  (1499). 

Maître  de  l'Espagne,  Ferdinand  s'occupa  d'éta- 
blir sa  prépondérance  au  dehors.  En  15()0,  il  s'alliait 
à  Louis  XII  contre  le  prince  aragonais  deNaples, 
et  en  1501  Gonzalve  de  Cordoue  lui  assurait  l'en- 
tière possession  de  la  conquête  commune.  En  1492 
Isabelle  avait  donné  trois  navires  à  Christophe 
Colomb  ;  et  celui-ci  en  retour  avait  donné  un  monde 
à  l'Espagne. 

Enfin  un  habile  «  système  d'alliances  politiques  » 
enfantait  le  monstre  autrichien  qui  devait  au  xvi* 
siècle  écraser  l'Europe  de  sa  suprématie.  L'Espa- 
gnole Jeanne  épousait  Philippe  le  Beau  d'Autriche 
et  donnait  le  jour  à  Charles-Quint. 

Temps  modernes.  —  Apogée  de  l'Espagne.  — 
«  Charles-Quint  (1516-1556)  a  été  le  souverain  le 
plus  puissant  et  le  plus  grand  du  xvi«  siècle.  Issu 
des  quatre  maisons  d'Aragon,  de  Castille,  d'Au- 
triche et  de  Bourgogne,  il  en  a  représenté  les  qua- 
lités variées  et  à  plusieurs  égards  contraires, 
comme  il  en  a  possédé  les  divers  et  vastes  Etats.  » 
(Mignet.)  «  Il  était  à  lui  seul  une  coalition,  »  dans 
laquelle  l'Espagne  se  trouvait  fondue  et  subor- 
donnée. Entre  ses  mains,  elle  ne  fut  plus  qu'un 
instrument  puissant  pour  obtenir  la  maîtrise  du 
monde  ;  elle  dépensa  sa  force  au  service  d'intérêts 
qui  n'étaient  point  les  siens.  Ses  trésors  et  ses 
soldats  s'usaient  à  combattre  la  France,  à  contenir 
les  protestants  d'Allemagne,  à  vaincre  les  Turcs, 
à  maintenir  péniblement  le  faisceau  d'une  monar- 
chie dans  laquelle  le  soleil  ne  se  couchait  jamais. 
Aussi,  désintéressée  des  triomphes,  qui  lui  étaient 
inutiles,  elle  partagea  la  défaite  dans  la  crise 
suprême  de  1555  qui  mit  à  néant  ^œu^Te  de 
Charles-Quint.  En  vain  le  peuple  espagnol  avait-il 
voulu  des  garanties.  Les  comuneros  vaincus  à 
Villalar  (1521),  Padilla  fut  décapité  et  avec  lui  l'es- 
prit national.  C'est  pourtant  en  Estramadure  que 
nnt  mourir  le  vieil  empereur  au  bout  de  ses  succès, 
de  ses  forces  et  de  sa  vie.  De  ce  règne,  l'Espagne 
gardait  l'Amérique,  conquise  par  Cortez  etPizarre, 
les  Pays-Bas,  la  Franche-Comté,  le  Milanais,  les 
Deux-Siciles,  l'alliance  de  l'Angleterre,  dont  la  reine 
Marie  Tudor  venait  d  épouser  le  fils  de  Charles- 
Quint,  l'amitié  docile  des  Médicis  à  Florence,  des 
Doria  à  Gênes,  l'épée  de  Philibert-Emmanuel,  duc 
de  Savoie,  enfin  son  nouveau  maître,  le  taciturne  et 
hautain  Philippe  II. 

C'était  l'apogée  de  l'Espagne,  féconde  dans  les 
lettres  et  les  arts  comme  dans  la  politique  et  la 
guerre.  Herrera  «  le  divin  »  chantait  ses  odes  su- 
blimes; la  Vega  s'illustrait  par  ses  sonnets  avant 
de  mourir  à  trente-six  ans  ;  Mendoza  donnait  son 
histoire  des  guerres  contre  les  Maures.  Après  eux, 
Cervantes  (154  7-1616)  écrivait  son  immortel  don 
Quichote  et  ses  drames  moins  célèbres;  Guillen 
de  Castro  mettait  en  scène  le  Cid  Campéador  qui 
inspira  notre  Corneille  ;  Lope  de  Vega  composait 
ses  1  800  drames  ;  enfin  Calderon  méritait  d'être 
surnommé  le  Shakespeare  espagnol.  L'éclat  de 
la  peinture   fut    postérieur    à  celui  des    lettres  ; 


Velasquez,  Zurbaran ,  surtout  Murilio  vécurent 
au  XVII*  siècle.  Ainsi  donc,  par  sa  littérature 
comme  par  ses  armées,  l'Espagne  alors  dominait 
l'Europe. 

«  Quand  l'Espagne  remue,  la  terre  tremble,  » 
disaient  les  contemporains.  Du  fond  de  l'Escurial, 
palais  et  monastère  tout  ensemble,  Philippe  II 
remuait  le  monde,  avec  l'Espagne  pour  levier. 
Chef  du  catholicisme  armé,  confondant  le  triomphe 
de  la  religion  et  celui  de  son  ambition  même,  il 
méditait  l'asservissement  de  l'Europe  dans  l'unité 
de  son  empire  et  de  sa  foi.  Pour  atteindre  ce  but, 
il  livrait  à  l'Inquisition  le  reste  des  Maures  anda- 
lous  et  il  proscrivait  avec  eux  l'agriculture  et  l'in- 
dustrie espagnoles  (1568).  Don  Juan,  son  frère, 
auquel  il  «  permettait  la  gloire  à  défaut  de  la  puis- 
sance »,  écrasait  les  Turcs  à  Lépante  (1571).  Lui- 
même  avait  vaincu  les  Français  à  St-Quentin  (1558), 
et  signé  la  paixdeCateau  Cambrésis  (1559).  II  allait 
conquérir  le  Portugal  (1580).  Mais  la  réforme  était 
une  enclume  qui  déjà  avait  usé  bien  des  mar- 
teaux. Après  Marie  Tudor,  Elisabeth  avait  im- 
planté le  protestantisme  en  Angleterre  et  mis  à 
mort  Marie  Stuart(  1587).  L'invincible  Armada  diri- 
gée contre  les  Anglais  était  vaincue  par  les  vents 
(1588)  ;  les  Provinces-Unies  étaient  victorieusement 
révoltées  sous  le  prince  d'Orange  ;  enfin,  en  France, 
après  les  espérances  de  la  Ligue,  le  triomphe 
d'Henri  IV  obligeait  l'Espagne  à  la  paix  de  Vervins 
(1598).  La  même  année  mourut  Philippe  II.  L'Es- 
pagne s'était  épuisée  sans  retour  dans  son  effort 
gigantesque;  de  fatigue,  elle  entrait  dans  sa  déca- 
dence. 

Décadence.  —  Sous  Philippe  III  (1598-1621), 
le  repos  ne  fut  que  langueur,  et  l'Andalousie  s'ap- 
pauvrit encore  de  8(tO,000  Maures  chassés  en 
1609.  En  1618  commença  la  guerre  de  Trente 
ans.  L'orgueil  de  Philippe  IV  0621-1665)  et  de 
son  ministre  Olivarez  coiitait  à  leur  pays  le  Por- 
tugal (1640),  la  Hollande  (1648),  Dunkerque  et  la 
domination  des  mers  dont  héritait  l'Angleterre, 
l'Artois,  le  Roussillon,  la  prépondérance  en  Eu- 
rope qui  passait  à  la  France  (traité  des  Pyrénées, 
1659).  Charles  II  (1U65-1700),  impuissant  et  débile, 
était  l'image  de  son  empire,  démembré  par  cha- 
que guerre  (Flandre,  1668,  Franche-Comté,  1678) 
et  dont,  sous  ses  yeux,  ses  héritiers  se  disputaient 
les  lambeaux. 

Quand  mourut  ce  pauvre  prince,  il  n'y  eut  plus 
de  Pyrénées  ;  le  Bourbon  Philippe  V  allait  régner 
à  Madrid,  soutenu  par  l'amour  des  Espagnols.  La 
première  fois  que  les  Autrichiens  entrèrent  à 
Madrid,  les  maisons  étaient  fermées  en  signe  de 
deuil,  et  l'on  ne  ramassa  point  l'or  qu'avait  jeté 
l'archiduc  Charles  dans  les  rues.  Chassé  deux  fois 
de  sa  capitale,  Philippe  y  rentra  définitivement 
après  la  victoire  d'Almanza(1707),  et  celle  de  Villa- 
Viciosa  (1710),  qui  lui  fit  un  lit  de  drapeaux  autri- 
chiens. Mais  pour  conquérir  son  roi,  l'Espagne 
avait  perdu  toutes  ses  possessions  européennes  et 
Gibraltar  par  les  traités  de  171-3. 

Le  regret  de  cette  déchéance  et  l'ambition  de  sa 
reine  Elisabeth  Farnèse  l'entraînaient  aussitôt  dans 
l'intrigue  d'Albéroni.  Vaincu  en  1720,  Philippe  V 
obtint  cependant  pour  ses  fils  les  Deux-Siciles, 
(1738),  et  Parme  et  Plaisance  en  1748. 

L'avènement  de  Ferdinand  VI  (1746-1759)  donna 
le  pouvoir  au  ministre  Ensenada.  Celui-ci  ranima 
l'agriculture  et  l'industrie,  mil  de  l'ordre  dans  les 
finances,  dans  l'administration,  et  laissa  à  son  suc- 
cesseur une  armée,  50  vaisseaux  et  60  millions 
d'économies.  Sous  Charles  III,  prince  habile  et 
libéral  (1759-17S8),  Aranda  et  Campomanès,  s'in- 
spirant  des  idées  françaises,  essayèrent  de  renou- 
veler l'Espagne.  La  réforme  des  couvents,  l'expul- 
sion des  jésuites  (1767),  désarmèrent  l'Inquisition 
qui  depuis  cinq  siècles  avait  expulsé  2  800  000  infi- 
dèles et  rendu  347  000  condamnations.  Le  pacte 


ESPAGNE 


—  704  — 


ESPAGNE 


de  famille  flTfill  avait  donné  à  l'Espagne  la  Loui- 
siane, mais  lui  avait  coûté  la  Floride  !l'(j-i),  que 
lui  rendit  bientôt,  avec  Minorque.  le  traité  do  Ver- 
sailles (l78:}i.  Après  eux,  Florida  Blanca  (Il 74) 
fonda  un  grand  nombre  de  fabriques,  favorisa  l'a- 
? riculture,  perça  des  canaux  et  des  routes,  institua 
la  banque  royale. 

Mais  Cliarles  IV  (1788-1808)  abandonna  bientôt 
ces  réformes  pour  lutter  contre  la  révolution 
française  sur  les  conseils  de  son  mini-tre  Godoy. 
Vaincu,  il  signa  la  paix  de  Bàle,  qui  livrait  Saint- 
Domingue  à  la  France.  Dès  lors  il  fut  le  docile 
instrument  de  Napoléon  contre  l'Angleterre  et  le 
Portugal.  La  flotte  espagnole  périt  avec  la  nôtre  à 
Trafalgar  (1805),  et  jugeant  la  nation  par  son  roi. 
Napoléon  résolut  d'annexer  la  Péninsule  à  son 
empire.  En  I.S07,  Junot  conquérait  le  Portugal  ;  en 
18U8,  Napoléon  arrêtait  à  Bayonne  Charles  IV  et 
son  fils  révolté;  Joseph,  nommé  roi  d'Espagne,  en- 
trait victorieux  h  Madrid.  Mais  le  peuple  espagnol 
était  debout  derrière  ses  montagnes,  soutenu  par 
les  Portugais  de  Wellington,  et  bientôt  Dupont 
capitulait  à  Baylen  en  1808.  En  vain  Napoléon  lui- 
même  poussait  victorieux  jusqu'à  Madrid  fl809); 
Masséna  reculait  devant  les  lignes  de  Torrès- 
Vedras  (1812),  et  Joseph  perdait  la  Péninsule  à  Vit- 
toria  (1813).  La  chute  de  l'empereur  délivra  le  fils 
de  Charles  IV,  Ferdinand  VU  ilsU). 

PÉRIODE  COXTEJIPORAINE.  —  1814-1879.  —  «  La 
nation  replace  sur  votre  tête  la  couronne  qui 
en  était  tombée,  et  qu'elle  a  su  reconquérir  i 
pour  vous  et  sans  vous.  La  patrie  ne  met  à  votre  ' 
autorité  d'autres  limites  que  celles  qui  ont  été 
posées  par  la  charte  constitutionnelle.  Le  jour  où 
vous  les  franchiriez,  le  pacte  solennel  qu'elle  forme 
aujourd'hui  avec  vous  serait  rompu.  »  Ainsi  parla 
à  Ferdinand  le  président  des  cortès,  au  nom  de 
la  nation  justement  fière  de  ses  efi'orts  héroïques 
pour  repousser  l'étranger.  Ferdinand  VII  jura 
d'observer  la  Constitution  de  1812  ;  mais  quelques 
semaines  après,  les  Cortès  étaient  dissoutes,  l'in- 
quisition rétablie,  les  prisons  pleines  de  patriotes, 
et  l'Espagne  perdait  ses  colonies  insurgées  contre 
ce  régime  vers  1820. 

La  même  année  Riego  souleva  l'armée  à  Cadix; 
Ferdinand  VII  dut  ouvrir  les  prisons  et  convoquer 
les  Cortès.  Celles-ci,  imitant  notre  grande  assem- 
blée constituante,  déclarèrent  les  biens  ecclésias- 
tiques propriété  nationale  et  abolirent  les  droits 
féodaux.  Aussitôt  la  noblesse  et  le  clergé  insurgés 
appelèrent  l'intervention  étrangère  ;  et  Louis  XVIII 
déclara  la  guerre  au  nom  de  la  Sainte-Alliance 
(1823).  «  En  1812,  répondirent  les  Cortès,  lorsque 
l'Europe  avait  à  repousser  un  conquérant  redou- 
table, les  souverains  approuvèrent  notre  consti- 
tution. Ils  pensaient  alors  que  la  meilleure  garan- 
tie de  l'indépendance  est  la  liberté.  Aujourd'hui 
tous  se  réunissent  pour  étouffer  en  Espagne  la 
liberté  comme  l'indépendance.  Nous  défendrons 
l'une  et  l'autre.  »  Mais  l'armée  française  entra  à 
Madrid,  puis  à  Cadix  après  la  prise  du  Trocadéro. 
Riego  fut  pendu,  avec  un  grand  nombre  de  libé- 
raux. 45,000  Français  montèrent  la  garde  autour 
du  trône  de  Ferdinand  jusqu'en  1828.  Ce  prince 
mourut  en  18-33  après  avoir  aboli  la  loi  salique  in- 
troduite par  les  Bourbons. 

Deux  candidats  se  disputaient  le  trône,  don  Carlos, 
frère  de  Ferdinand,  et  Isabelle,  tille  du  feu  roi,  sous 
la  régence  de  sa  mère  Christine.  Carlos  était  sou- 
tenu par  les  partisans  de  l'ancien  régime,  nom- 
breux dans  le  nord.  Clirisiine  dut  s'appuyer  sur 
les  libéraux.  Le  ministre  la  Rosa  rédi£;ea  une 
constitution  (Statut  royal  de  1834)  et  signa"  la  qua- 
druple alliance  avec  l'Angleterre,  la  France  et  le 
Portugal.  Après  les  discordes  des  christinos,  la 
guerre  reprit  avec  énergie  contre  les  carlistes, 
et  Espartero  les  contraignit  à  signer  la  capi- 
tulation de  Vergara  (1838),  qui  terminait  la  lutte 


Mais  Espartero  renversa  la   régente    Christine,. 
(1840  ,  et  fut  àson  tour  remplacé  par  Narvaéz(1843.. 
La  reine  Isabelle,  devenue  majeure,  avait  rappelé 
sa  mère  ;  suivant  l'influence  française,  elle  épousa 
son  cousin  François  d'Assise  et  donna  sa  sœur  au 
duc  de  Montpensier,  fils  de  Louis-Philippe  (184G  . 
Jusqu'en    septembre    1868,    elle   a    gouverné    au 
milieu  des  intrigues.  Chassée  alors  par  une  inî,ur- 
rection    militaire  victorieuse  à   Alcolea  ,   elle  fit 
place  à  un  gouvernement  provisoire,  dirigé  par  le 
maréchal    Prim.    La    constitution    rédigée,    Prim 
offrit  la    couronne    d'Espagne   à  un    prince  de  la 
famille  de  Hohen.zollern,  et  mit  ainsi  aux  prises  la 
France  et  l' Allemagne  (juillet  1870).  En  décembre, 
Amédée  I,  fils  du    roi    d'Italie  Victor-Emmanuel, 
accepta  la   couronne.  Mais  après   le    meurtre  du 
maréchal  Prim  et  le  commencement  de  l'insurrec- 
tion carliste  (1872),  le  nouveau  roi  abdiqua  (février 
l''i73),  et  la  république  fut  proclamée.  A  la  guerre 
carliste  se   joignit  bientôt  l'insurrection  des  fédé- 
ralistes, concentrés  dans  Canhagène.  Le  3  janvier 
1874,  le  général  Pavia  dispersa  les  Cortès  et  donna 
le  pouvoir  au  maréchal  Serrano  qui    reprit   Car- 
thagène  (1874).  Mais  au  mois  de  décembre,  le  pro» 
I  nunciamiento   militaire    de    Sagonte,    œuvre    du 
général    Martinez    Campos,    donna    le   trône    au 
fils    d'Isabelle,   Alphonse   XII,    et    la    monarchie 
constitutionnelle    fut    rétablie,   avec   M.  Canovas 
del  Castillo  à  la  tète  du  ministère. 

[Paul  Schâfer.] 
Littérature.  —  Avant  de  présenter  le  tableau 
de  la  littérature  espagnole,  il  ne  nous  paraît  pas 
hors  de  propos  de  jeter  un  coup  d'œil  rapide  sur 
la  formation  d'une  langue  que  nos  voisins  d'au- 
delà  des  Pyrénées  ont  écrite  et  écrivent  encore 
avec  tant  d'élégance,  et  qu'ils  ont  portée  et  répan- 
due dans  le  Nouveau-Monde.  Si  l'on  trouve  quel- 
ques restes  de  phénicien,  de  grec  et  de  carthagi- 
nois dans  les  dialectes  de  la  péninsule  ibérique, 
on  peut  néanmoins  affirmer,  sans  crainte  d'être 
contredit,  que  la  langue  latine  importée  par  la 
domination  romaine  y  a  laissé  les  traces  les  plus 
durables  et  a  fini,  à  travers  les  siècles  et  par  des 
transformations  successives,  par  devenir  la  langue 
nationale  de  l'Espagne.  Nous  n'avons  pas  à  nous 
étendre  ici  sur  les  modifications  plus  ou  moins  pro- 
fondes que  les  envahisseurs  goths  et  arabes  firent  su- 
bir à  la  pureté  du  latin  ;  ni  à  montrer  comment 
du  mélange  des  divers  idiomes  des  populations  in- 
digènes est  sorti  le  roman  vulgaire  et  le  castil- 
lan moderne  ;  qu'il  nous  suffise  d'observer  que  ce 
castillan  s'est  formé  surtout  du  latin  dont  il  a  con- 
servé, aver  la  gravité,  une  sununie  (Je  pronoiicia 
tion  qui  n'appartient  à  aucune  des  langues  néo- 
latines. 

"  Un  fait  qui  ne  doit  pas  être  passé  sous  silence 
au  début  de  cet  exposé,  c'est  l'existence  et  le  dé- 
veloppement de  deux  littératures,  l'une  continua- 
tion de  l'antiquité  savante  et  classique,  l'autre  vul 
gaire  et  spontanée,  ne  devant  rien  qu'à  elle-même. 
Celle-là  cultivée  par  les  moines,  les  ecclésiasti- 
ques et  le  petit  nombre  de  séculiers  adonnés  aux 
lettres  ;  celle-ci  appartenant  exclusivement  au  peu- 
ple. L'une  ne  représentant  rien  du  présent  et  se  con- 
sumant en  vains  efforts,  l'autre  expression  des 
sentiments  populaires,  se  montrant  pleine  de  vie 
et  d'espérance.  La  première  finit  bien  par  adop- 
ter l'idiome  national,  mais  de  mauvaise  grâce  ;  elle 
resta  le  reflet  d'une  civilisation  éteinte,  pendant 
que  la  seconde  se  consacrait  au  développementd'une 
civilisation  nouvelle,  à  l'expression  des  grands 
sentiments  du  peuple  espagnol,  la  religion,  l'hon- 
neur et  la  galanterie,  les  trois  grandes  sources  de 
la  littérature  au  moyen  âge  ;  aussi  finit- elle  par 
faire  oublier  son  adversaire  et  rester  la  littérature 
vraiment  nationale,  parce  qu'elle  était  l'expression 
des  idées,  des  doctrines,  des  désirs  et  des  intérêts- 
de  tous. 


ESPAGNE 


705  — 


ESPAGNE 


Le  plus  ancien  monument  de  la  langue  espagnole 
écrite,  moitié  latin,  moitié  espagnol  informe,  c'est 
la  confirmation  de  la  Carta-puebla  d'Avila  (chaite 
de  répartition  des  terres,  des  impôts,  des  privilèges) 
dans  les  Asturies  en  1155.  La  poésie  fait  aussi  son 
apparition  vers  cette  même  époque  et  trouve  son 
•expression  dans  le  Poème  du  Cid,  dont  le  principal 
personnage  est  Ruiz  Diaz,  le  Cid  Campeador, 
ce  grand  héros  populaire  de  l'Espagne  chevaleres- 
que. L'auteur  nous  reproduit  les  mœurs  et  les 
sentiments  de  l'époque  avec  toute  la  rudesse  et  la 
■violence  du  caractère  national,  dans  une  langue 
à  moitié  développée  et  se  dégageant  à  peine  des 
liens  du  latin,  mais  avec  une  liberté  et  une  har- 
diesse d'esprit  qui  s'harmonise  bien  avec  le  sujet 
principal  du  poème,  la  lutte  contre  les  Maures. 
Après  le  Poème  du  Cid  viennent  des  compositions 
anonymes,  parce  qu'on  ne  connaît  ni  les  auteurs, 
ni  le  lieu  de  leur  composition  :  telles  sont  le  L>v7'e 
d'Apollonius,  la  Vie  de  Notre-Dame,  la  Vie  de  sainte 
Marie  d'Egypte,  V Adoî-atinn  des  trois  saints  rois  ; 
puis  les  treize  mille  vers  de  Gonzalo  de  Berceo,  sur 
des  sujets  religieux  :  la  Vie  de  saint  Dominique 
de  Silos,  les  Miracles  de  la  Vierge,  les  Douleu's 
de  la  Vierge,  etc.,  récits  appartenant  aux  idées  reli- 
gieuses du  moyen  âge  et  dont  le  but  était  d'exciter 
les  sentiments  de  dévotion. 

Un  des  écrivains  qui  ont  le  plus  contribué  aux  pro- 
grès et  au  développement  de  la  prose  castillane, 
•c'est  le  roi  Alphonse  le  Sage  ou  le  Savant,  non  seule- 
ment par  les  nombreux  ouvrages  qu'il  composa, 
tels  que  la  Chronique  générale  d'Espagne,  une  Hi^- 
toire  universelle,  le  Livre  du  Trésor,  les  Tables 
Alphonsines,  ï Histoire  d'outre-mer,  le  Spectihon 
ou  Miroir  île  tous  les  droits,  le  Septénaire  ou  les 
Sept  Parties,  etc.,  mais  surtout  par  la  Ver.-ioi>  de 
la  Bible  en  langue  castillane  dont  il  fit  une  langue 
nationale  en  prescrivant  son  usage  dans  toutes 
les  procédures  légales.  Il  avait  cependant  composé 
ses  Cantiques  en  dialecte  galicien,  et  dans  ses  vers 
se  retrouvent  les  traces  de  la  poésie  provençale 
■dont  il  aimait  d'avoir  les  représentants  à  sa  cour. 
Un  autre  poète,  Juan-Laurent  Segura,  nous  a  laissé 
dix  mille  vers  sur  la  Vie  d'Alexandre  le  Grand,  his- 
toire généralement  racontée  avec  la  pesanteur 
d'une  chronique,  mais  respirant  parfois  un  souffle 
poétique.  Des  ouvrages  d'un  neveu  d'Alphonse  le 
Sage,  l'un  des  plus  turbulents  Espagnols  de  son 
temps,  D.  Juan  Manuel,  il  ne  nous  reste  que 
le  Comte  de  Lucanor,  collection  de  quarante-neuf 
apologues,  contes  et  anecdotes.  Un  contemporain 
de  D.  Juan  Manuel,  Juan  Ruiz,  vulgairement  ap- 
pelé l'archiprêtre  de  Hita,  composa  sept  mille  vers 
environ  avec  une  variété  de  mesure,  de  ton  et 
d'énergie  jusqu'alors  inconnus  à  la  poésie  castil- 
lane. Ses  Cantigas  de  Serrana  sont  des  chansons 
pastorales  très  animées,  à  la  manière  des  Pa):to- 
j^etas  ou  Pastorelles  des  troubadours  provençaux. 
La  couleur  de  ces  poésies  est  excessivement  va- 
riée ;  l'esprit  satirique  l'emporte,  mais  non  sans 
un  mélange  de  bonne  humeur  au  milieu  des  contes 
et  des  apologues,  exprimés  avec  un  naturel  et  une 
vivacité  charmante.  Vers  i:J50,  nous  trouvons  le 
curieux  poème  intitulé  Libro  de  rabbi  don  Santob, 
qui  engage  plus  dune  fois  Pierre  le  Cruel  à  ne 
pas  mépriser  des  conseils,  parce  qu'ils  lui  vien- 
nent d'un  juif.  Dans  le  même  manuscrit  se  lisait 
la  Doctrine  chrétienne,  la  Vision  d'un  ermite,  la 
Danse  de  la  Mort,  peinture  espagnole  saisissante  et 
pittoresque,  et  un  poème  sur  Josrph  en  langue 
espagnole  et  en  caractères  arabes.  Le  dernier 
de  CCS  spécimens  primitifs  de  la  poésie  castil- 
lane, c'est  le  Rimado  de  Palacio ,  ayant  pour 
sujet  les   devoirs  des  rois  et  des  nobles  dans  le 

fouvernement  de    l'Etat,  esquisse  des  mœurs   et 
es  vices  du  temps,  par  Pedro  Lopez  de  Ayala,  mort 
en  1407. 
Si  l'on  veut  bien  comprendre  l'originalité  et  le 
2«  Partie. 


véritable  caractère  de  la  littérature  populaire  cas- 
tillane, au  moment  où  elle  prend  son  essor  et  se 
dégage  de  l'école  provençale,  italienne  et  de  cour, 
pendant  la  seconde  moitié  du  quatorzième  siècle, 
tout  le  quinzième  et  tout  le  seizième,  il  faut  se 
reporter  aux  Romanceros  et  aux  Cancioneros,  aux 
Chroniques,  aux  Livres  de  chevalerie  et  au  théâ- 
tre. Il  faut,  dans  les  premiers  recueils,  étudier  les 
Romances,  subdivisées  en  chevaleresques,  histori- 
ques, mauresques  et  relatives  à  la  vie  privée  et 
aux  mœurs  des  Espagnols  eux-mêmes,  contenues 
dans  les  collections  publiées  en  1550,  1593,  1597, 
1608,  dans  les  Cancioneros  de  Baena,  de  Stuniga 
de  Martinez  de  Burgos,  dans  le  Cancioneio  gêne- 
rai de  Castilloy  publié  en  1511.  Il  faut  saisir  les 
sujets  de  ces  diverses  romances  dans  les  chroni- 
ques générales,  les  chroniques  royales  qui  com- 
mencent par  Alphonse  X  et  se  perpétuent  jusqu'à 
Ferdinand  et  Isabelle  ;  voir  dans  les  chroniques 
de  faits  particuliers,  El  poso  hoyiroso,  El  Segwo 
de  Tordesillas  ;  dans  celles  de  personnages  parti- 
culiers, les  chroniques  de  D.  Pedro  Niiïo,  d'Al- 
varo  de  Luna,  de  Gonzalve  de  Cordoue  ;  dans  celles 
de  voyages,  les  chroniques  de  Ruy  Gonzalez  de 
Glavijo,  de  Christophe  Colomb,  de  Balboa  ;  enfin 
ne  pas  négliger  les  chroniques  fabuleuses  qui 
marquent  la  transition  aux  fictions  romantiques 
de  chevalerie,  fictions  qui  commençaient  déjà  à 
inonder  l'Espagne.  En  effet,  de  certaines  chroni- 
ques aux  Livres  de  chevalerie,  il  n'y  a  qu'un  pas. 
Aussi  dès  que  Montalvo  eut  traduit  ï Amadis 
de  Gaule,  le  goût  se  développa  avec  une  éton- 
nante rapidité,  en  Espagne,  pour  toutes  ces  allé- 
gories extravagantes,  alambiquées,  absurdes  et 
fastidieuses ,  dont  le  génie  immortel  de  Cer- 
vantes devait  plus  tard  faire  bonne  et  prompte 
justice. 

Quant  au  théâtre,  ce  n'est  guère  que  vers  le 
milieu  du  xiii'  siècle  qu'il  prit  naissance  en 
Espagne,  sous  le  patronage  de  l'Eglise,  et  par  des 
sujets  religieux.  Mais  pour  apprécier  sa  valeur, 
dans  ces  temps,  il  ne  nous  reste  aucun  fragment 
de  ces  mystères  mimés  ou  dialogues,  et  il  nous  faut 
arriver  à  la  seconde  partie  du  xv^  siècle  sans  rien 
trouver  qui  porte  le  caractère  d'une  composition 
dramatique  profane.  Des  essais  s'aperçoivent  dans 
les  copias  de  Mingo  Revulgo,  dans  le  dialogue  de 
Cota  entre  l'Amour  et  un  Vieillard  :  ce  n'est  toute- 
fois que  dans  la  Célestine  qu'on  peut  voir  le  point 
de  départ  du  théâtre  espagnol.  Cette  œuvre,  roman 
dramatique  plutôt  que  drame,  est  une  composition 
pleine  de  vie  et  de  mouvement,  en  vingt  et  un  actes, 
où  les  caractères  des  personnages  sont  développés 
avec  énergie  et  vérité,  en  style  vif  et  brillant  et 
avec  toutes  les  ressources  qui  constituent  le  vrai 
et  le  pur  castillan.  Elle  a  exercé  une  véritable 
influence  sur  la  fondation  du  drame  national. 
Après  la  Célestine  viennent  les  Représentations 
de  Juan  de  l'Encina  :  ce  sont  des  églogues  qui 
devaient  être  représentées  devant  des  protecteurs 
et  des  amis  de  la  Cour,  et  qui  l'ont  été  réellement  ; 
puis  quarante-deux  petits  drames  du  I  ortugais  Gil 
Vicente,  et  les  comédies  de  Torres  Naharro  qui, 
le  premier,  appelle  les  a.zic&  j or nadas^  donne 
à  la  pièce  six  personnages  au  moins,  douze  au 
plus  ;  la  fait  précéder  d'un  iiitroït  ou  prologue  ; 
introduit  le  rôle  du  gracioso,  observe  l'unité  d'ac- 
tion, et  fait  reposer  l'ensemble  sur  les  mœurs 
nationales.  Après  lui  vient  Lope  de  Rueda,  auteur 
et  acteur,  donnant,  avec  ses  troupes  ambulantes, 
des  représentations  à  Séville,  à  Valence,  à.  Ségoyie, 
et  méritant,  malgré  sa  profession  de  comédien, 
d'être  enterré  dans  la  grande  cathédrale  de  Cor 
doue.  Juan  de  Timoneda  recueille  les  comédies, 
les  coloquios  pastoriles,  les  pasos  que  Lope  jouait 
non  pas  dans  les  églises,  ni  dans  les  palais  des 
grands,  mais  sur  les  places  publiques,  suivant  le 
goût  et  l'humeur  de  la  multitude,  et  il  fait  faire 

45 


ESPAGNE 


706  — 


ESPAGNE 


quelques  pas  de  plus  k  l'art  dramatique  naissant, 
comme  le  prouvent  ses  lieux  aveugles;  et  par  les 
efforts  de  Viruès  et  de  Leonardo  de  Argensola  se 
ferme  la  période  primitive  du  théâtre  espagnol,  et 
l'époque  de  Lope  de  Vega  et  de  Caldéron  est  pré 
parée. 

Disciple  de  l'école  italienne,  Lope  de  Vega  ne 
doit  sa  réputation  qu'au  drame  national,  dont  il 
expose  la  théorie  dans  son  Art  nouveau  de  faire 
des  comédies.  Il  commence  par  des  églogues  repré- 
sentées devant  des  grands,  par  des  moralités  jouées 
dans  les  cathédrales,  et  il  finit  par  ces  drames 
sans  nombre,  d'une  facililé  inconcevable,  où  il 
flatte  le  goût  du  peuple  et  établit  définitivement 
le  théâtre  national.  Que  ce  soient  des  comédies 
de  cape  et  d'épée,  des  pièces  roulant  sur  des  sujets 
historiques  fournis  par  l'histoire  ancienne,  par 
l'histoire  contemporaine,  par  l'histoire  nationale 
ou  par  l'histoire  étrangère;  que  ce  soient  ces 
drames  si  nombreux  tires  de  la  vie  commune  ;  les 
comédies  de  ruido  et  les  comédies  de  apariencins  ; 
les  succès  de  l'auteur  et  le  goût  populaire  pour 
les  représentations  profanes  alarment  l'Eglise 
toute  puissante  qui  fait  fermer  les  théâtres.  Lope 
de  Vega  s'adonne  alors  aux  comédies  qu'il  tire  de 
la  vie  des  saints  populaires,  aux  comédies  de 
Santos,  aux  Autos  Sacramentales  dont  la  loa, 
Yentremes  avec  la  Tarasca,  les  Giga?ito?ies  et  les 
Carras  font  les  délices  de  la  population  madrilè- 
gne,  les  jours  de  la  fête  du  corpus  Christi.  Lope 
sacrifie  tout  au  goût  du  public.  Pour  plaire  aux 
spectateurs,  il  foule  tout  aux  pieds,  histoire,  géo- 
graphie, convenances  morales,  régularité  du 
drame  D'un  autre  côté  il  relève  ses  pièces  par 
l'intrigue  comique,  par  ses  graciosos,  ses  picaros 
qui  n'en  sont  qu'une  variété  dramatique,  par  son 
style,  par  le  charme  de  ses  vers  où  il  mêle  habi- 
lement les  vieilles  romances  qui  flattent  tant  l'or- 
gueil national. 

A  côté  de  ce  monarque  absolu  de  la  scène  appa- 
raissent les  poètes  des  écoles  de  Séville  et  de 
Valence,  et  les  disciples  de  Lope  de  Vega  qui,  pour 
se  faire  une  réputation,  accourent  tous  à  Madrid, 
devenue  la  capitale  de  la  monarchie  espagnole.  Au 
milieu  d'eux  nous  distinguons  Guillen  de  Castro, 
qui  inspire  le  Cid  à  Corneille;  Montalvan,  à  qui 
Rajnouard  doit  les  Templiers;  Tirso  de  Molina, 
dont  le  Burlador  de  Sevi/la  est  le  type  primitif  du 
Don  Juan  joué  sur  toutes  les  scènes  d'Europe  et 
parmi  nous  entre  autres  dans  le  Festin  de  Piei^e 
de  Molière  ;  Alarcon,  dont  la  Verdad  sospechosa 
sert  de  modèle  au  Meiitcur;  et  tous  ceux  qui, 
appartenant  au  clergé  ou  à  la  noblesse,  et  ne 
voulant  pas  être  connus,  composent  pour  la  scène, 
sous  la  dénomination  discrète  de  higenios  de  esta 
corte . 

Le  rival  le  plus  éminent  de  Lope  de  Vega  n'est 
pas  Cervantes,  qui  appelait  ce  roi  du  théâtre  un 
monsiruo  de  la  natiiraieza,  mais  bien  sans  contre- 
dit D.  Pedro  Caldéron  de  la  Barca.  Ce  poète,  dis- 
tingué dans  les  concours  poétiques  dès  l'âge  de 
vingt  ans,  se  vit  attaché  à  la  cour  sous  le  règne 
do  Philippe  IV,  avec  l'obligation  de  fournir  des  dra- 
mes aux  théâtres  royaux.  Durant  une  existence 
de  quatre-vingts  ans,  il  écrivit  un  grand  nombre  de 
pièces  pour  Tolède,  pour  Séville,  pour  Madrid,  loas, 
entremeses,  autos,  toutes  allégoriques,  tirées  tantôt 
des  Ecritures  saintes,  tantôt  mêlées  h.  l'histoire 
nationale  ;  des  comédies  de  Saiitos,  des  comédies 
dévotes,  des  comédies  de  cape  et  d'épée.  Si,  dans 
les  drames  de  Lope,  on  peut  voir  paraître  Adam  et 
Eve  vé/us  à  la  française  et  les  Espagnols  débarquer 
sur  les  côtes  de  Hongrie,  on  peut  dire  que  l'his- 
toire et  la  géographie  sont  également  absentes  dans 
les  pièces  de  Caldéron.  Coriolan  est  un  général  de 
Poniulus,  le  Danube  coule  entre  la  Suède  et  la 
Russie,  Jérusalem  est  située  sur  les  bords  de  la 
mer.   Malgré  ces  erreurs,  Caldéron  charmait   son 


public.  Ses  drames  sont  remplis  d'aventures  ex- 
traordinaires, de  retours  de  fortune  inattendus,  de 
déguisements,  de  duels,  de  méprises  de  tout  genre. 
Pour  augmenter  la  vivacité  de  l'action  et  l'intérêt 
des  personnages,  il  met  en  jeu  des  ressorts  incon- 
nus jusqu'à  lui.  Il  représente  surtout  les  Espagnols 
de  son  temps,  avec  des  allusions  flatteuses  pour  les 
personnes  et  en  rappelant  des  événements  agréa- 
bles pour  les  auditeurs  tant  de  la  cour  que  de  la 
ville.  Plus  que  tout  autre,  dans  une  versification 
riche  et  harmonieuse,  il  provoque  la  curiosité  et 
attire  l'attention  par  la  peinture  extravagante  de 
l'amour,  de  la  jalousie,  du  point  d'honneur,  des 
droits  domestiques  portés  au  suprême  degré  de 
l'exagération 

Pendant  que  le  théâtre  s'élève  à  une  hauteur  qui 
a  pu  être  égalée  depuis,  mais  qui  n'a  pas  été  dé- 
passée, tous  les  autres  genres  littéraires  se  déve- 
loppent à  leur  tour  soit  en  poésie,  soit  en  prose. 
L'épopée  produit  \'Arauca?ia  d'Ercilla ,  que  Vol- 
taire a  fait  connaître  à  la  France;  les  Larmes  d'An- 
gélique, dont  Cervantes  aurait  pleuré  la  perte,  et 
ces  immenses  compositions  épiques  sur  les  exploits 
de  Charles-Quint,  de  D.  Juan  d'Autriche,  de  Fer- 
nand  Certes,  qui  arrivent  jusqu'à  OOOoO  vers.  A 
côté  de  l'épopée  nationale,, nous  trouvons  les  tra- 
ductions de  Vlliade  de  ÏÉnéide,  de  Dante  et  du 
Tasse,  et  les  épopées  burlesques  de  VAsneida,  de  la 
Mosquea  et  de  VEjitien^o  de  la  gâta  de  Juan 
Chrespo ,  «  l'enterrement  de  la  chatte  de  Juan 
Chrespo.  » 

La  poésie  lyrique  s'étudie  surtout  dans  les  re- 
cueils si  connus  des  Romanceros,  dans  les  accents 
des  troubadours  provençaux,  soit  à  la  cour  d'Ara- 
gon, soit  à  la  cour  de  Castillc  et  aux  Jeux  Floraux 
de  Barcelone  ;  dans  les  vers  des  frères  Manrique  et 
des  Urreas  ;  dans  les  sonnets,  les  copias,  les  can- 
zones  de  toute  une  pléiade  de  poètes  que  l'influence 
de  l'Italie  partage  en  deux  écoles:  l'une  qui  préfère, 
comme  fray  Luis  de  Léon  et  Fernando  de  Herrera, 
l'ancien  mètre  castillan,  pour  reproduire  des  senti- 
ments populaires  vraiment  espagnols,  et  où  se  trou- 
vent les  défenseurs  de  l'espiii  national  Cristobal 
de  Castillejos,  Villegas  ;  l'autre,  qui  est  conduite 
par  Boscan  et  Garcilaso  de  la  Vega,  ces  pétrar- 
quistes  qui  introduisent  dans  leurs  compositions 
les  mesures  et  les  formes  préférées  des  Italiens  • 
Les  Lamentaciones  de  Silvestre,  les  Silves  de  Rioja, 
les  Endecltas  de  Quevedo,  et  les  élégies  de  Villegas 
nous  font  connaître  les  transformations  du  genre 
élégiaque,  pendant  que  les  vers  de  Saa  de  Miranda 
nous  déroulent  les  occupations  de  la  vie  champêtre 
et  que  les  églogues  de  Lope  de  Vega  nous  initient 
à  la  vie  pastorale  de  la  Péninsule  ;  pendant  que  les 
preguntas  y  respuestus  ingénieuses  ou  puériles, 
savantes  ou  absurdes  nous  donnent,  avec  quelques 
traités,  le  vrai  caractère  de  la  poésie  didactique 
à  cette  époque,  depuis  les  six  cents  proverbes  du 
Marquis  de  Santillane  jusqu'aux  vingt-quatre  mille 
refrains  de  Juan  Yriarte. 

Jusqu'au  règne  de  Juan  II,  le  dialecte  castillan 
s'était  contenté  d'étendre  sa  domination  sur  tou- 
tes les  autres  provinces  de  l'Espagne,  et  de  se 
substituer  au  galicien,  au  provençal,  au  catalan. 
On  n'avait  jusque  là  rien  fait,  ou  presque  rien,  pour 
l'enrichir,  l'élever  et  le  purifier.  Sous  le  règne  de 
Juan  II,  le  style  commence  à  être  regardé  comme 
une  chose  importante  ;  le  choix  des  mots,  comme  le 
premier  pas  ver.o  son  amélioration.  Il  avait  été 
grave,  digne  et  pittoresque,  mais  peu  riche.  Juan 
de  Mena  prit  hardiment  les  mots  qui  répondaient 
à  sa  pensée  partout  où  il  les  trouva,  soit  dans  le 
latin,  soit  dans  d'autres  langues,  etle  vocabulaire 
castillan  acquit  par  son  travail  plus  d'étendue,  plus 
de  vigueur,  plus  de  noblesse  et  plus  de  variété. 
Dès  lors  Palencia  peut  composer  son  dictionnaire, 
Antonio  de  Lebrija  sa  grammaire,  un  inconnu,  son 
Dialogue  des  langues,  pour  nous  faire  coimaître 


ESPAGNE 


—  707  — 


ESPAGNE 


l'origine  et  le  caractère  de  l'idiome  castillan  et  le 
sens  des  mots  fixés  par  l'usage  de  Tolède.  Avec  cet 
instrument  ainsi  perfectionné,  Francisco  de  la  Torre 
peut  nous  donner  sa  Vision  deleitable;  Hurtado  de 
Mendoza,  %on  Laznrillo  de  Tor'xes,  roman  satirique 
du  genre  picaresque  qu'ont  suivi  le  Guzman  d'Ai- 
farache,  le  Grand  Tacano,  le  OU  Blas.  La  prose 
pastorale  peut,  par  la  Galatée  de  Cervantes  eXÏAr- 
cadie  de  Lope,  nous  tracer  les  ravissants  tableaux 
de  la  vie  champêtre,  nous  initier  aux  récréations 
que  prenaient  les  esprits  à  la  cour  de  Philippe  II 
et  de  Philippe  III,  et  permettre  à  Gongora  de  faire 
école,  avec  les  Cultoristos,  ou  amis  d'un  style 
ridiculement  cultive,  et  les  Cojiceptistos,  ou  par- 
tisans de  toutes  les  extravagances  dans  la  pensée 
et  l'expression  ;  le  roman  historique  peut  trouver 
son  véritable  caractère  dans  les  Guerres  civiles  de 
Grfïi'ide,  par  Ginez  Perez  de  Hita.  Alors  peuvent 
paraître  les  livres  de  chevalerie,  dont  les  récits  sin- 
guliers charmaient  tant  les  esprits,  et  dont  un  des 
derniers  est  le  Diablo  çojuelo,  «  le  Diable  boiteux  »  ; 
alors  le  genre  épistolaire,  si  varié  dans  les  lettres  d'un 
auteur  vrai  ou  supposé,  Fernand  Gomez  de  Cibda- 
real,  de  Fernando  del  Pulgar,de  Christophe  Colomb, 
prend  un  autre  caractère  dans  la  correspondance 
do  sainte  Thérèse,  d'Antonio  Perez,  ce  ministre  de 
Philippe  II  qui  a,  un  des  premiers,  introduit  en 
France  le  goût  de  la  langue  espagnole.  La  compo- 
sition historique  peut  aussi  révéler  les  qualités  qui 
distinguent  les  Annales  de  Zurita,  la  Guerre  de 
Grenad'i  de  Mendoza,  les  historiens  des  Indes  et 
la  Conquête  du  Mexique  d'Antonio  de  Solis.  La 
prose  didactique  peut  nous  donner  le  Helox  de 
prijicipes,  «  l'Horloge  des  princes,  »  d'Antonio  do 
Guevara,  dont  l'objet  est  de  placer  sous  les  yeux  de 
Charles-Quint  le  modèle  d'un  prince  plus  parfait 
qu'aucun  autre  de  l'antiquité  par  sa  sagesse  et  sa 
vertu  ;  le  Guide  des  Pêcheurs,  de  Luis  de  Grenade, 
livre  traduit  dans  toutes  les  langues  ;  les  œuvres 
des  mystiques  et  les  traités  politiques  à  l'usage  des 
seigneurs  et  des  princes. 

Enfin  c'est  dans  ce  castillan  que  Cervantes  nous 
fait  lire  son  Persiles  et  Sigismonde,  ses  Nove/as 
ejemplares,  ces  contes  qui  respirent  une  fraîclieur 
puisée  au  sol  vigoureux  du  caractère  national, 
pages  écrites  avec  une  richesse  de  langue,  une  vi- 
gueur et  une  grâce  telles  qu'ils  sont  restés  sans 
rivaux  pour  le  succès.  C'est  dans  ce  castillan  qu'il 
a  écrit  son  inimitable  Don  Quichotte,  livre  sans 
rival  pour  le  fond  et  pour  la  forme,  que  le  monde 
entier  lit  et  relit  dans  ses  innombrables  traductions, 
sans  pouvoir  décider  ce  qu'il  y  a  de  plus  admira- 
ble, ou  de  l'intelligence  raffinée  de  Don  Quichotte, 
ou  du  bon  sens  populaire  de  Sancho  Panza. 

Un  changement  politique  porte  en  170ô  un  prince 
français.  Philippe,  duc  d'Anjou,  sur  le  trône  d'Espa- 
gne. Philippe  V  aimait  les  lettres,  il  connaissait 
toute  l'influence  qu'elles  peuvent  exercer  sur  la  régé- 
nération d'un  peuple.  Un  de  ses  premiers  soins 
fut  de  fonder  des  sociétés  savantes,  l'Académie 
royale  espagnole,  l'Académie  d'histoire,  et  il  favorisa 
le  développement  des  institutions  analogues.  Alors 
il  s'opéra,  en  Espagne,  un  travail  d'émancipation 
intellectuelle  par  l'influence  française.  D.  Ignacio 
Luzan  fonda  un  système  poétique  sur  les  doctrines 
critiques  d'après  Boileau  et  Lebossu.  D.  Benito 
Feijoo  publia  son  Théâtre  critique  et  ses  Lettres 
érudites.  Ferdinand  VI  fit  des  efforts  pour  combat- 
tre l'esprit  d'incrédulité,  d'intolérance  et  de  su- 
perstition ;  il  favorisa  les  académies  du  Bon"  Goût 
et  les  réunions  littéraires.  Le  règne  de  Charles  III 
donna  des  résultats  sensibles  par  l'amélioration 
des  plans  d'étude,  la  réorganisation  de  l'éducation 
populaire,  l'élévation  de  l'instruction  publique  et 
l'introduction  de  nouvelles  méthodes  d'enseigne- 
ment. L'expulsion  des  Jésuites  laissa  plus  de  li- 
berté à  l'esprit,  comme  le  prouvent  la  Juvenlud 
riu7ifan  te   du  P.   Isla,  son    Hisioire  du    fameux 


prédicateur  Fray  Gé)~undio  et  son  Gil  Blas. 
Sedano,  Sanchez  et  Sarmiento  font  revivre  les  an- 
ciens maîtres  par  leurs  travaux  de  littérature  et 
de  linguistique.  Moratin  le  père  adopte  les  opi- 
nions de  Luzan  et  réforme  le  goût  de  ses  conci- 
toyens. Dans  le  salon  de  la  Fonda  de  San  Sébas- 
tian on  discute  librement  les  productions  littéraires 
des  autres  nations  et  les  moyens  d'élever  la  culture 
intellectuelle  du  peuple  espagnol.  Cadahalso  pu- 
blie sa  charmante  satire  des  Eruditos  d  la  Violeta, 
Yriarte  et  Samaniego  donnent  leurs  collections  de 
fables,  pendant  que  d'autres  écrivains  se  précipi- 
tent vers  l'école  française  du  xviii*  siècle.  Mais 
une  réaction  s'opère.  Melendez  fonde  l'école  de 
Salamanque,  suivie  par  Diego  Gonzalez  Forner, 
Iglesias,  Cienfuegos.  L'invasion  française  arrive  et 
alors  apparaissent  les  âmes  fermes  des  Jovellanos 
Muiioz,  Leandro  Moratin,  Quintana,  que  les  vi- 
cissitudes de  la  politique  et  les  faiblesses  de  Fer- 
dinand VII  envoient  sur  la  terre  d'exil. 

Le  règne  d'Isabelle  semble  ouvrir  une  ère  litté- 
raire nouvelle,  et  des  écrivains  remarquables  se  pro- 
duisent dans  tous  les  genres.  L'art  dramatique  est 
surtout  d'une  fécondité  remarquable,  soit  qu'il 
mette  en  scène  les  imitations  des  pièces  étrangères, 
traduites  et  arregladas,  c'est-à-dire  accommodées  au 
goût  d'une  nation  qui  n'a  ni  les  mœurs,  ni  les  usages 
des  autres,  soit  qu'il  représente  aux  yeux  des  contem- 
porains les  vices  et  les  travers  du  temps  dansdes  œu- 
vres des  plus  originales.  C'est  ainsi  que  Martinez  de  la 
Rosanous  AonnelSi  Mère  au  bal  et  la  fille  à  la  maison, 
Abeii  Humeya  qu'il  fait  représenter  à  la  Porte-Saint- 
Martin,  qu'Eugenio  Ochoa  traduit  Hernani,  que 
Ventura  de  la  Vega  donne  El  hombre  de  Mundo, 
Hartzenbusch  les  Amants  de  Téruel,  et  Breton  de 
los  Herreros  ses  cent  cinquante  comédies.  Tous 
les  genres  sont  cultivés  et  ont  leurs  représentants, 
Campoamor  avec  son  poème  de  Colo7i  et  ses  Dolora<, 
Zorilla  avec  ses  Orientales  et  son  poème  de  Gra- 
nada,  le  marquis  de  Pezuela  avec  sa  traduction  du 
Tasse,  Espronceda  avec  \e  Diablo  Mundo,  le  duc 
de  Rivas  avec  le  Moro  exposifo,  Quintana  avec 
ses  odes  et  ses  Vies  des  Espagnols  célèbres,  le 
marquis  de  Molins  avec  ses  poésies  lyriques,  An- 
tonio Arnao  avec  ses  hymnes  et  ses  meloncolias  ; 
V.  Ruiz  Aquileraavec  ses  satires. Balmès,  Donoso  Cer- 
tes, le  comte  deToreno,  le  marquis  de  Pidal  repré- 
sentent la  prose  historique  et  philosophique  ;  Ama- 
dor  de  los  Rios,  Eugénie  Ochoa,  l'histoire  littéraire  ; 
Fernandez  y  Gonzalez,  surnommé  l'Alexandre 
Dumas  de  l'Espagne,  i  écilia  Bohl,  sous  le  pseudo- 
nyme de  Fernand  Caballero,  Antonio  de  Trueba 
avec  ses  Cuentos  color  de  rosa ,  Cuentos  campesinos, 
le  roman  historique  et  le  roman  de  mœurs  con- 
temporaines ;  José  de  Larra.  le  spirituel  Figaro, 
par  ses  articles  satiriques,  Ramon  Mesonero  Roma- 
nes par  ses  Escenas  matritenses,  la  critique  politi- 
que et  littéraire  ;  enfin  les  discours  de  réception 
aux  Académies,  au  lieu  d'être  de  brillants  tournois 
de  critique  et  d'éloges  durécipendiaire,  nous  four- 
nissent des  pages  des  plus  instructives  sur  la  lan- 
gue, la  littérature,  l'histoire  nationale  et  l'écono- 
mie politique. 

Telle  est  l'esquisse  de  ce  vaste  tableau  de  la 
littérature  espagnole  dont  nous  ne  donnons  que 
les  lignes  principales.  En  indiquant  les  traits  des 
personnages  qui  ressortent  dans  les  divers  grou- 
pes, nous  avons  cherché  à  faire  saisir  le  caractère 
de  l'ensemble,  composition  qui  ne  peut  être  con- 
nue et  appréciée  que  par  l'étude  des  livres  spé- 
ciaux s'occupant  de  l'histoire  littéraire.  C'est 
par  ces  derniers  qu'on  peut  connaître  les  dé- 
tails et  s'expliquer  comment  l'Espagne,  en  conser- 
vant sa  part  d'originalité,  a  subi  l'influence  des 
civilisations  diverses  avec  lesquelles  les  événements 
politiques  la  mettaient  en  contact,  comment  elle 
a,  à  son  tour,  exercé  la  sienne  sur  les  autres,  pro- 
duit les  œuvres  remarquables  que  l'Angleterre  et 


ESPECES 


—  708  — 


ETAIN 


l'Allemagne  rééditent  de  nos  jours  et  qui  sont 
aussi,  en  France,  l'objet  des  études  les  plus  inté- 
ressantes. [J.  G.  Magnabal.] 

ESPÈCES.  —  Zoologie,  III;  Botanique,  XIV.  — 
L'espèce  est  l'unité  dans  le  classement  en  histoire 
naturelle.  Au-dessous  il  n'y  a  que  des  variétés  ;  au- 
dessus,  il  y  a  des  genres,  des  familles,  des  ordres.  Le 
genre  est  l'assemblage  de  plusieurs  espèces  présen- 
tant quelques  points  de  contact;  la  famille,  l'assem- 
blage de  plusieurs  genres,  et  ainsi  de  suite.  Entre  le 
genre  et  l'espèce,  on  admet  quelquefois  des  sous- 
genres  ;  entre  le  genre  et  la  famille,  la  tribu  au  be- 
soin ;  entre  la  famille  et  l'ordre, le  sous-ordre,  etc.  Le 
nombre  de  genres  dans  une  famille  ou  d'espèces 
dans  un  genre  est  indéterminé.  Les  naturalistes 
ont  donné  de  nombreuses  définitions  du  mot  es- 
pèce. Cuvier  dit  :  «  L'espèce  est  la  collection  de 
tous  les  êtres  organisés,  nés  les  uns  des  autres  ou 
de  parents  communs  et  de  ceux  qui  leur  ressem- 
blent autant  qu'ils  se  ressemblent  entre  eux.  » 
«  L'espèce,  dit  Geoffroy  Saint-Hilaire,  est  une  col- 
lection ou  une  suite  d'individus  caractérisés  par 
un  ensemble  de  traits  distinctifs  dont  la  transmis- 
sion est  naturelle,  régulière  et  indéfinie  dans  l'état 
actuel  des  choses.  »  «  L'espèce,  suivant  Lamarck, 
est  la  collection  des  individus  semblables  que  la 
génération  perpétue  dans  le  même  état,  tant  que 
les  circonstances  de  la  situation  ne  changent  pas 
assez  pour  varier  leurs  habitudes,  leurs  caractères 
et  leurs  formes.  »  «  L'espèce,  dit  d'autre  part 
Agassiz,  est  le  dernier  terme  de  classification  au- 
quel s'arrêtent  les  naturalistes,  et  cette  dernière 
division  est  fondée  sur  les  caractères  les  moins 
importants,  comme  la  taille,  la  couleur  et  les  pro- 
portions. » 

On  voit  combien  ces  définitions,  que  nous  pour- 
rions multiplier,  varient  entre  elles.  C'est  qu'en 
effet  la  définition  de  l'espèce  est  la  base  même  des 
diverses  théories  monogéniste  ou  polygéniste  sur 
l'origine  et  l'évolution  des  êtres  organisés  ;  tandis 
que  les  uns  considèrent  1  espèce  comme  une  chose 
formée,  créée  de  toute  pièce,  immuable,  les  autres 
la  considèrent  comme  la  résultante  momentanée 
d'une  série  de  modifications,  de  transformations 
toujours  actives.  C'est  ainsi  que  la  difficulté  de  dis- 
tinguer entre  les  espèces  et  les  variétés,  la  gradation 
si  parfaite  des  formes  dans  certains  groupes,  et 
l'analogie  des  productions  domestiques  ont  conduit 
Lamarck  et  ses  successeurs  à  leurs  conclusions  sur 
les  cliangemonts  graduels  des  espèces.  Nous  avons 
exposé  ces  théories  dans  nos  articles  Darwinisme 
et  Transformisme.  Voyons  quels  sont  les  princi- 
paux arguments  mis  en  avant  par  les  monogénistes 
pour  soutenir  l'unité  et  l'immutabilité  de  l'espèce. 
«  Lorsque,  dans  une  espèce,  un  trait  individuel 
s'exagère  et  franchit  une  limite  d'ailleurs  assez 
mal  déterminée,  il  constitue  un  caractère  exception- 
nel distinguant  nettement  de  tous  ses  plus  proches 
voisins  l'individu  qui  le  présente.  Cet  individu 
constitue  une  variété...  Celle-ci  peut  donc  être 
définie  :  un  individu  ou  un  ensemble  d'individus 
appartenant  à  la  même  génération  sexuelle  qui  se 
distingue  des  autres  représentants  de  la  même 
espèce  par  un  ou  plusieurs  caractères  exception- 
nels... Lorsque  les  caractères  propres  à  une  variété 
deviennent  héréditaires,  c'est-à-dire  lorsqu'ils  se 
transmettent  de  génération  en  génération  aux 
descendants  du  premier  individu  modifié,  il  se 
forme  une  race.  Celle-ci  sera  donc  l'ensemble  des 
individus  semblables  appartenant  à  une  même  es- 
pèce, ayant  reçu  et  transmettant  par  voie  de  géné- 
ration sexuelle  les  caractères  d'une  variété  primi- 
tive. Ainsi  ["espèce  est  le  point  de  départ;  an  miliou 
■des  individus  qui  la  composent  apparaît  la  variété; 
quand  les  caractères  de  cette  variété  deviennent 
héréditaires,  il  se  forme  une  race...  Les  unions 
sexuelles  chez  les  plantes  comme. chez  les  animaux 
peuvent  avoir  lieu  entre  individus  de  même  espèce 


et  de  même  race,  ou  bien  de  même  espèce,  mais 
de  races  différentes,  ou  bien  enfin  d'espèces  diffé- 
rentes. Dans  les  deux  derniers  cas,  il  y  a  ce  qu'on 
appelle  un  croisement.  Ce  croisement  lui-même 
prend  des  noms  différents  selon  qu'il  a  lieu  entre 
races  ou  entre  espèces  différentes.  Dans  le  premier 
cas  il  constitue  un  métissage;  dans  le  second  cas 
une  hybridation.  » 

Dans  les  deux  règnes,  le  métissage  peut  s'ac- 
complir en  dehors  de  toute  intervention  de 
l'homme  ou  être  dirigé  par  lui  ;  il  est  par  consé- 
quent naturel  ou  artificiel.  Les  résultats  en  sont 
aussi  certains  que  ceux  de  l'union  entre  individus  de 
même  race;  bien  plus,  dans  certains  cas,  la  fécon- 
dité s'accroît  ou  reparaît  sous  l'iniluence  de  ce  croi- 
sement. Dans  l'hybridation  les  résultats  sont  bien 
différents.  «  L'homme,  en  détournant,  en  trompant 
des  instincts  supérieurs,  a  pu  multiplier  les  croise- 
ments entre  espèces.  Mais  il  n'a  pu  reculer  les  limi- 
tes fort  étroites  auxquelles  s'arrête  ce  phénomène. 
Pas  une  union  féconde  n'a  eu  lieu  d'une  famille  aune 
autre  ;  de  genre  à  genre  elles  sont  extrêmement 
rares  ;  d'espèce  h,  espèce  même  elles  sont  loin 
d'être  nombreuses,  fait  d'autant  plus  remarquable 
que  l'hybridation  animale  date  de  loin.  Le  mulet 
était  connu  des  Hébreux  antérieurement  au  temps 
de  David,  et  des  Grecs  à  l'époque  d'Homère  ;  les 
titires  et  les  musmo7is,  produit  du  croisement  du 
bouc  avec  la  brebis  et  du  bélier  avec  la  chèvre,  ont 
reçu  leurs  noms  distinctifs  des  Romains. 

«  L'infécondité,  ou  si  l'on  veut  la  fécondité 
restreinte  et  très  rapidement  bornée  entre  espèces, 
l'impossibilité  pour  les  forces  naturelles  livrées  à 
elles-mêmes  de  produire  des  séries  d'êtres  inter- 
médiaires entre  deux  types  spécifiques  donnés, 
est  un  de  ces  faits  généraux  que  nous  appelons  une 
loi.  Ce  fait  a  dans  le  monde  organique  une  valeur 
égale  à  celle  que  l'on  attribue  avec  raison  à  l'at- 
traction dans  le  monde  sidéral.  C'est  grâce  à  cette 
dernière  que  les  corps  célestes  gardent  leurs  dis- 
tances respectives  et  suivent  leurs  orbites  dant; 
l'ordre  admirable  qu'a  révélé  l'astronomie. 

«  La  loi  d'infécondité  des  espèces  produitle  même 
résultat  et  maintient  entre  les  espèces,  entre  les 
groupes  divers,  chez  les  animaux  et  les  plantes, 
tous  ces  rapports  qui,  aux  âges  paléontoiogiqucs 
aussi  bien  qu'à,  notre  époque,  font  un  si  merveil- 
leux ensemble  de  l'empire  organique.  Supprimez 
par  la  pensée  dans  le  ciel  les  lois  qui  régissent 
l'attraction  et  voyez  aussitôt  quel  chaos  '  Supprimez 
sur  la  terre  les  lois  du  croisement  et  voyez  quelle 
confusion!  Je  ne  sais  guère  où  elle  s'arrêterait. 
Après  quelques  générations,  les  groupes  que  nous 
appelons  genres,  familles,  ordres  et  classes  auraient 
à  coup  hûr  disparu  ;  les  embranchements  ne  sau- 
raient tarder  à  être  atteints.  Il  ne  faudrait  certai- 
nement pas  un  grand  nombre  de  siècles  pour  que 
le  règne  animal,  le  règne  végétal  présentassent  le 
plus  complet  désordre.  Or  l'ordre  existe  dans  l'un 
et  dans  l'autre  depuis  l'époque  où  les  premiers 
êtres  organisés  sont  venus  peupler  les  solitudes  de 
notre  globe  ;  il  n'a  pu  s'établir  et  durer  que  grâce 
à  l'impossibilité  où  sont  les  espèjes  de  se  fusionner 
les  unes  dans  les  autres  par  des  croisements  indif- 
féremment et  indéfiniment  féconds.  »  (A.  de  Qu 
trefages,  l'Espèce  humaine.) 

Si  l'on  compare  cet  éloquent  plaidoyer  à  celui 
dont  Darwin  a  accompagné  l'exposé  de  ses  théo- 
ries, on  verra  que  les  deux  partis  défendent  leur 
cause  avec  la  même  hauteur  d'idées  et  une  égale 
appareijce  de  vérité.  [Louis  Rousselet.l 

ESTOMAC.  —  V.  Digestion. 

ÉTAIiN.  —  Chimie,  \IX.  —  (Etym  :  du  latin 
stannum  ;  en  grec,  l'étain  s'appelle  kassitéros). 
Formule  chimique  :  Sn  ;  équivalent  rapporté  à 
l'hydrogène  =  59.  (V.  Nomenclature.) 

Ce  métal  était  connu  dès  la  plus  haute  antiquité. 
On   ne  l'a  jusqu'ici  trouvé  à  l'état  natif  que  dans 


ETAIN 


—  709  — 


ÉTAT  CIVIL 


la  Bolivie  et  la  Guyane  française  ;  le  plus  souvent, 
on  le  rencontre  à  l'état  de  bioxyde  (cassitérite). 
Dans  ce  cas,  il  est  généralement  accompagné 
d'autres  métaux  tels  que  l'antimoine,  l'arsenic,  le 
zinc,  le  cuivre,  etc.  —  L'Espagne,  la  Bolicme,  la 
Saxe  et  le  Chili  en  fournissent  des  quantités  très 
considérables.  Les  anciens  le  liraient  de  la  pres- 
qu'île de  Cornouailles,  où  se  trouvent  encore  les 
mines  d'étain  les  plus  riches  de  l'Europe;  de  là  le 
nom  d'iles  Cassitérides  donné  aux  Iles  Britanniques 
par  les  Grecs. 

La  couleur  de  l'étain  rappelle  beaucoup  celle  de 
l'argent,  dont  il  a  presque  l'éclat;  impur,  il  prend 
une  teinte  bleuâtre  ou  grise.  Fondu,  on  peut  le 
faire  cristalliser  par  un  refroidissement  lent.  Il  est 
très  malléable,  et  sa  réducùon  en  feuilles  d'une 
extrême  minceur  ne  lui  ôte  rien  de  cette  propriété. 
qu'il  partage  avec  le  plomb.  Ainsi  travaillé,  il  prend 
le  nom  de  tain,  et  est  employé  dans  l'industrie 
pour  étamer  les  glaces;  un  peu  plus  épais,  il  sert 
à  envelopper  les  tablettes  de  chocolat.  Lorsqu'on 
tient  entre  les  doigts  une  lam-e  d'étain  et  qu'on  la 
frotte  pendant  quelques  instants,  elle  répand  une 
odeur  désagréable  caractéristique  ;  si  on  la  plie 
assez  fortement,  elle  fait  entendre  un  bruit  parti- 
culier que  l'on  désigne  sous  le  nom  de  an  de 
l'étain.  Il  fond  à  228o. 

A  la  température  ordinaire^  ce  métal  ne  s'altère 
pas  au  contact  do  l'air;  il  faut  le  porter  à  une 
température  de  près  de  200°  pour  voir  une  mince 
pellicule  d'oxyde  se  former  à  sa  surface.  L'acide 
sulfurique  rre  l'attaque  qu'aux  environs  de  150°, 
tandis  que  l'acide  nitrique  étendu  d'eau  le  décom- 
pose avec  une  très  grande  rapidité. 

Les  alliages  de  l'étain  avec  d'autres  métaux  sont 
surtout  intéressants  à  étudier  à  cause  des  nom- 
breux services  qu'ils  rendent  chaque  jour,  soit 
dans  l'industrie,  soit  dans  la  vie  commune.  Le 
bronze  des  canons,  dont  la  résistance  et  la  ténacité 
sont  très  considérables,  est  composé  de  90  parties 
de  cuivre  pour  10  parties  d'étain.  Cet  alliage  a  de 
plus  l'avantage  de  n'être  pas  sonore.  Veut-on,  au 
contraire,  faire  des  cloches,  des  tams-tams  ou  des 
cymbales,  il  suffit  d'augmenter  la  proportion  d'étain 
jusqu'à  20  parties  de  ce  métal  pour  80  parties  de 
cui-sTO  ;  on  obtient  de  cette  façon  une  substance 
d'une  sonorité  remarquable.  Pour  la  fabrication 
des  miroirs  de  télescopes,  on  se  sert  d'un  alliage 
contenant  67  parties  de  cuivre  et  33  d'étain  ;  les 
mesures  (litre,  décilitre,  centilitre)  des  marchands 
de  vin  sont  formées  de  82  p.  d'étain  et  de  18  p.  de 
plomb. 

Le  métal  anglais,  dont  on  fait  des  couverts,  est 
composé  de  ItJO  p.  d'étain,  8  p.  d'antimoine,  1  p. 
de  bismuth  et  4  p.  de  cuivre. 

On  donne  le  nom  de  fer-blanc  à  des  plaques 
de  fer  recouvertes  d'une  couche  d'étain.  Cette 
combinaison  est  utilisée  pour  la  confection  d'un 
grand  nombre  d'ustensUes  de  ménage.  L'opération 
qui  consiste  à  recouvrir  d'étain  une  plaque  de  fer 
porte  le  nom  à'étamage.  Après  avoir  nettoyé  avec 
du  sable  et  essuyé  l'objet  que  l'on  veut  étamer,  on 
l'enduit  d'une  légère  couclie  de  graisse,  et  on  le 
trempe  dans  un  bain  d'étain  recouvert  lui-même 
de  graisse  fondue  destinée  à  empêcher  l'oxydation, 
en  présence  de  l'air,  de  l'étain  en  fusion.  Betiré 
du  bain,  le  fer  étamé  est  nettoyé  avec  du  son  ou 
de  préférence  avec  du  sel  ammoniac.  Le  mode 
d'étamage  du  cuivTe  diffère  peu  de  celui  que  nous 
venons  d'indiquer.  On  ajoute  souvent  à  l'étain 
un  dixième  et  même  davantage  de  son  poids  de 
plomb  :  cet  étamage  présente  quelques  dangers 
pour  l'hygiène  publique. 

Le  fer-blanc,  comme  l'étain,  se  conserve  indéfi- 
niment sans  s'oxyder,  à  la  condition  toutefois  qu'il 
n'y  ait  aucune  solution  de  continuité.  Si,  par 
hasard,  l'air  est  en  contact  avec  une  très  petite 
portion  de  fer,  l'oxydation  marche  avec  une  grande 


rapidité,  plus  vite  même  que  si  le  fer  n  avait  pas 
été  étamé. 

Au-dessous  de  la  couche  superficielle  de  l'étain, 
se  trouve  une  surface  cristallisée  qui  est  un  alliage 
de  ce  métal  et  de  fer,  et  qu'on  peut  mettre  à  dé- 
couvert en  lavant  légèrement  l'objet  étamé  avec 
l'eau  régale  (mélange  d'acide  chlorhydrique  et 
d'acide  nitrique).  L'aspect  brillant  de  cette  surface 
lui  a  fait  donner  le  nom  de  moiré  métallique. 

Composés  de  l'étain.  —  L'étain  forme  avec 
l'oxygène  deux  combinaisons  :  \  oxyde  stanneux 
(SnÔ)  et  Vacide  stannigue  (SnO-)  ;  ce  dernier  sert 
à  donner  au  verre  la  couleur  blanche.  Le  proto- 
cldorure  ou  sel  détain  fSn  Cl^),  qui  s'obtient  on 
dissolvant  l'étain  dans  l'acide  chlorhydrique,  et  le 
bichloiure  ou  chloride  stnn'iigue  (Sn  CV*),  obtenu 
en  traitant  l'étain  par  le  chlore  gazeux,  ou  le  proto- 
chlorure  par  l'eau  régale,  s'emploient  dans  la  tein- 
ture. Le  deutosidfure  d'étaiji  ou  or  tJiufsif  s'em- 
ploie dans  la  décoration  pour  imiter  le  frottis  du 
bronze  antique.  [Larrivé.] 

ÉTAT.  —  Ce  mot  a,  dans  la  science  du  droit, 
plusieurs  acceptions. 

Il  est  d'abord  synonyme  de  nation,  et  exprime 
alors  <<  la  réunion  des  forces  particulières  sous 
une  direction  commune,  l'établissement  d'une 
puissance  publique  pour  faire  exécuter  les  lois.  » 
Le  gouvernement  de  la  France,  tel  qu'il  est  or- 
ganisé par  les  lois  constitutionnelles  de  IST.î, 
est  républicain.  Le  pouvoir  exécutif  est  exercé 
par  un  Président  nommé  pour  sept  ans,  et  agis- 
sant sous  le  contrôle  de  deux  Chambres,  le  Sénat 
et  la  Chnmbre  des  députés  (V.  pour  les  détails  de 
l'organisation  constitutionnelle  le  mot  :  Droit  pu- 
bli').  L'État  constitue  une  personne  morale  ou 
juridique  :  il  peut  être  propriétaire,  créancier, 
débiteur;  il  peut  agir  en  justice. 

Dans  le  droit  privé,  on  appelle  état  ou  état  civil 
l'ensemble  des  droits  et  devoirs  qui  dérivent  pour 
uiie  personne  de  sa  nationalité,  de  ses  rapports 
de  famille  ou  de  parenté  (V.  État  civil). 

ÉTAT  CIVIL.  —  Législation  usuelle,  M,  'VII.  — 
1.  DÉFINITION".  —  L'état  civil  est  la  condition  juri- 
dique de  la  personne,  l'ensemble  des  droits  qui  lui 
appartiennent  et  des  obligations  qui  lui  sont  im- 
posées dans  la  famille  et  la  société.  Les  droits  et 
les  obligations  varient  suivant  la  nationalité  de 
la  personne,  son  sexe,  son  âge,  selon  qu'elle  est 
mariée  ou  non  mariée,  enfant  légitime  ou  enfant 
naturel,  ascendant  ou  descendant,  capable  ou  in- 
capable. Les  faits  principaux  qui  influent  sur  la 
condition  légale  de  la  personne  sont  constatés  par 
des  actes  inscrits  sur  des  registres  spéciaux;  les 
actes  prennent  le  nom  d'ac/es  de  l'état  civil. 

L'ensemble  des  règles  de  droit  relatives  à  l'état 
civil  se  trouve  dans  le  Livre  I"'  du  Code  civil,  inti- 
tulé :  «  Des  Personnes,  »  et  qui  comprend  les  ar- 
ticles 7  à  515.  —  Nous  allons  parcourir  successive- 
ment les  divers  titres  dont  se  compose  ce  li>Te  du 
Code  civil. 

2.  De  LA  NATIONALITÉ.  (Code  civil,  art.  7  à  21.) 
—  Il  y  a  un  grand  intérêt  à  connaître  la  natio- 
nalité de  la  personne  ;  les  étrangers  en  effet  sont 
loin  d'avoir  les  mêmes  droits  que  les  Français.  Les 
étrangers  ne  peuvent  exercer  certaines  fonctions 
publiques,  ils  n'ont  point  la  jouissance  des  droits 
politiques,  ne  sont  point  électeurs,  ne  peuvent 
être  témoins  dans  les  actes  notariés,  etc. 

Français  de  naissance.  —  L'enfant  dont  le  père 
est  Français  a  par  le  fait  de  sa  naissance  la  qualité 
de  Français,  sans  qu'il  y  ait  à  distinguer  s'il  est  né 
en  France  ou  à  l'étranger.  L'enfant  dont  le  père 
est  étranger  est  étranger  comme  lui.  Toutefois  si 
l'enfant  naît  en  France  et  que  le  père,  bien  qu'é- 
tranger, soit  né  lui-même  en  France,  l'enfant  est 
Français  du  jour  de  sa  naissance;  il  a  seulement 
la  faculté  dans  l'année  qui  suit  sa  majorité,  fixée 
par  la  loi  française  à  vingt  et  un  ans,  de  réclamer  la. 


ETAT  CIVIL 


—  710  — 


ETAT  CIVIL 


nationalité  étrangère,  s'il  aime  mieux  être  étranger 
que  Français.  (Loi  du  7  f écrier  1S51.) 

Acquisition  de  la  qunlité  de  Français.  —  La  qua- 
lité de  Français  peut  être  acquise  par  l'enfant  né 
en  France  d'un  étranger,  s'il  la  réclame  dans  l'an- 
née qui  suit  sa  majorité.  Cette  réclamation  résulte 
d'une  déclaration  faite  en  France  à  la  mairie  du 
domicile,  ou  à  l'itranger,  devant  les  agents  diplo- 
matiques ou  consulaires  français.  La  femme  étran- 
gère qui  épouse  un  Français  devient  française. 

Naturalisation.  —  Tout  étranger  peut  acquérir 
la  qualité  de  Français  en  obtenant  la  naturalisa- 
tion. Pour  se  faire  naturaliser,  l'étranger  doit  avoir 
été  autorisé  par  le  gouvernement  à  établir  son 
domicile  en  France,  et  y  avoir  résidé  effective- 
ment pendant  trois  ans  depuis  cette  autorisation. 
A  1  expiration  de  ce  délai,  un  décret  du  Président 
de  la  République  rendu  après  enquête  sur  la  mo- 
ralité de  l'étranger,  lui  accorde,  s'il  y  a  lieu,  la 
naturalisation.  L'étranger  naturalisé  jouit  de  tous 
les  avantages  attachés  à  la  qualité  de  Français. 

Perte  de  la  qualité  de  Français.  —  Le  Français 
perd  sa  nationalité,  lorsqu'il  se  fait  naturaliser  en 
pays  étranger,  lorsqu'il  fonde  en  pays  étranger 
un  établissement  autre  qu'un  établissement  de 
commerce,  et  qu'il  manifeste  l'intention  de  ne  plus 
revenir  en  France,  lorsqu'il  accepte  des  fonctions 
publiques  ou  prend  du  service  militaire  à  l'étran- 
ger sans  autorisation  du  gouvernement.  La  femme 
française  qui  épouse  un  étranger  suit  la  nationa- 
lité de  son  mari,  mais  si  elle  devient  veuve  elle 
recouvre  sa  nationalité  d'origine,  à  la  condition  de 
venir  se  fixer  en  France. 

3.  Actes  de  l'état  civil  {Code  civil,  art.  34  à 
101).  —  Les  faits  principaux  qui  influent  sur  l'état 
civil  sont  :  la  naissance,  le  mariage  et  le  décès. 
Ces  trois  faits  sont  constatés  par  les  actes  de  l'état 
civil  :  l'acte  de  naissance  détermine  l'âge  de  la 
personne,  établit  sa  filiation  et  par  suite  sa  natio- 
nalité; l'acte  de  mariage  constate  le  mariage  et  la 
légitimité  des  enfants;  enfin  l'acte  de  décès  déter- 
mine l'époque  do  l'ouverture  de  la  succession  et 
de  la  dissolution  du  mariage. 

Personnes  qui  concourent  aux  actes  de  l'état 
civil.  —  Les  actes  de  l'état  civil  sont  dressés  dans 
chaque  commune  par  les  maire  et  adjoints,  qui  rem- 
plissent les  fonctions  d'officiers  de  l'état  civil. 
L'acte  est  rédigé  sur  la  réquisition  des  parties 
intéressées  elles-mêmes,  comparaissant  devant  l'of- 
ficier de  l'état  civil,  lorsqu'il  s'agit  du  mariage  ; 
et  sur  la  déclaration  de  certaines  personnes,  lors- 
qu'il s'agit  des  actes  de  naissance  ou  de  décès. 
L'acte  est  dressé  en  présence  de  témoins,  qui 
doivent  être  âgés  de  vingt  et  un  ans  au  moins  et  du 
sexe  masculin  ;  il  n'est  pas  nécessaire  que  les 
témoins  sachent  signer,  ni  même  qu'ils  soient 
Français. 

Tenue  des  registres  et  rédaction  des  actes.  — 
Les  actes  de  l'état  civil  sont  inscrits  de  suite  sur 
les  registres  destinés  à  les  recevoir.  Suivant  l'im- 
portance de  la  commune,  il  y  a  trois  registres,  un 
pour  les  naissances,  un  pour  les  mariages,  un 
pour  les  décès;  ou  un  seul  registre  sur  lequel  tous 
les  actes  sont  portés.  Les  registres  ou  le  registre 
unique  sont  tenus  doubles.  A  la  fin  de  l'année 
un  des  doubles  reste  aux  archives  de  la  commune, 
l'autre  est  déposé  au  greffe  du  tribunal  de  pre- 
mière instance  de  l'arrondissement  :  on  assure 
ainsi  d'une  manière  plus  complète  la  conservation 
des  registres  et  des  actes  qu'ils  contiennent.  Les 
registres  sont  cotés  par  première  et  dernière  par 
le  président  du  tribunal,  c'est-à-dire  que  chaque 
page  est  numérotée,  revêtue  du  paraphe  du  ma- 
gistrat, que  la  première  et  la  derjiière  feuille 
sont  indiquées.  Ces  formalités  tendent  à  rendre 
impossibles  la  suppression,  l'addition  ou  l'inter- 
calation  de  feuillets. 

Les  actes  doivent  énoncer  l'année,  le   jour  et 


l'heure  où  ils  sont  reçus,  les  noms,  prénoms,  âge, 
profession  et  domicile  de  tous  ceux  qui  y  figurent; 
ils  doivent  être  rédigés  sans  interligne,  sans  sur- 
charge et  sans  blanc;  les  ratures  et  renvois  sont 
approuvés  et  signés  ;  on  ne  peut  y  rien  insérer  par 
abréviation,  et  les  dates  ne  peuvent  être  mises  en 
chiffres.  L'officier  de  l'état  civil  donne  lecture  de 
l'acte  aux  comparants  et  aux  témoins;  il  le  signe 
et  le  fait  signer  par  les  comparants  et  les  témoins  ; 
s'ils  ne  savent  ou  ne  peuvent  signer,  il  est  fait 
mention  de  la  cause  qui  les  empêche  de  signer. 

Extraits  des  registres;  foi  qui  leur  est  due.  — 
L'officier  de  l'état  civil  et  le  greffier  du  tribunal 
peuvent  délivrer  des  copies  des  actes  inscrits  sur 
les  registres  déposés  aux  archives  de  la  commune 
ou  au  greffe  du  tribunal.  Ces  copies  sont  les 
extraits  des  registres  de  l'état  civil.  Les  extraits 
des  registres  doivent  être  délivrés  à  toute  per- 
sonne qui  en  fait  la  demande  ;  la  signature  du 
maire  ou  du  greffier  apposée  à  l'extrait  doit  être 
légalisée  par  le  président  du  tribunal  ou  par  le 
juge  de  paix,  s'il  ne  siège  pas  au  chef-lieu  du 
ressort  du  tribunal  de  première  instance.  Les 
extraits  régulièrement  délivrés  et  légalisés  font 
pleine  foi  de  tout  ce  qui  est  attesté  par  l'officier 
de  l'état  civil. 

Après  les  règles  générales,  il  faut  indiquer  les 
règles  spéciales  aux  diverses  espèces  d'actes. 

Actes  de  naissance;  dans  quel  délai  et  par  qui  est 
faite  la  déclaration.  —  La  déclaration  de  naissance 
doit  être  faite  dans  les  trois  jours  de  l'accouche- 
ment; l'enfant  est  présenté  à  l'officier  de  l'état 
civil.  L'obligation  de  déclarer  la  naissance  est  im- 
posée d'abord  au  père  et  à  la  personne  chez  la- 
quelle la  naissance  a  eu  lieu,  si  la  femme  est 
accouchée  hors  de  son  domicile,  et  ensuite  aux 
médecins,  chirurgiens,  sages-femmes  ou  autres 
personnes  qui  ont  assisté  à  l'accouchement.  L'o- 
mission de  la  déclaration  dans  le  délai  prescrit  par 
les  personnes  auxquels  cette  obligation  est  impo- 
sée peut  entraîner  la  peine  de  l'emprisonnement 
et  de  l'amende,  prononcée  par  le  tribunal  correc- 
tionnel. 

Forme  et  énonciations  de  l'acte  de  naissance.  — 
L'acte  de  naissance  est  dressé  par  l'officier  de 
l'état  civil  en  présence  de  deux  témoins  ;  il  doit 
énoncer  le  jour,  l'heure,  le  lieu  de  la  naissance, 
le  sexe  de  l'enfant,  les  prénoms  qui  lui  sont  don- 
nés, les  noms,  prénoms,  profession  et  domicile 
des  père  et  mère  et  ceux  des  témoins. 

Actes  de  décès.  —  L'acte  de  décès  est  dressé 
sur  la  déclaration  de  deux  témoins  qui  sont  autant 
que  possible  les  deux  plus  proches  parents  ou  voi- 
sins. Il  faut  remarquer  ici  que  les  déclarants  sont 
en  même  temps  témoins.  L'acte  de  décès  contient 
les  prénoms,  noms,  âge,  profession  et  domicile  de 
la  personne  décédée  et  les  renseignements  que 
les  déclarants  peuvent  fournir  sur  son  conjoint  si 
elle  était  mariée,  sur  ses  père  et  mère,  sur  le  lieu 
de  sa  naissance.  Aucune  inhumation  ne  peut  avoir 
lieu  sans  une  autori  *ion  délivrée  par  l'officier  de 
l'état  civil,  et  vingt-quutre  heures  seulement  après 
le  décès. 

Nous  ne  parlerons  point  ici  des  actes  de  ma- 
riage, dont  nous  traiterons  en  nous  occupant  des 
formes  du  mariage. 

Autres  actes  qui  figurent  sur  les  registres.  — 
Outre  les  actes  de  naissance,  mariage  et  décès, 
les  registres  de  l'état  civil  contiennent  les  actes 
d'adoption,  les  reconnaissances  d'enfant  naturel; 
on  doit  transcrire  sur  les  registres  tous  les  juge- 
ments rendus  pour  tenir  lieu  d'un  acte  ou  pour 
rectifier  un  acte  porté  au  registre. 

Rectification  des  actes  de  l'état  civil.  —  Une 
fois  l'acte  dressé  et  signé,  aucune  rectification, 
fût-ce  même  une  rectification  purement  maté- 
rielle, ne  peut  être  faite  par  l'officier  de  l'état  civil. 
Si  l'acte  est  incomplet  ou  inexact,  s'il  contient  des 


ÉTAT  CIVIL 


711  — 


ÉTAT  CIVIL 


énonciations  erronées,  il  appartient  aux  parties 
de  se  pourvoir  en  rectification  devant  le  tribunal 
dans  rarrondisscment  duquel  l'acte  a  été  dressé. 
Le  jugement  ordonnant  une  rectification  est  porté 
à  sa  date  sur  les  registres;  il  en  est  fait  mention 
en  marge  de  l'acte  rectifié  :  les  extraits  délivrés 
doivent  contenir  la  mention  de  la  rectification. 

4.  Du  DOMICILE  [Code  civil, ai't.  102  à  lllj.  —  Le 
domicile  est  au  lieu  où  la  personne  a  son  princi- 
pal établissement,  c'est-à-dire  le  siège  principal  de 
sa  demeure  et  de  ses  alTaires.  La  détermination 
du  domicile  est  importante  pour  la  célébration  du 
mariage,  l'ouverture  de  la  tutelle  ;  c'est  au  domi- 
cile que  s'ouvre  la  succession  ;  c'est  devant  le  tri- 
bunal du  domicile  du  défendeur  que  les  deman- 
des en  justice  doivent  en  général  être  formées. 

5.  De  l'absence  {Co<ie  civil,  art.  111  à  143).  — 
Lorsqu'il  y  a  incertitude  sur  la  vie  d'une  personne, 
on  dit  que  cotte  personne  est  en  état  d'absence. 
Les  mesures  nécessaires  dans  l'intérêt  des  absents 
sont  ordonnées  par  les  tribunaux.  Lorsque  l'ab- 
sence a  duré  un  certain  temps,  dix  ans  au  plus, 
les  personnes  intéressées  peuvent  provoquer  la 
déclaration  d'absence  qui  est  prononcée  par  le 
tribunal  après  enquête.  La  déclaration  d'absence 
entraîne  au  profit  des  héritiers  présomptifs  de 
l'absent  l'envoi  en  possession  de  ses  biens. 

6.  Du  MARi.\GE  {Code  civil,  art.  144  à  228).  — 
Le  mariage,  tel  qu'il  est  réglé  par  le  Code,  est  un 
contrat  civil,  dont  les  formes  sont  les  mêmes, 
sans  qu'il  y  ait  des  distinctions  à  faire  suivant  la 
croyance  religieuse  des  parties.  Le  mariage  civil 
doit  toujours  précéder  le  mariage  religieux. 

Qualités  et  conditions  requises;  âge.  —  L'âge 
requis  pour  le  mariage  est  de  dix-huit  ans  pour  les 
hommes,  de  quinze  ans  pour  les  femmes.  Le  ma- 
riage peut,  pour  des  motifs  graves,  être  autorisé 
avant  cet  âge  en  vertu  de  dispenses  accordées  par 
le  chef  de  l'État. 

Consentement  des  époux.  —  Le  mariage,  étant 
on  contrat,  ne  peut  se  former  que  par  le  consente- 
ment des  parties  ;  il  n'y  a  point  de  mariage  sans 
consentement.  Ce  consentement  doit  être  donné 
librement  et  ne  point  être  entaché  d'une  erreur 
substantielle,  comme  serait  celle  sur  la  personne 
qu'on  se  propose  d'épouser. 

Consentemtnt  des  ascendaiits  ou  de  la  famille. —  Le 
mariage  n'est  valable  pour  les  fils  âgés  de  moins  de 
vingt-cinq  ans,  pour  les  filles  âgées  de  moins 
de  vingt  et  un  ans,  qu'autant  qu'ils  ont  obtenu  le 
consentement  de  leurs  ascendants.  Si  les  père  et 
mère  existent  encore,  ils  sont  appelés  l'un  et  l'au- 
tre à  donner  leur  consentement;  toutefois,  en  cas 
de  dissentiment  entre  le  père  et  la  mère,  le  con- 
sentement du  père  suffit.  Après  la  mort  des  père 
et  mère,  le  droit  de  consentir  au  mariage  passe  aux 
aïeuls  et  bisaïeuls.  S'il  y  a  des  ascendants  dans  les 
deux  lignes  paternelle  et  maternelle,  les  ascen- 
dants de  l'une  et  de  l'autre  ligne  sont  appelés  à 
donner  leur  consentement,  mais  le  partage  em- 
porte consentement,  c'est-à-dire  que  le  consente- 
ment donné  par  les  ascendants  d'une  ligne  rend 
le  mariage  possible.  Le  consentement  est  donné 
par  l'ascendant  présent  au  mariage  ;  s'il  n'assiste 
pas  à  la  célébration,  son  consentement  doit  être 
constaté  par  un  acte  passé  par  devant  notaire.  A 
défaut  d'ascendant,  le  futur  époux,  que  ce  soit  un 
fils  ou  une  fille,  ne  peut  jusqu'à  l'âge  de  vingt  et  un 
ans  se  marier  qu'avec  le  consentement  de  son  con- 
seil de  famille.  Le  mariage  est  entaché  de  nullité 
lorsqu'il  a  été  célébré  sans  le  consentement  des 
ascendants  ou  de  la  famille. 

Actes  respectueux.  —  L'enfant  ne  peut  jamais  se 
marier  sans  avoir  demandé  conseil  à  ses  père  et 
mère  ou  autres  ascendants.  Lorsque  le  consente- 
ment de  l'ascendant  n'est  plus  exifré  pour  la  vali- 
dité du  mariage,  l'enfant  doit  faire  constater  le 
refus  de  consentement  par  un  acte  que,  dans  un 


langage  impropre,  on  nomme  sommation  respec- 
tueuse, et  que  la  loi  appelle  acte  respectueux. 
L'acte  respectueux  est  rédigé  par  un  notaire;  cet 
officier  ministériel  se  présente  au  domicile  de 
l'ascendant  pour  lui  demander  les  motifs  de  son 
refus.  De  vingt-cinq  à  trente  ans  pour  les  fils,  de 
vingt  et  un  à  vingt-cinq  ans  pour  les  filles,  il  doit 
y  avoir  trois  actes  respectueux  renouvelés  de  mois 
en  mois,  et  c'est  seulement  un  mois  après  le 
troisième  que  le  mariage  peut  être  célébré  ;  au- 
delà  de  trente  ans  pour  les  fils,  de  vingt-cinq  ans 
pour  les  filles,  un  seul  acte  respectueux  suffit,  et 
un  mois  après  le  mariage  peut  avoir  lieu.  L'absence 
d'actes  respectueux  n'entraînerait  pas  la  nullité  du 
mariage,  mais  l'officier  de  l'état  civil  qui  aurait 
procédé  à  la  célébration  sans  s'assurer  que  les 
actes  respectueux  ont  été  faits  s'exposerait  à  une 
poursuite  et  à  une  condamnation. 

Existence  d'un  premier  mariage  ;  parenté  et  al- 
liance. —  On  ne  peut  contracter  mariage  avant  la 
dissolution  d'une  première  union.  L'existence 
d'un  premier  mariage  est  une  cause  de  nullité  ra- 
dicale du  second;  le  fait  de  contracter  un  second 
mariage  avant  la  dissolution  du  premier  constitue 
le  crime  de  bigamie,  prévu  et  puni  par  le  Code 
pénal. 

Le  mariage  est  prohibé  entre  certains  parents 
et  alliés.  En  ligne  directe,  c'est-à-dire  entre  des- 
cendants et  ascendants  ou  alliés  au  même  de- 
gré, le  mariage  est  prohibé.  En  ligne  collaté- 
rale, le  mariage  est  prohibé  entre  le  frère  et  la 
sœur,  l'oncle  et  la  nièce,  la  tante  et  le  neveu,  et 
entre  beau-frère  et  belle-sœur.  Toutefois  la  pro- 
hibition du  mariage  entre  parents  au  degré  d'oncle 
et  de  nièce,  de  tante  et  de  neveu,  et  celle  entre 
beau-frère  et  belle-sœur,  peut  être  levée  par  des 
dispenses  accordées  pour  causes  graves  parle  chef 
de  l'État. 

Formalités  antérieures  à  la  célébration;  publica- 
tions. —  Les  qualités  et  conditions  nécessaires  au  ma- 
riage étant  connues,  il  faut  étudier  les  formes  de  la 
célébration.  Le  mariage  doit  être  précédé  de  deux 
publications  faites  à  huit  jours  dintervalle,  le  di- 
mande,  à  la  porte  de  la  mairie  du  domicile  de 
chacun  des  époux  et  des  ascendants  appelés  à  con- 
sentir au  mariage.  L'officier  de  l'état  civil  dresse 
acte  des  publications.  Le  mariage  peut  être  célé- 
bré le  troisième  jour  après  celui  de  la  seconde 
publication,  c'est-à-dire  le  mercredi  suivant.  Si  le 
mariage  n'a  point  été  célébré  dans  l'année,  les  pu- 
blications doivent  être  renouvelées.  Le  procureur 
de  la  République  de  l'arrondissement  peut,  pour 
des  causes  graves,  dispenser  de  la  seconde  publi- 
cation, jamais  de  la  première.  L'officier  de  l'état 
civil,  avant  de  procéder  au  mariage,  doit  s'assurer 
que  les  publications  ont  été  faites  dans  toutes  les 
communes  où  elles  sont  exigées. 

Oppositio7is.  —  Certaines  personnes  peuvent 
s'opposer  à  la  célébration  du  mariage  et  faire  dé- 
fense à  l'officier  de  l'état  civil  d'y  procéder.  Le 
droit  d'opposition  appartient  aux  père  et  mère, 
aux  ascendants,  puis  à  défaut  d'ascendant,  aux 
frères  et  sœurs,  oncles  et  tantes,  cousins  et  cou- 
sines germains,  aux  tuteur  et  curateur  des  futurs 
époux. 

L'opposition  est  signifiée  par  exploits  d'huissier 
à  l'officier  de  l'état  civil,  qui  doit  surseoir  jus- 
qu'à ce  que  la  main  levée  de  l'opposition,  pro- 
noncée par  un  jugement  ou  consentie  par  l'oppo- 
sant, lui  soit  rapportée. 

Pièces  que  les  futurs  épowr,  doivent  produire.  — 
Pour  permettre  à  l'olficier  de  l'état  civil  d'appré- 
cier s'il  n'y  a  point  d'obstacle  au  mariage,  les  fu- 
turs époux  doivent  lui  remettre  les  différentes 
pièces  dont  voici  l'énumération  :  1°  les  actes  de 
naissance  des  futurs  époux;  2°  l'acte  de  consente- 
ment des  ascendants,  s'ils  ne  doivent  point  assister 
au  mariage  ;  lorsque  le  consentement  n'est   plus 


ÉTAT  CIVIL 


—  712 


ÉTAT  CIVIL 


nécessaire  à  raison  de  l'âge  des  futurs  époux,  il 
faudra  produire  les  actes  respectueux;  s'il  n'a  plus 
d'ascendants,  le  futur  époux  devra  justifier  de  leur 
décès;  3"  si  l'un  des  futurs  époux  a  déjà  été  marié, 
il  doit  apporter  l'acte  de  décès  de  son  premier 
conjoint;  4°  les  certificats  constatant  que  les  pu- 
blications ont  été  faites  dans  les  différentes  com- 
munes où  elles  sont  nécessaires,  et  qu'il  n'a  point 
été  formé  d'opposition,  et  la  main  levée  des  oppo- 
sitions, si  des  oppositions  ont  eu  lieu. 

Formes  de  la  célébration  du  mariage.  —  Lors- 
qu'elles ont  fourni  toutes  les  pièces,  les  parties 
peuvent  se  présenter  devant  l'officier  de  l'état  ci- 
vil. L'officier  de  l'état  civil  compétent  est  celui  du 
domicile  de  l'une  des  parties,  et  le  domicile  s'établit 
par  six  mois  d'habitation  continue  dans  la  com- 
mune. Le  mariage  doit  être  célébré  publiquement, 
à  la  mairie,  en  présence  de  quatre  témoins.  L'of- 
ficier de  l'état  civil,  après  avoir  donné  lecture  des 
pièces  produites  et  des  dispositions  de  la  loi  rela- 
tives aux  droits  et  devoirs  des  époux,  demande  à 
chacun  des  futurs  époux  séparément  s'ils  veulent  se 
prendre  pour  mari  et  femme.  Sur  leur  réponse 
affirmative,  il  les  déclare  unis  au  nom  de  la  loi. 

Acte  de  mariage.  —  Pour  faire  preuve  du  ma- 
riage, il  en  est  dressé  acte  immédiatement,  et  cet 
acte  est  inscrit  sur  le  registre  de  l'état  civil. 
L'acte  de  mariage  doit  contenir  les  noms,  prénoms, 
âge,  profession  et  domicile  des  époux,  des  ascen- 
dants qui  consentent  au  mariage  et  des  témoins  ; 
il  doit  énoncer  les  publications,  l'acte  de  consen- 
tement au  mariage,  si  les  ascendants  ne  sont  pas 
présents,  les  actes  respectueux,  s'il  en  a  été  fait, 
indiquer  s'il  a  été  ou  non  rédigé  un  contrat  de 
mariage  ;  enfin  constater  la  déclaration  des  con- 
tractants qu'ils  se  prennent  pour  époux  et  le 
prononcé  de  leur  union  par  l'officier  de  l'état 
civil. 

Obligations  qui  résultent  du  mariage.  —  Les 
époux  se  doivent  respectivement  fidélité,  secours, 
assistance.  La  femme  est  tenue  de  résider  avec  son 
mari,  et  de  son  côté  le  mari  doit  procurer  à  la 
femme  une  habitation  convenable  et  ce  qui  est 
nécessaire  pour  subvenir  à  ses  besoins.  Le  mariage 
rend  la  femme  mariée  incapable  de  figui-er  seule 
dans  les  actes;  elle  ne  peut  ni  plaider,  ni  aliéner 
ses  biens,  ni  s'obliger  sans  l'autorisation  de  son 
mari,  ou,  à  son  défaut,  sans  l'autorisation  de  la  jus- 
tice. Le  mariage  impose  aux  époux  l'obligation 
de  nourrir,  entretenir  et  élever  leurs  enfants. 

Obligation  alimentaire.  —  Du  mariage  résulte 
enfin  l'obligation  alimentaire  qui  existe  entre  les 
ascendants  et  les  descendants,  et  les  alliés  au  même 
degré.  Les  enfants  doivent  à  leurs  parents  qui  sont 
dans  le  besoin  des  aliments,  et  réciproquement  les 
parents  doivent  venir  en  aide  à  leurs  enfants,  même 
majeurs,  qui  ne  peuvent  subvenir  à  leur  existence. 

La  même  obligation  existe  entre  beau-père  et  belle- 
mère,  gendre  et  bru.  Cette  obligation  alimentaire 
s'exécute  le  plus  souvent  par  une  pension  en  ar- 
gent qui  est  fixée  par  les  tribunaux,  si  les  parties 
ne  tombent  pas  d'accord.  La  quotité  de  la  pen- 
sion se  règle  d'après  les  besoins  de  celui  qui  la 
réclame  et  les  ressources  de  celui  qui  la  doit. 
Lorsque  celui  qui  doit  les  aliments  est  hors  d'état 
de  fournir  une  pension  en  argent,  il  peut  être  au- 
torisé à  recevoir  chez  lui  la  personne  qui  a  droit 
aux  aliments. 

Dissolution  du  nw7-iage.  —  Le  mariage  se  dis- 
sout par  la  mort  de  l'un  des  deux  époux.  Aucun 
délai  n'est  imposé  au  mari  avant  de  contracter  une 
nouvelle  union  ;  la  femme  devenue  veuve,  au  con- 
traire, ne  peut  se  remarier  que  dix  mois  après  la 
mort  de  son  mari. 

Séparation  de  corpt.  —  La  séparation  de  corps 
ne  dissout  point  le  mariage,  mais  elle  relâche  le 
lien  conjugal,  eu  ce  sens  que  les  époux  peuvent 
vivre  et  habiter  séparément.  La  séparation  de  corps 


est  prononcée  par  les  tribunaux  ;  les  causes  qui  peu- 
vent motiver  la  séparation  de  corps  sont  l'adultère 
de  la  femme  ou  du  mari,  les  mauvais  traitements, 
les  injures  graves  dont  l'un  des  époux  se  rcnct 
coupable  envers  l'autre.  La  séparation  de  corps 
entraîne  la  séparation  de  biens. 

7.  PATEriMTÉ  ET  FILIATION  {Code  cîvH,  art.  ZH  h 
342).  —  Preuve  de  la  filiation  des  enfants  légi- 
mes.  —  L'enfant  légitime  est  celui  qui  est  né  de 
deux  personnes  unies  en  mariage.  La  filiation  de 
l'enfant  légitime  se  prouve  par  son  acte  de  nais- 
sance inscrit  sur  les  registres  de  l'état  civil  ;  à  dé- 
faut d'acte  de  naissance,  l'enfant  peut  invoquer  la 
possession  d'état,  résultant  d'un  ensemble  de  faits 
qui  prouvent  que  l'enfant  a  toujours  passé  pour 
enfant  légitime;  enfin,  moyennant  certaines  condi- 
tions, l'enfant  peut  être  admis  à  réclamer  et  à  prou- 
ver en  justice  sa  filiation. 

Reconnaissance  des  enfants  naturels.  —  La  preuve 
de  la  filiation  des  enfants  nés  hors  mariage  résulte 
de  la  reconnaissance  du  père  ou  de  la  mère.  Cette 
reconnaissance  doit  être  faite  par  acte  authentique, 
c'est-à-dire  dressé  par  un  officier  public.  Les  offi- 
ciers de  l'état  civil,  les  notaires  peuvent  recevoir 
les  reconnaissances  d'enfants  naturels. 

Légitimation.  —  Les  enfants  naturels  peuvent 
acquérir  par  la  légitimation  le  titre  et  les  droits 
qui  appartiennent  aux  enfants  légitimes.  La  légiti- 
mation résulte  du  mariage  des  pères  et  mère,  à 
condition  que  préalablement  et  au  plus  tard  dans 
l'acte  de  mariage  ils  aient  reconnu  l'enfant. 

8.  Adoption  {Code  civil,  art.  343  à  'i'Qi).  — 
L'adoption  a  pour  but  de  permettre  à  ceux  qui 
n'ont  pas  d'enfants  de  se  créer  une  famille.  Elle 
établit  un  rapport  de  paternité  et  de  filiation  entre 
l'adoptant  et  l'adopté,  qui  prend  le  nom  de  l'adop- 
tant et  devient  son  héritier.  L'adoption  est  reçue 
par  le  juge  de  paix  ;  le  contrat  doit  être  liomolo- 
gué,  c'est-à-dire  approuvé  par  le  tribunal  de  pre- 
mière instance  et  la  Cour  d'appel;  puis  l'adoption 
est  inscrite  sur  les  registres  de  l'état  civil  du  domi- 
cile de  l'adoptant. 

9.  Puissance  paternelle  [Code  civil,  art.  3*1  à 
387).  —  Droits  du  père  stir  la  personne  de  l'e7ifant. 
—  Le  père,  durant  le  mariage,  a  l'exercice  de  la 
puissance  paternelle;  il  veille  sur  la  personne  de 
l'enfant;  il  dirige  son  éducation;  l'enfant  ne  peut, 
sans  le  consentement  de  son  père,  quitter  la  mai- 
son paternelle  ;  le  père  qui  a  contre  1  enfant  des 
sujets  de  mécontentement  graves  peut  obtenir,  du 
président  du  tribunal  de  première  instance,  l'auto- 
risation de  le  faire  détenir  dans  une  maison  de 
correction  pendant  un  temps  qui  ne  peut  excéder 
six  mois.  Après  la  mort  du  père,  la  puissance  pa- 
ternelle passe  à  la  mère  devenue  veuve. 

Droits  sur  les  biens.  —  Le  père  a  la  jouissance' 
ou  usufruit  légal  des  biens  qui  appartiennent  à 
l'enfant.  Sur  les  revenus,  le  père  doit  prélever 
d'abord  ce  qui  est  nécessaire  pour  élever  l'enfant 
et  lui  donner  l'éducation  qui  convient  à  sa  fortune  ; 
il  peut  disposer  du  surplus  des  revenus.  L'usufruit 
légal  cesse  lorsque  l  enfant  a  atteint  l'âge  de  dix- 
huit  ans.  Le  mèmi'  droit  appartient  à  la  mère,  après 
la  mort  de  son  mari,  mais  elle  perd  l'usufruit  en  se 
remariant. 

10.  Minorité,  tutelle,  émancipation  [Code  civil, 
arl.  388  à  487).  —  Des  mineurs.  —  Le  mineur  est 
l'individu  de  l'un  ou  de  l'autre  sexe  qui  n'a  point 
atteint  l'âge  de  vingt  et  un  ans.  A  vingt  et  un  ans  la 
personne  devient  majeure,  et  acquiert  une  capacité 
complète,  sauf  en  ce  qui  touche  le  mariage.  Le  mi- 
neur au  contraire  est  incapable  d'agir  par  lui-même. 

Mineurs  en  tutelle.  —  Le  mineur  qui  a  encore 
ses  père  et  mère  n'est  point  en  tutelle  ;  le  père, 
durant  le  mariage,  est  administrateur  des  biens 
personnels  de  l'enfant.  La  tutelle  s'ouvre  au  jour 
du  décès  du  père  ou  de  la  more. 

Différentes  sortes  de   tutelle;  tutelle  légale  des 


ÉTAT  CIVIL 


—  713  — 


ÉTATS  GÉNÉRAUX 


père  et  mère.  —  Il  y  a  plusieurs  espèces  de  tutelles  ; 
la  première  est  déférée  par  la  loi  elle-même  :  c'est 
la  tutelle  lc°;ale  des  père  et  mère,  A  la  mort  de 
l'un  des  deux  époux,  le  survivant  devient  de  plein 
droit  tuteur  des  enfants  mineurs  nés  du  mariage. 
Il  y  a  toutefois  certaines  règles  particulières  à  la 
mère  tutrice  légale.  Le  père  peut  nommer  à  la 
mère  un  conseil  sans  le  concours  duquel  elle  ne 
pourra  agir:  la  mère  a  toujours  le  droit  de  refuser 
la  tutelle.  La  mère  tutrice  qui  veut  se  remarier, 
doit,  avant  son  nouveau  mariage,  réunir  le  conseil 
de  famille  du  mineur;  le  conseil  décide  s'il  y  a  lieu 
de  remplacer  la  mère  comme  tutrice  ou  de  la  main- 
tenir dans  la  tutelle;  dans  le  second  cas,  le  conseil 
de  famille  doit  donner  h  la  femme  pour  cotuteur 
son  second  mari.  La  mère  tutrice  qui  n'a  pas  réuni 
le  conseil  de  famille  avant  de  se  remarier  est  de 
droit  déchue  de  la  tutelle. 

Autres  espèces  de  tufelUs.  —  Le  dernier  mourant 
des  père  et  mère  du  mineur  peut  lui  nommer  un 
tuteur  ;  cette  désignation  peut  se  faire  par  testa- 
ment, par  acte  notarié  ou  par  acte  reçu  par  le  juge 
do  paix.  —  A  défaut  des  père  et  mère  et  de  tuteur 
nommé  par  le  dernier  mourant,  la  tutelle  passe  aux 
ascendants  du  mineur,  on  choisissant  l'ascendant 
le  plus  proche,  et  s'il  y  a  égalité  de  degré,  l'ascen- 
dant paternel  plutôt  que  l'ascendant  maternel.  Lors- 
qu'aucune  autre  tutelle  n'est  possi'ole,  le  tuteur  est 
nommé  par  le  conseil  de  famille. 

Composition  du  conseil  de  famille.  —  Le  conseil 
de  famille  se  réunit  au  lieu  où  la  tutelle  s'est  ou- 
verte, c'est-à-dire  au  dernier  domicile  du  père  du 
mineur,  sous  la  présidence  du  juge  de  paix.  Il  est 
composé  de  trois  parents  ou  alliés  dans  la  ligne 
paternelle  et  de  trois  parents  ou  alliés  dans  la  ligne 
maternelle.  On  choisit  dans  chaque  ligne  les  pa- 
rents ou  alliés  les  plus  proches  domiciliés  dans 
la  commune  ou  à  la  distance  de  deux  myria- 
mètres. 

Subrogé  tuteur.  —  Il  y  a  dans  toute  tutelle  un 
subrogé  tuteur  qui  est  nommé  par  le  conseil  de 
famille.  Le  subrogé  tuteur  doit  être  choisi  dans 
la  ligne  à  laquelle  le  tuteur  n'appartient  pas:  si  le 
tuteur  par  exemple  est  un  parent  paternel,  le  su- 
brogé tuteur  ne  pourra  être  qu'un  parent  maternel 
ou  un  étranger.  La  mission  spéciale  du  subrogé 
tuteur  est  d'exercer  un  contrôle  sur  la  gestion  du 
tuteur  ;  lorsque  la  tutelle  est  vacante,  il  provoque 
la  réunion  du  conseil  de  famille  pour  nommer  un 
nouveau  tuteur  ;  enfin  il  représente  le  mineur  au 
lieu  et  place  du  tuteur,  lorsque  celui-ci  a  des  in- 
térêts opposés  à  ceux  du  mineur. 

Administration  du  tuteur.  —  Le  tuteur  doit,  si 
le  mineur  n'a  plus  ni  père  ni  mère,  prendre  soin 
de  sa  personne  ;  il  administre  ses  biens,  et  le  re- 
présente dans  tous  les  actes.  Il  est  tenu,  avant 
d'entrer  en  fonctions,  de  faire  faire  un  inventaire  ; 
il  doit  faire  vendre  les  meubles  autres  que  ceux 
que  le  conseil  de  famille  l'a  autorisé  à  conserver; 
il  doit  faire  fixer  par  le  conseil  de  famille  la  somme 
à  laquelle  s'élèvera  la  dépense  annuelle  du  mineur 
et  la  somme  à  partir  de  laquelle  il  devra  faire 
emploi  de  l'excédant  dos  recettes.  Ces  deux  der- 
nières obligations  ne  sont  point  imposées  au  père 
ou  à  la  mère  qui  exerce  la  tutelle  légale.  Le  tuteur 
peut  faire  seul  les  actes  d'administration  ;  il  con- 
sent des  baux  de  neuf  années,  reçoit  les  capitaux 
du  mineur  et  en  fait  le  placement.  L'autorisation 
du  conseil  de  famille  est  nécessaire  au  tuteur 
pour  accepter  une  succession  ou  y  renoncer,'  ac- 
cepter une  donation,  demander  le  partage  d'une 
succession  échue  au  mineur.  Il  faut  observer  que 
le  mineur  ne  peut  jamais  accepter  une  succession 
que  sous  bénéfice  d'inventaire  ;  ce  qui  lui  donne 
l'avantage  de  n'être  tenu  des  dettes  que  jusqu'à 
concurrence  des  biens  de  la  succession.  Pour  em- 
prunter, aliéner  ou  hypothéquer  les  immeubles 
du  mineur,  le  tuteur  doit  être  autorisé  par  le  con- 


seil de  lamille,  dont  la  délibération  est  soumise  Ji 
l'approbation  du  tribunal  de  première  instance.  La 
vente,  si  elle  est  autorisée,  ne  peut  avoir  lieu 
qu'en  justice,  à  la  barre  du  tribunil  ou  par  devant 
un  notaire  commis. 

Comptes  de  tutelle.  —  La  tutelle  prend  fin  par 
la  majorité,  par  l'émancipation  du  mineur,  ou  par 
la  mort  du  mineur.  Le  tuteur,  lorsque  la  tutelle 
cesse,  doit  rendre  compte  de  sa  gestion,  soit  au 
mineur  devenu  majeur,  soit  au  mineur  émancipé 
assisté  de  son  curateur,  soit  aux  héritiers  du  mi- 
neur. Le  tuteur  comprend  dans  son  compte  toutes 
les  recettes  qu'il  a  faites  et  les  dépenses  dont 
l'objet  a  été  utile.  Si  le  compte  se  balanci>  par  un 
reliquat  en  faveur  du  mineur,  la  somme  due  par 
le  tuteur  porte  intérêts  du  jour  de  la  clôture  du 
compte;  si  le  tuteur  est  créancier,  il  n'a  droit  aux 
intérêts  que  du  jour  do  la  sommation  de  payer  par 
lui  faite  au  mineur.  L'action  en  reddition  de  compte 
se  prescrit  par  dix  ans  à  compter  du  jour  de  la 
majorité  du  mineur. 

Emancipation.  —  L'émancipation  donne  au  mi- 
neur avant  sa  majorité  une  capacité  restreinte, 
qui  lui  permet  d'administrer  lui-même  sa  fortune. 
Le  mineur  qui  se  marie  est  émancipé  de  plein 
droit  par  le  mariage.  A  quinze  ans  le  mineur  peut 
être  émancipé  expressément  par  ses  père  et  mère; 
l'émancipation  résulte  d'une  déclaration  faite 
devant  le  juge  de  paix.  Lorsque  le  mineur  n'a  plus 
ses  père  et  mère,  il  no  peut  être  émancipé  qu'à 
dix-huit  ans;  l'émancipation  a  lieu  en  vertu  d'une 
délibération  du  conseil  de  famille.  Le  mineur 
émancipé  est  assisté  d'un  curateur  qui  lui  est 
nommé  par  le  conseil  de  famille  ;  le  curateur  doit 
intervenir  lorsque  le  mineur  émancipé  fait  cer- 
tains actes,  par  exemple  lorsqu'il  reçoit  son  compte 
de  tutelle  ou  lorsqu'il  touche  un  capital. 

11.  Interdiction  et  conseil  judiciaire  {Code  ci- 
vil, ai't.  489  à  515  .  —  Causes  de  l'interdiction  et 
de  la  dation  du  conseil  judiciaire.  —  La  loi  pro- 
tège non  seulement  les  mineurs,  mais  aussi  les 
majeurs  qui  ne  jouissent  point  de  la  plénitude  de 
leurs  facultés  ou  qui  se  livrent  à  des  actes  de 
prodigalité  pouvant  compromettre  leur  fortune. 

Toute  personne  qui  est  dans  un  état  habituel 
d'aliénation  mentale  peut  être  interdite  ;  un  con- 
seil judiciaire  peut  être  nommé  à  ceux  qui.  sans 
être  en  état  de  démence,  sont  faibles  d'esprit,  et 
aux  prodigues,  c'est-à-dire  à  ceux  qui  abusent  de 
leur  capacité  en  dissipant  leur  fortune. 

Par  qui  ces  mesures  peuvent  être  provoquées.  — 
Il  faut,  pour  prononcer  l'interdiction  d'une  per- 
sonne ou  pour  lui  nommer  un  conseil  judiciaire^ 
un  jugement,  qui  est  rendu  après  un  avis  du  con- 
seil de  famille  et  un  interrogatoire  que  le  défen- 
deur subit  devant  le  tribunal  Tout  parent  est 
recevable  à  provoquer  l'interdiction  ou  la  nomina- 
tion d'un  conseil  judiciaire  ;  l'un  des  époux  peut 
aussi  demander  l'une  ou  l'autre  de  ces  mesures 
contre  son  conjoint. 

Effets  de  l'imerdiction  et  de  la  nomination  du 
conseil  judiciaire.  —  La  personne  dont  linterdic- 
tion  a  été  prononcée  esi  frappée  d'une  incapacité 
générale  ;  tous  les  actes  qu'elle  fait  postérieure- 
ment à  l'interdiction  sont  nuls  de  droit.  L'interdit 
est  en  tutelle  comme  le  mineur;  comme  lui  il  a  un 
conseil  de  famille  et  un  subrogé  tuteur;  la  tutelle 
ûr  l'interdit  est  soumise  en  général  aux  mêmes 
règles  que  la  tutelle  du  mineur.  —  Celui  qui  est 
pourvu  d'un  conseil  judiciaire  n'est  point,  comme 
l'interdit,  incapable  d'agir  par  lui-même  :  il  a  be- 
soin seulement  pour  certains  actes  déterminés  du 
concours  de  la  personne  que  le  tribunal  lui  a  nom- 
mée comme  conseil  judiciaire.  fE.  Delacourtie.] 
ÉTATS  GÉNÉRAUX.  —  Histoire  de  France,  XI- 
XXX.  —  Avant  la  révolution  de  1789,  assemblées 
politiques  se  tenant  à  des  époques  plus  ou  moins 
régulières  pour  délibérer  sur  des  questions  din- 


ÉTATS  GENERAUX 


—  714  ~ 


ETATS  GENERAUX 


térêt  public.  Elles  étaient  composées  des  députés 
des  trois  états  de  la  nation  :  clergé,  noblesse, 
bourgeoisie;  de  là  leur  nom  d'Etats. 

Origine.  —  L'origine  de  ces  assemblées  paraît 
aussi  ancienne  que  la  civilisation  des  nations  de 
race  indo-européenne  desquelles  nous  procédons. 
On  les  trouve  à  Athènes,  à  Sparte,  à  Rome,  sous 
forme  d'assemblée  des  citoj'ens;  en  Gaule,  d'as- 
semblée nationale  ;  en  Germanie,  d'as^enlblées 
guerrières:  Champ  de  Mars,  Champ  de  Mai.  En 
Gaule,  cette  forme  de  gouvernement  particulière 
aux  sociétés  d'hommes  d'intelligence  active,  d'ima- 
gination féconde,  survécut  à  la  conquête;  mais 
elle  se  modifia  peu  à  peu,  et  finit  par  disparaître 
en  même  temps  que  la  féodalité,  qui  l'exclut,  se 
constitua.  Toutefois,  les  assemblées  de  seigneurs 
et  d'évêques,  ainsi  que  les  conciles,  peuvent  être 
considérés  comme  un  exemple  de  la  persistance 
de  l'institution.  Dès  que  la  féodalité,  qui  les  avait 
détruites,  aurait  perdu  de  sa  puissance  au  profit 
du  roi  et  du  peuple,  il  était  supposable  que  ces 
assemblées  reparaîtraient.  Il  en  fut  en  effet  ainsi. 
Quand  les  croisades  eurent  ruiné  les  seigneurs  et 
enrichi  le  peuple,  les  villes  purent  se  constituer 
en  communes  et  devenir  une  force  que  les  rois 
surent  associer  à  la  leur,  pour  la  tourner  contre 
les  seigneurs  et  aussi  contre  la  papauté  qui,  à 
cette  époque,  régentait  les  rois.  Aussi,  Philippe- 
Auguste  et  saint  Louis  avaient-ils  déjà  plus  d'une 
fois  pris  conseil  des  clercs,  des  barons  et  des  re- 
présentants des  communes  réunis,  quand,  pour  la 
première  fois,  en  \'■\^)'2,  Philippe  le  Bel  convoqua 
les  trois  États  sous  le  nom  à! Etats  généraux,  qu'ils 
gardèrent  ensuite. 

Caractère,  rôle  tts  Etats.  —  Les  Etats  généraux, 
quoi  qu'ils  aient  dit  ou  fait,  n'ont  jamais  eu  abso- 
lument le  caractère  d'assemblée  nationale,  et  n'ont 
jamais  été  dans  l'Etat  un  pouvoir  permanent  et 
régulier.  En  1856  et  en  1484,  ils  essayèrent  de 
proclamer  la  périodicité  de  leurs  sessions  et  leur 
convocation  à  époque  fixe;  mais  les  rois  surent  se 
soustraire  à  ces  obligations  et  affectèrent  toujours 
de  considérer  les  Etats  comme  un  secours,  extrême 
et  dernière  ressource,  qu'ils  appelaient  aux  heures 
critiques,  propre  seulement  à  voter  des  subsides, 
quelques  services  d'ordre  général  qu'ils  en  reti- 
rassent d'ailleurs.  Dans  cette  lutte  de  prétentions 
contraires,  les  Etats,  surtout  ceux  de  1356,  fail- 
lirent l'emporter;  mais  le  manque  d'habileté  et  de 
capacité  politiques,  la  crainte  de  contrarier  le  roi 
que  le  tiers  regardait  comme  son  protecteur,  quel- 
quefois le  défaut  de  concorde,  et  toujours,  peut- 
être,  la  faiblesse  de  l'esprit  public,  retardèrent  la 
victoire  de  la  nation  jusqu'en  1789,  malgré  le  véri- 
table héroïsme  que  montrèrent  souvent  les  membres 
du  tiers. 

Convocation;  travaux.  —  Dès  la  première  con- 
vocation des  Etats,  toute  une  procédure  fut  créée. 
Le  roi  les  convoquait  par  lettres  pate?ites,  adressées 
aux  gouverneurs  et  aux  baillis,  qui  avertissaient  les 
nobles,  les  clercs,  les  bourgeois  et  les  vilains. 
Pour  ces  derniers,  l'élection  était  à  deux  degrés  : 
réunis  d'abord  dans  chaque  ville  ou  bourg,  ils  ré- 
digeaient leurs  doléances  et  nommaient  des  élec- 
teurs qui,  au  chef-lieu  du  bailliage,  composaient  un 
cahier  unique  de  doléances  et  désignaient  les  dé- 
putés. Arrivés  au  lieu  de  réunion  fixé  par  le  roi, 
les  députés  de  chaque  ordre  nommaient  séparé- 
ment leurs  présidents  et  leurs  greffiers.  Le  roi 
alors,  dans  une  séance  plénière,  prononçait  quel- 
ques mots  et  faisait  exposer  sa  volonté  par  son 
chancelier.  L'orateur  du  clergé  répondait  d'abord, 
ensuite  celui  de  la  noblesse,  enfin  celui  du  tiers. 
Les  ordres  se  séparaient  pour  examiner  les  cahiers, 
former  des  cahiers  provinciaux,  puis  un  cahier 
unique  pour  tout  le  royaume,  et  pour  voter  les 
impôts.  Une  deuxième  séance  plénière  était  encore 
enue,  et  l'assemblée  dissoute  sans  qu'on  eût  ré- 


pondu aux  doléances.  Elles  n'étaient  pas  absolu» 
ment  dédaignées  pourtant,  car  elles  ont  inspiré  les 
meilleures  réformes  de  la  royauté.  Telle  est  la 
façon  dont  les  choses  se  passaient  communément, 
à  part  les  quelques  modifications  que  le  temps  et 
les  circonstances  rendaient  nécessaires. 

Histoire.  —  C'est  à  l'occasion  d'un  différend 
entre  le  pape  et  lui  que  Philippe  le  Bel  convoqua 
pour  la  première  fois  les  Etats,  en  1.3u2.  Boni- 
face  VIII  «  qui  faisait  revoir  sur  le  saint-siège  les 
grandes  facultés  de  Grégoire  VII  ft  d'Innocent  III, 
renouvelait  leurs  prétentions  à  la  domination  univer- 
selle. »  De  son  côté,  Philippe  entendait  être  le  seul 
maître  en  France.  Il  avait  ordonné  une  taxe  [mal- 
tôte)  de  la  cinquantième  partie  des  biens  de  tous 
ses  sujets  nobles  et  non  nobles,  ecclésiastiques  et 
laïques.  Le  pape  y  vit  un  empiétement  sur  les  droits 
de  l'Eglise,  et  déclara  dans  une  bulle  qu'il  excom- 
munierait tout  clerc  qui  paierait  la  taxe  sans  son 
autorisation,  comme  tout  laïque  qui  l'exigerait  des 
clercs  La  querelle  s'envenima  au  point  que  le  pape, 
dans  la  bulle  Ausculta  fili.  menaça  le  roi,  qui  ré- 
pondit par  la  convocation  des  Etats  Généraux.  Le 
premier  cri  de  ceux-ci  fut  un  cri  d'indépendance 
nationale.  Ils  avaient  plus  d'un  grief  à  reprocher  à 
Philippe,  mais  ils  surent  faire  taire  leurs  senti- 
ments personnels,  pour  ne  voir  que  la  nation 
qu'ils  voulaient  indépendante  de  toute  puissance 
extérieure.  Le  clergé  se  soumit;  les  nobles,  unis 
aux  bourgeois,  écrivirent  aux  cardinaux  pour  pro- 
tester «  contre  les  déraisonnables  entreprises  de 
«  celui  qui  est  à  présent  au  siège  et  gouverne- 
«  ment  de  l'Eglise.  »  Mais  elle  est  du  tiers  seul, 
cette  fière  déclaration  :  «  A  vous,  très  noble  prince, 
«  notre  cher  sire  Philippe,  h  vous  supplie  et  re- 
«  quiert  le  peuple  de  votre  royaume  que  vous 
«  gardiez  la  souveraine  franchise  de  cet  Etat  qui 
«  est  telle  que  vous  ne  reconnaissez  de  souverain 
«  en  terre,  hors  Dieu.  »  —  Avec  cet  appui,  Phi- 
lippe soutint  la  lutte  et  l'emporta. 

Convoqués  pour  la  même  cause  en  1303,  les 
Etats  renouvelèrent  les  mêmes  assurances  au  roi. 
En  1308,  ils  sanctionnèrent  l'arj-estation  des  Tem- 
pliers. En  1314,  ils  soutinrent  le  roi  contre  l'aristo- 
cratie. En  l.'ilT  et  en  1328,  ils  se  prononcèrent  pour 
la  loi  salioue. 

La  réunion  de  1338,  qui  fit  peu  de  bruit,  fut  l'une 
des  plus  importantes  du  xvi^  siècle.  Elle  proclama 
le  libre  vote  de  l'impôt  en  décidant  «  que  les  rois  ne 
«  lèveront  désormais  aucuns  deniers  exiraorai- 
«  naires  sans  l'octroi  des  trois  Etals  et  qu'ils  en 
«  prêteront  le  serment  à  leur  sacre.  »  Malheu- 
reusement le  t>erment  ne  fut  pas  tenu  par  les  rois, 
et  les  Etats  ne  surent  pas  ou  ne  purent  pas  le  faire 
respecter. 

Toutefois,  en  1351,  le  roi  Jean,  pressé  par  les 
Anglais,  eut  besoin  de  subsides,  et  réunit  les 
Etats  qui  les  lui  votèrent.  Ces  subsides  ayant  été 
inutilement  dissipés,  il  fut  obligé  de  les  rappeler 
en  1355. 

Irrités  de  la  dilapidation  qui  avait  été  faite  et 
enhardis  par  la  fausse  position  du  roi,  les  Etats 
firent  une  grande  et  nouvelle  chose  :  ils  substi- 
tuèrent la  nation  au  roi  et  prirent  en  main  l'admi- 
nistration. Ils  votèrent  l'établissement  d'une 
monnaie  invariable  et  la  suppression  du  droit  de 
chevauchée  ;  puis  5  millions  de  livres  parisis  pour 
l'entretien  d'une  armée  de  30  000  hommes.  Cette 
somme  devait  provenir  d'un  impôt  sur  le  sel  et 
d'un  impôt  de  8  deniers  par  livre  sur  toute  chose 
vendue;  et,  chose  remarquable,  cet  impôt  devait 
être  payé  par  toutes  les  classes  de  la  nation,  même 
par  le  roi.  Une  commission  de  9  membres  fut 
chargée  au  nom  des  Etats  de  surveiller  l'emploi  des 
fonds  et  de  faire  exécuter  les  mesures  prescrites. 
Ces  impôts  ne  purent  être  recouvrés  et  furent  rerr:» 
placés  en  1356  par  un  impôt  sur  le  revenu  qui  ne 
réussit  guère  mieux.  Les  Etats  s'étaient  bien  mis 


ETATS  GENERAUX 


7!o  — 


ÉTATS  GENERAUX 


en  face  du  roi  comme  ses  égaux,  ainsi  qu'en  té-  j 
moigne  la  fin   de  Tordonnance  royale  :  «  Voulons  | 
«  et  avons   o<troyé    auxdites  gens   qui   nous   ont 
«  octroyé  lesdits  subsides  que  les  Chartres  données 
a  à  Saint-André  soient  et  demeurent  en  leur  force 
«  et  venu.  » 

135G,  1357,  1358.  —  Après  le  désastre  de  Poi- 
tiers, le  dauphin  Charles  réunit  aussitôt  les  États 
Il  Paris.  Les  malheurs  effroyables  qu'avaient  causé 
limpéritie  et  les  désordres  du  roi  et  de  la  noblesse, 
avaient  porté  à  son  comble  l'irritation  du  peuple 
auquel  s'allia  le  clerg  ■.  Sous  l'influence  de  leurs 
chefs,  Jacques,  archevêque  de  Lyon  ;  Jean  de 
Craon,  archevêque  de  Reims;  Valérien  de  Luxem- 
bourg; Jean  de  Picquigny,  gouverneur  d'Artois; 
liobert  le  Coq,  archevêque  de  Laon  ;  Etienne 
Marcel,  prévôt  des  marchands  de  Paris;  de  ces 
deux  derniers  surtout,  qui  paraissent  avoir  inspiré 
et  dirigé  toutes  les  délibérations,  de  réformateurs 
les  États  devinrent  révolutionnaires,  et  pendant  un 
instant  eurent  vraiment  le  caractère  d'assemblée 
nationale. 

Dès  le  début,  ils  annoncèrent  clairement  leurs 
intentions,  en  déclarant  fièrement  «  qu'ils  ne  be- 
«  soigneraientpoint  tant  que  les  gens  du  conseil  du 
«  roi  fussent  avec  eux,  »  et  en  accusant,  non  sans 
raison,  les  officiers  de  la  couronne  «  de  n'.voir  eu 
«  égard  dans  les  conseils  qu'ils  avaient  donné,  ni 
«  à  la  crainte  de  Dieu,  ni  à  l'honneur  du  Souve- 
«  rain,  ni  à  la  misère  du  peuple  ;  de  n'avoir  eu  en 
«  vue  que  leur  intérêt  particulier,  s'occupant  uni- 
o  quement  du  soin  d'acquérir  des  possessions, 
«  d'arracher  des  dons  excessifs,  de  se  faire  confé- 
«  rer  les  uns  aux  autres  ou  à  leurs  amis  les  di- 
u  gnités  et  les  charges,  et  surtout  d'avoir  caché  au 
o  roi  la  vérité.  »  Ce  langage  hardi  fut  suivi  d'efl'et. 
En  1357,  le  dauphin  lut  obligé  de  rendre  une 
grande  ordonnance  dont  voici  les  principales  dis- 
positions : 

Les  États  se  rassembleront  deux  fois  par  an  ; 
en  leur  absence,  trente-six  élus  assisteront  le 
prince  ;  d'autres  élus  seront  envoyés  dans  les  pro- 
vinces pour  surveiller  les  fonctionnaires  de  tout 
ordre.  Les  impôts  seront  votés  et  levés  par  les 
États,  qui  en  surveilleront  l'emploi.  Les  monnaies 
seront  invariables.  Tout  homme  sera  armé  ;  les 
nobles  ne  devront  plus  guerroyer  entre  eux;  les 
soldats  ne  seront  payés  que  par  les  États.  La  jus- 
tice sera  rendue  sans  grands  frais  et  sans  retard. 
Le  droit  de  prise  et  de  chevauchée  sera  aboli. 

Cette  ordonnance  était  bien  toute  une  révolution 
qui  plaçait  le  roi  sous  la  tutelle  des  États  et  met- 
tait entre  les  mains  de  ceux-ci  ou  de  leurs  délé- 
gués toute  l'administration  de  la  France,  car,  dit 
Froissard  :  «  Ces  trente-six  personnes  devaient  être 
«  souvent  à  Paris  ensemble  pour  ordonner  des 
«  besoignes  du  rojaumc,  et  toutes  matières  se 
«  devaient  rapporter  par  ces  trois  États  ;  et  de- 
«  vaient  obéir  tous  prélats,  tous  seigneurs,  toutes 
«  communautés  des  cités  et  des  bonnes  villes  à  ce 
a  que  ces  trois  États  ordonneraient.  » 

Cependant,  après  avoir  feint  de  céder  à  la  vo- 
lonté des  États,  le  dauphin  s'efforçait  d'annuler 
les  effets  de  l'ordonnance  de  réformation,  et  d'em- 
pêcher les  trente-six  commissaires  d'agir.  Alors, 
poussés  par  Marcel,  les  Parisiens  se  révoltèrent  et 
massacrèrent  les  maréchaux  de  Champagne  et  de 
Normandie,  principaux  conseillers  du  dauphin, 
dans  son  appartement  et  sous  ses  yeux  (22  février 
1358).  Effrayé,  le  dauphin  sortit  de  Paris  et  alla  ^e 
mettre  à  la  tête  de  la  noblesse  qui,  ainsi  que 
le  clergé,  avait  presque  cessé  de  paraître  aux 
Etats,  et  se  disposa  à  revenir  sur  ia  capitale,  dont 
Marcel  organisa  la  défense.  C'est  à  ce  moment 
que  les  paysans  du  nord  de  la  France  tentèrent 
la  grande  insurrection  qu'on  appelle  la  Jacquerie*. 
Les  Parisiens  firent  un  moment  cause  commune 
avec  les  paysans;  mais  ceux-ci  furent  promptemeni 


écrasés  par  la  noblesse.  Bientôt  après,  Marcel  fut 
assassiné  (!"'  août  1358}  et  tous  les  fruits  de  la  ré- 
volution furent  perdus. 

Aucune  autre  assemblée  des  Etats  n'eut  plus 
jamais  autant  d'importance  et  surtout  ne  montra 
autant  de  hardiesse.  Institués  pour  venir  en  aido 
au  pouvoir  royal,  on  les  verra  maintenant  déchoir 
à  mesure  que  celui-ci  grandira,  puis  disparaître 
complètement  pendant  près  de  deux  siècles  (1G14- 
178S)),  c'est-à-dire  pendant  que  le  pouvoir  du  roi 
sera  absolu  et  incontesté.  Néanmoins  de  1358  à 
1014    ils  furent  encore  bien  des  fois  convoqués. 

En  1359,  ils  repoussèrent  le  traité  conclu  par 
Jean  avec  Edouard.  En  13(i9,  sous  Charles  V,  ils  dé- 
cidèrent que  l'appel  des  barons  du  midi  contre  le 
prince  de  Galles  devait  être  reçu.  En  1413,  sous 
Charles  Vf,  ils  approuvèrent  la  fameuse  ordon- 
nance cabo'.hienne,  rédigée  par  les  docteurs  de 
l'Université.  En  1430  et  en  1444,  tout  en  aidant 
Charles  VI  i  accomplir  ses  utiles  réformes,  ils  ab- 
diquèrent en  quelque  sorte  entre  les  mains  du  roi, 
en  établissant  une  taille  perpétuelle  qui  permit  à 
celui-ci  de  se  passer  d'eux  désormais,  pour  pour- 
voir aux  nécessités  de  la  guerre.  En  14G8,  sous 
Louis  XI,  ils  décidèrent  à  Tours  que  la  Nor- 
mandie ne  pouvait  être  distraite  du  domaine  royal 
et  que,  suivant  l'ordonnance  de  Charles  V,  le 
frère  du  roi  n'avait  droit  qu'à  une  rente  de  12000 
livres. 

En  1484,  pendant  la  jeunesse  de  Charles  VIII, 
on  put  croire  un  instant  que  les  grands  jours  de 
1357  étaient  revenus.  Les  Etats  furent  élus  dans 
des  conditions  toutes  nouvelles  où  l'esprit  de  la 
France  moderne  s'affirmait  déjà.  Ils  n'eurent  plus 
rien  de  féodal.  «  On  convoqua  fa  totalité  des  habi- 
tants libres  du  royaume,  paysans  aussi  bien  qu'ec- 
clésiastiques, nobles  et  gens  des  villes,  à  l'exception 
de  ce  qui  restait  des  serfs.  Les  hommes  libres  de 
toutes  les  paroisses  furent  invités  à  envoyer  des 
délégués  au  chef-lieu  des  prévôtés,  où  ces  délé- 
gués choisirent  entre  eux  des  électeurs  qui  allèrent 
nommer  des  députés  dans  les  chi.'fs-lieux  des  bail- 
liages ou  des  sénéchaussées.  Les  élections  dans  le 
tiers  se  firent  ainsi  à  trois  degrés.  Les  ecclésiasti- 
ques et  les  nobles  élurent  directement  leurs  dépu- 
tés, sans  que  les  évêques  et  les  grands  b.trons 
eussent  plus  de  droit  que  les  autres.  Il  y  eut  ainsi 
complète  égalité  dans  chacun  des  trois  ordres, 
comme  s'ils  eussent  été  trois  démocraties  à  côté 
l'une  de  l'autre.  » 

L'assemblée  se  réunit  à  Tours,  le  15  janvier.  Ses 
revendications  furent  aussi  complètes  que  le  temps 
le  comportait,  et  ses  cahiers  de  doléances  rédigés 
sans  la  moindre  faiblesse.  L'attention  du  roi  fut 
appelée  sur  tout  :  religion,  finances,  armée,  jus- 
tice, administration.  Cependant  aucune  réforme 
ne  fut  réalisée.  L'esprit  public  était  trop  faible  et 
l'assemblée  ne  se  sentait  sans  doute  pas  poussée 
par  la  nation.  Il  ne  résulta  de  sa  réunion  que  le 
vote  de  la  taille,  la  constitution  du  conseil  du  roi, 
et  d'éloquents  et  hardis  discours,  parmi  lesquels 
celui  du  sire  Philippe  de  la  Roche  Pot,  où  se  trou- 
vent ces  paroles  bien  étonnantes  pour  l'époque  : 
«  La  royauté  est  une  fonction,  non  point  un  héri- 
«  tage,  et  ne  doit  point,  à  l'instar  des  héritages, 
«  être   nécessairement  confiée  à  la  garde  des  tu- 

«  teurs  naturels,  des    plus  proches    du    sang 

<t  L'histoire  nous  enseigne  et  j'ai  appris  de  mes 
«  pères,  qu'au  commencement  les  rois  furent 
«  créés  par  la  volonté  du  peuple  souveroui.  On 
«  élevait  au  rang  suprême  les  plus  vaillants  et  les 
«  plus  sages,  et   chaque  peuple  élisait  ses   chefs 

«  pour   son    utilité Quiconque    possède   par 

«  force  ou  autrement,  sans  le  consentement  du 
«  peuple,  le  gouvernement  de  la  chose  publique, 
a  n'est  qu'un  tyran  et  un  usurpateur  du  bien 
»  d'autrui.  » 

Jnsdu'en  1(;14,  les  assemblées  qui  suivirent  n'ont 


ÉTATS   GÉNÉRAUX 


716  — 


ÉTATS-UNIS 


rien  de  rpmarqnablo.  En  1506,  les  Etats  de  Tours 
décidèrent  Louis  XII  à  casser  les  traités  de  Blois 
et  à  refuser  sa  lille  à  Charles  d'Autriche  pour  la 
donner  à  François  d'Angoulênie,  qui  fut  Fran- 
çois I"^.  C'est  dans  la  même  session  qu'ils  donnè- 
rent à  ce  bon  roi  le  titre  de  Père  du  Peuple. 

François  ]"  et  Honri  II,  souverains  absolus  déjà, 
ne  convoquèrent  pas  les  Etats,  qu'on  ne  voit  repa- 
raître que  lorsqne  les  guerres  de  religion  eurent 
tout  mis  en  pci'il.  En  15G0,  sous  Cliarles  IX,  ceux 
d'Orléans  présentèrent  au  chancelier  de  l'Hôpital 
de  remarquables  cahiers  qui  inspirèrent  les  ordon- 
nances royales  sur  le  commerce  et  l'industrie.  Ceux 
do  I5TG,  de  lôSS  et  de  lô!)3  ne  peuvent  être  con- 
sidérés comme  de  véritables  Etats,  une  partie  de 
la  nation  seule  y  ayant  été  représentée.  Les  pre- 
miers, réunis  à  Blois,  furent  une  assemblée  de  li- 
gueurs factieux  qui  répondit  brutalement  à  Henri  III 
de  veiller  à  l'extermination  de  l'hérésie.  Les  se- 
conds ne  sont  célèbres  que  par  l'assassinat  du  duc 
de  Guise  et  du  cardinal  de  Lorraine,  auquel  ils 
poussèrent  peut-être  le  même  roi  par  l'excès  de 
leur  audace  et  de  leurs  insultes.  Enfin,  les  troisiè- 
mes, réunis  à  Paris  et  connus  sous  le  nom  d'Etats 
de  la  Ligue,  où  l'on  proposa  l'abolition  de  la  loi  sa- 
lique  en  faveur  de  la  fille  de  Philippe  II,  et  où  on 
finit  par  donner  la  couronne  au  cardinal  Charles 
de  Bourbon,  oncle  d'Henri  IV,  furent  rendus  ridi- 
cules et  odieux  par  la  satire  Ménii'pée. 

Henri  IV  ne  convoqua  pas  les  Etats  ;  ce  n'est  que 
pendant  les  troubles  qui  suivirent  sa  mort  que  la 
régente  Marie  de  Modicis  crut  devoir  les  appeler  en 
1614.  Mais  la  royauté  avait  trop  grandi.  Ces  der- 
niers Etats  no  furent  que  la  parodie  de  l'institution 
et  paraissent  bien  pâles  auprès  de  leurs  devanciers. 
Le  tiers  y  fut  continuellement  humilié  par  les 
deux  autres  ordres.  Pourtant  on  ne  peut  nier  qu'il 
ait  fait  quelques  efl'orts  pour  s'y  faire  écouter,  ni 
que  ses  demandes  témoignent  qu'il  renfermait  de 
suffisantes  capacités,  à  qui  tout  le  mal  était  connu. 
Il  eut  même  le  courage  d'y  dire  «  que  les  trois  or- 
dres étaient  trois  frères,  enfants  de  leur  mère 
commune  la  France;  que  l'ordre  nobiliaire,  quoi- 
qu'il fût  comme  l'aîné  du  tiers,  ne  le  devait  donc 
pas  mépriser  ;  qu'il  se  trouvait  bien  souvent  que, 
dans  les  familles,  les  aînés  ravalaient  les  maisons 
et  les  cadets  les  relevaient  et  les  por;  aient  au  plus 
haut  point  de  gloire.  »  Mais  ce  n'étaienl  que  des 
paroles,  prononcées  sous  la  pression  d'un  outrage, 
qu'on  retirait  bientôt  après  pour  reprendre  une 
posture  plus  humble.  Dans  ces  conditions  l'assem- 
blée ne  pouvait  qu'être  impuissante.  Aussi  n'en 
reste-t-il  guère  que  quelques  vers,  sorte  de  pro- 
phétie renfermée  dans  le  quatrain  suivant  : 

O  noblesse,  ô  clergé,  les  aînés  de  la  France, 
Puisque  l'honneur  du  roi  si  mal  vous  soutenez, 
Puisque  le  Tiers-Etat  en  ce  point  vous  devance, 
Il  faut  que  vos  cadets  deviennent  vos  aines. 

Le  temps  de  la  révolution  n'était  effectivement 
pas  venu,  car  c'est  de  Vhonieur  du  roi  et  non  de 
yii.onneurnntionnl  (\\x"\\  s'agit  encore.  Il  fallait  que 
l'exercice  de  la  royauté  absolue  eût  accumulé  assez 
de  misères  sur  la  France  pour  que  l'esprit  public 
se  formât  et  pour  que  la  nation  donnât  à  ses  repré- 
sentants mission  de  s'emparer  de  la  souveraineté 
et  de  reprendre,  en  l'accommodant  aux  temps  mo- 
dernes, la  tradition  de  la  vieille  Gaule.  Ce  fut 
l'œuvre  des  Etats  Généraux  de  1789,  qui  surent 
être  une  véritable  assemblée  nationale  (V.  Révolu- 
tion française), 

A  consulter  :  Recueil  général  des  Estais  tenus  en 
France,  i65l,  in-4  ;  —  Savaron,  Chronologe  des  Etats- 
Généraux,  161S,  in-8;  —  Rathery,  Histoire  des  Etats-Gé- 
néraux, 1845,  in-8;  —  Recueil  de  Meyer,  publié  en  17S9  ; 
—  Histoire  des  Etats-déuéraux,  par" Picot,  ouvrage  cou- 
ronné par  l'Académie  française,  1872,  in-8. 

[P.  Vincent. J 


ÉTATSUMS.  —  Géographie  générale,  IV;  His- 
toire générale.  XXIX  ;  Littératures  étrangères,  XIII. 

—  1.  Géographie  physique.  —  Situntion.  Limites. 

—  Les  Etats-Lnis  de  l'Amérique  Septentrionale,  qui 
s'étendent  depuis  VOcéon  Atlantique  jusqu'à  10- 
céan  Pacifique,  sont  séparés  des  possessions  bri- 
tanniques de  Y  Amérique  anglaise,  au  nord,  par  le 
Saint-Laurent  (avant  d'atteindre  Montréal,  le  Saint- 
Laurent  cesse  d'être  Li  limite  entre  le  Canada  et 
les  États-Unis,  et  le  Canada  s'étend  sur  les  deux 
rives  du  fleuve),  et  par  les  grands  lacs  auxquels  il 
sert  d'écoulement,  et  du  Mexique,  au  sud,  par  le 
Rio-Grande-del-Xortc.  Le  golfe  du  Mexique,  dans 
lequel  tombe  ce  fleuve,  baigne  leurs  côtes  méri- 
dionales. A  l'espace  ainsi  délimité  il  faut  ajouter 
l'ancienne  Amériaue  russe,  aujourd'hui  territoire 
a'Alaska,  que  les  Etats-Lnis  ont  aulieLC  en  istiî. 
Nous  en  parlerons  à  part. 

En' latitude  ils  sont  compris  entre  25"  de  latitude 
nord,  ce  qui  correspond  à  Canton,  à  Bénarès  et  au 
Sahara  africain,  et  49°  de  latitude  nord,  ce  qui  cor- 
respond à  Paris.  En  longitude,  ils  sont  compris 
entre  70°  et  127°  à  l'ouest  de  Paris. 

Étendue.  —  Leur  superficie  est  de  7,6C0,000  kil. 
carrés.  En  y  ajoutant  les  l,500,<i00  kil.  carrés  du  ter- 
ritoire d'Alaska,  on  trouve  pour  l'Union  tout  entière 
une  étendue  supérieure  à  celle  du  Brésil.  La  Russie 
et  la  Chine  forment  seules  de  plus  vastes  empires. 

Côt''s,  golfes,  îles,  fleuves  :  1"  Océan  Atlantique. 

—  Du  côté  de  l'Atlantique,  les  traits  les  plus  sail- 
lants du  littoral  sont,  en  descendant  du  nord  au  sud, 
la  baie  de  Massachusetts  abritée  par  le  cap  Cod, 
l'île  Longue  [Long-island]  qui  s'étend  au  devant  de 
New- York  et  de  l'embouchure  de  YHudson,  la  baie 
de  Delnware,  qui  reçoit  le  fleuve  de  même  nom, 
celle  de  C/iesopeake  où  débouchent  la  Susquehanna, 
le  Pntomnc  et  le  Jamei  River;  le  cap  Hattera?, 
formé  par  une  rangée  de  cordons  littoraux  bas  et 
sablonneux,  qui  séparent  de  la  pleine  mer  les  baies 
de  la  Caroline  du  nord,  et  enfin  la  presqu'île  de 
la  Floride,  qui  sépare  le  golfe  du  Mexique  de  l'A- 
tlantique et  se  termine  au  sud  par  le  cap  Sa/de. 

Avec  les  fleuves  que  nous  venons  de  nommer, 
les  principaux  cours  d'eau  rjne  les  Étais-Unis  en- 
voient directement  à  l'Océan  Atlantique,  sont  In- 
Connecticut,  au  nord  de  Long-UIand,  elle SavaniiahCf 
qui  sépare  la  Caroline  de  la  Gcoririe. 

2°  Golfe  du  Mexique.  —  Sur  le  golfe  du  Mexique, 
le  littoral  est  généralement  bas  et  marécageux, 
séparant  souvent  des  lagunes  de  la  pleine  mer. 
Les  principaux  cours  d'eau  que  reçoit  le  golfe  à 
l'est  du  Mississipi,  sont  YApalachicola,  qui  sépare 
la  Géorgie  de  l'Alabama,  et  le  fleuve  qui  a  donné 
son  nom  à  ce  dernier  état.  Puis  \\enX\G Misdssipi, 
le  premier  fleuve  des  États-Unis  par  l'importance 
de  son  débit  (en  moyenne  "20  000  mètres  cubes  par 
seconde,  c'est-à-dire  8  à  9  fois  le  Rhône)  comme 
par  la  longueur  de  son  cours  [b  000  kil.  depuis  la 
source  du  Mississipi  dans  le  lac  de  la  Biche,  jus- 
qu'au golfe  du  Mexique,  et  1  600  kil.  de  plus  en 
remontant   à  la  source  du  Missouri'. 

Les  alluvions  qu'il  dépose  à  l'embouchure  sur 
la  barre,  à  travers  laquelle  les  ingénieurs  ont  bien 
de  la  peine  à  maintenir  le  passage  libre  pour  les 
grands  navires,  allongent  sans  cesse  son  delta  ^S0 
à  100  mètres  par  an)  et  lui  donnent  la  forme  d'un 
cap  avancé  dans  le  golfe.  A  l'ouest  du  Mississipi 
débouchent,  sur  un  littoral  couvert  de  lagunes,  les 
fleuves  du  Texas,  le  Brazos  et  le  Colorado,  et  enfin 
le  Rio-Grande. 

3°  Océan  Pw  ifique.  —  Du  côté  du  Pacifique, 
l'île  anglaise  de  Vancouver  est  séparée  du  territoire 
américain  de  Washington  par  le  détroit  de  Juan  de 
Fuca,  où  débouche  le  Frnser,  le  fleuve  aux  placers 
d'or  de  la  Colombie  anglaise.  Puis  vient  l'estuaire 
de  YOrégon  aux  eaux  puissantes,  la  baie  de  San- 
Francisco,  réputée  comme  une  des  merveilles  du 
monde  et  où   débouche  le  Sacramento.  Les  eaux 


ETATS-UNIS 


717  — 


ETATS-UNIS 


delà  Califormie  méridionale,  d'une  partie  de  l'Utali, 
de  l'Arizono  et  des  territoires  voisins  se  déversent 
dans  l'Océan  P;icifique  par  le  Colorado,  qui  a  son 
embouchure  dans  le  golfe  de  Californie  sur  le  ter- 
ritoire mexicain. 

4°  Le  Saini- Laurent.  —  Outre  les  fleuves  que 
les  États-Unis  envoient  au  Pacifique,  au  golfe  du 
Mexique  et  à  l'Atlantique,  ils  sont  arrosés  par  d'au- 
tres rivières  qui  sont  des  tributaires  des  lacs  Supé- 
rieur, Michigan,  Huron,  Ërié  et  Ontario,  ou  des 
affluents  directs  du  Saint-Laurent,  de  manière  à 
être  toutes  entraînées  par  ce  fleuve  dans  l'Atlan- 
tique. 

5°  La  baie  àHuihon.  —  La  Rivière  rouge  à\x  nord, 
dont  les  sources  sont  voisines  de  celles  du  Mississipi, 
mais  qui  coule  en  sens  Inverse  de  ce  fleuve,  va  se 
déverser  par  le  lac  Winnipeg  et  le  fleuve  Nelson 
dans  la  baie  d'Hudson  Le  territoire  des  Etats-Unis 
se  partage  donc  en  quatre  versants  principaux  : 
celui  de  l'Atlantique,  celui  du  golfe  du  Mexique, 
celui  du  Pacifique  et  celui  de  la  iDaie  d'Hudson. 

Grand  bassin  intérieur.  —  Il  comprend  en  outre 
un  vaste  bassin  fermé  compris  entre  les  montagnes 
Rocheuses,  les  bassins  de  lOrégon,  du  Sacramento 
et  du  Colorado,  et  qui  ne  communique  avec  aucune 
mer. 

Le  Mississipi.  —  Le  bassin  du  Mississipi  comprend 
la  plus  grande  partie  des  États-Unis.  Ses  deux  prin- 
cipaux affluents  :  à  droite,  le  Missouri,  que  lui  en- 
voient les  Montagnes  Rocheuses;  à  gauche, TO/i/o 
qui  se  forme  dans  les  Alleghanys,  sont  eux-mêmes 
de  grands  fleuves  comparés  à  nos  cours  d'eau  de 
l'Europe.  Le  iMissouri  se  grossit  lui-même  du  Yellow- 
stone,  du  Nebrask'i,à\i  Kansas,  toutes  rivières  des- 
cendant des  5Iontagnes  Rocheuses  pour  se  réunir  à 
sa  rive  occidentale.  Sur  sa  rive  gauche  ou  méridio- 
nale, rOhio  reçoit  le  Kentucki/,  le  Cumberland,  le 
Tennessee,  et  sur  sa  rive  droite,  le  Wabash.  Avant 
de  se  grossir  des  eaux  du  Missouri  et  de  l'Ohio,  le 
Mississipi,  qui  est  navigable  depuis  Saint-Paul,  sur 
les  confins  du  Minnesota  et  du  Wisconsin,  reçoit 
sur  sa  rive  gauche  ou  orientale  le  WisconstU  et 
Ylllinois. 

Le  Missouri,  dont  le  cours  est  plus  long  que  celui 
du  Mississipi  proprement  dit,  est  aussi  d'un  volume 
plus  considérable.  Le  fleuve  formé  de  la  réunion 
du  Missouri  et  du  Mississipi  roule  au  pied  des 
monts  Ozark,  qui  le  forçaient  autrefois  à  former 
une  chute  puissante  comme  le  Niagara  et  où  il 
s'est  ouvert  un  passage,  puis  il  mélange  ses  eaux 
bourbeuses  aux  eaux  limpides  de  l'Ohio.  Dès  lors, 
son  cours  devient  tortueux,  il  s'en  détache  un 
grand  nombre  de  branches  secondaires  appelées 
bayous,  qui  courent  d'une  manière  indécise  dans 
la  plaine  basse,  marécageuse,  malsaine,  brûlée 
pendant  l'été  par  un  soleil  torride.  Pour  se  défen- 
dre contre  les  inondations,  on  est  obligé  de  main- 
tenir le  fleuve  entre  de  hautes  digues,  dont  la 
rupture  amène  trop  fréquemment  des  désastres  et 
des  épidémies.  Remplissant  sans  cesse  son  lit  des 
dépôts  qu'il  charrie,  malgré  sa  profondeur  de  8  à  15 
mètres  et  sa  largeur  de  2  à  3  kilomètres,  le  fleuve 
va  toujours  en  s'exhaussant  et  domine  le  pays 
environnant  comme  le  Pô  le  fait  en  Lômbardie. 
11  reçoit  encore  à  droite,  sur  sa  rive  occidentale, 
deux  grands  cours  d'eau,  VArkansas  et  la  Rivière 
Rouge  du  sud.  Comme  le  Mississipi  lui-même, 
cette  dernière  rivière  charrie  une  grande  quantité 
d'arbres  déracinés  dans  les  plaines  de  l'Ouest.  Des 
radeaux,  des  îles  flottantes,  se  forment  et  se  défont 
ainsi,  au  gré  des  courants  et  des  obstacles  qu'ils 
rencontrent.  Enfin  le  Mississipi  arrive  à  la  Nouvelle- 
Orléans,  qui,  par  les  lacs  voisins  Pontchartrain  et 
Borgne,  communique  avec  le  golfe  du  Mexique,  tan- 
dis que  le  fleuve  continue  encore  pendant  une  tren- 
taine de  lieues  avant  de  mélanger  ses  eaux  troubles 
à  celles  du  golfe. 

Autres  fleuves.  —  Pour  être  moins  considérables 


que  le  Mississipi,  d'autres  fleuves  des  États-Unis 
n'en  sont  pas  moins  imposants.  Avant  de  former 
l'admirable  port  de  New- York,  l'Hudson  passe  au 
pied  de  hautes  et  superbes  falaises  renommées 
sous  le  nom  de  palissades.  Le  Delaware  permet 
aux  navires  de  mer  de  remonter  jusqu'à  Phila- 
delphie. Le  Colorado  roule  pendant  dos  centaines 
de  kilomètres  au  fond  de  Carions  dune  sauvage 
grandeur,  àplusieurs  centaines  de  mètres  au-dessous 
des  plateaux  qui  le  bordent.  L'Orégon,  beaucoup 
plus  abondant,  a  aussi  ses  dalles,  falaises  grandioses 
revêtues  de  magnifiques  forets. 

Montagnes.  Monts  Alleghanys.  —  Les  monts 
Alleghanys  OM  Apalaches  sont  les  premières  cimes 
qui  frappent  les  yeux  des  Européens  débarquant 
dans  un  des  ports  de  l'Atlantique.  Ils  s'allongent 
en  chaînes  multiples  et  parallèles,  orientées  du 
nord-est  au  sud-ouest,  et  qui,  par  leur  apparence 
et  leur  constitution  géologique,  rappellent  le  Jura. 
Leur  altitude  moyenne  est  de  1000  à  1200  mètres, 
leurs  sommets  les  plus  élevés  atteignent  2000 
mètres.  Ils  séparent  le  bassin  des  fleuves  aboutis- 
sant directement  à  l'Atlantique  ou  au  golfe  du 
Mexique  de  ceux  du  Saint-Laurent  et  de  l'Ohio. 

Au  nord  des  États-Unis,  il  n'y  a  pas  de  ligne  de 
faîte  bien  tranchée  entre  les  rivières  qui  descendent 
au  Mississipi  et  celles  qui  aboutissent  aux  grands 
lacs. 

Montagnes  Rocheuses.  —  Mais  à  l'ouest,  les  Mon- 
tagnes Rocheuses  forment  l'arête  principale  du  con- 
tinent. C'esc  un  énorme  bourrelet,  plus  rapproché 
de  l'Océan  Pacifique  que  de  l'Atlantique,  et  dont 
l'altitude  absolue  est  considérable  ;  mais  vues  des 
prairies  qui  s'étendent  à  leur  pied,  elles  semblent 
moins  imposantes  qu'on  ne  s'y  serait  attendu  à 
cause  de  l'altitude  où  l'on  se  trouve  déjà.  Les  monts 
Pike  et  Long,  dans  le  Colorado,  sont  des  géants 
comparables  à  notre  Mont  Blanc.  Les  Montagnes 
Rocheuses,  riches  en  métaux  précieux,  renferment 
des  sites  si  pittoresques  par  leur  végétation  fores- 
tière, les  sources  jailUssantes,  les  geysers,  les  cas- 
cades qui  s'y  rencontrent,  que  le  Congrès  desEtats- 
Unis  a  résolu  de  les  conserver  à  l'admiration  des 
générations  futures,  en  en  faisant  des  Parcs  natio- 
naux, que  doivent  respecter  la  hache  du  bûcheron 
et  le  pic  du  mineur. 

Sierra  Néva'hi.  —  A  l'ouest  du  bassin  intérieur, 
le  long  de  la  côte  du  Pacifique,  s'élève  une  chaîne 
dont  les  sommets  sont  encore  plus  élevés  que  ceux 
des  Montagnes  Rocheuses.  C'est  la  chaîne  des  Cas- 
ca<ies,  continuée  au  sud  par  la  Sierra  Nevada,  où 
les  monts  Whifney  et  Shasta,  pour  ne  citer  cjue  les 
plus  remarquables,  atteignent  de  4  à  5000  mètres. 
Ce  sont  les  cimes  les  plus  élevées  de  toute  l'Union. 
Le  chemin  de  fer  du  Pacifique  franchit  cette 
chaîne  par  des  cols  de  2500  mètres  de  hauteur,  où 
l'on  ne  sait  ce  qu'on  doit  admirer  le  plus  de  la 
magnificence  du  paysage,  ou  de  la  hardiesse  avec 
laquelle  les  ingénieurs  y  ont  élevé  leurs  travaux 
d'art. 

Les  monts  Ozark,  dont  nous  avons  parle  à  propos 
du  Mississipi,  s'étendent  du  nord-est  au  sud-ouest 
depuis  Saint-Louis  sur  le  Mississipi  jusqu'au  Texas: 
Ils  ne  paraissent  élevés  qu'à  cause  des  plaines  basses 
qu'ils  dominent. 

Climat.  —  A  latitude  égale,  la  différence^  est 
grande  entre  le  climat  de  l'Amérique  et  celui  de 
l'Europe.  Le  nouveau  continent  est  beaucoup  plus 
froid  que  l'ancien. 

A  New-York,  situé  sur  le  parallèle  de  Naples,  la 
température  moyenne  n'est  pas  plus  élevée  qu'à 
Paris.  En  outre,  l'écart  entre  les  froids  de  Ihiver 
et  les  chaleurs  de  l'été  est  bien  plus  considérable 
de  l'autre  côté  de  l'Atlantique  que  dans  notre  pays. 
C'est  que  le  long  des  côtes  américaines  de  l'Atlan- 
tique descend  un  courant  froid  venant  du  pôle,  au 
lieu  des  flots  échauffés  du  Gulf-Stream  qui  viennent 
élever  la  température  sur  les  côtes  occidentales  da 


ÉTATS-UNIS 


—  718  — 


ETATS-UiNIS 


TEurope.  Aucune  montagne  ne  sépare  les  froides 
régions  du  pùlo  des  bords  du  golfe  du  Mexique, 
et  les  vents  glaces  font  sentir  leur  influence  pen- 
dant l'hiver  sur  tout  le  bassin  duMississipi  jusqu'à 
la  Nouvelle-Orléans.  L'élévation  du  sol  dans  toute 
la  région  qui  s'étend  entre  les  Montagnes  Roclieuses 
et  la  Sierra  Nevada  est  une  autre  cause  d'abaisse- 
ment de  la  température.  Mais  sur  le  versant  du 
Pacifique,  abrité  contre  les  frimas  du  pôle,  on  re- 
trouve un  climat  d'autant  plus  analogue  h  celui  de 
l'Europe,  que  le  littoral  en  est  récliauffé  par  le 
courant  du  Koiiro-Sivo,  venu  des  côtes  du  Japon 
à  travers  le  Pacifique,  et  tout  à  fait  analogue  au 
Gulf-Stream. 

La  quantité  de  pluie  reçue  par  le  sol  varie  aussi 
beaucoup  d'une  région  à  l'autre  des  États-Unis. 
Sur  les  côtes  du  golfe  du  Mexique  et  de  la  Flo- 
ride, l'eau  versée  en  abondance  par  des  orages 
diluviens  comme  entre  les  tropiques,  remplit  des 
cours  d'eau,  des  lacs,  des  marais  nombreux, 
près  desquels  sévit  la  fièvre  jaune,  fléau  de  la 
race  blanche,  mieux  supporté  par  les  nègres.  Les 
côtes  du  Pacifique  reçoivent  des  pluies  très  fré- 
quentes, d'autant  plus  abondantes  qu'on  avance 
vers  le  nord,  et  qui  y  entretiennent  u)ie  superbe 
végétation.  Les  montagnes  retiennent  aussi  sur 
leurs  sommets  une  grande  masse  de  neige  ou  de 
pluie. 

Du  côté  de  l'Atlantique,  les  nuages,  pompés  par 
le  soleil  dans  les  flots  du  Gulf-Stream,  se  conden- 
sent à  la  rencontre  des  vents  froids  venant  du 
pôle,  et  tombent  sur  le  littoral  en  pluies  abon- 
dantes. 11  en  résulte  que  cette  région  n'est  pas 
seulement  la  plus  rapprochée  de  l'Europe  :  c'est 
encore  celle  où  les  premiers  émigrants  anglais  ou 
hollandais  se  fixèrent  le  plus  volontiers,  parce 
qu'ils  y  retrouvaient  un  climat  analogue  à  celui 
qu'ils  venaient  de  quitter.  C'est  cette  abondance 
de  pluies  qui  fait  l'importance  des  fleuves  en- 
voyés par  les  Alléglianys  à  l'océan  Atlantique, 
malgré  le  peu  d'étendue  de  leur  bassin.  Ayant  à 
tomber  d'une  grande  hauteur  sur  un  faible  par- 
cours, ils  forment  une  série  de  cascades  qui  n'of- 
frent pas  seulement  des  tableaux  pittoresques,  mais 
qui,  ingénieusement  mises  h  profit  par  les  Amé- 
ricains, leur  fournissent  de  nombreuses  et  puis- 
santes forces  motrices.  Les  cliutes  d'eau  du  seul 
Etat  du  Maine  équivalent,  dit-on,  au  travail  que 
pourraient  effectuer  24  millions  d'hommes  dans 
la  force  de  l'âge  travaillant  vingt-quatre  heures 
par  jour. 

Sur  le  versant  opposé  des  AUéghanys,  le  bassin 
de  rOhio  est  encore  suffisamment  arrosé  et  ofi're 
des  terres  très  fertiles.  Mais  à  mesure  qu'en  avan- 
çant vers  l'ouest  on  s'éloigne  de  la  mer,  le  climat 
devient  de  plus  en  plus  sec.  Le  nord  du  bassin  du 
Mississipi  forme  une  vaste  prairie,  ancien  domaine 
du  bison,  qui  se  couvre  rapidement  aujourd'hui  de 
fermes.  C'est  le  fond  d'un  ancien  lac  remontant  au 
temps  où  le  Mississipi  se  déversait  dans  l'Atlan- 
tique par  le  Saint-Laurent.  La  terre  y  est  prodi- 
gieusement fertile  et  fournira  longtemps  encore 
des  récoltes  sans  réclamer  d'engrais.  Mais  en 
descendant  au  sud,  on  trouve  les  mauvaises  terres 
du  Nébraska,  les  solitudes  du  désert  américain  et 
les  plateaux  monotones  du  Llann  est'icado,  sur  les 
confins  du  Texas  et  du  Nouveau  Mexique,  où  liio- 
rizon  offre  une  si  grande  uniformité  qu'on  ne  sau- 
rait s'y  retrouver  sans  les  pieux  qui  jalonnent  ia 
route.  Les  rivières  qui  s'y  forment  reçoivent  si  peu 
d'eau  de  pluie,  que  souvent  leur  large  lit  se  trouve 
entièrement  à  sec,  malgré  l'étendue  du  bassin 
qu'elles  drainent. 

A  l'ouest  des  Montagnes  Rocheuses,  dans  l'Ari- 
zona,  où  les  cactus  forment  la  végétation  Ja  plus  ré- 
pandue, la  sécheresse  est  encore  plus  grande,  et 
c'est  ce  qui  explique  la  disette  d'eau  duColorado, 
qui  ne  verse  pas  dans  le  golfe  de  Californie  plus 


d'eau  que  la  Seine,  malgré  son  cours  de  2500  kilo- 
mètres. 

L'Uiali  participe  aussi  à  cette  sécheresse,  tandis 
qu'au  nord,  le  bassin  de  1  Orégon  est  couvert  de 
forêts  où  la  végétation  atteint  un  développement 
superbe,  et  qu'îi  l'ouest,  la  Californie  est  une  des 
régions  les  plus  heureuses  de  la  terre  pour  la  dou- 
ceur du  climat,  la  fertilité  du  sol,  la  richesse  miné- 
rale, la  magnificence  de  la  végétation.  C'est  là  qu'on 
trouve  ces  séquoias  gigantesques  âgés  de  milliers 
d'années,  dont  le  tronc  est  assez  gros  pour  qu'un 
cavalier  puisse  circuler  achevai  dans  l'intérieur  de 
l'arbre  abattu  comme  dans  un  tuimel,  et  dont  la 
cime  dépasse  les  plus  hauts  monuments  de  la 
terre. 

Régions  physiques.  —  Les  Etats-Unis  se  divisent, 
d'après  ce  qui  précède,  en  trois  grandes  régions  phy- 
siques :  à  l'est,  le  versant  de  l'Atlantique  ;  au  centre, 
la  plaine  du  Mississipi;  à  l'ouest,  la  haute  région 
des  Montagnes  Rocheuses  et  de  la  Sierra  Nevada. 

Chacune  de  ces  régions  se  subdivise  à  son  tour 
en  plusieurs  groupes  d'Étals  ou  de  territoires.  (Les 
territoires  ne  sont  admis  au  rang  àEtat  par  le 
congrès,  que  lorsqu'ils  ont  atteint  une  certaine 
population.) 

A  l'est,  les  Etals  riverains  de  l'Atlantique  com- 
prennent trois  groupes,  savoir  : 

Au  nord,  les  Etats  de  la  Nouvelle-Angleterre,  an 
nombre  de  six  :  Maine,  New-Hampsliire,  Vermont, 
Massachusetts,  Rhode-Island  et  Connecticut. 

Au  centre,  depuis  Long-Island  jusqu'à  la  baie 
de  Chesapealie.  cinq  Etats  :  New-York,  New-Jersey, 
Pennsylvanie,  Delaware,  Maryland,  et  le  district  de 
Colombie,  avec   la  capitale   fédérale,  Washington. 

Au  midi,  cinq  Etats  :  la  Virginie,  la  Caroline  du 
nord,  la  Caroline  du  sud,  la  Géorgie  et  la  Floride. 

Les  Etats  de  la  plaine  centrale  qui  s'étend  de- 
puis les  lacs  du  nord  jusqu'au  golfe  du  Mexique, 
comprennent  aussi  trois  groupes  :  au  nord,  cinq 
Etats  riverains  des  lacs  :  l'Ohio,  l'Indiana,  l'IUi- 
nois,  le  Wisconsin  et  le  Micliigan  ;  au  sud,  entre 
l'Ohio,  le  Mississipi  et  les  AUéghanys,  cinq  Etats  : 
la  Virginie  occidentale,  le  Kentucky,  le  Tennessee, 
l'Alabama  et  le  Mississipi  ;  à  l'ouest,  sur  la  rive 
droite  du  Mississipi,  cinq  Etals  :  le  ^linnesota, 
riowa,  le  Missouri,  l'Arkansas  et  la  Louisiane. 

La  grande  région  des  Montagnes  Rocheuses,  qui 
comprend  plus  de  la  moitié  du  territoire  de  l'U- 
nion, se  subdivise  orographiquement  en  quatre 
groupes  d'Etats  ou  de  territoires.  Trois  Etats  et 
deux  territoires  occupent  la  haute  plaine,  par  où 
l'on  s'élève  depuis  les  rives  du  Mississipi  et  du 
Missouri  jusqu'au  pied  des  Montagnes  Rocheuses. 
Ce  sont  :  le  Dakota  (terr.),  le  Nébraska,  le  Kansas, 
le  territoire  indien,  et  le  Texas.  Trois  territoires 
et  un  Etat  occupent  la  région  montagneuse  propre- 
ment dite.  Ce  sont  :  les  territoires  de  Montana,  de 
Wyoming,  et  du  Nouveau-Mexique,  et  le  Colorado. 
Trois  territoires  et  un  Etat  occupent  le  bassin  in- 
térieur. Ce  sont  :  les  territoires  d'Idaho,  d'Utah 
et  d'Arizona,  et  l'Etat  de  Nevada.  Enfin,  deux  Etats 
et  un  territoire  couvrent  le  littoral  du  Pacifique. 
Ce  sont  :  le  territoire  de  Washington,  et  les  Etats 
d'Orégon  et  de  Californie. 

2.  Géographie  agricole  et  industrielle.  —  -Agri- 
cullure.  —  Les  Etats-Unis  sont  un  pays  très  ri- 
che sous  le  rapport  agricole,  A  l'est,  depuis  l'océan 
Atlantique  jusqu'au  Mississipi,  au  nord,  le  long 
du  Saint-Laurent  et  des  lacs,  les  premiers  émi- 
grants trouvèrent  le  sol  revêtu  presque  p.irtout  de 
superbes  forêts.  Au  delà, jusqu'aux  Montagnes  Ro- 
cheuses, c'était  la  prairie,  où  les  Indiens  chassaient 
le  bison.  Aujourd'hui,  les  forêts  de  l'est  sont  bien 
éclaircies,  si  bien  que  le  Congrès  songe  à  régler 
leur  exploitation  pour  ne  pas  dépouiller  l'Union 
de  cette  source  de  richesses.  Les  principales 
essences  qu'on  y  rencontre  sont  les  cèdres  et 
cyprès  de  la  Floride,  de  la  Caroline,  et  de  la  Vir- 


ETATS-UNIS 


—  719  — 


ÉTATS-UNIS 


ginie,  l'érable  à  sucre,  le  chêne,  le  noyer,  le  pla- 
tane, le  charme. 

Dans  ces  forêts  nouvellement  défrichées,  dans 
la  prairie  que  n'avait  jamais  entamée  le  soc 
de  la  charrue,  le  sol  fertile  produit  de  superbes 
moissons.  La  terre  ne  fait  pas  défaut  aux  cmi- 
grants  qui  se  portent  de  plus  en  plus  à  l'ouest  sur 
des  espaces  encore  inoccupés.  Aidé  par  de  puis- 
santes et  ingénieuses  machines,  chacun  d'eux  en- 
semence et  moissonne  un  domaine  étendu,  où  il 
trouve  des  ressources  abondantes  pour  sa  per- 
sonne et  de  nombreux  produits  à  exporter.  A  la 
variété  des  climats  répond  aussi  la  variété  des 
cultures.  Le  mais  et  le  froment  sont  les  deux  prin- 
cipales. Le  domaine  du  premier  comprend  pres- 
que tout  le  territoire  de  l'Union,  sauf  la  région 
des  montagnes,  mais  est  surtout  répandu  dans  le 
bassin  de  l'Ohio,  où  il  sert  à  engraisser  les  milliers 
de  cochons  qu'on  abat  annuellement  à  Cincinnati 
(Porcopolis) .  On  estime  à  2  milliards  et  demi  ou 
3  milliards  de  francs  la  valeur  de  la  récolte  an- 
nuelle du  maïs  sur  le  territoire  -de  l'Union.  Le 
froment  avec  les  autres  céréales  donnent  un  pro- 
duit presqu'aussi  élevé.  Le  froment  domine  dans 
la  Nouvelle-Angleterre,  dans  la  région  des  lacs  et 
les  plaines  du  Haut-jMississipi,  dont  Chicago  est  le 
grand  entrepôt,  et  dans  la  Californie.  Le  seigle, 
l'orge,  l'avoine  remplacent  le  froment  dans  les 
terres  plus  froides  ou  moins  fertiles.  Le  riz  a  fait 
la  réputation  de  la  Caroline,  la  canne  à  sucre  fait, 
avec  le  coton,  la  fortune  de  la  Louisiane. 

Le  coton  couvre  les  Etats  du  ^lississipi,  d'Ala- 
bama  et  de  Géorgie.  La  Nouvelle-Orléans  est  le 
plus  grand  entrepôt  du  monde  pour  ces  balles  qui 
vont  alimenter  les  filatures  de  .Manchester,  de 
Rouen  et  de  Mulhouse.  Au  nord,  les  plantations 
de  coton  font  place  à  celles  de  tabac,  qui  s'éten- 
dent sur  les  deux  versants  des  Alléghanys  depuis 
l'océan  Atlantique  jusqu  au  Mississipi.  La  Virgi- 
nie, le  Maryland,  le  Kentucky,  le  Tennessee  pro- 
duisent des  espèces  variées  très  estimées  des  fu- 
meurs. C'est  le  chanvre  qui  est  cultivé  comme 
textile  dans  cette  région  du  tabac.  Il  donne  des 
produits  importants  dans  la  plaine  de  l'Ohio  et  du 
Mississipi. 

Les  Etats  du  sud  produisent  les  fruits  des  tro- 
piques, les  oranges,  les  limons,  les  grenades. 
Mais  c'est  en  Californie  qu'on  récolte  les  meilleurs 
vins.  Bien  que  la  vigne  croisse  à  l'état  sauvage 
dans  les  Etats  de  la  Nouvelle  Angleterre,  ce  qui 
fit  appeler  ce  pays  Vinland  par  les  navigateurs 
Scandinaves  qui  y  abordèrent  deux  siècles  avant 
Christophe  Colomb,  elle  n'y  mûrit  pas  ses  fruits, 
et  c'est  le  houblon  qui  y  est  cultivé  pour  fabri- 
quer la  bière  et  remplacer  le  vin. 

Le  bétail  est  très  nombreux  aux  États-Unis.  Les 
pâturages  ne  manquent  ni  dans  les  montagnes  du 
nord-est.  où  l'on  fabrique  beaucoup  de  fromages, 
ni  en  Californie,  où  l'on  produit  une  énorme 
quantité  de  laine,  ni  dans  la  prairie  du  centre, 
autrefois  domaine  du  bison.  Là  on  élève  de  gran- 
des quantités  de  bœufs,  de  porcs,  de  moutons, 
pour  saler  leur  viande,  fondre  leur  suif,  et  expé- 
dier en  outre  leurs  cuirs  et  leurs  laines,  en  atten- 
dant que  les  moyens  de  transport  deviennent  assez 
rapides  et  économiques  pour  qu'on  puisse  amener 
en  Europe  le  bétail  vivant.  Les  Américains  aiment 
beaucoup  les  chevaux;  ils  en  possèdent  une  grande 
quantité,  et  la  race  en  est  renommée  pour  la  ra- 
pidité de  son  allure  au  trot.  La  production  du 
foin,  du  beurre,  du  fromage,  du  lait  est  évaluée 
annuellement  à  3  milliards. 

Mines.  —  Les  États-Unis  tirent  des  richesses 
immenses  de  leurs  mines,  qui  comprennent  à  la  fois 
les  métaux  les  plus  précieux  et  les  plus  utiles. 

Les  bassins  houillers  y  occupent  une  région 
douze  fois  plus  étendue  qu'en  Europe.  Ils  sont 
compris   entre  les   Alléghanys    et  les   hauts  pla- 


teaux du  Nébraska,  du  Kansas  et  du  Nouveau- 
Mexique.  Le  territoire  de  Washington  et  l'Orégon 
possèdent,  en  outre,  des  bassins  isolés  de  ceux-ci. 
Bien  qu'on  n'en  retire  pas  annuelleniejit  autant  de 
combustible  que  dos  puits  de  la  Grande-Bretagne, 
les  houillères  des  Etats-Unis  semblent  être,  avec 
celles  de  la  Chine,  les  plus  riches  dépôts  du  globe 
en  combustible  minéral.  Pour  l'importance  de 
l'extraction,  elle  viennent  immédiatement  après 
celles  de  l'Angleterre.  A  cette 'source  de  richesse 
s'ajoute  l'huile  de  pétrole,  qui  jaillit  en  Pennsyl- 
vanie de  puits  creusés  sur  le  versant  occidental 
des  Alléghanys  en  quantité  si  prodigieuse  que  le 
pays  en  a  pris  le  nom  de  j'Uys  de  l'huile. 

Le  fer,  dont  l'extraction  est  plus  importante  que 
celle  de  l'or  même,  abonde  dans  les  Alléghanys  et 
sur  les  bords  du  lac  Supérieur,  où  existent  en 
même  temps  des  dépôts  de  cuivre  pur,  uniques  au 
monde.  Ce  dernier  métal  se  trouve  en  outre  dans 
le  Missouri.  Le  plomb  est  exploité  dan-  le  haut 
bassin  du  Mississipi,  le  Michigan,  le  "\Visconsin, 
rillinois,  l'Iowa,  le  Missouri  ;  le  sel  dans  l'Utah. 
Les  métaux  précieux,  bien  que  se  rencontrant 
le  long  des  Alléghanys,  se  trouvent  en  abondance 
surtout  à  l'ouest  des  Montagnes  Rocheuses;  l'or 
dans  la  Californie,  le  Colorado  et  les  États  voisins, 
qui  en  produisent  pour  500  millions  de  francs  par 
an.  Cependant  ce  produit  est  en  diminution  depuis 
quelques  années.  L'argent  a  été  trouvé  en  si  gran- 
de quantité  dans  le  Nevada,  que  la  valeur  relative 
de  ce  métal  a  baissé  sur  les  grands  marchés  mo- 
nétaires d'Améiique  et  d'Europe.  La  Californie 
produit  2  millions  de  kilogrammes  de  mercure,  qui 
serventà  extraiie  l'or  des  sables  aurifères  et  viennent 
faire  concurrence  en  Europe  aux  produits  d'Alraa- 
den  et  d'idria. 

Manufactures.  —  Pendant  longtemps  les  Amé- 
ricains se  sont  contentés  de  vendre  à  l'Europe 
les  matières  premières  fournies  par  leur  pays  et 
d'en  tirer  en  échange  des  produits  manufactu- 
rés. Mais  depuis  la  guerre  de  sécession,  pour  amor- 
tir l'eiTroyable  dette  contractée  par  l'Union ,  ils 
ont  frappé  les  produits  étrangers  de  droits  d'im- 
portation énormes.  Il  en  est  résulté  de  tels  avan- 
tages pour  leurs  manufactures  que  celles-ci  se  sont 
considérablement  multipliées  et  développées.  Non 
seulement  elles  sont  aujourd'hui  en  état  de  sou- 
tenir la  concurrence  étrangère  sur  les  marches 
américains,  où  elles  sont  protégées  par  les  droits 
douaniers,  mais  elles  expédient  leurs  marchan- 
dises sur  les  marchés  de  l'Asie,  de  l'Australie, 
de  l'Europe  même,  pour  prendre  la  place  des 
produits  anglais,  français  ou  allemands.  C'est 
surtout  dans  les  états  de  la  Nouvelle  Angleterre 
et  dans  les  villes  que  se.  concentrent  les  manufac- 
tures. Elles  fabriquent  des  étoffes  de  laine,  de 
coton  qui  rivalisent  avec  celles  d'Angleterre,  des 
soieries  comme  à  Lyon  ou  à  Zurich,  de  la  cordon- 
nerie, des  objets  en  cuir,  de  la  quincaillerie,  des 
armes,  des  machines  à  coudre  qu'aucun  construc- 
teur n'a  encore  pu  dépasser,  de  l'horlogerie 
comme  en  Suisse  et  en  Franche-Comté,  des  ma- 
cliines  outils,  des  machines  à  vapeur  aussi  puis- 
santes qu'agiles.  Le  Massachusetts  est  le  premier 
État  de  l'Union  pour  ses  filatures  et  ses  étoffes  de 
laine  et  de  coton.  Le  Connecticut  occupe  ce  rang 
pour  les  soieries,  et  les  rubans  de  soie  de  Patter- 
son,  dans  le  New-Jersey,  ont  valu  à  cette  ville  d'être 
appelée  par  les  Américains  le  Lyon  des  États-Unis. 
A  côté  de  ces  manufactures  proprement  dites,  on 
trouve,  près  de  l'Atlantique,  de  nombreuses  mino- 
teries qui  expédient  en  Europe  des  barils  de  fa- 
rine. 

La  Pennsylvanie,  gçâce  aux  mines  de  houille  et 
de  fer  qui  s'y  rencontrent,  a  des  hauts  fourneaux, 
des  forges  considérables.  Pittsbourg,  au  confluent 
del'Alléghany  et  du  Monongahéla,  qui  s'y  réunissent 
pour  former  l'Ohio,   mérite  d'être  comparé  à  Bir- 


ÉTATS-UNIS 


—  720  — 


ÉTATS-UNIS 


mingham  ou  à  Sheffield  pour  son  activité  métallur- 
gique, et  a  déjà  plus  de  100,000  habitants.  Philadel- 
phie est  la  première  ville  manufacturière  de  l'U- 
nion et  la  seconde  pour  sa  population,  grâce  aux 
usines  diverses  qu'elle  renferme  pour  le  travail  des 
métaux,  i  ses  filatures  et  à  ses  fabriques  d'étoffes 
et  de  confections.  Pittsbourg  et  Philadelphie  fa- 
briquent des  locomotives  pour  l'Amérique  entière 
et  pour  quelques  pays  étrangers. 

En  dehors  de  cette  région  manufacturière,  Chi- 
cago et  Cincinnati  ont  de  grands  établissements 
pour  abattre  et  dépecer  les  bestiaux  et  préparer 
les  divers  produits  qu'on  en  retire.  Dans  les  plan- 
tations de  la  Louisiane,  on  écrase  les  cannes  qui 
donnent  le  sucre.  Dans  les  forêts  de  la  Caroline 
on  prépare  du  goudron ,  de  la  térébenthine,  de 
la  poix.  Le  Maine  a  des  scieries  nombreuses  et 
d'importants  chantiers  de  construction  maritime. 
Chicago  fabrique  des  machines  agricoles  qui  sont 
exportées  dans  le  monde  entier. 

llne  petite  ville  de  l'Illinois,  Elgin,  fabrique  mé- 
caniquement des  montres  avec  un  outillage  si  per- 
fectionné que  la  production  est  d'une  montre  par 
jour  et  par  ouvrier. 

L'industrie  de  la  pêche  s'exerce  activement  sur 
les  côtes.  L'État  de  Delaware,  entre  les  deux  baies 
de  Delaware  et  de  Chesapeake,  est  particulièrement 
favorisé  sous  ce  rapport.  XuUe  part  au  monde 
l'ostréiculture  n'est  aussi  développée  que  dans  la 
baie  de  Chesapeake,  d'où  l'on  retire  annuellement 
40  milliards  d  huîtres.  Le  long  des  côtes  de  l'Oré- 
gon  et  du  territoire  de  Washington,  on  poursuit 
les  phoques.  Les  États-Unis  envoient  en  outre  en 
Europe  beaucoup  de  homards,  de  saumons,  et  au- 
tres poissons  conservés  en  boîtes. 

3.  Commerce.  —  Voies  navigables.  —  Il  est  peu 
de  pays  au  monde  aussi  bien  desservis  que  les 
Etats-Unis  par  les  voies  de  communication  natu- 
relles. L'Amazone  et  le  Parana  sont  navigables 
pour  les  navires  de  mer  h  de  plus  grandes  distances 
de  l'océan  que  les  fleuves  de  l'Amérique  du  nord. 
Mais  le  Missouri,  qui  porte  bateau  presque  depuis 
sa  source,  offre  la  plus  longue  ligne  de  navigation 
fluviale  du  globe.  Par  le  Saint-Laurent  et  les  lacs, 
les  grands  navires  remontent  jusqu'au  fond  du  lac 
Supérieur,  et  lorsque  pendant  l'hiver  les  glaces 
barrent  cette  route  aux  expéditeurs  de  Chicago,  ils 
ont,  pour  y  suppléer,  le  canal  qui  relie  leur  ville 
avec  le  Mississipi,  ou  le  canal  du  lac  Erié  qui,  tour- 
nant les  Alléghanys  par  le  nord,  îe  joint  à  l'Hud- 
son.  Le  Saint-Laurent,  le  Mississipi,  le  canal  de 
l'Erié  avec  l'Hudson,  forment  les  trois  grandes 
lignes  de  navigation  intérieure  des  Etats-Unis.  Mais 
ce  ne  sont  pas  les  seules.  L'Hudson  est  encore 
relié  par  le  lac  Champlain  et  la  rivière  Pàchelieu, 
qui  sert  de  déversoir  à  ce  lac,  avec  le  bas  Saint-Lau- 
rent. Plusieurs  canaux  relient  le  lac  Erié  avec  la 
rive  droite  de  l'Ohio.  Sur  tous  ces  fleuves,  l'Hud- 
son, rOhio,  le  Mississipi,  le  Missouri,  les  stea- 
mers luttant  de  vitesse  transportent  continuelle- 
ment passagers  et  marchandises,  tandis  que  sur 
leurs  rives  et  d'un  bassin  à  l'autre  courent  les 
trains  rapides  de  chemins  de  fer,  dont  le  réseau 
forme  une  infinité  de  mailles  de  plus  en  plus  ser- 
rées, surtout  dans  les  Etats  de  l'est. 

Chemins  de  fer.  —  Ce  réseau  est  aujourd'hui  de 
125,000  kilomètres,  les  o/G  du  réseau  européen 
pris  dans  son  entier,  plus  de  trois  fois  la  circon- 
férence de  la  terre  à  l'équateur.  La  ligne  la  plus 
remarquable  relie  New- York,  sur  l'Atlantique,  à 
San  Francisco,  sur  le  Pacifique.  D'autres  chemins 
doubleront  bientôt  cette  ligne  en  reliant  svir  d'au- 
tres points  les  deux  océans. 

Grandes  villes  et  ports  de  l'intérieur.  —  C'est 
le  long  des  fleuves,  ou  sur  les  rives  de  la  mer, 
que  se  trouvent  les  villes  les  plus  populeuses  et 
les  plus  commerçantes.  Chicago,  sur  la  rive  méri- 
dionale du  lac  Michigan  et  dans  l'Etat  d'IUinois, 


offre  le  plus  prodigieux  exemple  du  rapide  déve- 
loppement de  quelques  cités  américaines.  En  1813, 
elle  n'avait  que  550  habitants.  Mais  les  émigrants 
commençant  à  se  porter  dans  ces  régions  du  Far- 
VVest,  elle  est  devenue,  grâce  à  sa  situation,  un 
immense  entrepôt  pour  leurs  grains,  leurs  farines, 
leurs  salaisons  qu'elle  expédie  chaque  jour  en 
Europe.  Dévorée  par  un  immense  incendie  en  1S71, 
elle  s'est  relevée  de  ses  cendres  avec  une  rapidité 
surprenante.  On  estime  sa  population  aciuelle  à 
plus  de  400,001»  habitants.  Son  commerce  est  le 
double  de  celui  do  Marseille,  son  entrepôt  de 
grains  le  premier  du  monde  après  celui  de  Londres. 
Sur  la  même  rive  du  lac  Michigan,  Milwa'jkee, 
dans  l'état  de  Wisconsin,  a  déjà  100,000  habitants. 

Détioit,  dans  l'état  de  Michigan,  sur  le  canal  qui 
relie  le  lac  Huron  au  lac  Erié,  a  80,000  habitants. 
Sur  la  rive  méridionale  du  lac  Erié  se  rencontrent 
successivement  de  l'ouest  à  l'est  dans  l'Etat  d'Ohio: 
Toledo  avec  30,000  habitants,  dont  le  port  est  relié 
par  des  canaux  avec  Cincinnati  et  avec  le  bas 
Ohio  par  la  rivière  Wabash  ;  puis  Cîeieland.  ville 
de  100,000  habitants,  qui  est  reliée  par  canaux 
avec  Pittsbourg;  enfin,  dans  l'Etat  de  New-York, 
Bu/f'alo,  qui  est  encore  plus  peuplée,  grâce  à  sa 
position  à  l'extrémité  du  canal  de  l'Erié  et  au  voi- 
sinage de  la  frontière  du  Canada,  qui  en  font 
l'entrepôt  du  commerce  de  ce  pays  avec  New-York. 
Sur  le  lac  Ontario,  la  plus  grande  ville,  Rochester, 
dans  l'état  de  New-York,  a  déjà  plus  de  80,000  ha- 
bitants. 

Le  canal  de  l'Erié  rejoint  l'Hudson  à  Troi/,  qui  a 
une  cinquantaine  de  mille  âmes.  En  descendant  le 
fleuve,  on  passe  devant  Albany,  la  capitale  de 
l'Etat  de  New-York,  dont  la  population  dépasse 
80,000  habitants.  Et  enfin  on  arrive  à  New- York, 
que  nous  décrirons  avec  les  ports  de  l'Atlantique. 

Le  long  de  l'Ohio  se  trouvent  :  Pittsbourg,  dont 
nous  avons  déjà  parlé,  puis  Cincinnati,  la  métro- 
pole de  l'Etat  d'Ohio  et  de  toute  la  région  voi- 
sine, où  plus  de  V00,(i00  habitants  se  sont  groupés  ; 
Lonisville,  dans  le  Kentucky,  qui  en  renferme 
plus  de  I0ii,0()0. 

Le  Mississipi  arrose  deux  villes  considérables, 
toutes  deux  d'origine  française  :  Saint-Louis  du 
Missouri,  située  un  peu  en  aval  du  confluent 
de  la  rivière  de  ce  nom,  au  centre  du  bassin 
du  Mississipi,  actuellement  la  troisième  ville  de 
l'Union  par  sa  population  de  450  ou  500,000  habi- 
tants, autrefois  l'entrepôt  du  commerce  des  four- 
rures des  territoires  de  l'ouest,  aujourd'hui  entre- 
pôt de  leurs  grains,  de  leurs  salaisons,  de  leur 
bétail  et  des  produits  manufacturés  ou  des  denrées 
coloniales  qu'ils  reçoivent  en  échange  ;  et  la  Nou- 
velle-Orléans, qui  a  grandement  souffert  pendant 
la  lutte  des  états  confédérés  du  sud  contre  les 
fédéraux  du  nord,  mais  qui  est  encore  le  centre 
du  commerce  du  bas  Mississipi  et  des  Etats  rive- 
rains du  golfe  du  Mexique,  et  renferme  plus  de 
200,000  habitants.  Nous  avons  dit  que  le  cotonet 
le  sucre  étaient  les  principales  denrées  expédiées 
par  son  port,  qui   est  un  des  premiers  de  l'Union. 

Grands  potts  de  yner.  —  On  ne  trouve  sur  le 
golfe  du  Mexique  d'autre  port  important  que  celui 
de  Mobile  (3(i,o00  hab.),  à  l'embouchure  de  l'Ala- 
bama  et  dans  l'Etat  du  même  nom. 

Sur  l'Atlantique,  les  ports  sont  excellents  et 
nombreux.  Charleston  (50,000  hab.)  exporte  le 
coton  et  les  bois  de  la  Caroline.  Richmond,  sur  le 
James  Hiver,  qui  débouche  dans  la  baie  de  (chesa- 
peake, est  un  peu  plus  peuplé.  Cette  ville  est  la 
capitale  de  la  Virginie,  et  pendant  la  guerre  de  la 
sécession  elle  était  le  chef-lieu  de  la  confédération 
du  sud,  ce  qui  en  a  fait  l'objet  d'une  lutte  san- 
glante entre  les  deux  armées  opposées. 

Washington,  sur  le  Potomac,  la  capitale  de  l'U- 
nion, n'est  qu'à  une  petite  distance  de  Richmond. 
Elle  renferme  110,000  habitants.  Baltimore,  dans 


ETATS-UNIS 


—  721  — 


ÉTATS-UNIS 


le  Maryland,au  nord  de  la  baie  de  Chesapeake,  a  près 
•de  ;.00  OdO  habitants.  Philadelphie,  sur  la  Delaware, 
•où  les  Américains  ont  récemment  célébré  le  cen- 
tième anniversaire  de  la  proclamation  de  leur  indé- 
pendance, en  renferme  plus  de  800  000.  Où  trou- 
Ter  ailleurs  qu'en  Angleterre  un  paj-s  où  les 
grandes  agglomérations  humaines  se  touchent 
d'aussi  près?  C'est  en  quelques  heures  que  le  che- 
min de  fer  traverse  successivement  Richmond, 
Washington,  Baltimore,  Philadelphie,  New-York. 

Kew-York.— Cette  dernière  ville  porte  fièrement 
le  nom  de  «  cité  impériale  ».  Sa  position  est 
unique  au  monde.  Dix  jours  suffisent  maintenant 
aux  steamers  partant  du  Havre  ou  de  Liverpool 
pour  se  rendre  à  New- York.  En  trente-six  heures, 
le  chemin  de  fer  conduit  de  là  à  Chicago.  Par 
i'Hudson,  New-York  communique,  ainsi  que  nous 
l'avons  expliqué,  avec  la  région  des  lacs  et  le 
Canada.  Les  plus  gros  navires  jettent  l'ancre  dans 
ce  fleuve  aux  eaux  profondes  dont  l'embouchure 
est  protégée  contre  les  tempêtes  de  l'Océan  par 
l'île  de  Long-Island  qui  la  couvre  à  l'est.  Entre 
cette  île  et  la  terre  ferme  s'ouvre  au  nord-est  le  dé- 
troit qu'on  nomme  rivière  de  l'Est,  et  qu'on  vient 
récemment  de  débarrasser  des  bancs  de  rochers 
qui  l'encombraient,  pour  ouvrir  aux  navires  une 
route  plus  directe  vers  l'Europe.  Les  quais  de  la 
rivière  de  l'Est  et  de  I'Hudson  se  couvrent  de  plus 
en  plus  de  docks,  d'usines,  de  constructions  de 
toute  nature,  qui  agrandissent  sans  cosse  la  ville. 
Entre  ces  deux  rivières,  la  ville  proprement  dite 
de  New- York  a  déjà  plus  d'un  million  d'habitants. 
Brooklyn,  qui  lui  fait  face  dans  Long-Island  et  lui 
est  relié  par  un  pont  suspendu  des  plus  hardis 
audacieusement  jeté  sur  la  rivière  de  l'Est,  en  a 
oOO,000.  Hoboken  et  Jersey-Cit)/,  bâtis  dans  l'Etat 
de  New-Jersey,  sur  la  rive  droite  de  I'Hudson.  ren- 
ferment à  eux  deuK  une  centaine  de  mille  âmes. 
A  quelques  kilomètres  de  là,  Newo7'k,  dans  le 
même  État,  est  encore  plus  peuplé. Cela  fait  un  to- 
tal de  près  de  1  700  000  habitants  pour  l'agglomé- 
ration New-Yorkaise.  Dès  aujourd'hui  c'est  la  ville 
la  plus  considérable  et  le  premier  port  de  l'Amé- 
rique. Si  elle  continue  à  s'accroître  aussi  rapide- 
ment qu'elle  l'a  fait  depuis  le  commencement  de 
ce  siècle,  elle  surpassera  bientôt  Paris,  et  peut-être 
un  jour  Londres. 

Au  nord  de  New-York,  New-Haven,  dans  le  Con- 
necticut,  a  50  000  âmes  ;  Providence,  dans  le  Rhode- 
Island,  100  OOO  et  d'importants  ateliers  de  con- 
struction ;  Boston,  dans  le  Massachusetts,  350  000. 
C'est  une  ville  très  industrielle,  la  seconde  place  de 
l'Union  pour  l'importance  de  son  commerce.  En 
même  temps,  elle  a  mérité  le  surnom  d'Athènes 
américaine  à  cause  des  établissements  scientifiques 
qu'elle  renferme.  C'est  à  Cambridge,  l'un  des  fau- 
bourgs de  Boston,  que  se  trouve  l'université  d'Har- 
vard. Dans  le  Maine,  où  l'industrie  des  construc- 
tions navales  est  très  développée,  Portland,  la  ville 
et  le  port  les  plus  considérables,  ne  dépasse  guère 
30  000  habitants. 

Du  côté  du  Pacifique,  l'activité  commerciale  se 
concentre  à  S  an- Francisco,  qui,  simple  bourgade  en 
1848,  est  devenue,  grâce  à  la  découverte  des  pla- 
cers  californiens,  une  des  grandes  et  riches  villes 
du  globe.  Elle  renferme  150  ou  200  OOd  habitants, 
dont  un  grand  nombre  de  Chinois.  Elle  est  le 
terme  du  grand  chemin  de  fer  transatlantique  et  le 
port  d'attache  des  steamers  qui  relient  les  États- 
Unis  au  Japon,  à  la  Chine,  à  l'Australie,  à  Panama. 
De  San-Francisco  à  Yokohama,  dans  le  Japon,  la  tra- 
versée du  Pacifique  est  d'une  vingtaine  de  jours, 
le  double  de  celle  de  l'Atlantique  entre  New-York 
et  l'Angleterre. 

Marine.  —  La  marine  de  commerce  est  une  des 
plus  importantes  du  monde.  Elle  comprend  environ 
25  000  navires  jaugeant  4  millions  de  tonnes.  C'est 
«nviron  quatre   fois   la  marine  marchande   de  la 

2e  Partie. 


France,  les  deux  tiers  de  celle  de  la  Grande-Breta 
gne,  mais  la  moitié  de  celle  de  l'ensemble  des  di- 
verses colonies  anglaises.  Cette  marine  comprend 
plus  de  4000  bateaux  à  vapeur,  dont  le  tonnage  dé- 
passe à  lui  seul  celui  de  toute  la  marine  de  com- 
merce française.  3  000  navires  de  500  à  600  ton- 
neaux chacun,  en  moyenne,  se  livrent  au  com- 
merce de  long  cours,  20  000  de  cent  tonneaux  cha- 
cun, au  cabotage  ;  2  000  navires,  dont  la  plus 
grande  partie  ne  sont  que  des  barques,  s'occupenr 
à  la  pêche  côtière,  à  la  pêche  de  la  morue  sur  le 
banc  de  Terre-Neuve  ou  à  la  poursuite  de  la  ba- 
leine dans  les  mers  arctiques. 

Commerce  extérieur.  —  Parmi  les  pays  étran- 
gers, c'est  l'Angleterre  qui  tient  le  premier  rang 
par  l'importance  de  ses  relations  commerciales  avec 
les  États-Unis.  Elles  sont  cinq  fois  aussi  considé- 
rables que  celles  de  l'Allemagne  ou  de  la  France 
qui  viennent  à  peu  près  au  même  rang  l'une  et 
l'autre.  L'Amérique  anglaise,  les  Antilles,  la  Chine 
et  le  Japon,  la  Belgique,  le  Brésil,  les  Pays-Bas, 
l'Espagne  se  suivent  ensuite. 

Les  principaux  objets  d'exportation  sont  en  pre- 
mière ligne  le  coton,  les  grains  ou  farines,  puis 
les  salaisons  et  les  conserves,  les  métaux  pré 
cieux,  les  grai-sses,  huiles  et  résines,  le  tabac,  les 
machines  et  outils,  les  bois,  les  cuirs  ouvrés,  les 
tissus.  Les  Américains  importent  en  échange  des 
denrées  coloniales,  des  vins  et  liqueurs,  des  tissus, 
des  matières  colorantes,  des  cuirs  bruts,  des  textiles 
à  filer  pour  leurs  manufactures,  des  bijoux,  des 
articles  de  mode  ou  de  fantaisie. 

IV.  Population.  —  On  trouvera  à  l'article  his- 
torique ci-dessous,  le  mode  de  développement  de 
l'Union  américaine  et  l'origine  de  chacun  des 
États  qui  la  composent.  Nous  parlerons  seulement 
ici  des  races  qui  forment  sa  population  et  de  leur 
distribution  géographique. 

Les  Indiens.  —  Tout  en  étendant  leurs  frontières, 
les  Américains  avaient  plus  d'une  conquête  à  faire 
à  l'intérieur  de  leur  territoire.  Chassés  par  les 
colons  européens  de  leurs  anciens  terrains  de 
chasse,  refoulés  sans  cesse  par  le  flot  des  nouveaux 
immigrants,  usant  sans  doute  des  ruses  et  de  la 
cruauté  inhérentes  à  leur  état  d'infériorité  relati- 
ve, mais  perfidement  dépouillés  de  territoires  dont 
les  traités  leur  avaient  solennellement  reconnu  la 
possession,  les  Indiens  ont  courageusement  lutté 
pied  à  pied  pour  défendre  le  sol  dont  ils  étaient  les 
légitimes  possesseurs  contre  une  civilisation  qui 
est  la  mort  de  leur  race.  Transportés  à  l'ouest  du 
Mississipi,  dans  un  pays  qui  a  pris  d'eux  le  nom  d<i 
territoire  indien,  campés  dans  des  réserves  où  la 
chasse  ne  leur  fournit  plus  des  ressources  suffi- 
santes, obligés  de  prendre  des  habitudes  laborieuses 
et  sédentaires  dont  ils  sont  incapables,  ils  vont  en 
dépérissant.  Peut-on  voir  s'éteindre  sans  un  re- 
gret, sous  prétexte  qu'ils  appartiennent  à  une 
race  inférieure,  ces  hommes  qui  possédaient  les 
nobles  vertus  du  courage  personnel,  de  la  loyauté, 
du  respect  de  leurs  chefs,  et  dont  les  Français, 
pendant  qu'ils  occupaient  le  Canada  et  la  Louisiane, 
avaient  fait  des  alliés  si  utiles  et  si  fidèles? 

Immigration.  —  La  population  des  Etats-Unis, 
qui  était  de  4  millions  d'habitants  en  1776,  de  .S 
millions  en  1800,  de  32  millions  en  1860,  de  :V> 
millions  au  dernier  recensement  de  1870,  doit 
dépasser  aujourd'hui  40  millions.  C'est  l'immigra- 
tion qui  a  été  la  principale  cause  de  cet  accroisse- 
ment. Insignifiante  jusqu'en  1820,  elle  a  amené 
depuis  sur  le  territoire  américain  plus  de  9  milHons 
de  têtes.  Sur  ce  nombre  la  moitié  vient  du  royau- 
me de  Grande-Bretagne  et  d' Irlande.  Il  est  sans 
doute  parti  des  ports  de  la  Grande-Bretagne  beau- 
coup d'émigrants  de  nations  étrangères;  cependant 
les  famines  de  l'Irlande  ont  été  suivies  d'un  exode 
considérable  vers  les  États-Unis.  L'Allemagne  a 
envoyé  les  deux  tiers  environ  de  ce  qu'avait  fourni 


ETATS-UNIS 


—  722  — 


ETATS-UNIS 


l'Angleterre,  près  de  3  millions  d'émigrants.  La  part 

de  la  France  et  celle  des  Etats  Scandinaves,  à  peu 

près  équivalentes,  ne  sont  que  la  dixième  partie  du 

contingent  de    l'Allemagne,  300  000  environ.  Puis 

I  viennent  la  Suisse,  l'Italie,  l'Autriche,  l'Espagne,  la 

,  Russie,  les  Pays-Bas  et  la  Belgique.  Tous  les  Etats 

i  de  l'Europe  ont  donc  pris  part  au  peuplement  de 

l'Union  américaine. 

Les  Chinois.  —  Depuis  quelques  années,  la  Chine 
et  le  Japon,  entrant  dans  le  courant  des  relations 
des  peuples  de  l'Europe  et  de  l'Amérique,  ont  en- 
voyé à  leur  tour  des  émigrants  aux  Etats-Unis,  sur- 
tout dans  la  Californie,  sur  les  bords  du  Pacifique. 
L'envahissement  des  Chinois  est  même  devenu  si 
considérable  que  les  Californiens  réclament  du 
congrès  leur  exclusion  ou  le  refus  d'en  admettre 
de  nouveaux.  Aucun  blanc  ne  peut  soutenir  la  con- 
currence que  lui  font  ces  Chinois.  Vivant  de  rien, 
n'ayant  ni  femmes  ni  enfants  à  entretenir,  ils  se 
contentent  du  plus  modeste  salaire,  ne  reculent 
devant  aucune  tâche.  Ils  ont  construit  une  grande 
partie  du  chemin  de  fer  du  Pacifique,  glanent 
dans  les  placers  abandonnés  par  les  blancs  comme 
trop  pauvres,  font  d'excellents  domestiques,  des 
blanchisseurs,  des  hommes  de  peine,  et  arrivent, 
grâce  à  leur  remarquable  talent  d'imitation,  à  re- 
produire les  divers  objets  dus  à  l'industrie  euro- 
péenne ou  américaine.  Par  leur  travail,  leur  écono- 
mie, ils  amassent  des  épargnes  considérables  qu'ils 
emporteront  dans  leur  pays  natal,  où  ils  sont  résolus 
à  rentrer  vivants  ou  morts.  Les  navires  qui  font  le 
service  do  San-Francisco  en  Chine  emportent  à 
chacun  de  leurs  voyages  une  cargaison  de  cercueils 
de  Chinois  qui,  en  quittant  leur  patrie,  se  sont  fait 
garantir  à  l'avance  le  retour  de  leurs  cendres  dans 
la  terre  des  ancêtres.  C'est  en  Californie  et  surtout 
à  San-Francisco  que  les  Chinois  sont  nombreux.  Dans 
les  Etats  du  sud,  ils  remplacent  aussi  sur  les  plan- 
tations les  noirs  que  fournissait  autrefois  la  traite 
et  qui  ne  travaillent  plus  depuis  que  l'abolition  de 
l'esclavage  leur  a  rendu  la  liberté. 

Après  les  Etats  de  l'Europe  et  la  Chine,  l'Amé- 
rique anglaise  du  Nord  a  fourni  aussi  à  l'Union 
américaine  un  assez  grand  nombre  d'émigrants 
attirés  par  les  manufactures  des  Etats  voisins  de 
leur  pays,  mais  qui  rentrent  chez  eux,  quand  les 
crises  industrielles  rendent  de  nouveau  le  travail 
agricole  plus  profitable.  On  trouve,  du  reste,  dans 
la  variation  de  l'immigration  aux  Etats-Unis, le  reflet 
des  crises  qui  ont  agité  l'ancien  ou  le  nouveau 
monde.  Avec  les  progrès  de  la  navigation  à  vapeur 
rendant  les  voyages  moins  longs  et  moins  péni- 
bles, les  famines  et  les  révolutions  politiques  chas- 
sant de  chez  eux  les  Européens,  la  découverte  de 
l'or  en  Californie  appelant  les  mineurs  et  les  aven- 
turiers, l'immigration  augmente  sans  cesse  de  1820 
à  1860.  La  guerre  de  la  sécession  amène  un  ralen- 
tissement pendant  les  années  qui  suivent  1860. 
Mais  avec  le  retour  de  la  tranquillité  en  Amérique, 
correspondant  aux  guerres  qui  imposent  le  service 
militaire  obligatoire  dans  plusieurs  États  de  l'Eu- 
rope, l'immigration  prend  des  proportions  considé- 
rables. Il  arrive  près  d'un  demi-million  de  personnes 
aux  Etats-Unis  en  1872.  Mais  depuis  cette  année 
une  crise  industrielle  sévit  dans  ce  pays  et  le 
chiffre  des  émigrants  détournés  par  les  déboires  de 
leurs   prédécesseurs  va  sans  cesse  en  s'abaissant. 

Les  Yankees.  —  Les  hommes  d'origine  anglo- 
saxonne  dominent  aux  Etats-Unis,  mais  les  Alle- 
mands, les  Scandinaves,  les  Français  et  autres  Eu- 
ropéens se  fondent  rapidement  avec  eux  en  une 
race  spéciale,  celle  des  Yankees,  qui  se  distingue 
par  une  activité  fiévreuse,  la  hardiesse  poussée  jus- 
qu'à la  témérité,  un  amour  effréné  du  lucre  et  la 
présomption  la  plus  vaniteuse,  mais  aussi  par  une 
indépendance  personnelle  absolue. 

Population  actuelle.  Races  différentes.  —  Sur  les 
40  millions  d'âmes  que   renferment  actuellement 


les  Etats-Unis,  on  compte  58  millions  de  blancs 
nés  en  Amérique,  5  millions  de  noirs  ou  de  mu- 
lâtres, 5  millions  et  demi  d'étrangers  nouvellement 
immij;rés  fdont  2  millions  et  demi  d'Anglais,  1  mil- 
lion et  demi  d'Allemands,  1  demi-million  d'Euro- 
péens d'autres  nations,  1  demi-million  de  Canadiens) 
et  enfin  400,000  Indiens. 

Distribution  de  la  population.  —  Avec  une  su- 
perficie de  "  659  000  kilomètres  carrés  sans  comp- 
ter l'Alaska,  la  population  kilométrique  moyenne 
des  Etats-Unis  n'était  en  1870  que  de  7  habitants. 
Elle  est  très  inégalement  répartie.  Les  Etats  rive- 
rains de  l'Atlantique,  au  sud  de  la  Nouvelle-Angle- 
terre, renferment  une  population  quatre  fois  plus 
dense  que  la  moyenne.  Dans  la  Nouvelle-Angle- 
terre, où  la  proportion  est  un  peu  plus  faible, 
le  Massachusetts  renferme  72  habitants  par  kilomè- 
tre. C'est  l'Etat  le  plus  peuplé  de  l'Union  comme 
densité,  avec  le  Rhode-Island  qui  compte  plus  de 
64  habitants  par  kilomètre.  La  moyenne  de  l'Union 
correspond  aux  Etats  riverains  de  l'Atlantique  du 
sud,  oa  au  bassin  central  du  Mississipi.  La  popula- 
tion la  plus  clairsemée  se  trouve  dans  les  Monta- 
gnes Rocheuses. 

Les  races  sont  aussi  inégalement  réparties.  Les 
Indiens  sont  cantonnés  dans  leur  territoire,  les 
Chinois  en  Californie  ;  les  noirs,  répandus  dans 
toute  l'Union,  sont  groupés  principalement  dans  le 
sud.  L'emportant  en  nombre  sur  les  blancs  dans 
la  Caroline  du  Sud,  ils  sont  à  égalité  avec  ceux-ci 
dans  la  Louisiane,  l'Alabama,  le  Mississipi,  la  Flo- 
ride, et  presque  aussi  nombreux  que  les  blancs, 
quoique  en  nombre  inférieur,  dans  la  Géorgie  et  la 
Virginie.  Ce  sont  ces  divers  Etats  qui  ont  voulu  se 
séparer  de  l'Union  en  1860  pour  conserver  dans  l'es- 
clavage les  noirs  nécessaires  à  leurs  cultures.  Les 
hommes  de  couleur  jouissent  aujourd'hui  des 
mêmes  droits  politiques  que  les  blancs.  Mais 
quoique  siégeant  dans  les  assemblées,  ils  sont  aussi 
dédaignés  des  hommes  du  nord  que  de  leurs  an- 
ciens maîtres  du  sud. 

Le  territoire  d'Alaska.  —  A  l'extrémité  nord-ouest 
du  continent  américain,  l'ancienne  Amérique  russe, 
devenue  le  territoire  d'Alaska,  occupe  une  éten- 
due triple  de  la  France,  où  errent  70  ou  75  000 
Indiens,  Esquimaux,  Tchouktchis  ou  autres.  La 
pointe  de  Barrow,  qui  en  forme  le  point  le 
plus  rapproché  du  pôle,  s'avance  sur  l'Océan 
Glacial  au  delà  du  71'  degré  de  lat.  Le  cap  du 
Prince  de  Galles,  qui  fait  vis-à-vis  sur  le  détroit 
de  Behring  au  cap  Oriental,  pointe  extrême  du  con- 
tinent asiatique,  dépasse  le  170°  à  l'ouest  de  Pa- 
ris. Au  sud  l'ancienne  Amérique  russe  descend 
jusqu'au  55°  de  lat.  Le  littoral  est  bordé  de  nom- 
breux archipels.  Au  sud-ouest  la  presqu'île  d'Alaska 
se  continue  par  la  chaîne  des  îles  Aléoutiennes,  qui 
sépare  ia  mer  de  Behring  du  grand  océan  Pacifique 
et  va  rejoindre  le  Kamtchatka.  C'est  sans  doute  la 
route  par  laquelle  les  indigènes  trouvés  en  Améri- 
que par  Christophe  Colomb  avaient  passé  du  con- 
tinent asiatique  dans  le  Nouveau  Monde.  Dans  la 
mer  de  Behring,  au  littoral  découpé  par  plusieurs 
presqu'îles,  débouche  le  Youkon,  fleuve  puissant 
de  2  ou  3  kilomètres  de  largeur,  qui  roule  ses 
eaux  impétueuses,  après  la  débâcle  des  glaces,  à 
travers  un  pays  désert  et  inhospitalier.  Sur  les 
bords  du  Pacifique,  le  mont  Saint-Elie  et  le  mont 
Beautemps  dressent  à  5000™  d'altitude  leurs  cimes 
majestueuses  d'où  descendentd'immenses  glaciers. 

Cependant  ce  pays  est  moins  inclément  que  ne 
pourrait  le  faire  croire  sa  latitude.  L'air  y  est 
réchauffé  sur  le  littoral  par  le  courant  chaud  venu 
des  côtes  du  Japon.  Les  côtes  sont  montagneuses 
et  couvertes  de  belles  forêts,  malheureusement 
ensevelies  dans  la  brume.  La  pêche  des  phoques, 
des  baleines  et  des  morues,  sur  l'Océan,  des  sau- 
mons dans  les  rivières,  la  chasse  des  bêtes  à  four- 
rures, constituent  avec  les  bois  et  les  mines  quel- 


ÉTATS-UNIS 


723  — 


ÉTATS-UNIS 


ques  ressources  pour  les  habitants  clairsemés  qui 
y  séjournent. 

V.  Conclusion.  —  La  guerre  de  sécession,  qui  a 
désolé  l'Union  pendant  plusieurs  années,  y  a 
amassé  bien  des  ruines  et  engendré  d'implacables 
inimitiés.  Les  habitants  du  nord  reprochent  aux 
anciens  confédérés  d'avoir  causé  par  leur  rébellion 
tous  ces  désastres  et  l'effroyable  dette  qui  en  a  été 
la  suite.  Ceux-ci  se  plaignent  à  leur  tour  de  la 
dure  oppression  que  font  peser  sur  eux  leurs  vain- 
queurs. La  violence  des  passions  dans  toutes  les 
querelles  politiques  et  dans  les  luttes  sociales,  par- 
fois sanglantes,  que  commencent  à  faire  naître  les 
crises  industrielles,  est  faite  pour  donner  quelque 
inquiétude  aux  amis  les  plus  optimistes  de  l'Union. 
Mais  on  vante  avec  raison  les  institutions  poli- 
tiques des  États-Unis,  et  le  respect  que  leur  té- 
moignent tous  les  partis  ;  l'intérêt  que  la  nation 
entière  porte  au  développement  de  l'instruciion 
publique  ;  la  libéralité  avec  laquelle  les  riches  par- 
ticuliers encouragent  les  travaux  scientifiques  et 
les  voyages  de  découvertes,  ou  dotent  leur  patrie 
des  institutions  les  plus  utiles.  Il  y  a  là  l'indice 
de  qualités  morales  qui  semblent  promettre  encore 
un  bel  avenir  à  une  nation  dont  le  développement 
a  été  si  hâtif,  qu'on  n'en  trouverait  pas  un  second 
exemple  dans  l'histoire.  [G.  Meissas.] 

VI.  Histoire.  —  L'histoire  des  Etats-Unis  remonte 
au  XVI"'  siècle,  au  temps  où  des  colonies  européen- 
nes vinrent  successivement  s'établir  sur  les  côtes 
occidentales  de  l'Atlantique.  Les  institutions  de  la 
grande  république  et  les  crises  qui  ont  marqué  le 
premier  siècle  de  son  existence  s'expliquent  par  les 
caractères  si  divers  des  peuples  qu'elle  réunit  sur 
son  immense  territoire.  On  y  trouve  représentées 
toutes  les  races  non  seulement  de  l'Europe,  mais 
du  monde  entier.  Ce  sont  d'abord  les  Anglo-Saxons 
avec  un  double  esprit  :  puritains  et  indépendants 
au  nord-est,  monarchistes  et  féodaux  au  sud;  les 
Hollandais,  les  Suédois  et  surtout  les  Allemands, 
dans  les  Etats  du  centre  et  de  l'ouest,  tous  repré- 
sentant les  diverses  sectes  protestantes;  les  Fran- 
çais venus  de  la  Louisiane  et  du  Canada,  les  Irlan- 
dais répandus  partout,et  les  Espagnols  de  la  Floride, 
du  Nouveau  Mexique  et  de  la  Californie,  professant 
le  catholicisme.  Enfin  dans  les  réserves  ou  jetés 
çà  et  là  subsistent  les  anciens  maîtres  du  sol,  les 
Peaux-Rouges  ou  Indiens  ;  sur  les  rives  de  l'océan 
Pacifique  affluent  les  Chinois;  et  partout  se  ren- 
contrent les  représentants  de  la  race  noire.  Aussi 
est-il  vrai  de  dire  que  les  Etats-Unis  ne  sont  pas 
une  nation,  mais  un  monde. 

On  peut  distinguer  trois  périodes  dans  leur  his- 
toire :  la  première,  de  15"24  à  1688,  est  l'époque 
de  la  colonisation  ;  la  seconde,  de  1688  à  17S3,  est 
celle  de  la  lutte  des  colonies  entre  elles  et  avec 
leur  métropole;  enfin  la  troisième,  de  17.s3  à  nos 
jours,  est  la  période  d'organisation  et  d'exten- 
sion. 

Les  premiers  établissements  des  Européens  dans 
l'Amérique  du  Nord  furent  ceux  des  Espagnols, 
au  sud,  sur  les  côtes  du  golfe  du  Mexique,  et  ceux 
des  Français,  au  nord,  près  de  l'embouchure  du 
Saint-Laurent. 

En  1512,  le  jour  de  Pâques  fleuries.  Ponce  de 
Léon  aborda  en  Floride,  venant  de  Porto-Rico,  et 
en  1531  Ferdinand  de  Solo  découvrit  les  bouches  du 
Mississipi.  Les  deux  premières  villes  furent  Saint- 
Augustin,  fondée  en  Floride,  sous  le  30«  degré  de 
latitude,  par  Malendez,  en  1565,  et  Santa-Fé,  dans 
le  Nouveau  Mexique,  due  à  un  moine  du  nom  de 
Ruyz. 

Le  roi  de  France  François  !«■•  avait  chargé,  en 
1524,  le  Florentin  Verazzini  de  reconnaître  les 
côtes  de  l'Atlantique  entre  la  Delaware  et  le  cap 
Cod.  En  1534,  Jacques  Cartier  pénétra  dans  le 
Saint-Laurent  et  le  remonta  jusqu'à  l'île  où  il 
fonda    Montréal.    Plus    tard,    Samuel    (^hamplain 


étendit  les  possessions  de  la  Nouvelle-France  et 
fonda  Québec,  en  l(i04,  dans  une  importante  si- 
tuation. 

Sous  l'inspiration  de  l'amiral  Coligny,  des  hu- 
guenots français  tentèrent,  en  1562,  de  s'établir 
en  Floride  avec  Jean  Ribault  de  Dieppe,  mais  ils 
furent  bientôt  après  exterminés  par  le  gouverneur 
espagnol  Malendez,  qui  se  faisait  dans  le  Nouveau 
Monde  l'exécuteur  des  desseins  de  Philippe  II 
contre  le  protestantisme. 

Pendant  le  règne  d'Henri  VIT,  Jean  Cabot 
avait  exploré  pour  les  Anglais  les  côtes  de  l'A- 
mérique du  Nord,  mais  ce  ne  fut  qu'en  1585,  sous 
le  règne  d'Elisabeth,  que  sir  'Walter  Raleigh  vint 
tenter  un  essai  de  colonisation  au  sud  de  la  baie 
de  Chesapeake.  Il  donna  au  pays,  en  mémoire  de 
sa  souveraine,  le  nom  de  Vii'ginie,  mais  son  essai 
resta  infructueux. 

Jacques  I",  successeur  d'Elisabeth,  concéda  par 
lettres  patentes  les  terres  comprises  entre  le  34» 
et  le  45'  degré  de  latitude  nord,  à  deux  compa- 
gnies dites  de  Londres  et  de  Plymouth  ;  la  pre- 
mière eut  du  34*  au  38*  degré,  la  seconde  du  41* 
au  45*.  Il  restait  un  espace  intermédiaire  que  par- 
courut sir  Henri  Hudson  en  1G07  et  où  vinrent  s'é- 
tablir des  colonies  hollandaises  (New-York,  d'abord 
Nieuw- Amsterdam)  et  des  colonies  suédoises  (New- 
Jersey). 

Le  premier  établissement  de  la  compagnie  de 
Londres  eut  lieu,  en  1607,  sous  la  conduite  de 
Christophe  Newport  qui  fonda,  en  Virginie,  la 
ville  de  Jamestown. 

La  compagnie  de  Plymouth  céda  des  terres  aux 
puritains  qui  avaient  quitté  l'Angleterre  en  1608 
et  avaient  passé  à  Amsterdam,  cherchant  un  lieu 
où  ils  fussent  plus  libres  de  professer  leur  foi.  C'est 
le  21  décembre  1620  que  leur  navire  May-Floioer 
(Fleur  de  mai)  vint  aborder  auprès  du  cap  Cod  sur 
les  rochers  où  s'éleva  bientôt  la  ville  de  Plymouth. 
Ils  donnèrent  naissance  à  l'Etat  de  Massachusetts,  et 
la  ville  de  Boston  fut  fondée  en  16-30  par  leur  gou- 
verneur John  Winthrop.  Ces  colons  sont  restés 
célèbres  sous  le  nom  de  Pilqrim  Fathers  :  ce  sont 
réellement  les  pères  de  la  Nouvelle-Angleterre,  et 
leur  influence  a  toujours  été  considérable  dans  la 
république  américaine. 

Pas  plus  que  Calvin  à  Genève,  les  puritains  ne 
pratiquaient  la  tolérance  religieuse.  En  1635,  ils 
chassèrent  un  jeune  ministre,  Roger  Williams, 
pour  ses  opinions  hétérodoxes.  Le  fugitif  trouva 
asile  chez  les  Indiens  de  la  baie  de  Narragansett, 
et  fonda  la  ville  de  Providence.  Bientôt  il  y  fut 
rejoint  par  mistress  Anne  Hutchinson,  persécutée 
pour  le  même  motif  que  lui.  Ce  fut  le  commence- 
ment du  Rhode-Island. 

Le  Connecticut  fut  aussi  colonisé  à  la  même 
époque,  et  les  fondements  des  villes  de  Hartford  et 
de  New-Haven  y  furent  jetés. 

En  163,.',  Georges  Calvert,  plus  connu  sous  le 
nom  de  Lord  Baltimore,  qui  était  catholique  ro- 
main, obtint  de  Charles  I'^"'  des  terres  sur  les  bords 
du  Potomac.  Il  y  fonda  l'état  de  Maryland  et  la 
ville  de  Baltimore,  le  premier  archevêché  catholi- 
que des  Etats-Unis. 

Un  homme  d'un  grand  nom  dans  l'aristocratie 
anglaise,  William  Penn,  qui  appartenait  à  la  secte 
des  amis  ou  des  quakers,  reçut  du  roi  Charles  II, 
en  paiement  d'une  dette  de  l'Etat  envers  son 
père,  une  concession  de  terres  à  l'est  de  la  De- 
laware. De  là  sortit  l'état  de  Pensylvanie  (1682) 
et  la  ville  de  Philadelphie.  Penn  montra  beaucoup 
d'humanité  et  de  justice  envers  les  Indiens  et 
accueillit  les  proscrits  de  tous  les  cultes. 

La  colonie  de  Jamestown,  en  Virginie,  eut  des 
commencements  difficiles  par  suite  des  rivalités 
entre  les  colons  et  des  déprédations  des  Indiens. 
L'esclavaa;e  y  pénétra  en  1620  :  vingt  nègres  ame- 
né? par  un  vaisseau  hollandais  furent  vendus  aux 


^.TATS-UNIS 


—  724  — 


ETATS-UNIS 


planteurs  de  tabac.  Les  gouverneurs  de  la  colonie, 
nommés  par  le  roi  d'Angleterre,  exerçaient  un  pou- 
voir despotique  et  tenaient  le  peuple  dans  l'igno- 
rance. L'un  d'eux,  le  trop  célèbre  Berkeley ,  disait 
en  1676  :  «  Je  rends  grâces  à  Dieu  de  ce  qu'il  n'y 
a  ici  ni  écoles  publiques  ni  imprimerie,  et  j'espère 
bien  qu'il  en  sera  encore  ainsi  dans  cent  ans.  » 
Précisément  cent  ans  plus  tard,  la  Virginie  éman- 
cipée se  donnait  une  constitution  républicaine  : 
elle  joua  un  rôle  glorieux  dans  la  guerre  de  l'in- 
dépendance, et  eut  l'honneur  de  donner  aux  États- 
Unis  Washington  et  Jefferson. 

Les  Carolines  furent  colonisées  en  1G6-3  par  lord 
Clarendon  et  sept  autres  gentilshommes,  et  la 
Géorgie  en  fut  détachée  au  profit  de  James  Oglc- 
thorpe  (1732).  Ces  états  du  sud  avaient  un  régime 
monarchique  et  féodal,  qui  contrastait  avec  le 
régime  libéral  et  démocratique  des  états  du 
nord. 

A  côté  des  colonies  anglaises,  il  existait  sur  le 
Saint-Laurent  fCanada)  et  dans  les  vallées  de  l'Ohio 
et  du  Mississipi  (Louisiane)  des  établissements 
français  dont  les  droits  avaient  été  reconnus  par 
le  roi  Charles  1"  dans  le  traité  de  Saint-Germaiii- 
en-Laye  (I(;32).  Les  Français  avaient  su  gagner 
l'amitié  des  Indiens,  re  qui  leur  donnait  un  avantage 
sur  les  Anglais,  toujours  si  durs  envers  les  races 
inférieures. 

Les  deux  peuples  devaient  nécessairement  se 
trouver  en  lutte  à  l'ouest  des  monts  AUéghanys. 
.\ussi  chaque  fois  que  la  guerre  éclatait  en  Europe 
entre  la  France  et  l'Angleterre,  les  colons  du  Ca- 
nada se  précipitaient  avec  les  Indiens  sur  la  Nou- 
velle-Angleterre et  l'état  de  New- York. 

Trois  guerres  précédèrent  la  grande  lutte  connue 
sous  le  nom  de  guerre  de  sept  ans.  qui  amena,  sous 
Louis  XV,  la  chute  de  la  puissance  coloniale  de  la 
France.  En  Amérique,  on  les  appelle  la  guerre  du 
roi  Guillaume  (1688-I696i,  la  guerre  de"  la  reine 
Anne  (170.?-171â)  et  enfin  celle  du  roi  Georges 
(1744-1748).  Elles  correspondent  aux  guerres  que 
nous  appelons,  en  France,  de  la  ligue  d'Augsbcurg, 
de  la  succession  d'Espagne,  et  de  la  succession 
d'Autriche.  Le  traité  d'Utrecht  (1713)  enleva  à  la 
France  l'Acadie  et  Terre-Neuve,  et  celui  d'Aix  la- 
Chapelle  (1748)  la  possession  de  Louisbourg  dans 
l'île  du  cap  Breton. 

La  guerre  dite  de  Sept  ans,  qui  entraîna  la  perte 
du  Canada  et  des  soixante  établissements  que  La 
Salle  avait  formés  sur  le  cours  de  l'Ohio  et  du 
Mississipi  (Louisiane),  commença  en  1754  à  pro- 
pos de  la  possession  du  fort  Duquesne,  au  con- 
fluent de  l'Alléghany  et  du  Monongohela,  là  où  se 
trouve  aujourd'hui  l'importante  ville  de  Pittsbourg. 
Les  colons  de  la  Virginie  et  de  la  Pensylvanie 
voj-aient  avec  peine  aux  mains  des  François  cette 
clef  de  la  vallée  de  l'Ohio.  Il  y  eut  d'abord  des 
négociations,  auxquelles  furent  mêlés  Georges 
Washington  et  Benjamin  Franklin,  mais  elles  ne 
purent  empêcher  l'ouverture  des  hostilités.  Les 
deux  partis  se  disputaient  aussi  le  fort  Niagara 
entre  les  lacs  Erié  et  Ontario,  Ticonderoga  au 
nord  du  lac  Champlain,  et  enfin  Québec. 

Les  Français  montrèrent  beaucoup  de  valeur, 
mais  l'héroïque  Montcalm  ne  reçut  pas  du  gouver- 
nement de  Louis  XV  les  secours  nécessaires.  Qué- 
bec tomba  aux  mains  des  Anglais  le  13  septembre 
1759  et  Montréal  l'année  suivante. 

Le  traité  de  Paris  (1763)  enleva  à  la  France 
tout  ce  qu'elle  possédait  encore  sur  le  continent 
américain,  moins  la  Nouvelle-Orléans.  Le  territoire 
de  la  Louisiane  fut  partagé  entre  l'Angleterre  et 
l'Espagne. 

Les  tribus  indiennes  alliées  de  la  France,  sous  un 
chef  nommé  Poniiac,  reprirent  la  guerre  avec  furie 
après  le  traité  de  Paris  et,  envahissant  les  pos- 
tes anglais  à  l'ouest  de  l'Ontario,  elles  portèrent 
partout  la  dévastation;  mais  bientôt  Poniiac  tomba 


assassiné  par  un  des  siens,  et  les  colonies  anglaises 
furent  alors  libres  de  s'étendre  vers  l'ouest. 

Ces  colonies,  qui  jusque-là  avaient  formé  treize 
États  distincts,  différents  de  religion,  de  mœurs  et 
d'intérêts,  avaient  appris  dans  la  guerre  du  Canada 
a  s'unir  contre  un  même  ennemi.  Elles  forniai-'nt 
une  population  de  plus  de  deux  millions  d'hommes, 
efplusieurs  villes  étaient  d'importantes  places  de 
commerce.  Elles  avaient  d'habiles  officiers  et  pou- 
vaient au  besoin  défendre  leurs  droits 

L'Angleterre,  à  qui  la  guerre  de  Sept  ans  avait 
coûté  des  sommes  énormes,  voulut  établir  sur  les 
colonies  des  taxes  diverses.  Celles-ci  revendiquèrent 
le  droit  de  ne  payer  que  les  impôts  qu'elles  au- 
raient votés  ;  or  elles  n'étaient  pas  représent'}es 
au  parlement  anglais.  Elles  se  plaignaient  aussi  du 
préjudice  que  leur  causait  l'acte  de  navigation  de 
1660,  qui  leur  interdisait  le  commerce  par  d'autres 
navires  que  ceux  de  la  métropole. 

L'établissement  du  droit  de  timbre  en  1765  sou- 
leva les  Anglo-Américains.  Les  délégués  de  neut 
colonies  se  réunirent  à  New-York  en  octobre,  et 
rédigt-rent  une  déclaration  des  droits  qui  fut  comme 
le  prélude  de  la  fameuse  Déclaration  de  l'indépen- 
dance. La  loi  sur  le  timbre  fut  retirée,  mais  en  juin 
1707  des  taxes  nouvelles  frappèrent  le  thé,  le 
papier,  le  verre,  etc.  Des  troupes  furent  envoyées 
d'Angleterre  pour  occuper  le  Massachusetts,  qui 
était  le  centre  de  l'opposition.  Des  émeutes  eurent 
lieu  à  Boston  et  dans  la  Caroline  du  Nord,  et  le  sang 
coula.  Des  cargaisons  de  thé  venant  d'Angleterre 
furent  pillées  ou  jetées  à  la  mer. 

Un  congrès  colonial  tenu  à  Philadelphie  le  5  sep- 
tembre 1774  vota  une  adresse  au  roi  et  à  la  nation 
anglaise  et,  en  attendant  la  réponse,  il  décida 
la  suspension  de  tout  commerce  avec  la  métro- 
pole. 

La  guerre  devenait  inévitable.  Elle  commença 
par  l'escarmouche  de  Lexington  'avril  1775)  et  par 
l'engagement  plus  sérieux  de  Bunkers-Hill,  près 
de  Boston,  le  1"  juin.  Les  Américains  y  prirent  la 
conscience  de  leur  force,  et  ils  s'encouragèrent  à 
la  lutte. 

Le  second  congrès  colonial,  alors  réuni,  nomma 
George  Washington  général  en  chef.  En  accep- 
tant cette  redoutable  mission,  ce  grand  patriote  fit 
connaître  qu'il  renonçait  à  tout  traitement  pour  ne 
pas  ajouter  aux  charges  de  ses  concitoyens.  Quatre 
jours  après  la  bataille  de  Bunkers-Hill,  il  arrivait 
au  camp  devant  Boston  et  y  trouvait  14000  hommes 
sans  organisation  et  sans  discipline. 

Le  4  juillet  1776  ,  la  cloche  d'Indépendance 
Hall,  à  Philadelphie,  fit  connaître  que  le  congrès 
avait  adopté  la  Déclaration  de  V Indépendance 
rédigée  par  Thomas  Jefferson,  et  elle  appela  tous 
les  citoyens  à  la  défendre  parles  armes.  Les  treize 
colonies  confédérées,  devenues  dès  lors  les  Etats- 
Unis  d'Amérique,  furent  reconnues  par  la  France, 
l'Espagne  et  la  Hollande.  Elles  obtinrent,  grâce  à 
Franklin,  leur  habile  représentant  à  Paris,  lappui 
de  la  France  qui  trouvait  une  occasion  de  venger 
les  désastres  de  la  guerre  de  Sept  ans.  Lafaj'ette 
était  accouru  dès  1776  comme  volontaire,  et  en  177S 
un  corps  d'armée  conduit  par  Rochambeau  dé- 
barqua enAmérique(V.  Guerre  d'Amérique,  p.  930). 

Pendant  six  années,  Washington  soutint  la  lutte 
avec  une  infatigable  persévérance,  au  milieu  de 
difficultés  de  tout  genre.  Les  forces  de  l'Angleterre 
se  renouvelaient  chaque  année  et  s'accroissaient 
de  troupes  allemandes.  Les  ressources  financières 
manquaient  à  Washington,  et  un  de  ses  lieutenants, 
Arnold,  trahissait  la  cause  nationale.  Sa  persévé- 
rance triompha  enfin,  et  la  capitulation  de  York- 
Town  (octobre  1781)  lui  livra  l'armée  anglaise.  La 
paix  ne  fut  conclue  que  le  3  novembre  i783  par  le 
traité  de  Versailles.  Fidèle  à  ses  engagements, 
Wasliington  se  retira  alors  à  sa  terre  de  Mont- 
Vernon  en  Virginie. 


ETATS-UNIS 


—  723  — 


ÉTATS-UNIS 


Il  fallait  organiser  la  Republique.  La  constitu- 
tion fut  rédigée  en  178"  et  soumise  à  l'accepta- 
tion  des   divers   États. 

Le  pouvoir  législatif  est  confié  au  Congrès, 
composé  du  Sénat  et  de  la  Chambre  des  repré- 
sentants. Les  sénateurs  sont  nommés  pour  six  ans 
par  les  législatures  des  divers  États  ;  chaque  État, 
quelle  que  soit  sa  population,  fournit  deux  séna- 
teurs. Les  représentants  sont  élus  par  le  peuple 
pour  deux  années,  en  nombre  proportionnel  h  la 
population  de  chaque  État. 

Le  pouvoir  exécutif  est  confié  à  un  Président 
nommé  pour  quatre  années  par  le  Collège  électo- 
ral. Les  membres  de  ce  collège  sont  élus  par  le 
peuple  de  chaque  Etat,  en  nonibre  égal  h  celui  de 
ses  représentants  et  sénateurs.  Le  président  com- 
mande en  chef  les  armées  de  terre  et  de  mer,  et 
en  cas  de  décès  il  est  remplacé  par  un  vice-pré- 
sident élu  en  même  temps  que  lui.  Le  président 
a  'e  droit  de  veto  sur  les  lois  votées  par  le  Con- 
grès. Mais  si  chaque  Chambre,  à  la  majorité  des 
deux  tiers  des  voix,  confirme  de  nouveau  la  loi 
ainsi  repoussée,  le  veto  du  président  est  annulé. 

Dans  chaque  État,  il  y  a  une  législature  parti- 
culière formée  d'un  Sénat  et  d'une  Chambre  des 
représentants,  un  gouverneur  élu  chargé  du  pou- 
voir exécutif,  et  des  tribunaux  élus.  Chaque  État 
est  rézi  par  sa  Constitution  propre. 

La  Constitution  fédérale  ne  peut  être  modifiée 
qu'à  la  majorité  des  deux  tiers  des  voix  du  Congrès 
et  des  trois  quarts  des  législatures  de  chaque  Etat. 
Dans  ces  conditions,  il  y  a  déjà  eu  quinze  amen- 
dements à  la  Constitution  de  1 787. 

Georges  Washington  fut  élu  président  à  l'unani- 
mitc  en  janvier  1789,  avec  John  Adams  comme 
vice-président.  Réélu  en  1792,  Washington  refusa 
en  1796  une  troisième  réélection.  Il  recommanda 
à  ses  concitoyens  comme  un  objet  de  la  plus  haute 
importance  les  institutions  destinées  à  propager 
les  lumières  :  a  Plus  l'opinion  publique,  dit-il, 
ti7'e  de  force  de  la  nature  du  gouvernement,  plus 
elle  doit  être  éclairée.  » 

Aux  treize  premiers  Etats  (New-Hampshire, 
Massachusetts,  Rhode-Island,  Connecticut,  New- 
York,  New-Jersey,  Pensylvanie,  Delaware,  Mary- 
land,  Virginie,  Caroline  du  Nord,  Caroline  du  Sud, 
Géorgie),  où  le  recensement  de  1790  constata  une 
l>opulation  de  3  920  000  habitants,  vinrent  s'ajouter 
l'Etat  de  Vermont  (1791)  et  celui  de  Tennessee 
0796).  Le  troisième  État  admis  dans  l'Union  fut  le 
Kentucky  (1799). 

Sous  la  présidence  de  John  Adams,  la  guerre 
faillit  éclater  entre  la  France  et  les  États-Unis,  à 
cause  du  refus  des  Américains  d'entrer  dans  une 
ligue  contre  l'Angleterre.  Le  renversement  du 
Directoire  par  Bonaparte  apaisa  le  conflit. 

Georges  '.V'ashington  mourut  le  14  décembre 
1799,  à  l'âge  de  67  ans.  Il  est  resté  le  type  de 
l'homme  d'Etat  loyal  et  dévoué,  «  le  premier  dans 
la  paix,  le  premier  dans  la  guerre,  le  premier  dans 
le  cœur  de  ses  concitoyens.  »  L'anniversaire  de  sa 
naissance  est,  dans  l'Union,  un  jour  de  fête  natio- 
nale. 

Le  census  de  1800  constata  la  prospérité  de 
la  République  :  la  population  était  montée  à  plus 
de  6  millions;  le  nombre  des  bureaux  de  poste,  de 
75  à  OO^i  ;  les  exportations,  de  20  millions  à  61  mil- 
lions de  dollars. 

En  décembre  1800,  le  congrès  se  réunit  pour  la 
première  fois  à  Washington,  capitale  de  la  Confédé- 
ration, bâtie  sur  les  bords  du  Potomac,  entre  le 
Maryland  et  la  Virginie.  La  population  de  cette 
ville  était  alors  de  8  à  9  000  habitants. 

Thomas  Jefferson  fut  le  troisième  président.  Son 
administration  dura  huit  années  :  elle  fut  marquée 
par  l'acquisition  de  la  Louisiane  espagnole,  que 
l'Espagne  avait  rendue  à  la  iTiinceen  I8.w,  et  que 
(iapoléon  vendit  aux  États-Unis  en  1803  naoyennant 


15  millions  de  dollars.  Ce  territoire,  beaucoup  plus 
étendu  que  l'État  qui  porte  actuellement  le  même 
nom,  comprenait  le  Missouri  avec  Saint-Louis. 
L'Ohio  fut  admis  dans  l'Union  en  1802.  Une  expé- 
dition heureuse  fut  dirigée  contre  le  bey  de  Tripoli 
qui  avait  capturé  des  vaisseaux  de  l'Union  et  jeté 
les  équipages  dans  les  fers.  La  guerre  que  se 
faisaient  alors  la  France  et  l'Anglet'irre  porta  ua 
grand  dommage  au  commerce  des  États-Unis. 

Sous  la  prcsid'ince  de  Madison,  la  guerre  fut  dé- 
clarée à  l'Angleterre  le  19  juin  18)2,  et  le  major« 
général  Dearborn  fut  nommé  commandant  en  rnef. 
Elle  eut  surtout  pour  théâtre  ie  Canada,  et  se  ter- 
mina par  le  traité  de  Gand  ;u  décembre  1814). 
Tous  les  partis  saluèrent  la  paix  avec  joie.  La 
Louisiane  (1812)  et  l'Indiana  (1816)  furent  admis 
dans  l'Union. 

Monroë  fut  le  cinquième  président  (1817-1825)  r 
il  traita  avec  l'Espagne  pour  l'acquisition  de  la 
Floride,  et  le  nombre  des  États  fut  porté  à  vingt- 
quatre  par  l'admission  duMississipi,  de  l'Ilinois,  de- 
l'Alabama,  du  Maine  et  du  Missouri  (1817-1821). 
Quand  les  colonies  espagnoles  rompirent  leurs 
liens  avec  la  métropole,  le  président  déclara  dans 
son  message  de  1822  que  n^  toute  entreprise  faite 
par  une  puissance  européenne  pour  établir  en  Amé- 
rique un  gouvernement  colonial  serait  combattue 
par  les  Etats-Unis  ».  C'est  ce  qu'on  a  appelé  depuis 
la  doctrine  de  Monroë  :  elle  fut  invoquée  dans  la 
malheureuse  tentative  de  l'établissement  d'un  em- 
pire au  Mexique  sous  Maximilien  (1864).  En  1824, 
Lafayette  fit  aux  Etats-Unis  un  voyage  marqué  par 
des  "démonstrations  enthousiastes.  A  l'occasion  de 
l'admission  du  Missouri  dans  l'Union,  il  fut  décidé 
que  l'esclavage  ne  serait  pas  reconnu  au  nord  de  la 
limite  méridionale  du  nouvel  Etat  '36  degrés  30'., 
qui  est  la  ligne  de  séparation  entre  la  Virginie  et  la 
Caroline  du  Nord,  et  entre  le  Kentucky  et  le  Ten- 
nessee. 

L'administration  honnête  de  John  Quincy  Adams 
disparaît  entre  celle  de  Monroë  et  de  Jackson. 
Ce  dernier  (1S29-1837)  montra  une  grande  énergie 
et  prévint  les  tentatives  de  sécession  qui  se  mani- 
festaient déjà  dans  la  Caroline  du  Sud  à  propos  des 
tarifs  de  douane.  Le  vice-président  Calhoun  attacha 
son  nom  à  cette  doctrine,  que  tout  Etat  a  le  droit 
de  déterminer  jusqu'où  il  lui  convient  d'obéir  au 
pouvoir  fédéral.  Elle  fut  vigoureusement  combattue 
par  le  grand  orateur  du  Massachusetts,  Daniel 
Webster.  La  prolongation  des  privilèges  de  la  Ban- 
que nationale,  contre  laquelle  se  prononça  le  pré- 
sident, causa  aussi  une  crise  financière  des  plus 
graves.  L'Union  s'augmenta  de  deux  nouveaux 
Etats,  l'Arkansas  et  le  Michigan  (1836^. 

Du  président  Jackson  date  le  système  de  rotation 
d'après  lequel  à  chaque  élection  de  président  se 
renouvelle  entièrement  le  personnel  administratif. 

Les  trois  présidents  suivants  :  Van  Buren,Harrison 
et  Tyler,  passèrent  au  pouvoir  ''1837-1845)  sans  se 
signaler  par  des  actes  importants.  La  question 
financière  divisait  toujours  les  esprits.  Les  Mor- 
mons, qui  s'étaient  établis  d'abord  dans  le  Mis- 
souri, puis  dans  l'Illinois,  durent  s'enfuir  devant 
la  répulsion  que  soulevait  la  polygamie,  et  ils  pas- 
sèrent sur  les  bords  du  lac  Salé,  dans  l'Utah.  La 
Floride  et  l'Iowa  furent  admis  dans  1  Union  il845). 

James  Polk  fut  le  onzième  président.  L'Union 
s'augmenta  en  1846  du  Texas  et  du  Wisconsin. 
L'annexion  du  Texas  amena  une  guerre  contre  le 
Mexique,  guerre  qui  eut  pour  théà're  le  Mexique 
et  la  Californie.  Le  général  Scott  s'y  distingua  et 
entra  à  Mexico  le  14  septembre  1847.  La  paix  fut 
conclue  en  juillet  1848,  et  le  Rio  Grande  devint  la 
limite  entre  les  deux  puissances  :  l'Union  y  gagna 
le  Nouveau-Mexique  et  la  Californie,  qui  formèrent 
deux  nouveaux  Etats. 

Sous  la  présidence  du  général  Taylor  (1849-1850) 
une  grande  agitation  fut  causée  par  la  question  de- 


ÉTATS-UNIS 


—  726  — 


ÉTATS-UNIS 


l'esclavage,  à  propos  de  l'admission  de  la  Calirorme 
dans  l'Union.  Un  compromis,  inspiré  par  Henri 
Clay,  eut  lieu  entre  les  deux  partis  ;  mais  une  de 
ses  clauses  excita  bientôt  de  nouvelles  difficultés  : 
c'était  celle  qui  donnait  le  droit  d'arrêter  les  es- 
claves fugitifs  en  tout  Etat  et  de  les  livrer  à  leurs 
maîtres.  Plusieurs  fois  les  Etats  du  nord  refusè- 
rent de  s'y  conformer.  A  cette  époque  eut  lieu  une 
expédition  des  flibustiers  contre  Cuba,  et  le  Japon 
ouvrit  ses  ports  aux  navires  des  Etats-Unis.  Mort 
en  1850,  Taylor  fut  remplacé  par  le  vice-président 
Fillmore. 

L,a  présidence  du  général  Picrce  (1853-1857)  fut 
marquée  surtout  par  les  débats  auxquels  donna 
lieu  la  question  de  l'esclavage,  h  propos  de  la 
formation  de  deux  nouveaux  territoires,  le  Kan- 
sas  et  le  Nébraska.  Une  violente  contestation 
se  produisit  entre  les  États  du  sud  et  du  nord,  à 
propos  du  maintien  de  la  limite  septentrionale  des 
Etats  à  esclaves.  Sous  le  président  James  Bu- 
chanan,  deux  incidents  donnèrent  à  ce  différend  le 
caractère  le  plus  grave.  Dred  Scott,  esclave  fugitif 
arrêté  dans  le  Minnesota,  prétendait  être  libre,  mais 
la  Cour  suprême  admit  la  réclamation  de  son 
maître  et  décida  que  nul  esclave  ni  ses  descen- 
dants ne  pourraient  devenir  citoyens  des  États-Unis. 
John  Brown,  homme  libre  du  Kansas,  s'empara  de 
l'arsenal  de  Harper's  Ferry,  appelant  à  lui  les  esr 
claves.  Cette  tentative  échoua  ;  Brown  fut  pris  et 
exécuté  comme  traître  (1859). 

L'élection  présidentielle  de  1860  se  fit  donc 
sur  la  question  de  l'extension  de  l'esclavage. 
Abraham  Lincoln,  du  parti  anti-esclavagiste,  fut 
élu,  et  de  ce  moment  les  États  du  sud  résolu- 
rent leur  séparation.  Ils  étaient  au  nombre  de 
sept  :  la  Caroline  du  Sud,  le  Mississipi,  la  Floride, 
l'Alabama,  la  Géorgie,  la  Louisiane  et  le  Texas. 
Leurs  délégués,  réunis  à  Montgomery  dans  l'Ala- 
bama, proclamèrent  l'indépendance  des  Etats  con- 
fédérés d'Amérique,  avec  JefTerson  Davis  pour 
président.  Les  hostilités  commencèrent  parla  prise 
du  fort  Sumter  par  les  confédérés. 

Une  guerre  civile  de  quatre  années  couvrit  les 
États-Unis  de  ruines  et  de  sang.  La  Virginie,  la 
Caroline  du  Nord,  le  Tennessee  et  l'Arkansas  s'é- 
taient joints  à  la  confédération  du  Sud.  A  l'appel  de 
Lincoln,  convoquant  sous  les  armes  75000  hommes, 
300  000  volontaires  du  Nord  étaient  accourus.  Du 
côté  des  sécessionnistes  se  distinguèrent  les  géné- 
raux Evans,  Beauregard  et  Lee,  et  du  côté  des  fédé- 
raux Mac-Clellan, Butler,  Sherman,  Sheridan,  et  sur- 
tout Grant;  dans  la  marine,  le  capitaine  Senimes 
surVAlabamu  causa  de  grands  dommages  au  com- 
merce du  Nord,  mais  l'amiral  Ferragut  força  les 
passes  du  port  de  Mobile.  Lincoln,  réélu  en  18G4, 
continua  de  lutter  avec  une  confiance  inébranlable 
pour  le  maintien  de  l'Union,  et  il  venait  de  voir 
tomber  Richmond  aux  mains  de  Sheridan  et  de 
Grant,  quand  le  poignard  d'un  assassin  frappa  le 
second  fondateur  de  l'Union  (avril  18G5). 

Le  vice-président  André  Johnson  prit  alors  le 
pouvoir  exécutif.  Les  circonstances  étaient  des  plus 
difficiles  :  une  dette  de  3  milliards  de  dollars  avait 
été  contractée,  et  le  congrès  avait  déclare  qu'elle 
serait  intégralement  payée;  en  outre  il  fallait 
licencier  une  armée  nombreuse  et  opérer  la  re- 
constitution de  l'Union  en  réparant  peu  à  peu  dans 
le  Sud  les  ruines  de  la  guerre  civile.  André  John 
son  se  trouvait  peu  propre  à  cette  tâche.  Il  fut 
constamment  en  lutte  avec  le  congrès,  qui  le  mit 
en  accusation  ;  mais  la  majorité  des  deux  tiers  des 
voix  ne  put  être  réunie  contre  lui.  Sous  son  ad- 
ministration eurent  lieu  la  fin  de  l'expédition  des 
Français  au  Mexique,  l'acquisition  de  l'Alaska  ou 
Amérique  russe,  et  le  traité  de  commerce  avec  la 
Chine. 

Le  général  Grant  fut  élu  en  1868  comme  dix- 
huitième  président.  Alors  eurent  lieu  l'achèvemeat 


de  la  grande  ligne  de  chemin  de  fer  du  Pacifique 
qui  réunit  New- York  à  San-Francisco,  le  règlement 
de  l'indemnité  due  par  l'Angleterre  pour  les  dom- 
mages causés  par  VAlahama,  et  enfin  la  grande 
exposition  du  centenaire  de  l'Indépendance. 
Malheureusement  des  faits  de  corruption  se  révé- 
lèrent contre  des  membres  du  congrès  et  des  per- 
sonnes de  la  famille  du  président.  D'un  autre 
côté,  la  guerre  contre  les  Sioux  s'était  rallumée  et 
avait  donné  lieu  à  la  défaite  du  général  Custer. 

Les  républicains  ne  triomphèrent  que  difficile- 
ment dans  l'électian  du  président  Hayes  (1876). 
La  candidature  de  Garfield  (1880)  fut  une  candi- 
dature de  conciliation  :  mais  en  juillet  1881  le 
nouveau  président  tomba  victime  de  l'attentat  de 
Guiteau.  Il  a  été  remplacé  par  le  vice-président, 
M.  Arthur.  L'Union  avec  ses  38  Etats  et  ses  10  ter- 
ritoires compte  aujourd'hui  40  raillions  d'habi- 
tants. La  tâche  est  devenue  difficile  de  diriger 
cette  nation  composée  d'éléments  fort  disparates, 
mais  elle  n'est  pas  impossible  à  ceux  qui  sauront 
s'inspirer  des  grands  exemples  de  Washington  et 
de  Lincoln. 

Vil.  Littérature.  —  Ce  n'est  pas  lorsqu'une  so- 
ciété lutte  pour  se  constituer  un  territoire  et  se 
créer  des  moyens  d'existence  qu'elle  peut  produire 
une  littérature.  Elle  est  alors  toute  à  l'action  ;  les 
loisirs  lui  manquent  pour  donner  à  ses  pensées  une 
forme  réfléchie.  On  ne  saurait  donc  s'attendre  à 
trouver  une  littérature  aux  Etats-Unis  pendant  la 
période  de  la  colonisation.  Cependant  les  Filgrim 
Fathers,  dans  le  soin  qu'ils  apportaient  à  l'étude  de 
la  Bible,  avaient  un  puissant  moyen  de  culture  intel- 
lectuelle. Leurs  ministres  connaissaient  les  langues 
anciennes  et  tenaient  l'instruction  en  haute  estime. 
C'est  à  eux  que  l'on  doit  la  fondation,  en  1636, 
de  l'univcrsitij  de  Cambridge,  aux  portes  de  Bos- 
ton, appelée  Harvard  Collège^  du  nom  d'un  vé- 
nérable pasteur  qui  légua  à  l'établissement  sa 
bibliothèque  et  700  dollars.  Yale  Collège,  à  New- 
Haven  dans  le  Connecticut,  fut  créé  en  1702  dans 
de  semblables  conditions.  C'est  de  ces  deux  foyers 
que  la  vie  intellectuelle  s'est  répandue  dans  toute 
la  Nouvelle-Angleterre.  Une  imprimerie  fut  dès  le 
commencement  établie  à  Boston  :  on  y  imprima 
les  Psaumes  pour  le  culte,  et  une  traduction  de 
la  Bible  en  dialecte  indien  due  à  John  Eliot. 
Quelques  années  après,  le  savant  Cotton  Mather 
(1623-1728)  publia  sous  le  titre  de  Magnalia  Christi 
americana  une  histoire  des  établissements  des 
puritains,  et  dans  un  discours  éloquent  il  rendit 
hommage  à  la  mémoire  d'Ezekiel  Cheever,  le  pre- 
mier maître  de  latin  qu'eut  le  Nouveau-Monde. 
Dans  le  New -Jersey,  le  professeur  Jonathan 
Edwards  (1703-1738)  publia  un  livre  de  philoso- 
phie :  Recherches  sur  (a  liberté  de  la  volonté, 
qui  est  resté  très  estimé.  Les  quakers  ne  négli- 
geaient pas  non  plus  l'instruction  dans  la  fen- 
sylvanie,  et  au  mois  de  décembre  1683  on  si- 
gnale la  première  école  de  Philadelphie,  tenue  par 
Enoch  Flovver  dans  une  hutte  en  planches.  La 
charie  donnée  par  William  Penn,  en  1711,  organi- 
sait un  comité  de  surveillance  des  écoles  et  pro- 
clamait ce  principe  que  «  la  prospérité  et  le  bien- 
être  d'un  peuple  dépendent  dans  une  large  mesure 
de  la  bonne  éducation  de  la  jeunesse  », 

Quand  les  colonies  combattirent  pour  défendre 
leurs  droits  méconnus  et  conquérir  leur  indépea- 
dance,  des  hommes  éminents  soutinrent  cette  no 
ble  cause  par  leur  parole  et  par  leurs  écrits.  Ce 
fut  surtout  l'époque  des  publicistes  et  des  orateurs. 
Au  premier  rang  figure  Benjamin  Franklin,  né  à 
Boston  en  1706,  mort  à  Philadelphie  en  1790,  qui 
s'éleva  de  la  condition  la  plus  humble  à  une  grande 
renommée  politique  et  scientifique.  Ses  écrits, 
traduits  dans  toutes  les  langues,  sont  un  modèle 
exquis  de  simplicité  et  de  bon  sens.  Puis  vien- 
nent  deux  hommes  qui   travaillèrent  activement 


ETATS-UNIS 


—  727 


ETATS-UNIS 


à  l'organisation  de  la  république  américaine  : 
Thomas  Jefifcrson,  le  glorieux  rédacteur  de  la 
Déclaration  de  l'Indépendance,  et  Alexandre  Ha- 
milton  qui,  après  avoir  exposé  dans  le  Fédéra- 
liste les  principes  do  la  constitution,  organisa  sous 
Washington  les  finances  de  l'Union.  Patrick  Henry 
est  resté  célèbre  par  son  éloquence,  et  surtout  par 
le  discours  véhément  qu'il  prononça  contre  l'acte 
du  timbre  dans  le  congrès  colonial  de  1774. 

Les  lettres  de  George  Washington  et  celles  de 
mistress  John  Adams  présentent  le  plus  grand  in- 
térêt et  méritent  d'être  citées  comme  des  mo- 
dèles. 

Cette  époque  compta  aussi  un  poète,  Joseph 
Hopkinsonj  qui  composa  l'hymne  patriotique  Hail 
Columbia. 

La  société  américaine,  une  fois  constituée,  ne 
tarda  pas  à  produire  dans  tous  les  genres  des  écri- 
vains remarquables.  Si  leurs  écrits  révèlent  par- 
fois quelque  inexpérience  ou  une  imitation  trop 
marquée  des  littératures  européennes,  on  y  sent 
cependant  un  amour  viril  de  la  liberté,  un  géné- 
reux dévouement  à  toutes  les  grandes  causes. 

Toutefois  les  États-Unis  n'ont  pas  produit  de 
poètes  épiques  et  dramatiques.  Ils  concentrent  leur 
admiration  sur  le  Paradis  perdu  de  Milton  et  sur 
les  drames  de  Shakespeare.  Mais  ils  comptent 
beaucoup  d'imitateurs  de  Tope,  de  Thomson  ou  de 
Wordsworth. 

William  Cullen  Bryant  est  le  plus  célèbre,  et  il 
vient  de  mourir  à  un  âge  avancé  avec  le  titre  de 
poète  national.  Après  lui  viennent  Henr}'  Wads- 
worth  Longfellow,  qui  a  donné,  entre  autres 
poèmes  estimés,  Evangéline  et  une  traduction  de 
la  Diviîie  Comédie  du  Dante  ;  James  Russell 
Lowell,  John  G.  Whittier,  Xathaniel  P.  Willis, 
tous  originaires  de  la  Nouvelle-Angleterre  ;  enfin 
Edgar  Poe,  de  Baltimore,  et  les  sœurs  Alice  et 
Phcebé  Cary,  de  Cincinnati.  Dans  leurs  vers,  ils 
célèbrent  surtout  les  merveilles  de  la  nature  et 
la  puissance  du  Créateur. 

Dans  le  genre  fantaisiste  ou  humoristique,  on 
distingue  surtout  Bret  Harte  et  Joaquin  Miller  : 
ils  avaient  vécu  en  Californie  et  se  sont  plu  à 
peindre  les  aventures  de  la  vie  des  mineurs  et 
des  pionniers. 

Pour  les  ouvrages  en  prose,  deux  noms  populai- 
res se  présentent  tout  d'abord  :  Fenimore  Coopcr 
(1789-1851),  qui  s'est  placé  dans  le  roman  à  côté  de 
Walter  Scott,  et  dont  les  œuvres  ont  été  traduites 
en  français  :  le  Pilote,  la  Prairie,  le  Dernier  des 
Mohicajis  sont  ses  ouvrages  les  plus  connus  ;  puis 
M"'  Stowe  (Harriet  Beecher)  qui  a  produit  une  si 
grande  émotion  en  1852  par  la  publication  de  la 
Cabaîie  de  l'oncle  Tarn,  et  qui  a  donné  depuis 
d'autres  romans  estimés.  On  peut  citer  ensuite 
Edgar  Poe,  déjà  nommé,  plus  connu  comme  con- 
teur que  comme  poète  ;  et  Nathaniel  Hawthorne, 
esprit  fécond  et  aventureux  en  même  temps  qu'é- 
crivain élégant.  Enfin  au-dessous  de  ces  quatre 
écrivains  un  grand  nombre  d'essayistes  ou  de  con- 
teurs :  Bayard  Taylor,  mistress  Le  Vert,  miss 
A.  Wetherell,  auteur  du  l'aste  Mo?ide,  miss  Louise 
Elcott,  Edward  Haie,  Trowbridge,  etc. 

Le  genre  historique  a  beaucoup  attiré  les  hom- 
mes de  lettres  d'Amérique.  Outre  le  désir  qu'ils 
avaient  de  célébrer  leurs  grands  hommes,  ils  vou- 
laient pénétrer  les  secrets  de  la  politique  euro- 
péenne et  prémunir  leurs  compatriotes  contre  les 
fautes  des  monarchies.  Washington  Irving  .(1783- 
1859J  a  acquis  une  grande  popularité  par  sa  Vie  de 
Washington  et  l'Histoire  de  New- Y  rk.  Le  Massa- 
chusetts a  produit  comme  une  pléiade  d'historiens 
qui  devinrent  ministres  des  Etats-Unis  auprès  des 
diverses  puissances  de  l'Europe  :  George  Bancroft, 
Lothrop  Motley,  William  Prescott,  enfin  George 
Ticknor.  Leur  talent  d'écrivain  s'est  développé  et 
s'est  surtout   poli  dans  le  contact  avec  les  lettres 


européens    et   ils  ont    contribué  à  faire    appeler 
Boston  l'Athènes  du  Nouveau-Monde. 

La  discussion  des  intérêts  publics  ne  pouvait 
manquer  de  susciter  des  orateurs  éminents.  Ce 
n'était  pas  seulement  dans  le  Congrès  qu'ils  se 
faisaient  entendre  ;  ils  parlaient  souvent  dans  les 
grandes  assemblées  populaires,  et  c  est  là  surtout 
f[u'ils  montraient  leur  éloquence.  Le  Massachusetts 
est  la  terre  classique  des  orateurs  comme  des  his- 
toriens. Il  a  produit  successivement  :  Wendell 
Philipps,  qui  fut  en  1836  un  des  grands  promo- 
teurs de  l'agitation  contre  l'esclavage  ;  Daniel 
Webster,  l'éloquent  adversaire  de  la  doctrine  sépa- 
ratiste de  Calhoun,  et  l'orateur  du  centenaire  de  la 
naissance  de  Washington  ;  Alexandre  et  Edouard 
Everett,  amis  d'Horace  Mann  et  propagateurs  de 
l'instruction  populaire  ;  enfin  Charles  Sumner,  qui 
est  mort  récemment  honoré  de  tous  les  partis. 

L'éloquence  du  barreau  compte  aussi  en  Amé- 
rique des  noms  illustres  ;  trois  sont  ceux  d'hom- 
mes nés  dans  la  condition  la  plus  humble  :  William 
Wirt,  du  Maryland,  qui  fut  attorney-général  ; 
Henry  Clay,  de  la  'Virginie,  élu  cinq  fois  président 
du  Congrès  ;  enfin  le  grand  Abraham  Lincoln,  de 
l'Illinois,  le  plus  illustre  de  tous. 

Le  journalisme  tient  de  près  au  barreau.  Le 
plus  distingué  des  publicistes  américains  est 
Horace  Greeley,  fils  d'un  pauvre  fermier  du  New- 
Hampshire,  qui  se  fit  par  son  travail  un  nom  dans 
les  lettres  et  fonda  un  grand  journal  de  New-York, 
la  Tribune.  Il  fut  le  concurrent  du  général  Grant 
à  l'élection  présidentielle  de  1872. 

On  sait  combien  sont  nombreuses  en  Amérique 
les  diverses  communions  religieuses.  Il  est  donc 
fort  difficile  à  un  prédicateur,  si  distingué  qu'il  soit, 
de  se  l'aire  un  grand  nom  en  dehors  de  son  église. 
Cependant  trois  pasteurs  unitariens  de  Boston  ont 
acquis  une  réelle  célébrité  tant  par  leur  caractère 
que  par  leur  éloquence;  ce  sont  Channing  (1780- 
1842),  Théodore  Parker  (ISIO-ISGÛ)  et  Emerson  , 
ce  dernier,  retiré  aujourd'hui  à  Concord,  a  aban- 
donné la  prédication  pour  s'occuper  de  philosophie  ' 
et  de  littérature. 

La  chaire  catholique  a  eu,  dans  Mgr  Hughes, 
archevêque  de  New- York,  mort  en  1804,  un  contro- 
versiste  remarquable.  Mais  le  plus  célèbre  prédi- 
cateur des  États-Unis  est  actuellement  Henry  Ward 
Beecher,  recteur  de  Plymouth-Church,  à  Brooklyn, 
frère  de  M'"'^  Beecher  Stowe.  Sa  réputation  égale 
en  Amérique  celle  du  P.  Lacordaire  en  France. 

L'enseignement  a  toujours  compté  aux  États- 
Unis  des  hommes  distingués.  L'Université  d'Har- 
vard revendique  comme  sien  le  grand  professeur 
Louis  Agassiz,  mais  il  lui  a  été  donné  par  la 
Suisse  romande.  A  côté  de  cet  esprit  éminent, 
la  science  américaine  peut  justement  placer  le 
professeur  Mitchell,  fondateur  de  l'observatoire 
de  Cincinnati  ;  le  commandant  Maury,  célèbre  par 
ses  travaux  d'hydrographie  ;  James  Dwigh  Dana, 
un  grand  géologue;  Asa  Gray,  un  savant  bota- 
niste :  tous  ont  écrit  des  ouvrages  estimés.  Dans 
les  lettres,  on  trouve  Lindley  Murray,  auteur 
d'une  grammaire  très  suivie;  Noah  Webster,  dont 
le  dictionnaire  se  trouve  partout,  sous  tous  les 
formats  ;  Joseph  Addison  Alexander,  du  séminaire 
de  Princeton,  qui  connaissait  jusqu'à  vingt-cinci 
langues  ;  White,  le  savant  éditeur  des  œuvres  de 
Shakespeare  ;  Whitney,  professeur  de  sanscrit  à 
Yale-College  ;  Francis  March,  dont  les  travaux  sur 
l'anglo-saxon  sont  fort  estimés,  etc. 

A  côté  de  ces  savants,  nous  devons  placer  une 
pléiade  d'esprits  élevés,  de  nobles  cœurs  qui  tra- 
vaillent à  l'instruction  populaire.  Depuis  le  mou- 
vement suscité  par  Horace  Mann,  en  1837,  les 
États-Unis  ont  toujours  compté  des  propagateurs 
dévoués  des  common  schools.  Il  suffira  de  citer 
d'abord  Henrj'  Barnard,  le  grand  éditeur  en  Amé- 
rique de  tous   les   ouvrages  de   pédagogie  ;  John 


ETHNOGRAPHIE 


—  728  — 


ÉTOILES 


Eaton,  l'habile  directeur  du  Bureau  d'éducation  de 
Washington  :  les  professeurs  Phelps,  Wickersham, 
Calkins,  Monroë,  Swinton,  Sholdon,  qui,  par  leurs 
ouvrages,  répandent  les  meilleures  mélhodes  d'en- 
seignement ;  enfin  des  surintendants  comme 
B131.  Philbrick,  de  Boston;  Kiddie,  de  New-York  ; 
Harris,  de  Saint-Louis  ;  Rickoff.  de  Cleveland,  etc., 
dont  les  rapports  annuels  sont  autant  de  plai- 
doyers en  faveur  de  l'éducation  populaire,  ré- 
pandus à  des  milliers  d'exemplaires. 

Au  delà  de  l'Atlantique,  la  poursuite  des  pro- 
grès matériels  est  énergique,  fiévreuse;  néanmoins 
la  vie  intellectuelle  et  morale  s'y  développe,  et  l'on 
ne  saurait  désespérer  de  l'avenir  d'un  pays  qui 
s'avance  vers  ses  destinées  avec  cette  noble  devise  : 
Dieu  et  liberté.  [B.  Berger.] 

ETUAOGRAPHIE,  ETIINOLOGIi:.  —  On  con- 
fond souvent  ces  deux  termes,  qui  représentent 
chacun  une  des  parties  de  l'étude  des  peuples. 
M.  Littré  dit  :  «  L'ethnographie  est  la  science  qui 
a  pour  objet  l'étude  et  la  description  des  divers 
peuples.  L'ethnologie  traite  de  l'origine  et  de  la 
description  des  peuples.  »  En  fait,  ces  deux  sciences 
ne  sont  elles-mêmes  que  des  branches  de  l'an- 
thropologie, et  l'ethnographie  n'est  que  le  complé- 
ment de  l'ethnologie.  Tandis  que  cette  dernière 
envisage  les  peuples  dans  leurs  généralités,  étudie 
leur  groupement,  leur  formation  sociale,  leurs 
idées  philosophiques  ou  religieuses,  l'ethnographie 
s'occupe  spécialement  des  détails  :  elle  examine  la 
tribu,  elle  étudie  les  mœurs,  les  coutumes,  les 
rites,  les  costumes,  le  gouvernement,  la  langue. 

Dictée  ethiioloi/ique,  —  «  Le  type  sémite  est 
l'un  des  plus  répandus,  à  l'état  d'infiltration  en 
quelque  sorte.  Les  anciens  Assyriens,  Syriens, 
Phéniciens  et  Carthaginois,  et  les  modernes  Arabes 
et  Juifs,  sont  rangés  sous  ce  chef.  Une  langue  po- 
lysyllabique, à  flexion,  mais  sans  relation  de  vo- 
cabulaire ni  de  grammaire  avec  les  langues  aryen- 
nes, en  forme  le  principal  lien  ethnique.  Rawlinson 
décrit  en  ces  termes  le  type  représenté  sur  les 
monuments  assjTiens  :  «  Le  front  droit,  mais  pas 
élevé,  le  sourcil  plein,  l'œil  grand  et  en  forme 
d'amande,  le  nez  aquilin,  un  peu  gros  du  bout  'et 
trop  réprimé,  la  bouche  ferme  et  forte  avec  des 
lèvres  assez  épaisses,  le  menton  bien  formé,  la 
chevelure  abondante  et  la  barbe  fournie,  l'une  et 
l'autre  noires,  tout  cela  rappelle  les  traits  princi- 
paux des  Juifs,  plus  particulièrement  de  ceux  des 
contrées  méridionales.  »  Les  traits  moraux  du 
Sémite  sont  également  caractéristiques  :  une  acti- 
vité dévorante  sur  mer  chez  les  Phéniciens,  sur 
terre  chez  les  Israélites  ;  l'amour  du  gain,  qui  en- 
gendre leur  esprit  commercial;  une  vie  nomade 
(interrompue  chez  les  Hébreux,  de  la  prise  de  Jé- 
richo à  la  destruction  de  Jérusalem),  et  qui  se 
perpétue  encore  avec  les  modifications  introduites 
par  la  vie  sociale;  l'égoisme  de  secte,  l'attachement 
à  leurs  institutions  séculaires,  le  besoin  d'un  Dieu 
propre,  national,  exclusif.  »  (P.  Topinard,  VAnlhro- 
polofjie). 

Dictée  etlmographique.  —  «  Le  nom  de  Banjari  ou 
Lombadi  est  appliqué  dans  toute  l'Inde  à  une  tribu 
ou  pour  mieux  dire  à  un  peuple  dont  la  seule  oc- 
cupation consiste  à  transporter  d'un  point  à  un 
autre,  au  moyen  de  bœufs,  des  approvisionnements 
de  grains  soit  pour  leur  compte,  soit  pour  celui 
des  gouvernements  ou  des  particuliers.  Ces  Ban- 
jaris  alimentent  ainsi  toutes  les  provinces  de  la 
péninsule.  Ils  exercent  depuis  un  temps  immémo- 
rial ce  commerce  et  sont  revêtus  par  la  tradition 
d'un  caractère  presque  sacré  ;  ce  sont  eux,  en  effet, 
qui  accourent  à  l'aide  d'un  pays  frappé  de  disette, 
et  leurs  immenses  caravanes  apportent  partout 
l'abondance.  En  temps  de  guerre,  ils  occupent  une 
position  que  je  ne  pourrais  mieux  comparer  qu'à 
celle  conférée  aux  ambulances  par  la  convention 
de  Genève.  Leurs  convois  circulent  à  travers  les 


j  années  belligérantes  sans  avoir  à  craindre  aucune- 
I  attaque  et  sans  que  l'on  cherche  à  les  détourner 
de  leur  destination.  Le  parti  qui  les  attaquerait 
se  verrait  bientôt  abandonné  à  lui-même,  sans 
espoir  de  se  ravitailler.  Ces  Indiens  sont  absolu- 
ment nomades  et  ne  se  fixent  jamais  dans  les- 
villes  ;  l'été,  ils  campent  sous  des  tentes  ;  l'hiver, 
dans  des  huttes  de  branchages. 

«  Les  Banjaris  sont  une  superbe  race  d'hommps. 
Leurs  traits  bien  dessinés  et  fins,  leur  nez  aquilin, 
leurs  cheveux  longs  et  bouclés  leur  donnent  une 
ressemblance  frappante  avec  les  Bohémiens  ou  Tsi- 
ganes dont  ils  représentent  probablement  le  tronc 
primitif.  Grands,  bien  faits,  doués  d'une  force 
musculaire  remarquable,  ils  sont  courageux,  fiers^ 
et  mènent  une  existence  laborieuse  et  rarement 
exempte  de  danger.  Leur  costume  est  celui  des 
chameliers  rajpouts  :  la  longue  tunique  et  le 
turban  tressé.  Leurs  armes  sont  la  lance,  le  tarwar, 
le  bouclier,  quelquefois  le  matchlock,  et  souvent 
aussi  la  rondache,  la  masse  et  la  grande  épée  à- 
deux  mains  accrochée  en  sautoir.  Ils  ont  le  mono- 
pole d'une  belle  race  de  chiens,  grands  lévriers 
poilus,  avec  lesquels  ils  chassent  le  sanglier,  le 
loup  et  même  le  tigre. 

a  Les  femmes  Banjaris,  quelquefois  très  belles, 
sont  toujours  remarquables  par  leur  haute  stature 
et  leurs  admirables  proportions.  Leur  allure 
est  généralement  un  mélange  de  grâce  et  de 
fierté  inimitable.  Elles  sont  vêtues  d'un  corsage  qui 
couvre  tout  le  buste  en  en  dessinant  nettement  les 
formes,  et  d'un  large  jupon  plissé  tombant  à  mi- 
jambe  ;  une  large  draperie  recouvre  la  tête  et  enve- 
loppe tout  le  corps.  Chaque  femme  porte  sur  elle 
les  épargnes  de  son  mari  sous  forme  de  bijoux 
d'or  et  d'argent,  tels  que  pendants  d'oreilles  et  de 
nez,  bagues  et  chaînes  de  coiffure  ;  autour  de  son 
cou  s'enroulent  de  nombreux  colliers  de  coquil- 
lages ;  ses  bras,  du  poignet  au  coude,  sont  cachés- 
par  de  larges  cercles  d'ivoire  teint  en  rose  ou  en 
bleu  ;  enfin  ses  chevilles  supportent  de  lourds  an- 
neaux de  métal  ornés  d'une  infinité  de  grelots. 
L'existence  de  la  femme  Banjari  est  encore  plus 
pénible  que  celle  de  l'homme  ;  c'est  elle  qui  guide 
les  bœufs,  leur  donne  la  provende,  trait  les  va- 
ches et  fait  la  cuisine  de  la  famille. 

a  II  est  peu  de  spectacles  aussi  pittoresques  que 
celui  de  ces  caravanes  en  marche,  avec  leurs 
milliers  de  bœufs  escortés  par  ces  hommes  à  l'al- 
lure guerrière,  et  ces  femmes  étrangement  parées. 
Toute  la  famille  est  là  :  le  nourrisson  pendu  au  cou 
de  sa  mère,  les  jeunes  enfants  juchés  sur  les  va- 
ches laitières,  qui  portent  en  outre  les  ustensiles 
déménage;  au  vieillard,  membre  du  conseil,  est 
réservé  l'honneur  de  monter  quelque  maigre  poney 
de  petite  taille.  Les  bœufs  n'ont  ni  selle  ni  licou  ; 
leur  chargement,  placé  dans  un  double  sac,  est 
simplement  jeté  en  équilibre  sur  le  dos.  Quelques- 
uns  portent  des  glands  rouges  et  des  cloches  de 
bronze  pour  écarter  les  bêtes  féroces.  En  tête  de 
la  troupe  marche  un  magnifique  taureau,  couvert 
de  draperies  éclatantes,  de  sonnettes  et  d'orne- 
ments en  cauris  :  c'est  le  bœuf  Hattadéo,  le  dieu- 
des  Banjaris.  C'est  lui  qui  dirige  la  marche  de  la 
caravane  ;  le  lieu  où  il  s'arrête  sera  celui  du  cam- 
pement. C'est  à  ses  pieds  que  l'on  apporte  les  ma- 
lades, que  les  femmes  répandent  les  offrandes  de 
lait  pour  détourner  des  leurs  ou  de  leur  troupeau 
la  peste  et  les  maladies,  et  que  se  célèbrent  les 
unions  ;  à  cela  se  borne  le  système  religieux  des 
Banjaris.  Ils  enterrent  les  corps  de  ceux  d'entre 
eux  qui  meurent  avant  le  mariage  et  brûlent  les 
cadavres  des  gens  mariés.  »  (L'hulf  des  Rajah-). 
[Louis  Rousscieî.] 
ÉTOILES.  —  Cosmographie,  V  et  VI.  —  1.  Fixité 
ylafiiie,  ciassificatioii,  nombre  des  étoiles.  —  On 
donne,  en  astronomie,  le  nom  d'étoiles  à  cette  mul- 
titude de  points  lumineux,   de  dimensions  appa- 


ETOILES 


—  729  — 


ETOILES 


rentes  insensibles,  qui  sont  disséminés  dans  la 
voûte  céleste,  et  dont  le  caractère  distinctif  est  de 
conserver  pendant  un  long  intervalle  de  temps 
les  mêmes  positions,  les  mêmes  distances  rela- 
tives. 

C'est  à  cette  invariabilité,  qui  du  reste  n'est 
point  absolue,  que  les  étoiles  ont  dû  l'ancienne  dé- 
nomination d'étoiles  fixes  ou  simplement  de  fixes, 
par  opposition  aux  étoiles  errantes  ou  plmètes.  Le 
déplacement  de  celles-ci  sur  la  voûte  céleste  est 
sensible  dans  l'intervalle  de  quelques  nuits  ou 
même  dans  une  seule  nuit.  La  lune,  le  soleil,  les 
comètes  subissent  de  pareils  déplacements  dus, 
comme  les  mouvements  des  planètes,  à  la  com- 
binaison de  leurs  mouvements  propres  avec  le 
mouvement  de  translation  de  la  terre. 

La  raison  de  cette  dilTérence  entre  les  étoiles  et 
les  planètes  est  l'immensité  de  la  distance  qui  sé- 
pare les  étoiles  de  la  terre  et  de  tout  le  système 
du  monde  solaire.  Cette  distance  est  infinie  pour 
ainsi  dire  en  comparaison  de  celles  des  planètes  et 
du  soleil  à  la  terre.  Il  est  bon  de  faire  observer 
que  ce  caractère  de  fixité  des  étoiles  a  eu  et  a  en- 
core une  haute  importance  en  astronomie  ;  pour 
les  anciens  comme  pour  les  modernes,  les  étoiles 
ont  servi  et  servent  encore  de  points  de  repère 
pour  la  mesure  précise  des  mouvements  plané- 
taires. ^ 

Tout  "le  monde  peut  constater  que  les  étoiles 
sont  très  inégales  en  éclat  lumineux  ;  et,  pour  les 
distinguer  aisément  les  unes  des  autres,  on  les 
classe  en  ordres  ou  grandeurs,  qui  vont  en  dé- 
croissant de  la  1"  à  la  G°  ou  '",  pour  les  étoiles 
visibles  à  l'œil  nu.  Comme  le  télescope  fait  dé- 
couvrir, dans  le  ciel,  un  nombre  considérable  d'é- 
toiles encore  plus  petites,  les  astronomes  ont  con- 
tinué, pour  ces  étoiles  télescopiques,  le  même 
mode  de  classification,  dont  retendue  varie  avec 
la  puissance  des  instruments.  On  enregistre  dans 
les  catalogues  jusqu'aux  étoiles  de  IH*  à  14=  gran- 
deur :  on  est  même  parvenu  à  distinguer  des 
étoiles  dont  le  rang,  à  cette  échelle,  est  le  20*. 

Le  nombre  des  étoiles  visibles  à  l'œil  nu,  dans 
le  ciel  entier,  est  beaucoup  moindre  qu'on  ne  se 
l'imagine  communément.  En  se  basant  sur  les  ca- 
talogues d'Argelander  et  de  Heis  pour  le  ciel  boréal, 
et  du  docteur  Gould  pour  l'hémisphère  austral,  on 
arrive  à  un  total  de  8  000  à  10  000  étoiles  (le  maxi- 
mum dépend  de  la  vue  plus  ou  moins  perçante  des 
observateurs). 

Quant  au  nombre  total  des  étoiles  visibles  dans 
les  télescopes,  il  se  chiffre  par  millions  ;  il  va 
d'ailleurs  en  croissant  à  mesure  qu'on  descend 
l'échelle  des  grandeurs  :  Argelander  évalue  à 
13  000  celui  des  étoiles  de  7'  grandeur,  à  40  000 
celles  de  la  8*  grandeur,  à  142  000  celles  d  >  la  9=. 
Siruve  porte  à  20  millions  le  nombre  total  des 
étoiles  visibles  dans  le  télescope  de  20  pieds  de 
sir  W.  Herschel.  Un  astronome  français,  M.  Cha- 
cornac,  évaluait  enfin  ù  77  millions  le  nombre  des 
étoiles  des  1:$  premières  grandeurs. 

2.  Constellations.  —  La  fixité  apparente  des 
étoiles  est  cause  que  les  groupes  formés  par 
les  étoiles  voisines  les  plus  brillantes  conservent 
pendant  des  siècles  une  configuration  invariable. 
Depuis  la  plus  haute  antiquité,  ces  groupes 
arbitraires  ont  reçu  des  dénominations  parti- 
culières ;  ce  sont  les  constellations  de  la  voûte 
céleste,  dont  l'usage  s'est  conservé  jusqu'à 
nos  jours  parce  qu'il  est  commode  pour  indiquer 
la  région  du  ciel  où  se  trouve  tel  ou  tel  astre 
donné. 

Ce  n'est  pas  le  lieu  de  faire  l'énumératlon 
complète  des  117  constellations  aujourd'hui  re- 
connues et  qu'on  trouve  tracées  sur  les  cartes  ou 
sur  les  globes  célestes.  48  de  ces  groupes  appar- 
tiennent exclusivement  à  l'hémisphère  boréal, 
54  à  l'hémisphère  austral    et  15  sont  situées  à  la 


fos  sur  les  deux  hémisphères.  On  en  trouvera  la 
liste  dans  tous  les  traites  de  cosmograpnie. 

C'est  une  première  étude  qui  captive  assez  ai- 
sément les  enfants  que  celle  qui  consiste  à  re- 
connaître, dans  le  ciel,  les  constellations  les  plus 
importantes  :  la  petite  et  la  grnncte  Ourse  formant 
chacune,  par  leurs  sept  étoiles  principales,  une 
figure  semblable  :  la  Polaire  sera  surtout  à  noter, 
comme  le  pivot  autour  duquel  tourne  le  ciel 
entier,  et  comme  le  point  d'où  l'on  peut  partir 
pour  retrouver,  par  des  alignements  aisés  à  retenir, 
les  étoiles  des  constellations  circumpolaires  et 
successivement  celles  de  la  zone  équatoriale  visi- 
bles sur  l'horizon  du  lieu,  la  Chèvre  dans  le  Go- 
cher,  le  Bouvier  et  Arcturus,  le  Cygne,  la  Lyre,. 
Pégase,  Andromède,  Persée.  En  variant  la  saison 
ou  l'heure,  on  verra  défiler  ainsi  toutes  les  étoiles- 
du  ciel,  le  Lion,  le  Petit  et  le  Grand  Chien,  Orion, 
le  Taureau.  Dès  que  les  principales  étoiles  de 
première  et  de  seconde  grandeur  seront  ainsi  re- 
connues dans  leur  situation  relative,  cela  suffira 
pour  retrouver  tous  les  autres  détails  que  la  mé- 
moiic  aurait  de  la  peine  îi  retenir;  une  petite  carte 
du  ciel  aidera  à  ces  recherches,  ou  encore  un  globe 
céleste. 

3.  Mouvement  diurne;  coordonnées  des  étoiles. 
—  Par  le  fait  de  la  rotation  du  globe  terrestre  sur 
son  axe,  d'occident  en  orient,  toutes  les  étoiles 
semblent  entraînées  dans  un  mouvement  commun, 
uniforme,  de  sens  contraire  au  premier,  c'est-à- 
dire  d'orient  en  occident.  Chaque  étoile  décrit 
en  24  heures  sidérales,  ou  ce  qui  revient  au 
même,  en  l'3  heures  ôG  minutes  de  temps  moyen, 
un  cercle  autour  de  deux  points  du  ciel  qui  pa- 
raissent immobiles,  les  pôles.  Plus  l'étoile  consi- 
dérée est  éloignée  du  pôle  de  son  hémisphère, 
plus  le  cercle  qu'elle  décrit  est  grand  ;  le  cercle 
maximum  est  celui  que  décrivent  les  étoiles  si- 
tuées à  égale  disiunce  des  deux  pôles,  c'est-à- 
dire  sur  l'équateur  céleste. 

Pour  un  même  lieu,  dont  la  latitude  n'est 
ni  11°  ni  90°,  le  ciel  se  divise  en  trois  zones,  l'une 
comprenant  les  étoiles  qui  restent  toujours  sur 
l'horizon,  ne  se  levant  ni  ne  se  couchant  jamais  : 
c'est  la  zone  circumpolaire  boréale,  dans  l'hémi- 
splière  nord  ;  la  seconde  zone,  séparée  de  la  pre- 
mière par  le  cercle  de  perpétuelle  apparition, 
comprend  les  étoiles  qui  coupent  l'horizon  dans 
leur  mouvement  diurne,  c'est-à-dire  se  lèvent  et 
se  couchent;  la  troisième  zone  renferme  les  étoi- 
les qui  ne  se  montrent  jamais  au-dessus  de  l'horizon 
du  lieu  :  c'est  la  zone  circumpolaire  australe,  pour 
l'hémisphère  nord. 

Cette  description  sommaire  du  '  mouvement 
diurne  pourra  être  présentée  aux  élèves  d'une  fa- 
çon très  précise,  et  le  maître  insistera  sur  le  pas- 
sage au  méridien  qui  partage  en  intervalles  égaux 
le  temps  que  met  une  étoile  à  parcourir  l'arc  de 
sa  trajectoire  compris  entre  son  lever  et  son  cou- 
cher :  pour  les  étoiles  circumpolaires,  il  y  a  deux 
passages  au  méridien,  l'un  supérieur  et  l'autre 
inférieur. 

La  position  d'une  étoile  quelconque  se  définit 
par  deux  coordonnées  :  l'une,  la  déclinaison,  est 
l'arc  do  grand  cercle  mesurant  sa  distance  à  l'é- 
quateur céleste  ;  l'autre,  Vascoision  droite,  est 
l'angle  formé  par  le  cercle  de  déclinaison  ou  le 
cercle  horaire  de  l'étoile  et  un  cercle  horaire  qui 
passe  par  le  point  équinoxial  du  printemps,  ou 
point  vernal.  Le  cercle  horaire  d'une  étoile  passe 
par  l'étoile  et  par  les  pôles  célestes  ou  l'axe  du 
monde.  En  un  jour  sidéral,  le  mouvement  diurne 
li.i  fat  faire  une  révolution  entière,  ou  300",  de 
sorte  qu'en  une  heure  sidérale,  il  parcourt  15°.  Les 
passages  successifs  des  divers  cercles  horaires  par 
le  plan  du  méridien  s'-efïeciuent  à  des  heures  d  1- 
férentes,  et  si,  pour  compter  ces  heures,  on  se 
sert  d'une  pendule  réglée  sur  le  passage  du  point 


ÉTOILES  —  730  — 

vernal  au  méridien,  l'heure  du  passage  d'une  étoile 
convertie  en  degrés,  minutes  et  secondes  d'arc, 
donnera  précisément  l'ascension  droite  de  cette 
étoile.  On  comprend  donc  l.i  raison  de  la  dénomi- 
nation de  cercle  liorab'c,  appliqué  au  cercle  «  n 
question.  On  fera  aisément  comprendre  ces  notions 
aux  élèves,  si  l'on  possède  un  globe  céleste,  ou  si 
l'un  fait  saisir  l'analogie  complète  qui  existe  entre 
les  pôles,  l'équateur,  les  cercles  horaires  et  les  pa- 
rallèles célestes,  et  les  pôles,  l'équateur,  les  méri- 
diens et  les  parallèles  géographiques.  La  déclinai- 
son coirespond  alors  à  la  latitude  terrestre,  et 
l'ascension  droite  à  la  longitude. 

Les  astronomes  rapportent  aussi  les  positions 
des  étoiles  à  l'écliptique  et  aux  pôles  de  l'éclipti- 
que  :  les  coordonnées  qui  y  correspondent  sont, 
dans  ce  cas,  la  longitule  et  la  latitude  célestes, 
qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  la  déclinaison  et 
l'ascension  droite. 

4.  Parallaxes  et  distances  des  étoiles.  —  Les 
étoiles,  on  l'a  vu  plus  haut,  sont  situées  à  des  dis- 
tances de  la  terre  immensément  grandes,  si  con- 
sidérables même  que  la  plupart  peuvent  être  con- 
sidérées comme  infinies. 

On  est  parvenu,  toutefois,  à  en  mesurer  ap- 
proximativement un  certain  nombre.  Nous  les  rap- 
portons dans  un  tableau  qu'on  trouvera  plus  loin, 
mais  auparavant  il  nous  paraît  très  utile  de  faire 
voir  comment  il  est  possible  à  l'instituteur  de 
donner  une  idée  nette  de  la  façon  dont  on  peut 
mesurer  de  telles  distances. 

Quand  nous  examinons  un  objet  éloigné,  puis 
que  nous  nous  déplaçons  d'une  quantité  suffisante 
relativement  à  sa  distance,  nous  observons  qu'il 
semble  se  déplacer  lui-même:  il  va  vers  la  gau- 
che, si  nous  nous  portons  à  droite  ;  vers  la  droite, 
si  nous  nous  portons  à  gauche;  il  semble  monter 
si  nous  nous  approchons  de  lui,  descendre  vers 
l'horizon,  si  nous  nous  éloignons.  Tout  cela  revient 
à  dire  que  le  raj'on  visuel,  qui  marque  la  direc- 
tion de  l'objet  par  rapport  h  nous,  change  de  place 
avec  nous.  L'angle  d'une  direction  avec  la  direction 
suivante  est  ce  qu'on  nomme  une  parallaxe. 
La  parallaxe  d'un  objet  éloigné  dépend  évidem- 
ment et  de  sa  distance  à  nous  et  de  la  grandeur  de 
notre  déplacement  en  comparaison  de  cette  dis- 
tance ;  or  la  géométrie  permet  de  calculer  la  dis- 
tance d'après  le  déplacement  et  d'après  la  pa- 
rallaxe. 

Sur  le  globe,  nous  pouvons  nous  déplacer  de 
manière  à  mettre  entre  deux  observateurs  une 
distance  qui  ne  peut  jamais  dépasser,  en  ligne 
droite,  le  diamètre  même  de  la  Terre,  mais  qui  est 
suffisante  pour  mesurer  la  parallaxe  de  la  Lune, 
l'astre  leplusvoisin  do  nous.  On  est  parvenu  ainsi  à 
calculer  les  parallaxes  des  planètes  et  celle  du 
Soleil,  avec  de  grandes  difficultés,  il  est  vrai,  parce 
que  les  distances  du  Soleil  et  des  planètes  sont 
déjà  si  considérables  que  leur  parallaxe  est  d'une 
extrême  petitesse. 

En  appliquant  aux  étoiles  la  même  méthode,  on 
ne  peut  trouver  aucune  parallaxe  sensible.  La  base 
dont  il  vient  d'être  question  est  tout  à  f.iit  insuf- 
fisante ;  en  un  mot,  les  dimensions  du  globe  ter- 
restre sont  des  quantités  trop  petites  pour  qu'on 
puisse,  par  des  déplacements  à  sa  surface,  consta- 
ter aucun  changement  apparent  dans  les  positions 
Telativcs  des  étoiles. 

Heureusement,  la  Terre  se  meut  autour  du 
Soleil,  et  nous  avec  elle,  de  sorte  qu'en  six  mois 
nous  nous  éloignons  de  manière  à  mettre  entre 
nos  deux  positions  extrêmes  une  distance  de  près 
de  300  millions  de  kilomètres.  Telle  est  la  base 
à  l'aide  de  laquelle  les  astronomes  ont  essayé  de 
mesurer  les  distances  des  étoiles.  Même  avec  un 
tel  déplacement,  le  plus  grand  nombre  des  étoiles 
n'ont  pas  donne  de  parallaxe  sensible.  Leurs  dis- 
tances sont  donc  le  plus  souve  it  comme  infinies 


en  rayons  de 

en  années 

'orbite  terrestre. 

de  la  lumière. 

226  000 

3  ans  5 

551  000 

8  —  7 

8io  fiOO 

12  —  8 

1  33  ■  000 

21  —  0 

i  375  000 

21  —  3 

1  55"  000 

24  —  4 

1  628  000 

25  —  3 

i  950  COO 

30  —  6 

4  300  000 

70  —  3 

ETOILES 


en  comparaison  de  cette  distance  énorme  de  .300 
millions  de  kilomètres. 

Cependant  on  a  réussi  pour  quelques-unes,  et 
l'on  a  trouvé  que  la  plus  rapprochée  était  à  une 
distance  au  moins  égale  à  200  OOO  fois  la  distance 
du  Soleil  à  la  Terre,  ou  à  200  000  fis  148  raillions 
de  kilomètres.  L'étoile  en  question  est  l'étoile  dési- 
gnée par  la  lettre  grecque  a  (alpha)  dans  la  con- 
stellation australe  du  Centaure. 

Donnons  maintenant  quelques  distances  calculées 
et  évaluées,  soit  en  rayons  de  l'orbite  de  la  Terre, 
soit  en  années  de  la  lumière,  c'est-k-dire  d'après 
le  temps  que  met  la  lumière  à  venir  de  ces  étoiles 
jusqu'à  nous,  avec  la  vitesse  de  300  000  kilomètres 
par  seconde  : 

DISTASCES 


a  Centaure 

61e  Cygne 

d  Dragon 

a  Lyre 

Sirius 

i  Grande  Ourse. 

Arcturus 

Polaire 

Chèvre 


Il  ne  faut  pas  oublier  que  ces  étoiles  sont  cer- 
tainement parmi  les  plus  rapprochées.  Les  plus 
petites,  celles  que  les  télescopes  les  plus  puissants 
parviennent  seuls  à  discerner  dans  les  profondeurs 
du  ciel,  sont  à  des  distances  incomparablement 
plus  grandes.  Il  en  est  dont  la  distance  est  telle, 
que  la  lumière  met  certainement  des  milliers  d'an- 
nées à  parvenir  jusqu'à  la  Terre. 

5.  Les  étoiles  sont  des  soleils.  —  Une  consé- 
quence immédiate  ressort  de  ce  fait,  que  la  distance 
des  étoiles  dépasse  des  centaines  de  mille  fois  la 
distance  du  Soleil  :  c'est  qu'il  est  de  toute  impos- 
sibilité que  la  lumière  dont  elles  brillent  soit  em- 
pruntée au  Soleil,  et  réfléchie  vers  nous.  En  sup- 
posant le  Soleil  lui-même  reculé  à  la  distance  de  a 
du  Centaure,  il  aurait  à  peu  près  l'éclat  d'une  des 
moins  brillantes  parmi  les  étoiles  de  première 
grandeur  ;  éloigné  jusqu'à  Sirius,  il  serait  à  peine 
visible  à  l'œil  nu.  Comme  d'ailleurs  les  étoiles  les 
plus  brillantes,  vues  dans  les  télescopes  les  plus 
puissants,  se  réduisent  à  des  points  lumineux  de 
dimensions  tout  à  fait  insensibles,  il  est  nécessa  re 
d'admettre  que  leur  éclat  est  celui  d'une  lumière 
qui,  comme  la  lumière  du  Soleil,  est  duc  à  l'in- 
candescence de  la  matière  qui  les  compose. 

Les  physiciens,  en  analysant  cette  lumière  à  l'aide 
du  prisme,  en  la  comparant  à  la  lumière  solaire, 
ont  du  reste  mis  cette  vérité  hors  de  toute  con- 
testation. Ils  sont  allés  plus  loin  :  ils  ont  pu  re- 
connaître la  nature  ciiimique  des  substances  dont 
l'incandescence  produit  la  lumière  dei  étoiles. 
Dans  un  grand  nombre,  le  gaz  hydrogène  prédo- 
mine :  en  outre,  elles  contiennent  divers  métaux, 
le  fer,  le  magnésium,  le  sodium,  etc. 

Les  couleurs  des  étoiles  sont  loin  d'être  identi- 
ques, ainsi  qu'on  peut  s'en  assurer  en  lés  compa- 
rant entre  elles,  à  la  simple  vue.  Un  grand  nom- 
bre paraissent  blanches;  d'autres  sont  rouges; 
d'autres,  jaunes,  vertes,  bleues.  On  pense  que  la 
couleur  est  un  indice  de  la  plus  ou  moins  haute 
température  des  atmosphères  incandescentes  ou 
photosphères  des  étoiles,  et  aussi  probablement 
de  la  nature  des  éléments  chimiques  prédominants 
dans  chacune  d'elles . 

Si  les  étoiles  sont  des  corps  célestes  semblables 
à  notre  soleil,  disséminés  dans  l'espace  à  des  dis- 
tances mutuelles  comparables  à  la  distance  qui 
sépare  le  soleil  des  étoiles  les  plus  voisines,  l'ana- 
logie nous  porte  à  les  considérer  comme  autant  de 
systèmes  pareils  au  nôtre.  Il  est  donc  probable  que 


ETOILES 


—  731  — 


ETYMOLOGIE 


des  planètes  plus  ou  moins  nombreuses,  des  sa- 
tellites de  ces  planètes,  et  des  comètes,  circulent 
autour  de  chaque  étoile,  suivant  les  lois  de  gravi- 
tation qui  régissent  les  corps  du  monde  solaire.  On 
a  du  reste  des  preuves  directes  de  l'existence  de 
la  loi  de  gravitation  dans  le  monde  sidéral. 

6.  Etoiles  doubles  et  multiples.  —  En  effet,  en 
étudiant  au  moyen  de  télescopes  puissants  les 
étoiles  qui  paraissent  isolées,  on  a  découvert  ce 
fait  important  qu'un  certain  nombre  d'entre  elles 
sont  formées  de  deux  ou  même  de  plusieurs  étoiles 
séparées.  C'est  ce  qu'on  nomme  les  étoiles  doubles 
et  les  étoiles  midtiplei,  et  l'on  donne  cette  déno- 
mination à  tous  les  couples  ou  associations  d'étoiles 
dont  les  composantes  ne  sont  éloignées  l'une  de 
l'autre  que  d'un  petit  nombre  de  secondes  (32"). 
On  connaît  aujourd'hui  des  milliers  d'étoiles 
doubles,  triples,  etc.  l!  y  a  un  sièc  e,  on  ne  con- 
naissait qu'une  vinîtaiio  d'étoiles  doubles;  les 
catalogues  actuels  en  contiennent  plus  de  10  000. 

A  la  vérité,  tous  les  couples  d'étoiles  doubles  ne 
sont  pas  nécessairement  des  couples  p>'ys'que<:, 
c'est-à-dire  des  groupes  de  deux  étoiles  réellement 
voisines  et  associées.  H  en  est  qui  ne  se  trouvent 
ainsi  réunies  que  par  un  effet  d'optique  ou  de 
perspective,  et  on  donne  à  ces  groupes  apparents 
le  nom  de  couples  optiques. 

On  distingue  en  général  les  étoiles  doubles 
physiques  des  étoiles  doubles  optiques  en  ce  nue 
les  composantes  des  étoiles  doubles  physiques  ont 
un  mouvement  propre  de  même  amplitude  et  de 
même  sens  ;  mais  le  caractère  le  plus  important 
est  celui  qui  provient  de  l'observation  du  mouve- 
ment de  révolution  de  l'une  d'elles  autour  de  l'au- 
tre. Il  est  prouvé  aujourd'hui  que  de  tels  mouve- 
ments ont  lieu,  et  l'on  a  calculé  les  périodes  de 
révolution  de  plusieurs  systèmes.  Leurs  durées 
varient  entre  un  quart  de  siècle,  et  des  centaines 
d'années.  Tout  prouve  que  les  lois  de  ces  mouve- 
ments de  deux  soleils  ont  lieu  selon  les  principes 
de  la  gravitation  universelle,  tout  comme  les  mou- 
vements planétaires. 

7.  Etoiles  variables  et  temporaires.  —  Nous  ter- 
minerons cet  aperçu  sur  l'univers  sidéral  par 
quelques  mots  sur  les  étoiles  dites  variables. 

Ce  sont  des  étoiles  dont  l'éclat  change,  aug- 
mente ou  diminue,  tantôt  d'une  façon  périodique 
et  régulière,  tantôt  d'une  façon  brusque,  irrégu- 
lière et  sans  périodes  déterminées.  La  première 
qu'on  ait  observée  ainsi  (en  1.d9G)  est  une  étoile  de 
la  Baleine,  qu'on  nomme  pour  cette  raison  la  mer- 
veilleuse [mii-a).  Tous  les  onze  mois  environ,  elle 
passe  par  une  série  de  phases  alternativement 
croissantes  et  décroissantes,  jusqu'à  devenir  invi- 
sible à  l'œil  nu.  Une  autre  étoile,  Algol  (de  Persée), 
effectue  ses  variations  périodiques  avec  la  plus 
grande  régularité,  tous  les  2  jours  20  heures  49 
minutes.  On  connaît  aujourd'hui  près  de  100  étoi- 
les variables  dont  les  périodes  sont  connues  et 
varient  entre  deux  jours  environ  et  plusieurs  an- 
nées. 

Ces  variations  dans  l'éclat  lumineux  des  étoiles 
de  ce  genre  sont-elles  dues  à  des  changements 
physiques  analogues  à  ceux  des  taches  de  notre 
soleil,  ou  à  des  mouvements  de  rotation  qui  font 
que  l'astre  tourne  successivement  et  périodique- 
ment vers  nous  des  faces  différentes,  inégalement 
lumineuses;  ou  encore,  tiennent-elles  à  des  occul- 
tations ou  éclipses  que  des  satellites  obscurs  pro- 
duisent en  circulant  autour  de  l'étoile  et  en  la 
masquant  comme  la  lune  nous  masque  le  soleil 
pendant  des  écUpses  ?  Les  savants  sont  partagés 
à  cet  égard,  bien  que  la  seconde  des  trois  hypo- 
thèses semble  la  plus  vraisemblable. 

A  des  époques,  d'ailleurs  assez  rares,  on  a  vu 
aussi  apparaître  et  briller  dans  le  ciel,  avec  un 
grand  éclat,  des  étoiles  jusqu'alors  inconnues.  Ce 
sont  les  étoiles  temporaires,  dont  la  plus  célèbre, 


la  Pèlerine  a  été  observée  par  Tycho-Brahc,  en 
1572.  Il  y  a  une  douzaine  d'années,  une  étoile  a  fait 
ainsi  son  apparition  dans  la  Couronne  boréale.  L'é- 
tude de  sa  lumière  a  prouvé  que  l'accroisse- 
ment d'éclat  était  dû  à  une  combustion  subite  de 
gaz  hydrogène,  qui  n'a  d'ailleurs  duré  qu'un  temps 
limité  :  la  nouvelle  étoile  est  redescendue  à  la 
neuvième  grandeur,  où  elle  persiste  depuis  cette 
époque. 

Ainsi,  le  ciel  est  loin  d'être,  comme  le  croyaient 
les  anciens,  le  domaine  dos  choses  incorruptibles 
et  immuables.  Les  étoiles  ne  sont  pas  fixes;  on 
a  constaté  qu'un  grand  nombre  sont  affectées  de 
mouvements  propres  en  divers  sens,  qui,  à  cause 
de  l'énormité  de  la  distance,  ne  deviennent  sensi- 
bles qu'au  bout  de  longues  années,  et  ne  sont 
mesurables  qu'à  l'aide  des  observations  les  plus 
précises.  Elles  ont  des  mouvements  de  rotation  et 
de  révolution;  et  enfin,  comme  le  soleil,  elles 
sont  sujettes  à  des  changements  physiques,  quel- 
ques-unes à  des  révolutions  soudaines. 

Notre  étoile,  le  soleil,  n'échappe  pas  à  la  loi 
commune.  Il  se  meut  dans  l'espace,  entraînant 
avec  lui  son  cortège  de  planètes,  de  satellites  et 
de  comètes,  vers  une  direction  qui  est  celle  des 
étoiles  de  la  constellation  d'Hercule,  et  avec  une 
vitesse  approximative  de  7*'',6  par  seconde. 

[A.  Guillemin.] 
ETYMOLOGIE.-  Grammaire,  VIII.  —'Létymo- 
lof/ie,  qui  a  pour  objet  la  recherche  de  l'origine 
des    mots    et    leur    véritable    signification,    a   fait 
depuis  trente  ans  de  très  grands  progrès. 

C'est  aujourd'hui  une  véritable  science,  qui  a 
ses  règles  fixes,  durables,  et  qui  procède  dans  ses 
recherches  d'après  des  principes  certains ,  avec 
l'histoire,  In  phonétique  et  la  coir.par'iison  comme 
instruments  d'étude  (V.  l'article  Etymolvoie  dans 
la  I  "  Partie). 

Cette  science  évidemment  ne  saurait  être  in- 
troduite dans  l'enseignement  de  nos  écoles  pri- 
maires. 

3Iais,  à  côté  de  Yétyrnologie  savinte,  qui,  pre- 
nant le  mot  tel  qu'il  existe  aujourd'hui,  remonte 
le  cours  des  âges,  retrouve  les  diverses  formes 
par  lesquelles  il  a  successivement  passé,  et  établit 
ainsi  son  origine  et  sa  signification  primitive,  fon- 
damentale, il  j-  a  une  autre  étymologie,  usuelle, 
facile,  qui,  étudiant  les  mots  dans  leur  composi- 
tion, permet  de  les  grouper  par  familles  et  de 
passer  alors  du  sens  de  1  un  à  la  signification  de 
tous  les  autres.  Cette  éiymologie  praiiqîte,  tout 
à  fait  à  la  portée  des  enfants  des  écoles  primaires, 
est  éminemment  propre  à  rendre  compte  de  la 
fonction  de  nos  mots,  de  leur  orthographe,  du 
sens  intime  et  de  la  portée  de  chacun  d'eux,  des 
rapports  et  des  différences  de  sens  qui  peuvent  les 
réunir  ou  les  séparer. 

C'est  cette  étymologie-là  que  nous  voudrions 
voir  enseigner  dans  nos  écoles,  et  que  plusieurs 
systèmes  d'organisation  pédagogique  ont  déjà  fait, 
du  reste,  entrer  dans  leurs  programmes. 

Xous  allons  exposer  comment,  à  notre  avis,  l'in- 
stituteur pourrait  donner  cet  enseiû'nement.  Nous 
prendrons  chaque  division,  c'est-à-dire  chaque  cours 
en  particulier,  montrant  l'esprit,  le  ton  qui  con- 
vient pour  chacun,  et  indiquant  aussi  les  limites 
dans  lesquelles  le  maître  devra  se  renfermer. 

Cours  élémentaire. 

Nous  n'aurons  pas,  dans  le  cours  élémentaire,  de 
leçons  d'étymologie  spéciales  ;  nous  ne  ferons  point 
ces  exercices  de  signification  de  mots  à  des  heures 
régulières,  fixées  à  l'avance.  Ces  notions  se  donne- 
ront quand  l'instituteur  le  jugera  opportun  ou 
utile,  à  propos  d'une  lecture,  d'une  dictée,  d'une 
classe  de  grammaire  le  plus  souvent;  quand  il  se 
présentera,  par  exemple,  un  mot  dont  le  sens 
pourrait  ne  pas  être  compris  des  enfants,  ou  bien 


ÉTYMOLOGIE 


—  732  — 


ETYMULOGIE 


lorsque  le  mode  de  composition,  l'origine  de  ce 
mot  pourraient  prés«nter  quelque  intérêt. 

Nous  venons,  je  suppose,  de  rencontrer  dans  la 
lecture,  dans  la  dictée  ou  dans  l'exemple  de  gram- 
maire cité  par  un  enfant  le  mot  battre.  Nous  fai- 
sons écrire  ce  mot  au  tableau  noir.  Puis,  après  en 
avoir  fait  donner  la  si/nifiatiou,  nous  demandons 
aux  enfants  s'ils  ne  connaissent  pas  quelques  mots 
encore  ressemblant  beaucoup  à  celui-là.  «  N'avez- 
vous  pas  rencontré  souvent,  leur  dirons-nous,  ne 
vousêtes-vous  pas  servis  vous-mêmes  d'expressions 
semblables  à  celle-là,  et  par  le  sens  et  par  la  com- 
position, c'est-à-diie  par  les  lettres  qui  les  for- 
ment? —  Voyons,  cherchons  ensemble.  Comhntire, 
débattre,  rebottre,  aijattre:  ne  sont-ce  pas  là  des 
mots  qui  ont  tous  l'air  d'être  formés  de  Ijnttre?  — 
Cherchons  encore.  —  Comment  appelle-t-on  l'action 
que  font  parfois  de  mauvais  enfants  qui  se  battent? 
Une  batterie.  —  Et  lorsque  ce  sont  deux  armées 
ennemies  qui  se  rencontrent  et  qui  se  disputent  la 
victoire?  Une  Ijaliilie.  —  Et  lorsque  les  deux 
armées  n'ont  pas  engagé  toutes  leurs  forces,  lors- 
qu'une partie  seulement  de  ces  armées  s'est 
battue,  ce  qui  arrive  ordinairement  avant  une 
grande  bataille  ?  Un  combat.  —  Cherchez  donc 
encore?  »  Et  les  enfants,  à  l'envi,  nous  donnent: 
biitailler,  batailleur,  bataillon,  battue,  batteur, 
battement,  battoir,  etc.  Tous  les  composés  et  les 
dérivés  du  verbe  battre  défilent  avec  rapidité. 

Après  avoir  ainsi  fait  écrire  cette  série  de  mots 
et  donné  leur  signification,  en  montrant  comment 
le  sens  primitif  de  frapper,  exprime  par  le  mot 
battre,  se  retrouve  dans  tous,  modifié  dans  les  uns 
par  la  syllabe  qui  les  termine:  batt^v^,  batto\n, 
etc.,  dans  les  autres  par  celle  qui  précède  le 
simple,  comme  combattre,  mibattre,  etc.,  l'institu- 
teur envoie  un  autre  enfant  au  tableau. 

«  Voyons,  dit-il,  essayons  de  recommencer  pour 
le  vaoimontfKpie,  que  nous  avons  aussi  rencontré 
dans  notre  dictée,  ce  que  nous  venons  de  faire  pour 
le  mot  battre.  Et  d'abord,  ne  connaissez-vous  pas 
un  mot  plus  simple,  plus  petit  que  montagne,  et 
qui  lui  ressemble  beaucoup  ?  car,  dans  la  recherche 
de  ces  réunions  de  mots,  il  faut  toujours  com- 
mencer par  le  simple,  par  celui  qui  très  proba- 
blement a  servi  ;\  former,  à  composer  les  autres. 
Qu'est-ce  donc  qu'une  montagne  ?  Voulez-vous 
rappeler  la  définition  que  nous  avons  étudiée  en 
géographie  ?  —  Une  montagne,  c'est  une  grande 
élévation  de  terre  ou  de  rocher  qui  domine  un 
pays.  —  Vous  connaissez  des  montagnes?  Quelles 
sont  les  plus  remarquables  de  France  ?  —  Les  Alpes, 
les Pjrénées,  les Cévennes.  —  Toutes  ces  montagnes 
occupent,  vous  l'avez  vu  sur  la  carte,  une  grande 
étendue  :  c'est  une  suite  d'élévations  qui  tiennent 
l'une  à  l'autre.  Lorsr(u'on  veut  désigner  une  de  ces 
masses  détachée  des  autres;  si  l'on  veut  parler, 
par  exemple,  d'un  point,  d'un  sommet  de  ces  mon- 
tagnes, de  quel  mot  se  sert-on?  Quel  est,  par 
exemple,  le  point  le  plus  élevé  des  Alpes?  — 
C'est  le  Mont-Y^\M\c. 

»  Pour  désigner  lin  des  sommets,  une  des  éléva- 
tions particulières  d'une  chaîne  de  montagnes,  on 
emploie  donc  le  mot  mont,  qui  est,  en  effet,  le 
terme  le  plus  général  et  le  plus  simple.  Ecrivez  le 
mot  mont  et  cherchons  tous  les  mots  formés  avec 
lui.  » 

L'expérience  nous  a  appris  que  les  enfants 
prennent  goût  bien  vite  à  ces  exercices  et  à  ces 
recherches;  et  tous  les  composés  et  les  dérivés 
de  mont  sont  immédiatement  trouvés  et  écrits 
au  tableau:  mont,  montueux,  montagne,  mon- 
tagneux, montagnard,  moîiticiile,  monter,  mon- 
tant, montée,  monteur,  monture,  promontoire, 
amont,  démonter,  démonteur,  remonter,  surmon- 
ter, etc.,  etc. 

Quand  les  enfants  ont  fait  ainsi  deux  ou  trois 
collections  de  mots  de  ce  genre,  ils  sont  aptes  à 


comprendre  ce  que  c'est  qu'une  famille  de  mots. 

«  Vous  savez  bien,  leur  dira  l'instituteur,  ce  que 
c'est  dans  le  monde  qu'une  famille?  On  appelle 
ainsi  la  réunion  des  personnes  du  môme  sang,  des 
parents,  comme  le  père,  la  mère,  les  enfants,  les 
frères,  les  sœurs,  les  nièces,  les  neveux,  les  cou- 
sins, qui  souvent  vivent  en  communauté  sous  un 
même  chef,  le  père  de  la  famille.  Or,  vous  avez 
remarqué  qu'il  y  a  presque  toujours  entre  les  indi- 
vidus d'une  même  famille  une  certaine  ressem- 
blance physique,  soit  dans  les  traits  du  visage,  le 
geste,  le  son  de  la  voix,  etc.,  ce  qu'on  appelle  un 
air  (le  famille,  et  aussi  une  ressemblance  morale, 
résultant  de  la  conformité  des  idées,  des  penchants, 
de  ce  qu'on  appelle  en  général  le  caractère.  Et 
cette  communauté  d'origine  est  parfois  tellement 
indiquée  qu'en  apercevant  un  individu  pour  la 
première  fois,  nous  jugeons  tout  de  suite  qu'il  doit 
appartenir  à  telle  famille,  que  nous  connaissons, 
dont  nous  avons  été  à  même  d'étudier  le  type,  les 
mœurs,  les  habitudes. 

»  Eh  bien,  continue  l'instituteur,  regardez  un 
peu  tous  ces  mots  que  nous  avons  écrits  sous  le 
mot  battre.  Ne  retrouvez-vous  pas,  dans  tous,  les 
lettres  principales  et  la  prononciation  du  mot 
battre?  C'est  là  leur  ressemblance  phgsiqne.  Ne 
voyez-vous  pas  aussi,  d'après  l'explication  que  nous 
avons  donnée  du  sens,  de  la  signification  de  cha- 
cun d'eux,  que  tous  renferment  également  l'idée  de 
battre?  C'est  leur  ressemblance  morale.  Tous  ces 
mots  peuvent  donc  être  considérés  comme  venant, 
comme  formés  du  mot  battre:  le  mot  battre  est 
leur  père,  et  ils  en  constituent  la  famille,  r 

La  même  analogie  de  forme  et  de  signification 
se  retrouve  entre  tous  les  mots  de  la  seconde 
série:  c'est  la  famille  du  mot  mont. 

Nous  n'irons  pas  plus  loin  dans  le  cours  élémen- 
taire. Nous  nous  garderons  bien  de  faire  quoi  que 
ce  soit  qui  ressemble  à  de  la  science.  Nous  ne  nous 
servirons  pas  môme  des  mots  techniques  affixes, 
préfixes  et  suffixes.  Non;  les  enfants  savent  ce  que 
c'est  qu'une  syllabe:  cela  suffit.  Nous  dirons:  tes 
syllabes  qui  commencent  ou  les  syllabes  initiales, 
les  syllabes  qui  terminent  les  mots  ou  les  tep.mi- 
NAisoNs.  Mais  nous  ne  laisserons  pas  de  donner, 
ou  mieux,  de  faire  découvrir  aux  enfants  le  sens 
de  ces  syllabes,  qui  viennent  ainsi  modifier  le  sens 
du  mot  primitif,  du  simple. 

Ainsi,  nous  voulons,  par  exemple,  faire  com- 
prendre aujourd'hui  le  sens  de  la  syllabe  initiale  in 
(éveillant  une  idée  de  négation).  Nous  envoyons 
un  élève  au  tableau,  et  nous  lui  faisons  écrire  les 
mots  suivants  sur  une  même  colonne  verticale: 
égal,  abordable,  fidèle,  humain,  certain,  salubre, 
etc.;  puis,  en  regard,  les  mots  inégal,  isabor- 
d'ible,  l'sf.df'le,  iy/iumai7i,  iscertai7î,  lysalubre,  etc. 
Nous  demandons  d'abord  le  sens  des  premiers,  et 
nous  aidons,  par  des  exemples,  les  enfants  à  le 
trouver.  Immédiatement  après,  ils  nous  donnent 
eux-mêmes,  sans  embarras  aucun,  le  sens  des  com- 
posés de  la  seconde  colonne,  et  ils  en  déduisent  la 
signification  de  la  syllabe  initiale  i.\. 

Voulons-nous,  un  autre  jour,  rechercher  la  modi- 
fication de  sens  apportée  à  un  mot  primitif  par  la 
terminaison  able,  un  enfant  écrit  au  tableau,  sous 
la  dictée  du  maître  ou  de  ses  condisciples,  les  mots 
suivants  :  ozwable,  Iou.\ble,  instxBLE,  /aisABLE, 
blàmATiLE,  détestADLE,  agréARLE,  etc.  Et  rien  n'est 
plus  facile  au  maître  que  de  faire  découvrir  à  ses 
élèves  que  la  terminaison  able  marque  une  dispo- 
sition, une  aptitude,  une  manière  d'être,  une  qua- 
lité; que  le  sens  peut  en  être  rendu  par  l'expres- 
sion: qu'on  peut  ou  qu'on  doit:  «/«jable, qu'on  doit 
aimer  ;  bldm  able,  qu'on  doit  blâmer  ;  fais.KULE,  qu'on 
peut  faire,  etc. 

C'est  à  cela  que  devront  se  borner  les  exercices 
étymologiques  dans  la  division  élémentaire.  La  fa- 
cilité avec  laquelle  les  enfants  réunissent  les  mots 


ÉTYMOLOGIE 


733 


ÉTYMOLOGIE 


d'une  même  famille  les  éclairera  sur  l'orlliographe 
et  le  sens  de  beaucoup  d'expressions;  un  mot  de 
cette  famille  qu'ils  connaissent  suffira  pour  les 
mettre  sur  la  voie.  Quant  aux  syllabes  initiales  et 
aux  terminaisons  des  composés  et  des  dérivés, 
comme  elles  sont  en  somme  peu  nombreuses,  ils 
les  rencontreront  très  souvent  les  unes  et  les 
autres  :  leur  signification  so  gravera  facilement 
dans  leur  esprit. 

Le  maître,  bien  entendu,  dans  ces  notions  qu'il 
paraîtra  donner  d'une  façon  tout  à  fait  imprévue, 
sans  ordre  et  sans  méthode  arrêtée  à  l'avance, 
suivra  cependant  une  marche  régulière,  un  plan 
logique  et  raisonné  ;  mais  l'élève  ne  sera  point 
averti.  Il  ne  s'imaginera  jamais  qu'il  suit  un  cours 
méthodique  et  régulier;  il  ferade  l'étymologie  sans 
le  savoir,  comme  M.  Jourdain  faisait  delà  prose  : 
excellent  moyen  pour  apprendre  avec  intérêt  et 
retenir  sans  effort. 

Voici  plusieurs  mots  encore  dont  la  famille 
pourra  être  recherchée,  ainsi  que  nous  venons  de 
l'indiquer  : 

PoKT  :  porte,  portier,  portail,  portique  ;  porter, 
porteur;  apporter,  apport;  rapporter,  rapporteur; 
colporter,  colporteur;  déporter,  déportation;  em- 
porter ;  remporter  ;  exporter,  exportation  ;  impor- 
ter, importation,  etc. 

Pose  :  poser  ;  composer,  composition  ;  décompo- 
ser, décomposition,  dccomposabîe,  indécomposable  ; 

déposer ;  imposer ;  proposer ;  supposer, 

supposable...  ;  transposer etc. 

Ecrire:  écrit,  écriture,  écritoire,  écriteau;  écri- 
vain ;  décrire,  description,  indescriptible  ;  ins- 
crire  ;  prescrire ;  transcrire ;  etc. 

La  nature  et  le  genre  des  exercices  d'applica- 
tion, par  lesquels  le  maître  s'assure  que  ses 
élèves  ont  compris  et  retenu,  varieront  naturelle- 
ment. 

Ainsi,  tantôt  il  fera  chercher,  comme  nous  l'a- 
vons fait  plus  haut,  tous  les  mots  d'une  famille  et 
fera  trouver  et  formuler  la  définition,  la  significa- 
tion de  ces  composés  et  de  ces  dérivés;  tantôt,  au 
contraire,  il  donnera  la  signification  d'abord  et  fera 
trouver  le  mot. 

Nous  empruntons  à  la  grammaire  Larive  et 
Fleury  deux  modèles  de  ce  dernier  genre  d'exer- 
cices : 

1.  Trouver  les  mots  de  la  famille  de  mont  dési- 
gyiant  ou  signifiant: 

Un  petit  mont...  —  Une  élévation  de  terre  très 
élevée  et  tenant  ordinairement  à  d'autres  éléva- 
tions semblables...  —  Aller  au  haut  d'un  mont,  se 
transporter  en  un  endroit  plus  élevé...  — La  qua- 
lité d'un  pays  où  il  y  a  beaucoup  de  montagnes... 

—  Un  habitant  des  montagnes...  —  Une  pièce  de 
bois,  une  colonne  en  pierre  ou  en  fer  posée  verti- 
calement et  soutenant  une  partie  transversale...  — 
L'endroit  par  où  l'on  monte  sur  une  montagne... 

—  La  partie  du  cours  d'un  fleuve  située  au-dessus 
du  point  où  l'on  est...  —  Un  ouvrier  qui  monte 
les  bijoux...  — L'action  de  monter  une  machine, 
un  appareil...  —  Désassembler  les  pièces  dont 
une  machine  est  formée...  —  Monter  de  nou- 
veau.., etc. 

2.  Remplacer  par  un  terme  de  la  famille  du  mot 
FLEUR /es  expressions  suivantes: 

Une  petite  fleur.  —  L'époque  où  les  plantes 
fleurissent.  —  Celui  qui  cultive,  qui  vend  ou  qui 
fabrique  des  fleurs.  —  La  déesse  des  fleurs.  —  La 
qualité  de  ce  qui  est  dans  un  état  prospèrei  — 
Perdre  ses  fleurs.  —  L'action  de  fleurir  de  nou- 
veau, etc. 

Cours  intermédiaire  ou  moyen. 

Dans  le  cours  intermédiaire,  comme  nous  nous 
adressons  à  des  élèves  déjà  préparés  par  les  exer- 
cices du  cours  élémentaire,  nos  leçons  présente- 
ront un  caractère  plus  régulier,  plus  suivi.  Nous 


ne  chercherons  plus  :\  dissimuler  la  méthode:  les 
classifications,  au  contraire, apparaîtront;  et  l'élève 
découvrira,  dans  les  exercices  qui  lui  seront  donnés, 
la  logique  et  la  filiation  des  idées  qui  existaient 
déjà  dans  ceux  du  cours  précédent,  mais  qu'il  n'a- 
vait pas  remarquées. 

Les  leçons  seront  très  simples  encore,  très  pra- 
tiques toujours  ;  et  le  plan  que  nous  suivrons  ne 
sera  que  le  développement  sagement  restreint  de 
celui  que  nous  avons  adopté  pour  le  cours  élémen- 
taire. 

Supposons,  par  exemple,  que  nous  donnions 
notre  première  leçon  sur  les  familles  de  >?«of5.  Nous 
prendrons  le  même  exemple  que  celui  que  nous 
avons  choisi  pour  le  premier  cours,  la  famille  du 
mot  battre  :  batterie,  battement,  battoir,  batteur, 
bataille,  combat,  bataillon,  combattre,  débattre, 
rebattre,  abattre,  s'ébattre,  etc. 

Tous  ces  termes  étant  écrits  au  tableau,  comme 
nous  l'avons  exposé  précédemment:  «  Voici  des 
mots,  dirons-nous,  que  nous  avons  reconnus  ap- 
partenir à  une  même  famille,  parce  qu'il  y  avait 
entre  eux  tous  une  ressemblance  de  forme  et  de 
sens.  Voulez-vous  dire  en  quoi  consiste  d'abord  la 
ressemblance  malérielle,  la  ressemblance  de  forme 
qui  existe  entre  eux?  —  C'est  que  les  lettres 
principales  du  mot  battre  et  sa  prononciation  se 
retrouvent  dans  tous;  plusieurs  même  ont  dans 
leur  composition  le  mot  battre  tout  entier.  — 
Pourriez-vous  dire  maintenant  en  quoi  consiste 
la  ressemblance  de  sens;  quelle  est  Y  idée  com- 
mune renfermée  dans  tous  ces  mots?  Et  pour  cela, 
rappelons-nous  la  signification  que  nous  en  avons 
donnée.  Une  batterie,  c'est?....  une  querelle  où  l'on 
se  bat,  une  réunion  de  gens  qui  se  batte?it,  ou 
bien  encore  une  rangée  de  pièces  de  canon  qui  bat- 
tent  un  mur.  —  Un  battoir,  c'est...  ?  un  instrument 
avec  lequel  on  bat  le  linge;  —  un  batteur?  c'est 
l'homme  qui  bat  habituellement;  —  le  mot  6a- 
/az7/e  exprime?....  l'action  de  deux  armées  qui  se 
battent.  Dans  l'origine,  ce  mot  désignait  le  corps 
d'armée  qui  allait  se  battre,  et  ce  sens  est  resté 
au  mot  bataillon,  partie  d'un  régiment,  d'un 
coi'ps  de  troupe.  —  Combattre,  comhat?...  action 
de  se  battre  mec  son  ennemi;  —  débattre?...  lut- 
ter, contester,  discuter;  —  rebattre?...  battre  de 
nouveau;  —  ébat,  ébattement,  s'ébattre?.,,  pren- 
dre ses  ébats,  se  livrer  aux  caprices  de  la  joie, 
comme  si  on  se  battait   pour  jouer,  etc.,  etc. 

«  C'est  donc  aussi  ce  mot  battre,  vous  le  voyez, 
qui  représente  également  l'idée  commune  éveillée 
par  tous  les  termes  de  cette  famille.  Eh  bien,  le 
mot  battre,  que  nous  pouvons  considérer  comme 
étant  l'origine  de  tous  les  autres,  qui  se  retrouve 
ainsi  dans  tous  les  mots  de  la  même  famille,  et  qui 
exprime  l'idée  commune  qui  sert  à  les  grouper, 
est  ce  qu'on  appelle  la  racine,  ou  mieux  le  ra- 
dical de  cette  famille. 

«  Maintenant,  examinons  les  différences  qui  dis- 
tinguent tous  ces  mots  les  uns  des  autres. 

«  Et  d'abord,  au  point  de  vue  de  la  forme,  quelle 
différence  remarquez-vous?  Les  premiers  sont 
tous  formés  de  la  même  racine  batt....;  mais  ils 
sont  terminés  par  une  syllabe  difi'érente:  erie, 
ment,  oir,  eur,  aille,  07i...  et  les  derniers,  au  con- 
traire, ont  chacun,  devant  le  radical  battre,  une 
syllabe  différente:  com.,  dé,  re,  etc.  —  Eh  bien,  la 
différence  de  sens  que  nous  venons  de  remarquer 
entre  tous  ces  mots  tient  justement  à  la  présence 
de  ces  diverses  syllabes,  qui  modifient  ainsi  la  ter- 
minaison du  mot  ou  précèdent  le  radical. 

«  Les  syllabes  ou  particules  que  l'on  place  en 
tète  des  mots  radicaux:  pour  en  modifier  le  sens, 
comme  coin,  dé,  re,  etc.,  s'appellent  initiales  ou 
PRÉFIXES  ;  celles  que  l'on  ajoute  à  la  fin  des  mots 
radicaux,  et  qui  en  modifient  la  forme  et  la  signi- 
fication, comme  :  erie,  ment,  oir,  eur,  aille,  etc., 
s'appellent  terminaisons,  désinences   ou  suffixes. 


ETYMOLOGIE 


—  734  — 


ETYMOLOGIE 


«  Les  mots  comme  batterie,  bataille,  batteur,  bat- 
toir,  batteme7it ,  etc.,  formés  ainsi  du  radical 
battre  par  le  changement  de  la  syllabe  finale 
par  l'addition  d'un  suffixe  à  la  racine,  se  nom- 
ment des  DÉRIVÉS,  et  le  mot  battre,  par  rapport 
à  eux,  s'appelle  primitif.  Les  mots  formés  par 
l'adjonction  d'un  préfixe,  comme  combattre,  dé- 
battre, rebattre,  abattre,  etc.,  sont  des  compo- 
sés, et,  par  rapport  à  eux,  le  mot  battre  se  nomme 
simple.  » 

Ainsi,  les  mots  se  forment  les  uns  des  autres 
par  cléiivaiion  ou  par  composition  :  c'est  là  toute 
la  science  étymologique  que  nous  étudierons  dans 
l'école  primaire.  L'usage  a  donné  aux  élèves  la 
signification  de  la  plupart  de  nos  primitifs  et  de 
nos  si7np les  ;  quand  ils  connaîtront  la  valeur  des 
préfixes  et  des  suffixes ,  ils  pourront  déjà  décou- 
vrir eux-mêmes  l'exacte  signification  d'une  grande 
quantité  de  mots. 

Le  maître,  après  ces  explications,  ou  dans  une 
leçon  suivante,  pourra  faire  reproduire,  à  propos 
de  la  famille  des  mots  mont,  port,  pose,  éonre, 
que  nous  avons  fait  connaître  précédemment,  tou- 
tes les  notions  qu'il  vient  de  donner.  Il  fera,  par 
exemple,  inscrire  tous  les  mots  de  ces  familles  au 
tableau,  puis  il  les  fera  ranger  sur  deux  colonnes  : 
dans  l'une  seront  les  dérivé i,  dans  l'autre  les 
co7)iposés,  et  il  pourra  classer  ensuite  tous  ces  mots 
selon  leur  espèce  :  noms,  adjectifs,  verbes,  parti- 
cipes et  adverbes. 

Après  ces  notions  préliminaires,  sans  cesser  d'é- 
tudier, comme  nous  l'avons  dit,  les  familles  de 
mots  à  mesure  que  l'occasion  se  présente  dans  les 
dictées,  dans  les  lectures  et  les  leçons  de  gram- 
maire, l'instituteur,  avec  les  élèves  du  cours 
moyen,  pourra  passer  en  revue,  à  certains  jours, 
d'une  façon  régulière  et  méthodique,  les  princi- 
paux éléments  de  la  dérivation  et  de  la  composi- 
tion. 

Il  prendra,  l'un  après  l'autre,  les  principaux 
suffixes  ainsi  que  les  préfixes  les  plus  usités  ;  il 
en  fera  connaître  la  valeur,  le  rôle  qu'ils  jouent 
dans  la  composition  et  la  dérivation  des  mots,  et 
il  mettra  ainsi,  peu  à  peu,  graduellement,  ses 
élèves  à  même  de  comprendre  le  sens  exact  et 
précis  de  la  plus  grande  partie  des  termes  de  notre 
langue.         , 

Dans  l'étude  de  ces  éléments,  le  maître  ira  na- 
turellement plus  loin  qu'il  ne  l'a  fait  dans  le  cours 
élémentaire.  Ainsi,  dans  l'exemple  d'initiales  que 
nous  avons  pris  précédemment,  pour  le  premier 
cours,  nous  n'avons  considéré  que  le  préfixe  in  ayant 
le  sens  négatif.  Avec  les  élèves  du  cours  moyen, 
le  maître  fera  d'abord  voir  les  différentes  formes 
de  ce  préfixe  :  im  dans  immérité,  impatient  ;  il 
dans  illettré,  illimité;  ir  dans  irresponsable,  ir- 
réligieux, etc.  ;  puis  il  donnera  les  autres  sens  de 
ce  préfixe  :  e7i  ou  dans,  comme  incarcérer,  incor- 
porer; vers,  à,  sur,  contre,  comme  incliner  (pen- 
cher vers),  etc. 

Voici  un  exemple  de  la  marche  et  de  l'ordre  que 
l'on  peut  suivre  dans  la  détermination  des  mots 
d'une  môme  famille,  emprunté  aux  Etudes  sur  la 
signification  des  mots  de  Michel. 

Soit  à  étudier  le  mot  inactivité.  L'examen  du 
mot  conduit  à  la  racine  act,  d'où  acte,  actif, 
action,  acteur,  actuel,  etc.  ;  acte,  actif,  mènent  à 
activer,  comme  activer  à  actionner.  Acte  et  action 
rappellent  naturellement  agir,  agile,  agent,  d'où 
une  nouvelle  forme  de  racine,  ag.  L'étude  des 
mots  de  cette  forme  :  agir,  agiter,  agencer,  con- 
duit aux  verbes  exiger,  transiger,  intriguer,  qui 
s'en  rapprochent  par  la  signification  et  par  la 
forme,  et  manifestent  une  troisième  forme  de  ra- 
cine, iG.  Ces  trois  formes  ag,  act,  ig,  constituent 
comme  les  trois  branches  d'une  même  famille 
parfaitement  mises  en  apparence  dans  le  tableau 
suivant; 


ag  ir,  issant,  i... 

ag  encer,  ençant , 
dé  s  ag  encer 

1.  ag. 

agile,  agilité,  agilement, 
ageut,  agence,  agenda, 
agencement. 

agitation,  agitateur. 

adage. 

ambages. 

2.  act; 

acte,  acteur,  action. 

actif,  activement,  activité. 

actuel,  actuellement,  actualité. 

coaction,  coactif. 

exaction,  enacteur. 

exact,  exactement,  exactitude. 

inactif,  inactivité. 

inexact,  inexactement,  inexacti- 
tude. 

réactif,  réaction,  réactionnaire, 
réacteur. 

rétroaction,  rétroactif,  rétroac- 
tivement, rétroactivité. 

3.  ig. 

exigence,  exigeant,  exigible, 
inexigible,  inexigibilité. 

act  ionner. ...... 

co  act 

in  act 

ré  ag  ir,  issant,  i... 
rétro  ag  ir    

ex  i"- 

transaction,  transacteur. 

quadrige  (conduit  par  quatre 
chevaux).  Ménage  (men, 
mens,  maison,  table;  con- 
duite de  la  table,  de  la  mai- 
son). 

dém;igogue ,  de  démos ,  le 
peuple.  Pédagogue,  pédant, 
de  pals,  enfant  ;  qui  conduit 
les  enfants. 

Voici  un  autre  modèle  encore  du  même  exercice, 
tiré  de  la  nouvelle  grammaire  de  Chassang: 


:   ■    _ 

DEnlTES 

DEBITES 

lUCIXK. 

(avec   ou   sans    altération 

de 

^  "s  ~  - 

de  la 

racine). 

dérivés. 

1 
icap-uche. 

capuch-on. 

cap-ucin, 
cap-ote, 

cap-ucine. 

1.  cap.. 

cap-ital, 
cap-oral. 

cap-araçon, 
cap-illaire, 
cap-itale, 
cap-italiser. 

2.  cab . . 
i 

cab-oche. 

capit-ation, 

capit-eiix. 

a-cab-it. 

C\P.... 

idée    de; 

3.  capit. 

dé-capit-er, 
capitaine, 

dé-capit-ation. 

tète.)   { 

' 

capituler, 
chap-eau. 

capitul-alion, 

rù-capitul-er, 

chapel-ier, 

ch.ipel-leric,. 

chape-ron. 

récapltul-atioii 

1.  ckap.f 

chap-e, 

chap-it'>au, 
chap-ilre. 

chape-Ile, 
cbape-let, 

chapcl-ain. 

5.  chef. 

6.  chej). 

chep-tel. 

Nous  donnons  ces  familles  entières  :  le  maître 
saura  subordonner  le  nombre  et  la  nature  des 
termes  dont  il  devra  s'occuper  au  degré  de  force  de 
ses  élèves.  Pour  beaucoup  d'écoles,  ces  tableaux 
complets  ne  pourront  être  certainement  établis 
qu'avec  les  élèves  du  cours  supérieur. 

Comme  pour  le  cours  élémentaire,  du  reste, 
les  exercices  seront  aussi  très  variés. 

Nous  pourrons  proposer,  par  exemple,   svir  la 


ETYMOLOGIE 


—  735  — 


ETYMOLOGIE 


famille  d'un  mot  donné,  une  série  d'expressions, 
de  périphrases,  que  l'élève  devra  remplacer  par 
un  mot  de  cotte  famille. 

Ainsi,  h  propos  du  mot  vent,  nous  demanderons 
les  termes  exprimant  les  idées  suivantes  : 

«  Faire  du  vent  (impersonnel). ..  Un  appareil  qui 

sert  à  renouveler  l'air  dans  un  appartement 

Pratiquer    des     ouvertures    pour     faire     circuler 

l'air Se    rafraîchir    la    figure     en    agitant 

l'air L'instrument  dont  on  se  sert  pour  s'é- 
venter  L'ouvrier  qui   fabrique  l'insirument  à 

l'aide   duquel   on   s'évente  L'ouverture   par 

laquelle  la  baleine  et  les  autres  cétacés  rejettent 
l'eau  qu'ils  ont  absorbée. .. .  » 

Voici  maintenant  la  liste  des  principaux  affixes, 
pré/ixfs  et  suffixes,  qui  peuvent  faire  l'objet  des 
leçons  du  maître  dans  le  second  cours.  Cette  liste 
est  prise,  en  partie,  dans  la  grammaire  de  Leclair 
et  Rouzé  (Cours  supérieur)  : 

Composition  des  mots.  —  Préfixes. 

a,  ab,  abs,  —  ad,  af,  ag,  al,  am,  an,  ap,  ar,  as,  at,  — 
anté,  —  anti,  —  arcbi,  —  bis,  bi,   bin,    bar,    bcr,  ba,  be, 

—  circon,  ciicuin,  circu,  —  com,  con,  co,  col,  cor,  —  contra, 
contre,  contre,  —  de,  dé,  dis,  —  e,  ex,  ef,  es,  esse,  —  eu,  em, 

—  entre,  —  extra,  —  for,  fors,  —  in,  im,  ig,  il,  ir,  —  inter, 

—  mal,  mau,  mé,  mes,  —  né,  non,  —  ol,  op,  oc,  of,  —  outre, 

—  par,  —  per,  —  pré,  pro,  por,  pul,  pour,  —  re,  ré,  red,  — 
se,  —  sou,  sous,  —  sub,  sup,  suc,  suf,  sug,  su,  subter,  — 
super,  soubre,  sur,  sus,  —  U'a,  trans,  très,  tré,  —  ultra. 

Dérivation  des  mots.  —  Suffixes. 
able,  ble,  ibie,  bile,  —  ade,  —  âge,  —  aille,  —  aire,  ier, 
er,  —  al,  el,  —  an,  ein,  en,  —  ant,  ante,  —  ard,  arde,  — 
asse,  —  asser,  —  at,  —  àtre,  —  cide,  —  eau,  elle,  olle,  — 
el,  elle,  —  ence,  —  er,  —  er,  ère,  —  erie,  —  escenee,  — 
escent,  ente,  —  esse.  —  et,  ée,  ave,  aie,  oie,  —  et,  ette,  é, 

—  eur,  euse,  —  eux,  euse,  —  ose,  —  u,  —  fier,  fication, 
Ccateur,  —  fique,  fice,  —  fuge,  —  ie,  —  ien,  ienne,  —  ier, 
ière.  —  if,  ive,  —  ille,  —  iller,  —  in,  ine,  —  ion,  —  ÏQue, 

—  ir,  —  is,  ise,  iser,  —  isme,  —  iste,  —  itie,  ice,  esse,  — 
ment,  —  oïde,  —  oir,  cire,  —  ois,  oise,  — on,  —  ot,  otte,  — 
té,  —  teur,  triée,  —  tare,  sure,  ure,  —  ude,  —  ule,  —  ure. 

Le  maître,  afin  de  jeter  un  peu  de  variété  et  de 
vie  dans  ses  leçons,  saisira  toutes  les  occasions 
d'intéresser  ses  élèves  par  quelques  ét3'mologies 
curieuses  ou  instructives,  propres  à  éclairer  sur 
le  véritable  sens  d'un  mot  ou  de  nature  à  corriger, 
à  rectifier  une  erreur.  Cela  certes  ne  lui  sera  pas 
difficile. 

Qu'on  demande  aujourd'hui,  par  exemple,  à 
l'un  des  premiers  élèves  de  nos  écoles  ce  que  c'est 
qu'un  faubourg.  D  décomposera  facilement  ce 
mot,  mais,  trompé  par  l'apparence,  il  croira  que  la 
première  syllable  vient  de  l'adjectif  faux,  et  il  dira 
que  c'est  «  une  réunion  de  maisons  ou  de  rues 
qui  paraît  être  un  bourg  et  qui  n'en  est  pas  un, 
que  cette  réunion  de  maisons  précède  seulement 
le  bourg.  »  S'il  a  fait  avec  soin  les  exercices  d'é- 
tymologie  pratique  dont  nous  venons  de  donner 
plusieurs  spécimens,  il  saura  que  fan  vient  de  for, 
fors,  qui  veut  dire  hors,  et  q\ie  faubourg ,  autrefois 
forsbourg,  forbourg,  désigne  un  bourg  bâti  hors 
de  l'enceinte  d'une  ville  ;  comme  forfaire  signifie 
faire  quelque  chose  hors  des  bornes  du  devoir,  de 
l'honneur  ;  comme  se  fourvoyer  veut  dire  aller 
hors  de  sa  voie;  hormis,  qui  est  mis  hors  de 
compte,  etc.  La  véritable  orthographe  de  faubourg 
devrait  donc  être  fobourg . 

L'origine  et  la  signification  du  mot  chapelet 
n'embarrasseraient  probablement  pas  moins  beau- 
coup d'élèves,  même  des  élèves  des  cours  su- 
périeurs. 

Le  chape/et,  comme  son  nom  l'indique,  n'était 
primitivement  qu'un  petit  chapeau,  qu'une  coiffure 
légère  de  fleurs  placée  sur  la  iéte.  La  couronne  ou 
rosaire  qu'on  mettait  sur  la  tète  de  la  sainte  Vierge 
prit  ce  nom,  qui  plus  tard  désigna  également 
cette  couronne  mobile  de  grains  enfilés  qui  rap- 
pellent le  nombre  des  Ave  Maria  et  des  Pater  que 
l'on  doit  dire. 


.Vous  pourrions  citer  ainsi  bien  des  exemples 
d'étymologie,  très  curieux  et  très  intéressants  ; 
1©^  recueils  que  nous  avons  indiqués  dans  la  pre- 
mière partie  de  cet  ouvrage  en  contiennent  de 
très  nombreux  choix. 

Cours  supérieur. 

Les  élèves  du  cours  supérieur,  ayant  déjà  vu 
les  matières  du  cours  élémentaire  et  du  cours 
moyen,  seront  aptes  à  recevoir  des  notions  plus 
développées,  plus  complètes  sur  les  origines  et  la 
formation  de  notre  langue. 

Dans  le  cours  moyen,  par  exemple,  le  maître 
n'a  parlé  que  d'une  façon  générale  des  préfixes 
et  des  terminaisons;  il  a  fait  étudier  les  principales 
seulement.  Il  potirra  maintenant  s'étendre  davan- 
tage. 

Il  fera  distinguer  aux  élèves  le  radical  de  la  ra- 
cine; il  leur  expliquera  le  rôle,  il  leur  donnera  les 
différentes  formes  de  l'un  et  de  l'autre  ;  il  pourra 
même  leur  faire  étudier  quelques  radicaux  dérivés 
du  latin  et  du  grec_,  les  plus  importants,  ceux  qui 
sont  la  souche  de  nos  plus  nombreuses  familles. 
Cette  connaissance,  certainement,  n'est  pas  indis- 
pensable, mais  elle  ne  présente  non  plus  aucune 
difficulté  sérieuse  ;  et  elle  donne  de  grandes  facili- 
tés pour  la  recherche  des  radicaux  français. 

Voici,  par  exemple,  une  liste  d'éléments  dont  la 
signification  pourra  faire  l'objet  d'études  intéres- 
santes et  utiles.  Le  maître  s'aidera,  dans  ses  re- 
cherches, des  ouvrages  que  nous  avons  déjà  eu 
l'occasion  de  citer,  et  entre  autres,  de  la  Lexico- 
logie française  de  Sardou. 

Eléments  l.mixs  :  1"  Uriv^,  duo,  très,  quatuor, 
quinque,  sex,  s^ptem,  octo,  novem,  decem,  centum, 
mille,  bis,  multo,  semi  [mi),  primus  {prim,  prin, 
prior,  pri); 

2°  Ambo,  sequus,  cœdere  [cide),  colère  (cote), 
ferre  [fero,  laiton),  forma,  fugere  (fuge),  loqui 
[loque,  locu'),  magnus  [major,  maximus),  mamis 
[manu'',  vorare. 

Éléments  grecs  :  1"  ^,  amphi,  ana,  anti,  apo, 
cata,  dia,  épi,  eu,  hyper,  hypo,  meta,  para,  péri, 
pro,  syn; 

2"  Alonos,  dis,  treîs,  tetra,  pente,  hex,  hepta 
[hebd],  octo  [oct),  ennéa,  deçà,  dodeca,  icos,  heca- 
ton  [hect,  hecto],  polys,  hemi; 

Z"  Algos  (algie),  anthropos,  arche  [arch,  archie, 
arque),  autos,  baro,  biblos  [biblion),  kakos  (caco), 
chéir  [chir],  chronos,  kratos  (cratie,  crate,  cra- 
iique),  kyklos  [cycle),  démos,  gaster,  gê  [géo), 
grapho  [graphe,  graphie,  graph),  helios,  haima 
[héma,  hémo),  héteros,  hiéros,  hippos,  homo9,  hydor 
[hydr,  hydro),  idios,  eïdos  [ido],  lithos,  logos,  mi- 
kros  (i7iicro),  rnelron,  misos,  }iaus,  néos,  nomos 
[■iiome,nomie),  oïde  [d'eïdos),  orama,orthos,  oxys, 
pas  (pnsa,  pan),  pais  [païdos,  paîdéia,  véd, pathos 
ip-ithé).  phagéin  [phage,  phagie),  philos,  phéro 
'phore),  physis,  pteryx  (ptéron),  pyr  [pyros], 
sko/jéô  (scope,  scopie],  sophia,  staô,  stéréos,  straios, 
lechnê,  théos,  thermos,  topo:,  typos,  ergon  [urgie), 
zôon. 

A  propos  des  initiales  ou  préfixes,  l'instituteur 
distinguera  les  prépositions  séparables  des  parti- 
cules insi'parables  et  donnera  le  rôle,  la  classifica- 
tion et  le  sens  des  préfixes  les  plus  usités,  préfixes 
français,  préfixes  latins  et  préfixes  grecs. 

Il  entrera  dans  le  même  détail  sur  la  nature  et 
le  rôle  des  désinences,  qui  comprennent  les  termi- 
naisons ;  il  exposera  les  modifications  apportées 
par  ces  désinences  aux  noms,  aux  verbes,  aux  par- 
ticipes et  aux  adjectifs. 

En  expliquant  le  mécanisme  de  la  formation  des 
mots,  il  signalera  la  dérivation  des  verbes  comme 
la  plus  riche  ;  il  montrera,  à  côté  des  dérivés  du 
participe  présent  et  du  participe  passé,  ceux  non 
moins  nombreux  de  cette  autre  forme,  que  nous 
avons  déjà  rencontrée  dans  les  exercices  du  cours 


ÉTYMOLOaiE 


736  — 


ÉTYMOLOGIE 


moyen,  mais  sur  laquelle  nous  ne  nous  sommes 
pas  arrêtés  et  qu'on  pourrait  appeler  le  supin,  parce 
qu'elle  se  tire  imni<3diatemcnt  du  supin  latia,  en 
supprimant  la  terminaison  um  de  ce  dernier. 

Le  supin  latin  n'est  autre  cliose  que  notre  parti- 
cipe passe  pris  substantivement,  comme  notre  par- 
ticipe lecé  dans  le  levé  des  plans. 

«  Le  verbe  agi?-,  par  exemple,  vient  du  latin 
agere,  doni  le  supin  est  actum.  Retranchez  la  ter- 
minaison iim,  il  reste  pour  supin  français  ad,  qui 
n'est  pas  un  mot  français,  mais  qui  forme  acteur, 
action,  actif,  activité,  activer,  etc.  Céder  vient  de 
cedere  qui  fait  au  supin  cessum;  et  de  ce  dernier 
nous  tirons  cess.qui  n'est  pas  français  non  plus,  mais 
qui  formera  cesnon,  cesse,  cesser,  i:essatio7i,  etc.  » 
Enfin,  dans  l'étude  ûcs  familles  d;  >nots,  le  maître 
fera  voir  comment  un  C"mposé  peut  recevoir  un  se- 
cond et  même  un  troisième  ;;re/ÎJe  pour  former  des 
composés  secondaires  et  tertiaires;  comment  l'ad- 
dition d'une  nouvelle  désinence  donne  de  même 
des  àérwés  secondaires  et  tertiaires  ;  il  distinguera 
]es  juxtaposés  des  composés,  et  indiquera  la  marche 
à  suivre  pour  trouver  le  radical  et  pour  ordonner 
le  tableau  d'une  famille. 

Ce  sera  un  spectacle  intéressant  pour  nos  grands 
élèves  de  voir  se  dérouler,  sous  la  subordination 
d'une  racine  commune,  d'abord  les  dérivés  directs, 
puis  les  branches  particulières  se  rattachant  au 
mot  primitif  par  la  communauté  étymologique. 
«  Ainsi  se  déroulera  sous  ses  yeux  le  tableau  gé- 
néalogique de  notre  idiome,  l'échelle  des  idées,  à 
partir  du  radical  auquel  tous  les  dérivés  sont  su- 
bordonnés. Il  verra  ainsi  comment,  en  partant  d'une 
idée  simple  et  procédant  par  la  logique  naturelle, 
l'esprit  a  formé  des  classes  et  des  groupes,  et 
amené  des  gerbes  d'idées  ;  comment  l'espèce  se 
subordonne  au  genre,  le  particulier  à  l'espèce; 
comment,  enfin,  la  racine  étant  posée,  on  voit, 
grâce  à  la  sève  qui  s'épanche  et  circule,  sortir  tour 
à  tour  la  tige,  les  branches,  les  rameaux,  tout  ce 
qui  constitue,  si  l'on  peut  parler  ainsi,  la  germina- 
tion d'une  langue,  d  (Mazure.) 

Nous  avons   donné,  dans   le  cours  moj-en,  plu- 
sieurs exemples    de    familles    de    mots   justifiant 
pleinement  ce  qui  précède.  Voici  un  tableau  plus 
complet  encore,  tiré  de  l'ouvrage  déjà  cité  de  Michel. 
C'est  le  tableau  de  la  famille  du  mot  faire. 


VEUCES,  PARTICIPES 


(1 


Faire  :  faisant,  fait, 
faç  oiin  er,  ant,  é. . . 
fac  ilit  er,  ant,  é... . 

fac 

fact  u  rer,  ant,  d. . . . 


fée  ond  er 


t'ai  néant  er,  ant,  é. 


(2 


af  fai 

contre  fai  re,  sant,  t. 


-VOilS,  ADJECTIFS,  ADVERCEsI 


dé  fai  re,  sant,  t 

for  fai  re,  . . ..    t 

re  (faç)  onn  er,  ant,  é. 
par  fai  re 


re  fai  rc,  sant,  t 

satis  fai  re,  sant,  t 

bien  fai  re,  sant,  t 

mal  fai  re,  sant,  t 

mé  fai  re 

manu  (fact)  ur  er,  ant,  é. . 


faiseur,  faisable,  infaisable. 

façon,  façonnier. 

facilité,  facile,  facilement. 

faculté,  facultatif. 

l'actuie,  facteur,  faction,  fac- 
tieux, factioauaire,  facto- 
rerie, factotum,  factice. 

fécond,  fécondation,  fécon- 
dateur, fécondité,  infé- 
condité. 

fainéant,  fainéantise. 


affaire,  affairé, 
contrefaçon,   contrefacteur, 

contrefaiseur. 
défaite, 
forfait,  forfaiture. 

parfait,  imparfait.  (Voyez 
plus  bas:  perfection,  etc.) 

satisfaction ,  satisfacloire , 
satisfaisant. 

bienfait,  bienfaiteur,  bien- 
faisant, bienfaisance. 

malfaiteur,  malfaisance, 
malfaisant. 

méfait. 

manufacture,  manufacturier. 


VEllUEb,  PARTICIPES 


con  fi  re,  sant,  t. 


décon  fi  re,  t . 
ef  fi 


of  fi  ci  er,  ant,  é. 


pro  fi  ter,  ant,  é. 
suf  fi  re,  sant  . . 


arti  fi. 


acidi  fi  er,  ant,  é. 
déi  fi  er,  ant,  é. 
édi  fi  er,  ant,  é. 

faisi  fi  er,  ant,  é. 
justi  fi  er,  ant,  é. 

modi  fi  er,  ant,  é. 
niorJi  fi  er,  ant,  é. 

raorbi  fi 

muni  fi 

mysti  fi  er,  ant,  é. 
noii  fi  er,  ant,  é. 
ossi  fi  er,  ant,  é. 
paci  fî  er,  ant,  é. 

ponti  ti  er,  ant,  é. 

puri  fi  er,  ant,  é., 
putré  fi  er,  ant,  é.. 

pani  fi  er 

(juali  fi  er,  ant,  é., 

rami  fi  er,  ant,  é. . 
rare  û  er,  ant,  é.. 


recti  fî  er,  ant,  é 

rubé  fî  er,  ant,  é 

sacri  fî  er,  ant,  é 


sancti  fi  er,  ant,  é. 
scienti  fi 


signi  fi  er,  ant,.é. .. 


simpli  fi  er,  ant,  é. 
solidi  (i  er,  ant,  é. 
spéci  fi  er,  ant,  é. 


stupé  fi  er,  ant,  é. 
torré  fi  er,  ant,  é. 
tumé  fî  er,  ant,  é. 
véri  fi  er,  ant,  é. 

vitri  fi  er,  ant,  é. 
vivi  fi  er,  ant,  é. 

versi  fî  cr,  ant,  é. 


(4 

af  fect  er,  ant,  é 

af  fect  ionn  er,  ant,  é.. 

dé  fect 


ef  fect  u  or,  ant,  é 

indé  fect 

per  fect  ionn  er,  ant,  é.. 


ré  fect, 
pré  fet.. 


>.01I<.  ADJECTIFS,  ADVERBES 


confiture,   confiturier,   con- 
fiseur, confiserie, 
déconfiture. 

efficace,  efficacité,  efficace- 
ment, inefficace,  ineffica- 
cité, inefficacement, 
office,  officiant,  officiai,  offi- 
cialité,    officier,    officine, 
officinal,  officiel,  officieux, 
officiellement,   officieuse- 
ment, 
profit,  profitable, 
suffisance,    suffisant,    suffi- 
samment, insuffisance,  in- 
suffisant, insuffisamment, 
artifice,  artificier,  artifii;lel, 
artificieux,       artificielle- 
ment,   artifîcieiisemcnt. 
acidification,  acidifiable. 
déification, 
édifice,  édification,  réédifier, 

réédification. 
falsification,  falsificateur, 
justification,  justifiable,  jus- 
tificatif, 
modification,  modificatif. 
mortification, 
inorbifique. 
munificence. 

mystification,  mystificateur. 
notification, 
ossification. 

pacification,  pacifique,  paci- 
ficateur, pacifiquement, 
pontife,  pontificat,  pontifical, 

P'jntificalement. 
purification,  purificatoire, 
putréfaction,  putréfait. 
panification, 
qualification,    qualificateur, 

qualificatif, 
ramification. 

laréfaction,  raréfactif,  raré- 
fiant, 
ectificalîon. 
rubéfaction,  rubéfiant, 
sacrifice, sacrificateur,  sacri- 

ficature. 
sanctification, 
cientifique  ,     scientifique- 
ment, 
signification,  sigoificsilf,  iii- 

sijinifiance,  insignifiant, 
simplification, 
solidification. 

spécification,  spécifique,  spé- 
cifiquement, 
stupéfaction,  stupéfait, 
torréfaction, 
tuméfaction, 
vérification,  vérificateur,  vé- 

rifiable. 
vilrification,  vitrifialilo. 
vivification,  vivifiqu'-,  révi- 
vifier, révivificHliun. 
versification,  versificateur. 


affectation,  affcctatif. 

affection,  affectueux,  affec- 
tueusement. 

défection,  défectuosité,  dé- 
fectueux, défectif,  défec- 
tueusement. 

effet,  effectif,  effectivement, 
ineffectif. 

indéfeclibilité,  indéfectible. 

perfection ,  perfectionne- 
ment, peifectibililé,  per- 
fectible, imperfection,  im- 
perfectibilité, imperfecti- 
ble. 

réfection,  réfectoire. 

préfet,  préfecture. 


ËTYMOLOGIE 


—  737  — 


ETYMOLOGTE 


L'examen  attentif  de  ce  tableau  permet  de  se 
rendre  compte  de  l'ordre  suivi  pour  le  dresser. 

Etabli  en  deux  colonnes,  comme  celui  de  la  fa- 
mille de  aqir,  dans  le  cours  moyen,  il  se  divise  en 
quatre  séries  : 

La  première  présente  l'ensemble  des  mots  déri- 
vés soit  de  la  racine  primitive  fai,  soit  des  racines 
modifiées  par  la  forme  du  participe  présent  fais  et 
du  participe  passé  fait,  soit  d'autres  formes  de  la 
même  racine,  fac,  fact,  fec.  Deux  autres  formes  de 
racines,  /?,  fect,  n'étant  employées  que  précédées 
d'initiales  pour  former  des  mots  composés,  se 
trouvent  dans  les  séries  suivantes. 

La  seconde  série  présente,  par  ordre  alphabé- 
tique des  préfixes,  les  mots  composés  avec  les 
racines .  précédentes  et  tous  les  dérivés  qui  en 
naissent. 

La  troisième  et  la  quatrième  série  contiennent, 
dans  un  ordre  analogue,  les  composés,  les  dérivés 
et  les  juxtaposés  des  racines  fi  et  fect,  qui  ne  sont 
employées  que  précédées  de  préfixes. 

Ce  grand  nombre  de  mots  appartenant  à  une 
seule  famille,  ayant  tous  une  idée  commune  par  le 
radical,  et  des  nuances  diverses  par  les  préfixes  et 
les  désinences,  montre  l'avantage  de  la  connais- 
sance des  familles  de  mots,  «  puisque  l'étude  bien 
faite  d'un  seul  radical  met  en  évidence  les  accep- 
tions d'une  série  de  mots  considérable,  et  en  fait 
saillir  graduellement  la  valeur  et  les  nuances  par 
le  rapprochement  méthodique  auquel  celte  étude 
donne  lieu.  » 

Dans  cette  troisième  partie  du  cours,  l'instituteur 
s'attachera  aussi  à  faire  appliquer  aux  élèves  les 
principes  qu'ils  ont  étudiés,  de  façon  à  ce  qu'ils 
puissent  se  rendre  compte  de  la  vraie  valeur  des 
mots  et  en  corriger  même  quelques-uns,  qui  sont 
mal  à  propos  usités. 

Ainsi,  comme  le  dit  M.  B.  Jullien  dans  son  cours 
supérieur  de  grammaire,  on  verra  que  c'est  à  tort 
que  l'on  appelle  bouillotte  un  petit  vase  en  cuivre 
étamé  pour  faire  bouillir  de  l'eau  ;  le  véritable  nom 
est  une  bouilloire,  la  terminaison  où-e  indiquant 
l'instrument  ou  le  lieu  d'une  action.  La  bouillotte 
est  un  jeu  de  cartes. 

De  même,  quand  des  enfants  s'élancent  les  uns 
après  les  autres  sur  un  bassin  glacé  ou  sur  un  ruis- 
seau congelé,  sur  un  terrain  couvert  de  neige  dur- 
cie, ils  y  font,  non  pas  une  glissade,  comme  on  le 
dit  ordinairement,  mais  une  glissoire.  La  glissade, 
d'après  le  sens  de  la  terminaison  ade,  est  l'acte 
de  celui  qui  glisse  :  chacun  des  glisseurs  en  fait 
successivement  une  grande  quantité. 

Le  lieu  où  l'on  se  promène  est  encore  un  pro- 
me7ioir,  et  non  une  promeriade  :  «  J'ai  étendu  mes 
promenoirs  sans  qu'il  m'en  ait  coûté  beaucoup  », 
écrit  M™*  de  Sévigné  à  son  cousin  Bussy.  En  effet, 
elle  avait  acheté  des  terres,  et  allongé  les  allées  où 
elle  se  promenait.  Si  elle  avait  dit  :  «  J'ai  allongé 
mes  promenades  »,  Bussy  aurait  cru  que  sa  santé 
s'étant  fortifiée,  elle  allait  se  promener  plus  loin 
qu'auparavant.  Cet  exemple  est  curieux,  ajoute 
M.  Jullien,  parce  qu'il  montre  que  si  le  langage 
ordinaire  prend,  par  figure,  certains  mots  pour 
d'autres  d'un  sens  très  voisin  ou  analogue,  si  l'on 
dit  très  bien,  par  exemple,  nous  avons  de  jolies 
promenades  uutow  de  cette  ville,  au  lieu  de  jolis 
promenoirs,  il  y  a  cependant  des  cas  où  cette  sub- 
stitution ne  peut  plus  se  faire  sans  inconvénient  ;  et 
alors  il  faut  reprendre  le  mot  propre,  même  quand 
il  est  moins  usité. 

Les  jours  de  la  semaine  où  l'on  peut  travailler, 
les  jours  non  fériés,  sont  de  môme  des  jours  ouora- 
bles.  c'est-à-dire  où  l'on  peut  ouvrer  (faire  œuvre 
de  ses  mains,  se  livrer  à  son  travail),  et  non  pas, 
comme  on  ledit  souvent,  des  jours  ouvriers. 

En  outre,  de  même  que  dans  le  cours  moyen, 
bien  entendu,  et  aussi  dans  le  cours  élémentaire, 
l'instituteur   donnera    de    temps    en    temps    des 
2»  Partik. 


étymologies  intéressantes,  curieuses,  historiques 
ou  anecdotiques,  ayant  trait,  autant  que  possible, 
à  des  faits  qui  se  sont  passés  dans  le  pays  ou  dési- 
gnant des  localités  voisines,  connues  de  l'enfant. 

Les  noms  de  plusieurs  rues  de  Paris  offrent  ains' 
l'exemple  de  noms  substitués  à  d'autres  par  igno- 
rance ou  par  corruption  de  terme.  La  rue  nommée 
aujourd'hui  rue  aux  Ours  est  dans  ce  cas.  Au  xiii* 
siècle,  cette  rue  était  habitée  en  général  par  des 
rôtisseurs;  c'était  la  rue  oit  l'on  cuit  les  oës,  la  rue 
où  l'on  cuit  les  oies;  plus  tard  elle  fut  simplement 
désignée  par  le  nom  de  rue  as  oës,  as  ouës  :  c'est 
aujourd'hui  la  rue  aux  Ours. 

Nous  disons  en  parlant  de  quelqu'un  qui  est  allé 
fort  loin,  qui  tarde  à  revenir  :  «  Il  est  allé  je  ne 
sais  où,  au  diable  au  vert.  »  Que  signifie  cette  lo- 
cution :  au  diable  au  vert? 

Il  y  avait  autrefois  un  château  voisin  de  Paris, 
qui  s'appelait  le  château  de  Vauvert.  Ce  château 
passait,  au  xiii*  siècle,  pour  être  habité  par  des 
revenants.  En  1258,  Louis  IX  en  fit  don  aux  Char 
treux  pour  y  fonder  un  couvent.  Pendant  quelque 
temps  encore,  la  crédulité  populaire  prétendait  que 
le  diable  n'avait  point  abandonné  le  manoir,  et 
qu'on  y  entendait,  certains  jours,  des  bruits  insolites 
et  étranges.  Les  curieux  s'y  rendaient,  et,  comme 
beaucoup  ne  revenaient  guère  qu'à  la  fin  de  la 
journée,  fort  tard,  on  disait  alors  de  quelqu'un  qui, 
sorti  depuis  quelque  temps,  tardait  à  rentrer  :  «  11 
est  sans  doute  allé  au  diable  de  Vauvert.  »  c'est-à- 
dire  voir  le  diable  de  Vauvert  ;  puis  on  a  dit  aller 
au  diable  Vauvert,  et  enfin  aller  au  diable  au  vert. 
La  rue  qui  conduisait  à  cette  abbaye  s'appela  natu 
rellement  la  rue  d'Enfer. 

L'origine  du  mot  pataquès  [pas-t-à  qui  est-ce), 
qui  désigne  une  faute  grossière  de  liaison  dans  la 
conversation  ou  la  lecture,  n'est  pas  moins  curieuse. 
Voici  comment  la  raconte  M.  Larousse.  Un  jeune 
homme  se  trouvait,  dans  une  loge  du  Théâtre-Fran- 
çais, à  côté  de  deux  dames  d'une  toilette  fort  bril- 
lante, mais  dont  la  conversation  répondait  peu  à 
leur  parure.  Ce  jeune  homme  aperçoit  à  terre  un 
mouchoir  brodé.  Il  le  ramasse,  et,  s'adressant  à 
l'une  de  ses  voisines  :  «  Madame,  lui  dit-il,  ce  mou- 
choir est  sans  doute  à  vous?  —  Non,  monsieur, 
répond-elle,  il  n'est  point-z-à  moi.  —  Il  est 
donc  à  vous,  madame?  dit-il  à  l'autre.  —  Non, 
monsieur,  répondit  celle-ci,  il  n'est  pas-T  à  moi. 
—  Ma  foi,  reprend  le  jeune  homme,  en  se  tour- 
nant vers  le  parterre,  il  n'est  pas-T-à  l'une,  il  n'est 
point-z-à  l'autre,  je  ne  sais  vraiment-z-alors  pas-t-a 
qu'est-ce.  »  —  L'aventure  fit  grand  bruit,  et  la 
réponse  du  jeune  homme  parut  si  plaisante  que 
l'on  donna  le  nom  de  pas-t-à  qu'est-ce  (pataquès)  à 
toute  liaison  faite  contrairement  aux  lois  de  l'usage, 
soit  au  moyen  d'un  t,  soit  au  moyen  d'un  s. 

Analyse  étymologique. 

Quelques  exercices  d'analyse  étymologique  pour- 
ront de  temps  en  temps  permettre  au  maître  de 
faire  réviser  dans  les  trois  cours,  proportionnelle- 
ment aux  développements  donnés,  les  notions  étu- 
diées. 

Cette  analyse  consiste  à  décomposer  les  mots 
d'une  phrase  par  rapport  à  l'étymologie,  c'est-à- 
dire  à  indiquei  les  primitifs  et  les  dérivés,  les  sim- 
ples et  les  composés,  à  revenir  des  diverses  bran- 
ches au  tronc  et  à  la  racine,  quelquefois  à  indiquer 
les  divers  rejetons  d'un  mot  donné.  • 

En  voici  un  exemple,  emprunté  au  cours  de 
M.  Jullien,  et  qui  a  pour  texte  une  phrase  de  Mon- 
taigne :  Certes,  c'est  un  sujet  merveilleusement 
vain,  divers  et  ondoyant,  que  P homme;  il  est  ma- 
laisé d'y  fonder  un  jugement  constant  et  uniforme» 

Certes,  adverbe,  mot  simple  et  primitif.  On  ea  a  tiré  les 
mots  certain,  certitude,  certifier,  certificat,  etc.,  et  les 
composés  incertain,  incertitude . 

Ch,  est,  mots  simples. 

47 


EUPHORBIAGÉES 


—  738  — 


EUPHORBIAGÉES 


Vu,  mot  simple  et  primitif,  a  formé  unième,  unité,  unir, 
union,  unique,  et  les  composés  réunir,  réunion,  désunir, 
désunion. 

Sujet,  autrefois  subjet  ou  subjeet,  mot  composé  de  sub, 
qui  veut  dire  sous,  de-^sous,  et  de  jet,  venu  de  jeter.  Le  sujet 
est  donc  proprement  ce  qui  esl  jeté  dessous,  c'est-à-dire  ce 
sur  quoi  l'on  travaille.  —  Sujet  a  formé  le  dérivé  sujétion, 
et  les  composés  assujettir,  assujettissement. 

Merveilleusement,  dérivé  de  merveilleux,  par  la  termi- 
naison adverbiale  ment.  —  Merveilleusement,  par  sa  ter- 
minaison, signifie  plein  de  merveilles;  merveille  a  formé 
le  composé  s'émerveiller. 

\ain,  e,  mot  simple  et  primitif,  a  formé  les  dérivés 
vainement,  vanité,  vaniteiix,  se  vanter,  vantard,  vanterie, 
et  les  composés  s'évanouir,  évanouissement. 

Divers,  se,  mot  composé  de  di,  particule  inséparable,  et 
de  vers,  venu  de  vertir,  tourner  ;  divers  signifie  donc,  au 
propre,  çui  se  tourne  d'un  coté  et  d'un  autre.  —  lia  formé 
les  dérivés  diversion,  diversité,  diversement,  diversifier. 

Ondoyant,  du  verbe  ondoyer,  tiré  lui-même  du  mot  onde; 
il  a  formé  ondoiement. 

Que,  le,  mots  simples. 

Homme,  mot  simple,  qui  a  formé  beaucoup  de  dérivés 
comme  hommage,  humain,  humanité,  humaniser,  et  de 
composés  comme  inhumain,  inhumanité,  surhumain. 

Il,  est,  mots  simples. 

Malaisé,  mot  composé  de  mal  pris  comme  préfixe,  et  de 
aisé  venu  de  aise. 

De,  y,  mots  simples. 

Fonder,  mot  simple,  dérivé  de  fond,  a  formé  lui-même  les 
dérivés  fondation,  fondateur,  fondement,  fondamental  et 
le  composé  refonder. 

Un,  mot  simple. 

Jugement,  mot  simple  dérivé  de  juge  et  de  juger,  par  la 
terminaison  substantive  ment;  juge  a  formé  plusieurs  com- 
posés comme  adjuger,  forjuger,  préjuger. 

Constant,  mot  compose  du  préfixe  co,  com,  con,  et  du 
participe  hypothétique  stant  (venu  du  verbe  radical  ster). 
qu'on  retrouve  dans  le  dérivé  stance  et  dans  les  composés 
constance,  inconstance,  inconstant,  circonstance,  distant, 
distance,  instant,  instance,  instamment,  prestance,  sub- 
stance, substanter,  substantiel,  rester,  restant. 

Et,  mot  simple. 

Uniforme,  mot  composé  de  un  et  de  forme,  qui  lui-même 
a  produit  plusieurs  composés  adjectifs  comme  conforme, 
difforrre,  informe,  rfforme,  uniforme,  et  les  substantifs 
dérivés  conformité,  difformité,  réformation,  uniformité. 

Ces  notions  d'étymologie  intéresseront  vivement 
nos  élèves,  cela  n'est  pas  douteux.  Elles  jetteront 
un  jour  tout  nouveau  sur  l'étude  encore  si  aride  de 
la  grammaire  ;  elles  donneront  la  clef  de  bien  des 
anomalies  apparentes  ;  elles  justifieront  aux  yeux 
des  élèves  des  orthographes  qui,  jusqu'à  ce  jour, 
leur  avaient  paru  inexplicables  ;  elles  répandront 
l'intérêt  et  la  vie  dans  tous  les  exercices  de  langue  : 
lecture,  dictées,  analyses,  récitations,  etc. 

Complétées  par  quelques  exercices  de  synonymie, 
elles  feront  acquérir  aux  élèves  cette  netteté  dans 
les  idées  et  cette  clarté  dans  l'expression  dont  nous 
parlions  au  début  de  l'article,  et  sans  lesquelles 
il  est  impossible  de  bMi  parler  et  de  bien  écrire. 
Puis,  la  rectitude  que  l'intelligence  gagnera  par  ce 
travail,  la  souplesse  d'esprit  qui  en  sera  nécessai- 
rement la  conséquence,  ne  seront  pas  sans  effet  sur 
les  travaux  et  les  progrès  ultérieurs  des  élèves; 
et  c'est  ainsi  que  se  justifiera  pleinement  le  mot 
de  Platon  :  «  La  connaissance  des  mots  conduit  à 
la  connaissance  des  choses,  » 

(Les  ouvrages  qui  peuvent  ètie  utilement  consultés  ont 
été  indiqués  à  l'article  Étymologie  de  la  l'*  Partie.) 

[A.  Lenient.] 

EUPHORBIAGÉES.  —  Botanique,  XXV.  —  Les 
Euphorbiacées  sont  des  Phanérogames  dicotylé- 
donées  angiospermes.  Les  pétales  de  leurs  fleurs 
sont  libres  ou  nuls,  indépendants  du  calice  et  in- 
sérés sous  l'ovaire.  Chaque  fleur  ne  contient  qu'un 
petit  nombre  d'étamines.  Réunies  aux  antidesmées 
et  aux  forestiérées,  elles  forment  la  classe  des 
Crotoninéos  de  Brongniart. 

Caractères  botaniques.  —  Le  volume  des  graines 
des  euphorbiacées  varie  depuis  celui  d'un  grain  de 
mil  (euphorbes  indigènes,  mercuriales)  jus(|u'à  celui 
d'une  petite  noix   (noLx  de  Bancoul  ou  aleurites). 

Ces  graines  sont  arrondies,  à  surface  chagrinée. 


plus  rarement  lisse  (ricin)  ;  en  général,  elles  pré- 
sentent vers  leur  micropyle  une  sorte  de  coiffe 
celluleuse  sèche,  nommée  caroncule;  le  tégument 
de  ces  graines,  très  épais,  fort  dur,  contient  sou- 
vent de  grandes  quantités  de  carbonate  de  chaux; 
il  protège  un  embryon  droit  à  cotylédons  larges 
et  plans  ou  à  cotylédons  semi-cylindriques  ;  cet 
embryon  est  presque  toujours  enveloppé  par  un 
albumen  abondant,  charnu,  oléagineux.  Rarement 
la  radicule  de  lembryon  correspond  au  micropyle 
de  la  graine  ;  cette  particularité  Ta  fait  qualifier 
d'embryon  hétérotrope. 

La  racine  des  euphorbiacées  est  fibreuse,  par- 
fois tubéreuse  (Jatropha  Manihot)  ;  elle  renferme 
un  suc  laiteux  très  acre,  surchargé  de  caoutchouc, 
d'amidon,  et  de  principes  vénéneux. 

La  tige  des  euphorbiacées  est  dressée,  de  di- 
mensions et  de  consistance  variables.  Dans  les 
espèces  des  pays  tempérés,  elle  est  généralement 
petite,  herbacée,  terminée  par  une  ombelle  de 
rameaux  dont  l'ensemble  constitue  l'inflorescence, 
ou  bien  elle  se  ramifie  dès  la  surface  du  sol  et 
chaque  branche  se  termine  elle-même  par  une  om- 
belle. Dans  les  régions  tropicales,  certaines  euphor- 
biacées présentent  une  tige  ligneuse  dont  les  di- 
mensions ne  le  cèdent  en  rien  aux  troncs  les  plus 
gros  et  les  plus  élevés  ;  d'autres  ont  une  tige 
charnue  épaisse,  triangulaire,  quadrangulaire  ou 
cylindrique,  avec  ou  sans  cannelures  longitudi- 
nales ;  cette  tige  donne  à  la  plante  la  physionomie 
d'une  plante  grasse.  Les  côtes  des  tiges  de  ces 
euphorbiacées  dites  cactiformes  présentent  des 
épines  géminées  ou  solitaires,  droites  ou  recour- 
bées, très  acérées.  Le  sommet  de  ces  tiges  grasses 
est  souvent  revêtu  d'une  sorte  d'étoupe  blanche 
ou  grise,  dont  l'origine  est  mal  connue  ;  cette  per- 
ruque a  fait  désigner  ces  euphorbes  sous  le  nom 
vulgaire  de  têtes  de  vieillards.  Quelle  que  soit  sa 
forme,  la  tige  des  euphorbiacées  contient  un  suc 
analogue  à  celui  de  la  racine. 

Un  petit  nombre  d'euphorbiacées  (Xylophylla) 
présentent  des  rameaux  fasciés,  c'est-à-dire  adhé- 
rents entre  eux  sur  une  longueur  variable,  d'ap- 
parence foliacée,  que  l'on  appelle  cladodes. 

Les  feuilles  des  euphorbiacées  sont  alternes, 
opposées  ou  verticillées,  sessiles  ou  pétiolées, 
souvent  accompagnées  de  stipules.  Leur  limbe  est 
entier,  ou  denté,  à  nervation  pennée  ou  palmée. 
Dans  les  euphorbiacées  cactiformes,  les  feuilles, 
très  petites,  écailleuses,  sont  caduques. 

L'inflorescence  des  euphorbiacées  est  axillaire 
ou  terminale  ;  parfois  elle  consiste  en  une  ombelle 
dont  les  rameaux  plusieurs  fois  bifurques  se  ter- 
minent par  des  cymes  i^euphorbes  indigènes)  ; 
d'autres  fois  c'est  une  grappe,  ou  un  épi  (ricin), 
ou  encore  une  cyme  bipare  (épurge). 

Les  fleurs  des  euphorbiacées  sont  monoïques 
(ricin,  etc.)  ou  dioiques  (mercuriale),  exceptionnel- 
lement hermaphrodites. 

Dans  les  cas  où  la  fleur  mâle  a  pli>s  d'une  éta- 
mine,  elle  présente  un  calice  et  parfois  aussi  une 
corolle;  les  étamines  sont  alors  au  nombre  de  cinq, 
dix,  ou  en  nombre  indéfini  ;  libres  (mercuriale)  ou 
adhérentes  par  leurs  filets  ;  ces  étamines  adhé- 
rentes sont  disposées  en  groupes  plus  ou  moins 
éloignés  les  uns  des  autres  chez  le  ricin  ;  chez  les 
ricinocarpus,  elles  forment  une  seule  masse  cen- 
trale. —  Dans  le  genre  Euphorbe,  la  fleur  mâle  ne 
se  compose  que  d'une  seule  étamine,  accompagnée 
parfois  d'une  écaille  ;  un  grand  nombre  de  ces 
fleurs  mâles  monostaminées  se  groupent  autour 
d'une  fleur  femelle  ;  tout  cet  ensemble  est  protégé 
par  une  double  enveloppe  diversement  colorée,  qui 
ressemble  de  loin  à  une  fleur.  —  La  déhisccnco 
des  anthères  se  fait  par  une  fente  longitudinale 
antérieure  ou  latérale,  ou  par  un  pore  oblong. 

La  fleur  femelle  se  compose  d'un  pistil  protégé 
par  un  calice,  accompagné  ou  non  dune  corolle. 


EUPHORBIACÉES 


—  739  — 


EUPHORBIACEES 


Ce  pistil  est  formé  de  trois  carpelles  cohérents  et 
verticiUés,  surmontés  d'une  colonne  centrale  ou 
style,  qui  se  divise  en  autant  de  brandies  qu'il  y  a 
de  carpelles.  Les  ovules,  au  nombre  de  un  ou  deux 
dans  cliaque  loge  de  l'ovaire,  sont  anatropes  et 
bitégumentés,  pourvus  d'un  riche  réseau  vasculaire 
dans  la  région  commune  à  la  secondine  et  au  nu- 
celle,  à  micropyle  long  et  très  sinueux.  Le  fruit 


des  euphorbiacées  est  une  capsule  dont  chaque 
loge,  à  la  maturité,  s'ouvre  par  une  fente  longi- 
tudinale. Exceptionnellement,  le  fruit  du  mance- 
nillier  est  une  drupe  comparable  à  une  petite 
pomme. 

Classification  des  Euphorbiacées-  —  M.  Millier 
d'Argovie  a  classé  les  Euphorbiacées  de  la  manière 
suivante  : 


coTTtÉDOXs  sEsii-cTLixDRiQUES.  —  Sténolohées. 
Loges  ovariennes  biovulées  ;  calice  à  préfloraison  valvaire 1  Calétie'es. 


Loges  ova- 
riennes 
unioTU  - 
ées  .... 


Loges  ova- 
riennes 
biovulées 


Li^es  ova- 
riennes 
uniovu  - 
lèes .... 


Calice  à  préfloraison  valvaire 2  Ampérées. 

Calice  à  préfloraison  quinconciale 3  Jiicinocarpées. 

coTïLKDOss  PLvxs.  —  Plat'jlobées, 

Calice  à  préfloraison  valvaire 4  EndoUées. 

Calice  à  préfloraison  quinconciale 5  Phyllanthées, 

Calice  à  préfloraison  valvaire 6  Acalyphées. . . 

Anthères  infléchies  dans  le  bouton 7  Crotonées  .... 


Calice  à 
préflo- 
raison 
quin- 
con- 
ciale . 


8  Hippomanées . . 


Anthères  ^  involucre  unisexuel. 
dressées 
dans    le 

bouton.   J  Involucre  l  Fleurs  mâles  polyandres      9  Daléchampiées. 
bi-seiuel  |   Fleurs  mâles  monandres     10  Euphorbiëes,,, 


Mercuriales,  îlaurelle 
ou  Tournesol,  Ri- 
cin, Aleurites. 

Croton. 

Mancenillier,  Sablier, 
Manioc,  Arbre  à 
suif,  Siphonia  ou 
Hévé. 

Euphorbes. 


Usages  des  Euphorbiacées.  —  1°  Genre  Eu- 
phorbe. —  A.  Euphorbes  grasses.  —  L' Euphorbe 
des  ancieiis  ^Afrique,  Arabie,  Inde),  l'Euphorbe  des 
Canaries,  l'Euphorbe  officinale  (Ethiopie  .donnent 
par  incision  de  leur  tige  un  suc  emploj'é  comme 
vésicant.  —  h'Euphorbe  résinifère  (montagnes 
avides  du  Maroc,  Mogador)  fournit  la  gomme-résine 
d'euphorbe.  Cette  substance  est  importée  en  Eu- 
rope par  la  voie  de  Mogador  ;  elle  se  présente  à 
l'état  de  larmes  irrégulicres,  jaunâtres,  demi- 
transparentes,  friables,  percées  de  deux  trous, 
dans  lesquels  on  retrouve  les  aiguillons  géminés 
de  la  plante  ;  cette  gomme-résine  est  un  caustique 
■violent,  employé  autrefois  comme  vésicant  ;  son 
activité  surpasse  celle  de  la  cantharide.  Réduite 
en  poudre,  elle  provoque  l'éternuement  ;  l'énergie 
avec  laquelle  elle  agit  l'a  fait  à  peu  près  complète- 
ment abandonner. 

B.  Euphorbes  à  figes  et  feuilles  normales.  — 
Le  suc  de  presque  toutes  nos  euphorbes  indigènes 
est  purgatif.  La  partie  corticale  de  la  racine  de 
beaucoup  d'entre  elles  peut  être  employée  comme 
yomitif .  La  plus  connue  et  la  plus  usitée,  VEpurge, 
fournit  en  outre,  par  compression  de  ses  graines, 
une  huile  purgative  délaissée  aujourd'hui  à  cause 
des  accidents  fréquents  de  régurgitation  qu'elle 
provoquait. 

h3.V3iC\nQ  Aal'Eup^iorbe  ipecacuanha  (Amérique 
septentrionale)  ast  très-employée  comme  vomitif. 
—  h'Euphorbe  à  feuilles  de  thym  est  employée 
dans  l'Inde  comme  vermifuge  pour  les  enfants  en 
bas  âge.  —  V Euphorbe  à  feuilles  de  millepertuis 
(Amérique  tropicale)  est  eniploj'ée  efficacement 
contre  la  dyssenterie.  —  h'Euphorbe  balsami  lue 
fournit  un  suc  très  recherché  des  hnbitants  des 
îles  Canaries,  qui  l'emploient  à  la  préparation  d'une 
gelée  alimentaire.  —  h'Euphorbe  à  feuilles  coton- 
neuses laisse  échapper  de  ses  blessures  un  suc 
tellement  vénéneux  que  les  Caraïbes  y  plongent 
leurs  flèches  pour  les  empoisonner.  —  h'Euphorbe 
phosphorescente  donne  un  suc  phosphorescent 
dont  les  sorciers  brésiliens  se  barbouillent  le  vi- 
sage lorsqu'ils  veulent  en  imposer  dans  les  céré- 
monies nocturnes. 

2"  Genre  Mercuriale.— ^  La  Mercuriale  annuelle 
ou  foirole,  qu'on  rencontre  fréquemment  dans  les 
jardins,   autour   des    maisons,    est  employée  en 


lavements  comme  laxatif,  en  cataplasmes  comme 
émoUient.  Cuites  dans  l'eau  légèrement  salée  et 
lavées  à  l'eau  bouillante,  les  feuilles  de  la  mercu- 
riale annuelle  sont  mangées  en  Allemagne  en 
guise  d'épinards,  la  coction  ayant  suffi  pour  les 
débarrasser  de  leurs  principes  purgatifs. 

La  Mercuriale  vivace  est  beaucoup  plus  active 
que  la  mercuriale  annuelle  ;  elle  croît  dans  les 
bois;  on  la  distingue  de  sa  congénère  par  sa  tige 
moins  élevée  et  légèrement  velue.  Introduite  dans 
l'estomac,  elle  peut  provoquer  de  graves  accidents. 

•3°  Maurelle  ou  TOURNESOL.  —  Cette  plante  croît 
dans  le  midi  de  la  France,  en  Espagne,  en  Italie  et 
dans  tout  le  Levant.  De  ses  fruits  et  de  ses  rameaux 
fructifères,  on  extrait  une  matière  colorante  rouge. 
Cette  matière,  répandue  sur  des  carrés  de  toile 
grossière,  se  vend  sous  le  nom  de  tournesol  en 
drapeaux.  Pour  fabriquer  le  tournesol  en  dra- 
peaux, on  récolte  les  rameaux  fructifères  avec  leurs 
fruits  ;  le  tout  est  écrasé,  fortement  pressé  ;  il  s'en 
écoule  un  suc  vert;  les  drapeaux  y  sont  plongés, 
puis  exposés  dans  des  cuves  de  pierre  à  l'action 
de  vapeurs  ammoniacales  diluées  ;  ils  y  deviennent 
rouges.  On  répète  cette  opération  une  seconde, 
puis  une  troisième  fois;  finalement,  on  fait  sécher 
les  drapeaux.  Ce  tournesol  est  employé  pour  co- 
lorer les  fromages  de  Hollande,  des  pâtes,  des 
conserves,  et  même  des  liqueurs. 

4°  Genre  Excœcaria.  —  L'Excœcaria  Agalloca, 
ou  arbre  aveuglant  des  îles  Moluques,  est  un 
arbre  de  haute  taille  dont  le  bois  est  très  recherché 
à  cause  de  sa  couleur  brun-rougcâtre,  tachetée  de 
noir  ;  le  suc  de  cet  arbre  est  tellement  vénéneux 
qu'une  goutte  suffit  pour  provoquer  la  cécité  ; 
c'est  à  cette  propriété  que  la  plante  doit  son  nom 
vulgaire. 

5"  Genre  Mancexillier.  —  Le  mancenillier  de 
l'Amérique  intertropicale  est  un  arbre  dont  la  tige 
laisse  suinter  un  suc  laiteux,  tellement  vénéneux 
que  son  contact  sur  la  peau  provoque  des  brûlures 
profondes.  Le  fruit  du  mancenillier  rappelle  de 
loin  une  petite  pomme  ;  sa  chair,  tendre,  est  gor- 
gée de  principes  vénéneux  qui  en  font  un  poison 
violent.  Les  propriétés  toxiques  du  suc  et  des  fruits 
du  mancenillcr  ont  été  l'origine  de  fables  encore 
aujourd'hui  très  répandues,  bien  qu'elles  aient  été 
démenties  par  Joseph  Jacquin,  C'est  ainsi  qu'on 


EUPHORBIAGEES 


—  740  — 


EUPHORBIAGEES 


prétendait  que  le  voyageur  imprudent  qui  s'endor- 
mait à  l'ombre  du  manceniilier  ne  se  réveillait 
plus,  que  la  pluie  ou  la  rosée  qui  en  lavait  les 
feuilles,  venant  à  tomber  sur  la  peau,  produisait 
l'effet  d'un  vésicatoire. 

6°  Genre  Hlra  ou  Sablier.  — Le  latex  duSnblie)' 
élastique  est  encore  plus  vénéneux  que  celui  du 
manceniilier^  son  compatj-iote.  Boussingault  et 
Rivero,  qui  voulurent  en  faire  l'analyse,  rien  que 
pour  s'en  être  approchés,  furent  atteints  d'crysi- 
pèle.  Le  fruit  du  Sablier  est  une  capsule  compo- 
sée de  douze  à  dix-huit  coques  renfermant  cha- 
cune une  graine  de  couleur  brique,  dont  la  grosseur 
et  la  forme  rappellent  celle  d'une  graine  de  courge. 
A  la  maturité,  toutes  ces  coques  se  fendent  longi- 
tudinalement  en  deux  valves  ;  ces  dernières  se  sé- 
parent avec  fracas;  le  bruit  produit  équivaut  à  un 
coup  de  pistolet.  Le  fruit  du  Sablier,  cueilli  ai-ant 
sa  maturité  complète  et  bouilli  dans  l'huile,  perd 
son  élasticité;  débarrassé  de  ses  graines,  qu'on  ex- 
trait par  un  orifice  qui  se  produit  naturellement  à 
la  partie  supérieure  de  chaque  loge,  autour  de  la 
colonne  centrale,  il  sert  de  sablier.  C'est  de  là 
qu'est  venu  le  nom  vulgaire  de  cette  plante. 

7°  Genre  Siphonie  ou  Hévé.  —  La  Siphonie 
élastique  ou  Hévé  de  la  Guyane  est  un  arbre  de 
16  à  20  mètres  de  hauteur  ;  le  diamètre  de  son 
tronc  peut  atteindre  0™80  centimètres.  Son  suc 
laiteux  se  concrète  à  l'air  en  une  masse  élastique 
nommée  caoutchouc.  Pour  obtenir  le  caoutchouc, 
on  pratique  des  incisions  dans  le  tronc  de  l'hévé. 
Les  Indiens  ont  l'habitude  d'appliquer  couche  par 
couche,  sur  des  moules  en  terre,  le  caoutchouc 
encore  très  fluide.  Les  moules  les  plus  employés  ont 
la  forme  d'une  gourde  ou  d'un  oiseau.  Les  Indiens 
n'appU(|uent  une  nouvelle  couche  de  suc  sur  la 
forme  que  lorsque  les  couches  précédentes  sont 
complètement  sèches.  Quand  ils  jugent  que  l'épais- 
seur du  caoutchouc  est  suffisante,  ils  cassent  le 
moule  intérieur  et  en  font  sortir  les  débris  par  un 
orifice  pratiqué  tout  exprès.  On  fabrique  avec  le 
caoutchouc  des  tissus  élastiques,  des  étoffes  et  des 
chaussures  imperméables.  "Tout  le  caoutchouc  du 
commerce  ne  provient  pas  exclusivement  de  l'hévé 
de  la  Guyane  ;  diverses  plantes,  appartenant  les 
unes  à  la  famille  des  Morées  ou  à  celle  des  Artocar- 
pées,  les  autres  à  la  famille  des  Apocynées,  en 
fournissent  des  quantités  notables. 

8°  Genre  Manihot  ou  Manioc.  —  Parmi  les  nom- 
breuses espèces  du  genre  Manioc,  deux  seulement 
sont  utilisées;  ce  sont  le  Manioc  doux  et  le  Ma- 
nioc amer;  tous  deux  sont  cultivés  dans  toute  la 
région  intertropicale  de  l'Afrique  et  de  l'Améri- 
que. La  racine  du  Manioc  doux  ne  renferme  au- 
cun principe  vénéneux  :  elle  se  mange  cuite  à  l'eau 
ou  sous  la  cendre.  La  racine  du  Manioc  amer 
renferme  un  suc  très  vénéneux.  Pour  s'en  débar- 
rasser, on  dépouille  la  racine  de  sa  partie  corticale, 
puis  on  la  réduit  en  pulpe  au  moyen  d'une  râpe  ; 
la  pulpe  est  placée  dans  un  sac  de  palmier,  sus- 
pendu par  une  de  ses  extrémités  à  une  forte  tra- 
verse horizontale  ;  à  l'autre  extrémité  du  sac  est 
suspendu  un  seau  fort  lourd.  L'élongation  du  sac, 
aidée  au  besoin  par  une  torsion,  comprime  la 
pulpe  ;  le  liquide  qui  s'en  échappe  s'accumule  dans 
le  seau.  Quand  la  pulpe  a  perdu  tout  le  sue  qu'elle 
renfermait,  sans  l'extraire  du  sac  qui  la  contient, 
on  la  fait  sécher  en  suspendant  le  sac  dans  la  che- 
minée. Pulvérisée,  elle  fournit  Xsl  farine  de  manioc. 
Le  liquide  recueilli  dans  le  seau  a  entraîné  ce  que 
l'on  appelle  la  fécule  de  manioc;  on  la  sépare  du 
liquide  en  décantant  ce  dernier  ;  on  la  lave  à  plu- 
sieurs reprises,  puis  on  la  fait  sécher.  Ces  deux 
produits,  la  farine  et  la  fécule  de  manioc,  sont 
employés  l'un  et  l'autre  comme  aliments  légers. 
La  fécule,  que  les  indigènes  appellent  Moussaci.e  ou 
Cipipa,  est  viuidue  en  Europe  comme  arrow-root, 
lorsqu'elle  n'a  subi  aucune  préparation,  et  sous  le 


nom  de  tapioca,  lorsqu'elle  a  été  séchée  préalable- 
ment sur  des  plaques  métalliques  fortement  chauf- 
fées. La  racine  de  manioc,  râpée,  pressée,  séchée 
et  tamisée,  puis  légèrement  torréfiée,  porte  le  nom 
de  couaque  et  se  mange  en  potage.  Cette  même 
racine  râpée  et  pressée,  puis  étendue  encore  hu- 
mide sur  une  plaque  de  fer  chauffée,  se  cuit,  et 
forme  un  biscuit  nommé  pain  de  cass'ive, 

9°  Genre  Ricin.  —  Le  Mirin  commun  est  une 
plante  annuelle  de  deux  à  trois  mètres  de  hauteur, 
dont  les  belles  feuilles  paimatifides  lui  ont  fait 
donner  le  nom  de  P(dma  C/u-isti.  Ses  graines  d'un 
brun  noir,  marbré  de  gris,  renferment  un  albu- 
men charnu  dont  on  extrait,  par  simple  expres- 
sion à  froid,  une  huile  purgative  très  employée  au- 
jourd'hui; on  la  désignait  autrefois  sous  le  nom 
d'huile  de  Palma  Chnsti.  Les  Chinois,  en  séparant 
soigneusement  les  embryons  et  les  albumens  des 
graines  de  ricin,  retirent  de  l'albumen  une  huile 
douce  comestible,  nullement  purgative,  et  de  l'em- 
bryon une  huile  purgative  extrêmement  énergique. 
C'est  cette  dernière  qui  donne  au  mélange  vendu 
dans  notre  pays  sous  le  aom  d'huile  de  ricin  ses 
propriétés  spéciales.  L'huile  de  ricin  du  commerce 
provient  en  grande  partie  des  ricins  cultivés  aux. 
environs  de  Nîmes;  on  en  importe  aussi  de  l'A- 
mérique, du  Sénégal  et  de  l'Inde.  Le  nom  de  ricin 
vient  de  la  caroncule  qui  surmonte  le  micropyle 
de  la  graine  ;  cette  caroncule  ressemble,  en  effet, 
à  la  tique  des  chiens  vulgairement  nommée  ricin. 

Le  Ricin  arborescent  di'hhiqyïe  est  considéré,  de- 
puis Wildenow,  comme  une  espèce  différente  de 
notre  ricin  commun. 

10°  Genre  Jatropha.  —  Les  graines  du  Jatro- 
pha  Cunas  (Amérique  tropicale)  fournissent  une 
huile  employée  dans  la  fabrication  des  savons  fins. 
Cette  huile  est  purgative  comme  celle  du  ricin, 
mais  ne  peut  être  utilisée  comme  médicament, 
parce  que  les  graines  qui  la  fournissent  sont 
rances  quand  elles  arrivent  en  Europe. 

11°  Genre  Croton.  —  Le  Croton  Tiglium  est  un 
arbuste  des  îles  Moluques  dont  toutes  les  parties- 
sont  purgatives.  Ses  graines,  appelées  grains  de 
Tilly,  renferment  une  huile  fixe  très  employée  en 
pharmacie,  soit  comme  purgatif,  soit  comme  rubé- 
fiant. Il  suffit  d'en  frotter  l'abdomen  pour  purger 
fortement;  mais  en  même  temps  elle  soulève  à  la 
surface  de  la  peau  une  grande  quantité  de  pustu- 
les pleines  de  sérosité.  Cette  action  corrosive  mon- 
tre qu'il  ne  faut  l'employer  à  l'intérieur  qu'avec 
les  plus  grandes  précautions. 

L'écorce  du  Crotm  Eliduria,  arbrisseau  des  An- 
tilles, vendue  dans  le  commerce  sous  le  nom  d'é- 
corce  d-'.  Ca^cardle,  a  des  propriétés  stimulantes, 
toniques,  fébrifuges  qui  la  font  employer  contre  les 
vomissements  et  la  dyssenterie. 

Outre  ces  genres  principaux,  nous  mentionne- 
rons encore  quelques  espèces  remarquables. 

Varbre  à  suif  de  In  Chine  (Stiliàigia  sebifera), 
aujourd'hui  naturalisé  dans  la  Caroline,  a  des  grai- 
nes recouvertes  d'une  substance  cireuse,  blanche, 
employée  pour  la  fabrication  des  chandelles  vé- 
gétales. 

Des  graines  de  Varbre  à  Vhuile  du  Japon  [Elœo- 
cocca  veiTucosa),  on  retire  une  huile  propre  h 
l'éclairage. 

Les  graines  de  Wilenrites  triloba,  désignées  aux 
Moluques  et  à  Ceylan  sous  le  nom  de  noix  de 
Bancoul,  renferment  une  amande  comestible  dont 
on  retire  aujourd'hui  de  très  grandes  quantités 
d'huile. 

L'écorce  de  YAndassu,  grand  arbre  du  Brésil, 
jetée  dans  un  cours  d'eau  ou  dans  un  étang,  eni- 
vre les  poissons,  que  les  Indiens  prennent  alors  à 
la  main.  A  la  cuisson,  le  principe  vénéneux  dispa- 
raît et  les  poissons  peuvent  être  mangés  sans  au- 
cun danger. 

VEmblic,  arbrisseau  du  Malabar,  donne  un  fruit 


EUROPE 


—  741  — 


EUROPE 


•comestible,  vendu  autrefois  en  Europe  sous  le  nom 
de  Mirobalan  Emblic,  et  employé  aujourd'hui  par 
l8S  Indiens  pour  le  tannage  des  cuirs. 

Les  fruits  du  Rottlera  tinctoria  sont  recouverts 
-d'une  poussière  rouge  utilisée  dans  l'Asie  méridio- 
nale pour  teindre  la  soie  en  rouge.  Cette  substance 
■est  nommée  Kaniala. 

Aux  euphorbiacées,  Brongniart  rattachait  les 
Buxώes.  dont  le  type  le  plus  connu  est  le  huis. 
Le  bois  de  buis  est  jaune,  dur,  compacte,  suscep- 
tible d'un  beau  poli  ;  la  finesse  de  son  grain  le  fait 
employer  pour  la  gravure  sur  bois. 

'  fC.-E.  Bertrand.] 

EUROPE.  —  Géographie  générale,  VII^  VIII,  IX, 
XI\.  —  Configuration  généi-ale,  portion  géogra- 
phique. —  Considérée  dans  sa  configuration  géné- 
rale et  au  point  de  vue  de  sa  position  géographique 
sur  le  giobe,  l'Europe  n'est  qu'un  appendice  de 
l'Asie  :  elle  lient  à  cette  partie  du  monde  comme 
une  presqu'île  à  un  continent.  L'isthme  est  formé 
par  rOural,  longue  chaîne  d'environ  2  000  kilom., 
d'unehauteur  moyenne  de!  imh  1  C00m.,et  d'une 
largeur  de  SO  à  lliO  kilom.  L'Europe  est  la  plus 
grande  (si  on  laisse  on  dehors  l'Afrique)  des  pé- 
ninsules rattachées  à  l'immense  tronc  asiatique. 

Considérée  en  elle-même  comme  un  continent  à 
part.  l'Europe  reproduit,  dans  des  proportions 
moindres,  les  formes  essentielles  de  l'Asie.  Comme 
cette  partie  du  monde,  elle  a  au  centre  une  grande 
chaîne  de  montagnes,  les  Alpes,  qui  forme  le 
noyau  de  presque  tout  son  système  orographique, 
et  qui  est,  pour  ainsi  dire,  son  épine  dorsale,  son 
ossature  centrale.  C'est  autour  de  cette  ossature 
que  le  tronc  se  développe,  et  c'est  autour  d'elle 
que  les  membres  s'étendent  et  viennent  s'articuler 
au  tronc  principal  :  telles  sont  la  Grèce,  l'Italie, 
l'Espagne  avec  le  Portugal,  le  Jutland  et  la  Scan- 
dinavie. Mais  tandis  que  le  tronc  asiatique  est  un 
quadrilatère  qui  ne  présente  à  la  mer  que  deux 
côtés,  dont  l'un  appartient  aux  régions  arctiques, 
le  tronc  européen  forme  un  triangle  qui  de  1  Ou- 
ral, sa  base,  au  golfe  de  Biscaye,  son  sommet,  va 
en  diminuant  de  largeur,  de  telle  sorte  que  la  partie 
orientale  seule,  c'est-à-dire  les  plaines  de  la  Russie, 
prolongement  occidental  des  plaines  asiatiques, 
présente  une  grande  masse  de  terres.  Il  en  résulte 
que  les  presqu'îles  européennes  sont  mieux  déta- 
chées que  celles  de  l'Asie,  découpées  par  des  gol- 
fes plus  nombreux  et  plus  profonds,  et  que,  par 
suite,  le  tronc  lui-même  est  accessible  par  mer 
sur  une  étendue  de  côtes  relativement  plus  grande. 
On  peut  dire  de  l'Europe  ce  que  Montesquieu  dit 
de  la  Grèce  :  «  C'est  une  grande  péninsule  dont 
les  caps  semblent  avoir  fait  reculer  les  mers,  et 
les  golfes  s'ouvrir  de  tous  côtés,  comme  pour  les 
recevoir  encore.  »  {Esp7^it  des  lois,  XXI,  7.)  L'Eu- 
rope, en  eff'et,  offre  un  développement  de  côtes 
dont  n'approche,  proportion  gardée,  aucune  autre 
partie  du  monde.  Pour3  2ô8  kilom.  carrés  de  terre 
ferme,  elle  a  '  kilom.  1,2  de  côtes;  pour  la  même 
étendue  de  côtes,  l'Amérique  et  l'Australie  ont 
4000  kilom.  carrés  de  terre  ferme,  l'Asie  5  600, 
l'Afrique  8  400.  Cette  riche  articulation,  si  favo- 
rable aux  communications,  à  l'échange  des  idées 
et  des  produits,  a  puissamment  contribué  à  mul- 
tiplier et  à  développer  les  centres  de  culture  et  de 
commerce.  C'est  par  là  surtout  que  l'Europe  est 
devenue  et  est  destinée  à  rester  le  principal  foyer 
-de  la  civilisation. 

Cette  civilisation  rayonne  sur  le  monde  «ntier 
autant  par  la  position  géographique  de  l'Europe 
que  par  l'activité  expansive  de  ses  peuples.  Elle 
€st,  en  effet,  le  véritable  centre  de  l'univers.  En 
contact  avec  l'Asie  par  sa  frontière  orientale,  elle 
communique  encore  avec  elle  par  la  mer  intérieure 
qui  la  rapproche  au  sud  plutôt  qu'elle  ne  la  sépare 
de  l'Afrique,  qu'elle  touche  presque  par  ses  trois 
presqu'îles  méridionales  ;  à  l'ouest,   l'océan  Atlan- 


tique ne  forme  entre  elle  et  l'Amérique  qu'un 
étroit  canal,  si  on  le  compare  au  Pacifique  dont 
l'immensité  présente,  entre  l'Amérique  et  l'Asie, 
comme  un  abîme  qui  va  s'élargissant  à  partir  du 
détroit  de  Behring,  où  les  deux  continents  ne  se 
rapprochent  que  par  leurs  extrémités  les  plus  in- 
cultes et  les  moins  peuplées. 

Latitudes  et  lon,itu'les ;  dimensions;  bo>nes.-» 
Le  point  le  plus  septentrional  de  l'Europe  est  le 
cap  Nord,  par  71°  latitude:  le  point  le  plus  mé- 
ridional est  le  cap  Matapan,  par  36"  latitude  ;  le 
plus  occidentalest  le  cap  Roca  par  12°  longitude 
ouest  ;  le  plus  oriental,  l'Oural,  près  de  la  source 
de  la  rivière  Kara,  par  6-3°  longitude  est.  Elle 
s'étend  donc  sur  35  degrés  de  latitude  et  sur  75 
de  longitude.  Sa  plus  grande  longueur,  du  cap 
Saint-Vincent  à  l'embouchure  de  la  Kara,  est  de 
5ÔGÔ  kilom.;  sa  plus  grande  largeur,  du  cap  Xord 
au  cap  Matapan.  de  -3  860  kilom.  De  ce  dernier  cap 
elle  est  encore  éloignée  de  1 450  kilom.  de  la  zone 
torride,  et  par  le  cap  Nord,  elle  ne  s'étend  que  de 
495  kilom.  dans  la  zone  glaciale  arctique  :  elle  est 
donc  située  presque  tout  entière  dans  la  zone  tem- 
pérée du  nord.  Elle  est  bornée  au  nord  par  l'océan 
Glacial  arctique,  à  l'ouest  par  l'océan  Atlantique, 
au  sud  par  la  Méditerranée,  l'Archipel,  le  détroit 
des  Dardanelles,  la  mer  de  Marmara,  le  Bosphore 
ou  détroit  de  Constantinoplo,  la  mer  Noire  et  le 
Caucase;  à  l'est,  par  la  mer  Caspienne,  le  fleuve 
et  les  monts  Oural,  et  ia  Kara.  De  ce  côté,  les 
anciens  plaçaient  la  limite  de  l'Europe  et  de  l'Asie 
au  Don  [Tanais).  La  ligne  de  démarcation  moderne 
a  l'avantage  de  marquer  plus  complètement  et  plus 
nettement  la  séparation  des  deux  parties  du  monde. 
Toutefois  il  convient  de  remarquer  que  des  deux 
côtés  le  sol  offre  les  mêmes  caractères  :  au  nord, 
ce  sont  les  toundras,  immenses  marécages  glacés 
qui,  par  les  plus  fortes  chaleurs  d'été,  ne  dégèlent 
qu'à  un  demi-pied  de  profondeur;  au  sud,  ce  sont 
les  steppes.  Dans  ces  plaines  désolées,  où  errent 
les  Samoyèdes  et  les  Kirghiz,  l'Europe  et  l'Asie 
semblent  se  confondre. 

Mers,  golfes,  détroits.  —  Des  cinq  océans,  deux 
seulement  baignent  l'Europe  :  l'océan  Glacial  arc- 
tique et  l'océan  Atlantique. 

L'océan  Glacial  pénètre  par  la  mer  Blanche  et 
ses  golfes  (golfe  de  Dvina,  d'Onega,  de  Kandalas- 
kaia)  dans  l'intérieur  aes  terres  et  forme,  avec 
elle,  les  presqu'îles  de  Kanin  et  de  Kola. 

L'océan  Atlantique  baigne  toute  la  côte  occiden- 
tale de  l'Europe  depuis  le  cercle  polaire  arctique 
jusqu'au  détroit  de  Gibraltar.  Il  forme  quatre  mors 
ouyertes  et  trois  mers  intérieures.  Les  quatre  mers 
ouvertes  sont  :  l»  la  mer  du  Nord  avec  les  golfes  de 
Murray  et  de  Wash  sur  la  côte  de  la  Grande-Bre- 
tagne ;  du  Zuyderzée,  de  DoUart  et  de  Jahde  sur 
les  côtes  de  Hollande  et  d'Allemagne;  le  Skager- 
Rack  et  le  Cattégat  entre  le  Jutland  et  la  Scandi- 
navie ;  2°  la  mer  a'Irlande,  avec  le  canal  du  Nord  et 
le  canal  de  Saint-Georges  ;  a°  la  Manche  ou  le 
Canal,  avec  le  détroit  du  Pas-de-Calais  ;  4°  le  golfe 
de  Gascogne  ou  de  Biscaye.  Les  trois  mers  inté- 
rieures sont  :  1°  la  mer  Baltique,  ouverte  à  l'ouest 
par  trois  détroits  :  le  Sund,  le  grand  et  le  petit 
Belt  ;  puis  enfermée  entre  la  Suède,  le  Danemark, 
la  Russie  et  l'Allemagne,  où  elle  forme  les  golfes 
de  Bothnie,  de  Finlande,  de  Ri.ça  ou  de  Livonie,  et 
de  Dantzig.  et  les  lagunes  de  Stettin,  du  Frische- 
Haff  et  du  Kurische-Haff:  2°  la  mer  Méditerranée, 
qui  communique  avec  l'océan  Atlantique  par  le  dé- 
troit de  Gibraltar.  Elle  se  divise^  en  deux  grands 
bassins,  séparés  par  une  ligne  tirée  du  cap  Bon,  sur 
la  côte  de  la  régence  de  Tunis,  au  cap  Boco  à 
l'extrémité  sud-otiest  de  la  Sicile.  Dans  le  bassin 
occidental,  elle  forme  les  golfes  de  Valence  (canal 
des  Baléares),  du  Lion  et  de  Gènes,  le  détroit  de  Bo- 
nifacio  entre  la  Corse  et  la  Sardaigne,  la  mer  Tyr- 
rhénienne  entre  ces  îles  et  l'Italie,  et  le  détroit  de 


EUROPE 


742  — 


EUROPE 


Messine  entre  l'Italie  et  la  Sicile.  Dans  le  bassin 
oriental,  elle  forme  le  golfe  de  Tarente,  la  mer 
Ionienne  avec  les  çiolfes  de  Patras,  de  Lépante 
(ou  de  Corinthe),  d'Arta;  le  canal  d'Otrante;  la 
mer  Adriatique,  avec  les  golfes  de  Manfrédonia, 
de  Venise,  de  Trieste  et  de  Fiume;  la  mer  Egée  ou 
l'Archipel,  avec  les  golfes  de  Nauplie,  d'Egine,  de 
Volo,de  Salonique,  de  Contessa  ou  de  Rendina,  et 
d'Enos;  la  mer  du  Levant,  qui  baigne  la  côte  asia- 
tique entre  les  îles  de  Rhodes  et  de  Chypre  ;  3°  la 
mer  Noire,  avec  les  Dardanelles,  la  mer  de  Marmara, 
le  Bosphore  ou  détroit  de  Constantinople,  le  dé- 
troit d'Iénikalé  ou  de  Kertch,  la  mer  d'Azof  et  la 
mer  Putride. 

Presqu'îles,  îles,  caps.  —  Nous  avons  déjà  men- 
tionné les  principales  presqu'îles  de  l'Europe, 
dont  elles  formentenviron  la  cinquième  partie.  Par- 
tout, à  l'aide  de  ces  nombreuses  articulations,  la 
mer  alterne  avec  la  terre  ferme.  Dans  l'océan  Gla- 
cial se  détachent  les  presqu'îles  de  Kanin  et  de 
Kola,  entre  lesquelles  pénètre  la  mer  Blanche;  entre 
l'océan  Atlantique,  la  mer  du  Nord  et  la  mer  Balti- 
que, la  Scandinavie  avec  les  caps  Nord,  Lindesness 
et  Falsterbo,  et  le  Jutland  avec  le  cap  Skagen  ; 
dans  la  Manche,  les  presqu'îles  de  Normandie  (Co- 
tentin),  avec  le  cap  de  la  Hague,  et  de  Bretagne 
avec  la  pointe  Saint-Matthieu  ;  entre  l'Atlantique 
et  la  Méditerranée,  la  presqu'île  des  Pyrénées  avec 
les  caps  Finistère,  Roca,  Saint-Vincent,  Trafalgar, 
Palos  et  Creuz;  entre  la  mer  Tyrrhénienne  et 
l'Adriatique,  la  presqu'île  de  l'Apennin  avec  les 
caps  Spartivento  et  Leuca,  et  l'Istrie  avec  le  cap 
Promontore;  entre  l'Adriatique,  la  mer  Ionienne  et 
l'Archipel,  la  presqu'île  des  Balkans  et  du  Pinde, 
terminée  par  le  cap  Matapan  ;  entre  la  mer  Noire 
et  la  mer  d'Azof,  la  Crimée. 

L'Europe  n'est  pas  moins  riche  en  îles  (495,000 
k.  c).  Dans  l'océan  Glacial  :  les  îles  Lofoden,  Kal- 
gouef,  Vaigatch,  Nouvelle-Zemble,  et  Spitzberg, 
qui  porte  sa  limite  septentrionale  au  80°  latitude. 
Dans  l'océan  Atlantique  :  les  îles  Farôer,  l'Islande 
sous  le  cercle  polaire  arctique  et  sur  le  chemin  de 
l'Amérique;  les  îles  Britanniques  (Shetland,  Orca- 
des,  Hébrides,  Grande-Bretagne,  Irlande,  Scilly). 
Dans  la  mer  d'Irlande  :  Man  et  Anglesey.  Dans  la 
mer  du  Nord  :  Texel,  Helgoland.  Dans  la  mer  Bal- 
tique :  Seeland,  Fionie,  Laaland .  Bornholm  ; 
OEland,Gothland;  Oesel,  Dago,  Aland;Rugen,  Use- 
dom,  Wollin.  Dans  la  Manche  :  Wight,  Aurigny, 
Guernesey,  Jersey.  Dans  le  golfe  de  Gascogne  : 
Ouessant,  Sein,  Belle-Ile,  Noirmoutiers,  île  d'Yeu, 
Ré,  Oléron.Dans  la  Méditerranée  :  Baléares,  Corse, 
Sardaigne,  Elbe,  Sicile,  Lipari,  Egades,  Malte.  Dans 
l'Adriatique  et  la  mer  Ionienne  :  îles  Dalmates  ou 
Illyriennes,  îles  Ioniennes.  Dans  l'Archipel  :  Can- 
die, Cyclades,  Négrepont,  Lemno,  Imbro,  Tasso. 

Le  relief  du  sol,  montarpies,  plateaux,  plaines, 
volcans,  lacs.  —  Une  ligne  droite,  tirée  des  bords 
de  l'Ems  au  cap  Apcheron  sur  la  mer  Caspienne, 
partage  le  tronc  continental  en  deux  régions  dis- 
tinctes :  au  nord  sont  les  pays  de  plaines,  au  sud 
les  pays  de  montagnes. 

Les  plaines  occupent  deux  tiers  du  continent. 
Au  nord-ouest,  elles  s'étendent  jusqu'à  la  mer,  et 
même  au  delà.  De  ce  côté,  jusqu'à  une  assez 
grande  distance,  la  mer  est  moins  profonde  que  les 
lacs  de  la  Suisse,  et  les  côtes  qu'elle  baigne  sont 
si  basses  qu'il  faut  les  protéger  par  des  digues. 
Les  plaines  qui  s'abaissent  vers  la  mer  Baltique 
sont  bordées  d'un  côté  de  lagunes  (lagunes  de  Stet- 
tin,  des  Frische  et  Kurische-Haflf),  de  l'autre  d'in- 
nombrables lacs  (Ladoga,  Onega,  Saîma,  Pei- 
pous,  etc.).  Celles  de  l'est,  qui  vont  se  confondre 
au  nord  de  la  mer  Caspienne  avec  les  steppes  de 
l'Asie,  se  terminent  sur  l'Océan  Glacial  et  la  mer 
Noire  par  des  côtes  plus  élevées  de  quelques  cen- 
taines de  pieds  que  l'intérieur. 

Les  montagnes  de   l'Europe    a'ont  pas  l'aspect 


imposant,  gigantesque  de  celles  de  l'Asie  ou  de 
lAmcrique.  L'altitude  du  Mont-Blanc,  point  cul- 
minant df's  Alpes  (4  810  m.),  ne  dépasse  guère 
que  la  moitié  de  celle  du  mont  Everest  (8  840  m.) 
dans  l'Himalaya,  et  n'atteint  pas  aux  deux  tiers  du 
Sorata  (7  500  m.)  dans  les  Andes  ;  en  Afrique 
même,  sous  l'équateur,  le  Kilimandjaro  dresse  sa 
cime  plus  haut  dans  la  région  des  neiges  éternelles 
(6115  m.).  Mais  dans  aucune  des  parties  du  monde 
les  montagnes  n'alternent  aussi  régulièrement  avec 
les  plaines,  et  n'exercent,  par  suite,  une  aussi  sa- 
lutaire influence  sur  le  climat,  en  formant  de  vé- 
ritables lignes  de  partage  des  courants  atmosphé- 
riques. 

Nous  avons  dit  que  les  Alpes  forment  le  noyau 
du  système  orographique  de  l'Europe.  Du  haut  du 
Mont-Blanc  on  voit  l'arête  se  développer  avec  ses 
ramifications  depuis  la  Méditerranée  et  la  vallée  du 
Rhône  à  l'ouest  jusqu'à  l'Adriatique  et  aux  plaines 
du  Danube  à  l'est,  sur  une  superficie  de  plus  de 
264  000  kilom.  carres.  D'un  côté  elle  se  lie  à  l'A- 
pennin qui  traverse  la  péninsule  italienne,  de  l'au- 
tre aux  Balkans  et  au  Pinde  qui  traversent  la 
péninsule  gréco-turque.  Sous  la  même  latitude  à 
peu  près  s'élèvent  aux  extrémités  de  l'Europe  deux 
chaînes  qui  présentent  cette  analogie  de  s'étendre 
entre  deux  mers  :  dans  l'est,  le  Caucase,  dont  le 
plus  haut  sommet,  l'Elbrouz  (5660  m.),  appartient 
au  versant  asiatique;  dans  l'ouest,  les  Pyrénées, 
qui  culminent  au  mont  Maladetta  (pic  Nethou, 
3  482  m.).  Elles  se  lient  parles  monts  Cantabre8,leur 
prolongement  occidental,  à  la  chaîne  Ibérique  dont 
les  contre-forts  constituent  les  plateaux  des  deux 
Castilles  et  dépassent  au  sud,  avec  la  Sierra  Nevada 
(Cumbre  de  Mulhacen,  3  570  m.),  l'altitude  des  Pyré- 
nées. 

Les  plaines  du  Danube  et  les  vallées  du  Rhin  et 
du  Rhône  séparent  les  montagnes  de  l'Europe  mé- 
ridionale de  celles  de  l'Europe  centrale.  Ces  der- 
nières forment  de  l'est  à  l'ouest  les  groupes  sui- 
vants :  1°  les  Karpathes,  qui  décrivent  un  grand 
arc  de  cercle  replié  sur  le  Danube  entre  Orsova  et 
Presbourg,  se  liant  d'une  part  au  système  des 
Balkans  par  les  Alpes  et  le  plateau  de  Transylva- 
nie, au  défilé  des  Portes-de-Fer  ;  de  l'autre  au 
plateau  de  Bohême  par  les  monts  Beskides  et 
Sudètes  ;  2°  le  quadrilatère  des  montagnes  qui  bor- 
dent ce  dernier  plateau  :  hauteurs  de  Moravie, 
Forêt  de  Bohême,  Erzgebirge  et  monts  des  Géants  ; 
3°  les  montagnes  de  l'Allemagne  centrale,  d'un 
côté  entre  le  Danube,  le  Main  et  le  Rhin  :  le  Fich- 
telgebirge,  le  Jura  Franconien,  les  Alpes  de  Souabe 
et  la  Forêt-Noire  ;  de  l'autre,  entre  le  Main,  la 
Saale  et  le  Rhin  :  le  Frankenwald,  le  Thuringer- 
wald  et  le  Harz;  4°  le  Jura,  entre  l'Aar  et  le 
Rhône;  5"  les  Vosges,  entre  le  Rhin  et  la  Moselle; 
6°  les  monts  Faucilles,  le  plateau  de  Langres  et  la 
Côte-d'Or,  avec  la  forêt  de  l'Argonne  et  des  Ar- 
dennes,  les  monts  du  Morvan  et  le  plateau  d'Or- 
léans, entre  les  vallées  de  la  Seine  et  de  la  Loire  ; 
7°  les  Cévennes  et  les  monts  d'Auvergne,  princi- 
pal relief  du  plateau  central  de  la  France,  avec  le 
Plomb  de  Cantal,  le  Puy-de-Sancy  et  le  Puy-de- 
Dôme. 

En  dehors  de  ces  différents  systèmes  qui  se  lient 
les  uns  aux  autres,  à  l'extrémité  orientale  des  vastes 
plaines  de  la  Russie,  au  delà  de  la  mer  Baltique  et 
de  la  Manche,  s'élèvent  trois  groupes  isolés  :  l'Oural, 
aux  confins  de  l'Asie  ;  les  monts  Kiôlen,  entre  la 
Norvège  et  la  Suède  ;  les  monts  Grampians,  Pen- 
nins  et  Cambriques,  dans  la  Grande-Bretagne. 

Le  sol  de  l'Europe  ne  recèle  plus  de  foyer  de 
feux  souterrains  qu'aux  deux  extrémités  du  conti- 
nent. Dans  le  midi  une  traînée  de  volcans  s'étend 
à  travers  la  Méditerranée  :  les  principaux  sont  le 
Vésuve  (1 150m.),  près  de  Naples,  et  l'Etna  (3  340  m.) 
en  Sicile.  L'île  Stromboli,  la  plus  septentrionale 
des  Lipari,  et  l'île  Santorin,  une  des  plus  méridio- 


EUROPE 


—  743  — 


EUROPE 


nales  des  Cyclades,  sont  également  volcaniques. 
Dans  le  nord,  aux  confins  des  régions  arctiques, 
l'Islande  est  couverte  de  volcans' en  activité,  dont 
le  plus  considérable  est  l'Hékla  fl560  m.).  Cette 
île  renferme  aussi  des  sources  d"eau  bouillante, 
dont  l'une,  le  grand  Geyser,  jaillit  à  une  hauteur 
de  29  mètres.  Un  grand  nombre  de  volcans  éteints 
ont  laissé  leurs  traces  dans  les  montagnes  du  cen- 
tre de  l'Allemagne  et  de  la  France  (monts  d'Au- 
vergne). 

L'Europe  n'a  qu'un  grand  lac  qui  puisse  être 
considéré  comme  une  mer  intérieure,  et  elle  le 
partage  avec  l'Asie  :  c'est  la  mer  Caspienne 
(46  3250  kilom.  carrés),  dont  les  eaux  sont  salées. 
Les  autres  peuvent  se  partager  en  quatre  groupes  : 
1°  ceux  de  Russie  :  lac  Ladoga,  le  plus  grand  du 
continent  (18  270  kil.  c),  Onega,  Peîpous,  Ilmen, 
Bielo,etles  nombreux  lacs  répandus  entre  la  mer 
Blanche  et  les  golfes  de  Bothnie  et  de  Finlande  ; 
2°  ceux  de  Suède  :  lacs  Wener  (5  215  kil.  c),  Me- 
lar,Wetter,  Hielmar  ;  3°  ceux  d'Ecosse  et  d'Irlande  : 
Loch  Lomond,  Lough  Neagh  ;  4"  ceux  de  la  région 
des  Alpes  :  lacs  Balaton  (G60  kil.  c),  Neusiedl 
(Hongrie)  ;  Léman  ou  de  Genève,  le  plus  grand  de 
la  Suisse  (578  kil.  c),  de  Constance,  des  Quatre- 
Cantons,  de  Zurich,  de  Neuchàtel  (Suisse),  de  Garde 
(360  kil.  c),  de  Côme,  Majeur  (Haute-Italie). 

Ligne  de  partage  des  eaux;  versants,  bassins  ; 
fleuves  et  rivières.  —  Une  suite  de  hauteurs, 
traversant  transversalement  l'Europe  de  la  pointe 
de  Tarifa  à  la  mer  de  Kara,  forme  sa  ligne  de  par- 
tage des  eaux.  Elle  se  compose  de  la  Sierra  Ne- 
vada, de  la  chaîne  Ibérique,  des  monts  Cantabres 
depuis  la  source  de  l'Ebre,  des  Pyrénées  occiden- 
dentales  et  centrales  jusqu'au  pic  de  Carlitte,  des 
Corbières  occidentales,  des  Cévcnnes,  de  la  Côte- 
d'Or.  du  plateau  de  Langres,  des  monts  Faucilles, 
du  Ballon  d'Alsace,  du  Jura  septentrional  et  cen- 
tral ,  du  Jorat ,  des  Alpes  Bernoises  ,  Lépon- 
tiennes,  Grises,  Algaviennes,  des  hauteurs  qui 
couronnent  le  lac  de  Constance,  de  la  Forêt- 
Noire  jusqu'à  la  source  du  Danube,  des  Alpes  de 
Souabe,  du  Jura  Franconien,  du  Fichtelgebirge,  de 
la  Forêt  de  Bohême,  des  hauteurs  de  Moravie, 
des  Sudètes  et  des  Karpathes  occidentales  jusqu'à 
la  source  du  Dniester,  des  collines  de  Pologne,  du 
plateau  de  Valdai,  des  monts  Uvvalli  et  de  l'Oural 
septentrional. 

Cette  ligne  de  faite  partage  l'Europe  en  deux  grands 
versants,  abaissés,  l'un  vers  les  mers  qui  la  bai- 
gnent au  nord  et  à  l'ouest,  l'autre  vers  celles  qui 
la  baignent  au  sud  et  à  l'est.  Chacun  de  ces  ver- 
sants est  subdivisé  par  des  arêtes  hydrographi- 
ques, qui  se  rattachent  à  l'arête  principale,  en  un 
certain  nombre  de  versants  secondaires  et  de  bas- 
sins entre  lesquels  ces  montagnes  distribuent  les 
eaux  dont  elles  sont  les  réservoirs. 

L'Europe  est  admirablement  arrosée.  Découpée 
de  tous  les  côtés  par  de  nombreuses  mers  inté- 
rieures et  par  des  golfes  profonds,  elle  n'a  pas  de 
fleuve  qui  approche,  pour  la  longueur  de  son  cours, 
du  Mississipi  (6  600  kil.),  du  Nil  (6  380  kil.),  de  l'A- 
mazone (5  710  kil.),  du  Yang-tse-Kiang  (5  200  kil.). 
Son  système  fluvial,  comme  son  système  orographi- 
que, est  loin  d'avoir  les  vastes  dimensions  de  ceux  des 
autres  continents.  Mais  dansaucunepartie  du  monde 
les  eaux  ne  sont  aussi  également  distribuées  dans 
toutes  les  directions  ;  aucune  n'a  un  aussi  grand 
nombre  de  fleuves  et  de  rivières  navigables. 

Ceux  dont  le  cours  est  le  plus  long  appartienjient 
au  versant  de  l'est,  où  le  tronc  a  son  principal  déve- 
loppement. A  l'exception  d'un  seul,  tous  le  parcou- 
rent dans  le  sens  de  sa  plus  grande  largeur,  c'est- 
à-dire  du  nord  au  sud,  et  arrosent  les  vastes  plaines 
qui  s'étendent  au  nord  de  la  mer  (îaspienne  et  de 
la  mer  Noire  ;  ce  sont  :  le  "Volga,  le  plus  grand 
fleuve  de  l'Europe  (3  190  kil.),  l'Oural  (1  710  kil.), 
qui  se  jettent  dans  la  mer  Caspienne  ;  le  Don 


(1  200  kil.),  dans  la  merd'Azof  ;  le  Dniepr  (1  780 
kil.),  le  Dniestr  (800  kil.),  dans  la  mer  Noire.  Le  Da- 
nube est  le  seul  fleuve  de  ce  versant  qui  coule  dans 
le  sens  de  la  plus  grande  longueur  du  tronc,  dont 
il  forme  la  grande  artère  méridionale  (2  820  kil.). 

La  forme  péninsulaire  du  versant  du  sud  ne 
permet  pas  un  développement  considérable  aux 
cours  d'eau  qui  l'arrosent  :  la  Maritza  (475  kil.), 
la  Stronma  ou  Karasou,  le  Vardar,  la  Vistritza,  la 
Salambria,  dans  l'Archipel;  le  Pô  (653  kil.), 
l'Adige  (445  kil.),  dans  l'Adriatique  ;  le  Tibre 
(370  kil.),  l'Arno,  dans  la  mer  TjTrhénienne.  Seul 
le  Rhône,  dont  le  bassin  appartient  au  tronc  con- 
tinental, approche  de  1  000  kil.  (810  kil.).  L'Ebre, 
le  plus  grand  fleuve  de  la  presqu'île  des  Pyrénées 
sur  ce  versant,  n'a  que  616  kil. 

Le  versant  occidental,  dont  l'extrémité  sud-ouest 
appartient  seule  àlaformation  péninsulaire,  va  s'é- 
largissant  depuis  la  pointe  de  Tarifa  jusqu'aux 
montagnes  d'où  descend  l'Elbe  :  le  Guadalquivir 
(5-20  kil.),  le  Guadiana  (780  kil.),  le  Tage  (883  kil.), 
le  Duero  ("172  kil.),  la  Garonne  (594  kil.),  la  Loire 
(1  100  kil.),  dans  lOcéan  ;  la  Seine  (683  kil.),  dans 
la  Manche  ;  la  Meuse  (053  kil.),  le  Rhin  (1  300  kil.), 
le  Wescr  (520  kil.).  l'Elbe  (1  195  kil.),  dans  la  mer 
du  Nord.  A  ces  grandsbassins  fluviaux  il  faut  ajouter 
les  bassins  secondaires:  l'Adour,  la  Charente,  la  Vi- 
laine, la  Somme,  l'Escaut,  l'Ems,  et  les  cours  d'eau 
do  la  Grande-Bretagne  et  de  l'Irlande  :  la  Tamise, 
l'Ouse,  l'Humber,  le  Forth,  dans  la  mer  du  Nord; 
la  Severn,  la  Clyde  et  le  Shannon,  dans  TOcéan. 

A  partir  de  la  source  de  l'Elbe,  la  ligne  de  faîte 
s'infléchit  vers  le  nord-est  jusqu'au  plateau  de 
Valdaî,  puis  à  l'est  jusqu'à  l'Oural  septentrional, 
parallèlement  à  la  mer  Baltique  et  à  l'océan  Gla- 
cial, qui,  pénétrant  dans  le  tronc  continental  par  le 
golfe  de  Finlande  et  par  la  mer  Blanche,  ne  per- 
mettent pas  un  grand  développement  au  système 
fluvial  du  versant  du  nord.  Les  principaux  fleuves 
sont:  l'Oder  (890  kil.),  la  Visiulc  (I  040  kil.),  le 
Niémen  (853  kil.),  la  Duna  (1  040  kil.),  la  Neva 
(66  kil.),  qui  sert  d'écoulement  au  lac  Ladoga,  la 
Dvina  (1  190  kil.),  la  Petchora  (965  kil.). 

Quant  aux  cours  d'eau  de  la  péninsule  Scandi- 
nave, ils  forment  un  groupe  à  part,  partagé  entre 
le  versant  du  Skager-Rak.  auquel  appartiennent 
le  Glommen  et  la  Gotha-Elf,  et  celui  du  golfe 
de  Bothnie,  où  se  jettent  la  "Tornéa.  la  Lulea,  la 
Pitéa,  rUméa,  l'Angermann-Elf,  la  Liusna-Elf  etla 
Dal-Elf. 

Climat;  flore  et  faune.  —  L'Europe  est  la  seule 
partie  du  monde  qui  ne  touche  sur  aucun  point  à 
la  zone  torride,  dont  la  pointe  de  Tarifa,  par 
30°  lat.,  est  éloignée  de  12  1/2  degrés  ;  et  elle 
n'a  dans  la  zone  glaciale  que  son  extrémité  sep- 
tentrionale, 6  à  7  degrés.  Elle  est  donc  située 
presque  tout  entière  dans  la  zone  tempérée  du 
nord.  Les  7/9"°"  du  continent  sont  au-dessous  de 
100  mètres  d'altitude  et  1/30"°*  seulement  s'élève 
au-dessus  de  1  000  mètres.  Ces  conditions  géné- 
rales de  température,  relatives  à  l'altitude  et  à  la 
latitude,  sont  modifiées  par  difi'érentes  influences 
particulières.  La  principale  est  celle  de  la  mer 
qui  touche  l'Europe  et  la  pénètre  sur  une  si 
grande  étendue  de  côtes.  La  mer  s'échauffe  plus 
lentement  que  la  terre  sous  l'action  des  rayons 
du  soleil,  mais  elle  conserve  plus  longtemps  la 
chaleur  emmagasinée.  La  différence  y  est  moins 
grande  entre  la  chaleur  du  jour  et  celle  de  la  nuit, 
entre  l'été  et  l'hiver.  Le  climat  maritime,  par 
suite,  est  relativement  chaud  en  hiver,  froid  en 
été.  La  température  des  deux  saisons  est  ainsi 
adoucie  par  le  voisinage  de  l'Océan.  Les  îles  Bri- 
tanniques ont  rarement  de  la  neige  en  hiver,  et  le 
froid  n'y  descend  guère  au-dessous  de  12".  Dans 
les  îles  Fârôer,  il  gèle  à  peine  en  hiver,  par  con- 
tre l'été  est  si  froid  qu'il  y  tombe  parfois  de  la 
neige.    L'Atlantique  communique,  en   outre,  aux 


EUROPE 


—  744  — 


EUROPE 


contrées  qu'il  baigne,  la  chaleur  que  le  Gulf- 
stream,  auquel  ses  eaux  servent  de  lit,  apporte 
des  régions  incertropicales,  où  il  a  sa  source,  et 
dont  l'influf^nce  se  fait  sentir  jusque  sous  les  lati- 
tudes boréales.  Il  suit  de  là  qu'à  mesure  qu'on 
s'éloigne  de  la  mer,  c'est-à-dire  qu'on  s'avance 
dans  la  direction  de  l'est,  la  température  va  s'a- 
baissant.  Les  vents  de  l'ouest,  qui  arrivent  d'une 
mer  chaude  sur  les  côtes  de  l'Europe,  exercent  la 
même  influence.  En  s'élevant  sur  les  monts  Scan- 
dinaves, ils  se  refroidissent  ;  l'humidité  dont  ils 
se  sont  chargés,  en  passant  sur  l'immense  bassin 
de  l'Atlantique,  se  résout  en  pluie  et  en  neige. 
Arrivés  à  Test  de  ces  montagnes,  ils  ont  perdu  ce 
quils  contenaient  d'eau  :  cest  pourquoi  les  pluies 
diminuent  en  Europe  à  mesure  qu'on  s'éloigne  de 
la  mer,  c'est-à-dire  dans  la  direction  de  l'ouest  à 
l'est.  Or  la  pluie  tempère  les  froids  de  l'hiver  ainsi 
que  les  chaleurs  de  l'été  :  pour  cette  raison  encore, 
les  uns  et  les  autres  augmentent  de  l'ouest  à  l'est. 

L'éloignement  des  grandes  masses  d'eau  de  la 
zone  tempérée  n'est  pas  la  seule  cause  des  rigou- 
reux froids  d'hiver  et  des  chaleurs  sèches  d'été  qui 
régnent  dans  les  plaines  du  nord-est.  Les  uns  et 
les  autres  y  sont  apportés  encore  par  le  vent  d'est 
oui  souffle  de  la  Sibérie.  De  ce  côté  l'Europe  subit 
l'influence  du  contact  de  l'Asip.  Elle  subit  de  même 
au  sud  celle  du  voisinage  de  l'Afrique.  Mais  la 
Méditerranée  tempère  l'ardeur  des  vents  brûlants 
qui  soufflent  de  ce  continent,  et  qui  se  font  sentir, 
par  moments,  en  Espagne,  la  plus  chaude  des  trois 
péninsules  méridionales,  et  en  Italie,  où  ils  passent 
même  quelquefois  par-dessus  les  Alpes.  Toutefois 
les  montagnes  qui  séparent  ces  péninsules  du 
tronc  continental  sont  d'importantes  lignes  de 
partage  de  climats  entre  le  versant  méridional  et 
le  versant  septentrional. 

La  flore  et  la  faune  de  l'Europe  sont  en  harmo- 
nie avec  sa  géographie  physique,  et  ne  présentent, 
comme  elles,  que  des  types  moyens,  adoucis  par 
la  nature  du  sol  et  l'influence  du  climat.  Les  es- 
pèces aux  formes  giiiantcsques  manquent  dans  le 
règne  végétal  comme  dans  le  règne  animal.  La  terre 
n'a  pas  la  fertilité  exubérante  des  contrées  inter- 
tropicales ;  elle  ne  produit  pas  ces  plantes  au  jet 
puissant,  aux  couleurs  éclatantes,  aux  parfums 
pénétrants,  et  elle  ne  recèle  dans  son  sein  qu'une 
très  petite  quantité  de  métaux  précieux.  L'espèce 
des  bêtes  féroces  n'y  est  représentée  que  par  l'ours, 
le  lynx  et  le  loup,  dont  le  domaine  est  assez  res- 
treint. Mais  elle  produit  en  abondance  les  plantes, 
les  animaux  et  les  métaux  utiles.  Tous  les  genres 
de  céréales  s'y  récoltent  :  l'orge,  le  seigle  et 
l'avoine  jusque  vers  la  limite  de  la  zone  glaciale,  le 
blé  jusqu'au  &!"  degré,  le  maïs  et  le  riz  jusqu'au  42'. 
La  vigne  réussit  jusqu'au  5'2«,  dans  des  conditions 
spéciales  Enfin  le  palmier,  cet  arbre  tropical,  le 
dattier,  le  giroflier,  le  figuier,  l'olivier,  le  citron- 
nier, l'oranger  trouvent  la  chaleur  qui  leur  est  né- 
cessaire dans  les  trois  péninsules  méridionales  et 
sur  les  côtes  de  la  Méditerranée. 

Superficie;  population;  co>nparaison  avec  les 
autres  parties  au  monde.  —  La  superficie  de  l'Eu- 
rope est  de  9868  842  kilom.  carrés.  Elle  est  quatre 
fois  et  demie  plus  petite  que  l'Asie,  quatre  fois 
plus  petite  que  l'Amérique,  trois  fois  plus  petite 
que  l'Afrique,  et  elle  n'a  guère  qu'un  million  de 
kilom.  carrés  de  plus  que  l'Australie.  Elle  est 
donc  la  plus  petite  des  parties  du  monde,  cette 
dernière   exceptée. 

Sa  population  est  de  312  millions  et  demi  d'ha- 
bitants, soit  32  par  kil.  carré.  Mais  elle  est  très 
inégalement  répartie  ;  la  Belgique,  où  la  densité 
de  la  population  est  la  plus  forte,  en  compte  I8I  ; 
la  Scandinavie,  où  elle  est  la  moindre,  8  par 
kilom.  carré.  Au  quatrième  rang  des  parties  du 
monde  pour  la  superficie,  l'Europe  est  au  deuxième 
rang  pour  la   population  :  après  l'Asie,  qui  a  800 


millions  d'habitants,  mais  avant  l'Afrique,  qui  en  a 
environ  200  millions,  l'Amérique,  qui  n'en  a  que 
85  millions,  et  l'Australie  qui  en  a  4  1/2. 

Races  et  religions.  —  Trois  races  principales 
peuplent  l'Europe  :  I'  la  race  latine,  à  l'ouest  et 
au  sud  (France,  Espagne,  Portugal,  Italie,  Rou- 
manie, partie  de  la  Suisse  et  de  la  Belgique)  :  98 
millions;  2»  la  race  germanique,  au  centre  et  an 
nord-ouest  (Allemagne,  partie  de  l'Autriche,  de  la 
Suisse  et  de  la  Belgique,  Pays-Bas,  États  Scandi- 
naves, Angleterre)  :  94  millions;  3°  la  race  slave,  à 
l'est  (Russes,  Polonais.  Tchèques,  Wendes,  Mo- 
raves,  Serbes,  Croates,  Slovènes,  Dalmates,  Monté- 
négrins, Bulgares)  :  82  millions. 

A  ces  trois  grandes  familles  de  la  race  caucasi- 
que  il  faut  ajouter  :  4°  les  Grecs  (partie  méridio- 
nale de  la  péninsule  des  Balkans  et  du  Pindci 
Candie,  Cyclades)  :  2  millions  et  demi;  5"  les  Al- 
banais ou  Arnautes  (Albanie,  Epire)  :  1  million  et 
demi  ;  6°  les  Celtes  (Bretagne,  pays  de  Galles,  Ir- 
lande, Haute-Écosse)  :  10  millions;  7°  les  Letton» 
ou  Lithuaniens,  sur  les  golfes  de  Finlande  et  de 
Riga  :  2  millions. 

Ces  sept  peuples,  qui  forment  les  16/17"""  de  la 
population  européenne,  appartiennent  à  la  race 
caucasique,  et  parlent  des  idiomes  qui  se  rattachent 
à  la  grande  langue  indo-européenne. 

Viennent  ensuite:  S"  les  Basques  ouEuskariens, 
dans  les  Pyrénées  occidentales  :  1  million  ;  9°  les 
Finnois  (Magyares  ou  Hongrois,  Finnois,  Livo- 
niens,  Esthoniens,  Lapons,  Samoyèdes)  :  12  mil- 
lions et  demi  ;  10°  les  "Tatars-Mongols  (Turcs, 
Tatars,  Kalmouks),  dans  la  presqu'île  des  Balkans 
et  dans  la  Russie  méridionale  :  environ  4  millions 
et  demi;  11"  les  Juifs,  dispersés  dans  toute  l'Eu- 
rope: 5  millions  ;  12"  les  Tziganes,  d'origine  hindoue 
(Hongrie,  Turquie,  Espagne)  :  un  demi-million. 

Le  christianisme  domine  presque  universellement 
en  Europe.  Il  se  divise  en  trois  grandes  commu- 
nions :  l°le  catholicisme  romain,  dans  le  sud  et  le 
sud-ouest,  parmi  les  peuples  de  race  latine  :  148 
millions  ;  v°  le  protestantisme,  au  centre  et  dans  le 
nord,  parmi  les  peuples  de  race  germanique  :  72 
millions  :  3°  le  catholicisme  grec,  dans  l'est,  parmi 
les  peuples  de  race  grecque  et  slave  :  69  millions. 
Le  reste  appartient  au  judaïsme  :  5  millions,  à 
l'islamisme  :  7  millions,  et  à  des  sectes  diverses. 

Les  États;  formes  de  gouver7iemrnt;  superficie, 
population,  densité  de  la  population.  —  L'Europe 
est  divisée  en  23  États,  savoir  :  1°  quatre  empires  : 
la  Russie  avec  le  grand-duché  de  Finlande,  mo- 
narchie absolue;  l'Allemagne,  empire  fédératif  et 
constitutionnel,  composé  de  25  États  confédérés, 
dont  trois  villes  libres,  et  de  la  province  d'Alsace- 
Lorraine;  l'Autriche-Hongrie,  empire  constitution- 
nel ;  la  Turquie,  monarchie  absolue,  avec  la  Roumélie 
orientale ,  province  autonome  ;  2*  onze  royaumes 
constitutionnels  ;  dans  le  nord  :  Suède  avec  Nor- 
vège, Danemark;  dans  l'ouest  :  Belgique,  Pays-Bas 
ou  Hollande  avec  le  grand-duché  de  Luxembourg, 
Royaume-Uni  de  Grande-Bretagne  et  d'Irlande  ;  au 
sud  :  Portugal,  Espagne,  Italie,  Grèce,  Roumanie, 
Serbie  ;  3°  quatre  républiques  :  France,  Confédé- 
ration suisse,  république  d'Andorre,  enclavée  entre 
la  France  et  l'Espagne,  république  de  San  Marino, 
enclave  de  l'Italie  ;  4"  quatre  principautés  :  Monté- 
négro, Bulgarie,  Liechtenstein,  Monaco. 

Chacun  de  ces  Etats  est,  dans  ce  dictionnaire, 
l'objet  d'un  article  géographique  spécial.  Toutefois, 
le  Danemark,  la  Suède  ei  la  Norvège  forment  un 
seul  article  :  Scandinaves  (Etats)  ;  le  Portugal  est 
réuni,  pour  la  géographie,  à  VEspng?ie  ;  la  Grande- 
Bretagne  et  l'Irlande  sont  décrites  au  mot  Angle- 
teit'e,  qui  entre  davantage  dans  l'usage  courant  ;  la 
Belgique,  par  un  accident  de  mise  en  p.iges,  a  dû 
être  renvoyée  au  supplément  ;  tous  les  Etats  de  la 
Péninsule  des  Balkans,  Roumanie,  Serbie,  Bulgarie 
et  Monténégro,   font  avec  la   Turquie  l'objet   d'un 


ÉVAPORATION 


—  745  — 


ÉVAPORATION 


même  article.  On  parlera  d'Andorre  et  de  Monaco 
en  même  temps  que  de  la  Frawce, et  de  San-Marino 
dans   Xltalie. 


ÉTATS. 

SUPERFICIE. 

POPULATION. 

DEXSITÉ 
de  la 

population. 

Russie  (ayec  la  Fin- 

kil.  carrés. 

5  381704 
761010 
622  440 
539  816 
528  572 
500  443 

314  931 
296  323 

274  303 

127  584 

89  623 

63  865 

50  123 

48  637 

41  390 

3S237 

32  973 

29  455 

9  433 

493 

178 

68 

15 

habit. 

74  000  000 

6  300  000 
37  300  000 
42  700  000 
37  0(10  000 
16  500  000 

34  100  000 

27  800  000 

7  100  000 
5  400  0it0 
4  000  000 
1  83  0  000 
1  450  000 

1  700  000 

2  800  000 
2  000  000 

4  oOO  000 

5  300  000 
286  000 

18  000 
8  700 
7  800 
7  000 

h.  par  kil.  c. 

14 

8 
51 
79 
70 
33 

78 
94 

23 

42 

43 

29 

29 

35 

67 

51 
119 
181 

30 

33 

49 

94 

94 

Suède  et  Norvèj^e.. 
Autriche-Hongrie. . 
Allemagne 

Grande  Bretagne  et 

Italie 

Turquie  avec  la  Rou- 
niélio  orientale  . . 

Pays-Bas 

Monténégro 

Liechtenstein 

San  Jlarino 

Monaco 

[Félix  Oger.] 
ÉV.4PORATIOX  —  Physique,  XVII.  —  L'évapo- 
ration  est  le  passage  d'un  liquide  à  l'état  gazeux, 
s'efifectuant  lentement  à  la  température  ordinaire, 
par  la  surface  du  liquide  seulement,  c'est-à-dire 
sans  aucune  agitation  de  la  masse.  La  plupart  des 
liquides  et  même  quelques  corps  solides  s'évapo- 
rent, passent  spontanément  à  l'état  de  vapeurs,  à 
une  température  inférieure  à  leur  point  d'ébuUi- 
tion.  Ce  passage  est  très  facile  pour  quelques-uns 
que  l'on  dit  volatils,  comme  l'éther,  la  solution 
d'ammoniaque,  le  sulfure  de  carbone.  D'autres 
n'émettent  des  vapeurs  qu'en  très  faible  quantité 
et  très  lentement:  tel  est  le  mercure.  D'autres 
enfin  ne  paraissent  pas  en  émettre  du  tout  à  la 
température  ordinaire,  comme  l'acide  sulfurique 
concentré  et  les  huiles  grasses.  Parmi  les  corps 
solides  qui  se  réduisent  très  facilement  en  vapeurs 
se  rangent  l'iode  et  le  camphre. 

Ce  phénomène  de  l'évaporation  d'un  liquide  à 
l'air  est  facile  à  mettre  en  évidence  pour  l'éther 
et  pour  l'eau.  Si  on  verse  dans  une  soucoupe  ou 
une  assiette  l'un  de  ces  deux  liquides,  il  disparaît 
promptement  en  vapeurs  invisibles  ;  pour  l'éther, 
ces  vapeurs  révèlent  l^ur  présence  par  l'odeur 
qu'elles  répandent;  pour  l'eau,  en  petite  quantité, 
elles  sont  insensibles  ;  mais  dans  la  nature,  celles 
qui  s'élèvent  des  immenses  nappes  liquides  qui 
constituent  les  mers  forment  les  brouillards  et 
les  nuages,  retombent  en  neige  ou  en  pluie  sur  la 
terre  ferme,  alimentent  constamment  les  sources 
et  entretiennent  la  dépense  des  eaux  continentales. 
Plusieurs  circonstances  favorisent  l'évaporation. 
La  première  est  Vétendue  de  la  surface  du  liquide. 
Puisque  la  vapeur  ne  se  forme  spontanément  qu'à 
la  surface,  il  est  évident  que  pour  une  même 
quantité  de  liquide,  la  vapeur  produite  sera  d'au- 
tant plus  grande  dans  le  même  temps  que  le  li- 
quide sera  étalé  sur  une  plus  large  surface.  On 
sait  fort  bien  que  pour  faire  sécher  du  linge,  c'est- 
à-dire  pour  faire  évaporer  l'eau  qu'il  retient,  il 
faut  l'étendre  sur  un  cordon  plutôt  que  de  le 
laisser  en  tas.  Et  quand  on  veut  retirer  économi- 


quement le  sel  des  eaux  de  la  mer,  on  les  amène 
dans  des  bassins  peu  profonds,  mais  très  vastes, 
où  l'évaporation  les  concentre  rapidement  et  finit 
par  leur  faire  déposer  le  sel  qu'elles  renferment. 

Une  deuxième  condition  favorable  à  l'évapora- 
tion, c'est  Vélévation  de  la  température  du  liquide. 
Plus  celui-ci  est  chaud,  plus  est  grande  la  force 
élastique  de  sa  vapeur*,  plus  il  se  forme  de  va- 
peur dans  le  même  temps.  C'est  pour  cette  raison 
qu'on  fait  chauffer  les  liquides  dans  des  vases 
larges,  lorsqu'on  veut  achever  promptement  leur 
cvaporation  et  faire  déposer  le  solide  qu'ils  rete- 
naient en  dissolution.  L'été,  pendant  les  chaleurs, 
le  sol  et  les  plantes  se  dessèchent  sous  les  rajons 
ardents  du  soleil;  l'évaporation  à  la  surface  des 
feuilles  est  si  active  que  les  plantes  se  fanent  si  on 
ne  les  abrite  pas  ou  si  on  ne  leur  rend  pas  par 
l'arrosage  l'eau  dont  elles  sont  privées  et  qu'elles 
ne  trouvent  pas  dans  le  sol  en  quantité  suffisante 
pour  réparer  leurs  pertes. 

Enfin  la  sécheresse  de  l'air  et  son  renouvellement 
sont  deux  causes  qui  activent  puissamment  l'éva- 
poration. Si  l'air  était  parfaitement  calme,  la  cou- 
che qui  recouvre  la  surface  du  liquide  à  évaporer 
arriverait  bientôt  à  saturation,  et  toute  évaporation 
cesserait.  Au  contraire,  si  l'air  est  agité,  il  emporte 
avec  lui  la  vapeur  qui  se  forme,  et  le  liquide  se 
trouve  toujours  en  contact  avec  de  l'air  d'autant 
plus  propre  à  en  recevoir  une  nouvelle  quantité 
qu'il  est  plus  sec.  L'expérience  de  chaque  jour 
confirme  ces  faits  ;  le  linge  ne  sèche  pas  vite  dans 
un  grenier  fermé,  ni  les  jours  où  l'air  est  humide, 
tandis  que  les  vents  secs  et  chauds  le  sèchent 
très  rapidement  Quand  l'air  est  chargé  de  vapeur 
d'eau,  la  transpiration  cutanée,  qui  n'est  qu'une 
évaporation  constante  dont  la  peau  de  notre  corps 
est  le  siège,  s'effectue  difficilement  ;  on  en  éprouve 
un  malaise  que  l'on  attribue  à  tort  au  poids  de 
l'air  en  disant  que  le  temps  est  lourd. 

Un  corps  liquide  ne  peut  passer  à  l'état  de  gaz 
qu'à  la  faveur  d'une  certaine  quantité  de  chaleur 
employée  à  effectuer  le  travail  du  changement 
d'état.  Quand  on  le  chauff'e  et  qu'on  l'amène  à 
Yébullition*,  toute  la  chaleur  qu'on  lui  fournit 
une  fois  qu'il  bout  est  insensible  au  thermomètre; 
elle  est  tout  entière  employée  à  vaporiser  le  li- 
quide. La  vapeur,  pour  se  former  et  se  maintenir, 
a  donc  besoin  dune  assez  grande  quantité  de  cha- 
leur qui  n'accroît  pas  sa  température.  11  en  résulte 
que  toutes  les  fois  qu'un  liquide  s'évapore  sans 
recevoir  directement  d'un  foyer  la  chaleur  néces- 
saire, la  vapeur  qui  se  forme  emprunte  cette  cha- 
leur ou  aux  corps  voisins  ou  aux  couches  liquides 
qui  restent,  et  détermine  ainsi  un  abaissement  de 
température.  L'évaporation  est  donc  une  cause  de 
ref'oidisseme7it.  Qu'on  verse  sur  le  dos  de  la  main 
quelques  gouttes  d'éther,  on  sent  de  suite  un 
froid  assez  vif,  en  même  temps  que  le  liquide  dis- 
paraît; c'est  la  rapide  évaporation  qui  est  la  cause 
du  refroidissement.  L'huile  ordinaire  n'occasionne 
pas  cette  impression,  parce  qu'elle  n'est  pas  vola- 
tile ;  mais  des  liquides  qui  s'évaporent  encore 
plus  rapidement  que  l'éther,  comme  l'acide  sul- 
fureux, produisent  un  froid  considérable. 

On  utilise  ce  froid  produit  par  l'évaporation 
pour  congeler  l'eau.  Leslie  a  réalisé  la  congélation 
de  l'eau  dans  le  vide  de  la  machine  pneumatique. 
Aujourd'hui  on  fait  la  glace  en  grand  en  profitant 
du  refroidissement  produit  par  l'évaporation  rapide 
de  l'acide  sulfureux  liquide  ou  de  l'ammoniaque, 
et  on  glace  les  carafes  à  l'aide  d'une  petite  pompe 
pneumatique,  provoquant  par  le  vide  une  évapo- 
ration extrêmement  active  qui  entraîne  un  refroi- 
dissement vif  et  rapide. 

Dans  le  midi,  on  maintient  le  vin  frais  en  été 
en  le  mettant  dans  des  vases  en  terre  poreuse  que 
l'on  appelle  alcarazas;  le  liquide  suinte  légèrement 
à  travers  les  pores  de  la  terre,  en  sorte  qu'à  la 


EXERCICE 


—  746  —  EXERCICES  GRAMMATICAUX 


surface  il  se  fait  une  évaporatlon  continue  que 
l'on  peut  encore  activer  en  suspendant  le  vase 
dans  un  courant  d'air.  On  peut  de  même  partout 
rafraîchir  les  boissons  en  enveloppant  d'un  linge 
mouillé  les  bouteilles  ou  les  carafes  qui  les  con- 
tiennent; pour  peu  que  l'agitation  de  l'air  active 
l'évaporation  du  linge  mouillé,  le  refroidissement 
est  notable. 

L'abaissement  de  température  amené  par  l'éva- 
poration nous  commande  quelques  précautions 
hygiéniques.  Lorsqu'on  est  en  sueur,  on  court 
quelque  danger  à  se  découvrir  et  surtout  à  se 
placer  dans  un  courant  d'air,  parce  que  la  sueur, 
en  se  vaporisant,  absorbe  de  la  chaleur  au  corps, 
et  d'autani  plus  que  l'évaporation  est  plus  active. 
Qui  ne  connaît  les  frissons  qu'on  éprouve  au  sortir 
d'un  bain,  même  chaud?  C'est  la  mince  couche 
d'eau  dont  le  corps  est  couvert  qui  en  est  la  cause  ; 
son  évaporacion  nous  enlève  une  partie  de  notre 
chaleur  naturelle,  et  les  frissons  ne  cessent  que 
quand  le  corps  est  essuyé. 

Expériences.  —  1.  Verser  sur  une  soucoupe 
une  certaine  quantité  d'éther,  et  sur  une  seconde 
soucoupe  une  égale  quantité  d'eau,  abandonner  les 
deux  liquides  à  l'évaporation,  et  constater  le  temps 
qu'ils  mettent  à  disparaître. 

2.  Mettre  du  camphre  dans  le  fond  d'un  flacon 
un  peu  large,  boucher  le  flacon  et  l'abandonner 
dans  un  lieu  à  une  température  douce  ;  après 
quelques  semaines,  le  corps  solide  se  trouvera  en 
grande  partie  fixé  au  bouchon  et  à  la  paroi  supé- 
rieure du  vase. 

3.  Mettre  de  l'alcool  dans  une  assiette  et  autant 
du  même  liquide  dans  une  fiole  non  bouchée  et 
constater  la  rapidité  de  l'évaporation  dans  chaque 
cas. 

4.  Entourer  le  réservoir  d'un  thermomètre  d'un 
linge  mouillé  et  constater  l'abaissement  de  tem- 
pérature qui  se  produit.  Faire  tourner  ce  thermo- 
mètre d'un  mouvement  de  fronde,  l'abaissement 
est  encore  plus  considérable. 

5.  Mettre  de  l'éther  dans  une  capsule  de  cuivre 
mince  reposant  sur  quelques  gouttes  d'eau,  sur 
une  petite  planchette  de  sapin  ;  souffler  sur  l'éther 
pour  activer  son  évaporation  ;  après  quelques  mi- 
nutes, l'eau  se  congèle  autour  de  la  capsule  et  la 
fixe  à  la  planchette. 

6.  Mettre  un  peu  d'alcool  dans  un  verre  bien 
propre,  souffler  sur  la  surface  du  liquide  pour  le 
faire  évaporer  promptement  :  on  voit  l'extérieur 
du  verre  se  couvrir  d'une  buée  de  vapeur  d'eau 
atmosphérique  qui  peut  même  se  transformer  en 
givre  si  le  refroidissement  dure   quelque   temps. 

[Haraucourt.] 

EXERCICE.  —  V.  Gymnastique. 

EXERCICES  GRAMMATICAUX.  —  Grammaire, 
XXVII.  —  On  appelle  exercices,  en  grammaire, 
tous  les  devoirs  ou  compositions  donnés  pour  fami- 
liariser les  élèves  avec  les  règles.  La  grammaire 
est  la  théorie,  les  exercices  sont  l'application.  Ces 
applications  peuvent  varier  à  l'infini ,  selon  la 
règle  à  étudier,  le  degré  d'intelligence  des  élèves, 
ou  la  volonté  du  maître.  Aussi  chaque  année  voit 
paraître  un  nombre  considérable  de  petits  livres 
destinés  à  faciliter  le  travail  de  nos  instituteurs  en 
leur  indiquant  la  tâche  de  chaque  classe  et  de  cha- 
que jour.  Quelques-uns  traitent  spécialement  de 
la  conjugaison  des  verbes  ;  d'autres  s'occupent  sur- 
tout des  participes  ;  d'autres  embrassent  toutes  les 
difficultés  de  notre  langue.  Tous  ont  renoncé  depuis 
longtemps  à  la  méthode  cacographique  en  usage 
autrefois.  On  n'écrit  plus  des  phrases  comme 
celles-ci  :  Que  d'hommes ,  comme  les  plantes, 
vÉGETTENT  OU  Ont  vÉGETTÉ  sur  Cette  terre!...  La 
prospérité  ne  l'avait  point  anflé,  l'adversité  ne 
l'abdattit  pas;  ou  des  devinettes  comme  celle-là  : 
La  courroie  de  ton  ^ac  n'est  pas  aussi  fobt  que 
CELUI  nu  MIENNE  ,*  IL  rompva  avant  celui  du  men. 


Nous  n'inventons  rien  ;  ces  phrases  sont  là,  sous 
nos  yeux.  Quelle  était  l'impression  des  enfants  en 
lisant  ou  en  copiant  des  phrases  aussi  barbares  ? 
Quel  souvenir  en  restait-il  dans  les  jeunes  esprits, 
et  quelle  fâcheuse  influence  cette  orthographe 
fantaisiste  ne  devait-elle  pas  avoir  sur  la  mémoire 
des  yeux? 

Nous  n'avons  pas  la  prétention  de  donner  ici 
un  plan  d'exercices  ;  d'excellents  livres  en  ce  genre 
ont  paru  depuis  quelques  années.  Nous  allons  seu- 
lement passer  en  revue  les  différents  moyens  em- 
ployés pour  amener  l'application  des  règles  de  la 
grammaire  et  développer  l'intelligence  des  élèves. 
Pour  atteindre  ce  double  but,  il  faut  avoir  recours 
à  deux  sortes  d'exercices  :  les  exercices  d'applija- 
ti'oi  et  les  exercices  d'invention.  Tous  les  deux 
peuvent  se  faire  oralement  ou  par  écrit.  Nous  in- 
sisterons surtout  sur  les  exercices  écrits,  que  le 
maître  peut,  du  reste,  presque  toujours  faire  répé- 
ter de  vive  voix. 

Exercices  d'application.  —  Pour  familiariser  les 
enfants  avec  les  formes  de  l'orthographe  usuelle, 
il  est  bon  de  leur  faire  copier  d'abord  de  petits 
textes  en  prose,  renfermant  quelques  notions  uti- 
les, une  pensée  morale,  une  anecdote  intéressante 
et  à  leur  portée.  Le  même  texte  peut  être  copié 
et  recopié  plusieurs  fois,  et  si  l'élève  l'apprenait 
par  cœur  ce    serait  tout  profit. 

Quand  l'écolier  sait  à  peu  près  par  quels  signes 
on  représente  tel  ou  tel  son,  on  passe  aux  exercices 
d'application  proprement  dits.  Il  est  bien  entendu 
que  l'exercice  doit  répondre  exactement  à  la  leçon 
qui  vient  d'être  récitée  et  expliquée  en  classe. 
Cela  dit,  venons  à  l'application  des  règles  de  quel- 
ques parties  du  discours. 

Pour  le  nom,  par  exemple,  on  peut,  dans  un  texte 
copié  ou  dicté: 

1"  Faire  souligner  d'un  ou  de  deux  traits  les 
noms  communs  ou  les  noms  propres,  masculins  ou 
féminins,  au  singulier  ou  au  pluriel; 

2"  Faire  relever  les  noms  dans  deux  colonnes 
différentes,  selon  leur  genre  ou  leur  nombre  ; 

à"  Écrire  dans  une  colonne  à  part,  au  singulier, 
tous  les  noms  qui  sont  au  pluriel,  et  réciproque- 
ment. On  peut  faire  de  même  pour  les  noms  com- 
posés et  pour  les  noms  dérivés  de  langues  étran- 
gères ; 

4°  Faire  suivTe,  dans  le  texte  même,  chaque 
nom  masculin  ou  féminin  du  nom  féminin  ou  mas- 
culin correspondant,  etc. 

Pour  l'adjectif,  on  peut  : 

1°  Faire  souligner  les  adjectifs; 

2°  Faire  souligner  d'un  trait  les  adjectifs  qua- 
lificatifs ,  de  deux  traits  les  adjectifs  détermi- 
nutifs  ; 

3°  Écrire  dans  une  colonne  à  part,  au  féminin, 
tous  les  adjectifs  qui  sont  employés  au  masculin, 
et  réciproquement  ; 

4°  Même  exercice  pour  la  formation  <iu  plu- 
riel; 

5°  Écrire  en  toutes  lettres  les  nombres  contenus 
dans  le  texte  ; 

6°  Remplacer  par  un  tiret  les  adjectifs  possessifs, 
les  adjectifs  démonstratifs,  etc.,  et  les  faire  réta- 
blir par  les  élèves. 

Pour  le  verbe, on  peut: 

1°  Mettre  après  chaque  verbe  le  chiffre  1,  2,  3  ou 
4,  selon  la  conjugaison  à  laquelle  il  appartient  ; 

2°  Écrire  un  texte,  où  les  verbes  sont  mis  à  l'in- 
finiiif,  en  remplaçant  l'infinitif  par  le  temps  et  la 
personne  convenables; 

3°  Mettre  après  chaque  verbe  les  lettres  n,  p,  r, 
n,  ou  î'»»,  selon  qu'il  est  actif,  passif,  réfléchi, 
neutre  ou  impersonnel  ; 

4.°  Souligner  d'un  trait  les  temps  simples,  de  deux 
traits  les  temps  composés  ; 

5°  Dans  un  texte  choisi,  faire  mettre  le  sujet  et 
le  verbe  au  pluriel.  Ex.  :  «  le  loupesf  an  animal;» 


EXERCICES  GRAMMATICAUX 


747 


EXPERIENCES 


écrivez  :  «  les  loups  sont  des  animaux;»  etc.  Ce 
genre  d'exercices  a  l'avantage  d'amener  en  même 
temps  l'application  de  toutes  les  règles  d'accord. 
Il  est  bon  aussi  de  transposer  le  texte  en  rempla- 
çant un  sujet  masculin  par  un  sujet  féminin,  en 
changeant  le  nombre,  la  personne,  le  temps,  etc. 
Ex.  :  au  lieu  de  «  une  vieille  reine...,  »  écrivez  :  «  un 
vieux  roi ...» ,  etc.  —  «  Les  éléphants  sont  naturelle- 
ment fort  doux...,  »  écrivez:  «l'éléphant  est,  etc.  « 
—  «  Le  renard  est  fameux  par  ses  ruses..,  »  écrivez: 
«  Je  suis  fameux  par  mes  ruses,  etc.  »  ; 

6°  Pour  la  conjugaison  des  verbes  neutres,  faire 
remplacer  les  tirets  {il —  tombé)  par  l'auxiliaire 
avoir  ou  être,  etc. 

Ces  exercices  peuvent  tous  être  faits  oralement 
sur  un  livre  ou  au  tableau,  mais  ce  dernier  mode 
est  préférable,  parce  qu'on  peut  mieux  surveiller 
l'attention  des  élèves. 

Exercices  d'iiivention.  —  On  appelle  exercices 
d'invention  les  exercices  qui  font  un  appel  à  l'intel- 
ligence, à  l'imagination  des  élèves,  et  qui,  sans 
exiger  l'application  de  telle  ou  telle  règle  gramma- 
ticale, les  forcent  à  ijiventer,  à  tirer  quelque  chose 
de  leur  propre  fonds.  Ces  exercices  sont  peut-être 
encore  plus  variés  et  en  tous  cas  moins  arides  que 
les  exercices  d'application.  Qu'on  demande  à  un 
enfant  de  composer  une  phrase  entière  sur  un  seul 
mot  donné,  comme  nous  le  voyons  faire  dans  quel- 
ques ouvrages  récents,  nous  doutons  que  la  réponse 
soit  satisfaisante.  Il  faut  procéder  lentement  et 
avec  ordre  ;  exiger  trop  d'abord  est  le  sûr  moyen 
de  n'avoir  jamais  rien.  Voici,  selon  nous,  la  marche 
à  suivre  avec  des  enfants  d'une  dizaine  d'années: 

1°  Supprimer  dans  un  texte  tous  les  adjectifs 
qualificatifs  et  faire  remplir  les  places  vides  par 
des  adjectifs,  au  choix  des  élèves.  Ex:  «  L'enfant.... 
mérite  de...  récompenses.  » 

2"  Supprimer  les  adjectifs  déterminatifs  et  les 
faire  rétablir  par  les  élèves.  Ex:  a  L'élève  studieux 
aura...  récompense.  » 

:i°  Supprimer  les  pronoms  devant  les  verbes  et 
les  faire  rétablir  par  les  élèves  :  «  Le  loup  est  glou- 
ton;  se  nourrit  de  chair.  »  — «  Notre  livre  est 

perdu  ; devez  le  chercher.  » 

4"  Supprimer  le  sujet,  ou  le  verbe,  ou  le  com- 
plément direct  dans  une  proposition,  en  ayant  soin 
de  donner  des  phrases  très  simples  où  l'enfant 
puisse  aisément  saisir  la  relation  des  idées.  Ex.  : 
1°  «  Les....  construisent  leur  nid;  »  —  2°  «  Les 
oiseaux....  leur  nid;  »  —  3°  «  Les  oiseaux  con- 
struisent  ;  »  etc. 

Pour  les  élèves  plus  avancés,  on  peut  faire  tran- 
scrire en  prose  une  fable  de  La  Fontaine,  en  exi- 
geant que  la  morale  soit  développée. 

Enfin  on  peut,  en  partant  des  éléments  les  plus 
simples  d'une  proposition,  le  sujet  et  le  verbe  par 
exemple,  faire  ajouter  successivement  au  sujet  un 
qualificatif  ou  un  déterminatif,  au  verbe  un  adverbe, 
un  complément  direct,  un  complément  indirect, 
un  complément  circonstanciel  ou  même  une  pro- 
position incidente.  Ex:  L'enfant  aime ;  ajoutez 

un  qualificatif  au  sujet  :   L'enfant  bon  aime ; 

ajoutez  un  déterminatif:  Cet  enfant  bon  aime....  ; 
mettez  au  verbe  un  modificatif:   Cet  enfant  bo7i 

afwe  TENDREMENT ;  un  Complément  direct:  Cet 

enfant  bon  aime  tendrement  sa  mère,  etc.,  etc. 
C'est  la  méthode  suivie  dans  nos  lycées  pour  ap- 
prendre aux  élèves  à  mettre  un  vers  latin  sur  ses 
pieds;  elle  serait  heureusement  appliquée,  selon 
nous,  pour  apprendre  à  écrire  une  phrase,  sinon 
avec  élégance,  du  moins  avec  correction. 

Après  la  composition  des  phrases,  nos  élèves  pas- 
seront à  des  exercices  de  style  plus  étendus,  à  la  com- 
position proprementdite,dontils  trouveront  les  prin- 
cipes et  les  règles  dans  leur  petit  cours  de  rhétorique. 

On  a  parlé  ailleurs  de  la  dictée  *,  des  exercices 
d'analyse  grammaticale  *  et  d'analyse  logique  *  ; 
nous    n'y    reviendrons    pas.     Disons    seulement 


quelques  mots  des  exercices  étymologiques  qui 
ont  pris  place  depuis  peu  dans  nos  écoles. 

Exercices  étymologiques .  —  Rien  de  plus  utile 
pour  donner  à  l'enfant  le  sens  précis  des  mots  et 
des  nuances  qui  les  distinguent,  que  l'étude  des 
dérivés  et  des  composés.  On  sait  combien  il  est 
difficile  en  général  de  définir  un  mot.  Cet  embarras 
cessera  vite  pour  l'élève,  si  son  maître  l'habitue  à 
remonter  du  mot  dérivé  au  mot  primitif,  ou  à  des- 
cendre du  simple  au  composé. 

Ainsi  de  labourer,  qui  est  proprement  travailler 
{labornre)  sont  dérivés  :  labour,  le  travail  par 
excellence,  le  travail  de  la  terre  ;  laboïirage,  ré- 
sultat de  l'action  marqué  par  le  suffixe  âge  ;  la- 
boureur, celui  qui  fait  l'action,  désigné  par  le  suf- 
fixe eur;  labowahle,  ce  qui  peut  être  labouré,  état 
marqué  parle  suffixe  ab/e,  etc.  Le  sens  de  ces  trois 
suffixes  âge,  eur,  able,  une  fois  connu,  l'élève  ne 
sera  plus  embarrassé  pour  définir  des  mots  tels 
que  assembler,  assemblage,  assonbleur,  plier, 
pliage,  plieur,  pliable,  etc.  On  pourrait  aisément 
multiplier  ces  exemples,  et  si  l'on  songe  que,  sur 
12(100  mots  français  d'origine  populaire,  on  compte 
environ  4  000  mots  simples  et  8  000  dérivés,  on 
verra  quelle  place  importante  cette  sorte  d'exercice 
doit  prendre  désormais  dans  l'enseignement  gram- 
matical. [J.  Dussouchet.] 

EXPKRIEKCES.  —  Physique,  I-XXXII;  Chimie, 

i-xxvn. 

Des  expériences  en  général.  —  Dans  le  langage 
scientifique,  on  appelle  expériences  les  opérations 
par  lesquelles  le  savant  reproduit,  dans  des  condi- 
tions de  simplicité  relative,  les  phénomènes  natu- 
rels pour  en  étudier  les  lois,  ou  même  en  crée 
artificiellement,  en  réalisant  des  dispositions  qui  ne 
se  trouvent  point  dans  la  nature.  Par  exemple,  en 
introduisant  une  goutte  d'eau  dans  le  vide  d'un 
baromètre,  on  en  obtient  l'évaporation  dans  des 
conditions  particulières,  qui  permettent  d'appré- 
cier la  force  élastique  de  la  vapeur  par  l'abaisse- 
ment qu'elle  produit  de  la  colonne  de  mercure. 

Ordinairement  la  chute  des  corps,  même  des 
plus  lourds,  est  contrariée  par  la  résistance  de  l'air; 
mais  si  on  les  fait  tomber  dans  un  tube  de  verre 
où  a  été  fait  le  vide,  on  réalise  un  phénomène 
simple,  que  la  nature  ne  nous  offre  pas,  et  il 
est  alors  possible  de  constater  que  sans  la  résis- 
tance de  l'air  tous  les  corps  tomberaient  avec  la 
même  vitesse.  Les  physiciens  produisent  aujour- 
d'hui un  grand  nombre  de  phénomènes,  tels  que 
la  lumière  électrique,  par  exemple,  les  prépara- 
tions de  galvanoplastie,  l'électro-magnétisme,  etc., 
qu'ils  ont  été  méthodiquement  amenés  à  décou- 
vrir, par  des  séries  d'expériences  purement  arti- 
ficielles ;  et  les  chimistes  possèdent  et  produisent 
dans  leurs  laboratoires  des  centaines  de  corps, 
dont  aucun  échantillon  naturel  ne  se  trouve  à  la 
surface  de  la  terre.  Cette  manière  d'étudier  la 
nature  est  toute  moderne,  les  anciens  ne  la  pra- 
tiquaient pas  ;  à  peine  observaient-ils,  et  les  alchi- 
mistes du  moyfn  âge,  qui  travaillaient  beaucoup, 
il  est  vrai,  expérimentaient  mal.  Aujourd'hui  elle 
règne  exclusivement  dans  les  sciences  physiques. 
On  l'appelle  l'expérience  ou  la  Méthode  expé- 
rimentale. Elle  se  complète  évidemment  de  l'ob- 
servation. Depuis  la  découverte  de  la  circulation 
du  sang  par  Harvey,  au  xvii'  siècle,  la  méthode 
expérimentale  a  pris  possession  de  la  physiologie, 
dont  elle  a  fait  depuis,  avec  les  travaux  de  Lavoi- 
sier,  Bordeu,  Bichat,  Magendie,  Claude  Bernard, 
comme  de  la  physique  et  de  la  chimie,  une  vérita- 
ble science  exacte. 

On  ne  l'eût  pas  cru  il  y  a  moins  d'un  demi- 
siècle,  l'expérience  est  même  venue  en  aide  aux 
astronomes  ;  en  effet,  après  la  belle  et  célèbre 
expérience  de  Foucault,  faisant  voir,  pour  ainsi 
dire,  tourner  la  terre,  au  moyen  de  son  immense 
pendule  suspendu  à  l'intérieur  de  la  coupole  du 


EXPÉRIENCES 


—  7i8  — 


EXPERIENCES 


Panthéon,  voici  qu'il  y  a  une  vingtaine  d'années  deux 
pliysiciens  allemands.  Bunsen  et  Kirchoff,  démon- 
trent que  l'observation  des  raies  du  spectre  décèle 
la  nature  des  plus  infimes  parcelles  des  substances 
répandues  dans  la  source  de  lumière  qui  a  produit 
le  spectre  ;  ce  qui  permet  aujourd'hui  de  faire  l'a- 
nalyse chimique  des  étoiles  situées  à  des  distances 
de  la  terre  que  notre  esprit  ne  peut  se  figurer. 

Dans  les  sciences  appelées  plus  spécialement 
naturelles,  la  botanique,  la  zoologie,  la  minéra- 
logie, l'expérience  cède  plus  touvent  la  place  à 
l'observation  proprement  dite  ;  néanmoins,  tout  le 
monde  dans  la  science  connaît  les  beaux  travaux 
de  M.  Paul  Bert  sur  la  greffe  animale,  ceux  do 
M.  Pasteur  sur  les  conditions  de  développement 
des  gerpies  qui  sont  dans  l'air  ou  dans  les  sub- 
f  tances  fermentescibles,  etc.  ;  on  peut  voir, 
dans  les  galeries  de  minéralogie  du  muséum  de 
Paris,  la  reproduction  artificielle  des  principales 
pierres  précieuses  de  la  nature,  par  MM.  Daubrée, 
Descloiseaux,  Friedel,  etc.  ;  enfin  l'analyse  chimique 
des  aérolithes  nous  a  fourni  les  plus  précieux  ren- 
seignements sur  leur  origine. 

Expériences  de  physique.  Historique.—  Certaines 
expériences,  quoique  souvent  très  simples,  sont 
restées  célèbres  à  cause  de  leur  importance,  ou 
par  les  conséquences  qu'on  en  a  tirées.  C'est  ainsi 
(|u'on  dit  :  Vexpérience  de  Torricelli,  pour  rappe- 
ler l'invention  du  baromètre  ;  les  expériences  de 
Lavoisier  sur  l'air  et  sur  l'oxygène  ;  les  expériences 
de  Galvani  et  de  Volta,  pour  rappeler  les  origines 
de  la  pile  électrique  ;  l'expérience  d'Œrstedt,  les 
expériences  d'Ampère,  de  Dmnas,  de  Faraday, 
d'Arago,  etc. 

Au  point  de  vue  du  but  à  atteindre,  il  n'y  a  en 
physique  que  deux  sortes  d'expériences  :  premiè- 
rement, celles  qui  servent  à  produire  un  phéno- 
mène; deuxièmement,  celles  qui  ont  pour  but  d'en 
mesurer  les  éléments  pour  en  trouver  la  loi.  Ces 
dernières  exigent  presque  toujours  des  appareils 
délicats,  et  une  o;rande  habitude  dans  l'art  de  l'ex- 
périmentation. Comme  exemple  des  premières, 
nous  citerons  toutes  les  expériences  qu'on  peut  faire 
avec  une  bonne  machine  électrique  à  frottement, 
ou  avec  une  pile  puissante. 

Pour  les  secondes,  citons  la  mesure  de  la  dilata- 
tion des  corps  par  la  chaleur,  l'étude  dos  raies  du 
spectre  solaire,  ot  enfin,  par  dessus  tout,  les  expé- 
riences de  Coulomb  pour  mesurer  les  lois  des  at- 
tractions et  des  répulsions  électriques,  dans  les- 
quelles ce  physicien  a,  comme  on  l'a  dit,  mohtré  un 
véritable  génie  dans  la  mesure  des   petites  forces. 

L'art  des  expériences  ne  s'acquiert  que  par  une 
longue  habitude  ;  on  peut  aussi  dire  qu'on  naît 
expérimentateur.  Cet  art  exige  en  effet  non  seule- 
ment une  intelligence  divinatoire  et  un  grand  es- 
prit d'observation,  mais  beaucoup  de  coup  d'œil  et 
une  grande  habileté  dans  les  doigts.  Comme  l'a 
dit.  un  grand  savant,  pour  être  chimiste  ou  phy- 
sicien, il  faut  savoir  scier  avec  un  couteau  et  limer 
avec  une  scie. 

Expériences  de  chimie.  Historique.  —  En  chi- 
mie, les  expériences  se  font  avec  des  appareils 
moins  chers,  moins  compliqués,  et,  dans  beaucoup 
de  cas,  exigent  moins  d'habileté  ;  aussi,  dès  le 
moyen  âge,  la  chimie  est-elle  entrée  dans  la  voie 
expérimentale  ;  il  est  vrai  de  dire  que  les  expériences 
étaient  très  imparfaites  alors:  les  alchiaiistes,  ne 
sachant  ni  recueillir,  ni  mesurer  les  gaz,  négli- 
geaient une  partie  importante  de  leurs  opérations. 

Aujourd'hui  les  expériences  de  chimie  se  font, 
principalement  oans  le  haut  enseignement  des 
facultés,  du  muséum,  du  Collège  de  France, 
avec  des  appareils  tout  à  fait  perfectionnés.  Le 
caoutchouc,  qui  remplace  le  liège,  donne  des  fer- 
metures hermétiques  ;  le  fourneau  à  gaz  remplace 
presque  toujours  le  charbon,  et  l'invention  du 
chalumeau   permet  aux  chimistes   d'essayer   des 


réactions  à  des  températures  qui  dépassent  2  000 
degrés. 

Au  point  de  vue  de  l'enseignement,  en  peut 
dire  qu'ily  a  trois  sortes  d'expériences  chimiques  : 
1"  Celles  qui  mettent  en  évidence  un  phénomène 
nouveau,  ou  qui  montrent  d'une  façon  plus  frap- 
pante un  phénomène  naturel  :  telles  sont  les 
expériences  de  combustion  dans  l'oxygène,  la  dé- 
tonation d'un  mélange  d'hydrogène  ci  d'oxygène, 
la  combustion  du  potassium,  sur  l'eau,  celle  de 
l'antimoine  et  de  l'arsenic  dans  le  chlore,  la  pré- 
paration du  gaz  des  feux  follets  (hydrogène  phos- 
phore) qui  s'enflamme  spontanément  à  l'air,  etc.  ; 

2"  Celles  qui  ont  pour  but  l'analyse  ou  la  syn- 
thèse, c'est-à-dire  la  mesure  des  éléments  consti- 
tuants d'un  corps  composé  ;  nous  citerons  comme 
exemple  :  l'analyse  de  l'air  par  Lavoisier,  l'ana- 
lyse de  l'eau  par  Carlisle  et  Nicholson,  sa  syn- 
thèse par  Dumas  et  Boussingault,  et  en  somme 
toutes  les  analyses  et  les  synthèses  (V.  Chimie  et 
Chimie  organique).  C'est  la  partie  la  plus  difficile 
de  la  chimie  expérimentale;  elle  exige  des  appa- 
reils bien  montés  et  une  grande  habitude  de  la 
part  de  l'expérimentateur  ; 

3°  Enfin,  les  expériences  qui  servent  à  préparer 
un  corps  simple  ou  compose,  comme  la  prépara- 
tion du  fer  pur,  celle  du  phosphore,  de  l'acide 
carbonique,  du  gaz  d'éclairage,  de  l'éther,  l'extrac- 
tion d'un  alcaloïde,  etc.  Les  expériences  de  chi- 
mie se  font  dans  un  creuset,  quand  on  est  obiigé 
d'opérer  à  une  haute  température  et  qu'on  n'a  à 
s'occuper  que  du  résidu  fixe  qui  restera;  dans  une 
cornue,  quand,  en  même  temps,  on  veut  recueillir 
les  produits  volatils  ou  gazeux  qui  prendront 
naissance  ;  dans  des  cornues  ou  dans  des  flacons 
à  tubulures  auxquels  sont  adaptés  des  tubes,  lors- 
qu'on fait  agir  ou  qu'on  produit  des  gaz  à  chaud 
ou  à  froid  ;  enfin,  dans  beaucoup  de  cas,  par  exem- 
ple lorsqu'on  fait  agir  un  liquide  sur  un  solide 
pulvérisé,  ou  deux  liquides  l'un  sur  l'autre  sans 
s'occuper  des  produits  gazeux,  l'expérience  se  fait 
tout  simplement  dans  une  capsule. 

Expériences  à  faire  dans  les  cours.  —  Nous  ne 
parlerons  pas  ici  des  recherches  dont  on  s'occupe 
dans  les  laboratoires  du  haut  enseignement  :  elles 
exigent  une  habitude  très  grande,  une  variété  con- 
sidérable d'appareils,  et  une  précision  de  détails 
qu'on  ne  peut  apprendre  que  dans  ces  laboratoires 
mêmes  ;  tout  cela  est  en  dehors  du  but  que  nous 
nous  proposons  ici.  Nous  nous  contenterons  d'in- 
diquer un  certain  nombre  d'expériences  que  l'on 
peut  faire  facilement  et  avec  des  appareils  ou  des 
instruments  peu  coûteux,  soit  dans  un  cours  pro- 
fessionnel ou  un  cours  d'adultes,  soit  même  dans 
une  conférence  mondaine. 

Ph/sique.  —  L'expérience  du  pendule,  qu'on 
peut  faire  partout  avec  une  simple  ficelle  et  une 
pierre,  ne  doit  jamais  être  négligée;  l'auditoire  s'y 
intéresse  beaucoup,  et  elle  ne  présente  ni  difficulté, 
ni  danger.  On  pourra  aussi  démontrer  la  poussée 
de  l'air,  même  sans  machine  pneumatique,  au 
moyen  d'un  tube  de  Torricelli  ou  d'un  verre  à 
boire,  ou  d'une  éprouvette  remplie  d'eau  et  fermée 
par  une  simple  feuille  de  papier.  Une  cornue  por- 
tant un  tube  à  dégagement  plong»^  dans  l'eau  suf- 
fira, en  la  chauffant,  pour  montrer  la  dilatation  des 
gaz.  Avec  une  siiuple  boussole,  quelques  mètres  de 
fil  de  cuivre  et  une  pile,  il  est  facile  de  répéter  la 
mémorable  expérience  d'OErstodt  ;  avec  un  second 
aimant  à  la  main,  on  pourra  aussi  montrer  la  diffé- 
rence des  deux  pôles  d'un  aimant,  etc. 

En  verre  taillé  ou  un  prisme  suffira  pour  obtenir 
le  spectre. 

Nous  pourrions  citer  ainsi  cent  expériences  et  des 
plus  importantes,  qu'un  maître  ingénieux  peut  faire 
facilement,  presque  sans  ressources,  devant  un  au- 
ditoire peu  versé  dans  la  science. 

Chimie.  —  Avec  une  dépense  de  40  ou  50  francS' 


EXPLOITATION 


—  749  — 


EXPLOITATION 


il  est  possible  de  se  procurer  de  quoi  répéter  plu- 
sieurs fois  les  expériences  de  combustion  dans 
l'oxygène,  dans  le  chlore,  dans  la  vapeur  de  soufre  ; 
de  préparer  plusieurs  gaz  combustibles,  l'hydro 
gène,  le  gaz  d'éclairage,  le  chlore,  l'hydrogène 
phosphore;  de  montrer  l'action  des  acides  et  celle 
des  bases  sur  le  tournesol  ;  l'action  des  acides  sur 
les  bases,  d'un  acide  sur  la  craie,  de  l'ammoniaque 
sur  les  sels  de  fer,  de  cuivre,  etc. 

Nous  conseillerons  de  choisir,  autant  que  cela 
est  possible  avec  un  laboratoire  aussi  peu  fourni, 
des  expériences  qui  aient  un  rapport  direct  avec 
des  phénomènes  naturels  bien  connus,  afin  que  la 
satisfaction  ne  soit  pas  exclusivement  pour  les  yeux, 
mais  aussi  pour  l'intelligence,  car  autrement  l'élève 
ne  verrait  là  que  des  choses  amusantes. 

C'est  en  faisant  l'expérience  même  et  pendant 
qu'il  l'explique,  que  le  maître  doit  rappeler  les 
rapports  qu'elle  a  avec  tel  ou  tel  phénomène  na- 
turel; il  n'oubliera  pas  non  plus,  s'il  y  a  lieu,  de 
citer  les  industries  où  elle  est  faite  plus  en  grand, 
en  donnant  quelques  détails  surja  difTorcnce  entre 
celle  qu'il  fait  dans  le  laboratoire  et  celle  de  l'usine. 
Nous  n'avons  pas  à  parler  des  expériences  do 
physiologie  animale  ou  végétale  ;  elles  exigent  des 
connaissances  acquises  et  spéciales,  et  ne  peuvent 
être  tentées  avec  fruit  que  par  des  personnes  aux- 
quelles cet  article  n'est  point  destiné. 

[Alfred  Jacquemart.] 
EXPLOITATION  (Systèmes  d').  —  Agriculture, 
XII.  —  Le  but  du  propriétaire  du  sol  est  d'en  tirer 
la  plus  grande  somme  possible  de  revenu.  A  cet 
effet,  il  doit  choisir  un  mode  d'exploitation  qui 
lui  assure  le  plus  d'avantages,  dans  les  conditions 
où  il  se  trouve  placé.  S'il  est  agriculteur  lui-même, 
il  pourra  exploiter  directement  son  domaine  :  c'est 
ce  qu'on  appelle  le  faire-valoir  direct.  Si  le  pro- 
priétaire n'est  pas  agriculteur,  ou  s'il  est  placé 
loin  des  terres  qu'il  a  acquises,  il  peut  avoir  re- 
cours à  un  système  de  location  ;  il  y  en  a  beaucoup 
d'espèces.  Les  locations  les  plus  usitées  en  France 
sont  le  fermage  et  le  métayage.  Il  faut  donner 
quelques  détails  sur  chacun  de  ces  systèmes 
d'exploitation. 

Faire-valoir  direct.  —  Le  faire-valoir  direct  n'a 
pas  besoin  de  définition  ;  c'est  la  situation  du  pro- 
priétaire exploitant  lui-môme  son  domaine  à  ses 
risques  et  périls.  La  plupart  des  petits  propriétai- 
res, en  France,  cultivent  eux-mêmes  leurs  terres; 
ils  savent,  dans  ces  conditions,  tirer  le  plus  grand 
parti  du  sol.  On  peut  affirmer  que  le  développe- 
ment de  la  moyenne  et  de  la  petite  culture  est 
une  des  causes  qui  ont  exercé  la  plus  heureuse 
influence  pour  l'augmentation  de  la  production 
agricole  du  pays.  Presque  toujours  le  petit  proprié- 
taire s'enrichit  par  le  travail  et  par  l'économie. 
L'épargne  est  le  plus  souvent  consacrée  par  lui  à 
l'acquisition  de  nouvelles  terres  quand  l'occasion 
se  présente  ;  de  telle  sorte  qu'en  fait  la  propriété, 
au  lieu  de  se  morceler  sans  cesse,  comme  on  le 
dit  parfois,  de  tomber  en  poussière,  suivant  une 
expression  de  M.  Passy,  tend  sans  cesse  à  se  re- 
constituer, entre  de  nouvelles  mains,  il  est  vrai. 

L'exploitation  directe  d'un  domaine  exige  la  pré- 
sence presque  continuelle  de  son  propriétaire. 
Dans  la  petite  culture  c'est  la  loi  commune.  Mais 
dans  la  grande  culture,  pour  une  raison  ou  pour 
«ne  autre,  le  propriétaire  n'agit  pas  toujours  ainsi. 
De  là,  pour  un  grand  nombre  d  entre  eux,  l'habi- 
tude d'avoir  recours  à  des  agents  spéciaux-  con- 
nus sous  le  nom  de  régisseurs.  Ce  sont  des  agents 
salariés  qui  sont  chargés,  sous  la  direction  du  pro- 
priétaire, de  la  gestion  de  la  culture,  des  achats,  des 
ventes,  etc.  L'activité  et  la  probité  sontdeux  qualités 
indispensables  pour  le  régisseur;  en  même  temps,  il 
est  nécessaire  qu'il  ait  des  connaissances  sérieuses 
dans  la  pratique  des  choses  agricoles.  Pour  activer 
le  zèle  des  régisseurs,  un  certain  nombre  de  pro-  ' 


priélaires  ont  pris  l'habitude  de  les  intéresser  par 
un  certain  bénéfice  dans  les  produits  de  l'exploita- 
tion, en  dehors  des  appointements  fixes  qui  leur 
sont  attribués.  Le  régisseur  est  ainsi  poussé  à 
rechercher  les  meilleurs  moyens  d'augmenter  la 
production  du  sol,  .\  la  fois  dans  son  propre  in- 
térêt et  dans  l'intérêt  du  propriétaire.  L'application 
de  ce  système  est  d'ailleurs  facile  quand  la  comp- 
tabilité est  tenue  en  bon  ordre. 

Fermage.  —  Le  fermage  peut  être  défini  :  une 
cession  temporaire  d'un  dcmaine  par  son  proprié- 
taire à  un  homme  qui  l'exploite  à  ses  risques  et 
périls,  et  paie  chaque  année  une  redevance  fixe. 
Les  obligations  réciproques  du  propriétaire  et  du 
fermier  sont  consignées  dans  un  bail  qui  devient 
la  loi  entre  les  deux  parties. 

Dans  le  système  du  fermage,  le  propriétaire 
reste  tout  à  fait  étranger  à  l'exploitation  de  son 
domaine  ;  il  reçoit  un  revenu  fixe,  déterminé 
d'avance,  et  toujours  le  même,  que  les  récoltes 
soient  abondantes  ou  non.  En  dehors  du  paie- 
ment du  revenu  ,  le  fermier  est  substitué  au 
propriétaire  dans  la  direction  du  domaine.  Il  doit 
avoir  un  capital  assez  important,  représenté  surtout 
par  le  matériel  de  culture  et  par  le  bétail  qu'il 
entretient  sur  l'exploitation.  De  son  habileté  dé- 
pendent à  la  fois  sa  propre  prospérité,  et  l'augmen- 
tation de  la  valeur  du  domaine.  Le  fermier  est 
ainsi  un  véritable  industriel  pour  lequel  la  terre 
est  le  principal  instrument  de  travail. 

le  fermier  doit  avoir  fait  un  apprentissage 
complet  de  la  pratique  agricole,  et  par  conséquent 
être  capable  de  diriger  avec  fruit  l'exploitation 
qu'il  prend  à  sa  charge.  S'il  n'a  pas  l'habileté 
nécessaire,  non  seulement  il  marche  à  sa  ruine, 
mais  il  compromet  en  même  temps  les  intérêts 
du  propriétaire,  en  épuisant  la  richesse  du  sol  par 
des  cultures  mal  ordonnées. 

En  outre,  le  fermier  doit  avoir  à  sa  disposition 
un  capital  de  culture  proportionnel  à  l'étendue  de 
l'exploitation  qu'il  prend  et  au  système  de  culture 
qu'il  veut  suivre.  Pour  maintenir  et  surtout  pour 
augmenter  la  fertilité  du  sol,  il  ne  faut  pas  crain- 
dre de  faire  à  celui-ci  des  avances;  c'est  même  la 
condition  indispensable  du  succès. 

Le  fermage  est  assurément  la  méthode  d'exploi- 
tation du  sol  qui  est  la  plus  répandue  dans  les 
pays  les  plus  riches.  C'est  celle  qui  est  consi- 
dérée comme  le  plus  favorable  au  progrès  agricole. 
Mais  l'usage  de  ne  faire  que  des  baux  d'une  assez 
courte  durée,  neuf  années  en  moyenne,  est  un 
grave  inconvénient. 

En  effet,  il  arrive  que  le  fermier  qui,  pendant  les 
premières  années,  a  fait  des  avances  pour  la  cul- 
ture, cherche,  dans  celles  qui  précèdent  la  fin  du 
bail,  à  retirer  ces  avances,  et  épuise  la  terre  dans 
une  proportion  plus  ou  moins  considérable.  Pour 
obvier  à  ces  inconvénients,  le  meilleur  moyen  se- 
rait d'adopter  des  baux  de  longue  durée,  de  vingt 
ans,  qui  assureraient  au  fermier  tout  le  temps 
nécessaire  pour  retirer  légitimement  tout  le  fruit 
de  ses  etforts  et  de  son  travail.  D'un  autre  côté, 
avec  un  bon  fermier,  le  propriétaire  serait  certain 
de  voir  sa  terre  augmenter  progressivement  de 
valeur,  sans  qu'il  lui  en  coûtât  rien.  On  a  aussi 
proposé  d'introduire  dans  les  baux  une  clause  re- 
lative aux  indemnités  qui  pourraient  être  attribuées 
au  fermier  pour  les  améliorations  permanentes 
effectuées  par  lui;  mais  les  difficultés  d'évaluation 
de  la  valeur  exacte  de  ces  améliorations  ont  jus- 
qu'ici empêché  cette  idée  d'entrer  dans  la  pratique. 
Métnyage.  —  Le  métayage  est  un  système 
d'exploitation  intermédiaire  entre  le  faire-valoir 
direct  et  le  fermage.  C'est  une  véritable  associa- 
tion entre  le  propriétaire  du  sol  et  l'exploitant  ; . 
par  cette  association,  l'un  et  l'autre  concourent, 
dans  une  proportion  et  d'une  manière  déterminées 
à  la  production  agricole. 


FABLE 


—  750 


FABLE 


La  meilleure  définition  du  métayage  a  été  don- 
née par  le  comte  de  Gasparin  dans  les  termes 
suivants:  a  Le  métayage  est  un  contrat  par  lequel, 
quand  le  tenancier  n'a  pas  un  capitil  ou  un  crédit 
suffisant  pour  garantir  le  paiement  de  la  rente  et 
des  avances  du  propriétaire,  celui-ci  prélève  cette 
rente  par  parties  proportionnelles  sur  la  récolte  de 
chaque  année.  »  Ainsi  le  métayer  ne  paie  p:is  de 
redevance  fixe;  il  partage  avec  le  propriétaire, 
tantôt  par  moitié,  tantôt  dans  une  autre  propor- 
tion, les  produits  du  sol.  Le  propriétaire  fait  les 
avances  pour  l'achat  du  cheptel  vivant  et  du  maté- 
riel, parfois  même  pour  les  engrais  ;  le  métayer 
donne  son  travail  et  celui  de  sa  famille,  et  il  paie 
la  main-d'œuvre.  Dans  le  système  du  métayage, 
un  domaine  d'une  certaine  étendue  est  le  plus 
souvent  partagé  en  métairies  restreintes,  dont 
chacune  est  cultivée  par  un  métajer  et  sa  famille, 
aidé  par  un  ou  deux  ouvriers.  Le  propriétaire  a 
ainsi  sa  participation  directe  dans  autant  d'exploi- 
tations distinctes. 

On  a  souvent  considéré  le  métayage  comme  une 
pratique  surannée,  incompatible  avec  le  progrès 
agricole.  Cette  idée,  dans  sa  généralité,  est  con- 
traire à  la  vérité.  Sans  doute  le  métayage  est  la 
forme  la  plus  usitée  de  location  des  terres  dans  les 
régions  où  l'agriculture  est  le  moins  prospère, 
mais  cela  tient  à  l'absence  générale  de   capitaux 


dans  ces  contrées,  et  par  suite  à  l'impossibilité  de 
trouver  de  bons  fermiers.  Mais  quand  le  proprié- 
taire est  éclairé,  qu'il  s'occupe  activement  de  dé- 
velopper ses  métairies,  il  obtient  souvent  des  ré- 
sultats tout  à  fait  remarquables.  La  direction  est 
dans  sa  main.  Si  cette  direction  est  bonne,  les  mé- 
tairies prospéreront  ;  si  elle  est  mauvaise  ou  si  elle  est 
nulle,  elles  se  traîneront  péniblement  dansl'ornière. 
Dans  le  premier  cas,  il  y  a  naturellement  accrois- 
sement de  revenu  pour  le  propriétaire. 

Si  l'on  consulte  les  recensements  de  la  popula- 
tion agricole  en  France,  on  constate  que  le  mé- 
tayage va  en  diminuant,  sans  que  le  système  du 
fermage  paraisse  prendre  une  extension  notable- 
ment plus  considérable.  Ce  fait  tient  à  l'augmen- 
tation du  nombre  des  petits  propriétaires  cultivant 
eux-mêmes  leurs  terres.  Beaucoup  de  métayers 
sont  passés,  durant  les  trente  dernières  années, 
dans  cette  nouvelle  catégorie.  Aujourd'hui,  sur  100 
cultivateurs,  en  France,  on  compte  69  propriétaires 
exploitant  directement  leurs  terres,  10  métayers 
ou  colons  et  21  fermiers.  C'est  dans  les  régions  du 
nord-est  et  de  l'est  que  le  système  du  fermage  est 
le  plus  répandu  ;  le  métayage  domine  au  contraire 
dans  les  régions  de  l'ouest,  du  sud-ouest  et  du 
sud.  En  outre,  il  est  la  règle  presque  générale  pour 
la  culture  des  vignes. 

[Henry  Sagnier.] 


F 


FABLE.  —  Littérature  et  style,  lïï.  —  «  La 
fable ,  dit  l'Académie  ,  est  un  récit  dans  le- 
quel on  cache  une  vérité,  une  moralité  sous  le 
voile  de  quelque  fiction.  »  C'est  une  fiction  dont 
l'imagination  fait  tous  les  frais,  du  moins  où  un 
fond  vrai  se  trouve  modifié  par  des  circonstances, 
des  détails  imaginaires,  et  qui  donne  un  corps 
à  la  pensée,  des  formes  sensibles  à  des  objets 
immatériels.  «  Fable,  dit  un  auteur  du  xiii«  siècle, 
est  uns  contes  que  l'om  dit  des  choses  qui  ne 
sont  pas  voires  (vraies)  ni  voirescmblables,  si 
comme  la  nef  (navire)  qui  vola  parmis  l'air  lon- 
guement. » 

La  fable  se  distingue  du  simple  apologue  en  ce 
qu^'elle  est  un  genre  littéraire,  une  petite  pièce 
ayant  sa  vie  propre.  Il  ne  faut  pas  non  plus  la  con- 
fondre avec  le  conte.  Le  conte  est  un  récit  de  quel- 
que anecdote  vraie  ou  imaginaire  où  ne  figurent 
que  l'homme,  les  dieux,  les  génies.  La  fable  fait 
intervenir  aussi  les  animaux,  les  choses  inani- 
mées. Dans  La  Fontaine,  \e  Héron  est  une  fable,  la 
Fille  est  un  conte.  Le  sujet  est  le  môme,  ainsi  que 
la  moralité  ;  les  acteurs  dilTèrent. 

L'élément  dramatique  est  nécessaire  à  la  fable, 
aussi  bien  que  la  leçon  de  morale  :  le  poète  s'ef- 
l'ace  et  laisse  la  parole  à  ses  héros  qui  deviennent 
des  personnages.  La  Fontaine  l'a  dit  avec  une  au- 
torité qui  fait  loi  :  c'est 

Une  ample  comédie  à  cent  actes  divers 
Et  dont  la  scène  est  l'univers. 

La  fable  rappelle  par  des  allusions  perpétuelles 
les  acteurs  correspondants  du  monde  humain. 
L'allusion  élargit  le  cadre,  l'applique  aux  hommes. 
Les  animaux  deviennent  sire  Lion,  dame  Belette, 
dom  Pourceau,  maître  Renard,  sa  Majesté  fourrée 
le  Chat,  Jeannot  Lapin,  fils  oU  neveu  de  Pierre  ou 
de  Guillaume  ;  c'est  un  vrai  monde  qui  a  des  ca- 
pitales :  Ratapolis  était  bloquée.  Il  y  a  là  une 
représentation  indirecte  mais  constante  de  la  vie 
humaine. 

La  fable  remonte  à  la  plus  haute  antiquité.  On 
a  quelquefois  attribué  son  origine  à  l'esclavage  : 


l'esclave,  qui  n'osait  dire  ce  qu'il  pensait,  a  traduit 
ses  sentiments  dans  la  fable  ;  le  faible,  contraint  à 
déguiser  ses  leçons  ou  ses  conseils,  a  eu  recours 
h  l'apologue  et,  sous  le  couvert  ingénieux  d'une 
agréable  fiction,  a  su  faire  entendre  une  vérité  pé- 
rilleuse. Tout  cela  est  vrai.  Mais  la  fable  a  une 
origine  plus  haute  et  plus  universelle  ;  dans  l'his- 
toire de  l'humanité  elle  date  de  plus  loin.  Elle 
tient  à  l'esprit  humain  môme,  elle  est  née  de  ce 
besoin  naturel  que  l'homme  a  toujours  éprouvé 
d'exprimer,  soit  dans  les  arts,  soit  dans  la  poésie, 
ses  pensées  avec  des  emblèmes,  des  images.  La 
fable  est  avant  tout  une  œuvre  d'imagination 
dans  le  sens  propre  du  mot  :  c'est  le  bon  sens  popu- 
laire qui,  aidé  de  l'imagination,  avant  d'être  sti- 
mulé par  a  Nécessité  l'ingénieuse,  »  a  constitué  la 
fable  originaire. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ses  origines  psychologiques, 
historiquement  la  fable  est  née  en  Orient.  L'Orient, 
terre  de  mythes  et  de  légendes  non  moins  que  de 
despotisme  et  do  servitude,  s'est  toujours  entouré 
d'images  et  de  fictions  :  ses  religions,  ses  tradi- 
tions en  sont  pleines;  outre  l'anthropomorphisme 
ou  la  figuration  humaine  du  monde  idéal,  la  mé- 
tempsycose y  est  née  :  dans  cette  croyance,  les 
animaux  sont  les  frères  de  l'homme  et  lui  don- 
nent des  conseils.  L'Asie,  qui  inventa  la  fable,  l'a 
transmise  à  la  Grèce.  Esope  connut-il  les  fables 
de  l'Indien  Pilpay,  de  l'Arabe  Lokman,  les  apolo- 
gues de  l'Hébreu  Salomon?  La  question  est 
oiseuse  :  il  importe  peu  qu'Esope  ait  reçu  ces 
fables  sous  leur  forme  arrêtée.  Il  est  évident 
qu'elles  couraient  de  paj's  en  pays,  colportées 
par  la  curiosité  publique,  popularisant  par  leurs 
fictions  agréables  les  vérités  qu'elles  voulaient  en- 
seigner. La  fable  est  de  tous  les  temps  et  de  tous 
les  lieux.  Elle  a  fleuri  partout,  mais  c'est  en 
France  qu'elle  a  trouvé  son  complet  épanouisse- 
ment :  nul  n'a  égalé  Vinimitable  La  Fontaine. 

M.  Taine  distingue  trois  phases  ou  époques  dis- 
tinctes dans  la  fable.  Elle  n'est  tout  d'abord 
qu'une  leçon  de  morale  pure  et  simple  :  la  morale 
n'en  est  pas  seulement  le  fond  principal,  elle  y  est 


FABLE 


751  — 


FABLE 


tout  :  la  fable  n'est  encore  qu'un  récit  nu,  court, 
sans  ornements  ;  c'est  une  forme  populaire  de  la 
))liilosopliic  ou  de  la  rhétorique.  Doctes,  senten- 
tieuscs,  lourdes,  telles  apparaissent  les  premières 
fables.  Enfantines,  naïves,  celles  de  la  seconde 
époque  bégaient  et  balbutient  d'un  ton  monotone 
dans  les  conteurs  du  moyen  âge.  Légères,  ailées, 
poétiques  au  troisième  âge,  «  elles  s'envolent 
comme  cet  essaim  d'abeilles  qui  s'arrêta  sur  les 
lèvres  de  Platon  endormi  et  qu'un  Grec  aurait  vu 
se  poser  sur  les  lèvres  souriantes  de  La  Fontaine.  » 
C'est  l'âge  d'or  de  la  fable,  où  l'esprit  humain  a 
peut-être  cueilli  ses  fleurs  les  plus  riantes. 

La  fable  ne  doit-elle  être  qu'en  vers  ?  Supporte- 
t-elle  la  prose  ?  La  poésie  offre  à  la  fable  les  plus 
grands  avantages  :  elle  diminue  l'amertume  des 
vérités  parfois  piquantes  que  son  divin  langage 
adoucit  sans  les  émousser  ;  elle  les  fait  même  en- 
trer plus  profondément  dans  l'esprit,  et  c'est  une 
vérité  banale  que  le  rythme  du  vers  et,  chez  les 
modernes,  le  retour  régulier  de  la  rime,  aide  sin- 
gulièrement la  mémoire.  Une  foule  de  vers  de  La 
Fontaine  sont  devenus  proverbes  et  rappellent 
sans  effort  h  l'esprit,  sous  une  forme  vive  et  popu- 
laire, la  sagesse  dos  nations  :  aussi,  malgré  l'auto- 
rité et  l'exemple  de  Patru,  même  do  Fénelon,  sem- 
ble-t-il  aujourd'hui  que  la  question  soit  hors  de 
discussion,  et  qu'après  La  Fontaine  la  poésie  seule 
puisse  désormais  convenir  à  la  fable. 

Les  anciens  voulaient  que  la  fable  fût  courte, 
ils  avaient  raison  :  la  leçon  ne  porte  qu'à  la  con- 
dition de  ne  pas  plus  fatiguer  l'esprit  que  de  rebu- 
ter l'amour-propre.  La  brièveté  est  l'âme  de  la  fa- 
ble, a  dit  La  Fontaine  à  qui  appartient  toujours  le 
dernier  mot  en  cette  matière.  Quintilien  voulait 
même  qu'elle  ne  comportât  que  peu  de  mots.  Un 
académicien  de  notre  siècle  n'a  consacré  que  qua- 
tre vers  à  chacune  de  ces  fables  :  c'est  une  affec- 
tation puérile.  La  fable  est  un  poème  en  minia- 
ture, et  toute  extension  disproportionnée  y  est  un 
grave  défaut  ;  mais  il  ne  faut  pas  que  la  peur  dun 
mal  nous  fasse  tomber  dans  im  pire.  Quelqu'un 
s'est-il  jamais  plaint  que,  dans  sa  jolie  fable  le 
Rat  de  ville  et  le  Rat  de^  champs,  Horace  ait  dé- 
passé de  beaucoup  les  limites  d'Esope  et  de  Pllèdre  ? 
Et  si  La  Fontaine  avait  à  la  lettre  suivi  le  pré- 
cepte de  Quintilien,  dont  la  postérité  a  heureu- 
sement réformé  l'arrêt,  nous  n'aurions  ni  les 
Animaux  malades  de  la  peste,  ni  le  Chêne  et  le 
Roseau,  ni  les  Deux  Pigeons,  ni  même  le  Corbeau 
et  le  Renard,  et  tant  d'autres  chefs-d'œuvre  de 
récit,  d'action  et  de  dialogue. 

La  fable  doit  rejeter  tout  ornement  qui  pourrait 
détourner  l'attention  de  la  morale  :  même  une 
certaine  négligence  ne  lui  messied  pas,  a  dit  Ar- 
nault.  Le  style  est  familier  sans  être  choquant, 
gracieux  sans  être  efféminé,  badin  et  riant  sans 
bassesse.  Variant  avec  les  sujets,  il  prend  tous  les 
tons,  et,  de  même  que  dans  la  comédie,  s'élève 
parfois  jusqu'au  sublime  (/(?  F/ei7/a?-rf  et  les  Trois 
jeujies  hommes).  Les  rapprochements  historiques, 
les  réflexions  profondes  ou  piquantes  y  peuvent 
trouver  place,  à  la  condition  d'y  être  amenées  na- 
turellement. 

Deux  coqs  TiTaient  en  paix  :  une  poule  survint, 
Et  voilà  la  guerre  allumée. 

Amour  !  tu  perdis  Troie 

(Les  Deux  coqs.  YII,  13.) 

Qui  désigné-je,  à  votre  aTÎs, 
Par  ce  rat  si  peu  secourable? 
Un  moine  ?  Non,  mais  un  dervis. 
Je  suppose  qu'un  moine  est  toujours  charitable. 

(Le  Rat  qui  s'est  retiré  du  monde.  VU,  3.) 

Cette  variété  rend  difficile  de  donner  des  règles 
à  la  fable.  Le  genre  d'ailleurs  en  comporte-t-il  do 
bien  rigoureuses  ?  La   Fontaine  a   fait  des  fables 


oîi  les  règles  ne  sont  pas  observées,  et  Lamotte  le 
lui  reproche  doctement  :  cependant  les  fables  les 
plus  défectueuses  de  La  Fontaine  ont  un  charme, 
un  intérêt  que  n'ont  pas  les  plus  régulières  de 
Lamotte.  L'artifice  de  la  fable  consiste  à  déguiser 
la  sagesse  de  la  leçon  sous  un  air  de  naïveté  : 
c'est  le  secret  de  La  Fontaine,  que  Lamotte  n'a 
point  connu.  La  naïveté  est  donc  la  qualité  maîtresse 
du  style,  mais  elle  ne  se  conquiert  pas.  Quant  à  la 
composition,  il  n'y  a  qu'une  règle  à  observer, 
mais  celle-ci  est  invariable  et  ne  doit  jamais  être 
enfreinte  :  c'est  de  conserver  les  convenances  du 
sujet  et  les  mœurs  de  chaque  personnage  ;  le  lion 
ne  saurait  être  timide,  le  lièvre  courageux,  la  bre- 
bis agressive,  et  par  conséquent  leur  langage  doit 
se  conformer  à  leur  caractère  et  ne  s'en  écarter 
jamais. 

La  fable  n'est  pas  seulement  un  plaisir  délicat  de 
l'esprit,  elle  est  un  enseignement  utile.  Elle  doit 
donc  contenir  une  moralité:  cela  ne  fait  aucun 
doute.  Les  plus  anciens  fabulistes  sont  des  mora- 
listes :  «  L'apologue,  dit  encore  La  Fontaine,  est 
composé  de  deux  parties,  dont  on  peut  appeler 
l'une  le  corps,  l'autre  l'âme.  Le  corps  est  la  fable, 
l'âme,  la  moralité.  »  Le  corps  doit  être  le  plus 
apparent;  l'âme  doit  animer  tout  le  récit,  sans  se 
montrer  à  nu,  sans  lever  le  voile  au  moins  jusqu'à 
la  fin.  Les  anciens  pensaient  autrement:  chez  eux 
la  donnée  philosophique  était  tout;  le  récit,  le 
drame  n'était  qu'un  moyen,  non  le  but;  ils  le  né- 
gligeaient, ils  l'abrégeaient  pour  arriver  plus  vite 
à  la  conclusion  morale.  «  Tout  le  progrès  de  la 
fable,  a-t-on  dit  avec  raison,  consiste  dans  le  ren- 
versement de  ces  deux  éléments.  »  La  moralité  doit 
être  claire  et  ressortir  directement  du  fait  môme 
mis  en  scène.  Sa  place  n'a  qu'une  importance  se- 
condaire. Phèdre,  La  Fontaine  la  mettent  indifle- 
remment  avant  ou  après  l'apologue.  Mais  il  est  pré- 
férable de  l'exprimer  que  de  la  laisser  deviner  au 
lecteur,  comme  le  voulait  Lamotte.  La  leçon  (|ui 
ménage  et  flatte  notre  amour-propre  est  trop  utile 
pour  qu'on  se  prive  de  ce  fécond  et  facile  ensei- 
gnement. Aussi  Platon,  qui  chasse  Homère  de  sa 
P.épubhque,  y  a  donné  à  Esope  une  place  hono- 
rable. Et  "Voltaire  a  dit  justement  :  «  Les  belles 
fables  de  l'antiquité  ont  ce  grand  avantage  sur 
l'histoire,  qu'elles  présentent  une  morale  sensible: 
ce  sont  des  leçons  de  vertu,  et  presque  toute  l'his- 
toire est  le  succès  du  crime.  » 

Avec  tous  ces  mérites,  les  fables  ne  pouvaient 
pas  ne  pas  trouver  place  dans  les  écoles;  de  tout 
temps,  en  tous  lieux  elles  sont  entrées  pour  une 
large  part  dans  l'instruction  et  l'éducation  de  l'en- 
fance. Quintilien  recommande  comme  premier 
exercice  littéraire  de  faire  raconter  les  fables  aux 
enfants  dans  un  langage  correct  et  simple,  et  de 
les  écrire  ensuite  avec  soin  en  conservant  la  même 
simplicité:  ce  qui  consiste  premièrement  h.  faire 
rompre  le  vers,  puis  à  le  traduire  en  d'autres  mots, 
et  enfin  à  le  paraphraser  avec  plus  de  hardiesse, 
tantôt  en  abrégeant,  tantôt  en  amplifiant,  con- 
servant toujours  le  sens  du  poète.  Et  il  ajoute  que 
l'enfant  qui  arrive  à  réussir  dans  ce  travail  ne 
peut  manquer  de  réussir  à  tout  autre.  Sans  doute 
les  enfants  seuls  n'en  tireront  pas  tout  le  fruit,  ils 
n'y  apercevront  pas  la  leçon  qui  y  est  voilée;  mais 
si  elle  leur  est  montrée,  ils  la  saisiront  plus  claire- 
ment que  dans  l'histoire.  Un  maître  habile  saura 
bien  les  y  aider,  et  les  initier  à  ces  exercices  qui 
offrent  autant  d'intérêt  que  de  profit  et  qui  sont  à 
la  portée  des  plus  jeunes. 

Les  principaux  fabulistes  sont,  dans  l'Inde,  Bidpal 
ou  Pilpay;  en  Arabie,  Lokmann;  dans  l'Asie 
Mineure  et  en  Grèce,  Esope,  dont  les  fables  ont 
été  remaniées  et  mises  en  vers  par  le  Syrien  Ba- 
brias,  qui  vécut  vraisemblablement  au  troisième 
siècle  de  notre  ère.  A  Rome,  on  trouve  des  fables 
chez  différents  écrivains,  mais  il  n'y  a  de  fabuliste 


FACULTÉS  DE  L'AME 


7o2  —       FACULTÉS   DE  L'AME 


proprement  dit  que  Phèdre.  Au  moyen  âge,  les 
fabliaux  iV.  ci-dessous)  tiennent  le  milieu  entre  la 
fable  et  la  nouvelle.  Les  Romans  de  Rennrt  sont 
une  fable  continue.  Marie  de  France,  Rutebœuf, 
Gilles  Corrozet,  Guill.  Haudent,  Guill.  Guéroult, 
Marot,  Régnier  ont  écrit  des  fables  en  français. 
La  Fontaine  a  surpassé  tous  ses  devanciers  :  en 
les  imitant,  il  a  mérité  le  nom  d'inimitable.  Après 
lui  Lamotte,  Florian,  Aubert,  Le  Bailly.  Arnault  ; 
et,  de  nos  jours,  Andrieux,  Aimé  Naudet,  Vien- 
net,  Lachambaudie,  ont  montré  de  la  grâce,  du 
naturel,  de  la  vivacité,  de  l'esprit.  L'Italie  semble 
tenir  le  premier  rang  après  la  France  dans  la 
fable  avec  Alberii,  Baldi,  Passeroni,  Pignotti,  Ber- 
tola,  Casti.  Les  Allemands  estiment  les  fables  de 
Gellert,  L.  Gessner,  Lessing.  Les  Anglais  citent 
avec  éloge  Gay.  Dodslcy,  Tli.  Moore  ;  les  Espa- 
gnols, Th.  de  Ynarte,  Samaniego;  les  Polonais, 
Kranicki  ;  les  Russes,  Kriloff,  à  qui  les  meilleurs 
juges  s'accordent  pour  donner  la  seconde  place 
après  La  Fontaine. 

Fabliau.  —  On  appelait  fabliau  (diminutif  de 
fahlc),  dans  les  premiers  âges  de  la  poésie  fran- 
çaise, du  XII'  au  XIV"  siècle,  un  récit,  générale- 
ment plaisant,  parfois  dramatique,  plus  étendu 
que  la  fable  proprement  dite  ;  les  trouvères  y 
donnaient  carrière  à  leur  malice  et  à  leur  esprit 
satirique,  ou  cherchaient  à  intéresser  par  le  récit 
d'une  aventure  touchante.  Le  fabliau  fut  d'abord 
en  vers  ;  ce  n'est  qu'à  partir  du  xv'  siècle  que  la 
forme  rimée  fit  place  à  la  prose. 

Ce  genre,  léger  de  forme,  mais  souvent  grave 
de  sens,  avec  sa  variété  de  sujets,  de  tons  et  d'al- 
lures, reflète  à  merveille  les  événements,  surtout 
l'impression  qu'ils  ont  produite  sur  les  contempo- 
rains, les  idées,  les  modifications  successives  du 
caractère  national.  Il  excelle  à  mettre  en  relief, 
en  les  frondant,  les  mœurs,  les  opinions,  les 
usages,  les  préjugés,  les  travers,  la  manière  d'être 
et  de  vivre  de  nos  pères.  La  société  du  moyen  âge 
s'y  retrouve  tout  entière,  peinte  parfois  un  peu  en 
déshabillé,  mais  vraiment  sur  le  vif.  C'est,  en  de- 
hors de  l'histoire  officielle,  une  mine  abondante  de 
détails  précieux  qui  ne  se  trouvent  que  là..  C'est 
aussi  la  source  qui  fournit  au  grammairien  les 
plus  riches  documents  pour  l'étude  de  notre  langue 
primitive. 

Il  n'y  a  pas  que  les  historiens  et  les  philologues 
qui  y  trouvent  leur  compte.  La  Fontaine  y  a  puisé 
largement,  en  homme  qui,  riche  de  son  fonds,  ne 
craignait  pas  de  prendre  son  bien  où  il  le  trouvait. 
Les  étrangers  ne  l'ont  pas  dédaigné:  Boccace  y  a 
pris  le  sujet  de  ses  meilleurs  contes  et  des  plus 
fins.  Marot,  Rabelais,  Voltaire,  tous  les  écrivains 
de  tradition  gauloise  y  ont  fait  de  larges  emprunts. 
La  comédie  s'en  est  inspirée,  à  l'exemple  de  Molière 
qui  doit,  entre  autres,  quelques  scènes  du  Malade 
imaginaire  à  la  Bourse  pleine  de  sen^!  de  Jean 
Legallois  d'Aubepierre,  l'idée  première  du  Médecin 
malgré  lui  au  Vilain  Mire,  et  le  sujet  de  Georges 
Dandin  à  un  épisode  du  Dolopathos.  Boileau,  ainsi 
que  La  Fontaine,  a  emprunté  la  jolie  fable  de 
VHuitre  et  les  Plaideurs  au  fabliau  les  Trois  dames 
qui  trouvèrent  un  anel.  Le  fameux  conte  de  Zadig, 
de  Voltaire,  est  en  partie  tiré  du  fabliau  l'Ermite. 
La  comédie,  la  fable  se  sont  enrichies  des  dé- 
pouilles du  fabliau,  sans  l'appauvrir.  De  nos  jours 
encore,  l'opéra-comique,  la  féerie  y  trouvent  sans 
cesse  des  sujets  nouveaux  d'intrigues  légères  et 
enjouées,  des  chants  ou  des  prétextes  à  décors.  Le 
fonds  en  est  inépuisable,  et  La  Fontaine  aurait  pu 
dire  du  fabliau  avec  non  moins  de  raison  que  de 
l'apologue  : 

...  Ce  champ  ne  se  peut  tellement  moissonner 
Que  les  derniers  venus  n'y  trouvent  à  glaner. 

[A.  Pressard.] 

FACULTÉS  DE  L'ASIE.  —  Psychologie  et  mo- 


rale, IL  —  Avant  d'étudier  et  de  classer  les  facul- 
tés, c'est-à-dire  les  diverses  puissances, les  diver- 
ses fonctions  de  l'âme,  il  est  nécessaire  de  définir 
l'âme  elle-même,  d'en  déterminer  l'idée,  et  aussi 
d'indiquer  l'origine,  d'esquisser  l'histoire  de  cette 
idée. 

Avant  d'être  considérée,  ainsi  qu'elle  l'est  aujour- 
d'hui, comme  le  principe  immatériel  des  phénomè- 
nes moraux,  l'âme  a  été  conçue  sous  une  multitude 
de  formes.  Chez  les  peuples  primitifs,  il  semble 
que  la  croyance  à  l'âme  ait  été  suscitée  par  les 
phénomènes  du  rêve  et  par  les  manifestations  de 
la  vie.  D'une  part,  frappés  de  revoir  dans  leurs 
songes,  comme  si  elles  vivaient  encore,  comme  si 
elles  étaient  réellement  présentes,  les  personnes 
que  l'espace  ou  la  mort  séparaient  d'eux,  les  sau- 
vages ont  été  naturellement  conduits  à  croire  aux 
iantômes  et  aux  esprits.  D'autre  part,  la  puissance 
cachée  qui  anime  l'homme  vivant,  qui  s'évanouit 
quand  il  meurt,  a  dû  être  prise  de  bonne  heure 
pour  un  principe  distinct  et  indépendant  du  corps. 
L'âme  vitale,  l'âme  fantôme,  telles  sont  les  deux 
formes  qu'affecte  le  spiritualisme  grossier  des 
peuples  enfants.  Pour  eux  l'âme  n'est  pas  le  privi- 
lège de  la  nature  humaine  :  il  y  a  une  âme  chez 
l'animal,  il  y  en  a  même  une  chez  la  plante.  De 
même  qu'elle  a  débuté  par  le  polythéisme  dans  sa 
conception  de  Dieu,  l'humanité  a  commencé  par 
le  polyanimisme  dans  sa  conception  de  l'âme.  Les 
races  primitives  considèrent  volontiers  les  ani- 
maux comme  les  semblables  de  l'homme,  leur 
attribuent  des  âmes  immortelles  et  croient  à  un 
paradis  des  bêtes.  Les  Esquimaux,  dit-on,  enter- 
rent dans  la  tombe  des  petits  enfants  une  tête  de 
chien,  afin  que  l'âme  du  chien  serve  de  guide  vers 
le  séjour  des  bienheureux  à  l'enfant  encore  inca- 
pable de  se  conduire. 

On  a  cru  longtemps  à  l'âme  des  arbres.  Du  temps 
de  saint  Augustin,  les  Manichéens  croyaient  encore 
que  les  plantes  possèdent  des  principes  sensi- 
bles et  intelligents.  Bien  plus,  les  choses  elles- 
mêmes,  les  objets  inanimés,  les  pierres,  les  outils, 
les  armes  passaient  à  l'origine  pour  avoir  des  âmes. 
Chez  les  Fidgiens,  dans  l'Océanie,  le  paradis  reçoit 
les  âmes  des  haches,  des  ciseaux,  quand  ces  in- 
struments se  brisent  au  service  des  hommes.  En 
résumé,  au  début  de  la  pensée  humaine,  l'âme  a 
été  considérée  comme  un  principe  universel,  inhé- 
rent à  tous  les  êtres  :  principe  de  permanence  et 
de  forme  dans  les  choses  inertes,  principe  de  vie 
et  de  sensibilité  chez  les  animaux  et  les  plantes. 

Mais  ces  âmes  multiples,  l'imagination  sensible 
des  hommes  les  a  longtemps  conçues  comme  ma- 
térielles. Chez  les  premiers  philosophes  grecs,  l'âme 
humaine  est  de  même  nature  que  les  éléments  de 
l'univers:  tantôt  on  la  confond  avec  l'air,  tantôt 
avec  le  feu.  Avant  Platon,  on  ne  s'élève  guère  à  la 
notion  de  la  spiritualité.  Ce  qui  frappe  surtout  les 
premiers  théoriciens  de  l'âme,  c'est  qu'elle  est  un 
principe  de  mouvement:  aussi  fait-on  d'elle  quelque 
chose  d'ailé  et  de  mobile.  Le  papillon  sert  de  sym- 
bole à  l'âme,  et  le  mot  psyché  a  les  deux  sens.  De 
même  Démocrite  se  représente  l'âme  comme  un 
atome  sphéroïde,  parce  que  les  corps  ronds  se 
meuvent  plus  aisément  et  glissent  à  travers  les 
choses.  Du  reste,  la  conception  matérialiste  de  l'âme 
n'est  pas  seulement  le  fait  des  âges  primitifs:  on 
la  retrouve  jusque  chez  les  premiers  docteurs  de 
l'Église  chrétienne.  Tertullien,  Arnobe,  saint  Iré- 
née,  saint  Justin,  croient  que  l'âme  est  un  corps, 
bien  qu'ils  lui  promettent  une  destinée  immortelle: 
tant  il  est  vrai  que  l'intelligence  est  condamnée  î» 
tâtonner  et  ne  s'élève  que  péniblement  au-dessus- 
des  idées  sensibles.  Chez  les  Chinois,  quand  un 
homme  est  mort,  on  fait  des  trous  dans  la  toiture 
pour  que  l'âme  puisse  s'envoler;  chez  certaines 
peuplades  sauvages,  on  pratique,  dans  la  même 
intention,  une    ouverture  dans  le  cercueil.  Même 


FACULTÉS  DE  L'AME      —  753 


FACULTÉS  DE  L'AME 


aujourd'hui,  dans  quelques  parties  de  l'Europe,  on 
a  conservé  l'habitude  de  laisser  la  porte  ou  la  fenê- 
tre ouverte  dans  la  cliambre  du  mort. 

L'homme  ne  s'est  élevé  que  lentement  à  la  con- 
ception d'une  âme  absolument  immatérielle  et 
distincte  du  corps.  Un  philosophe  grec,  Platon,  un 
])ère  de  l'Église,  saint  Augustin,  un  philosophe 
français.  Descartes,  sont  les  vrais  fondateurs  du 
dogme  de  la  spiritualité.  Pour  Platon,  l'âme  est 
dans  le  corps  comme  un  prisonnier  dans  sa  cellule, 
ou  comme  un  pilote  dans  un  bateau.  Saint  Augustin 
déclare  que  a  l'âme  n'a  aucune  qualité  corporelle, 
comme  la  dimension,  la  forme  ou  la  couleur...  A  la 
matière  seulement  appartient  l'étendue.  Tout  ce  qui 
n'est  pas  matière  et  qui  cependant  existe  s'appelle 
proprement  esprit.  »  Enfin  Ôescartes.  avec  plus  de 
précision  encore  et  de  force,  a  insisté  sur  la  distinc- 
tion fondamentale  de  la  matière  et  de  l'esprit,  de 
l'étendue  et  de  la  pensée  :  si  bien  que  Malebranche, 
un  cartésien,  pouvait  dire  à  la  fin  du  xyii"  siècle  : 
«  On  a  le  droit  d'affirmer  avec  assurance  que  l'on 
n'a  point  assez  clairement  connu  la  différence  de 
l'âme  et  du  corps  que  depuis  quelques  années.» 

Mais  il  restait  encore  et  il  restera  toujours  beau- 
coup à  faire,  même  après  les  efforts  de  Descartes, 
pour  éclaircir  et  compléter  la  notion  de  l'âme.  La 
science  moderne  n'a  sans  doute  pas  réussi  à  résou- 
dre tous  les  problèmes  qu'implique  l'étude  de  la 
nature  morale  de  l'homme,  mais  elle  a  rectifié 
sur  plusieurs  points  les  erreurs  du  spiritualisme 
cartésien.  Descartes  avait  le  tort  de  confondre  l'âme 
avec  la  pensée,  de  sorte  que  dans  son  système  il 
ne  pouvait  être  question  de  l'âme  des  bêtes,  qui  ne 
pensent  point.  Descartes  se  trompait  aussi  quand 
il  faisait  de  la  conscience  le  caractère  essentiel  de 
l'âme  ;  mieux  informée,  la  psychologie  nouvelle 
n'hésite  pas  à  attribuer  à  l'âme  un  grand  nombre 
de  phénomènes  inconscients.  Enfin  Descartes,  n'of- 
frant à  l'activité  de  l'âme  d'autre  domaine  que  le 
monde  intellectuel  des  idées,  la  concevait  comme 
un  principe  trop  désintéressé  de  la  vie  physique, 
trop  étranger  à  la  nature  ,  trop  affranchi  de 
l'organisme.  On  sait  aujourd'hui  que  l'âme,  quelle 
que  soit  la  nature  de  son  essence,  participe,  soit 
par  les  influences  qu'elle  exerce,  soit  par  celles 
qu'elle  subit,  à  toutes  les  fonctions  de  la  vie. 

Voici  donc  quelle  est,  dans  ses  traits  généraux, 
pour  le  spiritualisme  contemporain,  la  conception 
de  l'âme  :  1°  L'âme  est  une  force  immatérielle, 
mais  en  même  temps  liée  à  des  organes  matériels, 
conditionnée  à  des  lois  physiques.  Le  philosophe 
qui  serait  tenté  d'oublier  cette  corrélation  est  fort 
exposé  à  ce  qu'une  fatigue  cérébrale,  attachée  à 
tout  effort  prolongé,  ne  lui  rappelle,  au  beau  mi- 
lieu de  ses  méditations,  que  le  cerveau  prend,  lui 
aussi,  sa  part  du  travail  de  l'intelligence.  Qui  donc 
songerait  à  rééditer  aujourd'hui  ce  que  M.  Barthé- 
lémy Saint-Hilaire  écrivait,  il  y  a  trente  ans,  dans 
sa  Prefaci  à  la  Psychologie  d'Aristote  :  «  Je  crois 
que  la  physiologie  n'a  rien  à  faire  dans  un  traité 
de  l'âme  »  ?  2"  L'âme  est  une  force  active  qui  a 
ses  énergies  propres,  sa  spontanéité  indépendante, 
mais  que  limitent  et  déterminent  non  seulement 
les  conditions  intérieures  du  tempérament,  mais 
les  conditions  extérieures  de  la  société  et  du  climat, 
du  miUeu  moral  et  du  milieu  physique  où  elle  est 
appelée  à  vivre.  3°  L'âme  enfin  esi  une  force  indi- 
viduelle, qui  développe  peu  à  peu  dans  le  cours 
de  la  vie  sa  personnalité,  mais  que  dominent  au 
début  et  que  modifient  en  partie  les  lois  encore 
mystérieuses  de  l'hérédité.  Ce  que  nos  pères  ont 
senti,  ce  qu'ils  ont  pensé,  ce  qu'ils  ont  fait  il  y  a 
cinq  cents  ans,  il  y  a  mille  ans  peut-cire,  tout  cela 
se  retrouve  en  nous  dans  une  certaine  mesure,  tout 
cela  agit  à  distance  sur  noire  caractère,  sur  la  forme 
de  nos  âmes. 

Quelle  que  soit  d'ailleurs  la  théorie  adoptée  sur 
la  nature  intime  de  l'âme,  ce  qui  est  certain  pour 
2«  Partie. 


tous  les  penseurs,  à  quelque  école  qu'ils  appar- 
tiennent, c'est  qu'il  y  a  dans  l'être  iiumain  un  cer- 
tain nombre  de  manifestations  morales,  distinctes 
des  phénomènes  physiologiques,  et  qui  constituent 
le  domaine  propre  de  la  psychologie.  Ces  phéno- 
mènes, qui  se  succèdent  durant  toute  la  vie,  et 
que  le  sommeil  seul  vient  suspendre  ou  tout  ati 
moins  ralentir,  ont  cette  qualité  commune  qu'ils  se 
révèlent  immédiatement  à  nous  par  le  sens  intime  : 
ce  sont  des  états  conscients  ou  qui  peuvent  le  de- 
venir. Notre  raison  les  rattache  tous  à  un  même 
principe,  que  nous  concevons  comme  une  cause  et 
comme  une  substance,  comme  la  cause  qui  les 
produit,  comme  la  substance  dont  ils  sont  les  modi- 
fications successives. 

Mais  quoiqu'ils  aient  tous  pour  caractère  d'être 
connus  ou  de  pouvoir  être  connus  par  la  conscience, 
sans  tomber  sous  les  sens,  les  phénomènes  moraux 
présentent,  si  on  les  examine  de  près,  certaines 
diversités  qui  permettent  de  les  diviser  et  de  les 
distribuer  en  plusieurs  catégories.  Ces  catégories 
ont  pris  le  nom  de  familtés.  Elles  sont  à  l'âme  ce 
que  les  propriétés  sont  à  la  matière  inanimée  et 
les  fonctions  aux  corps  organisés. 

11  ne  saurait  être  question  en  effet  de  prendre 
les  facultés,  comme  on  l'a  fait  autrefois,  pour  des 
entités  indépendantes,  pour  des  forces  distinctes 
qui  seraient  comme  des  intermédiaires  entre  l'âme 
et  ses  opérations.  Les  facultés  ne  sont  que  des 
dénominations  générales  et  abstraites,  sous  les- 
quelles les  psychologues  rangent,  pour  la  commodité 
de  leurs  expositions,  les  familles  de  faits  analogues 
qu'ils  ont  distinguées  dans  l'âme. 

Rappelons  brièvement  les  divers  essais  de  classi- 
fication qui  ont  tour  à  tour  été  proposés.  Dans 
l'antiquité,  Platon  distinguait  déjà  trois  parties  dans 
l'âme  :  l'intelligence  ou  la  raison  {nous,  logos),  le 
cœur  ou  le  courage,  source  des  passions  nobles  et 
élevées  J/iymos),  le  désir  ou  la  sensibilité  inférieure 
{éiiitht/mia).  Aristote,  à  son  tour,  après  avoir  ac- 
cordé une  âme  végétative  à  la  plante  et  une  âme 
sensitive  à  l'animal,  semble  reconnaître  chez 
l'homme  quatre  facultés  principales  :  1°  l'inclina- 
tion ;  2»  la  faculté  motrice  ;  3°  la  volonté  ;  4°  l'in- 
telligence. 

Au  xvii=  siècle,  chez  Descartes  et  ses  disciples, 
nous  voyons  les  facultés  ramenées  à  l'entendement 
et  à  la  volonté  :  la  sensibilité  est  omise.  D'autre 
part,  Bossuet  confond  la  volonté  et  l'entendement 
sous  la  même  dénomination  d'opérations  intellec- 
tuelles, et  établit  une  classe  à  part  pour  les  opéra- 
tions sensitives. 

C'est  en  Allemagne  et  au  siècle  dernier,  chez  les 
psychologues  à  peu  près  ignorés  de  l'époque  qui 
s'étend  entre  Wolf  et  Kant,  que  pour  la  première 
fois  a  été  établie  avec  quelque  précision  la  distinc- 
tion aujourd'hui  banale  des  trois  formes  de  l'âme  : 
la  sensibilité,  l'intelligence  et  la  volonté.  Niée  par 
les  sensualistes  qui,  comme  Condillac,  ne  veulent 
voir  dans  les  phénomènes  psychologiques  que  les 
transformations  d'un  fait  primordial  unique,  qui  se- 
rait la  sensation,  la  division  triple  des  facultés  mo- 
rales a  été  admise  par  la  plupart  des  autres  philo- 
sophes. Kant  lui-même  s'est  conformé  à  ce  principe 
de  division,  en  écrivant  la  Critique  de  la  Raison 
pure,  la  Critique  de  la  liais"7i  pratique  et  la  Criti- 
que duJi'g-'ment,  qui  correspondent  précisément  à 
l'intelligence,  à  la  volonté  ou  à  l'action,  au  plaisir 
ou  à  la  peine,  c'est-à-dire  à  la  sensibilité.  Reid,  il 
est  vrai,  revient  à  la  théorie  cartésienne  en  distin- 
guant seulement  les  facultés  actives  et  les  facultés 
intellectuelles  :  il  fond  la  sensibilité  en  partie 
dans  l'intelligence,  qui  comprendrait  les  sens  et  les 
émotions  du  goût,  en  partie  dans  les  facultés  acti- 
ves, auxquelles  il  faudrait  rattacher  les  sentiments 
affectueux  ou  malveillants.  Mais,  de  plus  en  plus, 
et  malgré  les  tentatives  isolées  de  quelques  pen- 
seurs qui   comme  les  phrénologues,  proposent  des 

48 


FACULTÉS  DE  L'AME       —  754  — 


FALSIFICATIONS 


classifications  beaucoup  plus  compliquées  et  plus 
longues,  les  philosophes  des  écoles  les  plus  diver- 
ses, les  positivistes  comme  les  spiritualistes,  ceux 
qui  doutent  de  l'existence  de  l'âme,  comme  ceux 
qui  y  croient  le  plus  fermement,  se  mettent  d'ac- 
cord pour  diviser  la  science  mentale  en  trois  dé- 
partements. C'est  ainsi  que  M.  Bain,  l'un  des  plus 
illustres  représentants  de  la  psychologie  anglaise 
contemporaine,  admet  les  trois  classes  suivantes  : 
1*  le  sentiment,  qui  comprend  les  plaisirs  et  les 
peinps  :  Ins  mots  éinotinn,  passion,  afTnctinn,  sont 
des  synonymes  du  sentiment  ;  2»  la  volition  ou 
volonté  ;  3"  la  pensée,  intelligence  ou  connaissance  ; 
les  sensations  se  rangent  en  partie  dans  la  classe 
du  sentiment,  en  partie  dans  celle  de  la  pensée. 

On  a  donc  quelque  droit  de  considérer  comme 
définitive  la  division  classique  des  trois  facultés  de 
l'âme,  sensibilité,  intelligence,  volonté.  Ces  trois 
attributs  épuisent  la  définition  de  l'esprit,  et  l'âme 
peut  être  considérée  comme  une  force  qui  sent,  oui 
pense  et  qui  veut  :  ce  qui  revient  simplement  à  dire 
qu'elle  se  manifeste  successivement  nar  des  senti- 
ments ou  sensations,  par  des  pensées,  par  des  vo- 
lontés. 

Il  est  bien  entendu  d'ailleurs  qu'en  fait  les  divers 
états  de  conscience  qui  constituent  la  série  des 
événements  de  l'âme  n'existent  guère  isolément  et 
ne  sont  pas  indépendants  les  uns  des  autres.  Les 
lacultés  collaborent  et  s'entr'aident;  les  phénomènes 
se  mêlent  et  se  confondent,  au  point  qu'il  est  pra- 
tiauement  difficile,  sinon  impossible,  de  les  isoler, 
d'établir  entre  eux  une  ligne  de  démarcation  abso- 
lue. Ainsi  l'intelligence  s'associe  à  tous  les  actes  de 
l'âme.  Il  n'y  a  pas  de  plaisir  ou  de  peine,  d'afi'ec- 
tion  ou  d'aversion  qui  n'implique  plus  ou  moins 
l'idée  de  l'objet  agréable  ou  désagréable,  aimé  ou 
déteste.  De  même  il  n'y  a  pas  de  volonté  qui  ne 
suppose  la  connaissance  vague  ou  précise  de  l'acte 
Qu'on  est  résolu  à  accomplir  et  des  motifs  pour 
lesquels  on  s'y  est  déterminé.  Il  est  rare  que  l'âme 
existe  dans  un  état  exclusif  :  mais  les  nécessités 
ae  l'explication  exigent  que  le  psychologue  sépare 
dans  la  théorie  ce  qui  est  uni  dans  la  réalité. 

Ajoutons  que  chaque  classe  ou  chaque  faculté 
comprend  un  grand  nombre  de  faits,  analogues 
sans  doute  et  semblables  par  certains  côtés,  puis- 
qu'on peut  légitimement  les  rattacher  à  un  même 
principe,  mais  qui  présentent  aussi  de  notables 
difi'érences.  Cette  diversité  est  attestée  par  la  mul- 
titude de  mots  que  l'usage  a  consacrés  pour  dési- 
gner sous  leurs  formes  multiples  et  dans  leurs  dé- 
licates nuances  les  trois  faits  essentiels  de  l'âme. 
A  la  sensibilité,  par  exemple,  se  rapportent  les  in- 
clinations, les  penchants,  les  émotions,  les  pas- 
sions, les  affections,  etc.,  de  sorte  que  la  difficulté 
est  surtout,  une  fois  les  trois  grandes  catégories 
déterminées,  d'y  établir  des  subdivisions  exactes  et 
appropriées.  (V.  Intelligefice,  Sensibilité,  Volonté.) 

11  ne  nous  reste  plus  qu'à  indiquer  les  caractères 
distinctifs  de  chaque  faculté.  Pour  faire  comprendre 
ces  différences,  le  mieux  est  peut-être  de  s'en  rap- 
porter à  l'expérience  personnelle  de  chacun,  et  de 
donner  des   exemples.  La  chaleur  que  procure  le 
soleil,  le  parfum  qu'on  respire  auprès  des  fleurs, 
la  saveur  douce  du  miel,   l'émotion   que  cause  la 
vue  d'un  beau  tableau,  la  douleur  qu'on  ressent  en 
perdant  un  ami.  voilà  des  sensations  et  des  senti- 
ments. La   perception   de  la  forme  d'un  objet,  le 
souvenir  d'un  événement  passé,  l'image  qu'on  garde 
dans  l'esprit  d'un  monument,  d'un  paysage,  l'idée 
d'une  qualité  commune  à  un  grand  nombre  d'êtres, 
comme  la  méchanceté  ou  la  vprtu,  les  raisonnements  ; 
de  la  géométrie,  voilà  des  faits  intellectuels.  Enfin  } 
les  actes  que  l'homme  accomplit  lorsqu'il  marche,  , 
lorsqu'il    court,   lorsqu'il  mange,   lorsqu'il   parle,  j 
lorsqu'il   écrit,  voilà  des   faits  qui  ont  tous  pour  | 
cause  initiale  la  volonté.  Tout  homme  qui  compa-  i 
rera  ces  trois  séries  de  phénomènes  trouvera  de  I 


lui-même  dans  sa  conscience  les  raisons  qui  em- 
pêchent de  les  confondre,  et  de  cette  comparaisor. 
sortira  une  définition  exacte  des  trois  faculté;:.  La 
sensibilité  est  le  pouvoir  d'aimer  et  de  haïr,  par 
suite  d'éprouver  du  plaisir  ou  de  la  peine  ;  l'intel- 
ligence, la  faculté  de  connaître,  de  comprendre  ; 
la  volonté,  la  faculté  d'agir  avec  réflexion. 

L'intelligence  étant  le  fonds  commun  de  tous  les 
phénomènes  moraux,  peut-être  est-ce  par  elle  qu'il 
faut  commencer  quand  on  veut  clairement  aperce- 
voir la  nature  des  facultés  ;  une  fois  qu'on  aura 
bien  compris  ce  qu'est  un  phénomène  intellectuel, 
il  sera  facile  de  saisir  ce  qu'y  ajoutent  dans  certains 
cas  la  sensibilité  et  la  volonté.  Or,  le  fait  intellec- 
tuel consiste  essentiellement  à  se  représenter  un 
objet  sensible  ou  abstrait,  simple  ou  composé,  par- 
ticulier ou  général.  A  ce  phénomène  qui  implique 
toujours  une  certaine  dualité,  la  dualité  du  sujet 
pensant  et  de  l'objet  pensé,  la  sensibilité  ajoute 
une  émotion  toute  subjective,  tout  intérieure,  où 
notre  âme  seule  est  en  jeu.  Enfin,  si  la  volonté 
intervient,  l'âme  manifeste  des  caractères  tout 
nouveaux ,  ceux  d'une  force  qui  se  développe 
spontanément  par  elle-même,  trouvant  dans  ;es 
ressources  propres  le  principe  de  son  activité 

La  légitimité  de  la  distinction  des  facultés  ne 
saurait  donc  faire  de  doute  pour  personne  :  mais  il 
faut  se  garder  d'attacher  à  cette  œuvre  de  classi- 
fication plus  d'importance  qu'elle  ne  mérite.  Ce  qui 
est  autrement  intéressant  pour  le  psychologue, 
c'est  de  décrire  minutieusement  les  faits,  afin  de 
les  ramener,  non  pas  seulement  aux  classes  qui 
les  comprennent,  mais  aux  lois  qui  les  gouvernent. 
[Gabriel  Compayrc.J 

FALSIFICATIONS.  —  Hygiène,  IX.XVÏI.  — 
Dans  le  sens  le  plus  large  du  mot,  on  entend  par 
falsific'ition  l'addition  volontaire  à  une  matière 
quelconque  d'un  produit  étranger,  dans  un  but  de 
fraude  et  de  lucre.  Le  mot  adultération  se  prend 
dans  la  même  acception. 

Il  y  a  souvent  lieu  d'étendre  le  sens  des  mots 
adultération  et  falsification.  Ainsi  le  mélange  d'une 
matière  altérée,  c'est-à-dire  qui  a  subi  spontané- 
ment ou  accidentellement  une  détérioration  plus 
ou  moins  considérable,  à  une  quantité  de  môme 
matière  saine,  constitue  évidemment  une  falsifi- 
cation. 

Dans  certaines  circonstances,  la  falsification, 
tout  en  ayant  pour  but  le  lucre,  ne  constitue  une 
fraude  que  si  elle  est  déguisée.  Ainsi  l'on  vend 
communément  sous  le  nom  de  soutirage  un  mé- 
lange de  vins  —  supposés  chacun  sain  et  pur  — 
dont  les  qualités  et  les  défauts  se  mitigent  de 
manière  à  former  une  boisson  salubre  et  plus 
agréable  que  chacun  des  vins  employés  à  cette 
sorte  de  fabrication.  C'est  là  une  pratique  admise 
dans  le  commerce  ;  elle  est  utile,  et  ne  constitue 
une  fraude  que  si  l'on  vend  le  soutirage  pour  un 
vin  de  cru  :  une  telle  falsification  est  considérée 
comme  innocente.  En  fait,  le  mélange  de  vins  na- 
turels de  divers  crus  n'est  pas  plus  coupable  que 
celui  du  lait  de  plusieurs  vaches,  —  à  moins  de 
stipulations  contraires. 

Mais  les  choses  ne  se  passent  pas  toujours  aussi 
simplement.  On  ajoute  du  tartrate  neutre  de  po- 
tasse, du  tannin,  du  sucre,  de  l'alcool,  à  des  vins 
acides,  gras,  amers,  faibles.  Ce  sont  des  produits 
étrangers,  par  conséquent  il  y  a  falsification.  Mais 
ces  produits  existent  naturellement  dans  le  vin. 
Au  lieu  de  les  employer  en  nature,  ce  qui  est  sou- 
vent le  plus  commode,  on  pourrait  se  servir  de 
vins  riches  en  ces  matières  pour  opérer  un  simple 
mélange.  Le  résultat  final  serait  le  même  :  masquer 
ou  corriger  les  délauts  d'un  produit  naturel.  Si  le 
mélange  est  permis  pour  les  soutirages,  pourquoi 
défendrait-on  l'emploi  du  tartrate  neutre  dépotasse, 
du  tannin,  du  sucre,  de  l'alcool'? 

Pour  ce  qui  concerne  le  sucre  et  l'alcool  de  vin 


FALSIFICATIONS 


—  755  — 


FALSIFICATIONS 


on  a  reconnu  l'importance  et  l'innocuité  de  leur 
addition  à  certains  moûts  et  même  à  certains  vins 
faits;  les  Cliambres  ont  été  saisies  de  projets  de  loi 
tendant  à  dégrever  l'alcool  et  le  sucre  destinés  à 
cet  usage.  Voilà  donc  des  falsifications  qui  seraient 
sanctionnées  par  la  loi. 

Mais  la  loi  permettra-t-elle  aussi  le  plâtrage? 
Les  avis  sont  partagés  quant  à  l'opportunité  de 
cette  pratique,  qui  introduit  assurément  dans  le 
vin  un  produit  étranger,  lequel  y  devient  du  sulfate 
de  potasse,  sel  légèrement  purgatif. 

Ces  exemples,  que  nous  pourrions  multiplier  in- 
définiment, suffisent  pour  urouver  que  dans  les 
questions  de  falsification  il  y  a  lieu  très  souvent  à 
interprétation  ;  que  les  coutumes  établies  et  géné- 
ralement connues,  la  nature  des  suDstances  em- 
ployées, le  but  de  leur  emoloi,  les  résultats  obte- 
nus, sont  autant  de  circonstances  qu'il  laut  ap 
précier  pour  conclure. 

Aous  venons  de  voir  que  certaines  falsifications 
sont  utiles,  innocentes  et  légales.  On  devrait  ré- 
server à  ces  opérations  le  nom  de  manifjulatlm,  le 
seul  qui  exprime  exactement  une  préparation  en 
vue  de  l'amélioration,  de  la  mise  en  vente  d'un 
produit.  On  dit  déjà  d'ailleurs  :  des  vins  travaillés. 
Le  Champagne  est  de  ce  nombre,  et  cependant  per- 
sonne ne  s'est  avisé  de  dire  que  c'était  un  vin  fal- 
sifié. 

Si  les  manipulations  n'avaient  pas  dégénéré  en 
falsifications  coupables  et  dangereuses,  les  légis- 
lateurs n'auraient  pas  eu  à  s'en  occuper.  Mais  l'ap- 
pât du  gain  a  fait  inventer  mille  moyens  de  déna- 
turer les  produits,  de  les  substituer  les  uns  aux 
autres,  de  manière  à  tromper  l'acheteur.  Dans  ces 
cas  il  y  a  toujours  tromperie  sur  la  qualité  de  la 
marchandise  vendue,  ce  qui  constitue  un  délit,  un 
vol  ;  souvent  il  y  a  aussi  un  crime  véritable,  équi- 
valent aux  coups  et  blessures  et  à  l'homicide  par 
imprudence.  C'est  ce  qui  arrive  toutes  les  fois  que 
l'on  ajoute  à  une  substance  alimentaire  un  produit 
capable  de  nuire  à  la  santé.  Notons  d'ailleurs  que 
ces  additions  criminelles  n'éveillent  pas  d'ordinaire 
l'attention  des  consommateurs.  Le  mal  se  fait  in- 
sensiblement, graduellement,  l'empoisonnement 
est  assez  lent  pour  ne  pas  causer  d'alarmes,  et  l'on 
attribue  à  d'autres  causes  les  symptômes  auxquels 
il  donne  lieu.  Au  point  de  vue  de  la  justice,  quelle 
différence  y  a-t-il  entre  tuer  un  homme  en  dix  ans 
ou  lui  faire  prendre  d'un  coup  une  dose  mortelle  de 
poison  ?  On  pourrait  dire  que  dans  le  premier  cas  le 
crime  mérite  un  châtiment  plus  sévère,  parce  que 
le  coupable  avait  plus  de  chances  d'échapper  à  la 
loL 

Il  résulte  des  enquêtes  partielles  auxquelles 
donnent  lieu  les  procès  et  auxquelles  se  livrent, 
d'office,  les  conseils  d'hygiène  et  de  salubrité, 
que  notre  législation  sur  les  falsifications  est  en- 
core incomplète  et  laisse  impunis  un  grand  nom- 
bre d'abus . 

Si  une  législation  simple  et  facilement  applica- 
ble faisait  cesser  les  fraudes  sans  nombre  qui  sont 
devenues  courantes  dans  presque  tous  les  com- 
merces et  les  industries,  tout  le  monde  y  gagne- 
rait au  point  de  vue  matériel  et  moral. 

Nous  ne  pouvons  passer  ici  en  revue  les  falsifi- 
cations auxquelles  sont  soumises  les  substances 
alimentaires  et  les  boissons.  Le  sujet  comporterait 
un  gros  livre.  Nous  devons  nous  borner  à  signaler 
celles  qu'il  importe  le  plus  de  connaître  dans  la 
vie  pratique. 

Le  sujet  des  falsifications,  trop  riche  même  en 
restant  dans  les  limites  du  sérieux  et  du  vrai,  a 
souvent  été  agrémenté  d'anecdotes  plus  ou  moins 
fantaisistes.  Il  ne  suffit  pas  qu'un  filou  éhonté  ait 
fabriqué  du  café  avec  de  la  terre  glaise  moulée, 
du  lait  avec  de  la  cervelle  de  veau,  des  truffes  avec 
du  mérinos,  pour  que  l'on  présente  ces  exceptions 
comme  des  fraudes  courantes  et  ordinaires.  Mieux 


'  vaut  se  Dorner  à  indiquer  celles  qui  donnent  lieu 
j  à  des  abus  fréquents  dans  le  commerce  de  détail. 
I  Farines.  —  La  falsification  la  plus  commune 
consiste  à  mélanger  les  différentes  qualités  saines 
ou  avariées.  Le  commerce  reconnaît  quatre  quali- 
tés qui  diffèrent  par  la  blancheur  et  par  la  propor- 
tion de  gluten  qu'elles  contiennent.  Les  deux  pre- 
mièrps  seulement  conviennent  à  la  fabrication  du 
pain  blanc. 

Dans  les  terres  mal  entretenues  et  cultivées  sans 
soin,  les  céréales  sont  souvent  envahies  par  des 
plantes  dont  les  graines  se  trouvent  mêlées,  lors 
de  la  moisson,  avec  celle  du  blé,  de  l'orge,  etc. 
Les  plus  communes  sont  le  Melampyrurn  arvvnse 
(Mélampyre  des  champs,  blé  de  vache,  rougelle)  ; 
—  le  Lychnis  githago  (nielle  des  blés)  qui  donne 
au  pain  un  goût  acre  ;  —  le  Siîiapis  arvensis  (mou- 
tarde sauvage,  que  les  boulangers  appellent  chico 
ti")  ;  —  le  Lolium  tumutvntum  (ivraie^  ,  la  plus 
dangereuse  de  ces  graines  malfaisantes. 

Si  les  grains  n'ont  pas  été  parfaitement  nettoyés, 
ces  graines  sont  moulues  avec  eux  et  donnent  à  la 
farine,  avec  un  goût  désagréable,  des  propriétés 
nuisibles,  surtout  pour  les  enfants. 

Dans  les  années  de  cherté  excessive,  on  falsifie  les 
farines  de  blé  avec  celles  de  mais,  d'orge,  d'avoine, 
de  seigle,  de  riz,  de  féverolles,  de  pois,  avec  de  la 
fécule  de  pommes  de  terre,  etc.,  etc.  Ces  mélan- 
ges n'ont  rien  de  dangereux,  mais  constituent  une 
fraude.  Le  pain  fait  avec  une  farine  de  blé  addi- 
tionnée de  farine  de  féverolles  perd  en  apparence 
sans  perdre  en  qualités  nutritives  ;  mais  l'addition 
de  fécule  diminue  notablement  la  valeur  nutritive 
d'une  farine. 

On  a  quelquefois  ajouté  aux  farines  des  poudres 
de  plâtre,  de  craie,  de  chaux,  etc.,  mais  cette 
fraude  est  trop  facile  à  reconnaître  pour  qu'on  s'y 
livre  régulièrement.  Il  suffit  pour  la  découvrir  de 
délayer  un  peu  de  farine  suspecte  dans  une  grande 
quantité  d'eau,  de  laisser  reposer  un  instant  et  de 
décanter.  Les  poudres  minérales  se  reirouyent  au 
fond  du  vase  ;  on  les  isole  complètement  par  de 
nouveaux  lavages. 

Souvent  on  ajoute  un  peu  d'alun  aux  farines 
pour  les  rendre  plus  blanches.  Pour  le  découvrir, 
on  délaye  un  peu  de  farine  dans  de  l'eau,  on  filtre, 
on  évapore  presque  à  siccité  et  le  liquide  offre 
une  saveur  astringente  particulière. 

Pain.  —  Le  prix  du  pain  devrait  être  basé  sur 
sa  richesse  en  gluten  ou  matière  azotée.  Il  est  dé- 
sirable qu'un  règlement  régularise,  à  ce  point  de 
vue,  le  commerce  de  la  boulangerie.  Alors  on  au- 
rait le  droit  de  s'opposer  à  la  pratique  journalière, 
qui  consiste  à  vendre  au  même  prix  des  produits 
dont  la  valeur  varie  de  30  à  40  p.  100.  Il  ne  serait 
pas  plus  difficile  de  titi^er  les  farines  que  les  al- 
cools. Aujourd'hui  les  falsifications  de  la  farine  de 
blé  dur  par  l'addition  de  farine  de  blé  tendre 
échappent  aux  mesures  administratives,  et  causent 
un  grave  détriment  aux  travailleurs. 

L'adultération  la  plus  redoutable  à  laquelle  on 
ait  soumis  le  pain  est  l'addition  de  sulfate  de  cui- 
vre. Il  est  ^Tai  que  la  quantité  employée  ordinaire- 
ment est  très  faible,  et  que,  répartie  uniformément 
dans  la  pâte,  elle  ne  pourrait  causer,  aux  adultes 
surtout,  aucun  accident  sérieux,  si  ce  n'est  peut- 
être  par  un  usage  très  longtemps  prolongé.  Mais  il  y 
a  danger  éndent  à  permettre  l'introduction  d'une 
substance  vénéneuse  dans  un  aliment,  surtout 
lorsque  la  manipulation  est  confiée  à  des  person- 
nes ignorantes  et  sans  responsabilité. 

Pour  reconnaître  la  présence  du  cuivre  dans  le 
pain,  il  faut  recourir  à  une  analyse  minutieuse, 
attendu  que  le  son  en  contient  naturellement  et 
qu'il  y  a  toujours  du  son  dans  le  pain  bis.  Mais 
s'il  s'agit  de  pain  bien  blanc,  une  goutte  de  solu- 
tion aqueuse  de  cyanure  jaune  de  potassium  suffit 
pour  déceler  le  cuivre  ajouté,  en  produisant  une 


FALSIFICATIONS 


—  756  — 


FALSIFICATIONS 


teinte  rose  jaunâtre  dès  que  la  proportion  de  sul- 
fate de  cuivre  atteint  un  dix-millième. 

Lait.  —  On  s'est  ingénié,  dans  les  villes,  à  cacher 
de  diverses  manières  les  deux  fraudes  auxquelles 
on  y  soumet  le  lait:  l'écrémage  et  le  mouillage. 
On  y  a  ajouté  de  la  gomme,  du  sucre,  de  la  dex- 
trine,  de  la  gélatine,  des  blancs  d'œuf  battus,  qui 
produisent  une  mousse  à  laquelle  on  donne  le  nom 
de  crème.  Cependant  on  peut  dire  qu'aujourd'hui  la 
fraude  se  borne  à  enlever  tout  ou  partie  de  la 
crème  et  à  étendre  d'eau  le  lait  pur  ou  écrémé. 

Ces  deux  fraudes  se  font  chez  tous  ceux  qui 
vendent  ou  manipulent  le  lait.  On  les  constate 
chez  le  producteur,  chez  le  ramusseury  chez  le 
crémier. 

Voici  les  moyens  usuels  de  reconnaître  le  lait 
pur  de  qualité  moyenne  :  aucun  dépôt  ;  pas  de  flo- 
cons ou  de  grumeaux  pendant  l'ébuUition  ;  pelli- 
cule épaisse,  consistante,  en  refroidissant  ;  pro- 
portion de  crème  variant  de  8  à  10  p.  lOO,  au  bout 
de  24  heures,  pour  le  lait  non  bouilli. 

Les  marchands  ont  l'habitude  de  verser  dans  le 
lait,  sous  le  nom  de  conservatfW\  une  solution  de 
bicarbonate  de  soude  dans  de  l'eau.  La  proportion 
ordinairement  employée  introduit  un  demi-gramme 
de  ce  sel  par  litre  de  lait.  Celte  quantité  est  insigni- 
fiante pour  un  adulte  qui  ne  consomme  pas  plus 
d'un  tiers  à  un  demi-litre  de  lait  par  jour,  mais  elle 
peut  offrir  des  inconvénients  pour  les  enfants 
et  pour  les  adultes  qui  suivent  un  régime  lacté. 

beurre.  —  On  ajoute  quelquefois  au  bourre  de 
l'amidon,  de  la  farine,  de  la  pulpe  cuite  de  pom- 
mes de  terre,  du  fromage  blanc;  mais  ces  falsifi- 
caiions  sont  trop  grossières  pour  être  dangereuses. 
On  les  découvre  immédiatement  en  faisant  fondre 
le  beurre  :  les  matières  étrangères  se   déposent. 

Les  fraudes  les  plus  communes  consistent  en  des 
mélanges  de  suif,  de  stéarine,  de  saindoux.  La 
simple  fusion  peut  servir  à  reconnaître  ces  falsi- 
fications. Ainsi,  le  beurre  fond  à  une  chaleur  moin- 
dre que  le  suif  et  la  stéarine  ;  puis  en  refroidissant 
il  se  fige  à  une  température  plus  basse.  Si  l'on 
chauffe,  jusqu'à  roussir,  le  beurre  suspect,  l'odeur 
caractéristique  peut  aussi  déceler  le  mélange. 

Le  beurre  pur  fond  sur  la  langue  sans  y  pro- 
duire, comme  les  autres  corps  gras  solides,  une 
sensation  de  granulation.  Si  on  le  lisse  avec  un 
couteau,  on  produit  une  surface  plus  nette,  plus 
unie,  que  s'il  est  mélangé. 

Des  industriels  sont  parvenus  à  incorporer  mé- 
caniquement au  beurre  jusqu'à  la  moitié  de  son 
poids  d'eau.  Lorsque  le  vol  est  poussé  aussi  loin, 
on  le  reconnaît  au  peu  de  cohésion  de  la  masse 
qui  se  désagrège  très  aisément. 

Lorsque  la  proportion  de  sel  dans  les  beurres 
dit  S"/o;s dépasse  8  p.  100,  cette  substance  y  a  été  in- 
troduite en  vue  d'augmenter  le  poids  et  l'hu- 
midité. 

Il  est  fréquemment  d'usage  de  colorer  le  beurre 
qui  est  naturellement  pâle.  Si  l'on  n'emploie  que 
des  couleurs  inoffensives,  il  n'y  a  là  qu'une  fraude 
vénielle,  car  le  beurre  se  goîite  d'ordinaire  avant 
de  l'acheter  ;  la  couleur  constitue  une  qualité  de 
convention. 

Depuis  quelques  années  on  fabrique  avec  de  la 
graisse  de  bœuf,  dont  on  élimine  la  stéarine,  un 
composé  vendu  sous  les  noms  de  margarine, 
oléi)  margarine,  beurrine,  etc.  Ces  corps  gras  sont 
inoffensifs  quand  ils  sont  bien  préparés,  mais  on 
a  largement  profité  de  leur  ressemblance  avec  le 
beui're  pour  les  mêler  en  proportions  très  varia- 
bles avec  le  produit  naturel.  La  fraude  est  très 
facile  à  reconnaître  au  microscope.  Le  goût  la 
révèle  assez  sûrement,  ainsi  que  le  lissé,  et  sur- 
tout la  fusion  à  une  haute  température,  qui  déve- 
loppe l'odeur  des  graisses. 

Vin.  —  Il  faudrait  un  livre  pour  décrire  les  fal- 
sifications du  vin.  furmi  relies  qui  diminuent  seu- 


lement ses  qualités,  citons  l'addition  d'eau,  de 
sucre,  d'alcool,  de  cidre,  de  poiré.  On  essaye  de 
remédier  à  ses  défauts  naturels  ou  de  lui  donner 
des  qualités  factices  au  moyen  de  l'acide  tartrique, 
du  tannin,  de  la  craie,  du  plâtre,  de  l'alun,  du  car- 
bonate dépotasse,  etc.,  etc.  On  le  colore  avec  des  rai- 
sins dits  teinturiers,  avec  une  infusion  de  betteraves 
rouges,  des  baies  de  myrtille,  de  sureau,  dhièble, 
le  bois  d'Inde,  etc.  Depuis  quelques  années  on 
emploie  pour  colorer  les  vins  la  fuchsine.  Cette 
matière  est  inoffensive  quand  elle  est  chimi- 
quement pure,  mais  celle  du  commerce  contient 
un  peu  d'arsenic. 

Pour  donner  du  goût  ou  de  l'âpreté  aux  vin& 
mouillés,  on  y  ajoute  de  l'alun,  du  sulfate  de  fer, 
de  l'acide  sulfurique. 

A  mesure  que  se  développe  et  se  raffine  la 
science  des  falsifications,  on  trouve  aussi  des 
moyens  pratiques  et  sûrs  de  les  découvrir.  Pour  le- 
vin,  il  faut  recourir  aux  experts  chimistes.  La  Sf'ule 
règle  que  puissent  se  poser  les  particuliers,  c'est 
de  n'acheter  cette  boisson  que  dans  des  maisonS' 
connues  pour  leur  honnêteté,  et  de.  ne  pas  se 
laisser  séduire  par  un  bon  marché  qui  cache 
presque  toujours  une  fraude  et  très  souvent  un 
danger. 

Vinaigre.  —  Le  vinaigre  résulte  d'une  fermen- 
tation spéciale  (acétique)  du  vin,  du  cidre,  du  poiré,, 
de  la  bière,  etc.  Le  meilleur  provient  du  vin  ;  c'est 
le  plus  fort  et  celui  qui  se  conserve  le  mieux.  Il 
offre  une  odeur  franche,  un  peu  éthérée,  une  saveur 
acide  sans  âcreté. 

Dans  le  commerce,  on  altère  le  vinaigre  en 
l'allongeant  d'eau,  puis  on  le  rehausse  au  moyen 
d'acides  tartrique,  nitrique,  sulfurique,  etc;  on  lui 
donne  du  montant  en  y  faisant  macérer  des  graines 
de  moutarde,  de  pyrèthre,  de  piment,  etc.  Enfin 
on  le  mélange  de  vinaigre  obtenu  par  la  fermenta- 
tion du  glucose,  ou  même  d'acide  pyroligneux  {vi- 
naigre de  bois;  obtenu  par  la  distillation  sèche  des 
végétaux  ligneux. 

Tout  vinaigre  bon  marché  doit  être  suspect. 

Eaux-de-vie.  —  Les  falsifications  qui  n'ont  pour 
but  que  de  tromper  sur  le  degré  d'une  eau-de-vi& 
ou  de  lui  donner  un  arôme,  un  bouquet  factice^ 
sont  exemptes  de  danger.  Mais  il  n'est  point  inno- 
cent de  mêler  à  l'eau-de-vie  de  vin  des  alcools- 
d'industrie,  qui  renferment  toujours  des  substances 
toxiques  et  produisent  une  ivresse  beaucoup  plus 
dangereuse  sous  tous  les  rapports  que  celle  du 
vin  ou  de  l'eau-de-vie  vieille  de  bonne  qualité.  La 
même  observation  s'applique  aux  liqueurs. 

Huile  d'olive.  —  Ce  produit  d'un  prix  assez  élevé 
est  souvent  mélangé  d'huiles  d'œillette,  de  na- 
vette, de  sésame,  d'arachide,  etc.  Le  mélange- 
d'huile  d'œillette  (huile  blanche,  huile  de  pavot) 
constitue  la  fraude  la  plus  commune.  On  la  recon- 
naît aisément  en  agitant  l'huile  à  essayer.  Dans 
l'huile  d'olives  pure,  les  bulles  d'air  ne  demeurent 
pas  emprisonnées,  tandis  qu'elles  persistent  et 
forment  chapelet  dans  le  mélange.  L'huile  d'olive 
se  fige  entre  6  et  8  degrés,  tandis  que  celle  d'œil- 
lette reste  liquide  bien  au-dessous  de  0". 

Chocolat.  —  Ce  produit,  lorsqu'il  est  pur,  se- 
compose  de  parties  à  peu  près  égales  de  sucre  et 
de  graines  de  cacaoyer  (cacao)  torréfiées  et  broyées. 
Le  cacao  vaiie  beaucoup  de  qualité  et  de  goût  sui- 
vant la  provenance,  le  mode  de  récolte,  de  pré- 
paration, etc.  Le  chocolat  pur  épaissit  très  peu 
pendant  la  cuisson.  Tout  chocolat  qui  devient  nota- 
lolement  épais  a  été  additionné  de  farine  ou  de 
fécule.  Ces  matières  lui  donnent  un  goût  pâteux 
et  une  odeur  spéciale.  L'addition  de  mélasse  se 
découvre  au  goût  et  à  l'odeur  de  la  décoction.  Le 
cacao  naturel  contient  environ  la  moitié  de  son 
poids  do  matière  grasse  (beurre  de  cacao).  Quel- 
quefois on  l'extrait  pour  la  remplacer  par  une  su'o- 
stance  de  moindre  valeur,  comme  le  suif  de  veau. 


FECULE 


—  757  — 


FECULE 


la  moelle  de  bœuf,  l'huile,  etc.  Si  l'on  ajoute  au 
cacao  torréfié  des  noisettes  grillées,  des  amandes, 
il  faut  recourir  à  des  procédés  compliqués  pour 
découvrir  la  fraude;  mais  quand  il  s'agit  de  coques 
ae  cacao  broyées,  de  sciure  de  bois  en  poudre, 
•d'ocre.  etc.,  iï  suffit  de  dissoudre  le  chocolat  sus- 
pect dans  de  l'eau  et  de  décanter:  les  matières 
■ajoutées  forment  un  dépôt  qu'on  isole  complètement 
par  des  lavages. 

Café.  —  Le  café  en  grains  est  assez  souvent  ma- 
nipulé pour  faire  aisparaiire  des  traces  d'avaries 
■en  mr^r.  On  le  lave,  on  le  sèche  et  on  le  colore  avec 
de  l'indigo,  du  sulfate  de  fer  ou  du  bleu  de  Prusse. 
Des  lavages  enlèvent  assez  facilement  cette  colora- 
tion artificielle. 

Un  grand  nombre  de  marchands  vendent  du  café 
■grillé  recouvert  (enrobé)  de  caramel  pendant  la 
torréfaction.  Il  y  a  lieu  de  défalquer  la  différence 
<ie  prix  du  caramel  et  du  café.  Cet  enrobage  offre 
■du  reste  l'avantage  de  former  sur  chaque  grain  un 
Terni  qui  conserve  l'arôme  ;  de  plus  il  donne  à  l'in- 
fusion une  couleur  foncée  qui  plaît  h  l'œil,  mais 
le  goût  du  caramel  dénature  celui  du  café. 

Quelquefois  on  mélange  au  café  moulu  du  marc 
•de  café  épuisé.  Pour  s'en  assurer,  on  fait  une  infu- 
sion concentrée  et  on  l'évaporé.  Le  bon  café  donne 
environ  le  tiers  de  son  poids  d'extrait  ;  si  la 
proportion  est  moindre,  on  doit  soupçonner  une 
fraude. 

La  falsification  la  plus  commune  du  café  moulu 
consiste  à  le  mélanger  de  poudre  de  racine  de 
chicorée.  Pour  découvrir  cette  fraude,  vous  faites 
tomber  doucement  à  la  surface  d'un  verre  d'eau  un 
peu  de  café  à  examiner,  puis  vous  laissez  en  repos 
quelques  minutes.  La  chicorée,  qui  absorbe  l'eau 
beaucoup  plus  facilement  que  le  café,  s'aloui'dit  la 
première  et  tombe  au  fond  du  liquide  qu'elle  colore 
bientôt  en  jaune-brun.  Après  l'infusion  à  chaud, 
on  distingue  facilement  les  parcelles  de  chicorée 
de  celles  du  café,  parce  qu'elles  sont  molles,  spon- 
gieuses, se  laissent  aisément  écraser. 

L'addition  de  chicorée  au  café  est  tout  à  fait 
inofi'ensive.  Bien  plus,  il  serait  à  souhaiter  que 
l'usage  s'en  répandît  de  plus  en  plus,  afin  de  dimi- 
nuer la  consommation  de  cet  excitant  dont  on  fait 
un  usage  abusif.  Son  emploi  est  d'ailleurs  très 
économique.  [D'  Satîray.] 

F.iTALlSMK.  —  V.  Volonté. 

FKCL'LE. —  Chimie,  XXIL — (Etym.  :  du  latin 
fxx,  lie).  —  On  appelle  fécule  la  substance  blanche 
que  l'on  rencontre  en  abondance  dans  les  pommes 
de  terre,  les  marrons  dinde,  les  fèves,  les  haricots, 
«te.,  ainsi  que  dans  les  graines  des  céréales,  telles 
que  le  blé,  l'orge,  l'avoine  ;  mais  la  fécule  extraite 
des  céré-ales  est  mélangée  à  de  grandes  quantités 
de  gluten  et  s'appelle  plus  spécialement  amidon. 
L'amidon  s'extrait  principalement  du  blé,  et  la  fé- 
•cule  des  pommes  de  terre. 

Caractères  de  la  fécule.  —  L'amidon  et  la  fécule 
ne  diffèrent  pas  essentiellement;  ils  ont  la  même 
formule,  c'est-à-dire  la  même  composition,  Ci^HioOi'', 
et  les  mêmes  caractères  chimiques  ;  ils  bleuissent 
l'un  et  l'autre  par  l'iede  et  forment  un  empois  avec 
l'eau  ;  ce  sont  là  leurs  caractères  spécifiques  com- 
muns. Le  grain  d'amidon  est  plus  ou  moins  irrégu- 
lièrement sphérique,  celui  de  fécule  est  plus  allon- 
gé et  plus  gros. 

Constitution  de  la  pomme  de  terre  d'après  Payen  . 

Eau 75  67 

Fécule 20  » 

Epidémie,  cellulose 1  GO 

Albumine  et    matières  azotées  di- 
verses    1  ôO 

Malamide  et  matières  grasses.    ...  0  22 
Sucre,  huile  essentielle,  sels  divers 

à  bases  minérales 1  01 


La  fécule  se  trouve  dans  les  cellules  de  la  pom- 
me de  terre  ;  il  faut  les  déchirer  pour  l'en  extraire, 
le  lavage  ne  suffit  pas.  Quand  les  pommes  déterre 
ont  été  nettoyées  et  décortiquées,  puis  râpées  de 
manière  à  être  réduites  en  pulpe  très  ténue,  on 
lave  la  matière  dans  un  tamis  sous  un  filet  d'eau  ; 
la  fécule  passe  à  travers  le  tamis,  entraînée  par 
l'eau  ;  on  la  dessèche  et  on  la  broie  ;  on  peut  ainsi 
en  préparer  soi-même  quelques  kilogrammes. 

Extraction  de  la  fécule  en  grand.  —  On  com- 
mence par  faire  barboter  les'  po-Times  de  terre 
dans  de  grands  cylindres  tournant  dans  l'eau  ;  le 
nettoj'age  terminé,  on  enlève  mécaniquement  l'en- 
veloppe corticale,  qui  a  une  constiiution  assez  sem- 
blable au  liège  et  qui  noircirait  la  fécule.  Les 
pommes  de  terre  sont  ensuite  râpées  mécanique- 
ment, puis  lavées  sur  des  tamis  en  toiles  métalli- 
ques. 

La  fécule  recueillie  est  égouttée  dans  des  baquets 
à  jour  et  en'fin  desséchée  sur  une  aire  en  plâtre. 
Elle  contient  encore  après  cela  45  p.  H'O  d'eau. 
C'est  la  fécule  verte  à\x  commerce  ;  elle  est  ensuite 
divisée  en  pains,  puis  soumise  dans  l'étuve  à  un 
courant  d'air  chaud;  elle  ne  contient  plus  alors 
que  18  p.   100  d'eau. 

Action  des  acides  sur  leî  fécules.  —  La  fécule, 
chauffée  dans  de  l'eau  acidulée  par  de  l'acide  sul- 
furique  ou  de  l'acide  clilorhydrique,  puis  desséchée 
à  U)8",  devient  soluble  dans  l'eau.  Si  l'action  des 
acides  et  de  la  chaleur  se  prolonge,  la  fécule  se 
transforme  en  dextrine  (V.  Amidon),  puis  en  glucose 
(V.  Sucre). 

Si,  après  avoir  chauffé  de  la  fécule  à  110°,  on  la 
traite  par  un  mélange  de  deux  parties  d'acide 
sulfurique  et  d'une  partie  d'acide  azotique  con- 
centré, on  obtient  une  poudre  explosible  appelée 
pyroxam.  Chaufi'éc  longtemps  avec  de  i'acide  azoti- 
que, la  fécule,  comme  la  dextrine  et  le  sucre,  se 
transforme  en  acide  oxalique. 

Action  des  bases.  —  L'empois  de  fécule  ne  se 
forme  dans  l'eau  que  vers  75°  ;  au  contraire,  dans 
la  potasse  ou  la  soude  il  se  fait  à  froid,  parce  que 
l'alcali  gonfle  et  déchire  les  enveloppes  foliacées  du 
grain  de  fécule. 

Conservation  de  l'empois-  —  En  été  principale- 
ment, il  est  assez  difficile  de  conserver  l'empois  de 
fécule  ou  d'amidon  ;  on  y  ajoute  du  sulfate  de  cui- 
vre, de  l'alun,  du  chlorure  de  zinc;  cette  dernière 
substance  est  préférable. 

Usages  des  fécules.  —  Aujourd'hui  on  fabrique 
des  Quantités  considérables  de  glucoses  par  l'action 
des  acides  étendus  sur  la  fécule  'V.  Amidon  et  Su- 
cre). On  fabrique  en  plus  grande  quantité 
encore  et  de  la  même  manière  la  dextrine,  qui  sert 
à  encoller  les  tissus  et  à  épaissir  les  couleurs.  On 
fait  entrer  les  fécules,  mélangées  à  des  savons  de 
résines,  dans  la  composition  du  papier.  Depuis 
quelque  temps  on  se  sert  de  fécule  en  poudre  nour 
saupoudrer  les  moules  où  on  coule  les  statues  de 
bronze  ;  elle  empêche  la  matière  d'adnerer  au 
moule  et  remplace  ainsi  avantageusement  la  pous- 
sière de  charbon  de  bois  qui  était  nuisible  aux 
ouvriers.  Dans  les  laboratoires,  la  fécuie  est  le 
réactif  de  l'iode  et  des  iodures  (V.  Amidon).  En 
médecine  on  l'emploie  contre  les  affections  dar- 
treuses  ;  enfin  elle  fait  partie  d'un  nombre  consi- 
dérable de  produits  alimentaires  :  tapioca,  pâtis- 
series, biscuits.  11  faut  se  rappeler  néanmoins 
qu'elle  n'est  pas  un  aliment  nutritif,  n'étant  point 
azotée  :  c'est  un  aliment  respiratoire  ("V.  Ali- 
ments) . 

Les  résidus  de  pulpes  do  pommes  de  terre,  pro- 
venant de  la  préparation  de  la  fécule,  salés  et  mé- 
langés à  du  fourrage,  constituent  une  excellente 
nourriture  pour  les  bestiaux. 

Les  eaux  des  féculeries,  d'une  odeur  si  repous- 
sante, sont  aujourd'hui  mélangées  à  du  sulfate  de 
chaux  îplàtro),  puis  utilisées  comme  engrais. 


FEMMES 


—  758  — 


FEMMES 


PaÎ7i  de  fécule.  —  Les  farines  employées  à  faire 
lo  pain  sont  surtout  formées  de  gluten  et  d'ami- 
don; on  a  essayé  de  faire  du  pain  îi  base  de  fécule 
exclusivement,  mais  on  obtient  un  produit  très 
imparfaitement  nutritif  ;  néanmoins  dans  beaucoup 
de  pays,  surtout  lorsque  le  blé  est  cher,  on  mé- 
lange à  la  pâte  destinée  à  la  fabrication  du  pain 
une  bouillie  de  pommes  de  terre  cuites,  qui  donne 
au  pain  une  très  belle  apparence  et  le  conserve 
frais  sans  en  changer  sensiblement  ni  le  goût  ni  les 
qualités.  [Alfred  Jacquemart.] 

FEM.MES.  —  Histoire  générale,  XXXVIII.  ' — 
L'histoire  de  la  condition  des  femmes  chez  les  dif- 
férents peuples  et  dans  les  difi'érents  âges  du 
monde  est  l'histoire  même  de  la  civilisation.  Leur 
■•/ondition  s'est  toujours  ressentie  de  l'état  social  où 
filles  vivaient,  et  réciproquement,  l'état  social  s'est 
modifié  selon  la  condition  qui  leur  était  faite.  Car 
c'est  la  femme  qui  donne  à  la  famille  son  vrai  ca- 
ractère, et  l'organisation  de  la  famille  n'influe  pas 
médiocrement  sur  les  institutions  civiles  et  poli- 
tiques et  sur  le  niveau  moral  des  nations. 

Il  est  difficile  de  dire  exactement  quelle  était  la 
condition  des  femmes  dans  les  siècles  antérieurs  à 
l'histoire,  puisqu" aucun  monument  n'est  arrivé  jus- 
qu'à nous  de  ces  origines  obscures  de  notre  race.  On 
peut  néanmoins  en  reconstituer  quelques  traits,  d'a- 
bord par  certainiiS  traditions  que  l'antiquité  a  recueil- 
lies, et  puis  par  l'analogie  probable  des  temps  pri- 
mitifs avec  l'état  des  peuplades  barbares  que  les 
voyageurs  ont  découvertes  dans  les  temps  modernes. 
La  famille  n'existait  pas;  on  ne  connaissait  pas  le 
mariage. 

Le  père  étant  inconnu,  les  enfants  appartenaient 
à  leur  mère;  en  certains  pays,  on  les  attribuait  plus 
tard  h  l'homme  auquel  ils  ressemblaient  le  plus. 
Dans  plusieurs  îles  de  la  Polynésie,  c'est  le  nom 
de  la  mère  que  les  enfants  portaient  ;  c'est  par 
les  femmes  que  se  comptaient  les  généalogies.  En 
môme  temps  que  ces  mœurs  réduisaient  les  femmes 
à  une  honteuse  abjection,  elles  leur  créaient  une 
sorte  d'indépendance  dont  on  retrouve  vaguement 
les  traces.  Les  premiers  peuples  étaient  nomades, 
toujours  en  course  pour  pourvoir  à  leurs  besoins; 
les  femmes  prenaient  leur  part  des  travaux  de  la 
pèche,  de  la  chasse  et  même  de  la  guerre.  La  tribu 
des  Amazones,  dont  parlent  lijs  anciens,  ne  paraît 
pas  avoir  été  une  simple  fable  :  il  y  a  du  vrai  au 
fond  de  ces  récits  qui  montrent  la  femme  libre, 
guerrière,  enrégimentée  pour  le  pillage  et  le  combat. 
On  rencontre  encore  aujourd'hui  des  régiments  de 
femmes  soldats  chez  certains  rois  noirs  de  l'Afrique. 
Mais  l'indépendance  ne  pouvant  être  fondée  chez 
de  tels  peuples  que  sur  la  force,  on  peut  affirmer 
que  le  lot  habituel  de  la  femme  était  la  servitude, 
et  qu'elle  était  astreinte  à  tous  les  travaux  gros- 
siers, pénibles,  dont  les  hommes  se  dispensaient. 
L'Indien,  en  dehors  des  combats,  passe  sa  vie  à 
fumer  et  à  dormir;  la  femme  est  chargée  de  le 
nourrir;  elle  est  l'esclave  et  la  bête  de  somme. 

L'un  des  progrès  les  plus  considérables  et  les 
plus  féconds  fut  la  constitution  de  la  famille  ;  elle 
dut  coïncider  avec  la  fin  de  la  vie  nomade,  avec  la 
résolution  de  s'établir  à  demeure  et  de  cultiver  le 
sol.  Les  premières  habitations  stables  abritèrent 
les  premiers  foyers  domestiques.  Ce  n'est  plus 
maintenant  la  femme  qui  donne  son  nom  aux  en- 
fants, c'est  l'homme,  c'est  le  père.  La  propriété 
crée  l'héritage;  l'héritier  devient  l'objet  de  la  solli- 
citude ;  c'est  en  lui  que  se  prolongent  la  possession 
et  la  jouissance  du  bien  acquis.  La  femme  gagne 
en  sécurité  et  en  dignité  ;  elle  donne  à  l'homme 
son  héritier;  elle  devient  l'épouse,  la  mère  de 
famille. 

Alors  commence  ce  qu'on  peut  appeler  l'état  pa- 
triarcal.Depuis  lors, le  père  est  le  maître.le  monarque 
àf.  son  petit  royaume,  le  dieu  de  son  petit  monde; 
tout  gravite  autour  de  lui,  tout  dépend  de  sa  volonté. 


Vivant,  on  lui  obéit;  mort,  il  est  l'objet  d'un  culte. 
Il  trace  autour  de  son  domaine  et  de  sa  famille 
une  limite  infraiichissable.  Sa  femme,  ses  fils,  ses 
filles,  ses  esclaves,  ses  troupeaux  et  ses  champs  sont 
à  lui  au  même  titre.  Il  en  fait  ce  qu'il  lui  plaît  ;  il 
fait  vivre  ou  mourir  à  son  gré.  11  vend  et  il  achète 
selon  ses  besoins  et  ses  goûts.  Sa  femme,  il  l'a 
achetée  ;  il  a  payé  une  dot  à  un  autre  père  de  fa- 
mille pour  l'avoir;  si  elle  ne  lui  donne  pas  de  fils, 
il  en  prend  une  autre  :  il  a  des  enfants  de  ses 
concubines.  Néanmoins,  c'est  la  première  femme 
qui  reste  l'épouse,  qui  est  considérée  comme  la 
mère,  qui  jouit  du  respect  et  des  honneurs  dus 
à  la  compagne  du  maître.  Prenez  les  tableaux  de 
la  période  patriarcale  que  vous  trouvez  dans  la 
Bible,  voyez  la  famille  d'Abraham,  d'Isaac,  de  Ja- 
cob, et  le  rang  élevé  qu'y  occupe  la  mère  de  fa- 
mille, Sara,  Rebecca,  Piacliel.  Les  récits  d'Homère 
dans  Vlliadt  et  ï Odyssée  ne  sont  pas  moins 
significatifs  :  Hécube,  l'épouse  de  Priam,  An- 
dromaque,  l'épouse  d'Hector,  Pénélope,  l'épouse 
d'Ulysse,  sont  entourées  de  déférence  et  de 
respect;  elles  prennent  part  au  conseil;  elles 
exercent  une  sorte  d'autorité;  tous  s'inclinent 
devant  elles.  Les  grands  tragiques  grecs  nous 
montrent  par  leurs  héroïnes  Alceste,  Clyiemnestre, 
Electre,  Antigène,  Iphigénie,  la  place  considérable 
que  la  femme  occupait  dans  les  traditions  popu- 
laires, dans  la  famille  des  chefs  et  même  dans  la 
vie  publique. 

Dans  les  grandes  monarchies  despotiques  de 
l'Orient,  qui  sont  pour  ainsi  dire  l'état  patriarcal 
s'étendant  h.  des  peuples  entiers,  faisant  de  multi- 
tudes immenses  la  famille  et  la  propriété  d'un 
seul,  les  femmes  ont  participé  à  l'abaissement 
universel.  Les  hommes  réduits  à  l'état  de  trou- 
peau, les  femmes  perdaient  toute  individualité  et 
toute  indépendance  ;  la  polygamie  les  ravalait  au 
même  degré  d'abaissement  où  le  despotisme  faisait 
descendre  les  hommes.  Les  plus  riches  avaient  le 
pluî  de  femmes  comme  ils  avaient  le  plus  de  mou- 
tons ou  de  chevaux.  Le  sérail  des  rois  est  l'une  des 
marques  de  leur  rang  et  de  leur  opulence.  Le 
monde  oriental  n'a  guère  changé  à  cet  égard  ; 
les  mêmes  institutions  ont  conservé  les  mêmes 
mœurs. 

Là  au  contraire  où  la  vie  patriarcale  s'est  déve- 
loppée dans  le  sens  politique  et  a  fait  place  à  un 
état  social  plus  avancé,  là  où  la  cité  s'est  constituée 
par  l'association  des  familles,  la  femme  a  conservé 
la  dignité  que  lui  avait  conférée  son  titre  d'épouse, 
titre  que  lui  garantissait  la  monogamie  imposée  par 
la  législation  des  républiques  anciennes.  Mais  en 
même  temps  la  femme  rentre  dans  l'ombre,  elle 
s'enferme  dans  la  maison  ;  elle  n'a  plus  d'autre 
domaine  que  le  gynécée  (appartement  des  femmes)  ; 
la  vie  publique,  où  elle  faisait  jadis  des  échappées, 
lui  est  interdite  maintenant,  étant  réservée  exclu- 
sivement aux  hommes.  Arrêtons-nous  par  exemple 
dans  la  cité  d'Athènes,  ce  point  lumineux  de  la 
Grèce,  le  type  immortel  de  la  société  antique  la 
plus  cultivée,  la  plus  raffinée.  La  femme  y  est 
considérée  comme  une  mineun?  ;  elle  ne  sort  ja- 
mais de  tutelle.  Elle  est  d'abord  sous  la  puissance 
de  son  père,  puis  sous  celle  de  son  mari,  et,  en  cas 
de  veuvage,  elle  dépend  de  l'héi'itier  de  son  père 
ou,  à  défaut,  de  l'héritier  du  mari.  Elle  ne  dispose 
jamais  de  ses  biens.  Son  père  la  cède  à  un  époux 
avec  une  dot;  l'époux  à  son  tour  peut  l'aliéner  en 
cédant  à  la  fois  la  dot  et  la  femme  ;  les  deux  ne  se 
séparent  pas,  et  c'est  même  là  une  des  causes  qui 
rendaient  le  divorce  assez  rare  à  Athènes.  Le  ma- 
riage était  obligatoire;  le  père  ou  le  tuteur  qui  ne 
mariait  pas  une  fille  était  puni  par  les  lois  ;  c'est 
lui  qui  choisissait  l'époux,  car  la  jeune  fille,  en- 
fermée dans  son  gynécée,  ne  connaissait  personne. 
Dans  cette  retraite  dont  elle  ne  pouvait  sortir  qu'à 
des  jours  déterminés,  pour   des  processions  veli- 


FEMMES 


—  759  — 


FEMMES 


gieuses,  avant  comme  après  son  mariage,  elle  s'oc-  j 
cupait  aux  ouvrages  domestiques,  surveillait  les 
esclaves,  vivait  dans  l'ignorance  et  l'isolement.  Le 
mari,  le  père,  les  frères  ne  venaient  pas  animer 
la  maison,  n'y  apportaient  pas  un  élément  d'intérêt  ! 
et  d'entretien  :  ils  passaient  presque  toute  la  journée 
en  plein  air,  dans  les  rues  et  sur  l'agora  (place 
publique),  où  ils  siégeaient  comme  magistrats, 
où  ils  agissaient  comme  membres  de  l'assemblée 
politique  dont  tous  les  citoyens  faisaient  partie  ; 
ils  consacraient  le  reste  de  leur  temps  aux  exer- 
cices du  corps  ou  de  l'esprit  et  aux  représentations 
théâtrales.  Leurs  joyeux  festins  se  prolongeaient 
assez  avant  dans  la  nuit  en  compagnie  de  femmes 
qui  n'étaient  ni  ne  pouvaient  être  leurs  filles,  leurs 
épouses  ou  leurs  mères:  c'étaient  les  courtisanes, 
nommées  «  hétaïres  »  (compagnes),  femmes  de 
conduite  légère,  quelques-unes  d'un  esprit  cul- 
tivé, s'intéressant  aux  lettres  et  à  la  philosophie, 
de  manières  séduisantes,  d'une  beauté  digne  de 
cette  patrie  des  arts,  mais  qu'un  Grec  n'eût  jamais 
consenti  à  introduire  dans  sa  famille. 

Voici  comment  Xénophon  décrit  le  rôle  de  la 
femme  grecque,  de  l'épouse  légitime  :  «  Elle  doit 
ressembler  à  la  reine  des  abeilles  :  ne  pas  sortir  de 
la  maison,,  exercer  une  active  surveillance  sur  les 
esclaves,  leur  distribuer  leurs  tâches,  recevoir  les 
provisions  et  les  disposer  en  ordre,  mettre  avec 
soin  de  côté  ce  qui  n'aura  pas  été  employé,  ranger 
les  ustensiles  de  cuisine  et  les  tenir  propres,  etc.  » 
Au  fond  la  condition  de  la  femme  dans  la  Grèce 
ancienne,  même  à  Athènes,  ne  différait  pas  essen- 
tiellement de  celle  de  l'esclave,  qui  du  reste  était 
généralement  traité  à  Athènes  avec  douceur.  Le 
plus  grand  philosophe  de  l'antiquité ,  Aristote , 
classait  la  femme  entre  l'esclave  et  l'enfant,  et 
la  croyait  aussi  incapable  qu'eux  de  se  conduire 
elle-même.  L'infériorité  intellectuelle  et  morale 
que  les  Grecs  attribuaient  à  la  femme  devait  rester 
chez  eux  un  obstacle  insurmontable  à  son  affran- 
chissement. 

D'Athènes  passons  à  Rome.  Ici  la  femme  est 
dans  une  sujétion  plus  complète  encore.  L'homme, 
père  et  mari,  est  le  maître  sans  réserve.  11  a  droit 
de  vie  ou  de  mort,  sans  exception,  sur  tous  les 
membres  de  la  famille:  la  femme  coupable  est 
exécutée  dans  un  coin  de  la  demeure.  A  en  juger 
par  les  lois,  cette  condition  de  la  femme  est  ter- 
rible ;  il  en  était  autrement  dans  la  réalité.  La 
femme  romaine,  la  mère  de  famille,  la  matrone, 
vit  dans  sa  maison,  comme  la  femme  grecque,  mais 
elle  n'y  est  pas  aussi  rigoureusement  renfermée; 
elle  sort,  couverte  d'un  long  voile  et  accompagnée 
de  ses  gens  qui  écartent  les  importuns  ;  elle  assiste 
aux  repas,  aux  fêtes,  aux  spectacles.  Sa  chambre  est 
le  centre  de  la  maison  romaine  ;  c'est  la  salle  com- 
mune dans  laquelle  on  reçoit  les  amis  et  les  hôtes, 
où  brûle  le  foyer  de  famille,  où  les  dieux  lares 
ont  leur  autel,  où  sont  placées  les  images  des 
aieux.  C'est  là  qu'elle  rassemble  les  serviteurs, 
qu'elle  préside  à  l'éducation  des  enfants,  qu'elle 
confectionne  les  ouvrages  de  laine.  On  lit  cette 
simple  et  sévère  épitaphe  sur  quelques  tom- 
beaux de  matrones  romaines  :  «  Elle  a  -été  bonne 
fileuse,  pudique  et  gardant  le  logis.  »  Voici  le 
tableau  que  fait  le  poète  Ovide  de  l'intérieur  de 
Lucrèce,  la  femme  de  Tarquin  Collatin  :  «  Elle 
filait;  devant  son  lit  se  trouvaient  des  corbeilles 
remplies  de  laine  moelleuse.  A  la  faible  lueur 
d'une  lampe,  ses  servantes  tissaient  l'ouvrage 
qu'elle  leur  avait  partagé.  Elle  leur  disait  d'une 
voix  douce  :  Hâtez-vous,  mes  filles,  il  nous  faut 
envoyer  au  maître  au  plus  vite  ce  manteau  fait 
de  notre  main.  »  Dans  une  comédie  de  Plaute,  une 
femme  tient  ce  langage  :  «  Ma  dot.  c'est  la  chasteté, 
la  pudeur  et  la  crainte  des  dieux;  c'est  mon  amour 
pour  mes  proches,  c'est  d'être  soumise  à  mon  époux, 
bienfaisante  aux  bons,  serviable  aux  gens  de  cœur,  » 


On  sait  le  mot  historique  de  Cornélie,  la  mère  des 
Gracquos.  Comme  une  dame  de  la  Campanie  venait 
de  lui  montrer  ses  riches  parures  et  lui  demandait 
en  échange  à  voir  les  siennes,  la  fille  du  grand 
Scipion  la  conduisit  au  berceau  où  dormaient  ses 
deux  fils,  Caius  et  Tibérius  :  «  Voici  mes  bijoux,  » 
dit-elle. 

Peu  à  peu,  cette  simplicité  de  mœurs  s'altéra. 
On  vit  les  femmes  prendre  part  à  toutes  les  dé- 
bauches qui  amenèrent  la  décadence  de  la  P»épu- 
blique.  Les  odieuses  fêtes  appelées  Bacchanales 
se  signalèrent  par  les  déportements  non  seulement 
de  courtisanes  ou  d'esclaves,  mais  de  femmes 
libres,  de  matrones  romaines.  Les  lois  se  multi- 
plièrent contre  le  luxe,  contre  l'adultère,  contre  la 
débauche,  et  à  mesure  qu'elles  semblaient  témoi- 
gner un  souci  plus  grave  de  la  moralité  publique, 
elles  accusaient,  au  contraire,  une  chute  de  plus 
en  plus  profonde.  Le  divorce  était  devenu  un  jeu. 
L'exemple  de  la  corruption  la  plus  éhontée  était 
donné  par  les  femmes  du  plus  haut  rang.  Sans 
insister  sur  les  mœurs  abominables  qui  ont  dés- 
honoré les  premiers  siècles  de  l'Empire  romain, 
on  peut  se  demander  où  se  serait  arrêtée  cette 
décadence  sans  l'apparition  du  christianisme  et 
l'invasion  des  barbares,  deux  événements  qui  ont 
singulièrement  relevé  la  condition  des  femmes  dans 
le  monde. 

Ce  n'est  pas  que  chez  les  Juifs,  au  milieu  des- 
quels la  religion  chrétienne  a  pris  naissance,  la 
condition  des  femmes  fût  bien  différente  de  celle 
qui  lui  était  réservée  dans  les  républiques  ancien- 
nes. Elle  y  était  sans  doute  traitée  avec  égards  ; 
le  mariage  y  était  en  honneur;  l'adultère  y  était 
très  sévèrement  puni.  Mais  la  polygamie,  institu- 
tion commune  à  tout  l'Orient,  y  était  permise, 
sous  la  réserve  de  ne  pas  prendre  de  femmes 
étrangères.  Le  divorce  était  extrêmement  facile;  il 
suffisait  que  le  mari  renvoyât  sa  femme  en  lui 
donnant  une  «  lettre  de  divorce  »,  pour  que  le  ma- 
riage fût  rompu.  Après  la  mort  du  mari,  s'il  ne 
laissait  pas  d'enfant,  la  veuve  appartenait  au  /rère  ou 
au  plus  proche  parent  de  l'époux,  obligé  de  l'épouser 
pour  «  susciter  lignée  à  son  frère.  »  L'idéal  que  les 
Hébreux  se  faisaient  de  la  femme,  de  la  mère  de 
famille,  ne  s'éloigne  pas  extrêmement  de  celui 
que  nous  venons  de  remarquer  chez  les  Romains 
ou  les  Grecs.  Un  petit  poème  acrostiche,  placé  à 
la  fin  du  livre  des  Proverbes,  trace  le  tableau  sui- 
vant :  «  La  femme  vertueuse  est  à  plus  haut  prix 
que  les  perles  ;  son  mari  triomphe  dans  toutes  les 
luttes  par  la  confiance  qu'elle  lui  inspire.  Elle  se 
lève  avant  le  jour  pour  assigner  leur  tâche  à  ses 
servantes,  et  ne  laisse  pas  sa  lampe  s'éteindre  la 
nuit.  Elle  tient  en  main  la  quenouille  et  le  fuseau, 
tisse  des  tapis,  des  vêtements  de  pourpre  pour  sa 
famille  et  des  ceintures  qu'elle  vend  aux  mar- 
chands de  la  Chaldée.  De  ses  économies  elle  achète 
des  champs  et  plante  des  vignes.  Elle  étend  sa 
main  secourable  vers  le  pauvre.  Vêtue  de  force  et 
de  beauté,  elle  marche  en  riant  au-devant  du  len- 
demain. Elle  ouvre  la  bouche  avec  sagesse  et  des 
paroles  pleines  de  grâce  planent  sur  ses  lèvres. 
Ses  fils  se  lèveront  pour  la  bénir  ;  son  mari  fera 
son  éloge  ;  elle  arrivera  à  la  gloire  !  »  S'il  faut  en 
croire  l'Ecclésiaste,  cet  idéal  était  rarement  réalisé, 
et  la  femme  était  habituellement  tenue  en  médio- 
cre estime  :  a  La  femme,  dit-il,  est  plus  redouta- 
ble que  la  mort:  son  cœur  est  un  piège  et  ses 
mains  sont  des  filets.  Un  homme  entre  mille,  oui, 
j'en  ai  trouvé  un  ;  mais  une  femme  entre  toutes, 
non  !  1) 

Cette  opinion  de  l'infériorité  de  la  femme  s'est 
prolongée  très  longtemps  chez  les  Juifs.  On  se 
rappelle  le  mot  un  peu  dur  de  Jésus  :  «  Femme, 
qu'y  a-t-il  entre  toi  et  moi?  «  L'apôtre  Paul,  juif 
de  Cilicie,  déclare  que  la  femme  doit  être  subor- 
donnée à  l'homme  comme  l'homme  l'est  au  Christ, 


FEMMES 


—  760  — 


FEMMES 


son  chef;  il  veut  que  les  femmes  se  taisent 
dans  les  assemblées  ;  il  considère  le  mariage 
comme  une  faiblesse  et  comme  une  concession, 
comme  un  obstacle  ;i  la  sainteté  parfaite.  Cette 
idée  s'est  développée  et  aggravée  dans  les  premiers 
siècles  de  l'Église  au  point  de  jeter  sur  la  femme 
une  sorte  de  défiance,  en  la  faisant  considérer 
comme  une  occasion  de  chute  dont  les  saints 
devaient  s'éloigner  avec  crainte. 

Néanmoins  il  y  avait  dans  le  christianisme  nais- 
sant des  inspirations  d'une  autre  nature,  qui  de- 
vaient donner  à  la  femme  une  place  plus  haute  et 
plus  digne  d'elle.  En  effet,  il  établit  avec  une 
«ntière  clarté  l'égalité  de  toutes  les  âmes  devant 
Dieu,  sans  distinction  do  sexe,  de  classe  ou  de 
nation.  Il  consacre  le  mariage  par  la  bénédiction 
divine,  et  il  en  déclare  l'indissolubilité.  Il  condamne 
absolument  la  polygamie.  Il  assigne  un  but  sublime 
à  toute  existence  humaine;  il  ne  confine  pas  la 
femme  dans  la  pratique  des  devoirs  inférieurs, 
mais  il  l'appelle  à  pratiquer,  comme  l'homme,  les 
plus  nobles  vertus,  à  s'élever,  comme  lui,  par  la 
foi,  aux  plus  hautes  spéculations  et  à  participer  au 
même  titre  que  lui  au  salut  éternel.  Le  mari  et  la 
femme  occupent  le  même  rang  dans  la  famille 
chrétienne,  ont  la  môme  autorité  sur  les  enfants, 
la  même  responsabilité  morale,  les  mêmes  devoirs 
réciproques  d'amour  et  de  fidélité. 

Ce  progrès  serait  resté  longtemps  à  l'état  d'excep- 
tion et  n'aurait  modifié  que  bien  lentement  la  con- 
dition des  femmes,  au  milieu  de  la  corruption  de 
l'Empire  romain ,  sans  l'intervention  de  peuph^s 
nouveaux,  qui  couvrirent  de  ruines  le  sol  de  la 
civilisation,  balayèrent  sous  leur  impétueux  torrent 
les  sciences,  les  arts  et  les  religions  du  vieux 
monde,  mais  y  déposèrent  aussi  les  germes  de 
mœurs  nouvelles,  et  à  certains  égards  plus  pures. 
Le  plus  considérable  de  ces  peuples,  les  Germains, 
a  imprimé  en  partie  ces  mœurs  au  monde  nouveau 
<iui  s'est  formé  sur  notre  Europe  du  mélange  de  la 
civilisation  antique  avec  le  jeune  sang  des  barbares. 
Comme  les  Grecs  et  les  Latins,  les  Germains  n'ad- 
mettaient pas  la  polygamie  ;  tout  au  plus  était-elle 
permise  aux  seuls  princes,  «  comme  une  marque  de 
noblesse.  »  La  femme  occupait  chez  eux  un  haut 
rang,  y  était  revêtue  d'une  sorte  de  dignité  morale 
que  les  anciens  ne  lui  avaient  attribuée  qu'aux 
temps  héroïques.  Dans  la  famille,  au  conseil,  dans 
les  mystères  de  la  religion,  comme  mère,  comme 
femme,  comme  prêtresse,  elle  était  partout  écou- 
tée, respectée,  suivie.  Et  elle  le  méritait.  «  Chez 
ce  peuple,  dit  Tacite,  les  mariages  sont  chastes. 
Les  femmes  sont  enveloppées  de  leur  pudeur 
comme  d'une  forteresse.  L'adultère  y  est  extrê- 
mement rare  et  puni  des  châtiments  les  plus  sé- 
vères. La  séduction  n'y  est  pas  décorée  de  noms 
flatteurs;  le  vice  n'y  prête  pas  à  rire.  »  Voici  com- 
ment le  même  auteur  dépeint  la  vocation  et  la 
vie  de  la  femme  chez  ces  peuples  :  «  Chez  les 
Germains,  ce  n'est  pas  la  femme,  c'est  le  mari  qui 
apporte  la  dot.  Les  parents  et  les  proches  vien- 
nent pour  en  apprécier  la  valeur.  Elle  ne  consiste 
pas  en  frivolités,  en  parures  pour  la  fiancée  ;  ce 
sont  des  bœufs,  un  cheval  bridé,  un  bouclier  avec 
la  hache  et  l'épée.  De  son  côté  la  femme  apporte 
des  armes  à  son  mari.  Telle  est  la  cérémonie 
sacrée.  Sous  de  tels  auspices,  la  femme  devient 
la  compagne  des  travaux  et  des  périls  de  son 
mari  ;  elle  est  appelée,  dans  la  paix  et  dans  les 
combats,  à  oser  et  à  souffrir  comme  lui.  C'est  ainsi 
<iu'il  lui  faudra  vivre  ;  c'est  ainsi  qu'il  lui  faudra 
mourir.  » 

Cette  communion  de  pensée  et  d'existence  entre 
le  mari  et  la  femme  créait  évidemment  à  celle-ci 
une  situation  bien  supérieure  h  celle  qu'elle  avait 
dans  la  société  romaine  de  l'empire.  Les  barbares 
ne  la  croyaient  pas  frappée  d'infériorité  intellec- 
tuelle  et   morale,   mais,    sauf  la  force    physique. 


l'estimaient  leur  égale.  Aussi,  «  ils  l'associaient 
à  tous  leurs  périls,  ils  l'appelaient  à  toutes  leurs 
fêtes.  Dans  ces  banquets  décrits  par  les  scif/as, 
où  la  harpe  et  la  corne  remplie  de  bière  circu- 
laient tour  à  tour  dans  les  rangs  des  convives , 
les  femmes  prenaient  place  à  côté  des  hommes  : 
c'étaient  elles  qui  remplissaient  les  coupes  et  sou- 
vent qui  présidaient  aux  festins.  C'étaient  elles 
encore  qui  recevaient  l'étranger  et  le  faisaient 
asseoir  à  la  table  hospitalière.  Elles  suivaient  leurs 
époux  ou  leurs  Irères  dans  leurs  expéditions 
aventureuses,  et  partageaient  avec  eux  les  plaisirs 
de  la  chasse  ou  les  fatigues  des  camps.  Le  Ger- 
main marchait  avec  plus  de  plaisir  au-devant  du 
péril  quand  il  sentait  derrière  lui  sa  femme  ou  sa 
sœur  ;  il  se  croyait  mieux  protégé  par  leur  mysté- 
rieuse influence  que  par  son  casque  et  son  bou- 
clier, et  quand  il  se  voyait  près  de  périr,  il  s'ima- 
ginait que  leur  nom  murmuré  tout  bas  suffisait 
pour  attirer  sur  lui  la  faveur  des  dieux  et  le  sau- 
ver du  danger.  On  retrouve,  même  après  l'invasion, 
des  traces  naïves  de  cette  croyance,  et,  au  vi*  siè- 
cle, on  voit  Gélimcr  appeler  les  femmes  dans  son 
camp  pour  relever  le  courage  abattu  de  ses  sol- 
dats. »  (P.  Gide.) 

On  trouve  là  les  origines  du  culte  chevaleresque 
consacré  à  la  femme  par  le  moyen  âge.  Cette  rude 
époque  de  barbarie  et  d'ignorance,  qui  fut  le  rè- 
gne de  la  force  brutale,  vit  naître  une  institution 
qui  avait  pour  principes  la  protection  des  faibles 
et  l'obéissance  à  la  femme  :  c'est  la  chevalerie. 
Les  chevaliers  se  déclaraient  les  très  humbles 
esclaves  de  leur  dame;  pour  elle  ils  accomplis- 
saient les  plus  longs  voyages,  les  plus  rudes 
travaux  ou  les  plus  périlleux  exploits.  C'est  dans 
ses  mains  qu'ils  prêtaient  serment  ;  ils  se  paraient 
de  ses  couleurs.  Les  tournois,  jeux  guerriers  de 
cet  âge,  nous  font  voir  d'une  manière  sensible  la 
condition  éminente  qui  était  faite  alors  à  la  femme. 
Ces  pas?es  d'armes  étaient  le  rendez-vous  de  tout 
ce  que  la  noblesse  comptait  d'illustre  et  de  vaillant. 
Elles  avaient  toujours  lieu  sous  les  yeux  et  sous 
la  présidence  des  dames.  «  Des  dames  et  des  de- 
moiselles amenaient  quelquefois  sur  les  rangs  ces 
fiers  esclaves  attachés  avec  des  chaînes  qu'elles 
leur  ôtaient  au  moment  de  s'élancer  dans  la  lice. 
Le  titre  d'esclave  ou  de  serviteur  de  la  dame  que 
chacun  nommait  à  haute  voix  en  entrant  au  tour- 
noi était  un  titre  d'honneur  qui  ne  pouvait  être 
acheté  par  de  trop  nobles  exploits.  Il  était  regardé' 
par  celui  qui  le  portait  comme  un  gage  assuré  de 
la  victoire  et  un  engagement  à  ne  rien  faire  qui  ne 
fût  digne  d'une  qualité  si  distinguée.  A  ce  titre 
les  dames  daignaient  joindre  ordinairement  ce 
qu'on  appelait  une  faveur  ou  enseigne  ;  c'était  une 
écharpo,  un  voile,  un  nœud,  une  boucle,  quelque 
pièce  de  leur  vêtement  ou  quelque  ouvrage  tissu 
de  leurs  mains,  dont  le  chevalier  ornait  son  ar- 
mure. »  (Sainte-Palaye.) 

Les  dames  présidaient  aussi  à  des  tournois  d'un 
autre  genre,  des  tournois  poétiques,  des  «  cours 
d'amour  »  :  tels  furent  à  Toulouse  les  jeux  flo- 
raux (restaurés  au  xvi'  siècle  par  Clcmonc^  Isaure). 
Enfermées  dans  leurs  chàieaux-forts,  elles  s'entou- 
raient de  ménestrels,  de  troubadours  qui  leur  ré- 
citaient ou  leur  écrivaient  leurs  poèmes,  et  elles 
acquéraient  ainsi  une  instruction  qui  manquait  à 
leurs  rudes  époux. 

La  féodalité  leur  permettait  d'hériter  des  titres  et 
domaines  à  défaut  de  descendance  mâle,  et  l'on  a  vu 
des  dames  gouverner  dune  main  vigoureuse  leurs 
propres  États,  lever  des  troupes,  faire  la  guerre, 
prendre  une  part  importante  dans  l'administration 
des  royaumes  et  dans  la  destinée  des  peuples.  Ce 
serait  ici  le  moment  de  nommer  notre  Jeanne 
d'Arc*,  cette  héroïque  personnification  de  la  patrie 
française,  si  cette  glorieuse  fille  du  peuple  n'était 
pas  une  exception,  non  seulement  dans  son  temps. 


FEMMES 


—  761  — 


FEODALITE 


maïs  dans  l'histoire,  une  apparition  aussi  brillante 
que  fugitive. 

Ce  culte  chevaleresque  de  la  femme,  qui  s'est 
continué  dans  la  o  galanterie  »  française,  n'était 
pourtant  pas  le  dernier  mot  du  progrès.  Il  plaçait 
quelques  femmes  trop  haut  —  car  elles  ne  sont 
pas  plus  supérieures  qu'inférieures  à  l'homme  — 
et  laissait  toutes  les  autres  trop  bas.  Il  n'accordait 
aux  femmes  que  le  sceptre  de  la  grâce,  et  à  quel- 
ques femmes  seulement,  à  celles  que  leur  nais- 
sance avait  élevées  au-dessus  des  autres.  Le  reste 
du  sexe  était  généralement  tenu  en  profond 
dédain,  regardé  comme  indigne  et  incapable  de 
s'élever  au-dessus  des  plus  humbles  travaux  du 
ménage.  Un  auteur  du  xvi^  siècle,  faisant  le  procès 
aux  femmes,  a  résumé  ses  griefs  en  neuf  chefs 
d'accusation,  et  il  ajoute  en  y  applaudissant  : 
«  MonseigneurSaint  Augustin  disait  que  la  femme 
est  une  beste  qui  n'est  ni  ferme  ni  stable,  et  nour- 
rissante de  mauvayseté.  »  On  trouverait  chez  les 
écrivains  une  foule  de  passages  où  l'on  reproche  à 
la  femme  d'être  légère,  variable,  cruelle,  indis- 
crète, etc.,  etc.,  défauts  dont  on  pourrait  dire 
sans  crainte  avec  le  fabuliste  :  «  Bon  nombre 
d'hommes  sont  femmes  sur  ces  points.  »  Mais  ce 
sont  là  railleries  sans  conséquence.  Sous  une 
forme  badine,  le  mot  de  Chrysale  dans  Molière 
était  plus  sérieux,  lorsqu'il  déclarait,  se  faisant  cer- 
tainement l'interprète  de  l'opinion  commune, 
qu'une  femme  en  sait  toujours  assez 

Quand  la  capacité  de  son  esprit  se  hausse 

A  connaître  un  pourpoint  d'avec  un  haut-de-chausse. 

En  effet,  tout  est  là.  Ce  n'est  pas  la  nature,  ce 
ne  sont  plus  aujoura'hui  les  lois,  c'est  l'éducation 
qui  seule  établit  entre  les  deux  sexes  une  diffé- 
rence de  niveau.  Ils  ont  sans  contredit  des  apti- 
tudes différentes,  mais  d'égale  valeur  en  réalité. 
Instruisez  les  femmes  et  négligez  l'instruction  des 
hommes,  ceux-ci  ne  tarderont  pas  à  tomber  dans 
un  état  d'infériorité  d'autant  plus  sensible  qu'au- 
jourd'hui ce  n'est  plus  la  force  du  poignet,  mais 
celle  de  l'intelligence  et  de  la  volonté  qui  décident 
toutes  les  questions.  Aussi  le  devoir  le  plus  impé- 
rieux de  la  société  moderne  à  l'égard  des  femmes, 
et  le  seul  moyen  de  les  placer  au  rang  qui  leur 
revient  de  droit  naturel,  est-il  de  développer  au- 
tant que  possible  les  moyens  d'éducation  pour  leur 
sexe  aussi  bien  que  ceux  qui  sont  destinés  au  sexe 
masculin.  C'est  l'intérêt  bien  entendu  de  la  société 
elle-même,  car  il  est  impossible  de  méconnaître 
l'influence  considérable  qu'exercent  les  femmes 
sur  leurs  enfants,  leurs  époux  et  leur  entourage  : 
cette  influence,  provenant  d'esprits  attardés  et 
ignorants,  s'exerce  contre  la  vérité  et  le  progrès; 
l'écart  dans  la  culture  intellectuelle  des  deux  sexes 
est  une  cause  de  troubles,  de  tristesses,  de  divi- 
sions et  de  recul.  Qu'au  contraire  les  fils  et  les 
maris  soient  encouragés  et  soutenus  par  la  femme 
instruite,  développée  dans  le  même  sens  qu'eux, 
et  la  marche  de  la  civilisation  s'accélérera  au  bé- 
néfice de  tous.  C'est  dans  cette  absolue  communion 
intellectuelle  et  morale  des  deux  sexes  que  se 
trouve,  à  notre  avis,  la  plus  haute  émancipation 
que  puisse  ambitionner  la  femme. 

Déjà,  à  l'heure  actuelle,  la  condition  extérieure 
de  la  femme  s'est  améliorée  sensiblement.  La  tu- 
telle du  mariage  ne  pèse  plus  sur  elle  du  même 
poids  :  si  elle  ne  jouit  pas  dans  cet  état  d'une 
absolue  liberté,  c'est  que  les  devoirs  de  la  famille 
commandent  un  certain  partage  d'attributions  qui 
n'est  pas  une  sujétion,  mais  une  raisonnable  orga- 
nisation du  travail.  Veuve  ou  sans  époux,  la  femme 
est  maîtresse  de  ses  biens  comme  de  sa  personne, 
et  jouit  des  mômes  droits  civils  que  l'homme. 
Quoique  plusieurs  carrières  soient  encore  fermées 
a  l'activité  des  femmes,  combien  ce  siècle  n'en 
a-t-il  pas  vu  ouvrir  devant  leurs  pas!  Elles  peuvent 


gagner  honorablement  leur  vie  dans  certaines  admi- 
nistrations, dans  le  commerce,  l'industrie,  l'en- 
seignement, la  science,  les  arts  libéraux,  et  tra- 
verser le  monde,  respectées  de  tous,  sans  autres 
protecteurs  que  la  loi,  le  progrès  des  mœurs  et  la 
dignité  de  leur  conduite. 

Quelques-unes  vont  jusqu'à  réclamer  pour  elles 
le  droit  de  suffrage  politique,  et  même  l'éligibi- 
lité. Nous  n'avons  pas  à  nous  prononcer  ici  sur  ces 
innovations  qui  paraissent  encore  fort  éloignées  de 
notre  époque,  et  qui  seraient  sans  contredit  (peut- 
être  plus  en  apparence  qu'en  réalité)  le  dernier 
degré  possible  des  conquêtes  sociales  de  la  femme. 

[Jules  Steeg.] 

Fr?îELO>*.  ~  V.  Férflon  dans  la  l"  Paktie. 

FliOD.4LITÉ.  —  Histoire  générale,  XVIII  ;  His- 
toire de  France,  VII-.\V.  —  (Etym.  :  Des  deux 
mots  germains  fee,  salaire,  et  od,  bien,  propriété.) 
—  On  appelle  de  ce  nom  un  système  de  relations 
politiques  et  sociales  qui  tient  une  large  place  dans 
l'histoire  de  tous  les  peuples  européens,  car  ce 
système,  avec  des  différences  secondaires,  a  été 
commun  à  tous. 

En  France,  le  système  féodal  apparaît  comme 
entièrement  formé  à  la  fin  du  ix*  siècle.  Il  est  en 
pleine  vigueur  de  cette  époque  au  xm*  siècle, 
temps  auquel  les  rois  d'un  côté,  les  communes  de 
l'autre,  commencent  à  le  miner;  sa  décadence  se 
précipite  au  xv^  siècle,  par  l'invention  des  armées 
permanentes,  par  l'usage  dos  armes  modernes,  la 
poudre  et  le  canon  ;  et  néanmoins  il  en  subsiste 
des  restes  fort  onéreux  aux  populations  jusqu'en 
août  1789,  où  la  révolution  française  anéantit  ces 
restes  d'un  seul  coup. 

Si  on  le  considère  alors  qu'il  est  entier  et  flo- 
rissant, au  XI'  siècle,  par  exemple,  ce  système  se 
montre  très  complexe,  et  on  lui  trouve  plusieurs 
aspects  assez  différents. 

I!  n'y  a  en  France  aujourd'hui  qu'un  gouverne- 
ment, et  tous  les  nationaux  obéissent  sans  par- 
tage à  ce  gouvernement  unique.  L'administration 
s'exerce  sans  doute  par  un  grand  nombre  de  mains, 
des  fonctionnaires  levant  l'impùt,  d'autres  ju- 
geant les  procès,  d'autres  accomplissant  des  fonc- 
tions diverses  ;  mais  cette  multiplicité  d'agents  ne 
détruit  pas  1  unité  fondamentale,  parce  que  tous 
font  ce  qui  leur  est  ordonné  et  ne  font  que 
cela.  Ce  type  de  gouvernement  existe  depuis  la 
destruction  du  système  féodal  ;  il  a  été  même  le 
I  principal  agent  de  cette  destruction.  Il  existait 
j  également  avant  la  formation  du  système  féodal. 
Inventé  par  les  Romains,  maintenu  à  grand'  peine 
jusqu'à  Charlemagne  et  dans  ses  parties  essentiel- 
lesseulement,il  fut,  après  ce  grand  homme,  détruit 
par  le  système  féodal.  C'est  dire  que  ce  dernier  se 
présente  dans  l'histoire  comme  l'opposé,  comme  la 
négation  du  gouvernement  unique  et  uniforme 
pour  tous,  tel  que  l'antiquité  romaine  et  le  monde 
moderne  l'ont  également  conçu.  Dislocation  de  ce 
que  nous  appelons  l'Etat,  dispersion  des  pouvoirs  pu- 
blics entre  une  multitude  de  per.-onnes  les  exer- 
çant en  leur  propre  nom  et  dans  leur  propre  inté- 
rêt, c'est  bien  là,  en  effet,  l'aspect  le  plus  saillant 
et  le  plus  important  du  régime  féodal. 

Au  moment  où  il  est  pleinement  établi,  c'est-à- 
dire  vers  le  xi°  siècle,  la  France  offre,  pour  un 
esprit  moderne,  le  spectacle  le  plus  singulier;  elle 
apparaît  toute  découpée  en  petits  Etats  qui  souvent 
n'excèdent  pas  la  grandeur  d'une  paroisse  rurale, 
et  sont  quelquefois  moindres.  Le  maître  de  chacun 
de  ces  empires  en  miniature,  le  seigneur,  habite 
une  maison  fortifiée  sise  sur  quelque  escarpement, 
ou  entourée  de  fossés  remplis  d'eau.  C'est  un  sol- 
dat que  ce  maître;  il  est  habitué  à  manier  le  glaive 
et  la  lance,  à  monter  le  cheval  de  guerre,  à  porter 
la  cotte  de  mailles,  et  il  vit  entouré  d'autres  sol- 
dats qui  tiennent  garnison  permanente  dans  son 
château.  En  rapport  avec  l'étendue  de  la  seigncu- 


FÉODALITÉ 


—  762  — 


FEODALITE 


rie,  cette  garnison  n'est  pas  nombreuse  en  géné- 
ral; cependant,  elle  suffit  à  maintenir  dans  l'o- 
boissance  un  peuple  où  nul  n'est  autorisé  en  temps 
ordinaire  à  porter  des  armes,  et  surtout  n'est 
familiarisé  avec  leur  maniement;  ce  qui  n'empê- 
che pas,  la  guerre  survenant,  que  les  hommes 
libres  de  la  seigneurie,  et  même,  en  un  besoin  ur- 
gent, les  serfs,  ne  soient  appelés  au  cliâtoau,  enrô- 
lés, armés,  et  contraints  de  suivre  la  bannière  de 
leur  seigneur.  C'est  que  ce  seigneur  a  droit  de 
vivre  avec  les  seigneurs  voisins  ses  égaux  sur  le 
pied  qu'il  veut  ;  il  est  le  maître  de  rester  en  paix 
ou  de  faire  la  guerre  contre  eux,  exactement 
comme  un  roi  absolu  ;  et  c'est  là  pour  la  seigneu- 
rie une  première  possibilité  de  guerre.  Mais  en 
second  lieu,  et  en  sus  des  entreprises  conçues  par 
le  seigneur  pour  son  propre  compte,  il  se  peut 
que  le  seigneur  soit  reqiiis  de  faire  la  guerre  pour 
le  compte  de  son  suzerain.  Retenons  ce  mot,  il 
nous  met  en  présence  d'un  des  traits  les  plus  ori- 
ginaux du  système. 

Règle  générale  (nous  verrons  les  exceptions  tout 
à  riieurej  le  seigneur  a  un  suzerain;  cela  signifie 
qu'il  existe  un  second  seigneur  dit  suzerain,  qui 
est  d'une  certaine  manière  au-dessus  du  premier, 
envers  qui  le  premier,  appelé  vassal  dans  la  lan- 
gue du  temps,  est  tenu  à  remplir  certaines  obli- 
gations. 

Le  vassal  est  tenu  d'abord,  nous  venons  de  le 
dire,  à  faire  la  guerre  pour  son  suzerain,  et  à  ses 
côtés,  quand  celui-ci  le  requiert.  Secondement,  il 
est  tenu  de  se  rendre  au  château  du  suzerain  pour 
garnir  sa  coia\  c'est-à-dire  pour  y  faire  l'office  de 
juge  conjointement  avec  les  autres  seigneurs  qui 
dépendent  du  même  suzerain.  Ce  tribunal  de  sei- 
gneurs subordonnés,  sous  la  présidence  du  suze- 
rain, juge  spécialement  les  disputes  et  les  procès 
qu'ont  entre  eux  les  seigneurs. 

Il  est  tenu  à  Vhommage.  Cela  signifie  que  lors- 
que le  vassal,  à  la  mort  de  son  père,  entre  en  pos- 
session de  la  seigneurie,  il  doit  se  rendre  encore 
au  château  du  suzerain,  et  reconnaître  son  infé- 
riorité, sa  vassalité,  suivant  un  cérémonial  déter- 
miné. A  cette  occasion,  le  vassal  paie  au  suzerain 
un  droit  de  mutation  appelé  le  relief  ou  l'acapt, 
selon  les  pays  ;  c'est  un  impôt  dont  la  valeur  égale 
les  revenus  produits  dans  une  année  par  la  sei- 
gneurie vassale.  Quand  le  suzerain  vient  à  mourir, 
l'hommage  est  réitéré  par  le  vassal  entre  les  mains 
du  nouveau  suzerain. 

Ces  devoirs  du  côté  du  vassal,  ces  droits  du  côté 
du  suzerain,  ne  croyons  pas  qu'ils  fussent  atta- 
chés à  la  personne  de  l'un  et  de  l'autre.  C'étaient 
aux  seigneuries  et  aux  domaines  matériels  qu'ils 
adhéraient.  La  hiérarchie  était  entre  les  terres, 
non  entre  les  personnes;  ou,  si  l'on  veut,  elle  n'é- 
tait entre  les  personnes  qu'en  raison  de  ce  que  ces 
personnes  détenaient  les  terres.  Le  vassal  n'a  qu'à 
délaisser  la  terre  sujette,  le  fief  vassal  ou  servant, 
il  ne  doit  plus  rien  ;  il  est  tout  à  fait  libre  de  sa 
personne  à  l'égard  du  fief  suzerain  ou  dominant; 
tandis,  que  d'autre  part,  le  fief  suzerain  continue 
à  réclamer  du  fief  servant,  entre  les  mains  du  nou- 
veau possesseur,  les  services  accoutumés.  La  vas- 
salité, la  suzeraineté  sont  choses  si  peu  personnel- 
les, si  ten^iennes,  quon  voit  souvent  un  seigneur 
être  vassal  pour  une  terre  et  suzerain  pour  une 
autre  terre  à  l'égard  d'un  second  et  même  sei- 
gneur. 

Ce  n'est  pas  tout  :  voici  un  suzerain  ;  il  se  peut, 
et  cela  même  se  présente  généralement,  que  ce 
suzerain  soit  vassal  d'un  autre  suzerain  et  rien 
n'empêche  que  ce  dernier  ne  dépende  d'un  qua- 
trième encore  plus  haut  placé  !  Le  cas  le  plus 
commun,  c'est  que  la  seigneurie  tout  à  fait  infé- 
rieure, élémentaire,  si  l'on  peut  dire,  a  par  dessus 
elle  deux  suzerains,  l'un  immédiat,  l'autre  médiat. 
Ainsi  toute   seigneurie  était    comme    un    ainieau. 


haut  ou  bas  placé,  dans  une  chaîne.  Toutes  ces 
chaînes  se  terminaient  dans  un  petit  nombre  de 
mains  vraiment  suzeraines,  en  ce  sens  qu'elles 
étaient  pleinement  indépendantes  :  le  duc  de  Bre- 
tagne, le  duc  de  Normandie,  le  comte  de  Toulouse, 
le  duc  d'Aquitaine  et  le  roi  de  France.  Encore  les 
premiers  étaient-ils  censés  être  avec  ce  dernier 
dans  un  certain  rapport  de  vassalité  ;  mais  il  n'y 
avait  pas  de  leur  part  dépendance  réelle  et  effec- 
tive, au  moins  au  beau  temps  de  la  féodalité,  au 
xii"  siècle;  la  suzeraineté  générale  du  roi  sur 
toute  la  France  n'était  alors  qu'une  sorte  d'idéal 
juridique. 

Examinons  d'un  peu  plus  près  le  seigneur  chez 
lui.  Nous  avons  déjà  vu  que  c'est  un  guerrier, 
une  sorte  de  capitaine.  En  même  temps  il  est  juge, 
tant  au  civil  qu'au  criminel.  Si  de  bonne  heure  le 
seigneur  se  fait  remplacer  généralement  à  son 
tritmnal  par  un  magistrat  dont  il  dispose,  c'est 
toujours  au  nom  du  seigneur  que  ce  magistrat 
rend  la  justice,  qu'il  décide  entre  deux  parties,  qu'il 
condamne  un  voleur  à  la  potence;  et  les  amendes, 
les  confiscations  qu'il  décerne,  sont  pour  le  sei- 
gneur. 

Le  seigneur  légifère,  soit  seul,  soit  avec  des 
conseillers  qu'il  choisit  comme  il  veut;  la  coutume, 
c'est  ainsi  que  s'appelle  alors  la  loi,  le  seigneur  la 
recueille  souvent  de  la  bouche  du  public,  mais 
parfois  aussi  il  la  modifie,  il  la  crée.  Le  seigneur 
administre,  il  ouvre  des  routes,  réglemente  le 
commerce,  régente  l'industrie,  surveille  l'agricul- 
ture. Le  seigneur  lève  des  impôts,  c'est  là  un  office 
qu'il  ne  néglige  pas  ;  et  comme  il  est  l'Etat,  c'est 
à  lui  qu'il  applique  le  produit  de  l'impôt. 

Enfin,  et  ceci  est  un  des  points  les  plus  singu- 
liers du  régime,  ce  petit  Etat  est,  aux  mains  du 
seigneur  qui  le  gouverne,  un  domaine  au  moins 
autant  qu'un  Etat;  le  caractère  de  propriétaire 
vient  s'ajouter  assez  bizarrement  dans  la  personne 
du  seigneur  au  caractère  de  gouvernant  ;  et  ce 
dernier  n'est  pas  celui  des  deux  qui  y  prédo- 
mine. 

Imaginez  que  la  seigneurie  est  divisée  en  deux 
parties  soumises  à  un  régime  différent.  L'une 
d'elles,  la  moindre,  qui  comprend  le  château  et 
s'étend  autour  de  lui  plus  ou  moins  loin,  n'a  de 
fruits,  de  récoltes  que  pour  le  seigneur;  c'est  le 
domaine  direct  dont  le  seigneur  a  la  propriété  inté- 
grale, et  que  pourtantil  fait  cultiver  d'une  façon  assez 
singulière,  car  les  habitants  de  la  seigneurie  sont 
tenus  de  le  travailler  pour  rien,  de  donner  à  cette 
besogne  tant  de  journées  chaque  semaine  ;  ces 
prestations  s'appellent  les  corvées.  L'autre  part  de 
la  seigneurie  est  aux  mains  des  habitants  sous  des 
conditions  assez  diverses.  Il  y  a  des  hommes  libres 
qui  ne  doivent  pour  leur  tenure  que  le  cens,  qui 
est  probablement  l'ancien  impôt  jadis  établi  par 
le  gouvernement  romain,  dont  le  gouvernement 
féodal  a  hérité.  D'autres  paient  le  cens  et  la  rente, 
comme  si  leur  tenure  avait  été  détachée  du  do- 
maine direct,  et  donnée  à  ferme  perpétuelle,  car  la 
rente  est  une  sorte  de  prix  de  fermage.  D'autres, 
à  qui  on  donne  le  nom  de  serfs,  paient  annuelle- 
ment un  impôt  assez  fort,  d'un  chiffre  déterminé, 
tandis  que  d'autres,  encore  plus  malheureux,  sont 
taxés  à  la  volonté  du  seigneur,  en  même  temps 
qu'ils  ne  sont  libres  ni  quant  au  mariage,  ni  quant 
à  la  disposition  de  leurs  biens.  Tous  enfin,  hommes 
libres  et  serfs,  paient  un  impôt  appelé  la  taille, 
en  quatre  ou  cinq  occurrences  déterminées  (guerre 
—  mariage  de  la  fille  du  seigneur  —  quand  le  fils 
aîné  du  seigneur  est  armé  chevalier  —  quand  le 
seigneur  est  prisonnier  —  ou  qu'il  part  pour  la 
croisade).  Tous  paient  encore  des  impôts  indi- 
rects, péages  et  tonlieux,  pour  la  circulation  et  la 
vente  des  marchandises. 

Ce  régime  si  étrange  pour  un  Français  du, 
XIX*  siècle,  et  d'autant  plus  étrange  qu'on  y  réflé- 


FEODALITE 


—  763 


FER 


chit  davantage,  quelles  causes  l'ont  pu  produire? 
comment  s'esi-il  formé?  Convenons  que  l'obscurité 
règne  encore  sur  les  origines  de  toutes  ses  par- 
ties, plus  épaisse  seulement  sur  quelques-unes 
d'entre  elles.  On  s'esplique  assez  bien  l'évolution 
qui  a  privé  le  gouvernement  central  de  ses  pouvoirs 
au  bénéfice  d"une  multitude  de  seigneurs.  Ces 
partages  du  pays  qui  se  faisaient  à  chaque  mort  du 
souverain  entre  ses  enfants,  sous  les  Carlovingiens, 
et  les  guerres  continuelles  suites  de  ces  partages 
entre  les  princes,  mais  par  dessus  tout  les  incur- 
sions réitérées,  multipliées  detous  côtés  des  pirates 
normands,  finirent,  en  rendant  les  communica- 
tions périlleuses  et  partant  très  rares,  par  rompre, 
pour  ainsi  dire,  les  liens  qui  rattachaient  ensem- 
ble les  diverses  parties  du  pays.  Les  gouverneurs 
de  provinces,  de  cantons,  ces  fonctionnaires  qu'on 
appelait  alors  ducs,  marquis,  comtes,  vicomtes,  en 
profitèrent  pour  se  rendre  peu  à  peu  indépen- 
dants. Leur  grand  moyen  pour  cette  fin,  ce  fut 
d'obtenir  que  leurs  enfants  leur  succédassent  dans 
leurs  fonctions,  ce  qui  leur  fut  accorde  souvent 
en  fait  avant  de  l'être  en  droit  par  le  capilulaire 
de  Quierzy  en  87  7  (sous  Charles  le  Chauve^.  Ainsi 
ce  qui  avait  été  une  mission  publique  devint  une 
propriété  privée.  Dans  le  même  temps  et  par  les 
mêmes  causes ,  l'hérédité  s'établissait  dans  un 
autre  ordre  fort  important  de  relations.  Les  rois 
barbares,  tant  Mérovingiens  que  Carlovingiens,  qui 
d'abord  possédaient  en  France,  dans  tous  les  can- 
tons, ces  immenses  étendues  de  terre  qui  avaient 
appartenu  au  fisc,  c'est-à-dire  à  l'Etat,  sous  les  Ro- 
mains, s'en  étaient  peu  à  peu  dépouillés,  donnant 
tantôt  à  l'un,  tantôt  à  l'autre  un  domaine  plus  au 
moins  grand,  à  charge  de  service  militaire  et  de 
services  spéciaux  îi  leur  cour.  Ces  dons  de  terre 
s'appelaient  des  bénéfices.  Ils  furent  d'abord  tem- 
poraires, révocables,  tout  au  plus  viagers  ;  mais 
enfin,  comme  les  fonctions  publiques,  ils  devinrent 
héréditaires.  Ainsi  l'Eiat  perdu  la  disposition  des 
fonctions  publiques  et  celle  des  terres  qui  avaient 
été  publiques.  Avant  ces  pertes,  il  en  avait  fait  une 
autre  plus  considérable  peut-être  et  qui  pourrait 
bien  avoir  fait  plus  que  toute  autre  cause  pour  le 
mener  à  sa  ruine:  il  avait  perdu  à  peu  près  entiè- 
rement la  jouissance  des  impôts. 

Dès  que  les  rois  barbares  furent  convertis  au 
catholicisme,  ils  commencèrent  à  doter  l'Eglise,  sur- 
tout en  fonds  de  terre,  exemple  d'abord  suivi  par 
les  grands  propriétaires  barbares.  Non  seulement 
les  rois  donnèrent  à  l'Eglise  des  biens  considéra- 
bles, mais  ils  leur  accordèrent  dans  ces  biens  une 
situation  exceptionnelle  qu'on  appellait  Yimmunité. 
Au  fond  c'est  la  pleine  indépendance  à  l'égard  de 
l'Etat  L'évêque,  l'abbé,  immunes,  sont  rois  chez 
eux;  ils  jugent  les  habitants  de  leurs  terres;  ils 
lèvent  sur  eux  l'impôt  et  se  l'appliquent;  ils  admi- 
nistrent; aucun  officier  royal  ne  doit,  sous  aucun 
prétexte  de  service  public,  s'immiscer  dans  leurs 
aflaires.  Qu'est-ce  que  cela,  sinon  le  type  de  gou- 
vernement qui  tout  à  l'heure  avec  la  féodalité  pré- 
vaudra partout?  N'est-il  pas  visible  que  voilà  posé 
devant  les  yeux  des  grands  propriétaires  laïques 
et  des  grands  fonctionnaires  le  modèle  d'indépen- 
dance qu'ils  s'eflForceront  tous  d'atteindre!  Et  non 
seulement  l'immunité  de  l'Eglise  a  dû  être  un 
exemple  hautement  contagieux  et  influent,  mais  un 
autre  effet  considérable  est  certainement  sorti  de 
là.  Les  populations  voyaient  dans  les  évêques,  les 
abbés,  à  cette  époque,  plus  de  douceur,  de  raison, 
d'honnêteté  que  dans  les  princes  et  les  grands 
laïques;  dépendre  des  premiers  pour  le  gouverne- 
ment et  pour  l'impôt  dut  être  le  rêve  de  tous; 
comment  le  réaliser  ?en  se  donnant  soi  etses  terres, 
au  moins  en  apparence,  à  l'Eglise.  Celle-ci  trou- 
vait son  compte  à  accepter,  à  recevoir  ces  biens, 
ces  domaines  en  propriété  nominale,  et  à  les  asso- 
cier par  là  à  son  immunité,  piiisqu'à  défaut  de  la 


propriété  réelle  et  plénière,  elle  en  avait  au  moins 
la  souveraineté  et  qu'elle  en  retirait  l'impôt. 

En  voilà  assez  pour  s'expliquer  la  ruine  du  pou- 
voir central,  de  l'Etat  proprement  dit.  Les  autres 
aspects,  secondaires  par  rapport  à  celui-ci,  du  régi- 
me féodal,  tels  que  la  subordination  des  fiefs  entre 
eux,  et  les  relations  des  seigneurs  avec  leurs  sujets, 
sont  loin  de  pouvoir  être  encore  rapportés  à  leurs 
c:iuses  certaines,  qui  peut-être  remontent  beaucoup 
plus  loin  qu'on  ne  le  croit,  ayant  leurs  dernières 
racines  dans  le  régime  antique  du  clan  gaulois, 
ou  do  la  communauté  de  village  en  Germanie. 
D'ailleurs  les  limites  de  cet  article  nous  interdisent 
de  nous  engager  dans  ces  recherches  laborieuses. 

[PaulLacombe.] 
FER.  —  (Etym..  :  du  latin  ferrum;  en  grec,  le 
1er  s  appelle  i'idt;?'i>i).  —  Connaissances  usuelles 
XI. 

1 .  Extraction,  préparation  et  usages  industriels 
du  fer.  —  Le  fer  est  un  métal  généralement  d'un  gris 
foncé  ou  b  eu,  se  rapprochant  de  la  couleur  de 
l'argent  quand  il  est  pur.  Son  poids  spécifique  est 
en  moyenne  7,7,  c'est-à-dire  que  le  décimètre 
cube  de  ce  corps  pèse  7*. 7.  Il  s'oxyde  facilement  à 
l'air  sous  l'influence  de  l'humidité,  et  donne  la 
rouille.  On  le  garantit  contre  cette  action  destruc- 
tive en  le  galvanisant,  c'est-à-dire  en  le  recouvrant 
d'une  couche  de  zinc  qui  ne  s'oxyde  pas  à  l'air  à 
la  température  ordinaire.  C'est  un  des  métaux  ma- 
gnétiques, c'est-à-dire  attirés  par  l'aimant  et  sus- 
ceptibles de  devenir  eux-mêmes  des  aimants  ;  nous 
reviendrons  plus  loin  sur  cette  propriété. 

En  dehors  de  ces  propriétés  physiques  et  chi- 
miques, le  fer  en  possède  beaucoup  d'autres  qui, 
au  point  de  vue  industriel  et  pratique,  le  mettent 
au  premier  rang  parmi  les  métaux. 

A  ce  point  de  vue  les  qualités  du  fer  sont  :  1°  Sa 
dureté,  qui  varie  avec  la  quantité  plus  ou  moins 
grande  de  carbone  qu'il  contient  et  le  procédé 
employé  pour  sa  préparation.  Cette  dureté  diminue 
quand  on  le  chauffe.  Il  est  fusible,  mais  avant  de 
fondre  il  devient  assez  mou  pour  prendre  sous  le 
marteau  toutes  les  formes  et  être  percé  facilement; 
il  peut  même,  au  rouge  blanc,  se  souder  à  lui- 
même  sans  laisser  trace  de  cette  soudure  ;  —  2°  Sa 
malléabilité,  c'est-à-dire  la  propriété  qu'il  possède 
de  pouvoir  être  réduit  en  feuilles  plus  ou  moins 
minces,  depuis  la  tôle  avec  laquelle  on  forme  les 
tuyaux  de  poêle,  jusqu'aux  plaques  plus  épaisses 
employées  dans  la  fabrication  des  chaudières  pour 
les  machines  à  vapeur,  ou  celles  plus  épaisses 
encore  qui  servent  à  blinder  les  vaisseaux  cui- 
rassés ;  —  3°  Sa  fusibilité  quand  il  est  à  l'état  de 
fonte,  qui  permet  de  le  couler  dans  les  moules 
pour  la  fabrication  des  ustensiles  de  toute  sorte, 
des  statues,  des  colonnes  si  utiles  dans  la  cons- 
truction ;  —  4°  Sa  ductilité,  propriété  de  pou- 
voi:  être  réduit  en  fils  plus  ou  moins  fins  (art  de 
la  tréfilerie)  ;  —  5"  Enfin  sa  ténacité,  propriété, 
quand  il  est  réduit  en  fils,  de  pouvoir  supporter 
des  poids  assez  considérables  sans  se  rompre. 

Le  fer  se  trouve  en  grande  quantité  dans  le  sol 
à  l'état  de  combinaison,  principalement  uni  à 
l'oxygène,  au  carbone,  au  soufre. 

On  appelle  fer  natif  celui  qu'on  rencontre  en 
grains  isolés  dans  les  pierres  qui  tombent  de 
l'atmosphère.  Ces  chutes  de  pierres  sont  assez  fré- 
quentes; en  France,  la  première  qui  ail  été  offi- 
ciellement constatée  est  celle  de  la  pierre  dite  de 
l'Aigle  (26  avril  180'!).  Le  fer  s'y  trouve  allié  à 
deux  autres  métaux,  le  nickel  et  le  chrome. 

On  rencontre  aussi,  presque  à  la  surface  du  sol  et 
sur  des  terrains  de  toute  nature,  même  sur  la  terre 
végétale,  dos  blocs  de  fer,  dit  fer  erratique.  Ces 
dépôts,  d'après  leur  situation,  doivent  provenir 
aussi  de  l'atmosphère;  d'ailleurs  plusieurs  chutes 
de  1er  erratique  ont  pu  être  observées  près  d'A- 
gram  en   Croatie   (16  mai  1751),  à  Lahore   en  In- 


FER 


—  7G4  — 


FER 


doustan  (?fi  mai  1621).  Le  plus  célèbre  de  ces  gi- 
sements a  été  découvert  à  Jcniséisk  en  Sibérie  : 
ce  bloc  de  fer  erratique,  connu  sous  le  nom  de 
fer  de  Pallas,  pesait  70ii  kilogrammes.  (Il  a  été 
trouvé  par  Pallas,  célèbre  naturaliste  et  voyageur, 
né  à  Berlin  en  1741,  mort  en  1811.)  On  en  connaît 
maintenant  plusieurs  autres:  à  Olympa,  près  Saint- 
lago,  un  bloc  pesant  1 4  OUO  kilogrammes  ;  un  avitre 
de  19  000  kilogrammes  près  de  Durango,  au  Mexi- 
que; et  enfin  de  plus  considérables  encore  sur  les 
bords  du  Sénégal. 

Les  principaux  minerais  de  fer  que  l'on  exploite 
sont  d'abord  le  fer  o'iVyzs^e,  sesi]uioxyde  de  fer.  gris 
à  l'état  cristallisé,  rouge  plus  ou  moins  foncé  dans 
les  autres  états.  Il  constitue  des  dépôts  souvent 
considérables,  quelquefois  même  des  montagnes 
entières  comme  en  Laponie,  dans  le  Brésil  et  sur 
quelques  points  de  la  Bretagne.  C'est  un  minerai 
très  important,  donnant  des  fers  très  purs;  il  en 
existe  des  mines  à  l'île  d'Elbe,  ainsi  que  dans 
l'Ardèche  et  dans  les  Vosges.  Quelques  variétés 
terreuses  sont  emploj'écs  dans  la  fabrication  dos 
couleurs  communes,  le  rouge  de  Prusse,  l'ocre 
rouge  ;  les  plus  argileuses  forment  la  sanguine  et 
Ihs  crayons  rouges  ;  enfin  les  variétés  stalacliques 
qu'on  nomme  hématites  sont  recherchées  pour 
faire  les  brunissoirs  qui  servent  à  polir  l'or  et 
l'argent.  Ce  minerai  donne  environ  69  p.  100  de 
fer. 

Un  second  minerai,  également  un  sesquioxyde 
de  fer,  est  désigné  sous  le  nom  de  limonife,  fer  hy- 
draté, ou  mine  de  fer  en  grains.  C'e^t  une  substance 
brune  ou  jaune,  donnant  par  calcination  de  l'eau  et 
un  résidu  d'oxyde  rouge.  La  limonite  se  trouve  dans 
les  terrains  de  sédiment,  puis  dans  les  cavités  et  les 
fentes  du  terrain  jurassique  ;  aussi  ce  minerai 
alimente-t-il  les  usines  de  Normandie,  du  Berry, 
de  la  Bourgogne,  de  la  Lorraine  et  de  la  Franche- 
Comté.  Il  donne  environ  .''5  p.  l<i(t  de  fer;  les  va- 
riétés terreuses  mélangées  à  l'argile  et  à  l'alumi- 
nium forment  l'ocre  jaune. 

Le  troisième  minerai  à  l'état  d'oxyde  est  Vaimant, 
ou  fer  oxydé  magnétique.  Il  est  formé  de  peroxyde 
de  fer,  combiné  avec  du  protoxyde.  Il  contient 
jusqu'à  "i'I  p.  100  de  métal  :  c'est  par  conséquent 
le  minorai  le  plus  riclio.  L'aimant  appariii'iit  en- 
tièrement aux  terrains  de  cristallisation  ;  il  est 
quelquefois  disséminé  en  cristaux  dans  diverses 
roches,  d'autres  fois  il  se  présente  sous  forme  de 
montagnes  entières.  C'est  particulièrement  en 
Norvège  et  en  Suède  que  ce  minerai  est  abondant. 
Il  donne  le  fer  le  plus  pur;  c'est  le  seul  qui  four- 
nisse le  bon  acier  fondu. 

Le  seul  minerai  important  pour  la  fabrication  du 
fer,  on  dehors  des  oxydes,  est  le  carbonate  de  for. 
Il  est  connu  en  minéralogie  sous  le  nom  de  fer 
carbonate,  fer  spathique,  mine  d'acier.  Il  se  pré- 
sente dans  les  gisements  sous  forme  de  rognons, 
en  dépôts  mamelonnés,  et  aussi  sous  la  forme  de 
tiges  de  plantes;  enfin  en  masses  lamellaires,  et 
quelquefois  sous  la  même  forme  que  dans  la  limo- 
nite en  grains.  En  France,  on  exploite  des  mines  de 
cette  espèce  en  Dauphiné  et  dans  les  Pyrénées. 
Les  variétés  compactes  et  terreuses  de  ce  minerai, 
qu'offrent  les  terrains  houillers,  se  trouvent  sur- 
tout en  Angleterre.  Leur  exploitation  est  facilitée 
par  le  voisinage  des  mines  de  houille.  En  France 
on  les  exploite  aussi  aux  environs  de  Saint-Etienne 
et  dans  l'Aveyron. 

En  Angleterre,  le  minerai,  essentiellement  du 
fer  carbonate,  est  grillé.  Sa  teneur  est  de  40  p.  IdO, 
son  prix  de  revient  varie  entre  r,50  et  2',ô0 
les  100". 

En  France,  le  minerai  est  lavé  ;  sa  teneur  est  en 
moyenne  de  86  p.  Kio,  son  prix  de  revient,  charrois 
compris,  est  de  i',.32  les  lOU". 

Nous  donnerons  brièvement  une  idée  du  traite- 
ment qu'on  fait  subir  au  minorai  pour  obtenir  le 


fer  sous  les  différents  états  où  il  est  livré  à  l'indus- 
trie. 

Il  existe  deux  méthodes  principales,  la  méthode 
catalane  et  la  méthode  du  haut-fourneau. 

Dans  la  première,  on  extrait  directement  le  for 
du  minerai;  elle  ne  peut  être  appliquée  avanta- 
geusement qu'à  certains  minerais  très  riches  et 
d'une  nature  particulière.  La  transformation  s'o- 
père dans  des  fourneaux  qui  n'ont  pas  une  grande 
hauteur;  on  y  mélange  du  charbon  de  bois  et  du 
minerai;  un  vif  courant  d'air,  lancé  par  des 
tuyères,  active  d'abord  la  combustion  ;  puis,  pen- 
dant les  diverses  phases  de  l'opération,  il  est  réglé 
de  manière  à  modifier  la  nature  du  fer  obtenu 
d'après  la  nature  du  feu  et  la  quantité  de  carbone 
laissé  en  combinaison  avec  le  fer. 

Les  fers  fabriqués  par  cette  méthode  sont  connus 
dans  le  commerce  sous  les  noms  de  fer  ordinaire, 
fer  fort,  et  acier  naturel  ou  fer  cédât. 

Voici  le  prix  de  revient  de  100'  de  fer  forgé  dans 
une  usine  de  l'Ariège  pour  1,000  feux  faits  pendant 
l'année  : 

310"  de  minorai G',20 

302"  de  charbon 24  ,76 

Main-d'œuvre  et  frais  généraux. .       9  ,67 


40',6:i 


La  seconde  méthode,  dite  des  hauts  fourneaux, 
tire  son  nom  de  la  forme  et  des  dimensions  des 
fourneaux  employés  ;  elle  consiste  dans  la  transfor- 
mation du  minerai  en  fonte,  puis  dans  l'affinage  ou 
le  puddlage  de  la  fonte,  c'est-à-dire  la  fabrication 
du  lor  ou  de  l'acier. 

On  mélange  le  minerai  (oxyde  de  fer)  avec  du 
charbon  et  un  fondant  qu'on  appelle  castine  s'il 
est  de  nature  calcaire,  et  erbue  s'il  est  de  nature 
argileuse.  Un  courant  d'air  puissant,  lancé  par  une 
tuyère  qui  est  alimentée  par  une  machine  souf- 
flante, traverse  le  mélange,  active  la  combustion, 
et  aide  aux  combinaisons.  Le  principe  général 
consiste  à  désoxygéner  le  fer  par  l'action  du  car- 
bone, de  laquelle  résultent  de  l'acide  carbonique  et 
de  l'oxyde  de  carbone  qui  se  transforme  lui-même 
en  acide  carbonique.  Les  couches  successives  ayant 
ainsi  des  températures  différentes,  une  partie  du 
carbone  s'unit  au  fer  et  forme  le  carbure  de  fer, 
appelé  funte. 

Les  produits  obtenus  dans  les  fourneaux  sont  la 
fonte  et  les  laitiers,  résidus  provenant  des  matiè- 
res contenues  dans  le  minerai  et  le  fondant.  Quand 
l'opération  est  bien  conduite,  les  laitiers  contien- 
nent une  quantité  insignifiante  de  fer  ;  on  les 
utilise  quelquefois  pour  la  fabrication  de  briques 
communes. 

On  allume  d'abord  du  charbon  dans  le  fourneau; 
puis,  lorsqu'il  est  suffisamment  chaud,  on  intro- 
duit par  la  partie  supérieure  et  par  couches,  ou 
préalablement  mélangés,  le  minerai,  le  fondant  et 
du  charbon.  On  emploie  soit  du  charbon  de  bois, 
soit  du  coke,  soit  enfin  de  la  houille  sèche;  on 
semble  renoncer  au  bois  vert  ou  desséché  dont  on 
avait  d'abord  préconisé  l'usage. 

Quand  le  laitier  arrive  à  la  partie  inférieure  ap- 
pelée creuset,  on  le  fait  couler  par  une  ouverture 
pratiquée  au-dessus  dune  plaque  de  fonte  appelée 
dame.  Quand  il  est  relire  et  l'ouvcriure  fermée,  la 
fonte  remplit  le  creuset  ;  on  pratique  des  ouver- 
tures sur  les  coins  pour  la  laisser  couler  et  for- 
mer des  sortes  de  lingots  appelés  gueuses,  quand 
la  fonte  doit  servir  à  l'affinage.  Dans  le  cas  où  la 
fonte  est  employée  à  la  construction  de  divers 
ustensiles,  vases,  chenets,  grilles,  etc.,  les  ou- 
vriers puisent  la  fonte  à  l'aide  de  poches  ot  de  cuil- 
lères spéciales,  et  la  portent  dans  les  moules 

Les  fontes  contiennent  de  2  à  ô  p.  loO  de  car- 
bone, c'est-à-dire  que  dans  100  kil.  de  fonte,  il  entre 
98  ou  9ô  kil.  de  for  et  :;  ou  5  kil.  de  carbone.  On 


FEU 


—  765  — 


FER 


distingue  denx  espèces  de  fonte,  la  fonte  grise  et 
la  fontu  bianclie  ;  par  leur  mélange  on  obtient  les 
tontes  intermédiaires.  Si  la  fonte  a  été  refroidie 
brusquement,  elle  est  blanche  :  c'est  la  fonte  trem- 
poe.  Si,  au  contraire,  elle  est  refroidie  lentement, 
elle  donne  la  fonte  grise  ou  fonte  recuite. 

Le  prix  de  revient  de  la  fonte  en  France  est 
donné  dans  le  tableau  suivant  : 

Minerai,  300" 3',97 

Castiiie,  80* 0  ,16 

Cliarbon,  110* 7,70 

Main  d'œuvre  et  frais  généraux. . . .  3  ,17 

lô'    » 

Mais  dans  les  usines  considérables  le  prix  peut 
descendre  jusqu'à  11  fr. 

La  fonte  grise  est  facile  à  travailler,  elle  supporte  le 
choc  du  marteau,  fond  diflicilement  ;  mais  une  fois 
fondue  elle  devient  très  liquide,  et  sert  à  la  fabri- 
cation des  objets  en  fonte.  La  fonte  blanche,  au 
contraire,  est  difficile  à  travailler,  cassante,  facile 
à  fondre,  mais  alors  elle  reste  peu  fluide.  Elle  sert 
à  l'affinage  pour  la  fabrication  du  fer  et  de  l'acier. 
Pour  cette  nouvelle  transformation,  on  fait  fondre, 
dans  des  fourneaux  spéciaux,  la  fonte  blanche  ;  on 
obtient  dans  le  creuset  une  masse  molle,  vis- 
queuse, appelée  loupe.  Quand  elle  est  de  dimen- 
sion suffisante,  on  la  soumet  à  l'action  de  mar- 
teaux puissants  et  de  laminoirs  spéciaux.  C'est 
ce  qu'on  appelle  le  cinglage  de  la  loupe  ;  on  fait 
ainsi  sortir  les  matières  étrangères,  appelées  sco- 
7'ies  ou  battitures. 

Les  métliodes  d'affinage  varient  suivant  les  con- 
trées ;  nous  n'entrerons  pas  dans  d'autres  détails, 
qui  sont  du  ressort  des  traités  spéciaux. 

On  tend  depuis  quelques  années  à  substituer  à 
l'affinage  le  puddlage,  procédé  anglais.  Il  consiste 
à  faire  recuire  la  fonte  dans  des  fours  dits  f^urs 
à  /luddler.  Ils  sont  de  deux  espèces  :  les  fours 
pleins,  et  les  fours  à  air  ou  fours  bouillants;  les 
derniers  sont  les  plus  employés.  L'opération  con- 
siste à  faire  fondre  la  fonte  avec  des  battitures  et 
des  scories  riches,  et  à  brasser  le  tout,  à  force  de 
bras,  jusqu'à  ce  que  la  fonte  perde  son  carbone. 
Quand  le  fer  a  pris  nature,  on  forme  des  balles 
appelées  loupes,  on  les  cingle,  puis  on  les  sou- 
met au  laminoir  à  plusieurs  reprises  :  c'est  ce 
qu'on  appelle  le  corroyage  du  fer.  On  obtient  ainsi 
le  fer  marchand. 

Ce  nouveau  travail  augmente  le  prix  du  fer  de 
8  fr.  pour  100  kil.  pour  le  fer  corroyé,  et  de  10  fr. 
environ  pour  la  fabrication  des  rails . 

Il  nous  reste  à  dire  quelques  mots  de  l'acier,  du 
fer  battu,  du  fer-blanc  et  du  fer  doux. 

Acier.  —  L'acier  est  un  composé  de  fer  et  de 
carbone,  contenant  seulement  1  ou  2  p.  100  de 
carbone.  Ses  propriétés  physiques  sont  à  peu  près 
les  mêmes  que  celles  du  fer  ;  ce  qui  le  caractérise 
essentiellement,  c'est  la  dureté  qu'il  acquiert  à  la 
trempe  et  qui  le  rend  propre  à  la  confection  des 
outils.  Les  différentes  espèces  d'acier  ont  des  ca- 
ractères généraux  semblables,  mais  diffèrent  entre 
elles  par  des  qualités  qui  dépendent  du  minerai, 
des  matières  employées,  et  surtout  du  mode  de 
fabrication.  Les  espèces  principales  sont  :  l'acier 
naturel,  obtenu  directement  en  réduisant  le  mi- 
nerai (méthode  catalane  ;  l'acier  de  cémentation, 
obtenu  par  la  carburation  du  fer;  l'acier  de  forge, 
obtenu  par  l'affinage  incomplet  de  la  foute  ;  enfin 
l'acier  fondu. 

Nous  avons  déjà  parlé  de  l'acier  naturel  ;  l'acier 
de  cémentation  s'obiieni  en  carburant  le  fer  forgé, 
dans  des  fours  spéciaux,  sous  l'influence  prolongée 
d'une  haute  température,  en  présence  du  charbon. 
Pour  un  four  recevant  une  charge  de  ITtji'O'',  l'opé- 
ration dure  17  jours.  Voici  le  tableau  du  prix  de  re- 
vient de  l'acier  de  cémentation  anglais  pour  100*  : 


9!)*  de  fer ii',GO 

.^Sôde  charbon 0  ,30 

Chauffage  à  la  houille 0  ,8o 

Main-d'œuvre  et  frais  généraux. .  2  ,43 


4  8',  13 


On  fabrique  aussi  de  l'acier  puddlé  ;  le  procédé 
diffère  de  celui  employé  pour  le  fer  par  la  cons- 
truction du  four  et  la  conduite  de  l'opération.  Le 
travail  doit  être  lent,  et  fait  sous  une  très  liante 
température.  L'acier  obtenu,  on  le  lamine  pour  la 
fabrication  des  ressorts  de  voiture,  on  l'étiré  en 
barres  pour  le  livrer  au  commerce  et  à  la  serru- 
rerie, ou  bien  on  le  corroie. 

L'acier  de  cémentation  se  prêtant  difficilement  à 
l'étirage  et  au  corroyage,  on  emploie  l'acier  fondu, 
dont  la  découverte  est  due  à  Benjamin  Huntsman, 
qui  fonda  le  prcmie-  établissement  près  de 
Sheffield  en  1740.  Nous  indiquerons  seulement, 
parmi  tous  les  procédés,  celui  de  Bessemer,  qui 
permet  d'obtenir  dans  la  meilleure  condition  éco- 
nomique de  grandes  masses  d'acier  fondu,  en 
traitant  directement  les  fontes,  obtenues  au  moyen 
d'hématites  rouges  très  pures.  Cette  m  Jthode  con- 
siste à  faire  passer  un  courant  d'air  dans  la  fonte 
liquide,  courant  qui  au  lieu  de  refroidir  la  masse 
liquide,  l'échaufl'e  au  contraire  par  la  combustion 
des  matières  oxydables. 

Le  prix  de  lOÛ"  d'acier  fondu  est  de  70  fr. 

Fer  battu.  —  Il  est  employé  pour  la  fabrication 
d'ustensiles  de  ménage.  On  l'obtient  en  emboutis- 
sant le  fer  sur  une  suite  de  matrices,  se  rappro- 
chant graduellement  de  la  forme  définitive;  on 
soumet  le  fer  à  l'action  de  puissants  balanciers 
ou  mieux  à  l'action  d'une  presse  hydraulique, 
moins  dangereuse  pour  l'ouvrier  et  évitanl.les  chocs 
qui  produisent  des  déchirures  ;  on  l'étame  ensuite 
au  moyen  de  bains  d'étain. 

Fer-blanc.  —  Il  s'obtient  au  moyen  de  feuilles 
de  tôle  découpée  et  soumise  à  un  étamage  spécial. 
On  commence  par  décaper  le  métal  au  moyen  de 
l'acide  hydro-chlorique,  puis  on  sèche  les  feuilles 
dans  un  four,  où  on  les  porte  au  rouge  sombre  ; 
on  les  laisse  refroidir  à  l'air,  et  on  les  passe  au 
laminoir.  On  les  lave,  on  les  essuie,  puis  elles 
sont  séchées  dans  une  atmosphère  à  vapeur  pour 
ôter  l'air.  On  trempe  les  feuilles  dans  de  la  graisse 
fondue  et  bouiUanie,  et  eiiliii  dans  un  bain  d'étain 
foiidu,  où  on  les  laisse  environ  une  heure  et  demie. 

Fer  pur,  fer  doux.  —  Pour  obtenir  du  fer 
chimiquement  pur,  on  fait  passer  un  courant 
d'hydrogène  sur  du  sesquioxyde  de  fer,  chauffé 
dans  un  tube  de  porcelaine  :  la  réaction  donne 
de  l'eau  et  du  fer  métallique  pur  très  divisé. 

Le  métal  ainsi  obtenu  est  trop  divisé  pour  être 
employé  ;  on  le  prépare  pour  le  commerce  en 
faisant  fondre,  dans  un  creuset  réfractaire,  de  la 
limaille  de  fer  avec  un  cinquième  de  son  poids  de 
sexquioxyde  de  fer  ;  on  recouvre  de  terre  pulvé- 
risée, et  on  chauffe  dans  un  fourneau  au  coke 
alimenté  d'air  ;  on  obtient  un  culot  métallique 
fondu,  dit  fer  doux. 

Ce  fer  pur,  dit  fer  doux,  a  la  propriété  de  s'ai- 
manter instantanément  sous  l'action  d'un  courant, 
et  de  perdre  instantanément  aussi  son  aimantation 
dès  que  le  courant  est  interrompu.  Cette  propriété 
sert  de  base  à  la  théorie  et  à  la  construction  des 
électro-aimants  et  des  télégraphes  électriques. 

Le  fer  ordinaire  ou  l'acier  s'aimantent  au  contraire 
plus  difficilement,  mais  peuvent  conserver  très  long- 
temps leur  aimantation.  [E.  Dacosta.] 

2.  Propriétés  chimiques  du  fer.  —  Chimie,  XVIII. 
—  Le  fer  ^F<?)  n'est  pas  seulement  le  métal  le  plus 
employé  dans  les  arts  et  dans  l'industrie,  il  est 
aussi,  à  l'état  de  combinaison,  l'un  des  corps  les 
plus  importants  de  l'écorce  minérale  du  globe, 
dont  il  forme  les  2/100  à  l'état  d'oxyde.  On  l'y  ren- 
contre aussi  à   l'état  de   sulfure   (pyrite),  d'arsé- 


FER 


—  766  — 


FER 


uiure,  etc.  Le  fer  se  trouve  dans  le  sang  de  tous 
les  animaux  à  sang  rouge  ;  le  sang  d"un  homme  de 
trente  ans  en  contient  environ  2  grammes  :  il  est 
fixe  principalement  dans  les  globules  du  sang,  qui 
lui  doivejjî  leur  couleur  rouge;  c'est  pour  cela 
qu'aujourd'hui  on  ordonne  le  fer  comme  fortifiant 
sous  différentes  formes  :  fer  dialyse,  phosphaté, 
lactate  de  fer,  etc.  Enfin  on  trouve  du  fer  dans 
presque  toutes  les  cendres  de  végétaux  ;  la  plu- 
part de  nos  terres  jaune  d'ocre  doivent  leur  cou- 
leur au  peroxyde  de  fer  hydraté. 

Propriétés  ihimiques  du  fer.  —  Dans  la  classifi- 
cation chimique  des  métaux,  qu'on  trouve  dans 
tous  les  traités,  et  qui  a  pour  base  la  facilité  plus 
ou  moins  grande  avec  laquelle  ceux-ci  s'oxydent 
en  présence  de  l'air,  soit  à  cliaud,  soit  à  froid,  ou 
décomposent  l'eau  à  froid,  à  chaud,  ou  en  présence 
des  acides  (V.  Métaux),  le  fer  est  rangé  dans  la 
troisième  famille  avec  le  zinc,  le  nickel  et  le  cobalt. 
En  effet,  le  fer  décompose  l'eau  au  rouge  sombre, 
en  produisant  de  l'hydrogène,  ou  bien  à  froid  en 
présence  de  l'acide  suifurique  ou  de  l'acide  chlo- 
rhydrique.  C'est  donc  un  métal  extrêmement 
oxyaabie  ;  s'il  se  trouve  en  contact  avec  un  corps 
incandescent,  un  morceau  d'amadou,  par  exemple, 
il  brûle  vivement  quand  on  le  plonge  dans  ioxy- 
gène  pur  (V.  Oxygène)  ;  au  rouge  blanc,  il  brûle 
dans  l'air  en  lançant  des  étincelles  comme  dans 
l'oxygène.  Le  fer  est  incontestablement  le  plus 
oxydable  de  tous  les  mélaux  usuels;  c'est  même  là 
son  plus  grand  défaut  pour  un  grand  nombre  d'u- 
sages, et  c'est  ce  qui  a  fait  imagmer  le  fer  étarné, 
le  fer  galvanisé,  etc. 

Oxydation  du  fer  à  Pair  humide.  —  Tout  le 
monde  sait  que  lé  fer  exposé  à  l'air  humide  se 
rouille  promptement  et  profondément;  le  morceau 
finit  par  être  complètement  transformé  en  rouille; 
une  petite  tache  de  rouille  sur  un  couteau  s'étend 
en  largeur  et  en  profondeur  comme  un  ulcère.  Il 
n'en  est  pas  de  même  du  zinc,  de  i'étain,  etc.  ;  ces 
métaux  se  recouvrent  aussi  d'une  couche  d'oxyde 
à  l'air  humide,  mais  celle-ci  les  protège  ensuite 
contre  une  oxydation  ultérieure  et  plus  profonde, 
comme  le  ferait  une  couche  de  vernis.  Que  se 
passe-t-il  donc  au  contact  du  fer  et  de  l'oxygène 
humide?  L'étude  chimique  de  la  rouille  de  fer  a 
permis  aux  chimistes  de  se  rendre  compte  de  cette 
action  complexe  La  rouille  est  formée  de  carbonate 
de  fer  mélangé  à  du  carbonate  d'ammoniaque  ;  la 
première  parcelle  d'oxyde  formée  constitue,  avec  le 
fer,  un  élément  galvanique  qui  décompose  l'eau; 
l'oxygène  mis  en  liberté  oxyde  le  fer,  tandis  que 
l'hydrogène  naissant  se  combine  à  l'azote  pour 
former  de  l'ammoniaque  ;  puis,  au  contact  de  l'a- 
cide carbonique  de  l'air,  il  reforme  du  carbonate 
de  fer  et  du  carbonate  d'ammoniaque. 

Oxydes  de  fer.  —  On  connaît  quatre  oxydes  de 
fer  dont  la  composition    est  représentée   par  ies 
formules  suivantes  (V.  Nomenclature)  : 
FeO  ou   protoxyde   de  fer,  appelé  encore   oxyde 

ferreux  ; 
Fe^O*  ou   oxyde  magnétique  ;  c'est  la  pierre  d'ai- 
mant si  répandue  en  Suède  et  qui  donne  le  bon 
fer  qui  nous  vient  de  ce  pays  ; 
Fe^O'  ou  sesquioxyde,  appelé  encore  peroxyde  de 

fer  et  oxyde  ferrique  ; 
FeO^  ou  acide  ferrique  ;  ce  corps  n'a  été  obtenu 
qu'à  l'état  de  combinaison  ;  M.  Frémy  i'a  préparé 
à  l'état  de  ferrate  de  potasse  en  projetant  du 
nitre  dans  un  creuset  porté  au  rouge  et  conte- 
nant de  la  limaille  de  fer. 

Protoxyde  de  fer.  —  Quand  on  verse  une  base 
alcaline  dans  une  dissolution  de  sulfate  de 
protoxyde  de  fer  (couperose  ou  vitriol  vert),  on 
obtient  un  précipité  gélatineux  verdâtre  ;  c'est  de 
l'hydrate  de  protoxyde  de  fer  ;  à  l'air  il  devient 
presque  instantanément  rouge  en  passant  à  l'état  de 
sesquioxyde.  (ie  n'est  que  par  les  sels  qu'il  forme 


avec  les  acides,  que  cet  oxyde  de  fer  est  important, 

Sesquioxyde  de  fer.  —  C'est  le  composé  ferrique 
le  plus  répandu  dans  la  nature  ;  à  l'état  anhydre, 
il  constitue  le  fer  oligiste  des  minéralogistes.  On 
trouve  le  sesquioxyde  anhydre  en  lames  minces 
dans  les  fissures  volcaniques;  il  porte  à  cet  état  ie 
nom  de  fer  spéculaire.  En  masses  compactes,  d'un 
rougo  intense,  c'est  IdiSanguine  ou  V/térnatite rouge. 

La  limonite  est  encore  un  sesquioxyde  de  fer 
très  abondant  et  recherché  comme  minerai;  son 
aspect  est  quelquefois  luisant,  plus  souvent  terne; 
sa  couleur  est  jaune,  quelquefois  noire;  la  limonite 
se  rencontre  aussi  en  prismes  obliques,  quelque- 
fois eu  cubes  ou  en  octaèdres. 

Préparation  du  sesquioxyde  de  fer.  —  Quand 
on  calcine  du  vitriol  vert  (sulfate  de  protoxyde  de 
fer)  pour  obtenir  l'acide  suifurique  dit  de  Saxe, 
on  obtient  comme  résidu  une  poudre  d'un  rouge 
brun  qu'on  appelle  colcothar;  c'est  du  sesquioxyde 
de  fer  anhydre. 

On  obtient  le  sesquioxyde  hydraté  (Fe^O^aHO) 
en  versant  de  l'ammoniaque  dans  une  dissolution 
de  perchlorure  de  fer.  Il  apparaît  alors  à  l'état  gé- 
latineux ;  c'est  ainsi  qu'on  l'emploie  comme  contre- 
poison de  l'arsenic. 

Le  safran  de  mars  apéritif  est  un  mélange 
d'hydrate  de  sesquioxyde  de  fer  et  de  carbonate 
de  fer,  obtenu  en  précipitant  une  dissolution  de 
sulfate  de  protoxyde  de  fer  par  le  carbonate  de 
soude;  ce  safran  desséché  donne  le  safran  de 
mars  astringent,  qu'on  employait  autrefois  en  mé- 
decine. 

Action  du  soufre  sur  le  fer.  —  Le  soufre,  comme 
l'oxygène,  se  combine  facilement  au  fer.  Une 
piaque  de  tôle  rougie  se  perce  facilement  quand 
on  applique  à  sa  surface  un  morceau  de  soufre. 
Un  mélange  humide  de  fleur  de  soufre  et  de  li- 
maille de  fer  s'échauffe  au  bout  de  quelques  heures 
en  donnant  un  dégagement  de  vapeur  d'eau;  il  se 
forme  du  sulfure  ue  fer  :  c'est  ce  qu'on  appelle  le 
volcan  de  Lémery,  parce  que  le  savant  de  ce  nom 
avait  essayé  d'expliquer  les  volcans  en  se  basant 
sur  cette  curieuse  expérience. 

Sulfures  de  fer.  —  Les  sulfures  de  fer  sont  très 
abondants  ;  ils  portent  le  nom  général  de  pyrites. 
Le  plus  important  est  le  bisulfure,  qu'on  appelle 
pyrite  martiale;  il  est  cristallisé  en  cubes  ou  en 
dodécaèdres:  il  est  lourd,  brillant  et  fait  feu  au 
briquet.  Certaines  variétés  blanches  s'effleurissent 
à  l'air  en  s'oxydant  et  en  se  transformant  en  sul- 
fate. Il  résiste  à  l'action  des  acides.  Aujourd'hui 
ces  pyrites  sont  grillées  pour  donner  de  l'acide 
sulfureux  qu'on  dirige  dans  les  chambres  de  plomb 
où  se  fabrique  l'acide  suifurique  :  le  résidu  est  du 
sulfate  de  fer  anhydre,  pulvérulent  et  blanc  qui 
sert  à  la  fabrication  de  la  couperose.  A  cause  de  sa 
couleur  jaune  brillante,  la  pyrite  a  été  autrefois 
employée  dans  la  joaillerie  ;  on  a  retrouvé  dans 
les  tombeaux  péruviens  des  miroirs  faits  de  pyrites 
polies,  qu'on  appelle  miroirs  des  Incas. 

Dans  les  laboratoires  on  prépare  souvent  du 
protosulfure  de  fer  en  chauffant  une  bouillie  for- 
mée de  limaille  de  fer,  de  fleur  de  soufre  et  d'eau. 
On  obtient  ainsi  une  poussière  noire  qui  est  attaquée 
facilement  par  les  acides  et  sert  à  préparer  l'hy- 
drogène sulfuré. 

Actiondu  chlore  sur  le  fer. —  En  faisant  passer  un 
courant  de  chlore  sur  du  fer  chauffé  dans  un  tube 
de  porcelaine,  on  voit  sortir  à  l'extrémité  du  tube 
des  vapeurs  jaunâtres  de  sesquichlorure  de  fer 
(Fe-C13),  et  on  trouve  le  même  produit  cristallisé, 
mais  brillant,  dans  les  parties  froides  du  tube.  Si 
on  remplace  dans  cette  expérience  ie  chlore  par 
de  l'acide  chlorhydrique  sec  et  gazeux,  on  obtient 
des  écailles  blanches  nacrées  de  protochlorure 
de  fer. 

En  mettant  des  clous  en  excès  dans  de  l'acide 
chlorhydrique  étendu,  on  obtient  le  protochlorure 


FER 


—  767  — 


FERDINAND 


de  fer  à  l'état  de  dissolution,  et  en  faisant  passer 
un  courant  de  chlore  dans  cette  dissolution,  la 
liqueur  passe  du  vert  au  jaune  on  se  transformant 
en  sesquichlorure.  On  obtient  encore  celui-ci  en 
dissolvant  le  sesquioxyde  de  fer  dans  l'acide 
chlorhydrique. 

Usages  du  sesquichlorure  de  fer.  —  On  l'emploie 
en  médecine  pour  l'usage  interne.  Il  sert  aussi  en 
chirurgie  pour  arrêter  les  hémorrhagies,  car  il 
coagule  immédiatement  le  sang;  il  est  employé 
sous  forme  de  teinture  alcoolique  à  la  dose  de 
quelques  gouttes.  Son  usage  a  été  considéré  sou- 
vent comme  dangereux  ;  bon  nombre  de  médecins 
ne  l'emploient  pas. 

Action  de  l'iode  sur  le  fer.  —  L'iode  attaque  le 
fer  instantanément  à  froid  ;  il  se  forme  de  l'iodure 
de  fer.  C'est  en  voyant  ses  cornues  de  fer  se  cor- 
roder et  se  détériorer  rapidement  que  Courtois, 
fabricant  de  produits  chimiques,  a  été  amené,  en 
en  cherchant  la  cause,  à  découvrir  l'iode  en  1811. 
L'iodure  de  fer  est  employé  en  médecine  ;  il  a  les 
propriétés  du  fer  et  celles  de  l'iode. 

Action  des  acides  sur  le  fer.  —  L'acide  sulfuri- 
que,  à  froid  comme  à  chaud,  dissout  rapidement 
le  fer  ;  il  se  dégage  de  l'hydrogène  et  il  reste  du 
sulfate  de  protoxyde  de  fer  (gonflement  des 
iérostats). 

L'acide  azotique  étendu  dissout  le  fer  en  for- 
mant de  l'azotate  de  protoxyde  de  fer  ;  mais  non 
seulement  1  acide  concentré  ne  l'attaque  pas,  il  le 
rend  passif,  c'est-à-dire  que  le  fer  qui  a  été 
plongé  dans  l'acide  azotique  concentré  n'est  plus 
ensuite  attaqué  par  l'acide  étendu,  si  ce  n'est  au 
moment  où  on  le  touche  avec  un  fil  de  cuivre. 

L'acide  chlorhydrique,  comme  nous  l'avons  dit, 
dissout  le  fer  à  froid  et  à  chaud  en  formant  du 
chlorure  de  fer. 

Sulfate  de  protoxyde  de  fer,  vitriol  vert  ou 
couperose  verte.  —  C'est  un  sel  très  anciennement 
connu.  On  l'obtient,  nous  l'avons  déjà  dit,  ou  en 
grillant  les  pyrites,  ou  en  les  exposant  à  l'air,  au 
vent  et  à  la  pluie,  ou  bien  encore  en  dissolvant  du 
fer  dans  l'acide  sulfurique  étendu.  C'est  un  sel 
cristallisé  vert,  qui  a  pour  formule  FeO,60',7HO. 
II  se  dissout  dans  l'eau,  et  cette  dissolution,  au 
contact  de  l'air,  se  trouble  et  brunit  ;  il  se  pro- 
duit alors  du  sulfate  de  sesquioxyde  de  fer.  Chauflé 
dans  une  capsule,  le  sulfate  de  protoxyde  de  fer 
fond  dans  son  eau,  abandonne  une  quantité  con- 
sidérable de  vapeur,  et  donne  un  résidu  blanc  qui 
a  pour  formule  FeO,50'jHO;  il  peut  reprendre  de 
l'eau,  alors  il  redevient  vert. 

Le  sulfate  de  fer  qui  a  perdu  six  équivalents 
d'eau  se  décompose  à  une  température  plus  élevée  ; 
il  donne  de  l'acide  sulfureux,  de  l'acide  sulfurique 
de  Nordhausen,  et  un  résidu  de  colcothar  (rouge 
d'Angleterre,  sesquioxyde  de  fer). 

Usages  du  sulfate  de  protoxyde  de  fer.  —  Ce 
sel  a  de  nombreux  usages.  Il  est  employé  comme 
mordant  en  teinture  ;  il  sert  à  précipiter  l'or  à  l'é- 
tat de  division  chimique.  On  l'emploie  concurrem- 
ment avec  le  vitriol  bleu  (sulfate  de  cuivre  ou 
couperose  bleue)  pour  chauler  le  blé  ;  on  en  extrait 
l'acide  sulfurique  fumant  de  Saxe;  enfin,  sa  pro- 
priété de  noircir  en  présence  du  tannin  à  l'air 
l'a  fait  depuis  longtemps  employer  dans  la  prépara- 
tion de  l'encre  ordinaire  et  de  la  plupart  des  cou- 
leurs noires  et  grises.  On  l'emploie  quelquefois 
en  médecine  comme  astringent. 

Prussiate  jaune  de  potasse  ou  cyanoferrure  de 
potass'um.  —  On  appelle  ainsi  un  sel  double 
formé  de  cyanure  de  fer  et  de  cyanure  de  potassium. 
(Y.  Cyanogè?ie.) 

Le  prussiate  jaune  est,  comme  son  nom  l'indi- 
que, un  sel  jaune,  contenant  à  l'état  de  cristaux 
12,  8  pour  100  d'eau.  On  le  rencontre  dans  le 
commerce  en  masses  cristallisées  quelquefois  con- 
sidérables :  à  l'exposition  de  1878,  nous  avons  pu  voir, 


à  l'exposition  de  la  maison  Plazanet  de  Paris,  une 
masse  de  ce  sel  magnifiquement  cristallisée  pesant 
plus  de  GO  kilog.  On  en  voit  souvent  d'assez  beaux 
échantillons  à  la  vitrine  des  pharmaciens. 

Préparation.  —  On  l'obtient  en  grand  en  chauf- 
fant dans  des  chaudières  de  fer  un  mélange  de 
carbonate  de  potasse  et  de  charbon  provenant  de 
la  calcination  de  matières  organiques  azotées 
(cornes,  poils,  morceaux  de  cuir,  chiffons  de 
laine,  etc.). 

On  agite  la  masse  avec  des  ringards  ;  quand  la 
réaction  est  terminée,  on  traite  par  l'eau  bouillante, 
on  filtre,  on  fait  évaporer  et  cristalliser.  A  New- 
castle,  en  Angleterre,  on  en  fabrique  de  grandes 
quantités  en  faisant  agir  l'azote  de  l'air  sur  du 
charbon  chauffé  et  imprégné  de  potasse. 

Usages  du  prussiate  jaune.  —  Le  prussiate 
jaune  sert  à  fabriquer  le  bleu  de  Prusse  ;  en  effet, 
cette  couleur  d'un  si  grand  usage  s'obtient  direc- 
tement en  versant  une  dissolution  de  prussiate 
jaune  dans  un  sel  de  sesquioxyde  de  fer.  Si  on 
verse  la  dissolution  dans  du  sulfate  de  protoxyde  de 
fer,  le  bleu  de  Prusse  ne  se  forme  que  lentement 
à  l'air.  Le  prussiate  jaune  sert  aussi  à  fabriquer 
le  cyanure  de  potassium,  employé  en  médecine  et 
en  photographie. 

Quand  on  fait  passer  un  courant  de  chlore  dans 
une  dissolution  de  prussiate  jaune,  on  obtient  du 
prussiate  rouge  qui  a  la  propriété  de  donner  immé- 
diatement du  bleu  de  Prusse  avec  le  sulfate 
de  fer. 

Caracières  des  sels  de  fer.  —  Les  alcalis  don- 
nent dans  les  sels  de  fer  à  base  de  protoxyde  un 
précipité  gélatineux  blanc  verdâtre  qui  se  redis- 
sout dans  un  excès  d'alcali  ;  dans  les  sels  à  base 
de  sesquioxyde,  le  précipité  est  couleur  de  rouille. 
Les  uns  et  les  autres  précipitent  en  noir  par  le 
sulfliydrate  d'ammoniaque  ;  les  premiers  noir- 
cissent à  l'air  en  présence  du  tannin,  les  seconds 
donnent  un  précipité  noir.  L'action  du  tannin,  ainsi 
que  celle  du  prussiate  jaune,  sont  tout  à  fait  ca- 
ractéristiques pour  les  sels  de  fer.  Tout  le  monde 
sait,  du  reste,  que  les  couteaux,  les  ustensiles  en 
fer  noircissent  au  contact  de  la  sciure  de  bois,  des 
artichauts  et  de  toutes  les  substances  qui  con- 
tiennent les  moindres  traces  de  tannin. 

[Alfred  Jacquemart.] 

FERDINAND.  —  Nous  complétons  par  les  ar- 
ticles ci-dessous,  consacrés  aux  principaux  souve- 
rains de  ce  nom,  les  leçons  d'histoire  générale  dont 
le  numéro  d'ordre  est  indiqué  à  la  suite  de  chaque 
nom. 

1»  Allemagne. 

Ferdinand  I  d'Autriche,  —  Histoire  généralei 
XXII  et  XX VII,  —  frère  puîné  de  Charles-Quint  *, 
devint  roi  de  Hongrie  et  de  Bohême  en  ].i26,  reçut 
le  titre  de  roi  des  Romains  en  1531,  et  fut  élu  em- 
pereur en  IÔ56  après  l'abdication  de  son  frère.  Son 
règne,  qui  ne  dura  que  huit  ans,  ne  présente  pas 
d'événements  remarquables.  Il  mourut  en  15f!4. 

Ferdinand  II,  —  Histoire  générale,  XXIII  et 
XXVil,  —  de  la  branche  de  Styrie,  petit-fils  du 
précédent.  de\int  empereur  en  1619,  à  la  mort,  de 
son  cousin  Maihias.  La  Guerre  de  Trente  a;is*  venait 
d'éclater.  Ferdinand,  prince  habile  et  ambitieux, 
élevé  par  les  jésuites,  sut  se  servir  de  l'épée  de 
Wallensiein  pour  accrultre  l'autorité  impériale 
d'abord,  et  ensuite  pour  se  défendre  contre  les 
Suédois.  Mais  quand  il  eut  fait  tuer  Wallenstein 
(l6i4),  et  que  Rich'  lieu  lUt  déclaré  à  son  tour  la 
guerre  à  la  maison  d'Autriche,  les  choses  chan- 
gèrent de  face.  Ferdinand  II  ne  vécut  pas  assez 
pour  voir  la  fin  de  cette  longue  lutte;  il  mourut 
en  1637. 

Ferdinand  III,  —  Histoire  générale,  XXIII  et 
XWII,  —  fils  et  successeur  du  précédent,  se  vit 
forcé  par  les  succès  des  Suédois  et  des  Français  à 


FERDINAND 


—  7G8  — 


FERiMENTATION 


négocier  la  paix  de  Westplialie,  qui  termina  la 
guerre  de  Trente  ans  (1G48).  Par  les  nioditications 
que  ce  traité  amena  dans  la  situation  intérieure  de 
l'Allemagne,  l'autorité  impériale  fut  presque  en- 
tièrement annulée.  Ferdinand  III  mourut  en  1657, 
laissant  la  couronne  à  son  fils  Lcopold  *. 

2"  Autriche. 

Ferdinand  I,  —  Histoire  pénérale,  XXVI  et 
XXVII,  —  second  empereur  d'Autriche,  succéda 
en  1835  à  son  père  François  \"  *.  Son  règne  fut 
paisible  jusqu'en  I84B;  n.ais  cette  année-là  éclata 
l'insurrection  de  Galicie,  qui  fut  l'occasion  de  san- 
glants massacres,  et  ;i  la  suite  de  laquelle  la  Répu- 
blique de  Cracovie  fut  annexée  à  l'Autriche.  En 
1847,  l'Italie,  où  l'Autriche  possédait  le  royaume 
lombard-vénitien,  commença  à  s'agiter  ;  enfin  en 
1848  éclatèrent  coup  sur  coup  les  insurrections  de 
Vienne,  de  Milan,  de  Venise,  de  Cracovie.  Ferdi- 
nand se  réfugia  à  Innsbruck,  après  avoir  promis 
la  convocation  d'une  Assemblée  constituante.  Cette 
assemblée  se  réunit  à  Vienne  en  juillet,  et  Ferdi- 
nand revint  alors  dans  sa  capitale.  Mais  une  nou- 
velle insurrection  éclata  quand  l'empereur  voulut 
faire  la  guerre  aux  Hongrois.  Ferdinand  abandonna 
de  nouveau  \  ienm;  (octobre),  qu'il  fit  bombarder 
par  Windischgraetz  Peu  après,  il  abdiqua  en  fa- 
veur de  son  neveu  François-Joseph  (2  décembre 
1848),  empereur  régnant. 

3°  Espagjie. 

Ferdinand  V  le  Catholique.  —  Histoire  géné- 
rale, XXI  et  XXIX.  —  Né  en  1462,  fils  de  Jean  II, 
roi  d'Aragon  et  de  Sicile,  ce  prince  épousa  en 
1469  Isabelle,  héritière  de  Ca^iille.  Isab'-llo  devint 
reine  de  Castille  en  1474,  mais  les  Castillans  ne 
permirent  pas  à  son  époux  de  prendre  le  titre  de 
roi.  En  1479,  Ferdinand  hérita  dis  Etats  de  son 
père;  puis,  avec  les  forces  réunies  de  l'Aragon  et 
de  la  Castille,  il  chassa  les  Maures  de  Grenade 
(1492).  En  lôOi,  il  enleva  Naples  aux  Français. 
Ainsi  fut  fondée  la  puissance  espagnole.  A  la  mort 
d'Isabelle  (1504),  l'union  de  la  Castille  et  de  l'Ara- 
gon fut  rompue  un  moment,  Philippe  d'Autriche, 
gendre  d'Isabelle  et  époux  de  Jeanne  la  Folle, 
ayant  été  proclamé  roi  de  Castille.  Mais  ce  prince 
mourut  en  I50G,  et  la  couronne  de  Castille  passa 
alors  su:'  la  tête  de  Ferdinand,  qui  s'appela  désor- 
mais Ferdinand  V.  En  1512,  il  conquit  la  Navarre 
espagnole.  A  sa  mort  (151G),  il  légua  à  son  petit- 
fils  Charles  toutes  ses  couronnes,  accrues  encore 
des  possessions  américaines  qu'avait  données  à 
l'Espagne  le  génie  de  Christophe  Colomb. 

Ferdinand  le  Catholique  établit  dans  ses  Etats 
l'inquisition,  consolida  le  despotisme  royal,  et  par 
sa  politique  habile,  mais  peu  scrupuleuse,  fit  de 
l'Espagne  une  grande  puissance.  «  C'est  à  lui  que 
nous  devons  tout  »,  disait  de  lui  Piiilippe  II. 

Ferdinand  VI,  —  Histoire  générale,  XXV  et 
XXIX,  —  fils  et  successeur  de  Philippe  V  *,  de  la 
maison  de  Bourbon,  régna  de  17i(;  à  1759.  Il  eut 
pour  ministre  le  marquis  de  la  Ensenada,  qui  fit 
d'utiles  réformes  dans  l'administration  et  encou- 
ragea l'industrie  et  le  commerce.  Il  mourut  sans 
enfants,  laissant  le  trône  à  son  frère  Charles  III  *. 

Ferdinand  VII,  —  Histoire  générale,  XXVI  et 
XXIX,  —  fils  et  successeur  de  Charles  IV*,  devint 
roi  en  18(J8  par  l'abdication  de  son  père,  qu'avait 
amenée  un  soulèvement  populaire.  Mais  Napoléon 
l'ayant  attiré,  ainsi  que  son  père^  à  une  entrevue 
à  Bayonne,  le  retint  prisonnier,  et  donna  la  cou- 
ronne d'Espagne  à  Joseph  Bonaparte.  Les  Espa- 
gnols se  soulevèrent;  les  Coriès,  réunies  à  Cadix, 
ne  vouluri'Ht  pas  reconnaître  d'autre  roi  que  Fer- 
dinand VII,  et  rédigèrent  une  constitution  libérale, 
qui  fut  promulguée  en  1812.  Après  avoir  vainement 
cherché  à  soumettre  l'Espagne,  Napoléon  fut  forcé 
par  SCS  revers  à  rendre  la  liberté  à  Ferdinand  VII, 


qui  rentra  à  Madrid  en  1814.  Aussitôt  qu'il  fut 
rétabli  sur  le  trône,  ce  prince  abolit  la  constitution 
de  1812,  qu'il  avait  juré  de  maintenir,  rétablit 
l'inquisition,  et  persécuta  cruellement  les  libéraux. 
Les  colonies  d'Amérique  s'étaient  révoltées:  il  ne 
put  les  remettre  sous  son  obéissance.  Bientôt  une 
insurrection  libérale  éclata  en  Espagne  même 
(182:),  et  Ferdinand,  feignant  de  céder,  prêta  de 
nouveau  serment  à  la  constitution  de  1812;  mais 
ayant  obtenu  contre  ses  sujets  l'appui  de  la  Sainte- 
Alliance,  il  put,  grâce  aux  troupes  que  lui  envoya 
le  gouvernement  de  Louis  XVIII,  écraser  le  parti 
libéral  et  reprendre  le  pouvoir  absolu  (1823).  En 
1830,  il  abulit  la  loi  salique,  que  les  Bourbons 
avaient  introduite  en  Espagne,  assurant  par  là  sa 
succession  à  sa  fille  Isabelle,  née  la  même  année. 
Don  Carlos,  frère  du  roi,  protesta,  et  ses  partisans 
prirent  les  armes:  ainsi  commença  la  longu'-  série 
des  soulèvements  carlistes.  Ferdinand  VII  mourut 
en  18)3,  laissant  la  régence  à  sa  veuve  Marie- 
Christine. 

Fi:um.\(;e.  —  V.  Exploitation  (Systèmes  d'). 

FKUMENTATION,  FERMENT.  —  Chimie,  XXIII. 
—  Il  n'y  a  pas  dans  la  langue  scientifique  de  mots 
ayant  acquis  une  plus  grande  importance  que  les 
mots  fermentai io7i  et  ferment,  aussi  bien  à  cause 
du  grand  nombre  de  phénomènes  divers  auxquels 
ils  s'appliquent  aujourd'hui,  que  parce  que  les  tra- 
vaux qui  ont  été  faits  à  noire  époque  sur  ce  sujet, 
principalement  ceux  de  M.  Pasteur,  en  rattachent 
rinterpi"étation  à  une  des  questions  capitales  de 
la  philosophie  naturelle  :  la  question  de  l'origine 
de  la  vie,  qu'on  appelle  encore  quelquefois  la 
question  des  générations  spojitanées. 

Historiijue.  —  Il  est  très  probable  que  la  fer- 
mentation de  la  bière,  du  jus  do  raisin,  de  pom- 
mes, etc.,  étaient  connus  dès  la  plus  haute  anti- 
quité, au  delà  même  des  temps  historiques.  Au 
moyen  âge,  les  mots  fermeîitation  et  ferment 
sont  souvent  employés.  Arnaud  de  Villeneuve  dit 
que  l'âme  est  un  ferment,  «  qu'elle  vivifie  le  corps 
de  l'homme,  ainsi  que  le  ferment  anime  le  corps 
mort  et  altéré  par  la  nature  ».  Ainsi,  au  commen- 
cement du  xiv«  siècle,  la  décomposition  putride 
d'un  cadavre  était  appelée  une  fermentation. 

Au  xvi=  siècle.  Van  Helmont,  célèbre  alchimiste, 
reconnaît  que  le  gaz  de  la  combustion  (acide  car- 
bonique! est  le  même  que  celuide  la/'er»ie?iio(ici?i, 
qu'il  définit  :  «  la  mère  de  la  transmutation,  divi- 
sant les  corps  en  atomes  excessivement  petits.  » 
Il  affirme  en  outre  que  la  fermentation  a  besoin 
de  l'air  :  «  Une  grappe  de  raisin  non  endommagée 
se  conserve  et  se  dessèche  ;  mais  une  fois  que 
l'épiderme  est  déchiré,  le  raisin  ne  se  conserve 
plus,  se  mettant  à  fermenter  :  c'est  là  le  commen- 
cement de  sa  métamorphose Le  moût   de  vin, 

le  suc  des  pommes,  des  baies,  du  miel,  etc.,  éprou- 
vent, sous  l'influence  du  ferment,  comme  un  mou- 
vement d'ébuUition,  dû  au  dégagement  de  ce  gaz. 
Ce  gaz,  étant  comprimé  avec  beaucoup  de  force 
dans  les  tonneaux,  rend,  les  vins  pétillants  et 
mousseux.  »  A  côté  de  ces  observations  exactes, 
on  trouve  des  affirmations  qui  touchent  au  gro- 
tesque. <i  L'eau  de  fontaine  la  plus  pure,  dit  Van 
Helmont,  mise  dans  un  vase  imprégné  de  l'odeur 
d'un  ferment,  se  moisit  et  engendre  des  vers. 
Les  odeurs  qui  s'élèvent  du  fond  des  marais  pro- 
duisent des  grenouilles,  des  limaces,  des  sangsues, 
des  herbes...  Creusez  un  trou  dans  une  brique, 
mettez-y  de  l'herbe  de  basihc  pilée,  appliquez  une 
seconde  brique  sur  la  première,  de  façon  que  le 
trou  soit  parfaitement  couvert,  exposez  les  deux 
briques  au  soleil,  et,  au  bout  de  quelques  jours, 
lodeur  de  basilic,  agissant  comme  ferment,  chan- 
gera l'herbe  en  véritables  scorpions.  »  Ce  qu'il  y 
a  de  plus  curieux,  c'est  que  Van  Helmont  affirme 
l'avoir  vu.  Continuons  à  le  citer  :  «  Si  l'on  com- 
prime une  chemise  sale  dans  l'orifice  d'un  vaisseau 


FERMENTATION 


—  769  — 


FERMENTATION 


contenant  des  grains  de  froment,  le  ferment  sorti 
de  la  chemise  sale,  modifié  par  l'odeur  du  grain, 
donne  lieu  à  la  transmutation  du  froment  en  sou- 
ris après  vingt  et  un  jours  environ.  » 

Ainsi,  au  xvi«  siècle,  les  mots  ferment  g\.  fermen- 
tation représentent  quelques  observations  exactes, 
mais  aussi  des  idées  vagues  et  quelquefois  extra- 
vagantes. Néanmoins  il  semble  que  l'alchimiste 
cache  dans  ces  énormités  le  sentiment  qu'il  y  a 
dans  les  fermentatio7is  et  dans  les  fermf.nts  quel- 
que chose  d'inconnu,  de  profondément  caché,  mais 
dont  la  découverte  expliquerait  bien  des  choses . 

A  la  fin  du  xvii'  siècle,  la  découverte  du  micros- 
cope vint  révéler  aux  savants,  dans  certaines  eaux, 
sur  la  terre,  et  principalement  dans  l'air,  l'exis- 
tence d'un  monde  vivant  nouveau,  celui  des  infi- 
niment petits.  Cette  grande  découverte,  aidée 
des  progrès  de  la  chimie  et  de  l'habileté  des  expé- 
rimentateurs modernes,  a  aujourd'hui  en  grande 
partie  déchiré  le  voile  épais  qui  a  recouvert,  jus- 
qu'au milieu  de  ce  siècle,  les  phénomènes  si  nom- 
breux, si  variés,  que  l'on  désigne  sous  le  nom  de 
fermentation. 

Nous  allons  résumer  ici,  le  plus  succinctement 
et  le  plus  clairement  possible,  les  faits  principaux 
sur  lesquels  la  lumière  a  été  portée  depuis  vingt 
ans;  mais  auparavant,  c'est  un  devoir  pour  nous 
de  dire  que  les  travaux  qui  ont  presque  exclusive- 
ment contribué  à  faire  connaître  ces  phénomènes 
si  obscurs,  si  importants  à  tous  les  points  de  vue, 
sont  dus  à  un  Français,  M.  Pasteur.  De  l'aveu  des 
savauts  étrangers  les  plus  distingués,  par  ses 
expériences  et  par  les  conclusions  qui  en  résul- 
tent, M.  Pasteur  s'est  mis  au  premier  rang  parmi 
les  illustrations  de  la  science  au  xix=  siècle. 

Définition  d'une  fermentation.  —  On  appelle 
aujourd'hui  fermentation  toute  transformation 
qui  s'accomplit  dans  une  substance  organique, 
animale  ou  végétale,  sous  l'influence  d'êtres  vivants 
(animaux  ou  végétaux)  toujours  microscopiques, 
qu'on  appelle  des  ferments.  M.  Schiitzenberger, 
professeur  de  chimie  au  Collège  de  France,  spécifie 
davantage  l'action  des  ferments  en  disant  que  : 
«  les  fermentations  ne  sont  que  des  cas  particu- 
liers choisis  dans  l'ensemble  des  phénomènes  chi- 
miques dont  les  organismes  vivants  sont  le  siège  ; 
elles  se  présentent  à  nous,  ainsi  que  toutes  les 
réactions  biologiques,  comme  des  manifestations 
de  la  force  spéciale  qui  réside  dans  ces  organis- 
mes, ou  plutôt  dans  leurs  éléments  cellulaires.  » 
Ailleurs  le  même  savant  définit  une  fermentation  : 
Une  réaction  chimique  dans  laquelle  un  composé 
organique  {la  matière  fermentescible)  se  modifia 
dans  un  sens  déterminé  sous  l'influence  d'im  nuire 
composé  organique  [le  ferment)  qui  ne  fownit  rie?i 
dv  sa  propre  substance  aux  produits  de  la  réac- 
tion, ceux-ci  étayit  formés  uniquemeni  aux  dépens 
de  la  matière  fermentescible. 

Conditions  générales  des  fermentations.  —  Pour 
qu'une  fermentation  se  produise,  il  faut  toujours 
la  présence  d'un  ferment  vivant,  une  certaine  hu- 
midité, une  température  qui  soit  supérieure  à  0" 
et  inférieure,  généralement  du  moins,' à  lOO".  La 
présence  de  l'air  n'est  point  toujours  nécessaire  à 
la  fermentation,  comme  on  l'avait  cru  d'abord 
d'après  l'expérience  suivante  qui  est  due  à  Gay- 
Lussac  :  on  introduit  quelques  grains  de  raisin 
mûr  dans  une  éprouvette  pleine  de  mercure  et 
complètement  purgée  d'air  ;  on  les  écrase  au 
moyen  d'une  baguette  de  verre,  le  jus  n'éprouve 
aucun  changement;  mais  dès  qu'on  y  laisse  péné- 
trer quelques  bulles  d'air,  la  fermentation  com- 
mence, le  mercure  est  refoulé  par  le  gaz  acide 
carbonique,  et  on  trouve  que  le  jus  transformé 
n'est  plus  sucré,  mais  qu'il  contient  de  l'alcool. 

Toutes  les  fois  qu  on  tuera  le  ferment,  ou  qu'on 
en  suspendra  la  vie  par  un  moyen  quelcon(|ue 
(température  trop  basse  ou  trop  élevée,  action  des 
2'  Paktie. 


substances  chimiques  dites  antiseptiques,  etc.),  or 
empêchera  ou  on  arrêtera  une  fermentation.  C'est 
là  le  principe  général  de  la  conservation  des  vian- 
des, conserves,  etc.  (V.  Conserves  alimentaires.) 
Ferme7itutio7i  alcoolique  ou  vineuse.  -  L'expé- 
rience que  nous  avons  rappelée  ci-dessus  prouve 
ce  qu'on  savait  depuis  longtemps,  que  dans  la  fer- 
mentation alcoolique  le  sucre  du  moût  (jus  de 
raisin,  de  pommes,  etc.)  est  transformé  en  alcool 
et  en  acide  carbonique  C'est  Lavoisier  qui  a  le 
premier  interprété  ce  phénomène  au  point  de  vue 
chimique  ;  et  Gay-Lussac  en  a  donné  la  formule  : 


C12HH01'  -f  HO 

sucre  eau 


alcuol       acide  carbonique. 


En  1856,  M.  Dubrunfaut  fit  voir  que  la  quan- 
tité d'alcool  et  d'acide  carbonique  n'était  pas  tou- 
jours en  rapport  avec  celle  du  sucre  qu'on  avait 
mis  fermenter.  M.  Pasteur  démontra  depuis  que, 
sur  100  parties  de  sucre,  95  seulement  se  conver- 
tissent en  alcool  et  en  acide  carbonique,  4  parties 
du  reste  donnent  de  la  glycérine  (V.  Corps  gras) 
et  de  l'acide  succinique,  et  la  centième  se  porte 
sur  la  levure  qui  prend  naissance  dans  la  fermen- 
tation. Le  phénomène  est  donc  plus  complexe  que 
ne  semblait  l'exprimer  l'équation  chimique  donnée 
par  Gay-Lussac. 

Levure  de  bière.  —  La  transformation  d'une 
liqueur  sucrée  en  alcool  et  en  acide  carbonique 
s'accomplit  sous  l'action  du  ferment  connu  sous 
le  nom  de  levure  d".  bière  ;  aussi  l'étude  de  ce 
ferment  a-t-il  été  le  point  de  départ  des  travaux  de 
M.  Pasteur. 

Cagiiiard  de  Latour  et  Schwann  ont  les  premiers 
étudié  la  levure  de  bière  sans  pouvoir  expli- 
quer son  rôle  dans  la  fermentation  alcoolique.  La 
levure,  d'après  M.  Pasteur,  est  un  organisme  vivant 
qui  consomme  pour  vivre  de  grandes  quantités 
d'oxygène  ;  en  présence  du  sucre  elle  peut  se 
passer  de  l'oxygène  de  l'air,  parce  qu'elle  décom- 
pose le  sucre  en  mettant  en  liberté  de  l'oxygène 
qui  sert  à  sa  respiration.  Il  y  a  donc,  comme  le  dit 
M.  Schiitzenberger,  un  rapport  évident  entre  la 
fermentation  et  le  développement  ou  la  nutrition 
de  la  levure.  Des  expériences  remarquables  font 
voir  qu'il  y  a  d'autres  ferments  que  la  levure  ca- 
pables de  produire  la  fermentation  alcoolique.  Dans 
les  fruits  qui  n'ont  pas  eu  le  contact  de  l'air,  dans 
les  grains  d'orge  abandonnés  au  sein  de  l'eau,  il 
s'établit  une  fermentation  incontestable  ;  ce  serait 
dans  ce  cas,  d'après  Frémy,  la  cellule  vivante  elle- 
même,  grâce  à  son  activité  spéciale,  qui  serait  le 
ferment.  Quoi  qu'il  en  soit  du  rôle  de  la  leviire, 
elle  est  constituée  par  un  végétal  microscopique 
en  forme  de  cellule  plus  ou  moins  ronde,  renfer- 
mant un  liquide  et  portant  à  l'intérieur  de  ses  pa- 
rois une  couche  mucilagineuse. 

«  Si  l'on  observe  pendant  plusieurs  jours,  dit 
M.  Regnault,  le  système  de  globules  qui  ont  ac- 
quis leur  développement  complet,  on  reconnaît 
qu'il  se  forme  à  l'intérieur  de  chaque  globule  des 
granules  beaucoup  plus  petits,  dont  le  mouvement 
rapide  prouve  qu'ils  nagent  dans  un  liquide.  Après 
un  temps  suffisant,  ce  liquide  intérieur  s'est  com- 
plètement transformé  en  granules.  » 

Quand  la  leviire  a  été  desséchée  dans  le  vide  ou 
fortement  refroidie,  elle  est  sèche,  dure,  et  inca- 
pable de  provoquer  la  fermentation  ;  mais  si  on  la 
mouille  avec  de  l'eau  tiède,  elle  retrouve  immédia- 
temment  ses  propriétés. 

La  bonne  levure  fraîche,  comme  on  doit  l'em- 
ployer pour  faire  fermenter  le  pain,  a  l'aspect 
d'une  masse  demi-solide,  grise,  d'une  odeur  de 
bière,  d'une  saveur  amère  ;  elle  rougit  le  papier 
de  tournesol.  Une  température  de  100"  lui  enlève 
ses  propriétés  en  tuant  le  ferment.  Les  acides,  les 
alcalis  et  tous  les  agents  antiseptiques  (antipu- 
trides), produisent  le  môme  efiet. 

4J 


FERMENTATION 


—  770  — 


FEUILLE 


Diverses  espèces  de  ferments  et  de  fevi)ientntio7ï<. 
—  Le  nombre  des  phénomènes  de  transformation 
des  substances  organiques,  qu'on  désigne  aujour- 
d'iiui  sous  le  nom  de  fermentation,  est  immense. 
Toutes  sont  caractérisées  par  l'espèce  du  ferment 
qui  leur  donne  naissance,  ainsi  que  par  la  nature 
des  produits  qui  résultent  de  la  fermentation. 
Outre  la  fermentation  alcoolique  (fermentation 
dujus  de  raisin,  du  cidre,  du  poiré,  de  la  bière,  etc.), 
nous  citerons  principalement: 

La  fermentation  lactique,  par  laquelle  le  sucre 
de  lait  est  transformé  en  acide  lactique  (acide  du 
lait  iou!-né,  aigri)  ;  le  ferment  lactique  est  constitué 
par  de  petits  globules  très  courts,  isolés  ou  en 
masses,  mais  beaucoup  plus  petits  que  les  cellules 
de  la  levure  de  bière. 

La  fermentation  butyrique,  qui  produit  l'acide 
butyrique,  cause  de  l'odeur  du  beurre  rance. 

La  fermentation  acétique,  dont  le  produit  est  le 
vinaigre  ou  acide  acétique,  qui  résulte  de  l'oxyda- 
tion de  l'alcool  sous  l'influence  d'un  ferment  végétal 
appelé  Myco'lerma  aceti  ou  vulgairement  «  mère  de 
vinaigre  ».  Les  anguillules  du  vinaigre  constituent 
un  ferment  de  nature  animale  qui  prend  souvent 
naissance  pendant  la  fabrication  du  vinaigre 
d'Orléans. 

La  fermentation  visqueuse,  qui  donne  à  certains 
vins  une  consistance  huileuse. 

On  considère  aussi  comme  une  véritable  fermen- 
tation l'action  de  la  pepsine  du  suc  gastrique  sur 
les  aliments  qui  passent  dans  Testomac,  ainsi  que 
celle  de  la  ptyaline  de  la  salive  sur  les  aliments 
amylacés.  (V.  Aliments.) 

Origine  des  ferments.  —  Quand  M.  Pasteur  eut 
démontré,  par  des  expériences  aussi  indiscutables 
que  variées,  que  toutes  ces  transformations  chimi- 
ques qu'on  regardait  comme  spontanées  étaient  l'œu- 
vre des  ferments,  et  qu'il  ne  se  produisait  jamais 
d'altération  au  sein  d'une  liqueur  organique  quel- 
conque, .pourvu  qu'elle  fût  pure  de  tout  ferment, 
il  fut  amené  à  conclure  que  les  ferments  se  trou- 
vaient, quelques-uns  du  moins,  répandus  à  profusion 
sur  la  terre  et  principalement  dans  l'atmosphère. 
Ils  y  sont  charriés  dans  toutes  les  directions,  semés 
partout,  vivent  et  se  développent  quand,  par  ha- 
sard, ils  tombent  sur  une  substance  qui  leur  con- 
vient. Cette  explication  générale  des  fermentations 
est  à  peu  près  universellement  admise  aujourd'hui, 
sous  le  nom  de  paîispermie,  grâce  aux  travaux  de 
M.  Pasteur,  et  en  opposition  avec  la  théorie  dite 
des  générations  spontanées,  qui  supposait  que  les 
ferments  prenaient  spontanément  naissance  au 
sein  des  substances  en  fermentation  où  on  les  ren- 
contre. Quelle  que  soit  la  vérité  absolue  sur  l'origine 
de  la  vie  à  la  surface  de  la  terre,  on  ne  peut  guère 
contester,  après  les  expériences  de  M.  Pasteur, 
que  toutes  les  fois  que  nous  voyons  apparaître  des 
êtres  vivants  au  sein  des  matières  organiques  en 
décomposition,  ils  proviennent  d'oeufs,  d'ovules, 
de  germes  qui  s'y  sont  déposés  antérieurement. 
Non  seulement  la  panspcrmie  explique  tous  les 
phénomènes  de  ce  genre,  mais  grâce  à  elle, 
ÂL  Pasteur  a  pu  prévoir  qu'il  était  possible  d'em- 
pêcher certaines  transformations  nuisibles  que 
subissent  les  vins,  en  considérant  celles-ci  comme 
des  fermentations  dont  il  fallait  tuer  le  ferment; 
et  il  a  complètement  réussi  dans  cette  voie  Ainsi 
beaucoup  de  vins  facilement  altérables  se  conser- 
vent lorsqu'ils  ont  été  portés  à  60',  parce  que  cette 
température  a  rendu  le  ferment  inactif. 

L'idée  de  M.  Pasteur,  sans  être  admise  dans 
toutes  les  conséquences  qu'il  en  tire,  a  pris  un 
rôle  prépondérant  dans  l'explication  des  phéno- 
mènes, si  obscurs  jusqu'ici,  que  présentent  les  ma- 
ladies virulentes  et  épidémiques  ou  contagieuses 
(V.  Épidémies.) 

Elles  seraient  dues,  cela  paraît  du  moins  dé- 
montré pour  la  plupart,  à  des  ferments   de  na- 


ture spéciale,  propagés  par  l'air,  par  leau  ou 
par  des  objets  quelconques  ayant  été  en  commu- 
nication avec  un  animal  contaminé  ;  et,  chose  sin- 
gulière, mais  qui  a  une  grande  importance  dans 
l'explication  de  certaines  particularités  que  pré- 
sentent les  maladies  dont  nous  parlons,  certains 
ferments  capables  de  se  développer  chez  tel  ani- 
mal en  l'empoisonnant,  restent  inertes  et  inoffen- 
sifs chez  un  autre  d'une  espèce  différente.  Ces 
maladies  se  propagent  donc  comme  les  para- 
sites. Le  docteur  Klein  a  pu  reconnaître  dans  les 
germes  de  la  variole  ovine  des  microphytes  défi- 
nis qui  croissent  et  se  multiplient  avec  une  rapi- 
dité effrayante  dans  les  canaux  et  tissus  de  la 
peau.  Le  célèbre  médecin  William  Budd,  dans  son 
beau  travail  sur  la  fièvre  typhoïde,  s'exprime  ainsi  : 
«  Il  est  humiliant  de  penser  que  de  tels  désastres 
sont  dus  à  l'action  d'un  organisme  auprès  duquel  la 
moisissure  qui  pousse  sur  un  morceau  de  bois  pourri 
est  un  être  supérieur.  »  M.  Pasteur  a  déjà  dé- 
montré, en  s'appuyant  sur  des  preuves  péremptoi- 
res,  que  plusieurs  maladies  étaient  dues  à  la  pré- 
sence d'organismes,  par  exemple  la  maladie  des 
vers  à  soie,  le  choléra  des  poules,  le  charbon.  Il 
en  a  trouvé  l'organisme  producteur,  il  l'a  cultivé 
pendant  des  jours,  des  mois,  il  Ta  même  fait  se  re- 
produire, et  a  inoculé  à  volonté  à  des  animaux 
la  maladie  dont  ce  petit  organisme  était  le  repré- 
sentant et  la  cause. 

Il  n'est  pas  nécessaire  d'ajouter  que  bien  des 
points  restent  et  resteront  obscurs,  peut-être  long- 
temps encore,  dans  ces  questions  d'une  utilité  pra- 
tique qui  n'a  dégale  que  leur  importance  philoso- 
phique; néanmoins,  il  faut  admettre  aujourd'hui 
que  M.  Pasteur  y  a  projeté  une  vive  lumière,  et 
qu'il  a  ouvert  de  nouvelles  voies  aux  investiga- 
tions de  la  science.  [Alfred  Jacquemart.] 

FEUILLE.  —  Botanique,  VH.  —  (Etym.  :  en 
latin  foliwn,  en  grec  phyllon.) 

1.  Définition.  —  On  appelle  feuilles  ceux  des 
appendices  de  la  tige  qui  présentent  un  plan  de 
symétrie  passant  par  l'axe  de  l'organe  qui  les  porte. 
On  peut  ajouter,  comme  caractère  complémentaire, 
(|ue  dans  l'angle  formé  par  la  tige  et  la  feuille,  on 
remarque  très  souvent  des  bourgeons  uxillaires 
symétriquement  disposés  de  part  et  d'autre  du 
plan  médian  de  la  feuille.  Ces  bourgeons  axillaires 
se  développeront  ou  non  ultérieurement  ;  ils  ti- 
rent leur  nom  de  leur  position  dans  Vaisselle  de 
la  feuille,  car  c'est  par  ce  mot  aisselle  (en  latin 
axilla),  que  l'on  désigne  l'angle  que  la  feuille  fait 
avec  la  tige. 

2.  Extérieur  de  la  feuille;  nomenclature  de  ses 
parties.  —  Une  feuille,  considérée  isolément, 
comprend  :  1°  une  lame  terminale,  mince,  verte, 
nommée  limbe  (en  latin,  limbus)  ;  2°  un  pédoncule 
grêle,  généralement  cylindrique,  le  pétiole  (en  la- 
liii  petiolus).  Le  limbe  est  fixé  à  l'extrémité  supé- 
lieure  du  pétiole  ;  ce  dernier  s'attache  à  la  tige  par 
son  extrémité  inférieure,  très  souvent  élargie  et 
qu'on  désigne  alors  sous  le  nom  de  gaine  (vagiîia). 
La  disposition  que  nous  venons  de  faire  connaître 
a  pour  but  de  donner  plus  de  mobilité  au  limbe 
dont  la  surface,  perméable  aux  gaz,  se  trouve  ainsi 
en  contact  avec  un  nouveau  milieu  qu'elle  n'a 
pas  épuisé.  Chacune  des  parties  de  la  feuille  peut 
ne  pas  se  développer.  Une  feuille  sans  pétiole  est 
dite  sessile  ;  l'absence  de  limbe  fait  désigner  la 
feuille  sous  le  nom  de  ptiyllode. 

La  /.'hyliodtîiation  des  feuilles  se  produit  de 
deux  manières,  selon  qu'elle  s'opère  sous  l'influence 
d'un  milieu  sec,  ou  sous  l'influence  de  l'eau.  La 
phyllodination  dans  un  milieu  sec,  ou  plus  brièvc 
ment  la  pltyllodination  sèche,  s'observe  dans  tous 
les  climats  où  l'air  est  très  sec  et  la  lumière  très 
intense.  La  lumière,  en  agissant  directement  sur 
la  chlorophylle  de  la  feuille,  provoque  une  trans- 
piration dont  l'intensité,  dans  ces  climats,  ne  se- 


FEUILLE 


—  771  — 


FEUILLE 


rait  pas  en  rapport  avec  le  développement  de  l'ap- 
pareil aquifère  des  plantes,  si  leurs  feuilles 
pourvues  de  limbe  recevaient  directement  l'action 
du  soleil.  Réduites  à  leur  pétiole,  et  transformées 
en  lames  verticales,  mobiles,  très  minces,  à  sur- 
face solide  peu  perméable,  les  feuilles  ne  reçoivent 
jamais  directement  l'action  des  rayons  solaires; 
leur  transpiration  ne  dépasse  donc  pas  la  puis- 
sance de  l'appareil  aquifère  qui  les  alimente.  Cette 
disposition  du  teuillage  des  arbres  se  voit  sur- 
tout en  Australie  ;  c'est  elle  qui  donne  aux  forêts 
de  ce  pays  cet  aspect  singulier  si  désagréable  aux 
voj^ageurs  européens.  Au  sein  des  forêts  les  plus 
épaisses,  le  sol  est  inondé  de  lumière  pendant 
tout  le  jour  ;  car  les  feuilles  suivent  le  mouvement 
du  soleil,  en  tournant  sur  elles-mêmes,  à  mesure 
que  cet  astre  se  déplace,  de  façon  à  ne  jamais  lui 
présenter  que  leur  tranche  ;  le  feuillage  ne  donne 
donc  pas  d'ombre  ;  ajoutons  à  cela  que  la  lumière 
frappant  directement  la  surface  blanche  cireuse 
du  tronc  de  tous  ces  arbres,  se  disperse  en  tous 
sens,  et  éclaire  jusqu'au  moindre  recoin.  Comme 
exemple  de  végétaux  à  phyllodes  secs,  citons  les 
Eucalyptus,  les  vrais  acacias. 

La  pht/llodinatio7i  humide  s'observe  sur  les 
plantes  immergées  dans  l'eau,  lorsque  la  profon- 
deur de  ce  liquide  augmente  et  surtout  lorsque 
son  courant  devient  plus  rapide.  La  feuille  se  pré- 
sente alors  sous  deux  aspects  ;  ou  bien  réduite 
exclusivement  au  pétiole  transformé  en  un  long 
ruban  ;  ou  bien  composée  d'un  pétiole  court  et 
d'un  limbe  réduit  à  ses  nervures,  et  figurant  une 
touffe  de  filaments  grêles  flottant  côte  à  côte.  La 
feuille  la  plus  singulièrement  modifiée  par  son 
séjour  dans  l'eau  est  celle  de  VOuvivandru  fenes- 
tralis,  de  Madagascar,  dont  les  côtes  anastomosées 
sont  séparées  par  des  espaces  vides,  et  forment  des 
dessins  , qui  l'ont  fait   comparera  une   dentelle. 

Certains  végétaux  présentent  des  feuilles  de 
formes  très  différentes  sur  le  même  pied  ;  ce  phé- 
nomène, qui  a  quelques  rapports  avec  la  phyllo- 
dination,  est  connu  sous  le  nom  de  polymorphose 
des  feuilles. 

Il  y  a  peu  à  dire  sur  la  forme  du  pétiole  ;  le 
plus  souvent  il  est  cylindrique,  d'autres  fois  légè- 
rement aplati,  avec  ou  sans  côtes  saillantes;  par- 
fois aussi  sa  face  supérieure  est  concave,  sa  face 
inférieure  est  convexe.  Lorsque  la  base  très  élargie 
du  pétiole  entoure  la  tige,  la  feuille  est  dite  e7igui- 
nante  (ex.  les  graminées).  On  appelle  ligules  les 
expansions  foliacées  qu'on  remarque  à  la  face  su- 
périeure du  pétiole  (ex.  le  blé)  ;  ces  ligulesreçoivent 
le  nom  de  gaîne,  lorsqu'elles  entourent  la  tige 
(ex.  la  bistorte)  ;  il  ne  faut  pas  confondre  cette 
gaîne  provenant  des  ligules  avec  la  gaîne  formée 
par  l'élargissement  du  pétiole,  bien  que  toutes 
deux  soient  désignées  par  le  même  mot.  On  ap- 
pelle stipules  des  expansions  foliacées  des  bords 
de  la  base  du  pétiole  (ex.  les  rosacées).  Les  sti- 
pules peuvent  être  persistants  ou  caducs;  lors- 
qu'ils sont  persistants,  ils  prennent  parfois  l'appa- 
rence d'épines  fex.  /'arbre  de  Judée  ou  Gleditschia 
ferox,  l'épine-vinette). 

La  lame  ou  limbe  est  étalée;  ses  lignes  de  maxi- 
mum d'accroissement  sont  indiquées  intérieure- 
ment par  des  filaments  appelés  faisceaux  fibro- 
vasculaires,  dont  la  présence  s'accuse  à  l'extérieur 
par  des  côtes  saillantes  qu'on  appelle  nervures. 
Ces  filaments  ou  faisceaux  forment  la  charpente 
solide  de  la  feuille  ;  ils  sont  symétriquement  dis- 
posés par  rapport  à  un  plan  médian  qui  passe 
par  l'axe  de  la  tige.  La  distribution  des  nervures 
dans  les  feuilles  se  rapporte  à  deux  grands  types. 
Dans  le  premier,  les  nervures,  très  nombreuses, 
sont  toutes  parallèles  les  unes  aux  autres;  c'est  à 
peine  si  quelque  petit  filet  secondaire  va  del'une  à 
l'autre,  les  mettant  en  communication.  Ce  mode  de 
distribution  des  nervures,  qu'on  appelle  nervation 


parallèle,  a  été  considéré  comme  un  des  caractères 
importants  des  végétaux  monocotylédonés.  Des  ner- 
vures peu  nombreuses,  abondamment  ramifiées,  et 
s'unissant  fréquemment  l'une  à  l'autre,  tel  est  le 
second  mode  de  nervation,  que  l'on  a  qualifié  de 
nervntion  réticulée  ;  ce  mode  de  nervation  est  re- 
gardé comme  plus  particulièrement  propre  auxvégé- 
taux  dicotylédones. 

Dans  la  nervation  réticulée,  on  a  distingué  trois 
principales  manières  d'être  : 

1°  La  nervation  pennée,  dans  laquelle,  a'une 
nervure  médiane,  partent  des  nervures  secondaires 
généralement  groupées  par  paires  et  à  des  hau- 
teurs différentes;  cette  disposition,  qui  rappelle 
celle  des  barbes  ou  pennes  d'une  plume  sur  son 
rachis,  lui  a  valu  le  nom  de  pennée 

2"  La  nervation  palmée,  dans  laquelle  la  nervure 
principale  et  les  nervures  secondaires,  en  nom.bre 
variable,  sont  également  développées  et  partent 
toutes  d'un  même  point,  à  peu  près  comme  les 
doigts  s'écartent  de  la  paume  de  la  main. 

3"  La  nervation  pédalée.  Celle-ci  débute  comme 
la  nervation  palmée,  c'est-à-dire  que  trois  nervures, 
une  médiane  principale  et  deux  secondaires  laté- 
rales, partent  d'un  même  point;  mais  les  nervures 
qui  s'insèrent  sur  les  deux  secondaires  ne  se  déve- 
loppent que  d'un  côté  de  celles-ci,  du  côté  exté- 
rieur. 

L'emploi  des  caractères  tirés  de  la  nervation 
est  d'un  grand  secours  aux  paléo-botanistes,  lorsque 
ceux-ci  cherchent  à  déterminer  les  plantes  fossiles 
conservées  à  l'état  d'empreintes.  MM.  de  Saporta 
et  Grand'Eury  en  France,  M.  Heer  en  Suisse, 
M.  Constantin  Ettinghausen  à  Vienne,  ont  pu  à 
l'aide  de  ces  caractères  reconstituer  la  flore  des 
temps  anciens  depuis  l'époque  houillère  jusqu'à 
nos  jours. 

Le  bord  du  limbe  est  tantôt  entier,  d'autres  fois 
légèrement  échancré.  Si  les  échancrures  sont 
nombreuses  et  peu  profondes,  on  les  nomme 
dents;  divisions,  lorsqu'elles  sont  plus  prononcées  ; 
lobes  ,  lorsqu'elles  ont  un  certain  volume  ;  les 
feuilles  sont  alors  nommées  :  feuilles  dentées, 
feuilles  divisées,  feuilles  lobées,  etc.  Par  opposi- 
tion, si  le  bord  de  la  feuille  est  continu  sans  aucun 
sinus,  la  feuille  est  dite  entière  et  simple.  Lorsque 
les  échancrures  d'un  limbe  sont  extrêmement  pro- 
fondes, que  ses  lobes  sont  bien  distincts  les  uns 
des  autres  et  rappellent  chacun  une  petite  feuille, 
la  feuille  est  dite  composée;  chacun  de  ses  éléments 
constituants  s'appelle  une  foliole. 

Les  découpures  d'une  feuille  ne  se  produisant 
qu'entre  ses  nervures,  les  folioles  d'une  feuille 
composée  sont  disposées  comme  les  nervures  se- 
condaires, selon  les  t}'pes  :  pennés,  palmés,  pédales  ; 
d'où  les  noms  de  feuille  composée  pennée,  feuille 
composée  palmée,  feuille  composée  pédalée.  La 
nervation  de  chaque  foliole  rappelle  celle  de  la 
feuille  entière.  De  même  le  contour  de  la  foliole 
peut  être  entier  ou  échancré.  Si  le  degré  de  divi- 
sion est  poussé  assez  loin  pour  que  chaque  foliole 
semble  à  son  tour  composée  de  folioles  plus  pe- 
tites, la  feuille  est  dite  décomposée.  On  ne  connaît 
pas  la  raison  physiologique  de  la  division  des 
feuilles.  En  général,  sur  une  même  plante,  les 
feuilles  semblent  d'autant  plus  compliquées  qu'elles 
se  sont  formées  à  une  époque  plus  éloignée  de  la 
germination  ;  toutefois,  après  avoir  atteint  un 
certain  maximum  de  complication,  les  feuilles 
vont  se  simplifiant  de  plus  en  plus  à  mesure 
qu'elles  approchent  des  fleurs,  ou  du  bourgeon  qui 
termine  la  tige,  et  finalement  prennent  l'aspect 
d'écaillés  très  réduites  ou  de  pièces  brillamment 
colorées.  C'est  sur  cette  modification  des  feuilh'v 
que  repose  la  théorie  de  la  métamorphose,  dont 
nous  parlerons  à  l'article  Fleur. 

Dans  quelques  cas,  la  feuille  semble  manquer, 
parce   que,   réduite   à   une  simple    écaille,    el!o 


FEUILLE  —  7 

tombe  presque  aussitôt  après  son  apparition  (ex.  : 
quelques  eckinocactus,  les  opuntia,  etc.).  Dans 
d'autres  cas,  elle  se  transforme  en  une  épine 
caduque  ou  non,  et  sert  alors  d'organe  de  dé- 
fense. 

On  appelle  préfoliation  ou  vernation  l'arran- 
gement des  feuilles  dans  le  bourgeon.  La  vernation 
considère  chaque  feuille  soit  isolément,  soit  dans 
ses  rapports  avec  ses  voisines.  Nous  résumons  en 
tableaux  synoptiques  les  remarques  qui  peuvent 
être  faites  dans  l'un  et  l'autre  cas. 

1°  Vernation  considérée  dans  chaque  feuille  iso- 
lément : 

Feuilles  planes. 

Feuille 
pliées 


Feuilles 
roulées 


,  \   transvcisalemt-iit. . 

eu  deux  ;  ,        i   j-     ■  » 

\  longitudinalenieiit. 

plusieurs  fois 

une  moitié  latérale  autour  de 

l'autre 

les  deux  moitiés  (   en  dehors 

roulées    égale-  | 

ment (  en  dedans 

sur  leur  côte  en  manière   de 

crosse  d'évèque 


Planes. 
Réclinées. 
Condupliqupes. 
Plissées. 

Convolutées. 
lîévoluiées. 

Involutées. 
Circinées. 


Feuilles 
étalées 


Feuilles 

pliées 

eadeus 


2°  Vernation  considérée  quant  à  la  position  rela- 
livs  des  feuilles  : 

/   i^     iouchant    seulement    par 

\      leurs  bords  juxtaposés Valvaires. 

se  touchant  de  même,  mais  re- 
ployant plus  ou  moins  leurs 
bords  en  dedans Indupliquées. 

se  recouvrant    plus  ou  moins 

l'une  l'autre  par  les  côtés. .     Imbriquées. 

une  feuille  embra.-sant  celle 
qui  est  placée  vis-à-Tis  d'elle 
(comme  à  cheval  sur  elle) . .     Equitantes. 

une  feuille  embrassant  seule- 
ment la  moitié  de  l'autre. . .    Demi-équitantes. 

La  consistance  de  la  feuille  est  généralement 
molle,  charnue;  elle  devient  coriace  lorsque  la 
plante  est  soumise  à  une  transpiration  chloro- 
phyllienne intense,  eu  égard  au  développement  de 
son  appareil  aquifère  ;  elle  devient  sèche  lorsque 
la  feuille  se  réduit  à  une  écaille. 

Le  revêtement  superficiel  de  la  feuille  présente 
de  très  grandes  variations  :  ici  c'est  une  substance 
cireuse  (arbre  à  huile),  là  des  poils  simples  ou 
rameux  ;  ailleurs  ce  sont  des  glandes  pédicellées 
ou  sessiles,  ailleurs  encore  c'est  un  mélange  de 
toutes  ces  productions. 

On  désigne  sous  le  nom  â'nscidies  celles  des 
régions  de  la  feuille  où  se  localisent  les  organes 
glandulaires,  lorsque  ces  régions  sont  creusées  en 
capsules.  Les  feuilles  pourvues  d'ascidies  sont 
fréquemment  contractiles  en  tout  ou  en  partie. 
Grâce  à  cette  faculté,  elles  peuvent  saisir  les  in- 
sectes qui  viennent  se  reposer  à  leur  surface;  les 
captifs  sont  bientôt  englués  par  une  liqueur 
visqueuse  émise  par  les  glandes  de  l'ascidie;  leur 
rapide  décomposition  au  sein  de  cette  liqueur  a 
fait  croire  que  les  plantes  pourvues  d'ascidies  se 
nourrissaient  de  matières  animales.  M.  Darwin  a 
popularisé  cette  idée  dans  sa  fameuse  théorie  des 
plantes  cani  voi-'-a.  Les  plantes  les  plus  remar- 
quables parmi  les  plantes  à  ascidies  sont  les  Ae- 
pantiies,  les  Sw'  acnia,  les  Darli  gtonia,  les  utri- 
culaires.  On  rapproche  des  feuilles  à  ascidies  les 
feuilles  des  Dr  sera,  des  Dionœa.  etc. 

En  général  la  coloration  de  la  feuille  est  verte; 
les  villosités  de  sa  surface  ou  l'air  contenu  dans 
son  intérieur  peuvent  la  faire  paraître  blanche. 
Des  substances  colorées,  encore  incomplètement 
connues,  peuvent  lui  donner  une  teinte  rouge, 
jaune  ou  bleue,  qui  font  reclieicher  ccrtain« 
leuillages  pour  rornementntion.  Quelle  que  soit 
la  coloration  première  de  la  feuille,  vers  la  fin  de 
sa  vie  elle  devient  jaunâtre  ;  «a  chlorophylle   ou 


2  —  FEUILLE 

matière  colorante  verte  disparaît,  et  à  sa  place  se 
développe  une  matière  grasse  d'une  couleur  jaune 
très  belle.  La  coloration  particulière  de  la  feuille, 
à  cette  époque  de  sa  vie,  a  reçu  le  nom  de  teinte 
automnale.  Lorsque  la  feuille  est  encore  enfer- 
mée dans  le  bourgeon,  elle  est  blanche,  inco- 
lore ;  telle  est  aussi  la  teinte  des  feuilles  dévelop- 
pées à  l'obscurité  dans  une  atmosphère  humide.  Les 
unes  et  les  autres  ne  prennent  leur  teinte  verte 
caractéristique  que  sous  l'influence  des  rayons  du 
soleil,  la  chlorophylle  ou  matière  verte  des 
feuilles  ne  se  développant  que  sous  l'action  de  la 
lumière. 

La  durée  de  l'existence  des  feuilles  varie  beau- 
coup d'une  plante  à  l'autre.  On  les  nomme  fugaces 
ou  caduque^  lorsqu'elles  tombent  peu  après  leur 
formation  (plantes  grasses),  annuelles  lorsqu'elles 
tombent  chaque  année;  cette  chute  a  lieu  en  été 
dans  les  pays  chauds,  en  hiver  dans  les  pays  froids 
et  tempérés  (magnolias,  châtaigniers,  etc.).  On 
les  nomme  marcescentes  lorsque  leur  chute  est 
déterminée  par  le  développement  des  jennes 
pousses  de  l'année  suivante  (chêne)  ;  persistantes 
lorsqu'elles  vivent  plusieurs  années  (arbres  verts 
ou  conifères). 

La  chute  des  feuilles  se  fait  de  deux  façons  :  ou 
bien  la  feuille  se  sépare  nettement  de  la  tige, 
laissant  une  cicatrice  comme  trace  de  sa  présence 
(platane,  etc.)  ;  ou  bien  la  feuille  se  détruit  sur 
place,  demeurant  adhérente  à  la  tige  jusqu'au  jour 
où  une  décortication  générale  de  la  surface  de  cet 
organe  l'enlève  en  même  temps  que  l'écorce  ''pal- 
miers). Lorsque  la  feuille  se  détruit  sur  place, 
son  tissu  se  désagrège  sous  l'action  des  agents 
atmosphériques  ;  ses  filaments  ou  faisceaux  devien- 
nent libres,  et  produisent  ainsi  une  filasse  très  em- 
ployée aujourd'hui  dans  la  fabrication  de  balais  en 
crin  végétal,  d'étoffes  grossières  et  de  tapis;  ce 
commerce  de  fibres  végétales  a  reçu  dans  ces  der- 
niers temps  une  grande  extension,  depuis  qu'on 
emploie  certaines  d'entre  elles  comme  faux  cheveux. 

3.  Anatomie  de  la  feuille.  —  D'une  manière  gé- 
nérale, la  feuille  se  compose,  comme  éléments 
anatomiques,  d'un  certain  nombre  de  faisceaux 
orientés  comme  ceux  de  la  tige  et  presque  toujours 
réduits  à  leurs  productions  primaires.  L'intervalle 
demeuré  libre  entre  les  faisceaux  est  rempli  par 
un  tissu  lâche  ou  parenchyme  ;  ce  tissu  recouvre 
également  la  surface  des  faisceaux.  Le  tout  est 
protégé  par  une  couche  épidermique.  Chaque 
faisceau  d'une  feuille  présente,  de  sa  face  supé- 
rieure à  sa  face  inférieure  :  1"  du  bois  primaire 
caractérisé  par  des  trachées  ;  2°  du  liber  primaire 
caractérisé  par  des  cellules  grillagées.  Parfois  on 
trouve  intercalée  entre  le  bois  et  le  liber  une 
mince  couche  cambiale.  (Pour  la  signification 
des  mots  b'iS,  liber,  cmnbiwn,  parenchyme,  etc., 
V.  l'article  Tissus  végétaux.)  Lorsque  la  structure  de 
la  feuille  se  simplifie,  le  nombre  de  ses  faisceaux 
diminue,  en  même  temps  que  la  quantité  des  élé- 
ments ligneux  et  libériens  de  chacun  d'eux.  Au 
contraire,  lorsque  la  structure  de  la  .''euille  se 
complique,  le  nombre  de  ses  faisceaux  augmente, 
et  dans  chacun  d'eux  la  zone  cambiale  produit  une 
certaine  quantité  de  bois  secondaire  et  de  liber 
secondaire;  le  bois  secondaire  sera  placé  entre  la 
zone  cambiale  et  le  bois  primaire;  le  liber  secon- 
daire sera  placé  entre  la  zone  cambiale  et  le  liber 
primaire.  De  môme,  le  parenchyme  de  la  feuille  5 
structure  cumpliquée  se  différencie  en  zones  de 
structure  et  de  rôle  très  difl'orents.  Vers  la  face 
supérieure  de  la  feuille,  c'est  une  réunion  de 
cellules  prismatiques  serrées  les  unes  contre  les 
autres,  toutes  gorgées  de  chlorophylle;  c'est  Ib 
(|ue  sous  l'action  de  la  lumière  blanche  se  produi- 
s(mt  les  sub.e^tances  assimilables  et  les  matières  de 
réserve,  hydrates  de  carbone  comme  l'amidoii,  If 
glucose,  ou  carbures  d'hydrogène  comme  les  huiles. 


FEUILLE 


773  — 


FEUILLE 


Tcrs  la  face  inférieure  de  la  feuille,  le  parenchyme 
foliaire  est  une  réunion  de  cellules  rameuses  lais- 
sant entre  elles  des  vides  considérables,  et  ne  se 
touchant  Vune  l'autre  que  par  quelques  po.ints; 
c'est  \k  que  se  fait  la  circulation  active  des  gaz 
dans  l'intérieur  de  la  plante.  La  zone  supérieure 
du  parenchyme  foliaire  a  été  nommée  parenchyme 
en  palissade,  la  zone  inférieure  a  reçu  le  nom  de 
pavenchrjme  rameux.  Entre  les  deux  zones,  on 
rencontre  parfois  une  zone  de  cellules  très  allon- 
gées, en  rapport  intime  avec  les  appareils  aquifère 
et  circulatoire  de  la  feuille,  et  que  pour  cette  raison 
on  a  nommé  tissu  de  transfusion.  —  Outre  ces 
éléments,  quelques  feuilles  présentent  encore  dans 
leur  parenchyme,  près  de  la  surface  épidermique 
et  dans  le  voisinage  des  faisceaux,  des  amas  de 
fibres  à  parois  très  épaisses,  qu'on  appelle  des 
fibres  mécaniques.  Ces  derniers  éléments  sont  au- 
jourd'hui très  recherchés,  car  ils  fournissent  à  l'in- 
dustrie d'excellentes  fibres  textiles.  Ex.  :  V agave, 
Valfa,  etc.  (Pour  plus  de  détails  sur  cette  struc- 
ture du  parenchyme  foliaire,  voyez  l'article  Tissus 
végé  taux.)  Enfin  l'épiderme  des  feuilles  à  struc- 
ture compliquée  peut  être  différent  d'une  face  à 
l'autre  de  la  feuille. 

Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  delà  structure 
de  la  feuille  s'applique  surtout  à  la  structure  de 
son  limbe.  La  structure  du  pétiole,  quand  cet  organe 
existe,  est  toujours  plus  simple  que  celle  du  limbe; 
on  y  retrouve  les  mêmes  éléments  ;  toutefois  il 
arrive  souvent  que  les  faisceaux  y  sont  disposés 
sur  une  ligne  circulaire,  au  lieu  d'être  étalés  dans 
un  même  plan.  Les  faisceaux  du  pétiole  viennent 
de  la  tige,  et,  d'une  manière  générale,  on  peut  dire 
que  les  faisceaux  de  la  feuille  ne  sont  que  les 
terminaisons  supérieures  des  faisceaux  de  la  tige. 

—  Si  les  faisceaux  de  la  feuille,  à  leur  sortie  de  la 
tige,  sont  tous  parallèles  entre  eux  et  situés  dans 
un  même  plan,  ils  cheminent  côte  à  côte,  se  divi- 
sant peu,  s'anastomosant  encore  moins;  il  en  ré- 
sulte pour  la  feuille  une  apparence  rubanée  et  une 
base  qui  embrasse  largement  la  tige;  la  feuille  est 
engainante  (graminées,  ombellifères).  —  Si  les 
faisceaux  de  la  feuille,  tout  en  restant  parallèles 
entre  eux,  sont  réunis  dans  un  espace  restreint,  ils 
s'y  disposent  comme  ils  peuvent  ;  la  feuille,  toujours 
composée  pennée,  présente  un  long  pétiole  cylin- 
drique (cycadées).  —  En  dernier  lieu,  si  une 
feuille  de  grande  surface  ne  reçoit  de  la  tige 
qu'un  très  petit  nombre  de  faisceaux,  ceux-ci,  dans 
leur  parcours,  se  divisent  un  très  grand  nombre 
de  fois,  s'anastomosent  fréquemment  et  la  feuille 
appartient  au  type  à   nervation  réticulée  (lierre). 

—  Les  trois  exemples  que  nous  venons  de  voir 
montrent  suffisamment  qu'en  étudiant  la  distribu- 
tion des  faisceaux  dans  le  pétiole,  et  la  manière 
dont  ils  s'y  ramifient,  on  a  pu  trouver  d'excellents 
caractères  pour  reconnaître  la  feuille  et  même  les 
principales  formes  de  feuilles,  parmi  tous  les  or- 
ganes d'apparence  foliacée  dont  la  signification 
morphologique  était  demeurée  jusqu'alors  douteuse. 
Nous  ne  pouvons  montrer  ici  l'application  détaillée 
de  ces  caractères,  dont  l'emploi  demande  des  con- 
naissances botaniques  très  approfondies.  A  titre 
d'exemple,  nous  dirons  pourtant  que  c'est  en  fai- 
sant usage  de  cette  méthode  qu'il  a  été  possible  de 
distinguer  les  cladodes  ou  tiges  aplaties,  des  ph'jl- 
lo'ies  ou  pétioles  aplatis. 

Pour  en  finir  avec  l'anatomie  de  la  feuille,  un 
mot  de  l'origine  de  cet  organe  et  de  son  dévelop- 
pement. La  feuille  se  montre  d'abord  comme  un 
mamelon  cellulaire  hémisphérique  à  la  surface  du 
point  de  végétation  de  la  tige;  bientôt  le  sommet 
de  cet  organe  cesse  de  croître,  et  c'est  surtout  vers 
sa  région  inférieure,  près  de  son  point  d'insertion 
sur  la  tige,  que  son  accroissemeni  semble  localisé. 
Ce  que  nous  venons  de  dire  de  la  feuille  par  rapport 
à  la  tige  n'aurait  qu'à  être  répété  de  la  foliole  par 


rapport  au  pétiole,  pour  avoir  l'histoire  de  la  for- 
mation des  parties  d'une  feuille  composée.   S 

4.  Physiologie  de  la  feuiUe.  —  Les  principaux 
rôles  que  la  feuille  est  appelée  à  jouer  dans  la 
vie  de  la  plante  sont  :  1"  le  rôle  d'organe  d'absorp- 
tion de  l'air  et  de  la  lumière  ;  2°  le  rôle  d'organe 
de  transpiration  ;  3"  le  rôle  d'organe  de  réserve  ;  ce 
dernier  allant  presque  toujours  de  pair  avec  le 
rôle  d'organe  de  dissémination;  4°  le  rôle  d'organe 
de  protection  et  de  défense;  5°  le  rôle  d'organe 
de  natation  ;  6°  le  rôle  d'organe  préhenseur  ou 
suspenseur.  Quelques  mots  d'explication  sur  cha- 
cun de  ces  rôles. 

I.  Plusieurs  faits  ont  montré  que  la  feuille  peut 
être  considérée  comme  Vorgane  d'absorption  de 
l'air  et  de  la  lumière.  1°  Lorsqu'on  fait  passer 
de  l'air  à  travers  les  membranes  épidermiques  su- 
périeure et  inférieure  d'une  feuille,  ce  passage 
s'effectue  très  rapidement,  et  le  gaz  qui  a  traversé 
n'a  plus  la  même  composition  après  qu'avant  le 
passage.  En  examinant  ensuite  ces  surfaces,  on 
trouve  qu'elles  sont  pourvues  d'orifices  très  petits 
dont  les  bords  sont  garnis  de  glandes  spéciales, 
de  nature  subéreuse  ;  chacun  de  ces  petits  appa- 
reils a  reçu  le  nom  de  stomate;  ce  sont  eux  qui 
modifient  la  composition  de  l'air  quand  c^  -'•^  les 
traverse.  En  opérant  dans  de  mauvaises  oOnaitions 
sur  des  membranes  mourantea,  on  avait  été  con- 
duit à  penser  que  l'écoulement  de  l'air  à  travers 
les  épidermes  des  feuilles  se  faisait  plus  rapidement 
par  une  membrane  continue  que  par  une  membrane 
perforée  et  garnie  destomates.  Ce  ne  sont  là  que 
les  résultats  d'expériences  défectueuses  et  que 
contredit  formellement  l'observation  de  membranes 
bien  vivantes.  2"  La  répartition  des  stomates  à  la 
surface  des  feuilles  est  encore  une  preuve  indi- 
recte du  rôle  de  ces  organes.  Dans  les  feuilles 
naj^eantes,  les  stomates  sont  localisés  à  la  face  supé- 
rieure de  la  feuille  ;  sur  les  feuilles  submergées,  h 
respiration  aquatique,  les  stomates  font  défaut, 
soit  qu'ils  ne  se  développent  qu'incomplètement, 
soit  qu'ils  ne  se  développent  pas  du  tout.  3°  On 
doit  à  M.  Carreau,  de  Lille,  d'avoir  montré  que  les 
gaz  qui  entrent  dans  la  plante  sont  l'oxygène,  l'a- 
zoto  ;  que  les  gaz  qui  s'en  échappent  sont  l'azote,  la 
vapeur  d'eau  et  l'acide^^  carbonique,  le  volume 
d'oxygène  disparu  étant  rigoureusement  égal  aii 
volume  d'acide  carbonique  produit.  Toutes  les  fois 
qu'on  fait  l'expérience  dans  une  atmosphère  limitée, 
on  n'observe  aucune  variation  de  volume.  L'addi- 
tion d'une  petite  quantité  de  potasse  caustique 
qui  absorbe  l'acide  carbonique  suffit  à  montrer  le 
changement  subi  par  cette  atmosphère.  L'échange 
gazeux  caractérisé  par  une  absorption  d'oxygène 
et  une  émission  d'acide  carbonique,  qui  se  fait  à 
toute  époque  de  la  vie  de  la  plante,  est  ce  que 
l'on  appelle  la  respiration  végétale;  elle  ne  diffère 
en  rien  de  la  môme  fonction  chez  les  animaux. 
4°  Dans  les  plantes  pourvues  de  chlorophylle  et 
soumises  à  l'action  de  la  lumière  blanche,  le  phé- 
nomène de  la  respiration  végétale  est  complètement 
masqué  par  un  autre  phénomène  de  siutrition  :  La 
chlorophylle  absorbe  la  lumière  blanche,  et  la 
transforme  en  chaleur  obscure  ;  cette  propriété  dé- 
termine la  combinaison  directe  de  l'acide  carboni» 
que  et  de  l'eau  ;  il  en  résulte  des  hydrates  de 
carbone  et  des  hydrogènes  carbonés  ;  la  produc- 
tion de  ces  deux  sortes  de  substances  est  toujours 
accompagnée  de  la  mise  en  liberté  d'une  certaine 
quantité  d'oxygène  qui  s'échappe  par  les  stomates. 
A  la  lumière  directe  du  soleil,  lorsque  celle-ci  offre 
une  intensité  suffisante,  les  plantes  vertes  semblent 
rejeter  de  l'oxygène  et  absorber  de  l'acide  carbo- 
nique; c'est  à  ce  phénomène  qu'on  a  quelquefois 
donné  le  nom  de  respiration  diurne  des  plantes, 
bien  qu'il  diffère  complètemeut  de  tous  les  phéno- 
mènes respiratoires.  La  distinction  de  ces  deux 
phénomènes  n'est  possible  que   depuis  les  recher- 


FEUILLE 


774  — 


FEUILLE 


ches  de  M.  Wiesncr  sur  le  rôle  de  la  chlorophylle 
dans  les  plantes.  Jusqu'à  ce  jour,  en  acceptant 
■rosso  modo  le  résultat  d'expériences  mal  dirigées, 
les  pliysiologistes,  à  la  suite  de  Bonnet  et  de 
Théodore  de  Saussure,  répétaient  à  Tenvi  que 
les  plantes  vertes  présentaient  deux  respirations: 
l'une  nocturne,  caractérisée,  comme  la  respiration 
animale,  par  une  absorption  d'oxygène  et  une  émis- 
sion d'acide  carbonique  ;  l'autre  diurne,  ne  com- 
mençant que  lorsque  la  lumière  solaire  avait  acquis 
une  intensité  suffisante,  et  caractérisée  par  une 
absorption  d'acide  carbonique  et  une  émission 
d'oxygène.  Cette  respiration  diurne  des  végétaux  a 
été  invoquée  pendant  longtemps  comme  un  des 
caractères  difl'érentiels  entre  les  végétaux  et  les 
animaux.  (V.  Végétal,  p.  2270). 

II.  Le  rôle  que  les  feuiilex  jouent  dans  la  trans- 
piration des  plantes  n'est  connu  que  depuis  les 
expériences  deM.  Vesque(1876"-1877).  Nous  n'entre- 
rons pas  ici  dans  tous  les  détails  de  l'expérimenta- 
lion  de  ce  savant;  nous  nous  contenterons  d'indi- 
quer les  principaux  résultats  de  ses  recherches. 

1°  Chez  une  plante  donnée,  la  transpiration  ne 
commence  qu'à  une  température  déterminée.  La 
transpiration  augmente  à  mesure  que  la  tempé- 
rature s'élève,  et  cela  jusqu'à  une  température 
déterminée,  qu'on  peut  considérer  comme  la  limite 
maxima  des  températures  les  plus  élevées  que 
puisse  supporter  la  plante  ;  toute  température  plus 
élevée  que  cette  limite  maxima  amène  rapidement 
la  mort  de  la  plante,  en  provoquant  chez  elle  une 
sorte  de  fièvre  caractérisée  par  des  variations  brus- 
ques dans  les  quantités  de  liquide  absorbées  pen- 
dant un  même  temps. 

2"  La  transpiration  des  plantes  s'effectue  dans 
une  atmosphère  sèche  aussi  bien  que  dans  un 
milieu  saturé  de  vapeur  d'eau,  et  par  là  les  phé- 
nomènes de  transpiration,  c'est-à-dire  de  perte 
d'eau,  se  distinguent  complètement  des  simples 
phénomènes  d'évaporation. 

3°  La  lumière  blanche  agit  sur  la  transpiration 
comme  une  élévation  de  la  température,  ce  qui 
s'explique,  puisque  M.  Wiesner  a  montré  que  la 
chlorophylle  a  pour  rôle  de  transformer  la  lumière 
blanche  en  chaleur  obscure. 

■  4"  Un  refroidissement  trop  intense,  quoique  de 
courte  durée,  engourdit  la  plante.  Si  l'on  soumet 
alors  celle-ci  aux  températures  entre  lesquelles  elle 
transpire  habituellement,  elle  ne  fonctionne  plus; 
son  activité  ne  se  réveille  qu'à  une  température 
supérieure  à  la  température  maxima  qu'elle  pou- 
vait supporter  dans  les  conditions  normales.  Une 
fois  qu'elle  est  rentrée  en  activité,  sa  transpiration 
s'accélère,  bien  qu'on  laisse  la  température  aller 
en  diminuant,  et  ce  n'est  qu'au  bout  de  quelques 
heures  seulement  que  la  plante  reprend  son  état 
normal. 

Les  conséquences  immédiates  de  ces  résultats 
sont  des  plus  importa)ites.  Elijes  imposent  aux 
essais  d'acclimatation  cette  condition  sme  qiia  7ion 
que  toute  tentative  d'acclimatation  d'une  plante 
soit  précédée  de  la  détermination  préalable  des 
limites  supérieure  et  inférieure  de  température 
entre  lesquelles  cette  plante  est  en  activité.  En 
outre,  elles  révèlent  chez  l(>s  plantes  une  sensibi- 
lité beaucoup  plus  grande  que  celle  qu'on  leur 
attribue  généralement. 

III.  Lorsque  la  feuille  doit  jouer  le  rôle  d'or- 
gajie  de  réserve,  son  parenchyme  prend  un  dé- 
veloppement considérable,  eu  égard  au  volume 
de  ses  faisceaux,  et  c'est  dans  les  cellules  ou 
les  alvéoles  du  réservoir  ainsi  formé  que  s'accu- 
mulent l'amidon  et  l'eau  (ce  liquide  étant  toujours 
retenu  par  des  substances  analogues  à  la  gomme). 
Lorsqu'au  rôle  d'organe  de  réserve  s'ajoute  pour 
la  leuille  le  rôle  (J'ûr//fl?2e  dissémi7iateur,  il  se 
développe  sur  la  surface  de  cette  feuille  des 
points    de  végétation    accidenicls    ou    bourgeons 


adventifs  ;  elle  se  détache  alors  facilement  de  la 
lige,  roule  sur  le  sol,  et  produit  une  nouvelle 
plante  lorsqu'elle  trouve  les  conditions  favorables 
à  sa  végétation  [Bryophyllum). 

L'horticulture  a  su  tirer  parti  de  cette  propriété 
de  certaines  feuilles  pour  multiplier  rapidement 
plusieurs  végétaux  rares  ou  très  recherches  (6e- 
gouias).  Cette  opération  s'appelle  le  bouturage  par 
feuille. 

IV.  Pour  jouer  le  rôle  d'organe  protecteur,  la 
feuille  se  réduit  souvent  à  une  simple  écaille  dont  la 
consistance,  la  coloration  et  le  revêtement  cireux 
suffisent  à  assurer  la  conservation  des  parties 
jeunes  qu'elle  recouvre  (écailles  des  bourgeons 
des  arbres  à  fouilles  annuelles).  Lorsque  la  feuille 
doit  jouer  un  rôle  actif  dans  la  défense  de  la  plante, 
ou  bien  elle  se  transforme  en  épine  (plantes  gras- 
ses), ou  bien  sa  surface  ou  ses  bords  se  garnissent 
d'épines  (houx,  épine-vinette,  etc.).  Plus  rare- 
ment, ce  même  but  est  atteint  par  l'apparition,  à 
la  surface  de  la  feuille,  de  glandes  émettant  des 
liqueurs  corrosives  ;  et,  selon  les  plantes,  ou  bien 
ces  glandes  très  petites,  séparées  les  unes  des 
autres,  sont  terminées  chacune  par  un  poil  très 
aigu  qui  se  brise  dans  la  plaie  en  même  temps 
que  le  liquide  de  la  glande  s'y  épanche  [ortie)  ;  ou 
bien  les  glandes  sont  réunies,  et  leur  ensemble  se 
cache  au  fond  d'une  coupe  ou.  d'un  entonnoir  à 
couvercle  mobile,  piège  toui  préparé  pour  l'im- 
prudent qui  vient  irriter  la  feuille  [népentliès, 
sai'racenia).  Ces  plantes  à  pièges,  et  quelques  au- 
tres dont  les  feuilles  exécutent  des  mouvements 
très  étendus^  et  qui  sont  citées  comme  exemples  de 
plantes  extrêmement  sensibles,  ne  présentent  en 
réalité  que  des  phénomènes  de  turgescence  sur 
lesquels  nous  reviendrons  à  l'article  Vc'/élat 
(p.  2''74). 

V.  Pour  jouer  le  rôle  û  organe  de  natation,  tout 
ou  partie  du  parenchyme  foliaire  se  creuse  de 
lacunes  qui  s'emplissent  d'air;  chaque  lacune  est 
séparée  de  ses  voisines  par  des  cloisons  étanches; 
les  plus  volumineuses  sont  situées  à  la  face  infé- 
rieure de  l'organe  ;  toutes  ces  lacunes  communi- 
quent entre  elles  par  des  pertuis  extrêmement 
éiroits  qui  permettent  pourtant  à  l'air  de  circuler 
de  l'une  à  l'autre  ;  mais  dès  que  l'eau  entre  dans 
l'une  d'elles,  toutes  les  cloisons  se  gonflent  et  les 
pertuis  se  ferment  hermétiquement,  empêchant 
l'eau  de  pénétrer  plus  avant.  Dans  le  Pontederia, 
la  région  de  la  feuille  qui  est  transformée  en  or- 
gane de  natation  est  la  partie  inférieure  du 
pétiole  ;  dans  YHgdrocJiaris  nwrsus  rante,  c'est  le 
point  d'insertion  du  pétiole  sur  le  limbe  qui  est 
transformé  en  vessie  natatoire  ;  dans  le  Piditi 
stratiotes,  c'est  le  limbe  tout  entier. 

VI.  Pour  remplir  le  rôle  d'orgajie  préhenseur, 
certaines  nervures  de  la  feuille  perdent  leur 
parenchyme,  et,  ainsi  réduites  à  l'état  de  filaments 
grêles,  elles  s'enroulent  autour  des  corps  voisins, 
les  enserrent  de  leurs  spires,  ou  s'accolent  à  leur 
surface  par  des  pelotes  adhésives  ;  ces  organes 
préhenseurs  des  plantes  sont  désignés  sous  le  nom 
de  vrilles. 

5.  Appendices.  —  On  étend  quelquefois  la 
qualification  de  feuilles  aux  appendices  membra- 
neux de  l'axe  des  cryptogames  vasculaires.  Ces 
organes  qui  sont  caractérisés  par  l'absence  de  plan 
de  symétrie,  par  des  variations  continuelles  de 
forme,  pendant  toute  la  durée  de  leur  vie,  diffè- 
rent à  tous  égards  des  appendices  de  la  tige  que 
nous  venons  de  faire  connaître.  Leur  étude  est 
trop  incomplète  encore  pour  qu'il  soit  utile  de 
nous  y  appesantir;  on  les  désigne  maintenant  sous 
le  nom  de  frondes. 

Quant  à  la  phgllotaxie,  c'est-à-dire  l'arrange- 
ment des  feuilles  sur  la  tige,  nous  en  dirons 
quelques  mots  en  faisant  connaître   la  tige  *. 

[C.-E.  Bertrand.] 


FIGURES  —  "' 

FIGUKES  DE  STVJLE.  —  Littérature  et  style, 
V.  —  Quand  l'homme  se  sert  de  la  parole  ou 
de  l'écriture  pour  communiquer  aux  autres  sa 
pensée,  sa  première  préoccupation  est  de  se  fa.ire 
comprendre. 

Aussi,  son  style  (nous  entendons  par  ce  mot  la 
manière  soit  parlée,  soit  écrite,  dont  il  exprime  sa 
pensée)  doit  avant  tout  être  clair.  Il  faut  donc  ap- 
porter le  plus  grand  soin,  quand  on  parle  ou  quand 
on  écrit  et  surtout  quand  on  enseigne,  à  donner 
à  son  style  la  clarté  'et  toutes  les  qualités  qui  s'y 
rattachent,  la  correction  du  langage  et  la  précision 
des  termes. 

Autrement,  on  risque  de  n'être  pas  compris,  et 
l'on  s'expose  à  se  voir  adresser  ces  reproches  que 
le  moraliste  La  Bruyère  adressait  au  xyii""  siècle  à 
l'un  de  ses  contemporains  :  «  Que  dites-vous? 
comment?  Je  n'y  suis  pas  :  vous  plairait-il  de  re- 
commencer? J'y  suis  encore  moins  ;  je  devine 
enfin  :  vous  voulez,  Acis,  me  dire  qu'il  fait  froid  ; 
que  ne  disiez-vous  :  il  fait  froid?  Vous  voulez 
m'appreiidre  qu'il  pleut  ou  qu'il  neige;  dites  :  il 
pleut,  il  neige.  Vous  me  trouvez  bon  visage,  et 
vous  désirez  de  m'en  féliciter  ;  dites  :  je  vous  trouve 
bon  visage.  Mais,  répondez-vous,  cela  est  bien  uni 
et  bien  clair  :  et  d'ailleurs,  qui  ne  pourrait  pas 
en  dire  autant?  qu'importe,  Acis?  Est-ce  un  si 
grand  mal  d'être  entendu  quand  on  parle,  et  de 
parler  comme  tout  le  monde?  »  Le  même  défaut 
provenant  du  manque  de  clarté  et  de  simplicité 
est  encore  spirituellement  critiqué  par  ces  vers  du 
poète  Maynard  (158i-I64G)  : 

Mon  ami,  chasse  bien  loin 
Cetie  noire  rhétorique . 
Tes  écrits  auraient  besoin 
D'un  devin  qui  les  explique 
Si  ton  esprit  veut  cacher 
Les  belles  choses  qu'il  pense, 
Dis-moi,  qui  peut  t'empècher 
De  te  servir  du  silence? 

Mais,  si  l'homme  n'a  besoin  que  d'être  clair  et 
correct  pour  exprimer  les  idées  simples  qui  se 
présentent  d'elles-mêmes  à  son  esprit,  et  pour  être 
compris  de  ses  auditeurs,  il  n'en  est  plus  de  même 
quand  il  éprouve  un  sentiment  plus  vif,  et  quand 
il  veut  agir  d'une  manière  plus  profonde  sur  l'es- 
prit de  ceux  auxquels  il  s'adresse.  Son  style  change 
alors  de  nature;  tout  en  restant  clair  et  correct, 
il  prend  une  allure  moins  froide,  plus  rapide,  et 
qui  correspond  mieux  aux  sentiment  •  secrets  qu'il 
a  dans  l'àme  ou  qu'il  veut  faire  p.'-'tager  aux  au- 
tres. Alors  on  voit  s'introduire  dans  la  phrase  des 
tournures  plus  éloquentes,  plus  imagées,  que  les 
grammairiens  et  les  auteurs  de  traités  d'éloquence 
ont  appelées  Figures  de  style.  Ce  ne  sont  pas, 
comme  on  l'a  dit  quelquefois,  des  manières  de  parler 
éloignées  de  celles  qui  sont  naturelles  et  ordinai- 
res. Non  :  rien  n'est  plus  naturel  et  plus  ordinaire 
que  les  figures  de  style.  Il  s'en  rencontre  dans 
l'entretien  le  plus  simple  et  le  plus  familier.  Le 
pêcheur  qui,  regardant  la  mer,  s'écrie  :  «  Il  y  a 
vingt  voiles  à  l'horizon  »,  pour  dire  «  il  y  a  vingt 
bateaux,  »  fait  une  figure  de  style,  sans  s'en  douter, 
et  s'exprime  cependant  d'une  façon  claire  et  natu- 
relle. Il  y  a  longtemps  que  Dumarsais  a  dit  qu'il 
se  faisait  plus  de  figures,  en  un  jour,  à  la  Halle, 
que  dans  plusieurs  séances  de  l'Académie  française. 
Seulement,  ces  manières  de  parler  sont  plus  vives 
et  expriment  la  pensée  d'une  façon  plus  saisis- 
sante. Comment  peindre  d'un  mot  le  sommeil 
d'un  enfant  harassé  de  fatigue?  Si  vous  dites:  «  il 
don,  »  vous  rendez  le  fait  d'une  manière  froide  et 
molle;  mais  vous  faites  une  figure,  sans  le  savoir, 
en  disant  :  «  il  est  plongé  dans  un  -piofond  som- 
meil. »  Et  cette  figure  si  simple,  si  ordinaire,  ex- 
prime plus  énergiquement  votre  pensée. 

On  partage  les  figures  de  style  en  deux  grandes 
c'.asscs  :  1"  les  finurc^  de  pensées;  2"  les  fujuves 


75  —  FIGURES 

j  '/'?  mots.  Nous  nous  bornerons  à  indiquer  ici  les 
I  figures  principales,  saqs  avoir  l'intention  d'en 
dresser  une  nomenclature  complète,  et  en  ren- 
voyant aux  traités  spéciaux  de  littérature,  où  l'on 
a  souvent  multiplié  les  divisions  sans  réel  profit 
pour  l'esprit. 

I.  Figures  de  pensées.  —  On  donne  le  nom  de 
figures  de  pensées  aux  figures  qui  tiennent  à  la 
tournure  donnée  à  la  pensée  et  qui  subsistent  in- 
dépendamment des  mots  que  l'on  emploie.  Par 
exemple,  Vapostrophe  est  une  figure  de  pensée, 
parce  que  la  figure  subsiste  toujours,  que  l'auteur 
s'écrie  :  «  0  Fabricius  !  qu'aurait  pensé  votre  grande 
àme?...  »  ou  qu'il  mette  d'autres  mots,  en  conser- 
vant le  même  mouvement,  et  qu'il  dise  par  exem- 
ple avec  le  poète  Gilbert  :  «  Salut,  champs  que 
j'aimais!...  »  On  partage  les  figures  de  pensées  en 
trois  classes  : 

1"  Figures  qui  tiennent  à  la  passion,  c'est-à-dire 
qui  sont  inspirées  par  un  mouvement  violent  de 
lâme  :  ce  sont  Y  interrogation,  Vapostrophe,  Vexcla- 
m/ition,  Vépiphonème  ou  réflexion  sentencieuse, 
Vvonie,  l'hyperbole  ou  expression  exagérée  de  la 
pensée,  la  litote,  qui  est,  au  contraire,  l'atténua- 
tion de  la  pensée. 

".;''  Figures  qui  tiennent  à  l'imagination  :  la  pro- 
sopopée,  qui  fait  parler  même  les  objets  insensibles 
et  les  personnifie;  Vhypotypose  ou  tableau  qui  met 
sous  les  yeux  la  scène  qu'on  raconte  ;  la  compa- 
raison. 

;i°  Figures  qui  se  rapportent  plutôt  au  raisonne- 
ment :  ce  sont  la  gradation,  où  l'expression  devient 
de  plus  en  plus  forte,  ou  s'abaisse  au  contraire 
par  degrés  ;  la  prolepse,  qui  prévient  adroitement 
l'objection  pour  la  réfuter  d'avance;  la.  prétérition, 
qui  dit  les  choses  en  ayant  l'air  de  vouloir  les 
passer  sous  silence  ;  la  réticence,  qui  est  une  inter- 
ruption momentanée  de  la  phrase,  pour  rendre  l'i- 
dée plus  forte  en  la  faisant  deviner  ;  l'antithèse, 
qui  oppose  les  mots  aux  mots,  les  pensées  aux 
pensées  ;  la  périphrase,  qui  décrit  l'objet  au  lieu  de 
le  nommer,  ou  le  désigne  par  une  ou  plusieurs  de 
ses  qualités. 

Quelques-uns  de  ces  termes  s'expliquent  d'eux- 
mêmes  ;  d'autres  ont  besoin  d'exemples  qui  mon- 
trent avec  précision  en  quoi  la  figure  consiste  et 
ce  qui  la  distingue  des  autres  figures.  Aussi  le  pas- 
sage suivant,  où  Marmontel  s'est  étudié  à  réunir  le 
plus  grand  nombre  possible  de  figures  de  pensée, 
aura  l'avantage  d'en  faire  connaître  les  noms  et 
l'emploi.  «  Essayons,  dit-il,  de  réunir  toutes  les 
figures  dans  le  langage  d'un  homme  du  peuple  ; 
supposons  qu'il  est  en  colère  contre  sa  femme  : 

«  Si  je  dis  oui,  elle  dit  non  ;  soir  et  matin,  nuit 
et  jour,  elle  gronde  {accumulation  et  antithèse). 
Jamais,  jamais  de  repos  avec  elle  [répélilion).  C'est 
une  furie, un  démon  (hyperbole).  Mais,  malheureuse, 
dis-moi  donc  (aposti-ophe)  :  que  t'ai-je  fait  {inter- 
rogation) ?  0  ciel  1  quelle  fut  ma  folie  en  t'épou- 
sant  exclamation)  !  que  ne  me  suis-je  plutôt  noyé 
optatioji  ou  souhait)  !  Je  ne  te  reproche,  ni  ce  que 
tu  me  coûtes,  ni  la  peine  que  je  me  donne  pour  te 
suffire  iprétérinon)  ;  mais  je  t'en  prie,  je  t'en  con- 
jure, laisse-n:oi  travailler  en  paix  {obsécration  ou 
prière)  ;  ou  que  je  meure  si...  {réticence).  Tremble 
de  me  pousser  à  bout  {imprécation]  !  Elle  pleure  ! 
ah  !  la  bonne  àme  !  Vous  allez  voir  que  c'est  moi 
qui  ai  tort  {ironie).  Eh  bien,  je  suppose  que  cela 
soit.  Oui,  je  suis  trop  vif,  trop  sensible  {co7icessio>i). 
J'ai  souhaité  cent  fois  que  tu  fusses  laide.  J'ai 
maudit,  détesté  ces  yeux  perfides,  cette  mine  trom- 
peuse qui  m'avait  afi"ûlé  astéisine,  ironie  qui  dé- 
guise le  blâme  sous  le  voile  de  la  louange,  et  réci- 
proquement). Mais  dis-moi  si,  par  la  douceur,  il  ne 
vaudrait  pas  mieux  me  ramener  (communication). 
Nos  enfants,  nos  amis,  nos  voisins,  tout  le  monde 
(énumérution)  nous  voit  faire  mauvais  ménage.  Ils 
entendent  tes  cris,  tes  plaintes,  lus  injures  (accv- 


FIGURES 


770  — 


FIGURES 


mulation) 


dont  tu  m'accables  ;  ils  t'ont  vue  les 
yeux  égares,  le  visage  en  feu,  la  tête  échevelée,  me 
poursuivre,  me  menacer  {description]  ;  ils  en  par- 
lent avec  frayeur.  La  voisine  arrive,  on  le  lui  ra- 
conte: le  passant  écoute  et  va  le  répéter  (In/po- 
typose).  Ils  croient  que  je  suis  un  méchant,  un 
brutal,  que  je  te  laisse  manquer  de  tout,  que  je  to 
bats,  que  je  t'assomme  (gradmion).  Mais  non,  ils 
savent  bien  que  je  t'aime,  que  j'ai  bon  cœur,  que 
je  désire  te  voir  tranquille  et  contente  [correction  . 
Va,  le  monde  n'est  pas  injuste  :  le  tort  reste  à 
celui  qui  Ta  {épiphonème  ou  sentence).  Hélas  .  ta 
pauvre  mère  m'avait  tant  promis  que  tu  lui  resscni- 
blerais  1  Que  dirait-elle  ?  que  dit-elle  ?  car  elle  voit 
tout  ce  qui  se  passe.  Je  crois  l'entendre  qui  te  re- 
proche de  me  rendre  si  malheureux  :  «  Ah  !  mon 
pauvre  gendre,  dit-elle,  tu  méritais  un  meilleur 
sort  (/))•'  sfpopée)  !» 

II.  Figures  de  mots.  —  Par  opposition  aux 
figures  de  pensées,  on  appelle  figures  de  motx  les 
figures  qui  dépendent  des  mots  que  l'on  emploie, 
de  sorte  que  si  les  mots  sont  ou  changés  ou  dé- 
placés, la  figure  disparaît.  On  partage  les  figures  de 
mots  en  deux  classes  :  1"  les  figures  de  mots 
proprement  dites  ou  figures  de  construction  ;  T  les 
trojies. 

1"  Les  figures  de  const7-uction,  comme  leur  nom 
l'indique,  dépendent  de  la  construction  de  la 
phrase  et  de  la  disposition  que  l'on  a  donnée  aux 
mots.  Il  y  a  figure  de  construction,  lorsque,  sans 
violer  les  lois  de  la  grammaire,  on  s'écarte  de  li 
tournure  rigoureusement  grammaticale. 

Telle  est  ['Inversion,  dont  voici  un  exemple  em- 
prunté à  Bossuet  :  «  Restait  cette  redoutable  infan- 
terie de  l'armée  d'Espagne .  » 

L'ellipse  supprime  dans  la  phrase  des  mots  que 
l'esprit  supplée  facilement  : 
Je  t'aimais  inconstant,  qo'aurais-je  fait  fidèle"}  (Racine.) 

La  pensée  est  plus  rapide  et  plus  vive  que  si  Ra- 
cine avait  dit  :  «  qu'aurais  je  fait,  si  tu  avais  été 
fidèle  ?  » 

La  syllepse  fait  accorder  un  mot  avec  l'idée  plu- 
tôt qu'avec  le  mot  auquel  il  se  rapporte  : 

Entre  le  pauvre  et  vous,  vous  prendrez  Dieu  pour  juge; 

Vous  souvenant,  nnon  iils,  que,  caché  sous  ce  lin, 

Comme  eux  vous  fûtes  pauvre, etcorame  eux  orplieliu.  Racine.'] 

Comme  eux  se  rapporte  à  l'idée  collective  des 
pauvres,  au  lieu  de  s'accorder  avec  le  mot  exprimé 
au  premier  vers. 

Le  plonasme  a  pour  but  d'insister  sur  une 
idée  ;  il  ajoute  ce  que  la  grammaire  rejette  comme 
supei-flu,  et  répète  plusieurs  fois  le  même  mot  : 

Je  l'ai  vu,  dis-je,  vu,  Je  mes  propres  yeux  vu, 
Ce  qui  s'appelle  vu.  (Molière.) 

C'est  de  même  pour  insister  sur  l'idée  qu'on 
répète  certaines  particules  conjonctives  ou  cer- 
tains pronoms  personnels.  Cette  figure  s'appelle 
conjonction: 

On  égorjie  à  la  fois  les  curants,  les  vieillards. 
Et  la  ?œur  et  le  frère, 
Et  la  fille  et  la  mère, 
Le  fils  dans  les  bras  de  son  père  !  (Racine.) 

La  figure  opposée  à  celle-là,  où  l'on  supprime 
au  contraire  les  particules  pour  donner  plus  de 
rapidité  à  la  pensée,  s'appelle  disjonction  : 

l-rançais,  Anglais,  Lorrains,  que  la  fureur  rassemble, 
Avançaient,  cuinbattaient,  frappaient,  mouraient  ensemble. 

(Voltaire.) 

T  Les  tropes  sont  les  figures  qui  changent  la  si- 
pnification  des  mots.  On  les  nomme  ainsi  du  mot 
grec  tropê  qui  veut  dire  changement.  Dans  toutes 
les  langues,  il  y  a  beaucoup  de  mots  qui  ont  deux 
sens.  Ils  ont  d'abord  leur  sens  propre  ou  primitif, 
c'est-à-dire,  qui  exprime  l'objet  ou  l'idée  pour  les- 


quels ils  ont  été  créés.  Il>  ont  ensuite  an  sens 
dérivé,  quand  on  les  emploie  pour  désigner  un 
autre  objet  ou  une  autre  idée.  Ainsi  le  mot  «  ber- 
ceau »  signifie  au  sens  propre  un  lit  d'enfant; 
mais  quand  on  dit  «  un  berceau  de  verdure,  »  on 
détourne  le  mot  de  son  sens  primitif  pour  l'appli- 
quer à  une  certaine  disposition  du  feuillage  qui  n'a 
qu'une  ressemblance  lointaine  avec  un  berceau 
d'enfant.  Cette  modification  du  sens  primitif  est 
ce  que  l'on  appelle  an  trope.  Voici  les  principaux 
tropes  : 

La  métaphore  est  une  figure  par  laquelle  on  fait 
passer  un  mot  de  sa  signification  propre  à  une 
autre  signification,  en  vertu  d'une  comparaison  qui 
se  fait  dans  l'esprit.  Toute  métaphore  renferme 
donc  une  comparaison,  mais  elle  ne  la  développe 
pas,  elle  ne  fait  que  l'indiquer.  Quand  Homère  dit 
d'Achille  :  «  il  s'élance  comme  un  lion,  »  il  fait  une 
comparaison;  quand  il  dit  :  (t  ce  lion  s'élance,  »  il 
fait  une  métaphore. 

Vallégorie  est  une  métaphore  continuée.  Elle 
arrête  l'esprit  sur  les  idées  et  les  images  qui  doi- 
vent saisir  l'imagination  ou  toueher  le  cœur.  Ainsi 
La  Fontaine  fait  une  allégorie  en  comparant  la 
prospérité  passagère  d'un  courtisan  à  un  voyage 
accompli  sur  mer  par  un  beau  temps: 

Lorsque  lur  cette  mer  on  vogue  à  pleines  voiles, 
yu  ou  croit  avoir  pour  soi  IfS  vents  et  les  étoiles, 
11  est  bien  malaisé  de  régler  ses  désirs  : 
Le  plus  sage  s'endort  sur  la  foi  des  Zéphirs  I 

La  catachrèse,  ou  mot  contre  l'usage,  est  une 
espèce  de  métaphore  à  laquelle  on  est  réduit, 
faute  de  trouver  dans  la  langue  un  terme  qui 
exprime  sa  pensée,  C'est  ainsi  qu'on  dit  un  cheval 
/ti-ré  d'argent:  une  feuille  de  papier;  aller  à  che- 
val sur  un  bâton. 

La  m-tonymie  est  un  changement  de  nom.  Elle 
consiste  :  1°  à  prendre  la  cause  pour  l'effet,  quand 
on  dit  les  travaux  de  Mars,  pour  les  travaux  de  la 
guerre;  2°  à  prendre  l'eff'et  pour  la  cause  :  «  la  forêt 
n'a  plus  d'ombre,  »  pour  dire  que  les  arbres  n'ont 
plus  de  feuilles  ;  3°  à  mettre  le  contenant  pour  le 
contenu  :  «  cette  coupe  est  empoisonnée,  »  pour 
dire  le  vin  contenu  dans  la  coupe  ;  4°  le  signe  pour 
la  chose  signifiée  :  «  quitter  la  robe,  »  pour  dire 
renoncer  à  la  magistrature  ;  5°  à  employer  le  mot 
abstrait  pour  le  concret;  exemple  : 

Que  ton  effronterie  a  surpris  ma  vieillesse  !  (Corneille.) 

pour  dire  :  Tu  es    un  effronté  qui   a  trompé    un 
vieillard  comme  moi. 

La  synecdoque  vient  d'un  mot  grec  qui  signifie 
compréhension.  C&si  une  métonymie  qui  fait  entrer 
dans  un  mot  tantôt  plus,  tantôt  moins  qu'il  ne  com- 
porte. Elle  désigne  1°  le  genre  pour  l'espèce  :  les 
mortels  pour  les  hommes  ;  2°  la  partie  pour  le  tout  : 
cent  voiles  pour  cent  vaisseaux  ;  et  le  tout  pour  la 
partie  :  "  le  peuple  qui  boit  la  Seine;  »  3°  le  sin- 
gulier pour  le  pluriel:  Y  Américain  pour  les  Amé- 
ricains; 4°  le  nom  de  la  matière  pour  la  chose  qui 
en  est  faite  :  «  Vairain  sacré  qui  retentit,  »  pour 
désigner  la  cloche. 

L'antonomase,  ou  substitution  de  mot,  remplace 
un  nom  commun  par  un  nom  propre,  ou  un  nom 
propre  par  un  nom  commun;  on  dit  un  Cicéron 
pour  désigner  un  bon  orateur,  ou  bien  l'on  met- 
['orateur  romain  au  lieu  de  nommer  Cicéron. 

L'antiphrase  dit  le  contraire  de  la  vérité.  Les 
anciens  appelaient  les  furies  du  nom  d'Euménides, 
qui  veut  dire  déesses  bienveillantes.  C'est  par  an- 
tiphrase qu'on  dit:  «  modeste  comme  un  Gascon.  » 
C'est  par  antiphrase  aussi  qu'on  avait  appelé  Plii- 
lopator  [qui  aime  son  père',  un  Ptolémée  d'Egypte 
qui  avait  empoisonné  son  père. 

Les  exemples  de  figures  de  construction  et  de 
mots  que  nous  avons  cités  suffisent  à  montrer  com- 
bien l'emploi  des  figures  est  ordinaire.  Il  est  même 


FIGURES  —  " 

des  cas  où  elles  sont  nécessaires  :  et  certaines 
idées  ne  peuvent  s'exprimer  qu'avec  leur  concours. 
Telles  sont  les  idées  abstraites.  Elles  ont  besoin 
d"être  matérialisées,  en  quelque  sorte,  par  les  mots 
dont  on  se  sert,  pour  arriver  jusqu'à  l'esprit.  Com- 
ment même  caractériser  le  style  d'un  écrivain, 
sans  avoir  recours  à  des  figures?  Qu'est-ce  que 
dire  d'une  phrase:  elle  est  dure,  froide,  languis- 
sante? ou  bien,  le  style  en  est  vif,  rapide,  etc.. 
sinon  faire  des  comparaisons  abrégées  avec  des 
objets  matériels,  ou  des  êtres  animés,  auxquels  ces 
épithètes  sembleraient  devoir  convenir  exclusive- 
ment? Ne  sont-ce  pas  des  figures,  les  expressions 
suivantes  auxquelles  nous  sommes  tellement  ha- 
bitués que  nous  ne  les  remarquons  même  pas:  «  la 
P'hiétration  de  l'esprit,  la  rapidité  de  la  pensée,  la 
dureté  du  cœur;  Y  aveuglement  des  passions;  le 
poids  de  l'autorité;  le  joug  du  despotisme;  la 
/leur  de  l'âge,  la  glace  de  la  vieillesse,  le  fardeau 
dos  années;  bouillir  d'impatience,  être  einvré  de 
colère,  glacé  d'effroi  ;  se  be'  cer  d'espérances, 
flotter  entre  la  crainte  et  l'espoir,  »  etc.  Il  ne  faut 
donc  pas  médire  des  figures  de  grammaire  et  de 
rhétorique,  comme  on  le  fait  trop  souvent  par 
ignorance  ou  par  irréflexion.  Quelques-unes  ont,  il 
est  vraij  des  noms  étranges  pour  les  personnes 
qui  n'ont  pas  étudié  les  langues  anciennes,  mais 
toute  science  a  besoin  de  ses  mots  techniques,  et 
il  est  plus  facile  de  se  moquer  des  catnchrèses  que 
de  s'en  passer.  Que  seraient,  en  effet,  l'éloquence 
f't  la  poésie,  si  l'art  n'avait  pas  à  sa  disposition 
cette  ressource  précieuse  qui,  seule,  donne  de  la 
force  et  de  la  vivacité  à  l'expression  du  sentiment 
et  de  la  pensée? 

Hâtons-nous  toutefois  de  faire  des  réserves.  Il 
est  facile  d'abuser  des  figures  et  de  les  employer 
d'une  façon  vicieuse.  C'est  un  défaut  que  de  bons 
écrivains  eux-mêmes  n'ont  pas  toujours  su  éviter. 
On  connaît  le  mot  d'Henri  IV  :  «  Je  veux  que  tous 
les  dimanches,  chaque  paysan  puisse  mettre  la 
poule  au  pot.  »  Est-il  rien  de  plus  déplacé  que  do 
rendre  cette  pensée  par  ces  périphrases  ambi- 
tieuses : 

Je  veux  que  dans  ces  jours  consacrés  au  repos, 
L'hôte  laborieux  des  modestes  hameaux, 
Sur  sa  tab'e  moins  humble,  ait,  par  ma  bienfaisance, 
Quelques-uns  de  ces  mets  réservés  à  l'aisance. 

On  cite  encore  comme  exemple  de  périphrases 
énigmaiiques  ces  vers  où  de  Belloy,  l'auteur  de  la 
tragédie  le  Siège  deCalais  (l'tiô),  a  voulu  dire  que 
les  habitants  de  la  ville,  pressés  par  la  famine,  ne 
trouvent  même  plus  de  chiens  pour  se  nourrir  : 

I-e  plus  vil  aliment,  rebut  de  la  misère. 

Mais  aux  derniers  abois  ressource  horrible  et  chère, 

De  la  fidélité  respectable  soutien, 

.Manque  à  l'or  prodigué  du  riche  citoyen. 

L'auteur  "a  reculé  devant  le  mot  chien,  il  a  cru 
embellir  ses  vers,  il  a  fait  une  phrase  ridicule,  on 
peut  même  ajouter  :  inintelligible.  Cependant  ii 
connaissait  ces  vers  si  justes  de  Molière  où  Alceste, 
le  misanthrope,  critique  avec  tant  de  raison  l'abus 
des  figures  et  s'exprime  ainsi  : 

Ce  style  figuré,  dont  on  fait  vanité 

Sort  du  bon  cara'"'èie  et  de  la  vérité; 

Ce  n'est  que  jeu  de  mots,  qu'affectation  pure. 

Et  ce  n'est  point  ainî-i  que  parle  la  nature. 

L'emploi  abusif  des  figures,  le  goût  pour  les  pé- 
riphrases, se  remarquent  souvent  dans  la  conver- 
sation et  le  style  des  personnes  qui  ont  une  demi- 
instruction,  surtout  si  elles  se  trouvent  en  présence 
de  gens  plus  instruits.  Elles  veulent  montrer 
qu'elles  sont  aussi  initiées  au  beau  langage,  et  ne 
point  paraître  au-dessous  de  leurs  interlocuteurs. 
Au  lieu  de  se  contenter  d'exprimer  simplement 
des  idées  simples,  elles  vont  alors  cherciier  des 
tournures  prétentieuses  et  guindées,  elles  usent 


M  —  FLEUR 

de  métaphores  et  de  périphrases  alambiquées.  Elles 
croient  éblouir  leurs  auditeurs,  elles  les  font  rire 
à  leurs  dépens.  Elles  ne  peuvent  se  résigner  à 
dire  Pans  :  elles  l'appellent  la  capitale  de  la 
France,  le  foyer  des  lumières.  Si  elles  écrivent  au 
maire  de  leur  village,  elles  trouvent  vulgaire  de  le 
désigner  par  son  titre,  elles  le  traitent  de  preniier 
inagistrat  municipal.  Enfin  elles  espèrent  qu'on 
leur  supposera  d'autant  plus  de  science  et  d'esprit, 
qu'elles  parleront  d'une  façon  moins  simple  et 
moins  naturelle.  C'est  de  leur  part  un  manque  de 
jugement;  La  Bruyère  ajoute  même  :  un  manque 
d'esprit. 

Aussi  nous  ne  pouvons  mieux  conclure  cet  article, 
qu'en  reproduisant  la  fin  du  passage  cité  plus  haut, 
où  ce  grand  écrivain  donne  de  si  sages  conseils,  et 
sous  une  forme  si  piquante,  à  ceux  qui  ne  veulent 
pas  parler  simplement,  qui  emploient  à  tort  et  à  tra- 
vers les  figures  de  style.  «  Une  cliose  vous  manque, 
dit-il,  Acis,  à  vous  et  à  vos  semblables,  les  diseurs 
de  phébus  (paroles  prétentieuses)  ;  vous  ne  vous 
en  défiez  pas,  et  je  vais  vous  jeter  dans  l'ctonne- 
ment.  Une  chose  vous  manque,  c'est  l'esprit:  ce 
n'est  pas  tout; il  y  a  en  vous  une  chose  de  trop, 
qui  est  l'opinion  d'en  savoir  plus  que  les  autres  : 
voilà  la  source  de  votre  pompeux  galimatias,  de 
vos  phrases  embrouillées  et  de  vos  grands  mots 
qui  ne  signifient  rien.  Vous  abordez  cet  homme,  ou 
vous  entrez  dans  cette  chambre  ;  je  vous  tire  par 
votre  habit,  et  je  vous  dis  à  l'oreille  :  no  songez 
pointa  avoir  de  l'esprit,  n'en  ayez  point,  c'est  votre 
rôle  :  ayez,  si  vous  pouvez,  un  langage  simple,  et 
tel  que  l'ont  ceux  en  qui  vous  ne  trouvez  aucun 
esprit;  peut-être  alors  croira-t-on  que  vous  en 
avez.  »  [Victor  Cucheval.] 

FLEUR.  —  Botanique.  VIII.  —  On  appelle  fleur, 
chez  les  végétaux  phanérogames,  une  réunion  d'or- 
gaufs  repi'o  ucteurs,  accompagnés  ou  non  d'enve- 
loppes destinées  à  les  protéger.  L'ensemble  des 
pièces  protectrices  d'une  fleur  est  désigné  sous  le 
nom  de  périanthe. 

1.  Organes  reproducteurs.  —  Les  organes  repro- 
ducteurs, chez  les  végétaux  phanérogames,  sont 
de  deux  ordres  :  les  organes  mâles  (c')  désignés  sous 
le  nom  d'étamines,  les  organes  femelles  (?)  désignés 
sous  le  nom  de  pistils. 

['ne  étamine  est  formée  de  deux  parties  :  un 
pédicelle  de  longueur  variable,  nommé  ftlet,  por- 
tant une  glande  nommée  anthère.  Cette  glande  est 
creusée  de  deux  ou  trois  sacs,  dans  lesquels  sont 
contenus  les  gravis  de  pollen.  Le  tissu  qui  agglu- 
tine les  loges  de  l'anthère  reçoit  le  nom  de  co>i- 
nectif.  Les  grains  de  pollen  sont  de  petites  cel- 
lules libres  ou  agglutinées  par  deux,  par  quatre, 
par  huit  ou  en  plus  grand  nombre  ;  une  agglomé- 
ration de  grains  de  pollen  est  une  ;  0/  inie.  Chaque 
grain  de  pollen  présente  une  paroi  cellulaire  sou- 
vent différenciée  en  zones  douées  de  propriétés 
différentes  :  les  zones  extérieures,  rigides,  imper- 
méables, désignées  parle  mot  exme;  les  zones  in- 
térieures, élastiques, perméables,  nommées  intine. 
Le  contenu  protoplasmique  des  grains  de  pollen, 
ou  substance  fécondante  du  végétal,  est  souvent 
désigné  sous  le  nom  de  fovilla.  A  l'époque  de  la 
fécondation,  les  parois  des  sacs  de  l'anthère  se 
perforent  ou  se  déchirent  pour  mettre  en  liberté 
les  grains  de  pollen  :  cette  opération  a  reçu  le  nom 
de  pollinisation.  En  général,  les  anthères  d'une 
fleur  sont  indépendantes  les  unes  des  autres;  par- 
fois néanmoins  elles  sont  plus  ou  moins  adhéren- 
tes, et  sont  alors  dites  si/ngénèses.  Les  filets  de 
plusieurs  étamines  voisines  sont  ordinairement  li- 
bres; plus  rarement  ils  adhèrent  les  uns  aux 
autres  :  alors  ils  sont  dits  adelp'œs.  Selon  que  les 
étamines  d'une  fleur,  ainsi  adhérentes  par  leurs 
filets,  forment  un,  deux,  ou  plusieurs  groupes, 
elles  sont  dites  mono,  di,  polgadelphes.  Le  trans- 
port du  pollen  sur  le  pistil  peut  s'opérer  à  l'aida 


FLEUR 


—  778 


FLEUR 


du  vent  :  fréquemment  alors  les  grains  de  pollen  sont 
pourvus  d'ailes;  ou  bien,  ce  qui  semble  la  règle 
générale  dans  la  nature  actuelle,  ce  transport  a 
lieu  par  les  insectes,  lorsque  ceux-ci  viennent  bu- 
tiner dans  les  fleurs  ;  plus  rarement  le  pollen  est 
lancé  sur  le  pistil  par  le  mouvement  de  contracti- 
lité  que  possèdent  quelques  étamines. 

La  partie  essentielle  glandulaire  du  pistil  est 
nommée  ovule.  Cette  glande  se  montre  soit  comme 
un  mamelon  cellulaire  arrondi,  sans  enveloppe 
spéciale  ;  soit  plus  ordinairement  comme  un  ma- 
melon revêtu  par  un  ou  deux  replis  membraneux 
nés  de  sa  base.  Le  mamelon  cellulaire  central  de 
toute  glande  femelle,  si  simple  soit-il,  est  le  nu- 
ceile  ;  les  téguments  qui  le  revêtent  parfois  ont 
reçu,  l'extérieur  le  nom  de  primiiie,  l'intérieur 
celui  de  secondine.  Il  importe  de  signaler  cette 
différence  entre  la  nomenclature  et  la  réalité,  à 
savoir  que  lors  du  développement  des  replis  tégu- 
mentaires  de  l'ovule,  celui  des  deux  replis  qui  se 
forme  le  premier  est  la  secondine.  Lorsque  l'ovule, 
au  lieu  de  présenter  deux  enveloppes  protectrices 
spéciales,  n'en  présente  qu'une,  celle-ci  est  dési- 
gnée par  le  nom  de  tégument,  sans  qualificatif. 
L'ouverture  de  la  coupe  formée  par  la  primine 
s'appelle  exostome;  celle  de  la  secondine,  endos- 
tome.  L'ensemble  de  l'exostome  et  de  l'endos- 
tome  forme  le  canal  micropi/laire;  l'orifice  exté- 
rieur de  ce  canal  est  appelé  micropyle.  Lorsque 
l'endostome  et  l'exostome  ne  se  correspondent  pas 
directement,  l'ovule  est  hétérotrope.  La  base  de 
l'ovule  s'appelle  hile.  Tout  ovule  droit  est  dit  ortho- 
trope  ;  les  ovules  com-bés  sont  dits  anatropes.  Les 
ovules  orthotropes  ne  se  rencontrent  que  très 
rarement  en  dehors  du  groupe  des  végétaux  pha- 
nérogames gymnospermes.  Dans  les  ovules  ana- 
tropes, on  appelle  raphé  les  faisceaux  qui  se 
répandent  dans  l'ovule,  chaliise  le  point  d'épa- 
nouissement de  ces  faisceaux  dans  l'ovule.  Les 
cellules  sécrétées  par  les  glandes  ovulaires  se 
nomment  vésicules  embryonnaires  :  ce  sont  des 
cellules  à  parois  épaisses,  presque  fluides,  qui  se 
laissent  facilementperforer  par  le  boyau  poUinique. 

:Deux  cas  doivent  être  soigneusement  distingués 
dans  l'étude  des  parties  accessoires  de  l'appareil 
pistillaire,  selon  que  l'ovule  joue  en  plus  de  son 
rôle  particulier  celui  d'appareil  collecteur  et  incu- 
bateur des  grains  de  pollen,  ou  selon  que  ce  rôle 
est  rempli  par  un  organe  particulier,  distinct  des 
ovules  et  les  enveloppant.  Lorsque  l'ovule  joint  à 
sa  fonction  particulière  le  rôle  d'appareil  collec- 
teur et  incubateur  des  granules  polliniques,  nous 
avons  affaire  aux  végétaux  phanérogames  gymno- 
spermes :  dans  l'autre  cas  nous  avons  affaire  aux 
végétaux  phanérogames  angiospermes.  Chez  les 
végétaux  gymnospermes,  à  l'extrémité  supérieure 
du  nucelle  se  forme,  par  déchirement  des  tissus 
de  cette  région  de  l'ovule,  une  cavité  dans  laquelle 
les  grains  de  pollen  viennent  s'accumuler  ;  ce  n'est 
qu'au  bout  de  plusieurs  mois  qu'ils  semblent  sor- 
tir de  leur  torpeur,  et  qu'ils  émettent  les  boyaux 
polliniques  (V.  Conifères).  Chez  les  végétaux  an- 
giospermes, les  ovules  sont  enfermés  dans  une 
cavité  désignée  .sous  le  nom  à! ovaire.  Les  parois 
de  l'ovaire  se  prolongent  en  un  tube  ou  style, 
terminé  supérieurement  par  une  coupe  ou  cornet, 
le  stigmate.  La  surface  de  la  coupe  stigmatique 
est  couverte  d'un  duvet  papilleux  formé  de  très 
petites  glandes,  qui  laissent  exsuder  une  liqueur 
sucrée  et  visqueuse  à  laquelle  les  grains  de  pollen 
adhèrent  fortement.  Cette  humeur  provoque  bien- 
tôt le  gonflement,  puis  la  germination  des  grains 
de  pollen.  Le  boyau  pollini(iuo,  émis  par  le  pollen 
à  la  surface  du  stigmate,  parcourt  le  canal  stylaire 
dans  toute  son  étendue  ;  il  est  nourri  pendant  ce 
trajet  par  le  tissu  du  style  ;  il  entre  dans  la  ca- 
vité ovarienne  ;  et  selon  que  les  ovules  enfermés 
dans  cotte  cavité  sont  orthotropes   ou    anatropes. 


le  tube  pollinique  descend  directement  dans  les 
micropyles,  ou  bien  il  suit  la  paroi  ovarienne  et 
rampe  sur  les  ovules  avant  de  pénétrer  dans  leur 
intérieur.  La  région  glanduleuse  de  l'ovaire  qui 
porte  les  ovules  est  nommée  placenta. 

On  rencontre  souvent,  à  la  base  du  pistil,  des 
glandes  à  nectar,  ou  nectaires,  qui  sécrètent  un 
suc  mielleux  :  ces  organes  spéciaux,  de  même  que 
les  vives  couleurs  qu'oiïre  d'ordinaire  le  périanthe, 
ne  sont  pour  la  plante  que  des  moyens  d'attirer 
les  insectes,  dont  l'intervention  facilite  le  transport 
du  pollen  sur  le  stigmate. 

2.  PériantJie.  —  Par  le  nom  de  périanthe,  nous 
avons  désigné  l'ensemble  des  pièces  qui  servent  à 
protéger  spécialement  les  organes  reproducteurs 
des  plantes;  chaque  pièce  du  périanthe  est  un 
tépale.  Lorsque  les  pièces  d'un  périanthe  se  lais- 
sent facilement  distinguer  en  enveloppes  exté- 
rieures vertes  et  enveloppes  intérieures  brillam- 
ment colorées,  la  partie  extérieure  du  périanthe 
est  nommée  calice  et  ses  pièces  constituantes  sont 
alors  des  séimles;  la  partie  intérieure  du  périanthe 
a  nom  corolle,  et  les  pièces  de  la  corolle  sont  nom- 
mées pétales.  Extérieurement  à  la  corolle  et  au 
calice,  on  trouve  parfois  des  enveloppes  accessoires 
nommées  calicules,  dont  les  pièces  constituantes 
ont  nom  bractées,  bractéoles,  etc.  Toutes  les  pièces 
f|ue  nous  venons  de  nommer  peuvent  exister  ou 
faire  défaut;  ce  dernier  cas  est  connu  sous  le 
nom  ûapétali'^;  lorsque  ces  pièces  existent,  elles 
peuvent  être  libres  et  indépendantes,  ou  au  con- 
traire elles  peuvent  adhérer  entre  elles  sur  une 
longueur  variable.  Lorsque  les  pièces  d'un  calice 
sont  adhérentes,  celui-ci  est  dit  gamosépale  ou 
^mais  très  improprement)  mon^>sépale ;  lorsque  les 
pièces  d'un  calice  sont  libres,  celui-ci  est  nialysé- 
pale;  on  dit  parfois,  mjis  à  tort,  polysépale.  Lors- 
que les  pièces  de  la  corolle  sont  adhérentes,  celle- 
ci  est  gamopétale  (ou  monopétalei  ;  lorsque  ces 
mêmes  pièces  sont  distinctes,  la  corolle  est  dialy- 
pétate  {ovl  polg pétale). 

.3.  Disposition  des  parties  dans  la  fleur.  —  Ré- 
duite h  sa  plus  grande  simplicité,  la  fleur  ne  com- 
prendra qu'une étamine  ou  qu'un  pistil;  plus  com- 
pliquée, chaque  fleur  contiendra  un  certain  nombre 
d'organes  mâles  ou  d'organes  femelles;  si  elle  se 
complique  encore,  les  organes  reproducteurs  seront 
enveloppés  par  un  périanthe  ;  enfin,  comme  der- 
nier terme  de  complication,  dans  l'intérieur  d'un 
périanthe  différencié  en  calice  et  corolle,  nous 
trouverons  les  organes  reproducteurs  des  deux 
sexes,  étamines  et  pistil.  Selon  que  les  fleurs  sont 
unisexuées,  ou  au  contraire  qu'elles  réunissent 
les  deux  natures  d'organes  reproducteurs,  elles 
sont,  dans  le  premier  cas,  diclines,  dans  le  second, 
hermaphrodites. 

Les  plantes  à  fleurs  diclines  sont  divisées  en 
plantes  monoïques  et  eu  plantes  dioiques,  selon 
que  les  fleurs  à  étamines  et  les  fleurs  à  pistil  sont 
portées  par  le  môme  pied  ou  qu'elles  sont  portées 
sur  des  pieds  différents. 

Dans  une  fleur  aussi  compliquée  que  possible, 
on  rencontre,  en  allant  de  la  périphérie  au  centre  : 
1°  le  calice;  2°  la  corolle;  3"  les  étamines,  dont 
l'ensemble  a  reçu  le  nom  à'androcée  ;  4°  au  centre 
de  la  fleur,  les  pistils,  dont  la  réunion  forme  le 
(jynécée.  Les  pièces  de  chacune  des  régions  d'une 
fleur  complète  sont  disposées  tantôt  sur  un,  tantôt 
sur  plusieurs  rangs  ;  chaque  rang  a  reçu  le  nom  de 
veriicille  floral.  Les  pièces  de  chaque  verticille 
floral  sont  disposées  tantôt  sur  un  cercle,  tantôt 
sur  une  ligne  spirale.  Quelle  que  soit  leur  disposi- 
tion, il  est  de  règle  qtie  les  pièces  de  deux  verti- 
cilles  floraux  consécutifs  alternent  régulièrement 
entre  elles;  aussi  les  pétales  alternent  avec  les  sé- 
pales, les  étamines  avec  les  pétales,  etc.,  et  par 
suite  les  étamines  sont  généralement  superposées 
directement  aux  sépales. 


FLEUR 


—  779  — 


FLEUR 


La  règle  ci-dessus  offre  pourtant  un  assez  grand 
nombre  d'exceptions.  Certaines  dispositions  parti- 
culières de  quelques  fleurs  méritent  d'être  men- 
tionnées; telles  sont  :  les  androcécs  didynames^ 
composés  de  quatre  étamines,  dont  deux  sont  plus 
grandes  que  les  autres  ;  les  androcées  tétradynames, 
composés  de  six  étamines,  dont  quatre  sont  plus 
longues  que  les  deux  autres  ;  les  androcées  gynan- 
dres,  ainsi  nommées  parce  que  les  anthères  sont 
fixées  sur  la  surface  des  pistils  adhérents  entre  eux. 
Dans  une  fleur  on  nomme  réceptacle  la  surface 
sur  laquelle  s'insèrent  les  différentes  parties  de  la 
fleur.  On  distingue  trois  modes  principaux  dans  la 
disposition  de  l  insertion  des  pièces  d'une  fleur  : 
1°  Vinsertio7i  hypouyne,  dans  laquelle  les  étamines 
viennent  s'insérer  sur  le  réceptacle  au-dessous  du 
gynécée:  les  ovaires  sont  dits  libres  ou  supères; 
2°  Vinserlion  épigyne,  dans  laquelle  les  étamines 
viennent  s'insérer  cm  sommet  du  gynécée  :  les 
ovaires  sont  alors  adhérents  ou  infères;  3°  V inser- 
tion périgyne,  que  M.  Brongniart  a  réunie  à  l'inser- 
tion êpigyne,  dans  laquelle  les  étamines  sont  insé- 
rées sur  ia  corolle  et  autour  du  gynécée.  Ce  dernier 
mode  d'insertion,  assez  mal  défini,  sert  de  transition 
entre  l'insertion  épigyne  et  l'insertion  hypogyne. 
Selon  les  formes  particulières  qu'affectent  le  ca- 
lice et  la  corolle,  certaines  fleurs  ont  reçu  des 
noms  spéciaux;  mais  cette  nomenclature  est  beau- 
coup trop  compliquée  pour  trouver  place  ici. 

4.  Théorie  de  In  métamorphose.  —  En  exami- 
nant une  fleur  de  nymphéa,  de  magnolia  ou  de 
renoncule,  on  remarque  facilement  qu'on  passe 
pour  ainsi  dire  par  une  transition  insensible  des 
feuilles  les  mieux  caractérisées  de  la  plante  aux 
bractées;  de  celles-ci,  toujours  par  une  gradation 
des  mieux  ménagées,  on  passe  aux  sépales  du  ca- 
lice, puis  aux  pétales  de  la  corolle,  et  enfin  aux 
étamines.  Si,  par  une  cause  quelconque,  le  déve- 
loppement de  la  fleur  est  entravé,  on  remarque 
souvent,  à  la  place  des  étamines,  de  petites  feuil- 
les. Ce  que  nous  disons  des  étamines  arrive  éga- 
lement pour  les  sépales,  les  pétales,  les  brac- 
tées ;  il  semble  donc  légitime  de  conclure  de 
cette  étude  superficielle  que  les  bractées,  les  sé- 
pales, les  pétales,  les  étamines  ne  sont  que  le  ré- 
sultat de  la  transformation  des  feuilles  de  la 
plante.  En  raisonnant  par  continuité ,  nous  se- 
rions conduits  à  admettre  que  les  pistils  sont 
formés  par  des  feuilles  reployées  en  cornet  et 
portant  sur  leurs  bords  les  ovules.  Cette  manière 
de  voir  semble  d'ailleurs  pleinement  justifiée  par 
de  nombreux  exemples  de  pistils  remplacés  par 
des  feuilles  dont  les  bords  étaient  garnis  de  corps 
comparables  à  des  ovules,  voire  même  de  vérita- 
bles ovules.  Toutefois,  il  faut  bien  le  dire,  cette 
théorie  de  la  constitution  foliaire  de  la  fleur  est 
loin  d'être  démontrée  pour  toutes  les  fleurs.  Elle 
est  due  en  partie  aux  observations  de  Gœthe,  et  a 
été  complétée  par  les  travaux  de  Moquin-Tandon, 
d'Auguste  Saint-Hilaire,  qui  ont  admis  qu'une 
pièce  quelconque  de  la  fleur  pouvait,  quand  besoin 
était,  se  dédoubler  radialement  et  tangentielle- 
ment,  ou  au  contraire  se  souder  aux  pièces  voi- 
sines. Toute  métamorphose  qui  a  pour  eS'et  de 
rendre  à  une  pièce  de  la  fleur  la  structure  foliaire 
primitive,  est  appelée  métamorphose  régressive; 
inversement  toute  métamorphose  qui  a  pour  effet 
d'élever  pour  ainsi  dire  le  degré  de  transformation 
d'un  organe,  est  appelée  métamorphose  transgres- 
sive;  tel  serait  le  cas  pour  un  pétale  transformé  en 
étamine. 

Puisque  le  gynécée,  de  même  que  l'androcée, 
est  composé  de  feuilles  transformées,  la  manière 
dont  ces  folioles  se  réunissent  entre  elles  pré- 
sente quelque  intérêt.  En  premier  lieu  les  feuil- 
les ovariennes,  nommées  carpelles,  repliées  en 
cornet,  sont  adhérentes  l'une  à  l'autre  par  leur  face 
inférieure;  il  en  résulte  un  gynécée  pluriloculaire 


(à  plusieurs  loges  ou  compartiments),  dans  lequel 
les  ovules  occupent  l'angle  central  de  chaque  loge. 
La  placentation,  c'est-à-dire  la  disposition  des  ovules 
sur  le  placenta,  est  dite  axile;  les  styles  sont  d'ail- 
leurs plus  ou  moins  confondus  en  une  colonne 
unique.  D'autres  fois  les  carpelles  non  fermés  adhè- 
rent les  uns  aux  autres  par  leurs  bords,  les  ovules 
sont  insérés  sur  les  parois  d'une  grande  cavité 
centrale  ;  l'ovaire  est  uniloculaire,  et  la  placentation 
est  pariétale.  On  distingue  encore  sous  le  nom  de 
placentation  centrale  libre  une  disposition  dans  la- 
quelle, au  centre  d'un  ovaire  uniloculaire,  on  voit 
se  dresser  une  colonne  libre  chargée  d'ovules. 
Jusqu'ici  la  théorie  de  la  métamorphose  n'a  pas 
expliqué  cette  disposition  d'une  manière  satisfai- 
sante. 

En  résumant  notre  sentiment  sur  la  théorie  de 
la  métamorphose,  nous  dirons  qu'elle  ne  nous 
paraît  pas  rendre  suffisamment  compte  des  faits 
observés. 

5.  Diagramme  de  la  fleur.  —  On  appelle  dia- 
gramme ou  plan  de  la  fleur  un  dessin  sur  lequel 
les  différentes  pièces  de  la  fleur  sont  indiquées 
dans  l'ordre  et  les  rapports  qu'elles  aff'ectent  dans  le 
bouton.  Selon  les  auteurs,  les  diagrammes  donnent 
plus  ou  moins  de  détails  sur  la  fleur  qu'ils  repré- 
sentent ;  plus  ils  donnent  d'indications,  plus  ils 
sont  compliqués.  Les  points  principaux  à  indiquer 
sont  :  1°  le  nombre  des  pièces  de  chaque  verticille 
floral;  2°  les  rapports  des  pièces  entre  elles  dans 
le  bouton;  3°  la  déhiscence  des  anthères;  celles-ci 
sont  dites  inirorses  lorsqu'elles  s'ouvrent  vers  le 
gynécée,  extrorses  lorsqu'elles  s'ouvrent  vers  la 
corolle;  4°  le  nombre  des  loges  de  l'ovaire;  5°  la 
placentation  ;  6°  l'orientation  par  rapport  à  l'axe 
qui  porte  les  fleurs. 

6.  Fleuraison.  —  La  fleuraison  ou  la  production 
des  fleurs  est  déterminée  par  diverses  Influences 
telles  que  l'âge  du  sujet,  une  disposition  naturelle 
qui  lui  vient  de  ses  ancêtres,  la  fatigue,  le  pince- 
ment, la  taille  en  vert.  Parmi  les  influences  exté- 
rieures qui  influent  peut-être  le  plus  sur  la  fleu- 
raison, il  faut  citer  au  premier  rang  la  chaleur.  La 
durée  de  la  fleuraison  varie  d'une  espèce  à  l'autre; 
dans  certains  genres  elle  est  très  rapide  ;  ailleurs 
elle  dure  presque  toute  l'année  :  telle  est  la  vigne 
dans  les  pays  chauds.  En  dressant  dans  un  pays 
déterminé  la  liste  des  plantes  selon  l'époque  à  la- 
quelle chacune  d'elles  fleurit,  on  forme  un  calen- 
drier de  Flore.  De  même,  si  l'on  note  les  heures 
auxquelles  les  diS'érentes  fleurs  s'épanouissent 
dans  la  journée,  on  a  une  horloge  de  Flore.  Linné 
a  qualifié  de  fleurs  éqidnoxiales  certaines  fleurs 
qui  peuvent  s'ouvrir  et  se  fermer  plusieurs  fois  ; 
les  équinoxiale'i  sont  diurnes  ou  nocturnes  selon 
qu'elles  s'ouvrent  le  jour  ou  la  nuit;  ces  alterna- 
tives d'épanouissement  et  de  fermeture  des  fleurs 
sont  désignées  parfois  sous  le  nom  de  sommeil  des 
plantes.  Un  petit  nombre  de  fleurs  seulement  se 
montrent  sensibles  à  l'état  hygrométrique  de  l'air  : 
tel  est  le  Calendula  pluvialis.  L'épanouissement 
des  fleurs  est  souvent  accompagné  de  l'émission 
d'odeurs  et  de  chaleur;  ainsi,  d'après  M.  Rivière, 
le  Cuttleya  bulbosa  fait  sentir  son  odeur  suave  de 
six  heures  à  onze  heures  du  matin;  YAnyrecum  disti- 
chum  est  odorant  de  onze  heures  du  matin  à  six  heu- 
res du  soir;  Y Amorp/v phallus  Rivieri  répand  une 
odeur  infecte  jusqu'au  moment  de  la  pollinisation. 
Quant  h  la  production  de  chaleur  pendant  la  fleu- 
raison, M.  Duchartre,  Lamarck,  et  Sénebier  dès 
1777,  ont  constaté  un  excès  de  température  de  9° 
sur  le  milieu  ambiant  dans  une  inflorescence 
à' Arum  Italicum;  Hubert  vit  le  thermomètre  diifô- 
rentiel  dépasser  2à°  dans  une  inflorescence  de  Co- 
locasia  Boni,  autre  espèce  d'aroîdée. 

Pour  tout  ce  qui  concerne  la  disposition  des 
groupes  de  fleurs,  V.  Inflorescence. 

[C.-E.  Bertrand.] 


FLUOR 


—  780  — 


FORCE 


FLUOR.  —  Chimie,  VIII.  —  Ce  nom,  emprunté 
à  l'ancienne  chimie,  avait  autrefois  une  .signi- 
fication vague  ;  on  l'appliquait  aux  acides  très 
liquides  et  à  certaines  substances  minérales  so 
lides,  mais  susceptibles  de  fusion,  comme  le  spatii 
fluor.  On  disait  même  «/cfl/«  volatil  fluor,  pour  dé- 
signer l'ammoniaque  en  dissolution  dans  l'eau. 
Les  diverses  significations  de  ce  mot  venaient  de 
son  étymologie  latine  (le  verbe  fluo,  qui  veut  dire 
couler) . 

Aujourd'hui  on  appelle  fluor,  en  chimie,  un 
corps  simple  de  la  famille  du  chlore,  dont  les  pro- 
priétés sont  très  peu  connues,  parce  qu'on  l'isole 
très  difficilement  et  qu'il  attaque  tous  les  corps 
avec  lesquels  il  vient  à  être  en  contact.  M.  Louget 
et  M.  Frémy  passent  cependant  pour  l'avoir  isolé. 
Il  est  gazeux. 

Spath  fluor.  —  On  donne  en  minéralogie  le  nom 
de  spath  fluor  hune  pierre  blanche  assez  commune, 
dont  la  composition  chimique  est  «analogue  à  celle 
du  chlorure  de  calcivm,  le  chlore  de  celui-ci  s'y 
trouvant  remplacé  par  le  fluor.  Le  spath  fluor  est 
donc  un  fluorure  de  calcium.  Quand  on  le  traite 
par  l'acide  sulfurique  concentré,  après  l'avoir  pul- 
vérisé, il  s'en  dégage,  même  à  froid,  mais  surtout 
quand  on  chauffe  tant  soit  peu,  des  vapeurs  blan- 
châtres qui  attaquent  instantanément  le  verre;  ce 
sont  des  vapeurs  d'acide  fluorhydrique  s'hydratant 
€n  arrivant  à  l'air;  il  reste,  dans  le  vase  où  l'opé- 
ration s'est  faite,  du  sulfate  de  chaux.  La  réaction 
€st  tout  à  fait  analogue  à  celle  qui  se  passe  quand 
on  traite  un  chlorure  par  l'acide  sulfurique  ;  c'est 
ce  qui  a  fait  considérer  les  fluorures  comme  con- 
tenant un  radical  simple  de  la  famille  du  chlore, 
avant  môme  qu'on  ne  l'eût  isolé. 

Acide  fluorhydrique.  —  On  l'appelait  autrefois 
acide  fluorique,  parce  qu'on  le  supposait  oxygéné. 
C'est  un  gaz  qu'on  peut  obtenir  facilement  liquide, 
ou  bien  en  dissolution  dans  l'eau  ;  liquide,  il  bout 
à  25°  et  donne  à  1  air  d'épaisses  fumées  blanches, 
très  piquantes  et  mauvaises  à  respirer.  Une  goutte 
de  l'acide  liquide  tombant  dans  l'eau  y  produit  un 
petit  sifflement.  Les  vapeurs  d'acide  fluorhydrique 
attaquent  instantanément  le  verre  en  le  décompo- 
sant, ainsi  que  la  porcelaine  et  les  métaux  avec 
lesquels  il  forme  des  fluorures  qui  ont  de  grandes 
analogies  chimiques  avec  les  chlorures,  les  bro- 
mures, les  iodures  et  même  avec  les  cyanures. 

Préparution  de  l'acide  fluorhydrique.  Gravure 
sur  verre.  —  On  a  utilisé  la  très  rare  propriété 
qu'a  ce  corps  d'attaquer  le  verre  et  la  silice  pour 
graver  sur  verre.  On  s'en  sert  surtout  pour 
graver  les  cloches,  les  éprouvettes,  les  thermo- 
mètres. 

Pour  obtenir  l'acide  fluorhydrique  liquide,  on 
chaufi'e  un  mélange  de  spath  fluor  pulvérisé  et 
d'acide  sulfurique  dans  une  cornue  de  plomb,  for- 
mée de  deux  parties  qu'on  adapte  hermétique- 
ment après  l'introduction  de  ces  matières  dans  la 
partie  inférieure  de  la  cornue;  le  col  recourbé  est 
refroidi  dans  de  la  glace;  on  chaufi'e  doucement  au 
bain  de  sable.  On  remplace  quelquefois  le  spath 
fluor  par  de  la  créolitke,  fluorure  double  d'alu- 
ininium  et  de  sodium,  assez  commun  au  Groen- 
land. 

L'acide  ainsi  obtenu  est  conservé  dans  des  fla- 
cons de  plomb,  ou  mieux  encore  dans  des  flacons 
de  guttapercha.  Quand  on  veut  l'avoir  en  dissolu- 
tion, on  met  quelques  gouttes  d'eau  dans  la  partie 
refroidie  du  col  de  la  cornue.  Quand  on  veut 
l'obtenir  à  l'état  de  vapeur  pour  graver  sur  verre, 
on  chauffe  le  même  mélange  au  bain  de  sable, 
dans  une  capsule  de  plomb  au-dessus  de  laquelle 
on  expose,  les  objets  préparés. 

Il  est  bon,  dans  toutes  ces  opérations,  d'avoir  les 
mains  gantées  de  gants  de  caoutchouc,  car  l'acide 
fluorhydrique  irrite  fortement  la  peau. 

Pour  graver  sur  verre,  on  recouvre  l'objet  d'une 


mince  couche  de  cire  ou  d'un  vernis  spécial  appelé 
vernis  des  graveurs,  puis  avec  un  burin  d'acier  on 
enlève  la  cire  ou  le  vernis  sur  les  traits  qui 
forment  le  dessin  que  l'on  veut  obtenir.  Le  verre, 
étant  mis  à.  nu,  sera  attaqué  par  l'acide,  et  restera 
intact  sous  la  couche  de  cire,  qu'on  enlève  après 
l'opération  par  un  lavage  à  l'essence  de  térében- 
thine. Les  dessins  ainsi  obtenus  sont  opaques  et 
très  visibles.  Si,  au  lieu  d'exposer  l'objet  ainsi  pré- 
paré :  ux  vapeurs  anhydres  d'acide,  on  lave  le  dessin 
avec  la  dissolution  aqueuse  du  même  acide,  l'action 
sur  le  verre  est  différente  :  les  traits  sont  creux, 
mais  transparents  et  beaucoup  moins  visibles  que 
par  le  premier  procédé. 

Action  de  l'acide  fluorhydrique  sur  l économie 
animale.  —  C'est  le  plus  énergique  des  poisons 
dits  irritants.  Une  goutte  qui  reste  quelques  se- 
condes sur  la  peau  y  produit  une  inflammation  ; 
un  peu  plus  tard  il  s'y  forme  une  pustule  profonde, 
entourée  d'une  auréole  rouge,  et  enfin  un  ulcère 
qui  ne  guérit  qu'après  une  longue  suppuration. 
Si  les  mains  restent  trop  longtemps  exposées  à 
son  action,  il  se  produit,  à  l'extrémité  des  doigts, 
un  gonflement  très  douloureux  qui  peut  durer 
plusieurs  heures  (Wurtz).  Etendu  d'eau,  il  perd, 
comme  les  autres  acides,  la  plupart  de  ses  qualités 
dangereuses.  [Alfred  Jacquemart.] 

FUIE.  —  V.  Digestion. 

FORCE.  —  Physique,  II.  —  On  nomme  force 
toute  cause  qui  met  en  mouvement  un  corps 
d'abord  au  repos  ou  qui  le  ralentit  et  l'arrête  s'il 
était  en  mouvement.  Il  est  facile  de  se  convaincre 
que  chaque  fois  qu'un  corps  se  meut,  il  y  a  une 
cause  particulière  en  dehors  de  lui  qui  a  déterminé 
ce  changement  dans  son  état:  si  l'on  arrête  l'eau 
f|ui  va  frapper  une  roue  de  moulin,  celle-ci  cesse 
de  tourner  et  ne  reprend  son  mouvement  que 
quand  l'eau  retombe  sur  ses  palettes  ou  qu'on  agit 
sur  'elles  d'une  autre  manière.  Il  n'est  pas  moins 
évident  qu'un  corps  en  mouvement  ne  peut  pas, 
de  lui-même,  modifier  ce  mouvement,  et  que  s'il  se 
ralentit  ou  s'arrête,  c'est  que  des  résistances  exté- 
rieures sont  venues  s'interposer  ;  il  suffit  de  faire 
rouler  la  même  boule  d'abord  sur  un  sol  caillou- 
teux, puis  sur  un  plancher  uni,  puis  enfin  sur  un 
plan  poli,  et  de  constater  que  son  mouvement  est 
rendu  plus  facile  à  mesure  que  les  aspérités  dimi- 
nuent. On  peut  donc  énoncer  ce  principe  expéri- 
mental, que  tout  corps  est  impuissant  à  modifier 
de  lui-même  son  état  de  mouvement  ou  de  repos; 
et  les  forces  peuvent  être  définies  les  causes  de 
mouvement  ou  de  modification  du  mouvement. 

Les  forces  difi'èrent  entre  elles  par  leur  origine. 
Elles  peuvent  provenir  de  l'action  musculaire  de 
l'homme  ou  des  animaux,  de  l'action  d'un  corps 
déjà  en  mouvement  qui  en  rencontre  un  autre, 
comme  dans  le  cas  d'une  quille  qui  se  meut  sous 
l'action  de  la  boule  qui  l'a  frappée.  Ou  bien  encore 
c'est  l'élasticité  qui  entre  en  jeu,  comme  dans  un 
ressort  d'acier  tendu  qui  se  déroule.  Enfin  ce  peut 
être  la  cause  inconnue  de  l'électricité  qui  provoque 
le  mouvement  des  corps  légers,  ou  celle  des  ai- 
mants capables  d'attirer  le  fer  et  l'acier. 

Quelle  que  soit  leur  diversité  d'origine,  les  forces 
produisant  toutes  le  même  effet  sur  les  corps,  c'est- 
à-dire  le  mouvement  ou  l'arrêt  du  mou\ement, 
peuvent  être  comparées  les  unes  aux  autres.  Qu'un 
petit  chariot  soit  placé  sur  une  table,  on  pourra 
lui  imprimer  un  certain  mouvement  en  le  poussant 
avec  la  main,  en  le  tirant  à  l'aide  d'un  poids  sus- 
pendu à  une  corde  passant  sur  une  poulie  et  fixée 
au  chariot  par  une  de  ses  extrémités;  le  môme 
mouvement  pourra  encore  être  obtenu  par  un 
ressort  tendu  poussant  le  petit  chariot  et  même 
par  un  aimant  attirant  un  morceau  de  fer  convena- 
blement placé.  Ces  forces  pourront  être  plus  gran- 
des les  unes  que  les  autres.  Ce  sont  donc  des 
quantités  que  1  on  peut  mesurer  en  les  comparant 


FORCE 


—  781  — 


FORCE 


f 


à  l'une  d'entre  elles  prise  pour  unité.  C'est  la 
pesanteur  que  l'on  a  choisie  pour  terme  de  compa- 
raison. Suivant  leur  volume  et  leur  nature,  les 
corps  pèsent  plus  ou  moins,  produisent  par  l'effet 
de  leur  poids  des  pressions  ou  des  tractions  plus 
ou  moins  considérables.  On  prend  pour  unité  de 
force  l'effort  avec  lequel  un  poids  de  1  kilogramme 
tend  le  cordon  auquel  on  le  suspend,  de  sorte 
qu'une  force  qui  en  agissant  de  bas  en  haut  sou- 
tient un  poids  de  10  kilogrammes  est  égale  à  10  fois 
l'unité  de  force.  On  peut  donc  évaluer  les  forces 
en  kilogrammes:  tout  se  réduit  à  connaître  com- 
bien il  faut  de  kilogrammes  pour  obtenir  la  même 
pression  ou  la  même  traction  que  celle  développée 
par  la  force  à  mesurer. 

Pour  effectuer  cette  comparaison ,  bien  des 
moj'ens  peuvent  être  employés  ;  le  plus  simple  est 
de  prendre  le  dunamomètre  ou  peson  à  ressort. 
C'est  une  lame  d'acier  recourbée  en  forme  de  V, 
dont  les  deux  branches  se  rapprochent  quand  on 
les  tire,  et  reprennent  leur  première  distance,  en 
vertu  de  leur  élasticité,  quand  on  les  abandonne. 
A  l'extrémité  de  chaque  branche  est  fixé  un  arc 
de  cercle  en  fer  qui  passe  librement  dans  l'autre 
branche,  et  dont  l'un  d'eux  porte  une  graduation 
qui  indique  le  rapprochement  des  deux  branches. 
On  suspend  le  peson  par  un  de  ses  crochets,  et  en 
mettant  à  l'autre  successivement  des  poids  de  2, 
3,  4  kilogrammes,  etc.,  on  marque  sur  l'arc  les 
points  où  s'est  arrêtée  la  branche.  Après  cette  gra- 
duation, pour  évaluer  une  force  il  suffit  de  la  faire 
agir  au  crochet  où  étaient  les  poids  :  elle  rapproche 
les  deux  branches  comme  le  faisait  le  poids  auquel 
elle  est  équivalente.  En  modifiant  la  forme  et  la 
puissance  de  cet  appareil,  on  a  pu  estimer  des 
forces  très  diverses  et  trouver  que  l'effort  muscu- 
laire des  deux  mains  d'un  homme  tirant  sur  le 
ressort  est  d'environ  50  kilogrammes,  que  l'effort 
de  traction  d'un  cheval  approche  de  300  kilog. 

Dans  toute  force  on  distingue  trois  choses  :  l'in- 
tensité, c'est-à-dire  l'énergie  avec  laquelle  la  force 
agit  et  que  l'on  exprime  en  kilogrammes  ;  \e  point 
d'application,  c'est-à-dire  le  point  du  corps  sur 
lequel  la;, force  produit  directement  son  effet;  la 
direction,  ou  la  ligne  droite  suivant  laquelle  la  force 
tend  à  entraîner  et  entraîne  réellement  son  point 
d'application  si  elle  agit  seule  sur  le  corps. 

Il  résulte  de  ces  notions  que  Ton  peut  repré- 
senter les  forces  par  des  lignes  droites.  Le  point 
de  départ  de  la  ligne  indique  le  point  d'applica- 
tion, sa  direction  donne  celle  que  la  force  ferait 
suivre  au  corps,  etenfin  sa  longueur  contient  autant 
de  fois  une  longueur  unité  que  l'intensité  de  la 
force  contient  de  fois  l'unité  de  force,  c'est-à-dire 
le  kilogramme. 

Forces  concourantes  et  i^ésultante.  —  Il  arrive  le 
plus  souvent  que  le  même  corps  est  sollicité  à  la 
l'ois  par  plusieurs  forces  :  ainsi  une  voiture  attelée 
de  trois  chevaux,  un  bateau  tiré  à  l'aide  de  cordes 
par  deux  hommes  marchant  sur  les  rives  opposées 
d'un  canal;  dans  ce  cas,  le  corps  ne  prend  qu'un 
seul  mouvement,  bien  qu'il  obéisse  à  la  fois  à  tous 
ceux  que  chaque  force  seule  lui  imprimerait.  Ce 
mouvement  unique  pourrait  lui  être  communiqué 
par  une  force  unique  convenablement  choisie  ; 
c'est  cette  force,  qui  à  elle  seule  pourrait  produire 
le  même  effet  que  toutes  les  autres,  qu'on  appelle 
leur  résultante;  celles-ci  sont  les  composa'/ tes.  Dans 
bien  des  cas,  la  résultante  n'existe  pas  réellement, 
elle  n'est  qu'idéale  ;  mais  sa  considération  "  aide 
beaucoup  à  l'étude  de  l'effet  des  forces. 

Il  est  de  toute  évidence  que  quand  plusieurs 
forces  concourantes,  c'est-à-dire  appliquées  au 
même  point,  ont  la  même  direction,  leur  effet 
s'ajoute  intégralement,  et  leur  résultante,  dirigée 
comme  elles,  est  égale  à  leur  somme.  Si  les  forces 
qui  concourent  sont,  les  unes  d'un  sens,  les  autres 
dn    sens  opposé,    leur  résultante   e-:   égale  h   la 


somme  des  unes  diminuée  de  la  somme  des  autres, 
et  elle  est  dirigée  dans  le  sens  de  la  plus  grande 
somme.  Cela  résulte  de  ce  que  chacune  des  forces 
agit  comme  si  elle  était  seule.  Il  est  en  effet  facile 
de  se  convaincre  par  l'expérience  que  l'action  d'une 
force  sur  un  corps  ne  dépend  en  aucune  manière 
de  rétat  que  ce  corps  a  pu  recevoir  auparavant 
d'autres  forces:  tout  le  monde  sait  que  les  diffé- 
rentes pièces  d'une  montre  continuent  à  se  mou- 
voir de  la  même  manière  les  unes  par  rapport  aux 
autres  quand  on  fait  subir  à  la  montre  un  déplace- 
ment, comme  lorsqu'on  la  laisse  au  repos. 

Quand  deux  forces  concourantes  font  entre  elle» 
un  angle,  leur  résultante  est  représentée  en  di- 
rection et  en  grandeur  par  la  diagonale  du  paral- 
lélogramme ayant  pour  côtés  les  longueurs  qui 
représentent  ces  forces.  Cet  important  théorème, 
que  l'on  démontre  en  mécanique,  peut  être  vérifié 
par  l'expérience  avec  facilité.  Le  cas  le  plus  simple 
est  celui  où  les  deux  forces,  que  nous  appelons  F 
et  F',  font  entre  elles  un  angle  de  90°  ;  le  parallé- 
logramme devient  un  rectangle,  et  sa  diagonale,  qui 
donne  la  direction  de  la  résultante  R  des  deux  forces 
primitives,  peut  être  facilement  calculée.  Si,  en 
effet,  on  suppose  pour  F  une  intensité  de  5  kilog., 

pour  F'  12  kilog.,  la  diagonale  sera  \  5*  +  12* 
ou  13  kilog.  Le  corps  soumis  à  l'action  de  ces 
deux  forces  suivra  donc  la  direction  de  la  diago- 
nale du  rectangle  qu'elles  forment,  et  il  sera  tiré 
avec  un  effort  équivalent  à  13  kilogrammes. 

Lorsqu'on  sait  trouver  la  résultante  de  deux  forces 
appliquées  au  même  point,  on  peut  avoir  celle  de 
trois,  quatre,  cinq  forces,  etc.  ;  il  suffit  de  prendre 
d'iibord  la  résultante  de  deux  d'entre  elles;  puis, 
comme  elle  remplace  les  deux  premières,  on  cher- 
che sa  résultante  avec  la  troisièiiie  force  et  ainsi 
de  suite.  On  arrive  ainsi  à  comprendre  comment 
toutes  les  forces  qui  agissent  sur  un  corps  peuvent 
être  ramenées  d'abord  à  deux,  et  ensuite  à  une 
seule  qui  est  la  résultante  de  toutes. 

On  peut  se  proposer  le  problème  inverse  :  dé- 
composer une  force  unique  en  deux  autres  de 
directions  données,  situées  dans  son  plan,  et  ca- 
pables à  elles  deux  de  produire  le  même  effet  que 
la  première.  Il  suffit,  pour  obtenir  la  longueur  de 
chacune,  de  mener  par  l'extrémité  de  la  force 
unique  deux  parallèles  aux  directions  données  qui 
les  limitent.  La  décomposition  d'une  force  en  deux 
autres  est  d'un  usage  continuel  pour  reconnaître 
l'action  d'une  force  qui  n'agit  pas  dans  la  direction 
du  mouvement  que  suit  son  point  d'application. 
Ainsi  un  bateau  est  halé  obliquement  à  l'aide  d'un 
câble  sur  lequel  on  agit  do  la  rive,  et  cependant  il 
reste  constamment  parallèle  au  rivage  et  ne  suit 
pas  la  direction  de  la  force  qui  agit  sur  lui;  c'est 
que  sans  cesse  de  l'intérieurj  à  l'aide  du  gouver- 
nail, on  fait  naître  une  force  perpendiculaire  à  la 
rive  qui  n'a  d'autre  effet  que  de  tenir  le  bateau 
sur  une  direction  et  non  de  le  faire  avancer.  Cette 
dernière  force  et  celle  qui  représente  le  mouve- 
ment du  bateau  sont  les  deux  composantes  capa- 
bles de  remplacer  la  force  appliquée  le  long  du 
câble,  la  seule  que  l'on  voie. 

La  décomposition  d'une  force  en  deux  autres  de 
directions  données  se  résout  avec  facilité  graphi- 
quement ou  par  le  calcul,  quand  on  connaît  l'angle 
de  ces  deux  directions  et  celui  que  l'une  d'elles  fait 
avec  la  force  à  remplacer. 

Forces  parallèles.  —  Les  forces  qui  agissent  sur 
un  corps  solide  peuvent  avoir  des  directions  paral- 
lèles :  c'est  le  cas  des  deux  plateaux  d'une  balance, 
qui  représentent  l'un  et  l'autre  une  force  verticale 
appliquée  à  l'extrémité  du  fléau;  c'est  aussi  le  cas 
des  deux  traits  d'un  cheval  tirant  sur  un  palonnier. 
On  ne  peut  songer  à  chercher  la  résultante  par  le 
moyen  précédemment  indiqué  pour  les  forces  con- 
ciurantes.   la    construction  d'un    parallélogramme 


FORCE 


782  — 


FORCE 


n'est  pas  possible.  On  a  trouvé  que  ia  résultante 
de  deux  forces  purallèles  a  une  intensité  égale  à 
leur  somme  quand  elles  sont  de  même  sens,  à  leur 
difféi-ence  si  elles  so>it  de  sens  inverse;  elle  est  pa- 
rallèle aux  forces  et  so}i  point  d'application  par- 
tage la  distance  da  deux  autres  en  deux  parties 
inversement  proportionnelles  aux  forces.  Pour 
fixer  les  idées,  supposons  deux  forces  parallèles  et 
de  même  sens  aux  extrémités  d'une  barre  A  B  ; 
l'une  F  de  5  kilog.  appliquée  en  A;  l'autre  F'  de 
9  kilog.  appliquée  en  B.  La  résultante  aura  une 
intensité  de  5  +  9  ou  U  kilog.  ;  elle  sera  appli- 
quée du  côté  de  la  plus  grande  force,  c'est-à-dire 
du  côté  de  B;  et  pour  trouver  son  point  d'applica- 
tion, on  partagera  la  longueur  AB  en  2  parties, 
l'une  valant  5  du  côté  de  B,  l'autre  valant  9  du  côté 
de  A. 

On  peut  d'ailleurs  facilement  vérifier  ce  résultat 
par  l'expérien  e.  On  prend  une  règle  légère  por- 
tant 14  divisions  égales  de  A  vers  B.  On  suspend 
un  poids  de  5  hectogrammes  en  A,  un  autre  de 
9  liectogrammes  en  B.  Il  faut  accrocher  le  dyna- 
momètre à  la  division  9  de  la  règle  et  y  suspendre 
celle-ci  ;  l'instrument  accuse,  pour  la  résultante  des 
deux  poids,  un  poids  de  14  hectogrammes. 

Quand  les  forces  parallèles  sont  de  sens  con- 
traire, il  peut  arriver  qu'elles  soient  égales  en 
intensité:  alors  leur  résultante  est  nulle;  et  comme 
chaque  force  a  néanmoins  son  action  intégrale,  si 
le  corps  n'est  fixé  que  par  un  point,  les  deux  forces 
ont  pour  efi'et  de  le  faire  tourner  autour  de  ce 
point;  cet  ensemble  prend  le  nom  de  couple.  Il 
suffit  au  corps  sur  lequel  un  couple  est  appliqué 
de  deux  points  fixes  pour  annuler  l'effet  des 
forces. 

On  peut  composer  en  une  seule,  non  seulement 
deux  forces,  mais  un  grand  nombre  de  forces  pa- 
rallèles ;  il  suffit  de  chercher  la  résultante  des  deux 
premières,  de  la  composer  avec  la  troisième,  et 
ainsi  de  suite.  Ce  problème  présente  quelque  in- 
térêt dans  le  cas  où  l'on  considère  les  actions  de 
la  pesanteur  sur  les  différentes  parties  d'un  corps. 
Le  point  d'application  de  la  résultante  de  toutes 
ces  actions  est  le  point  qu'il  faut  soutenir  pour 
que  le  corps  ne  tombe  pas;  c'est  lui  qui  suit  tou- 
jours la  verticale  quand  le  corps  tombe  ;  c'est,  en 
un  mot,  le  ce?itre  de  gravité. 

Les  forces  comparées  par  leurs  effets.  —  Au  lieu 
de  ne  considérer  les  forces  que  dans  leur  intensité 
et  de  ne  les  mesurer  que  par  des  poids,  on  peut 
les  comparer  par  tous  leurs  effets.  Elles  ne  sont 
agissantes  que  quand  elles  déplacent  leur  point 
d'application  dans  leur  direction  propre;  on  dit 
alors  qu'elles  travaillent.  Un  poids  aussi  lourd 
qu'on  voudra,  soutenu  par  un  support  fixe,  est  sans 
effet,  il  ne  travaille  pas.  Une  boule  qui  roule  sur 
un  plan  horizontal  est  également  sans  effet,  puisque 
son  poids ,  qui  agit  de  haut  en  bas ,  ne  fait  pas 
descendre  le  corps.  Qu'un  cheval  soit  attelé  à  un 
mur  inébranlable,  il  pourra,  en  tirant,  dépenser 
une  force  considérable,  mais  son  effet  sera  nul 
puisqu'il  n'y  aura  pas  de  déplacement  du  point 
d'application.  Il  y  a  donc  lieu  de  considérer  les 
forces  d'après  les  mouvements  qu'elles  impriment 
aux  corps  sur  lesquels  elles  agissent. 

Quand  une  force  n'agit  sur  un  mobile  que  pen- 
dant un  temps  extrêmement  court,  elle  est  dite 
i7istantanée  ;  elle  imprime  au  corps  un  mouvement 
qui  est  uniforme,  si  aucune  autre  cause  ne  vient  le 
modifier. 

Si  au  contraire  la  force  agit  pendant  un  temps 
plus  ou  moins  long,  on  dit  qu'elle  est  continue, 
comme  la  pesanteur  ou  la  pression  du  vent  sur  les 
voiles  d'un  navire.  Le  mouvement  produit  ne  peut 
pas  alors  être  uniforme,  il  se  modifie  à  chaque 
instant;  et  si  la  force  continue  est  constante,  il 
s'accélère  ou  se  retarde  uniformément  sous  son 
action. 


On  ne  considère  comme  agissantes  que  le»  forces 
qui  accompagnent  sans  cesse  le  corps  en  mouve- 
ment, et  on  les  suppose  constantes,  car  on  peut 
toujours  les  ramener  à  l'être  si  elles  ne  l'étaient 
pas,  en  partageant  en  petites  parties  le  temps  de 
leur  action. 

Les  forces  constantes  peuvent  alors  être  com- 
parées par  le  travail  qu'elles  produisent,  la  quan- 
tité de  mouvement  qu'elles  développent,  ou  la  force 
vive,  autrement  dit  l'énergie,  qu'elles  possèdent. 

Le  travail  est  le  produit  de  l'intensité  de  la 
force  ou  de  la  résistance  vaincue,  exprimée  en  ki- 
logrammes, par  le  chemin  qu'a  parcouru  le  point 
d'application  sur  la  direction  de  la  force,  exprimé 
en  mètres.  On  se  rend  compte,  en  effet,  que  la 
force  dépensée  croît  en  proportion  du  parcours  et 
qu'elle  croît  aussi  en  proportion  de  la  résistance 
surmontée.  Une  force  de  lo  kilogr.  transportant 
à  4  mètres  la  résistance  sur  laquelle  elle  agit,  dé- 
veloppe un  travail  exprimé  par  15X4.  Un  poids 
de  l.D  kilogr.  tombant  de  4  mètres  de  hauteur  a 
acquis  une  certaine  vitesse  sous  l'action  de  la  pe- 
santeur; celle-ci  a  produit  un  travail  aussi  repré- 
senté par  15  X  4.  Une  autre  force  de  li  kilogr. 
transportant  sa  résistance  à  5  mètres  a  produit  un 
travail  équivalent  12  X  5. 

L'unité  de  travail  est  le  kilogr ammètre,  ou  la  force 
nécessaire  à  élever  à  un  mètre  de  hauteur  un  poids 
d'un  kilogr.  Dans  les  fortes  machines,  on  se  sert 
dune  unité  plus  considérable,  le  cheval-vapeur,  qui 
vaut  75  kilogrammètres,  et  quand  on  parle  d'une 
machine  à  vapeur  de  10  chevaux,  on  veut  dire  que 
la  force  avec  laquelle  la  vapeur  y  agit  sur  les  orga- 
nes moteurs  est  égale  à  celle  qui  élèverait  un  poids 
de  750  kilogr.  à  1  mètre  de  hauteur  en  une  seconde. 

La  quantité  de  mouvement  est  une  idée  moins 
simple  que  l'idée  de  travail.  C'est  le  produit  de  la 
masse  du  corps  sur  lequel  agit  une  force  con- 
stante, par  l'accélération  que  cette  force  lui  imprime. 
Pour  comprendre  comment  ce  produit  peut  ser- 
vir à  mesurer  ou  à  comparer  les  forces,  il  faut  re- 
marquer que  de  deux  forces  constantes  F  et  F',  la 
seconde  doit  être  double  de  la  première  si  elle 
imprime  à  une  même  masse  une  accélération  dou- 
ble, et  triple  de  cette  première  si  elle  agit  surung 
masse  trois  fois  plus  grande  pour  produire  une  mêm^ 
accélération.  On  conclut  facilement  que  si  la  force  F  ■ 
agit  sur  une  niasse  triple  et  lui  imprime  une  accé- 
lération double  de  celle  que  la  force  F  imprime  à 
unemasse  unité,  la  force  F' devra  être  3  X'*  ou6fois 
plus  forte  que  la  force  F.  Elle  est  donc  mesurée, 
par  rapport  à  la  première,  par  le  produit  de  la 
masse  par  la  vitesse  imprimée  au  mobile. 

La  force  vive,  ainsi  appelée  par  Leibnitz,  par 
opposition  au  nom  de  force  morte  qu'il  appliquait  à 
une  force  ne  produisant  pas  de  mouvement,  est  le 
produit  de  la  masse  du  corps  en  mouvement  par 
le  carré  de  sa  vitesse.  A  un  poids  double  d'un 
boulet  heurtant  un  mur  correspond  un  choc  de  va- 
leur double  ;  à  une  vitesse  double  correspond  un 
choc  de  valeur  quadruple  ;  de  sorte  que  de  deux 
boulets,  l'un  double  de  l'autre  et  marchant  avec 
une  vitesse  double  du  premier,  la  puissance  d'effet 
du  second  sera  2  x  2^  ou  8  fois  plus  considéra- 
ble que  celle  du  premier. 

On  rattache  facilement  la  force  vive  aux  deux 
notions  précédentes  en  y  introduisant  la  notion 
du  temps  :  elle  représente  alors  le  double  du  tra- 
vail que  la  force  accomplit  pendant  une  seconde 
en  agissant  sur  un  corps  entièrement  libre.  Mais 
elle  a  sur  l'expression  de  travail  et  sur  celle  de 
quantité  de  mouvement  un  avantage,  c'est  de  dési- 
gner la  puissance  mécanique  ou,  comme  on  dit 
souvent,  l'énergie  qu'une  force  peut  développer, 
totalement  ou  en  partie,  quand  elle  agira,  tandis 
que  les  deux  dernières  expressions  ne  convien- 
nent qu'à  l'étal  d'activité  de  la  force  agissante. 

Réaction.  —  Chaque  fois  qu'un  corps  soumis  à 


FORETS 


783  — 


FORETS 


l'aclion  d'une  force  agit  sur  un  autre  pour  le 
presser,  le  distendre  ou  le  mettre  en  mouvement, 
le  second  réagit  dans  un  sens  directement  opposé 
sur  le  premier  et  avec  la  même  intensité.  Ei  ce 
résultat  a  lieu  aussi  bien  dans  l'état  de  mouve- 
ment que  dans  l'état  d'équilibre.  Ainsi  un  homme 
qui  fait  monter  un  poids  de  lOO  kilog.  en  tirant 
une  corde  qui  passe  sur  une  poulie,  exerce  un 
effort  égal  seulement  à  lOO  kilog.  (si  l'on  néglige 
le  frottement  de  la  poulie),  comme  s'il  ne  faisait 
que  soutenir  le  poids  sans  l'élever.  Si  la  corde  qui 
soutient  le  poids  est  attachée  à  un  obstacle  fixe, 
ce  dernier  représente  par  sa  résistance  l'effort 
exercé.  Un  aimant  attire  le  fer;  si  le  fer  est  fixe, 
c'est  l'aimant  qui  marche;  s'ils  sont  tous  deux  mo- 
biles, sur  deux  flotteurs  de  liège,  ils  marclient 
l'un  vers  l'autre.  Ainsi  donc,  comme  Newton  l'a 
le  premier  précisé,  quand  deux  corps  agissent  l'un 
sur  l'autre,  la  réaction  est  égale  et  contraire  à 
l'action. 

Expériences  et  applications.  —  1.  Enlever  à  la 
main  un  corps  lourd.  Pour  estimer  l'effort  ainsi 
exercé,  faire  passer  sur  une  poulie  suspendue  la 
corde  attachée  à  ce  corps  et,  au  bout  libre  de  la 
corde,  attacher  un  petit  plateau  où  l'on  mettra  des 
poids  jusqu'à  ce  que  le  mouvement  d'élévation  du 
corps  soit,  sous  l'influence  de  ces  poids,  à  peu  près 
le  même  qu'il  était. 

2.  Placer  deux  aimants  de  manière  qu'ils  fas- 
sent un  angle,  et  vers  le  sommet  de  l'angle  une 
petite  balle  de  fer  ;  en  supprimant  successivement 
l'action  de  chaque  aimant,  constater  que  la  balle 
obéit  à  l'aimant  resté  ;  quand  les  deux  aimants 
agissent  ensemble  la  balle  suit  une  direction  que 
l'on  marque  et  que  l'on  reconnaît  être  la  diago- 
nale du  parallélogramme  construit  sur  les  deux 
premières  directions. 

3.  Tirer  un  corps  à  deux,  suivant  deux  directions 
angulaires  :  le  corps  suit  une  direction  plus  voi- 
sine de  la  plus  grande  force  que  de  l'autre. 

4.  Faire  passer  une  corde  sur  deux  poulies 
fixes  suspendues  à  une  certaine  distance  l'une  de 
l'autre;  suspendre  au  milieu  de  la  corde  un  poids 
de  4  kilogrammes,  à  l'une  des  extrémités  1  kilo- 
gramme et  à  l'autre  un  poids  de  2  à  3  kilogram- 
mes qui  établisse  l'équilibre.  Faire  mouvoir  les 
deux  poids  extrêmes  et  constater  la  direction 
que  suit  le  poids  central. 

5.  Suspendre  à  un  dynamomètre  une  romaine 
chargée  et  déjà  équilibrée  qui  porte  sur  son  pla- 
teau un  poids  de  4  kilogrammes.  Constater  qu'elle 
indique  au  dynamomètre  ce  poids,  augmenté  de 
celui  de  son  curseur  et  de  celui  de  la  romaine,  et 
que  ces  trois  forces  verticales  ont  ainsi  une  résul- 
tante égale  à  leur  somme. 

6.  Poser  sur  un  support  une  règle  légère  dont 
les  deux  bouts  sont  inégalement  chargés,  et  vérifier 
que  le  point  d'appui  partage  la  règle  en  deux  par- 
ties inversement  proportionnelles  aux  poids. 

7.  Pour  vérifier  le  mouvement  qu'imprime  à  un 
corps  un  couple,  suspendre  à  une  liceîle  un  vase 
muni  à  sa  portion  inférieure  de  deux  tubes  dia- 
métralement opposés,  recourbés  et  ouverts.  Verser 
de  l'eau  dans  le  vase  :  elle  s'écoule  par  les  deux 
ouvertures  latérale^.,  et  le  vase  tourne  d'un  mou- 
vement continu  rHaraucoun.] 

FOUETS.  —  Botanique,  II,  XVI.  —  Définition.  — 
Les  forêts  sont  de  grandes  réunions  d'arbres  qui 
couvrent  de  vastes  étendues  de  terrain  On  dési- 
gne sous  le  nom  de  bois  les  forêts  de  nioindre 
surface.  Dans  les  pays  civilisés,  les  arbres  dont  la 
réunion  constitue  la  forêt  sont  cultivés  surtout  en 
vue  de  la  matière  ligneuse  qu'ils  produisent  ;  ce 
n'est  que  rarement  qu'on  leur  demande  des  écor- 
CBB  ou  du  liège . 

Développement  et  étendue  des  forêts.  —  Depuis 
longtemps,  on  a  remarqué  que  l'étendue  des  fo- 
rêts qui  couvrent  un  pays   est  en    raison  inverse 


de  sa  civilisation.  La  Gaule  était  revêtue  d'un 
manteau  continu  de  forêts,  alors  que  ses  habi- 
tants étaient  encore  sauvages.  Peu  à  peu,  la  popu- 
lation augmentant,  ses  besoins  ont  grandi,  les  ar- 
bres ont  été  abattus  d'une  façon  aveugle  et  désor- 
donnée ;  les  forêts  amoindries  ont  graduellement 
reculé  leurs  limites,  et  beaucoup  d'entre  elles 
ont  disparu.  La  disparition  des  forêts  entraîne  avec 
elle,  dans  nombre  de  localités,  la  stérilité  du  sol, 
les  brusques  variations  de  température,  et  par 
suite  les  inondations.  Si  l'on  en  juge  par  l'histoire 
de  la  Grèce,  de  l'Italie  et  du  nord  de  l'Afrique, 
il  semble  que  la  décadence  des  nations  qui  habi- 
taient ces  contrées  ait  coïncidé  avec  la  disparition 
complète  des  forêts  qui  les  couvraient. 

La  surface  totale  du  territoire  français  recou- 
verte par  les  forêts  est  actuellement  de  plus  de 
neuf  millions  d'hectares,  sur  lesquels  six  millions 
d'hectares  appartiennent  à  des  particuliers  ;  deux 
millions  appartiennent  à  des  communes,  et  un 
million  cent  cinquante  mille  hectares  environ  au 
Domaine.  Le  revenu  de  ces  forets  est  aujourd'hui 
de  quarante  millions  de  francs. 

Essences  forestières.  —  Les  principales  essences 
que  l'on  rencontre  dans  les  forets  de  l'Europe 
centrale  sont  :  le  hêtre,  le  chêne,  le  charme,  le 
bouleau,  le  tremble,  le  sapin,  le  pin  sylveslre, 
ï épine,  \q  coudrier,  le  mélèze,  ïérable  et  Vacacia. 

Le  bois.  —  Le  grand  développement  de  l'axe  ou 
tige  des  végétaux  que  nous  venons  de  nommer, 
développement  qui  leur  vaut  le  nom  d'arbres,  est 
la  conséquence  delà  production  abondante  et  lonp;- 
lemps  continuée  de  la  substance  qu'on  appelle 
bois  ou  lirjneux. 

N'ayant  pas  consacré  d'article  spécial  à  l'étude  du 
bois,  nous  entrerons  ici  dans  quelques  détails  sur 
la  structure  du  tissu  ligneux  (V.  aussi  Tissus  vé- 
gétaux), les  propriétés  des  différents  bois,  et  leurs 
principaux  usages. 

Si  pour  reconnaître  la  position  et  la  structure 
du  bois  ou  ligneux  qui  entre  dans  la  constitution 
d'un  arbre,  nous  pratiquons  une  section  transver- 
sale dans  la  tige  de  celui-ci,  nous  rencontrons  en 
allant  du  centre  à  la  périphérie  : 

1°  Un  tissu  central  composé  de  grandes  cellu- 
les à  parois  minces  au  moins  pendant  les  premiers 
temps  de  la  vie,  mais  qui  peu  à  peu  épaissit  ses  pa- 
rois ei  prend  une  consistance  parfois  très  solide  ; 
ce  tissu  se  nomme  rnoelle  ou  médulle  interne  ; 

2°  Un  cercle  de  tiibes  très  étroits  qui  présen- 
tent dans  leur  intérieur  un  ou  plusieurs  filaments 
enroulés  en  spirale  ;  chacun  de  ces  tubes  s'appelle 
trachée,  et  leur  ensemble  forme  Yétui  médullaire  ; 
la  présence  de  ces  éléments  n'est  facile  à  consta- 
ter que  dans  les  tiges  encore  jeunes  ; 

.1°  Autour  du  cercle  médullaire,  on  distingue  une 
série  d'anneaux  concentriques  adhérents  les  uns 
aux  autres  ;  chaque  anneau  est  le  résultat  de  la 
végétation  d'une  année  :  c'est  un  composé  de  fibres 
très  allongées  et  de  tubes  volumineux  ou  vais- 
seaux. Les  vaisseaux  sont  d'autant  plus  volumi- 
neux et  d'autant  plus  nombreux  qu'ils  se  sont 
formés  au  commencement  de  la  végétation.  Inver- 
sement, les  fibres  sont  d'autant  plus  nombreuses 
et  par  suite  d'autant  plus  étroites  qu'elles  se  for- 
ment plus  près  du  temps  pendant  lequel  la  végé- 
tation est  interrompue  :  hiver  pour  les  pays  froids, 
saison  sèche  pour  les  pays  chauds.  Selon  les  con- 
ditions dans  lesquelles  la  plante  végète,  la  zone 
ligneuse  qui  se  forme  chaque  année  est  plus  ou 
moins  épaisse;  dans  les  sapins  de  Norvège,  son 
épaisseur  ne  dépasse  pas  un  millimètre.  De  l'iné- 
gale densité  des  diverses  régions  de  chaque 
couche  annuelle  résulte  une  différence  d'aspect 
entre  le  bois  d'hiver  d'une  année  et  le  bois  de 
printemps  de  l'année  suivante.  Telle  est  l'origine 
des  zones  concentriques  que  l'on  remarque  sur  la 
section  transversale  du  bois  des  arbres  de  nos  forêts. 


FORETS 


784 


FORETS 


On  nomme  bois  l'ensemble  de  ces  fibres  et  de  ces 
vaisseaux.  On  appelle  bois  de  cœur  ou  duramen  le 
bois  le  plus  anciennement  formé,  c'est-à-dire  celui 
qui  entoure  la  moelle  ;  et  aubier  le  bois  nouvelle- 
ment formé,,  celui  des  dernières  années. 

4°  Vient  ensuite  une  zone  de  ti-xu  générateur 
ou  cambium,  qui  fournit  chaque  année  une  couche 
de  bois  par  sa  face  interne,  et  une  couche  de  liber 
ou  écorce  fibreuse  par  sa  face  externe. 

5°  Extérieurement  à  la  zone  cambiale,  on  trouve 
Y  écorce  fibreuse,  puis  le  liège  ou  suber  ;  ce  dernier 
tissu  résulte  de  l'activité  d'une  zone  génératrice 
appelée  phellogène. 

Pour  terminer  la  nomenclature  des  différentes 
parties  de  la  tige  des  arbres,  il  faut  encore  citer 
les  lames  parenchymateuses  qui  vont  de  la  moelle 
à  l'écorce,  en  traversant  toute  l'épaisseur  de  la 
zone  ligneuse  dans  le  sens  d'un  rayon,  et  que  l'on 
nomme  rayons  médullaires. 

La  disposiliim  des  fibres  et  des  vaisseaux,  leurs 
dimensions,  fournissent  des  moyens  de  distinguer 
les  bois  les  uns  des  autres  ;  ainsi  le  chêne,  le  chà- 
taignier,  ont  des  vaisseaux  très  gros  ;  ceux  de 
l'orme  et  du  fî'éne  le  sont  un  peu  moins  ;  viennent 
ensuite,  par  ordre  de  grandeur,  ceux  du  bouleau, 
des  éi^ables  ;  les  conifères  sont  complètement  dé- 
pourvus de  vaisseaux.  Quand  le  calibre  des  vais- 
seaux diffère  peu  de  celui  des  fibres,  on  a  des 
bois  homogènes  :  tels  sont  ceux  du  charme,  de 
Vérable  et  des  bois  blancs. 

Quand  le  diamètre  interne  des  vaisseaux  et  des 
fibres  est  sensiblement  le  même,  et  que  de  plus  il 
est  très  petit,  on  a  des  bois  susceptibles  d'un 
beau  poli  {poirier).  Les  bois  composés  de  fibres 
longues  groupées  en  faisceaux,  comme  cela  se  voit 
chez  le  chêne,  sont  très  propres  à  la  fente. 

Les  principales  propriétés  physiques  et  mécani- 
ques des  bois  qu'il  nous  importe  de  connaître  sont  : 
leur  densité,  leur  résistance  et  leur  puissance  ca- 
lorifique. 

La  densité  réelle  de  la  matière  ligneuse  est  un 
peu  supérieure  à  celle  de  l'eau  ;  on  le  montre  en 
jetant  dans  l'eau  une  pincée  de  sciure  de  bois:  au 
bout  de  quelque  temps,  on  la  voit  descendre  au 
fond  du  vase.  Les  bois  en  bloc  ne  flottent  à  la  sur- 
face de  l'eau  que  parce  qu'ils  contiennent  une 
quantité  d'air  notable.  Voici  les  densités  apparentes 
des  principales  essences  de  bois  :  chêne,  0,86  à 
0,78  ;  pin,  0,80  àO,4S  ;  frêne,  0,78  à  0,69  ;  châtaignier, 
0,65;  hêtre,  0,84  i  0,64;  alisier  blanc,  0,75;  érable 
sycomore,  0,74  ;  charme,  0,69;  bouleau,  0,54  ;  aune, 
0,47  ;  orme,  0,68  ;  saule,  0,41  ;  peuplier,  0,41  ;  peu- 
plier d'Italie,  0,i3.  La  densité  dune  même  essence 
varie  avec  le  climat,  le  sol,  l'exposition,  l'âge  et  la 
partie  de  larbre  que  Ton  considère  ;  elle  est 
plus  grande  au  midi  qu'au  nord,  dans  les  terrains 
secs  que  dans  les  sols  humides,  au  cœur  et  à  la  partie 
inférieure  d'un  ai  bre  qu'à  l'aubior  et  aux  rameaux. 

Les  qualités  du  bois  au  pointdc  vue  delà  résistance 
se  laissent  diviser  en  résistance  à  l'écrasement,  résis- 
tance à  la  rupture  et  fi.ssifjilité.  Rondelet  rapporte 
qu'un  cube  de  ciiône  sur  la  face  supérieure  duquel 
on  place  des  poids  dont  la  pression  s'exerce  dans 
le  sens  des  fibres,  ne  s'écrase  que  sous  une  charge 
d'environ  400  kilogrammes  par  chaque  centimètre 
carré  de  surface  pressée.  La  résistance  à  l'écrase- 
ment décroît  avec  la  hauteur  delà  pièce  comprimée, 
la  surface  pressée  demeurant  constante.  Dans  la 
pratique,  par  mesure  de  prudence,  malgré  la  grande 
résistance  des  pièces  de  bois  à  l'écrasement  lon- 
gitudinal, on  ne  leur  fait  guère  supporter  qu'une 
cliarge  permanente  égale  seulement  au  dixième 
de  celle  qui  occasionnerait  leur  rupture. 

La  résistance  d'une  pièce  de  bois  à  la  rupture 
transversale  est  bien  inférieure  à  sa  résistance  à 
l'écrasement.  Pour  s'en  faire  une  idée,  on  place 
une  pièce  de  bois  sur  deux  appuis  éloignés  et  on 
dispose   des   poids  soit  sur  son  milieu,   soit  dans 


toute  sa  longueur.  Selon  la  pression  exercée,  trois 
cas  peuvent  se  présenter  :  1"  la  pièce,  après  avoir 
fléchi  sous  la  pression,  reprendra  sa  position  pre- 
mière lorsque  le  poids  cessera  d'agir  ;  2"  la  pièce 
pressée  restera  plus  ou  moins  infléchie  après  l'en- 
lèvement du  poids;  3°  elle  se  rompra.  Dans  le 
premier  cas,  la  pièce  de  bois  a  repris  sa  forme  eu 
vertu  de  son  élasticité;  dans  le  second,  cette  pro- 
priété a  été  altérée  partiellement  ;  dans  le  troi- 
sième, le  nombre  de  kilogrammes  qui  occasionne 
la  rupture  représente  la  limite  de  rc-istance  des 
bois  à  la  flexion.  D'après  M.  Chevandier,  un  ma- 
drier de  sapin  de  4"°, 25  de  long,  sur  0"',245  milL 
de  large,  et  G", 055  mill.  d'épaisseur,  se  rompt 
sous  une  charge  de  900  kilogrammes  appliquée  en 
son  milieu,  la  distance  des  appuis  étant  de  3  mètres. 
Ln  chevron  de  chêne  de  4  mètres  de  long,  de  0"',075 
mill.  de  large  et  de  0",(i8  cent,  d'épaisseur  se  rompt 
sousune  pression  de  o^Okilogrammes  appliquée  en 
son  milieu,  la  distance  des  points  d'appui  éunt  àtt 
■\  mètres.  Il  semble  donc  d'après  cela  que  les  bois 
résineux  et  les  bois  blancs  possèdent  une  plus 
grande  élasticité  que  les  bois  secs  et  durs. 

Si  l'on  frappe  la  section  supérieure  d'une  bûche 
placée  debout,  du  tranchant  d'une  hache  lancée 
avec  une  force  suffisante,  la  bûche  se  fend  dans 
sa  longueur.  On  a  donné  le  nom  de  fissibilité  à  la 
facilité  plus  ou  moins  grande  qu'ont  les  bois  d'être 
fendus  dans  le  sens  de  leur  longueur.  Le  degré 
d'humidité  et  la  température  exercent  une  grande 
influence  sur  celte  propriété.  Les  bois  verts  venus 
sur  un  sol  fertile  sont  les  plus  faciles  à  fendre 
selon  leur  longueur.  Les  essences  très  propres  à 
la  fente  sont  le  sapin,  \&  pin^  le  châtaignier  ;  cel- 
les qui  se  fendent  assez  bien  sont  le  chêne,  le 
hêtre,  le  frêne,  Vaune,  le  saule.  Les  bois  qui  so 
fendent  mal  sont  :  X'orme,  le  poirier,   le  churm". 

La  puissance  calorifique  des  bois,  c'est-à-dire  la 
quantité  de  chaleur  qu'ils  dégagent  en  brûlant, 
dépend  du  carbone  et  de  l'hydrogène  qu'ils  renfer- 
ment en  excès.  D'une  manière  générale  on  peut 
dire  que  les  bois  les  plus  denses  sont  ceux  qui  dé- 
gagent le  plus  de  chaleur  ;  c'est  ce  que  montre  le 
tableau  suivant  dont  nous  empruntons  les  éléments 
à  M.  Frézard  : 


DES     BOIS. 


Chêne   rouvre 

Charme 

Sapiu 

Aune 

Pin 


PO!D=; 
du  stère 

de  boi 


sec 


3S0 
370 
312 
291 
2b6 


NOUBRE 

de  calories 
contenues 

dans 
UD  stère. 


1614319 

15320; 2 
1 586376 
13U3054 
114U373 


R-iPPORT 

de  la  puissance 

Calorifique 

des  bois  entre  eux, 

celle  du 

rondia  de  cbéne 

étant  1. 


1,00 
0,94 
0,8â 
0.80 
0.70 


Dans  le  commerce  les  asscrtimcnis  de  bois  de 
chauffage  sont  connus  sous  les  noms  :  l"  de  bois 
neuf  :  c'est  celui  qui  arrive  par  bateau  ou  par 
charroi;  il  est  subdivisé  en  bois  pelard,  dont  l'é- 
corce a  été  enlevée  pour  faire  du  tan,  et  bois  cou- 
I  ert,  qui  n'a  pas  été  écorce  ;  ce  dernier,  comme 
puissance  calo  ifique,  est  inférieur  au  bois  pelard  ; 
v»  de  boi<i  flot  é,  qui  se  transporte  par  train  ou  à 
bûches  perdues  par  les  rivières.  Le  bois  flotté  qui 
n'a  fait  qu'un  court  trajet  dans  l'eau  est  dit  bÀs 
de  gravier. 

11  importe  aussi,  pour  bien  apprécier  les  pro- 
priétés calorifiques  du  bois,  de  tenir  compte  de  la 
manière  dont  la  chaleur  se  dégage.  Péclet  a  re- 
marqué que  les  bois  durs  ne  brûlent  d'abord  qu'à 
leur  sur.acc  ;  les  gaz  inflammables  contenus  dans 
la  bûche  se    consument  peu   après  l'introducilou 


FORETS 


785  — 


FORETS 


du  bois  dans  le  foyer  ;  le  centre  du  bois  séchauffe 
et  toute  la  bùclie  est  transformée  en  une  masse 
incandescente.  Pour  ces  raisons,  les  bois  durs  sont 
recherchés  pour  le  chauffage  des  appartements. 
Les  bois  légers  se  déchirent  sous  l'action  de  la 
chaleur,  le  charbon  brûle  tout  entier  en  même 
temps  que  les  gaz,  l'air  les  pénétrant  de  toutes 
parts.  Les  industries  où  l'on  a  besoin  d'une  chaleur 
vive  et  d'une  flamme  longue  et  incessante,  comme 
/a  boulangerie,   n'emploient  que  des  bois  légers. 

Les  causes  qui  peuvent  modifier  les  propriétés 
physiques  et  mécaniques  des  bois  sont  ou  acciden- 
telles ou  permanentes  ;  les  premières  sont  plutôt 
désignées  sous  le  nom  de  défauts. 

Les  principaux  défauts  du  bois  sont  :  la  rou- 
lure, la  gélivure  ou  géliure,  la  cadranure.  la  tor- 
SÎ071,  la  iitnure,  la  pourriture  sèche.  On  entend  par 
roulure  la  séparation  de  deux  couches  annuelles 
contiguës  sur  tout  ou  partie  de  leur  circonférence  ; 
elle  se  produit  au  pied  de  l'arbre  et  ne  s'étend  pas 
sur  une  longueur  de  plus  de  deux  mètres.  Aucun 
signe  visible  à  l'extérieur  n'indique  cet  accident. 
La  géliitre  est  une  fente  longitudhiale  qui  va  du 
centre  à  la  périphérie  de  l'arbre,  où  elle  se  mani- 
feste d'une  manière  visible  sous  forme  d'un  double 
bourrelet.  La  géliure  se  produit  par  les  froids  in- 
tenses, principalement  au  pied  des  arbres,  et  sur  une 
longueur  assez  grande.  Une  pièce  géliée  est  tou- 
jours de  mauvaise  qualité.  La  cadranure  consiste 
en  fentes  qui  vont  du  centre  à  la  circonférence  du 
bois  ;  ces  fentes  se  distinguent  de  celles  qui  pro- 
viennent de  la  dessiccation  du  bois  par  leurs  teintes 
noirâtres  ;  la  cadranure  se  manifeste  sur  les  ar- 
bres dépérissants,  et  coïncide  toujours  avec  un 
commencement  de  pourriture.  Lorsque  les  fibres 
d'un  arbre  décrivent  autour  de  son  axe  des  héli- 
ces ou  spires  plus  ou  moins  allongées,  ces  bois 
sont  dits  tors  ou  virants;  ce  défaut  se  reconnaît 
extérieurement  parce  que  les  cannelures  de  l'é- 
corce  semblent  tordues  autour  de  l'arbre.  La 
htnure  consiste  dans  la  présence  de  couches 
ligneuses  parenchyraateuscs  très  développées  en- 
tre des  zones  ligneuses  fortement  épaissies.  La 
pourriture  sèche  est  une  maladie  qui  attaque  les 
arbres  et  qui  a  pour  effet  de  transformer  la  partie 
attaquée  en  une  poussière  fine. 

Les  causes  permanentes  de  détérioration  des  bois 
sont  dues  à  la  présence  des  substances  albumi- 
neuses  dont  ils  sont  imprégnés;  même  après  une 
dessiccation  prolongée,  le  retour  de  l'humidité  suf- 
fit à  provoquer  leur  décomposition  et  par  suite  la 
désorganisation  des  tissus  ligneux.  La  présence 
des  substances  azotées  contenues  dans  l'intérieur 
des  bois  les  rend  sujets  à  être  attaqués  par  les 
insectes,  scolytes,  etc.  Un  grand  nombre  de  cham- 
pignons et  de  bactériens  attaquent  le  bois  et  le 
détruisent;  les  principaux  sont  le  bacillus  amylo- 
bacter  et  Yachhja  lignicoln.  Pour  préserver  les 
bois  des  causes  permanentes  de  destruction,  on 
pratique  l'opération  connue  sous  le  nom  de  con- 
seivation  des  bois.  On  doit  à  M.  Boucherie  les  pre- 
mières tentatives  de  ce  genre.  Ayant  remarqué 
que  les  arbres  conservent  leur  force  d'aspiration 
plusieurs  jours  après  l'abattage,  quand  on  a  soin 
de  leur  laisser  une  quantité  suflisante  de  bran- 
ches garnies  de  feuilles,  M.  Boucherie  plongea 
l'extrémité  inférieure  d'un  arbre,  placé  dans  ces 
conditions,  dans  une  solution  de  pyrolignite  de 
fer  ;  en  trois  jours,  ce  sel  avait  imprégné  to.utes 
les  fibres  de  l'arbre.  On  ne  tarda  pas  à  reconnaître 
quH  l'oxyde  de  fer,  produit  par  la  décomposition 
du  pyrolignite,  altère  le  bois;  ce  sel  ne  possédait 
pas  d'ailleurs  des  propriétés  toxiques  assez  mar- 
quées pour  éloigner  les  vers  et  les  tarets  ;  en  ou- 
tre, la  manipulation  de  ces  grandes  pièces  de  bois 
rendait  l'usage  de  ce  procédé  bien  dispendieux  : 
on  y  renonça  bientôt.  Depuis  lors,  M.  Boucherie  a 
remplacé  le  pyrolignite  de  fer  par  le  sulfate  de 
^8  Par  tie. 


cuivre.  Malheureusement  ce  dernier  sel  coûte  chcp 
et  rend  le  bois  difficile  à  travailler.  Les  pièces  de 
bois  débitées  en  grume  sont  injectées  sous  l'in- 
fluence d'une  forte  pression.  MM.  Légé  et  Fleury- 
Pironnet  emploient  un  autre  procédé.  La  pièce  à 
préparer  est  placée  dans  un  large  et  long  cylindre  en 
cuivre;  on  fait  passer  un  courant  de  vapeur  d'eau 
dans  ce  cylindre,  puis  on  y  fait  le  vide  pour  faire 
sortir  l'eau  et  les  gaz  du  tissu  ligneux  ;  après  quoi, 
on  fait  pénétrer  le  sulfate  de  cuivre  sous  une  pres- 
sion de  dix  atmosphères  ;  en  trois  quarts  d'heure 
l'opération  est  terminée.  Par  ce  procédé,  la  prépa- 
ration d'un  mètre  cube  de  bois  ne  coûte  que  sept 
francs.  11  est  à  remarquer  que  plus  un  bois  a  de 
propension  à  s'allérer,  plus  il  s'imprègne  rapide- 
mont  de  sulfate  de  cuivre. 

Erploitaiion  des  bois.  —  La  série  des  opéra- 
tions dont  l'ensemble  constitue  l'exploitation  d'une 
coupe  de  bois  peut  se  résumer  ainsi  qu'il  suit  : 
1°  l'abattage,  2°  le  façonnage,  3"  {.enlèvement  des 
produits.  Disons  tout'de  suite  que  par  le  nom  de 
coupe  on  entend  la  partie  d'une  forêt  dont  le  pro- 
duit doit  être  recueilli  dans  l'année.  Dans  une 
exploitation  régulière,  la  forêt  est  divisée  en  un 
certain  nombre  de  coupes;  et  ce  n'est  guère  que 
tous  les  vingt-cinq  ans  que  la  cognée  repasse  sur 
les  mêmes  points. 

Passons  rapidement  en  revue  les  diverses  opéra- 
tions d'une  exploitation.  Avant  de  procéder  k  l'a- 
battage proprement  dit,  on  commence  par  nettoyer 
le  terrain  en  enlevant  toutes  les  plantes  rampantes 
telles  que  ronces,  etc.  Ce  premier  travail,  sans  ré- 
sultat au  point  de  vue  de  la  vente,  puisque  ces 
menus  liés  en  bnttes  se  vendent  à  peine  le  prix 
qu'ils  ont  coûté  pour  la  façon,  a  pour  but  de  dé- 
gager la  circulation.  Dans  les  terrains  humides,  la 
première  exploitation  d'un  tronc  de  taillis  doit  être 
faite  à  15  ou  20  centimètres  du  sol;  de  cette  ma- 
nière on  évite  la  pourriture  de  la  souche  et  on 
provoque  la  formation  de  jets  vigoureux  et  nom- 
breux. Dans  les  terrains  secs,  sablonneux,  le.  taillis 
doit  être  coupé  plutôt  au-dessous  qu'au-dessus  du 
sol.  Le  bois  doit  être  coupé  lorsque  les  liquides 
nourriciers  ont  cessé  de  circuler  dans  la  plante. 
L'expérience  a  montré  que  lorsqu'il  s'agit  d'abattre 
des  bois  blancs  sur  un  terrain  humide,  il  vaut 
mieux  le  faire  en  février  et  mars.  S'il  s'agit  de  bois 
durs  sur  des  terrains  secs,  on  choisira  octobre  et 
novembre.  Le  bois  abattu  est  réuni  en  ramiers  ou 
tas.  Sur  les  quinze  mois  que  dure  l'exploitation 
d'une  coupe,  l'abattage  doit  être  fini  le  15  avril,  si 
on  ne  fait  pas  d'écorce,  et  le  15  mai,  si  on  écorce 
les  chênes.  Le  taillis  doit  être  abattu  ras  de  terre. 
La  futaie  de  moins  d'un  mètre  de  circonférence, 
pouvant  reproduire  des  rejets  qui,  sous  le  nom  de 
ci'pces,  donnent,  à  la  coupe  suivante,  beaucoup  de 
bois  de  perches,  il  importe,  pour  favoriser  la  pousse 
des  rejets  :  1°  de  ne  pas  détacher  l'écorce  de  la 
souche,  2°  de  donner  à  la  surface  de  l'entaille  de 
cette  souche  une  forme  convexe,  afin  d'empêcher 
l'eau  d'y  séjourner.  Pour  les  futaies  qui  dépassent 
un  mètre  de  circonférence,  à  hauteur  d'homme,  on 
coupe  l'arbre  en  tranchant  ses  racines;  on  fait  ainsi 
les  copeaux  dans  ces  derniers  organes  au  lieu  de 
les  faire  dans  la  tige,  et  souvent,  par  cette  précau- 
tion, on  obtient  une  pièce  d'un  classement  supérieur 
dans  la  marine.  Une  fois  l'arbre  abattu,  il  convient 
d'arracher  complètement  ses  racines,  puis  on 
comble  le  vide,  et  sur  la  terre  ameublie  on  fait  une 
nouvelle  plantation.  Kn  principe,  quelle  que  soit 
la  taille  de  la  futaie,  l'abattage  et  les  copeaux  qui 
en  résultent  doivent  toujours  être  pris  dans  la  aitée 
de  l'arbre,  ou  comme  nous  l'avons  vu,  si  la  souche 
doit  rester  improductive,  dans  les  racines. 

Avant  d'entailler  l'arbre  pour  le  faire  tomber,  il 
convient  de  couper,  sur  l'arbre  debout,  les  branches 
dont  la  grosseur,  le  poids  ou  la  position  pour- 
raient provoquer  dos  cassures  dans  la  chute.  La 

50 


FORETS 


780  — 


FORETS 


chute  d'un  arbre  doit  se  faire  dans  un  sens  déter- 
miné par  des  circonstances  telles  que  ie  vent, 
l'entourage  à  préserver,  les  branches  à  ménager. 
Le  façonnage  ou  Vutilisalion  des  produite  d'une- 
coupe  a  pour  but  la  meilleure  préparation  possibio 
des  bois  abattus.  Comme  indications  générales,  nous 
nous  contenterons  de  mentionner  les  principaux 
usages  des  bois  de  taillis  et  des  bois  de  futaie.  Les 
plus  gros  brins  de  taillis  servent  à  faire  des  sabots  ; 
3n  recherche  pour  cet  usage  le  bouleau  et  le  hêtre  ; 
on  emploie  parfois,  à  défaut  de  ces  deux  essences, 
l'aune  et  le  tilleul  ;  le  chêne  et  le  charme  sont  re- 
jetés comme  trop  fissibles.  Les  bois  de  hêtre  et  de 
bouleau  ne  sont  employés  h  l'usage  que  nous  ve- 
nons d'indiquer  qu'après  avoir  subi  un  commence- 
ment de  fermentation.  Les  brins  de  taillis  de  13 
à  15  centimètres  de  circonférence  sur  2  à  3  mètres 
de  longueur  sont  transformés  en  perches  ou  con- 
vertis en  échalas  ;  parfois  ils  servent  à  faire  des 
claies.  Les  essences  les  plus  recherchées  pour  ce 
dernier  usage  sont  l'aune  et  le  tilleul.  La  condi- 
tion exclusive  de  durée  pour  ces  bois  est  l'enlève- 
ment de  récorce  sitôt  après  l'abatage.  Les  tiges 
grêles  sont  mises  en  bourrées  ou  transformées  en 
hnrls;  ce  dernier  usage,  qui  décuple  la  valeur 
qu'elles  auraient  en  bourrées,  n'est  applicable  que 
dans  les  forêts  situées  à  proximité  des  rivières.  Le 
reste  du  bois  est  transformé  en  bois  à  brûler,  en 
charbonnettes,  ou  en  fagots.  Les  bois  durs,  tels  que 
le  chêne,  le  hêtre,  n'exigent,  pour  être  transformes 
en  bois  à  brûler,  que  d'être  sciés  à  la  longueur  en 
usage  dans  le  pays;  les  bûches  de  bois  blanc  doi- 
vent être  fendues  aux  mois  d'avril  et  de  mai  pour 
leur  permettre  de  sécher;  cette  opération,  qui  leur 
fait  perdre  la  moitié  de  leur  poids,  est  indispen- 
sable, pour  qu'ils  puissent  brûler  en  dégageant 
quelque  chaleur.  Un  stère  de  bûches  régulières 
pouvant  servir  à  faire  des  pieux  ou  des  tuteurs  se 
vend  en  moyenne  douze  francs  en  foret.  Un  stère 
de  houpiers  irréguliers  vaut  de  sept  à  dix  francs. 
Lorsque  le  chêne  abonde  dans  le  taillis  d'une  forêt, 
il  y  a  lieu  de  l'écorcer;  tout  morceau  dont  le  volume 
peut  remplir  la  main  de  rabatteur  doit  être  écorcé  ; 
les  brins  destinés  à  l'écorçage  ne  doivent  être 
abattus  qu'en  mai.  Au-dessous  d'un  diamètre  de 
20  centimètres,  les  brins  de  bois  ne  peuvent  plus 
servir  qu'à  faire  des  fagots,  des  cotrets,  des  char- 
bonnettes,  ou  des  liourrées  si  les  ramilles  sont  trop 
abondantes.  Les  belles  pièces  de  bois  de  futaie 
doivent  être  ofl'ertes  à  la  marine  ;  si  elles  manquent 
de  longueur,  on  les  transformera  en  n,errains,  en 
lattes,  ou  en  bois  de  sciage  et  alors,  selon  le  grain 
du  bois,  on  en  fera  du  parquet,  de  la  membrure  ou 
de  la  phniche;  ce  n'est  que  dans  les  besoins 
extrêmes  qu'on  les  transforme  en  bois  de  charpente. 
Les  futaies  de  hêtres  soigneusement  réservées  sont 
transformées  en  larges  plateaux,  en  moules^  en 
meubles,  ou  en  traverses  de  chemin  de  fer;  grâce 
à  des  injections  de  sulfate  de  cuivre,  la  durée  de 
ces  tra\  erses  est  illimitée. 

LUnlèvemeat  des  produits  ou  la  vidange  d'une 
coupe  doit  être  fait  le  plus  rapidement  possible. 
Le  Code  forestier  accorde  à  l'exploitant  jusqu'au 
l.S  avril  de  l'année  qui  suit  l'exploitation.  Le  passage 
des  voitures  et  des  hommes  dans  une  cou})e,  qui 
peut  se  faire  impunément  tant  que  la  végétation 
est  endormie,  cesse  d'être  possible  dès  le  mois  de 
mai,  lorsque  la  végétation  a  repris  son  cours.  L";id- 
minisiration  des  Domaines,  pour  éviter  les  dégâts 
occasionnés  par  le  passage  des  exploitants  dans  his 
coupes,  fait  abattre  et  façonner  sur  place  les  pro- 
duits et  les  fait  porter  immédiatement  sur  les 
bhemins.  Ses  coupes  sont  toujours  vidées  dès  le  1 
mois  de  juin  et  parfois  dès  le  mois  de  mai.  elle 
gagne  ainsi  une  année,  et  évite  la  destruction  d'un  i 
grand  nombre  de  sujets  dans  la  coupe  future. 
Four  terminer  l'exploitation,  il  ne  reste  plus  qu'à  I 
assainir  la  coupe,    curer  les   fossés,  en  ouvrir"  do  ' 


nouveaux,  puis  repeupler  les  vides,  places  à  char- 
bon, ou  terrains  remués  par  l'arrachage. 

Administration  îles  forêts.  —  Les  bcis  soumis 
au  contrôle  forestier  de  l'Iitat,  en  France,  sont  di- 
visés en  triages,  hrigwles  et  cantonnements.  Le 
triage  est  une  surface  de  forêt  de  h  à  000  hectares, 
dont  le  surveillant  s'appelle  garde.  Quatre  triages 
forment  la  brigade,  dirigée  par  un  brigadier.  Le 
'  antonnement  est  une  réunion  de  brigades  qui 
contient  de  6  à  lOOiiO  hectares  de  forêts,  sous  la 
surveillance  d'un  garde  général;  ces  derniers  agents 
se  recrutent  parmi  les  élèves  de  l'Ecole  forestière; 
ils  surveillent  les  gardes,  les  semis,  les  plantations, 
le-i  travaux  de  routes,  l'arpentage,  le  balivage  et  le 
;vco/e?/ie'/?/ des  coupes.  Des  inspecteurs  poursuivent 
les  délits  devant  les  tribunaux.  Les  conservateurs 
réunissent  tout  le  contrôle  des  diverses  parties  du 
service,  et  relient  toutes  les  parties  de  l'adminis- 
tration au  directeur  général.  L'Algérie  a  un  service 
foreiiier  spécial. 

Liège.  —  A  propos  des  forêts  de  l'Algérie,  nous 
dirons  quelques  mots  de  l'exploitation  du  liège. 
Le  chêne-liège  ou  surrier,  en  latin  quercus  su- 
ber,  est  l'arbre  qui  produit  tout  le  liège  exploité. 
On  le  cultive  eii  Algérie,  dans  toute  l'Europe  mé- 
ridionale, et  dans  quelques  départements  français, 
en  particulier  dans  le  Lot-et-Garonne  et  dans  les 
Landes.  Le  chêne-liège  doit  être  semé  sur  un  sol 
mi-partie  argileux  et  mi-partie  sableux;  il  craint 
l'humidité  ;  on  ne  peut  songer  à  le  repiquer  ;  tou- 
tes les  tentatives  faites  en  ce  sens  n'ont  amené 
que  des  déceptions. 

Lorsque  le  chêne-liège  atteint  sa  vingtième 
année,  on  enlève  sa  première  écorce  nommée 
caion.  Le  canon  n'est  propre  qu'à  faire  du  feu. 
Dix  ans  plus  tard,  on  enlève  de  nouveau  î'écorce 
du  chêne  ;  cette  nouvelle  écoi  ce  ou  recof-n  n'est 
propre  qu'à  faire  des  flotteurs  pour  les  filets  des 
pêcheurs.  A  quarante  ans,  l'arbre  donne  ses  pre- 
miers produits  marchands,  encore  sont-ce  des 
rebuts  de  jeunesse.  C'est  seulement  à  partir  de 
cinquante  ans  que  le  revenu  de  l'arbre  devient 
régulier,  et  qu'il  va  dès  lors  sans  cesse  s'amclio- 
rant.  Pour  écorcer  le  chône-iiège,  un  ouvrier 
fend  I'écorce  à  coups  de  hache  de  haut  en  bas 
en  un  certain  nombre  de  points,  puis  perpendicu- 
lairement à  cette  direction  ;  la  surface  de  l'arbre 
est  ainsi  découpée  en  un  certain  nombre  de  pla- 
ques. Les  fentes  terminées,  l'ouvrier  introduit  en- 
tre la  peau  et  le  liber  le  bout  aiguisé  du  manche 
de  sa  hache  ;  l'arbre  se  laisse  assez  facilement 
dépouiller.  Deux  ouvriers  sont  nécessaires  pour 
peler  un  arbre.  Les  écarces  sont  mises  en  tas  ou 
marc. 

En  moyenne  tous  les  dix  ans  un  chêne-liège 
produit  de  20  à  30  kilogrammes  de  liège  mar- 
chand. Les  chênes-lièges  sont  très  sensibles  aux 
froids,  aussi  sont-ils  fort  éprouvés  par  les  hivers 
rigoureux.  Un  ennemi  non  moins  redoutable  pour 
eux,  c'est  le  Bombyx  dispar,  qui  les  dépouille  par- 
fois complètement  de  leur  feuillage. 

Les  quelques  plantes  qui  produisent  du  liège 
en  quantité  un  peu  considérable,  en  dehors  du 
chêne-liège,  sont  l'aristoloche  subéreux,  et  la  va- 
riété d'orme  champêtre  dite  subéreuse  ;  encore 
pour  cette  dernière  plante  croit-on  que  son  liège 
est  une  maladie  de  sa  surface. 

Forêts  des  territoires  extra-européens.  —  On 
n'a  guère  de  données  sur  les  forêts  autres  que 
celles  de  l'Europe.  Toutes  présentent  ce  caractère 
commun  (|u'elies  sont  spontanées;  la  culture  ou 
l'exploitation  régulière  de  l'homme  n'y  intervient 
nullement:  aussi  un  grand  nombre  d'entre  elles 
sont-elles  menacées  de  disparaître  chaque  jour  de- 
vant les  défrichements  entrepris  par  les  colons 
européens.  De  toutes  les  essences  forestières  de 
rAmorif|ue  du  Nord,  les  Conifères  sont  les  plus 
abondants  et  les  plus  développés;  on  trouve  en 


FORÊTS 


—  787 


FORETS 


core  dans  les  gorges  des  Sierras  de  la  Californie 
des  WelUngtonia  gigantesques  dont  la  hauteur 
dopasse  80  mètres. 

Les  principales  essences  forestières  de  l'Amé- 
rique du  sud  appartiennent  aux  Térébinthacées, 
aux  Malvacées  et  aux  Palmiers.  Les  lianes  ou  végé- 
taux grimpants  y  prennent  un  développement 
extraordinaire.  La  forêt  africaine  est  caractérisée 
par  de  nombreux  Palmiers  et  par  le  Baobab.  Les 
forêts  de  l'Australie  nous  présentent  les  gigan- 
tesques Eucalijptus,  les  Protéacées,  les  vrais  Aca- 
cias, toutes  plantes  à  feuillage  persistant,  à  bois 
résineux,  souvent  odoriférant  et  incorruptible  ;  la 
forêt  australienne  diffère  de  toutes  les  autres  parce 
que,  par  suite  d'une  disposition  spéciale  des  feuilles 
de  ces  nombreux Eucalj-ptus  et  Acacias  (V.  Feuille;. 
la  lumière  du  soleil  peut  pénétrer  jusque  dans  les 
fourrés  les  plus  épais.  On  désigne  souvent  les 
forêts  de  l'Afrique  et  de  l'Amérique  du  sud  sous 
le  nom  de  forêts  vierges.  [C.-E.  Bertrand.] 

Notions  de  sylviculture.  —  Agriculture,  XX.  — 

Les  forêts  sont  naturelles  ou  artificielles.  Les 
premières  sont  celles  que  l'homme  n'a  pas  créées 
et  qui  se  sont  maintenues  d'âge  en  âge  sur  une 
surface  donnée.  Les  secondes  sont  celles  qui  ont 
été  créées  par  des  semis  faits  de  main  d'homme 
sur  des  terrains  incultes  ou  vagues,  ou  sur  des 
parties  de  forêts  détruites  par  une  cause  ou  une 
autre. 

L'étendue  des  forêts  est  très  variable  dans  les 
diverses  parties  de  la  France.  Dans  quelques  ré- 
gions, les  anciennes  forêts  ont  été  à  peu  près  tota- 
lement détruites.  Néanmoins  la  proportion  de  bois 
que  compte  notre  pays  est  d'environ  17  pour  K  Û 
de  la  surface  totale.  Les  départements  qui  comptent 
la  plus  grande  superficie  boisée  sont,  par  ordre 
d'importance:  la  Meuse,  le  Var,  la  Haute-Saône,  la 
Drôme,  les  Landes,  le  Doubs,  la  Côte-dOr,  le  Jura, 
les  Vosges,  les  Alpes- Maritimes,  l'Isère,  l'Ain  ; 
ceux,  au  contraire,  qui  ont  les  plus  faibles  surfaces 
boisées,  sont  :  le  IV'ord.  le  Pas-de-Calais,  le  Cal- 
vados, les  Côtes-du-Xord,  lUe-et-Yilaine,  les  Deux- 
Sèvres,  la  Creuse,  la  Mayenne,  la  Loire-Liférieure, 
le  Morbihan,  la  Corrèze,  la  Manche,  le  Finistère  ei 
la  Vendée.  Les  masses  forestières  les  plus  éten- 
dues sont  :  la  forêt  d'Orléans  (Loiret),  qui  couvre 
4ô,ô50  hectares;  celle  d'Esterel  (Var),  avec  26,847 
hectares;  celle  de  Fontainebleau  (Seine-et-Marne), 
avec  22,298  hectares;  celle  de  Chaux  (Jura),  avec 
19,50-3  hectares;  celle  de  Compiègne  (Oise),  avec 
14,385  hectares;  celle  de  Rambouillet  (Seine-et- 
Oise),  avec  12, S 18  hectares;  celle  de  Larum  (Basses- 
Pyrénées),  avec  12,000  hectares. 

En  Europe ,  les  pays  les  plus  boisés  sont  la 
Suède,  la  Russie,  la  Bavière  et  l'Autriche  ;  ceux 
dans  lesquels  les  défrichements  ont  pris  les  plus 
grandes  proportions  sont  la  Grèce,  l'Italie,  l'Es- 
pagne, le  Portugal,  les  Pays-Bas  et  les  Iles-Bri- 
tanniques. Le  Nouveau  Monde  compte  une  étendue 
forestière  beaucoup  plus  considérable  que  l'ancien 
continent.  Les  défrichements  ont  encore  respecté 
la  forêt  vierge  sur  d'immenses  étendues  ;  mais, 
dans  quelques  parties  de  l'Amérique  du  Nord,  les 
anciennes  forêts  ont  déjà  diminué  daus  des  propor- 
tions très  considérables. 

L'exploitation  d*^s  forêts  est  une  science  parti- 
culière qui  demande  des  connaissances  spéciales. 
11  ne  peut  donc  être  question  ici  que  de  donner 
quelques  principes  généraux  sur  l'importance  des 
forêts,  leurs  produits  et  les  méthodes  adoptées 
pour  en  tirer  profit. 

L'importance  des  forêts,  au  point  de  vue  agri- 
cole, est  très  grande  Leur  influence  est,  en  effot, 
immense  sur  le  climat,  et  par  suite  sur  la  produc- 
tion du  sol.  C'est  d'abord  par  l'atténuation  des  va- 
riations de  la  température  que  cette  influence  se 
produit;  il  résulte,  en  effet,  d'observations  prolon- 
gées faitf's  avec  soin,  que  si  les  variations  de  tem- 


pérature se  font  sentir  sous  bois  comme  en  pays 
découvert, elles  se  produisent  plus  lentement  et 
leurs  écarts  sont  moins  grands.  La  forêt  agit,  en 
outre,  pour  attirer  la  pluie  et  condenser  l'humidité  ; 
il  résulte  des  observations  de  Becquerel  que  le  sol 
forestier  reçoit  un  quart  de  plus  d'eau  de  pluie  que 
les  autres  terrains;  cette  pluie  infiltrée  lentement 
dans  le  sol  alimente  les  sources.  On  voit  celles-ci 
souvent  tarir  quand  la  forêt  est  dùfiichée 

En  même  temps  qu'elles  assurent  l'alimentation 
des  sources,  les  forêts^  dans  les  parties  supérieures 
des  bassins  et  des  fleuves,  empêchent  la  formation 
et  le  grossissement  subit  des  torrents  qui  amènent 
le  terrible  fléau  des  inondations.  Elles  retiennent 
les  eaux  surabondantes  et  ne  les  écoulent  que  len- 
tement; tandis  que,  si  ces  eaux  tombent  sur  un 
sol  dénudé,  celui-ci  n'en  absorbe  qu'une  faible 
proportion,  et  le  reste  grossit  les  rivières,  et  les 
fait  trop  souvent  déborder.  Un  des  ingénieurs  qui, 
en  France,  ont  le  plus  étudié  ces  questions,  SurrcU, 
conclut  ainsi  dans  son  étude  sur  les  torrents  : 
«  Partout  où  il  y  a  des  torrents  récents,  i|  n'y  a 
plus  de  forêts,  et  partout  où  on  a  déboisé,  des 
torrents  récents  se  sont  formés.  Les  forêts  sont 
capables  de  provoquer  l'extinction  des  torrents 
déjà  formés.  »  L'intérêt  public  commande  donc  la 
conservation  des  forêts  de  montagnes,  et  dans 
beaucoup  de  cas  la  reconstitution  de  celles  qui  ont 
été  détruites  avuc  une  imprévoyance  tout  à  fait 
regrettable. 

tn  autre  avantage  des  forêts,  c'est  qu'elles  amé- 
liorent la  couche  arable  du  sol  sur  lequel  elles 
végètent.  Les  racines  vont  puiser  dans  les  couches 
inférieures  du  sol  la  nourriture  dont  les  arbres  ont 
besoin,  tandis  que  les  feuilles  et  le  menu  bois  qui, 
chrque  année,  tombent  à  la  surface,  s'y  décom- 
posent et  augmentent  la  proportion  d'humus  de 
la  couche  superficielle.  C'est  une  observation  qui 
a  été  faite  souvent,  que  les  anciennes  forets  dé- 
frichées donnent  pendant  plusieurs  années  de  très 
belles  récoltes,  sans  qu'il  soit  besoin  d'avoir  recours 
à  des  entrais. 

Quels  sont  les  sols  qui  conviennent  le  mieux  à 
la  culture  forestière  ?  La  question  ne  se  pose  pas 
pour  les  montagnes  :  on  vient  de  voirie  rôle  salvi- 
taire  que  les  forêts  sont  appelées  à  y  jouer.  Mais 
ailleurs,  il  en  est  autrement,  et  il  faut  rechercher 
dans  quelles  conditions  les  forêts  sont  le  plus 
utiles,  soit  au  point  de  vue  général  du  pays,  soit 
au  point  de  vue  particulier  du  propriétaire  du  sol. 
M.  Bouquet  de  la  Grye,  conservateur  des  forêts, 
a  parfaitement  exposé  ces  conditions  dans  les  ter- 
mes suivants  :  «  Les  pays  couverts  de  forêts  dont 
le  sol  est  d'excellente  ((ualité,  dit-il,  seraient  plus 
prospères  si  on  défrichait  ces  forêts  pour  y  faire 
des  céréales  ou  des  matières  premières  de  l'indus- 
trie. Le  seul  cas  où  il  y  ait  intérêt  à  conserver  ces 
forêts  en  bon  terrain  est  celui  où  elles  sont  consti- 
tuées d'arbres  susceptibles  de  produire  des  bois 
d'œuvre  supérieurs,  car  ces  bois  sont  rares  et  leur 
production  mérite  certains  sacrifices.  L'intérêt  des 
nations  commande  donc  de  défricher  les  forêts  dont 
le  sol  est  de  très  bonne  qualité,  sauf  à  consacrer 
à  la  production  des  bois  d'œuvre  une  surface  suf- 
fisante pour  satisfaire  aux  besoins  du  pays.  Par 
contre  le  môme  intérêt  commande  de  planter  en 
forêts  les  sols  de  mauvaise  qualité,  lesquels  ab- 
sorbent une  main-d'oeuvre  hors  de  proportion  avec 
les  produits  qu'ils  donnent.  Mais  si  l'on  est  d'ac- 
cord sur  ces  principes,  on  ne  l'est  pas  en  général 
sur  leur  application.  La  rémunération  du  capital 
ligneux  est  encore  trop  faible  pour  notre  généra- 
tion qui,  désireuse  de  jouir  promptt.ment,  aime 
peu  les  rtiboisnments.  Dans  les  pays  de  montagne, 
où  la  terre  arable  est  entraînée  chaque  année  par 
les  pluies,  le  cultivateur  préfère  peiilre  ce  capital 
plutôt  que  de  le  sauver  par  un  sac.  iiice  de  reboi- 
sement  qui    en   assurerait    la   conservation.   Par 


FORETS 


—  788 


FORETS 


contre,  il  est  toujours  disposé  à  défricher  ;  il  ne 
regarde  pas  le  plus  souvent  si  le  sol  est  bon  par 
lui-même,  il  ne  voit  qu'une  richesse  d'humus  ac- 
cumulée par  le  fait  de  la  végétation  forestière 
richesse  qu'il  peut  réaliser  en  quelques  années. 
Quand  il  a  défriché,  et  par  suite  épuisé  cette  pro- 
vision d'humus,  le  sol,  réduit  à  ses  éléments  mi- 
néralogiques  ordinairement  très  peu  fertiles,  est 
laissé  inculte  et  devient  aride  et  improductif.  Le 
particulier  qui  a  défriché  dans  de  telles  conditions 
peut  s'être  enrichi,  mais  le  pays  s'est  certainement 
appauvri.  Aussi,  quand  on  dit  qu'il  faut  défricher 
les  terres  de  bonne  qualité,  il  est  bien  entendu 
qu'il  ne  s'agit  que  des  terres  susceptibles  de  don- 
ner encore  de  bonnes  récoltes,  quand  elles  auront 
perdu  leur  provision  d'humus  ;  ces  terres  devien- 
nent chaque  jour  plus  rares,  attendu  que  l'agricul- 
ture est  contrainte,  par  suite  du  renchérissement 
de  la  main-d'œuvre,  à  abandonner  les  terres  mé- 
diocres, pour  reporter  tous  ses  moyens  sur  les 
bonnes  terres  qu'elle  soumet  à  une  culture  in- 
tensive. Le  défrichement  des  forêts  de  plaine  si- 
tuées sur  un  sol  de  bonne  qualité  est  déjà  si  avancé 
en  France,  qu'on  peut  prévoir  l'époque  prochaine 
où  la  culture  forestière  sera  confinée  dans  les  sols 
absolument  impropres  à  tout  autre  mode  d'exploi- 
tation. »  Dans  ces  derniers  sols,  des  résultats  très 
importants  ont  déjà  été  obtenus  par  le  boisement 
des  landes  ou  terrains  incultes,  notamment  dans 
quelques  parties  de  la  Picardie,  dans  la  Sologne  et 
dans  les  landes  de  Gascogne  (départements  de  la 
Gironde  et  des  Landes). 

Les  arbres  qui  composent  les  forêts  sont  divisés 
en  deux  grandes  catégories  :  1°  les  essences  dites 
feuillues,  qui  se  dépouillent  chaque  année  de  leur 
feuillage  :  2°  les  essences  résineuses  ou  à  feuilles 
persistantes,  qu'on  désigne  encore  sous  le  nom 
d'arbres  verts. 

A  la  première  catégorie  appartiennent  le  chêne, 
le  hêtre,  le  frêne,  lorme,  le  charme,  l'érable,  le 
bouleau,  etc.;  à  la  seconde,  le« sapin,  les  diverses 
espèces  de  pin,  le  mélèze,  l'épicéa,  etc.,  pour  ne 
parler  que  des  arbres  qui  croissent  le  plus  com- 
munément en  Europe. 

Chacune  de  ces  essences  préfère,  pour  son  dé- 
veloppement complet,  certains  climats,  certiiins 
terrains,  ou  une  altitude  déterminée.  Ainsi  le  liê- 
tre  se  plaît  particulièrement  dans  les  climats  tem- 
pérés, sur  les  sols  frais  et  divisés  ;  le  bouleau,  au 
contraire,  supporte  beaucoup  mieux  les  froids, 
s'élève  à  toutes  les  hauteurs,  et  se  contente  de 
toutes  les  natures  de  terrains,  pourvu  qu'ils  ne 
soient  pas  excessivement  compactes. 

Il  est  rare,  pour  ne  pas  dire  à  peu  près  impos- 
sible, de  rencontrer  une  forêt  formée  par  une  seule 
espèce  d'arbres.  Le  plus  souvent,  elle  est  compo- 
sée par  des  mélanges  d'arbres  feuillus  ou  rési- 
neux, dont  les  proportions  varient  dans  chaque 
circonstance.  Néanmoins  les  mélanges  les  plus  fré- 
quents sont  le  chêne  avec  le  hêtre  ;  le  hêtre  avec 
les  autres  bois  durs,  comme  l'orme,  le  frêne,  le 
charme  et  l'érable  ;  le  hêtre  avec  le  sapin  ;  le  sapin 
avec  le  pin  et  le  mélèze  ;  le  pin  sylvestre  avec  le 
mélèze.  Il  faut  toutefois  faire  remarquer  que,  sous 
les  hautes  latitudeà  de  notre  hémisphère,  la  plu- 
part des  essences  disparaissent  successivement,  et 
que,  dans  les  forêts  du  nord,  le  bouleau  domine 
presque  exclusivement. 

On  donne  le  nom  de  sijivicuHure  à  l'art  de  cul- 
tiver les  forêts.  Celles-ci  peuvent  être  divisées  en 
trois  sortes,  d'après  la  méthode  d'exploitation 
adoptée  : 

1°  Les  taillis,  ou  forêts  dont  la  reproduction  s'o- 
père principalement  par  les  rejets  de  souches  et 
les  drageons.  Ce  système  repose  sur  la  faculté  que 
possèdent  les  souches  d'un  grand  nombre  de  vé- 
gétaux ligneux  d'émettre  des  bourgeons  qui  se 
développent  autour  do  celles-ci,  lorsque  la  tige  a 


été  coupée.  Les  bourgeons  qui  se  dévelop- 
pent au  niveau  du  sol  sont  les  plus  vigoureux, 
parce  qu'ils  émettent  des  racines  qui  leur 
donnent  une  vie  indépendante.  C'est  pourquoi, 
dans  l'exploitation  des  taillis,  on  coupe  toujours 
les  souches  le  plus  près  possible  du  sol.  Les  ar- 
bres feuillus  seuls  peuvent  être  cultivés  en  taillis, 
car  les  arbres  résineux  ne  poussent  pas  de  bour- 
geons à  leur  base.  Les  arbres  feuillus  de  nos  cli- 
mats sont  presque  tous  propres  à  être  exploités 
en  taillis. 

2»  Les  futaies,  c'est-à-dire  les  forêts  dans  les- 
quelles la  reproduction  se  fait  par  la  voie  du 
semis  naturel,  et  où  les  arbres  se  développent 
dans  les  conditions  naturelles  de  leur  existence. 
Ce  système,  qui  est  le  s'^ul  à  adopter  pour  les 
résineux,  est  également  très  bon  pour  les  arbres 
feuillus.  Au  fur  et  à  mesure  que  les  arbres  se 
développent,  on  en  diminue  par  des  éclaircies  le 
nombre  existant  sur  une  surface  donnée 

3°  Les  taillis  composés,  dits  encore  taillis  sous 
futaies  ou  futaies  sur  taillis.  Ce  système  est  une 
combinaison  des  deux  précédents.  Il  f>st  caractérisé 
par  ce  fait  que  la  reproduction  naturelle  des  bois  a 
lieu  à  la  fois  par  semences  et  par  rejets.  On  ré- 
serve pendant  plusieurs  périodes  de  l'exploitation 
d'un  taillis  des  perches  ou  baliveaux  destinés  à 
former  de  grands  arbres.  Le  taillis  composé  donne 
donc  à  la  fois  les  produits  de  la  futaie  et  ceux  du 
taillis. 

Les  règles  de  l'exploitation  sont  variables  suivant 
chacune  des  espèces  de  forêts.  Mais,  dans  presque 
tous  les  cas,  une  forêt  doit  être  divisée  en  un  cer- 
tain nombre  de  parties  qui  correspondent  au 
nombre  d'années  qui  séparent  chaque  coupe  de 
bois.  Oii  donne  le  nom  de  y  évolution  à  cette  pé- 
riode de  temps,  et  celui  d'amértagement  à  l'opéra- 
tion qui  divise  ainsi  la  forêt. 

Pour  les  taillis,  la  durée  des  révolutions  à  adopter 
varie  beaucoup  suivant  les  sols,  les  climats,  les 
essences  et  les  besoins  du  commerce.  Les  souches 
ne  conservent  pas  indéfiniment  la  faculté  de  pousser 
des  rejets,  et  il  faut  faire  dépendre  la  durée  des 
révolutions  de  cette  faculté.  Les  durées  les  plus 
communément  adoptées,  d'après  cette  règle,  sont 
de  vingt  à  trente  ans  pour  les  taillis  de  bois  durs, 
de  quinze  à  vingt  ans  pour  les  taillis  mélangés,  et 
de  huit  à  douze  ans  pour  les  taillis  de  bois  blancs 
et  de  châtaigniers. 

Quand  on  crée  un  taillis  composé,  on  laisse  à 
chaque  exploitation  un  nombre  déterminé  de  bali- 
v.aux  (on  appelle  ainsi  des  brins  ayant  l'âge  du 
taillis).  La  durée  de  l'exploitation  des  taillis  est 
d'ailleurs  la  même  que  dans  le  cas  du  taillis  simple. 
Mais  afin  que  les  arbres  réservés  ne  forment  pas, 
après  plusieurs  exploitations,  un  couvert  trop  épais 
qui  détruirait  le  taillis,  on  élimine,  à  chaque  révo- 
lution, un  certain  nombre  d'anciens  baliveaux, 
qu'on  choisit  parmi  ceux  qui  présentent  des  signes 
de  dépérissement.  L'habileté  du  forestier  consiste 
à  bien  apprécier  ces  arbres  et  à  établir  une  propor- 
tion convenable  entre  les  sujets  à  conserver  ou  à 
abattre,  et  la  nature  du  sol,  de  l'essence  et  le 
climat.  Dans  le  commerce,  le  bois  des  arbres  des 
futaie.^  sur  taillis  est  généralement  plus  estimé  que 
celui  des  arbres  des  futaies  pleines. 

L'exploitation  des  futaies  peut  se  faire  de  diverses 
manières  Dans  les  futaies  dites  pleines,  lorsque 
les  jeunes  arbres  ont  atteint  un  certain  développe- 
ment, ils  se  gênent  mutuellement;  on  procède 
alors  à  ce  qu'on  appelle  un  nettoiement,  qui  consiste 
à  enlever  les  arbres  les  moins  vigoureux  de  ma- 
nière à  donner  plus  d'espace  aux  autres;  ce  pre- 
mier nettoiement  s'opère  généralement  lorsque  la 
futaie  a  ;itteint  dix  ans.  On  procède  à  des  nettoie- 
ments semblables  de  dix  en  dix  ans.  Au  bout  de 
irente  ans,  cette  opération  porte  le  nom  i'éclaircie  ; 
elle  se  fait  dès   lors  à  des  intervalles  moins  rap- 


FORETS 


780 


FOSSILE 


proches.  Lorsque  la  futaie  a  atteint  Tàgc  d'être 
exploitée,  on  comnience  les  coupes  dites  de  régé- 
hération.  La  première  se  fait  plus  ou  moins  con- 
sidérable suivant  les  essences;  une  deuxième  et 
une  troisième  la  suivent  à  des  intervalles  réglés 
d'après  la  force  du  jeune  plant  qui  se  développe 
pour  remplacer  la  futaie  qui  disparaît.  La  durée 
des  révolutions  dépend  des  essences  ;  elle  varie 
surtont  suivant  la  production  annuelle  du  bois.  Dans 
ce  système,  une  forêt  est  divisée  généralement  en 
un  certain  nombre  de  cantons  d'étendue  variable, 
suivant  la  rapidité  de  la  croissance  dans  chacun 
d'eux,  ft  qui  sont  successivement  régénérés  pen- 
dant la  révolution.  Ces  divisions  sont  faites  de  ma- 
nière à  obtenir  une  production  sensiilement  égale. 
Un  autre  mode  d'exploitation  des  fut  aies  est  celui  dit 
de  jardinage.  Il  consiste  à  abattre  cluque  année  dans 
toute  l'étendue  d'une  forêt  les  arbres  dépérissants, 
de  manière  à  ne  laisser  aucun  vide,  mais  à  per- 
mettre aussi  aux  jeunes  brins  de  se  développer 
d'une  manière  régulière.  Il  présente  des  avantages 
sérieux  pour  les  forêts  d'une  faible  étendue,  sur- 
tout parce  qu'il  maintient  toujours  le  massif,  sans 
laisser  le  sol  découvert. 

Quelle  est  l'influence  des  diverses  méthodes 
d'exploitation  des  forêts  sur  la  valeur  des  bois  ? 
Les  futaies  produisent  ce  qu'on  appelle  les  bois 
d'oeuvre,  c'est-à-dire  les  pièces  propres  à  la  con- 
struction, à  la  menuiserie,  etc.  Les  branches  des 
arbres  fournissent  des  bois  de  chauffage  et  des 
fagots.  Les  taillis  donnent,  de  même,  des  rondins 
pour  le  feu  ;  leurs  produits  peuvent  aussi  servir 
comme  bois  de  sciage,  merlains,  lattes,  échalas,  etc. 
En  ce  qui  concerne  les  bois  d'œuvre,  la  qualité  des 
bois  varie  sensiblement  suiY,'int  le  sol,  le  climat, 
ou  l'exposition.  En  généial,  les  bois  provenant  des 
futaies  sur  taillis  ont  une  qualité  supérieure  à 
celle  des  bois  de  futaies  pleines  ;  toutes  les  autres 
conditions  étant  égales  d'ailleurs,  le  grain  est  plus 
serré  et  le  bois  esc  plus  dense. 

C'est  en  hiver  que  se  font  généralement  les 
travaux  d'exploitation  des  forêts.  Dans  cette  saison 
la  main-d'œuvre  est  moins  rare  ;  puis,  comme  la 
végétation  est  en  repos,  les  dégâts  que  le  travail 
produit  toujours  sur  les  jeunes  arbres  sont  beau- 
coup moins  considérables.  On  discute  souvent  sur 
l'influence  que  l'époque  d'abaiage  exerce  sur  la 
qualité  et  la  conservation  des  bois  ;  on  prétend 
presque  partout  que  les  bois  abattus  en  sève  sont 
moins  bons  que  ceux  abattus  hors  sève.  Des  expé- 
riences scientifiques  n'ont  pas  été  faites  pour  jus- 
tifier ou  condamner  cette  opinion. 

Un  grand  nombre  d'ennemis  s'attaquent  aux  fo- 
rêts. Ceux  qui  y  font  le  plus  de  dégâts  sont  les 
insectes  multiples  qui  vivent  aux  dépens  des 
arbres. 

Il  reste  à  parler  des  produits  accessoires  de  la 
forêt. 

L'écorce  de  chêne  figure  au  premier  rang  de  ces 
produits.  On  sait  que  cette  écorce  renfe)-me,  en 
grande  proportion,  une  substance  appelée  ta7mi?i, 
qui  jouit  de  la  propriété  de  conserver  le  cuir. 
L'écorce  de  chêne  a  une  valeur  relativement  consi- 
dérable, et  dans  les  forêts  en  taillis  où  cette  es- 
sence est  en  proporticn  notable,  on  a  toujours 
soin  de  procéder  à  l'écorçage  quand  on  abat  le 
taillis.  L'écorçage  doit  se  faire  en  pleine  sève, 
autrement  l'écorce  ne  se  séparerait  pas  régulière- 
ment de  l'arbre.  Il  faut  donc  n'abattre  les  taillis 
ou  les  baliveaux  à  écorcer  que  quand  la  sève  est 
en  mouvement,  et  enlever  l'écorce  aussitôt  après 
l'abatage.  L'écorce  est  immédiatement  séchée,  puis 
livrée  à  la  tannerie.  Le  rendement  d'un  hectare 
do  taillis  varie  de  200  h  360  kilogrammes  d'écorce 
sèche,  suivant  la  qualité  du  taillis.  Depuis  quel- 
ques années,  on  a  imaginé  un  système  dit  décor- 
çage  à  la  vapeur,  qui  permet  d'opérer  en  toute 
taison  Le  bois  écorcé  prend  le  nom  de  bois  pelard. 


Les  écorces  d'autres  arbres  que  le  ciîône  renfer- 
ment aussi  du  tannin  et  sont  parfois  exploitées. 
C'est  ainsi  qu'en  Russie  les  écorces  de  bouleau 
sont  employées  pour  la  préparation  des  cuirs  dits 
de  Russie,  caractérisés  par  leur  odeur  spéciale. 

Avec  l'écorce,  le  produit  accessoire  principal  des 
forêts  est  le  charbon  de  bois.  On  trouvera  au  mot 
Charbon  des  détails  suffisants  pour  qu'il  soit  inu- 
tile d'insister  ici. 

Les  pins,  et  surtout  le  pin  maritime,  donnent 
de  leur  côté  un  produit  accessoire  d'une  grande 
importance  :  c'est  la  térébenthine.  Les  procédés 
employés  pour  recueillir  cette  substance  ont  été 
décrits  à  l'article  Conifères.       [Henry  Sagnier.] 

Ouvrages  à  consulter  :  Guide  du  Forestier,  par  Bou- 
quet de  la  Grye  ;  Culture  des  Arbres,  par  Lorenz  et  Parade. 

FOSSILE.  —  Géologie,  IV.  —  Ce  mot  est  la  tra- 
duction du  latin  fossilis,  venant  de  fossum,  supin 
de  fodere  qui  signifie  fouir.  Les  fossiles  sont  donc 
les  objets  enfouis.  De  fait  on  donnait  anciennement 
ce  nom  à  tout  ce  qui  était  enfoui  dans  le  sein  de  la 
terre.  Bernard  Palissy,  mort  en  1589,  écrivait:  «  Fos- 
siles sont  les  matières  minérales  pour  lesquelles  re- 
couvrer faut  creuser  la  terre.  »  Depuis  lors  on  a  dit 
couramment  charbon  fossile,  sel  fossile,  etc.,  pour 
désigner  le  charbon  et  le  sel  qu'on  tire  de  la  terre. 
Mais  la  science,  en  s'agrandissant  et  en  se  déve- 
loppant, a  entraîné  avec  elle  la  nécessité  d'un  lan- 
gage plus  précis.  Le  sel  fossile  est  devenu  sel 
gemme  ;  le  charbon  fossile,  suivant  sa  nature,  a 
été  nommé  lignite,  houille  ou  anthracite.  Pour 
toutes  les  matières  minérales,  le  mot  fossile  se 
trouve  trop  général  et  trop  vague  ;  aussi  son  em- 
ploi dans  ce  sens  tombe-t-il  en  désuétude. 

Actuellement  on  ne  donne  le  nom  de  fossile 
qu'aux  débris  ou  traces  des  êtres  organisés  qui  ont 
vécu  dans  les  temps  géologiques,  et  qui  par  con- 
séquent sont  enfouis  dans  les  diverses  couches  ou 
assises  qui  constituent  la  croûte  terrestre.  Comme 
les  êtres  organisés,  dont  ils  sont  les  restes,  les 
fossiles  se  divisent  «en  deux  grands  groupejs:  les 
fossiles  végétaux  et  les  fossiles  animaux. 

Toutes  les  parties  des  êtres  organisés  ne  se  ren- 
contrent pas  également  à  l'état  fossile.  Dans  les 
végétaux,  ce  sont  les  bois,  les  graines  et  les  feuilles 
qui  se  présentent  le  plus  liabiiuellement.  Les  fruits 
charnus  et  les  champignons  mous  ne  laissent  pas 
de  traces.  Dans  les  animaux,  les  parties  molles, 
d'une  décomposition  facile  et  rapide,  ne  se  fossi- 
lisent à  peu  près  jamais.  Au  contraire,  les  parties 
dures,  solides,  pierreuses,  comme  les  os  et  les  co- 
quilles, se  retrouvent  en  très  grande  abondance 
dans  le  sein  de  la  terre.  Les  coquilles  forment  par- 
fois b.  peu  près  à  elles  seules  des  couches  entières 
et  même  des  assises  assez  puissantes,  comme  les 
faluns. 

Les  chairs  des  grands  animaux  n'ont  été  trou- 
vées fossiles  que  très  exceptionnellement,  dans 
les  assises  les  plus  superficielles  et  les  plus  ré- 
centes géologiquement  parlant  ;  encore  faut-il 
qu'une  cause  toute  particulière  de  conservation, 
le  froid,  intervienne.  C'est  ainsi  que  dans  les  boues 
glacées  du  nord  de  la  Sibérie,  on  a  parfois  trouvé 
des  mammouths  et  des  rhinocéros  à  narine  cloi- 
sonnée si  bien  conservés,  que  les  animaux  car- 
nassiers se  sont  nourris  de  leurs  chairs.  Hors  ce 
cas  tout  spécial,  on  ne  trouve  pas  complets  de 
grands  vertébrés  fossiles,  et  tout  ce  qu'on  a 
annoncé  comme  des  hommes  ou  des  animaux  pé- 
trifiés, chairs  et  os,  doit  être  relégué  dans  les  bi- 
zarreries, les  accidents,  les  jeux  de  la  nature.  Au 
commencement  de  ce  siècle,  on  montrait  à  Paris 
un  homme  à  cheval  pétrifié.  La  pièce  fit  un  certain 
bruit.  C'était  tout  simplement  une  grosse  concré- 
tion de  grès  de  Fontainebleau,  qui,  par  un  efl'et  du 
hasard,  avait  pris  des  formes  qui  figuraient  assez 
bien  un  homme  à  cheval.  Il  faut  se  tenir  en  gai'do 
contn^  ces  illusions. 


FOSSILE  —  700  — 

Les  fossiles,  tant  végétaux  qu'animaux,  ne  sont 
donc  en  général  que  des  débris  d'êtres  organisés 
qui,  pour  la  reconstitution  des  espèces,  nécessitent 
des  études  sérieuses .  C'est  cette  reconstitution 
qui  a  fait  la  grande  gloire  de  Cuvier.  Avec  quel- 
ques ossements  recueillis  dans  les  carrières  à 
plâtre  de  Montmartre,  il  est  arrivé  à  refaire  des 
animaux  d'espèces  complètement  éteintes. 

Les  fossiles  peuvent  avoir  gardé  leur  état  na- 
turel. Ainsi  le  têt  calcaire  de  coquilles  terrestres 
et  surtout  marines  se  retrouve  souvent  parfaite- 
ment conservé,  si  bien  conservé  que  parfois  l'as- 
pect nacré  de  l'intérieur,  et  les  ornements  colorés 
de  l'extérieur,  existent  encore.  Les  os  aussi  se  con- 
servent très  bien.  On  retrouve  même  de  la  géla- 
tine dans  certains  d'entre  eux  d'un  âge  géologique 
fort  ancien.  Ainsi  l'on  raconte  qu'à  une  certaine 
réunion  de  savants  italiens,  on  servit  un  potage 
fait  avec  des  ossements  d'ichtliyosaure,  grand 
reptile  des  mers  jurassiques.  Mais  \i  faut  ajouter 
que  s'il  y  avait  un  peu  de  gélatine  dans  ce  fameux 
bouillon,  il  y  avait  encore  plus  de  bitume. 

D'autres  fois  les  fossiles  ont  changé  complète- 
ment de  composition.  On  dit  alors  qu'ils  sont  pé- 
trifiés. Ces  transformations  se  font  lentement;  c'est 
pour  cela  que  les  matières  qui  se  décomposent 
rapidement  ne  se  pétrifient  pas.  Pour  que  la  pétri- 
fication ait  lieu,  il  faut  qu'une  molécule  pierreuse 
ait  le  temps  d'arriver  pour  remplacer  successive- 
ment chacune  des  molécules  organiques  à  mesure 
qu'elles  se  détruisent.  Parmi  les  fossiles  figurent 
fréquemment  des  bois  silicifiés.  Cela  tient  à  ce 
que  ces  bois  se  sont  trouvés  dans  des  conditions 
telles  que  des  molécules  de  silice  pouvaient  se 
substituer  aux  molécules  du  bois  à  mesure  que 
celles-ci  se  décomposaient.  Ces  dernières  venues 
ont  si  bien  pris  le  lieu  et  place  des  autres,  que  le 
fossile,  en  changeant  complètement  de  composi- 
tion, n'a  pas  changé  de  forme  et  d'organisation. 
Certaines  coquilles  se  sont  métamorphosées  ainsi 
en  limonite  ou  peroxyde  de  fer  liydraté,  etc. 

Autrefois  on  confondait  assez  volontiers  les 
fossiles  et  les  pétrifications.  Il  ne  doit  pas  en  être 
ainsi.  Les  pétrifications  ne  sont  qu'une  manière 
d'être  de  certains  fossiles.  Les  fossiles  forment  un 
tout,  les  pétrifications  simplement  une  partie  de  ce 
tout. 

Il  y  a  aussi  les  pseudo-pétrifications  ;  ce  sont 
les  remplissages  et  les  moulages.  Quand  un  débris 
organique,  comme  une  coquille,  présente  un  vide, 
ce  vide  se  remplit  habituellement  de  matières 
étrangères  qui  en  prennent  exactement  la  forme. 
Si  la  partie  organique  vient  à  disparaître,  il  ne 
reste  plus  que  le  remplissage  auquel  on  applique 
aussi  par  extension  le  nom  de  fossile.  C'est  ainsi 
que  dans  le  calcaire  grossier  dont  Paris  est  bâti,  on 
rencontre  très  souvent  des  espèces  de  tire-bou- 
chons en. calcaire  compacte.  Ce  sont  des  remplis- 
sages d'une  coquille  turriculée  qu'on  nomme  cérite. 
Dans  la  craie,  les  remplissages  en  silice  repro- 
duisent exactement  l'intérieur  de  certains  oursins. 
Ces  remplissages  peuvent  parfois  remplacer  avan- 
tageusement les  matières  molles  qui  ne  se  con- 
servent pas.  Dans  les  gisements  de  phosphorites, 
si  activement  exploités  pour  l'agriculture,  on  ren- 
contre beaucoup  d'ossements  fussiles  :  et  les  rem- 
plissages intérieurs  des  crânes  ont  permis  d'étudier 
le  cerveau  de  nombreux  animaux  actuellement 
éteints. 

Parfois  le  débris  organique,  après  avoir  été  en- 
foui, se  décompose  et  disparaît,  laissant  purement 
et  simplement  un  creux.  Des  matières  étrangères 
peuvent  venir  remplir  ce  creux  et  reproduire 
exactement  la  forme  extérieure  du  débris  orga- 
nique disparu.  C'est  tout  simplement  un  mou- 
lage. 

Il  arrive  aussi  que  le  creux  ne  se  remplit  pas. 
On    a   dans  ce   cas  un   fossile   que    l'on    pourrait 


FOSSILE 


appeler  négatif,  qui  ne  donne  que  l'empreinte  du 
débris  oi'ganique.  Pour  l'étudier,  il  est  toujours 
loisible  de  faire  un  moulage  dans  le  creux. 

Mais  un  très  grand  nombre  de  fossiles  ne  se  pro- 
duisent que  sous  forme  de  simples  empreintes 
plates,  intercalées  dans  des  roches  plus  ou  moins 
feuilletées.  C'est  la  manière  d'être  de  presque 
tous  les  fossiles  végétaux.  On  les  rencontre 
aplatis  dans  le  sol  comme  dans  les  feuillets  d'un 
herbier. 

Nous  venons  de  faire  l'énumération  des  fossiles 
proprement  dits.  Il  faut  y  ajouter  ce  qu'on  a 
nommé  les  fossiles  physiologiques.  Ce  sont  de 
simples  manifestations  d'êtres  organisés.  Les  plus 
communes  sont  les  perforations  de  roches  par  les 
mollusques  saxicaves.  Certaines  espèces  de  mol- 
lusques ont  l'habitude  de  percer  les  roches  des 
bords  de  la  mer  pour  s'y  loger.  Les  mollusques  et 
leurs  coquilles  ont  habituellement  disparu  ;  seule- 
ment les  perforations  restent  et  suffisent  pour  dé- 
montrer l'existence  des  animaux  qui  les  ont  pro- 
duites. Les  fossiles  physiologiques  ont  d'autant 
plus  d'importance  que  parfois  ils  nous  révèlent 
des  populations  animales  dont  nous  n'aurions  ja- 
mais eu  connaissance  sans  eux.  Ainsi  la  surface 
de  certaines  couches  de  grès  nous  montre  les 
traces  d'un  grand  nombre  d'annélides  et  de  vers 
qui  ont  complètement  disparu  :  il  ne  reste  d'eux 
que  les  marques  laissées  par  leur  passage  sur  le 
sable  fin  et  humide  du  rivage.  De  même  des 
l'mpreintes  de  pas  sur  le  sable  ont  révélé,  dans 
des  terrains  fort  anciens,  toute  une  population  de 
grands  reptiles,  d'espèces  variées,  dont  on  n'a  pas 
encore  retrouvé  les  os. 

Enfin  on  range  aus.si,  par  extension,  parmi  les 
fissiles,  sous  le  nom  de  fossiles  météorologiques 
ou  physiques,  des  ondulations  produites  sur  le 
sable  fi:i  par  les  vagues  des  temps  anciens,  et 
des  empreintes  de  gouttes  de  pluie  laissées  égale- 
ment sur  le  sable  par  les  orages  des  époques 
géologiques. 

L'étude  des  fossiles  est  devenue  si  vaste  et  si 
importante  qu'on  en  a  fait  une  science  à  part,  la 
jalé'iTitoloçjie.  Elle  nous  montre  que  les  plantes 
et  les  animaux  qui  ont  laissé  leurs  débris  dans  les 
diverses  couches  géologiques  appartiennent  à  des 
espèces  et  même  à  des  genres  complètement  dis- 
parus. Pourtant,  plante  ou  animal  fossile  n'est  pas 
toujours  synonyme,  comme  certaines  personnes  le 
croient,  de  plantes  et  d'animaux  éteints.  Dans  les 
couches  superficielles,  les  dernières  formées,  on 
trouve  des  fossiles  appartenant  à  des  espèces  en- 
core vivantes. 

Généralement,  les  fossiles  varient  suivant  le 
niveau  des  couches  dans  lesquelles  on  les  ren- 
contre ;  aussi  ont-ils  été  d'un  très  grand  secours 
pour  classer  les  divers  terrains.  On  a  dès  lors 
donné  le  nom  de  fossiles  caractéristiques  à  ceux 
qui  dans  chaque  terrain  sont  tout  à  la  fois  les 
plus  abondants,  les  plus  tranchés  et  les  plus  spé- 
ciaux. 

11  ne  reste  plus  qu'à  parler  de  l'importante 
question  de  l'homme  fossile.  Cette  question,  quia 
si  fort  agité  les  esprits,  il  y  a  un  certain  nombre 
d'années,  est  pourtant  bien  simple.  Elle  se  réduit 
à  savoir  si  l'homme  a  vécu  avant  la  fin  des  périodes 
géologiques.  Ces  périodes  ont  fini  avec  la  dispari- 
tion des  grands  animaux  éteints,  l'éléphant  an- 
tique, le  mammouth,  le  rhinocéros  de  Merck,  celui  à 
narine  cloisonnée,  le  mégacéros,  etc.;  avec  l'ex- 
tinction des  volcans  du  centre  de  la  France;  avec 
la  fusion  des  glaciers  qui  avaient  envahi  une  bonne 
partie  de  l'Europe  ;  avec  la  disposition  actuelle  des 
terres  et  des  mers,  et  la  distribution  des  animauT 
et  des  plantes  que  nous  voyons  de  nos  jours.  On 
a  trouvé  les  débris  de  l'homme  et  surtout  de 
son  industrie  dans  les  mômes  assises  qui  con- 
tiennent l'éléphant  antique,    le   mammouth   et  le 


FOUDRE 


—  791  — 


FOUDRE 


rhinocéros.  Des  ossements  humains  ont  été  retirés 
des  dernières  coulées  du  volcan  de  Denise,  près 
du  Puy.  Les  alluvions  quaternaires,  préglaciaires 
et  glaciaires,  ont  fourni  en  abondance  des  silex 
taillés  par  l'homme.  A  cette  époque  une  vaste 
mer  couvrait  tout  le  nord  de  la  Russie  et  de 
l'Allemae,ne  ;  l'Angleterre  était  réunie  à  la  France. 
Enfin  les" œuvres  de  l'homme  ont  été  rencontrées 
en  France  abondamment  associées  .'i  des  ossements 
de  renne,  de  saïga,  de  tétras,  toute  une  faune 
qui  aciuellement  ne  se  retrouve  plus  que  vers  le 
pôle.  On  doit  donc  en  conclure  que  l'homme  fos- 
sile existe  bien  réellement.       [G.  de  Mortillet.] 

FOUDRK.  —  Météorologie,  XT.  —  Décharge 
brusque  et  violente  de  l'électricité  des  nuages  sur 
un  objet  terrestre.  Cette  décharge  est  toujours 
accompagnée  de  lumière,  de  chaleur,  de  bruit  et 
d'efl'ets  mécaniques  exigeant  quelquefois  une  très 
grande  puissance  d'action. 

Le  trajet  de  l'électricité  est  rendu  subitement 
lumineux,  ce  qui  constitue  Véclaù;  dont  le  nom 
est  devenu  le  symbole  d'une  courte  durée.  La 
durée  de  l'éclair  est  en  effet  tellement  courte 
qu'elle  échappe  aux  moyens  de  mesure  les  plus 
délicats  ;  mais  elle  laisse  néanmoins  dans  l'œil 
une  impression  prolongée  qui  n'est  pas  sans  dan- 
ger pour  la  vue.  Les  cas  de  cécité  complète  et 
irrémédiable,  produits  par  un  vif  éclair,  ne  sont 
pas  très  rares. 

L'éclair  n'est  jamais  rectiligne.  Son  trajet  est 
toujours  irrégulier  et  sinueux;  £rïl'S  les  lignes 
brisées,  à  angles  très  peu  ouverts,  par  lesquelles 
on  le  représente  souvent,  et  que  l'on  voit  quelque- 
fois dans  le  ciel,  ne  sont  qu'un  effet  de  perspective. 

Les  objets  terrestres  traversés  par  la  foudre  sont 
portés  brusquement  à  une  température  d'autant 
plus  élevée  qu'ils  offrent  à  son  passage  une  plus 
grande  résistance.  La  sève  des  arbres  peut  en  être 
brusquement  volatilisée,  ce  qui  les  fait  éclater 
comme  une  chaudière  à  vapeur  surchauffée  et  les 
réduit  en  fragments  projetés  au  loin.  Les  corps 
plus  secs,  moins  conducteurs  du  fluide  et  plus 
combustibles,  peuvent  prendre  feu.  Le  sol  sableux 
et  sec  peut  être  fondu  sur  une  épaisseur  qui  at- 
teint jusqu'à  près  d'un  mètre,  mais  sur  une  faible 
largeur,  ce  qui  produit  les  fiilgurites.  Des  murs 
entiers  ont  été  arrachés  en  bloc  de  leur  fonde- 
ment et  transportés  à  distance.  Chaque  coup  de 
foudre  un  peu  violent  a  son  histoire  propre,  ses 
effets  variant  suivant  la  nature  des  objets  qu'il 
frappe.  Mais  ses  tours  et  détours  qui  semblent 
quelquefois  si  compliqués  sont  dus  à  ce  que  l'éclair 
n'est  pas  toujours  simple  ;  qu'il  se  partage 
assez  souvent  en  plusieurs  branches  frappant  si- 
multanément des  objets  divers,  quelquefois  assez 
éloignés  l'un  de  l'autre.  Cette  ramification  de  l'é- 
clair est  surtout  sensible  quand  un  nuage  se  dé- 
charge vers  le  haut  de  l'atmosphère  sans  frapper 
le  sol. 

Tout  éclair  est  accompagné  d'un  bruit  sec  plus 
ou  moins  intense  et  d'une  très  courte  durée,  mais 
dont  l'impression  sur  l'oreille  peut  se  continuer 
quelques  instants.  Ce  bruit  se  propage-  dans  l'air 
avec  une  certaine  lenteur,  en  sorte  qu'il  frappe  à 
un  moment  de  plus  en  plus  reculé  les  oreilles  de 
plus  en  plus  éloignées  de  son  lieu  d'origine.  Un 
effet  semblable  se  produit  quand  c'est  le  lieu  de 
production  du  bruit  qui  s'éloigne  de  nous.  Un  éclair 
peut  avoir  quelquefois  plusieurs  kilomètres  de 
longueur.  Tous  les  points  de  son  parcours  sont  les 
lieux  d'origine  de  bruits  simultanés  se  propageant 
dans  l'air  avec  la  vitesse  commurie  à  tous.  Chaque 
oreille  recevra  donc  d'abord  l'impression  du  bruit 
parti  du  point  le  plus  rapproché  de  l'éclair,  puis 
successivement  de  tous  les  autres  jusqu'au  plus 
éloigné,  ce  qui  produit  pour  nous  l'impression  d  un 
bruit  prolongé.  Le  bruit  se  propageant  dans  l'air 
avec  une  vitesse  de  .3  50  mètres,  un  éclair  dont  les 


deux  extrémités  seraient  :\  des  distances  de  notre 
oreille  différant  entre  elles  de  3  400  mètres,  pro- 
duirait un  bruit  instantané  mais  qui  nous  arrive- 
rait en  détail  pendant  lO  secondes.  Si  l'éclair  était 
rectiligne,  le  bruit  perçu  serait  uniformément 
décroissant  en  intensité  ;  mais  l'éclair  étant  sinueux, 
il  se  compose  de  parties  qui  s'éloignent  rapidement 
de  nous  et  dont  le  bruit  nous  arrive  en  détail,  et 
d'autres  parties  moins  fuyantes  dont  le  bruit  nous 
arrive  en  bloc.  Si  l'on  joint  à  cola  les  échos,  on 
comprendra  comment  un  bruit  physiquement  ins- 
tantané peut  se  traduire  pour  nous  en  un  roule- 
ment quelquefois  très  prolongé. 

Notre  corps  est  bon  conducteur  de  l'électricité. 
11  peut  donc  être  frappé  par  un  coup  de  foudre 
mortel  sans  qu'aucune  lésion  apparente  se  mani- 
feste à  l'œil,  et  les  histoires  d'hommes  réduits  en 
cendres  parla  foudre  sont  vraies  comme  des  contes 
de  fées.  C'est  le  système  nerveux  qui  est  profon- 
dément atteint,  au  point  de  cesser  temporairement 
ou  définitivement  ses  fonctions.  Cependant,  à,  l'en- 
trée ou  à  la  sortie,  le  passage  du  fluide  peut  se 
localiser  et  produire  une  brûlure  circonscrite  ; 
d'autres  fois  le  fluide  peut  en  partie  longer  la  peau, 
surtout  dans  les  points  où  elle  est  en  contact  avec 
des  corps  bous  conducteurs  ;  il  y  trace  alors  une 
sorte  de  sillon  analogue  à  celui  que  produirait  un 
fer  chaud.  Si  la  vie  persiste,  l'inflammation  envahit 
les  points  brûlés,  qui  sont  lents  à  guérir. 

11  n'est  pas  rare  qu'une  personne  soit  tuée  par 
la  foudre  sans  avoir  été  directement  frappée  par 
elle  ;  elle  a  éprouvé  ce  qu'on  nomme  choc  en  retour. 
Le  corps  s'électrise  sous  l'influence  d'un  nuage 
fortement  chargé  ;  au  moment  où  le  nuage  se  dé- 
charge, l'électricité  du  corps  retourne  brusque- 
ment dans  le  sol,  etce  mouvement  du  fluideproduit 
dans  les  nerfs  un  mouvement  réflexe  plus  ou 
moins  intense.  C'est  à  cette  cause  du  moins  que 
sont  dus  les  sauts,  les  écarts,  que  l'on  attribue  à 
la  peur  chez  les  chevaux,  les  bœufs  et  tous  les 
animaux  dont  le  corps  est  volumineux  et  les  jam- 
bes grêles.  Des  effets  semblables  sont  'produits 
chez  l'homme  que  l'on  dit  être  lancé  par  la  foudre, 
quand  il  l'est  en  réalité  par  la  contraction  violente 
et  inconsciente  des  muscles  de  ses  jambes.  La 
commotion  peut  être  mortelle  sans  laisser  d'autres 
traces  matérielles  ;  mais  l'absence  de  ces  traces  sur 
un  corps  directement  foudroyé  a  fait  démesuré- 
ment étendre  les  cas  mortels  de  choc  en  retour. 
Le  public  ne  fait  pas  de  difl'érence  entre  le  choc 
direct  et  le  choc  en  retour,  et  dans  les  cas  graves 
il  n'a  pas  grand  tort. 

Le  nombre  des  personnes  tuées  annuellement 
parla  foudre  en  France  est  assez  élevé;  il  peut 
varier  suivant  les  années  de  4it  à  110  ;  il  est  d'en- 
viron 80  en  moyenne.  11  est  très  inégalement  ré- 
parti sur  la  surface  de  la  France.  Certains  départe- 
ments n'en  présentent  que  des  cas  extrêmement 
rares  ;  d'autres,  en  pays  de  montagne,  en  ont,  au 
contraire,  des  cas  nombreux.  Les  accidents  mor- 
tels sont  peu  fréquents  dans  les  villes  ou  les  mai- 
sons habitées;  la  plupart  surviennent  dans  les 
champs,  sous  des  arbres.  Aussi  recommande-t-on 
en  temps  d'orage  d'éviter  l'abri  des  arbres.  C'est 
une  recommandation  rendue  superflue  par  son  exa- 
gération. Quiconque  reçoit  une  forte  averse  sur  le 
dos  est  avant  tout  préoccupé  de  ciierchcr  un  cou- 
vert ;  il  choisit  naturellement  un  arbre  s'il  n'en 
voit  pas  d'autre  :  le  danger  très  éventuel,  quoique 
réel,  est  effacé  parl'incommodité  présente,  qui  elle- 
même  n'est  pas  dépourvue  d'un  danger  d'autre 
nature.  Mais  presque  toujours  les  personnes  fou- 
droyées sous  un  arbre  étaient  appuyées  au  tronc. 
Toute  décharge  électrique  ayant  lieu  sur  un  arbre 
se  concentre  dans  le  tronc  pour  se  rendre  à  la  terre. 
Ce  tronc  offre  une  voie  souvent  insuffisante  au 
passage  du  fluide,  et  si  un  corps  humain  est  en 
contact  avec  lui,  il  en  prend  sa  part.  Les  brûhires 


FRACTIONS 


—  792  — 


FRACTIONS 


du  dos  chez  les  personnes  atteintes  n'ont  pas  d'au- 
tre origine.  Abritez-vous  donc  sous  un  arbre  si 
vous  ne  trouvez  pas  mieux  ;  mais  ne  vous  appuyez 
pas  au  tronc  ;  tenez-vous  en  à  distance  et  autant 
que  vous  pourrez  accroupi  sur  le  sol.  Dans  les 
masures  même  éloignez-vous  des  murs  :  le  danger 
alors  sera  réduit  au  minimum  et  tellement  faible 
qu'il  ne  mérite  pas  qu'on  s'en  occupe. 

Au  reste,  la  peur  de  l'orage  n'est  pas  un  simple 
effet  de  poltronnerie.  Les  mouvements  de  l'électri- 
cité atmosphérique  impressionnent  plus  ou  moins 
fortement  certaines  natures  nerveuses,  alors  môme 
qu'il  n'y  a  aucune  menace  d'orage;  et  cette  faiblesse 
organique  grandit  à  mesure  que  la  santé  s'affai- 
blit, ou  mieux,  comme  on  dit  vulgairement,  que 
les  nerfs  prennent  le  dessus.  —  V.  Oraf/ex. 

[Maric-Davy.] 

FOURRAGE.  —  V.  Prmries. 

FRACTIONS.  —  Arithmétique ,  XIX-XXV.  — 
l._  Pour  évaluer  une  quantité  moindre  que 
l'unité,  il  faut  recourir  à  une  unité  plus  petite. 
Lorsqu'on  dit  que  de  tel  lieu  à  tel  lieu  il  y  a  trois 
quarts  de  lieue,  on  exprime  que  la  distance  dont  il 
s'agit  est  plus  petite  que  l'unité,  qui  est  ici  la 
lieue,  ci  qae  pour  l'évaluer  il  faut  concevoir  qu'on 
au.  aivisé  la  lieue  en  quatre  parties  égales,  ou 
quarts,  et  qu'on  en  ait  pris  trois.  De  même,  si  un 
écolier  qui  a  une  page  à  faire,  dit  qu'il  en  a  déjà 
fait  les  deux  tiers,  il  exprime  qu'il  n'a  fait  qu'une 
partie  de  la  page,  qui  sert  ici  d'unité,  et  que  pour 
évaluer  ce  qu'il  a  fait,  il  faut  supposer  qu'on  a 
divisé  la  page  en  trois  parties  égales,  ou  tiers,  et 
qu'on  a  pris  deux  de  ces  parties.  —  On  donne  le 
nom  de  fraction  à  toute  quantité  moindre  que 
l'unité  et  évaluée  de  cette  manière,  c'est-à-dire 
en  supposant  qu'on  a  divisé  l'unité  en  un  certain 
nombre  de  parties  égales,  et  qu'on  a  pris  un  cer- 
tain nombre  de  ces  parties,  moindre  que  le  pre- 
mier. Si,  par  exemple,  on  suppose  qu'on  ait  divisé 
l'unité  en  douze  parties  égales  et  qu'on  ait  pris 
sept  de  ces  parties,  on  aura  la  fraction  sept  dou- 
zièmes; si  l'unité  a  été  partagée  en  cinq  parties 
égales  et  qu'on  en  ait  pris  quatre,  on  aura  la  frac- 
tion quatre  cinquièmes. 

On  voit  qu'il  faut  deux  nombres  pour  énoncer 
une  fraction:  l'un,  qui  exprime  en  combien  de  par- 
ties égales  l'unité  a  été  partagée,  s'appelle  le 
dénominateur,  parce  que  c'est  lui  qui  donne  aux 
parties  de  l'unité  leur  dénomination  ;  l'autre,  qui 
exprime  combien  on  a  pris  de  ces  pai-ties,  se 
nomme  le  numérateur.  Ainsi,  ànnssept  douzièmes, 
le  dénominateur  est  douze,  et  le  numérateur  est 
sept;  dans  quatre  cinquièmes,  le  dénominateur  est 
cinq,  et  le  numérateur  esX.  quatre. 

Le  numérateur  et  le  dénominateur  sont  ce  que 
l'on  appelle  les  deux  termes  do  la  fraction. 

2.  —  Pour  écrire  une  fraction  en  chiffres,  on 
écrit  le  numérateur  au-dessus  du  dénominateur,  en 
les  séparant  par  un  trait  horizontal.  Ainsi,  sept 
douzièmes  s'écrira 

1-2' 

quatre  cinquièmes  s'écrira  de  même  |  ;  et  ainsi 
de  suite. 

Pour  énoncer  une  fraction  écrite,  on  énonce 
d'abord  le  numérateur,  puis  le  dénominateur,  que 
l'on  fait  suivre  de  la  terminaison  ièmes.  Ainsi  les 
fractions 

5        11         13 


12 


18 


s'énoncent  cinq  septièmes,  onze  douzièmes,  treize 
dix'huitièmes ;  et  ainsi  des  autres. 

Il  y  a  exception  pour  les  fractions  dont  le  déno- 
minateur est  -l,  3  ou  4  :  on  dit  demie  au  lieu  de 
deuxième,  tiers  au  lieu  de  troisième,  et  quart  au 
lieu  de  quatrième. 


Il  faut  remarquer  qu'une  fraction  exprime  tou- 
jours le  (luotient  de  son  numérateur  par  son  déno- 
minateur; ainsi  |  exprime  le  quotient  de  3  par  5, 
car  prendre  3  fois  le  cinquième  de  l'unité  est  évi- 
demment la  même  chose  que  prendre  le  cinquième 
de  3  unités  ;  de  môme  g  exprime  le  quotient  de  7 
par  8,  etc. 

Réciproquement,  le  quotient  de  deux  nombres 
entiers  peut  s'écrire  sous  la  forme  d'une  fraction 
qui  a  pour  numérateur  le  dividende,  et  pour  déno- 
minateur le  diviseur.  Ainsi  le  quotient  de  5  par  12 
est  j^^;  le  quotient  de  8  par  9  est  |;  et  ainsi  de 
suite. 

Cette  considération  sert  à  compléter  le  quotient 
d'une  division  qui  ne  se  fait  pas  exactement.  Soit, 
par  exemple,  à  diviser  S9  par  7  ;  le  quotient  est 
12,  et  il  reste  5.  Mais  puisque  la  7*=  partie  de  89 
est  12,  pour  84,  on  complétera  le  quotient  12  en  y 
ajoutant  la  7°  partie  du  reste  5,  c'est-à-dire  -^,  en 
sorte  que  le  quotient  complet  sera  12  |.  En  géné- 
ral, on  complétera  le  quotient  en  y  ajoutant  une 
fraction  ayant  pour  numérateur  le  reste,  et  pour 
déjiominateur  le  diviseur.  Ainsi  le  quotient  de  251 
par  17  est  14  j|  ;  et  ainsi  de  suite. 

3.  —  Lorsqu'après  avoir  divisé  l'unité  en  un  cer- 
tain nombre  départies  égales,  on  prend  toutes  les 
parties,  il  est  clair  qu'on  obtient  l'unité  tout  en- 
tière. Ainsi  |,  || .  j-,  ne  sont  que  des  expressions 
qui,  sous  forme  fractionnaire,  représentent  l'unité. 
L'unité  peut  donc  être  mise  sous  la  forme  d'une 
fraction,  dont  le  numérateur  et  le  dénominateur 
sont  égaux. 

On  peut  mettre  sous  une  forme  analogue  l'en- 
semble de  plusieurs  unités.  Supposons,  par  exem- 
ple, qu'on  ait  3  unités,  et  qu'on  divise  chacune 
d'elles  en  7  parties  égales  ;  —  l'ensemble  de  ces  3 
unités  comprendra  3  fois  1  septièmes,  c'est-à-dire 
21  septièmes,  et  pourra  par  conséquent  s'écrire 

211 

7 

C'est  ce  qu'on  appelle  mettre  un  nombre  entier 
sous  forme  fractvmnaire.  Pour  faire  cette  opéra- 
tion, on  voit  qu'il  faut  multiplier  le  nombre  e?itier 
par  le  dénominateur  qu'on  a  choisi,  et  écrire  au- 
dessous  du  produit  ce  déno77ii'i  a  leur.  Ainsi  5  unités 
réduites  en  douzièmes  donneront  ||;  en  vingtiè- 
mesij^y-;  en  cinquièmes  ^';  et  ainsi  de  suite. 

Onpeut  de  la  sorte  réduire  un  nombre  entier 
suivi  d  une  fraction  en  une  seule  expression  ayant 
la  forme  fractionnaire.  Soit,  par  exemple,  3  unités 
et  ^  ;  on  pourra  d'abord  réduire  les  3  unités  en 
septièmes,  ce  qui  donne,  comme  on  l'a  vu,  ^;  et 
en  y  ajoutant  *,  on  aura  en  tout  y,  puisque  21  et  4 
font  25,  quelle  que  soit  la  dénomination  des  parties 
d'unité  dont  il  s'agit.  De  môme,  4  unités  et  ^  donne- 
ront Il  plus^,  ou||.  On  voit  que  pour  réduire 
en  une  seule  expressio7i  fra  tionnaire  un  nombre 
entier  stiivi  d'une  fraction,  il  faut  multiplier  le 
nombre  entier  par  le  dénommatew  de  la  fraction, 
ajouter  au  produit  le  numérateur,  et  écrire  au- 
dessous  de  la  somme  le  dénominateur  de  la  fraC' 
tion. 

Ainsi  8  |  revient  à  ^  ;  1 1  |  revient  à  ^  ;  4  |  re- 
vient à  ^-  ;  etc. 

4.  —  Réciproquement,  si  l'on  considère  une 
expression,  telle  que  p  ,  dans  laquelle  le  numéra- 
teur surpasse  le  dénon\inateur,  on  reconnaît  que 
ce  n'est  point  une  fraction  proprement  dite,  mais 
ce  que  l'on  appelle  une  expression  fractionnaire. 
11  est  facile  de  la  remettre  sous  la  lorme  d'un 
nombre  entier  suivi  d'une  fraction  ;  car  elle  con- 
tient  autant  de   fois    l'unité  que  12   est  contenu 


FRACTIONS  —  " 

dans  53;  en  faisant  la  division,  on  trouve  pour 
quotient  4  et  pour  reste  5;  l'expression  proposée 
revient  donc  à  4  unités,  suivies  de  ^.  C'est  ce  que 
l'on  appelle  ext?'aire  les  entiers  d'une  expression 
fractioiDiaire ;  pour  cela  on  voit  qu'il  faut  diviser 
le  numérateur  par  le  dénominateur  :  le  quotient 
exprime  les  entiers,  et  le  reste  est  le  numérateur 
de  la  fraction  qu'il  faut  y  joindre,  et  qui  a  le  même 
dénominateur  que  l'expression  proposée.  On  trou- 
vera ainsi  que  les  expressions  fractionnaires 


18 

4' 


24 
11' 


36 


52 


13 


etc  , 


reviennent  respectivement  à 


etc. 


5.  —  Quand  on  augmente  le  numérateur  d'une 
fraction  (ou  d'une  expression  fractionnaire)  san^ 
toucher  à  son  dénominateur,  la  fraction  augmente. 
Car  les  parties  de  l'unité  restant  les  mêmes,  on  en 
prend  un  plus  grand  nombre. 

Si  l'on  multiplie  le  tiumérafeur  d'une  fraction 
par  un  nombre  quelconque,  la  fraction  est  multi- 
pliée pat  ce  nombre.  Car  si  l'on  multiplie,  par 
exemple,  le  numérateur  par  3,  4,  5,  etc.,  sans  tou- 
cher au  dénominateur,  les  parties  de  l'unité  restant 
les  mêmes,  on  en  prend  3  fois,  4  fois,  5  fois  plus, 
etc.  Ainsi  la  fraction  |  devient  4  fois  plus  grande 
quand  on  multiplie  son  numérateur  par  4,  ce  qui 
donne  ^^. 

A  l'inverse  :  Si  l'on  diminue  le  numérateur  sans 
toucher  au  dénominateur,  la  fraction  diminue. 

Si  l'on  divise  le  numérateur  par  un  certain 
nombre,  la  fraction  est  divisée  par  ce  nombre.  Ci, 
par  exemple,  étant  donnée  la  fraction  If  ,  on  di- 
vise son  numérateur  par  4,  ce  qui  donne  ^,  on 
obtient  une  fraction  4  fois  plus  petite. 

6.  —  Quandon  augmente  le  dénominideur  d'ime 
fraction  sans  toucher  so?i  numérateur,  la  fraction 
diminue.  Car  on  prend  toujours  le  même  nombre 
de  parties,  mais  ces  parties  sont  plus  petites 
puisque  l'unité  en  contient  davantage. 

5e  l'on  multiplie  le  dénominateur  par  un  nombre 
quelconque,  ta  fraction  est  rendue  ce  même  nombre 
ae  fois  plus  petite.  Car,  si  Ion  multiplie,  par 
exemple,  le  dénominateur  par  3,  4,  5,  etc.,  les 
parties  de  l'unité  sont  rendues  3,4,5  fois  plus 
petites  ;  et,  puisqu'on  en  prend  le  même  nombre, 
la  fraction  est  rendue  3,4,5  fois  plus  petite. 
Ainsi,  étant  donnée  la  fraction  |,  si  l'on  multiplie 
le  dénominateur  par  3,  on  obtient  la  fraction  ^^ 
qui  est  3  fois  plus  petite. 

A  l'inverse  :  Si  l'on  divise  le  dénominateur  sans 
toucher  au  numératmcr,  la  fraction  augmente. 

Si  l'on  divise  le  dénominnieur  par  un  certain 
nombre,  la  fraction  est  multipliée  par  ce  nombre. 
Soit,  par  exemple,  la  fraction  ^  ;  si  l'on  divise  soji 
dénominateur  par  3,  ce  qui  donne  g  ,  on  obtient 
une  fraction  3  fois  plus  grande.  Car  l'unité  étant 
divisée  en  3  fois  moins  de  parties,  les  parties  sont 
3  fois  plus  grandes;  et  l'on  en  prend  toujours  le 
même  nombre. 

7.  —  Si  l'on  multiplie  à  la  fois  les  deux  termes 
d'une  fraction  par  un  même  nomlire,  la  fraction 
ne  change  pas  de  valeur.  Car  si  elle  est  rendue  un 
certain  nombre  de  fois  plus  grande  en  multipliant 
son  numérateur,  elle  est  rendue  le  même  nombre 
de  fois  plus  petite  en  multipliant  son  dénomina- 
teur. Ainsi  les  fractions 

is       m       s*) 

33'^^^' 

sont  toutes  équivalentes  ;    car  toutes  se  déduisent 


2 

4 

G 

10 

14 

18 

:o 

3' 

G' 

'? 

Ï5' 

sT' 

rr 

30 

48 

24 

16 

12 

8 

60' 

30' 

■M  ' 

15' 

10 

!3  —  FRACTIONS 

de  la  première  en  multipliant  les  deux  termes  par 
2,  3,  5,  7,  9,  10,  11.  etc. 

Si  l'on  divise  à  la  fois  les  deux  termes  d'une 
fraction  par  un  même  nombre,  la  fraction  ne 
change  pas  de  valeur.  Car  si  elle  est  rendue  un 
certain  nombre  de  fois  plus  petite  en  divisant  son 
numérateur,  elle  est  rendue  le  même  nombre  de 
fois  plus  grande  en  divisant  son  dénominateur. 
Ainsi  les  fractions 


etc., 


sont  toutes  équivalentes;  car  toutes  se  déduisent 
de  la  première  en  divisant  les  doux  termes  par  2, 
3,  4,  6,  12,  etc. 

8.  —  Il  résulte  de  ce  qui  précède  qu'une  même 
fraction  peut  se  présenter  sous  une  infinité  de  for- 
mes équivalentes.  Il  importe  donc,  pour  la  facilité 
des  calculs,  de  savoir  trouver  la  plus  simple  de 
ces  formes  équivalentes  ;  c'est  ce  que  l'on  appelle 
réduire  une  fraction  à  sa  plus  simple  exp7'ession . 
Étant  donnée  une  fraction,  on  ne  peut  obtenir  une 
forme  équivalente  et  plus  simple  qu'en  divisant  les 
deux  termes  par  un  môme  nombre.  On  obtiendra 
donc  la  forme  la  plus  simple  en  divisant  les  deux 
termes  par  le  plus  grand  nombre  qui  puisse  les  di- 
viser à  la  fois,  c'est-à-dire  par  leur  plus  grand  com- 
mu7i  diviseur  (V.  Diviseurs).  Les  quotients  obtenus 
seront  alors  premiers  entre  eux,  et  la  fraction  sera 
réduite  à  son  expression  la  plus  simple. 

Soit  donnée,  par  exemple,  la  fraction 

1080 
12G0 

On  trouve  que  le  plus  grand  commun  diviseur  de 
ses  deux  termes  est  180,  et  si  l'on  divise  ces  deux 
termes  par  180,  on  obtient  la  fraction  équivalente 

6 


On  trouvera  de  même  que  les  fractions 
220  385  576  HSS  2274 
528'     490'     624'     3465'     34ll 

sont  respectivement  équivalentes  à 

5         H        1_2        12        2 

Î2'      Î4'      13'      35'      3 

9.  —  On  peut  avoir  à  transformer  des  fractions 
données  en  d'autres  fractions  équivalentes  qui  aient 
le  même  dénominateur;  c'est  ce  que  l'on  appelle 
réduire  des  fractions  au  mêrne  dénominateur. 

Considérons  d'abord  deux  fractions,  par  exemple 
2  et  |.  On  les  réduira  au  même  dénominateur  en 
multipliant  les  deux  termes  de  chacune  d'elles  par 
le  dénominateur  de  l'autre.  Car,  d'une  part,  les  frac- 
tions n'auront  pas  changé  de  valeur,  puisque  les 
deux  termes  de  chacune  auront  été  multipliés  par 
un  même  nombre,  et,  d'autre  part,  le  dénominateur 
sera  devenu  le  même,  puisque  7  X  8  et  8  X  "^  sont 
des  produits  égaux.  En  effectwant,  on  trouvera 

24  35 

Ainsi,  pour  réduire  deux  fractions  au  même  dé~ 
nominateur,  il  suffit  de  multipliei-  hsdevx  termes 
de  chacwe  parle  dénominateur  de  l'autre. 

10.  —  Considérons,  en  second  lieu,  un  nombre 
quelconque  do  fractions,  par  exemple, 


12 


17 


31 
''      36 


On  les  réduira  au  même  dénominateur  en   multi- 
pliant les  deux  termes  de  chacune   par  le  produit 


FRACTIONS 


—  794 


FllAGTlONS 


dos  dénominateurs  de  toutes  les  autres.  Car  elles 
n'auront  pas  changé  de  valeur,  et  elles  auront  pour 
dénominateur  le  produit  des  nombres  12,  18,  24, 
3i;,  lequel  ne  dépend  pas  de  l'ordre  dans  lequel  les 
fractions  sont  multipliées.  On  trouve  ainsi  : 


777GO 
18GG24  ' 


114048 
1S66;'4 


1S6G24  ' 


100704 
186G2i 


Mais,  dans  la  plupart  des  cas  ordinaires,  on 
peut  obtenir  un  dénominateur  commun  plus  simple, 
à  savoir  le  plus  petit  commun  multiple  des  déno- 
minateurs donnés.  Ces  dénominateurs,  dans  l'exem- 
ple actuel,  étant  décomposés  en  leurs  facteurs  pre- 
miers (V.  Diviseurs),  reviennent  à 

i2.3,     2.32,     23.3,    22.32; 

leur  plus  petit  commun  multiple  est  donc  23.32  ou 
72.  Pour  réduire  en  72'*|"';s  chacune  des  fractions 
donnée^,  on  divisera  72  par  le  dénominateur,  et 
l'on  multipliera  le  numérateur  par  le  quotient 
oblonu.  Le  quotient  de  23.3-  par  2^3  est  2.3  ou 
6  ;  on  multipliera  donc  le  numérateur  de  la  pre- 
mière fraction  par  G,  co  qui  donne  3'». 

Lo  quotient  (Je  •,;3  32  par  2.32  est  22  ou  4  ;  le 
produit  de  11  par  4  est  44. 

Le  quotient  de  23.32  par  23.3  est  3  ;  le  produit 
de  17  par  3  est  51. 

Enfin  le  quotient  de  23.32  par  22.-32  est  2;  le  pro- 
duit de  31  par  2  est  G2. 

Les  fractions  proposées  sont  donc  respective- 
ment équivalentes  h 


30 


44 
72' 


72 


C2 
72' 


et  elles  se  trouvent  ainsi  réduites   à  un  dénomina- 
teur beaucoup  plus  simple. 

On  trouvera,  de  la  même  manière,  que  les  frac- 
tions 

_7_       n       23       ^ 
10'     20'     3U'     45' 
peuvent  être  remplacées  par 

84         99        138        164 
18O'      IbO'      180  '      180 

11.  —  Voddition  des  fractions  (ou  des  expres- 
sions fractionnaires)  suppose  quelles  aient  le 
njcme  dénominateur,  car  on  ne  peut  ajouter  entre 
elles  que  des  quantités  de  même  espèce  et  de 
même  dénomination. 

Pour  additionner  des  fraction?  de  même  déno- 
minateur, il  suffit  évidemment  de  faire  la  somine 
des  numérateurs,  et  de  donner  à  cette  somme  le 
d'îiominateur  commun.  Soit,  par  exemple,  à  addi- 
tionner les  fractions 

7  5 

T-    et     --  ; 

18  18  ' 

la    somme  sera  7    dix-liuitiênies,  plus  5   dix-hui- 
tièmes, ou  12  dix-huitièmes,  soit 

12 

18 

Il  reste  à  réduire  cette  fraction,  ce   qui  donne  ^. 
On  a  donc 


7     ,     5» 

r8  +  ï^' = 


Si  la  somme  obtenue  surpassait  l'unité,  il  fau- 
drait en  extraire  les  entiers.  Si,  par  exemple,  on 
lait  la  somme  des  fractions  ~  et  ^,  on  trouve  ~, 
c'est-à-dire  1  unité  et^. 

12.  —  Lorsque  les  fractions  à  additionner  n'ont 
pas  le  môme  dénominateur,  il  faut  commencer  par 
les    réduire    au    même  dénominateur.   Soit,    par 


exemple,  à  additionner  ï  et  g  ;  ces  fractions  re- 
viennent à  1^  et  II,  dont  la  somme  est  ||,  ou  1 
unité  j-|. 

Soient  de  même  les  fractions  |^  ^^  ^o-  P'Cduites 
au  même  dénominateur,  elles  deviennent  ||  et  |i, 
dont  la  somme  est  ||  ou  1  unité  f-^,  ou  encore 
1  unité  p. 

On  peut  avoir  à  additionner  un  nombre  quel- 
conque de  fractions  ;  la  règle  à  suivre  est  toujours 
la  suivante  :  réduire  les  fractions  données  au 
même  dénominateur,  faire  la  somme  des  numéra- 
teurs, donner  à  cette  somme  le  dénominateur 
commun,  extraire  les  entiers,  s'il  y  a  lieu,  et  ré- 
duire la  fraction  à  sa  plus  simple  expre5i»ion. 

Soient  proposées,  par  exemple,  les  fractions 

12       3       4       5 

2'     3'     V     V     G' 

en  les  réduisant  au  même  dénominateur,  on  trou 

vcra 

30        40       4ô        48       50^ 
00  '      Go'      Go'     Go'      GO' 

Kl    somme  des   numérateurs  est   213;   la   somme 
demandée  est  donc^,  ou,   en   extrayant  les    en- 
tiers, 3||,  ou  enfin,  en  réduisant  la  fraction  à  sa 
plus  simple  expression,  3  |A. 
On  trouvera  de  même,  en  appliquant  la  règle, 


o  G 


+  A  = 


13.  —  Si  l'on  avait  à  additionner  des  nombres 
entiers  accompagnés  de  fractions,  on  ferait  d'abord 
la  somme  des  fractions,  et.  si  cette  somme  conte- 
nait des  entiers,  on  les  ajouterait  à  la  somme  des 
Oi)tiers.  Soient,  par  exemple,  îi  additionner  les 
quantités 


3 


ni 


On  trouvera  que  la  somme  des  fractions  est 
|v  ou  2  unités  ^.  On  ajoutera  donc  2  unités  à  la 
somme  des  nombres  entiers  4,  3,  9  et  11,  ce  qui 
(ionnera  29  ^. 

On  trouvera  de  môme  que  8  |  et  9  -g  donnent 
pour  somme  18  l|. 

14.  —  On  pourra  exercer  les  é  èvcs  à  vérifier 
les  égalités  suivantes  : 


3 
5 

+  1  = 

iH 

40 

7 
12 

+11= 

60 

2 
5 

4_ 
15 

17  .  11 


12'^18"^24       *  72 

15^20^aO^40 
1+1+1+1        ' 


?,+ 


37 
40 


'l  +  *h 


10 


1  *>  3  4  =» 


23 


Nous  donnerons,  à  la  suite  de  la  soustraction  des 
fractions,  quelques  énoncés  do  problèmes  condui- 
sant à  des  additions  et  à  des  soustractions  de  frac 
tions. 


FRACTIONS 


795  — 


FRACTIONS 


15.  La  soustraction  des  fractions  exige,  comme 
l'addition,  que  ces  fractions  aient  le  môme  déno- 
minateur. On  retranche  alors  le  plus  petit  numé- 
rateur du  plus  grand,  on  donne  au  reste  le  déno- 
minateur commun,  et  Von  réduit,  s'il  y  a  lieu,  la 
fraction  obtenue  à  sa  plus  simple  expression. 

Pour  soustraire,  par  exemple,  f^  de  i|,  on  re- 
tranchera 5  de  11,  ce  qui  donne  6  ;  on  écrira  au- 
dessous  le  dénominateur  commun,  ce  qui  donne  ^■. 
et,  en  réduisant  cette  fraction  à  sa  plus  simple 
expression,  on  obtiendra  1  pour  la  différence  des 
deux  fractions  proposées. 

On  trouvera  de  même  que  y|  —  ^  =  ^  ou  |. 

Quand  les  fractions  données  ont  des  dénomina- 
teurs dififérents,  il  faut  commencer  par  les  réduire 
ou  même  dénominateur.  Soit  par  exemple  à  retran- 
cher \  de  g  ;  on  réduira  ces  deux  fractions  au  déno- 
minateur 40,  ce  qui  donnera  ^  ci  f§;  en  retran- 
chant 16  de  35,  on  obtient  pour  reste  19  ;  la  différence 
des  deux  fractions  proposées  est  donc  |^. 

On  trouvera  de  même  que  |  —  |  ^  îV- 

16.  —  On  peut  avoir  à  soustraira  un  nombre 
entier  suivi  d'une  fraction  d'un  autre  nombre  entier 
suivi  d'une  fraction. 

Si  la  fraction  qui  accompagne  le  plus  petit  nom- 
bre est  la  plus  petite  des  deux,  on  retranchera  la 
plus  petite  fraction  de  la  plus  grande,  et  l'on  join- 
dra la  différence  de  ces  fractions  à  la  différence  des 
nombres  entiers.  Soit,  par  exemple,  à  soustraire 
3  I  de  7  ||.  La  différence  des  fractions  est  ^,  et 
celle  des  nombres  entiers  est  4;  le  résultat  de  l'o- 
pcration  est  donc  4  j^. 

Mais  si  la  fraction  qui  accompagne  le  plus  petit 
nombre  est  la  plus  grande,  on  ne  peut  plus  opérer 
ainsi.  Après  avoir  réduit  les  deux  fractions  au 
même  dénominateur,  on  ajoute  à  la  plus  petite, 
pour  rendre  la  soustraction  possible,  une  unité 
mise  sous  forme  de  fraction  ayant  ce  dénomina- 
teur commun  ;  on  opère  la  soustraction  des  frac- 
tions ;  mais,  en  passant  à  la  soustraction  des  en- 
tiers, il  faut  ajouter  une  unité  au  plus  petit  nombre, 
pour  compenser  celle  qui  a  été  ajoutée  à  la  fraction 
accompagnant  le  plus  grand. 

Soit,  par  exemple,  à  retrancher  3  |  de  11  |.  En 
réduisant  les  fractions  au  même  dénominateur  on 
les  change  en  ||  et  J-^.  Ne  pouvant  retrancher  32 
de  15,  on  ajoutera  à  la  fraction  H  une  unité  sous 
la  forme  ^,  ce  qui  donnera  ||.  On  retranchera 
alors  II  de  ||,  ce  qui  donne  ||.  Mais  il  faudra 
ajouter  une  unité  au  plus  petit  nombre  entier  3, 
et  retrancher  4  de  11,  ce  qui  donnera  7.  Le  ré- 
sultat de  l'opération  sera  donc  7  |~. 

On  trouvera  de  même  que  la  différence  en- 
tre 6  A|  et  17  I  est  10  ||. 

Remarque.  —  On  a  souvent  à  retrancher  une 
fraction  de  l'unité.  Soit  k  retrancher,  par  exem- 
ple, Y5  de  1,  on  retranchera  -^  de  ^f,  ce  qui  don- 
nera ^.  On  voit  qu'il  faut  prendre  pour  numéra- 
teur de  la  fraction  cherchée  la  différence  entre  les 
deux  termes  de  la  fraction  proposée,  et  écrire  au- 
dessous  le  dénominateur  de  cette  fraction. 


*-  ^  i±-  1 


=  ITT  :  et   ainsi   de 


Ainsi  1  — 
suite. 

On  s'appuie  sur  ce  fait  pour  démontrer  q-ue  lors- 
qiyn  ajoute  un  même  nombre  aux  deux,  term-is 
d'une  fraction,  ou  d'une  expression  fractionnaire, 
elle  se  rapproche  de  l'uniti';  elle  augmente  par  con- 
séquent, si  c'est  une  fraction,  et  diminue,  au  con- 
traire,''si  c'est  une  expression  plus  grande  que 
l'unité.  En  effet,  quand  on  ajoute  un  même  nom- 
bre aux  deux  termes  d'une  fraction,  ou  d'une 
expression   fractionnaire,    la   différence  des  deux 


termes  ne  chango  pas,  mais  le  dcnominatour 
augmente  ;  il  en  résulte  que  la  différence  entre 
l'unité  et  la  fraction  ou  expression  fractionnaire 
proposée  conserve  le  même  numérateur,  tandis 
que  son  dénominateur  augmente  ;  cette  différence 
va  donc  en  diminuant. 

Ainsi  les  fractions  |,  f ,  |,  |,  etc.,  vont  en  se 
rapprochant  de  l'unité.  Il  en  est  de  même  des 
expressions  fractionnaires  |,   |,  |,  |,  etc. 

17.  —  Exercices  et  problèmes.  —  Soustraire  | 
de  l  (Rép.  ^) 

Soustrai7'e  l  de  \^  (Rép.  ^^) 

Soustraire  4|  de  11  |  (Rép.  7  ||) 

Soustraire  4  |  c/e  1 1  |  [l\ép.  6  |i) 

Un  voyageur  a  fait  successivement  J,  i,  i  e<  | 
du  chemin  qu'il  avait  à  faire  ;  quelle  portion  de 
ce  chemin  a-t-il  à  faire  encore  ?  [Rép.  ^) 

Un  ouvrier,  qui  avait  à  faire  25  mètres  d'un  cer- 
tain ouvrage,  en  a  fait  successivement  4  |,  5  A,  3 1, 
6  i;  qu'i  lui  resie-t-il  à  faire  encore?  (Rép.  5  |) 

Trouver  le  résultat  du  calcul  indiqué  ci-dessous: 

4|-3|+7A_5|+2l  (Rép.5f|) 
Trouver  le  résultat  du  calcul  suivant  : 
5i-4l-f  3i-2|  (Rép.l^) 

Comparer  les  deux  quantités  {  +  jq  el  l  +  ^ 
(Rép.  :  elles  sont  égales.) 

Cotnparer  les  deux  quantités  ^  +  1  ^"^  §  —  ^ 
(Rép.  :  elles  sont  égales.) 

De  combien  la  quantité  ^  -\-  ji  surpasse-t-elle 
la  quantité  }  —  {^1   (Rép.  ff) 

18. — Pour  multiplier  une  fraction  par  un  nom- 
bre entier,  on  a  vu  qu'il  suffit  de  multiplier  son 
numérateur  par  ce  nombre  entier,  ou,  si  cela  est 
possible ,  de  diviser  son  dénominateur.  •  Soit,  par 
exemple ,  à  multiplier  ^  par  8  ;  on  pourra  multi- 
plier le  numérateur  par  8 ,  ce  qui  donne  ||  ;  on 
peut  aussi  diviser  le  dénominateur  par  8,  ce  qui 
donne  |. 

Les  fractions  ||  et  |  sont,  en  effet,  équivalentes  ; 
on  s'en  assurerait  en  réduisant  la  première  à  sa 
plus  simple  expression. 

On  trouvera  de  même  que  -^  multiplié  par 
donne  ||  ou  ^  ;  que  -Jg  multiplié  par 
ou|;  que  I  multiplié  par  11   donne  ^;  etc. 

Remarque.  —  On  peut  remarquer  que  pour  mul- 
tiplier une  fraction  par  son  dénominateur,  il  suf- 
fit de  le  supprimer,  car  le  quotient  de  ce  dénomi- 
nateur par  lui-même  est  l'unité. 

Ainsi,  8  fois  |  donnent  ï  ou  5;  12  fois  -\  don- 
nent 7  ;  15  fois  ^  donnent  8  ;  etc. 

19.  —  Lorsqu'il  s'agit  de  multiplier  un  nombre 
entier  par  une  fraction,  il  est  nécessaire  d'étendre 
le  sens  qu'on  a  attribué  jusqu'alors  au  mot  multi- 
plier. 

Soit  à  multiplier  20  par  |  ;  on  entend  par  là 
prendre  les  |  de  20,  ou  3  fois  le  5*  de  20  ;  ce  qui 
donne  12.  De  même,  multiplier  16  par  |,  c'est 
prendre  les  g  de  IG,  ou  7  fois  le  8*  de  16,  ce  qui 
donne  14.  Et  ainsi  de  suite.  Multiplier  un  nombre 
entier  par  une  fraction,  c'est  prendre  une  poriion 
du  multiplicande  exprimée  pur  le  multiplicateur, 
ou  diviser  le  multiplicande  pat  le  dénominateur, 
et  multiplier  le  quotient  par  le  numérateur.  Pour 
multiplier,  par  exemple.  13  par  |,  il  faut  prendre 
le  quart  de  13,  ce  qui  donne  ^^-,  et  multiplier  ce 


donne  — 


FRACTIONS 


796 


FRACTIONS 


résultat  par  3,  ce  qui  donne  ^^  ou  9  |.  On  aurait 
pu  multiplier  d'abord  le  nombre  13  par  le  numéra- 
teur 3,  et  diviser  le  produit  par  le  dénominateur4; 
le  résultat  eût  été  le  môme  En  général  on  peut 
dire  que,  pour  multiplier  un  nombre  entier  pur 
une  fraction,  il  faut  multiplier  ce  nombre  enner 
par  le  numérateur,  et  diviser  le  produit  par  le 
dénominateur.  Ainsi 

12x|  =  f  =  10;  18X^  =  ^=  10|; 

^xi  =  f  =3i;etc. 

L'observation  faite  ci-dessus  montre  qu'o/i  obtient 
le  même  résultat  en  vniltipiidnt  un  nombre  eiitier 
par  wie  fraction  qu'en  multipliayit  la  fraction  pur 
le  nombre  entier. 

•20.  —  Mais  on  peut  se  demander  pourquoi  l'opé- 
ration qui  consiste  à  prendre,  par  exemple,  les  | 
do  "0  porte  le  nom  de  multiplication,  puisqu'elle  a 
pour  effet  de  donner  un  résultat  plus  petit  que  le 
multiplicande.  On  a  été  conduit  à  cette  dénomina- 
tion par  une  raison  d'analogie.  Si  le  mètre  d'une 
étoffe  coûtait  20  fr.,  pour  obtenir  le  prix  de  2,  3, 
4  mètres,  etc.,  il  faudrait  multiplier  20  fr.  par  2, 
3,  4,  etc.  Si  l'on  veut  obtenir  le  prix  de  |  de  mètre, 
il  faut  évidemment  prendre  les  |  de  20  fr.  On  a 
conservé  le  nom  de  multiplication  à  l'opération  qui 
résout  le  même  problème,  que  le  multiplicateur 
soit  un  nombre  entier  on  une  fraction.  On  peut 
d'ailleurs  réunir  les  deux  cas  dans  une  même  défi- 
nition en  disant  :  la  mulnplicaiion  est  hne  opéru- 
tioti  qui  a  pour  but  de  trouver  un  nombre,  appelé 
produit,  qui  soit  composé  avec  le  multiplicande 
comme  le  niultipdcalmr  est  composé  avec  l'unité. 
Si  le  multiplicateur  se  compose  d'un  certain  nom- 
bre do  fois  l'unité,  le  produit  se  composera  du 
même  nombre  de  fois  le  multiplicande;  si  le  mul- 
tiplicateur est  une  fraction  de  l'unité,  le  produit 
sera  la  même  fraction  du  multiplicande. 

21.  —  Soit  maintenant  à  multiplier  une  fraction 
par  une  fraction,  par  exemple  |  par  |.  C'est,  d'a- 
près la  définition,  prendre  les  |  de  1,  ou  répéter 
3  fois  le  5*=  de  g.  On  divisera  |  par  5  en  multi- 
pliant son  dénominateur  par  5,  ce  qui  donne 


9X5 


et  l'on  répétera  ce  résultat  par  3  en  multipliant 
par  3  son  numérateur,  ce  qui  donne 


8X3 
9X5' 


24 


On  voit  que,  pour  micltiplier  deux  fractions 
l'une  par  Vautre,  il  suffit  de  multiplier  les  numé- 
rateurs entre  eux  et  les  dénominateurs  entre  eux, 
et  de  réduire  ensuite  la  fraction  obtenue  à  sa  plus 
simple  expression,  s'il  y  a  lieu.  On  trouvera  ainsi 
que 

i£  _  i_ 
252  ~  18 


7  10 

1~^  2Ï 


On  peut  remarquer  que,  d'après  cette  règle, 
l'ordi'e  des  facteurs  est  indifférent,  car  on  aura 
toujours  pour  numérateur  le  produit  des  numéra- 
teurs, et  pour  dénominateur  le  produit  des  déno- 
minateurs. 

Remarques.  —  I.  Le  produit  d'une  fraction  par 
une  fraction  est  ce  qu'on  appelle  quelquefois  une 
fraction  de  fraction. 

II.  Si  l'on  multiplie  une  fraction  par  l'expression 
fractionnaire  inverse,  on  obtient  pour  produit 
l'unité.  Ainsi 


><5  = 


=  1 


22.  —  On  peut  avoir  à  multiplier  un  nombre  en- 
tier suivi  d'une  fraction  par  un  autre  nombre  entier 
suivi  d'une  fraction.  Le  plus  simple,  dans  ce  cas, 
est  de  réduire  chaque  entier  et  la  fraction  qui  l'ac- 
compagne en  une  seule  expression  fractionnaire, 
et  d'opérer  comme  pour  des  fractions.  Soit,  par 
exemple,  à  multiplier  4  |  par  3  g.  On  commencera 
par  substituer  à  ces  expressions  les  expressions 
équivalentes  x^^  ^'  ^^  en  les  multipliant  terme 
îi  terme  on  obti<?ndra 


19  X   11 
4x3' 


200 
12"' 


-T^ 


On  peut  avoir  à  faire  le  produit  d'un  nombre 
quelconque  de  fractions  ou  d'expressions  fraction- 
naires ,  on  fera  le  produit  des  deux  premiers  fac- 
teurs, on  multipliera  ce  produit  par  le  troisième 
facteur,  puis  ce  nouveau  produit  par  le  quatrième 
facteur,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  ce  qu'on  ait  em- 
ployé tous  les  facteurs.  Supposons,  par  exemple, 
que  les  facteurs  soient 

:>     :'4         112 
8'  25'   "  3'   '^  ô'   3 

5     24     10      25      2 
b      x!o      3         ()        3 

le  produit  définitif  aura  pour  numérateur  le  pro- 
duit de  tous  les  numérateurs,  et  pour  dénominateur 
le  produit  de  tous  les  dénominateurs;  ceseradonc 

5  .  24  .  10  .  25  .  -.'  „    ,       ^    ,  5 

- — — -,  ou,  en  effectuant,  5-- 

8  .  2.5  .   o  .  D  .  .^  y 

Le  résultat  est  indépendant  de  l'ordre  aes  fac- 
teurs . 

23-  —  Exercices  et  problèmes.  —  Quel  est  le 
produit  de  ^  par  1  ?  (Rép.  1  \.) 

Quel  est  le  produit  de  15  par  |?  (Rép.  10) 

—  -  36  par  II  (Rép.  25  f 

—  —1806  par  j|  (Rép.  1106) 

-  -  A  par  il  (Rép.  i) 

A  par  II       (Rép.l) 

-  -  8fpar6|      (Rép.  68  i) 
-  2^x|x^x|f   (Rép.A) 

Une  fontaine  fournit  par  heure  15  hectolitres  ^] 
combien  fournira-t-elle en  3  heures ^^  (Rép.  57  hec- 
tolitres.) 

Un  voyageur  fait  régulièrement  les  |  d'une  licue 
en  une  heure;  quel  chemin  fera-t-il  en  5  heu- 
res Y^   (Rép.  4  lieues  |.) 

On  tire  d'un  tonneau  les  |  de  la  quantité  de 
liquide  qu'il  contenait,  puis  les  |  de  ce  qui  reste, 
puis  encore  les  |  de  ce  second  7'este,  enfm  le  ^  du 
dernier  reste  ;  on  demande  quelle  fraction  de  la 
quantité  de  liquide  primitive  renferme  encore  le 
toîineau  après  cette  dernière  opération?  (Rép.  g^.] 

24.  —  Pour  diviser  une  fraction  par  un  nom- 
bre entier,  il  suffit  de  mulliplier  son  dénomina- 
teur par  ce  nombre  entier,  ou,  si  cela  est  pos- 
sible,   de   diviser  S07i  numérateur.  Ainsi  le  quo- 

28  ''S  28 

tient  de  —  par  7  est  jr^ — -,  c'est-à-dire  — -■>  ou 
4;)  4d  X  7  315 

bien  —  ;  ces  deux  expressions  sont,  en  eflfet,  équi- 
valentes. 
On  verrait  de  même  que  le  quotient  de  ||  par  S 

est^.oUgV 

25.  —  Quand  le  diviseur  est  une  fraction,  il  est 
nécessaire,  pour  bien  saisir  le  sens  de  l'opération. 


FRACTIONS 


797  — 


FRACTIONS 


de  se  rappeler  cette  définition  générale  de  la  divi-  j  ^  •  ^  ^  ^  7x8x6 
sion  :  cette  opération  a  pour  but,  étant  donne  un  j 
produit  de  deux  facteurs,  et  l'un  de  ces  factews, 
de  trouver  l'autre  facteur.  Soit,  par  exemple,  à 
diviser  8  par  |,  D'après  la  définition,  si  l'on  con- 
naissait le  quotient,  en  le  multipliant  par  |  on  au- 
rait le  dividende  8.  Il  en  résulte  que  les  1  du 
quotient  cherché  étants,  par  conséquent  \  du  quo- 
tient vaut  le  tiers  de  8  ou  ^,  et  les  f  du  quotient, 
ou  le  quotient  tout  entier,  vaut  5  fois  |,  c" est-à- 


(Rép.  è) 
(Rép.  13i) 
(Rép.  M) 
(Rép.  1  \) 
(Rép.  1  ^,,) 


dire 


X  5       40       ._,  1 

-^OUy,   SOltlS-. 


On  peut  remarquer  que,  pour  obtenir  le  quo- 
tient demandé,  on  a  opéré  comme  s'il  s'agissait  de 
multiplier  8  par  |,  c'est-à-dire  par  la  fraction  divi- 
seur renversée.  On  trouvera  de  même  que  le  quo- 

r  15    X    9 

lient  de  15  par-  est  — r — >  c'est-à-dire  27. 
y  o 

•26.  —  Soit  maintenant  à  diviser  une  fraction 
par  une  fraction  ;  par  exemple  ^  par  |  ;  le  raison- 
nement sera  le  même  que  ci-dessus.  D'après  la 
définition,  le  quotient  cherché,  multiplié  par  |,  doit 
donner  pour  produit  ■—',  on  peut  donc  dire  : 
les  4  du   quotient   valent  ^  ;  donc  4  du   quotient 

8  5 

vaut  4  fois  moins,  ou  -l  et  les  r  du   Quo- 

lo  X  4'  3 

tient,    c'est-à-dire    le   quotient  tout   entier,  vaut 

r  e  •        I  8X5 

5  fois  plus  ou   -: -• 

*^  l-i   X  4 

On  voit  que,  pour  trouver  le  quotient  demandé, 
il  faut  multiplier  ^  par  |,  c'est-à-dire  par  la  frac- 
tion diviseur  renversée.  On  trouve  |^  ou  |. 

,      14 

On   verrait   de    même  que  le   quotient   de    — 

7  14  X  9        2 


4X3X6 

29.  —  Exercices  et  problèmes. 
Trouver  le  quotient  de  ||  par  8. 

-  -  npar\ 

—  —  8  par  I 

-  -  Il  P«''  f 

—  —  11  {  par  8  \ 

On  a  payé  12  francs  |  pour  8  mètres  1/2  d'étoffe; 
quel  est  le  prix  du  mètre?    (Rép.  1  franc  |.) 

Un  voyageur,  marchant  tiniformément,  a  fait 
;'>ô  lieues  en  6  jours  |  ;  quel  chemin  faisait-il  par 
jour?    (Rép.  5  lieues  |.) 

Pour  faire  un  certain  ouvrage,  un  premier  ou- 
vrier demande  5  jours  |  ;  u?i  second  le  ferait  en 
G  jours,  et  un  troisième  en  4  joia-s  4  ;  quel  temps 
emploieraient-ils  à  faire  le  même  ouvrage  s'ils 
travaillaient  ensemble  [sms  se  gêner  mutuelle- 
ment}? (Rép.   1  jour  |.) 

30.  —  Une  fraction  décimale,  ou  un  nombre 
décimal,  peuvent  toujours  être  mis  sous  la  forme 
d'une  fraction  ordinaire,  ou  d'une  expression  frac- 
tionnaire ordinaire.  Ainsi  les  quantités 

0,75        1,327        29,4308 

peuvent  s'écrire  : 

75  1327  294308  , 

'     lOUO 


100 


lOOuO 


et  l'on  voit  aisément  que,  pour  opérer  celte  trans- 
formation, il  suffît  de  supirimer  la  virgule  et 
d'écrire,  au-dessous  du  nombre  ainsi  obtenu, 
l'unité  suivie  d'autant  de  zéros  qu'il  y  avait  de 
décimales.  Cela  résulte  de  la  définition  même  des 
nombres  décimaux. 

31.  —  Une  fraction  ordinaire  peut  quelquefois 
être  exactement  convertie  en  une  fraction  déci- 
male.   Cela   a  lieu  quand   son    dénominateur   ne 


En  résumé,  on  voit  que  pour  diviser  un  nombre 
quelconque,  entier  ou  fractionnaire,  par  une  frac- 
tion, il  faut  multiplier  le  dividende  par  la  frac-  ''  contient  d'autres  facteurs  premiers   que  les  fac- 
tio7i  diviseur  renversée.  leurs  2  ou  5.  Soii,  par  exemple,   la   fraction  y?^. 

On  peut  remarquer  que  si  le  diviseur  est  une  i  Le  dénominateur  revient  à  2  .  ô^  ;  on  voit  dès  lors 
fraction  proprement  dite,  le  quotient  sera  plus  I  qu'en  multipliant  les  deux  termes  par  2^,  on  ob- 
grand  que  le  dividende;  il  sera  au  contraire  plus  i  tiendra  2^  ..S^  ou  10^,  c'est-à-dire  une  puissance  de  10; 
petit  si  le  diviseur  est  une  expression  fractionnaire  |  la    fraction   sera   donc  convertie   en  une  fraction 


plus  grande  que  l'unité 

27.  —  Si  l'on  a  à  diviser  un  nombre  entier  ac- 
compagné d'une  fraction  par  un  autre  nombre 
entier  accompagné  d'une  fraction,  on  réduira 
chaque  nombre  entier  et  la  fraction  qui  l'accompa- 
gne en  une  seule  expression  fractionnaire,  et  l'on 
opérera  comme  pour  les  fractions.  Soit,  par  exem- 
ple, à  diviser  3  |  par  4  |,  ou  ^  par  ^,  le  quotient 

10  X  6      ,       ,  J.       60        4 

sera  —■>  c  est-à-dire  rr  ou  -• 

3  X  2d  (o         5 

On  verrait  de  mêms  que  le  quotient  de  6  |  par 
6  I  est  {|. 

28.  —  Les  règles  de  la  multiplication  et  de  la 

division  des  fractions  démontrent  que  pour  diviser 

un  nombre,  enti",rou  fracti  tinaire,  successivement 

pur  plusieurs  fractions  ou  expressions  fractvya- 

naires,  on  peut  le  diviser  far   leur  produit.  Soit, 

par  exemple,  à  diviser  ~  par  |,  et  le  quotient  par  |  ; 

7         3  7x8 

si  l'on  divise  d'abord  -  par  -  on  aura  ■; ■  :  et  si 

4  *      8  4X3' 

l'on  divise  ce  premier  quotient  par  ï,  on  obtien- 

,      7  X  8  X  6    _      .  „       ...      7  ,  ,   ., 

dra  .         „  — r-  Or  si  1  on  divise  7  par  le  produit 


décimale 


19  X  4 


°"  ïm  °"  ^'^'^- 


4x3x5 
3 


3x5 


effectué  de  -  et  de  -■>  c'est-à-dire  par  ?  on 

8  G  "^8X0 


On  verrait  de  même  que  les  fractions 

7  21  90  111  893 

S     '     "Ô     '  -U'5  '     500     '     2500  ' 

reviennent  à 

0,875  ,  0„^25  ,  0,7G8  ,    0,222  ,    0,3572. 

32.  —  Dans  tout  autre  cas,  une  fraction  ordi- 
naire ne  peut  être  convertie  exactement  en  irac- 
tion  décimale;  mais  on  peut  obtenir  une  fraction 
décimale,  ou  un  nombre  décimal,  qui  en  diffère 
aussi  peu  qu'on  le  voudra.  Soit  proposée,  par 
exemple,  la  fraction  f .  Cette  fraction  exprime, 
comme  on  l'a  vu,  le  quotient  de  son  numérateur 
par  son  déno  ninateur.  Cherchons  à  évaluer  ce 
quotient  en  décimales  : 


40 
50 
10 


0,57 1428a7 1428,. 


30 
20 
CO 

4: 


FRACTIONS 


—  798  —        FRANÇAISE  (LANGUE; 


Le  diviseur  7  n'étant  pas  contenu  dans  4,  on 
-cuve  0  pour  le  chiffre  des  unités  du  quotient,  et 
il  reste  4.  Ces  4  unités  valent  40  dixièmes,  dont 
la  'i'  partie  est  5  dixièmes,  que  l'on  peut  écrire  au 
quotient,  et  il  reste  :>  dixièmes.  Ces  5  dixièmes 
valent  50  centièmes,  dont  la  1"  partie  est  7  cen- 
tièmes, que  l'on  peut  écrire  au  quotient,  et  il 
reste  1  centième,  qui  vaut  10  millièmes,  dont  la  7'^ 
partie  est  1  millième,  qu'on  écrira  au  quotient, 
et  il  restera  3  millièmes,  etc.  F.n  continuant  ainsi 
on  obtiendra  au  quotient  autant  de  chifTres  dé- 
cimaux qu'on  voudra.  ^lais  l'opération  ne  se  ter- 
minera pas,  et  l'on  n'obtiendrai  que  la  valeur  ap- 
prochée de  â  à  1  dixième,  1  centième,  1  millicmo 
près,  etc.,  suivant  qu'on  aura  calculé  1,  2,  'à  déci- 
males, etc. 

33.  C.  S.  —  L'opération  ne  saurait  se  terminer  ; 
car  les  restes  étant  nécessairement  moindres  que  le 
diviseur  7,  au  bout  de  7  opérations  au  plus,  on 
retombera  sur  un  des  restes  déjà  obtenus;  ce  reste 
fournira  un  dividende  partiel  déjà  obtenu;  et,  à 
partir  de  ce  moment  les  opérations  se  reprodui- 
ront dans  le  même  ordre  indéfiniment.  Le  quotient 
sera  donc  illimité,  et  de  plus  il  sera  périoùiqio;. 
c'est-à-dire  que  les  chiffres  se  reproduiront  indé- 
finiment dans  le  même  ordre.  Dans  l'exemple  ci- 
dessus,  la  période  se  compose  des  chiffres  .s:ii2S. 

Si  l'on  opère  de  même  pour  les  fractions  ^  et  ^, 
on  trouvera 


0,545454... 


et      0,296296296. 


Pour  la  première,  la  période  est  54  ;  pour  la 
seconde  c'est  296.  Ces  fractions  sont  ce  que  l'on 
appelle  des  fractions  périodiques. 

Mais  si  l'on  opère  de  même  pour  les  fractions  -^^^ 
et  ^,  on  trouvera 


0,3545454. 


et        0,01297297297., 


se  compose  d'autant  de  9  qu'il  y  a  de  chiffres  dans 
la  période. 

Soit  donnée,  en  second  lieu,  une  fraction  pério- 
dique mixte,  par  exemple 

0,62457457457 

Transportons  la  virgule  à  gauche  de  la  première 
période,  ce  qui  revient  à  multiplier  la  fraction  pé- 
riodique par  100,  nous  obtiendrons 

457 
62,457457457 ou    62 -f  — 

ou,  en  réduisant  l'entier  en  fraction 

62  X  999  +  457 

999 

Mais,    au    lieu    de  02   X  999,    on  „ peut  écrire 
62  X  1000  —  62  ;  il  vient  donc 


(•.2000 


457 


999 


62  62'.57  —  62 

-     °>^  999 


Ce  sont  encore  des  fractions  périodiques,  mais 
elles  diffèrent  des  premières  en  ce  que  la  période, 
au  lieu  de  commencer  immédiatement  après  la 
virgule,  ne  commence  que  quelques  rangs  après, 
en  sorte  que  la  première  période  est  précédée  de 
chiffres  dits  irréguliers,  qui  ne  font  point  partie  de 
la  périodicité.  On  dit,  dans  le  premier  cas,  que  la 
fraction  est  périodique  simple,  et,  dans  le  cas 
actuel,  qu'elle  est  périodique  mixte. 

34.  ('..  S.  —  La  théorie  complète  et  rigoureuse 
des  fractions  périodiques  sort  du  cadre  de  l'ensei- 
gnement primaire.  Mais  on  peut  au  moins,  par 
des  considérations  fort  simples,  obtenir  la  règle 
pour  résoudre  cette  quesiion.  Étant  donnée  une 
fraction  périodique  simple  ou  mixte,  trouver  la 
fraction  ordinaire  qui  l'a  produite  et  qu'on  appelle 
sa  fraction  générah-ic-.'. 

Constatons  d'abord  que  si  l'on  réduit  en  déci- 
males les  fractions  |,  g*g,  g-gg,  etc  ,  dont  le  déno- 
minateur ne  contient  que  le  chiffre  9,  on  obtient 
les  fractions  périodiques 


0,1111., 


0,01010101...  ,      0,001001001001.. 


Cela  posé,  soit  donnée  d'abord  une  fraction  pé- 
riodique simple,  par  exemple 

0,457457457.... 

On  peut  la  regarder  comme  le  résultat  do  la  mul- 
tiplication de  u,00100i00l ... .  par^57;  elle  équi- 
vaut donc  à  |||. 

On  verrait  de  même  que  0,737373...  équivaut 
à  II,  c'est-à-dire  qu'e<«e  fraction  pénodique  simple 
a  pour  fraction  génératrice  une  irattion  dont  le 
numérateur  est  la  période  et  dont  le  dénominateur 


Et  comme  ce  résultat  est  100  fois  trop  fort, 
puisqu'on  a  multiplié  par  100,  la  valeur  réelle  de 
la  fraction  périodique  proposée  est 

62457  —  62 

On  verrait  de  même  que   0,85  45454....   équi- 

,  854  —  8     ,.   ,    ,,  ,  , 

vaut  à  — — — — 5  d  ou  1  on  peut  conclure   qu  une 

fraction  périodique  mixte  a  pour  fraction  généra- 
trice une  fraction  dont  le  numérateur  tsi  la  diffé- 
rence entre  la  partie  non  périodique  suivie  de  la 
période  (d  la  partie  non  périodique,  et  don'  le  dé- 
nominateur se  compose  d'autant  de  9  qu'il  y  a  de 
chiffres  dans  la  période,  suivis  d'autant  de  zéros 
qu'il  y  a  de  chiffres  daJis  la  partie  non  pério- 
dique. 

35.  —  On  démontre  qu'une  fraction  ordinaii-e 
réduite  en  décimales  donne  lieu  à  une  fraction 
périodique  simple  lorsque,  ramenée  à  sa  plus  sim- 
ple expression,  elle  ne  contient  à  son  dénominateur 
ni  le  facteur  2  ni  le  facteur  5;  et  elle  donne  lieu 
à  une  fraction  périodique  mixte  lorsque  son  déno- 
minateur contient  les  facteurs  2  ou  5  avec  d'autres 
facteurs  étrangers  à  la  base  10.  Nous  ne  pouvons 
donner  ici  la  démonstration  de  ce  fait,  qu'il  est 
facile  de  vérifier.  [H.  Sonnet.] 

FRAAÇAISE  (Langue).  —  Littérature  française, 
L  —  L'histoire  de  la  langue  française  est  deve- 
nue, de  notre  temps,  une  véritable  science,  qui 
souvent    s'aide   de  Ihistoire   politique,    qui    par- 
fois aussi  l'éclairé  et  l'explique,  mais   qui  néan- 
moins a  son  existence  propre  et  son  domaine  par- 
ticulier. 
Ce  domaine  est  même  fort  étendu.  Vhistoire  de 
l 'a  langue  française  se  compose  de  deux  parties  : 
I  l'une,   chronolog  qie,  comprend    son    orrgine,    sa 
\format'uin,  son  développement:  l'autre,  çéographi- 
I  gue,  embrasse  l'énumération  et  l'histoire  particu- 
lière de  chacun  de  nos  dialectes  et  patois  français 
I  •classés  par  anciennes  provinces. 
,      Cette  vaste    histoire   est    loin   d'être   achevcn; 
elle  se   continue,   se  complète   chaque  jour,    la 
seconde  partie  surtout  présente  encore  de  nmu- 
breuses  lacunes.  Nous  nous  contenterons  ici  d'es- 
quisser  l'histoire  chronologique    de    la   langue 
française. 

Notre  langue  se  rattache  à  la  famille  des  la7i- 
yues  indo-airopéenncs,  dont  voici  un  tableau  très 
sommaire  : 


FRANÇAISE  (LANGUE) 

Sanscrit  (ancienne  langue  de  l'Inde). 

Zend  (persan). 

Grec. 


—  790  — 


FRANÇAISE  (LANGUE) 


Langues 
indo- 
germa- 
niques 
ou  indo- 
euro- 
péennes 


langues 
romanes 
ou  néo-la- 
tines (is- 
sues du  la- 
tin après 
l'invasion 

des 
Barbares) 


italien, 
espagnol. 


langage 

parlé 
dans  l'an- 
cienne 
France. 


lanfjue  d'oc 
ou  ancien 
provençal 

au   midi   de 
la  France. 

langue  d'oïl 

au  nord 
de  la  France 


Langues 
germa- 
niques 

Langues 
slaves 

Celtique 


i  allemand, 
danois, 
suédois, 
anglo-sason  ou  anglais. 

!  russe, 
polonais. 
(   parlé  dans  la  Bretagne  française,  le 
<       pays  de  Galles,  quelques  parties  de 
1      l'Irlande  et  de  l'Ecosse. 


Le  français  a  été  considéré  comme  formé  de 
quatre  éléments  :  i°  l'élément  celtique  ;  1"  l'élé- 
ment grec;  3"  l'élément  latin  ;  4"  l'élément  germa- 
nitjue. 

1°  Le  celtique,  dont  les  restes  se  retrouvent  dans 
le  bas-breton,  ayant  été  l'idiome  de  la  plus  grande 
partie  de  la  Gaule  avant  la  domination  romaine,  a 
été  longtemps  regardé  comme  la  source  principale 
tant  de  notre  vocabulaire  que  de  notre  système 
grammatical.  Mais  à  mesure  que  la  science  éty- 
mologique est  devenue  plus  rigoureuse,  une  part 
de  moins  en  moins  considérable  a  été  faite  à 
l'élément  celtique.  On  ne  le  retrouve  guère  avec 
quelque  apparence  de  certitude  que  dans  des 
noms  de  plantes  ou  d'animaux  indigènes  {bruyère, 
alouelty.,  cormoran,  goëland,  pinson),  de  vents 
[galerne),  d'ustensiles  servant  aux  usages  domes- 
tiques [banne*  barrique,  claie,  cruche,  râteau), 
de  boissons  [cervoise);  certains  termes,  tels  que 
dune,  combe,  relatifs  à  la  configuration  du  sol, 
se  sont  conservés  soit  à  l'état  de  mots  isolés,  soit 
comme  partie  intégrante  de  noms  géographiques. 
On  voit  que  le  contingent  fourni  par  le  celtique 
est  peu  de  chose  ;  encore  l'aut-il  remarquer  que 
l'introduction  de  ces  mots  dans  notre  langue  a 
souvent  été  indirecie.  Plusieurs  d'entre  eux,  lati- 
nisés par  les  Romains,  nous  sont  revenus  par 
cette  voie  détournée. 

2°  Le  grec  a  passé,  auprès  de  beaucoup  de  phi- 
lologues des  deux  derniers  siècles,  pour  avoir 
joué  dans  la  formation  de  notre  langue  un  rôle 
considérable.  On  pouvait  croire  en  efl'et,  en  ne 
consultant  que  la  vraisemblance,  que  le  grec, 
parlé  en  Gaule  bien  avant  le  latin,  dans  les  ancien- 
nes colonies  du  littoral  de  la  Méditerranée,  avait 
dû  se  répandre,  se  propager  et  laisser  des  traces 
assez  profondes.  Une  observation  attentive  n'en  a 
signalé  aucune.  Les  mots  grecs,  fort  nombreux 
d'ailleurs,  qui  se  sont  introduits  dans  notre  langue 
dès  l'origine,  y  sont  entrés  par  l'intermédiaire  du 
latin.  Quant  àceux  quiontpénétré  dansle  français 
sans  avoir  d'abord  été  adoptés  par  les  Romains,  ils 
ne  datent  que  de  la  Renaissance  ;  c'est  alors  aussi 
que  les  sciences  et  les  ans  ont  commencé  à  former 
pour  leur  usage,  à  l'aide  d'éléments  grecs,  des 
mots  techniques,  qui,  en  réalité,  n'appartiennent  à 
aucune  langue. 

3°  Le  latin  est  la  principale,  et  même,  bien  peu 
s'en  faut,  l'unique  source  du  français.  Non  seule- 
ment il  nous  a  fourni  la  plus  grande  partie  de  notre 
vocabulaire,  mais,  ainsi  que  nous  venons  de  le 
voir,  la  plupart  des  mots  qui  nous  sont  venus  d'au- 
tres idiomes  n'ont  pénétré  dans  le  nôtre  que  par 
son  intermédiaire  ;  enfin,  et  c'est  ce  qui  prn\ive 
le  mieux  notre  étroite  dépendance  à  son  égard, 
nous  lui  devons  tous  les  termes  abstraits  et  Dure- 


ment grammaticaux,  tels  que  les  articles,  pronoms, 
adjectifs  démonstratifs,  possessifs,  numéraux,  qui 
sont  pour  ainsi  dire  l'outillage  de  toute  langue. 

Ce  serait  peu  de  savoir  que  le  français  vient  du 
latin,  si  l'on  ne  savait  aussi  comment  il  en  vient. 

Le  latin  dont  notre  langue  s'est  formée  n'est 
point  celui  de  Cicéron  et  de  Virgile.  Ce  langage 
littéraire,  un  peu  artificiel,  n'a  jamais  été  parlé 
par  le  peuple.  A  côté,  ou  plutôt  au-dessous,  il  y 
en  avait  un  autre,  celui  des  paysans  et  des  soldats; 
l'existence  en  est  connue  avec  certitude,  mais  les 
échantillons  en  sont  rares.  Néanmoins,  quelques 
fragments  d'anciens  textes  antérieurs  à  l'époque 
où  l'étude  de  la  littérature  grecque  a  transformé 
la  littérature  latine,  certains  passages  des  comédies 
de  Plante,  et  surtout  bon  nombre  d'expressions  et 
de  tours  tirés  des  inscriptions,  peuvent  nous  en 
indiquer  la  iiature. 

Quand  une  même  idée  se  trouvait  exprimée  en 
latin  par  deux  mots  diff"érents,  l'un  littéraire,  l'autre 
populaire,  c'est  toujours  le  mot  populaire  qui  est 
entré  dans  notre  langue,  ainsi  qu'on  le  voit  par 
les  exemples  suivants  : 

LATIN  LITTKUAIRB.       LATIN  POPCLAIRK.  FRANÇAIS 

Verberare.  Batuere.  Battre. 

Equiis.  Caballus.  Cheval. 

Hebdoraas.  Septimana.  Semaine. 

Les  mots  du  latin  littéraire,  appartenant  h  la 
première  colonne,  ont  aussi  apporté  plus  tard  d'une 
manière  indirecte  leur  contingent  au  français, 
'.'est  ainsi  que  nous  retrouvons  verbera7'e  dans 
réverbérer,  equus  dans  équit'itwn,  iicbdomas  dans 
hebdomadaire  ;  mais  il  importe  de  bien  remarquer 
que  ces  dérivés  appartiennent,  non  à  la  période  de 
formation  de  notre  langue,  mais  à'celle  de  son  dé- 
veloppement. 

En  elTet,  non  seulement  le  français  s'est  formé  du 
latin,  mais  il  s'en  est  formé  deux  fois,  et  chaque 
fois  par  un  procédé  différent. 

La  première  formation  ou  formation  populaire, 
qui  se  distingue  par  un  caractère  instinctif,  spon- 
tané, a  été  purement  orale.  Les  mots  latins,  enten- 
dus par  des  oreilles  peu  délicates,  répétés  par  des 
bouches  inexpérimentées,  ont  par  cela  seul  changé 
de  nature,  et  ce  latin,  estropié,  modifié,  est  devenu 
du  roman.  Nos  mots  français  populaires  ne  sont 
donc  en  définitive  que  des  mots  latins  mal  pro- 
noncés. 

Le  centre  des  mots  s'abrégeait,  se  contractait 
d'après  des  lois  secrètes  que  la  philologie  moderne 
a  su  découvrir;  mais  l'accent  tonique  latin,  persis- 
tant à  travers  tous  ces  changements,  protégeait 
la  syllabe  qui  en  avait  été  aiïectée  (V.  Accent). 
C'est  ainsi,  par  exemple,  qu'epistola  devenait  épistre, 
apostolus,  apostre  (puis  épitre,  apôtre,  dans  le  cou- 
rant du  xvii=  siècle,  quand  on  supprima  les  s  qui 
ne  se  prononçaient  point  et  qu'on  y  substitua  des 
accents). 

Cette  formation  populaire  eut  lieu  au  jour  le 
jour,  au  hasard,  suivant  le  besoin.  Elle  laissa  dans 
notre  vocabulaire  bien  des  lacunes  ;  souvent,  par 
exemple,  elle  créa  un  substantif,  sans  se  préoc- 
cuper d'en  tirer  un  adjectif,  dont  on  pouvait  à  la 
rigueur  se  passer.  Plus  tard,  ces  vides  furent  en 
partie  comblés,  mais  par  un  pi'océdé  très  différent 
du  premier.  On  possédait  épitre  et  apôtre,  mais  on 
manquait  d'adjectifs  qui  permissent  de  caractéri- 
ser le  style  des  épîtres,  la  doctrine  des  apôtres. 
Le  latin  avait  pour  cela  epistular/s,  apostulicus  ;  on 
lui  emprunta  ces  adjectifs,  et  pour  les  introduire 
dans  notre  langue,  on  se  contenta  de  les  trans- 
crire sans  rien  modifier  dans  le  corps  du  mot  et 
en  changeant  seulement  la  terminaison. 

Cette  seconde  formation,  qui  s'exécute  à  l'aide 
du  secours  des  yeux  et  la  plume  à  la  main,  sans 
que  l'oreille  ni  la  voix  y  aient  aucune  part,  est 
appelée,  par  opposition  à  la  formation  populaire, 
formati'ûi  savante,  parce  qu'elle  est  particulière 


FRANÇAISE  (LANGUE) 


800 


FRANÇAISE    iLANGUE) 


aux  érudits  et  surtout  aux  traducteurs.  Leur  pro- 
cédé n'a  d'ailleurs  rien  de  scientifique.  Au  con- 
traire, tandis  que  l'instinct  populaire,  obéissant  à 
une  tradition  constante,  modifie  les  mots  de  façon 
•i  conserver  l'accent  latin,  les  érudits  n'en  tien- 
nent aucun  compte  dans  leur  calque  informe,  dont 
la  fidélité  n'est  qu'apparente. 

Souvent  cette  double  formation,  populaire  et 
savante,  s'est  exercée  tour  à  tour  sur  un  seul  et 
même  mot  latin.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que 
fragilis  a  donné  d'abord  frêle,  puis  fragile  Dans 
un  petit  traité  spécial,  publié  en  1683,  un  érudit 
obscur,  Cathei'inot,  appelait  déjà  ces  doubles  for- 
mes les  doublets  de  In  langue,  nom  que  la  science 
moderne  leur  a  définitivement  appliqué.  —  (V. 
Doublet.) 

Il  importe  de  bien  remarquer  que,  contraire- 
ment à  ce  qu'on  serait  d'abord  tenté  de  croire,  la 
forme  la  plus  ancienne  frêle)  est  plus  différente 
que  la  plus  récente   fragile]  du  latin  fragilis. 

Quoi  qu'on  trouve  d^  très  bonne  heure  quelques 
mots  à  forme  savanie,  c'est  seulement  au  xiv"=  siè- 
cle qu'ils  commencent  à  devenir  nombreux,  et  ils 
se  multiplient  tellement  à  la  Renaissance  qu'on 
s'explique  l'erreur  d:s  critiques,  qui  ont  long- 
temps cru  qu'ils  dataient  tous  de  cette  époque. 

Quant  aux  mots  de  formation  populaire,  ils  sont 
tous  antérieurs  au  xii^  siècle. 

Ces  deux  courants  du  langage  sont  du  reste  de- 
meurés distincts  à  bien  des  égards.  Le  peuple 
continue,  même  de  nos  jours,  à  n'employer  que 
li;s  mots  qu'il  a  faits  ;  à  peine  comprend-il  les  au- 
tres, jamais  il  ne  s'en  sert.  Si,  dans  les  grandes 
villes,  il  affecte  parfois  d'en  prononcer  quelques- 
uns,  c'est  avec  une  sorte  d''  stentation,  et  presque 
toujours  sans  en  sentir  la  véritable  portée.  Les 
instituteurs  doivent  donc  être  continuellement  en 
éveil  à  l'égard  de  cette  langue  savante,  et  avoir 
soin  d'expliquer  tous  les  mots  de  ce  genre  qu'ils 
emploient.       t> 

4°  Vêlement  germanique  est,  après  l'élément 
latin,  celui  qui  a  eu  la  plus  grande  part  dans  la 
formation  de  notre  langue.  D'après  M.  Brachet,  il 
ne  nous  a  pas  fourni  moins  de  450  mots,  mais,  de 
même  que  pour  le  celtique  et  pour  le  grec,  un 
grand  nombre  de  ces  termes  ont  passé  par  le  latin 
avant  d'entrer  dans  le  français. 

Le  plus  important,  sans  contredit,  est  celui  de 
franc,  signifiant  au  propre  libre,  qui  est  devenu  le 
nom  des  Francs  et  des  Français  ;  plusieurs  autres 
ont  aussi  un  grand  intérêt  historique  ;  les  uns  rappel- 
lent les  institutions  introduites  par  les  Germains: 
fief,  alleu,  gabelle,  ban;  les  autres,  les  titres  des 
fonctions  en  usage  parmi  eux  :  maréchal,  marquis, 
aénéchal,  écheviu. 

Du  mélange,  ou  plutôt,  suivant  la  pittoresque 
expression  de  Sainte-Beuve,  du  «  broiement  »  de 
ces  éléments  divers,  s'est  formé  Vancien  français, 
qu'on  a  nommé  langue  d'oïl  k  cause  du  mot  qui 
signifiait  oui  dans  cette  langue.  C'est  le  même 
motif  qui  a  fait  donner  à  la  langue  méridionale  le 
nom  de  langue  d'oc,  qui  a  servi  à  désigner  une  de 
nos  anciennes  provinces. 

L'ancien  français  commence  avec  le  serment 
prononcé  par  Louis  le  Germanique,  en  842,  et  s'é- 
tend jusqu'au  xiv"'  siècle. 

Son  vocabulaire  varie  avec  les  localités  où  il  est 
parlé.  Il  se  divise  en  divers  dialectes,  jusqu'à  ce 
que  le  langage  de  l'Ile  de  France  devienne  enfin 
le  français  moderne,  et  que  les  dialectes  se  trou- 
vent réduits  au  rôle  secondaire  de  patois. 

Mais  ce  qui  le  caractérise  plus  encore  que  son 
vocabulaire,  c'est  sa  constitution  grammaticale, 
intermédiaire  entre  celle  du  latin  et  celle  du  fran- 
çais moderne.  Nous  en  expliquerons  la  nature  à 
l'article  Grammaire  Insforique. 

Déjà  dans  celte  première  époque,  notre  langue,  à 
cause  de  sa  facilité,  de   sa  clarté,  était  l'objet  de 


la  prédilection  des  étrangers.  On  ne  saurait  passe 
sous  silence  le  témoignage  important,  si  souvent, 
mais,  quelquefois,  si  iuexactement  cité,  deBrunetto 
Laiini,  le  maître  de  Dante,  qui  explique  ainsi, 
dans  la  préface  de  sa  vaste  encyclopédie  intitulée 
Il  Livres  don  trésor,  le  motif  qui  lui  a  fait  choisir 
la  langue  française  :  «  Se  aucuns  demandoit  por 
quoi  cist  livres  est  escriz  en  romans,  selonc  le 
langage  des  François,  puisque  nos  somes  Ytaliens, 
je  diroie  que  ce  est  por  .ij.  raisons  :  l'une,  car  nos 
somes  en  France  ;  et  l'autre,  porce  que  la  par- 
leure  est  plus  delitable  et  plus  commune  à  toutes 
gens.  » 

L'étude  de  notre  langue  suffirait  pour  reconsti- 
tuer l'histoire  des  passions,  des  goûts,  de  l'état  mo- 
ral de  la  nation.  La  large  place  qu'y  tiennent  les 
termes  d'art  militaire,  de  chasse,  de  fauconnerie, 
d'astrologie,  nous  instruisent  de  ses  prédilections, 
de  ses  divertissements,  de  ses  erreurs.  Bien  des 
mots  qui  appartenaient  dans  l'origine  à  un  de  ces 
vocabulaires  techniques  ont  pris  actuellement  un 
sons  tellement  éloigné  de  leur  point  de  départ, 
qu'il  faut  une  étude  assez  attentive  pour  les  y  ra- 
mener. Qui  devinerait  du  premier  coup  que  niaii 
s'est  dit  d'abord  de  l'oiseau  pris  au  nid,  hagard  du 
faucon  de  haie,  et  qu'ascendant  a  désigné  an- 
ciennement le  signe  du  zodiaque  qui  montait  à 
l'horizon  au  moment  où  l'on  faisait  l'horoscope 
d'un  enfant  qui  venait  de  naître? 

Quant  aux  termes  étrangers  qui  se  superposent 
peu  à  peu  aux  mots  anciens  comme  les  alluvions 
au  sol  primitif,  ils  pourraient  servir  presque 
autant  à  l'histoire  du  pays  qu'à  celle  de  la  langue. 

P.'u  nombreuses  au  moyen  âge,  où  l'on  n'a  guère 
à  citer  que  les  mots  orientaux  rapportés  des  croi- 
sades, ces  acquisitions  se  multiplient  outre  me- 
sure à  partir  de  la  Renaissance. 

Après  les  guerres  d'Italie,  les  termes  empruntés 
à  ce  pays  se  multiplient  de  telle  sorte  qu'Henri 
Estienne  croit  devoir  protester  contre  cet  engoue- 
ment dans  ses  Deux  dialogues  du  nouveau  langage 
français  italianizé  et  aiUrement  desgwzé 

Au  xvn*  siècle,  à  partir  du  mariage  de  Louis  XIII 
avec  Anne  d'Autriche,  on  voit  dominer  les  in- 
fluences espagnoles  auxquelles  notre  littérature 
doit  le  Cid. 

Les  guerres  d'Allemagne  introduisent  un  cer- 
tain nombre  de  mots  vulgaires  tirés  des  langues 
germaniques.  Il  faut  bien  se  garder  de  confondre 
ces  importations  récentes,  accidentelles,  avec 
celles  que  nous  avons  signalées  à  l'origine  même 
de  notre  langue. 

La  Révolution,  l'Empire,  la  Restauration,  en  mo- 
difiant très  profondément  notre  ancienne  constitu- 
tion politique,  ont  introduit  dans  le  gouvernement, 
dans  l'administration,  dans  les  finances,  un  grand 
nombre  de  mots  anglais  dont  quelques-uns,  tels 
que  budget  (ancien  français  boulgette,  petite 
bourse),  ne  sont  que  des  emprunts  faits  antérieu- 
rement à  notre  langue. 

Nos  troupiers  ont  rapporté  d'Algérie  et  accom- 
modé à  leur  usage  un  assez  grand  nombre  de  mots 
arabes  ;  mais  tout  cela  n'est  rien  à  côté  de  cette 
multitude  infinie  de  termes  étrangers  que  les 
courses,  le  sport,  comme  on  dit,  les  excursions, 
les  voyages,  les  explorations  géographiques  amè- 
nent à  chaque  instant.  Par  bonheur,  grâce  au 
goût,  de  jour  en  jour  plus  développé,  pour  la  fidé- 
lité historique,  pour  la  couleur  locale,  ces  mots 
conservent  leur  forme  primitive,  s'altèrent  très 
peu,  ne  se  francisent  pas  et  passent  dans  la  lan- 
gue sans  s'y  acclimater  et  sans  en  changer  sensi- 
blement le  caractère. 

La  liste  d'ouvrages  à  consulter  qui  suit  se  di 
vise  en  trois  parties  :  1°  histoire  de  la  langue  fran- 
çaise; 2"  glossaires  de  l'ancien  français;  3"  recueih 
de  textes  spéciatix.  Peut-être  sera-t-on  tenté  de 
croire  que  nous   aurions   pu   nous  en  tenir  à  la 


FRANCE 


—  801  — 


FRANGE 


première  partie  de  ces  indications,  qui  paraissent 
«eules  appartenir  au  sujet.  Ce  serait  se  méprendre 
■sur  le  véritable  caractère  de  l'étude  historique  de 
notre  langue  :  elle  doit  surtout  être  pratique,  elle 
doit  être  faite  sur  les  textes.  Les  énumérer  tous 
serait  faire  le  tableau  complet  de  notre  littéra- 
ture ;  il  en  est  beaucoup  d'ailleurs  qui  ne  sont  pas 
accompagnés  des  secours  nécessaires.  Nous  nous 
sommes  doue  borné  à  indiquer  les  recueils  d'ex- 
traits en  usage  dans  les  classes,  et  quelques  édi- 
tions d'ouvrages  anciens  accompagnées  de  lexi- 
ques. C'en  est  assez  pour  prendre  une  connaissance 
déjà  très  sérieuse  de  notre  langue.  —  \.  Gram- 
tmire  historique. 

Ouvrages  à  consulter.  —  i°  Histoires  :  J.-J.  Am- 
père, Essai  sur  la  formation  de  la  langue  française  (édit. 
revue  par  P.  Meyer);  —  F.  Génin,  Des  variations  du  lan- 
gage français  depuis  le  xii*  siècle;  —  Fr.  Wey,  Histoire 
des  révolutions  du  langage  en  France;  —  Edelestand  du 
Uéril,  Essai  philosophique  sur  la  formation  de  la  langue 
française;  —  E.  Liltré,  Histoire  de  la  langue  française, 
2  Tol.  ;  —  Hipp.  Cocheris,  Origine  et  formation  de  la  lan- 
gue française  ;  —  Préfaces  et  introductions  du  Dictionnaire 
de  Littré;  de  la  Gran<maire  historique  et  du  Dictionnaire 
étymologique  de  Brachet. 

2°  Glossaiubs  :  Lacombe,  Dictionnaire  du  vieux  langage 
français,  1767-i774,  2  toI.  in-8»;  —  Roquefort,  Glossaire 
4e  la  langue  romane,  1808-1820,  3  vol.  in-S";  —  Glossaire 
français,  (dans  le  tome  Vil  de  l'édition  du  Glossaire  de  du 
■Cange  publiée  à  la  librairie  Didot)  ;  —  Lacurne  Sainte- 
Palaye,  Dictionnaire  historique  de  l'ancien  langage  fran- 
çais (en  cours  de  publication). 

3*  Tkxtbs  :  La  chanson  de  Roland,  éd.  classique  de 
M.  Léon  Gautier;  — La  conquête  de  Constantinople,  de 
Villehardouin,  et  la  \ie  de  saint  Louis,  de  Joinville,  pu- 
bliées par  M.  N.  de  Wailly,  accompao:nées  dun  travail 
grammatical  et  d'un  glossaire  qui  en  rendent  l'élude  fort 
abordable.  Pour  les  classes,  on  peut  se  servir  des  Recueils 
suivants  :  Gust.  Merlet,  Origines  de  la  littérature  française 
du  IX*  au  xvii«  siècle.  2  vol.  in-S"  ;  —  trois  recueils  de  Moi- 
neaux des  éa-ivaiiis  du  iw*  siècle,  publiés  par  MM.  B  achel, 
Darmesteter  et  HatzfeUI,  Merlet;  —  enfin,  dans  la  coUeclion 
<li'5  Grands  écrivains  de  la  France,  publiée  à  la  librairie 
H.i"''i'»tte ,  les  écrivains  du  xvii'  siècle,  qui  sont  accompa- 
gnés de  lexiques  spéciaux. 

[Ch.  Marty-Laveaux.] 
FRANCE  (Géographie).  —  Géographie  de  la 
France,  I-VII,  X.  —  I.  Généralités.  —  Situation 
astronomique.  Points  extrêmes.  Dimensions.  Forme. 
Frontières.  S"perficie.  —  Traversé  par  le  45'  pa- 
rallèle de  lat  N.,  notre  pays,  sur  le  globe,  est 
situé  à  peu  près  à  égale  distance  du  pôle  et  de 
l'équateur.  Entre  Dwikerque.  voisine  du  51',  sur 
la  mer  du  Nord,  et  le  ca/i  Cerbère,  qui  termine 
les  Pyrénées,  du  côté  de  la  Méditerranée,  par 
42°  20'  de  lat.,  sa  plus  grande  longueur,  dans  le 
«ens  du  méridien,  esi  de  975  kilom.  Dans  le  sens 
de  sa  longitude,  sa  largeur  entre  la  pointe  :>aint- 
Mathieu,  au  nord  de  la  rade  de  Brest,  et  le 
mont  Donon  où  sa  frontière  nord-est  se  sépare 
des  Vosges,  est  de  890  kilom.  seulement. 

La  France  est  régulièrement  orientée  par  rap- 
port à  ces  deux  lignes,  qui  se  croisent  dans  le  voi- 
sinage de  Paris,  sa  capitale.  En  joignant,  aux  quatre 
points  cités  plus  haut,  r<  mbouchure  de  la  Bidus- 
soa,  dans  le  golfe  de  Gascogne,  et  celle  de  la 
Raya,  dans  la  Méditerranée,  auprès  de  Menton, 
on  obtient  les  six  sommets  d'un  hexagone  qui 
circonscrit  à  peu  piès  entièrement  le  territoire 
français. 

Sur  trois  côtés  de  cet  hexagone,  au  nord-ouest,  ' 
à  l'ouest  et  au  sud-est,  la  France  baigne  dans 
trois  mers;  la  Manche,  Vocéan  Atlantique  .et  la 
Méditerranée.  Sur  deux  autres  côtés,  les  i'i/ré- 
névs,  au  sud-ou'-st.  les  Alpes,  le  Jura  et  les  l'oj- 
ges,  à  l'est,  lui  forment  des  frontières  naturelles. 
Le  côté  nord-est  seulement  est  une  limite  conven- 
tionnelle, ei  la  plaine  de  la  Flandre,  les  plateaux 
du  Hainaut  ou  di'S  Ardennes  se  continuent  indis- 
tinctement de  chaque  côté  oe  la  frontière. 

La  diagonale  de  l'hexagone  entre  la  pointe  Saint- 
Mathieu  et  l'embouchure  de  la  Roya,  dirigée  du 
2e  Partie. 


nord-ouest  au  sud-est,  forme  la  plus  longue  ligne 
,  qu'on  puisse  tracer  sur  le  territoire  français.  Elle 
mesure  1Û80  kil.  A  ses  deux  extrémités  correspon- 
dent en  même  temps  les  points  extrêmes  de  la 
France  en  longitude  :  7°  de  long.  0.  pour  la  pointe 
Saint-Mathieu;  5°  "20'  de  long.  E.  pour  le  point  le 
,  plus  à  l'est  du  département  des  Alpes-Maritimes, 
un  peu  au  nord-est  de  l'embouchure  de  la  Roya. 

La  diagonale  qui  réunit  l'embouchure  de  la 
Bidassoa  au  mont  Donon  jouit  à  son  tour  d'ur.e 
propriété  remarquable.  C'est  au  sud-est  de  cetti' 
Ugne  que  se  trouvent  tous  les  systèmes  de  mon- 
tagnes, Vosges,  Jura,  Alpes,  Cévennes,  Plateau 
central  et  Pyrénées,  tandis  qu'au  nord-ouest  on 
ne  remarque  plus  que  le»  chaînes  peu  élevées  qui 
séparent  entre  eux  l'-s  bassins  des  dive.s  affluents 
de  la  Manche  et  de  l'Océan. 

Comprise  dans  ces  limites,  la  superficie  de  la 
France,  avec  l'ile  de  Corse,  est  d  ô2.s  57:!  kil.  car- 
rés, la  18*  partie  de  l'Europe,  la  255°  partie  des 
terres  émergées  du  globe. 

II.   Orographie.  —  C'est  au  pourtour  du  terri- 
toire français  que  se  trouvent  les  massifs  de  mon- 
j  tagnes  les    plus  considérables,    avec  les  cimes  les 
plus  élevées,  les  Aipes  et  les  Pyrénées. 

Les  Alpes  ont  été  décrites  à  part  dans  ce  dic- 
tionnaire (V.  Alpes). 

Les  Pyrénées.  —  Les   Pyrénées  se  développent 
sur   une   longueur   de  450   kilom.   environ  entre 
l'océan    Atlantique  et  la  Méditerranée.   Elles  ne 
forment  pas  une  chaîne  unique,  mais  semblent  être 
les  deux  morceaux  d'une  chaîne,  dirig'e  de  louest- 
nord-ouest  à  l'est-sud-est,  qui  aurait  été  disloquée 
,  dans  son  milieu.  A  l'est,   les  Pyrénées  orientales 
j  vont  du   val  d'Aran,     où   la  Garonne   prend  sa 
I  source,  jusqu'à  la  Méditerranée,  sur  laquelle  elles 
se  terminent  par  le  cap  Creus.  A  l'ouest,  les  Py- 
rénées occidentales  commencent  au  sud   du  val 
d'Aran.  et  se  relient  aux  Cantabres  espagnols. 

Par  leur  altitude,  qui  est  en  moyenne  de  1500 
mètres,  mais  dépasse  rarement  3000  mètres,  les 
Pyrénées  sont  un  des  systèmes  de  montagnes  les 
plus  considérables  de  l'Europe.  Leurs  contreforts, 
régulièrement  distribués  au  nurd  et  au  sud  de 
l'arête  principale,  comme  les  foiiûles  d'une  feuille, 
couvrent  en  largeur  une  vingtaine  de  lieues.  De 
même  que  U  plupart  des  montagnes  de  notre 
hémisphère,  elles  tournent  vers  le  midi,  du  cùié 
de  rEsp<igne,  leurs  pentes  les  plus  abruptes.  La 
neige  n'y  séjourne  pas  longtemps  pendant  l'été,  et 
on  ne  trouve  pas  dans  les  Pyrénées  de  vastes  et 
superbes  glacier?,  comme  dans  les  Alpes. 

Ce  n'est  pas  sur  l'arête  principale,  mais  dans  le 
voisinage  et  en  dehors  de  celle-ci,  que  s'élèvent 
les  principales  sommités  des  Pyrénées.  Le  Mont 
Perdu  (3:^50  m.),  à  la  source  du  gave  de  Pau,  le  pic 
de  Néthou  {'iiOO  m.)  qui  est  la  plus  hauto  cime  du 
groupe  de  la  Maladetta  et  de  toutes  les  Pyrénées, 
le  pic  Pusets  (3365  m.),  qui  en  est  voisin,  s'élève.it 
tous  trois  sur  le  territoire  espagnol,  au  sud  de  la 
grande  chaîne.  Au  nord  de  celle-ci  et  du  côté 
français,  on  trouve  le  pic  du  MlH  d'Ossau  (2900  m.) 
au  sud  de  i'au  ;  le  pic  du  Midi  de  Bigorre  (287  5  m.  j, 
où  s'élève  maintenant  un  observatoire  météorologi- 
que; le  mont  Canigou  (2785  m.),  dans  les  Pyrénées 
orientales. 

S'il  est  relativement  facile  de  traverser  les  Py- 
rénées vers  leurs  deux  extrémités,  entre  Bayonne 
et  Pampelune,  ou  entre  Perpign :;n  et  Barcelone, 
on  ne  trouve  au  contraire  dans  le  centre  de  la 
chaîne,  entre  le  pic  du  Midi  d'Ossau  et  le  Val 
d'Andorre,  que  cimes  et  ports  fort  élevés  (on 
nomme  po7-t,  dans  les  Pyrénées,  les  cols  ou  pas- 
sages). Aucune  route  carrossable  n'y  a  encore  été 
ouverte.  C'est  dans  cette  partie  de  la  chaîne  qu'on 
visite  le  Vignemide,  la  plus  haute  cime  des  Pyré- 
nées françaises  (3300  m.),  au  fond  de  la  vallée  de 
Cauterets;  le  magnifique  cirque  de   Gavarnie,  où 

51 


FRANGE 


—  802  — 


FRANCE 


Be  forme  le  gave  de  Pau,  et  la  brèche  de  Roland, 
qui  en  est  voisine. 

Parmi  les  contreforts  que  les  Pyrénées  occiden- 
tales projettent  sur  le  territoire  français,  il  faut 
signaler,  autour  du  pic  du  Midi  de  Bigorre,  le  cône 
d'éboulement  que  limitent  la  Garonne  à  l'est  et  le 
gave  de  Pau  à  l'ouest,  et  où  les  rivières  de  la  Gas- 
cogne et  du  Béarn  creusent  leurs  vallées  diver- 
gentes. 

Les  Pyrénées  orientales  projettent  entre  l'Ariège 
et  l'Aude  un  chaînon  peu  élevé,  mais  qui  forme 
l'origine  de  la  ligne  de  partage  des  eaux  entre  le 
bassm  de  l'Océan  et  celui  de  la  Méditerranée. 

A  l'est  de  ce  chaînon,  les  Corbières  couvrent  de 
leurs  ramiflcationsle  pays  entre  l'Aude  et  l'Aglv;  le 
Canigou  domine  sur  ses  versants  opposés  les  val- 
lées de  la  Tet  et  de  la  Tech  ;  tandis  qu'au  sud  de 
ce  dernier  cours  d'eau,  la  chaîne  principale  se 
prolonge  sous  le  nom  d.4/6éres  jusqu'au  bord  de 
la  Méditerranée. 

Les  Cévennes.  —  C'est  près  de  Castelnaudary,  au 
col  de  Naurouze,  dépression  remarquable,  où  le 
bassin  de  la  Garonne  et  celui  de  l'Aude  ne  sont 
séparés  que  par  un  faîte  de  moins  de  lOi»  mètres 
d'altitude,  que  les  Pyrénées  se  rattachent  aux 
Cévennes  et  à  la  grande  ligne  de  partage  des  eaux. 

Depuis  le  col  de  Naurouze  jusqu'à  la  source  de 
l'Hérault,  cette  ligne  porte  les  noms  de  Montagnes 
Noires,  monts  de  l'Éspiriouse,  monts  (ia7Tigues. 
Leur  altitude  va  en  s'élevant  de  500  à  un  millier 
de  mètres.  Leur  direction  générale  est  de  l'ouest  à 
l'est.  Leurs  pentes  tournées  au  sud  sont  raides 
et  généralement  déboisées.  Au  nord,  au  contraire, 
s'étendent  les  plateaux  auxquels  on  donne  le  nom 
de  causses,  et  qui  sont  séparés  entre  eux  par  les  val- 
lées profondes  où  roulent  le  Tarn  et  ses  affluents. 

Les  Cévennes  proprement  dites  ne  commencent 
qu'à  la  source  de  l'Hérault,  pour  finir  à  la  source 
de  la  Loire.  Leur  direc  ion  est  du  sud  au  nord- 
nord-est,  leur  altitude  de  lôdO  à  18U0  mètres. 
Leur  point  le  plus  remarquable  est  le  mont 
Luzère  (17(i(»  m.),  où  se  touchent  presque  les  sour- 
ces du  Tarn  et  du  Lot,  affluents  de  la  Garonne,  de 
l'Allier,  affluent  de  la  Loire,  du  Chassezac,  de 
l'Allier  et  du  Gardon,  tributaires  du  Riiùne.  Au 
nonl-ouest,  entre  le  Lot  et  l'Allier,  les  monts  de 
la  Margeride  {\b()^  m. .  rattachent  la  Lozère  au 
Cantal  et  au  système  des  monts  d'Auvergne.  Au 
nord,  les  monts  du  Velaii  projettent  leurs  carieux 
soulèvements  volcaniques  entre  l'Allier  et  la  Loire. 
A  l'est,  les  Cévennes  s'abaissent  en  pentes  raides 
vers  le  Rhône,  dont  les  tributaires  (Ardèche,  etc.) 
ont  un  cours  rendu  torrentiel  par  la  rapidité  de 
leur  chute. 

Au  ii,07it  Mézenc,  d'où  descend  la  I-oire,  com- 
mencent les  monts  du  Vivarais,  (|ui  se  terminent 
par  le  mont  Pilât,  près  de  Saint-Éiienne.  La  ligne 
de  faîte  s'abaisse  alors  considci-ablcment  pour 
laisser  passer  la  route  de  Saint-Éiienne  à  Lyon. 
De  l'autre  côté  de  cette  dépression,  les  monts  du 
Lyorinais  n'ont  plus  que  quelques  centaines  de 
mètres  d'élévation.  Il  en  est  de  même  des  monts 
du  Beaujolais  et  du  Chai-olai^  qui  leur  font  suite. 
Ce  sont  des  collines  couvertes  de  vignobles,  plutôt 
que  de  vraies  muntagnes.  An  passage  du  canal  du 
Centre,  près  de  Montchanin,  leur  altitude  n'est 
que  de  3l  )  mètres. 

Au  delà  commence  la  Côte-d'Or,  si  célèbre  par 
ses  grands  crus.  Le  point  culminant,  le  mont 
Tasselot,  entre  Dijon  et  la  source  de  la  Seine, 
dépasse  à  peine  tiOU  mètres. 

Depuis  la  source  de  la  Seine  jusqu'à  celle  de  la 
Meuse,  le  plateau  de  Lnngres,  où  l'Aube  et  la 
Marne  naissent  au  milieu  des  forêts,  ne  dépasse 
pas  iOO  mètres. 

La  ligne  de  faîte  se  recourbe  alors  à  l'est  avec 
ses  monts  FaMcà7e5,  qui  séparent  les  sources  oppo- 
jées  'de  la  Saône  et  de   la   Moselle    et  de  leurs 


premiers  tributaires.  Les  monts  Faucilles  n'on 
que  de  400  à  ôOO  mètres  d'altitude,  et  seront  bien- 
tôt franchis,  près  d'Épinal,  par  le  nouveau  canal 
de  l'Est,  qui  doit  relier  la  Meuse,  la  Moselle  et  la 
Saône. 

Les  Faucilles  se  rattachent,  du  côté  de  l'est, 
aux  Vosges,  dont  le  Ballon  d'Alsace  (1.50  m.), 
au-dessus  de  Belfort,  forme,  le  saillant  le  plus 
prononcé.  Tandis  que  les  Vosges  s'étendent  au. 
nord  entre  le  Rhin  et  la  Moselle,  la  ligne  de  par- 
tage des  eaux  descend  au  sud  pour  rejoindre  le 
Jura.  On  donne  le  nom  de  trouée  de  Belfort  au 
plateau  qui  relie  les  Vosges  et  le  Jura,  et  où  les 
eaux  se  divisent  entre  l'Ill,  affluent  du  Rhin,  et  le 
Doubs,  tributaire  du  Rhône.  C'est  là  que  passe 
aujourd'hui  la  nouvelle  frontière  entre  la  France 
et  l'Allemagne. 

Le  Jura.  —  Le  Jura  ne  se  compose  pas  de  grou- 
pes étoiles  comme  les  Alpes,  ou  d'une  chaîne  uni- 
que comme  les  Pyrénées.  Il  est  formé  de  bourre- 
lets parallèles  les  uns  aux  autres,  qui  s'abaissent 
par  gradins  du  côte  de  la  plaine  de  la  Bourgogne, 
tandis  que  la  chaîne  la  plus  élevée  tombe  presque 
à  pic  sur  les  lacs  de  la  Suisse  occidentale  et  la. 
vallée  de  l'Aar,  qui  leur  sert  de  débouché  du  côté 
du  Rhin.  Ses  sommets  les  plus  élevés  sont  au  sud,, 
au-dessus  du  lac  de  Genève,  où  la  Dôle  et  le  Re- 
culet  atteignent  de  1600  à  1700  mètres.  Le  Jura 
estcouveit  de  pâturages,  où  l'on  fabrique  des  fro- 
mages excellents,  et  de  superbes  forêts  de  sapins. 
La  masse  de  la  chaîne  est  constituée  par  un  calcaire 
blanc  grisâtre,  appelé  calcaire  jurassique.  Les  eaux 
qui  y  tombent  coulent  dans  des  vallées  parallèles 
aux  chaînes  principales,  jusqu'à  ce  qu'elles  trou- 
vent pour  s'échapper  un  point  de  rupture,  qui 
porte  le  nom  particulier  de  cluse.  La  direction  du 
Jura  est  du  sud-ouest  au  nord-est.  Il  sépare  le 
bassin  du  Rhône  de  celui  du  Rhin,  et  appartient 
par  conséquent  à  la  grande  ligne  de  partage  des 
eaux  de  l'Europe.  Il  forme  aussi  en  partie  la  fron- 
tière entre  la  France  et  la  Suisse. 

Au  sud  du  lac  de  Genève,  ce  sont  les  Alpes  qui 
séparent  la  France  de  la  Suisse,  puis  de  l'Italie. 
Au  nord  de  Belfort,  la  frontière  entre  la  France  et 
l'Allemagne  est  formée  par  les  Vosges. 

Les  Vosges.  —  Ce  sont  des  ballons  aux  formes 
arrondies,  boisés  et  couverts  de  pâturages  comme 
le  Jura,  mais  constitués  par  des  granits  et  des  grès 
rouges,  dits  vosgiens,  qui  leur  donnent  un  aspect 
plus  grandiose.  Cependant  leur  cime  la  plus  éle- 
vée, le  Hallon  de  GuebwU/er,  sur  le  territoire  al- 
sacien, dépasse  à  peine  1  400  mètres.  La  direction 
des  Vosges  est  au  nord-nord-est.  Leur  pente  la 
plus  inclinée  est  à  l'est,  du  côté  de  la  plaine  de 
l'Alsace.  Elles  forment  la  frontière  depuis  le  6a/- 
lon  d'Alsace  iusqn  au  mont  Donon  (looO  m.  envi- 
ron}, à  la  source  de  la  Sarre.  Mais  les  eaux  qui 
s'écoulent  par  leurs  versants  opposés  vont  toutes 
regagner  le  Rhin,  soit  directement,  soit  par  son 
affluent  la  Moselle. 

Le  plateau  rentrai.  —  Entre  la  Loire  et  le  Lot,  af- 
fluent de  la  Garonne,  la  France  centrale  forme  un  pla- 
teau élevé  que  dominent  quelques  groupes  de  mon- 
tagnes remarquables.  Les  monts  <l'Auvergne,  dont 
le  Puy-de-Dôme,  le  Moid  Dore,  elle  Plomb  du  Cail- 
lai constituent  les  principaux  noyaux,  sont  d'ori- 
gine volcani(|ue  et  se  dressent  du  nord  au  sud 
entie  le  bassin  de  la  Loire  et  celui  de  la  Dordo- 
gne.  Le  Mont  Dore,  avec  ses  1886  mètres  d'altitude, 
est  la  cime  la  plus  hante  d  ■  l'intérieur  de  notre 
pays.  Le  Plomb  du  Cantal  est  presque  aussi  élevé. 

A  l'ouest,  la  ligne  de  faîte  entre  les  deux  bassins 
de  la  Loire  et  de  la  Garonne  se  continue  par  les 
monts  de  la  Marche  et  du  Limousin  (80(i  m.),  si 
bien  nommés  plateau  de  Millevaches,  à  cause  des 
troupeaux  qui  y  pâturent.  Puis,  au  delà  de  la  dé- 
pression c|ui  laisse  passer  la  route  de  Tours  à  Bor- 
deaux, la  ligue  de  faite  a  une  nouvelle  saillie  pro- 


FRANCE 


803  — 


FRANCE 


noncce  dans  le  plateau  de  Gatine  (280  m.),  entre 
la  Sèvre  nantaise  et  la  Vendée. 

Au  sud  des  monts  d'Auvergne,  le  plateau  cen- 
tral porte  les  monts  d'Aubrac  (1500  m.),  couverts 
de  troupeaux  de  moutons,  sur  la  rive  dmite  du 
Lot.  Puis,  au  delà  des  monts  de  la  Margeride  et 
du  Velay,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  les  monts 
du  Forez  forment,  entre  la  Loire  et  l'Allier,  une 
cliaîne  de  partage,  dont  quelques  sommets  s  élè- 
vent jusqu'à  1300  mètres. 

Le  Morvan.  —  Entre  la  Loire  et  la  Seine  se  dresse 
l'important  massif  granitique  du  Mot  van,  tout 
couvert  de  forèis  et  rempli  de  gracieux  ruisseaux 
aux  eaux  murmurantes.  Le  Morvan  se  rattaclie  du 
côté  de  l'est  à  la  Côte-d'Or  et  à  la  ligne  de  partage 
des  eaux.  Son  point  culminant,  entre  Autun  et 
Château-Chinon,  atteint  850  mètres. 

Mais  le  sol  s'abaisse  rapidement  entre  l'Yonne 
et  la  Loire.  Les  deux  bassins  de  la  Seine  et  de 
la  Loire  ont  été  facilement  reliés  dans  cette  ré- 
gion par  les  canaux  du  Nivernais,  de  Briare  et 
d'Orléans.  Le  plateau  d'Orléans  est  une  plaine  et 
non  pas  un  système  montagneux. 

Le  Perche.  —  Au  delà  du  plateau  d'Orléans,  on 
retrouve  dans  le  Perche,  entre  les  sources  oppo- 
sées de  l'Eure,  affluent  de  la  Seine,  du  Loir  et  de 
l'Huisne,  tributaires  de  la  Loire,  un  terrain  très 
mouvementé.  Entre  les  sources  de  l'Orne  et  de  la 
Mayenne,  l'altitude  de  quelques  sommets  dépasse 
400  mètres. 

La  Bretagne.  —  Ce  soulèvement  se  prolonge 
au  nord-ouest  pour  former  le  noyau  de  la  pres- 
qu'île de  Cotentin,  et  à  l'ouest  pour  former  les 
montagnes  de  la  Bretagne.  Au  delà  de  la  dépres- 
sion où  passe  le  canal  dllle-et  Rance, entre  Rennes  et 
Saint-Malo,  les  monts  granitiques  de  Men»',  au  sud 
de  Saint-Brieuc,  atteignent  35U  mèires.  Les  m  ma- 
gnes d  Arrée,  qui  vont  finir  sur  la  rade  de  Brest, 
et  les  montagnes  Noires,  qui  dominent  la  baie  de 
Douarnenez  de  leurs  rudes  escarpements,  ont  aussi 
plus  de  oOO  mètres.  Ce  sont  des  plateaux  sauvages 
couverts  de  landes,  de  bruyères  et  de  mauvais 
pâturages. 

L'Argonne  et  les  Ardennes.  —  Entre  la  Meuse 
et  l'Aisne  et  autres  tributaires  de  la  Seine,  la 
ligne  défaite  est  peu  élevée.  Mais  VArgonne,  entre 
Verdun  et  Sainte-Menehould,  mérite  d'être  citée 
k  cause  de  son  importance  comme  ligne  de  dé- 
fense en  cas  d'invasion.  Au  nord,  l'Argonne  se 
continue  par  les  plateaux  froids  et  boisés  des 
Ardennes,  qui  s'étendent  jusqu'en  Belgique. 

in.  Hydrographie.  —  Le  Rhône,  la  Loire  et  la 
Garonne  ont  chacun  un  bassin  nettement  circons- 
crit. On  n'en  pourrait  dire  autant  de  la  Seine,  qui 
a  été  facilement  relice  aux  fleuves  voisins.  De  plus, 
les  principaux  affluents  de  ce  fleuve,  au  lieu  de  le 
grossir  successivement  en  divers  points  de  son 
cours,  viennent  converger  vers  Paris,  qui  se  trouve 
ainsi  mis  en  communication  naturelle  et  directe 
avec  la  Flandre  et  la  Belgique,  la  Champagne  et 
la  Lorraine,  la  Bourgogne  et  le  bassin  de  la  Loire, 
la  Normandie  et  la  mer.  C'est  celte  position  excep- 
tionnelle qui  a  fait  de  Paris  un  centre  d'attraction 
et  lui  a  valu  le  rôle  de  capitale  A  ce  pôle  d'at- 
traction on  peut,  au  contraire,  opposer  le  pôle  de 
répulsion  du  plateau  central,  où  la  rudesse  du 
climat  rend  la  vie  pénible  aux  hommes,  et  où  les 
vallées,  qui  en  descendent  vers  les  divers  points 
de  l'horizon,  les  invitent  à  aller  chercher  forxune 
dans  des  pays  plus  favorisés  du  ciel. 

La  Seine.  —  Le  bassin  de  la  Seine  couvre 
"800  kil.  carrés,  la  septième  partie  de  la  France 
environ,  entre  les  bassins  de  la  Loire,  du  Rhône,  de 
la  Meuse,  de  l'Escaut,  de  la  Somme  et  de  l'Orne, 
ou  autres  fleuves  secondaires.  Depuis  sa  source, 
située  dans  les  montagnes  et  le  département  do 
la  Côte-dOr,  jusqu'à  son  embouchure  dans  la 
Manche   entre  le  Havre  etHonfleur,  le  fleuve  par 


court  800  kil.  et  descend  de  470  mètres.  Sa  di- 
rection générale  est  du  sud-est  au  nord-onest  ; 
mais  les  hauteurs  de  la  Brie  lui  font  décrire  une 
grande  courbe  vers  le  sud,  entre  le  confluent  de 
l'Aube  et  Paris  ;  et  depuis  cette  ville  jusqu'à  la 
mer,  la  Seine  parcourt  de  nombreux  méandres 
entre  les  collines  qui  la  bordent  à  droite  et  à 
gauche. 

Par  la  régularité  de  son  débit,  qui  ne  descend 
jamais  trop  bas  (à  Paris,  250  m.  c.  par  seconde  pour 
le  débit  moyen,  75  m.  c.  àl'étiage,  45  m.  c.  au  mini- 
mum), par  la  nature  de  son  lit,  débarrassé  de  ro- 
ches ou  obstacles  gênant  la  navigation,  par  la  fai- 
blesse de  son  courant,  que  les  bateaux  remontent 
sans  grandes  difficultés,  la  Seine  se  prête  admira- 
blement aux  besoins  du  commerce.  Elle  est  naviga- 
ble sur  plus  de  650  kil.,  depuis  Bar-sur-Seine,  au 
moyen  du  canal  de  la  Haute-Seine;  les  navires 
de  fort  tonnage  remontent  maintenant  depuis 
la  mer  jusqu'à  Rouen  ;  et  on  se  propose ,  au 
moyen  de  nouveaux  travaux, d'obtenir  un  tirant  d'eau 
de  3  mètres  jusqu'à  Paris,  pour  permettre  à  cette 
ville  de  recevoir  directement  ses  approvisionne- 
ments venant  d'outre  mer.  De  plus,  un  canal  com- 
mençant à  Tancarville,  en  amont  de  l'estuaire  ma- 
ritime, conduira  directement  dans  le  port  du 
Havre  les  bateaux  de  rivière  venus  de  tous  les 
points  du  réseau  de  la  navigation  intérieure  et 
auxquels  leur  construction  ne  permettrait  pas 
d'affronier  les  dangers  de  l'embouchure  du  fleuve. 

Paris,  Rouen  et  le  Havre  formeront  alors  effec- 
tivement «  une  seule  ville  dont  la  Seine  sera  la 
grande  rue  ». 

(les  trois  villes  sont  les  trois  principaux  centres 
de  commerce  et  de  population  bâtis  sur  les  bords 
de  la  Seine.  En  amont  de  Paris,  celle-ci  arrose 
Troyes  ;  Montereau-fault- Yonne,  au  confluent  de 
l'Yonne  ;  Moret.  où  aboutit  le  Loing  et  le  canal 
qui  conduit  à  Briare  et  Orléans  sur  la  Loire  ; 
Melun;  Corbeil,  où  aboutit  l'Essonne  ;  Charenton, 
où  arrive  la  Marne.  Entre  Paris  et  Rouen,  la  Seine 
dessert  les  usines  de  Saint-Denis  et  d'Argenteuil, 
passe  au  pied  de  Saint-Germain,  à  Poissy,  Mantes, 
Vernon,  Élbeuf. 

Affluents  île  la  Seine.  —  Les  principaux  affluents 
de  la  rive  droite  sont  l'Aube,  qui  aboutit  entre 
Méry  et  Nogent-sur-Seine;  la  Marne;  ïOise  (gros- 
sie de  \ Aisne),  qui  tombe  entre  Saint-Germain  et 
Poissy  ;  VEpte,  qui  baigne  Gournay  et  Gisors. 
A  gauchr",  la  Seine  reçoit  :  VVo7nie,  le  Loing,  VEs- 
sonne  qui  descend  du  plateau  d'Orléans  ;  l'Kure, 
qui  descend  du  Perche  et  arrose  Chartres  et  Lou- 
viers  ;  la  Hille,  qui  passe  à  Laigle  et  Pont-Aude- 
mer  et  aboutit  dans  Testuaire  du  fleuve  à  Quil- 
lebœuf. 

La  Marne,  le  plus  long  des  affluents  de  la  Seine 
(nOO  kil.),  coule  du  sud  au  nord  par  Langres, 
Chaumont,  Saint-Dizior  ;  puis  à  l'ouest  par  Vitry, 
où  aboutissent  la  Saulr  grossie  de  VOrnam  et  le 
can.il  de  la  Marne  au  Rhin  qu'ils  alimentent, 
Chàlons-sur-Marne,  Epernay,  Meaux.  La  Marne 
reçoit,  par  sa  droite,  VOurcq  en  amont  de  Meaux, 
et  par  sa  gauche  le  Morin  venant  de  Coulommiers, 
entre  Meaux  et  Lagny. 

LOise  n'a  que  300  kil.  de  parcours.  Mais,  pour 
[  la  navigation,  c'tst  le  plus  important  des  af- 
fluents lie  la  Seine.  Elle  naît  en  Belgique,  près  de 
la  frontière  française ,  coule  à  l'ouest  jusqu'à 
G  lise,  puis  an  sud-ouest  jusqu'à  son  confluent. 
Elle  passe  par  la  Fère,  Tergnier,  où  aboutit  le 
canal  d'^  Crozat  venant  de  la  Somme,  Chauny, 
Compiègne,  où  elle  reçoit,  par  la  gauche,  l'Aisne, 
le  plus  important  de  ses  tributaires,  Creil  et 
Poiitoise. 

L'^isrie,presque  aussi  longue  que  l'Oise  (280kil.), 
conle  au  nord-nord-ouest  depuis  sa  source  jus- 
qu'au point  de  réunion  avec  le  canal  des  Arden- 
nes, entre  Vouziers  et  Attigny.  Elle  se  dirige  en- 


FRANCE 


—  804  — 


FRANCE 


suite  à  l'ouest  par  Rethel,  Berry-au-Bac,  où 
aboutit  le  canal  de  l'Aisne  à  la  Marne,  et  Soissons, 
au-dessus  duquel  elle  se  grossit  de  la  Vesle, 
la  rivière  de  Reims. 

L'Yonne,  un  peu  moins  longue  que  l'Aisne,  se 
forme  dans  les  monts  du  Morvan,  descend  au  nord- 
nord-oucst  par  Clamecy,  où  arrive  le  canal  du 
Nivernais  ;  Gravant,  où  elle  reçoit  par  sa  droite 
la  Cure,  rivière  d'Avallon  ;  Auxerre;  la  Roche, 
où  débouche  VA7'monçon  avec  le  canal  de  Bour- 
gogne. Un  peu  en  amont  de  la  Roche,  l'Yonne 
reçoit,  toujours  par  sa  droite,  le  Serein,  qui  passe 
à  Chablis.  Toutes  ces  rivières  grossissent  rapide- 
ment lorsque  des  pluies  tombent  sur  le  sol  grani- 
tique et  imperméable  du  Morvan.  L'Yonne,  après 
avoir  passé  encore  à  Joigny  et  à  Sens,  apporte  à 
la  Seine  une  masse  deau  plus  considérable  que 
celle  du  fleuve  lui-môme.  C'est  aussi  du  côté  de 
l'Yonne  que  se  trouve  la  ligne  de  navigation  la 
plus  suivie,  le  canal  de  Bourgogne. 

Le  Loing,  qui  vient  de  Montargis,  tire  son  im- 
portance des  canaux  qui  joignent  la  Loire,  à  Briare 
et  à  Orléans. 

Bassins  secondaires  au  nord  de  la  Seine.  — 
Tributaires  de  la  Manche.  —  Au  nord  de  la  Seine, 
les  principaux  cours  d'eau  que  reçoit  la  Manche, 
sont  :  V Arques,  qui  tombe  dans  le  port  de  Dieppe  ; 
lu  Brede,  qui  aboutit  au  Trcport,  après  avoir 
formé  la  séparation  entre  les  deux  départements 
de  la  Seine-Inférieure  et  de  la  Somme  ;  la  Somme, 
qui  naît  près  de  la  grande  ville  industrielle  de  Saint- 
Quentin,  où  convergent  les  canaux  réunissant  la 
Somme,  l'Oise  et  l'Escaut;  puis  coule  à  travers 
une  vallée  remplie  de  tourbières,  où  sont  la  place 
-forte  de  Péronne,  la  grande  ville  d'Amiens,  et  enfin 
Abbeville,  d'où  un  canal  maritime  aboutit  à  la 
large  baie  qui  se  découvre  au  loin  à  marée  basse. 

Au  nord  de  la  Somme,  ÏAuthie  forme  la  limite 
entre  les  deux  départements  de  la  Somme  et  du 
Pas-de-Calais  ;  la  Canche  passe  à  Montreuil,  la 
Liane  à  Boulogne. 

Tributaires  de  la  mer  du  No>d.  —  VAa.  —Dans 
la  mer  du  Nord  tombe  VAa,  qui  passe  à  Saint- 
Omer  et  sépare  les  deux  départements  du  Pas-de- 
Calais  et  du  Nord  jusqu'à  son  embouchure  à 
Gravelines.  L'importance  de  l'Aa  vient  des  com- 
munications navigables  qu'il  établit  entre  les  ports 
de  Calais,  Gravelines  et  Dunkerque,  d'une  part, 
avec  les  canaux  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais,  qui 
conduisent  à  Paris  ou  en  Belgique. 

L'Escaut.  —  L'Escaut,  qui  n'appartient  à  la 
France  que  par  une  petite  partie  de  son  cours, 
naît  dans  le  département  de  l'Aisne,  au  nord  de 
Saint-Quentin,  et  se  dirige  au  nord  par  Cambrai 
et  Valenciennes,  avant  d'entrer  en  Belgique.  Il  se 
g!OSsit  h  gauche  de  la  Sensée  et,  sur  la  frontière  de 
la  Belgique,  de  la  Scaipe,  qui  passe  à  Arras,  à  Douai 
et  à  Saint-Amand.  L'affluent  le  plus  considérable 
de  l'Escaut,  la  Lys,  a  aussi  sa  source  en  France, 
au-dessus  d'Aire  dans  le  Pas-de-Calais.  Elle  reçoit 
à  droite  la  Deule,  et  forme,  sur  une  partie  de  son 
cours,  la  frontière  entre  le  département  français 
du  Nord  et  la  province  belge  de  Flandre  occi- 
dentale. 

L'Escaut,  la  Sensée,  la  Scarpe,  la  Lys  et  la 
Deule  sont  tous  canalisés. 

La  Meuse.  —  Le  bassin  de  la  Meuse  n'occupe, 
en  France,  que  la  dixième  partie  de  celui  de  la 
Seine.  Le  fleuve,  qui  se  forme  au  nord  du  plateau 
de  Langres,  coule  entre  deux  chaînes  de  hauteurs 
voisines  et  parallèles  entre  elles,  qui  le  séparent, 
à  droite,  du  bassin  de  la  Moselle,  et,  à  gauche,  de 
ceux  de  la  Marne  et  de  l'Aisne.  Sa  direction  géné- 
rale estau  nord-nord-ouest;  la  longueur  de  son  par- 
cours en  France  est  de  4.0  kil.  environ,  dont  la  moitié 
navigable.  Il  passe  à  Neufchâleau,  Domrémy,  Vau- 
couleurs ,  célèbres  dans  notre  histoire  nationale, 
à  Pagny,  où  il  se  sépare  du  nouveau  canal  de  l'Est 


et  traverse  celui  de  la  Marne  au  Rhin,  à  Cora 
mercy,  Verdun,  où  le  lit  de  la  Meuse  commence  à 
devenir  naturellement  navigable,  à  Bazeilles,  en 
amont  duquel  il  reçoit,  par  la  droite,  le  Chiers, 
qui  vient  des  plateaux  boisés  du  Luxembourg;  k 
Sedan,  de  triste  mémoire  ;  à  Mézières,  Charleville, 
et  Givet,  où  il  entre  en  Belgique.  La  vallée  qu'il 
parcourt  entre  ces  deux  dernières  villes  est  réputée 
pour  les  sites  pittoresques  qu'elle  offre.  Entre  Sedan 
et  Mézières  aboutit  le  canal  des  Ardenncs,  qui  se 
joint  à  l'Aisne.  Le  nouveau  canal  de  l'Est,  suivant 
ou  absorbant  la  Meuse  depuis  Pagny  jusqu'en 
Belgique,  établira  bientôt  une  communication 
facile  entre  cet  État  et  les  départements  de  l'est 
de  la  France. 

La  Sambre.  —  Le  plus  grand  affluent  de  la  Meuse, 
la  Sambre,  prend  sa  source  en  France,  sur  la  li- 
mite des  départements  de  l'Aisne  et  du  Pas-de- 
Calais,  et  baigne  Landrecies  et  Maubeuge  en  France, 
avant  d'entrer  en  Belgique.  C'est  un  important 
élément  de  notre  réseau  navigable. 

Bassins  secondaires  de  la  Manche  a  l'ouest  de 
LA  Seine.  —  Parmi  les  fleuves  secondaires  qui  tom- 
bent dans  la  Manche,  à  l'ouest  de  la  Seine,  il  faut 
citer  :  la  Touques,  qui  parcourt  la  fertile  vallée 
d'Auge,  passe  à  Lisieux  et  aboutit  dans  la  mer 
entre  Trouville  et  Deauville;  la  Dites,  à  l'embou- 
chure de  laquelle  Guillaume  le  Conquérant  réunit 
la  flotte  qui  le  conduisit  faire  la  conquête  de  l'An- 
gleterr'e,  en  1066;  VOme,  qui  prend  sa  source  au 
nord  d'Alençon,  passe  à  Séez,  Argentan  et  Caen, 
d'où  un  canal  conduit  les  navires  dans  la  Manche; 
la  \l7'e,  qui  parcourt  de  gracieuses  campagnes  et 
de  fertiles  herbages,  passe  à  Saint-Lô,  et  tombe  dans 
la  mer  à  Isigny;  la  Douve,  qui  passe  à  Carentan.  De 
l'autre  côté  du  Cotentin,  la  baie  du  Mont  Saint- 
Micliel  reçoit  la  Sée,  qui  vient  d'Avranches,  la  Sé- 
lune,  le  Couesnon,  qui  passe  à  Fougères  et  Pontor- 
son,  et  sépare  le  département  de  la  Manche  de  ce- 
lui d'Ille-et-Vilaine. 

La  Rance.  —  La  Rance,  le  cours  d'eau  le  plus 
important  du  versant  septentrional  de  la  Bretagne, 
descend  des  monts  de  Mené  dans  les  Côtes-du-Nord, 
coule  à  l'est,  puis  au  nord,  se  relie  par  un  canal 
avec  l'ille  et  la  Vilaine,  passe  à  Dinan,  et  forme  un 
estuaire  large  et  profond  avant  de  tomber  dans  la 
mer  entre  Saint-Servan  et  Saint-Malo,  sur  sa  rive 
droite,  et  Dinard,  sur  sa  rive  gauche. 

Au  delà  de  la  Rance,  il  n'y  a  plus,  jusqu'à 
l'océan  Atlantique,  que  de  petits  cours  d'eau  ;  l'Jr- 
guenoji,  qui  tombe  dans  la  baie  de  la  Fresnaye,  le 
Trieux,  qui  passe  à  Guingamp,  les  petites  rivières  de 
Saint-Brieuc,  de  Lannion,  de  Morlaix,  qui  mettent 
ces  villes  en  communication  avec  la  mer. 

Bassins  secondaires  de  l'Atlantique.  —  Du  côté 
de  l'océan  Atlantique,  la  rade  de  Brest  reçoit 
l'Aune  ou  rivière  de  Châteaulin,  qui  vient  des  mon- 
tagnes d'Arrée.  Les  montagnes  Noires  alimentent 
VUdet,  qui  passe  à  Quimper,  et  le  Scorff,  qui 
tombe  dans  la  mer  à  Lorient,  à  la  droite  du  Blacet. 
Celui-ci  naît  dans  le  département  des  Côtes-du- 
Nord,  forme,  de  même  que  l'Aulne,  lOust  et  l'Isac, 
affluents  de  la  Vilaine,  et  l'Erdre,  tributaire  de  la 
Loire,  une  partie  du  canal  de  Nantes  à  Brest,  passe 
à  Pontivy  et  tombe  dans  l'Océan  entre  Lorient  et 
son  annexe  Port-Louis. 

La  Vilaine.  —  La  Vilaiiie,  le  plus  long  fleuve  de 
la  Bretagne  (220  kilom.),  prend  sa  source  dans  le 
département  de  la  Mayenne,  coule  à  l'ouest  par 
Vitré  et  Rennes,  où  elle  reçoit,  sur  sa  droite,  Yllle, 
descend  au  sud  jusqu'à  Redon,  où  elle  se  grossit 
à  droite  de  VOust,  reçoit  un  peu  plus  loin,  sur  la 
rive  opposée,  VIsuc,  tourne  à  l'ouest,  et  tombe  dans 
l'Océan,  au-dessous  de  la  Roche-Bernard,  où  elle 
est  franchie  par  un  magnifique  pont. 

La  Loire.  —  La  Loire  occupe  le  centre  de  la 
France  ;  c'est  le  plus  long  de  nos  fleuves  (près  de 
1000  kilom.),  et  son  bassin  couvre  plus  de  la  cin- 


FRANCE 


—  805  — 


FRANGE 


quième  partie  de  notre  pays.  Mais  rirrégularité  de 
son  dùbit,les  caprices  de  son  cours,  le  peu  de  pro- 
fondeur de  son  large  lit,  l'erepêchent  de  former  la 
plus  importante  artère  fluviale  de  la  France,  conime 
la  carte  pourrait  le  faire  croire  à  première  vue. 

La  Loire  naît  dans  les  Cévennes,  près  du  Mczenc, 
au  pied  du  Gerbier-des-Joncs,  ancien  volcan  qui  fait 
partie  des  monts  du  Vivarais.  Sa  source  est  à 
liOO  m.  d'altitude.  La  Loire  descend  rapide- 
ment, entre  les  monts  du  Vivarais  et  du  Velay  qui 
la  poussent  au  sud,  à  louest,  et  enfin  au  nord, 
et  près  du  Puy  elle  n'est  déjà  plus  qu'à  lOO  m. 
Dans  toute  cette  partie  supérieure  de  son  cours,  elle 
ne  reçoit  que  des  torrents.  A  Saint-Rambert,  près 
de  Saint-Etienne,  elle  débouche  dans  la  plaine  du 
Forez,  où  elle  forme  encore  des  rapides.  A  Roanne, 
par  275  m.,  elle  entre  définitivement  en  plaine, 
et  devient  navigable  grâce  à  un  canal  latéral.  A 
droite  les  monts  du  Lyonnais  la  séparent  de  la 
Saône,  à  gauche  les  monts  du  Forez  se  dressent 
entre  elle  et  son  affluent  l'Allier.  A  Digoin,  elle  re- 
çoit le  canal  du  Centre  qui  vient  de  la  Saône  et  qu'a- 
limente la  Bourbince,  affluent  de  VAitoux.  Celui-ci, 
descendu  de  la  Côte  d'Or,  passe  par  Autun  et  a  son 
confluent  un  peu  en  aval  de  Digoin.  Le  fleuve  tourne 
alors  à  l'ouest,  puis  au  nord,  reçoit  à  Decize  VAron, 
qui  alimente  le  canal  du  Nivernais,  puis  se  dirige  à 
l'ouest  vers  Nevers,  où  tombe  la  Nièvre.  1 

C'est  un  peu  en  aval  de  cette  ville,  par  172  m. 
d'altitude,  que  la  Loire  se  grossit  de  Y  Allier,  dont 
elle  prend  la  direction  vers  le  nord. 

Le  fleuve  occupe  dès  lors  un  large  lit,  où  il  pro- 
mène ses  eaux  capricieuses.  Tantôt  on  n'y  voit  que 
de  maigres  filets  d'eau  laissant  entre  eux  de  vastes 
[flages  de  sable,  tantôt  c'est  un  courant  impétueux 
qui  déborde  même  par-dessus  ses  digues  pour 
envahir  les  campagnes  voisines.  On  a  vu  la  Loire 
rouler  jusqu'à  3u0  fois  le  volume  d'eau  auquel  , 
ello  se  réduit  pendant  son  étiage.  A  Orléans,  elle 
n'a  quelquefois  que  le  tiers  de  ce  que  la  Seine 
amène  à  Paris  à  l'époque  de  ses  p'.us  basses  eaux.  ^ 

Entre  Nevers  ot  Orléans,  la  Loire  reçoit  à  gauche, 
en  face  de  Fougues,  YAuLois.  qui  alimente  une 
branche  du  canal  du  Berry.  Elle  passe  ensuite  à  la 
t'.haiité,  au  pied  de  la  colline  de  Sancerre,  à  Gosne, 
àBriare,où  aboutit  le  canal  conduisant  à  la  Seine,  à 
Gien,  où  elle  tourne  de  plus  en  plus  à  l'ouest. 

A  Orléans  débouche  un  nouveau  canal.  C'est  le 
point  le  plus  septentrional  que  la  Loire  atteigne 
dans  son  cours,  celui  où  elle  se  rapproche  da- 
vantage de  Paris  et  du  cours  de  la  Seine.  Aussi 
Orléans  a-t-il  toujours  eu  une  grande  importance 
commerciale  et  stratégique.  j 

A  partir  d'Orléans,  la  Loire  coule  au  sud-ouest;  elle 
reçoit  bientôt  à  gauche  \q  Loiret,  qui  n'est  proba- 
blemfnt  qu'une  dérivation  souterraine  du  fleuve. 
Elle  'laisse  Beaugency  et  Blois  sur  sa  rive  droite, 
Amboise  sur  sa  rive  gauche,  et  passe  à  Tours, 
bâtie  entre  la  Loire  et  le  Cher,  son  affluent  de 
gauche.  Ces  deux  rivières,  qui  pendant  les  inonda- 
tions enveloppent  entièrement  la  ville,  se  réunissent 
ordinairement  entre  Tours  et  Langeais.  Bientôt 
après,  la  Loire  reçoit,  du  même  côté,  l'Indre,  qui 
vient  des  montagnes  de  la  Marche  par  La  Châtre,  , 
Châteauroux  et  Loches.  LTndre  et  l'affluent  suivant  1 
de  la  Loire,  la  yie?ine,  drainent  la  Brenne,  con- 
trée marécageuse  couverte  détangs,  qui  s'étend 
dans  l'ouest  du  département  de  l'Indre.  I 

Au  confluent  de  la  Vienne,  la  Loire  se  retourne  ^ 
au  nord-ouest  jusque  près  des  Ponts-de-Cé.  Dans  l'in- 
tervalle, elle  passe  à  Saumur,  où  tombe  le  Thouet, 
qui  vient  des  hauteurs  de  la    Gatine  et  se  grossit 
de  la  Dive. 

La  Maine,  formée  à  Angers  de  la  réunion  du  Loir, 
de  la  Sarthe  et  de  la  Moyenne,  tombe  dans  la  Loire 
sn  dessous  des  Ponts-de-Cé.  Le  fleuve  coule  dès 
lors  à  l'ouest,  laisse  à  gauche  Chalonnes  et  ses 
mines  de  houille,  à  droite  Ancenis,  arrive  à  Nantes, 


où  il  reçoit  à  gauche  la  Sèvre  Nantaise,  et  à  droite 
VErdre  avec  le  canal  de  Nantes  à  Brest.  Les  gros 
navires  ne  remontent  plus  à  Nantes,  qui  a  con- 
servé néanmoins  les  maisons  de  commerce  et  les- 
usines. 

La  Loire,  poursuivant  son  cours,  embrasse  l'île 
d'Indret,  où  se  fabriquent  les  machines  de  la  ma- 
rine nationale  de  guerre.  VAcheneau  lui  amène  à 
gauche  les  eaux  du  lac  de  Grand-Lieu.  Du  même 
côté  se  trouve  Paimbœuf,  l'ancien  avant-port  de 
Nantes ,  aujourd'hui  délaissé  pour  Saint-Nazaire^ 
dont  on  a  récemment  creusé  le  port  sur  la  rive 
opposée. 

Affluents  delà  Loire.  —  V Allier,  le  plus  long  des 
affluents  de  la  Loire  (3TS  kilom.),  partage  son  allure 
torrentielle.  Né  dans  laforêt  de  Mercoire,  entre  les 
monts  de  la  Margeride  et  le  mont  Lozère,  il  des- 
cend rapidement  dans  une  gorge  étroite  et  pitto- 
resque, entre  les  monts  du  Velay,  à  droite,  et  ceux 
de  la  Margeride,  à  gauche.  Sa  direction  générale  est 
au  nord.  A  Brioude,  il  débouche  dans  la  fertile 
plaine  de  la  Limagne,  reçoit,  en  dessous  des  mines 
de  houille  de  Brassac,  VAlagno?!  que  lui  envoie  le 
Cantal,  passe  à  Issoire,  reçoit  un  peu  au-dessus  de 
Vichy  la  Dore,  qui  vient  d'Ambert  et  s'est  elle-même 
grossie  de  la  Durolle.  C'est  ce  dernier  petit  torrent 
qui  met  en  mouvement  les  usines  de  l'industrieuse 
ville  de  Thiers.  De  Vichy,  l'AUier  arrive  à  Saint-Ger- 
main des  Fossés,  se  grossit  à  gauche  de  la  Sioule  que 
lui  envoie  le  versant  occidental  du  Puy-de-Dôme, 
passe  sous  le  beau  pont  de  Moulins,  et  se  réunit  à  la 
Loire  près  de  Saincaize,  en  dessous  de  Nevers. 

Le  Cher  naît  sur  les  plateaux  qui  reUent  les 
monts  de  la  Marche  à  ceux  de  l'Auvergne.  Il  coule 
au  nord  vers  Moniluçon,  où  commence  le  canal  da 
Berry.  A  Saint-Amand  il  reçoit  à  droite  la  Mar- 
maiide,  dont  la  vallée  conduit  le  canal  vers  Bourges- 
et  vers  la  Loire  Le  Cher  se  retourne  alors  au  nord- 
ouest,  puis  à  l'ouest,  sa  direction  définitive,  et  reçoit 
à  Vierzon,  par  sa  droite,  YYèvre,  grossie  de  V.iuron^ 
Ces  deux  dernières  rivières  se.  réunissent  à  Bourges, 
ville  en  amont  de  laquelle  le  canal  du  Berry  est 
alimenté  par  l'Auron,  pour  suivre  ensuite  l'Yèvre 
jusqu'à  Vierzon.  Le  Cher  reçoit  encore  à  droite  la 
Sauldre,  qui  passe  ;'  Romorantin  et  draine  les  eaux 
d'une  partie  de  la  Sologne,  contrée  couverte  d'é- 
tangs, de  bruyères,  de  terres  peu  fertiles  ;  puis  il 
passe  sous  le  château  de  Chenonceau  et  se  jette 
dans  la  Loire  en  dessous  de  Tours.  Nous  avons  dit, 
à  propos  de  cette  ville  et  du  cours  de  la  Loire,  com- 
bien ses  inondations  sont  dangereuses. 

La  Vienne,  presque  aussi  longue  que  l'Allier,  naît 
sur  le  versant  septentrional  du  plateau  de  Mille- 
vaches,  coule  à  l'ouest  par  Limoges,  Saint- Junien, 
se  retourne  au  nord,  passe  à  Confolens,  à  Châtelle- 
rault,  où  elle  se  grossit  par  la  gauche  du  Clain,  la 
rivière  de  Poitiers.  La  Vienne  reçoit  ensuite  à  droite 
la  Creuse.  Celle-ci  naît  aussi  au  plateau  deMilleva- 
ches,  coule  au  nord-ouest  par  Aubusson,  Argenton 
et  Le  Blanc,  se  grossit,  à  droite,  de  la  Petite  Creuse 
qui  vient  de  Boussac,  et  à  gauche,  de  la  Gartnnpe 
qui  passe  à  Montmorillon.  En  dessous  du  confluent 
de  la  Creuse.laVienne  tourne  au  nord-ouest  et  passe 
à  Chinon,  avant  de  se  réunir  à  la  Loire. 

Le  Loir  se  forme  dans  le  Perche  et  coule  au  sud- 
ouest  par  Châteaudun,  Vendôme  et  la  Flèche  avant  de 
se  réunir  à  la  Sarthe.  Celle-ci,  née  vers  l'extrémité 
septentrionale  du  Perche,  descend  au  sud-ouest  jus- 
qu'à Alençon,  tourne  au  sud,  passe  au  Mans,  où  elle 
reçoit  par  la  gauche  l'Huisne  qui  vient  de  Nogenl- 
le-Rotrou,  décrit  de  nombreuses  sinuosités  au  sud- 
ouest  et  au  sud,  passe  à  Sablé,  reçoit  par  la  gau- 
che le  Loir,  et  se  réunit  à  la  Moyen  e  au-desSus 
d'Angers. 

La  .Mayenne  se  forme  à  l'ouest  d'Alençon,  dans 
les  collines  qui  relient  le  Perche  au  Cotentin, 
coule  à  l'ouest,  puis  au  sud  par  Mayenne,  Laval  et 
Chàteau-Gonthier.  Elle  se  grossit  à  droite  del'Oud.nt 


FRANCE 


—  806  — 


FRANGE 


qui  passe  à  Segré,  et  prend  le  nom  de  Maine  à 
Angers  en  se  réunissant  à  la  Sarthe. 

Bassins  SECONDAiRESENTKE  la  Loire  et  la  Garonne. 
—  Entre  la  Loire  et  la  Garonne  les  principaux  fleuves 
DÔtiers  sont,  du  nord  au  sud:  le  Lai/,  qui  reçoit  à 
droite  ['Yon,  dont  le  chef-lieu  du  département  de 
la  Vendée  tire  son  nom  actuel,  la  Roclie-sur-Yon  ; 
la  Sèvre  Niortaise,  qui  passe  à  Niort  et  reçoit  à 
droite  la  Vendée  venant  de  Fontenay-le-Comte;  la 
Charente,  le  plus  considérable  des  cours  d'eau 
entre  la  Loire  et  la  Garonne. 

La  Charente  prend  sa  source  dans  les  monts  du 
Limousin,  près  de  Rochechouart,  coule  au  nord-ouest 
jusqu'à  Civray,  redescend  au  sud  jusqu'à  Angoulême, 
coule  ensuite  à  l'ouest,  puis  au  nord-ouest  par  Jarnac, 
Cognac,  Saintes,  Taillebourg  et  Rochefort,  où  elle 
est  assez  profonde  pour  recevoir  des  vaisseaux  de 
gtierre.  La  Charente  reçoit  à  gauche,  au-dessus  d'Aii- 
goalêmej  la  Tardoir^e  grossie  du  Bundiat,  dont  une 
pa-te  du  cours  est  souterraine.  La  Touvre,  qui  se 
jci  it  à  la  Charente  près  d" Angoulême  après  un 
cours  de  quelques  kilomètres  seulement,  et  qui 
f  it  mouvoir  les  usines  de  Ruelle,  semble  être  l'is- 
sue de  ces  eaux  disparues  du  Bandiat. 

Plus  loin  la  Charente  se  grossit,  à  droite,  de  la 
Boutonne,  qui  passe  à  Saint-Jean  d'Angély.  La 
Charente  a  parcouru  plus  de  350  kilomètres  lors- 
qu'elle débouche  dans  la  mer  en  face  de  l'Ile 
dOléron. 

Vis-à-vis  de  la  pointe  méridionale  de  cette  île 
aboutit  le  petit  fleuve  de  la  Seudre,  qui  finit  à 
Marennes. 

La  Garonne.  —  La  Garonne,  dont  le  bassin  couvre 
en  France  près  de  80  OUO  kilomètres  carrés,  naît 
dans  le  val  d'Aran  en  Espagne,  surle  revers  méridio- 
nal des  Pyrénées  orientales.  Elle  décrit  une  courbe, 
au  sud,  à  l'ouest,  puis  au  nord,  avant  d'entrer  en 
France  au  Pont-du-Roi,  par  600  m.  d'altitude. 
C'est  dès  lors  une  rivière  flottable,  qui  se  grossit 
bientôt  de  la  Pique  de  Luchon.  A  Montréjeau,  elle 
reçoit  par  la  gauche  la  ISeste,  et  se  retourne  au 
nord-est  pour  gagner  Muret  et  Toulouse.  Dans  ce 
trajet,  elle  reçoit  à  droite  plusieurs  affluents  impor- 
tants :  liiSalat,  qui  passe  à  Saint-Girons  ;  ÏAriège,  qui 
traverse,  du  sud  au  nord-nord-ouest,  le  département 
auquel  il  donne  son  nom,  en  arrosant  Ax,  Tarascon, 
Foix  et  Pamiers.  A  Toulouse,  la  Garonne  se  joint 
au  canal  du  Midi  venant  de  la  Méditerranée,  et  qui 
se  prolonge  vers  l'ouest  par  le  canal  latéral.  Le  fleuve 
prend  la  direction  du  nord-ouest,  reçoit  par  la  gauche 
les  rivières  descendues  du  plateau  de  Lannemezan 
à  travers  les  coteaux  de  l'Armagnac  :  la  Save,  qui 
passe  à  Lombez,  la  Gùno7ie,  VAr7'ats,  le  Gers,  qui 
arrose  Aucli  et  Lectoure,  la  Baïse,  qui  passe  à 
Co  idomet  Mirande.  Toutes  ces  rivières  descendent 
en  éventail  à  travers  le  remarquable  cône  d'éboule- 
ment  que  limitent  à  l'est  le  cours  de  la  Garonne,  et 
à  l'ouest  celui  de  l'Adour.  Sur  sa  rive  droite,  la 
Garonne  se  grossit  du  Tarn,  arrive  devant  Agen, 
où  le  canal  latéral  passe  de  la  droite  à  la  gauche  du 
fleuve,  reçoit  le  Lot  à  Aiguillon,  passe  à  Tonneins, 
Marmande,  La  Réole.  A  Castets  finit  le  canal  la- 
téral, et  la  navigation  se  poursuit  dans  le  lit  du 
fleuve.  A  Bordeaux,  la  largeur  de  la  Garonne  est 
de  600  m.  La  marée  s'y  fait  sentir  et  y  pousse 
les  navires  de  mer  à  100  kilomètres  de  l'Océan. 
Après  Marseille  et  le  Havre,  c'est  notre  port  de 
commerce  le  plus  important.  En  dessous  de  Bor- 
deaux, la  Garonne  va  en  s'élargissant  encore.  Au 
Bec  d'Ambez,  elle  reçoit  par  la  droite  là  Dordog7ie, 
le  plus  long  et  le  plus  considérable  de  ses  affluents, 
et  change  son  nom  contre  celui  de  Gironde. 

La  Gironde  laisse  ensuite  à  droite  Blaye  et,  sur 
la  rive  opposée,  Pauillac,  qui  sert  d'avant-port  à 
Bordeaux  et  où  s'arrêtent  les  plus  grands  navires. 
Du  même  côté,  la  rade  du  Verdon,  près  de  l'em- 
bouchure, est  abritée  du  large  par  la  pointe  de 
Grave,  qui  marque   la  borne  méridionale  de  l'es- 


tuaire. Vis-à-vis  se  trouve  Royan  avec  ses  bains  de 
mer.  Au  milieu  du  fleuve,  la  tour  de  Cordouan 
porte  le  phare  qui  en  signale  l'entrée. 

Affluents  de  la  Garonne.  —  Le  Tarn,  qui  prend 
sa  source  au  mont  Lozère,  coule  d'abord  dans  une 
vallée  profonde,  encaissée  par  les  plateaux  des 
Causses.  Il  passe  près  de  Florac,  et  à  Millau  où  il 
reçoit  la  Dourbie,  descendue  des  Cévennes.  Plus 
bas  et  toujours  sur  la  môme  rive  arrive  la  Bour- 
don, grossie  de  la  Sorgue  de  Saint-Afi'rique.  Con- 
tinuant sa  course  vers  l'ouest,  le  Tarn  passe  à  Albi, 
Gaillac,  Rabastens,  Saint-Sulpice,  où  tombe  YAgout. 
Celui-ci,  qui  vient  des  monts  de  l'Espinouse,  se 
grossit  à  Castres  du  Thoré,  qui  dessert  les  draperies 
de  Mazamet,  et  en  dessous  de  Lavaur,  du  Dadou. 
Au  delà  du  confluent  de  l'Agout,  le  Tarn  prend 
la  direction  du  nord-ouest,  que  suivait  son  af- 
fluent, passe  à  Montauban,  reçoit,  par  la  droite, 
VAvey7'on,  et  tombe  dans  la  Garonne  en  dessous  de 
Moissac. 

UAveyron,  qui  naît  dans  les  Causses,  coule  à 
l'ouest  par  Rodez,  Villefranche,  descend  au  sud  jus- 
qu'au confluent  du  Vi'iur,  dont  la  source,  voisine  de 
la  sienne,  est  dans  le  Levezou,  puis  coule  à  l'ouest 
jusqu'à  sa  réunion  avec  le  Tarn. 

Le  Lot  prend  sa  source  au  nord  du  mort  Lozère, 
d'où  descendent  vers  les  quatre  points  de  l'ho- 
rizon tant  de  rivières  difl'érentes.  Il  coule  à 
l'ouest  par  Monde  et  Espalion,  reçoit  à  Enraygues 
la  Truyère,  qui  contourne  au  nord  les  mon; s  d'Au- 
brac,  dont  le  Lot  vient  de  suivre  le  versant  sud. 
Cette  rivière  reçoit  ensuite,  à  droite,  le  Celé,  rivière 
de  Figeac,  passe  à  Cahors,  décrit  de  tris  nom- 
breux méandres  entre  cette  ville  et Villemuve,  et 
tombe  dans  la  Garonne  à  Aiguillon,  après  480  kilom. 
de  cours. 

La  Dordogne,  un  peu  plus  longue,  naît  au  Mont 
Dore,  en  Auvergne,  coule  dans  une  gorge  sinueuse 
et  profonde  souvent  bordée  de  hautes  colonnades 
de  basaltes,  reçoit  à  gauche  la  Cère,  qui  descend 
du  Cantal  à  traveis  une  des  plus  pittoresques 
vallées  de  l'Auvergne.  A  partir  de  ce  confluent,  la 
Dordogne  coule  à  l'ouest,  et  reçoit,  par  la  droite,  la 
Vézére,  descendue  du  plateau  de  Millevaches  avec  son 
tributaire  le  plus  important,  la  Corréze.  Cette  der- 
nière passe  àTuUe  et  à  Brives,  les  deux  villes  les  plus 
considérables  du  département  auquel  elle  donne 
son  nom.  La  Vézère  passe  aux  Eyzies,  petite  com- 
mune où  l'on  a  retrouvé  des  restes  remarquables 
de  l'âge  du  renne.  La  Dordogne  réunie  à  la  Vézère 
passe  à  Bergerac,  Castillou,  Libournc,  où  elle  porte 
des  vaisseaux  marchands  amenés  par  la  marée,  et 
où  elle  se  grossit,  par  la  droite,  de  l'Isle.  Celle-ci, 
qui  arrose  l'érigueux,  descend  des  monts  du  Limou- 
sin, de  même  que  la  Dronne,  qui  se  réunit  à  elle  à 
Coutras. 

Bassins  secondaires  dd  golfe  de  Gascogne.  —  Les 
cours  d'eau  tributaires  de  l'Océan,  au  sud  de  la 
Garonne,  sont  :  le  Leyre,  rivière  de  la  plaine  des 
Landes,  qui  aboutit  dans  le  bassin  d'Arcachon  ; 
VAdour,  dont  l'embouchure  actuelle  est  voisine  de 
Bayonne ;  la  Isivelle,  qui  tombe  dans  le  port  de 
Saint-Jean  de  Luz  ;  et  la  Bidossoa,  qui  forme  la  fron- 
tière entre  la  France  et  l'Espagne.  Toutes  ces  ri- 
vières descendent  des  Pyrénées. 

L'Adour.  —  VAdotir  est  d'abord  un  torrent,  qui 
naît  à  l'est  du  pic  du  Midi  de  Bigorre,  au  Tour- 
malet,  par  19.30  m.  d'altitude.  Il  descend  rapi- 
dement au  nord  dans  la  vallée  de  Campan,  traverse 
Bagnères,  débouche  en  plaine,  se  partage  en  plu- 
sieurs branches,  qui  arrosent  les  vertes  prairies  de 
Tarbes,  reçoit,  à  droite,  VArras,  tourne  au  nord- 
ouest,  puis  à  l'ouest,  passe  à  Aire,  Saint-fever,  re- 
çoit, à  droite,  lâMidouze,  rivière  de  Mont-de-Marsan, 
descend  au  sud-ouest,  reçoit,  en  dessous  de  Dai, 
par  sa  rive  gauche,  le  Luy,  et  un  peu  plus  loin  le 
Gave  de  Pau,  qui  roule  plus  d'eau  que  l'Adour 
1  même,  puis  la  Bidouse,  et  enfin  la  Nive  qui  conflu*^ 


FRANGE 


—  807  — 


FRANGE 


4  Bayonne.  L'Adour  forme  à  son  embouchure  une 
barre  difficile  à  franchir  et  qui  nuit  au  commerce 
du  port  de  Bayonne. 

Le  Gave  de  Pau,  qui  descend  de  Gavarnie  par 
Argelès,  débouche  en  plaine  à  Lourdes,  tourne  au 
nord-ouest,  passe  à  Pau,  Orthez,  reçoit  à  Peyre- 
horadele  Gave  d'Olnron,  grossi  du  Saison,  qui  arrose 
Mauléon,  et  se  réunit  près  de  là  à  l'Adour,  après 
un  cours  de  175  kilom.,  près  de  la  moitié  de  celui 
de  ce  fleuve.' 

Bassins  secondaires  de  la  Méditebranée.  —  Les 
Pyrénées  envoient  à  la  Méditerranée:  le  Tech,  qui 
coule  entre  les  Albères,  au  sud,  et  le  Ganigou,  au 
Jiord,  et  passe  à  Céret;  la  Tet,  qui  descend  du  pic 
•de  Carlitte  comme  l'Aude,  passe  au  pied  du  fort 
de  Mont-Louis,  à  Prades  et  à  Perpignan;  ÏAgly, 
■qui  arrose  Rivesaltes.  Toutes  ces  rivières  coulent 
de  l'ouest  à  l'est. 

L'Aîide  coule  au  contraire  du  sud  au  nord  par 
Quillan  etLimoux  jusqu'à  Garcassonne.  Elle  se  joint 
là  au  canal  du  Midi,  puis  tourne  à  l'est,  laisse  Nar- 
bonne  sur  sa  droite,  et  tombe  dans  la  mer  au  sud 
•de  Béziers. 

L'Orb,  qui  traverse  cette  dernière  ville,  vient  des 
monts  Garrigues  au  nord  de  Lodève,  coule  au  sud-  1 
•ouest  par  Bédarieux  jusqu'à  sa  réunion   avec  le 
Jau7',  puis  tourne  brusquement  au  sud-est,  direc- 
tion qu'il  conserve  jusqu'à  la  mpr. 

VHérauH  naît  au  mont  Aigoual  dans  les  Cé- 
vcnnes,  et  descend  rapidement  au  sud  par  Ganges, 
Pczénas  et  Agde.  Près  de  cette  dernière  ville  il 
tombe  dans  la  Méditerranée. 

A  l'exception  du  Lez,  qui  sort  d'une  source  im- 
portante près  de  Montpellier,  tous  les  cours  d'eau 
•de  cette  région  des  Cévennes,  auxquels  il  faut  ajou- 
ter la  Vidourle.  qui  passe  près  de  Lunel  et  d'Aigues- 
Mortes,  ont  l'allure  éminemment  torrentielle  et 
grossissent  énormément  à  la  suite  des  orages, 
pour  rester  ensuite  presqu'à  sec  plusieurs  mois  de 
l'année. 

A  l'est  des  Bouches-du-Rhône,  Vétang  de  Berre 
reçoit  ÏArc,  qui  passe  près  d  Aix,  et  sous  l'aqueduc 
de  Roquefavour. 

L'Argens,  traversant  en  sens  opposé,  de  l'ouest 
à  Test,  le  département  du  Var,  tombe  dans  le  golfe 
de  Fréjus.  Le  Var,  qui  formait  la  frontière  entre 
la  France  et  le  Piémont  avant  l'annexion  du  comté 
de   Nice,    prend   sa  source  à    1800  m.    dans   des 
gorges  sauvages  voisines  du  pic  de  l'Enchastraye, 
où  les  Alpes  Maritimes  se  soudent  aux  Alpes  Cot- 
tiennes.   Il  descend  lapidement  au   sud,  tourne  à  [ 
l'est,  passe  au  Puget-Théniers.rpprend  la  direction  j 
du  sud,  que  lui  imprime  son  affluent  la  Tinée,  et  ' 
parcourt  une  vallée  tout  encombrée  des  galets  qu'il  ' 
a  roulés  dans  ses  crues,  avant  de  tomber  dans  la 
Méditerranée  à  l'ouest  de  Nice.  ' 

Le  Rhône.  —  Le  Rhône,  dont  le  bassin  occupe 
plus  de  lOU  000  kilom.  carrés,  en  aies  neuf  dixièmes 
seulement  en  France.  Il  naît  en  Suisse,  au  pied  du 
col  de  la  Furca,  à  l'ouest  du  Saint-Gothard,  traverse 
Je  canton  du  Valais,  où  il  se  grossir  de  nombreux 
torrents,  que  lui  envoient  les  glaciers  des  Alpes 
Bernoises  et  des  Alpes  Pennines,  forme  à  Marti- 
gny  un  coude  prononcé  qui  le  renvoie  au  nord-  i 
ouest  dans  le  lac  de  Genève,  dont  la  rive  méridio-  | 
nale  appartient  pour  la  plus  grande  partie  à  la 
France. 

A   sa   sortie   du   lac  par  375  m.  d'altitude,    le  I 
Rhône  traverse  Genève,  et  reçoit,  par  sa  gauche,  I 
VArve  impétueuse,  qui  descend  du  mont  Blanc  par  ' 
Ghamonix  et  Bonneville  et  dont  les  eaux  laiteuses 
•courent  un  certain  temps  à  côté  des  eaux  azurées 
sorties  du  lac  avant  de  s'y  mélanger. 

Le  Rhône  s'engage  bientôt  dans  les  gorges  du 
Jura,  disparaît  en  partie  dans  leurs  crevasses  cal- 
caires en   formant   ce  qu'on  appelle  la  perte  du  ' 
Jihône,  reçoit  àBellegarde  la  pittoresque  Valserine, 
<)ui   coule   entre   deux  chaînes   du  Jura,   devient 


navigable  à  Seyssel,  tout  en  gardant  un  cours  ra- 
pide, reçoit  à  gauche  le  Fier,  par  où  se  déverse  1.! 
lac  li' Annecy.  A  Culoz,  le  canal  de  Savières  lui 
amène  les  eaux  du  lac  du  Hoiirget,  à  travers  une 
vallée  marécageuse,  où  le  Rhône  passait  autrefo  3 
pour  se  déverser  par  la  vallée  de  l'Isère. 

Le  Rhône  continue  à  couler  vers  le  sud-sud-ouest 
jusqu'au  confluent  du  Guiers,  qui  descend  de  la 
Grande-Chartreuse.  Là  il  retourne  au  nord-ouest, 
puis  à  l'ouest,  raçoit  à  droite  VAin  :  celui-ci, 
comme  les  autres  livières  du  Jura,  coule  du  nord 
au  sud  entre  des  rangées  de  montagnes  parallèles, 
et  se  grossit  de  la  Hienne.  la  rivière  des  deux  indus- 
trieuses petites  villes  de  Morez  et  de  Saint-Claude. 

A  Lyon,  le  Rhône  reçoit  du  nord  la  Saône,  le 
plus  important  de  ses  nfAuents,  et  prend  la  direc- 
tion   que  suivait  celle-ci  vers  le  sud. 

A  droite,  il  côtoie  de  près  le  pied  des  montagnes , 
et  n'en  reçoit  que  des  affluents  de  petite  étendue, 
de  pente  très  rapide,  d'allure  éminemment  torren- 
tielle, le  plus  souvent  à  sec,  mais  roulant  quelque- 
fois plus  d'eau  que  le  fleuve  lui-même.  A  gauche, 
s'étendent  les  plaines  du  Bas-Dauphiné,  puis  du 
Comtat. 

A  Givors  tombe  le  Gier,  qui  alimente  un  canal 
réunissant  les  usines  si  actives  de  Saint-Chamond, 
Rive-de-Gier  et  Givors.  Plus  loin  et  sur  la  rive  gau- 
che se  trouvent  Vienne,  puis  Tain,  avec  les  vigno- 
bles célèbrps  de  l'Ermitage,  qui  fait  vis-à-vis  à  Tour- 
non  dans  l'Ardèche  sur  la  rive  droite.  Entre  Tain  et 
Valence  tombe  VIsère.  Entre  Valence  et  Montélimar, 
la  Drame,  qui  descend  des  Alpes  par  Die  et  Crest.  se 
réunit  au  fleuve  vis-à-vis  du  confluent  de  VOiivèze, 
la  petite  rivière  de  Privas.  Le  Rhône  laisse  ensuite 
sur  sa  droite  h^  Teil  avec  ses  carrières  de  ciment, 
et  la  petite  ville  de  Viviers.  A  gauche,  il  est  res- 
serré par  les  roches  de  Donzère.  Là  on  passe  du 
climat  de  la  France  centrale  dans  la  région  médi- 
terranéenne caractérisée  parla  culture  de  l'olivier, 
la  limpidité  du  ciel,  et  aussi  quelquefois  le  souffle 
glacé  du  mistral,  qui  incline  au  sud-est  la  cime  d(  s 
arbres.  Au  Pont-Saint-Esprit  arrive  VArdèche,  vn 
des  torrents  les  plus  dévastateurs  de  la  France. 
Dans  la  plaine  d'Orange  arrivent,  sur  la  rive  droite, 
la  Cèze,  qui  vient  des  Cévennes  par  Bessèges,  et 
sur  la  rive  gauche,  VAygves  qui  passe  à  Nyons. 
A  Sorgues,  au-dessus  d'Avignon,  tombe  la  rivière 
qu'alimente  la  célèbre  fontaine  de  Voucluse.  Le 
Rhône  passe  au  pied  du  rocher  qui  porte  l'ancien 
palais  des  papes  à  Avignon,  et  reçoit,  à  quelques 
kilomètres  plus  bas,  la  Durayice.  Il  descend  au 
sud-ouest  jusqu'au  confluent  du  Gard,  qui  vient 
des  Cévennes  par  Alais.  Le  Rhône  coule  ensuite 
au  sud,  entre  Beancaire  et,  Tarascon,  puis  se  par- 
tage à  Arles  en  deux  grandes  branches,  à  droite  le 
petit  Hhône,  à  gauche  le  grnni  Rhône,  comprenant 
entre  elles  l'île  marécageuse  de  la  Camargue.  C'est 
le  grand  Rhône  qui,  par  le  canal  Saint-Louis,  se 
rattache  au  golfe  de  Fos.  L'embouchure  du  fleuve 
est  obstruée  par  une  barre  et  s'est  déplacée  de 
nombreuses  fois,  suivant  les  obstacles  que  lui 
opposent  les  alluvions  qu'il  a  lui-même  charriées, 
quand  elles  ne  sont  pas  balayées  par  les  courants 
marins. 

Le  Rhône  est  le  fleuve  de  France  qui  roule  en 
moyenne  la  plus  grande  masse  d'eau,  entre  2000  et 
3000  mètres  cubes  par  seconde.  Son  débit  est  quel- 
quefois dix  fois  plus  considérable.  Mais  la  rapidité 
de  la  pente  (plus  de  50  cent,  par  kilomètre),  môme 
en  dessous  de  Lynn,  le  rend  impropre  à  la  naviga- 
tion à  la  remonté.  Il  entraîne,  lui  ou  ses  affluents, 
des  masses  énormes  d'alluvions  arrachées  aux 
pentes  des  montagnes,  et  roule  des  cailloux  qui 
encombrent  son  lit  et  en  rendent  la  profondeur 
très  irrégulière.  Les  eaux  s'écoulent  trop  vite  et 
se  promènent  sur  un  lit  trop  large  pour  que  cette 
profondeur  soit  jamais  considérable.  Si  le  fleuve 
grossit  au  printemps  par  la  fonte  des  neiges   et 


FRANCE 


808  — 


FRANCE 


rausedesinondationssouventdésastreuses,  àlafin  des  pentes  rapides  ou  elle  entraîne  les  terres  et 
rio  l'hiver  il  est  souvent  trop  faible  pour  porter  les  cailloux,  la  Durance  s  étale,  dès  quelle  est 
bueau  môme  h.  la  descente.  libre,  sur  un  vaste  lit  c!e  galets  qui  a  jusqu'à  2  ki- 

iffluent-  (lu  R/iône.  —  La  Saône,  au  contraire,  lomettes  de  largeur.  Recouvrant  dune  épaisse 
est  une  rivière  tranquille  et  de  débit  régulier,  qui  couche  de  graviers  les  champs  qu'elle  cnvahn  dans 
oiïre  entre  Lvon  et  le  centre  de  la  France  une  ses  crues,  'A\n  les  rend  stériles,  mais  fertilise,  par 
magnifique  li^ne  de  navigation.  Elle  naît  dans  les  contre,  les  terres  où  les  canaux  de  dérivation  con- 
monts  Fauci'les,  descend  au  sud,  reçoit  bientôt  à  :  duisent  ses  eaux  chargées  d  alluvions.  Sur  sa 
.-auche  le  Coney,  qui  doit  alimenter  le  nouveau  droite,  la  plaine  de  Cavaillon  forme  un  jardin 
Tanal  de  l'Est  destiné  à  relier  la  Moselle  etla  Saône.  |  admirable.  A  gauche,  elle  alimente  les  canaux  de 
Celle-ci  coule  au  sud-ouest  vers  Gray.  où  elle  Craponne  et  des  Alpines,  qui  vont  irriguer  les 
devient  navi^^able:  reçoit  à  gaucho  VOupio»,  qui  Bourlies-dii-Rliône  et  ramener  un  peu  de  verdure 
descend  du  Ballon  d'Alsace  et  sépare  ies  dépar-  sur  la  Grau,  vaste  plaine  de  cailloux  que  la  Durante 
lements  du  Doubs  et  de  la  Haute-Saône.  La  Saône  a  charriés.  De  ce  côté  aussi,  la  Durance  alimente 
arrive  ensuite  à  Auxonne,  reçoit,  à  Saint-Jean  de  le  canal  de  Marseille,  qui  fournit  d'eau  cette  ville 
Losne,   VOuche,   la  rivière  de   Dijo-,   que  suit   le    et  les  campagnes  voisines. 

canal  de  Bourgogne,  et  à  Verdun  le  Dou/js,  dont  le  \  Le  Rhin.  —  Le  Rhin  ne  coule  plus  en  France 
cours  est  presque  aussi  long  que  la  Saône  entre  sa  |  depuis  la  perte  de  l'Alsace  Lorraine  ;  mais  notre 
source  etson  embouchure  (plus  de  400  kilomètres).  I  pay«  lui  envoie  la  Moselk,  le  plus  important  de 
A  Chalon  tombe  la  Dheiaie,  qui  alimente  le  canal    ses  affluents.  .        ^    .       „  „ 

du  Gentre  et  plus  loin,  sur  la  rive  gauche,  la  La  Moselle  naît  sur  le  versant  nord  du  Ballon 
Si'ille  qui  passe  h.  Louhans.  La  Saône  passe  ensuite  d  Alsace,  descend  au  nord-ouest  par  Remiremont 
àMâcon  Villefranche,  Trévoux  et  Lyon.  Sur  sa r;ve  et  Epmal.  Entre  ces  deux  villes,  la  i  olog-e  lui 
gauche  'elle  côtoie  dans  la  partie  inférieure  de  son  apporte  le  tribut  des  lacs  de  Longemer  et  de  Gé- 
cours  le  plateau  des  Dombes,  pays  couvert  d'é-  mrdwer.  A  Epinal  arrivera  bientôt  le  nouveau  canal 
tant's  qui,  alternativement,  sont  vidés  et  mis  en  |  do  1  Est,  j.dgimnt  la  Saône  par  le  Coneii  avec  la 
culuire    ou  remplis  à  nouveau  et  empoissonnés.  !  Moselle  et  la  Meuse.  D'Epmal,  la  Moselle  de>cend 

Le  Loubs  naît  près  de  la  frontière  de  la  Suisse,  \  au  nord,  puis  tourne  à  l'ouest,  reçoit  à  gauche  le 
coule  au  nord-est,  traverse  le  lac  de  Saint- Point,  Madon,  qui  vient  de  Mirecourt,  passe  à  Toul,  re- 
d.^scend  par  une  cluse  à  Pontarlier,  coule  de  nou-  '  tourne  su  nord-est  jusqu'à  Frouard,  où  elle  reçoit 
veau  au  nord-est,  franchit  au-dessous  de  Morteau  '  la  Meurthe.  De  Frouard,  la  Moselle  descend  par 
un  saut  d'une  trentaine  de  mètres,  forme  frontière  !  Pont-à-Mousson  vers   Metz,  où  elle  reçoit  par  la 


droite  la  Seille,  qui,  dans  une  partie  de  son  cours, 
forme  frontière  entre  la  France  et  l'Allemagne.  La 
Moselle,  après  avoir  traversé  Metz,  Thionville  et 
Trêves,  se  réunit  au  Rhin,  à  Goblentz. 

La  Meurthe  naît  sur  la  frontière  des  Vosges  et 
de  l'Alsace,  descend  au  nord,  puis  au  nord-ouest 
par  Saint-Dié,  Baccarat,  Lunéville,  où  arrive  la 
Vezouse,  qui  met  en  mouvement  les  usines  de 
Girey.  La  Meurthe,  que  suit  dès  lors  le  canal  de 
la  Marne  au  Rhin,  tourne  à  l'ouest  et  passe  par 
Nancy  avant  de  se  réunir  à  la  droite  de  la  Mo- 
selle. 

IV.  Etude  des  frontières  de  la  France.  — FnoN- 
TiÈHEs  MARITIMES.  — La  Mer  du  Nord.  —  La  frontière 
de  la  France,  sur  la  mer  du  Nord,  commence  à 
quelques  kilomètres  à  l'est  de  Dunkerque  et  suit 
la  direction  de  l'ouest -sud- ouest  jusqu'au  cap 
Gris-Nez,  qui  s'élève  au-dessus  du  détroit  du  Pas- 
de-Calais.  Le  rivage  de  la  mer  du  Nord  est  formé 
de  dunes  basses  et  sablonneuses,  qui  ont  vulu  son 
nom  à  la  ville  de  Dunkerque.  Il  n'y  tombe  que  le 
petit  fleuve  de  TAa,  débouchant  dans  la  mer  à 
Gravelines,  entre  Dunkerque  et  Calais.  La  pre- 
mière de  ces  deux  villes  a  joué  un  rôle   militaire 

^ ^    ^         _    important   dans   nos    luttes    contre    l'Angleti'rre. 

entre  le  massifduPelvoùx  et  le  Dévoluy,  etqui'roçoit  }  Maintenant  c'est  un  de  nos  ports  de  commerce  le» 
k;i-mème  la  Romanche,  venue  de  l'Oysans.  L'Isère,  '  plus  fréquentés.  Calais,  à  cause  de  son  voisinage 
grossie  du  Drac,  tourne  au  nord-ouest,  puis  au  sud-  de  l'Angleterre,  est  le  point  de  passage  généra- 
ouest,  en  débouch:int  de  la  régii  n  des  montagnes  '  lement  préféré  par  les  voyageurs  qui  se  rendent  à 
qu'elle  continue  à  suivre  par  sa  rive  gauchi'.  Elle    Douvres. 

passe  ainsi  près  de  Saint-Marcellin  et  à  Romans,  en  '  La  Manche.  —  Au  cap  Gris-Nez  commence  la  côte 
recevant  dans  l'intervalle  la  Dowbrc,  la  rivière  '  de  la  Manche.  D'abord  dominée  par  les  colhnes  du 
de  Pont-cn-Royans,  très  utile  aux  irrigations.  1  Boulonnais,  elle  est  génerali^ment  sablonneuse,  et 

La  Durance  nait  au  mont  Genèvre,  descend  au  '  dirigée  du  nord  au  sud  jusqu'à  l'embouchure  de  la 
sud    par    Briançon  ,    Mont-Dauphin    et    Embrun,  ■  Sonmie.  L'important  port  de  Boulogne,  les  estuaires 


entre  la  France  et  la  Suisse,  puis  entre  en  Suisse, 
jusqu'à  ce  qu'il  soit  renvoyé  par  le  mont  Terrible 
vers  l'ouest.  Rentré  en  France,  il  perce  le  Lomont 
vers  le  nord,  reçoit  par  la  droite  VAllnine,  qui 
vient  de  Montbéliard  et  que  suit  le  canal  du  Rhône 
au  Rhin.  A  partir  de  ce  confluent,  le  Doubs  des- 
cend au  sud-ouest  par  Baume-lcs-Dames,  Besan- 
çon et  Dôle,  se  grossit,  au-dessous  de  cette  ville  et 
par  la  gauche,  de  la  Loue,  et  tombe  dans  la  Saône 
à  Verdun.  A  partir  de  Dôle,  le  canal  venant  du 
Rhin  et  qui  côtoie  le  Doubs  ou  emprunte  son  lit, 
se  continue  jusqu'à  Saint-Jean  de  Losne  vers  le 
canal  de  Bourgogne. 

L'Isère  a,  au  contraire,  un  cours  torrentiel.  Elle 
naît  dai.s  les  Alpes  Grées  à  plus  de  2000  m. 
d'altitude,  àoscend  par  Moutiers  et  Albertville  la 
haute  vallée  ac  Tarantaise,  entre  ies  montagnes 
qui  la  renvoient  successivement  au  nord,  au  sud- 
ouest,  au  nord,  puis  au  sud-ouest.  A  Chamousset, 
l'Isère  reçoit  par  sa  gauche  l'Arc,  qui  parcourt  la 
vallée  de  Maurienne,  empruntée  par  la  route  et  le 
chemin  de  fer  du  mont  Genis.  L'Isère  descend  en- 
suite au  sud-sud-ouest  à  travers  l'admirable  vallée 
du  Graisivaudan,  reçoit  à  Grenoble  le  plus  terrible 
de  ses  affluents,  le  Drac,  qui  descend  du  Champsaur, 


tourne  à  l'ouest,  reçoit  à  gauche  VUbnye,  qui 
parcourt  la  vallée  de  Barcclonnette  ;  descend  au 
si'.d,  se  grossit  à  Sisteron  du  Buech,  le  plus  consi- 
dérable de  SOS  affluents  de  droite,  dont  le  chemin 
<!e  for  de  Marseille  à  Grenoble  emprunte  la  vallée. 
Aux  Mces,  débouche  sur  la  rive  gauche  de  la  Du- 


de  la  Tanche,  de  l'Anthie  et  de  la   Somme,   en 
forment  les  traits  principaux. 

De  la  Somme  à  la  Seine,  le  rivage  est  orienté 
au  sud-ouest.  Entre  la  Somme  et  la  Biesle,  com- 
mencent les  falaises  qui  bordent  tout  le  pajs  de 
Caux.  Ce  sont  des   murailles    d'une  centaine  de 


.  ance  la  B'/eo?(?ie,  la  rivière  de  Digne.  Plus  bas  et  '  mètres  de  hauteur,  qui  s'élèvent  verticalement 
du  même  côté  arrive  le  l'errfo//,  qui  arrose  Castel-  au-d'ssus  des  flots.  Constamment  battues  et  dé- 
lane,scparelesdépartementsdesBassts-Alpt>setdu  molies  par  les  vagues,  elles  s'éboulent  peu  à  peu, 
A'ar,  et  alimente  d'eau  la  ville  d'Aix.  A  Mirabeau,  et  tandis  que  les  matières  crayeuses  entrant  dans 
la  Durance  débouche  des  montagnes.  Roulant   sur  ;  leur  composition  sont  entraînées  par  les  eaux,  les 


FRANCE 


—  80D 


FRANCE 


sileT,  qui  y  forment  des  couches  nombreuses, 
sont  roulés,  arrondis  et  disposes  en  cordons  régu- 
liers de  galets  tout  le  long  du  litr(  rai.  De  distance 
»Mi  distance,  la  falaise  est  entaillée  par  une  vallée, 
où  s'est  bâti  un  village, ou  un  port  à  l'embouchure-de 
quelque  rivière.  Le  Tréport,  sur  la  Bresle,  Dieppe, 
sur  la  rivière  d'Arqnes,  Saint-Valery-en-Caux,  Fé- 
camp,  sont  les  principaux.  Entre  Fécamp  et  le 
Havre  s'avancent  le  cap  d'Antijer  et  surtout  le 
cap  de  la  Hève,  dont  les  phares  à  longue  portée 
signalent  à  distance  l'entrée  de  notre  grand 
port. 

Comme  port,  le  Havre  jor.it  d'un  précieux  avan- 
t.ige.  Les  courants  de  marée  montante  et  descen- 
dante s'y  rencontrent  et  s'y  soutiennent  de  telle 
sorte  qu'à  chaque  marée  les  eaux  restent  hautes 
pendant  près  de  trois  heures,  et  l'entrée  comme  la 
sortie  dos  navires  de  grandeur  ordinaire  peut  avoir 
lieu  pendant  tout  ce  temps. 

Le  rivage  du  Calvados,  sur  la  rive  gauche  de  la 
Seine,  est  sablonneux  et  bordé  de  collines  d'une 
faible  élévation.  Sa  direction  générale  est  de  l'est 
il  l'ouest.  Honfleur,  à  l'embouchure  de  la  Seine, 
Trouville  et  Deauville,  à  celle  de  la  Touques,  Dives, 
sont  les  principaux  ports  à  l'est  de  l'embouchure  de 
rOrne.  A  l'ouest  de  ce  fleuve,  la  côte  est.  abitée 
par  les  rochers  sur  lesquels  périt  le  Calva'Ios, 
qui  a  donné  son  nom  à  ces  écueils  et  au  départe- 
ment. 

A  l'ouest  de  la  baie  d'Isigny  et  de  Carentan, 
commence  la  péninsule  du  Cotentin,  qui  s'avance 
;ia  nord  dans  la  Planche.  Le  pays  de  Caux  h  l'est,  le 
(lotontin  à  l'ouest,  le  Calvados  au  sud  limitent  In 
haie  de  la  Seine.  Le  Cotentin,  dont  la  côte  orion- 
tale  est  bordée  par  les  rochers  de  la  Hougue,  près 
d'  squefs  Tourville  perdit  une  grande  bataille  na- 
vale en  l(i92,  se  termine  au  nord-est  par  la  pointe 
de  Barfleur,  au  nord-ouest  par  le  cap  de  la  Hague. 
Lntre  les  deux  se  creuse  la  rade  de  Cherbourg, 
abritée  par  une  digue  dont  la  construction  a  exigé 
ai  longs  et  coîiteux  travaux. 

Peu  de  mers  sont  parcourues  par  des  courants 
aussi  violents  et  semées  d'autant  d'écueils  que  la 
partie  de  la  Manche  séparant  le  Cotentin  des  îles 
anglo-normandes.  C'est  là  qu'on  trouve,  entre  les 
îles  de  Jersey  et  de  Guernesey,  le  passage  nommé  de 
il  Déroute.  Ces  rivages  du  Cotentin  n'offrent  qu'un 
petit  nombre  de  ports  ;  le  principal  est  celui  de 
Granville.  Au  sud-ouest  du  Cotentin  s'ouvre  la  baie 
du  Mo7it  Saint-Michel,  dont  les  immenses  grèves  se 
découvrent  au  loin  à  la  marée  basse,  tandis  que 
les  flots  battent  de  toutes  parts  à  marée  haute  les 
murs  de  l'abbaye -forteresse.  A  ^cue^t  de  cette 
baie,  Cancale  est  connu  par  ses  pêcheries  d'huîtres. 
Le  rivage  de  la  Bretagne,  découpé  de  nombreuses 
sinuosités,  se  dirige  à  l'ouest.  Les  grandes  plages 
de  sable,  dominées  par  des  roches  granitiques, 
bordées  de  nombreux  écueils  que  les  flots  ont 
détachés  du  continent,  constituent  les  principaux 
caractères  de  cette  côte.  Là  débouche  la  Rance. 
entre  les  ports  de  Saint-Malo  et  de  Saint- Servan,  à 
l'est,  et  les  bains  de  Dinaid.  à  l'ouest.  Puis  la  baie 
de  la  Fresnaye,  le  cap  Frchi  1,  la  baie  de  Saint-Brieuc, 
les  îles  nombreuses  qui  avoisinent  le  phare  de 
Bréhat,  les  estuaires  des  rivières  de  Tréguier,  de 
Lannion,  forment  les  principaux  accidents  des 
C6tes-du-Nord. 

Le  Finistère  n'est  pas  moins  découpé.  Du  côté 
de  la  Manche,  on  y  remarque  le   débouché  de  la 
rivière  de  Morlaix,  Saint-Pol  de  Léon  et   Roscoff, 
puis  les  nombreux  havres  ou  ports  qui   ont  gardé 
les   vieux   noms  bretons   d'Aber-Vrach,  Aber- Be- 
noît, j 
Il  y  a  1200  kilom  êtres  environ,  mesurés  le  long  ; 
de   la  côte,    depuis   la    frontière  de   la   Belgique  , 
jusqu'à  l'entrée  de  l'Aïkinlique.                                  j 
Il  y  en  a  900  depuis  ce  dernier  point  jusqu'à  la 
Bidassoa.  où  commence  le  territoire  espagnol. 


'  U Atlantique.  —  Le  Finistère  forme  du  côté  de 
l'Océan  deux  péninsules  remarquables  :  au  nord, 
celle  de  YArmorique,  terminée  par  la  poi/i^e  Saint- 
Mathi'u;  au  sud,  celle  de  Curnouailles,  dont  la 
pointe  du  Raz  est  le  point  le  plus  avancé  vers  l'oc- 

•  cident.  L'île  d'Ouessa?it,  séparée  du  continent  par 
le  passage  du  Four,  qui  est  semé  d'îlots  et 
d'écueils,  prolonge  au  large  la  péninsule  armori- 

I  caine.  L'île  de  Sein,  l'ancien  .«éjour  des  druidesses 

]  chnrgées  par  leurs  prières  et  leurs  sacrifices  de 
calmer  les  flots  en  furie,  forme  de  même  une  vigie 
avancée  de  la  pointe  du  Raz.  Entre  les  deux  pointes 
de  Saint-Maihieu  et  du  Raz  s'étend  le  golfe  de 
Ylroise,  qui  aboutit  à  la  rade  de  Brest  et  à  la  baie 
de  Duuarnt'Tiez,  séparées  l'une  de  l'autre  par  la 
presqu'île  de  Crozon. 

La  rade  de  Brest,  dont  l'entrée  étroite  ou  goulet 
est  hérissée  de  forls,    fornip  un   des    plus    beaux 

j  ports  du  monde.  Après  Toulon,  c'est  le  plus  grand 
arsenal  militaire  de  la  France.  Là  débouchent  la 
Penfeld,  bordée  d'établissements  de  la  marine, 
l'Elorn  ou  rivière  de  Landerneau,  l'Aulne  qui  vient 

I  de  Châteaulin. 

I  La  baie  de  Douarnenez,  très  pittoresque  avec 
ses  roches,  ses  grèves,  ses  douze  cents  hameaux 

!  de  pêcheurs,  ses  eaux  constamment  sillonnées  par 

!  les   bateaux  qui  y   poursuivent  la   sardine,  a  été 

j  comparée  à  la  baie  de  Naples. 

La  baie  d'Audiei  ne,  qui  borde  la  presqu'île  de 

!  Cornouailles  au  sud-ouest,  entre  la  pointe  du  Raz 

[  et  la  pointe  de  Penmarch,  est  constamment 
battue  par  les  flots.  C'est  près  de  la  pointe  du  Raz 
qu'on  trouve  la  petite  baie  justement  nommée  baie 
des  Trépassés. 

A  la  pointe  de  Penmarch,  le  rivage  se  recourbe 
à  l'ouest.  Les  îlots  de  Glenans  couvrent  le  dé- 
bouché de  l'Odet,  rivière  de  Qnimpcr,  et  la  baie 
de  la  Forest  avec  Concarneau,  dont  les  habitants 
se  livrent  à  la  pèche  de  la  sardine  et  ont  de  su- 
perbes parcs  à  poissons.  Plus  loin,  l'île  de  Groix 
défend  l'entrée  du  Blavet,  sur  lequel  est  Lorient, 
préfecture  maritime  avec  son  annexe  Port-Louis. 
Après  le  çolfe  profond  et  étroit  de  ÏEtel,  le  rivage- 
projette  la  presqu'île  de  Quibei  on,  qui  rappelle  un 
triste  épisode  des  guerres  de  Vendée  et  semble 
donner  la  main  à  la  grande  île  de  Belle-Ile,  qui  la 
prolonge  au  sud.  A  l'est  de  Quiberon  s'ouvre  la 
rivière  d'Auray,  puis  le  golfe  du  Morbihan,  rempli 
de  parcs  aux  huîtres  et  que  la  presqu'île  de  Buiz 
sépare  de  l'esiuaire  de  la  Vilaine.  Entre  Belle-Ile 
et  la  Vilaine,  s'élèvent  les  îles  de  Houat  et  Haédic. 
La  côte  descend  au  sud  jusqu'à  la  pointe  du 
Croisic,  qui  limite  au  nord  le  chenal  de  la  Loire. 
Là  s'étendent  les  salines  du  Croisic  et  du  Pouli- 
guen,  et  plus  à  l'est  s'ouvre  le  port  de  Saint-Na- 
zaire,  l'avant-port  de  Nantes.  La  pointe  de  Sai>it- 
Gildas  limite  au  sud  l'estuaire  de  la  Loire  et  le 
sépare  de  la  baie  de  Bowgieuf.  Celle-ci  est  abritée 
du  large  par  l'île  de  Noirmoutiers,  qui  n'est  séparée 
du  continent  que  par  un  goulet  étroit  et  assez 
peu  profond  pour  être  passé  à  sec  à  marée  basse. 
La  côte  sablonneuse  de  la  Vendée  court  directe- 
ment au  sud-ouest.  En  face  d'elle  s'élève  l'ile 
à'Yeu.  Les  alluvions  et  plutôt  encore  le  soulève- 
ment du  sol  ont  comblé  peu  à  peu  l'ancien  golfe 
de  Poitou,  dont  l'anse  de  Y  Aiguillon,  où  débouche 
la  Sèvre  niortaise,  forme  aujourd'hui  le  dernier 
reste.  A  partir  de  cette  baie,  le  rivage  français 
descend  directement  au  sud  jusqu'à  l'embouchure 
de  la  Bidassoa.  Devant  la  côte  de  la  Charente-In- 
férieure s'étendent  les  deux  grandes  îles  de  Ré  et 
à'Ulénm.  Le  Pertuis  breton  sépare  la  première  du 
port  de  la  Rochelle. 

Le  Permis  d'Antioche  passe  entre  les  deux  îles 
et  conduit  à  l'embouchure  de  la  Charer.te,  dont 
l'îlot  à'Aix  défend  l'entrée.  Entre  l'île  d'Oléron  et 
Marennes,  le  Pertuis  de  Maumussoti  est  parcouru 
par  des  courants  violents. 


FRANCE 


—  810  — 


FRANCE 


La  pointe  de  la  Coubrp,  au  nord,  la  pointe  de 
Grave,  au  sud,  limitent  l'estuaire  de  la  Gironde,  ! 
dont  la  Tour  de  Cordouan  éclaire  au  loin  le  chenal 
d'entrée.  A  partir  de  la  pointe  de  Grave  commence 
le  rivage  des  Landes,  couvert  de  dunes  sablon- 
neuses qui  reculeraient  incessamment  devant  les 
flots  et  empiéteraient  sur  le  continent,  sans  l'-s 
plantations  de  pins  maritimes  avec  lesquelles  on 
est  parvenu  à  les  fixer.  Derrière  ces  dunes,  les  eaux 
se  ramassent  en  étangs  que  d'étroits  canaux  dé- 
versent ensuite  à  travers  les  dunes  dans  l'Océan. 
'Vétanq  de  Carcans  et  celui  de  Locannu  sont  au 
nord  du  bassin  d'Arcachon,  qui  communique  avec 
l'Océan  par  un  chenal  maritime.  Ce  bassin  est 
bordé  de  parcs  pour  élever  les  huîtres,  et  les  fo- 
rêts de  pins,  dont  il  est  entouré,  en  rendent  le 
séjour  très  sain  pour  les  malades  en  hiver,  et 
oflrent  des  ombrages  en  été  aux  étrangers  qui  y 
viennent  prendre  des  bains  de  mer.  Au  sud  d'Ar- 
cachon sont  les  étangs  de  Cazau,  de  Biicarosse, 
^' Aureilhan  et  quelques  autres  plus  petits. 

Aucun  port  ne  s'ouvre  sur  cette  côte  des  Landes 
battue  par  les  vents  violents  du  golfe  de  Gasco^/ne. 
Le  Vieux-Boucau  a  servi  d'embouchure  à  l'Adour 
pendant  trois  cents  ans,  avant  que  les  travaux  de 
Louis  de  Foix  l'eussent  rejeté  dans  son  lit  actuel,  h 
la  fin  du  XVI'  siècle.  Avant  de  suivre  le  chenal  du 
Vieux-Ecucau,  l'Adour  débouchait  plus  au  sud  dans 
la  fosse  du  Cap  Hreton,  dont  les  eaux  profnndes 
ofi'rent  encore  un  bon  abri  aux  navires,  à  une 
dizaine  de  kilomètres  au  nord  de  l'embouchure 
actuelle.  Au  sud  de  cette  dernière,  le  rivage  fran- 
çais se  relève  avec  les  rochers  de  Biarritz,  et  se 
recourbe  au  sud-ouest  à  partir  de  Saint-Jean-de- 
Luz  pour  finir  sur  la  rive  droite  de  la  Bidassoa. 

La  Méditerranée.  —  Le  rivage  français  sur  la 
Méditerranée  a  ()25  kilomètres  de  développement. 
Entre  les  Pyrénées  et  les  Bouches-du-Rhùne,  il 
«st  caractérisé  par  des  cordons  snblonneux  de  peu 
de  largeur,  qui  séparent  de  la  Méditerranée  dos 
-étangs  salés,  et  que  les  courants  y  ont  déposés  en 
courbes  régulières,  de  manière  à  faire  empiéter 
progressivement  le  rivage  sur  les  flots.  L'étang  de 
Saint-Nazaire,  entre  le  Tech  et  la  Tet,  ceux  de 
Levcate  et  de  Sijean,  entre  l'Agly  et  l'Aude,  ceux 
■de  Thau,  de  Mngiielonne,  de  Maw/uio,  entre 
l'Hérault  et  la  branche  occidentale  du  Rhône,  sont 
les  principaux  de  ces  étangs,  qui  communiquent 
avec  la  mer  par  des  graus  ou  étroits  passages.  La 
ville  de  Narbonne  communique  par  le  canal  de  la 
Robine,  qui  traverse  l'étang  de  Sijean,  avec  le 
port  de  la  Nouvelle.  Entre  l'Aude  et  l'Hérault, 
î'Orb  débouche  dans  la  mer  en  dessous  de  Béziers. 
La  miintagne  volcanique  d'Agde  se  dresse  à  l'em- 
bouchure de  l'Hérault.  Le  cordon  littoral  qui  sé- 
pare l'étang  de  Thau  de  la  Méditerranée  porte  le 
chemin  de  fer  du  Midi  et  la  ville  de  Cette,  qui 
forme  le  port  français  de  la  Méditerranée  le  plus 
commerçant  après  Marseille. 

Toute  cette  région  éprouve  un  soulèvement  gé- 
néral, et  telle  ville  qui  fut  autrefois  un  port  actif, 
comme  Narbonne  sous  les  Romains  ou  Aigues- 
Morte  au  temps  de  Saint-Louis  et  des  croisades,  se 
trouve  maintenant  à  plusieurs  kilomètres  à  l'in- 
térieur  des  terres. 

Entre  les  deux  grandes  branches  du  Rhône,  Vile 
de  la  Camargue  est  en  grande  partie  occupée  jiar 
les  étangs  ou  des  pâturages  marécageux  et  salés. 
La  population  s'enfuit  de  ce  séjour  hanté  par 
la  fièvre,  et  dont  le  sol  est  encore  trop  salé 
pour  produire  de  riches  récoltes.  A  l'est  du 
tirand  Rhône,  le  golfe  de  Fos,  aux  eaux  profondes 
et  tranquilles,  reçoit  le  canal  Saint-Louis,  qui  se 
joint  au  fleuve  en  amont  de  la  barre.  Le  rivage 
redevient  montueux  au  cap  Couronne ,  se  re- 
courbe du  nord  au  sud  devant  la  rade  de  Marseille^ 
•que  les  îlots  du  château  d'If,  de  Pomègue  et  Ra- 
tonneau  abritent  contre  les  vents  de  l'ouest,  puis 


tourne  à  l'est  et  au  nord-est  en  formant  plusieurs 
promontoires  escarpés.  Au  pied  du  bec  de  l'Aigle 
s'ouvre  le  port  de  la  Ciotat.  Derrière  le  cap  Si-ié 
s'étend  la  rade  de  Toulon,  notre  premier  port  mi- 
litaire, avec  la  Seyne  et  ses  grands  établissements 
de  constructions  maritimes.  La  rade  d'ilypres  est 
enveloppée  par  la  presqu'île  de  Giens,  à  l'ouest, 
les  îles  Porquerolles,  Port-Crns  et  du  Levant,  au 
sud,  dont  l'ensemble  forme  les  iles  d'Hyéres.  Au 
pied  des  montagnes  des  Maures,  le  petit  golfe  de 
Saird-Tropez  est  fréquenté  par  les  pêcheurs  de 
corail,  de  thon  et  d'anchois.  A  l'embouchure  de 
l'Argens,  le  golfe  de  Fréjus  était  la  station  princi- 
pale de  la  flotte  romaine  sur  les  côtes  de  la  Gaule. 
Aujourd'hui  la  ville  est  à  i  kilom.  dans  l'intérieur 
des  terres.  C'est  plus  loin,  autour  de  Nice,  que  la 
foule  se  porte  de  nos  jours  pour  trouver  un  séjour 
d'hiver  favorisé  par  un  doux  climat,  un  ciel  serein, 
des  paysages  riants  et  embaumés  par  une  végéta- 
tion luxuriante.  Cannes,  sur  le  golfe  de  la  Na/'Oute, 
vis-à-vi?  des  f/e*  de  L^rins.  le  golfe  Jnunn,  où  dé- 
barqua Napoléon  revenant  de  l'île  d'Elbe,  Antibes, 
ne  semblent  former  qu'une  seule  rue  bordant  le 
littoral  d'une  suite  ininterrompue  de  villas  et 
d'hôtels.  A  l'est  du  Var,  qui  marquait  la  frontière 
française  jusqu'en  18G0,  Nice  est  à  la  fois  une 
grande  ville  commerçante  et  le  séjour  préféré  des 
Anglais.  Villefranche  a  une  rade  profonde  où 
stationnent  généralement  des  navires  de  guerre 
étrangers.  Monaco,  qui  forme  enclave  dans  le  ter- 
ritoire français,  attire  les  étrangers  par  sa  maison 
de  jeu  et  ses  fêtes,  qui  constituent  le  principal 
revenu  du  souverain  de  cet  Etat  minuscule.  Enfin 
Menton,  que  la  France  lui  a  acheté  en  18()0,  est 
tout  entouré  de  bosquets  de  citronniers,  des  fruits 
desquels  on  fait  un  commerce  immense,  et  offre 
aux  malades  le  climat  le  plus  doux  peut-être  de  tout 
le  littoral. 

l'"R0NTii:RES  DE  TERRE.  —  Lps  Pyrénécs.  —  Au  sud, 
la  frontière  qui  .'^épare  la  France  de  l'Espagne  sur 
une  longueur  d'environ  ô7(i  kilomètres,  commence 
1  par  suivre    la    Bidassoa;   puis   s'appuyant  sur  la 
montagne  de  la  Rhune,  au  sud  de  Saint-Jean-de- 
Luz,  elle  décrit  une  grande  courbe  entre  1 1  Bidas- 
soa et  la  Nive,  avant  de  rejoindre  la  haute  chaîne 
des  Pyrénées  occidentales.  Elle  suit,  à  très  peu  de 
chose    près,  la  ciète  de  cette   chaîne  jusqu'au  pic 
de    Néthou,    puis    tourne     au  nord  entre  le    val 
d'Aran    et  la  vallée  de  Luclîon,  traverse  la  Garonne 
au  Pont-du-Roi,  et  suit  dès  lors  la  chaîne  des  Py- 
rénées orientales.  A  la  limite  des  départements  de 
l'Aiiège  et  des  Pyrénées-Orientales  et  du  Val  d'.\n- 
dorre,  la   frontière  descend   au  sud  dans  la  vallée 
de  la  Sègrc  et  donne  ainsi  h  la  France  une  partie 
du  versant  espagnol  de  la  Cerdagne.  Par  contre, 
I  le  teri'itoire  espagnol  de  Livia  est  entièrement  en- 
j  clavc  dans  le  département  français  des  Pyrénées- 
'  Orientales.  Le  fort  de  Mont^ouis,  dans  la  haute  val- 
j  iée  (lu  Tet,  défend  le  passage  du  col  de  la  Perche 
'  parcouru  par  la  route  de  Perpignan  â  Lerida  A  l'est 
I  de  la  vallée  de  la  Sègre,  les  Albères  forment  la  fron- 
tière  naturelle  jusqu'au  cap  Cerbère,  sur  la  Mé- 
diterranée. 

Le  Val  d'Andorre  forme  une  république  indé- 
pendante enclavée  entre  la  France  et  l'Espagne. 
Tout  entouré  de  hautes  montagnes,  ce  pays  est 
arrosé  par  la  Balire,  tributaire  de  l'Ebre  par  la 
Sègre.  .'^a  superficie  est  de  GnO  kilomètres  carrés, 
sa  population  de  lO  â  VI  000  habitants.  Les  pâtura- 
ges, du  minerai  de  fer  et  des  eaux  thermales  consti- 
tuent, avec  la  cotitrebande,  toutes  les  ressources 
des  habitants,  que  leur  constitution  place  depuis 
plusieurs  siècles  sous  la  suzeraineté  collective  du 
gouvernement  français  et  de  l'évêque  espagnol 
d'Urgel. 

Les  Alpes.  —  Au  sud-ouest,  depuis  Menton  jus 
qu'à  un  point  de  la  grande  chaîne  des  Alpes  voi- 
sin de  la  source  de  la  Vésubie,  tributaire  du  Var 


FRANCE 


811  — 


FRANCE 


la  frontière  séparant  la  France  de  l'Italie  traverse 
suivant  une  ligne  de  convention  les  montagnes  et 
les  vallées  qui  servent  de  contreforts  au  grand 
massif  alpin.  Depuis  là  jusqu'au  mont  Blanc,  la 
frontière  suit  constamment  la  crête,  décrite  à  l'ar- 
ticle Alpes,  qui  sépare  les  affluents  du  Pô,  à  l'est, 
de  ceux  du  Rhône,  à  l'ouest.  A  partir  du  mont  Blanc, 
la  frontière,  entre  la  France  et  le  Valais  suisse, 
suit  la  crête  qui  sépare  les  affluents  directs  du 
Rhône,  à  l'est,  et  ceux  de  la  Dranse  de  Thonon,  ou 
de  l'Arve,  à  l'ouest.  Elle  tombe  sur  le  lac  de  Genève 
à  Saint-Gingolph,  passe  par  Evian,  Thonon,  Yvoire, 
puis  enveloppe  le  canton  de  Genève,  traverse  le 
Rhône,  et  va  gagner  le  Jura,  entre  Saint-Claude 
(Jura)  et  Nyon  (canton  de  Vaud).  La  frontière  dite 
des  Alpes  a  720  kilomètres  entre  Menton  et  Ge- 
nève. 

Le  Jura.  —  La  frontière  du  Jura  a  290  kilomè- 
tres environ  entre  Genève  et  Belfort.  Elle  suit 
le  Haut  Jura,  puis  le  cours  du  Doubs,  entre  les  dé- 
partements du  Jura  et  du  Doubs  et  les  cantons  de 
Vaud,  Neuchâtel  et  Berne,  laisse  le  Doubs  décrire 
le  coude  de  Sainte-Drsanne  en  territoire  suisse, 
passe  entre  Montbéliard  et  Porrentruy,  traverse  la 
trouée  de  Belfort  entre  le  bassin  du  Doubs  et  i 
celui  du  Rhin,  et  atteint  les  Vosges  au  Ballon 
d'Alsace.  j 

Les  Vosges  et  la  frontière  du  nord-est.  —  La 
limite  entre  la  France  et  l'Alsace,  depuis  1871, 
suit  la  crête  des  Vosges  jusqu'au  mont  Donon  sur 
une  longueur  de  150  kilomètres,  puis  tourne  au 
nord-ouest  entre  la  Sarre  et  la  Vesouze,  affluent 
droit  de  la  Meurthe.  Elle  traverse,  à  Avricourt,  le 
chemin  de  fer  de  Paris  à  Strasbourg,  gagne  la  Seille, 
passe  sur  la  rive  gauche  de  la  Moselle,  tourne  au 
nord,  entre  Metz  et  Briey,  et  atteint  le  territoire 
du  Luxembourg,  près  de  la  source  de  l'Alzette.  11 
y  a  '2'lh  kilomètres  entre  le  mont  Donon  et  la  fron- 
tière du  Luxembourg.  La  France  ne  touche  le 
Grand  Duché  que  sur  13  kilomètres. 

Près  de  Longwy  commence  la  frontière  belge,  qui 
se  continue  jusqu'à  Dunkerque  sur  une  longueur  de 
550  kilomètres  et  qui  est  toute  de  convention,  cou- 
pant les  cours  d'eau  et  les  plateaux  au  lieu  de  s'y 
appuyer.  C'est  pour  défendre  la  France  de  ce  côté 
qu'on  a  élevé  les  places  fortes  de  Montmédy,  sur 
le  Chiers;  Sedan  (aujourd'hui  démantelé),  Mezières 
et  Givet,  sur  la  Meuse  ;  Rocroy.  sur  le  plateau  des 
Ardennes  ;  Maubeuge  et  Landrccies,  sur  la  Sambre  ; 
Cambrai,  Bouchain,  Valenciennes  et  Condé,  sur 
l'Escaut  ;  le  Qucsnoy,  entre  ces  deux  cours  d'eau  ; 
Lille,  sur  la  Deule  ;  Douai  et  Arras,  sur  la  Scarpe  ; 
Aire  et  Saint-Venant,  sur  la  Lys  ;  Bergues,  Dun- 
kerque, Calais  et  Gravelines,  près  de  la  mer,  qui 
ont  eu  à  subir  tant  de  sièges  et  ont  vu  tant  de 
combats  livrés  sous  leurs  murs. 

V.  Climat.  —  Les  vents.  —  Située  à  égale  distance 
du  pôle  et  de  l'équateur,  la  France  est  soumise  à  la 
double  influence  des  vents  échauffés  dans  la  région 
cquatoriale  etdes vents  glacésdupôle.Les  premiers, 
s'élevantà  cause  de  leur  température,  tendentà  être 
remplacés  par  les  vents  froids  que  leur  plus  grande 
densité  rapproche  de  la  terre.  Mais  en  s'éloignant 
vers  le  iiord.les  vents  du  sud  conservent  la  vitesse  de 
rotation  du  globe  à  l'équateur  dans  le  sens  de  l'ouest 
à  l'est,  plus  rapide  que  celle  des  parallèles  plus 
septentrionaux.  Ils  s'inclinent  donc  vers  l'est.  Par 
contre,  les  vents  polaires  s'inclinent  à  l'ouest.  Notre 
pays  est  donc  normalement  soumis  à  un  double 
■courant  de  vents  chauds  venant  du  sud-ouest- et  de 
vents  froids  venant  du  nord-est.  Mais  cette  régu- 
larité est  singulièrement  troublée  par  une  foule  de 
circonstances  locales,  les  obstacles  qu'opposent  les 
montagnes  au  passage  des  vents,  et  les  difiTérentes 
modifications  qu'apportent  à  la  température  d'un 
lieu  et  à  la  circulation  de  l'air,  l'altitude,  l'exposi- 
tion, le  voisinage  de  la  mer  ou  des  montagnes 
chargées  de  glaciers.  Dans  toute  la  partie  occiden- 


tale de  la  France,  les  vents  de  l'ouest  et  du  sud 
ouest  l'emportent  en  fréquence  sur  les  vents  du 
nord-est.  Les  premiers,  pompant  sur  l'Atlantique 
de  grandes  masses  de  vapeurs,  viennent  se  conden- 
ser à  leur  arrivée  sur  nos  côtes,  plus  froides  que 
les  régions  dont  ils  sont  issus.  Ils  nous  amènent  la 
pluie,  tandis  que  les  vents  du  nerd-est  sont  froids 
et  desséchants.  Les  vents  du  sud-ouest  perdent  de 
leur  humidité  à  mesure  qu'ils  s'éloignent  de  la 
mer,  et  donnent  de  moins  en  moins  de  pluie; 
toutefois,  à  la  rencontre  des  montagnes  encore  plus 
froides  que  nos  côtes,  ils  éprouvent  une  nouvelle 
condensation  et  c'est  là  que  le  sol  est  le  plus  for- 
tement arrosé. 

Les  pluies.  —  La  moyenne  de  la  pluie  en  France 
est  de  80  centimètres  par  an.  C'est  ce  que  re- 
çoivent les  Landes,  par  exemple.  La  quantité  d'eau 
de  pluie  n'est  plus  que  de  50  à  GO  centimètres 
dans  le  bassin  moyen  de  la  Loire  et  de  la  Seine 
plus  éloigné  de  l'Océan,  de  40  à  50  centimètres 
dans  la  Champagne  Pouilleuse,  qui  est  la  région  la 
moins  arrosée  de  la  France.  Dans  les  Pyrénées, 
au  contraire,  il  tombe  1™,50,  l'",80,  et  jusqu'à 
2  mètres  sur  certains  points  des  Cévennes. 

Le  bassin  du  Rhône.  —  Dans  le  bassin  du  Rhône, 
à  l'est  de  ces  dernières  montagnes,  le  régime  des 
vents  change.  Le  mistral,  qui  se  glace  sur  leurs 
Sommets,  souffle  avec  violence  du  nord-ouest  sur 
le  Comtat  et  les  Bouches-du-Rhône  pendant  une 
grande  partie  de  l'année.  Cette  région  reçoit  aussi 
du  nord-est  les  vents  froids  des  Alpes,  et,  en  sens 
inverse,  le  vent  brûlant  qui  apporte  le  sable  du 
Sahara  par-dessus  la  Méditerranée,  le  sirocco. 

Saison  des  pluies.  —  La  saison  des  pluies  varie 
aussi  dans  les  différentes  régions.  C'est  pendant 
l'hiver  qu'il  pleut  en  abondance  sur  les  côtes  de 
l'Atlantique.  L'est  et  le  centre  de  la  France  re- 
çoivent de  la  pluie  au  printemps  et  en  été,  tandis 
que  dans  le  midi  il  ne  pleut  généralement  pas  avant 
l'automne,  sauf  dans  les  régions  montagneuses. 

Les  températures.  —  La  température  moyenne 
de  la  France  est  de  11"  centigrades.  La  diagonale 
(iui  traverse  la  France  depuis  Nice  jusqu'à  la  baie 
d'Isigny  la  partage  en  deux  parties  :  au  nord- est, 
une  région  plus  froide  que  la  moyenne;  au  sud- 
ouest,  une  région  plus  chaude.  C'est  principalement 
à  cause  de  l'influence  de  l'Océan  et  du  Gtdf  Stream 
qui  en  réchauffe  les  eaux,  que  dans  l'ouest  de  la 
France  la  température  moyenne  est  plus  élevée 
que  dans  l'est  à  latitude  égale.  Les  lignes  iso- 
tliermes  descendent  ainsi  vers  le  sud,  de  l'ouest  à 
l'est,  d'autant  plus  fortement  qu'elles  se  rappro- 
chent d'un  massif  de  montagnes  refroidissant  la 
température,  s'élèvent  au  contraire  vers  le  nord 
dans  la  vallée  de  la  Loire  ouverte  aux  vents 
d'ouest,  et  dans  celle  de  la  Saône  tournée  vers  la 
Méditerranée. 

On  sait  que  la  température  d'un  pays  s'élève 
quand  on  avance  vers  le  sud,  à  cause  de  l'incli- 
naison moins  forte  sous  laquelle  le  soleil  échauffe 
le  sol.  Mais  elle  diminue  à  mesure  qu'on  s'élève 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  On  a  calculé 
qu'une  augmentation  de  140  mètres  dans  l'altitude 
correspond  dans  notre  pays  à  un  rapprochement 
de  1°  vers  le  pôle,  comme  cause  diminuant  la  tem- 
pérature moyenne.  Tandis  qu'au  pied  du  mont 
Venioux  l'olivier  mûrit  ses  fruits  dans  les  plaines 
du  Comtat,  le  sommet,  à  190i)  m.  d'altitude,  ne 
porte  plus  que  les  herbes  de  la  Finlande. 

Les  points  de  la  France  où  la  température 
moyenne  s'élève  le  plus  sont  les  environs  de  Nice, 
placés  en  espalier  sur  le  bord  de  la  Méditerranée 
et  abrités  des  vents  du  nord  par  les  Alpes.  Les 
régions  les  plus  froides  (en  dehors  des  montagnes) 
sont  en  Lorraine,  loin- de  l'influence  de  la  mer. 

Ce  ne  sont  pas  les  points  soumis  à  des  hivers 
également  rigoureux  et  à  des  étés  également 
chauds,  qui  offrent  la  même  température  moyenne. 


FRANCE 


—  812  — 


FRANCE 


La  ligne  isochimène  moyenne,  qui  passe  par  tous 
los  points  où  la  température  moyenne  de  liiiver  est 
aussi  la  moyenne  de  l'iiiver  de  toute  la  France 
(_|-  G»  centigrades),  est  beaucoup  plus  inclinée  sur 
L's  parallèles  que  la  ligne  isotherme  moyenne.  Au 
lieu  d'aller  d'Isigny  à  Nice,  elle  descend  du  Pas- 
de-Calais  vers  Caen,  passe  entre  Blois  et  Orléans, 
descend  au  sud,  en  laissant  au  nord-est  le  massif 
central,  coupe  la  vallée  du  Rhône  en  dessous  de 
Lj'on  et  gagne  la  Casse  Provence. 

La  ligne  isolhère  moyenne,  au  contraire,  qui 
passe  par  les  points  où  la  température  moyenne 
de  l'été  (-|-  18°)  correspond  à  la  moyenne  de  toute 
la  France,  suit  à  pou  de  chose  près  le  parallèle 
qui  va  de  l'embouchure  de  la  Loire  à  Bâle,  en 
laissant  au  nord  la  Sologne,  refroidie  par  ses 
étangs,  et  le  Morvan,  refroidi  par  son  altitude  et 
ses  forêts. 

Division  de  la  France  en  pégions  climatérioues. 
—  C'est  d'après  le  régime  des  vents,  des  pluies, 
d'après  la  distribution  et  le  degré  des  températures 
qu'on  a  partagé  la  France  en  sept  climats  différents. 

Climat  armoricain. — Le  climat  armoricain  com- 
prend la  Bretagne,  dont  il  porte  le  nom,  la  \orman 


vents  y  sont  violents  et  y  amènent  de  la  pluie 
pendant  l'automne  sur  le  versant  occidental,  pen- 
dant l'été  sur  le  versant  septentrional. 

Zo'ies  rie  l'iiranger,  de  l'olivier,  du  mais,  de  la 
vigne.  —  On  peut  également  partager  la  France 
en  zones  susceptibles  de  produire  telle  ou  telle 
plante.  Au  midi  la  zone  de  l'oranger,  où  les  oran- 
ges et  les  citrons  mûrissent  en  pleine  terre,  ne 
comprend  qu'une  étroite  bande  de  littoral  autour 
de  Perpignan  à  l'ouest,  d'Hyères  et  de  Menton, 
à  l'est  du  Rhône. 

L'olivier  ne  produit  également  de  fruits  qu'à  une 
petite  distance  de  la  Méditerranée.  Les  Corbières 
et  les  Cévennes  limitent  à  l'ouest  et  au  nord-ouest 
cette  zone,  qui  remonte  la  vallée  du  Rhône  jusqu'à 
Viviers  et  Donzère,  celle  de  la  Durance  jusque 
vers  Sisteron,  et  suit  le  pied  des  Alpes. 

Le  maïs  et  la  vigne  ont  aussi  besoin  de  chaleur 
pour  venir  à  maturité.  Ces  deux  plantes,  par  con- 
séquent, craignent  le  voisinage  de  l'Océan,  qui 
modère  los  chaleurs  de  l'été  et  surtout  celles  de 
l'automne.  Aussi  la  limite  septentrionale  de  Id 
zone  du  mais,  partant  de  l'Océan  vers  l'embou- 
chure de  la  Sèvre  nantaise,  remonte-t-elle'au  nord 


die  une  petite  partie  de  la  Picardie,  le  Maine^  la  en  s'éloignant  de  la  mer.  Le  mais  mîirit  en  Tou- 
Touraine  et  l'Anjou.  Il  est  caractérisé  par  l'influence  [  raine  et  même  en  Alsace  ;  en  Franche  Comté, il  forme 
très  grande  du  voisinage  de  la  mer.  Les  pluies  y  une  des  bases  importantes  de  l'alimentation.  Le 
sont  très  fréquentes  et  occupent  près  de  la  moitié  plateau  central  est  naturellement  trop  froid  pour 
des  jours  de  l'année,  sans  tomb.^r  en  averses  con-    cette  culture. 

sidérables.  Les  froids  de  l'hiver  sont  modérés  par  ,  La  vigne  s'étend  plus  au  nord  que  le  mais.  On 
l'influence  de  l'Océan,  et  des  plantes  délicates,  qui  n'en  trouve  pas  en  Bretagne,  au  nord  de  l'embou- 
ne  sauraient  supporter  la  gelée,  y  poussent  en  '  chure  de  la  Loire;  mais  il  y  en  a  au  nord  de  Paris 
pleine  terre.  Les  chaleurs  de  l'été  ne  sont  pas  trop    jusque  sur  la  montagne  de  Laon,   en  Champagne 


fortes.  Cette  région  renferme  les  plus  beaux  lier 
bages  naturels  de  la  France. 

Climat  séqwmien.  —  Le  climat  séquanien,  qui 
comprend  le  bassin  de  la  Seine  en  amont  de 
Rouen,  la  Picardie,  la  Flandre  et  l'Artois,  et  une 
partie  de  la  Champagne,  a  des  hivers  plus  rigou- 
reux, des  étés  plus  chauds  que  la  région  armo- 
ricaine. 

Climat  vosgien.  —  A  l'est  de  la  France,  sous  le 
climat  vosgien,  il  tombe  beaucoup  de  neige  pon- 


dent les  vins  sont  renommés,  et  en  Lorraine. 
VL  Géographie  agricole.  —  Régions  agricoles. 

—  Pour  les  cmcours  agricoles,  la  France  est  par- 
tagée en  treize  régions,  où  les  départements  sont 
groupés  d'après  leur  voisinage,  leur  climat,  la  na- 
ture de  leurs  cultures  principales. 

CÉnÉALES  ET  C0LTCRLS  ANNEXES.  —  Le  froment. 

—  La  base  de  l'alimentation  en  France,  c'est  le 
blé,  dont  le  froment  constitue  l'espèce  la  plus  es- 
timée. Le  nombre  d'hectares  ensemencés  en  fro- 


dant  l'hiver,  les  étés  sont  brûlants  ;  les  v'ents  [  ment  et  le  rendement  moyen  de  cette  cultur'3  ont 
d'ouest,  déjà  desséchés  depuis  l'Océan,  n'amènent  constamment  augmenté  dans  notre  pays  depuis  le 
pas  beaucoup  de  pluies.  Mais  la  bise  du  nord-est,  !  commencement  de  ce  siècle.  La  récolte  moyenne 
en  abaissant  brusquement  la  température,  con-  1  dépasse  aujourd'hui  100  millions  d'hectolitres,  pro- 
dense l'humidité  à>:  l'atmosphère  en  pluie  pendant  duits  par  G  millions  et  demi  d'hectares.  Cette  cul- 
i'été,  en  neige  pendant  l'hiver.  ture  s'étend   sur  les  terres  riches  dans   toute  la 

Climat  ■'•h0'/anie7i.  —  Le  climat  rhodanien  corn-  France.  Mais  ce  sont  les  départements  du  Nord  et 
prend  le  bassin  du  Rhône  au-dessus  de  Viviers.  [  de  l'Aisne,  la  Beauce,  la  Brie,  le  pays  de  Caux  en 
La  température  y  est  très  variable,  suivant  que  Normandie,  l'Anjou,  la  vallée  de  la  Garonne,  la 
le  vent  souffle  du  sud,  ou  au  contraire  du  nord  Limagne  en  Auvergne  et  en  Bourbonnas,  qui 
et  des  m  niagnes.  Il  tombe  beaucoup  de  neige  et  J  offrent  à  la  fois  le  plus  d'hectares  cultivés  propor- 
de  pluie  sur  les  Alpes,  les  Cévennes,  le  Jura,  qui  tionnellement  à  leur  superficie  et  le  rendement  le 
forment    la   ceinture  du  bassin.   Les  orages  sont  '  plus  considérable. 

fréquents  aux  moments  où  se  rencontrent  des  cou- 1  Le  seigle.  —  Le  seigle  convient  aux  terres  froi- 
rants  atmosphériques  opposés.  La  végétation  est  des,  sablonneuses.  11  occupe  surtout  le  massif 
très  active  partout  où  s  étend  l'irrigation.  central  de  la  France,  à  l'inverse   du  froment.  On 

Climat  méditerra7iée?i.  — An  sud  de  cette  région,]  en  récolte  de  25  à  30  millions  d'hectolitres,  sur 
'e  climat    méditerranéen  comprend   la  Provence,    2  millions  d'hectares. 


le  Comtat  Venaissin,  la  plaine  du  bas  Languedoc 
et  du  Roussillon  Cette  région  est  caractérisée 
par  l'ardeur  du  soleil,  l'élévation  de  la  tempéra- 
ture. Malgré  la  rareté  des  jours  pluvieux,  le  sol 
reçoit  sous  forme  d'orages  une  quantité  de  pluie 
suffisante  pour  être  très  fertile. 

Llimnt  girondin.  —  Le  climat  girondin,  qui  rè- 
gne sur  les  bassins  de  la  Garonne,  de  l'Adour,  de 


Lorge.  —  L'orge  occupe  1  million  d'hectares 
dont  le  produit  s'élève  à  20  millions  d'hectolitres. 
On  le  cultive  principalement  dans  les  pays  du 
nord  et  de  l'ouest,  qui,  ne  récoltant  pas  de  vin, 
boivent  de  la  bière  ou  du  cidre.  L'orge  est  consommé 
par  los  brasseurs  ou  est  donné  aux  animaux. 
On  ne  s'en  sert  presque  plus  pour  faire  du  pain. 

Lavoine.  —  L'avoine  réussit  surtout  dans  le  nord 


la  Charente,  et  sur  le  Poitou,  est  exposé  à  l'in-  de  la  France,  où  elle  trouve  l'humidité  nécessaire 
fluence  maritime  comme  le  climat  armoricain,  à  son  développement  et  est  principalement  consom- 
i\lais  les  pluies  y  sont  généralement  moins  abon-  [  mée  par  les  chevaux.  La  récolte  totale  est  les  trois 
dantes  que  dans  celui-ci,  et  le  soleil  y  a  beaucoup  quarts  de  celle  du  froment,  soit  75  millions  d'hec- 
plus  d'ardeur.  Les  étés  y  sont  chauds.  j  tolitres  sur  3  millions  et  demi  d'hectares.  Quelques 

Chma'  central.    —  Le  plateau   central   de    la  '  ré;;ions  isolées,    comme  les   montagnes  du  Tarn, 
rrance  a  un   climat  particulier  et  plus  rude  que    produisent  aussi  beaucoup  d'avoine  avec  laquelle 
celui  des  régions  qui  l'entourent.  La  neige  y  cou-    on  élève  une  grande  quantité  de  volailles. 
vre  le  sol  pendant  plusieurs  mois  du  l'année.  Les  ,      Le  maii.  —  Le  mais  est  cultivé  en  grande  quaa- 


FRANGE 


—  813 


FRANGE 


au  pied  des  Pyrénées,  autour  de  Pau,  de  Ton- 
se  et  de  Bordeaux,  et  dans  la  Franche-Comté.  I! 


tité 
louse 

sert  à  l'alimentation  des  hommes,  à  l'engraisse- 
ment des  porcs  et  de  la  volaille.  Coupé  en  vert,  il 
donne  un  très  bon  fourrage,  qu'on  peut  même  con- 
server en  silos  pour  le  faire  consommer  pendant 
l'hiver. 

Le  sarrasin.  —  Dans  les  pays  à  sol  très  pauvre, 
mais  à  climat  humide,  comme  la  Bretagne,  le  massif 
central,  la  Sologne,  on  cultive  encore  du  sarrasin, 
dont  les  hommes  se  nourrissent,  qu'ils  donnent 
à  la  volaille,  ou  qu'ils  enfouissent  comme  engrais. 

La  p Jinme  de  terre.  —  Après  le  blé,  c'est  la 
pomme  de  terre  qui  sert  le  plus  à  l'alimentation 
des  paysans  en  France.  On  en  récolte  de  100  à 
150  millions  d'hectolitres,  dans  la  région  du  nord- 
est,  où  Epinal  est  le  principal  marché  aux  fécu- 
les de  France,  dans  le  nord,  les  départements 
qui  avoisinent  Paris  ou  Lyon,  la  vallée  de  la  Basse- 
Loire,  l'Auvergne,  le  Poitou. 

Les  légumes.  —  Les  légumes  croissent  dans  les 
terrains  naturellement  humides  ou  arrosés.  C'est 
autour  de  Paris,  où  l'approvisionnement  de  la 
ville  exige  beaucoup  de  légumes,  qu'on  trouve 
le  plus  de  maraîchers.  Ils  ont  là  de  l'engrais  en 
abondance,  et,  avec  baaucoup  de  travail,  ils  tirent 
de  leur  sol  une  masse  énorme  de  produits  qui 
se  succèdent  rapidement  les  uns  aux  autres.  Le 
long  des  côtes  humides  de  l'Océan  et  de  la 
Manche  on  cultive  aussi  beaucoup  de  légumes. 
Bordeaux  approvisionne  Paris  de  primeurs.  Xantes 
fabrique  beaucoup  de  conserves  de  légumes.  Les 
jardiniers  de  Roscofif,  dans  le  Finistère,  sont  célè- 
bres par  1'  urs  produits,  qu'ils  envoi  nt  à  Paris  ou 
en  Angleterre,  comme  on  le  fait  aussi  à  Saint-Malo, 
dans  la  Normandie,  en  Flandre  et  en  Artois. 
Soissons  dans  l'Aisne  est  connu  par  ses  haricots 
secs,  Avignon  par  ses  lentilles. 

La  bettei  aie.  —  La  betterave,  qui  sert  à  la 
nourriture  des  animaux  plus  qu'à  celle  des  hommes, 
est  principalement  cultivée  pour  la  production  du 
sucre.  Cette  fabrication,  exigeant  des  usines  consi- 
dérables, ne  s'est  encore  établie  que  dans  les  dépar- 
tements les  plus  riches  du  nord  de  la  France,  le 
Nord,  l'Aisne,  le  Pas-de-Calais,  la  Somme,  l'Oise, 
Seine-et-Marne,  Seine-et-Oise,  Seine-Inférieure. 

Les  prairies.  —  Les  bestiaux  qui  produisent  la 
viande  se  nourrissent  dans  des  pâturages.  On  dis- 
tingue les  prairies  naturelles,  où  Ihumid.té  du 
sol  est  suffisante  pour  qu'il  produise  de  l'herbe 
d'une  manière  continue,  et  les  prairies  artificielles, 
où  les  herbes  fourragères  sont  semées  pour  un 
petit  nombre  d'années  sur  une  terre  précédem- 
ment labourée. 

Les  pays  de  la  France  les  plus  riches  en  prairies 
naturelles  sont  la  Bretagne  et  la  Normandie,  où  la 
verdure  est  entretenue  par  les  brouillards  et  le 
voisinage  de  la  mer;  le  plateau  central,  arrosé  par 
les  orag  s,  les  vallées  de  la  Saône,  de  la  Loire,  de 
la  Garonne,  les  pentes  des  Pyrénées  et  du  Jura,  les 
sommets  des  Vosges,  la  Flandre  maritime  récem- 
ment conquise  sur  la  mer. 

Les  prairies  artificielles  accompagnent  les  riches 
cultures  de  la  Normandie,  de  l'Ile-de-France,  de 
la  Picardie,  de  l'Orléanais,  du  Maine,  de  l'Anjou, 
de  l'Ibère. 

On  estime  que  les  prairies  artificielles  couvrent 
2  200  000  hectares  en  France,  et  les  prairies  natu- 
relles un  peu  moins  du  double. 

Landes  et pâtii.  —  Six  mildons  d'hectares  restent 
en  outre  à  l'état  de  pâtis  ou  de  landes  fournissant 
nn  pâturage  aux  animaux,  mais  improj^res  à  être 
fauchés  pour  donner  du  fourrage.  Ou  trouve  ces 
landes,  en  partie  couvertes  de  bruyères,  dans  le 
département  français  auquel  elles  donnent  leur 
nom  ;  en  Bretagne,  dan^  les  Cévennes,  sur  les 
pontes  des  Pyrénées,  en  Sologne. 

Bétail.  —  Races  bovine^.  —  Les  vaches  et  les 


bœufs  élevés  pour  leur  laitage  ou  leur  viande  se 
distinguent  en  plusieurs  races  difTcrentes.  Pour  la 
boucherie,  ce  sont  l^s  bœufs  du  Nivernais  et  de  la 
Normandie  qui  occupent  le  premier  rang.  Les 
premiers  sont  généralement  de  race  charolaise  à 
robe  blanche.  Les  vaches  normandes  sont  meilleures 
laitières  ;  elles  fournissent  le  beurre  disigny  et  du 
Bessin,  dont  le  commerce  est  considérable,  et  celui 
de  Gournay  dans  le  pays  de  Bray  ;  les  fromages  de 
Camembert,  Livarot,  Pont-l'Evèque,  en  Basse-Nor- 
mandie, de  Neufchàtel  et  de  Gournay  dans  la 
Haute-Normandie.  La  race  flamande  fournit  aussi 
beaucoup  de  lait  et  de  beurre.  La  race  bretonne 
se  distingue  des  précédentes  par  sa  petite  taille 
et  sa  sobriété,  réunies  néanmoins  à  un  ■  grande 
puissance  laitière.  Le  beurre  de  Bretagne,  notam- 
ment celui  de  la  Prévalaye,  est  trè.s  estimé. 
La  race  rouge  de  Salers,  en  Auvergne,  les  races  li- 
mousine et  du  Mézenc,  au  pourtour  du  plateau 
central,  nai-sent  sur  les  pâturages  naturels  de  la 
montagne  et  sont  ensuite  engraissées  pour  la  bou- 
cherie dans  les  pays  plus  riches,  notamment  dan^ 
l'Anjou  où  les  bœufs  de  Cholet  sort  renommés.  Le 
fromage  du  Cantal  forme  une  grande  partie  de 
1  alimentation  des  Auvergnats.  En  Franche-Comté, 
les  vaclies,  qui  se  rapprochent  des  espèces  trapues 
de  la  Suisse,  donnent  des  from;iges  dits  de  Gruyère. 
Les  races  des  Pyrénées,  des  Vosges,  des  Ardennes 
sont  bonnes  pour  le  trait.  Dans  les  Vosges,  on 
fabrique  le  fromage  de  Gérardmer. 

Il  y  a  en  tout  Ï'I  millions  de  bètes  à  cornes  en 
France. 

Races  ovines.  —  Les  moutons  sont  deux  fois  plu5 
nombreux.  A  l'inverse  des  bœufs,  l'humidité  ne  leur 
convient  pas.  Aussi  les  élèvc-t  on  dans  les  monta- 
gnes et  sur  les  pâturages  secs  de  la  plaine,  dans  les 
plaines  de  la  Champagne,  de  llle-de  France  et  du 
Berry,  dans  le  bassin  méridional  du  Rhône,  dans 
les  Cévennes  et  au  pied  des  Pyrénées.  Au  nord  di- 
la  Loire,  on  se  nourrit  généralement  de  bœuf  comme 
viande  ue  boucherie  ;  au  midi,  c'est  le  m  >uion  qui 
domine.  On  a  introduit  en  France  des  espèces  de 
laine  fine,  des  mérinos,  pour  exploiter  l'animal  au 
point  du  vue  de  la  laine  comme  à  celui  de  la  viande. 
Mais  la  concurrence  des  laines  étrangères  fait  qu'on 
se  porte  plus  spécialement  maintenant  su  ■  les  es- 
pèces propres  à  l'engiaissemeut.  En  général,  les 
petites  races  de  Sologne  et  des  montagnes,  nourries 
sur  les  landes  ou  dans  des  pâturages  aux  herbes 
aromatiques,  fournissent  de  la  viande  plus  délicate 
que  les  grosses  races.  La  race  de  Larzac,  entre 
Millau  et  Saint-Afl'rique,  donne  du  lait  avec  lequel 
on  fabrique  le  fromage  de  Roquefort. 

L'Etat  possède  des  bergeries  modèles  destinées 
à  l'amélioration  des  races,  à  Rambouillet  et  à 
Montcavrel  (Pas-de-Calaisj,  comme  il  possède  une 
vacherie  modèle  à  Corbon  (Calvados). 

Rac-^s  porcines, —  On  élève  des  porcs  dans  toute 
la  France,  à  cause  de  la  facilité  avec  laquelle  ils  se 
nourrissent,  de  la  rapidité  de  leur  engraissement, 
de  la  nourriture  substantielle  que  leur  viande  pro- 
duit, de  l'aptitude  à  la  salaison  et  à  la  conserva- 
tion qu'elle  présente.  Il  y  a  en  France  5  millions 
de  porcs,  principalement  dans  les  pays  où  le  lait 
abonde,  la  Bretagne,  ia  Normandie,  la  Picardie,  la 
Lorraine,  le  Maine,  le  Poitou,  le  Limousin,  le  Pé- 
rigord,  le  Bourbonnais,  la  Bourgogne,  le  Lyonnais, 
le  Vivarais,  l'Albigeois. 

Les  chèvres,  —  Les  chèvres  sont  des  animaux 
de  montagnes,  mais  elles  y  commettent  de  grands 
ravages,  quand  elles  sont  trop  nombreuses.  La 
région  où  elles  abondent  le  plus  en  France  est 
autour  de  Lyon,  où  elles  fournissent  le  fromage 
estimé  i.u  Mont  Dore.  On  en  trouve  aussi  dans 
presque  tous  les  pays  pauvres,  où  il  n'y  a  pas  de 
vaches  de  petite  taille,  le  Berry,  le  Roussillon,  la 
Savoie,  le  comté  de  Nice.  Il  y  en  a  en  tout  1  ôOO  OOu 
dans  notre  pays. 


FRANCE 


—  814  — 


FRANCE 


Les  volailles.  —  Les  volailles  sont  répandues 
sur  tout  notre  territoire.  Dans  la  Flandre,  l'Artois, 
la  Picardie,  la  Normandie,  abondent  les  poules, 
dont  on  exporte  les  œufs  en  grande  quantité  pour 
l'Angleterre.  Le  Maine  et  la  Bresse  sont  renom- 
més pour  leurs  volailles  grasses  La  vallée  de  la 
Garonne,  le  Poitou,  l'Anjou,  le  Berry,  ont  des  trou- 
peaux de  dindes  et  d'oies.  Les  canards  viennent 
de  Rouen  et  de  la  vallée  de  la  Saône,  les  pigeons 
de  celle  de  la  Garonne.  C'est  avec  du  foie  gras 
d'oies  que  l'on  fabrique  les  pâtés  de  Toulouse. 

Le  miel.  —  C'est  en  Bretagne  que  l'on  récolte  le 
plus  de  miel,  mais  le  meilleur  comme  qualité 
vient  des  forêts  de  Savoie  et  du  Jura,  où  abondent 
les  sapins  ou  les  mélèzes.  Le  miel  de  Narbonne, 
celui  du  Gâtinais  (Montargis   sont  renommés. 

lioces  chevalines.  —  Les  chevaux  n'entrent  pas 
en  grande  quantité  dans  l'alimentation,  mais  ils 
servent  d'animaux  de  trait  dans  beaucoup  de  pays 
où  ,1s  offrent  sur  les  bœufs  l'avantage  ae  la  rapidité. 
Les  chevaux  s'élèvent  sur  out  dans  les  pays  d'her- 
bages. Ceux  de  la  Flandre  et  de  l'Artois,  du  Bou- 
lonnais notamment,  sont  réputés  pour  leur  force 
musculaire. 

La  Normandie  produit  des  chevaux  de  luxe  réu- 
nissant la  force  à  la  légèreté.  Le  Perche  possède 
une  race  très  remarquable,  qui  dégénère  en  dehors 
de  celte  région.  Ses  étalons  et  ses  juments  sont 
excessivement  forts  et  en  même  temps  ont  l'allure 
rapide.  Ce  sont  les  mrilleurs  chevaux  de  poste 
pour  traîner  les  diligences,  les  omnibus  et  autres 
lourds  véhicules. 

La  Bretagne  élève  sur  ses  landes  une  race  de  che- 
vaux très  sobre,  mais  de  très  petite  taille.  Dans  les 
Côtes-du-Nord,  on  trouve  en  môme  temps  des  che- 
vaux très   forts,   propres   au  service  des  omnibus. 

Les  Ardennais  sont  une  race  rustique  et  résis- 
tante, qui  est  excellente  pour  traîner  les  pièces 
d'artillerie. 

Les  races  de  Tarbes  et  du  Limousin  sont  de  pe- 
tite taille  et  de  formes  assez  fines.  On  retrouve 
dans  la  Camargue  des  petits  chevaux  infatigables 
comme  les  chevaux  arabes,  dout  ils  semblent  avoir 
du  sang. 

Sur  les  trois  millions  de  chevaux  que  possède  la 
France,  la  p'us  grande  partie  naît  et  sert  dans 
le  nord  du  pays.  Dans  le  midi  on  se  sert  surtout 
de  bœufs  ou  de  mulets. 

Les  mulets,  les  ânes.  —  Les  plus  forts  mulets 
sont  produits  dans  le  Poitou,  qui  fournit  à  l'Es- 
pagne une  partie  de  ses  attelages  de  luxe.  On 
en  élève  aussi  dans  les  Pyrénées  et  les  Alp  s.  Les 
ânes  abondent  dans  les  pays  pauvres,  à  cause  de 
leur  sobriété  et  de  leur  résistance  à  la  fatigue. 
Il  y  a  en  tout  moins  d'un  million  d'ânes  ou  de  mu- 
lets en  France. 

hépurtitio7i  du  bétail  en  France.  —  Si  l'on  veut 
juger  de  l'état  de  l'agriculture  dans  un  départe- 
ment d'après  le  nombre  d'animaux  qu'il  nourrit, 
on  constate  que  ce  sont  les  pays  voisins  de  la 
Manche  et  de  l'océan  Atlantique,  au  nord  de  la 
Loire,  qui  sont  les  plus  avancés  sous  ce  rapport. 
Ce  sont  eux  qui  ont  le  plus  d'herbages.  Et  l'en- 
grais produit  par  ces  animaux  permet  en  même 
temps  de  récolter  d'abondantes  moissons  quand  le 
sol  s'y  prête.  Les  cultivateurs  ont.  en  outre,  l'a- 
vantage, notamment  en  Bretagne,  de  recueillir  au 
bord  de  la  mer  beaucoup  de  varechs,  qui  leur 
fournissent  une  autre  sorte  d'engrais  pour  fertili- 
ser leurs  terres. 

Les  vins.  —  La  France  tire  un  énorme  produit 
de  la  vigne.  Non  seulement  le  vin  est  la  boisson  la 
plus  répandue  dans  notre  pays,  mais  c'est  aussi 
l'élément  le  plus  important  de  notre  exporta- 
tion. 

Le  Bordelais  et  la  Sainionge.  —  Les  principaux 
centres  de  production  sont  d'abord  le  Bordelais, 
où  l'on  récolte  les  vins  rouges  et  blancs  les  plus 


estimés  de  la  France,  la  Saintonge  où  l'on  brijie 
les  vins  pour  obtenir  l'eau-de-vie  de  Cognac,  l'Ar- 
magnac (Gers),  où  l'on  fabrique  aussi  beaucoup 
d'eau-de-vie. 

Le  Languedoc.  —  Dans  le  Bas-Languedoc,  le 
département  de  l'Hérault  est  celui  où  1  on  récolte 
le  plus  de  vin  de  toute  la  France.  La  vigne  y  occupe 
presque  toutes  les  terres  et  le  rendement  à  l'hec- 
tare est  en  même  temps  considérable.  Dans  l'Hé- 
rault, on  fabrique  beaucoup  d'eau-de-vie  et  d'alcool 
pour  l'industrie;  on  y  récolte,  ainsi  que  dans  le 
Gard,  l'Aude  et  les  Pyrénées-Orientales,  des  vin» 
de  consommation  directe,  ou  propres  à  être  mé- 
langés à  d'autres  vins  moins  riches  en  alcool.  Cette 
a  la  spécialité  de  fabriquer  des  vins  cuits  imitant 
ceux  de  Madère  ou  d'Espagne.  Lunel  et  Frontignan 
sont  connus  pour  leurs  vins  muscats. 

La  Bourgogîi".  —  La  Bourgogne  forme  la  troi- 
sième grande  région  viticole.  L'est  là  qu'on  trouve 
les  célèbres  vins  de  la  Côte-d'Or,  groupés  autour 
de  Beaune  et  de  Dijon,  les  vins  du  Maçonnais  et 
du  Beaujolais,  de  bonne  consommation  courante, 
et  ceux  de  l'Yonne  ou  de  Basse-Bourgogne,  de  qua- 
lité plus  commune. 

L't  Champagne.  —  La  Champagne,  au  contraire, 
ne  produit  que  des  vins  de  luxe.  Reims  et  Epernay 
fabiiquent  dans  leurs  caves  immenses  des  raillions 
de  bouteilles  de  vin  mousseux  qui  sont  exportées 
dans  le  monde  entier. 

Le  Centre  et  les  autres  rt'girms  vtticoles.  —  La 
France,  au  sud  de  la  Loire,  possède  presque  par- 
tout des  vignes.  Dans  le  centre,  l'Orléanais  produit 
des  gros  vins  dont  on  fabrique  en  partie  du  vi- 
naigre. Le  long  de  la  Loire  et  du  Cher,  on  récolte 
des  vins  dont  les  meilleurs  sont  envoyés  à  Bor- 
deaux. Ce  grand  port  d'exportation  des  vignobles 
français  attire  à  lui  les  vins  de  Touraine,  ceux  du 
Quercy  (Cahors)  et  de  Béziers,  pour  les  envoyer 
au  dehors  sous  le  nom  de  Bordeaux. 

Dans  le  Jura,  on  récolte  des  vins  dont  plusieurs 
sortes  sont  mousseuses  comme  le  Champagne.  Le 
long  du  Rhône  on  récolte  des  vins  estimés,  mais 
très  capiteux,  à  Saint-Pcray  vis-à-vis  de  Valence,  k 
l'Ermitage  vis-à-vis  de  Tournon,  à  Côte-Rôtie  vis-à- 
vis  de  Vienne.  Depuis  quelques  années  le  phyllo- 
xéra a  causé  dénormes  ravages  dans  tout  le  bassin 
du  Rhône.  Le  département  de  Vaucluse, notamment, 
où  le  fléau  a  pris  naissance,  a  été  obligé  d'arracher 
toutes  ses  vignes.  On  estime  à  2  millions  et  demi 
d'hectares  la  quantité  de  vignes  que  possède  actuel- 
lement la  France,  et  à  60  millions  d'hectolitres  leur 
production  moyenne  en  vin. 

Le  cidre.  —  Dans  les  pays  où  ne  mûrit  pas  le  rai- 
sin, on  boit  du  cidre.  La  Normanitie,  avec  ses 
vergers  de  pommiers  abrités  du  vent  de  mer  par 
des  rangées  de  hêtres  ou  d'ormes,  est  le  pays  pro- 
ducteur par  excellence  de  cette  sorte  de  boisson. 
La  Bretagne  et  la  Picardie  viennent  ensuite. 

La  bière.  —  Dans  le  Nord  on  boit  de  la  bière. 
La  Flandre  et  la  Lorraine  renferment  de  nombreuses 
brasseries,  de  même  que  Paris  et  Lyon.  Le  hou- 
blon, qui  sert  à  fabriquer  la  bière,  est  récolté  en 
Flandre,  en  Lorraine  et  en  Bourgogne. 

On  estime  à   1500  millions  de  francs  la  valeur 
moyenne  de  la  production  vinicole  de  la  France,  à 
180  millions  celle  de  la  bière,  à  100  miJions  celle 
des  eaux-de-vie  et  alcools,  à  !»o  millions  celle  du 
j  cidre.  On  fabrique   de    l'eau-de-vie    avec  du  vin, 
I  ou   du  cidre,  ou  en  distillant  des  betteraves,  de» 
I  pommes   de  terre,  des  mélasses,  résidu  de  la  fa- 
brication du  sucre. 

1  Autres  culti  res  —  Les  fruits  de  table  mûrissent 
surtout  dans  le  Midi,  qui  produit  seul  les  ormges, 
,  citrons  et  grenades,  et  qui  est  le  preiuier  à  récolter 
!  les  raisins,  les  ligues,  les  pêches,  les  abricots. 
■  L'Auvergne  produit  beaucoup  de  cerises  et  d'abri- 
cots, qui  servent  à  fabriquer  des  pâtes  de  fruits. 
,  Apt,  dans  le  Vaucluse,  a  la  spécialité  de  la  con- 


FRANGE 


815  — 


FRANCE 


fiserie  des  melons,   patates,  oranges  ou  cédrats. 
Les  amandes  vertes  ou  sèches  se  récoltent  en  Pro- 
vence. Les  pommes   et  les  poires  mûrissent  plus  , 
au  nord.  La  Touraine  et  l'Anjou  approvisionnent  ^ 
ces  bateaux  qui  arrivent  à  Paris  chargés  de  pommes  | 
au  début  de  l'hiver.  Certaines  localités.  Agen  et 
Chinon,  ont  la  spécialité  des  pruneaux.  On  en  fa- 
brique beaucoup,  ainsi  que  des  brignoles,  vn  Pro- 
vence. 1  es  noix,  qui  sont  mangées  directement  ou 
servent  à  faire  de  l'huile,  en  même  temps  que  le 
bois  des  noyers  est  recherché  en  ébénisterie,  crois-  j 
sent   surtout  en  Dauphiné  et  en  Savoie,  sur  les  j 
pentes  inférieures  des  montagnes,  eu  Périgord  et  i 
dans  tout  le  centre  de  la  France. 

Les  truffes.  —  Les  truffes,  qui  sont  uu  comes- 
tible de  luxe,  ont  une  antique  réputation  dans  le  | 
Périgord.  Mais  ce  sont  le  Vaucluse  et  les  Basses-  j 
Alpes  qui  en  récoltent  maintenant  la  plus  grande  i 
quantité,  grâce  aux  plantations  de  chênes  truffiers  , 
faites  pour  en  favoriser  le  développement.  | 

Lci  châtaignes,  —  Les  châtaignes   sont  au  con-  ( 
traire  un  aliment  très    commun.    Elles  croissent  | 
dans  des   terrains  granitiques  ou  siliceux,  sur  les  I 
montagnes  des  Cévennes  et  du  Vivarais  où  l'on  ré-  , 
coite  les  marrons  de  Lyon,  dans  le  Périgord,  le  i 
Limousin  et  l'Auvergne,  et  dane  le  Var  qui  produit 
les  marrons  du  Luc.  Comme  bo  s,  le  cliàtaignier  est 
surtout  exploité  en  taillis  pour  faire  des  cercles  de 
tonneaux,  des  échalas  de  viiines  ou  de  clôtures. 

Forêts.  —  Les  forêts  couvrent  en  France  près 
de  9  millions  d'hectares,  la  sixième  partie  de  notre 
territoire.  Elles  sont  très  étendues  dans  les  dépar- 
tements du  nord-est,  la  Lorraine,  les  Aidennes,  la 
Bourgogne,  la  Franche-Comté.  Aussi  est-ce  à  Nancy 
qu'on  a  placé  l'École  forestière.  Dans  IfS  Vosges 
elles  occupent  plus  du  tiers  du  département,  et 
les  deux  cinquièmes  de  celui  des  Landes,  où  on  a  pu 
utiliser  un  sol  rebelle  à  la  culture  par  des  plantations 
de  pins  maritimes  qui  s'opposent  à  l'envahissement 
dn  sable  de  la  mer  et  donnent  un  abondant  produit 
de  résine. 

Parmi  les  départements  très  boisés,  il  faut  encore 
citer  les  landes  du  département  de  la  Gironde, 
l'Ariège,  le  Var,  où  les  monts  des  Maures  et  de 
lEstérel  sont  couverts  de  pins. 

Le  Nivernais,  la  Basse-Bourgs  gne  et  la  Champagne 
approvisionnent  Paris  en  bois  de  chauffage,  dont 
les  bûches,  jetées  dans  les  ruisseaux  qui  descen- 
dent des  forêts,  sont  formées  plus  tard  en  trains  de 
bois  et  arrivent  à  Paris  par  la  Seine.  C'est  dans  le 
Jura  qu'on  trouve  les  plus  belles  forêts  de  sapins; 
c'est  au  contraire  dans  lOuest,  le  Poitou  et  le 
Perche  que  sy  trouvent  les  plus  beaux  chênes.  Le 
chêne-liège  ne  réussit  que  dans  lu  Midi,  et  particu- 
lièrement dans  le  Roussillon. 

En  dehors  des  grandes  régions  forestières,  on 
admire  auprès  de  Paris,  dans  la  forêt  de  Fontaine- 
bleau, des  arbres  parvenus  à  un  degré  rare  de  vé- 
tusté et  de  croissance. 

Les  forêts  de  Compiègne,  de  Villers-Cotterets, 
de  Chantilly  abritent  beaucoup  de  gibier  sous 
leurs  épais  ombrages. 

La  forêt  d'Orléans,  en  partie  défrichée,  était  la 
plus  étendue  de  France. 

Depuis  quelques  années,  on  a  commencé  en 
France  à  reboiser  des  régions  montagneuses  des 
Alpes,  des  Cévennes,  et  des  Pyrénées,  où  les  forêts 
sont  les  meilleures  défenses  contre  le  ravinement  et 
les  inondations.  On  a  aussi  planté  de  grandes 
étendues  incultes  de  la  Sologne  ou  de  la  Chanipa2;ne 
en  pins  pour  en  utiliser  le  sol  et  le  fertilis'  r  à  la 
longup. 

En  dehors  des  forêts,  on  a  en  France  de  nom- 
breuses plantations  darbres  isolés  ou  par  petits 
groupes.  Le  pays  de  Caux  produit  ainsi  les  plus 
beaux  hêtres,  qu'on  trouve  ailleurs  mélangés  aux 
sapins  dans  les  forêts  du  Jura  ou  du  Daupliiné.  Les 
peupliers,  qui  fournissent  le  bois  blanc  de  l'usage 


le  plus  répandu  en  dehors  des  régions  du  sapin' 
croissent  dans  presque  toutes  les  vallées,  le  long  de 
la  Loire  ou  de  la  Saône  notamment.  Dans  beaucoup 
de  campagnes  et  surtout  dans  l'Ouest,  les  champs 
sont  entourés  de  haies  dont  les  branches  fournis- 
sent du  bois  de  chauffage  et  de  la  feuille  sèche 
pour  les  moutons  pendant  l'hiver.  Le  chêne,  le  peu- 
plier, l'orme,  le  frêne,  le  ch;irme  conviennent  à  cet 
usage.  Ce  sont  les  essences  les  plus  répandues  sur 
notre  sol. 

Le  mûrier.  —  Il  y  a  un  arbre  dont  la  feuille 
forme  le  principal  produit:  c'est  le  mûrier,  dont  la 
feuille  verte  nourrit  le  ver  à  soie.  Il  est  localisé 
dans  le  Midi,  et  particulièrement  dans  la  vallée  du 
Rhône,  au  sud  de  Lyon. 

Les  graines  oléngineuses.  —  Nous  avons  dit  plui 
haut  quelle  était  la  région  de  l'olivier,  dont  le  fruit 
donne  l'huile  comestible  la  plus  répandue  en  France 
avec  celle  de  noix.  Les  autres  huiles,  qui  se  con- 
somment sous  le  nom  d'huile  d'olive  ou  servent 
à  l'éclairage  et  aux  autres  usages  industriels,  sont 
fournies  par  le  colza,  la  navette,  ou  l'oeillette. 

Le  colza  est  cultivé  surtout  en  Normandie,  dans  le 
Calvados,  l'Eure  et  la  Seine-Inférieure,  dans  la 
Picardie,  l'Artois,  la  Flandre  et  le  département  de 
l'Aisne.  On  en  récolte  aussi  autour  de  Lyon  et  de 
Nantes.  En  Bourgogne,  le  colza  fait  place  à  la  na- 
vette. Dans  le  Nord,  la  Flandre  et  l'Artois,  l'œilleite 
occupe  de  vastes  espaces  et  alimente  en  partie  l'in- 
dustrie des  nombreux  moulins  à  vent  qui  tournent 
autour  d'Arras  et  de  Lille. 

Le  lin.  —  On  fait  aussi  de  l'huile  avec  le  Un,  qui 
toutefois  e-t  plus  utile  comme  textile.  On  en  cul- 
tive dans  tous  les  départements  humides  qui  bor- 
dent la  INIanche  et  l'Océan  (sauf  le  Calvados,  le 
Morbihan  et  la  Girondej,  et  au  pied  des  Pyrénées. 
Les  régions  qui  en  produisent  le  plus  sont  le  nord 
de  la  France,  la  Bretagne,  la  Saintonge,  la  vallée 
de  la  Garonne.  C'est  avec  le  lin  qu'on  fabrique  les 
fils  les  plus  fins  et  qu'on  tisse  les  tissus  les  plus 
délicats,  dentelles,  batistes,  ou  autres  toiles  de 
luxe. 

Le  chanvre.  —  Le  chanvre  sert  au  contraire  à  la- 
fabrication  des  fortes  toiles  destinées  à  la  voilure, 
à  la  fabrication  des  sacs,  au  linge  de  ménage.  C'est 
dans  l'ouest  de  la  France  qu'on  cultive  le  plus  le 
chanvre.  L'Anjou,  le  Maine,  le  Poitou  la  Saintonge 
en  produisent  une  grande  quantité.  On  en  trouve 
aussi  dans  toutes  les  terres  très  fertiles,  presque 
autour  de  chaque  maison,  dans  les  pays  où  les 
ménagères  n'ont  pas  entièrement  perdu  l'usige  de 
filer  pendant  l'hiver.  Le  chanvre  du  Gi  aisivaudan 
(vallée  de  l'Isère)  est  particulièrement  renommé 
pour  sa  beauté. 

Le  tabac.  —  Le  tabac  ne  peut  être  cultivé 
qu'avec  l'autorisation  et  sous  la  surveillance  de 
l'administration.  Quelques  départements  ont  seuls 
cette  permission.  Le  tabac  est  surtout  répandu 
dans  la  vallée  de  la  Garonne  autour  des  manufac- 
tures de  Toulouse,  Tonneins,  Bordeaux  et  Berg'-rac. 
On  en  produit  aussi  dans  les  départements  de  la 
frontière  du  nord  et  du  nord-est  pour  combattre  la 
contrehande. 

Les  subst'inces  tinctoriales.  —  Avant  les  progrès 
réalisés  par  la  chimie  indu-trielle.  qui  tire  mainte- 
nant toutes  les  couleurs  des  résidus  de  la  fabrica- 
tion du  gaz  d'éclairage,  on  cultivait  en  grande 
quantité  la  garance,  dont  on  tire  un  rouge  très 
beau  et  très  solide,  dans  le  Comtat  Venaissin  et 
l'Alsace.  Maintenant  cette  culture  disparaît  de  plus 
en  plus  des  pays  dont  elle  a  fait  la  fortune.  C'est 
avec  justice  qu'on  a  élevé  sur  le  rocher  d'Avignon 
une  statue  au  Persan  Althen,  pour  avoir  introduit 
cette  utile  culture  en  France. 

Le  safran,  qui  donne  une  couleur  jaune,  est  un 
peu  cultivé  dans  le  Gâtinais  (Montargis);  le  pas- 
tel, qui  donne  du  bleu,  dans  l'Albigeois  et  le  Gers. 

VII.  Géographie  industrielle.    —    Les     bassins 


FRANCE 


816  — 


FRANCE 


HOUiLLERS.  —  La  houille  est  le  pain  de  l'industrie 
depuis  l'invention  des  macliinos  à  vapeur.  Anssi  la 
richesse  d'un  pays  en  houillères  corrospond-elle  gé- 
néralement à  sa  puissance  commerciale  et  au  dé- 
veloppement de  ses  manufactures  et  d  ses  diverses 
autres  industries.  Les  pays  d  u  monde  les  plus  riches 
en  houille  >ont  au  premier  rang  l'Angleterre,  puis 
les  États-Unis  et  rÂllemaijne,  qui  seront  peut-être 
tous  dépa>sés  un  jour  par  la  Chine,  si  on  se  met 
à  exploiter  sérieusement  ses  immenses  dépôts  de 
combustibles  minéraux. 

Bassi?i  de  Valenciennes.  —  Le  bassin  houiller  le 
plus  important  de  France  est  celui  de  Valenciennes, 
qui  continue  les  dépôts  de  la  Belgique  et  s'étend 
dans  les  départements  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais. 
Il  produit  annuellement  6  millions  de  tonnes. 
Anzin.  près  de  Valenciennes,  est  le  siège  principal 
de  cette  exploitation,  qui  s'étend  à  l'ouest  par 
Aniche  et  Douai  jusqu  à  Lens  et  BuUy-Grenay,  au 
nord  d'Arras. 

Bassin  de  la  Loire.  —  Autrefois,  c'était  le  bassin 
de  la  Loire  ou  de  Saint-Éiitnne  qui  fournissait  le 
plus  de  houille  en  France.  Bien  qu'ayant  perdu  le 
premier  rang,  il  produit  à  peu  près  4  millions  de 
tonnes.  Les  couches  contrastent  par  leur  épaisseur 
avec  les  couches  nombreuses  mais  très  minces  du 
bassin  de  Valenciennes.  Le  charbon  de  Saint- 
Étienne  se  délite  aussi  beaucoup  plus  (|ue  les  autres, 
mais  se  prête  parfaitement  à  la  fabrication  des 
agglomérés  de  houille  qu'un  brùle  sur  les  locomo- 
tives ou  les  paquebots,  à  cause  de  la  facilité  qu'ils 
offrent  à  l'emmagasinement.  Le  bassin  de  Saint- 
Étienne  s'éiend  du  sud-ouest  au  nord- est  depuis 
Firmiiiy  jusqu'à  Givors  au  bord  du  Rhône,  par  le 
Chambon,  Saint-Étienne,  Saint- Chamond^  Rive-de- 
Gier. 

Biisin  d'Alais.  —  Le  troisième  grand  bassin 
houillcT  est  celui  d'Alais  au  pied  des  Cévennes, 
dont  la  Grand'Combe,  près  d'Alais,  et  Bessèges 
sont  les  principaux  centres  d'exploitation.  Il  fournit 
près  de  2  millions  de  ïonnes. 

Bossiii  de  Commentrif.  —  Commentry,  près  de 
l'inùusuielle  ville  de  Montluçon,  fournit  plus  d'un 
million  de  tonnes,  auxquelles  s'ajoutent  dans  le  voi- 
sinage les  320  000  d'Ahun,  sur  la  Creuse,  entre 
Aubusson  et  Guéret.  les  200  000  de  Saini-Éloy, 
entre  Commentry  et  Gannat,  et  les  produits  de 
quelques  autres  mines  moins  considérables. 

Bassin  du  Creusot.  —  Le  bassin  du  Creuset, 
dont  les  puits  sont  creusés  au  Creuset,  à  Blanzy 
et  Montceau,  fournil  850  000  tonnes,  auxquelles 
Tiennent  s'adjoindre  i50  ou  160  000  tonnes  extraites 
à  Epinac. 

Bassin  d'Aubin.  —  Le  sixième  grand  bassin, 
celui  d'Aubin  dans  l'Aveyron,  fournit  plus  de 
700  UOO  tonnes  qui  sont  brîilées  dans  les  usines  de 
Decazeville  et  autres  des  alentours,  ou  emportées 
par  le  Lot  à  Bordeaux. 

B  issins  Sf^condaires.  —  En  dehors  de  ces  grands 
bassins,  il  faut  citer  celui  de  Graissexsac  dans  l'Hé- 
rault, qui  doiuie  300  oiiO  tonnes;  celui  de  Ca^'WîQMX, 
au  nord  d'Albi,  qui  n'est  guère  moins  considé- 
rable; celui  de  Brassac,  à  l'entrée  de  l'Allier  dans 
le  département  du  Puy-de-Dôme,  qui  produit  plus 
de  200  000  tonnes,  et  quelques  autres  petits  bas- 
sins de  l'Auverg  e  que  le  manque  de  communica- 
tions empêche  d'exploiter  activement;  les  mines 
de  Decize,  dans  la  Nièvre,  dont  la  production  dé- 
passe i 60  000  tonnes. 

Tous  ces  gîtes  houillers,  à  part  Valenciennes, 
sont  groupés  autour  du  plateau  central  de  la 
France. 

En  dehors  de  cette  région,  les  bassins  à'Aix 
(Provence;  et  de  Manosqun  donnent  400  000  tonnes 
de  lignite,  brûlées  dans  les  usines  de  Marseille. 
La  Mure,  dans  l'Isère,  et  quehjues  l  calités  de  la 
Savoie,  fournissent  lUO  ou  200  000  tonnes  d'an- 
thracite, combustible  impropre  à  la  fabrication  du 


coke ,  mais  remplaçant  la  houille  dans  les  autres 
usages  où  elle  sert  de  combustible. 

Ro>ic/iarnp,  au  pied  sud-ouest  du  Ballon  d'Al- 
sace, donne  250  000  tonnes  de  houille.  C'est  la 
seule  houillère  de  la  région  du  nord-est,  depuis  la 
perte  du  riche  bassin  de  la  Sarre  en  1871.  Dans 
l'ouest,  le  Maine  fournit  125  000  tonnes  d'anthra- 
cite entre  le  Mans  et  Château-Gonthier.  Elles 
servent  principalement  à  chauffer  les  fours  à  chaux 
de  la  région,  où  l'agriculture  réclame  cet  amende- 
ment. La  Basse-Loire,  entre  Angers  et  Nantes. 
{Chrilon^es),  donne  '15  000  tonnes  de  houille,  la 
Vendée  (  Vouvant)  une  cinquantaine  de  mille. 

La  France  tire  donc  de  ses  mines  V  ou  18  mil- 
lions de  tonnes  de  houille  environ  ;  elle  en  con- 
somme la  moitié  en  sus,  qu'elle  fait  venir  d'Angle- 
terre, de  Belgique  ou  de  la  Prusse  Rhénane.  De- 
puis le  commencement  du  siècle,  l'extraction  et  la 
consommation  ont  été  sans  cesse  en  s'accroissant, 
et  ces  chiffres  .  n'ont  par  conséquent  qu'une  va- 
leur momentanée. 

La  tourbe.  —  La  tourbe  fournit  un  autre  com- 
bustible minéral  usité  dans  les  usages  domestiques 
plutôt  que  dans  l'industrie.  Les  grandes  tourbières 
sont  dans  la  vallée  de  la  Somme,  de  l'Oise,  de 
l'Essonne,  sur  certains  plateaux  de  montagnes  des 
Vosges  ou  du  Jura,  et  dans  le  département  de 
l'Isère.  Dans  la  Loire -Inférieure,  entre  Savenay  et 
Guérande,  s'étend  une  région  remplie  de  tourbe 
qu'on  nomme  la  Grande-B>  ière. 

Les  asphaltes.  —  Les  asphaltes,  qui  sont  une 
autre  sorte  de  charbon  minéral,  s'exploitent  à 
Seyssel  dans  l'Ain. 

Les  mines  métalliques.  —  Le  fer.  —  Le  métal 
dont  le  minerai  est  le  plus  répandu  en  France, 
c'est  le  fer.  Fondu  avec  de  la  houille  ou  du  charbon 
de  bois  dans  les  hauts-fourneaux,  il  donne  la  fonte. 
La  fonte  est  à  son  tour  convertie  en  fer  ou  en 
acier  par  un  nouvel  emploi  du  charbon,  ou  bien 
elle  est  fondue  et  moulée  pour  donner  divers 
objets.  Le  fer  est  travaillé  dans  les  forgf^s  pour 
donner  des  lames  ou  du  fil  de  fer;  les  ateliers  de 
construction  le  découpent  et  assemblent  les  pièces 
qui  constituent  les  machines  ou  la  charpente  des 
construction?.  Ces  diverses  sortes  d'ateliers,  con- 
sommant beaucoup  de  combustible,  se  groupent 
naturellement  autour  des  puits  de  mines,  ou  bien 
dans  les  ré-ions  forestières,  quand  ils  emploient 
du  charbon  de  bois.  Celui-ci,  plus  coûteux,  donne 
en  revanche  du  fer  de  qualité  supérieure  à  celui 
qui  est  obtenu  au  moyen  de  la  houille  ou  du  coke. 
Les  ateliers  ne  traitent  pas  seulement  les  minerais 
français;  ils  emploient  encore  beaucoup  de  mine- 
rais étrangers  et  se  placent  alors  près  des  ports 
d  importation,  où  ils  peuvent  aussi  s'approvision- 
ner de  combustibles. 

Les  principaux  gîtes  de  minerai  de  fer  en  France 
soin  en  premier  lieu  dans  le  département  de 
Meurthe-et-Moselle,  autour  de  Nancy,  malgré  les 
pertes  territoriales  de  la  France.  La  forêt  do  Haye, 
entre  Toul  et  Nancy,  n'est  pour  ainsi  dire  qu  un 
énorme  bloc  de  minerai.  Ce  département  fournit 
à  lui  seul  700  OUO  tonnes  de  minerai  de  fer,  le 
quart  de  la  production  totale  française. 

Les  Ardennes  et  la  Haute-Marne  donnent  à  peu 
près  la  moitié  à  eux  deux  de  ce  que  fournit  Meurthe- 
et-Moselle.  Le  Berry,  et  notamment  les  environs 
de  Bourges,  fournissent  beaucoup  de  minerai  de 
fer  en  yrans,  qui  est  très  estimé  et  abondant 
(275  00O  tonncsi.  On  en  retrouve  d'analogue  dans 
les  Landes.  Privas  et  la  Voulte,  dans  1  Ardèche, 
donnent  Au.  fer  iligiste  (sorte  d'oxyde  de  fer^; 
AUevard,  dans  l'Isère,  du  fer  spathique,  qui  est  do 
qualité  supérieure.  Les  Pyrénées-Orientales  et 
l'Ariège  renferment  de  Vhémntite,  qui  est  le  plus 
riche  des  minerais  de  notre  territoire. 

La  Franche-Comté,  le  Boulonnais,  la  Bourgogne 
la  Bretagne,  le  Poitou,  le  Périgord  donnent  aussi 


FRANCE 


—  817 


FRANCE 


diverses  sortes  de  minerais.  Beaucoup  de  ces  ex- 
ploitations sont  abandonnées  depuis  les  traités  de 
commerce,  qui  ont  permis  d'introduire  en  France 
■des  minerais  étrangers  de  qualité  supérieure,  et 
ont  fait  éteindre  beaucoup  de  hauts  fourneaux  de 
notre  pays.  L'Espagne,  l'Algérie,  l'île  d'Elbe  sont 
les  grands  fournisseurs  de  la  France  sous  ce  rap- 
port. 

La  fonte  et  les  forges.  —  La  fabrication  de  la 
fonte  et  le  travail  du  fer  se  fait  surtout  dans 
Meurthe-et-Moselle.  Aux  environs  de  Nancy  on 
voit  de  tous  côtés  des  hauts  fourneaux.  Liverdun, 
Frouard  ont  des  forges  importantes.  C'est  le  dé- 
partement qui  produit  le  plus  de  fonte,  en  briilant 
la  houille  du  bassin  de  la  Sarre,  que  lui  amène  la 
batellerie  par  les  canaux  de  la  Marne  au  Rhin  et 
de  la  Sarre. 

Le  Nord  fabrique  aussi  beaucoup  de  fonte, 
et  on  y  trouve,  outre  les  usines  de  Lille  et 
des  environs,  qui  produisent  des  machines,  celles 
de  Denain  et  Anzin,  de  Maubeiiye,  et  l'établisse- 
ment de  Marquise  dans  le  Pas-de-Calais. 

Les  Ardennes,  la  Meuse  renferment  de  petits 
établissements  pour  le  travail  du  fer.  La  Haute- 
Marne  est  un  des  grands  centres  de  production,  et 
un  des  principaux  marchés.  Saint-Dizier  est  le 
centre  de  celte  industrie. 

L'importance  des  forges  de  Franche-Comté  a 
bien  diminué  depuis  les  traités  de  commerce. 
Fraiscms,  entre  Dôle  et  Besançon,  a  des  forges  et 
hauts  fourneaux.  Audincourt,  près  de  Montbéliard, 
a  la  spécialité  de  fabriquer  une  grande  partie  de 
la  quincaillerie  française,  ustensiles  de  cuisine , 
serrares,  ferrures  de  bâtiments.  Plombières  et 
Baiiis ,  dans  les  Vosges,  fabriquent  aussi  divers 
objets  en  fer,  et  on  retrouve  des  ateliers  analogues 
sur  plusieurs  points  de  la  France,  dans  les  Ardennes 
notamment,  dans  la  Haute-Saône  et  le  Nord,  où 
l'on  fond  les  fourneaux  de  fonte. 

Laigle,  dans  l'Orne,  fabrique  les  épingles  et  les 
aiguilles.  Les  villages  des  environs  ù'Abbeville 
sont  peuplés  de  serruriers. 

La  Côte-d'Or  possède  entre  autres  les  forges  de 
Chdtillon.  Saône-et-Loire  est  un  des  départements 
les  plus  actifs  pour  ce  genre  de  travail.  Le  Creusot 
possède  n  hauts  fourneaux,  plus  qu'on  n'en  sau- 
rait trouver  réunis  nulle  part  ailleurs.  Ses  forges, 
«es  ateliers  de  construction  en  font  l'établissement 
le  plus  considérable  de  France  et  un  des  plus  im- 
portants du  monde.  L'Allier  possède  les  forges  de 
Commentry  et  celles  de  Montluçoa,  le  Cher  celles 
de  Mazières,  près  de  Bourges,  où  l'on  a  fondu  les 
pièces  des  halles  centrales  de  Paris. 

Entre  Lyon  et  Saint-Etienne,  Givors,  Sainl-Cha- 
mond,  Rive-d>'-Gier,  Terre-Noire  fabriquent  beau- 
coup de  fer.  C'est  surtout  la  région  où  se  fabriquent 
presque  exclusivement  les  aciers  pour  les  armes, 
l'artillerie,  le  blindage  des  navires.  SaiJit-E tienne 
possède  les  principales  manufactures  d'armes  à 
feu.  L'Ardèche  et  le  Gard  forment  un  autre  groupe 
important.  La  Voulte  et  le  l'ouzin  dans  l'Ardèche 
ont  des  hauts  fourneaux.  Alais  et  Bessèges  fabri- 
quent de  l'acier,  Beaucaire  a  d'importants  hauts 
fourneaux  pour  fondre  le  minerai  importé  par  la 
Méditerranée,  de  même  que  Marseille,  où  les  be- 
soins de  la  marine  ont  fait  établir  en  outre  des 
forges  considérables.  Dans  l'Isère,  Allevard  a  la 
spécialité  des  aciers  pour  la  coutellerie  et  les  res- 
sorts de  voitures. 

Dans  les  Pyrénées-Orientales  et  lAriège,  comme 
dans  d'autres  pays  de  montagnes  ou  riches  en  fo- 
rêts, on  fait  surtout  des  fers  au  bois.  C'est  le  cas 
des  Landes,  de  la  Nièvre;  cependant  ce  dernier 
déparlement  possède  les  importantes  forges  de 
Fowxhambaull,  Decize,  Imphy,  où  l'on  brûle  de 
la  houille.  La  marine  de  l'Etat  possède  à  Nevers  des 
établissements  considérables  pour  la  fabrication  de 
«es  ancres,  de  ses  câbles,  de  sa  clouterie. 

le  Partie. 


Les  besoins  des  grandes  villes  ont  fait  établir 
aussi  des  forges  dans  leur  voisinage.  On  trouve 
des  fonderies  et  des  ateliers  de  construction  dans 
la  banlieue  de  Paris,  ainsi  qu'à  Saint-Denis,  Ar- 
genteuil  et  MoJitataire  sur  l'Oise,  près  de  Creil. 

Au  travail  du  fer  se  rattache  la  coutellerie,  qui 
se  fait  à  Thiers,  dans  l'Auvergne,  pour  les  articles 
communs  ;  à  Langres,  à  Chatellerault  pour  la  cou- 
t»^llerie  plus  soignée.  Paris  a.  la  spécialité  des  ins- 
truments de  chirurgie,  dont  il  exporte  une  très 
grande  quantité. 

Les  armes  blanches  se  font  à  Saint-Etienne  et 
à  Chatellerault,  où  il  y  a  une  manufacture  natio- 
nale ;  les  armes  à  feu  à  Saint-Etienne  et  Tulle,  où 
se  trouvent  aussi  des  manufactures  nationales;  les 
canons  sont  fondus  par  l'Etat  à  Ruelle  (Charente) 
et  hNevers  pour  la  marine,  à  Bourges  et  à  Tarbes 
pour  l'armée  de  terre,  et  dans  les  diverses  grandes 
usines  privées,  telles  que  le  Creusot  et  Bessèges. 

Autres  métaux.  —  Les  métaux  autres  que  le  fer 
sont  peu  abondants  en  France.  On  exploite  le  plomb 
argentifère  à  Puiitgibaud  dans  le  Puy-de-Dôme,  à 
Vialui  dans  la  Lozère,  à  Largenfière  près  de  Brian- 
çon.  L'argent  en  est  séparé  à  Marseille,  qui  a  la 
spécialité  de  cette  industrie  pour  les  minerais 
français  et  beaucoup  de  minerais  étrangers. 

Le  cuivre  existe  à  Che^sy  et  Sain-Bel  entre  Lyon 
et  Tarare,  mais  le  minerai  en  est  surtout  employé 
pour  la  fabrication  de  l'acide  sulfurique.  Le  manga- 
nèse est  exploité  à  Romanèche,  entre  Mâcon  et  Lyon. 
L'étain  existe  en  petite  quantité  dans  le  Limousin, 
le  zinc  dans  les  Cévennes,  l'or  dans  les  torrents 
des  Pyrénées  ou  le  Rhône;  mais  tous  ces  métaux 
n'alimentent  aucune  exploitation  importante.  C'est 
au  dehors  que  la  France  s'en  approvisionne.  Le 
Havre  reçoit  du  Chili,  de  Suède  ou  d'Angleterre, 
les  cuivres  bruts  qui  sont  travaillés  dans  les  usines 
de  cette  ville,  de  Rouen,  de  Romilly  près  des 
Andelys,  de  Biache-Saint-Vaast  près  d'Arras,  de 
«livet  dans  les  Ardennes,  de  ^aint-Denis.  Bor- 
deaux tire  de  l'Amérique  du  sud  les  cuivres  qui 
sont  travaillés  à  Toulouse.  Marseille  approvisionne 
les  usines  de  Vienne  et  du  Vaucluse. 

Minéraux  divers.  —  Le  sel  et  les  produits  chi- 
miques. —  Le  sel,  qui  se  rapproche  des  métaux 
par  sa  nature,  mais  qui  est  indispensable  à  la  nour- 
riture de  l'homme  et  des  animaux,  est  recueilli 
dans  les  marais  salants  qui  s'étendent  sur  les  bords 
de  l'Océan  depuis  Guérande,  au  nord  de  l'embou- 
chure de  la  Loire,  jusqu'à  l'embouchure  de  la  Gi- 
ronde, et  sur  les  bords  de  la  Méditerranée  dans  les 
départements  de  l'Aude,  de  l'Hérault,  du  Gard,  des 
Bouches-du-Rhône,  et  sur  quelques  points  du  Var, 
Malgré  la  richesse  inépuisable  de  ces  eaux,  qui 
fournissent  le  sel  de  cuisine  et  plusieurs  autres 
sels  ou  produits  chimiques  employés  dans  l'in- 
dustrie, la  France  (avant  la  guerre  de  1871)  em- 
ployait moins  de  sel  provenant  de  cette  source 
(600  000  tonnes)  que  de  sel  gemme  extrait  des 
mines  (800  000  tonnes).  Nancy  est  le  grand  centre 
de  celles-ci.  Une  partie  en  a  été  cédée  à  la  Prusse 
{Dieuze  notamment),  mais  nous  conservons  Saint- 
Nicolas  et  Rosières  entre  Nancy  et  Lunéville.  Dans 
le  Jura,  Salins  et  Lons-le-Saunier  ont  tiré  leur 
nom  du  sel  qu'on  y  exploite.  Il  en  est  de  même 
de  Salies  dans  le  Béarn.  On  a  ouvert  depuis  quel- 
ques années,  dans  la  Haute-Saône,  des  puits  qui 
promettent  d'être  très  riches. 

Les  produits  chimiques  se  fabriquent  dans  les 
grandes  villes  ou  leur  banlieue,  Paris,  Lyon,  Lille, 
Marseille,  Rouen,  partout  où  une  industrie  active 
en  réclame  l'emploi,  ou  bien  sur  les  bords  de  la 
mer,  quand  ils  sont  fournis  par  l'évaporation  de  ses 
eaux. 

Les  savons  sont  fabriqués  à  Marseille,  Nantes 
pour  les  usages  industriels  et  domestiques,  à  Pai  is 
pour  la  toilette.  Paris  a  aussi  la  spécialité  des 
autres  articles  de  parfumerie,  spécialité  qu'il  par- 

52 


FRANGE 


—  818  — 


FRANGE 


tage  avec  Grasse,   située  au  milieu  des  plantes 
aromatiques. 

Pai'is  est  aussi  le  principal  centre  de  fabrication 
des  bougies. 

Sources  minérales.  —  Les  sources  minérales  em- 
ployées parla  médecine  sont  diverses  et  nombreuses 
en  France .  Dans  les  Pyrénées,  on  peut  surtout  citer  : 
les  Eaux  lionnes,  les  Eaux  Chaudes,  et  Saint-Chris- 
tau,  prèsd'Oloron,  dans  les  Basses-Pyr(3nées;  Cau- 
terets,  Saittt-Sauveur,  Baynèresde-BifjorrH  et  lia- 
règ< s,  dans  les  Hautes-Pyrénées;  Dax.  dans  les 
Landes  ;  Bagnères-de-Luchon,  dans  la  Haute-Ga- 
ronne ;^a;  et  ylz</!/s  dans  l'Ariège;  Amélie-Les-Bains, 
dans  les  Pyrénées-Orientales. 

En  Auvergne,  le  Mojit-Dore,  la  Bourboule,  Saint- 
Nectnire,  Royat,  près  de  Clermont-Ferrand,  dans 
le  Puy-de-Dôme;  Chaudesaigues,  dans  le  Cantal, 
dont  l'eau  est  assez  cliaude  et  assez  abondante 
pour  êire  employée  par  les  habitants  à  chauffer 
leurs  maisons. 

Dans  le  Bourbonnais,  Vichy  possède  les  eaux 
les  plus  fréquentées  de  France,  et  en  exporte  cha- 
que année  des  millionsde  bouteilles  dans  le  monde 
entier.  On  trouve,  dans  le  même  département, 
Bou'  liOn-V Archambault  et  Néris. 

Saint-Ga/mier,  dans  la  Loire  ;  Condillac  et  Die, 
dans  la  Drôme;  Diffue  et  Aix  en  Provence,  Bala- 
ruc,  dans  THérault,  sont  isolés  de  ces  divers 
groupes. 

Dans  l'Isère,  Uriage,  Atlevurd,  la  Mothe-le  - 
Bains;  dans  la  Savoie,  Aix-les- Bains;  dans  la 
Haute-Savoie,  Saint-Gervais  et  Evion,  ont  comme 
les  eaux  des  Pyrénées  l'avantage  de  réunir  l'at- 
trait pittoresque  du  pays  à  leurs  qualités  théra- 
peutiques. 

Il  en  est  de  même  des  eaux  des  Vosges  :  Luxeuil. 
Plombières,  connues  depuis  fort  longtemps,  Vittel 
et  Cojitrexeville.  Bour/j07ïne-les -Bains,  sur  le  pla- 
teau de  Langres,  convient  aux  blessés. 

Forges,  dans  la  Seine-Inférieure,  a  des  eaux  fer- 
rugineuses ;  Saint- Amcmd,  dans  le  Nord,  des 
boues.  Les  eaux  sulfureuses  d'Enghien  sont  fré- 
quentées à  cause  de  leur  voisinage  de  Paris. 

A  ces  divers  groupes,  il  faut  ajouter  Bngnols 
dans  rOrne,  Ecaux  dans  la  Creuse,  Cransac  dans 
l'Aveyron,  et  de  très  nombreuses  autres  sources 
qui  ne  sont  pas  encore  fréquentées. 

Les  bains  salés,  pris  près  des  mines  de  sel  ou 
dans  la  mer  sur  toutes  nos  côtes,  sont  d'un  usage 
de  plus  en  plus  répandu.  Le  Tréport.  Dieppe,  Saint- 
Valéry,  Féca»ip,  Etretat,  dans  la  Seine-Inférieure; 
Trouville,  VilUrs,  Cabourg,  Arromanches,  dauiS  le 
Calvados,  Dinard  vis-à-vis  de  Saint-51alo,  sont  fré- 
f|uentés  par  les  Parisiens.  Les  rivages  de  Bretagne 
sont  aussi  visités  pour  leurs  sites  pittoresques. 
Por»ic,  près  de  Nantes,  Boyan  et  Arcachon,  près  de 
Bordeaux,  ont  la  clientèle  de  ces  deux  grandes 
villes,  liiarritz  a  pour  lui  le  voi^niage  des  Pyré- 
nées et  de  l'Espagne,  et  son  ciel  méridional,  qui  en 
fait  un  séjour  cosmopolite  dans  la  saison  avancée. 

Matériaux  de  construction.  —  Les  pierres  de 
taille.  —  Les  pierres  de  taille  se  trouvent  géné- 
ralement auprès  des  grandes  villes,  car  leur  pré- 
sence est  une  des  raisons  qui  ont  facilité  le  dé- 
veloppement de  celles-ci.  Dans  les  régions  comme 
le  Nord,  où  l'on  n'a  pas  de  pierres,  on  construit  en 
briques  ;  mais  pour  tous  les  édifices  de  luxe,  la 
pierre  est  toujours  préférée  et  tirée  du  dehors, 
Paris  est  bâti  sur  des  carrières,  qui  forment  sous 
une  partie  de  la  rive  gauche  de  la  Seine  des  cata- 
combes. On  extrait  encore  de  la  pierre  de  taille 
et  du  moellon  facile  à  débiter  dans  la  plaine  de 
Cliàlillon,  près  de  Saint-Denis  ;  dans  la  vallée  de 
l'Oise  à  Crril,  Chantilly,  Pontoise;  dans  la  vallée 
du  Loiiiw,  à  Château-Landon,  entre  Fontainebleau 
et  Montargis. 

La  liourgopine  est  la  région  de  la  France  qui 
fournil  les  plus  belles  pierres  pour  l'exportation. 


Tonnerre  en  fournit  de  très  belles,  et  jouit  en  outre 
de  l'avantage  de  les  expédier  facilement  sur  le 
canal  de  Bourgogne.  Caen,  a  de  son  côté  de  fort 
belles  pierres  qu'on  expédie  par  mer  en  Angle- 
terre ou  en  Amérique.  Les  bords  de  la  Meuse,  en 
Lorraine,  fournissent  des  pierres  de  très  grosse 
taille.  Dôle,  dans  le  Jura,  et  ïEchaillon.  dans  l'Isère, 
ont  une  sorte  de  pierre  susceptible  de  prendre  un 
beau  poli  comme  le  marbre. 

Le  marbre.  —  Celui-ci,  qui  ne  sert  que  pour 
l'ornementation  extérieure  des  monuments  ou  la 
décoration  intérieure  des  appartements,  et  pour  la 
statuaire,  a  ses  plus  beaux  échantillons  dans  les 
Pyrénées,  où  l'on  cite  particulièrement  les  carrières 
de  Campan  et  de  Sarrancolin,  dans  les  Hautes- 
Pyrénées,  et  de  Suint-Béat,  dans  la  Haute-Garonne. 
Les  Alpes  fournissent  aussi  de  beaux  spécimens  de 
marbres  liclies.  Les  marbres  communs  viennent 
des  Ardeyines,  de  MauLeuge  dans  le  .Nord,  de  Bou- 
logne, dans  le  Pas-de-Calais,  et  de  Sablé  dans  la 
Sarthe. 

Les  ardoises.  —  Les  ardoises,  qui  servent  à  la 
couverture  des  maisons,  viennent  presque  exclusive- 
ment d'Angers,  des  Ardennes,  et  du  Finistère. 

Les  granits  et  autres  pierres  dures.  —  Les  granits, 
qui  servent  pour  les  constructions  maritimes,  pour 
les  dallages  de  trottoirs,  viennent  de  Bretagne,  du 
département  de  la  Manche  et  particulièrement  des 
lies  Chnusey,et  aussi  des  Vosges.  Quelques  pierres 
d'origine  volcanique, telles  que  les  basaltes,  servent 
aussi  à  bâtir  les  maisons  dans  les  pays  où  on  les 
exploite,  et  sont  exportées  pour  les  constructions 
exigeant  une  grande  résistance  à  l'usure.  Ainsi, 
Volvic,  dans  le  Puy-de-Dôme,  près  de  Piiom, exploite 
les  laves  des  anciens  volcans  voisins.  La  ville 
à'Agde  est  bâtie  en  pierres  volcaniques  noirâtres  qui 
donnent  aux  maisons  un  grand  air  de  tristesse, 
les  grès,  qui  servent  au  pavage,  mais  font  de  mau- 
vaises pierres  de  construction,  sont  tirés  de  la 
forêt  de  Fontainebleau  et  de  quelques  collines 
voisines. 

La  chaux,  etc.  —  La  chaux,  qui  sert  à  faire  le 
mortier  et  à  réunir  entre  elles  les  diverses  parties 
d'une  construction,  est  cuite  dans  des  fours  ré- 
pandus partout  où  le  calcaire  se  rencontre. 

Quand  le  calcaire  et  le  combustible  se  trouvent 
voisins,  on  cuit  la  chaux  pour  amender  certains 
sols.  C'est  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  à  pronos 
de  l'anthracite  du  Maine. 

Le  plâtre,  qui  forme  un  très  bon  agglomérant, 
est  beaucoup  plus  rare.  Le  meilleur  se  fabrique 
auprès  de  Paris,  à  Argenteuil,  Vaujours,  Mon- 
treuil,  Clamart. 

Le  ciment  est  nécessaire  dans  les  constructions 
exposéesàl'eau.Les  meilleurs  viennent  de  iio?</o^ne, 
de  Vassy  (près  Avallon),  de  Pouilly  ^Côte-d'0^),  de 
Grenoble  et  ses  environs,  du  Teil,  près  de  Viviers, 
de  Moissac. 

Les  pierres  meulières,  qui  sont  employées  pour 
lesconstructions,  sont  répandues  sur  divers  points. 
Mais  c'est  la  Fer/«-so2/5-./oz<«/;'e, dans  Seine-et-Marne, 
qui  a  la  spécialité  de  fournir  les  irrosses  meules  de 
moulin.  Cette  exploitaiion  y  entretient  une  indus- 
trie considérable,  qui  exporte  ses  produits  dans 
tout  le  monde  civilisé. 

Les  briques,  poteries,  cristaux  et  engrais  miné- 
rattx.  —  On  trouve  dans  bien  des  régions  diflfé- 
lenies  la  terre  glaise  dont  on  fabrique  les  tuiles  et 
les  briques.  Celles  de  Bourgogne  sont  particuliè- 
rement estimées.  On  en  fabrique  aussi  beaucoup 
auprès  des  ports  de  mer  de  la  Manche,  où  la  houille 
importée  d'Angleterre  sert  à  cuire  la  terre  trouvée 
sur  place,  et  où  les  tuiles,  les  briques,  les  tuyaux 
de  drainage  fournissent  aux  navires  un  fret  de  re- 
tour plus  avantageux  que  des  galets. 

En  Bourgogne,  en  Normandie  et  dans  le  Nord, 
on  trouve  de  l'argile  plastique  servant  à  la  fabri- 
cation des    poteries   communes.  Dans   la    Haute- 


FRANCE 


—  819  — 


FRANCE 


Vienne,  les  dépôts  de  kaolin  ont  développé  l'indus- 
trie de  laporct^laine,  qui  y  a  son  principal  centre. 
C'est  hSoint-Yrieix  que  s'approvisionnent  en  terres 
les  fabriques  de  Limoges,  de  Vierzon  et  de  Mehim 
dans  le  Cher,  de  Nevers,  de  Bordeaux. 

La  manufacture  nationale  de  Sèvres  jouit  de  la 
plus  grande  réputation  pour  la  finesse  de  ses  pâtes 
et  la  perfection  artistique  do  ses  produits. 

Les  faïences  plus  comfnunes  que  la  porcelaine, 
mais  susceptibles  de  décoration  artistique ,  se 
font  à  Creil,  Montereau,  Gien  et  Paris.  Briare  a 
la  spécialité  des  perles  et  boutons  en  porcelaine. 

Le  sable  produit  par  la  pulvérisation  des  grès, 
comme  à  Fontainebleau,  est  exploité  pour  la  fabri- 
cation du  verre. 

C'est  auprès  des  houillères  que  se  groupent  les 
verreries  qui  font  une  grande  consommation  de 
combustibles.  Rive-rfe-Gier  et  ses  environs  dans 
le  bassin  de  Saint-Etienne,  Aniche  dans  le  Nord, 
et  Alais  sont  les  principaux  centres  de  cette  in- 
dustrie, fournissant  des  verres  à  vitre  et  des  vases 
de  toutes  sortes.  Les  verreries  à  bouteilles  se 
trouvent  quelquefois  près  des  forêts,  à  Soissons, 
dans  les  Vosges  et  le  Jura. 

Sai7it-Gobain,  dans  l'Aisne,  a  une  réputation 
considérable  pour  sa  fabrique  de  glaces;  Baccarat, 
dans  Meurthe-et-Moselle,  pour  sa  cristallerie. 

Autour  de  ces  grandes  usines,  C/uami/,  dans 
l'Aisne,  Cireij,  dans  Meurthe-et-Moselle,  préparent 
les  produits  chimiques  qu'elles  emploient,  et  trans- 
forment en  engrais  les  déchets  de  fabrication. 

Les  Ardennes  et  les  autres  départements  de 
Champagne  et  de  Bourgogne,  rangés  en  cercle  au- 
tour de  Paris,  ont  des  dépôts  de  phosphate  de 
chaux  très  précieux  comme  engrais.  La  ïouraine 
a  ses  faluns  servant  au  même  usage. 

Industries  ai.imextaires.  —  La  minoterie,  les 
conse)ves  alimentaires.  —  Les  moulins,  qui  trans- 
forment le  blé  en  farine,  sont  répartis  sur  les 
cours  d'eau  de  tout  leterritoire,  ou  dans  les  plaines 
où  le  vent  fait  tourner  leurs  ailes.  Mais  les  gran- 
des usines  de  meunerie  sont  concentrées  auprès 
des  grandes  villes.  Corbeil.  Étampes,  Dourdan, 
manipulent  les  blés  de  la  Beauce  et  de  provenance 
plus  lointaine.  Meaux  et  Coulommiers  servent  de 
débouché  aux  fermes  de  la  Brie.  Gray,  dans  la 
Haute-Saône,  Moissac,  dans  Tarn  -  et  -  Garonne  , 
Poitiers  ont  aussi  des  moulins  considérables.  Les 
grands  ports  comme  ^^larseilb',  le  Havre,  }\antcs 
et  Bordeaux  ont  des  moulins  à  vapeur  pour  mou- 
dre les  blés  de  provenance  étrangère,  dont  ils 
expédient  les  farines  au  dehors  ou  au  dedans,  sui- 
vant l'abondance  ou  la  faiblesse  de  la  récolte,  tan- 
dis que  les  issues  sont  généralement  consommées 
en  France. 

C'est  aussi  dans  les  ports  et  à  Paris  qu'on  fa- 
brique les  conserves  alimentaires  de  viandes,  de 
légumes  ou  de  poissons,  qui  se  consomment  sur 
les  navires  ou  pendant  l'hiver  Nantes  et  Bordeaux 
ont  cette  spécialité.  Les  sardines  mises  en  boîtes 
à  Nantes  sont  pochées  sur  les  côtes  de  Bretagne. 
A  Marseille  on  prépare  le  thon  et  les  anchois  de  la 
Méditerranée. 

Troyes  est  renommée  pour  la  charcuterie  ; 
Bavo?ine  pour  les  jambons;  Lyon  et  Arles  pour  les 
saucissons.  Une  foule  de  villes  ont  des  spécialités 
gastronomiques  dans  le  détail  desquels  nous  ne 
pouvons  entrer.  Paris  fabrique  du  chocolat  pour 
une  grande  partie  du  monde.  Cette  ville  renferme 
aussi  les  raffineries  de  sucre  les  plus  considérables 
qui  existent.  Marseille,  Nantes,  le  Havre,  raffinent 
les  sucres  venant  des  colonies. 

Les  isdustrius  de  l'habillement.  —  Le  coton.  — 
Le  coton  est  aujourd'hui  la  matière  la  plus  utilisée 
pour  le  vêtement  de  l'homme.  Importé  en  France 
des  Etats-Cnis,  du  Brésil,  de  l'Inde,  de  l'Egypte,  il 
est  d'abord  filé,  puis  tissé,  seul  pour  fabriquer  les 
cotonnades,  ou  mélangé  à  la  laine  pour  donner  des 


tissus  de  nouveautés.  Mulhouse,  en  Alsace,  était 
avant  1870  le  principal  centre  des  filatures  et  de 
l'industrie  du  coton  en  France.  Une  grande  partie 
des  industriels  de  cette  région  ont  transporté  leurs 
établissements  sur  le  versanl_français  des  Vosges, 
à  Giromngny,  Remiremont,  Épinal.  Ils  fabriquent 
du  fil  à  coudre,  des  calicots,  des  jaconas,  des  étoffes 
fines. 

Rouen,  au  contraire,  qui  est  le  centre  le  plus  con- 
sidérable pour  l'industrie  du  coton  en  France, 
depuis  la  perte  de  Mulhouse,  a  la  spécialité  des 
étoffes  grossières  à  bon  marché,  les  rouenneries  et 
les  guinées  destinées  5,  l'exportation  en  Afrique. 
Les  usines  du  groupe  rouennais  sont  dispersées 
dans  la  ville  et  les  localités  environnantes.  La 
petite  rivière  de  Cailly,  qui  tombe  dans  la  Seine 
en  aval  de  Rouen,  est  admirablement  utilisée  par 
une  foule  de  manufactures  à  qui  elle  fournit  sa 
force  motrice. 

Fiers,  dans  l'Orne,  a  la  spécialité  des  coutils. 

Dans  le  nord,  Lille  fabrique  beaucoup  de  fil  à 
coudre,  et  Sai?if-Quenti>i  des  mousselines  ou  au- 
tres étoffes  de  coton,  Amiens  des  velours  de 
coton. 

Cette  région  de  la  France  est  un  des  centres  les 
plus  actifs  pour  ce  genre  de  fabrication.  Il  en  est 
de  même  do  Tarare  et  de  Roanne,  son  annexe, 
qui  ont  la  spécialité  des  tarlatanes  et  mousselmes 
à  rideaux. 

Le  chanvre  et  U  lin.  —  Le  chanvre  et  le  lin  sont 
produits  en  quantité  insuffisante  dans  notre  pays 
pour  l'approvisionnement  des  manufactures  qui 
les  mettent  on  œuvre.  La  Piussie  nous  en  fournit 
de  grandes  quantités.  L'Inde  nous  envoie  du  jute, 
sorte  de  textile  très  utilisé  depuis  quelques  années. 

C'est  dans  le  nord  de  la  France,  la  Noviaandie  et 
le  Maine,  qu'on  file  et  tisse  le  plus  de  lin.  Les  den- 
telles de  Valencien7i''s,  les  batistes  de  Cambrai 
sont  faites  en  fils  très  fin  de  lin.  Diinkerque  a  la 
spécialité  du  jute  ;  Amiens  fabrique  des  sacs  et 
autres  tissus  communs,  Saint-Quentiii  du  linge 
damassé. 

Dans  le  Maine,  le  Mans,  Laval,  Mamers  fabri- 
quent de  grosses  toiles.  La  Basse-Normandie  en 
fait  de  plus  fines  pour  linge  de  ménage. 

L  Anjou  et  la  Bretagne  emploient  le  chanvre  à  la 
fabrication  des  grosses  toiles  à  voiles  et  autres. 
Voiron.  dans  l'Isère,  utilise  le  beau  chanvre  du 
Graisivaudan. 

Dans  les  Vosses,  les  habitants  de  Gérardmer 
sont  presque  tous  tisserands  et  fabriquent,  avec 
des  fils  importés  du  Nord,  dos  toiles  de  ménage 
qu'ils  blanchissent  sur  leurs  prés. 

La  laine.  —  Le  travail  de  la  laine  s'est  d'abord 
établi  dans  les  régions  riches  en  moutons,  la  Nor- 
mandie, la  Champagne,  le  Languedoc,  le  Berry. 
Maintenant  les  laines  indigènes  n'alimentent  qu'en 
partie  la  fabrication.  L'Australie,  Buenos-Ayres, 
le  Cap  de  Bonne  Espérance  senties  grands  fournis- 
seurs du  monde  entier. 

Roubaix,  dans  le  Nord,  fabrique  une  énorme 
quantité  de  nouveautés  où  la  laine,  la  soie  et  le 
coton  se  trouvent  mélangés.  Elbeuf  ei  Louviers,  en 
Normandie.  Abbeville,  dans  la  Somme,  fabriquent 
des  draps  de  genres  variés.  Sedan,  au  contraire,  a 
la  spécialité  des  draps  les  plus  fins,  Reims,  celle 
des  flanelles.  Les  draps  épais  viennent  du  midi,  de 
Vienne,  en  Dauphiné,  de  Mazamet,  Lodève  et 
C'ircassomic  dans  le  Languedoc.  Orléans  fabrique 
les  couvertures,  ChâteaurouJC-  et  Romorantin  les 
draps  de  troupes. 

Les  tapis  vieimentde  Roubaix,  Tourcoing,  Nîmes 
pour  les  sortes  courantes  ;  d'Aubusso?i  et  de  Beau- 
vais  pour  les  tapis  de  luxe.  L'Etat  a  deux  manu- 
factures, celle  de  Beauvnis,  et  celle  des  Gobelins  à 
Paris,  dont  les  produits  sont  réservés  aux  édifices 
nationaux  ou  offerts  en  cadeaux  aux  souverains 
éu-angers.  Paris  fabrique  les  châles  de  cachemire 


FRANCE 


820  — 


FRANGE 


La  soie.  —  Le  travail  de  la  soie  est  concentré 
dans  le  bassin  du  Rhône,  qui  produit  les  cocons, 
ou  reçoit  par  le  port  de  Marseille  les  soies  d'Italie, 
du  Levant,  de  la  Chine  et  du  Japon.  Alais,  dans  le 
Gard,  Aiibenas,  dans  l'Ardèche,  Crest,  dans  la 
Drôme,  Avignon,  dans  le  Vaucluse,  sont  les  prin- 
cipaux marchés  de  soie  indigène,  iyon  fabrique  les 
soieries  de  luxe  mélangées  d'or  et  d'argent,  les 
velours,  les  taffetas.  Un  grand  nombre  de  métiers 
travaillent  pour  les  magasins  de  Lyon  dans  la 
campagne  et  les  départements  voisins.  Saint- 
Etienne  et  Saint-Chamond  fabriquent  les  rubans. 
En  dehors  de  cette  région,  Paris  fabrique  la 
passementerie,  qui  rentre  dans  les  articles  dits  de 
Paris,  et  Tours  les  étoffes  d'ameublement. 

Bonneterie,  broderies,  dentelles.  —  La  bonne- 
terie, qui  comprend  les  bas  et  les  divers  tricots, 
se  fait  à  Troyes  pour  le  coton,  à  Amiens,  pour  la 
laine,  à  A'^iwiC-,  pour  la  soie. 

La  peluche  pour  les  chapeaux  de  soie  vient  de 
Lyon,  mais  les  feutres  se  font  surtout  dans  le  midi, 
en  Provence. 

La  broderie  se  fait  à  la  main  dans  les  monta- 
gnes des  Vosges  et  autour  de  Nancy,  à  la  mécani- 
que  à  Tarare  et  Saint-Quentin. 

Les  dentelles  se  font  dans  les  campagnes  voisi- 
nes du  Pïiy-cn-Velay,  à  Hayenx  et  à  Caen,  le 
tulle  à  Saiut-Pierre-tès-Calais. 

Les  ta7ineries.  —  Les  peaux  sont  tannées  dans 
toute  la  France,  mais  surtout  à  Paris,  où  se  fait  une 
si  grande  consommation  de  viande,  et  dans  les 
ports  de  mer,  le  Havre,  Bordeaux,  Nantes,  qui 
importent  les  peaux  de  la  Plata.  Pont-Audemer 
dans  le  voisinage  du  Havre  a  de  grandes  tanneries; 
Annonay  et  Grenoble  travaillent  les  peaux  de  chè- 
vre, et  Millau  celles  d'agneau  pour  la  ganterie. 
Paris,  Bordeaux,  Reiuies,  Blois  fabriquent  des 
chaussures  pour  l'exportation. 

Industries  de  luxe  —  Parii  a  la  spécialité  des 
objets  de  luxe,  l'orfèvrerie,  la  joaillerie,  la  bijoute- 
rie. L'horlogerie  se  fait  surtout  en  Franche-Comté, 
à  Besançon,  à  Morez  où  l'on  fabrique  en  même 
temps  des  tourne-broches,  verres  de  lunettes  et 
autres  objets  de  précision,  à  Beuucourt,  près  de 
Montbéliard,  où  l'on  fait  de  l'horlogerie  commune. 
Saint-Nicolas  d' A  lier  mont,  près  de  Dieppe,  fait 
des  horloges  et  des  appareils  de  télégraphie  élec- 
trique. 

La  tabletterie  en  bois  vient  de  Saint-Claude, 
celle  en  ivoire  de  Dieppe,  qui  a  conservé  cette 
spécialité  depuis  le  temps  où  ses  navires  abor- 
daient les  premiers  sur  les  côtes  du  golfe  de 
Gumée. 

Paris  et  Lyon  fabriquent  les  papiers  peints  ; 
les  meubles  se  font  au  faubourg  Saint-Antoine  à 
Paris,  à  Bordeaux  et  à  Nantes  pour  l'exportation, 
les  instruments  de  musique  à  Pai  is  et  à  Mirecourt 
(Vosges). 

I  Papiers.  —  Les  papiers  se  fabriquent  générale- 
ment dans  les  pays  de  montagnes,  où  l'on  trouve 
à  la  fois  des  eaux  très  pures  et  des  forces  motri- 
ces économiques.  Angoulême  en  fournit  beaucoup. 
Annonay,  dans  l'Ardèche,  les  environs  de  Greno- 
ble [Rives,Voiron),  produisent  les  plus  belles  pâtes. 
Essonne,  près  de  Corbeil,  possède  la  fabrique  la 
plus  considérable  pour  l'approvisionnement  de 
Paris.  Il  y  a  en  outre  beaucoup  de  papeteries  dans  les 
Vosges,  le  Jura,  aux  environs  de  Coulommicrs,  où 
le  Marais  a  la  spécialité  de  fournir  le  papier  des 
billets  de  banque  et  des  titres  de  valeurs  mobilières 
pour  la  plupart  des  pays  du  monde.  Tous  ces  pa- 
piers se  fabriquent  à  la  machine  sur  la  toile  sans 
fin.  Le  papier  filigrane  à  la  main  se  fabrique  en- 
core à  Ttiiers,  où  l'on  travaille  pour  le  timbre  et 
les  cartes  à  jouer. 

Géographie  commerciale.  —  Les  canaux  et  les 
chemins  de  fer,  qui  servent  au  transport  des  mar- 
chandises à  l'intérieur  de  la  France,  ont  été  l'objet 


d'articles  spéciaux  dans  ce  Dictionnaire,  et  nous 
avons  indiqué  dans  l'hydrograpliie  le  point  de  dé- 
part de  la  navigation  sar  les  rivières.  Les  roules 
déterre,  dont  on  augmente  chaque  jour  le  nombre, 
ne  servent  plus  guère  que  d'annexés  à  ces  voies 
économiques  de  transport,  les  canaux  et  rivières 
navigables  et  les  cliemins  de  fer,  sauf  dans  la  ré- 
gion des  Alpes.  On  trouve  à  l'article  concernant 
cette  chaîne  la  nomenclature  des  routes  qui  traver- 
sent ces  montagnes  et  relient  la  France  à  l'Itali' , 
Ports  de  commerce.  —  La  mer  du  Nord.  —  C'est 
par  mer  que  se  fait  la  plus  grande  partie  du  com- 
merce extérieur  de  la  France. 

Dunkerque  est  notre  premier  port  sur  la  mer  du 
Nord.  Ses  relations  sont  principalement  dirigées 
du  côté  de  l'Angleterre,  de  la  Hollande,  de  la 
Russie.  Il  importe  les  matières  premières  nécessai- 
res aux  filatures  et  autres  manufactures  de  la 
Flandre,  de  la  houille,  des  graines  oléagineuses, 
des  bois,  et  exporte  au  contraire  des  céréales  et 
autres  substances  alimentaires  pour  l'Angleterre, 
des  tissus  et  des  sucres  pour  les  pays  lointains. 
Gravelines  n'est  qu'un  port  de  peu  d'importance, 
recevant  des  bois  et  de  la  houille  et  réexpédiant 
des  approvisionnements  en  Angleterre. 

La  Manche.  —  Calais  et  Boulogne  offrent  un 
grand  mouvement,  à  cause  des  voyageurs  qui  y 
passent  chaque  année  le  détroit  au  nombre  de  plu- 
sieurs centaines  de  mille,  et  des  échanges  de  mar- 
chandises qui  s'y  font  constamment  entre  Paris  et 
Londres.  Les  paquebots,  passant  de  Douvres  à  Ca- 
lais, peuvent  accoster  les  quais  de  ce  port  à  toute 
heure.  Boulogne  communique  régulièrement  avec 
Folkestone,  qui  lui  fait  vis-à-vis  de  l'autre  côté  du  dé- 
troit, et  avec  Londres  par  la  Tamise.  Boulogne  est  en 
même  temps  un  port  de  pèche  très  actif,  qui  fournit 
en  partie  Paris.  De  plus,  Calais  et  Boulogne,  de 
même  que  Saint-  Valéry-sur-Somme,  approvision- 
nent les  nombreuses  manufactures  et  usines  de 
leur  voisinage  en  matières  premières,  houille  et 
bois  de  construction. 
Le  Tréport  est  un  port  de  pêche. 
Dieppe  se  livre  aussi  activement  à  cette  occupa- 
tion, et  est  en  même  temps  un  de  nos  grands  ports 
de  commerce.  Déjà  important  avant  la  fondation  du 
Havre,  il  a  l'avantage  d'être  le  point  du  littoral  le  plus 
voisin  de  Paris,  et  le  plus  rapproché  de  la  li^ne 
droite  reliant  Londres  avec  Paris  ou  avec  Rouen. 
Des  paquebots  relient  régulièrement  Dieppe  avec 
New-Haven,  et  avec  Grimsby,  à  l'embouchure  de 
l'Humber.  Les  Anglais  y  apportent  leurs  houilles 
pour  l'approvisionnement  des  environs  et  de  Paris, 
les  Norvégiens  les  bois  et  les  fontes  de  Suède. 
En  retour,  on  emporte  en  Angleterre  les  modes 
de  Paris  et  les  envois  des  Halles  pour  le  marché 
de  Londres;  des  céréales,  des  briques  et  poteries, 
des  galets  pour  les  fabriques  de  faïences  et  de 
terres  cuites  anglaises. 

Saint-Valéry-en-Caux  arme  pour  la  pêche  du 
hareng  et  de  la  morue.  Sous  ce  rapport,  Fécamp 
est  le  premier  port  de  France. 

Rouen  a  été  construit  sur  la  Seine,  au  point  de 
rencontre  de  la  navigation  fluviale  et  de  la  naviga- 
tion maritime.  Grâce  aux  travaux  d'endiguement 
faits  sur  la  Seine  pour  en  approfondir  le  chenal, 
ce  port  reçoit  des  navires  d'un  tonnage  de  plus  en 
plus  fort,  qui  viennent  approvisionner  Paris,  Rouen 
et  les  usines  de  cette  région.  Rouen  a  des  relations 
avec  l'Angleterre,  l'Amérique,  la  côte  de  Guinée. 
Avant  la  construction  des  chemins  de  fer,  cette 
ville  recevait  par  mer  les  vins  de  Bordeaux  desti- 
nés à  la  consommation  de  Paris. 

Mais  de  tous  temps,  Rouen  a  eu  un  avant-port 
plus  rapproché  de  la  mer. 

Lillebonne,  au  temps  des  Romains,  Harfleur  au 
moyen  âge,  le  Havre  depuis  François  I*',  ont  suc- 
cessivement joué  ce  rôle,  à  mesure  que  les  atter- 
rissementsdu  fleuve  et  de  la  mer  et  les  dimensions 


FRANCE 


—  821  — 


FRANGE 


plus  grandes  données  aux  navires  obligeaient  à 
chercher  un  port  plus  rapproche  de  la  pleine  mer. 
C'est  h  grands  frais  qu'on  maintient  actuellement 
à  l'entrée  du  port  du  Havre  la  profondeur  et  la 
largeur  exigées  par  les  grands  paquebots  modernes. 

Le  Havre  est  aujourd'hui  notre  premier  port  de 
commerce  après  Marseille  ;  ses  relations  s'étendent 
à  toutes  les  parties  du  monde.  La  marine  y  réclame 
sans  cesse  de  nouveaux  bassins,  de  nouveaux 
quais,  qui  prennent  peu  à  peu  la  place  de  l'an- 
cienne ville  el  refoulent  plus  loin  les  habitants  et 
les  usines. 

On  débarque  au  Ha^Te  les  cotons  de  la  Nouvelle- 
Orléans,  les  blés  de  New-York  et  de  Chicago,  les 
peaux  et  les  laines  de  la  Plata,  de  l'Uruguay  ou 
(lu  Brésil,  les  cuivres  du  Chili,  les  cafés  du  Brésil 
et  de  Bourbon,  les  cacaos  du  Venezuela,  l'indigo 
de  l'Inde  ou  du  Guatemala,  les  sucres  et  les  tabacs 
de  la  Havane,  les  pétroles  de  la  Pensylvanie,  les 
bois  de  teinture  du  Mexique  et  du  Brésil,  les  sa- 
laisons de  New-York,  Chicago,  Cincinnati,  les 
houilles  et  les  métaux  d'Angleterre,  les  bois  de 
Norvège,  et  une  foule  d'autres  marchandises  dont 
le    maniement  entretient  une  activité  continuelle. 

La  plupart  de  ces  marchandises  sont  réexpédiées 
dans  l'intérieur  du  pays,  mais  beaucoup  sont 
manufacturées  au  Havre  même,  qui  a  des  raffine- 
ries de  sucre,  des  fabriques  de  produits  chimiques, 
une  manufacture  de  tabacs,  des  huileries,  de- 
forges,  et  tend  de  plus  en  plus  à  devenir  une 
grande  ville  industrielle  en  môme  temps  qu'un 
grand  entrepôt  de  commerce. 

Le  Havre  a  des  services  réguliers  de  navigation 
qai  le  relient  à  tous  les  ports  principaux  de  la 
côte  française,  et  en  outre  à  Soutliampton  et  Liver- 
pool  en  Angleterre,  à  Lisbonne,  à  Rotterdam, 
Hambourg  zt  Saint-Pétersbourg.  Des  paquebots, 
aussi  vastes  et  somptueusement  aménagés  que 
r.  pides  dans  leur  marche,  partent  du  Havre  pour 
New-York,  les  Antilles,  l'isthme  de  Panama,  Rio 
de  Janeiro  et  la  Plata,  l'Inde  et  la  Chine. 

Sur  la  rive  gauche  de  la  Seine,  Hori fleur  fait  le 
commerce  des  bois  de  Norvège,  et  expédie  en  An- 
gleterre une  grande  quantité  d'œufs,  de  volailles,  de 
)u-ovisions  alimentaires  diverses  produites  par  la 
Basse-Normandie.  Il  en  est  de  môme  de  Trouviîle, 
qui  est  en  même  temps  port  de  pêche,  de  Cacn 
qui  communique  avec  la  mer  par  un  canal,  de 
Careutan  et  à'Isigny,  qui  exportent  surtout  du 
beurre. 

Cherbourg,  qui  est  un  de  nos  cinq  ports  militaires, 
fait  un  commerce  assez  actif  pour  desservir  les  be- 
soins de  son  arsenal  et  de  ses  chantiers  de  cons- 
truction, et  communique  aussi  régulièrement  avec 
l'Angleterre.  L'admini-tration  de  la  marine  est 
partagée  entre  les  cinq  préfectures  maritimes,  qui 
sont  en  même  temps  les  ports  militaires  où  l'on 
arme  les  navires  de  l'État  :  Cherbourg,  Brest, 
Lorient,  Rochefort  et  Toulon. 

Granville  arme  surtout  pour  la  pêche  de  Terro- 
Xeuve,  et  se  partage  avec  Saint-Malo  le  commerce 
des  îles  Normandes,  d'où  l'on  passe  en  Angleterre. 
Saint-Malo,  avec  son  annexe  Sai7it-Se)'van,  expédie 
beaucoup  de  légumes  et  de  provisions  dansce  pays, 
et  arme  pour  la  grande  pêche.  Les  côtes  de  Bre- 
tagne sont  peuplées  ae  pêcheurs  qui  fournissent 
à  notre  marine  les  meilleurs  équipages.  Les  pois- 
sons de  toutes  sortes  abondent  dans  ces  parages 
couverts  de  rochers,  de  bas-fonds,  où  les  prairies 
sous-marines  leur  offrent  une  nourriture  abondante. 

Morlaix,  Douarnenez,  Concameau  (ces  deux 
derniers  sur  l'Atlantique)  sont  les  principaux 
ports  d'expédition  de  cette  sorte  de  produits. 

U0céa7i  Atlantique.  —  Brest,  notre  grand  arse- 
nal maritime  sur  l'Océan  et  le  siège  de  l'école 
navale,  n'a  pas  réussi  jusqu'à  présent  à  devenir  un 
port  de  commerce  considérable,  ni  à  servir  de 
point  d'attache  aux  grands  paquebots  transatlanti- 


ques, ainsi  qu'on  avait  tenté  de  le  faire  un  moment. 

Lorient,  autre  préfecture  maritime,  est  bien  dé- 
chu comme  importance  commerciale  depuis  le 
temps  où  on  l'avait  fondé  pour  en  faire  le  siège  de 
la  compagnie  des  Indes.  C'est  là,  que  se  trouvent 
maintenant  les  principaux  établissements  de  l'ar- 
tillerie de  marine. 

Nantes  a  la  même  situation  sur  la  Loire  que 
Rouen  sur  la  Seine.  Mais  tandis  que  les  gros 
navires  arrivent  à  Rouen,  Nantes  est  de  plus  en 
plus  délaissé  pour  Saint-Nazaire,  d'où  le  chemin 
de  fer  amène  les  matières  premières  dans  ses 
usines.  Nantes  reçoitdes  Antilles  des  sucres  qu'elle 
raffine,  des  cafés, des  épices.  L'Angleterre  lui  fournit 
la  houille,  la  Norvège  et  la  Hollande  les  bois.  En 
retour  elle  expédie  des  sucres  raffinés,  des  laina- 
ges et  des  modes,  des  farines,  des  conserves  di- 
verses. Les  navires  de  la  compagnie  transatlanti- 
que partent  régulièrement  de  Saint-Nazaire  pour 
la  Guadeloupe,  la  Martinique,  et  l'isthme  de  Pa- 
nama, d'une  part;  Santander,  en  Espagne,  Saint- 
Thomas  des  Antilles,  la  Havane,  la  Véra-Cruz,  au 
Mexique,  de  l'autre. 

Les  Sables  d'Olonne,  La  Rochelle,  Tonnay-Cha- 
rente  expédient  les  produits  agricoles  de  la  contrée 
et  surtout  les  vins  et  eaux-de-vie  des  Charentes, 
mais  n'offrent  pas  une  grande  activité.  Rochefort 
est  une  préfecture  maritime. 

Bordeaux,  au  contraire,  est  le  premier  port  de 
France  du  côté  de  l'Océan,  et  il  doit  sans  doute 
cette  importance  à  son  grand  commerce  de  vins,  qui 
fournit  aux  navires  un  fret  de  retour  avantageux 
trouvant  un  écoulement  facile  dans  tous  les  pays  du 
monde.  Il  faut  y  ajouter  les  céréales  de  la  vallée  de 
la  Garonne.  En  échange  Bordeaux  reçoit  des  peaux 
qu'il  transforme  en  chaussures,  de  la  morue,  des 
sucres,  du  café,  des  denrées  coloniales.  Il  est  aussi 
le  port  d'attache  des  paquebots,  qui  en  partent  ré- 
gulièrement pour  le  Brésil,  la  Plata,  'Valparaiso  du 
Chili,  et  Calîao  du  Pérou,  en  touchant  à  la  Coro- 
gne  et  Vigo  en  Espagne,  à  Lisbonne,  à  Dakar, 
au  Sénégal  ;  pour  Santander,  en  Espagne,  les  Ca- 
naries, les  Antilles,  le  Venezuela  et  l'isthme  de 
Panama.  Les  navires  qui  ne  peuvent  pas  remonter 
la  Garonne  jusqu'à  Bordeaux  s'arrêtent  sur  la  rive 
gauche  de  la  Gironde  à  Pauillac. 

Rayonne  fait  surtout  du  commerce  avec  les 
ports  voisins  d'Espagne,  qui  lui  expédient  des  mi- 
nerais. 

La  Méditerranée  —  Porf-Ve7id)-es,  La  Nouvelle, 
au  débouché  du  canal  de  la  Robine,  qui  vient  de  Nar- 
bonne,  Agde,  à  l'embouchure  de  l'Hérault,  ne  font 
qu'un  petit  commerce  de  cabotage  alimenté  sur- 
tout par  les  vins  de  la  région.  Port-Vendns  a  du 
moins  l'avantage  d'un  port  en  eau  profonde,  où 
peuvent  se  réfugier  par  les  gros  temps  les  navires 
d'un  grand  tirant  d'eau. 

Cette,  au  contraire,  a  un  commerce  assez  actif 
avec  l'Algérie,  l'Espagne  et  l'Iialie.  Les  vins,  les 
eaux-de-vie,  le  sel  alimentent  principalement  son 
exportation.  En  retour  elle  importe  des  bois,  des 
bestiaux,  des  grains,  de  la  laine,  des  minerais 
de  fer. 

Le  Rhône  n'a  pas  de  grand  port  en  amont  de 
son  embouchure,  comme  Rouen,  Nantes  et  Bor- 
deaux sur  la  Seine,  la  Loire  et  la  Garonne  La 
navigation  y  est  trop  difficile-  Cependant  Arles  a 
été  métropole  des  Gaules  au  temps  des  Romains 
et  capitale  de  royaume  au  moyen  âge,  et  la  foire  de 
iieaucaire  devait  son  importance  à  ce  que  le^  mar- 
chands y  arrivaient  par  mer  de  tout  le  bassin  de  la 
Méditerranée. 

Toutefois,  c'est  en  dehors  du  delta  du  fleuve  et 
de  ses  att'^rrissements  que  Marseille  a  été  fondée 
plusieurs  siècles  avant  notre  ère,  et  ce  port  n'a 
cessé  depuis  de  croître  en  importance.  Le  com- 
merce ne  l'a  pas  encore  déserté  pour  le  port  Saint- 
Louis,  à  l'embouchure  du  canal  de  même  nom,  sur 


FRANCE 


—  822  — 


FRANCE 


le  golfe  de  Fos.  Les  Mnrtir/nes  et  le  port  de  Bouc, 
situes  de  part  et  d'autre  du  chenal  qui  met  en 
communication  avec  la  Méditerranée  la  magni- 
fique rade  intérieure  de  l'étang  de  Berre,  ne  sont 
que  de  petits  ports  de  cabotage. 

Marseille  attire  tout  à  elle.  C'est  aujourd'hui  notre 
premier  port  de  commerce.  La  conquête  de  l'Algérie 
et  l'ouverture  du  canal  de  Suez  lui  ont  imprimé  une 
activité  extraordinaire. On  trouve  réunis  dans  le  vieux 
port  de  Marseille  des  marins  de  toutes  les  nations 
riveraines  de  la  Méditerranée.  Ses  quais  étant  deve- 
nus trop  étroits,  on  a  taillé  sur  la  rade  môme  les  bas- 
sins du  nouveau  port,  séparés  de  la  pleine  mer  par 
des  jetées  de  construction  artificielle.  C'est  dans 
ce  nouveau  port  que  stationnent  les  bateaux  à 
vapeur,  si  nombreux  à  Marseille.  Sur  l'efTectif  de 
la  marine  à  vapeur  française,  plus  de  la  moitié 
appartient  au  personnel  de  Marseille. 

Cette  ville  communique  régulièrement  avec  la 
Corse  et  l'Algérie,  Barcelone  et  Carthagène,  en  Es- 
pagne. Gènes,  Livourne.  Civita  Vecchia,  \aples  et 
Messine,  en  Italie  ;  Malte  ;  le  Pirée,  Syra,  et 
Smyrne  dans  la  mer  de  l'Archipel  ;  Constantinople, 
Trébizonde  et  Odessa,  dans  la  mer  Noire  ;  Beyrouth 
et  toute  la  côte  de  Sj-rie  :  Alexandrie  et  Port-Saïd,  en 
Egypte.  C'est  de  Marseille  que  partent  les  beaux 
navires  qui  s'en  vont  jusqu'à  Chang-hai  en  Chine 
et  Yokohama  au  Japon,  par  Suez,  Aden,  l'île  de 
Ceylan,  Singapore,  Saigon  et  Hong-kong,  en  des- 
servant par  des  lignes  annexes  notre  colonie  de  la 
Réunion  ;  Pondichérj'  et  nos  établissements  de  l'Inde; 
Madras  et  Calcutta.  Marseille  a  d'autres  services 
sur  la  Xouvelle-Orléans  et  les  Antilles,  le  Brésil 
et  la  Plata,  pour  ne  parler  que  des  vapeurs  les  plus 
réguliers. 

Les  docks  de  cette  ville  emmagasinent  des  cen- 
taines de  mille  tonnes  de  marchandises  les  plus 
diverses.  L'Algérie  y  envoie  ses  blés,  ses  bes- 
tiaux, ses  minerais  ;  l'Italie,  des  soies,  des  huiles  : 
l'Espagne,  des  minerais,  des  fruits.  Là  arrivent 
les  blés  du  Danube,  de  la  Russie  méridionale,  de 
l'Egypte  ;  les  minerais  de  la  Sardaigne,  de  l'île 
d'Elbe  et  de  la  Sicile  ;  les  arachides  de  la  côte  d'Afri- 
que ;  l'indigo  de  l'Inde,  les  tiiés  de  la  Chine,  les 
soies  du  Japon,  les  peaux  du  Levant,  le  chanvre  et 
les  suifs  de  la  Russie. 

Sous  le  rapport  du  mouvement  de  la  naviga- 
tion (3  500  COO  tonnes  en  ajoutant  les  entrées  et 
les  sorties  d'une  année),  comme  au  point  de  vue 
de  l'effectif  de  la  marine  de  ses  armateurs  y'H)Q  000 
tonnes),  Marseille  est  à  elle  seule  presque  l'équivalent 
de  nos  deux  autres  ports  les  plus  importants, le  Havre 
(2  350  000  tonnes  entrées  ou  sorties,  135  000  ton- 
nes pour  sa  marine)  et  Bordeaux  (1  360  000  tonnes 
entrées  ou  sorties,  134  OOU  tonnes  pour  sa  marine). 
(La  marine  marchande  française  a  en  tout  un  mil- 
lion de  tonnes,  dont  les  trois  quarts  en  navires  à 
YOiles.  11  y  a  95  OOO  matelots  pour  en  faire  le  service.! 

Marseille  est  le  siège  de  la  Compagnie  des  forges 
et  clvmtlers  de  la  Méditerranée,  qui  a  d'importants 
ateliers  dans  cette  ville,  à  la  Seyne,  sur  la  rade  de 
Toulon,  et  au  Havre.  Les  Messageries  maritimes  y 
forment  la  principale  compagnie  de  navigation.  Tous 
ses  services  aboutissent  à  Marseille  ou  à  Bor- 
deaux. La  Compagnie  transatlantique,  qui  peut 
seule  lui  être  comparée,  a  des  services  au  Havre, 
Saint-Nazaire  et  Bordeaux. 

A  l'est  de  Marseille,  le  petit  port  de  la  Ciotat 
renferme  les  chantiers  de  construction  et  de  répa- 
ration des  Messageries  maritimes. 

Ti'Ul'jH,  notre  premier  port  de  guerre  depuis  la 
conquête  de  l'Algérie,  est  en  même  temps  port  de 
commerce  pour  tous  les  transports  qu'exige  le 
service  des  nombreux  ateliers  de  la  marine  mi- 
litaire. 

S'int-Tropez,  Autibes  ne  sont  que  de  petits 
ports  dont  les  pêcheurs  recherchent  le  thon,  les 
anchois  et  le  corail. 


Nice  a  un  mouvement  plus  important,  alimenté 
par  l'exportation  des  huiles  et  l'importation  des 
céréales. 

M':7iton.  notre  dernier  port  sur  la  Méditerranée, 
a  la  spécialité  d'envoyer  chaque  année  des  mil- 
lions de  citrons  aux  Etats-Unis. 

Progi-ès  du  commerce  fronçais.  —  Depuis  cin- 
quante ans,  le  commerce  français  n'a  cessé  de  s'ac- 
croître, sauf  de  courts  temps  d'arrêt  causés  par  des 
guerres  ou  des  crises  politiques,  avec  le  développe- 
ment des  moyens  de  transport  facilitant  les  éclian- 
ges,  routes,  canaux,  chemins  de  fer,  vaisseaux  à  va- 
peur, avec  la  conclusion  des  traités  de  commerce 
abaissant  les  droits  de  douane  ou  de  navigation,  et 
garantissant  les  intérêts  des  négociants  dans  les 
pays  étrangers,  avec  les  progrès  de  la  science 
découvTant  sur  les  divers  points  du  globe  de  nou- 
velles matières  utiles  à  l'homme,  ou  enseignant  à 
tirer  un  parti  plus  avantageux  de  celles  qui  étaient 
déjà  connues.  Notre  commerce  total  était  de  2  mil- 
liards et  demi  en  i847,  de  5  milliards  en  1855, 
de  plus  de  8  milliards  en  1867  ;  il  dépasse  mainte- 
nant 9  milliards. 

Population.  —  La  population  de  la  France,  qui 
était  de  lUOO'JOnO  habitants  en  1700,  de  27  445  0('0 
en  1800,  de  38  000  000  en  1866  avant  la  perte  de 
l'Alsace  et  de  la  Lorraine,  est  descendue  à 
3f.  100 000  en  1872.  pour  remonter  à  36905  788  au 
receasement  de  1S70  et  à  37  672  048  à  celui  de 
18S1.  Cela  fait  en  moyenne  71  habitants  par  kilo- 
mètre carré. 

Cette  population  est  groupée  surtout  autour  des 
grandes  villes,  Paris,  Lyon,  Marseille  (la  Seine 
a  5844,  le  Rhône  265,  les  Bouches-du -Rhône 
lie  habitants  de  population  spécifiquel  ;  dans  les 
régions  industrielles  du  Nord  et  de  la  Normandie 
(Nord  282,  Pas-de-Calais  124,  Somme  89,  Seine- 
Inférieure  135,  Calvados  80),  sur  les  côtes  de 
Bretagne  où  la  population  s'accroît  à  chaque  re- 
censement (Finistère  101). 

Elle  est  très  faible  dans  les  pays  pauvres  de 
montagnes  (Basses-Alpes  19,  Hautes-Alpes  22, 
Lozère  'JS),  stériles  comme  les  Landes  ;32  ,  la  So- 
logne (Loir-et-Cher  43),  la  Champagne  lAube  42, 
Haute-Marne  41). 

Cette  population  comprend  un  peu  plus  de  36  mil- 
lions de  Français,  et  800  000  étrangers  domiciliés 
en  France. 

Les  Belges  sont  les  plus  nombreux  de  ceux  ci, 
près  de  la  moitié.  On  les  trouve  attachés  aux 
travaux  de  l'agriculture  et  de  l'industrie  dans  les 
départements  compris  entre  leur  pays  et  Paris. 
Les  Italiens  sont  plus  de  150  000,  surtout  employés 
comme  terrassiers  dans  les  entreprises  de  travaux 
pubhcs,  ou  faisant  le  commerce  en  Provence. 
Les  Espagnols,  les  Suisses  sont  de  '50  à  60  000 
pour  chaque  peuple;  les  Anglais,  30000  seulement. 
Le  reste  comprend  des  représentants  de  presque 
toutes  les  nations  du  globe. 

La  religion  catholique  est  celle  de  la  majorité 
des  Français  (35  ;î87ntO  au  recensement  de  1872). 
Il  y  a  580  OOO  protestants,  cantonnés  surtout  dans 
le  Gard,  la  Lozère,  l'Ardèche.  au  pied  des  Céven- 
nes,  dans  le  Poitou,  la  Franche-Comté  et  le  Dau- 
phiné.  Les  israélitos  sont  50  OdO  environ. 

Pour  compléter  la  description  de  la  France, 
V.  les  mots  :  Algérie,  Alpes,  Canaux,  Chemi7is  de 
fer.  Colonies,  Départements,  Droit  administratif, 
Provinces. 

La  Corse.  —  Sitwdion.  —  Cette  île,  que  traver- 
sent le  7°  de  long.  E.  de  Paris  et  le  42"  de  lat. 
N.,  est  située  dans  la  Méditerranée  à  170  kilomè- 
tres au  sud-est  de  l'extrémité  de  la  côte  française, 
du  côté  de  l'Italie.  A  l'est,  elle  regarde  la  Tosca)te, 
dont  elle  n'est  séparée  que  par  un  intervalle  de 
90  kilomètres,  et  est  baignée  par  la  mer  Tyrrhé- 
nienne.  Au  sud,  elle  est  séparée  de  l'île  de  Sar- 
daigne par  le  détroit  de  Bonifaco,  large  seulement 


FRANGE 


—  823  — 


FRANGE 


ie  quelques  kilomètres,  et  occupé  par  des  îlots 
rocheux,  tristement  célèbres  par  le  naufrage  de  la 
frégate  française  la  Sémillante,  pendant  la  guerre 
de  Crimée.  Au  nord  s'ouvre  le  golfe  do  Gênes, 
cité  dont  l'île  de  Corse  a  longtemps  dépendu. 

Forme  et  superficie.  —  La  Corse,  allongée  du  nord 
au  sud,  a  ISO  kilomètres  de  longeur  dans  le  sens  du 
méridien  ;  sa  plus  grande  largeur  ne  dépasse  guère 
80  kilomètres.  Au  nord,  elle  se  termine  par  la  pé- 
ninsule étroite  du  cap  Corse^  longue  d'une  trentaine 
de  kilomètres.  Au  nord  et  à  l'ouest,  la  côte,  dominée 
par  de  hautes  montagnes,  baigne  dans  une  mer 
profonde,  sur  laquelle  s'ouvrent  d'excellents  ports 
et  des  golfes  qui  découpent  les  contours  de  l'île  en 
sinuosités  nombreuses.  Les  golfes  de  Saint- 
Florent,  de  Calvi,  de  Galeria,  de  Porto,  de  Sagone, 
à'Ajaccio  sont  les  plus  remarquables.  A  l'est,  au 
contraire,  la  côte,  régulièrement  dirigée  du  sud  au 
nord,  est  couverte  de  lagunes,  de  côtes  basses  et 
sablonneuses,  où  ne  s'ouvrent  que  les  deux  ports 
de  Bastia  et  de  Porto- Vecchio. 

Entre  ces  limites,  la  superficie  de  la  Corse  est 
de  8747  kilomètres  carrés.  C'est  un  des  départe- 
ments français  les  plus  étendus. 

Orographie  et  hydrographie.  —  La  Corse  est 
parcourue  par  une  haute  chaîne  de  montagnes, 
dont  l'axe  suit  à  peu  près  les  contours  de  la  côte 
occidentale,  sur  laquelle  elle  projette  de  nombreux 
contreforts,  et  dont  les  points  culminants,  les 
monts  Cinto  et  Rotondo,  voisins  de  Corte,  dépassent 
2G00  mètres.  La  neige  ne  couvre  pourtant  pas  ces 
sommets  d'une  manière  permanente,  à  cause  de  la 
douceur  du  climat  de  l'île.  Sous  ce  rapport,  la 
Corse  tient  le  milieu  entre  la  Provence  et  l'Algérie, 
comme  elle  leur  sert  de  trait  d'union  par  sa  situa- 
tion géographique. 

Du  côté  de  l'est,  les  pentes  des  montagnes  sont 
plus  allongées  ;  là  coulent  les  cours  d'eau  les  plus 
importants  de  l'île,  le  Golo  et  le  Tavignano,  dont  les 
apports,  comblant  peu  à  peu  les  sinuosités  du  rivage, 
oat  contribué  à  lui  donner  sa  régularité  actuelle. 
Toutes  les  rivières  de  l'île  ne  sont  du  reste  que 
des  torrents  qui  ne  sont  même  pas  flottables. 

Climat  et  productions.  —  On  partage  la  Corse  en 
trois  climats  d'après  l'altitude  des  lieux.  Au-dessous 
de  600  à  600  mètres  croissent  les  oliviers,  qui  sont 
une  des  principales  ressources  de  l'île,  les  arbres 
fruitiers  de  la  France,  et  en  outre,  dans  les  vallées 
abritées,  les  orangers,  citronniers  et  grenadiers. 
L'agriculture  est  très  arriérée.  On  pourrait  cultiver 
avec  profit  la  canne  à  sucre  et  le  coton,  surtout 
quand  des  plantations  d'eucalyptus  auront  rendu 
la  côte  orientale  habitable,  en  la  mettant  à  l'abri 
de  l'influence  paludéenne  des  lagunes  qui  la  cou- 
vrent en  grande  partie.  Sous  le  second  climat,  qui 
règne  entre  600  et  1600  ou  1700  mètres,  et  qui 
est  l'analogue  du  climat  moyen  de  la  France,  la 
Corse  possède  des  forêts  étendues,  dont  les  châtai- 
gniers et  les  superbes  pins  laricios  forment  les  es- 
sences les  plus  précieuses.  Le  troisième  climat 
■est  plus  froid  et  ne  convient  qu'à  une  végétation 
forestière  de  plus  en  plus  maigre.  Une  grande  par- 
tie de  l'île  est  couverte  par  des  maquis,  fourrés  im- 
pénétrables qui  ne  donnent  pas  de  bon  produit 
forestier  et  fournissent  un  asile  aux  malfaiteurs. 

Industrie.  —  L'industrie  est  presque  nulle  en 
Corse;  le  sol  renferme  de  beau  marbre  analogue  à 
celui  de  Carrare,  des  granits  et  des  porphyres  pro- 
pres aux  constructions,  des  mines  de  fer  et  de  plomb, 
à  peine  exploitées.  On  pêche  du  corail  sur  les  cô- 
tes. Le  commerce  exporte  des  huiles,  des  vins,  des 
châtaignes,  des  oranges,  des  fruits  secs,  des  bois 
de  construction. 

Sur  une  population  de  272  000  habitants,  le  dé- 
partementnerenfermequedeuxvilles,  d'importance 
à  peu  près  égale:  Bastin,  siège  d'une  cour  d'appel, 
capitale  militaire  et  principal  port  de  l'île  ;  Ajaccio, 
le    chef-lieu  du    département,    qui   a    vu  naître 


Napoléon  I".  Elles  ont  l'une  et  l'autre  ISCOO  habi- 
tants. [G.  Mcissas.] 

Pour  le  programme  du  cours  de  géograpliie  de 
la  France  et  sa  division  en  leçons,  V.  l'article 
Géographie  de  la  France. 

FUANCE  (Histoire).  —  Histoire  de  France,  I-XL. 
—  Populations  préhistoriques.  —  Nos  ancêtres  ne 
sont  pas  seulement  les  Gaulois  à  la  longue  cheve- 
lure; en  fouillant  le  sol,  on  trouve  les  vestiges 
certains  d'une  race  qui  les  avait  précédés.  Ils  ne 
paraissent  pas  l'avoir  détruite;  il  est  plus  probable 
qu'ils  fusionnèrent  avec  elle.  Les  écrivains  clas- 
siques, latins  ou  grecs,  ne  parlent  pas  de  ces 
vieilles  populations.  La  Gaule  fut  longtemps  p  uir 
eux  la  contrée  mystérieuse.  Il  fallut  la  con(|Uéiir 
pour  la  connaître.  César  est  en  effet  le  premier  qui 
fournisse  des  renseignements  précis  et  des  ma- 
tériaux Dour  l'histoire. 

Les  Gaulois.  —  César  distingue  trois  régions 
dont  les  habitants  différaient  par  l'origine  et  le 
langage  ;  au  centre,  de  la  Garonne  à  la  Seine,  s'éten- 
daient les  Celtes;  au  nord  étaient  les  Belges,  plus 
Germains  que  Gaulois;  au  sud  des  populations 
ibères  ou  ligures.  Les  Gaulois  n'en  étaient  plus  à 
l'état  sauvage;  lis  savaient  cultiver  le  sol,  exer- 
çaient certaines  industries,  faisaient  le  commerce 
au  bord  des  rivières  et  des  fleuves.  Mais  la  plus 
grande  partie  de  leur  pays  était  couverte  d'épaisses 
forêts  ;  pour  villes  ils  n'avaient  que  des  camps  gros- 
sièrement fortifiés.  Leur  esprit  souple  et  vif  était 
prompt  à  s'assimiler  les  choses  nouvelles,  mais 
encore  fallait-il  qu'on  les  leur  enseignât  ;  les  Ro- 
mains furent  leurs  éducateurs. 

On  admire  l'héroïsme  de  Vercingéforix  ;  il  ne 
faut  pas  trop  déplorer  sa  défaite.  La  Gaule  au 
temps  de  César  n'était  pas  une  nation.  Elle  se  par- 
tageait en  cités  ou  tribus  toutes  ennemies  entre 
elles;  les  plus  puissantes  asservissaient  les  autres  ; 
au  sein  même  des  tribus  existaient  des  partis  ri- 
vaux toujours  prêts  à  faire  appel  aux  étrangers.  Ce 
pays  divisé  avait  éveillé  les  convoitises  d'un  voisin  . 
redoutable.  Déjà  le  Suève  Arioviste  avait  passé  le 
Rhin,  la  Germanie  s'ébranlait  derrière  lui.  La  con- 
quête romaine  devança  et  prévint  la  conquête 
barbare. 

Gnule  romaine.  —  La  bonne  administration  des 
Romains,  leur  admirable  politique,  rendirent  défi- 
nitifs les  résultats  de  leur  victoire.  Soumis  à  un 
impôt  modéré  qu'ils  percevaient  eux-mêmes,  admis 
peu  à  peu  au  titre  et  aux  droits  de  citoyens,  les 
Gaulois  ne  songèrent  jamais  à  se  détacher  de  l'em- 
pire. En  moins  d'un  siècle  leur  pays  s'était  trans- 
formé, des  routes  le  traversaient  de  toutes  parts, 
des  villes  opulentes  remplaçaient  les  anciennes 
bourgades.  La  paix  encourageait  les  progrès  du 
travail.  Les  Romains  avaient  importé  non-seule- 
ment leurs  industries,  mais  aussi  leurs  arts  et  leur 
littérature.  Les  écoles  gauloises  rivalisaient  avec 
les  meilleures  de  l'Italie.  Les  deux  peuples  s'étaient 
si  bien  pénétrés  qu'on  ne  les  pouvait  distinguer 
l'un  de  l'autre  ;  il  n'y  avait  plus  de  Gaulois,  mais 
des  Gallo-Romains.  On  parlait  partout  la  langue 
latine. 

Cette  prospérité  dura  jusqu'après  les  Antonins, 
puis  la  décadence  romaine  commença.  Au  qua- 
trième siècle,  la  Gaule  souffrait  des  mêmes  maux 
qui  affligeaient  le  reste  de  l'empire.  La  lutte  du 
christianisme  et  du  paganisme  avait  laissé  un 
grand  trouble  dans  les  esprits.  Accoutumés  à  voir 
dans  l'empire  romain  un  ennemi,  les  chrétiens  ne 
lui  témoignaient  qu'aversion  ou  indifférence.  La 
majorité  de  la  population,  ruinée  par  les  guerres 
civiles  et  par  l'aliénation  de  la  petite  propriété, 
ne  cherchait  qu'à  se  soustraire  à  l'impôt. 

Les  barbares.  —  Les  barbares  qui  se  pressaient 
aux  frontières  firent  alors  irruption  de  tous  côtés. 
La  Gaule,  qu'on  avait  dégarnie  pour  garder  l'Italie,         / 
fut  traversée  du  nord-est  au  sud-ouest  et  horrible-       / 


FRANGE 


—  824 


FRANGE 


ment  ravagée  par  l'invasion  de  406.  Les  Suèves, 
les  Alains  et  les  Vandales  s'en  allèrent  en  Espagne; 
d'autres  peuples,  entrés  avec  ou  après  eux,  Bur- 
gundes,  Wisigoths,  Francs,  se  fixèrent  sur  le  sol 
gaulois.  En  451,  le  patrice  Actius  parvint  à  les 
grouper  pour  repousser  l'ennemi  commun  Attila. 
Le  terrible  roi  des  Huns  fut  défait  dans  les  champs 
catalauniques,  mais  ses  vainqueurs  n'étaient  guère 
moins  barbares  que  lui. 

Clovis.  Les  Mérovinqiens.  —  Le  chef  d'une  des 
hordes  franques  établies  dans  le  nord,  Clovis,  fit 
avec  le  clergé  gallo-romain  une  fructueuse  al- 
liance. Il  épousa  d'abord  la  catholique  Clotilde, 
puis  se  convertit  lui-même.  Les  évoques  l'aidèrent 
à  détruire  les  autres  chefs  barbares,  tous  acquis  à 
l'hérésie  arienne.  Il  enleva  le  Midi  aux  Wisigoths, 
et  prépara  dans  l'Est  la  ruine  des  Burgundes  que 
ses  fils  achevèrent.  Il  réunit  ainsi  à  peu  près  toute 
la  Gaule  sous  sa  domination.  Ses  descendants,  les 
Mérovingiens,  ne  furent  pas  les  souverains  paisi- 
bles d'un  État  régulier.  La  brusque  introduction  de 
l'élément  barbare  avait  complètement  bouleversé 
la  société.  Les  coutumes  franques,  burgundes  se 
mêlaient  et  se  heurtaient  avec  la  législation  ro- 
maine. Il  n'y  avait  pas  eu  de  dépossession  systé- 
matique exercée  contre  les  anciens  habitants,  mais 
les  guerres,  les  violences  ne  laissaient  aucune  sta- 
bilité à  la  condition  et  à  la  propriété  de  chacun. 
La  corruption  des  mœurs  s'était  aggravée  des  vices 
nouveaux  apportés  par  les  Germains;  les  rois  mé- 
rovingiens donnaient  l'exemple,  ils  se  massacraient 
entre  eux  ou  s'énervaient  dans  la  débauche.  Le 
niveau  des  intelligences  baissait  rapidement:  les 
grands  homhies  du  temps  étaient  de  pauvres  chro- 
niqueurs comme  Grégoire  de  Tours  ou  Frédégaire. 
Il  semblait  que  la  civilisation  totit  entière  se  fût 
abîmée  dans  le  naufrage  de  l'empire  romain. 

Les  Carlovingiens.  —  De  l'aristocratie  franque 
sortit  une  famille  énergique.  Maires  du  palais  ou 
ducs  d'Austrasie,  les  Carlovingiens  combattirent 
victorieusement  les  incommodes  voisins  du  nord 
et  de  l'est,  Frisons,  Saxons,  Bavarois;  au  sud  ils 
arrêtèrent  net  l'invasion  musulmane.  L'un  d'eux, 
Pépin,  fit  tonsurer  en  752  le  dernier  Mérovingien, 
et  prit  la  couronne. 

Charlernagiie.  —  Charlemagne,  son  fils,  fut  un 
grand  homme  ;  il  refoula  ou  dompta  les  Lombards, 
les  Saxons,  les  Slaves,  les  Avares;  il  alla  attaquer 
chez  eux  les  Musulmans  d'Espagne.  Quand  on  lui 
donna  en  800  la  couronne  impériale,  il  avait  bien 
réellement  reconstitué  l'empire.  Il  procura  à  ces 
populations  de  l'Occident,  foulées  depuis  si  long- 
temps, quelques  années  de  repos.  Groupés  autour 
de  lui  et  sous  sa  protection,  Alcuin,  Pierre  de 
Pise,  Clément  réveillaient  les  intelligences  endor- 
mies, créaient  des  centres  d'études.  Le  savoir  des 
maîtres  eux-mêmes  était  bien  confus  et  borné,  mais 
ils  firent  des  disciples.  On  reprenait  l'offensive 
contre  l'ignorance  aussi  bien  que  contre  les  bar- 
bares. 

L'empire  de  Charlemagne  ne  dura  pas  beaucoup 
plus  que  sa  vie.  Il  était  difficile  de  tenir  groupés 
sous  un  même  chef  des  peuples  de  race  et  de  langue 
différentes.  Il  était  surtout  difficile  que  le  pouvoir 
central  se  fît  partout  obéir.  Louis  le  Débonnaire 
hâta  la  ruine  en  laissant  avilir  dans  sa  personne  la 
majesté  impériale.  En  84-J  l'unité  se  brise,  non 
pas  en  trois  grandes  nations,  mais  en  une  foule  de 
petits  fragments.  La  féodalité  commence. 

Féodalité.  —  Il  y  avait  déjà  longtemps  qu'elle 
se  formait.  La  propriété  du  sol,  l'unique  richesse 
de  ce  temps,  s'était  concentrée  dans  les  mains  de 
quelques-uns:  leudes  germains,  descendants  des 
sénateurs  gallo-romains,  grands  dignitaires  de 
l'église.  Les  mêmes  hommes,  sous  les  noms  de 
ducs  et  de  comtes,  représentaient  l'autorité  impé- 
riale et  exerçaient  en  son  nom  tous  les  pouvoirs. 
Ils  s'habituèrent  à  se  transmettre  de  père  en  fils 


I  leurs  fonctions  avec  leurs  biens.  Quand  l'empire 
j  se  fut  dissous,  ils  n'obéirent  plus  à  personne.  Ils 
\  furent  souverains  là  où  ils  étaient  propriétaires, 
et  dans  leurs  provinces  ils  étaient  propriétaires 
partout.  Le  peuple,  surtout  dans  les  campagnes, 
était  pour  toutes  choses  dans  leur  entière  dépen- 
dance. Les  invasions  et  les  ravages  de  nouveaux 
barbares,  Sarrazins  au  sud.  Normands  au  nord. 
Hongrois  à  l'est,  resserrèrent  encore  des  liens  déjà 
si  étroits.  Sur  toutes  les  hauteurs  se  dressèrent  des 
châteaux  qui,  construits  pour  la  défense,  servirent 
à  la  domination. 

On  peut  dire  que  le  régime  féodal,  après  s'être 
lentement  développé,  s'est  épanoui  victorieusement 
pendant  le  neuvième  siècle,  le  dixième  et  le  on- 
zième. C'est  là  une  des  plus  tristes  périodes  de 
l'histoire.  La  foule  des  opprimés,  serfs,  vilains, 
manants,  fouille  péniblement  un  sol  qui  ne  lui 
appartient  pas.  Il  lui  faut  subir  les  aides,  les  cor- 
vées, les  tailles  et  toutes  ces  extorsions  qu'on 
appelle  les  droits  féodaux.  Même  à  ce  prix  la  sécu- 
rité n'est  pas  garantie.  Les  seigneurs,  toujours 
en  guerre,  pillent,  ravagent  et  tuent.  De  temps  en 
temps  se  produit  une  de  ces  famines  dont  le  chro- 
niqueur Raoul  Glaber  a  laissé  le  lugubre  tableau. 
Les  campagnes  sont  misérables  et  désolées,  les 
villes,  repliées  sur  elles-mêmes,  se  cachent  derrière 
leurs  murailles.  La  violence  des  puissants  se  dé- 
chaîne librement. 

L'Eglise.  —  L'Eglise  était  devenue  féodale 
comme  tout  le  reste  de  la  société.  Ses  chefs, 
évêques,  abbés,  prieurs,  avaient,  comme  les  barons 
laïques,  des  suzerains  et  des  vassaux.  Ils  me- 
naient la  même  vie  agitée  et  violente.  Quelquefois 
ils  se  souvenaient  que  les  canons  interdisent  de 
verser  le  sang,  et  on  les  voyait  dans  les  bataillcs^ 
assommer  les  ennemis  à  coups  de  massue.  Cepen- 
dant une  partie  du  clergé  régulier  échappa  à  cet 
entraînement.  Il  attirait  à  lui  tous  les  hommes  du 
peuple  qui  se  sentaient  le  désir  d'échapper  à  leur 
triste  condition  ;  les  ambitieux  d'humble  naissance 
n'avaient  pas  d'autre  voie  pour  arriver  aux  gran- 
deurs. En  même  temps,  aux  âmes  timides  qu'ef- 
frayait le  tumulte  du  siècle,  il  offrait  la  paix 
rarement  troublée  de  ses  cloîtres.  Là  fut  le  der- 
nier asile  des  lettres;  à  défaut  d'autre  science,  on 
s'exerçait  à  copier  les  manuscrits  anciens;  c'est 
ainsi  que  tant  de  chefs-d'œuvre  échappèrent  à  la 
destruction- 
Un  pape  sorti  des  monastères,  l'altier  Gré- 
goire VII,  entreprit  la  réforme  de  l'Eglise,  et  lança 
l'interdit  contre  les  plus  puissants  des  princes. 
Suppléant  aux  lois  absentes,  les  terreurs  reli-. 
gieuses  servirent  à  réfréner  les  passions;  la  trêve 
de  Dieu  imposa  la  paix  aux  guerroyeurs  du  on- 
zième siècle. 

Les  croisades.  —  Mais  l'inHuence  ecclésiastique 
apparut  surtout  dans  les  croisades.  Des  foules 
innombrables  se  ruèrent  sur  l'Orient  pour  arra- 
cher aux  infidèles  la  Palestine  et  le  Saint-Sé- 
pulcre. Après  des  luttes  acharnées,  le  pays  disputé 
resta  aux  Musulmans.  Cependant  ce  n'était  pas 
en  vain  que  tant  de  sang  avait  coulé.  Les  chré- 
tiens apprirent  beaucoup  à  l'école  de  leurs  enne- 
mis ;  ils  rapportèrent  des  industries,  des  sciences, 
des  idées  nouvelles.  Les  Vénitiens,  les  Génois,  les 
Pisans,  les  Marseillais  commencèrent  dans  les 
ports  du  Levant  un  commerce  qui  dure  encore.  La. 
croisade  contribua  aussi  à  rapprocher  les  classes  : 
associés  aux  mômes  entreprises,  compagnons  de 
gloire  ou  d'infortune,  le  seigneur  et  le  serf  se 
regardèrent,  l'un  avec  moins  de  mépris,  l'autre 
avec  moins  de  crainte.  La  féodalité  s'était  d'ailleurs 
affaiblie,  beaucoup  dos  siens  restaient  couchés  sur 
les  champs  de  bataille  lointains,  et  ceux  qui  reve- 
naient ne  pouvaient  reprendre  leurs  biens  engagés 
ou  vendus.  La  richesse  et  avec  elle  la  puissance 
passaient  en  d'autres  mains. 


FRANCE 


—  825  — 


FRANCE 


Les  communes.  — Lo  mouvement  des  commune?, 
plus  directement  que  les  croisades,  changea  la 
forme  de  la  société  Dans  les  villes,  où  ils  pou- 
vaient se  compter  et  trouver  une  force  dans  leur 
nombre,  les  hommes  du  peuple  se  concertaient, 
se  liaient  par  un  serment  solennel.  Ils  demandaient 
alors  à  pris  d'argent  ou  arrachaient  par  la  force 
une  charte  de  commune.  Désormais  les  droits  de 
chacun  étaient  réglés,  la  date  et  le  clufifre  des  re- 
devances fixés;  ilny  avait  plus  de  place  pour  l'ar- 
bitraire ;  c'était,  dans  le  cercle  étroit  des  relations 
féodales,  le  régime  constitutionnel  comme  nous  le 
comprenons.  Chaque  cité  devint  ainsi  une  petite 
république,  s'administrant  elle-même,  ayant  ses 
finances,  ses  magistrats,  ses  assemblées.  Une  véri- 
table vie  politique  s'y  développait,  on  apprenait  à 
délibérer  sur  les  affaires  communes,  au  signal  du 
befi'roi  on  courait  aux  armes  ;  les  opprimés  résignés 
étaient  devenus  de  fiers  citoyens. 

Progrès  de  la  royauté.  —  L'indépendance  com- 
munale disparut  dans  le  grand  courant  qui  em- 
portait la  France  vers  l'unité.  Aux  Carlovingiens 
ruinés  avait  succédé  une  autre  dynastie  :  les  ducs 
de  France  étaient  devenus  rois.  A  peine  acceptés 
comme  chefs  par  les  seigneurs  les  plus  proches, 
sans  action  sur  les  autres,  inconnus  même  de 
quelques-uns,  les  premiers  Capétiens  semblèrent 
désireux  de  régner  sans  bruit.  Autour  d'eux  tout 
s'agitait  :  les  papes  et  les  empereurs  luttaient 
pour  la  suprématie,  les  Normands  allaient  conqué- 
rir dfs  royaumes  en  Italie  et  en  Angleterre,  l'Oc- 
cident chrétien  courait  à  la  croisade.  Pendant  ce 
temps  les  rdis  de  France,  immobilts  dans  leur 
étroit  domaine,  regardaient  avec  mélancolie  les 
donjons  féodaux  qui  leur  barraient  l'horizon. 

Louis  VI.  — Louis  VI  secoua  cette  inertie  ;  ses 
contemporains  l'ont  surnommé  VEveillé.  Bien 
conseillé  par  son  ministre  Suger,  il  fut  en  mouve- 
ment tout  son  règne,  réprimant  autour  de  lui  les 
petits  barons,  s'en  allant  faire  sentir  le  poids  de 
son  sceptre  aux  plus  lointains  feudataircs.  Les 
hommes  libres  s'accoutumèrent  ainsi  à  voir  dans 
le  roi  un  justicier  suprême  vers  lequel  ils  se  tour- 
naient; les  seigneurs  apprirent  à  obéir. 

Lo/'.is  Vil.  — Le  puissant  Henri  Plantagenet,  roi 
d'Angleterre,  respecte  en  Louis  Villa  personne  de 
son  suzerain  ;  celui-ci,  malgré  l'inégalité  de  la  lutte, 
se  maintient  contre  lui  sans  trop  de  désavantage. 

Plillippe-Auguste.  —  Plnlippe-Auguste,  toujours 
en  vertu  de  la  suprématie  féodale,  cite  devant  sa 
cour  Jean  Sans- "Terre,  le  fait  condamner,  et,  en 
exécution  de  la  sentence,  occupe  la  Normandie, 
l'Anjou  et  l'Aquitaine.  La  croisade  contre  les  Albi- 
geois, à  laquelle  il  ne  s'associe  point,  prépare  la 
réunion  du  Midi  à  la  couronne.  Pendant  que  se 
forme  le  territoire,  l'esprit  national  s'éveille  et  cé- 
lèbre la  victoire  de  Bouvines. 

Sabit  Louis.  —  Saint  Louis  ne  fit  point  de  con- 
quêtes ;  il  abandonna  même  en  partie  celles  de 
Philippe-Auguste  ;  il  travailla  pourtant  plus  que 
personne  à  l'unité  monarchique  ;  le  droit  romain 
introduit  en  France,  les  guerres  privées  interdites, 
la  juridiction  roj-ale  étendue  à  toutes  les  affaires, 
c'étaient  là  des  atteintes  mortelles  portées  à  la 
féodalité.  Le  caractère  du  roi  et  la  vénération 
qu  inspirait  sa  personne  contribuèrent  au  succès 
de  sa  politique;  nul  n'osait  lui  résister,  et  le 
respect  faisait  ce  que  la  force  n'eût  pu  accomplir. 
Il  dominait  les  autres  princes  de  toute  la  hauteur 
de  ses  vertus  ;  grâce  à  lui,  le  roi  de  France  fut  le 
premier  personnage  de  la  chrétienté. 

Philippe  IV.  —  Personne  ne  ressembla  moins  h 
Louis  IX  que  Philippe  IV  ;  à  sa  manière  il  pour- 
suivit cependant  les  mêmes  résultats.  Ses  légistes 
garrottèrent  de  leurs  liens  subtils  l'indocilité 
féodale.  Violent  et  perfide  en  Flandre,  inique  h 
l'égard  des  Juifs  et  des  Templier?,  faux  monnayeur 
au   besoin,  tout   son   règne  ne   fut   qu'une   âpre  ; 


chasse  à  l'argent.  C'est  que  la  royauté  avait  dc3 
besoins  nouveaux;  le  domaine  royal,  démesuré- 
ment étendu,  avait  son  administration  compliquée 
et  coûteuse.,  dont  le  Parlement   était   le   centre. 

L"  Tiers-État.  —  Sous  ce  prince  tjTannique 
eurent  lieu  les  premières  réunions  d'États-Géné- 
raux. A  la  vérité,  s'il  convoqua  les  députés  des 
villes,  ce  fut  moins  pour  les  consulter  que  pour 
leur  extorquer  des  subsides  ;  mais  l'importance  de 
ces  assemblées  devait  grandir.  Ce  qui  est  digne  de 
remarque,  c'est  que  les  classes  populaires,  dès  1& 
commencement  du  xiv*^  siècle,  envoyaient  leurs- 
représentants  siéger  auprès  de  la  noblesse  et  du 
clergé.  Elles  s'étaient  accrues  en  nombre  et  en  ri- 
chesse ;  la  sécurité  et  l'ordre  une  fois  rétablis,  la 
vie  sociale  avait  recommencé,  les  villes  se  déve- 
loppaient par  l'industrie  et  le  commerce.  Dans  les 
campagnes  la  condition  des  paysans  s'améliorait; 
en  1315  un  édit  de  Louis  X  autorisa  les  serfs  à 
racheter  leur  liberté.  On  était  loin  des  misère» 
du  X'  siècle. 

Guerre  de  Cent  ans.  —  Ces  progrès  se  trouvèrent 
violemment  airêtés  par  l'avènement  des  Valois  et 
la  guerre  de  Cent  ans.  Nourris  des  cliimères  d'une 
fausse  chevalerie,  dépourvus  de  tout  sens  politique, 
Philippe  VI  et  son  fils  Jean  gaspillent  follement 
leurs  ressources  dans  les  fêtes  et  les  batailles. 
Après  Crécy  les  provinces  du  nord,  après  Poitiers 
le  sud  et  le  centre  sont  affreusement  ravagés.  Il  y 
eut  quelque  répit  sous  Charles  V,  n^ais  la  clémence 
de  Charles  VI  rouvrit  l'ère  lamentable  des  désas- 
tres. Armagnacs  et  Bourguignons  s'entre-déchirè- 
rent,  la  guerre  civile  fit  plus  de  ruines  que  la. 
guerre  étrangère.  Cependant  l'Anglais  reparaissait, 
triomphait  à  Azincourt,  prenait  Rouen,  prenait 
Paris.  Les  princes,  la  reine,  le  roi  signaient  le 
traité  de  Trojcs  qui  livrait  la  France  à  Henri  de 
Lancastre.  Dans  les  châteaux  du  centre,  le  Dauphin 
promenait  sa  joyeuse  insouciance  et  perdait  gaî- 
ment  son  royaume. 

La  royauté  s'abandonnait  elle-même.  Le  peuple 
intenint.  Au  milieu  de  ces  épreuves,  le  sentiment 
national  avait  grandi.  Déjà  après  Poitiers  une  vaste 
malédiction  s'était  élevée  contre  la  noblesse,  et  la. 
Jacquerie  s'était  déchaînée.  Quelques  bourgeois- 
hardis  avec  Etienne  .Marcel  avaient  essayé  de  trans- 
férer le  pouvoir  à  la  nation  représentée  par  les 
États-Généraux;  ils  succomberont,  mais  leurs  idées 
survécurent.  Aux  plus  sombres  jours  de  Charles  VI, 
les  auteurs  de  1  ordonnance  cabochienne  renouve- 
lèrent la  même  tentative  et  avec  le  même  insuccès. 
La  foule  ne  les  comprenait  pa'=  ;  elle  n'était  pas 
encore  capable  de  se  laisser  conduire  par  des 
théories  politiques  et  des  opinions  raisonnées. 
Mais  elle  suivit  d'instinct  l'élan  passionné  qui  en- 
traînait Jeanne  d'Arc.  La  paysanne  de  Domrémy, 
avec  son  âme  simple  et  forte,  avec  sa  vaillance  faite 
de  pitié  et  de  colère,  parut  comme  l'incarnation  du 
patriotisme.  Elle  détruisit  le  prestige  qui  était  la 
principale  force  des  Anglais.  Elle  périt  sur  le  bû- 
cher de  Rouen,  mais  elle  avait  rendu  aux  Français 
la  confiance  et  la  victoire,  qui  ne  les  quittèrent 
plus.  En  lJô3,  de  toutes  leurs  conquêtes  les  Anglais 
ne  conservaient  que  Calais. 

Charlrs  VII  et  Louis  XI.—  La  guerre  de  Cent 
ans  était  finie,  mais  la  France  était  épuisée.  Dans 
les  violents  efforts  qu'il  avait  fallu  faire,  l'unité 
politique  s'était  comme  disloquée.  Sortis  de  la 
famille  royale,  les  princes  apanages  se  retour- 
naient contre  elle  ;  toute  une  féodalité  turbulente 
s'agitait  dans  les  provinces.  L'œuvre  des  grands 
Capétiens  était  à  recommencer.  Charles  VII  trouva 
Jacques  Cœur  pour  lui  reconstituer  ses  finances  et 
Jean  Bureau  qui  lui  organisa  une  armée.  Lé  roi  eut 
dès  lors  des  ressources  assurées  qui  le  dispen- 
saient de  recourir  à  ses  sujets,  et  une  force  mili- 
taire qui  lui  permettait  d'imposer  ses  volontés.  II 
n'y  avait  pas  de  muraille  si  épaisse  où  les  canons 


FRANCE 


—  826 


FRANGE 


ne    pussent  faire  de   brècbe,  et  la  Praguerie  fut 
aisément  réprimée. 

Louis  XI,  manqua  d'abord  tout  compromettre; 
les  fautes  de  ses  ennemis  le  servirent  mieux  que 
sa  propre  habileté.  Le  plus  dangereux  des  grands 
vassaux,  Charles  de  Bourgogne,  alla  se  briser 
contre  les  Suisses,  la  maison  d'Anjou  s'éteignit,  la 
Bretagne  affaiblie  n'eut  plus  la  force  de  défendre 
son  indépendance.  A  l'intérieur,  l'exemple  des  Ne- 
mours et  des  Saint-Pol  terrifiait  la  noblesse.  Pen- 
dant ce  temps  la  nation  se  relevait,  les  trêves  mar- 
chandes de  Solcure  et  de  Pecquigny  favorisaient 
les  transactions,  les  postes  royales  s'organisaient, 
et  l'imprimerie  était  introduite  en  France.  Avec 
la  prospérité  générale  on  vit  reparaître  l'idée 
d'un  gouvernement  libre.  En  li84,  dans  un  lan- 
gage qu'on  ne  devait  plus  parler  ensuite  qu'en 
I7S9,  Philippe  de  la  Roche  conseilla  aux  Etats- 
Généraux  de  saisir  le  pouvoir. 

(.  harles  Vlll.  Guerres  d'Italie.  —  Charles  VIII 
commença  les  guerres  d  Italie  et  donna  ainsi  à  la 
politique  française  une  fausse  direction  qui  fut 
obstinément  suivie.  Pendant  près  d'un  siècle  on  vit 
les  armées  feançaises  renouveler  les  mêmes  tenta- 
tives inutiles,  déboucher  des  Alpes,  conquérir  le 
Milanais  et  reperdre  le  tout  en  cherchant  à  s'é- 
tendre dans  le  royaume  de  Naples.  Mieux  eût 
valu  surveiller  les  progrès  de  la  maison  d'Autriche, 
qui  prenait  alors  un  accroissement  formidable. 
Quand  Charles-Quint  eut  réuni  l'Espagne,  l'Alle- 
magne, les  Pays-Bas  et  l'Amérique,  la  France  se 
trouva  réduite  à  la  défensive.  Elle  parvint,  non  sans 
peine,  sous  le  règne  de  François  Is^  à  préserver 
son  existence  ;  avec  Henri  II  elle  reprit  Calais  sur 
l'Angleterre  et  gagna  sur  l'Allemagne  les  Trois- 
Évèchés  lorrains. 

Royauté  absolue.  —  Le  seul  avantage  réel  que  la 
royauté  retira  de  ces  guerres,  ce  fut  de  transformer 
son  pouvoir  et  de  le  rendre  absolu.  La  noblesse  ne 
se  révoltait  plus  :  ce  qu'elle  avait  de  meilleur  ser- 
vait iidèlemeftt  à  la  tête  des  armées,  comme  Bayard, 
Fleuranges,  Louis  d'Ars.  Les  autres,  devenus  cour- 
tisans, formaient  autour  des  princes  une  domesti- 
cité brillante  ;  le  concordat  signé  par  Léon  X  avait 
■mis  le  clergé  à  la  discrétion  des  rois;  les  parle- 
ments considéraient  le  souverain  comme  la  loi  vi- 
vante, le  peuple  payait  les  impôts  et  n'en  contrôlait 
pas  l'emploi.  En  tète  de  ses  ordonnances, 
François  1"  put  placer  cette  formule  significative  : 
«  Car  tel  est  notre  bon  plaisir.  » 

Renaissance  et  Réforme.  —  La  France  participa 
au  grand  mouvement  des  esprits  qui  a  illustré 
le  XVI'  siècle.  Elle  eut,  comme  l'Italie,  sa  renais- 
sance des  lettres  et  des  arts,  comme  l'Allemagne 
sa  réforme  religieuse.  L'une  entraînait  l'autre.  Les 
imaginations  vives,  éprises  de  l'antiquité,  avaient 
horreur  du  sombre  moyen  âge  ;  les  esprits  exacts 
remontaient  aux  origines,  examinaient  les  textes, 
et  demandaient  compte  à  l'Église  des  altérations  de 
la  foi.  Ce  fut  par  les  érudits  comme  Rabelais  ou 
Dolet,  par  les  poètes,  Marguerite  de  Navarre  et 
Clément  Marot,  que  les  doctrines  luthériennes 
furent  introduites  en  France.  La  royauté  hésita 
d'abord,  puis  se  prononça  contre  les  novateurs. 
Inaugurées  sous  François  P%  les  persécutions  re- 
doublèrent pendant  le  règne  de  Henri  II;  elle  n'ar- 
rêtèrent point  les  progrès  de  la  réforme  française, 
-à  laquelle  Calvin  donna  alors  sa  doctrine  originale 
■et  sa  forte  organisation. 

Guerres  de  religion.  —  En  1559  la  couronne  fut 
placée  sur  la  tête  d'un  enfant;  les  rivalités  d'ambi- 
tion s'ajoutèrent  alors  aux  querelles  religieuses, 
€tles  guerres  civiles  éclatèrent.  Des  deux  côtes  on 
y  porta  un  égal  acharnement;  les  passions  étaient 
les  mêmes,  la  frénésie  du  fanatisme  armait  un  pro- 
testant pour  assassiner  Guise  et  un  catholique  pour 
égorger  Condé.  Tous  oublièrent  qu'ils  étaient  Fran- 
çais en  appelant,  qui  les  Espagnols,  qui  les  Alle- 


mands et  les  Anglais.  Au  milieu  de  ce  déchaîne- 
ment, les  derniers  Valois  se  succédaient  dans 
l'impuissance  ;  François  II  mourait  après  avoir  eu 
le  spectacle  des  tueries  d'Amboise;  Charles  IX 
disparaissait  dans  l'horreur  de  la  Saint  Barthélémy  ; 
Henri  III  en  butte  au  mépris  général,  sentait  son 
royaume  -lui  échapper,  et  tombait  sous  le  couteau 
de  Jacques  Clémeni  en  assiégeant  sa  capitale. 

Ileiiri  IV.  —  Henri  IV  est  resté  le  plus  populaire 
des  rois  de  France,  et  ce  n'est  pas  sans  raison. 
Avec  sa  physionomie  ouverte,  son  entrain  guer- 
rier, sa  bonhomie  qui  pour  être  fine  n'était  pas 
moins  sincère,  il  était  de  ceux  qui  plaisent  à  notre 
nation.  Il  lui  rendit  d'ailleurs  les  plus  signalés 
services.  En  1580,  il  trouvait  la  guerre  civile  dans 
tout  son  fou,  la  division  et  l'anarchie  partout, 
l'Espagnol  allié  de  ia  Ligue  essaj^ant  de  se  trans- 
former on  maître,  l'indépendance  menacée,  lunité 
compromise.  Il  fallait  un  grand  coeur  pour  essayer 
de  tout  rétablir. 

Le  Béarnais,  qui  avait  guerroyé  jusqu'alors  à  la 
tête  de  quelques  bandes,  s'improvisa  général  et 
politique.  Devant  l'intérêt  supérieur  de  la  patrie, 
il  inclina  ses  préférences  personnelles;  l'ancien 
chef  des  huguenots  se  montra  le  roi  de  tout  le 
monde.  Luttant,  négociant,  battant  les  uns,  ache- 
tant ou  séduisant  les  autres,  il  ramena  toute  la 
France  à  lui.  Philippe  II,  lassé,  traita  à  Vervins  ; 
la  Ligue  avait  vécu.  L'édit  de  Nantes,  sage  accom- 
modement entre  les  religions  ennemies,  fut  comme 
la  paix  à  l'intérieur.  L'Espagnol  chassé,  la  guerre 
civile  finie,  on  se  mit  résolument  au  travail  pour 
refaire  la  France.  Finances,  armée,  justice,  agri- 
culture, on  retrouve  partout  la  main  de  Sully. 
Tout  cela  se  tenait  d'ailleurs  :  l'agriculture  avait 
surtout  besoin  de  sécurité,  l'armée  et  la  justice 
devaient  y  pourvoir,  et  il  fallait  pour  les  entretenir 
de  bonnes  finances.  Probe,  économe,  sévère,  le 
bon  Sully  avait  d'ailleurs  quelque  étroitesse  d'es- 
prit. H  ne  voyait  rien  en  dehors  de  labourage  et 
pâturage.  L'intelligence  plus  ouverte  de  Henri  IV 
favorisa  la  création  des  industries,  même  des  in- 
dustries de  luxe.  Les  routes  furent  réparées,  des 
ponts,  des  canaux  construits.  Le  seizième  siècle, 
si  bouleversé  et  si  tragique,  finissait  dans  l'apaise- 
aient. 

Ric/ielieu  et  Mazarin.  —  Il  y  eut  quelques  der- 
nières convulsions  de  guerre  civile  après  le 
meurtre  de  Henri  IV,  et  plus  tard  sous  la  régence 
d'Anne  d'Autriche.  Richelieu  en  1624,  Mazarin  en 
1653  mirent  fin  aux  troubles  et  maintinrent  l'auto- 
rité royale.  Il  existe  plus  d'un  rapport  entre  ces 
deux  ministres  :  de  caractères  très  différents,  l'un 
dur  et  hautain,  l'autre  souple  et  insinuant,  ils  tra- 
vaillèrent successivement  à  une  même  œuvre.  Leur 
politique  étrangère  fut  habile  et  heureuse.  Plaçant 
au-dessus  des  préjugés  religieux  l'intérêt  national, 
Richelieu  défendit,  comme  l'eût  fait  Henri  IV 
lui-même,  les  puissances  protestantes  contre  l'ab- 
sorption autrichienne.  Après  avoir  lancé  Gustave- 
Adoli'he,  il  intervint  directement  dans  la  guerre 
de  Trente  Ans.  Mazarin  utilisa  les  généraux  et 
les  diplomates  formés  sous  son  prédécesseur.  Aux 
traités  de  Westphalie  et  des  Pyrénées,  il  obtint 
les  résultats  que  celui-ci  avait  poursuivis  :  l'abais- 
sement politique  de  la  maison  d'Autriche,  la 
réunion  à  la  France  des  provinces  nécessaires  à 
son  unité  :  Alsace  à  l'est,  Artois  au  nord,  Rous- 
sillon  et  Cerdagne  au  sud-ouest. 

Mais  ces  succès  furent  payés  bien  cher.  L'admi- 
nistration intérieure  des  deux  cardinaux  fut  op- 
pressive et  vexatoire  ;  sans  tenir  compte  des 
misères  du  peuple,  on  s'ingéniait  sans  cesse  à 
établir  de  nouveaux  impôts  ;  l'opposition  du  Par- 
lement, sous  la  régence  d'Anne  d'Autriche,  avait 
quelque  i-aison  d'être.  L'un  et  l'autre,  mais  sur- 
tout Riclielieu,  furent  trop  portés  à  confondre  la 
liberté  avec  la  rébellion.  Il  était  nécessaire  do  ré- 


FRANGE 


—  827  — 


FRANGE 


primer  les  turbulences  de  la  noblesse,  mais  fallait-il 
pour  cela  étouffer  toute  vie  locale  sous  une  centra- 
lisation excessive  ?  Richelieu  et  Mazarin  prépa- 
rèrent les  voies  au  despotisme  de  Louis  XIV;  ils 
préparèrent  aussi  les  fautes  et  les  malheurs  que  ce 
despotisme  devait  engendrer. 

Lettres  et  arts  au  xvii*  siècle.  —  Cette  première 
moitié  du  xvii'  siècle  a  eu  sa  part  de  grandeurs 
intellectuelles.  Malherbe,  Balzac,  l'Académie  fran- 
çaise travaillèrent  à  fixer  la  langue  dont  se  servi 
renten  maîtresDescartes,  Pascal,  Corneille.  Le  Dis- 
cours de  la  Méthode,  les  ProvincUdes,  le  Cid  ont 
précédé  l'avènement  ou  tout  au  moins  le  gouver- 
nement de  Louis  XIV.  Dans  le  même  temps,  les 
illustres  artistes  de  l'école  française.  Poussin,  Le- 
sueur,  Claude  Lorrain,  produisaient  leurs  chefs- 
d'œuvre. 

Le  règne  de  Louis  XIV  est  surtout  remarquable 
par  l'étonnante  profusion  de  grands  écrivains  qu'il 
présente.  Ce  nest  pas  sans  quelque  raison  qu'on 
en  a  fait  l'époque  classique  de  la  littérature  fran- 
çaise. Molière,  Racine,  la  Fontaine,  Bossuet  se  dé- 
tachent au  premier  rang;  un  peu  en  arrière  se 
pressent  Fénelon,  M""'  de  Sévigné,  la  Rochefou- 
cauld, la  Bruyère,  Boileau,  Bourdaloue,  S'  Simon. 
L'éloquence  éclatante,  la  grâce  familière,  la  force 
comique,  le  bon  sens  judicieux,  la  pénétrante  ana- 
lyse ou  la  peinture  animée  des  passions,  n'ont 
jamais  trouvé  une  forme  plus  achevée  et  une 
expression  plus  parfaite. 

Colbert.  —  A  Colbert  bien  plus  qu'à  Louis  XIV 
revient  l'honneur  d'avoir  favorisé  cette  glorieuse 
cclosion.  Le  ministre  morose  fut  l'obscur  ouvrier 
des  splendeurs  du  règne.  Il  répara  les  finances, 
créa  de  toutes  pièces  une  industrie,  lança  des 
compagnies  de  commerce,  organisa  une  marine.  Il 
no  fut  pas  un  novateur;  l'emploi  des  chambres  de 
justice  pour  les  finances,  de  la  protection  pour 
l'industrie,  du  monopole  pour  le  commerce,  mon- 
tre qu'il  partageait  les  idées  de  son  temps.  Mais 
son  activité  mettait  tout  en  mouvement,  et  rien 
n'échappait  à  sa  vigilante  attention.  Lui  aussi 
d'ailleurs  contribua  à  fonder  l'absolutisme  monar- 
chique, dont  il  put  apprécier  avant  sa  mort  les 
désastreux  effets. 

Louis  XIV.  —  Louis  XIV  imposa  l'obéissance  à 
tout  le  monde;  noblesse,  clergé.  Parlement^  Etats 
provinciaux,  personne  n'éleva  plus  la  voix  ;  même 
les  élections  municipales  furent  supprimées.  Il  se 
servit  de  ce  pouvoir  sans  limites  pour  gaspiller  par 
un  faste  ruineux  et  par  des  entreprises  démesu- 
rées les  ressources  qu'avait  amassées  Colbert. 
Reprenant  pour  son  compte  les  ambitieux  projets 
de  la  maison  d'Autriche,  il  parut  bientôt  en  Europe 
comme  un  ennemi  public  et  souleva  contre  lui 
toutes  les  nations.  Pendant  que  la  révocation  de 
l'édit  de  Nantes  enlève  à  la  France  sa  population 
protestante,  les  guerres  de  dévolution,  de  Hollande, 
de  la  ligue  d'Augsbourg,  de  la  succession  d'Espa- 
gne la  ruinent  et  l'épuisent.  La  conquête  de  deux 
provinces,  Flandre  et  Franche-Comté,  est  assuré- 
ment quelque  chose  ;  mais  si  l'on  considère  l'im- 
mensité des  efiforts,  la  quantité  de  sang  répandu, 
on  trouve  que  le  résultat  est  hors  de  proportion.  Le 
peuple  qui  souffrait  en  jugea  ainsi,  et  fit  des  feux 
de  joie  aux  funérailles  du  grand  roi. 

Louis  XV.  —  La  décadence  de  la  monarchie  a 
commencé  avec  le  dix-huitième  siècle;  elle  se  pré- 
cipite sous  Louis  XV.  Au  début  même  du  règne, 
le  système  de  Law  et  sa  catastrophe  bouleversent 
les  fortunes  et  les  idées,  la  noblesse  se  déshonore 
dans  les  orgies  de  la  Régence,  le  clergé  subit  à  sa 
tête  un  cardinal  Dubois.  Au  gouvernement  des  roué'S 
succède  celui  des  favorites  :  les  ministres  sont 
élevés  ou  renversés,  les  alliances  conclues,  les 
guerres  engagées,  par  un  caprice  des  Pompadour 
•et  des  Dubarry.  Louis  XIV  avait  eu  au  moins  le 
prestige   de  la   gloire  militaire,  Louis  XV  ne   re- 


cueille que  la  honte  et  les  désastres  ;  les  colonies 
sont  perdues,  la  marine  détruite  ;  l'Angleterre,  la 
Russie,  la  Prusse  grandissent  en  Europe  pendant 
que  la  France  décroît.  A  l'intérieur,  les  luttes  avec 
les  Parlements,  les  querelles  toujours  renaissantes 
du  jansénisme  détruisent  dans  les  esprits  le  res- 
pect de  l'Eglise,  de  la  magistrature  et  de  la  royauté 
elle-même. 

Mouvement  des  idées  au  xviii*  siècle.  —  La  lit- 
térature a  changé  de  caractère  ;  moins  soigneuse 
de  la  forme  qu'au  siècle  précédent,  elle  remue 
plus  d'idées.  Enhardie  par  le  progrès  des  sciences 
physiques  et  naturelles,  elle  veut  tout  connaître, 
tout  examiner,  tout  juger.  Voltaire,  Rousseau,  Di- 
derot, BufTon,  Montesquieu,  si  différents  par  la 
nature  de  leur  esprit,  attaquent  tous  ensemble  le 
vieil  édifice  des  croyances.  lis  contestent  l'autorité 
au  nom  de  la  raison.  Une  puissance  nouvelle  s'é- 
lève, l'opinion  publique,  et  elle  juge  avec  sévérité 
les  choses  et  les  hommes.  L'opposition  est  complète 
entre  les  institutions  et  les  idées. 

Etat  social  sous  l'ancien  régime.  —  Ce  ne  sont 
pourtant  pas  seulement  les  théories  philosophiques 
(jui  ont  préparé  la  Révolution.  L'ancien  régime, 
qui  heurtait  si  fort  le  sentiment  public,  n'était  pas 
plus  d'accord  avec  les  intérêts  généraux.  La  masse 
de  la  population  roturière  ployait  sous  le  triple 
faix  de  1  impôt  royal,  des  droits  féodaux  et  de  la 
dîme  ;  la  grande  propriété  ecclésiastique  ou  noble 
accaparait  la  meilleure  partie  du  sol;  le  travail 
industriel  était  un  privilège  ;  on  comptait  par  cen- 
taines de  mille  les  hommes  sans  moyens  d'exis- 
tence réguliers  :  mendiants,  braconniers,  contre- 
bandiers. Pendant  que  le  peuple  soufi'rait  d'une 
misère  chronique,  la  bourgeoisie  s'inquiétait  de  la 
gestion  des  finances  et  réclamait  des  comptes. 

Origines  <ie  la  Révolution.  —  Choiseul  sous 
Louis  XV,  sous  Louis  XVI  Turgot  et  Necker  es- 
sayèrent de  sauver  la  monarchie  en  la  réformant. 
Ils  échouèrent  l'un  après  l'autre.  Malgré  la  droi- 
ture de  ses  intentions,  Louis  XVI  ne  sut  pas  mieux- 
que  son  grand-père  défendre  ses  ministres  contre 
les  intrigues  de  cour  ;  la  légèreté  de  Marie-An- 
toinette rendit  la  royauté  de  plus  en  plus  impo- 
pulaire. Tout  semblait  conspirer  à  une  catas- 
trophe :  les  tentatives  de  réforme  qui  tenaient 
l'opinion  en  éveil,  les  résistances  du  Parlement 
dont  les  esprits  étaient  émus,  la  guerre  d'Améri- 
que qui  donnait  le  spectacle  d'un  peuple  défen- 
dant victorieusement  ses  droits.  En  même  temps 
les  embarras  du  trésor,  qui  dataient  de  Louis  XIV, 
allaient  croissant,  le  déficit  se  creusait  comme  un 
gouffre.  A  la  fin,  la  royauté,  ne  sachant  plus  où  se 
prendre,  convoqua  les  États-Généraux  et  déposa 
devant  eux  son  bilan,  La  Révolution  commençait. 

Assemblée  constituante.  —  Les  députés  du  Tiers 
transformèrent  les  États-Généraux  en  Assemblée 
nationale  constituante,  et  entreprirent  de  traduire 
en  lois  les  principes  de  liberté  et  d'égalité  énoncés 
dans  la  Déclaration  des  droits  de  l'homme.  Il 
s'agissait  de  refaire  de  fond  en  comble  la  so- 
ciété française.  La  Constituante  ne  fut  pas  infé- 
rieure à  sa  tâche  :  elle  al  olit  les  droits  féodaux, 
les  dîmes,  les  privilèges  et  les  distinctions  de 
classe  ;  elle  releva  au  rang  des  citoyens  les  dissi- 
dents religieux  et  les  serfs  ;  en  établissant  l'égalité 
dans  les  successions,  en  attribuant  à  la  nation  les 
biens  détenus  par  le  clergé,  elle  prépara  une  ré- 
partition meilleure  de  la  propriété  foncière  ;  les 
corporations  fermées  disparurent  et  le  travail  ia- 
duscriel  fut  accessible  à  tous. 

Dans  l'ordre  politique,  on  substitua  au  pouvoir 
absolu  les  garanties  d'un  régime  constitutionnel. 
Une  Assemblée  nationale  partageait  avec  le  roi  le 
pouvoir  législatif  et  contrôlait  l'exercice  du  pou- 
voir exécutif.  Partout,  dans  les  départements  qui 
avaient  remplacé  les  provinces,  dans  les  districts, 
dans   les   communes,   les  administrateure   furent 


FRANCE 


—  828 


FRANGE 


choisis  par  les  citoyens.  Une  magistrature  élective, 
une  hicrarcliie  de  tribunaux  savamment  établie, 
l'institution  du  jury,  étaient  des  gages  de  sécurité 
pour  les  intérêts  privés  et  la  liberté  individuelle. 
Résistances  contre  ta  Révolution.  —  Les  classes 
privilégiées,  qui  avaient  d"abord  partagé  l'entraî- 
nement général,  revinrent  très  vite  à  des  sen- 
timents contraires.  Louis  XVI  s'associa  à  leurs 
résistances.  Les  projets  de  contre-révolution  for- 
més par  la  cour,  en  juillet  et  en  octobre,  ne  firent 
que  précipiter  la  marche  des  événements.  En  1791, 
Louis  XVI  fut  arrêté  au  moment  où  il  cherchait  à 
s'enfuir.  Les  conseillers  imprudents  Cjui  l'avaient 
si  mal  servi  soulevèrent  alors  contre  la  France  les 
souverains  étrangers.  L'agitation  intérieure,  entre- 
tenue par  une  partie  du  clergé,  menaça  de  dégé- 
nérer en  guerre  civile.  L'Assemblée  législative,  qui 
avait  succédé  àla  Constituante,  voulut  sévir  contre 
les  rebelles,  et  exigea  du  roi  une  attitude  énergi- 
que vis-à-vis  des  États  voisins.  Mais  Louis  XVI, 
tout  en  déclarant  la  guerre  à  l'Empereur  et  aux 
émigrés,  entretenait  avec  eux  des  relations  suivies. 
On  devinait  cette  complicité,  et  l'on  s'en  indi- 
gnait comme  d'une  trahison.  Au  manifeste  inso- 
lent de  Brunswick  répondit  la  journée  du  10  août  : 
la  royauté  constitutionnello  fut  renversée. 

Co?wention  nationale.  —  A  la  fin  de  1792  et 
surtout  en  179.3  la  situation  de  la  France  parut 
terrible.  A  l'Autriche  et  à  la  Crusse,  déjà  unies 
contre  elle,  se  joignaient  l'Angleterre,  la  Hol- 
lande, l'Espagne  et  le  Piémont.  L'invasion  fran- 
chissait les  frontières.  L'anarchie  désorganisait 
toute  défense  :  la  Vendée,  la  Bretagne,  la  Nor- 
mandie, Lyon,  Bordeaux,  Marseille,  Toulon  se  sou- 
levaient. La  Convention,  avec  une  indomptable 
énergie,  fit  face  partout  ;  elle  écrasa  les  révoltes 
intérieures  ;  elle  trouva  des  soldats  .  des  armes, 
des  généraux,  elle  fit  violence  à  la  victoire.  Nos 
troupes  entrèrent  en  Allem.Hgne,  en  Belgique,  en 
Hollande,  la  guerre  reflua  sur  le  territoire  ennemi. 

La  Convention  souva  la  France;  mais  malgré  ses 
travaux  législatifs  et  ses  grandes  créations,  elle 
prépara  la  ruine  de  la  République.  Par  un  vérita- 
ble suicide,  elle  immola  parmi  ses  membres  les 
meilleurs  et  les  plus  grands.  Des  hommes  qui 
avaient  fait  la  révolution,  la  Terreur  tua  les  uns 
et  démoralisa  les  autres.  Quand  la  crise  fut  pas- 
sée, les  ambitieux  et  les  intrigants  n'eurent  plus 
afiaire  qu'aux  honnêtes  gens  médiocres  que  leur 
médiocrité  même  avait  sauvés.  Le  peuple,  si  ar- 
dent aux  premiers  jours,  se  retira  peu  h  peu  de  la 
lutte  et  s'assoupit  dans  l'indifférence. 

Directoire.  —  Lancées  au  pas  de  charge,  les 
armées  françaises  continuent  à  travers  lEurope 
leur  course  victorieuse,  mais  l'histoire  intérieure 
pendant  le  Directoire  se  dégrade  et  s'abaisse.  PJus 
de  caractères,  des  trompeurs  ou  des  dupes  ;  la 
corruption  des  mœurs  s'étale  avec  cynisme  ;  l'im- 
punité étant  presque  assurée,  on  ne  prend  plus  la 
peine  de  se  cacher  pour  conspirer.  Le  gouverne- 
ment, impuissant,  sans  argent,  sans  autorité,  use 
des  mêmes  moyens  que  ses  adversaires,  et  répond 
aux  conspirations  par  des  coups  d'Etat.  Enfin , 
trahi  par  ses  propres  chefs,  il  est  renversé  le  18 
brumaire.  Un  attentat  heureux  fonda  ainsi  la  dic- 
tature du  général  Bonaparte. 

Consutat.  —  Le  Consulat  servit  de  transition 
eatre  la  République,  dont  il  se  disait  une  forme, 
et  l'empire  qu'il  préparait.  Le  Code  civil,  ébauché 
par  la  Constituante,  la  Convention  et  les  Cinq 
Cents,  est  terminé  par  le  Conseil  d'État  ;  mais 
d'autre  part  le  Concordat,  qui  rétablit  un  culte 
officiel,  la  Légion  d'honneur  qui  tend  à  reconsti- 
tuer une  noblesse,  la  centralisation  administra- 
tive, la  suppression  de  la  liberté  d'écrire,  sont  con- 
traires à  l'esprit  de  la  Révolution.  La  nation 
accepte  tout  sans  manifester  de  résistance;  elle 
ne  souhaite  plus  que  la  paix  et  le  repos,  et  les 


attend  du  premier  consul.  Ces  espérances  sem 
blent  d'abord  se  réaliser  ;  après  Marengo  et  Hohen- 
linden,  l'Angleterre  et  l'Autriche  déposent  les 
armes.  Mais  la  joie  est  de  courte  durée  ;  et  c'est 
au  milieu  des  préparatifs  d'une  nouvelle  guerre 
que  le  Consulat  se  transforme  en  Empire. 

Empire.  —  Le  génie  guerrier  semble  personni- 
fié dans  Napoléon,  mais  non  le  génie  politique. En 
Europe  il  eut  des  sujets,  jamais  d'alliés.  L'orgueil 
de  sa  force  lui  faisait  dédaigner  l'équité  et  aussi 
la  prudence.  Il  croyait  tout  dénouer  à  coups  de 
victoire.  Longtemps  le  succès  lui  donna  raison. 
Ulm,  Austerlitz,  léna,  Friedland,  Wagram  brisè- 
rent les  coalitions  européennes.  En  Ibll,  FEm- 
pire  comprenait  130  départements;  autour  de  lui 
s'étendait  une  zone  d'Etats  dépendants  :  le  royaume 
d'Italie  reconnaissait  pour  chef  Napoléon,  il  gou- 
vernait la  Suisse  comme  médiateur,  la  confé- 
dération du  Rhin  comme  protecteur.  L'Autriche 
et  la  Prusse,  diminuées,  affaiblies,  obéissaient  pas- 
sivement aux  volontés  de  leur  vainqueur. 

Cette  colossale  puissance  était  bien  fragile. 
L'Angleterre,  depuis  qu'elle  avait  détruit  à  Tra- 
falgar  la  marine  française,  demeurait  maîtresse 
des  mers.  L'Espagne,  secourue  par  elle,  repoussait 
avec  fureur  la  royauté  de  Joseph  Bonaparte.  A 
l'autre  bout  de  l'Europe,  la  Russie  s'apprêtait  à  re- 
devenir ennemie  pour  rester  indépendante.  Parmi 
les  souverains,  les  anciens,  môme  l'empereur 
d'Autriche,  son  beau  père,  étaient  hostiles  à  Na- 
poléon ;  les  nouveaux,  Murât,  Jérôme,  n'existaient 
que  par  lui.  Les  peuples,  blessés  dans  leur  patrio- 
tisme, atteints  dans  leurs  intérêts  par  le  blocus 
continental,  détestaient  la  domination  française. 
L'opinion  générale  était  contre  Napoléon. 

En  France  même,  on  était  bien  revenu  de  Fen- 
tlioiisiasme  des  premiers  jours.  Jamais  peut-être, 
même  sous  l'ancien  régime,  on  n'avait  subi  un 
pareil  despotisme.  C'est  par  une  audacieuse  im- 
posture que  Napoléon  s'est  présenté  comme  le  con- 
tinuateur de  la  Révolution.  Son  règne  en  fut  la 
négation.  Un  corps  législatif  votant  en  bloc  les 
budgets,  un  sénat  servile  enregistrant  mécanique- 
ment les  sénatus-consultes,  voilà  ce  qui  restait  du 
régime  représentatif;  les  prisons  d'Etat,  rétablies 
en  1809,  recevaient,  sans  jugement,  les  citoyens.  Ni 
liberté  politique,  ni  liberté  de  la  presse,  ni  liberté 
individuelle.  L'égalité  ne  recevait  pas  de  moins 
graves  atteintes.  En  fondant  l'empire,  Napoléon 
s'était  entouré  d'une  hiérarchie  de  grands-officiers, 
une  cour  complète  avait  été  organisée.  Dans  la 
nation  même,  des  faveurs  nombreuses  étaient 
accordées,  dans  la  répartition  de  l'impôt,  à  la  pro- 
priété foncière  et  aux  classes  les  plus  riches.  Le 
sénatus-consulte  d'aoiit  1S06,  en  autorisant  les 
substitutions  et  les  majorais,  détruisait  Fégalité 
dans  les  successions. 

Pendant  que  la  littérature  officielle  s'éver- 
tuait sans  réussir  à  produire  une  œuvre  remar- 
quable, tous  les  libres  esprits  se  réfugiaient  dans 
l'exil.  Les  grands  écrivains  de  ce  temps,  qu'ils 
soient  absolutistes  comme  de  Maistre,  catholiques 
comme  Chateaubriand,  libéraux  comme  M""  de 
Sîaël  et  Benjamin  Constant,  sont  d'accord  pour 
combattre  le  régime  impérial.  La  bourgeoisie  les 
approuve  en  silence.  Les  classes  populaires  com- 
mencent à  supporter  impatiemment  la  consci-iption 
et  les  droits  réunis. 

Chute  de  l'e/npire,  —  Les  désastres  de  1812 
furent  comme  un  signal  longtemps  attendu.  L'un 
après  l'autre,  tous  les  Etats  se  prononcèrent  contre 
Napoléon.  L'Europe  entière  marcha  dans  la  sixième 
coalition.  En  1813  l'Allemagne  est  perdue,  en 
1814  les  alliés  entrent  en  France.  Vaincu  après 
avoir  accompli  des  prodiges  de  génie  militaire. 
Napoléon  abdique  et  se  retire  à  l'ile  d'Elbe.  La 
tentative  suprême  de  1815,  dont  les  fautes  des 
Bourbons  avaient  rendu  possible  l'éphémère  succès. 


FRANCE 


—  829  — 


FRANÇOIS  r 


I 


procure  à  la  France  une  seconde  invasion  et  des 
conditions  de  paix  plus  dures.  Elle  perdit  toutes 
les  conquêtes,  non  seulement  de  l'Empire,  mais 
aussi  de  la  République.  Le  résultat  d(^  tant  de 
guerres,  d'une  si  effroyable  dépense  d'hommes, 
était  en  définitive  un  amoindrissement  terri- 
torial. 

Restauration.  —  La  Restauration  débuta  mal. 
Elle  revenait  sous  la  protection  des  armées  étran- 
gères, et  semblait  ramener  avec  elle  tous  les  pré- 
jugés et  toutes  les  rancunes  du  passé.  En  I8i4 
elle  s'aliéna  l'opinion,  d'abord  bien  disposée  pour 
tout  ce  qui  n'était  pas  l'Empire;  en  18 1 5,  elle  to 
léra  les  excès  de  la  terreur  blanclie.  Mieux  inspiré 
enfin,  Louis  XVIII  renvoya  la  Chambre  introuvable, 
€t  essaya  de  gouverner  en  appliquant  sincèrement 
la  Charte.  Pendant  une  période  d'environ  quatre 
années,  on  eut  des  élections  libres,  une  presse 
afifranclîie  de  la  censure  et  justiciable  seulement 
<lu  jury  ;  on  obtint  des  puissances  l'évacuation 
anticipée  du  territoire.  Le  parti  ultra- royaliste 
criait  à  la  trahison;  il  profita  de  l'assassinat  du 
duc  de  Berry  pour  renverser  le  ministère  Dessolcs- 
Decazes,  et  reprit  le  pouvoir. 

Le  ministère  Villèle  fut  une  entreprise  métho- 
diquement menée  contre  l'œuvre  de  la  Rcvolu-Jon. 
La  loi  électorale  fut  changée  ;  la  presse,  pour  la- 
quelle la  censure  avait  été  rétablie,  fut  menacée 
de  la  loi  de  justice  et  d'amour;  la  loi  sur  le  mil- 
liard d'indemnité  aux  émigrés  avait  pour  objet  de 
reconstituer  les  grandes  fortunes,  la  loi  sur  les  suc- 
cessions de  les  maintenir  en  rétablissant  le  droit 
d'aînesse.  On  tendait  ainsi  à  refaire  l'ancien  régime, 
en  lui  donnant  un  caractère  théocratique  qu'il 
n'avait  jamais  eu.  L'absolutisme  religieux  multi- 
pliait ses  manifestations,  s'emparait  de  l'instruc- 
tion publique  et  faisait  présenter  la  loi  du  sacri- 
lège. 

Lettres,  sciences.,  industrie.  —  Mais  il  était  trop 
tard  pour  ramener  à  son  ancienne  forme  la  société 
française.  L'espi-it  de  la  Révolution  l'avait  trop  pro- 
fondément pénétrée.  La  littérature  du  dix  neu- 
vième siècle,  d'abord  religieuse  et  monarchique 
avec  son  grand  prosateur  Chateaubriand  et  ses 
jeunes  poètes  Hugo  et  Lamartine,  était  insensible- 
ment amenée  aux  idées  libérales.  Le  goût  pour  le 
passé  avait  donné  naissance  à  l'histoire  qui,  indiffé- 
rente avec  de  Barante,  doctrinaire  avec  Guizot, 
devenait  démocratique  avec  Augustin  Thierry,  Qui- 
net,  Mignet  et  Thiers.  Tout  en  redoublant  d'ardeur 
dans  leur  lutte  contre  la  tradition  classique,  les 
chefs  de  la  nouvelle  école  se  séparaient  de  leurs 
anciens  amis  politiques  ;  le  romantisme  s'intitulait  : 
le  libéralisme  en  littérature.  Les  sciences  pour- 
suivaient leurs  progrès  théoriques,  mais  en  même 
temps  appliquaient  leurs  découvertes  à  l'industrie  : 
la  navigation  à  vapeur,  l'éclairage  au  gaz,  le  télé- 
graphe et  bientôt  les  chemins  de  fer.  les  innom- 
brables machines,  multipliaient  la  production,  fa- 
cilitaient les  échanges,  activaient  la  circulation 
économique.  A  la  faveur  d'une  paix  générale  et 
durable,  le  commerce  prenait  une  extension  jus- 
qu'alors inconnue.  Ainsi  se  formait  une  richesse 
mobilière  toute  aux  mains  de  la  bourgeoisie.  La 
liberté  du  travail,  la  division  de  la  propriété,  l'éga- 
lité civile,  conquêtes  de  la  Révolution,  produisaient 
leurs  résultats  :  «  La  démocratie  coulait  à  pleins 
bords.  » 

Révolution  de  1830.  —  Le  courant  était  irrésis- 
tible. Le  ministère  Villèle  fut  brisé  en  essayant  de 
l'arrêter.  Après  le  court  intervalle  du  ministère 
Martignac,  le  parti  ullra-royaliste  recommença  la 
lutte.  L'opposition  résista  avec  une  discipline  et 
un  ensemble  qui  la  rendaient  invincible.  Vaincu 
dans  les  élections,  le  ministère  Polignac  essaya 
d'un  coup  d'Etat.  La  révolution  de  juillet  répondit 
aux  ordonnances,  et  le  vieux  Charles  X  dut  re- 
prendre le  chemin  de  l'exil. 


Louis-Philippe.  —  Louis-Philippe  d'Orléans, 
appelé  au  trône  par  la  Chambre  des  députés,  pro- 
mit de  gouverner  selon  la  Charte  et  tint  parole. 
Mais  s'il  ne  chercha  pas  à  revenir  en  arrière,  il  ne 
voulut  ou  ne  sut  pas  marcher  en  avant.  Il  serait 
injuste  de  méconnaître  les  résultats  obtenus  pen- 
dant les  dix-îiuit  années  de  son  règne.  Au  dehors, 
la  paix  fut  soigneusement  maintenue,  et  les  armées 
françaises  purent  être  employées  à  continuer  la 
conquête  de  l'Algérie,  commencée  sous  Charles  X. 
A  l'intérieur,  le  mouvement  intellectuel  se  déve- 
loppait, et  l'éclatante  maturité  du  siècle  répondait 
aux  promesses  de  son  début.  En  écoutant  les 
débats  des  Chambres  et  les  polémiques  de  la  presse, 
la  nation  s'habituait  au  régime  parlementaire  et  à 
la  liberté  politique.  La  richesse  publique  conti- 
nuait de  s'accroître,  les  routes,  les  cliemins  vici- 
naux, les  voies  ferrées  se  construisaient  de  toutes 
parts. 

Cette  prospérité  matérielle  était  réelle,  mais  elle 
inspira  trop  de  confiance  et  d'illusions  aux  hommes 
d'Etat  de  ce  temps.  Croyant  avoir  donné  satisfac- 
tion aux  intérêts,  ils  ne  voulurent  rien  céder  aux 
idées.  Il  était  bon  d'aimer  la  paix,  mais  il  ne  fallait 
pas,  pour  la  conserver,  prendre  en  face  de  l'Europe 
et  surtout  de  l'Angleterre  une  attitude  humiliée 
et  soumise.  L'appui  de  la  bourgeoisie  censitaire 
était  assurément  précieux,  mais  ce  qu'on  appelait 
le  pays  légal  n'était  pas  tout  le  pays.  Les  écoles 
socialistes  agitaient  les  difficiles  questions  de  la 
propriété,  du  capital,  du  travail,  et  trouvaient  dans 
les  souffrances  des  classes  ouvrières  de  terribles 
arguments.  L'opposition  républicaine,  quelquefois 
imprudente  et  passionnée, mais  généreuse  et  hardie, 
réclamait  pour  tous  les  citoyens  l'admission  aux 
droits  politiques.  La  gauche  dynastique,  qui  aurait 
voulu  qu'on  fît  face  à  l'Europe  dans  la  question 
d'Orient,  demandait  des  réformes  à  l'intérieur.  La 
résistance,  personnifiée  par  Guizot,  l'emporta  dans 
les  conseils  de  Louis-Piiilippe,  et  la  monarchie  de 
juillet  tomba.  La  révolution  de  1S48,  au  milieu 
des  troubles  anarchiques  et  des  violences  d'une 
prompte  réaction,  allait  établir  le  suffrage  univer- 
sel, seule  application  véritable  du  principe  de  la 
souveraineté  nationale.  [Maurice  Wahl.] 

Pour  la  distribution  des  matières  du  cours  d'his- 
toire de  France,  V.  l'article  Histoire  de  France,  où 
Ion  trouvera  le  programme  de  ce  cours  et  l'indi- 
cation des  articles  spéciaux  auxquels  ce  programme 
renvoie. 

FRAKCE  (  LiTTÉRATCRE  ).  —  Y.  Littérature 
française. 

FUAIVÇOIS.  —  Nous  complétons  par  les  arti- 
cles ci-dessous,  consacrés  aux  principaux  souve- 
rains de  ce  nom,  les  leçons  d'histoire  de  France 
et  d'histoire  générale  dont  le  numéro  d'ordre  est 
indiqué  à  la  suite  de  chaque  nom. 

1°  France. 

François  I".  —  Histoire    de  France,  XVI-XVII. 

—  François  d'Angoulême  (1515-1547),  petit-fils  de 
Jean  d'Angoulême  et  arrière-petit-fils  du  duc 
Louis  d'Orléans,  était  beau,  fort  et  brave  ;  son  ar- 
mure de  Marignan,  que  l'on  voit  au  Louvre,  est 
d'un  homme  de  six  pieds.  «  Il  avait  le  regard 
bienveillant  et  doux,  le  sourire  gracieux,  les  ma- 
nières séduisantes.  »  Quand,  à  vingt  ans,  il  devint 
roi,  «  c'était  un  vaillant  et  brillant  enfant  gâté.  » 
Boisy,  son  gouverneur,  s'était  appliqué  à  faire  de 
lui  c(  un  chevalier  bien  dressé  aux  mœurs  et  à  tous 
les  mérites  chevaleresques,  mais  sans  lui  faire 
faire  de  plus  sérieuses  études,  ni  le  préparer  à  la 
tâche  du  gouvernement  (Guizot).  »  D'ailleurs 
François  avait  grandi  sous  l'influence  de  deux 
femmes  qui  l'aimèrent  passionnément,  sa  sœur 
aînée,  la  «  Marguerite  des  Marguerites,  »  et  sa 
mère,  Louise  de  Savoie,  ambitieuse  et  corrompue, 
avide  de  plaisir,  d'argent  et  de  pouvoir. 


FRANÇOIS  I" 


—  830 


FRANÇOIS  V 


Marignax  et  le  Concordat  —  Les  deux  prédéces- 
seurs du  jeune  roi  avaient  ouvert  le  cliemin  de  l'Iia- 
lie.  Et  les  séductions  de  la  l'éiiinsuie,  arts,  plaisirs 
et  prouesses,  devaient  eue  irrésistibles  sur  un 
prince  de  vingt  ans.  Six  mois  à  peine  s'étaient  écou- 
lés df'puis  son  avènement,  que  le  roi  avait  renouvelé 
les  traités  de  l,ouis  XII  avec  Henri  Mil,  A'enise,  le 
pape  et  Charles  d'Autriclie.  Les  Suisses  seuls  se 
montraient  résolus  à  soutenir  le  duc  de  Milar.^ 
Maximilien  Sforza;  20  00U  d'entre  eux  gardant  lus 
Alpes,  il  fallut  chercher  un  passage  inconnu. 
L'armée  se  dirigea  vers  le  col  de  Largenticre. 
Pietro  Navarro  construisit  des  ponts  sur  les  pré- 
cipices; les  soldats  traînèrent  leurs  canons  dans 
la  neige;  et  l'on  déboucha  dans  la  vallée  de  Sa- 
luées. François  poussa  vers  Milan,  jusqu'au  village 
de  Jlarignan.  Le  13  septembre  1515,  les  sons  «  du 
taureau  dUri  et  de  la  vache  d'Unterwalden  »  an- 
noncèrent la  bataille.  Ce  fut,  comme  le  dit  le  vieux 
Trivulce,  un  combat  de  géants  ;  trente  fois  la  gen- 
darmerie française  vint  se  heurter  aux  piques  des 
Suisses.  François  !"■  eut  la  vi-ière  de  son  casque 
percée  d'une  pique,  et  passa  la  nuit  à  cheval,  à 
quinze  pas  de  l'ennemi.  Enfin  le  lendemain,  après 
une  lutte  de  vingt-huit  heures,  les  Suisses  plièrent. 
Le  roi  victorieux  voulut  être  armé  chevalier  par 
Bayard  sur  le  champ  de  bataille.  «  Certes,  ma 
bonne  épée,  s'écria  le  chevalier  sans  peur  et  sans 
reproche,  tu  seras  bien  gardée  comme  relique  pour 
avoir  aujourd'hui  donné  à  si  beau  et  puissant  roi 
l'ordre  de  la  chevalerie.  »  Décidément  ce  n'était 
plus  la  royauté  sage  et  bourgeoise  de  Cliarles  V, 
de  Charles  VII  et  de  Louis  XL  C'étaient  bien 
plutôt  les  traditions  brillantes  mais  dangereuses 
de  la  noblesse  féodale  et  de  la  chevalerie  qui  ré- 
gnaient sur  le  roi  de  France. 

Cette  victoire  inaugurait  brillamment  le  nouveau 
règne.  Maximilien  Sforza  fut  interné  en  France. 
Les  Suisses  conclurent  la  paix  et  promirent  au  roi 
des  mercenaires  ;  Léon  X  vint  conférer  à  Bologne 
avec  le  vainqueur.  Le  pape  offrit  à  François  d'en- 
lever aux  fidèles  l'élection  des  évèques  et  des 
abbés,  dont  la  nomination  serait  désormais  dévolue 
au  roi;  il  réclamait  en  échange  l'abolition  de  la 
Pragmatique.  Ce  fut  le  concordat  de  lôl'o,  et  la  fin 
des  libertés  gallicanes.  Comme  le  parlement  s'op- 
posait à  ce  traité  :  «  Je  sais  qu'il  y  a  dans  mon 
parlement  des  fous  turbulents  et  téméraires,  dit 
le  roi;  je  sais  qu'ils  voudraient  s'ériger  en  sénat 
de  Venise.  Qu'ils  se  mêlent  de  la  justice...  Il 
n'y  a  qu'un  roi  en  France.  »  Et  l'édit  fut  enre- 
gistré violemment.  C'était  rompre  avec  la  bour- 
geoisie, à  qui  la  royauté  devait  presque  tous  ses 
progrès. 

En  un  an  de  règne,  François  s'était  donc  fait 
connaître  tel  qu'il  fut  toute  sa  vie  :  brave  et 
glorieux,  mais  imprudent,  mobile  et  despotique, 
homme  de  plaisirs  plutôt  que  d'alTaires  et  de  tra- 
vail. Tel  était  le  prince  qui  devait  faire  face  aux 
complications  de  la  politique  européenne,  naissante 
au  xvp  siècle.  Jusque-là  les  nations  avaient  vécu 
sur  elles-mêmes,  absorbées  dans  le  travail  de 
leur  formation  intérieure.  Elles  allaient  désormais 
lutter  au  dehors  pour  agrandir  leur  domaine  ou 
maintenir  leur  indépendance.  L'Europe  se  trouvait 
au  seizième  siècle  en  face  de  la  puissance  autri- 
chienne grandissante,  de  la  Renaissance  et  de  la 
Piéforme.  Ces  trois  événements  ont  rempli  le  régie 
et  la  vie  de  François  l'". 

FuaxçoisI"et  Charles-Quint. —  La  rivalité  de  ces 
deux  princes  était  inévitable.  Ils  étaient  opposés 
de  caractère  tout  ensemble  et  d'intérêts.  «  Doué 
d'un  sens  naturel  supérieur,  d'un  esprit  pénétrant, 
d'une  rare  fermeté  de  caractère,  Cliarles  s'apprê- 
tait à  regarder  la  fortune  en  face,  sans  s'enivrer 
de  ses  faveurs,  sans  se  troubler  de  ses  disgrâces. 
Sa  gravité  et  sa  hauteur  d'âme  sont  telles,  dit  un 
contemporain,  qu'il  semble  tenir  l'univers  sous  ses 


pieds.  fMignct).  »  Et  de  fait,  le  jeune  prince  pré- 
tendait à  la  monarchie  universelle.  Pour  posséder 
l'Occident,  il  ne  lui  manquait  que  la  France  et 
l'Allemagne.  L'Allemagne  devait  fermer  autour  de 
la  frontière  française  le  cercle  menaçant  de  sa 
prodigieuse  domination.  Son  grand-jit-re,  l'empe- 
reur Maximilien,  venait  de  mourir  (lôlO).  Francfort, 
où  se  réunissaient  les  électeurs,  fut  donc  le  pre- 
mier champ  de  bataille  des  deux  rivaux,  déjà  en 
rivalité,  malgré  le  traité  de  Noyon  (lôlG),  pour 
Naples  et  le  Milanais, 

François  promettait  aux  Allemands  une  croisade 
contre  les  Turcs;  mais  Charles  se  réclamait  de 
son  grand-père.  Tous  deux  faisaient  assaut  d'argent. 
Enfin  le  seul  électeur  incorruj/tible,  Frédéric  le  Sage, 
entraîna  ses  collègues,  et  après  avoir  refusé  pourlui- 
même  le  trône  impérial,  vota  pour  le  petit-fils  de 
JL.iximilien,  «  vrai  prince  allemand,  disait-il,  dontle 
choix  lui  semblait  le  plus  naturel  en  droit  et  le  plr  s 
convenable  en  fait,  dans  l'état  de  l'Europe.  »  Le 
roi  Charles  I*""  d'Espagne  devenait  Charles-Quint. 

Première  guerre  (lô21-Iô2C).  —  François  cacha 
son  dépit,  mais  prépara  la  guerre,  en  recherchait 
ralliaiicc  du  roi  d'Angleterre  Henri  VIII.  Les  deux 
souverains  se  rencontrèrent  entre  Guines  et  Ardre.=. 
Le  roi  de  France  avait  fait  construire  une  ten.e 
immense,  en  forme  de  sphère,  et  toute  en  drr.p 
d'or.  L'intérieur  était  de  velours  bleu  ciel  scnic 
d'étoiles  d'or.  Les  seigneurs  imitaient  la  ma- 
gnificence du  maître;  plusieurs  «  portaient  sur 
leurs  épaules  leurs  moulins  et  leurs  prés,  »  qu'ils 
avaient  dépensés  en  riches  parures.  Mais  François 
eut  beau  faire  montre  de  chevalerie  en  se  rendant 
seul  au  camp  d'Henri  VIII,  celui-ci  partit  peu 
après  pour  Gravelines,  où  il  vit  Charles-Quint.  Et 
l'empereur  acheta  Wolsey,  ministre  et  favori  du 
monarque  anglais. 

Néanmoins  François  fit  envahir  la  Navarre,  qui 
fut  aussitôt  reperdue.  Lautrec,  son  général  en  Italie, 
se  laissa  chasser  de  Milan;  heureusement  Bayai d 
arrêta  Charles-Quint  derrière  les  murailles  en 
ruines  de  Mézières.  En  1522,  la  haine  de  Louise  de 
Savoie  fit  encore  perdre  à  Lautrec  la  bataille  de  la 
Bicoque  ;  la  reine-mère  s'était  fait  remettre  les 
^00  000  écus  destinés  à  solder  les  Suisses;  ceux-ci 
exigèrent  de  leur  général  «  argent,  congé  ou  ba- 
taille. "Lautrec,  forcé  d'attaquer  dans  de  mauvaises 
conditions,  fut  complètement  vaincu. 

En  1523,  Louise  de  Savoie  fut  encore  cause  de  la 
trahison  du  connétable.  Charles  de  Bourbon  pos- 
sédait le  Bourbonnais,  l'Auvergne,  le  Forez,  la 
Marche,  le  Beaujolais  ;  il  avait  épousé  Suzanne 
de  Bourbon,  petite-fille  de  Louis  XI  ;  François  I*^' 
l'avait  fait  connétable.  Et  ses  talents  étaient  au 
niveau  de  sa  fortune  :  en  1512,  l'armée  l'avait 
voulu  pour  successeur  à  Gaston  de  Foix;  à 
Marignan,  on  lui  avait  dû  en  partie  le  gain  de 
la  bataille.  Depuis,  il  avait  gouverné  le  Milanais 
avec  une  habile  énergie.  Mais  sa  hautaine  indé- 
pendance avait  fait  dire  à  Henri  VIII  :  «  Si  j'a- 
vais un  pareil  sujet,  je  ne  lui  laisserais  pas  long- 
temps la  tête  sur  les  épaules.  »  Jusque-là,  le  duc 
avait  servi  loyalement  le  roi.  La  rancune  de  Louise 
de  Savoie,  dont  il  refusa  brutalement  la  main,  à  la 
mort  de  sa  femme,  devait  le  conduire  à  la  révolte. 
Dépouillé  injustement  de  tous  ses  biens  par  un 
arrêt  du  parlement,  qu'avait  dicté  la  reine-mère, 
il  se  vit  tenté  par  Charles-Quint  qui  lui  offrait  sa 
sœur.  Dès  lors  il  conspira.  Un  traité  d'alliance 
fut  signé  par  lui  à  Montbrison  avec  Henri  VIII  et 
l'empereur.  On  lui  promettait  de  lui  faire  un 
royaume  avec  des  morceaux  de  la  Franco.  Le  roi 
averti,  Bourbon  dut  fuir  à  Besançon,  ville  impé- 
riale. En  vain  François  fit  ofl'rir  «  au  redoutable 
fugitif  la  restitution  immédiate  de  ses  biens,  le 
remboursement  de  ce  qui  lui  était  dû  (Mignei).  »  — 
a  II  est  trop  tard,  »  répondit  Bourbon,  et  il  re- 
joignit Charles-Quint. 


FRANÇOIS  r 


—  831  — 


FRANÇOIS  r 


Mais  dans  ses  provinces  héréditaires  mêmes,  la 
fidélité  ne  fut  pas  un  instant  ébranlée. 

En  lô"24, Bourbon,  qui  «  avait  repris  dans  la  coali- 
tion par  sa  supériorité  naturelle  la  considération 
et  rai;torité  que  lui  avaient  fait  perdre  son  in- 
succès »  et  la  défiance  de  Cliarles-Quint,  résolut  de 
conduire  en  Provence  l'armée  espagnole.  Il  vain- 
quit d'abord  à  Biagrasso,  où  Bayard  fut  mortelle- 
ment blessé.  Informé  de  sa  blessure,  Bourbon 
accourut:  a  Bayard.  mon  ami,  dit-il,  je  suis  bien 
déplaisant  de  votre  inconvénient.  —  Il  n'y  a  point 
de  pitié  à  avoir  sur  moi,  répondit  celui-ci:  je  meurs 
ayant  fait  mon  devoir;  mais  j'ai  pitié  de  vous,  de 
vous  voir  servir  contre  votre  roi,  votre  patrie  et 
votre  serment.  »  Peu  après,  le  héros  mourut, 
admiré  des  ennemis  mêmes. 

Cependant  la  France  était  envahie;  heureuse- 
ment Marseille  répondit  avec  des  boulets  aux  som- 
mations de  Bourbon.  Et  les  Espagnols  reculèrent 
bientôt  devant  François  I"  qui  amenait  une  armée. 
Leur  route  était  jonchée  de  morts  et  de  mou- 
rants, d'armes  et  de  bagages.  François  pour- 
suivit les  fuyards  jusqu'à  Pavie  que  défendait  Leyva. 
La  ville  était  à  bout,  quand  parurent  Bourbon 
et  Pescaire  avec  les  soldats  de  Charles-Quint. 
«  Mes  enfants,  s'écria  Pescaire,  toute  la  puissance 
de  l'empereur  ne  vous  donnerait  pas  demain  un 
morceau  de  pain.  Si  donc  vous  tenez  à  mander 
demain,  marchons  au  camp  des  Français.  »  L'ar- 
tillerie semblait  nous  devoir  donner  la  victoire  ; 
mais  François  masqua  ses  propres  canons  par  une 
charge  maladroite.  Chabannes,  Bonnivet,  La  Tré- 
moille  tombèrent  sous  les  yeux  du  roi,  qui,  blessé 
au  visage,  aux  bras,  aux  jambes,  combattait  tou- 
jours. Enfin  il  dut  se  rendre.  «  De  toutes  choses, 
Il  ne  me  demeure  que  l'honneur  et  la  vie,  qui  est 
sauve,  »  écrivit-il  ii  sa  mère,  en  lui  confiant  la  régence 
du  royaume  {15"25).  Bientôt  emmené  à  Madrid, 
il  y  fut  tenu  étroitement  emprisonné.  Charles- 
Quint  se  proposait  de  le  biiser  par  ces  rigueurs 
pour  lui  faire  accepter  de  dures  conditions.  Mais 
François  voulut  abdiquer  ;  bientôt  il  tomba  malade, 
et  Charles  eut  peur  de  perdre  son  prisonnier.  Par 
le  traité  de  Madrid  conclu  aussitôt  (15". G),  le  roi 
de  France  renonçait  à  tous  ses  droits  sur  la  Bour- 
gogne, la  Franche-Comté,  l'Artois,  la  Flandre,  Mi- 
laoj  Naples.  Il  livrait  ses  deux  fils  comme  otages, 
jusqu'à  la  complète  exécution  de  ces  clauses  ri- 
goureuses. Il  promettait  d'épouser  Eléonore,  sœur 
de  Charles-Quint. 

Deuxième  gutrre  (1526-29).  —  «  Je  suis  encore 
roi,  »  s'écria  François  en  sautant  sur  la  rive  fran- 
çaise de  la  Bidassoa.  Et  la  joie  de  vivre  libre, 
le  désir  d'une  prompte  revanche,  les  sympathies 
de  l'Europe,  inquiète  des  progrès  autrichiens,  lui 
firent  presque  aussitôt  oublier  les  conventions  de 
Madrid.  Dès  1526,  il  convoquait  les  Etats  de  Bour- 
gogne, qui  refusaient  de  se  donner  à  l'Espagne.  Il 
signait  le  traité  de  Cognac  avec  le  pape,  le  duc  de 
Milan  et  Venise  contre  l'empereur. — «  Le  roi,  votre 
maître,  dit  Charles  à  l'ambassadeur  français,  a  fait 
méchamment  et  lâchement  de  ne  pas  m' avoir  gardé 
la  foi  que  j'ai  de  lui.  »  —  «  \ous  disons  que  vous 
avez  menii  par  la  gorge,  et  qu'autant  de  fois  que 
vous  le  direz,  vous  mentirez...  Par  quoi,  assurez-nous 
le  champ  et  nous  vous  porterons  les  armes;  la  honte 
de  tout  délai  du  combat,  sera  vôtre,  répondit  Fran- 
çois. «  L'empereur  accepta  le  cartel.  Mais  les  deux 
rivaux  «  cherchaient  plutôt  à  conserver  des  appa- 
rences chevaleresques,  qu'à  mettre  sérieusement 
en  pratique  les  exemples  de  leurs  aïeux.  »  C'est 
l'Italie  qui  fut  leur  champ-clos. 

Bourbon  venait  d'y  succéder  à  Pescaire  ;  les  Im- 
périaux étaient  dans  un  profond  désarroi.  L'an- 
cien connétable  courut  ramasser  en  Allemagne 
15  000  lansquenets  luthériens,  enchantés  de  servir 
sous  lui  et  contre  le  pape.  Leur  chef  Frondsberg 
apportait   une  chaîne    d'or   pour    étrangler    Clé- 


ment VU.  a  Je  vous  ferai  tous  riches,  ou  mourrai 
à  la  peine,  »  leur  avait  dit  Bourbon;  et  il  conduisit 
tumultueusement  ces  bandes  affamées  au  pillage 
de  Rome.  Il  y  fut  tué,  des  la  première  heure 
de  l'assaut,  d'une  arquebusade.  Mais  la  solda- 
tesque victorieuse  prit  le  pape  et  jouit  de  la  ville  , 
hommes  et  choses,  pendant  trois  mois.  Ce  fut 
pire  qu'au  temps  des  Vandales.  L'indignation 
éclata  dans  la  chrétienté,  et  décida  enfin  Fran- 
çais I"  à  agir.  Lautrec  franchit  les  Alpes,  emporta 
Pavie,  délivra  Clément  VII,  et  assiégea  Xaples  de 
concert  avec  le  Génois  André  Doria,  «  si  grand  ami- 
ral qu'il  semblait  que  la  mer  le  redoutât,  »  dit  un 
contemporain,  ^lais  la  fierté  de  Gènes  et  de  son 
grand  citoyen  déplut  à  François.  Le  roi  complota 
d'enlever  par  surprise  la  flotte  génoise.  Doria 
averti  traita  avec  l'empereur,  et  les  Français  s& 
trouvèrent  cernés  dans  les  Deux-Siciles,  sans 
vivres,  en  proie  aux  maladies.  Lautrec  mourut  de 
la  peste,  et  les  débris  de  l'armée  capitulèrent. 
Le  Milanais  fut  encore  perdu.  Heureusement 
les  progrès  de  Soliman  sur  le  Danube  obligèrent 
Charles-Quint  à  traiter.  Marguerite  d'Autriche, 
tante  de  l'empereur,  et  Louise  de  Savoie  négo- 
cièrent à  Cambrai  la  paix  des  Dames  (152''). 
François,  trahissant  ses  alliés,  Venise,  Florence, 
Ferrare,  renonçait  à  l'Italie,  épousait  Eléonore 
d'Espagne,  et  payait  deux  millions  d'écus  pour  la 
rançon  de  ses  fils. 

Troisième  guérie  (153C-37).  —  Désormais,  Fran- 
çois, instruit  par  ses  revers,  résolut  de  diriger 
contre  l'empereur  une  guerre  moins  brillante,  mais 
plus  redoutable.  Appuyé  sur  l'Angleterre,  il  en- 
treprit de  soutenir  les  adversaires  de  la  maison 
autrichienne,  les  protestants  d'Allemagne  et  les 
Turcs.  C'était  amasser  encore  des  ferments  de 
guerre,  qui  firent  explosion  en  15^6,  à  la  mort 
de  Maximilien  Sfûrza.  Charles-Quint  envahit  la 
Provence.  Mais  le  connétable  de  Montmorency 
changea  cette  province  en  désert.  Pendant  deux  mois, 
l'empereur  promena  dans  le  pays  désolé  ses  bandes 
affamées,  que  décimait  obscurément  la  ra-ge  des 
habitants.  Au  retour,  il  avait  perdu  20  000  hommes. 
Quelques  ravages  en  Champagne  et  en  Picardie 
n'avaient  pas  eu  meilleur  résultat.  On  signa  une 
trêve  à  A"ice  il5;3"!,  après  avoir  célébré  à  Aigues- 
Mortes  des  fêtes  splendides.  François  môme  , 
naguère  si  ardemment  ennemi  de  Charles,  lui 
offrit  gratuitement  le  passage  à  travers  la  France 
pour  marcher  contre  Gand  révoltée  ;  Charles  ac- 
cepta (lr.39). 

Le  fou  du  roi,  Triboulet,  écrivait  sur  son  re- 
gistre le  nom  de  l'empereur.  —  «  Que  diras-tu,  si 
je  le  laisse  passer,  dit  le  roi.  —  J'effacerai  son  nom 
et  mettrai  le  vôtre  à  sa  place."  —  Pourtant,  Fran- 
çois, (  n  échange  de  ce  service  signalé,  se  contenta 
de  vagues  promesses,  qu'oublia  Charles,  aussitôt 
la  frontière  franchie.  "Triboulet  avait  eu  raison. 

Quatrième  guerre.  —  Ce  fut  la  cause  d'une 
quatrième  et  dernière  guerre.  Encouragé  par 
le  désastre  des  Espagnols  devant  Alger  fl54l), 
François  renouvela  son  alliance  avec  Soliman, 
dont  la  flotte  vint  hiverner  à  Toulon,  au  scan- 
dale de  la  chrétienté  il542).  Cependant  Charles- 
Quint  avait  pénétré  en  Champagne  jusqu'à  Eper- 
nay ,  et  Henri  VIII  emportait  Boulogne.  Paris 
était  en  alarmes.  Mais  l'empereur  recula  devant 
40  000  hommes  de  milices  nationales,  et  le  comte 
d'Enghien  vainquit  à  Cérisoles  (1544).  Montluc 
était  venu  demander  la  permission  de  combattre; 
il  entraîna  le  roi.  «  Fou  enragé  que  tu  es,  lui  dit 
un  ministre,  tu  seras  cause  du  plus  grand  bien  qui 
puisse  arriver  au  roi,  ou  du  plus  grand  mal.  »  Ce 
fut  une  victoire,  suivie  delà  paix  de  Crespy  (1544). 
François  gardait  la  Bourgogne  et  le  Piémont,  pris 
au  duc  de  Savoie  Un  an  avant  de  mourir,  François 
signa  encore  la  paix  avec  l'Angleterre  (1540). 

Trente  ans  de  guerres   incohérentes    n'avaient 


FRANÇOIS  r 


—  832  — 


FRAxNÇOIS  r 


eu  de  résultat  ni  pour  la  France  ni  pour  le  roi. 
«  Heureusement  pour  l'éclat  de  son  règne  et 
l'honneur  de  son  nom,  François  avait  eu  d'autres 
désirs  et  d'autres  goûts  que  ceux  de  la  politifjue 
vaniteuse  et  imprévoyante  qu'il  pratiquait  avec  des 
alternatives  de  témérité  et  de  faiblesse,  plus  nui- 
sibles au  succès  de  ses  desseins  qu'à  sa  renommée 
personnelle,  qui  se  relevait  incessamment  par 
l'éclat  de  son  courage,  les  élans  généreux,  bien 
que  superficiels,  de  son  âme,  et  le  charme  de  son 
esprit,  animé  d'une  sympathie  sincère  pour  toutes 
les  belles  œuvres  humaines  dans  les  lettres,  les 
sciences,  les  arts,  et  pour  tout  ce  qui  honore  et 
embellit  la  vie  humaine  ^Guizot).  » 

François  I"  et  la  Renaissance.  —  Tous  les  sou- 
verains du  xvi^  siècle  «  honorèrent  les  artistes, 
François  l"  les  aima.  Les  exilés  italiens  trouvaient 
en  lui  une  consolation,  la  plus  grande,  il  les  imi- 
tait. Les  Italiens  en  revanche  avaient  fait  pour 
lui  des  merveilles  (Michelet.)  »  Dispersés  par  les 
guerres  d'Italie,  un  grand  nombre  étaient  venus 
s'abriter  à  l'hospitalité  du  roi  chevalier.  Le  Rosso, 
le  Primatice  lui  construisirent  Fontainebleau;  An- 
dréa del  Sarto  lui  donna  son  admirable  Charité  qui 
est  au  Louvre  ;  Vinci,  que  François  appelait  son 
père  et  dont  il  recueillit,  dit-on,  le  dernier  soupir, 
vint  mourir  à  Clou,  près  d'Amboiso.  Le  roi  promet- 
tait à  Cellini  a  de  l'étouffer  dans  l'or.  »  Fontaine- 
bleau, Chenonceaux,  Chambord,  Saint-Germain 
demeurent  aujourd'hui  les  témoins  de  leur  faveur 
et  de  leur  reconnaissance.  Et  près  d'eux,  à  leur 
exemple,  se  formèrent  les  Français  :  Pierre  Lescot 
traçait  le  plan  d'un  nouveau  Louvre,  commencé 
■en  1541,  et  construisait  la  fontaine  des  Innocents, 
dont  Jean  Goujon  sculptait  les  délicieuses  figures. 

Plus  lentes  à  mûrir,  les  lettres  se  formaient  peu 
à  peu  dans  le  commerce  assidu  de  l'antiquité. 
Chassés  de  Constantinople  en  li5.3,  les  savants 
grecs  s'étaient  dispersés  dans  l'Occident  ;  en 
échange  de  l'hospitalité,  ils  ouvraient  leurs  mains, 
pleines  des  trésors  antiques.  Les  Français  avaient 
rapporté  de  la  péninsule  italienne  les  germes  de 
la  civilisation  renaissante.  Jean  Lascaris,  Guil- 
laume Petit,  Jean  et  Martin  Dubellay,  Guillaume 
Budé,  Vatable  étalent  les  maîtres  éminents  des 
études  anciennes.  Avec  leur  concours,  François 
fonda  le  Collège  royal,  origine  du  Collège  de 
France,  où  il  créa  successivement  des  chaires  de 
grec,  d'hébreu,  de  mathématiques,  de  langues 
orientales,  d'éloquence  latine,  de  philosophie  la- 
tine et  grecque.  Robert  Estienne,  établi  par  le  roi 
Tue  Jean  de  Bcauvais,  imprimait  les  trésors  des 
écrivains  antiques,  que  se  disputaient  les  modernes. 

Et  les  lettres  françaises  commençaient  à  fleurir. 
François  donnait  l'exemple,  dans  des  vers  médio- 
cres. Sa  sœur  Marguerite  de  Valois  eut  souvent  un 
sentiment  vrai,  un  esprit  libre  et  gracieux  dans 
son  Heptamé7'o?i,  dont  les  récits  décrivent  les 
mœurs  contemporaines,  et  dans  ses  vers,  les  Mar- 
guerites de  la  Marguerite  des  Princesses.  Mais 
deux  hommes  surtout  font  la  gloire  de  cette  pre- 
mière période  de  la  Renaissance  :  Marot  et  Rabe- 
lais. Pour  la  première  fois  avec  Marot,  «  nous 
sommes  en  France,  en  terre  et  en  langue  fran- 
çaises, en  plein  esprit  français,  de  la  cour  et  de 
la  bonne  compagnie  ;  poète  d'esprit,  plutôt  que  de 
génie  et  de  grand  talent,  mais  tout  plein  de  grâce 
ei  de  gentillesse  (Sainte-Beuve.)  «  On  lui  doit  des 
poésies  diverses  et  une  traduction  des  psaumes 
que  chantent  encore  les  protestants. 

«  Rabelais  (1495-1553)  erra  en  France  et  en 
Europe  de  ville  en  ville  et  de  profession  en  pro- 
fession, de  bonne  en  mauvaise  et  de  mauvaise  en 
bonne  fortune.  »  Il  finit,  sous  Henri  II,  curé  de 
Meudon,  par  la  protection  du  cardinal  du  Bellay. 
François  I"',  avant  de  mourir,  avait  permis  la  pu- 
blication de  son  Garguntua  et  de  son  Pantagruel. 
«  Au  fond  et  au-delà  de  leurs  apparences,   la  vie 


et  le  livre  de  Rabelais  sont  une  image  vraie  et  vive 
de  la  fermentation  morale  et  sociale  de  son  temps, 
temps  à  la  fois  d'innovation  et  de  résistance,  de 
décadence  et  de  renaissance  (Guizot.)  » 

Fbançois  I*f  ET  LA  RÉFoitME.  —  «  Quc  le  maître 
de  la  maison,    en   vue  d'une  moisson   nouvelle, 

envoie  des  ouvriers  nouveaux  et  diligents Mon 

cher  Guillaume,  Dieu  renouvellera  le  monde  et 
vous  le  verrez.  »  Ainsi  parlait  le  vieux  savant 
Lefèvre  d'Étaples  au  jeune  dauphinois  Guillaume 
Farel.  Ces  deux  hommes  représentaient  en  France 
les  deux  premiers  aspects  de  la  Réforme.  Lefèvre 
avait  pour  amis  Briçonnet,  Marguerite  de  Valois, 
et  par  intervalles  le  capricieux  François  lui-même. 
Farel  devait  répandre  dans  le  peuple  tout  le  trouble 
que  semait  Luther  en  Allemagne.  Le  premier 
martyr  du  protestantisme  français,  Jean  Leclerc,  de 
Meaux,  périt  ajirès  d'horribles  supplices  (1525) 
pendant  la  captivité  du  roi.  Il  fallut,  peu  après, 
le  retour  de  François  pour  arracher  au  Parlement 
Louis  de  Berquin.  Mais  en  1528  quelques  héréti- 
ques vinrent  briser  la  tête  à  une  statue  de  Notre- 
Dame;  Berquin,  abandonné  du  roi,  malgré  Mar- 
guerite, fut  repris  et  mourut  sur  le  bûcher.  Depuis 
l.i29,  la  conduite  de  François  àl'égarddes  hérétiques 
fut  subordonnée  aux  nécessités  de  sa  politique 
extérieure.  Tour  à  tour  allié  par  besoin  ou  hostile 
par  croyance  aux  protestants  d'Allemagne,  il  toléra 
ou  persécuta  alternativement  les  protestants  de 
France.  Durant  son  règne,  81  condamnations  à 
mort  pour  crime  de  religion  furent  exécutées. 
En  1534,  en  six  mois,  il  y  en  avait  eu  102  pronon- 
cées à  Paris,  mais  la  plupart  des  victimes  avaient 
fui.  Et  ces  rigueurs  ne  faisaient  que  stimuler  le 
zélé  des  hérétiques,  soutenus  déjà  par  Calvin. 

Le  dernier  acte  de  persécution  et  le  plus  atroce 
de  ce  règne  est  le  massacre  des  Vaudois  de  Mé- 
rindol  et  de  Cabrières.  Depuis  le  xiii'  siècle,  les 
disciples  du  marchand  lyonnais  Valdo  vivaient  pai- 
sibles dans  une  vallée  des  Alpes.  Les  progrès  de  la 
Réforme  attirèrent  sur  eux  l'attention.  Le  18  no- 
vembre 1540,  le  Parlement  d'Aix  ordonna  «  que  les 
maisons  seraient  démolies  et  rasées,  les  caves 
comblées,  les  bois  coupés  et  abattus,  que  les  terres 
de  ceux  qui  avaient  habité  dans  Mérindol  ne  pour- 
raient être  affermées  à  qui  que  ce  fût  de  leur 
famille  ou  de  leur  nom.  m  L'exécution  n'eut  lieu 
qu'en  1545,  sous  les  ordres  du  baron  d'Oppède. 
Trois  villes  et  vingt-deux  villages  furent  détruits, 
trois  mille  personnes  massacrées,  après  d'ignobles 
violences  ;  beaucoup  d'enfants  furent  vendus 
comme  esclaves  L'indignation  fut  violente,  et  le 
roi  lui-même  ordonna  une  enquête.  Mais  il 
mourut  avant  de  l'avoir  vue  accomplir. 

Ainsi,  vis-à-vis  de  ses  deux  adversaires,  Charles- 
Quint  et  la  Réforme,  François  niontra  la  même 
mobilité,  pratiqua  la  même  politique  incohérente 
et  indécise.  Il  vieillit  malade,  triste  et  décou- 
ragé, sentant  lui-môme  la  vanité  de  son  œuvre. 
«  Pendant  trente-deux  ans,  il  avait  projeté,  tenté, 
guerroyé,  négocié,...  changeant  sans  cesse  de 
but,  de  cause,  d'alliés.  Et  dans  ce  mouvement 
incohérent,  il  n'a  su  conquérir  ni  l'Empire,  ni 
l'Italie;  il  n'a  ni  grandi,  ni  pacifié  la  France 
(Guizot.)  »  [Paul  Schâfer.] 

François  II.  —  Histoire  de  France,  XVIII,  — 
fils  aîné  et  successeur  de  Henri  II,  monta  sur  le 
trône  en  juillet  1559,  à  l'âge  de  moins  de  seize  ans. 
On  lui  avait  fait  épouser  l'année  précédente  la 
jeune  Marie  Stuart.  Son  règne,  qui  ne  dura  que 
dix-huit  mois,  fut  rempli  par  les  querelles  de 
deux  maisons  rivales,  les  Bourbons  et  les  Guises; 
les  passions  religieuses,  violemment  surexcitées, 
servirent  de  prétexte  à  une  lutte  dont  le  but  réel 
était  la  possession  de  l'autorité,  l  es  Guises,  oncles 
de  Marie  Stuart,  étaient  tout  puissants  à  la  cour; 
l'un  des  Bourbons,  Louis  de  Condé,  organisa  une 
conjuration    dans    laquelle    entrèrent    un    grand 


FRANÇOIS 


—  833 


FREDERIC 


nombre  de  gentilshommes  huguenots  :  il  s'agissait 
d'enlever  le  jeune  roi  du  château  d'Amboise,  où  il 
lésidait,  pour  le  soustraire  ainsi  à  Finfluence  des 
Guises,  qui  auraient  été  exilés.  Mais  le  complot  fut 
découvert,  et  de  sanglantes  exécutions  affermirent 
pour  un  moment  le  pouvoir  de  la  maison  de  Lor- 
raine (mars  15f)0).  Condé  sauva  sa  tête  en  prenant 
parti  contre  ceux-là  mêmes  qu'il  avait  invités  à 
conspirer.  Toutefois  bientôt  les  réformés  s'agitèrent 
de  nouveau,  et  une  prise  d'armes  parut  imminente. 
En  vain  Michel  de  l'Hôpital,  que  la  reine-mère,  Ca- 
therine de  Médicis,  venait  de  faire  nommer  chan- 
celier, essaya-t-il  de  s'interposer  entre  les  partis  : 
de  part  et  d'autre  on  voulait  agir.  Les  Guises  prirent 
les  devants  :  ils  firent  arrêter  Condé  (octobre),  et 
obtinrent  contre  lui  une  condamnation  à  mort, 
comme  complice  des  conjurés  d'Amboise.  L'Hôpi- 
tal refusa  de  signer  la  sentence  ;  et  quelques 
jours  plus  tard,  François  H  mourut  sans  postérité 
(5  décembre  1560).  C'était  son  jeune  frère  Charles, 
enfant  de  dix  ans,  qui  héritait  de  la  couronne;  le 
pouvoir  échappait  ainsi  aux  mains  des  Guises  pour 
passer  à  celles  de  Catherine  de  Médicis.  Condé  fut 
remis  en  liberté;  et  la  politique  du  nouveau  règne 
sembla,  pendant  un  moment  trop  court,  vouloir 
s'inspirer  des  principes  de  tolérance  que  repré- 
sentait le  chancelier  de  l'Hôpital.  —  V.  Char- 
les IX  et  Guerres  de  religion. 

2°  Allemagne. 

François  U,  —  Histoire  générale,  XXVI-XXVH, 
—  dernier  empereur  d'Allemagne,  fils  de  Léo- 
pold  U,  succéda  à  son  père  comme  roi  de  Bohême 
et  de  Hongrie  (l"92y ,  puis  comme  empereur. 
Louis  XVI,  son  oncle  par  alliance,  dut  lui  déclarer  la 
guerre  en  avril  1792  :  c'était  la  réponse  à  l'inso- 
lente prétention  de  la  cour  de  Vienne  d'obliger  le 
peuple  français  à  renoncer  aux  réformes  accomplies 
par  l'Assemblée  constituante.  On  trouvera  ailleurs 
(V.  Réuolution  française  et  Directoire)  les  détails 
de  la  guerre  de  la  première  coalition.  Les  armées 
de  l'empereur  furent  presque  constamment  battues  ; 
et  enfin,  en  1797,  il  dut  accepter  le  traité  de 
Campo-Formio,  que  lui  imposa  le  général  Bona- 
parte, et  par  lequel  il  renonçait  à  la  Belgique  et 
au  Milanais,  mais  obtenait  en  échange  Venise  et 
la  Dalmatie.  S'étant  joint  à  la  seconde  coalition, 
il  fut  encore  vaincu,  et  conclut  la  paix  de  Lunéville 
nSOi).  Enfin,  ayant  repris  les  armes  en  1805,  il 
se  vit,  après  la  bataille  d'Austerlitz,  obligé  de  re- 
noncer au  titic  d'empereur  d'Allemagne.  Réduit 
au  gouvernement  de  ses  Etats  héréditaires,  il  ne  con- 
serva que  le  titre  d'empereur  d'Autriche,  et  s'appela 
dès  lors  François  l".  \\  déclara  de  nouveau  la 
guerre  à  la  France  en  1S09,  pendant  que  Napoléon 
était  occupé  en  Espagne  :  la  victoire  de  Wagram 
le  contraignit  à  la  paix,  et  l'année  suivante,  il  lui 
fallut  donner  au  vainqueur  la  main  de  sa  fille  Marie- 
Louise.  Mais  après  les  revers  de  la  campagne  de 
Russie,  il  se  tourna  de  nouveau  contre  Napoléon, 
et  joignit  ses  troupes  à  celles  des  alliés  qui  envahi- 
rent la  France  en  1S14.  \\  régna  jusqu'en  1835, 
ayant  pour  premier  ministre  le  comte  de  Met- 
ternich,  qui  fut  l'un  des  principaux  inspirateurs 
de  la  politique  de  la  Sainte-Alliance. 

3°  Autriche. 

François  I".  —  Y.  ci-dessus  François  II  {Alle- 
magne). 

FRAA'CS.  —  Histoire  de  France,  HL  —  V.  Bar- 
bare < ,  Clovis,  Mérov  ingiens. 

FRKDERIC.  —  Nous  consacrons  ci-dessous  une 
courte  notice  à  ceux  des  souverains  de  ce  nom  dont 
le  règne  occupe  une  place  importante  dans  l'his- 
toire générale. 

1°  Allemagne. 

Frédéric  !•'  Barberousse,  —  Histoire  générale, 
XIX  et  XXVIl,  —  neveu  et  successeur  de  Conrad  lU  I 
2'  Partie, 


de  Hohenstaufen,  fut  le  deuxième  empereur  de  la 
maison  de  Souabe.  Son  élection  fut  le  résultat  d'une 
transaction  entre  les  Gibelins  et  les  Guelfes:  le 
chef  de  ces  derniers,  Henri  le  Lion,  rentra  dans 
ses  droits  sur  les  duchés  de  Saxe  et  de  Bavière, 
dont  son  père  Henri  le  Superbe  avait  été  dépouillé 
sous  Conrad  IV.  Toutefois  ces  duchés  furent  di- 
minués, le  premier  du  margraviat  de  Brandebourg,, 
transformé  en  fief  immédiat,  et  dont  le  possesseur, 
Albert  l'Ours,  devint  la  tige  des  électeurs  de  Bran- 
debourg; le  second,  de  l'Autriche,  qui  fut  érigée 
en  duché  relevant  directement  de  l'empire  :  ce  fut 
là  l'origine  des  deux  plus  puissants  Etats  de  l'Alle- 
magne moderne. 

Durant  la  plus  grande  partie  de  son  règne,  Fré- 
déric Barberousse  lutta  pour  établir  l'autorité  im- 
périale en  Iialie.  Après  avoir  fait  reconnaître  sa 
suzeraineté  aux  rois  de  Danemark,  de  Pologne  et 
de  Hongrie,  il  passa  les  Alpes,  détruisit  Tortone 
qui  lui  avait  refusé  obéissance  et  se  fit  couronner 
roi  d'Italie  à  Pavie.  Pour  gagner  le  pape  Adrien  IV, 
il  lui  livra  le  réformateur  Arnaud  de  Brescia,  qui 
fut  brûlé  (1 155)  ;  ensuite  Frédéric  reçut  la  couronne 
impériale  des  mains  d'Adrien,  malgré  la  résistance 
des  Romains,  qui  attaquèrent  ses  troupes  pendant 
la  cérémonie  du  sacre. 

Après  le  retour  de  Frédéric  en  Allemagne,  les 
villes  italiennes  montrèrent  des  velléités  d'indé- 
pendance. Les  Milanais  aidèrent  les  habitants  de 
Tortone  à  relever  leurs  murs.  Frédéric  revint  alors 
en  Italie  avec  une  armée  formidable  (1158),  et  éta- 
blit dans  les  villes  des  podestats,  magistrats  char- 
gés d"y  exercer  l'autorité  en  son  nom.  L'autorité 
de  ces  lieutenants  impériaux  parut  insupportable 
aux  libres  communes  italiennes:  bientôt  Milan  et 
Crème  se  soulevèrent.  Frédéric  fit  le  siège  de 
Crème,  qui  dura  sept  mois,  puis  celui  de  Milan, 
qui  dura  deux  ans.  L'empereur  tira  des  Milanais 
une  vengeance  terrible:  leur  ville  fut  rasée  (1162). 

Cependant  Adrien  IV  était  mort  :  on  vit  alors 
en  présence  un  pape  gibelin,  Victor  IV,  et  un  pape 
guelfe,  Alexandre  III.  Alexandre  se  fit  le  défenseur 
des  libertés  de  l'Italie.  Dès  que  Frédéric  fut  re- 
tourné en  Allemagne,  les  villes  italiennes  du  nord 
formèrent  la  Ligne  lombarde  (1164),  qui  se  plaça 
sous  la  protection  du  pape  ;  Milan  fut  rebâti,  et  une 
ville  nouvelle,  .\lexandrie,  fut  construite  pour  me- 
nacer Pavie,  l'alliée  de  l'empereur.  Frédéric  re- 
passa de  nouveau  les  Alpes  ;  mais  cette  fois  la  for- 
tune lui  fut  contraire  :  il  ne  put  prendre  Alexandrie, 
et  peu  après  vit  son  armée  réduite  de  moitié  par 
la  défection  de  Henri  le  Lion,  qui  l'abandonna  pour 
retourner  en  Allemagne.  L'empereur  voulut  néan- 
moins livrer  bataille  à  la  Ligue  lombarde  :  il  fut 
complètement  défait  à  Legnano  (1176).  Il  dut  alors 
signer  une  trêve  et  reconnaître  Alexandre  III.  La 
cause  de  l'autorité  impériale  en  Italie  était  déci- 
dément perdue;  quelques  années  plus  tard,  le 
traité  de  Constance  (1183)  vint  consacrer  les  droits 
que  les  villes  italiennes  avaient  conquis  par  leur 
héroïque  résistance  (V.  Communes,  p.  i66). 

En  Allemagne,  du  moins,  Frédéric  était  resté 
tout-puissant.  Il  punit  Henri  le  Lion  de  sa  félonie 
en  lui  enlevant  ses  deux  duchés,  qui  furent  donnés, 
la  Bavière  à  Othon  de  Wittelsbach,  et  la  Saxe  à  un 
prince  de  la  maison  de  Brandebourg. 

En  1189,  Frédéric  Barberousse  prit  la  croix,  en 
même  temps  que  Philippe- Auguste  et  Richard  Cœur 
de  Lion  ;  mais  il  n'arriva  pas  jusqu'en  Palestine  :  il  se 
noya  en  traversant  la  rivière  Sélef,  en  Cilicie  (1190). 

Frédéric  Barberousse  est  resté  le  plus  populaire 
parmi  les  souverains  de  son  pays.  La  légende  a  fait 
de  lui  le  type  de  César  allemand,  et  le  symbole 
glorieux  de  l'unité  de  l'Allemagne.  Le  vieil  em- 
pereur n'est  pas  mort,  disent  les  lieder  des  bords 
du  Rhin  ;  il  est  endormi  dans  les  souterrains  d'un 
château  mystérieux,  et  il  doit  en  sortir  un  jour 
pour  triompher  des  ennemis  de  son  peuole,  et  restau- 

53 


FREDERIC 


—  834  — 


FRONDE 


reries  splendeurs  du  Saint-Empire  germanique.  — 
V.  Holienslaufen. 
Frédéric  II  —  Histoire  générale,  XIX  et  XXVII, 

—  appartenait  comme  Frédéric  Barberousse,  son 
grand-père,  à  la  maison  de  Souabe,  dont  il  fut  la 
personnalité  la  plus  remarquable.  A  la  mort  de  son 
père  Henri  VI(ll97),  qui  lui  laissa  le  royaume  des 
Deux-Siciles,  il  n'avait  que  quatre  ans,  et  ne  pou- 
vait prétendre  à  la  couronne  impériale.  Deux 
compétiteurs  se  la  disputèrent  :  Pliilippe  de 
Souabe,  oncle  du  jeune  Frédéric,  et  Otlion  de 
Brunswick,  fils  de  Henri  le  Lion,  et  chef  du  parii 
guelfe.  Ce  dernierroçut  l'appui  du  pape  Innocent  III, 
et,  après  l'assassinat  do  Philippe  {l"208i,  fut  una- 
nimement reconnu.  MaisOlhon  montra  bientôt  vis- 
à-vis  du  Saint-Siège  les  mômes  prétentions  que 
les  empereurs  gibelins;  alors  Innocent  III  l'excom- 
munia, et  donna  la  couronne  à  Frédéric  (1212).  Ce- 
lui-ci toutefois  ne  fut  véritablement  empereur  qu'a- 
près la  mort  d'Othon  de  Brunswick,  arrivée  en  1218. 

Jusqu'à  la  fin  du  pontificat  d'Innocent  III,  dont 
il  avait  été  le  pupille,  Frédéric  II  resta  le  docile 
protégé  de  l'Église.  Mais  bientôt  la  lutte  recom- 
mença, plus  violente  que  jamais,  entre  l'empe- 
reur et  la  papauté.  Italien  par  sa  mère  Constance 
et  par  son  éducation,  Frédéric  apporta  dans  cette 
lutte  les  ressources  d'un  esprit  délié  et  rompu 
aux  habiletés  de  la  politique.  Au  retour  d'une  croi- 
sade entreprise  pour  obéir  à  l'impérieux  pape 
Grégoire  IX,  et  dans  laquelle  il  se  fit  céder  Jéru- 
salem par  le  soudan  d'Egypte  (1229),  il  trouva  une 
partie  de  l'Italie  soulevée:  avec  l'aide  de  ses  sujets 
sarrazins  de  Sicile, il  battit  ses  adversaires.  Mais, quel- 
ques années  plus  tard,  son  propre  fils  Henri  se  révolta 
contre  lui  à  l'instigation  du  pape  et  avec  l'appui 
des  villes  de  Lombardie;  Frédéric,  obligé  de  re- 
prendre les  armes,  vainquit  la  ligue  lombarde  à 
Corte  Nuova  (1237),  et  détruisit  à  la  Meloria  la 
flotte  des  Génois,  alliés  du  pape  (1241).  Grégoire  IX 
mourui  la  même  année;  après  deux  ans  d'interrè- 
gne, il  fut  remplacé  par  Innocent  IV.  Le  nouveau 
pape  ne  se  montra  pas  moins  animé  que  son  pré- 
décesseur contre  le  parti  gibelin.  Il  fit  déposer  l'em- 
pereur dans  un  concile  tenu  à  Lyon  (12 15),  et  prê- 
cha une  croisade  contre  lui.  En  apprenant  la  déci- 
sion du  concile,  Frédéric,  saisissant  sa  couronne, 
l'afl'ermit  sur  sa  tête  et  s'écria  :  «  Elle  n'en  tombera 
pas  avant  que  des  flots  de  sang  n'aient  coulé.  « 
Ses  dernières  années  se  consumèrent  dans  une 
lutte  stérile  ;  trahi  par  son  chancelier  l'ierre  des 
Vignes,  et  poursuivi  sans  relâche  par  la  haine 
d'Innocent  IV,  qui  voulait  anéantir  la  race  des  Ho- 
henstaufen,  il  ne  put  venir  à  bout  de  pacifier  l'I- 
talie. Le  chagrin  que  lui  fit  éprouver  la  captivité 
de  son  fils  Enzio,  fait  prisonnier  par  les  Bolonais 
en  1249,  acheva  de  l'accabler;  et  il  mourut  l'année 
suivante. 

Frédéric  II  aimait  les  lettres  et  les  arts  ;  c'est  à 
sa  cour  de  Palcrme,  en  Sicile,  que  naquit  la  poésie 
italienne.  Il  fonda  l'université  de  i\aples,  encou- 
ragea le  progrès  des  sciences,  et  fut  peut-être  l'es- 
prit le  plus  libre  et  le  plus  éclairé  de  son  temps. 
Avec  lui  finit  la  puissance  des  Hohenstaufen.  — 
V.  Hohenstaufen. 

2"  Prusse. 

Frédéric  I"    —  Histoire  générale,  XXV,  XXVII, 

—  fut  le  premier  roi  de  Prusse.  C'est  en  1700  que 
l'empereur  l.éopoldl"  autorisa  l'électeur  de  Bran- 
debourg à  prendre  le  titre  de  roi  en  échange  d'un  se- 
cours de  dix  mille  hommes  contre  la  Franci'. 
Frédéric  I"  encouragea  les  sciences,  les  arts  et 
l'industrie,  et  régna  jusqu'en  1713. 

Frédéric  n  le  Grand,  —  Histoire  générale,  XXV, 
XXVll,  petit-fils  du  précédent  et  fils  de  Frédéric- 
Guillaume  I",  monta  sur  le  trône  en  I7i0.  Ses 
querelles  avec  Marie-Thérèse  au  sujet  de  la  Silé- 
sie,  et  les   longues  guerres  qu'il  eut  à  soutenir 


contre  l'Autriche  et  les  alliés  de  cette  puissance, 
de  1740  à  1715,  et  de  1756  à  176:5,  sont  racontées 
aux  mots  (ii'crre  de  l<i  succession  d'Autriche  et 
Guerre  de  Sept  tins.  Il  y  déploya  le  génie  mili- 
taire d'un  grand  capitaine.  Durant  les  dix  années 
de  paix  qui  précédèrent  la  dernière  de  ces  guerres, 
Frédéric,  par  une  administration  habile,  avait 
élevé  son  royaume  à  un  haut  degré  de  prospérité, 
et  sa  cour,  à  laquelle  il  avait  appelé  Voltaire  et  un 
certain  nombre  d'autres  écrivains  et  de  savants, 
était  devenue  le  plus  brillant  foyer  des  lettres  en 
Europe.  Quand  le  traité  d'Hubertsbourg  (1763)  lui 
eut  assuré  définitivement  la  possession  de  la  Silé- 
sie,  il  continua,  pendant  les  vingt-trois  dernières 
années  de  son  règne,  l'œuvre  de  l'organisation  in- 
térieure de  la  monarchie  prussienne,  dont  il  fit 
l'une  des  premières  puissances  de  l'Europe.  Poli- 
tique peu  scrupuleux,  il  fut  l'instigateur  du  pre- 
mier partage  de  la  Pologne,  grâce  auquel  il  put 
s'annexer  un  territoire  qui  réunissait  la  province 
de  Prusse  à  ses  autres  Etats.  Il  mourut  en  1786. 
Frédéric  II  a  laissé  des  poésies  et  divers  écrits 
philosophiques  et  politiques  ;  tous  ses  ouvrage» 
sont  en  français.  —  V.  Prusse,  ainsi  que  l'article 
Frédéric  II  dans  la  T'  Partie. 

Frédéric-Guillaume  I,  II,  III  et  FV-  —V.  Prusse. 

FUOID.  —  Y.  lempÉrature. 

lllO>'I)E.  —  Histoire  de  France,  XXIII.  —  La 
Fronde  fut  la  guerre  civile  qui  troubla  la  France, 
durant'la  minorité  de  Louis  XIV*,  sous  le  ministère 
de  Mazarin  *.  Cette  guerre,  commencée  pour  des 
causes  sérieuses,  fut  conduite  d'une  manière  si 
frivole  qu'on  la  compara  à  un  jeu  d'enfants.  Ou 
oublia  la  grandeur  des  intérêts  qui  s'agitaient,  les 
souffrances  qu'elle  causa,  la  guerre  étrangère  qui 
vint  s'y  mêler.  Première  tentative  essayée  poui* 
établir  un  gouvernement  régulier,  et  en  mémo 
temps  dernier  réveil  de  la  féodalité,  elle  marqua  la 
fin  des  guerres  civiles  sous  la  monai  chie  et  fut  comme 
un  lointain  prélude  de  la  Révolution  de  1789. 

Ses  causes  multiples  et  compliquées  se  rédui- 
sent, lorsqu'on  y  regarde  de  près,  à  l'ambition  du 
parlement  de  Paris  qui,  profitant  de  la  convocation 
trop  rare  des  États  généraux,  s'arroge  le  droit  de 
les  suppléer;  aux  souffrances  du  peuple,  victime 
du  désordre  des  finances  et  accablé  d'impôts  ;  enfin, 
au  dépit  de  quelques  grands  seigneurs,  jaloux  de 
la  puissance  de  Mazarin,  et  qui  mettent  leur  épée 
au  service  du  parlement  et  du  peuple  sans  trop  se 
soucier  ni  de  l'un  ni  de  l'autre. 

Le  ministère  du  cardinal  Mazarin  avait  été  heu- 
reux de  164«  à  1648,  et  les  succès  remportés  par  les 
armées  françaises  dans  la  guerre  de  Trente  ans  * 
avaient  voilé  la  faiblesse,  le  désordre  de  l'ad- 
ministration financière.  VÉdit  du  toisé  (1644), 
qui  remettait  en  vigueur  un  vieil  édit  relatif  à  la 
défense  de  bâtir,  en  dehors  de  certaines  limites, 
dans  les  faubourgs  de  Paris,  et  qui  exigeait  une 
contribution  des  propriétaires  oublieux  de  l'ancieu 
édit  ;  VÉdit  du  tarif,  qui  réglait  à  nouveau  les 
droits  d'entrée  sur  les  vivres  et  les  marchandises 
dans  Paris  (1646',  excitèrent  des  plaintes  accueillies 
avec  faveur  par  le  parlement.  Tenu  i\  l'écart  de  la 
politique  sous  Richelieu,  mais  appelé  par  la  reine 
Anne  d'Autriche  à  se  prononcer  en  lii43  sur  la 
question  de  régence,  le  parlement  s'efforçait  de 
limiter  l'autorité  du  premier  ministre  et  de  se  faire 
considérer  comme  le  conseil  souverain  de  la  nation. 
La  révolution  d'Angleterre  qui  mettait,  à  la  même 
époque,  aux  prises  le  parlement  anglais  et  le  roi 
Charles  I",  rendait  plus  hardi  le  parlement  de 
Paris,  qui  n'avait  pourtant  qu'une  analogie  nomi- 
nale avec  le  grand  corps  composé,  en  Angleterre, 
des  représentants  élus  de  la  nation. 

Loin  de  calmer  l'irritation  des  magistrats  du 
parlement,  qui  refusaient  d'enregistrer  les  édits  re- 
latifs aux  impôts  nouveaux,  ^lazarin  blesse  le  par- 
lement lui-même  par  la  création  de  douze  nouvelles 


FRONDE 


—  835  — 


FRONDE 


charges  de  maîtres  des  requêtes,  et,  modifiant  l'im- 
pôt de  la  Paulette  (V.  Édits) ,  exige  de  tous  les  magis- 
trats Tabandon  de  quatre  années  de  leurs  gages. 
Le  parlement  de  Paris,  malgré  une  exception  faite 
en  sa  faveur,  s'entend  alors  avec  les  magistrats  des 
autres  Cours  souveraines,  le  Grand  Conseil,  la 
Chambre  des  comptes,  la  Cour  des  aides,  et  rend, 
le  ri  mai  1G4S,  un  célèbre  arrêt  àX\,  Arrêt  lïunion, 
qui  formait  de  toutes  ces  cours  souveraines  un 
seul  et  même  corps,  menaçant  pour  l'autorité 
royale.  I.es  députés  des  quatre  cours  tiennent  des 
séances  dans  la  chambre  dite  de  Saint-Louis,  et,  agi- 
tant les  plus  graves  questions,  semblent  vouloir  éta- 
blir un  gouvernement  constitutionnel.  La  reine  in- 
terdit cesassemblées  ;  puis, au  milieu  de  ces  troubles, 
le  mot  de  fronde  devient  un  mot  de  ralliement. 
Suivant  certains  mémoires  (Mademoiselle  de  Mont- 
pensier),  Bachaumont  aurait  mis  ce  mot  à  la  mode 
«n  se  servant  de  l'expression  «Je  fronderai  »  ;  selon 
d'autres,  le  mot  aurait  été  une  allusion  peu  bien- 
veillante à  la  timidité  des  magistrats  que  l'on  com- 
parait à  des  enfants  jouant  «  à  la  fronde,  »  se  jetant 
des  pierres  dans  les  fossés,  mais  prompts  à  se  dis- 
perser dès  que  paraissait  le  lieutenant-civil.  Quoi 
qu'il  en  soit,  on  chanta  bientôt  : 

Un  vent  de  Fronde 
S'est  levé  ce  matin  ; 
Je  ciois  qu'il  groude 
Contre  le  Jlazarin. 

La  victoire  de  Condé  b.  Lens  (20  aoiît  1648)  dé- 
cida Mazarin  à,  tenter  un  coup  d'autorité.  Le  jour 
même  du  Te  Deum  célébré  en  l'honneur  de  cette 
victoire  i26  août  1648),  il  fit  arrêter  trois  magis- 
trats, Blancménil,  Broussel,  et  Viole.  Le  peuple  se 
soulève;  Paris  se  hérisse  de  barricades  (27  aont^  ; 
partout  retentit  le  cri  de  Liberté  et  Broussel.  Le 
parlement  va  en  corps  au  Palais-Royal  réclamer  la 
liberté  de  ses  membres,  et  son  président  Matlneu 
Mole  montre  autant  de  fermeté  devant  la  reine  que 
de  dignité  au  milieu  de  la  populace  menaçante. 
Anne  d'Autriche  cède.  Tout  semble  terminé. 

Mais  le  parlement  poursuit  l'œuvre  qu'il  a  entre- 
prise: par  sa  Déctarution  du  22  octobre  1648,  il 
intervient  dans  le  gouvernement  de  l'État,  et  reven- 
dique sa  souveraineté  en  matière  de  procès  :  aucun 
de  ses  arrêts  ne  pourrait  être  cassé.  Des  princes, 
Conti,  frère  de  Contlé,  le  duc  de  Longueville,  le 
duc  de  Beaufort,  le  duc  de  Bouillon,  le  vicomte  de 
Turenne,  le  duc  de  la  Rochefoucauld,  soutiennent 
le  Parlement.  Anne  d'Autriche,  ett'rayée,  quitte 
Paris  en  secret  avec  le  jeune  roi  (6  janvier  1649), 
et  la  guerre  commence. 

Des  femmes  romanesques  ou  intrigantes,  les 
duchesses  de  Longueville,  de  Chevreuse,  de  Bouil- 
lon, viennent  avec  leurs  enfants  habiter  l'Hôtel  d" 
Ville  et  se  présentent  comme  gages  de  la  bonne 
foi  de  leurs  maris.  «  On  vit  alors,  »  écrit  Paul  de 
Gondi,  plus  tard  cardinal  de  Retz,  l'un  des  princi- 
paux acteurs  de  la  Fronde,  «  on  vit  un  mélange 
d'écharpcs  bleues  de  damos,  de  cuirasses,  de 
violons,  dans  les  salles  de  l'Hôtel  de  Ville,  de  tam- 
bours et  de  trompettes  sur  la  place,  spectacle  qui 
se  trouve  plutôt  dans  les  romans  qu'ailleurs.  » 
Les  bourgeois  parlent  en  campagne,  se  font  battre, 
et  rentrent  dans  Paris,  au  milieu  des  huées  et  des 
chansons.  Ce  fut  la  première  période  de  la  Fronde, 
dite  Fronde  parlement(nrp,  période  bouffonne  où 
tout  se  tournaii  en  raillerie,  et  qui  aboutit  à  la  paix 
de  Ruel  (11  mars  1649). 

Le  prince  de  Condé  avait  défendu  Mazarin  et  la 
cour.  Son  orgueil  choqua  ensuite  le  ministre  et  la 
reine.  L'éloignement  dans  lequel  on  voulut  le  te- 
nir le  décida  à  se  rapprocher  des  seigneurs  du  parti 
de  la  Fronde.  Mazarin  fit  alors  (18  janvier  lO.'jO) 
arrêter  le  vainquour  de  Lens,  son  frère  Conti  et 
le  duc  de  Longueville.  Il  les  fit  conduire  à  Vincen- 
Jies,  et  de  là  au  Havre.   Mais  les  seigneurs  parti- 


sans de  Condé  soulevèrent  les  provinces  :  uno 
autre  Fronde  commença,  la  Fronde  féodale,  la 
jeune  Fronde.  Turenne  se  joignit  aux  Espagnols, 
mais  il  fut  battu  près  de  Rethel  par  le  maréchal 
du  Plessis-Praslin  (décembre  1660). 

Mazarin,  pourtant  si  habile,  ne  sut  pas  regagner 
les  parlementaires  après  avoir  mécontenté  les  sei- 
gneurs. Paul  de  Gondi,  n'obtenant  pas  le  chapeau 
de  cardinal  qui  lui  avait  été  promis,  et  se  croyant 
joué,  rapprocha  les  princes  et  le  parlement  e^'unit 
les  deux  Frondes.  L'exil  de  Mazarin  fut  réclamé 
par  les  magistrats  comme  par  les  seigneurs  avec 
une  unanimité  qui  força  le  ministre  à  plier.  Maza- 
rin alla  lui-même  délivrer  le  prince  de  Condé,  et 
se  retira  à  Cologne  (G  février  1651),  attendant  la 
division  de  ses  ennemis. 

Cette  division  ne  tarda  pas  à  se  produire.  Les 
seigneurs  ne  voulaient  que  recouvrer  leur  anciev — e 
indépendance.  Condé  se  brouilla  avec  les  parle- 
mentaires etrésolutde  se  rendre  le  maître  du  pouvoir 
avec  l'appui  des  Espagnols.  Il  alla  en  même  temps 
soulever  la  Guyenne,  l'Anjou  et  le  Poitou.  Mazarin 
rentre  aussitôt  en  France  avec  une  petite  armée, 
et  promène  le  jeune  roi  dans  les  provinces  du 
Centre  pour  affermir  leur  fidélité.  Condé  accourt 
du  midi,  surprend  les  quartiers  de  l'armée  royale 
à  Bléneau  (Yonne),  le  7  avril  1652  ;  mais  ses  suc- 
cès sont  arrêtés  par  Turenne  que  Mazarin  a  ramené 
au  parti  du  roi.  Condé  se  dirige  alors  sur  Paris. 
Turenne  le  suit.  La  haine  que  les  Parisiens  nour- 
rissaient contre  Mazarin  les  disposait  à  souhaiter  le 
succès  de  Condé.  Le  2  juillet  1652,  les  deux  grands 
généraux  se  mesurèrent  devant  la  porte  Saint-An- 
toine. L'armée  de  Condé,  fort  maltraitée,  trouva 
un  refuge  dans  Paris  grâce  à  Mademoiselle,  fille  de 
Gaston  d'Orléans,  qui  lui  fit  ouvrir  les  portes  et 
fit  tirer  le  canon  de  la  Bastille  contre  les  troupes 
royales.  Mais  Condé  resti  peu  de  temps  à  Paris, 
où  il  laissa  s'accomplir  un  odieux  mass;icre  des 
jiartisans  de  Mazarin  à  l'Hôtel  de  Ville,  et  alla  re- 
joindre les  Espagnols.  Le  parlement  comprit  enfin 
que  les  seigneurs  ne  luttaient  que  pour  satisfaire  leur 
orgueil,  leur  esprit  d'aventure,  et  se  souciaient  peu 
des  libertés  publiques.  11  négocia  avec  la  cour,  ob- 
tint une  satisfaction  par  l'éloignement  momentané 
de  Mazarin  (août  lG5v),  et  le  roi  rentra  dans  Paris 
après  avoir  publié  une  amnistie.  Au  mois  de  mars 
1653,  Mazarin  revint  triomphant;  le  parlement 
s'inclina  devant  lui  ;  la  véritable  guerre  de  la 
Fronde  était  terminée. 

Toutefois  on  peut  la  regarder  comme  se  prolon- 
geant jusqu'en  16.j9  ;  mais  cette  dernière  période 
fut  plutôt  la  continuation  de  la  lutte  contre  l'Espa- 
gne. Condé,  devenu  le  chef  des  Espagnols  qu'il  avait 
tant  de  fois  vaincus,  perdit  son  bonheur  au  milieu 
des  armées  étrangères.  Il  fut  chassé  de  la  Picar- 
die par  Turenne  (1653),  forcé  de  lever  le  siège 
d'Arras  (1654),  et  fut  enfin  battu,  près  de  Dunker- 
que,  à  la  journée  des  Dunes  (1G58),  qui  décida 
l'Espagne  à  signer  le  traité  des  Pyrénées  (1659). 

La  Fronde  eut  pour  résultat  de  démontrer 
l'impuissance  de  la  noblesse  à  renouer  ses  an- 
ciennes ligues,  et  la  division  des  classes  en 
France,  division  qui  empêchait  ces  classes  d'ob- 
tenir de  la  royauté  des  garanties  sérieuses  de 
liberté.  Louis  XIV  sortit  triomphant  de  cette  lutte, 
qui  le  disposa  à  abuser  de  sa  victoire  et  à  exercer 
un  pouvoir  absolu.  Le  parlement,  un  moment 
maître  de  l'autorité,  se  vit  réduit  à  ses  fonctions 
judiciaires,  humilié  même  par  Louis  XIV  au  point 
d'être  obligé  d  apporter  ses  registres  pour  qu'on 
y  déchirât  tous  ses  arrêts  rendus  pendant  la  Fronde. 
Cette  guerre,  si  st'ricuse  dans  ses  motifs,  mais  si 
follement  conduite,  aboutit  donc  à  un  asservisse- 
ment de  la  noblesse,  de  la  magistrature,  du  peuple, 
asservissement  qui  enfla  l'orgueil  de  Louis  XIV,  puis 
de  Louis  XV,  et  rendit  de  plus  en  plus  inévitable 
la  Révolution  de  1789.      (Gustave  Ducoudray.] 


FRUIT 


—  836  — 


FRUIT 


FRUIT.  —  Botanique,  XI,  XII.  —  (Etym.  :  du 
latin  fnictus'). 

1.  béfinition.  — On  appelle />"Mi?  le  résultat  de 
la  transformation  de  l'ovaire  postérieurement  à  la 
fécondation.  La  paroi  ovarienne  prend  alors  le  nom 
de  pericar/ic  ;  les  ovules  contenus  dans  l'ovaire 
deviennent  les  graine^.  Les  plantes  sans  ovaire 
n'ont  donc  pas  de  fruit:  tel  est  le  cas  des  phanéro- 
games gymnospermes. 

Parfois  le  mot  f-"iiit  est  employé  dans  un  sens 
restrictif,  et  sert  à  désigner  seulement  le  péricarpe  ; 
dans  ce  qui  suit,  à  l'exemple  de  plusieurs  bota- 
nistes éminents,  ce  sera  dans  ce  sens  restreint 
que  nous  prendrons  le  mot  fruit.  (Pour  tout  ce  qui 
concerne  Vovaire,  se  reportei-  à  l'article  Fleur; 
et  pour  ce  qui  touche  la  graine,  \oir  ce  mot., 

2.  Organisation  du  fruit.  —  Puisque  le  péri- 
carpe n'est  que  l'ovaire  accru,  il  en  reproduit  l'or- 
ganisation, à  moins  que,  postérieurement  à  la 
fécondation,  il  ne  se  soit  opéré  dans  cet  ovaire  des 
développements  spéciaux  ou  dos  suppressions  plus 
ou  moins  complètes  de  ses  parties  constituâmes. 

En  général  on  distingue  dans  l'épaisseur  du  péri- 
carpe trois  zones  ou  couches  : 

1°  Une  zone  externe  superficielle  nommée  épicarpe, 
ou  peau  du  fruit; 

2°  Une  zone  superficielle  interne,  d'épaisseur 
très  variable  et  de  consistance  souvent  ligneuse  : 
c'est  le  noyau  ou  eiidocarpe  ; 

3°  Entre  ces  deux  zones,  une  couche  de  consis- 
tance assez  molle,  quia  recules  noms  à^mésocarpe 
ou  de  chair. 

Lorsque  le  fruit  est  uniloculaire,  les  trois  cou- 
ches du  péricarpe  s'enveloppent  régulièrement 
l'une  l'autre  ;  mais  dans  les  fruits  à  plusieurs  loges, 
l'endocarpe  forme  la  paroi  propre  des  cavités  inté- 
rieures, dont  l'ensemble  est  ensuite  embrassé  par 
le  mésocarpe  et  l'épicarpe  (ex.  :  pomme,  poire, 
nèfle,  etc.  ).  Toutes  les  parties  du  péricarpe,  qu'elles 
doivent  devenir  molles  et  charnues  ou  dures  et 
résistantes,  sont  dues  au  développement  de  tissus 
de  même  nature  que  le  liège  ou  suber  ;  ces  tissus 
se  forment  entre  les  régions  superficielles  de  l'o- 
vaire et  le  système  de  ses  faisceaux  nourriciers. 

Cette  organisation  est  un  remarquable  exemple 
d'emprunt  physiologique,  puisque  souvent  dans  les 
fruits  les  tissus  subéreux,  essentiellement  protec- 
teurs, fournissent  un  appoint  aux  organes  de  réserves 
et  à  l'appareil  disséminateur.  A  mesure  que  ces  tis- 
sus spéciaux  se  développent  dans  le  fruit,  le  sucre 
s'y  accumule,  tandis  que  les  acides,  le  tannin,  l'a- 
midon y  diminuent  ;  c'est  ainsi  que  des  raisins  qui 
contenaient,  au  29  août  1874,  sur  100  grammes  de  1 
substance,  5^' 4  de  sucre  et  3^'  1  d'acide,  contenaient  |  donnons  son  nom  usuel  et  un  exemple 

idont  la  graine  est  souciée  au  péricarpe  ....  Caryopse  (ci.  Blé). 

dont  la  graine  est  libre  dans  le  péricarpe  .  Achaine  (ex.  Sarrazin). 

avec  une  ou  doux  ailes  membraneuses Sainare  (ex.  Onné). 

charnus Drupe  (ex.  Pêche,  Cerise) 


le  7  octobre  suivant  IS^-^G  de  sucre  et  1«'20  d'acide. 

3.  Déhiscence  des  fruits.  —  Pour  laisser  échap 
per  les  graines  qu'ils  enveloppent,  bon  nombre  de 
fruits  s'ouvrent  à  la  maturité:  ils  sont  déhiscents. 

La  déhiscence  s'opère  par  division  du  fruit  en 
pièces  distinctes  qu'on  nomme  des  valves.  Celles- 
ci  se  détachent  l'une  de  l'autre  aux  sutures.  Les 
sutures  sont  distinguées  en  vraies  et  fausses  sutu- 
res. Les  sutures  vraies  correspondent  aux  bords 
des  carpelles  unis  pour  former  la  cavité  ovarienne. 
Les  fausses  sutures  sont  des  lignes  de  rupture  qui 
coupent  longitudinalement  les  carpelles  à  l'époque 
de  la  maturité. 

Par  opposition  aux  fruits  déhiscents,  il  en  existe 
un  très  grand  nombre  qui  ne  s'ouvrent  pas  à  la 
maturité  :  ces  fruits  sont  dits  iwléliiscents.  Dans 
ce  cas  les  graines  ne  peuvent  devenir  libres  que 
par  la  désorganisation  du  péricarpe. 

On  a  distingué  trois  modes  de  déhiscence  des  fruits: 

1°  hSi  déhiscence  poricide  ou  apicilaire.  Dans  ce 
cas,  un  ou  plusieurs  trous  se  forment  vers  l'extré- 
mité supérieure  du  fruit  (ex.  réséda,  muflier, 
pavot,  œillet); 

2»  La  déhiscence  transversale.  Elle  résulte  d'une 
rupture  transversale  circulaire  du  péricarpe,  sans 
rapport  avec  les  feuilles  carpellaires  qui  entrent 
dans  la  constitution   du  fruit  fex.  mouron  rougej. 

3°  La  déhiscencs  valvaire.  Cette  dernière  s'ac- 
complit de  trois  manières  différentes  :  a)  Dans  la 
déJdscence  valvaire  septicide,  les  carpelles  cons- 
tituants se  séparent  à  la  maturité  par  dédouble- 
ment des  cloisons  communes  (ex.  tabac)  ;  6)  Dans 
la  déhiscence  valvaire  loculicide,  l'ouverture  du 
fruit  se  fait  au  milieu  de  la  paroi  externe  de  chaque 
loge  de  l'ovaire  (ex.  tulipe)  ;  c)  Dans  la  déhiscence 
valvaire  septifrage,  les  parois  externes  des  loges 
de  l'ovaire  se  détachent  des  cloisons  rayonnantes 
et  de  la  columelle  centrale.  Ce  dernier  mode  de 
déhiscence  est  assez  rare  (ex.  acajou). 

A  la  maturité  du  fruit,  certains  péricarpes  déhis- 
cents s'ouvrent  brusquement  avec  une  force  assez 
grande  pour  projeter  les  graines  enfermées  dans 
leur  intérieur  à  une  grande  distance  (ex.  balsamine, 
Hura  crepitans  ou  sablier). 

4.  Classification  des  fruits.  —  Chaque  forme  de 
fruit  a  reçu  des  botanistes  et  du  vulgaire  un  nom 
particulier.  Ces  noms  sont  assez  nombreux  pour 
qu'on  ait  cru  devoir  entreprendre  un  classement 
des  fruits.  Parmi  toutes  les  classifications  proposées, 
nous  adopterons  de  préférence  celle  de  M.  P.  Du- 
chartre,  comme  étant  la  plus  claire  et  la  plus  sim- 
ple. Dans  le  tableau  synoptique  ci-joint,  en  regard 
de    l'ensemble    des    caractères    d'un    fruit,    nous 


FnuiTS 

apocarpés 

ou 

unicarpellés 


indéhiscents 

à  une  ou 
deux   graines 

déhiscents  et 
généralement 
à  plusieurs 
graines  i  de 
plus   ils  pré- 
sentent 

déhiscents 


Fhcits 

syncarpés 

ou 

pluricarpellés 


ind  hiscents 

i^L'emplni  ri- 
goureux de 

ces  six  der- 
niers noms 

est  assez  dif- 
ficile). 


une  seule  fente  à  la  maturité Follicule  (ex.  Pivoine). 

deux  fentes  à  la  maturité Légume  ou  Gousse  (ex.  Haricot). 

s'ouvrant  par  deux  valves  lonititudinales Silique  et  Silicule  (ci.  Colza). 

s'ouvrant  transversalement Pyxide  (ex.  Mouron). 

sans  aucun  des  Cciractères  précédents Capsule. 

fruit  provenant  d'un  ovaire  supère.  dont  les  loges  et 
les  graines  sont  en  partie  atrophiées;  sa  base  est 
enfermée  dans  une  cupule Gland  (ex.  Chêne). 

fruit  provenant  d'un  ovaire  supère  à  mésocarpe  charnu, 
à  endocarpe  membraneux  formant  plusiv.ui'S  loges 
séparables  sans  déchirement Orange. 

fruit  provenant  d'un  ovaire  infère  et  dont  la  consis- 
tance va  diminuant  de  la  périphérie  au  centre Melon  ou  Pépon. 

fruit  provenant  d'un  oviiire  infère  à  péricarpe  coriace 
et  à  deux  séries  de  loges  superposées Grenade  ou  Balauste. 

fruit  provenant  d'un  ovaire  infère  et  complètement 
chanm Baie  (ex.  Groseillier). 

Iiuit  provenant  d'un  ovaire  infère  et  à  peu  près  com- 
plètement charnu;  l'endocarpe  seul  est  membraueux.    Pomme  ou  Poire. 


FUSION 


—  837  — 


FUSION 


Linné  désignait  encore  par  les  noms  de  fruits 
^gréyés  et  de  fruits  antho':arpés  deux  classes  de 
fruits  quimcriientd'ètre  mentionnées.  La  première 
de  ces  classes,  celle  des  fruits  agrégés,  comprend 
les  ensembles  de  fruits  apocarpés  qui  succèdent' à 
une  seule  fleur.  La  seconde  comprend  des  inflo- 
rescences fortement  accrues  :  ce  sont  des  assembla- 
ges de  fruits,  d'enveloppes  florales,  de  réceptacles, 
voire  même  de  bractées  ;  les  fruits  antliocarpés  ne 
sont  donc  pas  réellement  des  fruits  dans  le  sens 
de  la  définition  de  ce  mot.  Parmi  les  fruits  antlio- 
carpés nous  mentionnerons  le  cÔ7ie  ou  strobile  des 
pins  ;  le  sycone  ou  figue,  fruit  du  figuier  ;  enfin  le 
syncarpe,  dont  on  peut  citer  comme  exemple  le  fruit 
du  mûrier,  de  l'ananas,  de  l'arbre  à  pain. 

5.  Rôles  du  fruit.—  Le  fruit  a,  dans  la  vie  de  la 
plante,  un  triple  rôle  à  remplir  :  1°  Il  protège  la 
graine;  2°  il  en  provoque  la  dissémination  ;  ;j°  il  sert 
à  fixer  la  graine  au  sol .  De  ces  trois  rôles,  le  dernier 
est  le  moins  important.  Ce  que  nous  avons  dit  de 
la  structure  du  finit  et  de  l'origine  de  ses  tissus 
montre  suffisamment  que  cet  organe  est  un  appareil 
protecteur  pour  les  graines  enfermées  dans  son 
intérieur.  Au  point  de  vue  de  la  dissémination  des 
graines,  il  y  a  lieu  de  distinguer  les  fruits  secs  et 
les  fruits  charnus  :  les  premiers  provoquant  la  dis- 
sémination directe  des  graines;  les  ;  econds  ayant 
besoin,  pour  disséminer  leurs  graines,  de  l'inter- 
vention des  animaux. 

Par  le  fait  seul  de  sa  chute  sur  le  sol  h  quelque 
distance  de  la  plante  qui  l'a  produit,  le  fruit  pro- 
voque la  dissémination  des  graines  qu'il  contient. 
Souvent  au  poids  du  fruit  viennent  se  joindre,  pour 
accroître  sa  puissance  de  dissémination  :  1°  des 
productions  pileuses  ;  2"  des  aigrettes  (pissenlit)  , 
3°  des  ailes  (  une  aile  dans  l'orme,  deux  ailes  chez 
l'érable)  ;  4"  la  rupture  brusque  du  fruit  avec  élas- 
ticité. Ces  expansions  pileuses,  ces  aigrettes,  ces 
ailes  ne  se  développent  à  la  surface  du  fruit  que 
chez  les  fruits  secs. 

La  plupart  des  fruits  charnus,  possédant  un  goût 
sucré,  ou  quelque  odeur  balsamique,  ou  encore 
quelque  propri  .té  nutritive  stimulante  ou  excitante, 
sont  ingérés  par  les  animaux.  Tous  ces  fruits  char- 
nus présentent  sous  leur  enveloppe  molle  un  noyau 
ligneux  très  solide  qui  contient  les  graines  à  son 
intérieur.  La  coque  ligneuse  de  ces  fruits  résiste 
à  l'action  des  sucs  de  l'appareil  digestif  ;  elle  est 
évacuée  avec  les  fèces.  On  remarque  souvent  que 
les  graines  des  plantes  ainsi  organisées  n'entrent 
facilement  en  germination  que  quand  le  noyau  qui 
les  protège  a  traversé  certains  organismes  ani- 
maux. 

Quant  à  la  manière  dont  les  fruits  fixent  la  graine 
au  sol,  ils  agissent  :  1°  par  leur  poids  ;  2°  en  offrant 
à  l'humidité  du  sol  une  grande  surface  d'adhérence. 
Aussi  toutes  les  dispositions  qui  ont  pour  effet 
•d'augmenter  la  puissance  disscminative  du  fruit 
en  augmentant  sa  surface  augmentent-elles  du 
même  coup  sa  puissance  comme  organe  de  fixation 
des  graines.  [C.-E.  Bertrand.] 

FUSION.  —Physique,  XVL  — On  appelle  fusion 
le  passage  d'un  corps  solide  à  l'état  liquide  quand 
il  a  lieu  sous  l'influence  de  la  chaleur.  Un-  morceau 
de  glace  porté  dans  un  milieu  dont  la  température 
est  supérieure  à  0°  devient  liquide;  le  plomb  ou 
le  verre  suffisamment  chauffés  fondent  et  coulent. 
Ce  changement  d'état  s'effectue  aussi  pour  certains 
corpsparlcur  mélange  avec  des  liquides  appropriés: 
on  l'appelle  alors  dissolution.  Le  sucre  ou  le  salpê- 
tre, l'alun  et  la  plupart  des  sels  minéraux  dispa- 
raissent quand  on  les  agite  avec  l'eau;  le  coton- 
poudre  perd  l'état  solide  dans  un  mélange  d'éther 
et  d'alcool.  Les  doux  phénomènes,  bien  que  diffé- 
rents en  apparence,  ont  assez  de  points  communs 
dans  les  circonstances  qui  les  accompagnent  et  dans 
les  lois  qui  les  régissent  pour  qu'en  physique  on 
ne  les  sépare  pas.  Leur  étude  commune  peut  s'y 


intituler  :  premier  changement  d'état  des  corps  ou 
passage  des  solides  à  l'état  liquide. 

La  plupart  dos  corps  solides  peuvent  être  fondus 
lorsqu'on  les  chauffe  convenablement.  La  solidité 
ou  la  liquidité  pour  une  même  substance  dépend 
uniquement  pour  ainsi  dire  de  sa  température. 
Mais  il  y  a  une  différence  très  grande  entre  les  corps 
au  point  de  vue  de  la  température  à  laquelle  s'ef- 
fectue ce  changement  d'état. 

Un  grand  nombre  de  substances  sont  très  facile- 
ment fusibles  à  des  températures  peu  élevées  :tels 
sont  la  glace,  le  phosphore,  le  suif,  la  cire,  l'acide 
stéarique;  d'autres  exigent  plus  de  chaleur,  ainsi  l'é- 
tain,  le  plomb,  le  zinc;  la  plupart  des  métaux  ne  fon- 
dent qu'à  la  température  élevée  des  feux  de  forges, 
comme  l'argent,  l'or,  le  fer.  Le  platine  ne  coule 
qu'à  la  plus  forte  température  que  l'homme  sache 
produire.  Lo  nombre  des  corps  infusibles  devient 
d'autant  moindre  que  nous  trouvons  des  moyens 
de  chauffage  plus  énergiques  ;  tel  corps  regardé  au- 
trefois comme  infusiblc  peut  aujourd'hui  être  fondu  ; 
tel  autre  qui  résiste  à  nos  moyens  actuels  ne  résis- 
terait probablement  pas  à  des  foyers  plus  violent:, 
que  ceux  dont  nous  disposons.  Nous  pouvons  donc 
dire  que  tous  les  corps  solides  deviendraient  liqui- 
des si  nous  pouvions  les  porter  à  une  température 
suffisamment  élevée. 

Il  faut  en  excepter  les  substances  qui  se  décom- 
posent par  la  chaleur  avant  de  changer  d"état, 
comme  le  bois,  la  corne  et  beaucoup  de  corps 
d'origine  organique.  Lorsqu'on  les  chaufl'e  à  l'air 
libre,  lis  se  transforment,  disparaissent  en  gaz,  brû- 
lent en  un  mot  et  ne  laissent  comme  résidu  que 
leur  portion  minérale;  l'air  est  venu  aider  h  leur 
décomposition.  Certaines  matières  minérales  échap- 
pent à  la  fusion  pour  une  raison  analogue;  telle 
est  la  craie  ou  la  pierre  calcaire  ;  elle  ne  fond  pas 
dans  le  four  du  chaufournier;  elle  donne  comme 
résidu  la  chaux  :  c'est  qu'elle  a  subi  une  décompo- 
sition et  perdu  le  gaz  carbonique  qui  était  l'une  de 
ses  parties  constituantes.  Que  l'on  renferme  cette 
craie  dans  un  vase  métallique  très  solide,  dans  un 
canon  de  fusil,  comme  le  fit  Hall,  et  qu'après  avoir 
hermétiquement  ferme  le  vase,  on  le  chauffe  forte- 
ment, l'acide  carbonique  n'aura  plus  d'issue  pour 
s'échapper;  celui  qui  se  produira  d'abord,  ne  pou- 
vant se  dégager,  fera  pression  et  empêchera  la 
décomposition  de  la  craie.  Celle-ci  fondra  sans  alté- 
ration ;  et  si  on  la  laisse  refroidir  lentement,  on 
lui  trouvera,  lorsqu'on  i'aura  retirée  du  tube, 
l'aspect  du  marbre  compact  à  cassure  cristal- 
line, preuve  évidente  qu'elle  était  devenue  li- 
quide. 

Lois  de  la  fusion.  —  La  ftision  d'un  corps  solide 
est  assujettie  à  deux  lois  :  1°  La  température  à  la- 
quelle fond  une  substance  est  toujours  la  même 
dans  toutes  les  circonstances  ;  on  la  nomme  le 
poi7it  de  fusion  ;  2"  Pendant  toute  la  durée  de  la 
fusion,  la  température  reste  constante. 

Qu'on  mette  sur  le  feu  un  vase  plein  de  glace, 
celle-ci  entrera  en  fusion  à  la  température  0°,  ni 
avant  ni  après;  et  quelle  que  soit  l'ardeur  du 
foyer,  le  thermomètre  plongé  dans  la  glace  indi- 
quera seulement  la  température  zéro,  tant  qu'il  y 
aura  de  la  glace  à  fondre. 

La  connaissance  du  point  de  fusion  des  différen- 
tes substances  peut  présenter  de  l'intérêt,  non 
seulement  pour  comparer  leur  fusibilité,  mais 
même  pour  juger  de  leur  pureté.  En  effet,  tant 
que  la  substance  est  pure,  son  point  de  fusion  reste 
le  même; si  elle  est  associée  à  des  matières  étran- 
gères, son  point  de  fusion  s'élève  ou  s'abaisse  ; 
et  on  peut  affirmer  qu'une  substance  est  mêlée  de 
corps  étrangers  quand  elle  ne  fond  pas  à  son  point 
de  fusion  normal. 

Voici,  dans  l'ordre  des  températures  croissantes, 
les  points  de  fusion  d'un  certain  nombre  de 
corps  : 


FUSION 


—  838  — 


FUSION 


Mercure 

Essenoc    de   térében- 
thine  

Glace 

Huile  d'olive 

Beurre 

Suif 

Phos|iliore 

Cire  vierge 

Cire  blanche 

Acide  sféariqvie 

Soufre. .    

Camphre 

Etain  


Point  de 
fusion 
en  dcgr. 
centiçr. 


70° 
111° 
175° 

230» 


Point  de 

Subslonces.  '„"^jf° 

en  dogp. 

centigr. 

Bismuth 26C» 

Plomb 320» 

Zinc 422° 

Antimoine 432 


Bronze 

Argent 

Cuivre 

Fonte  blarch''. 
—     firise  . . . 

Or...:. 

Acier 1400° 

Fer  doux IjOIi» 

Platine iiOOO» 


900» 
1000» 
1 000» 
iOoO» 
1100» 
i2.ï0° 


On  voit  par  ce  tableau  que  les  diverses  subs- 
tances entrent  en  fusion  à  des  temjioratures  très 
différentes  de  l'une  à  l'autre.  Le  mercure,  liquide  à 
la  température  ordinaire,  doit  être  refroidi  j\isqu'à 
40° au-dessous  de  zéro;  alors  il  a  l'aspect  du  plomb 
solide  et  peutêtre  martelé  comme  ce  dernier  métal. 

Les  alliages,  formés  par  la  combinaison  plus  ou 
moins  intime  des  métaux  entre  eux,  oiïrent  une 
particularité  remarquable  :  ils  sont  en  général  plus 
facilement  fusibles  que  chacun  des  métaux  qui  les 
constituent.  Mais  on  ne  peut  indiquer  leur  point 
de  fusion  avec  précision,  parce  qu'il  varie  avec  leur 
composition  et  même  avec  leur  mode  de  fabrica- 
tion. La  soudure  des  plombiers,  formée  de  2  d'é- 
tain  avec  1  de  plomb,  fond  à  196°,  alors  que  l'étain, 
le  plus  fusible  des  deux  métaux,  ne  fond  qu'à  230°. 
Le  plus  curieux  à  ce  point  de  vue  est  l'alliage  de 
Darcet,  formé  de  S  de  bismuth  alliés  à  5  de  plomb 
et  à  3  d'étain  :  il  fond  à  100°,  dans  l'eau  bouillante, 
c'est-à-dire  à  une  température  bien  inférieure  à 
celle  qui  peut  fondre  le  plus  fusible  des  trois  mé- 
taur.  entrant  dans  sa  composition. 

Fiisioji  visqueuse.  —  Les  corps  fusibles  peu- 
vent être  partagés  en  deux  groupes  distincts  : 
1°  ceux  qui  par  l'action  de  la  chaleur  deviennent 
franchement  liquides,  coulent  aussi  facilement  que 
l'eau,  comme  la  glace,  la  cire,  le  plomb^  le  fer  ; 
2°  ceux,  au  contraire,  qui  se  ramollissent  avant  de 
devenir  liquides,  prennent  un  état  visqueux  qui 
n'est  plus  l'état  solide  et  n'est  pas  encore  l'état  li- 
quide, peuvent  s'étirer  en  fils  :  tel  est  le  verre.  On 
profite  de  cette  propriété  pour  courber,  souffler, 
mouler  le  verre;  pendant  qu'il  est  mou,  on  lui 
donne  la  forme  qu'on  désire  et  qu'il  conservera 
en  reprenant  l'état  solide. 

Le  soufre  présente  les  deux  espèces  de  fusion  ; 
à  111°,  il  est  bien  liquide  et  coule  comme  de  l'eau  ; 
chauffé  davantage,  à  220°,  il  devient  visqueux,  s'é- 
paissit fortement,  et  si  on  essaye  de  le  couler  dans 
l'eau  il  y  tombe  sous  forme  d'un  filet  continu.  Le 
brusque  refroidissement  lui  donne  des  propriétés 
particulières  :  il  reste  quelque  temps  mou,  élastique, 
susceptible  d'être  étiré  en  fils.  Mais  il  perd  peu  à 
peu  sa  transparence  et  son  élasticité  pour  reprendre 
la  forme  solide  opaque  du  soufre  ordinaire.  Il  en 
est  de  môme  do  toutes  les  substances  à  fusion  vis- 
queuse, et  en  particulier  du  verre.  En  vieillissant, 
il  perd  sa  transparence  et  devient  peu  à  peu  opaque. 
Les  ustensiles  de  verre  recueillis  dans  les  tombes 
antiques  semblent  couverts  à  la  surface  d'une  sorte 
d'étamage  imperméable  à  la  lumière  ;  on  dit  que  le 
verre  s'est  dévitrifié. 

Chaleur  latente  de  fusion.  —  La  température 
d'un  corps  qui  fond  reste  la  même  pendant  toute 
la  durée  de  la  fusion  :  voilà  la  seconde  loi  du  phé- 
nomène Qu'on  mette  sur  un  feu  vif  un  vase  con- 
tenant du  suif  dans  lequel  plonge  un  thermomètre, 
on  voit  la  température  monter  jusqu'à  33°  ;  arrivé 
à  ce  point,  le  thermomètre  reste  stationnaire,  quelle 
que  soit  l'ardeur  du  foyer.  La  fusion  s'effectue,  et 
tant  qu'elle  dure  le  thermomètre  se  maintient  in- 
variable. Toute  la  puissance  delà  source  de  chaleur 


n'a  momentanément  qu'an  effet,  rendre  la  fasion 
plus  rapide. 

Qu'est  devenue  la  chaleur  que  le  foyer  a 
sans  cesse  fournie  au  vase,  puisqu'elle  n"a  pas 
d'action  sur  le  thermomètre?  Elle  a  été  employée  à 
séparer  les  molécules  du  corps  solide,  à  les  main- 
tenir à  la  distance  nécessaire  pour  la  liquidité; 
elle  a  accompli  un  travail  mécanique,  et  c'est  la 
raison  pour  laquelle  elle  n'a  pas  agi  sur  le  thermo- 
mètre; le  travail  de  la  liquéfaction  l'absorbant 
tout  entière,  elle  ne  peut  en  produire  un  autre 
dans  le  môme  temps,  en  dilatant  le  liquide  du  tube 
thermométrique.  On  la  croyait  autrefois  dissimulée 
dans  le  corps  fondu,  et  on  lui  avait  donné  le  nom 
de  chaleur  latente,  par  opposition  au  nom  de  cha- 
leur s'-nsi/jle  réservé  à  celle  qui  impressionne  nos 
organes  et  nos  appareils.  On  conserve  encore  cette 
dénomination,  bien  qu'on  sache  que  la  chaleur  né- 
cessaire à  la  fusion  n'est  ni  cachée  ni  dissimulée, 
puisqu'elle  révèle  sa  présence  par  des  effets  évi- 
dents, par  le  travail  diificile  de  la  dissolution,  de 
la  séparation  des  molécules  du  corps  qu'elle  fait 
changer  d'état. 

L'invariabilité  du  point  de  fusion  de  la  glace, 
observée  déjà  en  176:3  par  Black,  a  été  mise  à  profit  : 
les  physiciens  s'en  servent  pour  déterminer  l'un 
des  deux  points  fixes  des  thermomètres,  et  ils  en  fout 
le  point  de  départ  des  divisions  de  l'échelle  de  ces 
appareils. 

La  connaissance  de  la  chaleur  de  fusion  de  la 
glace,  c'est-à-dire  de  la  quantité  de  chaleur  né- 
cessaire h  1  kilogramme  de  glace  pour  passer  à 
l'état  d'eau,  a  une  très  grande  importance  pour 
l'explication  des  phénomènes  météorologiques  qui 
dépendent  de  l'eau  congelée.  Sa  recherche  expéri- 
mentale, facile  à  réaliser  d'ailleurs,  va  nous  per- 
mettre de  définir  l'unité  de  chaleur  et  de  donner 
le  principe  de  la  méthode  employée  pour  comparer 
les  quantités  de  chaleur. 

Mélangeons  1  kilogramme  d'eau  à  60°  avec  1  ki- 
logramme d'eau  à  20°  :  un  thermomètre  placé  dans 
le  mélange  indique  40°  pour  la  température  com- 
mune aux  2  kilogrammes,  c'est-à-dire  exactement 
la  moyenne  entre  les  deux  températures.  L'eau  la 
plus  chaude  s'est  refroidie  en  cédant  de  la  chaleur 
à  la  plus  froide.  Le  kilogramme  d'eau  à  60°,  qui 
s'est  refroidi  jusqu'à  40",  a  abandonné  la  chaleur 
qu'il  avait  prise  pour  passer  de  40°  à  60°  ;  et  cette 
chaleur  a  élevé  le  second  kilogramme  de  20°  à  40°. 
On  est  donc  autorisé  à  dire  qu'il  a  fallu  la  même 
quantité  de  chaleur  pour  élever  1  kilogramme 
d'eau  de  20°  à  40°  que  de  40°  à  60°.  Et  comme 
l'expérience  réussit  aussi  bien  entre  des  limites  de 
températures  plus  rapprochées  et  prises  n'importe 
où  dans  l'échelle  thermométrique  de  0  '  à  100°,  on 
est  en  droit  d'en  conclure  que  l'eau  a  un  échauffe- 
ment  régulier.  On  la  prend  alors  comme  terme  de 
comparaison  et  on  définit  l'unité  de  chaleur,  que 
l'on  appelle  calorie,  ta  quantité  de  chaleur  néces- 
saire pour  élever  \  kilofiramme  d'eau  d'un  degré. 
Si  l'on  mélange  1  kilogramme  de  glace  à  zéra 
et  réduite  en  minces  fragments  avec  1  kilo- 
gramme d'eau  à  79°,  toute  la  glace  fond,  mais  la 
température  finale  du  mélange  est  0°.  Qu'est  devenue 
alors  la  chaleur  fournie  par  l'eau  chauffée  à  79°  et 
qui  se  retrouve  à  zéro?  Elle  a  servi  à  fondre  le  kilo- 
gramme de  glace  ;  elle  a  passé  de  l'état  de  chaleur 
sensible  à  celui  de  chaleur  latente  employée  à  la 
fusion  du  corps  solide.  On  en  conclut  que  la 
chaleur  nécessaire  pour  fondre  I  kilogramme  de 
glace  sans  élever  sa  température  pourrait  élever 
1  kilogramme  d'eau  de  79°  :  c'est  ce  que  l'on 
exprime  quand  on  dit  que  la  chaleur  latente  de 
fusion  de  la  glace  est  de  79  calories. 

Ce  nombre  ne  frappe  pas  suffisamment  l'esprit 
et  ne  donne  peut-être  pas  de  prime  abord  une 
idée  nette  de  l'énorme  quantité  de  chaleur  qu'il 
faut  à  la  glace  pour  passer  à  l'état  d'eau.  Quels  effets 


FUSION 


839 


FUSION 


thermométriques  produirait  cette  chaleur  de  fusion 
^i  elle  devenait  chaleur  sensible  ?  Elle  pourrait 
porter  à  près  ds  TOU",  c'est-à-dire  au  rouge,  1  kilo- 
içramme  de  fer.  Ainsi  chaque  kilogramme  .  de 
glace  qui  se  fond  aux  rayons  du  soleil  absorbe, 
pour  se  liquéfier  et  sans  augmenter  sa  tempéra- 
ture, autant  de  chaleur  qu'un  kilogramme  de  fer 
chauffé  au  rouge  dans  un  feu  de  forge. 

La  neige  qui'couvre  le  sol  l'hiver,  et  les  sommets 
des  hautes  montagnes  perpétuellement,  est  très 
lente  à  fondre.  L'une  des  causes  et  la  principale, 
c'est  la  grande  quantité  de  chaleur  latente  néces- 
saire pour  la  fusion.  Cette  lenteur  règle  la  dé- 
pense des  eaux  continentales  qui  prennent  leur 
source  dans  les  torrents  formés  de  la  fonte  des 
neiges  des  cimes  élevées  ;  la  distribution  aux 
plaines  est  graduelle,  à  moins  que  la  température 
n'ait  trop  accéléré  la  fusion  en  restant  quelque 
temps  élevée  au  commencement  du  printemps. 

Diiso/ut'.on.  —  La  dissolution  est  le  passage 
d'un  corps  solide  à  l'état  liquide  par  l'influence 
d'un  liquide  approprié  qu'on  nomme  dis-solvant. 
C'est,  à  tous  égards,  un  cas  particulier  de  la  fu- 
sion. Dans  le  solide  qui  se  dissout,  les  molécules 
se  séparent,  deviennent  libres,  acquièrent  la  mo- 
bilité qui  constitue  l'état  liquide,  tout  comme  elles 
le  feraient  par  l'action  de  la  chaleur.  De  même 
que  certains  corps  n'ont  pu  encore  être  fondus, 
faute  d'une  température  suffisamment  élevée,  de 
même  quelques  autres  n'ont  pu  être  dissous  faute 
d'un  dissolvant.  Comme  il  y  a  deux  fusions,  la  fu- 
sion ordinaire  et  la  fusion  visqueuse,  il  y  a  égale- 
ment deux  genres  de  corps  solubles,  ceux  qui 
deviennent  franchement  liquides  comme  le  sucre 
ou  le  s:lpêtre,  et  ceux  qui  restent  sirupeux  comme 
les  gommes;  et  cette  remarque  trouve  son  inté- 
rêt dans  le  retour  à  l'état  solide. 

L'analogie  des  deux  phénomènes  est  plus  com- 
plète encore.  Il  faut  fournir  de  la  chaleur  au  solide 
que  l'on  fond,  pour  l'avoir  liquide.  Le  solide  qui  se 
dissout  en  a  besoin  également,  et  si  on  ne  lui  en 
donnepas.il  enprendauxcorpsvoisinsqu'il  refroidit 
ou  à  lui-môme.  Il  faut,  en  effet,  pour  dissocier 
les  molécules,  une  certaine  quantité  de  chaleur  la- 
tente ;  si  le  corps  se  la  prend  à  lui-même,  elle  ne 
compte  plus  comme  chaleur  sensible,  c'est  comme 
si  on  l'enlevait,  et  le  corps  accuse  un  refroidisse- 
ment. D'après  cette  remarque,  l'eau  sucrée  de- 
vrait être  plus  froide  qu'avant  la  dissolution  du 
solide  ;  mais  le  sucre  absorbe  assez  peu  de  chaleur 
dans  sa  fusion,  pour  que  ce  refroidissement  ne  soit 
pas  apparent.  "Toutefois  il  n'en  est  pas  de  même  de 
tous  les  sels,  et  l'azotate  d'ammoniaque,  jeté  et  agité 
dans  son  poids  d'eau,  abaisse  la  température  du 
mélange  de  plus  de  20°.  La  neige  et  le  sel  de  cuisine 
mélangés  se  liquéfient  sans  le  secours  d'un  foyer  ; 
il  faut  cependant  à  la  neige  beaucoup  de  chaleur 
pour  fondre  ;  il  en  faut  également  au  sel  pour  de- 
venir liquide;  aussi  ce  mélange  se  refroidit-il  con- 
sidérablement en  accomplissant  sa  double  fusion. 

D'une  manière  générale,  toutes  les  fois  que  deux 
corps  solides  peuvent  se  liquéfier  mutuellement, 
ou  qu'un  corps  solide  se  dissout  dans  un  liquide. 
il  y  a  transformation  dune  partie  de  la  chaleur 
sensible  en  chaleur  latente  indispensable  à  la  fu- 
sion. Mais  en  même  temps  que  les  molécules  du 
corps  solide  se  dissocient  et  produisent  un  abais- 
sement de  température,  une  seconde  influence, 
l'action  chimique,  peut  entrer  en  jeu;  comme  elle 
est  toujours  une  cause  de  chaleur,  si  elle  est  puis- 
sante la  dissolution  dégage  de  la  chaleur  au  lieu  d'en 
absorber.  Tel  est  le  cas  du  mélange  d'une  partie  de 
neige  avec  quatre  parties  d'acide  sulfurique.  La 
neige  se  fond,  ce  qui  est  une  source  de  froid;  mais 
la  combinaison  chimique  de  l'acide  avec  l'eau  pro- 
duit une  quantité  de  chaleur  considérable,  et  le 
résultat  final  est  une  élévation  de  température  de 
près  de  100°.  Avec  les  deux  mêmes  corps,  mais  en 


proportions  inverses,  le  résultat  change  ;  la  chaleur 
latente  absorbée,  portant  sur  quatre  fois  plus  de 
matière,  est  bien  plus  considérable,  tandis  que  la 
chaleur  de  combinaison  est  plus  faible,  et  en  défi- 
nitive on  constate  un  abaissement  de  20°.  Ainsi 
la  dissolution  est  un  phénomène  complexe,  dans 
lequel  il  faut  considérer  la  transformation  physi- 
que, cause  d'un  abaissement  de  température,  et  la 
combinaison  chimique,  cause  de  chaleur:  suivant 
que  l'un  des  deux  effets  l'emporte  sur  l'autre,  le 
mélange  se  refroidit  ou  s'échauffe. 

Les  mé'anges  réfrigéran 's  dont  on  se  sert  pour 
abaisser  artificiellement  la  température  sont  fon- 
dés sur  l'absorption  de  chaleur  latente  nécessaire 
à  la  liquéfaction  d'un  corps  solide  qui  se  dissout. 
Le  plus  fréquemment  employé  est  le  mélange  à 
parties  égales  de  se!  marin  et  de  neige  ou  de  glace 
pilée  ;  il  abaisse  la  température  de  20°.  Il  peut 
servir  pour  faire  des  boissons  glacées  dans  la  sai- 
son chaude. 

Le  mélange  de  quatre  parties  de  chlorure  de  cal- 
cium cristallisé  en  poudre  avec  trois  parties  de 
neige  peut  servir  à  faire  congeler  le  mercure. 

La  glace  et  la  neige  ne  sont  pas  nécessaires  à  la 
production  artificielle  du  froid  par  dissoluiion.  On 
peut  également  employer  parties  égales  d'azotate 
d'ammoniaque  et  d'eau,  ou  encore  huit  parties  de 
sulfate  de  soude  ou  sel  de  Glauber,  arrosées  de 
cinq  parties  d'acide  chlorhydrique.  On  se  sert  de 
l'un  ou  de  l'autre  dans  de  petits  vases  où  l'on 
plonge  les  corps  que  l'on  veut  refroidir  et  que  l'on 
nomme  glacières  artificielles. 

Solidification. — ,La  solidification  est  le  phénomène 
inverse  de  la  fusion  :  c'est  le  passage  d'un  liquide 
à  l'état  solide,  se  produisant  par  un  refroidissement 
convenable,  ou  bien  par  la  disparition  du  dissol- 
vant dans  le  cas  des  corps  dissous.  Elle  a  lieu 
pour  chaque  corps  à  une  température  déterminée, 
la  même  que  le  point  de  fusion,  et  restant  invariable 
pendant  toute  la  durée  du  phénomène.  Elle  est 
accompagnée  d'un  dégagement  de  chaleur  provenant- 
de  la  chaleur  latente  qui  repasse  à  l'état  sensible 

L'eau  devient  glace  à  zéro,  de  môme  que  la  glace 
devient  eau  à  zéro.  Le  plomb  fond  à  320%  il  rede- 
vient solide  au  même  point.  Il  suffit  de  simples 
observations  thermométriques  pour  constater  ce 
fait  et  vérifier  la  constance  de  la  température  pen- 
dant toute  la  solidification.  Cette  constance  est 
précisément  due  au  dégagement  de  la  chaleur 
latente  accompagnant  le  passage  à  l'état  solide,  et 
si  de  l'eau  mise  dans  un  mélange  réfrigérant  cesse 
d'abaisser  sa  température  en  se  prenant  en  glace, 
c'est  que  la  chaleur  dégagée  par  les  portions  qui 
se  congèlent  compense  celle  qu'enlève  le  réfri- 
gérant. Si  étrange  que  cela  puisse  paraître  au 
premier  abord,  il  reste  établi  que  la  formation  de 
la  glace  est  accompagnée  d'un  dégagement  de 
chaleur.  La  lenteur  avec  laquelle  elle  prend  nais- 
sance l'hiver  trouve  là  son  explication. 

On  peut  constater  directement  le  développement 
de  chaleur  sensible  qui  a  lieu  au  moment  de  la 
solidification.  Lorsqu'on  place  dans  un  lieu  tran- 
quille, dont  la  température  est  de  plusieurs  degrés 
au-dessous  de  zéro,  comme  cela  arrive  l'hiver,  ud 
vase  contenant  de  l'eau  dans  laquelle  plonge  un 
thermomètre,  il  arrive  que  cette  eau  reste  liquide 
jusqu'à  8  et  10°  au-dessous  de  zéro  ;  mais  alors  le 
moindre  ébranlement  en  détermine  la  congélation 
subite,  et  aussitôt  le  thermomètre  plongé  dans  le 
liquide  remonte  à  zéro. 

Un  fait  du  même  genre,  mais  plus  frappant  par 
la  température  développée,  se  produit  avec  les 
sels  dissous.  On  fait  dissoudre  à  chaud,  vers  33*, 
du  sulfate  de  soude  dans  de  l'eau,  tant  que  celle-ci 
peut  en  tenir.  Quand  elle  est  saturée,  on  la  fait 
bouillir  quelques  instants  dans  le  ballon  qui  la  con- 
tient; elle  se  sursature.  Pendant  que  le  ballon  est 
plein  des  vapeurs  de  la  solution,  on  le  bouche  et 


GALLINACES 


—  840  — 


GALLINACES 


on  le  laisse  refroidir.  Le  liquide  ne  se  solidifie 
pas,  bien  qu'il  contienne  plus  de  sel  qu'il  n'en  peut 
contenir  normalement.  Mais  quand  le  ballon  est 
froid,  si  on  vient  à  le  déboucher,  le  liquide  se  prend 
instantanément  en  un  bloc  solide,  et  il  s'échauffe 
assez  pour  que  la  main  qui  le  touche  en  sente  la 
chaleur. 

Changements  de  volume  ficcrmpngnani  les  chan- 
gements d'état.  -  La  plupart  des  corps,  au  mo- 
ment où  ils  se  liquéfient,  subissent  un  accroisse- 
ment de  volume  subit.  L'acide  stéarique  des  bougies 
augmente  d'environ  onze  centièmes  au  moment  où 
il  devient  liquide  ;  le  soufre,  le  cuivre,  fe  plomb, 
l'étain,  la  cire,  une  foule  d'autres,  se  conduisent 
d'une  façon  analogue.  Il  est  évident  que  ces  sub- 
stances qui  se  dilatent  en  se  liquéfiant  diminueront 
de  volume  par  la  solidification  ;  versées  fondues 
dans  des  moules,  elles  donnent  en  effet  des  masses 
poreuses. 

Mais  il  y  a  quelques  corps  qui  se  comportent 
d'une  manière  tout  opposée,  qui  se  dilatent  en 
devenant  solides:  telle  est  la  fonte  de  fer,  telle  est 
l'eau.  Cette  propriété  rend  la  fonte  précieuse  pour 
le  moulage  ;  en  se  solidifiant  elle  reproduit  les  dé- 
tails les  plus  fins  des  moules. 

Quant  à  l'eau,  il  suffit  de  remarquer  que  la 
glace  flotte  pour  conclure  qu'elle  occupe  un  volume 
plus  grand  que  l'eau  qui  lui  a  donné  naissance  : 
sa  dilatation,  au  moment  de  la  congélation,  est  en 
effet  de  un  douzième  de  son  volume.  Tout  le  monde 
sait  que  les  carafes  qu'on  laisse  pleines  d'eau 
rhiver  se  brisent  si  l'eau  se  congèle.  La  glace 
formée  dans  le  goulot  d'abord  joue  le  rôle  d'un 
bouchon,  et  quand  la  congélation  de  la  masse  sur- 
vient, le  volume  ne  pouvant  se  dilater,  les  parois 
cèdent  et  se  brisent.  Cet  accroissement  s'opère  avec 
une  force  considérable  que  l'on  évalue  à  ■  000  kilo- 
grammes par  centimètre  carré  de  la  surface.  Sous 
cette  poussée  énorme,  les  bassins  en  maçonnerie 
se  crevassent,  les  tuyaux  de  conduite  se  fendillent, 
les  rochers  se  brisent;  delà  l'expression  populaire: 
«  il  gèle  à  pierre  fendre.  »  C'est  à  la  même  cause 
qu'il  faut  attribuer  la  destruction  des  plantes  par 
les  grands  froids:  l'eau  se  congèle  dans  leurs  vais- 
seaux et  en  déchire  les  parois  délicates.  Des  vases 
de  fer  bien  pleins,  hermétiquement  fermés,  et 
exposés  à  la  gelée,  ne  résistent  pas  malgré  leur 
solidité  :  ils  se  fissurent,  accusant  ainsi  la  puissance 
énorme  avec  laquelle  le  corps  tend  à  augmenter 
son  volume  en  devenant  solide. 

Applications  et  expériences.  —  1.  Constater  la 
fusibilité  de  l'étain  en  chauffant  une  feuille  d'étain 


étendue  sur  une  feuille  de  papier  au-dessus  de 
charbons  allumés  :  l'étain  fond  avant  que  le  papier 
ne  soit  carbonisé.  —  Mettre  en  évidence  la  facile 
fusion  du  plomb  en  chauffant  un  morceau  de  ce 
métal  dans  une  cuillère  de  fer  au-dessus  d'un 
foyer  :  le  métal  devient  rapidement  et  franchement 
liquide. 

2.  Faire  fondre  d'une  part  de  l'acide  stéarique 
des  bongios,  d'autre  part  le  même  corps  mélangé 
d'abord  de  suif  :  constater  que  le  point  de  fusion 
du  second  liquide  est  plus  faible  que  celui  du 
premier. 

3.  Faire  l'alliage  de  Darcet  par  fusion  du  mélange 
des  métaux,  le  couler.  Après  refroidissement,  en 
prendre  un  morceau  et  le  suspendre  dans  le  col 
du  ballon  où  Ton  fait  chauffer  de  l'eau;  l'alliage 
tombe  goutte  à  goutte  dans  l'eau  quand  elle  est 
bouillante. 

4.  Chauffer  par  le  milieu,  dans  des  cendres 
chaudes,  un  tube  de  verre  rempli  de  sable  ;  le  tube 
se  ramollit  :  on  peut  soulever  peu  à  peu  ses  deux 
extrémités  en  les  rapprochant  et  donner  au  tube 
la  forme  d'un  U  i-égulier.  —  Chauffer  du  soufre 
dans  un  creuset  de  terre,  jusqu'à  ce  que  le  corps 
devienne  pâteux,  le  verser  de  haut  dans  une  terrine 
d'eau  :  on  forme  ainsi  le  soufre  mou,  qui  abandonné 
à  l'air  redevient  peu  à  peu  cassant.  —  Constater 
que  du  sucre  d'orge  perd  sa  transparence  primi- 
tive au  bout  de  quelques  Jours,  et  de  mou  et  plas- 
tique qu'il  était,  redevient  cassant. 

5.  Laisser  fondre  dans  un  verre  de  la  glace  pul- 
vérisée ou  de  la  neige  où  plonge  un  thermomètre. 
En  mettre  sur  un  foyer  dans  un  vase  une  égale 
quantité.  Constater  que  la  température  de  fusion 
est  la  même  dans  les  deux  cas,  que  le  foyer  ne 
fait  qu'activer  la  li(iuéfaction. 

6.  Dissoudre  du  sucre,  ou  mieux  du  salpêtre  ; 
d'un  autre  côté  faire  une  dissolution  de  gomme 
arabique.  Filtrer  chacun  des  liquides  pour  con- 
stater leur  différence  de  liquidité.  Les  évaporer 
séparément  avec  lenteur:  le  salpêtre  en  reprenant 
l'état  solide  cristallise;  la  gomme,  après  le  départ 
de  son  dissolvant,  donne  une  masse  sèche  sans 
forme  régulière. 

7.  Faire  l'un  des  mélanges  réfrigérants  indiqués. 
y  plonger  un  tube  de  verre  ferme  par  un  bout  et 
contenant  un  peu  d'eau.  On  le  retire  contenant  un 
cylindre  de  glace.  —  Mélanger  une  partie  de  sel 
de  cuisine  avec  trois  parties  de  neige;  la  masse 
fond  et  accuse  17°  au-dessous  de  zéro;  c'est  le 
zéro  du  thermomètre   Fahrenheit. 

[Haraucourt.] 


G 


GALLICISMES.  —  'V.  Idiotismes. 

GALLINACÉS.  —  Zoologie,  XVIL  —  Pour  ne 
pas  sortir  des  données  d'un  programme  élémen- 
taire et  pour  ne  pas  multiplier  les  subdivisions, 
nous  avons  traité,  à  l'article  Echasners,  des  autru- 
ches, des  casoars,  etc.,  qui  pour  tous  les  natura- 
listes modernes  forment  un  ordre  à  part;  de 
même,  dans  le  présent  article,  à  la  suite  des  Gal- 
linacés, nous  placerons  encore,  suivant  l'ancienne 
classification  de  Cuvier,  les  Pigeons,  qui  s'éloi- 
gnent cependant  des  poules,  des  dindons  et  des 
perdrix  par  ,  leur  structure  intime  et»  par  leurs 
mœurs. 

Les  Gallinacés  (les  Pigeons  étant  mis  à  part) 
constituent  un  groupe  naturel,  parfaitement  déli- 
mité, groupe  bien  digne  d'intérêt,  puisqu'il  ren- 
ferme un  grand  nombre  d'espèces  utiles,  que 
l'homme  a  su  réduire  en  domesticité  et  dont  la 
chair  entre  pour  une  large  part  dans  notre  alimen- 


tation. En  général,  les  Gallinacés  ont  les  formes 
massives,  le  corps  épais,  les  pattes  robustes,  les 
ailes  courtes,  la  queue  tantôt  fort  réduite,  tantô: 
singulièrement  allongée  ou  recourbée  gracieuse- 
ment en  faucille.  Ils  volent  assez  mal,  ce  qui 
n'empêche  pas  certains  d'entre  eux  d'exécuter  des 
voyages  lointains.  Leur  bec  est  de  longueur  mé- 
diocre, voûté  en  dessus,  et  muni  à  sa  base  d'une 
partie  membraneuse  dans  laquelle  sont  percées  les 
narines.  La  livrée  varie  beaucoup  suivant  les  es- 
pèces et  suivant  les  sexes  :  elle  offre  tantôt  des 
teintes  terreuses,  brunes,  noires  ou  jaunâtres,  qui 
permettent  à  l'oiseau  de  se  dissimuler  au  milieu 
des  sillons,  tantôt  au  contraire  des  couleurs  mé- 
talliques, du  bleu,  du  rouge  pourpre,  du  vert  glaté 
d'or.  Les  mâles  ont  toujours  un  costume  plus 
somptueux  que  les  femelles;  leurs  pattes  sont 
souvent  armées  d'éperons  et  leur  tète  est  fréquem- 
ment ornée  de  crêtes  et  de  pendeloques,  c'est  à- 


GALLINACES 


—  841  — 


GALLINACÉS 


dire  de  lambeaux  de  chair  diversement  découpés, 
et  qui,  recevant  une  grande  quantité  de  sang, 
prennent  une  coloration  très  intense,  surtout  lors- 
que l'oiseau  est  animé  par  la  colère,  ou  par  quel- 
que autre  passion. 

Nous  laisserons  de  côté  les  Hoccos  et  les  Pé7ié- 
lopes  d'Amérique,  dont  la  tête  est  surmontée 
parfois  d'un  panache  de  plumes  frisées  et  d'un 
casque  corné,  les  Toléga/les  et  les  Mégapodes  de 
rOcéanie  et  de  la  Nouvelle-Hollande,  qui  amon- 
cellent du  fumier  et  y  déposent  leurs  œufs  pour 
les  faire  éclore  au  moyen  de  la  clialeur  développée 
par  la  fermentation;  les  Francotins  d'Afrique,  qui 
ressemblent  un  peu  à  nos  cailles;  bref  une  foule 
d'oiseaux  exotiques  qui  n'ont  pas  encore  été  do- 
mestiqués, et  qui,  par  conséquent,  ne  méritent  pas 
d'attirer  notre  attention  au  même  degré  que  cer- 
taines espèces  européennes  ou  asiatiques. 

Parmi  celles-ci  nous  citerons  d'abord  les  Fai- 
sans, qui  présentent  une  variété  de  formes  vrai- 
ment extraordinaire,  mais  qui  se  rattachent 
néanmoins  les  uns  aux  autres  par  un  air  de  fa- 
mille. Les  faisans  ont  l'Asie  centrale  pour  patrie 
d'origine,  et  l'espèce  vulgaire^  le  Faisan  corinniin, 
se  trouve  encore  à  l'état  sauvage  sur  les  bords  de 
la  mer  Caspienne.  Il  fut,  dit-on,  introduit  en  Grèce 
à  la  suite  de  la  célèbre  expédition  des  Argonautes 
dans  la  Colchide.  Son  nom  latin,  Phasianus.  signi- 
fie oiseau  du  Phase  (fleuve  qui  arrose  la  Colchide). 
En  France  il  peuple  surtout  les  grandes  forêts 
de  l'État,  où  son  éducation  exige  toujours  beau- 
coup de  soins.  Les  p;  rties  supérieures  de  son 
corps  sont  d'un  brun  marron  nuancé  de  pourpre,  de 
roussâtre  et  de  blanc;  sa  tête  est  d'un  vert  sombre, 
sa  gorge  d'un  vert  beaucoup  plus  brillnnt  et  comme 
irisé,  sa  poitrine  d'un  pourpre  glacé  de  noir,  son 
ventre  d'un  roux  plus  ou  moins  vif  ;  sur  les 
grandes  plumes  de  sa  queue  et  de  ses  ailes  des 
marques  roussâtres,  brunes,  ou  noirâtres,  se  déta- 
chent sur  un  fond  brun  ou  gris  olivâtre  ;  enfin 
les  j'eux,  d'un  jaune  vif,  sont  entourés  d'une  mem- 
brane rouge.  Par  son  ds  nuancé  de  noir,  de  jaune 
et  de  blanc,  son  ventre  noir,  sa  tête  variée  de  vert 
et  de  fauve,  sa  gorge  verte  à  reflets  %'iolets,  et  son  ! 
col  orné  d'un  cercle  blanc  presque  complet,  le 
Faisan  à  collier  se  distingue  facilement  de  l'es- 
pèce vulgaire.  Depuis  quelques  années  une  troi- 
sième espèce,  introduite  en  Europe  à  une  époque 
beaucoup  plus  récente,  tend  à  s'acclimater  dans  j 
notre  pays  :  c'est  le  Faisan  vénéré,  au  manteau 
beaucoup  plus  clair,  offrant  un  mélange  de  jaune  ] 
et  de  rouge  cuivré,  à  la  tête  blanche  avec  le  tour 
des  yeux  d'un  rouge  vif,  à  la  queue  démesurément  ' 
allongée  et  du  même  ton  que  le  dos,  avec  des  j 
marques  foncées.  Mais,  en  dépit  de  la  beauté  de  ' 
son  plumage,  cette  espèce  ne  peut  lutter,  sous  le  | 
rapport  de  la  richesse  des  couleurs,  avec  le  Fai- 
san doré,  qri  provient  des  montagnes  de  la  Chine. 
Ce  magnifique  oiseau  a  la  tête  surmontée  d'une 
huppe  jaune  d'or,  le  cou  revêtu  d'une  fraise  oran-  ' 
gée,  maillée  de  noir,  le  dos  vert,  la  croupe  jaune,  ' 
le  ventre  d'un  rouge  éclatant,  los  ailes  rousses  ' 
avec  une  tache  bleue,  la  queue  très  longue,  re- 
courbée, d'un  brun  tacheté  de  gris.  Le  pluma^ie 
que  nous  venons  de  dépeindre  est,  bien  entendu, 
celui  du  mâle,  car  la  femelle  porte  un  costume 
fort  modeste,  teinté  de  brun  et  de  jaunâtre.  Chez 
le  Faisan  argenté,  la  livrée  est  pour  ainsi  dire 
mi-partie,  tout  le  dessus  du  corps  et  la  queue 
■étant  d'un  blanc  d'argent,  tandis  que  les  parties 
inférieures  sont  d'un  noir  de  velours.  Autour  des  ' 
yeux  s'étend  un  espace  dénudé,  d'un  rou2;e  ver- 
millon, et  du  sommet  de  sa  tête  s'élève  une  huppe 
de  l'aspect  le  plus  élégant.  Le  Faisan  de  tady 
Amherst  offre  un  mélange  bizarre  de  caractères  et 
rappelle  h  la  fois  le  faisan  doré  et  le  faisan  ar- 
genté ;  son  chef  porte  une  huppe  rouge  et  blanche 
son  cou  et   ses  épaules  sont  recouverts  d'un   ca- 


mail  de  plumes  vertes  bordées  de  noir,  sa  poi- 
trine et  son  ventre  sont  d'un  blanc  pur,  ses  ail's 
nuancées  de  brun  noir  et  de  blanc,  et  sa  queue, 
très  développée,  ornée  à  la  base  de  plumes  rougj^, 
est  barrée  de  vert  sur  fond  blanc.  Mais  nous  ne 
pouvons  évidemment  décrire  successivement  ici 
toutes  les  espèces  de  faisans  que  l'on  voit  mainte- 
nant dans  les  jardins  zoologiques  ou  même  chez 
de  simples  particuliers,  et  nous  citerons  seule- 
ment pour  mémoire  le  Faisan  de  Wallich.  le 
Faisan  de  Sœmmering,,  le  Faisan  versiclore,  le 
Faisan  prélat,  le  Faisan  de  Vieillot,  le  Faisan  de 
Sv:inhoe,  etc. 

Los  Coqs  appartiennent  à  la  même  famille  que 
les  Faisans.  Dans  llnde  et  à  l'île  de  Java  on  en 
trouve  plusieurs  espèces,  le  Coq  de  Sonnerat,  le 
Coff  Bankiva,  et  le  Co/  Ayamala^^,  qui  ont  été  tour 
à  tour  considérés  comme  la  souche  de  notre  coq 
domestique.  Mais  d'après  des  recherches  récentes, 
il  paraît  établi  que  celui-ci  descend  d'une  race 
autochthone  dont  les  caractères  étaient  à  peu  près 
les  mêmes  que  ceux  de  notre  Coq  gaulois  ou 
Coq  de  ferme,  et  dont  les  restes  ont  été  retrouvés 
dans  des  cavernes  à  ossements  ou  dans  des  sé- 
pultures anciennes.  Le  Coq  de  Sonnerat  se  re- 
connaît facilement  aux  plumes  de  son  cou  termi- 
nées par  des  sortes  de  disques,  le  Coq  Bankiva  à 
son  camail  à  plumes  dorées  et  effilées,  le  Coq 
Ayani'ila^  à  sa  crête  sans  dentelures,  à  sa  gorge 
pourvue  d'un  petit  fanon,  et  à  sa  collerette  d'un 
vert  cuivré,  vari  •  de  noir  ;  quant  au  coq  gaulois, 
il  est  tellement  connu  qu"il  n'est  pas  nécessaire 
d'en  donner  une  description  minutieuse.  Sa  co- 
loration varie  du  reste;  mais  on  le  reconnaît  tou- 
jours à  sa  collerette  de  plumes  effilées,  à  ses 
ergots  puissants,  à  sa  crête  festonnée,  d'un  rouge 
vif,  aux  deux  appendices  charnus,  de  même  cou- 
leur, qui  accompagnent  le  bec  inférieur,  et  à  sa 
queue  dont  les  plumes,  au  nombre  de  quatorze, 
sont  disposées  suivant  deux  plans  inclinés,  les 
deux  médianes  dépassant  toutes  les  autres. 

A  côté  de  ces  variétés,  il  y  a  un  certain  nombre 
de  races  de  coqs  assez  bien  délimitées.  Tels  sont 
le  Coq  cochiîic/iinois,  le  Coq  de  BrU'/es,  le  Coq  de 
com'at,  le  Coq  de  Campine,\Q  Coq  de  Crèvecœw, 
le  Coq  de  Dorking,  le  Coq  huppé,  le  Coq  nègn',  le 
Coq  "Uin,  etc.  La  race  cochinchiaoise,  qui  a  été 
introduite  en  Europe  il  y  a  une  trentaine  d'années, 
et  qui  est  actuellement  fort  répandue  dans  les 
fermes  du  centre  de  la  France,  se  distingue  par  sa 
forte  taille  et  par  la  coloration  de  son  plumage, 
généralement  assez  uniforme,  blanc,  rougeàtre  ou 
jaune  ocreux.  La  mce  de  Bruges  est  estimée  à 
cause  du  grand  nombre  d'œufs  que  la  poule  pro- 
duit, presque  sans  interruption,  depuis  le  mois 
de  janvier  jusqu'au  mois  de  septembre  ;  elle  difi"cre 
peu  de  la  race  commune.  La  race  dite  de  combat 
est  au  contraire  sans  grande  utilité  au  point  de  vue 
alimentaire  ;  elle  n'a  été  créée  par  l'homme  que 
pour  servir  à  des  jeux  cruels  :  à  Java,  aux  Philip- 
pines, et,  chose  triste  à  dire,  en  Angleterre  même, 
on  fait  en  eff"et  combattre  en  champ  clos  les  coqs 
de  cette  race,  et  on  excite  leur  valeur  naturelle 
en  les  grisant  avec  des  liqueurs  alcooliques.  La 
race  de  la  Campine  est  très  féconde  et  passe  pour 
avoir  une  chair  délicate.  La  race  de  Crèvecœw, 
originaire  du  département  de  la  Drôme,  est  géné- 
ralement de  couleur  noire,  avec  la  tête  huppée;  elle 
s'élève  facilement,  acquiert  en  peu  de  temps  un  dé- 
veloppement considérable  etpond  beaucoup  d'œufs  : 
aussi  est-elle  recherchée  par  les  éleveurs.  La  race 
de  Oorhing  se  fuit  remarquer  par  la  singulière 
conformation  de  ses  pattes,  terminées  par  cinq  ou 
même  six  doigts  au  lieu  de  quatre  comme  chez 
les  autres  Gallinacés  et  chez  la  grande  majorité 
des  oiseaux.  Dans  la  race  hupnée,  la  crête  est 
remplacée  par  une  touffe  de  plumes  ;  dans  la  race 
n^gre,  la  peau  et  les  os  eux-mêmes  présentent  une 


GALLINACES 


—  842  — 


GALLINACES 


coloration  noire  fort  étrange:  enfin  dans  la  race 
naine,  la  taille  est  réduite  à  des  proportions  fort 
minimes.  Les  poules  naines  sont  fréquemment 
employées  pour  lincubation  des  œufs  de  fai- 
sans. 

Toutes  ces  races,  la  race  de  ferme  surtout,  se 
montrent  peu  difficiles  dans  le  choix  de  leur  nour- 
riture; la  consommation  d'une  poule  a  été  estimée 
par  certains  auteurs  à  fiO  grammes,  par  d'autres  à 
120  ou  même  l^'O  grammes  de  blé  ou  d'avoine  par 
jour;  mais  on  peut  diminuer  la  quantité  de  grain, 
et  par  suite  réduire  notablement  la  dépense,  en 
établissant  des  verminières.  c'est-à-dire  des  fosses 
où  l'on  accumule  des  matières  en  décomposition 
afin  de  faire  développer  des  asticots  dont  les  poules 
sont  très  friandes.  Il  faut  éviter  pour  l'établisse- 
ment d'un  poulailler  les  terrains  bas  et  humides, 
sur  lesquels  les  oiseaux  ne  tarderaient  pas  à  con- 
tracter des  rhumatismes,  et  il  est  nécess^àre  d'ac- 
corder à  chaque  poule  au  moins  25  centimètres 
cubes  d'air  respirable. 

Une  poule  bonne  pondeuse  peut  produire  pen- 
dant quatre  ans  environ,  à  raison  de  50  œufs  par  an. 
Tantôt  on  abandonne  l'œuf  à  la  mère,  tantôt  on 
le  !ui  retire,  soit  pour  le  livrer  à  la  consommation, 
soit  pour  le  faire  éclore  artificiellement  dans  des 
appareils  nommés  co"veiises,  que  Ton  maintient  à 
une  température  constante  et  correspondant  à 
colle  du  corps  de  la  poule.  Au  bout  de  21  jours 
environ  d'incubation,  les  poulets  percent  la  coquille 
avec  un  petit  appendice  carré  dont  la  pointe  de 
leur  bec  est  munie,  et,  à  peine  éclos,  sont  en  état 
de  prendre  leur  nourriture.  Toutefois  celle-ci  doit 
consister  d'abord  en  grain  émietté,  en  larves  de 
mouches,  etc..  le  bec  du  jeune  oiseau  n'étant  pas 
assez  fort  pour  prendre  des  graines  dures. 

D'autres  oiseaux  du  groupe  des  Faisans  n'ont  pu 
jusqu'à  ce  jour  être  acclimatés  en  France  :  tels 
sont  les  Crossoplilons  ou  Faisans  oreillards,  ainsi 
nommés  parce  que  leur  tête  est  ornée  de  chaque 
côté  d'une  touffe  de  plumes  dirigées  en  arrière  ; 
les  Trnpognns  ou  Satyres,  dont  les  mâles  pré- 
sentent l'aspect  le  plus  étrange,  aj-ant  la  gorge 
revêtue  d'une  sorte  de  rabat  brillamment  coloré  et 
la  tête  surmontée  de  deux  prolongements  en  forme 
de  cornes  ;  et  les  Lophophores,  magnifiques  oiseaux 
dont  tout  le  corps  resplendit  de  teintes  vertes,  cui- 
vrées ou  dorées. 

Les  Paons,  qui  appartiennent  à  une  deuxième  fa- 
mille de  Gallinacés,  ne  sont  pas  plus  que  les 
Faisans  originaires  de  nos  contrées  ;  ils  y  ont  été 
introduits  à  une  époque  fort  reculée,  probablement 
à  la  suite  des  campagnes  d'Alexandre  le  Grand. 
Du  temps  des  Romains  ces  oiseaux  étaient  déjà  fort 
recherchés,  et,  au  moyen  âge,  ils  paraissaient  avec 
honneur  sur  les  tables  royales.  On  en  distingue 
deux  espèces  :  le  Pao7i  cornmwi,  qui  a  pour  patrie 
l'Inde  septentrionale,  et  le  Paoji  spicifère,  qui  vient 
de  Java,  de  Malacca  et  de  l'Indo-Chine.  Ces  deux 
espèces  se  distinguent  facilement  par  la  forme  de 
la  huppe,  dont  les  plumes  sont  effilées  chez  le  Paon 
spicifère,  mais  garnies  de  barbes  dans  toute  leur 
longueur;  à  tige  grêle  et  à  extrémité  élargie  en 
palette  chez  le  Paon  commun.  Ce  dernier  a 
d'ailleurs  la  gorge  et  le  cou  d'un  bleu  vert  {bbu  de 
pnon]  presque  uniforme,  tandis  que  le  Paon  spi- 
cifère a  ces  mêmes  parties  couvertes  de  sortes  d'é- 
cailles  vertes,  frangées  d'or  et  de  bleu.  D'autres 
difl'érences  se  remarquent  dans  la  coloration  du 
dos,  des  grandes  pennes  des  ailes  et  de  la  queue  et 
de  leurs  couvertures.  Dans  les  deux  espèces,  du 
reste,  les  couvertures  de  la  queue,  c'est-à-dire  les 
plumes  qui  chez  tous  les  oiseaux  cachent  l'inser- 
tion des  pennes  caudales,  prennent  un  développe- 
ment extraordinaire  et  changent  de  nature,  leurs 
barbes  se  séparant  sauf  vers  l'extrémité,  où  elles 
constituent  des  croi>sants  ou  des  disques.  Ceux-ci, 
grâce    aux  jeux   de   la   lumière,    paraissent  ornés 


[  d'yeux,  d'anneaux  concentriques  légèrement  colo- 
rés,  qui    produisent  un    effet  admirable    lorsque 
l'animal.  /ais'i"t  la  roue,  redresse  les  plumes  de 
'  la  partie  postérieure  de  son  corps. 
j      Le  ramage  du  paon  n'est  malheureusement  pas 
d'accord  avec  son  plumage,  et  ne  consiste  qu'en  un 
!  cri  désagréable  c^uk  l'oiseau  fait  entendre  particu- 
[  lièrement  lorsque  le  temps  se  met  à  la  pluie. 

Les  Dindons  sont  de  la  même  famille  que  les 
Paons. 

I  Le  Dindon  commun  est  originaire  des  Etats- 
Unis,  et  a  été  introduit  en  Europe  vers  le  milieu 
du  xvi"  siècle.  Par  la  beauté  de  son  plumage,  d'un 
noir  verdâtre,  à  reflet  métalliques,  cet  oiseau 
poun-ait  prendre  place  immédiatement  après  les 
Paons  et  les  Faisans,  si  sa  tête  n'était  pas  défigurée 
par  des  verrucosités,  des  excroissances  charnues, 
qui  chez  le  mâle  acquièrent  un  développement 
singulier  et  affectent  la  forme  de  pendeloques, 
d'un  rouge  cramoisi.  Dans  leur  pays  natal,  sur  les 
bords  du  Mississipi,  les  Dindons  vivent  en  petites 
bandes,  à  la  lisière  du  bois,  et  se  nourrissent  de 
graines.  Ils  font  leurs  nids  sur  le  sol,  avec  quel- 
ques feuilles,  et  y  déposent  une  douzaine  d'œufs. 
En  captivité,  ces  Gallinacés  varient  beaucoup  de 
couleur  ;  quelques-uns  sont  d'un  brun-noirâtre, 
d'autres  d'un  blanc  pur.  Lorsqu'ils  sont  convena- 
blement engraissés,  ils  peuvent  atteindre  un  poids 
de  10  à  11  kilogrammes.  Les  petits  sont  plus  diffi- 
ciles "à  élever  que  les  poulets  et  les  canetons,  et  re- 
doutent beaucoup  le  froid  ;  on  est  obligé  de  les 
nourrir  dans  les  premiers  jours  avec  du  pain  trempé 
et  des  œufs  durs,  et  de  les  entourer  des  plus  grands 
soins  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  pris  le  rouge,  c'est-à- 
dire  jusqu'au  moment  où  leurs  caroncules  ont 
poussé.  A  l'état  adulte,  les  mâles  sont  fort  mé- 
chants et  se  battent  fréquemment.  Lorsqu'ils  sont 
en  colère,  ils  redressent  leurs  caroncules  qui  sont 
fortement  injectés  de  sang.  Ils  font  la  roue  à  la 
manière  des  Paons. 

Il  y  a  une  seconde  espèce  de  dindon,  le  Dindon 
ocellé,  qui  habite  une  région  fort  restreinte  de  l'Amé- 
rique centrale  et  qui  est  beaucoup  plus  remarqua- 
ble que  le  dindon  vulgaire  ;  malheureusement 
jusqu'à  ce  jour  elle  est  fort  rare  encore,  même  dans 
nos  jardins  zoologiques,  et  n'a  pu  conséquemment 
être  acclimatée  dans  les  basses-cours. 

Les  Pintades  ressemblent  un  peu  aux  dindons 
par  la  peau  dénudée  qui  couvre  leur  tête  et  qui  se 
prolonge  souvent  en  forme  de  crête  ou  de  barbil- 
lons; mais  elles  n'ont  jamais  un  plumage  à  reflets 
métalliques.  Leur  livrée  est  en  général  variée  de 
noir  et  de  blanc,  et  une  espèce  seulement,  la  Pin- 
tade vulturine,  offre  de  magnifiques  teintes  bleues. 
Ces  oiseaux  habitent  l'Afrique,  et  se  tiennent  de 
préférence  dans  les  endroits  marécageux.  L'espèce 
vulgaire  provient  du  Sénégal,  et  était  déjà  acclima- 
tée en  Europe  dans  l'antiquité.  Les  Romains  faisaient 
grand  cas  de  la  chair  des  pintades,  qui  est  en  efl'et 
fort  savoureuse.  Dans  les  basses-cours  on  voit  sou- 
vent des  pintades  d'un  gris  pâle  ou  même  d'un 
blanc  pur.  En  captivité  ces  oiseaux  sont  d'un  carac- 
tère fort  querelleur  et  ne  vivent  pas  en  bonne  har- 
monie avec  les  autres  volatiles 

Une  troisième  famille  de  Gallinacés,  celle  des 
TÉTRAONiDÉs,  a  pour  représentant  principal  le  Grand 
tétras,  ou  Coi  de  bruyère,  qui  vit  dans  les  forêts- 
de  sapins  sur  les  montagnes  des  Alpes  et  des. 
Vosges  ;  il  se  nourrit  en  été  de  framboises,  de 
myrtilles,  de  fruits  de  ronce,  en  hiver  de  chatons 
de  bouleau,  de  baies  de  genévrier  et  de  bourgeons 
de  conifères.  C'est  un  animal  fort  défiant  et  qui  n'a 
jamais  pu  être  gardé  en  captivité.  Le  plumage  du 
mâle  est  d'un  gris  ardiusé  très  foncé  et  rayé  de 
noir,  celui  de  la  femelle  d'un  ton  fauve,  strié  de 
brun. 

La  Gelinotte  ou  Poule  des  coudriers  est  de  taille 
sensiblement  plus  forte  qu'une  perdrix,  et  porte 


GALLINACES 


—  843  — 


GALLINACES 


une  livrée  variée  de  brun,  de  blanc,  de  gris  et  de 
roux.  Sa  queue  est  ornée,  à  quelque  distance  de 
1  extrémité,  d'une  large  bande  noire.  Le  mâle  a  la 
gorge  noire  et  la  tête  huppée.  Les  mœurs  de  cette 
espèce  rappellent  celles  du  coq  de  bruyère,  et  sa 
chair  est  également  très  estimée. 

Les  Lagopèdes,  qui  se  reconnaissent  à  leurs 
pattes  em'plumées  jusqu'aux  doigts,  sont  aussi  fort 
recherchés  comme  gibier.  Ils  vivent  de  préférence 
dans  les  régions  froides,  et  subissent  en  hiver  un 
changement  complet  de  plumage  ;  ils  passent  du 
brun  au  blanc  presque  pur. 

Les  Perdrix  ont  au  contraire  les  tarses  et  les 
doigts  nus.  La  Perdrix  grise,  qui  habite  l'ouest  et 
le  nord  de  l'Europe,  mesure  environ  -30  centimètres 
de  long.  Son  plumage  roux,  raj'é  de  brun  et  de  noir 
sur  la  tète  et  sur  les  ailes,  passe  au  fauve  sur  le 
front,  les  joues  et  la  gorge,  et  au  gris  cendré,  rayé 
de  zigzags  noirs,  sur  la  poitrine  ;  chez  le  mâle  un 
large  croissant  rougeâtre  marque  le  haut  de  l'ab- 
domen ;  sa  queue  est  variée  de  roux,  de  blanc,  de 
noir  et  de  gris.  Chacun  sait  que  les  perdrix  sont 
des  oiseaux  très  sociables,  qui  forment  de  petites 
troupes,  des  compagnies,  et  qui  se  tiennent  dans 
les  champs  de  blé.  Elles  font  leur  nid  à  terre  et 
pondent  des  œufs  d'un  gris  verdâtre.  Les  petits  se 
nourrissent  de  larves  de  fourmis,  tandis  que  les 
adultes  sont  granivores.  On  chasse  la  perdrix  grise 
au  chien  d'arrêt. 

Autrefois  la  Perdrix  rouge  n'habitait  pas  les 
mêmes  régions  que  la  perdrix  grise,  mais  aujour- 
d'hui elle  tend  à  remplacer  cette  dernière  dans 
plusieurs  localités,  parce  que,  se  retirant  volontiers 
dans  les  bois,  elle  échappe  plus  facilement  à  ses 
ennemis.  Sa  livrée  est  assez  riche  :  le  dessus  du 
corps  est  d'un  brun  verdâtre,  le  front  gris-bleuâtre, 
la  nuque  gris-rougeâtre,  les  joues,  la  gorge  et  le 
haut  du  cou  d'un  blanc  pur;  une  bande  noire  par- 
tant des  yeux  descend  en  croissant  sur  la  poitrine 
et  se  résout  en  arrière  en  une  multitude  de  petites 
taches;  les  flancs  sont  cendrés,  avec  des  marques 
rousses,  blanches  et  noires  ;  les  pennes  des  ailes 
sont  brunes,  bordées  de  fauve;  celles  de  la  queue, 
les  unes  d'un  gris  brunâtre,  les  autres  rouges.  Le 
bec  et  les  pieds  sont  rouges  au  lieu  d'être  cendrés 
comme  chez  la  perdrix  grise. 

On  voit  encore  en  France,  principalement  dans 
le  midi,  la  Bartavelle  ou  Perdrix  de  roche,  qui  est 
plus  grande  que  la  perdrix  rouge  et  de  couleur  plus 
cendrée. 

Enfin  les  Cailles,  dont  on  connaît  plusieurs 
genres,  sont  représentées  chez  nous  par  une  espèce 
de  petite  taille,  dont  le  plumage  est  extrêmement 
difficile  à  décrire,  offrant  en  dessus  un  fouillis  do 
traits  blancs  et  de  taches  rousses  sur  un  fond  bru- 
nâtre. Cet  oiseau  arrive  en  France  au  printemps  et 
vit  isolé  dans  les  champs  ;  il  pond  de  huit  k  douze 
œufs,  assez  volumineux  et  fortement  tachés  de 
brun  noir  sur  fond  roux.  A  l'automne  il  nous 
quitte,  et  s'associant  à  de  nombreux  compagnons, 
exécute,  malgré  la  faiblesse  et  l'imperfection  de 
ses  ailes,  des  voyages  lointains,  en  Egypte,  au 
Sénégal,  et  dit-on,  jusqu'au  Cap  de  Bonne-Espé- 
rance. On  prend  souvent  les  cailles  au  filet,  et  on 
les  garde  en  captivité  pour  les  engraisser. 

Les  Pigeons.  —  Les  pigeons  méritent  à  tous 
égards  de  con.stituer  un  ordre  particulier.  Ils  dif- 
fèrent en  effet  des  Gallinacés  par  leur  structure 
intime  et  par  la  conformation  de  leur  bec  et  de 
leurs  pattes  aussi  bien  que  par  leurs  mœurs.  Ils  vo- 
lent bien  et  nichent  pour  la  plupart  sur  les  arbres  ; 
ils  vivent  en  couples  parfaitement  unis  ;  ils  per- 
chent facilement;  ils  ne  se  vautrent  pas  dans  la 
poussière,  à  la  manière  des  Gallinacés.  Enfin  leurs 
petits,  qui  naissent  dans  un  état  d'imperfection 
extrême,  sont  pendant  assez  longtemps  incapables 
de  pourvoir  eux-mêmes  à  leur  nourriture;  ils  reçoi- 
vent du  bec  de  leurs  parents  une  sorte  de  bouillie. 


à  demi  fluide,  qui  est  sécrétée  par  les  parois  du 
jabot,  et  qui  joue  le  rôle  du  lait  dans  l'alimentation 
des  jeunes. 

On  trouve  des  pigeons  dans  toutes  les  parties  du 
monde  et  il  est  presque  inutile  de  dire  que,  sui- 
vant les  régions,  ils  atTectent  des  formes  particu- 
lières. Do  IJi  une  multitude  d'espèces,  les  unes  de 
grande  taille,  comme  les  Pigeons  mangeurs  de 
fruits  ou  Carpophages  de  l'Océanie,  les  autres 
extrêmement  mignonnes,  comme  les  Colombes  pas- 
seriries  de  l'Amérique  ;  les  unes  revêtues  de  teintes 
grises,  blanches  et  fauves,  avec  quelques  reflets 
métalliques  sur  la  tête,  la  gorge  ou  les  ailes, 
comme  les  PigeoJis  biset  et  ramier  de  nos  pays, 
les  autres  d'un  vert  rehaussé  de  rouge  vif,  de  jaune 
d'or,  comme  les  Ptilopes  de  la  Nouvelle-Guinée  et 
des  îles  avoisinantes.  La  plupart  de  ces  pigeons, 
grâce  à  la  conformation  de  leurs  pattes,  peuvent  se 
poser  facilement  sur  les  branches;  quelques-uns 
cependant  semblent  destinés  à  vivre  sur  le  sol  et 
sont  plutôt  marcheurs  C[\xq  percheurs ;  tels  sont  les 
magnifiques  Gouras  que  l'on  voit  actuellement 
dans  tous  les  jardins  zoologiques,  et  qui  se  recon- 
naissent facilement  à  leur  grande  taille,  à  leur  tête 
ornée  d'une  crête  de  plumes  élégamment  découpées, 
à  leur  livrée  d'un  gris  bleuté  et  d'un  brun  rougeâtre. 
En  France,  on  ne  compte  que  quatre  espèces  de 
pigeons  vivant  à  l'état  sauvage,  savoir  :  le  Pigeon 
ramier  ou  Palombe,  le  Pigeon  colombin,  le  Pi- 
geon  biset  ou  de  roche,  et  la  Tuurterdle   des  buis. 

Le  Pigeon  ramier  a  la  têie  cendrée,  la  nuque 
d'un  vert  doré,  les  côtés  du  cou  marqués  d'un  crois- 
sant blanc,  la  poitrine  d'une  teinte  vineuse,  les 
ailes  grisâtres  liserées  de  blanc,  le  reste  du  plumage 
cendré.  Il  arrive  au  printemps  dans  nos  régions, 
et  l'cpart  en  automne  pour  des  climats  plus  doux. 
Dans  les  forêts  c'est  un  oiseau  très  farouche,  mais 
dans  les  jardins  publics  des  grandes  vilks,  à  Paris 
par  exemple,  où  il  se  sent  protégé,  il  montre  la 
plus  grande  familiarité  et  vient  prendre  sa  nourri- 
ture jusque  dans  la  main  des  promeneurs. 

Le  Colombin  est  plus  petit  que  le  ramier  et  a 
le  plumage  d'un  gris  plus  ardoisé,  les  côtés' du  cou 
d'un  vert  chatoyant,  sans  taches  blanches,  et  les 
ailes  marquées  de  taches  noires.  Il  se  tient  dans 
les  bois,  et  fréquente  surtout  nos  départements  de 
l'est  et  du  midi. 

Le  Biset,  on  Pigeon  de  roche,  se  plaît,  comme  son 
nom  l'indique,  dans  les  endroits  rocailleux;  il  se 
distingue  facilement  de  l'espèce  précédente  par  sa 
croupe  d'un  blanc  pur,  tranchant  sur  la  couleur 
bise  du  reste  du  plumage,  et  par  ses  ailes  ornées 
d'une  double  bande  noire.  Il  émigré  en  automne, 
comme  le  colombin  et  le  ramier,  et  est  alors  l'objet 
d'une  chasse  fort  active.  C'est  du  biset  que  sont 
issues  certainement  la  plupart  des  races  de  nos  pi- 
geons domestiques,  races  qui  sont  actuellement  au 
nombre  de  deux  cents  environ.  Nous  citerons  seu- 
lement les  principales  : 

1°  Les  Pigeons  mondain^,  bien  étofi"és,  de 
nuances  variables,  mais  ressemblant  au  biset  par 
leurs  caractères  généraux  ; 

2°  Les  Pigeons  boulants  ou  grosse-gorge,  chez 
lesquels  le  jabot  acquiert  un  volume  inusité  et 
peut  se  gonfler  d'air  lorsque  l'oiseau  fait  la  roue  ; 

3°  Les  Pigeons  queue  de  paon,  dont  la  queue- 
très  développée,  redressée,  et  même  rejeiée  en 
avant,  acquiert  un  nombre  de  plumes  considérable; 

4°  Les  Pigeons  turbits  ou  à  cravate,  qui  sont 
ainsi  nommés  parce  que  les  plumes  de  leur  gorge 
sont  frisées  en  forme  de  jabot,  et  qui  ont  parfoiâ^ 
les  pattes  fortement  emplumées; 

5°  Les  Pigeons  culbutants  qui,  en  volant,  exé- 
cutent dans  les  airs  des  culbutes  répétées,  cau- 
sées par  une  sorte  de  vertige,  une  affection  céré- 
brale ; 

6°  Les  Pigeons  iionnain^^  ou  jacobins,  dont  le  col 
est  entouré  d'une  véritable  fraise; 


GALLINACES 


—  844  — 


GALVANOPLASTIE 


7°  Les  Pigeons  tambour,  à  la  voix  retentis- 
sante ; 

8°  Les  Pigpons  pies,  au  plumage  varié  de  roux, 
<Je  noir,  de  bleu  et  de  blanc; 

9°  Les  Pigeons  hirond'4/es,  au  corps  blanc,  avec 
la  tête  et  les  ailes  colorées,  et  les  pattes  générale- 
ment emplumces; 

10°  Les  Pigeons  volants  ou  messagers,  qui  ne 
diffèrent  pas  beaucoup  du  biset  par  leurs  formes, 
et  qui  sont  utilisés  pour  le  transport  des  dépêches. 
Ces  oiseaux  ont,  comme  chacun  sait,  rendu  d'im- 
portants services  pendant  le  siège  de  Paris  en  em- 
portant, attachées  à  une  des  pennes  de  leur  queue 
et  roulées  dans  un  tuyau  de  plume,  des  photo- 
graphies microscopiques  de  lettres,  de  dépêches 
officielles.  On  en  élève  maintenant  un  grand  nom- 
bre, dans  des  colombiers  militaires. 

li"  Les  Pigeons  à  caroncules,  véritablement  hi- 
deux à  voir,  avec  leur  bec  surchargé  à  la  base 
d'excroissances  verruqueuses  et  leurs  yeux  cerclés 
de  rouge,  etc.,  etc. 

La  Tourterelle  des  bois  est  de  taille  plus  faible 
que  les  pigeons  ramier,  biset  et  colombin,  et 
porte  un  manteau  fauve^  varié  de  noir;  elle  a  le 
€0u  bleu  avec  une  tache  noire  et  blanche  de  cha- 
que côté.  Elle  arrive  chez  nous  au  printemps  et 
fait  son  nid  dans  les  bois  les  plus  sombres,  qu'elle 
fait  retentir  de  ses  roucoulements. 

On  voit  souvent  dans  nos  volières  une  autre 
espèce,  la  Tourtei-elle  à  collier,  qui  est  originaire 
d'Afrique. 

En  Amérique,  et  particulièrement  aux  Etats- 
Unis,  vivent  des  Pigc'-ns  voyageurs  qu'il  ne  faut 
pas  confondre  avec  la  race  domestique  qui  porte 
le  même  nom.  Ces  pigeons  voyageurs  ou  Ectopistes 
ont  la  tête  d'un  bleu  ardoisé,  le  dessus  du  corps 
d  une  teinte  analogue,  avec  des  taches  brunes  et 
noires,  le  cou  de  nuances  chatoyantes,  vertes, 
dorées  ou  pourprées,  le  ventre  et  les  pennes  la- 
térales de  la  queue  d'un  blanc  pur,  les  pennes 
médianes  noires.  Ils  \ivent  de  fruits  d'érable, 
d'orme,  de  chêne,  de  bouleau,  de  grains  de  riz  ou 
de  froment,  et  exécutent,  du  golfe  du  Mexique  à 
la  baie  d'Hudson,  des  migrations  extraordinaires, 
aussi  bien  par  leur  étendue  que  par  le  nombre  des 
individus,  migrations  qui  paraissent  provoquées 
non  par  la  marche  des  saisons,  mais  par  le  besoin 
de  nourriture.  Le  célèbre  naturaliste  américain 
Audubon,  dont  les  calculs  méritent  toute  con- 
fiance, n'estime  pas  à  moins  de  1,115,136,000  le 
nombre  de  pigeons  qui  composaient  des  bandes 
qui  passèrent  un  jour  au-dessus  de  sa  tête.  L'Ec- 
topiste  voyageur  est  probablement  le  Pigeon  qui  a 
le  vol  le  plus  rapide  ;  il  parcourt  vingt-cinq  lieues 
à  l'heure,  ou  un  mille  à  la  minute,  ou  vingt-huit 
mètres  environ  par  seconde. 

Tous  les  Pigeons  pondent  des  œufs  d'un  blanc 
pur,  à  coquille  lisse  et  luisante.  Les  petits  naissent 
fort  débiles,  à  peine  couverts  d'un  faible  duvet;  ils 
doivent,  comme  nous  l'avons  dit,  être  nourris  par 
leurs  parents.  De  là  résultent  dans  l'élovHge  des 
pigeons  domestiques  des  difficultés  que  l'on  ne 
rencontre  pas  dans  l'élevage  des  poulets  et  des 
canetons.  Une  fois  arrivés  à  l'âge  adulte,  les  pi- 
geons demandent  encore  certains  soins,  leur  de- 
meure doit  être  entretenue  dans  un  état  de  pro- 
preté absolue,  leur  nourriture  ne  doit  pas  être  trop 
échauffante,  etc.  ;  mais  ces  soins  sont  largement 
récompensés  par  le  produit  que  donne  la  vente 
des  jeunes  pigeons.  Depuis  un  siècle  le  prix  de 
ceux-ci  s'est  considérablement  accru,  en  raison  du 
morcellement  de  la  propriété  et  des  lois  restric- 
tives qui  ont  amené  la  suppression  de  la  plupart 
des  grands  colombiers.  En  effet,  quoique  les  pigeons 
en  liberté  se  nourrissent  plutôt  de  vcsces  que  de 
bon  grain,  on  a  cru  devoir  interdire  de  laisseï'  va- 
guer ces  oiseaux  dans  les  champs  avant  la  rentrée 
des  récoltes,  ce  qui  force  les  propriétaires  à  les  tenir 


enfermés  une   partie  de   l'année,  et  ce  qui  rend 
l'élevage  en  grand  à  peu  près  impossible. 

[E.  Oustalet.] 

GALVANOPLASTIE.  —  Physique,  XXIV.  —  La 
galvanoplastie  est  l'art  d'appliquer  une  couche 
métallique  sur  une  matière  quelconque  au  moyen 
de  la  pile  électrique.  Elle  repose  sur  la  propriété 
qu'ont  les  courants  électriques  de  décomposer  les 
dissolutions  salines.  Quand  le  dépôt  métallique  se 
moule  exactement  sur  les  objets  sans  y  adhérer, 
qu'il  en  reproduit  tous  les  détails  et  peut  s'<  n 
séparer,  c'est  la  galvanoplof^tie  proprement  dite; 
quand  au  contraire  le  dépôt  formé  est  adhérent, 
qu'il  constitue  une  couche  protectrice  faite  d'un 
métal  inaltérable  ou  précieux,  c'est  l'électro-chimic, 
dont  l'argenture  et  la  dorure  sont  les  plus  inté- 
ressants exemples. 

Ces  deux  applications  de  l'électricité  sont  toutes 
récentes  ;  elles  ne  datent  que  de  18;j8.  Au  commen- 
cement de  ce  siècle,  Volta,  presque  immédiate- 
ment après  la  découverte  de  sa  pile,  avait  bien 
réussi  à  décomposer  une  dissolution  saline  et  à 
déposer  le  métal,  au  pôle  négatif;  mais  le  courant 
électrique  dont  il  disposait  était  trop  peu  régulier 
pour  que  le  dépôt  opéré  pût  présenter  de  l'homo- 
généité ;  ce  n'est  qu'avec  le  courant  constant  fourni 
par  les  piles  à  deux  liquides,  notamment  la  pile  de 
Daniell,  qu'on  a  pu  obtenir  des  dépôts  métalliques 
réguliers,  homogènes,  ductiles,  présentant  en  un 
mot  l'aspect  et  les  propriétés  des  métaux  ordi- 
naires. La  première  observation  a  été  toute  for- 
tuite; elle  est  de  Jacobi,  et  entre  des  mains  moins 
expérimentées  elle  serait  vraisemblablement  restée 
sans  résultats,  tandis  que  le  savant  physicien  russe 
en  a  fait  la  base  d'une  industrie  nouvelle.  Jacobi 
avait  fait  construire  une  pile  de  Daniel!  (V.  Elec- 
tricité) en  enjoignant  au  fabricant  de  n'y  employer 
que  du  cuivre  très  malléable  et  très  pur.  Or,  quand 
il  l'eut  fait  marcher  quelque  temps,  il  remarqua 
que  les  lames  de  cuivre  étaient  devenues  ru- 
gueuses et  qu'on  pouvait  en  détacher  de  petites 
lamelles  cassantes.  Amené  à  observer  de  près  ces 
lamelles,  il  put  se  convaincre  que  c'était  un  dépôt 
moulé  sur  la  surface  primitive  des  lames  et  en  re- 
produisant tous  les  accidents,  traits  de  lime,  érail- 
lures  et  coups  de  marteau.  C'était  donc  du  cuivre 
provenant  du  sulfate  décomposé  par  le  courant  et 
qui  présentait  assez  de  ténacité  pour  qu'on  pût  le 
confondre  avec  le  cuivre  laminé.  Il  recommença 
l'expérience  en  la  variant  de  plusieurs  manières  ; 
en  remplaçant  la  lame  de  cuivre  ordinaire  par 
une  plaque  gi-avée,  il  obtint  un  dépôt  de  cuivre 
offrant  en  relief  l'empreinte  très  exacte  des  dessins 
gravés  en  creux  sur  la  plaque  originale.  Le  prin- 
cipe de  la  galvanoplastie  était  trouvé. 

1.  Galvanoplastie  proprement  dite.  —  La  re- 
production en  cuivre  d'une  médaille  nous  servira 
d'exemple  pour  expliquer  les  appareils  employés 
et  le  mode  opératoire  suivi  dans  cette  industrie, 
qui  copie  les  bas-reliefs,  les  statues,  les  planches 
gravées,  tous  les  objets  d'art,  avec  une  fidélité 
d'exécution  qu'aucun  autre  moyen  ne  permet 
d'égaler. 

On  attache  l'objet  au  pôle  négatif  d'une  pile  à 
courant  constant,  d'un  élément  de  Bunsen  ou  de 
Daniell.  On  le  plonge  dans  une  dissolution  saturée 
à  froid  de  sulfate  de  cuivre,  où  plonge  également 
le  fil  positif  de  la  pile,  terminé  par  une  plaque  de 
cuivre  d'une  surface  au  moins  égale  à  la  surface 
même  de  la  pièce  à  reproduire.  La  première  con- 
dition h,  remplir,  c'est  que  la  surface  à  recouvrir 
de  cuivre  soit  conductrice  de  l'électricité  sur  toute 
son  étendue  et  qu'il  y  ait  communication  métalli- 
que bien  assurée  entre  elle  et  le  fil  du  pôle  né- 
gatif. 11  est  évident  que  pour  ne  reproduire  qu'une 
face  et  pouvoir  plus  tard  séparer  la  reproduction 
de  l'objet,  il  faut  avoir  au  préalable  r 'couvert 
l'autre   face  d'un  corps   mauvais   conducteur,   de 


GALVANOPLASTIE 


—  845  — 


GALVANOPLASTIE 


cire  jaune  par  exemple.  Aussitôt  que  les  deux 
pôles  de  la  pile  sont  plongés  dans  la  dissolution, 
h  quelques  centimètres  seulement  l'un  de  l'autre, 
le  courant  passe,  le  sulfate  de  cuivre  est  décom- 
posé, le  cuivre  se  porte  sur  l'électrode  négatif  et 
recouvre  la  médaille  en  tous  ses  points,  pénétrant 
dans  toutes  les  parties  creuses,  même  les  plus 
délicates.  En  même  temps,  l'oxygène  et  l'acide 
suH'urique  se  rendent  au  pôle  positif,  et  attaquent  le 
cuivre  qui  se  dissout  peu  à  peu  et  reforme  du  sul- 
f'te,  en  sorte  que  lo  liquide  primitif  conserve  le 
nième  état  de  concentration.  Cet  appareil,  qui 
nxessite  un  vase  à  décomposition  distinct  de  la 
pile  fournissant  le  courant,  porte  le  nom  à'appa- 
reil  composé.  La  plaque  métalli(|ue  qui  se  dissout 
au  pôle  positif,  à  mesure  que  le  métal  de  la  disso- 
lution est  porté  au  pôle  négatif,  est  appelée  l'anode 
soluble. 

Quand  il  ne  s'agit  que  de  déposer  du  cuivre,  on 
monte  l'appareil  avec  un  seul  vase  dans  lequel  on 
met  la  dissolution  de  sulfate  de  cuivre.  On  y  plonge 
un  vase  poreux  ou  un  sac  en  forte  toile  contenant 
une  lame  de  zinc  et  de  l'eau  acidulée.  Un  fil  de 
cuivre  attaché  au  zinc  extérieurement  se  recourbe 
et  plonge  dans  le  sulfate  de  cuivre  où  il  tient  sus- 
pendu l'objet  à  recouvrir.  On  a  ainsi  une  sorte  de 
pile  de  Daniell  dans  laquelle  le  zinc  se  dissout  peu 
il  peu,  en  même  temps  que  le  cuivre  du  sulfate 
dissous  se  porte  sur  l'objet  qui  y  est  plongé.  C'est 
ïupp'ireil  shnpte,  contenant  à  la  fois  la  source 
électrique  et  le  liquide  à  décomposer.  Il  présente 
las'antage  de  permettre  plusieurs  reproductions  à 
Id  fois,  car  on  peut  faire  la  cuve  extérieure  de 
gi-andes  dimensions  et  y  plonger  plusieurs  vases 
po-eux  ;  mais  le  bain  s'y  épuise  à  mesure  que  le 
métal  se  dépose,  et  il  est  de  toute  nécessité  de 
1;  maintenir  saturé;  on  y  suspend  alors  des  sa- 
chets en  mousseline  remplis  de  cristaux  de  vitriol 
bleu. 

Quel  que  soit  l'appareil  employé,  le  résultat  dé- 
pend beaucoup  de  la  force  du  courant  électrique  ; 
quand  celui-ci  est  trop  faible,  le  dépôt  de  cuivre 
est  cristallin;  quand  le  courant  est  trop  fort,  le 
dépôt  est  pulvérulent  et  cassant.  L'appareil  fonc- 
tionne convenablement  quand  les  particules  de 
cuivre,  se  déposant  les  unes  sur  les  autres,  s'agrè- 
gent avec  force  et  forment  une  couche  métallique 
d'un  rouge  rose,  bien  unie,  bien  lisse,  d'une  con- 
sistance égale  à  celle  du  métal  forgé. 

Emploi  des  moides.  —  11  est  souvent  impossible 
d'opérer  directement  sur  l'objet  lui-même,  soit  que 
l'on  craigne  de  l'altérer,  soit  qu'il  fasse  partie  d'un 
Dbjet  qu'on  ne  saurait  exposer  à  l'humidité.  11  faut 
dans  ce  cas  en  prendre  une  empreinte  avec  une 
matière  plastique,  en  faire  un  moule  et  le  rendre 
conducteur  de  l'électricité. 

On  fait  des  moules  avec  de  la  cire  à  cacheter,  de 
la  stéarine,  du  plâtre,  de  la  gélatine,  un  alliage 
facilement  fusible,  et  enfin  avec  la  gutta-percha. 

L'alliage  fusible  s'emploie  pour  les  médailles  de 
cuivre  ou  de  bronze.  On  le  prépare  en  fondant 
8  parties  de  bismuth,  8  de  plomb  et  3  d'étain.  Le 
mélange  est  liquide  à  108°,  on  le  coule  dans  un 
couvercle  de  boîte  en  carton  et  on  le  remue  avec 
un  fil  de  fer  jusqu'à  ce  qu'il  prenne  une  consistance 
un  peu  épaisse;  alors  on  applique  dessus  la  mé- 
daille que  l'on  presse  jusqu'à  ce  que  tout  soit 
refroidi.  Le  moule  en  creux  obtenu  peut  être  im- 
médiatement employé  ;  il  donne  une  empreinte 
de  cuivre  exactement  semblable  à  la  face  de  la 
médaille  qu'il  a  copiée. 

Le  plâtre  et  les  autres  matières  plastiques  s'em- 
ploient d'une  façon  analogue.  Le  moule  en  plâtre 
doit,  une  fois  fait,  être  recouvert  d'une  légère 
couche  de  cire  ou  de  stéarine  fondue  qui  lui  fasse 
perdre  sa  porosité. 

La  gutta-percha  est  aujourd'hui  la  substance  la 
plus  employée.  Ramollie  sous  l'influence  de  la  cha- 


leur, elle  peut  être  appliquée  à  chaud  sur  les  objets, 
soit  à  la  main,  soit  à  l'aide  d'une  presse,  et  repro- 
duit avec  perfection  tous  les  détails.  Elle  a  de  plus 
l'avantajie  d'être  inaltérable  dans  les  bains  acides 
ou  alcalins  que  l'on  emploie. 

Pour  rendre  conductrice  de  l'électricité  la  sur- 
face des  moules,  on  la  frotte  avec  un  pinceau  im- 
prégné de  plombagine  en  puudre  impalpable,  jus- 
qu'à ce  qu'elle  ait  acquis  partout  le  brillant  métal- 
lique. On  peut  encore  l'humecter  d'une  dissolution 
de  nitrate  d'argent  et  l'exposer  au  gaz  sulfhydrique 
qui  y  dépose  une  pellicule  de  sulfure  d'argent  bon 
conducteur  de  l'électricité. 

Les  moules  métallisés  se  recouvrent  de  cuivre 
aussitôt  qu'ils  font  partie  de  l'appareil  simple  ou  de 
l'appareil  composé. 

Applicaltons  principales.  —  L'emploi  du  moule 
métallisé,  qui  permet  d'obtenir  une  ou  plusieurs 
reproductions  très  fidèles  d'un  objet,  alors  même 
qu'on  ne  pourrait  pas  opérer  directement  sur  celui- 
ci,  a  beaucoup  étendu  les  tipplications  de  la  galva- 
noplastie. 

On  ne  s'est  pas  borné  à  reproduire  des  médailles 
ou  autres  petits  objets  analogues,  on  a  fait  des 
pièces  de  grandes  dimensions  comme  les  bas-reliefs 
de  la  colonne  Trajane,  dont  chacun  mesure  un  mètre 
carré.  Moulés  en  plâtre,  à  Rome,  sur  la  colonne  de 
marbre  qui  a  près  de  50  mètres  de  hauteur  sur 
4  mètres  de  diamètre,  ils  ont  été  obtenus  en  cui- 
vre avec  une  grande  perfection.  On  a  reproduit 
aussi  des  statues,  d'abord  en  les  moulant  en  plu- 
sieurs parties  destinéesàêtre  obtenues  séparément 
et  à  être  ensuite  rapprochées  et  soudées  :  c'est 
ainsi  que  la  maison  Cliristofle  a  fait  pour  la  ville- 
de  Marseille  une  statue  de  Notre-Dame  de  la  Garde 
qui  mesure  9  mètres  de  hauteur,  et  dont  le  cuivre, 
déposé  galvaniquement  sur  une  épaisseur  de 
4  millimètres  et  demi,  ne  pèse  pas  moins  de  3,500 
kilogrammes.  On  est  enfin  arrivé  à  obtenir  d'une 
façon  très  satisfaisante  les  bustes  ou  les  statues 
avec  un  seul  moule,  à  réaliser  la  galvanosplastie 
en  ronde-bosse,  et  à  appliquer  les  produits,  fabri- 
qués à  l'art  de  la  décoration  des  monuments. 

Mais  l'application  la  plus  courante  de  la  galva- 
noplastie, c'est  celle  qui  en  est  faite  à  la  typogra- 
phie. 

Typographie  galvanique.  —  On  peut,  par  l'action 
du  courant  électrique,  fabriquer  des  planches  unies 
en  cuivre  à  l'usage  des  graveurs,  et  obtenir  des 
reproductions  des  planches  gravées. 

La  planche  unie  que  l'on  obtient  en  faisant 
recouvrir  de  cuivre  galvanoplastique  une  première 
lame  qui  sert  de  moule,  est  préférée  par  le  graveur 
au  cuivre  du  commerce;  elle  ne  contient  pas, 
comme  celui-ci,  des  métaux  étrangers  qui  rendent 
inégale  l'action  de  l'eau-forte,  et  le  travail  du  burin 
y  est  plus  facile  et  plus  régulier. 

La  reproduction  des  planches  gravées  sur  cuivre, 
sur  acier  ou  sur  bois,  rend  chaque  jour  à  l'impri- 
merie des  services  inappréciables  ;  grâce  à  elle,  on 
conserve  intacte  l'œuvre  de  l'artiste,  qui  se  trou- 
vait autrefois  perdue  après  le  tirage  d'un  certain 
nombre  d'épreuves  ;  et  en  fournissant,  en  métal 
dur,  des  planches  identiques  à  l'original,  elle  per- 
met un  tirage  qui  ne  connaît  plus  de  limites. 

Pour  reproduire  la  gravure  sur  bois,  on  en  prend 
l'empreinte  avec  la  gutta-percha,  on  la  métallisé 
et  on  l'expose  au  bain  galvanoplastique.  Après 
quelques  heures,  on  a  une  coquille  ou  cliché  très 
exact,  mais  d'une  faible  épaisseur.  Pour  lui  donner 
de  la  solidité,  on  l'entoure  d'un  châssis,  et  on  y 
coule  un  alliage  analogue  à  celui  des  caractères 
d'imprimerie  :  on  le  rend  ainsi  assez  dur  pour  ré- 
sister à  un  tirage  de  5t),000  épreuves. 

C'est  ainsi  que  sont  faites  aujourd'hui  la  plupart 
des  gravures  de  livres.  Mais  pour  reproduire, 
avec  toute  la  fidélité  désirable,  les  planches  de  cui- 
vre   gravées,  on  n'en  prend  pas  de  moule  :  c'est 


GALVANOPLASTIE 


—  846  — 


GALVANOPLASTIE 


la  planche  elle-même  que  Ton  plonge  dans  le 
bain  pour  en  faire  une  copie  en  relief,  avec  laquelle 
«n  reproduira  une  ou  plusieurs  copies  de  1  origi- 
nal. On  peut  ainsi  obtenir  un  certain  nombre  de 
clichés  durs  d'une  même  gravure  et  en  tirer, 
comme  pour  les  timbres-poste,  par  exemple,  des 
milliers  par  jour,  tous  absolument  semblables, 
malgré  la  multiplicité  des  détails  et  la  finesse  du 
dessin. 

Enfin  c'est  la  facilité  d'obtenir  par  la  galvano- 
plastie autant  qu'on  le  veut  de  planches  identiques 
les  unes  aux  autres  qui  a  permis  d'obtenir  à  bon 
marclié  les  épreuves  en  couleurs,  les  chromo-li- 
thographies, et  les  belles  cartes  géographiques.  On 
fait,  du  même  dessin,  quinze  à  vingt  planches  ou 
plus  s'il  le  faut,  d'une  justesse  de  report  qu'il  se- 
rait difficile  d'obtenir  autrement,  et  chacune  sert  h 
imprimer  une  couleur  ou  une  nuance.  La  grande 
carie  géologique  de  France  a  été  ainsi  faite. 

2.  Électro-chimie.  —  Recouvrir  un  métal  com- 
mun ou  un  objet  quelconque  métallisé  d'une 
couche  d'un  métal  moins  facilement  altérable,  assez 
mince  pour  ne  pas  changer  les  détails  de  la  sur- 
face, capable  cependant  de  résister  au  frottement, 
et  présentant  une  adhérence  parfaite,  tel  est  le  but 
de  l'éleciro-chimie. 

L'orfèvrerie  et  la  bijouterie ,  qui  emploient 
l'argent  et  l'or,  cherchaient  depuis  longtemps 
le  moyen  de  substituer  à  l'or  le  cuivre  doré, 
plus  solide  et  aussi  inaltérable  que  le  métal  pré- 
cieux. On  dorait  bien  au  mercure,  avant  l.siO, 
en  déposant  sur  les  pièces  métalliques  un  amal- 
game d'or,  les  chaufl"ant  pour  chasser  le  mercure 
et  laisser  l'or  qu'il  no  restait  plusj  qu'à  polir,  Mais 
le  mercure  en  vapeur  altérait  rapidement  la  santé 
des  ouvriers  doreurs.  Aussi,  quand  deux  ans  après 
la  découverte  de  la  galvanoplastie,  M.  de  la  Rive 
d'abord,  Elkington  et  de  Ruolz  ensuite,  vinrent 
proposer  le  courant  électrique  pour  la  dorure  et 
l'argenture,  leur  procédé  fat-il  immédiatement  mis 
en  pratique  ;  c'était  une  oeuvre  d'humanité  aussi 
bien  qu'une  découverte  scientifique  importante. 

M.  de  la  Rive  avait  trouvé  le  uioyen  de  déposer 
l'or  en  décomposant  par  le  courant  électrique  une 
dissolution  de  chlorure  d'or  ;  mais  la  couche  mé- 
tallique formée  manquait  d'adhérence.  Elkington 
en  Angleterre,  de  Ruolz  en  France,  proposèrent 
presque  simultanément  d'employer  le  cyanure 
d'or  ou  d'argent  dissous  dans  le  cyanure  de  potas- 
sium :  la  couche  métallique  offrait  alors  une  adlié- 
rence  parfaite  et  toutes  les  qualités  physiques  du 
métal  déposé. 

M.  Christofle  se  fit  l'acquéreur  des  deux  brevets 
et  fonda  à  l'aris  la  grande  orfèvrerie  qui  porte  son 
nom.  On  y  produit  une  immense  quantité  d'ob- 
jets argentés  ou  dorés,  dont  les  uns,  comme  les 
couverts,  les  décors  de  table,  répondent  aux  be- 
soins économiques  de  notre  temps,  et  dont  les 
autres  peuvent  satisfaire  par  leur  perfection  le  goût 
le  plus  élevé.  En  vingt-cinq  ans,  on  y  a  déposé  lOOOOit 
kilogrammes  d'argent.  Nous  résumerons  ici  briè- 
vement les  points  essentiels  de   cette  fabrication. 

Argc  ture.  —  L'appareil  employé  pour  l'argen- 
ture est  toujours  Voppnrcil  composé^  c'està  dire 
une  cuve  contenant  la  solution  métallique  à  décom- 
poser et  une  pile  distincte.  La  cuve  contient  une 
solution  de  cyanure  d'argent  dans  le  cyanure  de 
potassium  en  excès.  Le  pôle  positif  de  la  pile 
communique  à  des  tringles  métalliques  qui  tien- 
nent suspendues  dans  le  bain  les  plaques  d'ar- 
gent servant  d'anodes  soluLles.  Le  pôle  négatif  se 
rend  à  d'autres  tringles,  isolées  des  premières,  qui 
suspendent  les  objets  à  argenter. 

Ces  objets  doivent  subir  une  préparation,  un  dé- 
capage, qui  les  débarrasse  dos  matières  grasses 
dont  la  fabrication  et  le  contact  les  ont  recouverts 
et  de  la  couche  d'oxyde  qui  empêcherait  le  dépôt. 
La  manière  dont  on  y  procède  varie  avec  la  nature 


de  l'objet  ;  il  faut,  d'une  façon  générale,  rendre 
l'objet  bien  propre^  le  laver  à  l'acide,  à  grande  eau 
ensuite,  et  le  sécher  à  la  sciure  de  bois. 

On  le  passe  au  bain  d'argenture.  Après  quelques 
instants,  il  est  recouvert  d'une  mince  couche 
d'argent  très  homogène.  On  en  laisse  augmenter 
l'épaisseur,  suivant  l'ohjet,  jusqu'à  ce  que  le  métal 
déposé  ait  un  poids  déterminé  :  pour  les  couverts, 
par  exemple,  le  trentième  du  poids  d'un  couvert 
d'argent  massif. 

Au  sortir  du  bain,  les  pièces  séchées  sont  mates; 
on  leur  fait  subir  deux  opérations  pour  les  finir  : 
le  gratte-bossage  qui  consiste  à,  les  frotter  vive- 
ment avec  une  brosse  de  fils  de  laiton  tournant 
rapidement  afin  de  donner  un  commencement 
de  poli,  et  le  vernissage  qui  achève  le  poli  par  le 
frottement  au  moyen  de  pièces  d'acier. 

La  dorure  galvanique  s'effectue  d'une  manière 
tout  à  fait  analogue  ;  il  n'y  a  qu'une  différence, 
c'est  que  le  bain  est  chauffé  à  environ  70  degrés  : 
le  dépôt  est  alors  meilleur  qu'à  froid. 

Les  premières  pièces  que  l'on  ait  argentées  ou 
dorées  étaient  en  cuivre  ou  en  laiton  ;  c'est  en  effet 
sur  le  cuivre  ou  ses  alliages  que  les  métaux  pré- 
cieux adhèrent  le  mieux.  Aujourd'hui,  lorsqu'on 
veut  argenter  ou  dorer  une  pièce  d'un  métal  quel- 
conque, on  commence  par  la  recouvrir  d'une  très 
légère  couche  de  cuivre,  dans  un  bain  galvano- 
plaslique,  après  quoi  seulement  on  la  passe  au 
bain  d'argent. 

Dépôt  iC autres  métaux.  —  Le  succès  de  l'argen- 
ture a  fait  essayer  les  dépôts  d'autres  métaux,  que 
l'on  effectue  aujourd'hui  avec  succès.  .Ainsi  on  re- 
couvre le  fer  d'une  couche  de  nickel  très  brillante 
et  bien  moins  altérable  ;  on  pratique  l'étamage 
galvanique;  on  dépose  une  couche  de  zinc  sur  les 
fils  de  fer  télégraphiques  et  sur  les  nombreuses 
pièces  de  fer  qui  doivent  entrer  dans  les  construc- 
tions en  contact  avec  l'eau.  On  est  même  parvenu, 
en  emploj-ant  deux  solutions  métalliques  mélan- 
gées, à  provoquer  des  dépôts  d'alliages  définis 
comme  le  laiton  et  même  le  bronze.  Enfin  on  s'est 
servi  du  courant  électrique  pour  avoir  les  métaux 
purs.  Nous  ne  pouvons  pas  donner  ici  le  détail  de 
ces  diverses  opérations;  il  suffit  d'en  avoir  indiqué 
le  principe.  Mais  nous  décrirons,  pour  terminer,  le 
cuivrage  de  la  fonte,  à  cause  de  son  utilité  et  de 
ses  nombreuses  applications.  La  fonte,  exposée  à 
l'air  humide,  s'altère  en  effet  profondément  en  se 
couvrant  de  rouille  ;  tandis  que  le  cuivre  dont  on 
la  recouvre  ne  subit  qu'une  attaque  superficielle, 
qui  forme  un  vernis  ou  patine  protégeant  les 
couches  sous-jacentes  et  donnant  aux  objets  et  la 
durée  et  l'aspect  recherché  du  bronze. 

Le  cuivrage  de  lu  fonte  présentait  des  difficultés. 
On  ne  pouvait  y  employer  le  bain  de  sulfate  de 
cuivre,  parce  que  ce  liquide  attaque  le  métal  et 
empêche  le  dépôt  d'être  adhérent  ;  et  cependant 
c'est  le  composé  de  cuivre  le  moins  coiiteux,  par 
suite  le  seul  qui  pouvait  permettre  d'obtenir  éco- 
nomiquement des  dépôts  d'une  certaine  épaisseur. 
On  a  enfin  réussi  à  pouvoir  s'en  servir  en  protégeant, 
comme  le  fait  M.  Oudry  à  Auteuil,  les  pièces  de 
fonte  ou  de  fer  au  moyen  d'un  enduit  inattaquable 
aux  acides,  et  que  l'on  rend  conducteur  par  la  plom- 
bagine pour  y  effectuer  ensuite  le  dépôt  galvano- 
plastique.  C'est  par  ce  procédé  qu'ont  été  cuivrés 
les  candélabres  des  lanternes  à  gaz  des  rues  et  des 
boulevards,  les  fontaines  monumentales  de  la  place 
de  a  Concorde,  et  bien  des  pièces  de  fonte  devant 
servir  d'ornements  extérieurs  à  des  con>tructions 
diverses  II  est  probable  qu'on  l'appliquera  dans 
l'avenir  aux  fers  et  aux  fontes  que  l'on  emploie 
.Tujourd'hui  en  si  grande  quantité  dans  les  cons- 
tructions monumentales^ 

Expériences.  —  1.  Entourer  une  pièce  de  mon- 
naie, bien  décapée,  d'un  fil  de  cuivre  qui  y  soit 
bien  appliqué;  recouvrir  d'une  légère  couche  de 


GAMME 


—  847  — 


GAULE 


cire  fondue  l'une  des  faces  et  le  pourtour.  Attacher 
la  pièce  au  til  négatif  (lame  de  zinC/  d'une  pile  de 
de  Bunsen,  et  la  plonger  dans  un  verre  contenant 
une  dissolution  saturée  de  vitriol  bleu.  Plonger 
dans  la  même  dissolution  le  fil  positif,  muni  d'une 
lame  de  cuivre.  Constater  qu'un  dépôt  régulier 
s'effectue  sur  la  face  découverte  de  la  pièce.  Lui 
laisser  gagner  de  l'épaisseur,  puis  le  détacher  :  on 
constatera  qu'il  reproduit  très  fidèlement  tous  les 
traits  du  modèle. 

2.  Faire  un  moule  en  plâtre  d'une  médaille,  en 
coulant  du  plâtre  gâché  très  clair  sur  la  médaille 
posée  dans  le  fond  d'une  petite  boîte  en  carton. 
J.e  plâtre  une  fois  sec,  détacher  la  médaille;  on 
voit  en  creux,  sur  le  plâtre,  les  reliefs  de  l'objet. 
Sécher  ce  moule  à  un  feu  léger,  le  couvrir  d'une 
très  légère  couche  de  cire  fondue,  pour  le  rendre 
imperméable.  Le  couvrir  de  plombagine  que  l'on 
étend  et  que  l'on  rend  lisse  et  brillante  avec  un 
pinceau,  et,  après  l'avoir  entouré  d'un  fil,  le  sus- 
pendre dans  un  bain  galvannplastique  d'un  appareil 
composé  ou  bien  dans  le  vase  à  sulfate  de  cuivre 
d'une  pile  de  Daniell.  On  obtient  un  dépôt  qui, 
détaché  du  moule,  reproduit  identiquement  la  mé- 
daille. [Haraucourt.] 

GAMMÉw  —  'V.  Musique.  . 

GAULE.  —  Histoire  de  France,  I.  — 'l.  Géo- 
graphie de  la  Gaule.  —  La  Gaule,  ainsi  appelée  j 
d'un  mot  celtique  qui  veut  dire  forêt,  avait  pour' 
limites  naturelles  le  Var  {yarus\,  les  Alpes  [Alpes), 
le  Rhin  (Rhenus),  la  mer  du  Nord  [Germaniiiim 
Mare),  le  Pas-de-Calais  (Fretum  Gallicum),  l'O- 
céan Atlantique  [Oceunus],  les  Pyrénées  {Pyrenei 
montes),  et  la  mer  Méditerranée  [internum  ou  Me- 
diterraneum  Mare) . 

Ce  vaste  territoire,  fermé  par  des  frontières  na- 
turelles, coupé  de  montagnes  et  de  collines  facile- 
ment accessibles,  sillonné  de  fleuves  qui  descendent 
à  toutes  les  mers,  doté  d'un  sol  fertile  et  d'un  cli- 
mat tempéré,  occupant  enfin,  dans  l'ancien  conti- 
nent, une  position  centrale  par  rapport  aux  mers 
européennes,  a  toujours  paru  un  pays  privilégié. 
«  Il  semble,  dit  le  géographe  Strabon,  qu'une  pro- 
vidence tutélaire  éleva  les  chaînes  de  montagnes, 
rapprocha  les  mers,  traça  et  dirigea  le  cours  de 
tant  de  fleuves,  pour  faire  un  jour  de  la  Gaule  le 
lieu  le  plus  florissant  du  globe.  » 

2.  Popiilations  primitives.  —  Les  habitants,  dé- 
signés sous  le  nom  général  de  Gaulois,  apparte- 
naient à  trois  grandes  familles  :  les  Celtes  ou  Gaèli, 
les  Belgps  ou  Kymris,  les  Ibères  ou  Vascons. 

Les  Ibères,  le  premier  des  peuples  qui  ait 
envahi  la  Gaule,  étaient  probablement  venus 
de  l'Afrique  et  de  l'Espagne.  Leur  origine  est 
encore  inconnue,  et  il  est  difficile  de  les  rattacher 
par  l'ethnographie  ou  la  langue  à  une  branche  des 
races  humaines.  Ils  occupèrent  d'abord  tout  le  pays 
au  sud  de  la  Loire,  puis  furent  refoulés,  sous  le 
nom  à' Aquitains,  au  sud  de  la  Garonne,  et  sous  le 
nom  de  Ligures  salyens,  au  sud  de  la  Durance. 
Leur  langue  s'est  conservée  aujourd'hui  encore 
parmi  les  populations  vasconnes  ou  basques  qui 
habitent  une  partie  des  Pyrénées. 

Les  Celtes  faisaient  partie  de  cette  grande  émi- 
gration de  peuples  qui,  venus  à  une  époque  in- 
connue du  centre  de  l'Asie,  s'établirent  dans  Its 
différentes  contrées  de  l'Europe.  Tandis  que  les 
autres  races  s'arrêtèrent  en  Grèce,  en  Italie  ou 
dans  l'Europe  centrale,  les  Celtes,  poussant  tou- 
jours devant  eux.  ne  s'arrêtèrent  que  devant 
l'Océan,  et  ils  se  fi.xèrent  dans  le  nord-ouest  de  la 
Gaule,  dans  la  Bretagne,  l'Ecosse  et  l'Irlande.  Les 
populations  actuelles  de  la  Bretagne,  du  pays  de 
Galles  et  de  l'Irlande  conservent  encore  dans  leur 
idiome  les  souvenirs  de  l'ancienne  langue  celtique 
ou  gaélique. 

Les  Be'ges  ou  Kgtnris  sont  les  derniers  venus 
des  trois  grands  peuples  envahisseurs.  Ce  n'est  que 


vers  l'an  600  qu'ils  franchirent  le  Rhin,  sous  la 
conduite  de  leur  chef  Hu  le  Puissant,  et  occupèrent 
tout  le  nord  de  la  Gaule  jusqu'à  la  Loire,  refoulant 
devant  eux  les  populations  ibériennes  et  cel- 
tiques. 

A  ces  trois  grandes  familles  se  mêlèrent  quelques 
colonies  étrangères  venues  par  mer,  celles  des 
Phéniciens  et  des  Grecs. 

Les  Phéniciens,  attirés  par  les  produits  naturels 
du  sol,  avaient  débarqué  sur  le  littoral  méditerra- 
néen, sous  la  conduite,  dit  la  tradition,  de  Magusan 
ou  Hercule  Conducteur.  Peu  à  peu  ils  pénétrèrent 
dans  l'intérieur  en  se  servant  pour  leur  commerce 
de  l'admirable  disposition  des  fleuves  gaulois  ;  ils 
fondèrent  des  comptoirs  et  des  entrepôts,  et  même 
plusieurs  villes  dans  la  basse  vallée  du  Rhône, 
telles  que  Nîmes  (^emetmng)  et  Alais  [Alesia). 
Bientôt  les  Grecs,  rivaux  des  Phéniciens,  vinrent 
leur  disputer  l'exploitation  des  richesses  de  la 
Gaule  méridionale.  On  attribue  aux  Rhodiens  la 
fondation  d'une  certaine  Pihodcmusia,  près  du 
Rhône,  et  de  Rhodon  (Rosas)  en  Espagne.  Les 
Ioniens  se  fixèrent  ensuite  au  milieu  des  popula- 
tions salyennes  et  fondèrent  Marseille  {Mogsilia) 
où  émigrèrent  de  nombreuses  colonies  de  Pho- 
céens. 

A  la  suite  de  ces  invasions,  la  situation  géogra- 
phique des  différents  peuples  qui  habitaient  la 
Gaule,  à  l'époque  où  les  Romains  franchirent  les 
Alpes,  peut  être  établie  de  la  manière  suivante  : 

1°  Race  gaélique,  occupant  les  hauts  plateaux 
du  centre  et  de  l'est.  Elle  compte  vingt-deux  peu- 
ples groupés  en  trois  confédérations  :  1°  Arver.ies 
(Auvergne),  capitale  Gergovie  (près  de  Clern  ont)  ; 
peuples  principaux  : //e/y!e«s  (Ardèchei,  Vellaves 
^Velay),  Cabales  (Gévaudan),  Rutèfies  (Rodez),  Ca- 
durques  (Cahors),  Nitiubriges  (Agen);  2°  Eduens, 
capitales  Bibracte  (Autun^  et  Noviodunum  (Nevers); 
peuples  principaux  :  Mandubiens  (Alise  dans  la 
Côte-d'Or  ,  Ambarres  (Ambérieux),  Ségusiens  (Lyon 
et  Roanne),  Bituriges  (Bourges)  ;  3°  les  Séquiines, 
capitale  Vesontio  (Besançon). 

2°  R.\cE  GALLO-KV.MRIQLE,  occupaut  le  ccutre  et 
l'ouest  de  la  Gaule.  Elle  comprend  deux  confédé- 
rations :  1°  les  Aulesci,  dont  dépendent  les  L'éno- 
mans  (Maine  actuel)  et  les  Eburovices  (Evreux)  ; 
2°  les  Cités  armoricaines,  qui  renferment  les 
Namnètes  (.Nantes),  les  Vénètes  (Vannes),  les  Re- 
dons (Rennes),  les  Abrincates  (Avrancliesj,  les 
t/«e//es  (Coutances),  les  Lexoviens  (Lisieux)  ;  plus 
un  certain  nombre  de  peuples  indépendants  dont 
les  principaux  étaient  les  Pétrocoriens  (Périgueux), 
les  r.emovices  (Limoges),  les  Satitones  (Saintes), 
les  Pict'ives  (Poitiers),  les  Andégaves  (Angers),  les 
Turones  iTours),  les  Carnutes  ^Chartres),  les  Sé- 
nonais  (Sens),  les  Lingons  (Langres). 

3°  Race  kymrique  ou  belge,  habitant  depuis  la 
Marne  jusqu'au  Rhin.  Elle  se  compose  de  vingt- 
trois  peuples  dont  les  principaux  sont  les  Leuci 
(Toul),  les  Mi^diomatrices  (Metz),  les  Rémi  ^Reims), 
les  Sucssions  (Soissons),  les  Hellovaques  (Beauvais), 
les  Calèt'-s  (Calais),  les  Ambiens  (Amiens^,  les 
Atrébates  (Arras),  les  Morins  (Boulogne),  les  Tré- 
vères  (Trêves),  les  Eburons  (Liège),  les  Nerviens 
(Cambrai),  les  Ménupiens  (Cassel),  les  liataves 
(bouclies  de  la  Meuse  et  du  Riiin). 

4"  Race  ibérienne,  qui  comprend  les  Aquitains, 
entre  la  Garonne,  le  golfe  de  Gascogne  et  les  Py- 
rénéeSj  et  les  Ligures,  divisés  en  Ibéro-Ligures, 
depuis  la  Garonne  et  les  Pyrénées  jusqu'au  Rhône, 
et  en  Celto-Ligures,  du  Riiône  et  de  l'Isère  aux 
Alpes. 

b"  Race  grecque,  répandue  sur  le  littoral  médi- 
terianéen,  où  elle  a  fondé  de  nombreuses  colonies, 
Marseille,  Monaco  (Portus  llerculis  Monœci),  ISice 
(iVî'  â?  :),  Amibes  (Anti/jolis),  Agde  [Agatha). 

3.  Migrations  gauloises.  ~  La  Gaule,  envahi© 
par  tant  de  peuples,  envoya  à  son  tour  de  nom- 


GAULE 


—  848  — 


GAULE 


breuscs  bandes  d'émigrunts  ou  de  guerriers  hors 
dp  son  lerritûire.  Peu  atucliés  au  sol,  qu'ils  cul- 
liv;iient  mal,  les  Gaulois  changeaient  de  résidence 
suivant  leur  caprice  ou  les  hasards  des  combats. 
Les  discordes  intestines  et  le  goût  des  aventures  les 
poussèrent  souvent  hors  de  leur  pays.  C'est  ainsi 
qii  ils  allèrent  s'établir  au  delà  des  Pyrénées  et  des 
Alpes,  en  Espagne,  en  Italie,  en  Grèce,  sur  les 
bords  du  Danube  et  jusqu'au  centre  de  l'Asie  Mi- 
neure. 

Ils  s'établirent  en  Espagne,  à  une  époque  in- 
connue, sous  le  nom  de  Celtibériens  (mélange  de 
Celtes  et  d'Ibères),  et  fondèrent  la  célèbre  ville  de 
Kumance,  qui  devait  résister  avec  tant  d'héroïsme 
aux  Romains.  Plus  au  sud,  une  colonie  gauloise, 
les  Ctltici,  se  fixa  à  l'extrémité  de  la  Lusitanie. 

Une  peuplade  gallique,  les  Ombriens  ou  Ambra 
(les  Vaillants;,  passa  les  Alpes,  versJ'an  14(iO  avant 
Jésus-Christ,  occupa  toute  la  vallée  du  Pô  et  la 
partie  centrale  de  l'Italie  Cet  empire  gaulois  fut 
renversé  vers  le  xi'=  siècle  par  les  Etrusques,  et  les 
débris  des  Ombriens  furent  refoulés  dans  le  pays 
qui  a  gardé  le  nom  d'Ombrie.  Vers  l'an  600,  un 
chef  des  BiLuriges,  Bellovèse,  entraîna  avec  lui  une 
foule  de  Gaulois,  Bituriges,  Eduens,  Arvernes,  qui 
fuyaient  l'invasion  des  Kymris,  et  vint  enlever  aux 
Etrusques  le  pays  situé  au  nord  du  Pô.  Peu  après, 
de  nouvelles  bandes,  composées  de  Carnutes,  Cé- 
nomans,  Boïens,  Lingons,  suivirent  la  route  des 
premiers  envahisseurs  et  s'établirent  dans  toute  la 
vallée  du  Pô.  Les  Gaulois,  vainqueurs  des  Etrusques, 
fondèrent  les  villes  de  Milan  [Medio:anum), 
Brescia  (Brixia),  Vérone,  Bologne  {Bo7i07iia].  En- 
traînés par  leur  humeur  conquérante,  ils  fran- 
chirent bientôt  les  Apennins  et  se  répandirent 
dans  l'Etrurie  et  la  Campanie.  Ils  se  trouvèrent 
ainsi  en  présence  du  peuple  dont  la  puissance 
naissante  menaçait  déjà  l'Italie,  les  Romains,  avec 
lesquels  ils  engagèrent  des  guerres  longues  et 
acharnées.  Ils  défirent  les  légions  romaines  au 
combat  de  l'Allia,  s'emparèrent  de  Rome  (o90),  et 
])riient  part  à  tous  les  soulèvements  des  Etrusques 
et  des  Samnites.  Vaincus  à  leur  tour  par  les  Pio- 
mains  au  lac  Vadimon  en  28;(,  à  Télamone  en  225, 
les  Gaulois  perdirent  la  plupart  de  leurs  villes,  Se?ia 
Gallica  (Sinigagîia),  Ariminium  (Rimini),  Milan, 
CYQ\xione,Placentia  (Plaisance),  qui  devinrent  des 
colonies  romaines.  L'arrivée  d'Annibal  arrêta  la 
conquête  romaine,  et  les  Gaulois  s'enrôlèrent  en 
foule  dans  l'armée  carthaginoise  pour  lutter  contre 
leur  mortel  ennemi.  Après  la  deuxième  guerre 
punique,  Rome  subjugua  toutes  les  colonies  gau- 
loises dans  la  vallée  du  Pô  jus(|u'au  revers  oriental 
des  Aipes.  Tout  le  nord  de  l'Italie  fut  réduit  en 
province  romaine  vers  l'an  101  avant  J.-C,  et  prit 
le  nom  de  Provi7ice  gauloise  cisalpine,  puis,  plus 
tard,  celui  de  Gallii  togata,  parce  que  là  toge,  vê- 
tement des  Romains,  y  remplaça  la  saie,  vêtement 
des  Gaulois. 

A  l'époque  où  Bellovèse  avait  franchi  les  Alpes, 
d'autres  bandes  gauloises,  sous  la  conduite  de 
Sigovèse,  passèrent  le  Haut-Rhin  et  s'engagèrent 
dans  la  grande  forêt  qui  couvrait  alors  toute  l'Al- 
lemagne du  sud.  Ces  Gaulois  descendirent  la  vallée 
du  Danube  ei  arrivèrent  sur  les  frontières  de  la 
Macédoine.  On  rapporte  d'eux  cette  fière  réponse 
à  Alexandre,  qui  leur  demandait  ce  qu'ils  redou- 
taient le  plus  :  Il  Nous  ne  craignons  que  la  chute  du 
ciel,  mais  nous  estimons  par-dessus  tout  l'amitié 
d'un  homme  tel  que  toi.  »  —  «  Les  Celtes  sont 
fiers,  «  répondit  le  futur  vainqueur  des  Perses. 
Après  la  mort  d'Alexandre,  les  Gaulois  envahirent 
la  Macédoine,  mettant  tout  à  feu  et  à  sang  sur 
leur  passage.  Ils  furent  cependant  vaincus  sous 
les  murs  de  Delphes,  grâce,  disaient  les  Grecs, 
au  secours  de  Diane  et  d'Apollon.  Divisés  en  plu- 
sieurs bandes,  ils  allèrent,  les  uns  jusque  dans  la 
Bohême,  les  autres  en  Asie  Mineure,  où  ils  fondè- 


rent le  royaume  de  Galatie,  qui,  même  après  la 
conquête  romaine,  conserva  longtemps  les  mœurs 
et  la  langue  de  la  Gaule. 

4.  Mœurs,  gouvernement,  religion  des  Gaulois. 
—  Ces  expéditions  expliquent  le  caractère  des 
Gaulois,  leur  courage,  leur  amour  des  aventures. 
«  Le  Caractère  commun  de  cette  race,  dit  Strabon, 
c'est  qu'elle  est  irritable  et  folle  de  guerre, 
prompte  au  combat,  du  reste  simple  et  sans  mali- 
gnité. Si  on  irrite  ces  Uommes,  ils  marchent  droit 
à  l'ennemi  et  l'attaquent  de  front,  sans  s'informer 
d'autre  chose.  Aussi,  par  la  ruso.  on  en  vient  faci- 
lement à  bout.  Toutefois,  par  la  persuasion,  ils  se 
laissent  facilement  amener  aux  choses  utiles;  ils 
sont  susceptibles  de  culture  et  d'instruction  litté- 
raire. Forts  de  leur  haute  taille  et  de  leur  nombre, 
ils  s'assemblent  aisément  en  grande  foule,  simples 
qu'ils  sont  et  spontanés,  prenant  volontiers  en 
main  la  cause  de  celui  qu'on  opprime.  » 

Diodore  de  Sicile  ajoute  :  «  Les  Gaulois  sont  de 
grande  taille,  ont  la  peau  blanche  et  les  cheveux 
blonds.  Quelques-uns  se  coupent  la  barbe  et 
d'autres  la  laissent  croître  modérément;  mais  les 
nobles  se  rasent  les  joues  et  laissent  pousser  les 
moustaches,  de  manière  qu'elles  leur  couvrent  la 
bouche.  Ils  prennent  leur  repas,  non  point  assis 
sur  des 'sièges,  mais  accroupis  sur  des  peaux  de 

loup  et  de  chien Les  Gaulois  sont  d'un  aspect 

effrayant;  ils  ont  la  voix  forte  et  rude;  ils  parlent 
peu,  s'expriment  par  énigmes  et  affectent  dans  leur 
langage  de  laisser  deviner  la  plupart  des  choses. 
Ils  emploient  beaucoup  l'hyperbole,  soit  pour  se 
vanter  eux-mêmes,  soit  pour  abaisser  les  autres. 
Dans  leurs  discours,  ils  sont  menaçants,  hautains 
et  portés  au  tragique  ;  mais  ils  ont  de  l'intelligence 

et    sont   capables  de   s'instruire Les    Gaulois 

portent  des  vêtements  singuliers  ;  ils  ont  des  tu- 
niques bigarrées  de  différentes  couleurs,  et  des 
chausses  qu'ils  appellent  braies.  Avec  des  agrafes, 
ils  attachent  à  leurs  épaules  des  saies  rayées  d'une 
étoffe  à  petits  carreaux  multicolores,  épaisse  en 
hiver,  légère  en  été.  Ils  ont  pour  armes  défensives 
des  boucliers  aussi  hauts  qu'un  homme,  et  que 
chacun  orne  à  sa  manière.  Comme  ces  boucliers 
servent  non  seulement  de  défense,  mais  encore 
d'ornement,  quelques-uns  y  font  graver  des  figures 
d'airain  en  bosse  et  travaillées  avec  beaucoup 
d'art.  Leurs  casques  d'airain  ont  de  grandes 
saillies  et  donnent  à  ceux  qui  les  portent  un  aspect 
fantastique.  A  quelques-uns  de  ces  casques  sont 
fixées  des  cornes;  à  d'autres,  des  figures  en 
relief  d'oiseaux  ou  de  quadrupèdes.  Ils  ont  des 
trompettes  barbares,  d'une  construction  particu- 
lière, qui  rendent  un  son  rauque  et  approprié  au 
tumulte  guerrier.  Les  uns  portent  des  cuirasses  de 
maille  de  fer;  les  autres  combattent  nus.  Au  lieu 
d'épces,  ils  ont  des  espadons  suspendus  à  leur 
flanc  droit  par  des  chaînes  de  fer  ou  d'airain. 
Quelques-uns  serrent  leur  tunique  d'une  ceinture 
d'or  ou  d'argent.  Leurs  épées  ne  sont  guère  moins 
grandes  que  le  javelot  des  autres  nations,  et  leurs 
sRimies,  lourdes  piques  qu'ils  lancent,  ont  les 
pointes  plus  longues  quu  leurs  épées.  >' 

Quand  les  Gaulois  ne  se  livraient  pas  au  plaisir 
de  la  guerre  ou  de  lâchasse,  ils  menaient  la  vie  de 
pasteurs  et  d'agriculteurs.  Ils  nourrissaient  de 
nombreux  troupeaux  de  bétail  dans  les  prairies  na- 
turelles et  les  forêts  de  la  Gaule  ;  ils  cultivaient 
l'orbe,  l'avoine,  le  seigle,  plus  tard  le  froment  et 
la  vigne.  Leur  industrie  était  encore  primitive  ;  ce- 
pendant les  anciens  leur  attribuent  l'invention  de 
la  charrue  à  roues,  celle  du  crible  à  crin  et  celle 
des  tonneaux  de  bois  pour  renfermer  le  vin.  Ils 
apprirent  aussi  à  exploiter  les  mines,  à  tisser,  à 
brocher  et  à  teindre  les  étoffes. 

Toutes  les  peuplades  gauloises  furent  d'abord 
soumises  à  un  gouvernement  théocratique .  Les 
druides,  ou  hommes  des  chênes,  à  la  fois  prêtres, 


GAULE 


—  849  — 


GAULE 


philosophes,  astronomes,  médecins,  devins,  ré- 
gnaicni  par  la  puissance  de  la  superstition.  Ils  en- 
seignaient à  leurs  initiés  la  doctrine  orientale  de  la 
co-existence  éternelle  de  l'esprit  et  de  la  matière; 
ils  croyaient  à  la  métempsycose  ou  transmigration 
des  âmes,  et  avaient  une  notion  confuse  d'un  autre 
monde.  Au  fond  de  leurs  forêts,  ils  offraient  des 
sacrifices  humains^  égorgeaient  les  victimes  sur  les 
dolmens,  ou  les  entassaient  dans  de  gigantesques 
statues  d'osier  auxquelles  ils  mettaient  le  feu. 
Quant  au  peuple,  ils  lui  enseignaient  un  polythéisme 
assez  grossier.  Les  principaux  dieux,  ceux  qui  re- 
cevaient à  peu  près  partout  les  hommages,  étaient  : 
Canuel,  le  génie  de  la  guerre  ;  Tarann,  le  dieu  du 
tonnerre  ;  Arduinna,  la  fée  des  grands  bois  ;  Ten- 
tâtes, l'artisan  du  monde  ;  Ognius,  le  dieu  de  la 
poésie  et  de  l'éloquence,  représenté  avec  des 
chaînes  d'or  qui  sortaient  de  sa  bouche  pour  lier 
ses  auditeurs  ;  enfin  Hésus  le  terrible,  dieu  m5-sté- 
rieux  et  suprême,  que  ses  adorateurs  appelaient  le 
seigneur  de  la  forêt. 

Les  chefs  de  tribus,  insurgés  contre  les  druides, 
détruisirent  leur  puissance  et  la  remplacèrent  par 
une  aristocratie  militaire.  Les  prêtres  ne  furent 
plus  que  les  devins  des  armées;  les  bardes,  qui 
chantaient  jadis  les  louanges  de  la  divinité,  devin- 
rent les  parasites  des  rois.  Luern,  roi  des  Arvernes, 
laissait  un  barde  courir  à  côté  de  son  char  d'ar- 
gent, célébrant  ses  exploits  et  tendant  la  main. 

Mais  la  domination  des  chefs  de  clans  était 
lourde,  capricieuse  et  tyrannique.  Elle  parut  sur- 
tout insupportable  aux  habitants  des  villes,  quand 
l'industrie  et  le  commerce  leur  eurent  donné 
quelque  aisance.  Aidés  par  les  druides,  ils  dépos- 
sédèrent l'aristocratie  de  son  pouvoir  liéréditaire, 
et  la  remplacèrent  tantôt  par  un  magistrat  ou 
vergobret  annuel,  tantôt  par  un  sénat  souverain, 
tantôt  enfin  par  une  assemblée  populaire.  Il  y  eut 
des  peuples  isolés,  des  peuples  unis  par  une  al- 
liance étroite  ou  fraternité,  des  peuples  patrons 
ou  clients  d'autres  peuples. 

5.  La  Gaule  conquise  par  les  Romains.  —  Maî- 
tres de  la  Cisalpine,  les  Romains  ne  tardèrent 
pas  à  franchir  les  Alpes.  Marseille  sollicita  leur 
intervention  en  Gaule.  Menacée  par  les  tribus 
ligures,  cette  ville  appela  à  son  secours  les  légions 
romaines.  Après  avoir  vaincu  les  Ligures  et  dé- 
livré Marseille,  les  Romains  continuèrent  la  guerre 
pour  leur  propre  compte,  soumirent  les  peuplades 
gauloises  entre  le  Rhône  et  les  Alpes,  et  établirent 
une  première  colonie  à  Aix  {Aqux  Sextiœ)eu  \Vù. 
Désormais  ils  intriguèrent  auprès  des  tribus  tou- 
jours jalouses  et  prêtes  à  en  venir  aux  mains  ;  ils 
s'allièrent  avec  les  Eduens  contre  les  Allobroges  et 
les  Arvernes,  battirent  ces  deux  peuples  (121),  et, 
de  l.;0  à  118,  subjuguèrent  le  pays  entre  le  Rhône 
et  les  Pyrénées.  La  colonie  de  Narbonne  {Sai'bo 
Alartius,  devint  la  capitale  de  la  Province  romaine. 

Cette  nouvelle  conquête  fut  bientôt  menacée  par 
une  invasion  de  peuples  germaniques,  les  Cim- 
bres  et  les  Teutons.  Après  avoir  ravagé  ce  pays  ! 
pendant  cinq  ans,  ces  tribus  furent  exterminées 
par  Marins  à  Aix  'Wl  et  à  Verceil  (101).  Mais  la  | 
Gaule  ne  devait  échapper  aux  Germains  que  pour  i 
tomber  tout  entière  ôous  la  domination  romaine. 

En  58  avant  J.-C,  les  Suèves  pénétrèrent,  sous  la 
conduite   d'Arioviste,   dans  la  vallée  de  la  Saône.  ' 
Les  Eduens  et  les  Séquanes  implorèrent   le  se-  i 
cours  des  Romains.  A  cette  époque   les  Helvètes 
(Suisses)  se  préparaient  à  traverser  la  Gaule' pour 
aller  s'établir  sur  les  bords  de  l'Océan.  Le  gou-  ' 
verneur  de  la  province  romaine,  Jules  César,    se  ' 
chargea  de  repousser  les  Helvètes  et  do  chasser 
les  Suèves.  Dans  une  première  campagne  (58,,  cet 
homme  de  génie  termina  deux  guerres    formida- 
bles :  il  arrêta  les  Helvètes  par  une  grande  bataille 
sur  les  bords  de  la  Saône,  et  les  contraignit  h. 
retourner  dans  leur  pays  ;  puis  il  se  tourna  contre 
2*^  Partie. 


Arioviste,  qui,  vaincu  et  blessé,  repassa  le  fleuve 
avec  les  débris  de  son  armée  et  rentra  dans  les 
forêts  de  la  Germanie. 

Le  libérateur  de  la  Gaule  voulut  en  être  le  maî- 
tre. Les  Belges,  inquiets  de  voir  les  légions  ro- 
maines si  près  de  leur  territoire,  s'armèrent 
contre  César.  Celui-ci  défit  sur  les  bords  de  l'Aisne 
la  coalition  de  ces  peuples,  puis  il  soumit  chacun 
d'eux.  Les  Suessions,  les  Bellovaques,  les  Am- 
biens,  les  Nerviens  reconnurent  successivement 
son  autorité.  Pendant  ce  temps,  un  de  ses  lieute- 
nants, Crassus,  parcourait  avec  une  seule  légion 
le  pays  compris  entre  la  Seine  et  la  Loire,  sans 
rencontrer  de  résistance.  Après  cette  seconde 
campagne,  la  Gaule  semblait  soumise  (57). 

Mais  l'année  suivante,  César  apprit  que  toute 
l'Armorique  était  soulevé  -.  Il  accourut  et  détruisit 
la  flotte  des  Venètes  (Morbihan)  dans  une  grande 
bataille  navale  près  de  Vannes.  Deux  de  ses  lieu- 
tenants continuaient  en  même  temps  la  conquête  : 
Labiénus  soumettait  les  Aulerques  (Le  Mans),  les 
Eburoviques  (Evreux),  les  Unelles  (Saint-Lô  ,  les 
Lexoves  (Lisieux),  tandis  que  Crassus,  franchis- 
sant la  Garonne,  s'emparait  de  presque  toute 
l'Aquitaine  (56). 

Les  incursions  des  Germains  et  des  Bretons  d'outre 
Manche  donnaient  aux  Gaulois  des  secours  contre 
les  Romains.  César  comprit  que  pour  n'être  pas 
troublé  dans  sa  conquête,  il  fallait  isoler  la  Gaule 
de  la  Bretagne  (Angleterre)  et  de  la  Germanie.  Dans 
deux  campagnes  successives,  la  quatrième  et  la 
cinquième  (55  et  54),  il  fit  des  expéditions  au  delà 
du  Rhin  et  de  la  Manche,  vainquit  les  Bretons  et 
les  Germains,  et  montra  ainsi  aux  Gaulois  qu'ils 
n'avaient  rien  à  attendre  de  leurs  voisins.  Cepen- 
dant un  vaste  complot,  préparé  par  le  chef  éburon 
Ambiorix  et  par  le  Trévire  Indutiomar,  souleva 
toute  la  Gaule.  Une  légion  fut  massacrée,  et  un 
lieutenant  de  César,  Q.  Cicéron,  fut  assiégé  dans 
son  camp  par  GU,000  Gaulois.  César,  averti  du  dan- 
ger par  un  esclave  gaulois,  accourt  d'Amiens  et 
dégage  Cicéron,  sans  pouvoir  s'emparer  d' Ambio- 
rix, qui  se  retira  en  Germanie.  Indutiomar  fut 
vaincu  et  tué  par  le  lieutenant  Labiénus  (54-53). 

Ce  danger  était  à  peine  conjuré,  qu'une  nouvelle 
insurrection  compromit  la  conquête  romaine.  Ce 
qui  avait  perdu  les  Gaulois,  c'était  leur  désunion 
et  leur  rivalité.  En  52,  ils  résolurent  de  se  liguer 
contre  l'ennemi  commun  ;  les  députés  de  tous  les 
peuples  jurèrent  de  prendre  les  armes  dès  que  le 
signal  leur  en  serait  donné.  Le  signal  partit  du 
pays  des  Carnutes  (Chartres),  ("eux-ci  se  portèrent 
sur  Genabum  (Gien  ou  Orléans),  et  massacrèrent 
tous  les  Romains  qui  s'y  trouvaient.  La  nouvelle, 
criée  dans  les  champs,  suivant  l'usage,  passa  de 
village  en  village,  et  parvint  en  Auvergne  avant  la 
fin  du  jour. 

Il  y  avait  alors  à  Gergovie  un  jeune  chef  d'anti- 
que et  puissante  famille,  nommé  Vercingétorix. 
Epris  de  l'indépendance  et  plein  d'une  haine  pa- 
triotique contre  l'étranger,  il  avait  travaillé  secrè- 
tement à  susciter  des  ennemis  aux  Romains.  A  la 
nouvelle  des  événements  de  Genabum,  il  descen- 
dit de  la  montagne  avec  les  siens,  et  proclama 
dans  Gergovie  la  liberté  de  la  Gaule.  Pendant  toute 
une  année  il  tint  tète  à  César  ;  chassé  d'Avaricum 
(Bourges),  il  repoussa  son  ennemi  de  Gergovie,  le 
poursuivit  vers  le  nord,  fut  battu  sur  les  bords  de 
la  Saône  et  s'enferma  dans  la  ville  d'Alesia  (Alise- 
Sainte-Reine,  dans  la  Côte-d'Or),  où  l'armée  ro- 
maine l'assiégea. 

A  l'appel  de  Vercingétorix,  la  Gaule  entière  se 
leva;  25  '  000  hommes  marchèrent  au  secours 
d'Alesia.  Mais  César  avait  creusé  des  fossés,  élevé 
des  murailles,  planté  dos  lignes  de  pieux  du  côté 
de  la  ville  et  du  côté  de  la  campagne  :  tout  l'ef- 
fort des  assaillants  échoua  contre  les  retranche- 
ments. Lorsque  tout  espoir  fut  perdu,    Vercingé- 


GAULE 


—  850  — 


GAULE 


torix  pensa  que  sa  mort  suffirait  peut-être  au  vain- 
queur, et  que  ses  compagnons  pourraient  être  épar- 
gnés. II  monta  sur  son  cheval  de  bataille,  revêtu  lui- 
même  de  sa  plus  riche  armure,  sortit  de  la  ville 
et  traversa  au  g:alop  l'intervalle  des  deux  camps  ; 
arrivé  au  pied  du  tribunal  où.  se  tenait  César,  il 
sauta  de  cheval,  et,  sans  prononcer  une  parole,  il 
prit  .son  épée,  son  javelot  et  son  casque,  et  les  jeta 
aux  pieds  du  Romain.  A  la  vue  d'une  si  grande  in- 
fortune si  noblement  supportée,  César  resta  froid 
et  cruel.  Il  fit  garrotter  le  vaincu,  l'envoya  à  Rome, 
et  le  fit  décapiter  six  ans  plus  tard. 

Une  septième  campagne  (51)  soumit  les  révoltes 
partielles  chez  les  Carnutes,  les  Rellovaques  (Beau- 
vais),  les  Cadurques  (Cahors).  César,  irrité  par  la 
longueur  de  cette  guerre,  fit  un  terrible  exemple: 
il  fit  trancher  les  mains  à  tous  les  défenseurs  de 
la  ville  d'Uxellodunum. 

6.  La  Gaule  romaine.  —  La  Gaule  était  désor- 
mais conquise.  César  avait  consacré  à  cette  œuvre 
huit  années,  dix  légions  et  les  inépuisables  res- 
sources de  la  puissance  romaine  et  de  son  génie. 

Rome  s'appliqua  à  faire  Oublier  à  la  Gaule   sa 


défaite.  L'empereur  Auguste,  pour  eflFacer  les  an- 
ciennes relations  des  peuples  et  les  vieux  souve- 
nirs, changea  les  limites  des  provinces  et  le  nom 
de  plusieurs  villes.  Il  divisa  la  Gaule  en  quatre 
provinces  :  la  Narbojinaise,  prenant  son  nom  de 
Narbonne  sa  capitale;  V Aquitaine,  agrandie  jusqu'à 
la  Loire  ;  la  Celtique  ou  Liionnaisf,  au  centre,  en- 
tre la  Loire,  le  Rhône,  le  Rhin,  la  Marne,  la  Seine 
et  la  mer  ;  la  Belgique,  au  nord.  De  cette  dernière 
province  en  furent  détachées  ensuite  deux  autres  : 
la  Germanie  supérieure  o\x  première,  entre  le  Rliin 
et  les  Vosges,  et  la  Germanie  inférieure:  ou 
deuxième,  dans  la  basse  vallée  du  Rhin.  Le  nombre 
des  provinces  gauloises  varia  souvent;  à  la  fin  de 
l'empire,  il  était  de  dix-sept.  L'église  chrétienne, 
en  s'établissant  dans  la  Gaule,  adopta  cette  division 
civile;  elle  plaça  des  évêques  métropolitains  dans 
les  capitales  des  provinces,  et  des  évêques  dans 
les  cités.  Les  provinces  étaient  gouvernées  par  des 
proconsuls  et  des  présidents, qui  recevaient  les  ordres 
du  uicaiVe  des  Gaules,  résidant  à  Arles,  subordonné 
lui-même  au  préfet  du  prétoire  établi  à  Trêves. 
Voici  le  tableau  des  provinces,  métropoles  et  cités: 


PROVINCES 

MÉTROPOLES 

CITÉS 

1.  Lyonnaise  première 

2.  Lyonnaise  deuxième 

3.  Lyonnaise  troisième 

4.  Lyonnaise  quatrième 

Lyon 

llouen 

Tours 

Sens 

Autun,  Langres,  Cliâlon,  Mâcon. 

Bayeui,  Avranches,  Évrcux,  Séez,  Lisieux,  Coutanccs. 

Le  Mans,  Rennes,  Angers,  Nantes,  Quimper,  Vannes,  Saint-Pol-de- 

Léon,  Mayenne- 
Chartres,  Auxerre,  Troyes,  Orléans,  Paris,  Meaux. 

Metz,  Toul,  Verdun. 

Soissons,  Châlons-sur-Marne,  Saint-Quentin,  Arras,  Tournai,  Cam- 
brai, Senlis,  Beauvais,  Amiens,  Thérouanne,  Boulogne. 

Strasbourg,  Spire,  Worms. 

Tongres. 

Nyon,  Avenche,  Bàle,  Windisch,  YTerdon,  Augst,  Port-sur-Saône. 

Martigny. 

Genève,  Grenoble,  Die,  Valence,  Aoste,  Vaison,  Orange,  Cavaillon, 
Avignon,  Arles,  Marseille. 

Clermont-Ferrand,  Rodez,  Albi,  Cahors,  Limoges,  Javols,  Saint- 
Paulien. 

Agen,  Angoulême,  Saintes,  Poitiers,  Périgueux. 

DdX,  Lectoure,  Saint-Bertrand-de-Comminges,  Couscrans,  Lescar, 
Aire,  Besas,  Tarbes,  Oloron,  Auch. 

Toulouse,  Béziers.  Nimcs,  Lodève,  Uzés. 

Apt,  Riez.  Fréjus,  Gap,  Sisteron,  Antibes. 

Digne,  Chorges,  Castellane,  Senez,  Glandève,  Cimiez,  Yence. 

Trêves  

Reims 

Mayence 

Cologne  ..... 

Besançon 

Moustiers 

Vienne 

Bourges 

Bordeaux. . .. 

Eauze 

Narbonne 

Ail 

7.  Germanie  première 

8.  Germanie  deuxième 

10.  Alpes  Grées  et  Pennines. . .. 

13.  Aquitaine  deuxième 

.  i,UY       pupuia     c 

15.  Narbonnaise  première 

16.  Narbonnaise  deuxième 

Embrun 

Rome  mit  tout  en  œuvre  pour  organiser  la  Gaule 
et  se  l'attacher,  tout  en  prenant  des  mesures  qui 
devaient  paralyser  les  velléités  de  résistance. 
L'empereur  Auguste  créa  des  villes  nouvelles,  et 
dépeupla  celles  qui  avaient  joué  un  grand  rôle 
dans  la  guerre  de  l'indépendance  ;  il  entretint  la 
jalousie  des  cités  en  leur  donnant  des  privilèges 
inégaux  ;  il  fit  camper  dans  le  pays  dix  légions 
pour  le  contenir  et  le  protéger  ;  il  attaqua  le  drui- 
disme,  et  admit,  au  contraire,  les  dieux  populaires 
de  la  Gaule  parmi  ceux  de  l'empire  romain;  enfin, 
il  introduisit  dans  le  pays  les  arts,  la  langue  et 
la  civilisation  de  l'Italie.  Malgré  tant  d'efforts  et 
de  précautions,  les  Gaulois  ne  se  résignèrent  pas 
à  la  soumission.  Sous  le  règne  d'Auguste,  il  y 
eut  dans  la  province  Narbonnaise  un  soulèvement 
promptement  réprimé.  Sous  Tibère  son  succes- 
seur, l'augmentation  des  impôts  provoqua  une 
révolte.  C'était  un  grand  mouvement  qui  devait 
soulever  la  Gaule  entière  sous  la  direction  de 
Sacrovir  ei  de  Florus.  Mais  la  légèreté  et  la  pétu- 
lance gauloise  l'empêchèrent  de  réussir.  Toutefois 
l'habile  Tibère  mesura  la  grandeur  du  péril  ;  il  ne 
punit  personne,  et  se  garda  bien  d'entretenir  des 
ressentiments  qu'il  importait  d'étouffer. 

Sous  l'empereur  Vesj)asien,  les  excès  des  gou- 
verneurs et  les  persécutions  dirigées  contre  les 
druides  provoquèrent  un  soulèvement  presque  gé- 


néral. Le  Batave  Civilis,  qui  avait  été  soldat  et 
portait  le  titre  de  citoyen  romain,  entraîna  ses 
compatriotes  pour  satisfaire  une  vengeance  per- 
sonnelle, et  les  unit  avec  la  tribu  germanique  des 
Bructères,  par  l'entremise  de  leur  prophétesse 
Velléda.  En  même  temps,  Classicus  et  Tutor  à 
Trêves,  Sabinus  à  Langres  essayèrent  de  rétablir 
l'indépendance.  Mais  Sabinus,  qui  prétendait  des- 
cendre de  César,  voulait  être  proclamé  empereur 
des  Gaules;  les  Bataves  et  les  Belges  désiraient 
un  gouvernement  militaire  ;  les  habitants  des 
grandes  villes  du  centre  souhaitaient  de  conserver 
la  civilisation  de  Rome  en  rejetant  .sa  domination, 
et  n'avaient  que  haine  et  mépris  pour  la  barbarie 
des  Belges  et  des  Germains.  Nulle  entente,  et  par- 
tant nul  succès.  Sabinus,  vaincu,  se  réfugia  dans 
un  souterrain  avec  sa  femme  Eponine,  si  célèbre 
par  son  dévouement  conjugal.  Il  y  vécut  neuf  ans; 
puis  il  sortit,  fut  saisi,  amené  à  Rome  et  con- 
damné à  mort  par  l'empereur  Vespasien.  En  vain 
Eponine  présenta-t-elle  à  l'empereur  les  enfants 
qu'elle  avait  élevés  dans  les  ténèbres  ;  elle  n'ob- 
tint rien,  que  le  droit  de  mourir  avec  son  époux  ; 
Vespasien  fut  impitoyable  pour  un  homme  qui 
avait  pris  la  pourpre  et  qui  se  disait  le  descenilant 
de  César.  Céiialis,  son  général,  pénétra  dans  l'ile 
des  Bataves,  et  Civilis  cessa  sa  résistance,  quand  ou 
lui  eut  payé  assez  cher  sa  soumission  (6'J  ap.  J.-C,j. 


GAULE 


—  831  — 


GAZ 


La  Gaule  fut  tranquille  et  heureuse  sous  les 
Antonins.  Adrien  la  visita  et  y  laissa  de  grandio- 
ses souvenirs.  Il  bâtit  les  arènes  de  Nîmes,  le  pont 
du  Gard,  la  basilique  de  Plotine  ;  aidé  par  les  as- 
semblées provinciales  qu'il  se  plaisait  à  consulter, 
il  soulagea  les  villes  obérées,  secourut  les  pauvres, 
adoucit  la  condition  des  esclaves  ;  il  reçut  de  la 
reconnaissance  du  pays  le  titre  de  restaurateur 
des  Gaules.  Ses  successeurs,  Antonin  le  Pieux  et 
Marc-Aurèle,  firent  reconstruire  Naibonne  incen- 
diée, et  décorèrent  de  beaux  monuments  la  Nar- 
bonnaise  et  l'Aquitaine. 

A  l'époque  des  trente  tyrans  ;ni«  siècle},  la 
Gaule  se  sépara  momentanément  de  l'empire,  tout 
en  conservant  avec  soin  le  dépôt  de  la  civilisation 
romaine  :  Posthumus,  Victorinus,  Victoria,  la  .Vè?v 
des  Camps,  l'armurier  Marius,  "Tétricus  enfin,  fu- 
rent des  princes  gaulois  indépendants.  Aurélien, 
vainqueur  de  Tétricus,  repoussa  les  Alamans 
qui  avaient  passé  le  Rhin  ;  Probus  chassa  les 
Francs  et  employa  ses  soldats  à  replanter  les  vi- 
gnes sur  les  coteaux  du  Lyonnais  et  de  la  Bour- 
gogne. Trois  Gaulois,  Carus,  Carinus  etNumérien, 
lui  succédèrent  sans  pouvoir  ni  repousser  les  "bar- 
bares, ni  contenir  l'indiscipline  des  armées,  ni 
soulager  la  misère  afl'reuse  des  populations. 

Les  serfs  ruraux  finirent  par  se  révolter  contre 
un  gouvernement  rude  aux  sujets  et  impuissant 
devant  l'ennemi,  et  contre  des  propriétaires  qui 
exigeaient  les  redevances  avec  d'autant  plus  de  du- 
reté qu'ils  étaient  eux-mêmes  à  moitié  ruinés.  Les 
insurgés,  qui  portèrent  le  nom  de  Uayuudes  ou 
manants,  s'établirent  dans  des  postes  fortifiés, 
d'où  ils  bloquaient  les  villes.  Ils  choisirent  deux 
empereurs,  Alianus  et  Amandus,  qui  battirent 
monnaie  et  se  conduisirent  comme  des  princes 
indépendants.  Cette  révolte,  commencée  comme 
les  guerres  serviles  de  la  Sicile  ou  comme  la  Jac- 
querie du  xrv«  siècle,  eut  la  même  marche  et  la 
même  fin.  L'eii  pereur  Maximien  arriva  avec  des 
troupes  régulières,  dissipa  cette  multitude  indisci- 
plinée, accorda  des  amnisties  partielles,  et  bloqua 
les  plus  déterminés  dans  leur  camp  de  Saint-Maur, 
au  confluejit  de  la  Seine  et  de  la  Marne.  Le  camp 
fut  pris  d'assaut  ;  Alianus  et  Amandus  périrent 
en  combattant,  et  la  Bagaudie  parut  étouft'ée.  Ce- 
pendant il  resta  une  population  errante,  proscrite, 
qui  prit  possession  des  forêts.  Au  V  siècle,  lors- 
que les  Vandales  renouvelèrent  les  calamités  in- 
fligées au  III'  siècle  parles  Alamans  et  les  Francs, 
une  nouvelle  et  plus  violente  révolte  éclata,  et  le 
patries  Aétius  la  réprima  par  le  fer  et  le  feu, 
comme  Maximien  avait  réprimé  la  première  (435). 

7.  La  Gaule  chrétienne.  —  L'époque  de  l'intro- 
duction du  christianisme  dans  la  Gaule  est  incertaine. 
S'il  faut  en  croire  les  légendes  conservées  encore 
dans  le  midi  de  la  France,  le  christianisme  fut 
apporté  dans  notre  pays,  dès  la  troisième  année 
après  la  mort  de  Jésus-Christ,  par  sainte  Marthe, 
sainte  Madeleine  et  saint  Maximin,  qui  débarquè- 
rent sur  les  côtes  de  Provence.  Une  opinion  plus 
certaine  considère  saint  Pothin  et  saint  Irénée, 
disciples  de  saint  Polycarpe,  comme  les  premiers 
apôtres  de  la  Gaule  ;  ils  fondèrent  l'église  de  Lyon, 
vers  le  milieu  du  ii'  siècle.  Le  paganisme  romain 
essaya  de  noyer  dans  le  sang  les  idées  chrétiennes. 
Mais  le  sang  des  martyrs  fut  une  semence  de  pro- 
sélytes, et  l'église  de  Lyon  continua  de  grandir  et 
de  s'illustrer  par  les  lumières  de  ses  docteurs.  Le 
pape  Fabien  envoya  en  Gaule  sept  évêques-,  tous 
animés  d'un  zèle  ardent  pour  le  salut  des  âmes. 
Ils  se  partagèrent  le  pays  :  Paul  resta  à  Narbonne. 
Trophime  se  rendit  à  Arles,  Saturnin  à  Toulouse  ; 
Martial  et  Catien  s'engagèrent  dans  la  région  occi- 
dentale et  enseignèrent,  le  premier  à  Limoges,  le 
second  à  Tours;  enfin,  Denis  vint  à  Paris  où  il 
subit  le  martyre  sur  la  colline  de  Montmartre. 

Ainsi,  malgré  les  persécutions,  le  christianisme 


f  s'étendit  peu  à  peu  sur  toute  la  Gaule.  Ses  pro- 
grès augmentèrent  encore  sous  les  règnes  de 
Constantin  et  de  Théodose,  qui  se  montrèrent 
favorables  à  l'rglise  chrétienne  (édit  de  Milan, 
3 13).  Lorsque  les  peuples  germaniques  envahirent 
la  Gaule,  toutes  les  populations  gallo-roûiaines 
étaient  converties  à  la  religion  nouvelle. 

A  consulter  :  Strabon,  Géographie;  Diodore  de  Sicile, 
Bibliothèque  historique;  César,  Commentaires  de  la  guerre 
des  Gaules;  Amédée  Thierry,  Histoire  des  Gaulois;  De-jar- 
dins, Géographie  de  la  Gaule  romaine;  et  les  histoiiena 
contemporains,  Henri  Martin,  ilichelet,  Victor  Duruj,  etc. 

[D.  Blanchet.] 

Lectures  et  dictées.  —  La  Gaule  indépend<î~'e,  la 
Gaule  romaine  :  t.  La  Pairie,  de  Th.-H.  Barrau,  pages  137- 
140,  144.  —  Ibères  et  Celtes  :  v.  Histoire  romaine,  par  Vic- 
tor Duruy,  page  7.  —  Dolmens  :  v.  Récits  de  L'histoire  de 
France,  par  Courgeon,  page  239  (appendice).  —  Jlenhirs, 
ou  monuments  de  pierre  brute  :  v.  La  Xature,  a'  année, 
page  2.30.  —  Dolmens  et  menhirs  de  Locmariuquer,  etc.: 
T.  La  Nature,  3'  année,  2»  semestre,  page  250.  —  Sépulture 
d'un  Gaulois  inhumé  sur  son  char,  par  G.  Tissandier  :  v.  La 
Nature,  5'  année,  2"  semestre,  page  2sl.  —  Les  Gaulois  en 
Italie  :  v.  Histoire  rcmaine.  par  V.  Duruv,  p;ige  72,  — 
Bataille  de  l'Allia  :  t.  Récits  de  l'histoire  àe  France,  par 
Courgeon,  page  32.  —  Guerre  des  Gaules  :  v.  Histoire 
romaine,  par  V.  Duruy.  page  291.  —  Vercingétorix  : 
V.  Récits  de  l'histoire  de  France,  par  Courgeon,  page  71, 
—  Siège  de  Gergovie  :  Id.,  page  74.  —  Siège  d'Alesia  : 
Id.,  page  SO.  —  La  Gaule  sous  les  premiers  empereurs  ro- 
mains :  Id.,  page  108.  —  Lutèce  (Paris)  :  Id.,  pages  89, 
168.  —  L'Armorique  :  Id.,  page  215.  —  L'évêque  Pothin  : 
page  133.  —  Attila  et  sainte  Geneviève  :  Id.,  pages  221, 
224. 

GAZ.  —  Physique,  I  et  IX.  —  Van  Helmont,  qui 
s'est  servi  le  premier  de  l'expression  gaz,  l'em- 
ployait à  désigner  la  vapeur  invisible  qui  s'échappe 
du  jus  de  raisin  en  fermentation.  On  l'applique  au- 
jourd'hui à  toute  substance  qui  a  les  propriétés 
physiques  de  l'air,  et  on  définit  les  gaz  des  corps 
qui  tendent  toujours  à  augmenter  de  volume,  qui 
remplissent  complètement  l'espace  dans  lequel  on 
les  renferme,  et  dont  l'expansion  n'est  Umitée  que 
par  un  effort  extérieur  comme  la  résistance  des 
parois  d'un  vase.  Tels  sont  l'air,  la  vapeur  d'eau, 
le  gaz  qui  sert  à  l'éclairage,  le  gaz  carbonique  qui 
s  échappe  de  l'eau  de  selz. 

Les  t;az  représentent  l'un  des  trois  états  de  la 
matière;  c'est  celui  que  la  chaleur  fait  prendre  en 
définitive  à  toute  substance  soumise  à  son  action: 
la  glace  chauffée  devient  de  l'eau,  et  celle-ci  à  son 
tour,  par  l'action  de  la  chaleur,  passe  à  l'état  de 
corps  invisible,  insaisissable,  ayant  la  mobilité  de 
l'air.  Cette  eau  invisible  est  un  gaz  ;  elle  en  possède 
la  propriété  essentielle,  c'est-à-dire  l'expansion  in- 
définie de  son  volume  ;  dans  le  langage  ordinaire 
on  l'appelle  vapeur';  mais  dans  le  langage  scien- 
tifique, vapeur  et  gaz  ne  diffèrent  pas;  et  si  l'on 
conserve  ces  deux  expressions  pour  dé.signer  le 
même  état  de  la  matière,  c'est  que  l'usage,  établi 
sur  un  examen  superficiel,  a  fait  longtemps  désigner 
sous  le  nom  de  vapeur  l'état  aériforme  des  sub- 
stances qui  nous  sont  le  plus  ordinairement  connues 
liquides  ou  solides,  comme  l'eau,  l'alcool,  le  soufre, 
l'iode.  On  dit  encore  vapeur  d'eau,  d'alcool,  d'iode, 
de  soufre,  tandis  que  l'on  dit  gaz  ammoniaque,  gaz 
carbonique  pour  désigner  deux  substances  dont 
l'état  habituel  est  l'état  aériforme  ;  mais  l'expé- 
rience a  depuis  longtemps  prouvé  que  l'ammo- 
niaque liquide  se  résout  en  gaz  comme  l'eau  en 
vapeur,  et  que  ces  deux  substances  sont  uesgaz  au 
même  titre  lune  que  l'autre. 

Moyen  de  constatfr  l'existence  des  gaz  —  Les 
gaz  sont  aussi  nombreux  que  les  solides  et  les 
liquides,  mais  ils  n'ont  pas  comme  ces  derniers  des 
propriétés  saillantes  qui  permettent  de  les  dis- 
tinguer facilement  les  uns  des  auC^xv  Comme  ils 
n'ont  pas  de  forme,  ni  de  volume  défini  puisqu'ils 
remplissent  tout  l'espace  que»*  leur  ofl're,  ils 
n'accusent  pas  leur  présence  d'une  manière  sen- 


GAZ 


852  — 


GAZ 


Bible  ,  à  moins  qu'ils  ne  soient  odorants  ou  colorés. 

Il  y  a  peu  de  gaz  colorés  ;  ce  sont  le  chlore  avec  sa 
teinte  verte,  la  vapeur  d'iode  avec  sa  belle  couleur 
violette,  les  vapeurs  d'un  brun  roux  qui  surmon- 
tent l'acide  azotique  fumant  ou  qui  se  dégagent 
dans  l'action  de  l'eau-forte  sur  le  cuivre.  Ces  gaz 
sont  visibles  dans  les  flacons  qui  les  contiennent. 

Les  autres  sont  invisibles,  à  moins  toutefois  que 
l'humidité  qu'ils  prennent  à  l'air  ne  leur  donne 
l'apparence  d'un  léger  brouillard.  Ceux  qui  possè- 
dent une  odeur  bonne  ou  mauvaise  révèlent  par 
là  leur  présence.  Ainsi  on  est  prévenu  qu'une  fuite 
de  gaz  d'éclairage  parfaitement  invisible  s'est  pro- 
duite dans  un  appartement,  quand  on  en  sent  l'odeur 
désagréable  en  y  entrant.  On  sait  de  même  que 
le  soufre  produit  en  brûlant  un  gaz  invisible,  parce 
que  ce  gaz  provoque  la  toux  si  on  le  respire. 

Mais  quand  le  gaz  est  à  la  fois  incolore  et  ino- 
dore, comme  l'air  répandu  autour  de  nous,  on  ne 
peut  le  mettre  en  évidence  qu'en  lui  faisant  occuper 
la  place  que  tenait  avant  lui  un  liquide  comme  l'eau 
ou  le  mercure;  et  c'est  aussi  ce  moyen  qui  est 
employé  pour  recueillir  et  transvaser  les  gaz  que 
l'on  veut  conserver  ou  étudier.  On  remplit  d'eau 
un  grand  verre  ou  une  éprouvette,  dans  une  terrine 
ou  dans  une  cuve  ;  on  soulève  le  verre  en  lui  te- 
nant son  orifice  immergé  on  amène  un  tube  re- 
courbé au-dessous  de  cet  orifice,  et  s'il  vient  un  gaz 
par  ce  tube,  soit  parce  que  Ion  souffle  par  le  bout 
libre,  soit  parce  que  le  tube  est  mis  en  communi- 
cation avec  un  appareil  d'où  se  dégage  une  sub- 
stance aériforme,  on  voit  le  gaz  faire  bouillonner 
l'eau,  monter  en  bulles  à  travers  le  contenu  du 
verre  et  par  suite  de  sa  grande  légèreté  gagner 
le  haut  du  vase  et  le  remplir  en  faisant  écouler 
l'eau  peu  à  peu  dans  la  cuve. 

Propriétés  phi/siques  des  gaz.  —  Tous  les  gaz 
ont  à  pea  de  ciiosc  près  les  mêmes  propriétés 
physiques:  ils  sont  pesants,  compressibles  et  très 
mobiles;  on  les  étudie  en  prenant  pour  type  le 
plus  commun  de  tous,  l'air  atmosphérique  ^V.  Air). 

On  constate  le  poids  des  gaz  comme  on  constate 
celui  de  l'air,  en  équilibrant  sur  une  bonne  ba- 
lance un  grand  ballon  vide  d'air  et  en  cherchant 
l'augmentation  de  poids  qu'il  a  subie  quand  il  a 
été  rempli  du  gaz  sur  lequel  on  opère.  Le  poids  du 
gaz  est  généralement  faible;  il  ne  s'élève  au  plus 
qu'à  quelques  grammes  par  litre  ;  l'hydrogène,  le 
plus  léger  de  tous,  ne  pèse  que  neuf  centigrammes 
environ  (V.  Densité). 

Les  gaz  obéissent  donc  à  la  pesanteur  comme 
les  liquides  et  les  solides,  et  si  la  plupart  s'élèvent 
dans  l'air,  comme  le  brouillard  et  la  fumée,  c'est 
qu'ils  sont  plus  légers  que  le  gaz  atmosphérique. 

Les  conditions  d'équilibre  des  masses  gazeuses 
sont  semblables  à  celles  qui  régissent  les  liquides; 
elles  sont  en  effet  fondées  sur  la  mobilité  des  mo- 
lécules, qui  est  commune  à,  ces  deux  espèces  de 
corps.  "Tous  les  principes  de  V hydrostatique*  peu- 
vent donc  s'appliquer  aux  gaz.  Ainsi  la  pression 
exercée  en  un  point  d'un-  masse  gazeuse  se  trans- 
met intégralement  à  tous  les  autres  points,  et  elle 
reste  toujours  proportimnelle  à  la  surface  que  l''  n 
considère.  C'est  cette  transmission  de  la  pression 
en  tous  sens  qui  rend  sphérique  la  bulle  de  savon 
ou  l'ampoule  de  verre  ramollie  au  feu  dans  laquelle 
on  insuffle  de  l'air. 

Il  faut  également  pour  qu'il  y  ait  équilibre  que 
la  pression  soit  la  mêoie  dans  toute  l'étendue  d'une 
même  tranche  horizontale.  Cette  pression,  indé- 
pendante de  la  forme  des  vases,  va  en  augmentant 
à  mesure  qu'on  passe  des  tranches  supérieures  aux 
tranches  inférieures.  Dans  nos  vases,  l'augmenta- 
tion est  insensible;  mais  dans  les  grandes  masses 
de  gaz,  comme  Vaimosphère,  elle  se  manifeste  aux 
f'-.fl'érentes  hauteurs  avec  des  valeurs  diverses.  L'é- 
uide  de  cette  pression  el  de  ces  variations  a  été 
laite  aux  mots  AtmospJùie  et  Baromètre. 


L'analogie  des  liquides  et  des  gaz  au  point  de 
vue  des  conditions  d'équilibre  est  plus  complète 
encore;  le  principe  d'Archimède  s'applique  aussi 
aux  giiz  :  tout  corps  plongé  dans  l'air  ou  dans  un 
autre  gaz  qui  n'agit  pas  chimiquement  sur  lui, 
éprouve  de  la  part  du  gaz  une  poussée  verticale, 
une  perte  de  poids,  égale  au  poids  du  gaz  qu'il 
déplace.  On  démontre  le  fait  expérimentalement  à 
l'aide  d'une  petite  balance  sensible  qui  suspend  à 
un  bout  une  grosse  boule  creuse  de  cuivre  et  à 
l'autre  une  petite  boule  pleine  du  môme  métal  ;  les 
deux  boules  se  font  équilibre  dans  l'air.  Mais 
quand  on  place  la  balance  sous  le  récipient  de  la 
machine  pneumatique  et  qu'on  fait  le  vide,  on  voit  la 
grosse  boule  l'emporter  sur  l'autre  Elle  pèse  plus 
que  la  petite,  et  si  dans  l'air  elle  paraissait  du 
même  poids,  c'est  que  l'air  lui  faisait  perdre  da- 
vantage. 

Ce  principe  a  d'importantes  applications  et  de 
curieuses  conséquences.  Ce  sont  d'abord  les  aéros- 
tats* et  tous  le*  corps  qui  s'élèvent  spontanément 
dans  l'air  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  trouvé  une  couche 
d'air  de  même  poids  que  le  leur.  C'est  l'erreur 
plus  ou  moins  grande  dont  est  entaché  le  poids  de 
toute  substance  que  l'on  a  pesée  dans  l'air,  et  la 
nécessité,  pour  avoir  le  poids  absolu,  d'opérer  dans 
le  vide,  au  moins  pour  fixer  les  unités  qui  doivent 
servir  de  poids  étalons. 

Les  gaz  se  difi'érencient  des  liquides  surtout  par 
la  propriété  qu'ils  ont  de  posséder  une  force  de 
ressort  que  l'on  appelle  leur  force  élastique  et 
avec  laquelle  ils  pressent  sans  cesse  en  tous  sens 
sur  les  parois  qui  les  renferment.  C'est  leur  pro- 
priété essentielle,  caractéristique.  Ses  variations 
sont  liées  par  une  loi  importante,  la  loi  de  Mariotte, 
exposée  à  l'article  Éasticité;  les  changements  que- 
la  chaleur  y  apporte  ont  été  indiqués  au  mot  Di- 
latation. 

Mélange  des  gaz  entre  eux  et  avec  les  liquides.  — 
La  plupart  des  liquides  mélangés  se  séparent, 
quand  ils  n'ont  pas  d'action  chimique  les  uns  sur  les 
autres,  et  ils  se  superposent  par  ordre  de  densité, 
les  plus  lourds  occupant  la  partie  inférieure  du  vase 
qui  les  contient.  11  n'en  est  pas  de  même  d<^s  gaz  : 
deux  gaz  d'inégale  densité  occupent  tous  deux  tout 
l'espace  qui  leur  est  offert  ;  et  si  même  ils  sont 
dans  des  vases  distincts,  ne  communiquant  que  par 
une  petite  ouverture,  ils  finissent  par  se  mélanger 
complètement  après  un  temps  plus  ou  moins  long. 
Cette  propriété  des  gaz  de  se  répandre  dans  ua 
espace,  qu'il  soit  vide  ou  déjà  rempli  d'un  autre 
gaz,  constitue  leur  diffusion. 

Chaque  gaz  prend  la  pression  qu'il  aurait  si 
l'espace  où  il  se  répand  était  vide,  et  la  pression 
du  mélange  est  la  somme  des  pressions  de  cha- 
cun des  gaz  considéré  comme  occupant  seul  le  vase  : 
telle  est  la  loi  de  la  diffusion,  établie  par  l'expé- 
rience. On  en  tire  cette  conséquence,  c'est  que  la 
prassiou  exercée  par  l'air  humide  est  la  somme  des 
pressions  de  l'air  sec  d'une  part  et  de  la  vapeur 
d'eau  d'autre  part,  chacun  de  ces  deux  gaz  occu- 
pant tout  le  volume  considéré.  Si  donc  on  con- 
state une  pression  barométiùque  de  745"""  un 
jour  où  l'air  est  saturé  de  vapeur  d'eau,  à  la  tempé- 
rature de  -10°,  comme  on  sait  qu'à  cette  tempé- 
rature la  vapeur  d'eau  seule  a  une  force  élastique 
de  ai""",  on  en  conclut  qu'un  mètre  cube  du 
mélange  contient  lOdO  litres  de  vapeur  d'eau  à  la 
pression  de  31°""  et  lOOi»  litres  d'air  sec  à  la  pres- 
sion de  745 — 31  ou  714,  et  l'on  peut  facilement  en 
calculer  le  poids,  montrer  qu'il  est  inférieur  à  celui 
d'un  mètre  cube  d'air  sec  à  la  pression  de  745,  et 
vérifier  ainsi  ce  fait  important  que  l'introduction 
de  la  vapeur  d'eau  dans  l'air  fait  baisser  la  coloime 
barométrique. 

Lorsqu'on  met  de  l'eau  en  contact  avec  un  gaz, 
elle  en  dissout  une  proportion  plus  ou  moins 
grande    suivant    la  nature  du    gaz  :    l'air,   l'azote. 


GAZ 


—  853  — 


GEL 


l'oxygène  se  dissolvent  très  peu  dans  l'eau  ;  tandis 
que  l'ammoniaque,  l'acide  sulfureux,  l'acide  chlor- 
hydrique  sont  absorbés  en  très  grande  quantité, 
comme  si  à  l'absorption  physique  s'ajoutait  un 
phénomène  chimique.  En  étudiant  expérimentale- 
ment ce  phénomène  de  l'absorption  du  gaz  par  les 
liquides,  les  physiciens  sont  parvenus  à  formuler 
une  loi  simple  :  c'est  qu'un  volume  donné  de  li- 
quide dissout  toujours  un  même  volume  de  gnz, 
quelle  que  soit  'a  pression  sous  laquelle  la  disso- 
lution s'est  opérée,  le  volume  du  gaz  dissous  étant 
évalué  à  la  pression  sous  laquelle  la  dissolution 
s'est  faite. 

Ainsi  un  litre  d'eau  dissout  un  litre  d'acide 
carbonique  à  la  pression  ordinaire  ;  à  la  pression 
de  six  atmosphères  il  en  dissoudra  encore  un 
litre,  mais  un  litre  à  la  pression  de  six  atmosphè- 
res, ce  qui  équivaut  à  six  litres  sous  la  pression 
ordinaire,  ou  à  un  poids  de  gaz  six  fois  plus  con- 
sidérable. 

Il  résulte  de  cette  loi  que  lorsqu'on  aura  une 
dissolution  aqueuse  d'un  gaz  faite  sous  une  cer- 
taine pression,  si  on  diminue  celle-ci,  une  partie 
du  gaz  se  dégagera.  C'est  ce  qui  arrive  quand  on 
débouche  une  bouteille  de  vin  de  Champagne,  de 
limonade  ou  de  bière.  Dans  le  liquide,  la  dissolu- 
tion du  gaz  s'est  faite  sous  une  pression  de  plu- 
sieurs atmosphères.  Le  bouchon  enlevé,  la  pression 
n'est  plus  qu'une  atmosphère,  et  la  plus  grande 
partie  du  gaz  se  dégage  avec  effervescence. 

Si  la  dissolution  du  gaz  est  placée  dans  une  at- 
mosphère indéfinie  qui  ne  contienne  pas  de  ce  gaz, 
c'est  comme  si  on  la  plaçait  dans  le  vide  :  le  gaz 
dissous  s'échappe  en  totalité.  Ce  fait  se  remarque 
sur  les  dissolutions  des  gaz  autres  que  ceux  de 
l'atmosphère  quand  on  les  expose  à  l'air  ;  au  bout 
d'un  certain  temps,  elles  ne  contiennent  plus  que 
de  l'air  atmosphérique. 

L'eau  exposée  à  1  air  dissout  une  petite  quantité 
des  gaz  dont  l'air  est  formé;  et  comme  l'oxygène 
est  plus  soluble  que  l'azote,  l'air  dissous  est  plus 
riche  en  oxygène  que  l'air  ordinaire. 

On  extrait  facilement  de  l'eau  l'air  qu'elle  a  dis- 
sous. Il  suffit  de  chauffer  un  litre  d'eau  dans  un 
ballon  complètement  plein  muni  d'un  tube  égale- 
ment rempli  et  se  rendant  sous  une  éprouvette  : 
l'air  vient  occuper  la  partie  supérieure  de  l'é- 
prouvette. 

Pendant  l'hiver,  quand  l'eau  se  congèle,  l'air 
<iissous  reste  emprisonné  dans  la  glace  et  produit 
les  bulles  que  l'on  aperçoit  dans  ce  solide. 

Expériences.  —  1°  Produire  de  la  vapeur  d'iode 
dans  deux  ballons  très  différents  de  volume,  en 
chauffant  dans  chacun  une  parcelle  égale  du  solide: 
la  vapeur  violette  remplit  chacun  d'eux  entièrement. 

2°  Constater  qu'une  vapeur  odorante,  comme 
celle  de  l'éiher,  se  répand  dans  tout  l'espace  où  le 
liquide  est  placé  ;  qu'une  solution  d'ammoniaque 
ou  d'acide  sulfureux  perd  après  peu  de  temps  les 
propriétés  qu'elle  devait  au  gaz. 

3"  Faire  briller  du  soufre  dans  un  vase  où  l'on 
envoie  de  l'air;  quand  ce  vase  est  plein  de  gaz  sul- 
fureux, le  renverser  sur  l'eau  :  ce  liquide  monte 
dans  le  vase  à  mesure  qu'il  dissout  le  gaz. 

[Haraucourt.] 

GAZ  DE  L'ÉCLAIKAGE.  —  Chimie,  IV.  —  Si 
l'on  approche  un  corps  enflammé  de  la  mèche 
d'une  bougie, le  corps  gras  qu'elle  contient  se  fond, 
se  décompose  en  gaz,  carbures  d'hydrogène  qui 
prennent  feu.  La  chaleur  développée  par  leur 
combustion  liquéfie  de  nouvelle  matière  grasse 
qui  monte  par  capillarité  dans  la  mèche,  s'y  dé- 
•compose,  s'enflamme,  et  ainsi  de  suite.  L'idée  théo- 
rique qui  guida  Lebon  (V.  Eclairage)  fut  de  sépa- 
rer les  deux  opérations  de  décomposition  et  de 
combustion.  Cela  lui  permit  d'utiliser  des  matiè- 
res hydro-carbonées  d'un  prix  inférieur  à  celui 
■de  l'huile  et  de  la  graisse  ;  Lebon  employa  d'abord 


la  houille,  et  l'on  est  toujours  revenu  à  cette  ma- 
tière première  après  en  avoir  essayé  un  grand 
nombre  d'autres.  Le  procédé  gêné  al  est  de  chauf- 
fer la  matière  grasse  ou  bitumineuse  dans  un  vai-e 
clos,  cornue  demi-cylindrique  en  métal  ou  en  ar- 
gile. Il  se  dégage  des  matières  goudronneuses,  qui 
se  condensent  les  premières,  des  vapeurs  fournis- 
sant des  liquides  divers,  et  des  gaz  combustibles  et 
autres.  Dans  le  cas  de  la  houille,  le  goudron  {coal- 
tar)  est  utilisé  comme  préservatif  des  bois,  des 
maçonneries  exposées  à  l'humidité,  des  métaux  ;.  il 
fournit  par  la  distillation  beaucoup  de  substances, 
benzine,  acide  phénique,  etc.,  d'où  sont  dérivées 
des  matières  colorantes*  sans  nombre,  l'aniline  et 
ses  dérivés.  Les  liquides  condensés  après  cela  sont 
alcalins,  et  forment  aujourd'hui  la  source  unique 
de  l'ammoniaque  utilisée  par  l'industrie.  Les  gaz 
contiennent,  outre  ceux  qui  sont  combustibles, 
une  certaine  quantité  d'acides  caibonique  et  suif- 
hydrique  que  l'on  absorbe  à  l'aide  de  la  chaux  ou 
mieux  d'un  mélange  de  chaux  et  de  sulfate  de  fer» 
et  un  peu  d'azote,  qui  reste  mêlé  au  gaz  de  l'é- 
clairage et  est   sans  importance. 

La  composition  moyenne  du  gaz  de  l'éclairage 
de  la  houille  est  : 

Hydrogène 25,3 

Hydrogène  proto-carboné. .  57,4 

Bicarbure  d'hydrogène....  8,5 

Oxyde  de  carbone 7,4 

Azote = 4,4 

Le  résidu  de  la  distillation  de  la  houille  est  le 
coke. 

Quand  on  distille  du  bois,  les  produits  impor- 
tants sont,  outre  le  charbon,  les  liquides  qui  four- 
nissent l'acide  acétique  (vinaigre  radical),  et  l'al- 
cool méthvlique  (esprit  de  bois).  Le  gaz  est  rare- 
ment utilisé  pour  l'éclairage  ;  le  plus  souvent  on 
le  brûle  immédiatement  pour  continuer  la  réac- 
tion. 

En  faisant  arriver  de  lavapeur  d'eau  sur  la  houille,, 
on  augmente  la  quantité  d'hj'drogène  ;  on  utilise 
ainsi  industriellement  une  des  préparations  de  ce 
gaz.  On  a  môme  proposé  dans  certains  cas  de  fa- 
briquer de  l'hydrogène  pur,  qui  donne  plus  do 
chaleur  mais  moins  de  lumière.  On  lui  redonne, 
s'il  y  a  lieu,  le  pouvoir  écliirant  en  mettant  dans 
la  flamme  un  pinceau  de  fil  de  platine,  ou  en  fai- 
sant barboter  le  gaz  dans  des  carbures  liquides  et 
volatils. 

Un  procédé  intéressant  consiste  à  faire  arriver 
sur  la  houille  ou  môme  sur  du  coke  chauffé  au 
rouge  des  eaux  grasses  provenant  des  cuisines 
ou  d'autres  industries;  son  succès  pratique  dé- 
pend de  circonstances  locales  qui  ne  se  présentent 
que  rarement.  [P.  Robin.] 

GEL.  —  Météorologie,  IIL  —  Action  de  geler, 
inverse  de  dégel.  Le  gel  se  manifeste  par  des  effets 
divers  suivant  les  ol)jets  qu'il  frappe  et  les  con- 
ditions dans  lesquelles  il  se  produit.  La  plupart  de 
ces  effets  dérivent  de  la  double  propriété  que  pos- 
sède l'eau  de  se  solidifier  par  le  froid  et  en  môme 
temps  d'augmenter  de  volume  par  le  fait  même  de 
sa  congélation. 

Le  sol  gelé  devient  dur  par  la  solidification  de 
l'eau  qui  l'imprègne  ;  mais  en  même  temps  il  se 
gonfle.  Les  divers  éléments  qui  le  composent  su- 
bissent individuellement  le  même  effet;  leur  cohé- 
sion première  n'en  paraît  pas  diminuée  tant  que  la 
glace  réunit  leurs  éléments,  mais  au  dégel  les  pro- 
grès de  la  désagrégation  sont  plus  ou  moins  appa- 
rents. Il  est  des  roches  que  la  gelée  détruit  ainsi 
avec  rapidité;  on  les  dit  gélives;  il  en  est  d'autres 
qui  ne  s'altèrent  que  par  leur  surface  extérieure, 
souvent  même  d'une  manière  presque  insensible. 
Les  composés  nitreux  qui  se  forment  dans  l'air  et 
qu'entraînent  les  pluies  aident  à  cette  action  lente 
du  temps  à  laquelle  rien  ne  résiste. 


GEL 


—  854  — 


GENRE 


Les  gelées  succédant  à  un  labour  ont  donc  sur 
les  terres  compactes  et  nues  un  effet  très  avanta- 
geux :  elles  les  désagrègent,  et  augmentent  leur 
provision  de  substances  minérales  assimilables  par 
les  plantps;  par  contre,  les  jeunes  blés  peuvent  se 
trouver  déchaussés  d"une  manière  fâcheuse,  si  le 
rouleau  ne  vient  à  la  fin  de  Ihiver  rendre  au  sol  le 
degré  de  compacité  nécessaire. 

On  a  supposé  pendant  longtemps  que  le  gel  des 
plantes  était  d'une  nature  physique,  analogue  au 
gel  du  sol  ou  des  pierres  ;  que  l'eau  dont  ces  plantes 
sont  imprégnées,  se  dilatant  par  sa  congélarion, 
amenait  la  diiacération  des  tissus,  puis  leur  mort. 
Les  détonations  qu'on  entend  au  milieu  des  forôls 
pendant  les  hivers  rigoureux  sont,  en  effet,  dues 
à  la  dilatation  de  Taubier  de  l'arbre  produite  par 
la  congélation  de  la  sève  qu'il  contient.  Le  cœur,  ne 
subissant  pas  une  extension  pareille,  se  trouve  for- 
tement tiraillé  vers  Textérieur,  et  finit  par  éclater. 
La  fente  ainsi  produite  est  tantôt  transversale  et 
tantôt  cj'lindrique  ;  dans  le  premier  cas,  elle  peut 
s'étendre  par  impulsion  jusqu'à  l'aubier  :  elle  con- 
stitue la  geHvure  ;  dans  le  second  cas  elle  forme  la 
roulure.  Ces  effets,  souvent,  ne  peuvent  être  con- 
statés qu'après  l'abatage  du  bois. 

Mais  on  se  trompe  quand  on  attribue  la  broiiis- 
sure  ou  la  champelure  à  cette  cause  purement  phy- 
sique. La  brovissiire  ou  brûlure  des  jeunes  bour- 
gi'ons  et  des  fleurs,  la  champelure  ou  désarticula- 
tion et  chute  des  fruits,  des  feuilles,  des  jeunes 
rameaux  sous  l'action  du  froid,  sont  des  effets  d'or- 
dre physiologique  et  non  physique.  On  voit,  en 
effi't,  des  plantes  qui  sont  transformées  en  un  gla- 
çon dont  les  pointes  font  hernie  au  dehors  en  tra- 
versant leurs  tissus  déchirés,  sans  qu'au  dégel 
C  ux-ci  aient  subi  un  dommage  irréparable  ;  il  en 
e.-t  d'autres,  au  contraire,  qui  meurent  de  froid 
avant  que  la  température  soit  descendue  à  0°  et, 
par  suite,  bien  avant  que  leur  sève  se  soit  con- 
gelée. 

Il  en  est  des  plantes  comme  des  animaux.  Cer- 
tains êtres,  des  ordres  les  plus  inférieurs,  peuvent 
être  congelés  sans  périr;  d'autres  périssent  bien 
avant  la  congélation.  De  même  que  nos  organes 
essentiels  ne  peuvent  s'échauffer  au  delà  de  i3° 
ou  44°  sans  que  la  mort  s'ensuive,  de  même  ils 
ne  peuvent  se  refroidir  impunément  au-dessous 
d'un  certain  degré  bien  supérieur  à  zéro.  Il  im- 
porte de  remarquer,  toutefois,  que  dans  ce  dernier 
cas  la  mort  de  l'organe  est  souvent  bien  plus  à 
craindre  comme  effet  consécutif  d'un  réchauffement 
trop  rapide  que  comme  effet  direct  du  froid.  Aussi 
prescrit-on,  quand  on  est  en  présence  d'un  homme 
dont  un  membre  a  été  gelé,  d'éviter  de  l'approcher 
du  feu  et  même  de  l'introduire  dans  une  pièce  un 
peu  chaude.  Il  faut  réveiller  la  circulation  par  des 
frictions  prolongées,  et  surveiller  son  retour.  Notre 
organisme  est  fait  pour  lutter  contre  le  froid,  en 
activant  la  production  de  chaleur  interne  à  me- 
sure que  la  déperdition  do  cette  chaleur  devient 
elle-même  plus  active.  Nous  pouvons  succomber 
dans  la  lutte,  quand  nos  provisions  de  combustible 
intérieur  sont  insuffisantes  ou  épuisées;  mais  si 
elle  peut  reprendre,  elle  le  fait  avec  une  violence 
qui  devient  elle-même  une  autre  source  de  dan- 
ger, en  exposant  à  des  inflammations  suivies  de 
gangrène. 

Les  plantes  ne  sont  pas  douées  de  la  môme  fa- 
culté ;  leur  production  de  chaleur  interne  est 
extrêmement  limitée,  et  leur  température  propre 
suit  toujours  de  très  près  le  degré  de  chaleur 
qu'elles  doivent  au  milieu  extérieur;  cette  tempé- 
rature peut  varier  entre  des  limites  très  étendues  ; 
et  cependant  on  constate  pour  elles,  comme  pour 
nous,  que  le  dégel  est  souvent  plus  à  craindre  que 
le  gel.  Si  sur  des  plantes  en  plein  air,  telles  que 
le  tabac,  on  touche  avec  le  doigt  chaud  une  feuille 
gelée,  la  partie  touchée  se  désorganise,  tandis  que 


le  reste  de  la  feuille,  se  dégelant  lentement  à  l'ai 
froid,  ne  souffre  pas.  Les  pommes,  les  pommes  de 
terre,  les  raves,  les  choux,  peuvent  geler  sans 
grand  dommage  pourvu  qu'ils  dégèlent  avec  len- 
teur. Un  physiologiste,  Sachs,  explique  ce  fait  en 
supposant  que  les  matières  albuminoides  dont  l'in- 
térieur des  jeunes  cellules  est  tapissé,  et  la  cellu- 
lose dont  leur  membrane  est  formée,  se  concrètent 
par  le  froid,  et  que  leur  eau  de  constitution  s'en 
sépare  comme  il  arrive  à  l'empois  d'amidon  qu'on 
expose  au  froid.  Les  cellules  ont  alors  une  grande 
tendance  à  se  vider.  Tout  mouvement  de  la  sève  y 
étant  suspendu  aux  basses  températures,  le  mal 
peut  y  rester  latent.  En  se  réchauffant  lentement, 
la  cellule  peut  reprendre  son  premier  état;  mais 
si  la  circulation  reparaît  brusquement  avant  que 
cette  reconstitution  ait  pu  s'opérer,  la  cellule  se 
vide  et  sa  mort  survient.  Le  danger  est  d'autant 
plus  grand  que  la  plante  est  plus  jeune,  plus  gorgée 
d'eau  et  d'un  plus  faible  volume.     [Marié-Davy.l 

GEI.ÉE  BLA>'CIIE.  —  Météorologie,  III.  — 
Rosée  qui  se  dépose  sur  les  objets  terrestres  des- 
cendus, par  le  rayonnement  nocturne,  à  une  tem- 
pérature inférieure  à  0".  La  vapeur,  en  se  con- 
densant, prend  alors  la  forme  d'aiguilles  cristallisées 
qui  rappellent  les  formes  de  la  neige. 

La  gelée  bla^iche  est  une  preuve  que  la  plante 
qui  l'a  reçue  est  desrendue  au-dessous  de  0», 
qu'elle  a  été  gelée  plus  ou  moins  profondément. 
Elle  exige  en  outre  pour  se  produire  une  certaine 
humidité  de  l'air  et  du  sol.  Elle  succède  souvent  à 
des  temps  pluvieux  et  chauds  qui  ont  activé  la 
végétation.  Ce  sont  les  circonstances  de  son  appa- 
rition qui  la  rendent  si  redoutable  pour  nos  ré- 
coltes. Un  ciel  naturellement  ou  artificiellement 
couvert  empêche  sa  formation  ou  diminue  le  mal 
qu'elle  produit,  en  ralentissant  le  réchauffement 
comme  il  ralentit  le  refroidissement. 

[Marié-Davy.] 

GEMMES.  —  'V.  Pierres  précieuses. 

GE>'UE.  —  Grammaire,  IX.  —  On  divise  tous 
les  êtres  en  deux  grandes  classes  :  les  p^rsonyies 
et  les  choses,  et  dans  les  personnes  la  langue 
distingue  le  sexe;  c'est  ce  qu'on  appelle  en  gram- 
maire le  genre.  Il  y  a  deux  genres  :  le  masculin 
pour  les  hommes,  et  le  féini?ii?i  pour  les  femmes. 
Les  choses  n'ont  pas  de  sexe  ou  de  genre  naturel; 
mais  le  français  ne  marque  pas  dune  manière  spé- 
ciale le  genre  neutre,  c'est-à-dire  l'absence  du  genre, 
ot  tous  les  substantifs  désignant  des  choses  re- 
çoivent un  genre  gramynatical  qui  les  distingue, 
comme  les  noms  de  personnes,  en  noms  masculins 
et  noms  féminins. 

La  distinction  du  genre  se  marque  de  trois  ma- 
nières différentes  : 

10  Dans  les  noms  de  personnes,  par  des  noms 
complètement  différent^,  comme  l'homme,  la 
femme  ;  le  père,  lu  mère,  ou  qui  ne  diffèrent  que 
par  la  terminaison,  le  féminin  étant  formé  du 
masculin  par  Taddition  de  e  ou  de  esse,  comme  le 
cousi7î,  la  cousinE;  le  nègre,  la  ?îégrESSE  ; 

2°  Par  la  flexvn  de  gen>e  de  l'adjectif  et  des 
mots  qui  font  fonction  d'adjectifs  (articles,  certains 
noms  de  nombre,  pronoms  adjectifs  et  participes), 
par  exemple  :  le  grand  garçon,  la  gran  le  maison  ; 
mon  fils,  ma  fille  ;  un  livre  intéressant,  uie  plume 
gâtée  ; 

:io  Et  surtout  par  les  pronoms  personnels  de  la 
troisième  personne,  par  exemple  :  il  part,  elle  part  ; 
on  /e  voit,  on  la  voit. 

Dans  la  langue,  les  animaux,  surtout  ceux  dont 
le  sexe  nous  est  complètement  indifférent,  sont 
assimilés  aux  choses,  et  le  même  mot,  masculin 
ou  féminin,  désigne  en  même  temps  le  mâle  ou  la 
femelle,  comme  le  renne,  le  serpent  ;  la  s  uris,  la 
vipère.  Pour  préciser  le  sexe,  on  est  obligé  d'ajou- 
ter les  mots  mâle  ou  femelle  :  le  renne  mâle,  le 
renne  femelle,  ou,  en  supprimant  le  mot  femelle. 


GÉOGRAPHIE 


—  800  — 


GÉOGRAPHIE 


d'attribuer  au  mâle  toutes  les  fonctions  qui  appar- 
tiennent exclusivement  à  la  femelle  :  le  renne 
allaite. 

En  revanche,  les  noms  des  animaux  domestiques 
et  de  quelques  animaux  sauvages  distinguent  aussi 
le  sexe,  soit  par  des  mots  différents  :  Le  coq,  la 
poule;  soit  par  un  simple  changement  dans  la  ter- 
minaison :  l'ours,  roursE;  l'âne,  l'ûnESSE. 

Le  latin  avait  trois  genres  :  le  masculin,  le  fé- 
minin et  le  neutre.  Le  français  a  adopté  le  mascu- 
lin et  le  féminin.  Il  a  conservé  du  neutre  sa  forme 
et  son  idée  dans  quelques  parties  du  discours,  par 
exemple  dans  les  pronoms,  où  l'on  doit  distinguer  le 
masculin  le  :  Etes-vowi  son  ami?  Je  le  suis,  du 
neutre  le  :  Etes-V'US  mère  ?  Je  le  .^uis;  mais  le 
neutre  du  substantif  a  entièrement  disparu,  et  les 
mots  de  ce  genre  en  latin  ont  passé  au  masculin, 
dont  la  forme,  au  moins  pour  la  deuxième  dé- 
clinaison, se  rapproche  le  plus  de  celle  du  neutre. 

Enfin  on  doit  remarquer  que  certains  mots 
prennent  un  genre  différent  suivant  leur  emploi, 
c'est-à-dire  le  plus  souvent  selon  qu'ils  passent  du 
singulier  au  pluriel,  du  sens  propre  au  sens  figuré, 
comme  un  bel  orgue,  de  belles  orgues;  la  foudre  a 
éclaté,  c'est  un  foudre  de  guerre.  Un  plus  grand 
nombre  de  substantifs  changent  de  genre  en  chan- 
geant de  signification  :  les  uns  sont  des  noms  con- 
crets, qui  restent  concrets  en  changeant  de  genre, 
comme  la  manche  et  le  manche  ;  la  Champngne  et 
le  champagyip  ;  les  autres  sont  des  noms  abstraits 
qui,  en  changeant  de  genre,  prennent  une  signifi- 
cation concrète,  comme  la  cr. tique  et  le  critique. 
^V.  pour  les  détails  les  articles  Substantif,  Ad- 
jectif, Pronom.)  [C.  Ayer.  | 

Ouvrages  à  consTilter  :  Ayer,  Grammaire  comparée 
et  Grammaire  usuelle  de  la  langue  française. 

GÉOGRAPHIE.    —  Définition  et  objet.    —    La 

géographie  est,  d'après  Littré,  «  la  science  qui  a 
pour  objet  de  connaître  les  différentes  parties  de  la 
superficie  de  la  terre,  d'en  assigner  les  situations 
réciproques  et  d'en  donner  la  description.  » 

Divisions.  —  Il  faut  distinguer  d'abord:  la  géo- 
graphie g  nerale,  appliquée  ei  comparée. 

Géographie  générale.  —  Les  divisions  ordinai- 
rement admises  de  la  géographie  générale  sont  : 
1°  la  géographie  mathématique;  2°  la  géographie 
physique;  3"  la  géographie  politique. 

L  Géographie  mathématique.  —  Elle  étudie  notre 
globe  d'une  manière  abstraite,  sans  tenir  compte 
des  phénomènes  inorganiques  ou  organiques  dont 
il  est  le  siège.  Elle  peut  se  subdiviser  elle-même 
en  plusieurs  sections: 

1°  Géographie  astronomique.  Elle  considère  la 
terre  comme  un  astre,  une  planète  ;  elle  étudie 
sa  forme,  marque  sa  place  dans  l'univers,  fait  con- 
naître ses  mouvements  sur  elle-même  et  autour 
du  soleil,  en  déduit  l'importante  théorie  du  jour  et 
de  la  nuit,  des  saisons  et  des  climats,  qui  peut  être 
considérée  comme  le  grand  régulateur  de  la  vie 
à  la  surface  du  globe. 

Un  globe  terrestre,  des  appareils  de  cosmographie 
facilitent  singulièrement  l'étude  de  la  géographie 
astronomique.  (V.  Cosmographie.) 

2"  Géographie  géodésique.  La  géodésie  qui,  sui- 
vant le  sens  même  de  ce  mot,  partage  la  terre 
en  figures  géométriques,  est  à  certains  égards  une 
partie  de  la  géographie.  Elle  mesure  la  terre,  prise 
dans  son  ensemble,  grâce  à  un  tracé  purement  ima 
ginaire  de  cercles  méridiens  et  de  cercles  parallèles 
à  l'équateur  divisés  en  degrés.  Il  est  fâcheux  qu'au 
lieu  de  diviser  ces  différents  cercles  en  360  degrés, 
on  n'ait  pas  adopté  la  division  plus  naturelle  de 
100  degrés,  et  que  tous  les  peuples  ne  se  soient  pas 
encore  entendus  pour  l'adoption  d'un  premier  mé- 
ridien commun. 

La  surface  d'une  sphère  n'étant  pas  développable 
Bur  un  plan,  il  a  fallu  adopter  un  système  de  pro- 


jections pour  représenter  sur  des  cartes  la  figure 
du  globe  terrestre. 

On  appelle  chorographie  la  mesure  figurée  sur 
une  carte  de  toutes  les  parties  d'une  contrée,  d'une 
région;  topographie,  celle  d'un  pays  très  limité  en 
étendue,  et  plan  celle  d'une  petite  portion  de  ter- 
rain. Il  importe  de  bien  connaître  les  instruments 
u.sités  pour  le  levé  des  cartes  et  des  plans.  —  V.  Car- 
tographie et  Arpentage. 

On  peut  considérer  comme  une  annexe  de  la 
géographie  mathématique,  la  géographie  nautique 
qui  permet  aux  marins  de  se  reconnaître  en  mer 
et  nécessite  l'emploi  d'instruments  spéciaux. 

On  ne  doit  pas  négliger  enfin  la  comparaison  des 
diverses  mesures  itinéraires  employées  par  les 
divers  peuples. 

II.  Géographie  physiqTjT).  —  Il  faut  entendre  par 
là  cette  partie  de  la  géographie  empruntée  aux 
sciences  physiques  et  naturelles,  qui  étudie  le  sol 
et  sa  configuration,  les  eaux,  l'atmosphère,  la  ré- 
partition des  minéraux,  des  végétaux,  des  animaux. 
Elle  a  pour  objet  les  manifestations  innombrables 
de  la  nature  à  la  surface  de  notre  planète,  l'homme 
excepté. 

Elle  comprend: 

1°  La  géographie  géologique,  qui  donne  une  idée 
sommaire  de  la  disposition  des  terrains  et  de  leur 
formation,  des  corps  fossiles  qu'on  y  rencontre. 
(Emploi  de  cartes  géologiques).  —  V.  Géologie. 

2"  La  géographie  physique  proprement  dite.  Celle- 
ci  passe  en  revue  les  continents,  les  plaines,  les  dé- 
serts, les  plateaux,  les  montagnes  {orographie),  en 
explique  l'origine,  en  mesure  l'altitude;  elle  néces.- 
site  l'emploi  de  cartes  en  relief.  Elle  décrit  encore 
la  formation  de  la  neige,  son  accumulation  dans  les 
parties  élevées  et  froides  des  continents,  l'origine  et 
les  mouvements  des  glaciers,  le  cours  des  eaux  {hy- 
drographie), les  sources,  les  fontaines,  les  torrents, 
les  rivières,  les  fleuves,  le  travail  incessant  qu'ils 
accomplissent,  les  eaux  minérales  et  tliermales,  les 
lacs,  les  marais.  Elle  montre  l'étendue  des  mers, 
en  mesure  la  profondeur  (instruments  de  sondage), 
la  température,  les  mouvements  superficiels,  ex- 
plique les  courants,  les  marées,  la  construction  ou 
l'érosion  des  rivages.  Elle  étudie  les  volcans  et  les 
tremblements  de  terre  {sismographie),  les  soulève- 
ments et  les  affaissements  du  sol. 

3°  La  géographie  météorologique,  qui  est  la  géo- 
graphie de  l'air,  des  courants  atmosphériques,  des 
vents,  des  ouragans,  des  nuages,  des  pluies,  des 
orages,  des  climats.  Il  faudrait  une  section  à  part 
pour  le  magnétisme  terrestre,  dont  la  boussole  ré- 
vèle la  puissance.  La  connaissance  pratique  de 
divers  instruments  tels  que  le  baromètre,  le  ther- 
momètre, le  pluviomètre,  l'anémomètre  est  indis- 
pensable à  l'étude  de  cette  partie  de  la  géographie. 
—  V.  Météorologie. 

4"  La  géographie  botanique,  qui  enseigne  le  grou- 
pement naturel  des  plantes,  leurs  migrations,  leur 
cxiension  ou  leur  dégénérescence,  la  flore  propre 
à  chaque  région. 

5°  La  géographie  zoot^gique,  qui  montre  la  dis- 
tiibution  des  espèces  animales,  leurs  progrès  ou  leur 
décadence,  leur  acchmatation  hors  de  leur  pays 
d'origine,  leur  domestication. 

in.  Géographie  politique.  —  On  pourrait  l'ap- 
peler d'un  mot  la  géographie  de  l'homme.  Il  suffira 
d'indiquer  rapidement  les  principaux  aspects  de 
cette  partie  de  la  science  géographique  dont  le 
classement  méthodique  est  fort  difficile  : 

Population.  Sa  distribution,  sa  densité,  ses  mou- 
vements. ^Tableaux  graphiques  indiquant  d'une 
manière  sensible  ces  divers  détails.) 

Races.  Leurs  caractères,  leurs  types,  leurs  apti- 
tudes. (Dessins  représentant  les  traits  des  piinci- 
paux  types.) 

Maladies  propres  aux  divers  climats,  aux  diverses 
régions.  C'est  la  géographie  médicale. 


GÉOGRAPHIE 


856  — 


GEOGRAPHIE 


Langue,  usages,  coutumes,  littérature,  arts, 
scienros.  croyances  des  divers  peuples. 

Organisation  sociale,  politique,  gouvernement, 
administration,  frontières,  villes  principales.  C'est 
la  géographie  politique  proprement  dite. 

Histoire  ou  géographie  historique.  (Cartes  histo- 
riques.) 

Monuments.  (Cartes  préhistoriques,  archéolo- 
giques.) 

Produits  agricoles  et  mdustriels  ;  commerce , 
monnaies,  voies  de  communication.  On  fait  quel- 
quefois de  cette  partie  de  la  géographie  une  branche 
à  part  sous  le  nom  do  rjéographie  économique. 

Géographie  appliquée.  —  La  géographie  ne  se 
boine  pas  à  des  vues  d'ensemble.  Les  divisions  in- 
diquées plus  haut  ne  sont  pas  seulement  celles  de 
la  science;  elles  sont  applicables  à  la  description 
de  toutes  les  parties  de  la  terre,  d'un  continent, 
d'un  État,  d'un  lieu  déterminés.  On  pourra  tracer 
d'après  la  même  méthode  le  tableau  de  l'Afrique, 
par  exemple,  et  le  portrait  de  la  moindre  commune 
de  France.  Voici  ce  qu'on  pourrait  appeler  le  ca- 
nevas de  cette  description: 

1.  Situation  (longitude,  latitude),  orientation,  su- 
perficie:  Géographie  mathématique. 

2.  Nature  du  sol,  relief,  cours  d'eau;  climat, 
flore,  faune  :  Géographie  physique. 

•3.  Population,  race,  langue,  coutumes;  divisions 
administratives  ;  souvenirs  historiques, monuments  : 
Géo'jrapJne  politique. 

4.  Agriculture,  industrie,  commerce:  Géographie 
économique. 

Cette  table  des  matières  de  la  description  d'une 
simple  bourgade  n'est  autre  chose,  on  le  voit,  que 
la  table  des  divisions  de  la  science  même.  A  propos 
des  moindres  détails  il  est  donc  possible  de  rap- 
peler (grâce  à  cette  concordance)  les  principes  et 
les  lois  de  la  géographie  générale.  C'est  \h  pour  un 
maître  instruit  un  moyen  puissant  d'intéresser  un 
auditoire. 

Géographie  comparée.  —  Elle  examine,  dans  un 
certain  nombre  de  pays  ou  de  régions,  ou  dans  un 
même  pays,  une  même  région,  l'état  comparé  d'une 
classe  de  phénomènes  ou  de  produits  du  travail 
humain  déterminés.  Exemples:  la  description  des 
glaciers  des  Alpes,  des  gisements  houillers  d'Amé- 
rique, des  chemins  de  fer  européens,  des  grandes 
lignes  de  navigation  ;  l'étude  des  divers  habitats 
de  la  race  blanche,  de  la  répartition  des  religions 
asiatiques  ou  des  langues  slaves,  appartiennent  h 
la  géographie  comparée. 

Cette  branche  de  la  géographie  est  fort  intéres- 
sante; elle  se  prête  aussi  bien  à  des  recherclies 
savantes  qu'à  des  exposés  familiers. 

Rapports  de  la  géographie  avec  les  autres 
sciences.  —  On  voit  par  cette  rapide  énumération 
que  la  géographie  met  plus  ou  moins  à  contribution 
toutes  les  sciences.  Elle  touche  à  l'astronomie,  à  la 
géométrie,  à  la  géologie,  à  la  physique,  à  la  chimie, 
à  la  météorologie,  à  la  botanique,  à  la  zoologie, 
à  l'ethnographie,  à  la  linguistique,  à  la  statistique, 
au  droit,  à  l'économie  politique,  à  l'histoire,  à  l'ar- 
chéologie. Elle  en  est  distincte  néanmoins  parce 
qu'elle  applique  toutes  les  notions  dont  elle  s'em- 
pare h  un  objet  déterminé,  la  description  de  la 
superficie  du  globe.  Ayant  à  représenter  le  monde 
terrestre  en  raccourci,  elle  résume  et  condense  tout 
le  savoir  humain.  Mais  elle  n'invente  rien  ;  elle  se 
contente  de  comprendre,  de  classer  et  de  peindre. 
Ses  qualités  essentielles  sont  la  clarté,  la  méthode, 
l'exactitude. 

Histoire  de  la  géographie.  —  Peuples  anciens 
de  l'Orient.  —  Les  connaissances  gcographi(iues 
des  anciens  étaient  très  bornées.  Chaque  peuple 
s'est  imaginé  d'abord  qu'il  était  l'humanité  tout 
entière  ou  du  moins  qu'il  formait  à  lui  seul  un 
monde  supérieur  ceint  de  contrées  inhospitalières 
■  et  enveloppé  de  tribus  barbares.  Delphes  était  pour 


les  Grecs  l'ombilic  du  globe,  et  aujourd'hui  encore 
les  Chinois  nomment  leur  empire  «  l'empire  du 
milieu.  »  La  géographie,  qui  est  la  science  de  la 
surface  totale  de  notre  planète,  est  restée  dans 
l'enfance  tant  que  les  peuples  isolés  et  ennemis 
n'ont  pas  dépassé  le  cercle  d'un  étroit  horizon. 

La  géograpiiie  mathématique  seule,  qui  se  lie  à 
l'étude  des  astres,  a  pu  dans  l'antiquité  même 
faire  quelques  progrès.  Les  Egyptiens  ont  orienté 
leurs  pyramides;  ils  notaient  à  peu  près  exacte- 
ment les  solstices  et  les  équinoxes.  Les  Assyriens 
étaient  aussi  d'habiles  astronomes,  mais  on  a  beau- 
coup exagéré  l'importance  de  leurs  découvertes. 
Les  fables  et  les  superstitions  les  plus  grossières 
s'y  mêlaient  h  quelques  idées  justes.  Les  Hébreux 
croyaient  que  la  terre  repose  sur  des  fonde- 
ments perdus  dans  l'abîme,  que  le  soleil  sort  d'un 
foyer  de  lumière  pour  aller  se  plonger  chaque  soir 
dans  les  ténèbres.  Les  Indous  considéraient  la 
terre  comme  un  vaste  bouclier  supporté  par  des 
éléphants  ayant  eux-mêmes  une  tortue  pour  pié- 
destal. 

Grecs.  —  Les  Grecs,  au  temps  d'Homère,  n'étaient 
guère  [plus  avancés.  Cependant,  c'est  l'honneur  de  ce 
petit  peuple  d'avoir  essayé  le  premier,  dans  le  do- 
maine géographique,  comme  dans  la  plupart  des 
autres  sciences,  de  rechercher  librement  et  ration- 
nellement la  vérité.  Thaïes  enseigna  la  sphéricité 
de  la  terre  et  sut  mesurer  les  latitudes.  Hérodote, 
esprit  positif  et  pratique,  donna  l'exemple  de 
voyages  scientifiques.  Au  temps  de  Platon,  les 
lettrés  ne  s'efl'rayaient  nullement  de  l'idée  des 
antipodes,  et  l'usage  des  cartes  de  géographie 
était  devenu  habituel.  Pythéas  de  Marseille  calcula 
exactement,  à  quelques  secondes  près,  la  latitude 
de  sa  ville  natale.  Aristote  donna  comme  preuves 
de  la  rotondité  de  la  terre  le  contour  de  l'ombre 
projetée  sur  la  lune  pendant  les  éclipses  de  ce  sa- 
tellite et  le  déplacement  de  l'étoile  polaire  par  rap- 
port à  l'horizon  quand  on  s'avance  du  sud  au  nord. 
Les  conquêtes  d'Alexandre  contribuèrent  à  étendre 
le  domaine  des  connaissances  géographiques  des 
Grecs  ;  ce  despote  intelligent  confia  même  à  Xéarque 
le  soin  de  reconnaître  le  littoral  de  la  mer  Erythrée, 
des  bouchf's  de  l'Indus  à  celles  de  l'Euphrate. 
Eratosthène  déclara  que  la  région  équatorialc  de- 
vait être  habitée,  et  entreprit  la  mesure  d'un  arc 
du  méridien.  Hipparque  fut  l'inventeur  des  pro- 
jections dans  le  tracé  des  cartes. 

Romains.  —  La  domination  romaine,  étendue  à 
tous  les  pays  voisins  de  la  Méditerranée,  favorisa 
les  progrès  de  la  géographie.  Auguste  oidonna  le 
relèvement  topographique  et  le  mesurage  général 
de  l'empire.  Toutefois,  même  sous  les  Romains,  la 
géographie  resta  avant  tout  une  science  grecque. 
Le  plus  grand  géographe  de  l'époque  romaine, 
Strabon,  qui  vivait  vers  50  av.  J.-C,  écrivit  en  grec 
une  géof/raphie  ou  description  du  monde  connu  de 
son  temps;  elle  est  divisée  en  17  livres  qui  nous 
sont  parvenus  presque  en  entier.  L'Histoire  natu- 
relle de  Pline  l'Ancien  contient  aussi  beaucoup  de 
renseignements  intéressants,  puisés  à  des  sources 
grecques  en  majeure  partie,  mais  compilés  sans 
ordre  et  sans  critique.  Alexandrie,  située  au  point 
de  contact  des  civilisations  grecque,  romaine  et 
orientale,  devint  le  centre  naturel  des  études 
géographiques.  Ptolémée,  Grec  de  Péluse,  qui  vivait 
vers  liO  après  Jésus-Christ,  amassa  des  matériaux 
énormes  et  enregistra  dans  sa  Géographie  jusqu'à 
8000  noms  de  lieux.  Le  goût  des  itinéraires  était 
alors  très  répandu.  Malheureusement  la  décadence 
de  l'empire  entraîna  l'abaissement  des  études,  et 
les  Pères  de  l'Eglise  eurent  le  tort  de  combattre 
les  doctrines  cosmographiques,  qui  leur  parais- 
saii  nt  en  contradiction  avec  les  livres  saints. 
Lactance  déclara  que  la  notion  des  antipodes  était 
une  mauvaise  plaisanterie,  et  saint  Augustin  lui- 
même  entreprit  de  la  réfuter. 


GÉOGRAPHIE 


—  857  — 


GÉOGRAPHIE 


itoyen  âge.  —  Tandis  que  les  peuples  de  l'Eu- 
rope rétrogradaient  peu  à  peu  vers  l'ignorance,  les 
Arabes  conservèrent  le  dépôt  du  savoir  géogra- 
phique des  anciens;  par  leurs  conquêtes  dans  la 
Haute-Asie  et  l'Africiue,  grâce  à  leurs  voyageurs,  à 
leurs  marchands,  ils  ajoutèrent  au  domaine  précé- 
demment connu  des  contrées  nouvelles  .  Au 
IX'  siècle,  le  khalife  de  Bagdad  Al-Mamoun  fit  me- 
surer un  arc  du  méridien.  Au  xi',  un  Arabe  d'Es- 
pagne, Edrisi,  construisit  une  sphère  et  un  plani- 
sphère terrestre  pour  un  roi  de  Sicile.  îlaçoudi, 
Aboul-Féda  sont  aussi  des  géographes  de  valeur, 
dont  le  nom  mérite  d'être  conservé. 

Cependant,  au  xiii'  siècle,  un  véritable  réveil 
géographique  se  manifeste  dans  l'Europe  chré- 
tienne. Les  expéditions  des  Normands,  les  croisades, 
qui  mêlent  les  peuples  et  révèlent  aux  Occidentaux 
des  pays  dont  ils  avaient  à  peu  près  perdu  la  mé- 
moire, les  courses  aventureuses  des  navigateurs 
italiens  et  catalans,  auteurs  de  curieux  routiers 
de  mer  ou  portulans,  l'influence  des  Arabes,  un 
retour  marqué  vers  l'étude  de  l'antiquité,  favo- 
risent ce  mouvement  intel'cctuel.  Roger  Bacon 
expose,  d'après  Arisiote,  la  sphéricité  de  la  terre. 
Les  voyages  de  Benjamin  de  Tudèle  en  Orient,  de 
Jean  du  Plan  de  Carpin  et  dt-  Rubruquis  chez  les 
Tartares,  et  surtout  du  Vénitien  Marco  Polo  en 
Mongolie  et  jusqu'au  Japon,  sont  comme  la  préface 
dos  grandes  découvertes  modernes. 

Roiaissance  ;  \\i^  sièc'e.  —  La  Renaissance  fut  hâ- 
tive et  solennelle  dans  les  sciences  géographiques. 
Dès  la  fin  du  xv^  siècle,  deux  grands  pas  sont  faits 
en  avant.  Les  Portugais,  suivant  la  trace  de  nos 
hardis  marins  de  Dieppe,  avaient  employé  ce  siècle 
presque  entier  à  longer  la  côte  occidentale  de 
l'Afrique.  En  i486,  Barthélémy  Diaz  atteignit  le 
cap  de  Bonne-Espérance,  et  douze  ans  après,  Vasco 
de  Gama,  tournant  cet  obstacle  extrême  du  vieux 
continent,  abordait  dans  l'Inde  après  avoir  traversé 
l'Océan  Indien.  En  lidi,  un  grand  homme  inspiré 
par  une  science  profonde  et  une  foi  énergique,  le 
Génois  Christophe  Colomb,  franchissait  l'Océan 
Atlantique  et  découvrait  le  Xouveau-Monde.  Dès 
lors,  l'élan  est  donné,  et  l'homme,  longtemps  confiné 
dans  un  coin  de  sa  planète,  prend  conscience  de 
l'étendue  réelle  de  cet  empire  dont  il  est  tout  en- 
semble le  maître  et  le  prisonnier.  Balboa  aperçoit 
l'Océan  Pacifique  ;  le  vaisseau  de  Magellaa  fait  le 
tour  du  monde  ;  Fernand  Cortez  au  Mexique, 
François  Pizarre  au  rérou,Orellana  sur  l'Amazone, 
Jacques  Cartier  au  Canada  reculent  les  bornes  de 
l'inconnu:  la  géographie  écrite  enregistre  les  con- 
quêtes de  la  géographie  agissante  et  militante  re- 
présentée par  les  grands  voyageurs.  Le  premier  ou- 
vrage moderne  de  géographie  descriptive  est  celui 
de  l'allemand  Sébastien  Munster  (1544).  Le  premier 
atlas  moderne  est  le  Thealrum  mundi  du  Flamand 
Abraham  Oertel  d'Anvers  (1570,;  le  second,  celui 
d'un  autre  Flamand,  Gerhard  Kaufman,  dit  Mercator. 

XYii'  siècle.  —  Au  xvii'  siècle  le  mouveuient  con- 
tinua, moins  rapide,  il  est  vrai,  et  moins  brillant 
qu'au  xvi*.  Les  missionnaires  se  répandirent  en 
Asie,  en  Amérique  ;  ils  servirent  les  intérêts  de  la 
science,  en  travaillant  à  la  propagation  de  leur  foi. 
Les  Hollandais  avec  Tasman  reconnurent  un  troi- 
sième continent,  l'Australie,  déjà  entre\Tie  par  les 
Portugais.  Les  Anglais  avec  Hudson  et  Baffln  s'a- 
venturèrent à  travers  les  glaces  de  l'Océan  boréal. 
Mais  c'est  dans  la  partie  scientifique  de  la  géogra- 
phie que  les  progrès  furent  le  plus  marqués.  La 
mesure  des  longitudes  en  mer  fut  rendue  :.isée 
par  l'emploi  des  montres.  Le  célèbre  Galilée,  bien 
que  condamné  en  cour  de  Rome,  démontra  que 
c'est  la  terre  qui  tourne  autour  du  soleil.  De  nou- 
velles tentatives  eurent  lieu,  notamment  celie  de 
Picard,  pour  la  mesure  d'un  arc  du  méri'li'^'i. 
Sanson,  d'Abbeville,  fonda  la  cartographie  fran- 
çaise. 


xviii*s/èc/e.  —  Au  xviii'  siècle,  Guillaume  Delisle, 
de  Paris,  entreprit  la  réforme  de  nos  canes  en- 
core grossières  et  fort  inexactes:  il  leur  donna  la 
précision  mathématique.  Son  œuvre  fut  continuée 
et  perfectionnée  par  un  autre  Parisien  illustre, 
d'Anville.  L'Académie  des  sciences  envoya  Clairaut 
et  Maupertuis  en  Laponie.  La  Condamine,  Godin 
et  Bouguer  au  Pérou,  pour  mesurer  la  longueur  de 
divers  degrés  de  longitude  et  obtenir  ainsi  la  con- 
naissance de  la  forme  exacte  de  la  terre  faplatie  au 
pôle,  renflée  à  l'équateur).  Le  naturaliste  suisse 
Jacques  Scheuchzor  appliqua  le  baromètre  à  la 
mesure  des  hauteurs.  Le  Français  Buache  imagina 
la  division  des  continents  en  bassins,  système  utile 
dont  il  eut  le  tort  d'exagérer  l'importance.  Cassii.i 
de  Thury.  petit-fils  de  l'astronome  de  ce  nom, 
dressa  la  première  carte  topographique  de  France. 

En  même  tpmps,  les  voxages  se  multipliaient  et 
prenaient  de  plus  en  plus  le  caractère  il'explora- 
tions  scientifiques.  Le  Danois  Mebuhr  allait  étudier 
l'Arabie.  Le  Français  Bnugainville,  l'Anglais  C.onk 
(mort  aux  îles  Sandwich  en  1779)  parcouraient  en 
tout  sens  l'Océan  Pacifique,  et  découvraient  les 
archipels  polynésiens.  Lapérouse,  d'Albi,  à  la  fin  du 
siècle,  marchait  sur  leurs  traces  et  périssait  mas- 
sacré à  Vsnikoro  'Nouvelles-Hébrides).  L'Angleterre 
envoyait  Vancouver  à  la  côte  nord-ouestd'Amérique. 
Bruce  recherchait,  en  Abyssinie,les  sources  du  Nil 
bleu,  et  Mungo  Park  révélait  les  nègres  du  Soudan. 
Volney  en  Syrie,  la  Société  Asiatique  dans  llnde, 
la  mission  de  Gmelin  et  Pallas  en  Sibérie,  celles  de 
Mackenzie  dans  l'Amérique  circumpolaire,  d'Azara 
dans  l'Amérique  du  sud,  enfin  et  surtout  les  grands 
voj-agcs  d'un  Allemand  qui  a  écrit  en  français  et 
qui  était  par  sa  mère  issu  d'une  famille  française, 
Alexandre  de  Humboldt,  contribuaient  à  étendre, 
à  préciser,  à  répandre  et  à  rendre  peu  à  peu  popu- 
laires les  notions  géographiques. 

xrx'  siècle.  —  Il  était  réservé  au  xix'  siècle  de  cons- 
tituer définitivement  la  géographie  comme  science 
et  d'achever  la  conquête  géographique  du  globe. 
Dans  toutes  les  directions,  d'intrépides  voj-agenrs, 
appartenant  à  toutes  les  nations  civilisées,  sont  les 
ouvriers  et  trop  souvent  les  martyrs  de  cette  œuvre 
héroïque.  Si  l'on  croit  que  la  poésie  est  bannie  de 
notre  temps,  qu'on  lise  le  récit  de  ces  expéditions 
qui  montrent  l'homme  aux  prises  avec  le  froid  po- 
laire ou  la  fièvre  des  tropiques,  en  lutte  avec  les 
sauvages  ou  les  bêtes  féroces,  supportant  la  faim, 
la  soif,  rinsofnnie,les  mauvais  traitement?,  bravant 
les  assauts  de  tous  les  éléments  ou  la  ligue  (ies 
pires  passions  humaines,  pour  atteindre  un  but  dé- 
sintéressé entre  tous,  la  connaiss.ince  de  la  vérité. 
D'autres  mobiles,  il  est  vrai,  se  joignent  à  celui-là 
chez  quelques  explorateurs  :  l'amour  de  rhuman\ié, 
le  patriotisme,  l'appât  de  la  gloire,  ou  tout  prosaï- 
c^uement  le  désir  de  faire  fortune.  Mais  le  culte  de 
la  science  pure  a  toujours  inspiré  et  soutenu  nos 
grands  voyageurs  contemporains,  et  ce  ne  sera  pas 
un  mince  honneur  pour  notre  siècle  que  d'en  être 
le  père. 

Anglais  et  Américains  se  sont  disputé  la  route 
du  pôle  Nord  sans  avoir  pu  encore  atteindre  le 
pôle  lui-même.  Après  Ross,  Parry  et  le  capitaine 
Franklin  (disparu  en  1.S4G  et  dont  on  a  retrouvé 
récemment  la  trace  ,  Mac-Clure  déci  uvrit  en  1850 
le  passage  du  Nord-Ouest.  Les  Américains  Kane  et 
Hayes,  les  Autrichiens  Payer  et  Weyprecht,  les 
ont  dépassés  les  uns  à  l'ouest,  les  autres  à  l'est  du 
Groenland. 

Au  pôle  sud  on  n'a  rien  tenté  depuis  la  circum- 
navigation du  Français  Dumont  d'Urville  et  de  l'An- 
glais Ross  (l8:38-ls42). 

Dans  l'Amérique  septentrionale,  les  progrès  de 
l'émigration  européenne,  le  tracé  des  grandes  li- 
gnes de  chemin  de  fer,  les  excursions  hardies  des 
Canadiens  français  ou  des  Yankees,  l'exploitation 
de  l'or  ont  hâté  la  solution  d'une  foule  de  problè- 


GÉOGRAPHIE 


—  858  — 


GÉOGRAPHIE 


mes  géographiques,  et  nous  avons  maintenant 
d'excellentes  cartes  de  régions  absolument  inha- 
bitées et  ignorées  au  début  de  ce  siècle. 

On  peut  en  dire  autant,  mais  à  un  degré  moin- 
dre, de  l'Amérique  latine  depuis  qu'elle  est  deve- 
nue le  siège  d'États  indépendants.  Le  Chili,  le 
Brésil,  la  République  argentine,  celle  de  Vene- 
zuela attachent  une  importance  croissante  aux 
études  géographiques  que  des  savants  européens, 
Français  pour  la  plupart,  ont  acclimatées  chez  eux. 
Le  canal  de  Panama  contribuera  certainement  à 
favoriser  ce  progrès. 

L'Australie,  qui  comptait  à  peine  quelques  dé- 
portés anglais  en  1788,  est  aujourd'hui  partagée 
en  États  civilisés,  de  langue  anglaise-  La  première 
traversée  des  déserts  de  l'intérieur  a  été  faite  en 
IsGl  par  Mac  Douall  Stnart.  La  Tasmanie,  la 
Nouvelle-Zélande  sont  également  bien  connues 
depuis  qu'elles  sont  devenues  pays  anglais.  La 
France  a  contribué  de  bon  côté  à  l'étude  des  îles 
et  des  peuplades  polynésiennes  (Taîti,  la  Nouvelle- 
Calédonie,  etc.).  La  Nouvelle-Guinée  seule  est  en- 
core aux  trois  quarts  ignorée. 

En  Asie,  l'Inde  a  été  mesurée  géodésiquement 
par  ses  maîtres  les  Anglais  ;  l'IndoChlne  est 
mieux  connue  depuis  l'expédition  française  de 
Lagrenée  et  Garnier.  L'archipel  indo-malais  sert 
(]o  texte  aux  recherches  savantes  de  ses  patients 
colons  les  Hollandais. 

La  Chine  et  surtout  le  J;ipon^  reliés  à  l'Europe 
et  aux  États-Unis  par  des  lignes  régulières  de  pa- 
quebots, s'ouvrent  peu  à  peu  à  nos  regards  éton- 
nés. Derrière  l'Hhnalaya,  dont  plusieurs  pics  ont 
été  mesurés,  le  Tibet,  la  Mongolie  ont  été  récem- 
ment encore  explorés  par  le  voyageur  russe 
Prjévalski. 

Mais  c'est  en  Afrique  surtout  que  la  science  a 
triomphé.  Tout  d'abord  c'est  par  le  Niger  (Djoliba) 
quf  les  Anglais  l'attaquèrent.  La  mission  de  Clap- 
perton  en  1822,  puis  celle  des  frères  Lander, 
révéleront  une  partie  de  cet  immense  bassin. 
L'expédition  de  Richardson,  Overweg  et  Barth,  puis 
celli'  du  malheureux  Vogol,  assassiné  en  isô'i, 
ouvrirent  une  autre  partie  du  Soudan.  Déjà,  de- 
puis 18-iO,  la  France  avait  pris  pied  en, Algérie,  et 
bientôt  ses  voyageurs  Berbrugger,  Duveyrier  par- 
coururent le  Sahara,  que  le  jeune  Caillié,  venant 
de  Tombouctou,  a  seul  traversé  à  l'ouest  en  18"28. 
D'autres  points  d'attaque  .étaient  l'Egypte,  gouver- 
née par  Méhémet-Ali  qui  ordonnait  des  expéditions 
sjir  le  haut  Nil;  l'Abyssinie,  que  deux  Français, 
les  frères  d'Abbadie,  ont  pour  ainsi  dire  exhumée; 
la  côte  de  Zanzibar,  que  dominent  les  monts 
Keiia  et  Kilimanjaro  ;  enfin  la  colonie  du  Cap,  d'oii 
paitait  en  1849  l'immortel  missionnaire  protestant 
anglais,  David  Livingstone.  On  lui  doit  l'explora- 
tion du  bassin  du  Zambèze  et  de  presque  toute 
l'Afrique  australe  ;  il  est  mort  victime  de  son  dé- 
vouement à  la  science  en  1873.  Des  Anglais  aussi, 
Burton,  Speke,  Grant,  Baker  ont  découvert  à  la  même 
époque  les  grands  lacs  de  l'Afrique  équatoriale 
qui  servent  de  réservoir  aux  eaux  du  Nil  Blanc. 
Enfin,  de  nos  jours  et  comme  sous  nos  yeux,  l'A- 
méricain Stanley,  auquel  l'Écossais  Cameron  avait 
ouvert  la  voie,  a  traversé  de  part  en  part  l'Afri- 
que centrale  et  révélé  un  autre  grand  fleuve,  le 
Congo .  Un  jeune  Français,  M.  Savorgnan  de  Brazza, 
a  remonté  l'Ogooué  ;  un  Portugais,  M.  Serpa 
Pinto,  renouvelant  un  exploit  probablement  accom- 
pli jadis  plusieurs  fois  par  des  négociants  ses 
compatriotes  que  guidait  uniquement  l'intérêt  de 
leur  commerce,  a  franchi  les  vastes  espaces  qui 
séparent  les  deux  côtes  de  l'Afrique  australe,  au 
sud  de  l'itinéraire  de  Stanley.  Sauf  une  tache 
blanche  qui  subsiste  encore  sur  nos  cartes  entre  le 
Niger  et  le  Congo,  on  peut  considérer  désormais 
le  continent  africain  comme  connu. 

Reste  l'exploration   des  fonds   de  la  mer.   Elle 


commence  à  peine.  La  pose  des  câbles  transatlan- 
tiques en  a  donné  l'idée.  Plusieurs  voyages 
spéciaux,  notamment  ceux  du  Porcupine  et  du 
Challenf/er,  ont  été  entrepris  récemment  pour  cette 
étude  délicate,  qui  achèvera  de  nous  donner  une 
idée  exacte  du  relief  du  globe. 

On  peut  être  assuré  que  désormais  la  conquête 
scientifique  de  notre  planète  ne  s'arrêtera  pas.  Une 
noble  émulation  associe  pour  le  succès  de  cette 
œuvre  grandiose  tous  les  peuples  civilisés,  et  même 
des  nations  réputées  hier  barbares,  telles  que  le 
Japon.  Des  sociétés  de  géographie  ont  été  fondées 
partout  à  l'image  de  la  Société  de  géographie  de 
Paris,  la  plus  ancienne  de  toutes  (1821).  En  France 
seulement,  Lyon,  Bordeaux,  Marseille,  Oran, 
Montpellier,  Rouen,  Nancy,  et  à  la  suite  de  Bor- 
deaux, Bergerac,  Périgueux,  Mont-de-Marsan, 
Agen,  ont  des  sociétés  de  ce  genre.  Des  clubs  de 
touristes,  dits  clubs  alpins,  ont  été  fondés  dans  la 
plupart  des  pays  de  montagnes.  Le  goût  des  voya- 
ges se  répand  de  plus  en  plus.  Des  caravanes  sco- 
laires sont  organisées  pour  nos  jeunes  collégiens. 
Les  congrès  de  géographie,  les  expositions  géo- 
graphiques se  multiplient. 

Outre  les  ouvrages  savants  et  spéciaux,  des  atlas, 
des  revues,  des  récits  de  voyages  contribuent  à 
répandre  le  goiît  de  la  géographie. 

Il  importe  de  seconder  ce  mouvement  qui  tend 
à  rapprocher  les  peuples,  à  les  instruire  par  la 
comparaison  et  l'expérience,  et  par  conséquent  à  les 
améliorer,  comme  aussi  d'encourager  l'étude  de 
plus  en  plus  sérieuse  et  précise  d'une  science  qui 
éveille  l'imagination  sans  l'abuser,  éclaire  les  inté- 
rêts légitimes  du  négociant  ou  de  l'industriel, 
fournit  des  renseignements  précieux  à  l'homme 
politique,  satisfait  les  plus  nobles  curiosités,  et  ne 
saurait,  sans  mentir  à  elle-même,  avoir  d'autre  de- 
vise que  celle  de  la  vérité.  [P.  Foncin.] 

Pour  l'enseignement  à  l'école  primaire,  nous 
divisons  la  géographie  en  deux  grandes  sections  :  la 
idéographie  de  la  France  et  la  Géographie  générale. 
Voici  le  programme  que  nous  avons  adopté  pour 
chacune  de  cis  deux  sections;  on  y  trouvera  l'indi- 
cation des  articles  de  ce  dictionnaire  auxquels  ren- 
voient les  différents  chapitres  : 

Géographie  de  la  France. 

L  —  Géographie  physique.  Côtes   et  frontières. 

—  V.  France. 

n.  —  Orographie.  —  V.  France,  Alpes,  Glaciers. 
Ilf.  —  Hydrographie.  —  V.  France,  Caiiaux. 

IV.  —  Géographie  historique.  —  V.  France,  Pro- 
vinces. 

V.  —  Géographie  politique  et  administrative.  — 
V.  France,  Départements,  Droit  admiiiistratif , 
Droit  public. 

VI.  —  Géographie  agricole.  —  V.  France,  Ca- 
dastre. 

VII.  —  Géographie  industrielle  et  commerciale. 

—  V .  France,  Canaux,  Chemins  de  fer. 

VIII.  —  Algérie.  —  V.  Algérie. 

IX.  —  Autres  colonies.  —  V.  Colonies  françaises. 

X.  —  Révision  générale. 

Géographie  générale. 

I    —  Notions  générales.  Maononionde.  Le  dobe. 

—  V.  Gcogruijliif,  Gioùt{Constitntion  du),  Mappe- 
monde, Océans,  Marées,  Cartographie. 

II.  —   Asie.  —   V.  Asie,  Inde,  Orient  [ertréme). 

III.  —  Afrique.  —  V.  Afrique,  Algérie,  Eggpte. 

IV.  —  Amérique  du  Nord.  —  V.  Amérique,  États- 
Unis. 

V.  —    Amérique  du  Sud.  —  V.  Amérique. 

VI.  —  Océanie  et  Australie.  —  V.  Océanie,  Aus- 
tralie. 

VII.  —  Europe  physique.  —  V.  Europe,  Alpes^ 
Glaci'.'7^s. 


GÉOGRAPHIE 


—  859  — 


GÉOGRAPHIE 


VIII.  —  Europe  politique.  —  V.  Europe  et  les 
articles  consacrés  aux  divers  Etats  européens. 

I\.  —  Europe  industrielle  et  commerciale.  —  V. 
Europe,  et  les  articles  consacrés  aux  divers  Etats 
européens. 

X.  —  Etude  spéciale  des  principales  contrées  de 
l'Europe.  Angleterre,  Ecosse  et  Irlande.  —  V.  .4^2- 
gleterre. 

XI.  —  Allemagne.  —  V.  Allemagne. 

XII   —  Autriche-Hongrie.  —  V.  Autriche. 

XIII.  —  Italie.  —  V.  Itolie. 

XIV.  —  Espagne   et  Portugal.  —  V.   Espagne. 

XV.  —  Suisse,  Belgique,  Hollande.  —  V.  Suisse, 
Belgique  'au  supplément ,  l'ays-Ba^. 

XVI.  —Danemark,  Suède  et  Norvège.  — V.  Scan- 
iHnaves  {Etats). 

XVII.  —  Empire  russe    —V.  Russie. 

XVIII.  —  Turquie,  Roumanie,  Serbie,  Monténé- 
gro, Grèce.  —  V.  Turquie  et  Grèce. 

XIX.  —  Révision  de  l'Europe  et  de  ses  colo- 
nies. 

XX.  —  Révision  générale. 

Xous  donnons  en  outre  ci-dessous  quelques  pro- 
grammes officiels  français  et  étrangers. 

I.   —    PROGRAMMES    FRANÇAIS- 

I.  —  ANCIEN  PROGRAMME  DU  DÉPARTEMENT  DE  LA 
SEINE   (1S68). 

COURS  ÉLÉMENTAIRE. 

I.  —  1,  2,  3.  Préparation  à  l'étude  de  la  géo- 
graphie. —  L'école,  la  rue,  le  quartier,  la  com- 
mune, l'arrondissement ,  le  département  ;  les 
champs,  les  bois,  les  rivières,  les  montagnes.  — 
Ce  que  c'est  que  voyager  par  terre,  par  eau.  —  Les 
quatre  points  cardinaux.  —  De  la  carte  :  tracer 
ai  tableau  noir  un  plan  du  quartier  de  l'école,  et 
faire  voyager  les  élèves  sur  ce  plan,  avec  la  ba- 
guette. —  Carte  sommaire  des  environs  de  la 
ville  ou  du  village.  —  Idée  de  la  boussole. 

II.  —  4,  6,  (>.  Kojn'-nclature  géographique.  — 
Expliquer^  sur  la  carte  de  France,  les  principaux 
ternies  de  la  nomenclature  géographique  :  monta- 
gne, chaîne  de  montagnes,  plateau,  vallée;  lac, 
Ûeuve,  rivière;  cap;  presqu'île,  île.  —  Mer,  golfe, 
baie,  détroit. 

III.  —  7,  8,  9.  La  Mappemonde.  —  Démons- 
tration familière  de  la  forme  de  la  terre.  —  Les 
terres  et  les  eaux.  —  Les  cinq  parties  du  monde. 

—  Les  grands  océans.  —  Les  plus  grandes  chaînes 
de  montagnes  et  les  plus  grands  fleuves  de  la  terre. 

—  Les  trois  grandes  races  humaines. 

IV.  —  10,  11,  12.  La  France.  —  Bornes.  —  Prin- 
cipales chaînes  de  montagnes.  —  Les  cinq  grands 
fleuves.  —  La  capitale,  les  villes  les  plus  impor- 
tantes. 

COURS  MOYEN. 

I.  —  1,  2,  3.  Retour  sur  les  notions  de  Cosmo- 
graphie élémentaire,  avec  développements.  — 
Axes,  pôles,  grands  et  petits  cercles,  équateur, 
méridiens,  degrés;  longitude  et  latitude  d'un  lieu. 

II.  —  4.  Distinction  de  la  géographie  phi/sigue 
et  de  la  géographie  politique.  —  Explication  des 
principaux  termes  de  la  géographie  politique  :  état, 
province,  district,  comté,  canton,  département,  etc. 

III.  —  5  à  8.  —  Grandes  divisions  du  globe.  — 
Asie,  .Afrique,  Amérique.  Océanie.  —  Description 
sommaire  des  côtes.  —  Système  général  des  mon- 
tagnes; grands  fleuves.  —  Etats  et  villes  princi- 
pales. —  Colonies  et  établissements  européens.  — 
Principaux  objets  d'échange  avec  l'Europe. 

IV.  —  9,  10,  11.  EiROPE.  Géographie  physique. 

—  Ligne  de  part  ige  des  eaux  et  montagnes  qui  s'y 
rattachent;  volcans;  fleuves  et  rivières  principales, 
lacs.  —  Description  sommaire  des  côtes  :  mers, 
golfes,  déuoits,  îles,  etc. 


V.  —  12,  13,  14.  Géographie  politique.  —  Etats 
du  Xord,  du  Centre  et  du  Sud.  —  Capitales  :  rai- 
sons diverses  de  leiir  établissement.  —  Nations 
latines,  g'^'rmaniques,  slaves.  —  Langues  principa- 
les. —  Religions,  gouvernements,  population.  _ — 
Principales  productions  du  sol   et   de  l'industrie. 

—  Grands  ports  de  commerce. 

VI.  —  l.S,  16,  17.  France.  —  Géographie  physi- 
que. —  Tracé  des  frontières  et  des  côtes.  —  Ligne 
de  partage  des  eaux  ;  montagnes  qui  s'y  rattachent. 

—  Bassins  des  grands  fleuves.  —  Leurs  princi- 
paux affluents.  —  Les  grands  canaux.  —  Les  che- 
mins de  fer. 

VII.  —  18,  19.  Géograyihie  politique.  —  Ce  que 
c'était  qu'une  ancienne  province.  —  Ce  que  c'est 
qu'un  département,  un  arrondissement,  un  canton, 
une  commune;  une  division  militaire  ;  un  arche- 
vêché, un  évêché  ;  une  cour  impériale  ;  une  aca- 
démie. —  Ce  que  c'est  qu'une  route  impériale, 
une  route  départementale,  un  chemin  de  grande 
communication,  un  chemin  vicinal. 

VIII.  —  20,  21,  22,  23,  24.  Le^  anciennes  pro- 
vinces, les  départements.  —  Division  de  la  France 
en  provinces.  —  Division  en  départements  :  chefs- 
lieux  (étudier  la  place  des  départements  sur  la 
carte,  à  l'aide  du  cours  des  fleuves  et  des  rivières 
ou  de  la  direction  des  montagnes  dont  ils  portent 
le  nom).  —  Algérie  :  ses  divisions.  —  Indication 
des  autres  colonies  françaises. 

IX.  —  25.  L'dustrie  et  commerce.  Zones  de  cul- 
ture et  de  production.  —  Grands  centres  d'indus- 
trie. —  Voies  de  commerce  entre  la  France  et  les 
cinq  parties  du  monde. 

COURS  SUPÉRIEUR. 

I.  —  1  à  5.  Révision  générale  des  matières  du 
Cours  élémentaire  et  des  matières  du  Cours  inter- 
médiaire. 

II.  —  6  à  10.  Fr.\nce.  Géographie  physique.  — 
Notions  très  sommaires  sur  le  climat  et  la  forma- 
tion géologique  du  sol.  —  Ligne  de  partage  des 
eaux,  chaînes  de  montagnes  et  ramifications  prin- 
cipales. —  Fleuves  et  rivières  divisés  p.ir  bassins. 

—  Tracé  des  frontières  et  description  des  côtes. 

III.  —  11  à  16.  Géographie  politique.  —  An- 
ciennes provinces.  —  Epoqties  et  circonstances  de 
leur  réunion  à  la  Couronne.  —  Départements  : 
chefs-lieux  et  sous-préfectures.  —  Origine  et  but 
de  la  division  en  départements.  —  Concordance 
de  l'ancienne  et  de  la  nouvelle  division. 

IV.  —  17,  18.  Géographie  agricole  et  industrielle. 

—  Division  de  la  France  en  grandes  régions  phy- 
siques. —  Régions  des  forêts  ;  régions  des  céréa- 
les ;  régions  des  principales  cultures  industrielles. 

—  Régions  de  la  vigne,  du  pommier  à  cidre,  du 
houblon,  de  l'olivier,  du  mûrier.  —  Régions  favo- 
rables à  l'élevage.  —  Les  grands  marchés  agri- 
coles. —  Géographie  industrielle.  —  Carrières  et 
mines  principales.  —  Régions  des  grandes  usines. 

—  Régions  de  l'industrie  du  chanvre,  du  coton, 
de  la  laine,  de  la  soie.  —  Industries  diverses.  — 
Principales  villes  manufacturières. 

V.  —  19  à  22  Géographie  commerciale.  —  Voies 
de  communication  :  fleuves  et  rivières,  canaux, 
chemins  de  fer;  leurs  relations  avec  les  grandes 
voies  du  continent  européen.  —  Voies  de  commu- 
nication maritime  entre  la  France  et  les  différen- 
tes parties  du  monde.  Ports  de  commerce  :  impor- 
tations et  exportations. 

VI.  —  23  à  25.  Colonies.  Algérie  :  limites,  mon- 
tagnes, cours  d'eau;  provinces,  villes  principales. 

—  Productions.  —  Autres  colonies. 

VU.  —  26  à  30.  Géographie  admijiistrative.  — 
Divisions  administratives  :  départements,  arron- 
dissements, cantons,  communes.  —  Divisions  mi- 
litaires, maritimes,  ecclésiastiques,  universitaires, 
judiciaires,  financières  ;  raisons  d'être  de  ces  divi- 


GÉOGRAPHIE 


860  — 


GEOGRAPHIE 


•sions.  —   Administration   centrale    et    gourerne- 
ment.  —  Population 

II.  —    PROGRAMMES    ACTUELS    TES    ÉCOLES   MATER- 
NELLES, UES  ÉCOLES   PlilMAlRES  ET  DES  ÉCOLES 
NORMALES. 

A.  Écoles  rndternelles. 

(Décret  du  2  août  18S1  et  arrêté  du  28  juillet  1882.) 
SECTION    DES    PETITS  ENFASTS. 

^enfants  de  2  à  5  ans.) 

Demeure  et  adresse  des  parents,  nom  de  la 
commune.  Petits  exercices  sur  la  distance;  situa- 
tion relative  des  différentes  parties  de  l'école. 

La  terre  et  l'eau. 

Le  soleil  (le  levant  et  le  couchant), 

SUCTIOX    DES   ENFANTS  DE  5    A    7    ANS. 

(classe  enfantine.) 

Causeries  familières  et  petits  exercices  prépa- 
ratoires servant  surtout  à  provoquer  l'esprit  d'ob- 
servation chez  les  petiis  enfants  en  leur  faisant 
simplem(>nt  remarquer  les  phénomènes  les  plus 
ordinaires,  les  principaux  accidents  du  sol. 

B.  Ecoles  primaires. 
(Arrêté    du    27    juillet    1882.) 

COrRS    ÉLÉMENTAIRE. 

Suite  et  développement  des  exercices  du  pre- 
mier âge. 

Les  points  cardinaux  non  appris  par  cœur, 
mais  trouvés  sur  le  terrain,  dans  la  cour,  dans 
les  promenades,  d'après  la  position  du  soleil. 

Exercices  d'observation  :  les  saisons,  les  princi- 
paux phénomènes  atmosphériques,  l'horizon,  les 
accidents  du  sol,  etc. 

Exp'ication  des  termes  géographiques  (monta- 
gnes, fleuves,  mers,  golfes,  isthmes,  détroits,  etc.), 
en  partant  toujours  d'objets  vus  par  l'élève  et  en 
procédant  par  analogie. 

Préparation  à  l'étude  de  la  géographie,  par  la 
méthode  intuitive  et  descriptive  : 

1°  La  géographie  locale  (maison,  rue,  ha- 
meau, commune,  canton,  etc.); 

2°  La  géographie  générale  (la  terre,  sa  forme, 
son  étendue,  ses  grandes  divisions,  leurs  subdi- 
"visinns). 

Idée  de  la  représentation  cartographique  :  élé- 
ments de  la  lecture  des  plans  et  cartes. 

Globe  terrestre,  continents  et  océan. 

Entretiens  sur  le  lieu  natal. 

COURS   MOYEN. 

Géographie  de  la  France  et  de  ses  colonies  : 

Géographie  physique  ; 

Géographie  politique,  avec  étude  plus  appro- 
fondie du  canton,  du  département,  de  la  région. 

Exercices  de  cartographie  au  tableau  noir  et  sur 
cahier,  sans  calque. 

COCnS  SUI'ÉRTECR. 

Révision  et  développement  de  la  géographie  de 
la  France. 

Géographie   ph}^sique  et  politique  de  l'Europe. 

Géographie  plus  sommaire  des  autres  parties 
du  monde. 

Les  colonies  françaises. 

Exercices  cartographiques  de  mémoire. 

G.  Ecoles  normales  a'institideurs 

et  d'institutrices. 

(Programmes  du  3  août  1881.) 

PREsiiÈnE  ANNÉE  (1  heurc). 

Notions  préliminaires.  —  Etude  générale  de  la 
terre.  -—  Notions  élémentaires  de  cosmographie. 
—  Explication  des  termes  géographiques.  —  Lec- 
ture des  cartes. 


Géographie  de  la  France.  —  Géographie  physi- 
que. —  Description  des  côtes  et  des  frontières  do 
terre.  —  Orographie  et  hydrographie.  —  Géogra- 
phie historique  et  admiui-trative  :  anciennes  et 
nouvelles  divisions.  —  Gouvernement,  adiuinis- 
tion  centrale,  départementale  et  communale.  — 
Géographie  agricole,  commerciale  et  industrielle. 

—  Voies  de  communication  :  chemins  de  fer,  ca- 
naux, services  maritimes. 

Géographie  de  l'Algérie  et  des  colonies  fran- 
çaises. —  Géographie  physique  et  administrative. 

—  Produits  du  sol  et  de  l'industrie.  —  Importa- 
tion et  exportation. 

Notions  sommaires  sur  l'Europe  et  sur  les  dif- 
férentes parties  du  monde. 

DECxiÈME  AN^ÉE  (1  hcurc). 
Géographie  physique  des  différentes  parties  du 
monde,    moins   l'Europe.  —  Etude  générale   des 
continents  et  des  océans  :  forme  des  continents. 

—  Grands  systèmes  orographiques  et  hydrographi- 
ques. —  Courants  atmosphériques  et  marins.  — 
Les  races  humaines.  — Les  régions  de  l'équateur, 
des  tropiques  et  des  pôles. 

Géographie  politique.  —  Étude  particulière  des 
principaux  États  de  l'Asie,  de  l'Afrique,  de  l'Amé- 
rique et  de  rOcéanie  (Chine,  Japon,  Indo-Chi  e, 
Empire  britannique  des  Indes,  Asie  russe,  Egypte 
et  côtes  septentrionales  de  l'Afrique,  Étate-lnis, 
Australie,  et  principales  colonies  européennes). 

TROISIÈME    ANNÉE    (1     hcUre). 

Géographie  de  l'Europe,  y  compris  la  France 
(révision).  —  Etude  générale  de  l'Europe.  —  Des- 
cription physique.  —  Etude  particulière  de  chacun 
des  Etats  :  géographie  physique,  administrative, 
agricole,  commerciale.  —  Gouvernement.  —  Re- 
ligion. 

Histoire  sommaire  des  découvertes  géographi- 
ques. 

II.-  PROGRAMMES  ÉTRANGERS. 

A.  —  Ecoles  primaires. 

I.—  BELGIQUE. 

Premier  degré.  —  l^e  année.  —  1.  Les  points 
cardinaux.  Manière  de  s'orienter  par  l'observation 
de  la  position  du  soleil.  Exercices. 
!  2.  Plans.  La  salle  de  cla-se,  l'école  :  a)  enseigner 
la  lecture  du  plan  :  b]  faire  tracer  1°  les  parties 
principales  du  plan,   2°  les  directions  cardinales. 

3.  Premières  notions  de  nomenclature  géogra- 
phique enseignées  dans  les  promenades  et  les  ex- 
cursions. 

I      2<=  année.  —  1.  Les  points  cardinaux.  Les  points 
intermédiaires.  Orientation.  Exercices. 

2.  Plans.  La  rue,  l'aggloméré,  le  territoire  com- 
;  munal  :  a)  enseigner  la  lecture  des  plans  simpli- 
fiés ;  b)  faire  tracer  1°  les  parties  principales  de 
I  chaque  plan,  2°  les  directions  cardinales  et  celles 
!  qui  indiquent  les  points  intermédiaires. 
I  3.  Entretiens  sur  le  lieu  natal  :  faits  géographi- 
;  ques  et  nomenclature,  productions  naturelles, 
occupations  des  hommes,  industrie  et  commerce. 

—  Promenades,  excursions. 

4.  Première  idée  du  canton. 

5.  Horizon  visuel,  forme  de  la  terre,  la  terre  est 
isolée  dans  l'espace  :  premières  observations,  ex- 
plications familières. 

6.  Montrer  sur  la  sphère  :  a)  les  terres  et  les  eaux  ; 
b)  Les  cinq  parties  du  monde  et  les  grands  océans. 

7.  Montrer  sur  la  sphère  la  Belgique  et  les  pays 
qui  la  bornent. 

Decxième  DEGr.É.  —  1.  Exercices  sur  la  sphère 
terrestre,  a)  Révision  des  premières  notions  (en- 
seignement des  formes  géométriques,  degré  infé- 
rieur) :  centre,  r.nyon,  dianièiro,  grands  cercles, 
hémisphères,  petits  cercles,  b]  Notions  nouvelles: 


GÉOGRAPHIE 


—   8G1  — 


GE0GRAPHI2 


axes,  pôles,  méridiens,  équateur,  parallèles  ;  cer- 
cles polaires,  tropiques,  zones. 

2.  Plans  et  cartes,  a)  Faire  lever,  par  les  élèves, 
le  plan  de  la  cour  de  l'école,  le  plan  de  la  rue  ; 
faire  orienter  ces  plans.  6)  Lecture  d'une  série 
graduée  de  planchettes  relatives  au  territoire  com- 
munal (planchettes  du  Dépôt  de  la  guerre,  spc- 
cialoment  préparées  pour  l'enseignement  élémen- 
taire), c)  Le  canton  ;  lecture  de  la  carte,  d)  Faire 
tracer,  de  mémoire,  par  les  élèves,  divers  croquis 
relatifs  à  la  carte  du  territoire  communal  et  à 
celle  du  canton.  Faire  apprécier  les  distances. 

3.  Divisions  générales  du  globe  :  les  cinq  parties 
du  monde  et  les  gi'ands  océans. 

4.  Bornes  des  cinq  parties  du  monde  enseignées 
sur  la  sphère.  —  Queiques  grands  voyages  sur  la 
sphère  (celui  de  Coloiiib,  de  Magellan,  etc.),  en 
vue  de  familiariser  les  élèves  avec  la  connaissance 
des  grandes  divisions  du  globe.  —  Montrer,  sur 
la  sphère  et  sur  la  carte,  les  États  les  plus  impor- 
tants de  l'Europe  avec  leurs  capitales. 

5.  La  Btlyique.  a)  Bornes,  forme,  étendue, 
population;  comparer  avec  d'autres  pays,  b)  Ex- 
plication des  principaux  termes  de  la  géographie 
politique:  commune,  canton, arrondissement,  pro- 
vince, etc.  c)  Diision  de  la  Belgique  en  provin- 
ces. Bornes  et  chef-lieu  de  chaque  province,  d  Géo- 
graphie physique  sommaire.  Aspect  général  ; 
ijlaiiies,  colUneh,  plateaux,  vallées.  Lignes  de  par- 
iai;e  des  eaux,  bassins  des  fleuves.  Cours  de  l'Es- 
caut et  de  la  Meuse,  avec  indication  des  princi- 
paux affluents.  Habitants,  langues,  e)  Description 
détaillée  de  la  province  natale.  Faire  tracer  de 
mémoire  la  carte  de  la  province  et  divers  croquis. 

Troisième  degré.  —  1.  Répétition  des  exercices 
sur  lu  sphère  terrestre.  Orientation  au  moyen  de 
la  boussole  et  par  l'observation  de  l'étoile  polaire. 
Latitude,  longitude.  Détermination  d'un  point  sur 
la  surface  de  la  sphère.  Mesure  des  distances  sur 
la  sphère.  Dimensions  de  la  terre. 

Idée  du  mouvement  de  rotation  et  du  mouve 
ment  de  révolution  de  la  terre. 

Notions  sur  les  phases  de  la  lune,  les  éclipses 
et  les  comètes. 

2.  Cartes.  Exercices  sur  les  planchettes  du 
Dépôt  de  la  guerre.  Exercer  les  élèves  à  se  servir 
du  plan  d'une  ville. 

Faire  tracer  divers  croquis. 
Idée  de  la  construction  d'une  mappemonde  et 
d'un  planisphère. 

3.  La  Belgique.  Répétition  du  cours  précé- 
dent. —  Étude  plus  développée  de  la  géographie 
physique.  Productions  importantes  des  trois  rè- 
gnes. Régions  agricoles.  Grands  centres  d  indus- 
trie. Commerce  :  voies  de  communication  par 
terre  et  par  eau,  ports,  marchandises  importées, 
marchandises  exportées. 

Dc-bcription  sommaire  de  chacune  des  neuf  pro- 
vinces. 

Croquis  et  cartes  à  dessiner  de  mémoire.  Exer- 
cer les  élèves  à  se  servir  du  Guide  officiel  des 
voyayi-urs  sur  les  chemins  de  fer  de  Belgique. 

4.  L'Europe.  Descripiion  sommaire  des  côtes, 
mers,  golfes,  détroits,  grandes  îles. 

Principaux  p.iys  d'Europe  :  boi-nes,  gouverne- 
ment, grandes  villes,  richesses  naturelles,  indus- 
trie, relations  commerciales  avec  la  Bel.ique. 

5.  Notions  générales  très  succinctes  sur  l'Asie, 
l'Afrique,  l'Amérique  etl  Océanie.  Quelquesgrands 
voyages  dont  l'itinéraire  sera  dessiné  à  la  craie 
sur  la  sphère  noire. 

6.  Lectures  géographiques  faites  à  domicilet 

II  .  —  BAVIÈRE. 

Classe  préparatoire  et  première  classe.  —  C'est 
par  l'enseignement  iniuitif  que  se  fera  le  mieux, 
dans  ces  deux  classes,  la  préparation  à  l'enseigne- 


ment ultérieur  de  la  géographie  et  des  autre» 
branches  réaies.  Cet  enseignement  intuitif  sera 
donné  simultanément  aux  deux  classes;  on  le  divi- 
sera en  cinq  groupes,  savoir:  1°  l'école;  2"  le 
corps  humain  ;  3"  la  maison  paternelle  ;  4°  la  na- 
ture ;  il"  la  localité  où  se  trouve  l'école.  L'ensei- 
gnement aura  un  côté  matériel  et  un  côté  moral; 
le  côté  matériel  comprend  l'énumération,  la  no- 
menclature et  la  classification  des  objets,  ainsi  que 
leur  usage,  leur  description,  et  leur  comparaison 
entre  eux;  le  côté  moral  rattache  à  ces  observa- 
tions des  leçons  morales. 

Deuxième  classe.  —  Prenant  pour  point  de 
départ  la  fontaine  du  village,  les  collines  avoi- 
sinantes,  le  village  lui-même,  le  maître  donne 
aux  élèves  l'idée  d'un  ruisseau ,  d'une  rivière  , 
d'un  étang,  d'un  lac,  de  la  mer,  d'une  île  ;  celle 
d'une  montagne,  d'une  chaîne  de  montagnes, 
d'une  plaine,  d'une  vallée  ;  celle  d'un  bourg  et 
d'une  grande  ville.  Les  élèves  apprennent  à  con- 
naître les  quatre  points  cardinaux,  et  déterminent 
l'orientation  du  presbytère,  de  la  maison  d'école,^ 
de  l'église;  ils  nomment  les  différents  métiers 
exercés  dans  la  localité,  les  autorités  locales,  etc. 
Avec  l'aide  d'une  bonne  carte,  et  après  explication 
de  la  manière  de  la  dresser,  ils  étudient  les  traits 
géographiques  principaux  de  la  province  où  se 
trouve  leur  commune,  et  l'étude  s'étend  ensuite 
peu  à  peu  à  lensemble  du  royaume. 

Troisième  classe.  —  On  donne  aux  élèves  des 
notions  générales  sur  la  géographie  de  l'Allemagne, 
sur  celle  de  l'Europe  et  des  autres  continents, 
ainsi  que  sur  la  sphéricité  de  la  terre,  sur  ses 
mouvements  de  rotation  et  de  translation,  sur  le 
jour  et  la  nuit,  les  saisons,  les  phases  de  la  lune,  etc. 
En  parlant  de  l'Asie,  on  étudie  spécialement  la  Pa- 
lestine, avec  l'aide  de  la  carte,  en  insistant  sur  les 
fleuves,  montagnes  et  localités  mentionnés  dans 
la  Bible.  [Programme  pour  la  procince  du  Haut- 
Palatinat,  du  21  septembre  1869.) 

III.  —  PRUSSE. 

Dans  l'école  primaire  complète  à  six  classes, 
Renseignement  de  la  géographie  commence  avec  la 
troisième  année  scolaire.  On  se  sert  du  dessin  au 
tableau  noir,  du  globe  terrestre  et  de  la  carte. 

Quatrième  classe  (2  heures).  —  Notions  prélimi- 
naires expliquées  au  moyen  de  la  description  de- 
la  localité  habitée  par  les  élèves  et  du  district  dont 
elle  fait  partie. 

Troisième  classe  (2  heures).  —  Répétition  et 
complément  de  ce  qui  a  été  étudié  dans  la  qua- 
trième classse.  Description  de  la  Prusse. 

Deuxième  classe  (2  heures).  —  Répétition  et  dé- 
veloppement de  ce  qui  a  été  étudié  dans  la  troi- 
sième classe.  Description  détaillée  de  l'empire 
allemand,  et  description  abrégée  des  autres  États 
de  l'Europe. 

Première  classe  (2  heures).  —  Répétition  et  dé- 
veloppement des  matières  déjà  enseignées.  Outre 
la  géographie  de  la  Prusse  et  de  l'Allemagne,  les 
élèves  étudient  celle  de  l'Autriche  et  des  autres 
pays  d'Europe.  Ils  apprennent  à  connaître-  dans  les 
autres  continents,  les  pays  principaux,  les  villes 
importantes,  les  fleuves  et  les  chaînes  de  mon- 
tagnes; leur  attention  est  surtout  dirigée  sur  les 
pays  qui  jouent  un  rôle  marquant  par  leur  his- 
toire, leur  civilisation  ou  leur  commerce  interna- 
tional. 

La  géographie  mathématique  comprend  l'étude 
des  points  suivants:  1°  l'horizon;  2»  les  diverses 
manières  de  représenter  la  terre;  les  lignes  qui 
servent  à  la  diviser;  3°  les  preuves  de  la  sphéri- 
cité de  la  terre;  4"'  les  saisons  et  les  zones;  5°  no- 
tions sur  les  étoiles  fixes;  6°  notions  sur  le  soleil 
et  la  lune  ;  7"  notions  sur  le  calendrier.  [Programme 
I  du  là  octobre  1872.) 


GEOGRAPHIE 


862  — 


GEOGRAPHIE 


IV.  —  GRAXD-DUCHE  DE  SAXE-WEIIIAR. 

Degré  inférieur.  —  L'étude  de  la  géographie,  à 
ce  degré  de  l'enseignement,  est  réunie  à  celle  des 
sciences  naturelles.  Les  élèves  apprennent  à  con- 
naître, au  moyen  de  leçons  de  choses,  les  divers 
objets  qui  forment  le  domaine  de  ces  sciences. 

Degré  moyen.  —  Ici  la  géographie  et  les  sciences 
naturelles  se  séparent.  Les  élèves  étudient  la 
géographie  du  grand-duché  et  celle  de  l'Alle- 
magne. 

Degré  supérieur.  —  Etude  de  l'Europe  et  des 
autres  continents  à  l'aide  de  la  carte  et  du  globe. 
Notions  de  géographie  mathématique.  [Prugramme 
du  20  mars  1875.) 

V  .  —  SUISSE. 

CANTON    DE    BERNE. 

L'étude  de  la  géographie  commence  avec  la 
quatrième  année  scolaire,  au  deuxième  degré  d'en- 
seignement. 

Deuxiiîjie  degré.  Quatrième  année.  —  Etude  du 
lieu  natal  et  du  district. 

Cinquième  et  sixième  années.  —  1°  Le  canton 
de  Berne  (limites,  étendue,  montagnes,  rivières, 
parties  du  canton,  districts^  localités,  population)  ; 
2"  la  Suisse  en  général. 

TROisiiiiiE  DEGRÉ.  —  Premier  cours.  —  Les  can- 
tons de  la  Suisse  :  aperçu  sommaire. 

Deuxième  cours.  —  L'Europe  :  aperçu  som- 
maire. 

Troisième  cours.  —  Les  notions  les  plus  impor- 
tantes sur  les  autres  continents,  sur  la  terre,  le 
soleil  et  la  lune.  (Programme  du  28  février  1878.) 

CANTON  DE  VAUD. 

Degré  inférieur.  —  Pour  les  élèves  de  ce  de- 
gré, l'enseignement  de  la  géographie  est  compris 
dans  les  exercices  d'intuition  et  de  langage. 

Situation  des  points  cardinaux.  Description  de 
la  localité.  Principaux  édifices,  places,  rues,  voies 
et  chemins,  en  indiquant  leur  direction  à  partir  de 
la  maison  d'école;  maisons  de  campagne,  ha- 
meaux, cours  d'eau,  forêts,  montagnes,  etc. 

Etude  élémentaire  du  plan  de  la  commune. 
Première  explication,  à  l'aide  de  la  planche  noire, 
sur  la  manière  dont  on  figure,  sur  la  carte,  le  ter- 
rain, les  distances  et  l'orientation. 

Ce  cours  intuitif  devant  servir  d'introduction 
à  l'étude  de  la  géographie,  on  en  profitera  pour 
donner  aux  élèves  les  notions  générales  nécessaires 
à  l'intelligence  de  cette  science  ;  on  aura  soin  sur- 
tout de  leur  expliquer  le  sens  des  termes  techni- 
ques. Ainsi,  à  propos  des  rivières,  on  apprendra 
à  l'élève  ce  qu'on  entend  par  la  source,  le  lit,  la 
rive  droite,  la  rive  gauche,  l'embouchure,  le  con- 
fluent, une  cascade,  etc. 

Degré  intermédiaire.  —  Continuation  des  exer- 
cices intuitifs  du  premier  degré,  en  les  éten- 
dant à  la  géographie  du  district.  Etude  topogra- 
phique  du  district  :  montagnes,  plaines,  cours 
d'eau,  etc.  Climat.  Productions  naturelles.  Indus- 
trie. Enumération  des  cercles  et  des  communes. 

Etude  sommaire  du  canton  de  Vaud,  puis  de  la 
Suisse,  essentiellement  au  point  de  vue  de  la  géo- 
graphie physique.  Etendue,  limites,  chaînes  de 
montagnes  et  leurs  ramifications  principales,  pla- 
teaux, vallées,  cours  d'eau,  lacs,  climats,  princi- 
pales productions  naturelles. 

Etude  générale  de  la  mappemonde,  si  possible 
au  moyen  d'un  globe  terrestre.  Pôles,  méridiens, 
parallèles,  équateur,  tropiques,  cercies  polaires. 
Division  en  deux  hémisphères  et  en  cinq  conti- 
nents. Océans  et  leurs  dépendances  (mers,  golfes 
et  détroits).  Configuration  et  étendue  des  conti- 
nents. Presqu'îles  et  lies  qui  s'y  rattachent.  Prin- 
cipales îles  et  groupes  d'îles  isolés. 


Dans  cette  enumération  on  ne  s'attachera  qu'aux 
points  principaux,  l'étude  des  détroits  et  points 
accessoires  étant  réservée  au  degré  suivant. 

Degré  supérieur.  —  Géographie  physique  de 
l'Europe.  Bornes.  Etendue.  Océans.  Mers.  GoTes 
et  détroits.  Iles  et  presqu'îles.  Montagnes,  pla- 
teaux, plaines  basses,  fleuves  et  lacs.  Les  obser- 
vations relatives  au  climat,  aux  pruductions  ciu 
sol,  aux  végétaux  et  aux  animaux  seront  exposées 
au  fur  et  à  mesure  dans  l'étude  des  diverses 
contrées. 

Géographie  physique  de  l'Asie,  de  l'Afrique,  de 
l'Amériqi.e  et  de  l  Océaiiie.  Le  maître  suivra  pour 
cette  étude  l'ordre  indiqué  pour  la  géographie  de 
l'Europe  ;  mais  il  ne  relèvera  que  les  traits  les  plus 
importants,  en  évitant  soigneusement  d'entrer  dans 
trop  de  détails. 

Géographi':  politique  de  l'Europe.  Données  gé- 
nérales sur  la  population.  Étude  sommaire  des 
divers  États.  Population,  langues,  religions,  gou- 
vernement, climat,  productions  naturelles  (mmé- 
raux,  végétaux  et  animaux),  industrie  et  commerce. 
Capitales,  villes  et  lieux  les  plus  remarquables. 

Géographie  politique  df^s  autres  continents,  en 
s'attachantplus  spécialementaux  États  qui,  par  suite 
des  relations  commerciales,  nous  offrent  le  plus 
d'intérêt  (États-Unis,  colonies  européennes,  etc.). 

Etude  détaillée  de  la  Suisse.  Géographie  phy- 
sique et  topographique.  Géographie  politique.  Sta- 
tistique, histoire,  mœurs,  industries,  religion  et 
gouvernement. 

La  géographie  mathématique  s'enseigne  à  part, 
sous  le  nom  de  cosmographie  ou  jiotions  de  sphère. 
[Programme  du  20  février  1868.) 

VI  .  —  ÉTATS-UNIS. 
(Écoles  de  Saiut-Louis  de  Missouri.) 

Première  année.  —  Dans  le  3*  et  le  4*  trimes- 
Ires,  on  donnera  oralement  des  notions  sur  l'orien- 
tation et  la  position  géographique,  en  commençant 
par  des  localités  familières,  et  en  conduisant  gra- 
duellement l'élève  à  concevoir  l'idée  d'une  carte  et 
des  grandeurs  et  distances  relatives. 

Deuxième  année.  —  Suite  de  l'enseignement 
oral  avec  l'aide  de  la  carte.  \"  trimestre  :  position 
et  distance  de  localités  et  de  villes  connues.  2*  ^  i- 
mestre  :  montagnes,  plaines  et  cours  d'eau  ;  posi- 
tion et  dimensions.  3*  trimestre:  océans  et  distri- 
bution des  eaux  ;  continents  et  distribution  des 
terres.  4*  trimestre  :  forme  de  la  terre,  et  princi- 
pales divisions  politiques  de  l'Amérique  et  de 
l'Europe.  On  choisira  soigneusement  les  laits  essen- 
tiels, et  on  évitera  de  donner  de  trop  nombreux 
détails. 

Troisième  année.  —  Étude  du  manuel  intitulé  Pre- 
rnière  géographie.  —  1"  trimestre  (p.  1-1 9j  :  plaines, 
déserts,  oasis,  collines,  montagnes,  volcans,  val- 
lées, sources,  fleuves,  lacs,  cataractes,  continents, 
îles,  presqu'îles,  isthmes,  mers,  golfes,  détroits, 
océans,  cartes,  boussole;  forme  de  la  terre,  sa 
dimension,  ses  mouvements;  parallèles,  méri- 
diens, etc.  On  aura  le  plus  grand  soin  de  donner 
aux  élèves  des  idées  claires  du  sens  des  termes 
techniques  employés  en  géographie.  Conversations 
à  propos  des  images  contenues  dans  le  manuel. 
2"  trimestre  (p.  19-35)  :  climats,  flore  et  faune 
des  divers  climats,  races  d'hommes,  état  social, 
mœurs;  description  des  deux  hémisphères,  des 
océans,  et  de  l'Amérique  du  Nord.  3*  trimestre 
(p.35-'9)  :  carte  de  l'Amérique  du  Nord;  descrip- 
tion et  cartes  des  États-Unis,  de  la  Nouvelle- 
Angleterre,  et  des  États  du  Centre.  \*  fritn  stre 
(p.  49-61)  :  description  et  cartes  des  États  du 
sud  et  de  l'ouest. 

Quatrième  an.sée.  —  Suite  de  l'étude  de  la  l're- 
mière  ué  graphie.  —  1"'  trimestre  (p.  61-73): 
description  et  cartes  de  l'Amérique  du  Sud  et  da 


GÉOGRAPHIE 


—  863  — 


GEOGRAPHIE 


l'Europe.  2*  trimestre  fp.  73-85)  :  description  et 
cartes  de  TAsie,  de  l'Afrique  et  de  l'Océanie.  — 
Étude  du  manuel  intitulé  Géographie  de-  éodes 
publiques.  3'  trimestre  (p.  l-ll)  :  notions  élémen-. 
taires  de  géographie  mathématique,  physique  et 
politique,  comme  préparation  à  l'étude  de  la  géo- 
graphie descriptive  ;  forme  de  la  terre,  preuves  ; 
mouvements  de  la  terre,  inclinaison  de  son  axe, 
points  cardinaux,  circonférence,  diamètre,  cercles 
■  de  latitude  et  de  longitude,  méthode  pour  déter- 
miner la  position  d'un  lieu,  zones  et  leurs  saisons, 
jour  et  nuit;  cartes,  globes  et  leur  usage;  distribution 
de  la  terre  et  des  eaux  ;  termes  techniques  rela- 
tifs aux  lacs  et  aux  fleuves  ;  climats,  végétation, 
animaux,  races  d'hommes;  état  social,  gouverne- 
ment, religion,  industrie,  k'  trimestre  l'p.  17-291: 
description  et  cartes  des  deux  hémisphères,  de 
l'Amérique  du  Xord,  et  des  États-Unis.  La  des- 
cription comprendra  les  points  suivants  :  1°  limi- 
tes ;  2°  étendue;  3"  cours  d'eau  et  lacs;  4°  divi- 
sions politiques  ;  étude  spéciale  de  chacune  de 
ces  divisions,  sous  le  rapport  :  5°  du  climat  ;  6°  de 
la  flore;  7°  de  la  faune;  8°  de  la  population; 
9°  du  gouvernement;  lO"  de  la  religion;  ir  de 
réducation;  12°  de  l'histoire  ;  la  description  détail- 
lée des  subdivisions  de  chaque  État  comporte  lé- 
tude  :  13°  des  productions;  14°  des  villes. 

Cinquième  année.  —  Suite  de  l'étude  de  la 
Géogriiphie  des  éc-  les  publ  ques.  —  1"  trimestre 
{p.  29-iG):  description  et  cartes  des  États  bordant 
la  rive  occidentale  du  Mississipi,  et  de  tous  ceux 
qui  sont  situés  à  l'est  de  ce  fleuve.  2«  trimesti-e 
(p.  46-60)  :  description  et  cartes  des  territoires 
et  des  États  situés  à  l'ouest  de  ceux  qui  bordent  la 
rive  droite  du  Mississipi,  et  des  grandes  routes  de 
commerce  des  États-Unis  ;  description  et  cartes 
des  possessions  anglaises,  du  Mexique,  de  l'Amé- 
rique centrale  et  des  Antilles  ;  on  donnera  une  at- 
tention particulière  à  la  carte  commerciale,  et  on 
fera  souvent  des  questions  de  récapitulation. 
3'  trimestre  (p.  59-71)  :  description  et  cartes  de 
l'Amérique  du  sud,  de  l'Europe,  et  étude  détaillée 
de  la  Grande-Bretagne  et  de  l'Irlande.  La  géogi  a- 
phie  de  l'Europe  est  la  plus  importante  après  celle 
des  Etats-Unis  ;  elle  devra  être  apprise  à  fond  et 
fera  l'objet  de  répétitions  fréquentes,  i'  trim'Stre 
(p.  71-Sô)  :  description  détaillée  et  cartes  de  l'Eu- 
rope occidentale  et  centrale,  et  de  l'Asie. 

Sixième  année.  —  Suite  de  l'étude  de  la  Géogra- 
phie des  écoles  publiqw^s.  —  i"  trimestre  (p.  85- 
96)  :  description  et  cartes  de  l'Afrique  et  de  l'O- 
céanie, ainsi  que  du  commerce  maritime  du  globe. 
2*  trimesti  e  (répétition  des  p.  1-33)  :  notions 
techniques,  description  et  cartes  des  deux  hémi- 
sphères de  l'Amérique  du  Nord,  des  États-Unis,  de 
la  Nouvelle-Angleterre.  3'  tnmestre  (répétition  des 
p.  3o-65)  :  description  et  cartes  des  États  du  Centre, 
da  Sud  et  de  l'Ouest,  de»  possessions  anglaises, 
du  Mexique,  de  l'Amérique  centrale,  des  Antilles, 
et  de  l'Amérique  du  sud.  4'  trimestre  (répétition 
des  p.  65-'j6)  :  description  et  cartes  de  l'Europe, 
de  l'Asie,  de  l'Afrique  et  de  l'Océunie. 

Dans  cette  répétition  on  accordera  une  attention 
spéciale  aux  cartes  et  au  questionnaire  qui  s'y 
trouve  joint;  on  consacrera  à  létude  des  cartes  un 
temps  égal  à  celui  qui  sera  employé  à  l'étude  du 
texte. 

Septième  année.  —  Révision  topique  de  l'ensem- 
ble de  la  géographie,  durant  les  quatre  trimestres. 
Dans  cette  revue,  on  prendra  d'abord  les  notions 
techniques,  latitude,  distribution  de  la  terre  et  des 
eaux,  climats,  races,  productions,  etc.,  et  on  les 
appliquera  aux  diverses  localités  qui  ont  été  étu- 
diées dans  la  géographie  descriptive.  Par  exemple, 
on  demandera  d'mdiquer  les  lacs  .salés  de  tous  les 
continents,  toutes  les  chaînes  de  montagnes  des 
deux  hémisphères,  tous  les  pays  qui  produisent  du 
coton  ou  du  blé,  tous  ceux  où  on  trouve  le  cha- 


meau ou  l'éléphant,  etc.  Par  cette  méthode  de  ré- 
vision topique,  les  connaissances  acquises  dans 
l'étude  de  la  géographie  descriptive  se  graveront 
mieux  dans  la  mémoire. 

Huitième  année.  —  Continuation  de  la  revue  to- 
pique de  la  géographie,  durant  les  2'  et  3'  tri'nes- 
tre'!,  de  la  même  manière  que  l'année  précédente. 
{Progi'amme  de  1876.) 

B.  —  Ecoles  normales. 

I.  —  AUTRICHE. 
(Programme  commun  aux  deux  seies.) 

Premier eariîiée  (2  heures,).  —  Le  globe  terrestre 
et  les  cercles  qui  y  sont  tracés,  comme  moyen  de 
déterminer  la  position  géographique  d'un  lieu. 
Disiribuiion  de  la  terre  et  des  eaux  à  la  surface  de 
la  terre  ;  continents  et  océans,  leuis  dimensions  et 
leurs  limites.  L'Asie,  l'Afrique,  les  pays  d'Europe 
riverains  de  la  Méditerranée.  —  Exercices  de  car- 
tographie. 

Deuxième  année  (2  heures'.  —  Le  reste  de  l'Eu- 
rope, avec  une  étude  particulière  de  l'Europe  cen- 
trale ;  l'Amérique  et  rAustrali3.  —  Exercices  de 
cartographie. 

Troisième  année  (2  heures).  —  Géographie  de 
l'Autriche-Hongrie,  et  en  particulier  de  la  province 
où  se  trouve  l'école.  —  Exercices  de  cartographie. 

Quatriènte  année.  —  Méthodique  spéciale  de  l'en- 
seignement de  la  géographie,  et  particulièrement 
de  la  géographie  locale  (Heimatkunde). 

Étude  des  principes  fondamentaux  de  la  géogra- 
phie physique  et  mathématique;  explication  des 
projections  les  plus  employées.  Récapitulation  du 
cours  entier. 

On  aura  soin,  à  tous  les  degrés  de  l'enseigne- 
ment, d'exercer  les  élèves  à  la  lecture  des  cartes, 
et  de  rattacher  d'une  manière  vivante  l'étude  de 
la  géographie  à  celle  de  l'histoire. 

[Programme  du  .26  mai  1874.) 

II.  —  ITAUE. 
(Programme  commun  aux  deux  sexes.) 

Première  classe.  —  1°  Forme  de  la  terre.  Rota- 
tion diurne.  Axes,  pôles,  équateur.  Points  cardi- 
naux. 

Méridiens,  parallèles;  degrés  de  longitude  et  de 
latitude. 

2°  Mouvement  annuel  de  la  terre.  Obliquité  de 
l'écliptique.  Tropiques  et  cercles  polaires  ;  climat 
astronomique;  zunes;  saisons. 

La  terre  et  la  lune,  en  relation  avec  le  système 
solaire. 

3°  Globes  terrestres  ;  cartes  géographiques. 
Echelles  principales.  Mesures  itinéraires. 

4°  Aspect  général  du  globe.  Eaux  et  terres. 
L'océan  et  ses  divisions  principales.  Mers,  golfes, 
canaux,  détroits. 

Continents  :  parties  du  monde,  îles,  presqu'îles, 
isthmes,  archipels. 

0°  Elévations,  montagnes,  chaînes,  défilés,  ver- 
sants, vallées,  plaines,  plateaux,  steppes,  déserts. 

Sources,  rivières,  fleuves,  lacs.  Climat  physique. 

6°  Races  humaines,  et  leur  distribution  dans  les 
diverses  parties  du  monde.  Famille,  tribu,  peuple, 
nation,  état,  monarchie  tempérée,  république,  con- 
fédération. 

Religions  :  monothéisme^  polythéisme,  fétichisme. 
Cinlisation. 

Deuxième  classe.  —  7°  De  l'Europe  en  général. 
Situation  absolue  et  relative.  Configuration,  di- 
mensions. Orographie  et  hydrographie.  Iles  et 
archipels.  Climat  et  productions. 

Population.  Principales  divisions  ethnographi- 
ques. 

8°  Situation  relative.  Limites.  Industrie  et  com- 


GEOGRAPHIE 


—  864  — 


GEOLOGIE 


merce.  Capitales  et  villes  remarquables.  Forme  de 
gouvernement  et  religion  des  Etats  européens. 

9"  L'Italie.  Situation  absolue  et  relative.  Confi- 
guration. Dimensions.  Orographie  et  hydrographie. 
Régions.  Iles.  Volcans.  Climat  et  productions.  Popu- 
lation. 

10°  Division  politique  de  l'Italie  Territoires 
dépendant  d'Etats  étrangers.  Etats  italiens  :  répu- 
blique de  San  Marino,  Etat  pontifical,  royaume 
d'Italie  (ce  programme  a  été  rédigé  antérieurement 
à  1870J.  Population,  constitution,  divisions  admi- 
nistratives, forces  de  terie  et  de  mer,  industrie, 
commerce,  importation  et  exportation. 

Troisième  classe.  11°  Révision  des  matières  en- 
seignées dans  les  classes  précédentes. 

Afrique.  Position  relative.  Limites,  îles,  volcans, 
isthmes,  détroits,  caps  principaux,  climat  et  pro- 
ductions, montagne^,  fleuves,  déserts.  Etats  de  la 
cùie  et  leurs  capitales.  Colunies  et  possessions  eu- 
rojiéennes. 

13°  Asie.  Position  relative.  Limites,  îles  et  archi- 
pels, isthmes,  détroits,  presqu'îles  et  caps  princi- 
paux, climat  et  productions,  systèmes  de  monta- 
gnes, fleuves,  lacs,  déserts  et  steppes.  Etats  et  leurs 
ca,  itales.  Colonies  et  possessions  européennes. 

13°  Amérique.  Position  relative.  Limites,  îles, 
isliim  s,  détroits,  presqu'îles,  caps  principaux,  cli- 
mat et  productions,  systèmes  de  montagne,  volcans, 
fleuves,  lacs.  Etals  et  leurs  capitales.  Colonies  et 
possessions  européennes. 

14°  Océanie.  Nouvelle-Hollande.  Archipels. 
Colonies  et  possessions  européennes.  [Programme 
du  10  octobre  1867.) 

III.  —  PRUSSE. 
(Écoles  normales  d'instituteurs.) 

Troisième  classe  (2  heures) .  —  Notions  essentielles 
sur  la  géogr.iphie  locale  (Heimaihskiinde)  et  la  géo- 
graphie générale.  Éiuùe  sommaire  de  la  surface 
terrestre.  Les  quatre  continents  extra-européens. 
Lecture  des  cartes. 

Deuxième  claxs''  (2  heures).  —  L'Europe,  l'Alle- 
magne. Géographie  mathématique.  Indications  sur 
la  manière  de  donner  l'ens  ignement  géographique, 
modèles  de  leçons,  et  leçons  d'essai. 

Première  classe  (1  heure).  —  Continuation  de  la 
méthodologie  :  emploi  de  l'atlas,  des  cartes  mura- 
les, des  globes,  du  tellurium,  et  d'autres  moyens 
intuitifs. 

Chaque  élève  doit  posséder  un  bon  atlas,  et  s'en 
servir  pendant  les  leçons.  {Programme  du  15  octo- 
bre 1872.) 

IV.  —  ROYAUME  DE  SAXE. 

(Écoles   normales   d'inotituteurs.) 

Sixième  et  cinquième  classe  (2  heures  chacune). 

—  Notions  préliminaires.  Géographie  locale.  La 
Saxe.  Etude  sommaire  de  la  terr  •  en  général  et  de 
l'Europi;  en  particulier;  étude  de  l'Allemagne. 

Qunt'  ième  et  troisièmn  classe  (2  heures  chacune). 

—  Géographie  détaillée  de  1  Europe,  étude  plus 
ajiprofondie  de  l'Allemagne.  Continents  extra-euro- 
péens. 

Deuxième  classe  (2  heures).  —  Géographie  phy- 
sique et  mathématique. 

Pre)n  ère  classe.  —  Pas  d'enseignement  de  la  géo- 
graphie. 

(Écoles  normales  d'institutrices.) 

Cinquième  classe  (2  heures) .  —  Géographie  phy- 
sique et  politique  de  l'Allemagne.  Eiude  sommaire 
du  reste  de  l'Europe  et  des  autres  continents. 

Quatrième  classe  (2  lieuresj.  —  Géographie  dé- 
taillée, physique  et  politique,  de  l'Europe,   avec  ' 


étude  comparative  spéciale  de  l'Allemagne  et  de  la 
Saxe. 

Troisième  dusse  (2  heures).  —  Géographie  phy- 
sique et  politique  des  autres  continents. 

Deuxième  classe  (1  heure).  —  Suite  et  fin  du 
programme  de  la  'A*  classe.  Eventuellement,  com- 
mencement de  la  géographie  physique  générale. 

Première  classe  >  1  heure)  —  Géographie  physique 
et  mathématique  [Programme  du  'l'a  janvier  18^2). 

Y.  —  SUISSE, 
(h^cole  normale  des  Régentes  du  Jura  Bernois,  à  Delémont. 

Première  année  (4  heures)  —  1.  Notions  géné- 
rales. —  Définition  des  termes  qui  ont  rajiport 
aux  eaux,  aux  terres  et  aux  continents.  La  terre 
envisagée  comme  menibie  du  système  >olaire.  Ma- 
nière d'en  représenter  le  tout  et  les  parties.  Géo- 
graphie physique  du  globe.  Orographie.  Hydro- 
graphie. De  l'homme  1 1  des  Etats. 

2.  Géographie  physique,  politique  et  historique 
de  l'Europe.  Etude  très  détaillée  de  la  Suisse  et  du 
Jura  bernois  en  particulier. 

3.  Cartes  et  exercices  au  tableau  exécutés  de 
mémoire. 

4.  Compositions  géographiques  dont  les  sujets 
seront  puisés  dans  la  géographie  nationale. 

Deuxième  aimée  (4  hourcs).  —  1.  Géographie 
phy.-ique,  politique  et  historique  de  l'Asie,  de 
i'Afritiue,  de  l'Amérique  et  de  l'Océanie,  d'après 
un  plan  conforme  à  celui  qui  a  été  suivi  pour  la 
description  de  l'Europe. 

2.  Cartes  et  exercices  au  tableau  exécutés  de 
mémoire. 

3  Compositions  géographiques  sous  forme  de 
voyage.  —  La  géographie  mathématique  (sphéricité 
de  la  terre,  ses  mouvements,  saisons,  calendriers, 
latitude  et  longitude,  etc.)  est  comprise  dans  le 
cours  de  cosmographie.  [Programme  du  21  fé- 
vrier 18G3.) 

GÉOLOGIE.—  (Étym.  :  du  grec^e',  terre.et  logos, 
discours,  science).  —  La  science  ainsi  nommée  a 
pour  but  de  faire  connaître  celles  des  propriétés  de  la 
terre  que  l'inaccessibilité  des  autres  astres  ne  permet 
pas  d'y  étudier.  Elle  s'occupe  de  la  configuration 
détaillée  de  sa  surface,  de  la  description  des  ma- 
tériaux qui  la  composent,  de  celle  des  phénomènes 
qui  s'y  passent  de  nos  jours,  qui  s'y  sont  passés 
depuis  le  commencement  de  son  existence  comme 
masse  isolée  dans  l'espace,  et  de  ceux  mêmes  qui 
semblent  devoir  s'y  passer  dans  les  siècles  futurs. 
Elle  exige  des  connaissances  assez  étendues  en  mi- 
néralogie et  en  paléontologie. 

Comme  la  plupart  de  celles  qui  l'ont  précédée, 
cette  science  n'a  offert  pendant  longtemps  qu'une 
suite  d'hypothèses  plus  ou  moins  vraisemblables, 
une  série  de  systèmes  plus  ou  moins  ingénieux, 
dont  les  auteurs,  se  livrant  sans  réserve  à  leur  ima- 
gination, se  sont  bien  souvent  égarés.  Dépoarvues 
de  la  lo'.ite-puissante  assistance  de  l'observation  et 
de  l'analyse,  ces  théories,  quelque  séduisantes 
qu'elles  fussent  d'ailleurs,  étaient  loin  de  pouvoir 
constituer  une  science  exacte  ;  l'évidence  des  faits 
énoncés  n'étant  pas  appuyée  sur  des  chiffres,  tout 
en  elles  se  trouvait  réduit  à  de  pures  spécu- 
lations. 

De  nos  jours,  les  choses  ont  changé  d'aspect;  la. 
géologie,  grâce  à  de  Saussure,  à  Hutton,  à  Werner,  à 
de  Humboldt,  à  Léopold  de  Buch,  à  Guvier,  à 
L.  Cordicr,  aux  Brongniart,  à  Élie  de  Beaumont,  à 
Constant  Prévost,  à  Lyell,  à  Buckland,  pour  ne 
citer  que  les  plus  illustres,  n'est  plus  une  science 
de  simples  conjectures  ;  elle  est  devenue  une 
science  de  faits,  de  raisonnement  et  de  calcul,  qui, 
non  contente  de  nous  dévoiler  les  secrets  de  la 
terre  inanimée,  nous  fait  suivre  pas  à  pas  les  phéno- 
mènes qui  se  produisent  incessamment  à  la  sur 
face  du  globe,  et  déroule  à  nos  regards  les  traces  de* 


GÉOLOGIE 


—  865  — 


GEOLOGIE 


grandes  révolutions  qui,  à  plusieurs  reprises  suc- 
cessives, ont  déchire  les  parties  superficielles  de 
la  terre  en  mille  endroits  divers  ;  qui  ont  fait  sur- 
gir des  montagnes  là  où  d'abord  étaient  des  plai- 
nes, et  amené  des  mers  dans  des  lieux  où  s'éle- 
vaient jadis  des  continents. 

De  telles  recherches  semblent,  au  premier  abord, 
8e  rapporter  exclusivement  au  règne  minéral,  ou 
aux  divers  terrains,  métaux  et  roches,  qui  se  ren- 
contrent, soit  à  la  surface  de  la  terre,  soit  à 
différentes  profondeurs.  Mais,  en  poursuivant  ces 
investigations,  on  est  bientôt  conduit  à  l'examen 
des  changements  successifs  qui  ont  eu  lieu  dans 
l'ancien  eut  de  la  surface  et  de  l'intérieur  de  la 
terre,  et  des  causes  qui  ont  occasionné  ces  chan- 
gements. Bientôt  aussi,  chose  plus  singulière  en- 
core et  plus  inattendue,  on  se  trouve  engagé  dans 
des  recherches  relatives  tant  à  l'histoire  de  la 
création  animée,  et  des  diverses  familles  d'animaux 
et  de  plantes  qui,  dans  les  temps  anciens,  ont,  à 
différentes  époques,  habité  la  surface  du  globe, 
qu'au  moment  précis  de  l'apparition  de  l'homme  et 
à  la  marche  du  développement  de  son  industrie 
et  par  suite  de  sa  civilisation  dans  les  périodes 
antéhistoriques  ou  préhistoriques,  comme  on  dit 
aujourd'hui. 

Au  point  vue  pratique,  la  géologie,  en  enseignant 
à  l'agriculteur  à  distinguer  les  différents  terrains 
qui  constituent  la  partie  superficielle  de  la  terre, 
le  met  à  même  d'approprier  à  chacun  d'eux  le 
mode  de  culture  qui  lui  convient  le  mieux,  et  lui 
donne  par  là  le  moyen  d'accroître  la  richesse 
nationale,  tout  en  augmentant  son  bien-être  parti- 
culier. Elle  fournit  les  indications  qui  peuvent 
seules  conduire,  soit  à  des  recherches  certaines  et 
fructueuses  des  richesses  minérales  contenues 
dans  le  sein  de  la  terre,  soit  à  leur  extraction  et  à 
leur  aménagement.  Et  par  richesses  minérales,  il 
faut  entendre,  non  pas  seulement  les  matières 
précieuses,  mais  tous  les  minéraux  utiles,  tels  que 
les  minerais  métalliques,  les  pierres  à  bâtir,  les 
argiles  à  poteries  et  briques,  les  matériaux  ser- 
vant à  la  construction  et  à  l'entretien  des  routes,  les 
marnes  employées  par  l'agriculteur  pour  l'amende- 
ment des  terres,  etc.  Si  la  géologie  ne  conduit  pas 
toujours  à  la  découverte  des  gîtes,  elle  préserve 
du  moins  de  toute  fausse  direction,  et  apprend  à 
donner  aux  indices,  aux  apparences  extérieures, 
leur  valeur  réelle.  Elle  donne  aussi  les  moyens  de 
prévoir  à  l'avance  quels  seront  les  matériaux  ren- 
contrés dans  les  tranchées  ou  souterrains  destinés, 
soit  au  passage  des  canaux  ou  des  chemins  de  fer, 
soit  aux  travaux  de  fortification  des  places  de 
guerre  ;  elle  permet  ainsi  d'établir  des  devis  de 
travaux  présentant  un  degré  d'exactitude  qu'ils  ne 
pourraient  avoir  autrement.  La  géologie  donne 
encore  des  notions  souvent  très  précises  sur  les 
chances  de  réussite  des  projets  de  puits  artésiens, 
et  sur  la  profondeur  à  laquelle  il  est  nécessaire  de 
pousser  les  forages,  pour  rechercher  les  nappes 
d'eau  ascendantes. 

Les  anciens  avaient  étudié  laborieusement  les 
mouvements  et  les  positions  des  corps  célestes ,  ds 
avaient  fait  quelques  progrès  dans  l'investigation 
des  règnes  animal,  végétal  et  minéral;  mais  l'his- 
toire ancienne  du  globo  était  un  livre  fermé  pour 
eux,  quoique  écrit  en  caractères  les  plus  frappants 
et  les  plus  imposants;  ils  étaient  inconscients  même 
de  son  existence. 

«  Un  potier  de  terre,  qui  ne  savait  ni  latin. ni 
grec,  fut  le  premier  qui  osa  dire  dans  Paris,  à  la 
face  de  tous  les  docteurs,  que  les  coquilles  fossiles 
étaient  de  véritables  coquilles  déposées  autrefois 
par  la  mer  dans  les  lieux  où  elle  se  trouvait  alors; 
que  des  animaux  et  surtout  des  poissons  avaient 
donné  aux  pierres  fig^irées  toutes  leurs  différentes 
figures,  etc.,  et  il  défia  hardiment  toute  l'école  d'A- 
fistotc d'attaquer  ses  preuves.  C'est  BernardPalissy, 

2«  Partie. 


saintongeois,  aussi  grand  physicien  que  la  nature 
seule  puisse  en  former  un  ;  cependant  son  système 
a  dormi  près  de  cent  ans,  et  le  nom  même  de  l'au- 
teur est  presque  mort.  »  Ainsi  s'exprimait  Fonte- 
nelle(,//is^o»'e  de  l'Académie  des  sdences]  en  1675,  en 
parlant  d'un  homme  qui  se  voua  à  l'observation  de 
la  nature,  et  qui  arriva  le  premier  à  des  idées  saines 
sur  les  phénomènes  géologiques.  Les  travaux  de 
Palissy  toutefois  n'eurent  pas  pour  objet  la  descrip- 
tion du  sol  de  la  France. 

Il  y  a  un  ou  deux  siècles  à  peine,  le  sol  était  en- 
core un  sujet  d'étudos  inconnu  des  naturalistes  et 
même  des  voyageurs  ;  il  semblait  qu'il  n'existât  pas, 
et  qu'il  n'y  eût  que  les  animaux  et  les  végétaux 
qui  le  couvrent,  qui  fu-sent  dignes  d'attention. 
Dans  le  règne  minéral,  on  ne  recueillait  et  on  n'exa- 
minait que  les  matières  utiles  ou  remarquables  par 
leurs  apparences  extérieures. 

Des  d'iux  grands  naturalistes  dont  le  nom  domine 
le  dix-huitième  siècle,  Linné  ne  poussa  pas  ses  in- 
vestigations au  delà  de  la  minéralogie,  encore  dans 
l'enfance  par  suite  de  l'absence  des  connaissances 
chimiques,  et  Buffon  n'étudia  guère  le  règne  miné- 
ral que  pour  y  chercher  des  preuves  à  l'appui  de  sa 
théorie  de  la  terre.  Mais  au  même  moment,  en  174(1, 
Guettard,  qui  avait  le  sentiment  de  ce  que  devait 
être  la  géologie,  publiait  la  première  carte  géologi- 
que, qu'il  intitulait  :  Carte  miriéi  alogique  où  l'on 
Voit  la  nature  et  la  situation  des  terrains  qui  tra- 
versent la  France  et  l'Au'^fe'.erre,  titre  qui  expri- 
mait un  nouvel  ordre  d'idées,  qui  devait  amener 
d'immenses  progrès  dans  la  science,  et  une  préci- 
sion inconnue  jusqu'alors  dans  les  observations  lo- 
cales. «  Je  me  suis  proposé,  dit-il  {Mémoires  de 
l'Académie  de  ssciences  pour  1746],  de  faire  voir  par 
cette  carte  qu'il  y  a  une  certaine  régularité  dans  la 
distribution  qui  a  été  faite  des  pierres,  des  métaux 
et  de  la  plupart  des  autres  fossiles  ;  on  ne  trouve 
pas  indifféremment  dans  toutes  sortes  de  pays 
telle  ou  telle  pierre,  tel  ou  tel  métal;  mais  il  y  a 
de  ces  pays  où  il  est  entièrement  impossible  de 
trouver  des  carrières  ou  des  mines  de  ces  pierres 
ou  de  ces  métaux,  tandis  qu'elles  sont  très  fré- 
quentes dans  d'autres,  et  que,  s'il  ne  s'y  en  trou- 
vait pas,  on  aurait  plus  sujet  d'espérer  d'y  en 
rencontrer  qu'autre  part.  >>  Guettard  comprend  déjà 
la  structure  du  sol  de  la  France  septentrionale  ;  il 
trace  sur  ses  deux  cartes  trois  bandes  continues  en- 
tourant à  la  fois  Paris  et  Londres.  La  plus  inté- 
rieure, ou  bande  sab.'euse,  correspond  aux  terrains 
tertiaires  ;  la  moyenne,  ou  bande  marneuse,  corres- 
pond assez  bien  au  terrain  crétacé  ;  la  plus  exté- 
rieure, ou  bande  schisteuse  ou  métallique,  comprend 
tous  les  terrains  plus  anciens. 

L'idée  de  Guettard,  d'une  portée  si  immense, 
fut  complètement  méconnue  de  ses  contemporains, 
peut-être  parce  que  son  auteur  était  et  resta  tou- 
jours tr  p  en  arrière  de  Linné  et  de  Buflfon,  dans 
ses  travaux  sur  les  corps  organisés.  Guettard  ne 
paraît  pas  avoir  Jamais  songé  à  rechercher  l'âge  re- 
latif des  différents  terrains  qu'il  avait  reconnus. 
Cinq  ans  plus  tard,  en  17ôl,  dans  un  voyage  en  Au- 
vergne, il  est  tellement  frappé  de  la  ressemblance 
de  certaines  roches  de  Volvic  et  du  Mont-Dore  avec 
les  produits  volcaniques  du  Vésuve,  qu'il  u'hésito 
pas  à  annoncer  l'année  suivante  à  l'Académie  !a 
découverte  importante  qu'il  vient  de  faire  d'anciens 
volcans  dans  le  centre  de  la  France. 

Werner,  nommé  en  1775  professeur  de  minéra- 
logie à  l'école  des  mines  de  Freyberg,  en  Saxe,  diri- 
gea son  attention,  non  seulement  sur  la  composi- 
tion et  les  caractères  extérieurs  des  minéraux, 
mais  aussi  sur  la  f/éognosie  ou  leur  position  natu- 
relle dans  les  roches  particuUères,  ainsi  que  le 
groupement  de  ces  roches,  leur  distribution  géo- 
graphique et  leurs  relations  variées.  Mais  Werner 
n'avait  pas  voyagé  dans  des  contrées  éloignées  ;  il 
avait  simplement  exploré  une  petite  partie  de  l'Al- 

55 


GÉOLOGIE 


—  866 


GEOLOGIE 


lemagne,  et  il  s'était  persuadé  que  la  surface  en- 
tière de  noire  planète  et  toutes  les  chaînes  de 
monlagncs  du  monde  étaient  faites  sur  le  modèle 
de  sa  propre  province.  Le  principal  mérite  du  sys- 
tème de  Werncr  consista  à  diriger  l'attention  de 
ses  élèves  sur  les  relations  constantes  de  superpo- 
sition de  ceutains  groupes  minéraux,  quoiqu'il  eut 
été  précédé  dans  la  découverte  de  cette  loi  géné- 
rale par  plusieurs  géologues  italiens. 

En  nSS  le  capitaine  Barrât  publia  la  première 
carte  géologique  véritable,  celle  de  la  Corse,  sur 
laquelle  les  terrains  de  nature  et  d'âge  relatifs  ana- 
logues sont  figurés  par  des  couleurs  spéciales.  Dans 
sa  légende,  la  couleur  rouge  indique  les  montagnes 
graniteuses;  la  couleur  jaune,  les  roches  calcaires, 
schisteuses,  etc.,  du  deuxième  ordre;  le  jaune 
foncé,  les  calcaires  de  nouvelle  formation. 

De  Saussure  publia  ses  Voyages  dans  les  Alpes 
en  1786.  Il  annonça  que  les  poiidingues  de  Valor- 
sine  s'étaient  déposés  horizontalement  et  que  les 
montagnes  ont  dû  subir  de  grands  bouleversements. 
Quelques  années  après,  Ramond,  dans  ses  Voya- 
ges au  Mont- Perdu,  exposa  la  structure  des  Pyré- 
nées et  fit  voir  que  les  hautes  sommités  sont  for- 
mées par  des  calcaires  à  fossiles,  fait  inconnu  dans 
les  grandes  chaînes. 

Un  géomètre  anglais,  pauvre  et  inconnu,  William 
Smith,  publia  en  1790  un  tableau  des  couches  bri- 
tanniques dans  lequel,  quoiqu'il  n'eût  pas  commu- 
niqué avec  Werner,  il  était  arrivé  aux  mêmes  vues 
sur  les  lois  de  la  superposition  des  roches  strati- 
fiées ;  il  s'était  assura  que  l'ordre  des  différents 
groupes  n'était  jamais  interverti,  et  qu'ils  pouvaient 
être  identifiés  en  des  points  lort  éloignés  par  leurs 
fossiles  organisés  particuliers.  Il  se  livra  à  l'exécu- 
tion d'une  carte  géologique  de  l'Angleterre  entière, 
qui  fut  terminée  en  ISl.),  monument  du  talent  ori- 
ginal et  de  persévérance  extraordinaire,  car  il  avait 
exploré  le  pays  entier  à  pied,  sans  être  guidé  par 
des  observations  antérieures,  sans  l'aide  de  com- 
pagnons de  travail,  et  il  avait  réussi  à  séparer  en 
divisions  naturelles  la  série  compliquée  des  ro- 
ches britanniques.  Plusieurs  des  dénominations 
de  Werner  et  de  Smith  sont  encore  employées  au- 
jourd'hui et  consacrent  leurs  droits  de  priorité. 

Les  temps  étaient  proches  où  la  géologie  devait 
s<'  constituer  à  l'état  de  science  ;  car  la  rénovation 
de  l'histoire  minérale  de  la  terre  date  de  l'étude 
sérieuse  des  corps  organisés  fossiles,  étude  que 
Lamarck  et  G.  Cuvier  commencèrent  dans  les 
premières  années  de  notre  siècle;  le  premier  en 
1802  par  un  Mémoire  sur  les  fossiles  (mollusques) 
des  environs  de  Paris,  le  second  en  1804  par  un 
Mémoire  sur  les  animaux  des  p/âtrières  de  Paris. 
C'est  alors  seulement  que  les  n-aturalistes  surent 
trouver  et  attribuer  tout  l'intérêt  qu'elles  méri- 
taient, à  ces  pierres  sur  lesquelles,  en  faisant  leurs 
hypothèses  plus  ou  moins  contraires  à  la  vérité, 
Ils  avaient  marché  depuis  Aristote  et  Théophraste, 
c'est-à-dire  pendant  vingt-deux  siècles,  sans  presque 
daigner  y  jeter  un  simple  regard.  A  partir  de  ce 
moment,  il  y  eut  des  géologues,  seuls  capables  de 
déchiffrer  leur  signification  exacte. 

En  avril  18I0,  Cuvier  et  Alex.  Brongniart  lurent 
à  l'Institut  leur  Essai  sur  la  géographie  minéralo- 
gique  des  e?ivirons  de  Paris,  dans  lequel  se  trouve 
établie  pour  la  première  fois  la  succession  des 
espèces  animales  au  sein  des  couches  et  leur  im- 
portance pour  caractériser  celles-ci.  En  1821. 
Al.  Brongniart  donna  son  mémoire  Snr  les  carac- 
tères zoologiques  des  formations  qui  lui  ont  per- 
mis de  reconnaître  les  terrains  crétacés  sur  les 
hautes  sommités  des  Alpes. 

En  18-22,  d'Omalius  d'Halloy  publia  son  E»sai 
d'une  carte  géologique  des  Pw/s-Bas  et  de  la  Finance, 
établie  d'après  ses  projjrcs  observations,  celles  de 
Coquebert  do  Montbret.ct  <1('S  renseignements  four- 
nis par  un  grand  nombre  dingcnicurs  des  mines. 


En  1827,  L.  Cordicr  donne  son  Essai  sur  la  tem- 
pérature de  l'inté)'ieur  de  la  terre,  où  il  établit 
comme  principe  fondamentil  de  la  géologie  la 
fluidité  ignée  primitive  du  globe.  Constant  Prévost 
lit  à  l'Académie  plusieurs  mémoires,  où  il  établit 
le  synchronisme  des  dépôts  et  des  formations  et 
la  théorie  des  affluents  fluviatiles,  basée  principa- 
lement sur  l'étude  du  sol  des  environs  de  Paris. 

En  182.S,  Elle  de  Beaumont  rajeunit,  en  les  pla- 
çant dans  les  terrains  jurassiques,  des  terrains  des 
Alpes  qu'on  avait  crus  primitifs,  et  que  Brochant, 
avait  déjà  reportés  en  1  soS  dans  les  terrains  de  tran- 
sition.  En  1 829,  il  publia  ses  liecherches  sur  quelques- 
unes  des  révolutions  de  la  surface  du  globe,  fondées 
sur    ses  nombreuses  études  du  sol  de  la  France. 

Dès  1822,  le  gouvernement  avait  décidé  l'exécu- 
tion d'une  carte  géologique  de  la  France,  sur  une 
assez  grande  échelle.  Brochant  de  Villiers,  qui  en 
avait  déjà  présenté  le  projet  en  1811,  fut  chargé  d'en 
diriger  l'exécution,  confiée  à  MM.  Dufrénoy  et  Elle  de 
Beaumont.  La  fin  de  1841  a  vu  apparaître  la  carte 
et  le  premier  volume  de  l'Explication  de  la  carte 
géographique  de  la  France,  comprenant  une  ma- 
gnifique introduction  ;  le  deuxième  a  paru  en  1849, 
et  la  première  partie  du  troisième  en  1873. 

En  1S40,  M.  d'Orbigny  a  entrepris  la  Paléonto- 
logie française,  description  des  Mollusques  et 
liai/oimés  fossiles  de  la  France.  Les  terrains  créta- 
cés et  jurassiques  sont  encore  seuls  traités.  Depuis 
sa  mort,  arrivée  en  1857,  divers  collaborateurs 
continuent  plus  ou  moins  lentement  cette  impor- 
tante publication,  qui  a  joué  un  rôle  si  considé- 
rable dans  le  développement  des  études  paléonto- 
logiques  en  France. 

Ouvrages  à  consulter  :  Beudant,  Cours  élémentaire 
d'histoire  naturelle,  minéralogie  et  géologie  ;  Boubée , 
Géologie  élémentaire  ou  Manuel  de  géologie;  Lambert, 
Cours  élémentaire  de  géologie  à  l'usage  des  lycées;  Lcy- 
nicrie,  Eléments  de  minéralogie  et  de  géologie;  Raulin. 
Eléments  de  géologie,  année prép.,  I«,II",III"  années  ;  Marié- 
Davy  et  Soni'ol,  Eléments  de  géologie.  IV»  année;  Lambert. 
Nouoeau  guide  du  géologue,  géologie  générale  de  la 
Fra7ice.  [V.  Raulin.] 

PROGRAMME  DU  COURS  DE  GÉOLOGIE. 
Voici  le  programme  suivi  dans  ce  Dictionnaire 
pour  le  cours  de  géologie,  avec  l'indication  des  ar- 
ticles auquels  il  renvoie  : 

I.  —  Définition  de  la  géologie  ;  son  origine,  sa 
place  dans  les  sciences,  son  histoire.  Constitution 
générale  du  g  obe  :  noyau  incandescent,  croûte 
terrestre,  enveloppe  atmosphérique.  —  "V.  Géolo- 
gie, Globe  [Conslilutiou  du). 

II.  —  Des  roches  :  roches  ignées,  roches  sédi- 
mentaires  ou  aqueuses.  Stratification  ;  filons  ; 
failles;  combustibles  minéraux.  —  Roches,  Com- 
bustibles. 

III.  —  Des  soulèvements  et  de  leur  théorie  ;  fer- 
ra.ition  des  chaînes  de  montagnes.  Classification 
di;s  leri-ains.  —  V.  Soulèvements,  Terrains  {Clas- 
sification i/es). 

IV.  —  Notions  sur  les  fossiles.  —  'V.  Fossiles,  Pa- 
léontolugie.  Vie.  Organisés  [Etref),  Régnes,  Végétal. 

V.  —  Terrains  plutoniens  ;  granit,  porphyre,  etc. 
V.  Plutoniens  {Terrains),  Primitifs  [Terrains) , Mé- 
tamorphiques (Roches). 

VI.  —  Terrains  primaires.  Formations  silu- 
rienni',  (iévoniemie,  carbonifère.  —  V.  Primaires 
[Terrains;,  Houille. 

Vil.  —  Terrains  secondaires.  Formations  tria- 
sique,  jurassique,  crétacée.  —  V.  Secondaires 
[Terrains], 

VUl.  —  Terrains  tertiaires.  Formations  éocène^ 
miocène,  pliocène.  —  V.  Tertiaires  (Terrai7is). 

IX.  —  Terrains  quaternaires.  Alluvions  ancien- 
nes :  glaciers,  blocs  erratiques;  cavernes  à  osse- 
ments, brèches  osseuses.  —  V.  Quaternaires  (Ter- 


GÉOLOGIE 


—  867  — 


GÉOMÉTRIE 


rains),  Aîluvions,  Blocs  erratiques,  Glaciers,  Ani- 
ihciux  domestiques.  Préhistoriques  [Populations), 
li'ices  humaines,  Darwinisme. 

X.  —  Phénomènes  géologiques  de  l'époque  ac- 
tuelle. AUuvions  récentes;  pliénomènes  de  trans- 
port; glaciers.  Clialeur  centrale;  tremblements  de 
turre;  soulèvements  et  abaissements  partiels;  phé- 
nomènes volcaniques  :  sources  thermales  et  eaux 
minérales;  puits  artésiens.  —  V.  AUuvions,  Gla- 
ciers, Globe  (Constitution  du).  Tremblements  de 
tzrre.  Soulèvements,  Volcans,  Eau,  Puits. 

PR03RAMME   OFFICIEL 

DES  ÉCOLES  NORMALES  FRANÇAISES  D'INSTITUTEURS 
ET    d"l\STITUTRICES. 

(Airêté  du   3   août   1881). 
PREMIÈRE   ANNÉE. 

Notions  sur  la  constitution  du  globe.  —  Sources 
thermales.  —  Geysers.  —  Tremblements  de  terre. 
—   Volcans.  —  Origine  des  chaînes  de  montagnes 

Roches  ignées  fondamentales.  —  Roches  stra- 
tillées  ou  de  sédiment.  —  Animaux  et  végétaux 
fossiles.  —  Indication  des  principales  roches  que 
l'on  trouve  à  la  surface  du  sol,  ou  qui  sont  mises 
à  découvert  par  les  travaux  des  carrières,  des 
mines,  des  galeries  souterraines,  etc. 

DEUXIÈME    ANNÉE. 
(La  ï'  année  de  l'enseignement  des  sciences  naturelles 
est  entièrement  consaci-ée  à  la  zoologie). 

TROISIÈME    ANNÉE. 

Phénomènes  géologiques  actuels.  —  Modifica- 
tion continue  du  sol. 

PROGRAMME    ÉTRANGERS. 
1.  —  BELGIQUE. 
EC0i.ES  NORMALES   D'INSTITUTEURS  ET  d'INSTITUTRICES. 
(L'cnseiguemeat  de  la   géologie  se   donne   en  4"  année, 
concuiremment   avec  celui  de  la   minéralogie.j 
Introduction  :  Définition  de  la  géologie. 

Actions  géul'jgiqnes  actuelles. 

a.  Extei-nes.  Vent.  Formation  des  dunes. 

Eaux  courantes.  Infiltration,  solution,    sources. 

Érosion,  transport,  creusement  de  vallées. 

Dépôts,  aîluvions,  deltas. 

Giaciers.Formation,  regel,  mouvement,  moraines. 

Mers.  Érosion  des  côies. 

Dépôts  physiques.  Triage  des  matériaux  ;  argi 
les,  sables,  galets,  schistes,  grès,  conglomérats. 

Dépôts  chimiques.  Sel  gemme,  calcaire. 

Formations  organiques.  Tourbe,  madrépores, 
Stratification  des  dépôts, 

t.  Interîles.  Mouvements  du  sol  :  mouvements 
lents;  tremblements  de  terre. 

Changements  de  niveau,  inclinaison  des  couches. 

Plissements,  failles,   formation  des  montagnes. 

Volcans.  Geysers  et  filons. 

Éruptions  :  cendres  et  laves,  roches  plutoni- 
ques  et  métamorphiques. 

Etude  des  terrains. 

a.  Age  relatif;  stratigraphie;  fossiles,  compa- 
;raison  avec  les  êtres  actuels. 

b.  Terrains  azoiques.  Granit,  schistes  cristallins, 

c.  Terrains  prim.iires. 

Age  des  invertébrés;  terrains  de  l'Ardenne. 
Age  des  poissons;  terrains  dévouions. 
Age  des  plantes  ;  terrains  carbonifère  et  houiller. 
'/,  Terrains  secondaires.  Age  des  reptiles;  ter- 
rain liasique  et  terrain  crétacé. 

e.  Terrains  tertiaires.  Age  des  mammifères; 
sables,  argiles,  calcaire  et  grès, 

f.  Terrains  quaternaires  et  récents.  Age  de 
l'homme. 

g.  Conclusion.  État  primitif  du  globe;  refroi 
di'Sement  et  construction  de  la  surface  ;  dévelop- 
]  ement  successif  des  êtres  organisés. 


Observations.  —  1.  Le  professeur  aura  soin  de 
rendre  intuitives  les  leçons  sur  les  phénomènes 
géologiques  au  moyen  d'expériences  en  classe  et 
d'observations  faites  pendant  les  excursions. 

2.  Il  évitera  de  surcharger  la  mémoire  des  élè- 
ves de  noms  de  fossiles.  Il  se  contentera  de 
montrer  et  de  faire  reconnaître  les  fossiles  ca- 
ractéristiques des  terrains. 

3.  Il  aidera  les  élèves  à  former  une  petite  col- 
lection de  minéraux,  de  roches  et  de  fossiles. 

II.  —  SUISSE. 

ÉCOLB  KORIIALE   DES    RÉGENTES   DU   JURA.   BEBl^OIS,    A   DELEHOST. 

(L'enseignement  de  la  géologie  occupe  le  2*  tri- 
mestre de  la  deuxième  année.) 

Objet  et  utilité  de  la  géologie.  Composition  de  la 
croûte  terrestre  ;  stratifications.  Caractères  des  ro- 
ches ;  fossiles.  Classification  des  couches.  Origine 
et  révolutions  du  globe.  Races  disparues.  Aperçu 
géologique  delà  chaîne  du  Jura. 

GÉOMÉTRIE.  —  Science  qui  traite  do  la  forme 
des  corps  et  de  la  mesure  de  l'étendue.  La  géomé- 
trie élémentaire  n'étudie  que  les  formes  suscepti- 
bles d'une  définition  simple,  et  que,  pour  cette 
raison,  on  appelle  corps  géométriques. 

1.  Chaqu"  corps  est  séparé  de  l'espace  sans  bor- 
ne qui  l'environne  par  une  limite  que  l'on  appelle 
sa  surface.  Il  y  a  des  corps  qui  ne  sont  terminés 
que  par  une  surface  unique,  comme  une  boule,  un 
œuf;  ily  a  au  contraire  des  corps  qui  sont  terminés 
par  plusieurs  surfaces  distinctes;  ainsi  un  pion  de 
jeu  de  dames  est  terminé  par  trois  surfaces  distinc- 
tes ;  un  dé  à  jouer  est  terminé  par  six  surfaces 
distinctes.  Quand  un  corps  est  ainsi  terminé  par 
plusieurs  surfaces  distinctes,  ces  surfaces  se  ren- 
contrent deux  à  deux  suivant  une  limite  commune 
que  l'on  appelle  une  ligne;  ainsi  les  trois  surfaces 
qui  terminent  un  pion  du  jeu  de  dames  se  ren- 
contrent suivant  deux  lignes,  les  six  surfaces  qui 
terminent  un  dé  à  jouer  se  rencontrent  suivant 
douze  lignes.  Il  peut  arriver  que  deux  lignes  se 
rencontrent;  elles  ont  alors  une  limite  commune 
que  l'on  appelle  un  jDomf.  Ainsi,  dans  le  dé  à  jouer, 
les  lignes  de  la  surface  déterminent  par  leur  ren- 
contre huit  points  distincts. 

Une  fois  les  idées  de  surface,  de  ligne,  de  point, 
ainsi  acquises  par  la  vue  des  objets  réels,  on  peut, 
par  cette  faculté  de  notre  esprit  que  l'on  appelle 
abstraction,  imaginer  des  surfaces  qui  n'appanien- 
neat  à  aucun  corps,  des  lignes  qui  n'appartiennent 
à  aucune  surface,  des  points  qui  n'appartiennent  à 
aucune  ligne. 

L'étendue  d'un  corps,  ou  la  portion  de  l'espace 
qu'il  occupe  se  nomme  son  volume;  l'étendue 
d'une  surface  se  nomme  son  aire  ;  l'étendue  d'une 
ligne  se  nomme  sa  longueur;  un  point  n'a  rigou- 
reusement aucune  étendue. 

2.  La  plus  simple  de  toutes  les  lignes  est  la 
ligne  droite:  un  fil  tendu,  quand  on  fait  abstrac- 
tion de  son  épaisseur,  en  donne  une  idée  assez  pré- 
cise. On  la  définit  en  disant  que  c'est  la  ligne  la 
plus  courte  que  l'on  /iw.sse  mener  d'un  point  à  un 
autre.  Cette  définition  semble  assigner  des  limites 
à  la  ligne  droite  ;  mais  rien  n'empêche  de  la  pro- 
longer dans  les  deux  sens  par  la  pensée;  et  c'est 
toujours  d'une  droite  indéfinie  que  l'on  parle 
quand  on  n'exprime  pas  formellement  le  con- 
traire. 

On  appelle  ligne  brisée  une  ligne  composée  de 
portions  de  lignes  droites  ;  ces  portions  de  lignes 
droites  sont  les  côtés  de  la  ligne  brisée. 

On  appelle  ligne  courbe,  une  ligne  brisée  dont 
les  côtJs  sont  infiniment  petits  et  en  nombre  infi- 
niment grand.  La  géométrie   élémentaire  n'étudie 
j  que  la  plus  simple  des  lignes   courbes,  la  circon- 
I  J'érence   du  cercle    dont    il    sera    question    plus 
!  loin. 


GEOMETRIE 


—  8C8  — 


GEOMETRIE 


3.  La  plus  simple  de  toutes  les  surfaces  est  le 
j)lan-  la  surface  d'une  eau  tranquille  et  de  peu 
d'étendue  en  donne  une  image  -ensible.  On  la  défi- 
nit en  disant  que  c'est  une  surface  sur  laquelle  Une 
ligne  droite  peut  s'appliquer  f.xactemi'.nt  dans  tous 
les  sens.  Les  plans  ou  surfaces  planes  que  l'on  a 
à  considérer  dans  la  pratique  ont  toujours  une 
étendue  limitée;  mais  rien  n'empêche  de  les  pro- 
longer dans  tous  les  sens  par  la  pensée;  et  c'est 
toujours  d'un  plan  i7idéfini  que  l'on  parle  quand  on 
n'exprime  pas  formellement  le  contraire. 

On  appelle  surface  brisée  une  surface  composée 
de  différentes  portions  de  plan  ;  ces  portions  de 
plan  sont  les  faces  de  la  surface  brisée. 

On  appelle  surface  courbe  une  surface  brisée 
dont  les  faces  sont  infiniment  petites  et  en  nombre 
infiniment  grand.  La  géométrie  élémentaire  n'étudie 
que  trois  surfaces  courbes:  le  cylindre,  le  tône  et 
ia  sphère,  dont  il  sera  question  plus  tard. 

4.  —  L'étude  de  la  géométrie  se  divise  en  deux 
parties  principales:  la  Géomi'trie  plane  et  la  Géo- 
métrie dons  tespace.  La  première  a  pour  objet  les 
propriétés  des  lignes  et  des  figures  tracées  sur  un 
plan,  et  les  mesures  de  longueurs  et  d'aires  qui 
en  dépendent.  La  seconde  s'oc;  upe  des  propriétés 
des  surfaces,  de  la  forme  des  corps  géométriques, 
et  des  mesures  d'aires  et  de  volume  qui  s'y  ratta- 
chent. 

5.  —  On  nomme  axiome  ïine  vérité  évidente  par 
elle-même  et  qui  n'a  pas  besoin  de  démonstration. 
Un  théoi  cme  est  une  vérité  qui  ne  devient  évidente 
qu'à  l'aide  d'une  démonstration.  On  nomme  pos- 
tulat une  vérité  moins  évidente  qu'un  axiome, 
mais  qu'on  peut  demander  d'accepter  sans  le  se- 
cours d'une  démonstration.  Un  corol'aire  est  une 
vérité  accessoire  qui  ressort  de  la  démonstration 
d'un  théorème.  Un  lemme  est  un  théorème  pré- 
paratoire destiné  à  faciliter  la  démonstration  d'un 
théorème  plus  important.  Un  problème  est  une 
question  qu'il  s'agit  de  résoudre  en  s'appuyant  sur 
des  théorèmes  établis.  Les  théorèmes,  postulats, 
corollaires,  lemmes  et  problèmes  portent  aussi  le 
nom  commun  de  propositions. 

L'ensemble  des  opérations  graphiques  qu'il  faut 
exécuter  pour  d'montrer  un  tliéorème  ou  pour 
résoudre  un  problème,  est  ce  que  l'on  appelle 
une  constmction. 

On  emploie  en  géométrie  les  signes  abrcviatifs 
de  V Algèbre  *,  dont  la  plupart  sont  déjà  usités  dans 
l'étude  de  l'arithmétique. 

6.  —  Ces  préliminaires  forment  la  matière  de  la 
preniière  leçon  de  géométrie.  Nous  donnons  ci- 
dessous  le  programme  du  cours  entier,  en  ren- 
voyant, pour  les  développements,  aux  articles  de  ce 
dictionnaire  désignés  en  italiques  dans  le  pro- 
gramme lui-même. 

PROGRAMME  DU  COURS  DE  GÉOMÉTRIE 

IL  —  Ligne  droite.  Sa  mesure.  Emploi  de  la 
règle.  Ligne  brisée.  Théorème  sur  les  lignes  brisées 
qui  ont  les  mêmes  extrémités.  —  V.  Lignes. 

IlL  —  Cercle.  Centre;  rayon,  diamètres,  arcs. 
Usage  du  compas.  Division  de  la  circonférence. 
Mesure  des  arcs.  —  V.  Lignes. 

IV. —  Angles;  leur  évaluation  en  degrés  ;  leur 
construction  à  l'aide  du  rapporteur.  Angle  droit, 
aigu,  obtus.  Angles  supplémentaires,  complémen- 
taires. Angles  adjacents  ;  angles  formés  autour  d'un 
point.  —  V.  Lignes. 

V.  —  Perpendiculaires  et  obliques.  Lieu  géomé- 
trique des  points  également  distants  de  deux  points 
donnés.  Equerre.  Distance  d'un  point  à  une  droite. 
Bissectrice  d'un  angle,  lieu  des  points  également 
distants  de  ses  côtés.  —  V.  Lignes. 

VL  —  Perpendiculaires  dans  le  cercle.  Perpen- 
diculaire abaissée  du  centre  sur  une  corde.  Tangente 
au  cercle.  Contact  de  deux  cercles.  —  V.  Lignes. 


\\l.  —  Parallèles.  Toute  perpendiculaire  à  une 
droite  est  perpendiculaire  à  ses  parallèles.  Dis- 
tance de  deux  parallèles.  Pi'opriété  des  sécintos; 
angles  alternes-internes,  angles  correspondants. 
Tracé  des  parallèles.  Angles  qui  ont  leurs  côtc3 
parallèles  ou  perpendiculaires.  —  V.  Lignes. 

VIII.  —  Parallèles  dans  le  cercle.  Arcs  intercep- 
tés par  deux  parallèles.  Angles  inscrits.  Segment 
capable  d'un  angle  donné.  —  V.  Lignes. 

IX.  —  Lignes  proportionnelles  Quatrième  pro- 
portionnelle. Division  d'une  droite  en  parties  pro- 
porticynnellos  à  des  nombres  ou  à  des  lignes  don- 
né.<t.  —  V.  Lignes  proportionnelles. 

X.  —  Lignes  proportionnelles  dans  le  cercle. 
Sécantes  issues  d'un  môme  point.  Moyenne  pro- 
portionnelle. Division  d'une  droite  en  moyenne 
et  extrême  raison.  —  V.  Lignes  proportionnelles. 

XI.  —  Triangle.  Base,  hauteur.  Somme  des 
angles.  Caractère  d'égalité  des  triangles.  Construc- 
tion des  triangles.  —  V    Polygo7ies. 

XII.  —  Triangles  semblables.  Caractère  de  simi- 
litude. —  V.  Polygones. 

XIII.  —  Quadrilatères .  Trapèze ,  parallélo- 
gramme, rectangle,  losange,  carré.  —  Y.  Poly- 
gones, 

^  XIV.  —  Polygones.  Somme  des  angles.  Carac- 
tères d'égalité.  Caractères  de  similitude.  Notions 
sur  la  symétrie.  —  V.  Polygone-'. 

XV.  —  Polygones  réguliers.  Ils  sont  inscripti- 
bles  et  circonscriptiblcs  au  cercle.  Construction 
du  carré,  de  l'hexagone,  du  triangle,  du  déca- 
gone. Assimilation  du  cercle  à  un  polygone  régulier. 
Rapport  de  la  circonférence  au  diamètre.  Mesure 
de  la  circonférence;  mesure  de  la  longueur  d'un 
arc.  —  V.  Polygones  réguliers. 

XVI.  —  Mesure  des  aires  :  rectangle,  parallélo- 
gramme, triangle,  trapèze,  polygone  quelconque, 
polygone  régulier,  cercle,  secteur.  — V.  Airey. 

XVII.  —  Comparaison  des  aires.  Aires  des 
polygones  semblables.  Carré  de  l'hypoténuse.  Pro- 
blèmes sur  la  comparaison  des  aires.  —  V.  Air-.s. 

Géométrie  dans  l'espace. 

XVIII.  —  Un  plan  est  déterminé  par  trois  points 
non  en  ligne  droite.  Perpendiculaires  et  obliquas. 
Théorème  des  trois  perpendiculaires.  —  V.  Druitei 
et  plans. 

XIX.  —  Droites  et  plans  parallèles.  Intersec- 
tion de  deux  plans  parallèles  par  un  troisième. 
Angle  d'une  droite  et  d'un  plan.  —  V.  Droites  et 
plans. 

XX.  —  Angle  dièdre.  Sa  mesure.  Plans  per- 
pendiculaires entre  eux.  Directions  verticale  et 
horizontale.  Ligne  de  plus  grande  pente  d'un  plan. 
—  V.  Droites  et  plans. 

XXI.  —  Notions  sur  les  angles  trièdres  et  sur 
les  angles  polyèdres.  —  V.  Polyèdres. 

XXII.  —  Tétraèdre.  Pyramide.  Pyramide  tron- 
quée. —  V.  Polyèdres. 

XXIII.  —  Prisme.  Parallélipipède.  Polyèdre 
quelconque.  —  V.  Polyèdres. 

XXIV.  —  Corps  ronds  :  cylindre,  cône,  splière. 
Courbes  usuelles.  —  V.  Corps  ronds,  Courbes 
usuelles,  Ellipse,    Ova'e,  Parabole,  Spirale. 

XXV.  —  Mesure  des  surfaces,  cylindrique,  coni- 
que et  sphérique.  —  V.  Surfaces  courbes. 

XXVI.  —  Comparaison  des  mêmes  surfaces. 
Similitude.  V.  Surfac''s  courbes. 

XXVII.  —  Mesure  des  volumes.  Volume  des  po- 
lyèdres. Cubage  des  solides.  —  V.  Volumes^  Cubage. 

XWIII.  —  Volume  des  corps  ronds.  Jaugeage 
dos  fûts.  —  V.   Volu)}ies,  Jaugeage. 

XXIX.  —  Comparaison  des  volumes.  —  V.  To- 
lu7)ies. 

XXX.  —  Notions  sur  la  similitude  des  po- 
lyèdres et  sur  celle  des  corps  ronds.  —  V.  Polyèii  es 
et  Corps  ronds.  [H.  Sonnet.] 


GÉOMÉTRIE 


—  8G9  —     GÉOMÉTRIE  DESCRIPTIVE 


Ce  Dictionnaire  contient,  en  outre,  des  notions 
élémentaires  de  trigonométrie,  d'arpentage,  de 
péométrie  descriptive  et  de  cartographie.  V.  les 
articles  TriyOïV'métrie,  Arpentage  (et  ceux  aux- 
quels il  renvoie).  Géométrie  descriptive,  Plans 
cotés,  Cartographie , 

PROGRAMMES  OFFICIELS  FRANÇAIS. 

ÉCOLES  PRIMAIRES. 

(Arrêté  du  27  juillet  1882.) 

Cours  élémentaire.  —  Simples  exercices  pour 
faire  reconnaître  et  désigner  les  figures  régulières 
1'  s  plus  élémentaires,  carré,  rectangle,  triangle, 
ci^^cle. 

Différentes  sortes  d'angles. 

Iiiée  des  trois  dimensions. 

Nutions  sur  les  solides  au  moyen  de  modèles 
en  relief. 

Exercices  fréquents  de  mesure  et  de  comparai- 
son des  grandeurs  par  le  coup  d'œil;  appréciation 
approximative  des  distances  et  leur  évaluation  en 
mesures  métriques. 

Cours  moyen.  —  Étude  et  représentation  gra- 
phique au  tableau  noir  des  figures  de  géométrie 
plane  et  de  leurs  combinaisons  les  plus  simples. 

Notions  pratiques  sur  le  cube,  le  prisme,  le 
cylindre,  la  sphère,  sur  leurs  propriétés  fonda- 
mentales; applications  au  système  métrique. 

CoLRS  suPÉuiEUR.  —  Notions  sommaires  sur  la 
géométrie  plane  et  sur  la  mesure  des  volumes. 

Pour  les  garçons  :  Application  aux  opérations 
les  plus  simples  de  l'arpentage.  —  Idée  du  nivel- 
lement. 

ÉCOLES  NORMALES  d'INSTITUTECRS. 
(Programmes  du  3  août  1S81.) 

Première  année  (1  heure  par  semaine).  —  Géo- 
métrie pl'iTie.  —  Les  deux  premiers  livres  de  Le-. 
gendre.  —  Lignes  proportionnelles.  —  Similitude.' 

DeuxiIime  année  ['2  heures  par  semaine).  —  Géo- 
nn'trit  plane  (suite).  —  Polygones  réguliers.  — i 
Circonférence.  —  Mesure  des  aires.  _  | 

Géométrie  dans  l'espace.  —  Droite  perpendi- 
culaire à  un  plan.  —  Parallélisme  des  droites  et 
des  plans.  —  Angles  dièdres.  —  Plans  perpendi-j 
culaires. —  Propriétés  fondamentales  des  augles , 
trièdres.   —  Polyèdres.  —  Mesure  des  volumes. 

Troisième  année  (3  heures  par  semaine).  —  Géo- 
métrie dans  l'espace  (suite;.  —  Cône,  cylindre,' 
sphère.  —  Notions  très  sommaires  de  trigonomé-  j 
trie. 

Application  de  la  géotnétrie.  Levé  des  plans.  — 

Méthode    générale    employée    pour    lever    un 
plan.   —  Polygone  topographique.   —  Levé    des 
déiails.  —  Construction  d'un  plan  sur  le  papier.  —  j 
É:lielle.  —  Signes  conventionnels.  —  Planchette 
et  boussole.  —  Problèmes  topographiques.  | 

Arpent'ige.  —  Opérations  faites  directement  sur 
le  terrain.  —  Evaluation  dos  surfaces  sur  les 
)ilans  dessinés.  —  Problèmes  d'arpentage.  — 
l'ian  cadastral.  | 

Nivellement.  —  Listruinents  usuels  (niveau  et 
mire).  —  Registre  des  nivellements.  —  Courbes  , 
d';  niveau.  —  Plans  cotés.  —  Echelle  de  pente  , 
d'une  droite,  d'un  plan. 

Plans  et  cartes  to^-ogruphiques.  —  Signes  con- 1 
ventionnels  et  nomenclature    en   usage  dans   les 
caries  topographiques.  —  Lecture  des  cartes.  — | 
Carte  de  l'Elat-major  français.   —  Exercices  sur 
le  terrain.  —  Promenades  topographiques. 

ÉCOLES  normales  d'INSTITUTRICES. 
(Programmes  du  3  août  1881.) 

Deuxième  et  troisième  années.  —  Notions  très 
élOmentaires  de  géométrie  plane  :  mesure  des 
surfaces.  —  Mesure  des  volumes. 


PROGRAMMES  ÉTRANGERS. 
I.  —  PRUSSE. 

ÉCOLES      T^ORXALES. 

troisième  chisse  (:'  heures).  —  Théorie  du 
triangle,  du  parallélogramme  et  du  cercle.  Pro- 
blème de  construction. 

Deuxième  classe  (2  heures).  —  Théorie  des 
figures  équivalentes  et  des  figures  semblables,  et 
manière  de  les  calculer.  Stéréométrie. 

Preniière  classe.  —  Dans  la  leçon  d'arithmétique, 
une  partie  du  temps  est  employée  à  la  répétition 
de  la  géométrie,  ainsi  qu'à  la  théorie  de  son  ensei- 
gnement. 

il.  —  SUISSE. 

ÉCOLES    PRIMAIRES   DC    CA:<T0X   DE   BEH^TE. 

Premier  degré.  —  Au  premier  degré,  la  percep- 
tion et  la  représentation  des  éléments  des  formes 
géométriques  a  lieu,  soit  dans  les  leçons  d'instruc- 
tion, soit  dans  celles  d'écriture  et  de  dessin. 

Decxième  degré,  —  Cinquième  année.  —  A. 
Eléments  de  l'étendu'\  —  Perception  intuitive  de 
ces  éléments  (solides,  surfaces,  lignes,  points;. 
Formation  des  lignes,  des  surfaces  et  des  solides 
par  le  mouvement  générateur  des  éléments  (points, 
lignes,  surfaces  et  solides). 

B.  Ligne  droite.  —  Direction  des  lignes  droites 
déterminées  par  des  points  ;  les  différentes  direc- 
tions dans  l'espace  ;  direction  des  lignes  relative- 
ment l'une  à  l'autre.  Mesures  de  longueur;  mesu- 
rage  des  lignes  droites.  Problèmes  pratiques. 

Sixième  année.  —  A.  A»gle,  carré,  rectangle  et 
triangle.  —  Formation,  idée  et  propriétés  géné- 
rales. Problèmes  pratiques. 

B.  Ev  duatioîi  des  •surfaces.  —  Mesures  de  su- 
perficie, mesurage  du  carré,  du  rectangle  et  du 
triangle.  Problèmes  pratiquL's. 

Troisième  degré.  —  Septième  année.  —  Parallélo- 
gramme, trapèze  et  polygone. 

Huitième  année.  —  Prisme.  —  Perception  des 
angles  dièdres  et  polyèdres.  Formation  et  pro- 
priétés du  prisme.  Mesurage  de  la  surface  du 
prisme.  Mesures  de  volumes.  Cubage  du  prisme. 
Problèmes  pratiques. 

Neuvième  onnée.  —  A.  Cercle.  —  Formation  et 
propriétés.  Mesurage  du  cercle. 

B.  Cylindre.  —  Mesurage  de  la  surface  et  cubage 
du  cylindre. 

{Remarque.  —  Eu  égard  aux  besoins  pratiques 
de  la  vie,  on  fera  procéder  à  de  nombreux  mesu- 
rages  et  cubages  d'objets  réels.) 

GÉOMÉTRIE  DESCRIl'TIVE  —  L  But  et  uti- 
lité de  la  géométrie  descriptive.  —  Si  nous  vou- 
lons, par  exemple,  représenter  un  parallélipipède 
rectangle^  comme  un  livre  fermé,  une  boîte  de 
compas,  etc.,  nous  dessinons  la  figure  1  et  nous 
disons  que  le  parallélipipède  rectangle  est  un  so- 
lide ayant  pour  bases  deux  rectangles  égaux  et 
parallèles,  et  pour  faces  latérales,  quatre  rectangles 
perpendiculaires  sur  les  premiers. 

rsous  avons  fait  un  dessin  perspectif  (V.  Per- 
spective)qm  imite  assez  bien  le  solide  en  question, 
mais  qui  n'est  pas  conforme  à  la  définition,  puisque, 
au  lieu  de  six  rectangles  que  l'on  devrait  voir,  il  y 
en  a  deux  seulement,  et  (juatre  parallélogrammes. 

Si  nous  voulons,  par  exemple,  représenter  un 
cylindre,  comme  un  tube,  une  colonne,  etc.,  nous 
dessinons  la  figure  2  et  nous  disons  que  le  cylindre 
est  un  corps  rond  qui  a  pour  bases  deux  cercles 
parallèles  et  égaux. 

Ici  encore,  le  dessin  n'est  pas  exact  puisque  les 
bases  sont  des  ellipses  au  lieu  d'être  des  cercles. 

Prenons  maintenant  deux  plans  formant  un  angle 
dièdre  droit,  l'un  horizontal,  l'autre  vertical,  et 
plaçons  un  parallélipipède  rectangle  sur  le  pre- 
mier :  l'empreinte  du  solide,  c'est-à-dire  sa  vue  en 


GÉOMÉTRIE  DESCRIPTIVE    —8-0—     GÉOMÉTRIE    DESCRIPTIVE 


plan  ou  projection  horizontale,  donnera  sa  lon- 
gueur et  sa  largour  ;  faisons  glisser  ensuite  le  so- 
lide contre  le  plan  vertical  :  son  empreinte  sur  ce 
plan,  c'est-à-dire  sa  vue  en 
élévation  ou  projection  verti- 
cale, donnera  sa  longueur  et 
son  épaisseur,  de  sorte  que  les 
deux  vues  réunies  donneront 
exactement   les  trois    dimen- 


sions du  solide.  Enfin,  faisons  tourner  le  plan  ver- 
tical de  manière  à  le  rabattre  sur  le  prolongemerit 
du  plan  horizontal  :  nous  obtenons  les  deux  vues 
vis-à-vis  l'une  de  l'autre  sur  un  même  plan. 

Ces  différentes  cons- 
tructions sont  indiquées 
par  la  figure  1  bis,  qui 
représente  une  vue  en 
plan  et  une  vue  en  éléva- 
tion d'une  boite  de  com- 
pas. 

En  opérant  de  la  même 
manière   pour  le  cjlin- 


are,  on  obtient  la  figure  2  bis,  que  le  lecteur  com- 
prendra facilement. 

Nous  avons  fait,  en  second  lieu,  de  la  géométrie 
descriptive,  c'est-à-dire  du  dessin  au  moyen  de  la 
méthode  des  projections. 

Nous  voyons,  par  ces  deux  exemples  simples, 
que  le  dessin  ordinaire,  quoique  représentant  les 
corps  d'une  façon  frappante  pour  l'œil,  même  le 
moins  exercé,  est  insuffisant  pour  en  reproduire 
exactement  la  forme  et  les  dimensions,  tandis  que 
la  méthode  des  projections,  qui  exige  une  étude 
d'initiation,  donne  les  images  et  les  dimensions 
exactes  des  corps. 

Uavt  des  projections,  comme  on  disait  autrefois, 
existe  depuis  qu^  les  hommes  bâtissent  di's  édi- 
fices et  construisent  des  machines.  Toutes  les  fois 
qu'il  a  fallu  confier  à  un  ouvrier  l'exécution  d'un 
claveau  pour  une  voûte  ou  l'assemblage  de  deux 
pièces  de  bois,  on  a  dû  lui  donner  une  vue  en  élé- 
vation et  une  vue  en  plan  de  ces  objets,  afin  qu'il 
en  connût  les  dimensions  exactement.  Mais  ce  qui 
était,  à  l'origine,  un  art  à  l'usage  des  architectes 
et  des  appareilleurs,  est  devenu,  en  outre,  une 
science,  appelée  géométrie  descriptive,  à  l'usage  de 
tous,  aussi  bien  du  savant  que  du  constructeur. 
C'est  l'illubtre  Monge  qui  a  posé  les  bases  de  cette 
science  et  qui  sen  est  servi  pour  résoudre  les 
problèmes  les  plus  intéressants. 

La  géométrie  descriptive  a  donc  un  double  but  : 


1°  Représenter  e.raclement  des  figures  fie  l  espace 
au  moyen  de  dessins  tracés  sur  un  seul  plan; 
2"  résoudre  tous  les  problèmes  relatifs  à  ces  figures. 
Examinons  rapidement  la  représentation  des  figures 
géométriques  au  moyen  de  la  géométrie  descrip- 
tive, en  commençant  par  la  figure  la  plus  simple, 
qui  est  le  point. 

II.  Le  point.  —  Pour  consti'uire  les  projections 
d'un  point  de  l'espace  sur  deux  plans,  l'un  hori- 
zontal et  l'autre  vertical,  on  ubaisie  de  ce  point 
une  perpendiculaire  sur  chaque  plan;  après  quoi, 
SI  l'on  rabat  le  plan  vertical  sur  le  prolongement  du 
plan  horizont'd,  en  le  faisant  tourner  autour  de 
l'arête  du  dièdre  droit,  les  deux  projections  du 
point  sont  sur  une  même  perpendiculaire  à  cette 
arête,  qu'on  appelle  lignt  de  terre. 

La  figure  3  représente,  en  perspective,  un  point 
A  de  l'espace  ainsi  que  le  rabattement  du  plan 
vertical  sur  le  plan  horizontal  et  les  projections  a, 
a'  de  ce  point.  La  figure  3  Lis  représente  les  pro- 
jections du  même  point. 


PloTi.        !  vertùiaL- 

I        ,  ■ 
1,  ifjTv^      d^,    icrre- 
'  A\ 
I 
Flan.    /LO^ùu^Titat 

Fig.  ù  liis. 

Les  deux  perpendiculaires  Aa  et  Art'  sont  les 
lignes  projetantes  du  point  A  ;  elles  forment  un 
plan  qui  est  perpendiculaire  aux  deux  plans  de 
projection  et,  par  suite,  à  leur  intersection  LT.  Ce 
plan  est  indiqué  par  le  rectangle  Aa'aa  qui  coupe 
LT  au  point  a  et  dans  lequel 

Aa  =  a'oL,  Aa'  =  aa, 

d'où  ces  deux  règles  importantes  : 

)"  La  distance  d'un  point  à  sa  projection  hori- 
zontale est  égale  à  la  distance  de  sa  projection  ver- 
ticale à  la  ligne  de  terre; 

2*  La  distance  d'un  point  à  sa  projection  verti- 
cale est  égale  à  la  distance  de  sa  projection  hori- 
zontale à  la  ligne  de  terre. 

Problème.  —  On  veut  mettre  en  projection  un 
point  A  de  l'espace,  situé  à  5  mètres  au-dessus  du 
plan  horizontal  et  à  3  mètres  en  avant  du  plan 
vertical,  et  un  point  B  de  l'espace,  dont  les 
distances  correspondantes  sont  2  mètres  et  4  mè- 
tres. 

Il  suffit  de  porter,  sur  une  perpendiculaire,  en  un 
point  quelconque  a  de  la  ligne  de  terre  (fig.  4), 
une  longueur  représentant  5  mètres  au-dessus  de 
cette  ligne  de  terre  et  une  longueur  de  3  mètres 
en  sens  contraire,  puis  de  porter,  sur  une  autre 


GÉOMÉTRIE  DESCRIPTIVE     —  871  — 

perpendiculaire  à  LT,  en  un  point  ^  (  flg.  5),  deux 
longueurs  représentant 2  mètres  et   4  mètres. 


GEOMETRIE    DESCRIPTIVE 


Une  ligne  droite   peut   occuper  plusieurs  posi- 
tions particulières  par  rapport  aux  plans  de  pro- 


,*• 


h. 

Fig.  4. 


Fig.  7  bh 


Fiç.  3. 


jection.  Ainsi,  elle  peut  ôtre  parallèle  au  plan  ho- 
rizontal et  oblique  au  plan  vertical  'Ex.  :  la  lirine 
ab,  a'b',  fig.  8);  elle  peut  être  parallèle 


III.  Les  lignes.  —  Pour  'Construire  les  jrojections 
d'une  ligne  quelconque  de  Vespacc,  on  délermine 


les  projections  d'un  certain  nombre  de  points,  qw  \   _ 
l'on  réunit  ensuite  par  un  trait  continu.  Dans  le      " 


cas  particulier  d'une  ligne  droite,  il  suffit  de  pro- 
jeter deux  points  et  de  les  joindre. 


ab,  a'b',  fig.  8);  elle  peut  être  parallèle 

vertical  et  oblique  au  plan  horizontal  'Ex.  : 

^  ab,  a'b',  fig.  9)  ;  elle  peut  être  parallèle  ai 


au   plan 

la  ligne 

aux  deux 


-T 


plans  de   projection  et,  par  suite^  à   la  ligne  de 
terre  (Ex.  :  ab,  a'b',  fig.  10);  elle  peut  être    per- 


j  pendiculaire  au  plan  horizon'.al  et  reposer  sur  ce 
plan  horizontal  Œx.  :  n,  a'b' .  fig.  11).  ou  perpendi- 
culaire  au   plan    horizontal   sans  toucher  ce   plan 

I  (Ex.  :  a,  a'b',  fig.  12);  elle  peut  être  perpendicu- 
laire au  plan  vertical  et  être  appliquée  ou  non 
contre  ce  plan  vertical  Ex.  :  ab,  a',  fig.  13);  enfin 


■Ainsi  les  figures  G  et  6  bis  représentent,  en 
perspective  et  en  projection,  une  courbe  quel- 
conque ABC  de  l'espace,  et  les  figures  7  et  7  bis 
représentent  de  la  môme  manière  une  ligne  droite 
AB  de  l'espace. 


a> 


b' 


Fig.  Il, 


î-, 


elle  peut  être  située  dans  un  plan  dit  de  profil, 
c'est-à-dire  perpendiculaire  aux  deux  plans  do 
projection  (Ex.  :  ab,  a'U ,  fig.  14  et  14  bis). 


GÉOMÉTRIE  DESCRIPTIVE    —  872  —     GÉOMÉTRIE  DESCRIPTIVE 

traces  du   plan.  Exemple,  le  plan  PMN,  fig.  17  et 
17  bis. 


Fig.  14. 

I^'  Les  polygones.  —  Pour  construire  les  pro- 
jections rl'nn  contour  polygonal  quelconque,  il 
su/'/it  (le  déterminer  et  de  joindre  les  projections  de 
tous  les  sommets  de  ce  contour. 


Fig.  13  bis. 

Ainsi  les  figures  15  et  15  bis  représentent  en 
perspective  et  en  projection  un  hexagone  régulier 
construit  sur  le  plan  vertical,  et  les  figures  16  et  16 
bis  un  cercle  tracé  sur  ly  pian  horizontal. 


V.  Le  plan.  —  Si  Ton  coupe  le  dièdre  droit  re- 
présentant les  plans  de  projection  par  un  plan  illi- 
mité passant  par  un  point  quelconque  de  la  ligne 
de  terre,  on  obtient,  comme  intersections,  deux  li- 
gnes droites  illiinitées  qui  se  rencontrent  évidem- 
nicnisiir  cette  ligne  de  terre,  et  qu'on  appelle  les 


Fig.  17  6(4-. 

Les  plans  employés  dans  les  problèmes  théoriques 
sont  génévaXameni  illimités  ai  fictifs,  ou  si  l'on  veut 
transparents,  c'est-à-dire  qu'ils  n'empêchent  pas  de 
voir  les  figures  situées  au-dessous  ou  en  arrière  ; 
tandis  que,  dans  les  applications,  les  plans,  qui 
forment  les  faces  des  solides,  sont  nécessairement 
limité^  et  supposés  opaques,  c'est  à-dire  qu'ils 
cachent  certaines  parties  des  figures,  que  l'on  repré- 
sente en  tndts  ponctués.  Ainsi  la  ligne  ah,  ab', 
figures  précédentes,  est  vue  bien  que  située  en 
arrière  du  plan  PM\. 

Le  plan,  comme  la  ligne  droite,  peut  occuper 
plusieurs  positions  particulières  par  rapport  aux 
plans  de  projection. 

Si  un  plan  est  parallèle  à  l'un  des  plans  de  pro- 
jection, il  n'a  pas  de 
trace  sur  ce  plan,  et 
sa  trace  sur  l'autre 
est  parallèle  à  la  li- 
gne de  terre.  Exem- 
ple ,  le  plan  PM.\, 
parallèle  au  plan  ve^ 


M  N 

Fi?.  IS  bis. 


tical   et  représenté  par  sa  trace  horizontale  M.\^ 
parallèle  à  LT,  figure  18  et  18  6îv. 
Lorsqu'un  plan    est  parallèle  à  la  ligne  de  terre» 


GÉOMÉTRIE  DESCRIPTIVE     —  873  —     GÉOMÉTRIE  DESCRIPTIVE 


ses  deux  traces  sont  parallèles  à  cette  ligne  de 
terre.  Exemple,  le  plan  PM,  PIM  ,  ligures  19  et  19 
Ois. 


M 


Fis.  19  bis. 


Lorsqu'un  plan  est  perpendiculaire  à  l'un  des 
plans  de  projection,  sa  trace,  sur  l'autre  plan,  est 
perpendiculaire  à  la  ligne  de  terre.  Ainsi,  dans  les 
figures  20  et  20  bis,  le  plan  PMN  est  perpendicu- 


Fig.  20. 


1>I- 


Fi  g.  20  ôici. 

laire  au  plan  horizontal  et  le  plan  PiMjNj  perpen- 
diculaire au  plan  vertical.  Quant  au  plan  PjMgN^. 
qui  a  ses  traces  en  ligne  droite,  c'est  un  plan  de 
p-  ofil,  perpendiculaire  aux  deux  plans  de  projec- 
tion. 


Remarque.  —  Il  arrive  quelquefois,  après  1© 
rabattement  du  plan  vertical,  que  les  deux  traces 
d'un  plan  quelconque  se  trouvent  en  ligne  droite 
sans  être  perpendiculaires  à  la  ligne  de  terre:  c'est 
lorsque  ces  traces  font,  avant  le  rabattement,  des 
angles  supplémentaires  avec   la   ligne  de   terre. 


Fig.  21. 

Ainsi,  dans  la  figure  21,  si  l'on  suppose  que 

PMT  +  TxMN=  2  droits. 

l'angle  PMT,  qui  est  contenu  dans  le  plan  vertical, 
ne  change  pas  de  grandeur  dans  le  rabattement  et 
l'on  obtient  une  ligne  droite  PMN  pour  les  traces 
du  plan  (figure  "2  :  his^ . 


Fig.  21  Us. 

VI.  Les  cor.ps  géométriques.  —  Le  but  principal 
de  la  géométrie  descriptive  est  la  représentation 
des  figures  qui  ont  du  relief.  L'étude  du  point,  de 
a  ligne  et  du  plan  conduit  naturellement  à  cette 
représentation  et  forme  ce  qu'on  peut  appeler 
l'alphabet  de  la  science  intéressante  qui  nous 
occupe.  Nous  avons  déjà  mis  un  parallélipipède  et 
un  cylindre  en  projection  ;  nous  allons  étudier 
d'autres  solides  isolés,  tels  que  le  prisme,  le  cône 
et  la  sphère,  puis  nous  terminerons  cette  revue 
rapide  par  la  mise  en  projection  de  corps  as- 
semblés . 

La  figure  22  représente  un  prisme  hexagonal 
régu'\er  reposant  sur  le  plan  horizontal:  la  projec- 
tion horizontale  est  la  base  supérieure  en  vraie 
grandeur;  la  projection  verticale  ou  élévation  se 
compose  de  trois  faces  latérales  du  prisme,  l'une 
en  vraie  grandeur  parce  qu'elle  est  parallèle  au 
plan  vertical,  les  deux  autres  réduites  parce  qu'elles 
sont  obliques  à  ce  plan. 

Si  l'on  fait  tourner  le  prisme  précédent  autour 
de  son  axe  de  manière  à  l'amener  dans  la  position 
indiquée  par  la  figure  23,  la  projection  horizontale 
est  toujours  l'hexagone  de  base,  mais,  en  projection 
vi-rticale,  les  arêtes  irivisitles,  c'est-à-dire  situées 
en  arrière  du  solide,  no  se  trouvent  plus  vis-à-vis 
des  arêtes  visibles,  situées  en  avant,  et  doivent 
être  indiquées  par  des  lignes  ponctuées. 

La  figure  2-i  représente  un  cône  droit  reposant 
sur  le  plan  horizontal,  et  la  figure  25  une  sphère 
ayant  12  millimètres  de  rayon,  dont  le  centre  est 
à  îO^^au-rlcssus  du  plan  horizontal  et  à  lô"""  en 
avant  du  plan  vertical. 


GÉOMÉTRIE  DESCRIPTIVE     —  874  —     GEOMETRIE  DESCRIPTIVE 


VII.  Application.  — Projections  d'une  ferme  de 
charpente 
Les  toits  des  maisons  sont  soutenus  de  distance 


en  distance  par  des  pnns  de  bois  verticaux  appelés 
fermes,  qui  vont  d'une  gouttière  à  l'autre  et  qui  sont 
généralement  composés  des  pièces  suivantes  repré- 


Fig.  22. 


Fig.  a. 


sentées  en  projection  horizontale  et  en  projection 
verticale  :  le  tirant  A,  S',  qui  s'appuie  sur  les  murs 
et  qui  a  pour  effet  de  détruire  les   forces  compo- 


fig.  24  lig.  25. 

santés  horizontales  provenant  du  poids  de  la  toiture 
et  tendant  à  renverser  les  murs  en  dehors;  le  poin- 
çon B'B',  pièce  verticale  qui  pénètre  dans  le  milieu 


■~y^^^ 


K.-^ 


^ 


uAn 


r^>i 


\^ 


-v^U 


-.^ 


Fig.  26. 


du  tirant  par  un  tenon  simple,  et  qui  est  relié  avec 
ce  tirant  par  une  bande  de  fer  deux  fois  recourbée, 
appelée  étrier;  les  deux  ar  h  nié  trier  s,  C,G',  qui  sont 


deux  pièces  latérales,  parallèles  aux  lignes  de  plus 
grande  pente  du  toit,  pénétrant  dans  le  tirant  pir 
un    embrèvement  avec   encastrement,   et  dans  le 


GEORGES 


—  875  — 


GERMAINS 


poinçon  par  un  embrèvement  simple  ;  les  pannes, 
R.R',  placées  sur  les  arbalétriers  suivant  la  lon- 
gueur du  toit,  de  manière  à  relier  les  ferme  -  entre 
elle-  ;  \esjambettes,  D',  petites  pièces  verticales  des- 
tinées à  soutenir  les  arbalétriers,  dans  lesquels  elles 
pénètrent  par  un  embrèvement  avec  encastrement; 
les  contre-fiches,  E',  pièces  perpendiculaires  aux 
arbalétriers,  dans  lesquels  elles  pénètrent  par  un 
tenon  simple,  en  même  temps  qu'elles  sontobliques 
au  poinçon  dans  lequel  elles  pénètrent  par  un  em- 
brèvement simple  ;  là  panne  faitière,  F, F',  c'est-à-dire 
la  panne  la  plus  élevée,  qui  forme  le  faitoge  du 
toit,  traverse  le  poinçon  et  a  pour  section  droite  un 
pentagone  irrégulier,  dont  deux  côtés  siiivent  l'in- 
clinaison du  toit;  les  tasseaux  ou  chnntignolles,  G', 
petites  pièces  de  bois  clouées  sur  les  arbalétriers, 
dans  lesquels  elles  sont  légèrement  embrévées,  et 
destinées  à  empêcher  le  glissement  des  pannes  ; 
les  sablières,  L,L',  pièces  de  bois  horizontales  placées 
suivant  la  longueur  des  murs  dans  une  entaille 
pratiquée  aux  extrémités  des  tirants  ;  les  chevrons, 
M,M',  pièces  de  bois  inclinées  suivant  la  pente  du 
toit,  s'appuyant  sur  les  pannes  et  pénétrant,  par 
des  embrèvements  simples,  en  haut,  dans  le  poinçon, 
en  bas,  dans  la  sablière  ;  les  coyaux,  N,N',  petites 
pièces  clouées  au  bas  de  chaque  chevron  et  s'ap- 
puyant sur  les  murs  ;  les  chanlattes,  P,P',  pièces 
de  bois  horizontales  clouées  sur  les  coyaiix  suivant 
la  longueur  des  murs,  et  ayant  pour  section  droite 
un  triangle. 

Toutes  les  pièces  représentées  en  coupe,  ainsi 
que  les  murs,  sont  marquées  par  des  hachures. 

[A.  Bougueret.] 

GEORGES  I,  II,  III,  et  IV,  rois  d'Angleterre. 
—  V.  Angleterre  et  Hanovre. 

Gi:kmai>'S.  —  Histoire  générale,  XIII-XVI, 
XXVII.  —  Les  Germains  formaient,  comme  les 
Celtes,  les  Slaves,  les  Hellènes,  les  Latins,  un 
rameau  de  la  race  indo-européenne.  Il  n'est  pas 
possible  de  préciser  l'époque  à  laquelle  ils  s'éta- 
blirent dans  le  paj  s  auquel  les  anciens  donnèrent 
leur  nom.  La  Germanie  n'était  alors  qu'une  vaste 
forêt,  limitée  à  l'ouest  et  au  sud  par  le  Rhin  et  le 
Danube.  Les  tribus  germaines  vivaient  surtout  de 
la  chasse  et  de  l'élève  des  troupeaux  ;  pourtant  elles 
connaissaient  aussi  l'agriculture.  L'historien  romain 
Tacite  a  écrit  un  livre  souvent  cité  sur  les  mœurs 
des  Germains  ;  mais  le  tableau  qu'il  en  trace 
semble  plutôt  l'œuvre  d'un  rhéteur  éloquent  que 
celle  d'un  observateur. 

Les  peuples  de  la  Germanie  apparaissent  pour 
la  première  fois  sur  la  scène  de  l'histoire,  lors  de 
la  grande  migration  des  Cimbres  et  des  Teutons, 
un  peu  plus  d'un  siècle  avant  notre  ère.  Ces  deux 
tribus  germaines,  reculant,  disait-on,  devant  un 
débordement  de  la  Baltique,  franchirent  le  Danube 
et  se  répandirent  dans  la  Norique  et  la  Pannonie 
(Autriche,  Styrie,  Hongrie),  qu'elles  ravagèrent; 
de  là  elles  passèrent  en  Helvétie  et  en  Gaule,  et 
battirent  près  du  Rhône  plusieurs  armées  ro- 
maines. Enfin,  voulant  pénétrer  en  Italie,  elles  se 
divisèrent  en  deux  bandes  ;  les  Cimbres  se  diri- 
gèrent vers  l'est  à  travers  l'Helvétie,  pour  descendre 
la  vallée  de  l'Adige,  pendant  que  les  Teutons  es- 
sayaient d'entrer  en  Italie  par  le  midi  de  la  Gaule. 
Marius  battit  les  Teutons  à  Aix  i'102\  et  l'année 
suivante,  il  extermina  les  Cimbres  à  Verceil. 

Cinquante  ans  plus  tard,  les  RoMains  se  retrou- 
vèrent en  contact  avec  les  Germains.  César,  in- 
vesti du  proconsulat  des  Gaules,  se  trouva  dans  sa 
province  en  face  du  chef  suève  (souabe)  Arioviste, 
qui  prétendait  établir  ses  guerriers  sur  le  territoire 
gaulois.  César  le  repoussa  de  l'autre  côté  du 
Rhin  (58);  et  bientôt,  franchissant  lui-même  le 
fleuve,  il  intimida  pour  un  moment  les  tribus  ger- 
maines. 

La  Gaule  conquise,  Rome  eut  les  Germains  [lour  I 
Toiâins.  Sous  le  règne  d'Auguste,  Drusus  et  Tibère  i 


firent  plusieurs  expéditions  en  Germanie,  afia 
d'assurer  la  sécurité  des  frontières  ;  Drusus  pénétra 
jusqu'à  l'Elbe.  Mais  peu  après  se  formèrent  au 
sein  des  peuplt^s  germains  deux  confédérations 
menaçantes  pour  la  puissance  romaine,  celle  des 
Marcomans  à  l'est  s'étendant  sur  la  Bohême  et 
les  pays  environnants),  et  celle  des  Chérusqufs  à 
l'ouest  (entre  l'Elbe  et  le  Rhin).  Le  chef  des  Ché- 
rusques,  Hermann  ou  Arminius,  surprit  au  delà  du 
Rhin,  dans  la  forêt  de  Teutobourg,  trois  légions 
romaines  commandées  par  Varus,  et  les  détruisit 
'an  9  de  notre  ère).  Les  Romains,  durant  plusieurs 
années,  furent  réduits  \  se  tenir  sur  la  défensive; 
enfin  Germanicus  passa  de  nouveau  le  Rhin,  et 
vengea  par  ses  victoires  la  défaite  de  Varus.  Les 
Germains  eux-mêmes,  par  leurs  divisions,  favori- 
sèrent la  politique  de  Rome  :  les  Marcomans  et  les 
Chérusques  en  vinrent  aux  mains;  les  Marcomans 
furent  vaincus  et  leur  confédération  détruite;  les 
Chérusques  à  leur  tour  virent  leur  puissance  tom- 
ber après  la  mort  d'Hcrmann. 

Les  Germains  demeurèrent  à  peu  près  tranquilles 
durant  le  reste  du  premier  siècle  et  le  règne  des 
premiers  Antonins.  Pendant  ce  temps,  Rome  orga- 
nisait la  partie  de  la  Germanie  qu'elle  avait  défini- 
tivement conquise,  sur  la  rive  gauche  du  Rhin  ; 
elle  en  forma  deux  provinces  :  la  Germanie  pre- 
mière, capitale  Mayence  ou  Moguntiacum.  et  la 
Germanie  deuxième,  capitale  Cologne  ou  Colo?iin 
Agrippina.  Les  Romains  occupèrent  même  un  ter- 
ritoire situé  au  delà  du  Rhin,  et  désigné  sous  le 
nom  de  deciimates  agri;  il  était  protégé  contre 
les  incursions  des  barbares  par  un  mur  que  fit 
construire  Adrien,  et  qui  s'étendait  des  bords  du 
Rhin,  près  de  Wiesbaden,  jusqu'au  confluent  du 
Xaab  et  du  Danube. 

Sous  Jlarc-Aurèle,  les  Marcomans  et  les  Quades 
passèrent  le  Danube,  et  ravagèrent  la  Pannonie  et 
l'Illyrie.  Commode  acheta  la  paix  de  ces  redouta- 
bles voisins.  Mais  bientôt  la  Germanie  tout  entière 
prit  une  attitude  menaçante.  «  Les  anciennes  li- 
gues des  Chérusques  et  des  Marcomans  étaient 
dissoutes,  mais  d'autres  plus  formidables  les 
avaient  remplacées.  Les  Alamans,  mélange  de  di- 
verses tribus  suéviques,  avaient  formé,  dans  le 
sud-ouest  de  la  Germanie,  un  peuple  belliqueux  et 
hardi  ;  et  au  nord  des  Alamans,  entre  le  Mein,  le 
Rhin  et  le  Weser,  les  Chauqucs,  les  Amsibares, 
les  Chérusques,  les  Chamavcs,  les  Bructèies,  les 
Cattes,  les  Attuariens  et  les  Sicambres  avaient 
donné  naissance  à  la  confédération  des  Fraiics, 
qui  attaqueront  sans  cesse  les  postes  du  bas  Rhin, 
comme  les  Alamans  menaceront  ceux  du  haut 
Rhin  et  de  la  Rhétie.  Enfin,  au  nord-ouest,  se 
montraient,  depuis  les  frontières  dos  Chérusques 
jusqu'à  la  péninsule  cimbrique,  les  Saxons,  qui, 
séparés  de  la  Gaule  parles  Francs,  iront  en  piller 
les  côtes  sur  leurs  barques.  A  l'est,  les  Goths 
sont  déjà  arrivés  sur  le  Danube  et  remplacent, 
mais  d'une  manière  plus  dangereuse  pour  Rome, 
les  Daces  vaincus  par  Trajan,  comme  les  Francs 
et  les  Alamans  ont  succédé  aux  anciennes  ligues 
des  Chérusques  et  des  Suèves.  »  (Duruy.) 

Pendant  le  troisième  et  le  quatrième  siècle,  les 
empereurs  romains  eurent  à  lutter  sans  relâche 
contre  les  incursions  germaines.  Parmi  ces 
guerres  où  les  légions  romaines  cherchaient  en 
vain  à  fermer  la  frontière  à  un  ennemi  infatigable, 
citons  la  campagne  où  Alexandre  Sévère  perdit  la 
vie  ;  celle  où  Aurélien,  alors  simple  tribun  aux 
ordres  de  l'empereur  Gordien  III,  remporta  sur  les 
Francs  une  victoire  célébrée  par  une  chanson  mi- 
litaire qui  nous  a  été  conservée  ;  les  invasions  dos 
Alamans  sous  Valérien  et  sous  Aurélien  devenus 
empereurs;  les  campagnes  du  vaillant  Probus,  qui 
transporta  des  Francs  au  bord  de  la  mer  Noire  et 
d'autres  Germains  en  Grande-Bretagne,  et  à  qui 
la  Germanie  doit  l'introduciion  de  la  vigne  ;  l'expé- 


GERMINATION 


—  876  — 


GLACIERS 


dition  de  Julien,  sous  Constance,  contre  les  Francs 
et  les  Alamans  ;  la  grande  prise  d'armes  de  tonte 
la  Germanie  sous  Valentinien  ;  la  guerre  contre  les 
Alamans  sons  Gratien. 

Au  cinquième  siècle,  sous  la  pression  de  peuples 
nouveaux  venus  d'Asie,  toute  la  Germanie  se  pré- 
cipita sur  l'empire  romain.  Cette  fois  le  choc  fut 
irrésistible  (V.  Barbares).  Ici  commence  une 
nouvelle  période  de  l'histoire  des  peuples  germa- 
niques ;  en  s'établissant  sur  le  territoire  romain, 
ils  vont  entrer  dans  la  civili^•ation. 

GEBMINATIOX.  —  V.  Graie. 

GIVRE.  —Météorologie,  IV.—  L'eau,  et  _  sur- 
tout sa  vapeur,  peuvent  se  refroidir  de  plusieurs 
deirrés  au  dessous  de  0°  sans  se  congeler,  tant 
qu'elles  restent  à,  l'abri  du  contact  de  certains 
corps  et  en  particulier  de  la  glace.  Les  gouttes  de 
pluie,  dans  cet  état  de  surfusion,  venant  à  tomber 
sur  le  sol  ou  sur  les  objets  terrestres,  plantes 
ou  autres,  s'y  congèlent  subitement  et  produi- 
sent des  verglas  quelquefois  désastreux,  comme 
celui  du  2ft  janvier  1.S78  à  Paris.  La  production  du 
givre  est  due  au  dépôt  de  la  vapeur  d'eau,  qui  per- 
siste dans  l'air  même  pendant  les  plus  grands  froids, 
et  qui  peut  cristalliser  peu  à  peu  autour  des  aiguilles 
de  glace  {gelée  blanche)  qui  recouvreiit  les  corps, 
sans  que  ces  corps  soient  plus  froids  qu'elle.  La 
gelée  blanche  s'accroît,  par  dépôis  successifs,  de 
givre  ayant  le  même  aspect,  et  la  limite  qui  sé- 
pare ces  deux  ordres  de  phénomènes  est  peu  dis- 
tincte. La  gelée  blanche  est  peu  durable  :  formée 
sur  la  fin  des  nuits,  elle  disparaît  généralement 
dans  le  jour;  si  elle  se  prolonge  avec  les  froids, 
elle  devient  du  givre,  et  peut  acquérir  alors  un 
volume  considérable.  —  V.  Gel,  Gelé':  blanch". 

[Marié-Davy.] 

GLACIERS.  —  Géograpliie  générale  VII;  Géo- 
graphie de  la  France  II  ;  Géologie,  IX,  X. 

I.  Les  glaciers  actuels.  —  Les  glaciers  sont  l'un 
des  grands  attraits  des  hautes  montagnes;  il  n'est 
que  naturel,  dès  lors,  qu'ils  excitent  la  curiosité  et 
l'admiration  de  tous  les  amateurs  du  pittoresque. 

Les  Alpes,  sous  ce  rapport,  sont  privilégiées 
entre  toutes  les  chaînes  de  montagnes  de  l'Hurope, 
non  pas  que  les  glaciers  fassent  défaut  dans  d'au- 
tres chaînes,  mais  parce  qu'ils  descendent  ici  à  des 
niveaux  relativement  bas,  ce  qui  permet  de  péné- 
trer sans  difficulté  jusque  sur  leurs  flancs  et  même 
de  se  promener  à  leur  surface  sans  courir  aucun 
danger,  comme  par  exemple  au  glacier  de  Grinden- 
wald,  au  glacier  des  Bois  ou  mer  de  glace  de 
Chamonix. 

Malgré  cela,  leur  popularité  est  de  date  relati- 
vement récente.  Au  commencement  de  ce  siècle, 
le  célèbre  géographe  Ebel  étonnait  le  monde  par 
sa  description  des  glaciers  de  l'Oberland,  tant  ils 
étaient  ignorés  ou  peu  connus.  Il  est  vrai  qu'avant 
lui  l'illustre  de  Saussure  avait  fréquenté  les  gla- 
ciers du  Mont-Blanc  et  du  Mont-Rose,  et  décrit 
plusieurs  particularités  de  leur  allure,  tout  en 
cherchant  à  se  rendre  compte  de  leur  structure  et 
des  modifications  qu'ils  subissent  dans  leur  cours 
vers  les  régions  inférieures.  Mais  ces  données, 
quoique  exposées  avec  une  rare  clarté,  n'étaient 
guère  sorties  du  cercle  des  hommes  de  scii'uce  ; 
elles  étaient  restées  étrangères  au  public  en  gé- 
néral, do  même  que  les  descriptions  plus  anciennes 
de  Scheuchzer  et  de  Griiner. 

Quant  aux  autres  chaînes  de  montagnes,  leurs 
glaciers  n'étaient  connus  que  d'une  manière  vague, 
ce  qui  explique  le  peu  de  documents  qui  existent 
sur  leurs  dimensions  ou  môme  sur  leur  position 
exacte.  Aussi  bien  sont-ils,  pour  la  plupart,  limités 
aux  flancs  des  sommités  et  ne  descendent  guère 
dans  les  grandes  vallées.  Comme  leur  aspect  est 
bien  dififôrent  de  celui  des  grands  glaciers  des 
Alpes,  n'étant  en  quelque  sorte  que  des  lambeaux 
de  glace  appliqués  aux  flancs  des  hauts  sommets, 


on  en  a  fait  un  type  à  part  :  les  glaciers  de  second 
ordi  e,  par  opposition  aux  grands  glaciers  qui  oc- 
cupent le  fond  des  vallées  :  les  glaciers  de  premier 
ordre.  Les  glaciers  (serneilhes)  des  Pyrénées, 
ainsi  que  ceux  du  Caucase,  sont  pour  la  plupart  des 
glaciers  de  second  ordre. 

Une  autre  particularité  très  significative  des  gla- 
ciers consiste  dans  le  fait  que  ce  sont  eux  qui, 
alimentent  les  grandes  rivières.  Les  principaux 
fleuves  du  centre  de  l'Europe  se  rattachent  aux 
glaciers  des  Alpes;  tels  sont:  le  Rhône,  l'Isère, 
l'Aar,  la  Reuss,  la  Linth,  le  Rhin,  l'Inn,  et,  sur  le 
revers  méridional  :  l'Ac'.ige,  l'Adda,  le  Tessin,  les 
deux  Doiriîs.  On  se  représente  difficilement  ce  que 
seraient  les  pays  qu'arrosent  ces  grands  cours 
d'eau  qui  portent  la  fertilité  dans  toutes  les  di- 
rections, si  les  Alpes  n'existaient  pas,  ou  si  elles 
n'étaient  pas  assez  élevées  pour  empêcher  la  neige 
de  se  fondre  et  la  transformer  en  glace.  A  coup 
sûr,  l'Europe  centrale  serait  mal  partagée  à  tous 
les  points  de  vue,  si  les  glaciers  venaient  un  jour 
à  disparaître. 

Si  les  glaciers  sont  limités  aux  hautes  monta- 
gnes, c'est  parce  que  celles-ci  pénètrent  dans  des 
régions  où  la  température  est  sensiblement  plus 
froide  que  dans  les  plaines.  C'est  dire  qu  il  s'agit 
d'un  phénomène  climatologique  résultant  à  la  fois 
de  l'altitude  et  de  la  latitude  des  lieux.  Si  les  Alpes 
étaient  situées  à  20°  plus  au  sud,  elles  n'auraient 
pas  de  glaciers  ;  c'est  ainsi  que  dans  l'Himalaya  les 
glaciers  ne  descendent  pas  au  delà  de  3,000  mètres, 
malgré  leur  puissance  et  leur  étendue;  et  quant 
à  l'Afrique,  qui  possède  de  hautes  montagnes  dans 
les  régions  équatoriales,  on  n'y  a  pas  signalé  jus- 
qu'ici, que  nous  sachions,  des  amas  de  glace  de 
quelque  importance. 

Que  si,  au  contraire,  on  se  transporte  dans  le 
Nord,  on  y  verra  les  glaciers  non  seulement  des- 
cendre jusqu'à  la  mer,  mais  recouvrir  d'immenses 
plateaux,  si  bien  que  plusieurs  des  glaciers  du 
Groenland  et  du  Spitzberg  sont  aussi  développés  en 
largeur  qu'en  longueur.  Le  glacier  de  Humboldt, 
dans  le  détroit  de  Smith,  présente  un  front  de 
111  kilomètres.  De  même,  dans  l'hémisphère  aus- 
tral, les  turres  polaires  sont  presque  entièrement 
couvertes  de  glaces.  Dans  l'Amérique  du  sud,  qui 
est  un  continent  exceptionnellement  froid,  les 
glaciers  des  Andes  descendent  jusqu'à  la  mer 
dans  le  golfe  de  Penas  et  dans  celui  d'Erie,  par 
40"  et  48»  latitude  sud.  Or,  en  Europe,  il  faudrait 
remonter  de  2(i°  plus  au  nord  pour  rencontrer,  en 
Norvège,  par  67",  des  glaciers  qui  arrivent  jusqu'à 
la  mer. 

La  température  n'est  cependant  pas  l'unique 
cause  de  la  grandeur  des  glaciers;  leur  étendue 
sous  nos  latitudes  dépend  aussi  dans  une  certaine 
mesure  de  la  configuration  des  montagnes.  Si  un 
massif  de  montagnes  est  profondément  creusé,  de 
manière  à  ce  que  les  vallées  forment  à  leur  origine 
de  vastes  réservoirs  en  forme  de  grands  cirques, 
il  s'y  formera  des  amas  considérables  de  neige 
provenant  non  seulement  de  celle  qui  tombe  di- 
rectement, mais  surtout  de  celle  qui  est  chassée 
par  le  vent  des  sommets  environnants.  Cette  neige, 
en  s'imbibant  d'eau,  devient  grenue  et  forme  ce 
que  l'on  appelle  les  névés.  Peu  à  peu  ces  névés  se 
transforment  en  véritable  glace,  ce  qui  fait  que  les 
montagnards  ont  de  tout  temps  distingué  entre  la 
portion  inférieure,  qui  est  le  glacier  proprement 
dit,  et  le  névé  (en  allemand /îr?j),  qui  est  une  neige 
à  peine  consolidée.  Ce  névé  est  en  quelque  sorte 
le  nourricier  du  glacier.  Plus  il  sera  puissant  et 
son  étendue  considérable,  plus  le  glacier  aura  la 
cliance  de  s'étendre  au  loin.  Le  glacier  d'Aletsch, 
de  beaucoup  le  plu-^  grand  des  Alpes  (il  n'a  pas 
moins  de  25  kilomètres,  bien  qtie  situé  sur  le  ver- 
sant méridional,  où  les  autres  glaciers  sont  en  gé- 
néral moins  étendus  que  sur  le  versant  nord),  n'at- 


GLACIERS 


877  — 


GLACIERS 


teint  de  si  grandes  dimensions  que  parce  qu'il  est 
alimenté  par  tiois  grands  cirques  qui  s'éialent  au 
pied  de  la  Jungfrau,  de  l'Aletsclihorn  et  des 
Fiescberhôrner.  Il  est  évident  qu'il  descendrait 
encore  plus  bas,  s'il  était  situé  sur  le  versant 
nord  des  Alpes,  parce  qu'il  viendrait  s'y  ajouter  un 
autre  facteur,  celui  de  la  fonte  moins  abondante, 
par  suite  de  l'exposition  au  nord. 

D'après  ce  qui  précède,  on  pressent  que  si  les 
glaciers  sont  si  intimement  liés  à  la  question  du 
climat,  ils  devront  ressentir  aussi  les  efTets  de 
l'inégalité  de  la  température  suivant  les  années  et 
les  saisons.  Si  l'hiver  a  été  humide,  de  manière  à 
faciliter  l'entassement  de  grands  amas  de  neige 
dans  le  cirque,  le  glacier,  qui  est  comme  l'émis- 
saire solide  du  névé,  se  trouvera  largement  ap- 
provisionné; la  température  n'aura  pas  la  force  de 
fondre  autant  de  glace  qu'il  s'en  écoule,  et  le  gla- 
cier avancera,  surtout  si  l'été  n'est  pas  très  chaud. 
Si,  au  contraire,  les  neiges  n'ont  pas  été  abondantes 
et  que  l'été  suivant  soit  chaud,  la  quantité  de 
glace  fondue  sera  plus  considérable  que  l'alimen- 
tation, et  le  glacier  diminuera.  Ce  n'est  pas  à  dire. 
pourtant,  qu'il  recule,  pas  plus  qu'un  bâton  de  cire 
que  l'on  approche  d'une  flamme  ne  recule,  lorsque 
par  suite  de  l'intensité  de  celle-ci  la  distance  entre 
la  cire  et  la  flamme  augmente. 

S'il  arrive  que  les  mêmes  conditions  météorolo- 
giques persistent  pendant  plusieurs  années  consé- 
cutives, que  les  hivers  soierjt  neigeux  et  les  étés 
froids,  le  glacier  avancera.  Si,  au  contraire,  les 
hivers  sont  peu  neigeux  et  les  étés  chauds,  le  gla- 
cier se  retirera.  Il  y  a  longtemps  qae  ces  alternan- 
ces ont  été  observées  par  les  montagnards  des 
Alpes,  qui  en  ont  fait  une  légende,  en  prétendant 
que  les  glaciers  s'avancent  pendant  sept  ans  et 
reculent  pendant  sept  ans.  11  est  évident  que  cette 
appréciation,  qui  figure  dans  presque  tous  les 
guides  des  Alpes,  n'est  que  le  produit  de  l'imagi- 
nation montagnarde. 

Il  nous  resterait  à  indiquer  par  quel  mécanisme 
les  glaciers,  qui  cependant  sont  des  corps  solides, 
peuvent  se  mouvoir  et  progresser  toutes  les  an- 
nées dune  quantité  déterminée.  Cette  question, 
depuis  longtemps  controversée,  n'a  pas  encor'' 
trouvé  une  explication  définitive.  Comme  ce  n'es: 
pas  ici  le  lieu  de  discuter  des  hyp  thèses,  nous 
nous  bornerons  à  rappeler  les  principales  théories 
qui  ont  été  proposées. 

Une  première  théorie,  qui  a  été  longtemps 
accréditée,  admettait  que  le  glacier  glissait  simple- 
ment sur  son  fond,  étant  poussé  par  les  masses 
de  névé  qui  sont  entassées  à  son  origine. 

Une  deuxième  théorie  admet  qu'il  avance  par 
l'effet  de  la  congélation  de  l'eau  dans  les  petites 
fissures  de  la  glace  ;  la  dilatation  produite  par  ce 
phénomène  déterminerait  la  progression,  en  aug- 
mentant le  volume  de  la  glace. 

Une  troisième  envisage  la  glace  comme  un  corps 
plastique  et  visqueux  qui  avancerait  à  la  manière 
d'une  coulée  de  bitume  ou  de  poix,  invoquant  à 
l'appui  le  fait  que  la  progression  est  plus  rapide  au 
milieu  du  glacier  que  sur  les  bords. 

Ce  qui  est  certain,  c'est  que  la  progression  est 
en  raison  de  l'épaisseur  des  masses;  c'est  pour 
cela  qu'un  glacier  progresse  plus  rapidement  au 
milieu,  là  où  son  épaisseur  est  la  plus  considérable, 
que  sur  ses  bords.  Ce  facteur  est  môme  plus  im- 
portant que  celui  de  la  pente.  Par  la  même  rai- 
son, les  glaciers  de  premier  ordre  avancent  pins 
rapidement  avec  une  pente  très  faible  que  les  gla- 
ciers de  second  ordre  avec  une  pente  très  forte. 

C'est  ainsi  que  le  glacier  de  l'Aar,  qui  n'a  qu'une 
inclinaison  de  -3  degrés,  avançait,  en  1S4".Î,  de  près 
d'un  pied  par  jour,  tandis  que  les  petits  glaciers 
suspendus  au  flancde  la  vallée  progressentbeaucoiip 
plus  lentement,  malgré  une  pente  décuple,  se  com- 
portant ainsi,  en  quelque  manière,  comme  les  cours 


d'eau  qui  progressent  en  raison  de  leur  section, 
les  grandes  rivières  coulant  plus  vite  avec  une 
pente  faible  que  les  petits  ruisseaux  avec  une 
pente  très  forte. 

II.  Les  ariciens  glaciers.  —  Si  les  glaciers  ac- 
tuels sont  attrayants  pour  le  touriste,  pour  l'artiste 
et  pour  le  physicien,  ils  ne  sont  pas  moins  inté- 
ressants pour  le  naturaliste  et  le  géologue,  au  point 
de  vue  de  l'histoire  de  la  terre.  Il  n'y  a  pas  long- 
temps que  l'on  se  doute  du  rôle  considérable 
qu'ils  ont  joué  dans  l'économie  de  notre  globe. 
C'est  en  Suisse,  près  des  glaciers  actuels,  que 
l'on  a  entrevu  pour  la  première  fois  les  transfor- 
mations qu'ils  ont  subies  pendant  le  cours  des  âges. 
Le  mérite  en  revient  en  premier  lieu  à  de  simples 
chasseurs  de  chamois. 

Voici  de  quelle  manière.  Les  glaciers  sont  flanqués 
à  leur  extrémité,  ainsi  que  sur  leur  côté,  de  grands 
amas  de  pierres  qui,  tombées  des  cimes  qui  en- 
tourent les  cirques  ou  bassins  supérieurs,  sont 
entraînées  par  le  mouvement  du  glacier  et  forment 
ces  remparts  que  l'on  désigne  sous  le  nom  de 
moraines.  Ces  dernières  sont  de  deux  sortes  :  les 
moraines  su}^erficieUes,  composées  des  débris  qui 
restent  à  la  surface  du  glacier,  et  les  mi  r-aines 
profondes,  composées  de  ceux  qui  ont  glissé  :-ous 
le  glacier  ou  qui  sont  tombés  au  fond  des  crevas- 
ses. Ces  derniers  sont  en  général  usés,  arrondis, 
marqués  de  rayures  et  de  stries,  provenant  du 
frottement  du  sable  qui  fait  ici  l'effet  d'un  émeri 
sous  la  pression  du  glacier. 

Quand  un  glacier  viem  à  se  retirer,  le  rempart 
qui  tapisse  son  extrémité  ne  suit  pas  le  glacier 
dans  sa  retraite,  mais  reste  en  place  comme  le 
témoin  de  son  stationnement  antérieur.  Lorsque 
ce  rempart  n'est  séparé  de  l'extrémité  actuelle  du 
glacier  que  par  une  distance  peu  considérable,  il 
saute  aux  yeux  qu'il  doit  se  rattacher  aux  oscilla- 
tions de  ce  dernier.  Xul  doute  qu'il  ne  s'agisse  là 
d'une  ancienne  étape  ;  il  suffit  d'ailleurs  d'exami- 
ner la  composition  de  ces  digues  pour  être  con- 
vaincu qu'elles  sont  identiques  à  la  moraine  ter- 
minale, c'est-à-dire,  composées  à  la  fois  de  blucs 
anguleux  provenant  de  la  moraine  superficielle  et 
de  cailloux  arrondis  appartenant  à  la  moraine  pro- 
fonde. 

C'est  ce  qu'avaient  observé,  au  commencement 
de  ce  siècle,  près  du  glacier  de  Kaltwasser,  les 
chasseurs  de  chamois  du  Simplon.  Ils  avejtirent 
de  ce  fait  l'ingénieur  Venetz,  qui  en  saisit  d'em- 
blée toute  la  portée.  Il  comprit  que  si  le  glacier 
avait  stationné  autrefois  à  quelque  cent  mètres 
plus  bas,  il  pouvait  tout  aussi  bien  s'être  étendu 
plus  loin  ;  et  il  se  demanda  si  certains  amas 
de  dépôts  meubles,  qu'il  avait  remarqués  sur  les 
flancs  de  la  vallée  à  une  distance  considérable,  ne 
seraient  pas  également  d'anciennes  moraines. 
L'examen  ne  ta;da  pas  à  confirmer  cette  prévi- 
sion. Venetz  fit  part  du  fait  à  son  ami,  M.  de 
Charpentier,  directeur  des  salines  de  Bex,  aussi 
éminent  comme  géologue  que  comme  botaniste. 
Esprit  hardi  et  profond,  M.  de  Charpentier  com- 
prit qu'il  y  avait  là  le  germe  de  toute  une  révolu- 
tion géologique.  Il  se  mit  à  examiner  les  dépôts 
analogues  qui  se  trouvent  accumulés  non  seule- 
ment dans  les  vallées  transversales,  mais  aussi 
dans  la  grande  vallée  du  Rliône,  et  bientôt  arriva 
à  la  conclusion  que  le  Valais  lui-même  avait  été 
envahi  jadis  par  un  immense  glacier,  et  que  les 
blocs  de  granit  de  Monthey,  qui  jusque  là  avaient 
paru  si  énigmatiques,  n'étaient  que  les  débris  de 
son  ancienne  moraine. 

Les  moraines  cependant  ne  devaient  pas  être  le 
seul  argument  à  l'appui  de  la  nouvelle  hypothèse; 
les  parois  de  rochers  elles-mêmes  allaient  lui  ve- 
nir en  aide.  Quand  on  pénètre  dans  les  vallées  des 
Alpes,  surtout  dans  «elles  de  la  région  graniti((ue, 
on  est  frappé  de  voir  que  les  rochers  sont  usés  et 


GLACIERS 


—  878 


GLOBE 


arrondis,  de  manière  à  présenter  des  formes  qui 
rappellent  plus  ou  moins  ces  nuages  ballonnés 
[cuinu  us)  qui  portent  on  Suisse  le  nom  de  moicioiis, 
ce  qui  avait  engage  de  Saussure  à  les  désigner  sous 
le  nom  de  roches  mout'ûinées.  Or,  il  se  trouve  que 
ces  formes  arrondies,  marquées  souvent  de  canne- 
lures très  distinctes  dans  le  sens  de  la  pente  des 
vallées,  sont,  elles  aussi,  dues  à  l'action  du  glacier, 
qui,  en  frottant  contre  les  parois,  y  trace  ces  re- 
marquables sillons  au  moyen  des' cailloux  et  des 
grains  de  sable  incrustés  dans  la  glace  et  qui  agis- 
sent comme  des  burins. 

Ces  roches  moutonnées  et  burinées  s'élèvent 
souvent  fort  au-dessus  de  la  surface  des  glaciers 
actuels  (au  glacier  de  l'Aar  jusqu'à  GOO  m.),  sans 
atteindre  pourtant  le  sommet  dos  cimes  encais- 
santes. Celles-ci  sont  au  contraire  aiguës  et  den- 
telées, ce  qui  permet  de  déterminer,  au  moyen  de 
celte  limite  des  roches  moutonnées,  l'épaisseur  que 
l'ancien  glacier  avait  à  l'époque  de  sa  plus  grande 
puissance. 

Ainsi  naquit  la  théorie  glaciaire,  qui  ne  devait 
pas  tarder  à  se  substituer  à  l'ancienne  théorie  du 
déluge  ou  des  courants  diluviens.  L'explication 
scientifique  venait  prendre  la  place  de  la  théorie 
légendaire. 

On  comprit  bientôt  que  si  cette  explication  était 
vraie  pour  le  Valais,  elle  devait  l'être  aussi  pour 
les  autres  vallées  des  Alpes;  elle  fut  en  effet  con- 
fii'mée  de  la  manière  la  plus  éclatante  par  des  obser- 
vations faites  simultanément  dans  la  vallée  de  l'Aar, 
du  Mont-Rose  et  de  Chamonix. 

.Tusque  là  les  observations  n'étaient  pas  sorties  des 
limites  des  Alpes;  mais  comme  des  phénomènes 
analogues  avaient  été  observés  ailleurs,  on  fut  na- 
turellement conduit  à  élargir  le  champ  de  l'obser- 
vation; on  ne  tarda  pas  à  se  convaincre  que  le 
transport  de  blocs  granitiques  gisant  sur  les  flancs 
du  Jura  avait  dû  seflectuer  de  la  même  manière 
que  celui  des  blocs  du  Bas-Valais;  qu'ils  devaient 
être,  eux  aussi,  d'origine  glaciaire.  Mais,  pour  que 
cela  fût  possible,  le  glacier  avait  an  s'étendre  du 
Valais  jusquau  Jura,  en  traversant  le  lac  Léman. 
Il  fallait,  en  d'autres  termes,  que  la  grande  vallée 
suisse  tout  entière  eût  été  recouverte  par  les 
glaces. 

Ceci  étant  admis,  les  géologues  français,  qui 
avaient  pris  une  large  part  aux  travaux  de  leuis 
collègues  suisses,  ne  tardèrent  pas  à  constater  les 
mêmes  phénomènes  sur  le  sol  de  la  France.  Les 
travaux  de  Collomb  établirent  la  présence  d'anciens 
glaciers  dans  les  Vosges,  tandis  que  M.  Martins 
reconnut  que  les  g  aciers  des  Pyrénées  s'étaient 
étendus  au  loin  dans  la  plaine;  enfin,  M.  Faisan 
démontra  que  l'ancien  glacier  du  Rhône  n'avait 
pas  été  limité  par  le  Jura,  mais  qu'il  avait  pénétré, 
à  travers  celte  chaîne,  jusqu'aux  environs  de  Lyon, 
où  se  trouvent  une  quantité  de  blocs  venus  des 
Alpes. 

Que  des  doutes  se  soient  élevés  dans  l'esprit  de 
bien  des  géologues  sur  l'existence  d'une  nappe  de 
glace  se  prolongeant  depuis  les  sources  du  Rliône 
jusque  dans  le  Lyonnais,  il  n'y  a  là  rien  de  sur- 
prenant, surtout  si  l'on  considère  la  faible  incli- 
naison que  devait  avoir  cette  nappe  glacée  com- 
parée k  la  pente  des  glaciers  actuels.  Il  y  avait  là, 
en  effet,  de  quoi  prêter  à  la  critique.  Il  paraissait 
impossible,  aux  yeuv  d'hommes  d'ailleurs  très  com- 
pétents, qu'une  calotte  de  glace  pût  se  mouvoir  ainsi 
sur  une  pente  équivalant  à  une  minime  fraction 
de  degré.  Une  allure  pareille  est  sans  doute  bien 
différente  de  celle  des  glaciers  actuels,  dont  les 
plus  unis  ont  au  moins  quelques  degrés  de  pente. 
Et  pourtant  on  se  trompait  en  proclamant  l'im- 
possibilité d'un  pareil  transport  par  les  glaces.  Si, 
au  lieu  de  prendre  pour  terme  de  comparaison  les 
glaciers  actuels  des  Alpes,  on  avait  établi  la  com- 
paraison avec  les  glaciers  du  nord,  on   se  serait 


bientôt  convaincu  que  ce  que  l'on  prétendait 
être  une  impossibilité  en  Suisse  était  la  règle  au- 
jourd'hui dans  les  régions  polaires.  La  Suisse  était, 
aune  certaine  époque  géologique,  recouverte  d'une 
nappe  de  glace  semblable  à  celle  du  Groënhind. 

De  même,  les  Pyrénées,  les  Vosges  et  la  Forêt- 
Noire  étaient  entourées  d'une  immense  ceinture 
de  glaciers  qui  débouchaient  de  toutes  les  vallées. 
La  Scandinavie  se  trouvait  à  peu  près  dans  les 
mêmes  conditions  que  le  Groenland  de  nos  jours. 
Il  en  était  de  même,  jusqu'à  un  certain  point,  des 
Iles  Britanniques  :  les  glaciers  venaient  de  tous 
côtés  y  rejoindre  la  mer  et  mêler  leurs  débris 
moralniquus  aux  sables  du  rivage. 

Cette  période  glaciaire  ne  devait  cependant  pas 
durer.  Les  glaces  finirent  par  se  fondre,  à  mesure 
que  le  climat  se  réchauffait.  Mais  une  fonte  pareille 
n'a  pu  s'effectuer  sans  produire  d'immenses  tor- 
rents, qui  ont  eu  nécessairement  pour  effet  de  re- 
muer et  de  remanier  les  débris  de  la  moraine  pro- 
fonde, que  le  glacier  avait  laissés  sur  place,  et 
qui  présentent  aujourd'hui  cet  aspect  particulier 
.que  l'on  a  décrit  sous  le  nom  de  paysage  morai- 
nique.  Ces  eaux  tumultueuses  devaient  en  outre 
être  chargées  d'un  fin  limon,  à  l'instar  des  eaux 
qui  s'échappent  des  glaciers  actuels.  Ce  limon  se 
déposa  dans  les  plaines  basses.  Telle  est  en  particu- 
lier l'origine  des  limons  de  la  vallée  du  Rhin  icœss], 
ae  ceux  des  plaines  de  la  Hongrie,  de  la  Bresse, 
de  la  plaine  lombarde,  des  grandes  plaines  de 
rinde  et  en  général  des  districts  les  plus  fertiles 
de  notre  continent,  ainsi  que  de  ceux  des  deux 
Amériques. 

Si  l'on  considère  que  ces  inondations,  par  les- 
quelles s'est  terminée  la  période  glaciaire,  ont  été 
générales,  on  conçoit  qu'à  mesure  qu  elles  enva- 
hissaient toutes  les  plaines  qui  n'étaient  pas  occu- 
pées par  les  glaciers,  elles  ont  dû  faire  périr  une 
grande  partie  de  l'humanité  d'alors,  ainsi  que  bon 
nombre  des  animaux  contemporains,  dont  les  débris 
sont  enfouis  dans  ces  limons  :  ceci  étant  aujourd'hui 
un  fait  acquis,  on  se  demande  si  la  tradition  d'un 
déluge  universel,'  qui  s'est  conservée  dans  les  deux 
hémisphères,  ne  trouverait  pas  son  explication 
rationnelle  dans  ces  inondations  glaciaires  qui  ont 
eu  lieu  simultanément  dans  toutes  les  parties  du 
globe?  Si  l'homme  des  cavernes  en  a  été  le  témoin, 
il  n'y  aurait  rien  de  surprenant  qu'il  en  eût  gardé 
et  transmis  le  souveuir,  malgré  son  infériorité,  car 
il  s'agit  de  la  plus  grande  crise  que  la  terre  ait 
subie  depuis  qu'elle  est  habitée. 

Ajoutons  que  si  la  période  glaciaire  a  été  froide, 
triste  et  mélancolique  pour  l'homme  primitif,  qui 
habitait  les  cavernes  des  districts  non  envahis  par 
les  glaces,  elle  a  en  revanche  préparé  la  terre  pour 
devenir  l'habitation  de  l'homme  civilisé,  en  dotant 
la  surface  des  continents  de  terrains  ifertiles  qui 
devaient  faciliter  le  bien-être  de  notre  race.  Qu'on 
enlève,  parla  pensée,  sur  une  carte  géologique,  les 
surfaces  qui  sont  composées  de  terrains  glaciaires 
et  quaternaires,  et  l'on  verra  que  l'on  a  supprimé 
du  même  coup  les  terres  les  plus  fertiles,  les  vrais 
greniers  d'abondance,  sans  lesquels  l'Europe  ne 
pourrait  pas  suffire  à  l'alimentation  de  sa  popula- 
tion actuelle.  [E.  Desor.] 

GLUBt:  (Constitution  du).  —  Géologie,  1;  Géo- 
graphie générale,  I  —  Forme.  —  La  terre  n'est  pas 
un  globe  parfait,  mais  un  sphéroïde  aplati  vers  les 
pôles  et  renflé  à  l'équateur,  dont  les  principale* 
dimensions  sont  : 

Circon  férence  polaire 40  000  kil. 

Circonférence  équatorials. .. .     40  070  — 
Différence 


70 


Diamètre  polaire 

Diamètre  équatorial. . . . , 
Différence. ., 


1   ,7:52  kil, 
}'2  7.^4  — 


rz 


GLOBE 


—  879  — 


GLOBE 


Cette  dernière  différence  constitue  l'aplatissement 
des  pôles,  qui  est  de  1/209,  insensible  à  l'œil,  puis- 
<iu'ii  ne  serait  que  de  3""», 3  pour  une  sphère  de 
de  1  mètre  de  diamètre. 

Mouvements.  —  La  terre  tourne  sur  elle-même  dé 
l'ouest  à  l'est  en  '2Z^  66'4u".  La  vitesse  de  rotation 
de  la  surface  atteint  son  maximum  à  l'équatcur, 
où  elle  est  de  46I'".9  par  seconde;  elle  est  plus 
«grande  que  celle  du  son  dans  l'air,  qui  n'est  que 
de  331",  elle  est  les  s/lO  de  la  vitesse  maximum 
d'un  boulet  de  12  kilogrammes,  qui  peut  atteindre 
519  mètres. 

Comme  toutes  les  autres  planètes,  la  terre 
tourne  autour  du  soleil  de  l'ouest  à  l'est,  dans  un 
orbite  elliptique  dont  le  soleil  occupe  un  des  foyers 
et  dont  les  dimensions  sont  les  suivantes  : 

Grand  axe 314  000  000  kil. 

Petit  axe 3U4  Odd  000  — 

Excentricité 10  000  000  ou  1/30 

La  durée  de  la  révolution  est  de  36ô  jours  1/4  ou 
une  année.  La  vitesse  de  translation  dans  l'orbite 
n'est  pas  uniforme  ;  elle  est  accélérée  dans  le  voisi- 
nage du  soleil  et  ralentie  dans  l'éloignement  ;  elle 
possède  ce  caractère  de  simplicité  reconnu  et  établi 
par  Kepler,  que  les  aires  décrites  par  le  rayon  vec- 
teur en  temps  égaux  sont  égales  (loi  commune  à 
toutes  les  planètes)  ;  la  vitesse  moyenne  est  de 
30'', S  par  seconde,  soixante  fois  celle  du  boulet  de 
12  kilogrammes. 

Formation  du  globe  terrestre.  —  Les  études  de 
toutes  sortes  faites  jusqu'à  présent  sur  la  terre 
par  les  astronomes,  les  physiciens,  les  chimistes 
et  les  naturalistes,  indiquent  qu'au  moment  où 
elle  a  commencé  à  exister  comme  astre  distinct, 
elle  était,  comme  l'a  si  bien  dit  A.  Leymerie,  à  l'état 
de  fluidité  probablement  visqueuse  ou  pâteuse.  En 
efl'et  si,  dans  l'origine,  les  choses  étaient  telles,  la 
niasse  terrestre  a  dû  chercher  d'abord  à  prendre 
la  forme  sphérique,  en  vertu  de  l'attraction  qui 
sollicitait  toutes  ses  molécules,  et  même  à  se  dispo- 
ser intérieurement  en  couches  concentriques  de 
densité  progressivement  décroissante  du  centre  à 
la  surface.  Mais  dans  le  moment  môme  où  elle 
commençait  à  se  former  et  à  s'individualiser  ainsi 
dans  le  système  solaire,  tout  prouve  que  la  terre 
recevait  une  impulsion  dont  nous  ne  chercherons 
pas  l'origine.  Cette  impulsion  seule  aurait  eu  pour 
effet  de  lui  faire  parcourir,  d'un  mouvement  uni- 
forme, un  espace  rectiligne  indéfini,  si  l'attraction 
du  soleil  n'était  venue  courber  cette  ligne,  la  fermer 
même,  et  enfin  la  modeler  en  ellipse,  ainsi  que 
cela  devait  être  en  Tertu  des  lois  de  la  méca- 
nique. 

L'impulsion  initiale  donnée  au  globe  ne  passait 
pas  par  son  centre  de  gravité,  car,  s'il  en  eût  été 
ainsi,  cet  astre  se  fût  contenté  de  ce  mouvement 
de  révolution  autour  du  soleil;  il  est  évident  que 
la  force  impulsive  n'a  pas  eu  le  temps,  pour  ainsi 
dire,  de  choisir  un  point  d'application  aussi  parti- 
culier; elle  a  accepté  le  premier  qui  s'est  présenté 
en  une  partie  quelconque  du  mobile,  qui  a  dû 
prendre  par  conséquent,  outre  son  mouvement  de 
translation  révolutionnaire,  un  mouvement  de  ro- 
tation autour  d'un  axe  passant  par  le  centre  ;  mais 
alors  la  matière  visqueuse  de  la  terre  a  dû  obéir 
à  la  force  centrifuge  qui  naît  de  tout  mouvemt^nt 
de  ce  genre,  c'est-à-dire  s'aplatir  aux  pôles  et  se 
renfler  vers  l'équateur. 

Il  est  d'autant  plus  probable  que  les  choses  se 
sont  passées  ainsi,  que  plusieurs  grands  géomètres 
ayant  cherché  à  calculer  la  valeur  de  l'aplatisse- 
ment que  notre  globe  aurait  subi  dans  cette  hypo- 
thèse, sont  arrivés  à  un  nombre  très  voisin  de  celui 
que  l'observation  a  fait  découvrir. 

La  forme  sphéroîdale  du  globe  avec  ses  pôles  apla- 
tis, et  jusqu'à  la  valeur  même  de  l'aplutissement, 


s'expliquent  donc  très  bien  si  l'on  admet  la  fluidité 
originaire  du  globe;  mais  ce  grand  fait  n'indique 
pas  suffisamment  si  cette  fluidité  doit  être  attri- 
buée à  l'eau  ou  au  feu.  On  doit  toutefois  pencher 
vers  cette  dernière  opinion,  par  suite  de  l'impossi- 
bilité d'iriiaginer  raisonnablement  un  liquide  assez 
abondant  et  assez  énergique  pour  tenir  en  dissolu- 
tion, ou  même  à  l'état  de  bouillie,  toutes  les  roches 
de  la  terre;  car  il  ne  faudrait  pas  songer  aux  mers 
actuelles,  dont  le  volume  est  si  faible  relativement 
à  celui  du  globe,  qu'elles  seraient  à  peine  capables 
d'humecter  seulement  une  partie  des  roches  que 
nous  connaissons;  ces  roches  d'ailleurs  sont  géné- 
ralement insolubles. 

On  se  demandera  peut-être  où  étaient  les  mers 
dans  cet  état  originaire  du  globe;  car  elles  ne  pou- 
vaient se  maintenir  à  l'état  liquide  sur  une  masse 
incandescente?  La  réponse  est  facile.  Ces  eaux 
étaient  dans  l'atmosphère,  avec  une  infinité  d'autres 
matières  plus  ou  moins  volatiles  ou  vaporisables 
dont  elle  a  été  purgée  depuis. 

La  terre,  ainsi  placée  au  milieu  de  l'espace,  de- 
vait rayonner  vivement  vers  les  espaces  célestes, 
malgré  l'épaisse  atmosphère  dont  elle  était  enve- 
loppée, et  perdre  rapidement  une  portion  de  sa 
chaleur  primitive  ;  et  cette  déperdition  dut  devenir 
bientôt  assez  considérable  pour  que  sa  surface  se 
consolidât  d'une  manière  persistante.  De  là  l'ori- 
gine de  l'écorce  terrestre,  d'abord  très  mince,  puis 
de  plus  en  plus  épaisse  par  l'adjonction  de  nou- 
velles couches  solides. 

Pendant  ce  refroidissement  continu  et  progressif, 
il  est  arrivé  un  moment  où  la  température  de  la 
surface  de  la  croûte  et  celle  de  l'atmosphère  ont 
permis  aux  vapeurs  de  se  condenser,  de  tomber 
sur  la  terre,  de  s'y  maintenir  à  l'état  liquide. 

Si  l'on  cherche  à  se  figurer  ce  que  pouvait  être 
le  liquide  aqueux  provenant  de  la  condensation 
d'une  atmosphère  très  chaude,  chargée  de  toutes 
sortes  de  matières,  et  tombant  sur  la  croûte  ter- 
restre, naguère  encore  incandescente,  on  verra 
que  sa  température  devait  être  très  élevée  et  qtt'il 
devait  tenir  en  solution  des  substances  variées. 
Qu'on  se  représente  maintenant  ces  eaux  dissol- 
vantes et  violemment  agitées,  se  mouvant  à  la 
surface  du  globe  pour  se  précipiter  dans  les  dé- 
pressions, afin  d'y  constituer  ces  grands  amas 
d'eau  que  nous  appelons  les  mers,  on  concevra 
sans  peine  qu'elles  ont  dû  agir  puissamment,  soit 
par  érosion,  soit  par  solution,  sur  les  roches  déjà 
consolidées,  en  se  charger  de  matières  qu'elles  ont 
dû  déposer  ensuite  dans  les  bassins,  où  s'exerçaient 
sans  doute  également  des  réactions  chimiques 
susceptibles  de  produire  des  précipit-és.  Ces  réac- 
tions d'ailleurs  devaient  être  considérablement 
favorisées  et  augmentées  par  le  concours  des  ef- 
fluves thermo-minérales  provenant  de  l'intérieur 
du  sol.  De  là  l'origine  et  la  formation  des  pre- 
miers dépôts  de  sédiment.  Enfin,  un  sol  moins 
aride  ayant  paru  à  la  surface  de  la  terre  par 
un  refroidissement  avancé  et  par  la  présence 
permanente  des  eaux  suffisamment  refroidies, 
l'atmosphère  étant  débarrassée  de  ses  éléments 
volatils,  la  vie  a  pu  s'établir,  et  notre  globe  a 
commencé  à  offrir  des  animaux  et  des  végétaux. 

Dans  le  temps  où  ces  dépôts  s'opéraient,  avant 
même  l'époque  de  leur  première  formation,  la 
croûte  terrestre  a  dû  être  incessamment  fracturée 
et  modifiée  dans  son  relief  par  des  actions  prove- 
nant de  la  masse  fluide.  En  effet,  dans  les  premiers 
temps,  où  la  partie  solide  de  la  terre  ne  consistait 
qu'en  une  pellicule  appliquée  sur  un  immense 
sphéroïde  en  fusion  agité  par  des  espèces  de  ma- 
rées, par  des  émissions  de  gaz,  etc.,  ces  réactions 
devaient  être  très  fréquentes.  Plus  tard,  la  croûte 
terrestre  s'étant  épaissie,  elles  se  sont  opérées 
à  des  intervalles  moins  rapprochés.  Aujourd'hui 
elles  ne  se  manifestent  plus   que  pai   do  faibles 


GLOBE 


—  880  — 


GLOBE 


indices  (volcans,  eaux  thermales,  tremblements  de 
terre),  et  cependant  tout  nous  porte  à  croire 
que  dans  l'état  actuel  des  choses,  l'épaisseur  de 
la  croûte  n'est  qu'une  faible  partie  du  rayon  ter- 
restre. Toutes  les  évaluations  qui  ont  été  faites  par 
les  auteurs  restent  au-dessous  de  1/20,  rapport  qui 
correspond  à  vingt  lieues  métriques. 

Composition.  —  Les  corps  simples,  au  nombre 
de  (i5,  sont  bien  loin  de  se  présenter  aussi  abon- 
damment les  uns  que  les  autres  dans  l'écorce  ter- 
restre ;  d'après  leur  ordre  d'abondance.  Elle  de 
Beaumont  les  répartit  en  six  groupes  de  la  manière 
suivante  : 


1»    j   Oxvgène 0.45 

(2/3)1  Silicium 0.22 

oo    i   Aluminium.    .. .  0.07 

HIK\-   Calcium 0.06 

^^"^i\  Magnésium   ....  0.06 

oo   1  Potassium 0.03 

fl/iorj  Sodium 0.03 

^*'*"'(  Carbone 0.03 


(1/20) 


50 
1  200', 


Soufre 0.02 

Hydrogène  ....  0.02 

Fer O.ol 

Manganèse 0.003 

Chlore...   0.001, 
Fluor...   0.001  l„.f. 
Azote....  0.001  ("•""* 
Phosphore  0.001  ) 


Les  45  autres  éléments,  constituant  un  sixième 
groupe,  ne  forment  qu'une  fraction  imperceptible. 

Parmi  les  500  csiièces  minérales  reconnues  par  les 
minéralogistes,  il  s'en  faut  de  beaucoup  que  toutes 
soient  également  abondantes  ;  vô  seulement  concou- 
rent d'une  manière  notable  à  la  formation  des  ro- 
ches ou  masses  qui  composent  l'écorce  terrestre. 
Ce  sont,  suivant  E.  de  Beaumont,  les  suivantes, 
dont  les  proportions  ont  été  indiquées  par  L.  Cor- 
dier  : 


Quartz 0.34 

Orlliose 

All>iie 0  ,, 

Ryaculithe ,   " 

Labradoiite ) 

Mica 0.04 

Talc L 

CWorite „  „' 

Siéatite "•"* 

Serpentine ) 


Amphibole 1 

Pyroxene '   0.04 

Diallage \ 

Argile 0.03 

Calcaire )   ^  „- 

Dolomie i  ^'-^^ 

Gypse j 

^''/'i-i'"" 0.01 

Sel  gemme 1 

Combustibles ) 


D  nsité.  —  La  pesanteur  relative  moyenne,  re- 
cherchée à  l'aide  des  observations  astronomiques 
sur  les  influences  des  corps  célestes  les  uns  sur  les 
autres,  et  de  la  direction  du  fil  à  plomb  dans  le 
voisinage  des  montagnes,  a  été  trouvée  cinq  fois 
celle  de  l'eau.  Toutes  les  matières  principales 
formant  les  parties  de  la  terre  qui  uuus  sont  abor- 
dables ont  une  densité  variant  entre  2  et  3. 


Roches  ignées, 

Talschiste 2.70 

Micaschiste 2. 75 

Gneiss 2.66 

Granité 2.63 

Porphyre 2.64 

Serpentine 2.00 

Trachyte 2  65 

Basalte 5.  Ou 

Lave  de  Yolvic 2.32 


Moches  de  sédiment. 

Schiste-ardoise.. 2.65 

.irgiles 2.20 

Grès 2.65 

Marbres 2.70 

Calcaire  liais 2.40 

Calcaire  grossier 1.80 

Anthracite 1.46 

Houille  grasse 1 .  28 


Suivant  L.  Cordier,  on  peut  fixer  la  densité 
moyenne  de  l'écorce  terrestre  à  2,70. 

L'augmentation  de  densité  pour  l'intérieur  ne 
peut  être  attribuée  à  la  diminution  de  volume  que 
les  corps  éprouvent  par  la  pression,  tout  énorme 
que  soit  celle-ci,  car  on  sait  que  cette  diminution 
est  très  minime,  l/i500  du  volume  ;  d'ailleurs  les 
effets  de  la  pression  sont  probablement  compensés 
par  l'augmentation  de  volume  produite  par  la  tem- 
pérature, qui  est  si  élevée  dans  les  parties  cen- 
trales, ainsi  que  le  dénote  l'incandescence  des 
laves  que  rejettent  les  volcans.  Il  n'y  a  que  les 
métaux  et  leurs  composés  dont  la  densité  atteigne 
et  dopasse  celle  de  la  teire.  On  peut  donc  affirmer 
que  les  entrailles  de  celle-ci  recèlent  des  éléments 


métalliques  en  bien  plus  grande  quantité  que  le» 
parties  superficielles. 

Magnétisme  terrestre.  —  Si  l'aiguille  aimantée  a 
une  direction  en  chaque  point  de  la  surface  de  la  terre, 
c'est  parce  que  celle-ci  jouit  de  propriétés  magné- 
tiques qui  en  font  un  véritable  aimant  ou  barreau 
aimanté,  ayant  des  pôles  attractifs  dans  les  régions 
polaires.  Le  pôle  magnétique  boréal  de  la  terre,  vers 
lequel  se  dirige  l'extrémité  bleue  de  la  boussole,  a 
été  fixé  par  Ross  en  lb30  au  N.  de  la  baie  dHud- 
son,  sur  la  côte  occidentale  de  Boothia-Félix.  Le 
pôle  magnétique  austral  a  été  fixé  par  Dumont  dUr- 
ville,  en  1840,  au  S.  de  l'Australie  et  de  la  terre 
Adélie.  Les  points  précis  sont  les  suivants  : 

Pôle  boréal. 
Long,  occid.  de  Paris.     99»  7'  |  Latitude  boréale 70'  5 

Pôle  austral. 
Long,  orient,  de  Paris  134°  0'  |  Latitude  australe  ....     72°  0' 

L'équateur  magnétique,  placé  à  peu  près  à  égale 
distance  des  pôles,  est  oblique  par  rapport  à  l'équa- 
teur terrestre  ;  les  deux  points  de  croisement,  qui 
portent  le  nom  de  nœuds,  sont  situés  à  peu  près  à 
l'opposé  l'un  de  l'autre.  Les  nœuds  et  les  points 
de  plus  grand  écartement  ont  été  ainsi  fixés,  pour 
1825,  par  Duperrey: 

Nœud  Pacifique,  au  nord  des 

lies  Fidji long,  orient.  180°. 

Écart,  septent.  à  l'ile  Socotora  long,  orient.    52»,  lat.  bor.  12». 

Nœud  Atlantique  à  San-Tomé  long,  orient.      3". 
Écart,  mérid.  au  N.-O.  de  Rio- 

Juneiro long,  occid.    50°,  lat.  aust.  15*» 

Tel  était  l'état  magnétique  de  la  terre  en  1825; 
mais  il  n'est  pas  stable,  ainsi  que  le  démontrent  les 
variations  des  boussoles.  Ainsi,  à  Paris,  la  déclinai- 
son, qui  était  de  11°  à  l'E.  en  1580,  était  arrivée  à 
22°34  à  rO.  en  l!il4  :  en  1878  elle  n'est  plus  que 
17"'.  L'inclinaison, qui  était  de  75°  en  1671,  n'est  plus, 
en  1878,  quede65°40'.  Les  variations  séculaires  que 
l'on  constate  depuis  1576  seraient  expliquées  par  la 
supposition  d'un  noyau  ferrugineux  magnétique, 
emporté  un  peu  moins  rapidement  que  l'écorce 
extérieure  dans  le  mouvement  de  rotation  de  la 
terre  autour  de  son  axe  et  de  ses  pôles. 

Les  terres,  les  eaux,  l'atmosphère-  —  La  terre, 
envisagée  d'une  manière  générale,  se  compose 
de  trois  parties  :  une  masse  formée  d'un  noyau 
central  plus  ou  moins  fluide,  enveloppée  par  l'é- 
corce terrestre  solide,  dans  laquelle  se  passent  les 
phénomènes  ignés  ou  plutoniens;  une  enveloppe 
incomplète  aqueuse  (mers,  lacs,  fleuves,  etc.j,  qui 
est  le  siège  des  phénomènes  aqueux  ou  neptuniens; 
enfin  une  enveloppe  complète  guzeuse  (atmo- 
sphère), dans  laquelle  se  passent  les  phénomènes 
aériens  ou  éoliens. 

Terres.  —  Sur  le  sphéroïde  terrestre,  elles  for- 
ment seulement  1/4  de  la  surface,  tandis  que  les 
mers  en  occupent  les  y/4.  Les  mers  et  les  terres 
sont  très  inégalement  distribuées  dans  les  deux 
hémisphères  polaires;  les  mers  forment  les  ItjS 
de  l'hémisphère  boréal,  et  les  7/8  de  l'hémisphère 
austral. 

Les  terres  sont  ordinairement  divisées  en  ancien 
et  nouveau  continent,  dont  ou  fait  cinq  p;iriies  : 
l'Europe,  l'Asie,  l'Afiique,  l'Amérique  et  l'Ocea- 
nie.  Cette  division  n'a  rien  de  naturel,  les  terres, 
abstraction  faite  des  îles  grandes  et  petites,  étant 
séparées  par  les  mers  eu  sept  massifs  comme  il 
suit  : 

A.NXIEN  CONTINENT. 

1°  L'Europe  ei  l'.isie,  entre  lesquelles  il  n'y  a 
aucune  séparation  ; 

2°  L'Afrique,  qui  tient  à  l'Asie  par  l'isthme  de 
Suez; 

3°  L'Australie,  reliée  à  l'Asie  par  la  chaîne  in- 
terrompue di.s  îles  asiatiques. 


GLOBE 

NOUVEAU  CONTINENT. 


—  881  — 


GLOBE 


4°  L'Amérique  du  Nord  ; 

5°  L'Amérique  du  Sud,  liée  à  la  précédente  par 
l'istbme  de  Panama  ; 

TERRES   CIRCUMPOLAIRES. 

6»  Enfin  les  terres  boréales,  dont  la  principale 
est  le  Groenland  ;  elles  sont  reliées  par  les  glaces 
polaires  ; 

7°  les  terres  australes,  reliées  également  par 
une  calotte  de  glace. 

Les  terres  forment  dans  l'hémisphère  boréal  deux 
grands  massifs,  l'Amérique  du  Nord  d'une  part,  ot 
l'Europe  et  l'Asie  de  l'autre.  Le  premier  de  es 
massifs  a  un  appendice  dans  l'hémisphère  austral, 
c'est  l'Amérique  du  Sud  ;  le  second  en  a  deux, 
l'Afrique  rt  l'Australie. 

La  surface  des  terres  découvertes  se  partage  en 
trois  sortes  de  régio:is  :  les  montagnes,  les  pla- 
teaux et  les  plaines. 

Les  montagnes  sont  des  surfaces  extrêmement 
accidentées,  à  pentes  en  général  rapides  ;  elles 
s'élèvent  au-dessus  des  mers,  des  plaines  et  de^ 
plateaux  qui  les  environnent,  et  dominent  jusqu'à 
d'assez  grandes  distances  les  contrées  où  elles 
sont  situées,  par  les  hauteurs  en  général  fort  con- 
sidérables qu'elles  atteignent. 

Elles  se  divisent  en  deux  catégories,  qui  ont  des 
natures  et  des  origines  fort  différentes  :  les 
montagnes  solitaires  ou  monts,  et  les  chaînes  de 
montagnes.  Les  monts  sont  des  masses  en  général 
circulaires,  dont  la  forme  approche  de  celle  d'un 
cône  très  surbaissé  ;  ils  sont  situés  à  la  surface 
des  plaines  et  des  plateaux.  Le  Vésuve,  l'Etna 
sont  des  monts  situés  dans  les  plaines  de  Naples 
ou  de  la  Sicile  ;  le  mont  Dore,  le  Cantal  sont  des 
monts  situés  sur  le  plateau  du  centre  de  la 
France.  Le  Chimborazo  est  un  mont  placé  sur  les 
hauts  plateaux  de  la  chaîne  des  Andes,  au  Pérou, 
et  dont  les  partie?  supérieures  portent  des  neiges 
perpétuelles  sous  l'équateur. 

Les  chaînes  de  montagnes  sont  des  masses 
elliptiques,  fort  allongées  suivant  uiie  direction, 
présentant  une  crête  plus  ou  moins  ondulée, 
foimée  de  pics  séparés  par  des  cols,  et  de  cha- 
que côté  de  laquelle  se  trouvent  les  versants. 
Tantôt  la  chaîne  est  simple,  comme  dans  la  partie 
occidentale  des  Pyrénées  ;  tantôt  elle  est  multiple 
et  formée  de  chaînons  parallèles,  comme  dans  le 
Jura  et  dans  la  portion  des  Alpes  située  entre  la 
Suisse  et  le  Piémont.  Le  plus  souvent  les  chaînes 
de  montagnes  sont  assez  élevées  pour  porter  des 
n' iges  perpétuelles  sur  leurs  sommités.  La  chaîne 
de  montagnes  la  plus  élevée  du  globe  est  celle  de 
l'Himalaya,  qui  atteint  8s40  mètres  au  mont 
Gaourisankar. 

Les  plateaux  sont  des  surfaces  horizontales  ou 
à  peu  près,  dominant  les  plaines  qui  les  en- 
tourent ou  bien  les  mers,  et  dont  la  hauteur  est 
assez  grande.  Le  plateau  de  l'intérieur  de  la  France 
a  une  hauteur  moyenne  de  6'i0  à  1  000  mètres  ; 
celui  des  Ardennes  a  de  400  à  600  mètres;  celui  de 
la  Guyenne  atteint  de  500  à  600  mètres. 

Les  plaines  sont  dps  surfaces  horizontales  ou  à 
peu  près,  entourées  ou  limitées  sur  plusieurs  de 
leurs  côtés  par  des  surfaces  plus  élevées.  Les  plai- 
nes qui  communiquentdircclement  avecla  mer  sont 
peu  élevées  au-dessus  de  son  niveau  ;  telles  sont 
en  France  celles  du  sud  ouest,  dont  l'altitude 
varie  de  20  à  400  mètres,  et  celles  du  nord,  qui  s'é- 
lèvent de  100  à  300  mètres. 

Les  montagnes,  les  plateaux  et  les  plaines  sont 
sillonnés,  soit  séparément,  soit  plusieurs  ensem- 
ble, par  des  dépressions  du  sol  que  l'on  désigne 
sous  le  nom  de  vallées,  et  qui  le  plus  souvent  sont 
parcourues  dans  leur  longueur  par  des  cours  d'eau. 
Leur  fund  possède  généralement  une  pente  on- 
2'  Partie. 


tinue,  rapide  dans  les  parties  supérieures,  et  qu; 
devient  plus  faible  à  mesure  qu'on  s'approche  da- 
vantage de  la  terminaison  de  la  vallée,  soit  à  la  mer, 
soit  à  une  plaine  fermée  intérieure.  Quelques  val- 
lées présentent  des  irrégularités  dans  la  pente  de 
leur  fond;  çà  et  là  il  y  a  des  dépressions  auxquel- 
les est  due  la  formation  des  lacs  qui  se  trouvent 
sur  le  trajet  des  cours  d'eau. 

Eaux.  —  Bassins  hydrograjhiques.  —  Les  eaux 
pluviales  qui  arrosent  la  surface  des  terres  se 
déversent  presque  toutes  par  les  fleuves  dans  deux 
grands  bassins  océaniques  ;  mais  la  répartition  est 
fort  inégale. 

Le  bassin  Indo-Pacifique  ne  reçoit  pas  de  très 
grands  fleuves;  la  ligne  de  partage  des  eaux  est 
rapprochée  de  ses  bords,  excepté  dans  l'Inde.  En 
effet,  les  montagnes  Rocheuses  et  les  Andes  sont 
très  r;ipprochées  de  la  côte  occidentale  des  deux 
Amériques  ;  et  la  ligne  de  partage  dans  l'A- 
sie et  l'Afrique  n'est  pas  non  plus  très  éloi- 
gnée des  côtes  orientales  de  ces  deux  conti- 
nents. 

Le  bassin  Atlantique,  au  contraire,  reçoit  les 
eaux  qui  tombent  sur  les  trois  quarts  au  moins  des 
terres  découvertes.  En  efl'et,  la  moitié  septentrio- 
nale de  l'Asie  et  de  l'Europe  y  verse  ses  eaux  ; 
une  grande  partie  de  celles  de  l'Afrique  s'y  déver- 
sent aussi,  et  enfin  les  deux  Amériques  y  envoient 
la  presque  totalité  des  eaux  qui  tombent  à  leur 
surface.  Il  reçoit  encore  les  eaux  provenant  de  la 
fusion  des  neiges  qui  tombent  sur  toutes  les  terres 
boréales. 

Pourtant  les  eaux  qui  tombent  à  la  surface  des 
terres  n'ont  pas  toutes  la  possibilité  de  se  rendre 
à  l'un  de  ces  deux  grands  réservoirs  ;  il  y  a  d'im- 
menses surfaces  dont  les  eaux  se  rassemblent  pour 
former  des  mers  ou  lacs  intérieurs  sans  com- 
munication avec  les  océans.  Ces  bassins  et  leurs 
réservoirs  sont  tantôt  au  niveau  général  des  océans, 
tantôt  ils  sont  à  des  hauteurs  très  différentes,  soit 
au-dessus,  soit  au-dessous. 

Orographie  sous-maiine.  —  Une  exception,  à  la 
surface  des  terres  découvertes,  c'est  l'existence  de 
dépressions  fermées  un  peu  étendues,  sans  com- 
munications avec  le  bassin  des  mers  par  des  vallons 
ou  vallées.  Mais  les  dépressions  isolées  sont, 
on  peut  le  dire,  l'état  normal  pour  les  parties 
recouvertes  par  les  eaux,  tout  aussi  bien  couran- 
tes que  tranquilles,  douces  que  saumâtres  et  sa- 
lées. 

Le  sol  sous- marin  n'offre  que  de  grandes  surfaces 
presque  unies,  descendant  en  pentes  plus  ou  moins 
douces  de  la  côte  vers  l'intérieur  de  la  mer  et  pré- 
sentant de  grandes  ondulations  semblables  à  celles 
du  fond  des  bassins  dans  lesquels  se  sont  déposés 
les  différents  terrains  stratifiés,  pendant  les  diver- 
ses périodes  géologiques.  Il  présente  également  la 
plus  grande  analogie  avec  la  surface  supérieure  de 
ces  dépôts,  surtout  tertiaires,  comme  celui  delà 
plaine  des  landes  de  Gascogne,  abstraction  faite 
même  des  légers  vallons  qui  la  sillonnent  ;  les  pen- 
tes vers  la  pleine  mer  seraient  souvent  insensibles 
à  l'œil  même  exercé  ;  car  beaucoup  sont  encore 
moins  fortes  que  celles  qui  sont  tolérées  sur  les 
chemins  de  fer. 

La  Méditerranée  forme  comme  une  immense  cu- 
vette ;  en  effet,  du  détroit  de  Gibraltar  dont  la  pro- 
fondeur n'atteint  que  396  mètres,  son  hassin_ occi- 
dental dépasse  "  .jOii  mètres  entre  les  îles  Baléares, 
la  Corse,  la  Sardaigne  et  l'Algérie  ;  dans  le  bassin 
oriental  les  profondeurs  sont  beaucoup  plus  gran- 
des :  3  lO'i  mètres  entre  Rhodes,  la  Crète  et  Alexan- 
drie; 4  600  mètres  à  ItS  kilomètres  à  l'est  de 
Malte.  On  croit  n'avoir  pas  rencontré  le  fond  dans 
l'océan  Indien  par  13  000  mètres  de  profon- 
deur. 

Mers.  —  Les  mers,  qui  occupent  une  si  vaste  sur^ 
face  dans  l'hémisphère  austral,  où  elles  entourent 

56 


GLOBE  —  8g 

complètement  les  terres  australes,  remontent  vers 
le  pôle  nord,  entre  les  massifs  terrestres  qui  y  éta- 
blissent trois  grandes  divisions  :  l^  l'Océan  Atlan- 
tique, partie  comprise  entre  l'Europe,  l'Afrique  et 
les  deux  Amériques,  qui  se  divise  en  arctique  au 
nord  de  l'Islande  ;  septentrional  et  méridional,  sé- 
parés par  une  ligne  tirée  du  cap  Vert  au  cap  San 
Roque;  il  remonte  au  delà  du  pôle  et  va  rejoindre 
le  cercle  polaire  boréal  ;  2'  l'Océan  Pacifique,  entre 
les  deux  Amériques,  l'Asie  et  l'Australie,  divisé  en 
septentrional  et  méridional  par  les  archipels  Salo- 
mon,  Fidji,  de  Cook,  de  la  Société,  des  îles  Basses, 
jusqu'à  l'île  de  Pâques;  il  remonte  jusqu'au  cercle 
polaire  boréal  ;  3'  l'Océan  Indien,  entre  l'Australie, 
l'Asie  et  l'Afrique,  qui  remonte  seulement  au  tro- 
pique du  Cancer. 

Ces  deux  derniers  communiquent  entre  eux,  tou- 
tefois, par  de  larges  ouvertures  au  travers  des  îles 
asiatiques  ;  de  sorte  que,  à  vrai  dire,  il  n'y  a  que 
deux  bassins  :  le  bassin  Atlantique  et  le  bassin 
Indo-Pacifique.  Ces  deux  bassins,  réunis  au  pôle 
austral,  ne  communiquent  entre  eux  vers  le  pôle 
boréal  que  par  le  détroit  de  Behring,  de  50  kilomè- 
tres environ  de  largeur. 

Les  eaux  des  océans  sont  claires  et  limpides, 
excepté  près  des  côtes  où  l'agitation  des  vagues  dé- 
tache sans  cesse  des  particules  terreuses  et  les  en- 
traîne jusqu'à  une  certaine  distance.  Dans  le  voisi- 
nage de  l'embouchure  des  fleuves  aussi,  les  mers 
présentent  souvent  des  teintes  diverses  dues  aux 
matières  apportées  par  ces  courants  d'eau  et  qui 
sont  transportées  souvent  au  loin  par  les  courants 
marins.  Ainsi  la  mer  à  l'embouchure  de  la  Gironde 
est  souvent  jaune,  et  cette  teinte  se  répand  assez 
loin  le  long  de  la  côte,  vers  le  sud.  La  rivière  des 
Amazones  trouble  souvent  les  eau\  de  l'Atlantique 
dann  certaines  directions  jusqu'à  SUO  kilomètres  de 
l'embouchure.  La  mer  Jaune,  en  Chine,  a  reçu  son 
nom  de  la  coloration  due  à  des  causes  semblables. 
Quant  à  la  mer  Rouge,  c'est  à  la  grande  quantité 
de  polypiers  et  d'animaux  rouges  de  diverses  es- 
pèces qui  peuplent  son  fond  qu'elle  doit  sa  déno- 
mination. 

Dans  les  endroits  où  l'eau  de  la  mer  est  le  plus 
limpide,  il  paraît  que  la  lumière  ne  pénètre  cepen- 
dant pas  à  une  grande  profondeur.  Une  obscurité 
presque  complète  paraît  déjà  régner  à  une  centaine 
de  mètres,  et  il  est  assez  probable  qu'il  ne  vit  plus 
qu'un  très  petit  nombre  d'espèces  soit  animales, 
soit  végétales,  au-dessous  de  ce  niveau. 

L'eau  de  la  mer  a  une  densité  un  peu  supérieure 
à  celle  de  l'eau  ordinaire,  par  suite  des  matières 
salines  qu'elle  tient  en  dissolution.  Comme  la  pro- 
portion de  ces  matières  ou  le  degré  de  salure  de  la  mer 
présente  peu  de  différences  dans  les  divers  océans,  la 
densité  varie  fort  peu  aussi.  Toutefois  dans  les  mers 
polaires,  la  congélation  de  l'eau,  qui  produit  de  la 
glace  douce,  pourrait  bien  augmenter  momentané- 
ment en  hiver  la  salure  ;  mais  les  différences  de 
densité  occasionnent  des  courants  qui  rétablissent 
l'équilibre.  Mais  lorsqu'on  été  les  glaces  viennent  à 
fondre,  l'eau  douce,  plus  légère,  se  maintient  à  la 
surface  et  y  diminue  notablement  la  salure  et  la 
densité,  comme  le  montrent  les  chiff'res  sui- 
vants : 

Latitude    Densité    Salure 

Océan  Atlantique  septentrional....  2o°  30'  1.0289  42.6 

—  équatoi'ial »     »  1.Ù2S3  » 

—  méridional 23°  1.0279  39.2 

Mer  Arctique  à  434  nictres 80»  26'  1.0271  38.0 

—  à  la  surface >>     »      1.0197     i:8.3 

—  près  des  glaces »     »      1.0006      » 

On  peut  conclure  de  la  quantité  de  sel  marin 
coritenu  dans  un  litre  d'eau  de  l'Océan  que  la  quan- 
tité existant  dans  toutes  les  mers  formerait,  si  on 
la  supposait  étalée  sur  le  globe,  une  couche  de  plus 
de  10  mètres  de  hauteur. 


l —  GOMMES 

Atmosphh'e.  —  Elle  forme  à  la  surface  des  ter- 
res et  des  eaux  un  véritable  océan  sans  lacunes, 
de  100  kilomètres  environ  de  hauteur,  au  fond  du- 
quel nous  sommes  plongés  et  dans  lequel  nous  ne 
pouvons  nous  élever,  à  8  ou  10  kilomètres,  qu'en 
gravissant  de  hautes  montagnes  ou  bien  par  des 
ascensions  en  ballon. Elle  fait  équilibre,  au  niveau 
de  la  mer,  aune  colonne  de  mercure  de  '60  mil- 
limètres, et  à  celte  pression,  qui  est  une  moyenne 
dans  les  zones  tempérées,  le  point  d'ébuUition  de 
l'eau  pure  est  à  100"  du  thermomètre  centigrade 
Quand  on  s'enfonce  dans  les  mines  au-dessous  du 
niveau  de  la  mer,  la  pression  augmente  et  le  point, 
d'ébuUition  est  retardé.  Au  contraire,  lorsqu'on 
s'élève  dans  l'atmosphère,  la  hauteur  de  la  partie 
qui  exerce  la  pression  diminuant,  celle-ci  dimi- 
nue, et  on  voit  s'abaisser  d'une  part  le  mercure 
dans  le  tube  barométrique,  et  de  l'autre  le  point 
d'ébuUition  de  l'eau  dans  le  tube  du  thermo- 
mètre. Au  sommet  du  Mont-Blanc,  qui  a  4S15 
mètres  d'altitude,  l'eau  entrerait  en  ébuUition 
à  .S3°,9. 

Les  courants  qui  agitent  l'atmosphère  ont  pour 
efl'et  d'augmenter  ou  de  diminuer  la  pression,  et 
par  suite  d'accélérer  ou  de  retarder  l'ébullition  de 
l'eau.  Ainsi  à  l'Observatoire  de  Paris,  à  65  mètres 
d'altitude,  où  la  pression  varie  entre  719  et  781 
millimètres,  le  point  d'ébuUition  oscille  entre  98° 
et  100'',8  ;  différence,  2", 8. 

La  densité  de  l'atmosphère  décroît  à  mesure 
qu'on  s'élève,  en  progression  géométrique,  de  sorte 
que,  mathématiquement  parlant,  la  hauteur  de 
cette  masse aériforme  est  infinie;  mais  comme,  ar- 
rivée à  un  certain  point,  la  densité  est  infiniment 
faible,  on  est  porté  à  conclure  qu'il  y  a  réellement 
une  limite  au  delà  de  laqueUe  l'atmosphère  devient 
tout  à  fait  nulle  pour  nos  sens.  Toutefois,  cela  ne 
peut  arriver  qu'à  une  distance  considérable,  car 
nous  savons  par  les  phénomènes  du  crépuscule 
qu'à  des  hauteurs  de  60  à  90  kilomètres,  l'air  a. 
encore  une  densité  assez  considérable  pour  réflé- 
chir la  lumière  du  soleil  à  la  surface  de  la 
terre. 

La  composition  de  l'air  est  partout  la  même,  au 
moins  pour  les  deux  éléments  essentiels, oxygène  et 
azote  ;  ce  qui  n'a  rien  de  surprenant  eu  égard  au 
mélange  des  diverses  couches  qui  est  opéré  conti- 
nuellement par  les  vents.  C'est  ce  qu'ont  démontré, 
en  1841,  les  analyses,  faites  par  M.  Dumas,  d'air 
recueiUi  simultanément  à  Paris  et  en  Suisse,  à  de 
grandes  différences  d'altitude;  les  quantités 
d'oxygène  ont  été  les  suivantes  sur  100  parties  en 
poids  : 

Analyses.  Extrêmes.  Moyenne» 

5  au  Faulhorn,  à  2  700-° 22  85  à  23  10          22  f  7 

4  à  Berne,           à     SS.ï"' 22  89  à  23  00          22  95 

3  à  Paris,            à       ôo--» 23  00  à  23  07          23  04 

Mais  les  proportions  de  vapeur  d'eau  et  d'acide 
carbonique  sont  beaucoup  plus  variables. 

fV.  Raulln.] 

GOMMES.  —  Chimie,  XXIV.  —  On  donne  le 
nom  général  de  gommes  à  un  très  grand  nombre 
de  substances,  plus  ou  moins  différentes  par  leurs 
propriétés,  mais  qui  ont  toutes  pour  caractère 
commun  d'exsuder  de  certains  arbres,  soit  sponta- 
nément, soit  par  suite  d'une  incision  faite  dans 
leur  écorce.  Toutes  ces  substances  se  solidifient 
en  arrivant  à  l'air  ;  on  peut  donc  dire  que  toutes 
les  gommes  sont  solides. 

Propriétés  et  caracières.  —  Les  gommes  ont  la 
même  composition,  CisHioO*",  que  les  substances 
(imylarées  (V.  Amido7i),  mais  elles  ne  sont  poii:t 
des  principes  immédiats  comme  celles-ci.  (V.  Chi- 
mie  organique.) 

Elles  se  gonflent  et  se  dissolvent  dans  l'eau, 
oui    devient    filante    et    collante     "n     acquérant 


GOMMES 


—  883  — 


GRAINE 


•une  consistance  particulière  appelée  consistance 
g'^>mmeuse.  Les  matières  dites  mucilugineuses, 
extraites  d'un  grand  nombre  de  végétaux,  et 
•qu'il  ne  faut  point  confondre  avec  les  gommes, 
se  ronflent  dans  l'eau  sans  s'y  dissoudre.  Traitées 
par  l'acide  azotique,  les  gommes  se  transforment 
en  acide  mucique  (c'est  là  leur  caractère  chimique 
distinctif).  Par  ce  traitement,  elles  donnent  ans>i 
de  l'acide  oxalique,  voire  même  de  l'acide  saccha- 
rique  et  de  l'acide  tartrique.  Exposées  au  soleil 
«u  à  la  chaleur,  elles  subissent  certaines  trans- 
formations et  deviennent  moins  solubles  dans 
l'eau. 

Les  gommes  sont  des  substances  concrètes,  in- 
cristallisables,  d'une  saveur  fade,  sans  aucune 
odeur;  la  plupart  sont  jaunâtres,  d'autres  sont 
blanches  ou  presque  incolores;  pures,  presque 
toutes  les  gommes  sont  translucides. 

On  les  rencontre  dans  le  commerce  sous  divers 
aspects  :  tantôt,  comme  la  gomme  arabique,  en 
petites  masses  arrondies,  de  la  grosseur  d'une 
grosse  noisette,  à  cassure  conchoïde  et  vitreuse, 
de  couleur  blonde  ou  rouge  ;  tantôt,  comme  la 
gomme  adragante,  en  rubans  tortillés  ou  en  pla- 
■ques  plus  ou  moins  larges  et  chagrinées  à  leur  sur- 
face. 

On  distingue  trois  espèces  de  gommes  :  la 
%omvc\e  arabique ,  la  gomme  adragante  et  la  gomme 
du  pays. 

Gomme  arabique.  —  La  gomme  arabique,  comme 
son  nom  l'indique,  nous  venait  autrefois  exclusi- 
vement de  l'Arabie  ;  aujourd'hui  presque  toute 
celle  que  l'on  consomme  en  Europe  vient  du  Sé- 
négal. 

Elle  se  dissout  en  toutes  proportions  dans  l'eau  ; 
cette  dissolution  dévie  à  gauche  le  plan  de  polari- 
sation de  la  lumière  ;  mais  après  avoir  subi  l'action 
de  l'acide  sulfurique,  elle  le  dévie  à  droite  CV'.  Pola- 
risation). Cette  gomme  contient  80  p.  100  d'un  prin- 
cipe immédiat  auquel  elle  doit  ses  propriétés  et 
qu'on  appelle  arabine.  D'après  les  travaux  de 
M.  Frémy,  il  faudrait  considérer  la  gomme  ara- 
bique comme  un  mélange  des  sels  de  chaux  et  de 
potasse  d'un  acide  qu'il  a  appelé  acide  gummique. 
Cet  acide,  le  savant  chimiste  du  Muséum  l'a  isolé. 
sous  la  forme  d'une  masse  amorphe  d'un  blanc  lai- 
teux, devenant  vitreux  par  dessiccation.  Porté  à 
une  température  de  120  à  160°,  il  devient  insoluble 
dans  l'eau  en  se  convertissant  en  acide  méta- 
gummique. 

Les  métagummates,  qui  sont  insolubles  dans 
l'eau  froide,  se  convertissent  de  nouveau  en  gum- 
niates  solubles  par  l'ébullition  avec  ce  liquide 
(^^'urtz).  On  savait  depuis  longtemps  que  la  céra- 
sine,  principe  insoluble  des  gommes  de  pruniers 
•et  de  cerisiers,  se  convertissait  par  l'ébullition  en 
arabine  ou  principe  soiuble  des  gommes.  Les  tra- 
vaux de  M.  Frémy  nous  expliquent  cette  propriété 
par  la  transformation  des  métagummates  en  gum- 
mates. 

D'après  M.  Fermond,  une  solution  de  gomme 
arabique  conservée  pendant  longtemps  se  convertit 
«n  une  matière  sucrée  particulière. 

Desséchée  à  100°,  la  gomme  arabique  a  la  même 
composition  que  le  sucre  de  canne,  C'-Hi'O'i;  à 
130°,  elle  prend  celle  de  l'amidon,  Ci-'HioOiO; 
traitée  par  l'acide  sulfurique  à  chaud,  elle  devient 
•du  glucose,  Ci»HnOii. 

La  gomme  arabique  a  de  très  nombreux  usages. 
En  pharmacie,  elle  est  la  base  des  pâtes  dites  de 
jujube,  de  lichen,  etc.  ;  elle  est  employée  comme 
adoucissant  dans  les  maladies  inflammatoires,  soit 
en  poudre,  soit  en  sirop;  elle  sert  comme  inter- 
mède pour  administrer  les  résines,  le  camphre,  les 
huiles  fixes  ou  volatiles.  Dans  l'industrie  on  en 
fait  une  consommation  énorme  pour  la  fabrication 
des  vernis,  principalement  des  vernis  de  voiture, 
dans  l'apprêt  des  étoffes,  le  vernissage  des  estampes 


coloriées,  le  collage  du  papier,  la  préparation  des 
couleurs,  etc. 

Gomme  adragante.  —  Cette  gomme  provient  de 
plusieurs  espèces  d'astragates,  principalement  de 
Vastragak  ven-s.  Elle  ne  se  dissout  point  complè- 
tement dans  l'eau,  mais  s'y  gonfle  en  donnant  un 
sirop  très  épais  et  très  consistant.  Elle  contient 
des  traces  de  substance  amylacée,  aussi  bleuit-nlle 
par  l'iode;  son  principe  essentiel, qui  en  forme  les 
45  centièmes,  est  Vadrogantinr,  appelé  aussi  bas- 
iorine  parce  qu'il  constitue  l'élément  principal  de 
la  gomme  de  Bassora.  La  bassorine  pure,  gonflée 
dans  l'eau,  donne  une  belle  gelée  transparente  qui, 
bouillie  avec  de  l'acide  sulfurique,  se  transforme 
complètement  en  glucose  cristallisable. 

La  gomme  adragante  est  blanche,  un  peu  élas- 
tique, difficile  à  pulvériser;  on  la  rencontre  dans 
le  commerce  en  rubans  gomme  fine  vermiculéel,en 
plaques  (gomme  en  plaques).  Elle  sert  dans  l'in- 
dustrie pour  l'apprêt  de^  cuirs  et  des  tissus;  en 
pharmacie,  dans  la  confection  des  pastilles  et  des 
loochs;  elle  entre  aussi  dans  la  fabrication  des 
crèmes  et  des  gelées. 

Les  gommes  dites  pseudo-adragant.de  Bassora, 
de  Sasia,  qu'on  rencontre  dans  le  commerce,  ser- 
vent à  falsifier  la  gomme  adragante,  qui  coûte  gé- 
néralement assez  cher. 

Gomme  du  pays.  —  Cette  gomme  est  produite 
par  plusieurs  rosacées  de  notre  pays,  le  cerisier, 
l'abricotier,  le  prunier  ;  on  l'appelle  encore  gomme 
7iostras.  On  la  rencontre  le  long  de  l'écorce,  dont 
elle  exsude  naturellement  par  les  moindres  cre- 
vasses; elle  est  en  masses  agglutinées,  irrégu- 
lières, transparentes,  d'un  brun  jaune,  plus  ou 
moins  salies  par  des  matières  étrangères;  elle  se 
dissout  difficilpment  dans  l'eau.  Son  principe  do- 
minant s'appelle  la  cérasine  ;  il  paraît  être  de 
même  nature  que  la  bassorine  Les  chapeliers  em- 
ploient la  gomme  du  pnys  mélangée  h  la  gélatine 
pour  apprêter  les  feutres. 

Gommes  résines.  —  Les  gommes  résines  sont  des 
mélanges  naturels  de  résines  et  de  gommes  di- 
verses. Elles  proviennent  de  végétaux  ombellifères 
qui  poussent  dans  les  régions  tropicales  ;  en 
général,  elles  sont  plus  riches  en  résine  qu'en 
gomme.  Elles  sont  insolubles  dans  l'eau  et  se  dis- 
solvent à  chaud  dans  un  mélange  d'alcool  et  d'eau. 
On  en  connaît  un  nombre  considérable  de  variétés  ; 
leurs  propriétés  et  leurs  usages  varient  comme  leur 
origine. 

Nous  renvoyons  le  lecteur,  pour  plus  de  détails 
sur  les  gommes  résines,  à  l'article  Résines. 

[Alfred  Jacquemart.] 

GOUT.  —  Y.  Sens. 

GOUVERNEMENT.  —  "V.  Droit  pblic. 

GRAINE.  —Botanique,  XII.  —  (Etyra.  :  du  latin 
grana,  corruption  féminine  de  granum,  le  grain.) 

Défiiiition.  —  On  appelle  graine  ou  seme?ice  le 
résultat  de  la  transformation  de  l'ovule  sous  l  in- 
fluence de  la  fécondation.  Il  n'y  a  donc  de  graines 
(jue  chez  les  végétaux  pourvus  d'ovules;  par  con- 
séquent, on  ne  rencontre  des  graines  que  chez  les 
végétaux  pfianér'  games. 

Nomen'Hnture  des  parties  de  la  graine.  —  Puis- 
que la  graine  n'est  autre  chose  que  l'ovule  tr?ns- 
formé  sous  linfluence  de  la  fécondation,  nous  de- 
vons retrouver,  dans  la  nomenclature  des  diverses 
parties  de  cet  organe,  plusieurs  des  noms  employés 
dans  celle  des  parties  de  l'ovule.  Ainsi  on  appelle 
micropy  e  l'orifice  extérieur  du  canal  micropyLiire 
de  l'ovule  ;  ce  point  marque  le  sommet  de  la  graine, 
quelle  que  soit  la  forme  de  celle-ci.  comme  il  mar- 
quait le  sommet  de  l'ovule.  Selon  les  cas,  près  du 
micropyle,  ou  à  quelque  distance  de  ce  point,  "a 
remarque  une  tache  ou  cicatrice,  d'étendue  très 
variable,  nommée  liile  ou  ombilic;  c'est  là  qu'était 
fixé  le  cordon  funiculaire  ou  ombilical  qui  reliait 
l'ovule  au  pistil  ;  le  bile  marque  toujours  la  oase 


GRAINE 


—  884  — 


GRAINE 


de  la  graine.  Dans  un  très  petit  nombre  de  plantes 
seulement  (gymnospermes,  polygonées,  quelques 
monocotylédonées),  le  hile  et  le  micropyle  sont 
diamétralement  opposés  l'un  à  l'autre,  la  graine 
est  droite  comme  l'ovule  qui  Fa  produite.  Plus  or- 
dinairement le  hile  est  placé  près  du  micropyle. 
la  graine  est  courbée. 

Parties  cont Huantes  de  la  graine.  —  Dans  une 
graine,  on  distingue  deux  parties  :  l'une  externe, 
nommée  spermuderme  ou  tégument  séminal,  qui 
résulte  de  la  transformation  des  enveloppes  do 
l'ovule  ;  l'autre  interne,  désignée  sous  le  nom 
d'amande,  qui  s'est  formée  dans  ce  que  l'on  ap- 
pelle le  sac   enibrijonnaire. 

Que  le  spermoderme  doive  son  origine  à  un  tégu- 
ment ovulaire  unique  ou  bien  à  la  transformation 
d'une  prlmine  et  d'une  secondine,  on  essaie  souvent 
de  le  subdiviser  en  deux  assises  scparables  mécani- 
quement après  un  séjour  plus  ou  moins  prolongé  de 
la  graine  dans  l'eau.  L'assise  extérieure,  dure,  for- 
tement colorée,  a  reçu  le  nom  de  testa;  la  zone 
intérieure,  délicate,  membraneuse,  transparente, 
incolore,  s'appelle  tegmen.  Une  étude  approfondie 
a  montré  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  distinguer  le  testa 
du  tegmen,  ou  plutôt  que  ce  qu'on  exprimait  par  ces 
mots  désignait,  en  passant  d'une  graine  à  une 
autre,  des  couches  d'origine  tout  à  fait  différente. 
Les  tissus  du  spermoderme  appartiennent  toujours 
à  la  classe  des  tissus  épidermiques  ou  subéreux  ; 
ils  sont  fortement  gorgés  de  cellulose,  de  matières 
résineuses  rouges  ou  noires,  de  cristaux  d'oxalate 
de  chaux,  plus  rarement  de   carbonate  de  chaux. 

Lorsque  le  spermoderme,  en  plus  de  son  rôle 
d'organe  protecteur  de  la  graine,  doit  jouer  un  rôle 
important  dans  la  dissémination  de  ce  corps,  il 
présente  une  série  de  transformations  remarqua- 
bles sur  lesquelles  il  convient  d'appeler  l'attention. 

Deux  cas  sont  à  distinguer,  selon  que  la  dissé- 
mination est  directe  ou  qu'elle  est  indirecte. 
Lorsque  la  dissémination  est  directe,  c'est-à-diro 
quand  elle  a  lieu  dans  l'air,  les  tissus  superficiels 
de  la  graine  émettent  soit  des  prolongement-- 
pileux  (Ex.  :  les  graines  du  cotonnier,  chez  les- 
quelles ces  poils  ne  sont  autre  chose  que  la  sub 
stance  appelée  coton)  ;  soit  des  ailes  membraneu- 
ses tantôt  unilatérales  (Ex.  :  dyckia),  tantôt  bilaté- 
rales (Ex.  :  tulipes),  plus  rarement  disposées  sur 
trois  côtés  (Ex.  :  moringa).  Ces  tissus  superficiels, 
uniquement  destinés  à  augmenter  le  volume  et  la 
surface  de  la  graine  sans  augmenter  sensiblement 
son  poids,  sont  toujours  formés  d'éléments  à  pa- 
rois très  minces  dans  lesquels  l'air  a  remplacé  le 
contenu  cellulaire.  La  couche  d'air  ainsi  immobi- 
lisée protège  très  efficacement  la  graine  contre 
les  variations  de  température,  et  aussi  contre 
Thumidiié.  Le  plus  souvent,  sous  les  zones  super- 
ficielles dont  nous  venons  de  parler,  on  rencontre 
une  couche  cellulaire  dure,  très  solide,  formée  de 
prismes  juxtaposés  dont  l'axe  est  perpendiculaire 
à  la  surface  de  la  graine.  Cette  couche  profonde 
est  plus  spécialement  destinée  à  la  protection  de 
la  graine.  Toutefois  il  arrive  que  le  spermoderme 
ne  se  divise  pas  ainsi  en  couche  superficielle  con- 
sacrée à  la  dissémination  et  en  couche  profonde 
protectrice. 

Lorsque  la  dissémination  est  indirecte,  c'est-à 
dire  quand  les  graines  ne  peuvent  être  dissé- 
minées au  loin  que  par  l'intermédiaire  des  ani- 
maux, les  tissus  superficiels  de  la  plupart  d'entre 
elles  se  gorgent  de  substances  sucrées,  souvent 
très  parfumées  ;  de  plus  leur  surface  présente  des 
teintes  très  brillantes  ;  attirés  par  les  vives  cou- 
leurs rouges,  orangées  ou  noires,  par  la  matière 
sucrée  qui  recouvre  les  graines,  ou  par  leur  par- 
fum, les  animaux  les  dévorent  ;  les  amandes  re- 
couvertes de  l'assise  protectrice  résistent  à  l'action 
des  sucs  de  l'appareil  digestif  et  sont  rejetées  au 
dehors  avec  les  fèces. 


Le  spermoderme  est  souvent  appelé  à  fournir  h 
la  graine  l'organe  qui  doit  fixer  ce  corps  au  sol. 
Tout  ce  qui  a  servi  à  accroître  la  surface  dissémi- 
natrice,  comme  les  ailes,  les  poils,  sert  aussi  à 
augmenter  la  surface  de  contact  de  la  graine  et  du 
sol  humide.  Parfois,  dans  le  but  d'augmenter  l'ad- 
hérence de  la  graine  avec  le  sol,  on  remarque 
que  les  couches  superficielles  du  spermoderme 
sont  susceptibles  de  se  transformer  sous  l'in- 
fluence de  l'eau  liquide  en  une  sorte  de  gelée  ou 
de  mucilage  très  adhésif  (Ex.  :  le  mucilage  pro- 
duit par  la  graine  de  lin).  Un  dernier  dispositif 
des  moyens  de  fixations  des  graines  nous  est  ofl'ert 
par  les  lythrariées,  chez  lesquelles  la  surface  du 
spermoderme  est  couverte  de  poils  contractiles, 
qui,  se  tordant  et  se  détordant  sous  l'influence  des 
variations  de  l'état  hygrométrique  de  l'air,  pénè- 
trent dans  ie  sol  et  y  fixent  la  graine. 

L'amande  comprend  généralement  deux  parties  : 
1°  Uembryim,  qui  représente  la  nouvelle  individua- 
lité végétale,  et  qui  résulte  de  l'action  du  pollen 
sur  l'une  des  vésicules  embryonnaires;  2°  une  ré- 
serve nutritive  plus  ou  moins  développée,  qui  a 
pris  naissance  près  de  l'embryon  dans  l'intérieur 
du  sac  embryonnaire.  Cette  réserve  nutritive  est 
nommée  albumen,  parce  qu'on  l'a  comparée  à  l'al- 
bumine de  l'œuf  de  la  poule. 

Dans  un  embryon  on  distingue  une  région  cen- 
trale axile  qu'on  nomme  tigelle  ou  axe  hypocoti/lé. 
Cet  axe  se  fixe  au  sac  embryonnaire  par  un  prolon- 
gement filiforme  très  délié  nommé  siispens<:ur ;  la 
limite  idéale  du  suspenseur  et  de  la  tigelle  est 
quelquefois  désignée  sous  le  nom  de  radicule, 
parce  qu'on  supposait  que  cette  partie  en  s'allon- 
geant  donnait  la  première  racine  ou  pivot.  La  ra- 
dicule n'existe  pas  ;  quelques  ouvrages  descriptifs, 
par  laisser-aller  de  langage,  désignent  la  tigella 
entière  sous  le  nom  de  radicule.  A  l'extrémité  su- 
périeure de  la  tigelle,  on  trouve  un  bourgeon  plus 
ou  moins  développé  :  c'est  la  geinniule,  aussi  appe- 
lée plumu/e.  A  la  base  de  la  plumule,  selon  les 
plantes,  on  remarque  un  nombre  variable  d'expan- 
sions appendiculaires  nommées  cotylédons.  En  gé- 
néral il  n'y  a  qu'un  ou  deux  de  ces  appendices  : 
de  là  la  distinction  des  végétaux  en  vé2;i''taux  dico- 
tylédones et  monocotylédonés.  Toutefois,  dans 
quelques  dicotylédones  gymnospermes,  le  nombre 
des  cotylédons  de  l'embryon  peut  s'élever  jusqu'à  "2 1 , 
sans  qu'on  puisse  considérer  ces  lanières  comme 
les  lobes  de  deux  cotylédons  très  divisés.  La  forme 
des  cotylédons  varie,  selon  qu'ils  doivent  servir  de 
réservoir  pour  les  matières  nutritives  accumulées 
pour  l'embryon,  ou  qu'ils  ne  doivent  servir  qu'à 
l'absorption.  Les  cotylédons  se  présentent  comme 
des  corps  de  très  grand  volume,  mais  de  très  petite 
surface,  lorsqu'ils  sont  transformés  en  réservoirs  ; 
au  contraire,  ce  sont  des  organes  foliacés  de  très 
grande  surface,  lorsqu'ils  jouent  surtout  le  rôle 
d'organes  absorbants. 

Chez  un  grand  nombre  de  végétaux,  l'embryon, 
dans  la  graine  mûre  et  tombée  sur  le  sol,  est  beau- 
coup moins  développé  que  nous  ne  l'indiquons 
ci-dessus  ;  ainsi  chez  les  orchiiées,  l'embryon  se 
montre  comme  un  globule  celluleux  informe  dans 
lequel  on  ne  reconnaît  ni  tigelle,  ni  cotylédon, 
ni  gemmule.  Les  pyrola,  les  monotropa  ont  des 
embryons  encore  moins  développés. 

L'albumen  ou  la  réserve  nutritive  qui  entoure 
l'embryon  est  un  tissu  cellulaire  dont  tous  les  élé- 
ments sont  gorgés  de  substances  nutritives.  Selon 
les  plantes,  la  substanre  ainsi  mise  en  réserve  est 
de  l'amidon,  de  la  cellulose,  des  matières  aleuri- 
ques.  A  ces  trois  natures  de  substances  corros- 
pomleni  à  peu  près  les  dénominations  a/6îime«  amy- 
lacé ou  farineux;  albumen  ligneux  ou  corné; 
albumen  Ituilcux  ou  cliarnu.  Le  tissu  qui  forme 
l'albumen  a  pris  naissance  dans  le  sac  embryon- 
naire :  c'est  cette  origine  surtout  qui  le  caractérise. 


GRAINE 


—  885  — 


GRAINE 


On  désigne  quelquefois  l'albumen  sous  le  nom 
â'e)idosp''ij7ie,  pour  le  distinguer  d'une  autre  ré- 
serve nutritive  qui  a  pu  se  développer  entre  le  sac 
embryonnaire  et  le  spermoderme  dans  les  tissus 
du  nùcelle  (voir  ce  qui  est  dit  de  l'ovule  à  l'ar- 
ticle Fleur).  Dans  les  graines  ainsi  constituées,  la 
réserve  nutritive  du  nucelle  est  appelée /)i^rw/»/°rme. 
On  dit  que  les  plantes  dont  la  graine  est  pourvue 
simultanément  d'un  endosperme  et  d'un  périsperme 
ont  deux  albumens  ;  tels  sont  le  nénuphar,  le  poivre. 
Lorsqu'une  graine  a  deux  albumens,  l'intérieur, 
l'cndosperme,  est  toujours  aleurique  ;  l'extérieur, 
le  périsperme,  toujours  amylacé.  En  général  l'al- 
bumen est  d'autant  moins  développé  que  l'embryon 
l'est  davantage,  et  vice  ver>a.  En  principe,  il  sem- 
ble que  la  quantité  d'albumen  placée  à  la  disposi- 
tion de  l'embryon  suffit  et  au  delà  à  permettre  à 
l'embryon,  lors  de  la  germination,  d'atteindre  le 
moment  où  il  sera  suffisamment  développé  pour  se 
suffire  à  lui-même. 

Les  rapports  de  position  de  l'embryon  et  de  l'al- 
bumen dans  la   graine  méritent   d'être  indiqués. 

L'embr3-on  peut  être  complètement  entouré  par 
l'albumen  :  tel  est  le  cas  du  ricin  ;  ailleurs,  comme 
dans  le  blé,  l'embryon  est  couché  sur  l'albumen. 
L'embryon  du  ricin  est  dit  iiitraii  e,  celui  du  blé 
est  extraire.  Plus  rarement  l'embryon^  toujours 
extraire,  entoure  l'albumen  à  la  manière  d'une 
bague  :  tel  est  l'embryon  courbé  de  la  belle  de 
nuit. 

Un  très  petit  nombre  de  plantes,  parmi  lesquelles 
nous  citerons  seulement  les  orangers  et  les  ardisia, 
présentent  plusieur  embryons  dans  chaque  graine  ; 
c'est  que  plusieurs  vésicules  embryonnaires  ont 
été  fécondées  simultanément. 

Le  spermoderme  peut  manquer  chez  quelques 
graines  mûres  :  tel  est  le  cas  des  véroniques,  des 
justicia  Cette  disparition  du  spermoderme,  qui 
n'a  pas  toujours  manqué,  tient  à  des  phénomènes 
de  développement  dans  le  détail  desquels  nous  ne 
pouvons  entrer  ici.  Plus  ordinairement  le  spermo- 
derme, et  par  suite  la  graine,  est  pourvu  d'une 
enveloppe  accessoire,  sorte  de  cupule  développée 
aux  dépens  du  funicule  et  qui  revêt  la  graine 
comme  d'un  capuchon.  Ces  enveloppes  accessoires 
sont  désignées  sou-  le  nom  d'ariUes;  selon  leur 
consistance  et  leur  disposition,  les  arilles  sont  secs, 
charnus,  pileux  ;  citons  comme  exemple  les  fusains, 
et  surtout  les  ravenala  et  les  urania,  plus  connus 
sous  le  nom  d'arbres  du  voyageur.  Les  arilles  sont 
surtout  des  organes  de  dissémination.  On  désigne 
par  les  noms  de  strophioles,  de  caroncules  quelques 
productions  superficielles  de  la  graine,  sans  impor- 
tance. 

Pour  résumer  toute  cette  description  de  la  grai- 
ne, il  nous  semble  qu'on  peut  la  considérer  comme 
consistant  dans  la  réunion  :  1°  d  une  individualité 
nouvelle  engourdie,  enkystée  aux  premières  pha- 
ses de  son  développement  ;  2°  d'une  réserve  nutri- 
tive préparée  pour  subvenir  aux  premiers  besoins 
de  la  jeune  plante;  le  tout  recouvert  et  protégé 
par  une  coque  imperméable  à  la  lumière,  à  l'eau  et 
à  l'air.  On  peut  donc  dire  que  la  graine  est  un  kyste 
chargé  de  disséminer  au  loin  les  nouvelles  indivi- 
dualités végétales. 

Germiivttion  de  la  graine.  —  La  dissémination 
€st  terminée  ;  les  graines  tombées  sur  le  sol  s'y 
fixent,  leurs  tissus  s'imbibant  d'eau  peu  à  peu. 
Selon  les  plantes,  l'eau  met  un  temps  plus  ou 
moins  long  à  traverser  le  spermoderme  et  à'  at- 
teindre l'embryon.  Si  les  conditions  extérieures 
sont  favorables,  c'est-à-dire  si  la  température  est 
assez  élevée,  si  l'oxygène  arrive  en  abondance,  si 
l'humidité  est  abondante,  l'embryon  augmente  de 
Tolume  et  bientôt  provoque  la  rupture  du  spermo- 
derme. L'embryon  est  aidé  dans  ce  travail  par 
l'augmentation  brusque  du  volume  de  tous  les 
tissus  de  l'ovule  qui  ont  été  transformés  en  tissus 


cornés  gélifiables  lors  de  la  maturation  de  la 
graine.  Une  fois  le  spermoderme  ouvert,  l'extré- 
mité inférieure  de  la  tigelle  s'avance  au  dehors,  se 
courbe  vers  le  sol;  c'est  à  cet  instant  seulement 
qu'a  lieu  la  rupture  du  filament  suspenseur  qui 
fixait  l'embryon  au  sac  embryonnaire.  Selon  les 
plantes,  la  partie  inférieure  de  la  tigelle  qui  s'en- 
fonce ainsi  dans  le  sol  pour  y  fixer  la  jeune  plante 
est  plus  ou  moins  développée  ;  bientôt  on  voit  sur- 
gir, de  l'intérieur  des  tissus  de  cette  partie  de  la  ti- 
gelle, la  première  racine.  Les  débris  des  tissus  de 
la  tigelle  qui  enveloppent  le  point  d'insertion  de 
la  première  racine  forment  la  coléorrhize.  Cette 
première  racine  remplit  tout  de  suite  son  double 
rôle  d'organe  fixateur  et  d'organe  absorbant.  Plus 
rarement,  comme  dans  les  bégonias,  la  tigelle  en 
touchant  le  sol  se  tubérifie  et  se  fixe  au  sol  par  de 
petits  poils  qui  remplacent  les  racines,  et  per- 
mettent à  la  jeune  plante  de  se  développer  en  at- 
tendant la  production  de  ces  organes.  Exception- 
nellement, comme  dans  les  cuscutes,  il  ne  se 
développe  jamais  de  racine  à  la  partie  inférieure 
de  la  tigelle. 

Une  fois  la  jeune  plante  fixée  au  sol,  lorsque  la 
première  racine  commence  à  se  développer,  l'em- 
bryon essaye  de  délivrer  sa  gemmule.  A  cet  effet, 
la  région  inférieure  dos  cotylédons  s'allonge  beau- 
coup ;  la  gemmule,  toujours  placée  entre  les  cotylé- 
dons, est  entraînée  hors  du  kyste  embryonnaire, 
puis  les  bases  des  cotylédons  s'écartent  et  l'axe  du 
bourgeon  gemmulaire  s'élance  verticalement.  Se- 
lon que  les  cotylédons  doivent  demeurer  dans  la 
graine  pour  absorber  l'albumen  ou  au  contraire 
quitter  le  spermoderme  et  s'étaler  dans  l'air  pour 
y  verdir  et  y  jouer  le  rôle  de  feuilles,  on  dit  que 
les  cotylédons  sont  dans  le  premier  cas  hypogés, 
dans  le  second  épigés.  Lorsque  les  cotylédons  sont 
épigés  et  qu'ils  sont  libres,  la  gemmule  se  dégage 
simplement  par  l'écartement  des  cotylédons  qui 
l'enserraient;  fréquemment  alors,  dès  que  la  pre- 
mière racine  fonctionne  comme  organe  absorbant, 
la  jeune  plante,  renfermant  toujours  un  excès  d'eau, 
laisse  échapper  ce  liquide  qui  s'écoule  à  l'état  de 
gouttelettes  par  des  stomates  aquifères,  véritables 
tistules  déterminées  à  l'extrémité  des  cotylédons 
par  la  réplétion  aqueuse.  Lorsque  l'embryon  laisse 
ses  cotylédons  enfermés  dans  le  spermoderme 
pour  absorber  la  réserve  nutritive,  selon  la  nature 
de  celle-ci,  l'absorption  se  fait  de  deux  manières  ; 
l'albumen  est-il  aleurique,  un  ferment  soluble 
semblable  à  la  diastase  agit  sur  l'aleurone  et  la  dé- 
compose en  graisse  et  albumine;  en  quelques 
heures,  toute  la  réserve  nutritive  est  dissoute  ;  la 
germination  de  ces  graines,  dès  qu'elle  a  com- 
mencé, doit  être  très  rapide.  Lorsque  la  réserve 
nutritive  est  composée  de  matières  amylacées  et 
surtout  de  cellulose,  l'embryon  dissout  l'albumen 
de  proche  en  proche;  la  germination  peut  alors 
durer  un  temps  très  long. 

Les  causes  nécessaires  pour  provoquer  la  germi- 
nation sont,  avons-nous  dit  :  1°  une  certaine  humi- 
dité ;  2°  une  quantité  de  chaleur  déterminée;  3°  la 
présence  de  l'oxygène.  Tout  ce  qui  tend  à  accroître 
l'intensité  d'une  de  ces  trois  conditions  accélère 
le  travail  germinatif;  il  importe  pourtant  pour 
chacune  d'elles  de  ne  pa^  dépasser  certaines  li- 
mites. Certains  corps,  tels  que  les  solutions  chlo- 
rées très  étendues,  accélèrent  beaucoup  la  germi- 
nation ;  jusqu'ici  on  ne  peut  donner  de  ce  fait  une 
explication  suffisante. 

Les  graines  conservent  plus  ou  moins  longtemps, 
selon  les  espèces,  la  faculté  de  germer.  Quelques- 
unes  ne  germent  que  si  on  les  sème  aussitôt  après 
les  avoir  récoltées,  à  moins  pourtant  qu'on  ne  les 
stratifié.  Pour  stratifier  des  graines,  on  les  dispose 
dans  des  pots  par  couches  minces;  celles-ci  alter- 
nent avec  des  assises  peu  épaisses  de  terre  très 
léïère  ou  de  sable  entretenu  légèrement  humide. 


GRAINE 


—  886  — 


GRAMINEES 


Les  semences  ainsi  disposées  subissent  lentement 
un  commencement  de  germination  et  peuvent  en- 
suite être  semées  après  plusieurs  semaines  ou 
quelques  mois.  Par  opposition  à  cette  première 
catégorie  de  graines,  il  en  est  qui  conservent  pen- 
dant des  années  la  faculté  de  germer,  soit  quand 
elles  sont  gardées  h  l'air  libre,  soit  surtout  lorsque 
des  circonstances  fortuites  en  ont  amené  l'enfouis- 
sement à  une  grande  profondeur.  D'après  Alpli.  de 
Candolle,  après  vingt-cinq  ans  (1831  à  ISôCj,  sur 
:!6S  espèces  de  graines  17  seulement  ont  germé; 
Home  prétend  que  des  graines  de  seigle  ont  germé 
au  bout  de  150  ans.  Sans  ajouter  foi  aux  récits  des 
observateurs  qui  affirment  avoir  vu  germer  les 
grains  de  blé  trouvés  dans  les  sarcophages  des 
momies  égyptiennes,  on  peut  citer,  lors  du  dessé- 
cbement  récent  du  lac  de  Harlem,  la  germination 
de  graines  enfouies  dans  la  vase  depuis  le  dou- 
zième siècle. 

Utilité  des  graines  pour  l'agriculture.  —  La 
production  des  graines  est  un  des  principaux  buts 
de  l'agriculture,  et  bon  nombre  des  végétaux 
qu'elle  cultive  n'ont  de  valeur  que  par  là.  C'est  le 
cas  de  toutes  les  graminées  :  blé,  seigle,  avoine, 
orge,  riz;  de  quelques  légumineuses  :  pois,  hari- 
cots, lentilles;  des  plantes  oléagineuses  :  arachide, 
olive,  colza,  œillette,  sésame.  Certaines  graines 
sont  consommées  crues,  comme  les  noix,  les  noi- 
settes, les  amandes,  les  pistaclies.il  est  des  graines 
exotiques  qui  sont  l'objet  d'un  immense  commerce  : 
telles  sont  celles  du  cacaotier  et  du  caféier.  Cette 
grande  importance  des  graines  au  point  de  vue 
agricole  ou  industriel  s'explique  par  leur  compo- 
sition ;  elles  sont  toujours  gorgées  de  substances 
azotées  et  phosphorées,  de  sorte  que  sous  un 
petit  volume,  l'homme  et  les  animaux  y  trouvent 
une  nourriture  des  plus  substantielles.  Ces  ma- 
tières alibiles  varient  suivant  l'espèce  de  graines; 
celles  qui  s'y  montrent  le  plus  fréquemment  et 
qui  y  dominent  sont  :  l'amidon,  l'aleurone,  le 
gluten,  le  sucre,  des  huiles  fixes  et  volatiles.  Il 
est  des  graines  qui  contiennent  des  substances 
très  actives  connues  sous  le  nom  d'alcaloïdes  ; 
telle  est  la  fève  de  Saint-Ignace,  nommée  encore 
noix  vomique,  dont  on  retire  la  strychnine  et  la 
brucine. 

Con'ervation  de':  graines.  —  Pour  conserver  les 
graines,  surtout  les  graines  de  céréales,  il  faut 
éviter  :  1°  la  moisissure  et  la  fermentation;  2"  l'at- 
taque des  animaux  nuisibles^  insectes  ou  rongeurs. 
Deux  systèmes  sont  en  présence  :  le  système  al- 
gérien ou  système  des  silos,  dans  lequel  le  grain 
parfaitement  séché  reste  immobile  dans  un  souter- 
rain complètement  clos  ;  et  le  système  européen 
ou  système  des  greniers,  qui  consiste  à  prévenir 
la  destruction  des  graines  en  les  agitant  fréquem- 
ment, ce  qui  empêche  la  fermentation  de  s'établir 
et  dérange  les  insectes.  Pour  conserver  les  graines 
en  silos,  il  faut  :  l"  que  les  graines  soient  très  sè- 
ches au  moment  de  l'emmagasinage  ;  2°  qu'aucune 
humidité  eiiérieure  ne  puisse  les  atteindre;  3°  que 
la  fermeture  soit  hermétique  ;  4°  que  la  tempéra- 
ture soit  uniforme  et  comprise  entre  12°  et  0". 
En  Afrique,  il  est  possible  d'employer  le  système 
des  silos  à  cause  du  remarquable  état  de  sic- 
cité  des  graines,  qui  ne  contiennent  jamais  plus  de 
8°/o  d'eau.  En  Suède,  en  Norvège,  et  dans  le  nord 
de  la  Russie,  pour  conserver  les  graines  en  silos, 
on  les  fait  passer  préalablement  dans  des  étuves 
dont  la  température  varie  entre  57°  et  (j->°  centigra- 
des. D'après  M.  Thury,  les  meilleures  dispositions 
àprendre  pour  installer  un  silo  sont  :  1"  faire  des 
silos  de  100  hectolitres  seulement;  2°  donner  à  la 
voûte  une  forme  ovoïde  et  rétrécir  un  peu  le  fond  ; 
3^  loger  les  silos  entièrement  sous  le  sol,  de  ma- 
nière à  avoir  au  moins  un  mètre  de  terre  sur  les 
Toutes  ;  4°  garnir  l'ouverture  d'un  revêtement  de 
bois  pour  éviter  la  dégradation  des  graines  à  l'em- 


magasinage. Pour  remplir  les  silos,  il  faut  :  1°  avoir 
des  graines  très  sèches;  2°  garnir  le  fond  du  silo 
de  paillassons  ;  3"  descendre  dans  le  silo  un  four- 
neau de  charbon  de  bois  bien  allumé  de  façon  à  dis- 
siper l'humidité  et  à  remplir  le  silo  d'acide  carbo- 
nique; 4°  faire  passer  les  graines  sur  un  crible 
incliné  d'où  elles  tombent  dans  le  silo  et  tasser  les 
graines  pendant  l'emmagasinago.  Quand  le  silo  est 
plein,  on  le  ferme  hermétiquement,  on  le  plâtre  et 
au  besoin  on  le  goudronne. 

Quant  au  système  des  greniers,  il  y  a  d'abord  le 
grenier  ordinaire,  dans  lequel  les  graines  sont  agi- 
tées de  temps  à  autre  à  la  pelle.  Dans  le  Limousin 
et  la  Bretagne,  les  graines  passées  au  tarare  et  bien 
sèches  sont  enfermées  dans  de  grandes  jarres  en 
terre,  ou  dans  des  caisses,  ou  dans  des  sacs.  Les 
sacs  sont  ensuite  dressés  en  lignes  isolées.  Depuis 
la  fin  du  siècle  dernier,  on  a  donné  le  nom  de  gre- 
niers à  des  appareils  qui  sont  plutôt  des  réservoirs 
de  grains  ;  tels  sont  :  le  Vallery,  sorte  de  cylindre 
tournant  dans  lequel  le  grain  est  agjté  facilement; 
le  grenier  Salaville,  sorte  de  réservoir  traversé  par 
des  tuj'aux  au  moyen  desquels  on  peut  ventiler  et 
au  besoin  noyer  le  grain  dans  une  atmosphère  dé- 
létère ;  le  grenier  Sinclair  et  le  grenier  Pavy  :  ces 
derniers  sont  de  grands  coffres  verticaux  bien  ven- 
tilés, pourvus  de  compteurs  et  d'ascenseurs.  La 
plupart  de  ces  détails  sur  la  conservation  des 
graines  sont  empruntés  à  M.  L.  Gossin,  l'agronome 
bien  connu.  [C.-E.  Bertrand.] 

GRAMI>'ÉES.— Botanique,  XXV.  — Dé/îwî7fO?î.— 
Les  Graminées  sont  des  plantes  dont  l'embryort 
monocotylédoné  très  développé  est  appliqué  sur  la 
surface  de  l'albumen  par  une  large  expansion  dor- 
sale nommée  écusson  ou  scutelle.  Leurs  tiges,  aé- 
riennes, sont  arrondies  ;  de  distance  en  distance, 
elles  portentdes  nœuds  renflés  d'oùpartent  des  feuil- 
les à  gaine  très  ouverte,  disposées  en  ordre  disti- 
que. Leurpérianthe  est  nul.  Leurs  organes  repro- 
ducteurs sont  protégés  par  des  glumes  et  des 
glumelles.  Cette  famille  forme,  avec  celle  des  Cy- 
péracées,  la  classe  des  Glumacées  de  Brongniart. 

Caractères  botaniques  des  graminées.  —  La 
graine  des  graminées  n'est  jamais  libre  ;  elle  est 
toujours  soudée  à  un  péricarpe  papyracé  dont  on 
ne  peut  la  séparer  mécaniquement;  un  tel  assem- 
blage forme  le  fruit  désigné  par  le  nom  de  Ca- 
njopse  (V.  Fruit). 

Dans  l'intérieur  de  la  graine  on  rencontre  un 
embryon  très  développé  et  un  albumen  également 
très  développé.  L'embryon  des  graminées  présente 
sur  !e  dos  de  son  cotylédon,  directement  appliquée 
contre  l'albumen,  une  grande  expansion,  scutelle 
ou  écusson,  qui  sert  àabsorber  l'albumen  pendant 
la  germination.  Quelques  botanistes,  et  en  particu- 
lier M.  'VanTieghem,  regardent  l'écusson  comme 
le  véritable  cotylédon,  et  le  cotylédon  comme  une 
sorte  de  ligule  qui  protège  la  gemmule.  L'albumen 
est  toujours  amylacé  chez  les  graminées.  Cepen- 
dant les  cellules  tout  à  fait  extérieures  de  ce  tissu 
sont  dépourvues  damidon  ;  on  lesappelle  quelque- 
fois les  cellules  à  gluten.  La  durée  de  la  faculté 
germinative  des  graines  de  graminées  est  très 
grande  (V.  Graine). 

Leur  germination  s'accomplit  dans  un  temps 
très  court;  elle  est  favorisée  par  une  élévation  de 
température. 

Pendant  la  germination,  sous  l'action  du  ferment 
diastasique  qui  provoque  la  dissolution  de  l'ami- 
don, la  graine  se  charge  de  glucose;  cette  proprié- 
té est  mise  à  profit  pour  fabriquer  des  liqueurg 
alcooliques  à  l'aide  de  ces  graines.  Pour  atteindre 
le  sol  lors  de  la  germination,  les  premières  raci- 
nes percent  la  paroi  du  caryopse  près  de  son  point 
d'attache. 

Dans  la  plante  développée,  les  racines  sont  fasci- 
culées,  grêles,  très  tortueuses.  La  tige  présente 
les  tailles  les  plus  diverses,  depuis  5  ou  6  centL 


GRAMINÉES 


—  887  — 


GRAMINEES 


mètres  de  haut  jusqu'à  10  mètres  et  plus 
(bambou)  ;  elle  est  fistuleuse,  herbacée,  plus  rare- 
ment dure  comme  dans  le  roseau  et  le  bambou,  et 
toujours  fortement  incrustée  de  silice  à  sa  surface  ;- 
le  plus  souvent  cette  tige  est  ramifiée  dès  la  base, 
et  forme  ce  que  les  agriculteurs  nomment  le  talle- 
ment. 

Les  feuilles,  distiques,  se  prolongent  inférieure- 
ment  en  une  longue  gaine  qui  enveloppe  la  tige 
sans  souder  ses  deux  bords  ;  au  sommet  de  la  gaine 
se  trouve  une  ligu'e  sèche  et  translucide.  Sauf 
dans  les  bambous,  où  le  limbe  se  rétrécit  inférieu- 
rement  en  pétiole,  cet  organe  se  montre  toujours 
comme  une  lame  linéaire  parcourue  dans  sa  lon- 
gueur par  un  très  grand  nombre  de  nervures  paral- 
lèles. 

Les  fleurs  sont  disposées  en  épillels,  qui  se 
groupent  en  épis  ou  en  panicules  (V.  Inflores- 
cence) .  Les  épillets  sont  uniflores  ou  pluriflores,  et 
selon  les  genres,  toutes  les  fleurs  de  Tépillet  sont 
complètes  ou  incomplètes  ;  ces  dernières,  dites 
imparfaites,  occupent  dans  Tépillet  une  situation 
déterminée  ;  ce  caractère  a  servi  à  la  distinction 
des  deux  grands  types  de  cette  famille.  L'épillet 
tout  entier  est  enfermé  entre  deux  feuilles  que  Ton 
appelle  les  glumes,  l'inférieure  embrassant  la 
supérieure.  Chaque  fleur  de  lépillet  est  aussi  pro- 
tégée par  deux  feuilles,  l'extérieure  impariner\iée,, 
l'intérieure  ayant  un  nombre  pair  de  nersTires  : 
chacune  de  ces  deux  feuilles  est  appelée  paillette. 
et  leur  ensemble  est  nommé  glumelle  ou  halle. 
Plus  itiférieurement,  on  rencontre  à  la  base  des 
organes  reproducteurs  soit  deux,  soit  trois  petites 
'  écA\\\Qi  Si'ççQléQ^  paléo'  es  ,squamules  OMglumellules . 
dans  lesquelles  on  voit  généralement  le  véritable 
périanthe  des  graminées.  L'androcée  comprend 
trois  étamines  à  longs  filets,  à  anthères  biloculaires 
qui,  après  leur  déhiscence,  écartent  leurs  deux 
loges;  dans  quelques  genres,  comme  la  flouve. 
une  des  étamines  peut  manquer;  chez  le  nard 
celtique,  on  ne  retrouve  plus  qu'une  étamine;  in- 
versement on  en  trouve  six  dans  le  riz,  et  jusqu'à 
dix-huit  dans  les  bambous.  Le  pistil  des  graminées 
est  unique  ;  l'ovaire,  uniloculaire,  à  parois  très 
épaisses,  renferme  un  seul  ovule  légèrement 
courbé;  il  porte  directement  deux  très  longs  stig- 
mates plumeux  insérés  à  quelque  distance  l'un  de 
l'autre.  La  fécondation  des  fleurs  de  graminées  se 
fait  en  quelques  heures,  et  la  maturation  de  la 
graine  est  assez  rapide  ;  aussi  beaucoup  d'entre 
elles  sont-elles  annuelles. 

On  divise  les  graminées  en  treize  tribus.  Il  fau- 
drait entrer  dans  des  détails  trop  circonstanciés 
pour  faire  connaître  chacune  d'elles. 

Usage  des  Graminées.  —  L  Plantes  nuisibles.  — 
Cette  famille  renferme  un  très  petit  nombre  de 
plantes  nuisibles  ;  presque  toutes  au  contraire 
sont  utiles  à  l'homme  ou  aux  animaux.  Parmi  les 
plantes  nuisibles  nous  citerons  d'abord  Yivrii", 
dont  les  fruits  mêlés  à  ceux  des  autres  céréales 
(blé,  seigle,  etc.l  provoquent  chez  l'homme  l'i- 
vresse, le  vertige  ou  des  vomissements.  La  méli- 
que  bleue,  lorsqu'elle  est  en  fleurs,  provoque  chez 
les  bestiaux  le  gonflement  ;  cette  plante  est  com- 
mune dans  les  pâturages  et  les  forêts,  et  il  ne  se 
passe  pas  d'année  où  elle  n'occasionne  des  accidents. 

La  fétuque  à  quatre  dents  de  Quito  est  un  poi- 
son très  actif.  Avec  des  propriétés  beaucoup 
moins  énergiques,  le  rhizome  de  guilno  ou  bromus 
catharticus  du  Chili  est  un  purgatif  violent. 

n.  Plantes  utiles.  —  1°  Chien  lent.  —  Le  rhizome 
du  chiendent  est  employé  en  infusion  comme  apé- 
ritif; deux  variétés  sont  usitées,  le  chiendent  pied 
de  poule  et  le  chiendent  commun. 

2°  Canne  de  Provence  ou.  grand  roseau  i.irundo 
donax).  —Ses  tiges  servent  à  faire  des  instruments 
à  Tent  ;  ses  rhizomes  charnus  ont  un  goût  très  su- 
cré; on  les  emploie  pour  combattre  la  fièvre  de 


lait  au  moment  du  sevrage.  Avec  les  tige»  du  ro- 
seau commun  [Arundo  phragmites],  on  fabrique 
des  tapis  et  des  nattes  ;  ses  panicules  coupés  avant 
la  floraison  servent  à  faire  des  balais.  Le  roseau 
iiromatique  de  l'Arabie  ISchœnanthe  officinale) 
sert  de  fourrage  et  de  litière  pour  les  chameaux, 
dont  il  est  la  seule  ressource  dans  les  déserts  de 
l'Arabie  ;  ses  feuilles  ont  une  saveur  résineuse, 
amère,  des  plus  désagréables  ;  c'est  un  sudorifique 
qui  peut  rendre  de  grands  services. 

3°  Le  vétiver,  surnommé  chie^-dent  des  Indes, 
produit  un  rhizome  dont  on  fait  un  grand  commerce; 
cette  partie  de  la  plante  possède  une  odeur  extrê- 
mement forte,  qui  la  fait  employer  pour  préserver 
les  étoffes  des  attaques  des  insectes.  L'essence  de 
vétiver  très  diluée  est  la  base  d'un  très  grand 
nombre  de  parfums. 

4°  Canne  à  sucre  {Saccharum  officinarum).  — 
La  canne  à  sucre  et  le  sucre  sont  connus  de  temps 
immémorial  dans  l'Inde  et  en  Chine.  La  canne  à 
sucre  fut  importée  en  Europe  par  les  généraux  qui 
avaient  accompagné  Alexandre  dans  son  expédition 
des  Indes;  elle  fut  conservée  à  grands  frais  dans 
les  jardins  des  riches  Athéniens,  puis  importée  en 
Sicile  et  en  Italie;  jusqu'au  xv^  siècle,  les  Véni- 
tiens vendirent  le  sucre,  usité  comme  médica- 
ment seulement,  à  toute  l'Europe  septentrionale. 
La  canne  à  sucre  fut  plantée  à  Madère  en  1401  ; 
elle  y  prospéra,  et  de  là  gagna  les  Canaries  et  l'île 
-Mint-Thomas.  En  1506,  Pierre  d'Arrança  porta  la 
canne  à  sucre  à  Hispaniola,  aujourd'hui  Saint-Do- 
mingtte  ;  en  1518,  cette  île  possédait  déjà  vingt-huit 
sucreries  :  on  prétend  que  les  magnifiques  palais 
io  Madrid  et  de  Tolède,  bâtis  par  Charles-Quint 
furent  paj'cs  avec  le  seul  produit  des  droits  impo- 
sés sur  les  sucres  d' Hispaniola.  La  canne  à  sucre 
ne  fleurit  pas  en  Amérique. 

Dans  l'Indoustan,  la  canne  à  sucre  vient  de  bou- 
tures qu'on  plante  à  la  fin  de  mai  et  qu'on  récolte 
l'année  suivante  en  février  avant  la  floraison.  En 
Amérique,  la  canne  à  sucre  se  multiplie  également 
par  boutures,  mais  sa  maturation  y  exige  de  quinze 
à  vingt  mois.  Dans  l'Inde  comme  en  Amérique, 
les  tiges  coupées  au  ras  du  sol  émettent  des  reje- 
tons dont  la  maturité  s'efi'ectue  dans  l'année;  le 
même  plant  repousse  jusqu'à  cinq  fois,  après  quoi 
oti  le  détruit,  on  retourne  le  cliamp,  et  on  y  re- 
plante de  nouvelles  boutures.  Le  sommet  des  tiges 
de  la  canne  à  sucre,  beaucoup  moins  riche  en  su- 
cre que  le  reste  de  cet  organe,  sert  à  faire  les  nou- 
velles boutures. 

Pour  extraire  le  sucre  des  cannes,  les  tiges  mises 
en  bottes  sont  écrasées,  puis  soumises  à  l'action 
d'une  presse  hydraulique;  les  résidus  ou  bagasses 
sont  séchés  et  employés  comme  combustible,  ou 
mis  à  fermenter  ;  c'est  de  là  qu'on  extrait  par 
distillation  une  liqueur  alcoolique  appelée  rhum. 
Le  suc  exprimé  des  cannes,  ou  vesou,  est  chauffé 
jusqu'à  110°  pour  déterminer  la  coagulation  des 
matières  albuminoides  qu'il  contient,  puis  concen- 
tré jusqu'à  consistance  sirupeuse  ;  alors  on  l'unit 
à  la  chaux  pour  produire  du  saccharate  de  chaux, 
matière  qui  peut  se  conserver  indéfiniment  sans 
s'altérer,  et  dont  on  extrait  le  sucre  à  loisir  par  les 
mêmes  procédés  que  pour  la  betterave.  "Tout  le 
sucre  de  canne  produit  est  expédié  en  Europe  et 
mêlé  au  sucre  extrait  de  la  betterave. 

5°  Sorgho.  —  La  tige  contient  une  assez  forte 
proportion  de  sucre  cristallisable  ;  il  est  cultivé 
dans  les  environs  de  Marseille  pour  la  fabrication 
de  l'alcool. 

6°  Bambou.  — Toutes  les  parties  du  bambou  sont 
utiles  ;  la  tige  est  employée  pour  faire  des  cannes, 
des  étuis,  des  vases  extrêmement  légers  et  très 
solides,  des  meubles  et  des  charpentes  légères, 
voire  même  des  conduites  pour  les  eaux  ;  les 
jeunes  pousses  sont  comestibles.  Dans  l'Inde,  les 
graines  sont  employées  à  la  nourriture  de  la  volaille. 


GRAMMAIRE 


—  8S8  — 


GRAMMAIRE 


Les  autres  graminées,  comme  le  blé  [Triticum 
sntivum),  le  ^eigl'  (Socale  céréale),  Vorge  (Hordeum 
vulgaré),  V avoine  {Avena  saliva),  le  riz  [Oryza  sa- 
tiva),  le  mois  (Zea  maïs)  ou  blé  'le  Turquie,  sont 
cultivées  pour  leurs  fruits  ;  leurs  tiges,  sauf  celles 
du  maïs,  forment  une  paille  employée  aux  usages 
les  plus  variés,  litière,  paillassons,  tapis,  chapeaux, 
etc.,  voire  même  à  la  fabrication  du  papier.  Outre 
leurs  usages  alimentaires,  les  fruits  de  toutes  ces 
plantes,  broyés,  puis  délayés  dans  l'eau  et  soumis 
à  la  fermentation,  produisent  des  liqueurs  alcooli- 
ques très  employées  dans  les  pays  du  nord  (eau- 
de-vie  de  grains)  et  dans  les  pays  tropicaux  (rack). 
Toutes  ces  plantes  sont  originaires  de  l'ancien  con- 
tinent, à  l'exception  du  maïs  qui  nous  vient  de 
l'Amérique.  —  V.  Blé&i  Céréale:^. 

[C.-E.  Bertrand.] 

GBAMMAIRE.  —  Ce  mot  se  rattache,  par  l'in- 
termédiaire de  la  basse  latinité,  à  la  racine  qui 
exprime  l'idée  à'éo-ire,  et  dont  un  dérivé,  gramma, 
désignait,  chez  les  Grecs,  les  caractères  de  l'al- 
phabet. Entre  les  lettres,  qui  représentent  les 
éléments  des  mots,  et  les  mots  eux-mêmes,  ainsi 
que  leurï  formes  diverses  et  leur  emploi,  il  y  a  une 
relation  tellement  étroite,  que  le  terme  qui  dési- 
gnait les  caractères  de  l'écriture  servit  à  former  le 
nom  des  maîtres  qui  apprenaient  aux  enfants  à  les 
tracer,  et,  par  une  extension  toute  naturelle,  le 
nom  de  la  science  même  qui  a  pour  objet  l'étude 
du  langage. 

Si  l'on  veut  remonter  aux  origines  les  plus  loin- 
taines d'où  sortit,  en  Occident,  la  science  gramma- 
ticale, et,  en  même  temps,  avoir  une  idée  de  ce 
que  la  fantaisie  ingénieuse  du  plus  brillant  des 
philosophes  grecs  pouvait  imaginer  sur  cette  ma- 
tière, à  une  époque  où  l'on  avait  perdu  le  secret 
de  la  synthèse  qui  a  préside  à  la  formation  des 
langues  indo-européennes,  il  faut  lire  le  dialogue 
que  Platon  a  composé  sur  la  propriété  des  noms. 
Parmi  les  explications,  parfois  très  justes,  beau- 
coup plus  souvent  spécieuses,  que  Socrate  donne 
à  Cratyle  sur  la  formation  de  la  langue  grecque, 
plus  d'une,  hélas!  ressemble  à  ces  étymologies  si 
justement  discréditées  dont  se  moquait  Voltaire,  et 
atteste  avec  quelle  facilité  les  plus  puissants 
esprits  peuvent  s'égarer  lorsque,  dans  une  étude 
aussi  positive  que  celle  du  langage,  ils  substituent 
à  la  méthode  scientifique  leurs  conceptions  et  leurs 
impressions  individuelles. 

Platon  avait  donné  à  ses  explications  sur  l'ori- 
gine et  la  propriété  des  noms  la  forme  agréable 
du  dialogue.  Plus  sévèrement  exposées  chez  son 
disciple  Aristote,  les  théories  qui  se  rapportent  à 
la  constitution  du  langage  ne  forment  point  cepen- 
dant un  corps  de  doctrine  complet.  Le  tout,  comme 
le  fait  observer  M.  Mûller,  se  réduit  à  une  sorte 
d'ébauche  grammaticale.  Platon  avait  distingué  le 
notn  et  le  verbe  comme  parties  constitutives  du 
discours.  Aristote  y  joignit  les  conjonctions  et  les 
articles  ;  il  observa  également  la  distinction  des 
nombres  et  des  cas.  En  un  mot,  les  principaux 
éléments  de  la  grammaire  avaient  été  trouvés  par 
les  philosophes  grecs;  mais  ils  les  avaient  exposés 
sans  les  soumettre  à  une  méthode  rigoureuse,  dans 
des  livres  qui  n'avaient  nullement  pour  objet  l'en- 
seignement de  la  grammaire.  Pour  trouver  une 
grammaire  véritablement  digne  de  ce  nom,  il  faut 
aller  la  demander  à  cette  fameuse  école  d'Alexan- 
drie, qui  rendit  à  l'étude  des  lettres  et  des  sciences 
de  si  éclatants  services.  Parmi  les  philologues  les 
,plus  illustres  du  Musée,  nous  devons  surtout  citer 
Denys  le  Thrace,  qui  vint  à  Rome  enseigner  les 
lettres  grecques  environ  cinquante  ans  avant  Jésus- 
Christ,  et  publia  la  première  grammaire  qui  ait  été 
composée  pour  un  enseignement  vraiment  pratique. 
Il  faut  nommer  aussi  le  savant  Apollonius,  qui 
vivait  au  ii"  siècle  de  notre  ère,  et  que  la  duroté 
de  son  caractère,  ou  peut-être  même  de  son  style. 


avait  fait  surnommer  le  Dyscole,  c'est-à-dire,  te 
difficile. 

Pour  ce  dernier,  dont  les  ouvrages  représentent 
certainement  le  plus  haut  degré  de  perfection  où 
soit  arrivée,  dans  l'antiquité,  l'étude  du  langage,  la 
grammaire  est  avant  tout  une  science  d'observation. 
Apollonius  considère  la  grammaire  comme  un  en- 
semble de  règles  fondées  sur  l'élude  exacte  des 
faits,  et  destinée  à  un  but  essentiellement  pra- 
tique, qui  est  de  corriger  le  mauvais  usage  (Egger, 
Apolhmius  Dyscole). 

La  lecture  des  ouvrages  qui  nous  restent  de  ce 
célèbre  grammairien  montre  que  les  mots  dont  se 
compose  la  langue  grecque  avaient  été  soumis, 
par  les  philologues  de  l'école  d'Alexandrie,  à  une 
classification  rigoureuse.  Les  termes  dont  ils  se 
sont  servis  pour  désigner  les  différentes  parties  du 
discours,  enseignes  par  Denys  le  Thrace  à  la  jeu- 
nesse romaine,  et  transmis,  sous  leur  forme  latine, 
par  les  grammairiens  de  Rome  à  ceux  de  la  Re- 
naissance, sont  ceux-l;i  mêmes  dont  nous  nous 
servons  encore  aujourd'hui.  A  part  quelques  modi- 
fications et  quelques  découvertes  de  détail  (V.  Loi- 
seau,  Histoire  des  progrès  de  la  grammaire,  édit. 
E.  Thorin),  la  science  grammaticale  ne  fit  point 
à  Rome  de  notables  progrès.  La  critique  scrupu- 
leuse qui  avait  présidé  aux  travaux  de  philologues 
tels  que  les  Aristarque,  les  Denys,  les  Apollonius, 
la  finesse  et  même  la  subtilité  de  leurs  analyses, 
ne  laissaient  guère  de  progrès  à  faire,  dans  une 
science  d'observation  comme  la  grammaire,  aux 
conceptions  pures  de  l'esprit. 

Nous  indiquerons  tout  à  l'heure  la  cause  de 
cette  impuissance.  Nous  expliquerons  du  même 
coup  comment  il  se  fait  que,  malgré  la  finesse  et 
la  pénétration  de  leur  esprit,  des  grammairiens 
tels  que  les  Solitaires  de  Port-Royal,  les  Dumar- 
sais,  les  Beauzée,  les  Condillac  ont  si  peu  élargi 
le  cadre  dans  lequel  les  philologues  d'Alexandrie 
avaient  renfermé  la  science  grammaticale.  Dé- 
pourvus des  notions  qui  leur  auraient  permis  d'é- 
tendre ce  domaine,  ceux  que  l'on  a  nommés  parmi 
nous  les  grammairiens  philosophes  ont  entrepris 
de  le  sonder  et  de  le  creuser  dans  toutes  les  di- 
rections :  mais  ce  fut  trop  souvent  aux  dépens  de 
la  clarté.  L'embarras  et  l'obscurité  des  définitions 
qui  résultèrent  de  cet  examen  minutieux  du  lan- 
iiago;  l'abus  des  termes  abstraits;  la  subtilité  des 
distinctions;  en  un  mot,  tous  ces  défauts  que  Ton 
a  justement  condamnés  en  bloc  sous  le  nom  de 
niétaphusique,  ne  tardèrent  pas  à  amener  une 
réaction  dont  Lhomond  fut  le  représentant  le  plus 
célèbre;  réaction  qui,  naturellement,  dépassa  le 
but  et  entretint,  contre  les  améliorations  les  plus 
louables,  des  préventions  que  la  grammaire  com- 
parée voit  à  son  tour  se  dresser  devant  elle. 

Quoi  que  l'on  pense  à  cet  égard,  voici  à  quoi 
avaient  abouti  toutes  les  recherches  et  toutes  les 
études  de  vingt  siècles  :  il  y  a  dix  ans,  en  France, 
toutes  les  grammaires  connues  dans  nos  écoles  se 
composaient  encore,  comme  au  temps  de  Denys 
le  Thrace,  de  deux  parties  distinctes  :  1°  la  lexico- 
logie, c'est-à-dire  l'énumération  des  parties  du 
discours,  avec  le  tableau  des  formes  sous  lesquelles 
petivent  se  présenter  les  parties  variables  ;  2°  la  syn- 
taxe, c'est-à-dire  l'exposé  des  règles  qui  président 
à  l'emploi  et  à  l'arrangement  des  mots. 

Mais  on  chercherait  en  vain,  dans  tous  ces  ou- 
vrages, l'explication  des  formes  diverses  que  les 
mots  peuvent  revêtir.  Ainsi,  pour  nous  borner  à  la 
langue  française,  aucun  grammairien  n'exposait 
l'origine  de  notre  pluriel  ;  aucun  ne  rendait 
compte  des  prétendues  anomalies  que  la  forma- 
tion de  ce  pluriel  présente  ;  aucun  n'expliquait 
l'origine  des  formes  multiples  qui  constituent  la 
conjugaison.  Enfin,  dans  les  langues  classiques, 
nul  n'exposait  pour  quelle  cause  le  sujet  se  met, 
en    latin ,    au  nominatif,    tandis  que  le    complé- 


GRAMMAIRE 


—  839  —     GRAMMAIRE  COMPARÉE 


ment  direct  se  met  à  l'accusatif,  questions  qui, 
d'ailleurs,  étaiiMit  également  insolubles  pour  les 
Denys  et  les  Apollonius. 

Tel  était  l'état  d'ignorance  absolue  où  se  trou- 
vaient les  grammairiens  sur  les  problèmes  les 
plus  importants  de  la  science  qu'ils  enseignaient, 
quand  apparut  la  première  publication  d'un  homme 
qui  a  renouvelé  de  toutes  pièces  les  principes  de 
la  grammaire.  Nous  voulons  parler  de  François 
Bopp,  que  M.  Bréal  nous  a  fait  connaître  dans 
cette  traduction  magistrale  où  il  a  quelquefois 
rectifié  la  doctrine  du  maître,  et  qu'il  a  considé- 
rablement enrichie,  dans  les  préfaces  et  dans  les 
notes,  de  considérations  et  de  vues^  qui  lui  sont 
personnelles.  (G'-ammaire  comparée,  éd.  Hachette.) 

François  Bopp,  qui  naquit  à  Jlayence,  le  !4  sep- 
tembre 17KI,  n'est  pas  pour  nous  un  étranger. 
Lorsqu'il  eut  appris  les  langues  classiques  et  les 
principaux  idiomes  de  l'Europe  moderne,  il  vint 
à  Paris  vers  1812,  et  y  passa  quatre  années,  qu'il 
consacra  à  l'étude  du  sanscrit,  de  l'arabe,  du 
pnrsan  et  de  l'hébreu.  Il  était  impossible  qu'un 
esprit  aussi  obseri'ateur  que  celui  de  Bopp  ne 
fût  point  frappé  des  ressemblances  que  présen- 
taient ceux  de  ces  idiomes  qui  se  rattachent  à 
une  origine  commune,  ressemblancesqu'avaient  sai- 
sies des  esprits  beaucoup  m^ins  bien  préparés.  Ap- 
pliquant donc  le  système  de  la  comparaison  aux  lan- 
gues classiques  ainsi  qu'au  sanscrit,  et  étudiant,  à  ce 
point  de  vue,  les  formes  de  la  conjugaison,  F.  Bopp 
démontra  que  les  formes  si  diverses  que  présen- 
tent les  verbes  ont  pour  origine  l'intervention  de 
préfixes  et  de  suffixes  qui,  exprimant  par  eux- 
mêmes  les  idées  de  persomies,  de  modes,  et  de 
temps,  se  sont,  avec  les  siècles,  intimement  sou- 
dés aux  racines  verbales,  en  perdant,  dans  ce  rap- 
prochement, toutes  les  lettres  qui  auraient  rendu 
le  contact  moins  intime.  11  d.montra  de  même 
que  les  flexions  qui  caractérisent  les  cis,  et  qui 
étaient  si  longtemps  restées  inexplicables,  sont 
également  formées  de  particules  qui  indiquaient, 
en  général,  la  situation  des  individus  ou  des 
objets  dans  l'espace,  par  rapport  à  celui  qui  les 
considère. 

Cette  découverte  fit,  dans  la  grammaire,  une 
véritable  révolution.  Aux  théories  que  les  esprits 
les  plus  ingénieux  avaient  imaginées  à  priori, 
elle  substitua  des  faits  dûment  constatés  et  con- 
firmés encore  par  les  conséquences  qui  s'en  dé- 
duisent tout  naturellement  dans  la  syntaxe.  En  un 
mot,  le  secret  de  la  synthèse  séculaire  qui  avait 
amené  peu  à  peu  l'agglutination  des  racines  dans  les 
langues  indo-européennes,  était  trouvé,  et  la  gram- 
maire renouvelée  dans  ses  fondements.  Faut-il  donc 
s'étonner  que  l'Allemagne  ait  célébré  comme  une 
fête  nationale  le  cinquantième  anniversaire  de  la 
première  publication  de  Bopp? 

Et  cependant,  en  France,  dans  ce  pays  où  Bopp 
est  venu  achever  ses  études,  des  esprits  timorés, 
que  les  innovations  inquiètent,  contestaient  et 
contestent  encore  l'influence  que  peuvent  exercer 
ces  découvertes  au  point  de  vue  de  la  pra- 
tique 1  Comme  si  ce  n'était  pas  une  vérité  de  sens 
commun,  que  la  mémoire  retient  bien  plus  fidèle- 
ment les  formes  que  l'intelligence  a  analysées  et 
comprises  I  Comme  si  le  jugement  des  enfants  ne 
devait  pas  forcément  s'exercer  avec  plus  de  recti- 
tude et  de  sécurité,  lorsqu'à  une  foule  de  règles, 
inexpliquées  dans  leur  principe,  groupées  le  plus 
souvent  au  hasard,  et  tout  embarrassées  d'excep- 
kions  et  d'anomalies,  on  substitue  quelques  grands 
ït  larges  principes  que  l'esprit  le  moins  pénétrant 
déduit  tout  naturellement  de  quelques  faits  positifsl 
Comme  si.  enfin,  la  dignité  de  celui  qui  enseigne 
et  de  celui  qui  écoute  n'avait  pas  tout  à  gagner  à 
fette  révolution  qui  substitue  au  mécanisme  l'exer- 
àce  de  rintelliîrence  ! 

Souhaitons  donc,  pourl'honneur  de  l'enseignement 


I  français,  que  l'on  renonce  le  plus  tôt  possible  chez 
'  nous  à  ces  méthodes  incomplètes  et  surannées, 
i  qui  n'expliquent  rien,  déroutent  l'esprit  des  en- 
fants par  la  multiplicité  des  exceptions,  et  rédui- 
sent l'étude  de  la  grammaire  à  un  exercice  de  mé- 
moire ennuyeux  et  fatigant;  souhaitons-le  mainte- 
nant surtout  que  nous  avons  des  livres  très  bien 
faits  pour  ménager  la  transition  de  l'ancienne  doc- 
trine à  la  nouvelle.  MM.  Ghassang,  Bailly.  Leclair, 
Brachet  sont  entrés  résolument  dans  la  voie  ré- 
cemment ouverte,  et  aujourd'hui  officiellement 
reconnue  comme  la  seule  qui  mérite  le  nom  de 
méthode  :  nons  ne  risquerons  point  de  nous  égarer 
en  suivant  des  guides  aussi  éclairés  et  aussi  pru- 
dents. 

La  grammaire,  telle  que  l'ont  constituée  les 
partisans  de  la  méthode  historique,  se  compose  de 
trois  parties  : 

1°  Une  partie  entièrement  nouvelle,  la  phonéti- 
que ou  ph>no>ogi';,  qui  étudie  tous  les  change- 
ments qu'ont  subis  les  sons,  et,  par  suite,  les  let- 
tres qui  les  représentent,  soit  dans  la  même  langue, 
soit  dans  les  langues  congénères.  C'est  sur  cette 
étude  que  repose  la  vraie  science  étymologique. 
Elle  rend  compte  de  ces  changements  en  les  rame- 
nant à  quelques  lois  naturelles,  et  prépare  ainsi 
l'explication  des  flexions,  en  même  temps  qu'elle 
rend  compte  de  ces  prétendues  exceptions  qui 
fourmillent  dans  les  anciennes  grammaires  ; 

2°  La  lexicologie,  qui  présente  le  catalogue,  mais 
le  catalogue  expliqué,  des  formes  que  prennent  les 
mots  variables,  ainsi  que  le  tableau  des  mots  dits 
invariables,  dont  elle  indique  l'origine  ; 

3°  Enfin  la  syntaxe,  dont  les  principes  généraux 
se  tirent  d'eux-mêmes  des  affixes  qui  caractéri- 
sent les  cas  et  les  modes. 

L'esprit  humain  n'avait  pas  attendu  les  décou- 
vertes dont  nous  avons  parlé  tout  à  l'heure,  pour 
élever  une  prétention  beaucoup  plus  haute  que 
celle  qui  a  été  réalisée  par  la  gram  >,(nre  co^tparée. 
Alors  que  les  lois  de  la  phonétique  étaient  encore 
inconnues  parmi  nous,  des  philosophes,  armés  de 
leur  seule  intelligence,  prétendaient  trouver,  dans 
la  constitution  même  de  leur  esprit,  les  lois  géné- 
rales de  toute  grammaire.  L'ensemble  de  ces  re- 
files, communes  h  tous  les  idiomes  parlés  sur  la 
terre,  constituerait  la  grammaire  général'^.  Mais 
on  conçoit  que  le  nombre  de  ces  principes  com- 
muns diminuerait  toujours  à  mesure  que  l'on  étu- 
dierait des  langues  plus  nombreuses,  et  que  la 
grammaire  générale  ne  serait  jamais  finie  tant 
qu'il  resterait  une  langue  b.  connaître.  Du  reste, 
la  pratique  de  l'enseignement  n'est  guère  inté- 
ressée au  succès  de  ces  investigations  lointaines, 
dont  les  résultats  seront  d'une  application  d'autant 
plus  restreinte  que  l'étude  aura  été  plus  complète. 

V.  Grammaire  française. 

[C.  Rouzé.l 

GRAMMAIRE  COMPARÉE.  —  Nous  avons  ex- 
posé, à  l'article  Grammaire,  les  diverses  péripé- 
ties qu'a  traversées,  depuis  ses  premières  investi- 
gations, l'étude  du  langage.  L'importance  de  la 
révolution  qu'a  faite,  dans  cette  étude,  la  gram- 
maire comparée,  ainsi  que  les  brillantes  destinées 
qui  lui  sont  forcément  réservées,  nous  oblige  à 
rappeler  l'origine  de  cette  science  nouvelle,  à  en 
démontrer  l'autorité,  à  en  exposer  enfin,  à  l'aide 
de  quelques  exemples  frappants,  l'esprit,  la  mé- 
thode et  la  portée. 

Tandis  que  la  grammaire  empirique  des  Grecs 
et  des  Latins  se  contentait  d'exposer  et  de  classer 
les  faits,  sans  aborder  aucune  des  questions  que 
soulève  la  constitution  intime  du  langage;  tandis 
que  la  grammaire  phil':sophique  des  modernes, 
considérant  chaque  idiome  isolément,  cherchait  la 
solution  des  problèmes  grammaticaux  que  cette 
langue  soulève,  dans  la  raison  pure  ou  dans  la  cons- 
titution de  l'esprit  humain,  la  grammaire  compa- 


GRAMMAIRE  COMPARÉE     —  890  —     GRAMMAIRE  COMPARÉE 


rêe,  regardant  chaque  idiome  comme  un  membre 
qui  doit  forcément  se  rattacher  aune  famille  dont  il 
reproduit,  au  milieu  de  toutes  les  différences  de 
détail,  les  traits  généraux  et  caractéristiques,  cher- 
che dans  le  rapprochement,  dans  la  comparaison 
de  tous  ces  idiomes  congénères,  la  cause  et  l'ex- 
plication des  faits  particuliers  que  présente  chacun 
d'eux.  De  là  son  nom  de  Grammaire  comparée.  Un 
exemple  que  nous  allons  tirer  de  la  famille  à  la- 
quelle appartient  la  langue  française  montrera 
combien  les  prétentions  de  cette  science  sont  lé- 
gitimes. 

Environ  trois  mille  ans  avant  notre  ère,  les  an- 
cêtres de  notre  race  étaient  encore  concentrés  sur 
les  hauts  plateaux  de  cette  partie  de  l'Asie  que  l'on 
a  nommée  l'Arie,  et  qui  s'étend  à  l'ouest  de  la 
chaîne  de  l'Hindou-Kousch.  Devenus  trop  nom- 
breux, les  Aryas  furent  forcés  de  se  disperser  et 
d'aller  chercher  au  loin  des  établissements  plus 
vastes  et  plus  commodes.  Les  uns,  suivant  les  con- 
tre-forts occidentaux  des  montagnes  qui  leur  fer- 
maient l'accès  du  Tibet  et  de  la  Chine,  allèrent  s'é- 
tablir dans  l'Inde,  où  ils  formèrent  les  castes  su- 
périeures de  ce  pays.  D'autres  se  fixèrent  dans  la 
Média  et  dans  la  Perse.  Les  tribus  les  plus  nom- 
breuses enfin,  se  dirigeant  vers  l'ouest,  et  conti- 
nuellement pressées  par  de  nouvelles  migrations, 
vinrent  peupler  l'Europe  et  donnèrent  naissance, 
d'un  côté,  aux  Celtes,  aux  Scandinaves,  aux  Ger- 
mains, aux  Slaves,  qui  se  fixèrent  définitivement 
dans  la  région  du  Nord  ;  et  de  l'autre,  aux  Pélasges, 
aux  Hellènes  et  aux  autres  tribus  qui  peuplèrent 
l'Espagne,  l'Italie  et  la  Grèce. 

La  langue  que  parlaient  toutes  ces  peuplades 
se  modifia  diversement  avec  les  siècles,  sous  l'in- 
fluence du  climat  et  de  la  civilisation,  et  devint, 
dans  l'Inde^  le  sanscrit,  cette  langue  sacrée  qui, 
morte  aujourd'hui  comme  le  latin  parmi  nous,  a 
été  soumise  depuis  des  siècles,  parles  Brahmanes, 
à  l'analyse  la  plus  délicate  et  la  plus  minutieuse  ; 
elle  donna  naissance,  dans  l'Iran,  à  l'idiome  que 
nous  ont  révélé  Anquetil-Duperron  et  E.  Burnouf, 
e;  dans  lequel  es'^exposée  la  doctrine  du  réforma- 
teur Zoroastre. 

En  Europe,  à  l'exception  du  basque,  du  finnois, 
du  hongrois  et  du  turc,  qui  se  rattachent  à  une 
autre  famille,  tous  les  idiomes  qui  se  parlent  au- 
jourd'hui sont  la  forme  nouvelle  que  le  temps  a 
donnée  à  la  langue  primitive  des  tribus  aryennes. 
Quelques-unes  de  ces  langues,  comme  le  français, 
l'italien,  le  portugais,  l'espagnol,  s'appellent  néo- 
latines ou  romanes,  parce  que,  dérivées  principale- 
ment de  la  langue  qui  se  parlait  jadis  à  Rome, 
elles  ne  sont  pour  ainsi  dire  qu'un  aspect  nouveau 
sous  lequel  la  langue  latine  continue  de  parcourir, 
dans  l'Europe  occidentale,  la  série  de  ses  méta- 
morphoses. 

Il  ne  nous  reste  aucun  monument  de  la  langue 
que  parlaient  primitivement  les  tribus  aryennes. 
Mais,  bien  que  nous  ne  puissions  rattacher  les 
langues  modernes  à  leur  origine  commune,  il  nous 
suffira  de  rapprocher  quelques-unes  des  expres- 
sions qui,  répondant  à  un  des  premiers  besoins  de 
l'homme,  ont  dû  sortir  les  premières  de  la  bouche 
des  Aryas,  pour  établir  avec  la  plus  complète  évi- 
dence la  parenté  des   langues  indo-européemies. 

Ainsi,  pour  ne  citer  que  deux  exemples  caracté- 
ristiques, le  mot  jnère,  ce  mot  qui  nous  vient  avant 
tous  les  autres  sur  les  lèvres,  se  dit,  en  sanscrit, 
viatri  ;  en  persan,  madcr  ;  en  grec  mêler  ou  mater  ; 
en  latin,  mater;  en  allemand,  mutler;  en  slavon, 
7nnfi;  en  celtique,  mathair.  Il  faudrait  être  bien 
difficile  pour  exiger  une  ressemblance  plus  saisis- 
sante. 

Passons  maintenant  à  un  ordre  d'idées  tout 
différent.  Le  nombre  neuf,  dont  la  conception 
même  indique  un  degré  de  civilisation  déjà  avancé, 
et  remonte  par  conséquent  à  une  époque  très  éloi- 


gnée de  l'origine  commune,  est  tiré,  dans  toutes 
les  langues  indo-européennes,  de  l'adjectif  qui  si- 
gnifie nouvenu  :  c'est,  en  quelque  sorte,  le  nombre 
ou  le  chiffre  récemment  trouvé  et  encore  iOMineuf, 
ce  qui  tendrait  à  établir  que  la  numération  s'était 
longtemps  arrêtée  à  huit.  Or,  nouveau  se  dit,  en 
sanscrit,  nuva;  en  persan,  nev;  en  grec,  7ieos ;  en 
latin,  novus;  en  allemand,  neu  ;  en  slavon,  nov  ; 
en  celtique,  nua.  Et,  par  une  conséquence  toute 
naturelle,  dans  tous  nos  idiomes  modernes,  le 
nombre  neuf  et  l'adjectif  nouveau  présentent  la 
plus  frappante  analogie,  quand  ils  ne  sont  pas, 
comme  en  français,  absolument  identiques. 

Ces  ressemblances,  qu'il  est  impossible  d'attri- 
buer au  hasard  puisque  les  dernières  se  rattachent 
à  l'expression  d'une  idée  abstraite,  montrent  bien 
que  toutes  les  langues  indo-européennos  ne  sont 
que  des  variétés,  des  états  plus  récents  d'un 
idiome  antique,  auquel  elles  se  rattachent  comme 
à  une  commune  origine.  Il  est,  dès  lors,  légitime 
de  prétendre  qu'en  rap])rochant  deux  ou  plusieurs 
langues  congénères,  on  pourra  tirer,  de  cette 
comparaison,  l'explication  de  mille  faits  gramma- 
ticaux qui  échapperaient  à  1  analyse  ou  qui  reste- 
raient inintelligibles  si  on  les  envisageait  isolé- 
ment. 

Par  exemple,  nous  lisons  dans  nos  grammaires 
classiques,  que  la  troisième  personne  du  singulier 
des  verbes  se  termine  par  un  t.  Ainsi  :  il  aimaii  ; 
il  fiiiissaii;  il  recevaiT;  il  rendaiT.  Mais,  si  nous 
examinons  la  troisième  personne  du  singulier  du 
présent  de  l'indicatif,  nous  voyons  surgir  deu 
irrégularités  : 

«  H  aime;  il  finit;  il  reçoit;  il  rend.  » 

Supposez  que  les  langues  anciennes  nous  soient 
inconnues,  et  que  la  pratique  de  la  comparaison 
nous  soit  impossible,  les  formes  il  aime,  il  rend, 
deviennent  inexplicables,  et  nous  sommes  forcés 
de  les  ranger  au  nombre  des  anomalies.  Bien  plus, 
nous  ne  pouvons  pas  même  expliquer  l'origine 
de  cette  règle  qui  dit  que  le  t  est  la  finale  carac- 
téristique de  la  troisième  personne.  Les  grammai- 
riens de  Rome  n'en  savaient  pas  plus  long  sur  ce 
sujet  ;  et  s'ils  ont  réparti  les  verbes  latins  en 
quatre  conjugaisons,  c'est  que,  ne  connaissant  pas 
les  idiomes  qui  auraient  pu  leur  révéler  la  consti- 
tution intime  de  leur  langue,  et,  par  conséquent, 
se  trouvant  incapables  de  résoudre  les  formes 
verbales  en  leurs  éléments,  ils  ont  pris  pour  base 
de  leur  classification  les  anomalies  apparentes  et 
nous  ont  ainsi  légué  ces  divisions  arbitraires  qu'il 
sera  bien  difficile  d'extirper  de  l'enseignement. 

Grâce  à  la  comparaison,  le  fait  grammatical 
dont  nous  parlons  se  révèle  dans  toute  sa  simpli- 
cité. 

Nous  avons  appris,  en  effet,  en  comparant  le 
latin  et  le  grec  avec  les  idiomes  congénères  de 
l'Asie,  que  la  troisième  personne  du  singulier  se 
forme  en  ajoutant  au  radical,  qui  contient  la  si- 
gnification  du  verbe,  un  suffixe  pronominal  ti,  qui 
représente  la  troisième  personne,  et  signifie  par 
conséquent  ;/  ou  elle.  Je  prends,  par  exemple,  le 
radical  ama,  qui  exprime  l'idée  d'aî?«e>; j'y  ajoute 
le  suffixe  pronominal  ti,  et  je  forme  ainsi  une 
troisième  personne  du  singulier  que  représente 
avec  la  plus  grande  exactitude  notre  forme  fran- 
çaise aime-t-il.  Seulement,  dans  aime-t-il,  qui  est 
pour  aimet-il,  le  pronom  sujet  se  trouve  exprimé 
deux  fois  :  il  est  représenté  d'abord  par  la  lettre  T, 
qui  n'est  point,  comme  on  le  dit  souvent,  une 
lettre  euphonique,  puisqu'il  y  a  eu  un  temps  où 
l'on  écrivait  il  aimet  ;  il  est,  de  plus,  exprimé  par 
le  pronom  il,  que  l'on  ajouta  devant  le  verbe  sous 
l'influence  de  deux  causes  :  1°  parce  que  l'on  avait 
perdu  le  sens  des  désinences  personnelles,  qui  ne 
sont  autre  chose  que  les  pronoms  sujets;  2°  parce 
que  ces  syllabes  finales  se  trouvant  après  la  voyelle 
accentuée,  et  dès  lors  forcément  destinées  à  s'as- 


GRAMMAIRE  COMPARÉE     —  891  —     GRAMMAIRE  FRANÇAISE 


sourdir  ou  à  se  perdre  en  passant  du  latin  en  fran- 
çais, il  fallut  bien,  pour  être  compris,  exprimer 
le  pronom  avant  le  verbe,  surtout  quand  on  se  trou- 
vait obligé  d'employer  des  formes  aussi  identiques 
pour  l'oreille  que  yaime,  tu  aimes,  il  aime,  ils 
aiment! 

Ainsi,  grâce  à  la  comparaison,  nous  avons  appris 
à  de'composer  le  verbe  en  deux  éléments  fonda- 
mentaux :  le  radical  et  la  désinence  personnelle. 
De  plus,  en  remontant  de  quelques  siècles  dans 
notre  histoire,  nous  avons  trouvé  cette  forme  an- 
cienne «  il  aimet  »,  qui  fait  rentrer  le  verbe  oiiner 
dans  le  concert  des  autres  conjugaisons.  Si  nous 
considérons  d'autre  part  que  le  d  final  de  «  il 
rend  »  est  une  dentale  moj'enne,  dont  la  présence 
amène  naturellement,  et  en  vertu  d'une  loi  pho- 
nique, la  suppression  du  t  qui  n'est  lui-même 
qu'une  dentale  ténue,  nous  aurons  du  même  coup 
ramené  les  quatre  formes  citées  plus  haut  à  un 
type  unique.  Et  comme  il  serait  facile  de  ramener 
de  même  toutes  les  autres  personnes  à  un  seul 
modèle,  nous  avons  démontré,  non  plus  à  priori, 
mais  par  des  faits  patents,  incontestables,  «  qu'il 
n'y  a  en  réalité  qu'une  seule  conjugaison  «,  et 
que  toutes  les  variétés,  comme  toutes  les  anoma- 
lies apparentes,  s'expliquent  naturellement,  soit 
par  l'influence  de  certaines  lois  que  la  gram- 
maire comparée  expose  dans  la  phonétique,  soit 
par  l'histoire  des  péripéties  qu'a  traversées  la 
langue. 

Comment  expliquer,  par  exemple,  la  diversité  de 
formes  que  présente  le  verbe  aller,  où  nous  voyons, 
dans  un  même  temps  :  je  vais,  nous  allons,  ils  vo?ît, 
et  où  le  futur,  firai,  difi'ère  si  profondément  du 
présent,  je  vais,  ou  de  l'infinitif  ?  Rien  n'est  plus 
«impie  cependant.  La  grammaire  comparée  nous 
apprend  que  cette  irrégularité  apparente  se  re- 
trouve dans  toutes  les  langues  et  se  rattache  à  une 
cause  commune.  Partout,  en  effet,  la  conjugaison  des 
verbes  les  plus  fréquemment  usités  s'est  formée 
du  mélange  de  radicaux  différents  qui,  traduisant 
tous  une  môme  idée  générale,  pouvaient  indiffé- 
remment s'employer  les  uns  pour  les  autres,  et  ont 
ainsi  concouru  à  la  formation  d'un  même  verbe. 
Ainsi,  le  verbe  aller,  au  présent  de  l'indicatif,  est 
formé  de  deux  radicaux  différents,  empruntés  au 
verbe  vadere,  qui  nous  a  donné  je  vaif,  tu  vas,  il 
va,  ils  vont  {vado,  vadis.  vadit,  vndunt),  et  au  ver- 
be adnare,  d'où  nous  avons  tiré  jîous  allons,  io"s 
allez,  par  des  modifications  qu'explique  très  clai- 
rement la  phonétique.  Le  futur,  de  son  côté,  est  tiré 
d'un  autre  verbe  laiia  ire,  qui  veut  dire  aussi  aller. 

Si  nous  avons  tout  d'abord  essayé  de  mettre  en 
lumière  les  découvertes  que  la  comparaison  a  per- 
mis de  faire  dans  la  constitution  intime  des  verbes, 
c'est  qu'il  nous  a  paru  intéressant  de  rappeler  que 
ce  sont  des  linguistes  formés  à  l'école  de  Paris 
qui,  dix-huit  cents  ans  après  la  mort  de  Cicéron, 
ont  révélé  la  structure  mystérieuse  d'une  langue 
qui  était  restée  pleine  d'énigmes  pour  Cicéron  lui- 
même,  comme  le  grec  l'avait  été  pour  Démosthène. 
Guidée  par  la  comparaison,  l'analyse  a  fait  des 
découvertes  tellement  délicates  et  tellement  im- 
prévues, que  cet  aperçu  serait  par  trop  incomplet 
si  nous  ne  citions  au  moins  un  exemple  de  syn- 
thèse, où  nous  verrons  se  réunir  les  idées  de  per- 
sonne, de  voir,  de  temps  et  de  mode. 

Si  nous  analysons  cette  phrase  :  «  Puissions- 
nous  être  aimés  !  •>,  nous  y  trouverons  d'abord  une 
idée  principale,  représentée  par  le  radical  du- par- 
ticipe aimés.  D'un  autre  côté,  la  réunion  de  ces 
mots  ét7-e  aimés,  nous  présente  l'action  d'aimer 
comme  soufferte,  ou  passive.  De  plus  ce  terme  pas- 
sif, être  aimés,  est  modifié  par  l'idée  d'un  souhait. 
d'un  désir,  qu'exprime,  en  grec,  le  mode  que  l'on 
appelle  optatif  (du  latin  optnre,  qui  signifie  sou- 
haiter) :  le  français  traduit  ici  cette  idée  par  la 
forme  puissions-nous.  Mais  ce  souhait,  ce  désir,  est 


relatif  au  moins  à  deux  personnes^  une  personne 
qui  parle  et  une  personne  dont  il  est  parlé,  les- 
quelles, réunies,  sont  représentées  par  la  première 
personne  du  pluriel.  Enfin,  un  souhait  entraîne  • 
forcément  avec  lui  l'idée  d'un  temps  à  venir,  d'un 
futur.  Eh  bien,  si  nous  analysons  la  forme  grecque 
qui  traduit  «  puissions-nous  être  aimés  »,  nous  y 
trouverons  l'expression  de  toutes  ces  idées,  réunies 
dans  une  sj-nthèse  des  plus  curieuses.  Cette  forme, 
transcrite  en  caractères  romains,  serait  «  philè-thè- 
S0-I-MÉ-TH.4»,  que  nous  divisons  par  de  petits  tirets 
pour  la  commodité  des  explications  qui  vont  sui- 
vre. 

Si  nous  étudions  cette  forme,  en  commençant 
par  la  fin,  nous  y  trouverons  : 

1°  Deux  pronoms  :  mé-tha,  qui  correspondent  aux 
pronoms  français  moi  et  il,  et  sont  tout  simple- 
ment des  modifications  de  mi  et  de  ti,  que  nous 
avons  déjà  vus  plus  haut; 

2°  L'expression  modale  de  Voptatif,  représenté 
par  la  voyelle  i,  que  l'on  a  empruntée  au  radical 
du  verbe  grec  i-emai,  qui  signifie  désirer  ; 

3°  L'expression  du  futur,  dans  le  suffixe  sa,  qui 
ist  tiré  du  futur  e-so-mai  du  verbe  grec  qui  si- 
gnifie être; 

4°  L'indication  de  la  voix  passive,  dans  le  suf- 
fixe thê,  emprunté  à  un  verbe  primitif  qui  a  donné 
aux  Allemands  leur  verbe  thim,  et  aux  Anglais 
leur  verbe  do.  qui  tous  deux  signifient  faire; 

5°  Enfin,  le  radical  jihilé,  que  nous  trouvons 
dans  les  mots  philanthj^ope,  Théophile,  et  qui 
exprime  l'idée  d'aimer. 

De  sorte  que  si  nous  traduisons  philêthêsoimé- 
ihn  en  partant  de  la  désinence  et  en  remontant 
vers  le  radical,  nous  aurons  lUtéralement  :  lui  et 

MOI  PUISSIONS-NOUS  DEVOIR  ÊTRE  FAITS  AIMÉS,  élé- 
ments qu'a  combinés  et  fondus  ensemble  le  tra- 
vail d'une  synthèse  cent  fois  séculaire. 

Quand  la  grammaire  comparée  ne  servirait 
•  lu'à  nous  révéler,  avec  une  pareille  lucidité,  la 
constitution  intime  des  langues  classiques,  il  fau- 
drait déjà  la  préférer  à  toutes  les  autres  méthodes 
qui,  n'expliquant  rien,  laissent  constamment  en 
suspens  l'intelligence  au  lieu  d'en  faire  l'auxiliaire 
de  la  mémoire.  Mais  la  comparaison  n'est  pas 
moins  utile  à  la  connaissance  de  notre  idiome, 
puisque  l'état  où  nous  le  voyons  aujourd'hui  est 
la  conséquence  d'un  état  antérieur  qu'il  est  abso- 
lument indispensable  d'étudier  si  l'on  veut  ré- 
soudre les  problèmes  que  présente  sa  forme  ac- 
tuelle. 

Les  limites  dans  lesquelles  nous  sommes  obligés 
de  nous  renfermer  ne  nous  permettent  pas  d'insis- 
ter plus  longuement  sur  ces  détails.  Nous  pensons 
en  avoir  assez  dit,  pour  démontrer  combien  les 
principes  sur  lesquels  repose  la  grammaire  com- 
parée sont  supérieurs  à  toutes  les  doctrines  que 
nous  a  léguées  le  passé.  La  pratique  de  cette  mé- 
tiiode,  qui  fait  de  la  grammaire  une  histoire  natu- 
relle du  langage,  en  prouvera  mieux  encore  l'excel- 
lence ;  et,  en  dépit  de  toutes  les  oppositions,  le 
jour  n'est  pas  éloigné  où  les  vieilles  grammaires, 
religieusement  déposées  dans  nos  bibliothèques 
comme  des  documents  précieux,  ne  seront  plus 
consultées  que  par  ceux  qui  voudront  étudier, 
'/'après  les  monuments,  l'histoire  de  la  gram- 
maire. [C.  Rouzé.j 

GRAM.MAIRE  FRANÇAISE.  —  On  fait  remonter 
l'origine  de  ce  mot  au  grec  gramma,  qui  veut  dire 
lettre,  et  qui  a  donné  y;'am»zaj'?'e  par  l'intermédiaire 
du  suffixe  latin  aria.  La  grammaire  serait  donc, 
d'après  l'étymologie,  la  simple  connaissance  des 
lettres  de  l'alphabet  ou  l'art  de  lire  et  d'écrire. 
Mais  cette  science  des  lettres  est  bien  vite  devenue 
la  science  des  mots  et  des  lois  qui  les  régissent, 
soit  dans  la  langue  parlée,  soit  dans  la  langue  écri- 
te. Envisagée  à  ce  point  de  vue  général,  la  gram- 
maire touche  à  tout  :  à  la  métaphysique,  à  la  mo- 


GRAMMAIRE  FRANÇAISE     —  892  —     GRAMMAIRE  FRANÇAISE 


raie,  à  la  philosophie,  à  la  rhétorique,  à  la  poésie, 
etc.  Chez  les  Grecs,  les  philosophes  Platon  et 
Aristote,  les  rhéteurs  de  l'école  d'Alexandrie  ;  chez 
les  Latins,  Varron,  Cicéron,  Qiiintilien,  pour  ne 
citer  que  les  plus  illustres,  mêlent  k  leurs  hautes 
spéculations  philosophiques  ou  à  leurs  préceptes 
du  rhétorique  de  curieuses  recherches  grammati- 
cales. A  l'époque  de  la  Renaissance,  les  Dubois, 
les  Ramus,  les  Estienne,  et  plus  tard  Lancelot,  Ré- 
gnicr-Desmarais,  Dumarsais  etc..  distinguent  à 
peine  la  grammaire  de  la  philosophie  et  de  la  rhé- 
toriqHO.  C'est  qu'en  effet  il  y  a  une  liaison  si  in- 
time, des  rapports  si  étroits  entre  l'idée  proprement 
dite  et  les  signes  qui  la  représentent,  que  le  gram- 
mairien, qui  ne  doit  s'occuper  que  des  signes^  est 
souvent  forcé  d'étudier  aussi  l'idée. 

De  nos  jours,  le  domaine  de  la  grammaire  a  des 
bornes  plus  précises  et  son  rôle  dans  l'enseiirne- 
mcnt  est  mieux  défini.  Le  grammairien  (du  moins 
dans  la  plupart  des  livres  destinés  aux  élèves)  a 
renoncé  depuis  longtemps  :i  ensi  igner  la  philosopliic 
et  la  rhétorique  du  langage  ;  il  relève  les  formes 
naturelles  de  notre  langue,  les  tours  usités  par  nos 
meilleurs  écrivains,  et  il  en  tire  des  principes  géné- 
raux qui  indiquent  le  bon  usage  sans  avoir  la 
prétention  de  le  régler.  On  peut  même  dire  que  la 
grammaire,  il  y  a  une  vingtaine  d'années,  bien  décline 
de  ses  anciennes  aspira' iuns,  n'était  plus  qu'une 
sorte  de  procès-verbal  de  l'usage,  une  espèce  de  code 
pénal  :ipplicable  aux  écoliers,  où  l'on  ne  lisait  plus 
que  cet  arrêt  répété  à  l'infini  sous  une  forme  peu 
variée  :  Dite^,  lie  dites  pas  ;...il  ne  fout  pas  dire... 
mois  il  faut  dire,  etc.  Réduite  à  celte  sèche  nomen- 
clature, la  grammaire  française  surchargeait  la  mé- 
moire sans  développer  l'intelligence.  A  force  de 
poser  des  questions  sans  les  résoudre,  elle  habi- 
tuait les  élèves  5,  répéter  machinalement  des  cho- 
ses qu'ils  ne  comprenaient  pas  et  que,  ayons  le  cou- 
rage de  l'avouer,  les  maîtres  eux-mêmes  ne  compre- 
naient guère. 

La  grammaire  historique  *  est  venue  jeter  un  peu 
d'air  et  de  lumière  à  travers  la  poussière  de  nos 
vieux  rudiments.  M.  Ayer  en  Suisse,  M.  Brachet  en 
France  ont  les  premiers  tenté  de  faire  bénéficier 
notre  enseignement  classique  des  découvertes  ré- 
centes de  la  philologie-  De  nombreux  imitateurs 
ont  suivi  leurs  traces,  et  la  méthode  historique,  que 
l'on  avait  longtemps  accusée  d'être  obscure  pour 
des  enfants ,  a  enfin  pénétré  dans  l'école.  En  donnant 
la  raison  de  chaque  règle,  l'explication  de  toutes 
les  bizarreries  de  notre  syntaxe,  elle  a  réveillé  en 
Fi  ance  le  goût  des  études  grammaticales  et  donné 
à  l'enseignement  de  notre  langue,  avec  un  côté 
nouveau  et  attrayant,  un  point  de  départ  sérieux, 
une  base  solide  et  inébranlable.  Pourquoi  dit-on 
grand'mère  et  nonpas^)'fln(/e  wi'?re? pourquoi  orgue 
a'-t-il  deux  genres?  d'où  vient  le  t  qu'on  trouve  dans 
aime-1-il,  chante-j-il?  pourquoi  former  le  pluriel 
avec  un  s,  pourquoi  pas  avec  un  n  ou  un  p  ?  etc. 
Autant  de  questions  qui  se  trouvent  résolues  par  la 
grammaire  historique.  «L'usage  présent,  dit  M.  Bra- 
chet, dépend  de  l'usage  ancien  et  ne  s'explique  que 
par  lui  ;  dès  lors  quoi  de  plus  naturel  que  de  faire 
servir  l'histoire  de  la  langue  à  l'explication  des 
règles  grammaticales,  en  remontant  depuis  l'usugo 
actuel  jusqu'au  moment  où  elles  ont  pris  nais- 
sance?» C'est  une  satisfaction  pour  l'esprit;  bif'n 
plus,  c'est  un  secours  pour  la  mémoire;  ce  que  l'on 
comprend  bien  se  retient  plus  facilement,  et  l'élève 
se  rappelle  d'autant  mieux  les  règles  de  la  gram- 
maire qu'elles  ont  déjà  un  point  d'appui  dans  son 
intelligence.  C'est  cette  méthode  que  les  Allemands 
emploient  depuis  longtemps  dans  leurs  écoles  pour 
l'enseignement  de  la  langue  nationale.  C'est  la 
méthode  inverse  qui  avait  été  suivie  en  France  jus- 
qu'à ce  jour. 

Xous  n'avons  pas  besoin  d'ajouter  que  c'est  la 
méthode  suivie  pour  les   questions  «le  grammaire 


que  nous  avons  traitées  dans  ce  Dictionnaire.  Par- 
tout nous  avons  soigneusement  donné  l'explica- 
tion de  chaque  terme  grammatical.  L'enfant  com- 
prendra mieux  ces  mots  trop  abstraits,  si  l'on  a 
soin  de  lui  donner  leur  sens  populaire  ;  conjonction 
et  ■  lision,  par  exemple,  ne  sont  pour  lui  que  des 
termes  à  peu  près  inintelligibles  :  il  les  retiendra 
mieux  quand  on  lui  aura  dit  que  conjonction  signi- 
fiait chez  les  Romains  union,  et  qu'é/?'sK'n  voulait 
dire  écrasement .  parce  que  dans  Vetision  la  voyelle 
élidée  est  en  effet  écrasée  et  remplacée  par  l'apos- 
trophe. 

Nous  avons  commenté  et  expliqué  les  définitions, 
rendu  compte  des  règles  et  des  exceptions  Sans 
doute,  pour  bien  comprendre  ces  règles  souvent 
bizarres  'iui  nous  viennent  directement  des  Latins, 
il  faudrait)  connaître  les  éléments  de  la  langue  la- 
tine; mais  ce  secours  nous  manque  pour  les  écoles 
primaires.  Cette  lacune  sera  bientôt  comblée,  du 
moins  pour  les  maîtres,  puisqu'on  parle  d'instituer 
un  cours  de  latin  dans  le:<  écoles  normales.  En 
attendant  que  cette  réforme  ait  porté  ses  fruits,  on 
peut  toujours  donner  les  explications  qui  sont  à  la 
portée  des  enfants,  celles  qu'on  peut  tirer  de  l'his- 
toire même  du  français  et  qui  ne  demandent,  pour 
être  comprises,  aucune  connaissance  des  langues 
jinciennes.  C'est  ainsi  que  nous  avons  étudié 
la  formation  des  substantifs,  des  adjectifs,  des 
verbes,  etc.,  tirés  de  mots  déjà  existant  en 
français,  sans  remonter  jusqu'à  leur  origine  la- 
tine. 

L'enseignement  de  la  langue  maternelle  se  divise 
naturellement  en  deux  parties  :  1°  La  théorie  ou 
grammaire  proprement  dite;  '1°  V application  ou 
exercices  d' orthographe  et  d'analfise. 

De  plus,  une  grammaire  complète  comprend  gé- 
néralement trois  cours  que  les  élèves  doivent  par- 
courir en  six  ans,  soit  deux  années  par  cours.  La 
grammaire  {t/iéorie  et  application)  peut  donc  être 
divisée  en  trois  parties  de  la  manière  suivante: 

1°  Cours  ÉLÉMENTAIRE.  —  1°  Théorie.  Étude  abrégée 
des  parties  du  discours  ;  règles  de  la  formation  du 
féminin  et  du  pluriel;  conjugaison  des  verbes  régu- 
liers ;  premières  règles  d'accord  du  nom,  de  l'ad- 
jectif, du  pronom  et  du  verbe,  avec  les  principes  de 
l'analyse  gramm.iticale.  —  '2"  Application.  Lecture  et 
copie  de  textes  choisis  dans  lesquels  on  fera  distin- 
guer successivement  les  parties  du  discours.  — 
Exercices  sur  la  formation  du  féminin  et  du  plu- 
riel. Phrases  à  conjuguer.  Premières  règles  d'accord 
de  la  syntaxe.  —  Analyse  grammaticale  élémen- 
taire. 

2°  Cours  ixtermédiaire  —  1°  Théorie.  Etude  dé- 
taillée des  parties  du  discours,  des  mots  primitifs 
et  de  leurs  dérivés  —  racines,  préfixes  et  suffixes  ; 
conjugaison  des  verbes  irréguliers  ;  différentes 
sortes  de  verbes  ;  emploi  des  auxiliaires,  du  parti- 
cipe ;  emploi  des  signes  de  ponctuation  ;  distinction 
sommaire  des  propositions  en  propositions  princi- 
pales et  propositions  subordonnées  ou  dépendantes; 
principales  règles  d'accord  et  de  régime  ;  analyse 
grammaticale  détaillée  ;  éléments  de  l'analyse  logi- 
que et  de  l'analyse  étymologique;  étude  des  homo- 
nymes et  des  idiotismes  les  plus  usités.  —  2»  Ap- 
plication. Dictées  sur  l'orthographe  d'usage.  Dictées 
de  règles,  rarement  en  phrases  détachées.  Exercices 
oraux  et  écrits  sur  les  règles  vues.  Application  des 
signes  de  ponctuation.  Définition  des  mots.  Chan- 
gements de  sens  amenés  par  les  préfixes  et  les  suf- 
fixes. Analyse  étymologique.  Analyse  grammaticale. 
Analyse  logique.  Exercices  sur  les  homonymes.  Pe- 
tites compositions  de  style. 

3"  Cours  supérieur.  —  1°  Théorie.  Retour  sur  les 
parties  du  discours  étudiées  à  un  point  de  vue  plus 
élevé,  plus  philosoi)hique,  comprenant  tous  les  dé- 
veloppements de  la  syntaxe  d'accord  et  de  la  syn- 
taxe de  régime  ;  syntaxe  des  propositions  isolées 
ou  réunies  en  ph.vasi^s-   application    de  toutes  les 


GRAMMAIRE  FRANÇAISE     —  893  —     GRAMMAIRE  FRA.NÇAISE 


règles  de  l'analyse  logique  et  de  l'analyse  étymolo- 
gique. Etude  approfondie  des  homonymes,  des  idio- 
tismes  et  des  synonymes. —  T  Applkatioji.  Dictées 
sur  l'orthographe  d'usage  et  sur  les  principales  dif- 
ficultés de  la  syntaxe.  Exercices  oraux  et  écrits  sut 
le  sens  des  mots,  sur  leur  origine  et  leur  dériva- 
tion. Exercices  sur  les  homonymes  et  les  synony- 
mes. Commentaire  philologique  et  grammatical  sur 
les  auteurs.  Compositions  de  style. 

Ce  programme  est,  du  reste,  à  peu  près  celui  qui 
est  suivi  dans  les  écoles  de  la  ville  de  Paris,  et 
nous  n'aurions  pas  mieux  demandé  que  de  nous  y 
conformer,  si  les  exigences  typographiques  de  cet 
ouvrage  ne  nous  eussent  obligé  d'y  renoncer.  En 
effet,  sans  parler  de  la  place,  qui  nous  a  été  forcé- 
ment mesurée,  il  nous  était  difficile  de  faire  sur 
chaque  mot  trois  études  séparées,  applicables  aux 
trois  cours  de  grammaire,  sans  entrer  dans  un  sys- 
tème de  redites,  de  parenthèses  et  de  renvois  aussi 
encombrants  qu'inutiles.  Nous  avons  préféré  dire 
tout  d'une  haleine  ce  qui  concernait  chaque  article, 
en  ayant  soin  seulement  d'indiquer  les  développe- 
ments à  l'usage  des  maîtres.  A  eux  de  distinguer  ce 
qui  dans  ces  développements  pourra  intéresser  leurs 
élèves. 

Chaque  instituteur  connaît  mieux  que  personne 
les  enfants  auxquels  il  s'adresse,  leur  degré  de 
force,  leur  aptitude,  surtout  leur  bonne  volonté  ; 
il  saura  mesurer  les  explications  à  l'intelligence  de 
son  jeune  auditoire.  Nous  n'avons  pas  voulu  non 
plus  donner,  comme  certaines  grammaires,  la  pâture 
de  chaque  année,  de  chaque  mois,  même  de  cha- 
que classe,  soit  comme  théorie,  soit  comme  appli- 
cation. 

Nous  avons  compté  sur  l'initiative  du  maître, 
qui  doit,  sans  doute,  suivre  pas  à  pas  le  pro- 
gramme officiel,  mais  qui  doit  surtout  s'inspirer 
des  nécessites  du  moment,  tantôt  insister  sur  un 
point  qui  n'a  pas  été  compris  ou  revenir  sur 
un  autre  qui  a  été  oublié,  tantôt  courir  à  une 
règle  importante  ou  passer  rapidement  sur  des 
axiomes  rebattus,  sur  des  vérités  banales.  C'est 
là  le  programme  d'un  maître  éclairé ,  le  pro- 
gramme naturel  et  logique  qui  doit  au  besoin  cor- 
riger les  arrêts  trop  absolus  de  tout  programme 
officiel.  Enfin,  si  l'on  nous  demande  quelle  est  la 
meilleure  grammaire,  nous  répondrons  sans  hési- 
ter: celle  du  maître.  Certes  les  ouvrages  qui  ont 
paru  sur  ce  sujet  da.ns  ces  derniers  temps  témoi- 
gnent tous,  à  différents  points  de  vue,  d'un  pro- 
grès réel  dans  l'enseignement.  Les  méthodes,  ra- 
jeunies, sont  plus  rationnelles  et  plus  pratiques, 
la  grammaire  française  est  étudiée  de  plus  liaut, 
ses  règles  sont  plus  sûrement  exprimées  et  mieux 
comprises.  Mais  le  moindre  défaut  de  tous  ces 
livres  excellents,  c'est  d'être  des  professeurs 
muets.  Il  faut  que  le  professeur  soit  un  livre  qui 
parle.  Il  faut  que  sa  parole  vivifie  l'enseignement 
du  manuel,  qu'elle  le  commente,  qu'elle  rexplii[ue, 
qu'elle  se  substitue  à  l'auteur  absent  pour  déve- 
lopper sa  pensée  t^t  la  traduire  sous  la  forme  la 
plus  accessible  aux  élèves.  Que  le  maître  ne  soit 
jamais  esclave  du  livre  ;  celui-ci  n'est  qu'un  ins- 
trument qui  vaut  plus  ou  moins  selon  la  main  dans 
laquelle  il  est  tombé.  Le  programme  donne  les 
grandes  lignes  à  suivre  ;  la  grammaire  fournit  la 
formule  brève,  concise,  qui  doit  pénétrer  dans  la 
mémoire  des  élèves  et  s'y  fixer. 

Surtout,  que  le  maître  arrive  préparé,  avec  un 
plan  bien  arrêté  d'avance,  afin  que  chaque  classe 
Boit  remplie  par  une  leçon  intéressante,  qui  soit 
en  même  temps  un  retour  sur  ce  qu'on  a  déjà  vu 
et  un  pas  en  avant  dans  ce  qui  reste  à  voir.  Dans 
cotte  tâche  laborieuse,  pour  obéir  aux  exigences 
d'un  enseignemeni  quotidien,  l'instituleura  besoin 
d'un  ouvrage  plus  complet  que  celui  qu'il  a  entre 
les  mains.  Il  doit  savoir  beaucoup,  même  pour 
enseigner  peu.  Il  lui  faut  des  développements,  des 


commentaires  étendus  et  variés  sur  chaque  parti» 
de  la  grammaire  ;  il  faut  qu'il  ait  sous  la  main  la 
solution  de  toutes  les  difficultés,  la  réponse  à  toute» 
les  questions,  enfin  une  sorte  de  vade-tn'Ciwi  gram- 
matical où  il  puisse  trouver  en  toute  occasion  tous  les 
éléments  d'une  explication  attrayante  et  utile.  T/1 
est  le  but  de  notre  travail  ;  but  idéal,  que  nous 
n'avons  pas  la    prétention  d'avoir  atteint. 

Voici  l'exposé  du  plan  que  nous  avons  suivi  pour 
le  cours  de  grammaire  française  théorique  et  pra- 
tique donné  dans  ce  Dictionnaire.  On  retrouvera 
chaque  article  à  son  ordre  alphabétique. 

PROGRAMME    DE    GRAMMAIRE 

L'enseignement  du  français  se  divise  en  deux 
parties  :  1°  la  Théoine  ou  Grammaire  proprement 
dite  ;  2o  l'Application  ou  exercices  d'orthographe  et 
d'analyse. 

THÉORIE. 

I.  Gramm.ure.  —  Différentes  qualifications  ajou- 
tées à  ce  mot.  Exposé  rapide  de  ce  qu'on  en- 
tend par  :  1"  Grammaire  générale  ;  2°  Grammaire 
comparée  ;  3"  Grammaire  historique;  4°  Grammaire 
puiiiculière  ou  grammaire  française.  —  V.  Gram- 
maire, Grammaire  compa7'ée,  Gra>nm'dre  histo- 
rique, Grammaire  française,  Langue  maternelle. 

II.  GRAMMAIRE  FRANÇAISE.  —  La  grammaire  passe 
du  simple  au  composé,  des  lettres  aux  mots,  des 
mots  aux  propositions,  puis  aux  phrases.  De  là 
trois  parties  de  la  grammaire  :  l'étude  des  lettres, 
l'étude  des  mots,  l'étude  des  propositions  et  des 
phr/:ses    —  V.  Grammarc  française. 

III.  Phonétique  ou  étude  des  lettres.  —  La 
grammaire  n'apprend  pas  seulement  à  écrire,  elle 
apprend  aussi  à  parler  correctement.  Pour  bien 
écrire  et  bien  parler  il  faut  donner  à  chaque  son 
sa  valeur  réelle,  et  connaître  les  lettres,  la  pro- 
nonci'ition,  Y  accentuation  et  Vétymologie;  tel  est 
le  but  de  la  phonétique.  —  V.  Phonétique. 

Lettres.  —  Qu'est-ce    qu'on     appelle    lettres  ? 

—  Différence  du  son  et  de  la  figure.  —  La  réunion 
de  toutes  les  lettres  s'appelle  alphabet.  —  L'al- 
phabet se  divise  en  deux  parties  :  les  voyelles  et 
les  consonnes.  —  Voyelles  simples,  combinées.  — 
Diphihongues.  —  Voyelles  nasales.  —  Consonnes 
simples,  consonnes  composées.  —  Consonnes  gut- 
turales, dentales,  labiales,  liquides,  nasales  ;  con- 
sonne double;  consonne  aspirée.  —  V.  Lettres. 

IV.  Prononciation.  —Les  lettres  réunies  forment 
des  syllabes.  —  Son  des  lettres.  —  Quantité-  — 
influence  de  l'accent  tonique  sur  la  quantité.  — 
Syllabes  longues  ou  brèves.  —  Remarques  sur  la 
prononciation  des  voyelles;  sur  la  [irononciaiioa 
des  consonnes.  —  Changements  survenus  dans  la 
prononciation.  —  V.  PronO' dation.  Contraction. 

V.  Lecture.  —  Principes  d'épellation.  Lecture 
expressive.  —  V.  Lecture,  Déclamation. 

VI.  Accentuation.  —  Définition  du  mot  accent 
en  général.  —  Accent  tonique,  son  influence 
sur  la  formation  de  la  langue  et  sur  l'orthogra- 
phe. —  Renforcement  de  la  syllabe  accentuée.  — 
.\ssourdissement  des  syllabes  atones.  —  Accent 
grammatical  :  aigu,  grave,  circonflexe.  —  Accent 
oratoire.  —  Ce   qu'on    appelle   accent  provincial. 

—  V.  Acceutunf'on,  Déclamation. 

VII.  Orthographe.  —  Orthographe  de  règle, 
orthographe  d'usage.  —  Quelles  sont  les  causes 
d'irrégularité  de  notre  orthographe?  —  Quelles 
transformations  a-t-elle  subies  ?  —  Quelles  réfor- 
mes a-t-on  tenté  d'y  introduire  ?  —  Orthographe 
phonétique.  —  Orthographe  étymologique.  — 
Quelles  seraient  les  modilicatiuns  les  plus  dési- 
rables anjourd'hui  ?  —  Remarques  sur  1  orthogra- 
phe d'usage.  -  Majuscules.  —  Signes  orthogra- 
phiques :  accents,  tréma,  apostrophe,  cédille, 
trait-d'union.  —  V.  Orthographe. 

VIII.  i>YMOLOGiE.  —  Coup  d'œil  historique  sur 


GRAMMAIRE  FRANÇAISE    —  894  —     GRAMMAIRE  FRANÇAISE 


cette  partie  de  la  science  des  langues.  —  Utilité 
de  l'étymologie  pour  parler  notre  langue  avec 
précision  et  pour  en  connaître  l'orthographe.  — 
Notions  succinctes  appuyées  sur  des  exemples.  — 
Racines.  —  Familles  de  mots.  Mots  primitifs,  dé- 
rives, composés.  Diminutifs,  préfixes,  suffixes.  — 
V.  Etymologie,  Déclinaison,  Dérivation,  Doublets. 

IX.  Lexicologie  ou  étude  des  mots.  —  La 
lexicologie  étudie  les  mots  pris  isolément.  — 
Différence    entre   la  phonétique   et  la  lexicologie. 

—  Division  des  parties  du  discours.  —  Chaque 
mot  peut  être  considéré  dans  sa  nature  (lexicolo- 
gie proprement  dite)  ;  dans  sa  formation  (etymolo- 
gie) ;  dans  ses  rapports  avec  les  autres  mots 
^syntaxe).  De  là  trois  divisions  pour  chaque  par- 
tie du  discours:  1°  lexicologie;  2»  etymologie; 
3»  syntaxe.  —  V.  Lexicologie,  Parties  du  discours, 

IVoM  ou  SUBSTANTIF.  —  1°  LcxicoIogic.  —  Dé- 
finition. —  Noms  communs,  noms  propres.  — 
Noms  concrets,  noms  abstraits.  —  Noms  collec- 
tifs. —  Noms  composés.  —  Noms  indéfinis.  —  Du 
genre  ;  remarque  sur  le  genre  de  quelques  noms. 

—  Formation  du  féminin  dans  les  noms.  —  Du 
nombre  dans  les  noms.  —  Noms  à  double  pluriel. 

—  Noms  invariables.  —  Pluriel  des  noms  dérivés 
des  langues  étrangères.  —  Pluriel  des  noms  com- 
posés. —  Pluriel  des  noms  propres.  —  2"  Etymo- 
logie :  Origine  des  noms  communs,  des  noms 
propres  ;  formation  des  substantifs.  —  Noms  dé- 
rivés des  substantifs,  des  adjectifs   et  des  verbes. 

—  3°  Syntaxe.  —  Emploi  du  nom  dans  la  propo- 
sition. —  V.  Nom,  Genre,  Sywaxe. 

X.  Article.  —  1°  Lexicologie  et  etymologie  : 
Définition.  —  Article  défini,  article  indéfini.  — 
Xombre.  —  Genre.  —  Elision.  —  Contraction.  — 
2"  Syntaxe  :  Emploi  de  l'article.  —  V.  Article,  Syn- 
taxe. 

XI.  Adjectif.  —  \°  Lexicologie  :  Définition.  — 
Adjectifs  qualificatifs,  déterminatifs,  indéfinis.  — 
Formation  du  féminin  dans  les  adjectifs  qualifica- 
tifs. —  Nombre.  —  Degrés  de  signification  dans 
les  adjectifs.  —  2"  Etymologie  :  Formation  des 
adjectifs  a\  par  composition,  6)  par  dérivation.  — 
Adjectifs  déterminatifs  :  adjectifs  numéraux,  dé- 
monstratifs,   possessifs.    —    Adjectifs    indéfinis. 

—  3"  Syntaxe  :  Emploi  de  l'adjectif.  —  V.  Adjectif, 
Comparaison  {<legrês  de),  Syntaxe. 

XII.  Pronom.  —  1°  Lexicologie  et  etymologie  : 
Définition.  —  Origine.  —  Pronoms  personnels,  dé- 
monstratifs, relatifs,  indéfinis.  —  Adjectifs  em- 
ployés comme  pronoms  ;  pronoms,  adjectifs.  — 
^"  Syntaxe  :  Emploi  du  pronom.  —  V.  Pronom, 
Syntaxe. 

Mil.  Verbe.  —  1°  Lexicologie  :  Définition.  — 
Verbes  transitifs  et  verbes  intransitifs.  —  Verbe 
actif,  —  passif,  —  réfléchi,  —  neutre,  —  imperson- 
nel. —  Radical.  —  Terminaison.  —  Nombre.  — 
Personne.  —  Modes.  —  Temps.  —  Conjugaison.  — 
Auxiliaires.  —  Emploi  des  auxiliaires  dans  la  con- 
jugaison. —  Verbes  conjugués  interrogativement. 

—  Remarque  sur  ce  qu'on  appelle  la  formation 
des  temps.  —  Remarque  sur  la  conjugaison  des 
temps  simples.  —  Conjugaison  du  verbe  passif,  — 
du  verbe  réfléchi,  —  du  v  rbe  neutre,  —  du  verbe 
impersonnel.  —  Verbes  irréguliers  et  verbes  dé- 
fectifs.  —  2°  Etymologie  :  Formation  des  verbes 
a)  par  composition  ;  b)  par  dérivation.  —  3"  Syn- 
taxe :  Emploi  du  verbe.  —  V.  Verbe,  Conjugaison, 
Modes.  Temps,  Syntaxe. 

XIV.  —  Participe.  —  Lexicologie,  etymologie  et 
syntaxe  :  Définition.  —  Formation.  —  Distinction 
(lu  participe  présent  et  de  l'adjectif  verbal.  —  Par- 
ticipe passé.  —  Règles  générales.  —  Règles  parti- 
culières. —  V.  Participe,  Syntaxe. 

XV.  —  Adverbe.  —  1°  Lexicologie  :  Définition. 

—  Difl'érentes sortes  d'adverbes.  — Mots  employés 
adverbialement.  —  Locutions  adverbiales.  —  2°  Eiy- 
raologie  :  Adverbes  formés  par  composition  et  par 


dérivation.  —  3»  Syntaxe:  Emploi  de  quelques  ad- 
verbes. —  V.  Atlverhe,  Syntaxe. 

XVI.  —  Préposition.  —  1°  Lexicologie  et  etymo- 
logie :  Définition.  —  Différentes  sortes  de  prépo- 
sitions ;  leur  origine.  —  Locutions  prépositives  ; 
leur  origine.  —  2»  Syntaxe:  emploi  de  quelques 
prépositions.  —  V.  Préposition,  Syntaxe. 

XVII.  —  Conjonction.  —  1°  Lexicologie  et  ety- 
mologie :  Définition.  —  Diverses  sortes  de  conjonc- 
tions ;  leur  origine.  —  Mots  qui  peuvent  être  ad- 
verbes et  conjonctions.  —  Distinction  de  que  pro- 
nom relatif,  de  que  adverbe  ou  conjonction.  — 
'■1°  Syntaxe:  Emploi  de  quelques  conjonctions.  — 
Influence  de  la  conjonction  sur  le  mode  du  verbe. 

—  V.  Conjo7ictio7i,  Syntaxe. 

XVIII.  —  Interjection.  —  Lexicologie  et  ety- 
mologie :  Définition.  —  Interjections  simples  ;  locu- 
tions interjectives.  —  Leur  origine.  —  V.  Interjec- 
tion. 

XIX.  —  Syntaxe.  —  Définition.  —  Division  : 
\°  Syntaxe  des  mots  ou  étude  de  la  proposition. 
2°  Syntaxe  des  propositions. 

Syntaxe  des  mots.  —  Sujet,  verbe,  attribut, 
complément.  —  Syntaxe  d'accord  ;  syntaxe  de  ré- 
gime. —  Revue  des  parties  du  discours  :  substan- 
tif, article,  adjectif,  etc.  —  V.  Syntaxe. 

XX.  —  Syntaxe  des  propositions.  — Propositions 
simples,  propositions  composées.  —  Proposition 
principale,  dépendante.  —  Analyse  logique.  —  Em- 
ploi des  modes  et  des  temps  dans  les  propositions 
subordonnées. — N.Syntaxe,Analyse,Construction. 

XXI.  —  Idiotismes.  —  Définition.  —  Exemples 
de  gallicismes.  —  V.  Idiotismes. 

XXII.  —  Homonymes  et  paronymes.  —  i"  Ho- 
monymes :  Définition.  —  Différence  entre  les  sy- 
nonymes et  les  homonymes.  —  Homograph(  s.  — 
Homophones.  —  Principaux  homonymes.  —  2°  Pa- 
ronymes :  Définition.  —  Paronymes  prochains.  — 
Paronymes  éloignés.  —  Curieux  exemples  de  paro- 
nymes éloignés. 

Synonymes.  —  Définition.  —  Synonymes  à  raci- 
nes identiques.  —  Sj'nonymes  à  racines  difl'éren- 
tes. —  Importance  de  l'étude  des  synonymes  pour 
apprendre  l'orthographe.  —  V.  Homonymes,  Paro- 
nymes, Synonytnes. 

XXIII.  —  Locutions  vicieuses.  —  Exemples  de 
locutions  à  éviter.  —  Barbarisme?.  — Solécismes. 

—  V.  Locutions  vicieuses. 

XXIV.  —  Prosodie.  —  Eléments  de  prosodie  fran- 
çaise. —  Différentes  sortes  de  vers,  etc.  —  V.  Pro- 
sodie. 

XXV.  —  Ponctuation.  —  Règles  pour  bien  ponc- 
tuer. —  Emploi  de  la  virgule,  du  point-virgule,  du 
point,  des  deux  points,  des  points  de  suspension, 
d'exclamation,  d'interrogation.  —  Des  guillemets. 

—  De  la  parenthèse.  —  Du  tiret.  —  V.  Ponctuation. 

XXVI.  —  Analyse.  —  Définition.  —  Division  : 
analyse  étymologique,  analyse  grammaticale,  ana- 
lyse logique.  —  Exemples.  —  Abus  à  éviter.  — 
V,  Analyse. 

application. 

XXVII.  —  Exercices  grammaticaux.  —  Liste  et 
modèle  de  tous  les  genres  d'exercices  grammati- 
caux recommandés  pourdivers  degrés.  —  Exercices 
oraux,  écrits,  d'invention,  de  transposition,  de  gen- 
re, de  nombre,  de  poésie  à  mettre  en  prose,  d'c- 
tymologie,  de  décomposition  des  mots,  etc.  — 
V.  Exercices  grammaticaux,  Étymoloyie. 

XXVIII.  —  Dictées.  —  Définition.  —  Comment 
faut- il  dicter?  —  Ce  qu'il  faut  dicter.  —  Comment 
on  peut  corriger  la  dictée.  —  V.  Dictée-!. 

XXIX.  —  Révision  et  applications  d'orthogra- 
phe. —  V.  Orthographe  et  Exercices  grammaticaux. 

XXX.  —  Exercices  d'analyse.  —  V.  Analyse. 

[J.  Dussouchet.] 
Outre  le  programma  ci-dessus,  qui  est  celui  au- 
quel se  rapportent  les  articles  consacrés  à  la  gram- 


GRAMMAIRE  FRANÇAISE    —  895  —     GRAMMAIRE  FRANÇAISE 


maire  française  dans  ce  Dictionnaire,  nous  repro- 
duisons le  texte  de  l'ancien  programme  des  écoles 
du  département  de  la  Seine,  du  programme  officiel 
des  écoles  primaires  et  normales,  et  de  quelques 
programmes  étrangers. 

ANCIEN   PROGRAMME 

DES  ÉCOLES  DU  DÉPARTEMENT  DE  LA  SEIKE. 
COCRS  ÉLÉUENTAIRE. 

Toute  leçon  est  expliquée  par  le  maître  avant 
d'être  donnée  à  étudier  aux  élèves. 

L'exposition  de  la  leçon  est  faite  au  tableau  noir 
sur  des  exemples  choisis  par  le  maître.  Les  défini- 
tions et  les  règles  sont  tirées  de  l'explication  do 
ces  exemples. 

Les  exercices  d'application  comprennent  d'abord 
■des  mots  représentant  des  êtres  ou  des  choses  que 
l'enfant  connaît,  ensuite  de  petites  phrases  sur  des 
notions  usuelles.  Ces  mots  et  ces  phrases  sont 
écrits  par  tous  les  élèves  sur  leurs  cahiers,  tandis 
que  l'un  d'eux  ou  que  le  maître  lui-même  les  écrit 
au  tableau  noir. 

Dans  les  exercices  de  conjugaison,  le  verbe  doit 
toujours  faire  partie  d'une  phrase  simple  et  courte. 

Le  maître  profite  des  exercices  d'application  pour 
corriger  les  expressions  et  les  tournures  incorrectes 
employées  par  les  enfants  dans  leurs  conversations 
journalières. 

Ociobt^e. 

Lettres,  voyelles  et  consonnes  ;  les  trois  sortes 
dV. 

Syllabes  et  mots. 

Novemb7'e. 

Nom.  —  Exemples  ;  définition.  —  Nom  propre  et 
nom  commun. 

Décembre. 

Nom  masculin,  féminin  ;  singulier,  pluriel. 
Exercices  d'application. 

Janvier, 

Règle  générale  de  la  formation  du  pluriel  dans 
les  noms. 

Exercices  d'application. 

Fétrier. 

Adjectif.  —  Exemples  ;  définition. 
Formation  du  fémmin  ;  règle  générale. 
Formation  du  pluriel;  règle  générale. 
Exercices  d'application. 

Mars. 

Accord  de  l'adjectif  avec  le  nom.  —  Exercices 
d'application  et  d'invention. 

Avril. 

Verbe.  —  Exemples  ;  définition. 
Exercices  d'application  et  d'invention  sur  le  nom 
et  l'adjectif. 

Mai. 

Conjugaison  des  verbes  auxiliaires. 
Exercices  d'application  et  d'invention  sur  le  nom, 
l'adjectif  et  le  verbe.  —  Propositions  simples. 

Juin. 

Exercices  d'application  et  d'invention  sur  le  nom, 
l'adjectif  et  le  verbe. 
Exercices  de  conjugaison  (verbes  réguliers). 

Juillet-Août. 

Exercices  d'application  et  d'invention  sur  le  nom, 
l'adjociif  et  le  verbe. 

Exercices  de  conjugaison  (verbes  irréguliers  les 
plus  usités). 


COURS  MOYE.N. 

L'enseignement  du  français  a  pour  but  non 
seulement  la  connaissance  de  la  langue,  mais  en- 
core la  culture  de  l'intelligence  et  le  développe- 
ment du  sens  moral. 

Tous  les  exemples  doivent  donc  être  expliqués  à 
ce  triple  point  de  vue. 

L'objet  de  la  leçon  est  d'abord  exposé  au  tableau 
noir. 

Le  maître  part  des  exemples  pour  amener  les 
élèves  à  en  déduire  les  définitions  et  les  règles. 

Tout  exemple,  tout  exercice,  quelque  élémentaire 
qu'il  soit,  doit  comprendre  l'énoncé  d'une  propo- 
sition complète. 

Les  devoirs  d'application  seront  courts  et  corri- 
gés avec  soin. 

Les  dictées,  également  courtes,  seront  emprun- 
tées aux  auteurs  classiques  :  elles  auront  trait  à  des 
questions  morales,  historiques,  géographiques, 
agricoles,  commerciales,  etc. 

Les  exercices  de  rédaction  ont  lieu  toute  l'année. 
Simples  et  gradués,  ils  ont  d'abord  pour  objet  la 
composition  de  petites  phrases  sur  des  sujets  con- 
nus de  l'enfant  ;  ils  comprennent  ensuite  le  récit 
d'un  trait  d'histoire,  le  résumé  d'une  lecture,  des 
lettres  familières,  etc. 

Octobre. 

Les  dix  parties  du  discours.  —  Mots  variables 
et  mots  invariables.  —  Idée  de  îa  proposition. 

Le  xom.  —  Exceptions  à  la  règle  générale  de  la 
î'ormstion  du  pluriel.  —  Noms  composés  et  noms 
propres. 

Article.  —  Elision  et  contraction. 

Exercices  d'application  et  d'invention  sur  le  nom 
et  l'article. 

Novernbre. 

L'adjectif.  —  Principales  exceptions  à  la  règle 
générale  de  la  formation  du  féminin  et  du  pluriel. 
—  Ditïérentes  sortes  d'adjectifs.  —  Règles  d'accord. 

Exercices  d'application  et  d'invention  sur  lé  nom 
et  l'adjectif. 

Décetnbre. 

Le  pronom.  —  Différentes  sortes  de  pronoms.  — 
Règles  d'accord. 

Exercices  d'application  et  d'invention  sur  le  nom, 
l'adjectif  et  le  pronom. 

Janvier. 

Verbe.  —  Remarques  sur  l'accord  du  verbe. 
Sujets  et  compléments.  —  Mode,  temps,  nombre 
et  personne. 
Exercices  d'application  et  d'invention. 

Février. 

CoxjLG.«soN.  —  Radical  et  terminaison. 

Diff'érentes  sortes  de  verbes. 

Exercices  d'application  et  de  conjugaison. 

Mars. 

Formation  des    temps.  —  Verbes  réguliers  et 
verbes  irréguliers. 
Exercices  d'application. 

Avril. 

Participe.  — Participe  présent  et  adjectif  verbal. 
—  Participe  passé  ;  règles  générales  d'accord. 
Exercices  d'application. 

Mai. 

Adverbe,  préposition,  conjonction  et  interjec- 
tion. —  Exemples;  définitions.  —  De  la  fonction 
de  chacun  de  ces  mots  dans  le  discours.  —  Signes 
de  ponctuation. 

Exercices  d'application. 


GRAMMAIRE   FRANÇAISE   —  896 
Juin. 
Révision  générale.  —  Exercices  d'application. 
Juillet-Août. 


GRAMMAIRE    FRANÇAISE 


Continuation  de  la  révision  générale  et  des 
exercices  d'application. 

cours  supérieur. 

Applicatio?!  raisonnée  des  règles  de  la  gram- 
maire. —  Dictées  tirées  des  textes  classiques  ft, 
révision  des  règles  sur  ces  dictées.  —  Indication 
du  sens  propre  et  du  sens  dérivé  des  mots. 

Exercices  de  rédaction  b"un  genre  simple.  — 
Description  d'un  objet  usuel  ;  récit  d'un  trait 
d'histoire  ou  d'un  fait  de  la  vie  privée;  compte 
rendu  d'une  promenade  utile  ;  analyses  ;  lettres 
familières,  etc. 

Octobre. 

Étude  de  la  proposition.  — Termes  essentiels: 
sujet,  verbe  et  attribut.  —  Compléments.  —  Pro- 
position principale,  proposition  subordonnée,  pro- 
position incidente.  —  Phrase. 

(Se  tenir  aux  principes  fondamentaux  de  l'ana- 
lyse logique.) 

Ponctuation. 

Novembre, 

Syntaxe  d'accord  ;  syntaxe  de  régime. 

Nom.  —  Etude  des  principales  difficultés  que 
présentent  le  genre  et  le  nombre  de  certains 
noms.  —  Pluriel  des  noms  propres,  des  noms  em- 
pruntés aux  langues  étrangères  et  des  noms  com- 
posés. 

Article.  —  Emploi  et  suppression  de  l'article. 

Exercices  de  composition. 

Décei/ibre. 

Adjectif.  —  Fonction,  place  et  complément  des 
adjectifs.  —  Accord  de  Tadjectif. 

Des  adjectifs  déterminatifs.  —  Emploi  et  accord 
des  adjectifs  numéraux,  possessifs  et  indéfiais  : 
vingt,  cent,  même,  tout,  quelque,  etc. 

PnoNOM.    —   Emploi    des  pronoms   en   général. 

—  Principales  remarques  auxquelles  donne  lieu 
la  construction  ou  l'accord  des  pronoms  person- 
nels, démonstratifs,  possessifs,  conjonctifs  et  in- 
définis. 

Exercices  de  composition. 

Janvier. 

Verbe,  —  Accord  du  voibe  avec  son  sujet  :  prin- 
cipales exceptions  à  la  règle  générale.  —  Complé- 
ments des  verbes.  —  Emploi  des  auxiliaires. 

Emploi  des  modes  eides  temps.  —  Concordance 
des  temps  du  subjonctif  avec  ceux  de  l'indicatif  et 
du  conditionnel. 

Exercices  de  composition. 

Février. 
Participe.  —  Participe  présent  et  adjectif  verbal. 

—  PiCgles  générales  et  remarques  particulières  sur 
l'accord  du  participe  passé. 

^loTS  invariables.  —  Principales  remarques 
auxquelles  donne  lieu  l'emploi  des  mots  invaria- 
bles. 

Exercices  de  composition. 

Mars. 

Notions  d'étymologie  usuelle,  ou  étude  des  élé- 
ments qui  constituent  la  signification  des  mots  : 
racines  et  radicaux  ;  initiales  ou  préfixes,  dési- 
nences ou  terminaisons.  —  Dérivés  et  composés  ; 
familles  de  mots,  —  Synon3mes. 

Exercices  de  composition. 

Avril-Mai-Juin-Juillet-Août. 
Révision  générale  et  exercice  de  composition. 


PROGRAMMES 

DES  ÉCOLES    PRIMAIRES    ET    NORMALES. 
(Nous  exti'ayons  des   programmes  de   renseigii»:ment  de  la 
langue  niateruelle  la  partie  qui  se  rapporte  plus  spéciale- 
ment à  l'enseigoemeot  grammatical.) 

ÉCOLES    PRIMAIRES. 
(Arrêté  du  27  juillet  1882.) 

Cours  élémentaire.  —  Notions  premières  don- 
nées seulement  sur  le  nom  i^le  nombre,  le  genre), 
l'adjectif,  le  pronom,  le  verbe  (premiers  éléments 
de  la  conjugaison). 

Idée  de  la  formation  du  pluriel  et  du  féminin  ; 
—  de  l'accord  de  l'adjectif  avec  le  nom,  du  verbe 
avec  le  sujet. 

Idée  de  la  proposition  simple. 

Exercices  oraux.  —  Questions  et  applications 
notamment  au  cours  de  la  leçon  de  Icctu.  e,  ou  de 
la  correction  des  devoirs.  Interrogations  sur  le 
sens,  l'tîmploi,  l'orthographe  des  mots  du  texte  lu. 
Epellation  de  mots  difficiles. 

Exercices  écrits.  —  Dictées  graduelles  d'ortho- 
graphe usuelle  et  d'orthographe  de  règles.  Petits 
exercices  grammaticaux  de    forme  très  varice. 

Exercices  d'analyse.  —  Analyse  grammaticale 
(le  plus  souvent  orale,  quelquefois  écrite). 

Décomposition  de  la  proposition  en  ses  termes 
essentiels. 

Cours  moyen.  —  Grammaire  élémentaire.  — 
Les  dix  parties  du  discours.  —  Conjugaisons.  — 
Notions  de  syntaxe. 

Règles  générales  du  participe  passé.  Notions 
sur  les  familles  de  mots,  les  mots  dérivés  et  com- 
posés. Principes  de  la  ponctuation. 

Exercices  oraux.  —  Elocution  et  prononciation. 
Interrogations  grammaticales. 

Exercices  écrits.  —  Dictées  prises  autant  que 
possible  dans  les  auteurs  classiques  et  sans  re- 
cherche des  difficultés  grammaticales. 

Exercices  d'invention,  de  construction  de  phra- 
ses; homonymes,  synonymes. 

Correction  mutuelle  des  dictées  et  des  exercices 
par  les  élèves. 

Exercices  d'analyse.  —  Analyse  grammaticale, 
surtout  orale.  —  Analyse  logique,  bornée  aux 
distinctions  fondamentales. 

Cours  supérieur,  —  Révision  de  la  grammaire 
et  de  la  syntaxe. 

Etude  de  la  proposition  et  des  principales  sortes 
de  propositions. 

Fonction  des  mots  dans  la  phrase. 

Principales  règles  relatives  à  l'emploi  des  modes 
et  à  la  concordance  des  temps. 

Cas  difficiles  que  présente  l'orthographe  de  cer- 
tains noms,  pronoms,  adjectifs,  verbes  irréguliers. 

Notions  d'étymologie  usuelle  et  de  dérivation. 

Exercices  oraux.  —  Suite  et  développement  des 
exercices  d'élocution. 

Exercices  écrits.  —  Dictées  prises  dans  les  au- 
teurs classiques  et  sans  recherche  des  difficultés 
grammaticales, 

Exercices  sur  la  dérivation  et  la  composition 
des  mots,  sur  l'étymologie,  sur  l'application  des 
règles   les  plus  importantes  de  la  syntaxe. 

Exei-cices  d'analyse.  —  Questions  d'analyse 
grammaticale  à  propos  de  cas  difficiles  rencontrés 
dans  la  lecture. 

Exercices  oraux  d'analyse  logique. 

icoles  normales, 
(Programmes  du  3  août  ISSl). 

PiiEMiÈRE  ANNÉE.  —  Etude  de  la  grammaire 
française. 

Deuxième  et  troisième  années.  —  Révision  ap- 
pr'ofondie  des  partie^  les  plus  importantes  du 
cours  de  première  année,  en  y  ajoutant  des  notions 


GRAMMAIRE   FRANÇAISE    .-897—     GRAMMAIRE  HISTORIQUE 


historiques  sur  l'origine  de  certaines  règles  (Par 
exemple  :  Origine  des  pluriels  en  aux;  —  L'ad- 
jectif é'/'fl?2û?; —  Origine  du  futur  et  du  condition- 
nel ; —  Origine  des  adverbes  en  ment;  —  Adver- 
bes de  forme  plus  simple  :  bien,  mal,  fort,  clair; 
—  Signification  primitive  des  mots  comme  per- 
sonne, aucun,  rien,  jamais,  pas,  point,  etc.) 

Suffixes  et  préfixes  actuellement  en  usage  pour 
la  formation  des  mots.  —  Différentes  manières 
dont  sont  formés  les  mots  composés. 

Notions  détymologie.  —  Mots  d'origine  popu- 
laire et  mots  d'origine  savante.  —  Doublets.  — 
Mots  d'origine  étrangère. 

Notions  historiques  sur  la  formation  de  la  lan- 
gue fi-ançaise.  —  Les  anciens  dialectes;  ce  qui  en 
reste  dans  les  patois.  P.jrenté  du  français  avec  les 
autres  langues  néo-latines. 

Exercices  sur  le  vocabulaire.  —  Dictées  servant 
d'application  aux  règles  de  la  grammaire.  —  Ana- 
lyses grammaticales  et  analyses  logiques  (orales). 

PROGRAMMES    ÉTRANGERS 
ITALIE. 

ECOLES  PR1HA1U1£3. 

^Degré  inférieur,  2  classes  ;  degi-é  supérieur,  2  classes.) 

Degré  inférieur.  —  1"  class'\  —  L'enseignement 
de  la  grammaire  proprement  dite  ne  commence  pas 
encore. 

2*  classe.  — Les  parties  du  discours.  Conjugaison 
des  verbes  auxiliaires  et  des  verbes  réguliers  au 
moyen  de  phrases  bien  choisies  tant  au  point  de 
vue  grammatical  qu'au  point  de  vue  moral.  Con- 
naissance élémentaire  de  la  proposition. 

Degré  supérieur.  — Z^  classe.  —  Changements  de 
forme  des  substantifs  et  des  adjectifs.  Conjugaison 
des  verbes  irréguliers  et  défectifs.  Emploi  des 
parties  du  discours,  exercices  oraux  d'analyse 
grammaticale.  Connaissance  de  la  phrase  et  règles 
de  la  ponctuation. 

4*  classe.  —  Résumé  de  l'enseignement  précé- 
dent, avec  exercices  pratiques, 

SUISSE. 

ÉCOLES  FRIMAIRES  DU  CANTON  DE  VÀUD 

Degré  inférieur.  —  Etude  élémentaire  du  nom 
ou  substantif,  du  verbe,  de  l'article,  de  l'adjectif, 
du  pronom  personnel.  Règles  essentielles  sur  le 
genre  et  sur  le  nombre.  Formation  du  pluriel  dans 
les  adjectifs.  Accord  du  substantif  et  de  l'adjectif. 
Conjugaison  des  temps  simples  de  l'indicatif  des 
verbes  e'tre  et  avoir  et  des  verbes  de  la  1"  conju- 
gaison. Ce  dernier  exercice  se  fera  tantôt  verbale- 
ment, tantôt  par  écrit,  en  ajoutant  au  verbe  soit  un 
attribut,  soit  un  complément  direct,  indirect  ou 
circonstanciel. 

Etude  d'un  recueil  abrégé  de  mots.  Exercices 
nombreux  d'orthographe.  Thèmes.  Copies,  etc. 

Degré  intermédiaire.  —  Syntaxe.  —  Etude  de 
la  proposition  simple.  Proposition  incomplexe.  Pro- 
position complexe,  c'est-à-dire  avec  un  ou  plusieurs 
compléments. 

Lexicologie.  —  Des  différentes  espèces  de  noms. 
Des  différentes  classes  d'articles,  soit  adjectifs  dé- 
terminatifs.  —  Adjectifs  qualificatifs.  —  Pronoms 
et  leur  classification.  —   Verbes.  —   Conjugaison 


d'un  grand  nombre  de  verbes  par  propositions 
d'abord  aux  temps  simples,  puis  aux  temps  com- 
posés de  l'indicatif;  première,  deuxième,  troisième, 
quatrième  conjugaison.  —  Prépositions.  —  Adver- 
bes. —  Homonymes  les  plus  importants. 

Exercices  d'invention  en  rapport  avec  l'étude 
de  la  proposition  simple  et  des  diverses  espèces  de 
mots. 

Etude  d'un  recueil  de  mots  plus  étendu  que 
dans  le  degré  inférieur.  Nombreux  exercices  d'or- 
thographe. 

Degré  supérieur.  —  Syntaxe.  —  Suite  de  l'é- 
tude de  la  proposition.  Proposition  composée,  par 
coordination  et  par  subordination. 

Lexicologie.  —  Etude  de  la  conjonction,  de  l'ad- 
verbe conjonctif,  du  pronom  relatif.  —  Modes  du 
verbe  employés  dans  les  propositions  composées. 

—  Subjonctif.  Conditionnel.  Infinitif.  Participes. 
Conjugaisons  par  tous  les  temps  et  à  tous  les  mo- 
des des  verbes  réguliers  et  des  irréguliers. 

Exercices  d'invention  en  rapport  avec  l'étude  de 
la  proposition  composée  et  de  la  lexicologie. 

Permutatioji  des  propositions,  soit  exercices 
sur  les  modifications  qu'elles  peuvent  subir  aux 
divers  points  de  vue  du  nombre,  du  genre,  de  la 
personne,  du  temps,  etc. 

Récapitulation  analytique  et  méthodique  de  la 
lexicologie  et  de  la  syntaxe. 

Thèmes  nombreux  pour  familiariser  les  élèves 
avec  les  règles  essentielles  de  la  grammaire. 

Pour  les  élèves  les  plus  avancés. 
Étude  des  principales  difficultés  et  anomalies 
que  présentent  le  nombre  et  le  genre  dans  les 
noms.  Noms  collectifs.  Substantifs  composés.  — 
Irrégularités  dans  la  formation  du  féminin  des  ad- 
jectifs. —  Emploi  des  pronoms  le,  la,  en,  y,  tout, 
chacun,  etc.  —  Participe  présent  et  adjectif  verbal. 

—  Remarques  particulières  sur  l'accord  du  par- 
ticipe passé.  (Participe  passé  des  verbes  réfléchis  ; 

—  suivi  d'un  infinitif  ;  —  avec  les  pronoms  le,  en  ; 

—  entre  deux  que,  etc.).  —  Principales  règles  sur 
l'emploi  des  temps  de  l'indicatif  et  du  subjonctif. 

—  Difficultés  dans  l'emploi  de  quelques  mots  in- 
variables (adverbe,  préposition,  conjonction).  — 
Ponctuation.  —  Principaux  synonymes.  —  Locu- 
tions vicieuses  les  plus  communes. 

GttAMMAlRt:  HISTORIQUE  DE  LA  LANGUE 
FRANÇAISE.  —  Grammaire,  L  —  Etudiée  dans 
toute  son  étendue,  elle  a  pour  objet  la  connaissance 
approfondie  de  notre  langue,  depuis  son  origine 
jusqu'à  nos  jours;  restreinte  à  son  utilité  pratique 
et  pédagogique,  elle  éclaire  les  règles  de  la  langue 
d'aujourd'hui  par  l'histoire  de  la  langue  d'autrefois, 
et  permet  d'expliquer  bien  des  irrégularités  appa- 
rentes, qui  ne  sont  que  des  débris  du  langage  des 
époques  antérieures. 

Quoique  le  français  soit  sorti  presque  tout  entier 
du  latin  —  V.  Française  {Langue),  —  le  système 
grammatical  des  deux  langues  diffère  sur  plusieurs 
points  essentiels. 

Les  noms  latins  avaient  des  cas,  c'est-à-dire  des 
chutes,  des  terminaisons  différentes,  selon  le  rôle 
qu'ils  jouaient  dans  la  phrase. 

La  série  de  ces  cas  se  récite  d'après  différents 
modèles  qu'on  appelle  déclinaisons.  Voici,  comme 
exemple,  le  singulier  de  la  seconde  déclinaison: 


Nominatif. . .  Paulw,  Paul 

Tocatif Paule,  Paul  ! 

Génitif PauU',  de  Paul 

Accusatif...  Faulum.  Paul 

Datif Paulo,  à  Paul 

Ablatif Paulo,  par  Paul 


(sujet)  :  Paulus  verberat,  Paul  frappe, 
(quand  on  appelle)  :  Paule  !  vetii,  Paul  !  Tiens, 
(complément  d'un  nom)  :  liber  PauU,  le  livre  de  Paul, 
(complément  diiect)  :  Petrus  verberat  Pcuduyn.  Pierre  frappe  Paul. 
(complément  indii  cet):  rfo  Pau/o,  je  donne  à  Paul.  ....  ,  _,     , 

(autre  complément  indh'ect,  souvent  accompagne  d  une  préposition)  :  vocatus  a  Paulo, 
appelé  par  Paul. 


On  voit  qu'en  français  les  rapports  du  nom  avec 
ie  n.ste  de  la  phrase  sont  indi(iués,  soit  par  sa 
place,  soit  par  des  prépositions,  tandis  qu'en  latin 

2»  Partie. 


le  changement  de  terminaison  suffit  pour  les  ex- 
primer. 


On  nomme    langues   synthétiques   celles 

57 


qui, 


GRAMMAIRE  HISTORIQUE    —  898  —     GRAMMAIRE  HISTORIQUE 


comme  le  latin,  expriment  les  divers  rapports  des 
mots  par  un  simple  changement  de  leur  termi- 
naison ;  langues  analytiques,  celles  qui,  comme  le 
français,  se  servent  pour  rendre  ces  rapports  de  cer- 
tains mots  particuliers. 

Dans  le  latin  populaire,  le  système  assez  com- 
pliqué de  la  déclinaison  était  moins  bien  observé 
que  dans  le  latin  littéraire  ;  il  le  fut  plus  mal  encore 
dans  le  bas  latin,  et  les  prépositions  vinrent  sup- 
pléer aux  terminaisons  incorrectes.  Ce  sont  toutes 
ces  altérations  si  nombreuses  du  vocabulaire  et 
de  la  grammaire  de  la  langue  latine  qui  l'ont  enfin 
entièrement  transformée  et  ont  donné  naissance 
à  Vancien  français. 

Cette  langue,  moins  synthétique  que  le  latin, 
moins  analytique  que  le  français  moderne,  est  la 
transition  de  l'un  à  l'autre.  Les  noms  s'y  décli- 
naient, mais,  par  suite  de  simplifications  succes- 
sives, les  cinq  déclinaisons  latines  k  six  cas  s'étaient 
trouvées  réduites,  dans  le  français  du  douzième  au 
quatorzième  siècle,  à  une  seule,  modelée  sur  le 
type  de  la  seconde  déclinaison  latine.  Le  mot  niw\ 
par  exemple,  s'écrivait  ainsi: 

Avec  s  au  nominatif  sino;ulier Murs  (murus). 

Sans  s  à  l'accusatif  singulier Mur   (raurum). 

Sans  s  au  nominatif  pluriel Mur   (mûri). 

Afcc  s  à  l'accusatif  pluriel Murs  (muros). 

Cette  nouvelle  déclinaison,  désignée  par  M.  Ray- 
nouard  sous  le  nom  de  Règle  de  l's,  fut  assez 
inexactement  suivie  pendant  le  treizième  siècle,  et 
cessa  tout  à  fait  d'être  en  usage  au  quatorzième; 
et  comme  la  forme  du  nominatif,  n'indiquant  que 
le  sujet,  revenait  beaucoup  moins  souvent  que 
celle  de  l'accusatif,  qui  représentait  tous  les  com- 
pléments, ce  fut  elle  qui  disparut. 

La  lettre  s,  après  n'avoir  été  à  l'origine  qu'un 
débris  de  la  déclinaison  latine,  devint  ainsi  par  la 
suite  la  marque  caractéristique  du  pluriel. 

Il  n'est  pas  plus  difficile  d'expliquer  comment 
cheval  a  fait  au  pluriel  chevaus,  puis  chevaux.  Une 
loi  constante  de  notre  ancienne  langue  veut  que, 
soit  dans  le  corps  des  mots,  soit  h  la  fin,  ïl  s'a- 
doucisse en  M  devant  une  consonne,  et  que,  par 
conséquent,  al  devienne  au.  C'est  ainsi  qu'autre  a 
été  tiré  du  latin  al  ter,  qui  a  conservé  sa  forme  dans 
les  mots  de  création  plus  récente,  tels  que  altomer. 

L'e  muet  qui  termine  la  plupart  des  noms  et  tous 
les  adjectifs  féminins  français  est  la  transcription 
affaiblie  de  Va  qui  en  latin  était  affecté  au  même 
usage:  '<■  rosa,  rose;  hona,  homie.  »  Cependant,  en 
latin,  certains  adjectifs  n'avaient  point  d'à  final 
au  féminin.  Ceux  de  la  troisième  déclinaison  ne 
variaient  pas  en  changeant  de  genre:  «  regalis, 
royal  et  royale  ;  grandis,  grand  et  grande;  fortis, 
fort  et  forte,  u  Dans  l'ancien  français,  ces  mêmes 
adjectifs  n'ont  eu,  comme  en  latin,  qu'une  seule 
terminaison  pour  les  deux  genres;  de  là  les  locu- 
tions :  «  lettres  royaux  »  (terme  de  chancellerie 
qu'un  trouve  dans  les  Plaideurs  de  Racine)  ;  grand' 
mère,  grand'messe,  où  l'on  a  tardivement  introduit 
une  apostrophe  pour  remplacer  un  e  qui  en  réalité 
n"a  jamais  existé;  «  se  faire  fort  »,  comme  terme 
de  droit,  aussi  bien  en  parlant  d'une  femme  que 
d'un  homme. 

Lorsqu'au  quatorzième  siècle  l'e  muet  s'est  gé- 
néralisé comme  signe  du  féminin,  l'usage  s'en  est 
éteiKlu  à  tous  les  adjectifs,  sauf  les  exceptions  très 
restreintes  que  nous  venons  de  signaler. 

L'e  muet  fut  tellement  regardé  comme  le  signe 
propre  du  féminin,  que  l'instinct  populaire  attribua 
souvent,  contrairement  à  l'étymologie,  ce  genre  à 
certains  mots,  demeurés  néanmoins  masculins  dans 
quelques-unes  de  leurs  acceptions.  C'est  ainsi 
qu'orbe  (de  hordeum)  ne  s'est  maintenu  du  masculin 
qu'au  stîns  médical  et  pharmaceutique:  orge  mondi, 
orge  ^jerlé. 

De  toutes  les  parties  du  discours,  le  pronom  est 


celle  qui  a  le  plus  conservé  les  traces  de  la  con- 
stitution grammaticale  latine.  Quand  on  dit:  «  Paul 
doit  parler  en  faveur  de  Pierre  ;  /'/  le  lui  a  promis,  » 
les  trois  premiers  mots  de  la  dernière  proposition 
ne  sont  que  des  cas  différents  du  pronom  de  la 
troisième  personne  :  il  est  nominatif  et  sujet,  le, 
accusatif  et  complément  direct,  lui,  datif  et  com- 
plément indirect.  Il  faut  remarquer  de  plus  que  le. 
qui  ne  se  rapporte  ni  à  un  nom  masculin,  ni  à  un 
nom  féminin,  mais  h  toute  une  phrase,  appartient 
à  ce  troisième  genre  que  la  grammaire  latine 
appelle  neuter  (ni  lun,  ni  l'autre;,  neutre,  et  que 
la  grammaire  française  a  refusé  d'admettre,  bien 
qu'il  existe  réellement  dans  notre  langue. 

Avec  un  tel  point  de  départ,  on  résout  sans  peine 
la  question  si  longtemps  controversée:  une  femme, 
à  qui  l'on  demande  si  elle  est  malade,  doit-elle 
répondre:  «  je  la  suis  »,  ou:  «  je  le  suis  »?  Il  est 
évident  qu'il  faut  dire:  «  je  le  suis  »;  ce  pro- 
nom le,  bien  que  sa  forme  se  confonde  avec  celle 
du  pronom  masculin,  est  en  réalité  neutre  et  signi- 
fie cela,  ce  que  vous  avez  dit,  c'est-à-dire  malade. 

On  arrive  par  ces  études  à  expliquer  d'une  façon 
certaine  et  définitive  une  quantité  de  petits  pro- 
blèmes insolubles  par  les  autres  méthodes. 

Autrui  ne  s'emploie  pas  comme  sujet,  disent  les 
grammairiens.  Ils  ont  raison,  mais  ils  n'expliquent 
pas  le  motif  de  celte  prétendue  anomalie.  D'or- 
dinaire une  seule  des  deux  formes  de  la  déclinaison 
de  l'ancien  français  s'est  conservée,  la  forme  du 
régime  ;  ici  autre,  forme  du  sujet,  et  autrui,  forme 
du  régime,  se  sont  conservées  toutes  deux,  et  cha- 
cune a  gardé  quelque  chose  de  son  emploi  pri- 
mitif. 

Pourquoi  dit-on  l'on,  avec  un  véritable  article, 
déguisé  sous  le  nom  de  lettre  euphonique?  parce 
que  l'on,  l'om,  ou  l'hom  n'est  autre  chose  que 
l'homme  employé  dans  un  sens  général  et  indéfini. 

Le  caractère  analytique  de  la  langue  française 
est  très  marqué  dans  le  verbe.  En  latin,  quelques 
formes  de  la  conjugaison  se  composent  de  plu- 
sieurs mots.  Ces  espèces  de  locutions  verbales  sont 
beaucoup  plus  fréquentes  dans  les  verbes  français. 
La  voix  passive,  qui  en  latin  a  une  forme  particu- 
lière, amor  (je  suis  aimé),  est  traduite  en  français 
par  des  formes  composées  et  par  conséquent  n'existe 
pas  à  titre  de  conjugaison. 

L'habitude  prise  au  seizième  siècle  de  calquer  la 
grammaire  française  sur  la  grammaire  latine  a 
surchargé  outre  mesure  les  paradigmes  de  nos 
verbes.  11  est  évident  que  les  conjugaisons  de- 
vraient consister  uniquement  dans  les  temps  sim- 
ples, groupés  par  analogie  de  forme,  et  qu'il  fau- 
drait donner  un  seul  tableau  des  locutions  verbales, 
identiques  pour  toutes  les  conjugaisons,  au  lieu 
de  les  répéter  quatre  fois. 

Quant  aux  règles  de  la  formation  des  temps, 
complètement  fausses  comme  théorie,  elles  sont  inu- 
tiles dans  la  pratique.  Les  temps  de  nos  verbes  ne 
se  forment  pas  les  uns  des  autres,  chacun  d'eux 
est  tiré  d'un  temps  correspondant  du  verbe  latin. 
Il  n'y  a  d'exceptions  que  pour  le  futur  et  le  con- 
ditionnel. 

Le  futur  a  été  formé  directement  de  Yinfiûiti* 
français  et  iw présent  de T indicatif  d\i  verbe  aLoir  : 
je  chanterai,  je  chanter  ai.  Quand  nous  disons  : 
fai  à  chanter,  il  y  a  également  dans  cette  phrase 
une  idée  de  futur.  Elle  est,  dans  un  ordre  inverse, 
la  transcription  exacte  du  futur  français. 

Le  cou'iitionnel  est  formé,  de  la  même  manière, 
de  Vinfinitif  chanter  et  de  la  terminaison  de  l'im- 
parfait de  l'indicatif  du  verbe  avoir  :  Je  chanter 
{av)ais. 

Ces  deux  temps  sont  les  seuls  qui  soient  réelle- 
ment formés  de  l'infinitif  par  un  procédé  particu- 
lier aux  langues  romanes;  tous  les  autres  sont  cal- 
qués sur  le  latin. 

Dans  les  verbes  de  l'ancien  français  (V.  ConjU' 


GRAMMAIRE  HISTORIQUE    —  899  — 


GRECE 


gaison),  Ys  était  exclusivement  affectée  à  la  se- 
conde personne,  la  première  ne  la  recevait  point. 
On  disait  fe  voy,  tu  vois,  comme  on  dit  encore 
faime,  tu  aimes.  Au  seizième  siècle,  Ronsard  ré- 
clama pour  les  poètes  la  faculté  d'ajouter  une  s  à  la 
première  personne  lorsque  le  vers  l'exigerait.  On 
prit  peu  à  peu  1  habitude  de  la  placer  à  peu  près 
constamment  devant  les  mots  commençant  par  une 
voyelle.  En  166!!,  dans  un  même  vers  de  Y  Alexandre 
de  Racine,  on  trouve  la  première  personne  du  pré- 
sent de  l'indicatif  du  verbe  croire,  orthograplaiée 
de  deux  manières^  conformément  h.  cette  règle  : 

Ouy,  croyez...  —  Je  croy  tout.  Je  vous  crois  invincible. 

Aujourd'hui  c'est  la  suppression  de  Vs  qu'on 
regarde  comme  une  licence  poétique. 

Le  t  qui  caractérise  la  troisième  personne  a  dis- 
paru de  beaucoup  de  verbes  où  il  figurait  jadis  ; 
mais  il  s'y  rencontre  encore,  dans  les  phrases  in- 
lerrogatives,  sous  forme  de  lettre  euphonique  : 
va-t-il. 

On  pourrait  être  surpris  du  grand  nombre  à'ad- 
vertes  en  ment  que  renferme  notre  langue,  si  l'on 
n'en  connaissait  l'origine.  Le  substantif  latin  fé- 
minin mens  (esprit),  qui  avait  pris  le  sen^;  de  façon, 
manière,  employé  à  l'ablatif  avec  un  adjectif,  bonu 
mente  (de  bonne  manière),  ne  forma  plus  dans 
l'ancien  français  qu'un  seul  et  même  mot  :  f)on- 
nement.  A  cause  du  genre  du  mot  mens,  les  adjec- 
tifs qui  entrent  dans  la  composition  de  ces  adver- 
bes y  figurent  toujours  au  féminin.  Il  n'y  a 
d'exception  que  pour  les  adjectifs  tirés  d'adjectifs 
latins  appartenant  à  la  troisième  déclinaison,  qui, 
ainsi  que  nous  l'avons  remarqué  plus  haut,  n'a- 
Taient  qu'une  terminaison  pour  les  trois  genres  : 
prudtmment;  encore  la  plupart  de  ces  adjectifs 
ayant  fait,  au  quatorzième  siècle,  leur  féminin  en 
e  muet  suivant  la  règle  générale,  les  adverbes  se 
trouvèrent  modifiés,  et  l'on  dit  royalement,  gran- 
dement, fortement. 

D'ordinaire  on  attribue  également  le  nom  d'ad- 
verbe de  négation  à  non,  ne,  pas,  point,  gouttp, 
personn',  mie,  miette,  rten,  f'tc.  Il  ne  faut  accep- 
ter cette  dénomination  commune  que  sous  bénéfice 
d'inventaire,  car  ces  divers  mots  sont  de  nature 
essentiellement  diflTérente  :  ne  et  non  ont  seuls  le 
caractère  de  véritables  négations  ;  les  autres,  pas, 
point,  mie,  sont  de  purs  noms,  exprimant  une  pe- 
tite quantité,  et  employés  d'une  manière  indéfinie 
pour  servir  de  complément  à  la  négation.  Rien, 
lui-même,  n'avait  pas  à  l'origine  un  sens  négatif. 
Tiré  de  rem,  accusatif  du  latin  res,  il  signifie  pri- 
mitivement chose.  «  Je  n'ai  )-ien,  »  c'est-à-dire  je 
n'ai  chose  quelconque. 

Dans  une  revue  si  rapide,  nous  ne  pouvons 
qu'indiquer  les  faits  principaux;  l'important  est 
de  signaler  l'utilité,  l'intérêt  de  ces  études,  et  sur- 
tout d'en  préciser  le  caractère.  Comme  l'a  dit 
M.  Bréal  :  «  La  grammaire  traditionnelle  formule 
ses  prescriptions  comme  les  décrets  d'une  volonté 
aussi  impénétrable  que  décousue;  la  grammaire 
historique  fait  glisser  dans  ces  ténèbres  un  rayon 
de  bon  sens,  et  au  lieu  d'une  docilité  machinale, 
elle  demande  à  l'élève  une  obéissance  raisonnable.  » 
C'est  dire  combien  ville  convient  à  notre  temps  ; 
mais  il  importe  qu'elle  soit  le  principe  et  l'âme 
même  de  l'enseignement,  qu'elle  le  renouvelle,  et 
surtout  quelle  le  simplifie.  Se  contenter  de  la  su- 
perposer aux  anciens  traités,  ajouter  cet  étage  nou- 
veau au  vieil  édifice  grammatical,  en  en  laissant 
subsister  le  plan,  ce  serait  surcharger  la  mémoire 
des  élèves  sans  profit  pour  leur  intelligence  et  leur 
raison. 

Ouvrages  à  consulter.  —  E.  Egger,  Notions  élémen- 
taires de  grammaire  comparée,  pour  servir  à  l'étude  des 
trois  langues  classiques.  —  Fréil.  Diez,  Grammaire  des  lan- 
guei  routanes,  3  vol.  iri-S"  (f  réduction  française  par  MM.  Gas- 
ton Paris,  Bracbct,  etc.).  —  Brachet,  Grammaire  historique 


de  la  langue  française.  —  Marty-Laveaux,  De  renseigne- 
ment  de  notre  langue;  Grammaire  historique.  —  A.  Chas- 
sang,  X'ouvelle  grammaire  historique,  cours  supérieur.  — 
Camille  Chabaoeau,  Histoire  et  théorie  de  la  conjugaison. 
—  Obry,  Etudes  historiques  sur  le  parti' ipe  passé  français 
et  sur  les  verbes  auxiliaires.  —  Schweighaeuser,  De  la  né- 
gation dans  tes  langues  romanes  du  midi  et  du  nord  de  la 
France.  ("Ch.  Marty-Laveaux.] 

GRAVITATION.  —  V.  Pesanteur  et  Attrac- 
tion. ^ 

GHECE  (Géographie).  —  Géographie  générale, 
XVIII.  —  I.  Généralités.  —  Situation.  —  Le 
royaume  de  (jrèce,  reconstitué  il  y  a  un  demi- 
siècle,  à  la  suite  de  la  guerre  de  l'indépendance, 
et  augmenté  en  1881,  comprend  l'extrémité  méri- 
dionale de  la  péninsu'e  des  Balkans,  et  un  cer- 
tain nombre  d'Iles  dans  VArchipel  et  la  mer 
loîiienne. 

Limites  actuelles.— La.  Grèce  continentale  touche 
au  nord  à  la  Turquie  d'Europe,  depuis  le  mont 
Olympe,  sur  l'Archipel,  jusqu'au  golfe  d'Arta,sur 
la  mer  Ionienne.  La  frontière  commune  part  de 
l'embouchure  delà  Salambria.  aux  environs  du  40" 
de  latitude,  se  tient,  dans  sa  partie  oripntalp,  un 
peu  au  nord  du  cours  de  ce  fleuve,  en  donnant  à 
la  Grèce  la  plus  grande  partie  de  la  Thessalie. 
Depuis  la  chaîne  du  Pinde,  la  frontière  descend, 
au  sud-ouest, le  long  de  l'Arta,  jusqu'au  golfe  de 
ce  nom,  sur  la  mer  Ionienne. 

L'Archipel,  à  l'est,  et  la  mer  Ionienne,  à  l'ouest, 
baignent  les  côtes  de  la  Grèce  et  y  découpent  des 
péninsules  et  des  golfes  nombreux  et  remarqua- 
bles. 

Le  golfe  de  Corinthe,  qui  s'ouvre  sur  la  mer  Io- 
nienne, et  dont  le  fond  n'est  séparé  du  golfe  d'Egine, 
sur  l'Archipel,  que  par  un  isthme  de  quelques  kilo- 
mètres, sépare  la  Grèce  en  deux  parties  bien  dis- 
tinctes :  au  nord,  la  Homélie,  qui  tient  à  la  Turquie, 
et  au  sud  la  péninsule  de  Péloponèse  ou  Morée. 
Cette  péninsule  se  termine  au  sud  sur  la  Médi- 
terranée par  trois  presqu'îles  montagneuses  éten- 
dues comme  les  trois  doigts  d'une  main  ouverte. 
Celle  du  milieu  est  formée  par  la  chaîne  du  ;\Iagne 
ou  du  Taygète,  dont  les  cimes  sont  parmi  les  plus 
élevées  de  la  Grèce  (près  de  2  500  mètres),  et  qui 
finit  sur  la  mer  par  le  cap  Matapan,  le  point  le 
plus  méridional  de  la  Grèce  (36°,26'  environ). 

Dimensions  et  superficie.  —  Depuis  ce  point  jus- 
qu'à celui  de  la  chaîne  du  Pinde  où  la  Grèce  s'a- 
vance le  plus  au  nord,  il  y  a  trois  degrés  et  demi 
en  latitude.  Il  y  a  un  peu  plus  de  trois  degrés  de 
longitude  entre  le  point  ùe  la  côte  d'Acarnanie  qui 
touche  à  Sainte-Maure,  dans  les  îles  Ioniennes,  et 
l'extrémité  orientale  de  la  Béotie,  vers  l'île  d'Eubée. 
Entre  ces  limites  extrêmes,  la  superficie  de  la  Grèce 
continentale  est  de  55.5ii0  kilomètres  carrés,  peu- 
plés d'un  million  et  demi  d'habitants. 

Les  îles  renferment  de  leur  côté  450000  habitants 
sur  9  000  kil.  carrés. 

II.  Géographie  physique.  —  Orographie.  —  La 
Grèce  est  une  des  contrées  les  plus  montagneuses 
de  l'Europe.  La  chaîne  du  Pinde  (2  500  mètres  d'al- 
titude) se  dirige  du  nord- ouest  au  sud-est,  en  pro- 
jetant des  ramifications  qui  forment  à  l'ouest,  sous 
le  nom  de  monts  d  Etolie  et  à'Acartianie,  un  vé- 
ritable fouillis,  couvert  de  bois  et  de  pâturages  fré- 
quentés seulement  par  les  bergers  et  leurs  trou- 
peaux. A  l'est,  un  contrefort  du  Pinde,  la  chaîne 
de  VŒta,  borde  la  vallée  du  Sperchius, tributaire 
du  golfe  de  Zeitoun  ;  c'est  entre  la  côte  du  golfe 
de  Zeitoun  et  le  pied  septentrional  de  l'OEta  que 
se  trouve  le  défilé  des  The^'mopyles.  La  chaîne, 
s'inclinant  ensuite  au  sud-est,  se  prolonge  en 
massifs  isolés  le  long  du  canal  étroit  qui  sépare 
l'île  d'Eubée  du  continent.  A  l'extrémité  méridio- 
nale de  ces  massifs  s'étend  la  plaine  de  Marathon. 
Un  second  contrefort  plus  méridional  est  com- 
posé de  groupes  distincts  qui  portent  tous  des  nomi 
fameux  :  le  Parnasse,  au  pied  duquel  on  venait  con- 


GRECE 


—  900  — 


GRECE 


STilter,  à  Delphes,  l'oracle  d'Apollon  ;  VHéHcon,  le 
séjour  des  Muses  ;  le  Cithéron,  où  fut  exposé  OEdipe  ; 
puis  les  montagnes  des  environs  d" Athènes,  le  Pen- 
télique  avec  ses  carrières  de  marbre  d'où  sont  sor- 
tis les  monuments  de  la  ville,  le  mont  Hymette,  cé- 
lèbre par  son  miel,  le  Laurium  enfin,  qui  avait  des 
mines  dargent,  et  où  l'on  exploite  actuellcmenl 
des  amas  de  scories  riches  en  plomb  et  en  argent 
que  les  anciens  avaient  délaissées. 

C'est  avec  raison  qu'on  a  comparé  la  Grèce  à  une 
série  de  chambres  dont  les  montagnes  forment  les 
cloisons,  et  d'où  il  est  aussi  difficile  de  sortir  qu'il 
a  été  pénible  d'y  entrer.  Invincible  quand  tous  ses 
peuples  étaient  unis,  la  Grèce  formait  naturelle- 
ment une  juxtaposition  de  cellules  où  chaque  na- 
tion trouvait  tout  ce  qui  était  nécessaire  à  son  indé- 
pendance et  à  son  développement,  la  plaine  propre 
à  produire  les  moissons,  le  rivage  par  où  elle  entre- 
tenait son  commerce,  la  montagne  qui  fournissait 
des  bois  à  sa  marine,  des  pâturages  à  ses  trou- 
peaux, des  vins,  des  huiles  à  sa  consommation,  des 
marbres  à  ses  artistes. 

Entre  les  deux  contreforts  orientaux  du  Pinde 
s'ouvre  la  plaine  de  Béotie,  contrastant  par  son 
climat  humide  et  sa  feruliié  avec  les  rochers  brûlés 
du  soleil  qui  constituent  le  sol  de  l'Attique. 

La  Morée  n'est  pas  moins  montagneuse  que 
la  Romélie.  Une  chaîne,  qui  ferme  au  sud 
l'isthme  de  Corinthe  et  contribue  à  faire  de  la  Mo- 
rée la  citadelle  de  la  Grèce,  s'étend  tout  le  long 
du  golfe  de  Corinthe  depuis  celte  ville  jusqu  à 
Patras.  A  l'est,  une  deuxième  chaîne,  formant  l'os- 
sature de  la  péninsule  de  Laconie,  borde  de  près 
le  golfe  de  Nauplie.  Au  centre  s'élève  le  plateau 
àÂrcadie,  froid  et  sauvage  dans  sa  partie  supé- 
rieure, et  s'inclinant  à  loueit  vers  la  plaine  d'Elide 
par  de  riantes  vallées.  Au  sud  se  dresse  la  chaîne 
du  Taygète,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  et  le  mont 
Irhôme.  citadelle  de  la  Messénie.  La  péninsule  de 
TArgolide,  entre  le  golfe  de  Nauplie  et  celui  d'A- 
thènes ou  dEgine,  est  également  montagneuse,  à 
lexception  de  la  partie  occupée  par  la  plaine  d'Argos. 

Iles  de  l'Archipel.  —  Les  montagnes  de  la  Grèce 
se  continuent  au-dessous  des  flots  et  se  relèvent 
dans  les  îles  voisines.  La  grande  île  à.'Eubée  ou  de 
Nègrepont,  qui  s'allonge  du  nord-ouest  au  sud-est 
le  long  des  rivages  de  la  Locride,  de  la  Béotie  et  de 
l'Attique,  est  parcourue  par  une  arête  parallèle  aux 
monts  de  l'Attique  et  qui  semble  se  rattacher,  au 
nord,  aux  monts  Othrys,  et  au  sud,  aux  Cy:iades 
i,e/jteutr tonales,  Ândroi,  Tinos,  M'^coui.  Au  nord  de 
TEubée,  les  Sporades  se  rattachent  au  Pélion  de 
Thessalie. 

De  toutes  les  Cyclades,  Zéa,  Thermia,  Séripho, 
Sipha7ito,h.  l'ouest  ;  Syri.  au  centre  ;  Paras,  Naxos, 
is'io,  Amourgo,  à  l'est  ;  Milo,  Suntorin.  au  sud,  on 
n'en  saurait  citer  aucune  qui  ne  soit  montagneuse 
et  escarpée  comme  Ics  rivages  voisins  de  la  Grèce. 
La  dernière,  Santorin.  d'origine  volcanique,  est  en- 
core soumise  aux  éruptions,  qui,  depuis  quelques 
années,  ont  singulièrement  accru  son  étendue. 

Iles  loiiieîines.  —  Les  îles  Ioniennes,  qui  n'ont  été 
rendues  par  l'Ang'eterre  au  royaume  de  Grèce 
que  depuis  une  vingtaine  d'années,  sont  parcou- 
rues, comme  la  Grèce  continentale  et  les  Cyclades, 
par  des  montagnes  dirigées  du  nord  au  sud.  La  plus 
septentrionale,  Cor/oi,  s'étend  en  face  de  la  côte 
turque  d'Epire,  jusque  près  du  lO*^  degré  de  lati- 
tude. Puis  vient  la  petite  île  de  Paxo.  Leucade  ou 
Sainte-. iJaure  est  un  peu  au  sud  du  golfe  d'Arta, 
assez  près  du  rivage  d'Acarnanie  pour  y  être  ratta- 
chée par  un  pont.  Théaki,  l'ancienne  île  d'Ithaque, 
célèbre  par  l'histoire  d'Ulysse,  touche  presque  à 
Cé/jhalonie,  la  plus  étendue  des  îles,  qui  tait  face 
à  l'entrée  du  golle  de  Corinthe.  Devant  les  rivages 
de  Morée  s'élève  Zante,  la  fleur  du  Levant,  di- 
saient les  Vénitiens  qui  doniinèrent  longtemps 
dans  ces  parages. 


Enfin  au  sud  de  la  Laconie,  Cérigo,  l'ancienne 
Cythère,  sert  de  trait  d'union  entre  la  Lacoi.io  et 
l'ile  de  Crète.  Cette  dernière,  malgré  la  nationalité 
srecque  de  ses  habitants,  fait  encore  partie  de 
l'empire  ottoman. 

La  multitude  de  ces  îles  a  puissamment  contri- 
bué à  la  vocation  maritime  des  Grecs.  Les  Cyclades 
entre  la  Grèce  et  l'Asie-Mineure,  la  Crète  entre  le 
Péloponèse  et  l'Egypte  ou  la  Lj'bie,  les  îles  Ionien- 
nes entre  la  Grèce  et  l'Italie,  partagent  la  route 
en  courtes  étapes,  où  les  navires  trouvent  un  re- 
fuge, tandis  que  des  sommets  qui  les  couronnent 
on  aperçoit  sans  peine  le  rivage  opposé.  Dans  l'an- 
tiquité comme  de  nos  jours,  plusieurs  de  ces  îles^ 
ofi'rant  des  entrepôts  sûrs  pour  les  marchandises, 
et  des  citadelles  inexpugnables  pour  leurs  défen- 
seurs, ont  renfermé  des  populations  très  nom- 
breuses que  leur  sol  étroit  n'aurait  pu  nourrir,  mais 
qui  tiraient  du  commerce  maritime  toute  leur 
fortune. 

Côtes  de  la  Grèce.  —  Outre  ses  îles  aux  ports 
nombreux,  la  Grèce,  par  le  découpement  de  ses 
rivages,  offre  une  étendue  considérable  de  côtes. 
En  suivant  le  littoral  de  l'Archipel  depuis  le  golfe 
de  Volo,  on  rencontre  d'abord  le  go  fe  de  Zeitoun, 
ancien  golfe  Maliaque),  comblé  peu  à  peu  par  les 
alluvions  du  Sfeyxhius,  qui  ont  déjà  élargi  l'ancien 
défilé  des  Thermopyles.  On  suit  ensuite  le  ca7ïat 
de  l'Euripe,  séparant  l'Eubée  du  continent  ;  il  est 
parcouru  par  des  courants  violents,  et  sa  largeur 
se  réduit  à  une  soixantaine  de  mètres  devant 
Chalcis,  la  capitale  de  l'île,  qu'un  pont  réunissait 
depuis  longtemps  à  la  Grèce. 

A  l'ouest  du  cap  Suriium,  aujourd'hui  cap  Co- 
lonne, où  fument  les  cheminées  des  usines  du 
Laurium,  le  golfe  d'Athènes  se  creuse  au  nord- 
ouest  vers  l'isthme  de  Corinthe.  C'est  dans  ce  golfe 
que  se  trouvent  les  îles  à'Egine  et  de  Sa'.amine,%\ 
célèbres  dans  l'histoire.  Vis-à-vis  de  la  dernière 
s'ouvrent  les  ports  du  Pii-ée  et  de  Phalère,  que 
de  longs  murs  réunissaient  à  leur  métropole, 
Athènes.  C'est  là  que  se  pressent  les  souvenirs  les 
plus  célè'Dres  de  la  Grèce,  Athènes  avec  ses  mo- 
numents, Eleusis  connue  par  ses  mystères,  ilégare, 
puis  l'ancienne  ville  de  Corinthe,  maîtresse  du  pas- 
sage de  l'isthme,  à  travers  lequel  les  anciens  Grecs 
ont  plus  d'une  fois  traîné  leurs  navires  ei  qu'on 
est  en  train  d'ouvrir  aux  vaisseaux  modernes. 

La  presqu'île' de  VArgolide,  qui  appartient  au 
Péloponèse,  s'étend,  comme  celle  de  l'Attique,  au 
sud-est,  entre  le  golfe  d'Athènes  ou  d  Ej^ine,  à 
l'est,  et  celui  du  Nauplie,  à  l'ouest.  Dans  le  premier 
de  ces  golfes,  on  remarque,  sur  les  côtes  de  l'Argo- 
lide,  l'ilot  de  Poros,  siège  des  forces  militaires  de 
la  marine  grecque;  à  la  pointe  de  l'Argolide,  les 
îles  à'Hydra  et  de  Spezzia  rappellent  les  hauts 
faits  de  la  guerre  de  l'indépendance. 

Naufdie,  au  fond  du  golfe  qui  porte  son  nom,  a 
été  appelé  le  Gibraltar  de  la  Grèce.  Cette  place 
forte  servit  de  capitale  au  nouvel  Etat  à  ses  dé- 
buts. 

Au  sud  du  Péloponèse  s'ouvrent  les  deux  golfes 
de  Laconie  et  de  Messénie,  ou  de  Mar,ithonisi  et  de 
'  oron,  du  nom  des  villes  principales  assises  sur 
leurs  rivages.  Dans  le  premier  de  ces  golfes  dé- 
bouche YEurotas,  dont  l'importance  ne  vient  pas  de 
l'abondance  de  ses  eaux,  mais  des  souvenirs  histo- 
riques qui  s'y  rattachent.  A  l'ouest  de  la  Messénie, 
vis-à-vis  de  lilot  de  .'^phactérie,  s'ouvre  la  rade  de 
Nai.a'in,  où  les  flottes  française  et  anglaise  réunies 
assurèrent  l'indépendance  de  la  Grèce  moderne 
par  la  destruction  de  la  flotte  ottomane  (18t27). 
Les  rivages  de  l'Elide,  sur  la  mer  Ionienne,  sont 
moins  découpés  que  ceux  qui  bordent  l'Archipel  ; 
là  débouche  YAlphée  ou  liouphia,  le  fleuve  le 
plus  considérable  du  Péloponèse. 

La  première  baie  du  golfe  de  Corinthe,  au  nord- 
est  de  la  Morée,  emprunte  sou  nom   de  golfe  de 


GRECE 


—  901  — 


GREGE 


Patras  à  la  ville  la  plus  commerçante  de  la 
Grèce,  qui  s'élève  sur  ses  bords.  Puis  les  deux 
côtes  opposées  de  l'Acliaîe  et  de  l'Acarnanie  se 
rapprochent,  les  navires  n'ont  qu'un  étroit  pas- 
sage entre  les  deux  châteaux  de  Romélie  et  de  Moi- 
rée qui  semblent  se  toucher.  Immédiatement 
après,  on  entre  dans  les  eaux  de  Lépante  ou  Nau- 
pacfe,  où  don  Juan  d'Autriche  anéantit  jadis  la  flotte 
turque  (1571).  La  ville  cfui  donna  son  nom  à  cette 
grande  victoiro.  de  la  Croix  sur  le  Croissant  n'est 
qu'une  pauvre  bourgade  de  la  côte  de  Romélie.  Sur 
le  même  rivage,  Gala.iidi  est  un  important  chantier 
de  constructions  navales.  Enfin,  au  fond  du  golfe, 
on  a  rebâti  depuis  peu  d'années  la  Nouvelle  Co- 
rinthe,  le  tremblement  déterre  de  1858  ayant  dé- 
truit l'ancienne  bourgade  située  dans  l'intérieur 
de  l'isthme. 

A  la  sortie  du  golfe,  on  laisse  au  nord  les  lagunes 
au  milieu  desquelles  Missolonghi  forme  une  place 
inexpugnable,  illustrée  par  la  vaillance  des  Grecs 
durant  la  guerre  de  l'indépendance.  Près  de  là 
débouche  ÏAchéloûs,  le  fleuve  le  plus  considérable 
de  la  Grèce,  à  qui  ses  eaux  blanchâtres  ont  valu  le 
nom  d'Aspro-Potamo  (fleuve  blanc). 

Hydrographie.  —  Les  cours  d'eau  de  ce  pays, 
dont  nous  avons  déjà  nommé  les  principaux,  n'ont 
du  reste  qu'une  importance  relative  ou  une  célé- 
brité historique.  Aucun  d'eux  ne  roule  des  eaux 
abondantes,  et  bien  souvent  pendant  l'été  leur  lit  ne 
se  reconnaît  qu'aux  bosquets  de  lauriers-roses  et 
aux  autres  arbustes,  dont  ils  abreuvent  les  racines 
quand  ils  ne  sont  pas  ainsi  desséchés. 

Malgré  la  beauté  habituelle  de  son  ciel,  et  sa  la- 
titude méridionale,  la  Grèce  est  couverte  de  trop 
hautes  montagnes  et  environnée  par  trop  de  riva- 
ges pour  que  les  nuées  ne  s'y  condensent  pas  en 
pluies.  Le  Taygète  et  quelques  cimes  du  Pinde 
restent  le  plus  souvent  couronnés  de  neige.  Plus 
que  la  côte  de  l'Archipel,  celle  de  la  mer  jfonienne 
est  battue  par  les  orages,  et  c'est  à  juste  titre  qu'on 
avait  placé  dans  cette  région  du  Péloponèse,  à 
Olympie,  le  sanctuaire  de  Jupiter,  maître  du 
tonnerre. 

Mais  les  montagnes  calcaires  de  la  Grèce  renfer- 
ment, comme  celle  du  Jura  français,  du  Karst 
d'Illyrie,  et  des  Alléghanys  aux  Etats-Unis,  de  nom- 
breux goufi"res  où  les  eaux  se  perdent  par  des 
issues  souterraines.  Lorsque  ces  débouchés  vien- 
nent à  se  fermer,  les  eaux  montent  dans  les  bas- 
sins de  réception  où  elles  se  réunissent,  et  produi- 
sent des  inondations,  des  déluges  partiels.  Puis, 
lorsque  les  issues  viennent  à  se  rouvrir,  ces  lacs 
temporaires  se  dessèchent  et  le  sol  est  de  nouveau 
propre  à  se  couvrir  de  moissons.  L'ancien  lac  Co- 
dais de  la  Béotie,  aujourd'hui  lac  Topolias,  fournit 
l'exemple  le  plus  remarquable  de  cette  sorte  de 
lacs.  Il  possède  des  émissaires  dont  le  cours  est  en 
partie  souterrain,  et  telle  source,  dont  l'origine  est 
ainsi  mystérieuse,  forme  dès  son  apparition  au  jour 
une  rivière  plus  considérable  que  tel  autre  fleuve 
voisin,  dont  le  bassin  extérieur  semble  cependant 
plus  étendu. 

III.  Géographie  agricole,  industrielle  et  commer- 
ciale. —  Agriculture.  —  L'état  de  l'agriculture  est 
fort  arriére  en  Grèce.  Comme  dans  la  plupart  des 
contrées  qui  bordent  la  Méditerranée,  les  monta- 
gnes y  sont  déboisées,  et  le  sol,  dénude  par  l'écou- 
lement des  eaux,  n'offre  généralement  qu'un  roc 
stérile  ou  recouvert  d'une  mince  couche  de  terre 
végétale.  Le  pays  tire  du  dehors  les  céréales  né- 
cessaires à  sa  subsistance.  En  revanche,  il  produit 
des  vins,  des  huiles.  Minerve,  la  déesse  des  Athé- 
niens, avait  l'olivier  comme  symbole.  Les  raisins 
dits  de  Corinthe,  mais  que  produisent  surtout  les 
îles  Ioniennes,  forment  le  principal  objet  du  com- 
merce d'exportation.  11  faut  y  joindre  des  peaux, 
des  figues,  du  tabac,  de  la  noix  de  galle,  de  la  soie 
■et  un  peu  de  coton. 


Industrie,  —  L'industrie  est  encore  à  peu  près 
nulle:  la  Grèce  tire  du  dehors  et  principalement 
d'Angleterre  les  objets  manufacturés,  tissus  ou 
autres,  dont  elle  a  besoin.  L'usine  du  Laurium  est 
le  seul  établissement  métallurgique  important.  On 
ne  trouve  guère  de  fabriques  qu'au  Pirée  et  dans 
l'île  de  Syra.  L'Attique  et  plusieurs  îles  des  Cycla- 
des,  Paros  entre  autres,  renferment  de  riches  car- 
rières de  marbre,  qu'on  peut  exploiter  dans  le  voi- 
sinage de  la  mer.  Mais  partout  ailleurs  les  moyens 
de  transport  manquent.  Les  routes  n'existent  pas 
en  Grècp.  et  le  royaume  ne  possède  encore  que 
73  kilomètres  de  chemin  de  fer,  entre  Athènes  et  le 
Pirée,  et  de  Volo  à  Larissa,  en  Thessalie. 

Commerce  et  marine.  —  Comme  au  temps  où 
les  Grecs  allaipnt  semant  leurs  colonies  sur  tous 
les  rivages  de  la  Méditerranée,  le  commerce  mari- 
time fait  encore  leur  principale  richesse.  Ils  pos-. 
sèdfnt  près  de  12  000  navires  montés  par  pins  de 
Î8  000  marins,  qui  sont  les  caboteurs  Ips  plus  éco- 
nomiques de  tout  le  bassin  de  la  Méditerranée.  Le 
royaume  de  Grèce  ne  suffirait  pas  à  alimenter 
leurs  transports,  mais  ils  se  font  d'autant  plus  fa- 
cilement les  facteurs  des  pays  étrangers  que  des 
Grecs  ont  fondé  de  puissantes  maisons  de  com- 
merce et  acquis  des  fortunes  considérables  dans 
tous  les  ports  de  la  Méditerranée,  à  Marseil'e  aussi 
bien  qu'à  Trieste,  àConstantinople,  à  Smyrne  ou  à 
Odessa.  Tandis  que  le  royaume  ne  renferme  r>as 
2  millions  d  habitants,  on  compte  près  de  3  millions 
de  Grecs  vivant  à  l'étranger,  mais  animés  du  plus 
grand  patriotisme  et  apportant  à  la  cause  com- 
mune l'apnui  de  leur  fortune  et  de  leur  activité. 
IV.  Géographie  politique.  —  Fo/mliitio?i.  —  Mal- 
gré toutes  les  invasions  que  la  Grèce  a  subies,  les 
diverses  nationalités  slave,  turque  et  latine  s'y 
sont  fondues  presque  entièrement  dans  le  vieux 
fond  hellénique.  La  religion  chrétienne,  dite  ortho- 
doxe, est  le  culte  presque  exclusivement  suivi.  Le 
grec  moderne  diffère  peu  du  grec  ancien  par  le 
vocabulaire  ;  où  trouver  ailleurs  l'exemple  d'une 
langue  se  perpétuant  aussi  longtemps?  Les  bergers 
albanais,  qui  passent  alternativement  d'un  côté  à 
l'autre  de  la  frontière,  dans  les  montagnes  du  Pinde, 
forment  toutefois  un  groupe  distinct,  de  même  que 
les  Italiens  qui  sont  restés  dans  les  îles  Ioniennes 
depuis  l'occupation  vénitienne,  et  quelques  familles 
françaises  de  l'île  de  Naxos,  dont  l'établissement 
remonte  au  temps  des  croisades. 

Distrihution  de  la  j'Opulafion.  —  Les  îles  Ionien- 
nes forment  la  partie  la  plus  prospère  de  la  Grèce; 
c'est  aussi  celle  où  la  population  est  la  plus  dense, 
99  habitants  par  kil.  carré  à  Céphalonie,  95  à  Corfou. 
102  à  Zi' te. 

Les  Cyclades,  moins  peuplées,  n'ont  qu'une  cin- 
quantaine d'habit  !nts  de  population  spécifique.  En 
résumé,  près  du  quart  de  la  population  totale, 
460  000  sur  1  980  000,  habite  les  îles,  dont  la  su- 
perficie n'est  que  le  septième  de  tout  le  royaume, 
9?00  kilomètres  carrés  sur  65  000. 

Dans  le  Péloponèse,  la  population  spécifique  est 
ae  33  à  34  habitants  ;  elle  n'est  que  de  22  à  23  dans 
la  Romélie. 

La  Grèce  forme  une  monarchie  constitutionnelle 
et  héréditaire,  gouvernée  actuellement  par  un  roi 
choisi  dans  la  famille  royale  de  Danemark.  Le 
royaume  est  divisé  en  seize  nomaichies.  La  Ro- 
mélie forme  six  nomarchies,  dont  trois  dans  le 
nouveau  territoire  acquis  en  1881  :  Acarnanie  et 
Etoile,  Phthiotide  et  Phocide,  Altique  et  Béotie, 
Larissa,  Trikala  et  Arta.  Le  Péloponèse  forme  cinq 
nomarchies  :  l'Arcadie,  au  centre;  l'Achaïe  et 
Elide,  au  nord-ouest,  l'Argolide  et  Corinthie,  au 
au  nord-est,  la  Messénie,  au  sud-ouest,  et  la  Laco- 
nie,  au  sud-est.  Les  îles  de  l'Archipel  se  par- 
tagent entre  deux  nomarchies,  celle  de  l'Eubée  et 
celle  des  Cyclades.  Les  îles  Ioniennes  forment  trois 
nomarchies  :  Corfou,  Céphalonie  et  Zante, 


GREGE 


902  — 


GRECE 


Principales  villes.  —  Athènes,  la  capitale,  si  cé- 
lèbre par  les  hommes  illustres  qu'elle  a  vus  naître 
les  grands  faits  dont  elle  a  été  témoin,  les  monu- 
ments dont  on  s'est  plu  à  l'embellir,  possède  de  nos 
jours  une  école  où  de  jeunes  savants  français  étu- 
dient l'histoire  de  la  Grèce  ancienne,  surtout  par 
les  fouilles  qu'ils  font  faire,  et  les  monuments 
qu'ils  remettent  au  jour.  Avec  son  port  du  Pirée, 
Ailiènes  renferme  maintenant  plus  de  80O!)0  babi- 
tants.  Patras,  dont  nous  avons  dit  l'importance 
commerciale,  n'en  a  que  25  ou  30  000.  Corfou,  ca- 
pitale de  l'île  de  ce  nom,  dont  les  divers  possesseurs, 
Vénitiens,  Russes,  Français,  Anglais,  ont  successi- 
vement augmenté  les  fortifications  pour  en  faire 
une  citadelle  inexpugnable,  en  renferme  presque 
autant  Si/ra,  dans  l'île  du  même  nom,  au  contre 
des  Cyclades,  tire  une  grande  importance  commer- 
ciale de  ce  que  les  lignes  de  navigation  à  vapeur 
en  ont  fait  leur  point  de  croisement  sur  les  routes 
d'Athènes  à  Smyrne  et  de  Marseille  à  Constanti- 
nople;  sa  population  dépasse  20  000  liabitants. 

Souvenirs  historiques.  Conclusion.  —  Ce  sont  là 
les  villes  qui.  de  nos  jours,  ont  la  plus  grande 
importance  économique.  Mais  combien  d'irambles 
bourgades  portent  des  noms  illustres;  combien  de 
lieux  aujourd'hui  déserts  furent  l'emplacement  de 
cités  ren  'Uimées  !  Le  voyageur  qui  parcourt  la 
Grèce  n'est  pas  seulement  frappé  par  la  beauté 
incomparable  du  ciel,  la  limpidité  de  l'atmosphère 
à  travers  laquelle  les  montagnes  se  revotent  des 
teintes  les  plus  riches,  les  lignes  harmonieuses 
du  paysage.  11  ne  peut  pour  ainsi  dire  faire  un 
pas  sans  toucher  à  un  souvenir  de  l'histoire  ou 
de  la  mythologie,  sans  effleurer  quelque  reste  d'un 
monument  antique.  Dans  r.\rgolide,  c'est  Mycènes 
avec  ses  énormes  murs  cyclopéens;  dans  l'Arcadie, 
Mantinée,  où  mourut  Epaminondas  :  dans  la  Bootie, 
Leuctres,  théâtre  du  premier  triomphe  de  ce  héros, 
et  Platée,  où  les  Perses  furent  battus  comme  à 
Marathon  et  à  Salamine.  Dans  la  Laconie,  voici 
Sparte  qui  se  reconstruit  à  nouveau  sur  son  an- 
cien emplacement,  au  bord  de  l'Eurotas;  et  tout  au- 
près, Mistra,  la  ville  du  moyen-âge,  qui  rappelle  la 
domination  des  croisés  francs  en  Morée. 

L'artiste  n'a  pas  moin-  à  glaner  que  l'historien, 
Nul  n'a  encore  su  élever  un  temple  plus  beau  que 
le  Parthénon,  et  quelle  œuvre  de  la  statuaire  est 
plus  parfaite  que  la  Vénus  de  Milo,  qui  orne  notre 
musée  du  Louvre?  Quel  contraste  entre  tant  de 
chefs  d'œuvre  et  des  souvenirs  si  illustres,  et  l'état 
actuel  du  pays,  si  arriéré  encore  au  point  de  vue 
matériel  et  moral.  Les  habitants  des  campagnes 
sont  plongés  dans  une  profonde  ignorance,  et  le 
brigandage,  comme  le  prouvent  des  exemples  en- 
core trop  récents,  n'a  pas  entièrement  disparu. 

[G.  Meissas.] 

GRÈCE  (Histoire).  —  Histoire  générale.  VI-X, 
XVI-XX,  XXXIV. 

I.  La  Grèce  ancienne.  — Populations  primitives. 
Origines.  —  Les  Péiasges,  peuple  à  peine  connu, 
furent  peut-être  les  premiers  habitants  de  la  Grèce. 
C'est  aux  Péiasges  que  l'on  attribuait  les  murs  cy- 
clopéens, ces  monuments  dont  les  ruines  gigan- 
tesques excitaient  Tadmiration  de  leurs  descen- 
dants. Après  eux  vinrent  les  H'^llène^,  qui  donnèrent 
leur  nom  au  pays:  ils  prétendaient  descendre 
d'Hellen,  père  de  trois  fils,  Dorus,  iEolus  et  Xuthus  ; 
de  ce  dernier  naquirent  Ion  et  Achasus.  Issus  d'une 
souche  commune,  Doriens,  Eoliens,  Ioniens  et 
Achéens  se  répandirent  de  la  Thessalie  dans  la 
Hellade,  le  Péloponèse,  les  îles  et  jusqu'en  Asie 
Mineure.  Les  luttes  entre  les  descendants  d'Hellen, 
la  prépondérance  des  Doriens  et  des  Achéens  sur 
les  deux  autres  races,  celle  des  Achéens  sur  les  Do- 
riens, appartiennent  au  domaine  de  la  fable  ;  les 
annales  de  la  Grèce  avant  le  viii*  siècle  n'offrent 
aucune  certitude  historique;  le  siège  de  Troie,  les 
travaux  d'Hercule,  les  malheurs  de  Laïus  et  d'OEdipe, 


d'Agamemnon  et  d'Oreste  ont  fourni  de  brillants 
développements  à  la  mythologie  :  l'histoire  ne  peut 
que  les  enregistrer. 

A  partir  de  la  première  olympiade  '776  av.  J.-C), 
la  chronologie  existe  et  par  suite  l'histoire,  mais  en- 
core mêlée  à  la  légende  jusqu'à  l'époque  des  guerres 
médiques  (500). 

Il  suffira  d'indiquer  rapidement  le?  événements 
antérieurs  à  cette  date  et  de  tracer  le  tableau  du 
nïonde  grec  à  l'âge  héroïque  :  les  poètes  suppléent 
ici  aux  historiens  et  permettent  d'indijuer  les  prin- 
cip;;ux  traits  de  celte  civilisation  primitive. 

La  constitution  du  gouvernement  ressemble  à 
celle  de  la  famille  :  à  la  tête  de  chaque  Etat,  pres- 
que de  chaque  cité,  est  un  roi,  à  la  fuis  chef  de 
guerre,  juge  et  prêtre.  Son  pouvoir  n'est  limité 
que  par  l'influence  des  principaux  membres  de  la 
cité  ou  de  l'association,  et  par  l'autori'é  du  sénat 
ou  conseil  des  princes.  Dans  la  famille,  la  puissance 
paternelle  est  respectée,  la  femme  est  la  compagne 
vénérée  sinon  l'égale  de  l'homme;  les  enfants  mâles 
se  partagent  également  l'horitage  du  père.  Dans  la 
société  les  mœurs  sont  rudes  et  cruelles.  On  ne 
croit  qu'à  la  force,  la  guerre  est  partout.  C'est  dire 
que  l'industrie  existe  à  peine  ;  l'agriculture  est  très 
primitive,  le  commerce  est  aux  mains  des  étran- 
gers. 

Entre  ces  mille  sociétés  divisées  d'intérêts,  ri- 
vales d'influence,  y  a-t-il  une  unité?  Oui,  celle  du 
nom  et  de  la  langue;  colle-ci  est  une  sous  la  di- 
versité des  dialectes.  Quant  aux  aoiphidy  nies, 
elles  constituent  un  lien  assez  lâche  et  moins  poli- 
tique que  religieux.  L'assemblée  amphictyonique, 
réunissant  les  pruicipales  races  hellènes,  se  tenait 
aux  Thermopyles  ou  à  Delphes,  près  du  sanctuaire 
vénéré  d'.\pollûn,  aux  oracles  souvent  menteurs, 
mais  toujours  respectés.  La  célébration  solennelle 
des  jeux  à  Olympie,  à  Gorinthe,  à  Némée  ou  àDel- 
phes,  établissait  encore  un  rapprochement  entre 
tous  les  descendants  du  mythique  Hellen. 

Cii/oniei.  —  Cependant  l'amour,  le  sentiment 
même  d'une  patrie  commune  était  alors  si  faible 
que  les  migrations  étaient  fréquentes.  A  l'est,  à 
1  ouest,  au  sud,  partout  se  portait  le  mouvement 
de  la  colonisation,  qui  commença  dès  le  xii'  siècle. 
Des  Eoliens  s'établirent  dans  la  Mysie,  dans  les  îles 
de  Lesbos,  de  Ténédos,  et  donnèrent  leur  nom  au 
pays  où  se  fondèrent  Smyrne,  Larisse,Egée,  Pitané. 
Vers  le  milieu  du  xi'  siècle,  les  Ioniens  occupèrent 
la  région  comprise  entre  IHermus  et  le  Méandre, 
le  littoral  et  les  îles^  où  s'élevèrent  Milet,  Samos, 
Ephèse,  Colophon,  Chios,  Phocée,  etc.  Les  Doriens 
se  répandaient  à  la  même  époque  dans  les  îles  de 
Mélos,  Cythère,  Crète,  Cos,  Rhodes,  et  dans  la  Do- 
ride.  Bientôt  les  Grecs  atteignirent  la  Cilicie  et 
Chypre,  la  Chalcidique,  la  côte  de  Thrace,  Thasos, 
la  Chersonèse,  la  Propontiiie,  le  Bosphore  et  le 
Pont-Euxin  :  ils  fondèrent  Sestos,  Chalcédoine,  By- 
zance,  Tomes  et  Panticapée.  En  Egypte  ils  avaient 
un  comptoir  à  Naucratis  ;  en  Lybie  un  établisse- 
ment à  Cyrène  dans  la  Pentapole;  et  un  véritable 
empire  dans  la  Sicile  et  dans  l'Italie,  où  le  nom  de 
Grande  Grèce  sub^sta  longtemps  et  perpétua  le 
souvenir  d'une  éclatante  mais  éphémère  civilisa- 
tion. 

Sparte  au  temps  de  Lycurgue.  —  Le  vi*  siècle  est 
l'époque  la  plus  brillante  de  la  colonisation  grecque: 
Athènes  et  Sparte,  les  deux  cités  maîtresses  de  la 
Grèce,  furent  célèbres  bien  avant  cette  époque. 

A  Sparte,  Lycurgue,  s'il  faut  admettre  son  exis- 
tence, paraît  au  x"  ou  au  ix«  siècle  ;  de  retour  dans 
son  pays,  après  de  longs  voyages,  il  réussit  à  l'arra- 
cher à  l'anarchie  et  à  lui  imposer  une  réforme  ra- 
dicale ;  les  attributions  de  l'assemblée  populaire 
sont  réduites,  celles  du  sénat  sont  étendues  ;  cinq 
éphores  ou  inspecteurs  deviennent  plus  puissants 
que  les  deux  rois  soumis  à  leur  surveillance,  con- 
finés dans  les  exercices  du  culte  et  le  commande- 


GRÈCE 


—  903  — 


GRÈGE 


ment  des  armées.  Les  seuls  Spartiates  ont  des  droits 
politiqu  s  :  malgré  leur  petit  nombre,  chaque  jour 
plus  réduit,  ils  dominent  les  Périèques,  libres  ha- 
bitants de  la  Laconie,  mais  non  citoyens,  et  ex- 
clus du  gouvernement;  ils  font  cultiver  leurs  terres 
par  les  Hilotes,  véritables  serfs  de  la  glèbe,  admis 
pourtant  dans  les  armées,  mais  impitoyabl -ment 
massacrés  au  premier  symptôme  de  révolte.  Ly- 
curgue,  s'il  n'établit  pas  légalité  de  fortune  entre 
les  Spartiates  et  les  Périèques,  comme  Taftirme 
Plutarque,  inspira  l'usage  des  repas  en  commun, 
bannit  peut-être  les  monnaies  d'or  et  d'argent,  in- 
terdit le  travail  aux  citoyens  astreints  aux  exercices 
militaires,  au  séjour  dans  les  casernes  publiques 
jusqu'à  un  âge  avancé,  mal  nourris,  à  peine  vêtus 
et  endurcis  jusqu'à  la  férocité  par  une  éducation 
contre  nature.  Les  femmes,  élevées  presque  aussi 
rudement,  eurent  une  grande  influence  sur  ce 
peuple  de  soldats.  Lycurgue  n'avait  créé  qu'une 
armée,  petite  par  le  nombre,  mais  redoutable  par 
son  organisation  rigoureuse  et  son  patriotisme 
exalté  jusqu'au  fanatisme.  Lancés  sur  la  Messéiiie, 
les  Spartiates  triomphent,  malgré  l'héroïque  résis- 
tance d'Aristodème  et  d'Aristomène.  Une  première 
guerre  de  vingt  années  (743-7^3),  une  seconde  pres- 
que aussi  longue  (685-068)  leur  assurent,  après  les 
glorieux  épisodes  du  mont  Iihôme  et  du  mont  Ira, 
la  possession  d'une  riche  province  qui  double  leur 
territoire.  Les  Argienssont  battus  après  les  Messé- 
niens  (547),  et  la  moitié  du  Péloponèse  subit  la 
domination  lacédémonienne. 

Athènes  au  temps  de  Solon,  de  Pisisfi'ate,  et  de 
Clisthène  (ti04-ôOU).  —  Athènes  fut  d'abord  gou- 
vernée par  des  rois.  Au  xii'  siècle  la  royauté  est 
abolie,  après  la  mort  de  Codrus.  Le  roi  est  rem- 
placé par  un  archonte;  plus  tard  l'archontat  de- 
vient annuel,  et  les  archontes  sont  au  nombre  de 
neuf.  La  constitution  était  tout  aristocratique  :  les 
lois  furent  écrites  par  l'archonte  Dracon,  qui  en  fit 
un  code  d'une  excessive  sévérité  (624). 

Des  troubles  violents  éclatent  dans  l'Attique  ; 
comme  à  Rome,  les  pauvres  étaient  réduits  en  es- 
clavage par  les  riches,  leurs  créanciers  ;  un  noble 
athénien  est  nommé  archonte  unique  en  594  et 
chargé  de  rétablir  l'ordre.  C'était  Solon. 

Solon,  déjà  célèbre  comme  poète,  avait  composé 
des  vers  sur  la  misère  du  peuple;  général,  il  avait 
repris  l'île  de  Salamine  dont  les  Mégariens  s'étaient 
emparés.  Son  premier  acte  fut  d'abolir  toutes  les 
dettes  antérieures,  de  rendre  à  la  liberté  tous  les 
débiteurs  vendus  comme  esclaves,  et  d'abaisser  de 
27  p.  lOU  le  titre  de  la  drachme,  de  telle  sorte  que 
le  débiteur  de  100  drachmes  put  s'acquitter  avec  73. 
Puis  il  partagea  tous  les  hommes  libres  en  qua- 
tre classes  suivant  leur  revenu.  La  première  four- 
nissait les  archontes  et  les  magistrats,  la  2°  les  ca- 
valiers, la  3'  l'infanterie  pesamment  armée,  la  4' 
l'infanterie  légère.  Les  arcliontes  et  les  sénateurs 
étaient  élus  par  l'assemblée  populaire  ;  un  sénat  de 
400  membres  fut  chargé  de  préparer  les  lois  que 
votait  le  peuple.  Un  code  civil  et  pénal  compléta 
ces  dispositions  eu  encourageant  et  en  protégeant 
le  travail. 

Après  toutes  ces  réformes,  Solon  voj'agea  long- 
temps, visita  l'Egypte,  Chypre,  Sardes,  mais  à  son 
retour  trouva  la  ville  déciiirée  par  les  discordes 
(560).  Il  devait  mourir  deux  ans  plus  tard. 

Pisistrate  s'était  emparé  par  surprise  de  l'Acro- 
pole et  gouverna  la  ville  jusqu'à  sa  mort,  de  5G0  à 
527.  Deux  fois  il  fut  exilé  et  deux  fois  il  rentra  dans 
Athènes,  où  du  moins  sa  tyrannie  s'exerça  sous  des 
formes  assez  douces  :  Hérodote,  Thucydide,  Aris- 
tote  s'accordent  pour  lui  décerner  cet  éloge. 

Hippias  et  Hipparque,  ses  fils,  lui  succèdent.  Le 
second  est  assassiné  par  deux  jeunes  Athéniens, 
Harmodius  et  Aristogiton  (514;.  Hippias  vengea  son 
frère  par  de  nombreuses  exécutions,  mais  fut  chassé 
d'Athènes  par  les  Spartiates  unis  aux  habitants  ré- 


voltés, et  la  démocratie  fut  établie  (510). 

Le  chef  du  parti  démocratique,  Clisthène,  élar- 
git les  bases  de  la  constitution  de  Soluu,  donna 
le  droit  de  cité  à  tous  les  habitants  libres  de  l'At- 
tiqiie,  quelle  que  fût  leur  origine,  et  divisa  le  ter- 
ritoire en  dèmes  ou  bourgs  qui.  réunis  sans  être 
contigus,  formèrent  les  tribus  au  nombre  de  dix. 
C'était  un  moyen  d'empêcher  la  formation  de  toute 
faction  locale  et  de  prévenir  les  guerres  civiles.  Il 
porta  le  sénat  à  i.00  membres  (50  par  tribu).  Il 
imagina  Vostracisme,  c'est-à-dire  le  bannissement, 
au  moyen  d'un  vote  inscrit  sur  une  coquille,  du  ci- 
toyen dont  les  visées  ambitieuses  ou  la  popularité 
semblaient  un  danger  pour  la  paix  de  l'Etat.  L'exil 
devait  durer  dix  ans  ;  mais  cette  peine,  qui  ne  fut 
appliquée  que  dix  fois  en  cent  ans,  n'eut  jamais 
cette  durée.  Ces  réformes  démocratiques  exci- 
tèrent les  défiances  des  Lacédémoniens.  Ils  ten- 
tèrent de  rétablir  Hippias  qu'ils  avaient  détrôné, 
s'unirent  aux  Béotiens  et  aux  habitants  de  Chalcis 
et  d'Egine,  pour  renverser  Clisthène;  leurs  ten- 
tatives furent  vaines;  partout  ils  furent  repoussés. 
C'est  alors  quHippias  sollicita  l'appui  des  Perses 
et  provoqua  la  première  guerre  médique. 

Si  l'histoire  d'Athènes  et  de  Sparte  est  fort  obs- 
cure dans  cette  première  période,  celle  des  autres 
Etats  grecs  l'est  encore  davantage.  A  l'exception 
de  Sparte  où  la  constitution  énergique  de  Lycurgue 
maintint  toujours  le  pouvoir  de  l'aristocratie,  il 
y  eut  pour  toutes  les  cités  plusieurs  phases  suc- 
cessives dans  le  gouvernement  :  à  l'époque  ho- 
mérique ,  ce  sont  des  rois  de  droit  divin  qui 
gouvernent;  le  prestige  religieux  disparaissant, 
l'autorité  revient  à  des  oligarchies  aristocratiques, 
dont  l'orgueilleuse  dureté  soulève  les  peuples;  des 
tyrans  populaires  renversent  l'aristocratie,  et  bien- 
tôt un  régime  de  démocratie  pure  triomphe  pres- 
que partout  La  Grèce  semble  ainsi  nous  offrir  un 
des  premiers  exemples  de  ces  évolutions  gouver- 
nementales que  nous  retrouvons  presque  identi- 
ques dans  le  monde  moderne. 

Première  guerre  médique  (500-'j90).  —  Avec  les 
guerres  médiques  (5(jO),  nous  entrons  dans  une  ère 
mieux  connue. 

Les  colonies  grecques  de  l'Asie  Mineure,  d'abord 
soumises  par  Crésus,  roi  de  Lydie,  étaient  tombées 
sous  la  domination  de  Cyrus,  roi  de  Perse  (544). 
L'île  de  Samos,  qui  avait  gardé  plus  longtemps 
son  indépendance,  fut  soumise  également  par 
Darius,  troisième  successeur  de  Cyrus.  Mais  l'é- 
chec que  le  a  grand  roi  «  avait  éprouvé  dans  son 
expédition  contre  les  Scythes  réveilla  le  sentiment 
de  la  liberté  dans  les  colonies  asservies,  qui  im- 
plorèrent le  secours  des  Athéniens.  Athènes,  in- 
téressée dans  l'affranchissement  des  Grecs  d'Asie, 
répondit  à  cet  appel.  Les  débuts  de  la  guerre  fu- 
rent malheureux  pour  les  Grecs.  La  ville  de  Milet 
fut  prise  par  les  Perses  et  tous  les  habitants  mâles 
furent  tués  (495).  Darius  envoya  Mardonius  contre 
Athènes  :  mais  une  tempête  dispersa  l'expédi- 
tion (492). 

Sparte  et  Athènes,  oubliant  leurs  anciennes  ri- 
valités, s'unissent  alors  à  la  vue  du  danger  com- 
mun, et  entraînent  dans  leur  ligue  un  grand  nombre 
de  villes  grecques  :  l'idée  de  la  patrie  commune  se 
fait  jour  pour  la  première  fois  en  Grèce.  D'ailleurs 
la  présence  et  les  menées  d'Hippias  auprès  de 
Darius  étaient  faites  pour  éveiller  les  craintes  des 
Athéniens. 

La  seconde  expédition  des  Perses,  composée 
d'une  flotte  considérable,  bien  pourvue  d'hommes 
et  de  provisions,  avait  pour  chefs  Datis  et  Arta- 
pherne,  auxquels  s'était  joint  l'ambitieux  Hippias. 
Elle  s'empara  de  plusieurs  îles  qu'elle  saccagea. 
Elle  débarqua  enfin  à  Marathon,  à  huit  lieues  au 
nord-est  d'Athènes.  Mais  les  dix-huit  années  de  li- 
berté qu'avait  procurées  à  Athènes  la  constitution 
de  Clisthène  avaient  fait  de  cette  cité  le  rempart  de 


GRÈCE 


—  904  — 


GREGE 


l'indépendance  hellénique.  Miltiade,  chef  militaire 
ëminent;  Thémistocle,  général  habile  à  suivre  les 
inspirations  d'un  véritable  génie  militaire,  mais  po- 
litique ambitieux  et  sans  scrupules,  Aristide  enfin, 
à  qui  ses  vertus  méritèrent  le  surnom  de  Juste, 
commandaient  alors  l'armée  athénienne.  L'alarme 
était  grande  à  Athènes;  Sparte,  obéissant  à  cer- 
taines superstitions,  ne  voulut  pas  envoyer  immé- 
diatement les  secours  qu'on  lui  demandait:  10,000 
Athéniens  seulement,  soutenus  par  1000  Platéens, 
durent  essuyer  le  choc  de  l'innombrable  armée 
perse.  Ils  furent  complètement  victorieux  (490),  et 
l'effet  moral  de  la  victoire  de  Marathon  fut  immense. 
Athènes  en  garda  une  confiance  et  un  orgueil  exa- 
gérés, mais  qui  devaient  produire  de  grandes 
clioses.  Miltiade,  à  qui  la  victoire  était  due,  eut  le 
malheur  d'éprouver  un  échec  devant  l'Ile  de  Paros, 
et  fut  condamné  par  ses  concitoyens  ingrats  à 
une  amende  de  50  talents  ;  il  mourut,  laissant  à 
son  fils  Cimon  le  soin  de  la  payer. 

Deuxième  guerre  méilique  (i90-479).  —  Darius 
humilié  meurt  en  485  ;  son  fils  Xerxès  veut  le  ven- 
ger :  il  prépare  une  nouvelle  expédition  contre  la 
Grèce.  Hérodote  estime  à  plus  de  5  millions  d'hom- 
mes le  nombre  de  ses  soldats  ;  il  en  faut  beaucoup 
rabattre,  et  songer  surtout  que  cette  cohue  n'était 
qu'un  ramas  informe  de  nations  différentes,  diver- 
sement armées,  et  incapables  de  recevoir  une  di- 
rection unique.  Cette  armée  passa  l'Hellespont  sur 
deux  ponts  de  bateaux,  une  première  fois  détruits 
par  la  tempête,  puis  reconstruits  entre  Sestos  et 
Ab}  dos.  Tout  semblait  promettre  une  victoire  facile. 
Les  peuples  grecs,  effrayés  par  l'approche  de  Xerxès, 
faisaient  leur  soumission  ou  se  montraient  peu  dis- 
posés à  seconder  la  résistance  que  préparaient 
Athènes  et  quelques  villes  du  Péloponèse.  Heu- 
reusement, un  des  rois  de  Sparte,  Léonidas,  gardait 
avec  quelques  milliers  d'hommes,  dont  300  Spar- 
tiates d'élite,  le  défilé  des  Thermopyles,  pendant 
que  l'armée  navale,  commandée  par  le  Spartiate  Eu- 
rybiade  et  l'Athénien  Thémistocle,  occupait  le  cap 
Artémisium.  Mais  l'armée  des  Perses  força  le  pas- 
sage des  Thermopyles,  malgré  l'héroïque  défense 
des  yOO  Spartiates,  aidés  de  700  Thespiens  trop  ou- 
bliés par  l'histoire.  La  Grèce  septentrionale  tout 
entière  était  à  la  merci  du  vainqueur.  Delphes  se 
défendit  bravement  ;  les  Thébains  se  joignirent  aux 
Perses  ;  les  Athéniens  abandonnèrent  leur  ville  et 
se  réfugièrent  à  Salamine.  La  flotte  grecque  quitta 
le  cap  Artémisium  et  vint  se  concentrer  dans  le  dé- 
troit de  Salamine.  La  position  était  excellente  et  ne 
permettait  aux  Perses  de  déployer  contre  les  Grecs 
■qu'une  partie  de  leurs  immenses  forces  navales. 
Aussi  la  bataille,  engagée  sur  le  conseil  de  Thémis- 
tocle, se  termina-t-elle  par  une  victoire  décisive 
des  Grecs  (480).  Xerxès  jugea  prudent  de  repasser 
l'Hellespont;  mais  il  laissa  en  Grèce  300  000  hommes 
sous  la  conduite  de  Mardonius.  Celui-ci  alla  prendre 
ses  quartiers  d'hiver  en  Thessalie. 

Ce  fut  un  immense  soulagement  pour  la  Grèce, 
qui  oublia  trop  vite  ce  qu'elle  devait  aux  Athéniens  - 
Mardoniiis  put  en  effet  rentrer  en  Attique  l'année 
suivante  sans  que  les  Péloponésiens  fissent  rien 
pour  l'arrêter,  et  les  Athéniens  furent  forcés  d'a- 
bandonner une  seconde  fois  leur  ville.  Enfin  les 
Spartiates  se  mirent  en  marche  ;  les  Athéniens  et 
d'autres  peuples  se  joignirent  à  eux,  et  l'armée  de 
la  Grèce,  forte  de  110  000  hommes  environ,  lutta 
contre  Mardonius  qui  s'était  fortifié  près  de  Platée, 
battit  le  général  perse  qui  fut  tué,  s'empara  de  son 
camp  et  ne  permit  qu'à  quelques  fuyards  de  rega- 
gner l'Asie  (479).  Pendant  que  Pausanias,  régent 
de  Sparte,  triomphait  à  Platée,  la  flotte  grecque, 
commandée  par  le  roi  de  Sparte  Léotychidas  et 
l'Athénien  Xanthippe,  père  de  Périclès,  remportait 
un  grand  succès  à  Mycale  sur  la  côte  asiatique.  La 
•<Jrèce,  délivrée  des  envahisseurs,  allait  devenir 
conquérante  à  son  tour. 


Hégémonie  d'Athènes.  —  Les  Athéniens  eurent 
pour  premier  souci  de  rebâtir  leur  ville,  et  ils  y 
parvinrent  en  dépit  des  efforts  jaloux  des  Pélopo- 
nésiens, grâce  à  l'habile  temporisation  de  Thémis- 
tocle. Ce  grand  citoyen  augmentait  en  même  temps 
la  flotte  athénienne,  et  appelait  dans  la  cité  nou- 
velle les  étrangers  ou  métèques,  qui  y  apportèrent 
leur  activité  commerciale.  La  trahison  du  régent 
de  Sparte  Pausanias,  qui  rêvait  de  se  faire  roi  de 
toute  la  Grèce,  en  s'appuyant  sur  le  roi  de  Perse, 
ayant  été  découverte,  le  vainqueur  de  Platée  fut 
mis  à  mort.  Les  Athéniens  y  gagnèrent  d'obtenir 
le  commandement  général  des  forces  navales  de  la 
Grèce.  Athènes  alors  devient  l'alliée  et  comme  la 
tutrice  de  toutes  les  colonies  asiatiques  qu'elle  a 
délivrées  ;  une  fédération  maritime  s'organise,  à 
l'instigation  d'Aristide,  et  chaque  ville  fédérée  paie 
à  la  communauté  un  tribut  en  argent  ou  en  vais- 
seaux (^76).  Peu  après  (471),  le  vainqueur  de  Sala- 
mine, Thémistocle,  dont  l'arrogance  et  la  cupidité 
excitaient  le  mécontentement  des  Athéniens,  est 
exilé;  impliqué  dans  la  conspiration  de  Pausanias, 
il  se  réfugia  en  Perse.  11  fut  accueilli  avec  faveur 
par  Artaxerxès,  et  il  termina  ses  jours  en  Asie- 
Mineure,  tandis  que  l'intègre  Aristide  mourait  à 
Athènes,  si  pauvre  que  l'Etat  dut  se  charger  des 
frais  de  ses  funérailles. 

Troisième  guerre  m,édique.  —  Privée  do  ces 
deux  grands  hommes,  Atliènes  ne  cesse  cependant 
pas  de  grandir.  Forte  de  l'appui  des  villes  confé- 
dérées, qu'elle  savait  réduire  à  l'obéissance  quand 
elles  tentaient  d'échapper  à  sa  tutelle  despotique, 
elle  porta  la  guerre  en  Asie.  Cimon,  fils  de  Mil- 
tiade, vainquit  les  Asiatiques  sur  terre  et  sur  mer, 
aux  bouches  de  l'Eurymédon,  en  Pamphylie  (466). 
Ce  succès  n'empêcha  pas  le  vainqueur  d'être  frappé 
d'ostracisme  (461)  pour  avoir  soutenu  le  parti  aris- 
tocratique dans  la  discussion  soulevée  par  la  re- 
construction des  longs  murs.  Rappelé  en  452, 
Cimon  battit  encore  une  flotte  phénicienne,  et 
mourut,  laissant  à  Callias  l'honneur  de  signer  avec 
les  Perses  une  convention  glorieuse  pour  Athènes. 
Ce  traité  reconnaissait  l'indépendance  de  toutes  les 
cités  grecques  de  l'Asie  et  laissait  la  flotte  athé- 
nienne maîtresse  de  la  mer  (449).  Une  trêve  de 
trente  ans  fut  conclue  en  445  avec  Sparte,  que 
mettait  en  défiance  la  suprématie  de  sa  rivale. 

Tous  ces  succès  extérieurs  n'allaient  pas  sans 
des  réformes  intérieures.  La  constitution  se  déve- 
loppa outre  mesure  dans  le  sens  démocratique.  Le 
sort  fut   chargé   de  désigner  les    magistrats  ;    le 
pouvoir  judiciaire  passa  aux  tribunaux  populaires, 
formés  chacun  de  500  jurés  désignés  également  par 
j  le  sort.  Six  mille  citoyens  employaient  chaque  an- 
'  née  à  juger  le  meilleur  de  leur  temps.  Une  solde 
'  de  trois  oboles  (47  centimes  environ)  était  affectée 
I  à  chacun  des  juges  pour  chaque  jour  où  il  siégeait. 
C'était  toute  une  révolution  opérée  par  Périclès, 
I  malgré  les  efforts  de  Cimon.  Périclès  y  trouvait  la 
satisfaction  de  son  ambition  ;  les  citoyens  celle  de 
leurs  intérêts  personnels ,  mais  les  villes  alliées, 
[  obligées  de  venir  jusqu'à  Athènes  pour  y  faire  ju- 
!  ger  leurs  procès  et  leurs  différends,  contraintes  de 
contribuer  de  leurs  deniers  aux  embellissements 
!  de  la  puissante  cité,  souffraient  impatiemment  le 
joug.  Des  révoltes  fréquentes  se  produisaient,  écra- 
sées, comme  celle  de  Samos  (44(i),  avec  la  dernière 
rigueur.  Tout  l'éclat  dont  Athènes  brillait  à  cette 
époque  cachait  donc  une  situation  pleine  de  périls, 
et  qu'on  oublie  trop  facilement,  quand  on  se  laisse 
éblouir  par  le  merveilleux  développement  artisti- 
que et  littéraire  qui  se  produisit  alors. 
[     Siècle  de  Périclès.  —  Périclès  (494-429),  qui  a 
mérité  l'e  donner  son  nom  au  cinquième   siècle 
avant  l'ère  chrétienne,  était  né  en  494.  Fils  de  Xan- 
thippe, le  vainqueur  de  Mycale,  et  formé  de  bonne 
I  heure  à  l'art  oratoire,  il  domina  facilement  dans 
'  Athènes,   grâce   aux  ressources  de  sa  seule   élo- 


GRECE 


—  90o  — 


GRÈCE 


quence.  L'époque  de  sa  toute-puissance  se  place 
entre  l'exil  de  Thucydide,  qui  avait  succédé  à  Cimon 
comme  chef  du  parti  aristocatique  (444)  et  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  l'historien  du  même  nom, 
et  le  commencement  de  la  guerre  du  Péloponèse.  Il 
s'appuya  sur  le  peuple  qu'il  fascina  par  ses  discours, 
par  ses  largesses,  par  la  construction  d'admirables 
monuments.  II  fit  d'Athènes  comme  le  centre  de 
la  civilisation,  la  capitale  de  l'intelligence  et  de 
l'art  (V.  l'article  sur  les  lettres  et  les  arts  en  Grèce). 
Il  fut  plus  puissant  qu'un  roi,  et  il  mourut  pau-\Te, 
«ans  avoir  augmenté  d'une  drachme  le  bien  qu'il 
avait  hérité  de  son  père.  Après  la  prise  de  Sa- 
mos,  qui  mit  le  comble  b.  sa  popularité,  il  secou- 
rut CorcjTe  révoltée  contre  Corinthe,  dont  Sparte 
embrassa  la  querelle.  Il  provoqua  ainsi  la  guerre 
du  Péloponèse. 

Guerre  du  Péloponèse  jusqu'à  la  paix  de  Nicias 
(431-421).  —  Depuis  longtemps  les  Lacédémoniens 
désiraient  humilier  leurs  brillants  voisins.  La  révolte 
<le  Corcyre  soutenue  par  Atliènes  leur  en  fournit 
l'occasion.  Si  la  puissance  militaire  des  Péloponé- 
siens  semblait  plus  redoutable,  les  Athéniens 
étaient  sans  rivaux  sur  la  mer.  Les  hostili- 
tés commencèrent  par  les  ravages  respectifs 
des  Spartiates  dans  l'Attique  et  des  Athéniens 
sur  les  côtes  du  Péloponèse.  Périclès  condui- 
sait la  flotte  de  ces  derniers,  et  à  son  retour  il 
prononça  l'éloge  des  guerriers  morts  pour  la  pa- 
trie. Malheureusement,  la  peste  qui  sévit  alors 
dans  Athènes  et  fit  tant  de  victimes  l'emporta  lui- 
même,  et  ses  compatriotes  ne  trouvèrent  pas  un 
général  capable  de  le  remplacer  (429). 

Après  sa  mort  la  guerre  se  généralise,  et  toutes 
les  villes  grecques  semblent  vouloir  y  prendre  part 
avec  une  violence  inouïe. 

L'historien  Thucydide  trace  un  magnifique  tableau 
des  deux  factions  qui  divisent  alors  chaque  ville 
grecque,  les  partisans  de  l'aristocratie  invoquant 
les  Lacédémoniens,  les  démocrates  appelant  à  eux 
les  Athéniens. 

La  peste  finissait  à  peine  que  les  Spartiates  allè- 
rent assiéger  Platée,  alliée  d'Athènes;  ils  s'en  em- 
parèrent après  la  plus  vive  résistance  (429).  Les 
Athéniens  répondirent  à  cette  agression  en  enle- 
vant à  leur  tour  Potidée.  Ils  portèrent  même  la 
guerre  dans  le  Péloponèse,  en  Messénie,  et  en- 
fermèrent une  armée  lacédémonienne  dans  l'île 
de  Sphactérie  (425).  Le  chef  de  la  démocratie 
athénienne,  Cléon,  se  laissa  nommer  général,  par- 
vint à  tuer  ou  à  prendre  les  Spartiates  ainsi  blo- 
qués, et  victorietix,  ne  poussa  qu'à  la  continuation 
de  la  guerre.  Elle  fut  signalée  par  le  désastre  de 
Délium,  où  Socrate  sauvales  jours  de  Xénophon,  et 
par  celui  d'Amphipolis,  où  les  deux  chefs  de  chaque 
camp,  Cléon  et  Brasidas,  furent  tués.  Cette  double 
mort  rendit  la  paix  possible.  Elle  fut  conclue  pour 
50  ans  par  les  soins  de  Nicias  (421).  C'était  la  on- 
zième année  de  la  lutte,  et  tous  les  Etats  grecs 
étaient  épuisés  et  ruinés  ;  mais  la  querelle  de  Sparte 
et  d'Athènes  restait  aussi  indécise  que  le  premier 
jour.  Moins  d'un  an  après,  les  intrigues  d'Alcibiade 
avaient  fait  reprendre  les  hostUités. 

Expédition  de  Sicile  (2*  période  de  la-  guerre 
du  Péloponèse,  421-413).  —  Né  vers  450  d'une 
noble  famille,  Alcibiade  était  le  plus  beau  et  le  plus 
intelligent  des  Athéniens.  Après  mille  folies  de 
jeunesse,  il  se  flattait  de  jouer  un  grand  rôle  dans 
la  guerre  :  la  paLx  de  Nicias  sembla  le  lui  interdire. 
Il  devint  alors  le  chef  des  belliqueux,  comme  Nicias 
était  celui  des  pacifiques.  Il  décida  Athènes  à  s'u- 
nir à  Argos,  jalouse  de  Sparte  ;  les  Spartiates, 
vainqueurs  à  Mantinée  (418),  firent  échec  à  cette 
politique,  et  Alcibiade  se  tourna  d'un  autre 
■côté. 

Les  colonies  grecques  de  Sicile  étaient  en  pleine 
prospérité.  Mais  des  querelles  entre  Ioniens  et 
Dorions  provoquèrent  l'intervention  d'Athènes.  La 


ville  d'Egeste,  pressée  vivement  par  les  habitants 
de  Syracuse,  implora  le  secours  des  Athéniens. 
Alcibiade  fit  décider  l'expédition,  malgré  les  efforts 
de  Nicias.  Toutes  les  forces,  toutes  les  ressources 
d'Athènes  furent  prodiguées  dans  le  hasard  de 
cette  seule  entreprise.  Catane  et  Naxos  tombèrent 
aisément  au  pouvoir  des  Athéniens  (415).  Syracuse 
même  allait  être  assiégée,  lorsque  Alcibiade  reçut 
l'ordre  de  rentrer  à  Athènes  pour  répondre  à  une 
accusation  capitale  :  la  mutilation  des  Hermès  ou 
statues  de  Mercure,  accomplie  dans  la  nuit  qui 
avait  précédé  son  départ.  Il  se  sauva  à  Sparte,  où 
il  conseilla  de  fortifier  la  citadelle  de  Décélie, 
dans  l'Attique,  et  de  secourir  les  Syracusains. 
Gylippe,  en  effet,  conduisit  des  secours  à  ces  der- 
niers, battit  Nicias  seul,  puis  Nicias  et  un  autre 
général,  Démosthène,  accouru  avec  de  nouvelles 
forces  athéniennes.  Après  ce  désastre,  Démosthène 
proposa  de  s'enfuir  avec  les  navires  ;  mais  Ni- 
cias fit  prévaloir  l'idée  d'une  retraite  par  terre. 
Malheureusement  une  crainte  superstitieuse  le 
retint  trente  jours  encore,  jusqu'au  retour  de  la 
pleine  lune  :  ce  retard  entraîna  la  ruine  de 
l'armée  athénienne  (\\^). 

Fin  de  h  guerre  du  Péloponè.^^e.  Lei  Trente  à 
Athèn':■s{^1^2-i'^Z].  —  Le  désastre  de  Sicile  surexcita 
l'ardeur  de  tous  les  peuples  ennemis  d'Athènes,  qui 
eût  été  perdue,  si  elle  se  fût  découragée.  Une  heu- 
reuse victoire,  remportée  près  de  Milet,  rabattit 
pour  un  temps  l'audace  de  ses  ennemis  (412).  Une 
révolution  aristocratique  eut  lieu  dès  410  à  Athènes 
même,  mais  le  parti  démocratique  reprit  le  dessus 
et  rappela  Alcibiade  qui,  mécontent  des  Lacédé- 
moniens, s'était  réfugié  près  des  Perses.  Son  retour 
fut  le  signal  de  nouvelles  victoires;  il  battit  à 
Cyzique  la  flotte  péloponésienne,  et  s'empara  de 
Byzance  et  de  Chalcédoine  (408).  En  407,  il  rentra 
triomphalement  dans  sa  patrie,  à  laquelle  il  avait 
fait  tant  de  mal,  et  redevint  l'idole  du  peuple. 
Mais  l'alliance  de  Cyrus  le  Jeune,  satrape  d'Asie 
Mineure ,  avec  Lysandre,  amiral  lacédcmonien, 
devait  porter  ses  fruits.  Les  Athéniens,  battus 
devant  Ephèse,  destituent  Alcibiade.  et  nomment  à 
sa  place  dix  généraux,  qui  remportèrent  sur  le  Spar- 
tiate Callicratidas  la  victoire  des  îles  Arginuses; 
l'année  suivante,  Lysandre  ayant  repris  le  com- 
mandement des  forces  de  Sparte,  surprit  la  flotte 
athénienne  à  l'embouchure  de  la  petite  rivière 
d'iEgos  Potamos,  dans  l'Hellespont,  et  la  détruisit 
complètement.  Cette  victoire  termina  la  guerre  du 
Péloponèse.  Athènes  bloquée  dut  se  rendre  après 
six  mois  de  siège  (404).  Sparte  abusa  de  sa  vic- 
toire; dans  les  villes  alliées  d'Athènes,  toutes 
les  démocraties  furent  supprimées  et  remplacées 
par  un  gouvernement  de  dix  personnes  [décarchies) 
assistées  d'un  harmoste  ou  commandant  lacédé- 
monien.  Les  longs  murs  d'Athènes  furent  démolis, 
les  fortifications  rasées  ;  Lysandre  enfin  abolit  la 
démocratie  athénienne  et  confia  tous  les  pouvoirs 
à  trente  individus,  connus  sous  le  nom  des  Trente 
tyrans. 

Ils  firent  régner  la  terreur  dans  Athènes,  à  force 
d'assassinats  et  de  proscriptions.  Mais  des  exilés 
du  parti  démocratique,  avec  Thrasybule  à  leur 
tête,  ayant  réussi  à  s'emparer  du  port  de  Muny- 
chie,  forcèrent  les  Trente  à  abdiquer.  Thrasybule 
proclama  une  amnistie  générale  (403),  et  la  consti- 
tution démocratique  fut  rétablie. 

Ce  fut  quatre  ans  plus  tard  qu'à  la  suite  d'un 
déplorable  procès,  Socrate  fut  condamné  à  boire  la 
ciguë  (399). 

Alcibiade,  qui  avait  tant  contribué  à  l'abaisse- 
ment de  sa  patrie,  s'était  réfugié  près  de  Pharna- 
baze,  en  Phrygie  :  ce  satrape  le  fit  tuer. 

Retraite  des  lix-.MiUe.  —  La  mémorable  expédi- 
tion des  Dix-Mille  prend  place  immédiatement  après 
la  guerre  du  Péloponèse.  Cyrus,  second  fils  de  Da- 
rius Nothus,  roi  de  Perse,  voulant  détrôner  son  frère 


GRÈCE 


—  906  — 


GRECE 


Artaxerxès,  avait  pris  à  sa  solde  10  000  merce- 
naires grecs;  un  jeune  Athénien,  Xénophon,  qui 
s'était  joint  à  l'expédition  comme  volontaire, 
nous  en  a  laissé  le  récit  Vainqueurs  à  Cu- 
naxa  (401:,  mais  privés,  par  la  mort  de  Cyrus,  de 
l'appui  des  troupes  barbares,  qui  se  débandèrent, 
les  Grecs  commencèrent,  sous  la  conduite  de  gé- 
néraux improvisés,  cette  magnifique  retraite  qui 
dura  deux  ans  et  les  a  immortalisés  dans  la  pos- 
térité. La  faiblesse  de  l'empire  persan,  la  supé- 
riorité du  génie  grec,  étaient  démontrées  avec 
éclat  par  la  retraite  des  Dix-Mille  :  la  leçon  ne  fut 
perdue  ni  pour  Agésilas,  ni  pour  Alexandre. 

Hrgémonie  de  Sjjart".  Agésilas.  —  La  supréma- 
tie sur  les  affaires  de  la  Grèce,  ou  hégémojtie,  avait 
passé  à  Sparte,  qui  la  conserva  pendant  une  tren- 
taine d'années.  La  domination  Spartiate,  pliis  vio- 
lente et  plus  oppressive  que  ne  l'avait  été  celle 
des  Athéniens,  ne  tarda  pas  à  soulever  les  mêmes 
résistances. 

Le  nouveau  roi  de  Sparte,  Agésilas,  envoyé  en 
Asie  Mineure  au  secours  des  villes  grecques  in- 
quiétées par  les  Perses ,  déploj'a  les  qualités 
d'un  grand  général.  Il  fit  deux  campagnes  victo- 
rieuses, mais  fut  bientôt  rappelé  en  GrrCî  où 
Sparte  avait  à  lutter  contre  tous  les  peuples 
grecs  soulevés  contre  elle.  L'argent  asiatique 
n'avait  pas  peu  contribué  à  cette  révolte^  qu'ex- 
pliquait d'ailleurs  le  despotisme  lacédémonien. 
Les  alliés  grecs  avaient  réuni  à  Corinthe  une 
armée  considérable.  Une  première  bataille  fut 
indécise  ;  Agésilas,  de  retour  d'Asie,  défit  les  coi- 
fédérés  à  Coronée  (394)  ;  mais  la  flotte  gréco-per- 
sane battit  la  flotte  lacédémonienne  devant  Cnide 
et  la  détruisit.  Athènes  alors,  enhardie,  refit  ses 
fortifications,  grâce  à  l'or  de  Pharnabaze  393  ; 
et  du  traité  qui  avait  suivi  le  désastre  d'^Egos 
Potamos,  il  ne  resta  plus  que  le  souvenir.  La 
guerre  n'en  continua  pas  moins,  acharnée,  mais 
indécise,  autour  de  Corinthe,  entre  Agésilas  et  l'A- 
thénien Iphicrate.  Heureusement  pour  Sparte,  le 
Lacédémonien  Antalcidas  réussit  à  détacher  le 
«  grand  roi  »  de  l'alliance  avec  les  confédérés,  et 
conclut  avec  Artaxerxès  un  traité  qui  porte  son 
nom.  Ce  traité  stipulait  que  toutes  les  villes  grec- 
ques d'Asie  seraient  remises  sous  la  dépendance 
du  roi,  et  que  toutes  les  villes  grecques  d'Europe 
seraient  libres  et  autonomes,  ce  qui  signifiait  que 
toute  ligue,  toute  alliance  de  nature  à  inquiéter 
Sparte  leur  était  interdite.  Les  cités  grecques  du- 
rent s'incliner  devant  les  forces  énormes  dont  dis- 
posaient les  Spartiates  et  les  Perses,  et  accepter 
ce  traité  (387).  C'était  un  pas  en  arrière  dans  l'his- 
toire de  la  Grèce  ;  l'hellénisme  reculant  en  Asie, 
éparpillant  ses  forces  en  Europe,  s'éloignait  de 
plus  en  plus  de  cet  idéal  qu'il  ne  devait  jamais 
atteindre  :  l'unité  nationale  dans  la  liberté  muni- 
cipale. Voilà  ce  qu'avait  amené  la  politique  égoïste 
et  étroite  d'Agcsilas  et  de  Sparte. 

Sparte  eut  beau,  dans  la  suite,  donner  cours  à 
ses  rancunes  contre  Thèbes,  relever  Platée,  châtier 
Mantinée  de  la  froideur  de  ses  services  '.-'Mh),  elle 
n'en  voyait  pas  moins  Athènes  reprendre  des  forces 
et  ressaisir  les  principaux  éléments  de  sa  domina- 
lion  maritime.  Sparte  alla  même  jusqu'à  s'empa- 
rer d'Olynthe  dont  elle  était  jalouse,  et  à  jeter 
dans  les  bras  de  la  Macédoine  la  confédération 
fondée  par  cette  ville,  boulevard  de  la  Grèce 
contre  les  puissances  du  Nord.  Mais  son  hégémo- 
nie touchait  à  sa  fin. 

Thèbes,  depuis  trois  ans  soumise  à  Lacédé- 
mono ,  se  soulève  à  la  voix  d'un  jeune  exilé, 
Pélopidas,  rentre  furtivement  dans  sa  patrie  (S'iO). 
Les  Spartiates  veulent  ressaisir  leur  conquête  et 
la  guerre  se  rallume.  Athènes,  suivie  par  soixante- 
dix  villes,  se  déclare  l'alliée  des  Thébains,  et  pen- 
dant quatre  ans  (378-374)  la  guerre  se  poursuit 
sans  résultats  décisifs.  A  ce  moment,  Athènes  se 


rapproche  de  Sparte,  par  un  traité  particulier  : 
la  lutte  se  circonscrit  entre  Sparte,  qui  voulait 
dicter  à  tous  les  Ktats  ses  lois,  et  Thèbes.  qui  se 
refusait  à  abdiquer  sa  domination  sur  les  cités 
béotiennes. 

Hégémonie  de  Thèbes  (.371-361).  —  Deux  héros 
thébains  illustrèrent  cette  lutte  acharnée  :  Pélo- 
pidas et  Epaminondas.  Les  soldats  de  Sparte 
avaient  envahi  la  Béotie,  où  ils  éprouvèrent  quel- 
ques revers.  Thèbes  fut  ensuite  mise  hors  la  loi 
par  les  représentants  des  principales  villes  grec- 
ques réunis  à  Lacédémone.  Elle  répondit  à  cette 
exclusion  par  la  grande  victoire  de  Leuctres,  fruit 
des  habiles  dispositions  d'Epaminondas  (37 1).  Tous 
les  alliés  de  Sparte,  comme  il  arrive,  se  détachè- 
rent d'elle;  Mantinée,  détruite  par  Lacédémone, 
fut  rétablie  ;  Tégée  et  toutes  les  villes  arcadiennes 
renversèrent  leur  gouvernement  oligarchique  et  for- 
mèrent le  projet  d'une  confédération.  Epaminondas, 
qui  suivait  ce  mouvement,  envahit  la  Laconie,  mais 
n'osa  pas  attaquer  Sparte,  qu'Agésilas  avait  mise 
en  état  de  défense  ;  il  se  contenta  de  bâtir  à  l'en- 
trée du  défilé  qui  mène  en  Laconie  une  place-forte 
destinée  à  empêcher  les  entreprises  de  Lacédé- 
mone contre  le  Péloponèse  :  c'était  Méga'  ^jolis. 
11  fonde  en  même  temps  Messène,  sur  le  mont 
lihôme,  et  en  fait  le  refuge  des  Hilotes,  ruinant 
ainsi  Sparte  dans  son  propre  empire. 

Athènes  toutefois  s'inquiétait  des  progrès  des 
Thébains,  tant  la  jalousie  fut  toujours  l'âme  de 
la  politique  dans  toutes  ces  petites  cités  grecques. 
Elle  joignit  ses  forces  à  celles  des  Spartiates,  ses 
éternels  ennemis.  Ce  fut  un  moment  de  répit  dans 
la  décadence  rapide  de  Sparte.  Tlièbes  n'en  gar- 
dait pas  moins  la  suprématie,  suprématie  reconnue 
même  par  le  a  grand  roi  »,  que  ces  rivalités  fai- 
saient l'arbitre  des  villes  grecques.  Il  arriva  pour 
Thèbes  ce  qui  était  arrivé  pour  ses  deux  rivales  : 
elle  aima  mieux  étendre  ses  conquêtes  que  les 
fortifier.  De  plus  elle  eut  le  malheur  de  perdre 
Pélopidas,  au  combat  de  Cynoscéphales  (364),  dans 
une  guerre  contre  le  tyran  de  Phères  en  Thessalie. 
Epaminondas,  de  son  côté,  succomba  sur  le  champ 
de  bataille  de  Mantinée,  théâtre  de  sa  glorieuse 
victoire  sur  les  Spartiates  (3(i2).  La  mort  de  cet 
homme  illustre,  hibile  général  autant  qu'incorrup- 
tible citoyen,  amena  la  pais,  toutes  choses  restant 
en  l'état  où  elles  étaient  avant  la  guerre  (36 1).  Thè- 
bes alors  retombe  dans  son  obscurité  première; 
Sparte  est  humiliée  et  affaiblie,  et,  malgré  l'éclat 
dont  brille  encore  Athènes,  la  Grèce  serait  une 
proie  facile  pour  une  puissance  entreprenante.  La 
.Macédoine  fut  cette  puissance. 

Philippe  de  Macédoine.  —  La  Macédoine  était  un 
vaste  pays,  situé  au  nord  de  la  Grèce,  entre  la 
Thessalie,  l'Epire,  l'illyrie,  la  Péonie,  la  Thrace  et 
la  mer  Egée.  L'influence  grecque  y  dominait,  grâce 
aux  nombreuses  colonies  qui  s'y  étaient  établies. 
Des  rois  habiles  surent  profiter  des  querelles  in- 
testines de  la  Grèce  pour  y  assurer  leur  influence  ; 
mais  l'histoire  de  la  Macédoine  commence,  en  réa- 
lité, avec  Philippe  II,  quarante-et-unième  succes- 
seur du  fabuleux  Caranus,  premier  roi  de  ce  pays. 
Philippe,  élevé  en  Grèce,  avait  approfondi  de 
bonne  heure  les  défauts  et  les  qualités  du  carac- 
tère grec.  Athènes  venait  de  sortir  affaiblie  de  la 
guerre  sociale  ou  guerre  des  alliés,  et  avait  dû  re- 
connaître l'indépendance  des  cités  auxquelles  elle 
avait  imposé  son  protectorat  (355).  Philippe  en  pro- 
fita pour  s'emparer  d'Amphipolis,  de  Pydna,  de 
Potidée.  Par  ses  armes  et  par  son  or,  il  se  préparait 
de  longue  main  à  soumettre  la  Grèce.  Il  essaya 
même  une  intervention  directe,  à  l'occasion  de  la 
ivo\&\(imegiterre sacrée.,  en  détruisant  les  Phocidiens 
qui  avaient  pillé  le  temple  de  Delphes  (355),  et  en 
se  faisant  proclamer  vengeur  d'Apollon  (363)  par 
le  conseil  amphictyonique.  Mais  il  se  trouva  en 
présence  d'un  redoutable   adversaire.  L'Athénien 


GREGE 


—  907  — 


GRÈGE 


Démostliène  (né  en  385),  après  des  débuts  difficiles 
comme  orateur,  se  posa  en  adversaire  résolu  des 
projets  ambitieux  qu'il  soupçonnait  dans  Philippe 
(première  Philippique,  .3nl).  Le  roi  de  Macédoine, 
•an  moment  arrêté,  envahit  la  Chalcidique  et  me- 
nace Olynthe,  que  Démosthène  ne  peut  faire  se- 
courir (les  Otynthiennes)  :  l'or  de  Philippe  endor- 
mait toutes  les  défiances;  Olynthe  succombe  en 
3h8;  le  boulevard  de  la  Grèce  au  nord  était  ren- 
verse. Philippe  est  chargé,  à  la  suite  d'une  ambas- 
sade dont  faisaient  partie  Eschine  et  Démosthène, 
de  terminer  la  guerre  sacrée.  Il  y  parvient  et  ex- 
clut les  Phocidiens  du  conseil  amphictyonique, 
pour  j'  entrer  lui-même  avec  voix  prépondérante 
(346).  Il  était  alors  au  faite  de  la  puissance,  et 
les  Athéniens  eux-mêmes  le  regardaient  presque 
comme  un  libérateur.  Huit  ans  après,  Eschine, 
une  de  ses  créatures,  l'appelle,  au  nom  du  con- 
seil amphictyonique,  contre  les  Locriens  d'Am- 
phissa,  qui  avaient  labouré  le  champ  cirrhéen,  con- 
sacré à  Apollon  :  c'est  la  quatrième  gue'-re  sacréi-. 
Philippe  en  profite  pour  s'emparer  d'Elatée,  qui 
lui  donnait  la  clef  de  la  Grèce.  A  cette  nouvelle, 
les  Athéniens  ouvrent  les  yeux.  Ils  se  lèvent  à  la 
▼oix  de  Démosthène,  s'unissent  aux  Thébains,  et 
vont  se  faire  battre  à  Chéronée  (■538).  Mais  le  roi 
de  Macédoine  ne  veut  pas  brusquer  la  situation  ;  il 
recherche  la  popularité  ;  aussi  épargne-t-il  Athènes  ; 
à  Corinthe  il  propose  contre  les  Perses  une  expédi- 
tion commune,  dont  on  le  proclame  généralissime 
(337).  Pendant  les  préparatifs  de  cette  entreprise,  il 
répudie  Olympias,  mère  d'Alexandre,  pour  épouser 
Cléopâtre,  fille  d'Attale,  un  de  ses  généraux.  C'est 
à  ce  moment  qu'il  périt  assassiné  au  milieu  d'une 
cérémonie  publique  (336).  Il  laissait  à  son  fils  un 
pouvoir  absolu  et  une  armée  redoutable,  dont  la 
fameuse  phalange  formait  la  force  principale. 

Son  œmTe  est  difficile  à  juger.  Il  est  certain 
qu'il  commença  \' hellmisation  du  monde  ancien, 
achevée  par  son  fils  Alexandre  ;  mais  cette  diffu- 
sion de  l'hellénisme  ne  se  fit  quaux  dépens  des 
anciennes  capitales  de  la  Grèce.  C'est  ce  qui  jus- 
tifie les  efforts  patriotiques  de  Démosthène. 

Alexandre  le  Grand.  —  Dès  l'avènement  d'A- 
lexandre, les  Thraces,  les  Triballes,  les  Illjriens  se 
soulevèrent  ;  mais  ils  furent  aussitôt  battus.  Les 
Grecs  eux-mêmes,  excités  par  Démosthène,  cou- 
rurent aux  armes,  et  Tlièbes  massacra  la  garnison 
macédonienne.  Thèbes,  bientôt  reprise,  fut  rasée, 
à  l'exception  de  la  maison  qui  avait  appartenu  au 
poète  Pindare,  et  la  Grèce  soumise.  Le  vainqueur 
réunit  l'assemblée  des  Grecs  à  Corinthe,  et  y  reçut 
le  commandement  d'une  grande  expédition  contre 
la  Perse  (335). 

On  trouvera  à  l'article  Alexandre  le  récit  de 
cette  expédition  mémorable,  dont  le  résultat  fut  la 
destruction  de  la  puissance  barbare  qui  avait  si  long- 
temps menacé  la  Grèce,  et  la  fondation  d'un  em- 
pire macédonien  sur  les  ruines  de  celui  de  Darius 
Codoman. 

L'œuvre  d'Alexandre  n'était  pas  de  celles  qui  doi- 
vent demeurer  entières  ;  ses  conquêtes  furent  bri- 
sées après  sa  mort  en  plusieurs  morceaux  ;  mais, 
comme  le  disait  Bayle,  «  les  morceaux  en  furent 
bons.  » 

La  Grèce  depuis  la  mort  d'Alexandre  j'isqu'à  la 
mort  de  Pyrrhus.  —  La  nouvelle  de  la  mort  d'A- 
lexandre fit  tressaillir  la  Grèce,  qui  s'était  tenue 
tranquille  pendant  les  onze  années  de  ses  campa- 
gnes asiatiques.  Athènes  fut  l'âme  d'un  vaste  sou- 
lèvement auquel  s'associèrent  toutes  les  villes  grec- 
ques, à  l'exception  de  Sparte  ;  Antipater,  battu  aux 
ïhermopyles,  dut  reculer  jusqu'en  Macédoine. 

Mais  il  reprit  bientôt  la  campagne,  disloqua  la 
confédération  après  sa  victoire  de  Crannon,  et  força 
Athènes  à  la  paix.  Le  grand  Démosthène,  réfugié 
dans  le  temple  de  Neptune  à  Calaurie,  s'empoi- 
sonna (322). 


Polysperchon,  devenu  régent  de  Macédoine  à  la 
mort  d'Antipater  (319),  cherche  à  se  populariser 
en  Grèce.  Il  rétablit  partout  le  gouvernement  dé- 
mocratique, et  met  à  mortPhocion,  coupable  d'être 
l'ami  de  son  compétiteur  Cassandre,  et  coupable 
surtout,  aux  j^eux  des  exilés  qui  rentraient  à, 
Athènes,  d'avoir  peut-être  jugé  la  Grèce  indigne 
de  la  liberté.  Mais  ce  mouvement  dura  peu.  L'oli- 
garchie fut  rétablie  par  Cassandre,  fils  d'Antipater, 
qui  mit  à  la  tête  des  affaires  athéniennes  un  ami 
de  Phocion,  Démétrius  de  Phalères  (317-307).  Le 
fils  d'Antigone,  qui  régnait  en  Asie  Mineure,  le 
jeune  Démétrius  Poliorcète  (le  preneur  de  villes), 
s'empara  d'Athènes,  proclama  la  liberté  et  l'auto- 
nomie de  cette  ville,  qui  ne  fut  jamais  déclarée 
libre  aussi  souvent  que  depuis  le  jour  où  elle  cessa 
de  l'être. 

Ce  hardi  général  dut  bientôt  retourner  en  Asie 
pour  y  défendre  Antigone  son  père,  menacé  par  la 
coalition  des  autres  héritiers  d'Alexandre.  Il  fut  battu 
à  Ipsus  en  Phrygie  et  Antigone  y  fut  tué  (301).  Revenu 
en  Grèce,  il  s'empara  de  la  Macédoine  à  la  mort 
de  Cassandre,  dont  un  des  fils  avait  imprudemment 
invoqué  son  secours.  Il  resta  maître  de  ce  pays, 
malgré  les  attaques  incessantes  de  PjTrhus,  roi 
dEpire,  jusqu'en  286.  Mais  il  eut  le  tort  de  vou- 
loir reprendre  les  Etats  asiatiques  de  son  père,  et 
échoua  contre  Séleucus,  qui  le  retint  captif  jusqu'à 
sa  mort.  Lysimaque,  roi  de  Thrace,  devenu  maître 
de  la  Macédoine,  alla  à  son  tour  attaquer  Séleucus  ; 
il  fut  vaincu  et  tué  à  Cyi-opédion.  Peu  après,  la 
domination  de  la  Macédoine  échut  au  fils  de  Dé- 
métrius Poliorcète,  Antigone  de  Goni.  Le  vaste 
empire  macédonien  se  trouva  alors  définitivement 
partagé  en  trois  royaumes  :  la  Macédoine,  la  Syrie 
et  l'Egj-pte. 

L'influence  macédonienne  en  Grèce,  protégée 
directement  par  des  garnisons  placées  dans  les 
cités,  ou  indirectement  par  la  suprématie  d'une 
faction  dévouée  aux  intérêts  des  rois  de  Macé- 
doine, devait  durer  jusqu'aux  jours  de  l'invasion 
romaine.  Et  cependant  la  Grèce  était  encore  ca- 
pable d'efforts  personnels.  Les  Gaulois,  établis 
depuis  trois  siècles  au  nord  de  la  Macédoine,  en- 
vahirent son  territoire  en  279,  tournèrent  les  Ther- 
mopyles,  échouèrentdevant  la  vigoureuse  résistance 
des  Grecs  à  Delphes,  et  durent  revenir  épuisés  et 
amoindris  vers  les  bords  du  Danube  '278). 

D'autres  événements  troublèrent  encore  le  repos, 
de  la  Grèce.  Pyrrhus,  roi  d'Epire  (318-2';2),  dé- 
trôné par  Cassandre,  avait  reconquis  son  roj^aume 
en  295.  Entreprenant  et  ambitieux,  il  avait  tenté 
une  folle  expédition  contre  la  Sicile  et  l'Italie,  et 
n'était  revenu  en  Epire  que  pour  y  former  de 
nouveaux  projets.  Il  attaqua  le  roi  de  Macédoine 
antigone  de  Goni,  le  poursuivit  dans  le  Pélopo- 
nèse,  et  échoua  devant  Sparte  ;  il  venait  de  se  ren- 
die  maître  d'Argos,  quand  il  mourut  frappé  à  la 
tête  d'une  tuile  qu'avait  lancée  contre  lui  la  main 
d'une  vieille  femme  (272).  Antigone  redevint  maître 
de  son  royaume,  où  sa  dynastie  se  maintint  jusqu'à 
Il  conquête  romaine. 

Toute  cette  période  de  l'histoire  grecque  est  sin- 
gulièrement confuse  et  troublée.  La  Macédoine  est 
maintenant  rentrée  dans  les  limites  modestes  où 
elle  avait  été  enfermée  avant  Alexandre  ;  toutefois 
elle  cherche  encore  à  assurer  sa  prépondérance 
sur  la  Grèce  ;  la  Grèce,  à  son  tour,  cherche  k  échap- 
per à  la  Macédoine  ;  mais  elle  appelle  Rome  à  son 
secours.  Ce  fut  sa  ruine. 

La  L>gue  achéenne.  Aratus  (272-313).  —  Sous 
les  premiers  rois  de  Macédoine,  et  au  milieu  des 
discordes  civiles,  les  villes  de  r.\chaîe,  district  de 
la  Grèce  situé  sur  la  côte  du  Poloponèse  qui  borde 
le  golfe  de  Corinthe,  avaient  fondé  une  ligue  qui 
n'était  que  le  renouvellement  d'une  alliance  plus 
ancienne,  et  qui  allait  prendre  de  l'importance. 

Aratus  de  Sicyone  fit  entrer  sa  ville  natale  dini 


GRECE 


908  — 


GRÈCE 


la  ligue  achéenne,  à  laquelle  il  chercha  à  donner 
un  caractère  national  ;  il  y  agrégea  ensuite  Corin- 
the  (243).  Athènes  suit  cet  exemple,  et  chasse  sa 
garnison  macédonienne.  Malheureusement  la  Ligue 
ne  combattait  pas  seulement  pour  l'indépendance, 
elle  cherchait  à  faire  triompher  l'aristocratie  dans 
toutes  les  cités.  Elle  se  trouva  en  présence  de  la 
Ligue  étolienne,  fondée  sur  le  principe  démocra- 
tique et  bientôt  puissante.  Dès  238,  les  Etoliens 
s'avancèrent  en  armes  jusqu'à  l'isthme  de  Corinthe  ; 
ils  furent  repoussés  par  Aratus.  Mais  les  Achéens 
eurent  ensuite  à  lutter  contre  Sparte.  Le  roi  Agis 
(244)  avait  essayé  de  ramener  les  Spartiates  à  la 
législation  de  Lycurgue.  Cette  entreprise,  d'abord 
bien  accueillie,  coûta  finalement  la  vie  à  son  au- 
teur (2il).  Son  collègue  Léonidas  régna  seul  alors, 
et  transmit  bientôt  la  couronne  à  son  fils  Cléo- 
mène.  Celui-ci,  loin  d'écouter  les  propositions  d'A- 
ratus,  qui  avait  espéré  l'entraîner  dans  la  Ligue, 
fit  la  guerre  aux  Achéens  et  les  vainquit;  puis  il 
reprit  l'œu^Te  d'Agis.  Il  l'acheva,  rétablit  les  lois 
de  Lycurgue  (225),  reprit  l'ancien  système  des  con- 
quêtes, et  allait  écraser  complètement  les  Achéens 
quand  Aratus,  tremblant  pour  son  œuvre  de  l'unité 
grecque,  se  jeta  dans  les  bras  d'Antigone  Doson, 
roi  de  Macédoine.  Ce  dernier  accourt  en  Grèce,  et 
arrête  les  Spartiates  au  brillant  combat  de  Sellasie 
(222).  L'Arcadien  Philopœmen  avait  décidé,  par  une 
manœuvre  hardie,  de  la  défaite  des  Spartiates.  La 
Macédoine  rentrait  triomphante  en  Grèce.  Aratus 
fut  une  de  ses  premières  victimes.  Le  successeur 
d'Antigone,  Philippe  III,  qu' Aratus  avait  appelé  h 
son  aide  contre  les  Etoliens,  le  fit  emipoisonner. 
Dès  lors  Philopœmen  dirige  la  Ligue  achéenne.  Il 
eut  à  la  protéger  à  la  fois  contre  les  attaques  des 
tyrans  de  Sparte,  Machanidas  et  Nabis,  et  contre 
les  menées  des  Romains.  Ceux-ci,  fidèles  à  l'an- 
tique politique  du  Sénat,  encourageaient  partout 
les  discordes. 

Les  Romains  en  Sicile  (412-200).  Les  Romains  'n 
Grèce  (J 15-18;^).  —  La  défaite  des  Athéniens  en 
Sicile  avait  exalté  l'orgueil  des  S5Tacusains  ;  les 
Carthaginois  avec  Annibal  envahirent  alors  l'île  si 
longtemps  convoitée.  SSélinonte,  Himéra,  Agrigente 
même  (40!}-i06\  tombèrent  successivement  en  leur 
pouvoir.  Ces  événements  rendirent  maître  de 
Syracuse  le  tj-ran  Denys,  qui  régna  d'abord  par  la 
terreur,  en  s'appuyant  sur  les  vainqueurs ,  et  se 
retourna  ensuite  contre  eux.  Il  parvint  à  les  chas- 
ser complètement  de  la  Sicile  (3'J6).  De  tels  succès 
lui  permirent  d'écraser  toutes  les  autres  colonies 
grecques,  avec  l'aide  des  Lacédémoniens  ;  mais  cet 
habile  tjTan  meurt  en  367,  laissant  le  pouvoir  à  son 
fils  Denys  le  jeune.  Celui-ci  fut  renversé  par  son 
oncle  Dion,  qui  professait  des  idées  libérales,  et  ne 
sut  pas  les  appliquer.  Dion  assassiné  laissa  la  place 
libre  à  Denys,  qui  vengea  par  des  flots  de  sang  ré- 
pandu sa  défaite  antérieure.  Les  Syracusains,  écra- 
sés par  Denys,  pressés  par  les  Carthaginois,  récla- 
ment les  secours  de  Corinthe,  leur  métropole.  Le 
Corinthien  Timoléon  arrive,  débarrasse  les  Syracu- 
sains de  Denys,  chasse  les  Cartliaginois,  rétablit  la 
constitution  "démocratique  non  seulement  à  Syra- 
cuse, mais  encore  dans  toutes  les  colonies  grecques 
de  Sicile,  et  meurt  en  pleine  gloire  en  336.  Après 
lui  son  œmTe  est  continuée  par  Agathocle,  mais 
avec  des  moyens  plus  violents.  A  la  suite  d'une 
inutile  expédition  contre  Carthage,  Agathocle  fait 
la  paix  avec  sa  puissante  rivale,  et  meurt  en  289. 
Dix  ans  après  sa  mort,  Syracuse  est  obligée  d'ap- 
peler Pyrrhus  à  son  secours  contre  les  Carthaginois 
^278);  plus  tard  elle  renonce  à  la  démocratie  et 
met  sur  le  trône  Hiéron,  qui  régna  sagement 
jusqu'en  216.  La  première  guerre  punique  chasse 
enfin  les  Carthaginois  de  Sicile,  et  les  Romains 
occupent  toute  la  partie  occidentale  de  l'île. 

En  212,  Rome  continue  sa  conquête,  s'empare 
de  SjTacuse,  malgré  les  efforts  d'Archimède,  et  à 


la  fin  de  la  deuxième  guerre  punique  la  Sicile  en- 
tière n'était  plus  qu'une  province  romaine  adminis- 
trée par  un  préteur.  C'était  le  prélude  de  la  con- 
quête de  la  Grèce  par  les  Romains. 

Le  jeune  Philippe  III  de  Macédoine  avait  eu  l'im- 
prudence de  s'allier  à  Annibal  ;  Rome  battit  sa 
flotte  aux  bords  de  l'Aotis  (214),  et  sa  victoire  lui 
attira  l'alliance  de  tous  les  Etats  démocratiques, 
jaloux  de  la  Ligue  achéenne.  Puis,  fidèle  à  sa  po- 
litique de  désorganisation  chez  les  peuples  qu'il 
veut  conquérir,  le  Sénat  romain  annonce  le  projet 
d'afiTranchir  les  Grecs.  Le  consul  Flamininus,  aidé 
par  les  aristocrates  qui  ne  voulaient  plus  de  Phi- 
lippe, et  par  les  démocrates  qui  n'en  avaient  jr.- 
mais  voulu,  écrase  le  roi  de  Macédoine  à  Cynoscé- 
phales  (lyT),  lui  prend  la  Thessalie  et  lui  impose  un 
tribut.  Aux  jeux  Isthmiques  de  Corinthe,  il  proclame 
solennellement  l'indépendance  de  tous  les  peu- 
ples qui  avaient  été  soumis  à  Philippe.  C'était  une 
fiction,  une  apparence,  dès  lors  qu'il  laissait  vivre 
au  cœur  du  Péloponèse  le  tyran  Nabis,  qui  devait 
lentement  dissoudre  ou  briser  le  faisceau  de  la 
confédération  (I9.ï). 

Les  Etoliens,  mécontents,  appellent  à  leur  aide 
Antiochus,  roi  de  Syrie,  homme  présomptueux  et 
faible,  qui  ne  put  empêcher  les  Romains  de  fran- 
chir les  Thermopyles,  et  dut  se  sauver  en  Asie 
fl91).  La  Ligue  étolienne  avait  cessé  d'exister. 
La  Ligue  achéenne  aurait  encore  pu,  grâce  à 
Philopœmen,  sauver  l'indépendance  de  la  Grèce, 
si  Rome  l'avait  permis  ;  mais  Rome  laissa  la  Ligue 
s'épuiser  contre  Sparte  qui  avait  fait  défection, 
puis  contre  Messène;  Philopœmen,  le  dernier  des 
Grecs,  mourut  dans  une  expédition  contre  un  par- 
tisan des  Romains,  Dinocrate,  qui  le  fit  prison- 
nier et  le  condamna  à  boire  la  ciguë  (l8-<).  Ce 
grand  citoyen  avait  rêvé  de  faire  de  la  Grèce  une 
nation  ;  il  eut  le  triste  honneur  de  périr  à  l'œuvre  ; 
la  Grèce  était  perdue. 

Conquête  de  la  Grèce  par  les  Romains  (183-146).  — 
Le  Sénat  put  alors  appliquer  sa  politique  et  avoir 
partout  des  créatures.  Il  y  eut  bien  encore  quelques 
efforts  tentés  contre  les  progrès  de  la  domination 
étrangère.  Le  roi  de  Macédoine.  Persée,  essaya  de 
lutter  ;  il  fut  écrasé  par  Paul-Emile  à  la  bataille  de 
Pydna  (168).  Les  cités  grecques  envoient  des  am- 
bassadeurs pour  féliciter  Rome  de  sa  victoire  ;  un 
d'entre  eux,  Callicrate,  en  profite  pour  indiquer 
au  Sénat  ceux  de  ses  concitoyens  qui  résistent  k 
l'influence  romaine  :  la  proscription  ne  se  fit  pis 
attendre  ;  désormais  la  Grèce  libre  n'existe  plus 
que  de  nom.  Un  dernier  mouvement,  démagogique 
celui-là,  fut  comme  le  dernier  spasme  de  l'indé- 
pendance grecque  à  l'agonie.  Critolaiis,  élustratèi,e 
de  la  ligue  achéenne,  proclame  la  guerre  contre  les 
Romains;  l'assemblée  générale  de  Corinthe  ratifie 
sa  décision.  Mais  Métellus  taille  en  pièces,  à  Scar- 
phée,  la  faible  armée  des  Grecs;  son  successeur 
Mummius  remporte  k  Leucopétra  un  second  succès 
sur  Diéus,  successeur  de  Critolaûs,  et  entre  dans 
Corinthe  qui  est  complètement  détruite  (li6).  Les 
dépouilles  de  Corinthe  sont  envoyées  à  Rome  ;  les 
villes  insurgées  sont  démantelées;  quelques-unes 
deviennent  tributaires,  et  le  territoire  de  Corinthe 
est  révmi  au  domaine  romain  {ager  romanus).  La 
Grèce  allait  former  désormais  une  province  romaine  : 
c'était  le  juste  châtiment  de  ses  divisions  intestines. 

La  Grèce  sous  la  domiiiation  romaine.  —  Devenue 
province  romaine,  la  Grèce  prend  le  nom  d'Achaïe. 
Elle  demeure  longtemps  tranquille,  épuisée  pas- 
ses anciennes  divisions  ;  elle  tente  un  nouvel  effort 
pour  recouvrer  son  indépendance  avec  Archélaûs, 
iiénéral  de  Mitluidate;  mais  Archélaiis  est  vaincu 
pa;-  Sylla  à  Orchomène  et  .i  Chéronée  (87).  La  Grèce 
alors  est  administrée  par  un  préteur.  En  l'an  5(î  on 
la  retrouve  réunie  à  la  Macédoine  sous  l'autorité 
de  Calpurnius  Pison.  Auguste  l'en  sépare  définitive- 
ment et  en  fait  une  des  onze  provinces  sénatoriales  ; 


GREGE 


909  — 


GRECE 


son  histoire  se  confond  dès  lors  avec  celle  de  l'em- 
pire. Sous  Constantin,  elle  devient  chrétienne  et 
elle  forme,  avec  la  Macédoine,  le  diocèse  de  Macé- 
doine, qui  fait  partie  de  la  préfecture  d'IUyric.     - 

Après  ïbéodose,  l'empire  est  définitivement  par- 
tagé, et  la  Grèce  fait  partie  de  l'empire  a  Orient, 
dont  Constantinople  devient  la  capitale. 

II.  La  Grèce  au  moyen  âge.  —  Théodose  mou- 
rut à  Milan  le  17  janvier  395.  Son  fils  Arcadius 
lui  succéda  en  Orient  ;  la  Grèce  faisait  partie  de 
son  empire.  Le  Wisigoth  Alaric,  attiré  par  Rufin, 
ministre  d'Arcadius,  se  jette  sur  les  provinces  eu- 
ropéennes de  l'empire,  que  Stilicon,  ministre 
dHotiorius,  défend  contre  la  barbarie.  Maître 
d'Athènes,  Alaric  pénètre  dans  le  Péloponèse,  se 
fait  battre  au  mont  Pholoé,  et  n'en  obtient  pas 
moins  du  faible  Arcadius  un  établissement  en 
Illyrie.  La  race  de  Théodose  le  Grand  finit  en  ioS 
avec  Pulchérie,  sœur  de  Théodose  II  ;  Marcien,  un 
brave  soldat,  continue  à  régner  jusqu'en  457.  En 
4  75,  sous  Zenon  l'Isaurien,  un  incendie  détruit  le 
Jupiter  Olympien  de  Phidias  et  la  Vénus  de  Praxi- 
tèle, dont  Constantinople  s'était  emparée. 

Les  événements  qui  intéressent  directement  la 
Grèce  deviennent  de  plus  en  plus  rares  :  en  726 
Léon  m  l'Isaurien  ayant  interdit  le  culte  des 
images,  une  révolte  éclate  dans  les  Cyclades  et 
dans  la  Grèce  où  pullulaient  les  moines  :  la  mer 
Egée  était  appelée  la  Mer  Sainte  ;  l'insurrection 
fut  comprimée  et  les  images  disparurent.  Vingt 
ans  plus  tard,  les  Slaves  du  Danube  envahirent  la 
Macédoine,  la  Hellade  et  le  Péloponèse,  où  leur 
race  se  conserva  pendant  des  siècles  (746). 

Au  IX*  siècle,  l'Asie  Mineure  tombe  au  pouvoir 
des  Arabes:  Nicéphore  ne  sait  pas  tenir  tête  à 
Hai-oun-al-Raschid,  qui  s'avance  jusqu'à  Héraclée 
en  Bilhynie  (SOo),  et  en  806,  l'empereur  devient 
tributaire  du  calife.  Sa  mort  en  8l  1  laisse  pendant 
deux  ans  les  provinces  européennes  à  la  merci  des 
Bulgares  et  de  leur  chef  Crumne.  La  mort  de 
Crumne  délivra  la  Thrace  (814).  En  824,  des  pirates 
d'Espagne  enlèvent  à  l'empire  grec  la  Crète,  où 
ils  fondent  Candie  qui  donnera  son  nom  à  l'île  en- 
tière. Pendant  deux  années  (840-841),  l'Asie  .Mineure 
est  ravagée  tour  à  tour  par  l'empereur  Théophile 
et  par  les  Musulmans  qui  y  exercent  dliorribles 
cruautés.  Sous  Basile  I"^'  le  Macédonien  (807 -880), 
fondateur  d'une  dynastie  qui  conserva  le  trône  un 
siècle  et  demi,  les  généraux  du  calife  de  Bagdad, 
battus  en  Orient  et  sur  les  côtes  d'Italie,  dévastent 
le  Péloponèse,  et  enlèvent  enfin  Syracuse  aux  Grecs 
(88<i)  :  il  y  avait  cinquante- quatre  ans  que  les  mu- 
sulmans avaient  pénétré  dans  la  Sicile.  Un  empe- 
reur corrompu.  Léon  le  Philosophe,  fils  et  succes- 
seur de  Basile  l"',  compose  un  traité  de  tactique  et 
des  sermonSj  pendant  que  les  Slaves,  Serviens  et 
Croates,  fondent  de  nouveaux  établissements  au 
nord-ouest  des  provinces  européennes,  et  que  le  roi 
bulgare  Siméon  ravage  les  terres  de  l'empire 
autour  deThessalonique.  En  904,  ce  sont  les  Russes 
d'Oleg  qui  pénètrent  par  la  mer  Noire  dans  le 
Bosphore,  forcent  le  port  de  Constantinople  et 
mettent  à  feu  et  à  sang  les  environs  de  la  ville  ; 
lu  même  année,  Thessalonique  est  prise  et  pillée 
par  une  bande  de  pirates  sarrasins  sous  le  com- 
mandement d'un  renégat  grec  de  Tripoli.  Le  règne 
de  Constantin  Porphyrogénète,  peintre,  architecte, 
auteur  (912-959),  n  arrête  pas  l'invasion  ;  Andrinople 
est  prise  par  Siméon  en  914,  Constantinople  est 
menacée  en  923  ;  la  Paphlagonie,  le  Pont,  la'  Bi- 
thynie  sont  ravagées  par  le  Russe  Igor,  successeur 
d'Oleg  (9 il)  et  époux  de  la  célèbre  Olga,  qui  prit 
le  nom  d'Hélène  après  son  baptême  à  Constanti- 
nople (955). 

Nicéphore  Phocas  ne  put  enlever  la  Sicile  aux 
Musulmans,  mais  il  les  chassa  de  la  Cilicie  et  leur 
reprit  Chypre  et  la  Syrie  (9GG,,  porta  ses  armes  jus- 
qu'à Nisibe,  ravagea  la  Mésopotamie  et  fit  trembler 


le  calife  dans  Bagdad  (968).  Sous  le  règne  des  deu\ 
petits-fils  de  Constantin  Porphyrogénète,  Basile  II 
et  Constantin  VllI,  Sarrasins  et  Bulgares  dévastent 
pendant  dix  années  (976-1J8G;  la  Thrace,  la  Macé- 
doine, la  Thessalie  et  la  Grèce.  Au  xi"  siècle,  l'em- 
pire grec  perd  l'Italie  médionale,  conquise  par  les 
Normands. En  11 46, Roger  II  de  Sicile  répondra  aux 
récUimations  de  Constantinople  par  la  prise  de 
Corfou,  l'attaque  de  Céphalonie,  de  Nègrepont,  de 
Corinthe  et  d'Athènes.  Les  Comnène,  qui  occupent 
le  trône  depuis  1057,  voient  le  Turc  Soliman,  ar- 
rière-petit-fils de  Seldjouk,  fixer  sa  résidence  àNicée 
dans  la  Bithynie  grecque  en  1074,  puis  à  Iconium 
dans  la  Lycaonie  en  1082.  Toute  l'Asie  Mineure, 
moins  Trébizonde,  était  tombée  sous  le  joug  musul- 
man, et  en  1092,  Alexis  Comnène  dut  appeler  à  son 
aide  les  Occidentaux  et  le  pape,  L'Europe  et  le  Saint- 
Siège  entendirent  cet  appel  :  la  première  croisade 
eut  lieu  en  1096.  Ces  expéditions  n'arrêtèrent  ni 
la  décadence  ni  le  démembrement  de  l'empire 
d'Orient  ;  elles  faillirent  précipiter  sa  chute.  La 
quatrième  aboutit  à  l'établissement  d'un  empire 
franco-byzantin  sur  les  rives  du  Bosphore  (1204)  : 
un  comte  de  Flandre  devint  empereur,  un  marquis 
de  Montferrat  roi  de  Thessalonique,  un  maréchal 
de  Champagne  duc  d'Athènes  ;  les  Vénitiens  sont 
seigneurs  «  d'un  quart  et  demi  de  l'empire  grec.  » 
Les  Grecs  se  maintiennent  en  Asie,  à  Nicée,  k 
Trébizonde,  dans  quelques  provinces  européen- 
nes, et  en  1261  Baudouin  II,  le  dernier  empe- 
reur latin,  est  chassé  de  Constantinople  par  Michel 
Paléologue.  Sous  Jean  I"  (1359),  les  Turcs  pas- 
sent l'Hellespont,  enlèvent  aux  Grecs  Gallipoli, 
la  clef  de  l'Europe,  et  pénètrent  en  Thrace.  Les 
derniers  princes  de  la  maison  des  Paléologue,  Ma- 
nuel II,  Jean  II  et  Constantin  XII,  sont  impuissants 
contre  l'invasion  musulmane.  Constantinople  suc- 
combe le  27  mai  1453  :  son  dernier  empereur 
meurt  sur  la  brèche.  En  14.^8,  les  deux  frères  de 
Constantin  XII  sont  dépouillés  de  la  Morée,  Co- 
rinthe et  Athènes  sont  prises;  en  1401  l'empire 
de  Trébizonde  succombe  à  son  tour  ;  l'année  sui- 
vante, c'est  l'île  de  Lesbos  qu'une  trahison  livre  à 
Mahomet  II;  Venise  ne  peut  sauver  Nègrepont 
(14 TU)  malgré  son  alliance  avec  Rome,  Naples  et 
la  Perse  ;  les  Génois  ne  sont  pas  plus  heureux  : 
Cafi'a,  la  clef  de  la  mer  Noire,  leur  est  enlevée  en 
1476.  Mahomet  II  mourut  sans  avoir  vu  réussir 
ses  projets  contre  Rhodes,  mais  la  Grèce  était  au 
pouvoir  des  Turcs,  et  elle  supporta  leur  joug  jus- 
qu'à la  fiLi  du  xv!!!*^  siècle. 

II).  La  Grèce  moderne  et  contemporaine.  — 
En  1766,  une  insuneciion  des  Monténéi^rins,  sou- 
tenus par  les  Busses,  fut  comprimée.  Les  Maino- 
tes  de  Morée  (1769-1777)  ne  furent  pas  plus 
heureux,  et  les  Souliotes  d'Albanie,  qui  firent  re- 
connahre  leur  indépendance  en  1792,  malgré  les 
efforts  d'Ali  de  Teiâelen,  pacha  de  Janina,  furent 
exterminés  en  1.S04. 

Les  Serbes,  révoltés  depuis  1806,  sont  réduits  en 
1813,  et  leur  chef  Czerni  Georges  se  retire  en 
Russie. 

Ces  tentatives  isolées  ne  pouvaient  aboutir  :  un 
soulèvement  général  éclata  en  1821.  L'hétérie  ou 
association  formée  à  la  fin  de  1814  à  Odessa  avait 
préparé  lafifranchissement  de  la  Grèce  avec  la 
complicité  des  Russes,  des  Anglais,  maîtres  des 
îles  Ioniennes,  et  les  ardentes  sympathies  de  la 
France;  elle  prend  pour  chef  en  18;'0  Alexandre 
Ypsilanti,  qui  pousse  les  Grecs  dans  les  bras  du 
pacha  de  Janina  révolté  contre  la  Porte.  A  l'appel 
d'Alexandre,  les  Grecs  do  Morée  massacrent  les 
Turcs  et  prennent  pour  chel  Démétrius  Ypsilanti 
(1821). 

La  Porte  veut  réduire  l'insurrection  par  la  ter 
reur  ;  le  patriarche  de  Constantinople  et  quatre 
évoques  sont  mis  à  mort,  les  chrétiens  sont  mas- 
sacrés  en  Thrace,  en   Macédiiine  et  en  Asie  Mi- 


GRECE 


—  910  — 


GRÈCE 


Heure.  Les  insulaires  de  Psara,  de  SpetzïD,  d'Hydra 
s'arment  pour  la  cause  de  l'indépendance  ;  la 
Mer  Sai)!te  se  couvre  de  légers  navires  qui  harcè- 
lent la  flotte  ottomane;  mais  le  mouvement  man- 
que d'unité  et  de  direction.  Le  sénat  convoqué 
par  Mavromicalis  n'a  ni  prestige,  ni  autorité  ; 
Alexandre  Ypsilanti,  battu  dans  les  provinces  da- 
nubiennes, se  réfugie  en  Autriche  ;  Démétrius, 
proclamé  stratège,  est  bientôt  privé  du  comman- 
dement. Malgré  ces  divisions,  les  Grecs  remportent 
quelques  succès  à  Nauplie  de  Malvoisie,  à  Nava- 
rin, à  Cassandra,  à  Tripolitza  qui  devient  le  siège 
de  leur  gouvernement  provisoire.  Le  congrès  d'E- 
pidaure,  ouvi-rt  le  15  décembre  1821  par  Démétrius 
Ypsilanti  et  Mavrocordato,  prépara  la  rédaction  de 
l'acte  d'indépendance,  qui  fut  promulgué  le  27  jan- 
vier xsri. 

Les  Turcs  n'avaient  songé  d'abord  qu'à  réd\xire 
Ali  de  Têbulen,  qui  fut  lâchement  assassiné  dans 
une  conférence  que  lui  avait  proposée  Kourschid- 
pacha  (5  février  1K22);  maîtres  deJanina,  ils  mar- 
chèrent sur  Missolonghi,  où  Mavrocordato  s'était 
réfugié  et  fortifié  après  sa  défaite  à  Arta  ;  ce  pre- 
mier siège  fut  illu^^tré  par  le  dévouement  de  Mar- 
cos  Botzaris,  qui  mourut  comme  Lconidas  aux 
Thermopylcs  (juillet  182H).  Cet  héroïque  sacrifice, 
les  exploits  de  Miautis  et  ceux  de  Canaris,  qui  avait 
fait  sauter  le  vaisseau  amiral  du  capitan  pacha 
en  1822,  la  prise  de  Nauplie  en  janvier  1823. 
excitaient  dans  une  partie  de  l'Europe  un  vif  en- 
thousiasme. Le  plus  grand  poète  de  l'Angleterre, 
lord  Byron,  prodiguait  aux  Grecs  sa  fortune,  ses 
conseils,  malheureusement  peu  écoutés,  et  sa  vie; 
il  mourut  à  Missolonghi  le  19  avril  1825.  L'ambition 
des  chefs  grecs,  la  rivalité  de  Colocotroni,  Condou- 
riotis  et  Mavrocordato,  paralysaient  tous  les  efforts. 
L'intervention  du  vice-roi  d'Egypte  fut  encore  plus 
funeste  à  la  cause  hellénique.  En  i825  Ibrahim, 
fils  de  Méhémet-Ali,  prend  Candie,  touche  à  Modon 
et  à  Navarin,  pendant  que  Reschid-pacha  parcourt 
l'Acarnanie  et  l'Etolie,  pénètre  au  cœur  de  la  Mo- 
rée  et  s'empare  de  Tripolitza  ;  Missolonghi  suc- 
combe à  son  tour  le  22  avril  18?t;.  La  cause  de 
l'indépendance  semblait  fort  compromise  :  elle  fut 
sauvée  par  l'intervention  des  puissances  occiden- 
tales (convention  de  Londres,  6  juillet  1827). 

Le  20  octobre  1827  les  flottes  combinées  de  la 
Russie,  de  l'Angleterre  et  de  la  France  détruisirent 
à  Navarin  la  flotte  turco-égyptienne.  L'année  sui- 
vante, une  expédition  française,  sous  les  ordres  du 
général  Maison,  débarrassa  la  Morée  des  troupes 
indisciplinées  du  pacha  d'Egypte  Ibrahim.  Après 
qu'une  armée  russe,  franchissant  les  Balkans,  eut 
pénétré  jusqu'à  Andrinople,  l'indépendance  de  la 
<ïrèce  fut  enfin  reconnue  par  la  Porte  (18J9). 

La  Grèce  émancipée  s'était  constituée  en  répu- 
blique, le  24  janvier  1828,  sous  la  présidence  de 
Cape  d'Istria.  Celui-ci  ayant  été  assassiné  (1811), 
les  puissances  transformèrent  la  Grèce  en  royaume, 
«t  placèrent  sur  le  trône  Othon,  second  fils  du  roi 
de  Bavière  (1832).  Après  trente  années  de  règne, 
ce  prince  fut  renversé  par  une  révolution  (1862),  et 
la  couronne  fut  donnée  à  un  fils  du  roi  de  Dane- 
mark, qui  règne  actuellement  à  Athènes  sous  le 
nom  de  Georges  P'.  |  Edgar  Zevort.] 

GRÈCE  (Lettres  et  arts).  —  Littératures  étran- 
gères, IV- VI  ;  Histoire  générale,  VI- X.  —  Poésie.  — 
Le  jioème  épique.  —  La  poésie  étant  la  première 
forme  sous  laquelle  se  produisent  les  œuvres  litté- 
raires, l'étude  des  œuvres  poétiques  de  la  Grèce 
doit  précéder  celle  des  monuments  de  la  prose. 

Les  Grecs  plaçaient,  avant  Homère,  des  poètes 
d'origine  divine,  Orphée,  Musée,  Linus;  ces  pre- 
miers éducateurs  des  peuples,  chantres  harmonieux 
qui  adoucissent  les  tigres  et  les  lions,  appartiennent 
à  la  Icgp.nde  ;  mais  l'auteur  de  V  Iliade  et  de  V  Odyssée 
appartient  déjà  à  l'histoire.  Dans  l'Iliade  il  chante 
«  la  colère  d'Achille,  fiis  de  Pelée,  colère  funeste 


qui  causa  bien  des  maus  aux  Acliéans.  »  Mettant 
en  scène  tous  les  héros  chers  à  la  Grèce,  montrant 
tous  les  peuples,  toutes  les  cités,  aux  prises  avec 
les  Troyens,  Homère  composa  un  poème  vraiment 
patriotique  et  national,  une  œuvre  qui  allait  droit 
au  cœur  de  la  foule  à  qui  elle  s'adressait  :  c'est 
là  le  grand  intérêt  de  l'Iliade.  C'est  en  outre  un 
tableau  à  la  fois  exact  et  brillant  des  temps  hé- 
roïques, c'est  la  peinture  d'une  société  remar- 
quable par  la  rudesse  de  ses  mœurs,  la  violence 
et  la  sincérité  de  ses  passions. 

De  la  Grèce  héroïque,  et  naissante,  et  sauvage, 

Dans  Homère  à  nos  yeux  Tit  la  parfaite  image. 

(André  Cbemeb,  l'Invention.) 

L'Odyssée  appartient  au  cycle  (cercle,  série  de 
poèmes  relatifs  à  un  même  événement)  des  Re- 
tours; on  comprenait  sous  ce  titre  le  récit  des 
aventures  des  héros  du  siège  de  Troie,  après  la 
prise  de  la  ville.  L'Odyssée  est  l'histoire  d'Ulysse 
depuis  la  chute  de  Troie  jusqu'à  son  retour  et  son 
triomphe  définitif  à  Ithaque  sa  patrie.  Les  Grecs 
croyaient  qu'Homère  était  parvenu  à  la  vieillesse 
quand  il  composa  cette  seconde  épopée,  d'une  ins- 
piration plus  douce,  qui  renferme  plus  de  pein- 
tures de  la  vie  intérieure,  dont  le  récit  est  plus 
mesuré  et  plus  calme. 

L'Odyssée  offre  un  autre  intérêt;  son  héros, 
Ulysse,  est  le  véritable  type  du  Grec,  par  l'intel- 
ligence, les  ressources  de  l'esprit,  l'éloquence  insi- 
nuante qui  rend  presque  jalouse  Minerve  elle- 
même,  surtout  par  la  patience  et  le  sang-froid. 

Toujours  imité,  jamais  surpassé,  Homère  a  servi 
de  modèle  aux  chantres  inspirés  de  tous  les  âges 
et  de  tous  les  pays  :  on  a  eu  beau  contester  l'exis- 
tence du  vieil  aède,  il  vit  toujours  : 

Trois  mille  ans  ont  passé  sur  la  cendre  d'Homèrâ 
Et  depuis  trois  mille  ans  Homère  respecté 
Est  jejjne  encor  de  gloire  et  d'immortalité. 

(André  CHÉmra.) 

La  poésie  didactique.  —  Hésiode,  d'Ascra  en  Béo- 
tie,  qui  fut  peut-être  contemporain  d'Homère,  essaya, 
dans  sa  Théogonie,  de  systématiser  les  croyances 
religieuses  de  son  temps.  Dans  les  Travaux  et  les 
Jours,  il  célébra  le  travail,  l'agriculture,  le  com- 
merce, l'accomplissement  du  devoir. 

La  poésie  li/rique.  —  La  poésie  lyrique,  qui  a  de 
si  intimes  rapports  avec  l'élévation  morale  et  reli- 
gieuse des  peuples  (Villemain,  Essai  sur  le  génie 
de  Pindare),  ne  pouvait  être  étrangère  aux  Grecs. 
L'accord  de  la  poésie,  de  la  musique  et  de  la  danse 
n'exista  que  chez  eux  et  chez  quelques  peuples 
orientaux.  C'est  de  700  à  460  avant  notre  ère  que 
la  poésie  lyrique  fleurit  en  Grèce,  pendant  la  lutte 
entre  la  tyrannie  et  la  démocratie,  qui  aboutit  au 
triomphe  de  la  liberté.  Les  rois  disparus,  l'épopée 
est  muette  ;  les  peuples  occupent  la  scène,  et  les 
poètes  lyriques  sont  leurs  interprètes  :  ces  poètes 
sont  des  combattants  comme  Alcée,  des  sages 
comme  Selon,  Théognis  et  Pythagore,  des  âmes 
vindicatives  comme  Archiloque,  l'inventeur  de 
l'iambe,  des  âmes  douces  et  sensuelles  comme 
Anacréon,  passionnées  comme  Sappho,  mélancoli- 
ques comme  Mimnerme,  ou  éprises  de  la  gloire 
comme  Pindare  de  Thèbes,  le  dernier  et  le  plus  grand 
de  tous.  Le  concours  empressé  de  la  Grèce  entière, 
des  îles,  des  colonies,  à  Olympie,  à  Corinthe,  à  Del- 
phes, àNémée,  partout  où  l'on  dispute  unecouronne, 
telle  est  la  matière  offerte  à  Pindare  et  ses  émules. 
L'œuvre  de  ceux-ci  n'est  pas  venue  jusqu'à  nous,  mais 
les  I  hauts  de  victoire  (  Epinicin)  de  Pindare  nous  font 
partager  l'émotion  des  foules  qui  se  pressaient  aux 
jeux  isthmiques  ou  néméens  ;  ils  nous  font  entendre 
ces  acclamations  con'uses,  ces  applaudissements 
qui  emplissaient  le  stade,  ils  nous  montrent  ces 
couronnes,  ces  statues,  tous  ces  honneurs  publics 
prodigués  aux  vainqueurs,  aux  vainqueurs  a  qui  n'ai- 


GRÈCE 


—  91 1  — 


GRÈCE 


maientrien  tant  que  la  gloire,  »  et  qui  préféraient 
à  tout  une  ode  de  Pindare.  Cette  ode  ne  célébrait 
pas  seulement  le  héros  obscur  de  la  course  uu  du 
pugilat,  mais  surtout  la  cité  qui  lui  avait  donné 
naissance,  les  dieux  ou  les  demi-dieux  qui  l'avaient 
l'ondée,  les  traditions,  les  légendes  qui  entouraient 
son  origine.  Là  était  l'intérêt  de  ces  chants  que 
toute  la  Grèce  répétait,  et  r.ui  firent  décerner  au 
poète  thébain  le  titre  glorieux  d'hôte  public  d'A- 
thènes. 

Callinus  et  Tyrtée,  qui  brillèrent  au  septième 
siècle  avant  Jésus-Christ,  se  servirent  du  vers  de 
cinq  p'eds  nommé  élégos,  qui  donna  son  nom  à 
l'élégie.  Simonide  (cinquième  siècle)  fut  le  rival  de 
Pindare. 

Poésie  dramatique.  —  C'est  à  Athènes  que  na- 
quit la  tragédie,  au  commencement  de  ce  cinquième 
siècle  qui  fut  une  des  plus  glorieuses  époques  de 
l'histoire  de  l'esprit  humain.  Le  triomphe  de  la 
démocratie,  l'exaltation  de  la  victoire  sur  les  Perses 
ont  surexcité  toutes  les  énergies,  échauffé  toutes 
les  imaginations  :  c'est  à  ce  moment  si  favorable, 
dans  un  milieu  si  propice,  que  la  tragédie  sort  d'un 
chœur  en  l'honneur  de  Dionysos.  En  Thrace,  la 
fête  du  dieu  de  la  vigne  était  célébrée  par  des 
femmes  :  animées  d'une  sorte  de  délire,  elles  s'éga- 
raient dans  les  montagnes,  portant  des  torches 
dans  leurs  mains,  le  cou  enlacé  de  serpents,  frap- 
pant des  cymbales,   poussant   des  cris   sauvages. 

Les  Ménades  couraient  en  longs  cheveux  épars 
Et  chantaient  E-voé,  Bacchus  et  Thyonée 

Et  la  voix  des  rochers  répétait  leurs  chansons. 

(André  CHLMEn,  Egl.  lî.) 

Introduit  dans  l'Attique,  ce  culte  prit  un  caractère 
moins  violent  :  Dionysos  fut  souvent  confondu  avec 
Apollon;  c'est  à  l'une  de  ses  fêtes,  les  Dionysies, 
que  se  chantait  le  chant  du  bouc  (le  bouc,  por- 
rantun  panier  de  figues,  étaitconsacré  à  Dionysos), 
d'où  sortit  la  tragédie.  Thespis  détacha  du  chœur 
un  personnage,  Eschyle  en  ajouta  un  second; 
chaque  personnage  put  se  dédoubler,  grâce  au 
masque  :  la  tragédie  existait.  Chaque  jour  elle  se 
dégagea  davantage  de  la  légende  de  Dionysos  ; 
mais  elle  continua  d'emprunter  ses  sujets  aux 
annales  de  la  race  hellénique. 

Les  mythes  de  Prométhée  et  d'Hercule,  le  fabu- 
leux voyage  des  Argonautes,  les  sièges  de  Thèbes 
et  de  Troie,  les  légendes  qui  s'y  rattachent,  four- 
nissent à  Eschyle,  à  Sophocle,  à  Euripide  des  mo- 
tifs inépuisables  :  ils  n'y  ajoutent  que  l'élément 
dramatique,  la  magie  du  style,  la  peinture  éternel- 
lement rajeunie  du  cœur  humain,  et  leur  conception 
du  destin,  de  la  fatalité,  qui  fait  de  Phèdre,  de  Médée, 
d'Oreste  et  d'Œdipe,  des  personnages  d'un  inté- 
rêt si  poignant.  La  poésie  dramatique,  nous  l'avons 
dit,  est  née  à  Athènes.  Les  trois  grands  tragiques 
de  la  Grèce  sont  des  Athéniens;  Eschyle  (520-455) 
est  né  à  Eleusis,  Sophocle  (495-405)  à  Colone,  Eu- 
ripide (480-406)  à  Salamine.  Après  eux  la  décadence 
de  l'art  dramatique  est  si  profonde  que  le  poète 
comique  Aristophane,  dans  sa  comédie  des  Gre- 
nouille-, traite  leurs  successeurs  de  «  rejetons  sans 
énergie,  babillards  comme  des  hirondelles,  corrup- 
teurs du  goût  et  qui  tombent  brisés  de  fatigue  après 
avoir  composé  un  chœur.  » 

Poésie  satirique.  —  En  ce  genre,  la  Grèce  fut  très 
inférieure  à  Rome;  elle  n'a  pas  produit  de  poètes 
satiriques  proprement  dhs.  Archiloque,  moins  cé- 
lèbre par  son  Hymne  à  Hercule  nue  par  ses  mor- 
dantes invectives,  assouvit  une  haine  personnelle 
contre  Lycambe,  mais  ne  créa  pas  un  genre  nou- 
veau. La  satire  se  réfugia  au  théâtre  :  Aristophane 
en  est  l'unique  représentant. 

Ménandre,  fort  inférieur  à  Aristophane,  fut  le 
créateur  de  l^  Comédie  nouvelle,  qui  sortit  du  décret 
des  Trente  tyrans  supprimant  la  parabase,  c'esi-à- 


dire  le  discours  direct  du  poète  aux  spectateurs,  en 
interdisant  de  mettre  en  scène  un  personnage  vi- 
vant (404).  Si  .Ménandre  n'a  ni  la  force  comique, 
ni  l'éclatante  poésie  de  l'auteur  des  Guêpe--,  des 
iVu(ie?  et  des  Oiseaux,  il  a  plus  d'art,  de  goût  et  de 
mesure. 

Poésie  pastorale.  —  Ce  genre,  qui  ne  convient 
guère  qu'à  un  peuple  jeune  et  naif,  a  eu,  dit-on,  pour 
premier  représentant  Diornos,  qui  vécut  en  Sicile. 
Son  nom  seul  a  survécu  avec  celui  de  Daplmis,  le 
héros  de  ses  poèmes,  dont  le  souvenir  se  retrouve 
dans  Théocrite,  dans  Virgile,  dans  André  Chénier. 
Thcocrite,  qui  vécut  300  ans  avant  Jésus-Chri*t.  est 
déjà  maniéré  et  factice.  Il  brilla  dans  cette  cour 
des  Ptolémées  qui  vit  naître  la  critique  littéraire 
avec  Aristarque  ;  ses  «  petits  tableaux,  "  ses 
idylles  sont  le  chef-d'œuvre  de  l'art  alexandrin. 

Il  chante 

.    .    .    .    les  moissons  joyeuses,  les  troupeaux 
Bêlants  ou  mugissants,  les  rustiques  pipeaux. 

(André  CHKXiaa,  Egl.  I.) 

L'apologue.  —  C'est  en  Orient  que  prit  sans 
doute  naissance  l'apologue.  Le  Phrygien  Esope 
(5<i0  av.  J.-C.)  n'en  fut  probablement  pas  le  créa- 
teur ;  il  en  fut  certainement  la  victime.  Les  habi- 
tants de  Delphes,  auxquels  il  avait  fait  entendre  des 
critiques  blessantes,  le  condamnèrent  à  mort 
comme  impie  et  sacrilège.  On  prétend  que  Socrate, 
accusé  d'impiété  comme  Esope,  employa  les  der- 
niers temps  de  sa  vie  à  mettre  en  vers  les  apolo- 
gues du  Phrygien.  Le  genre  ne  fut  jamais  popu- 
laire on  Grèce.  La  liberté  de  tout  dire  y  était  assez 
grande  pour  qu'il  ne  fût  pas  nécessaire  de  dissi- 
muler la  vérité  sous  le  voile  de  l'allégorie. 

Prose.  —  Histoire.  —  Notre  étude  de  la  poésie 
devait  précéder  celle  de  la  prose,  comme  le  poète 
,  celui  qui  crée)  a  précédé  l'historien  (celui  qui  sait). 
Pour  les  Grecs,  le  Père  ou  l'Homère  de  l'histoire, 
c'est  Hérodote.  Il  raconte  le  grand  duel  de  la  Grèce 
et  de  l'Asie,  Marathon,  Salamine  et  Platée,  mêlant 
la  fable  au  récit  d'événements  que  tous  connais- 
saient. Les  Grecs  donnèrent  le  nom  d'une  muse  à 
chacun  des  livres  de  son  histoire  :  pour  eux,  Héro- 
dote était  encore  un  poète. 

Thucydide,  plus  grave,  plus  digne  du  titre  d'his- 
torien au  sens  moderne  de  ce  mot,  ne  recherche 
que  la  vériié  nue,  dédaigne  les  agréments  du  récit, 
les  fictions,  l'intervention  divine.  Contemporain  de 
la  guerre  du  Péloponèse,  il  en  a  saisi  et  il  en  expose 
les  caractères  essentiels;  il  juge  les  hommes  avec 
équité,  il  conserve  aux  événements  leur  véritable 
physionomie  :  c'est  l'historien  politique  après  l'his- 
torien poète. 

Xénophon,  continuateur  de  Thucydide,  fit  de 
l'histoire  une  simple  narration  destinée  à  soutenir 
un  système  de  philosophie  politique. 

C'est  encore  à  l'école  de  Thucydide  qu'appartient 
Polybe,  le  fils  de  Lycortas,  qui  fut  stratège  de  la  ligue 
achéenne  après  Philopœmen.  Exilé  sur  les  bords  du 
Tibre  pendant  quinze  années,  il  put  étudier  à  loisir 
la  politique  du  Sénat,  discerner  les  causes  de  la 
grandeur  de  Rome,  de  la  faiblesse  de  ses  rivaux  ; 
si  les  Romains  ont  triomphé,  c'est  qu'ils  possédaient 
le  génie  politique  et  la  suite  dans  les  projets,  c'est 
que  chacun  suburdonnait  son  intérêt  à  l'intérêt  géné- 
ral. Polybe  est  un  historien  philosophique;  assistant 
aux  plus  grands  événements,  la  chute  de  la  Grèce, 
de  Carthage,  de  Numance,  il  en  expose  les  raisons 
avec  une  remarquable  sagacité  :  son  livre,  tout 
mutilé  qu'il  est,  reste  un  monument  de  la  puis- 
sance d'induction  appliquée  aux  faits  de  l'histoire. 

Bien  après  Polybe,  Lm  ien  donna  une  théorie  de 
la  manière  d'écrire  l'histoire  :  la  critique  et  la 
science  y  tiennent  peu  de  place,  mais  la  forme  y  a 
une  importance  considérable. 

En  dehors  de  l'histoire  poétique,  de  l'histoire 
politique  et   de   l'histoire    philosophique,  il  faut 


GRÈGE 


—  912  — 


GREGE 


signaler  l'histoire  biographique,  dont  Plutarque 
nous  offre  un  modèle  intéressant.  Dans  ses  Vies 
parallèle  .,  il  fait  œuvre  de  curieux,  recherchant 
les  détails  les  plus  minimes  sur  1  homme  privé  ;  il 
fait  œuvre  de  patriote,  opposant  volontiers  un  Grec 
à  un  Romain  ;  il  fait  surtout  œuvre  de  moraliste, 
allant  «  chercher  au  fond  les  signes  de  1  amo,  » 
comme  dit  Amyot.  C'est  par  ce  côté  qu'il  a  été  si 
goûté,  surtout  en  France,  où  on  a  pu  dire  qu'il  était 
w  le  pain  des  forts.  »  Plutarque  est  le  dernier  des 
écrivains  grecs  qui  ait  une  réelle  valeur.  Ses  no- 
bles enseignements  ne  furent  pas  perdus  :  un  de 
ses  neveux,  le  philosophe  Sextus,  fut  le  maître  de 
Marc-Aurèle. 

Eloquence.  —  Ici  encore  il  faut  citer  Homère  : 
on  retrouve  dans  l'Iliade  des  modèles  achevés  de 
tous  les  genres  d'éloquence  ;  mais  l'éloquence  ne 
joua  un  rôle  actif  dans  les  destinées  du  peuple 
grec,  ne  devint  un  moyen  de  gouvernement,  qu'a- 
près les  guerres  médiques.  »  Tout  dépendait  du 
peuple,  a  dit  Fénelon,  et  le  peuple  dépendait  de  la 
parole.  » 

Périclès  ne  fut  un  si  remarquable  huwuie  d'Etat 
que  parce  qu'il  était  un  grand  orateur  : 

Ici  de  Périclès 
La  voix,  l'ardente  voix,  de  tous  les  cœurs  maîtresse. 
Frappe,  foudroie,  agite,  épouvante  la  Grèce. 

(André  Cb^nieb,  V Invention.) 

Cette  éloquence  lui  permit  de  conserver  vingt 
ans  un  pouvoir  presque  absolu  dans  la  plus  soup- 
çonneuse des  démorraties.Nousnepouvons  malheu- 
reusement juger  de  cette  puissance  oratoire  qu'à 
travers  Thucydide,  qui  a  revêtu  de  son  style  le 
discours  de  Périclès  prononçant  l'éloge  des  ci- 
toyens morts  pour  la  patrie. 

Le  représentant  le  plus  complet  de  l'éloquence 
en  Grèce ,  c'est  Démosthène.  Homme  d'Etat , 
ambassadeur,  guerrier,  patriote,  il  eut  toutes 
les  connaissances,  tous  les  dons  que  Cicéron 
exigeait  de  l'orateur.  Il  eut  à  lutter  à  la  fois 
contre  des  traîtres  comme  Eschine  et  Déniade, 
contre  des  citoyens  honorables  mais  aveuglés 
comme  Phocion,  contre  des  ennemis  politiques 
acliarnés  dans  des  procès  où  il  y  allait  de  la  vie  ; 
et  il  n'évita  ni  une  accusation  de  vénalité,  ni  la 
condamnation,  ni  l'exil.  Les  Athéniens  ne  lui  rendi- 
rent justice  qu'après  sa  mort  :  ils  gravèrent  ces  mots 
sur  sa  tombe  :  «  Démosthène,  si  tu  avais  eu  une 
«  force  égale  à  ton  éloquence,  jamais  le  Mars  de 
«  Macédoine  n'aurait  soumis  la  Grèce.  » 

A  côté  de  Déuiostliène  il  faut  placer,  dans  cette 
brillante  floraison  de  l'éloquence,  Isocrale,  rhé- 
teur élégant,  harmonieux,  mais  un  peu  froid  ;  Isée, 
à  la  diction  véhémente  et  serrée;  Lysias,  Hypé- 
ride,  Eschine  lui-même,  qui  fut  quelquefois  di- 
gne do  son  glorieux  rival.  Démosthène  ne  fut  pas 
seulement  le  plus  illustre,  il  fut  le  dernier  repré- 
sentant de  l'éloquence  athénienne  :  la  ruine  de 
l'indépendance  nationale  renversa  la  tribune  ; 
l'agora,  qui  avait  entendu  l'admirable  invocation 
aux  mânes  des  guerriers  morts  à  Marathon,  re- 
devint muette  :  la  parole  était  aux  rhéteurs. 

L'éloquence  ne  renaquit  en  Grèce  que  sous  une 
forme  nouvelle  :  l'apologétique.  Dans  son  Tableau 
de  l'éloquence  ch?'étienne  au  quatrième  siècle, 
Villemain  a  signalé  le^  trésors  enfouis  dans  les 
in-folio  des  Pères  de  l'Église.  Saint  Jean  Chryso- 
stome  fut  1 3  Démosthène  de  ces  orateurs  chrétiens. 

Romau.  —  Si  les  Grecs,  si  artistes  pourtant, 
n'ont  rien  produit  en  ce  genre  qui  vaille  la  peine 
d'être  mentionné,  c'est  que  leur  religion,  leur  his- 
toire légendaire  étaient  un  tissu  d'aventures  mer- 
veilleuses. L'expédition  des  Argonautes,  le  siège 
de  "Troie,  les  Retours,  l'Odyssée  elle-même,  ne 
sont-ils  pas  de  véritables  romans,  plus  dramatiques, 
plus  touchants  que  les  amours  de  Daphnis  et 
do  Chloé,  d'Authia  et  d'Abrocômc? 


Philosophie.  —  La  philosophie,  le  dernier  venu 
des  genres  littéraires  de  la  Grèce,  parla  en  vers, 
jusqu'au  jour  où  l'enseignement  socratique  lui 
donna  sa  langue  naturelle,  la  prose,  «  ce  mâle  outil 
et  bon  aux  fortes  mains,  »  qui  fut  manié  avec  tant 
de  charme  par  Platon,  avec  tant  de  force  par 
Aristote. 

L'art  grec  vit  tout  entier  dans  Platon,  dans  ses 
dialogues  qui  se  déroulent  avec  tout  l'intérêt  d'un 
petit  drame.  Aristote,  plus  didactique,  est  bien 
moins  littéraire  ;  mais  ceux  de  ses  écrits  qui  sont 
venus  jusqu'à  nous  n'étaient  peut-être  que  les  notes 
du  professeur  ou  de  ses  élèves. 

Dans  cette  rapide  revue  des  poètes  et  des  pro- 
sateurs grecs,  nous  avons  laissé  de  côté  bien  des 
noms  d'écrivains  connus,  quelques-uns  même  d'é- 
crivains illustres  :  c'est  que  leurs  œuvres  sont  per- 
dues, c'est  qu'elles  ont  eu  moins  d'influence  sur  le 
monde  hellénique,  c'est  en  dernier  lieu  qu'elles 
sont  un  miroir  moins  fidèle  de  cette  société,  si  vive, 
si  brillante,  si  complexe,  qui  s'est  si  souvent  trans- 
formée, et  qui  pourtant  nous  offre  encore  les 
types  divers  que  la  littérature  et  l'art  ont  immor- 
talisés. 

La  littérature  grecque  moderne.  —  Après  l'ère 
chrétienne,  la  littérature  grecque  se  confond  avec  la 
littérature  byzantine;  au  xvi*  siècle  on  ne  peut 
guère  citer  que  des  grammairiens,  Chrysoloras, 
Lascaris,  etc.  ;  au  xvii*,  Vincent  Cornaro,  l'auteur 
d'un  médiocre  roman  de  chevalerie  ;  au  xviii'  les 
copistes  des  littératures  étrangères. 

Une  véritable  renaissance  littéraire  se  déclara 
au  xix^  siècle  :  Coray,  un  philologue,  Philippidis, 
un  historien,  et  des  poètes  comme  Rigas,  Salomos, 
Christopoulos,  les  deux  Soutzos,  Rangavis  furent  à 
la  tête  du  mouvement.  Ces  efforts  sont  honorables, 
mais  les  Grecs  modernes  sont  loin  encore  de  l'ori- 
ginalité, de  la  perfection  de  leurs  ancêtres  ;  ceux-ci 
ont  été  les  éducateurs  et  les  modèles  des  Romains 
d'abord,  plus  tard  des  peuples  modernes:  aucun 
genre  nouveau  n'a  été  créé  depuis  eux,  et  en  plu- 
sieurs, comme  l'ode  pindarique,  la  tragédie,  l'épo- 
pée, ils  sont  restés  inimitables. 

L'art  grec.  —  La  mythologie.  —  La  mythologie 
est  intimement  mêlée  à  la  littérature  et  à  l'art  grec, 
et  la  première  condition  pour  comprendre  les 
j  œuvres  du  génie  grec,  c'est  de  se  pénétrer  des 
croyances  religieuses  de  cette  époque;  il  faut  se 
rendre  compte  des  conceptions  symboliques  des 
Grecs,  car  c'est  avec  leur  valeur  représentative  que 
les  dieux  et  les  déesses  paraissent  dans  la  poésie 
et  dans  l'art.  L'union  entre  la  tradition  religieuse 
et  les  œuvres  littéraires  ou  artistiques  est  si  étroite, 
que  la  décadence  date  du  jour  où  les  symboles 
sont  oubliés  ou  méprisés  par  les  poètes  et  les 
sculpteurs.  Quand  on  eut  tiré  du  symbole  tout  ce 
qu'il  contenait,  il  n'y  eut  plus  qu'à  copier  ou  à 
dénaturer  les  types  :  cette  révolution  date  de  la  fin 
du  V*  et  du  commencement  du  iv*  siècle  avant  l'ère 
chrétienne. 

La  mythologie  comprend  non  seulement  l'his- 
toire fabuleuse  des  dieux  et  des  héros,  mais  encore 
la  science  des  traditions  religieuses  et  poétiques. 
Un  mot  résume  toute  la  religion  hellénique:  Van- 
thropomorp/iisme,  c'est'h-dive  lu  croyance  religieuse 
à  l'existence  de  dieux  ayant  la  forme  et  les  pas- 
sions humaines.  L'Iiomme  se  crée  des  dieux  à  son 
image  sous  l'influence  de  l'imagination  et  de  la 
sensibilité  ;  les  notions,  d'abord  confuses,  se  pri  ci- 
sent,  les  traits  se  fixent,  grâce  au  génie  des  poètes, 
au  ciseau  des  artistes,  et  Jupiter,  Minerve,  Mercure 
deviennent  des  êtres  réels,  vivant  et  agissant, 
comme  Priam,  Pénélope  ou  Achille.  Au  début  la 
religion  des  Grecs  est  un  pur  naturalisme:  le 
culte  des  forêts,  l'adoration  des  montagnes,  des 
vents,  des  fleuves  se  retrouvent  encore  dans 
Homère,  mêlés  aux  légendes  des  héro»  et  des 
ilipux.  Zeus  était  alnj's  le  Dieu  suprême,  le  pèi'ô 


GREGE 


—  913  — 


GRÈCE 


•des  choses  vivantes  {Zeus  Pater,  chez  les  Romains 
Jupiter).  On  plaçait  son  trône  sur  la  cime  nei- 
geuse des  montagnes  :  sur  le  mont  Dicté  en  Crète, 
sur  le  Lycée  en  Arcadie,  à  Dodone  en  Epire  où  le 
chêne  et  le  hêtre  lui  étaient  consacrés.^  A  son  culte 
était  associé  celui  de  la  Terre  mère,  Déméter,  nom 
que  Ton  donnait  à  Cérès.  Un  feu  perpétuel  brûle 
sur  l'autel  de  la  déesse  à  Mantinée,  comme  sur 
celui  de  Vesta  à  Rome  :  c'est  elle  qui  fait  naître 
les  moissons  ;  sa  fille  Perséphone  (Proserpine), 
personnification  de  la  puissance  végétative,  fut 
donnée  pour  épouse  au  dieu  du  monde  souterrain. 
Héra,  la  Junon  des  Romains,  épouse  de  Zeus,  n'é- 
tait à  l'origine  que  la  vierge  céleste  qui  régnait  à 
Argos. 

Kronos  (Saturne),  symbolisant  le  sol,  et  Hadès 
(Pluton),  dieu  des  espaces  souterrains  et  des  morts, 
■étaient  en  opposition  avec  Zeus,  le  dieu  du  ciel. 
Hophaestos  iVulcain)  personnifiait  le  feu  des  vol- 
cans ;  c'était  le  grand  artisan  de  l'univers  ;  on  l'a- 
dorait à  Lemnos,  où  l'on  forgeait  des  armes. 

Pan  et  Hermès  personnifiaient  le  principe  de  la 
génération. 

A  ces  dieux  primitifs  s'ajoutèrent  successivement 
une  foule  de  divinités  apportées  par  les  différents 
peuples  qui  s'établirent  en  Grèce.  Astarté  ou 
Aphrodite  (Vénus),  «  fille  de  l'onde  amère,  »  dont 
l'image  ornait  la  proue  des  navires,  est  d'importation 
phénicienne,  comme  Melkari  qui  se  transforma  en 
Hercule.  Poséidon  (Neptune)  le  dieu  de  la  mer,  dont 
la  légende  fit  l'époux  de  Déméter,  et  Athéné  Mi- 
nerve), qui  avait  l'oUvierpour  emblème,  venaient  de 
l'Asie  ;  Aihéné  n'était  que  la  vierge  inféconde,  avant 
de  devenir,  sous  la  forme  de  Pallas,  le  symbole  de 
la  sagesse.  De  l'étranger  vinrent  encore  Dionysos 
(Bacchus),  le  dieu  de  la  vigne,  Artémis  (Diane)  au 
culte  homicide,  et  Ares  (Mars),  le  dieu  du  carnage. 
La  dernière  et  la  plus  remarquable  de  ces  impor- 
tations religieuses  fut  celle  d'Apollon,  le  fils  de 
Latone,  honoré  d'abord  sur  l'Olympe  et  à  Délos, 
avant  de  l'être  dans  la  vallée  de  Tempe  et  à  Del- 
phes. C'est  Apollon  qui  personnifia  l'inspiration  des 
vers,  de  la  musique  et  des  arts,  avec  la  révéla- 
tion de  la  pensée  divine,  c'est-à-dire  tout  le  génie 
grec. 

Le  polythéisme  grec  n'était  pas  renfermé  dans 
un  dogmatisme  étroit  ;  il  échappa  au  naturalisme 
primitif  pour  se  spiritualiser  ;  chacun  put  substituer 
à  la  personnification  des  forces  de  la  matière  celle 
des  qualités  morales  que  l'on  s'empressait  d'accor- 
der aux  dieux  à  mesure  que  les  progrès  de  la  civi- 
lisation les  faisaient  naître  chez  les  hommes.  Ce- 
pendant la  trace  du  naturalisme  resta  toujours 
sensible  :  Jupiter  était  en  même  temps  le  maître 
de  l'Olympe  et  l'air  qui  enveloppe  la  création, 
Apollon  le  soleil  même,  Neptune  l'océan;  la  Naïade 
n'était  pas  seulement  la  déesse  des  grottes  humi- 
des, c'était  la  source  elle-même.  Cette  confusion 
n'enlevait  rien  à  la  flexibilité  de  l'anthropomor- 
phisme :  les  ressources  qu'il  offrait  à  l'art  et  à  la 
poésie  étaient  innombrables.  Nous  avons  cité  les 
principaux  dieux;  une  liste  complète  serait  inter- 
minable :  après  les  grands  dieux  venaient  les  dieux 
secondaires  des  forêts  et  des  eaux;  les  Océanides, 
les  Néréides,  les  Tritons,  les  Muses,  les  Parques, 
les  Furies,  ces  ministres  inexorables  des  vengean- 
ces célestes,  sans  parler  du  Destin,  divinité  aveugle, 
supérieure  à  tou^  les  autres  dieux  et  qui  finira  par 
conduire  la  philosophie  à  la  conception  d'un  dieu 
unique.  La  philosophie,  fille  rebelle  du  polythéisme, 
tua  ce  culte  sans  influence  morale,  sans  action  sur 
les  âmes,  qui  ne  parlait  qu'aux  yeux,  qui  ne  s'adres- 
sait qu'au  poète  et  à  l'artiste,  mais  qui  eut  au 
moins  la  vertu  de  les  faire  grands  entre  tous. 

L'architecture  grecque.  —  L'architecture  grecque 
sut  toujours  se  subordonner  la  peinture  et  la 
sculpture,  comme  l'art  grec  tout  entier,  qui  ne 
•sacrifia  jamais  l'ensemble  aux  détails.  Les  plus  an- 

2*  PARTIE. 


ciens  monuments  qu'elle  nous  ait  laissés  sont  les 
murs  cyclopéens,  blocs  de  pierre  entassés  sans 
ordre  apparent  (murs  de  Tirynthe,  de  Gorinthe), 
auxquels  succédèrent  les  constructions  polygonales, 
comme  celles  de  Mycènes,  en  pierres  taillées,  et  les 
constructions  en  pierres  carrées,  comme  le  tré- 
sor des  Atrides  (tombeau  d'Agamemnon  à  My- 
cènes). 

On  ignore  la  date  de  l'apparition  des  ordres  en 
Grèce  ;  l'ordre  dorique  est  le  plus  ancien.  Les  tem- 
ples doriques  primitifs  sont  lourds  et  massifs 
(temple  de  Némésis  à  Rhamnonte)  ;  mais  bientôt, 
sans  rien  perdre  de  sa  force  et  de  sa  majesté,  l'édi- 
fice prend  des  proportions  plus  harmonieuses  et 
plus  belles  :  le  Parihénon  et  le  temple  de  Thésée 
à  Athènes,  le  temple  de  la  Concorde  à  Agrigente 
en  Sicile,  sont  les  plus  parfaits  modèles  de  l'ordre 
dorique. 

L'ordre  ionique,  qui  fit  son  apparition  au  vi*  siècle 
avant  J.-C.,  a  plus  d'élégance  et  de  légèreté  que 
l'ordre  dorique  (temple  de  Diane  h  Ephèse). 

Après  l'invasion  des  Perses,  il  fallut  de  toutes 
parts  relever  les  monuments  publics  et  privés  ; 
comme  l'Europe  après  l'an  UOO,  la  Grèce,  après 
les  guerres  médiques,  se  revêtit  d'une  blanche 
robe  de  temples,  aux  formes  harmonieuses,  qui  se 
détachaient  au  soleil  sur  l'azur  du  ciel.  Dans  ces 
demeures,  vraiment  dignes  des  dieux,  comme  dans 
les  théâtres,  les  odéons,  les  propylées,  les  porti- 
ques, le  marbre  remplace  la  pierre  et  l'on  accumule 
toutes  les  ressources  de  l'art  arrivé  à  son  plus  haut 
développement.  C'est  le  siècle  de  Périclès,  que  l'on 
devrait  appeler  aussi  le  siècle  de  Phidias.  Le  tem- 
ple de  Thésée,  à  Athènes,  datait  de  Cimon  ;  sous 
la  direction  de  Phidias,  Ictinus  élève  le  Parthé- 
non,  etMnésiclès,  les  Propylées.  Le  temple  d'Eleu- 
sis, commencé  par  Corœbus,  est  continué  par  Méta- 
gènes.  Les  ouvrages  d'utilité  publique  couvrent 
toute  la  Grèce  et  les  îles  :  ce  sont  des  salles  de 
musique,  des  hippodromes  à  gradins,  des  galeries, 
des  théâtres  contenant  jusqu'à  150,00u  specta- 
teurs. 

A  partir  de  404  fprise  d"vthènes  par  Lysandrei, 
l'architecture  n'est  plus  qu'au  service  des  particu- 
liers :  les  maisons  reconstruites  deviennent  plus 
luxueuses,  les  rues  sont  élargies,  le  Pirée  est 
rebâti. 

Alexandre  transporta  l'art  grec  en  Asie^  et  le 
génie  d'Athènes  asservie  rayonna  encore  sur  le 
monde  :  à  Antioche,  à  Alexandrie,  l'influence  de 
l'art  grec  est  sensible  ;  cette  période  est  celle  de 
l'ordre  corinthien,  dont  l'invention  est  attribuée  à 
Callimaque,  plus  riche  mais  moins  élégant  que  l'or- 
dre ionique.  Sous  la  domination  romaine,  les  arts 
de  la  Grèce  continuèrent  à  régner  exclusivement, 
en  conservant  toute  leur  originahté  ;  l'architecture 
byzantine  n'apparut  qu'à  la  fin  de  l'empire. 

La  peinture  grecque.  —  Nous  pouvons  juger  l'ar- 
chitecture grecque  par  les  monuments  qu'elle  nous 
a  laissés  :  nous  n'avons  pour  apprécier  la  peinture 
que  les  jugements  des  anciens. 

La  peinture  grecque  naquit  peut-être  à  Gorinthe 
etàSicyone,  où  les  potiers  ornaient  déteintes  plates 
leurs  vases  gro>siers.  Ce  ne  fut  qu'après  les  guerres 
médiques  qu'elle  se  dégagea  de  la  céramique  et 
de  la  sculpture,  et  elle  n'atteignit  la  perfection 
qu'à  l'époque  d'Alexandre.  Polygnote,  contempo- 
rain de  Cimon  et  de  Périclès,  s'essaya  dans  les 
temples  de  Thésée,  dans  ceux  de  Delphes  et  de 
Platée,  dans  la  Pinacothèque  d'Athènes,  avant  de 
représenter  la  prise  de  Troie,  le  départ  des  Grecs 
et  l'évocation  des  morts  par  Ulysse  sur  les  murs 
de  k  Lesché  à  Gnide,  la  lutte  des  Mèdes  et  des 
Perses  dans  le  Pœcile,  à  Athènes.  Micon  et  Panœ- 
nos,  frère  de  Phidias,  furent  les  collaborateurs  de 
l'oiygnotc.  Apollodore,  son  successeur,  par  une 
savante  distiibution  des  ombres  et  de  la  lumière, fit 
faire  à  la  peinture  un  pas  décisif. 


GRÈGE 


—  914  — 


GRIMPEURS 


Maîtres  de  presque  tous  les  procédés  de  leur  art, 
les  peintres  du  cinquième  siècle,  Zeuxis,  Parrhasius, 
Tiniantlie,  purent  rechercher  et  atteindre  l'expres- 
sion, la  gradation  des  sentiments.  Au  quatrième 
siècle.  Pamphyle  eut  pour  élèves  Protogènes  et 
Apelie.  Ce  dernier  est  considéré  comme  le  plus 
grand  peintre  de  l'antiquité;  nature  tendre,  peut- 
être  sensuelle,  il  consacra  son  pinceau  à  la  repro- 
duction des  figures  de  femmes  ou  de  dieux  aux 
formes  presque  féminines  :  la  Vénus  Anadyomène 
fut  son  chef-d'œuvre. 

Après  Alexandre,  la  peinture  grecque  comme 
l'architecture  se  répand  en  Orient,  puis  en  Italie 
où  elle  rencontre  une  rivale^,  !a  mosaïque,  et  où 
elle  se  réduisit  à  la  décoration  des  villas  et  des 
maisons.  Abandonnée  aux  esclaves  qui  peignaient 
pour  leurs  maîtres,  elle  tomba,  sous  l'empire, dans 
le  plus  entier  discrédit. 

La  sculpture  grecque.  —  Les  statues  des  dieux, 
telles  furent  les  premiers  et  longtemps  les  seuls 
monuments  de  la  sculpture  grecque  :  les  sj'mboles 
de  la  religion  hellénique,  multipliés  à  l'infini,  se 
prêtaient  à  tous  les  besoins  de  l'imagination  comme 
à  toutes  les  diversités  d'exécution;  il  suffisait  de 
laisser  à  chaque  divinité  ses  attributs  essentiels, 
l'arc  et  la  flèche  à  Apollon,  le  trident  à  Nep- 
tune, etc.  L'artiste  restait  libre  d'idéaliser  son  mo- 
dèle, et  les  plus  grands  étaient  ceux  qui  parve- 
naient à  représenter,  sous  la  forme  corporclls,  les 
conceptions  immatérielles,  les  qualités  morales  de 
l'esprit. 

L'art  plastique  ne  commença  à  décliner  que  lors- 
que les  sculpteurs  voulurent  représenter  les  pas- 
sions humaines  dans  toute  leur  intensité  ;  ils  excel- 
lèrent pourtant  dans  les  statues,  dans  les  bustes, 
comme  ils  avaient  excellé  dans  la  sculpture  sym- 
bolicjue  :  mais  l'homme  ne  peut  avoir  la  calme 
beauté,  la  sérénité  sublime  des  personnages  divins  ; 
de  là  l'infériorité  de  la  statuaire  grecque  à  partir 
du  quatrième  siècle. 

Les  lions  de  Mycènes  sont,  avec  les  statues  en 
bois  des  divinités,  les  plus  anciens  ouvrages  de  la 
sculpture  grecque  :  ces  ébauches  grossières  se  fa- 
briquaient dans  l'Attique  et  h  Egine.  C'est  un  Cre- 
tois, établi  dans  l'Attique,  Dédale,  qui  fit  faire  à 
l'an  ses  premiers  progrès  en  u  animant  ses  statues  », 
c'esl^à-dire  en  leur  ouvrant  les  yeux,  en  détachant 
les  jambes  et  les  bras  jusqu'alors  adhérents  au 
corps.  Ces  perfectionnements  furent  adoptes  à  Si- 
cyone  ei  dans  1  île  de  Rhodes.  Pendant  les  guerres 
médiques,  le  génie  grec  s'affine  au  contact  de  l'Asie , 
et  se  débarrasse  définitivement  des  entraves  hiéra- 
tiques; des  familles,  des  cités  entières  se  passion- 
nent pour  l'art  de  Dédale,  qui  atteint  enfin  le  na- 
turel et  l'expression  de  la  vie  :  l'usage  des  jeux, 
des  luttes  athlétiques  ofi're  aux  yeux  la  forme 
humaine  dans  toute  sa  souplesse  et  sa  mobilité. 
Les  ouvrages  de  cette  époque  sont  nombreux  : 
ce  sont  surtout  des  bas-reliefs  et  des  terres  cuites  ; 
les  statues  en  or  et  en  matières  précieuses  étaient 
plus  exposées  à  la  spoliation  ;  elles  y  ont  rare- 
ment écliappé.  Les  œuvres  venues  jusqu'à,  nous 
senties  bas-reliefs  de  Sélinonteet  d'Assos,  la  Vesta 
Giusiiniani,  l'autel  des  douze  dieux  (au  Louvre)  et 
les  sculptures  d'Egine  [h.  la  glyptothèque  de 
Munich.) 

La  période  qui  précéda  la  guerre  du  Péloponèse, 
c'est-à-dire  l'administration  de  Cimon  et  de  Péri- 
clès,  fut  l'âge  d'or  delà  sculpture  grecque  :  les  frises 
du  Parthénon,  œuvre  de  Phidias,  la  statue  de  la 
déesse,  toute  d'ivoire  et  d'or,  et  le  Jupiter  d'Olym- 
pie  en  Elide,  furent  le  dernier  mot  de  l'art  ;  après  la 
guerre  du  Péloponèse,  il  abandonne  la  représenta- 
tion des  dieux  impassibles  et  sévères,  de  Jupiter, 
de  Minerve,  de  Junon  ;  Bacchus,  Apollon,  l'Amour, 
Vénus,  sont  les  modèles  les  plus  fréquents  d'une 
époque  plus  sensuelle  et  qui  recherche  moins  l'ex- 
pression surnaturelle  de  la  divinité  que  celle  de  ses 


formes  juvéniles.  Phidias  (Pallas  du  Parthénon), 
Polyclète  (Doryphore  et  Junon  d'Argos;,  Puly- 
gnote,  Callimaque,  Alcamène  (Aphrodite  des  Jar- 
dins), Socrate  le  philosophe,  appartiennent  à  la  pre- 
mière époque;  Scopas de  Paros,  Lysippe,  Praxitèle 
et  leurs  élèves,  à  la  seconde.  L'Apollon  citharède 
de  Scopas,  les  Niobides  de  Scopas  ou  de  l'raxitèle, 
le  Satyre  ou  Faune  de  Praxitèle,  le  Sauroctone  du 
Louvre,  l'Hercule  Farnèse  de  Lysippe,  sont  les 
principales  œuvres  de  cette  école,  moins  forte  qu'é- 
légante, moins  idéaliste  que  voluptueuse. 

Après  Alexandre,  l'art  se  vulgarise  et  transforme 
toutes  les  maisons  en  musées  ;  les  sculpteurs,  comme 
les  architectes  et  les  peintres,  deviennent  des  déco- 
rateurs pleins  de  goût  et  de  raffinement  :  c'est  à 
peine  si  un  ou  deux  noms  de  sculpteurs  ont  sur- 
nagé ;  l'art  semblait  être  à  la  portée  de  tout  le 
monde.  Le  Laocoon,le  Gladiateur  d'Agasias  au  Lou- 
vre, le  Taureau  Farnèse  sont  les  seules  œuvres  à 
citer,  avec  le  colosse  de  Rhodes  dû  à  un  élève  de 
Lysippe,  Charès. 

Après  la  conquête,  presque  tous  les  artistes  grecs 
émigrent  à  Rome,  enrichie  des  dépouilles  de  TA- 
chaie;  dans  cette  nouvelle  patrie,  qui  n'eut  pas  le 
sentiment  de  l'art  au  même  degré  que  les  Grecs, 
qui  ne  connut  ni  leur  finesse,  ni  leur  délicatesse 
exquise,  la  décadence  est  complète  :  les  procédés 
matériels  se  perfectionnent  à  tel  point  que  Zéno- 
dore  peut  fondre  le  colosse  d'airain  de  Néron  (36 
mètres),  mais  l'inspiration  s'éteint,  l'idéal  dispa- 
raît :  sauf  dans  la  colonne  Trajane  et  les  statues 
de  Nerva  (au  Vatican)  et  de  Marc-Aurèle  lau  Capi- 
tole),  la  sculpture  ne  connaît  plus  ni  l'élégance,  ni 
le  fini,  ni  la  justesse  des  proportions  ;  du  reste, 
elle  se  réduit  volontairement  à  la  représentation 
des  empereurs  et  des  impératrices  :  les  bustes  de 
cette  époque,  surtout  ceux  de  femmes,  sont  innom- 
brables. L'invasion  barbare  porta  le  ciernier  coup 
à  l'art  grec  ;  mais  l'art  chrétien  ne  le  remplaça  pen- 
dant quelques  siècles  que  pour  s'effacer  de  nou- 
veau devant  lui. 

La  musique  grecque.  —  Le  système  musical  des 
Grecs  a  été  se  perfectionnant  depuis  l'origine  jus- 
qu'au cinquième  siècle;  les  instruments  primitifs, 
la  flûte  dH  Pan  et  l'écaillé  de  tortue,  ont  faif-  place 
à  la  niagadis  à  vingt  cordes.  Ce  développement  mu- 
sical s'accomplit  parallèlement  à  celui  de  la  pf>ésie 
lyrique  et  de  la  danse.  L'instrumentation  était  si 
perfectionnée  qu'Aristote  énumère  jusqu'à  treri.te- 
trois  instruments  à  vent.  On  sait  quelles  fouhss 
empressées  réunissaient  les  concerts  privés,  les 
odéons,  ces  conservatoires  de  l'antiquité,  et  leiS 
grands  concours  de  musique.  Bien  que  nous  nC 
connaissions  que  très  imparfaitement  le  système 
musical  des  Grecs,  on  peut  affirmer  que  le  goût  de 
la  musique  était  inné  chez  cette  race  si  admirable- 
ment douée,  comme  celui  de  la  peinture,  de  la 
sculpture,  de  tous  les  arts  qui  ont  trouvé  en  Grèce 
d'immortels  interprètes.  [Edgar  Zevort.] 

GRl.HPEURS.  —  Zoologie,  XV.  —  Les  oiseaux 
que  Cuvier  a  rangés  dans  un  ordre  à  part,  sous  le 
nom  de  Grimpeurs,  se  distinguent  de  la  foule  des 
passereaux  par  un  certain  nombre  de  caractères  et 
entre  autres  par  la  conformation  de  leurs  pattes.  ^ 
Leurs  doigts,  en  effet,  sont  dirigés  deux  en  avant 
et  deux  en  arrière,  ce  qui  leur  permet  de  saisir  les 
branches  avec  beaucoup  de  force,  de  s'accrocher  aux 
aspérités  de  l'écorce,  et  parfois  même  de  grimper 
verticalement,  avec  une  grande  agilité,  le  long  du 
tronc  des  arbres. 

En  tête  de  cet  ordre  des  Grimpeurs  se  placent 
naturellement  les  Perroquets,  auxquels  certains 
naturalistes,  comme  de  Blainville  Ci  le  prmce  Ch. 
Bonaparte,  ont  assigné  un  rang  encore  plus  élevé, 
les  mettant  en  tête  de  toute  la  série  orni- 
thologique. 

Les  perroquets  ont  le  bec  très  duret  très  robuste 
avec  la  mandibule  supérieure  fortement  recourbée 


GRIMPEURS 


—  915  — 


GRIMPEURS 


et  prolongée  en  un  crochet  au-dessus  de  la  mandi- 
bule inférieure,  qui  est  coupée  carrément  à  l'extré- 
mité; leur  langue  charnue,  ou  plutôt  coriace,  est 
faite  plutôt  pour  écraser  des  graines  que  pour  ap- 
précier la  saveur  des  aliments,  et  leur  larynx,  très 
compliqué,  leur  donne  la  faculté  dimiter  avec  une 
assez  grande  perfection  la  voix  humaine  et  les  cris 
des  autres  animaux.  Ils  grimpent  avec  facilité  sur 
les  arbres,  se  suspendent  souvent  aux  branches 
avec  leur  bec  en  prenant  les  poses  les  plus  bizarres, 
et  se  servent  de  leurs  pattes  pour  porter  à  leur 
bouche  les  fruits  et  les  graines  dont  ils  font  leur 
nourriture.  Leur  plumage  offre  généralement  des 
teintes  éclatantes,  du  vert,  du  rouge,  du  bleu  ou 
du  jaune  vif,  et  leur  tête  est  parfois  surmontée 
d'une  petite  huppe.  Ils  vivent  en  troupes  plus  ou 
moins  nombreuses  dans  les  contrées  tropicales,  en 
Afrique,  en  Asie,  en  Amérique  et  surtout  en  Ocea- 
nie  où  chaque  île,  pour  ainsi  dire,  possède  une 
espèce  particulière  de  perroquets. 

On  les  divise  naturellement,  pour  la  commodité 
de  l'étude,  en  un  certain  nombre  de  groupes,  dont 
les  principaux  sont  : 

1"  Les  Ai^as,  au  bec  énorme,  aux  joues  souvent 
dénudées,  à  la  queue  longue  et  étagée,  au  plumage 
ordinairement  multicolore  ; 

2'Les  Perruches,  de  taille  plus  faible  que  les  Aras, 
à  lirrée  moins  brillante,  généralement  d'un  vert 
relevé  par  quelques  taches  rouges  ou  jaunes; 

3'^  Les  Cacatoès,  à  la  queue  courte,  carrée,  h  la 
tête  ornée  d'une  huppe  élégante  ou  d'un  cimier 
qtie  l'oiseau  peut  redresser  à  volonté  ;  ces  perro- 
quets sont  quelquefois  de  couleur  sombre,  plus 
souvent  d'un  blanc  rosé,  ou  d'un  blanc  pur  avec 
quelques  plumes  jaunes  ou  orangées  ; 

4°  Les  Perroquets  pi^oprement  dits,  qui  ressem- 
blent aux  Cacatoès  par  leur  queue  courte,  mais  qui 
sont  dépourvus  de  huppe;  leJacquot  om  Perroquet 
gris  à  queue  rouge  d'Afrique,  que  l'on  voit  souvent 
en  cage,  peut  être  considéré  comme  le  type  de  ce 
groupe. 

Quelques  perroquets,  et  entre  autres  les  Aras, 
les  Cacatoès,  les  Microglosses,  les  Nestors  et  les 
Strigops  ou  Perroquets- chouettes  de  la  Nouvelle- 
Zélande,  rivalisent  de  grandeur  avec  les  oiseaux  de 
proie  ;  d'autres  au  contraire,  comme  les  Loriquetf 
des  Moluques  et  les  Nositenies  de  la  Nouvelle- 
Guinée,  peuvent  être  comparés  pour  la  taille  à  nos 
plus  petits  passereaux. 

Les  Pics,  eux,  sont  des  Grimpeurs  par  excellence. 
Ils  peuvent  monter  verticalement  ou  en  spirale  sur 
le  tronc  des  arbres  les  moins  rugueux,  et  sont  aidés 
dans  ces  mouvements  de  progression  parleur  queue, 
composée  de  plumes  à  tiges  rigides,  sur  laquelle 
ils  peuvent  s'arc-bouter.  Ils  ont  un  bec  puissant,  de 
forme  conique,  avec  lequel  ils  fendent  l'écorce,  en 
élargissent  les  fissures,  afin  de  découvrir  les  insec- 
tes et  les  larves  dont  ils  font  leur  nourriture  et  qu'ils 
saisissent  adroitement  avec  leur  langue.  Celle- 
ci  est  généralement  épineuse  à  l'extrémité,  enduite 
dune  salive  gluante,  et  peut,  grâce  à  une  disposition 
ingénieuse,  être  projetée  subitement  à  une  assez 
grande  distance.  En  détruisant  les  larves  de  coléo- 
ptères qui  rongent  le  bois,  les  pics  rendent  des 
services  incontestables  ;  on  les  accuse  cependant  de 
nuire  aux  forêts  en  creusant  de  larges  cavités  dans 
des  arbres  qui  ne  sont  que  légèrement  attaqués, 
et  pour  ce  motif  on  leur  déclare,  dans  la  plupart 
de  nos  départements,  une  guerre  assez  injuste. 

En  France  on  trouve  plusieurs  espèces  de  pics. 
La  plus  grande  est  le  Pic  noir,  qui  a  presque  la 
taille  d'une  corneille,  et  dont  le  plumage  est  tout 
noir,  sauf  sur  la  tête,  qui  est  couverte  par  une 
calotte  rouge  beaucoup  plus  étendue  chez  le  mâle 
que  chez  la  femelle.  Il  se  tient  de  préférence  dans 
les  forêts  de  conifères,  et  se  nourrit  d'abeilles,  de 
guêpes,  de  fourmis  et  de  larves  d'insectes  xylo- 
phages.   Le  Pic  vert    ou   Pivert,  qui  est  beaucoup 


plus  commun  dans  nos  forêts  que  le  précédent,  est 
sensiblement  plus  petit  et  porte  une  livrée  verte 
en  dessus,  blanchâtre  en  dessous,  avec  une  bande 
jaune  sur  le  croupion  et  une  calotte  rouge  sur  le 
sommet  de  la  tête  (chez  le  mâle).  Il  creuse  dans  le 
tissu  d'un  chêne  un  trou  où  il  dépose  au  printemps 
cinq  à  six  œufs  d'un  blanc  pur.  Son  cri  ordinaire 
est  dur  et  précipité,  et  son  chant  d'appel  ressem- 
ble un  peu  à  un  éclat  de  rire  ;  en  outre,  dans  cer- 
tains cas,  et  surtout,  disent  les  gens  delà  campagne, 
lorsque  le  temps  se  met  à  la  pluie,  le  pivert  fait 
entendre  un  son  plaintif  et  traîne.  Enfin  le  Pic 
épeichette  ou  Petit  épeiche,  de  taille  encore  plus 
faible  que  le  Pic  vert,  est  moins  répandu  chez 
nous  que  les  deux  précédents  et  habite  plutôt  le 
nord  de  l'Europe  et  la  Sibérie.  Le  dos  et  les  ailes 
sont  variés  de  noir  et  de  blanc,  la  tête  est  ornée, 
au  moins  chez  le  mâle,  d'une  calotte  rouge,  le  front 
est  blanc,  de  même  que  le  dessous  du  corps,  et  les 
joues  sont  ornées  de  moustaches  noires. 

En  Amérique,  en  Asie  et  en  AIrique  vivent  beau- 
coup d'autres  espèces  de  pics,  de  formes  variées; 
mais  en  Australie  on  ne  connaît  point  de  représen- 
tants de  cette  famille. 

Tout  à  côté  des  pics  se  placent  les  Torcols,  qui 
doivent  leur  nom  à  l'habitude  singulière  qu'ils  ont 
de  tourner  la  tète  en  tous  sens,  et  de  prendre  des 
poses  bizarres.  L'espèce  qui  vit  en  France  est 
d'assez  petite  taille  et  porte,  comme  tous  ses  con- 
génères, un  plumage  d'un  brun  terreux,  rayé  trans- 
versalement de  noir. 

Les  Coucous  ont  des  formes  plus  élancées  que 
les  pics,  un  bec  beaucoup  moins  robuste,  largement 
fendu,  un  peu  arqué  en  dessus,  des  ailes  longues, 
une  queue  très  développée  et  des  pattes  courtes. 
Leur  plumage  est  parfois  tout  noir,  d'autres  fois 
roux  ou  gris  cendré,  quelquefois  d'un  vert  doré 
étincelant.  Le  Coucou  vulgaire  de  France  ne  pré- 
sente pas  à  tous  les  âges  la  même  livrée  ;  jeune, 
il  offre  du  brun  foncé,  du  roux  et  du  blanc  sur  son 
plumage;  adulte,  il  a  le  dessus  du  corps  d'un  gris 
foncé,  la  gorge  et  la  poitrine  plus  claires,  le  ventre 
marqué  de  raies  transversales  noires.  Il  arrive  au 
printemps  dans  nos  contrées  et  fait  aussitôt  reten- 
tir les  bois  de  son  chant  monotone.  Il  se  nourrit 
principalement  de  chenilles.  Chacun  sait  que  la 
femelle  de  cette  espèce,  mère  dénaturée,  ne  couve 
pas  elle-même  ses  œufs,  mais  va  les  déposer  un  à 
un  dans  les  nids  de  certains  petits  oiseaux,  du 
merle,  du  rouge-gorge,  de  la  fauvette.  Ceux-ci  ne 
s'aperçoivent  pas  de  la  fraude  ou  du  moins  la  tolè- 
rent; ils  couvent  l'œuf  étranger  avec  les  leurs, 
et  élèvent  avec  leur  progéniture  le  jeune  coucou; 
mais  trop  souvent  celui-ci  récompense  bien  mal  le 
dévouement  de  ses  parents  d'adoption,  il  abuse  de 
sa  force  pour  rejeter  hors  du  nid  ses  petits  compa- 
gnons, et  quand  il  est  assez  fort  il  abandonne  le 
nid  pour  aller  rejoindre  ses  véritables  parents,  qui 
n'ont  pas  quitté  le  canton  et  qui  achèvent  son 
éducation. 

Les  Barbus,  qui  vivent  en  Afrique,  en  Asie  et 
en  Amérique,  doivent  leur  nom  aux  soies  roides  qui 
environnent  la  base  de  leur  bec  robuste.  Us  portent 
presque  tous  une  livrée  éclatante. 

Les  CouRoucous  ou  Trogons  sont  encore  plus 
remarquables  par  la  beauté  de  leur  plumage,  où 
des  teintes  métalliques,  vertes  et  dorées  s'associent 
à  du  rouge  vif,  à  du  jaune  orangé,  à  du  noir,  à  du 
blanc  argenté.  Malheureusement  ce  plumage  n'est 
pas  bon  teint,  et  si  les  teintes  métalliques  se  con- 
servent sans  s'altérer,  les  autres,  le  rouge  et  le 
jaune  surtout,  passent  rapidement  à  la  lumière, 
chez  les  individus  qui  figurent  dans  les  collections. 
Il  paraît  que,  même  chez  les  oiseaux  vivants, 
lorsque  le  plumage  a  été  détrempé  par  la  pluie, 
ces  teintes  délicates  disparaissent  momentanément, 
sauf  à  se  régénérer  par  la  suite.  Les  anciens  Mexi- 
cains recherchaient  déjà  les  magnifiques  plumes 


GUERRES 


—  916  — 


venes  du  Cowoucou  resplendissant,  qui  de  nos 
jours  encore  sont  fort  estimées  comme  objet  de 
parure.  [E-  Oastalet.] 

GlERBES.  —  Nous  donnons,  dans  le  présent 
article  de  révision,  la  liste,  non  de  toutes  les  guerres 
quoffre  riùstoire  universelle,  mais  de  celles  qui 
sont  connues  sous  un  nom  spécial  et  qu'on  peut 
être  tenté  de  chercher  au  mot  Guerres  dans  un 
dictionnaire.  Pour  celles  qui  ne  figurent  pas  dans 
cette  énumération,  —  et  de  ce  nombre  sont  beau- 
coup de  guerres  très  importantes,  telles  que  les 
campagnes  d'Alexandre,  les  guerres  de  conquête 
des  Arabes,  les  Croisades,  les  guerres  de  la  Répu- 
blique et  du  premier  Empire,  etc.,  —  le  lecteur 
devra  consulter,  au  mot  Histoire,  le  programme  du 
cours  d'histoire  générale  et  d'histoire  de  France  : 
il  y  trouvera  l'indication  des  articles  généraux  et 
spéciaux  consacrés  à  chaque  pays  et  à  chaque  pé- 
riode. 

Nous  faisons  suivre,  dans  la  liste  qu'on  va  lire, 
le  nom  de  chaque  guerre  d'un  renvoi  annonçant  un 
article  donné  ci-dessous  à  la  page  indiquée.  Ces 
articles  sont  de  deux  sortes  :  les  uns,  traitant  d'une 
guerre  qui  forme  par  elle-même  un  tout,  un  cha- 
pitre à  part  dans  l'histoire,  sont  des  narrations  aussi 
complètes  que  notre  cadre  nous  a  permis  de  le  faire 
(par  exemple,  Guerres  servi/es.  Guerre  dei  Deux 
Roses,  Guerre  de  Trente  Ans,  Guerre  d Amérique)  ; 
les  autres,  relatifs  à  des  guerres  racontées  ailleurs, 
sont  un  simple  ri.emento  destiné  à  coordonner  sous 
une  forme  aussi  brève  que  possible  un  ensemble  de 
faits,  quelquefois  épars  dans  plusieurs  articles,  ou 
même  à  rappeler  seulement  le  nom,  la  cause,  la 
durée  et  l'issue  d'une  guerre  et  à  indiquer  l'article 
où  on  en  trouvera  le  récit  (par  exemple,  Guerres 
médiq'^es,  Guerre^ puniques.  Guerre  de  Bourgogne, 
Guerre  de  dévolution,  Guerre  de  la  succession 
d'Espagne). 

Nous  avons  rangé  les  guerres  par  ordre  chrono- 
logique, et  nous  avons  conserve  ce  même  ordre 
pour  le  classement  des  articles  qui  suivront  ci- 
dessous.  Au  moyen  des  renvois  indiquant  le  chiffre 
de  la  page,  le  lecteur  trouvera  chacun  de  ces  arti- 
cles plus  facilement  que  si  nous  avions  observé 
l'ordre  alphabétique. 

LISTE  DES  GUERRES  FIGURANT  DANS  LE  PRÉSENT 
ARTICLE 

HISTOIRE   .\^XIE^^"E. 

Guerre    de  Thèbes  ou    des   Sept  chefs  (V.  ci- 
dessous). 
Guerre  des  Épigones  (Id.). 
Guerre  de  Troie  (Id.). 
Guerres  de  Messénie  (Id.). 
Guerres  médiques  (V.  p.  917). 
Guerre  du  Péloponèse  (Id.). 
Guerres  sacrées  (Id.). 
Guerres  puniques   Id.). 
Guerre  mexpiable  (Id.). 
Guerres  de  Macédoine  Jd.). 
Guerre  de  Numance  Jd.). 
Guerre  de  Jugurtha  (Id.). 
Guerre  sociale  (V.  p.  9i8). 
Guerre  de  Mithridate  (Id.). 
Guerre  des  pirates  (Id.). 
Guerres  serviles  (Id.). 
Guerre  des  Gaules  (V.  p.  919). 
Guerre  civile  (Id.). 
Guerre  de  Modène  (Id.). 

MOYEN   AGE. 

Guerre  de  Cent  Ans  (V.  p.  919). 
Guerre  des  Hussites  (V.  p.  024). 
Guerre  des  Deux  Roses  (Id.). 
Guerre  de  Bourgogne  (V.  p.  926). 
Guerre  folle  (IdT). 


GUERRES 


TEMPS  MODERNES. 


Guerres  d'Italie  (V.  p.  025). 

Guerre  des  paysans  (\.  p.  92G). 

Guerres  de  religion  'Jd. ;. 

Guerre  des  Trois  Henri   V.  p.  927). 

Guerre  de  Trente  Ans  Id.). 

Guerre  de  dévolution  (V.  p.  932). 

Guerre  de  Hollande  (Id.). 

Guerre  de  la  ligue  d'Augsbourg  (Id.). 

Guerre  de  la  succession  d'Espagne  (V.  p.  933). 

Guerre  de  la  quadruple  alliance  (Id.). 

Guerre  de  la  succession  de  Pologne  (V.  p.  934). 

Guerre  de  la  succession  d'Autriche  (Id.). 

Guerre  de  Sept  Ans  (V.  p.  93:). 

Guerre  d'Amérique   V.  p.  9'''9). 

Guerre  d'Espagne  ^V.  p.  941). 

Guerre  de  lOpium  (V.  p.  942). 

Guerre  d'Orient  (Id.). 

Guerre  d'Italie  (Id.). 

Guerre  du  Mexique  ,V.  p.  043% 

Guerre  de  la  Sécession  ;Id.). 

Guerre  de  Thèbes  ou  des  Sept  chefs.  —  Histoire 
générale,  VI.  —  Une  légende  grecque  racontait 
qu'après  l'exil  volontaire  d'OEdipe,  roi  de  Thèbes, 
ses  deux  fils,  Etéocle  et  Polynice,  s'étaient  dis- 
puté la  royauté.  Polynice,  aidé  de  six  autres  chefs, 
vint  assiéger  Thèbes  où  son  frère  exerçait  le  pou- 
voir royal.  Etéocle  et  Polynice  se  tuèrent  en  com- 
bat singulier.  Après  la  mort  des  deux  «  frères  enne- 
mis »,  les  Thébains  mirent  en  déroute  l'armée  des 
assiégeants,  et  se  donnèrent  pour  roi  Créon.  Ces 
événements  se  seraient  passés  au  treizième  siècle 
avant  notre  ère.  Cette  légende  célèbre  a  fourni 
à.  Racine  le  sujet  de  sa  première  tragédie,  intitulée 
la  Tl'ébaide  ou  les  Frères  ennemis. 

Guerre  des  Épigones.  —  Histoire  générale,  'VI. 
—  Elle  est  la  suite  de  celle  des  Sept  Chefs.  Les  Epi- 
gones, c'est-à-dire  les  fils  de  ces  sept  chefs,  firent 
contre  Thèbes  une  nouvelle  expédition  pour  venger 
la  mort  de  leurs  pères,  et  prirent  la  ville  après  de 
sanglants  combats.  Thersandre,  fils  de  Polynice, 
devint  roi  de  Thèbes. 

Guerre  de  Troie.  —  Histoire  générale,  VI.  — 
La  guerre  de  Troie  appartient,  comme  celle  de 
Thèbes,  à  l'époque  légendaire  de  la  Grèce.  Il  n'est 
pas  possible  de  déterminer  jusqu'à  quel  point  des 
faits  historiques  peuvent  se  trouver  mêles,  dans 
cette  légende,  aux  créations  de  l'imagination  popu- 
laire.Les  calculs  chronologiques  qui  placentla  prise 
do  Troie  en  l'an  1184  avant  notre  ère  ne  reposent 
sur  aucune  donnée  certaine.  Les  aventures  d'Achille 
et  des  autres  héros  grecs  qui  allèrent  assiéger  la 
cité  du  roi  Priam  ont  été  chantées  dans  l'un  des 
admirables  poèmes  attribués  à  Homère,  VIliade; 
on  trouvera  une  courte  analyse  de  ce  poème  à  l'ar- 
ticle Ep'ipée. 

Guerres  de  Messénie.  —  Histoire  générale, 
VI,  Vil.  —  Guerres  entre  les  Spartiates  et  leurs 
voisins  les  Messéniens.  On  en  distingue  trois.  La 
première  (de  743  à  723  avant  notre  ère)  eut  pour 
théâtre  les  environs  du  mont  Iihôme,  sur  lequel  les 
Messéniens  avaient  construit  une  forteresse  que 
défendit  pendant  de  longues  années  le  héros  Aris- 
todème  ;  mais  après  sa  mort,  les  Spartiates  prirent 
Iihôme  et  soumirent  la  Messénie.  Cinquante  ans 
plus  tard,  le  Messénien  Aristomène  appela  aux  ar- 
mes ses  compatriotes,  et  battit  plusieurs  fois  les 
Spartiates,  qui  ne  retrouvèrent  leur  assurance 
qu'aux  accents  btUiqueux  du  poète  Tyrtée  :  ce  fut 
la  seconde  guerre  (685-008).  Aristomène,  enfermé 
dans  Ira,  s'y  maintint  onze  années,  mais  fut  enfin 
obligé  de  quitter  la  Messénie,  qui  retomba  au  pou- 
voir de  Sparte.  Ces  deux  premières  guerres  ont  un 
caractère  légendaire.  Il  n'en  est  pas  ainsi  de  la 
troisième,  qui  appartient  en  plein  à  la  période  his- 
torique :  en  i6i,  à  la  suite  d'un  tremblement  de 
terre  qui  avait  défruit  en  partie  la  ville  de  Sparte 


GUERRES 


—  917 


GUERRES 


les  Messéniens  se  révoltèrent.  Ils  battirent  à  Sté- 
njklaros  une  armée  Spartiate  ;  mais  les  révoltés 
se  virent  ensuite  contraints  de  se  retirer  sur  le 
mont  Ithôme,  où  ils  furent  assiégés;  ils  se  défen- 
dirent vaillamment,  et  lorsqu'ils  durent  enfin  ca- 
pituler, ils  obtinrent  de  pouvoir  quitter  le  Pélo- 
ponèse  avec  leurs  familles;  l'amiral  athénien 
ïolmidès  les  établit  à  Naupacte,  sur  le  golfe  de 
Corinthe  (455). 
Guerres  médiques.    —  Histoire   générale,    VIT. 

—  Guerres  entre  les  Grecs  et  les  trois  rois  de 
Perse  ou  de  ]\IéJie,  Darius,  Xerxès  et  Artaxersès, 
dans  la  première  moitié  du  cinquième  siècle  avant 
notre  ère.  On  en  compte  trois.  La  première  com- 
mence àla  révolte  des  villes  precques  d'Ionie  (501), 
et  se  termine  à  la  bataille  de  Marathon  (i90}.  La  se- 
conde commence  à  l'expédition  entreprise  par  Xerxès 
contre  la  Grèce  (480)  et  se  termine  aux  batailles  de 
Platée  et  de  Mycale  (479).  La  troisième  comprend 
les  campagnes  des  Athéniens  en  Thrace,  en  Asie  et 
à  Chypre,  et  se  termine  par  le  traité  de  44'J,  qui 
reconnut  la  liberté  des  Grecs  d'Asie  et  donna  à 
Athènes  l'empire  de  la  mer.  —  V.  Grèce. 

Guerre  du  Péloponèse.  —  Histoire  générale , 
VIT.  —  Guerre  entre  Athènes  et  Sparte,  qui  se 
termina  par  la  défaite  d'Athènes.  Presque  tous  les 
peuples  de  la  Grèce  y  prirent  part.  La  plupart  des 
îles  et  des  villes  grecques  d'Asie,  ainsi  que  les 
Acarnaniens,  les  Platéens,  les  Thessaliens,  étaient 
du  parti  d'Athènes;  les  Spartiates  avaient  pour 
eux  tous  les  Péloponésiens,  excepté  les  Achéens 
et  les  Argiens,  et  de  plus  les  Corinthiens,  les 
Béotiens,  les  Phocidiens,  les  Étoliens.  La  guerre 
dura  de  431  à  404,  avec  une  interruption  de  421 
à4l5.  Pour  les  détails,  V.  Grèce. 

Guerres  sacrées  —  Histoire  générale,  VI,  VIII. 

—  Nom  donné  chez  les  Grecs  à  quatre  guerres 
dont  le  prétexte  fut  un  sacrilège  commis  à  l'égard 
du  dieu  Apollon  de  Delphes. 

Première  guerre  (G04-595).  —  Les  Phocidiens 
de  Crissa  avaient  offensé  l'oracle  d'Apollon  à 
Delphes.  Le  conseil  amphictyonique  décida  de  leur 
faire  la  guerre.  Après  une  longue  lutte,  les  villes 
de  Crissa  et  de  Cirrha  furent  prises  et  détruites. 

Seconde  guerre.  —  Les  Phocidiens  s'étaient  em- 
parés de  l'administration  du  temple  de  Delphes,  à  la- 
quelle les  Delphiens  prétendaient  avoir  seuls  des 
droits.  Sparte  envoya  à  Delphes  une  expédition,  et 
les  Phocidiens  furent  chassés  (448)  ;  mais  quand  les 
Spartiates  furent  repartis,  les  Athéniens  intervin- 
rent et  remirent  de  nouveau  Delphes  entre  les 
mains  des  Phocidiens. 

Troisième  guerre.  —  Les  Phocidiens  ayant  la- 
bouré des  champs  consacrés  à  Apollon,  le  conseil 
amphictyonique  leur  déclara  la  guerre  (357).  Les 
Phocidiens  se  défendirent  énergiquement.  Philippe 
de  Macédoine  profita  de  cette  occasion  pour  inter- 
venir dans  les  affaires  grecques  :  se  posant  en  dé- 
fenseur de  la  rehgion,  il  combattit  les  Phocidiens, 
les  vainquit  et  se  fit  ensuite  donner  leur  place 
dans  le  conseil  des  amphictyons  (346). 

Quatrième  guerre.  —  Philippe  avait  besoin  d'un 
nouveau  prétexte  pour  entrer  en  Grèce  avec  son 
armée.  Son  agent,  l'orateur  Eschine,  fit  voter  par 
les  amphictyons  une  rutre  guerre  sacrée  contre 
les  Locricns,  qui  depuis  deux  siècles  cultivaient 
une  terre  appartenant  à  Apollon  (339).  Philippe 
reçut  le  commandement  de  l'expédition  ;  mais  quand 
il  eut  franchi  les  Thermopyles,  au  lieu  de  combattre 
les  Locriens,  il  s'empara  d'Élatée,  déclara  la  guerre 
à  Athènes,  et  se  rendit  maître  de  la  Grèce  par  la 
victoire  de  Chéronée  (338).  —  V.  Grèce. 

Guerres  puniques.   —   Histoire   générale,   XII. 

—  Guerres  entre  Rome  et  Carthage.  Leur  nom 
vient  du  mot  \dXin  punicus,  signifiant  carthaginois. 
Il  j'  en  eut  trois.  La  première  (•J6i-'241)  eut  pour 
théâtre  la  Sicile,  le  nord  de  l'Afrique,  et  la  Méditer- 
ranée. La  seconde  (219-201)fut  presque  entièrement 


remplie  par  l'expédition  d'Annibal  en  Italie,  et  sa 
termina  parla  victoire  de  Scipion  l'Africain  à  Zama. 
La  troisième  (149-146)  aboutit  à  la  destruction  de 
Carthage  après  un  long  siège,  et  à  la  réduction  de 
l'Afrique  septentrionale  en  province  romaine.  — 
V.  Rome. 
Guerre  inexpiable  ou  guerre  des  mercenaires. 

—  Histoire  générale,  XII.  —  Après  la  première 
guerre  punique,  les  mercenaires  à  la  solde  de  Car- 
thage, n'étant  pas  payés  depuis  longtemps,  se 
révoltèrent  (241).  Ils  entraînèrent  dans  leur  ré- 
volte les  villes  africaines,  et  Carthage  se  vit  bien- 
tôt dans  un  péril  si  extrême,  qu'elle  fut  réduite 
à  demander  des  secours  à  Hiéron  de  Syracuse 
et  même  aux  Romains.  L'habileté  d'Amilcar  Barca  la 
sauva  :  il  réussit  à  enfermer  la  principale  armée  des 
mercenaires  dans  le  défilé  de  la  Hache,  et  l'y  détruisit 
par  la  famine  et  par  la  trahison  ;  une  autre  armée 
fut  anéantie  dans  une  bataille.  Les  atrocités  com- 
mises par  les  Carthadnois  dans  la  répression  de 
cette  formidable  révolte  parurent  si  monstrueuses 
à  l'antiquité  elle-même,  qu'elle  donna  à  cette  lutte 
sanglante  le  nom  de  guerre  inexpiable. 

Guerres  de  Macédoine.  —  Histoire  générale, 
XII.  —  On  appelle  ainsi  les  guerres  qui  eurent 
pour  conséquence  la  réduction  de  la  Macédoine  en 
province  romaine.  On  en  compte  quatre. 

Première  guerre. —  Philippe  III,  roi  de  Macédoine, 
avait  fait  alliance  avec  Annibal  pendant  la  seconde 
guerre  punique.  Les  Romains  envoyèrent  en  Illyrie 
une  légion  qui  le  battit  (21'i),  puis  ils  armèrent 
contre  lui  la  ligue  étolienne,  le  tyran  de  Sparte 
Machanidas,  le  roi  de  Pergame  Attale.  La  guerre  dura 
jusqu'en  205,  sans  succès  bien  marqués  de  part  ni 
d'autre,  et  se  termina  par  un  traité  stipulant  qu'au- 
cun des  deux  partis  n'attaquerait  les  alliés  de  l'autre. 

Deuxième  guerre.  —  Philippe  avait  recommencé 
la  lutte  contre  les  alliés  de  Rome,  malgré  le  traité. 
Le  sénat  romain  lui  déclara  la  guerre  (200).  Les 
deux  premières  campagnes  dirigées  contre  le  roi  de 
Macédoine  restèrent  sans  résultat;  mais  Flami- 
ninus,  nommé  consul,  gagna  la  ligue  achéenne,  et 
détruisit  l'armée  de  Philippe  à  Cynocéphales  (197). 
Le  roi  n'obtint  la  paix  qu'à  des  conditions  humi- 
liantes ;  et  les  villes  grecques,  soumises  précé- 
demment à  l'influence  macédonienne,  furent  toutes 
déclarées  libres  par  un  décret  que  Flamininus  fit 
proclamer  aux  jeux  istbmiques  (l96). 

Troisième  guerre.  — Philippe  était  mort  sans  avoir 
pu  venger  sa  défaite.  Son  successeur  Persée,  après 
de  longs  préparatifs,  recommença  la  guerre  (172), 
Il  tint  tête  aux  Romains  pendant  quatre  ans  ;  enfin 
Paul  Emile,  nommé  consul,  prit  le  commandement 
de  l'armée  envoyée  contre  lui,  et  le  défit  complète- 
ment à  Pydna  (168).  Persée,  fait  prisonnier,  mourut 
en  captivité. 

Quatrième  guerre.  —  L'aventurier  Andriscus,  se 
donnant  pour  fils  de  Persée,  souleva  la  Macédoine 
contre  les  Romains  en  152.  Il  fut  battu  et  pris 
par  Cécihus  Métellus  (148).  Quelques  années  plus 
tard,  un  nouveau  soulèvement  ayant  eu  lieu,  le 
sénat,  après  l'avoir  comprimé,  réduisit  la  Macédoine 
en  province  (142).  —  V.  Grèce,  Macédoine  et  Rome. 

Guerre  de  Numance.  —  Histoire  générale , 
XII.  —  La  ville  de  Numance,  près  des  sources  du 
Douro,  fut  le  dernier  boulevard  de  la  résistance  des 
Espagnols  aux  légions  romaines  après  l'assassinat 
de  Viriathe.  Les  Numantins  tinrent  en  échec  pen- 
dant huit  ans  tous  les  généraux  que  Rome  envoya 
contre  eux.  Enfin  Scipion  Émilien,  le  destructeur 
de  Carthage,  vint  mettre  en  personne  le  siège  de- 
vant Numance  (134).  Après  une  résistance  déses- 
pérée, les  habitants  brûlèrent  leur  \ille  et  se  jetè- 
rent dans  les  flammes.  Cervantes  a  célébré  l'héroiçme 
des  Numantins  dans  une  tragédie  (/«  Numancin) 
qui  est  un  des  chefs-d'œuvre  du  théâtre  espagnol. 

—  V.  Espagne  et  Rome. 

Guerre    de    Jugurtha.    —    Histoire    générale. 


GUERRES 


—  918  — 


GUERRES 


XII.  —  Jugurtha,  petit-fils  de  Massinissa,  roi  de  Nu- 
midie,  ayant  fait  mourir  ses  cousins  Hiempsal  et 
Adherbal  afin  de  régner  seul,  Rome  lui  déclara  la 
guerre  (  l  11  ) .  Il  corrompit  le  général  qu'on  envoya  con- 
tre lui  ;  étant  venu  ensuite  à  Rome,  où  il  fit  assassiner 
un  autre  de  ses  compétiteurs,  il  acheta  l'indulgence 
des  magistrats,  et  put  retourner  en  Afrique  en  lais- 
sant à  Rome  cet  adieu  célèbre  :  «  Ville  vénale,  il  ne 
te  manque  qu'un  acheteur  assez  riche  !  »  Le  sénat 
envoya  de  nouveau  contre  lui  une  armée,  com- 
mandée par  Métellus  (109).  La  guerre  traîna  en 
longueur.  Ce  fut  Marius,  le  futur  vainqueur  des 
Cimbres,  qui  l'acheva.  Jugurtha,  vaincu,  se  réfugia 
chez  Bocchus,  roi  de  Mauritanie;  celui-ci  le  livra 
aux  Romains,  en  vertu  d'un  traité  dont  le  négocia- 
teur fut  Sylla,  lieutenant  de  Marius  (l 06).  Jugurtha, 
enfermé  dans  la  prison  souterraine  du  Capitole,  y 
mourut  de  faim.  L'histoire  de  la  guerre  de  i  u^uriha 
a  été  écrite  par  Salluste.  —  V.  Rome. 

Guerre  sociale.  —  Histoire  générale,  XII  et 
Vni.  —  Ce  nom,  qui  signifie  en  latin  guerre  des 
alliés,  est  donné,  dans  l'histoire  romaine,  à  la  révolte 
des  peuples  italiens  contre  Rome,  qui  dura  de  90 
à  88,  et  qui  fut  comprimée  par  Sylla.  L'histoire 
de  la  guerre  sociale  a  été  écrite  par  Prosper 
Mérimée.  —  V.  Rome. 

On  appelle  aussi  guerre  sociale,  dans  l'histoire 
grecque,  le  soulèvement  des  alliés  maritimes 
d'Athènes  contre  cette  ville  (357).  Après  une  lutte 
qui  dura  trois  ans,  Athènes  fut  contrainte  de  re- 
connaître l'indépendance  de  ses  anciens  alliés.  — 
V.  Grèce. 

Guerre  de  Mithridate.  —  Histoire  générale, 
XII.  —  Mithridate  VII,  roi  de  Pont,  après  avoir 
agrandi  ses  États  héréditaires  par  la  conquête  de  la 
Paphlagonie  et  de  la  Galatie,  se  trouva  en  conflit 
avec  les  Romains  qui  voulurent  l'empêcher  de  s'em- 
parer de  la  Cappadocc  et  de  la  Bitliynie.  Déclarant 
la  guerre  à  Rome  au  moment  où  celle-ci  se  voyait 
menacée  par  la  révolte  des  Italiens,  il  conquit  rapi- 
dement toute  l'Asie  Mineure,  et  fit  massacrer  tous 
les  Romains  qui  s'y  trouvaient  (88);  puis  il  entraîna 
dans  son  parti  la  Gi'èce,  où  il  envoya  son  général 
Archélaiis.  Sylla  marcha  contre  lui,  prit  Athènes 
(86),  battit  Archélaiis  h  Chéronée  et  un  autre  lieu- 
tenant de  Mithridate  à  Orchomène.  et  passa  ensuite 
en  Asie  Mineure.  Mithridate  demanda  la  paix  et 
restitua  ses  conquêtes  (84).  Mais,  quelques  années 
plus  tard,  il  reprit  les  armes  (75).  Cette  fois  ce  fut 
LucuUus  qui  reçut  le  commandement  des  légions 
romaines:  il  pénétra  dans  le  Pont,  et  obligea 
Mithridate  à  se  réfugier  auprès  du  roi  d'Arménie 
Tigrane,  qui  fut  vaincu  à  son  tour  par  les  Romains. 
Pompée,  qui  succéda  à  Lucullus,  poursuivit 
Mithridate  jusque  dans  le  Caucase.  Mais  pendant 
que  Pompée  allait  conquérir  la  Syrie,  l'infatigable 
Mithridate,  qui  avait  retrouvé  une  armée,  entrait 
dans  le  royaume  du  Bosphore  cimmérien  (Crimée), 
qu'il  voulut  soulever  contre  Rome.  Son  propre  fils 
Pharnace  se  révolta  alors  contre  lui,  et  Mithridate, 
se  voyant  sur  le  point  d'être  livré  aux  Romains,  se 
tua  à  Panticapée  (63).  —  V.  Rome. 

Guerre  des  pirates.  —  Histoire  générale,  XII. 
—  Après  la  mort  de  Sylla,  des  pirates,  établis 
dans  quelques  îles  de  la  Méditerranée  et  sur  les 
côtes  de  Cilicie,  infestèrent  les  mers.  Le  proconsul 
Servilius,  envoyécontre  euxen  77,  les  combattitinu- 
tilement  pendant  trois  ans.  Les  pirates,  toujours 
plus  redoutés,  s'allièrent  à  Mithridate  et  à  Sertorius. 
Antonius  et  Métellus  cherchèrent  à  les  détruire, 
maïs  sans  remporter  de  succès  décisifs. Enfin,  Pom- 
pée, investi  à  cet  eftct  d'une  mission  extraordi- 
naire, entreprend  de  purger  la  Méditerranée  de 
ces -insaisissables  ennemis  quialïamaient  Rome  («7). 
Il  brûle  leurs  vaisseaux,  détruit  leurs  forteresses,  et 
les  poursuit  jusque  dans  la  Cilicie,  leur  dernier  re- 
paire :  trois  mois  lui  suffirent  pour  terminer  cette 
campagne,  qui  rendit  son  nom  populaire.— V.  fio??je. 


Guerres  serviles-  —  Histoire  générale,  XII.  — 
On  donne  ce  nom  aux  luttes  que  Rome  eut  à  sou- 
tenir à  plusieurs  reprises  contre  les  esclaves  ré- 
voltés. 

Nombreuses  furent  les  tentatives  de  soulèvement 
parmi  les  malheureux  que  la  servitude  vouait  au 
dur  labeur  agricole  et  au  régime  impitoyable  de 
Yergastule,  ou  aux  misères  avilissantes  de  la  ty- 
rannie domestique.  Dès  Tan  -ilo  avant  l'ère  chré- 
tienne, c'est-à-dire  à  une  époque  où  l'histoire  de 
Rome  est  encore  à  demi  légendaire,  les  esclaves 
conspirent  pour  incendier  la  ville  ;  le  complot  est 
dénoncé  par  deux  traîtres,  les  conjurés  sont  mis  à 
mort.  En  l'an  21",  pendant  la  deuxième  guerre  pu- 
nique, autre  complot  à  la  suite  duquel  vingt-cinq 
esclaves  sont  mis  en  croix.  En  l'an  198,  révolte  des 
esclaves  dans  le  Latium  ;  ils  s'emparent  de  deux 
villes  ;  un  préteur  est  envoyé  contre  eux,  et  les 
révoltés  sont  massacrés.  En  Tan  196,  autre  révolte 
en  Etrurie  :  l'envoi  d'une  légion  est  nécessaire 
pour  comprimer  le  soulèvement.  En  l'an  185,  on 
découvre  que  la  confrérie  religieuse  dite  des  Bac- 
chanales sert  de  manteau  à  une  vaste  conjuration 
servile  ;  le  sénat,  effrayé,  fait  périr  des  milliers  d'es- 
claves à  Rome  et  dans  loute  l'Italie.  Enfin,  un 
demi-siècle  plus  tard,  éclate  en  Sicile  la  première 
grande  insurrection  des  esclaves. 

Première  guerre  sercile.  —  Il  y  avait  à  Enna, 
ville  située  au  centre  de  la  Sicile,  un  grand  pro- 
priétaire nommé  Damophile,  dont  les  domaines 
étaient  couverts  de  nombreux  troupeaux  d'escla- 
ves. Un  jour,  poussés  à  bout  par  la  cruauté  de  leur 
maître,  ceux-ci  se  révoltent  et  massacrent  Damo- 
phile et  sa  famille,  n'épargnant  que  sa  fille  qui  leur 
avait  montré  autrefois  de  la  pitié  (134).  Ils  entrent 
ensuite  dans  la  ville,  s'en  emparent,  et  mettent  à 
mort  tous  les  citoj^ens.  Aussitôt  le  mouvement  se 
propage  dans  les  campagnes  et  dans  les  villes  voi- 
sines. L'armée  des  insurgés,  forte  déjà  de  plu- 
sieurs milliers  d'hommes,  met  à  sa  tête  un  esclave 
syrien  nommé  Eunus.  Celui-ci  avait  acquis  un 
grand  ascendant  sur  ses  compagnons,  en  se  don- 
nant pour  prophète  et  faiseur  de  miracles  :  il  je- 
tait des  flammes  en  parlant,  prodige  qu'il  exécutait 
au  moyen  d'une  noix  remplie  de  soufre  allumé, 
cachée  dans  sa  bouche,  l'our  mieux  assurer 
son  prestige,  Eunus  prend  le  diadème,  et  s'entoure 
de  l'appareil  royal  des  monarques  orientaux  ;  il 
emprunte  aux  despotes  de  son  pays  natal  jusqu'à 
leur  nom,  et  s'appelle  désormais  Antiochus,  roi  des 
St/riens.  Bientôt  la  Sicile  entière,  sauf  quelques 
cités  fortifiées,  est  aux  mains  des  révoltés;  deux 
cent  mille  esclaves  y  avaient  brisé  leurs  chaînes  ; 
ils  tuaient  leurs  maîtres,  ou  les  faisaient  esclaves 
à  leur  tour.  Les  travailleurs  libres  eux-mêmes,  les 
prolétaires,  font  cause  commune  avec  les  insurgés. 

La  nouvelle  de  la  révolte  de  Sicile  se  répandit  ra- 
pidement dans  le  monde  entier;  partout  les  es- 
claves frémirent.  Il  y  eut  des  soulèvements  par- 
tiels en  Italie,  réprimés  aussitôt  par  des  exécutions 
sanglantes  ;  dans  les  mines  d'argent  de  l'Attique, 
et  sur  le  grand  marché  d'esclaves  de  l'île  de  Délos, 
où  des  forces  supérieures  eurent  également  raison 
de  la  révolte  ;  enfin  en  Asie  Mineure,  où  les  ban- 
des d'esclaves  insurgés,  ayant  à  leur  tête  un  chef 
nommé  Aristonicus,  qui  prenait  le  titre  de  roi  de 
Pergame,  tinrent  en  échec  pendant  plusieurs  années 
les  légions  romaines.  Le  philosophe  grec  Blossius 
de  Cumes,  qui  avait  été,  dit  Plutarque,  l'ami  et  le 
conseiller  de  Tibérius  Gracchus,  s'était  retiré, 
après  la  mort  du  célèbre  tribun  (en  133),  auprès 
d' Aristonicus;  quand  ce  dernier  fut  vaincu,  Blos- 
sius se  tua. 

Rome  réussit  L  empêcher  toute  communication 
entre  les  divers  foyers  d'insurrection  ;  la  Sicile, 
isolée  et  réduite  à  elle-même,  était  dès  lors  con- 
damnée à  succomber,  malgré  les  succès  que  les  ré- 
voltés avaient  remportés  d'abord  sur  les  armées 


GUERRES 


—  919  — 


GUERRES 


romaines.  Une  des  places-fortes  occupées  par  les 
esclaves,  Tauroménium,  fut  prise  par  la  famine, 
après  que  les  assiégés  eurent  mangé  leurs  fem- 
mes et,  leurs  enfants  ;  un  peu  plus  tard,  Enna, 
qui  servait  de  centre  à  l'insurrection,  fut  livrée 
par  trahison.  La  chute  de  ces  deux  citadelles  as- 
sura la  victoire  des  Romains.  Tous  les  esclaves 
révoltés  qui  furent  pris  périrent  dans  les  suppli- 
ces. Le  a  roi  Antiochus  »,  qui  s'était  réfugié  dans 
une  caverne  avec  son  cuisinier,  son  boulanger, 
son  baigneur  et  son  bouffon,  fut  fait  prisonnier  et 
tué  dans  son  cachot  (132).  Il  ne  resta  de  la  formi- 
dable armée  servile  que  quelques  bandes  qui  se 
sauvèrent  dans  les  montagnes. 

Deuxième  guerre.  —  Un  second  soulèvement 
éclata  en  Sicile  quelques  années  plus  tard  (lOi).  Ce 
fut  de  nouveau  près  d'Enna  que  la  révolte  com- 
mença, et,  comme  la  première  fois,  les  insurgés 
prirent  pour  chef  un  Syrien,  lesclave  Salvius, 
■qui  se  donna  le  nom  du  monarque  alors  régnant 
en  Syrie,  et  s'appela  le  roi  Tryphon.  Les  trou- 
pes romaines  envoyées  contre  les  révoltés  furent 
battues.  Tandis  que  la  révolte  grandissait  dans 
l'intérieur  de  l'île,  une  autre  insurrection  éclatait 
sur  la  côte  occidentale  ;  elle  était  dirigée  par  un 
Milicien  nommé  Athénien,  qui  dans  son  pays  avait 
été  chef  de  brigands.  Athénien  était  un  habile  sol- 
dat; il  donna  à  sa  troupe  une  bonne  organisation 
militaire,  n'armant  que  les  hommes  forts  et  exercés, 
et  emploj'ant  les  autres  à  travailler  pour  l'armée  ; 
il  se  montra  humain  envers  les  habitants  des  cam- 
pagnes et  les  prisonniers,  et  remporta  de  grands 
et  rapides  succès.  Donnant  ensuite  une  preuve 
remarquable  d'intelligence  politique,  il  reconnut 
volontairement  le  roi  Tryphon  pour  son  supérieur 
hiérarchique,  et  évita  ainsi  toute  discorde  entre  les 
insurgés.  Pendant  quatre  années,  les  bandes  de 
Salvius  et  d'Athénion  tinrent  la  campagne,  bat- 
tant les  armées  romaines  à  chaque  rencontre  ; 
mais  Salvius  périt  dans  un  engagement,  et  peu  de 
temps  après  un  consul  gagna  sur  Athénien  une 
bataille  où  il  tua  en  combat  singulier  le  brave 
Cilicien  (100).  Les  révoltés  furent  alors  traqués 
dans  les  montagnes;  d'immenses  massacres  signa- 
lèrent la  victoire  des  Romains.  Quelques  cen- 
taines d'esclaves,  pris  vivants,  avaient  été  envoyés 
à  Rome  pour  être  livrés  aux  bêtes  dans  le  cirque: 
mais  ils  trompèrent  l'attente  de  leurs  bourreaux,  en 
se  tuant  les  uns  les  autres  ;  leur  chef  égorgea  le 
dernier  survivant,  puis  se  frappa  lui-même. 

Troisième  guerre.  —  Celle  des  révoltes  serviles 
qui  a  laissé  les  plus  tragiques  souvenirs  est  la  troi- 
sième et  dernière,  celle  de  Spartacus  (73-71).  Cette 
fois,  ce  fut  l'Italie  môme  qui  fut  le  théâtre  de  la 
lutte.  Il  y  avait  dans  plusieurs  villes  des  établisse- 
ments nommés  écoles  de  gladiateurs,  où  l'on  dres- 
sait les  esclaves  au  maniement  des  armes  pour  les 
jeux  sanglants  de  l'arène.  Un  jour,  à  Capone,  une 
troupe  de  soixante-quatorze  esclaves  gladiateurs 
brisa  les  portes  de  V école  qui  lui  servait  de  prison, 
et  se  réfugia  sur  le  Vésuve.  A  la  tête  de  cette 
petite  bande  se  trouvaient  un  Thrace  nommé 
Spartacus  et  un  Gaulois  nommé  Crixos.  Ils  n'a- 
vaient d'autres  armes  que  des  bâtons  pointus  ; 
mais  ayant  surpris  et  défait  un  corps  de  trois 
raille  hommes  qu'on  avait  envoyé  contre  eux,  ils 
purent  s'armer  des  dépouilles  des  ennemis  vaincus. 
Leur  troupe  se  grossit  rapidement  de  tous  les  es- 
claves fugitifs  de  l'Italie.  Ils  battirent  une  armée 
romaine,  et  alors,  ayant  atteint  le  chiffre  de 
100,000  hommes,  ils  se  trouvèrent  complètement 
maîtres  de  l'Italie  méridionale.  Mais  l'insurrection 
manquait  d'unité;  les  esclaves  d'origine  hellénique 
«t  orientale  marchaient  sous  les  ordres  de  Sparta- 
cus, qui  se  montra  aussi  distingué  par  sa  grandeur 
d'âme  et  sa  générosité  que  par  sa  bravoure  et  ses 
talents  stratégiques  ;  mais  ceux  de  race  gauloise  et 
germaine  voulurent  faire  bande  à  part,  et  cette  divi- 


sion permit  aux  Romains  de  remporter  des  succès 
sur  des  corps  détachés.  Spartacus  n'en  infligea  pas 
moins  de  sanglantes  défaites  à  plusieurs  consuls 
romains  ;  puis  il  voulut  passer  en  Sicile,  où  les 
esclaves  n'attendaient  que  sa  présence  pour  se 
soulever  une  troisième  fois.  Il  négocia  avec  des  pi- 
rates, qui  devaient  le  transporter  dans  l'île,  lui  et 
ses  compagnons;  mais  les  pirates,  achetés  par  les 
Romains,  reçurent  de  Spartacus  le  prix  du  pas- 
sage, et  ensuite  lui  refusèrent  leurs  vaisseaux.  Le 
préteur  Crassus,  qui  avait  suivi  Spartacus  dans  la 
Calabre,  essaya  de  l'y  renfermer;  il  fit  construire 
par  ses  légionnaires  une  muraille  fortifiée  longue 
de  quatorze  lieues,  qui  coupait  la  presqu'île  dans 
toute  sa  largeur.  Mais  Spartacus  force  cette  mu- 
raille durant  une  nuit  neigeuse,  et  rentre  en  Italie. 
Rome  tremble  :  toutes  les  troupes  des  provinces 
sont  rappelées  pour  combattre  ce  redoutable  ad- 
versaire. La  victoire  des  Romains  fut  facilitée  par 
la  division  qui  continuait  à  régner  parmi  les  révol- 
tés ;  divers  corps  isolés  purent  être  écrasés  en  dé- 
tail ;  et  enfin  Spartacus  lui-même  fut  tué  dans  une 
action  décisive  (71).  On  extermina  peu  à  peu,  eu 
battant  les  montagnes,  les  restes  des  bandes  in- 
surgées. 

La  lutte  avait  été  atroce  de  part  et  d'autre.  Les 
esclaves,  exaspérés  par  de  longues  souffrances  et 
abrutis  par  la  servitude,  n'avaient  pour  la  plupart 
cherché  dans  leur  triomphe  passager  que  de  san- 
guinaires vengeances  et  les  jouissances  de  l'orgie  ; 
les  maîtres,  rendus  plus  féroces  encore  par  la 
peur,  firent  expier  à  leurs  victimes,  dans  d'horribles 
supplices,  le  crime  d'avoir  brisé  leurs  chaînes;  sur 
la  seule  route  de  Capoue  à  Rome,  six  mille  croix 
portant  des  cadavres  d'esclaves  annoncèrent  au 
passant  l'œuvre   sanglante  de  la  justice  romaine. 

—  V.  Esclavage.  [J.  Guillaume.] 

Guerre  des  Gaules.  —  Histoire  générale,  XII; 
Histoire  de  France.  II.  —  Nom  donné  aux  sept 
campagnes  que  Jules  César  accomplit,  de  58  à  51, 
pendant  son  proconsulat  des  Gaules,  et  qu'il  a 
racontées  dans  ses  Commentaires.  —  V.  Gaule  et 
Home. 

Guerre  civile.  —  Histoire  générale,  XIII.  — 
Ce  nom  s'applique  spécialement,  dans  l'histoire 
romaine,  à  la  lutt?  entre  Jules  César  et  le  parti 
du  sénat  ou  de  Pompée,  lutte  dont  les  batailles 
de  Pharsale,  de  Thapsus  et  de  Munda  forment 
les  principaux  épisodes.  Elle  dura  de  49  à  45,  et 
se  termina  par  le  triomphe  complet  de  César  sur 
les  pompéiens.  César  a  écrit  lui-même  l'histoire 
de  la  première  partie  de  la  guerre  civile.  ^-  V.  Rome. 

Guerre  de  Modène,  —  Histoire  générale,  XIV. 

—  Un  an  après  le  meurtre  de  César,  Antoine 
était  allé  assiéger  dans  Modène  le  proconsul  Déci- 
mus  Brutus,  l'un  des  meurtriers  du  dictateur.  Oc- 
tave, fils  adoptif  de  César  et  rival  d'Antoine,  ac- 
cepta du  sénat  la  mission  d'aller  porter  secours  à 
Décimus  Brutus.  Accompagné  des  deux  consuls 
Hiriius  et  Pansa,  Octave  marcha  contre  Antoine, 
qui  fut  vaincu  dans  deux  batailles  et  dut  s'enfuir 
vers  les  Alpes  (43).  Les  deux  consuls  ayant  été 
tués  dans  le  dernier  engagement.  Octave,  revenu 
à  Rome,  se  fit  donner  le  consulat  :  ce  fut  le  com- 
mencement de  sa  fortune  politique.  II  allait  bien- 
tôt s'allier  à  celui  qui  avait  d'abord  été  son  adver- 
saire, et  former  avec  lui  et  Lépidus  le  second 
triumvirat.  —  V.  Rome. 

Guerre  de  Cent  Ans.  —  Histoire  de  France, 
XII-XIV  ;  Histoire  générale,  XIX,  XXVIU.  —  On  dé- 
signe sous  ce  nom  la  longue  lutte  qui  mit  aux  pri- 
ses la  France  et  l'Angleterre  durant  un  siècle,  de 
1336  à  1436,  sous  les  règnes  de  Philippe  VI*  de  'Va- 
lois, Jean  II  *  le  Bon,  Charles  V  *  le  Sage,  Charles 
VI  *  l'Insensé  et  Charles  VII  *.  Cette  guerre  peut 
se  diviser  en  quatre  périodes. 


GUERRES 


—  920  — 


GUERRES 


1"  PÉRIODE  {1336-1364).  Du  début  des  hostilités 
à  la  mort  dn  roi  Jean. 

Situation  de  la  France  et  de  l'Angleterre.  —  Le 
fils  aîné  de  Philippe  IV*  le  Bel,  Louis  X*  le  Hutin, 
était  mort  en  1316,  et  son  fils  posthume,  Jean  h^,  le 
suivit  au  tombeau  la  même  année.  Louis  laissait  en- 
core une  fille,  Jeanne,  à  l'occasion  de  laquelle  se  pré- 
senta pour  la  première  fois  en  France  la  question  de 
la  succession  des  femmes  au  trône.  Philippe  V  *, 
second  fils  de  Philippe  le  Bel,  se  fit  sacrer  roi  au  dé- 
triment de  sa  nièce,  et  fit  ensuite  ratifier  sa  prise 
de  possession  du  trône  par  les  États  Généraux  *, 
qui  déclarèrent  les  femmes  inhabiles  à  succéder  à 
la  couronne.  Entre  autres  raisons  données  à  l'appui 
de  cette  décision,  ils  se  fondèrent  sur  ce  passage 
de  l'Evangile  où  il  est  dit  :  «  Les  lys  ne  travaillent 
ni  ne  filent,  et  cependant  Salomon  dans  touie  sa 
gloire  n'a  pas  été  vêtu  comme  l'un  d'eux  ;  »  ils  en 
concluaient  que  «  le  roj  aume  des  lys  ne  devait 
point  tomber  en  quenouille.  »  Plus  tard,  les  légis- 
tes cherchèrent  un  argument  plus  solide  pour  mo- 
tiver l'exclusion  des  femmes  du  trône,  et  invoquè- 
rent un  texte  de  l'ancienne  loi  des  Francs  Saliens, 
qui  ordonnait  que  «  la  terre  salique  ne  fût  point 
recueillie  par  les  femmes,  et  que  l'hérédité  tout 
entière  fût  dévolue  aux  mâles.  »  Cette  assimilation 
de  la  couronne  à  la  terre  salique  était  inexacte,  et 
d'ailleurs  la  loi  salique  avait  cessé  depuis  long- 
temps d'être  en  vigueur;  néanmoins  les  légistes  se 
trouvèrent  cette  fois  d'accord  avec  le  sentiment 
national,  qui  leur  donna  raison:  en  effet,  l'admis- 
sion des  femmes  au  trône  eût  entraîné  le  danger 
de  voir  la  couronne  de  France  passer  par  mariage 
aux  mains  d'un  étranger.  Philippe  V  fut  donc  re- 
connu roi  sans  contestation. 

Il  mourut  sans  enfant  mâle  en  1322,  et  eut  pour 
successeur  son  frère  Charles  IV  *  le  Bel,  qui  ne 
laissa  pas  non  plus  de  postérité  masculine. 

A  la  mort  de  Charles  IV  (1328),  il  ne  restait  de 
la  descendance  directe  de  Philippe  le  Bel  que  des 
femmes.  Les  filles  de  Philippe  V  et  de  Charles  IV 
n'élevèrent  pas  de  prétentions  à  la  couronne  ;  mais 
deux  autres  princesses  aspiraient  à  recueillir  l'hé- 
ritage de  la  dj'nastie  capétienne.  C'étaient  d'une 
part  Jeanne,  la  fille  do  Louis  le  Hutin  ;  d'autre 
part,  une  fille  de  Philippe  IV,  Isabelle,  devenue 
reine  d'Angleterre  par  son  mariage  avec  Edouard  II. 
La  loi  salique  fut  invoquée  de  nouveau,  et  ce  fut 
un  neveu  de  Philippe  l-  Bel,  Philippe  VI  de  Valois, 
qui  monta  sur  le  trône  (V.  à  l'article  Capétiens  le 
tableau  généalogique).  Il  dédommagea  la  fille  de 
Louis  X  en  lui  cédant  la  Navarre  ;  quant  à  la 
reine  d'Angleterre,  qui  réclamait  au  nom  de  son 
fils  Edouard  III,  ses  droits,  si  elle  en  avait,  ne 
pouvaient  venir  qu'après  ceux  de  Jeanne,  qui  re- 
présentait la  branche  aînée.  Aussi  Edouard  III  pa- 
rut-il renoncer  à  toute  prétention  ;  il  vint  même 
rendre  hommage  à  Philippe  de  Valois  pour  la 
Guyenne,  fief  anglais  qui  relevait  de  la  couronne 
de  FranC'3. 

Telle  était  la  situation  au  moment  où  éclata  la 
querelle  qui  donna  naissance  à  la  guerre  de  Cent 
Ans. 

Causes  de  la  guerre.  Affaires  de  Flandre  et  de 
Bretagne.  —  Los  puissantes  communes  flamandes 
avaient  chassé  leur  comte,  Louis  de  Nevers.  Ce- 
lui-ci, vassal  du  roi  de  France,  réclama  l'appui  de 
Philippe  VI,  qui  battit  les  Flamands  à  Cassel  (13-S). 
Bientôt  après,  le  roi  d'Ecosse  David  Bruce,  allié 
de  la  France,  ayant  été  chassé  par  son  rival  Balliol 
avec  l'aide  des  Anglais,  Philippe,  à  titre  de  repré- 
sailles, obligea  les  Flamands  à  chasser  tous  les 
marchands  anglais.  Edouard  III  répliqua  par  l'in- 
terdiction d'exporter  en  Flandre  les  laines  d'An- 
gleterre (1336).  Cette  mesure  devait  ruiner  l'in- 
dustrie des  Flamands  ;  aussi  se  soulevèrent-ils  à 
la  voix  de  Jacques  Artevelt,  le  grand  patriote  de 


Gand,  chassèrent  de  nouveau  leur  comte,  et  enga- 
gèrent Edouard  III  à  faire  valoir  ses  droits  à  la 
couronne  de  France,  leur  intérêt  étant  de  l'avoir 
pour  suzerain  plutôt  que  Philippe  de  Valois. 

Edouard  hésita  longtemps  ;  enfin  il  passa  la  mer, 
fit  sanctionner  ses  prétentions  à  la  couronne  de 
France  par  l'empereur  Louis  de  Bavière,  à  la  diète 
de  Coblentz  (1338),  puis  commença  à  guerroyer 
contre  Philippe  de  Valois.  Une  flotte  de  140  vais- 
seaux castillans  et  génois,  à  la  solde  de  la  France, 
fut  détruite  par  Edouard  à  l'Écluse  (1340)  ;  mais 
bientôt  le  vainqueur,  abandonné  par  ses  alliés  de 
Flandre  et  d'Allemagne,  dut  conclure  une  trêve  de 
deux  ans. 

Sur  ces  entrefaites,  une  guerre  éclata  en  Bre- 
tagne entre  deux  prétendants  à  la  succession  de 
ce  duché,  Charles  de  Blois  et  Jean  de  Montfort. 
Philippe  VI  se  prononça  en  faveur  de  Charles  de 
Blois,  dont  le  rival  demanda  l'appui  des  Anglais. 
Ce  fut  une  occasion  pour  Edouard  de  recommencer 
la  lutte;  à  l'expiration  de  la  trêve,  il  fit  une  des- 
cente en  Bretagne;  mais  l'intervention  du  pape 
amena  une  nouvelle  suspension  des  hostilités 
(1344). 

Bataille  de  Crécy.  —  L'exécution  de  quinze  che- 
valiers bretons  accusés  d'intelligence  avec  l'Angle- 
terre, et  que  Philippe  de  Valois  fit  saisir  en  trahi- 
son et  décapiter,  mit  de  nouveau  la  Bretagne  en 
feu.  Edouard  III  reprit  les  armes  et  passa  en  France. 
Il  s'avança  jusque  près  de  Paris,  en  ravageant  tout 
sur  son  passage  ;  puis,  forcé  de  reculer,  il  attendit 
à  Crécy  l'armée  de  Philippe  de  Valois  qui  le  ser- 
rait de  près.  La  position  d'Edouard  était  difficile  ; 
il  avait  trois  fois  moins  de  troupes  que  son  ad- 
versaire. La  brillante  chevalerie  française  se  croyait 
sûre  de  la  victoire  ;  son  indiscipline  la  perdit. 

«  Le  roi  ni  les  maréchaux  ne  pouvaient  être 
maîtres  de  leurs  gens,  car  il  y  avait  si  grand 
nombre  de  grands  seigneurs,  que  chacun  voulait 
là  montrer  sa  puissance  ;  et  ils  chevauchèrent  en 
cet  état,  sans  arroi  et  sans  ordonnance,  si  avant 
qu'ils  approchèrent  leurs  ennemis.  »  (Froissart.) 
L'armée  anglaise  était  presque  entièrement  com- 
posée d'infanterie  ;  elle  soutint  sans  broncher  le 
choc  des  chevaliers,  qu'elle  mit  en  déroute  après 
on  avoir  fait  un  gia'id  massacre.  La  vaillance  féo- 
dale s'était  brisée  contre  la  discipline  de  la  milice 
à  pied  (1346). 

La  victoire  de  Crécy  permit  à  Edouard  III  de 
mettre  le  siège  devant  Calais,  la  clef  de  la  France. 

Prise  de  Calais.  —  Les  habitants  de  Calais  se 
défendirent  héroïquement  pendant  onze  mois,  sans 
que  Philippe  de  Valois,  que  le  désastre  de  Crécy 
avait  profondément  abattu,  osât  essayer  de  les  se- 
courir. La  famine  les  contraignit  enfin  de  se  rendre. 
Edouard  voulait  les  mettre  tous  à  mort;  ses  barons 
intercédèrent  en  faveur  des  malheureux  assiégés. 
«  Eh  bien,  seigneurs,  dit  le  roi,  je  ne  veux  mie 
être  seul  contre  vous  tous.  Allez  dire  au  capitaine 
de  Calais  qu'il  me  livre  six  des  plus  notables  bour- 
geois de  la  ville  ;  qu'ils  viennent  la  tête  nue,  les 
pieds  déchaussés,  la  hart  au  cou,  les  clefs  de  la 
ville  et  du  château  dans  leurs  mains  :  je  ferai  d'eux. 
à  ma  volonté,  je  prendrai  le  reste  à  merci.  » 

Le  gouverneur  de  Calais  réunit  les  bourgeois, 
leur  fait  part  de  la  volonté  du  roi  d'Angleterre.  Un 
morne  silence  règne  d'abord  dans  l'assemblée  ; 
|)uis  un  bourgeois  notable,  Eustache  de  Saint- 
Pierre,  prenant  l'initiative  d'un  sublime  dévoue- 
ment, parle  en  ces  termes  :  «  Seigneurs  grands  et 
petits,  grand  pitié  et  grand  meschef  serait  de  lais- 
ser mourir  un  tel  peuple  qui  ci  est,  par  famine  ou 
autrement,  quand  on  y  peut  trouver  aucun  moyen  ; 
et  serait  grand  aumône  et  grand  grâce  envers  Notre 
Seigneur  qui  de  tel  meschef  les  pourrait  garder. 
J'ai  si  grande  espérance  d'avoir  pardon  de  Notre 
Seigneur,  si  je  meurs  pour  ce  peuple  sauver,  que 
veux  être   le  premier  et  me  mettrai  volontiers  en 


GUERRES 


—  921  — 


GUERRES 


chemise,  à  nu  chef  et  la  hart  au  cou,  en  la  Lisrci 
du  roi  d'Angleterre.  » 

Le  généreux  exemple  d"Eustache  de  Saint-Pierre 
trouve  aussitôt  des  imitateurs.  Jean  d' Aires,  Jac- 
ques et  Pierre  de  Wissant  déclarent  qu'ils  se 
joindront  à  messire  Eustache.  Les  deux  derniers 
bourgeois  nécessaires  pour  compléter  le  total  des 
six  victimes  expiatrices  furent  désignés  par  le  sort 
parmi  plus  de  cent  candidats  qui  briguaient  Tlion- 
neur  d'être  choisis. 

Quand  les  six  bourgeois  furent  arrivés  au  camp 
ansilais,  Edouard  ordonna  de  les  mettre  à  mort  sur- 
lu-champ,  «  car  moult  haïssait  les  habitants  de 
Calais,  pour  les  grands  dommages  et  contraires 
qu'au  temps  passé  sur  mer  lui  avaient  fait.  »  Quel- 
ques seigneurs  voulurent  intercéder;  il  leur  im- 
posa silence  «  en  grinçant  des  dents.  »  La  reine 
d'Angleterre,  qui  se  trouvait  dans  le  camp,  émue 
de  ce  spectacle,  demanda  à  son  tour  la  grâce  des 
prisonniers,  en  se  jetant  aux  genoux  de  son  mari. 

«  Le  roi  attendit  un  petit  ;\  parler,  et  regarda  la 
bonne  dame  sa  femme,  qui  plorait  à  genoux  moult 
tendrement.  Si  lui  amollia  le  cœur,  et  si  dit  : 
«  Ah  !  dame,  j'aimerais  trop  mieux  que  vous  fus- 
«  siez  autre  part  que  ci. . .  Tenez,  je  vous  les  donne  ; 
«  si  en  faites  votre  plaisir.  »  La  bonne  dame  dit  : 
«  Mon  seigneur,  très  grand  merci.  » 

»  Lors  se  leva  la  reine,  et  fit  lever  les  six  bour- 
geois, et  leur  ôta  les  cordes  d'entour  leur  cou,  et 
les  emmena  avec  elle  dans  sa  chambre,  et  les  fit 
revêtir  et  donner  à  dîner  à  tout  aise  ;  et  puis  donna 
à  chacun  six  nobles  (pièces  d'or),  et  les  fit  con- 
duire hors  du  camp  à  sûreté.  »  (Froissart.) 

La  clémence  d'Edouard  III  s'arrêta  là.  La  popu- 
lation de  Calais  eut  la  vie  sauve,  mais  elle  dut  éva- 
.cuer  la  ville,  où  fut  établie  une  colonie  anglaise. 

Fin  du  règne  de  Philippe  VI.  —  Une  trêve  fut 
conclue  la  même  année  :  mais  la  France  n'en  jouit 
guère  :  elle  fut  désolée  par  la  peste  noire,  qui  ra- 
vagea la  plus  grande  partie  de  l'Europe  (1348).  La 
mauvaise  administration  de  Philippe  accrut  encore 
les  maux  de  la  guerre  et  de  la  contagion  ;  pour  sub- 
venir à  ses  folles  dépenses,  il  altéra  plusieurs  fois 
les  monnaies,  et  établit  à  perpétuité  l'impôt  du  sel 
ou  gabelle,  si  odieux  au  peuple.  Il  mourut  en  1-350, 
après  avoir  fait  l'acquisition  du  Dauphinc  ;  le  titre 
de  dauphin  fut  depuis  lors  porté  par  les  fils  aînés 
des  rois  de  France. 

Jean  le  Bon.  Hataille  de  Poitiers.  —  Le  fils  et 
successeur  de  Philippe,  Jean  II,  fut  surnommé  /e 
toi  par  des  courtisans  qui  regardaient  la  prodiga- 
lité comme  la  première  vertu  d'un  roi.  Il  se  montra 
cruel,  orgueilleux  et  incapable  comm^  son  père.  Il 
débuta  par  l'assassinat  du  comte  d'Eu,  connétable 
de  France,  et  par  l'emprisonnement  de  Charles  de 
Navarre,  fils  de  Jeanne  et  petit-fils  de  Louis  le  Hutin, 
qu'il  fit  traîtreusement  enlever  à  la  table  même  du 
dauphin  son  fils,  parce  qu'il  se  défiait  de  lui.  Les 
partisans  de  Charles  de  Navarre  appelèrent  les  An- 
glais. Le  Prince  Noir,  fils  aîné  d'Edouard  III,  partit 
de  la  Guj'enne  avec  une  armée,  et  s'avança  vers 
la  Loire.  Jean  marcha  à  sa  rencontre,  et  le  cerna 
près  de  Poitiers.  Le  roi  de  France  avait  cinquante 
mille  hommes,  le  Prince  Noir  n'en  avait  que  huit 
mille  ;  les  Anglais  paraissaient  perdus.  Le  Prince 
Noir  essaya  de  négncier  ;  il  offrit  de  rendre  ses 
conquêtes  et  ses  prisonniers,  s'engageant  en  outre 
à  ne  pas  porter  les  armes  contre  la  France  pendant 
sept  ans.  Jean  refusa;  il  voulait  une  victoire  pour 
laver  la  honte  de  Crécy,  et  engagea  le  combat.  Mais 
la  chevalerie  française  ne  s'était  pas  corrigée  des 
défauts  qui  avaient  amené  sa  défaite  dix  ans  aupa- 
ravant ;  elle  était  restée  indisciplinée,  imprévoyante 
et  présomptueuse.  Malgré  sa  bravoure,  l'armée  de 
Jean  se  fit  battre  à  plate  couture  ;  le  roi  fut  fait 
prisonnier  avec  plusieurs  milliers  de  chevaliers  : 
le  nombre  des  captifs  était  plus  grand  que  celui 
des  vainqueurs.  Le  Prince  Noir  traita  son  adver- 


saire vaincu  avec  la  plus  chevaleresque  courtoisie, 

et  l'envoya  à  Londres. 

Etats  généraux  de  1357.  Etieiine  Marcel.  La  Jac 
querie.  —  La  royauté  et  la  noblesse  s'étaient  mon- 
trées incapables,  non  seulement  d'administrer  l'E- 
tat, mais  même  de  le  défendre  contre  l'étranger; 
c'était  maintenant  au  peuple  à  sauver  la  France. 

Les  Etats  Généraux,  convoqués  par  le  dauphin 
Charles,  qui  avait  pris  la  régence,  exigèrent  le 
renvoi  des  ministres  du  roi  Jean,  la  mise  en  liberté 
de  Charles  de  Navarre,  illégalement  détenu,  de 
nombreuses  réformes  dans  l'administration,  et  la 
création  d'un  conseil  de  régence,  composé  de  trente- 
six  commissaires  nommés  par  les  Etats  et  choisis 
en  nombre  égal  dans  les  trois  ordres.  Le  dauphin 
parut  céder  :  il  publia  la  grande  Ordonnance  de 
ré/ormation  de  mars  1357,  qui  établissait  le  régime 
de  la  monarchie  constitutionnelle,  en  remettant 
toute  l'autorité  réelle  aux  mains  des  Etats  Géné- 
raux, dont  le  roi  ne  ferait  plus  qu'exécuter  la  vo- 
lonté. L'auteur  principal  de  cette  hardie  tentative 
de  révolution  démocratique  était  Etienne  Marcel, 
prévôt  des  marchands  de  Paris,  l'orateur  le  plus 
écouté  des  Etats.  Mais  cet  essai  de  gouvernement 
de  la  nation  par  la  nation  était  prématuré  :  la  bour- 
geoisie des  villes  n'était  pas  encore  assez  forte 
pour  tenir  tête  à  elle  seule  à  la  royauté  et  à  l'aris- 
tocratie, et  le  peuple  des  campagnes,  sans  l'appui 
duquel  les  bourgeois  devaient  succomber,  n'était 
pas  né  à  la  vie  politique. 

Le  dauphin  était  résolu  à  ne  pas  tenir  sa  parole  ; 
il  rassembla  des  troupes,  intrigua  pour  diviser  le 
parti  de  Marcel,  et  se  crut  bientôt  assez  fort  pour 
résister  ouvertement  au  Conseil  des  trente-six  ;  il 
publia  quatre  ordonnances  qui  altéraient  de  nou- 
veau les  monnaies.  Les  Parisiens,  qui  s'étaient  or- 
ganisés en  milice  portant  un  chaperon  rouge  et  bleu 
comme  signe  de  reconnaissance,  s'insurgèrent  con- 
tre ce  manque  de  foi  ;  l'hôtel  du  dauphin  fut  en- 
vahi, deux  de  ses  ministres  tués  sous  ses  j'eux  ;  le 
dauphin  se  jeta  aux  genoux  de  Marcel,  lui  demanda 
la  vie,  et  promit  obéissance  aux  décisions  des  com- 
missaires des  Etats  (22  février  1358j.  Quelques  se- 
maines après,  il  s'enfuit  de  Paris,  se  retira  à  Meaux, 
y  rassembla  une  armée,  et  par  ses  intrigues  par- 
vint à  diviser  les  Etats  Généraux  ;  la  noblesse  se 
rapprocha  de  lui,  et  mit  à  prix  la  tête  de  Marcel. 
L'astucieux  Charles  de  Navarre,  sorti  de  prison,^ 
était  à  la  tête  d'un  troisième  parti  :  espérant  profi- 
ter de  la  crise  pour  arriver  au  trône  de  France,  au- 
quel il  prétendait  avoir  plus  de  droit  que  les  Valois, 
il  s'alliait  tantôt  aux  Parisiens,  tantôt  à  leurs  adver- 
saires. 

A  ce  moment,  les  paysans  des  envii-ons  de  Paris 
et  du  nord  de  la  France  se  soulevèrent  contre  leurs 
seigneurs.  L'existence  du  malheureux  peuple  des 
campagnes  était  intolérable.  «  Les  nobles,  faits 
prisonniers  à  Poitiers  et  renvoyés  sur  parole,  près 
suraient  cruellement  leurs  vassaux  pour  payer 
leur  rançon.  Des  compagnies  d'aventuriers  anglais 
navarrais,  brabançons,  pillaient  les  routes  et  les 
campagnes,  brûlaient  les  chaumières,  torturaient 
les  paysans.  Des  barons  se  mettaient  à  la  tête  de 
ces  brigands.  Les  paysans  se  réfugiaient  dans  les 
villes,  dans  les  îles  des  fleuves,  dans  les  souter- 
rains qui  existent  encore  et  où  ils  s'entassaient 
avec  leurs  outils  et  leurs  bestiaux.  »  (Lavallee.)  Jac- 
ques Bonhomme,  après  des  siècles  d'inerte  rési- 
gnation, se  redressa  tout  à  coup  :  ses  représailles 
furent  terribles.  Cent  mille  paysans  brûlèrent  les 
châteaux  et  massacrèrent  les  nobles  (mai  1 358).  Mais 
à  peine  armés  et  sans  organisation,  ils  ne  purent 
résister  aux  forces  du  dauphin  et  du  roi  de  Na- 
varre, qui  s'unirent  contre  eux  ;  ils  furent  écrasés 
et  impitoyablement  exterminés  ;  il  ne  resta  de  la 
Jacquerie  que  des  ruines  fumantes  et  des  campa- 
gnes dépeuplées. 

Les  bourgeois  de  Paris  avaient  fait  un  moment 


GUERRES 


—  922 


GUERRES 


cause  commune  avec  les  paysans  révoltés.  Quand 
ceux-ci  furent  vaincus,  Marcel  et  son  parti  se  trou- 
vèrent isolés,  hors  d'état  de  tenir  tôte  au  daupliin, 
qui  bloquait  la  capitale.  Dans  cet  embarras,  Marcel 
négocia  avec  Charles  de  Xavarre,  lui  offrant  la  cou- 
ronne en  échange  de  son  alliance.  Mais  avant  que 
le  Navarrais  eiit  pu  pénétrer  dans  Paris,  Marcel  fut 
tué  par  des  partisans  du  dauphin  (.30  juillet  1-358). 
Trois  jours  après,  Paris  était  livré  aux  troupes 
royales.  «  Tous  les  magistrats,  les  amis  de  Marcel, 
les  partisans  de  la  liberté,  périrent  sur  l'échafaad  ; 
un  grand  nombre  d'autres  furent  proscrits  ou  dé- 
pouillés de  leurs  biens.  Le  dauphin  abolit  toutes  les 
ordonnances  rendues  sous  l'influence  des  Etats, 
rétablit  ses  conseillers,  donna  tous  les  offices  à  ses 
-créatures,  et  rendit  enfin  le  pouvoir  loyal  plus 
absolu  qu'avant  le  mouvement.  »  (Lavallée.) 

Traité  de  Irrétigny.  —  Le  roi  Jean  avait  d'abord 
négocié  une  trêve  de  deux  ans  avec  les  Anglais:  en 
1359,  las  de  sa  captivité,  il  signa  à  Londres  un  traité 
•qui  livrait  à  l'Angleterre  la  moitié  de  la  France. 
Cette  honteuse  convention  fut  rejetée  par  les  Etats 
Généraux;  alors  Edouard  111  débarqua  à  Calais  et 
marcha  sur  Paris.  Le  dauphin  n'essaj'a  aucune  ré- 
sistance ;  mais  les  Anglais,  décimés  par  la  maladie 
■€t  manquant  de  vivres,  se  découragèrent  bientôt, 
et  un  traité  de  paix  définitif  fut  conclu  à  Bréiigny. 
Edouard  III  renonçait  à  toute  prétention  à  la  cou- 
ronne de  France  ;  en  revanclie  il  recevait  en  sou- 
veraineté directe  le  Poitou,  la  Saintonge,  l'Aunis, 
l'Angoumois,  le  Limousin,  le  Périgord,  le  Quercy, 
le  Rouergue,  l'Agénois,  le  Bigorre,  le  Ponthieu, 
Calais,  Guine,  Montreuil.  Jean  recou^Tait  la  liberté 
moyennant  une  rançon  de  trois  millions  d'écus 
{136n). 

Malgré  la  paix  conclue  entre  les  souverains,  les 
populations  continuèrent  à  souffi-ir  tous  les  maux 
de  la  guerre.  Des  bandes  de  soudards,  les  grandes 
compagnies,  pillaient  les  provinces,  et  le  paiement 
de  la  rançon  du  roi  épuisa  les  dernières  ressources 
du  pays.  Jean  mourut  en  i:'.64  à  Londres,  où  il  était 
retourné  se  constituer  prisonnier  en  remplacement 
de  son  fils  le  duc  d'.\njou,  qui,  remis  en  otage  aux 
Anglais,  s'était  évadé.  Un  an  avant  sa  mort,  il  avait 
donné  en  apanage  à  son  quatrième  fils  Philippe  le 
duché  de  Bourgogne,  vacant  par  l'extinction  de  la 
maison  qui  l'avait  possédé  jusqu'alors. 

2'  PÉRIODE  (1364-1380).  —  Règne  de  Charles  V. 

Duguesdin  et  les  grandes  companmes.  —  Le 
dauphin  Charles  succéda  à  son  père.  L'histoire  l'ap- 
pelle Charles  V  le  Sage,  et,  politiquement  parlant, 
il  mérita  ce  nom  :  autant  ses  deux  prédécesseurs 
•avaient  montré  d'impéritie  brutale,  autant  il  fit 
preuve  d'habileté,  d'entente  des  affaires,  de  dissi- 
mulation et  de  ruse.  Il  était  venu  à  bout,  par  la 
diplomatie  et  la  trahison,  du  mouvement  démocra- 
tique de  1357  ;  il  lui  restait  à  se  débarrasser  des 
bandes  armées  qui  rendaient  impossible  une  admi- 
nistration régulière  du  royaume,  et  à  resagner  sur 
les  Anglais  les  territoires  que  le  traité  de  Brétigny 
leur  avait  cédés. 

Mais  Charles  V  n'était  pas  un  prince  guerrier  ;  il 
lui  fallait  un  homme  d'épée  qu'il  pût  mettre  à  la 
tète  de  ses  armées.  Il  le  trouva  :  ce  fut  le  soldat 
de  fortune  Bertrand  Du  Guesclin,  chevalier  breton. 

Le  premier  exploit  de  Du  Guesclin  fut  une  victoire 
remportée  sur  le  roi  de  Navarre,  à  Cocherel  ;  Char- 
les \  se  vit  délivré  par  là  du  dangereux  voisinage 
d'un  compétiteur  au  trône. 

Le  roi  de  France  chargea  ensuite  son  futurconné- 
table  de  débairasser  le  pays  des  grandes  compagnies 
qui  l'infestaient.  Du  Guesclin  appela  à  lui  tous  ces 
larouches  aventuriers,  et  les  conduisit  en  Espagne 
faire  la  guerre  au  roi  de  Castille,  Pierre  le  Cruel. 
Cliemin  faisant,  la  horde  de  Du  Guesclin  rançonna 
le  pape  h.  Avignon  ;  puis  elle  détrôna  le  roi  castil- 
lan, et  le  remplaça  par  son  frère  Henri  de  Trans- 


tamare.  Mais  le  Prince  Noir,  qui  gouvernait  la 
Guyenne,  intervint  en  faveur  de  Pierre  ;  il  passa 
les  Pyrénées  avec  une  armée,  et  vainquit  Henri  de 
Transtamare  à  la  bataille  de  Navarete  (1367),  où 
Du  Guesclin  fut  fait  prisonnier.  Le  Prince  Noir  garda 
deux  ans  le  chevalier  breton  en  captivité  ;  enfin  il 
lui  rendit  la  liberté  moyennant  rançon.  Aussitôt 
,  libre,  Du  Guesclin  retourna  en  Espagne,  et  avec  son 
aide,  Henri  de  Transtamare  gagna  la  bataille  de 
Montiel  qui  lui  rendit  la  couronne  (1369). 

La  guerre  avec  les  Anglais  recommence.  —  Du- 
rant ce  temps  Charles  V  s'était  préparé  à  l'action 
contre  les  Anglais.  Il  avait  noué  des  intelligences 
avec  les  seigneurs  français  sujets  de  l'Angleterre, 
cherché  des  alliances,  rempli  son  trésor.  Le  moment 
venu,  il  profita  du  mécontentement  causé  en 
Guyenne  par  les  exigences  fiscales  du  Prince  Noir; 
et  accueillant  les  plaintes  des  seigneurs  gascons 
comme  s'il  eût  encore  été  suzerain  de  ce  pays,  il 
cita  le  prince  anglais  à  comparaître  devant  lui. 
«  J'irai,  répondit  le  prince  Noir,  mais  ce  sera  le 
bassinet  en  tête  et  60,000  hommes  en  notre  com- 
pagnie 5)  (1369). 

Charles  V  envoya  alors  une  déclaration  de  guerre 
à  Londres  ;  Edouard  III  répliqua  en  reprenant  le 
titre  de  roi  de  France.  Le  traité  de  Brétigny  était 
déchiré. 

Il  n'y  eut  pas  cette  fois  de  grandes  batailles; 
Charles  recommandait  à  ses  capitaines  de  les  éviter. 
La  guerre,  au  lieu  de  se  concentrer  en  une  opéra- 
tion stratégique  unique,  était  partout  où  les  Anglais 
possédaient  un  territoire.  Les  Français  eurent  gé- 
néralement l'avantage;  ils  reprirent  le  Ponthieu, 
le  Quercy,  la  Picardie  ;  le  Prince  Noir,  il  est  vrai, 
fit  une  vigoureuse  résistance,  et  brûla  Limoges,  que 
le  duc  d'Anjou  avait  enlevé  aux  Anglais;  mais  après 
ce  dernier  succès,  il  abandonna  la  partie  ;  la  ma- 
ladie l'avait  usé  avant  l'âge  ;  il  se  retira  en  Angle- 
terre, où  il  mourut 

Fin  du  règne  de  Charles  V.  —  Vainement  les 
Anglais  tentèrent  encore  trois  expéditions  contre 
la  France.  Charles  V,  enfermé  dans  son  hôtel  de 
Saint-Pol.  d'où  il  voyait  la  fumée  des  villages  in- 
cendiés, laissait  faire  l'ennemi,  qui  s'épuisait  en 
efforts  stériles.  Puis,  lorsqu'il  jugeait  le  moment 
favorable,  il  prenait  1  offensive.  Du  Guesclin,  nommé 
connétable,  chassa  les  Anglais  de  Bretagne  et  de 
presque  toute  la  Guyenne.  Il  termina  sa  glorieuse 
carrière  au  siège  de  Chàteau-Randon,  dans  les  Cé- 
vennes.  CharlesVmourutdeuxmoisplus tard (1380). 
A  ce  moment,  les  Anglais  ne  possédaient  plus  en 
France  que  cinq  villes  :  Calais,  Brest,  Cherbourg, 
Bordeaux  et  Bayonne. 

Une  trêve,  signée  quelque  temps  après,  mit  fin  à 
cocte   seconde  période  de  la  guerre  de  Cent  Ans. 

3«  PÉRIODE  (1380-1422,.   —  Règne  de  Charles  VI. 

Mouvements  populaires  dans  les  premières  an- 
nées du  règne.  Folie  du  roi.  —  Charles  VI  n'avait 
que  douze  ans  lorsqu'il  succéda  à  son  père.  L'é- 
tablissement de  nouvelles  taxes  amena,  dès  la  pre- 
mière année  de  son  règne,  un  soulèvement  des 
villes  de  la  France  du  Nord.  Le  jeune  roi  et  ses 
oncles  durent  traiter  avec  les  Parisiens  révoltés 
(insurrection  dite  des  Maillotins),  et  promettre  le 
retrait  des  nouveaux  impôts. 

A  ce  même  moment,  les  communes  flamandes 
étaient  aussi  insurgées  contre  leur  comte.  Philippe 
Artevelt  de  Gand,  fils  du  tribun  populaire  Jacques 
Artevelt,  était  à  la  tête  du  mouvement.  Il  y  avait 
entente  entre  les  communes  flamandes  et  les  com- 
munes françaises.  Charles  VI.  voyant  la  royauté 
sérieusement  menacée,  se  joignit  au  comte  de 
Flandre  contre  les  Gantois  et  leurs  alliés.  La  ren- 
contre décisive  eut  lieu  à  Rosebeke  :  Artevelt  fut 
tué,  et  les  Flamands  essuyèrent  une  déroute  com- 
plète (138"2).  Cette  victoire  sauva  la  royauté  et  la 
noblesse  ;  car  si  les  Flamands  eussent  eu  le  Hes-- 


GUERRES 


—  923  — 


GUERRES 


sus  à  Rosebeke,  Paris,  Rouen,  Beauvaisj,  Reims, 
Troyes,  Orléans  se  fassent  aussitôt  soulevés  :  «  si 
le  roi  de  France  eût  été  déconfit  en  Flandre,  on 
peut  bien  croire  que  toute  noblesse  et  gentillesse 
eût  été  perdue  en  France  et  autant  bien  aux  au- 
tres pajs.  »  (Froissart.)  Le  roi  victorieux  rentra  k 
Paris  en  maître,  et  punit  les  villes  françaises  de 
leurs  velléités  d'indépendance  en  leur  enlevant 
leurs  institutions  municipales,  et  en  envoyant  au 
supplice  les  bourgeois  les  plus  notables. 

Durant  les  années  suivantes,  la  guerre  avec  l'An- 
gleterre recommença  à  plusieurs  reprises,  mais 
sans  amener  d'événements  importants.  Un  projet 
de  descente  en  Angleterre  fit  faire  d'immenses 
préparatifs  (1386),  puis  fut  abandonné.  En  IS&'s, 
sous  l'influence  de  sages  ministres,  Charles  VI 
conclut  avec  les  Anglais  une  trêve  de  trois  ans. 

On  sait  comment  Charles  perdit  subitement  la 
raison,  en  traversant  la  forêt  du  Mans  à  la  tête  de 
son  armée,  qu'il  conduisait  contre  le  duc  de  Breta- 
gne (1392).  Il  n'eut  plus  que  de  rares  moments  de 
lucidité,  et  le  gouvernement  tomba  aux  mains  de 
son  oncle  le  duc  Philippe  de  Bourgogne. 

En  1395,  une  nouvelle  trêve  de  vingt-huit  ans  fut 
conclue  avec  l'Angleterre.  Richard  II,  fils  du 
Prince  Noir,  avait  succédé  à  Edouard  III  en  1377  ; 
il  épousa  une  fille  de  Charles  VI,  et  il  sembla  que 
la  longue  lutte  entre  les  deux  nations  rivales  était 
enfin  terminée. 

Armagnacs  et  Bourguignons.  —  Philippe  de 
Bourgogne  étant  mort  (1404),  Louis  d'Orléansj  frère 
du  roi,  s'empara  du  gouvernement;  il  excita  un  mé- 
contentement général  par  les  taxes  exorbitantes  qu'il 
imposa  au  peuple.  Le  fils  de  Philippe  de  Bourgo- 
gne, Jean-sans-Peur,  épousa  la  cause  populaire. 
Une  lutte  de  trois  ans  s'engagea  entre  les  deux  ri- 
vaux. Ils  parurent  enfin  se  réconcilier  ;  mais  le  duc 
de  Bourgogne  voulait  le  pouvoir  pour  lui  seul,  et 
fit  assassiner  Louis  d'Orléans  (li07).  Les  Parisiens, 
qui  haïssaient  ce  prince,  applaudirent,  et  Jean 
resta  maître  du  gouvernement.  Il  rendit  à  Paris 
ses  libertés  communales,  et  chercha  aussi  à  se 
concilier  l'amitié  des  Flamands,  devenus  sujets  des 
ducs  de  Bourgogne  depuis  I3s4. 

En  face  du  parti  bourguignon  ou  populaire,  il  se 
forma  un  parti  aristocratique  dirigé  par  le  comte 
d'Armagnac,  un  des  plus  puissants  seigneurs  du 
Midi.  Les  Armagnacs  s'avancèrent  contre  Paris,  ra- 
vageant les  campagnes;  Jean  leur  résista,  appuyé 
sur  les  Flamands.  Les  deux  partis  se  disputèrent 
l'alliance  des  Anglais  :  ce  furent  les  Bourguignons 
qui  l'obtinrent.  A  Paris,  la  corporation  des  bou- 
chers était  à  la  tête  du  parti  bourguignon  ;  elle 
avait  pour  chef  principal  Jean  Caboche;  de  là  le 
nom  de  faction  des  Cabochiens  qui  lui  fut  donné. 
Pendant  quelques  mois,  les  bouchers  furent  les 
maîtres  de  Paris.  Si  leur  domination  fut  brutale, 
elle  eut  un  bon  côté  :  VOrdonnance  cabocldenne 
de  1413,  rédigée  par  les  bourgeois  parisiens  avec 
le  concours  de  l'Université,  édicta  de  sages  ré- 
formes dans  l'administration  du  royaume.  Mais 
ia  division  s'étant  mise  parmi  les  Parisiens,  les 
Armagnacs  en  profitèrent  pour  rentrer  dans  la 
capitale.  Le  duc  Jeaa,  qui  s'était  montré  incapable 
de  gouverner,  s'enfuit  en  Flandre,  et  Paris,  traité 
en  ville  conquise,  subit  une  dure  répression.  L'or- 
donnance cabochienne  fut  cassée. 

Les  Lancastre.  Reprise  de  la  Guerre  de  Cent 
Ans.  Azincourt.  —  Pendant  que  ces  choses  se  pas- 
saient en  France,  l'Angleterre  avait  subi  un  chan- 
gement de  dynastie  :  Richard  II  avait  été  renversé 
du  trône  en  1399  par  son  cousin  Henri  IV  de  Lan- 
castre. Le  fils  de  celui-ci,  Henri  V,  devenu  roi 
en  1413,  résolut  de  profiter  des  troubles  qui  agi- 
taient la  France,  pour  recouvrer  les  conquêtes  d'E- 
douard III.  Il  demanda  l'exécution  du  traité  de 
Brétigny,  avec  la  main  de  Catherine,  fille  de  Char- 
les VI.  Les  Armagnacs  refusèrent  au  nom  du  roi  ;  | 


Henri  V  débarqua  alors  en  France  avec  une  ar- 
mée. La  noblesse  française  s'avança  à  la  rencontre 
des  Anglais,  sûre  de  la  victoire  ;  son  outrecui- 
dance et  sa  témérité  n'aboutit  qu'à  renouveler  les 
désastres  de  Crécy  et  de  Poitiers  :  les  120,000  hom- 
mes d'Henri  V  mirent  en  déroute  à  Azincourt  la 
superbe  armée  des  Armagnacs,  quatre  fois  supé- 
rieure en  nombre  (1415).  Toutefois  le  roi  d'An- 
gleterre ne  se  sentit  pas  assez  fort  pour  continuer 
sa  marche  en  avant,  et  repassa  le  détroit. 

Assassiiiat  de  Jean-suns-Peur  et  traité  de  Troyes. 
—  La  défaite  d'Azincourt  avait  rendu  le  parti  ar- 
magnac plus  odieux  encore  à  ses  adversaires  ;  mais 
soutenue  par  le  dauphin,  cette  faction  n'en  resta 
pas  moins  maîtresse  de  Paris,  où  elle  exerça  une 
tyrannie  intolérable.  Jean-sans-Peur,  qui  depuis  ies 
événements  de  1413  s'était  tenu  à  l'écart,  et  qui 
n'avait  pas  paru  à  Azincourt,  s'allia  alors  avec  la 
reine  Isabeau  de  Bavière,  ennemie  des  Armagnacs: 
une  conspiration  ouvrit  les  portes  de  Paris  aux 
Bourguignons,  trois  mille  Armagnacs  furent  mas- 
sacrés ;  le  dauphin  Charles  se  sauva,  tandis  que 
Jean  et  la  reine  Isabeau  faisaient  une  entrée  triom- 
phale dans  la  capitale  (1418). 

Cependant  Henri  V  avait  débarqué  en  France 
une  seconde  fois,  et  pris  Rouen.  Le  danger  com- 
mun parut  rapprocher  le  duc  de  Bourgogne  et  le 
dauphin  :  Jean-sans-Peur  se  rendit  à  une  entrevue 
que  ce  dernier  lui  avait  demandée,  à  Montereau; 
mais  il  y  fut  assassiné  (1419). 

Ce  meurtre,  loin  de  servir  la  cause  du  dauphin, 
lui  aliéna  la  plus  grande  panie  de  la  France.  Le 
nouveau  duc  de  Bourgogne,  Philippe  le  Bon,  s'allia 
aux  Anglais  pour  venger  son  père  ;  les  Parisiens, 
de  leur  côté,  disaient  :  «  Plutôt  les  Anglais  que  les 
Armagnacs.  »  Isabeau  et  Philippe  de  Bourgogne 
négocièrent,  au  nom  de  l'insensé  Charles  VI,  le 
traité  de  Troyes,  qui  fut  solennellement  ratifié  par 
les  États  Généraux  (1420).  Ce  traité  laissait  à  Char- 
les VI  le  titre  de  roi  de  France;  à  la  mort  de  ce 
monarque,  Henri  V  devait  lui  succéder,  à  titre 
d'époux  de  Catherine  ;  l'Angleterre  et  la  France 
seraient  ainsi  unies  sous  le  même  roi,  mais  cha- 
que pays  garderait  ses  institutions  nationales. 
Quant  au  dauphin  exclu  du  trône,  les  deux  parties 
contractantes  s'engageaient  à  continuer  la  guerre 
contre  lui. 

Le  midi  de  la  France  ne  reconnut  pas  ce  traité  ; 
mais  le  Nord,  et  surtout  Paris,  salua  la  paix  avec 
enthousiasme,  et  accepta  sans  répugnance  la  pers- 
pective de  voir  un  jour  Henri  V,  prince  sage  et  li- 
béral, remplacer  sur  le  trône  de  France  la  triste 
dynastie  des  Valois. 

Pourtant  la  lutte  était  loin  d'être  finie  ;  elle  al- 
lait continuer  en  changeant  de  caractère. 

Le  dauphin,  autrefois  méprisé,  se  trouva  de- 
venu, contre  les  Anglais,  le  représentant  de  l'indé- 
pendance nationale  ;  et  le  parti  armagnac,  qui  n'a- 
vait été  jusqu'alors  qu'une  faction  aristocratique, 
devint  peu  à  peu  le  parti  français. 

Avènement  d'Henri  VI  et  de  Charles  VII.  — 
Henri  V  avait  continué  une  guerre  d'escarmouches 
contre  le  dauphin,  qui  s'était  retiré  au  midi  de  la 
Loire.  Mais  moins  de  deux  ans  après  le  traité  de 
Troyes,  une  maladie  emporta  brusquement  le  roi 
d'Angleterre,  qui  ne  laissa  pour  héritier  qu'un  fils 
au  berceau.  Le  malheureux  Charles  VI  suivit  son 
gendre  dans  la  tombe  quelques  mois  plus  tard,  et 
alors  s'exécuta  la  clause  du  traité  de  Troyes  qui 
déshéritait  le  dauphin  :  le  fils  d'Henri  V  fut  solen- 
nellement proclamé  roi  de  France  et  d'Angleterre 
à  Paris  même,  sous  le  nom  d'Henri  VI.  Le  dauphin 
(Charles  VII)  n'en  prit  pas  moins  le  titre  de  roi  de 
France,  tandis  que  ses  adversaires  l'appelèrent  par 
dérision  le  roi  de  Bourges  (1422). 

IV*  PÉRIODE  (1Î22-1436).  —  Règne  de  Charles  VII. 

Progrès  des  Anglais.    Siège   d'Orléans.  —  Les 


GUERRES 


—  924  — 


GUERRES 


années  1422  à  1428  sont  remplies  par  une  série  de 
guerres  locales,  de  combats  partiels  qui  enlèvent 
successivement  à  Charles  VII  presque  tout  ce  qu'il 
possédait  encore  au  nord  de  la  Loire.  Lui,  retire 
dans  ses  châteaux,  ne  s'occupait  que  de  ses  plai- 
sirs ;  «  jamais  on  n'avait  vu  perdre  plus  gaiement 
un  royaume  »,  disait  La  Hire,  un  de  ses  capitaines. 
Les  Anglais,  au  contraire,  avaient  un  chef  habile, 
le  duc  de  Bedford,  oncle  de  leur  jeune  roi,  chargé 
de  la  régence  pendant  la  minorité  de  Henri  VI. 

Enfin  le  comte  de  Salisbury  vint  assiéger  Or- 
léans, dont  la  prise  eût  ouvert  aux  Anglais  le  che- 
min du  Midi  (14"J8).  Un  si  pressant  danger  réveilla 
le  sentiment  de  solidarité  nationale  dans  les  provin- 
ces non  encore  conquises  :  La  Rochelle,  Angers, 
Tours,  Poitiers,  Bourges,  le  Bourbonnais,  l'Auver- 
gne, le  Languedoc  envoyèrent  des  secours  aux  Or- 
léanais. Mais  la  déplorable  ./oM?'?2ee  des  Hnreng^,  où 
les  plus  illustres  dievaliers  de  Charles  VII  sont  mis 
en  déroute  par  une  poignée  d'Anglais,  enlève 
tout  espoir  aux  assiégés  :  ils  négocient  en  vue 
d'uTie  capitulation. 

Jeanne  d'Arc.  —  A  ce  moment  suprême  paraît 
celle  qui  devait  sauver  la  France.  En  Jeanne  d'Arc  * 
s'incarne  un  sentiment  nouveau,  le  sentiment  de 
la  patrie  ;  la  guerre,  féodale  jusqu'ici,  va  devenir 
une  guerre  nationale.  La  pieuse  et  vaillante 
paysanne  de  Vaucouleurs  se  rend  à  la  cour  de 
Charles  VII,  qu'elle  décide  à  lui  confier  le  comman- 
dement d'une  petite  troupe.  Elle  entre  dans  Or- 
léans, en  fait  lever  le  siège  (14"2ïi)5  conduit  Charles 
VII  à  Reims  et  l'y  fait  sacrer  :  puis,  regardant  sa 
mission  comme  achevée,  elle  veut  retourner  dans 
son  village.  Mais  on  refuse  de  la  laisser  partir  ;  l'en- 
thousiasme excité  par  l'héroïne  se  répand  dans 
toute  la  France.  Jeanne  se  résigne  à  rester.  L'année 
suivante,  elle  est  prise  à  Compiègne  par  les  Bour- 
guignons, et  livrée  aux  Anglais  qui  la  brûlent  à 
Rouen  le  30  mai  I43I  (V.  Jeanne  d'Arc). 

Fin  de  la  guerre.  —  La  mort  de  Jeanne  ne  ser- 
vit pas  la  cause  anglaise.  L'élan  national  était 
donné  désormais,  et  le  duc  de  Bedford  n'essuya 
plus  que  des  revers.  Philippe  de  Bourgogne  se 
rapprocha  de  Charles  Vll^  et  enfin  les  Anglais, 
sentant  le  terrain  leur  manquer,  consentirent  à  né- 
gocier. Un  congrès  se  réunit  à  Arras  (  1 43.J) ,  mais  les 
Anglais  ayant  refusé  de  consentir  à  ce  qu'Henri  VI 
renonçât  à  la  couronne  de  France,  les  négocia- 
tions écliouèrent.  En  revanche,  le  duc  de  Bourgo- 
gne fit  définitivement  la  paix  avec  le  roi  Charles  ; 
et  bientôt  les  Parisiens,  las  de  la  domination  an- 
glaise, devenue  très  dure,  ouvrirent  leurs  portes 
aux  troupes  royales,  qui  y  entrèrent  le  13  avril  143G. 
Cet  événement  décisif  marque  la  fin  de  la  guerre 
de  Cent  Ans. 

Les  Anglais  possédaient  encore  la  Normandie  et 
la  Guyenne.  Ces  deux  provinces  leur  furent  enle- 
vées quuize  ans  plus  tard,  et  ils  ne  gardèrent  plus 
en  France  que  Calais. 

Guerre  des  Hussites.  —  Histoire  générale , 
XX,  XXVII.  —  Quand  la  Bohême  eut  appris  le 
supplice  de  Jean  Huss  (1415),  elle  se  souleva.  La 
diète,  réunie  à  Prague,  adressa  au  concile  de  Con- 
stance une  protestation  menaçante  ;  les  nobles  si- 
gnèrent une  ligue  d'alliance  offensive  et  défensive, 
et  les  prêtres  catholiques  furent  partout  chassés. 
Les  hussites  ou  partisans  de  Jean  Huss  se  divisaient 
en  modérés,  appelés  calixtlns  ou  ulraqnistes,  qui 
se  bornaient  à  réclamer  la  communion  sous  le.s 
deux  espèces;  et  en  radicaux,  qui  rejetaient  en 
religion  toute  autorité  autre  que  celle  de  l'Evan- 
gile, et  qui  en  politique  voulaient  la  république. 
Ces  derniers,  sous  la  conduite  de  JeanZiska  (c'est- 
à-dire  le  Borgne),  prirent  pour  centre  de  rallie- 
ment la  forteresse  de  Tabor,  d'oîi  le  nom  de  Ta- 
borites  qui  leur  fut  donné. 

^  Lorsque  mourut  le  roiWenceslas  (1419\son  frère 
l'empereur  Sigismond  voulut  prendre  la  couronne 


de  Bohème  :  mais  les  hussites  refusèrent  de  le  re- 
connaître pour  roi,  et  Ziska  s'empara  de  Prague. 
Ce  fut  en  vain  que  Sigismond  marcha  à  plusieurs 
reprises  contre  la  Bohême  avec  des  armées  formi- 
dables, en  vain  que  les  légats  du  pape  prêchèrent 
la  croisade  contre  les  hussites  :  Ziska  semblait 
invincible;  et  quoiqu'il  eût  perdu  son  dernier  œil 
au  siège  de  Raby,  il  continuait  à  mener  ses  trou- 
pes au  combat  avec  la  môme  ardeur.  Née  d'une 
querelle  religieuse,  la  lutte  avait  pris  le  caractère 
d'une  guerre  de  races  :  les  Slaves  de  la  Bohême 
voulaient  se  soustraire  à  la  domination  allemande; 
ils  cherchèrent  et  trouvèrent  des  alliés  en  Pologne 
et  en  Lithuanie. 

Ziska  mourut  en  1424  ;  il  eut  pour  successeurs 
les  deux  Procope,  dont  le  plus  célèbre  fut  Pro- 
cope  le  Grand  ou  le  Rasé,  ancien  prêtre  devenu 
homme  de  guerre.  Sous  la  conduite  des  Procope. 
les  bandes  bohémiennes,  au  lieu  de  se  borner  à 
la  défensive,  allèrent  porter  la  g\xerre  chez  leurs 
ennemis,  et  ravagèrent  à  plusieurs  reprises  l'Au- 
triche, la  Saxe,  la  Franconie,  la  Silésie. 

Bientôt  les  hussites  furent  la  terreur  de  l'Alle- 
magne ;  aussi,  lorsqu'un  nouveau  concile  se  réunit 
à  Bàle,  et  que  les  députés  de  la  Bohême  s'y  pré- 
sentèrent, les  reçut-on  avec  de  grandes  marques  de 
déférence  (14?.3).  Le  concile,  pour  terminer  la 
guerre,  accorda  aux  Bohémiens  la  communion 
sous  les  deux  espèces  ;  et  alors  la  discorde  se  mit 
entre  les  utraquistes  et  les  taborites.  Les  premiers 
se  déclarèrent  satisfaits  des  concessions  du  concile, 
les  seconds  continuèrent  à  repousser  Sigismond. 
Bientôt  les  deux  partis  en  vinrent  aux  mains  :  les 
taborites  furent  complètement  défaits  à  Lipan  par 
les  utraquistes  unis  aux  catholiques,  et  les  deux 
Procope  périrent  dans  le  combat  (1434).  Ainsi  se 
termina  la  guerre  des  hussites;  et  Sigismond, 
ayant  souscrit  aux  conditions  que  lui  offraient  les 
utraquistes,  fut  reconnu  roi  de  Bohême.  Il  ne  resta 
des  redoutables  taborites  qu'une  secte  pacifique, 
les  Frères  bohèmes  ou  Frères  moraves. 

Guerre  des  Deux  Roses.  —  Histoire  générale, 
XX,  XXVIII.  —  Nom  donné  à  une  guerre  civile 
d'Angleterre  dans  laquelle  les  deux  familles  d'York 
et  de  Lancastre  luttèrent  pour  la  possession  du 
trône. 

Origine.  —  Edouard  III,  en  mourant  (1377),  avait 
laissé  la  couronne  à  son  petit-fils  Richard  II,  fils 
lIu  Prince  Noir.  Ce  dernier  avait  trois  frères,  les 
ducs  Lionel  de  Clarence,  Jean  de  Lancastre  et 
Edmond  d'York.  Le  premier  ne  laissa  pour  héri- 
tière qu'une  fille.  Philippine  de  Clarence,  qui 
épousa  Edmond  Mortimer,  comte  de  la  Marche.  De 
ce  mariage  naquit  Roger  Mortimer,  que  Richard 
II  reconnut,  en  1385,  comme  héritier  présomptif 
du  trône,  au  cas  où  lui-même  mourrait  sans  posté- 
rité. RiclKird  ayant  été  détrôné  et,  dit-on,  assas- 
siné par  son  cousin  Henri  de  Lancastre  (fils  de  Jean 
de  Lancastre},  en  1399,  celui-ci  se  fit  proclamer 
roi  sous  le  nom  de  Henri  IV,  au  détriment  de 
Roger  Mortimer.  C'est  cette  spoliation  qui  engen- 
dra la  guerre  civile,  qui  n'éclata  que  cinquante  ans 
plus  tard.  Anne  Mortimer,  fille  de  Roger,  épousa 
Richard  d'York,  fils  d'Edmond  d'York  et  petit-fils 
d'Edouard  III,  et  transmit  ainsi  à  la  maison  d'York 
les  droits  de  la  branche  de  Clarence. 

Causes  immédiates.  —  Henri  VI,  petit-fils  de 
Henri  IV  de  Lancastre,  était  un  prince  maladif, 
faible  d'esprit,  presque  stupide,  à  qui  le  comte  de 
Suffolk,  son  favori,  avait  fait  épouser  Marguerite 
d'Anjou,  fille  du  roi  René  de  Provence.  Ce  mariage 
s'était  fait  contre  la  volonté  du  duc  de  Glocester, 
oncle  d'denri  VI,  qui  destinait  à  son  neveu  la  fiila 
du  duc  d'Armagnac.  Marguerite,  jeune,  ardente, 
remplie  d'énergie,  d'intelligence  et  d'ambition,  ne 
pardonna  jamais  à  Glocester  de  s'être  opposé  îi 
son  élévation.  Elle  se  fit  un  parti  puissant  et  dé- 
voué et  parvint  à  faire  accuser  Glocester  de  trahi- 


GUERRES 


—  923  — 


GUERRES 


son.  Ce  prince  fut  arrêté,  et  on  le  trouva  mort  dans 
sa  prison,  le  jour  même  où  il  devait  passer  en  ju- 
gement. Le  duc  Richard  d'York,  fils  d'Anne  Mor- 
timer,  profita  de  l'indignation  générale  que  souleva 
ce  crime,  et  de  l'impopularité  qui  accablait  Henri 
VI,  dont  l'incapacité  avait  fait  perdre  aux  Anglais 
toutes  leurs  provinces  de  France,  pour  réclamer 
les  droits  qu'il  tenait  de  sa  mère.  Il  eut  pour 
l'aider  dans  sa  revendication  son  beau-frère  et  son 
neveu,  les  deux  hommes  les  plus  remarquables  de 
l'époque  :  le  comte  de  Salisbury  et  son  fils  aîné, 
Richard  de  Warwick,  à  qui  l'histoire  a  donné  le 
nom  de  faiseur  de  Rois.  C'est  ainsi  qu'éclata  cette 
guerre  terrible  qui  occasionna  douze  batailles  ran- 
gées, fit  périr  un  million  d'hommes,  coûta  la  vie 
à  quatre-vingts  princes  du  sang  et  dévora  la  plus 
grande  partie  de  l'ancienne  noblesse  d'Angleterre. 
Le  parti  d'York  avait  pour  emblème  une  rose  Ikm- 
che,  celui  de  Lancastre  une  l'Ose  rouge;  de  là  le 
nom  de  Guerre  des  Deux  Roses  donné  à  cette  lutte 
sanglante. 

Evénements  principaux.  —  Le  duc  d'York  était 
gouverneur  d'Irlande,  lorsque  éclatèrent  les  pre- 
miers troubles;  malgré  la  défense  du  roi,  il  revint 
en  Angleterre  et  donna  le  signal  de  la  révolte. 
Aidé  de  Warwick,  il  vainquit  les  troupes  rojales 
àSaint-Albans  (1-455),  s'empara  delà  personne  du 
roi,  et  se  fit  proclamer  protecteur  du  royaume; 
mais,  timide  et  indécis,  il  ne  profita  pas  de  sa 
victoire  et  laissa  Maiguerite  ressaisir  le  pouvoir. 
Il  reprit  les  armes  et,  après  un  premier  succès, 
fut  vaincu.  Mais  grâce  à  Warwick,  qui  sut  lui  re- 
constituer une  armée,  il  fut  de  nouveau  vainqueur 
à  Norlhampton  (1460),  fit  une  seconde  fois  le  roi 
prisonnier,  et  reprit  son  titre  de  protecteur  avec 
promesse  de  la  couronne  à  la  mon  du  roi. 

Marguerite,  dont  l'énergie  redoublait  avec  le 
malheur,  s'était  réfugiée  dans  les  comtés  du  nord 
qu'elle  souleva.  Elle  réunit  une  armée  avec  la- 
quelle elle  battit  Richard  à  Wakefield.  Le  duc 
d'York  fut  tué  pendant  la  lutte  et  l'un  de  ses  fils 
assassiné  après  le  combat.  Henri  VI  recouvra  ainsi 
la  liberté  ;  mais  il  vit  bientôt  se  reformer  la  coali- 
tion sous  les  ordres  d'Edouard,  fils  aîné  de  Richard 
d'York,  et  de  \\'arwick.  Le  malheureux  roi,  vaincu 
deux  lois  à  Towton  (1461)  et  à  Exham  (14G4),  fut 
encore  une  fois  pris,  et  renfermé  dans  la  tour  de 
Londres. 

Edouard  d'York,  proclamé  roi  sous  le  nom 
d'Edouard  IV,  ne  tarda  pas  à  mécontenter  beau- 
coup de  ses  sujets,  et  en  particulier  Warwick,  au- 
quel il  devait  sa  couronne.  Celui-ci,  réfugié  à  la 
cour  de  Louis  XI,  se  réconcilia  avec  Marguerite 
d'Anjou,  à  qui  le  roi  de  France  avait  prêté  20  000 
écus  à  condition  d'avoir  Calais  pour  gage.  Warwick 
retourna  en  Angleterre  plus  populaire  que  jamais  ;  il 
battit  son  cousin  Edouard  IV  à  Nottingham  (l4"0), 
le  renversa  du  trône  et  rétablit  Henri  VI.  Edouard  se 
réfugia  en  Bourgogne,  chez  son  beau-frère  Charles 
le  Téméraire  ;  mais  il  ne  tarda  pas  à  revenir  en 
Angleterre  où,  par  un  retour  de  popularité,  il  eut 
bientôt  rassemblé  une  puissante  armée  ;  il  rem- 
porta la  victoire  de  Barnet  (1471),  où  Warwick  fut 
tué.  Quelques  jours  après,  il  battit  les  troupes  de 
la  reine  Marguerite  à  Towkesbury,  et  anéantit  ainsi 
à  tout  jamais  les  espérances  de  la  maison  de  Lan- 
castre. Henri  VI  et  Marguerite  furent  faits  prison- 
niers ainsi  que  le  jeune  prince  de  Galles  leur  fils. 
Ce  dernier  fut  assassiné  quel  [ues  jours  après  par 
les  courtisans  d'Edouard,  et  son  père,  captif  îi  la 
tour  de  Londres,  ne  tarda  pas  à  périr  par  l'ordre 
du  vainqueur.  Marguerite  ne  fut  mise  elle-même 
en  liberté  qu'en  i475,  sur  les  instances  de 
Louis  XI. 

Les  princes  de  la  maison  d'York  ne  devaient 
pas  longtemps  jouir  en  paix  de  leur  victoire. 
Edouard  IV  mourut  en  liS'S,  laissant  deux  fils, 
Edouard  V  qui  lui  succéda,  et  Richard  d'York.  Ces 


jeunes  princes  avaient  pour  tuteur  Richard  de 
Glocester,  leur  oncle.  Celui-ci,  après  avoir  fait 
périr  par  l'assassinat  les  grands  seigneurs  pro- 
tecteurs de  ses  neveux,  les  fit  eux-mêmes  assas- 
siner et  s'empara  du  trône.  Il  régna  deux  ans  sous 
le  nom  de  Richard  III  ;  mais  ses  ennemis  appelèrent 
en  Angleterre  Henri  Tudor,  comte  de  Richmond, 
qui  par  les  femmes  descendait  de  la  maison  de 
Lancastre.  Il  vainquit  Richard  III  à  la  bataille  de 
Bosworth  (14,S,=>). 

Richard  fut  tué  dans  le  combat,  et  son  rival  s'em- 
para du  trône,  sur  lequel  il  fit  asseoir  avec  lui  Eli- 
sabeth d'York,  fille  aînée  d'Edouard  IV.  Ce  mariage, 
en  unissant  les  deux  familles  rivales,  mit  enfin  un 
terme  à  la  guerre  civile.  Ainsi  finit  la  dynastie  des 
Plantagenets  *  et  commença  celle  des  Tudor  *. 

fP.  Vincent.] 

Guerre  de  Bo\irgogne.  —  Histoire  de  France, 
XV;  Histoire  générale,  XX  et  XXXII.  —  On  appelle 
ainsi  la  lutte  qui  eut  lieu  entre  Charles  le 
Téméraire,  duc  de  Bourgogne,  et  les  huit  cantons 
suisses,  dans  la  seconde  moitié  du  quinzième  siè- 
cle. La  guerre,  fomentée  sous  main  par  Louis  XI, 
débuta  par  une  invasion  des  Suisses  en  Franche- 
Comté,  où  ils  battirent  à  Héricourt  une  armée  bour- 
guignonne commandée  par  Jacques  de  Savoie 
(147^).  Le  pays  de  Vaud,  qui  faisait  partie  des  Etats 
de  la  duchesse  de  Savoie,  alliée  de  Charles,  fut  en- 
suite mis  à  feu  et  à  sang  par  les  confédérés  (1475). 
Le  duc  de  Bourgogne,  h  la  tête  d'une  nombreuse 
armée,  franchit  alors  le  Jura  pour  attaquer  les  Suis- 
ses chez  eux  ;  mais  il  fut  vaincu  à  Grandçon  (mars 
1476).  Ayant  voulu  renouveler  sa  tentative,  il  subit 
une  nouvelle  défaite  à  Morat  (juin  1476).  L'année 
suivante,  il  périt  sous  les  murs  de  Nancy  (V.  Char- 
les le  Téméraire  et  Suisse). 

Le  roi  Louis  XI  profila  de  la  mort  de  son  puis- 
sant adversaire  pour  réunir  à  la  couronne  de  France 
la  Bourgogne  et  la  Picardie. 

Guerre  folle.  —  Histoire  de  France,  XVI.  — 
Nom  donné  à  une  révolte  tentée,  durant  la.  mi- 
norité de  Charles  VIII,  par  le  duc  d'Orléans  et  quel- 
ques autres  seigneurs,  avec  l'appui  de  Richard  III 
d'Angleterre,  de  Maximilien  d'Autriche,  et  du  duc 
de  Bretagne.  La  régente  Anne  de  Beaujeu,  femme 
habile  et  résolue,  lança  contre  le  roi  d'Angleterre 
un  prétendant,  le  comte  de  Richmond  (Henri  VII 
Tudor),  qui  le  vainquit  à  Bosworth  ;  elle  détacha  de 
la  ligue  des  seigneurs  le  duc  de  Lorraine  et  le 
comte  d'Angoulème  (père  de  François  I"')  ;  puis  elle 
envoya  dans  le  midi  une  armée  commandée  par  le 
jeune  roi,  qui  obligea  promptemcnt  les  nobles  ré- 
voltés de  cette  région  à  faire  leur  soumission. 
Maximilien  d'Autriche  attaque  la  Picardie  ;  mais  il 
est  repoussé.  Une  restait  plus  à  combattre  que  le  duc 
de  Bretagne.  L'armée  bretonne,  accrue  par  des  ren- 
forts autrichiens,  anglais  et  gascons,  était  comman- 
dée par  le  duc  d'Orléans  :  elle  fut  vaincue  à  Saint- 
Aubin-du-Cormier  (1488),  et  le  duc  d'Orléans  fait 
prisonnier.  Cette  dernière  tentative  de  la  féoda- 
lité contre  l'autorité  royale  n'avait  abouti  qu'à  con- 
solider définitivement  l'œuvre  de  Louis  XI. 

Guerres  d'Italie.  —  Histoire  de  France, XVI- 
XVII.  —  Les  guerres  par  lesquelles  les  rois  de 
France  essayèrent  de  conquérir  l'ItaUe  commencè- 
rent sous  Charles  VllI,  et  durèrent  jusque  sous 
Henri  II.  Elles  ont  été  racontées  aux  articles 
Charles  VIII,  Louis  XII,  François  /"  et  Henri  II. 
Nous  nous  bornons  ici  à  une  récapitulation  som- 
maire. 

1°  Rè(/ne  de  Charles  VIII.  —  Charles  VIII  tenait 
de  la  maison  d'Anjou  des  droits  sur  le  royaume  de 
Naples.  Il  passa  les  Alpes  en  1494,  entra  àNaples 
en  1495,  puis  dut  rentrer  en  France  à  la  hâte 
(bataille  de  Fornoue),  en  abandonnant  sa  con- 
quête. 

•1°  Règne  de  Louis  XII.  —  Louis  XII  prétendait, 
comme  petit-fils  de  Valentine  Visconti.  à  la  posses- 


GUERRES 


—  9i6  — 


GUERRES 


sion  du  Milanais.  La  victoire  de  Novare  le  lui  donna 
lluOO).  Il  conquit  ensuite,  de  concert  avec  les  Es- 
pagnols, le  royaume  de  Naples  (1501),  qu'il  dut 
céder  à  Ferdinand  le  Catholique  par  le  traité  de 
Blois  (1504j. 

Le  pape  Jules  II  ayant  formé  contre  Venise  la 
ligue  de  Cambrai,  Louis  XII  vainquit  en  personne 
les  Vénitiens  à  Agnadel  (1509).  Mais  Jules  II  se 
retourna  ensuite  contre  la  France  (Sainte-Ligue), 
et  malgré  la  victoire  de  Gaston  de  Foix  à  Ravenne 
(1512),  l'Italie,  après  la  seconde  bataille  de  Novare 
(1513),  fut  perdue  pour  nous. 

3°  Règne  du  Fravçois  I".  —  François  P'  regagna 
le  Milanais  par  la  victoire  de  Maiignan  (15i.'i).  Mais 
il  se  trouva  bientôt  en  présence  de  Charles-Quint, 
qui  lui  disputait  l'Italie,  et  contre  lequel  il  eut  à 
soutenir  quatre  guerres. 

Première  guerre  (1521-1526)  :  Défaite  de  la 
Bicoque  (1522),  trahison  du  connétable  de  Bour- 
bon (1523),  défaite  de  Biagrasso  et  mort  de  Bayard 
(1524),  défaite  de  Pavie  et  captivité  du  roi  (15-'5), 
traité  de  Madrid  (I52C). 

Deuxième  guerre  (1526-1529)  :  Prise  de  Rome 
par  Bourbon  qui  y  est  tué  (1527),  siège  de  Naples 
par  Lautrec  (1528),  défaite  de  Landriano  et  perte 
définitive  du  Milanais  (1529),  paix  de  Cambrai  ou 
paix  des  dames  (1529). 

Troisième  guerre  (1536-38)  :  Invasion  de  la 
Provence  par  Charles-Quint  (1536),  trêve  de  Nice 
(1538). 

Quatrième  guerre  (1542-1544)  :  Bombardement 
de  Nice  par  la  flotte  franco-turque  (154<).  victoire 
de  Cerisole  (1544),  invasion  de  Charles-Quint  en 
Champagne  et  de  Henri  VIII  en  Picardie,  traité 
de  Crespy  (1544).  François  I"  garde  le  Piémont, 
conquis  à  Cerisole. 

4°  Règne  d'Henri  H.  —  La  guerre  entre  l'empire 
et  la  France  recommença  en  1552  ;  Henri  II  s'em- 
para des  Trois-Evèchés,  et  le  duc  de  Guise  défen- 
dit Metz  contre  Charles-Quint,  pendant  que  la  lutte 
se  renouvelait  en  Italie,  sans  autre  résultat  que  la 
prise  de  Sienne,  que  défendait  une  armée  fran- 
çaise, par  les  Impériaux  (1565),  et  l'occupation  mo- 
mentanée de  la  Corse  par  les  Français.  Après  la 
courte  trêve  de  Vaucelles,  le  duc  de  Guise  essaya 
inutilement  de  conquérir  le  royaume  de  Naples 
(1557).  Les  défaites  de  Saint-Quentin  (1557)  et  de 
Gravelines  (1559),  que  ne  réparait  pas  la  prise 
de  Calais  (1558),  obligèrent  la  France  à  traiter  :  la 
paix  de  Cateau-Cambrésis  (1559)  mit  fin  aux  guerres 
d'Italie. 

Guerre  des  paysans.  —  Histoire  générale , 
XXII,  XXVII.  —  Nom  donné  à  la  révolte  qui  éclata 
dans  une  partie  de  l'Allemagne  en  1525.  A  plusieurs 
reprises  déjà,  les  paysans  allemands,  durement  trai- 
tés par  leurs  seigneurs,  avaient  essayé  de  s'insur- 
ger ;  les  prédications  des  réformateurs  religieux 
leur  fournirent  le  prétexte  d'un  nouveau  et  formi- 
dable soulèvement.  Les  paysans  delà  Souabe  com- 
mencèrent par  formuler  leurs  réclamations  en  douze 
articles  ;  ils  demandaient  entre  autres  la  diminu- 
tion des  corvées  et  des  taxes,  une  justice  équitable 
pour  tous,  le  retour  à  la  commune  des  prés  et  pâtu- 
rages occupés  par  les  seigneurs,  et  appuyaient  leurs 
demandes  de  l'autorité  de  l'Evangile.  Luther  enga- 
gea les  princes,  par  une  lettre  publique,  à  se  mon- 
trer humains  envers  les  paysans,  dont  certaines  ré- 
clamations, disait-il,  étaient  justes  ;  mais  en  même 
temps  il  taxait  de  criminelles  les  revendications 
qui  tendaient  h  l'abolition  du  servage,  et  à  ce  qu'il 
appelait  «  l'absurde  doctrine  de  l'égalité.  »  Voyant 
que  les  seigneurs  ne  voulaient  rien  entendre,  les 
paysans  prirent  les  armes  ;  l'insurrection  s'étendit 
bientôt  en  Franconie,  en  Alsace,  le  long  du  Rhin; 
des  villes,  et  même  des  chevaliers,  firent  cause 
commune  avec  les  révoltés.  Luther  alors,  se  ralliant 
complètement  au  parti  des  seigneurs,  prêcha  l'ex- 
termination des  rebelles.   Princes   protestants  etj 


évoques  catholiques  s'unirent  contre  l'ennemi  com- 
mun; les  paysans,  après  avoir  brûlé  par  centaines 
châteaux  et  couvents,  furent  à  leur  tour  traqués  et 
massacrés  partout.  Le  théologien  Thomas  Munzer, 
qui  mêlait  aux  revendications  politiques  et  sociales 
des  paysans  des  doctrines  mystiques,  s'était  mis  à 
la  tête  d'une  troupe  nombreuse  de  révoltés.  Vaincu 
à  Frankenhausen,  il  fut  pris,  torturé  et  décapité. 
Sa  défaite  mit  fin  à  l'insurrection. 

Guerres  de  religion.  —  Histoire  de  France, 
XVIII-XX.  —  Nom  donné  dans  l'histoire  de  France 
aux  guerres  civiles  qui  eurent  lieu  en  France  entre 
catholiques  et  protestants  dans  la  seconde  moitié 
du  seizième  siècle,  et  qui  se  terminèrent  par  l'édil 
de  Nantes  en  159S. 

Causes.  —  Ces  guerres  ne  furent  pas  aussi  exclu- 
sivement causées  par  la  haine  que  se  portaient  les 
deux  partis  religieux  qu'on  est  tenté  de  le  croire, 
ou  mieux  qu'on  le  croit  généralement.  Catholiques 
d'une  part,  protestants  de  l'autre  n'en  sont  pasvenus 
aux  mains  uniquement  pour  assurer  la  suprématie 
à  leurs  idées  religieuses.  D'autres  causes,  et  mul- 
tiples, ont  amené  cette  lutte  épouvantable,  mar- 
quée par  tant  d'actes  odieux. 

Au  début  de  la  Réforme,  surtout  de  la  Réforme 
française  que  guidait  la  grande  école  protestante  de 
Genève,  dont  Calvin  était  l'âme,  les  protestants 
français,  avant  tout  chrétiens,  convaincus  qu'ils  re- 
nouvelaient la  primitive  EgUse,  s'étaient  donné  la 
règle  suivante  :  «  Accepter  le  martyre,  tendre  la 
gorge  aux  bourreaux  »  ;  et  ils  ajoutaient  :  «  On 
vaincra  à  force  de  souffrir  ».  Profonde  illusion  !  le 
christianisme  primitif,  quoi  qu'on  ait  pu  dire,  avait 
vaincu  h  l'aide  de  deux  forces  :  une  révolution  so- 
ciale et  l'épée  de  Constantin. 

Longtemps,  en  effet,  les  protestants  français  fu- 
rent fidèles  à  la  règle  chrétienne.  L'exécution  de 
Berquin,  l'exil  de  Calvin,  le  massacre  des  Vaudois, 
les  Mchers  de  Meaux  sous  François  1"  ;  les  persé- 
cutions, sous  Henri  II,  pendant  lesquelles  les  hé- 
rétiques subirent  les  supplices  les  plus  horribles, 
ne  mirent  pas  les  armes  aux  mains  des  protestants, 
fidèles  aux  leçons  de  Calvin  qui  avait  écrit  :  a  Tout 
pouvoir  vient  de  Dieu.  Les  rois  sont  d'institution 

divine Si  ceux  qui  vivent   sous   des  princes 

tirent  cela  à  eux  pour  révolte,  ce  sera  folle  spé- 
culation et  méchante.  Bien  que  ceux  qui  ont  le 
glaive  soient  ennemis  de  Dieu,  il  a  institué  les 
royaumes  pour  que  nous  vivions  paisiblement 
dans  sa  crainte.  » 

Mais  à  la  mort  d'Henri  II,  la  France  était  pro- 
fondément troublée  par  les  divisions  des  grands. 
Les  Guises,  tout-puissants  par  la  jeune  reine,  leur 
nièce  Marie  Stuart,  voulaient  garder  le  pouvoir  quoi 
qu'il  advînt.  La  reine-mère,  Catherine  de  Médicis, 
ambitieuse  et  avide,  sans  croyances,  travaillait  pour 
elle  seule  en  prêtant  la  main  aux  uns  et  aux  autres, 
Le  connétable  de  Montmorency,  vieux  courtisan, 
incapable  et  orgueilleux,  jaloux  des  Guises,  conspi- 
rait de  son  côté  pour  tout  diriger.  Les  Bourbons, 
le  roi  de  Navarre  Antoine,  sans  énergie,  presque 
idiot,  livré  aux  femmes  ;  Louis  de  Condé,  son  frère, 
brouillon  actif,  inconséquent,  prétendaient  à  la  di- 
rection des  affaires  en  leur  qualité  de  plus  proches 
parents  du  roi.  Le  jeune  roi,  enfant  maladif,  do- 
miné et  dirigé  par  sa  jeune  femme  presque  tou- 
jours, quelquefois  par  sa  mère,  jamais  lui-même, 
allait  d'un  extrême  à  l'autre.  Le  clergé,  le  clergé 
régulier  surtout,  était  dévoué  aux  Guises,  plus 
encore  peut-être  à  Philippe  II,  roi  d'Espagne,  qui 
rêvait  une  seule  monarchie  catholique  à  la  tête  de 
laquelle  il  dominerait  le  monde  avec  l'aide  de  l'Inqui- 
sition, et  troublait  toute  l'Europe  par  ses  ambitieuses 
visées.  Enfin  la  misère  générale,  la  dépravation  la 
plus  grande,  leshaines  religieuses  que  lesambitieux 
faisaient  naître  ou  entretenaient  au  sein  des  clas- 
ses populaires,  telles  sont,  en  grande  partie,  les 
causes  réelles  qui  mirent  aux  prises  les  ^eux  moi- 


GUERRES 


—  927  — 


GUERRES 


tiés  de  la  France^  malgré  les  généreux  efforts  que 
firent  les  plus  honnêtes  gens  du  siècle  :  le  chance- 
lier de  THùpital,  catholique,  et  le  grand  amiral  de 
Coligny,  aidé  de  ses  deux  frères,  Dandelot,  colonel 
de  Tartillerie,  et  le  cardinal  Odet  de  Ghâtillon,  tous 
trois  favorables  aux  protestants. 

Caractère.  —  Comme  les  causes  qui  les  ont  ame- 
nées, ces  guerres  eurent  un  double  caractère  poli- 
tique et  religieux.  Elles  furent  religieuses  pour  le 
peuple,  la  bourgeoisie  et  la  noblesse  de  province, 
chez  lesquels  la  foi  était  vive  et  les  sentiments  peu 
complexes,  et  pour  ceux  des  grands  qui  étaient  hon- 
nêtes, comme  Coligny;  politiques,  pour  les  grands 
seigneurs  qui  exploitaient  les  passions  populaires 
et  les  faisaient  servir  à  la  satisfaction  de  leur  am- 
bition. Toutefois,  au  début,  elles  sont  presque 
exclusivement  religieuses ,  et  c'est  ce  qui  en 
explique  l'atrocité.  C'est  le  temps  du  farouche  Mont- 
luc  et  de  l'implacable  baron  des  Adrets.  La  guerre 
se  fait  avec  rage  :  on  se  bat  de  ville  à  ville,  de 
château  à  château,  de  village  à  village,  de  maison 
à  maison.  Le  frère  trahit,  assassine  son  frère.  On 
tue,  on  incendie,  on  pille  ;  on  s'en  prend  aux  choses  ; 
on  dévaste,  on  brise,  on  détruit  sans  pitié  ni  merci  : 
statues,  tableaux,  monuments,  rien  ne  trouve  grâce 
devant  un  fanatisme  qui  s'excite  par  la  lutte  même. 
La  Saint-Barthélémy  est  le  dernier  acte  et  comme 
l'explosion  suprême  des  passions  religieuses.  Jus- 
que-là, en  effet,  on  voit  beaucoup  de  combats  et 
peu  de  batailles.  La  Ligue  elle-même,  dernier  refuge 
des  passions  religieuses,  aura  déjà  beaucoup  plus 
le  caractère  politique. 

A  partir  de  1572,  le  caractère  presque  exclusive- 
ment politique  de  la  guerre  civile  apparaît  de  plus 
en  plus.  Un  parti  s'intitule  le /;a;-<i  des  politiques. 
C'est  qu'en  effet  les  passions,  la  foi  même  s'usent 
et  s'aii'aiblissent,  et  il  vient  un  temps  où  chacun, 
lassé,  songe  à  se  pourvoir  et  à  sauvegarder  ses  in- 
térêts. Désormais  la  lutte  pour  les  intérêts  domine  : 
Charles  IX  est  mort  ;  Henri  III  est  sans  enfants  ; 
le  duc  d'Alençon,  quatrième  fils  d'Henri  II,  qui 
meurt  pendant  la  lutte  et  avant  son  frère,  n'est 
pas  marié.  La  vacance  possible  du  trône  met  en 
mouvement  les  ambitions,  et  les  compétiteurs  sont 
plus  préoccupés  de  leur  succès  possible  que  des 
intérêts  religieux  de  leur  parti.  Henri  de  Navarre, 
chef  protestant,  héritier  légitime  de  la  couronne, 
prépare,  par  la  diplomatie  et  par  les  armes,  son  ar- 
rivée au  trône.  Les  Guises,  unissant  leurs  intérêts 
à  ceux  de  Philippe  II,  travaillent  à  l'avènement  d'un 
des  leurs  qui  épouserait  la  fille  du  roi  d'Espagne. 
L'assassinat  de  Henri  UI  n'est  pas  autre  chose  qu'un 
acte  de  cette  chasse  à  la  succession.  Les  grands, 
de  leur  côté,  songent  avant  tout  à  s'assurer  de  ri- 
ches gouvernements  et  d'opulentes  pensions.  En- 
fin, dans  le  peuple  et  dans  la  bourgeoisie,  comme 
il  arrive  toujours  à  chaque  grand  bouleversement, 
l'idée  d'un  gouvernement  purement  démocratique 
se  manifeste.  Les  Seize  rêvent  une  sorte  de  ré- 
publique ultra-catholique;  en  même  temps  les 
protestants  fondent  une  véritable  république  re- 
ligieuse qui  leur  fait  un  Etat  politique  à  part,  et 
qui,  plus  tard,  aura  une  telle  force  que  Richelieu 
croira  utile  de  la  détruire  dans  l'intérêt  de  l'unité 
nationale.  Aussi  est-ce  surtout  l'époque  des  gran- 
des batailles  rangées,  des  sièges,  des  prises  de 
villes,  des  négociations  entre  les  partis  et  des  partis 
eux-mêmes  avec  les  souverains  étrangers. 

Evénements  militaires.  —  A  part  la  conjuration 
d'Amboise  sous  François  II,  qui  ne  peut  guère  être 
considérée  comme  une  prise  d'armes,  les  protes- 
tants n'ont  réellement  commencé  la  lutte  qu'après 
le  massacre  de  Vassy  en  1562,  sous  Charles  IX. 
Cette  première  guerre  civile,  signalée  par  la  prise 
de  Rouen,  par  la  bataille  de  Dreux  et  par  l'assas- 
sinat du  duc  François  de  Guise  au  siège  d'Orléans, 
se  termine  par  la  paix  d'Amboise  en  1563. 

Une  deuxième  prise  d'armes  eut  lieu  en  1567. 


Les  protestants,  après  avoir  tenté  d'enlever  le  roi 
à  Monceaux  et  de  bloquer  Paris,  furent  défaits  à 
Saint-Denis,  où  le  connétable  de  Montmorency, 
chef  des  catholiques,  fut  tué.  La  paix  de  Longju- 
meau  (1568)  fut  la  conséquence  de  cette  bataille, 
où  les  deux  partis  avaient  remporté  chacun  un 
succès. 

Cette  paix,  oeuvTe  de  l'Hôpital,  ne  dura  guère  et 
la  lutte  recommença.  Les  catholiques,  commandés 
par  le  duc  d'Anjou  (Henri  III),  furent  vainqueurs 
de  Coligny  à  Jarnac  (1509;  ;  vaincus  à  la  Roche- 
Abeille  ,  vainqueurs  à  Moncontour,  et  enfin  battus- 
par  Coligny,  que  rien  ne  lassait,  à  Arnay-le-Duc  ' 
(1570).  Cette  victoire  de  Coligny  amena  le  traité  de- 
Saint-Germain  (1570).  C'est  pendant  la  paix  qui 
suivit  ce  traité  qu'eut  lieu  le  massacre  de  la  Saint- 
Barthélémy  (1572),  œuvre  particulière  des  Guises 
et  de  la  reine-mère.  Forcés,  malgré  ce  crime,  de 
lever  le  siège  de  la  Rochelle  (1572;,  les  catholiques- 
sont  obligés  d'accorder  aux  protestants  une  paix 
nouvelle  sur  les  bases  du  traité  de  Saint- Germain. 

Pendant  le  règne  de  Henri  III,  sur  lequel  Cathe- 
rine de  Médicis  eut  une  influence  absolue,  et  qui 
détestait  comme  elle  les  Guises,  la  guerre  conti- 
nua malgré  les  nombreux  traités  de  paix  qui  sur- 
venaient presque  chaque  année.  Les  événements 
principaux  furent  la  bataille  de  Dormans  (1576), 
gagnée  par  Henri  de  Guise,  fils  du  duc  François  ; 
l'institution  de  la  Ligue  (1576),  les  victoires  de 
Guise  sur  les  Allemands  venus  au  secours  des  pro- 
testants, à  Vimory  et  Anneau  (1586)  ;  la  bataille  de 
Centras  (1586),  gagnée  par  Henri  de  Navarre  sur 
les  troupes  royales  ;  la  révolte  des  Parisiens  (1588) 
contre  le  roi  qui  fut  obligé  de  fuir  ;  l'assassinat  de 
Henri  de  Guise  et  du  cardinal  de  Lorraine  à  Blois 
(1588)  ;  le  siège  de  Paris  par  le  roi  de  France  et 
le  roi  de  Navarre,  et  enfin  l'assassinat  de  Henri  III 
(1589). 

Henri  de  Navarre  devenu  ainsi  prétendant  légi- 
time au  trône,  la  guerre  n'est  plus  qu'une  guerre 
de  succession.  Les  victoires  de  ce  prince  à  Arques, 
à  Ivry,  le  siège  de  Paris  (  1590;,  ses  succès  en  Norman- 
die (1591;  n'avancent  pas  ses  affaires  autant  que  les 
divisions  de  ses  ennemis,  dont  il  ruine  à  jamais 
les  espérances  par  sa  conversion  au  catholicisme 
(1593).  Après  cet  événement,  la  vraie  guerre  ci- 
vile est  finie.  Henri  IV  entre  à  Paris,  et  préfère 
acheter  ses  ennemis  que  de  les  combattre;  ils  ne 
tardent  pas  à  se  montrer  tous  soumis  et  satisfaits. 
Enfin  f  édit  de  Nantes  (1598;  clôt  définitivement 
l'ère  funeste  des  guerres  de  religion. 

Conséquences.  Les  conséquences  morales  et  ma- 
térielles de  ces  longues  luttes  furent  terribles.  Le 
mouvement  littéraire,  artistique  et  scientifique  de 
la  Renaissance  fut  interrompu  et  la  marche  de  la 
civilisation  retardée.  La  France  était  dépeuplée, 
ruinée.  Plus  d'un  million  de  personnes  avaient 
péri  ;  9  villes  avaient  été  rasées  ;  250  villages  brûlés  ; 
128,000  maisons  détruites;  la  dette  publique  s'éle- 
vait à  345  millions  qui  en  vaudraient  1,500  aujour- 
d'hui ;  le  commerce  avait  été  supprimé  ;  l'industrie 
anéantie  ;  plus  de  la  moitié  des  terres  arables 
laissées  en  friche.  Henri  IV  et  son  ministre  Sully 
firent  de  leur  mieux  pour  réparer  les  maux  qu'avait 
soufferts  la  France  pendant  trois  générations. 

[P.  Vincent.] 

Guerre  des  Trois  Henri.  —  Histoire  de  France, 
XIX.  —  On  appelle  ainsi  la  huitième  guerre 
de  religion  (qui  commença  en  1586),  parce  que  les 
chefs  des  divers  partis  en  lutte  étaient  Henri  de 
Guise,  Henri  de  Navarre  et  le  roi  Henri  lU.  •— 
V.  Guerres  de  reliyion  et  Henri  III. 

Guerre  de  Trente  Ans  (1618-1648).  —  Son  ca- 
ractère.  —  La  guerre  de  Trente  Ans,  qui  allait  cons- 
tituer l'Europe  moderne  sur  des  bases  nouvelles, 
continua  la  lutte,  un  moment  interrompue  par  la 
paix  d'Augsbourg,  du  protestantisme  allemand  con- 
tre l'unité  catholique,  et  l'opposition  plus  ancienne 


GUERRES 


028  — 


GUERRES 


encore  du  fédéralisme  des  Etats  allemands  contre 
l'autorité  absolue  de  la  maison  d'Autriche. 

Religieuse  à  son  origine,  les  victoires  de  l'Au- 
triche sur  les  Etats  protestants,  et  les  empiétements 
de  l'Empire  sur  les  privilèges  des  princes  en  feront 
bienlùt  une  guerre  politique. 

Restreinte  d'abord  dans  les  limites  des  Etats  au- 
trichiens, elle  deviendraprogrcssivementallemande, 
puis  européenne.  Son  principal  théâtre  est  l'Alle- 
magne ;  mais  l'intervention  successive  des  puis- 
sances du  nord,  Danemark  et  Suède,  puis  de  la 
Hollande  et  de  la  France,  intéressées  à  défendre 
l'équilibre  européen ,  étendra  le  champ  de  ba- 
taille dans  les  Pays-Bas,  l'Espagne,  l'Italie,  l'Océan. 

Ainsi  la  guerre  de  Trente  Ans  fut  à  la  fois  reli- 
gieuse et  politique,  allemande  et  européenne.  On 
la  parta2:e  en  quatre  périodes,  désignées  par  le  nom 
des  puissances  qui  successivement  luttèrent  contre 
la  maison  d'Autriche  : 

Période  palatine,  de  1618  à  1623. 
Période  danoise,  de  lG-'3  à  1629. 
Période  suédoise,  de  16'29  à  1635. 
Période  française,  de  1635  à  1648. 

Ses  causes.  —  Pour  comprendre  les  causes  pro- 
fondes de  la  guerre  de  Trente  Ans,  dont  le  soulè- 
vement des  Bohémiens  en  1618  ne  fut  que  le  pré- 
texte, il  faut  revenir  sur  l'histoire  de  l'Allemagne, 
depuis  le  traité  d'Augsbourg  (1555),  sous  les  règnes 
de  Ferdinand  I*',  de  Maximilicn  II,  de  Rodolphe 
et  de  Mathias. 

Le  successeur  de  Charles-Quint,  Ferdinand  I" 
(1558-1564),  mit  son  honneur  à  maintenir  en  Alle- 
magne la  paix  religieuse.  Il  réussit  à  éviter  la  guerre 
civile,  mais  non  à  pacifier  les  esprits  :  les  discussions 
théologiques  passionnaient  les  universités  d'Iéna  et 
de  Witiciiberg,  qui  représentaient  les  deux  partis, 
les  rigides  et  les  modérés,  de  la  secte  lutliérienne. 
D'autre  part,  les  calvinistes,  exclus  du  bénéfice  de 
la  paix  d'Augsbourg,  faisaient  des  progrès  ;  l'élec- 
teur palatin  Frédéric  III  introduisait  le  calvinisme 
dans  ses  Etats  et  publiait  en  1563  le  Catéchisme  de 
Heic/elberg,(\m  devint  le  formulaire  des  calvinistes 
allemands.  Le  catholicisme,  profitant  de  ces  divi- 
sions, reprenait  ses  forces  pour  une  lutte  prochaine. 
Le  concile  de  Trente,  qui  finit  en  15G3  après  dix-huit 
ans  de  durée,  réformait  la  discipline  du  clergé  catho- 
lique et  renforçait  l'autorité  du  pape  sur  les  évo- 
ques. Les  décrets  du  concile  allaient  être  exécutés 
par  la  célèbre  compagnie  de  Jésus  qui,  fondée 
en  1534  par  Ignace  de  Loyola  et  adoptée  par  Paul  III 
en  1540,  devait  être,  par  son  organisation  et  par  sa 
forte  discipline,  un  redoutable  instrument  de  com- 
bat dans  les  mains  de  la  papauté.  Les  jésuites  éta- 
blirent trois  universités  à  Vienne,  Ingolstadt  et 
Cologne,  et  essayèrent  d'arracher  l'Allemagne  à  la 
Réforme. 

Maximilien  II  (1564-1576)  continua  la  politique 
de  son  père  ;  il  accorda  la  liberté  de  culte  à  la  no- 
blesse de  ses  Etats  héréditaires,  et  mourut  en  re- 
commandant à  tous  les  partis  la  tolérance  reli- 
gieuse. 

Les  difficultés  commencèrent  avec  Rodolphe  II 
(1576-1612),  prince  faible  et  entêté,  plus  occupé 
d'alchimie  et  d'astronomie  que  de  la  direction  de 
ses  Etats.  Aussi  l'Allemagne  fut  partout  agitée  par 
de  violents  conflits  qui  présageaient  une  guerre 
prochaine  :  à  Cologne,  l'archevêque  Gebhard,  s'étant 
converti  au  calvinisme,  voulut  séculariser  son  bé- 
néfice, malgré  la  réserve  ecclésiastique;  il  fut  dé- 
posé et  remplacé  par  un  prince  bavarois  qui  prit 
possession  de  l'archevêché  à  main  armée.  A  Stras- 
bourg, deux  évêques  se  disputaient  par  les  armes 
le  siège  cpiscopal,  et  la  lutte  ne  se  termina  qu'en 
160i  par  un  compromis  qui  laissa  la  victoire  au 
candidat  des  caUioliques.  Enfin,  à  Aix-la-Chapelle, 
les  protestants  étaient  expulsés  par  une  armée  im- 
périale. 


Les  protestants,  calvinistes  et  luthériens,  com- 
prirent la  nécessité  de  s'unir,  et  ils  formèrent 
ï Union  évangélique  sous  la  direction  de  l'électeur 
palatin,  Frédéric  IV,  et  du  roi  de  France  Henri  IV 
(1608).  Les  Etats  catholiques  organisèrent  aussitôt, 
sous  la  conduite  du  duc  de  Bavière,  Maximilien,  la 
Ligne  catholique  (1609). 

Ainsi  les  deux  partis  organisés  pour  la  lutte 
étaient  en  présence.  L'ouverture  de  la  succession 
de  Juliers,  disputée  par  les  catholiques  et  les  pro- 
testants, aurait  certainement  fait  éclater  la  guerre, 
si  Henri  IV,  allié  de  ces  derniers,  n'était  mort 
en  1610. 

En  même  temps  que  l'Allemagne  se  divisait  en 
deux  camps,  les  Etats  mêmes  de  la  maison  d'Au- 
triche se  soulevaient.  Rodolphe  était  obligé  de 
céder  à  son  frère  Mathias  le  gouvernement  de  la 
Hongrie,  de  la  Moravie  et  de  l'Autriche,  et  d'ac- 
corder à  la  Bohême  les  Lettres  de  majesté,  qui  con- 
firmaient ses  libertés  religieuses  et  nationales 
(1609). 

Sous  le  règne  de  Mathias  (1612-1619),  les  diffi- 
cultés ne  firent  que  grandir.  La  Hongrie  se  ré- 
voltait sous  la  direction  de  Bethlen  Gabor,  la 
Bohême  exigeait  de  nouvelles  concessions.  L'empe- 
reur, n'ayant  pas  d'enfant,  désigna  son  cousin  Fer- 
dinand de  Styrie  pour  son  successeur,  et  lui  céda 
d'avance  les  couronnes  de  Bohême,  de  Hongrie  et 
d'Autriche  pour  mieux  assurer  son  élection.  Ce 
prince,  ambitieux  et  fanatique,  voulait  restaurer 
le  catholicisme  et  assurer  la  prépondérance  de 
l'Autriche.  Ce  choix  indiquait  à  tous  que  l'heure 
de  la  tolérance  était  passée.  On  se  prépara  à  la 
guerre  ;  un  incident  la  fit  éclater  en  Bohême. 

Les  protestants  avaient  bâti  un  temple  sur  les 
terres  de  l'évêque  de  Prague.  Le  temple  fut  démoli 
par  ordre  de  l'empereur.  Les  Bohénîiens  invoquè- 
rent les  Lettres  de  majesté,  qui  autorisaient  les  sei- 
gneurs protestants  à  bâtir  des  églises  et  des  écoles  ; 
puis,  sous  la  conduite  de  Mathias  de  Thurn,  ils  en- 
vahirent le  château  de  Prague,  et  jetèrent  par  les 
fenêtres  deux  gouverneurs,  Martinitz  et  Slawata, 
accusés  d'avoir  dicté  la  réponse  défavorable  de 
l'empereur.  La  défenestration  de  PrajUe  fut  le 
signal  de  la  guerre  de  Trente  Ans. 

Première  période  ou  période  palatine  {\Q\i-\&1Z). 
—  Les  Bohémiens  révoltés  conduisirent  la  guerre 
avec  vigueur.  Le  comte  de  Thurn  occupa  rapide- 
ment la  Bohême,  puis,  envahissant  la  Moravie,  il 
mit  le  siège  devant  Vienne.  La  ville  était  sans  dé- 
fense et  les  barons  autrichiens  parlèrent  de  se 
rendre:  mais  l'inflexible  énergie  de  Ferdinand  II 
donna  le  temps  à  un  régiment  impérial  de  péné- 
trer dans  la  ville  et  de  la  sauver.  En  même  temps 
les  troupes  impériales,  victorieuses  en  Bohême, 
marchaient  sur  Prague.  A  cette  nouvelle,  le  comte 
de  Thurn  leva  le  siège  et  accourut  au  secours  dos 
Bohémiens.  Libre,  Ferdinand  alla  à  Francfort  re- 
cevoir la  couronne  impériale  (1619). 

Les  Bohémiens  et  les  calvinistes  protestants  lui 
avaient  opposé  un  rival,  l'électeur  palatin  Frédé- 
ric V.  Ce  prince  n'avait  aucun  mérite  personnel, 
mais  il  pouvait  assurer  au  parti  protestant,  par  ses 
relations  de  famille,  des  alliances  utiles.  Chef  de 
l'Union  évangélique,  gendre  de  Jacques  I"  d'An- 
gleterre, petit-fils  de  Guillaume  de  Nassau,  il  com- 
mit la  faute  de  trop  compter  sur  ces  alliances  et 
pas  assez  sur  lui-même. 

Ferdinand  II,  au  contraire,  agissait  avec  vigueur. 
Il  s'assurait  l'appui  des  trois  électeurs  ecclésiasti- 
ques, du  pape,  des  rois  d'Espagne  et  de  Pologne, 
et  du  puissant  chef  de  la  Ligue  catholique,  Maxind- 
lien  de  Bavière.  Il  détachait  du  parti  calviniste  les 
princes  luthériens,  le  landgrave  de  Hesse-Darm 
stadt.  l'électeur  de  Saxe,  Jean-Georges.  Enfin  il  ga- 
gnait à  sa  cause  le  ministre  français,  le  duc  de 
Luynes,  qui.  par  son  influence,  faisait  déposer  les 
armes  à  Bethlen  Gabor  (traité  d'Ulm,  I620j. 


GUERRES 


—  929  — 


GUERRES 


La  campagne  militaire  fut  menée  aussi  rapide- 
ment que  la  campagne  diplomatique.  Maximilien 
•de  Bavière  et  le  comte  de  Bucquoy  envahirent  k 
Kohème  avec  50,000  hommes  et  gagnèrent,  près  dé 
Prague,  le  combat  de  la  Montagne  Blanche.  Frédé- 
ric V  s'enfuit  lionteusement,  abandonnant  la  Bo- 
hême et  ses  amis  aux  vengeances  de  Ferdinand  II 
{novembre  1620), 

La  Bohême  fut  traitée  par  Ferdinand  avec  la  der- 
nière rigueur  ;  les  Lettres  de  majesté,  furent  déchi- 
rées; les  chefs  de  la  révolte  condamnés  à  mort: 
trente  mille  familles  expulsées,  et  leurs  biens  con- 
fisqués au  profit  des  jésuites.  Ce  malheureux  pays 
ne  s'est  pas  relevé  de  ce  coup  et  ne  devait  plus 
avoir  aucune  influence  politique. 

Cette  barbare  exécution  révolta  l'Allemagne  :  la 
résistance  partit  du  peuple,  et  trois  aventuriers 
défendirent  la  cause  religieuse  que  les  princes 
semblaient  abandonner.  Christian  de  Brunswick, 
épris  d'une  passion  chevaleresque  pour  la  palatine 
Elisabeth,  petite-fiUe  de  Marie  Stuart,  le  comte 
Ernest  de  Mansfeld,  et  enfin  le  margrave  de  Bade- 
Durlach,  se  mirent  à  la  tête  de  bandes  nombreuses, 
qui,  animées  du  fanatisme  religieux  ou  du  désir  de  la 
vengeance,  répandirent  la  terreur  dans  l'Allemagne. 
Ferdinand,  soutenu  par  les  secours  des  Espagnols 
et  par  l'armée  bavaroise  que  commandait  l'habile 
Tilly,  résista  victorieusement.  Le  Palatinat,  où  la 
guerre  sévissait  avec  fureur,  fut  disputé  par  les  trois 
batailles  de  Wiseloch,  de  Wimpfen  et  de  Hœchtz. 
Brunswick  et  Mansfeld,  vaincus,  allèrent  tenter  de 
nouveau  la  fortune  aux  Pays-Bas,  où  ils  livrèrent 
aux  Espagnols  le  sanglant  combat  de  Fleurus. 

Ferdinand  II,  vainqueur,  convoqua  à  F»aiisbonne 
la  diète  de  l'Empire  et  y  fit  sanctionner  sa  victoire 
(1623).  Le  duc  de  Bavière  reçut  pour  récompense  do 
ses  services  le  Haut-Palatinat  et  la  dignité  électo- 
rale. Frédéric  V,  reconnu  coupable  de  lèse-ma- 
jesté, fut  condamné  à  la  perte  de  ses  biens  et  di- 
gnités. 

Deuxième  période  ou  période  danoise  (1623-1629). 
—  La  victoire  de  Ferdinand  II,  en  établissant  la 
prépondérance  de  l'Autriche  en  Allemagne,  était 
menaçante  pour  l'indépendance  des  Etats  européens. 
La  France,  à  l'époque  de  la  défaite  du  comte  pa- 
latin, n'était  pas  encore  en  mesure  de  faire  pré- 
valoir ses  volontés.  Mais  ce  fut  un  bonheur  que  les 
souverains  du  Nord  fussent  assez  libres  et  assez 
énergiques  pour  prendre  en  mains  la  défense  des 
intérêts  religieux  et  politiques  de  l'Allemagne. 

Christian  IV  de  Danemark,  lié  par  sa  famille  au 
comte  palatin,  avait  des  motifs  personnels  de  se 
mettre  à  la  tête  des  protestants.  De  plus,  comme 
souverain  du  duché  allemand  de  Holstein,  il  crai- 
gnait pour  la  possession  des  biens  ecclésiastiques 
qu'il  avait  sécularisés  dans  ce  pays.  Nommé  capi- 
taine-général du  cercle  de  Basse-Saxe,  il  se  disposa 
h,  entrer  en  campagne. 

Ferdinand  II  avait  fait  la  guerre  précédente  avec 
l'armée  de  la  Bavière  et  de  la  Ugue  catholique,  et 
les  secours  espagnols  ;  la  conquête  du  Palatinatétait 
due  à  Tilly,  général  de  la  Ligue.  Cette  fois  il  voulut 
s'affranchir  de  cette  dépendance  et  avoir  une  force 
militaire  soumise  à  sa  seule  volonté.  Un  seigneur 
bohémien,  Wallenstein,  lui  offrit  de  lever  une  ar- 
mée de  50,000  hommes,  de  l'équiper  à  ses  frais  et 
de  l'entretenir,  à  condition  qu'il  en  aurait  le  com- 
mandement absolu  et  qu'il  nommerait  les  officiers. 
L'empereur  accepta,  et  Wallenstein,  célèbre  par. sa 
bravoure  personnelle,  tout-puissant  par  ses  grandes 
richesses  (l'empereur  lui  avait  donné  la  propriété 
d'immenses  domaines  confisqués  à  des  seign<'urs 
bohémiens,  et  le  titre  de  duc  de  Friedandj,  fort 
de  l'autorité  impériale,  vit  accourir  sous  ses  dra- 
peaux tous  les  aventuriers  allemands.  Il  allait  or- 
ganiser dans  de  terribles  proportions  ce  brigandage 
militaire  dont  Mansfeld  et  Brunswick  n'avaient  que 
trop  donné  l'exemple. 

2'  PARTIt. 


Le  plan  de  campagne  formé  par  le  roi  de  Dane- 
mark était  habile.  Il  ordonna  à  Ernest  de  Mans- 
feld de  se  jeter  sur  la  gauche,  vers  l'Elbe,  de  re- 
monter ce  fleuve  jusqu'en  Bohême,  de  donner  la 
Kain  à  Bethlen  Gabor  et  de  marcher  sur  Vienne. 
Brunswick  devait,  à  l'aile  droite,  opérer  dans  la 
vallée  du  Mein  et  du  Danube.  Entre  ces  deux 
ailes,  Christian  IV  remonterait  lui-même  le  Wéser 
avec  le  corps  principal  de  l'armée.  Ce  plan  bien 
conçu  ne  réussit  pas.  Mansfeld  est  battu  par  Wal- 
lenstein, sur  l'Elbe,  au  pont  de  Dessau;  cependant, 
malgré  cet  échec,  il  pénètre  en  Silésie,  défait  les 
impériaux  à  Oppeln,  s'empare  de  Ratibor  et  de 
Troppau.  Mais  la  peste  décime  son  armée  au  mo- 
ment où  il  va  rejoindre  Gabor  ;  celui-ci,  se  croyant 
abandonné,  conclut  une  trêve  avec  l'empereur. 
Mansfeld,  découragé,  poursuivi  par  Wallenstein,  li- 
cencie son  armée,  vend  son  artillerie,  traverse, 
avec  quelques  officiers,  la  Hongrie  et  la  Dalmaiie, 
et  vient  mourir  à  Venise. 

A  l'autre  aile,  Christian  de  Brunswick  meurt 
prématurément,  laissant  ses  conquêtes  à  Tilly. 
Enfin,  au  centre,  le  roi  de  Danemark,  battu  à 
Lutter  par  Tilly,  abandonne  au  général  bavarois 
(JO  drapeaux  et  toute  son  artillerie. 

La  tentative  de  Christian  IV  avait  donc  été  aussi 
malheureuse  que  celle  de  Frédéric  V,  Les  deux 
vainqueurs,  Tilly  et  Wallenstein,  répandaient  leurs 
liordes  de  pillards  dans  toutes  les  pro\inces  pro- 
testantes. Wallenstein  voulut  avoir  une  flotte  et  des 
ports  sur  la  Baltique  pour  atteindre  Christian  jus  - 
que  dans  ses  Etats.  Il  s'empara  de  Wismar,  des  îles 
d'Usedom  et  de  Wollin,  mais  il  échoua  devant 
Stralsund  qu'il  voulait  prendre,  disait-il,  quand 
même  elle  eût  été  attachée  au  ciel  par  des  chaînes 
et  entourée  d'une  enceinte  de  diamant. 

Le  roi  de  Danemark  s'empressa  de  signer  la  paix 
pour  sauver  ses  Etats.  Par  le  traité  de  Lubeck 
^mai  1629),  il  s'engageait  à  n'intervenir  en  Allemagne 
qu'en  sa  qu^dité  de  duc  de  Holstein. 

Mais  c'est  en  Allemagne  même  que  Ferdinand  II 
voulut  retirer  le  fruit  de  ses  victoires.  Il  crut  que 
le  moment  était  venu  de  frapper  le  protestantisme. 
Il  fit  paraître,  le  ô  mars  1G29,  le  fameux  édit  de 
restitution,  qui  ordonnait  à  tous  les  protestants  de 
se  dessaisir  des  bénéfices  dont  ils  s'étaient  emparés 
depuis  1555.  Ce  fut  l'occasion  de  violences  extrê- 
mes. En  même  temps  Ferdinand  dévoilait  son  am- 
bition politique.  Wallenstein  ne  disait-il  pas  que 
l'Allemagne  n'avait  plus  besoin  d'électeurs  ni  de 
princes,  qu'elle  ne  devait  avoir  qu'un  maître?  Le 
prétexte  religieux  servait  donc  à  fonder  une  mo- 
narchie absolue. 

Ce  fut  un  cardinal  de  l'Eglise  romaine,  ministre 
d'un  roi  de  France,  qui  combattit  la  prépondérance 
autrichienne  établie  sur  une  restauration  du  catholi- 
cisme. La  guerre  avait  commencé  par  être  religieuse 
et  allemande;  avec  l'intervention  du  Danemark  elle 
était  déjà  sortie  de  l'Allemagne  et  avait  pris  un 
caractère  plus  politique  ;  Richelieu  la  fit  politique 
et  européenne. 

Troisième  période  ou  péiiode  suédoise  (IG'iO-lGZb). 
—  Le  ministre  français  remporta  d'abord  sur  la 
politique  autrichienne  un  succès  diplomatique  à  la 
diète  de  Ratisbonne  (KSO).  Deux  ambassadeurs, 
Brulartde  Léon  et  le  père  Joseph,  l'éminence  grise, 
excitèrent  la  jalousie  de  Maximilien  de  Bavière  et 
des  princes  catholiques  contre  la  maison  d'Autri- 
che. La  diète  s'émut  ;  elle  demanda  et  obtint  la 
destitution  de  Wallenstein  et  le  licenciement  de  son 
armée.  Ferdinand,  pour  prix  d'un  tel  sacrifice,  avait 
espéré  que  le  collège  électoral  nommerait  son  fils 
roi  des  Romains.  Les  agents  français  firent  encore 
échouer  ces  espérances.  «  Un  pauvre  moine,  s'écria 
l'empereur,  m'a  joué,  il  a  mis  dans  son  étroit  capu- 
chon les  bonnets  électoraux.  » 

Richelieu  avait  humilié  et  désarmé  l'empereur; 
il  suscita  en   même  temps  contre  lui  le  roi  de 

59 


GUERRES 


—  930  — 


GUERRES 


Suède,  Gustave-Adolphe.  Celui-ci,  après  avoir  re- 
commandé sa  jeune  fille  Christine  aux  Etats  da 
Stockholm,  débarqua  en  Poméranie.  Son  armée 
était  peu  nombreuse,  mais  bien  disciplinée,  animée 
du  sentiment  religieux  et  patriotique.  Elle  contras- 
tait avec  les  bandes  de  pillards  qui  suivaient  les 
aventuriers  allemands.  Le  roi  s'assura  de  la  Pomé- 
ranie et  duMecklembourg,  et  força  les  électeurs  pro- 
testants de  Brandebourg  et  de  Saxe  à  sortir  de 
leur  neutralité  et  à  se  joindre  à  lui. 

Cependant  Ferdinand  II  s'inquiétait  peu  de  l'in- 
vasion suédoise.  «  Cette  majesté  de  neige,  disait-il, 
tondra  bientôt  au  soleil  impérial  du  midi.  »  Tilly, 
son  général  en  chef,  parut  d'abord  justifier  sa  con- 
fiance. Pour  frapper  un  grand  coup,  il  vint  mettre 
le  siège  devant  Magdebourg,  la  plus  forte  place  du 
nord  de  l'Allemagne.  La  ville  prise  d'assaut  s'abîma 
dans  les  flammes.  Le  Suédois  Falkemberg  qui  la 
défendait  y  mit  le  feu  pour  ne  pas  laisser  à  Tilly 
une  place  aussi  importante. 

Gustave,  à  cette  nouvelle,  accourut  en  toute  hâte, 
entraînant  avec  lui  les  Saxons  de  l'électeur  Jean- 
Georges.  Il  rencontra  Tilly  à  Breitenfeld,  sur  la  rive 
droite  de  l'Elster,  près  de  Leipzig,  et  le  battit  après 
un  sanglant  combat  (163G).  La  route  de  Vienne  était 
ouverte  ;  avant  de  s'y  engager,  le  roi  de  Suède  voulut 
délivrer  l'Allemagne  protestante.  Pendant  que  les 
Saxons  pénétraient  en  Bohême,  il  se  jeta  dans  la 
vallée  du  Main,  chassa  de  Francfort  la  diète  des  prin- 
ces de  l'empire,  arriva  sur  le  Rhin,  où  il  força  les 
électeurs  de  Trêves  et  de  Mayence  à  se  soumettre, 
pénétra  en  Alsace,  puis  revint  dans  le  bassin  du  Da- 
nube, disposé  cette  fois  à  marcher  sur  Vienne.  La 
situation  devenait  critique  pour  Ferdinand.  A  ce  mo- 
ment l'électeur  de  Saxe,  Jean-Georges,  s'emparait 
de  Prague.  Tout  reposait  sur  la  défense  de  Tilly 
en  Bavière.  Cet  habile  général  avait  établi  son 
armée  sur  la  rive  droite  du  Lech,  dans  une  forte 
position.  Mais  Gustave  franchit  la  rivière  malgré 
l'artillerie  bavaroise,  livra  bataille  sur  l'autre  rive 
et  défit  les  Impériaux.  Tilly  tomba  mortellement 
blessé.  Maximilien  prit  le  commandement,  mais  ne 
put  ramener  son  aimée  au  combat.  L'Autriche  était 
ouverte;  les  Saxons  pouvaient  y  entrer  par  la 
Bohême,  les  Suédois  par  la  Bavière  (avril  I63"2'. 

Un  homme  pouvait  sauver  Ferdinand,  c'était 
Wallenstein.  Depuis  sa  disgrâce  il  vivait  en  Bohème 
dans  une  fastueuse  retraite.  Dissimulant  son  am- 
bition, il  eut  l'air  de  n'accepter  qu'à  regret  les 
oflres  de  l'empereur.  Il  put  ainsi  vendre  chèrement 
ses  services.  Ferdinand  consentit  à  tout  :  Wallenstein 
devait  avoir  une  autorité  absolue  sur  son  armée  ; 
il  nommerait  tous  les  officiers,  lèverait  les  contri- 
butions, serait  l'arbitre  delà  paix  ou  de  la  guerre, 
enfin  il  recevrait  comme  récompense  le  gouverne- 
ment du  Mecklembourg.  Le  nom  de  Wallenstein 
valut  à  l'Autriche  une  armée   de  ..0,000  hommes. 

Wallenstein  ne  défendit  pas,  comme  on  pouvait 
s'y  attendre,  la  route  de  Vienne.  Il  se  jeta  dans  la 
Bohême,  la  reprit  aux  Saxons,  puis,  pénétrant  dans 
la  vallée  du  Main,  attaqua  la  riche  ville  de  Nu- 
remberg. Gustave-Adolphe  revint  sur  ses  pas  pour 
la  déiendre.  Pendant  trois  mois  les  deux  adversaires 
manœuvrèrent  pour  se  surprendre,  sans  y  réussir. 
Wallenstein  abandonna  tout  à  coup  le  siège  de  Nu- 
remberg pour  marcher  sur  la  Saxe.  Jean-Georges, 
effrayé,  appela  Gustave,  qui  s'empressa  d'accourir. 
Les  deux  armées  furent  de  nouveau  en  présence 
dans  une  de  ces  plaines  saxonnes  où  se  sont  livrées 
tant  de  grandes  batailles,  à  Liitzen,  entre  la  Saale 
et  l'Elster  (novembre  IG;t2).  Le  combat  était  inévi- 
table. Gustave  commandait  l'aile  droite  de  son 
armée  ;  Bernard  de  Saxe-Weimar,  son  élève,  com- 
mandait, à  l'aile  gauche,  les  auxiliaires  allemands. 
Le  roi  de  Suède,  après  avoir  conduit  plusieurs  char- 
ges contre  les  Impéiiaux,  apprit  qu'une  partie  de 
son  armée  était  exposée  au  fende  l'artillerie.  Il  vou- 
lut s'emparer  des  canons  ennemis,  U'aversa  pres- 


que seul  le  champ  de  bataille,  et  tomba  mortelle- 
ment blessé  Bernard  de  Saxe  se  mit  alors  à  la 
tête  de  l'armée,  s'empara  de  l'artillerie  impériale,  et 
croyait  tenir  la  victoire,  quand  Pappenheim  arriva 
et  commença  une  nouvelle  bataille.  Les  Suédois 
plièrent  devant  ces  troupes  fraîches,  mais  la  mort  de 
Pappenheim  leur  rendit  courage.  Ils  reprirent  aus- 
sitôt l'offensive,  et  Wallenstein  put  à  peine  protéger 
la  retraite  de  ses  troupes.  La  mort  de  Gustave- 
Adolphe  semblait  une  perte  irréparable  pour  les 
Etats  protestants  de  l'Allemagne  et  de  l'Europe.  Le 
chancelier  Oxenstiern,  son  ami  et  son  conseiller, 
fit  reconnaître  Christine  comme  reine  de  Suède 
et  continua  sa  politique.  Les  généraux  Banner  et 
Bernard  de  Saxe-Weimar,  dignes  élèves  de  Gustave- 
Adolphe,  poursuivirent  la  guerre  avec  un  succès 
d'autant  plus  rapide  que  Wallenstein,  retiré  en 
Bohême,  semblait  disposé  à  trahir  l'empereur.  Lfr 
général  Piccoloiiiini  reçut  l'ordre  secret  de  se 
défaire  du  traître.  Il  s'assura  la  possession  de  Pra- 
gue, puis  il  envoyaà  Egra,  résidence  de  Wallenstein, 
trois  hommes  de  main,  Lesly,  Butler  et  Gordon. 
Wallenstein  fut  assassiné  avec  les  principaux  offi- 
ciers attachés  a  sa  fortune  (I63i). 

L'empereur  confia  le  commandement  de  l'armée 
à  son  fils,  l'archiduc  Ferdinand.  Celui-ci,  guidé 
par  deux  hommes  de  guerre  remarquables,  Gallas 
et  Piccolomini,  gagna  sur  les  Suédois  la  bataille  de 
Nœrdlingen.  Cette  victoire  livra  TAUemagne  à  Fer- 
dinand II.  L'électeur  de  Saxe  conclut  au  nom  des 
Luthériens  le  traité  de  Prague  (1635).  Banner  et 
les  Suédois  se  replièrent  en  Poméranie. 

L'Autriche  était  une  troisième  fois  victorieuse. 
Le  moment  était  venu  où  la  France  devait  enfin 
intervenir  ouvertement  dans  la  lutte. 

Quatrième  période  ou  période  française  (163.'-- 
164s).  —  La  guerre  fut  précédée  d'une  admirable 
campagne  diplomatique  qui  remplit  toute  l'année 
163  j.  Les  Suédois  devaient  recevoir  un  subside 
annuel  et  être  renforcés  d'un  corps  français  do 
12,000  soldats  (traité  de  Compiègne)  ;  le  duc  Ber- 
nard de  Saxe-Weimar  promit  son  concours  moyen- 
nant un  subside  de  quatre  millions  et  la  cession  dfr 
l'Alsace  (traité  de  Saint-Germain)  ;  le  landgrave 
de  Hesse-Cassel,  moyennant  subsides,  fournissait 
lO.dOO  hommes  (traité  de  Wesel). 

On  ne  pouvait  vaincre  l'Autriche  qu'en  frappant 
également  l'Espagne,  dont  la  politique,  depuis  IClO, 
avait  été  une  conspiration  permanente  contre  la 
France.  La  guerre  lui  fut  solennellement  déclarée 
en  1635,  et  Richelieu  tourna  aussitôt  contre  elle  les 
efforts  de  sa  diplomatie.  Il  s'allia  avec  les  Hollan- 
dais (traité  de  Paris),  avec  les  ducs  de  Savoie,  de 
Parme  et  de  Mantoue  (traité  de  Rivoli). 

Les  préparatifs  furent  considérables;  pendant 
plus  de  dix  ans  la  France  allait  entretenir  sept 
armées  de  terre  et  deux  flottes.  La  guerre  eut 
pour  théâtre  les  Pays-Bas,  l'Allemagne  occiden- 
tale, l'Allemagne  orientale,  l'Italie  et  l'Espagne. 

Le  résultat  des  premières  campagnes  ne  répon- 
dit pas  aux  espérances  de  Richelieu.  Les  maréchaux 
de  Châtillon  et  de  Bi'ézé  gagnèrent  d'abord  aux 
Pays-Bas  la  bataille  d'Avein  et  firent,  sous  Maës- 
tricht,  leur  jonction  avec  les  Hollandais.  Mais,  mal 
secondés  par  leurs  alliés  qui  voyaient  avec  peine 
la  France  s'établir  sur  la  rive  de  l'Escaut,  ils  furent 
repoussés  et  bientôt  nos  frontières  furent  envahies. 
Les  Espagnols  et  les  Impériaux,  conduits  par  Jean 
de  Werth,  pénétrèrent  dans  la  Picardie  et  s'empa- 
rèrent de  Corbie.  La  terreur  fut  si  grande  à  Paris 
que  Richelieu  songea  un  moment  à  se  retirer  der- 
rière la  Loire  Ranimé  par  les  conseils  du  père 
Joseph,  il  fit  de  grands  préparatifs  et  chassa  les 
Espagnols  du  territoire  français.  Une  invasion  des 
Impériaux  en  Bourgogne  avait  été  arrêtée  par  la 
bol  le  résistance  de  Saint-Jean  de  Losne.  En  Guyenne, 
d"l'4iernon  repoussait  une  attaque  des  Espagnols. 
Enfin,  au  nord   de   l'AUemague,  Banner  relevait 


GUERRES 


—  931  — 


GUERRES 


l'honneur  dos  armes  suédoises  par  sa  victoire  de 
Wistock  (1637). 

Cette  même  année,  Ferdinand  II  mourut,  après 
avoir  vu  le  triomphe  du  catholicisme  et  de  l'Autri- 
chû,  un  moment  préparé  par  ses  victoires,  mainte- 
nant compromis  par  les  succès  de  la  France.  Son 
fils  Ferdinand  III  continua  la  même  politique,  sans 
avoir  la  même  conviction  ni  la  même  intelligence. 
La  guerre  se  poursuivit  partout  sans  avantages 
décisifs.  Aux  Pays-Bas,  le  cardinal  de  la  Valette 
s'empara  de  Landrecies  et  de  Maubeuge  ;  mais  en 
Allemagne,  les  Suédois  étaient  repoussés  de  la 
Saxe  et  de  la  Poméranie,  et  en  Italie,  Rohan,  obligé 
d'évacuer  la  Valteline,  voyait  les  duchés  de  Savoie 
et  de  Mantoue  livrés  aux  intrigues  espagnoles. 
Aux  Pyrénées  enfin,  le  siège  de  Fontarabie  par  le 
duc  de  La  V'alette  et  par  l'amiral  Sourdis,  archevê- 
que de  Bordeaux,  dut  être  abandonné  à  l'arrivée 
d'une  armée  espagnole. 

Toutefois  la  campagne  du  Rhin  avait  été  glorieuse 
pour  nos  alliés  et  profitable  pour  la  France.  Ber- 
nard de  Saxe-Weimar  s'était  emparé  de  l'Alsace 
après  ses  victoires  de  Rheinfeld  et  de  Brisach.  Peut- 
être  songeait-il  à  se  détacher  delà  France,  quand 
la  mort  subite  de  ce  jeune  héros  de  trente-huit 
ans,  souhaitée  à  ce  moment  par  Richelieu,  livra  à 
ce  dernier  ses  conquêtes  et  son  armée.  Les  soldats 
de  Bernard  de  Saxe,  conduits  par  Guébriant  et  Tu- 
renne,  allaient  rejoindre  l'armée  suédoise,  victo- 
rieuse à  Ghemnitz,  pour  envahir  l'Autriche  (1639). 
Désormais  les  succès  ne  se  ralentissent  plus. 
Dans  les  Pays-Bas,  une  attaque  des  trois  maréchaux 
de  la  Meilleraye,  de  Châtillon  et  de  Ghaulnes  nous 
donne  enfin  la  capitale  de  l'Artois,  Arras.  En  Italie, 
les  trois  grandes  victoires  du  comte  d'Harcourt  à 
Gasal,  Turin,  et  Ivrée  ramènent  la  Savoie  à  notre 
alliance.  En  Espagne,  la  révolte  du  Portugal  et  de 
la  Catalogne  porte  un  coup  mortel  à  la  puissance 
de  Philippe  III.  Les  Français  assurent  l'indépen- 
dance du  nouveau  roi  de  Portugal,  Jean  de  Bra- 
gance,  et  s'emparent  de  la  capitale  du  Roussillon, 
Perpignan  (I64'2).  En  Allemagne,  Guébriant,  vain- 
queur à  Wolfenbûttel  (1641)  et  à  Kcmpen  (16i-J), 
occupe  l'électorat  de  Cologne.  Banner  meurt 
après  un  coup  de  main  hardi  sur  Ratisbonne,  et 
son  successeur,  le  paralytique  Torstenson,  fait  une 
campagne  victorieuse  dans  la  Silésie  et  la  Saxe, 
où  il  gagne  sur  Piccolomini  la  bataille  de  Leip.  ig 
(1642). 

Richelieu  mourut  la  même  année,  laissant  la 
France  partout  victorieuse  et  léguant  sa  politique 
à  un  homme  digne  de  la  comprendre  et  de  la  conti- 
nuer, au  cardinal  de  Mazarin. 

Les  ennemis,  réduits  si  bas  en  1642,  s'étaient  subi- 
tement ranimés  au  bruit  de  la  mort  de  Richelieu. 
La  maison  d'Autriche,  dans  les  premiers  mt'is  de 
164?,  reprit  vivement  l'offensive  en  Italie,  en  Cata- 
logne, en  Allemagne  et  surtout  dans  les  Pays-Bas. 
Le  gouverneur  des  Pays-Bas,  don  FrancLsco 
de  Mellos,  envahit  la  Champagne,  et  fit  investir 
par  son  avant-garde  la  ville  de  Rocroi,  qui  couvre 
la  frontière  du  côté  des  Ardennes.  Un  général  de 
vingt  et  un  ans,  le  duc  d'Enghien,  commandait 
l'armée  française  forte  de  22,000  hommes.  Il  avait 
reçu  l'ordre  de  ne  point  hasarder  la  bataille  ;  mais 
il  amena  l'armée  si  près  du  camp  ennemi  que 
toute  retraite  devenait  impossible.  Il  attaqua  les 
Espagnols  dans  la  matinée  du  19  mai,  et  se  jeta, 
à  la  tête  de  la  cavalerie,  sur  l'infanterie  espagnole. 
Quand  celte  redoutable  phalange  fut  enfoncée,  la 
bataille  fut  gagnée.  Mellos  rallia  à  grand'peine 
les  débris  de  son  armée.  Cette  victoire  rejeta  les 
ennemi  sjusque  sur  le  Rhin. 

En  Allemagne,  nous  n'avions  pas  été  aussi  heu- 
reux. Le  brave  Guébriant  avait  été  battu  et  tué  à 
Rothweill,  et  le  comte  de  Rantzau  son  succes.-eur, 
fut  vaincu  et  fait  prisonnier  à  Tmtiiigen.  Tiiienne, 
récemment  nommé  maréchal,  fut  chargé  de  réor- 


ganiser l'armée  vaincue.  Mais  il  ne  put  empêcher 
les  impéraux  ,  commandés  par  Mercy,  de  prendre 
Fribourg,  et  d'y  asseoir  leur  camp  dans  une  posi- 
tion formidable.  D'Enghien  reçut  l'ordre  de  quit- 
ter les  i'ays-Bas  et  de  marcher  au  secours  de  Tu- 
renne.  I]  attaqua  de  front  les  lignes  de  Fribourg. 
L'assaut  dura  trois  jours.  Les  Français  commen- 
çaient à  plier,  lorsque  le  duc  d'Enghien  jeta  son 
bâton  de  commandement  dans  les  retranchements 
ennemis,  qui  aussitôt  furent  emportés.  Turenne 
avait  dirigé  une  vive  attaque  sur  le  flanc  des  en- 
nemis. Mercy  battit  en  retraite,  laissant  ses  canons 
et  ses  bagages.  Les  deux  rives  du  Rhin  étaient  à 
nous  depuis  Bâle  jusqu'à  Coblentz  (1644). 

Après  cette  victoire,  Turenne  et  d'Enghien  s'é- 
taient séparés.  Tandis  que  celui-ci  allait  achever  la 
conquête  de  la  Flandre,  Turenne  essayait  de  se  réu- 
nir, à  travers  la  Franconie,  à  Torstenson,  vainqueur 
à  Saucowitz.  Mais  il  fut  arrêté  et  battu  par  Jfercy 
à  Marienthal.  D'Enghien  revint  en  toute  hâte,  et 
prit  le  commandement  de  l'armée  du  Rhin,  ayant 
Turenne  sous  ses  ordres.  Il  attaqua  Mercy  dans  les 
plaines  de  Nœrdlingen.  La  victoire  fut  vivement 
disputée;  Jean  de  West,  avec  sa  cavalerie  bava- 
roise, était  vainqueur  à  l'aile  gauche  ;  mais  les 
bataillons  de  Mercy  furent  enfoncés  par  les  Fran- 
çais et  l'excellente  cavalerie  weimarienne.  Mercy 
tomba  sur  le  champ  de  bataille;  il  y  fut  enterré. 
Le  duc  d'Enghien  fit  graver  ces  mots  sur  sa  tombe  : 
Sta,  viatov,  heroem  calcas  {\6'ib). 

La  campagne  de  1646  fit  le  plus  grand  honneur 
à  d'Enghien  et  à  Turenne.  Le  premier  complétait 
par  la  prise  de  Dunkerque  la  conquête  de  la  Flan- 
dre ;  le  second,  par  une  marche  savante,  opérait  sa 
jonction  avec  Wrangel,  successeur  de  Torstenson, 
pénétrait  en  Bavière,  menaçait  Munich  et  forçait 
Maximilien  à  signer  un  traité  de  neutralité. 

Malheureusement  en  Italie  l'amiral  Armand  de 
Brézé  était  tué  au  combat  d'Orbitello  ;  il  n'avait 
que  vingt-sept  ans  et  avait  déjà  gagné  quatre  ba- 
tailles navales  ;  la  marine  française  devait  déplo- 
rer pendant  longtemps  la  perte  de  ce  jeune  héros, 
digne  neveu  de  Richelieu,  beau-frère  et  rival  de 
gloire  du  duc  d'Enghien. 

Les  négociations  diplomatiques  ralentirent  en 
1647  les  opérations  militaires,  dont  le  principal  évé- 
nement fut  l'échec  de  d'Enghien  devant  Lérida.  Mais 
en  164S  Mazarin  résolut  de  conquérir  la  paix  par 
une  campagne  décisive.  Partout  les  succès  répon- 
dirent à  ses  efforts.  En  Catalogne,  le  maréchal 
Schomberg  s'emparait  de  Tortose  et  nous  donnait 
les  bouches  de  l'Ebre  ;  en  Italie,  le  maréchal  du 
Plessis-Praslin  remportait  la  brillante  victoire  de 
Crémone;  en  Allemagne,  Turenne  et  Wrangel, 
apprenant  la  nouvelle  trahison  de  Maximilien  de 
Bavière,  franchissaient  le  Daimbe  et  gagnaient  sur 
le  Bavarois  Mélander  la  victoire  de  Summershau- 
sen.  Enfin  dans  les  Pays-Bas  le  duc  d'Enghien, 
devenu,  par  la  mort  de  son  père,  prince  de  Condé, 
avait  la  gloire  de  donner  le  dernier  coup  à  la 
puissance  autrichienne,  par  sa  belle  victoire  de 
Lens  sur  l'archiduc  Léopold  qui,  désespéré,  s'en- 
fuit à  Douai.  L'Autriche  n'avait  plus  d'armée  I 

Les  traités  de  Westphalie.  —  Depuis  164.3  des 
conférences  étaient  ouvertes  dans  les  villes  de 
Munster  et  d'Osnabruck  en  Westphalie.  Les  di- 
plomates les  plus  distingués  de  l'Europe,  d'Avaux 
et  Servien  pour  la  France,  Jean  Oxenstiern,  fils 
du  chancelier,  etSalvius  pour  la  Suède,  Trautmans- 
dorf  pour  l'Autriche,  le  nonce  Chigi  pour  le  Saint- 
Siège,  essayaient  de  résoudre  les  difficultés  reli- 
gieuses et  politiques  qui  avaient  fait  naître  la 
guerre  de  Trente  Ans.  Le  Congrès  ne  s'ouvrit  réel- 
lement qu'en  1645,  et  ce  ne  fut  qu'en  1648,  après 
de  longues  résistances,  qu'on  obtint  enfin  la  paix 
si  longtemps  désirée. 

Les  innombrables  dispositions  des  traités  de 
Westphalie  se  réduisent  à  trois  objets  principaux  : 


GUERRES 


—  932  — 


GUERRES 


!•  Conditions  politiques  européennes;  2"  organisa- 
tion politique  de  l'Allemagne  ;  3"  conditions  reli- 
gieuses. 

1°  Le  comte  palatin,  fils  aîné  de  Frédéric  V, 
recouvra  le  Bas-Palatinat.  Un  huitième  électoral 
fut  créé  en  sa  faveur. 

Le  duc  de  Bavière  garda  le  premier  électorat 
qu'avait  auparavant  le  comte  palatin,  avec  le  Haut- 
Palatinat. 

L'électeur  de  Brandebourg  obtint  les  évêchés 
de  Mindcn,  de  Halberstadt  et  de  Gamin;  et  con- 
serva la  Poméranie  orientale. 

Le  duc  de  Mecklembourg-Schwérin  reçut  les  évê- 
chés de  Schwcrin  et  de  Rotzbourg. 

La  Sucdo  obtint  :  1°  la  Poméranie  citérieure  y 
compris  Stettin,  les  îles  de  Rûgen  et  de  Wollin,  et 
les  trois  bouches  de  l'Oder  ;  2°  le  port  de  Wismar 
dans  le  Mecklembourg,  l'archevêché  de  Brème 
et  l'évêché  de  Werden.  La  Suède  disposa  de  trois 
voix  à  la  diète  allemande. 

La  France  obtint  en  toute  souveraineté  les  trois 
villes  et  évêchés  de  Metz,  Toul  et  Verdun,  acquis 
depuis  le  traité  de  Cateau-Cambrcsis  ;  plus  Bri- 
sach,  le  landgraviat  de  Haute  et  Basse  Alsace,  le 
Sundgau  et  la  préfecture  des  dix  villes  impériales 
(Haguenau,  Colmar,  Schelestadt,  Wissembourg, 
Landau,  Obereinheim,  Roshcim,  Munster,  Keiser- 
berg,  Turinghein).  On  voit  que  Strasbourg  et 
Mulhouse  n'étaient  pas  compris  dans  les  annexions. 
Saverne  devait  rester  neutre. 

L'empire  ne  pouvait  élever  des  forts  sur  la  rive 
droite  du  Rhin,  de  Bâle  à  Phllipsbourg. 

La  France  continuait  à  occuper  militairement  la 
Lorraine,  jusqu'à  règlement  ultérieur  avec  l'Es- 
pagne. 

L'empereur  cédait  à  la  France  ses  droits  de 
souveraineté  sur  Pignerol. 

2°  L'indépendance  politique  des  princes  alle- 
mands était  assurée  contre  l'autorité  de  la  maison 
d'Autriche. 

L'empereur  reconnaissait  à  tous  les  Etats  d'em- 
pire, au  nombre  de  343  (158  souverains  séculiers, 
123  ecclésiastiques  et  62  villes  libres),  le  droit  de 
participer  à  l'administration  générale  et  à  la  puis- 
sance législative,  le  droit  de  souveraineté  territo- 
riale au  spirituel  comme  au  temporel,  la  faculté 
de  conclure  des  alliances  au  dedars  comme  au 
dehors,  sauf  la  réserve  illusoire  des  droits  de 
l'empire  et  de  l'empereur. 

L'Allemagne  était  donc  une  fédération  d'Etats, 
non  un  empire.  Les  traités  avaient  organisé  l'anar- 
chie politique  de  ce  pays. 

3°  Les  traités  complétaient  la  paix  d'Augsbourg. 
La  religion  calviniste  obtenait  les  mêmes  avan- 
tages que  la  religion  luthérienne.  Dans  les  assem- 
blées des  députés  de  l'empire,  les  deux  religions 
(protestante  et  catholique)  devaient  avoir  un  nom- 
bre égal  de  représentants  ;  de  même  dans  la  Cham- 
bre impériale  de  Spire. 

Le  fameux  édit  de  rcstilution  était  annulé.  Les 
biens  ecclésiastiques  étaient  rendus  à  tous  ceux 
qui  les  possédaient  avant  l'année  1624,  qui  devenait 
Vannée  normale.  Toutefois  pour  le  Palatinat  l'année 
normale  était  reportée  à  1618. 

Telles  sont  les  dispositions  essentielles  du 
traité  de  Westphalie,  le  plus  grand  monument  poli- 
tique du  XVII"  siècle.  L'Europe  centrale  réorganisée 
sur  aes  bases  nouvelles;  la  rrance  constituée  ar- 
bitre du  maintien  du  système  fédératif  en  Alle- 
magne, et  agrandie  par  la  cession  de  l'Alsace  ;  la 
Suède,  notre  alliée,  faisant  contrepoids  à  l'Au- 
triche dans  le  corps  germanique;  enfin  l'Allema- 
gne protestante  arrachée  à  l'Autriche,  tels  étaient 
les  magnifiques  résultats  acquis  par  la  politique 
de  Henri  IV,  les  victoires  du  Gustave  Adolphe, 
Turfnne  et  Condé,  la  diplomatie  de  RicheUeu  et 
de  Mazarin. 

Ouvrages  à  consulter  :  Schiller,  Histoire  de  la  guerre 


de  trente  ans;  Gcffroy,  Histoire  des  états  Scandinaves; 
Himly,  Histoire  de  la  formation  territoriale  et  politique  de 
l'Europe.  [D.  Blaiichet.J 

Guerre  de  dévolution.  —  Histoire  de  France, 
XXV^  —  Cette  guerre,  aussi  appelée  guerre  de 
Flandre^  eut  pour  cause  les  prétentions  de  Louis 
XIV  sur  les  Pays-Bas  espagnols,  qu'il  réclama  à  la 
mort  de  Philippe  IV  en  vertu  du  droit  de  dévolu- 
tion :  c'était  une  coutume  flamande  qui  attribuait 
aux  enfants  du  premier  lit  l'héritage  de  leurs  pa- 
rents, à  l'exclusion  de  ceux  du  second  lit  ;  or  la 
reine  de  France  Marie-Thérèse  était  fille  de  la  pre- 
mière femme  de  Philippe  IV,  tandis  que  le  nou- 
veau roi  d'Espagne,  Charles  II,  était  fils  d'une  se- 
conde femme.  La  guerre,  commencée  en  mai  1667, 
se  termina  en  1668  par  le  traité  d'Aix-la-Chapelle, 
qui  assura  à  Louis  XIV  la  possession  de  douze 
places-fortes  en  Flandre.  —  V.  Louis  XIV. 

Guerre  de  Hollande.  —  Histoire  de  France,  XXV. 
—  Quatre  ans  après  la  conclusion  de  la  paix  d'Aix- 
la-Chapelle,  Louis  XIV,  irrité  contre  la  république 
des  Sept-Provinces-Unies,  envahit  les  Pays-Bas 
(l'j72j.  Mais  Guillaume  d'Orange,  nommé  stathou- 
der,  réussit  à  obtenir  le  secours  de  l'Espagne  et  de 
l'Allemagne  (1673).  Pendant  cinq  ans,  on  se  battit 
dans  les  Flandres  et  le  long  du  Rhin,  ainsi  que  sur 
mer.  Les  principaux  événements  de  cette  guerre 
sont  le  passage  du  Rhin,  célébré  parBoileau  (1672)  ; 
la  conquête  de  la  Franche-Comté,  faite  en  six  se- 
maines ;  l'incendie  du  Palatinat  par  Turenne  ;  la 
victoire  de  Condé  sur  les  Espagnols  à  Senef  (1674)  ; 
la  mort  de  Turenne  à  Saltzbach  (lo'ô);  les  batail- 
les navales  de  Stromboli,d'Agousta,  où  l'amiral  hol- 
landais Ruyter  fut  tué,  et  de  Palerme,  gagnées  par 
Duquesne  sur  les  flottes  espagnoles  et  hollandaises 
(1676).  Enfin,  le  traité  de  Nimègue  (1678)  mit  fin  à 
la  lutte  :  la  France  obtint  la  Franche-Comté  et  la 
Flandre,  enlevées  à  l'Espagne.  —  V.  Louis  XIV  et 
Guillaume  III. 

Guerre  de  la  ligue  d'Augsbourg.  —  Histoire 
de  France,  XXV.  —  Elle  tire  son  nom  de  la  ligue  for- 
mée à  Augsbourg  contre  la  France  (16S6)  par  les 
soins  du  stathouder  de  Hollande,  Guillaume  d'O- 
range, ligue  à  laquelle  adliérèrent  d'abord  les  Pro- 
vinces-Unies, le  roi  d'Espagne,  l'empereur  et  la 
plupart  des  princes  d'Allemagne,  puis  le  duc  de 
Savoie,  le  pape  et  les  autres  souverains  italiens,  et 
enfin  l'Angleterre  après  l'expulsion  de  Jacques  II. 
La  guerre  commença  en  1688,  et  dura  neuf  ans 
avec  des  succès  divers.  Les  principaux  capitaines 
du  côté  de  la  France  furent  Luxembourg,  Catinat, 
.Noailles,  Villeroi,  Vendôme,  et  sur  mer  l'amiral 
Tourville,  les  corsaires  Duguay-Trouin  et  Jean 
Ban;  du  côté  des  coalisés,  Guillaume  d'Orange  et 
Eugène  de  Savoie.  Les  événements  les  plus  impor- 
tants de  cette  guerre  sont  le  second  incendie  du 
Palatinat,  ordonné  par  Louvois  (I689i;  la  défaite 
de  Jacques  II  à  la  Boyne,  en  Irlande  (1690),  et  celle 
de  l'amiral  Tourville  à  la  Hougue  (1692);  les  vic- 
toires de  Luxembourg  aux  Pays-Bas,  à  Fleurus 
(1690), à  Steinkerque  (1692)  et  à  Neerwinden  (1693), 
et  celles  de  Catinat  en  Piémont,  à  StafTarde  (1690) 
et  àIaMarsaille(1693)  ;  la  prise  de  Namur  par  Louis 
XIV  en  personne,  aidé  de  Vauban  et  de  Luxem- 
bourg (1692)  ;  la  victoire  de  Tourville  au  cap  Saint- 
Vincent  (lt)93),  le  bombardement  de  Saint-Malo 
(1693)  et  l'incendie  de  Dieppe  (1694)  par  les  An- 
glais; les  succès  de  Noailles  en  Catalogne  (1694); 
le  siège  et  la  prise  de  Namur  par  Guillaume  d'O- 
range (16;)6)  ;  la  prise  de  Barcelone  par  Vendôme 
(1697).  Louis  XIV,  voyant  la  France  épuisée,  son- 
gea à  conclure  la  paix  ;  il  réussit  dès  16'.)6  h.  détacher 
le  pape  et  le  duc  de  Savoie  de  la  ligue  d'Augs- 
bourg ;  et  en  l:i97  il  signa  le  traité  de  Ryswick, 
dont  les  dispositions  étaient  humiliantes  pour  lui  : 
il  dut,  par  ce  traité,  reconnaître  Guillaume  d'O- 
range comme  roi  d'Angleterre,  renoncer  h,  toutes 
ses  conquêtes,  restituer  à  l'Allemagne  les  villes 


GUERRES 


—  933  — 


GUERRES 


que  les  chambres  de  réunion  avaient  annexées  à  la 
France,  sauf  Strasbourg,  rendre  au  duc  de  Lor- 
raine son  duché,  et  renoncer  aux  mesures  restric- 
tives édictées  par  Colbert  contre  le  commerce  hol- 
landais. —  V.  Louis  XIV  et  Guillaume  III. 

Guerre  de  la  succession  d  Espagne.  —  His- 
toire générale,  XXV;  Histoire  de  France,  XXV. 
—  C'est  la  dernière  guerre  du  règne  de  Louis  XIV  ; 
elle  eut  pour  cause  le  testament  de  Charles  II, 
qui  donnait  la  couronne  d'Espagne  au  prince 
Philippe  d'Anjou,  petit-fils  de  Louis  XIV  (1700). 
Une  ligue  dans  laquelle  entrèrent  l'Angleterre, 
la  Hollande,  l'empereur  Léopold,  la  Prusse,  di- 
vers princes  allemands,  se  forma  aussitôt  contre 
la  France.  Son  but  était  de  placer  sur  le  trône  d'Es- 
pagne l'archiduc  Charles  d'Autriche,  second  fils  de 
l'empereur  Léopold,  et  de  donner  à  l'Angleterre, 
à  la  Hollande  et  à  l'empereur  une  partie  des  pos- 
sessions espagnoles.  La  France  eut  pour  alliés  la 
Savoie  et  le  Portugal,  qui  l'abandonnèrent  bientôt, 
et  les  électeurs  de  Cologne  et  de  Bavière.  Les  hosti- 
lités commencèrent  en  1701.  Les  principaux  géné- 
raux, du  côté  de  la  France,  furent  Caiinat,  Ven- 
dôme, Villeroi  et  Villars;  du  côté  de  la  coalition, 
le  prince  Eugène  de  Savoie  et  le  duc  de  Marl- 
borough. 

Voici  le  résumé  chronologique  des  faits  les  plus 
importants  de  cette  guerre  : 

1701.  Philippe  d'Anjou,  devenu  roi  d'Espagne 
sous  le  nom  de  Philippe  Vj  entre  à  Madrid  et  prend 
possession  de  ses  États.  Succès  d'Eugène  en  Italie 
sur  Catinat  à  Carpi  et  sur  Villeroi  à  Chiari. 

1702.  Villeroi  est  pris  à  Crémone.  Mort  de 
Guillaume  III;  Anne  Stuart  lui  succède.  Victoire 
de  Vendôme  sur  Eugène  à  Luzzara.  Victoire  de 
Villars  sur  le  prince  de  Bade  à  Friedlingen.  ]\Iarl- 
borough  débarque  dans  les  Pays-Bas.  Commence- 
ment de  la  révolte  des  Camisards. 

1703.  Victoires  inutiles  de  Villars  à  Hochstasdt 
et  de  Tallard  h  Spire.  Défection  de  la  Savoie  et 
du  Portugal.  Les  alliés  envoient  des  secours  aux 
Camisards. 

1704.  Bataille  de  Blenheim,  ou  seconde  bataille 
de  Hochstœdt,  gagnée  par  Eugène  et  Marlbo- 
rough  sur  Tallard,  Marsin  et  l'électeur  de  Bavière  ; 
les  Français  doivent  évacuer  l'Allemagne.  L'archi- 
duc Charles  débarque  à  Lisbonne,  et  entre  en 
Espagne;  ses  alliés  les  Anglais  s'emparent  de 
Gibraltar.  La  révolte  des  Camisards  se  termine 
par  un  arrangement  conclu  avec  Jean  Cavalier. 

1703.  Mort  de  l'empereur  Léopold;  son  fils  aîné 
Joseph  lui  succède.  L'archiduc  Charles  entre  à 
Barcelone. 

1706.  Victoires  de  Marlborough  sur  Villeroi  à 
Ramillies,  et  d'Eugène  sur  la  Feuillade,  Marsin  et 
le  duc  d'Orléans,  à  Turin  ;  les  Français  sont  con- 
traints d'évacuer  les  Pays-Bas  et  l'Italie.  Les  alliés 
entrent  à  .Madrid. 

1707.  Tentative  inutile  d'Eugène  contre  Toulon. 
Villars  et  Vendôme  tiennent  tète,  le  premier  aux 
Allemands  sur  le  Rhin,  le  second  à  Marlborough  en 
Flandre.  La  victoire  d'Almanza  rend  l'Espagne  à 
Philippe  V. 

1708.  Victoire  de  Marlborough  sur  Vendôme  à 
Oudenarde.  Marlboruugh  s'empare  de  Lille. 
Louis  XIV  négocie  avec  les  alliés;  mais  ceux-ci 
lui  imposent  des  conditions  si  durts  qu'il  préfère 
continuer  la  guerre. 

1709.  Victoire  d'Eugène  et  de  Marlborough. sur 
Villars  et  Boufflers  à  Malplaquet.  Reprise  des  né- 
gociations ;  Louis  XIV  offre  d'accepter  les  condi- 
tions qu'il  avait  refusées  l'année  précédente.  Mais 
les  alliés  montrent  de  nouvelles  exigences  ;  ils  veu- 
lent que  le  roi  de  France  chasse  lui-même  son 
petit-fils  d'Espagne.  Louis  XIV  répond:  «  Puisqu'il 
iaut  faire  la  guerre,  j'aime  mieux  la  faire  à  mes 
ennemis  qu'à  mes  enfants.  »  Les  hostilités  recom- 
mencent. 


1710.  Progrès  des  alliés  en  Flandre;  ils  pren- 
nent Douai  et  plusieurs  autres  places.  Victoire  de 
l'archiduc  Charles  à  Saragosse;  il  entre  à  Madrid; 
Philippe  V  se  retire  à  Valladolid.  Bientôt  cependant 
l'archiduc  est  forcé  d'évacuer  Madrid,  et  Philippe  y 
rentre  ;  la  victoire  de  Vendôme  à  Villaviciosa  achève 
la  ruine  du  parti  de  l'archiduc  en  Espagne. 

1711.  Mort  de  l'empereur  Joseph;  son  frère  l'ar- 
chiduc Charles  lui  succède  sous  le  nom  de 
Charles  VI.  En  Angleterre,  le  ministère  whig, 
partisan  de  la  guerre,  est  remplacé  par  un  minis- 
tère tory,  qui  entre  en  négociation  avec  Louis  XIV 
en  vue  de  la  paix. 

1712.  Un  congrès  s'ouvre  à  Utrecht;  toutes  les 
puissances  belligérantes's'y  font  représenter.  Dis- 
grâce de  Marlborough;  l'Angleterre  signe  une 
suspension  d'armes.  Villars  bat  Eugène  à  Denain, 

1713.  Signature  du  traité  d'Utrecht,  aux  condi- 
tions suivantes  :  Philippe  V  est  reconnu  comme  roi 
d'Espagne  ;  il  cède  Gibraltar  aux  Anglais.  L'empe- 
reur reçoit  les  Pays-Bas,  le  Milanais,  la  Sardaigne 
et  Naples  ;  le  duc  de  Savoie,  la  Sicile  et  le  titre  de 
roi;  l'électeur  de  Brandebourg  est  reconnu  comme 
roi  de  Prusse  ;  les  électeurs  de  Cologne  et  de 
Bavière,  alliés  de  la  France,  seront  rétablis  dans 
leurs  Etats,  dont  l'empereur  les  avait  dépouillés  ; 
la  France  cède  aux  Anglais  la  baie  d'Hudson, 
l'Acadie,  Terre-Neuve  et  Saint-Christophe  ;  Louis 
XIV  s'engage  en  outre  à  renvoyer  de  France  le 
prétendant  Stuart. 

L'empereur  ne  veut  pas  admettre  le  traité. 
Louis  XIV  continue  la  guerre  contre  lui.  Expédi- 
tion de  Villars  en  Allemagne. 

1714.  Les  traités  de  Rastadt  et  de  Bade  mettent 
fin  à  la  guerre  entre  la  France  et  l'Allemagne, 
^lais  l'empereur  s'obstine  h  ne  pas  reconnaître 
Philippe  V  comme  roi  d'Espagne. 

La  guerre  de  la  succession  d'Espagne  avait 
épuisé  la  France,  qui  n'en  retira  aucun  avantage, 
et  qui  se  ressentit  longtemps  des  lourds  sacrifices 
que  lui  avait  imposés  l'orgueil  de  son  roi.  — 
V.  Louis  XIV. 

Guerre  de  la  quadruijle  alliance.  —  Histoire 
générale,  XXV  ;  Histoire  de  France,  XXVII.  — 
Le  cardinal  Alberoni,  ministre  du  roi  d'Espagne 
Philippe  V,  avait  formé  le  projet  de  donner  à  son 
maître  la  couronne  de  France,  à  laquelle  Philippe 
avait  dû  formellement  renoncer,  et  de  rendre  à 
l'Espagne  les  provinces  que  lui  avait  enlevées 
II',  traité  d'Utrecht.  A  cet  effet,  il  noua  les  fils  d'une 
vaste  intrigue  :  les  Turcs,  à  son  instigation,  de- 
vaient attaquer  l'empereur;  le  prétendant  Jacques 
Stuart  ferait  une  descente  en  Angleterre,  et 
Charles  XII  de  Suède  irait  l'y  rejoindre  et  l'aider 
à  détrôner  Georges  1";  enfin,  en  France,  une 
conspiration,  tramée  par  l'ambassadeur  espagnol 
Cellamare,  devait  enlever  la  régence  à  Philippe 
d'Orléans. 

Avertis  des  plans  d' Alberoni,  ceux  qu'ils  mena- 
çaient s'unirent  pour  les  déjouer  :  par  les  soins  de 
l'abbé  Dubois,  une  triple  alliance  fut  conclue  en- 
tre la  France,  l'Angleterre  et  la  HolLinde  {1717); 
l'Autriche  y  adhéra  l'année  suivante  :  ce  fut  alors 
la  quadruple  alliance.  Une  guerre  générale  éclata 
aussitôt  ;  mais  elle  dura  peu,  et  se  termina  par 
l'échec  le  plus  complet  de  la  politique  d' Alberoni. 
Les  Turcs  furent  battus  à  Peterwaradein  et  à  Bel- 
grade par  le  prince  Eugène  de  Savoie;  Charles  XII 
fut  tué  au  siège  deFrederikshall  en  Norvège,  avant 
d'avoir  rien  pu  entreprendre  contre  l'Angleterre  ; 
la  flotte  que  l'Espagne  avait  donnée  au  prétendant 
Jacques  Stuart  fut  dispersée  par  une  tempête,  et 
les  Anglais  en  détruisirent  les  restes  ;  les  Espa- 
gnols, qui  avaient  d'abord  conquis  la  Sicile,  furent 
forcés  de  l'évacuer  après  avoir  vu  leur  flotte  anéan- 
tie à  Syracuse  par  l'amiral  Byng;  enfin,  la  conspi- 
ration de  Cellamaro  fut  découverte  et  les  conju- 
rés, au  nombre  desquels  était  le   duc  du  Maine, 


GUERRES 


—  934  — 


GUERRES 


furent  arrêtés  fl718).  En  1719,  le  maréchal  de 
Berwick,  à  la  tête  d'une  armée  française,  francliit 
les  Pyrénées,  et  prit  Fontarabie  et  Saint-Sébas- 
tien. Philippe  V  alors  demanda  la  paix  (1720j,  et 
dut  subir  les  conditions  que  lui  imposa  la  qua- 
druple alliance  ;  il  lui  fallut  renoncer  définitive- 
ment à  la  Sardaigne,  à  la  Sicile,  à  Naplcs,  au 
Milanais  et  aux  Pajs-Bas;  en  revanche  l'expecta- 
tive des  duchés  de  Parme  et  de  Toscane  éiait 
promise  à  un  de  ses  fils.  Le  duc  de  Savoie  recevait 
la  Sardaigne  en  échange  de  la  Sicile,  que  lui  avait 
attribuée  le  traité  d'Uirecht,  et  prenait  le  titre  de 
roi  de  Sardaigne.  L'empereur  obtenait  les  Pays- 
Bas,  le  Milanais,  iNaples  et  la  Sicile,  et  reconnais- 
sait Philippe  V  comme  roi  d'Espagne. 

Alberoni  fut  disgracié,  et  alla  finir  obscurément 
ses  jours  en  Italie. 

Guerre  de  la  succession  de  Pologne.  —  His- 
toire générale,  XXVII.  —  A  la  mort  du  roi  de  Po- 
logne Auguste  II  de  Saxe,  le  parti  national  élut 
Stanislas  Leczinski  (1733),  qui  avait  déjà  régné  de 
1706  à  1709  sous  la  protection  de  Charles  XII  de 
Suède;  le  parti  russe  et  autrichien  fit  élire  Au- 
guste III.  Louis  XV  avait  épousé  Marie  Leczinska  ;  il 
prit  le  parti  de  son  beau-père.  Mais  le  cardinal 
Fleur}',  alors  premier  ministre,  n'envoya  en  Pologne 
que  des  secours  dérisoires,  et  le  roi  Stanislas,  hors 
d'état  de  résister  à  son  rival,  dut  revenir  en  France. 
Cet  échec  dans  le  Nord  fut  toutefois  compensé 
par  quelques  succès  contre  l'Autriche  en  Italie  et 
sur  le  Rhin.  Les  rois  d'Espagne  et  de  Sardaigne 
s'étaient  joints  à  la  France  :  l'infant  don  Carlos  con- 
quit Naples  et  la  Sicile  ;  l'armée  française  envoyée 
au  secours  du  roi  de  Sardaigne  battit  les  Autri- 
chiens à  Parme  et  à  Guastalla.  Une  autre  armée 
occupa  la  Lorraine,  puis  s'empara  de  Philipsbourg 
malgré  les  efforts  du  prince  Eugène.  La  paix  de 
Vienne  (1735)  termina  la  lutte  :  Stanislas  Leczinski 
renonçait  au  trône  de  Pologne,  mais  recevait  en 
compensation  les  duchés  de  Lorraine  et  de  Bar, 
qui,  à  sa  mort,  devaient  revenir  à  la  France;  le 
duc  de  Lorraine  François,  époux  de  Marie-Thérèse 


d'Autriche,  était  déclaré  héritier  de  Gaston  de 
Médicis,  duc  de  Toscane  ;  l'infant  don  Carlos  de- 
venaii  roi  de  Naplesetde  Sicile,  et  cédait  en  échange 
son  duché  de  Parme  à  l'empereur;  et  le  roi  de 
Sardaigne  obtenait  une  partie  du  Milanais.  Enfin, 
la  pragmatique  sanction  de  Charles  VI  (V.  Guerre 
de  la  succession  d'Autriche)  était  reconnue  par 
toutes  les  puissances  étrangères.  —  V.  Louis  XV. 

Guerre  de  la  succession  d'Autriche  (1740-1748). 
—  Histoire  générale,  X\V  ;  Histoire  de  France, 
XXYII.  —  L'empereur  Charles  VI  avait  succédé 
sans  contestation  à  l'empire  et  aux  royaumes  de 
Bohême  et  de  Hongrie.  Son  frère  Joseph  I"  avait 
laissé  deux  filles  ;  mais  le  testament  de  Léo- 
pold  I"  excluait  les  femmes  du  trône,  et  déclarait 
qu'à  défaut  d'héritiers  mâles  de  Charles  VI.  les 
filles  de  Joseph  1",  ou  de  la  branche  aînée,  passe- 
raient avant  les  filles  de  la  branche  cadette.  Char- 
les VI  n'avait  qu'une  fille,  celle  qui  fut  plus  tard 
Marie-Thérèse.  Au  lendemain  même  de  son  avène- 
ment, il  commença  avec  les  membres  de  sa  famille, 
et  avec  les  diètes  des  différents  Etats,  une  série  de 
négociations,  tendant  à  renverser  l'ordre  établi  par 
Léopold  I"  et  à  assurer  à  la  jeune  princesse  l'héri- 
tage intégral  de  tous  les  domaines  autrichiens.  Ces 
négociations  aboutirent  à  l'acte  célèbre  connu 
sous  le  nom  de  Pragmatique-Sanction. 

La  Pragmatique,  lue  dans  le  Conseil  secret  de 
Vienne  le  13  avril  1713,  peut  se  résumer  dans  les 
trois  articles  suivants  : 

1°  Tous  les  Etats  autrichiens  forment  un  tout 
indivisible. 

2»  Les  héritiers  mâles  de  la  maison  d'Autriche 
se  succèdent  en  vertu  du  droit  d'aînesse. 

3°  A  défaut  d'héritier  mâle,  les  filles  sont  appe- 
lées à  se  succéder  dans  l'ordre  suivant  :  d'abord 
celles  de  Charles  VI,  puis  celles  de  Joseph  I",  puis 
celles  de  Léopold  I". 

Le  tableau  suivant,  qui  établit  la  généalogie  de 
la  maison  de  Habsbourg,  de  Léopold  1^'  à  Marie- 
Thérèse,  fera  mietix  comprendre  encore  les  clauses 
de  la  Pragmatique  : 


LÉOPOLD    I' 


Maria-.Vntonia  f  1692, 
ouse  de  Maximilien-Emmanuel, 
électeur  de  Bavière. 

Chaules  (VII)-Aleert 

de  Bavière  t  1745. 

époux  de  Marie-Amélie. 


Joseph  1"  t  l'il 


Marie-Amélie  1 17o6, 

épouse    de    Charles    VU 

Albert  de  Bavière. 


Marie-Josèphe  t  l"o7, 

ép.  d'Auguste  III 
de  Saxe,  roi  de  Pologne. 


Chables  VI 7  1740 


Mabie-Théhese  t  17S0. 


L'empereur,  après  avoir  fait  enregistrer  par  le 
Conseil  sa  volonté  souveraine,  obtint  d'abord  la 
renonciation  des  princesses  intéressées  à  réclamer 
rhéritage  en  vertu  des  testaments  de  Léopold  ;  il 
s'appliqua  ensuite  à  faire  ratifier  ce  pacte  de  fa- 
mille par  les  différonts  pays.  Les  Etats  de  la 
Basse-Autriche,  de  la  Silésie,  de  la  Bohême,  de  la 
Hongrie  y  adhérèrent  successivement  (l72t'-17"J3). 
Charles  VI  fit  alors  proclamer  la  Pragmatique  à 
Milan  et  dans  les  Pays-Bas.  Restait  à  obtenir  l'ad- 
hésion des  puissances  européennes.  La  Pragmati- 
que fut  reconnue  en  172'î  par  la  Prusse  et  la  Rus- 
sie, en  1731  par  l'Angleterre  et  les  Etats  généraux 
de  Hollande,  en  1732  par  l'Allemagne,  en  1733  par 
la  Pologne.  La  France,  l'Espagne  et  la  Sardaigne 
ne  donnèrent  leur  adhésion  qu'en  1735,  après  le 
traité  de  Vienne.  Les  négociations  n'avaient  pas 
été  toujours  faciles,  et  Charles  VI  avait  dii,  pour 
réussir,  faire  les  plus  grands  sacrifices.  Il  avait  sup- 
primé la  compagnie  d'Ostende  pour  rassurer  l'An- 
gleterre, cédé  la  Lorraine  pour  décider  la  France, 
Naples  et  la  Sicile  pour  gagner  l'Espagne.  Le 
prince  Eugène  pensait  qu'un  trésor  bien  rempli  et 
une  bonne  armée  auraient  été  une  meilleure  garan- 
tie que  tous  ces  parchemins. 


A  la  mort  de  Charles  VI  (octobre  1740)  tous  les 
souverains  oublièrent  les  traités  et  violèrent  leur 
parole.  L'occasion  semblait  favorable  pour  les 
voisins  ou  les  ennemis  de  la  maison  d'Autriche. 
Marie-Thérèse  était  la  première  femme  qui  régnât  sur 
l'ensemble  des  Etats  autrichiens  ;  ces  Etats,  divisés 
par  les  races,  les  traditions  et  la  langue,  n'avaient 
d'autre  lien  que  la  personne  commune  d'un  même 
souverain.  La  jeune  princesse,  mariée  à  François, 
grand-duc  de  Toscane,  n'avait  pas  même  le  pres- 
tige qu'avait  donné  à  ses  prédécesseurs  la  couronne 
impériale. 

Cette  situation  de  la  maison  de  Habsbourg  était 
d'autant  plus  périlleuse  qu'en  Allemagne  même 
un  Etat  nouveau,  déjà  puissant,  épiait  toutes  les 
occasions  pour  s'agrandir.  La  Prusse,  âpre  à  la 
conquête,  façonnée  à  la  guerre  qui  était  la  loi 
même  de  son  existence,  était  gouvernée,  depuis 
1740,  par  un  jeune  roi  impatient  d'utiliser  les  res- 
sources accumulées  par  son  père  et  de  révéler  le 
génie  qu'il  sentait  en  lui.  Frédéric  II,  sans  s'arrê- 
ter à  des  scrupules  que  sa  conscience  ne  connais- 
sait pas,  et  sans  attendre  que  les  puissances  euro- 
péennes fussent  d'accord  sur  le  partage  de  la  mo- 
narchie autrichienne,  envahit  la  Silésie  avec  30  000 


GUERRES 


—  935  — 


GUERRES 


hommes,  gagne  la  bataille  de  Molwitz  et  occupe 
toute  la  province  (1741).  Pour  justifier  cette  agres- 
•sion,  il  fait  valoir  de  prétendus  droits  de  ses  ancê- 
tres et  la  nécessité  de  prendre  ses  sûretés  contre 
le  démembrement  de  la  succession  de  Charles  VI. 
il  offre  en  même  temps  son  alliance  à  Marie-Thé- 
rèse, en  échange  de  la  cession  de  la  Silésie. 
L'Autriche  refusa  avec  indignation  et  se  prépara  à 
la  résistance. 

Cette  victoire  de  la  Prusse  décida  l'Europe,  en- 
core hésitante,  à  intervenir.  En  France,  le  cardinal 
Fleury  voulait  garder  la  neutralité  ;  mais  le  maré- 
chal de  Belle-Isle,  esprit  aventureux  et  entrepre- 
nant, poussait  à  la  guerre.  Il  imagina  un  plan  de 
partage  qui  adjugeait  les  Pays-Bas  à  la  France,  la 
Eohême  et  la  couronne  impériale  à  la  Bavière,  la  Si- 
lésie à  la  Prusse,  la  Toscane,  Parme  et  les  posses- 
sions lombardes  à  l'Espagne  et  à  la  Sardaigne.  Sa 
politique  prévalut,  et  une  alliance  fut  conclue  entre 
l'Espagne,  la  France  et  la  Bavière.  On  a  pu  contes- 
ter l'authenticité  du  traité  de  Nymphembourg,  qui 
stipulait  le  partage  des  Etats  autrichiens  ;  mais  l'al- 
liance contre  Marie-Thérèse  était  formelle. 

Trois  armées  menacèrent  Vienne.  La  première, 
sous  Maillebois,  envahit  la  Westphalie  pour  sur- 
veiller le  Hanovre  et  assurer  la  neutralité  de 
l'Angleterre;  la  seconde,  sous  Belle-Isle,  suivit  le 
Danube,  et  fit  sa  jonction  avec  l'électeur  de  Bavière 
Charles-Albert  ;  la  troisième,  sous  Frédéric  II,  en- 
vahit la  Moravie. 

Si  les  coalisés  avaient  marché  rapidement  sur 
Vienne,  la  guerre  pouvait  être  aussitôt  terminée. 
Mais  les  Franco-Bavarois  commirent  une  faute  ca- 
pitale. Après  avoir  pris  Lintz  sur  le  Danube,  ils 
pénétrèrent  en  Bohême  et  s'emparèrent  de  Bud- 
■weis,  de  Tabor  et  de  Prague.  Cette  diversion 
sauva  Marie-Thérèse. 

Cette  jeune  princesse  de  vingt-quatre  ans  montra 
•dans  ces  redoutables  épreuves  une  énergie  et  un 
courage  dignes  de  sa  fortune.  Retirée  àPi'esbourg, 
«lie  sut  s'assurer  le  dévouement  des  nobles  hon- 
grois, touchés  de  ses  vertus  et  de  ses  malheurs. 
Quand  elle  parut  dans  la  diète,  avec  son  enfant, 
la  couronne  de  Saint-Etienne  sur  la  tête,  le  sabre 
au  côté,  tous  s'écrièrent  :  «  Mourons  pour  notre 
roi  Marie-Thérèse  !  »  Elle  eut  bientôt  une  armée 
de  60.000  hommes,  bandes  faiouches  de  Croates, 
-d'Esclavons,  de  Dalmates  qu'elle  jeta  sur  la  Bavière. 
Tandis  que  Charles-Albert  se  faisait  proclamer  roi 
de  Bohême  à  Prague,  et  empereur  d'Allemagne 
à  Francfort  sous  le  nom  de  Charles  Vil,  les  Autri- 
•chiens  ravageaient  son  électorat  et  entraient  dans 
Munich  (1742). 

En  même  temps,  la  politique  de  la  France  subis- 
sait de  graves  échecs.  Pour  arrêter  la  Russie  qui 
était  favorable  à  l'Autriche,  nous  avions  armé  la 
Suède  contre  elle.  Mais  notre  alliée  se  faisait  battre 
par  le  général  russe  Lascy  à  Wilmanstrand,  et 
perdait,  parle  traité  d'Helsingfors,  toute  la  Finlande. 
La  tsarine  Elisabeth  se  déclarait  pour  Marie-Thé- 
rèse (17  i2).  En  Angleterre  le  ministre  Walpole,  ami 
de  Fleury,  était  remplacé  par  lord  Carterct,  ad- 
versaire de  la  France.  Celui-ci  promit  aussitôt  des 
subsides  à  l'Autriche.  Enfin  le  roi  de  Sardaigne  fit 
défection,  et  le  roi  de  Naples,  don  Carlos,  fut 
contraint  parles  Anglais  à  garder  la  neutralité. 

Un  seul  allié  nous  restait,  Frédéric  II.  Nous 
allions  le  perdre.  Cet  habile  politique  était  loin 
d'avoir  attaché  sa  fortune  à  celle  de  la  coalition 
dont  il  déplorait  les  fautes  :  son  seul  objectif  était 
la  possession  de  la  Silésie,  qui  lui  donnait  tout  le 
cours  de  l'Oder.  Aussi,  lorsqu'il  eut  gagné  sur  le 
prince  de  Lorraine  la  bataille  de  Czeslaw;  mai  1T4"2), 
il  s'empressa  de  répondre  aux  avances  de  l'Autri- 
■che.  Marie-Thérèse  lui  céda  la  Silésie  par  le  traité 
de  Breslau. 

La  France  restait  seule  pour  supporter  le  poids 
-d'une    guerre   qui    ne  devait  lui  procurer   aucun 


avantage.  Fleury  désirait  la  paix  et  la  demanda. 
Mais  ses  négociations,  publiées  par  le  cabinet  de 
Vienne,  ne  firent  que  le  rendre  ridicule  et  para- 
lysèrent les  opérations  militaires.  Maillebois,  inac- 
tif dans  la  Westphalie  depuis  trop  longtemps, 
marchait  enfin  sur  la  Bohême  par  la  vallée  du 
Main.  Les  Autrichiens  pouvaient  être  écrasés  sous 
les  murs  de  Prague  ;  mais  notre  armée  fut  arrêtée 
par  un  ordre  du  cabinet  de  Versailles,  qui  comp- 
tait sur  la  paix.  Les  Autrichiens  fortifièrent  les  dé- 
filés de  l'Erzgebirge.  Nos  deux  armées  ne  purent  se 
donner  la  main.  Celle  de  Maillebois  fut  rejetée  en 
Bavière  ;  celle  de  Belle-Isle  dut  se  frayer  une  re- 
traite difficile  dans  la  vallée  de  l'Eger  pour  ne  pas 
être  prise  en  Bohême.  Ces  revers  furent  au  moins 
compensés  par  la  belle  défense  de  Chevert  dans 
Prague.  Sommé  de  se  rendre,  ce  général  menaça 
de  mettre  le  feu  aux  quatre  coins  de  la  ville  et  de 
s'ensevelir  sous  ses  ruines.  Il  put  quitter  la  place 
avec  tous  les  honneurs  de  la  guerre  (janvier  174;i). 

Fleury  mourut  au  milieu  de  ces  tristes  circons- 
tances. Il  avait  eu  le  tort  grave  de  ne  pas  savoir 
conserver  la  paix,  puis,  quand  la  guerre  fut  décla- 
rée, de  ne  pas  la  faire  avec  vigueur. 

Marie-Thérèse  avait  combattu  seule  avec  son 
peuple  contre  la  coalition.  Son  courage  avait  excité 
l'admiration  de  ses  alliés,  ses  succès  lui  valurent 
leur  concours.  L'Angleterre,  la  Hollande,  la  Sar- 
daigne se  déclarèrent  ouvertement  contre  nous. 
Georges  II  et  son  fils,  le  duc  de  Cumberland.  à  la 
tête  d'une  a.rraée prngtnatigue,  composée  d'Angla  s, 
de  Hollandais,  de  Hessois  et  d'Autrichiens,  des- 
cendirent dans  la  vallée  du  Main.  Ils  devaient  se 
joindre  à  Charles  de  Lorraine  pour  envahir  la  Lor- 
raine et  l'Alsace.  Le  maréchal  de  Noailles,  par 
d'habiles  manœuvres,  avait  cerné  les  Anglais  dans 
les  défilés  de  Dettingcn  ;  mais  la  folle  témérité  de 
son  neveu,  le  duc  de  Grammont,  compromit  tout. 
Au  lieu  d'une  victoire,  ce  ne  fut  qu'une  sanglante 
bataille  restée  indécise  (juin  1743);  cependant 
nous  pouvions  encore  nous  maintenir  dans  nos 
lignes  du  Main.  Mais  de  Broglie,  qui  commandait 
sur  le  Danube,  ayant  reculé  jusqu'au  Rhin, 
Noailles  dut  suivre  ce  mouvement  de  retraite. 

Ainsi  la  guerre,  après  avoir  été  offensive  en  Bo- 
hême et  en  Allemagne,  devenait  défensive  sur  le 
Rhin.  Les  alliés,  enhardis  par  ce  succès,  resserrè- 
rent leur  union  par  le  ti'aité  de  Worms  (174-3'.  Il 
ne  s'agissait  plus  seulement  de  défendre  la  Prag- 
matique, mais  de  reprendre  l'Italie  aux  Bourbons 
d'Espagne,  l'Alsace  et  la  Lorraine  à  la  France,  la 
Silésie  à  Frédéric  II.  Celui-ci  ayant  appris  les 
clauses  de  ce  traité,  bien  qu'elles  fussent  secrètes, 
se  rapprocha  de  la  France  par  le  traité  de  Franc- 
fort (I7i4).  La  France  et  la  Prusse  se  garantis- 
saient leurs  conquêtes,  s'engageaient  à  défendre 
les  Bourbons  d'Italie  et  à  opposer  h  Georges  II 
d'Angleterre  le  prétendant  Stuart,  Charles-Edour.rd 

Un  changement  dans  nos  plans  militaires  coïn- 
cidait avec  ce  revirement  politique.  Le  maréchal 
de  Saxe,  pour  donner  un  but  précis  à  la  guerre, 
faisait  accepter  par  le  conseil  son  projpt  d'une  in- 
vasion dans  les  Pays-Bas  autrichiens;  la  duclK^sse 
de  Châteauroux  engagea  le  roi  à  se  mettre  à  la 
tête  de  l'armée.  Les  succès  dans  les  Pays-Bas 
furent  rapides.  En  quelques  jours  les  Français  en- 
levèrent Menin,  Ypres,  Furnes,  Courtray.  Mal- 
heureusement il  fallut  courir  au  secours  de  l'Alsace 
menacée  par  le  prince  Charles  de  Lorraine.  Le 
roi  tomba  malade  à  Metz,  et  il  put  voir,  aux  témoi- 
gnages d'affection  que  lui  donna  la  France,  com- 
bien la  royauté  était  encore  populaire.  A  peine 
rétabli,  il  reprit  avec  Noailles  le  commandement 
de  l'armée.  L'Alsace  fut  sauvée  par  une  diversion 
de  Frédéric  en  Bohême.  Le  prince  de  Lorraine  dut 
abandonner  le  Rhin  pour  défendre  Vienne.  On 
pouvait  retourner  sans  crainte  dans  les  Pays-Bas. 
La  mort  de  notre  allié  Charles  VII  de  Bavière  et  la 


GUERRES 


—  936  — 


GUERRES 


renonciation  de  son  fils  à  toute  prétention  sur  la 
succession  autrichienne  (traité  de  Fuessen,  1745) 
semblaient  rendre  la  guerre  inutile,  puisque  la 
Pragmatique  n'était  plus  contestée.  Mais  l'Angle- 
terre trouvait  que  la  France  était  encore  trop 
puissante,  et  Louis  XV  fut  forcé  de  conquérir  la 
paix. 

Tout  l'effort  de  la  campagne  se  concentra  dans  les 
Pays-Bas.  L'armée  française,  commandée  par  le  roi 
et  le  maréchal  de  Saxe,  était  forte  de  9(i  000  hommes  ; 
l'armée  anglo-allemande  comptait  55  000  hommes, 
et  avait  à  sa  tête  le  duc  de  Cumberland,  le  ma- 
réchal de  Kœnigsegg  et  le  prince  de  Waldeck. 
La  bataille  s'engagea  dans  la  plaine  de  Fontenoy, 
dominée  par  les  trois  redoutes  de  Fontenoy,  de 
Barri  et  d'Autoing,  que  le  maréchal  de  Saxe  avait 
garnies  d'artillerie.  Les  Anglais  et  les  Hollandais 
essayèrent  vainement  d'enlever  les  redoutes.  Le 
duc  de  CumberJand  massa  alors  toutes  ses  forces 
et,  malgré  les  feux  croisés  de  nos  batteries,  les 
lança  à  l'assaut  des  hauteurs  de  Fontenoy.  La  co- 
lonne parvint  au  haut  de  la  colline.  Le  capitaine 
des  gardes  anglaises,  lord  Hay,  à  la  vue  de  nos 
officiers  :  «  Messieurs,  dit-il,  tirez.  «  Le  comte 
d'Hauteroche,  lieutenant  des  grenadiers  des  gardes 
françaises,  répondit  :  «  A  vous,  ^^lessieurs,  nous  ne 
tirons  jamais  les  premiers.  «  Le  combat  s'engagea 
sur  toute  notre  ligne  du  centre.  Les  Anglais, 
avançant  toujours,  paraissaient  maîtr^ïs  de  la  posi- 
tion. Le  maréchal  de  Saxe,  craignant  de  compro- 
mettre la  retraite  du  roi  qui  assistait  à  la  bataille 
du  haut  d'Autoing,  ne  voulait  pas  engager  ses  ré- 
serves. Mais  le  roi  envoj^a  les  pièces  de  canons 
qui  le  protégeaient.  L'artillerie  battit  en  brèche  la 
colonne  anglaise.  Dès  ce  moment  la  victoire  était 
assurée;  elle  était  due  surtout  à  l'artillerie.  La 
conquête  de  tous  les  Pays-Bas  autrichiens  i^Belgi- 
que)  en  fut  la  conséquence. 

Nos  armes  étaient  partout  aussi  heureuses  que 
dans  les  Pays-Bas.  En  Italie,  le  prince  de  Conti 
s'emparait  de  ^ice  et  gagnait  sur  Charles-Emma- 
nuel la  bataille  de  Coni.  Son  successeur,  Maille- 
bois,  battait  les  Piémontais  à  Bassignano,  enlevait 
Alexandrie  et  tout  le  ^Montferrat.  La  même  année. 
Gênes  s'était  déclarée  pour  nous.  Don  Carlos  re- 
prenait les  armes  dans  le  royaume  de  Naples  et 
poursuivait  les  Autrichiens  jusqu'à  Bologne.  En 
Angleterre,  le  prétendant  Charles-Edouard,  après 
avoir  gagné  avec  les  Écossais  la  bataille  de  Pres- 
ton-Pans,  avait  pris  les  villes  de  Newcastle,  de 
Manchester  et  de  Lancastre,  et  marchait  sur  Lon- 
dres. Enfin,  en  Silésie,  Frédéric  II  s'assurait  la  pos- 
session de  cette  province  par  la  victoire  de  Fried- 
berg,  qui,  disait-il,  acquittait  la  lettre  de  change 
que  Louis  XV  avait  tirée  sur  lui  à  Fontenoy.  Il 
put  alors  envahir  de  nouveau  la  Bohème,  où  avec 
20  000  hommes  il  culbuta  à  Sohr  les  50  000  Au- 
trichiens du  prince  de  Lorraine.  Pendant  ce  temps 
son  lieutenant,  le  prince  d'Anhalt,  avait  fait  la  con- 
quête de  la  Saxe  par  la  victoire  de  Kesseldorf. 
Frédéric  II  entra  triomphant  dans  la  ville  de 
Dresde.  C'est  là  qu'il  consentit  à  signer  avec  Marie- 
Thérèse  un  nouveau  traité  qui  lui  cédait  la  Silésie. 
Il  reconnaissait  l'époux  de  Marie-Thérèse,  Fran- 
çois I",  comme  empereur  d'Allemagne  (1745). 

La  France,  abandonnée  une  seconde  fois  par  Frédé- 
ric II,  vit  recommencer  alors  une  période  de  revers. 
En  Italie,  le  désaccord  de  l'infant  don  Philippe  et 
de  Maillebois  amena  la  défaite  de  Plaisance  (7  juin 
1746)  ;  l'Italie  était  perdue  pour  nous  ;  Gènes, 
notre  alliée,  sacrifiée,  et  la  Provence  envahie.  La 
défense  héroïque  de  Boufflers  dans  Gènes  et  la  ré- 
sistance de  Belle-Isle  en  Provence  sauvèrent  notre 
honneur  de  ce  côté.  On  put  reprendre  l'offensive  ; 
mais  on  dut  renoncer  à  passer  les  Alpes,  après 
le  désastre  éprouvé  par  le  chevalier  de  Belle-Isle 
au  combat  d'Exilles  (1747). 

En   Angleterre,  le   prétendant  avait    gagné   sur 


Georges  II  la  bataille  de  Falkirk  ;  mais  sa  petite 
armée,  décimée  par  ses  succès  mêmes,  se  fit 
écraser  à  CuUoden  (avril  1746).  Charles-Edouard, 
après  cette  aventureuse  expédition,  dut  revenir  en 
France. 

Les  brillantes  victoires  du  maréchal  de  Saxe 
dans  les  Pays-Bas  compensèrent  ces  revers.  Il 
arrêta  l'armée  du  prince  de  Lorraine,  près  de  la 
Meuse,  à  Raucoux  (1747).  L'année  suivante  il  pour- 
suivait l'offensive  jusque  dans  la  Flandre  hollan- 
daise. La  Hollande,  effrayée,  rétablit  le  stathoudé- 
rat  en  faveur  de  Guillaume  de  Nassau,  et  unit  ses 
forces  à  l'armée  anglaise  du  duc  de  Cumberland. 
Celui-ci,  pour  empêcher  le  siège  de  Maëstricht, 
vint  li^Tor  bataille  au  maréchal  de  Saxe,  en  avant 
de  cette  ville,  à  Lawfeld,  mais  il  fut  délogé  de  ses 
positions  (1747*.  Maastricht  fut  bloqué  l'année  sui- 
vante par  nos  troupes,  pendant  que  le  comte  de 
Lœwendhal  s'emparait  de  Borg-op-Zoom  (1748). 

La  guerre  maritime,  soutenue  avec  des  forces 
insuffisantes,  nous  avait  été  fatale.  Nous  possédions 
à  peine  trente-cinq  vaisseaux  de  ligne  contre  cent 
dix  que  nous  opposait  l'Angleterre.  Le  marquis  de 
la  Jonquière  dut  combattre  avec  sLx  vaisseaux  con- 
tre dix-sept  à  la  hauteur  du  cap  Finisterre. 
L'amiral  de  l'Estanduère,  avec  sept  navires,  notre 
dernière  escadre,  fut  arrêté  près  de  Belle-Isle  par 
quatorze  navires  de  l'amiral  Hawkes.  Le  courage 
de  nos  marins  était  admirable,  mais  impuissant. 
Nos  riches  convois  de  la  Martinique  et  de  Saint- 
Domingue  étaient  interceptés.  Londres  s'enrichis- 
sait de  nos  dépouilles.  Nos  côtes  mêmes  étaient 
insultées.  Brest  et  Toulon  furent  bloqués  par  les 
Anglais,  Antibes  bombardé,  et  Lorient  faillit  être 
pris. 

En  Amérique,  nous  perdions  Louisbourg  et  l'île 
si  importante  du  Cap-Breton,  à  l'embouchure  du 
Saint-Laurent. 

Aux  Indes,  la  rivalité  de  Dupleix  et  de  La  Bour- 
donnais, ces  deux  hommes  de  génie  qui,  unis,  au- 
raient pu  porter  un  coup  mortel  à  la  puissance 
anglaise,  nous  fut  funeste.  Le  second  s'était  em- 
paré de  Madras  (1746),  mais  la  rendit  aux  Anglais 
pour  une  riche  rançon.  Dupleix  rompit  ce  traité  et 
fil  rappeler  La  Bourdonnais  en  France.  Il  fit  ou- 
blier cette  mauvaise  action  par  sa  belle  défense  de 
Pondichéry  attaqué  par  les  Anglais. 

L'Angleterre  trouvait  la  France  assez  affaiblie  ; 
notre  marine  était  réduite  à  deux  vaisseaux  et  notre 
dette  s'était  accrue  de  l  20u  millions.  Elle  consentit 
à  la  paix. 

Louis  XV,  maître  des  Pays-Bas  autrichiens,  de 
deux  provinces  hollandaises,  de  la  Savoie  et  de 
Nice,  aurait  pu  obtenir  des  conditions  avanta- 
geuses. Il  déclara  qu'il  voulait  traiter  «  non  en 
marchand,  mais  en  roi,  »  ce  qui  simplifia  les  né- 
gociations et  amena  le  traité  d'Aix-la-Chapelle 
(octobre  1748). 

Louis  XV  restitua  toutes  ses  conquêtes,  obtint 
pour  l'infant  don  Philippe,  son  gendre,  les  duchés 
de  Parme,  de  Plaisance  et  de  Guastalla.  rétablit  le 
duc  de  Modène  et  la  république  de  Gênes  dans 
leurs  possessions,  et  ne  demanda  pour  la  France 
que  la  restitution  de  l'île  du  tiap-Breton  et  le  main- 
tien des  fortifications  de  Dunkerque  du  côté  de  la 
terre.  11  s'engageait  à  chasser  de  son  royaume  le  pré- 
tendant Charles-Edouard.  L'Angleterre  recouvra  Ma- 
dras et  obtint  pour  quatre  ans  le  droit  d'importer 
des  nègres  asiento)  et  le  vaisseau  de  permission 
qui  devait  lui  servir  à  faire  la  contrebande  dans 
les  colonies  espagnoles.  Toutes  les  puissances 
garantirent  la  succession  au  trône  d'Angleterre 
dans  la  ligne  protestante,  et  le  maintien  de  la 
Pragma'ique-Sanciion,  sauf  la  cession  de  la  Silésie 
au  roi  de  Prusse  et  d'une  partie  du  Milanais  au  roi 
de  Sardaigne. 

Deux  États  avaient  tiré  profit  de  cette  guerre  : 
l'Angleterre,  qui  restait  maîtresse  des  mers,  et  la 


GUERRES 


—  937  — 


GUERRES 


Prusse,  qui,  après  avoir  doublé  son  territoire,  deve- 
nait prépondérante  en  Allemagne,  et  en  Em-ope 
puissance  de  premier  ordre.  [D.  Blanchet.] 

Ouvrages  à  consulter  :  Frédéric  II,  Histoire  de  mon 
tomp^.  —  Le  maréchal  de  Saxe,  Lettres  et  Mémoires.  — 
A'oltaire.  Correspondance.  —  Macaulay.  Essais,  Frédéric  n. 
—  Louis  Léger,  Histoire  de  V Autriche-Hongrie  ;  et  les  His- 
toires de  France  de  Henri  Martin,  Sisruondi,  Duruy,  etc. 

Guerre  de  sept  ans  (1756-1763).  —  La  paix  de 
huit,  ans  qui  suivit  le  traité  d'Aix-la-Chapelle  fut 
utilisée  par  les  différents  États  pour  réparer  les 
malheurs  de  la  dernière  guerre.  Frédéric  II,  par 
ses  réformes  intelligentes,  par  le  développement 
qu'il  sut  donner  aux  travaux  publics,  par  la 
création  de  villages  sur  les  terrains  conquis  le 
long  de  l'Oder,  par  ses  encouragements  à  l'in- 
dustrie et  à  l'agriculture,  augmentait  le  revenu  de 
ses  États  et  pouvait  entretenir,  avec  une  popula- 
tion de  cinq  millions  d'âmes,  une  armée  de  i50  000 
hommes,  tout  en  donnant  à  ses  sujets  une  pros- 
périté qu'ils  n'avaient  p?s  connue  avant  lui. 

Marie -Thérèse  appliquait  aussi  tous  ses  efforts 
aux  soins  du  gouvernement,  et  tels  furent  les  heu- 
reux résultats  de  son  administration  que,  malgré 
la  perte  de  la  Silésie,  les  revenus  de  l'Autriche 
dépassèrent  ceux  du  règne  précédent.  L'armée 
réorganisée,  dotée  d'une  artillerie  qui  passait  pour 
la  première  de  l'Europe,  devint  aussi  redoutable 
qu'à  l'époque  du  prince  Eugène,  et  reconnaissante 
de  toutes  les  réformes  dont  la  vaillante  reine  avait 
pris  l'initiative,  fit  frapper  une  médaille  à  la  mère 
(les  camps.  Secondée  par  un  habile  ministre,  le 
pi'ince  de  Kaunitz,  ÎMarie-Thérèse  donna  à  l'ad- 
ministration intérieure  et  à  la  politique  extérieure 
une  sage  et  forte  direction.  La  France,  troublée  par 
les  querelles  religievises  du  clergé  et  du  Parle- 
ment, abandonnée  à  l'indolence  de  Louis  XV  et  aux 
caprices  d'une  nouvelle  favorite.  Madame  de  Pom- 
padour,  sut  heureusement  se  relever  par  ses 
propres  efforts  et  prouva  qu'elle  valait  mieux  que 
son  gouvernement.  L'agriculture  commençait  à 
lutter  contre  l'oppression  d'un  mauvais  régime 
fiscal.  Le  ministre  Machault  avait  fait  rendre  un 
arrêté  pour  la  liberté  du  commerce  des  grains 
dans  l'intérieur  de  la  France,  et  l'abondance  régna 
dans  tous  les  marchés.  Le  commerce  français  dé- 
ployait une  activité  extraordinaire.  Dans  une  seule 
année,  Lorient  avait  reçu  de  la  compagnie  des 
Indes  pour  18  millions  de  marchandises.  La  France 
était  puissamment  aidée  dans  tous  ses  moyens  de 
prospérité  par  ses  colonies.  Les  îles  de  France  et 
de  Bourbon  accroissaient  leurs  cultures.  Le  Ca- 
nada et  Saint-Domingue  voyaient  les  fortunes  se 
développer  avec  une  rapidité  merveilleuse.  Il  en 
était  de  même  de  la  Martinique,  de  la  Guadeloupe, 
de  Sainte-Lucie,  de  Tabago.  Les  négociants  de 
Nantes,  Rennes,  Bordeaux  etSaint-Malo  portaient 
en  Amérique  des  capitaux  qui,  au  bout  de  quel- 
ques années,  avaient  décuplé.  Dans  l'Hindoustan, 
le  génie  de  Dupleix  nous  conquérait  une  étemlue 
de  territoire  plus  grande  que  la  Fiance.  «  La 
France  règne  ici,  écrivait-il  ;  quand  elle  se  montre, 
on  s'incline,  n 

Notre  marine  enfin  se  relevait  par  les  efforts 
d'un  ministre  patriote,  Machault  (1754),  qui  avait 
résolu  de  résister  h  la  tyrannie  maritime  de  l'An- 
gleterre. Nos  ports  comptèrent  bientôt  60  vais- 
seaux de  ligne  et  31  frégates 

L'Angleterre  surveillait  avec  inquiétude  ce  réveil 
de  notre  puissance  maritime  ;  elle  résolut  de  l'arrê- 
ter. Elle  était  aussi  décidée  à  rompre  la  paix  que 
nous  paraissions  résolus  l'i  la  maintenir.  Elle  de- 
manda et  obtint  le  rappel  de  Dupleix  (I75'()  ;  elle 
détruisit  à  coups  de  canon  nos  forts  du  Sénégal  ; 
elle  fit  enlever  les  poteaux  qui  marquaient  les 
limites  de  nos  possessions  dans  les  Antilles;  elle 
occupa  de  force  la  vallée  de  l'Ohio,  dont  la  pos- 
session était  contestée,  et  fit  assassiner  un  officier 


envoyé  comme  parlementaire,  Jumonville.  Un 
dernier  affront  fit  enfin  éclater  la  guerre  :  nos 
riches  convois  des  colonies,  300  bâtiments  de 
commerce,  furent  enlevés  à  la  France  sans  décla- 
ration de  guerre  (1755).  La  guerre  de  Sept  ans  fut 
donc  à  l'origine  une  guerre  exclusivement  mari- 
time entre  la  France  et  l'Angleterre. 

Il  eût  été  désirable  qu'elle  gardât  ce  caractère. 
Dès  le  début  elle  se  comphqua  malheureusement 
d'une  guerre  continentale.  Marie-Thérèse  n'avait 
pas  oublié  son  ressentiment  contre  le  conquérant 
de  la  Silésie  ;  on  dit  qu'elle  ne  pouvait  voir  un 
Silésien  sans  pleurer.  Elle  chercha  des  alliés  et  fit 
faire  des  ouvertures  au  cabinet  de  Versailles  par 
son  ambassadeur,  M.  de  Kaunitz.  Madame  de  Pom- 
padour,  gagnée  par  les  flatteries  de  l'impératrice, 
qui  n'avait  pas  craint  de  l'appeler  son  amie  et  sa 
cousine,  fit  signer  par  l'abbé  de  Bernis  le  traité  de 
Versailles  (l"  mai  1756^.  L'Autriche  s'était  assuré 
d'autres  alliés  dans  le  Nord.  La  tsarine  Elisabeth,, 
qui  avait  à  se  venger  des  épigrammes  trop  jus- 
tifiées de  Frédéric  11  sur  sa  conduite,  l'électeur  d& 
Saxe,  qui  haïssait  personnellement  le  roi  de  Prusse, 
avaient  signé  des  traités  secretsd'alliance.  Frédéric, 
qui  était  au  courant  de  toutes  ces  intrigues  diplo- 
matiques, s'était  rapproché  de  l'Angleterre  et 
avait  signé  avec  'William  Pitt  le  traité  de  West- 
minster (1750).  C'était  là  une  révolution  complète 
dans  la  diplomatie  européenne.  La  France  soute- 
nait, sans  profit,  son  ennemie  séculaire,  l'Au- 
triche; l'Angleterre,  plus  avisée,  comprit  que  les 
victoires  de  Frédéric  II  sur  le  continent  étaient 
sans  danger  pour  elle,  et  qu'elle  pourrait  d'autant 
plus  facilement  conquérir  les  colonies  françaises 
que  la  France  se  mêlerait  davantage  au  conflit  alle- 
mand. La  guerre  de  Sept  ans  commençait  donc 
pour  nous  par  une  grande  faute  diplomatique  ; 
elle  ne  pouvait  aboutir  qu'à  une  défaite. 

La  guerre  maritime  fut  d'abord  heureuse.  Dans 
la  ÎMôditerranée,  l'amiral  la  Galissonnière  vain- 
quit l'amiral  Byng.  en  vue  de  Minorque,  et  le 
duc  de  Richelieu  enleva  d'assaut  la  forte  place 
do  Mahon.  Dans  le  Canada,  les  marquis  de 
Montcalm  et  de  Vandreuil  faisaient  capituler  les 
Anglais  dans  le  fort  d'Oswégo.  L'Angleterre  se 
redrossa  avec  vigueur  devant  ces  échecs.  Wil- 
liam Pitt,  le  mortel  ennemi  de  la  France,  prit  la 
direction  des  affaires.  Le  malheureux  Byng,  cou- 
pable d'avoir  été  vaincu,  fut  fusillé  sur  son  vais- 
seau amiral. 

Sur  le  continent,  Frédéric  II  avait  frappé  les 
premiers  coups.  Apprenant  qu'une  redoutable 
coalition  se  préparait  contre  lui,  il  ne  voulait  pas 
donner  le  temps  à  ses  ennemis  de  se  concerter.  Il 
envahit  la  Saxe,  emporte  Leipzig  et  Dresde,  et 
met  le  blocus  devant  le  formidable  camp  retranché 
de  Pirna,  sur  la  rive  gauche  de  l'Elbe,  où  17,000 
Saxons  s'étaient  fortifiés.  Il  laisse  devant  le  camp 
une  partie  de  son  armée,  et  avec  le  reste  il  marche 
à  la  rencontre  des  Autrichiens.  Il  les  attaque  et 
les  défait  à  Lowositz  (rive  gauche  de  l'Elbe),  et 
revient  devant  Pirna  où  les  Saxons,  forcés  par  la 
famine,  capitulent.  Toute  la  Saxe  était  conquise. 

Frédéric  II  prend  ses  quartiers  d'hiver  en  Saxe, 
puis  envahit  la  Bohême.  Il  met  le  siège  devant 
Prague,  après  avoir  battu  une  armée  autrichienne 
sous  les  murs  de  la  ville.  Mais  apprenant  que 
le  maréchal  autrichien  Daun  arrivait  avec  60  UOO 
hommes,  il  crut  pouvoir  renouveler  la  manœu- 
vre qui  lui  avait  si  bien  réussi  à  Pirna.  11  laissa 
la  moitié  de  son  armée  devant  Prague ,  et  avec 
40  00i)  hommes  il  marcha  contre  Daun.  C'était 
une  témérité.  Vaincu  à  la  bataille  de  Kollin,  il 
fut  obligé  d'évacuer  la  Bohême.  Eu  même  temps 
Frédéric  apprenait  les  échecs  subis  par  ses  lieute- 
nants ou  ses  alliés.  A  l'est,  les  Russes  victorieux 
à  Jœgersdorf,  sur  la  Prégel,  s'avançaient  dans  la 
Prusse  royale;  au  nord,  les  Suédois  envahissaient  la 


GUERRES 


—  938 


GUERRES 


Poméranie  prussienne  ;à  l'ouest,  les  Français  sous 
la  conduite  du  maréchal  d'Estrée  avaient  passé 
sur  la  rive  droite  du  Wéser  et  gagné  sur  le  duc 
de  Cumberland  la  bataille  d'Hastembeck.  Le  suc- 
cesseur de  d'Estrées,  Richelieu,  avait  poussé  les 
Anglo-Hollandais  jusque  vers  les  marais  de  l'em- 
bouchure de  l'Elbe,  et  leur  avait  fait  poser  les 
armes  par  la  capitulation  de  Kloster-Seven. 

Ainsi,  le  cercle  des  armées  ennemies  se  rétré- 
cissait de  plus  en  plus  autour  de  Frédéric  II.  Celui- 
ci  crut  qu'il  n'avait  plus  qu'à  mourir  en  roi,  et  il 
se  replia  vers  la  Saxe.  Il  y  réorganisa  son  armée, 
prêt  à  frapper  le  premier  ennemi  qui  viendrait 
l'attaquer.  Les  Français  se  trouvèrent  h  point  pour 
lui  ménager  une  trop  facile  revanche.  Notre  ar- 
mée offrait  alors  le  plus  triste  spectacle.  Le  camp 
français  était  encombré  de  22  000  chariots  de 
marchands  et  de  vivandiers  ;  au  moment  de  livrer 
bataille,  6000  maraudeurs  étaient  hors  des  rangs. 
Les  officiers  étaient  pour  laplupart  déjeunes  cour- 
tisans que  le  caprice  de  madame  de  Pompadour 
plaçait  à  la  tête  de  nos  armées.  Incapacité  chez  les 
chefs,  indiscipline  chez  les  soldats,  telle  était 
la  situation  de  l'armée  française,  en  face  de  l'armée 
la  mieux  disciplinée  et  la  mieux  aguerrie  de  l'Eu- 
rope !  Soubise  venait  de  faire  sa  jonction  avec  l'ar- 
mée allemande  et  campait  sur  la  rive  gauche  de 
la  Saale.  Frédéric  II  résolut  de  l'attaquer,  bien 
qu'il  n'eût  que  '20  000  hommes  à  opposer  à  60  UOO 
Franco- Allemands.  Soubise  commit  la  faute  d'aban- 
donner ses  positions  pour  se  mettre  à  la  poursuite 
des  soldats  prussiens.  Frédéric  surveillait  tout 
du  haut  d'une  colline  avec  un  corps  d'armée  qu'il 
avait  dissimulé.  Il  se  jeta  sur  l'armée  française 
qui  .s'avançait  en  désordre,  la  battit  et  fit  7  tiOO 
prisonniers.  Ce  fut  le  désastre  de  Rosbach.  «  Il 
est  certain,  dit  Frédéric  II  dans  ses  mémoires, 
qu'en  considérant  la  conduite  des  généraux  fran- 
çais on  aura  de  la  peine  à  l'approuver.  Mais  la 
manière  dont  la  cour  de  France  distinguait  le 
mérite  de  ses  généraux  parut  plus  surprenante 
que  le  reste  :  M.  d'Estrées,  pour  avoir  gagné  la 
bataille  d'Hastembeck,  fut  disgracié;  M.  de  Sou- 
bise, pour  avoir  perdu  celle  de  Rosbach,  fut  dé- 
claré maréchal  de  France.  »  Il  est  vrai  que  l'opi- 
nion publique  se  montra  plus  sévère  et  fit  sur 
Je  malheureux  général  les  quatrains  célèbres: 

Soubise  dit,  la  lanterne  à  la  main  : 

J'ai  beau  chercher,  où  diable  est  mon  armée? 

Elle  était  là  pourtant  hier  matin. 

Me  l'a-t-on  prise  ou  l'aurais-je  égarée  ?  Etc. 

Libre  du  côté  de  la  Saxe,  Frédéric  accourt  en 
•Silésie  où  le  prince  de  Lorraine  venait  de  s'em- 
parer de  Breslau.  Il  déconcerte  les  Autrichiens  par 
la  rapidité  de  ses  attaques,  et  ne  craint  pas,  au 
cœur  de  l'hiver,  avec  une  armée  inférieure  en 
nombre,  de  se  jeter  sur  les  deux  généraux  autri- 
chiens réunis,  Daun  et  le  prince  de  Lorraine.  Il 
les  accable  à  la  journée  de  Lissa  qui  fut,  au  dire 
•de  Napoléon,  un  chef-d'œuvre  de  tactique  mili 
taire.  11  avait  tué  ou  fait  prisonniers  40  tiOO  hom- 
mes, pris  134  canons  et  b'J  drapeaux  ;  Breslau  lui 
ouvrait  de  nouveau  ses  portes  et  la  Silésie  était 
reconquise.  Ce  succès  terminait  brillamment  cette 
admirable  campagne  de  1757. 

Les  Français,  après  leur  défaite  de  Rosbach, 
avaient  ralenti  leurs  opérations  militaires.  Un  parti 
puissant  à  la  cour,  ayant  à  sa  tête  le  cardinal  de 
Bernis,  aurait  désiré  la  paix  sur  le  continent.  Ma- 
dame de  Pompadour  appela  aux  affaires  le  duc 
de  Choiseul,  partisan  décidé  de  l'alliance  autri- 
chienne ;  et  la  guerre  reprit  avec  fureur.  Elle  eut 
deux  théâtres  bien  distincts  :  dans  la  vallée  du 
Rhin,  les  Français  combattent  contre  les  Anglo- 
Hollandais  :  dans  la  vallée  de  l'Elbe  et  de  l'Oder, 
Frédéric  II  lutte  contre  les  Autrichiens,  les  Russes 
•€t  les  Suédois. 


Le  successeur  de  Richelieu,  le  comte  de  Cler- 
mont,  fut  obligé  de  repasser  le  Wéser  et  le  Rhin 
devant  l'attaque  soudaine  de  Ferdinand  de  Bruns- 
wick. Il  voulut  au  moins  livrer  bataille  sur  la  rive 
gauche  de  ce  fleuve;  mais  il  se  fit  battre  près  de 
Crevelt,  laissa  aux  ennemis  7  000  prisonniers  et 
se  retira  en  désordre  jusque  dans  les  Pays-Bas. 

Dans  la  vallée  de  l'Oder,  Frédéric  11^  maître  de 
la  Silésie,  avait  poussé  l'offensive  jusque  dans  la 
Moravie  et  avait  mis  le  siège  devant  Olmiitz.  Mais 
il  apprit  que  les  Russes  envahissaient  le  Brande- 
bourg. Il  remonte  en  toute  hâte  vers  le  nord,  force 
le  général  Fermer  à  lever  le  siège  de  Custrin,  l'at- 
teint dans  les  plaines  de  Zorndorf  et  lui  inflige 
une  sanglante  défaite.  Le  Brandebourg  était  déli- 
vré des  Russes;  mais  les  Autrichiens  faisaient, 
pendant  ce  temps,  de  rapides  progrès  dans  la 
Saxe.  Frédéric  II  veut  sauver  cette  province,  et  livre 
bataille  au  maréchal  Daun,  près  du  village  de 
Hochkirchen.  Il  est  vaincu  et  laisse  aux  Autri- 
chiens le  tiers  de  son  armée  et  100  canons.  Cette 
défaite  ne  compromit  pas  cependant  les  résultats 
de  cette  brillante  campagne.  Frédéric  II  vaincu 
sauvait  Dresde,  Leipzig,  délivrait  une  seconde 
fois  le  Brandebourg,  et  ne  laissait  pas  à  ses  enne- 
mis un  pouce  de  territoire. 

Avec  l'année  1759,  le  roi  de  Prusse  fut  de  nou- 
veau assailli  par  de  redoutables  épreuves.  Les  Rus- 
ses étaient  commandés  par  un  général  remarqua- 
ble, Soltikov,  successeur  de  Fermer.  Celui-ci 
pénètre  dans  la  marche  de  Brandebourg  par  la 
victoire  de  Zullichau  qu'il  remporte  sur  un  lieute- 
nant de  Frédéric,  le  général  Wédel.  Puis  il  joint 
ses  forces  à  celles  du  général  autrichien  Laudon 
et  s'empare  de  Francfort.  Frédéric  veut  surprendre 
les  Austro-Russes  dans  le  forêt  de  Kunersdorf.mais 
il  est  écrasé  par  des  forces  trop  considérables, 
et  II  me  faut  du  miraculeux,  die  Frédéric,  pour  me 
faire  surmonter  toutes  les  difficultés  que  je  pré- 
vois. » 

Sur  le  Rhin,  les  opérations  avaient  été  d'abord 
heureuses  pour  les  Français.  Le  maréchal  de  Con- 
tades  devait  passer  le  Rhin  et  le  duc  de  Broglie 
s'avancer  par  leMein  pour  envahir  le  Hanovre  et 
la  Saxe.  Ferdinand  de  Brunswick,  qui  avait  voulu 
arrêter  de  Broglie  à  Bergen,  près  de  Francfort,  fut 
repoussé.  Le  mouvement  offensif  fut  vigoureuse- 
ment poussé  dans  la  vallée  du  Wéser.  Malheureu- 
sement Contades  se  laissa  vaincre  par  Ferdinand 
près  de  Minden.  De  Broglie  prit  le  commandement 
général  de  l'armée  ;  il  put  se  maintenir  quelque 
temps  dans  le  Hanovre,  mais  la  campagne  était 
perdue. 

En  1760  Frédéric  II  se  tira  de  la  situation  criti- 
que oii  l'avait  mis  le  désastre  de  Kunersdorf  II 
avait  appris  que  Soltikov  avait  craint  d'user  de  sa 
victoire,  et  qu'au  lieu  de  prendre  Berlin,  il  s'était 
retiré  en  Pologne.  Lui-même,  réduit  à  faire  une 
guerre  de  partisan,  avait  surpris  le  général  autri- 
chien Laudon  près  de  Liegnitz,  et  lui  avait  pris 
6  000  hommes.'  Cependant  les  Autrichiens  et  les 
Russes,  de  nouveau  réunis,  avaient  occupé  Berlin. 
Frédéric  II  va  à  leur  rencontre;  mais  à  son  arrivée 
les  Russes  battent  en  retraite  vers  Francfort  et  les 
Autrichiens  se  replient  vers  l'Elbe.  Il  atteint  ces 
derniers  à  Torgau,  leur  fait  perdre  20  000  hommes 
et  leur  enlève  50  canons.  Encore  une  fois  Frédéric 
avait  délivré  tout  son  territoire. 

Dans  la  vallée  du  Wéser  et  du  Rhin,  de  Broglie 
tenait  tête  h.  Ferdinand  de  Brunswick  et  se  main- 
tenait dans  la  Hesse  par  sa  victoire  de  Corbach, 
Ferdinand  pour  l'éloigner  tenta  une  diversion  vers 
le  Bas-Rhin  ;  mais  de  Broglie  garda  ses  positions 
et  envoya  contre  lui  le  marquis  de  Castries.  Celui- 
ci  faillit  être  surpris  à  Closter-Camp,  mais  il  fut 
sauvé  par  le  dévouement  du  chevalier  d'Assas, 
capitaine  au  régiment  d'Auvergne.  Cet  officie.', 
envoyé  à  la  découverte,  fut  tout  à  coup  arrêté  par  les 


GUERRES 


—  939  — 


GUERRES 


régiments  ennemis.  «  Silence,  lui  crie-t-on,  ou  tu 
es  mort!  »  D'Assas  cria  :  «  A  moi  d'Auvergne, 
c'est  l'ennemi!  »  Cet  héroïque  dévouement  nous 
valut  la  victoire. 

La  campagne  de  1761  fut  décisive  dans  la  vallée 
de  l'Elbe  et  de  l'Oder.  Frédéric  II  luttait  vaillam- 
ment, mais  sans  avantages  marqués,  contre  les 
Autrichiens  dans  la  Silésie  et  la  Saxe,  contre  les 
Russes  en  Poméranie. 

Sur  le  Rhin,  la  rivalité  de  Soubise  et  de  Broglie 
nous  devait  être  funeste.  De  Broglie,  après  avoir 
demandé  l'union  des  deux  armées,  voulut  gagner 
seul  la  bataille  de  Fillinghausen.  11  fut  vaincu  par 
Ferdinand  de  Brunswick. 

Mais  cette  année  la  France  remportait  un  grand 
succès  diplomatique.  Choiseul  qui,  à  la  mort  de 
Belle-Isle,  venait  de  réunir  sous  sa  direction  le 
ministère  de  la  guerre  et  celui  des  affaires  étran- 
gère, fit  signer  le  pacte  de  famille.  Cette  alliance 
établissait  une  union  intime  entre  les  membres  de 
la  famille  de  Bourbon.  Louis  XV,  roi  de  France, 
Charles  III,  roi  d'Espagne  et  Ferdhiand  IV,  roi 
de  Naples,  y  adhérèrent.  On  essayait,  par  cette 
ligue  des  Etats  du  Sud,  d'arrêter  les  progrès  ef- 
frayants de  l'Angleterre. 

La  mort  de  l'impératrice  de  Russie,  Elisabeth, 
fut  pour  la  Prusse  un  événement  heureux.  Le  nou- 
veau tsar,  Pierre  III,  admirateur  fanatique  de 
Prédéric  II,  se  hâta  de  signer  la  paix.  Frédéric 
tourna  tous  ses  efforts  contre  les  Autrichiens  ;  il 
les  chassa  de  la  Silésie,  pendant  que  le  prince 
Henri  gagnait  sur  l'armée  allemande  des  cercles  la 
bataille  de  Freyberg. 

Sur  le  Rhin,  Soubise  et  d'Estrée  livrèrent  la  ba- 
taille indécise  de  Wilhelmstadt  ;  dans  la  Hesse,  le 
prince  de  Condé  avait  engagé  quelques  combats 
sans  importance.  Les  négociations  relatives  à  la 
paix  avaient  partout  paralysé  les  opérations  mi- 
litaires. 

La  guerre  continentale  avait  été  honorable  pour 
nos  armées;  la  guerre  maritime,  si  malheureuse- 
ment négligée  par  le  cabinet  de  Versailles,  avait 
été  déplorable.  Sur  notre  littoral  et  dans  les  eaux 
de  l'Europe,  nous  n'avions  subi  que  des  revers. 
En  1758,  l'amiral  Anson  avait  brûlé  nos  vaisseaux 
•dans  le  port  de  Saint-Malo  ;  mêmes  ravages  dans  le 
port  de  Cherbourg,  dont  les  Anglais  firent  sauter 
les  chaussées  avec  la  mine.  Il  est  vrai  qu'en  Bre- 
tagne 15  000  Anglais  avaient  été  délogés  de  la 
forte  position  de  Saint-Caast  par  l'héroïsme  des 
paysans  bretons.  En  1759,  l'amiral  Leclerc  était 
vaincu  dans  le  détroit  de  Gibraltar,  à  la  hauteui' 
de  Lagos,  par  l'amiral  Boscawen.  Enfin,  le  maréchal 
de  Conflans,  que  madame  de  Pompadour  avait 
nommé  amiral,  était  battu  près  de  Belle-lsle  par 
l'amiral  Hawke  et  perdait  21  vaisseaux.  Cette  ba- 
taille resta  tristement  fameuse  sous  le  nom  de 
bataille  de  monsieur  de  Conflans. 

En  Amérique,  le  marquis  de  Montcalm,  aidé  par 
les  habitants  du  Canada,  avait  fait  de  généreux 
efforts  pour  sauver  cette  belle  colonie.  Il  avait 
pris  aux  Anglais  le  fort  Saint  Georges  et  les  avait 
vaincus  à  Ticondéroga  ;  mais  il  fut  honteusement 
abandonné  par  le  gouvernement  français  qui  ne 
lui  envoya  pas  un  soldat  de  renfort.  Il  eut  bientôt 
à  lutter  contre  une  forte  armée  anglaise  comman- 
dée par  le  général  Wolf.  Il  essaya  de  résister  avec 
une  poignée  de  soldats  et  de  Canadiens  mal  armés 
contre  40  000  hommes.  La  bataille  s'engagea  sous 
les  murs  de  Québec,  le  12  septembre  1759. 
Montcalm  et  Wolf  furent  tués.  Un  an  plus  tard, 
la  capitulation  de  Montréal  livrait  le  Canada  aux 
Anglais. 

Dans  THindoustan,  les  Anglais,  conduits  par  un 
homme  de  génie,  lord  Clive,  avaient  fait,  depuis  la 
disgrâce  de  Dupleix,  des  progrès  considérables. 
Le  nouveau  gouverneur  français,  Lally-Tollendal, 
lutta  héroïquement  pour  arrêter  les  Anglais.  Son 


début  fut  brillant  :  il  prit  Goudebour  et  le  fort 
Saint-David,  et  vint  mettre  le  siège  devant  Madras; 
mais  il  échoua  et  perdit  l'élite  de  son  armée.  Il  fut 
bientôt  assiégé  lui-même  dans  Pondichéry,  fit  une 
résistance  énergique  pendant  dix  mois,  puis  réduit 
à  la  dernière  extrémité  se  rendit  à  discrétion 
(1761).  Ce  fut  la  fin  de  notre  domination  dans 
l'Inde. 

Les  puissances  continentales  étaient  fatiguées  de 
la  guerre.  L'Angleterre  était  satisfaite  de  notre 
ruine  coloniale.  La  paix  fut  conclue  par  les  deux 
traités  d'Hubertsbourg  et  de  Paris  (1763). 

Le  traité  d'Hubertsbourg,  entre  la  Prusse,  la 
Russie,  l'Autriche,  la  Pologne  et  la  Suède,  remet- 
tait les  choses  dans  le  même  état  qu'avant  la 
guerre.  La  Prusse  gardait  la  Silésie. 

Parle  traité  de  Paris,  entre  la  France,  l'Espagne, 
le  Portugal  et  l'Angleterre,  la  France  perdait  en 
Amérique  :  le  Canada,  l'île  du  Cap-Breton,  les 
bouches  du  Saint-Laurent,  la  vallée  de  l'Ohio,  la 
rive  gauche  du  Mississipi  ;  aux  Antilles  :  la  Domi- 
nique, Saint-Vincent,  Tabago,  la  Grenade  et  les 
Grenadines  ;  en  Afrique  :  la  rivière  du  Sénégal  et 
Corée  ;  en  Asie  :  toutes  nos  possessions  de  l'Hin- 
doustan,  où  nous  ne  gardions  que  Chandernagor, 
Pondichéry,  Karikal  et  Mahé.  Toutes  ces  posses- 
sions étaient  livrées  à  l'Angleterre. 

La  France  cédait  en  outre  la  Louisiane  à  l'Espa- 
gne pour  la  dédommager  de  ses  pertes. 

L'Espagne  cédait  à  l'Angleterre  :  Minorque,  la 
Floride  et  la  baie  de  Pensacola. 

Ce  désastreux  traité  donnait  à  l'Angleterre  la 
domination  incontestée  des  mers  avec  un  immense 
empire  colonial  ;  il  anéantissait  nos  espérances 
coloniales  que  le  génie  de  Dupleix  et  de  La  Bour- 
donnais avait  fait  naître. 

Ouvrages  à  consulter,  outre  ceux  déjà  indiqués  pour 
la  guerre  de  la  siiccessiun  d'Autriche  :  Fleury,  Histoire 
d'Angleterre  ;  de  Rémusat,  Etudes  sur  F  Angleterre  ;  Ma- 
caulay.  Biographie  de  Clive;  de  Saint-Priest,  les  Français 
dans  'l'Inde.  [D.  Blanche  t.] 

Guerre  d'Amérique.  —  Histoire  générale,  XXV; 
Histoire  de  France,  XXIX.  —  Nom  donné  dans 
l'histoire  de  France  à  la  guerre  à  la  suite  de  laquelle 
les  colonies  anglaises  d'Amérique  furent  recon- 
nues république  indépendante  sous  le  nom  d'Etats- 
Unis  d'Amérique. 

Préliminaires.  —  Cette  guerre,  dont  les  consé- 
quences devaient  être  si  heureuses  pour  l'Amé- 
rique, et  qui  dura  huit  ans  (1775-1783),  éclata 
à  la  suite  de  longues  difficultés  d'intérêt.  Les  co- 
lons d'Amérique,  pour  la  plupart  Anglais,  avaient 
un  trop  profond  respect  et  un  trop  grand  dévoue- 
ment pour  la  métropole  pour  briser  avec  elle 
sans  y  être  absolument  forcés.  Dès  1764,  l'An- 
gleterre, dont  les  finances  avaient  été  obérées  par 
la  guerre  de  Sept  ans,  imposa,  sans  les  consulter, 
des  taxes  fort  lourdes  à  ses  colonies.  Il  y  fut  ré- 
pondu par  une  première  Déclarution  des  droits  de 
l'hoihme,  basée  sur  le  droit  naturel  et  philosophi- 
que, à  la  manière  des  écrivains  français.  En  1765, 
une  assemblée  réunie  à  Boston  protesta  contre  l'im- 
pôt du  timbre,  elles  colonies  déclarèrent  l'année  sui- 
vante qu'elles  repousseraient  désormais  tous  les 
produits  industriels  d'origine  anglaise.  Un  instant, 
le  Parlement  anglais  céda  par  le  conseil  de  Pitt  ; 
mais  en  1767,  il  revint  à  la  charge.  Une  lutte,  lé- 
gale d'abord,  s'engagea  ;  mais  dès  1770,  on  en  vint 
aux  mains  et  le  sang  coula  à  Boston.  L'Angleterre 
recula  à  demi;  elle  abolit  les  taxes,  moins  celle 
du  thé.  Le  thé  envoyé  par  la  compagnie  des  Indes 
fut  jeté  à  la  mer  parles  habitants  de  Boston  (1773). 
Le  Parlement  mit  alors  l'interdit  sur  ce  port,  et 
changea  par  une  loi  la  constitution  du  Massachu- 
setts, dont  Boston  était  la  capitale.  Soutenu  par  les 
autres  Etats  réunis  en  congrès  à  Philadelphie^,  le 
Massachusetts  n'obéit  pas,  et,  en  septembre  l""^*, 
le  Congrès  formula  une  nouvelle  Déclaration  des 


GUERRES 


—  940  — 


GUERRES 


droits  «  fondés  à  la  fois  sur  les  lois  immuables  de 
la  nature  et  sur  les  chartes  et  lois  positives  ». 

Les  hostilités  commencèrent;  le  19  avril  1775, 
les  troupes  anglaises  furent  refoulées  h.  Lexinsrton 
et  bloquées  dans  Boston,  et  au  combat  de  Bun- 
ker"s-Hill  (17  juin)  les  généraux  anglais  purent  se 
convaincre  qu'ils  avaient  en  face  d'eux  des  adver- 
saires résolus  à  vaincre  ou  à  mourir.  En  même 
temps  le  second  Congrès  continental  faisait  acte  de 
gouvernement  en  créant  un  papier-monnaie ,  en 
levant  une  armée,  en  ouvrant  les  portes  des  co- 
lonies à  toutes  les  nations,  excepté  à  l'Angleterre, 
enfin  en  nommant  un  général  en  chef,  Georges 
Washington  (16  juin  1775). 

Guerre  générale.  — La  guerre  éclata  alors  fran- 
chement et  s'étendit  dans  toute  l'Amérique  du 
Nord.  Les  colons  firent  appel  aux  Français  du  Ca- 
nada et  envahirent  cette  province,  où  ils  échouèrent. 
L'Angleterre  répondit  en  envoyant  en  Amérique 
des  forces  imposantes  et  en  excitant  les  Peaux- 
Rougcs  à  se  ruer  sur  les  colonies.  Comme  s'il  était 
dans  la  destinée  de  la  France  d'être  partout  le  sol- 
dat de  la  liberté,  elle  ne  devait  pas  tarder  à  être 
mêlée  à  la  qiiorelle.  A  partie  roi  et  les  ministres, 
tout  le  monde,  chez  nous,  était  favorable  aux  Amé- 
ricains. Beaumarchais,  déjà  célèbre,  prit  en  main 
leur  cause,  et  trouva  en  Turgot  un  appui  jusque 
dans  le  conseil  du  roi.  Grâce  à  Turgot,  les  propo- 
sitions de  Beaumarchais  furent  acceptées  ;  on  lui 
donna  un  million  en  secret;  il  en  eut  un  autre  de 
l'Espagne,  et  trois  de  plusieurs  armateurs.  Des  se- 
cours d'argent  furent  immédiatement  envoyés. 

En  Amérique,  la  révolution  marchait  vite  ;  les 
troupes  anglaises  étaient  chassées  de  Boston,  et  le 
4  juillet  1776,  h.  la  suite  de  la  proposition  de  Ri- 
chard Henry,  le  congrès  signait  enfin  la  Déclaration 
d bidépendance  des  Etats-Unis  d'Amérique.  «  La 
déclaration  d'indépendance  était  prononcée  par  le 
congrès  au  nom  des  lois  de  la  nature  et  du  Dieu 
do  la  nature.  Il  y  était  dit  que  tous  les  hommes 
ont  été  créés  égaux  et  doués  par  le  créateur  do 
droits  inaliénables,  tels  que  la  vie,  la  liberté  et  la 
recherche  du  bonheur  ;  que,  quand  un  gouverne- 
ment ne  tend  point  à  ces  fins,  le  peuple  est 
en  droit  de  le  changer  et  d'en  établir  un  nou- 
veau ».  Peu  après,  les  Anglais  se  rendaient  maî- 
tres, malgré  Washington,  qu'une  série  de  désastres 
ne  lassait  pas,  de  New- York  et  de  plusieurs  positions 
importantes.  Pendant  ce  temps,  un  autre  grand  ci- 
toyen américain,  Franklin,  venait  en  France  récla- 
mer notre  alliance  ouverte  (décembre  l'76). 

En  17"7,  les  secours  organisés  par  Beaumar- 
chais, neuf  vaisseaux  charges  d'armes,  de  munitions 
et  de  volontaires  de  l'artillerie  et  du  génie,  arrivè- 
rent en  Amérique.  Presque  en  même  temps,  arri- 
vait un  autre  volontaire  bien  plus  précieux.  C'était 
Lafayette,  jeune  officier  de  vingt  ans,  grand  sei- 
gneur de  la  cour,  parti  malgré  le  roi,  malgré  sa 
femme  près  d'être  mère,  pour  cette  croisade  de  la 
liberté.  A  peine  arrivé,  il  rejoignait  Washington,  l'ai- 
dait à  tenir  en  échec  l'armée  anglaise  dePensylva- 
nie,  tandis  que  des  lieutenants  du  général  américain 
forçaient  une  autre  armée  anglaise,  venue  du  Ca- 
nada sous  le  commandement  de  Burgoyne,  à  met- 
tre bas  les  armes  à  Saratoga,  dans  les  forêts  du  haut 
Hudson  (17  octobre  1777). 

Ce  fut  peut-être  à  cette  victoire  que  la  jeune  P«é- 
publique  dut  son  salut.  L'impression  en  fut  telle 
en  France  et  en  Europe  que  Louis  XVI,  hésitant 
jusqu'alors,  consentit  à  signer  le  double  traité  qu'é- 
tait venu  demander  Frankliii  (G  février  1778).  «  On 
se  promettait  d'abord  de  se  traiter  réciproquement, 
dans  les  relations  commerciales,  sur  le  pied  de  la 
nation  la  plus  favorisée  et  do  s'entre-protéger  sur 
mer  ;  et,  ensuite,  on  s'engageait  à  faire  cause  com- 
mune, dans  le  cas  où  l'Angleterre  romprait  avec  la 
France  à  cause  du  pacte  de  commerce  et  de  protec- 
tion générale.  »  Le  roi,  retenu  par  des  scrupules 


monarchiques,  n'avait  voulu  traiter  qu  avec  cette 
restriction  :  il  tenait  à  être  attaqué  par  les  Anglais. 
Il  n'attendit  pas  longtemps;  l'Angleterre  rappela 
son  ambassadeur.  Une  proposition  de  reconnaître 
l'indépendance  des  colonies  fut  repoussée  par  le 
Parlement  anglais,  sur  les  instances  du  vieux  Pitt, 
qui  mourut  quelques  semaines  après.  La  guerre 
commença  immédiatement;  elle  eût  pu  être  promp- 
tement  terminée  et  fort  avantageusement  pour  la 
France,  si  on  l'eût  menée  w'ement  et  résolument 
en  portant  les  armes  dans  l'Inde,  où  les  Anglais 
étaient  tenus  en  échec  par  un  chef  musulman, 
Hayder-Ali.  Mais  le  roi  était  faible,  le  premier  mi- 
nistre était  frivole,  celui  de  la  marine  était  insuf- 
fisant, celui  de  la  guerre  incapable.  Toutefois  notre 
flotte  de  Brest  remporta  la  victoire  navale  d'Oues- 
sant,  et  notre  flotte  d'Amérique,  commandée  par 
d'Estaing,  fit  sortir  les  Anglais  de  la  Pensylvanie, 
se  porta  ensuite  aux  Antilles,  où  elle  s'empara  de 
la  Dominique  pendant  que  nous  perdions  Sainte- 
Lucie. 

Durant  l'année  1779,  l'Angleterre  fit  de  vigoureux 
mais  impuissants  efforts.  Au  début,  elle  s'empara 
de  la  Géorgie,  pendant  qu'une  de  nos  escadres  lui 
reprenait  notre  ancienne  possession  du  Sénégal. 
Quelque  temps  après,  le  vieux  roi  d'Espagne  s'u- 
nissait à  la  France,  et  les  flottes  française  et  espa- 
gnole combinées  s'apprêtaient  à  tenter  une  des- 
cente en  Angleterre.  Les  mesures  bien  prises  par 
notre  amiral  d'Orvillers  échouèrent  par  l'incapacité 
du  ministre  de  la  marine.  Aux  Antilles,  d'Estaing 
faisait  la  conquête  des  îles  de  Saint-Vincent  et  de 
la  Grenade,  et  la  campagne  se  terminait  par  un  très 
beau  combat  où  La  Mothe-Piquet,  avec  trois  vais- 
seaux, osait  tenir  tête  à  quatorze  vaisseaux  anglais, 
sauvait  la  moitié  d'une  flottille  marchande,  qu'il 
avait  mission  de  protéger,  et  dégageait  ses  trois 
vaisseaux  du  milieu  de  la  flotte  ennemie.  L'année 
finissait  mal  pour  l'Angleterre  ;  elle  perdait  du  ter- 
rain dans  le  nord  de  l'Amérique,  pendant  que  les 
Espagnols  lui  enlevaient  la  Louisiane  orientale 
dans  le  sud. 

Au  commencement  de  1780,  les  Anglais  reprirent 
espoir.  Une  folle  générosité  du  maréchal  de  Biron 
leur  avait  rendu  leur  meilleur  amiral,  Rodney,  re- 
tenu en  France  pour  dettes.  Cet  acte  de  chevalerie 
nous  coûta  cher.  Rodney  battit  une  flotte  espa- 
gnole, et  ravitailla  Gibraltar.  D'Estaing  ayant 
échoué  en  Géorgie  à  la  prise  de  Savannah,  des  en- 
vieux, jaloux  de  son  mérite  supérieur,  firent  tant 
qu'on  lui  retira  le  commandement  de  la  flotte  des 
Antilles  pour  le  donner  au  comte  de  Guichen,  soldat 
admirable,  mais  amiral  médiocre.  Attaqué  par  Rod- 
ney, le  nouvel  amiral  dut  à  la  supériorité  de  ses 
forces  de  n'être  pas  absolument  vaincu.  Sur  terre, 
les  Anglais  étaient  heureux  en  même  temps.  Ils 
étaient  en  progrès  au  sud  des  Etats-Unis,  et  une 
expédition,  partie  de  New-York,  avait  pris  Charles- 
ton  dans  la  Caroline  du  sud  et  envahi  la  province. 
Heureusement  Lafayette,  qui  était  venu  en  France 
chercher  de  nouveaux  renforts,  revint  au  secours 
des  Américains,  suivi  de  Rochambeau,  à  la  tête  de 
5  000  soldats.  Cette  diversion  suffit  à  arrêter  le  pro- 
grès des  Anglais.  Des  troubles  qui  éclatèrent  à. 
Londres  pendant  cette  même  année  inquiétèrent 
la  cour  et  le  Parlement,  et  nuisirent  aux  expédi- 
tions du  dehors. 

Le  gouvernement  anglais  profita  de  la  peur  que 
l'émeute  de  Londres  avait  faite  aux  bourgeois  pour 
obtenir  en  1781  de  très  larges  subsides,  non  plus 
cette  fois  pour  attaquer,  mais  pour  se  défendre. 
D'autre  part  l'irritation  des  Anglais  était  telle  qu'ils 
traitaient  do  marchandises  de  contrebande  toute 
marchandise  pouvant  servir  à  la  marine,  et  arrê- 
taient tous  les  navires  neutres  frétés  pour  la 
France.  Aussi  l'appui  moral  de  l'Europe  leur  man- 
qua-t-il  absolument,  et  toutes  les  puissances  eu- 
ropéennes, à  la  suite  do  la  Russie,  signèrent-elles 


GUERRES 


941  — 


GUERRES 


la  ligue  de  la  neutralité  armée  pour  soustraire 
leurs  vaisseaux  aux  violences  des  croiseurs  anglais. 
Irrités,  les  Anglais  attaquèrent  les  Hollandais  sans 
déclaration  de  guerre.  Rodney  s'empara  de  Saint- 
Eustache.  une  de  leurs  colonies,  où  il  leur  prit  16 
millions,  que  La  llothe-Piquet  enleva  ensuite  aux 
ravisseurs  en  vue  des  côtes  de  l'Angleterre.  Pendant 
ce  temps  une  flotte  franco-espagnole  s'emparait 
de  Port-Mahon,  et  une  flotte  française  enlevait 
l'île  de  Tabago,  puis  faisait  voile  pour  les  Etats- 
Unis,  où  elle  allait  contribuer  à  des  opérations 
décisives.  Les  Anglais,  commandés  par  lord  Corn- 
wa\lis,  maîtres  de  New- York  et  de  la  Caroline  du 
Sud,  tentèrent  de  s'emparer  de  la  Virginie,  d'où  ils 
eussent  frappé  les  Etats-Unis  au  coeur,  s'ils  avaient 
réussi.  Avec  une  poignée  d'hommes,  Lafayette 
contint  Cornwallis,  reculant  prudemment  sans  se 
laisser  entamer  et  en  gardant  les  communications 
avec  la  Per.sylvanie. 

Renforcé  ensuite  par  les  Pensylvaniens,  il  reprit 
l'offensive,  chassa  la  réserve  anglaise  devant  lui, 
et  l'obligea  à  rejoindre  Cornwallis  à  York-Town. 
La  l'îotte  française  ne  tarda  pas  à  bloquer  les  deux 
rivières  d'York  et  de  James,  par  lesquelles  Corn- 
wallis pouvait  être  secouru.  L'amiral  anglais 
Graves,  venu  trop  tard,  fut  obligé  de  se  retirer  de- 
vant l'amiral  français  Grasse,  qui  le  battit  dans  un 
engagement  d'avant-garde.  Washington  et  Ro- 
chambeau  ne  tardèrent  pas  à  arriver.  Dans  la  nuit 
du  14  octobre  17«1,  deux  colonnes  d'attaque,  l'une 
américaine,  sous  Lafayette,  l'autre  française,  sous 
Lemesnil,  enlevèrent  à  la  baïonnette  deux  re- 
doutes qui  protégeaient  Cornwallis.  Le  l9  du  même 
mois,  le  général  anglais  se  rendait  prisonnier  avec 
7,0i)0  soldats,  1,000  matelots,  beaucoup  de  navires 
et  d'artillerie.  L'indépendance  des  Etats-Unis  était 
assurée  :  «■  L'humanité  a  gagné  son  procès,  écrivit 
Lafayette.  La  liberté  ne  sera  plus  jamais  sans 
asile.  «  D'autre  part,  un  lieutenant  de  Washington 
avait  chassé  les  Anglais  de  la  Caroline  du  Sud,  et 
les  Espagnols  s'étaient  avancés  du  Mississipi  jus- 
qu'à la  Floride.  La  guerre  d'Amérique  était  réelle- 
ment finie  ;  les  Anglais  ne  possédaient  plus  que 
New- York,  Savannah  et  Gharleston. 

L'année  17S2  fut  remplie  par  la  continuation 
de  la  guerre  entre  la  France,  l'Espagne  et  l'Angle- 
terre. Le  marquis  de  Bouille  prit  Saint-Eustache 
aux  Anglais  ;  le  duc  de  Grillon  leur  prit  Minorque, 
et  Suffren,  un  de  nos  plus  grands  hommes  de  mer, 
envoyé  dans  les  Indes  pour  protéger  les  Hollan- 
dais, gagnait  quatre  victoires  navales  et  formait 
avec  le  nouveau  sultan  de  Mysore,  Tippou-Saib, 
un  vaste  plan  pour  la  destruction  de  la  domina- 
tion anglaise  dans  ces  régions,  lorsque  la  paix 
l'arrêta. 

Pendant  ce  temps,  l'amiral  de  Grasse,  après 
quelques  succès  dans  les  Antilles,  se  faisait  pren- 
dre à  la  bataille  navale  des  Saintes,  où  notre  flotte 
fut  écrasée  par  Rodney.  Gibraltar,  attaqué  par  les 
forces  réunies  de  la  France  et  de  l'Espagne,  fut 
admirablement  défendu  par  les  Anglais,  qui  surent 
le  conserver. 

Tout  le  monde  était  las,  et  les  pourparlers  pour 
la  paix,  qui  avaient  commencé  dès  i7"?,  abouti- 
rent enfin  en  1783.  «  Le  traité  définitif  fut  signé 
le  3  septembre  à  Versailles.  L'Angleterre  recon- 
naissait l'indépendance  des  Etats-Unis,  £;ardait  le 
Canada  et  ses  dépendances,  nous  rendait  les  pe- 
tites îles  de  Saint-Pierre  et  de  Miquelon,  sur  la 
côte  de  Terre-Neuve,  avec  le  droit  de  les  fortifier, 
mais  avec  une  transaction  commerciale  qui  accor- 
dait aux  .\nglais  le  droit  exclusif  de  pêcho  sur  la 
meilleure  côte  de  Terre-Neuve,  la  côte  orientale. 
Nous  rendions  aux  Anglais  toutes  nos  conquêtes 
des  Antilles,  excepté  Tabago.  L'Angleterre  n'avait 
là  à  nous  rendre  en  échange  que  Sainte-Lucie  ; 
mais  elle  nous  restituait  nos  places  de  llnde, 
Pondichéry  et  le  reste.  Nous  gardions  le  Sénégal, 


avec  un  arrangement  pour  le  commerce  de  la  côte 
d'Afrique.  L'Angleterre  renonçait  à  nous  inter- 
dire de  fortifier  Dunkerque.  Ce  qui  avait  pnussé 
le  ministre,  Vergennes ,  à  la  paix,  c'était  l'état 
déplorable  de  nos  finances  ;  nous  avions  dépensé 
I  4u0  millions  ;  mais  c'était  en  partie  sa  faute,  car 
il  avait  contribué  à  renverser  Necker,  qui  eût  su 
trouver  des  ressources  pour  aller  jusqu'au  bout. 
L'Angleterre  avait  dépensé  plus  du  double  de  la 
France,  2  milliards  et  demi,  et  ses  finances  n'é- 
taient pas  en  meilleur  état  que  les  nôtres.  La  paix 
faisait  peu  dhonnour  à  nos  négociateurs  ;  mais  la 
guerre  en  avait  fait  beaucoup  à  la  France,  qui  avait 
agi   d'elle-même   et  non  sous  la  pression  de  ses 

gouvernants 

«  Quant  au  résultat  moral  et  politique  de  la 
guerre,  la  fondation  de  la  grande  République  amé- 
ricaine, il  était  immense  pour  l'avenir  de  l'huma- 
nité. La  philosophie  du  dix-huitième  siècle  avait 
eu  sa  croisade  de  la  liberté,  plus  heureuse  que  les 
croisades  du  moyen  âge.  Il  n'y  a  rien  de  plus  glo- 
rieux pour  la  France  dans  toute  son  histoire,  ni  de 
plus  conforme  à  son  génie.  Les  autres  nations  ne 
font  rien  de  semblable,  et  il  ne  faut  pas  qu'elle 
s'en  repente,  quoique  personne  ne  lui  rende  ce 
qu'elle  a  fait  pour  autrui.  Elle  eût  pu  dire  comme 
Jeanne  d'Arc  à  son  départ  :  «  C'est  pour  cela  que 
«  je  suis  née.  »  fHenri  x^Iartin).         [P.  Vincent.] 

Guerre  d'Espagne.  —  Histoire  générale,  XXVI, 
XXiX  ;  Histoire  de  France,  XXXIII,  XXXIV.—  On 
appelle  ainsi  la  guerre  entreprise  par  Nipoléon  V^ 
en  180S  pour  placer  sur  le  trône  d'Espagne  son 
frère  Joseph  (V.  Charles  IV,  Ferdinand  VI [.Napo- 
léon l"\.  Après  avoir  arraché  à  Charles  IV  et  à  son 
fils  Ferdinand  leur  abdication.  Napoléon  fait  dé- 
cerner la  couronne  à  Joseph  Bonaparte  par  la 
junte  de  Madrid;  mais  en  même  temps  une  autre 
junte,  réunie  à  SéviUe,  proclame  Ferdinand  VII  et 
apnelle  les  Espagnols  aux  armes.  Une  insurrection 
du  peuple  de  Madrid  (2  mai)  avait  été  cruellemnnt 
réorimée  oar  Miirat:  mais  les  autres  villt^s  d'Es- 
pagne se  soulèvent  et  massacrent  les  partisans  de 
la  France.  La  victoire  de  Bessières  à  Rio-Seco  fli 
juillet)  ouvre  à  Joseph  le  chemin  de  Madrid. 
Presque  en  même  temps,  Dupont  met  bas  les 
armes  à  Baylen  devant  les  Espagnols  de  Castanos 
(•22  juillet),  et  l'Andalousie  est  perdue  pour  les 
Français,  qui  bientôt  doivent  reculer  partout;  le 
siège  de  Saragosse  est  levé  (14  aoùtj  ;  Junot,  me- 
nacé par  les  Anglais  de  Wellington,  évacue  le  Por- 
tugal (convention  de  Cintra,  2-.'  août).  A  peine 
entré  à  Madrid,  Joseph  a  dû  abandonner  sa  capi- 
tale et  se  retirer  à  Burgos. 

Cependant  Napoléon  est  à  Erfurt.  A  la  nouvelle 
des  revers  des  armes  françaises  dans  la  péninsule, 
il  accourt  lui-même  en  Espagne  (novembre),  et 
aussitôt  les  choses  changent  de  face.  Les  Espa- 
gnols sont  battus  à  Burgos  par  Soult,  à  Espinosa 
par  Lefebvre  et  Victor,  à  Tudela  par  Lannos,  qui 
remet  le  siège  devant  Saragosse  ;  la  victoire  de 
Somo-Sierra  \W  novembre)  achève  cette  rapide 
campagne,  et  Napoléon  entre  à  Madrid  4  décem- 
bre), où  il  accorde  une  amnistie  et  promulgue  une 
série  de  décrets  abolissant  l'inquisition  et  les 
droits  féodaux  et  supprimant  les  deux  tiers  des 
couvents.  «  Il  fait  jouu-  l'Espagne,  en  un  jour,  de 
toutes  les  conquêtes  de  la  révolution.  Mais  ses 
bienfaits  sont  ceux  d'un  étranger  armé,  et  le  pa- 
triotisme les  repou>se.  Les  moines,  menacés  dans 
leurs  privilèges,  continuent  à  entretenir  l'exalta- 
tion populaire.  » 

Croyant  avoir  conquis  et  pacifié  l'Espagne,  Napo- 
léon retourne  à  Paris,  tandis  que  Soult  bâties  An- 
glais à  la  Corogne  (19  janvier  1809)  et  les  force  à  se 
rembarquer,  et  que  Joseph  fait  à  Madrid  une  en- 
trée solennelle  (22  janvier).  Bientôt  Saragosse, 
après  une  héroïque  défense  qu'a  dirigée  Palafox, 
se  voit  contrainte  de  capituler  (21  février).  Mai» 


GUERRES 


—  942  — 


GUERRES 


malgré  les  succès  partiels  que  remportent  les 
généraux  de  Napoléon  durant  les  années  1809, 
1810  et  I8I1,  l'Espagne  reste  indomptable  et  con- 
tinue la  lutte;  la  junte  nationale,  forcée  d'évacuer 
Séville  qui  s'est  rendue  à  Soult  (1"  février  ISIO), 
se  réfugie  à  Cadix,  où  Victor  et  Soult  l'assiègent 
inutilement;  elle  y  travaille  à  la  rédaction  d'une 
constitution  libérale,  qui  est  proclamée  le  12  mars 
1.S12,  et  que  le  patriotisme  espagnol  oppose  aux 
réformes  d'importation  étrangère. 

Wellington,  venant  du  Portugal  d'où  Masséna 
n'a  pu  le  chasser,  rentre  en  Espagne  au  commen- 
cement de  1812;  il  remporte  sur  Marmont  une 
victoire  décisive  aux  Arapiles  (22  juillet  1812),  et 
occupe  Madrid.  Mais  Soult  vient  au  secours  de 
Marmont;  Wellington  bat  en  retraite,  et  Joseph 
l'out  rentrer  à  Madrid  pour  quelques  mois  encore. 
L'année  1813  devait  voir  s'écrouler  définitivement 
son  éphémère  royauté.  La  nouvelle  des  désastres 
de  la  campagne  de  Russie  redouble  l'ardeur  des 
Espagnols  et  des  Anglais  ;  Joseph,  menacé,  quitte 
Madrid  pour  n'y  plus  rentrer  (28  mai  I8ia)  ;  il  est 
battu  par  Wellington  à  Vittoria  (21  juin),  et  les 
armées  françaises  sont  rejetées  sur  les  Pyrénées. 
Les  nouveaux  revers  qu'il  vient  d'essuyer  en  Alle- 
magne décident  enfin  Napoléon  à  rendre  la  cou- 
ronne d'Espagne  à  Ferdinand  VII,  qu'il  avait  gardé 
en  captivité  et  qui  fut  remis  on  liberté  par  le  traité 
de  Valençay  (11  décembre  1813). 

Ferdinand  s'empressa  de  se  rendre  à  Madrid, 
tandis  que  les  Anglais  de  V\ellingtou,  franchissant 
la  Bidassoa,  entraient  en  France  pour  y  coopérer 
à  la  campagne  d'invasion. 

La  guerre  d'Espagne  fut  une  des  fautes  qui  con- 
tribuèrent le  plus  à  la  chute  de  Napoléon.  — 
V.  Napoléon  I". 

Guerre  d'Espagne  sous  la  Restauration.  —  On 
désigne  également  sous  le  nom  de  guerre  d'Es- 
payne  la  campagne  entreprise  en  1823  par  le 
gouvernement  de  Louis  XVIII  contre  les  libéraux 
espagnols.  A  la  suite  de  l'insurrection  de  ls2u 
(V.  Ferdinand  VII],  le  roi  d'Espagne  avait  dû  re- 
noncer au  pouvoir  absolu  et  jurer  fidélité  à  la  con- 
stitution de  1812.  Le  Congrès  des  puissances,  réuni 
à  Vérone,  décida  que  la  France  serait  chargée  de 
rétablir  en  Espagne  la  monarchie  absolue,  en  fa- 
veur de  laquelle  se  soulevait  déjà  une  partie  de  la 
population,  fanatisée  par  les  moines.  Une  armée 
française  de  11 5,000  hommes,  sous  le  commande- 
ment du  duc  d'Angoulôme,  franchit  la  Bidassoa 
(7  avril  1823),  et  entra  à  Madrid  le  23  mai  sans 
avoir  rencontré  de  résistance.  Tandis  que  Bouike 
et  Molitor  allaient  réduire  la  Galice  et  la  Catalo- 
gne, le  gros  de  l'armée  continua  sa  marche  vers 
le  sud.  Les  Certes  avaient  emmené  Ferdinand  Vil 
de  Madrid  à  Séville,  puis  à  Cadix.  Partout,  à  me- 
sure que  les  libéraux  cédaient  le  terrain,  les  par- 
tisans de  l'ancien  régime  se  livraient  à  d'atroces 
vengeances  ;  le  duc  d'Angoulôme  publia  l'ordon- 
nance d'Andujar  (8  août  is23),  pour  tenter  d'ar- 
rêter les  excès  de  la  réaction  absolutiste  ;  il  n'y  réus- 
sit pas.  Le  16  août,  l'armée  française  arrivait 
devant  Cadix,  et  le  31,  la  presqu'île  du  Trocadéro, 
qui  commande  le  port  intérieur  de  cette  ville,  fut 
enlevée  d'assaut.  Les  Cortès  alors  capitulèrent,  et 
rendirent  à  Ferdinand  VII  le  pouvoir  absolu  (28 
septembre).  Dès  qu'il  se  vit  libre,  Ferdinand,  vio- 
lant ses  promesses,  annula  tous  les  actes  des  Cer- 
tes, et  envoya  au  supplice  ou  aux  galères  les  chefs 
des  libéraux.  «Nos  soldats  revinrent  avec  la  triste 
gloire  d'avoir  remis  la  nation  espagnole  sous  le 
joug  de  moines  barbares  et  d'un  roi  inepte  et 
cruel.  »  (Lavallée.) 

Guerre  de  l'Opium.  —  Histoire  générale,  XXVI. 
—  L'empereur  de  la  Chine  ayant  interdit,  en 
1839,  l'importation  de  l'opium  dans  ses  Etats, 
l'Angleterre,  atteinte  par  cette  mesure  dans  ses 
intérêts  commerciaux,  déclara  la  guerre  à  l'empire 


chinois.  Après  trois  campagnes  successives  dans 
les  mers  de  la  Chine,  et  la  prise  de  Canton  et  de 
plusieurs  places  fortes,  les  Anglais  obligèrent  le 
Céleste-Empire  à  consentir  au  traité  de  Nankin 
(1842,,  stipulant  que  l'île  de  Hong-Kong  serait 
cédée  à  l'Angleterre,  et  que  cinq  ports  seraient 
ouverts  à  son  commerce. 

Guerre  d'Orient.  —  Histoire  générale,  XXVI; 
Histoire  de  France,  XXXVI.  —  Ce  fut  à  la  suite 
des  prétentions  de  la  Russie,  qui  réclamait  le  droit 
de  protéger  les  chrétiens  du  rite  grec  dans  la 
Turquie  d'Europe,  et  d'une  querelle  entre  les 
Latins  et  les  Grecs  au  sujet  des  Lieux  Saints,  que 
cette  guerre  éclata.  La  France  et  l'Angleterre  s'u- 
nirent pour  protéger  la  Turquie  contre  l'ambition 
russe.  Après  de  longues  négociations  diplomati- 
ques, et  lorsqu'une  flotte  turque  avait  déjà  été 
détruite  par  les  Russes  à  Sinope  (30  novembre 
I8J3),  la  déclaration  de  guerre  des  trois  puissan- 
ces alliées,  Turquie,  France  et  Angleterre,  fut 
enfin  signifiée  à  la  Russie  (27  mars  1854).  Tandis 
qu'une  armée  turque  sous  Omer-Pacha  défendait 
héroïquement  Silistrie,  la  flotte  franco-anglaise 
allait  bombarder  Odessa  (avril),  et  une  autre  flotte 
attaquait  et  prenait  Bomarsund  dans  la  mer  Balti- 
que. Mais  l'expédition  dirigée  contre  Sébastopol 
devint  bientôt  l'objet  capital  et  le  nœud  de  toute 
la  guerre.  Cinquante  mille  alliés,  sous  le  comman- 
dement du  maréchal  Saint-Arnaud  et  de  lord  Ra- 
glan, débarquent  en  Crimée  (14  septembre  1854), 
battent  une  armée  russe  à  l'Aima  (20  septembre)^ 
et  ouvrent  la  tranchée  contre  Sébastopol,  que 
défendait  l'habile  ingénieur  Totleben.  Saint-Arnaud^ 
mort  quelques  jours  après  la  victoire  de  l'Aima, 
est  remplacé  par  Canrobert,  et  après  un  combat 
resté  indécis  à  Balaclava  (".'5  octobre),  les  Russes 
sont  battus  une  seconde  fois  à  Inkermann  (5  no- 
vembre). Les  assiégeants  passèrent  l'hiver  de  1854 
à  1855  dans  leurs  tranchées,  disputant  pied  à  pied 
le  terrain  aux  Russes  qui  se  défendaient  avec  achar- 
nement. Une  armée  piémontaise  et  une  armée  tur- 
que vinrent  renforcer  les  alliés.  L'empereur  Nicolas 
étant  mort  (2  mars  1855),  des  conférences  s'ouvri- 
rent à  Vienne  pour  un  accommodement;  mais  elles 
n'aboutirent  pas.  Cependant  Pélissier  avait  rem- 
placé Canrobert  (16  mai);  une  nouvelle  victoire 
sur  les  Russes  à  la  Tchernaïa  enleva  aux  assiégés 
leur  dernier  espoir;  et  la  prise  d'assaut  de  la 
tour  Malakiifl"  (8  septembre^  ayant  rendu  la  ville 
intenable,  Sébastopol  fut  évacué  le  lendemain  par 
les  Russes.  Durant  ce  temps  la  flotte  alliée  avait 
continué  sa  campagne  dans  la  Baltique;  elle  avait 
pénétré  dans  le  golfe  de  Finlande  ,  et  menaçait 
Cronstadt  ;  la  Suède  s'était  jointe  à  la  France  et 
à  l'Angleterre  contre  la  Russie.  Alors,  grâce  à  l'in- 
tervention de  l'Autriche,  de  nouvelles  propositions 
d'arrangement  furent  mises  en  avant;  la  Russie  les 
accepta  ;  un  congrès  se  réunit  à  Paris,  et  le  23  fé- 
vrier 1B56  furent  signés  des  préliminaires  de  pais 
qui  se  transformèrent  le  30  mars  en  un  traité  dé- 
finitif. La  Turquie  fut  placée  sous  la  garantie  des 
puissances  européennes;  la  mer  Noire  fut  interdite 
aux  navires  de  guerre  de  toutes  les  nations  et  le 
Danube  rendu  accessible  à  toutes  les  marines  ;  les 
principautés  danubiennes  restèrent  sous  la  suze- 
raineté de  la  Porte.  —  V.  Napoléon  III.  Pour  la 
guerre  d'Orient  de  1S77,  V.  Turquie  et  Russie. 

Guerre  d'Italie  —  Histoire  générale,  XXVI, 
XXX  ;  Histoire  de  France,  XXXVI. —  Des  négocia- 
tions entamées  entre  le  comte  de  Cavour,  premier 
ministre  du  roi  de  Sardaigne,  et  l'empereur  Na- 
poléon III,  avaient  abouti  à  un  accord  contre 
l'Autriche,  qui  possédait  en  Italie  le  royaume 
lombard-vénitien  et  exerçait  un  protectorat  plus  ou 
moins  direct  sur  la  plupart  des  peths  princes  ita- 
liens. Un  conflit,  d'abord  purement  diplomatique, 
entre  les  deux  puissances  alliées  et  leur  adver- 
saire, éclata  au  commencement  de  1859.  La  pro- 


GUERRES 


—  943  — 


GUERRES 


position,  faite  par  la  Russie,  d'un  congrès  européen 
pour  régler  les  affaires  d'Italie,  n'aboutit  pas. 
L'Autriche  alors  envoya  au  Piémont  un  ultimatum, 
le  sommant  de  désarmer  ;  le  Piémont  s'y  étant 
refusé,  l'armée  autrichienne  passa  le  Tessin 
(2'.)  avril)  :  la  guerre  était  déclarée.  L'Europe 
restait  neutre. 

Le  3  mai,  Napoléon  III  publie  une  proclamation 
annonçant  que  le  but  de  la  guerre  est  de  rendre 
l'Italie  «  libre  des  Alpes  à  l'Adriatique  »  ;  puis  il  va 
prendre  en  personne  le  commandement  de  l'ar- 
mée française,  composée  de  quatre  corps  sous  les 
ordres  des  maréchaux  Baraguay  d'Hilliers.  Canro- 
bert,  et  des  généraux  Niel  et  Mac-Mahon.  Les 
Autrichiens,  qui  avaient  déjà  occupé  une  partie  du 
Piémont,  sont  repoussés  à  Moniebello  (20  mai), 
puis  à  Palestre  (30  mai)  ;  pendant  ce  temps,  Gari- 
baldi,  à  la  tête  de  ses  corps  francs,  entre  à  Varèse 
et  à  Côme.  Le  combat  de  Turbigo  (3  juin)  assure 
le  passage  du  Tessin  par  l'armée  française,  qui 
gagne  le  lendemain  la  bataille  de  Magenta.  Napo- 
léon III  et  Victor-Emmanuel  entrent  à  Milan  le 
8  juin  ;  le  même  jour,  le  corps  Baraguay  d'Hilliers 
remportait  la  victoire  de  Melegnano.  Les  Autri- 
chiens se  replient  de  toutes  parts.  Garibaldi  oc- 
cupe Bergame,  puis  Brescia,  où  entrent  à  leur  tour 
(18  juin)  les  deux  souverains  alliés.  L'empereur 
d'Autriche,  qui  est  venu  se  mettre  à  la  tête  de 
ses  troupes,  est  vaincu  à  Solférino  (24  juin).  Les 
alliés,  avançant  toujours,  passent  le  Mincio,  et  sont 
rejoints  par  un  nouveau  corps  français  qu'amène 
le  prince  Napoléon  et  que  renforcent  10  000  Tos- 
cans. Les  populations  de  la  Toscane,  des  duchés 
do  Parme  et  de  Modène,  des  villes  de  la  Romagne 
et  des  Légations,  se  sont  prononcées  en  faveur  de 
l'unité  italienne  sous  Victor-Emmanuel  ;  le  grand- 
duc  Ferdinand  de  Toscane,  la  duchesse  de  Parme,  le 
duc  François  de  Modène  ont  abandonné  leurs  Etats. 
Une  escadre  française  prépare  le  siège  de  Venise. 
La  Diète  germanique  s'émeut  alors;  elle  songe  à 
intervenir  en  faveur  de  l'Autriche  en  mobilisant 
les  contingents  fédéraux  sous  le  commandement 
du  prince-régent  de  Prusse.  Devant  cette  manifes- 
tation hostile.  Napoléon  III  s'arrête  ;  il  accepte  une 
suspension  d'armes  (8  juillet);  et  à  la  suite  d'une 
entrevue  avec  l'empereur  d'Autriche  à  Villafranca 
(11  juillet),  les  préliminaires  de  la  paix  sont  si- 
gnés. A  cette  nouvelle,  le  comte  de  Cavour,  mécon- 
tent, donne  sa  démission.  L'Autriche  cède  la  Lom- 
bardie  à  l'empereur  des  Français,  qui  la  transmet 
au  roi  de  Sardaigne  ;  elle  conserve  la  Vénétie.  Un 
congrès  réuni  à  Zurich  transforme  ces  préliminai- 
res en  traité  de  paix  définitif.  L'année  suivante,  Ca- 
vour revient  au  ministère  ;  des  plébiscites  sanction- 
nent l'annexion  de  la  Toscane  et  de  l'Emilie  (Parme, 
Modène,  Légations  et  Romagne)  au  royaume  de 
Sardaigne  ;  en  retour  de  cet  accroissement  de 
territoire,  Victor-Emmanuel  cède  à  la  France  Nice 
et  la  Savoie.  —  V.  Italie  et  Na/^oléon  III. 

Guerre  du  Mexitrue.  —  Histoire  générale,  XXVI, 
XXXVl;  Histoire  de  France,  XXXVI. —  Guerre  en- 
treprise en  ISGl  contre  la  République  mexicaine 
par  la  France,  l'Espagne  et  l'Angleterre.  Ces  deux 
dernières  puissances  laisseront  au  bout  de  quel- 
ques mois  la  France  poursuivre  seule  la  campagne 
commencée.  La  prise  de  Puebla  (17  mai  18G3) 
amena  la  reddition  de  Mexico,  où  un  gouverne- 
ment provisoire  fut  installé.  L'archiduc  Maximilien 
d'Autriche,  ayant  été  élu  empereur  par  une  assem- 
blée de  notables,  se  rendit  au  Mexique  en  18f;4,-et 
prit  possession  du  pouvoir.  Mais  après  le  départ 
des  troupes  françaises  en  i867,  Maximilien  ne  put 
se  maintenir  ;  vaincu  et  fait  prisonnier  par  les  ré- 
publicains, il  fut  fusillé  à  Queretaro  le  l'J  juin 
1867.  —  V.  Mexique  et  Napoléon  III. 

Guerre  de  la  Sécession.  —  Histoire  générale, 
XXXV.  —  Nom  donné  à  la  guerre  civile  qui  a 
éclaté  en  18UI,  aux  Etats-Unis,  entre  les  Etats  du 


Nord  et  les  Etats  du  Sud,  et  qui  s'est  terminée 
par  la  défaite  du  Sud  et  par  l'abolition  de  l'escla- 
vage. 

Causes.  —  Cette  guerre  civile,  la  plus  terrible 
peut-être  qui  ait  jamais  eu  lieu  et  certainement 
celle  où  les  plus  grands  efforts  aient  jamais  été 
faits,  eut  une  triple  cause  :  une  lutte  d'intérêts 
matériels,  une  lutte  d'intérêts  politiques,  une  lutte 
de  principes.  Au  moment  où  se  constitua  la  répu- 
blique des  Etats-Unis,  en  1776,  l'esclavage  y  exis- 
tait depuis  1C:20.  Quel  que  fût  leur  désir  de  voir 
disparaître  cette  iniquité,  Washington  et  Jefferson 
n'osèrent  pas  l'attaquer  en  face,  et,  en  1788,  lors 
de  la  rédaction  de  la  Constitution  de  la  République 
américaine,  pour  ne  pas  compliquer  les  affaires 
bien  embarrassées  de  leur  Etat  naissant,  ils  laissè- 
rent subsister  l'esclavage,  espérant  que  le  déve- 
loppement de  la  civilisation  sufiîrait  à  le  faire  dis- 
paraître. Loin  de  se  réaliser,  leurs  espérances 
reçurent  du  temps  le  plus  éclatant  démenti  :  en 
1790  le  nombre  des  esclaves  n'était  que  de  697,897  ; 
en  1861,  époque  de  la  guerre,  il  y  en  avait  4  mil- 
lions. 

Au  commencement  de  l'Union,  les  Etats  du  Sud 
étaient  partisans  de  l'aboliiion  de  la  traite  ;  mais  les 
rôles  ne  tardèrent  pas  à  être  renversés.  Le  dévelop- 
pement de  la  culture  du  coton,  pour  laquelle  les 
nègres  furent  d'utiles  et  peu  coûteux  auxiliaires, 
changea  leurs  sentiments,  tandis  que  les  Etats  du 
Nord,  qui  étaient  dans  des  conditions  de  climat  ne 
leur  permettant  pas  de  tirer  profit  des  esclaves,  se 
débarrassèrent  des  leurs  et  devinrent  abolitionnis- 
tes.  Cependant  les  esclaves  enrichissaient  trop  le 
Sud  producteur,  et,  par  suite,  le  Nord  commerçant^ 
pour  qu'il  y  eût  entre  eux  opposition  d'intérêts 
mercantiles.  La  division  qu'on  vit  éclater  entre 
eux  de  bonne  heure  fut  causée  par  la  jalousie  poli- 
tique, ainsi  que  par  les  sentiments  philanthropiques 
dont,  en  1831,  Garrison  se  fit  l'écho  dans  son  jour- 
nal le  Libérateur.  La  jalousie  politique  des  Etats 
du  Nord  avait  sa  source  dans  1  article  de  la  consti- 
tution portant  que,  dans  le  calcul  du  chiffre  de  la 
population,  servant  de  base  pour  déterminer  le 
nombre  de  députés  que  chaque  Etat  aurait  le 
droit  d'envoyer  au  congrès,  il  serait  tenu  compte 
des  esclaves,  dans  la  proportion  de  cinq  à  trois, 
c'est-à-dire  que  cinq  noirs  seraient  comptés  comme 
trois  blancs.  De  là,  pour  le  Sud,  le  désir  d'aug- 
menter ses  esclaves  en  même  temps  que  celui 
de  voir  s'augmenter  le  nombre  des  Etats  escla- 
vagistes, seul  moyen  de  garder  ou  de  conquérir 
la  pi'épondérance  dans  le  congrès,  et  pour  le  Nord 
un  désir  absolument  contraire.  Plus  d'une  fois,  la 
lutte  armée  fut  près  de  s'engager,  mais  les  politi- 
ques des  deux  fractions  hostiles  parvenaient  tou- 
jours à  amener  des  compromis.  C'est  à  la  suite  de 
l'un  d'eux  (le  compromis  du  Missouri)  que  fut  tracée 
la  fameuse  ligne  M/ison  et  Dixon,  ligne  qui  suivait 
le  06°  30'  de  latitude,  et  au  nord  de  laquelle  l'es- 
clavage était  interdit.  L'apaisement  causé  par  ces 
compromis  n'était  jamais  de  lonpue  durée,  et  la 
lutte  d'influences  se  ravivait  à,  chaque  annexion 
d'Etats  nouveaux,  esclavagistes  ou  non.  A  partir  de 
l'annexion  de  la  Californie,  en  1850,  la  division 
alla  s'accentuant  chaque  année.  Un  généreux  abo- 
litioiiniste,  John  Brown,  appela  les  esclaves  à  la 
liberté  et  s'empara  de  l'arsenal  de  Harper's  Ferry  ; 
mais  il  fut  pris  et  pendu  le  2  décembre  is.so.  En 
même  temps  l'Union  était  inondée  de  publications 
de  toutes  sortes  pour  et  contre  l'esclavage.  Le  fa- 
meux livre  de  madame  H.  Beecher-Stowe,  la  Case 
de  l'oncle  Tom,  qui  plaidait  la  cause  de  la  liberté 
des  nègres  avec  une  si  généreuse  éloquence,  était 
dans  toutes  les  mains.  Le  Sud,  qui,  en  1856,  était 
parvenu  à  faire  élire  un  président  esclavagiste, 
Buchanan,  comprit  que  la  victoire  resterait  au  Nord, 
si  aux  élections  de  1860  il  ne  réussissait  pas  à  faire 
élire  encore  un  président  à  son  gré.  La  lutte  s'en- 


GUERRES 


—  944  — 


GUERRES 


gagea  entre  deux  candidats  :  Beckinridge,  esclava- 
{iiste  passionné,  (|ui  voulait  faire  accorder  au  Sud 
de  nouveaux  privilèges,  et  l'illustre  Lincoln,  dont 
le  programme  était  l'émancipation  progressive  des 
esclaves  américains. 

Lincoln  l'emporta  au  vote  du  6  novembre  18G0. 

Le  prétexte  que  le  Sud  cherchait  pour  rompre 
•était  enfin  trouvé.  Menacé  dans  ses  intérêts  maté- 
riels par  l'abolition  de  l'esclavage,  qu'il  crut  eu 
feignit  de  croire  imminente  ;  atteint  dans  son  in- 
fluence politique  ;  blessé  dans  le  principe  qu'il 
soutenait,  que  le  nègre  est  de  race  inférieure  et 
doit  être  soumis  au  blanc,  il  se  sépara  de  l'Lniun. 
Le  20  décembre  1860,  la  Caroline  du  Sud  vota 
y  acte  de  sécession,  et  fut  bientôt  suivie  par  tous 
les  autres  Etats  du  Sud,  qui,  le  i  février  18G1,  un 
mois  avant  l'entrée  en  fonctions  de  Lincoln,  se 
constituèrent  en  nation  indépendante  sous  le  nom 
û'Etats  Lonfédérés  d' Amérique,  avec  Jefferson  Da- 
tIs  pour  président  et  Bichmond  pour  capitale.  A 
l'exception  des  forts  de  Charleston,  les  sécession- 
nistes saisirent  tous  les  forts,  arsenaux,  propriétés 
fédérales,  situés  dans  leurs  limites.  Toutefois  une 
tentative  de  compromis  fut  faite.  Elle  échoua,  et  la 
guerre  commença  le  12  avril  ISGI-  Le  premier 
coup  de  canon  fut  tiré  par  le  Sud  sur  le  fort  Sum- 
ter  à  Charleston. 

La  guerre.  —  Jamais  le  monde  n'avait  vu  de 
guerre  civile  ayant  de  telles  proportions  et  n'avait 
assisté  à  un  tel  déploiement  de  forces.  Il  vint  à 
chaque  parti,  mais  principalement  au  Nord,  qui, 
aux  yeux  des  peuples  civilisés,  représentait  la 
cause  de  la  justice  et  de  l'humanité,  des  auxiliai- 
res de  toutes  les  nations.  D'avril  ls61  au  com- 
mencement de  IS64,  la  lutte  fut  soutenue  de  l'une 
et  de  l'autre  pai-t  avec  une  égale  énergie  et  des 
succès  équivalents.  Tout  l'héroïsme  possible  fut 
déployé  ;  tout  ce  que  la  science  met  à  la  disposi- 
tion de  la  gueri'e  fut  employé  ;  tout  ce  que  For  per- 
met d'acheier,  hommes,  armes,  consciences  mêmes, 
fut  acheté.  Le  monde  entier,  spectateur  stupéfait 
de  tant  d'efforts,  assistait  épouvanté  à  cette  lutte 
sans  précédent  et  dans  laquelle  aucun  sacrifice 
n'était  épargné.  Pendant  l'année  l^(;l,  les  confé- 
dérés du  Sud,  sous  la  conduite  des  généraux 
Beauregard  et  Johnstone,  gardèrent  l'offensive; 
ils  s'avancèrent  jusqu'au  Potomac  et  menacèrent 
la  capitale  fédérale  par  la  victoire  de  BuH's-Run. 
L'année  suivante  fut  plus  heureuse  pour  le  Xord  : 
le  général  Graut  dégagea  la  ligne  du  Jlississipi 
jusqu'à  la  Nouvelle-Orléans,  pendant  que  ilac- 
Clellan  reprenait  l'offensive  dans  les  Carolines  par 
les  victoires  de  Williaraburg.  de  Fair-Oaks,  de 
Beaver-Dam,  de  Gain-Hill  ;  puis,  menacé  par  la 
marche  rapide  des  confédérés  sur  la  ligne  du 
Rappahannock,  il  se  porta  en  arrière  et  couvrit  la 
ville  de  Washington,  par  la  grande  victoire  de 
South-Mountain,  remportée  sur  le  général  Lee. 
Son  attitude  parut  pourtant  suspecte,  et  il  fut  des- 
titué et  remplacé  par  le  général  Burnside.  qui  fut 
-vaincu  par  Lee  le  13  décembre  h.  Frédéricksburg. 
En  laG3,  le  "J  janvier,  les  fédéraux  sous  le  général  Ro- 
sencrantz  furent  vainqueurs  à  leur  tour,  et  le  prési- 
dent Lincoln  profita  de  ce  succès  pour  faire  décré- 
ter par  le  conj!rès  l'abolition  de  l'esclavage.  Alors  la 
lutte  devint  plus  vive,  et  toute  l'année  est  remplie 
par  de  grandes  batailles,  tantôt  au  profit  du  Nord, 
tantôt  à  celui  du  Sud,  dont  les  plus  célèbres  sont 
celles  de  Chancellorsville  2  mai)  gagnée  par  Lee 
sur  Hooker, et  celle  de  Gettysburg  { 1",  '.'et  3  juil- 
let) gagnée  par  Meade  sur  Lee,  qui  est  obligé  de 
repasser  le  Potomac. 

Chaque  parti,  successivement  vainqueur  et 
"vaincu,  avait  vu  de  nombreuses  armées  dispa- 
raître dans  la  lutte  ;  et  pourtant,  au  3  '  mai  l^Gt, 
les  partis  occupaient  les  mômes  positions  qu'au 
début  de  la  guerre,  et  il  était  difficile  de  savoir 
encore  qui  des  deux  l'emporterait. 


A  cette  époque  les  armées  rivales  étaient  réci- 
proquement commandées  par  deux  généraux  égale- 
ment remarquables  par  leurs  capacités  et  par  leur 
ténacité,  et, jusque-là,  tous  deux  presque  constam- 
ment heureux  dans  leurs  expéditions  :  Grant  pour 
le  Nord,  Lee  pour  le  Sud.  Grant  avait  pour  lieu- 
tenants Sherman  et  Sheridan  ;  Lee  avait  Johnson 
et  En!-:y,  tous  également  habiles  et  dévoués  à  la 
cause  à  laquelle  ils  appartenair:;nt.  L'objectif  de 
Grant,  qui  voulait  terminer  la  guerre  par  un  grand 
coup,  était  la  prise  de  Bichmond,  capitale  des 
confédérés,  défendue  par  Lee  lui-même.  Une  im- 
pétueuse attaque  tentée  le  17  juin  par  Grant  ayant 
échoué,  il  commença  résolument  le  siège.  L'atta- 
que et  la  défense  furent  conduites  avec  une  habi- 
leté et  un  héroïsme  égaux  de  part  et  d'autre.  Des 
prodiges  de  valeur  furent  faits  par  Lee  et  son  ar- 
mée; ils  éc]iou'"'rent  contre  la  ténacité  de  Grant, 
qui  ne  reculait  jamais  d'une  semelle,  et  resserrait 
son  adversaire  dans  un  cercle  de  fer,  tout  en  atten- 
dant avec  patience  et  confiance  l'exécution  du  plan 
de  campagne  qu'il  avait  confié  à  ses  lieutenants. 

Cette  confiance  de  Grant  était  aussi  partagée 
par  Lincoln,  qui,  en  novembre  18G4,  paraissait  si 
parfaitement  en  état  de  maîtriser  la  situation,  que 
le  peuple  n'hésita  point  à  le  nommer  pour  la  se- 
conde fois  président  des  Etats-Unis.  Cette  réélec- 
tion imprima  à  la  guerre  une  nouvelle  ardeur. 

Sherman  et  Sheridan  opéraient  l'un  dans  le  Sud, 
l'autre  dans  le  Nord  :  s'ils  arrivaient  à  rejoindre 
Grant  sous  les  murs  de  Bichmond,  c'en  était  fait 
de  la  cause  du  Sud.  Les  lieutenants  se  montrèrent 
dignes  de  leur  général.  Sherman,  qui  occupait 
Atlanta  en  Géorgie,  à  plus  de  160  kilomètres  de 
Giant,  bien  qu'il  fût  tout  à  fait  en  pays  hostile,  at- 
teignit le  rivage  de  l'Atlantique  le  I6  décembre. 
De  là,  appuyé  sur  la  flotte  fédérale,  il  marcha  sur 
Savannah,  dont  il  chassa  le  général  Hardee  et  qu'il 
occupa  le  "21.  L'éva»uation  de  Savannah  par  les 
Sudistes  fut  suivie  de  celle  de  Charleston,  de  Wil- 
mington  et  de  Mobile.  Au  mois  de  janvier  18G5, 
Sherman  reprit  sa  course  en  avant,  et  battant  tous 
les  jours  Johnson,  notamment  à  Kinslon  10  mars), 
à  Averysboro  (lu),  et  à  Goldsboro  (21),  il  arrivait  à 
donner  la  main  à  son  général  en  chef.  Sheridan,  de 
son  côté,  n'était  pas  moins  heureux  :  après  de 
nombreux  combats,  dans  lesquels  il  avait  anéanti 
l'armée  d'Early,  il  rejoignait  les  deux  généraux  du 
Nord.  Toutes  les  forces  des  fédéraux  étant  réunies, 
le  nioment  était  venu  de  frapper  un  grand  coup. 

Le  l"^  avril,  Bichmond  fut  attaqué  de  tous  les 
côtés  à  la  f  )is.  Malgré  son  habileté  et  son  incroya- 
ble énergie,  Lee  ne  put  résister.  En  deux  jours,  il 
perdit  15,000  hommes  et  fut  obligé  d'évacuer  la 
ville  le  3  avril.  Poursuivi  vigoureusement,  il  soutint 
encore  un  combat,  le  6,  à  Farmville,  dans  lequel 
le  général  Evvell  se  sacrifia  pour  le  salut  général. 
Ce  sacrifice  fut  inutile,  car  Lee  n'en  fut  pas  moins 
obligé  de  capituler  le  y  avril. 

La  prise  de  Bichmond  amena  la  dissolution  du 
parti  du  Sud,  beaucoup  plus  promptement  qu'on 
n<^  l'eût  cru,  après  les  efforts  qu'il  avait  faits. 
Lincoln,  qui  se  proposait  d'user  modérément  de  la 
victoire,  ne  put  jouir  du  triomphe  de  son  parti. 
(;omme  s'il  fallait  un  martyr  à  toute  grande  cause, 
il  fut  assassiné,  le  14  avril,  par  Booth,  en  même 
temps  que  M.  Seward,  son  premier  ministre,  était 
grièvement  blessé  par  Payne,  un  autre  assassin. 
Ce  fut  le  vice-président  Andrew  Johnson  qui  prit 
les  rênes  du  gouvernement,  et  eut  la  gloire  de 
finir  la  guerre  et  d'organiser  la  paix.  Peu  de  jours 
après  son  installation,  le  dernier  général  du  Sud, 
Johnson,  était  oblisé  de  capituler  aussi,  et,  le  10  mai, 
Jefferson  Davis,  président  des  confédérés,  était  cap- 
turé avec  sa  famille  et  envoyé  prisonnier  à  la  for- 
teresse Monroë. 

Ainsi  finit  cette  guerre  civile,  dans  laquelle  péri- 
rent plus  de  500,000  hommes,  dont  plus  de  300,0u0 


GUILLAUME 


—  945  — 


GUILLAUME 


pour  le  Nord  et  200,000  pour  le  Sud,  et  où  furent 
dépensés  plus  de  20  milliards.  Mais  la  cause  de 
l'humanité  était  définitivement  gagnée,  en  même 
temps  que  la  puissante  République  américaine  re- 
constituée. Les  sacrifices  qu'elle  avait  faits  pour 
supprimer  l'esclavage  étaient  immenses  ;  mais  sa 
vitalité  est  telle  qu'il  n'y  paraît  pas  aujourd'hui. 
Eiie  a  réparé  ses  pertes,  recouvré  ses  forces,  ré- 
tabli son  unité  et  repris  sa  marche  ascendante 
à  l'admiration  du  monde.  On  ne  se  souvient 
plus,  si  ce  n'est  pour  l'admirer,  de  la  plus  éton- 
nante lutte  de  l'histoire;  on  n'en  considère  plus 
que  les  résultats  :  l'affranchissement  de  toute  une 
race  d'hommes  et  le  triomphe  d'un  principe  sacré. 

[P.  Vincent.] 

GUILLAUME.  —  Nom  de  plusieurs  princes 
dont  quelques-uns  ont  joué  un  rôle  important  dans 
l'histoire  d'Angleterre  et  dans  celle  des  Pays-Bas. 
Les  notices  que  nous  consacrons  aux  principaux 
d'entte  eux  sont  rangées  par  ordre  chronologi- 
que. 

Guillaume  le  Conquérant.  —  Histoire  générale, 
XVIII,  .XXVIII;  Histoire  de  France,  Vlll.  —  Sep- 
tième duc  de  Normandie,  puis  roi  d'Angle- 
terre, fils  naturel  du  duc  Robert  le  Diable,  naquit 
à  Falaise  en  1027  et  mourut  à  Rouen  en  1087. 
Bien  que  fils  naturel,  il  fut  élevé  comme  un 
fils  légitime,  et  son  père,  mort  en  Terre-Sainte  en 
1034,  le  désigna  pour  son  successeur.  Les  barons 
normands,  alléguant  son  illégitimité,  se  révoltèrent 
en  1035,  et  pendant  toute  sa  minorité  ensanglan- 
tèrent la  Normandie.  Il  fut  soutenu  contre  ses 
vassaux  par  Henri  1",  roi  de  France,  son  suzerain, 
et  à  l'âge  de  vingt  ans  il  remporta  sur  Guy  de 
Bourgogne,  son  compétiteur,  la  victoire  du  Val-des- 
Dunes  (10 1 7),  qui  l'affermit  sur  le  trône  ducal.  Il  eut 
encore  à  lutter  contre  ses  propres  parents  qui 
conspirèrent  contre  lui  ;  mais  il  en  triompha.  Son 
suzerain  lui-même,  jaloux  de  sa  puissance  crois- 
sante, vint  aussi  l'attaquer  en  Normandie  avec  une 
forte  armée.  II  gagna  sur  le  roi  la  bataille  de  Mor- 
timer  (1U54)  et  celle  de  la  vallée  d'Ange  (1058), 
et  le  contraignit  à  faire  la  paix. 

Guillaume  avait  de  trop  grandes  capacités  et 
une  trop  grande  ambition  pour  rester  dans  ses 
limites.  A  peine  était-il  débarrassé  du  roi,  qu'il 
inquiétait  ses  voisins  et  agrandissait  ses  posses- 
sions aux  dépens  du  comte  d'Anjou  et  du  duc  de 
Bretagne.  Il  allait  même  poursuivre  la  conquête 
de  cette  dernière  province,  quand  une  occasion 
ouvrit  à  son  ambition  un  champ  plus  vaste  et  lui 
fit  entreprendre  la  conquête  de  l'Angleterre. 

Edouard  le  Confesseur,  roi  d'Angleterre,  était 
son  cousin  et  son  ami.  Ce  prince,  chassé  de  son 
trône  par  les  Danois  dans  sa  jeunesse,  avait  été 
élevé  en  Normandie.  Redevenu  roi,  il  reçut  chez  lui 
son  cousin,  en  1051,  et  lui  promit  son  héritage; 
mais  à  sa  mort  (10G5),  il  ne  tint  pas  sa  promesse 
et,  poussé  par  si  s  snjets,  laissa  sa  couronne  à 
Harold,  grand  chef  saxon.  Cet  Harold,  venu  en 
Normandie  quoique  temps  avant,  avait  été  con- 
traint par  Guillaume  de  jurer  sur  de  saintes  reli- 
ques qu'il  l'aiderait  à  devenir  roi  d'Angleterre.  Dès 
que  Harold  fut  proclamé  roi,  Guillaume  lui  rap- 
pela son  serment.  «  'ai  juré,  répondit  Harold, 
mais  ce  que  j'ai  promis  ne  m'appartenait  pas,  car 
ma  royauté  n'est  point  à  moi,  et  je  ne  puis  m'en 
démettre  sans  l'aveu  du  pays.  »  Guillaume  le 
traita  d'usurpateur  et  de  sacrilège,  et  en  appela 
au  pape  Alexandre  II  et  à  toute  la  chrétienté.  Le 
pape  1  appuya  d'une  bulle,  et  lui  envoya  un  che- 
veu de  saint  Pierre  enchâssé  dans  une  bague  et 
une  bannière  portant  l'image  de  l'apôtre.  Guil- 
laume, dans  une  assemblée  générale,  sorte  de  ma- 
nifestation du  suffrage  universel,  obtint  l'appui  de 
tous  ses  sujets.  Il  fit  ensuite  appel  à  tous  les 
aventuriers  de  France  et  d'ailleurs,  nobles  ou  rotu- 
riers,  promettant  à  chacun   tout  ce  qu'il  deman- 

2»  Partie. 


dait  pour  le  suivre  en  Angleterre.  Il  lui  vint  des 
soldats  de  toutes  parts.  Il  aima  une  flotte  et  débar- 
qua en  Angleterre.  Harold  accourut  à  sa  rencon- 
tre (1066),  et  fut  vaincu  et  tué  à  la  bataille  de 
Hastings.  Quelques  jours  après  Guillaume  entrait 
à  Londres  et  se  faisait  couronner  à  Westminster, 
le  jour  de  Noël.  Modéré  d'abord,  il  ne  donna  à  ses 
compagnons  que  les  domaines  royaux  et  ceux 
des  Saxons  tués  à  Hastings;  n^ais  en  butte  aux 
continuelles  révoltes  des  Anglo-Saxons,  il  ne  re- 
cula devant  aucun  moyen  pour  assurer  sa  con- 
quête. S'étant  fait  reconnaître  en  principe  seul 
propriétaire  du  sol,  il  dépouilla  presque  tous  les 
vaincus,  pour  lesquels  il  fut  sans  pitié,  et  dis- 
tribua leurs  terres  k  ses  compagnons,  dont  il 
forma  une  aristocratie  féodale,  parfaitement  orga- 
nisée, au-dessous  de  laquelle  il  mit  tous  les  Anglo- 
Saxons,  nobles  et  non  nobles.  Il  ne  jouit  pas  pai- 
siblement de  sa  victoire.  Il  fut  obligé,  en  1072,  de 
lutter  contre  le  roi  d'Ecosse,  qu'il  contraignit  à  lui 
rendre  le  service  féodal;  puis  de  repousser  les 
attaques  des  Danois,  et  de  combattre  plusieurs 
fois  les  révoltes  de  son  fils  aîné  Robert,  à  qui  il 
avait  confié  le  gouvernement  de  la  Normandie. 
Ses  dernières  années  furent  remplies  par  des  luttes 
domestiques  au  milieu  desquelles  il  montra  une 
modération  et  une  indulgence  qu'on  n'eût  guère 
attendues  de  son  caractère  emporté  et  cruel. 
Enfin,  en  1087,  irrité  d'une  plaisanterie  du  roi 
de  France,  il  lui  déclara  la  guerre  :  il  fut  blessé  au 
sac  de  Mantes  et  transporté  à  Rouen,  où  il  mourut 
presque  abandonné  des  siens,  obsédé  par  le  sou- 
venir de  ses  crimes. 

Les  conséquences  de  la  conquête  de  l'Angle- 
terre furent  bien  funestes  à  la  France,  dont  le  roi 
eut  dès  lors  un  vassal  plus  puissant  que  lui.  Elle 
fut  l'origine  de  la  longue  rivalité  des  deux  pays, 
qui  devait  aboutir  à  la  guerre  de  Cent  ans.  L'An- 
gleterre, au  contraire,  si  grands  qu'aient  été 
les  maux  qu'elle  eut  à  supporter  tout  d'abord,  y 
profita.  Guillaume  fonda  dans  ce  pays  un  pouvoir 
royal  plus  fort  que  partout  ailleurs,  une  organisation 
politique  plus  régulière;  il  établit  une  meilleure 
administration  delà  justice  et  des  charges  publiques, 
et  adoucit  ainsi  la  situation  des  classes  inférieu- 
res ;  par  l'extension  de  la  marine  et  des  forces 
militaires,  il  donna  à  l'Angleterre  une  importance 
beaucoup  plus  grande  parmi  les  nations  de  l'Eu- 
rope. Enfin,  conséquence  qu'il  n'avait  pas  prévue 
sans  doute,  les  seigneurs  normands,  obligés  de  se 
serrer  autour  de  lui  et  de  s'appuyer  les  uns  sur 
les  autres  pour  le  salut  commun,  ne  s'isolèrent 
pas,  comme  le  faisaient  les  nobles  en  France  et 
ailleurs,  pour  vivre  en  petits  rois  dans  leurs  domai- 
nes. Ils  s'habituèrent  à  s'entr'aider  et  à  traiter  en- 
semble de  leurs  affaires  d'intérêt  général,  préparant 
ainsi  l'Angleterre  au  gouvernement  représentatif, 
qui  a  fait  sa  force  dans  les  temps  modernes  et  que 
les  autres  nations  lui  ont  plus  ou  moins  emprunté. 
[P.   Vincent.] 

Guillaume  II  le  Roux.  —  Histoire  générale, 
X'*  III,  XXVni.  —  Fils  de  Guillaume  le  Conqué- 
rant, il  succéda  à  son  père  comme  roi  d'Angle- 
terre en  1087,  et  s'empara  en  outre  du  duché  de 
Normandie,  que  possédait  son  frère  Robert,  pen- 
dant que  ce  dernier  était  à  la  croisade.  Ce  fut  un 
prince  violent  et  détesté  de  ses  sujets.  Il  fut  tué 
à  la  chasse  par  accident,  en  1100. 

GuUlaume  de  Nassau-Orange,  dit  le  Taci- 
turne. -  Histoire  générale,  X.MI,  XXXI.  —  Né 
en  l.i3-i;  fils  du  comte  de  Nassau  Guillaume  le 
\ieux;  devenu  prince  d'Orange  en  154i  par  la 
mort  de  son  cousin  René  de  Nassau-Orange,  qui 
l'avait  institué  son  héritier.  A  la  mort  de  son  père 
(155i)),  il  reçut  du  roi  d  Espagne  la  charge  de  stat- 
lioiuler  (lieutenant  du  souverain)  pour  les  pro- 
vinces de  Hollande,  de  Zélande  et  d'Utrecht.  Lors- 
qu'cclatèrent  les  troubles  religieux  des  Pays-Bas 

60 


GUILLAUME 


—  94t5  — 


GUSTAVE 


il  essaya,  de  concert  avec  les  comtes  d'Egmont  et 
de  Horn,  de  s'interposer  entre  Philippe  II  et  les 
mécontents;  mais  lorsqu'il  apprit  la  nomination 
du  duc  d'Albe  comme  gouverneur  (ISCI),  il  se  re- 
tira prudemment  en  Allemagne,  tandis  qu'Egmonl 
et  Horn  montaient  sur  l'échafaud,  et  que  le  gou- 
vernement espagnol  essayait  par  les  supplices  et 
les  confiscations  d'extirper  l'hérésie  des  provinces 
flamandes.  De  hardis  insurgés,  les  queux,  bravèrent 
toutes  les  forces  du  duc  d'Albe.  Sur  le  conseil  de 
Coligny,  le  roi  de  France  Charles  IX  crut  devoir  ap- 
puyer la  révolte  ;  il  envoya  des  secours  en  argent  à 
Guillaume  de  Nassau,  qui  avait  embrassé  ouverte- 
ment le  protestantisme.  Avec  l'argent  de  Charles 
IX,  Guillaume  leva  une  armée  en  Allemagne,  ren- 
tra dans  les  Pays-Bas,  et  commença  la  guerre 
contre  les  Espagnols  (1.^7  2).  Aussitôt  toutes  les 
provinces  du  nord,  qui  n'attendaient  qu'un  signal, 
se  soulevèrent,  et  choisirent  Guillaume  pour  leur 
chef.  La  lutte  fut  longue  ;  Philippe  II,  voyant  que 
le  duc  d'Albe  avait  échoué,  confia  successivement 
le  gouvernement  des  Pays-Bas  à  don  Louis  de 
Requesens,  à  don  Juan  d'Autriche,  à  Alexandre 
Farnèse.  Aucun  de  ces  gouverneurs  ne  réussit  à 
triompher  de  l'énergique  résistance  de  Guillaume, 
que  nul  revers  ne  pouvait  abattre,  et  qui  montrait 
les  talents  d'un  grand  capitaine  et  d'un  politique 
consommé.  On  annonçait  devant  le  cardinal  Gran- 
velle,  ancien  ministre  de  Philippe  II  aux  Pays-Bas, 
que  le  duc  d'Albe  avait  détruit  l'armée  du  comte 
de  Nassau  :  «  Le  Taciturne  est-il  pris  ?  demanda 
le  cardinal.  —  Non.  —  Eh  bien,  le  duc  d'Albe  n"a 
rien  fait.  »  Un  moment,  on  put  croire  que  les  dix- 
sept  provinces  qui  formaient  les  Pays-Bas  échap- 
peraient toutes  à  la  domination  espagnole  (union 
de  Gand,  157C)  ;  mais  Alexandre  Farnèse  réussit, 
par  son  habileté,  à  obtenir  la  soumission  des  pro- 
vinces du  midi.  Alors  les  sept  provinces  du  nord 
se  constituèrent  à  part  en  république  fédéralive, 
par  l'union  d'Utrecht  (1579),  et  choisirent  Guil- 
laume d'Orange  pour  leur  statliouder.  En  1581, 
elles  se  déclarèrent  indépendantes  de  la  couronne 
d^Espagne. 

Philippe  II,  outré  de  voir  les  Sept  Provinces-Unies 
échapper  à  sa  domination,  avait  mis  à  prix  la  tête 
de  Guillaume  de  Nassau,  qu'un  fanatique  assassina 
àDelft  (1584).  Mais,  malgré  la  perte  de  son  chef,  la 
nouvelle  république  continua  à  maintenir  son  indé- 
pendance, que  l'Espagne  fut  enfin  obligée  de  re- 
connaître au  traité  de  Westphalie. 

Guillauiue  de  Nassau-Orange  ou  Guillaume  III 
d'Angleterre. —  Histoire  générale,  XXIV,  XXVIll, 
XXXI.  —  Arrière-petit-fils  de  Guillaume  le  Taci- 
turne, né  en  1650.  Le  stathoudérat  avait  été  aboli 
dans  les  Provinces-Unies  cette  même  année,  et  le 
pouvoir  exécutif  confié  à  des  magistrats  nommés 
grands  pensionnaires.  Lorsque  Louis  XIV  déclara  la 
guerre  aux  Provinces-Unies  et  envahit  leur  territoire 
(1672),  le  grand-pensionnaire  de  Hollande,  Jean 
de  Witt,  accusé  de  trahison,  fut  assassiné  par  les 
partisans  de  la  maison  d  Orange,  et  le  jeune  Guil- 
laume de  Nassau  fut  proclamé  stathouder.  La  si- 
tuation des  Sept-Provinces  semblait  désespérée; 
elles  durent  leur  salut  à  l'énergie  du  chef  entre 
les  mains  duquel  elles  venaient  de  remettre  leurs 
destinées  (V.  au  mot  Guerres  l'article  Guerre  de 
Hollande).  A  partir  de  ce  moment,  Guillaume  d'O- 
range fut  le  plus  constant  et  le  plus  redoutable 
adversaire  de  Louis  XIV,  contre  lequel  il  organisa 
en  l68H  la  ligue  d'Augsbonrg.  Guillaume  avait 
épousé  Marie,  fille  de  Jacques  II,  roi  d'Angleterre. 
Ce  dernier  ayant  irrité  ses  sujets  par  ses  préten- 
tions au  pouvoir  absolu  et  son  dessein  de  rétablir 
le  catholicisme,  les  mécontents  offrirent  la  cou- 
ronne à  son  gendre  :  Guillaume  d'Orange  débartiua 
en  Angleterre  à  la  tête  de  15,000  hommes  (1US>), 
et  entra  h  Londres  sans  coup  férir,  pendant  que 
Jacques  II  s'enfuyait  en  France.  Le  stathouder  des 


Provinces-Unies  fut  alors  proclamé  roi  d'Angleterre 
sous  le  nom  de  Guillaume  III.  La  révolution  de  10^8 
consacra  le  triomphe  de  la  monarchie  constitu- 
tionnelle, c'est-à-dire  le  gouvernement  du  pays 
par  le  Parlement.  En  môme  temps,  l'Angleterre 
adhérait  à  la  ligue  d'Augsbourg,  et  la  guerre  do 
la  coalition  européenne  contre  la  France  commen- 
çait (V.  au  mot  Guen'es  l'article  Guerre  de  la 
liyue  d' Augsboiirg) .  La  paix  de  Ryswick  (1G97)  in- 
terrompit la  lutte,  qui  fut  reprise  quelques  années 
plus  tard  à  l'occasion  de  la  succession  d'Espagne. 
Guillaume  III  ne  vit  que  le  début  de  cette  nou- 
velle guerre  :  il  mourut  en  1702,  laissant  la  cou- 
ronne d'Angleterre  à  sa  belle-sœur  Anne  Stuart. 
Comme  il  n'avait  pas  d'héritier,  le  stathoudérat  fut 
aboli  à  sa  mort  dans  les  Provinces-Unies  (pour 
être  rétabli  en  1747).  —  V.  Aiigleterre  et  Pays- 
Bas. 

Guillaume  IV.  —  Histoire  générale,  XXVI, 
XXVIII,  —  roi  d'Angleterre,  de  la  maison  de  Ha- 
novre, était  le  troisième  fils  de  Georges  III  et  le 
frère  de  Georges  IV.  Il  monta  sur  le  trône  en 
1830,  à  l'âge  de  soixante-cinq  ans.  Pendant  les  sept 
années  de  son  règne,  le  parti  whig  occupa  presque 
constamment  le  pouvoir.  Les  principaux  faits  à 
signaler  durant  cette  période  sont  l'adoption  du 
premier  bill  de  réforme  électorale,  proposé  par 
lord  John  Russell  (1832),  et  l'agitation,  restée  d'ail- 
leurs sans  résultat,  entreprise  par  le  patriote  irlan- 
dais O'Connell  pour  obtenir  le  rappel  de  1  acte 
unissant  l'Irlande  à  l'Angleterre.  Guillaume  IV, 
mort  en  1837,  a  laissé  la  couronne  à  sa  nièce  Vic- 
toria. 

GUISES.  —  Histoire  de  France,  XVII-XX.  — 
Famille  princière  qui  prétendait  descendre  de 
Charlemagne,  et  qui  a  joué  un  grand  rôle  dans 
les  guerres  de  religion  du  seizième  siècle.  La  tige 
de  la  famille  fut  Claude  de  Lorraine,  troisième  fils 
du  duc  René  de  Lorraine.  Claude  fut  créé  duc  de 
Guise  par  François  1"  en  1528.  Il  eut  de  nombreux 
enfants,  dont  les  plus  connus  sont  François  de 
Guise,  tué  au  siège  d'Orléans  en  1563;  Charles, 
cardinal  de  Lorraine;  Claude,  duc  d'Aumale; 
Marie,  qui  épousa  Jacques  V,  roi  d'Ecosse,  et  fut 
la  mère  de  Marie  Stuart.  François  fut  le  père  de 
Henri  de  Guise,  dit  le  Balafré,  chef  de  la  Sainte- 
Ligue,  et  du  cardinal  Louis  de  Guise  ou  de  Lor- 
raine, assassinés  tous  deux  à  Blois  (1588)  ;  un  autre 
fils  de  François,  Charles,  duc  de  Mayenne,  succéda 
à  son  frère  Henri  comme  chef  des  ligueurs,  et  coiu- 
baitit  contre  Henri  de  Navarre.  Le  fils  de  Claude 
d'Aumale,  Charles  d'Aumale,  fut  nommé  gouver- 
neur de  Paris  par  les  Seize  (1589).  Il  fut  question 
un  moment  de  placer  sur  le  trône  de  France  le  fils 
aîné  du  Balafré ,  le  jeune  Charles  de  Guise, 
qui  aurait  épousé  la  fille  du  roi  d'Espagne  Phi- 
lippe H; mais  les  ligueurs  ne  purent  s'entendre 
entre  eux  ni  avec  l'Espagne  (Etats  de  la  Ligue, 
1593).  La  famille  des  ducs  de  Guise  s'est  éteinte 
en  1675. 

GUSTAVE.  —  Nom  de  quatre  souverains  de  la 
Suède,  dont  les  trois  premiers  ont  eu  un  règne 
marqué  par  des  événements  importants.  Nous  leur 
consacrons  ci-dessous  une  courte  notice,  en  com- 
plément de  l'article  historique  général  qu'on  trou- 
vera au  mot  Sc'tndinaves  (Et  its). 

Gustave  I"  "Wasa. —  Histoire  générale,  XXII, 
XXXIII.  —  Le  roi  de  Danemark  Christian  II  s'était 
emparé  en  1520  de  la  Suède,  que  régissaient  à  cette 
époque  des  ahriinistr-iteui s  dont  le  dernier  fut 
Stenon-Sture  le  Jeune  (tué  à  la  bataille  de  Bogesund). 
Dès  1518,  Christian  s'était  fait  remettre  six  otages 
choisis  dans  les  princiiiales  familles  suédoises. 
Gustave  Wasa,  qui  était  l'un  d'eux,  réussit  à  s'é- 
chapper, et  se  réfugia  dans  les  montagnes  de  la 
Dalocarlie.  Il  y  vécut  un  certain  temps  caché 
parmi  hs  mineurs  ;  enfin,  s'élant  fait  connaître, 
il  souleva  les  Dalécarliens  contre  l'oppression  da- 


HABITUDE 


—  947  — 


HABITUDE 


■noise,  marcha  sur  Stockliolm,  et  s'en  empara 
après  un  long  siège  (15231.  Proclamé  roi  par  ses 
compatriotes,  il  voulut  détruire  la  puissance  du 
clergé,  qui  s'était  montré  favorable  aux  Danois  : 
à  cet  effet,  il  encouragea  la  prédication  de  la  doc- 
trine luthérienne,  et  en  1527  il  fit  prononcer  par 
les  Eta!s  généraux  réunis  à  Westeras  la  séparation 
de  l'Eglise  romaine  et  la  sécularisation  des  biens 
ecclésiastiques.  Sous  son  gouvernement,  la  Suède 
fut  prospère  ;  le  commerce  se  développa  et  une 
alliance  fat  conclue  avec  la  France  en  1542.  Après 
avoir  fait  déclarer  la  rojauté  héréditaire  dans  sa 
famille  en  1540,  Gustave  Wasa  abdiqua  en  15G0 
en  faveur  de  son  fils  Eric,  et  mourut  presque  aus- 
sitôt après,  âgé  de  soixante-quatre  ans.  —  V.  Ré- 
forme. 

Gustave  n  Adolphe.  —  Histoire  générale, 
XXIII,  XXXIII.  —  Fils  de  Charles  IX  et  petit-fils 
de  Gustave  Wasa,  il  monta  sur  le  trône  en  ICI  1,  à 
l'âge  de  quinze  ans.  Il  soutint  des  guerres  heu- 
reuses contre  le  Danemark  et  la  Russie,  et  était 
engagé  depuis  1621  dans  une  nouvelle  guerre 
contre  son  cousin  le  roi  de  Pologne  Sigismond, 
lorsque  Richelieu,  qui  désirait  tourner  les  armes 
de  Gustave-Adolphe  contre  l'Autriche,  réussit  à 
faire  conclure  une  trêve  entre  la  Pologne  et  la 
Suède  (1629).  La  période  danoise  de  la  guerre 
de  Trente  Ans  venait  de  finir.  Gustave-Adol- 
phe accepte  de  se  faire,  après  Christian  IV, 
le  champion  du  protestantisme  en  Allemagne  ;  il 
débarque  en  Poméranie  à  ia  tête  d'une  armée 
sévèrement  disciplinée  (1630).  Richelieu,  dont  il 
sert  la  politique,  lui  envoie  des  subsides.  Les  ra- 
pides triomphes  de  Gustave-Adolphe  et  sa  mort  à 
Liitzen  (1G32)  sont  racontés  à  l'article  Guerre  de 
Trente  Ans.  Dans  sa  courte  carrière,  ce  prince 
montra  tous  les  talents  d'un  grand  capitaine,  et 
c'est  k  lui  que  la  Suède  dut  de  devenir  pendant 


quelque  temps  une  puissance  de  premier  ordre, 

II  eut  pour  successeur  sa  fille  Christine. 

Gustave  III. — Histoire  générale,  XXV,  XXXIU, 
—  fils  et  successeur  d'Adolphe-Frédéric,  régna  de 
ni  à  1792.  A  peine  monté  sur  le  tiônt. il  .res- 
saisit par  un  coup  d'Etat  (1772)  les  prérogatives 
auxquelles  la  royauté  avait  dû  renoncer  à  la  mort 
de  Charles  XII.  Il  se  servit  de  son  autorité  pour 
accomplir  des  réformes  utiles.  En  1788,  il  déclara 
la  guerre  à  la  Russie,  qui  s'était  toujours  montrée 
favorable  aux  prétentions  de  l'aristocratie  suédoise; 
quoique  sa  flotte  eût  été  vaincue  à  Hogland,  Gus- 
tave voulut  continuer  la  campagne,  mais  la  défec- 
tion de  ses  officiers  nobles  l'obligea  à  revenir  à 
Stockholm,  t'n  nouveau  coup  d'Etat  contre  la  no- 
blesse (1789)  assura  alors  au  roi  le  pouvoir  absolu  ; 
il  recommença  la  guerre  contre  la  Russie,  détruisit 
la  flotte  russe  à  Swenka-Sund  (1790),  puis  conclut 
la  paix  de  Varela.  Gustave  III  se  disposait  à  se 
joindre  aux  souverains  coalisés  contre  la  révolu- 
tion française,  lorsqu'il  fut  assassiné,  dans  un  bal 
masqué,  par  Ankarstrœm,  gentilhomme  suédois, 
instrument  des  rancunes  de  la  noblesse  (1792). 

Gustave  rv,  —  Histoire  générale,  XXV-XXVI, 
XXXIU,  —  fils  de  Gustave  III,  lui  succéda  en  1792 
à  l'âge  de  quatorze  ans.  C'était  un  prince  faible 
d'esprit,  qui  se  rendit  bientôt  impopulaire.  Il 
contracta  en  1804  une  alliance  avec  l'Angleterre 
contre  la  France  :  le  résultat  de  cette  politique  fut 
la  perte  de  la  Finlande,  dont  la  Russie,  alliée  de 
Napoléon,  s'empara  en  1808.  L'année  suivante, 
une  révolution  éclata  contre  Gustave  :  il  fut  con- 
traint d'abdiquer.  Son  oncle,  le  duc  de  Suderma- 
nie,  lui  succéda  sous  le  nom  de  Charles  XIII,  et, 
n'ayant  pas  d'enfants,  adopta  comme  héritier  le 
général  Bernadotte. 

GYMWVSTIQL'E.  —  V.  le  même  mot  dans  la 
P*  partie. 


H 


HABITATIONS  (Hygiène).  —  V.  Maisons. 

HABITUDE.  —  Psychologie,  XVI.  —  On  peut 
définir  l'habitude  une  disposition  on  mojiière  d'être, 
en  vertu  de  laquelle  une  sensation  longtemps  pro- 
longée ou  fréquemment  répétée  finit  par  devenir 
inconsciente,  et  une  action  d'abord  accomplie  avec 
effort  devient,  par  la  répétition,  d'une  exécution  pro- 
gressivement plus  facile,  plus  précise  et  plus  rapide. 
L'habitude  se  manifeste  ainsi  par  deux  effets  op- 
posés en  apparence;  elle  atténue  jusqu'à  l'éteindre 
la  pure  sensation  ;  elle  développe  et  exalte  l'acti- 
vité. De  là  la  distinction  universellement  reconnue 
entre  les  habitudes  passives  et  les  habitudes 
actives. 

Si  vous  demeurez  plusieurs  semaines  ou  plusieurs 
mois  de  suite  dans  le  voisinage  d'une  chute  d'eau, 
vous  arriverez  à  ne  plus  en  percevoir  le  bruit  : 
voilà  l'habitude  passive.  Dans  l'apprentissage  d'un 
instrument  de  musique,  du  piano  par  exemple,  le 
mouvement  des  doigts,  pénible  et  lent  à  l'origine, 
acquiert  à  la  longue  une  agilité,  une  sûreté  parfois 
merveilleuse,  et  s'exécute  sans  effort  et  presque 
sans  réflexion  :  voilà  l'habitude  active.  On  remar- 
quera que  le  même  sens  est  susceptible  d'habitu- 
des passives  et  actives,  selon  que  l'activité  volon- 
taire et  réfléchie  intervient  ou  n'intervient  pas  au 
début.  Au  milieu  d'une  grande  ville,  l'oreille  du 
musicien  peut  n'entendre  qu'à  peine  le  roulement 
des  voitures  ;  dans  un  orchestre,  elle  saura  distin- 
guer les  parties  de  chaque  instrument,  et  saisira 


entre  les  sons  des  nuances  dont  la  délicatesse 
échapperait  à  tout  autre. 

L'action  de  l'habitude  s'exerce  sur  toute  la  nature 
vivante  ;  elle  n'a  pas  de  place  dans  le  règne 
inorganique.  Vous  auriez  beau,  observe  Aristote, 
lancer  dix  mille  fois  une  pierre  en  l'air,  elle  re- 
tombera toujours  sur  le  sol.  Mais  c'est  par  habitude 
que  le  jeune  arbre,  courbé  d'une  certaine  manière 
par  la  main  de  l'homme,  suit  dans  sa  croissance 
une  direction  différente  de  celle  qu'il  aurait  prise 
naturellement.  La  culture  n'est  dans  bien  des  cas 
qu'une  habitude  imprimée  aux  végétaux  et  trans- 
mise par  hérédité.  On  sait  l'influence  de  l'habitude 
sur  les  animaux  :  elle  se  manifeste  surtout  par 
l'éducation  et  par  la  domestication.  Cette  influence 
est  telle  qu'on  a  prétendu  expliquer  par  l'habi- 
tude non-seulement  tous  les  instincts,  mais  encore 
la  formation  et  le  développement  des  organes 
(hypothèse  de  Lamarck  et  de  Ch.  Darwin)  :  théorie 
e.xcessive  sans  doute,  et  qui  prête  à  de  graves  ob- 
jections, mais  qui  renferme  pourtant  une  part  de 
vérité. 

Le  corps  humain,  comme  tout  organisme,  peut 
contracter  des  habitudes,  et  l'on  ne  saurait  trop 
insister  sur  l'importance  de  ce  fait  au  point  de  vue  de 
l'hygiène.  C'e»t  ainsi  que  certains  poisons  pris 
pendant  longtemps  à  doses  régulièrement  et  insen- 
siblement croissantes,  peuvent  être  absorbés, 
sans  oéril.  en  quantités  souvent  considérable! 
Mais  ce  n'est  pas  tonj  urs  le  cas,  et  il  peiit  arriver 


HABITUDE 


948  — 


HABSBOURG 


que  l'absorption  lente  d'un  poison  produise  des 
désordres  qui,  d'abord  inaperçus,  finissent  par 
être  mortels.  C'est  ce  qui  fait  le  danger  de  l'usage 
abusif  des  liqueurs  fortes  :  l'alcool  devient  pour 
l'organisme  un  besoin  toujours  plus  impérieux,  et 
il  n'est  pas  rare  que  l'alcoolisé  meure,  victime 
d'une  habitude  plus  puissante  que  sa  volonté^ 
mais  dont  il  eût  triomphé  facilement  au  début. 

Toutes  les  facultés  de  l'âme  se  développent  par 
l'habitude,  qui  se  trouve  être  par  là  l'instrument 
le  plus  puissant  de  l'éducation,  d'autant  plus  que 
les  habitudes  contractées  dans  l'enfance  sont  à  la 
fois  les  plus  fortes  et  les  plus  durables.  Nous  avons 
observé  déjh,  en  signalant  la  différence  entre  les 
habitudes  passives  et  les  habitudes  actives,  le  rôle 
de  l'activité  volontaire  dans  l'exercice  des  sens.  Il 
en  est  trois  surtout,  l'ouïe,  la  vue  et  le  tact,  qui, 
impliquant  à  un  degré  plus  élevé  que  les  deux 
autres  l'intervention  de  la  volonté,  sont  capables 
de  perfectionnements  presque  indéfinis.  Nombre 
de  perceptions  sont  en  nous  le  résultat  de  l'iiabi- 
tude  :  c'est  elle  qui  nous  permet  d';ipprécier  à 
l'œil  la  distance  relative  des  objets,  qui  primitive- 
ment apparaissent  tous  sur  un  môme  plan,  très 
voisin  de  l'organe  (expérience  de  l'aveugle-né  opéré 
de  la  cataracte  parle  chirurgien  anglais  Cheselden). 
C'est  elle  qui,  substituant  en  quelque  sorte  un 
sens  à  un  autre,  remplace  pour  l'aveugle  la  vue 
par  le  tact,  et  lui  met  véritablement  des  yeux  au 
bout  des  doigts. 

La  mémoire  n'est  pas  moins  tributaire  de  l'ha- 
biîude.  On  sait  quels  prodiges  elle  peut  parfois 
accomplir  quand  elle  est  convenablement  exercée. 
Mais  ici  encore,  l'effet  produit  est  en  raison  du  dé- 
veloppement de  l'activité.  L'enfant  ne  retiendra 
pas  une  leçon  qu'on  lira  devant  lui,  même  un  j 
grand  nombre  de  fois,  parce  que  dans  ce  cas  il  est 
passif  plutôt  qu'actif;  qu'il  la  lise  lui-même  des 
j'eux,  son  attention  est  déjà  plus  excitée,  les  mots, 
puis  les  plirases  se  fixeront  mieux  dans  l'esprit; 
mieux  encore  s'il  lit  à  haute  voix  ou  transcrit  le 
morceau  qu'il  s'agit  d'apprendre. 

Nous  ne  pouvons,  dans  un  court  article,  montrer 
le  rôle  de  l'habitude  à  l'égard  de  chacune  des  fa- 
cultés en  particulier.  Il  est  d'expérience  qu'elle 
rend  plus  sûres  et  plus  rapides  les  différentes  opé- 
rations intellectuelles  :  jugement,  raisonnement, 
abstraction,  généralisation.  Le  mathématicien  par- 
court pour  ainsi  dire  d'un  coup  d'oeil  l'enchaîne- 
ment déductif  que  forme  une  démonstration  ;  il 
aperçoit  des  conséquences,  souvent  fort  éloignées 
du  point  de  départ,  sans  être  obligé  de  passer 
lentement  par  la  série  di  s  intermédiaires.  L'ima- 
gination créatrice  elle-même,  qui  semble,  par  na- 
ture, affranchie  de  toute  discipline,  a  besoin  de 
l'habitude.  Elle  plie  l'artiste  au  joug  salutaire  des 
règles,  sans  porter  atteinte  à  son  originalité:  un 
travail  régulier,  opiniâtre,  s'il  ne  tient  pas  lieu  du 
génie,  permet  seul  à  celui-ci  de  porter  tous  ses 
fruits.  I.es  plus  grands  poètes  sont  ceux  qui  se 
sont  rendus  maîtres  de  l'inspiration.  Virgile  faisait 
tous  les  matins  un  petit  nombre  de  vers  qu'il  cor- 
rigeait et  perfectionnait  dans  la  journée. 

La  bonne  ou  mauvaise  conduite  de  l'homme,  par 
suite  son  bonheur  ou  son  malheur,  dépendent  à 
peu  près  exclusivement  de  l'Iiabitude.  Le  vice  et 
la  vertu  sont  des  dispositions  habituelles,  car,  se- 
lon le  mot  d'Aristote,  une  bonne  action  ne  fait  pas 
la  vertu,  pas  plus  qu'une  hirondelle  ne  fait  le 
printemps.  Si  la  volonté  est  la  mère  de  l'habitude, 
il  est  vrai  aussi  que  l'habitude  développe  et  fortifie 
la  volonté.  On  peut  s'exercer  à  vouloir,  et  c'est  là, 
en  quelque  sorte,  toute  la  moralité.  Il  est  bien  rare 
en  effet  que  l'iiomme  accomplisse  le  mal  par  une 
volonté  expresse  et  formelle;  la  plupart  du  temps 
c'est  par  faiblesse  et  entraînement.  De  là  la  néces- 
sité de  créer  en  soi  par  l'habitude  une  volonté 
énergique.  On  y  parvient  en  exerçant  une  surveil- 


lance scrupuleuse  et  constante,  non  seulement  sur 
ses  actes,  mais  sur  ses  pensées  ;  en  s'interdisanc 
toute  infraction,  si  légère  qu'elle  soit,  à  la  stricte 
loi  de  l'honnêteté,  en  réprimant  dès  leurs  premiè- 
res manifestations  les  instincts  mauvais,  en  com- 
battant, aus>itôt  qu'elles  ont  une  tendance  à  se 
former,  les  habitudes  vicieuses,  en  s'abstenant 
même  parfois  de  jouissances  permises,  pour  main- 
tenir la  volonté  dans  un  état  de  tension  et  d'effort. 
.Mais  l'effort  devient  à  la  longue  moins  pénible  et 
moins  nécessaire,  et  la  perfection  morale,  idéal 
inaccessible,  mais  dont  on  peut  s'approcher  de 
plus  en  plus,  c'est  l'habitude  du  bien  devenue 
une  seconde  nature,  et  comme  conséquence, 
l'heureuse  impossibilité  de  faire  le  mal. 

Souvent  une  habitude  vicieuse  est  tellement  in- 
vétérée qu'on  ait  peu  d'espoir  d'en  triompher  en 
l'attaquant  de  front.  Dans  ce  cas,  on  devra  cher- 
cher à  l'affaiblir  lentement,  soit  en  lui  refusant 
des  satisfactions  trop  fréquentes,  soit  en  faisant 
naître  d'autres  habitudes  qui  la  contrarient.  C'est 
ainsi  qu'un  travail  régulier  est  le  meilleur  remède 
contre  l'intempérance. 

De  même  que  les  vices  sont  de  mauvaises  habi- 
tudes de  la  volonté,  de  même  les  préjugés  et  les 
superstitions  sont  de  mauvaises  habitudes  de  l'es- 
prit. Ce  sont  des  associations  d'idées  qui  n'expri- 
ment aucun  rapport  véritable  entre  les  choses,  et 
qui,  une  fois  formées,  soit  par  une  tradition  igTio- 
rante,  soit  par  de  simples  analogies  fortuites,  ont 
une  tendance  à  se  reproduire  et  deviennent  à  la 
longue  à  peu  près  indissolubles.  On  les  comlat 
également  par  un  bon  et  énergique  usage  de  la 
volonté.  Tout  homme  n'est  pas  capable  de  décou- 
vrir par  lui-même  la  vérité  ;  mais  chacun,  même 
le  plus  humble,  peut  refu-er  son  assentiment  à  ce 
qui  ne  lui  apparaît  pas  avec  le  caractère  de  l'évi- 
dence. .\ussi  a-t-on  pu  soutenir  sans  trop  fie  para- 
doxe que  l'erreur  est  toujours  plus  ou  moins  vo- 
lontaire. 

Nous  n'avons  pas  à  insister  ici  sur  l'importance 
de  l'habitude  au  point  de  vue  pédagogique.  Faire 
contracter  à  l'enfant  de  bonnes  habitudes,  dans 
l'ordre  intellectuel  comme  dans  l'ordre  moral, 
voilà  toute  l'éducation.  ^V.  Habitude,  dans  la  1" 
partie). 

L'habitude  a  été  l'objet  de  nombreux  et  impor- 
tants travaux  philosophiques.  Nous  citerons  parmi 
les  plus  remarquables  :  un  mémoire  de  Maine  de 
Biran,  couronné  par  l'Institut  ;  la  thèse  sur  l'Habi- 
tude de  M.  Félix  Ravaisson  (Paris,  1838),  et  le  pe- 
tit livre  de  -M.  Albert  Lemoine,  V Habitude  et  l'ins- 
tinct (Paris,  1875,  in-lS"}.  [L.  Carrau.l 

H.\BSBOUr.G.  — Histoire  générale,  XIX-XXVII. 
—  Cette  famille  a  fourni  un  grand  nombre  d'empe- 
reurs à  l'Allemagne,  du  xm'  siècle  au  xix',  et  elle 
règne  encore  aujourd'hui  sur  la  monarchie  austro- 
hongroise.  Nous  donnons  ci-dessous  la  liste  des 
souverains  appartenant  à  cette  dynastie,  en  consa- 
crant une  courte  notice  à  ceux  d'entre  eux  qui 
n'ont  pas  un  article  spécial  dans  ce  Dictionnaire. 

Rodolphe  I"  de  Habsbourg  (r273-li91j,  le  fon- 
dateur de  la  dynastie,  appartenait  à  une  famille 
noble  dArgovie,  on  Suisse;  grâce  à  son  habileté, 
il  avait  réussi  à  se  faire  accepter  comme  protecteur 
ou  avoué  par  la  plupart  des  petites  communautés 
de  l'Helvétie  allemande.  Son  élection  comme  em- 
pereur (1273)  mit  fin  au  grand  interrègne  qui  du- 
rait depuis  la  mort  de  Frédéric  II  de  Hohenstaufen. 
Il  renonça  solennellement  à  toutes  les  prétentions 
des  empereurs  sur  l'Italie,  et  s'occupa  uniquement 
à  consolider  son  autorité  en  Allemagne.  Ayant 
vaincu  en  1278  le  roi  de  Bohème  Ottocar  qui  refu- 
sait de  le  reconnaître,  il  l'obligea  à  lui  céder  l'Au- 
triche, la  Carniole  et  la  Styrie,  et  fit  de  ces  pays 
une  principauté  héréditaire  qu'il  donna  à  son  fils 
Albert:  telle  fut  l'origine  de  la  maison  d'.\utriche. 
Rodolphe  contraignitles  seigneurs  à  s'engager  par 


HABSBOURG 


949  — 


HABSBOURG 


serment  à  observer  la  paix  publique  [Lcavlfrieden), 
et  déploya  beaucoup  d'énergie  contre  ceux  qui  la 
violaient;  il  détruisit  un  grand  nombre  de  châ- 
teaux habités  par  des  barons  turbulents  et  pillards, 
et  se  fit  ainsi  aimsr  du  peuple  auquel  il  assurait 
quelque  sécurité. 

Albert  I"  d"Autriche(1298-1308),filsdeRodolphe 
de  Habsbourg,  ne  put,  à  la  mort  de  son  père,  ob- 
tenir la  couronne  impériale  ;  les  électeurs,  redou- 
tant la  puissance  naissante  de  sa  maison,  portèrent 
leur  choix  sur  Adolphe  de  Nassau.  Toutefois  celui- 
ci  ayant  été  vaincu  et  tué  par  Albert  à  la  bataille 
de  Gelheim  (l>'98),  le  vainqueur,  cette  fois,  se  fit 
reconnaître  comme  empereur.  Il  employa  les  dix 
ai'.nées  de  son  règne  à  agrandir  les  domaines  de 
sa  famille,  et  chercha  entre  autres  à  transformer 
en  sujets  de  la  maison  d'Autriche  les  hommes  li- 
bres des  cantons  d'Uri,  dt;  Schwytz  et  d'Unlerwald, 
ou  des  AYaldstœtten,  en  Helvétie  (V.  Suisse) .  Mais  les 
baillis  qui  tyrannisaient  les  montagnards  helvétiens 
furent  chassés  (1308),  et  Albert  ayant  voulu  mar- 
cher en  personne  contre  les  habitants  des  Wald- 
stœtten,  fut  assassiné  par  son  neveu  Jean  de  Souabe 
au  passage  de  la  Reuss.  Après  lui,  la  maison 
d'Autriche  se  vit  éloignée  du  trône  impérial  pen- 
dant plus  d'un  siècle,  de  13o8  à  1438. 

Albert  II  (143S-1439),  d'abord  duc  d'Autriche, 
puis  roi  de  Bohême  à  la  mort  de  l'empereur  Si- 
gismond  (1437),  dont  il  avait  épousé  la  fi'lle,  dtvint 
roi  de  Hongrie  et  empereur  d'Allemagne  l'année 
suivante.  La  couronne  impériale,  rentrée  ainsi  dans 
lu  maison  d'Autriche,  ne  devait  plus  en  sortir.  Le 
règne  d'Albert  fut  d'ailleurs  insignifiant,  et  ne 
dura  qu'une  année. 

Frédéric  III  (1440-1493^,  cousin  éloigné  d'Al- 
bert H,  lui  succéda  comme  empereur.  —  V. 
Frédéric  l\\. 

MaximiUen  I"  (1493-1519),  fils  de  Frédéric  III, 
épousa  Marie  de  Bourgogne,  fille  de  Charles  le 
Téméraire,  qui  lui  apporta  en  dot  les  Pays-Bas  et  la 
Franche-Comté.  Son  fils  Philippe-le-Beau,  archiduc 
d'Autriche  et  souverain  des  Pays-Bas,  épousa  Jeanne 
la  Folle,  fille  de  Ferdinand  V  le  Catholi(iue  et  d'Isa- 
belle. Ce  fut  ce  double  mariage  qui  porta  si  haut 
la  puissance  de  la  maison  d'Autriche,  et  permit  à 
Charles-Quint,  petit-fils  de  Maximilien,  de  réunir 
les  couronnes  d'Espagne  et  d'Allemagne. 

Le  règne  de  Maximilien  se  passa  presque  tout 
entier  en  tentatives  inutiles  pour  restaurer  l'auto- 
rité impériale  en  Italie.  Il  fit  la  guerre  aux  rois  de 
France  Charles  VIII,  Louis  XII  et  François  P"",  sans 
résultats  sérieux  ;  à  ses  nombreuses  campagnes 
au-delà  des  Alpes  il  ne  gagna  que  le  surnom  de 
«  Maximilien  sans  argent,  »  que  lui  donnèrent  les 
Italiens.  Ses  efforts  pour  donner  plus  d'unité  à 
l'Allemagne  ont  plus  d'importance  que  ses  guerres 
extérieures.  Il  fit  instituer  par  la  dièie  (l4!)5)  une 
Chambre  impériale,  tribunal  nommé  par  l'empe- 
reur et  chargé  de  punir  les  violateurs  de  la  paix 
publique.  L'empire  fut  divisé  en  dix  cercles,  à 
la  tête  de  chacun  desquels  fut  placé  un  directeur. 
Celui-ci  disposait  d'une  force  militaire  spéciale, 
4es  lansquenets,  sorte  de  gendarmerie  chargée  de 
maintenir  l'ordre  et  de  faire  exécuter  les  décisions 
<le  la  diète  et  de  la  Chambre  impériale. 

Charles  V  ou  Charles-Quint  (1520-1559),  petit- 
fils  de  Maximilien  1"^,  lui  succéda  comme  empe- 
reur. —  V.  Charles-Quint. 

Ferdinand  I"  (1556-1504),  frère  de  Charles-Quint 
«t  son  succi^sseur  à  la  couronne  impériale.  -^  V. 
Ferdinand  l". 

Maximilien  11(1504-1576),  fils  de  Ferdinand  I", 
auquel  il  succéda,  eut  un  règne  paisible,  sauf  une 
courte  guerre  contre  les  sultans  turcs  Soliman  II 
et  Sélim  III  II  s'appliqua  à  entretenir  la  bonne 
harmonie  entre  les  protestants  et  les  catholitiues, 
en  faisant  exécuter  loyalement  le  traité  d'Augsbourg 
qui  avait  proclamé  la  liberté  de  conscience.  Grâce 


à  son  gouvernement  tolérant  et  sage,  l'Allemagne 
jouit  de  la  tranquillité  intérieure,  au  moment  même 
où  les  guerres  de  religion  déchiraient  la  France. 

Rodolphe II  (Iô76-l6l2),  fils  aîné  et  successeur 
de  Maximilien  II,  n'imita  pas  la  sage  politique  de 
son  père.  Occupé  d'alchimie  et  d'astronomie,  il 
laissa  les  partis  religieux  recommencer  leurs  que- 
relles. Les  protestants,  se  voyant  menacés,  organi- 
sèrent ï  Union  évangéiique  (1608),  et  les  catholi- 
ques, de  leur  côté,  formèrent  l'année  suivante  la 
Ligue  catholique;  la  Bohême  exigea  et  obtint  la 
garantie  de  ses  libertés  religieuses  par  les  Lettres 
de  m  ijesté  (1G09;.  Rodolphe  eut  à  soutenir  diverses 
guerres  contre  les  Turcs  et  les  Hongrois  de  Tran- 
sylvanie. Incapable  de  gouverner,  il  abandonna  peu 
à  peu  l'autorité  sur  ses  états  héréditaires,  Hongrie, 
Autriche,  Bohême,  à  son  frère  Mathias,  qui  de- 
vait lui  succéder  comme  empereur. 

Mathias  (1612-1619),  frère  et  successeur  du  pré- 
cédent, termina  la  guerre  de  l'empire  contre  les 
Turcs  (1015).  N'ayant  pas  d'enfant,  il  adopta  son 
cousin  Ferdinand  de  Styrie,  qu'il  fit  couronner  roi 
de  Hongrie  et  de  Bohème.  Ce  dernier  eut  en  1618, 
avec  ses  sujets  protestants  de  Bohême,  une  que- 
relle qui  fit  éclater  la  guerre  de  Trente  Ans. 
Mathias  mourut  la  seconde  année  de  cette  guerre. 

Ferdinand  II,  de  la  branche  de  Styrie  (1619-1637), 
successeur  de  Mathias.  —  V.  Ferdinand  IL 

Ferdinand  III  (1637-1657),  fils  et  successeur  du 
précédent.  —  V.  Ferdinand  lll. 

Léopoldl"  (1658-1705),  fils  et  successeur  du 
précédent,  eut  à  soutenir  contre  Louis  XIV  les 
guerres  dites  de  Hollande,  de  la  ligue  d'Augsbourg 
et  de  la  succession  d'Espagne  (V.aux  mots  Guerres 
et  Louis  XIV).  Il  eut  en  outre  à  repousser  deux 
fois  une  invasion  des  Turcs.  La  première  fois,  les 
envahisseurs  furent  vaincus  à  la  bataille  de  Saint- 
Gothard  en  Hongrie  (166i),  par  MontecucuUi  ; 
Louis  XIV  avait  envoyé  à  cette  occasion  à  Léopold 
un  secours  de  6000  hommes.  La  seconde  fois,  les 
Hongrois  révoltés  s'étaient  joints  aux  Turcs,  et 
Vienne  fut  assiégée  par  Kara-Moustapha.  Le  roi  de 
Pologne  Jean  Sobieski  sauva  la  capitale  de  l'Au- 
triche (10S3),  et  après  plusieurs  campagnes  sur  le 
Danube,  dans  lesquelles  se  signala  en  particulier 
le  prince  Eugène  de  Savoie,  les  Turcs  durent  signer 
la  paix  de  Carlowitz  (1694),  qui  mit  fin  à  leurs 
prétentions  sur  la  Hongrie  et  la  Transylvanie. 
Léopold  I"  mourut  en  1705,  laissant  deux  fils  qui 
px^rlcrent  l'un  après  l'autre  la  couronne  impériale. 

Joseph  I"  (1705-1711),  fils  aîné  de  Léopold  I"  et 
son  sui  cesseur.  —  V.  Joseph  l". 

Charles  VI  (17 11-1740),  second  fils  de  Léo- 
pold l>^r,  et  successeur  de  Joseph  I'^  Avec  lui  s'é- 
teint la  descendance  directe  des  Habsbourg.  — 
V.  Charles   VI. 

Mai'ie-Thêrèse,  fille  de  Charles  VI,  épousa  le 
duc  François  de  Lorraine,  devenu  empereur  en 
1745  sous  le  nom  de  François  l".  Elle  fut  la  mère 
de  Joseph  II,  de  Léopold  II,  et  de  Marie-Antoi- 
nette. —  V.  Marie-Tliérèsiu 

François  I"  de  Lorraine-Autriche  (1745-1765), 
d'abord  duc  de  Lorraine,  puis  duc  de  Toscane 
(V.  Guerre  de  la  succcs.-^'on  de  Po/ogne),  épousa 
en  1736  Marie-Thérèse,  héritière  de  la  monarchie 
autrichienne.  Après  la  mort  du  prétendant  Charles 
VII  de  Bavière,  en  1745  (V.  Guerre  de  la  succession 
d'Autriche),  François  de  Lorraine  reçut  la  couronne 
impériale,  qu'il  porta  durant  vingt  ans  ;  mais  il  ne 
joua  jamais  qu'un  rôle  effacé,  et  laissa  l'autorité  à 
Marie-Thérèse. 

Joseph  II  (1705-1790),  fils  aîné  de  François  I" 
et  son  successeur.  —  V.  Joseph  II. 

Léopold  II  (1790-179J),  second  fils  de  François  I", 
succéda  à  son  père  en  1765,  comme  grand-duc  de 
Toscane,  et  à  son  frère  Joseph  II,  en  l79o,  comme 
empereur.  Il  fit  la  paix  avec  la  Turquie  (V.  Jo- 
seph 11),  réprima  l'insurrection  des  Pays-Bas,  et 


HANOVRE 


950 


HELMINTHES 


conclut  avec  le  roi  de  Prusse  Frédéric-Guillaume  II 
la  convention  de  Pillnitz  (17  août  1791j,  par  la- 
quelle ces  deux  souverains  s'engageaient,  sur  la 
demande  de  Louis  XVI  et  de  Marie-Antoinette 
(celle-ci  était  la  sœur  de  Léopold),  à  rétablir  en 
France  l'autorité  royale  telle  qu'elle  existait  avant 
la  convocation  des  Etats-Généraux  de  1789.  Mais 
Léopold  II  mourut  avant  d'avoir  pu  réaliser  ses  pro- 
jets contre  la  Révolution  française,  et  ce  fut  son  fils 
et  successeur  François  II  qui  tenta  de  les  mettre 
à  exécution. 

François  II  (François  l"  comme  empereur  d'Au- 
triche ;  1792-1835)  dernier  empereur  d'Allemagne 
et  premier  empereur  d'Autriche,  fils  et  successeur 
de  Léopold  II.  —  V.  François  H. 

Ferdinand  1"  (1835-1848),  fils  et  successeur  de 
François  I"  comme  empereur  d'Autriche.  —  V. 
Ferdiimndl", 

HANOVUE  (Maison  de).  —  Histoire  générale, 
XXV,  XXVI,  XXVII.  —  Famille  princière  qui  règne 
en  Angleterre  depuis  1714,  et  qui  lui  a  donné  six 
souverains  :  Georges  I"  (1714-1727),  Georges  II 
(1727-1760),  Georges  III  (1760-1820),  Georges  IV 
(1820-1S30),  Guillaume  IV  (1830-1837),  et  Victoria. 
Depuis  l'établissement  du  gouvernement  parle- 
mentaire, l'autorité  du  monarque  n'étant  plus  que 
nominale,  la  personnalité  du  souverain  régnant 
n  a  plus  exercé  sur  les  destinées  de  l'Angleterre 
qu'une  bien  minime  influence.  Aussi  croyons- 
nous  inutile  de  faire  pour  la  maison  de  Hanovre 
ce  que  nous  avons  fait  pour  les  autres  dynasties  an- 
glaises, Plantagenets  *,  Tudors  *  et  Stuarts  *,  et 
nous  bornons-nous  à  renvoyer  à  l'article  général 
Angleterre  et  aux  articles  spéciaux,  Guerre  de  la 
succession  d'Autriche,  Guen^e  de  Sept  aiis,  Guerre 
d'Amihique,  etc. 
HElîRi:ux.  —  V.  Israélites. 
HELMINTHES.  —  Zoologie,  XXVII.  —  (Etym.  : 
du  grec  li'dmins,  ver).  — La  classe  des  Helminthes, 
appartenant  au  sous-embranchement  dos  Vers, 
subdivision  de  l'embranchement  des  Annelés,  est 
composée  de  vers  de  formes  diverses  et  dont  le 
plus  grand  nombre  vivent  en  parasites  au  moins 
pendant  une  partie  de  leur  existence.  Cette  classe 
peut  se  diviser  en  trois  ordres  principaux  :  les 
Trématodes  ou  vers  plats,  les  Cestoïdes  ou  vers 
rubanés,  et  les  Némaioïdes  ou  vers  cylindri- 
ques. 

Trématodes.  —  Les  Trématodes  sont  des  vers 
parasites,  eu  général  plats,  rarement  cylindriques, 
munis  dune  ou  de  plusieurs  ventouses.  Ils  sont, 
sauf  quelques  exceptions,  hermaphrodites  et  ovi- 
pares. Les  jeunes  passent  le  plus  souvent  par  une 
scrie  de  métamorphoses.  Les  cen-aires,  que  l'on  a 
longtemps  considérés  comme  des  animaux  distincts, 
sont  des  larves  de  trématodes  distoines,  qui,  après 
avoir  pénétré  dans  les  tissus  d'un  être  animé, 
mollusque,  larve  d'insecte  ou  poisson,  où  elles 
s'enkystent,  prennent  leur  forme  détinitive  dans 
l'estomac  de  l'animal  qui  avalera  leur  premier 
hôte. 

On  divise  les  Trématodes  en  Distomes,  ayant  au 
plus  deux  ventouses  (ventouses  orale  et  ventrale), 
et  Polystomes,  ayant  plus  de  deux  ventouses. 

C'est  dans  le  groupe  des  Distomes  que  se  ren- 
contre dans  nos  climats  l'espèce  la  plus  dange- 
reuse pour  les  animaux  domestiques,  la  Fasciola 
hepaticn  ondouve  du  foie, qui  peut  atteindre  quatre 
centimètres  de  longueur,  deux  de  largeur  et  deux 
millimètres  d'épaisseur.  Elle  vit  dans  les  canaux 
hépatiques  des  animaux  herbivores,  surtout  des 
moutons,  chez  qui  elle  occasionne,  lorsqu'elle  s'y 
rencontre  en  grand  nombre,  une  maladie  mortelle 
connue  sous  les  noms  de  clavée,  de  pourriture,  de 
cachexie  aqueuse,  etc. 

C'est  surtout  dans  les  pâturages  humides  que 
les  moutons  gagnent  cette  terrible  maladie,  régnant 
souvent  d'une  façon  endémique  et  dévastant  des 


troupeaux  entiers.  On  ne  connaît  pas  encore  les 
différentes  formes  larvaires  de  ce  distome  ;  il  est 
probable  cependant  que  ses  larves  ou  cercaires 
vivent  enkystées  dans  de  petites  limaces,  que  les 
moutons  avalent  en  broutant  l'herbe. 

Une  seconde  espèce,  le  Distomum  laiiceola- 
tum,  moins  dangereuse,  et  d'une  taille  plus  fai- 
ble (un  centimètre  de  long  sur  un  demi-centi- 
mètre de  large),  accompagne  presque  toujours 
la  Fasciola  hepatica  dans  les  canaux  biliaires  des 
moutons. 

Ces  distomes  ont  été  rencontrés  accidentelle- 
ment chez  l'homme  et  en  particulier  chez  des  ber- 
gers. 

Un  troisième  distome  est  très  fréquent  chez 
l'homme  en  Abyssinie  et  produit  parfois  la   mort. 

La  plupart  des  autres  distomes  vivent  dans  le 
tube  digestif  des  oiseaux  aquatiques,  des  poissons, 
des  grenouilles. 

Les  Polystomes  vivent  presque  tous  h  l'état  de 
parasite  externe  sur  les  branchies  et  la  peau  des 
poissons  ;  le  polystome  des  grenouilles  se  déve- 
loppe dans  la  cavité  viscérale  des  têtards. 

Cestoïdes.  —  Les  Cestoïdes  sont  des  vers  plats, 
rubanés,  dont  la  longueur  peut  devenir  parfois 
considérable.  Ils  sont  tous  parasites,  chaque  es- 
pèce étant  plus  spécialement  propre  à  un  animal 
déterminé.  Dans  un  cestoîdc,  on  peut  distinguer 
le  scolex,  appelé  improprement  la  tête,  et  les  pro- 
fjiottis  ou  anneaux.  Le  scolex,  en  général  octaédri- 
que,  est  muni  de  ventouses  servant  de  moyen  de 
fixation,  et  souvent  aussi  d'une  ou  de  deux  cou- 
ronnes de  crochets.  Le  scolex  est  suivi  d'une 
partie  amincie,  le  cou.  Le  passage  du  cou  à  la 
chaîne  des  proglottis  se  fait  insensiblement; 
les  premiers  proglottis,  à  peine  distincts,  étant 
suivis  d'autres  de  plus  en  plus  nettement  diffé- 
renciés. Ces  proglottis,  d'autant  plus  développés 
qu'ils  sont  plus  éloignés  du  scolex,  peuvent  être 
considérés  comme  des  animaux  distincts,  herma- 
phrodites, analogues  à  des  distomes,  et  leur  en- 
semble comme  une  sorte  de  colonie. 

Dans  ces  vers,  on  ne  trouve  aucune  trace  d'ap- 
pareil digestif.  Il  n'y  a  donc  ni  bouche  ni  anus. 
Les  sucs  digestifs  de  l'intestin  de  l'hôte  qu'ils 
habitent  passent  par  endosmose  à  travers  les  pa- 
rois de  leur  corps. 

Les  anneaux  mûrs,  remplis  d'œufs,  se  détachent 
en  général,  au  moins  dans  le  groupe  des  taenias, 
et  sont  ensuite  rejetés  au  dehors. 

Les  migrations  et  les  métamorphoses  par  les- 
quelles passent  les  embryons  des  cestoïdes  sont 
très  utiles  à  connaître  au  point  de  vue  de  l'hygiène 
de  l'homme  et  des  animaux  domestiques. 

Considérons  d'abord  les  taenias.  Dans  ce  groupe, 
nous  trouvons  des  tasnias  armés,  c'est-à-dire  mu- 
nis d'une  couronne  de  crochets,  et  des  tœnias 
inermes,  sans  couronne  de  crochets.  Tous  ont  uu 
scolex  pourvu  de  quatre  ventouses.  Parmi  les 
tœnias  armés,  le  Tsenia  soiium,  appelé  aussi  im- 
proprement ver  solitaire,  est  un  parasite  de 
l'homme.  Ses  œufs  sont  avalés  par  les  porcs  avec 
les  excréments  dans  lesquels  ils  se  trouvent.  Dans 
l'estomac  de  ces  animaux,  la  coque  de  l'œuf  est 
dissoute,  et  l'embryon,  armé  de  six  crochets,  est 
mis  en  liberté.  Grâce  à  leurs  crochets,  les  em- 
bryons traversent  les  parois  de  l'estomac  et  du 
tube  digestif,  arrivent  dans  les  vaisseaux  sanguins, 
et  sont  entraînés  avec  le  sang  dans  les  différentes 
parties  du  corps  de  l'animal.  Une  fois  fixés,  ils  per- 
dent leurs  crochets,  se  transforment  en  hydatides 
ou  cysticerques,  et  le  porc  est  devenu  ladre. 

Ces  cysticerques  du  porc  ladre  ont  la  forme 
d'une  petite  vésicule  ovale  blanchâtre,  munie,  sur 
un  de  ses  côtés,  d'une  petite  ouverture  par  la- 
quelle peut  sortir,  en  se  déroulant  comme  un  doigt 
de  gant,  un  petit  appendice  qui  représente  exac- 
tement une  tête  de  Tœnia  soiium  avec  ses  quatre 


HELMINTHES 


—  951 


HELMINTHES 


ventouses  et  armée  de  ses  deux  couronnes  de  cro- 
chets. Le  développement  ne  va  pas  au  delà.  Si 
maintenant  le  cystiecrque  est  avalé  par  un  homme, 
les  sucs  de  l'estomac  digèrent  les  enveloppes  et 
la  tète  du  tœnia  est  mise  en  liberté  ;  elle  pénètre 
dans  l'intestin  et  s'y  fixe  au  moyen  de  ses  ven- 
touses et  de  .-.es  crochets.  Elle  commence  alors  à 
bourgeonner  et  à  produire  la  série  des  progloitis, 
dont  les  premiers  produits  arrivent  à  maturité 
environ  trois  mois  après  l'ingestion  du  cysticer- 
que.  Ce  bourgeonnement  du  scolex  est  continu; 
aussi  un  malade  atteint  du  ver  solitaire  ne  peut 
être  certain  d'en  être  débarrassé  que  lorsqu'il  a 
rendu  la  tête. 

Pour  éviter  le  Tsnia  solium,  il  ne  faut  man- 
ger de  la  viande  do  porc  que  lorsqu'elle  est  bien 
cuite. 

Les  chiens  sont  aussi  atteints  de  plusieurs  es- 
pèces de  taenias  armés,  parmi  lesquels  le  Tœnia 
cœnurus  est  surtout  fréquent  chez  les  chiens  de 
berger.  Ce  taenia  est  souvent  la  cause  de  maladies 
mortelles  chez  les  moutons.  En  effet,  les  œufs 
rendus  avec  les  excréments  du  chien  peuvent  être 
avalés  par  les  moutons.  Ces  œufs  mettent  alors 
en  liberté  des  embryons  à  six  crochets,  qui  tra- 
versent les  parois  de  l'estomac  et  sont  entraînés 
par  le  courant  sanguin  jusque  dans  le  cerveau  du 
mouton.  Là  ils  se  transforment  en  une  vésicule 
pouvant  atteindre  la  grosseur  du  poing.  Sur  les 
parois  de  celle-ci  bourgeonnent  un  grand  nombre 
de  vésicules  plus  petites  renfermant  une  tète  de 
taenia,  et  comparables  au  cysticerque  ladrique  du 
porc.  La  différence  qui  existe  entre  le  développe- 
ment du  Tœnin  sidium  et  celui  du  Téenin  cœnurus, 
c'est  que  l'embryon  du  premier  ne  peut  donner 
naissance  qu'à  ua  seul  tœnia,  celui  du  second  pou- 
vant au  contraire  en  produire  un  très  grand  nom- 
bre. 

Cette  vésicule  ou  cœnure  du  mouton,  logée  entre 
le  cerveau  et  les  os  du  crâne,  comprime  cet  or- 
gane et  occasionne  la  maladie  toujours  mortelle 
connue  sous  le  nom  de  toiirnU.  Le  chien  à  son 
tour,  en  mangeant  le  cerveau  du  mouton  abattu, 
s'infeste  du  tœnia,  et  le  même  cycle  recommence. 
Il  est  donc  nécessaire  d'enterrer  profondément, 
avec  de  la  chaux,  si  c'est  possible,  la  tète  du  mou- 
tp."  mort  du  tournis,  de  surveiller  le  chien  qui 
garde  le  troupeau,  et  de  le  débarrasser  le  plus 
rapidemeut  possible  du  tasnia  si  on  le  remarque 
chez  lui. 

Un  autre  taenia  du  chien,  le  Tsnia  echinococcus, 
peut  devenir  dangereux  non  seulement  pour  les 
animaux  domestiques,  mais  môme  pour  l'jiomme. 
Ce  tœnia  est  très  petit,  et  n'a  jamais  plus  de  deux 
à  trois  proglottis,  le  dernier  étant  seul  entièrement 
développé.  Les  œufs  de  ce  tœnia  produisent  dans 
les  poumons  et  le  foie  de  l'homme  et  des  animaux 
..erbivores  des  vésicules  (échinoques)  pouvant 
bourgeonner  de  nouvelles  vésicules  dont  l'ensem- 
ble peut  atteindre  le  volume  d'une  tête  d'homme. 
Sur  les  parois  de  ces  vésicules  bourgeonnent  des 
tètes  de  tœnia  en  nombre  immense. 

C'est  surtout  en  Islande  que  l'homme  est  atteint 
de  ces  échinoques,  qui  déterminent  une  maladie 
souvent  mortelle. 

Outre  le  tœnia  arme,  on  rencontré  aussi  chez 
riiomme  un  tœnia  inerme.  et  qui  provient  de  cys- 
ticerques  avalés  en  mangeant  de  la  viande  de 
bœuf  crue  ou  peu  cuite.  Ce  tœnia  est  le  Tœnia  nie- 
diocanellata,  qui  offre  de  grandes  analogies  avec  le 
T se  nia  solium,  avec  lequel  il  est  souvent  confondu. 

Enfin  l'homme  peut  encore  être  infesté  par  un 
autre  cestoïde,  le  Bothriocéphale  large. 

Ce  bothriocéphale,  le  plus  grand  des  cestoïdes, 
a  un  scolex  allongé,  lancéolé,  sans  ventouses,  et 
présentant  de  chaque  côté  deux  fentes  longitudina- 
les appelées  bothriodies.  Ces  fentes  remplacent  les 
ventouses.  Chez  le  bothriocéphale,  les  œufs  peu- 


vent sortir  de  l'anneau  par  un  orifice  particulier  et 
tomber  directement  dans  le  tube  digestif,  d'où  ils 
sont  ensuite  expulsés.  Là,  les  anneaux  n'ont  donc 
pas  besoin  de  se  détacher  de  la  colonie  pour  que 
les  œufs  puissent  être  mis  en  liberté,  aussi  le  bo- 
thriocéphale de  l'homme  peut-il  atteindre  une  lon- 
gueur de  15  à  20  mètres.  Les  observations  sur  les 
phases  du  développement  de  ce  cestoïde  manquent 
encore;  il  est  probable  cependant  que  l'embryon 
s'enkyste  dans  des  poissons  et  que  par  ces  derniers 
il  arrive  chez  l'homme. 

Dans  les  poissons  d'eau  douce  et  en  particulier 
chez  les  tanches,  on  trouve  une  espèce  de  cestoï- 
des appelés  ligules.  Ces  vers  peuvent  occasion- 
ner parfois  une  véritable  épidémie  parmi  les  pois- 
sons. 

D'autres  espèces  se  développent  dans  les  raies 
et  les  squales,  d'autres  encore  dans  les  serpents,  etc. 

Nématoïdes.  —  Les  Nématoîdes,  ou  vers  ronds, 
ont  un  corps  cylindrique,  souvent  très  allongé  et 
même  filiforme.  Ils  comprennent  beaucoup  d'espè- 
ces non  parasites.  Ils  se  différencient  des  deux 
ordres  précédents  par  leur  tube  digestif  qui  est 
pourvu  d'une  bouche  et  d'un  anus. 

Les  Nématoîdes  ont  les  sexes  séparés.  Les  mâles 
se  distinguent  par  une  taille  souvent  beaucoup  plus 
petite  que  celle  des  femelles,  et  par  leur  extrémité 
caudale  en  général  recourbée  et  munie  parfois 
d'un  ou  de  deux  spicules. 

Ces  vers  sont  les  uns  ovipares,  les  autres  vivipa- 
res. Leur  développement  n'est  pas  accompagné  de 
métamorphoses,  mais  chez  un  grand  nombre  d'es- 
pèces il  y  a  des  migrations. 

Citons  les  espèces  qu'il  est  le  plus  important  de 
connaître  : 

L'Oxyure  veryniculaire  est  ce  petit  ver  blanc  qui 
se  rencontre  souvent  en  nombre  considérable  dans 
le  rectum  des  enfants.  Ses  œufs  arrivent  directe- 
ment dans  l'estomac  humain  avec  les  aliments  ;  là 
les  embryons  sont  mis  en  liberté  et  se  développent 
complètement  dans  le  tube  digestif.  11  en  est  de 
même  du  développement  des  Trichocéphales,  qui 
vivent  dans  le  cœcum  de  l'homme. 

\j'  Ascaris  lumbricoid es  est  ce  grand  ver  d'un  blanc 
rosé  que  l'on  rencontre  dans  les  intestins  de 
l'homme  et  du  porc  ;  ses  œufs  se  développent  dans 
l'eau  ou  la  terre  humide  ;  l'embryon  en  sort  muni 
d'une  dent,  et  s'enkyste  probablement  dans  un 
hôte  particulier  avant  d'arriver  chez  l'homme. 

La  Trichine,  bien  connue  par  les  nombreux  acci- 
dents qu'elle  a  causés,  surtout  en  Allemagne,  est 
vivipare;  elle  pond  ses  petits  dans  l'intestin  môme 
de  l'hôte  dans  lequel  elle  se  trouve.  Ceux-ci  tra- 
versent le  tube  digestif  et  vont  s'enkyster  dans  les 
muscles.  Ils  peuvent  attendre  ainsi  plusieurs  an- 
nées que  la  chair  de  leur  hôte  soit  introduite  dans 
le  tube  digestif  d'un  nouvel  animal  à  sang  chaud. 
Là  les  enveloppes  du  kyste  sont  dissoutes  sous 
l'action  du  suc  gastrique,  et  les  jeunes  trichines 
mises  en  liberté  sont  transformées  au  bout  de  qua- 
tre à  cinq  jours  en  trichines  sexuées  ;  celles-ci  pro- 
duisent une  nouvelle  génération  qui  émigré  dans 
les  muscles  de  l'hôte. 

L'homme  s'infeste  de  trichine  en  mangeant  delà 
viande  d'un  porc  qui  lui-même  s'est  infesté  en  man- 
geant des  rats.  La  plupart  des  mammifères  peu- 
vent être  infestés  de  trichine  ;  les  oiseaux  seuls  en 
sont  exempts. 

La  maladie  due  à  ce  parasite,  d'une  taille  cepen- 
dant excessivement  petite,  est  souvent  mortelle,  et 
toujours  très  douloureuse. 

Dans  certaines  contrées  chaudes,  il  existe  des 
nématoïdes  qui  arrivent  dans  le  corps  de  l'homme 
par  l'eau  servant  de  boisson.  Quelques-uns  sont 
très  dangereux,  par  exemple  la  Pilaire  de  Médine, 
qui  s'enkyste  dans  les  muscles  sous-cutanés  et  y 
occasionne  des  tumeurs,  et  le  Dochmius  duodena- 
lis,  commun  en  Egypte,  espèce  armée  d'une  forte 


HENRI 


—  952  — 


HENRI 


bouche  à  rebord  corné  et  denté,  qui  blesse  les  pa- 
rois de  l'intestin,  suce  le  sang  d^s  vaisseaux  intes- 
tinaux et  occasionne  de  graves  maladies. 

Le  Strongle  géant,  qui  peut  atteindre  une  lon- 
gueur d'un  mètre  et  une  largeur  de  plus  d'un 
centimètre,  habite  le  rein  du  chien,  du  porc.  On 
l'a  trouvé  quelquefois  chez  l'homme. 

A  côté  de  ces  nématoîdes  qui  attaquent  l'homme 
ou  les  animaux  domestiques,  et  dont  les  mâles  et 
les  femelles  sont  toujours  séparés,  on  rencontre 
dans  les  oiseaux  de  basse-cour  une  espèce,  le 
Sy?igamus  trachealis,  dont  le  mâle  est  toujours  fixé 
sur  ie  corps  de  la  femelle.  Ces  vers  se  développent 
et  se  multiplient  dans  la  trachée  des  oiseaux,  et  oc- 
casionnent de  grandes  pertes  surtout  dans  les  fai- 
sanderies. 

Tous  les  genres  de  nématoîdes  dont  nous  venons 
de  parler  vivent  au  moins  durant  une  partie  de 
leur  existence  à  l'état  de  parasites.  Mais  il  y  en  a 
d'autres  qui  vivent  toujours  hbres.  Ces  nématoîdes 
libres  sont  surtout  abondants  dans  la  mer  ;  il  en 
est  quelques-uns  cependant  qui  vivent  dans  les  eaux 
douces  et  dans  la  terre  humide.  Parmi  ces  derniers 
se  trouvent  les  anguillules,  animaux  presque  mi- 
croscopiques. Quelques  espèces  d'anguillules  se 
développent  dans  les  liquides  en  putréfaction, 
comme  Vanguillide  du  vinaigt-e;  d'autres  vivent 
aux  dépens  des  végétaux  Ainsi  la  maladie  du  blé 
connue  sous  le  nom  de  ?iielle  est  due  à  des  anguil- 
lules.  Ces  vers  pénètrent  dans  la  jeune  plante,  ar- 
rivent dans  l'épi,  s'j'  développent  et  de\àennent 
adultes.  Ils  pondent  alors  des  œufs  donnant  nais- 
sance à  des  embryons,  qui  finissent  par  former  le 
seul  contenu  du  grain.  Ces  anguillules  jouissent 
de  1?  propriété  de  revenir  à  la  vie  après  avoir  été 
desséchées. 

On  voit  quel  étrange  sujet  d'étude  et  de  méai- 
tation  nous  est  offert  par  ces  animaux  dégradés 
inclus  à  l'intérieur  des  tissus  ^1vants,  incapables 
d'accomplir  seuls  toutes  les  phases  de  leur  évo- 
lution. Les  uns  ont  des  périodes  de  vie  libre  et  de 
vie  parasitaire;  d'autres,  bien  plus  singuliers 
encore,  passent  d'un  animal  à  un  autre,  réali- 
sant l'idée  des  métempsycoses  ;  on  a  longtemps 
ignoré  que  le  même  individu  subsistait  sous  ces 
formes  si  distinctes  et  qu'on  attribuait  à  des  es- 
pèces très  éloignées.  Ce  sont  surtout  les  consé- 
quences hj-giéniques  qui  doivent  nous  frapper  : 
le  danger  des  cohabitations  avec  certains  animaux, 
comme  les  chiens,  le  soin  qu'on  doit  avoir  d'empê- 
cher nos  animaux  domestiques  de  se  repaître  d'en- 
trailles farcies  de  cysticerques,  la  nécessité  pour 
Ihomme  de  s'abstenir  des  viandes  et  du  sang  crus 
ou  peu  cuits,  de  peur  de  rencontrer  des  animaux 
ladres  ou  trichines,  surtout  pour  le  porc.  Les  insti- 
tuteurs rendront  les  plus  grands  services  en  propa- 
geant la  connaissance  de  ces  faits,  si  généralement 
ignorés.  _  [L.  Poirier.] 

HE>RI.  —  Nous  consacrons  ci-dessous  à  un  cer- 
tain nombre  de  souverains  de  ce  nom,  dont  le  règne 
a  tme  importance  historique,  des  articles  spéciaux. 

1°  Allemagne. 

Henri  I«-  l'Oiseleur,  —  Histoire  générale,  XVIII. 
—  fondateur  de  la  maison  de  Saxe,  fut  élu  mi  de 
Germanie  à  la  mort  de  Conrad  I"  de  Franco- 
nie  (91^1).  Il  était  à  la  chasse  lorsqu'on  vint  lui  an- 
noncer son  élection,  d'où  le  surnom  qui  lui  fut 
donné.  Il  conquit  la  Lorraine,  força  le  roi  de  Bo- 
hême à  reconnaître  sa  suzeraineté,  défit  à  Merse- 
bourg  (934)  les  Hongrois  qui  auparavant  rava- 
geaient périodiquement  1  Allemagne,  et  garantit 
les  frontières  en  créant  les  margraviats  de  Mis- 
nie,  d  Autriche,  de  Styrie,  de  Brandebourg,  de 
bchies%vig.  Par  1  institution  des  buri/s,  lieux  forti- 
h^  ou  il  obligea  une  partie  de  la  population  rurale 
a  ûxer  sa  résidence,  et  dont  les  habitants  reçurent 


!e  droit  de  se  gouverner  en  choisissant  leur  bourg- 
uiestre.  il  contribua  au  développement  du  système 
municipal  en  Allemagne  (V.  Communes).  Il  mourut 
en  9:i(;,  laissant  pour  lui  succéder  son  fils  Ottion  I" 
le  Grand,  qui  à  la  royauté  devait  joindre  la  cou- 
ronne impériale. 

Henri  II  le  Saint.  —  Histoire  générale,  XVIII, 
—  cousin  d'Othon  III,  auquel  il  succéda  en  1002, 
fit  le  dernier  empereur  de  la  maison  de  Saxe.  Il 
eut  à  disputer  la  possession  de  l'Italie  à  un  rival, 
Arduin,  marquis  d'Ivrée,  qu'il  défit.  Il  fut  le  pre- 
mier des  souverains  allemands  qui  prit  le  titre  de 
roi  des  Romai7i<^.  L'Eglise  a  placé  Henri  II  au 
rang  des  saints  à  cause  de  sa  piété.  11  mourut  en 
1024. 

Henri  ni,  —  Histoire  générale ,  XVIII,  —  se- 
cond empereur  de  la  maison  de  Franconie,  régna 
de  1039  à  1056.  «  Il  fut,  de  tous  les  Césars  alle- 
mands, celui  qui  fit  le  meux  respecter  l'autorité 
impériale  des  deux  côtés  des  Alpes.  »  (Duruy). 
L'élection  des  papes  dépendait  alors  du  bon  plai- 
■^ir  de  l'empereur  :  Henri  plaça  successivement  sur 
!e  trône  pontifical  trois  prélats  allemands.  Il  eut  à 
combattre  les  Bohémiens  et  les  Hongrois  qu'il 
vainquit  ;  mais  il  ne  put  empêcher  les  Normands 
de  s'établir  dans  l'Italie  méridionale. 

Henri  IV,  —  Histoire  générale,  XIX,  —  fils  de 
Henri  III,  lui  succéda  à  l'âge  de  six  ans  seulement. 
Il  devait  avoir  des  destinées  bien  différentes  de 
celles  de  son  père.  La  papauté,  sous  l'inspiration 
de  moine  Hildebrand,  profita  de  la  minorité  du 
jeune  roi  de  Germanie  pour  s'affranchir  de  la  tu- 
telle où  l'avaient  tenue  jusqu'alors  les  empereurs; 
et  Hildebrand.  élu  pape  en  lo73  sous  le  nom 
de  Grégoire  VII,  émit  la  prétention  d'élever  le 
pouvoir  du  souverain  pontife  au-dessus  de  celui 
des  princes  temporels.  Lorsque  Henri  IV ,  de- 
venu majeur,  voulut  user  de  la  prérogative 
qu'avaient  toujours  possédée  les  souverains,  de 
nommer  aux  charges  ecclésiastiques  ,  Grégoire  VII 
s'y  opposa  ;  et  profitant  d'une  révolte  des  Saxons 
contre  le  jeune  empereur,  il  enjoignit  à  celui-ci  de 
comparaître  à  Rome  pour  y  rendre  compte  do  sa 
conduite.  Henri,  indigné,  répondit  à  cette  somma- 
tion en  faisant  prononcer  la  déposition  du  pape  par 
le  synode  de  Worras  ^1076)  ;  Grégoire,  à  son  tour, 
lança  contre  l'empereur  une  sentence  d'excommu- 
nication, et  délia  ses  sujets  dti  serment  d'obéis- 
sance. Ainsi  commença  entre  le  sacerdoce  et  l'em- 
pire cette  grande  lutte  qui  devait  durer  deux 
siècles.  Abandonné  par  la  plupart  des  seigneurs 
allemands,  Henri  s'humilie  pour  obtenir  la  levée 
du  terrible  anathème  qui  l'avait  frappé  :  il  vient 
au  château  de  Canossa  'près  de  Reggio,  dans  l'an- 
cien duché  de  Modène)  iiiiplorer  le  pardon  du 
pontife.  Celui-ci,  après  l'avoir  laissé  durant  trois 
jours  attendre  à  la  porte  du  château,  les  pieds  nus 
et  en  habit  de  pénitent,  consentit  enfin  à  le  rece- 
voir et  à  le  relever  de  l'excommunication  (26  jan- 
vier 1077).  Mais  les  seigneurs  révoltés  contre 
Henri  IV  ne  voulaient  plus  de  lui  comme  empe- 
reur :  ils  élurent  à  sa  place,  avec  l'assentiment  de 
Grégoire  VII,  Rodolphe  de  Rheinfelden,  qu'on  ap- 
pela le  rot  des  prêtres  {Pfnffenkônig).  Henri, 
rentré  en  Allemagne  où  il  avait  retrouvé  des  par- 
tisans, fit  la  guerre  à  Rodolphe,  qui  fut  tué  par 
Godefroi  de  Bouillon  à  la  bataille  de  Volksheim 
1080),  créa  un  antipape,  Clément  III,  puis  marcha 
contre  Grégoire  VII.  Rome  fut  prise  par  les  impé- 
riaux (1082),  et  Grégoire  ne  fut  sauvé  que  par 
l'intervention  des  Normands,  qui  lui  donnèrent  un 
asile  à  Salerne.  Mais  Henri  IV  ne  jouit  pas  long- 
temps de  son  triomphe  :  à  l'instigation  des  succes- 
seurs de  Grégoire  VII,  ses  deux  fils  se  révoltèrent 
successivement  contre  lui.  Vaincu  par  son  second 
fils  Henri,  et  déposé  par  la  diète  de  Mayence  (1  lO.i), 
HenrilV  alla  mourir  misérablement  à  Liège  (110G>. 
—  V.  Papauté  et  Allemagne  (p.  94  et  9ô). 


HENRI 


—  953  — 


HENRI 


Henri  V,  —  Histoire  générale,  XIX,  —  fils  du 
précédent,  était  arrivé  au  trône  en  liOô  avec  l'ap- 
pui de  la  papauté  ;  mais  une  fois  empereur,  i! 
refusa  de  renoncer  au  droit  de  donner  l'investi- 
ture des  charges  ecclésiastiques,  et  fit  la  guerre 
aux  papes  Pascal  II  et  Gélase  II.  Il  conclut  enfin, 
avec  le  pape  Calixte  II,  le  concordat  'ie  Worms, 
qui  mit  fin  à  la  querelle  des  investitures  (1122).  Il 
riiourut  en  1125,  et  avec  lui  s'éteignit  la  maison 
de  Franconie.  —  V.  Papauté  et  Concor./ats. 

Henri  VI,  —  Histoire  générale,  XIX,  —  troi- 
sième empereur  de  la  famille  de  Hohenstaufen, 
succéda  en  1190  à  son  père  Frédéric  I"  Barbe- 
rousse.  Il  avait  épousé  Constance,  héritière  du 
royaume  des  Deux-Siciles,  dont  il  dut  faire  la  con- 
quête. II  mourut  en  1197,  laissant  ce  royaume  à 
son  jeune  fils  Frédéric  ,'plustard  Frédéric  II).  Son 
successeur  sur  le  trône  impérial  fut  Othon  IV  de 
Brunswick.  —  V.  Hohenstaufen. 

Henri  VH.  —  V.  Luxembourg. 

2°  Angleterre. 

Henri  I", —  Histoire  générale,  XVIII, —  surnommé 
Beauclerc  à  cause  de  son  amour  pour  les  lettres, 
troisième  fils  de  Guillaume  le  Conquérant,  suc- 
céda en  1100  à  son  frère  Guillaume  IL  II  eut  à 
défendre  sa  couronne  contre  les  prétentions  de 
son  frère  aîné  Robert  Courte-Heuse,  duc  de  Nor- 
mandie, et  du  fils  de  celui-ci,  Guillaume  Cliton, 
que  soutenait  le  roi  de  France  Louis  VI.  L'événe- 
ment principal  de  son  règne  fut  la  pub  icaiion 
d'une  charte  où  l'on  trouve  déjà  mentionnées 
quelques-unes  des  libertés  qui  furent  inscrites  plus 
tard  dans  la  Grande  Charte  d'Angleterre.  11  laissa 
en  mourant  (1135)  sa  couronne  à  sa  fille  Mathilde, 
veuve  de  l'empereur  d'Allemagne  Henri  V  ;  mais 
Etienne,  neveu  d'Henri  \",  s'empara  du  pouvoir  au 
détriment  de  Malhilde  et  de  son  second  mari 
Geoffroy  Plantagenet. 

Henri  H  et  Henri  ni.  —  V^.  Plantagenet. 

Henri  IV,  Henri  V  et  Henri  VI.  —  V.  Lancastre, 
Guerre  de  Ce?if  ans  et  Guerre  des  Deux-Roses. 

Henri  VH,  Henri  VIII.  —  V.  Tudor  et  Ré- 
forme. 

3°  Rois  de  France, 

Henri  I",  —  Histoire  de  France,  VIII,  —  fils 
de  Robert  et  petit-fils  de  Hugues  Capet,  succéda 
à  son  père  en  10-31.  Il  eut  d'abord  à  lutter  contre 
sa  mère  Constance,  qui  désirait  placer  la  couronne 
sur  la  tête  d'un  autre  de  ses  fils;  Henri  réus- 
sit à  maintenir  ses  droits,  grâce  à  l'appui  du 
duc  de  Normandie  Robert  le  Diable.  Il  fut  sou- 
vent en  guerre  avec  ses  vassaux,  pour  la  plu- 
part plus  puissants  que  lui.  Son  règne  n'offre  pas 
d'événements  importants.  Il  épousa  en  1051  une 
princesse  russe,  Anne,  fille  de  Jaroslav ,  grand- 
•duc  de  Kief.  Il  mourut  en  l(i60,  laissant  la 
couronne  à  son  fils  Philippe  I".  —  V.  Hugues 
Capet. 

Henri  II,  —  Histoire  de  France,  XVII  —  fils 
et  successeur  de  Fi-ançois  l'%  monta  sur  le  trône 
en  154T.  Il  lutta,  comme  son  prédécesseur,  contre 
Charles-Quint,  puis  contre  Philippe  II.  Il  enleva  à 
Charles-Quint  les  trois  évêchés  (Metz,  Toul  et 
Verdun)  ;  puis  envoya  le  duc  de  Guise  en  Italie 
tenter  une  expédition  contre  Naples.  Une  défaite 
que  les  Espagnols  firent  subir  au  connétable  de 
Montmorency  à  Saint-Quentin  (155*)  obligea 
Henri  II  à  rappeler  le  duc  de  Guise,  qui  s'empara 
de  Calais  (1558);  mais  une  nouvelle  victoire  des 
Espagnols  à  Gravelines  engagea  le  roi  de  France  à 
traiter  :  la  paix  de  Cateau-Cambrésis  (1559!  vint 
clore  définitivement  les  longues  guerres  dites  d'I- 
talie, qui  avaient  commencé  sous  Charles  VIII.  — 
V.  Guerres  d'Italie. 

Henri  II  se  montra  très  rigoureux  envers  les  réfor- 


més français  ;  il  voulait  se  faire  pardonner  ainsi  se» 
alliances  politiques  avec  les  protestants  allemands, 
et  le  scandale  que  causait  sa  liaison  avec  Diane  de 
Poitiers.  Plusieurs  édits,  entre  autres  celui  de 
Chateaubriant  (1.551),  menacèrent  les  réformés  des 
peines  les  plus  sévères  ;  mais  les  doctrines  de 
Calvin  n'en  firent  pas  moins,  sous  ce  règne,  des 
progrès  considérables  :  les  protestants  «  étaient  si 
opiniâtres  et  résolus  en  leur  religion,  dit  un 
contemporain,  que  lors  même  que  l'on  était  le 
plus  déterminé  à  les  faire  mourir,  ils  ne  lais- 
saient pour  cela  de  s'assembler,  et  plus  on  en  fai- 
sait de  punition,  plus  ils  multipliaient.  »  (Castel- 
nau).  En  1559,  le  roi  fit  arrêter  en  plein  Parle- 
ment de  Paris  le  conseiller  Anne  Dubourg,  connu 
comme  calviniste,  et  lui  fit  faire  son  procès  ; 
Dubourg,  condamné  à  mort,  monta  sur  le  bûcher 
quelques  mois  plus  tard. 

Henri  avait  épousé  Catherine  de  Médicis,  dont  il 
eut  de  nombreux  enfants  :  trois  de  ses  fils  furent 
rois  après  lui  ^François  II,  Charles  I.\,  Henri  III), 
et  sa  fille  Elisabeth  épousa  Philippe  II  d'Espagne. 
Aux  fêtes  de  ce  mariage,  Henri  II  fut  blessé  dans 
un  tournoi,  et  mourut  des  suites  de  cet  accident 
(1559). 

Henri  III,  —  Histoire  de  France,  XIX,  —  troi- 
sième fils  de  Henri  II,  succéda  à  son  frère  Char- 
les IX  en  i57-i.  Il  avait  été  élu  roi  de  Pologne 
l'année  précédente,  et  se  hâta  de  quitter  Cra- 
covie  pour  revenir  en  France.  En  ce  moment, 
catholiques  et  protestants  étaient  de  nouveau  en 
ç;uerre  (bataille  de  Dormans,  gagnée  par  Henri  de 
Guise,  1575;  ;  mais  grâce  au  duc  d'Anjou,  frère  du 
roi,  qui  s'était  mis  à  la  tête  du  parti  des  politiques, 
un  traité  de  paix,  dit  paix  de  Monsieur,  fut  con- 
clu en  157G.  Une  fraction  des  catholiques,  trouvant 
cette  paix  trop  avantagi;u  =  ';  pour  les  protestants, 
s'en  montra  fort  irritée  :  c'est  alors  que  se  forma 
la  Sainte-Ligue,  dont  le  but  avoué  était  u  de  main- 
tenir les  lois  et  la  religion  antiques  de  la  monar- 
chie. »  La  Ligue  devint  immédiatement  une  puis- 
sance redoutable;  le  dessein  secret  des  ligueurs 
était  de  placer  le  duc  de  Guise  sur  le  trône.  Le 
roi  crut  déjouer  ces  projets  en  se  déclarant  lui- 
même  le  chef  de  la  Ligue  ;  mais  il  n'inspirait  pas 
de  confiance  aux  catholiques,  et  ses  mœurs  Uon- 
teuscs  le  faisaient  mépriser  de  tous.  En  vain, 
pour  se  concilier  les  ligueurs,  déclara-t-il  la  guerre 
aux  huguenots  en  15^7  :  les  Etats  Généraux,  réu- 
nis à  Blois,  lui  refusèrent  tout  secours  financier. 
Cependant  il  remporta  quelques  succès.  Les  pro- 
testants ayant  demandé  la  paix,  Henri  crut  à  la 
fois  terminer  les  discordes  religieuses  et  ressaisir 
son  autorité  au  moyen  de  la  paix  de  Bergerac  (1577), 
qui  accordait  aux  réformés  la  liberté  d'exercer 
leur  culte  dans  certaines  villes,  et  prononçait  l'a- 
bolition de  toute  confédération  particulière  :  cette 
dernière  disposition  visait  spécialement  la  Ligue. 
.Mais  le  roi  ne  réussit  qu'à  mécontenter  les  catho- 
liques, et  la  Sainte-Ligue  n'en  subsista  pas 
moins. 

Le  duc  d'Anjou  étant  mort  en  1584,  et  Henri  III 
n'ayant  pas  d'enfants,  l'héritier  présomptif  de  la 
couronne  se  trouva  être  le  chef  des  protestants, 
Henri  de  Bourbon,  roi  de  Navarre.  La  perspective 
do  voir  un  huguenot  sur  le  trône  excita  au  plus 
haut  point  l'indignation  des  ligueurs,  et  le  roi  se 
vit  obligé  de  recommencer  la  guerre  contre  le 
parti  réformé.  Henri  de  Navarre  battit  l'armée 
royale  à  Centras  (1587)  ;  le  duc  de  Guise,  en  revan- 
che, mit  en  déroute  à  Vimory  et  à  Auneau  les  troupes 
que  les  protestants  allemands  envoyaient  au  sec  lurs 
de  leurs  coreligionnaires  de  France.  Le  roi  est  bien- 
tôt accusé  de  tiédeur  par  les  partisans  des  Guises  : 
Paris,  où  dominent  les  ligueurs,  s'insurge  (Journée 
des  Barricades,  12  mai  1587),  et  Henri  III  est  obligé 
de  s'enfuir  de  sa  capitale.  Feignant  alors  de  c  Jder 
aux  exigences  de  la  Ligue,  il  convoiue  de  nouveau 


HENRI  lY 


—  954  — 


HENRI  IV 


les  Etats  Généraux  à  Blois,  y  attire  le  duc  de 
Guise,  auquel  il  accorde  le  titre  de  lieutenant-géné- 
ral du  loyaume,  et  le  fait  assassiner.  Il  se  figurait 
«  qu'ayant  fait  tuer  le  roi  de  Paris,  il  était  redevenu 
roi  de  France.  »  C'était  mal  connaître  la  violence 
des  passions  soulevées  contre  lui.  A  la  nouvelle 
du  meurtre,  Paris  prend  les  armes  ;  Mayenne, 
frère  d'Henri  de  Guise,  est  proclamé  lieutenant- 
général  du  royaume  à  sa  place,  et  la  race  des 
Valois  est  déclarée  déchue  du  trône.  La  plupart 
des  grandes  villes  imitent  Paris.  Henri  HI  se  décide 
alors,  pour  vaincre  la  Ligue,  à  s'allier  aux  protes- 
tants et  à  Henri  de  Navarre.  Les  deux  rois  réunis- 
sent une  armée,  et  marchent  sur  Paris,  qu'ils  as- 
siègent. Mais  un  moine  fanatique,  Jacques  Clé- 
ment, assassine  Henri  III,  qui  meurt  en  désignant 
Henri  de  Navarre  pour  son  successeur  (1589^. 

Henri  IV.  —  V.  ci-dessous. 

mî?iiUI  IV.  —  Histoire  de  France,  XIX-XX.  — 
Avènement  de  Henri  IV.  —  Le  2  août  1589,  le 
meurtre  de  Henri  III  assassiné  par  le  moine  Clé- 
ment termina  d'une  manière  tragique  la  dynastie 
des  Valois.  L'héritier  le  plus  direct  de  la  couronne 
était  le  roi  de  Navarre,  Henri  de  Bourbon,  qui  des- 
cendait d'un  fils  de  saint  Louis.  Mais  depuis  qu'il 
était  héritier  présomptif,  ses  droits  étaient  contes- 
tés avec  fureur.  Il  était  le  chef  du  parti  protestant, 
et  la  plupart  des  catholiques  redoutaient  en  lui  un 
ennemi  de  leurs  croyances. 

^tat  de  la  France.  Ln  Ligue.  —  Depuis  trente 
années  les  passions  religieuses  avaient  déchaîné 
en  France  la  guerre  civile.  Henri  III,  après  avoir 
poussé  jusqu'au  fanatisme  la  ferveur  de  sa  foi  ca- 
tholique, s'était  vu  chassé  de  sa  capitale  et  forcé  de 
reconquérir  par  les  armes  son  roj^aume  insurgé 
contre  lui.  La  grande  association  de  la  Ligue, 
formée  sous  prétexte  de  défendre  la  religion,  était 
devenue  un  formidable  instrument  politique  aux 
mains  du  roi  d'Espagne  et  des  Guises.  Elle  était 
maîtresse  d'une  partie  des  provinces  et  de  pres- 
que toutes  les  grandes  villes.  Dans  Paris,  elle  dis- 
posait d'une  multitude  ardente,  exaltée  chaque 
jour  par  des  prédicateurs  fanatiques.  Elle  avait  son 
gouvernement,  le  conseil  de  l'Union,  composé 
de  24  membres;  son  chef  militaire,  le  duc  de 
Mayenne,  lieutenant-général  du  royaume.  A  Henri 
de  Navarre,  elle  opposait  un  autre  roi,  le  vieux 
cardinal  de  Bourbon  proclamé  sous  le  nom  de 
Charles  X. 

Désordre  général.  —  A  la  faveur  de  la  guerre 
civile,  le  désordre  et  le  trouble  s'étaient  mis  par- 
tout. Dans  les  villes,  les  bourgeois,  organisés  en 
confréries,  formaient  des  milices,  choisissaient  des 
chefs,  prenaient  parti.  Dans  les  provinces  et  dans 
les  places,  les  gouverneurs  ne  reconnaissaient  plus 
au-dessus  d'eux  aucune  autorité  :  Mercœur  était  roi 
en  Bretagne,  dEpernon  en  Guyenne,  Montmorency 
en  Languedoc.  L'unité  française  semblait  se  dis- 
soudre dans  l'anarchie. 

Intervention  es-pognole.  —  Ce  qu'il  y  avait  de 
plus  grave,  c'était  l'intervention  des  étrangers.  Le 
roi  d'Espagne  Philippe  II  avait  travaillé  activement 
à,  la  formation  de  la  Ligue  ;  ses  agents  avaient 
reçu  l'ordre  de  n'épargner  ni  l'argent,  ni  les  pro- 
messes. Une  pension  avait  été  servie  à  Henri  de 
Guise,  elle  était  continuée  à  son  frère  Mayenne. 
L'ambassadeur  espagnol  Bernardine  de  Mendoça 
excitait  les  chefs  catholiques  et  le  peuple  de  Paris  ; 
il  leur  faisait  espérer  le  concours  armé  de  son 
maître.  Le  plan  de  Philippe  II  était  d'entretenir  la 
guerre  en  France,  de  décider  le  parti  catholique  à 
se  livrer  à  lui,  et  d'obtenir  ainsi  ou  la  couronne 
pour  un  des  siens,  ou  tout  au  moins  quelques  pro- 
vinces arrachées  dans  un  démembrement. 

Le  parti  royaliste.  —  Il  semblait  impossible 
qu'une  telle  crise  se  dénouât  d'une  manière  heu- 
reuse. Le  parti  royaliste,  déjà  affaibli  du  vivant  de 
Henri  III,  était  encore  diminué  par  des  défections. 


Beaucoup  de  seigneurs  catholiques,  jusqu'alors 
opposés  à  la  Ligue,  refusaient  de  servir  un  roi 
huguenot.  Les  protestants  eux-mêmes  marchan- 
daient leur  concours,  et  voulaient  qu'on  donnât 
satisfaction  à  leur  exigences  les  plus  impoliiiques 
et  les  plus  immodérées. 

Caractère  de  He/a-i  IV.  —  Henri  de  Navarre 
comprit  la  difficulté  do  sa  tâche  et  n'en  fut  point 
effrayé.  Avec  des  apparences  légères,  c'était  un 
homme  de  grand  esprit  et  de  grand  cœur.  En  15S9, 
il  était  dans  toute  la  force  de  l'âge,  déjà  formé 
aux  affaires  par  les  rudes  épreuves  qu'il  avait  dû 
traverser.  Prisonnier  à  la  cour  des  Valois  après  la 
Saint-Barthélémy,  il  avait  appris  à  se  diriger  au  tra- 
vers des  périls  et  des  embûches.  Plus  tard,  il  avait 
fait  en  Navarre  son  éducation  de  roi  et  de  soldat.  Avec 
une  petite  armée,  il  s'était  montré  à  Centras  non 
plus  seulement  partisan  décidé,  mais  bon  capitaine 
et  lieureux.  Il  avait  sur  le  champ  de  bataille  cette 
verve  intrépide  qui  enlève  le  soldat  et  décide  la 
victoire.  Protestant  avant  la  Saint-Barthélémy, 
converti  par  force  au  milieu  du  massacre,  revenu 
au  protestantisme  après  son  évasion  de  la  cour,  il 
avait  conservé  peu  de  passions  et  peut-être  aussi 
de  convictions  religieuses  Mais  il  avait  au  cœur 
l'amour  de  la  France  et  l'ardent  désir  de  tout  pa- 
cifier. Dès  le  début,  il  eut  la  vive  intelligence  de 
la  situation.  Il  vit  qu'il  lui  fallait  se  défendre  soli- 
dement, faire  preuve  de  force,  et  en  même  temps 
négocier,  tâcher  de  ramener  les  indécis.  Le  chef 
de  parti  devait  disparaître  et  ne  plus  laisser  voir 
que  le  chef  de  nation. 

Premiers  actes  d'Henri  IV.  —  Les  premiers  actes 
du  nouveau  roi  furent  conformes  au  plan  que  lui 
traçaient  les  circonstances.  Il  s'étudia  à  rassurer 
les  catholiques,  s'engageant  à  convoquer  dans  un 
délai  de  six  mois  un  concile  national  pour  son 
instruction,  ne  permettant  l'exercice  de  la  religion 
protestante  que  dans  les  lieux  désignés  par  les 
cdits  antérieurs.  Il  maintenait  en  fonctions  le  con- 
seil de  Henri  III,  n'appelait  que  des  catholiques 
aux  charges  devenues  vacantes.  Mais  l'effet  de  ces 
concessions  ne  fut  pas  inmiédiat;  beaucoup  d'an- 
ciens serviteurs  des  Valois  l'abandonnèrent.  Avec 
une  armée  réduite  et  peu  d'argent,  il  ne  pouvait 
songer  h.  assiéger  Paris.  Il  détacha  quelques  trou- 
pes en  Picardie  et  en  Champagne;  avec  le  reste, 
il  alla  se  cantonner  en  Normandie,  où  il  avait  de 
nombreux  partisans  et  où  il  était  à  portée  des  se- 
cours de  l'Angleterre. 

Arques  et  Ivnj.  —  Mayenne  résolut  de  le  pour- 
suivre. Les  subsides  espagnols  lui  permirent  de 
former  une  armée  de  2(>,(i00  hommes,  et  il  se  mit 
en  route  pour  la  Normandie,  promettant  de  rame- 
ner le  Béarnais  enchaîné.  Henri  IV  avait  établi  son 
camp  dans  une  bonne  position  défensive  entre  le 
château  d'Arqués  et  les  faubourgs  de  Dieppe.  Il 
n'y  eut  pas  à  proprement  parler  de  bataille,  mais 
une  série  de  petits  combats  qui  durèrent  douze 
jours.  Mayenne,  vigoureusement  repoussé,  battit  en 
retraite.  Le  roi  reprit  alors  l'offensive,  alla  brûler  les 
faubourgs  de  Paris,  et  courut  les  provinces  du  cen- 
tre, en  faisant  partout  reconnaître  son  autorité.  Au 
mois  de  février  1590,  il  forma  le  siège  de  Dreux. 
Mayenne,  renforcé  par  des  Espagnols  que  lui  ame- 
nait de  Flandre  le  comte  d'Egmont,  s'avança  au 
secours  de  cette  ville.  A  la  bataille  d'ivry,  Henri  IV 
chargea  lui-même  à  la  tète  de  sa  cavalerie ,  et 
sa  brillante  valeur  décida  de  la  journée  (mai 
1590i. 

Siège  de  Paris,  —  L'investissement  de  Paris  de- 
venait possible.  Il  fut  préparé  par  l'occupation  de 
Mantes,  Vernon,  Corbeil,  Lagny.  Creil,  Charenton. 
C'étaient  les  principaux  marchés  où  la  capitale 
s'approvisionnait  par  la  Seine,  la  Marne  et  l'Oise. 
Au  mois  de  mai  les  arrivages  se  trouvèrent  com- 
plètement interceptés.  A  chaque  revers  les  ligueurs 
redoublaient  de  violence  ;  cette  fois  ils  exigèrent 


HENRI  IV 


—  9oo 


HENRI  IV 


un  serment  de  fidélité  de  tous  les  magistrats  mu- 
nicipaux, des  processions  armées  défilèrent  dans 
les  rues,  les  prédicateurs  firent  rage.  Mais  les  vi- 
vres manquaient  ;  malgré  les  secours  distribués- 
par  Tambassadeur  espagnol  et  par  les  couvents,  la 
misère  faisait  do  nombreuses  victimes.  L'hérnique 
obstination  des  Parisiens  allait  être  obligée  de 
céder  devant  la  faim.  Philippe  II  ordonna  alors  au 
duc  de  Parme,  qui  commandait  pour  lui  aux  Pays- 
Bas,  d'entrer  en  France  et  de  débloquer  Paris. 
Alexandre  Farnèse,  duc  de  Parme,  était  un  des 
premiers  tacticiens  de  son  temps.  Il  manœuvra 
avec  une  habileté  supérieure;  Henri  ne  put  l'ame- 
ner aune  bataille,  se  vit  enlever  Lagny  et  Corbeil, 
et  perdit  en  quelques  jours  tout  le  fruit  de  la 
campagne. 

Le  duc  de  Parme  en  Fronce.  —  La  Ligue  avait 
dû  son  salut  à  Philippe  II.  Tandis  que  Farnèse 
délivrait  Paris,  le  duc  de  Savoie  en  Provence, 
Jérôme  Lodron  en  Languedoc,  Aguilar  en  Bretagne 
mettaient  garnison  dans  les  places  et  aidaient  les 
ligueurs  à  tenir  la  campagne.  En  1592,  une  nou- 
velle intervention  du  duc  de  Parme  sembla  néces- 
saire. Henri  l'V'  serrait  de  très  près  Rouen.  Cette 
fois  le  général  espagnol  n'eut  pas  si  bon  marclié 
de  celui  qu'il  appelait  dédaigneusement  un  cara- 
bin. Henri  leva  le  siège  de  Rouen,  mais  il  faillit  en- 
lever son  adversaire  dans  son  camp  de  Caudebec. 
Farnèse  repassa  la  Seine  et  ramena  non  sans 
quelque  hàtc  son  armée  aux  Pays-Bas.  Il  mourui 
l'année  suivante,  au  moment  où  sa  présence  deve- 
nait indispensable. 

Les  Etats  de  la  Ligue.  Abjuration  du  roi.  —  Des 
divisions  commençaient  à  s'introduire  dans  la 
Ligue.  Mayenne  s'était  séparé  du  parti  le  plus  vio- 
lent, et  avait  envoyé  au  supplice  les  principaux 
des  Seize  (nom  donné  aux  agents  de  la  Ligue  dans 
chacun  des  seize  quartiers  de  Paris).  Il  convoqua 
pour  1593  une  réunion  des  Etats  Généraux  dans 
laquelle  on  devait  décider  du  sort  de  la  France. 
Les  élections  furent  catholiques,  mais  non  pas  espa- 
gnoles. Les  envoyés  de  Philippe  II,  qui  réclamaient 
la  couronne  pour  l'infante  Claire-Isabelle,  parlèrent 
imprudemment  de  la  marier  à  un  prince  autrichien. 
Une  vive  opposition  se  manifesta  aussitôt;  le  parle- 
ment invita  Mayenne  à  empêcher  que  sous  prétexte 
de  religion  le  sceptre  passât  dans  des  mains  étran- 
gères. Le  sentiment  patriotique  se  réveillait.  Le 
parti  des  politiques,  favorable  à  une  transaction 
avec  le  roi,  se  fortifiait  tous  les  jours.  Henri  IV 
frappa  alors  un  coup  décisif.  Le  25  juin  1593,  il  abju- 
rait à  Saint-Denis  ;  il  ne  sortait  pas  très  convaincu 
de  l'instruction  sommaire  qu'il  avait  suivie  pour  la 
forme,  mais  il  croyait  devoir  sacrifier  ses  opinions 
personnelles  à  l'intérêt  supérieur  de  la  France.  Son 
abjuration  ne  fut  pas  une  défection  religieuse,  mais 
un  acte  politique. 

Fi7i  de  lu  Ligue.  —  L'eff"et  produit  fut  immense. 
Le  Saint-Siège,  après  de  longues  négociations,  leva 
l'excommunication  autrefois  lancée  par  Sixte-Quint. 
On  ne  pouvait  plus  combattre  Henri  au  nom  de  la 
religion.  En  homme  avisé,  il  ne  négligea  pas  les  pe- 
tits moyens.  Sa  conversion  avait  vivement  saisi 
l'imagination  du  peuple;  il  agit  autrement  sur  l'es- 
prit des  chefs.  Dignités,  places,  pensions,  il  leur 
donna  tout  ce  qu'ils  demandèrent  pour  payer  leur 
soumission  ;  Viiry  livra  Meaux,  Orléans  et  Bourges  ; 
les  troupes  royales  occupèrent  Lyon.  A  Paris,  le 
comte  de  Brissac,  moyennant  le  titre  de  maréchal 
de  France,  ouvrit  les  portes  le  22  mars  1594.  La 
Ligue  avait  perdu  sa  capitale. 

Guerre  contre  l'Espagrie.  —  Henri  IV  poursuivit 
avec  vigueur  les  débris  du  parti.  Villars  lui  rendit 
Rouen  et  le  Havre.  Charles  de  Guise  se  soumit. 
Mayenne  lui-môme,  battu  avec  l'Espagnol  Velasco 
au  combat  de  Fontaine-Française,  se  rallia  au  vain- 
queur. Contre  l'Espagne  qui  restait  en  armes,  le 
roi  s'aida  de  l'alliance  des  Anglais  et  des  Hollan- 


dais. Pendant  les  années  1596  et  1597  on  guerroj'a 
dans  les  provinces  du  nord.  Amiens,  que  les  Espa- 
gnols avaient  enlevé  parun  coup  de  main  hardi,  leur 
fut  repris  dans  un  siège  régulier.  Enfin  Philippe  II 
vieilli,  fatigué  de  cette  longue  lutte  qui  se  pro- 
longeait sans  résultat,  consentit  à  traiter  de  la 
paix. 

Traité  de  Vervins.  —  Les  négociations  s'ouvri- 
rent en  1597  par  l'entremise  du  pape.  Il  y  eut 
quelques  difficultés  à  propos  de  la  Bretagne,  où  le 
duc  de  Mercœur  refusait  de  se  soumettre,  et  de  la 
ville  de  Cambrai  que  Henri  IV  eût  voulu  neutrali- 
ser. Les  Hollandais  et  les  Anglais  cherchèrent 
aussi  à  entraver  une  paix  qui  allait  leur  enlever 
un  allié  précieux.  «  Les  violons  sont  payés,  il  faut 
continuer  la  danse,  «  disaient  leurs  ambassadeurs  ; 
à  quoi  Henri  IV  répondait  qu'il  n'entendait  pas 
fournir  la  salle  de  bal.  Il  fut  convenu  avec  l'Espa- 
gne, par  le  traité  de  Vervins  '1598),  que  les  choses 
seraientremisesen  l'état  où  elles  se  trouvaient  après 
la  paix  de  Cateau-Cambrésis.  Henri  IV  rendit  le 
comté  de  Charolais,  Philippe  II  les  places  de  Calais, 
Ardres,  Doullens,  le  Catelet,  le  Blavet.  A  la  suite 
d'une  courte  guerre ,  le  traité  de  Lyon  fut  si- 
gné avec  le  duc  de  Savoie  (1601)  et  compléta  la 
paix  de  Vervins.  Le  duc  garda  le  marquisat  de 
Saluées,  dont  il  s'était  emparé  en  1588,  mais  il  céda 
en  compensation  la  Bresse,  le  Bugey  et  le  Val- 
romoy. 

Ledit  de  Nantes.  —  Restait  à  régler  la  condition 
des  protestants.  Depuis  la  conversion  du  roi,  ils 
manifestaient  de  vives  inquiétudes  et  semblaient 
craindre  qu'il  ne  les  traitât  comme  avaient  fait  les 
Valois.  Pour  les  rassurer,  Henri  IV  rendit  l'édit  de 
Nantes.  La  liberté  de  conscience  était  reconnue 
dans  tout  le  royaume,  la  liberté  du  culte  chez  tous 
les  seigneurs  haut-justiciers,  dans  tous  les  endroits 
où  on  l'avait  admise  précédemment,  et  enfin  dans 
deux  villes  par  bailliage.  Il  était  permis  aux  protes- 
tants de  s'organiser  en  consistoires,  colloques, 
synodes  provinciaux  et  généraux.  Ils  étaient  auto- 
risés à  lever  de  l'argent  pour  subvenir  aux  frais  de 
leur  culte.  Pour  les  prémunir  contre  tout  retour  de 
persécution,  il  leur  était  donné  un  ensemble  de  ga- 
ranties civiles,  judiciaires  et  politiques.  Les  garan- 
ties civiles  consistaient  dans  le  droit  d'avoir  des  ci- 
metières, des  écoles,  des  universités  à  eux,  et  dans 
l'admissibilité  aux  emplois  publics.  Pour  garanties 
judiciaires,  on  maintenait  ou  l'on  créait  dans  les 
parlements  des  chambres  mi-parties,  où  figuraient 
un  certain  nombre  de  magistrats  protestants,  et  des 
chambres  de  l'édit,  dont  les  membres  étaient 
nommés  sur  la  présentation  des  réformés.  Toutes 
les  affaires  litigieuses  où  des  protestants  étaient 
en  cause  devaient  être  portées  devant  ces  cham- 
bres. Enfin,  comme  gage  principal  de  sécurité,  on 
leur  laissait  un  certain  nombre  de  villes  qu'ils  de- 
vaient garder  huit  ans.  Ces  places  dites  de  sûreté 
étaient  surtout  des  places  de  l'ouest,  du  sud-ouest 
et  du  ûauphiné.  Les  plus  importantes  étaient  la 
Rochelle,  Nîmes,  Montauban,  Grenoble. 

L'édit  de  Nantes  ne  contenta  qu'à  moitié  les 
réformés;  il  donna  lieu  à  une  vive  opposition  de 
la  part  d'un  grand  nombre  de  catholiques  ;  le  clergé 
protesta,  les  parlements  résistèrent.  Celui  de 
Rouen  n'enregistra  qu'en  1609  l'édit  rendu  en  1598. 
Cette  mesure  présentait  de  réels  inconvénients, 
dont  le  plus  grave  était  de  laisser  les  protestants 
groupés  en  un  corps  politique  ;  ils  avaient  leurs 
assemblées,  leurs  finances,  leurs  places-fortes,  ils 
eurent  leurs  députés  auprès  du  roi  ;  ils  pouvaient 
d'un  jour  à  l'autre  avoir  encore  leurs  armées.  Mais 
Henri  IV  n'avait  pas  le  choix  des  moyens.  Il  fallait 
amener  les  protestants  à  déposer  leurs  défiances, 
des  concessions  avaient  été  nécessaires.  La  plus 
importante  de  toutes,  celle  des  places  de  sûreté, 
n'était  point  définitive.  Elle  était  limitée  à  huit 
années.  On  comptait  qu'à  l'expiration  du  terme 


HENRI  IV 


—  956  — 


HENRI  IV 


l'apaisement  des  esprits  serait  complet,  et  que  les 
reformés  n'auraient  plus  rien  à  craindre.  A  tout 
prendre,  l'édit  de  Nantes  fut  un  acte  de  sagesse,  un 
accommodement  imposé  aux  passions  ennemies. 
Ce  fut  la  paix  à  l'intérieur. 

Administration  de  Henri  IV.  Sully.—  La  guerre 
étrangère  et  la  guerre  civile  étaient  finies,  mais  la 
France  était  couverte  des  ruines  que  l'une  et 
l'autre  avaient  faites.  Après  tant  de  secousses  et 
de  troubles,  il  fallait  tout  un  travail  réparateur  de 
réorganisation.  Henri  IV  se  mit  résolument  à 
l'œuvre  ;  il  fut  bien  secondé  par  les  chanceliers 
Chiverny  et  Sillery,  par  Villeroy  et  Jeannin  dont  il 
utilisait  les  services  en  oubliant  qu'ils  avaient  été 
ligueurs.  Son  collaborateur  le  plus  actif,  le  mi- 
nistre dont  le  nom  est  resté  associé  au  sien,  ce 
fut  Sully.  Sully  était  un  gentilhomme  protestant 
d'intelligence  assez  étroite,  mais  d'une  probité 
scrupuleuse,  d'un  caractère  franc  et  énergique.  Ses 
qualités  d'économie  et  de  régularité  devaient  être 
aussi  utiles  que  les  inspirations  d'un  homme  de 
génie.  . 

07-ilre  public.  Justice.  Armée.  —  Le  premier  be- 
soin était  celui  de  l'ordre  et  de  la  sécurité.  La 
paix  religieuse  avait  déjà  facilité  la  tâche  en  cal- 
mant les  passions.  La  justice  fut  réorganisée,  un 
édit  de  1597  remit  en  vigueur  les  anciennes  ordon- 
nances d'Orléans,  de  Blois  et  de  Moulins.  L'armée 
cessa  d'être  une  menace  pour  devenir  une  protec- 
tion :  il  fut  interdit  aux  soldats  de  courir  les  cam- 
pagnes et  de  porter  des  armes  à  feu  en  temps  de 
paix.  Pour  leur  enlever  tout  prétexte  de  désordre, 
on  augmenta  leur  solde,  on  créa  des  maisons  de 
refuge  pour  les  invalides  et  des  pensions  pour  les 
ofliciers.  En  même  temps  l'artillerie,  dont  Sully 
avait  été  fait  grand-maître,  était  pourvue  d'un  ma- 
tériel et  administrée  d'une  façon  régulière.  On 
commençait  à  organiser  le  corps  du  génie  et  le  ser- 
vice des  vivres. 

Finances.  —  Sully  avait  été  nommé  aussi  surin- 
tendant des  finances.  C'était  là  que  la  besogne 
était  surtout  ardue.  En  l.S'JS  la  dette  publique 
montait  à  19G  millions;  sur  150  millions  qu'on 
percevait  chaque  année,  2()  à  peine  arrivaient  au 
trésor.  On  ne  peut  dire  que  Sully  ait  apporté  dans 
cette  administration  des  vues  très  originales  et 
des  idées  neuves.  L'institution  d'une  chambre  ar- 
dente chargée  de  rechercher  les  crimes  de  péculat, 
1  impôt  dit  de  la  paulette  établi  sur  les  magistrats, 
étaient  des  moyens  fiscaux  d'une  valeur  médiocre. 
Ce  qui  valait  mieux,  c'était  l'attention  scrupuleuse 
avec  laquelle  étaient  examinés  les  titres  des  créan- 
ciers de  l'Etat;  c'était  l'activité  infatigable  du  mi- 
nistre parcourant  lui-même  les  généralités,  dres- 
sant un  état  exact  des  sommes  perçues  et  assignant 
à  chacune  sa  destination  spéciale.  Les  désordres 
et  les  dilapidations  devinrent  impossibles.  A  la 
fin  du  règne,  5u  millions  de  biens  domaniaux  avaient 
été  rachetés,  et  une  réserve  de  4U  millions  était 
déposée  dans  les  caves  de  la  Bastille. 

Agriculture.  —  «  Labourage  et  pâturage  sont 
les  deux  mamelles  de  la  France  ».  Cette  parole  si 
connue  résume  exactement  les  idées  économiques 
de  Sully.  L'agriculture  attira  toute  sa  sollicitude. 
La  sécurité  était  rendue  aux  campagnes,  la  réduc- 
tion de  la  taille  allégea  les  charges  des  paysans  ; 
on  déclara  que  le  bétail  et  les  bêtes  de  trait  ne 
pourraient  être  saisis  ;  on  répandit  le  livre  d'Oli- 
vier de  Serres,  le  Théâtre  d'ayricultnre,  où  était 
résumée  toute  la  science  agronomique  du  temps. 
Le  commerce  des  grains  déclaré  libre  et  les  bé- 
néfices qu'il  procurait  encouragèrent  la  produc- 
tion. 

Industrie.  —  Pour  l'industrie  Sully  n'avait  que 
des  préventions.  Il  fallut  pour  en  triompher  l'in- 
tervention personnelle  du  roi.  Henri  IV  reprit  et 
fit  exécuter  lu  plan  que  Lad'emas  avait  présenté 
dans  l'assemblée  des  notables  de  Rouen  pour    la 


réorganisation  des  industries  de  première  néces- 
sité et  la  création  d'industries  de  luxe.  Pour  les 
soieries,  les  tapis,  les  étoffes  précieuses,  la  France 
était  tributaire  de  Venise  et  de  la  Hollande.  On  fit 
des  plantations  de  miiriers,  on  installa  des  manu- 
factures de  toiles  fines,  de  dentelles,  de  tapis,  des 
cristalleries,  des  verreries.  Les  industries  qui  exis- 
taient déjà  se  relevèrent  rapidement  grâce  au  ré- 
tablissement des  maîtrises,  à  l'institution  de  gardes- 
jurés  chargés  de  veiller  sur  les  statuts  et  rè- 
glements, et  surtout  grâce  à  la  création  d'une 
chambre  de  commerce  pour  étudier  et  répandre 
les  procédés  nouveaux. 

Travaux  publics.  Commerce.  —  Les  travaux 
pubhcs  n'étaient  point  négligés  ;  on  réparait  les 
anciennes  routes,  on  en  établissait  de  nouvelles  ; 
toutes  furent  plantées  d'arbres.  Des  ponts  furent 
rétablis  ou  construits  ;  on  commença  entre  la  Seine 
et  la  Loire  le  canal  de  Briare  d'après  le  système 
nouveau  à  point  de  partage.  Des  mines  furent 
mises  en  exploitation,  des  dessèchements  de  ma- 
rais entrepris.  Au  dehors,  des  traités  de  commerce 
étaient  signés  avec  1  Angleterre  et  la  Turquie; 
Chaniplain  fondait  Québec  au  Canada,  et  Sully  tra- 
vaillait à  créer  une  marine. 

Conspiratio7is.  —  Au  milieu  de  ces  pacifiques 
labeurs,  Henri  IV  était  sans  cesse  en  butte  à  des 
conspirations  qui  menaçaient  non  seulement  son 
pouvoir,  mais  aussi  sa  vie.  La  noblesse  voyait  d'un 
mauvais  œil  l'élévation  de  Sully  et  le  mouvement 
des  réformes.  Les  anciens  ligueurs  mal  corrigés 
faisaient  cause  commune  avec  les  royalistes  mé- 
contents. En  1g02,  il  fallut  faire  décapiter  le  maré- 
chal de  Biron,  ancien  compagnon  d'armes  du  roi, 
convaincu  de  haute  trahison.  Une  autre  intrigue 
presque  aussi  dangereuse  eut  pour  principal  me- 
neur le  comte  d'Auvergne,  fils  naturel  de  Charles 
IX.  On  le  mit  à  la  Bastille.  Un  des  principaux  sei- 
gneurs protestants,  le  duc  de  Bouillon,  noua  des  re- 
lations criminelles  avec  l'Espagne  ;  pour  le  punir 
on  l'obligea  à  recevoir  garnison  dans  sa  ville  de 
Sedan. 

Projets  de  Henri  IV.  Sa  mort.  —  La  main  de 
l'Espagne  était  dans  tous  ces  complots.  Elle  ne  par- 
donnait pas  à  Henri  IV  de  défendre  contre  elle  la 
Hollande.  Sans  céder  à  des  passions  religieuses 
auxquelles  il  était  depuis  longtemps  étranger, 
Henri  IV  comprenait  que  la  France  avait  tout  in- 
térêt à  soutenir  contre  la  maison  d'Autriche  les 
Etats  protestants.  En  Allemagne,  où  la  guerre  de 
Trente  ans  s'annonçait  déjà,  les  princes  réformés  sa- 
vaient qu'ils  pouvaient  compter  sur  le  roi  de  France. 
En  1609,  à  l'ouverture  de  la  succession  de  Clèves 
et  de  Juliers,  il  annonça  tout  haut  son  intention 
d'intervenir  et  commença  ses  préparatifs.  Si  l'on 
en  croit  Sully,  il  aurait  eu  alors  en  tête  un  projet 
démesuié  pour  remanier  l'Europe  et  l'organiser 
en  confédération  chrétienne.  Mais  ce  projet  ne 
paraît  pas  avoir  été  le  fait  do  Henri  IV  ;  il  s  agit  là 
d'une  idée  personnelle  à  Sully ,  trouvée  dans  ses 
papiers  et  amplifiée  plus  tard  par  ses  secrétaires. 
Les  vues  du  roi  étaient  plus  pratiques;  il  songeait 
simplement  à  reprendre  la  grande  lutte  contre  la 
maison  d'Autriche  :  il  avait  des  alliés  dans  le  nord 
et  en  Allemagne  ;  en  Italie  il  s'était  assuré  le  con- 
cours du  duc  de  Savoie,  de  la  Toscane  et  de  Ve- 
nise ;  en  Espagne  même  il  entretenait  des  intelli- 
gences avec  les  Maures  des  Alpujarras.  C'est  au 
milieu  de  ces  vastes  desseins  que  vint  le  surpren- 
dre le  poignard  de  Ravaillac(14  mai  1610).  Dix-sept 
fanatiques  avaient  déjà  attenté  à  sa  vie.  Le  dernier 
réussit. 

Henri  IV  avait  été  surnommé  le  Grand;  il  a  su 
mériter  non  seulement  l'admiration,  mais  aussi  la 
sympathie  de  l'histoiro.  Ses  faiblesses  mêmes  sont 
restées  populaires.  Aucun  roi  de  France  n'a  ac- 
compli une  lâche  plus  difficile,  aucun  n'a  été  grand 
avec  plus  de  bonne  grâce.  En  gardant  sa  gaité  et 


HERESIE 


—  957  — 


HERESIE 


son  fin  sourire,  il  a  terrassé  la  guerre  civile,  chassé 
l'étranger,  et  refait  en  Europe  une  France  prospère, 
unie  et  puissante.  [Maurice  Wahl.] 

Lectures  et  dictées.  —  Henri  IV  et  son  oeivre.' 
—  Henri  IV,  c'est  l'Hôpital  armé  ;  sa  victoire  fut, 
après  trente-quatre  ans  d'iiésitation  publique,  de 
tentatives  prématurées  et  de  violents  retours  en 
arrirro,  celle  des  principes  de  l'immortel  chance- 
lier d(i  Charles  IX. 

Il  avait  une  intelligence  universelle,  un  esprit 
souple  et  pénétrant,  des  résolutions  promptes  et 
une  fermeté  inébranlable  dans  ce  qu'il  avait  résolu. 
A  la  sagesse  des  hommes  pratiques,  à  cet  instinct 
qui  va  droit  à  l'utile  et  au  possible,  qui  prend  ou 
rejette  sans  prévention  et  sans  passion,  au  com- 
mandement le  plus  absolu,  il  joignait  la  séduction 
des  manières  et  une  grâce  de  propos  inimitable. 
Ses  hautes  vertus  mêlées  d'étranges  faiblesses  ont 
fait  de  lui  un  type  unique  de  roi  à  la  fois  aimable 
et  imposant,  profond  de  sens  et  léger  de  goùis, 
plein  de  grandeur  d'âme  et  de  calcul,  de  sympa- 
thies populaires  et  d'oreueil  de  race,  et  toujours, 
et  avant  tout  patriote  admirable. 

Il  y  a  trois  choses  dans  l'œuvre  du  vainqueur  de 
la  Ligue  :  l'établissement  définitif  de  la  liberté  de 
conscience  et  de  l'état  civil  des  dissidents,  la  res- 
tauration et  le  progrès  de  tout  ce  qui  constitue  la 
richesse  publique,  enfin  la  conception  d'une  po- 
litique française  fondée  sur  le  maintien  des  natio- 
nalités et  de  l'équilibre  des  puissances  européen- 
nes... 

Le  règne  de  Henri  IV  est  une  de  ces  époques 
décisives  où  finissent  beaucoup  de  choses  et  où 
beaucoup  de  choses  commencent.  Placé  sur  la 
limite  commune  de  deux  grands  siècles,  il  recueil- 
lit tous  les  fruits  du  travail  social  et  des  expé- 
riences de  l'un,  et  jeta  dans  leur  moule  toutes  les 
institutions  que  devait  perfectionner  l'autre.  Sa 
royauté,  dégagée  de  ce  que  le  moyen  âge  avait 
laissé  de  confus  dans  son  caractère,  apparut  alors 
clairement  sous  sa  forme  moderne,  celle  d'une 
souveraineté  administrative,  absolue  de  droit  et  de 
fait  jusqu'en  17kO,  et  depuis,  subordonnée  ou 
associée  à  la  souveraineté  nationale.  Alors  se  ré- 
glèrent d'une  manière  logique  les  départements 
ministériels,  et  leurs  attributions  s'étendirent  à 
tout  ce  que  réclament  les  besoins  d'une  société 
vraiment  civilisée. 

Alors  enfin  le  progrès  de  la  nation  vers  l'unité 
s'accéléra  par  une  plus  grande  concentration  du 
pouvoir,  et  le  progrès  vers  l'égalité  civile  par  l'a- 
baissement dans  la  vie  de  cour  des  hautes  exis- 
tences nobiliaires,  et  par  l'élévation  simultanée  dos 
différentes  classes  duTiers-Élat.  — (Aug.  Thieriîv, 
E<sai  si/r  Vhixloire  du  Ticvs-ntnt). 

V.  encore  dans  le  tome  V  des  f.ectures  '■istori- 
ques  de  M.  RafTy,  la  Bataille  d'Ivry,  racontée 
par  Henri  IV  lui-même  (p.  453);  Y  itjjuraiion  de 
Henri  I V,  récit  extrait  de  la  chronique  de  Lestoile 
(p.  4.i5  '  ;  Henri  IV  et  Sulhj,  les  -oieries  et  le  luxe, 
extrait  des  mémoires  de  Sully   p.  468). 

HÉRÉSIE.  —  Histoire  générale,  XXXIX-XL.  — 
Nous  ne  pouvons  évidemment  donner  ici  qu'un 
aperçu  très  succinct  d'un  snj<'t  et  d'une  histoire 
qui  exigeraient  des  volumes.  Xuus  nous  bornerons 
donc  a  ce  qui  est  essentiel.  Le  mot  hérésie,  du 
grec  hairesis,  doit  à  l'emploi  qu'en  a  fait  lÉglise 
un  sens  très  distinct  de  son  sens  originel.  Dans 
le  grec  classique  ce  mot  signifie  clto/x,  puis  opinion  ; 
de  là,  il  vint  à  désigner  les  tendances,  les  partis  et 
ce  que  nous  appellerions  aujourd'hui  les  écobs 
philosophiques,  telles  que  les  platonicien!5,  les 
épicuriens,  etc. 

L'hérétique,  au  sens  actuel  de  ce  mot.  est  un 
chrétien  qui  refuse  de  soumettre  sa  foi  à  l'autorité 
de  l'Église  et  s'attache  à  des  doctrines  que  celle-ci 
a  anathématisécs. 

Il  faut  distinguer  l'hérésie  du  s  hisme  (séparation 


scission),  qui  peut  n'être  qu'une  dissidence  pure- 
ment formelle  ou  disciplinaire,  ne  touchant  pas 
au  dogme.  Par  exemple,  au  point  de  vue  de  la 
théologie  catholique,  l'Église  grecque,  qui  n'admet 
pas  la  suprématie  des  évèques  de  Rome,  mais  qui 
maintient  tous  les  anciens  décrets  des  conciles, 
serait  schismaii'iue  plutôt  qn'héréique.  Cependant 
cette  distinction  théorique  s'efface  aisément  dans 
la  réalité,  puisque  de  pareilles  scissions  supposent, 
pour  ainsi  dire  nécessairement,  de  graves  diffé- 
rences dans  la  doctrine. 

Les  empereurs  orthodoxes,  successeurs  de  Cons- 
tantin, rangèrent  l'hérésie  parmi  les  crimes  que  la 
puissance  temporelle  devait  punir  par  la  prison, 
la  confiscaiion  et  même  par  le  glaive.  Cette  étroite 
alliance  de  l'autorité  ecclésiastique  et  du  pouvoir 
séculier  se  resserra  encore  pendant  le  moyen  âge. 
Il  fut  admis  alors  sans  contestation,  et  Saint-Tlio- 
mas  dans  sa  Somme,  ainsi  que  tous  les  papes  et 
tous  les  conciles  de  cette  période,  le  proclament 
sans  aucune  réserve,  que  les  individus  condamnés 
par  l'autorité  ecclésiastique  pour  leurs  opinions 
religieuses  doivent  itre,  s'ils  y  persistent,  remis 
au  bras  séculier  pour  que  celui-ci  leur  applique  la 
peine  corporelle  qu'ils  ont  méritée,  ordinairement 
la  mort.  Cette  doctrine  fut  aussi  celle  de  certains  ré- 
i  formateurs  protestants  du  seizième  siècle,  qui,  bien 
qu'en  révolte  eux-mêmes  contre  l'autorité  de  Rome, 
n'hésitèrent  pas  à  envoyer  au  bûcher  ceux  qui 
pensaient  autrement  qu'eux  sur  telle  question  de 
dogme. 

Nous  donnons  ci-dessous,  à  titre  de  mémento  his- 
torique, la  nomenclature  des  principales  hérésies, 
et  nous  la  rédigeons  du  point  de  vue  catholique. 
Nous  distinguerons  trois  périodes  :  les  p:-emiers 
siècles,  le  moyen  âge,  et  les  temp«  modernes. 

Premiers  siècles.  —  Les  hérésies  des  premiers 
siècles  forment  trois  groupes  inégaux  d'importance: 
1°  les  hérésies  judiBO-chrétiimnes;  2°  les  hérésies 
gnostiques;  3"  les  hérésies  thcologiques  proprem.ent 
dites. 

1°  Les  hérésies  judaeo-chrétiennes  furent  celles 
des  communautés  juives-chrétiennes  qui  ne  sui- 
virent pas  le  reste  de  l'Église  dans  son  détachement 
du  judaïsme  et  persistèrent  à  observer  plus  ou 
moins  complètement  la  loi  de  Moïse.  On  les  dis- 
tinguait en  deux  brauches  :  les  Nazaréens,  plus 
modérés,  et  les  Ebionites  , c'est-à-dire  les  pauv)-es, 
du  mot  hébreux  Ebioiiim  ;  le  prétendu  hérésiarque 
Ebion,  qui  aurait  donné  son  nom  à  la  secte,  n'est 
qu'une  invention  des  écrivains  postérieurs.  Ils 
étaient  en  assez  grand  nombre  en  Palestine,  et 
surtout  sur  la  rive  gauche  du  Jourd:iin,  dans  la 
Batanée  et  laDécapole.  On  perd  leurs  traces  depuis 
le  septième  siècle. 

1'°  L'influ''nce  encore  puissante  des  idéps  poly- 
théistes et  les  tendances  mystiques  et  spéculatives 
de  l'époque  produisirent,  surtout  au  second  siècle 
de  notre  ère,  une  éclosion  de  nombreux  systèmes 
réunis  sous  le  nom  générique  de  gnosticisnie. 
La  gxose,  ou  la  connaissance  supérieure,  privi- 
lège des  seuls  élus,  communiquée  d'une  manière 
plus  ou  moins  mystérieuse  aux  adeptes  de  ces  bi- 
zarres doctrines  où  le  sublime  et  le  grotesque  à 
chaque  instant  se  coudoient,  leur  adonné  leur  nom 
historique.  Il  faut  renvoyer  aux  ouvrages  spéciaux 
ceux  '  ui  désireraient  étudier  le  docétisme  et  la  hié- 
rarchie conipliquée  des  éous  (  très  célestes  méta- 
physiques), qui,  entendus  de  bien  des  manières, 
constituaient  le  fond  commun  du  gnosticisme. 
Il  y  eut  un  grand  nombre  de  sectes  gnosti(|ues  : 
les  Marcionites,  les  Carpocraiiens,  les  Basilicliens, 
les  Valentiniens,  les  Ophiies,  etc. 

On  pour  ranger  dans  la  même  classe  le  Mani- 
c'  éisme,  originaire  de  la  Perse,  système  dualiste, 
à  la  fois  ascétique  en  principe  et  immoral  par  ses 
conséquences,  enseigné  par  le  prêtre  Mani  (iii* 
siècle)  et  qui  fut  très  répandu  au  cinquième   siè- 


HÉRÉSIE 


958 


HERESIE 


cle,  même  en  Occident,  où  il  compta  un  moment 
parmi  ses  adhérents  un  jeune  homme  qui  plus 
tard  devait  être  saint  Augustin. 

3"  Ce  fut  surtout  au  sujet  de  la  personne  du 
Christ  que  de  nombreuses  hérésies  se  produisirent 
du  troisième  au  sixième  siècle.  Les  évoques  du 
troisième  siècle  se  prononcèrent  en  majorité  en 
faveur  de  la  doctrine  du  Verbe,  Fils  de  Dieu,  per- 
sonnellement distinct  du  Père,  et  incarné,  devenu 
homme  pour  le  salut,  du  genre  humain.  Ils  con- 
damnèrent donc  à  la  fois  ceux  qui,  comme  Paul  de 
Samosate,  évêque  d'Antiocho,  voyaient  en  Jésus 
un  homme  intérieurement  dirigé  et  illuminé  par  le 
Saint-Esprit,  et  ceux  qui,  tels  que  Noet  et  Sabel- 
lius,  effaçaient  la  personnalité  du  Fils  et  voyaient 
simplement  en  lui,  comme  dans  le  Père  et  le  Saint- 
Esprit,  un  mode,  uue  face  de  l'Etre  divin. 

IVIais,  au  quatrième  siècle,  il  s'agit  de  préciser 
sur  cette  base  les  rapports  du  Père  et  du  Fils. 
Arius.  prêtre  d'Alexandrie,  et  beaucoup  d'autres 
avec  lui,  pensaient  que  le  Fils  était  inférieur  au 
Père,  créé  par  lui,  par  conséquent  d'une  autre  es- 
sence, n'ayant  pas  existé  de  toute  éternité,  et  lui 
ayant  servi  d'instrument  intelligent  dans  l'œuvre 
et  le  maintien  de  la  création.  C'est  Athanase.  évê- 
que d'Alexandrie,  qui  soutint  l'opinion  approuvée 
par  le  concile  de  Nicée  (325),  d'après  laquelle  le 
Fils  est  co-essentiel,  ou  consubstantiel,  co-éternel 
avec  le  Père.  Les  Ariens  ou  partisans  de  la  doc- 
trine d'Arius  furent  très  nombreux,  comptèrent 
parmi  leurs  partisans  des  empereurs,  des  conciles, 
et  dominèrent  môme  quelque  temps  l'Eglise  chré- 
tienne, au  point  que,  selon  l'expression  de  ^aint 
Hilaire,  a  le  monde  s'étonna  de  se  trouver  arien.  » 
Toutefois,  à  partir  de  l'empereur  Théodose  faSl), 
très  opposé  à  l'arianisme,  et  bien  que  plusieurs 
peuples  germains  envahisseurs  de  l'empire,  tels 
que  les  Goths,  les  Burgundes,  les  Vandales,  etc., 
fussent  chrétiens-ariens,  la  doctrine  d'Arius  fut 
de  plus  en  plus  absorbée  par  celle  de  Nicée,  qui 
finit  par  régner  seule  (depuis  le  vie  siècle). 

Le  concile  de  Constantinople  àe  381  condamna 
la  doctrine  de  Macédonius,  qui  contestait  la  per- 
sonnalité du  Saint-Esprit,  et  celle  des  Apollinai- 
res,  qui  se  représentaient  le  Christ  comme  un  Dieu 
incarné  sous  forme  humaine,  mais  non  comme 
vrai  homme  en  même  temps  que  vrai  Dieu. 

Le  concile  d'Ephèse,  en  431,  condamna  la  doc- 
trine de  Nestorius,  qui  dirait  qu'il  y  avait  dans 
Jésus  deux  personnes,  l'homme  et  le  Dieu,  aussi 
bien  que  deux  natures  (origine  de  V Eglise  ?icsto- 
rienne  d'Asie).  En  revanche,  en  -i51  le  concile  de 
Chalcédoine  condamna  l'opinion  d'Eutychès,  d'a- 
près lequel  il  n'y  a  qu'une  nature  en  Jésus-Christ 
{mtmophysisme,  doctrine  d'une  seule  nature,  de- 
meurée celle  de  l'Eglise  copte  d'Egypte). 

Enfin  en  680  le  concile  de  Con.siantinople  ana- 
thématisa  la  doctrine  dos  monot/iélites ,  lesquels 
reconnaissaient  bien  deux  natures  en  Jésus-Christ, 
mais  n'admettaient  en  lui   qu'une  volonté  unique. 

L'hérésie  de  Pelage  ou  Pélagianisme  consistait  à 
nier  que  le  péché  d'Adam  fût  transmissible  autre- 
ment que  par  la  contagion  de  l'exemple  et  impu- 
table à  sa  postérité  (v«  siècle).  Cette  doctrine  fut 
surtout  combattue  par  saint  Augustin. 

3Ioyen  âge.  —  Les  principales  hérésies  du 
moyen  âge  sont  : 

1°  La  doctrine  des  Bulgares,  Cathares,  Albigeois, 
noms  divers  donnés  à  une  secte  opposée  à  l'Eglise 
romaine,  originaire  de  la  Bulgarie,  mais  qui  se 
propagea  surtout  dans  le  nord  de  l'Italie  et  dans 
le  midi  de  la  France  (du  ix=  au  xiii*  siècle).  Ce  fu- 
rent ses  i)rogiès  qui  déterminèrent  le  pape  Inno- 
cent III  à  décréter  la  croisade  contre  les  Albigeois 
-et  à  instituer  l'Inquisition.  Les  Cathares  ou  .^Mbi- 
geois  croyaient  l'Eglise  corrompue,  le  ministère  dos 
prêtres  illégitime,  et  mêlaient  à  leurs  idées  mys- 
tiques sur  la  vertu  purifiante  de  leurs  sacrements 


des  vues  dualistes  sur  la  création  et  le  gouverne- 
ment divin  du  monde. 

2°  L'hérésie  des  Vnudois,  originaires  des  Alpes, 
remontant  au  douzième  siècle,  appelés  aussi  les 
Pauvres  de  Li/on,  secte  anti-sacerdotale,  cherchant 
à  vivre  selon  les  préceptes  du  Sermon  de  la  Mon- 
tagne sans  recourir  aux  sacrements  de  l'Eglise 
(massacre  de  Mérindol  et  de  Cabrières,  1545).  Ils  se 
tondirent  à  la  réforme  avec  les  protestants,  et  for- 
ment encore  aujourd'hui  une  église  importante  en 
Italie. 

3»  L'hérésie  des  Hnssites  ou  frères  de  Bohême,  se 
rattachant  à  Jean  IIuss  qui  prêcha  à  Prague  contre 
les  abus  de  l'Eglise  (commencement  du  xv^  siècle) 
et  qui  fut  brûlé  à  Constance  en  141.3.  Ses  parti- 
sans se  révoltèrent  et  formèrent  pendant  assez 
longtemps  une  église  nationale  indépendante.  Leurs 
débris,  réorganisés  au  dix-huitième  siècle  par  le 
comte  de  Zinzendorf,  formèrent  les  communautés 
industrieuses  connues  aujourd'hui  sous  le  nom 
de  Frères  Moraves,  répandues  sur  plusieurs  points 
de  l'Allemagne,  de  la  Hollande,  de  l'Angleterre  et 
de  l'Amérique. 

Notons  aussi,  comme  appartenant  au  moyen  âge, 
le  schisme  définitif  entre  l'Eglise  grecque  ou  orien- 
tale et  l'Eglise  latine  ou  romaine,  survenu  à  la  suite 
des  démêlés  entre  les  évêques  de  Rome  et  ceux  de 
Constantinople.  En  1054  le  schisme  fut  accompli. 
Il  s'aggrava  au  point  de  vue  dogmatique  du  fait 
que  les  Grecs  ne  voulurent  pas  reconnaître  avec 
les  Latins  la  formule  ajoutée  au  symbole  dit  d'A- 
thanase  et  qui  stipule  que  le  Saint-E-^prit  procède 
du  Fils  comme  du  Pèro  (e  Pâtre  Filiogue).  L'E- 
glise grecque  domine  aujourd'hui  en  Grèce,  en 
Russie,  dans  la  Turquie  d'Europe  et  d'Asie,  en 
Roumanie,  en  Bulgarie,  etc.  —  V.  Schismes. 

Tempi  modernes.  —  Toutes  les  églises  protes- 
tantes nées  du  mouvement  réformateur  du  sei- 
zième siècle  furent  rangées  par  l'autorité  catholi- 
que dans  la  catégorie  dos  hérésies,  puisque  toutes 
attaquaient  les  doctrines  catholiques  sur  l'infailli- 
bilité de  l'Eglise,  les  sacrements,  l'absolution  sa- 
cerdotale, la  justification,  le  culte  des  images,  la 
transsubstantiation,  le  purgatoire,  le  culte  de 
îlarie  et  des  saints,  les  vœux  monastiques,  le 
sacrifice  de  la  messe,  etc.,  et  voulaient  substituer 
l'autorité  de  la  Bible  à  celle  des  conciles  et  des 
papes.  Nous  terminerons  en  citant  les  principales 
branches  du  protestantisme. 

1°  \S ég\\%&  luthérienne  o\x  de  la  confession  d' A ugs- 
bourg  (.Allemagne,  Alsace,  Danemark,  Suède, 
Norvège  Finlande)  se  rattachant  à  l'œuvre  réfor- 
matrice de  Martin  Luther. 

2°  L'église  réformée,  dont  Zwingli  et  Calvin 
furent  les  principaux  promoteurs  au  seizième  siè- 
cle, se  distinguant  de  la  précédente  par  un  culte 
plus  austère  et  des  idées  plus  radicales  sur  la 
sainte  Cène  (Suisse,  France,  Pays-Bas,  Angleterre, 
Ecosse,  Etats-Unis). 

3°  Les  Sociniens,  ainsi  nommés  de  Lelio  et 
Fauste  Socin  (xvi'  siècle)  qui  poussèrent  encore  plus 
loin  que  les  luthériens  et  les  calvinistes  la  ré- 
forme des  doctrines  catholiques  et  arrivèrent  à 
enseigner,  comme  autrefois  Paul  de  Samosate 
[\.  plus  haut),  que  Jésus  était  un  homme  inspiré 
par  le  Saint-Esprit.  Ils  sont  les  ancêtres  de  ceux 
que  l'on  nomme  aujourd'hui  Unitaires,  et  qui  sont 
répandus  en  Angleterre  et  surtout  aux  Etats-Unis. 
Los  protestants  connus  en  France  et  en  Suisse 
sous  le  nom  protestais-  libéraux  présentent  une 
grande  analogie  avec  les  Unitaires  d'Angleterre 
et  d'Amérique. 

C'est  surtout  au  sein  du  protestantisme  anglais 
que  l'individualisme  profire  à,  la  race  anglaise  a 
suscité  de  nombreuses  sectes,  vivant  à  côté  de 
l'Eglise  angliC'iîie  ou  établie  par  la  Couronne  et  le 
Parlement,  qui  est  celle  de  l'Etat,  jouit  de  privi- 
lèges politiques,  et  qui  a  conservé,  outre  l'épisco- 


HIÉROGLYPHES 


—  959  — 


HIÉROGLYPHES 


pat,  de  nombreuses  formes  catholiques.  Dans  ses 
cadres,  le  parti  ritualiste  cherche  à  se  rapprocher 
le  plus  possible  du  rituel  catholique,  tandis  que  le 
parti  évui'Çféiique  o\xLow  Clnirch  tend  à  s'en  éloi- 
gner. A  côté  d'elle,  nous  distinguons  l'Eglise  pres- 
bijfé'  ie7i?ie,  du  type  calviniste,  repoussant  l'épisco- 
pai  ;  les  communaLaXés  indépendcmtes,  qui  veulent 
l'autonomie  entière  de  la  paroisse  ;  les  Univrsa- 
listes,  ennemis  de  la  doctrine  des  peines  éter- 
nelles; les  Méthodistes,  communautés  nombreu- 
ses, également  du  type  calviniste,  et  insistant 
surtout  sur  l'idée  de  la  justification  gratuite  par 
la  foi  au  sang  rédempteur  de  Jésus-Christ;  les 
Baptisfes  (connus  en  Hollande  sous  le  nom  de 
Mtîinoiiites),  ne  se  rattachant  guère  que  par 
le  nom  aux  anabaptistes  du  seizième  siècle  dont 
on  connaît  les  fureurs  et  la  fin  tragique  à  Muns- 
ter (153  .),  et  dont  la  doctrine  disiinctive  est  que 
le  baptême  ne  doit  être  administré  qu'aux 
adultes  ayant  l'âge  de  raison  ;  les  Amis  ou  Quakers 
(«  trembieurs  »,  nom  dérisoire),  organisés  par  Fox 
et  Guillaume  Penn  (1691,  1718)  sur  des  principes 
d'une  grande  largeur,  mais  avec  des  formes  bizar- 
res: ils  sont  surtout  répandus  en  Amérique  (Pen- 
sylvanieK  On  peut  citer  au^si  les  Irvingiens,  les 
PLymouthistes  ou  Z)ar6ii  to,et  dautres  petites  sectes 
exaltées,  très  attachées  surtout  à  l'idée  que  la  fin 
du  monde  actuel  et  le  retour  visible  du  Christ  sont 
proches. 

Les  mots  de  gallicanisme,  de  jansénisme,  de 
guiétisme,  désignent  des  opinions  spéciales  sur 
certains  points  de  foi  ou  de  discipline,  opinions 
qui  ont  été  condamnées  par  le  siège  pontifical  : 
mais  on  ne  les  range  ordinairement  pas  parmi  les 
hérésies  proprement  dites.  [Albert  Réville. J 

HIÉROGLYPHES.  —  Histoire  générale,  IH.  — 
Ëtym.  :  de  hiéros,  sacré,  et  ijluphô,  graver, 
sculpter,  traduction  exacte  de  rexpression  égyp- 
tienne skhaïou  noutri.  dessins  [écrits)  divins.  — 
Nom  que  les  Grecs  donnèrent  aux  caractères  dont  se 
servaient  les  Egyptiens  pour  écrire  les  inscrip- 
tions gravées  sur  les  murs  des  temples ,  df  s 
palais  et  des  tombeaux;  d'une  manière  générale, 
nom  de  tous  les  caractères  employés  par  les  Egy- 
ptiens. 

Eléments  de  L'écriture  tiiérogiyphique.  —  Les 
hiéroglyphes  égj'ptiens  étaient  au  début  des  idéo- 
grarmnes  ou  signes  cfidée  :  la  figure  d'un  bœuf 
'^fff^  rendait  aux  yeux  l'idée  de   bœuf,  celle  d'un 

homme  ''>^\  l'idée  d'homme,   celle  d'une  étoile  * 

l'idée  d'étoile,  etc.  Mais  l'idée  se  traduit  toujours 
par  un  mot  pensé  ou  prononcé.  La  vue  du  ùœ'i/', 
de  l'homme,  de  l'étoile,  su. gérait,  à  l'esprit  de  l'É- 
gyptien qui  les  avait  dessinés  et  de  celui  qui  les 
voyait,  le  mot  ahou  correspondant  à  l'idée  de  bœuf, 
le  mot  rôtou  correspondant  à  l'idée  d'homme,  le 
mot  siba  correspondant  à  l'idée  d'étoile  :  ahou, 
rôtou,  siba  devinrent  la  prononciation   constante 

de  "^flj,   ^>^,   -K.  Pour  marquer  les   idées   dont 

l'expression  est  un  objet  matériel,  on  dessina  l'ob- 
jet; pour  marquer  celles  qu'on  ne  peut  pas  expri- 
mer directement  de  la  sorte,  on  employa  des  équi- 
valents :  un  homme  po?  tant  la  main  à  la  bouche 

^J^  pour  les  idées  de  boire,  manger,  parler,  ré- 
fléchir, prier,  etc.  ;  deux  jambes  j\  pour  les  idées 
de  mouvement  ;  une  hache  à  sacrifices  \  pour  l'idée 
de  '  leu.  On  eut  de  la  sorte  un  système  d'écriture 
dans  lequel  chaque  signe  répondait  à  une  idée  et 
au  mot  de  cette  idée  :  «  Vliomme  va  »  s'y  serait 

exprimé  aux  yeux  par  les  signes  ^^^  y\  ou  tî^  ^^^ 

qui  se  liraient  rôt  iou  ou  ion  rôt.  Aucune  inscrip- 
tion égyptienne  de  ce  système  n'est  parvenue  jus- 
qu'à nous,    mais   les    inscriptions  de   toutes   les 


époques  renferment  un  grand  nombre  d'idéogram- 
mes mêlés  aux  autres  signes. 

La  langue  égyptienne  est  monosyllabique  en 
général,  c'est-à-dire  que  la  plupart  des  mots  n'y  ren- 
ferment qu'une  syllabe.  Cette  syllabe  est  formée  ou 
bien  de  deux  consonnes  avec  voyelle  médiale,  MIR, 
ou  bien  d'une  consonne  à  voyelle  initiale.  IR,  ou 
bien  d'une  consonne  avec  voyeiie  finale,  BL  Cela 
revient  à  dire  que,  dans  l'écriture,  la  plupart  des 
signes  d'idée  avaient  pour  son  deux  consonnes 
avec  voyelle  médiale  :  ••^c:  le  hoyau,  MIR,  ou  bien 
une  consonne  avec  voyelle  initiale  :  -^at»-  l'œil,  IR, 

ou  encore  une  consonne  avec  voyelle  finale,   "Vk 

la  grue,  BL  On  s'habitua  insensiblement  à  voir 
dans  ces  signes,  moins  des  représentants  d'idée 
que  des  représentants  de  son  :  ■'ô;::;  fut  le  son  MIR, 

-«s^  le  S071  IR,  «^  le  son  BI.  Or  la  combinai- 
son de  consonnes  MR  forme  en  égyptien  plusieurs 
racines  de  sens  fort  diflTérents  :  MIR  signifie  un 
hoyou,  MIRI  signifie  aimer  et  aussi  œil,  MIROU 
signifie  lier  :  au  lieu  de  borner  la  valeur  du  signe 
•"«S:;  à  la  représentation  idéographique  du  hoyau, 
on  s'en  servit,  par  extension,  pour  figurer  tous  les 
mets  où  se  retrouvait  la  syllabe  MIR,  et  on  écrivit 
•K::^;  MIRI,  aimer,  '<sz.  MIRI,  xil,  -^  MIROU,  lier. 
La  combinaison  IR,  outre  le  sens  œil,  a  aussi  le  sens 
faire  :  l'œil  -«>-,  lu  IRI,  servit  à  rendre  le  sens 
œil  et  le  sens  faire.  En  un  mot,  d'idé"graphique, 
le  signe  devint  syllaLique.  Il  avait  d'abord  servi  à 
rendre  une  idée,  puis  le  son  d'une  idée  :  il  en  arri- 
vait à  ne  plus  rendre  que  le  son  d'une  syllabe  sans 
plus  rien  retenir  de  l'idée.  Mais  ce  n'est  pas  tout. 
Les  syllabes  formées  d'une  consonne  et  d'une  voj'elle , 
comme  <=»,  RO,  la  bowjhe,  ^».,  DOU,  la  main, 
f"^  XI,  l'eau,  renfermaient  un  élément  constant, 
la  consonne,  R,  D,  X,  qui  ne  change  jamais,  et  la 
voyelle,  0,  OU,  I,  qui,  surtout  dans  les  langues 
orientales,  est  toujours  des  plus  mobiles.  Les  Egyp- 
tiens s'habituèrent  à  séparer  l'élément  vocalique  et 
à  ne  tenir  compte  que  de  l'élément  immuable  de 
ce  genre  de  syllabe  :  dans  -=>  Ro,  ils  virent  R  ; 
dans  ^w.  Dou.  D  ;  dans  a~«wv  Ni,  X  :  «=-,  •^»-,  f"^ 
passèrent  à  l'état  de  R,  D,  X,  et  l'évolution  fut 
complète.  Le  signe,  d'abord  idée,  puis  sjllabe,  ne 
fut  plus  que  lettre,  et  l'alphabet  se  trouva  in- 
venté. 

Deux  difficultés  se  présentaient  lorsqu'on  vou- 
lait écrire,  avec  les  caractères  ainsi  employés,  un 
texte  un  peu  long.  En  premier  lieu,  chaque  idée  ou 
chaque  objet  avait  été  exprimé  au  début  par  plu- 
sieurs termes  synonjTnes,  dont  l'emploi  s'était  sou- 
vent conservé  :  ainsi  le  hoyau,  *<szz,  s'appelait  in- 
différemment mir  ou  hon;  l'oreille  de  veau,  ^ ,  se 
disait  som  [sôtm]  ou  den,  etc.  Tant  qu'il  s'agissait 
de  ■^^S;;  idéogramme,  peu  importait  qu'on  lût  iràr 
ou  hon  :  quelque  son  qu'on  choisît,  on  avait  le  sens 
hoyau,  et  c'était  l'essentiel.  Mais  supposez  qu'on 
transcrivît  par  •'<ic;  le  son  HOX^,  pris  dans  le  sens  de 
vase,  qu'il  avait  également,  ou  la  syllabe  HOX  du 
mot  HOXBou,  fontaine  :  le  lecteur  pouvait  être  em- 
barrassé, ne  pas  savoir  laquelle  des  deux  valeurs 
HOX  ou  MIR  il  devait  choisir,  et  ne  pas  comprendre 
la  plirase.  Pour  indiquer,  dans  ce  cas,  la  valeur 
qu'il  convenait  d'adopter,  on  prit  l'habitude  d'écrire, 
avec  le  syllabique  polyphone,  c'est-à-dire  suscepti- 
ble de  prendre  plusieurs  sons,  l'autre  des  deux 
lettres  qui  répondaient  à  son  énonciation,  presque 
toujours  la  seconde.  Pour  indiquer  la  valeur  ilIR 

de  ■'^szî  on  ajouta  «=»  (R)  à  •*cc  soit  "^-^  qu'il 
ne  faut  pas  lire  MIR  -j-  R,  mais  mir,  «==-  n'étant 
là  que  comme  indice  de  lecture  ;  pour  indiquer  le 

son  HOX,  on  ajouta  a««*a  (N)  à  •^Ss;;::,  ^oit    '^'^    ou 

X  '"^^  avec  R  (H)  devant,  a««~-a  (X)  derrière,  qu'il  ne 
faut  lire  ni  HON  -j-  N,  ni  H  -{-  HON  -^  N ,  mais  Ao«, 


HIEROGLYPHES 


X  (H)  et  i""-^  (N)  n'étant  là  que  comme  indices  de 
lecture.  On  nomme  ces  indices  de  lecture  complé- 
ments phonétiques:  V  W  *3st  le  complément  pho- 
nétique de  -HT  prononcé  sôm,  sôtm;  a«*>-a  (N)  le  com- 
plément phonétique  de  ^  prononcé  den. 

En  second  lieu,  les  mots  homophones,  c'est-à-dire 
semblables  de  sons,  devaient  devenir  la  cause  d'in- 
nombrables erreurs.  MIR,  placé  dans  une  phrase,  y 
signifiait-il  aimer,  lier,  charrue  ou  bien  œil?  Dans 
bien  des  cas  on  ne  devait  savoir  comment  choisir 
entre  lier  et  aimer  par  exemple.  Pour  distinguer 
les  différents  sens  d'une  même  racine,  on  eut  re- 
cours à  des  signes  idéographiques,  auxquels  on 
donna  un  emploi  nouveau.  ^  (MIR)  signifiait-i! 
lier,  on  traça  derrière  le  mot  l'idéogramme  du 
li'-n,  a  ou  ^,  soit  ^  s  ou  ^  ^;  signi- 
fiait-il aimer,  on  traça  l'idéogramme  des  idées  de 
parole  ou  de  réflexion,  '^,  soit  ^  ^  ;  signi- 
fiait-il œil,  on  traçait  Vœil  pris  comme  idéogramme, 
soit  ■''^^  i»»..  Ce  signe  idéographique,  nonpio- 
noxcé,  s'appelle  un  déterminatif.  Les  déterminatifs 
sont  un  des  éléments  importants  du  système  hié- 
roglyphique :  s'ils  n'existaient  pas,  nous  pourrions 
à  peine  lire  une  inscription. 

L'écriture  hiéroglyphique  se  compose  donc  d'un 
mélange  de  signes  idéographiques  prononcés  ou 
idéogrammes,  de  signes  syllabiques,  de  lettres,  et 
de  signes  idéographiques  7ion  prononcés  détermi- 
natifs. Prenons  une  phrase  quelconque  : 

Les  signes  "^{T')  et  --»■  (D)  sont  des  lettres  ainsi 

que  le  signe  I  (A)  ;  m^  ^st  un  syllabique,  M"N, 
dont  A>~~A  (N)  est  le  complément  phonétique  ;  et  le 
signe  î  est  le  déterminatif  des  noms  de  dieu,  ici 
du  nom  d'.4wjmo?i.  Dans  ce  qui  suit  ■==■  (R)  et  , — i 
(A,  î)  sont  des  lettres  ;  O  et  J  sont  iléterminatifs, 

l'un  de  l'idée  de  soh-il,  l'autre  l'idée  de  dieu;  ^ 
est  un  syllabique,  SOU,  a  (T)  et  a~«~m  ^)  sont  des  let- 
tres,  |  e?,\.Y  idéogramme  prono7icé  àe  Die«<,NOUTRL 

n  est  répété  trois  fois  pour  marquer  le  pluriel 
idéographique,  et  la  phrase  entière  se  lit  : 
T'oD  AM°N-RASo"T^N-NOUTRI'>o; 
Dit  Ammon-Râ,  7'oi  des  Dieux. 

Alphahet  et  syllabaires.  —  Il  y  a  en  Egypte  un 
alphabet  dans  lequel  chaque  son  a  un  ou  plusieurs 
équivalents  graphiques  : 

A !. 

A  ou  À  . .   1^. 
A  ou  A...  .= — I,  ïy. 

I M.^v 

u ^,\. 

VV  ou  F. . .  * 


—  960  —  HIÉROGLYPHES 

B  ouV...   J. 

P 0,0- 

M ^-^J'^- 

RL .=>,j^. 

H ro- 

H  ou  H'.,   f. 
X  ou  Kh.    o. 

s -^.P. 

Q A. 

G.  K. ...  Z3. 

K --^. 

T -k,  1=,. 

D,  T....  -«.. 

T',  TS,  DJ,    '^. 

A  cet  alphabet  se  joint  un  syllabaire,  dont  voici 
un  spécimen  : 


A. 


AX.. 
AÂ.. 

AB.  . 

AP.  . 
AM.. 
AN.. 

•  V 

AR... 
AS. . . 

.  \.  \.  i  ji.  •«^,  ^: 

AT.. 

.    «va. 

AD... 

.    90C,   «3. 

B. 


BX.... 

BII'... 
BS.... 
BT 


HIEROGLYPHES 


961  — 


HIEROGLYPHES 


Enfin,  comme  complément,  donnons  la  liste  de  quelques  idéogrammes  dont  les  uns  se  prononcen*, 
les  autres  servent  de  déterminatifs  : 

^— ,,  1°  [PE],  ciel,  plafond;  2'  élever,  supériorilé. 
"^^^  ']T',  nuit,  obscurité. 

o,  x°[RÂ],  soîell,lumièreouabsencedeluœière;2°division5  du 
temps. 

•— »,  pays  montagneux,  par  suite  pays  étrangers,  i'Égj'pte  étant 
un  pays  de  plaines. 

Q,  x"  circonscription  de  territoire;  a"  ville  ou  village. 

^H,  nome. 

a=i:,  ÎHJ»  l'eau  et  toutes  les  idées  d'arrosage,  de  lavage,  de 
puriGcation,  de  soif  qui  s'y  rattachent. 

||,  le  feu,  la  chaleur,  la  flamme. 

^,  J,  l'homme  et  la  femme  ordinaires. 

»'  -^»  les  dieux,  les  ancêtres,  les  rois,  toutes  les  personnes 
vénérables. 

^,  toutes  les  actions  :  i"  de  la  bouche,  2°  de  la  pensée. 

<J^ ,  le  repos,  la  tranquillité,  la  faiblesse. 

>^,  J^,  l'adoration. 


Le  tout  forme  un  ensemble  d'environ  trois  cent 
cinquante  signes,  avec  lesquels  on  peut  déchiffrer 
sans  peine  les  textes  de  l'époque  classique  (XI'-XIIP 
dynasties,  XVU'-XXVI'  dynasties).  Les  textes  plus 
anciens  renferment  un  nombre  considérable  d'idéo- 
grammes; les  textes  récents,  ceux  surtout  de  l'é- 
poque grecque  et  romaine,  demandent  une  étude 
toute  particulière  et  fournissent,  sans  compter  les 
valeurs  nouvelles  d'anciens  signes,  près  de  deux 
mille  signes  entièrement  nouveaux. 

Ecritures  cursives.  —  Les  hiéroglyphes,  par  la 
variété  et  l'élégance  de  leurs  formes,  se  prêtent 
mieux  que  tout  autre  système  à  la  décoration  des 
monuments.  Mais  les  Egyptiens  n'écrivaient  pas 
seulement  au  ciseau  sur  la  pierre  :  ils  se  servaient 
des  fibres  du  papyrus  pour  préparer  un  papier  sur 
lequel  ils  traçaient  les  caractères  à  l'encre  noire 
et  rouge  au  moyen  d'un  brin  de  jonc.  L'inexpé- 
rience de  la  plupart  des  gens,  la  nécessité  d'écrire 
rapidement  altérèrent  la  forme  des  caractères  r 
l'hiéroglyphe  défiguré  et  abrâgé  devint  ce  qu'on 
nomme  improprement  le  caractère  hiératique.  Ainsi 

la  chouette   M  (M)  perdit  ses  pattes  et  son  dos  et 

devint  ^;  la.  bouche  <=>  (R)  s'ouvrit  ^,  Vhomme 

portant  la  main  à  la  bovche  n^  ne  fut  plus  que 

la  silhouette  de  lui-même  ^C      «c."  ^^^  ligatures 

relièrent  les  signes  superposés 


A  a. 


ou  juxtaposes 


I  I  1' 


Ou, 


âji  f^'^^^i, Amman, 


Les  caractères, 


r^i  î^>  t^  W 

d'abord  tracés  avec  un  jonc  assez  gros,  étaient  de 
dimensions  relativement  considérables,  par  exem- 
ple dans  le  Papyrus  Prisse  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale. Ils  se  rapetissèrent  de  plus  en  plus  à  mesure 
qu'on   î>'oloigna  des  premiers  temps. 

2"  Pahtie. 


Les  exemples  ci-dessous  (ainsi  que  ceux  qui  pré- 
cèdent) nous  montrent  des  caractères  déjà  plus  me- 
nus; les  deux  premiers  appartiennent  à  la  XIX*  dy- 
nastie, et  le  troisième  à  l'époque  gréco-romaine: 

MÛ  N  DÂ    KHoPeRU  DUT  H'eR  M  PÀ    AO 
eau  une        être     faire     à    Soleil  le  fut. 

eW         RaN        DÀS        M    NaKHTO 
de  lui  le  nom  [est]  Thébaîde  en    Force . 

KuB  eM      BaK    eM    K      KHoPRU    NeK  ARO 

d'or    épervier  en  ta  transformation  Tu  as  fait. 

Le  jonc  devenant  déplus  en  plus  fin  et  l'écriture 
de  plus  en  plus  cursive,  entre  la  XX*  et  la  XXVI' 
dynastie,  il  se  forma  une  sorte  de  tachygraphie  du 
système  hiératique,  qu'on  appelle  l'écriture  démo- 
tique ou  populaire  : 

W  N-AM  W  AU  ToP  en  MA  RaKH  eW  AN 

en  lui  il  ëtait  monde  du  le  lieu  ne  sut  lui  Point 

L'écriture  hiératique  modifiée  fut  désormais 
employée  pour  les  livres  de  liturgie  ;  le  démotique 


^W 


HIÉROGLYPHES 


—  962  — 


HIEROGLYPHES 


'ut  employé  de  préférence  pour  les  besoins  ordi- 
n  lires  de  la  vie,  pour  la  rédaction  des  contrats  et 
lies  actes  de  l'état  civil,  pour  les  œuvres  littéraires, 
même  sur  la  pierre  à  côté  de  récriture  hiérogly- 
phique ou  hiératique.  Vers  l'époque  grecq\ie  et 
romaine,  on  peut  dire  que  chacune  des  trois  écri- 
tures répondait  à  un  état  différent  de  la  langue  : 
les  hiéroglyphes  servaient  à  écrire  la  langue 
officielle ,  qui  était  à  la  langue  usuelle  ce 
que  le  latin  de  l'époque  classique  est  au  fran- 
çais de  nos  jours;  l'hiératique  était  l'écriture  de  la 
langue  liturgique,  le  démotique  celle  de  la  langue 
courante.  De  là  l'emploi  sur  certains  monuments 
de  deux  et  quelquefois  trois  écritures  diffci-entes  ; 
le  grec,  pour  les  Grecs  établis  en  Egypte,  l'hiéro- 
glyphique, forme  officielle  que  devait  revêtir  tout 
acte  émané  d'une  autorité  civile  et  religieuse,  le 
démotique,  qui  permettait  aux  contemporains  de 
compr.endre  le  sens  du  décret  rédigé  dans  la  lan- 
gue officielle. 

Les  hiéroglyphes  s'écrivent  indifféremment  de 
droite  à  gauche  ou  de  gauche  à  droite:  l'hiérati- 
que et  le  démotique  s'écrivent  toujours  de  droite 
àgauciie. 

Hi'sfoire  de  l'écriture  hiéroglyphique.  —  Sur  les 
plus  anciens  monuments  (vers  la  IP  dynastie,  5000 
ans  avant  notre  ère)  on  trouve  déjà  le  système  hiéro- 
glyphique complètement  formé.  Quelques-uns  des 
blocs  de  la  pyramide  de  Chéops  portent,  tracés  à  la 
sanguine,  des  caractères  moitié  hiéroglyphiques, 
moitié  hiératiques,  et  les  tombeaux  du  temps  mon- 
trent que  les  scribes  avaient  déjà  une  écriture 
cursive  pour  la  comptabilité  et  pour  les  œuvres 
littéraires.  Il  faut  donc  faire  remonter  l'origine  et 
les  développements  de  l'écriture  hiéroglyphique  à 
nombre  de  siècles  plus  haut,  probablement  aux 
époques  qui  précédèrent  Menés  et  la  fondation  de 
la  royauté  égyptienne. 

Le  dernier  nionument  que  nous  connaissions  de 
l'écriture  liiéroglyphique  est  du  temps  de  l'empe- 
reur Philippe  dii'  siècle  après  notre  ère).  Il  sem- 
ble que  l'écriture  démoiiquc  ait  continué  d'être  en 
usage  parmi  les  païens  d'Egypte  longtemps  après 
que  l'écriture  hiéroglyphique  eut  cessé  d'être  em- 
ployée. Elle  fut  remplacée  chez  les  chrétiens  par 
l'alpliabet  grec,  auquel  on  ajouta  sept  caractères 
empruntés  à  l'ancienne  écriture  pour  les  sons  par- 
ticuliers à  l'égyptien.  Cet  alphabet  est  encore  au- 
jourd'hui employé  par  les  chrétiens  coptes  pour 
les  livres  liturgiques;  pour  les  usages  courants  de 
la  vie,  ils  ne  se  servent  plus  depuis  le  commence- 
ment du  xvii«  siècle  que  de  la  langue  et  de  l'écri- 
ture arabe. 

La  connaissance  des  hiéroglyphes  une  fois  per- 
due, les  peuples  de  l'Occident  ne  songèrent  à  la 
regagner  qu'à  partir  du  xvi'  siècle.  La  publication 
d'un  ouvrage  du  Grec  HorapoUon  de  Nilopolis, 
écrivain  du  m'  siècle  après  notre  ère,  qui  avait 
expliqué  tant  bien  que  mal  une  centaine  des  signes 
idéographiques  encore  usités  de  son  temps,  attira 
l'attention  sur  les  écritures  égyptiennes,  mais 
arrêta  pour  longtemps  le  progrès  des  études.  Les 
modernes  crurent,  comme  les  Romains  et  les  Grecs 
avaient  fait  avant  eux,  que  l'écriture  hiéroglyphi- 
que était  purement  symbolique,  et  essayèrent 
d'appliquer  aux  inscriptions  les  valeurs  idéogra- 
phiques dHorapoUon.  Celui  de  tous  qui  s'avança  le 
plus  loin  dans  cette  voie  fut  le  jésuite  Athanase 
Kircher,  qui,  vers  le  milieu  du  xvii«  siècle,  proposa 
un  système  d'explication  symbolique  complet.  Le 
travail  sérieux  de  déchiffrement  ne  commença 
qu'avec  notre  siècle. 

En  179!),  un  officier  du  génie,  Boussard,  chargé 
par  le  général  Bonaparte  de  fortifier  Rosette,  dé- 
couvrit une  pierre  qui  portait  trois  inscriptions, 
l'une  mutilée,  en  hiéroglyphes,  deux  autres  pres- 
que intactes,  en  démotique  et  en  grec  :  l'inscription 
grecque  disait   expresscmont  que   les  tmis  tc\tcs 


n'étaient  que  la  reproduction  en  trois  écriture; 
différentes  d'un  même  décret  rendu  par  les  prêtres 
en  l'honneur  d'un  roi  Ptolémée  et  de  sa  sœur 
Cléopâtre.  Le  monument,  pris  par  les  Anglais  en 
1800,  fut  déposé  par  eux  au  British  Muséum  où  il 
est  encore  aujourd'hui  ;  mais  des  copies  exactes 
des  trois  inscriptions  circulaient  déjà  dans  toute 
l'Europe.  Le  Suédois  Ackerblad,  alors  en  mission 
diplomatique  à  Paris,  et  le  Français  Sylvestre  de 
Sacy,  furent  les  premiers  à  étudier  l'inscription. 
Dès  1800,  ils  avaient  réussi  à  reconnaître,  dans  le 
texte  démotique,  les  noms  royaux  qu'il  renfermait, 
à  déchiffrer  quelques  mots  et  à  composer  un  al- 
phabet démotique  assez  exact.  Leurs  études  furent 
reprises  par  le  savant  anglais  Thomas  Young,  qui, 
après  avoir  examiné  à  fond  l'inscription  démo- 
tique, s'attaqua  résoliiment  aux  débris  hiérogly- 
phiques. On  savait  par  les  travaux  récents  du  Sué- 
dois Zoëga  que  les  noms  des  souverains  étaient 
enfermés  dans  une  ellipse  ç  j  qu'on  nomme 
cartouche,  et  par  ceux  du  Français  Etienne  Quatre- 
mère,  que  la  langue  copte  usitée  chez  les  chrétiens 
d'Egypte  était  un  dérivé  bâtard  de  l'ancienne  langue 
égyptienne.  Young,  sachant  que  les  cartouches  de 
l'inscription  de  Rosette  devaient  renfermer  le  nom 
de  Ptolémée,  en  l'honneur  de  qui  avait  été  gravée 
l'inscription,  chercha  à  retrouver  dans  le  cartouche 
les    éléments     du    mot     grec 


dm 


_>    et  *» 


Ptolcmaios  ,  et  conclut  que 
et  *»  étaient  P    et  T;  il  prit 

pour  un  signe  superflu,  donna  à  .AA  la  valeur 

OLE,  à  ■£=■  la  valeur  ma,  et  à    1  la  valeur  os,  osh. 
Un  au- 


fl 


un  au-  /^ 
trecar-  [  ^ 
touche    vC; 


lec- 


lui  fournit   les 

tures  i  =  BIR,  <= 

!^    :=    E,     / — ^    =    N 


^^  =  KE,  KEN  ;  .J,  dfc  et  %  étaient,  suivant  lui, 

des  signes  de  remplissage.  Le  résultat  de  ses  re- 
cherches, publié  en  1818,  fut  peu  remarqué  :  il 
n'en  fut  pas  de  même  de  celui  des  découvertes  de 
François  Champollion,  qu'on  nomme  CharapoUion 
le  Jeune  pour  le  distinguer  de  son  frère  aîné  Cham- 
pollion-Figeac. 

Champollion,  dès  l'enfance,  avait  étudié  les  lan- 
gues orientales  et  surtout  le  copte  :  l'étude  du 
copte  le  conduisit  à  celle  des  hiéroglyphes.  Après 
de  longs  tâtonnements,  il  découvrit  enfin  la  clef  du 
système  perdu,  et  publia  sa  découverte  dans  une 
Lettre  à  M  Dacier,  lue  en  septembre  1*^2?  à  l'Acadé- 
mie des  Inscriptions  et  Belles-Lettres. Comme  Youn  g, 
il  s'attaqua  d'abord  au  cartouche  de  Ptolémée. 
Il  admit  comme  le  savant  anglais  que  1-  m  valaient 

P,  T,  mais  il  lut  û  O,  -ks  L,  ^=  M,  M  f,  jl  S, 

et  prouva  la  légitimité  de  ses  lectures  par  l'exa- 
men du  Cartouche 


Ce  cartouche  renfermait  J%&,  û,  i,  dont  les  va- 
leurs étaient  connues  par  le  cartouch  ^  précédent, 
soit  L,0,P.  Il  reconnut  qu'il  s'agissait  de  Cleo- 
pâtre  et  lut  il  =  K,  I  =  E,  V  =  A,  •=>  =  R. 
Le  cartouche 

déjà  lu  Bérénice  par  Young,  lui  donna  ^  =  B, 
/«•««x  =r  N,  I  I  =  I,  ^-^  =  S.  et  celui  de 


UISPANO-AMÉRICAINES       —  0G3 


HIS  PANO-AMËRICAINES 


(v-rvrrl 


Mexandros,  ajouta  les  lettres  -^^  K,  — »—  S,  ^^  D. 
à  celles  qu'il  avait  déjà.  Le  tout  lui  donna  un  rudi- 
ment d'alpliabet  : 


JX. 


i.  B. 
-».,  A,  D,  T. 

^"^^^  A,  K. 
:.à,  «=:>,  L,  R. 
-=:,  M. 


qui  lui  permit  de  lire  d'autres  noms  et,  au  moyen 
de  ces  noms,  de  déterminer  la  valeur  d'autres  let- 
tres. Dans  son  Précis  du  système  hiéroglyphique. 
qui  parut  deux  ans  plus  tard,  on  trouve  déjà  un 
alphabet  très  étendu  et  l'indication  de  quelques 
formes  grammaticales.  Quand  il  mourut  en  1832, 
les  règles  du  déchiffrement  étaient  solidement  éta- 
blies. 

Quelques  semaines  avant  sa  mort,  on  avait  créé 
pour  lui,  au  Collège  de  France,  une  chaire  qui  a 
été  successivement  occupée  par  MM.  Letronne, 
Charles Lenormant,  Emmanuel  de  Rougé,  Maspero: 
c'est  autour  de  cette  chaire  que  s'est  ralliée  l'école 
française,  Nestor  L'hôte,  Théodule  Dévéria  parmi  les 
morts,  Mariette,  Chabas,Baillet,Lefébure,Grébault, 
Guiyesse,  parmi  les  vivants.  Tous  les  pays  étran- 
gers ont  fourni  leur  contingent  à  la  science  égj'p- 
tologique  :  l'Italie,  Salvolini,  Rosellini,  Ungarelli, 
Migliarini,  Orcurti,  aujourd'hui  Rossi  et  Schiapa- 
relli  ;  l'Angleterre,  Birch,  Goodwin  (mort  en  1878), 
Lepage-Renouf  ;  la  Hollande,  Leemans  et  Pleyte  ; 
l'Allemagne,  Lepsius,  Brugsch,  Duemichen.Ebers, 
Lauth,  Éisenlohr,  Stern  ;  la  Norvège,  Lieblein  ;  la 
Suisse,  Naville;  la  Russie,  Golénischeff.  Le  nombre 
des  travailleurs  augmente  de  jour  en  jour,  et  l'é- 
gyptologie,  en  moins  de  soixante  ans.  est  devenue 
l'une  des  plus  florissantes  parmi  les  sciences  orien- 
tales. [G.  Maspero. 1 

HISPAN0-A3IÉR1CAINES  (Républiques).— His- 
toire générale,  XXVI,  XXXVI.  —  On  appelle  ainsi 
les  États  indépendants  qui  se  sont  constitués,  au 
commencement  de  ce  siècle,  par  le  démembrement 
du  vaste  empire  colonial  que  l'Espagne  possédait 
dans  les  deux  Amériques.  Ce  sont:  le  Mexique; 
les  républiques  de  l'Amérique  centrale,  au  nombre 
de  cinq  :  Guatemala,  Honduras,  San  Salvador, 
Nicaragua,  Costa  Rica  ;  la  Nouvelle-Grenade,  le 
Venezuela  et  l'Equateur,  qui  lurent  réunis  tous  les 
trois,  pendant  quelques  années,  en  un  Etat  fédé- 
ratif  sous  le  nom  de  Colombie;  le  Pérou,  la  Boli^•ie, 
le  Chili,  le  Paraguay,  l'Uruguay,  et  la  République 
Argentine  ou  Confédération  de  la  Plata. 

On  trouvera,  dans  les  articles  spéciaux  que  nous 
consacrons  au  Mexique  et  au  Pérou,  quelques  indi- 
cations sur  l'organisation  intérieure  des  colonies 
espagnoles  d'Amérique  et  sur  leur  histoire  durant 
les  xvi«,  XVII' et  xviii»  siècles.  Nous  n'y  reviendrons 
pas  ici.  Le  régime  imposé  par  la  métropole  à  ces 
colonies  était  si  oppressif,  et  le  mécontentement 
qu'il  excitait  si  profond,  que  l'occasion  do  secouer 
le  joug  de  l'Espagne  ne  pouvait  manquer  d'être 
saisie  avec  empressement  dès  qu'elle  se  présente- 
rait. L'exemple  des  Etats-Unis,  et  les  idées  de  li- 
berté que  la  Révolution  française  avait  répandues 
partout,  contribuèrent  à  développer  chez  les  co- 
lons les  aspirations  d'indépendance. 

1°  Période  des  guerres  d'indépendance.  — 
En  1806,  le  général  Miranda,  originaire  de  Caracas, 
qui,  après  avoir  servi  en  France  sous  Dumouriez 
en  1"'.'3,  était  revenu  dans  sa  patrie,  essaya  de  sou- 
lever le  Venezuela,  mais  sans  succès.  Une  insurrec- 


I  tion  tentée  à  Quito,  dans  le  Pérou,  en  1809,  échoua 
également. 

Mais  en  1810  des  soulèvements  plus  sérieux  al- 
laient éclater.  Napoléon,  après  avoir  déclaré  les 
Bourbons  déchus  du  trône  d'Espagne,  y  avait  placé 
son  frère  Joseph  ;  ce  changement  "de  dynastie 
servit  de  prétexte  à  la  révolte  des  colonies  :  en  re- 
fusant de  reconnaître  le  nouveau  roi,  c'était  en 
réalité  contre  le  régime  colonial  qu'elles  s'insur- 
geaient. Buenos-Aires  donna  It-  signal,  et  se  dé- 
clara indépendante  de  la  métropole  ;  le  Chili  chassa 
pareillement  les  Espagnols;  au  Venezuela,  Miranda 
leva  de  nouveau  le  drapeau  de  l'insurrection  :  et  au 
Mexique,  le  curé  Hidalgo  souleva  la  population  in- 
digène au  cri  de:  vive  Ferdinand  VII.  L'insurrec- 
tion d'Hidalgo  fut  comprimée  en  1811.  Au  Chili, 
le  vice-roi  du  Pérou,  Abascal,  parvint  à  rétablir 
en  lsl.3  l'autorité  espagnole  au  nom  de  la  junte  de 
Cadix.  Les  provinces  delà  Plata,  par  contre,  se  trou- 
vèrent définitivement  émancipées  après  la  victoire 
de  Las  Piedras  '1811)  :  un  gouvernement  indépen- 
dant fut  établi àBuenos-Aires, et  en  1816  lecongrès 
de  Tucuman  régla  la  constitution  de  la  République 
Argentine,  la  première  en  date  des  républiques 
hispano-américaines. 

Quant  au  Venezuela,  Miranda  y  fut  d'abord  vic- 
torieux, et  l'indépendance  delà  colonie  fut  procla- 
mée en  1811.  Toutefois  les  Espagnols  reprirent 
ensuite  le  dessus,  et  Miranda  fut  fait  prisonnier. 
Mais  il  fut  aussitôt  remplacé  par  un  homme  d'un 
génie  supérieur,  Bolivar,  qui  allait  devenir  le 
Washington  de  l'Amérique  méridionale. 

Bolivar  avait  débuté  comme  lieutenant  de 
Miranda,  et  avait  remporté  d'abord  plusieurs  succès 
sur  les  Espagnols.  Réduit  en  1815  à  s'enfermer 
dans  Carthagène  avec  ses  compagnons  d'armes,  il 
reprit  bientôt  l'ofifensive,  et  après  la  victoire  déci- 
sive de  Boyaca  (1819),  le  triomphe  de  la  cause  de 
l'indépendance  fut  assuré  dans  les  provinces  de  l'O- 
rénoque.La  même  année,  au  congrès  d'Angostura.  la 
Nouvelle-Grenade  et  le  Venezuela,  affranchis  tous 
deux  par  Bolivar,  s'unirent  pour  former  une  seule 
république  sous  le  nom  de  Colombie.  La  partie 
septentrionale  du  Pérou,  avec  Quito,  échappée 
aussi  à  la  domination  espagnole,  s'unit  à  la  Co- 
lombie. 

Pendant  ce  temps,  le  Chili  s'émancipait  de  son 
côté.  San  Martin,  à  la  tète  des  forces  de  la  Répu- 
blique Argentine,  franchit  les  Andes  (1817),  battit 
les  Espagnols  à  Charabuco(1817)  et  à  Maypu  '1818). 
et  constitua  le  Chili  en  république.  Un  officier 
anglais,  lord  Cochrane,  était  venu,  comme  autre- 
fois Lafayette.  offrir  son  épée  aux  insurgés  améri- 
cains :  nommé  amiral  de  la  flotte  chilienne,  il  prit 
en  1820  Valdivia,  le  dernier  boulevard  des  Espa- 
gnols au  Chili. 

La  même  année,  le  Chili  organisa  une  eipédi 
tion  contre  le  Pérou,  seule  province  de  leur  empire 
sud-américain  que  les  Espagnols  eussent  conservée. 
San  Martin  ,et  Cochrane  s'emparèrent  de  Lima 
(1821),  et  l'indépendance  du  Pérou  fut  proclamée. 
Mais  la  division  se  mit  entre  les  vainqueurs  :  à  la 
suite  de  ces  querelles,  Cochrane  donna  sa  démis- 
sion, San  Martin  se  retira  en  France,  et  les  Espa- 
gnols purent  rentrer  à  Lima  (18'.?3).  Bolivar,  ap- 
pelé par  les  Péruviens,  accourut  à  leur  secours  ; 
et  la  brillante  victoire  d'Ayacucho  (1824\  rempor- 
tée par  son  lieutenant  Sucre,  obligea  les  Espagnols 
à  évacuer  définitivement  le  Pérou.  Cette  colonie 
forma  alors  deux  républiques  séparées  :  le  Pérou 
proprement  dit,  et  le  Haut-Pérou  qui  prit  le  nom 
de  Bolivie  en  l'honneur  de  Bolivar  (V.  Pérou). 

Le  Mexique,  que  le  curé  Hidalgo  avait  tenté  do 
soulever  en  1810,  avait  été  depuis  le  théâtre  da 
deux  autres  insurreciions  également  malheureuses. 
Enfin  en  1821,  lorsque  la  nouvelle  de  la  révolution 
d'Espagne  parvint  en  Amérique,  un  quatrième 
mouvement  eut  lieu  ;  le  général  Iturbide,  passant 


HISPANO-AMKRICAINES 


964 


HISTOIRE 


aux  insurgés,  devint  leur  chef,  et  le  Mexique  se 
sépara  définitivement  de  l'Espagne  (V.  Mexique). 
L'Amérique  centrale,  qui  sous  la  domination 
espagnole  formait  la  capitainerie-générale  de  Gua- 
temala, se  souleva  aussi  en  1821,  et  après  s'être 
unie  quelque  temps  au  Mexique,  s'en  sépara  pour 
constituer  un  Etat  fédératif  indépendant. 

Il  nous  reste  à  parler  de  deux  provinces  qui 
dépendaient  originairement  de  la  vice-royauté  de 
Buenos-Aires  :  le  Paraguay  et  l'Uruguay.  Le  Pa- 
raguay s'était  rendu  indépendant  dès  1811,  et  il 
se  constitua  aussitôt  en  Etat  séparé,  sous  la  direc- 
tion du  docteur  Francia  :  ce  dernier  se  fit  nommer 
en  1814  dictateur  pour  cinq  ans,  et  en  1816  dicta- 
teur perpétuel;  il  conserva  ses  pouvoirs  jusqu'à 
sa  mort  (1840).  L'Uruguay,  ou  la  Banda  oriental, 
fut  soustrait  à  la  domination  espagnole  en  1814 
par  Artigas,  qui  y  domina  jusqu'en  1821,  époque 
où  le  Brésil  s'empara  de  Montevideo.  Une  guerre 
entre  le  Brésil  et  la  République  Argentine  éclata 
en  1825  au  sujet  de  la  possession  de  cette  ville 
f't  se  termina  en  1828  par  la  reconnaissance  de 
Tindépendance  de  l'Uruguay  comme  Etat  distinct. 
Ainsi  transformées  en  républiques  autonomes, 
les  anciennes  colonies  espagnoles  se  trouvèrent 
malheureusement  livrées  à  des  dissensions  inté- 
rieures ou  à  de  sanglantes  rivalités.  La  Républi- 
que Argentine  fut  déchirée  par  les  longues  que- 
relles des  fédéralistes  et  des  unitaires;  le  Pérou, 
la  Bolivie  et  le  Chili  se  firent  la  guerre  au  sujet  de 
leurs  frontières  respectives.  Bolivar,  dont  le  rêve 
était  de  constituer  les  Etats-Unis  de  l'Amérique 
espagnole,  sur  le  modèle  des  Etats-Unis  de  l'Amé- 
rique du  Nord,  convoqua  en  1826  à  Panama  un 
congrès  des  représentants  de  toutes  ces  républi- 
ques; mais  il  ne  réussit  pas  à  les  amener  à  une 
fédération.  Après  avoir  été  revêtu  à  plusieurs  re- 
prises du  pouvoir  dictatorial  en  Colombie  et  au 
Pérou,  il  déposa  l'autorité  et  résolut  de  s'expatrier, 
espérant  ainsi  mettre  fiin  aux  discordes  :  mais  il 
mourut  en  1 830,  au  moment  où  il  allait  s'embarquer. 
2°  Les  républiques  hispano-américaines  après  les 
guerres  d'indépendance.  —  Nous  ne  parlerons 
plus  du  Mexique  ni  du  Pérou,  renvoyant  pour  ce 
qui  concerne  ces  deux  Etats  aux  articles  spéciaux 
qui  leur  sont  consacrés. 

La  confédération  du  Guatemala  subsista  jus- 
qu'en 1839.  A  cette  époque,  le  Honduras  s'en  sé- 
para et  se  constitua  en  Etat  indépendant.  En  1847, 
les  quatre  autres  Etats  confédérés,  Guatemala, 
San  Salvador,  Nicaragua  et  Costa  Rica,  rompirent 
le  lien  fédératif,  et  depuis  ce  moment  ont  formé 
des  républiques  distinctes. 

La  Colombie  se  divisa  en  1831  en  trois  républi- 
ques séparées  :  la  Nouvelle-Grenade,  le  Venezuela 
et  l'Equateur.  La  Nouvelle-Grenade  a  repris  en 
/Sni  le  nom  d'Etats-Unis  de  Colombie. 

La  Bolivie,  réunie  un  moment  au  Pérou  en  1836 
sous  la  présidence  de  Santa  Cruz,  s'en  sépara 
bientôt  de  nouveau.  Son  histoire  n'offre  pas  d'é- 
vénements remarquables,  non  plus  que  celle  du 
Chili,  qui  est  devenu,  par  son  commerce,  l'un  des 
Etats  les  plus  florissants  de  l'Amérique  du  Sud. 

Dans  la  République  Argentine,  après  de  longues 
guerres  entre  fédéralistes  et  unitaires,  Rosas,  chef 
du  parti  fédéraliste,  réussit  à  se  faire  nommer  en 
1829  gouverneur  de  Buenos-Ayres.  En  1835,  il 
s'empara  de  la  dictature,  qu'il  gardajusqu'en  185'J. 
A  la  suite  de  démêlés  avec  la  France  et  l'Angle- 
terre, il  fut  vaincu  en  1845  par  une  flotte  anglo- 
française,  et  obligé  d'accorder  aux  navires  euro- 
péens la  libre  navigation  du  Parana.  Après  la  chute 
de  hosas,  Buenos-Aires  se  sépara  de  la  confédéra- 
tion argentine  ;  mais  elle  y  est  rentrée  en  1800. 

Le  Paraguay  fut  gouverné  despotiquement  jus- 
quen  1840  par  le  docteur  Francia,  dont  la  politi- 
que étroite  et  soupçonneuse  avait  fermé  ce  pays 
i  tous  lesetrangois.  Lopez,  qui  succéda  à  Francia, 


rétablit  les  communications  commerciales,  et 
exerça  d'abord  paisiblement  le  pouvoir  ;  mais 
s'étant  engagé  dans  une  guerre  contre  le  Brésil 
et  la  République  Argentine  (1865),  il  fut  vaincu  et 
tué  en  1870. 

L'Uruguay,  enfin,  quoique  mêlé  presque  cons- 
tamment aux  luttes  de  ses  voisins,  a  su  maintenir 
son  indépendance,  et  se  trouve  aujourd'hui  dans 
une  situation  prospère. 

V.  pour  ce  qui  concerne  le  développement  indus- 
triel et  commercial  des  républiques  hispano-amé- 
ricaines, l'article  .(4 weriqrue,  pp.  107-111. 

HISTOIRE,  HISTORIENS.  —  Littérature  et 
style,  IV;  Littératures  étrangères,  IV-XX  ;  Littéra- 
ture française,  V-XXX. 

1-   L'HISTOIRE. 

Les  mots  historien  et  histoire  viennent  du 
grec.  Dans  cette  langue,  histor  est  celui  qui 
connaît  un  fait  ;  historia  signifie  information, 
recherche,  et,  par  extension,  récit  des  faits  exposé 
par  celui  qui  les  sait,  soit  qu'il  en  ait  été  témoin 
lui-même,  soit  qu'il  les  ait  appris  d'autres  per- 
sonnes ou  à  la  suite  de  recherches  spéciales.  Ces 
deux  termes  ont  passé  du  grec  dans  la  langue  latine, 
et  du  latin  dans  la  langue  française  en  gardant  le 
même  sens.  L'histoire  peut  donc  se  définir,  avec 
Voltaire  :  «  le  récit  des  faits  passés  donnés  comme 
vrais,  au  contraire  de  la  fable  qui  est  le  récit  des 
faits  donnés  comme  faux.  »  Elle  se  propose  d'ap- 
prendre aux  hommes  les  événements  qui  se  sont 
accomplis  dans  les  âges  précédents,  non  seule- 
ment pour  satisfaire  leur  légitime  curiosité,  mais 
pour  leur  donner  un  enseignement  moral.  En 
leur  racontant  les  vertus  et  les  vices  des  généra- 
tions antérieures,  en  leur  exposant  les  causes  de 
la  grandeur  et  de  la  décadence  des  empires,  elle  a 
pour  but  de  leur  mettre  sous  les  yeux  d'utiles  le- 
çons; elle  leur  montre  comment  ils  doivent  se  con- 
duire pour  égaler  la  gloire  et  les  succès  de  leur» 
devanciers,  ou  pour  éviter  les  fautes  qu'ils  ont 
commises  et  les  catastrophes  qui  en  ont  été  la 
conséquence.  C'est  en  ce  sens  qu'elle  acte  appelée 
par  Cicéron  «  l'école  de  la  vie  »,  et  par  Tacite  «  la 
conscience  du  genre  humain  ».  «  C'est  l'histoire 
dit  encore  Fénelon,  qui  nous  montre  les  grands' 
exemples,  qui  fait  servir  les  vices  mêmes  des  mé- 
chants à  l'instruction  des  bons,  qui  débrouille  les 
origines  et  qui  explique  par  quels  chemins  les 
peuples  ont  passé  d'une  forme  de  gouvernement  à 
une  autre.  » 

La  connaissance  de  l'histoire,  utile  à  tous,  est 
donc  indispensable  à  ceux-là  surtout  que  leur  talent 
ou  leur  situation  appelle  à  la  direction  politique  de 
leur  pays.  Mais  dans  une  société  démocratique 
comme  la  nôtre,  qui  peut,  ou  plutôt,  qui  doit  rester 
étranger  à  la  marche  des  affaires  publiques?  Tous 
les  citoyens  sont  électeurs,  et  par  le  choix  qu'ils 
font  de  leurs  représentants  dans  les  conseils  mu- 
nicipaux, à  la  Chambre  des  députés,  ou  au  Sénat, 
ils  exercent  une  influence  indirecte,  mais  décisive, 
sur  la  conduite  générale  du  gouvernement.  Ils  sont 
donc  tous  intéressés  à  se  pénétrer  des  graves  le- 
çons de  l'histoire,  pour  éviter  le  retour  des  désas- 
tres qui  ont  abattu  leur  patrie,  ou  pour  en  préparer 
le  glorieux  relèvement. 

Fondements  de  l'histoire;  critique  historique.  — 
Si  l'historien  pouvait  être  le  témoin  de  tous  les  faits 
qu'il  raconte,  il  n'aurait  qu'à  exposer  avec  exacti- 
tude ce  qu'il  a  vu.  Mais  comme  il  s'agit  le  plus 
souvent  d'événements  anciens,  accomplis  longtemps 
avant  sa  naissance,  qui  remontent  parfois  à  l'épo- 
que la  plus  reculée,  l'historien  qui  veut  composer 
une  œuvre  sérieuse  doit  s'assujettir  à  certaines 
règles,  fixes  et  déterminées,  qui  constituent  ce  que 
l'on  appelle  la  critique  historique. 

Il  doit  consulter  !•  la  tradition,  c'est-à-dire  ces 
souvenirs   incertains  et   confus  qu'un   événement 


HISTOIRE 


965  — 


HISTOIRE 


considévable  laisse  derrière  lui,  et  qui  ressemblent 
;i  ces  vagues  légères  et  de  plus  en  plus  faibles  qui 
battent  encore  la  rive  du  fleuve,  longtemps  après 
que  le  navire  a  disparu  en  soulevant  les  eaux. 
«  Les  premiers  fondements  de  l'histoire,  dit  Voltaire, 
sont  les  récits  des  pères  aux  enfants,  transmis  en- 
suite d'une  génération  à  une  autre.  Ils  ne  sont 
tout  au  plus  que  probables  dans  leur  origine,  quand 
ils  ne  choquent  point  le  sens  commun,  et  ils  per- 
dent un  degré  de  probabilité  à  chaque  génération. 
Avec  le  tenips,  la  fable  se  grossit,  et  la  vérité  se 
perd. » 

L'historien  rassemble  avec  soin  ces  premières 
traditions  ;  il  y  joint  les  légendes,  les  chants  popu- 
laires, les  poésies  nationales,  qui  ont  presque  tou- 
jours un  fait  historique  pour  point  de  départ.  Il 
écarte  d'abord  les  détails  faux,  invraisemblables,  et 
s'applique  à  dégager  des  erreurs  la  portion  de 
vérité  qui  s'y  trouve  contenue.  Il  s'aide  pour  y 
arriver  de  tous  les  autres  renseignements  qu'il 
peut  réunir.  Mais  s'il  ne  rencontre  que  la  tradition 
pour  constater  un  fait,  il  le  donne  comme  légen- 
daire et  douteux  :  il  n"a  pas  le  droit  d'en  affirmer 
l'authenticité.  La  Chanson  de  Roland,  ce  poème 
du  xi*^  siècle  qui  raconte  le  désastre  éprouvé  à 
Roncevaux  par  l'armée  de  Charlemagne,  est  un  té- 
moignage certain  pour  lui  de  la  grande  émotion 
que  cette  défaite  fit  ressentir  à  toute  la  France. 
Mais  il  n'admet  ni  les  exploits  de  Roland,  ni  les 
détails  de  sa  mort  merveilleuse,  ni  même  l'exis- 
tence du  fameux  paladin.  L'arrière-garde  de  Char- 
lemagne fut  vaincue  à  Roncevaux,  et  la  nation  en 
gémit  :  voilà  le  fait  vrai  qui  ressort  de  la  tradition. 
Le  reste  n'est  que  fables  ajoutées  par  rimagination 
populaire  et  qui  ne  doivent  pas  entrer  dans  une 
histoire. 

Après  la  tradition,  qui  n'ofl're,  comme  on  le  voit, 
que  peu  de  ressources,  l'historien  interroge  2°  les 
monumeiits,  c'est-à-dire  tous  les  objets  propres  à 
établir  la  vérité  d'une  circonstance,  d'un  détail 
quelconque  :  les  édifices  élevés  en  commémoration 
d'un  succès  ou  d'un  revers,  les  statues,  les  co- 
lonnes, les  médailles,  les  inscriptions,  les  armes, 
les  ustensiles,  en  un  mot,  tous  les  débris  du  passé 
qui,  à  un  titre  quelconque,  se  rattachent  à  l'événe- 
ment qu'il  s'agit  de  constater.  Ces  monuments 
mêmes,  s'ils  sont  isolés,  ne  sont  pas  une  preuve 
décisive  de  la  vérité,  ils  n'ont  qu'un  caractère  de 
probabilité.  On  a  vu,  en  eifet,  des  souverains 
élever  des  statues  ou  des  colonnes  triomphales, 
faire  graver  des  médailles  en  souvenir  de  victoires 
qu'ils  n'avaient  pas  remportées,  même  de  guerres 
qu'ils  n'avaient  pas  soutenues,  comme  a  fait  l'em- 
pereur romain  Domiiien.  Mais  si  les  monuments 
se  trouvent  confirmés  par  d'autres  preuves,  de  di- 
verse nature,  ils  acquièrent  alors  un  caractère 
sérieux  d'authenticité  ;  et  l'historien  a  le  droit  d'en 
tirer  parti. 

Toutefois,  la  principale  source  de  l'histoire  est 
formée  :  3"  par  les  relations  écrites,  composées 
soit  par  les  témoins  ou  les  auteurs  des  faits,  soit 
par  les  historiens  antérieurs.  L'historien  digne  de 
ce  nom  doit  ici  suivre  des  règles  fort  minutieuses, 
dans  lesquelles  il  serait  irop  long  d'entrer.  Il  doit 
s'assurer,  avant  tout,  de  l'authenticité  des  ouvrages 
qu'il  consulte,  de  la  véracité  de  l'auteur  sur  le- 
quel il  s'appuie.  Celui-ci  connaissait-il  bien  les 
faits  ?  pouvait-il  les  connaître  ?  était-il  de  bonne 
foi?  son  ouvrage  n'a-t-il  pas  subi  d'altération?  une 
main  étrangère  n'y  a-t-elle  pas  fait  des  additions, 
des  changements?  Ce  sont  là  quelques-unes  des 
questions  que  l'historien  doit  se  poser,  et,  suivant 
la  réponse,  il  ajoutera  plus  ou  moins  de  créance 
aux  relations  écrites  auxquelles  il  emprunte  des 
documents. 

Qualités  nécessaires  à  r historien.  —  L'énuméra- 
lion  des  conditions  principales  qui  constituent  la 
critique  historique  montre  déjà  quelles  nombreu- 


ses et  grandes  qualités  sont  nécessaires  à  l'histo- 
rien. Mais  c'est  peu  d'avoir  rassemblé,  pesé,  jugé 
les  faits,  il  faut  les  rapporter.  Avant  tout,  l'histo- 
rien doit  être  impartial,  non  de  cette  impartialité 
froide  et  impassible  qui  est  de  l'indifférence,  mais 
de  cette  impartialité  qui  repose  sur  l'unique  souci 
de  la  vérité.  L'historien  peut  et  doit  aimer  son  pays, 
avoir  des  préférences  pour  telle  ou  telle  cause  po- 
litique, regretter,  déplorer  les  revers  éprouvés  par 
ceux  qui  lui  sont  chers,  mais  il  ne  doit  pas  dissi- 
muler leurs  fautes,  ni  changer  leurs  défaites  en 
triomphes.  «  Il  évite  également  les  panégyriques  et 
les  satires  :  il  ne  mérite  d'être  cru  qu'autant  qu'il 
se  borne  à  dire  sans  flatterie,  sans  malignité,  le  bien 
et  le  mal.  Il  n'omet  aucun  fait  qui  puisse  servir  à 
peindre  les  hommes  principaux,  et  à  découvrir  les 
causes  des  événements,  et  toute  sa  critique  so 
borne  à  donner  comme  douteux  ce  qui  l'est,  et  à 
en  laisser  la  décision  au  lecteur,  après  lui  avoir 
donné  ce  que  l'histoire  lui  fournit.  »  Si  nous  ajou- 
tons à  ces  paroles  de  Fénelon,  que  le  style  de 
l'histoire  doit  être  simple,  clair,  grave  comme  les 
événements  qu'elle  raconte,  ému,  éloquent  dans 
certaines  circonstances,  nous  aurons  indiqué  les 
qualités  principales  nécessaires  à  l'historien. 

Philosophie  de  l'histoire.  —  On  donne  le  nom  de 
philosophie  de  l'histoire  à  la  recherche  des  iois  du 
développement  et  de  la  marche  des  sociétés.  Le 
voyageur  qui  visite  pour  la  première  fois  une  cité 
grande  et  populeuse,  en  parcourt  les  rues,  les 
places,  les  monuments.  Puis  il  monte  sur  un 
édifice  élevé  ;  de  cette  hauteur  il  n'aperçoit  plus  les 
détails  multiples  qui  ont  arrêté  d'abord  sa  curio- 
sité. En  revanche,  il  voit  mieux  l'ensemble  de  la 
ville,  et  en  distingue  d'une  manière  plus  nette 
la  situation,  la  configuration  topographique.  Il 
en  est  de  même  en  histoire.  Après  avoir  étudié 
les  événements  qui  se  sont  accomplis  pendant 
un  grand  nombre  de  siècles,  aprèç  avoir  vu  les 
guerres  se  succéder,  les  crimes,  les  violences 
être  trop  souvent  couronnés  de  succès,  les  révolu- 
tions précipiter  les  rois  de  leurs  trônes  ou  les  y 
rétablir,  les  peuples,  les  contrées  changer  de  maî- 
tres par  la  conquête,  ou  fonder  leur  liberté  au 
prix  de  leur  sang,  le  lecteur,  troublé,  s'interroge 
avec  inquiétude.  Il  se  demande  si  le  hasard  et 
l'injustice  sont  les  arbitres  du  monde,  si  aucune 
loi  ne  préside  à  la  direction  de  l'humanité.  Qu'il 
s'élève  plus  haut  alors,  qu'il  laisse  au-dessous  de 
lui  les  détails  et  les  faits  particuliers,  qu'il  n'em- 
brasse que  l'ensemble  des  choses,  et  il  verra  se 
dessiner  sous  l'apparent  désordre  des  évé^ements 
qu'il  a  étudiés  une  sorte  de  marche  régulière  et 
progressive  de  l'humanité. 

Ainsi,  pour  nous  borner  à  notre  histoire  natio- 
nale, la  France,  à  l'époque  de  la  féodalité,  est 
partagée  entre  mille  petits  souverains  qui  l'op- 
priment. Bientôt  la  royauté  grandit  au  milieu  des 
comtes  et  des  barons.  Elle  détruit  peu  à  peu 
la  puissance  des  vassaux  inférieurs,  puis  celle 
des  grands  feudataires,  et  fonde  à  son  profit  la 
monarchie  absolue.  Celle-ci  arrive  à  son  apogée 
sous  Louis  XIV,  et  commence  aussitôt  à  décliner. 
Enfin,  la  bourgeoisie  et  le  peuple,  qui  n'étaient 
rien  auparavant,  s'élèvent  à  leur  tour  lentement, 
et  arrivent  à  constituer  la  société  actuelle,  qui  as- 
sure à  tous  l'égalité  des  droits  civils  et  politiques. 

Division  de  l'histoire.  —  Pour  la  commodité  de 
l'étude,  on  divise  l'histoire  en  plusieurs  périodes 
successives  ;  mais  il  y  a  nécessaii-cment  un  peu 
d'arbitraire  dans  les  limites  assignées  à  chaque 
période.  La  division  généralement  adoptée  est  la 
suivante  : 

X"  h' histoire  ancienne,  qui  comprend  l'histoire  des 
différents  peuples  de  l'antiquité,  Inde,  Palestine, 
Egypte,  Assyrie,  Babylonie,  Perse,  Médie,  etc.  On  y 
rattache  les  histoires  grecque  et  romaine.  L'histoire 
ancienne  s'étend  depuis  l'origine  la  plus  reculée 


HISTOIRE 


—  9G6 


HISTOIRE 


jusqu'à  la  destruction  définitive  de  l'empire  ro- 
main en  47(i  après  Jésus -Christ. 

2°  Le  moyi'ix  ûfje,  qui  va  depuis  l'année  476  jus- 
qu'à la  prise  de  Constantinople  par  les  Turcs  en 
1453. 

3°  V histoire  des  temps  modernes,  qu'on  fait  géné- 
ralement commencer  au  milieu  du  quinzième  siècle. 

4°  Enfin,  ïhistoire  contemporaine,  comprenant 
les  événements  qui  se  sont  succédé  depuis  la  Ré- 
volution française  jusqu'à  nos  jours. 

A  un  autre  point  de  vue,  l'histoire  se  divise  en 
histoire  universelle,  c'est-à-dire  qui  embrasse  tous 
les  événements  arrivés  depuis  l'origine  du  monde, 
chez  tous  les  peuples  ;  en  histoires  générales,  qui 
comprennent  l'histoire  des  différents  peuples  pen- 
dant une  période  déterminée,  par  exemple  pendant 
le  moyen  âge,  ou  dans  les  temps  modernes;  et  en 
histoires  particulières,  consacrées  soit  à  un  pays, 
soit  même  à  une  époque  spéciale  de  l'histoire  d'un 
pays.  On  comprend  encore  sous  cette  dernière  dé- 
signation l'histoire  d'une  province,  d'une  ville, 
d'une  dynastie,  d'une  famille,  etc.  L'histoire  par- 
ticulière s'appelle  également  histoire  ecclésiastique, 
diplomatique,  parlementaire,  législative,  judi- 
ciaire, admi7iistrative ,  commerciale,  littéraire, 
scientifique,  etc.,  selon  le  sujet  spécial  que  l'his- 
torien a  choisi. 

Genres  secondaires  en  histoire.  —  L'histoire  re- 
çoit aussi  différents  noms  suivant  la  manière  dont 
elle  est  composée.  Elle  s'appelle  chronique  ou 
annales  quand  l'auteur  se  borne  à  raconter  rapi- 
dement les  événements  année  par  année  dans  l'or- 
dre où  ils  se  sont  accomplis.  Cependant  on  réserve 
plutôt  le  nom  de  chroniqueurs  aux  écrivains  du 
moyen  âge  qui  exposent  brièvement  les  événe- 
ments accomplis  avant  leur  époque  et  y  joignent 
ceux  dont  ils  ont  été  les  témoins.  Les  annales  se 
rapprochent  beaucoup  de  l'histoire  ordinaire. 

On  appelle  mémoires  les  relations  historiques 
écrites  par  ceux  qui  ont  eu  part  aux  événements 
qu'ils  rapportent,  ou  en  ont  été  les  témoins.  La 
littérature  française  est  riche  en  mémoires  :  on 
trouvera  plus  loin  les  noms  des  principaux  auteurs 
qui  se  sont  distingues  dans  ce  genre. 

Les  biographies  sont  le  rccit  de  la  vie  d'un  seul 
homme.  Celles  que  Plutarque  a  consacrées  aux 
plus  grands  hommes  de  la  Grèce  et  de  Rome  sont 
les  plus  célèbres.  Il  existe  beaucoup  de  biogra- 
phies remarquables  par  le  talent  des  auteurs  qui 
les  ont  écrites.  Mais  elles  sont  isolées.  Aussi  de 
bonne  heure  a-t-on  senti  le  besoin  de  réunir  «t  de 
résumer  en  des  dictionnaires  historiques  et  bio- 
graphiques la  vie  des  personnages  qui  avaient  joué 
un  rôle  important  dans  l'histoire.  Tels  furent  à 
l'origine  les  dictionnaires  de  Moréri  et  de  Bayle, 
auxquels  ont  succédé  la  Biographie  universelle  des 
frères  Michaud  et  la  Nouvelle  biographie  générale 
de  F.  Didot.  Ces  recueils  volumineux  ont  été  ré- 
duits de  notre  temps  en  des  dictionnaires  d'un 
usage  facile,  tels  que  ceux  de  MM.  Bouillet,  Vape- 
reau,  Dezobry  et  Bachelet,  etc.  On  y  trouve  résu- 
més sous  une  forme  succincte  les  détails  principaux 
de  la  vie  de  tous  les  hommes  éminents. 

Quand  l'auteur  raconte  lui-même  sa  propre  vie, 
l'ouvrage  s'appelle  autobiographie. 

On  désigne  sous  le  nom  d'historiographes  des 
écrivains  chargés  spécialement  par  un  roi  d'écrire 
l'histoire  de  son  règne.  Les  monarques  di3  la 
Chine  et  de  l'Orient  ont  eu  des  historiographes 
dès  les  temps  les  plus  reculés.  En  France,  le  pre- 
mier historiographe  connu  est  le  poète  Alain  Char- 
ger, sous  le  règne  de  Charles  VII.  Cette  charge  a 
subsisté  jusqu'à  la  révolution  française.  Les  écri- 
vains les  plus  célèbres  qui  aient  rempli  cette  fonc- 
tion sont  Mézerai,  Pellisson,  Racine  et  Boiloau  sous 
Louis  XlV;-Duclos  et  Marmontol  sous  Louis  XV. 
L  ouvrage  de  Boileau  et  de  Racine  a  péri  dans 
un  incendie,  mais  les  fragments  qui  en  subsistent 


ne  font  pas  beaucoup  regretter  la  perte  du  reste. 
On  comprend  d'ailleurs  que  la  situation  dépen- 
dante où  se  trouve  l'historiographe,  placé  entre  la 
llatterie  ou  la  suppression  de  sa  pension,  comme 
il  arriva  à  Mézerai,  n'est  pas  favorable  à  la  com- 
position d'une  œuvre  vraiment  historique. 

II.  LES  HISTORIENS. 

Les  historiens  dans  l'antiqviité.  —  1°  Historiens 

grecs.  —  L'histoire  apparut  en  Grèce  longtemps 
après  la  poésie,  et  les  premières  œuvres  qu'elle 
inspira  ne  furent  guère  que  des  fables  et  des  légendes 
écrites  en  prose.  Mais  en  484  avant  J.-C.  naquit  à 
Halicarnasse  Hérodote,  qui  apporta  dans  la  manière 
d'écrire  l'histoire  des  qualités  inconnues  de  ses  de- 
vanciers, qu'on  appelait  les  logographes.  Hérodote 
consacra  une  moitié  de  sa  vie  à  visiter  l'Egypte, 
la  Libye,  la  Babylonie,  la  Perse,  la  Grèce,  et  em- 
ploya l'autre  moitié  à  écrire  et  à  lire  en  public  ce 
qu'il  avait  vu.  Son  ouvrage  est  partagé  en  neuf  li- 
vres, auxquels  l'admiration  des  Grecs  donna  le  nom 
des  neuf  muses.  Toutefois,  si  l'on  estime  avec  rai- 
son la  précision  et  la  sincérité  avec  laquelle  il 
raconte  les  guerres  médiques  dont  il  a  été  té- 
moin, on  regrette  de  le  voir  rapporter  sans  criti- 
que les  légendes  les  plus  invraisemblables  et  leur 
sacrifier  des  détails  qui  auraient  pour  nous  plus 
d'intérêt. 

Quelques  années  après  Hérodote,  Thucydide 
naissait  en  Attique  (471).  Il  prit  part  à  la  guerre 
du  Péloponèse  comme  chef  militaire  ;  mais  à  la 
suite  d'un  échec,  il  fut  condamné  par  les  Athé- 
niens à  un  exil  qui  dura  vingt  ans.  Il  consacra  ce 
temps  à  rassembler  les  matériaux  qui  devaient  lui 
servir  à  composer  VHistoire  de  la  guerre  du  Pélopo- 
nèse,  ety  employa  lesrichessesquelui  procurait  une 
mine  d'or  située  en  Thrace.  Son  ouvrage  inachevé 
comprend  huit  livres,  et  raconte  les  événements 
avec  exactitude  et  régularité,  par  étés  et  par  hivers, 
dans  l'ordre  chronologique  où  ils  se  sont  accomplis. 
On  reproche  à  Thucydide,  avec  un  peu  de  séche- 
resse et  d'obscurité,  l'usage  de  harangues  de  sa 
propre  composition  qu'il  met  dans  la  bouche  de 
ses  personnages.  Mais  son  récit  de  l'expédition  des 
Athéniens  en  Sicile  et  la  description  de  la  fameuse 
peste  d'Athènes  sont  d'une  éloquence  admirable. 

L'ouvrage  de  Thucydide  fut  publié  par  Xéno- 
phon  (né  en  Attique  vers  445),  qui  en  écrivit  lui- 
même  une  continuation  sous  le  titre  d'Heiréniques. 
Les  Helléniques  sont  une  œuvre  médiocre  et  par- 
tiale. Mais  on  a  de  Xénophon  un  autre  livre  plus 
intéressant,  YAnabase,  où  il  raconte  l'expédition  de 
Cyrus  le  Jeune  dans  la  Haute-Asie  et  la  retraite 
des  Dix-Mille  qui  suivit  la  bataille  de  Cunaxa. 
L'Anabase  tient  à  la  fois  des  mémoires  et  du  li- 
vre d'histoire  ;  le  charme  principal  de  ce  livre  est 
dans  la  simplicité  modeste  avec  laquelle  le  narra- 
teur rapporte  les  événements  terribles  auxquels  il 
a  été  mêlé. 

A  Xénophon  succédèrent  différents  historiens, 
Ephore,Th6opompe,Tiniée,  etc.,  dont  les  noms  seuls 
nous  sont  connus  :  leurs  ouvrages  ont  péri.  Nous  n'a- 
vons même  que  cinq  livres  et  des  fragments  assez 
étendus  des  quarante  livres  que  Polybe  avait  com- 
posés sous  le  nom  à  Histoire  générale.  Polybe,  né 
à  Mégalopolis  vers  206,  fut  envoyé  comme  otage 
à  Rome,  où  il  résida  dix-sept  ans  et  où  il  devint 
l'ami  de  Scipion  Emilien.  Il  s'était  proposé  d'écrire 
l'histoire  des  conquêtes  de  Rome,  et  de  faire  com- 
prendre à  ses  concitoyens  de  la  Grèce  comment 
et  pourquoi  un  petit  peuple  obscur  du  Latium  avait 
grandi  peu  à  peu  et  était  devenu  le  mailre  du 
monde.  Polybe  est  l'historien  politique  par  excel- 
lence, passionné  pour  la  vérité,  exact  dans  le  récit 
des  faits,  judicieux  dans  leur  appréciation.  C'est 
lie  tous  les  historiens  anciens  celui  qui,  par  ses 
(|ualités,  se  rapproche  le  plus  des  historiens  mo- 
dernes. 


HISTOIRE 


—  9CT  — 


HISTOIRE 


Bien  inférieurs  sont  Denys  d'Ilalicarnasse,  qui 
composa  à  l'époque  d'Auguste  VHistoire  ancienne 
de  Home,  dont  nous  n'avons  qu'une  partie,  et  Dio- 
dore  de  Sicile,  qui,  sous  le  tiire  de  Bibliothèque 
historique,  avait  compilé  une  histoire  universelle 
en  quarante  livres.  Leur  contemporain  le  géogra- 
phe Strabon  nous  a  laissé  en  dix-sept  livres,  sous 
le  nom  de  Géographie,  une  véritable  encyclopédie 
pleine  de  détails  intéressants  sur  la  géographie, 
les  mœurs  et  les  institutions  des  anciens  peuples. 
On  peut  citer  encore  Josèphe,  Juif  né  à  Jérusalem 
l'an  37  de  notre  ère,  qui  a  écrit  l'Histoire  de  la 
guerre  de  la  Judée  sous  "V^espasien,  et  un  autre 
livre  intitulé  les  Antiquités  judaïques. 

Arrien,né  dans  les  premières  années  du  deuxième 
siècle  après  J. -G.  à  Nicomédie  en  Bithynie,  a  raconté, 
sous  le  titre  à'Anabase  emprunté  à  Xénophon, 
l'histoire  de  l'expédition  d'Alexandre,  qu'il  résume 
d'après  les  relations  originales  qui  existaient  à  son 
époque.  Cet  ouvrage  est  intéressant,  et  peut  être 
placé,  pour  l'impartialité  et  le  sérieux  des  recher- 
ches, à  côté  de  ceux  de  Thucydide  et  de  Polybe. 

Toutefois,  le  plus  célèbre  des  historiens  de  l'é- 
poque gréco-romaine  est  le  biographe  Plutarque, 
né  à  Chéronée  dans  la  Béotie  vers  le  milieu  du 
premier  siècle  de  l'ère  chrétienne.  Il  s'était  pro- 
posé de  montrer  que  la  Grèce  n'était  pas  infé- 
rieure à  Rome.  A  cet  effet,  il  raconte  alternati- 
vement la  vie  d'un  Grec  illustre  et  celle  d'un  Ro- 
main qui  puisse  lui  être  comparé,  opposant  par 
exemple  Alexandre  à  César  et  Démosthène  à  Ci- 
céron.  Des  nombreuses  Vies  Parallèles  qu'il  avait 
composées,  quarante-huit  seulement  ont  survécu. 
On  peut  leur  reprocher  de  n'être  pas  complètes,  de 
laisser  dans  l'ombre  des  faits  souvent  considé 
râbles  et  de  rapporter  bien  des  anecdotes  d'une 
authenticité  au  moins  douteuse. Mais  comme  dit  J.-J. 
Rousseau,  «  il  a  une  grâce  inimitable  à  peindre  les 
grands  hommes  dans  les  petites  choses  ;  et  il  est 
si  heureux  dans  le  choix  de  ses  traits  que  sou- 
vent un  mot,  un  sourire,  un  geste  lui  suffit  pour 
caractériser  son  héros.  »  Les  biographies  de  Plu- 
tarque ont  rendu  son  nom  justement  populaire 
même  auprès  des  modernes  ;  elles  ont  inspiré  plus 
d'une  fois  Shakespeare,  et  elles  ont  exercé  une 
grande  influence  sur  des  hommes  de  guerre 
comme  Henri  IV  et  Napoléon,  ou  des  écrivains 
comme  Montaigne,  Montesquieu  et  Rousseau. 

2°  Historiens  7'omains.  —  A  Rome,  l'histoire  fut 
traitée  par  les  patriciens  :  c'était  le  seul  genre 
littéraire  qu'ils  pussent  aborder  sans  déroger.  Mais 
leurs  annales,  sèches,  arides,  furent  bientôt  effa- 
cées par  les  œuvres  magistrales  que  vit  éciore  la 
fin  de  la  république  romaine.  Le  premier  en  date 
parmi  les  écrivains  romains  qui  méritent  le  titre 
d'historien  estSalluste,  né  en  86,  mort  l'an  36  avant 
notre  ère.  Salluste  débuta  par  l'histoire  de  la  Cons- 
piration  de  Catilina,  où  il  manque  d'impartialité. 
Son  récit  de  la  Guerre  de  Jugurtha  est  bien  supé- 
rieur; gouverneur  de  la  province  d'Afrique,  il 
avait  pu  se  procurer  tous  les  documents  nécessai- 
res, et  prendre  par  lui-môme  une  connaissance 
exacte  des  lieux  où  les  événements  s'étaient  pas- 
sés; en  outre,  nulle  passion  politique  n'altérait  la 
justesse  de  ses  appréciations.  De  son  Histoire 
romaine  écrite  en  cinq  livres,  il  ne  nous  reste  que 
quatre  ou  cinq  ^discours  et  des  fragmenta  insi- 
gnifiants. 

César,  né  l'an  100,  mort  le  15  mars  44  avant  J,-C., 
raconta  en  sept  livres,  sous  le  nom  de  Commen- 
taires, ses  campagnes  en  Gaule  et  la  difficile  con- 
quête de  cette  contrée.  Un  huitième  livre  joint  aux 
Commentaires  est  attribué  à  Hirtius,  ainsi  <iue 
les  trois  livres  de  Mémoires  sur  la  guerre  civile. 
Les  Commentaires  justifient  bien  leur  nom  :  ce 
sont  des  souvenirs  consignés  par  écrit  au  jour  le 
jour,  sans  prétention,  des  matériaux  amassés  à 
l'usage   de  ceux   qui  voudraient    faire  plus  tard 


riiistoire  de  ces  campagnes  :  mais  rien  n'égale 
leur  précision,  et  on  n'a  pas  surpassé  la  simpli- 
cité, l'élégance  et  la  rapidité  du  style.  Cet  ouvrage 
est  surtout  précieux  pour  les  Français,  à  cause 
des  renseignements  uniques  qu'il  leur  donne  sur 
la  géographie  ancienne  de  leur  pays,  et  sur  les 
mœurs  et  le  caractère  des   Gaulois,  nos  ancêtres. 

Nous  nous  bornerons  à  mentionner  les  Vies  des 
excellents  capitaines  de  Cornélius  Nepos,  auteur 
contemporain  de  César,  mais  dont  l'ouvrage  ne 
nous  est  parvenu  qu'en  abrégé. 

Nous  n'avons  plus  qu'en  partie  l'Histoire  ro- 
maine de  Tite-Live,  né  à  Padoue  l'an  59  avant  J.-C. 
et  mort  l'an  18  de  notre  ère.  Sur  les  cent  quarante- 
deux  livres  que  comprenait  cet  ouvrage  gigantes- 
que, il  nous  en  reste  trente-cinq  avec  des  frag- 
ments de  quelques  autres.  Mais  nous  en  avons 
assez  pour  pouvoir  apprécier  cette  œuvre  considé- 
rable, qui  excita  l'admiration  des  Romains  par 
l'éloquence  du  style  et  l'ampleur  luagistrale  des 
développements.  Toutefois  on  reproche  à  Tite-Live 
d'être  plus  orateur  qu'historien  au  sens  moderne 
du  mot,  et  de  sacrifier  parfois  la  vérité  au  souci 
qu'il  a  de  la  gloire  du  peuple  romain.  Entre  deux 
récits  différents  du  même  fait,  il  choisit  non  le 
plus  autorisé,  mais  celui  qui  est  à  l'avantage  de  sa 
patrie.  Loin  de  s'en  cacher,  il  déclare  fièrement 
dans  sa  préface  que  les  peuples  vaincus  par 
Rome  doivent  se  soumettre  à  cette  prétention 
avec  autant   de  résignation  qu'à  son  empire. 

Après  Tite-Live,  nous  rencontrons  des  histo- 
riens secondaires,  auteurs  d'abrégés  d'histoire  ro- 
maine, comme  Florus  et  Velléius  Paterculus.  Quinte- 
Curce,  qui  appartient  comme  eux  à  l'époque 
classique,  écrivit  VHistoire  des  exploits  a'Alexun- 
dre  le  Grand.  Son  ouvrage  laisse  beaucoup  à  dé- 
sirer sous  le  rapport  de  l'exactitude  ;  c'est  une 
œuvre  de  rhétorique  pompeuse  plutôt  qu'un  livre 
d'histoire. 

Justin  (u*  siècle)  n'est  que  le  sec  abréviateur  de 
l'Histoire  universelle  de  Trogue  Pompée,  écrivain 
du  I"'  siècle.  Suétone,  auteur  des  Vies  des  douze 
Césars,  vécut  sous  Trajan  et  Adrien.  Ses  biogra- 
phies sont  remplies  d'anecdotes  intéressantes. 
Mais  ce  sont  des  récits  sans  art,  sams  méthode  et 
presque  sans  style.  Ce  n'est  pas  de  l'histoire,  ou, 
comme  on  l'a  dit  avec  esprit,  «  c'est  de  l'iiistoire 
d'antichambre,  u 

Tous  ces  noms  pâlissent  auprès  de  celui  de 
l'historien  Tacite,  né  vers  l'an  52  de  notre  ère  et 
mort  dans  les  premières  années  du  règne  d'Adrien. 
Tacite  a  composé  successivement  une  étude  litté- 
raire sur  l'éloquence  de  son  temps  sous  le  nom 
de  Dialogue  des  orateurs;  la  Vie  d'Agricola,  son 
beau-père,  qui  fit  la  conquête  de  la  (Grande-Bre- 
tagne ;  les  Mœws  des  Germains,  ouvrage  précieux 
pour  la  connaissance  des  peuples  qui  habitent  au 
delà,  du  Rhin  ;  les  Histoires,  en  quatorze  livres, 
dont  quatre  et  demi  seulement  nous  sont  parve- 
nus :  cet  ouvrage  comprenait  le  récit  des  événe- 
ments accomplis  de  l'an  68  à  l'an  96  de  notre  ère  ; 
enfin  les  Annales,  en  seize  livres,  qui  commen- 
cent à  la  mort  de  l'empereur  Auguste  et  racontent 
le  règne  de  ses  successeurs  jusqu'en  68,  date  de  la 
mort  de  Néron  ;  sur  les  seize  livres  des  Annales, 
quatre  sont  mutilés  et  trois  sont  complètement 
perdus. 

Malgré  les  mérites  de  premier  ordre  que  pré- 
sentent les  autres  ouvrages  de  Tacite,  les  An- 
nales sont  celui  qui  a  rendu  son  nom  le  plus 
populaire.  Un  écrivain  du  xviiie  siècle  a  pu  dire 
de  lui  et  de  cette  œuvre  :  «  Dix  pages  de 
Tacite  apprennent  plus  à  connaître  les  hommes 
que  les  trois  quarts  des  histoires  modernes  en- 
semble. C'est  le  livre  des  vieillards,  des  philoso- 
phes, des  citoyens,  des  courtisans^  des  princes.  Il 
console  des  hommes  celui  qui  en  est  loin  :  il 
éclaire  celui  qui  est  forcé  de  vivre  avec    c\.  )j  Ce- 


HISTOIRE 


—  0C8  ~ 


HISTOIRE 


pendant,  on  a  reproché  avec  raison  à  Tacite  de  trop 
écouter  sa  passion,  ses  préjugés  d'aristocrate  ou 
d'écrivain.  11  croit  le  mal  et  le  voit  partout,  n  II  a 
trop  d'esprit,  dit  Fénelon,  il  raffine  trop  ;  il  attri- 
bue aux  plus  subtils  ressorts  de  la  politique  ce 
qui  ne  vient  souvent  que  d'un  mécompte,  que 
d'une  humeur  bizarre,  que  d'un  caprice.  »  Il  man- 
que parfois  d'exactitude  et  vise  trop  à  frapper 
l'esprit  de  ses  lecteurs  par  l'originalité  de  son 
style  et  le  tour  forcé  de  ses  expressions. 

Tacite  n'est  pas  le  dernier  en  date  des  historiens 
romains.  Mais  on  ne  trouve  après  lui  que  des 
compilateurs,  des  auteurs  d'abrégés.  Le  seul  nom 
qui  mérite  d'être  mentionné  encore  est  celui  d'Ani- 
mien  Marcellin,  qui  vécut  vers  350  et  a  raconté 
YHistoire  de  Vempire  romain  depuis  le  temps 
des  Flaviens  jusqu'au  règne  de  Valens.  Son  his- 
toire a  de  la  valeur  au  point  de  vue  de  l'exacti- 
tude, mais  son  style  se  ressent  trop  de  l'époque 
de  décadence  à  laquelle  il  appartient. 

Les  historiens  au  moyen  âge  et  dans  les  temps 
modernes  jusqu'au  dix-huitième  siècle.  —  Moyen 
âge.  Chroniqueurs.  —  L'histoire  au  moyen  âge 
resta  longtemps  enfermée  dans  les  cloîtres  et  se 
réduisit  à  des  chroniques  succinctes  et  vides  où 
les  événements  religieux  occujient  la  première 
place.  Il  faut  en  excepter  cependant  YHistoire  des 
Francs,  par  Grégoire,  évêque  de  Tours  (639-.^95), 
qui  va  de  l'an  417  à  l'an  591,  et  qui  est  un  des 
ouvrages  les  plus  précieux  pour  les  premiers 
temps  de  notre  histoire.  Mais  le  premier  monu- 
ment dhistoire  écrite  par  des  laïques  et  en  fran- 
çais est  ï Histoire  de  In  conquête  de  Constanti- 
nople,  composée  par  Geoffroy  de  Villehardouin, 
maréchal  de  Champagne,  né  au  milieu  du  dou- 
zième siècle  et  mort  en  Thessalie  vers  1213.  Vil- 
lehardouin raconte  avec  naïveté  et  simplicité  les 
événements  auxquels  il  a  pris  part,  cette  qua- 
trième croisade  qui,  dirigée  à  l'origine  contre  les 
musulmans,  s'arrête  en  route,  s'empare  de  Con- 
stantinople  et  y  fonde  un  empire  français  de  courte 
durée.  Son  style  est  grave  et  concis,  ses  phrases 
sont  brèves  et  nettes.  C'est  un  soldat  qui  parle, 
mais  il  ne  manque  pas  d'éloquence  à  l'occasion. 
Les  descriptions  que  le  rude  guerrier  d'Occi- 
dent fait  des  richesses  des  Grecs  sont  intéres- 
santes par  le  naïf  étonnement  qu'elles  expri- 
ment. Ecoutons-le  parler  du  somptueux  butin 
gagné  par  les  Croisés  :  «  Et  fut  si  grand  le  gain 
faict,  que  nul  ne  vous  en  sauroit  dire  la  fin,  d'or  et 
d'argent,  et  de  vasselement,  et  de  pierres  pré- 
cieuses, et  do  samis  (velours),  et  de  drap  de  soie, 
et  de  robes  vaires  et  grises,  et  hermines,  et  tous 
les  chers  avoirs  qui  onques  furent  trouvés  en 
terre.  Et  bien  témoigne  JofTroi  de  Villehardouin, 
li  mareschaus  de  Champaigne,  à  son  escient  pour 
vérité,  que  puis  que  le  siècle  fut  estoré,  ne  fut 
tant  gaigné  en  une  ville.  » 

C'est  encore  une  croisade,  la  septième,  qui  forme 
le  principal  sujet  de  la  chronique  de  Jean,  sire  de 
Joinville,  né  en  1223,  mort  en  1:517.  Joinviile  sui- 
vit Louis  IX  à  la  croisade  de  1248  ;  il  fut  le  confi- 
dent de  ses  pensées,  et  partagea  sa  captivité.  Il  a 
raconté  dans  ses  intéressants  Mémoires,  non  seu- 
lement l'histoire  de  la  croisade,  mais  la  vie  et  les 
vertus  du  saint  roi.  C'est  un  causeur  naïf  qui  rap- 
porte ses  expressions  et  ses  souvenirs,  et  les  mêle 
de  la  manière  la  plus  agréable  aux  grands  faits  his- 
toriques dont  il  a  été  témoin.  «  Et  ainsi  que  j'ai- 
lois,  dit-il,  de  Bleicourt  à  Saint-Urbain,  et  qu'il 
me  falloit  passer  auprès  du  chastel  de  Joinville,  je 
n'osai  oncques  tourner  la  face  devers  Joinville, 
de  peur  d'avoir  trop  grand  regret,  et  que  le  cœur 
me  attendrist,  de  ce  que  je  laissois  mes  deux 
enfants  et  mon  bel  chastel  de  Joinville  que  j'a- 
vois  fort  au  cœur.  »  Le  style  des  mémoires  de 
Joinville  ne  porte  plus  la  trace  de  cette  espèce  de 
contrainte  qui  pèse  encore  sur  l'histojre  de  Ville- 


hardouin. 11  est  facile,  simple,  aisé,  et  assaisonné 
d'un  gruiii  de  fine  naïveté  champenoise.  Son  en- 
jouement ne  l'abandonne  pas  au  milieu  des  plus 
grands  périls.  «  Et  désormais  que  ces  villains 
Turcs,  qui  estoient  à  pié,  faisoient  presse  à  ces 
héraulx,  nous  leur  courions  sus  et  tantoust  s'en- 
fuyoient.  Et  ainsi  que  nous  estions  là  gardans  ce 
poncel  (pont),  le  bon  comte  de  Soissons,  quand 
nous  estions  retournez  de  courir  après  ces  villains, 
se  raillait  avecques  moy  et  me  disoit  :  Senneschal, 
lessons  crier  et  braire  cette  quenaille  (canaille). 
Et  par  la  creffe  Dieu,  ainsi  qu'il  juroit,  encore 
parlerons-nous  vous  et  moy  de  cette  journée  en 
chambre  devant  les  dames.  »  S'il  arrive  à  l'élo- 
quence, comme  dans  le  récit  de  la  captivité  de 
saint  Louis  et  dans  celui  de  sa  mort,  il  le  doit 
moins  aux  efforts  de  l'auteur  pour  rendre  son 
récit  dramatique  qu'à  l'héroïsme  même  de  Louis 
IX  et  à  cette  grandeur  d'âme  qui  jamais  ne  se 
démentit. 

Le  sire  de  Joinville  nous  montre  le  côté  touchant 
et  religieux  du  moyen  âge  ;  avec  le  chanoine  Frois- 
sart  (né  à  Valenciennes  vers  1333,  mort  en  1410), 
nous  en  voyons  le  côté  chevaleresque,  batailleur 
et  frivole.  Clerc  mondain,  grand  joueur,  beau  chas- 
seur, ami  des  coups  d'épée,  Froissart  court  le 
monde.  Il  est  tour  à  tour  secrétaire  de  la  reine 
d'Angleterre  Philippe  de  Hainaut,  et  trésorier  de 
l'église  de  Chimay.  Mais  il  va  partout  où  il  y  a 
des  fêtes  et  des  tournois,  en  Angleterre,  en  Italie, 
en  Hollande,  en  Espagne,  payant  son  hospitalité 
en  récits  où  la  vérité  n'est  pas  toujours  respectée. 
Au  sortir  d'une  fête,  d'un  repas,  d'une  conversation, 
ii  prend  des  notes  et  raconte  ce  qu'il  a  vu  ou  en- 
tendu, indifférent  au  bien,  au  mal,  et  surtout  au 
sentiment  de  la  patrie.  Aussi  la  Chronique  de  Frois- 
sart, qui  s'étend  depuis  1326  jusqu'en  1400,  est- 
elle  confuse,  mal  ordonnée,  vagabonde  comme 
l'auteur,  et  mêle-t-elle  souvent,  dans  les  mêmes 
chapitres,  aux  faits  de  l'histoire  de  France,  les  ren- 
seignements sur  les  pays  les  plus  lointains.  Le 
style  en  est  souvent  traînant,  mais  il  s'anime  et 
devient  leste  et  facile  quand  l'imagination  de  l'au- 
teur est  vivement  frappée.  Voici  son  récit  de  l'é- 
lévation de  Duguesclin  au  rang  de  connétable  : 
«  Adonc  escripsit  le  roi  devers  lui  et  envoya  certains 
messages  qu'il  vînt  parler  à  lui  à  Paris.  Quand 
messire  Bertran  se  vit  spécialement  mandé,  si  ne 
se  voult  mie  (pas)  excuser  de  venir  vers  le  roi  de 
France,  pour  savoir  quelle  chose  il  vouloit .:  si  se 
partit  au  plus  tost  qu'il  pust,  et  envo3a  la  plus 
grand  part  de  ses  gens  es  garnisons  qu'il  avait 
conquises;  puis  chevaucha  tant  par  ses  journées 
qu'il  vint  en  la  cité  de  Paris  où  il  trouva  le  roi  et 
grand  foison  des  seigneurs  de  son  liostel  et  de 
son  conseil,  qui  le  recueillirent  liement  (avec  joie) 
et  lui  firent  tous  grand  révérence.  Là  lui  dit  et 
remontra  le  roi,  comment  on  l'avoit  eslu  et  advisé 
à  estre  connestable  de  France.  Adonc  s'excusa 
messire  Bertran  grandement  et  saigement,  et  dit 
qu'il  n'en  estoit  mie  digne,  et  qu'il  estoit  un  po- 
vre  chevalier  et  un  petit  bachelier,  au  regard  des 
grands  seigneurs  et  vaillans  hommes  de  France, 
combien  que  fortune  l'eust  un  peu  advancé.  Là  lui 
dit  le  roi  qu'il  s'excusoit  pour  néant  et  qu'il  con- 
venoit  qu'il  le  fust;  car  il  estoit  ainsi  ordonné  et 
déterminé  de  tout  le  conseil  de  France,  lequel  il 

ne  vouloit  pas  briser Messire  Bertran  connut 

bien  que  excusances  qu'il  sçust  faire  ni  pu?;t  mon- 
trer ne  valoient  rien  ;  si  s'accorda  finalement  à 
l'opinion  du  roi  ;  mais  ce  fut  à  dur  et  moult  envis 
(malgré  soi).  Là  fut  pourvu  à  grand  joie  messire 
Bertran  du  Guesclin  de  l'office  de  connestable  de 
France;  et,  pour  le  plus  advancer,  le  roi  l'assit 
delez  lui  à  sa  table;  et  lui  monstra  tous  les  signes 
d'amour  qu'il  put;  et  lui  donna  avec  l'office  plu- 
sieurs beaux  dons  et  grands  terre  et  revenus,  en 
héritages  pour  lui  et  pour  ses  hoirs.  Et  en   cesl« 


HISTOIRE 


—  909  — 


HISTOIRE 


promotion  mit  grand  peine  et   grand   conseil  le 
duc  d'Anjou.  » 

Les  Mémoires,  aux  quinzième,  seizième  et  dix- 
septième  siècles.  —  Froissart  termine  le  moyen  âge. 
Un  monde  nouveau  commence  avec  Philippe  de 
Commines,  sieur  d'Argenton,  né  en  1445  en  Poi- 
tou, mort  en  1509.  Les  Mémoires  de  Commines 
ont  pour  objet  les  règnes  de  Louis  XI  et  de  Char- 
les VIJI,  de  1464  à  1498.  L'auteur  est  un  politique, 
fin,  rusé,  plein  d'admiration  pour  l'intrigue,  et  qui 
fait  de  Louis  XI  son  héros.  Le  roi,  qui  trouvait  en 
lui  un  élève  capable  de  le  comprendre,  se  plaisait 
à  lui  révéler  les  ressorts  de  sa  politique  tortueuse, 
et  l'initiait  à  ses  projets  secrets.  Commines,  re- 
connaissant, a  consacré  ses  mémoires  à  l'éloge  de 
Louis  XI.  Digne  contemporain  de  Machiavel,  il 
n'a  aucun  scrupule  moral,  et  il  ne  blâme  que  les 
actes  qui  ne  réussissent  pas.  Aussi  est-il  sincère, 
et  se  propose-t-il  d'écrire  seulement  ce  qu'il  a  vu 
par  lui-même  ou  sur  des  témoins  dignes  de  foi. 
C'est  à  lui  que  La  Fontaine  doit  la  fable  de  l'Ours 
et  les  deux  Compagnons.  Les  ambassadeurs  de 
Louis  XI  faisant  de  la  part  de  leur  maître  les 
plus  belles  promesses  à  l'empereur  d'Allemagne 
Frédéric  III  le  Pacifique,  celui-ci  leur  répondit 
par  cet  apologue.  Commines  le  reproduit.  En  voici 
la  conclusion  :  «  Celui  qui  avoit  été  dessus  l'arbre 
demanda  à  son  compagnon,  par  serment,  ce  que 
l'ours  lui  avoit  dit  en  conseil,  qui  si  longtemps  lui 
avoit  tenu  le  museau  contre  l'oreille.  A  quoi  son 
compagnon  lui  répondit  :  Il  me  disoit  que  jamais 
je  ne  marchandasse  de  la  peau  de  l'ours,  jusques 
à  ce  que  la  bête  fust  morte.  » 

Le  seizième  siècle  est  riche  en  mémoires. 
Bayard,  le  chevalier  sans  peur  et  sans  reproche, 
n'a  rien  écrit.  Mais  ses  mémoires  ou  plutôt  sa  bio- 
graphie ont  été  composés  par  un  écrivain  anonyme 
qu'on  appelle  le  Loyal  serviteur,  et  qui  nous  a 
transmis  tous  les  faits  de  cette  vie  héroïque.  On 
l'a  comparé  à  Joinville,  tant  il  a  comme  lui  de 
naïveté,  de  naturel,  et  d'élégance  dans  sasimplicité. 
Le  gentilhomme  breton  François  de  la  Noue,  dit 
Bras  de  fer  (il  avait  remplacé  son  bras  gauche  fra- 
cassé par  un  bras  de  fer),  raconte  aussi  ses  cam- 
pagnes dans  ses  Discours  politiques  et  militaires. 
Son  style  est  grave,  plein  d'originalité  et  de  sail- 
lies. 11  était  ué  en  lôlil,  et  mourut  en  159i  au 
siège  de  Lamballe,  frappé  d'une  balle  au  front,  et 
pleuré  d'Henri  IV  qui  avait  pour  lui  la  plus  grande 
estime. 

D'un  tout  autre  caractère  est  Pierre  de  Bour- 
deilles,  plus  connu  sous  le  nom  de  Brantôme,  né 
en  Périgord  en  1540,  mort  en  1614.  Malgré  la  défa- 
veur que  les  œuvres  légères  de  Brantôme  ont 
attachée  h  son  nom,  «a  verve  gasconne  fait  lire 
avec  intérêt  ses  mémoires  sur  les  Personnages 
illustres  de  la  France  et  de  Vêtranger,  ses  Vies  des 
dames  illwiires,  etc.  Il  a  parfois  des  élans  de  sen- 
sibilité qui  produisent  une  vive  impression  sur 
l'âme  des  lecteurs.  On  n'a  pas  surpassé  le  récit 
qu'il  fait  de  la  mort  de  Marie  Stuart.  Il  en  avait 
connu  tous  les  détails  par  deux  dames  attachées 
h.  la  personne  de  la  reine  d'Ecosse,  et  il  a  atteint 
l'éloquence  en  les  reproduisant. 

C'est  un  Gascon  aussi  et  un  rude  batailleur  que 
Biaise  de  Montluc,  né  en  1501  à  Condom  et  mort 
en  1577.  S'il  écrit  ses  Commentaires,  cette  «  Bible 
du  soldat  »,  comme  disait  Henri  IV,  c'est  qu'il  a 
soixante-quinze  ans,  qu'il  est  estropié  de  tous  ses 
membres,  défiguré,  et  obligé  de  porter  un  masque 
sur  le  visage.  Il  a  pris  part  pendant  cinquante- 
cinq  ans  à  tous  les  combats  des  guerres  d'Italie  et 
de  religion,  n'épargnant  ni  lui  ni  les  autres.  Il 
raconte  ses  combats  avec  une  verve  qui  leur  donne 
la  vie  et  le  mouvement.  Il  amuse  le  lecteur,  et  le 
fait  aussitôt  après  frissonner  par  le  récit  des  cruau- 
tés qu'il  a  commises  de  sang-froid,  et  dont  il  ne 
semble  pas  avoir  conscience. 


Agrippa  d'Aubigné,  né  en  Saintonge  en  1.552, 
mort  en  1630,  est  un  protestant,  ami  d'Henri  IV 
qui  le  pressa  vainement  d'abjurer  comme  lui.  Il  a 
composé  un  grand  nombre  d'ouvrages,  des  poésies 
remarquables,  des  pamphlets  et  des  satires  pleins 
de  verve  et  d'esprit.  Il  a  écrit  en  outre  une  His- 
toire universellt',  dont  la  préface  est  un  chef-d'œu- 
vre, et  des  Mémoires  ou  Histoire  de  sa  vie.  Il  y 
raconte  d'une  manière  vive  et  animée  les  épisodes 
romanesques  de  son  existence  si  agitée  et  si  bien 
remplie.  Mais  on  est  en  droit  de  suspecter  sa  vé- 
racité et  ses  appréciations  empreintes  de  partia- 
lité. 

Un  des  contemporains  de  d'Aubigné  s'est  chargé 
de  rétablir  les  faits  altérés  par  lui.  C'est  Pierre  de  l'Es- 
toile,  grand  audiencier  de  la  chancellerie  de  France, 
né  à  Paris  en  1540,  mort  en  1611.  Dès  l'année  1574 
jusqu'à  sa  mort,  il  a  rédigé  un  journal  de  tous  les 
événements  qui  venaient  à  sa  connaissance.  Sa 
position  à  la  cour  lui  a  permis  de  connaître  la 
vérité  dans  bien  des  circonstances,  et  le  recueil 
volumineux  qu'il  a  composé  sera  toujours  consulté 
avec  fruit  par  les  historiens  du  seizième  siècle.  Il 
ne  se  préoccupe  que  de  l'exactitude  et  n'a  nul 
souci  de  la  beauté  littéraire.  ■> 

Bien  que  publiés  en  1634,  les  Mémoires  de  Sully 
appartiennent  au  seizième  siècle  par  le  style  et 
par  les  événements  que  l'auteur  raconte.  Ce  fidèle 
ami  et  ministre  d'Henri  IV,  né  en  1560  à  Rosny,    ^ 
mort    en    1641,  débute   par  un  rapide  exposé  de 
ses  premières  années,   puis   s'étend  longuement   ; 
sur  son  administration  et  sa  vie  politique  si  inti-    ; 
moment    liées  avec  celles  de  son  souverain.  Ces 
mémoires   sincères  nous  rendent   Henri  IV  plus 
vivant  et  plus  noble  que  ne  l'eût  fait  le  panégyri- 
que le  plus  habile.  'Toutefois,  la  forme  singulière 
sous  laquelle  il   les  présente  (Sully  suppose   que 
ses  secrétaires  le  font  ramentevoir  de  sa  propre 
vie)  leur  ôte  du  charme  et  ajoute  à  leur  longueur. 

Les  mémoires  au  xvti'  siècle  ne  sont  pas  moins 
nombreux  qu'au  seizième.  Parmi  les  principaux  se 
placent  ceux  de  Paul  de  Gondi,  cardinal  de  Retz, 
né  à  Montmirail  en  1614,  mort  en  1679.  On  y  voit 
revivre  les  intrigues  de  ce  politique  aventureux, 
et  les  agitations  stériles  de  la  Fronde  où  il  eut  une 
si  grande  part.  Les  portraits  abondent  dans  son 
récit  et  y  sont  tracés  de  main  de  maître.  11  ne  man- 
que même  pas  d'éloquence  quand  il  raconte  la 
journée  des  banicadns  (1648)  et  qu'il  représente 
le  premier  président  JMathieu  Mole  se  rendant  au 
Palais-Royal  «  au  petit  pas  dans  le  feu  des  injures, 
des  menaces  et  des  blasphèmes  »  proférés  par  les 
émeutiers. 

C'est  encore  à  la  Fronde  et  !i  l'histoire  d'Anne 
d'Autriche  que  se  rapportent  les  mémoires  du  duc 
de  la  Rochefoucauld,  auteur  des  Maximes  (1C05- 
1680),  et  ceux  de  madame  de  Motteville  (1621-1689). 
Malgré  le  mérite  littéraire  du  premier,  on  goûte 
mieux  la  grâce,  la  sincérité  demadamede Motteville. 
Son  afi'ection  pour  Anne  d'Autriche,  à  la  personne 
de  laquelle  elle  fut  attachée,  la  rend  parfois  prolixe, 
mais  fait  aimer  son  caractère. 

Les  mémoires  du  duc  de  Saint-Simon,  né  en  1675, 
mort  en  1755,  et  publiés  seulement  de  nos  jours, 
nous  présentent  le  tableau  animé  de  la  fin  du 
règne  de  Louis  XIV  et  du  commencement  du  règne 
de  Louis  XV.  Saint-Simon  obtint  sous  Louis  XIV 
le  grade  de  maréchal  de  camp,  mais  il  ne  joua  de 
rôle  politique  que  pendant  la  régence  du  duc 
d'Orléans,  son  ami.  Il  raconte  les  événements  qui 
se  passent  de  1691  à  1723.  Mais  la  partie  la  plus 
intéressante  de  ses  longs  mémoires  est  la  peinture 
qu'il  fait  de  la  cour  et  des  mille  intrigues  qui  s'y 
nouent  et  s'y  dénouent.  Ses  portraits,  surtout,  sont 
justement  célèbres,  et  ont  été  plus  d'une  fois  com- 
parés à  ceux  de  Tacite.  Il  ne  faut  pas  lui  demander 
l'impartialité  :  il  n'a  que  des  sarcasmes  pour  ses 
ennemis  et  If^s  marque  de  traits  de  feu  «  qui  em- 


HISTOIRE 


—  070  — 


HISTOIRE 


portent  le  morceau,  »  pour  nous  servir  d'une  de 
ses  expressions. 

Tout  autre  est  le  marquis  de  Dangeau,  favori  de 
Louis  XIV,  membre  de  l'Académie  française  et  do 
l'Académie  des  sciences,  sans  avoir  jamais  rien 
publié.  Né  en  1638,  mort  en  1720,  il  a  laissé  en 
manuscrit  un  Journal  de  la  cour  de  Louis  XIV 
(1680-1720)  où  il  consigne  chaque  jour  ce  que  le 
roi  a  fait  ou  dit,  n'omettant  rien,  même  les  méde- 
cines qu'il  prend.  Ces  notes  sèches  et  sans  mérite 
ont  pourtant  fourni  d'utiles  indications  aux  histo- 
riens de  Louis  XIV. 

Nous  nous  bornerons  à  mentionner  seulement  les 
mémoires  de  mademoiselle  de  Montpensier  (la 
grande  Mademoiselle),  nièce  de  Louis  XIII,  née 
en  1627,  morte  en  1693,  où  elle  raconte  sa  vie  et 
son  triste  mariage  avec  le  fameux  Lauzun;  ceux  de 
madame  de  Caj^lus,  nièce  de  madame  de  Maintenon  ; 
ceux  du  comte  de  Grammont,  écrits  par  Hamilton 
son  beau-frère;  ceux  de  madame  de  Lafayette 
(1634-1693),  relatifs  à  la  princesse  Henriette  d'An- 
gleterre, duchesse  d'Orléans,  et  qui  rapportent 
d'une  manière  si  touchante  les  circonstances  de  sa 
mort  prématurée  en  1670;  etc. 

Nous  arrêtons  ici  cette  revue  rapide  des  mé- 
moires. Le  xviii'  siècle  en  a  produit  un  grand  nom- 
bre, et  déjà  le  xix^  siècle  nous  en  a  donné  de  très 
remarquables,  comme  ceux  de  Chateaubriand  et  de 
Guizot.  Mais  nous  n'avons  signalé  ceux  qui  pré- 
cèdent que  parce  qu'ils  suppléaient  à  l'absence  ou 
ù  l'insuffisance  des  Histoires  proprement  dites. 
Nous  nous  hâtons  donc  de  revenir  aux  histo- 
riens. 

Historiens  en  Italie  au  xvi'  siècle.  —  Nous  trou- 
vons d'abord  sur  notre  route  en  Italie  deux  histo- 
riens célèbres  du  xvi«  siècle.  Machiavel,  né  à 
Florence  en  1469,  mort  en  1527,  entre  autres  ou- 
vrages a  composé  une  Histoire  de  Florence  de  l'JOô 
à  1424,  dont  les  Italiens  font  le  plus  grand  cas  et 
qu'ils  ont  comparée  aux  Ammles  de  'Tacite.  Dans 
ses  Discours  sur  Tite-Live,  Machiavel  se  montre 
profond  penseur,  et  ouvre  la  voie  à  Montesquieu. 

Le  compatriote  et  le  contemporain  de  Machiavel, 
Guichardin,  né  en  1482,  mort  en  1540,  est  l'auteur 
d'une  Histoire  d'Italie  qui  commence  en  1490  et  finit 
en  1534.  Cet  ouvrage  est,  de  l'aveu  des  meilleurs 
juges,  d'un  mérite  supérieur,  et  fait  autorité  au- 
jourd'hui pour  tous  les  événements  qu'il  raconte. 
Il  a  été  traduit  en  français. 

Historiens  français  du  xvi°  siècle.  —  En  France, 
vers  la  fin  du  xvi«  siècle,  un  grave  magistrat,  de 
Thou  (Paris,  1563-1617),  qui  eut  l'honneur  de  pren- 
dre part  à  la  rédaction  de  l'éditde  Nantes,  conçut  le 
projet  non  plus  d'écrire  ses  mémoires  personnels, 
mais  de  composer  une  histoire  détaillée  des  faits 
qu'il  avait  pu  connaître.  Il  fouilla  les  archives,  vi- 
sita les  cliamps  de  bataille,  réunit  une  masse  énorme 
de  documents  officiels  et  authentiques,  et  composa 
en  138  livre^Y Histoire  de  mon  temps, &\\d,ni  de  15i3 
à  1607.  De  Thou  a  beaucoup  des  qualités  de  l'his- 
torien ;  il  est  exact,  judicieux,  éloquent,  mais  son 
ouvrage  manque  de  proportions,  et  les  faits  secon- 
daires sont  présentés  avec  un  luxe  de  détails  qui 
nuit  aux  faits  principaux.  En  outre,  il  s'est  servi  de 
la  langue  savante  de  l'époque,  du  latin,  et  cette 
circonstance,  qui  rehaussa  la  gloire  de  son  œuvre 
au  xvi'  siècle,  explique  l'oubli  injuste  où  elle  est 
tombée  aujourd'hui. 

xvii'  siècle.  —  Cependant  l'histoire  était  fondée 
en  France.  Eudes  de  Mézerai,  né  près  d'Argentan 
en  1610,  mort  en  1683,  pensionné  par  Richelieu, 
nommé  historiographe  du  roi,  entreprit  d'écrire 
l'Histoire  de  France.  Cet  ouvrage  en  3  vol.  in-folio, 
qu'il  fit  précéder  d'un  abrégé  en  3  vol.  in- 12,  est 
remarquable  par  la  justesse  et  l'indépendance  des 
idées;  mais  l'auteur  fait  trop  peu  de  recherches  et 
adopte  trop  facilement  des  traditions  fabuleuses. 

On  est  en  droit  d'adresser  les  mômes  reproches 


à  l'Histoire  de  France  du  Père  Daniel,  né  h  Rouen 
en  1649.  mort  en  i728. 

L'abbé  de  Vertot  (1635-1735),  auteur  des /<éyo/M- 
tions  du  Portuçjal,  des  Hévolutions  de  Suède,  des 
Révolutions  de  la  république  romaine  et  de  VHistoire 
de  l'ordre  de  Malte,  a  de  rares  qualités  de  style, 
mais  ne  brille  pas  par  l'exactitude.  «  Mon  siège  est 
fait,  »  disait-il  à  quelqu'un  qui  lui  apportait  des 
renseignements  précis  sur  le  siège  de  Pihodes,  et 
le  mot  est  devenu  proverbe. 

En  revanche,  on  loue  VHistoire  ecclésiastique,  en 
20  volumes,  de  l'abbé  de  Fleury,  né  en  1640  h  Paris, 
mort  en  1723.  La  sévérité  du  sujet  a  nui  à  la  po- 
pularité du  livre.  Mais  on  lit  encore  avec  fruit  les 
Mœurs  des  Israélites  et  les  Mœurs  des  chrétiens 
du  même  auteur. 

Si  VHistoire  universelle  de  Bossuet,  né  à  Dijon 
en  1627,  mort  en  1704,  n'est  au  début  qu'un  abrégé 
chronologique,  l'illustre  évoque  montre  dans  la 
troisième  partie  de  son  ouvrage,  les  Empires,  les 
plus  éminentes  qualités  de  l'historien.  Ses  consi- 
dérations sur  l'Egypte,  les  Grecs  et  les  Romains, 
serviront  plus  tard  de  modèle  à  Montesquieu  et  à 
tous  ceux  qui  s'occuperont  de  histoire  ancienne. 

Historiens  du  xviii'  siècl".  —  Rollin,  né  à  Paris 
en  1661,  mort  en  1741,  publia  en  1738  son  Histoire 
ancienne  et  son  Histoire  romaine.  Ces  deux  ouvra- 
ges ont  eu  une  vogue  extraordinaire  ;  cependant  ils 
ne  contiennent  que  des  extraits  et  des  traductions 
des  historiens  grecs  et  latins.  Le  stylo  de  Rollin 
est  simple,  naturel,  mais  ses  compilations  n'of- 
frent ni  vues  nouvelles  ni  recherches  érudites. 

Crévier  (1693-1765J,  disciple  et  ami  de  Rollin,  a 
continué  VHistoire  romaine  de  celui-ci.  Il  y  a  joint 
une  Histoire  des  enipereurs  jusqu'à  Coyiituntin, 
conçue  dans  le  même  esprit.  On  estime  en  Crévier 
la  précision  des  faits,  mais  le  style  lourd  et  sec 
rend  la  lecture  de  l'ouvrage  fatigante. 

La  renommée  de  ces  historiens,  comme  celle  de 
Dubos  (1670-1742),  auteur  d'ouvrages  oubliés,  et 
celle  du  président  Hénault  (1685-1770),  auteur  de 
V Abrégé  chro?iologique  de  l'histoire  de  France  jus- 
qu'à la  mort  de  Louis  XIV,  pâlit  devant  la  gloire 
de  Montesquieu  *  et  de  Voltaire  *. 

L'auteur  des  Lettres  persanes  et  de  VE^prit  des 
Lois  publia  en  1734  un  volume  assez  court  inti- 
tulé :  Considérations  sur  les  causes  de  ia  grandeur 
et  de  la  décadence  des  Romains.  Cet  ouvrage,  ins- 
piré par  la  lecture  de  Polybe,  de  Machiavel,  de 
Saint-Evremond  (auteur  du  xvii«  siècle  qui  a  écrit 
entre  autres  des  Observations  sur  Salluste  et 
Tacite,  et  sur  le  génie  du  peuple  romain),  et  de 
Bossuet,  est  justement  célèbre.  C'est  une  vue  phi- 
losophique de  l'histoire  romaine  qui  répond  au 
titre  du  livre  et  qui  est  conçue  dans  le  véritable 
esprit  de  l'histoire. 

En  même  temps  que  Montesquieu,  Voltaire,  tout  en 
cultivant  la  poésie,  la  philosophie,  les  sciences,  abor- 
dait l'histoire  et  la  renouvelait.  En  1730  il  concevait 
le  projet  d'écrire  VHistoire  du  roi  de  Suède  Charles 
Xil,  et  composait  un  an  après,  sous  ce  titre, 
un  chef-d'œuvre  d'exactitude  et  un  modèle  de  nar- 
ration intéressante  et  animée.  Vers  1750  il  publia  un 
ouvrage  plus  important,  VHisloire  du  Siècle  de 
Louis  XIV,  auquel  il  travailla  pondant  vingt  années. 
Maigre  certains  défauts  de  composition,  ce  livre 
est  devenu  classique.  On  y  trouve  les  renseigne- 
ments les  plus  précis,  réunis  avec  un  soin  scrupu- 
leux et  appuyés  sur  des  pièces  justificatives. 
L'Essai  sur  les  tnœurs  et  l'esprit  des  natt.ms,  qu'il 
écrivit  en  1757,  est  son  ouvrage  historique  le  plus 
considérable,  et  le  plus  original  par  les  vues  plii- 
losophicjues  qu'il  y  a  introduites.  Eu  revanche,  le 
Siècle  de  Louis  XV,  les  Annales  de  l'Empire,  VHis- 
toire de  la  Russie  sous  Pierre  le  Grunu,  VHistoire 
du  Parlement  de  Paris,  sont  des  œuvres  inférieu- 
res, écrites  avec  précipitation   et  partialité. 

Raynal,  né  en  1713,  mort  en  1796,  a  publié  une 


HISTOIRE 


971 


HISTOIRE 


Histoire  philosophique  et  politique  des  établisse- 
ments et  du  commerce  des  Ewopéens  dans  les  Deux 
Indes,  pleine  d'erreurs,  de  lieux  communs  et  de 
déclamations  ampoulées.  Elle  eut,  lors  de  son  ap- 
parition, un  instant  de  vogue,  à  cause  de  l'esprit 
d'hostilité  au  catholicisme  dans  lequel  elle  est  écrite. 

L'abbé  Barthélémy,  né  en  1716,  mort  en  1795,  a 
écrit  sous  le  nom  de  Voyage  du  jeune  Anacharsis 
une  histoire  de  la  Grèce  au  siècle  de  Périclès.  Son 
érudition  est  sûre,  exacte.  Quoique  le  livre  ait  la 
forme  d'un  roman,  c'est  un  ouvrage  qui  a  une 
réelle  valeur  historique. 

Citons  enfin,  à  cause  de  la  popularité  dont  elle 
a  longtemps  joui,  V Histoire  de  France  d'Anquetil 
(1723-18U6).  Mais  ce  volumineux  ouvrage  n'a  ni 
précision,  ni  style,  et  on  s'explique  difficilement 
son  succès. 

Historiens  modernes  et  contemporains.  —  Nous 
placerons  en  tète  des  histoiùens  modernes,  bien 
qu'il  appartienne  au  xviii'  siècle,  l'Italien  Vico,  né 
à  Naples  en  l(i68,  mort  en  1740.  L'ouvrage  qu'il  a 
publié  en  1725,  intitulé  Principes  d'une  science 
nouvelle  relative  à  la  nature  commune  des  nations, 
a  posé  les  fondements  de  la  philosophie  de  l'his- 
toire et  a  exercé  une  grande  influence  sur  les  his- 
toriens modernes  par  la  profondeur  de  ses  aperçus. 

Nous  rapprocherons  de  lui  l'Allemand  Herder, 
né  dans  la  Prusse  Orientale  en  174i,  mort  en  181.3. 
L'ouvrage  le  plus  célèbre  de  cet  historien.  Idées 
sur  l'histoire  de  l'humanité,  reproduit  quelques- 
unes  des  théories  de  Vico,  moins  ses  erreurs.  Il 
montre  avec  éclat  la  marche  progressive  de  l'hu- 
manité depuis  l'antiquité  jusqu'à  nos  jours.  Il  ne 
s'égare  que  lorsque  par  de  brillantes  hypothèses 
il  cherche  à  pressentir  les  desseins  de  la  Providence 
et  l'avenir  réservé  à  l'homme. 

France.  —  Chateaubriand,  né  à  Saint-Malo  en 
nus,  mort  en  1848,  n'est  pas  un  historien  propre- 
ment dit,  bien  qu'il  ait  publié  en  1831  des  Études 
ou  Discoïirs  historiques  qu'il  devait  mettre  en  tète 
d'une  histoire  de  France  qu'il  méditait.  Toutefois 
certahies  de  ses  œuvres  littéraires,  comme  le  Génie 
du  christianisnie  et  les  Martyrs,  ont  attiré  l'atten- 
tion sur  diverses  questions  historiques  et  ouvert 
des  routes  nouvelles.  Augustin  Thierry  se  plaisait 
à  attribuer  sa  vocation  à  un  passage  des  Martyrs 
qui  lui  avait  révélé  la  véritable  histoire  de  France 
à  l'époque  mérovingienne.  Nous  avons  cité  plus 
haut  \q%  Mémoires  rf'o«f>'e-to»26e  de  Chateaubriand, 
tableau  de  son  âme  et  de  son  siècle. 

Sismondi  est  né  à  Genève,  en  1773,  d'une  famille 
protestante  originaire  de  Pise.  Mais  il  appartient  à 
la  France  par  le  séjour  qu'il  y  a  fait,  par  la  langue 
qu'il  a  employée  et  par  ses  ouvrages.  Il  publia  d'a- 
bord une  Histoire  des  républiques  italiemies  en 
Itj  volumes  (1807-1818),  qu'il  compléta  en  1.S32  par 
une  Histoire  de  la  renaissance  de  la  liberté  en 
Italie.  Mais  son  œuvre  principale  est  l'Histoire  des 
Français  (1824-1842)  en  31  vol.,  monument  im- 
mense, plein  d'érudition,  où  pour  la  première  fois 
furent  rédigées  les  annales  des  peuples  et  non  les 
biographies  des  rois.  Il  en  fit  paraître  un.  résumé 
en  deux  volumes.  II  mourut  en  1842  avant  d'avoir 
mis  la  dernière  main  à  son  ouvrage. 

Augustin  Thierry,  né  en  1795  à  Blois,  mort  en 
185G,  publia  en  1820  son  premier  ouvrage,  les  Le^^rey 
sur  l  histoire  de  France,  où  il  développait  des  idées 
neuves  et  profondes  qui  devaient  régénérer  notre 
histoire.  En  1821  parut  son  Histoire  de  la  conquête 
de  L'Angleterre  'par  les  Normands,  en  2  vol.,  faite 
sur  les  documents  originaux  et  à  laquelle  on  ne 
peut  reprocher  que  certaines  vues  systématiques. 
Quoique  atteint  de  cécité,  il  lit  paraître  en  183'J 
Dix  ans  d'études  historiques,  et  en  1840  ses  fa- 
meux Récits  MérovingieJis,  si  attrayants  et  bientôt 
si  populaires.  Son  Histoire  de  la  formation  et  des 
virigrès  du  Tiers-Etat  (1853)  est  plus  sévère,  mais 
est  aussi  remarquable. 


Fr.  Guizot,  né  à  Nîmes  en  1787,  mort  en  187  i, 
débuta  par  de  nombreux  livres  en  tout  genre  avant 
de  se  faire  une  place  spéciale  en  histoire  par  son 
Cours  d'histoire  moderne,  et  surtout  par  l'Histoire 
générale  de  la  civilisation  en  Europe,  et  l'Histoire 
générale  de  la  civilisation  en  France.  Ces  deux 
derniers  ouvrages  sont  devenus  classiques.  On  y 
admire  la  largeur  des  idées  et  la  sûreté  de  l'éru- 
dition. Grâce  à  la  méthode  originale  de  l'auteur, 
aux  conséquences  qu'il  sait  tirer  de  quelques  faits 
bien  choisis,  on  assiste  à  la  genèse  des  sociétés 
modernes,  et  l'on  comprend  par  quelles  transfor- 
mations elles  sont  sorties  du  moyen  âge.  Guizot  a 
publié  en  outre  des  Mémoires  pour  servir  à  l'his- 
toire de  mon  temps,  qui  ont  pour  but  de  raconter  sa 
vie  politique  et  de  justifier  les  actes  de  son  mi- 
nistère ;  et  l'Histoire  de  France  racontée  à  mes 
petits-enfants,  qui  a  été  achevée  par  M"''  de  Witt. 

Nous  n'avons  pas  à  parler  ici  du  grand  rôle  poli- 
tique joué  par  Adolphe  Thiers,  né  à  Marseille  en 
1797,  mort  en  1877.  Nous  ne  parlerons  que  de 
l'historien.  De  1823  à  1827  il  publia  en  10  volumes 
l'Histoire  de  la  Révolution  française,  depuis  1789 
jusqu'au  18  brumaire,  qui  obtint  le  succès  le  plus 
extraordinaire.  Elle  compta  plus  de  quinze  éditions 
en  quelques  années.  On  a  reproché  à  l'auteur  plu- 
sieurs de  ses  jugements,  une  certaine  tendance  à 
absoudre  le  succès,  mais  on  s'accorde  à  louer  la 
clarté  admirable  du  style  et  la  connaissance  appro- 
fondie des  faits  et  de  toutes  les  questions.  Ces  qua- 
lités se  font  remarquer  à  un  plus  haut  degré  encore 
dans  l'Histoire  du  Consulat  et  de  l'Empire,  en  vingt 
volumes,  qui  fut  l'œuvre  de  sa  maturité.  L'ouvrage 
est  trop  connu  et  trop  universellement  apprécié 
pour  qu'il  soit  nécessaire  d'insister. 

M.  Mignet,  né  à  Aix  en  1796,  s'est  révélé  comme 
historien  en  1821  par  son  Histoire  de  la  Révolution 
française  de  1789  à  1814,  en  2  vol.,  souvent  réim- 
primée et  traduite  dans  toutes  les  langues.  Ce  ré- 
sumé simple,  clair,  élégant  est  un  chef-d'œuvre. 
On  retrouve  les  mêmes  mérites  dans  les  autres 
œuvres  de  M.  Miguet  :  Négociations  relatives  à  la 
succession  d'Espagne,  1836-1842  ;  Histoire  de  Marie- 
Stuart,  2  vol.,  1851  ;  Charles-Quint,  son  abdication, 
son  séjour  et  sa  mort  au  monastère  de  Saint-Just, 
1851,  etc. 

Jules  Michelet,  né  b,  Paris  en  1798,  mort  en  1874, 
traduisit  d'abord  l'ouvrage  de  Vico,  et  commença 
dès  1837  une  Histoire  de  France  en  IG  vol.  (1837- 
1867),  dont  les  diverses  parties  forment  en  volumes 
détachés  autant  d'histoires  distinctes.  L'Histoire 
de  la  Révolution  française  en  7  vol.  (1847-1853) 
est  la  continuation  de  l'Histoire  de  France.  Ce  sont 
les  deux  ouvrages  principaux  de  cet  historien  plein 
d'imagination,  dont  le  style  brillant  et  coloré  fait 
revivre  les  scènes  qu'il  raconte.  Certaines  parties 
de  ces  livres  sont  des  chefs-d'œuvre  :  telle  est 
l'histoire  de  Jeanne  d'Arc,  celle  de  Louis  XI,  la 
géographie  physique  de  la  France,  etc.  On  re- 
proche à  son  Histoire  de  la  Révolution  française 
d'être  peu  exacte  dans  le  détail  et  trop  passionnée. 

Edgar  Quinet,  né  àBourg  en  1803,  mort  en  1875, 
commença  par  traduire  le  livre  de  Herder  sur  la 
philosophie  de  l'histoire  (V.  plus  haut),  en  le  fai- 
sant précéder  d'une  introduction.  Il  publia  ensuite 
un  ouvrage  sur  la  Grèce  moderne  et  ses  rapports 
avec  l'antiquité,  puis  de  nombreuses  études  sur 
les  épopées  de  ditt'érents  peuples,  enfin  des  ou- 
vrages de  toute  sorte  qui  touchent  à  la  fois  à  la 
politique,  à,  la  religion  et  à  l'histoire.  Parmi  ses 
ouvrages  historiques  proprement  dits,  nous  cite- 
rons son  Histoire  de  la  campagne  de  1815,  et  son 
livre  sur  la  Révolution  française. 

VaulabcUe,  né  dans  l'Yonne  en  1797,  mort  en  1878. 
se  fit  connaître  en  1835  par  une  Histoire  de  l'E- 
gypte inoderne,  de  1801  à  1833,  en  2  vol.  Mais  son 
œuvre  principale  est  l'Histoire  des  deux  Restaura- 
lions,  pleine  de  recherches,  et  remarquable  par  la 


HISTOIRE 


972 


HÎSTOIRE 


bonne  foi  et  la  sûreté  des  renseignements.  Le  ré- 
cit de  la  bataille  de  Waterloo  est  un  modèle  de 
narration  précise  et  éloquente  à  la  fois. 

M.  Henri  Martin,  né  en  1810  à  Saint-Quentin, 
est  devenu  populaire  par  son  Histoire  de  France  en 
16  ou  19  volumes,  que  l'auteur  a  plusieurs  fois 
refondue  et  remaniée.  C'est  l'ensemble  le  plus  com- 
plet et  le  plus  précis  que  nous  ayons  sur  l'histoire 
de  notre  pays.  Patriote  sincère,  esprit  libéral,  cher- 
cheur consciencieux,  l'auteur  ne  livre  rien  à  la  con- 
jecture, et  soumet  les  faits  aux  lecteurs  sans  vou- 
loir leur  imposer  ses  opinions  personnelles. 

Nous  aurions  à  citer  encore  bien  des  historiens 
français  contompoiains;  mais  nous  n'en  parlerons 
pas,  parce  qu'ils  sont  vivants  et  que  leurs  œuvres 
n'ont  pas  encore  reçu  de  l'opinion  publique  cette 
sorte  de  consécration  qui  nous  a  permis  d'appré- 
cier celles  de  MM.  Mignet  et   Henri  Martin. 

Italie.  —  L'historien  italien  Cantù  est  né  dans  le 
Milanais  en  1805.  Entre  autres  ouvrages,  il  a  publié 
une  Histoire  universelle  en  19  vol..  qui  a  été  tra- 
duite dans  toutes  les  langues.  Elle  présente  de 
nombreuses  qualités,  mais  l'auteur  se  montre  trop 
souvent  hostile  à  la  Franco  et  aux  idées  modernes. 
Il  a  publié  depuis  une  Histoire  des  cent  deimières 
minées  (1851),  et  une  Histoire  des  Ualiens  (1859). 

Angleterre.  —  Des  le  dix-huitième  siècle,  l'An- 
gleterre a  compté  des  historiens  éminents  qui  ont 
apporté  dans  l'histoire  un  esprit  véritablement 
moderne.  Tel  est  Hume,  né  à  Edimbourg  en  1711, 
mort  en  1776,  philosophe  et  historien,  dont  l'ou- 
vrage le  plus  célèbre  est  une  Histoire  d'Angletei're 
qui  parut  en  1754. 

Tel  est  aussi  Robertson,  né  en  Ecosse  en  1721, 
mort  en  1793.  On  estime  son  Histoire  d'Ecosse 
sous  Marie  et  Jacques  VI  (1759),  et  son  Histoire  de 
Charles-Quint  (1769).  Mais  son  ouvrage  le  plus 
célèbre  est  YHistoire  de  VAmérique  (1777),  re- 
marquable par  son  exactitude,  la  beauté  du  style 
et  l'indépendance  des  idées. 

Gibbon,  né  à  Putney  en  1737,  mort  en  1794,  pu- 
blia d'abord  en  français  un  Es-ai  sur  l'étude  de  la 
littérature.  Son  œuvre  principale  est  YHistoire  de 
la  décadence  et  de  la  chute  de  l'empire  roynain 
(1776-1787),  qui  a  été  traduite  en  français  et  com- 
mentée par  Guizot.  Elle  obtint  un  grand  succès, 
grâce  à  l'exactitude  des  faits  et  à  l'art  avec  lequel 
ils  sont  présentés. 

Lingard,  né  près  de  Lancastre  en  1769,  mort  en 
1851,  a  composé  une  grande  Histoire  d'Angleterre 
depuis  l'invasion  des  Piomains  jusqu'à  la  révolu- 
tion de  1688,  qui  avait  pour  but  de  répondre  aux 
attaques  dirigées  par  Hume  contre  les  catholiques. 
Elle  fait  aujourd'hui  autorité  en  Angleterre. 

Grote,  né  à  Clayhill  en  1794,  est  l'auteur  d'une 
Histoire  de  la  Grèce  en  12  vol.,  pleine  de  recher- 
ches intéressantes  et  qui  a  renouvelé  l'histoire  grec- 
que. Il  est  mort  en  1871. 

Le  plus  célèbre  des  historiens  anglais  contempo- 
rains est  Macaulay,  né  à  Rothey-Temple  en  1810, 
mort  en  1859.  Il  pubha  en  1843  trois  volumes  inti- 
tulés Essais  de  critique  et  d'histoire,  formés  de 
biographies  qui  avaient  paru  dans  différents  re- 
cueils. Son  œuvre  principale  est  YHistoire  d'Angle- 
terre depuis  le  règrie  de  Jacques  II,  en  4  vol.,  qui 
a  commencé  à  paraître  en  l!s4S,  et  a  été  interrom- 
pue par  la  mort  de  l'auteur.  Elle  va  jusqu'à  la 
paix  deRyswick.  On  a  publié  depuis  son  Histoire 
ae  Guillaume  III,  en  4  vol.  Le  style  surtout  a  fait 
de  Macaulay,  et  même  de  son  vivant,  un  auteur 
classique. 

Etats-Unis  d'Amérique.  —  Washington  Irving, 
né  à  New-York  en  1783,  mort  en  lS5i),  est  célèbre 
surtout  par  les  ouvrages  qu'il  a  consacrés  à  Chris- 
tophe Colomb  :  Histoire  de  la  vie  et  des  voyages  de 
Christophe  Colomb,  1828;  Voyages  et  découvertes 
de  Christophe  Colomb,  1831.  On  cite  encore  la 
Conquête    de    Grenade.  1829;  VAlhamhra,   1832; 


Mahomet  et  ses  successeurs,  1849.  Les  Américains 
estiment  beaucoup  la  Vie  de  Washington,  en  4  vol., 
qui  a  paru  en  1855.  Il  est  plein  d'esprit,  d'humour, 
et  il  donne  à  l'érudition  une  forme  agréable. 

Prescott,  né  h.  Salem  dans  le  Massachusetts  en 
179C,  mort  en  1859,  a  écrit  plusieurs  biographies 
estimées.  Ses  ouvrages  principaux  sont  relatifs  à 
l'Espagne  :  Histoire  de  Ferdinand  et  d'Isabelle  la 
Catholique,  3  vol.  (1838)  ;  Histoire  de  la  conquête 
du  Mexique  (1843);  Histoire  de  la  conquête  du 
Pérou  (1847).  Sa  dernière  œuvre.  Histoire  de  Phi- 
lippe II,  en  2  vol.  '1855),  est  inachevée.  C'est  un 
historien  consciencieux.  On  admire  l'ordre,  la  dis- 
position de  ses  ouvrages,  ses  descriptions  pittores- 
ques, son  style  énergique  et  coloré. 

Allemagne.  —  Niebuhr,  Danois  d'origine,  né  à 
Copenhague  en  1776,  mort  professeur  à  Bonn  en 
1831,  est  l'auteur  d'une  célèbre  Histoire  rom'iine 
dont  les  différentes  parties  ont  été  composées  à  de 
longs  intervalles.  Il  a  exercé  surtout  une  grande 
influence  par  la  critique  à  laquelle  il  a  soumis  l'ou- 
vrage de  Tite-Live .  On  peut  ne  pas  admettre 
toutes  ses  conclusions,  mais  il  est  impossible  au- 
jourd'hui de  croire  à  l'histoire  des  rois  de  Rome 
telle  que  Tite-Live  la  raconte. 

Ranke,  né  en  Thuringe  en  1795,  est  célèbre  par 
un  livre  impartial  et  judicieux  sur  les  Papes  ro- 
mains, leur  Eglise  et  leur  état  au  seizième  et  au  dix- 
septième  siècle.  Comme  contre-partie  il  a  écrit 
l'Histoire  de  l'Allemagne  au  temps  de  la  réforme, 
en  6  vol.,  1839-1847.  On  a  encore  de  lui  quelques 
autres  ouvrages  historiques  moins  importants. 

Raumer,  né  à  Wœrlitz  en  1781,  est  l'auteur  d'ou- 
vrages divers  relatifs  à  l'histoire  et  à  l'économie 
politique.  Son  œuvre  la  plus  importante  est  YHis- 
toire des  Hohenstaufen  et  de  leur  temps,  6  vol., 
1820  à  1825,  qui  eut  un  grand  succès.  Il  a  composé 
depuis  une  grande  Histoire  de  l'Europe  depuis  la 
fin  du  quinzième  siècle  (1832-1858).  Il  est  mort  en 
1873. 

M.  Gervinus,  né  àDarmstadt  en  1805, a  composé 
beaucoup  de  livres  d'histoire.  L'un  des  plus  célè- 
bres est  intitulé  :  Insurrection  et  régénér'ation  de 
la  Grèce,  et  parut  en  1863.  Il  a  écrit  en  outre  une 
grande  Histoire  du  dix-neuvième  siècle  depuis  les 
traités  de  Vienne,  qui  a  été  traduite  en  français 
(1864-1868),  et  qui  fait  autorité  dans  la  diplomatie. 

M.  Mommsen,  Danois  comme  Niebuhr,  né  en 
1817,  est  aujourd'hui  professeur  à  Berlin.  Son 
principal  ouvrage  est  une  Histoire  romaine,  en  8 
vol,  (1853-1856J,  qui  a  été  traduite  en  français. 
Mommsen  est  un  historien  éminent,  plein  de  sa- 
gacité et  de  finesse,  mais  qui  s'abandonne  trop  à 
des  hypothèses  ingénieuses  et  sans  solidité. 

[■Victor  Cucheval.] 

HISTOIRE  GÉNÉRALE,  HISTOIRE  DE 
FRANCE.  —  Après  avoir  donné  ci-dessus,  à  l'ar- 
ticle//w/oiVe,  la  définition  de  l'histoire  et  quelques 
détails  sur  les  principaux  historiens,  nous  plaçons 
ici  sous  les  yeux  du  lecteur  les  programmes  du 
double  cours  d'histoire  que  contient  ce  diction- 
naire :  Histoire  générale  et  Histoire  de  France. 
Nous  les  faisons  suivre  du  programme  officiel 
français  et  de  quelques  programmes  étrangers  ; 
nous  eussions  pu  donner  un  plus  grand  nombre 
de  ces  derniers  :  nous  avons  préféré  nous  borner 
à  deux  ou  trois  spécimens  choisis  parxui  ceux  qui 
nous  ont  paru  intéressants. 

PROGRAMME  D'HISTOIRE  GÉNÉRALE 

I.  —  Les  premiers  hommes.  —  Extrême  Orient. 
—  \.  Préhistoriques  {populations},  Races  humaines, 
Imle,  Orient,  Moiigols. 

II.  —  Assyrie  et  Chaldée.  —  V.  Assyrie,  Chaldée, 

Elnm,  Cunéiforme  (Ecriture). 

III.  —  Kgypte.  —  Egypte,  Hiéroglyphes 


HISTOIRE 


973 


HISTOIRE 


V.  Israélites, 


IV.  —  Israélites  et  Phéniciens 
Phéniciens.  V.  aussi  Juifs. 

V.  —  Perses.  —  V.  Perse,  Médie,  Alexandre. 

VI.  —  La  Grèce  avant  les  guen'es  médiques.  — 
V.  Grèce.  V.  aussi  Guerre  de  Thèbes,  Guerre  des 
Epigones,  Guerre  de  Troie,  Guerres  de  Messénie, 
Guerres  Sacrées. 

VII.  —  Les  guerres  médiques. — V.  Grèce,  V.  aussi 
Guerres  Médiques,  Guerres  de  Messénie. 

VIII.  —  Périclès.  Guerre  du  Péloponèse.  Déca- 
dence de  la  Grèce.  Philippe.  —  V.  Grèce.  V.  aussi 
Siècle  de  Périclès,  Guerre  du  Péloponèse,  Guerre 
sociale,  Guerres  Sacrées,  Macédrnne. 

IX.  —  Alexandre  et  ses  conquêtes.  —  V.  Grèce, 
Alexandre,  Macédoine. 

X.  — Fin  de  la  Grèce.  —  V.  Grèce,  Macédoine. 

XI.  —  Rome  jusqu'aux  guerres  puniques.  —  V. 
Rome. 

XII. —  Guerres  puniques.  Troubles  civils  jusqu'à 
Sylla.  —  V.  Rome.  V.  aussi  Guerres  Puniques. 
Guerre  Inexpiable,  Guerres  de  Macédoine,  Guerre 
de  Numance,  Guerre  de  Jiigurtha,  Guerre  Sociale, 
Guerre  de  Mithridate,  Guerre  des  Pirates,  Guerres 
Servi  les. 

XIII.  —  Le  premier  triumvirat.  César.  —  V.  Rome. 
V.  aussi  Gaule,  Germains,  Guerre  Civile. 

XIV.  —  Le  second  triumvirat.  Auguste. — V.  Rome. 
V.  aussi  Guerre  de  Modène,  Gaule,  Germains,  Siè- 
cle d'Auguste. 

XV.  —  Les  deux  premiers  siècles  de  l'empire 
romain.  —  V.  Rome.  V.  aussi  Gaule,  Germains, 
Christianisme. 

XVI.  — Le  christianisme.  Fin  de  l'empire  romain. 
Invasion  des  barbares.  —  V.  P,ot7ie,  Christianisme, 
Germains,  Barbares. 

XVII.  —  Les  royaumes  germains.  Mahomet. 
Charlemagne.  —  V.  Barbares,  Clovis,  Mérovingiens, 
Arabes, Mahomet,  Khalifes,  Charlemagne, Papauté. 

XVIII.  —  Fondation  des  nations  modernes.  Féoda- 
lité. Croisades.  Communes.  —  V.  Féodalité,  Che- 
valerie, Servage,  Croisades,  Communes.  V.  aussi 
Normands,  Khalifes,  Louis  le  Débonnaire,  Charles 
le  Gi-os,  Conrad  I",  Henri  I"  l'Oiseleur,  Othon  I", 
Hugues  Capet,  Edouard  le  Confesseur,  Guillaume 
le  Conquérant,  Louis  VI,  Louis  Vil,  Louis  IX, 
Phiiippe-A  uguste,  Plantage7iets. 

XIX.  —  Lutte  entre  la  papauté  et  l'empire.  France 
et  Angleterre. —  V.  Papauté,  Allemagne,  Gueri-e  de 
Cent  Ans.  V.  aussi  He7iri  IV de  Franconie,  Henri  V, 
Hohenstaufen,  Frédéric  I" Bar berousse,  Frédéric II, 
Habsbourg.  Luxembourg,  Plantagenets,  Lancastre, 
Philippe  le  Bel,  Philippe  VI,  Jean  le  Bon,  Charles  V, 
Charles  VI,  Charles  VII,  Jeanne  d'Arc,  Communes. 

XX.  —  Fin  du  moyen  âge.  Les  Turcs.  —  V.  Moyen 
âge,  Turquie,  Grèce,  Mongols,  Guerre  des  Deux- 
Roses.  V.  aussi  Louis  XI,  Charles  le  Téméraire, 
Guerre  de  Bourgogne,  Papauté,  Guerre  des  Hussi- 
tes,  Luxembourg,  Habsbourg,  Lancastre,  Planta- 
genets, Tudors. 

XXI.  —  Commencement  des  temps  modernes.  Re- 
naissance, inventions,  découvertes.  —  V.  Renais- 
sance, Inventions,  Découvertes,  Colonies.  V.-  aussi 
Guerres  d'Italie,  Siècle  de  Léon  X,  Charles  VIII, 
Louis  XII,  Habsbourg,  Ferdinand  le  Catholique, 
Tudors. 

XXII.  —  Maison  d'Autriche.  Guerres  d'Italie. 
Réforme  religieuse.  Guerres  de  religion  au  sei- 
zième siècle.  —  V.  Guerres  d'Italie,  Réforme, 
Guerre  des  pai/sans,  Guei^es  de  religion.  V.  aussi 
François  I",  Charles-Quint,  Mexique,  Pérou,  Phi- 
lippe II,  Guillaume  le  Taciturne,  Marie  Sluart, 
CharleiIX,  Henri III,  Heîiri IV,  Habsbourg,  Tudors, 
Gustave  Wasa,  Protestantisme,  Siècle   {seizième). 

XXIII.  —  De  la  paix  de  Vervins  à  la  paix  de  West- 
plialie. — \. Guerre  de  Trente  Ans.  \.  aussi  Henr  il  V, 
Louis  XIII,  Richelieu,  Mazarin,  Gustaie- Adolphe, 
Jacques  I",  Charles  I",  Cromwell,  Siècle  (dix- 
septième). 


XXIV.  —  Louis  XIV  et  son  temps.  —  \.  Louis  XIV. 
V.  aussi  Mazarin,  Guerre  de  dévolution.  Guerre 
de  Hollande,  Guerre  de  la  ligue  d'Augsbourg, 
Guerre  de  la  succession  d'Espagne,  Charles  II, 
Jacques  II,  Guillaume  III,  Habsbourg,  Charles  XII, 
Siècle  {dix-septième). 

XXV.  —  Dix-huitième  siècle.  —  V.  Régences, 
Louis  XV,  Guerre  de  la  quadruple  alliance.  Guerre 
de  la  succession  de  Pologne,  Guerre  de  la  succession 
d'Autriche,  Guerre  de  Sept  ans,  Marie-Thérèse, 
Frédéric  II,  Louis  XVI,  Guerre  d'Amérique.  Révo- 
lution française.  Directoire.  V.  aussi  Habsbourg, 
Charles  VI,  Charles  VII,  Joseph  II,  François  II, 
Philippe  V,  Charles  III,  Charles  IV,  Charles  XII, 
Gustave  III,  Siècle  {dix-huitième). 

XXVI.  —  Dix-neuvième  siècle.—  V.  Consulat,  Na- 
poléon I",  Louis  XVIII,  Charles  X,  Louis-Philippe, 
République,  Napoléon  III,  Siècle  {dix-neuvième;, 
ainsi  que  les  articles  consacrés  aux  divers  pays 
(V.  ci-dessous)  et  ceux  auxquels  ils  renvoient. 

XXVII.  Allemagne  et  Autriche-Hongrie.  —S. Alle- 
magne, Prusse,  Autriche  (au  Supplément),  Hongrie, 
Slaves.  V.  aussi  Germain.-;,  Charlemagne,  Louis  le 
Débonnaire,  Loîiis  le  Germanique,  Louis  II,  Char- 
les le  Gros,  Louis  III,  Louis  IV,  Conrad  I",  Henri  /«' 
l'Oiseleur,  Communes,  OthonI",  Othonll,  OthonlII, 
Heni'i  II  le  Saint,  Conrad  II,  Henri  III,  Henri  IV, 
HeJiri  V,  Conrad  III,  Frédéric  I"  Barberousse, 
Henri  VI,  Othon  IV,  Frédéric  II,  Conrad  IV, 
Hohenstaufen,  Habsbourg,  Luxembourg,  Char- 
les  IV,  Guerre  des  Hussites,  Frédéric  III,  Chwles- 
Quint,  Guerre  des  paysans,  Ferdinand  I",  Ferdi- 
nand II,  Ferdinand  III,  Joseph  I",  Charles  VI, 
Charles  VII,  François  /«'  de  Lorraine,  Marie-Thé- 
rèse, Frédéric  I"  de  Prusse,  Frédéric  II  le  Grand, 
Joseph  II,  François  II,  Ferdinand  I"  d'Autriche, 

XXVIII.  —  Angleterre.  —  V.  Angleterre.  V.  aussi 
Edouard  le  Confesseur,  Normands,  Guillaume  le 
Conquérant,  Guillaume  II,  Henri  I",  Plantagenets, 
Commu7ies,  Guerre  de  Cent  a?is,  La7icastre,  Guerre 
des  Deux-Roses,  Tudors,  Marie  Stuart,  Jacques  I", 
Charles  !«',  Cro77iwell,  Charles  II,  Jacques  II, 
Stua7-ts,  Guillau7ne  III,  Ha7iovi'e,  Guillaume  IV, 
Guerre  de  l'opium.  Guerre  d'Orient. 

XXIX.  —  Espagne  et  Portugal.  —  V.  Espagne, 
Portugal.  V.  aussi  Guerre  de  Numance,  Arabes, 
Communes,  Ferdinand  V,  Charles-Quint,  Phi- 
lippe II,  Philippe  m,  Philippe  IV,  Charles  II,  Phi- 
lippe V,  Ferdinand  VI,  Charles  III,  Charles  IV, 
Fet-dinand  VII,  Gue7-re  d'Espagne. 

XXX.  —  Italie  et  Papauté.  — V.  Ro7ne,  Italie,  Pa- 
pauté. V.  aussi  Guerres  pimiques,  Guer7^  Inexpia- 
ble, Guerres  de  Macédoi7ie,  Guerre  dë£\'u77ia7ice, 
Guerre  de  Jugurtha,  Guerre  Sociale,  Guerre  de 
Mithridate,  Guerre  des  Pirates,  Guerres  servîtes. 
Guerre  Civile,  Guerre  de  Modène,  Siècle  d'Au- 
guste, Christianis77ïe,  Barbares,  No)'t7ia7}ds,  Com- 
>7iu7ies.  Guerres  d'Italie  (au  xvi'  siècle),  Siècle  de 
Léo7i  X,  Guerre  d'Italie  (au  xix*  siècle). 

XXXI.  —  Pays-Bas.  —  Pays-Bas,  Belgique  (au 
supplément).  V.  aussi  Coi7V7iu7ies,  Guillaui7ie  le 
Tacitu7-ne,  Guillaume  III. 

XXXII.  —  Suisse.  —  V.  Suisse.  V.  aussi  Guerre 
de  Bourgogne. 

XXXiil.  —  Etats  du  Nord  :  Etats  Scandinaves,  Po- 
logne, Russie.  —  V.  Scandinaves  [Etats),  Russie, 
Pologne,  Slaves.  V.  aussi  No7'mands,  Gustave 
Wasa,  Gustave-Adolphe,  Charles  XII,  Gustave  III, 
Gîistave  IV,  Charles-Jean  XIV,  Guerre  d'Orient. 

XXXIV.  —  Grèce,  Turquie,  Roumanie,  Etats 
slaves  de  la  péninsule  des  Balkans.  —  V.  Grèce, 
Tui'quie,  Macédoi7ie,  Roumanie,  Slaves.  V.  aussi 
Guerre  de  Thèbes,  Guerre  des  Epigones,  Gue7're  de 
Troie,  Guerres  île  Messénie,  Guerres  sacrées.  Guer- 
res médiques.  Siècle  de  Périclès, Guerre  du  Pélopo- 
nèse, Guerre  sociale,  Alexandre,  Guerre  d'Orient. 

XXXV.  —  Etats-Unis.  —  V.  Etats-Unis.  V.  aussi 
Guerre  d'Amérique,  Guerre  de  la  Sécession. 


HISTOIRE 


—  974  — 


HISTOIRE 


XXXVI. — Colonies  et  Etats  extra- européens.  — 
V.  Colonies,  Mexique,  Pérou,  Hispano-américai- 
nes [liépiihiiques],  Portugal,  Brésil  (au  Supplé- 
ment), Orient  [Extrême).  V.  aussi  Gutrre  de 
l'opium.  Guerre  du  Mexique. 

XXXVII.  —  Commerce,  industrie,  inventions, 
lettres,  arts,  sciences.  —  V.  Inventions,  Com- 
merce, Industrie  et  les  articles  consacrés  aux  di- 
vers pays  et  à  différents  siècles. 

XXXVIII.  —  Institutions  politiques  et  sociales. 
—  \ .  Esclavage,  Femmes,  Chevalerie,  Parlements, 
Paysans,  Constitutions,  Arbitrage  international. 

XXXIX-XL.  —  Révision  générale.  —  V.  Grèce, 
Rome,  Moyen  âge,  Modernes  (Temps),  Siècle  {sei- 
zième), Siècle  {dix-septième),  Siècle  {aix- huitième), 
Siècle  {dix-neuvième).  V.  aussi  Abdications,  Con- 
ciles, Congrès,  Dates,  Dynasties,  Edits,  Eglise, 
Empires,  Éphémérides,  Ere,  Guerres,  Hérésies, 
Invasiojis,  Journées, Mythologie,  Navigation,  Nuits, 
Pactes,  Population,  Régences,  Religions,  Restau- 
rations, Schismes,    Traités. 

PROGRAMME  D'HISTOIRE  DE  FRANCE. 
1°  Temps  anciens. 

I.  —  Populations  préhistoriques  de  la  Gaule. 
Les  Gaulois,  mœurs,  religion,  institutions.  Los 
Gaulois  en  Italie  et  en  Grèce.  —  V.  Préhistoriques 
{Populations),  Gaule,  Rome. 

II.  —  Arrivée  des  Romains  en  Gaule;  première 
province  romaine.  Jules  César  et  ses  conquêtes. 
Vercingétorix.  Les  Gallo-romains.  Le  christia- 
nisme en  Gaule.  Souverains  nationaux  du  troi- 
sième siècle.  Fin  de  l'empire  romain.  —  V. 
Gaule,  Christianisme,  Rome. 

11°  Époque  barbare. 

III.  —  Invasion  germaine.  Burgondes  et  Visi- 
goths.  Les  Francs.  Triomphe  du  catholicisme. 
Austrasie  et  Keustrie.  Clovis.  Rois  mérovingiens 
jusqu'au  milieu  du  septième  siècle.  —  V.  Barbares, 
Clovis,  Mérovingiens. 

IV.  —  Rois  fainéants  et  maires  du  palais.  Pépin 
d'Héristal  et  prépondérance  de  l' Austrasie.  Charles 
Martel.  Les  Arabes  en  Gaule.  Pépin  le  Bref  et  la 
papauté.  —  V.  Mérovingiens,  Maires  du  palais, 
Papauté. 

V.  VI.  —  Charlemagne.  Ses  guerres.  Rétablisse- 
ment de  l'empire  d'Occident.  Institutions  de  Char- 
lemagne. Louis  le  Débonnaire.  Démembrement 
de  l'empire.  Charles  le  Chauve;  Charles  le  Gros. 
Naissance  de  la  féodalité.  —  V.  Charlemugne,  Louis 
le  Débonnaire,  Char  les  te  Chauve,  Charles  le  Gros. 
Féodalité,  Louis  le  Bègue,  Louis  III. 

VII.  —  Les  derniers  Carlovingiens  et  les  ducs  de 
France.  Les  Normands  en  Neustrie.  Hugues  Capet 
et  le  monde  féodal.  —  V.  Charles  le  Siynpie,  Nor- 
mands, Louis  IV,  Lothaire,  Louis  V,  Hugues  Capet. 

111°  Époque  féodale. 

VIII.  —  Les  premiers  Capétiens.  Conquête  de 
l'Angleterre.  Première  Croisade.  Les  communes 
de  la  France  du  Nord.  Les  pays  de  langue  d'oc.  — 
V.  Féodaliti',  Hugues  Capet  et  les  premiers  Cape- 
tiens,  Guillaume  le  Conquérant,  Crnisades,  Com- 
munes, Robert,  Henri  l'^,  Philippe  I". 

IX.  X. —  Accroissement  du  pouvoir  royal.  Louis 
le  Gros,  Louis  VII,  l'hilippe-Auguste.  Conquête 
du  Midi.  Premières  rivalités  avec  l'Angleterre. 
Saint  Louis  ;  ses  institutions  ;  ses  croisades.  —  V. 
Louis  VI,  Louis  VII,  Philippe-Auguste,  Albigeois 
{Croisarie  des),  Louis  VIII,  Philippe  III,  Louis  IX, 
Croisades,  Communes. 

XI.  —  Philippe  le  Bel.  Guerre  de  Flandre.  Les 
légistes.  Lutte  avec  la  Papauté.  Les  Templiers. 
LesÉlats-Gcuéraux.  Fin  des  Capétiens  directs.  — V. 
Philippe  le  Bel,  Légistes,  Etats -Généraux,   Parle- 


ments, Papauté,  Louis  X,  Philippe  V,  Charles  IV, 
Communes. 

XII.  —  Commencement  de  la  guerre  de  Cent 
Ans.  Philippe  VI  de  Valois.  Crécy.  Jean  le  Bon. 
Poitiers.  Les  États-Généraux  de  1.356.  Etienne  Mar- 
cel et  le  Tiers-État.  La  Jacquerie.  Traité  de  Brc- 
tigny. —  V.  Guerre  de  Cent  Ans,  Philippe  VI,  Jean  le 
Bon,  Etat  s -Généraux,  Tiers-État,  Paris,  Charles  V. 

XIII.  —  Charles  V  et  Duguesclin.  Les  conquêtes 
des  Anglais  recouvrées  en  partie.  Charles  VI;  lutte 
contre  les  Flamands.  Bourguignons  et  Armagnacs. — 
V.  Guerre  de  Cent  Ans,  Charles  V,  Charles  VI,  Paris. 

XIV.  —  Renouvellement  de  la  guerre.  Azin- 
court.  Traite  de  Troyes.  Charles  VII;  Jeanne  d'Arc. 
Fin  de  la  guerre  de  Cent  Ans.  Institutions  de 
Charles  VII.  —  V.  Guerre  de  Cent  Ans,  Lancastre, 
Charles  VI,  Charles  VII,  Jeanne  d'Arc. 

XV.  —  Louis  XI.  Lutte  contre  Charles  le  Témé- 
raire et  la  féodalité.  La  royauté  victorieuse.  Fin  du 
moyen  âge.  Coup  d'oeil  sur  les  lettres,  les  sciences 
et  la  civilisation.  —  V.  Louis  XI,  Charles  le  Témé- 
raire, Guerre  de  Bourgogne,  Moyen  âge. 

IV  Époque  de  la  Renaissance  et  de  la  Réforme. 

XVI.  —  Premières  guerres  d'Italie  :  Charles  VIII, 
Louis  XII,  avènement  de  François  I"'.  La  Renais- 
sance. Inventions  et  découvertes.  —  V.  Char- 
les VIII,  Guerre  folle,  Louis  XII,  François  /<=', 
Guert^es  d'Italie,  Renaissance. 

XVII.  —  François  I"  et  ses  guerres  avec  Charles- 
Quint.  Henri  II  ;  fin  des  guerres  d'Italie.  La  Ré- 
forme religieuse.  —  V.  François  l",  Charles-Quint, 
Henri  II,  Guerres  d'Italie,  Reforme,  Protestantisme. 

XVIII.  —  François  II  et  Marie  Stuart.  Les  Gui- 
ses. Charles  IX  et  Catherine  de  Médicis.  Guerres 
de  religion.  La  Saint-Barthélémy.  —  V.  Guerres  de 
religio7i,  François  II,  Marie  Sfua7^t,  Charles  IX, 
Régences,  Guises. 

XIX.  —  Henri  III.  Suite  des  guerres  de  reli- 
gion. La  Ligue.  Fin  des  Valois.  —  V.  Guerres  de 
religion,  Henri  III,  Guises,  Guerre  des  trois  Henri. 

XX.  —  Henri  IV.  Intervention  de  l'Espagne 
et  de  l'Angleterre.  Fin  des  guerres  de  religion. 
Administration  de  Sully.  Tentative  d'équilibre  eu- 
ropéen. —  V.  Guerres  de  religion,  Henri  IV. 

XXI.  —  Lettres,  arts,  sciences,  industrie,  etc.,  au 
seizième  siècle.  —  V.  Siècle  {seizième). 

V  Le  dix-septième  siècle  et  Louis  XI V. 

XXII.  —  Louis  XIII.  Régence  de  Marie  de 
Médicis.  Richelieu  :  sa  lutte  contre  les  grands,  les 
protestants,  la  maison  d'Autriche.  Fondation  de  la 
monarchie  absolue.  —  V.  RégeJices,  Louis  XIII,  Ri- 
chelieu, Guerre  de  Trente  Ans. 

XXIII.  —  Mazarin.Fin  de  la  guerre  de  Trente 
Ans.  La  Fronde.  —  V.  Régences,  Mazarin,  Guerre 
de  Trente  Ans,  Fronde,  Louis  XIV. 

XXIV.  —  Lettres,  arts,  sciences,  pendant  la  pre- 
mière moitié  du  dix-septième  siècle.  —  V.  Siècle 
{dix-septième}.  Académie  française. 

XXV.  —  Louis  XIV.  Ses  premières  guerres. 
Pouvoir  absolu.  Louvois  et  Colbert.  Révocation  de 
l'édit  de  Nantes.  Guerres  de  la  Ligue  d'Augsbourg. 
Guerre  de  la  succession  d'Espagne.  Revers  et  mort 
de  Louis  XIV.  —  V.  Louis  XIV,  Guerre  de  dévolu- 
tion, Guerre  de  Hollande,  Guerre  de  la  Ligue 
d'Augsbourg,  Guerre  de  la  succession  d'Espagne. 

XXVI.  —  Lettres,  arts,  sciences,  industrie,  etc., 
pendant  la  seconde  moitié  du  dix-septième  siècle. 
—  V.  Siècle  [dix-septième).  Siècle  de  Louis  XIV. 

VI"  Le  dix-huitième  siècle  depuis  1715. 

XXVII.  —  La  Régence.  Law.  Louis  XV.  Mi- 
nistère de  Fleury.  Guerre  de  la  succession  d'Autri- 
che. Affaires  intérieures.  —  V.  Régences,  Louis  XV, 
Guerre  de  la  quadruple  alliance,  Guerre  de  la 
succession  de  Pologne,  Guerre  de  la  succession 
d'Aidriche, 


HISTOIRE 


—  975 


HISTOIRE 


XXVin.  —  Guerre  de  Sept  Ans.  Ministère  de 
Choiseul.  Pacte  de  famille.  Décadence  de  la  monar- 
chie. Mouvement  littéraire,  scientifique,  philoso-. 
phique  durant  le  règne  de  Louis  XV.  —  V.  LouisXV, 
Guerre  de  Sept  Ans,  Siècle  [dix-huitième]. 

XXIX.  —  Louis  XVI.  Essais  de  réformes. 
Guerre  d'Amérique.  Mouvement  intellectuel.  Insti- 
tutions de  l'ancien  régime.  —  Y. Louis  XVI,  Guerre 
d'Amérique,  Siècle  [dix-huitième). 

XXX.  —  Commencement  de  la  Révolution.  La 
Constituante.  Les  émigrés.  Constitution  de  1791. 
La  Législative.  L'invasion  étrangère.  Chute  de  la 
royauté.  —  V.  Louis XV l,  États-Généraux, Révolu- 
tion française.  Constitutions. 

XXXI.  —  La  République.  Convention.  Exécu- 
tion de  Louis  XVI.  Guerre  civile.  Terreur.  La 
coalition  repoussée.  Division  des  Montagnards.  Le 
9  thermidor.  Fin  de  la  Convention.  —  V.  Révolution 
française,  Louis  XVI,  Constitidions. 

XXXII.  —  Le  Directoire.  Première  campagne 
d'Italie.  Expédition  d'Egypte.  Seconde  coalition.  Le 
18  brumaire.  —  V.  Révolution  française.  Directoire, 
Consulat,  Napoléon  1". 

VII°  Le  dix-neuvième  siècle. 

XXXIII.  —  Constitution  de  l'an  VIII.  Seconde 
campagne  d'Italie.  Consulat  à  vie.  Napoléon  empe- 
reur. Guerres  de  conquête.  Marie-Louise  et  le  roi  de 
Rome.  Campagne  de  Russie.  Revers.  Abdication. 
Louis  XVIII  et  la  Charte.  Cent-Jours.  Waterloo.  — 
V.  Constitutions,  Consulat,  Napoléon  I",  Guerre 
(l'Espagne,  Louis  XVIII. 

XXXIV.  —  La  Restauration.  Règne  de  Louis 
XVIII.  Charles  X.  Tentatives  de  retour  à  l'ancien 
régime.  Révolution  de  18-30.  —  V.  Restaurations, 
Louis  XVIII,  Guei^e  d'Espagne,  Charles  X. 

XXXV.  —  La  monarchie  de  juillet.  Ministères 
du  !■?  mai's  et  du  1 1  octobre  ;  insurrections.  Conquête 
de  l'Algérie.  Ministère  du  l^r  mars.  Ministère  Gui- 
zot.  Mouvement  réformiste.  Révolution  de  1848.  — 
V.  Louis-Philippe,  Constitutions,  Algérie. 

XXXVI.  —  La  seconde  République.  Le  second 
Empire.  La  troisième  République. —  V.  République, 
Napoléon  III,  Constitutions. 

XXXVII.  —  Lettres,  arts,  sciences,  inventions, 
'Industrie,  etc.,  au  dix-neuvième  siècle.  —  V.  biven- 
ti'ins.  Commerce,  Industrie,  Siècle  [dix-neuvième). 

XXXVIII-\L.  —  Leçons  de  révision.  —  V.  les  ar- 
ticles généraux  France  et  Paris.  V.  aussi  Ahdi- 
cotio7is.  Armée,  Capétiens,  Carlovingiens,  Colo- 
nies, Concordats.  Congrès,  Constitntiojis,  Dates, 
Dette pub/ique.  Dynasties,  Edits,  Eglise,  Ere  répu- 
blicaine (au  Supplément),  Etats-Généraux,  Inva- 
sions, Journées,  Ligues,  Méroviiigiens,  Nuits,  Pac- 
tes, Partvments,  Paysa7is,  Provinces,  Traités. 

Voici  maintenant  le  programme  d'histoire  des 
écoles  normales  françaises  d'instituteurs  et  d'in- 
siitutrices,  celui  des  écoles  primaires,  et  deux  ou 
trois  programmes  étrangers  : 

PROGRAMME     D'HISTOIRE    DES    ÉCOLES    NORMALES 
FRANÇAISES. 

po  année 4  heures  par  semaine. 

20    année 3  —  — 

:jo    année 2  —  — 

PREMIÈRE   ANNÉE. 

Histoire  de  France. 

ler  trimestre.  —  Depuis  les  origines  jusq-u'à 
Henri  IV. 

2"  trimestre.  —  Depuis  Henri  IV  jusqu'à  la  con- 
vocation des  Etats-Généraux  de  1789. 

36  trimestre.  —  De  1789  à  1875- 

DEUXIÈME  ANNÉE. 

Eléments  d'histoire  générale. 
1"  trimestre.  (Aperçu  d'histoire  ancienne.)  — 
Monde    connu  des  anciens.   —  Egyptiens,  Assy-  ' 


rien«  et  Babyloniens.  —  Israélites  ;  Phéniciens  et 
Carthaginois  ;  Perses.  —  Monuments  qui  nous 
sont  restés  de  ces  peuples. 

La  Grèce.  —  Temps  héroïques.  —  Sparte  et 
Aihènes. —  Guerres  médiques.  —  Siècle  de  Péri- 
clos.  —  Socrate.  —  Epaminondas.  —  Philippe  de 
Macédoine.  —  Conquêtes  d'Alexandre.  —  Réduc- 
tion de  la  Grèce  en  province  romaine. 

Rome.  —  Les  rois.  —  République  romaine.  — 
Les  magistratures.  —  Lutte  des  plébéiens  contre 
les  patriciens. 

Conquête  des  Romains. 

Les  Gracques.  —  Guerres  citiles.  —  César. 

Auguste  et  ses  successeurs.  —  Les  Antonins. 

Dioclétien.  —  Constantin  et  l'Église  chrétienne 
—  Julien.  —  Théodose. 

2°  trimestre.  (Moyen  âge.)  —  Les  Gaulois  avant 
la  conquête  romaine  et  sous  l'empire  romain.  — 
Le  christianisme  en  Gaule. 

Principales  invasions  des  Germains  au  v  et  vi" 
siècles.  — Les  Francs. 

Mahomet.  —  Conquêtes  des  Arabes. 

Charlemagne  :  ses  guerres  et  son  administra- 
tion. 

Traité  de  Verdun.  —  Incursions  des  Nor- 
mands. 

Le  régime  féodal  en  France  et  en  Europe. 

L'empire  et  la  papauté.  — Querelle  des  investi- 
tures. 

Les  croisades. 

Conquête  de  l'Angleterre  par  les  Normands.  — 
Les  Plantagenets.  —  La  grande  Charte. 

Progrès  des  populations  urbaines  et  rurales  ;  If^'; 
communes  et  le  pouvoir  royal  en  France.  — 
Louis  VI. —  Philippe-Auguste.  —  Saint  Louis.  — 
Philippe  le  Bel. 

Guerre  de  Cent  ans.  —  Les  Etats-Généraux.  — 
Charles  V  et  Duguesclin.  —  Jeanne  d'Arc.  — 
Reconstitution  de  l'unité  territoriale  de  la 
France. 

Progrès  de  l'autorité  royale,  en  France  avec 
Charles  VII  et  Louis  XI,  en  Espagne  avec  Ferdi- 
nand et  Isabelle,  en  Angleterre  avec  les   Tudors. 

L'Allemagne  et  l'Italie  à  la  fin  du  moyen 
âge. 

Les  Turcs  en  Europe. 

3^  trimestf-e.  (Temps  modernes.)  —  Les  grandes 
inventions  du  xiV  au  xvi'  siècle.  —  Les  découver- 
tes maritimes.  —  Empire  colonial  des  Portugais 
et  des  Espagnols.  —  Les  marins  français. 

La  Renaissance  en  Italie  et  en  France. 

Guerres  d'Italie,  rivalité  de  François  lar  et  de 
Charles-Quint. 

La  Réforme. 

Guerres  de  religion  en  France.  —  Pacification 
de  la  France  sous  Henri  IV. 

Prospérité  de  l'Angleterre  sous  Elisabeth.  — 
Puissance  et  décadence  de  l'Espagne  sous  Phi- 
lippe II. 

TROISIÈME   ANNÉE. 

Eléments  d'histoire  générale  (Suite). 

1er  trimestre.  (1610-1789.)  —  Guerre  de  Trente 
ans.  —  Gustave-Adolphe.  —  Traité  de  Westphalie. 

Richelieu.   —  Mazarin  ;  la  Fronde. 

Louis  XIV  :  son  gouvernement  et  ses  guerres. 

Révolution  de  168S. 

Charles  XII  et  Pierre  le  Grand. 

L'Autriche  et  la  Prusse  au  x\  ni«  siècle. 

Le  gouveri)ement  parlementaire  en  Angleterre. 
—  Progrès  de  la  puissance  anglaise  dans  l'Inde  et 
on  Amérique. 

Guerre  de  l'Indépendance  américaine,  —  Les 
Etats-Unis. 

Démembrement  de  la  Pologne. 

La  France  sous  Louis  XV  et  Louis  XVI.  —  Les 


HISTOIRE 


—  97G  — 


HISTOIRE 


philosophes  et  les  économistes.  —  Turgot.  —  Les 
Etats-Généraux. 

Découvertes  scientifiques  et  géographiques  au 
xvni"=  siècle. 

Géographie  politique  de  l'Europe  en  1789. 

2e  trimestre.  (1789-1830.)  —  La  Révolution 
française  ;  principes,  institutions. 

Coalition  contre  la  République  française.  — 
Traités  de  Bàle,  de  Campo-Formio,  de  Lunéville  et 
d'Amiens. 

Le  18  brumaire.  —  Le  Consulat  :  développement 
de  l'organisation  administrative. 

L'Empire.  —  Lutte  contre  l'Europe.  —  Les  trai- 
tés de  1815. 

La  Sainte-Alliance. 

La  Restauration.  —  La  Charte. 

Guerre  d'Espagne.  —  Guerre  de  l'Indépen- 
dance hellénique.  —  Emancipation  des  colonies 
espagnoles. 

3'=  trimestre  (1830  à  1875  et  révision.)  —  Révo- 
lution de  1830.  —  Fondation  du  royaume  de  Bel- 
gique. —  Soulèvement  de  la  Pologne.  —  Etablis- 
sement du  régime  constitutionnel  en  Espagne  et 
en  Portugal.  —  Grandes  réformes  politiques  et 
économiques  en  Angleterre.  —  Progrès  des  Russes 
et  des  Anglais  dans  l'Asie.  —  Conquête  et  colo- 
nisation de  l'Algérie. 

Révolution  de  1848.  —  La  seconde  République. 
—  Le  suffrage  universel. 

jMouvements  en  Italie,  en  Allemagne,  en  Hon- 
grie. 

Le  2  décembre.  —  Le  second  Empire. 

La  question  d'Orient  et  la  guerre  de  Crimée. 

Fondation  du  royaume  d'Italie. 

Influence  croissante  de  la  Prusse  en  Allema- 
gne. —  Dissolution  de  la  Confédération  germa- 
nique. 

États-Unis.  —  Guerre  de  sécession.  —  Aboli- 
tion de  l'esclavage.  —  Guerre  du  Mexique.  —  Ca- 
nal de  Suez. 

Guerre  de  1870.  —  L'Empire  allemand.  — 
Traité  de  Francfort. 

Constitution  républicaine  de  1875. 

Géographie  politique  de  l'Europe  en  1875. 

Révision. 

PROGRAMME    D'HISTOIRE    DES    ÉCOLES    PRIMAIRES 
FRANÇAISES. 

CLASSE  ENFANTINE. 

Anecdotes,  récits,  biographies  tirées  de  l'his- 
toire nationale.  Explication  d'images. 

COURS   ÉLÉMENTAIRE, 

Récits  et  entretiens  familiers  sur  les  plus  grands 
personnages  et  les  faits  principaux  de  l'histoire 
nationale,  jusqu'au  commencement  de  la  guerre 
de  Cent  ans. 

COURS    MOYEN. 

Cours  élémentaire  d'histoire  de  France,  insis- 
tant exclusivement  sur  les  faits  essentiels  depuis 
la  guerre  de  Cent  ans. 

Exemple  de  répartition  trimestrielle. 

1er  trimestre  :  De  1328  à  1610. 
2e  trimestre  :  De  1610  à  1789. 
3e  trimestre  :  De  1789  à  nos  jours. 
4e  trimestre  :  Révision. 

,  COURS  SUPÉRIECR. 

Notions  très  sommaires  d'histoire  générale  : 
pour  l'antiquité,  l'Egypte,  les  Juifs,  la  Grèce, 
Rome;  pour  le  moyen  âge  et  les  temps  modernes, 
grands  événements  étudiés  surtout  dans  leurs 
rapports  avec  l'histoire  de  Fi-ance. 

Révision  méthodique  de  l'histoire  de  France  ; 
étude  plus  approfondie  de  la  période  moderne. 


PROGRAMMES    ÉTRANGERS 
BELGIQUE 

ÉCOLES   NORMALES    DINSTITCTECRS  ET  d"iX  STITDTRCES. 
PREMIÈRE  ANNÉE. 

I.  Aperçu  très  sommaire  de  l'histoire  des  peu- 
ples DE  l'Orient.  —  Notions  géographiques  sur 
l'Egypte  et  l'Asie  occidentale.  Faits  les  plus  sail- 
lants de  l'histoire  des  Égyptiens,  des  Assyriens, 
des  Hébreux,  des  Phéniciens,  des  Mèdes  et  des 
Perses.  —  Quelques  notions  sur  les  monuments, 
arts,  religions,  mœurs  et  institutions  de  ces  peuples. 

II.  Histoire  grecque.  —  Notions  géographiques 
sur  la  Grèce  ancienne. 

Eléments  de  la  population.  Traits  distinctifs  du 
caractère  grec. 

Notions  de  mythologie  grecque. 

Les  mœurs,  l'organisation  sociale  et  la  religion 
dans  l'âge  héroïque. 

La  guerre  de  Troie. 

Sparte  et  Lycorgue. 

Athènes  et  Solon.  Les  Pisistratides. 

Institutions  générales  de  la  Grèce  :  les  jeux  na- 
tionaux et  les  amphictyonies. 

Les  guerres  médiques. 

Hégémonie  d'Athènes.  Siècle  de  Périclès  :  arts, 
lettres,  sciences  et  éducation;  principaux  monu- 
ments de  l'art  grec. 

Guerre  du  Péloponèse. 

Hégémonie  de  Sparte. 

Guerre  entre  Thèbes  et  Sparte. 

Entreprises  de  Philippe  de  Macédoine  contre 
la  Grèce  (Démosthènes). 

Alexandre  le  Grand.  Démembrement  de  son  em- 
pire. Influence  de  la  civilisation  grecque  en  Asie. 

Ligue  achéenne. 

Conquête  de  la  Grèce  par  les  Romains.  Diffu- 
sion de  l'esprit  grec  en  Occident. 

III.  Histoire  romaine.  —  Notions  géographi- 
ques sur  l'Italie  ancienne. 

Eléments  de  la  population.  Traits  distinctifs  du 
caractère  romain.  Origine  probable  de  Rome 

La  royauté  et  ses  institutions. 

Etablissement  de  la  République;  nouvelles  in- 
stitutions. 

Lutte  entre  les  patriciens  et  les  plébéiens. 

Principaux  faits  de  la  lutte  contre  les  Etrus- 
ques, les  Gaulois,  les  Samnites,  contre  Tarente  et 
Pyrrhus. 

Guerres  puniques.  Puissance  de  la  République 
romaine. 

Les  Gracques.  ' 

Marins  et  Sylla. 

Conjuration  de  Catilina. 

Pompée,  Crassus,  César. 

Second  triumvirat  (proscriptions,  —  guerre  en- 
tre Antoine  et  Octave). 

Etablissement  de  l'Empire  :  Auguste. 

Siècle  d'Auguste  :  lettres,  arts,  sciences,  mœurs 
et  éducation. 

Les  douze  Césars. 

Constantin. 

Théodose  le  Grand.  Division  de  l'Empire. 

Les  grandes  invasions  des  Barbares.  Chute  de 
l'Empire  romain  d'Occident. 

deuxième  année. 

I.  Histoire  du  moyen  âge.  —  Coup  d'œil  géné- 
ral sur  l'état  de  l'Europe  au  commencement  du 
moyen  âge.  Eléments  d'une  civilisation  nouvelle. 

Etablissement  des  Francs  dans  la  Gaule.  Clovis 
et  la  dynastie  mérovingienne.  Les  Maires  du  Palais. 

L'Empire  romain  d'Orient  :  Justinien  ;  son  œu- 
vre législative. 

Mahomet.  Progrès  de  l'Islamisme  ;  éclat  de  la 
civilisation  arabe. 

Charlemagne  et  la  dynastie  carloviugienne.  Dé- 
membrement de  l'empire  de  Charlemagne.  Los 
Normands. 


HISTOIRE 


—  977 


HISTOIRE 


La  Féodalité  dans  l'Europe  occidentale. 

La  dynastie  capétienne. 

Alfred  le  Grand.  Les  Normands  en  Angleterre. 

Etat  social  de  l'Europe  à  la  fin  du  xi^  siècle. 

Les  Croisades. 

Querelle  des  Investitures.  Guelfes  et  Gibelins. 

La  grande  Charte  anglaise. 

Origines  et  progrès  de  la  puissance  communale. 

Guerre  de  Cent  ans. 

Le  grand  Schisme  d'Occident. 

Prise  de  Constantinople  par  Mahomet  IL 

Aperçu  de  l'état  intellectuel,  social  et  moral  de 
l'Europe  à  la  fin  du  moyen  âge. 

II.  Histoire  moderne.  —  Chute  de  la  féodalité  : 
progrès  du  pouvoir  royal.  Louis  XI.  Guerre  des 
Deux  Roses.  —  Ferdinand  d'Aragon  et  Isabelle  de 
Castille. 

Grandes  inventions  et  découvertes.  Leur  in- 
fluence. 

Rôle  politique  de  Charles-Quint,  de  François  I"', 
de  Henri  VIII  et  de  Soliman  II. 

La  Renaissance  italienne  et  la  Renaissance  du 
xvie  siècle  :  arts,  sciences,  lettres,  éducation  et 
pliilosopliie. 

La  Réforme. 

Les  guerres  religieuses.  Philippe  II,  Elisabeth, 
Henri  IV. 

Guerre  de  Trente  ans. 

Révolutions  d'Angleterre  de  1649  et  de  1688  : 
établissement  du   gouvernement  constitutionnel. 

Richelieu  et  Louis  XIV  :  le  pouvoir  absolu  en 
France  et  la  prépondérance  européenne. 

Lettres,  sciences  et  arts  au  xvi=  siècle. 

Pierre  le  Grand  et  Charles  XII. 

Catherine  II,  Marie-Thérèse  et  Frédéric  II.  (Dé- 
membrement de  la  Pologne.) 

Fondation  des  Etats-Unis  d'Amérique. 

Lettres,  sciences,  arts  et  pliilosopliie  au  dix- 
huitième  siècle. 

Causes  et  caractère  de  la  Révolution  française 
de  1789;  son  influence  sur  le  développement  de 
la  société  moderne.  Assemblée  constituante.  As- 
semblée législative.  La  Convention.  Le  Directoire. 
Le  Consulat.  L'Empire. 

II.  Explication  du  programme  des  écoles  pri- 
maires (l«r  et  2'  degrés). 

TROISIÈME    ANNÉE. 

1.   Histoire  NATIONALE. —  Temps  préhistoriques. 

Etat  de  la  Belgique  avant  la  conquête  romaine. 

Conquête  de  la  Belgique  par  Jules  César  (Boduo- 
giiat,  Ambiorix,  Induciomar). 

La  Belgique  sous  la  domination  romaine. 

La  Belgique  sous  la  domination  franque. 

Partages  de  l'empire  de  Charlemagne  ;  forma- 
tion du  royaume  de  Lotharingie. 

Les  Normands  en  Belgique. 

Exposé  du  sy.-tème  féodal  et  de  ses  conséquences. 

Origine,  organisation  et  accroissements  des 
grands  fiefs  de  la  Belgique  (x"  et  xi=  siècles). 

Part  prise  par  les  Belges  aux  croisades. 

Les  Communes  belges  :  chartes  d'affranchisse- 
ment; principaux  privilèges;  organisation  inté- 
rieure ;  commerce  (hanse  flamande,  foires  et  mar- 
chés) ;  industrie  (organisation  des  métiers)  ;  con- 
fréries militaires  ;  prospérité  des  communes,  leur 
influence. 

Principaux  événements  de  l'histoire  intérieure 
des  grands  fiefs  de  la  Belgique  pendant  le  xu^  et 
le  xiii»  siècle  (on  parlera  surtout  des  princes  qui 
ont  favorisé  le  développement  de  la  puissance  des 
communes). 

Rivalité  entre  la  noblesse  des  villes  et  les  mé- 
tiers au  XIV*  siècle  :  la  Maie  Saint-Martin,  —  la 
paix  d'Angleur,  —  la  paix  de  Fexhe,  —  le  tribunal 
des  XXII  ;  —  les  lois  de  Corteuiberg,  —  charte  fla- 
mande et  charte  wallone,  —  la  Joyeuse  Entrée, 
—  décadence  de  Louvain. 

2«     t^AKTl 


Lutte  des  communes  flamandes  contre  la  France 
au  xive  siècle  :  Groeninghe,  Cassel,  Rnosebeck 
fBreydel  et  de  Coninck,  Zannekin,  Jacques  et 
Philippe  Van  Artevelde). 

Réunion  des  provinces  belges  sous  la  domina- 
tion bourguignonne. 

Etat  politique,  social  et  intellectuel  de  la  Bel- 
gique à  l'époque  de  Philippe  le  Bon. 

Lutte  des  communes  belges  contre  les  princes 
bourguignons. 

Régence  de  Maximilien  (décadence  ds  Bruges 
et  commencement  de  la  prospérité  commerciale 
d'Anvers). 

Philippe  le  Beau  (grand  conseil  de  Malines) 

Charles-Quint.  Triomphe  du  pouvoir  absolu. 
Or2;anisation  administrative  de  nos  provinces. 

Révolution  du  xvi'=  siècle. 

Règne  des  archiducs  Albert  et  Isabelle. 

Guerres  de  Louis  XIV  en  Belgique. 

Arts,  sciences  et  lettres  en  Belgique  au  xvi'  et 
au  XV  ne  siècle. 

Agneessens.  Marie-Thérèse  et  Joseph  II  (la  ré- 
volution brabançonne). 

Domination  française. 

Royaume  des  Pays-Bas. 

Révolution  de  1830.  LéopoldIe'(la  Belgique  in- 
dépendante). 

Léopold  II  (les  fêtes  du  cinquantenaire). 

IL  Explication  du  programme  des  écoles  pri- 
maires (3'  degré). 

QUATRIÈME     ANNÉE 

I.  Histoire  contemporaine.  —  La  Restauration. 
Les  partis  politiques. 

Indépendance  de  la  Grèce. 

Les  Révolutions  de  18-30.  Louis-Philippe. 

Les  Révolutions  de  1848. 

Rétablissement  de  l'Empire  en  France.  Napo- 
poléoii  III. 

Fondation  du  royaume  d'Italie. 

Guerre  de  la  sécession  d'Amérique. 

Guerre  de  1866.  Dissolution  ûe  la  Confédéra- 
tion germanique. 

Guerre  de  1870-1871  :  EtablissementdelaRépu- 
blique  en  France  et  fondation  de  l'empire  allemand. 

Tableau  des  progrès  réalisés  au  xix'=  siècle  dans 
les  diverses  sphères  de  l'activité  humaine  (lettres, 
arts,  sciences,  industrie,  commerce). 

IL  Explication  du  programme  des  écoles  pri- 
maires  SUPÉRIEURES. 

III.  Récapitulation.  —  Revision  des  cours  pré- 
cédents en  procédant  surtout  par  comparaison  et 
en  montrant  les  progrès  de  la  civilisation.  — 
Exercices  didactiques. 

Par  des  analyses  et  des  lectures,  le  professeur 
fera  connaître  les  travaux  historiques  les  plus  re- 
marquables, comme  ceux  de  Lenormant,  de  Mas- 
pero,  de  Grote,  de  Duruy,  de  Mommsen,  d'Au- 
gustin Thierry,  de  Guizot,  de  Thiers,  de  Prescolt, 
de  Macaulay,  de  Motley.,  etc.,  et  ceux  de  nos 
historiens  nationau-^i. 

N.  B.  —  Il  sera  fait  chaque  année  une  revue  ra- 
pide des  matières  enseignées  dans  le  cours  précé- 
dent. 

Le  professeur  s'attachera  à  donner  à  l'ensei- 
gnement do  riiistuire  un  caractère  intuitif  en  in- 
voquant, à  l'appui  des  faits,  le  récit  d'un  contem- 
porain, un  monument,  une  inscription,  un  chant, 
un  tableau  représentant  les  hommes  ou  les  choses 
des  temps  passés. 

L'histoire  nationale  présentera  le  tableau  de 
l'origine  et  du  développement  des  institutions 
nationales,  de  la  condition  du  peuple  et  de  la 
part  prise  par  les  Belges  aux  événements  qui  ont 
narqué  les  grandes  étapes  de  l'humanité. 

ÉCULES    FRIMAIRBS. 
PREMIER     DEGRÉ. 

Entretiens  familiers  ayant  pour  but  de  préparer 

62 


HISTOIRE 


-  978  — 


HISTOIRE 


les  enfants  à  suivre  avec  fntii  les  leçons  d'his- 
toire. 

1.  La  famille.  —  L'enfant,  les  parents;  souve- 
nirs de  l'enfant;  la  vie  de  famille,  ses  avantages. 
Les  degrés  de  parenté;  les  ancêtres. 

3.  L'école  —  La  vie  scolaire,  l'instituteur.  Fon- 
dation, construction  de  l'école  :  souvenirs  impor- 
tants se  rattachant  aux  instituteurs  et  aux  élèves 
qui  se  sont  distingués  après  leur  sortie  de  l'école. 
3.  La  commune.  —  De  quoi  elle  se  compose; 
es  autorités  locales. 

Aperçu  de  l'histoire  de  la  commune  donné  au 
moyen  d'entretiens  sur  les  monuments,  les  établis- 
sements industriels,  les  particularités  que  pré- 
sente la  commune  et  les  souvenirs  qui  s'y  rat- 
tachent. 

DEUXIÈME    DE'ÎRÉ. 

A.  —  Entretiens  familiers  ayant  pour  but  de  pré- 
parer les  enfants  à  suivre  avec  fruit  les  leçons 
d'histoire. 

1.  Le  temps.  —  Premières  notions.  Amener  Ten- 
faiit  à  se  représenter  la  durée  d'un  siècle,  de 
77iille  ans.  Idée  de  continuité. 

2.  La  grande  famille  humaine.  —  Principales 
races  d'hommes;  leur  distribution  sur  le  globe. 

3.  L'hoiimie  sauvage  et  l'homme  civilisé.  —  (com- 
paraison dans  le  but  de  donner  une  idée  de  la 
transformation  des  mœurs  par  le  travail  et  riiitcl- 
ligence,  ainsi  que  des  avantages  de  la  vie  sociale. 
On  s'attachera  surtout  aux  détails  pittoresques  et 
curieux  sur  le  vêtement,  le  logement,  les  armes, 
la  nourriture,  etc. 

4.  Les  générations.  —  Comment  chaque  géné- 
ration profite  des  progrès  réalisés  par  celle  qui 
i'a  précédée  et  réalise  des  progrès  nouveaux  :  ci- 
vilisalinn. 

5.  Peuples  et  nations.  —  Nommer  quelques 
grandes  nations  et  indiquer  où  elles  habitent. 

B.  —  Premières  notions  d'histoire  nationa'e 
contemporuine. 

1.  Montrer  sur  le  globe  la  Belgique,  ainsi  que 
les  pays  limitrophes.  —  La  Belgique  est  notre  p'i- 
trie.  Nos  devoirs  envers  la  patrie. 

2.  Le  roi:  la  famille  royale.  —  Léopold  !"■  ;  ré 
volution  de  1830.  Drapeau  national,  hymne  natio- 
nal, fêtes  nationales. 

3.  La  ISelgique  sous  le  régime  hollandais. 

4.  La  Belgique  sous  le  régime  français. 

TROISIÈME      DEGRÉ. 

Récils  et  entretiejis  sur  les  principaux  personna- 
ges et  les  grands  faits  de  l'histoire  de  Bel- 
gique. 

1.  La  Belgique  ancienne  et  ses  habitants.  As- 
pect du  sol,  mœurs  et  coutumes. 

2.  Conquête  de  la  Belgique  par  les  Romains. 
Boduognat,  Ambiorix. 

3.  Les  Francs  en  Belgique.  Clovis.  Introduction 
du  christianisme;  monastères. 

4.  Les  Carlovingiens.  —  Charles  Martel.  Peiun 
le  Bref.  Charlemagne,  son  empire,  ses  institution?. 
Partage  de  l'empire. 

.').  Le  régime  féodal.  —  Les  seigneurs  et  les 
serfs.  Châteaux  forts.  Aspect  des  campagnes.  Les 
villes.  Grands  fiefs  de  la  Belgique. 

G.  Les  croisades.  —  Godefroi  de  Bouillon.  Bau- 
douin de  Constantinople. 

7.  Les  communes.  —  Origines,  franchises  on 
privilèges,  corporations,  communes  riches  et  puis- 
santes. Courte  notice  sur  les  princes  qui  ont  la- 
vorisé  le  développement  des  communes. 

8.  Le  duché  de  Brabant.  Jean  le  Victorieux. 

9.  Lutte  des  communes  flamaiides  contre  le  roi 
de  France.  Bataille  des  Eperons  d'or.  Jacques  et 
Philippe  Van  Artevelde. 

10.  Avènement  de  la  maison  de  Bourgogne.  — 
Philippe  le  Bon.  —  Réunion  dos  provinces  belges 
sou'.  un  nième  sceptre   —  Grandes  inventions  et 


découvertes  au  xv»  siècle  :  imprimerie,  boussole, 
poudre  à  canon,  découverte  de  l'Amérique. 

11.  Charles  le  Téméraire. 

12.  Marie  de  Bourgogne. 
12.  Charles-Quint. 

14.  Grands  faits  do  la  révolution  du  xvi"  siècle 

15.  Albert  et  Isabelle. 

16.  Marie-Thérèse. 

17.  Joseph  II.  La  révolution  brabançonne. 

18.  La  Belgique  sous  le  régime  français. 

19.  Royaume  des  Pays-Cas. 

20.  Révolution  de  1830. 

21.  Léopold  1". 

22.  Léopold  II. 

23.  Noho?is  sur  la  Constitution  belge.  —  Li- 
bertés et  droits  que  la  Constitution  garantit  aux 
ij'jlges.  —  Exposition  sommaire  de  l'organisation 
des  trois  pouvoirs  de  l'Etat. 

r  RUSSE. 

ECOLE  PRlMAinK    EI.EMEXTAIKB  A  SIX  CLASSES. 

L'enseignement  de  l'histoire  ne  commence  que 
dans  la  quatrième  classe. 

çuatriénte  dusse  ("2  heures;.  Les  enfants  appren- 
nent à  connaître  les  noms  du  souverain  et  de  la 
souveraine,  du  prince  héritier,  et  ceux  des  hommes 
qui  en  Prusse  et  en  Allemagne  se  sont  illustrés 
dans  les  événements  contemporains.  On  racontera 
aux  enfants  des  épisodes  de  la  vie  de  ces  person- 
nages, ainsi  que  les  faits  les  plus  importants  de 
l'histoire  de  ces  dernières  années.  Ensuite  les 
élèves  feront  connaissance,  de  la  même  manière, 
avec  les  événements  principaux  des  règnes  de 
Frédéric-Guillaume  IV  et  de  Frédéric-Guillaume  111  ; 
les  grands  hommes  de  cette  époque  leur  seront 
présentés  avec  leurs  traits  caractéristiques. 

Troisième  classe  (2  heures).  Le  programme  de  la 
classe  précédente  est  repris  et  répété  avec  plus  de 
développements. 

Deuxième  classe  (2  heures).  On  racontera  aux 
enfants  les  faits  les  plus  saillants  de  l'histoire  des 
premiers  rois  de  Prusse  et  des  princes-électeurs 
de  la  maison  de  HohenzoUern,  avec  des  notions 
générales  sur  l'histoire  ancienne  de  la  Prusse. 

Première  classe  (2  heures).  Biographies  de  per- 
sonnages importants  de  l'ancienne  histoire  d'Alle- 
magne, en  particulier  celle  des  principaux  empe- 
reurs. Comme  complément  des  études  faites  dans 
la  classe  précédente,  on  racontera  l'histoire  du 
Brandebourg  et  de  la  Prusse  d'une  manière  métho- 
dique, mais  sans  entrer  dans  de  trop  grands  détails 
sur  les  premiers  temps.  A  partir  de  l'époque  de  la 
guerre  de  Trente  ans  et  du  règne  du  Grand  Élec- 
teur, on  donnera  les  biographies  avec  détails 
et  dans  l'ordre  chronologique,  en  les  rattachant  les 
unes  aux  autres,  autant  que  possible,  par  un  récit 
historique;  on  aura  soin  d'y  joindre  quelques 
notions  sur  l'histoire  de  la  civilisation,  et  i)articu- 
lièrement  sur  les  inventions  et  découvertes  les 
plus  iiuportantes.  (Programme  du  15  octobre  1872.) 

SUISSE  (canton  de  Zinicir . 

lilcOLB  NORMÀLI!  D'iNSTITUTTinS. 

Première  classe  (3  heures).  —  l"  La  civilisation 
des  peuples  orientaux,  comme  point  de  départ  du 
développement  de  l'humanité.  2°  La  vie  des  Grecs, 
et  la  fusion  des  cultures  grecque  et  orientale  :^ 
l'époque  d'Alexandre.  3°  La  conquête  du  monde 
par  les  Romains,  et  la  révolution  sociale  à  l'inté- 
rieur de  Rome,  -i"  Fondation  d'une  culture  ce.  u  uno 
religion  universelles  à  l'époque  des  empereurs  ro- 
mains. 5°  L'invasion  des  Germains  ;  fondation 
d'Etats  romanisés  et  élévation  de  la  papauté  en 
Occident  ;  empire  des  Arabes  en  Orient. 

DeiLTièine  classe  (3  heures).  —  1°  Anéantisse- 
in'.^:;t  des  libertés  communales  germaniaues  h  Uiî- 


HISTOIRE 


979 


HISTOIRE 


poque  caHovingienne.  Changements  dans  l'Eglise, 
par  la  domination  universelle  de  la  papauté  ;  l'art 
et  la  littérature  au  moyen  âge.  2°  Evolution  de  .la 
culture  du  moyen  âge,  par  la  Renaissance;  déve- 
loppement des  villes,  humanisme,  progrès  du  com- 
merce et  de  l'industrie,  essais  de  réforme  dans 
l'Eglise,  découverte  du  Nouveau-Monde.  3°  Mou- 
vements vers  la  liberté  dans  l'Etat  et  dans  l'Eglise 
—  la  Réforme  et  les  révoltes  des  paysans  — 
combattus  et  comprimés  par  la  hiérarchie  sacer- 
dotale et  la  monarchie  absolue. 

Troisième  classe.  —  Histoire  universelle  (2  heu- 
res). I»  L'époque  des  révolutions;  première  vic- 
toire de  la  souveraineté  du  peuple  dans  la  révolu- 
tion d'Angleterre  ;  les  libros-penseurs  anglais  et  la 
philosophie  française  ;  formation  d'Etats  démocra- 
tiques et  sans  religion  d'Etat  dans  l'Amérique  du 
Nord,  i"  La  Révolution  française  et  son  extension 
sur  toute  l'Europe.  —  Histoire  suisse  (2  heures). 
Résume  de  l'histoire  suisse  depuis  ses  origines 
jusqu'à  la  Réforme. 

Quatrième  classe.  —  Histoire  universelle  (1 
heure).  1°  Alternatives  de  réaction  et  de  révolu- 
tion, et  triomphe  progressif  des  idées  libérales. 
2°  Brillant  essor  des  sciences  positives,  dévelop- 
pement de  l'industrie  et  du  commerce,  naissance 
de  la  question  sociale,  nouvelle  conception  du 
monde.  —  Histoire  suisse  (2  heures).  De  la  Ré- 
forme à  nos  jours.  Dans  cet  enseignement,  aussi 
bien  que  dans  celui  de  la  classe  précédente,  une 
place  spéciale  doit  être  donnée  à  l'étude  des 
constitutions  et  à  celle  des  mœurs  et  do  l'ctat 
socis-l 

HISTOIRE  IVATUUELLE.  —  Un  Oèsigne  S0U8 
ce  nom  la  partie  des  sciences  physiques  et  natu- 
relles qui  a  pour  objet  l'étude  des  êtres  organisés 
ou  inorganisés  que  nous  offre  la  nature.  On  di- 
vise l'histoire  naturelle  en  trois  grandes  sections 
correspondant  aux  trois  règnes  animal,  végétal  et 
minéral  :  ce  sont  la  zoologie,  la  botanique  ot  la 
minéralogie.  La  géologie,  étudiant  à  la  fois  les 
divers  terrains  qui  constituent  l'enveloppe  de 
notre  planète,  et  les  fossiles  végétaux  et  animaux 
contenus  dans  ces  terrains,  se  rattache  par  consé- 
quent à  ces  trois  sciences,  dont  elle  forme  le  com- 
plément nécessaire  ;  k  partie  de  la  géologie  qui 
traite  des  êtres  organisés  fossiles  s'appelle  plus  spé- 
cialement paléontologie. 

Les  deux  sciences  qui  s'occupent  de  l'étude 
des  êtres  organisés  existant  à  l'époque  actuelle, 
la  zoologie  et  la  botanique,  se  subdivisent  l'une  et 
l'autre  en  trois  parties  :  Vanatomie  animale  et  vé- 
gétale, qui  étudie  la  structure  des  organes  ;  la 
physiologie  animale  et  végétale,  qui  étudie  les 
fonctions  de  ces  organes;  et  la  zoologie  ou  la  bo- 
tanique descriptive,  qui  décrit  les  animaux  et  les 
plantes  et  en  donne  une  classification  méthodique. 
La  minéralogie,  traitant  des  corps  non  organi- 
sés, ne  saurait  avoir  une  partie  anatomiqac  ni, 
physiologique.  Toutefois,  elle  ne  se  contente  pas 
d'être  purement  descriptive  :  elle  étudie  aussi  la 
structure  intime  des  minéraux  et  certaines  de 
leurs  propriétés,  les  lois  de  leur  cristallisation, 
leur  formation  dans  la  sein  de  la  terre,  et  par  là 
se  rattache  à  la  chimie,  à  la  géométrie  et  à  la 
géologie. 

Nous  consacrons,  dans  ce  Dictionnaire,  un  grand 
nombre  d'articles  spéciaux  aux  divers  sujets  qu'em- 
brasse l'histoire  naturelle.  On  trouvera-  l'in- 
dication de  ces  articles,  ainsi  que  des  notions 
générales  sur  les  sciences  naturelles,  aux  mots 
Zoologie,  Botanique,  Anatomie,  Physiologie,  Clas- 
sification, Minéralogie.  Cristallographie,  Géolo- 
gie, Paléontologie.  Nous  renvoyons  en  outre, 
pour  ce  qui  concerne  l'histoire  des  sciences  na- 
turelles, et  leur  place  dans  l'ensemble  des  scien- 
ces, au  mot  Naturalistes,  ainsi  qu  à  rarliclc  g'hié- 
ral  Sciences. 


HOHÊXSTAUFEN.  —  Histoire  générale,  XIX, 
XXVII.  —  Nom  d'une  famille  célèbre  qui  a  fourni 
six  empereurs  à  l'Allemagne,  aux  douzième  et  trei- 
zième siècles. 

C'est  en  1138  que  monta  sur  le  trône  le  premier 
des  Hohenstaufen,  Conrad  H!  *,  qui  succéda  à 
Lothaire  de  Saxo.  Après  lui  vint  son  fils  F7'éde- 
ric  /"  liarberousse  *(1 152-11 90).  Celui-ci  eut  pour 
successeur  son  fils  Henri  VI  *  (119J-1197).  A  la 
mort  de  Henri  VI,  Philippe*,  son  frère,  disputa  la 
couronne  impériale  à  Othon  IV  de  Brunswick, 
qui  finit  par  l'emporter  et  régna  seul.  Mais  avec 
Frédéric  II  *  (121S-1200),  fils  de  Henri  VI,  la  mai- 
son de  Hohenstaufen  reprend  le  pouvoir.  Toutefois, 
le  fils  de  Frédéric  II,  Conrad  /F  *  (1250-1254),  ne 
fut  pas  universellement  reconnu,  et  à  la  fin  du 
grand  interrègne,  la  couronne  impériale  passa 
dans  la  maison  de  Habsbom-g*.  Le  dernier  rejeton 
des  Hohenstaufen,  Conradin,  fils  de  Conrad  IV, 
périt  sur  l'échafaud  à  Naples  en  1268. 

Le  grand  fait  historique  dont  le  souvenir  est  lié 
au  nom  de  Hohenstaufen,  c'est  celui  de  la  lutte 
entre  la  papauté  et  l'empire;  lutte  commencée  sous 
Henri  IV  de  Franconie,  mais  reprise  et  continuée 
avec  un  redoublement  d'énergie  par  Frédéric  \" 
Barberousse  et  Frédéric  II.  Cette  lutte  se  com- 
plique de  la  rivalité  entre  la  maison  de  Ho- 
henstaufen et  celle  des  Welfs.  Lorsque  Conrad 
de  Hohenstaufen,  duc  de  Souabe,  fut  élu  empe- 
reur, il  avait  eu  pour  compétiteur  Henii  li^  Su- 
perbe, duc  de  Bavière,  petit-fils  de  l'Italien  Welf  ou 
Guelfe,  de  la  famille  d'Esté.  Les  disputes  entre  les 
partisans  de  Conrad  et  ceux  de  son  adversaire 
donnèrent  naissance  aux  factions  des  Guelfes  et  des 
Gibe(i7it  (ce  dernier  mot  est  la  forme  italianisée 
de  Weiblingen,  nom  du  château  patrimonial  des 
Hohenstaufen);  et  ces  deux  termes,  qui  ne  s'ap- 
pliquaient à  l'origine  qu'à  la  querelle  tout  alle- 
mande entre  la  maison  de  Souabe  et  celle  de  Ba- 
vière, servirent  ensuite  à  désigner,  en  Italie,  les 
ennemis  et  les  partisans  du  pouvoir  impérial.  Un 
troisième  facteur,  en  effet,  vient  encore  s'ajouter 
aux  prétentions  du  Saint-Siège  et  à  l'hostilité  do 
la  famille  des  Welfs  :  ce  sont  les  aspirations  d'in- 
dépendance des  communes  italiennes,  qui  veulent 
s'émanciper  de  l'autorité  de  l'empereur.  Ainsi,  la 
lutte  dont  l'Allemagne  et  l'Italie  sont  le  théâtre 
aux  douzième  et  treizième  siècles,  est  triple  :  lutte 
entre  le  pouvoir  temporel  et  le  pouvoir  spirituel, 
lutte  entre  la  famille  de  Hohenstaufen  et  celle  des 
Welfs  ;  lutte  de  l'Italie  contre  la  domination  alle- 
mande. 

De  part  et  d'autre  on  rencontre  de  grands  ca- 
ractères, des  intelligences  supérieures,  des  cœurs 
héroïques  :  tels  sont  Arnaud  de  Brescia,  le  réfor- 
mateur italien,  Frédéric  Barberousse,  les  grands 
papes  Innocent  III  et  Grégoire  IX,  Frédéric  II  ;  et 
si  l'on  doit  un  juste  tribut  d'admiration  à  la  vail- 
lance des  villes  italiennes  défendant  leurs  libertés, 
on  ne  peut  s'empêcher,  lorsque  l'astre  de  la  mai- 
son de  Souabe  a  pâli  sans  retour,  de  sympathiser 
avec  les  malheurs  de  Frédéric  II,  le  plus  remar- 
quable parmi  les  souverains  du  moyen  âge,  et  ceux 
du  jeune  et  chevaleresque  Conradin. 

Nous  renvoyons,  pour  les  détails,  aux  notices 
consacrées  à  chacun  des  empereurs  de  la  maison 
de  Hohenstaufen,  ainsi  ([u'aux  articles  généraux 
Allemagne  (p.  91  et  95)  et  Papauté. 

HOLLANDE.  —  V.  Pays-Bas. 

HOMONYMES.  —  Grammaire,  XXI.  —  Les  ho' 
monymes  (du  ^v^chomoriymun,  composé  de  homos, 
semblable,  et  de  onyma  ou  onomn,  nom;  sont  des 
mots  qui  se  prononcent  de  la  même  manière,  bien 
qu'ils  n'aient  pas  la  même  signification,  comme 
abaisse  et  abbesse,  amande  et  amende. 

Bien  différents  des  xi/noni/mes*,  qui  n'ont  entre 
eux  qu'une  ressemblance  de  sens,  les  homonymes 
ne  sf^  ressemblent  que  par  le  son.  Mais  cette  sinii- 


HOMONYMES 


—  980  — 


HOMONYMES 


litude  do  son  est  un  dôTaut  dans  notre  langue,  qui 
y  perd  de  Télégance  et  de  la  clarté  ;  c'est  un  obs- 
tacle presque  insurmontable  pour  ceux  qui  veu- 
lent connaître  à  fond  lorthographe  ;  c'est  une 
source  de  confusions,  de  méprises  ridicules  pour 
les  gens  du  monde,  et  de  fautes  fâcheuses  pour  les 
candidats  à  nos  divers  examens. 

11  faut  distinguer  dans  les  homonymes  :  1*  les 
homographes,  c'est-à-dire  les  mots  qui  s'écrivent 
et  se  prononcent  de  la  même  manière,  comme  bière 
(boisson)  et  bière  (cercueil)  ;  2°  les  homophones, 
f'est-à-dire  les  mots  qui  se  prononcent  de  la 
même  manière,  mais  qui  n'ont  pas  la  même  or- 
thoiiraphe,  comme  chêne  (arbiej  et  chaîne  (suite 
d'anneaux). 

Les  homographes  sont  tantôt  des  mots  dérivés 
de  racines  différentes  et  arrivés  par  une  série  de 
transformations  à  une  forme  identique,  comme 
somme  (sommeil),  qui  vient  de  sommes,  et  somme 
(total  I,  qui  vient  de  sianma;  tantôt  des  mots  qui 
par  extension  de  sens  ont  été  appliqués  à  des  ob- 
jets différents,  ce  qui  a  fait  croire  à  une  différence 
d'origine,  comme  bas,  qui  est  peu  élevé,  et  bas,  ce 
qui  .>ert  à  couvrir  le  pied  et  la  jambe  ;  c'est 
alors  le  même  mot  avec  l'ellipse  d'un  complé- 
ment dans  le  secoiid  cas  :  nos  pères  disaient  im 
bas  de  chausses,  c'est-à-dire  la  partie  inférieure 
des  chausses. 

Nous  donnons  ci-dessous  la  liste  des  principaux 
homonymes  : 

\.  A'  ord,  s.  m.,  accès,  voisinage.  —  Abhorre,  v.  : 
il  abhorre . 

2.  AcJœ,  s.  f.,  persil  sauvage.  —  Hache,  s.  f.,  co- 
gnée.—  Hache,  V.  :  il  hache. 

3.  Ais,  s.  m.,  planche  de  bois.  —Ait,  v.  :  qu'il  ait. 

—  Es,  V.  :tu  es.  —  Haie,  s.  f.,  clôture  d'arbustes. 

—  Hais,  y.  :je  hais. 

4.  Air,  s.  m.,  fluide,  vent.  —  Air,  s.  m.,  physio- 
nomie, manière. —  Aire,  s.  f.,  place.  — Aire,  s.  f., 
nid  de  laigle.  — Ere,  s.  f.,  époque.  —  Erre,  v.  :  il 
erre.  —  Hnire,  s.  f.,  chemise  de  crin.  —  Hère,  s.  m. . 
pauvre  diable.  —  Erre,  s.  f. ,  train,  allure  :  aller 
grand'erre. 

5.  Allier,  s.  f.,  rivière.  —  Allier,  v.  :  faire  une 
alliance.  — Rallier,  s.  m., buisson. 

6.  Amande,  s.  f. ,  fruit.  —  Amende,  s.  f.,  peine 
pécuniaire.  —  Amende,  v.  :  il  s'amende. 

7.  Are,  s.  m.,  mesure  agraire.  —  Aar,  s.  f.,  ri- 
vière de  Suisse.  —  Art,  s.  m.,  talent.  —  Arrhes, 
s.  f.  pi.,  gages.  —  Hart,  s.  f.,  lien,  corde. 

8.  Au,  aux,  article.  —  Aulx,  s.  m.,  pluriel  d'ail. 

—  Eau,  s.  f.,  fluide.  —  Haut,  adj.,  élevé.  —  0,  oh, 
ho,  interj.  —  Os,  s.  m.,  partie  dure  et  solide  du 
corps  des  animaux. 

9.  Autan,  s.  m.,  vent  du  midi.  —  Autant,  adv. 
d'égalité.  —  Otant,  part.  prés,  du  verbe  ôter. 

10.  Bar,  nom  de  ville.  —  Bar,  s.  m.,  poisson 
de  mer.  —  Barre,  s.  f. ,  pièce  de  bois  ou  de  fer.  — 
linrre,  s.  f.,  tribunal.  —  Barres,  s.  f.  pi.,  jeu  d'é- 
coliers. 

11.  Cal,  s.  m., durillon.  —  Cale,  s.  f.,  fond  d'un 
navire,  support.  —  Cale,  du  verbe  caler.  —  La 
Calle,  port  d'Algérie. 

12.  Camp,  s.  m.,  lieu  où  l'armée  campe.  —  Caen, 
s.  m.,  nom  de  ville.  —  Kan  ou  khan,  s.  m.,  chef  des 
Tartares.  —  Qua?id,  adv.  et  conj.  —  Quant,  prép. 

13.  Cane,  s.  f.,  femelle  du  canard.  —  Canne,  s. 
f.,  bâton,  roseau.  —  Cannes,  nom  de  ville. 

14.  Cap,  s.  m.,  promontoire.  —  Cap  (depiedeiV, 
loc,  des  pieds  à  la  tête  (en  latin  caput).  —  Gapc. 
8.  f.,  vêtement. 

15.  Cent,  adj.  num.  —  Sang,  s.  m.,  liquide 
rouge.  —  Sans,  prcp.  —  Sent,  du  verbe  sentir. 

16.  Cène,  s.  f.,  repas  de  J.-C.  avec  ses  apôtres. 

—  Saine,  adj.,  féminin  de  sain.  —  Seine,  nom  pro- 
nre  de  fleuve.  —  Senne,  nom  propre  de   rivière. 

—  Scène,  s.  f.  lieu  où  l'on  ioue.  —  ^eine,  s.  f.,  sorte 
fie  filet. 


17.  Cens,  s.  m.,  impôt.  —  Sens,  n.  p.  de  ville.  — 
Sens,  s.  m.,  jugement.  — Sens,  s.   m.,  côté. 

18.  Cep,  s.  m.,  pied  de  vigne.  —  Ces,  adj.  dém. 

—  Ses,  adj.  poss.  —  Sept,  adj.  num.  — Saie,  s.  f., 
vêtement  des  Gaulois.  —  Sait,  du  verbe  savoir. 

19.  Cerf,  s.  m.,  bête  fauve.  —  Serre,  s.  f.,  lieu 
couvert.  —  Serre,  du  verbe  serrer.  —  Serre,  s.  f., 
pied  d'un  oiseau  de  proie.  —  Sert,  du  verbe  ser- 
vir. 

20.  Chair,  s.  f.,  substance,  aliment.  —  Chaire, 
s.  f.,  tribune.  —  Cher,  adj.  quai.  —  Chère,  s.  f., 
nourriture,  régal.  —  Cher,  n.  p,  de  rivière. 

21.  Ci,  adv.  de  lieu.  —  Si,  conj.  et  adv.  —  Si, 
note  de  musique.  —  Scie,  s.  f.,  instrument  pour 
scier.  —  Sis,  adj.  et  part.  —  Six,  adj.  num. 

22.  Cire,  s.  f.,  matière  molle  produite  par  les 
abeilles.  —  Sire,  s.  m.,  seigneur.  —  Cyr  (Saint-), 
n.  p.  de  village. 

23.  Clair,  adj.,  lumineux,  éclatant.  —  Claire,  n. 
p.  de  femme.  —  Clerc,  s.  m.,  aspirant  ecclésiasti- 
que, scribe. 

24.  Compte,  s.  m.,  calcul,  mémoire.  —  Comte, 
s.  m.,  titre  de  noblesse.  —  Conte,  s.  m.,  récit  fabu- 
leux. 

25.  Coq,  s.  m.,  oiseau.  —  Coque,  s.  f.,  enveloppe 
d'un  fruit,  d'un  œuf. —  Coke,  s.  m.,  charbon  de 
terre  épuré. 

26.  Cor,  s.  m.,  durillon.  —  Cor,  s.  m.,  instrument 
à  vent.  —  Cors,  s.  m.  pi.,  cornes  qui  sortent  des  per- 
ches du  cerf.  —  Corps,  s.  m.,  substance,  réunion 
d'hommes. 

27.  Cou,  s.  m.,  partie  du  corps.  —  Coud,  du 
verbe  coudre.  —  Coup,  s.  m.,  choc  d'un  corps  sur 
un  autre.  —  Coût,  s.  m.,  prix  d'une  chose. 

28.  Cour,  s.  f.,  enclos.  — Cour,  s.  f.,  entourage 
d'un  roi.  —  Cours,  s.  m.,  mouvement. —  Cours,  s. 
m.,  promenade  publique.  —  Court,  odj.  quai.,  qui 
n'est  pas  long.  —  Court,  du  verbe  courir.  — 
Courre,  ancien  infinitif  de  courir  :  chasse  à  courre. 

29.  Étaim,  s.  m.,  la  partie  la  plus  fine  de  lalaine 
cardée.  —  Etain,  s.  m.,  métal.  —  Eteint,  du  verbe 
éteindre. 

30.  Etang,  s.  m.,  amas  d'eau  dormante.  —  Etant, 
part.  prés,  du  verbe  être.  —  Ete7id,  du  verbe 
étendre. 

31.  Faim,  s.  f.,  besoin  démanger.  —  Feint,  part, 
passé  du  verbe  feindre.  —  Fin,  s.  f.,  terme,  extré- 
mité. —  Fin,  adj.,  rusé,  délié. 

32.  Faire,  verbe.  —  Fer,  s.  m.,  métal.  —  Ferre, 
du  verbe  ferrer.  —  Fère  (la),  n.  p.  de  ville. 

33.  Faite,  s.  m.,  sommet,  partie  la  plus  élevée 
d'un  édifice.  —  Faites,  du  verbe  faire.  —  Fête,  s. 
f.,  solennité,  réjouissance. 

34.  Faux,  adj.,  qui  n'est  pas  vrai.  —  Faux,  s.  f., 
instrument  pour  faucher.  —  Faut  (il),  du  verbe 
falloir. 

35.  Foi,  s.  f.,  croyance,  fidélité.  —  Foie,  s.  m., 
partie  du  corps.  — Fois,  s.  f.,  une  fois,  deux  fois. 

—  Foix,  n.  p.  de  ville. 

36.  Fond,  s.  m.,  la  partie  la  plus  basse  d'un  vase. 

—  Fonds,  s.  m.,  terre,  propriété.  —  Fonts,  s.  m.  pi., 
vase  sur  lequel  on  baptise.  Ce  mot  vient  du  pluriel 
latin  fontes  (fontaine),  et  a  été  regardé  comme 
masculin  à  cause  de  l'adjectif  baptismaux,  qui  a 
été  pris  par  erreur  pour  un  masculin.  —  Fond, 
du  verbe  fondre. 

Zl.For,  s.  m.,  intérieur  delà  conscience. — Fore, 
du  verbe  forer.  —  Fors,  prép.,  excepté.  —  Fort, 
adj.   quai.,   robuste.  —Fort,  s.  m.,  lieu  fortifié. 

38.  Frai,  s.  m.,  œufs  des  poissons.  —  Frai,  s. 
m.,  altération  des  monnaies.  —  Fraj's,  s.  m.  pi., 
dépenses.  —  F)-ais,  adj.  quai.,  un  peu  froid.  — 
Fret,  s.  m.,  cargaison  d'un  vaisseau. 

39.  Hérault,  n.  p.  de  rivière.  —  Héraut,  s.  m.,  celui 
qui  annonçait  dans  les  cérémonies.  —  Héros,  s. 
m. ,  guerrier  illustre.  —  Héro,  n.  p.  de  femme  dans 
l'antiquité. 

•if   fleur,  s.  m.,  chance  heureuse,  —  Heure,  s. 


HOMONYMES 


—  981 


HOMONYMES 


r,  partie  du  jour.  —  Heurt,  s.  m.,  choc.  —  Eure, 
n.  p.  (le  rivière. 

41.  Jais,  s.  m.,  substance  noire  et  luisante.  — 
Jet,  s.  m.,  action  de  jeter,  jaillissement.  —  Geai, 
s.  m.,  oiseau. 

i'I.  Lac,  s.  m.,  amas  d'eau  dormante.  —  Lack, 
s.  m.,  monnaie  indoue.  —  Loque,  s.  î.,  gomme.  — 
Laque,  s.  m.,  vernis  de  Chine. 

4:^.  L'd,  s.  m.,  petit  poème.  —  Lai,  adj.,  laïque. 

—  Laid,  adj.  quai.,  qui  n'est  pas  beau.  —  Laie,  s. 
f. ,  femelle  du  sanglier.  — Laie,  s.  f.,  route  étroite 
dans  une  forôt.  —  Laie,  s.  f.,  marteau  de  tailleur 
de  pierre.  —  Laù",  s.  m.,  alluvions.  — Lait,  s.  m. , 
laitage.  —  Laye  ;Saint-Germain-en-Laj'e).  —  Les, 
art.  plur.  —  Legs,  s.  m.,  don  par  testament.  — 
Lez,  prép.,  près  de  :  Plessis-lez-Tours. 

44.  Lice,  s.  f.,  champ  de  course.  —  lie,  s.  f., 
femelle  d'un  chien  de  chasse.  —  Lice  ou  lisse,  s. 
f.,  pièce  d'un  métier  à  tisser.  — Lis,  s.  m.,  fleur. 

—  Lisse,  adj.,  doux,  uni. 

45.  Loir,  n.  p.  de  rivière.  —  Loi>-,  s.  m.,  petit 
quadrupède.  — Loire,  n.  p,  de  fleuve. 

46.  Main,  s.  f.,  partie  du  bras.  —  Main,  s.  f.,  as- 
semblage de  feuilles  de  papier.  —  Maint,  adj., 
plusieurs.  —  Mein,  n.  p.  de  rivière. 

47.  Maître,  s.  m.,  chef,  possesseur,  professeur. 

—  Mètre,  s.  m.,  mesure.  —  Mettre ,  verbe. 

48.  Mon,  n.  p.  d'île.  —  Ment,  du  verbe  mentir. 

—  Mans  (le),  n.  p.  de  ville. 

4').  Mante,  s.  f.,  manteau  de  femme.  —  Mante, 
s.  f.,  insecte.  —  Mantes,  n.  p.  de  ville.  —  Menthe, 
s.  f.,  plante  odoriférante.  —  Mente,  du  verbe  mentir. 

60.  Mer,  s.  f.,  vaste  étendue  d'eau  salée.  — 
Mère,  s.  f.,  qui  a  un  ou  plusieurs  enfants.  —  Maire, 
s.  m.,  magistrat. 

51.  Maure,  n.  p.  de  peuple.  —  Maur  (Saint-),  n. 
p.  de  village.  —  Mord,  du  verbe  mordre.  —  Mors, 
s.  m.,  frein.  — Mort,  s.  f.,  cessation  de  la  vie. 

52.  Mou,  adj.,  qui  n'est  pas  dur.  —  Moue,  s.  f., 
grimace.  —  Moût,  du  verbe  moudre.  —  Moût,  s. 
m.,  vin  nouveau. 

53.  Mur,  s.  m.,  muraille.  —  Mûr,  adj.,  arrivé 
à  la  maturité.  —  Mûre,  s.  f. ,  fruit  du  mûrier. 

54.  Oing,  s.  m.,  graisse  du  porc.  —  Oint,  du 
verbe  oindre.  —  Ouen  (Saint-),  n.  p.  de  village. 

55.  Houe,  s.  f.,  sorte  de  bêche.  —  Houx,  s.  m., 
arbre.  — Août,  s.  m.,  le  8*  mois  de  l'année. 

.Sfi.  Oui,  adv.  —  Ouï,  du  verbe  ouïr.  —  Ouïe, 
s.  f.,  un  des  cinq  sens.  —  Ouïes,  s.  f.  plur.,  orga- 
nes de  la  respiration  chez  les  poissons. 

57.  Pain,  s.  m.,  aliment.  — Peint,  du  verbe 
peindre.  —  Pi7i,  s.  m.,  arbre  résineux. 

58.  Pair,  adj.,  égal.  — Pair,  s.  m.,  l'égal  du  roi. 

—  Paire,  s.  f.,  couple.  —  Père,  s.  m. ,  qui  a  des  en- 
fants.—  Pe7'd,  du  verbe  perdre.  —  Pers,  adj.,  cou- 
leur entre  le  vert  et  le  bleu. 

59.  Palais,  s.  m.,  édifice.  —  Palais,  s.  m.,  partie 
supérieure  de  la  bouche.  —  Palet,  s.  m.,  pierre 
plate  et  ronde. 

GO.  Pan,  n.  p.  de  dieu.  —  Pa7i,  s.  m.,  partie 
d'un  habit,  d'un  mur.  —  Paon,  s.  m.,  oiseau.  — 
Pend,  du  verbe  pendre. 

61.  Par,  prép.  —  Pare,  du  verbe  parer.  —  Part, 
s.  f,,  portion.  —  Part,  du  verbe  partir. 

(i2.  Pnu,  n.  p.  de  ville.  —  Peau,  s.  f.,  membrane, 
enveloppe.  — Pô,n.p.  de  fleuve.  — Pot,  s.  m.,  vase. 

63.  Pêne,  s.  m.,  partie  d'une  serrure.  — Peine, 
s.  f.,  douleur,  châtiment  —  Penne,  s.  f.,  grosse 
plume. 

64.  Pinçon,  s.  m.,  marque  sur  la  peau.  — Pin- 
çons, du  verbe  pincer.  —  Pinson,  s.  m.,  oiseau. 

65.  Plaid,  s.  m. ,  plaidoirie.  —  Plaid,  s.  m. ,  man- 
teau écossais.  —  Plaie,  s.  f.,  blessure.  —  Plait,  du 
verbe  plaire. 

66.  Poêle,  s.  f.,  ustensile  de  cuisine.  —  Poêle,  s. 
m.,  fourneau.  —  Poêle,  s.  m.,  dais.  —  Poêle,  s.  m., 
drap  mortuaire. 

^h.  Poids, s. m.,  pesanteur.  — Pois,  s.  m.,  légume. 


—  Poix,  s.  f.,  résine.  —  Pouah!  interj.  de  dégoût. 

68.  Poing,  s.  m.,  main  fermée.  —  Point,  s.  m., 
signe  de  ponctuation.  —  Point,  s.  m.,  instant.  — 
Point,  du  verbe  poindre.  —  i  oint,  adv.  de  néga- 
tion. 

69.  Pou,  s.  m.,  insecte.  —  Pouls,  s.  m.,  mouve- 
ment des  artères.  —  Pou-de-soie,  s.  m.,  étofi'e  de 
soie. 

70.  Près,  prép.  et  adv.  —  Prêt,  s.  m.,  action  de 
prêter.  —  Prêt,  adj.,  disposé  à. 

71.  Prie,  du  verbe  prier.  —  Pris,  du  verbe 
prendre.  —  Prix,  s.  m.,  récompense,  valeur. 

73.  Provin,  s.  m.,  rejeton  d'un  cep  de  vigne.  — 
Provins,  n.  p.  de  ville.  —  Provint,  du  verbe  pro- 
venir. 

73.  Raie,  s.  f.,  ligne,  trace,  — Raie,  s.  f.,  poisson 
de  mer.  —  Rais,  s.  m.,  rayon  d'une  roue.  —  Rets, 
s.  m.,  filet.  —  Rez,  prép.,  près  de. 

74.  Ré,  s.  f.,  note  de  musique.  —  Ré,  n.  p.  d'île. 

75.  Reine,  s.  f.,  femme  du  roi.  —  Raine,  s.  f. 
(vieux  mot),  grenouille.  —  Rêne,  s.  f.,  courroie, 
guide.  —  Renne,  s.  m.,  cerf  du  nord.  —  Remies, 
n.  p.  de  ville. 

76.  Ris.  du  verbe  rire.  —  Ris,  s.  m.,  le  rire.  — 
Ris,  s.  m.,  glande  de  la  gorge  du  veau.  —  Ris,  s.  m., 
terme  de  marine.  —  Riz,  s.  m.,  grain. 

77.  Ruz,  s.  m.,  petit  ruisseau .  — Rue,  s.  f.,  che- 
min dans  une  ville.  —  Rue,  s.  f.,  plante.  —  Rue 
du  verbe  ruer. 

7S.  Sain,  adj.,  salubre.  —  Saint,  adj.,  consacré.  — 
Sein,  s.  m.,  centre,  milieu.  —  Sein,  n.  p.  d'île.  — 
Seing,  s.  m.,  signature.  —  Ceint,  du  verbe  ceindre. 

—  cinq,  adj.  numéral. 

79.  Sale,  adj.,  malpropre.  —  Sales  (Saint-Fran- 
çois de).  —  Salle,  s.  f.  :  salle  à  manger. 

80.  Saur,  adj.,  salé  et  desséché.  —  Sort,  s.  m., 
destin.  —  Sort,  du  verbe  sortir. 

81.  Saut,  s.  m.,  action  de  sauter.  —  Sceau,  s.  m.., 
cachet.  —  Sceaux,  n.  p.  de  ville.  —  Seau,  s.  m., 
vaisseau  pour  puiser  de  l'eau.  —  Sot,  adj.,  stupide. 

82.  So7nme,  s.  f.,  total,  quantité  d'argent.  — 
Somme,  s.  f.,  fardeau.  —  Somiyie,  n.  p.  de  rivière. 

—  Somme,  s.  m.,  sommeil.  — So}7imes,  du  verbe 
être.  —  Somme,  du  verbe  sommer. 

83.SoM,  s.  m.,  monnaie.  — Soûl,  adj., rassasié. — 
Sous,  prép. 

84.  Suie,  s.  f.,  matière  noire  produite  par  la 
fumée.  —  Suis,  du  verbe  être.  —  Suif,  du  verbe 
suivre. 

85.  Taie,  s.  f.,  enveloppe  d'oreiller,  pellicule.  — 
Tait,  du  verbe  taire.  —  Tes,  adj.  poss.^  Têt,  s.  m., 
tesson. 

86.  Tai7i,  s.  m.,  lame  d'étain.  —  Teint,  s.  m., 
coloris.  —  Teint,  du  verbe  teindre.  —  Tint,  du 
verbe  tenir.  — Thym,  s.  m.,  plante. 

87.  Ta7i,  s.  m.,  écorce  du  chêne.  —  Tant,  adv. 
de  quantité.  —  Temps,  s.  m.,  durée,  époque.  — 
Temps,  s.  m.,  température.  —  Tend,  du  verbe 
tendre. 

88.  Toîi,  adj.  poss.  —  Ton,  s.  m.,  inflexion  de  la 
voix,  degré  des  couleurs.  —  Thon,  s.  m.,  poisson  de 
mer.  —  To7id,  du  verbe  tondre. 

89.  Tord,  du  verbe  tordre.  —  Tors,  adj.,  tordu.  — 
Tort,  s.  m.,  dommage,  erreur.  —  Taure,  s.  f.  (vieux 
mot),  génisse. 

90.  Tour,  s.  m.,  circuit.  —  Tour,  s.  m.,  machine 
à  tourner. —  Tour,  s.  m.,  sorte  d'armoire  dans  les 
monastères  et  les  hôpitaux.  —  Tour,  s.  f.,  bâtiment 
élevé.  —  Tours,  n.  p.  de  ville. 

91.  Tournoi,  s.  m.,  exercice  militaire  au  moyen 
âge.  —  Tournoie,  du  verbe  tournoyer. —  Tournois, 
adj.,  monnaie  qu'on  frappait  à  Tours. 

92.  Trait,  s.  m.,  flèche.  —  T7'ait,  s.  m.,  ligne.  — 
Trait,  du  verbe  traire.  —  Très,  adv.  de   manière. 

9:i.  Vain,  adj.,  qui  n'a  pas  de  consistance.  — 
Vainc,  du  verbe  vaincre.  —  Vin,  s.  m.,  jus  de 
raisin.  —  yi7igt,  adj.  numéral.  —  Vint,  du  verbe 
venir, 


HONGRIE 


—  982  — 


HONGRIE 


94.  Van,  s.  m.,  instrument  dosicr  pour  vanner 
le  grain.  —  Ve7id,  du  verbe  vendre.  —  Vcrd,  s.  ni., 
eoul'fle  d'air. 

95.  Vaui,  n.  p.  de  pays.  —  Vfiii,  dans  a  vau 
l'eau,  au  courant  de  l'eau.  —  Vaut,  du  verbe  va- 
loir. —  Vaux,  plur.  de  val,  s.  m.  :  par  monts  et  par 
vaux.  —  Veau,  s.  m.,  petit  d'une  vache.  —  Vof, 
adj.  poss. 

96.  Ver,  s.  m.,  insecte.  —  Voir,  s.  m.,  fourrure 
blanche  etgrise.  —  Vert,  adj.,  de  la  couleur  de  l'her- 
be. —  Verre,  s.  m.,  verre  h  boire,  voric  à  vitre.  — 
Vers,  s.  m.,  langage  rhythmé.  —  Vers.  prcp. 

97.  Vice,  s.  m.,  défaut.  —  Vice,  suffixe:  vice- 
roi.  —  Vis,  s.  f.,  instrument  qui  sert  à  visser.  — 
Visse,  du  verbe  visser. 

98.  Voie,  s.  f.,  chemin,  moyen.  —  Voie,  s.  f..  an- 
cienne mesure.  —  Voix,  s.  f.,  son  qui  sort  do  la 
bouche.  —  Voit,  du  verbe  voir.  —  Voua,  du  verbe 
vouer. 

99.  Vautre,  du  verbe  se  vautrer.  —  Vôtre,  pr. 
poss. 

100.  Zest,  interj.  :  entre  le  zist  et  le  zest.  — 
Zeste,  s.  m.,  pellicule  d'orange,  séparation  mem- 
braneuse qui  divise  les  quartiers  d'une  noix. 

Parmi  ces  homonymes,  quelques-uns,  comme 
saint  et  ceint,  compte  et  conte,  ont  toujours  le 
môme  son  ;  ce  sont  les  plus  difficiles  à  distinguer  : 
cependant  la  suite  de  la  phrase,  l'adjonction  des 
articles  et  des  adjectifs  en  diminuent  les  inconvé- 
nients. D'autres,  tels  que  van  et  vent,  nue  et  re^y, 
sont  faciles  à  reconnaître  devant  une  voyelle. 

Dans  la  liste  ci-dessus,  nous  n'avons  pas 
fait  entrer  les  mots  tels  que  tâche  et  tacJie, 
forêt  Qt  foret,  que  quelques  auteurs  rangent  parmi 
les  homonymes,  quoique  ces  mots  ne  puissent 
avoir  le  même  son  que  pour  ceux  qui  prononcent 
mal.  La  plupart  des  grammairiens  et  avec  eux 
L'Académie,  dans  la  septième  édition  de  son  dic- 
tionnaire, placent  ces  mots  dans  une  classe  à  part, 
celle  Aq%  paronymes.  — V.  Pofonyme.'!. 

[J.  Dussouchet.J 

HONGRIE.  —  Histoire  générale,  XXVII.  — 
Avant  884.  —  Le  territoire  compris  entre  la  crête 
des  Carpaihes,  les  dernières  pentes  des  Alpes  No- 
riques,  le  cours  de  la  Save  et  la  mer,  ne  fut  ja- 
mais soumis  en  entier  par  les  Romains.  Auguste 
et  Tibère  y  conquirent  la  Pannonie  (rive  droite  du 
Danube),  et  Trajan  le  plateau  transylvain  (pays 
îles  Daces).  Des  nombreuses  invasions  qui  succé- 
dèrent à  l'occupation  romaine,  les  plus  importan- 
tes furent  celles  dos  Huns  et  des  Avares.  Quand 
Charlemagne  eut  détruit  ces  derniers,  divers  États 
se  formèrent  sur  les  débris  de  leur  empire.  La 
grande  Moravie,  fondée  par  les  Slaves  le  long  de 
la  frontière  occidentale  de  la  Germanie,  s'étendait 
à,  l'est  jusqu'à  la  ïisza  (Thciss)  ;  d'autres  peupla- 
des barbares  (Bulgares,  Khazares,  Roumains)  habi- 
taient le  reste  du  pays  sous  quatre  ou  cinq  chefs 
dilTérents,  quand  parurent  les  Hongrois. 

C'était  un  peuple  de  même  race  que  les  Huns  et 
que  les  Avares,  c'est-à-dire  qu'il  appartenait  à  la 
grande  souche  ouralo-altaïquo  (branche  ouralo- 
finnoise,  rameau  ougrien).  Son  existence  nomade 
avait  d'abord  eu  pour  théâtre  les  parties  nord  de 
rOural,  puis  les  rives  de  la  mer  Noire,  enfin  les 
plaines  qui  séparent  le  Pruth  et  le  Dnieper.  11  est 
constaté  par  l'histoire  qu'à  l'époque  de  leur  séjour 
dans  cette  dernière  contrée,  les  Hongrois  ou  Ma- 
gyars avaient  déjà  une  sorte  de  constitution  :  1;3 
chef  élu  et  les  principaux  de  la  nation  se  liaient 
par  un  engagement  réciproque  ;  une  assemblée, 
dos  magistrats  spéciaux  surveillaient  l'exercice  du 
pouvoir.  A  la  suite  d'une  nouvelle  migration,  dé- 
terminée, comme  les  autres,  par  des  attaques  du 
dcliors,  les  Hongrois  franchirent  les  Karpathes,  et 
pénétrèrent  en  Hongrie  sous  la  conduite  d'Arpad. 

De  884  à  ,'((  /in  <lu  xm*^^  siècle.  —  Quelques  an- 
nées de  gucrri.'s   et  dn   négociations,    habilement 


cond\iit.es,  les  rendirent  maîtres  de  ce  beau  pays. 
Ils  en  occupèrent  les  plaines,  abandonnant  ies 
montagnes  aux  races  vair.cues,  qui  bientôt  se  con- 
fondirent avec  eux  au  point  de  vue  politique  et 
social. 

Fondé  par  Arpad,  le  nouvel  État  reçut,  sous 
Etienne  I"  (commencement  du  xi'  siècle),  une  or- 
ganisation plus  complète.  L'autorité  souveraine 
continua  d'être  exercée  concurremment  par  les 
guerriers  (ou  noblesse)  assemblés  ei  diète,  et  par 
le  chef  de  la  nation,  investi,  à  partir  de  l'an  1000, 
du  titre  de  roi.  Ce  dernier  ne  pouvait  être  élu  que 
dans  la  descendance  d'Arpad.  Les  Arpad  régnèrent 
ainsi  quatre  siècles. 

Les  Hongrois  ne  renoncèrent  pas  tout  d'abord  à 
leurs  habitudes  nomades.  A  la  fin  du  xii"  siècle, 
beaucoup  vivaient  encore  sous  des  tentes.  Pendant 
près  de  cent  ans  ils  lancèrent  des  armées  de  pil- 
lards en  Grèce,  en  Italie,  en  Allemagne,  en  France 
et  jusque  dans  la  péninsule  ibérique.  Mais 
après  leur  désastre  à  Augsbourg  en  965  (V. 
Othon  le  Grand),  ils  se  lassèrent  de  ces  terri- 
bles incursions,  et  peu  à  peu  se  renfermèrent 
dans  les  limites  de  leur  territoire,  sans  trop 
môme  chercher  à  l'agrandir.  Jusqu'au  xiv'  siècle, 
ils  ne  firent  qu'une  conquête  importante,  celle  de 
la  Croatie  et  des  villes  maritimes  dalmates  (fin  du 
XI*  siècle),  se  bornant  à  des  guerres  obscures 
avec  leurs  voisins  (Russes,  Bohèmes,  Autrichiens, 
Vénitiens  et  Grecs). 

Les  plus  à  craindre  de  leurs  ennemis  étaient 
d'ailleurs  ces  immenses  peuples  errants  (Kumans, 
Tartares,  etc.)  qui,  des  steppes  de  la  Russie  mé- 
ridionale, venaient  de  temps  à  autre  inonder,  par 
dessus  la  muraille  des  Karpathes,  le  fertile  bas- 
sin du  Danube  hongrois.  Les  plus  terribles  furent 
les  Tartai-es  de  1*242.  Vaincu,  sans  armée,  le  roi 
de  Hongrie  Bêla  IV  n'eut  de  refuge,  devant  leurs 
ravages,  qu'une  île  de  l'Adriatique. 

Ces  invasions,  en  se  retirant,  laissaient  derrière 
elles  de  nombreux  prisonniers  barbares.  On  les 
employait  h  peupler  les  régions  désertes.  Saint 
Ladislas,  après  sa  victoire  des  bords  du  Temes 
(1090),  établit  des  Kumans  dans  le  Jdszsâg,  iwx 
pied  du  Matra.  Différents  bourgs,  dont  le  nom 
commence  par  Tatdr,  furent  fondés  de  luême  p:.r 
Ladislas  IV,  au  retour  d'une  campagne  contre  les 
Tartares  (1282).  Ces  premiers  rois  ouvraient  volon- 
tiers leurs  États  aux  colons  étrangers.  Saint  Etienne 
avait  appelé  près  de  lui  de  nombreuses  familles 
allemandes  (comni.  du  xi'  siècle).  Un  siècle  plus 
tard,  des  émigrés  flamands,  chassés  de  leur  pays 
par  l'Océan,  reçurent  l'oft're  de  se  fixer  soit  au 
pied  duTatra,  soit  sur  le  plateau  transylvain.  Leurs 
villes  industrieuses  y  subsistent  encore.  Bêla  IV 
accueillit  avec  faveur  des  Allemands,  des  Slaves, 
et  toute  une  tribu  de  Kumans  (en  1239,  40,000  fa- 
milles). Toutefois,  cette  politique  fut  souvent  une 
cause  de  désordre. 

Le  désordre,  d'ailleurs,  était  permanent.  Tantôt 
la  guerre  civile  éclatait  entre  le  roi  et  quelque 
membre  de  sa  famille  ;  tantôt  c'était  la  nation  qui, 
mal  gouvernée,  se  soulevait  contre  son  prince. 
Une  de  ces  prises  d'armes  valut  même  à  la  no- 
blesse une  charte  fameuse,  la  bulle  d'or,  qui,  dès 
1222,  consacra  ses  libertés.  Des  troubles  si  fré- 
quents fournirent  à  plus  d'un  monarque  étranger 
l'occasion  d'intervenir,  pour  se  poser,  de  cette 
façon,  en  suzerain  de  la  Hongrie.  C'est  ainsi  que 
l'empereur  Henri  III  de  Franconio  reçut  hommage 
de  Pierre  I"',  qu'il  avait  fait  remonter  sur  le  trône 
(1045).  Mais  les  Hongrois  indignes  proclamèrent 
un  autre  roi,  et  l'empereur,  repoussé  à  deux  re- 
prises, dut  renoncer  à  ses  prétentions.  Un  siècle 
plus  tard,  Manuel  Comnène,  empereur  de  Byzance, 
renouvela,  sans  plus  de  succès,  les  tentatives  de 
Henri  IH. 

Une  autre  conséquence  des  discordes  intérieures 


HONGRIE 


-  983  — 


HONGRIE 


fut  rabaissement  de  la  royauté  au  profit  de  l'aris- 
tocratie.  C'est  le  trait  caractéristique  du  xin'=  siè- 
cle. Los  doinaines  de  la  couronne,  source  priuci-; 
pale  des  revenus  publics,  passent  alors  en  foule 
aux  mains  des  seigneurs,  soit  de  force,  soit  par  le 
besoin  qu'avaient  les  rois  de  se  faire  des  parti- 
sans. Enrichis  de  ces  dépouilles,  les  grands  s'as- 
servissent la  petite  noblesse,  oppriment  la  bour- 
geoisie naissante,  écrasent  le  peuple  des  campagnes. 
Sous  Ladislas  IV,  les  paysans,  faute  de  bœufs, 
s'attelaient  eux-mêmes  à  des  chariots  qu'on  appela, 
par  ironie,  voitures  de  Ladislas. 

II  y  eut  cependant,  même  en  ces  premiers 
siècles,  des  époques  fécondes,  qui  préparèrent 
l'avenir.  Saint  Etienne,  d'abord,  convertit  les  Hon- 
grois au  christianisme,  non  sans  violences  :  l'anti- 
que religion,  l'adoration  des  éléments,  ne  fut 
extirpée  qu'au  bout  d'un  siècle,  après  de  sanglan- 
tes réactions.  Un  nouveau  pas  fut  fait  dans  les 
années  qui  finirent  le  xi'  siècle  et  commencèrent 
le  xii^.  Le  système  administratif  et  judiciaire  du 
royaume  fut  développé  dans  de  mémorables  diètes 
sons  le  chevaleresque  Saint  Ladislas,  et  sous  son 
fils  Koloman  (surnommé  Kônyves,  amateur  de  li- 
vres}. Celui-ci,  de  plus,  adoucit  les  lois  pénales 
portées  par  son  père,  et  réforma  les  finances.  Le 
règne  de  Bêla  III  (lin  du  xir-'  siècle)  fut  une  autre 
éclaircie.  Ce  prince  avait  été  élevé  à  la  cour  de 
Constantinople,  et  son  épouse  Marguerite  était 
sœur  de  Philippe  I",  roi  de  France.  Sous  eux.  les 
mœurs  perdirent  de  leur  rudesse  ;  l'Université  de 
Paris  eut  des  étudiants  hongrois. 

Ce  fut  le  dernier  beau  moment  de  la  Hongrie 
sous  les  Arpad. 

Quand  leur  race  fut  près  de  s'éteindre,  il  sem- 
bla que  la  Hongrie  dijt  se  dissoudre.  L'aristocratie, 
plus  puissante  que  jamais,  se  partagea  entre  plu- 
sieurs prétendants.  Une  guerre  civile  de  trente 
années  désola  le  royaume.  Toutefois  Charobcrt, 
arrière-petit-fils  de  Charles  d'Anjou, roi  de  Naples, 
finit  par  triompher  de  ses  compétiteurs,  et  régna 
sans  partage  depuis  1318. 

De  1.318  à  1382.  —  Les  soixante  années  qui  sui- 
virent furent  une  époque  de  paix  intérieure  et  de 
progrès.  Personnifiée  par  deux  hommes  supérieurs 
(Charobert,  puis,  de  1342  à  l3S2,  Louis  d'Anjou  son 
fils),  la  royauté  s'accrut  en  force  et  s'entoura  de 
prestige.  Elle  agrandit  ses  ressources  militaires,  et, 
par  des  moyens  quelquefois  blâmables,  ses  res- 
sources en  argent.  Elle  veilla  aux  intérêts  de  la 
bourgeoisie,  de  la  petite  noblesse  et  des  grands 
(lois  de  1352),  mais  aggrava  le  sort  des  paysans  par 
l'établissement  des  dîmes  seigneuriales  et  d'autres 
impôts.  Elle  réforma  la  justice,  la  monnaie,  rendit 
la  sécurité  aux  routes,  fit  des  traités  de  commerce, 
conféra  des  privilèges  aux  villes,  encouragea  les 
études  (Université  de  Pécs,.  L'agriculture  et  l'in- 
dustrie prirent  de  l'essor;  les  corporations  de  métier 
se  multiplièrent  ;  des  villes  se  bâtirent.  Le  com- 
merce s'étendit  au  loin  :  une  des  voies  principales 
du  trafic  européen  passait  alors  parla  Hongrie,  dont 
plusieurs  villes  servaient  d'entrepôt  pour  les  den- 
rées de  l'Orient.  Avec  le  bien-être,  vint  le  goût 
du  luxe,  importé  d'Italie.  Les  mœurs  se  polirent, 
et  dans  les  âmes  pénétra  l'esprit  religieux  et 
chevaleresque  de  l'Occident. 

Cette  prospérité  du  royaume  permit  h  ses  maîtres 
de  soutenir  des  guerres  nombreuses.  Trois  furent 
dirigées  contre  Venise,  qui  finit  par  payer  tribut 
(1348,  1356,  1377).  Louis  fit  une  autre  expédition 
célèbre  en  Italie  (1-'.51)  pour  venger  son  frère, 
époux  de  Jeanne  de  Naples  qui  l'avait  fait  assassi- 
ner. La  reine  s'enfuit,  mais  ses  complices  mouru- 
rent, et  son  royaume  fut  trois  ans  aux  mains  des 
vainqueurs. 

De  1382  à  1458.  —  Durant  la  période  qui  s'écoule 
entre  la  fin  de  la  dynastie  d'Anjou  (mort  de  Louis 
I",  1382)  et  l'avènement  de  Mathias  Corvin  (liôS) 


toutes  les  classes  de  la  société  devinrent  la  proie 
d'une  oligarchie  opulente,  sans  frein,  et  déchirée 
par  la  discorde.  Le  pouvoir  royal  fit  de  vains  efforts 
pour  secouer  la  domination  des  grands.  D'ailleurs 
chacun  des  princes  qui  se  succédèrent  alors 
(Sigismond  de  Luxembourg,  Albert  d'Autriche, 
Vladislas  de  Pologne  et  Ladislas  V  d'Autriche) 
ayant  encore  d'autres  Etats  à  gouverner,  la  personne 
du  monarque  fut  le  plus  souvent  absente  du 
roj'aume,  et  l'on  s'en  soucia  d'autant  moins.  La 
longue  minorité  de  Ladislas  V  fut  un  autre  malheur. 

Malgré  la  désorganisation  générale  et  les  souf- 
frances particulières,  il  y  avait  de  la  vie  dans  la 
nation,  un  invmcible  élan  de  progrès,  et  de  grandes 
forces  en  réserve.  Elles  parurent  dans  les  terribles 
guerres  de  cette  époque  (Bohème,  Venise),  surtout 
dans  les  guerres  turques,  où  tant  de  héros  s'illus- 
trèrent, et  le  plus  célèbre  de  tous,  Jean  Hunyade. 

Le  premier  grand  choc  des  Hongrois  et  des 
Turcs  fut  la  désastreuse  bataille  de  Nicopolis  (i:39G,. 
En  vain  Sigismond  voulut-il  prendre  sa  revanche 
sous  les  murs  de  Galambôcz  (1428);  les  incursions 
des  Ottomans  devinrent  de  plus  en  plus  nombreuses 
dans  les  provinces  vassales  (Serbie,  Valachie)  et 
même  sur  le  territoire  hongrois.  Sous  Vladislas, 
son  général  Jean  Hunyade  (Htxnyadi  Jânos) , 
comte  de  Temes,  Infligea  une  première  défaite  à 
leurs  bandes  en  1441.  Ils  revinrent  k  deux  repri- 
ses, l'année  suivante,  et  furent  encore  deux  fois 
battus  (Szeben,  Va«kapu).  En  1443,  Hunyade  et  le 
roi  conduisirent  une  armée  jusqu'au  sommet  du 
Balkan,  gagnèrent  cinq  victoires  et  revinrent 
triomphants;  mais  la  campagne  de  1444  fut  mar- 
quée d'un  grand  revers  :  presque  toute  l'armée 
périt,  à  Varna,  avec  le  roi.  Elu  gouverneur  du 
royaume  pendant  la  minorité  du  nouveau  prince 
(Ladislas  'V  d'Autriche^  Hunyade  recommença  bien- 
tôt la  guerre  pour  secourir  Sc;uiderbeg  assiégé  ;  il 
combattit  trois  jours  dans  les  champs  de  Kassovo,  et 
fut  encore  vaincu  (1448j  par  Amurat.La  fortune  lui 
revint  en  1454  :  il  tailla  en  pièces  une  armée  turque 
entrée  en  Serbie.  Alors,  le  sultan  Mahomet  II  pré- 
parc une  expédition  formidable  :  150,00(1  hommes 
et  400  canons  viennent  mettre  le  siège  devant 
Belgrade.  Hunyade  s'y  enferme,  fait  une  défense 
héroïque,  sauve  la  ville,  la  Hongrie,  et  meurt  (1456). 

De  1458  '>  1490.  —  La  reconnaissance  publique 
porta  au  trône  son  fils,  Mathias  Corvin  (1458).  La 
Hongrie  atteignit  sous  ce  prince  l'apogée  de  sa 
grandeur.  Soigneux  de  ses  finances  (lois  de 
1467,  etc.),  entouré  de  troupes  permanentes  qu'il 
créa  lui-même  (armée  noire,  1462),  il  concentra 
dans  sa  main  plus  de  forces  qu'aucun  de  ses  pré- 
décesseurs, veilla  au  maintien  des  lois,  punit  sans 
relâche  les  exactions  c!'  s  grands,  protégea  les  petits 
et  les  faibles,  et  fut  pleuré  du  peuple  :  «  Mathias 
est  mort,  disait-on,  adieu  la  justice  !  »  Sa  fermeté, 
qui  touchait  presque  au  despotisme,  provoqua, 
dans  les  premiers  temps,  de  formidables  résistan- 
ces. Il  sut  les  déjouer  à  force  d'adresse,  de  promp- 
titude et  de  vigueur.  Cependant  la  civilisation  se 
répandait.  Sans  doute,  l'approche  des  Turcs  avait 
arrêté  ce  commerce  de  transit  si  florissant  au 
xive  siècle;  mais  l'industrie  était  prospère,  les 
beaux-arts  commençaient  à  s'acclimater;  on  élevait 
des  palais,  des  églises  ;  le  souffle  de  la  Pienaissance 
arrivait  jusqu'à  Bude.  Une  imprimerie  (147(i),  une 
société  de  savants,  une  bibliothèque  somptueuse 
s'y  fondaient  par  les  soins  du  roi.  Plusieurs  autres 
villes  ouvraient  des  écoles. 

Grand  par  les  œuvres  de  la  paix,  Mathias  fut  un 
des  premiers  capitaines  de  son  siècle.  Malheureu- 
sement, son  ambition  l'engagea  dans  des  guerres 
impolitiques  avec  les  rois  do  Bohême  et  de  Pologne 
(1408-1478)  et  l'empereur  Frédéric  111(1477,  1480, 
1487).  Il  conquit  la  Moravie,  la  Silésie,  l'Autriche, 
entra  en  triomphe  îi  Vienne;  pendant  ce  temps,  les 
Turcs     dévastaient    ses    provinces    méridionales 


HONGRIE 


—  984  — 


HONGRIE 


malgré  la  nouvelle  organisation  des  frontières  et 
la  glorieuse  campagne  de  Bosnie  (1463-1  ifi4). 
Kinizsi,  enfin,  les  arrêta  (bataille  de  Kenyérmezô, 
147!)  . 

De  14fiO  à  1626.  —  L'aristocratie,  humiliée  par 
Corvin.  prit  sa  revanche  sous  les  faibles  succes- 
seurs de  ce  prince,  Ladislas  VII  et  Louis  IL  Mais 
toujours  égoïste,  oppressive,  aveuglée  par  ses  dis- 
cordes, elle  mit  partout  le  chaos,  et  dissipa  telle- 
ment les  forces  de  l'Etat,  qu'en  152ii  Belgrade 
tomba,  presque  sans  obstacle,  aux  mains  des  in- 
fidèles. La  Hongrie  était  ouverte.  Soliman  y  con- 
duisit l'OOOoO  hommes.  AMohacs,  sur  le  chemin  de 
Bude,  il  rencontra  le  jeune  Louis  II  à  peine  escorté 
de  25  000  combattants  ;  22  000  périrent  avec  le  roi 
(1526). 

Soliman,  vainqueur,  entra  dans  Bude,  qui  fut 
saccagé  ;  mais  il  ne  garda  pas  ses  conquêtes,  et  se 
retira  bientôt,  comme  un  fleuve  débordé  qui  laisse 
tout  en  ruines  derrière  lui. 

Mohacs  est,  pour  les  Hongrois,  l'événement  le 
plus  douloureux  de  leur  histoire.  Il  inaugura  une 
ère  nouvelle,  trois  cents  ans  de  larmes,  comme  dit 
un  chant  populaire.  C'en  est  fait  de  l'indépendance  ; 
peu  h  peu,  par  morceaux,  la  Hongrie  va  passer  tout 
entière  sous  le  sceptre  de  la  maison  d'Autriche  ; 
mais  il  y  faudra  deux  siècles. 

De  1527  à  1711.  —  Sombre  époque  que  ces  deux 
siècles.  L'unité  du  royaume  est  brisée.  Une  atroce 
guerre  civile  fl.')28-l.-)30,  153C)  le  déchire  d'abord 
en  deux  lambeaux  dont  Ferdinand  d'Autriche  a 
saisi  l'un,  et  dont  Szapolyai  earde  l'autre.  Soliman, 
de  son  côté,  après  quatre  invasions  terribles,  repa- 
raît une  cinquième  fois  en  1541.  Szapolyai  venait 
de  mourir,  et  son  rival  se  préparait  à  recueillir  sa 
succession,  en  vertu  d'un  traité  convenu  d'avance 
entre  eux  (traité  de  Nagy-Vârad,  1538).  Le  sultan 
fit  chasser  l'armée  de  Ferdinand,  confirma  le  jeune 
fils  de  Szapolyai  dans  la  possession  des  parties 
orientales  de  la  Hongrie,  et  garda  pour  lui  Bude 
avec  les  plaines  du  centre.  Le  territoire  se  trouva 
donc  coupé  en  trois:  on  eut  l"la  Transylvanie  et 
ses  annexes,  sous  des  princes  nationaux,  élus  par 
la  diète,  et  tributaires  du  sultan  ;  2"  la  Hongrie 
turque,  gouvernée  par  des  pachas;  3°  la  Hongrie 
des  Habsbourgs,  monarchie  élective  jusqu'en  16S7, 
absolument  distincte  (en  droit)  des  autres  posses- 
sions autrichiennes,  et  dont,  à  chaque  couronne- 
ment, le  nouveau  roi  jurait  de  respecter  l'indépen- 
dance. 

Ce  triple  partage  fit  de  la  Hongrie  un  perpétuel 
champ  de  bataille.  Les  Habsbourgs  convoitaient  tout 
le  royaume,  surtout  la  Transylvanie,  plus  facile  à 
prendre  que  \s  reste  :  Ce  là,  des  conflits  avec  les 
Turcs,  qui  de  ieui  ;ôté  cherchaient  à  s'étendre,  et 
des  guerres  entre  l'empereur  et  les  princes  de 
Transylvanie. 

Pendant  la  première  période  de  la  guerre  de 
Trente  ans*,  le  prince  transylvain  Bethlen  Gabor 
prit  le  parti  des  protestants  d'Allemagne,  et  tint 
à  plus  d'une  reprise  les  forces  de  l'empire  en  échec. 
Au  milieu  du  xvii'^  siècle  eut  lieu  une  invasion  des 
Turcs,  repoussée  par  Montecuculli  à  la  journée  de 
Saint-Gothard  (1064).  Un  peu  plus  tard,  la  Hon- 
grie autrichienne,  irritée  par  la  tyrannie  des 
Habsbourgs,  se  révolte  sous  la  conduite  du  comte 
Tôkôli  (lt)78),  qui  s'allie  avec  les  Ottomans  : 
Vienne  est  assiégée  (1683),  mais  le  roi  de  Pologne 
Sobieski  la  délivre.  Les  revers  des  Turcs  entraînent 
la  ruine  de  TôkOli,  et  en  1685  l'insurrection  expi- 
rait. L'empereur  Léopold  se  vengea  par  de  san- 
glantes exécutions,  et  saisit  ce  moment  pour  faire 
décréter  par  la  diète  l'hérédité  du  sceptre  dans  sa 
famille  (i687).  Mais  au  commencement  du  x\iii' siè- 
cle éclate  une  autre  révolte,  celle  de  Rakoczy  : 
dlle  aboutit,  après  une  lutte  de  dix  années,  à  une 
convention  garantissant  l'autonomie  et  la  constitu- 
1  nn  du  royaume  (1711). 


Durant  ces  deux  siècles,  la  Hongrie  orientale 
ou  Transylvanie,  échappée  seule  à  l'oppression 
étrangère,  continuait  la  Hongrie  du  xv*  siècle, 
dont  elle  restait  comme  un  débris.  Elle  n'avait 
qu'une  demi-indépendance,  payantaux  Turcs  un  tri- 
but onéreux;  mais  son  gouvernement  était  au  moins 
national.  Tandis  qu'autour  d'elle  tout  tombait  en 
dissolution,  elle  se  développa  selon  son  génie 
propre,  sous  l'influence  de  la  libre-pensée,  dont 
elle  fut  l'asile  pendant  près  de  deux  cents  ans. 
L'industrie,  les  arts,  les  écoles  prospérèrent  :  et 
cette  petite  contrée  pesa,  sous  Bethlen  Gabor, 
dans  la  balance  de  l'Europe.  Mais  à  partir  de  1699 
elle  fut  soumise  aux  Habsbourgs. 

La  Hongrie  turque  eut  beaucoup  à  souffrir. 
Elle  fut  enfin  délivrée  de  la  domination  musul- 
mane par  le  traité  de  Carlowitz  (1690),  qui  la 
réunit  tout  entière,  sauf  le  Banat,  au  royaume  où 
régnait  la  maison  d'Autriche  ;  et  en  1718,  à  la  suite 
des  victoires  du  prince  Eugène,  le  Banat  lui-même 
fut  repris  aux  infidèles. 

De  1711  à  1780.  —  Durant  le  xvin«  siècle,  la 
Hongrie  eut  la  paix  :  d'une  part,  le  royaume  était 
tout  entier  sous  le  même  sceptre  ;  d'autre  part,  la 
modération  relative  du  cabinet  de  Vienne  sup- 
prima les  révoltes,  sauf  quelques  troubles  partiels. 
Mais  le  pays  était  complètement  ruiné.  Le  gou- 
vernement l'aidait  bien  un  peu  à  se  refaire,  per- 
çait une  route,  construisait  une  digue,  corrigeait 
quelque  chose  à  l'administration.  Les  progrès  n'en 
furent  pas  moins  dune  lenteur  extrême.  Un  autre 
mal  qui  frappe  à  cette  époque,  c'est  l'apathie 
morale  où  la  nation  est  plongée.  Mille  faits  en 
témoignent.  Point,  ou  presque  point  de  vie  politi- 
que; dix,  treize,  quinze  années  sans  diète.  Plus 
de  vie  intellectuelle  ;  la  littérature  avait  eu,  au  siè- 
cle précédent,  ui!  premier  essor  plein  de  promesses: 
elle  tombe  et  meurt.  La  langue  môme  se  corrompt  : 
bien  plus,  elle  est  abandonnée,  et  l'allemand  prend 
sa  place,  tout  au  moins  dans  les  hautes  sphères. 
De  même,  le  caractère  national  se  perd  dans  les 
mœurs,  dans  le  costume,  et  jusque  dans  le  type 
des  figures. 

Marie-Thérèse*  hâta  de  toute  son  influence  cette 
éclipse  du  sentiment  hongrois.  Elle  rêvait,  comme 
ses  prédécesseurs,  l'unité  politique  et  religieuse 
de  ses  États,  sous  le  régime  du  pouvoir  absolu. 
Mais  elle  sut  voiler  ses  desseins  sous  des  flatte- 
ries et  des  caresses  qui  tournèrent  la  tête  aux 
Hongrois.  Ils  s'épuisèrent  pour  leur  souveraine 
(guerre  de  la  succession  d'Autriche,  guerre  de  Sept 
ans),  sans  voir  qu"eu,v-mêmes  périssaient  comme 
nation. 

Un  phénomène  arrêta  cette  décadence. 

De  1780  à  1790.  —  Déjà  Marie-Thérèse  avait 
cédé,  vers  la  fin  de  son  règne,  au  courant  phi- 
losophique du  siècle,  en  adoucissant  la  condi- 
tion des  serfs  (17G6-67),  en  supprimant  les  Jésui- 
tes (1770),  en  réformant  l'instruction  (1769-1777). 
L'alliance  du  despotisme  et  de  la  philosophie 
s'acheva  dans  Joseph  II  *.  Ce  prince  agit  en  phi- 
losophe, quand  il  admit  la  liberté  de  penser, 
proclama  la  tolérance,  et  voulut  afi'ranchir  les 
paysans.  Mais  il  fut  despote,  à  l'égard  des  Hon- 
grois, quand  il  leur  imposa  l'usage  exclusif  de 
1  allemand  jusque  dans  les  écoles  ;  quand  il  abolit 
l'autorité  des  cornitats  ou  districts  où  tout  se 
faisait  par  voie  d'élection  et  de  suffrage,  pour  cen- 
traliser l'administration  hors  du  pays,  à  Vienne, 
sous  sa  main.  Il  fut  surtout  despote  parla  manière 
dont  il  appliqua  ses  réformes,  car  il  usurpait  le 
pouvoir  :  il  ne  s'était  pas  fait  couronner,  il  n'avait 
pas  garanti  la  constitution,  il  se  passait  de  dictes. 
Li'S  Hongrois  se  réveillèrent  enfin  de  leur  tor- 
peur. On  revint  avec  passion  à  l'idiome,  au  cis- 
tume  indigènes,  à  tous  les  signes  extérieurs  de  la 
nationalité  compromise.  Des  subsides  da  guerre 
illégalement    perçus   (1787-88-89),   l'exemple    d^s 


IIÛNGRTE 


985  — 


HOUILLE 


Pays-Bns  et  de  la  France,  acnevèrent  de  monter 
les  tûtes  :  Joseph  II,  sur  son  lit  de  mort,  prévint 
une  insurreciion  imminente  en  rétractant  ses  or- 
donnances (17'JO). 

D-  1780  à  1825.  —  L'esprit  de  progrès,  banni 
pour  jamais  du  trône,  passa  aussitôt  dans  la  nation. 
Un  magnifique  élan  de  réforme  saisit  la  diète  de 
1790.  Mais  le  cabinet  paralysa  tout  :  il  tremblait 
devant  la  révolution.  Des  complots  imaginaires, 
suivis  d'exécutions  sanglantes;  le  vertige  des  guer- 
res n.ipoléoniennes,  et  plus  tard  un  système  com- 
plet d'abrutissement  intellectuel,  replongèrent  la 
Hongrie  dans  la  mort  sociale.  Vers  1820,  tout  espoir 
de  résurrection  semblait  disparu.  Quelques  hommes, 
toutefois,  des  érudits,  des  poètes,  bravant  l'indif- 
férence, acceptant  la  misère,  travaillaient  sans 
relâche  à  ranimer  autour  d'eux  le  patriotisme  expi- 
rant. Ces  héros  sauveraient-ils  l'avenir?  Eux- 
mêmes  doutaient  de  leur  œuvre.  Un  jour  vint, 
cependant,  où  la  conscience  publique  se  réveilla. 
Les  longs  crimes  du  gouvernement,  et  de  récentes 
atteintes  portées  aux  lois,  déterminèrent  alors  un 
tel  mouvement  d'opinion,  qu'il  fallut  convoquer  la 
diète  (1825).  Une  nouvelle  ère  commença. 

De  1825  à  1848.  —  On  vit  d'un  côté  le  parti  des 
réformes,  guidé  par  le  comte  Széchcnyi,  de  l'autre 
le  pouvoir,  que  soutenait  une  fraction  de  la  no- 
blesse. Les  diètes,  les  assemblées  de  comitats,  la 
presse  retentiront  de  discussions.  En  vain  les 
élections,  habilement  travaillées,  permirent-elles  à 
la  cour  de  Vienne  d'éluder  pendant  vingt  ans  tout 
progrès  sérieux.  En  vain  eut-elle  recours  à  la  ter- 
reur, d'abord,  puis  h  la  feinte  ;  les  progressistes 
gagnaient  chaque  jour  en  nombre,  en  influence; 
ils  élargirent  leur  programme,  Szécliényi  fut  dé- 
passé, Kossuth  prit  latète  du  mouvement.  Assu- 
rer au  royaume  sa  légitime  indépendance,  sauver 
la  nationalité  en  péril,  effacer  les  abus  légués  par 
le  moyen  âge,  mettre  en  œuvre  les  ressources 
Inexploitées  du  pays,  et  fonder  sa  grandeur  sur  le 
travail,  la  justice  et  la  liberté,  tels  étaient  les 
vœux  de  la  nation  presque  entière.  Aux  élections 
de  1847,  en  dépit  de  toutes  les  manœuvres,  la  vic- 
toire demeura  pour  la  première  fois  h  l'opposition. 
La  diète  s'ouvrit  au  milieu  d'une  attente  générale. 

1848  et  1849.  —  Tout  h  coup,  la  révolution  de 
février  éclate  à  Paris.  Vienne  se  soulève  (13  mars), 
Pest  et  Prosbourg  frémissent  (15  mars). 

Electrisées  par  Kossuth,  les  deux  chambres  ont 
demandé  (4  mars)  la  suppression  des  privilèges, 
l'abolition  des  corvées,  la  liberté  de  la  presse,  le 
système  représentatif,  le  jury,  un  ministère  natio- 
nal. La  cour  hésite,  promet,  se  rétracte  :  en  vain  ! 
les  menaces  de  l'opinion  publique,  les  instances 
du  palatin  (vice-roi)  l'emportent  (.31  mars).  Le 
11  avril,  les  nouvelles  lois,  revêtues  de  la  sanction 
royale,  sont  remises  à  la  diète  par  le  monurque  en 
personne,  entouré  de  sa  famille,  en  séance  solen- 
nelle. C'était  un  piège. 

La  cour  voulait  à  tout  prix  le  retour  h  l'ancien 
ordre  de  choses.  Un  moyen  excellent  était  la 
îïuerre  civile.  Or,  l'extension  de  la  vie  nationale  chez 
les  Hongrois  de  race  portait  ombrage,  depuis  quel- 
ques années,  à  leurs  compatriotes  serbes,  roumains 
et  croates.  On  profita  de  ces  malentendus,  que 
M.  de  Metternicli  avait  sagement  envenimés.  Un 
homme  sûr,  Jellachich,  fut  nommé  ôan  (gouver- 
neur) de  Croatie.  11  fit  des  armements,  refusa 
obéissance  au  gouvernement  national  de  Pcst. 
Dans  le  Banat,  on  insurgea  les  Serbes  (8  juin),  et 
l'armée  autrichienne,  conformément  à  des  ordres 
secrets,  favorisa  l'insurrection  tout  en  paraissant 
la  comlattre.  La  diète  hongroise  prend  alors  en 
mains  la  défense  du  pays  :  bientôt  Jellachich  et  ses 
Croates  fuient  devant  les  volontaires  accourus  à 
la  voix  de  Kossuth,  qui  parut,  dans  ces  jours  de 
crise,  la  voix  même  de  la  patrie. 

L'entraînement  fut  général.  En  réponse  au  mani- 


feste impérial  du  16  octobre,  l'armée  hongroise  mar- 
cha au  secours  de  Vienne  insurgée,  mais  elle  fut  bat- 
tue à  Schwechat  (30  oct.).  Vienne  tomba  (;il  oct.),et 
les  impériaux  préparèrent  l'invasion  de  la  Hongrie. 

Tels  furent  les  commencements  d'une  guerre  où 
les  Hongrois  se  couvrirent  de  gloire.  Battus  d'a- 
bord, puis  vainqueurs,  ils  forcèrent  l'Autriche  h 
demander  secours  au  tsar.  Alors,  accablés  par 
des  forces  doubles,  livrés  par  leur  propre  géné- 
ral Gôrgey,  ils  posèrent  les  armes  (capitulation 
do  Vilâgos,  août  1849).  Kossuth,  qui  avait  été, 
sous  divers  titres,  l'âme  de  la  résistance,  prit 
avec  quelques  compagnons  le  chemin  de  l'exil. 

On  sait  la  réaction  qui  suivit.  Le  royaume  fut 
dépecé  en  provinces  autrichiennes.  Mais  la  Hon- 
grie devait  serelever.  A  la  suite  de  la  guerre  de  18GG 
entre  la  Prusse  etrAutriche,uneréorganisationdes 
Etats  formant  l'empire  des  Habsbourg  devint  né- 
cessaire :  la  Hongrie  obtint  alors  de  former  un 
royaume  autonome,  avec  un  gouvernement  distinct 
de  celui  de  l'Autriche.  Depuis  ce  moment,  la 
nation  hongroise,  redevenue  maîtresse  de  ses  des- 
tinées, n'a  cessé  de  marcher  en  avant  dans  la  voie 
du  progrès  et  des  réformes  libérales. 

j  A.  de  Gérando.] 

Pour  la  géographie  de  la  Hongrie,  V.  Autriche. 

HOUILLE.  —  Chimie,  IV;  Géologie,  VI.  —  His- 
torique. —  La  houille  est  un  combustible  minéral 
provenant  de  l'altération  de  végétaux  fossiles.  Elle 
a  été  connue  de  toute  antiquité  par  les  Chinois,  par- 
fois utilisée  par  les  Grecs,  les  Romains,  les  Gaulois, 
mais  toujours  exceptionnellement.  Un  préjugé 
semi-religieux  s'opposait  encore  h  son  emploi  au 
commencement  du  siècle  dernier  en  Angleterre  et 
en  France.  Souvent  même  on  mettait  à  l'amende, 
on  emprisonnait  les  industriels  qui  voulaient  en 
faire  usage.  Sous  Charles  II  d'Angleterre,  elle  était 
sévèrement  prohibée.  Les  choses  changent  dans  la 
deuxième  partie  duxviii"  siècle;  on  en  vend  publi- 
quement sur  les  quais  de  Londres  et  de  Paris. 
C'est  surtout  au  développement  de  la  machine 
à  vapeur  qu'est  due  l'immense,  et  peut-être 
excessive  extension  de  son  usage.  Pour  donner 
une  idée  de  cette  extension,  voici  l'étendue  de  la 
surface  des  terrains  houillicrs  reconnus,  en  1864, 
et  le  nombre  des  millions  de  tonnes  de  houille 
extraite  : 

Sljriamètres  carrés.  Millions  de  tonnes. 

Angleterre 137  86 

France .35  10 

Autres  Etats  de  l'Europe  73  25 

Amérique  du  Nord 3  000  -     20 

Propriétés,  orir/nies.  —  La  houille  se  présente  en 
fragments  d'un  noir  brillant,  parfois  rendus  irisés 
p.ir  un  mince  vernis  de  sulfure  de  fer,  à  cassure 
nette,  à  peu  près  plane.  Sa  densité  varie  de  1,16 
à  1,G0.  Elle  se  rencontre  surtout  dans  le  terrain 
qui  a  reçu  d'elle  le  nom  de  terrain  houillier  ou 
carbonifère,  et  qui  se  compose  de  couches  de 
houille,  de  schistes,  de  calcaire  et  de  grès  ;  et  c'est 
avec  ce  dernier  minéral  qu'elh;  se  montre  le  plus 
habituellement.  On  trouve  déjà  une  houille  maigre, 
voisine  de  l'anthracite,  dans  le  terrain  dévonien, 
inférieur  au  carbonifère,  et  un  charbon  minéral  de 
mauvaise  qualité  dans  les  marnes  irisées,  étage 
supérieur  au  gisement  ordinaire.  La  houille  se  pré- 
sente en  couches  d'une  épaisseur  qui  varie  de 
quelques  centimètres  à  1  ou  '2  mètres,  et  atteint 
dans  des   points  exceptionnels  jusqu'à  6  mètres. 

Ces  couches  ont  souvent  la  forme  de  bateau,  la 
partie  centrale  d  une  région  étant  plus  profonde 
que  le  pourtour.  Elles  ont  de  plus  été  plus  ou 
moins  disloquées,  repliées,  relevées,  coupées  par 
des  failles  ou  brisures.  La  houille  était  considérée 
jusqu'ici  comme  provenant  directement  de  la  dé- 
composition des  plantes  et  des  arbres  sous  l'in- 
fluence  de  la  chaleur  et  de  la  pression.  On  fait 


HOUILLE 


—  986 


HOUILLE 


souvent  une  expérience  ayant  pour  but  de  démon- 
trer cette  origine.  Entre  deux  galettes  humides 
d'argile,  on  comprime  fortement  une  portion  de 
plante,  feuille,  fougère,  mousse;  on  laisse  sécher 
lentement,  puis  on  cuit  à  une  température  d'envi- 
ron 201)  à  30(1°.  Après  le  refroidissement,  l'argile 
s'est  transformé  en  une  sorte  de  schiste,  que  l'on 
peut  fendre,  et  dans  lequel  le  fragment  végétal 
est  devenu  une  substance  semblable  à  la  houille. 
Il  était  généralement  admis  que  les  dépôts  de 
houille  étaient  formés  par  d'immenses  forêts,  par 
des  amas  de  plantes  qui  s'étaient  imparfaitement 
carbonisés  sur  place.  M.  Mène  tend  à  montrer 
que  ces  couches  ont  été  plutôt  formées  par  des 
radeaux  flottants  de  plantes  terrestres  ou  marines 
transportées  par  l'action  de  la  mer  dans  des  golfes 
où  elles  se  sont  déposées.  La  transformation  de  ces 
végétaux  en  houille  est  plus  complexe  qu'on  ne  le 
pensait.  M.  Frémy  conclut  de  longues  études  sur 
les  tissus  végétaux,  que  la  houille  n'est  pas  une 
substance  organisée;  les  empreintes  végétales 
qu'elle  présente  se  sont  produites  sur  ce  corps 
com..me  sur  toute  autre  matière  plastique.  D'après 
le  travail  présenté,  en  1879,  par  ce  savant  h  l'Aca- 
démie des  sciences,  les  végétaux  producteurs  de  la 
houille  ont  subi  d'abord  la  fermentation  tourbeuse 
qui  a  détruit  toute  organisation  végétale  ;  puis  l'ac- 
tion combinée  de  la  chaleur  et  de  la  pression  ont 
transformé  cette  tourbe  en  matière  bitumineuse 
plastique,  sur  laquelle  se  sont  parfois  et  après 
coup  imprimées  des  empreintes  d'êtres  orga- 
nisés. 

Los  houilles  se  divisent  en  houilles  grasses,  bi- 
tumineuses, à  longue  flamme,  et  en  houilles  maigres 
anlliraciteuses  à  courte  flamme.  Les  premières  se 
ramollissent  en  brûlant,  se  soudent,  empâtent  les 
grilles.  On  les  préfère  pour  la  forge,  la  fabrication  du 
gaz.  Les  secondes  se  ramollissent  peu,  donnent  un 
coke  dense,  brûlent  bien  sur  la  grille  et  sont  pro- 
pres aux  opérations  industrielles  et  métallurgiques 
qui  exigent  une  chaleur  continue,  progressive. 

Composition.  —  La  composition  élémentaire  de 
la  houille  varie  beaucoup  suivant  les  échantillons. 
Elle  contient  de  72  à  90  de  carbone,  de  3  à  G  d'hy- 
drogène, de  2  à  14  d'oxygène,  de  0  à  2  d'azote, 
parfois  jusqu'à  1,25  de  soufre,  et  une  quantité  de 
cendres  qui  peut  se  monter  jusqu'à  7.  Il  est  prati- 
quement plus  intéressant  de  connaître  les  résultats 
de  la  distillatio.n  sèche  de  la  houille.  Tandis  que 
certaines  houilles  anthraciteuses  donnent  à  peine 
8  p.  100  de  produits  volatils,  on  en  retire  jus- 
qu'à S2  de  riches  houilles  grasses.  La  quantité  de 
coke  varie  de  30  à  90  p.  100.  L'analyse  de  la  houille 
à  ce  point  de  vue  peut  se  faire  en  cliaufl'ant  dans 
un  creuset  couvert  un  poids  donné  de  houille,  en 
pesant  le  résidu,  et  enhn  les  cendres  laissées  par 
le  coke  brûlé  dans  le  creuset  ouvert.  Si  l'on  recher- 
che la  plus  grande  précision  possible,  il  faut  em- 
ployer un  creuset  de  platine  placé  dans  un  creuset 
de  terre  beaucoup  plus  grand.  Les  produits  de 
la  distillation  varient  notablement  suivant  la  qua- 
lité de  la  houille  et  la  conduite  de  l'opération  ;  ce 
sont  des  gaz,  de  l'eau  ammoniacale,  du  goudron 
complexe. 

Citons  spécialement,  parmi  les  variétés  de  chai-- 
bon  fossile,  le  boghead,  formant  dans  certains  dis- 
tricts anglais  une  couche  de  4o  à  60  centimètres 
d'épaisseur.  11  est  remarquable  par  la  grande 
quantité  et  le  pouvoir  éclairant  du  gaz  fourni,  et  la 
pauvreté  en  carbone  de  son  coke,  lequel  contient 
jusqu'à  V/.5  de  cendres.  La  composition  immédiate 
de  la  houille  n'est  pas  connue  ;  on  obtient  en  effet 
par  des  distillations  ménagées  un  grand  nombre 
de  composés,  mais  on  ignore  comment  ils  sont 
unis  dans  le  minéral  naturel.  Les  uns  le  considè- 
rent comme  un  mélange  de  charbon  fossile  et 
d'une  matière  bitumineuse  ;  d'autres  comme  un 
composé  unique  à  proportions  très  variables. 


Exploitation.  —  Les  couches  de  charbon  de 
terre,  déposées  horizontalement,  ont  subi  des  défor- 
mations, des  déplacements  par  suite  des  glisse- 
ments, des  fissures  du  sol,  et  se  présentent  géné- 
ralement obliques,  parfois  presque  verticales. 
Quand  trois  sondages  ont  permis  de  déterminer  la 
disposition  d'un  gîte  houiller,  on  creuse  deux 
puits  verticaux,  on  les  relie  par  une  galerie  hori- 
zontale de  façon  à  établir  la  ventilation.  On  taille 
ensuite  la  houille,  suivant  les  circonstances,  en  sui- 
vant la  ligne  do  plus  grande  pente  de  la  couche, 
ou  au  contraire  des  lignes  horizontales.  On  mé- 
nage des  piliers  pour  soutenir  la  voûte  des  gale- 
ries ;  on  comble  les  galeries  épuisées  avec  les  mi- 
nerais, schistes  ou  grès,  que  l'on  doit  tailler  en 
même  temps  pour  se  faire  un  passage.  Les  bouil- 
leurs, armés  d'un  pic  et  d'une  lampe  de  sûreté,  tra- 
vaillent dans  les  positions  les  plus  diverses  et  les 
plus  gênées  sur  le  dos,  le  côté,  et  sont  exposés  à 
une  multitude  d'accidents,  chute  de  plafonds  (culs 
de  lampe),  inondations  produites  par  l'ouverture 
subito  d'une  couche  de  sable  ou  autre  substance 
pénétrée  d'eau,  et  les  pires  de  tous,  les  explosions 
de  feu  grisou.  La  houille  est  pénétrée  de  gaz 
hydrogène  carboné  dissous  ou  plutôt  occlus,  qu'elle 
dégage  par  diffusion  à  l'air;  ce  dégagement  aug- 
mente quand  la  pression  barométrique  diminue. 
Le  gaz  carboné  produit  alors  avec  l'air  un  mélange 
détonant  qui  fait  explosion  dans  diverses  circon- 
stances que  l'on  ne  parvient  pas  toujours  à  con- 
naître, et  que  l'on  a  trop  souvent  attribuées  sans 
preuve  aux  imprudences  des  ouvriers.  11  se  passe 
peu  de  mois  sans  que  l'on  soit  terrifié  par  le  récit 
d'un  de  ces  accidents  qui  font  des  dizaines,  des 
centaines  de  victimes.  11  n'y  a  pas  en  Angleterre 
moins  de  1  200  victimes  par  année,  en  moyenne; 
et  l'on  a  calculé  qu'aujourd'hui  encore,  après  tant 
de  progrès,  il  faut  ajouter  au  prix,  de  l'exploita- 
tion de  cent  mille  tonnes  de  houille  un  mineur 
mort  et  au  moins  un  autre  invalide. 

Usages.  —  La  houille  sert  à  fabriquer  le  gaz  de 
l'éclairage,  et  elle  est  le  combustible  par  excel- 
lence de  l'industrie.  Le  chifi're  de  sa  consommation 
peut  être  considéré  comme  la  mesure  de  l'activité 
industrielle  d'une  région.  Tandis  qu'elle  est  em- 
ployée à  l'état  naturel  pour  la  forge,  le  chauffage 
des  chaudières,  etc.,  elle  doit  le  plus  souvent  pour 
les  travaux  métallurgiques  être  d'abord  carbonisée, 
privée  de  ses  produits  volatilisables  et  sulfurés. 
Le  coke  léger  est  un  produit  accessoire  de  la  fabri- 
cation du  gaz  ;  on  en  absorbe  du  reste,  pour  chauf- 
fer les  cornues,  un  tiers  de  celui  qui  en  sort.  Pour 
la  métallurgie  on  préfère  un  coke  dense  tiré  des 
houilles  maigres  ;  on  l'obtenait  autrefois  par  une 
combustion  incomplète,  analogue  à  la  carbonisa- 
tion du  bois  ;  le  plus  souvent,  aujourd'hui,  la 
houille  est  distillée,  les  gaz  dégagés  servent  de 
combustible,  et  tout  le  coke,  produit  principal,  est 
recueilli. 

Grâce  à  l'introduction  des  excellents  fourneaux 
en  fonte,  la  houille  s'emploie  de  plus  en  plus  dans 
l'économie  domestique,  pour  le  chauffage  des 
appartements,  pour  la  cuisine.  Pour  utiliser  scien- 
tifiquement ce  combustible  à  l'état  naturel,  il  fau- 
drait se  servir  exclusivement  d'appareils  fumivores, 
c'est-à-dire  tels  qu'il  ne  sorte  de  la  cheminée  que 
des  produits  de  combustion  complète,  eau,  acide 
carbonique.  Ces  appareils,  de  forme  variable,  sont 
des  grilles  à  combustion,  ayant  un  mouvement 
mécanique  et  recevant  une  distribution  continue 
de  houille  en  arrière  ou  au-dessous  du  combusti- 
ble déjà  chauft'é  au  rouge,  de  telle  sorte  que  les 
gaz  les  premiers  dégagés  y  soient  complètement 
brûlés.  Ces  appareils,  très  insuffisamment  em- 
ployés dans  la  grande  industrie,  ne  le  sont,  bien 
entendu,  aucunement  dans  les  ménages.  Il  en  ré- 
sulte dans  les  grandes  agglomérations  une  fumée 
continuelle,  qui  exerce  une  influence  funestç  sur 


HOUILLE 


987 


HOUILLE 


le  climat,  sur  le  jeu  des  organes  respiratoires,  et 
ajoutons-le,  sur  l'humeur  des  habitants  !  Les  par- 
celles microscopiques  de  noir  de  fumée  constituent 
un  noyau  surlequ'^I  se  condensent  et  s'appuient 
les  gouttelettes  qui  forment  les  nuages,  les  brouil- 
lards. Tout  le  monde  a  entendu  parler  du  brouil- 
lard brun-rouge  de  Londres,  lequel  n'a  pas  d'autre 
origine  que  les  tonnes  de  noir  de  fumée  jetées 
chaque  jour  dans  l'atmosphère  humide  de  cette 
ville  par  les  habitants  et  par  les  manufacturiers. 
Le  travail  s'interrompt  du  samedi  après  midi  jus- 
qu'au lundi,  et  quand  il  a  plu  un  peu  le  diman- 
che matin,  on  est  tout  étonne  do  trouver  ensuite 
à  Londres  l'atmosphère  aussi  pure  qu'ailleurs.  La 
cessation  de  ce  fléau  dépend,  en  ce  qui  concerne 
l'industrie,  de  l'observation  des  lois  et  règlements 
sanitaires  jusqu'ici  plus  nombreux  qu'obéis  ;  quant 
à  l'économie  domestique,  elle  ne  devrait  jamais 
employer  la  houille  naturelle,  mais  ses  deux  élé- 
ments, le  coke  et  le  gaz  de  l'éclairage,  et  toujours 
avec  des  conduits  pour  rejeter  au  dehors  les  pro- 
duits de  la  combustion.  On  pense  h  tort  que  soit 
ces  combustibles,  soit  les  appareils  qui  les  utili- 
sent, donnent  des  maux  de  tète.  L'explication  de  ce 
fait  est  que  par  ces  nouvelles  méthodes  on  obtient 
beaucoup  plus  de  chaleur  que  par  les  anciennes 
avec  des  quantités  de  combustible  en  apparence 
égales,  d'où  une  plus  grande  sécheresse  relative 
du  l'air.  Le  remède  à  cet  inconvénient  est  de  n'u- 
ser que  le  combustible  nécessaire  et  d'entre- 
tenir la  quantité  voulue  de  vapeur  d'eau  dans  les 
chambres,  en  plaçant  sur  le  fourneau  un  vase  plein 
d'eau. 

Anthracite,  lignite.  —  h'ant/iracite  du  grec  a7i- 
thrax,  charbon)  se  distingue  de  la  houille  en  ce 
qu'il  briile  sans  fumée  ni  odeur  :  il  est  composé  de 
carbone,  de  silice,  de  fer,  avec  traces  d'hydrogène 
et  de  matières  terrenscs.il  est  d'une  formation  plus 
ancienne  que  la  houille. 

On  appelle  lignite  (du  latin  lignum,  bois)  un 
charbon  fossile  analogue  à  la  houille,  mais  donnant 
moins  de  fumée  ;  on  le  rencontre  dans  les  terrains 
des  formations  secondaire  et  tertiaire. 

Avenir  de  la  honille.  —  En  voyant  l'exploitation 
excessive  de  la  houille  pendant  ce  siècle,  les  éco- 
nomistes ont  été  portés  à,  rechercher  pendant 
combien  de  temps  elle  pourrait  durer.  Des  calculs 
pessimistes  annoncèrent  la  disparition  complète 
de  ce  précieux  combustible  avant  deux  siècles. 
D'autres,  comptant  sur  ce  qui  reste  encore  à  dé- 
couvrir de  gites  houillers,  sur  des  perfectionne- 
ments probables  des  procédés  d'extraction,  et  sur 
l'imprévu,  éloignent  cette  ruine  de  plusieurs  mil- 
liers d'années,  et  cessent  de  s'intéresser  au  sort 
de  descendants  si  éloignés.  Il  est  certain,  somme 
toute,  que  plus  grande  est  la  profondeur  où  l'on  va 
chercher  la  houille,  plus  grands  sont  la  peine,  le 
danger,  la  dépense  ;  que  dans  notre  époque  de 
production  sans  mesure,  sans  prévision,  on  a 
abusé  d'une  source  de  force  toujours  prête,  mais 
coûteuse,  épuisable  tôt  ou  tard,  et  que  l'on  a  nota- 
blement négligé  des  forces  naturelles  gratuites  et 
inépuisables,  mais  irrégulièrement  intermittentes, 
le  vent,  les  cours  d'eau,  le  flux,  la  chaleur  so- 
laire. L'humanité  agirait  autrement  si  elle  savait 
et  voulait  administrer  prudemment  les  richesses 
naturelles  pour  la  plus  grande  utilité  du  présent 
ei  de  l'avenir.  [P.  Robiix.j 

Lectures  et  dictées.  —  La  terke  a  l'époqce  cak- 
BOMFÈRE.  —  Pompéi  et  Herculanum,  enfouis  sous 
la  lave  volcanique,  se  drossent  aux  yeux  de  l'his- 
torien qui  décrit  les  maisons  de  ces  cités  gracieu- 
ses, et  qui  voit  la  foule  des  morts  se  réveiller 
pour  animer  les  rues  aujcmrd'hui  désertes  et  si- 
lencieuses; les  fossiles  de  la  houille  semblent  de 
môme  sortir  d'un  long  repos  pour  apparaître  aux 
yeux  du  géologue;  cet  autre  liistorien  de  la  nature. 
A  l'évocation  de  la   science,  les  fougères  relèvent 


leurs  rameaux  épais,  les  lépidodendron  s  aux  lige 
élancées  et  flexibles  reprennent  vie;  les  lycopodia- 
cées  verdoyantes  baignent  leurs  racines  dans  les 
marécages  autour  d'un  tapis  de  verdure  éternel  et 
sans  limites.  La  terre,  d'un  pôle  à  l'autre,  est  cou- 
verte d'un  épais  manteau  de  verdure,  et  les  végé- 
taux de  la  houille  remontent  à  la  vie  de  la  géologie. 
Etrange  décor  qui  embellissait  la  scène  de  notre 
planète  :  nos  vâgétaux  les  plus  humbles  étaient  les 
plus  orgueilleux  ;  les  fougères  de  notre  époque  ne 
sont  plus  que  les  représentants  rachitiques  des 
fougères  paléozoîques,  et  les  humbles  herbages  de 
nos  marais  sont  une  image  en  miniature  des  ro- 
seaux gigantesques  qui  couvraient  le  sol.  Les  vé- 
gétaux primitifs  avaient  une  uniformité  saisis- 
sante, quelque  chose  de  grand  dans  la  pauvreté 
d'espèces.  La  nature,  prodigue  de  force  et  de  fé- 
condité, semblait  avare  de  variété.  Pas  de  fruits, 
pas  de  fleurs  comme  contraste  dans  la  monotonie 
de  nuances  ;  pas  d'animaux  terrestres  pour  ani- 
mer de  leurs  mouvements  ces  forêts  silencieuses. 
La  vie  végétale  immobile,  éternelle  :  sur  les  con- 
tinents, çà  et  là  des  marécages;  plus  loin,  des 
mers  étendues.  Pas  un  oiseau  ne  voltigeait  sur  les 
rameaux  épais  ;  pa*  un  mammifère  ne  cherchait 
l'ombre  sous  les  feuilles  ;  l'Océan  seul  avait  de 
nombreux  habitants.  Quelques  rares  insectes  pro- 
menaient leurs  ailes  diaprées,  irisées  et  brillan- 
tes, sur  ce  monde  organique;  mais  la  majesté  des 
forêts  n'était  troublée  par  aucun  être  supérieur; 
pas  un  pied  vivant  ne  froissait  la  feuille  qui  se 
détachait  de  sa  tige  ;  pas  une  souillure  sur  cette 
virginité  d'ombrage  et  de  verdure  ;  pas  une  pensée 
pour  contempler  l'uniformité  de  ce  monde  étrange. 
Au  centre  de  l'Afrique,  sous  les  tropiques,  il 
existe  encore  quelques  forêts  dont  les  arbres  of- 
frent une  analogie  frappante  avec  ceux  de  la  pé- 
riode houillière.  Livingstone  a  décrit  ces  végétaux 
singuliers  qu'il  a  découverts  au  milieu  des  régions 
inexplorées  du  vaste  plateau  africain.  Mais  l'at- 
mosphère de  ces  contrées  modernes  n'est  plus  oo 
même  air  chargé  d'acide  carbonique,  si  propre  à 
donner  aux  végétaux  d'autrefois  une  force  et  un 
développement  exceptionnels. 

Sous  l'influence  des  rayons  solaires,  les  plantes 
de  ces  temps  reculés  réduisaient  l'acide  carboni- 
que ;  elles  s'assimilaient  le  carbone  qui  s'y  trouve 
contenu,  et  purifiaient  ainsi  l'atmosphère  en  la  pré- 
parant à  donner  la  vie  à  d'autres  êtres  plus  perfec- 
tionnés. Cette  réduction  de  l'acide  carbonique 
s'opérait  avec  une  absorption  de  chaleur  delà  part 
du  végétal;  chaleur  emmagasinée,  devenue  la- 
tente, qui  ne  devait  apparaître  que  le  jour  où 
l'homme  brûlerait  le  noir  combustible.  Quand  on 
chauft'e  le  charbon  de  terre,  il  brûle,  il  se  combine 
avec  l'oxygène  de  l'air  et  dégage  de  la  chaleur  ;  on 
peut  dire,  sans  être  paradoxal,  que  cette  chaleur 
n'est  autre  que  celle  des  rayons  solaires  concen- 
trés pendant  des  siècles  dans  la  houille  ;  ils  se 
dctragent  aujourd'hui  pour  féconder  l'industrie  des 
sociétés  modernes.  (G.  Tissandier,  ta  Houille,  dans 
la  Bibliothèque  des  Merveilles.) 

La  descente  dans  les  puits  des  houillères.  — 
La  visite  d'une  nouillère  est  toujours  fort  intéres- 
sante, émouvante  même  pour  les  novices.  On  gagne 
les  chantiers  souterrains  par  le  puits.  A  cheval  ou 
debout  sur  une  tonne  suspendue  au  câble,  on 
éprouve  au  départ  comme  un  sentiment  pénible, 
cette  sensation  du  vide  que  produit  la  descente 
dans  un  puits.  La  tonne  frotte  contre  les  parois; 
l'espace  est  limité  et  le  paraît  encore  dcvantage, 
par  suite  de  l'obscurité.  A  peine  est-on  éclairé  par 
les  lampes.  L'eau  filtre  de  la  roche  goutte  Ji  goutte, 
en  pluie  fine,  et  parfois  l'on  su  prend  à  réfléchir 
qu'une  pierre  pourrait  tomber  des  parois  et  vous 
écraser  la  tête,  que  le  câble,  tendu  par  le  poids  et 
dont  on  sent  les  oscillations,  pourrait  aussi  se 
rompre  ou  le  fond  de  la  tonne  s'ouvrir.  Au  milieti 


HUGUES    CAPET 


—  988  — 


HUGUES  CAPET 


du  puits  on  songe  aune  rencontre;,  à  un  accrochage 
possible.  L'obstacle  îranchi,  on  respire  plus  aisé- 
ment; et  bientôt  on  arrive  au  terme  du  voyage, 
heureux  d'en  être  quitte  à  si  peu  de  frais.  J'ai  vu 
des  visiteurs  refuser  de  prendre  ce  chemin  pour 
descendre  dans  une  mine  ;  j'en  ai  vu  d'autres  se 
blottir  au  fond  de  la  benne,  et  là  rester  immobiles 
de  peur.  A  l'arrivée,  il  fallait  littéralement  basculer 
la  cuve  pour  les  en  faire  sortir,  et  ils  ne  repre- 
naient leurs  sens  qu'avec  peine.  Les  mineurs  font 
au  contraire  cette  route  deux  fois  par  jour,  sans 
souci  du  péril;  ils  causent  et  rient  dans  le  trajet  : 
tels  les  vieux  grognards  de  l'empire  allaient  au  feu 
sans  sourciller  et  gaîment  affrontaient  la  mitraille. 

Deux  ou  trois  fois  par  vingt-quatre  heures,  mais 
d'habitude  deux  fois,  le  matin  et  le  soir,  les  postes 
entrent  dans  la  mine.  Le  spectacle  est  curieux  ; 
les  ouvriers  se  pressent  en  foule,  puis,  au  son  de  la 
cloche,  disparaissent  en  groupes  serrés  par  les 
bennes,  les  cages  ou  les  échelles.  On  les  entend 
causer  au  départ;  mais  bientôt  la  voix  se  perd  dans 
le  puits, ce  n'est  plus  qu'un  sourd  murmure;  on  ne 
distingue  que  la  pâle  lueur  des  lumières. 

Dans  quelques  mines,  on  fait  la  prière  avant  la 
descente.  Dans  la  plupart,  on  néglige  ce  soin  ;  mais 
plus  d'un  travailleur  se  signe  dévotement  en  par- 
tant, et  récite  à  voix  basse  une  invocation  à  la 
Viirge  ou  à  sainte  Barbe,  la  grande  patronne  des 
mineurs.  Arrivées  au  fond,  les  bandes  se  séparent 
et  vont  chacune  sur  leur  lieu  de  travail. 

Visitons  ces  différents  quartiers  de  la  mine,  en- 
trons dans  le  dédale  souterrain.  Dans  les  chantiers 
d'abattage,  où  l'on  entend  le  bruit,  où  l'on  sent 
l'odeur  de  la  poudre,  se  tiennent  les  piqueurs. 
Dans  les  galeries,  les  rouleurs,  les  chevaux  se 
pressent,  les  trains  vont  et  viennent.  A  la  place 
d'accrochage,  c'est  le  mouvement  des  tonnes  qu'on 
suspend  ou  détache,  et  le  cri  des  accrocheurs  du 
fond  qui  correspondent  avec  les  receveurs  du  jour. 
Les  lampes  n'éclairent  que  quelques  points,  illumi- 
nant le  visage  des  hommes,  le  contour  des  wagons, 
la  houille  qui  brille  çà  et  là;  le  reste  est  plongé 
dans  l'ombre,  et  néanmoins  cet  ensemble  est  animé, 
saisissant. 

Les  galeries  en  tous  sens  se  croisent  comme  les 
rues  d'une  ville  aux  mille  détours.  Il  y  a  des  car- 
refours, des  places.  Chaque  voie  a  son  nom  et  sa 
destination;  mais  comme  il  n'y  a  pas  de  poteaux 
indicateurs,  on  s'y  perd  les  premiers  jours,  on  s'y 
retrouve  ensuite  par  l'habitude.  Quelques-unes 
des  galeries,  longues,  larges,  bien  ventilées,  for- 
ment les  artères  principales,  les  grandes  rues  : 
c'est  le  beau  quartier  de  la  mine.  Les  autres  sont 
parfois  basses,  étroites,  tortueuses,  à  peine  aérées, 
mal  entretenues,  et  sujettes  d'ailleurs  à  moins  de 
durée  :  ce  sont  comme  de  vieux  quartiers  qui  doi- 
vent disparaître.  Cette  ville  souterraine  est  habitée 
nuit  et  jour  ;  elle  est  éclairée,  mais  par  des  lampes 
fumeuses.  Elle  a  des  chemins  de  fer  que  parcou- 
rent des  chevaux,  des  locomotives.  Elle  a  des 
ruisseaux,  des  canaux  et  des  fontaines,  sources 
d'eau  vive  dont,  il  est  vrai,  on  se  passerait  bien. 
Elle  a  même  certaines  plantes,  certains  êtres  qui 
lui  sont  propres,  et  la  vie,  on  l'a  dit,  semble  y  re- 
vêtir des  formes  spéciales.  C'est  la  cité  noire  et 
profonde,  la  cité  du  charbon,  centre  animé  du  tra- 
vail. (  L.  Simonin,  La  Vie  souterraine.) 

HUGUES  CAPET  ET  LES  PREMIERS  CAPÉ- 
TIENS. —  Histoire  de  France,  VII,  Vlll.  —  Hugues 
Capet  fonda,  en  987,  la  troisième  dynastie  des  rois 
de  France.  C'est  à  l'assemblée  féodale  de  Senlis 
que,  par  l'assentiment  des  barons,  la  nouvelle  fa- 
mille Capétienne  fut  substituée  à  la  famille  des 
Carlovingiens.  Cette  assemblée  avait  été  convoquée 
par  le  dernier  Carlovingien,  Louis  V.  pour  juger 
l'archevêque  de  Reiras,  Adalbéron,  qu'il  accusait'de 
félonie.  Louis  V  étant  mort  sans  enfant,  Adalbéron, 
qui  fut  déclaré  innocent,  proposa  aussitôt  aux  ducs, 


aux  comtes  et  aux  évoques  de  choisir  on  roi 
Charles  de  Lorraine,  oncle  de  Louis  V,  revendiquait 
la  couronne.  L'archevêque  se  prononça  dans  les  ter- 
mes les  plus  passionnés  contre  Charles  et  pour 
Hugues  Capet.  Aux  paroles  d'Adalbéron,  a  mille  sou- 
venirs s'éveillèrent  à  la  fois  et  achevèrent  de  plaider 
victorieusement  en  faveur  de  Hugues.  Où  trouver 
une  race  plus  populaire  ?  Son  premier  ancêtre  connu 
était  ce  Robert  le  Fort  qui,  en  un  temps  de  défail- 
lance générale,  lorsque  les  rois  et  leurs  capitaines 
abandonnaient  la  France  aux  barbares,  s'était  pré- 
senté tout  à  coup  aux  populations  effarées  comme 
un  libérateur.  Son  fils  Eudes  avait  monté  plus  haut 
encore  :  sa  défense  de  Paris  en  avait  fait  un  héros 
national,  et  il  avait  mis  le  comble  à  sa  gloire  par 
ses  victoires  de  Montfaucon  et  de  Montpensier. 
Après  lui,  Robert,  fidèle  aux  traditions  patrioti- 
ques de  la  famille,  avait  à  son  tour  teint  la  bannière 
des  Capétiens  dans  le  sang  des  barbares  du  Nord. 
Hugues  le  Grand,  le  sagace  politique,  moins  soldat, 
moins  désintéressé,  n'en  était  pas  moins  resté 
populaire  pour  avoir  combattu,  à  défaut  des  North- 
nians,  les  Allemands  d'Othon.  ces  autres  enne- 
mis de  la  France  nouvelle.  Hugues  Capet  conti- 
nuait ses  glorieux  ancêtres  par  sa  bravoure,  son 
habileté  et  son  patriotisme.il  avait  singulièrement 
flatté  l'orgueil  de  la  nation  en  arrêtant  sous  les 
murs  de  Paris  l'empereur  Othon  l*'  et  en  infligeant 
une  désastreuse  défaite  aux  bandes  allemandes. 
Peuple  et  Beigneurs  étaient  d'accord  pour  le  re- 
connaître comme  le  chef  naturel  du  mouvement 
féodal.  Tous  les  intérêts  nouveaux  pouvaient  se 
réclamer  de  lui.  Sa  race, sortie  des  entrailles  mêmes 
du  sol,  représentait  le  mélange  des  Gaulois  et  des 
Franks,  de  la  population  primitive  et  de  celle  qui 
l'avait  rajeunie  ;  elle  était  connue  de  tous,  sous  le 
chaume  du  serf  attaché  à  la  glèbe,  comme  sous  les 
cloîtres  du  couvent,  dans  les  palais  des  évêques 
comme  dans  les  donjons  pendus  aux  flancs  des 
montagnes  escarpées  ;  elle  s'oflVait  à  l'imagination 
comme  une  éclatante  personnification  de  la  patrie 
nouvelle,  de  la  Gaule  féodale,  affranchie  de  la  lon- 
gue servitude  romaine  et  entrant  dans  la  vie  libre 
sous  le  nom  de  France.  Hugues  Capet,  de  sa  per- 
sonne, plaisait  à  tous.  Il  était  doux  et  bon  à  tous, 
miséricordieux  pour  les  humbles,  ferme  pour  les 
pervers,  sachant  tenir  une  épée,  mais  aussi  une 
main  de  justice.  Son  fils  Robert,  élevé  par  le  sa- 
vant écolâtre  de  Reims,  passait  pour  un  prince  ac- 
compli, également  habile  au  maniement  des  armes 
et  aux  exercices  des  lettres.  Chacun  des  membres 
de  l'assemblée  nationale,  grand  vassal,  vassal, 
arrière-vassal,  évêque,  clerc  ou  moine,  trouvait  un  ar- 
gument en  faveur  de  cette  candidature  indiquée  par 
tous  les  intérêts  comme  par  toutes  les  sympathies. 
»  A  ces  titres  éclatants  que  pouvait  opposer  le 
duc  Charles  ?  Ah  !  il  avait  le  droit  d'invoquer  le 
souvenir  de  ses  aïeux,  plus  illustres  encore  que 
ceux  du  comte  de  Paris,  si  glorieux  même  que 
depuis  deux  cents  ans  on  n'osait  comparer  per- 
sonne aux  Pépins  et  aux  Karls.  Mais  cette  gloire 
immense  ne  faisait  que  mieux  ressortir  l'irrémé- 
diable décadence  commencée  avec  Louis  le  Dé- 
bonnaire, qui  laissa  briser  l'unité  de  l'empire  ; 
continuée  ensuite  si  tristement  par  Charles  le 
Chauve,  qui  ne  défendit  pas  mieux  sa  royauté 
contre  les  seigneurs  que  son  pays  contre  l'étran- 
ger; par  Louis  le  Bègue,  qui  paya  de  sa  ruine  quel- 
ques jours  do  règne  ;  par  Charles  le  Gros,  dont  la 
lâcheté  révolta  sept  royaumes  ;  par  Charles  III  qui 
fut  un  simple  d'esprit  ;  par  Louis  dOutre-mer, 
vaillant  soldat  qui  ne  se  maintint  sur  une  ombre 
de  trône  que  par  le  secours  de  l'étranger;  et 
enfin  par  Lothaire,  qui  livra  sux  Allemands  la 
France  de  l'est,  la  vieille  Australie,  berceau  de 
tous  les  siens.  Cette  race  dégénérée  n'avait  pas 
seulement  contre  elle  le  sentiment  national,  cruel- 
lement  blessé,  mais   elle  avait  surtout  les  idées 


HUGUES    GAPET 


989  — 


HUGUES  GAPET 


qu'elle  personnifiait,  ces  théories  de  gouvcnioment 
qu'elle  avait  empruntées  à  la  Rome  impériale  et 
qui  étaient  la  négation  formelle  du  droit  nouveau.- 
Elle  était  la  centralisation  lorsque  déjà  avait  triom- 
phé le  fractionnement  de  la  souveraineté  ;  l'unité 
lorsque  la  division  était  faite  ;  le  passé  loi'sque  le 
présent  et  l'avenir  étaient  devenus  les  plus  forts. 
Depuis  cent  ans,  elle  était  combattue,  repoussée 
comme  une  contradiction  et  une  menace.  Elle  n'a- 
vait réussi  à  prolonger  son  existence  factice  que 
par  l'intervention  étrangère  et  le  patronage  de 
l'Eglise  :  ce  double  appui  venant  à  lui  manquer, 
elle  ne  pouvait  plus  vivre.  La  fortune  semblait 
d'ailleurs  s'appliquer  à  prévenir  tout  regret  popu- 
laire, en  lui  donnant,  comme  dernier  représentant, 
ce  misérable  Charles,  souillé  depuis  dix  ans  dans 
les  orgies,  sans  esprit,  sans  cœur,  sans  initiative 
ni  énergie,  incapable  de  faire  violence  aux  desti- 
nées implacables  qui  avaient  condamné  sans  retour 
la  monarchie  de  forme  romaine.  «  (Ernest  Morin, 
les  Comtes  de  Paris,  histoire  de  l'avènement  de  In 
troisième  race.  —  Nous  avons  reproduit  cette  remar- 
quable page,  parce  qu'elle  nous  paraît  résumer  les 
causes  et  le  vrai  caractère  de  la  révolution  de  987.) 

Toute  l'assistance  applaudit  aux  paroles  d'Adal- 
béron^  et  «  du  consentement  commun,  Hugues  fut 
élevé  à  la  royauté.  >>  Ainsi  le  chef  de  la  troisième 
race  dut  sa  couronne  à  la  volonté  des  grands  feu- 
dataires  de  la  France  septentrionale.  L'avènement 
de  Hugues  Capet  marque  donc  le  triomphe  de  la 
féodalité,  c'est-à-dire  du  morcellement  et  de  la 
division  du  pouvoir,  sur  l'unité  monarchique  que 
les  Garlovingiens  avaient  vainement  essayé  d'établir. 

L'histoire  des  premiers  Capétiens  est  aussi  ob- 
scure que  celle  des  derniers  Carlovingiens.  Hu- 
gues Capet  ou  Chapet  ^qui  porte  la  chappe)  dut 
distribuer  des  fiefs  et  des  privilèges  pour  se  con- 
cilier le  clergé  et  la  féodalité  de  son  duché.  Char- 
les de  Lorraine,  son  compétiteur,  l'attaqua,  et  fut 
soutenu  par  l'archevêque  de  Reims,  Arnoul.  Mais 
les  troupes  de  Charles  commirent  tant  de  dévasta- 
tions que  son  allié  Arnoul  fut  obligé  de  le  frapper 
d'excommunication.  Hugues  reprit  Reims,  surprit 
Charles  à  Laon  et  l'emprisonna  dans  la  tour  d'Or- 
léans avec  toute  sa  famille.  Mais  il  n'en  fut  guère 
plus  puissant.  Au  nord  de  la  Loire,  son  titre  était 
reconnu,  mais  par  des  barons  qui  s'appelaient  ses 
pairs.  Au  sud  de  ce  fleuve,  les  nobles  vivaient 
«  sous  le  règne  de  Dieu,  en  attendant  un  roi.  »  Ils 
agissaient  en  maîtres  sur  leurs  domaines,  et  se 
faisaient  la  guerre  sans  s'inquiéter  du  seigneur  de 
Paris.  Adalbert  de  Périgord  ayant  conquis  sur 
Guillaume  Fier- à-Bras,  duc  d'Aquitaine,  les  comtés 
de  Tours  et  de  Poitiers,  Hugues  lui  envoya  ce 
message  :  «  Qui  t'a  fait  comte?  »  —  «  Qui  t'a  fait 
roi?  »  répondit  le  baron,  et  il  garda  sa  conquête. 
Cependant  le  premier  des  Capétiens  se  donna 
deux  avantages  :  son  alliance  intime  avec  le  clergé 
lui  donna  l'appui  de  la  seule  puissance  capable  de 
terrasser  la  force  brutale  delà  féodalité  ;  et  la  monar- 
chie, jusqu'alors  élective,  devint  héréditaire,  parce 
que  le  sacre  usurpa  sur  le  droit  d'éleclion. 

Robert*  (996-1031),  successeur  de  Hugues  Capet, 
était  pieux  et  bon.  Comme  Louis  le  Débonnaire, 
il  faisait  de  fréquentes  prières  ;  il  allait  souvent  à 
l'église  de  Saint-Denis,  en  habits  royaux,  pour 
chanter  avec  les  moines.  L'riglise  répète  encore  les 
hymnes  qu'il  avait  composées  :  0  cojistanti't  mar- 
tyrum!  Veni  Sancte  Spiritus.  Il  nourrissait  tous 
les  jours  trois  cents  pauvres,  et  donnait  aux  men- 
diants un  libre  accès  dans  sa  demeure.  Un  jour, 
l'un  d'eux,  assis  pondant  le  repos  du  roi,  coupait 
les  glands  d'or  de  son  manteau;  Robert  se  penclia 
en  disant  :  «  Ami,  il  faut  en  laisser  pour  les  autres.» 
II  avait  épousé  Berthc  de  Bourgogne,  sa  cousine  ; 
l'Eglise  l'excommunia,  malgré  sa  piété,  et,  aj)r(''s 
une  résistance  de  deux  années,  il  se  sépara  do 
Berthe  et  épousa  Constance,  filin  du  comte  de  Tou- 


louse. La  reine  amena  avec  elle  «ne  suite  d'Aqui- 
tains, dont  le  costume,  les  manières  et  l'esprit 
déplurent  fort  aux  Français  du  nord  :  «  Leurs 
armes  et  les  harnais  de  leurs  chevaux  étaient  éga- 
lement négligés,  dit  un  contemporain,  leurs  che- 
veux ne  descendaient  qu'à  la  moitié  de  la  tête;  ils 
se  rasaient  la  barbe,  comme  des  baladins;  por- 
taient des  bottes  et  des  chaussures  indécentes; 
enfin,  il  ne  fallait  attendre  d'eux,  dans  les  alliances, 
ni  foi,  ni  siireté.  »  La  reine  elle-même  tourmenta 
Robert  par  son  caractère  impérieux  et  acariâtre. 
Elle  le  faisait  trembler  par  ses  violences  et  n'épar- 
iïnait  ni  son  fils  aîné,  qu'elle  haïssait,  ni  ses  ser- 
viteurs. Un  jour,  à  Orléans,  elle  reconnut  parmi 
des  malheureux  condamnés  pour  hérésie  un  prêtre 
qui  avait  été  son  confesseur  ;  elle  courut  à  lui  et 
lui  creva  un  œil  avec  une  broche  de  fer.  Robert 
avait  fait  sacrer  Henri,  son  aîné.  Constance  sou- 
leva ses  deux  autres  fils  contre  leur  père  ;  le  roi 
les  battit  et  leur  pardonna. 

Lorsque  le  duc  de  Bourgogne,  Henri,  fils  de 
Hugues  Capet,  mourut  sans  postérité,  le  roi  reven- 
diqua le  duché  en  vertu  de  la  loi  des  fiefs.  Mais 
Otto-Guillaume,  fils  d'un  premier  mari  de  la  du- 
chesse de  Bourgogne,  réclama  l'héritage,  et  soutint 
contre  le  roi  une  guerre  qui  dura  quatorze  ans. 
Klle  se  termina  par  un  compromis  :  Robert  eut  la 
la  Bourgogne,  Otto-Guillaume  la  Franche-Comté 
et  le  comté  de  Dijon.  Les  grands  feudataires  avaient 
peu  de  respect  pour  ce  prince  pacifique  et  sans 
puissance.  Il  n'est  pas  étonnant  que  ce  roi  si  peu 
maître  dans  son  royaume  n'ait  voulu  accepter  ni 
l'Italie  pour  son  fils,  nilaLorraine  pour  lui-même. 
Il  mourut  àMelun,  âgé  de  soixante-dix  ans. 

Henri  I^'*  (103Î-1060)  eut  d'abord  à  lutter  contre 
sa  mère  Constance,  qui  voulait  assurer  la  Bour- 
gogne à  son  fils  préféré,  Robert.  Henri,  aidé  par 
Robert  le  Diable,  duc  de  Normandie,  battit  son 
frère  à  Villeneuve-Saint-Georges,  mais  lui  céda  la 
Bourgogne  pour  apaiser  la  colère  de  Constance  : 
Robert  fut  la  tige  de  la  première  maison  capé- 
tienne de  Bourgogne,  qui  porta  la  couronne  ducale 
jusqu'en  1361,  sans  beaucoup  d'éclat.  Henri  vain- 
quit ensuite  son  second  frère,  Eudes,  le  fit  prison- 
nier et  l'enferma  dans  le  château  d'Orléans.  Enfin, 
après  avoir  protégé  le  jeune  Guillaume  de  Nor- 
mandie, le  futur  conquérant  de  l'Angleterre,  il 
l'attaqua  et  fut  vaincu. 

Philippe  I"*  (lOGO-1108)  fut  plus  incapable  en- 
core que  ses  prédécesseurs  et  se  montra  plus 
impuissant.  Vaincu  à  Mantes  par  son  puissant 
vassal,  Guillaume  le  Conquérant,  roi  d'Angleterre, 
il  fit  peser  sur  ses  sujets  une  brutale  tyrannie.  Il 
vendait  les  évêchés  et  les  abbayes  et  détroussait 
les  voyageurs  ;  il  répudia  sa  femme,  Berthe,  pour 
épouser  Bertrade  de  Montfort,  femme  divorcée  de 
Foulques-le-Réchin,  comte  d'Anjou.  Le  pape  Ur- 
bain II  l'excommunia  au  concile  de  Clermont  (1095), 
et  Philippe  fut  obligé  de  renvoyer  Bertrade.  A 
partir  de  1099,  vieilli  par  les  excès,  il  abandonna 
le  gouvernement  à  son  fils,  Louis  VI. 

Les  quatre  premiers  Capétiens  furent  les  chefs 
nominaux  de  la  France.  Dans  cette  période  d'un 
siècle  qui  vit  l'impuissance  complète  de  la  mo- 
narchie, deux  faits  dominent  l'histoire:  la  misère 
croissante  du  peuple  et  les  aventures  héroïques  de 
la  féodalité  française. 

Le  dixième  siècle  fut  pour  la  population  des  villes 
et  des  campagnes  un  siècle  de  fer.  La  fréquence 
des  guerres  privées,  les  ravages  dos  armées  féo- 
dales sur  le  plat  pays  avaient  provoqué  des  famines 
terribles  :  on  mangeait  l'écorce  des  arbres,  l'herbe 
des  champs,  les  cadavres  des  cimetières.  «  Le 
voyageur,  dit  le  moine  Raoul  Glaber,  assailli  sur 
la  route,  succombait  sous  les  coups  de  ses  agres- 
seurs ;  SCS  membres  étaient  déchirés,  grillés  au 
feu  et  dévorés  ;  d'autres,  fuyant  leur  pays  pour 
fuir   aussi  la   famine,   recevaient  l'hospitalité  sur 


HUILES 


990 


HUILES 


les  chemins  et  leurs  hôtes  les  égorgeaient  pendant 
la  nuit  pour  les  manger.  »  L'excès  de  la  misère 
amena  Tcxcès  du  désespoir.  Pendant  les  trois 
années  qui  précédèrent  Tan  1000,  des  pluies  tor- 
rentielles inondèrent  la  terre  et  noyèrent  toutes 
les  semences;  la  famine  redoubla,  la  lèpre  elles 
maladies  contagieuses  décimèrent  la  population, 
et  on  vit  le  présent  si  triste  qu'on  détourna  les 
yeux  de  l'avenir.  Les  prêtres  lurent  la  prophétie 
de  l'Apocalypse,  qui  annonçait  la  fin  du  monde  au 
bout  de  mille  ans.  L'an  KidO  passa,  et  l'homme 
renaquit  Ji  l'espérance  et  à  la  vie.  Mais  l'Église, 
qui  avait  seule  consolé  le  misérable  aux  jours  de 
douleur,  garda  tout  son  empire.  Institutrice  et 
directrice  des  petits  qui  écoutaient  et  croyaient 
sans  discuter,  elle  entreprit  de  leur  donner  la  paix 
et  la  sécurité.  \ 

Les  guerres  privées  étaient  la  cause  de  bien  ; 
des  malheurs.  L'Égli?e,  ne  pouvant  imposer  une  | 
paix  durable  h  une  société  qui  considérait  la  guerre  ;■ 
comme  un  droit,  résolut  de  mettre  des  bornes  à 
ce  mal  qu'elle  ne  pouvait  guérir  radicalement.  Elle 
se  contenta  de  placer  sous  la  sauvegarde  de  la  paix 
perpétuelle  les  édifices  religieux,  les  clercs,  les 
enfants,  les  pèlerins,  les  femmes,  les  laboureurs, 
les  instruments  de  travail.  Quant  aux  barons,  elle 
leur  permit  de  se  battre,  en  leur  fixant  rigoureu- 
sement les  jours  où  ils  devaient  s'abstenir  ;  la  trêve 
de  Dieu  durait  depuis  le  mercredi  au  coucher  du 
soleil  jusqu'au  lundi  au  soleil  levant  ;  elle  com- 
prenait en  outre  tous  les  jours  depuis  le  commen- 
cement de  l'Avent  jusqu'à  l'octave  de  TÉpiphanie, 
et  depuis  le  commencement  des  Rogations  jusqu'à 
l'octave  de  la  Pentecôte.  Cette  trêve,  établie  dans 
les  diverses  provinces  françaises  de  lO^il  à  1042, 
devint  bientôt  générale  dans   l'Europe  chrétienne. 

Pour  faire  exécuter  ses  décrets,  le  clergé  se 
servait  de  l'arme  terrible  de  l'excommunication. 
Alors  les  évoques  et  les  prêtres  renversaient  les 
cierges  qu'ils  tenaient  à  la  main  et  les  jetaient  à 
terre,  et  du  sein  de  l'obscurité  on  entendait  reten- 
tir les  cris  de  joie  du  pauvre  peuple  qui  avait 
trouvé  un  protecteur.  De  telles  cérémonies  frap- 
paient vivement  les  imaginations,  et  donnaient 
aux  serfs  le  courage  de  refuser  l'obéissance  aux 
barons  excommuniés. 

Mais  l'Église  eut  peur  d'user  l'arme  de  l'excom- 
munication en  l'employant  trop  souvent.  Aussi, 
avec  une  admirable  habileté,  elle  prit  possession 
de  la  féodalité  elle-même  :  elle  en  fit  la  chevalerie. 
Elle  entoura  de  cérémonies  religieuses  l'investiture 
du  jeune  clievalier.  Le  jeiine,  la  veille  des  armes, 
les  longues  prières,  les  confessions  et  la  commu- 
nion étaient  la  préparation  habituelle  à  la  prise 
d'armes.  Outre  le  serment  de  fidélité  à  son  suze- 
rain, le  jeune  chevalier  prêtait  celui  de  garder  sa 
foi  intacte,  de  protéger  les  faibles  et  de  combattre 
les  pervers. 

Cette  époque,  qui  fut  si  dure  pour  le  pauvre 
peuple,  fut  au  contraire  l'âge  héroïque  de  la  féo- 
dalité. Son  histoire  est  partout  :  elle  est  dans  les 
châteaux  féodaux  où  régnent  en  souverains  les 
barons  ;  elle  est  à  Naples,  en  Angleterre,  en  Por- 
tugal, où  des  seigneurs  français  vont  conquérir 
des  royaumes  ;  elle  est  sur  le  chemin  de  Jérusa- 
lem, où  la  France  marche  à  la  tête  de  l'Europe 
chrétienne  pour  repousser  une  nouvelle  invasion 
musulmane.  —  V.  Féodalité,  Chevalerie,  GuU- 
Icnane  le  Co7iquérant,  Normands,  Portugal,  Croi- 
sades. [Désiré  Blanchet.] 

IIUILKS.  —  Chimie,  XXIV.  —  Ce  nom  s'applique 
à  des  substances  bien  différentes,  autant  par  leurs 
propriétés  physiques  et  chimiques,  que  par  leur 
composition. 

On  dit  huiles  fixes  ou  huiles  grasses  pour  dési- 
gner les  corps  gras  liquides  extraits  des  végétaux 
ou  des  animaux;  et  les  noms  û' huiles  essentielles 
ou  esyenn^s,  ou  encore  d'/iuiles  vvlatUcs,   s'appli- 


quent à  des  produits  végétaux  toujours  volatils, 
k  odeurs  fortes,  pénétrantes,  presque  toujours 
agréables,  et  d'une  saveur  acre  et  caustique  ;  ces 
huiles  sont  peu  solubles  dans  l'eau,  mais  très  so- 
lubles  dans  l'alcool  et  principalement  dans  l'éther. 
On  donne  le  nom  d'huiles  minérales  à  des  hydro- 
carbures (hydrogènes  carbonés)  liquides,  extraits 
du  sol,  et  qui  sont  aujourd'hui  très  employés 
comme  combustibles,  pour  chaufl'er  et  éclairer. 

Les  huiles  médicinales  ne  sont  point  des  pro- 
duits particuliers  proprement  dits,  mais  des  disso- 
lutions de  substances  médicinales  dans  une  huiln 
fixe;  c'est  le  résultat  d'une  décoction  ou  d'une 
macération,  dans  l'ôuile   d'olive  le   plus  souvent. 

Autrefois  on  donnait  même  le  nom  d'huile  à  tout 
ce  qui  avait  l'aspect  oléagineux  ;  c'est  ainsi  qu'on 
disait  huile  de  vitriol  pour  désigner  l'acide  sul- 
furique,  à  cause  de  sa  consistance. 

Enfin  les  huiles  empyreumatiqucs  sont  le  résul- 
tat de  la  distillation  à  feu  nu  de  certaines  substan- 
ces animales  ou  végétales  ;  elles  ont  généralement 
une  odeur  désagréable  et  caractéristique  ;  on  se 
sert  encore  en  médecine  de  l'huile  empyreumati- 
que  de  corne  de  cerf,  qui  résulte  de  la  distillation 
de  la  corne  de  cerf.  Les  huiles  minérales,  le  pé- 
trole, le  naphte  ne  sont,  sans  doute,  que  des  huiles 
empyreumatiqucs  naturelles. 

Huiles  fixes  ou  huiles  gi'osses.  —  Caractères, 
coryiposition,  mages.  —  Ce  sont  des  corps  gras 
neutres  liquides;  M.  Chevreul,  comme  nous  l'a- 
vons dit  ailleurs  (V.  Corps  gt-as),  en  a  étudié  toutes 
les  propriétés,  et  M.  Berthelot  en  a  fait  la  syn- 
thèse, et  a  démontré  qu'on  pouvait  les  considérer, 
ainsi  que  tous  les  corps  gras,  comme  des  éthers 
composés'. 

Toutes  les  huiles  grasses  ont  un  principe  immé- 
diat commun,  qu'on  appelle  glycérine  ou  principe 
doux  des  huiles,  et  qui  a  été  étudié  pour  la  pre- 
mière fois  par  Scheele.  Ce  corps  est  un  liquide 
doux,  sucré,  incolore,  oléagineux,  qu'on  prépare 
aujourd'hui  en  grand  pour  diverses  industries 
(parfumerie,  fabrication  de  la  niiro-glycérine,  etc.). 
Dans  les  huiles  srasses,  la  glycérine  est  unie  à 
diverses  substances  analogues  entre  elles,  mais 
dilTérant  tin  peu  selon  l'origine  de  l'huile.  Ainsi, 
dans  l'huile  d'olive,  cette  substance  est  l'acide 
oléique,  et  son  union  avec  la  glycérine  constitue 
l'oléine;  dans  l'huile  de  palme,  l'huile  de  coco,  on 
trouve,  outre  l'oléine,  de  la  palmitine,  de  la  bu- 
tyrinc,  coniposccs  de  glycérine  et  d'acide  palmi- 
tique  ou  d'acide  butj'rique. 

Comme  nous  l'avons  déjà  dit  à  l'article  Corps 
gras,  saponifier  une  huile,  c'est  séparer  la  glycé- 
rine de  l'acide  gras,  en  la  traitant  par  un  alcali 
qui  forme  avec  l'acide  un  savon.  Ce  dédoublement 
exige  la  fixation  d'une  certaine  quantité  d'eau.  En 
Angleterre,  on  saponifie  l'huile  de  palme,  qui  ar- 
rive en  grande  quantité  d'Amérique,  en  la  traitant 
par  la  vapeur  d'eau  surchauffée  à  300°. 

Caractères  gé7iéraux  des  huiles  grasses.  —  Elles 
sont  d'une  couleur  qui  varie  du  jaune  brun  foncé 
au  jaune  clair,  quelques-unes  sont  incolores  ;  elles 
tachent  le  papier  d'une  façon  indélébile.  Celles  cjui 
sont  d'origine  végétale  se  rencontrent  principa- 
lement dans  les  graines;  on  les  en  extrait  par 
pression,  à  chaud  ou  à  froid;  on  les  épure  en  les 
îjattant  avec  2  à  3  pour  100  de  leur  poids  d'acide 
sulfurique,  et  en  y  dirigeant  un  courant  de  vapeur 
d'eau.  La  saveur  rance  qu'elles  prennent  quelque- 
fois est  due  à  la  présence  de  l'acide  butyrique 
ou  valérique.  Toutes  les  huiles  grasses  sont  plus 
légères  que  l'oau.  Quand  on  les  chauffe,  elles  dis- 
tillent eu  se  décomposant  en  partie;  traitées  par 
l'acide  azotique,  elles  se  décomposant  en  s'oxydant 
aux  dépens  de  l'acide  :  l'action  est  quelquefois 
très  vive  et  il  se  dégage  de  grandes  quantité  s 
de  vapeurs  rutilantes. 

Artion  de  l'air  sur  les  huiles.  —  Exposées  M'rir, 


HUILES 


—  991  — 


HUMIDITE 


les  huiles  grasses  s'oxydeut  peu  à  peu,  s'épaissis- 
sent quelquefois  :  ce  sont  les  huiles  siccatives  ; 
telles  sont  les  huiles  de  lin,  de  noix,  de  chènevis;. 
elles  sont  employées  dans  la  fabrication  des  cou- 
leurs et  des  vernis  h.  l'huile.  Les  huiles  non  sicca- 
tives, comme  l'huile  d'olive,  d'amandes  douces, 
de  faîne,  de  noisette,  absorbent  aussi  l'oxygène, 
mais  restent  liquides  et  rancissent.  Les  huiles  dis- 
solvent le  soufre,  le  phosphore,  et  se  mélangent 
au  sulfure  de  carbone  et  au  protochlorure  de 
phosphore  (Wuriz). 

Usages  des  huiles  grasses.  —  Tout  le  monde 
connaît  les  usages  domestiques  des  huiles  d'olive, 
de  faîne,  de  noix,  de  lin,  etc.  ;  l'industrie  des  savons 
en  consomme  de  prodigieuses  quantités,  ainsi  que 
celle  des  conserves,  la  fabrication  des  vernis,  etc. 

Presque  toutes  les  huiles  sont  employées  en 
médecine;  l'huile  de  croton,  huile  acre  extraite  de 
sraines  de  Tilly  des  Moluques,  est  employée  à 
faire  des  vésicatoires  à  la  dose  dune  ou  deux 
gouttes  ;  elle  est  très  dangereuse.  L'huile  de  ricin 
s'emploie  comme  purgatif  à  la  dose  de  15  à  ^0 
grammes.  L'huile  de  foie  de  morue,  extraite  du  foie 
de  morue  en  putréfaction,  est  un  agent  réparateur 
enijiloyé  contre  le  scrofule,  la  phtisie,  le  rachi- 
tisme ;  elle  doit  sans  doute  son  efficacité  aux  3  ou 
4  dix-millièmes  d'iode  qu'elle  renferme. 

Huiles  essentielles  ou  essences.  —  Elles  se  ren- 
contrent dans  les  feuilles,  les  fruits,  les  tiges,  les 
racines;  souvent  le  même  végétal  en  contient 
plusieurs.  Elles  sont  quelquefois  le  produit  d'une 
fermentation  :  ainsi  l'essence  de  moutarde  ne  se 
développe  que  quand  on  met  la  graine  de  mou- 
tarde en  contact  avec  l'eau. 

Composition  des  huiles  essentielles.  —  Un  grand 
nombre  sont  des  hydrogènes  carbonés,  ne  conte- 
nant absolument  que  du  carbone  et  de  l'hydrogène  ; 
celles-là  sont  très  combustibles  :  telles  sont  l'es- 
sence de  térébenthine,  G-'^H'^:  de  citron,  C'^H*. 
D'autres  contiennent  en  outre  de  l'oxygène,  comme 
le  camphre  de  Bornéo,  C-^HisQ^;  l'essence  de 
menthe,  C^oH^OQ^;  celle  de  cannelle,  CiSR^O^; 
celle  d'amandes  amères,  C'«H80-.  D'autres  enfin 
contiennent  du  soufre,  par  exemple  les  essences 
d'ail,  de  moutarde. 

On  donne  encore  le  nom  d'huiles  essentielles  à 
certains  produits  qui  chimiquement  rentrent  dans 
la  classe  des  alcools:  ainsi  l'alcool  amylique  s'ap- 
pelle souvent  huile  de  pomme  de  terrr,  pour  rap- 
peler que  cette  substance  prend  naissance  dans  la 
fermentation  des  pommes  de  terre. 

Extraction  des  huiles  essentielles.  —  La  plupart 
s'obtiennent  par  distillation  dans  un  alambic  de  la 
substance  végétale  mélangée  à  l'eau.  Le  produit 
aqueux  de  la  distillation  est  ensuite  placé  dans  un 
récipient  florentin;  quand  l'essence  est  moins 
lourde  que  l'eau,  elle  s'y  condense  par  l'écoule- 
ment de  celle-ci  ;  dans  le  cas  contraire,  on  l'extrait 
par  le  col  du  récipient.  Après  la  séparation,  l'eau 
reste  parfumée  et  peut  encore  entrer  dans  le  com- 
merce, comme  l'eau  de  fleur  d'oranger.  L'essence 
de  térébenthine  s'obtient  par  la  distillation  en  grand 
de  la  térébenthine  ;  il  reste  de  la  colophane  comme 
résidu. 

L'essence  de  citron  s'obtient  par  la  compression 
ou  par  la  distillation  de  l'écorce  de  citron  ;  il  en  est 
de  même  des  essences  d'écorce  d'orange,  de  ber- 
gamoile,  de  genièvre,  de  copahu.  Certaines  essences 
altérables  s'extraient  par  des  lavages  à  l'éther,  à 
l'alcool  ou  même  au  sulfure  de  carbone. 

Usages  des  huiles  essentielles.  —  L'essence  de 
térébenthine,  do  beaucoup  la  plus  importante,  est 
employée  principalement  dans  la  fabrication  des 
vernis  et  des  couleurs,  puis  dans  le  dégraissage  des 
étoffes  ;  elle  sert  à  détacher  le  bois  et  à  proparer 
certaines  substances  qu'elle  dissout. 

Le  camphre  a  de  très  nombreux  usages,  il  est  | 
an;i;)utride  et  antiseptique;  on  l'emploie  comme  i 


tel  en  médecine  ;  en  dissolution  dans  un  mé- 
lange d'alcool,  d'ammoniaque  et  de  sel  de  cui- 
sine, il  forme  Veau  sédative,  si  préconisée  par 
Raspail  contre  la  migraine,  les  douleurs  rhumatis- 
males, les  contusions,  les  entorses,  etc.  Dans  l'éco- 
nomie domestique,  le  camphre  est  employé  en  pou- 
dre pour  conserver  les  fourrures,  la  laine  et  la  soie. 

L'essence  de  citron  est  employée  dans  la  parfu- 
merie et  la  confiserie,  dans  l'économie  domestique  : 
c'est  un  vermifuge  et  un  cordial.  L'essence  de 
carvi  est  un  stomachique.  L'essence  de  genièvre 
est  employée  comme  diurétique  ;  dans  l'industrie 
elle  sert  à  parfumer  certaines  eaux-de-vie.  L'essence 
d'anis   est  un  stomachique  et  un  digestif. 

La  plupart  des  liqueurs  aromatiques  s'obtiennent 
par  la  distillation  de  l'alcool  avec  la  plante  qui 
contient  le  parfum  que  l'on  veut  avoir.  Dans  la 
parfumerie,  on  se  sert  beaucoup  de  l'essence 
d'amandes  amères,  qui  ne  préexiste  pas  dans  les 
amandes,  mais  qu'on  obtient  en  distillant  les  tour- 
teaux après  qu'ils  ont  séjourné  10  à  12  heures 
au  contact  de  l'eau.  Ce  qui  passe  à  la  distillation 
contient,  outre  l'essence,  de  Tacide  benzoîque  et  de 
l'acide  cyanhydrique  tprussique),  qui  est  un  poison 
violent;  on  obtient  l'essence  pure  par  une  nou- 
velle distillation  avec  de  la  chaux  hydratée  et  du 
chlorure  de  fer.  Cette  essence  tend  à  être  de  plus 
en  plus  remplacée  par  la  nitro- benzine,  qui  a  la 
mémo  odeur  et  qu'on  obtient  facilement  par  l'action 
de  l'acide  azotique  sur  la  benzine. 

Huiles  minérales.  —  On  appelle  ainsi  un  certain 
nombre  de  substances  liquides  noires,  brunes  ou 
jaunes,  qu'on  rencontre  naturellement  dans  le  sol, 
et  qui  sont  formées  d'hydrogènes  carbonés  mélan- 
gés à.  des  composés  toujours  riches  en  carbone  et 
en  hydrogène,  mais  contenant  aussi  de  l'oxygène. 
On  peut  séparer  ces  dififérents  produits  par  des 
distillations  successives  :  tels  sont  les  bitumes, 
l'asphalte,  le  pétrole,  l'huile  de  naphte.  On  est 
d'accord  pour  considérer  ces  substances  comme 
le  résultat  d'une  distillation  naturelle,  et  dans -des 
conditions  plus  ou  moins  connues,  des  produits 
houilliers;  cependant  on  en  rencontre  dans  des 
terrains  plutoniens  et  par  conséquent  antérieurs 
au  terrain  houillier.  Le  pétrole  est  de  beaucoup  le 
plus  important  ;  on  en  fait  aujourd'hui  partout  une 
consommation  prodigieuse  comme  combustible,  de- 
puis que  l'on  a  découvert  dans  l'Amérique  septen- 
trionale des  sources  d'une  abondance  inépuisable. 
On  en  extrait  en  France  près  de  Pézénas  dans 
l'Hérault,  au  village  de  Gabian.  L'huile  de  naphte 
provient  surtout  des  bords  de  la  mer  Caspienne. 
[Alfred  Jacquemart.] 

HUMIDITÉ.—  Météorologie,  111;   Hygiène,  VL 

—  L'humidité  de  l'air  a  pour  mesure  son  état,  ou 
son  degré  hi/grométrique,  c'est-à-dire  le  rapport 
qui  existe  entre  la  quantité  de  vapeur  d'eau  réelle- 
ment contenue  dans  l'air  et  la  quantité  de  vapeur 
qui  y  serait  contenue  si  cet  air  en  était  saturé.  Ce 
rapport  ou  quotient  s'appelle  encore  degré  de  sa- 
turation. 

Le  degré  hygrométrique  ou  de  saturation,  par 
cela  même  qu'il  n'est  que  le  rapport  de  deux  ter- 
mes dont  chacun  peut  varier  d'une  manière  indé- 
pendante de  l'autre,  ne  peut  par  lui-même  fournir 
aucune  indication  précise  sur  la  quantité  de  va- 
peur contenue  dans  l'air  ;  il  y  faut  joindre  une 
autre  donnée  :  la  température. 

A  égal  degré  hygrométrique,  l'air  contient  beau- 
coup plus  de  vapeur  d'eau  en  été  qu'en  hiver  ;  il 
est  également  capable  d'en  prendre  plus  en  été 
qu'en  hiver  avant  d'atteindre  la  saturation.  Mais 
l'été  n'agit  ici  que  par  sa  chaleur,  et  une  chaleur 
artificielle  conduit  au  même  résultat. 

On  a  imaginé  divers  instruments  pour  mesurer 
la  quantité  de  vapeur  d'eau  contenue  dans  l'air. 

—  'V.  Hygrométrie. 

L'humidité  agit  sur  nous  de  diverses  manière». 


HUMIDITÉ 

Notre  corps  pord  sans  cesse  de  Teau  qui  baigne 
nos  organes  ;  il  en  perd  par  la  surface  interne  des 
poumons  et  par  la  surface  extérieure  de  la  peau. 

La  perte  par  les  poumons  est  à  peu  près  indé- 
pendante de  l'état  hygrométrique  de  l'air:  elle 
ne  dépend  que  de  la  ((uaniiié  de  vapeur  réelle- 
ment contenue  dans  l'air.  L'air  qui  en  sort  est  à  peu 
près  à  une  température  constante,  hiver  comme  été. 
Il  emporte  avec  lui  une  masse  de  vapeur  finale- 
ment à  peu  près  constante  aussi  ;  le  supplément 
qu'il  en  a  pris  dans  la  poitrine  est  donc  d'autant  plus 
grand  que  sa  provision  première  était  plus  faible, 
conséqueniment  plus  grande  en  hiver  qu'en  été. 
La  perte  de  vapeur  d'eau  par  la  peau  est  au 
contraire  plus  grande  en  été  qu'en  hiver;  et 
comme  la  vaporisation  de  l'eau  est  une  cause  de 
consommation  de  chaleur,  cette  cvaporation  cu- 
tanée est  une  source  de  fraîcheur  pour  nous.  Cet 
avantage  a  toutefois  sa  contre-partie.  Quand,  à  la 
suite  d'un  exercice  un  peu  fort,  ou  dans  une  at- 
mosphère chaude  et  liumide,  nous  avons  besoin  de 
dépenser  un  excès  de  chaleur  existant  en  nous,  la 
peau  fonctionne  plus  activement  pour  fournir 
l'eau  qui,  en  s'évaporant,  nous  débarrassera  de 
cette  chaleur.  Si  alors  nous  pénétrons  dans  un  lieu 
frais  ou  si  nous  nous  exposons  à  un  courant  d'air 
intempestif,  une  réaction  se  produit  en  nous  qui 
n'est  pas  sans  danger.  Un  séjour  habituel  ou  trop 
prolongé  dans  des  lieux  frais  et  Immides  n'est 
également  pas  sans  exposer  à  de  sérieux  inconvé- 
nients. L'action  est  souvent  très  lente  à  se  mani- 
fester, mais  la  constitution  n'en  est  pas  moins 
fortement  atteinte,  et  les  affections  rhumatismales 
'ont  sou  vent  pas  d'autre  origine.  Il  est  bon  de 
placer  un  hygromètre  dans  ces  appartements  pour 
constater  leur  état  et  les  améliorations  que  l'aéra- 
tion peut  y  apporter. 

L'humidité  peut  être  envisagée  à  d'autres  points 
de  vue.  L'air  le  plus  pur  en  apparence  renferme 
encore  des  corpuscules  d'origine  organique  d'une 
excessive  ténuité,  dont  plusieurs  paraissent  exercer 
sur  nous  une  influence  des  plus  fâcheuses  quand 
la  respiration  leur  permet  de  pénétrer  dans  notre 
organisme.  Il  en  est  ainsi  notamment  des  miasmes 
paludéens  qui  causent  les  fièvres  intermittentes. 
Dans  certaines  vallées  dont  le  sol  est  en  partie 
couvert  par  les  eaux,  l'air,  en  se  refroidissant  gra- 
duellement sur  le  soir,  atteint  et  dépasse  même 
souvent  son  degré  de  saturation  :  il  se  forme  des 
brumes  qui  tendent  h  descendre,  entraînant  avec 
elles  les  miasmes  qu'elles  rencontrent  dans  l'at- 
mosphère et  favorisant  ainsi  leur  absorption  par 
ceux  qui  s'y  exposent. 

On  a  supposé  jusqu'à  ces  derniers  temps  que 
l'eau  du  sol,  en  s'évaporant,  pouvait  entraîner  avec 
elle  dans  l'atmosphère  les  miasmes  de  natures  di- 
verses qui  se  développent  sur  la  surface  des  terres 
abandonnées  ou  qu'une  culture  régulière  n'a  pas 
assainies.  Le  rôle  attribué  à  l'évaporation  en  elle- 
même  paraît  exagéré.  La  vérité  est  que  le  nombre 
des  germes  impalpables  d'où  naissent  les  moisis- 
sures est  d'autant  plus  grand  dans  l'air  que  le  sol 
est  plus  humide  et  plus  chaud  ;  mais  il  n'en  est 
plus  ainsi  des  miasmes  proprement  dits.  La  chaleur 
et  l'humidité  sont  encore  nécessaires  à  leur  mul- 
tiplication; mais  le  sol  ou  les  objets  humides  les 
retiennent  avec  une  grande  énergie  ;  le  vent  les 
détache  p!us  aisément  d'une  surface  desséchée.  Ce 
fait  ne  contredit  en  rien  ce  qui  a  été  dit  plus  haut 
de  l'influence  des  soirées  fraîches  et  humides  sur 
la  propagation  des  fièvres,  mais  il  a  son  applica- 
tion aux  lieux  habités.  Si  les  murs  en  sont  humides, 
s'ils  sont  imprégnés  de  matières  organiques,  les 
miasmes  du  dehors,  ou  ceux  qui  se  dégagent  de 
notre  corps,  s'y  fixent  et  peuvent  y  trouver  un  ter- 
rain favorable  à  leur  multiplication;  puis  les  pous- 
sières qui  s'en  détachent  par  l'effet  des  frottements 
les  mêlent  à  l'air  que  l'on  respire  ou  aux  aliments 


l>'J->  —  HYDROGENE 

que  l'on  prend.  Leur  action  sur  nous  peut  être 
prompte  ou  lente  dans  ses  manifestations  ;  elle  est 
toujours  fâcheuse,  surtout  pour  les  enfants  et  les 
personnes  débiles. 

Pour  ce  motif  et  pour  celui  qui  naît  physique- 
ment de  l'humidité  de  l'air  et  de  la  fraîcheur,  dont 
nous  avons  parlé  plus  haut,  il  faut  éviter,  si  on  le 
peut,  d'habiter  les  logements  bas  et  humides,  ou 
n'y  rester  que  le  moins  longtemps  possible,  surtout 
la  nuit.  Nous  condamnerions  aussi  d'une  manière 
absolue  la  présence  d'eau  stagnante  dans  le  voi- 
sinage des  habitations;  le  dépôt  de  fumiers  contre 
leurs  murs,  ou  à  proximité  des  puits  destinés  aux 
usages  domestiques,  ainsi  que  l'usage,  conservé 
dans  beaucoup  de  villes,  de  blanchir  intérieure- 
ment les  murs  avec  un  mélange  de  colle-forte  et 
de  blanc  d'Espagne.  Un  lait  de  chaux  pure,  renou- 
velé au  besoin  plusieurs  fois  par  an,  doit  seul  être 
employé  dans  ce  cas.  [Marié-Davy.J 

HYDROGÈm;.  —  Chimie,  III.  —  Historique.  — 
L'hydrogène  fut  nettement  isolé  par  Cavendish  en 
1766;  il  avait  été  reconnu,  mais  confondu  avec 
d'autres  gaz  inflammables,  dès  le  XVII*  siècle,  par 
Boyle  et  Boerhave. 

Eiat  nature/.  —  L'hydrogène  est  un  des  corps 
les  plus  répandus  ;  il  forme  en  poids  le  neuvième 
de  l'eau  ;  il  entre  dans  la  composition  du  gaz  des 
marais,  du  grisou  (protocarbure  d'hydrogène),  et 
a  été  trouvé  isolé  dans  les  fumerolles  de  Toscane  et 
d'Islande.  L'analyse  spectrale  nous  le  montre  à 
une  haute  température  dans  les  étoiles;  c'est  lui 
qui  forme  autour  de  notre  soleil  ces  immenses 
éruptions  rouges,  protubérances  aperçues  depuis 
longtemps  pendant  les  éclipses  totales,  et  dont  le 
spectroscope  permet  de  constater  que  cet  astre  est 
constamment  entouré.  Les  étoiles  temporaires  qui 
apparaissent  tout  à  coup  dans  le  ciel  sont  dues  à 
des  collisions  qui  portent  à  l'incandescence  des 
astres  obscurs.  Dans  les  deux  derniers  cas  observés, 
la  temporaire  de  la  Couronne  (1866)  et  celle  du 
Cygne  (1878),  le  spectroscope  a  permis  de  voir  une 
large  raie  noire  prouvant  que  l'astre  embrasé  était 
entouré  d'une  immense  atmosphère  d'hydrogène. 
Cette  raie  noire  est  plus  ou  moins  visible  dans  le 
spectre  de  toutes  les'  étoiles,  et  surtout  dans  celui 
des  plus  chaudes,  des  blanches. 

Préparation.  —  On  peut   obtenir   l'hydrogène 
1°  En  décomposant  l'eau  à  froid  par  un  métal  alcalin  : 

K  -f  HO  =  KO  -f  H 

L'opération  se  fait  en  introduisant  un  très  petit 
fragment  de  potassium  ou  de  sodium  dans  une 
éprouvette  contenant  un  peu  d'eau  et  placée  sur  la 
cuve  à  mercure. 

2°  En  décomposant  l'eau  à  chaud  par  un  métal 
tel  que  le  fer.  On  fait  dans  ce  cas  passer  un  cou- 
rant de  vapeur  dans  un  tube  en  porcelaine  conte- 
nant du  fer  chauffé  au  rouge  : 

3  Fe  -f  4  HO  =  Fe3  O*  -f-  4  HO 

Ce  procédé  est  celui  qui  a  été  appliqué  indus- 
triellement. Le  fer  peut  être  remplacé  par  du 
chai'bon  ;  l'hydrçgène  est  alors  mélangé  d'acide 
carbonique  que  l'on  doit  enlever  à  l'aide  de  la 
potasse  ou  de  la  chaux. 

V  En  décomposant  l'eau  à  froid  par  un  métal 
oxydable,  fer,  zinc,  en  présence  d'un  acide  : 

Zn  -h  HO  -f-S03  =  ZnO,  SO^  -f  H 

Pratiquement,  il  faut  mélanger  à  l'acide  au 
moins  cinq  ou  six  parties  d'eau  pour  tenir  en  dis- 
solution le  sel  formé.  L'acide  chlorhydrique  et  les 
autres  acides  hydrogénés  en  produisent  par  ia 
réaction  suivante  : 

Zn  -I-  HCl  =  Zn  Cl  -f  H 

C'est  là  le  procédé  ordinaire  des  laboratoirr^. 
Il  a  l'inconvéuitnt  de  fournir  un   gaz  rendu  très 


HYDROGENE 


993  — 


HYDROGÈNE 


odorant  parla  présence  d'hydrogène  carburé,  sili- 
cié,  parfois  même  aisénié.  Il  est  dans  cet  état 
d'une  purification  assez  difficile  :  elle  est  ;i  peine 
complète  après  le  passa;ïe  du  gaz  à  traveri  plu- 
sieurs dissolutions  métalliques. 

4°  On  obtient  un  mélange  très  pur  de  3  parties 
d'hydrogène  et  1  d'azote,  en  décomposant  un  courant 
de  gaz  ammoniaque  dans  un  tube  chauffe  au  rouge. 

b"  Tout  produit  organique  non  azoté  peut  être 
considéré  comme  formé  d'acide  carbonique,  d'eau, 
plus  de  l'hydrogène  et  du  carbone.  Donc,  en  gé- 
néral, chauffés  avec  un  alcali  caustique,  ces  corps 
forment  un  carbonate  alcalin  et  dégagent  des 
carbures  d'hydrogène.  Dans  des  cas  particuliers  on 
obtient  de  l'hydrogène  très  pur.  C'est  ainsi  que 
M.  Pictet  a  obtenu  l'hydrogèno  destiné  à  être  li- 
quéfié en  décomposant  par  la  potasse  l'acide  for- 
mique  ou  plutôt  le  formiate  de  potasse  : 

(C2  H*  0^  =  C«  0*  -+-  2H)  -f  n  KO.  HO 

Propriétés  ihrjsiques.  —  L'hydrogène  est  un 
gaz  incolore,  inodore,  sans  saveur.  Sa  densité  est 
0,009  ;  il  est  1  i,  6  fois  plus  léger  que  l'air.  Un  litrn, 
de  ce  gaz  pèse  O^'ÛO  ;  le  volume  d'un  gramme  est 
11''', 2.  On  met  cette  faible  densité  en  évidence  en 
se  serrant  de  ce  gaz  pour  gonfler  des  bulles  de 
savon  qui  s'élèvent  avec  rapidité.  Ce  gaz  a  la  plus 
grande  chaleur  spécifique,  trois  fois  celle  de  l'eau; 
il  a  pour  la  chaleur  une  conductibilité  propre  ;  son 
indice  de  réfraction  moyen  est  111.  L'eau  en  dis- 
sout à  peine  l/ôO  en  volume.  La  dififusibilité  de 
l'hydrogène  par  rapport  à  l'air,  en  raison  inverse  de 

la  racine  carrée  des  densités,  est  y  li,b  ou  3,  8  ; 
c'est-à-dire  que  si  deux  espaces  indéfinis,  conte- 
nant l'un  de  l'air,  l'autre  de  l'hydrogène,  sont 
séparés  par  une  paroi  poreuse,  pondant  qu'un  vo- 
lume d'air  traversera  cette  paroi,  elle  sera  tra- 
versée en  sens  inverse  par  3,8  volumes  d'hydro- 
gène. Le  phénomène  se  produit  également  à 
travers  les  substances  colloïdes,  la  gélatine,  les 
membranes  animales,  le  caoutchouc.  Un  ballon 
gonflé  d'hydrogène  se  dégonfle  assez  rapidement  à 
l'air,  tandis  qu'un  ballon  rempli  d'air  et  placé 
sous  une  cloche  pleine  d'hydrogène  augmente  de 
volume.  Toutefois  la  difi'usibilité  n'est  plus  ex- 
primée par  les  mêmes  nombres  et  paraît  dépendre 
de  la  facilité  de  liquéfaction  du  gaz  ;  ainsi,  tandis 
qu'à  travers  les  corps  pureux  ce  rapport  est  de  5  à 
1  entre  l'hydrogène  et  l'acide  carbonique,  il  devient 
de  ]  à  2,5  pour  les  membranes  colloïdes. 

L'hydro2:ène  entre  comme  en  dissolution  dans 
certains  solides,  tels  que  le  fer,  le  palladium.  Ce 
phénomène  a  reçu  le  nom  d'occlusion. 

L'hydrogène,  réputé  permanent  ainsi  que  les 
gaz  oxygène,  azote,  bioxyde  d'azote,  a  été  liquéfié 
et  même  solidifié  en  décembre  1S77  par  deux  sa- 
vants poursuivant  le  môme  but.  M.  Cailletet,  ingé- 
nieur français,  ayant  comprimé  de  l'hydrogène  pur 
et  sec  à  '-'So  atmosphères  et  l'ayant  subitement 
laissé  se  détendre,  le  froid  produit  par  la  diminu- 
tion de  pression  suffit  à  condenser  une  partie  du 
gaz  qui  apparut  sous  forme  de  brouillard,  puis  en 
gouttelettes,  s'évaporant  en  2  ou  3  secondes.  M.  Pic- 
tet, de  Genève,  en  soumettant  ce  gaz  à  une  tem- 
pérature de  140  degrés  au-dessous  de  zéro  et  à  une 
pression  de (Î.^O atmosphère?,  le  vit  couler  sous  forme 
de  liquide  bleu  d'acier,  faisant  en  tombant  sur  le 
parquet  le  bruit  d'un  fer  rouge  plongé  dans  l'eaii.  Il 
n'a  pas  encore  été  possible  de  conserver  l'hydrogène 
liquide   de  manière  à  on  étudier  les  propriétés. 

L'hydrogène  chauffé  à  une  haute  tempéra- 
ture, par  exemple  par  le  passage  de  l'étincelle  élec- 
trique, donne  au  spectroscope  trois  lignes  bril- 
lantes rouge,  verte,  violette,  correspondant  aux 
raies  C,  F,  G  du  spectre  solaire.  Ces  raies  sont  d'au- 
tant plus  larges  que  le  gaz  est  plus  comprimé  ;  leur 
épaisseur  peut  donc  donner  une  idée  de  la  densité 
•2«  Partix. 


de  l'hydrogène  dans  les   atmosphères    sidérales. 

Propi-iiités  chimiques.  —  L'hydrogène  est  très 
combustible  ;  un  jet  d'hydrogène  brûle  dans  l'air, 
l'oxygène.  le  chlore.  Il  forme  avec  ces  corpî  des 
mélanges  qui  détonent  en  présence  d'un  corps  on 
igniiion,  de  l'éponge  de  platine.  Le  mélange  d'hy- 
drogène et  de  chlore  se  combine  en  outre  lente- 
ment à  la  lumière  dilTuse,  et  avec  une  explosion 
des  plus  intenses  au  moindre  rayon  du  soleil. 
Cette  intéressante  mais  dangereuse  expérience  se 
fait  en  plaçant  à  l'ombre  un  flacon  renfermant  les 
deux  gaz,  et  en  dirigeant  à  distance  à  l'aide  d'un 
miroir  un  rayon  de  soleil  sur  le  mélange  explosif- 
La  combustion  d'un  gramme  d'hydrogène  dans 
l'oxygène  fournit  34  50o  calories,  et  dans  le  chlore 
28  80t)  d'après  Favre  et  Silbermann.  M.  Becquerel 
évalue  à  1700"  sa  température  de  combustion  dans 
l'oxygène.  On  s'est  servi  de  cette  propriété  pour 
produire  les  plus  hautes  températures  en  faisant 
brûler  un  mélange  de  1  volume  d'oxygène  et 
2  d'hydrogène  fait  d'avance  dans  une  vessie.  Mal- 
gré les  toiles  métalliques  placées  dans  l'ajutage, 
ce  procédé  était  très  dangereux-  Aujourd'hui  le 
chalumeau  oxy-hydrique  est  formé  de  deux  tubes 
concentriques,  et  le  mélange  des  gaz  n'a  lieu  qu'à 
la  sortie  et  au  moment  même  de  leur  combustion. 
Celle-ci  est  silencieuse  si  les  deux  gaz  sont  en  pro- 
portion convenable  ;  un  bruit  de  souiflemeni  indique 
excès  d'hydrogène,  de  sifflement  excès  d'oxygène. 

Quand  on  entoure  d'un  largo  tube  de  verre  le 
tube  effilé  à  l'extrémité  duquel  brûle  un  jet  d'hy- 
drogène, il  se  produit  souvent  un  son  musical.  On 
donne  à  cette  expérience  le  nom  d'harmonica  chi- 
mique. Le  son  est  dû  à  ce  que  l'hydrogcne,  au  lieu 
de  brûler  régulièrement,  forme  une  série  d'explo- 
sions très  rapprochées,  tantôt  en  dehors,  tantôt  en 
d?dans  de  l'orifice  de  l'ajutage,  ce  qui  met  en 
vibration  l'air  du  tube.  Ces  explosions  sont  mises  en 
évidence  lorsqu'on  regarde  la  flamme  chantante 
dans  un  petit  miroir  animé  d'un  mouvement  de 
rotation  rapide  autour  d'un  de  ses  diamètres.  On 
peut  déterminer  la  production  de  cette  musique 
en  émettant  les  sons  à  l'unisson  desquels  peut 
se  mettre  le  tuyau  sonore.  La  flamme  répond  aux 
sons  produits.  De  nombreuses  expériences  ont 
été  faites  sur  les  flammes  chantantes,  et  on  pou- 
vait en  espérer  un  résultat  téléphonique  pratique, 
lorsque  l'appareil  de  G.  Bell  est  venu  absorber  l'at- 
tention des  savants  livrés  à  ce  genre  de  recherches. 

La  flamme  de  l'hydrogène  à  la  pression  ordinaire 
est  incolore  ;  elle  devient  visible  aux  hautes  pres- 
sions ou  quand  on  y  introduit  un  corps  solide, 
chaux,  fil  de  platine,  carbone  résultant  de  la  dé- 
composition d  une  vapeur  d  hydrocarbure  (benzine 
ou  autre),  mêlé  à  l'hydrogène.  Le  premier  procédé, 
chaux  placée  dans  le  chalumeau  oxy-hydrique,  four- 
nit la  lumière  Drummond,  la  plus  intense  après  la 
lumière  électrique.  Les  autres  sont  utilisés  quand 
il  y  a  objection  contre  l'usage  du  gaz  de  l'éclairage 
ordinaire,  toujours  un  peu  sulfureux. 

L'hydrogène  éteint  les  corps  en  combustion  qu'on 
y  plonge  ;  il  asphyxie  les  animaux  sans  les  empoi- 
sonner. Un  mélange  convenable  d'hydrogène  et 
d'oxygèno  est  respirable,  et  à  cause  de  sa  faible 
densité,  il  donne  une  acuité  remarquable  à  la  voix 
d'une  personne  qui  parle  ou  chante  en  l'expulsant 
de  ses  poumons. 

L'hydrogène  gazeux  n'a  aucune  affinité  à  froid; 
à  chaud  il  décompose  des  oxydes  métalliques,  et 
c'est  là  une  propriété  qui  sert  à  la  classification 
dos  métaux.  L'hydrogène  occlus  a  au  contraire,  à 
froid,  de  grandes  affinités,  et  réduit  un  grand  nom- 
bre de  sels  métalliques  et  de  composés  organiques. 
Il  en  est  de  même  de  l'iiydrogène  dit  à  l'état  nais- 
sant. On  l'applique  en  mélangeant,  aux  substances 
sur  lequel  on  veut  le  faire  agir,  les  matériaux  de  sa 
production,  soit  zinc  et  acide  sulfurique,  soit  lo 
plus  souvent  amalgame  de  sodium, 

fi-? 


HYDROSTATIQUE 


—  994  — 


HYDROSTATIQUE 


Usages.  — Dans  les  laboratoires  l'hydrogène  sert 
comme  agent  réducteur,  quelquefois  comme  com- 
bustible. Il  est  fort  peu  employé  dans  l'industrie; 
il  est  presque  toujours  remplacé  par  le  gaz  de  l'é- 
clairage, inférieur  sans  doute,  mais  beaucoup  moins 
cher,  pour  gonfler  les  ballons,  pour  l'alimentation 
du  chalumeau  oxy -hydrique  servant  à  la  fusion  du 
platine,  etc.,  et  pour  la  lumière  Drummond. 

[P.  Robin.] 

HYDROPHOBIE.  —  Ce  nom,  qui  signifie  Aor- 
reu7'  de  l'cm,  est  employé  à  tort  comme  synonyme 
de  rage.  En  effet,  chez  le  chien  enragé,  l'aversion 
pour  la  boisson  est  loin  d'être  un  symptôme  con- 
stant. V.  Rage. 

HYDROSTATIQUE.— Physique,  VI.—  L'hydros- 
tatique est  la  partie  de  la  physique  où  l'on  étudie 
les  conditions  de  l'équilibre  des  liquides  et  les 
pressions  qu'ils  exercent  sur  les  parois  des  vases 
qui  les  contiennent. 

Les  liquides  sont  les  corps  tels  que  l'eau,  l'alcool, 
le  mercure,  etc.,  qui  offrent  une  très  grande  mobi- 
lité dans  toutes  leurs  parties,  dont  les  molécules 
ont  entre  elles  si  peu  d'adhérence  qu'elles  roulent 
les  unes  sur  les  autres  avec  facilité.  Kn  petite  masse 
sur  un  corps  solide  qu'ils  ne  mouillent  pas,  ils  pren 
nent  la  forme  sphérique;  en  quantité  un  peu  no- 
table, ils  n'ont  pas  de  forme  propre,  ils  se  moulent 
dans  le  vase  qui  les  renferme;  dans  tous  les  cas 
le  moindre  effort  suffit  pour  les  diviser.  Ils  sont 
très  peu  compressibles,  c'est-à-dire  que  de  fortes 
pressions  en  diminuent  à  peine  le  volume.  Ajou- 
tons qu'ils  sont  pesants  et  nous  aurons  énoncé 
toutes  leurs  propriétés  générales. 

Transmission  des  pressio7is.  —  De  l'extrême 
mobilité  des  molécules  liquides  résulte  un  principe 
très  important  par  ses  conséquences  et  ses  appli- 
cations, et  qu'on  nomme  le  principe  de  la  trans- 
mission de  pression  en  tous  sens.  En  voici  l'énoncé, 
formulé  pour  la  première  fois  par  Pascal  dans  son 
Traité  sur  l'équilibre  des  liqueurs  :  Si  l'on  exerce 
sur  une  certaine  partie  de  la  surface  d'une  masse 
liquide  une  pression  déterminée,  elle  se  transmet 
dans  toute  la  masse,  dans  toutes  les  directions,  de 
telle  sorte  que  la  pression  totale  transmise  nor- 
malement à  une  surface  double  ou  triple  de  celle 
qui  reçoit  directement  l'action  est  elle-même  dou- 
ble ou  triple  de  celle-ci.  Expliquons-le  clairement 
par  un  exemple.  Soit  un  liquide  remplissant  com- 
plètement un  vase  à  parois  planes;  si  en  un  point 
se  trouve  une  ouverture  circulaire  de  10  centimè- 
tres carrés  fermée  par  un  piston  du  poids  de  10 
kilogrammes,  tout  le  liquide  sera  pressé  contre  les 
parois  du  vase  ;  celles-ci  seront  poussées  de  dedans 
en  dehors,  et  si  en  un  autre  point  est  une  seconde 
ouverture  de  2,  3,  4  fois  10  centimètres  carrés,  il 
faudra  y  mettre,  pour  résister  à  la  pression,  un 
piston  de  2,  3,  4  fois  10  kilogrammes. 

L'expérience  vérifie  cette  transmission  des  pres- 
sions par  les  liquides  :  on  sait  en  effet  qu'on 
brise  une  bouteille  pleine  d'eau  en  frappant  sur 
le  bouchon,  quand  celui-ci  repose  sur  l'eau  du  vase  ; 
le  choc  se  transmet  h  la  surface  liquide  et  par  elle 
à  tous  les  points  de  la  paroi^  et  le  verre  n'y  ré- 
siste pas. 

La  presse  hydraulique,  imaginée  par  Pascal,  est 
une  application  du  principe  qui  précède.  Que  l'on 
conçoive  deux  tuyaux  ou  corps  de  pompe  de  sec- 
tions très  inégales,  1  et  100  par  exemple;  que  ces 
corps  de  pompe,  réunis  par  un  tube  de  communi- 
cation, reçoivent  chacun  un  piston  exactement  tra- 
vaillé, et  que  l'appareil  soit  et  demeure  rempli  d'eau. 
Si  on  exerce,  à  l'aide  d'un  levier,  une  pression  de 
20  kilogrammes  sur  le  petit  piston,  ctte  pression 
se  transmettra  en  tous  sens  dans  le  liqiiide  et  par 
suite  au  grand  piston  qu'elle  tendra  à  soulever  ; 
celui-ci  sera  sollicité  de  bas  en  haut  par  une  force 
de  100  fois  20  ou  2  000  kilogrammes. 

En  plaçant  sur  lui  un  poids  moindre  que  2  000 


kilogrammes,  on  pourra  donc  le  soulever;  ou  bien 
si  l'on  y  place  un  corps  retenti  en  dessus  par  un 
obstacle  fixe,  ce  corps  sera  comprimé  comme  s'il 
eût  été  chargé  directement  d'un  poids  de  2  OuO  ki- 
logrammes. 

L'appareil  est  monté  de  manière  que  le  petit 
piston  tire  l'eau  d'un  réservoir  et  l'envoie  sous  le 
grand  piston;  celui-ci  est  muni  d'une  plate-forme 
qui  monte  contre  des  colonnes  supportant  l'obsta- 
cie  fixe  destiné  à  arrêter  le  corps  à  comprimer. 
Une  soupape  de  siireté  empêche  que  la  machine 
ne  se  rompe,  quand  la  pression  devient  trop 
grande,  et  une  vis  spéciale  permet  de  faire  rentrer 
l'eau  dans  le  réservoir  et  de  diminuer  la  pression 
pour  enlever  de  l'appareil  le  corps  comprimé. 

La  presse  hydraulique  est  aujourd'hui  d'un  usage 
fréquent  dans  l'industrie;  on  s'en  sert  pour  expri- 
mer l'huile  des  graines  oléagineuses,  le  jus  des  bet- 
teraves, pour  comprimer  le  drap,  le  papier,  les  étof- 
fes, pour  réduire  le  volume  des  corps  encombrants. 

On  applique  encore  la  transmission  de  pression 
par  l'eau  pour  essayer  les  chaudières  de  machines 
à  vapeur,  les  vases  et  les  tuyaux  qui  doivent  sup- 
porter de  grands  efforts.  On  les  remplit  d'eau  que 
ion  comprime  au  moyen  d'une  pompe  foulante, 
jusqu'à  ce  qu'une  soupape  do  sûreté  se  soulève 
sous  la  pression  maximum  que  l'appareil  devra 
pouvoir  supporter.  Le  peu  de  compressibilité  de 
l'eau  est  ici  mis  utilement  à  profit  ;  il  empêche 
tout  accident  dans  le  cas  où  la  paroi  du  vase  se 
rompt  pendant  l'essai  ;  l'eau  n'ayant  pour  ainsi 
dire  pas  diminué  de  volume  par  la  compression,  n'a 
pas  de  force  de  projection,  tandis  qu'un  gaz  en 
aurait  une  très  grande  dans  les  mêmes  conditions 

Equilibre  des  liquides  pesants.  —  Les  liqui- 
des abandonnés  dans  des  vases  ouverts  sont  sou- 
mis à  l'action  de  la  pesanteur.  L'eau  a  une  ten- 
dance continuelle  à  tomber  ;  il  est  impossible,  à 
cause  de  sa  grande  mobilité,  de  la  niainicnir  en  re- 
pos sur  une  surface  inclinée  ^  elle  y  roule  comme 
une  bille  d'ivoire  dans  le  sens  de  la  pente, 
et  ne  s'arrête  que  quand  sa  surface  est  devenue 
perpendiculaire  à  la  force  qui  agit  sur  elle.  La 
surface  libre  dei  eaux  tra7iquiUes  ou  de  tous 
les  liquides  en  équilibre  est  donc  horizontale.  On 
le  reconnaît  par  l'expérience  en  remarquant  que 
l'image  d'un  fll  à  plomb,  produite  par  la  surface 
de  l'eau  comme  par  un  miroir,  est  sur  le  prolon- 
gement de  ce  fil. 

Puisque  l'eau  est  pesante,  les  différentes  cou- 
ches pressent  les  unes  sur  les  autres,  et  il  y  a  lieu 
d  étudier  les  pressions  exercées  par  les  liquides 
en  vertu  de  leur  poids  sur  les  dilVérents  points  de 
leur  masscj  sur  le  fond  et  les  parois  des  vases  qui 
les  renferment. 

Si  l'on  divise  la  masse  d'un  liquide  contenu  dans 
un  vase  en  tranches  parallèles  à  la  surface  libre, 
c'est-à-dire  en  tranches  horizontales,  on  se  con- 
vaincra sans  peine  que  chacune  d'elles  supporte 
le  poids  de  la  file  de  molécules  qui  est  au-dessus, 
et  que  la  pression  augmente  à  mesure  qu'on  des- 
cend au-dessous  du  niveau. 

On  admettra  également  sans  peine  que  tous  les 
points  d'une  même  tranche  horizontale  doivent 
supporter  la  même  pression,  puisqu'ils  sont  h  la 
môme  distance  du  niveau  supérieur  et  qu'au-des- 
sus de  chacun  d'eux  il  y  a  la  môme  quantité  de 
molécules  liquides  pesantes.  Enfin,  si  l'on  consi- 
dère un  élément  plan,  horizontal,  en  équilibre 
dans  la  masse  liquide,  puisqu'il  est  pressé  en  des- 
sus ou  de  haut  en  bas  par  le  poids  de  la  colonne 
verticale  de  liquide  située  au-dessus  de  lui,  il  doit 
lètre  par  une  pression  égale  de  bas  en  haut  pro- 
venant de  l'élasticité  des  molécules  voisines  agis- 
sant sur  lui  comme  un  obstacle  fixe;  en  d'autres 
termes,  toutes  les  parties  d'une  tranche  horizontale 
d'un  liquide  su  portent  de  bas  en  haut  une  pres- 
sion égale  à  celle  quis'exerce  de  haut  eyi  bas. 


HYDROSTATIQUE 


995 


HYDROSTATIQUE 


Pour  vérifier  ces  faits,  on  prend  un  tube  de 
verre  un  peu  large,  ouvert  aux  deux  bouts,  dont  une 
des  cxirémités  a  été  rodée  et  peut  être  fermée 
exactement  par  une  lame  de  verre  qu'on  nomme 
un  obturateur.  On  applique  l'obturateur  contre  les 
bords  du  tube  ;  on  l'y  maintient  au  moyen  d'un  fil  ; 
puis  on  plonge  verticalement  le  tube  ainsi  fermé 
dans  un  grand  vase  d'eau.  Quand  l'appareil  est  à 
une  certaine  profondeur,  on  abandonne  le  fil;  l'ob- 
turateur ne  tombe  pas,  mais  reste  appliqué  contre  les 
bords  du  tube  ;  il  y  est  donc  retenu  par  une  cer- 
taine force  agiss-intde  bas  en  haut.  Reste  à  mesurer 
cette  pression.  Il  suffit  pour  cela  de  verser  de  l'eau 
dans  le  tube  jusqu'à  ce  que  l'obturateur  se  déta- 
che et  tombe  ;  le  poids  de  l'eau  ajoutée  représente 
évidemment  la  pression  cherclièe.  Or,  la  lame  ne 
se  détache  que  quand  le  niveau  intérieur  du  li- 
quide dans  le  tube  atteint  le  niveau  extérieur. 
Alors,  l'obturateur  supporte  en  dessus  une  pres- 
sion représentée  par  le  poids  d'une  colonne  d'eau 
ayant  pour  base  la  surface  pressée  et  pour  hau- 
teur la  distance  de  cette  surface  au  niveau  :  c'est 
la  valeur  de  la  pression  de  bas  en  haut  comme  de 
la  pression  de  liaut  en  bas,  sur  l'élément  liquide 
dont  l'obturateur  tient  la  place. 

Pression  sur  le  fond  des  vases.  —  On  conçoit 
sans  peine  que  l'eau  presse  de  son  poids  sur  le 
fond,  des  vases  qui  la  renferment.  Celte  pression 
est,  dans  tous  les  cas,  égale  au  poids  d'une  colonne 
du  liquide  ayant  pour  base  la  surface  horizontule 
pressée  et  pour  hauteur  la  distance  verticale  du 
fond  au  niveau  du  liquide.  D'après  cet  énoncé, 
évident  au  ppmiier  abord  pour  le  cas  d'un  vase 
C5'lindrique  à.  parois  verticales,  la  pression  est  in- 
dépendante de  la  forme  du  vase,  indépendante  de 
la  quantité  de  liquide  qu'il  renferme  ;  que  !e  vase 
soit  rétréci,  renflé,  large  en  haut  ou  étroit,  obli- 
que ou  droit,  peu  importe,  toutes  les  fois  que  le 
fond  aura  la  même  surface  et  que  le  liquide  s'élè- 
vera à  la  même  hauteur,  le  fond  supportera  la 
même  pression. 

Ce  résultat  pouvait  être  prévu  par  le  raisonne- 
ment. Si  l'on  considère  en  effet,  à  côté  d'un  vase 
cylindrique,  un  second  vase  de  môme  fond  que  le 
premiei-,  mais  évasé  par  le  haut,  comme  les  molé- 
cules liquides  n'ont  aucune  adhérence  entres  elles, 
on  peut  leur  substituer  une  série  de  baguettes  de 
verre  posées  verticalement;  les  unes  s'appuieront 
sur  les  parois,  les  autres  sur  le  fond  ;  ces  dernières 
seules  représenteront  par  leur  poids  l'elVort  qu'il 
faudrait  faire  pour  soulever  le  fond  du  vase,  c'est- 
à-dire  la  pression  sur  le  fond  ;  et  dès  lors  si  les  deux 
vases  ont  leur  niveau  libre  à  la  môme  hauteur,  les 
deux  fonds  supporteront  la  même  pression,  bien 
que  le  second  vase  renferme  un  poids  de  liquide 
plus  considérable  que  le  premier.  Le  vase  est-il 
rétréci  à  la  partie  supérieure,  le  fond  supporte 
la  même  pression  que  la  couche  de  liquide  intini- 
ment  mince  qui  le  couvre  ;  mais  tous  les  éléments 
de  celle-ci  doivent  être  également  pressés,  ceux  du 
bord  autant  que  ceux  du  milieu,  tout  autant  que 
ceux  qui  ont  au-dessus  d'eux  le  plus  long  filet 
liquide  vertical;  la  pression  totale  sur  le  fond  est 
donc  encore  égale  à  relie  du  vase  cylindrique. 

Si  invraisemblable  que  ce  fait  paraisse  au  pre- 
mier abord,  il  est  mis  absolument  hors  de  doute 
par  l'expérience.  On  prend  trois  vases  en  verre, 
eans  fond,  l'un  cylindrique,  l'autre  évasé,  le  troi- 
sième rétréci.  Leurs  volumes  sont  très  différents, 
mais  ils  ont  le  môme  diamètre  inférieur  et  les  bords 
bien  plans  pour  qu'on  puisse  les  fermer  exactement 
par  la  juxtaposition  d'une  lame  de  verre  plane.  On 
soutient  le  premier  par  un  support  ;  on  le  ferme 
avec  l'obturateur  muni  d'un  fll  et  on  attache  ce  iil 
au  plateaud'une  balance,  tandisqu'on  met  des  poids 
dans  l'autre  plateau  dont  l'effet  est  de  tendre  le  til 
et  d'appliquer  lobiurateur  contre  le  tube.  Cela 
fait,  on  verso  de  l'eau  dans  le  vase  jusqu'au  moment 


où  le  fond  se  détache  et  on  marque  le  niveati 
qu'avait  l'eau.  On  recommence  l'expérience  avec  le 
second,  puis  ensuite  avec  le  troisième  vase,  et  on 
remarque  que  le  fond  se  détache  pour  chacun 
quand  le  liquide  atteint  la  môme  hauteur  au-des- 
sus du  fond.  La  pression  était  donc  bien  la  même 
dans  tous  trois. 

Ainsi,  quelle  que  soit  la  forme  du  vase,  pour  éva- 
luer la  pression  que  l'eau  exerce  sur  le  fond  seul, 
on  est  conduit  à  la  règle  simple  suivante  :  chercher 
la.  surface  du  fo?id  en  l'évaluant  en  décimètres 
carrés,  mesurer  en  décimètres  la  distance  verticale 
de  ce  fond  au  niveau,  le  produit  des  deux  nom- 
bres sera  en  kilogrammes  la  valeur  de  la  pression. 
Pour  tout  autre  liquide,  il  faudrait  encore  multi- 
plier par  la  densité. 

Il  importe  de  remarquer  que  c'est  la  pression  sur^ 
le  fond  du  vase  et  rien  que  sur  le  fond,  la  force 
avec  laquelle  le  fond  tend  à  se  détacher  des  parois 
qui  le  retiennent,  que  nous  venons  d'étudier.  Pour 
soutenir  le  vase  lui-même  ou  l'équilibrer  sur  une 
balance,  il  faudra  toujours  un  poids  égal  au  poids 
entier  du  liquide  contenu  augmenté  du  poids  du 
vase. 

Pressions  latérales.  —  Le  liquide  contenu  dans 
un  vase  en  presse  les  parois  latérales  aussi  bien 
que  le  fond  ;  car  si  l'on  pratique  un  orifice  en 
un  point  quelconque  au-dessous  du  niveau  on 
constate  que  le  liquide  s'élance  au  deho^^^,  preuve 
que  la  tranche  liquide  qui  occupe  l'ori.Hce  est  pressée 
de  dedans  en  deliors.  De  plus,  on  peut  remarquer 
que  le  liquide  sort  sur  une- petite  étendue,  nor- 
malement à  la  paroi  quand  celle-ci  est  mince  au- 
tour de  lorifice,  ce  qui  permet  de  conclure  que  la 
pression  est  normale  à  la  surface  pressée.  En 
éloignant  l'orifice  du  niveau,  ou  en  observant  la 
longueur  du  jet  à  mesuro  que  le  niveau  baisse,  on 
reconnaît  que  la  pression  grandit  avec  la  distance 
du  point  pressé  au  niveau  du  liquide.  _ 

Si  l'on  ne  considère  qu'un  petit  élément  d'une 
paroi,  on  voit  que  la  pression  supportée  est  le  poids 
d'une  colonne  liquide  ayant  pour  base  ce  petit 
élément  et  pour  hauteur  sa  distance  verticale  au 
niveau.  Et  si  on  applique  cette  valeur  à  tous  les 
éléments  d'une  paroi  plongée,  on  arrive  à  trouver 
que  la  pression  exercée  par  l'eau  sur  une  surface 
latérale  plongée  est  ie  poids  d'une  colonne  d'eau 
de  cette  surface,  mais  ayant  une  hauteur  qui  est  la 
moyenne  distance  des  différents  points  au  niveau. 

Cette  pression  peut  acquérir  une  très  grande 
valeur  quand  les  corps  immerges  sont  à  une  grande 
profondeur  ou  qu'ils  présentent  une  grande  sur- 
face ;  il  est  très  important  de  la  connaître  pour  les 
constructions  hydrauliques  :  toutes  les  fois  quo 
l'eau  doit  être  retenue  dans  un  canal,  dans  un 
bassin,  une  écluse,  il  faut  donner  aux  parois  ou 
aux  portes  de  l'écluse,  aux  vannes  ou  aux  digues, 
une  épaisseur  assez  grande  pour  résister  à  la 
pression  souvent  très  considérable  qu'exerce  le 
liquide. 

Vases  à  réaction.  —  Les  pressions  latérales 
qu'exerce  un  liquide  sur  les  parois  du  vase  qui  le 
renferme  peuvent  produire  parfois  ie  mouvement 
de  ce  vase,  quand  celui-ci  est  assez  mobile  et  que 
l'on  fait  écouler  le  liquide.  Ce  mouvement  a  lieu 
en  sens  inverse  de  l'écoulement,  et  l'appareil  est 
appelé  vase  à  réaction.  Supposons  qu'un  petit  vase 
rectangulaire  en  cuivre  mince  soit  porté  sur  des 
roulettes  ;  si  on  l'emplit  d'eau,  les  pressions  que  ce 
liquide  exercera  sur  la  face  d'avant  seront  exacte- 
ment détruites  par  les  pressions  opposées  de  la 
face  postérieure,  et  l'équilibre  ne  sera  pas  troublé. 
Mais  que  l'on  pratique  une  ouverture  dans  la  face 
d'arrière,  la  pression  que  supportait  la  paroi  en  ce 
point  sera  diHruite  ;  celle  de  la  face  d'avant  devien: 
dra  prépondérante  et  elle  fera  avancer  le  vase  en 
sens  contraire  de  l'écoulement.  On  produit  habi- 
tuellement ce  phénomène  dans  un  vase  mobile  au- 


HYDROSTATIQUE 


—  99G 


HYGIÈNE 


tour  d'un  axe  vertical  muni  de  deux  tubes  recour- 
bés par  où  s'écoule  l'eau  ;  on  lui  donne  le  nom 
de  tourniq'  et  hydraulique.  On  a  môme  consiruii 
sur  ce  principe  des  roues  qui  utilisent  la  force  d( 
l'eau  et  qu'on  appelle  des  turbines. 

Notons  qu'un  pareil  effet  se  produit  quand  un 
gaz  sort  avec  force  d'un  vase  mobile  qui  le  ren- 
ferme :  le  recul  des  armes  à  feu  et  le  mouvement 
des  pièces  d'artifice  sont  des  phénomènes  de  ce 
genre. 

Vases  communiquants.  —  Lorsqu'on  étaljlit  une 
communication  entre  deux  ou  plusieurs  vases  qui 
contiennent  le  même  liquide,  celui-ci  se  répand 
dans  chacun  d'eux  jusqu'à  ce  que  tous  les  lâveaur 
soient  sur  le  même  plan  horizontal.  Cette  proposi- 
tion est  une  conséquence  du  principe  de  l'équi- 
libre des  liquides:  si  l'on  considère  dans  la  portioi; 
commune  à  deux  vases  une  tranche  horizontale, 
tous  les  éléments  de  cette  tranche  doivent  suppor- 
ter une  égale  pression  ;  il  faut  donc  qu'au-dessus 
de  chacun  d'eux  il  y  ait  une  même  hauteur  du 
liquide,  et  par  suite  "  les  niveaux  supérieurs  doi- 
vent appartenir  au  même  plan  horizontal. 

La  démonstration  expérimentale  se  fait  facile- 
ment à  l'aide  d'un  grand  vase  muni  à  sa  partie 
inférieure  d'un  tube  latéral  à  robinet,  sur  lequel 
on  peut  fixer  successivement  des  tubps  de  diverses 
formes.  On  met  de  l'eau  colorée  dans  le  grand 
vase,  et  sitôt  que  l'on  ouvre  le  robinet,  on  voit 
l'eau  monter  dans  le  tube  latéral  à  la  même  hau- 
teur. Quand  ce  dernier  tube  n'est  pas  assez  long 
pour  que  1  eau  y  atteigne  le  niveau  du  réservoir, 
le  liquide  s'écoule  ou  jaillit  avec  d'autant  plus  de 
force  que  le  réservoir  est  plus  élevé,  mais  sans 
cependant  monter  à  la  hauteur  où  il  monterait 
dans  un  tube,  parce  que  les  gouttes  qui  retom- 
bent enlèvent  par  leur  frottement  une  partie  tie 
la  force  de  celles  qui  s'élèvent.  C'est  ainsi  que  se 
produisent  les  jets  d'eau  naturels  ou  artificiels, 
sous  quelque  forme  qu'ils  se  présentent. 

Cette  tendance  d;  l'eau  à  reprendre  son  niveau 
trouve  son  application  dans  le  jeu  des  écluses  de 
canaux  et  dans  la  distribution  de  l'eau  dans  une 
ville.  Dans  ce  dernier  cas,  si  10:1  n'a  pas  à  sa  dispo- 
sition un  réservoir  naturel  à  niveau  très  élevé,  on 
en  construit  un  que  l  on  remplit  à  l'aide  de  ma- 
chines I  ydrauliiiues.  Du  fond  de  ces  réservoirs 
partent  lès  tuyaux  de  conduite  qui  se  ramifient 
dans  les  divers  quartiers  de  la  ville,  se  redressent 
pour  aboutir  aux  fontaines  publiques  et  aux  étages 
des  maisons  moins  clev-îes  que  le  réservoir;  l  é- 
coulement  a  lieu  dans  la  forme  que  l'on  donne  à 
l'orifice  de  sortie  du  liquide. 

Niveau  d'eau.  —  Une  autre  application  intéres- 
sante des  vases  communiquants,  c'est  le  niveau 
d'eau,  instrument  très  ancien  qui  sert  à  mesurer 
la  distance  verticale  de  deux  points  peu  éloignés. 
C'est  un  tube  de  fer  blanc,  long  d'un  mètre,  re- 
courbé à  angle  droit  à  ses  deux  extrémités  et  ter- 
miné par  deux  fioles  en  verre.  On  le  place  sur  un 
pied  à  branches  et  on  le  remplit  d'eau.  Le  liquide 
y  prend  un  niveau  horizontal  ;  si  donc  on  place 
l'œil  près  d'une  des  surfaces  de  l'eau  et  qu'on  vise 
l'autre,  la  ligne  de  visée  est  horizontale.  Si  l'appa- 
reil est  fixé  entre  les  deux  points  dont  on  veai 
connaître  la  différence  de  niveau,  un  aide  va  suc- 
cessivement tenir  en  chaque  point  une  règle  ver- 
ticale graduée  contre  laquelle  glisse  une  petite 
plaque  appelée  voyant  L'opérateur  fait  placer  ce 
voyant  sur  la  ligne  horizoniale  des  deux  niveaux 
de  l'eau.  On  lit  la  distance  du  voyant  au  sol,  et  la 
différence  des  deux  nombres  trouvés  donne  la 
distance  verticale  de  l'un  des  points  au-dessus  de 
l'autre . 

Cas  de  plusieurs  liquides.  —  Si  dans  un  même 
vase  on  verse  plusieurs  liquides  sans  action  chi- 
mique l'un  sur  l'autre,  comme  le  mercure  et  l'eau 
ou  l'eau  et  l'huile,  le  plus   lourd  gagne    Q  .fond, 


et  la  surface  de  niveau  de  chacun  d'eux  est  hori- 
zontale. Il  n'arrive  pas  toujours  que  deux  liquides 
de  poids  différents  se  superposent  :  souvent  ils  se 
mélangent  intimement,  comme  l'eau  et  l'.lcool  : 
mais  dans  ce  cas  encore,  on  peut  faire  tenir  le  plu^ 
léger  en  dessus  qua.-.d  on  l'y  verse  avec  précaution. 

Dans  un  vase  fermé  qui  contient  des  liquides 
et  de  l'air,  le  gaz  occupe  toujours  le  point  le  plus 
élevé.  C'est  sur  ce  principe  que  repose  le  niveau  h 
bulle  d'air.  Un  tube  très  légèrement  courbé  dans 
le  sens  de  sa  longueur  a  été  rempli  presque  entiè- 
rement d'alcool,  puis  fermé.  La  bulle  d'air  qui  y 
reste  occupe  toujours  le  point  le  plus  haut  du 
tube  ;  elle  se  place  au  milieu  quand  les  deux  extré- 
mités du  tube  sont  sur  un  plan  horizontal.  Le 
tube  est  enfermé  dans  une  gaine  qui  ne  laisse  voir 
que  le  dessus  de  la  courbure  et  qui  repose  elle- 
même  sur  une  petite  tablette  bien  dressée.  Le 
plan  sur  lequel  l'appareil  repose  est  horizontal 
quand  la  bulle  d'air  est  au  milieu  de  la  partie  vi- 
sible. Ce  petit  instrument  est  aux  mains  de  tous 
les  ouvriers  qui  ont  journellement  besoin  d'établir 
l'horizontalité  d'un  plan. 

ExpÉRiE>'CES. —  1.  Prendre  un  vase  de  fer  blanc 
ponant  deux  trous,  l'un  plus  gros  vers  le  bas, 
l'autre  à  la  partie  supérieure;  fermer  le  premier 
avec  un  bouchon,  remplir  complètement  le  vase 
d'eau  ;  mettre  le  second  bouchon  sans  laisser 
d'air  en-dessous  ;  en  frappant  sur  ce  dernier  on 
fait  sauter  l'autre. 

■J.  Fermer  une  des  extrémités  d'un  très  large 
tube  avec  une  vessie  bien  tendue  ;  verser  de  l'erai 
dans  le  lube,  la  vessie  se  bombe  au  dehors  h 
mesure  que  le  niveau  de  l'eau  monte, 

3.  Percer  un  trou  dans  la  paroi  près  du  fond 
d'un  vase,  fermer  cet  orifice  avec  une  petite 
plaque  de  bois  collée  légèrement  avec  de  la  cire, 
remplir  le  vase  d'eau,  la  plaque  se  détache  sous 
la  pression  latérale  du  liquide. 

4.  Suspendre  à  une  assez  longue  corde  un 
flacon  plein  d'eau  portant  vers  le  bas  une  ouver- 
ture fermée  par  une  cheville,  la  corde  est  verti- 
cale ;  retirer  la  cheville  avec  précaution,  le  liquide 
s'écoule  et  le  vase  penche  en  sens  inverse  du  jet. 

ô.  Prendre  un  long  tube  doublement  recourbé 
avec  deux  branches  perpendiculaires  à  sa  lon- 
gueur, y  mettre  de  l'eau  et  constater  que  quelle 
que  soit  l'inclinaison  du  tube,  une  règle  posée 
dans  la  direction  des  deux  niveaux  de  l'eau  est 
toujours  horizontale. 

6.  Vérifier  l'horizontalité  d'une  surface  en  pla- 
çant un  niveau  à  bulle  d'air  dans  deux  directions 
perpendiculaires.  [Haraucourt.] 

HVG1È-\E.  —  La  vie  moyenne,  en  France,  n'at- 
teint pas  40  ans  :  c'est  moins  de  la  moitié  de  ce 
que  peut  raisonnablement  attendre  l'homme 
civilisé. 

Dans  dix  départements,  sur  100  enfants  qui 
naissent,  il  n'en  reste  plus  que  30  au  bout  de  cinq 
ans  :  il  serait  possible  de  dimiuuer  des  deux  tiers 
cette  mortalité  infantile,  et  de  la  ramener  à  la 
proportion,  encore  énorme,  des  département»  les 
moins  éprouvés. 

La  moiiié  duï,  jeunes  gens  inscrits  au  tableau  de 
conscription  sont  refusés  pour  défaut  de  dévelop- 
pement ou  pour  infirmités  :  le  nombre  des  réfor- 
més pour  cause  d'infirmités  s'élève  à  :;9  p.  100  des 
inscrits  ;  on  a  constaté  d'ailleurs  que  le  nombre 
des  refusés  par  arrondissement  suit  à  peu  près  la 
proportion  des  illettrés. 

La  France  occupe  lavant-dernier  rang  en  Eu- 
rope, pour  l'accroissement  de  la  population,  et  le 
dixième  rang  pour  le  nombre  proportionnel 
d  hommes  de  quinze  à  trenie  ans. 

Il  n'y  a  pas  besoin  d'arguments  plus  nombreux 
pour  montrer  que  l'étude  de  l'hygiène  publique  et 
privée  s'impose  à  noire  pays  coi:nne  condition  in- 
dispensable de  prospérité  et  de  puissance. 


HYGIENE 


997  — 


HYGIENE 


En  Angleterre  el  en  Italie,  on  agite  sérieusement 
la  question  de  créer  un  ministère  de  la  santé  pu- 
blique, un  véritable  ministère  d'hygiène.  Dans 
toutes  les  capitales,  les  savants  se  réunissent 
pour  fonder  des  sociétés  d'hygiène,  en  vue  do 
faire  progresser  et  de  vulgariser  cette  science. 
On  vient  de  fonder  à  Londres,  sous  le  patronagp 
de  la  reine,  un  musée  d'hygiène  où  figureront  les 
livres,  les  appareils  et  les  méthodes  d'enseigne- 
ment dans  tous  les  pays. 

Plusieurs  États  d'Europe  et  d'Amérique  ont  fait 
à  l'hygiène  une  place  importante  dans  l'enseigne- 
ment élémentaire.  Ce  sont  justement  les  élèves 
des  écoles  primaires  qui  ont  le  plus  grand  besoin 
de  l'apprendre,  pour  l'appliquer,  plus  tard,  dans  le 
milieu  où  ils  sont  appelés  à  vivre. 

On  peut  enseigner  les  éléments  de  toutes  les 
sciences  à  un  auditoire  non  préparé,  si  l'on  prend 
soin  de  lui  parler  comme  s'il  ne  connaissait  rien 
de  ce  qu'il  faut  savoir  pour  comprendre  chaque 
point  nouveau,  et  si  l'on  adopte  un  langage  suffi- 
samment familier. 

Il  y  a  une  hygiène  idéale,  —  celle  que  l'on  en- 
seigne d'ordinaire,  —  qui  consiste  à  exposer  dans 
quelles  conditions  de  bien-être  et  de  confort  doit 
s'écouler  l'existence,  pour  se  prolonger  environ 
un  siècle,  à  l'abri  des  maladies  et  des  infirmités; 
c'est  l'hygiène  des  privilégiés,  de  ceux  qui  en  ont 
le  moins  besoin. 

Mais  pour  être  pratique,  pour  remplir  son  rôle 
de  science  éminemment  sociale,  l'hygiène  vulga- 
risée doit  viser  moins  haut,  ou  du  moins  commen- 
cer plus  bas.  Il  lui  faut  prendre  les  hommes  et  les 
choses  tels  qu'elle  les  trouve,  c'est-à-dire  dans  des 
conditions  générales  où  presque  tout  est  à  faire. 
En  pareil  cas,  avant  de  parler  de  l'idéal,  n'est-il 
pas  urgent  de  montrer  comment  atteindre  lo 
mieux?  Il  est  à  remarquer  d'ailleurs,  qu'en 
hygiène,  comme  en  épargne,  il  n'y  a  que  le  pre- 
mier pas  qui  coûte.  Quand  un  homme  a  compris 
qu'il  peut  s'améliorer,  au  physique  et  au  moral. 
s'il  possède  la  force  de  caractère  suffisante  pour 
essayer,  cet  homme  est  sauvé. 

Un  laboratoire  d'expériences  pour  les  démons- 
trations d"un  cours  élémentaire  d'hygiène  pratique 
pourrait  s'installer  d'une  façon  tout  à  fait  primi- 
tive, dont  la  simplicité  serait  un  charme  de  plus 
pour  lés  auditeurs  que  rebute  parfois  l'aspect  des 
instruments  compliqués.  Il  n'y  aurait  aucun  incon- 
vénient à  ce  que  les  appareils  fonctionnassent  dans 
des  conditions  extra-scientifiques  ;  ce  serait  même 
un  avantage,  puisqu'ils  seraient  destinés  à  des 
expériences  applicables  à  la  vie  usuelle,  dans  la- 
quelle nous  ne  sommes  jamais  limités  par  les  con- 
ditions rigoureuses  d'expérimentation. 

Dans  la  rédaction  des  leçons,  il  serait  bon  d'a- 
dopter, pour  chaque  expérience,  un  ordre  précis 
qui  en  facilite  l'intelligence  et  en  assure  le  souve- 
nir: objet  à  démontrer,  —  énumération  des  pièces 
d'appareil  à  employer,  —  disposition  des  appareils, 
—  manipulation  et  expérimentation,  —  déductions 
pratiques.  Chaque  expérience  étant  ainsi  dé 
taillée,  le  maître  même  peu  familiarisé  avec  les 
sciences  naturelles  s'irait  immédiatement  capable 
de  Ic-s  répéter,  en  les  animant,  selon  les  circon- 
stances, par  des  commentaires  dont  l'à-propos  dé- 
lasse l'attention  et  vivifie  l'impression  reçue. 

Nous  avons  adopté,  pour  l'enseignement  de  l'hy- 
giène ainsi  entendue  et  appropriée  à  son  but  'pra- 
tique, la  division  de  cette  science  en  dix- sept 
chapitres.  Chaque  chapitre  est  lui-même  suscepti- 
ble de  deux  ou  trois  grandes  divisions,  de  sorte 
que  le  cadre  général  peut  suffire  à  un  cours  de 
30  à  40  leçons. 

SOtv'.MAIRE  DU  COURS. 

I.  Uhyçiiène,  son  rôle,  son  lut,  ses  moyens  d'nc- 
tion.  —  Définition    de   l'hygiène.   Objets  de   son 


étude.  Bue  et  divisions  de  l'hygiène.  Ses  moyens 
d'action.  —  V.  Hi/giène,  Santé,  Tempéraments. 
Vie  humaine  (au  Supplément). 

II.  Notions  éiémintaires  sur  le  corps  humain.  — 
Structure  et  composition  du  corps.  Lps  fonctions 
et  leurs  organes.  —  V.  Physiologie,  Circulation, 
Respiration,  Absorption,  Vue,  Ouïe,  Chyle,  Peau, 
Tissus,  Organes,  Système  nerveux. 

III.  Uair  (ituiosphérique.  —  Propriétés  physi- 
ques. Composition  de  l'air.  Effets  des  miasmes,  des 
émanations,  des  effluves.  —  V.  Air,  Atmosphèi'e, 
Contagion,  Epidémies, 

IV.  La  lumière.  La  chaleur.  L'électricité.  — 
La  lumière.  Son  influence  sur  l'homme.  Règles 
hygiéniques  relatives  à  la  lumière.  La  chaleur. 
Température  de  l'homme.  Température  extérieure. 
Règles  hygiéniques  concernant  la  chaleur  et  le 
froid.  L'électricité.  La  foudre.  Erreurs  et  préjugés. 
Effets  des  orages  sur  la  santé.  —  \.  Lumière,  Vie, 
Chaleur,  Température,  Electricité,  Foudre,  Orages. 

V.  Les  climats.  Les  saisons.  Les  milieux.  —  Les 
climats.  Circonstances  qui  constituent  un  climat,. 
Action  de  l'homme  sur  les  climats.  Lesclimats  f'e  !a 
France.  La  santé  en  France  dans  les  diversesrégions. 
Les  saisons.  Influence  des  saisons  sur  l'honmie.  Hy- 
giène des  saisons.  Les  milieux.  Circonstances  qui 
constituent  le  milieu.  Influences  du  milieu.  Moyens 
de  modifier  les  milieux.  —  V.  Climats,  Saisons, 
Milieu. 

VI.  Le  sol.  Les  eaux.  —  Le  sol.  Nature  des  ter- 
rains. Conditions  de  la  surface.  Configuration. 
Circonstances  qui  modifient  la  température.  Rap- 
ports du  sol  avec  les  eaux. 

Les  eaux.  L'eau  dans  la  nature.  Influence  de 
l'humidité  sur  l'homme.  Eaux  potables.  Maladies 
causées  par  les  eaux.  Règles  hygiéniques.  —  V. 
Sol,  Eau,  Humidité. 

VII.  Les  habitations.  —  Emplacement.  Voisinage. 
Exposition.  Matériaux.  Parties  de  l'habitation.  Le 
mobilier.  Annexes.  Amélioration  d'une  habitation 
insalubre.  Ventilation.  Chauffage.  Eclairage.  Pro- 
preté des  habitations.  —  V.  Nuisons,  Chauffage, 
Eclairage. 

Vill.  Les  vêtements.  La  toilette.  —  Les  vête- 
ments. Rôle  des  vêtements.  Matières  des  vêtements. 
Les  vêlements  en  France.  Appropriation  des  vête- 
ments. Obstacles  que  rencontre  l'hygiène  Assai- 
nissement. La  literie.  Moyens  d'éluigner  ou  de 
détruire  les  insectes.  La  toilette.  Structure  et  fonc- 
tions de  la  peau.  Les  parasites.  Maladies  de  la 
peau  produites  ou  entretenues  par  la  malpropreté. 
Erreurs  et  préjugés.  Les  bains.  Règles  hygiéniques. 
Bains  spéciaux.  Soins  de  la  chevelure.  So  ns  des 
dents».  Soins  des  ongles.  Fards  et  cosmétiques. 
L'eau  et  le  savon.  — V.  Vêtements,  Peau,  Parasiti^s, 
Propreté. 

IX.  Les  aliments.  —  Divisions  générales.  Ali- 
ments d'origine  animale.  Aliments  d'origine  végé- 
tale. Aliments  minéraux.  Condiments.  Falsifica- 
tions. Altérations.  Conservation.  —  V.  Aliments, 
Viande,  Condiments,  Falsifications,  Coi'serves. 

X.  Les  boissons.  —  Nécessité  des  boissons.  La 
soif.  Classification  des  boissons.  Rapports  entre 
les  boissons  et  les  aliments.  Les  eaux  potables. 
Boissons  fermentées.  Boissons  distillées.  —  V. 
Boisso?is,  Eiiu,  Alcooliques  [Boissons),  Vin. 

XI.  Théorie  et  pratique  de  l'alimentation.  — 
Causes  a'usure  et  de  pertes  du  corps.  Ration  ali- 
mentaire. Cas  spéciaux  d'alimentation.  Hygiène  de 
la  table.  Heures  des  repas.  Conditions  d'une  bonne 
digestion.  Causes  qui  entravent  la  digestion. 
Hygiène  de  la  cuisine.  —  V.  Aliments,  Assimi- 
lation. 

XII.  Les  Stimulants.  —  Actions  des  stimulants. 
Utilité.  Dangers.  Agents  employés  comme  stimu- 
lants. Boissons  aromatiques.  L'alcool.  Le  tabac.  — 
V.  Stimulants,  Café,  Alcooliques  [Doissojis),  Alcuo 
lisme.  Tabac. 


HYGIÈNE 


—  998 


HYGROMETRIE 


XIII.  L'exercise  et  le  travail.  Le  repos  et  le  som- 
meil. —  L'exercice.  Les  mouvements.  L'effort.  Les 
jeux.  La  gymnastique.  Le  travail  manuel,  intellec- 
tuel. Le  repos.  Le  sommeil.  —  V.  Jeux,  Travoi'. 
Repos,  Sommeil.  V.  aussi  dans  la  l'"  Pautie  Gym- 
nastique. 

XIV.  Les  zens.  Les  facultés.  —.Les  sens.  Lp' 
impressions.  Les  sensations.  Les  idées.  Les  sen- 
timents. Ori;anes  des  sens.  La  vue.  L'ouic. 
L'odorat.  Le  tact.  Les  facultés.  Différentes  sortes 
d'activité  de  l'esprit.  Influence  de  la  personnalité. 
Différentes  facultés.  Activité  intellectuelle.  Acti- 
vité sensitive.  Activité  passionnelle.  Passions. 
Influences  réciproque?  de  l'esprit  et  du  corps. 
Hygiène  des  facultés.  —  V.  Facultés,  Intelli- 
gence, Idée,  Instinct,  Sens,  Vue,  Ouïe,  Odorat, 
Passions. 

XV.  Hygiène  médicale.  —  La  santé  et  la  ma- 
ladie. —  La  médecine  et  les  remèdes.  —  Les  acci- 
dents. Secours  urgents.  —  V.  Santé,  Maladie, 
Accidents,  Médicaments,  Asphyxie,  Syncope, 
Racie. 

XVI.  Hygiène  publique  et  internationale.  — 
Hygiène  publique.  Devoirs  de  l'Etat.  Attributions 
des  autorités.  Hygiène  des  villes.  Hygiène  des  cam- 
pagnes. Hygiène  internationale.  —  V.  Falsifica- 
tions, Epidémies,  Contagion,  Salubrité  publique. 
Voiries,  Travail,  Vaccination. 

XMi.  Hygiène  scolaire.  —  Ecoles  publiques. 
L'école.  La  classe.  Le  mobilier.  L'élève.  Maladies 
scolaires.  Médecine  scolaire.  Règlements  actuels. 
Systèmes  d'éducation.  Education  dans  la  famille. 
Education  publique.  Mode  d'éducation  en  com- 
mun. —  V.  Vue,  Ouïe,  Contagion,  Parasites,  Ma- 
ladies. V.  aussi  dans  la  P*  Partie  Hygiène  scolaire, 
Salles  de  classe.  Tenue. 

Ce  programme  renferme  le  cadre  de  leçons 
d'hygiène  suffisamment  développées  pour  un  cours 
d'école  normale. 

Pour  les  adapter  à  un  enseignement  moins 
élevé,  il  sera  facile  d'en  éliminer  dans  chaque  cha- 
pitre un  certain  nombre  de  sujets,  jusqu'à  ré- 
duire les  leçons  aux  notions  élémentaires  desti- 
nées aux  petites  classes. 

Nous  avons  adopté  ce  plan,  abrégé  de  notre 
plan  général,  afin  de  fournir  aux  maîtres  des  vues 
d'ensemble  bien  coordonnées  et  les  jalons  d'une 
étude  assez  complète  de  la  science  hygii'nique. 

[£)'■  Safl'ray.] 

Lecttires  et  dictées.  —  L'importance  de  l"hv- 
GiisNE.  —  Si  quelqu'un  doute  de  l'importance  qu'il 
y  a  pour  nous  à  être  familiarisés  avec  les  principes 
de  la  physiologie  et  de  l'hygiène,  qu'il  regarde  au- 
tour de  lui,  et  qu'il  voie  combien  il  pourra  trouver 
d'hommes  et  de  femmes  dans  l'âge  moyen  de  la 
vie,  ou  dans  un  âge  avancé,  qui  soient  complète- 
ment bien  portants.  Ce  n'est  que  par  exception 
que  nous  rencontrons  un  exemple  d'une  vigoureuse 
santé  conservée  dans  la  vieillesse;  à  toute  heure, 
au  contraire,  nous  avons  sous  les  yeux  des  cas  de 
maladies  aiguës,  de  maladies  chroniques,  d'affai- 
blissement général,  de  décrépitude  prématurée.  Il 
n'est  peut-être  personne  qui  n'avoue,  si  vous  l'in- 
terrogez, qu'il  s'est,  dans  le  cours  de  sa  vie,  attiré 
lies  maladies  dont  la  plus  siinple  notion  de  physio- 
logie l'aurait  préservé.  Ici,  c'est  une  maladie  du 
cœur,  conséquence  d'une  fièvre  rhumatismale 
amenée  par  l'insouciance  à  choisir  une  habitation 
convenablement  exposée  ;  là,  c'est  une  vue  perdue 
pour  la  vie  par  un  excès  d'étude.  Hier,  il  était 
tiuesiion  d'une  personne  dont  la  persistante  clau- 
dication provient  de  ce  qu'en  dépit  de  la  douleur, 
t'ile  a  continué  à  se  servir  d'un  genou  légèrement 
blessé.  Aujourd'hui,  on  nous  parle  d'une  autre  per- 
sonne qui  a  dû  rester  couchée  pendant  des  années, 
parce  qu'elle  ignorait  que  les  palpitations  dont  elle 
souffrait  étaient  un  des  effets  de  la  fatigue  de  son 
cerveau.  Tantôt,  c'est  une  blessure  incurable  qui 


provient  de  quelque  sot  tour  de  force  ;  tantôt  c'est 
une  constitution  qui  ne  s'est  jamais  relevée  d'un 
travail  excessif,  entrepris  sans  nécessité.  Pendant 
ce  temps,  nous  voyons  de  tous  côtés  les  perpétuel- 
les indispositions  qui  accompagnent  la  faiblesse. 
I  Ne  nous  arrêtons  pas  sur  la  souffrance,  la  lassitude. 
'  la  mélancolie,  les  peites  de  temps  et  d'argent  qui 
pèsent  de  cette  manière  sur  nou>  ;  considérons  seu- 
lement combien  la  mauvaise  santé  empêche  que 
nous  ne  nous  acquittions  de  tous  nos  devoirs,  rend 
le*;  affaires  souvent  impossibles  et  toujours  plus 
difficiles;  comment  elle  produit  une  irritabilité  fa- 
tale à  la  bonne  direction  dos  enfants,  comment  elle 
fait  de  l'accomplissement  des  fonctions  de  citoyen 
une  impossibilité,  et  du  plaisir  une  fatigue.  N'est-il 
pas  évident  que  les  péchés  contre  l'ordre  physique, 
tant  ceux  de  nos  ancêtres  que  les  nôtres,  dimi- 
nuent plus  que  toute  autre  chose  la  vie  complète, 
en  altérant  la  santé  ;  et  que,  dans  une  large  mesure, 
ils  font  do  la  vie  une  infirmité  et  un  fardeau  au 
lieu  d'un  bienfait  et  d'une  jouissance? 

Ce  n'est  pas  tout.  Outre  que  la  vie  est  ainsi  con- 
sidérablement détériorée,  elle  est  encore  raccour- 
cie. Il  n'est  pas  vrai,  comme  on  le  suppose,  qu'après 
un  dérangement  ou  une  maladie  dont  nous  guéris- 
sons, nous  soyons  comme  auparavant.  II  n'y  a  pas 
de  trouble  fonctionnel  qui  puisse  passer  en  laissant 
les  choses  exactement  telles  qu'elles  étaient  aupa- 
ravant. L'organisme  a  reçu  une  atteinte  perma- 
nente ;  il  se  peut  qu'elle  ne  soit  pas  immédiatement 
appréciable,  mais  elle  existe,  et,  ajoutée  à  d'autres 
item  de  même  genre,  que  la  nature  n'oublie  jamais 
d'inscrire  dans  le  compte  rigoureux  qu'elle  tient, 
cette  atteinte  influera  sur  nous,  jusqu'à  ce  que, 
inévitablement,  elle  abrège  notre  vie.  C'est  par 
l'accumulation  des  petites  atteintes  que  les  cons- 
titutions sont  ordinairement  minées  et  détruites 
ijien  avant  le  temps.  Si  nous  avons  présent  à  l'es- 
prit combien  le  terme  moyen  de  la  vie  tombe  au- 
dessous  de  la  durée  possible,  nous  pouvons  nous 
rendre  compte  de  l'immense  étendue  de  la  perte. 
Si,  aux  pertes  partielles  de  vitalité  que  produit  la 
mauvaise  santé,  nous  ajoutons  la  perte  finale,  causée 
par  la  mort  prématurée,  nous  voyons  qu'ordinaire- 
ment une  moitié  de  la  vie  est  jetée  par  dessus 
bord. 

Par  conséquent,  la  science  qui  concourt  à  la 
préservation  de  soi  même  en  empêchant  la  perte 
de  la  santé    esc   d'une  importance  capitale. 

Nous  ne  prétendons  pas  que  la  possession  d'une 
pareille  science  remédierait  complètement  et  en 
tous  cas  au  mal.  Il  est  évident  que,  dans  la  pé- 
riode actuelle  de  notre  civilisation,  leurs  besoins 
obligent  souvent  les  hommes  à  transgresser  la  loi. 
De  plus  il  est  clair  que,  même  en  l'absence  d'une 
pareille  nécessité,  leur  inclination  les  entraînerait 
souvent,  malgré  leurs  convictions,  à  sacrifier  un 
bien  futur  à  une  satisfaction  immédiate.  Mais  nous 
prétendons  que  la  véritable  science,  enseignée 
convenablement,  ferait  beaucoup  ;  et  puisque  les 
lois  de  l'hygiène  doivent  être  reconnues  avant 
d'être  pleinement  obéies,  il  faut  que  la  diffusion 
de  cette  science  précède  et  prépare,  pour  un  ave- 
nir plus  ou  moins  éloigné,  une  manière  de  vivre 
plus  conforme  à  la  raison.  Nous  en  concluons  que 
si  une  vigoureuse  santé  et  l'énergie  morale  qui 
l'accompagne  sont  pour  l'homme  les  premiers  élé- 
ments de  bonheur,  la  science  qui  a  pour  objet  la 
conservation  de  cette  santé  est  une  science  qui  ne 
le  cède  à  aucune  autre.  \Herbert  Spencer,  De  l'é- 
ducation intellectuelle,  morale  et  physique.) 

HYGRO.niiTiaE.  —  Physique,  .\XI.  —  L'hygro- 
métrie s'occupe  de  déterminer  l'état  d'humidité  de 
l'air  (V.  Huuiidilé),  d'évaluer  la  quantité  d'eau  en 
vapeur  contenue  dans  l'air  ou  dans  un  gaz  quel- 
conque. Il  y  a  toujours  de  la  vapeur  d'eau  dans 
l'atmosphère  même  cjuaiid  elle  paraît  le  plus  trans- 
parente, et  c'est  peu  surprenant    si    l'on    songe  à 


HYGROMETRIE 


999  — 


HYGROMETRIE 


l'immense  masse  d'eau  qui  s'évapore  journelle- 
ment sous  l'influence  de  la  chaleur  et  de  la  végé- 
tation. Les  exemples  abondent  pour  mettre  en  évi- 
dence cette  présence  constante  de  l'humidiié  dans 
l'air  ;  le  plus  frappant,  c'est  le  dépôt  de  buée  et  de 
gouttelettes  qui  se  forme  sur  une  carafe  d  eau  très 
fraîche  dont  la  température  est  inférieure  à  celle 
du  milieu  ambiant.  Personne  n'ignore  d'ailleurs 
que  dans  certains  jours  le  sel  gris  de  cuisine  fond 
dans  les  salières  comme  si  on  y  ajoutait  de   l'eau. 

Nous  disons  habituellement  que  l'air  est  sec 
quand  l'eau  s'y  vaporise  rapidement,  quand  les 
objets  humides  se  dessèchent  promptement,  quand 
l'air,  en  un  mot,  n'est  point  saturé  et  qu'il  peut 
prendre  encore  de  la  vapeur  aux  liquides  en  contact 
avec  lui.  L'aimons  semble  humide  au  contraire  si 
les  objets  mouillés  ne  s'y  sèchent  que  très  lente- 
ment ou  même  pas  du  tout  ;  alors  il  est  saturé  ou 
près  de  l'être;  il  renferme  toute  la  vapeur  qu'il 
peut  tenir.  Le  degré  d'humidité  ainsi  déterminé 
par  l'usage  tient  donc  à  l'état  de  l'air  plus  ou 
moins  éloigné  de  son  point  de  saturation,  bien 
plus  qu'à  la  quantité  absolue  de  vapeur  d'eau  qu'il 
peut  contenir. 

C'est  qu'en  effet  cette  quantité  est  très  variable 
pour  le  même  état,  suivant  la  température.  Plus 
celle-ci  est  élevée,  plus  est  grand  le  poids  de  la 
vapeur  nécessaire  à  saturer  l'espace.  Si  dans  une 
journée  chaude  d'été,  à  une  température  de  30", 
l'air  renferme  de  la  vapeur  dont  la  force  élasti- 
que soit  de  10  millimètres,  il  est  loin  d'être  sa- 
turé, puisqu'il  contient  à  peine  10  grammes  de 
vapeur  par  mètre  cube,  alors  qu'il  pourrait  en  te- 
nir 32;  c'est  doncde  l'air  sec.  Qu'en  hiver,  au  con- 
traire, par  un  froid  de  2°,  la  force  élastique  de  la 
vapeur  soit  de  4  millimètres,  l'air  sera  presque 
saturé  ;  il  suffira  de  le  refroidir  d'un  degré  seule- 
ment pour  obtenir  qu'une  partie  de  sa  vapeur 
passe  à  l'état  liquide  ;  ce  sera  donc  de  l'air  très 
humide,  et  cependant  il  ne  contiendra  que  4,7  gram- 
mes de  vapeur  par  mètre  cube,  c'est-à-dire  un 
poids  deux  fois  et  demi  moins  grand  que  dans 
le  premier  cas.  L'air  peut  donc  être  très  humide 
avec  peu  de  vapeur,  s'il  est  froid,  et  très  sec  avec 
une  plus  grande  quantité  de  vapeur  s'il  est  chaud. 
Une  expérience  familière  vérifie  ce  fait  :  l'hiver, 
quand  un  poêle  échaufi'e  rapidement  l'air  d'une 
chambre,  cet  air  devient  d'une  sécheresse  incom- 
mode tout  en  contenant  toujours  la  môme  quantité 
de  vapeur,  parce  qu'il  s'éloigne  de  plus  en  plus 
de  son  point  de  saturation. 

On  définit  l'état  d'humidité  ou  Vétat  hygromé- 
trique de  l'air,  le  rapport  entre  le  poids  de  vapeur 
qu'il  contient  et  celui  qu'il  contiendrait  s'il  était 
saturé  à  la  même  température .  Et  comme  sous 
un  volume  donné  le  poids  d'un  gaz  ou  d'une 
vapeur  est  proportionnel  à  sa  force  élastique,  on 
peut  encore  définir  l'état  hygrométrique  le  rapport 
enire  la  force  élastique  de  lavnpew  i0?itenue  dans 
Voir  et  la  force  élastiqwi  maxintum  pour  la  viême 
température.  On  a  imagine  beaucoup  de  méthodes 
pour  apprécier  l'état  hygrométrique  :  les  instru- 
ments qui  servent  à  cet  usage  sont  appelés  hyyro- 
mètres  ;  on  réserve  le  nom  à'hugroscopes  à  ceux 
qui  indiquent  seulement,  dans  deux  observations 
successives,  si  l'humidité  a  augmenté  ou  dimi- 
nué. 

Hygroscopes  divers.  —  Le  premier  observateur  qui 
ait  essayé  d'apprécier  l'état  d'humidité  de  l'air  paraît 
être  le  cardinal  Cusa  au  xV  siècle  :  il  pesait  un 
flocon  de  laine  dont  le  poids  augmentait  avec  l'hu- 
midité. Plus  tard  on  s'est  servi  de  l'allongement 
des  «substances  organiques,  puis  de  la  torsion  de 
quelques-unes  d'entre  elles;  dans  ce  dernier 
groupe  rentrent  les  cordes  à  boyau  et  aussi  la  glu- 
melle  de  l'avoine  dont  le  mince  filet  se  tord  par 
l'humidité.  Les  cordes  à  bovau  sont  employées 
dans   plusieurs   formes  d'hygroscopes   communs. 


Une  corde  verticale  tient  suspendu  un  plateau  de 
bois  dont  une  moitié  se  trouve  dans  l'intérieur 
d'une  maisonnette  en  carton  ayant  deux  portes  ; 
aux  extrémités  d'un  diamètre  du  plateau  sont  fixées 
deux  figurines  dont  l'une  sort  et  l'autre  rentre 
quand  l'air  est  humide.  Ou  bien  la  corde  est  en- 
roulée sur  une  petite  tige  de  bois  et  fixée  au  capu- 
chon mobile  d'un  moine  découpé  dans  du  carton  ; 
quand  il  fait  sec,  la  corde  tire  sur  le  capuchon 
et  le  personnage  est  découvert  ;  quand  vient 
l'humidité  au  contraire,  la  corde  en  se  déroulant 
ramène  le  capuchon  sur  la  tête  du  moine. 
Quelle  que  soit  leur  forme,  ces  appareils  n'ont 
d'autre  but  que  d'aider  à  pronostiquer  le  temps 
ou  à  dire  simplement  si  l'air  devient  humide  ou 
sec. 

Hygromèti-es.  —  Les  hygromètres  sont  tous  les 
appareils  pouvant  indiquer,  par  une  manipulation 
ou  une  simple  lecture,  la  quantité  de  vapeur  d'eau 
réellement  contenue  dans  l'air  au  moment  de 
l'expérience.  Les  uns  reposent  sur  l'allongement, 
rendu  très  sensible,  d'une  matière  organique  ;  les 
autres  sur  le  dépôt  par  refroidissement  de  la  va- 
peur d'eau  à  l'état  de  rosée  ;  un  dernier  enfin  sur 
l'abaissement  de  température  qu'éprouve  un  thei» 
momètre  mouillé. 

Hygromètre  à  cheveu  ou  de  Saussure.  —  Las 
cheveux  dégraissés,  peu  sensibles  aux  variations 
do  température,  s'allongent  ou  se  raccourcissent 
notablement  suivant  l'état  hygrométrique  de  l'air: 
c'est  sur  ce  fait  que  Saussure  a  basé  son  hygro- 
mètre. Un  cheveu  de  ;'.u  à  35  centimètres  de  long, 
débarrassé  de  la  matière  grasse  qui  le  recouvrait 
par  un  séjour  dans  l'éther,  est  fixé  par  un  de  ses 
bouts  à  l'extrémité  d'un  petit  cadre  en  laiton.  Le 
cheveu  descend  verticalement,  et  sa  partie  infé- 
rieure s'enroule  sur  la  gorge  d'une  poulie  et  y  est 
arrêtée.  Cette  poulie  est  double,  et  sur  la  seconde 
gorge  passe  un  fil  de  soie  dans  le  même  sens  que 
le  cheveu  et  soutenant  un  poids  de  "2  à  3  déci- 
grammes.  Le  jeu  de  l'appareil  est  facile  à  saisir. 
Le  contre-poids  tient  constamment  le  cheveu  tendu. 
Sil  'air  devient  plus  sec,  le  cheveu  se  raccourcit,  il 
fait  tourner  la  poulie  dans  un  sens  ;  si  au  contraire 
l'air  est  plus  humide,  le  cheveu  s'allonge,  le  con- 
tre-poids tendant  le  cheveu  fait  tourner  la  poulie 
en  sens  contraire.  Les  mouvements  de  la  poulie 
sont  rendus  sensibles  par  une  aiguille  fixée  sur 
son  axe  et  dont  la  pointe  parcourt  les  divisions 
d'un  cadran. 

Pour  graduer  l'instrument,  on  a  marqué  sur 
le  cadran  deux  points  de  repère,  deux  points  fixes, 
l'un  correspondant  à  l'air  absolument  sec,  l'autre  à 
l'air  très  humide.  Le  premier  a  été  obtenu  en  sus- 
pendant l'appareil  dans  une  cloche  sèche  reposant 
sur  une  assiette  pleine  de  chaux  vive  ;  on  a  mis  0 
au  point  où  s'est  arrêtée  l'aiguille.  Pour  obtenir  le 
second,  l'appareil  a  été  suspendu  dans  un  vase 
contenant  de  l'eau  au  fond  et  ayant  ses  parois 
mouillées,  en  d'autres  termes,  ayant  de  l'air  saturé 
de  vapeur.  On  a  mis  100  au  point  d'arrêt  extrême 
de  l'aiguille.  L'intervalle  des  deux  points  fixes  a 
été  partagé  en  cent  parties  égales  qui  représentent 
les  degrés  de  l'hygromètre. 

Bien  que  le  zéro  réponde  à  la  séclieresse  abso- 
lue ou  à  l'état  hygrométrique  0,  que  le  point  lOO 
corresponde  à  l'humidité  extrême,  à  l'air  saturé 
ou  à  l'état  hygrométrique  1,  les  degrés  intermé- 
diaires n'indiquent  pas  l'état  hygroiuétrique  réel, 
mais  seulement  si  l'air  est  plus  ou  moins  rappro- 
ché de  son  point  de  saturation.  Ainsi  le  00'  degré 
accuse  dans  l'air  plus  de  vapeur  ([ue  le  50',  moins 
que  le  70',  mais  il  ne  veut  pas  dire  que  l'air  est  aux 
(jO  centièmes  saturé.  Si  l'on  veut  que  l'appareil  de 
Saussure  indique  réellement  la  quantité  de  vapeur 
d'eau  de  l'air,  il  faut  le  munir  d'une  table  où,  en 
regard  de  ses  degrés,  on  puisse  trouver  l'état  hygro- 
métrique correspondant.  C'est  Gay-Lussac  qui  a 


HYGROMÉTRIE 


-  4000 


HYGROMETRIE 


donné  le  moyen  de  dresser  cette  table  ;  voici 
celle  qui  convient  pour  les  températures  voisines 
de  10«: 


grés 

Élat 

Degrés 

État 

^romètre. 

hygrométrique. 

de 

'hjfgromètre. 

hjg 

rométriqu 

0 

0,0 

79 

0,6 

22 

0,1 

85 

0,T 

39 

0,2 

90 

0,8 

53 

0,3 

95 

0,9 

64 

0,4 

100 

1.0 

72 

0,5 

Un  calcul  très  simple  donne  les  nombres  inter- 
médiaires. 

Les  liygr 0.1) êtres  à  cheveu  sont  d'une  observa- 
tion commode  ;  mais  comme  ils  sont  rarement 
comparables  entre  eux,  on  ne  peut  pas  compter 
d  une  manière  absolue  sur  l'exactitude  de  leurs 
indications. 

Hi/gromètre  à  condensation.  —  Quand  on  définit 
l'état  hygrométrique  le  rapport  de  la  force  élasti- 
que que  possède  la  vapeur  d'eau  de  l'air  à  la  force 
élastique  qu'elle  aurait  pour  saturer  l'espace,  le 
dernier  terme  de  ce  rapport  est  connu  ;  on  trouve 
en  effet  la  force  élastique  maximum  ou  de  saura- 
tion,  pour  la  température  à  laquelle  se  trouve  l'air, 
d.-'ns  les  tables  de  Regnault.  Reste  donc  à  déter- 
miner le  premier  terme,  c'est-à-dire  la  force  élas- 
tique de  la  vapeur  au  moment  de  l'expérience. 

Le  moyen  employé  consiste  à  refroidir  l'air  jus- 
qu'au moment  où  sa  vapeur  commence  à  se  dépo- 
ser en  rosée  sur  un  objet  froid,  et  à  noter  la  tem- 
pérature à  laquelle  se  produit  ce  point  de  rosée  : 
la  force  élastique  maximum  de  la  vapeur  d'eau 
pour  cette  température  est  la  force  élastique  cher- 
chée. 

Supposons,  en  effet,  qu'au  moment  de  l'expé- 
rience la  température  de  l'air  soit  de  20°;  la  table 
de  Regnault  nous  apprend  que  la  force  élastique 
de  la  vapeur  d'eau  qui  saturerait  l'espace  serait  de 
1 7'°'°,4.  Pour  produire  le  point  de  rosée,  admettons 
qu'il  faille  refroidir  l'air  et  sa  vapeur  à  10°  :  c'est 
que  la  vapeur  qu'il  contient  n'est  capable  de  le 
saturer  qu'à  celte  température  de  10°;  elle  n'a 
donc  que  la  force  élastique  correspondante  à  1(>°, 
c'est  à- dire  9°",  i  ;  et  par  suite  l'état  hygrométri- 
que est  dans  cet  exemple  le  rapport  de  9°"",  I  à 
1T°°,4  ou  pr^  ou  environ  |;  l'air  n'est  donc  qu'à 
demi  saturé. 

Les  hygromètres  qui  reposent  sur  ce  principe, 
et  qui  sont  appelés  hygromètres  à  condeyisation, 
présentent  plusieurs  formes  :  le  plus  précis  est 
celui  de  Regnault.  C'est  un  tube  terminé  à  sa  base 
par  un  dé  d'argent  poli  ;  ce  tube  contient,  de  l'é- 
iher  jusqu'à  la  hauteur  du  dé  d'argent  ;  il  porte 
un  thermomètre  dans  son  bouchon  et  deux  petits 
tubes  coudés  dont  l'un  plonge  dans  l'éther.  On 
commence  par  noter  la  température;  puis  on  met 
le  petit  tube  coudé  en  communication  par  u:i  long 
tube  de  caoutchouc  avec  un  vase  plein  d'eau  dont 
on  ouvre  le  robinet  d'écoulement  ;  on  provoque 
ainsi  un  appel  d'air  qui  traverse  l'éther  et,  en  fai- 
sant évaporer  ce  liquide,  refroidit  le  tube  qui  le 
contient  et  l'air  ambiant.  Au  moiuent,  où  par  l'effet 
du  refroidissement,  la  vapeur  d'eau  de  l'air  se  con- 
dense, le  dé  d'argent  poli  se  couvre  d'une  buée 
qui  en  ternit  l'éclat  ;  on  note  alors  la  température 
du  thermomètre  plongé  dans  l'éther  et  on  a,  comme 
dans  l'exemple  précédent,  les  deux  termes  du  rap- 
port qui  donne  l'état  hygrométrique.  Cet  appareil 
est  le  plus  précis  que  nous  ayons;  mais  il  exige 
tine  manipulation  quel<iue  peu  délicate;  aussi, 
dans  beaucoup  de  petits  observatoires,  lui  substi- 
tiie-t-on  lo  suivant,  comme  beaucoup  plus  com- 
mode. 


Psychromètre.  — Le  psychromètre  consiste  en 
deux  thermomètres  très  sensibles  montés  sur  le 
même  support  et  dont  l'un  a  son  réservoir  con- 
stamment imbibé  d'eau.  La  température  marquée 
par  ce  dernier  est  inférieure  à  celle  de  l'autre. 
C'est  de  l'observation  de  ces  deux  températures 
que  l'on  conclut  l'état  hygrométrique,  à  l'aide 
d'une  formule  établie  par  les  phj-siciens  à  la  suite 
d'un  grand  nombre  d'expériences  comparatives. 

On  comprend  sans  pt-ine  qu'il  doit  y  avoir  une 
relation  entre  l'abaissement  de  température  du 
thermomètre  mouillé  et  la  quantité  de  vapeur  d'eau 
que  contient  l'air,  si  l'on  remarque  d'une  part  que 
l'évaporaJon  de  l'eau  exposée  à  l'air  est  d'autant 
plus  forte  que  l'air  est  moins  humide  et,  d'autre 
pan,  qu'une  évaporation  active  ne  se  produit  qu'en 
enlevant  au  liquide  qui  s'évapore  et  aux  corps  voi- 
sins une  quantité  de  chaleur  dont  la  disparition 
est  la  cause  du  refroidissement  constaté. 

Telles  sont  les  méthodes  habituellement  em- 
ployées pour  trouver  l'état  hygrométrique  de  l'air. 
Il  en  est  encore  une,  plus  précise  peut-être,  mais 
plus  longue,  qui  donne  avec  exactitude  le  poids  de 
viipeur  d'eau  continue  au  moment  de  l'expérience 
dans  un  volume  donné  d'air.  On  l'appelle  la  mé- 
tliode  chintique;  elle  consiste  à  faire  passer  l'air 
sur  des  substances  très  avides  d'eau,  comme  l'acide 
sulfurique  ou  le  chlorure  de  calcium.  On  remplit 
deux  tubes  en  U  de  fragments  de  pierre  ponce 
imbibée  d'acide  sulfurique  concentré  ;  ils  sont  réu- 
nis l'un  à  l'autre  et  l'un  d'eux  à  un  grand  vase 
plein  d'eau  qu'on  nomme  aspirateur.  Si  on  fait 
écouler  lentement  l'eau  de  l'aspirateur,  l'air  est 
appelé  ;  il  passe  dans  les  deux  tubes  et  abandonne 
toute  son  humidité  au  premier  qu'il  traverse.  Il 
suffit  donc  de  chercher  l'augmentation  de  poids 
de  ce  tube  pour  connaître  le  poids  de  vapeur  d'eau 
qui  était  contenue  dans  un  volume  d'air  égal  à  la 
portion  vidée  de  l'aspirateur. 

Quand  on  a  trouvé,  par  l'un  ou  l'autre  des  pro- 
cédés, soit  la  force  élastique  de  la  vapeur  d'eau, 
soit  l'état  hygrométrique,  on  calcule  très  facile- 
ment le  poids  de  vapeur  que  contient  un  mètre 
cube  d'air.  La  question  revient  à  chercher  le  poids 
de  I  000  litres  de  vapeur,  à  la  force  élastique  con- 
nue et  à  la  température  de  l'expérience  (V.  Den- 
sité). 

L'intérêt  des  observations  hygrométriques  et 
l'influence  de  l'humidité  de  l'atmosphère  sur  les 
climats  sont  plus  particulièrement  étudiés  à  l'ar- 
ticle Météorologie. 

Expériences.  —  1.  Abandonner  à  l'air,  sur  une 
soucoupe,  un  morceau  de  potasse  caustique,  il  de- 
vient liquide  ;  un  morceau  de  chaux,  il  se  délite, 
s'éteint  et  tombe  en  poussière. 

2.  3!ettre  dans  un  verre  bien  sec  à  l'extérieur 
un  mélange  réfrigérant,  le  verre  se  couvre  d'une 
buée  qui  ne  tarde  pas  à  se  changer  en  glace.  — 
Souffler  sur  de  l'éther  placé  dans  une  capsule  de 
verre,  môme  phénomène. 

3.  Suspendre  par  une  de  ses  extrémités  une 
corde  à  boyau  dont  l'autre  bout  porte  une  aiguille 
horizontale  mobile  au-dessus  d'un  cadran  ;  appor- 
ter dans  le  voisinage  un  vase  d'eau  à  large  sur- 
face, on  constate  que  l'aiguille  marche  dans  le  sens 
de  la  diminution  de  la  torsion  de  la  corde. 

i.  Constater  que  les  cordes  tressées  grossissent 
en  diminuant  de  torsion  par  l'humidité,  ce  qui  les 
fait  diminuer  de  longueur.  —  Même  observation 
sur  la  toile  composée  de  fils  tors  entrecroisés,  qui 
rétrécit  étant  mouillée. 

5.  Mettre  un  hygroscope  capucin  sous  une  clo- 
che reposant  sur  une  assiette  qui  contient  un  peu 
d'eau  ;  le  capuchon,  d'abord  renversé,  recouvre  la 
lète  du  personnage.  [Haraucourt.] 


^>-y 


v/ 


•.r  •->; 


1^ 


•\;, 


^■>.. 


:•¥:) 


^^->-;- 


V_', 


'^'^V 


--V^ 


4 


"K: 


%. 


-'^i^ 


■v\ 


■/:^ 


^■-••?\-'^ 


;î-*s 


.r/-. 


1^ 


■:V■^rfr';.■■■»K•>: 


^m^ 


■.Vv 


*"; 


--*^<,  ^^'l'r^'M- 


/!f 


f^c 


m- 


■F^^ 


;  ^f'  •' 


M 


■-^~--  .'^m 


s> 


éPT 


:■:<.. 


■^. 


'Sy^'' 


v: 


•y-:\ 


"^ 


r^^:>; 


^^':'     -JO:.;.;^:-^ 


•■  ..^. 


•    ■    ■♦-*'.'    „.  /